Dictionnaire des philosophes antiques - Supplément [CNRS ed.] 227106175X, 9782271061751

Ce supplément vient actualiser et compléter le contenu des trois premiers tomes déjà parus et qui couvrent les lettres d

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Dictionnaire des philosophes antiques - Supplément [CNRS ed.]
 227106175X, 9782271061751

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DICTIONNAIRE DES

PHILOSOPHES ANTIQUES

DICTIONNAIRE DES

PHILOSOPHES ANTIQUES publié sous la direction de RICHARD

GOULET

Chercheur au CNRS

SUPPLÉMENT préparé par RICHARD GOULET avec la collaboration de

JEAN-MARIE FLAMAND et MAROUN AOUAD

ŒEAcnrs EDITIONS 15, rue Malebranche - 75005 PARIS

En application du Code de la propriété intellectuelle, CNRS ÉDITIONS interdit toute reproduction intégrale ou partielle du présent ouvrage, sous réserve des exceptions légales.

© CNRS ÉDITIONS, Paris, 2003 ISBN : 2-271-06175-X

AVANT-PROPOS Cet ouvrage est un supplément aux trois premiers tomes du Dictionnaire des philosophes antiques. Il regroupe des notices nouvelles ou des compléments sur quelques philosophes, mais surtout, pour Aristote et Cicéron, des notices qui n'étaient pas encore rédigées lors de la publication de la notice principale. Certaines de ces notices ont été préparées il y a plusieurs années, mais ont fait l’objet, de la part de leurs rédacteurs, de mises à jour récentes. On constatera rapidement l'importance de plusieurs notices consacrées à la tradition orientale des textes philosophiques grecs. C'est un domaine oü des découvertes importantes, de méme que des éditions et des traductions de versions ou de commentaires peu connus, sont publiées chaque année. Sans qu'il soit possible de réviser toutes les notices déjà publiées depuis 1989, nous avons tenu à présenter des mises à jour pour la tradition arabe d'Alexandre d'Aphrodise, de la Metaphysique et de la Rhétorique d' Aristote. Deux des rédacteurs de ce Supplément nous ont malheureusement quittés avant la parution de l'ouvrage: M. André WARTELLE de l'Institut catholique de Paris et M. le professeur Renato LAURENTI. La longue notice que ce dernier avait écrite sur les “dialogues” d' Aristote n'a pas pu être mise à jour en profondeur comme sans doute il l'aurait souhaité. Pour la révision finale de plusieurs notices du domaine oriental, j'ai pu compter sur l'aide trés compétente de mes collégues Maroun AOUAD, Abdelali ELAMRANIJAMAL, Ahmed

HASNAOUI,

Henri HUGONNARD-ROCHE

et Marwan

RASHED.

Maroun AOUAD et Mlle Hamidé FADLALLAH m'ont apporté une aide inestimable dans la préparation de l'Index nominum et la normalisation des translittérations de l'arabe. J'ai également souvent eu recours au savoir bibliographique infaillible de Pierre-Paul CORSETTI, directeur de l'Année philologique. Je ne puis remercier personnellement tous les collégues qui ont été consultés à un moment ou un autre pour la préparation ou la vérification de ces notices. De septembre 1989 à janvier 2000, Jean-Marie FLAMAND, ingénieur de recherche au C.N.R.S., maintenant affecté à l'Institut de recherche et d'histoire des textes, a partagé son temps entre le Dictionnaire des philosophes antiques et l'Année philologique. Il s'est chargé d'obtenir la collaboration de plusieurs rédacteurs et d'adapter, de traduire ou de réviser leurs notices. Je tiens à l'en remercier chaleureusement. Je remercie enfin les auteurs qui nous ont fait parvenir leurs ouvrages ou des tirés à part de leurs publications. Étant donné l'éclatement actuel de la bibliographie scientifique en des revues et des recueils toujours plus nombreux, c'est pour eux une garantie supplémentaire de voir leurs études les plus récentes prises en compte dans les notices du Dictionnaire. RICHARD GOULET.

Toute correspondance peut étre adressée à Richard Goulet 4, rue de l'Abbaye

F-92160 ANTONY

AUTEURS DES NOTICES DU SUPPLEMENT Maroun AOUAD

C.N.R.S. (Paris) A 414 Rhet. Ar.

Rüdiger ARNZEN

Ruhr-Universität Bochum A 414 Anim.Paraphr.

Carmella BAFFIONI

Universitä degli Studi di Napoli “L’Orientale” Presocr.Ar.

Janine BERTIER

C.N.R.S. (Paris) A 414 Probl.

Bernard BESNIER

École normale supérieure de Lyon A 414 Meteor.; G.C.; Mund.

Richard BODEUS

Université de Montréal A 414 Anim.

Jean BOUFFARTIGUE

Université Paris X (Nanterre) 443a.

Jacques BRUNSCHWIG

Université de Paris-I (Panthéon-Sorbonne) H 105.

Michel CACOUROS

École pratique des Hautes Études (IV* section) Virt.

Bruno CENTRONE

Università di Pisa A 89; B 70.

Yves CHARTIER

Université d'Ottawa B ib.

Michael CHASE

C.N.R.S. (Paris) A 414.

Pierre CHIRON

Université de Paris XII - Val de Marne Rhet. Alex.

Cristina D'ANCONA COSTA

Università di Padova Caus.

Tiziano DORANDI

C.N.R.S. (Paris) A 40a; 191; D 126a.

Abdelali ELAMRANI-JAMAL

C.N.R.S. (Paris) A 414 Anim.Ar.

Silvia FAZZO

Università degli studi di Padova A112.

8

DICTIONNAIRE DES PHILOSOPHES ANTIQUES

Jean-Louis FERRARY

École pratique des Hautes Études (IV* section)

C 123 Rep.; Leg. Lou FILIUS

Projet Aristoteles Semitico-Latinus. Universiteit Leiden A 414 Probl.Ar.

Jean-Marie FLAMAND Simone FOLLET

LR.H.T. (Paris) Université de Paris IV (Sorbonne) A 192a; C 225a.

Giovanna R. GIARDINA

Università di Catania. H 101a.

Woldemar GÖRLER

Universität des Saarlandes, Saarbrücken C 123 Disc.

Richard GOULET

C.N.R.S. (Paris) A

3a; 3b; 35a;

71: 87a;

136 a;

160;

164;

187a;

202a; H 106; 205; 221a; 247; 247a; 308; 336a; 434a; 434b; 464a; 465a; 499a; C 190a; A 414 Meta ; C 123 Off.; Rhet.

Francois GUILLAUMONT

Université de Tours C 123 Instr.: Sen.; Amic.

Dimitri GUTAS

Yale University A 24.

Chantal HASNAOUI

Professeur agrégé. Chaire supérieure. CPGE Lettres. Saint-Maur A 414 Int.

Myriam HECQUET-DEVIENNE

Université de Lille A 414 Meta.

Frangoise HUDRY Henri HUGONNARD-ROCHE

C.N.R.S. (Paris)

A 29a; Liber24phil. École pratique des Hautes Études

(IV*

section) - C.N.R.S. (Paris) A 414 Poet.; Cael. Ar.: Jean JOLIVET

École pratique des Hautes Études (V* section) - C.N.R.S. (Paris) A 117a.

Remke

KRUK

Universiteit Leiden A 414 Zool.

Renato LAURENT! t

Istituto Universitario Orientale, Napoli A 414 Dial.

Carlos LÉVY

Université de Paris IV (Sorbonne) C 123 Fin.; Tusc.

AUTEURS DES NOTICES

Oddone LONGO

Università di Padova A 414 Cael.

Concetta LUNA

Scuola Normale Superiore, Pisa A 414 Meta.

Goulven MADEC

C.N.R.S. (Paris) C 123 Hort.

Cecilia MARTINI BONADEO

Università di Padova A 414 Meta.Ar.

Carla DI MARTINO

Universitä di Padova P.N.Ar.

Pierre-Marie MOREL

Université de Paris I (Panthéon-Sorbonne). ΡΝ,

Gabriella MORETTI

Universitä degli Studi di Trento C 123 Parad.

Michel NARCY

C.N.R.S. (Paris) A 414 Meta.

Carlo NATALI

Universitä di Venezia A 414 Eth.

Pierre PELLEGRIN

C.N.R.S. (Paris) A 414 Pol.; Phys.

Frangois PROST

Université de Paris IV (Sorbonne) C 123 Philos.

Bernadette PUECH

Université de Nancy II H 104.

François QUEYREL

École pratique des Hautes Études (IV* section) A 194; 298; 328; 356: 414; 421; 505.

Marwan RASHED

C.N.R.S. (Paris) À 414 G.C.Ar.

Wim RAVEN

Johann Wolfgang Goethe-Universität, Frankfurt A 414 Mund.Ar.

Anna SANTONI

Scuola Normale Superiore, Pisa A 414 C.A.

William J. SLATER

Department of Classics, McMaster

University, Ontario, Canada A 236a.

Pieter

L. SCHOONHEIM

Zeeuwse Biblioteek, Middelburg, PaysBas A 414 Meteor. Ar.

10

DICTIONNAIRE DES PHILOSOPHES ANTIQUES

Richard C. TAYLOR

Marquette University, Milwaukee (Wisconsin). Caus.

Johannes THOMANN

Orientalisches Seminar, Université de Zürich A 414 Physiogn.

André WARTELLE t John WATT

Institut catholique de Paris Université de Cardiff À 414 Rhet. Ar.

Mauro ZONTA

Università degli Studi di Roma «La

Sapienza» A 414 Eth.Ar.; Econ.; Secr.; Lapid.

ABRÉVIATIONS! I. Revues et périodiques A&A

Antike

und

Abendland.

Beiträge

zum

Verständnis

der

Griechen und Römer und ihres Nachlebens. Berlin.

A&R

Atene e Roma. Rassegna trimestrale dell’ Associazione

italia-

nà di cultura classica. Firenze.

AA AAA

Archäologischer Anzeiger. Berlin. ᾿Αρχαιολογυτὰ ᾿Ανάλεκτα ἐξ ᾿Αϑηνῶν. Athènes.

AAAH

Acta ad Archaeologiam et Artium Historiam pertinentia. Institutum Romanum Norvegiae, Roma.

AAEEG

Annuaire de l'Association pour l'encouragement des études grecques en France. Paris.

AAHG

Anzeiger für die Altertumswissenschaft, hrsg. von der Osterreichischen Humanistischen Gesellschaft. Innsbruck.

AAntHung

Acta Antiqua Academiae

Scientiarum

Hungaricae.

Buda-

pest. AAP

Atti dell'Accademia Pontaniana. Napoli.

AAPal

Atti dell'Accademia di Scienze, Lettere e Arti di Palermo. Palermo.

AAPat

Atti e Memorie dell' Accademia Patavina di Scienze, Lettere ed Arti, Classe di Scienze morali, Lettere ed Arti. Padova.

AAT

Atti della Accademia delle Scienze di Torino, Scienze morali, storiche e filologiche. Torino.

AATC

Atti e Memorie dell'Accademia Toscana Firenze.

Classe

di

" La Colombaria ".

1. Ces listes ont pour but de faciliter l'identification des sigles et des abréviations utilisés dans l'ouvrage. Il ne s'agit donc pas d'une bibliographie générale sur la philosophie antique. On n'y cherchera pas non plus une description bibliographique complète des périodiques et des collections qui y sont recensés. Les sigles adoptés sont le plus souvent ceux de l'Année philologique. On a retenu dans d'autres cas les usages établis dans les publications spécialisées (orientalisme, archéologie). Nombre de revues ont connu des changements dans leur titre, leur sous-titre, leur systéme de tomaison et leur lieu de publication. Il nous était impossible de rendre compte de toutes ces variations. Certaines revues ont panı en plusieurs séries successives ayant chacune leur tomaison propre. Dans nos notices, nous n'avons pas précisé à quelle série correspondait la tomaison d'une référence lorsque la date de publication permettait faci-

lement de la retrouver.

DICTIONNAIRE DES PHILOSOPHES ANTIQUES

AAWG

Abhandlungen der Akademie der Wissenschaften in Gürtingen. Philologisch-historische Klasse. Góttingen. 3. Folge. 27, 1942 - . (Auparavant AGWG)

AAWM/GS

Abhandlungen der Akademie der Wissenschaften (und der Literatur),

Mainz,

Geistes-

und

sozialwissenschaftliche

Klasse. Wiesbaden. AAWMIL

Abhandlungen

der Akademie der Wissenschaften (und der

Literatur), Mainz, Klasse der Literatur. Wiesbaden. AB ABAW

Analecta Bollandiana. Société des Bollandistes, Bruxelles. Abhandlungen

der Baverischen

(-1920:

Akademie der Wissenschaften, Klasse. München.

Kónigl.

Baver.)

Philosophisch-historische

ABG

Archiv für Begriffsgeschichte. Bausteine rischen Wörterbuch der Philosophie. Bonn.

ABSA AC ACD

Annual of the British School at Athens. London.

zu einem

histo-

L'Antiquité Classique. Louvain-la-Neuve. Acta

Classica

Universitatis

Scientiarum

Debreceniensis.

Univ. Kossuth, Debrecen. ACF

Annuaire du College de France. Paris.

Acme

Acme.

Annali

della Facoltà di Filosofia e Lettere

dell Uni-

versità statale di Milano. Milano.

ActSemPhilolErl

Acta

Adamantius

Leipzig. Adamantius.

Seminarii

Philologici

Erlangensis.

Erlangen.

puis

Notizario del Gruppo Italiano di Ricerca su

" Origene e la tradizione alessandrina ", Pisa.

Annali del Dipartimento

ADFF

di filosofia dell'Università

di

Firenze. Firenze.

ADMG

Abhandlungen der Deutschen schaft. Leipzig.

AE

voir ArchEph.

AEAtl

Anuario de Estudios Atlanticos. Madrid/Las Palmas.

AEFUE

Anales

de

Morgenländischen

estudios filolögicos

de

la

Gesell-

Universidad

de

Extremadura. Cáceres. Aegyptus

Aegyptus. Rivista italiana di egittologia e di papirologia. Milano.

AEHE, IVe sect.

Annuaire de l'École pratique des Hautes Études, Sciences

historiques et philologiques. Paris. AEHE,

Ve sect.

Annuaire de l'École pratique des Hautes Études, Sciences

religieuses. Paris.

ABREVIATIONS - REVUES ET PERIODIQUES

Aesculape

13

Aesculape. Revue mensuelle illustrée des lettres et des arts

dans leurs rapports avec les sciences et la médecine. Société internationale d'histoire de la médecine. Paris. Aevum

Aevum. Rassegna di scienze storiche, linguistiche e filologiche. Milano. Anuari

di filologia,

Secció D: Studia

Graeca

et Latina.

Barcelona. Annales de la faculté des lettres et sciences humaines d'Aix. Gap. Annali della Facoltà di Lettere e Filosofia di Bari. Bari. Annali della Facoltà di Lettere e Filosofia della Università

di Cagliari. Cagliari. Annali della Facoltà di Lettere di Lecce. Lecce. Annali della Facoltà di Lettere e Filosofia, Macerata. Padova.

AFLN

Università di

Annali della Facoltà di Lettere e Filosofia della Università

di Napoli. Napoli. AFLNice

Annales de la Faculté des lettres et sciences humaines de Nice. Paris.

AFLP

Annali della Facoltà di Lettere e filosofia dell'Università degli studi di Padova. Firenze.

AFMC

Annali

della

Facoltà

di Magistero

dell'Università

di

Cagliari. Cagliari.

AFP

Archivum Fratrum Praedicatorum. Paris.

AGM(N)

Sudhoffs Archiv für Geschichte wissenschaften. Wiesbaden.

AGPh

Archiv für Geschichte der Philosophie. Berlin.

AGWG

Abhandlungen der (- 1921: Königl.) Gesellschaft der Wissenschaften zu Göttingen, (à partir de 1893:) Philolo-

der Medizin

und Natur-

gisch-historische Klasse. [Berlin, puis] Góttingen. 1, 1838/ 1842 — 40, 1894/1895 ; N.F. 1, 1896/1897 — 25, 1930/1931 ; 3. Folge 1, 1932 — 26, 1940. Pour la suite, voir AAWG.

AHAW

Abhandlungen

der Heidelberger

Akademie

der

Wissen-

schaften, Philosophisch-historische Klasse. Heidelberg. AHB

The Ancient History Bulletin. Alberta Department of Classics. Calgary.

AHES

Archive for History of Exact Sciences. Berlin.

AHMA

Archives d'Histoire doctrinale et littéraire du Moyen Áge.

Paris.

14

DICTIONNAIRE DES PHILOSOPHES ANTIQUES

Abstriran

Absrracta Iranica. Revue bibliographique pour le domaine

irano-aryen publiée en Supplément à la revue Studia Iranica. Institut francais d'iranologie. Téhéran/Leiden. AIHS AIIS AION

Archives Internationales d'Histoire des Sciences. Roma. Annali dell'Istituto Italiano per gli Studi Storici. Bologna.

(filol)

Annali

dell'Istituto

Universitario

Orientale

di

Napoli.

Dipartimento di Studi del mondo classico e del Mediterraneao antico. Sezione filologico-letteraria. Napoli. AIPhO

Annuaire de l'Institut de Philologie et d'Histoire Orientales et Slaves de l'Université Libre de Bruxelles. Bruxelles.

AIV

Atti dell'Istituto Veneto di Scienze, Lettere ed Arti, Classe di Scienze morali e Lettere. Venezia.

AJA AJAH AJPh AK

American Journal of Archaeology. New York.

AKG

American Journal of Ancient History. Cambridge (Mass.). American Journal of Philology. Baltimore. Antike Kunst, hrsg. von der Vereinigung der Freunde antiker

Kunst in Basel. Olten. Archiv für Kulturgeschichte. Berlin/Leipzig.

Akroterion

Akroterion. Quarterly for the Classics in South Africa. Dept. of Classics. Univ. of Stellenbosch.

Al-Andalus

Al-Andalus. Revista de las Escuelas de Estudios Arabes de Madrid y Granada. Madrid/Granada.

ALKGM

Archiv für Literatur- und Kirchengeschichte des Mittelalters

ALMA

mit Unterstützung der Górres-Gesellschaft. Freiburg im Br. Archivum Latinitatis Medii Aevi (Bulletin Du Cange]. Paris. puis Bruxelles.

Al-Masriq

Al-Masriq. Revue catholique orientale bi-mensuelle. Scien-

ces, lettres, arts. Beyrouth. Al-muktataf

Al-muktataf. An Arabic scientific review. Le Caire.

Altertum

Das Altertum, hrsg. vom Zentralinstitut für Alte Geschichte

und Archäologie der Deutschen Akademie der DDR. Berlin. AltsprUnt

Der Altsprachliche Unterricht. Arbeitshefte zu seiner wissenschaftlichen Begründung und praktischen Gestalt. Stuttgart.

AMal

Analecta Malacitana. Revista de la Sección de Filología de

Ambix

Ambix. The Journal of the Society for the study of alchemy and early chemistry. Cambridge. Aquileia Nostra. Bollettino dell' Associazione nazionale per

la Facultad de Filosofía y Letras. Malaga.

Aquileia. Aquileia.

ABREVIATIONS - REVUES ET PERIODIQUES

Analysis

Analysis. London.

AncPhil

Ancient Philosophy. Pittsburgh.

AncSoc

Ancient Society. Louvain.

AncW

The Ancient World. Chicago.

Angelicum

Angelicum. Roma.

15

Universitas a Sancto Thoma Aquinate in Urbe.

Annales E. S. C.

Annales (Économie, Sociétés, Civilisations). Paris.

Annali

Annali dell'Istituto universitario orientale di Napoli. Seminario di studi dell'Europa orientale. Pisa.

AnnEpigr

L'Année Épigraphique. Paris.

AnnMedHist

Annals of Medical History. New York.

Anregung

Anregung. Zeitschrift für Gymnasialpädagogik. München. Antaios. Stuttgart. Antichthon. Journal of the Australian society for classical

Antaios Antichthon

studies. Sydney.

AntikTanulm

Antik Tanulmányok. Studia antiqua. Budapest.

Antiquitas

Antiquitas. Rivista trimestrale di antichità classica. Salerno.

Antiquity

Antiquity. À quarterly review of archaeology. Newbury,

AOMV APAW

Annali dell' Ospedale Maria Vittoria di Torino. Torino.

Berks.

Apeiron

Abhandlungen der (-1870: Kónigl.; 1871-1917: Königl. Preuß. ; 1918-44: Preuß.; puis :) Deutschen Akademie der Wissenschaften zu Berlin, Philosophisch-historische Klasse. Berlin. Apeiron. Department of philosophy, University of Alberta,

Canada.

APf

Archiv für

AQ

Al-Qantara. Revista de estudios árabes. Madrid.

Aquinas

Aquinas. Pontificia Universita lateranense. Roma.

Papyrusforschung

und

verwandte

Gebiete,

Leipzig.

Arabica

Arabica. Revue d'études arabes. Leiden.

ARAM Periodical

ARAM Periodical. ARAM

society for Syro-Mesopotamian

studies. Oxford. Aragırma

Arastırma. Istanbul.

ArchClass

Archeologia

Classica.

Rivista della Scuola nazionale di

Archeologia, pubblicata a cura degli Istituti di Archeologia e Storia dell'arte greca e romana e di Etruscologia e antichità italiche dell'Università di Roma. Roma. ArchDelt

᾿Αρχαιολογικὸν Δελτίον. Athènes.

16

DICTIONNAIRE DES PHILOSOPHES ANTIQUES

Archeion

Archeion. Archivio di storia della scienza. Roma.

ArchEph

᾿Αρχαιολογικὴ ᾿Ἐφημερίς (-1909: Ἐφ. λογικὴ ἑταιρεῖα. Athènes.

ArchGlotiltal

Archivio Glottologico Italiano. Firenze.

ArchGiurid

Archivio Giuridico. Pisa.

ArchltalPsicol

Archivio

italiano

di psicologia

'Apy.). 'Apyato-

generale

e del

lavoro.

Torino. ArchivPhilos

Archiv für Philosophie. Stuttgart.

ArchJuives

Archives Juives. Paris.

ArchOrient

Archiv Orientälni. Praha.

ArchPhilos

Archives de Philosophie.

Recherches et documentation.

Paris. ArchPhilosDroit

Archives de philosophie du droit. Paris.

Arctos

Arctos. Acta philologica Fennica, Helsinki.

Argumentation

Argumentation. Dordrecht.

ARID

Analecta Romana Instituti Danici. Odense.

ArtsAsiatiques

Arts Asiatiques. Paris.

An

international

journal

on

reasoning.

ARW

Archiv für Religionswissenschaft. Leipzig/Berlin.

AS

Anatolian Studies. Journal of Archaeology at Ankara. London.

AsiatStud

Asiatische Studien. Études Asiatiques. Berne.

ASNP

Annali della Scuola Normale Superiore di Pisa, Classe di

ASPh

Arabic Sciences and Philosophy. Cambridge.

Athena

᾿Αθηνᾶ. Σύγγραμμα περιοδικὸν τῆς Ev ᾿Αθήναις ἐπιστημονικῆς ἑταιρείας. Athènes.

Athenaeum

Athenaeum. Studi periodici di Letteratura e Storia dell'Antichità. Pavia.

Athenaion

'A8rjvatov. Σὔύγγραμμα περιοδικὸν. Athènes. Der altsprachliche Unterricht. Voir AltsprUnt. Annales de l'Université de Grenoble. Paris/Grenoble. Augustinian Studies. Augustinian Institute, Villanova university. Villanova, Pennsylvania. Augustinus. Revista publicada por los Padres Agustinos recoletos. Madrid.

the

British

Institute

of

Lettere e Filosofia. Pisa.

AU AUG AugStud Augustinus AUMur

Anales de la Universidad de Murcia (Letras). Murcia.

ABREVIATIONS - REVUES ET PERIODIQUES BA BAB

17

Bolletino d'Arte del Ministero della Pubblica Istruzione. Roma. Bulletin de la Classe des Lettres de l'Académie Royale de

Belgique. Bruxelles. BABesch

Bulletin Antieke Beschaving. Leiden.

BACILg

Bulletin semestriel de l'Association l'Université de Liége. Stavelot.

BACTH

Bulletin Archéologique du Comité des Travaux Historiques. Ministère de l'Éducation nationale, Paris.

BAGB

Bulletin de l'Association Guillaume Budé. Paris.

BAM

Bulletin d'Archéologie Marocaine. Casablanca.

des

classiques

de

BANL

Boletin de la Academia Nacional de Letras. Montevideo.

BAR

Bulletin de l'Académie des sciences de l'U.R.S.S. Leningrad, puis Moscou. « Bulletin Augustinien » dans REAug.

BAug

BBG BCAI

Blätter für das Bayerische Gymnasialschulwesen. München. Bulletin critique des Annales Islamologiques. Supplément

aux Annales Islamologiques. Institut français d'archéologie orientale. Le Caire. BCH BCO

Bulletin de Correspondance Hellénique. Paris. Bibliotheca Classica Orientalis.

Dokumentation

der alter-

tumswissenschaftlichen Literatur der Sowjetunion und der Länder der Volksdemokratien. Berlin.

BE BEO Berytus

« Bulletin épigraphique » dans REG. Bulletin d'Études Orientales, publié par l'Institut francais de Damas. Beyrouth.

Berytus. Archaeological Studies published by the Museum of Archaeology

Bessarione

BFAUE

Beirut. Bessarione. Roma.

of the

American

Pubblicazione

University

periodica di studi

of Beirut.

orientali.

Bulletin of the Faculty of Arts of University of Egypt. Le

Caire. BFCI BHM BHR BIAO

Bollettino di Filologia Classica. Torino. Bulletin of the History of Medicine. Baltimore. Bibliothéque

d'Humanisme

et Renaissance:

travaux

et

documents. Genéve. Bulletin de l'Institut français d'Archéologie Orientale. Le Caire.

18

BiblMath

DICTIONNAIRE DES PHILOSOPHES ANTIQUES

Bibliotheca Mathematica. A series of monographs on pure and applied mathematics. Amsterdam.

BICS

Bulletin of the Institute of Classical Studies. London.

University of

Boletín del Instituto de Estudios Helénicos. Barcelona.

BIEH BIE

Bulletin de l'Institut d' Égypte. Le Caire.

Bilychnis

Bilychnis. Roma.

BISI

Bullettino dell'[stituto Storico Italiano [puis : per i! Medio evo]. Roma.

BK

Bedi Karthlisa. Revue de kartvélologie (Études géorgiennes et caucasiennes). Destin de la Géorgie. Paris. Devenu, à partir de 1985, Revue des études géorgiennes et cauca-

siennes.

BLE BLR BMAH BMO BO

Bibliotheca Orientalis, uitg. van het Nederlandsch Instituut

BollClass

Bollettino dei classici, a cura del Comitato per la prepara-

Bulletin de Littérature Ecclésiastique. Toulouse.

The Bodleian Library Record. Oxford. Bulletin des Musées royaux d'Art et d'Histoire. Bruxelles. British Museum Quarterly. London. voor het Nabije Oosten. Leiden.

zione dell'edizione nazionale dei classici greci e latini. Roma. BollisiFilolGreca

Bolletino dell' Istituto di filologia Padova. Roma.

BollltStudOr

Bollettino Italiano degli Studii Orientali. Firenze.

BonnerJb

Bonner

Jahrbücher

Greca.

des Rheinischen

Università

Landesmuseums

Bonn und des Vereins von Altertumsfreunden

di

in

im Rhein-

lande. Kóln. Boreas

BPhW

Boreas. Münstersche Beitráge zur Archáologie. Münster. Berliner Philologische Wochenschrift. Leipzig/Berlin. (Suite: PhW).

BRGK

Bericht

der

Rómisch-Germanischen

Kommission

des

BStudLat

Deutschen Archäologischen Instituts. Berlin. Bulletin of the School of Oriental and African Studies. London. Bollettino di Studi Latini. Periodico quadrimestrale d'infor-

BullPhilosMed

Bulletin de Philosophie Médiévale. Société

BullScMath

pour l'étude de la philosophie médiévale. Louvain. Bulletin des Sciences Mathématiques et astronomiques. Paris, réimpr. Amsterdam.

BSOAS

mazione bibliografica. Napoli. internationale

ABRÉVIATIONS - REVUES ET PÉRIODIQUES

BullGéod

Bulletin Géodésique.

19

Official Journal of the International

Association of Geodesy & International Union of Geodesy BWPr

and Geophysics. Berlin. Winckelmannsprogramm der Archäologischen Gesellschaft

zu Berlin. Berlin. Byrsa Byzantion

Cahiers de Byrsa. Paris. Byzantion. Revue Bruxelles.

Musée

Lavigerie

internationale

(Carthage,

des

études

Tunisie).

byzantines.

ByzJ ByzS

Byzantinisch-neugriechische Jahrbücher. Athènes. Byzantinoslavica. Revue internationale des études byzan-

By:

tines. Praha. Byzantinische Zeitschrift. München. Classica et Mediaevalia. Revue danoise d'histoire et de

C&M

philologie publiée par la Société danoise pour les études anciennes et médiévales. Köbenhavn.

C&S Caesaraugusta

Cultura e Scuola. Roma.

Caesaraugusta.

Arqueología, prehistoria, historia antigua.

CSIC, Inst. Fernandino el Católico. Zaragoza. Caesarodunum

Caesarodunum.

lnstitut d'études latines de l'Université de

Tours.

CahSWeil

Cahiers Simone Weil. Revue trimestrielle publiée par l'Association pour l'étude de la pensée de Simone Weil.

CCC

Paris. The Classical Bulletin, Saint Louis. Civiltà Classica e Cristiana. Genova.

CCM

Cahiers de Civilisation Médiévale. Poitiers.

CE CEA

Chronique d'Égypte. Bruxelles. Cahiers des Études Anciennes. Montréal.

CanJPhilos

Canadian Journal of Philosophy. Calgary (Alberta).

Centaurus

Centaurus. International magazine of the history of mathe-

CB

matics, science and technology. Kgbenhavn. CentrblBiblwes CF CFC

Centralblatt für Bibliothekswesen (devenu par la suite Zentralblatt für Bibliothekswesen). Leipzig. Classical Folia. Studies in the christian perpetuation of the Classics. New York. Cuadernos de Filología Clásica (Estudios Griegos e indoeuropeos). Madrid.

Chiron

Chiron.

Mitteilungen der Kommission

für alte Geschichte

und Epigraphik des Deutschen Archäologischen Instituts. München.

20 CHM Ciceroniana

DICTIONNAIRE DES PHILOSOPHES ANTIQUES

Cahiers d'Histoire Mondiale. Paris/Neufchátel. Ciceroniana.

Rivista

del

Centro

di

studi

ciceroniani,

Firenze.

CIMA

Cahiers de l'Institut du Moyen havn.

CJ ClAnt

The Classical Journal. Athens (Georgia). Classical Antiquity. Berkeley.

CollectFrancisc

Collectanea Franciscana. Roma.

CollectTheol

Collectanea Theologica cura edita. Varsovie.

Contributo

Contributo. Osservatorio astrofisico, Arcetri. Firenze.

CPh

Classical Philology. Chicago.

co

Classical Quarterly. Oxford.

COR

Church Quarterly Review. London.

CR

Classical Review. Oxford.

CRAI

Comptes Rendus de l'Académie des Inscriptions et BellesLettres. Paris.

CRASR

Comptes Rendus Leningrad.

CronErc

Cronache Ercolanesi. Bollettino del Centro internazionale per lo studio dei Papiri Ercolanesi. Napoli.

Age grec et latin. Koben-

Societatis

de l'Académie

CrSt

Cristianesimo

CT

teologiche. Bologna. Les Cahiers de Tunisie. Tunis.

theologorum

des Sciences

nella Storia. Ricerche

storiche

Polonae

de Russie.

esegetiche

Classical Weekly. New York. The Classical World. Pittsburgh (Pennsylvania).

Dissertation Abstracts. International abstracts of dissertations available in microfilm or as xerographic reproductions. Ann Arbor (Michigan). Dacia. Revue d'archéologie et d'histoire ancienne. Bucarest.

Dialoghi di Archeologia. Roma. Denkschriften der Akademie der Wissenschaften Wien. DeutscheRschau

in Wien.

Deutsche Rundschau für Geographie und Statistik. Wien/ Leipzig.

DGT

Drevnejsije Gosudarstva na territorii SSSR.

DHA

plus importants sur le territoire de l'URSS. Matériaux et Recherches. Moskva. Dialogues d'Histoire Ancienne. Paris.

Les États les

ABRÉVIATIONS - REVUES ET PÉRIODIQUES

21

Didlogos

Diálogos. Revista del Departamento de filosofía. Universidad de Puerto Rico.

Dioniso

Dioniso. Rivista trimestrale di studi sul teatro antico. Siracusa.

Dionvsius Diotima

Dionysius. Dalhousie University, Halifax, Nova Scotia. Diotima. Revue de recherche philosophique. Athénes.

DivThomP

Divus Thomas. Piacenza.

DLZ

Deutsche Literaturzeitung für Kritik der internationalen Wissenschaft. Berlin.

Dodone

Δωδώνη.

DOP DSTFM

Σχολῆς τοῦ Πανεπιστημίου Ἰωαννίνων, Ioannina. Dumbarton Oaks Papers. New York. Documenti e Studi sulla Tradizione Filosofica Medievale. Rivista

"Emotnuovod)

della

Società

ἐπετηρίς

internazionale

τῆς

per

Φιλοσοφιχκῆς

lo

studio

del

medioevo latino. Spoleto. EA

Epigraphica Anatolica. Zeitschrift für Epigraphik und histo-

EEa

rische Geographie Anatoliens. Bonn. Estudios Eclesiásticos. Revista trimestral de investigación e información teológica. Madrid.

EEAth

Ἐπιστημονικὴ

EHBS

Πανεπιστημίου ᾿Αϑηνῶν. Athènes. Ἐπετηρὶς 'Εταιρείας Βυζαντινῶν Σπουδῶν. Athènes.

'Enernpig τῆς φιλοσοφικῆς Σχολῆς

τοῦ

EHR

English Historical Review. London.

Eikasmos

Eikasmos. Quaderni bolognesi di filologia classica. Bologna.

Eirene

Eirene. Studia Graeca et Latina. Praha. Elenchos. Rivista di studi sul pensiero antico. Roma/Napoli.

Elenchos EMC

Échos du Monde Calgary (Alberta).

Classique.

Classical News

and

Views.

Emerita. Revista de Lingüística y Filología clásica. Madrid. Échos d'Orient. Paris.

Eos.

Commentarii

Societatis

Philologae

Polonorum.

Wroclaw.

EPh

Études Philosophiques. Paris.

EpigrStud

Epigraphische Studien. Kóln.

Epos

Epos. Revista de filología de la Universidad nacional de educación a distancia (Facultad de filología). Madrid.

Eranos Erasmus

Eranos. Acta Philologica Suecana. Uppsala. Erasmus. Speculum Scientiarum. Bulletin international de la science contemporaine. Wiesbaden.

22 EstudFilos Eunomia

DICTIONNAIRE DES PHILOSOPHES ANTIQUES

Estudios Filosóficos. Instituto superior de filosofía. Valladolid. Eunomia. Ephemeridis Listy filologické supplementum. Praha.

Expositor

The Expositor. London.

Faventia

Faventia. Publicació del Departament de filologia clàssica de la Universitat autónoma de Barcelona. Barcelona. Florentia lliberritana. Revista de estudios de antigüedad clásica. Granada. Forschung und Fortschritte. Korrespondenzblatt der

Florllib F&F

deutschen Wissenschaft und Technik. Berlin. Fortunatae

FranciscStud FZPhTh

G&R GB

Fortunatae. Revista Canaria de filología, cultura y humanidades clásicas. La Laguna (Canarias). Franciscan Studies. A quarterly review. New York. Freiburger Zeitschrift für Philosophie und Theologie. Freiburg in der Schweiz. Greece and Rome. Oxford.

Grazer Beiträge. Zeitschrift für die klassische Altertumswissenschaft. Graz.

GCFI

Giornale Critico della Filosofia Italiana. Firenze.

Gerion

Gerion. Madrid.

GFF

Giornale Filologico Ferrarese. Ferrara.

GFRF

Giornale Ferrarese di Retorica e Filologia. Ferrara. (Suite

GGA

de GFF.) Göttinger Gelehrte Anzeigen. Göttingen. Ce périodique interrompu en 1944 a paru de 1739 à 1752 sous le titre Góttingische Zeitung von gelehrten Sachen, de 1753 à 1801 sous le titre Göftingische Anzeigen von gelehrten Sachen.

GIF Glotta

Giornale Italiano di Filologia. Rivista trimestrale di cultura. Roma. Glotta. Zeitschrift für griechische und lateinische Sprache. Göttingen.

GM

Giornale di Metafisica. Genova.

Gnomon

Gnomon. Kritische Zeitschrift für die gesamte klassische Altertumswissenschaft. München.

GRBS Gregorianum GSAI GSLI

Greek, Roman and Byzantine Studies. Durham (N.C.). Gregorianum. Commentarii de re theologica et philosophica. Roma. Giornale della Societä Asiatica Italiana. Roma. Giornale Storico della Letteratura Italiana. Torino.

ABRÉVIATIONS - REVUES ET PÉRIODIQUES Gymnasium H&T

23

Gymnasium. Zeitschrift für Kultur der Antike nistische Bildung. Heidelberg.

und

huma-

History and Theory. Studies in the philosophy of history. Wesleyan University, Middletown, Conn.

Hebraica

Hebraica. A quarterly journal in the interest of Hebrew study. New Haven (Conn.), puis Chicago.

HebrUCA

Hebrew Union College Annual, Cincinnati.

Helikon

Helikon. Rivista di tradizione e cultura classica. Roma.

Hellenica

'EAAnvixd. Φιλολογικόν, ἱστορικὸν xal λαογραφικὸν περιοδικὸν σύγγραμμα τῆς ‘Eraipelaç Μακεδονικῶν Σπουδῶν. Thessalonique. Henoch. Studi storicofilologici sull’ebraismo. Biblioteca Paul Kahle, Universitä di Torino, Istituto di orientalistica. Torino.

Henoch

Hephaistos

Hephaistos. Kritische Zeitschrift zur Theorie und Praxis der

Archäologie, Kunstwissenschaft und angrenzender Gebiete. Bremen. Hermathena

Hermathena. Trinity College, Dublin.

Hermeneus

Hermeneus. Tijdschrift voor de antieke Cultuur. Culemborg. Hermes. Zeitschrift für klassische Philologie. Wiesbaden.

Hermes Hesperia

Hesperia. Journal of the American school of classical studies at Athens. Athens.

Hespéris

Hespéris. Archives berbères et Bulletin de l'Institut des Hautes-Études Marocaines. Paris.

Hestia

“Ἑστία. Athènes.

Hippokrates

Hippokrates. Annales Societatis Historiae Medicinae Fennicae. Helsinki. Hispanic Review. Philadelphia.

Hispanic Review HistMath

Historia Mathematica. International Journal of History of Mathematics. New York/London.

Historia

Historia. Zeitschrift für alte Geschichte. Wiesbaden.

HistSc

Historia Scientiarum. International Journal of the History of

Science Society of Japan. Tokyo. HJ

Historisches Jahrbuch. München.

Homine (De) Horos

De Homine. Roma.

HPBCD

Historisch-politische Deutschland. München.

HPTh HR

History of Political Thought. Exeter. History of Religions. Chicago.

Ὅρος. "Eva ἀρχαιογνωστιχὸ περιοδικό. Athènes. Blätter

für

das

Catholische

24 HSCP HSF

DICTIONNAIRE DES PHILOSOPHES ANTIQUES

voir HSPh. Historische

Sprachforschung

(Historical

Linguistics).

Göttingen. HSPh

Harvard Studies in Classical Philology. Cambridge (Mass.).

HThR

Harvard Theological Review. Cambridge (Mass.).

HZ

Historische Zeitschrift. München.

ICS

Illinois Classical Studies. University of Illinois, Chicago.

IEJ

Israel Exploration Journal. Jerusalem.

IJMES

International Journal of Middle East Studies. Cambridge.

IL

L'Information Littéraire. Paris.

Index

Index. Quaderni camerti di studi romanistici. International

Survey of Roman Law. Napoli. Ínsula

Ínsula. Revista de Letras y Ciencias Humanas. Madrid.

IOS Iraq

Israel Oriental Studies. Tel Aviv. Iraq, published by the British school of archaeology in Iraq.

Irénikon

Irénikon.

London. Bulletin

mensuel

des

moines

de

l'union

des

Églises. Prieuré d'Amay sur Meuse. Isis

Isis. An

international

review

devoted

to the

history

of

science and its cultural influences. Washington. Isl

Der Islam. Berlin.

IsiCult

Islamic Culture. An English quarterly. Hyderabad.

IQ

The Islamic Quarterly. London.

ftaca

Ítaca. Quaderns catalans de cultura classica. Barcelona.

Italianistica

Italianistica. Rivista di letteratura italiana. Milano.

Italica

Italica. Review of the American Association of teachers of Italian. Ann Arbor, Univ. of Michigan.

JA

Journal Asiatique. Paris.

Janus

Janus. Revue internationale de l'histoire des sciences, de la médecine, de la pharmacie et de la technique. Amsterdam.

JAOS JAW

Journal of the American Oriental Sociery. Baltimore. Jahresbericht für die Fortschritte der Altertumswissenschaft.

Leipzig. JbAC JBM JbPTh JCS

Jahrbuch für das Bistum Mainz. Mainz. Jahrbücher für Protestantische Theologie. Leipzig.

JDAI

Jahrbuch des Deutschen Archäologischen Instituts. Berlin.

Jahrbuch für Antike und Christentum. Münster.

Journal of Classical Studies. society of Japan, Kyóto.

The Journal of the classical

ABRÉVIATIONS - REVUES ET PÉRIODIQUES

25

JEA

Journal of Egyptian Archaeology. London.

JewORev

Jewish Quarterly Review. London/New York.

JHA

Journal for the History of Astronomy. Chalfont St. Giles,

JHAS JHI

Bucks. Journal for the History of Arabic Science. Alep. Journal of the History of Ideas. Ephrata, Penna & Philadelphia.

JHPh JJP JJS JKPh

Journal of the History of Philosophy. Berkeley. Journal of Juristic Papyrology. Warszawa. Journal of Jewish Studies. Oxford. Jahrbücher für klassische Philologie. Leipzig. Le périodique s'est intitulé diversement à différentes périodes de son histoire, de 1826 à 1943: Neue Jahrbücher für Philologie

und Pädagogik, Neue Jahrbücher für das klassische Altertum, Geschichte und deutsche Literatur und für Pádagogik, Neue Jahrbücher für Wissenschaft und Jugendbildung, Neue

Jahrbücher für deutsche Wissenschaft, Neue Jarhbücher für Antike und deutsche Bildung.

JMT

Journal of music theory. A publication of the Yale school of music. Yale.

JNES

Journal of Near Eastern Studies. Chicago.

JNG JEAI

Jahrbuch für Numismatik und Geldgeschichte. Kallmünz. Jahreshefte des Österreichischen Archäologischen Instituts. Wien.

JÓB

Jahrbuch der Ósterreichischen Byzantinistik. Wien.

JG BG

Jahrbuch der Österreichischen Byzantinischen Gesellschaft. Wien.

JP

Journal of Philology. London/Cambridge.

JPakHS

Journal of the Pakistan Historical Society. Karachi.

JPh JPhilos JR

Journal Philosophique. Centre de recherche philosophique Saint Thomas d'Aquin. Paris. Journal of Philosophy. New York. Journal of Religion. Chicago.

JRA

Journal of Roman Archaeology. Ann Arbor (Michigan).

JRAS JRS

Journal of the Royal Asiatic Society. London. Journal of Roman Studies. London.

JS

Journal des Savants. Paris.

JSAI

Jerusalem Studies in Arabic and Islam, Jerusalem.

JSJ

Journal for the Study of Judaism in the Persian, Hellenistic and Roman Period. Leiden.

26

DICTIONNAIRE DES PHILOSOPHES ANTIQUES

JSJT

Jerusalem Studies in Jewish Thought. Jérusalem.

JThS

Journal of Theological Studies. Oxford.

JWCI

Journal of the Warburg and Courtauld Institute. London. Kairos. Zeitschrift für Religionswissenschaft und Theologie.

Kairos

Salzburg. Karthago

Karthago. Revue d'archéologie africaine. Paris.

Kentron

Kentron. Revue du monde antique et de psychologie histo-

KJVF

rique. Université de Caen. Kölner Jahrbuch für Vor- und Frühgeschichte. Berlin.

Kleio

Kleio. Tijdschrift Leuven.

Kleronomia

Kleronomia. Thessalonique.

Klio

Klio. Beitráge zur alten Geschichte. Berlin.

Koinonia

Kotvuvia. Organo dell' Associazione di Studi tardoantichi. Napoli. Κώκαλος. Studi pubbl. dall'Istituto di Storia antica dell’ Università di Palermo. Roma.

Kokalos Ktéma

Ktéma.

voor

Civilisations

antiques.

Strasbourg,

oude

talen

de l'Orient,

en

antieke

de la Gréce

Centre de recherche

kultuur.

et de Rome

sur le Proche-

Orient et la Gréce antique et Groupe de recherche d'histoire romaine. Kyklos

Kyklos. Jahrbuch des Instituts für Geschichte der Medizin an der Universität Leipzig, puis: Jahrbuch für Geschichte und Philosophie der Medizin. Leipzig.

Latina et Graeca. Zagrev. Lampas. Tijdschrift voor Nederlandse classici. Muiderberg. Latomus. Revue d'études latines. Bruxelles. Liverpool

LEC Leonardo

Classical

Monthly.

University

of Liverpool,

Department of Greek. Letras de Deusto. Bilbao. Les Études Classiques. Namur. Leonardo. Rassegna bibliografica. Milano.

Lexis

Lexis. Studien zur Sprachphilosophie. Sprachgeschichte und Begriffsforschung. Lahr im B.

LF

Listy Filologické. Praha.

Libyca

Libyca. Bulletin du Service des Antiquités (Archéologie, Épigraphie). Alger. Litteris. An international critical review of the humanities published by the New society of letters at Lund. Lund.

Litteris

ABRÉVIATIONS - REVUES ET PÉRIODIQUES

27

Litterae Numismaticae Vindobonenses. Wien. Lustrum. Internationale Forschungsberichte aus dem Bereich des klassischen Altertums. Göttingen. Leipziger Studien. Leipzig. Literarisches Zentralblatt für Deutschland. Leipzig. Medievalia et Humanistica. An American journal Middle Ages and Renaissance. Boulder (Colorado).

for the

Maia. Rivista di letterature classiche. Bologna. Memorie dell'Accademia [delle Reale Academia] delle Scienze dell'Istituto di Bologna. Classe di Scienze morali.

Bologna. Maimonidean Studies. New York. Atti della (-1946 : Reale) Accademia (depuis 1921:) nazionale dei Lincei. Memorie della classe di scienze morali e storiche dell'Accademia dei Lincei. Roma. MALKAW

Mededelingen der Koninklijke Nederlandse Akademie

van

Wetenschappen. Afdeling Letterkunde. Amsterdam. Manuscripta

MARS

Manuscripta. Saint-Louis (Missouri). Mémoires de l'Académie Roumaine (Section scientifique). Bucarest.

MAT MCr

Memorie dell'Accademia delle Scienze di Torino. Scienze morali, storiche e filologiche, Torino

Classe di

Museum Criticum. Quaderni dell'Istituto di filologia classica

MDAI(I)

dell'Università di Bologna. Roma. Materiali e Discussioni per l'analisi dei testi classici. Pisa. Mémoires de la Délégation Archéologique Frangaise en Afghanistan. Paris. Mitteilungen des Deutschen Archdologischen Instituts (Athenische Abteilung). Berlin. Mitteilungen des Deutschen Archäologischen Instituts

MDAI(M)

Mitteilungen

MD MDAFA

MDAI(A)

MDAI(R) MEAH Meander

(Abteilung Istanbul). Tübingen. des

Deutschen

Archäologischen

Instituts

(Abteilung Madrid). Mainz. Mitteilungen des Deutschen Archäologischen Instituts (Römische Abteilung). Mainz. Miscelänea de estudios ärabes y hebraicos. Granada.

Meander.

Revue

de

civilisation

du

monde

antique.

MediaevalStud

Warszawa. Mediaeval Studies. Institute of mediaeval studies. Toronto.

Mediaevalia

Mediaevalia. Textos e estudos. Fundagäo Eng. António de Almeida. Porto.

28

DICTIONNAIRE DES PHILOSOPHES ANTIQUES

MedHist

Medical History. Medicine. London.

MedLife

Medical Life. New York.

Medioevo

Medioevo.

Rivista

Welcome

di

Institute for the History of

storia

della

filosofia

medievale.

Padova.

MedPhilosPolon

Mediaevalia Philosophica Polonorum. Académie polonaise des sciences.

Institut de la philosophie

et de sociologie.

Département d'histoire de la philosophie Pologne. Wroclaw. MedWelt MEFR

médiévale

en

Die Medizinische Welt. Berlin. Mélanges d'archéologie et d'histoire. École Frangaise de Rome. Paris. Voir pour la suite MEFRA et MEFRM.

MEFRA

Mélanges d'archéologie et d'histoire de l'École Frangaise de Rome. Rome.

MEFRM

Melanges de l'École Frangaise temps modernes. Paris.

MemCentreJPal

Mémoires du Centre Jean Palerne. Saint-Étienne.

MemSocScBord

Mémoires de la Société des Sciences physiques et naturelles de Bordeaux. Bordeaux.

MH

Museum Helveticum. Revue suisse pour l'étude de l'Antiquité classique. Bále.

de Rome.

Moyen

äge

et

MHA

Memorias de Historia Antigua. Oviedo.

MHJ

Medizin-historisches Journal. Stuttgart.

Micrologus

Micrologus. Natura, scienze e società medievali. Rivista della Società Internazionale per lo Studio del Medio Evo

Latino. Turnhout. MIDEO

Mélanges de l'Institut Dominicain d'Études Orientales.

Le

Caire. Mihr

Mihr. Téhéran.

Minerva

Minerva. Revista de filologia clásica. Valladolid.

Mind

Mind.

A quarterly review of psychology & philosophy.

London. MICEG

Mitteilungen des Instituts für Österreichische Geschichtsforschung. Wien.

MiscAcadBerlin

Miscellanea Berolinensia ad incrementum scientiarum ex scriptis Societati Regiae Scientiarum exhibitis edita. Berlin.

MME

Manuscripts of the Middle East. A Journal devoted to the study of handwritten materials of the Middle East. Leiden.

Mnemosyne

Mnemosyne. Bibliotheca Classica Batava. Leiden.

MRS

Mediaeval and Renaissance Studies. London.

ABRÉVIATIONS - REVUES ET PÉRIODIQUES

29

The Modern Schaolmann. A quarterly journal of philosophy. Saint-Louis (Missouri). Marburger Sitzungsberichte. Marburg. Miscellanea

di

Studi

di

Letteratura

Cristiana

antica.

Catania. Marburger Schriften zur Medizingeschichte. Main/Bern.

Frankfurt am

Mélanges de Science Religieuse. Lille.

Museum Tusculanum. Köbenhavn. Mundus

Mundus. Stuttgart.

MusB

Musée Belge. Revue de philologie classique. Louvain.

Museon

Le Muséon. Revue d'études orientales. Louvain.

MUSJ

Mélanges de l'Université Saint-Joseph. Beyrouth.

The Muslim world. A quarterly review of history, culture, religions and the Christian mission in Islamdom. Hartford (Conn.). Nachrichten von der Akademie der Wissenschaften in Göttingen, Philologisch-historische Klasse. Göttingen. (Avant 1941: NGG)

NGG

Nachrichten

Góttingen.

von der Gesellschaft der

Philologisch-historische

Wissenschaften

Klasse.

zu

1894-1940.

Göttingen. (Pour la suite, voir NAWG). Nova

Tellus

Nova Tellus. Mexico.

Anuario

del

Centro

de Estudios

clásicos.

NRFH

Nueva Revista de Filología Hispánica. México.

NRL

Nouvelles de la République des Lettres. Napoli.

NSchol

The New Scholasticism. Baltimore. Novum Testamentum. An international quarterly for New Testament and related studies. Leiden. New Testament Studies. An international journal published

NT

NTS

quarterly under the auspices of Studiorum Novi Testamenti Societas. Cambridge. NumChron

Numismatic Chronicle and journal of the Royal numismatic

Numen

Numen. International review for the history of religions. Leiden. Numisma. Revista de la Sociedad ibero-americana de Estudios numismáticos. Madrid.

society. London.

Numisma

oc

Oriens

Christianus.

Orients. Wiesbaden.

Hefte

für die

Kunde

des

christlichen

30

OCP

DICTIONNAIRE DES PHILOSOPHES ANTIQUES

Orientalia Christiana Periodica. Roma.

OLP

Orientalia Lovaniensia Periodica. Louvain.

OLZ

Orientalistische Literaturzeitung. Berlin.

OM

Oriente Moderno. Roma.

Oriens

Oriens. Journal de la Société internationale d'études orientales. Leiden.

Orientalia

Orientalia. Commentarii periodici Pontificii Instituti Biblici. Roma.

Orpheus OS

Orpheus. Rivista di umanità classica e cristiana. Catania. Orientalia suecana. Uppsala.

OSAPh

Oxford Studies in Ancient Philosophy. Oxford.

Osiris

Osiris. Studies on the history and philosophy of science and

on the history of learning and culture [puis: Commentationes de scientiarum et eruditionis historia rationeque]. Supplément de la revue /sis. Bruges.

PAA PAAJR

cf. PraktAkadAth. Proceedings of the American Academy for Jewish Research.

PACPhA

Proceedings of the American Catholic Philosophical Association. Washington.

New York.

PagStorMed

Pagine de Storia della Medizina. Roma.

Paideia

Paideia.

PalEQ Pallas

Roma. Palestine Exploration Fund. Quarterly statement. London. Pallas. Revue interuniversitaire d'études antiques. Toulouse.

PAPRS

Parnassos Parousia

Rivista

letteraria di informazione

bibliografica.

Proceedings of the American Philosophical Society. Phila-

delphia. Παρνασσός. Φιλολογικό περιοδικό. Athènes. Tlapovola. Ἐπιστημονικό περιοδικό τοῦ Συλλόγου Διδακτικοῦ Προσωπικοὐύ Φιλοσοφυκής Σχολής Πανεπιστημίου ᾿Αθηνῶν. Athenes.

PAS

Proceedings ofthe Aristotelian Society. London.

PBA

Proceedings of the British Academy. Oxford.

PBSA

Papers of the British School at Athens. London.

PBSR

Papers of the British School at Rome. London.

PAAAS

Proceedings of the American Academy of Arts and Sciences. Boston.

PCPhS

Proceedings of the Cambridge Philological Society. Cambridge.

ABRÉVIATIONS - REVUES ET PÉRIODIQUES Pensamiento

Ph&Rh Philologus PhilolRschau PhilosAnt PhilosJb

Pensamiento. Revista de investigación e información filoséfica. Madrid. Philosophy and Rhetoric. University Park (Pennsylvania). Philologus. Zeitschrift für klassische Philologie. Berlin. Philologische Rundschau. Bremen. Philosophie

Philosophy PhilosQ

PhilosStud PhM

Antique.

Problémes,

Villeneuve-d' Ascq. Philosophisches Jahrbuch. Unterstützung

Philosophia

31

der Górres

renaissances,

Auf Veranlassung Gesellschaft

usages.

und

mit

herausgegeben...

Fulda. Φιλοσοφία. ᾿Επετηρὶς τοῦ Kévrpou ἐρεύνης τῆς EAANνικῆς φιλοσοφίας. Athènes. Philosophy. The journal of the Royal (puis: British) institute of philosophy. London. Philosophical quarterly. Saint Andrews. Philosophical studies. An international journal for philosophy in the analytic tradition. Dordrecht. Philosophische Monatshefte, Berlin/Leipzig/Heidelberg.

Phoenix

The Phoenix. The Journal of the Classical association of Canada. Toronto.

PhR

PhW

Philosophical Review. New York. Phronesis. A Journal for ancient philosophy. Assen. Philosophische Studien. Leipzig. Philologische Wochenschrift. Leipzig. (Suite de BPhW.)

Physis

Physis. Rivista di storia della scienza. Firenze.

PI

Le Parole e le Idee. Rivista internazionale di varia cultura.

Phronesis

PhStud

Napoli. Platon

Πλάτων. Δελτίον τῆς "Eraupelac 'EXAfjvov Φιλολόγων. Athénes.

POC

Proche-Orient Chrétien. Jérusalem.

Polemón

Πολέμων. ᾿Αρχαιολογικὸν περιοδικόν. Athènes.

POr

Parole de l'Orient. Université Saint-Esprit. Kaslik.

PP

La Parola del Passato. Rivista di studi antichi. Napoli.

PPol

Il Pensiero Politico. Rivista di storia delle idee politiche e sociali. Firenze. Πραχτικὰ τῆς ᾿Ακαδημίας £v ᾿Αϑήναις. Athènes. Πρακτικὰ τῆς ἐν ᾿Αϑόναις ᾿Αρχαιολογικῆς Ἑταιρείας.

PraktAkadAth PraktArchEt

Athénes.

PRIA

Proceedings of the Royal Irish Academy. Dublin.

32 PrJ Prometheus

DICTIONNAIRE DES PHILOSOPHES ANTIQUES

Preussische Jahrbücher. Berlin. Prometheus. Rivista quadrimestrale

di studi classici.

Firenze. Prudentia

Prudentia. A journal devoted to the intellectual history of the ancient world. Auckland.

PSBA

Proceedings of the Society of Biblical Archaeology. London. Pour la suite, voir Journal of the Royal Asiatic Society.

OFC

Quaderni di Filologia Classica dell'Università di Trieste, Istituto di Filol. class. Roma.

OFL OJRAS

Quaderni di Filologia Latina. Firenze. Quarterly London.

Journal

of the

Royal

Astronomical

Society.

QJS QS

Quarterly Journal of Speech. New York. Quaderni di Storia. Rassegna di antichità redatta nell'Istituto di storia greca e romana dell'Università di Bari. Bari.

QSGN

Quellen und Studien zur Geschichte schaften und der Medizin. Berlin.

QSIGM

Quellen und Studien zur Geschichte der Mathematik, Astronomie und Physik. Berlin.

QuadArcheolLib QUCC R&T

der

Naturwissen-

Quaderni di Archeologia della Libia. Roma. Quaderni Urbinati di Cultura Classica. Roma.

Recherches et Travaux. Angers. Revue Archéologique. Paris. Rendiconti dell'Accademia di Archeologia, Lettere e Belle

Arti di Napoli. Napoli. Revista de Archivos, Bibliotecas y Museos. Madrid. Revue Africaine. Journal des travaux de la Société historique algérienne. Alger. Atti della (-1946: Reale) Accademia (depuis 1921 :) nazionale dei Lincei. Rendiconti della classe di scienze morali, storiche e filologiche dell'Accademia dei Lincei. Roma.

Revue d'Ascétique et de Mystique (devenue en 1972 Revue d'Histoire de la Spiritualité). Toulouse, puis Paris. Revue Archéologique de Narbonnaise. Paris.

Revue Bénédictine. Abbaye de Maredsous, Belgique. Revue Biblique. Paris.

Revue Belge de Numismatique. Bruxelles. Revue Belge de Philologie et d'Histoire. Mechelen. Rivista Critica di Clinica Medica. Firenze.

ABRÉVIATIONS - REVUES ET PÉRIODIQUES RCr

Revue Critique. Paris.

RDAC

Report of the Department of Antiquities,

33

Cyprus. Nicosia.

Revue des Études Anciennes. Talence. Revue des Études Augustiniennes. Paris. REByz RecSR

Revue des Études Byzantines. Paris.

REG

Revue des Études Grecques. Paris.

Recherches de Science Religieuse. Paris. Revue des Études Géorgiennes et Caucasiennes. Paris. Suite

de Bedi Karthlisa. Revue de kartvélologie (Études géorgiennes et caucasiennes). Destin de la Géorgie, paru de 1948 à 1984. Revista española de filosofía medieval. Filosofía Medieval (SOFIME). Zaragoza.

Sociedad

de

Revue des Études Islamiques. Paris. Revue des Études Juives. Louvain. REL

Revue des Études Latines. Paris.

RelStud

Religious Studies. Cambridge.

RenQ REPh

Renaissance Quarterly. Renaissance Society of America. New York. Revue de l'Enseignement Philosophique. Aurillac.

RESE

Revue des Études Sud-est-Européennes. Bucarest.

RevAcadArDamas

Revue de l'Académie Arabe de Damas. Damas.

Revue

Revue. Informatique et statistiques dans les sciences humai-

nes. Liege. RevueMaritime

Revue

Maritime.

Informations,

actualités, documentation

maritime (= Revue maritime et coloniale). Paris.

RevUnivComplut RevHistPhilos RevFilos( Madrid)

Revista de la Universidad Complutense. Madrid. Revue d'Histoire de la Philosophie. Lille. Revista de Filosofía (Madrid). Instituto de Filosofía Luis Vives. Madrid.

RevHisp

Revue Hispanique. Paris, puis New York.

Rhetorica

Rhetorica. A Journal of the History of Rhetoric. Berkeley.

RF

Rivista di Filosofia. Torino.

RFIC

Rivista di Filologia e di Istruzione Classica. Torino/Firenze/ Roma. Rivista di Filosofia Neoscolastica. Milano. Rivista Geographica Italiana. Firenze. Revista de Historia. La Laguna.

Rheinisches Museum für Philologie. Frankfurt am Main.

34 RHPR

DICTIONNAIRE DES PHILOSOPHES ANTIQUES Revue d'Histoire et de Philosophie Religieuses. Paris.

RHR

Revue de l'Histoire des Religions. Paris.

RHT

Revue d'Histoire des Textes. Paris.

RicRel

Ricerche Religiose. Rivista di studi storico-religiosi. Roma.

RIDA

Revue Internationale des Droits de l'Antiquité. Bruxelles.

RIGI

Rivista Indo-Greco-Italica di filologia, lingua, antichità. Napoli.

RIL

Rendiconti dell'Istituto Lombardo. Classe di lettere, scienze

RIMA

Revue de l'Institut des Manuscrits Arabes. Le Caire.

Rinascimento

Rinascimento. Rivista dell'Istituto nazionale di studi sul Rinascimento. Firenze. Revue Internationale d'Onomastique. Paris. Revue Internationale de Philosophie. Paris. Rivista di Archeologia. Roma. Rivista Biblica. Organo dell’ Associazione Biblica italiana. Roma/Firenze.

morali e storiche. Milano.

RIO RIPh RivArcheol RivBibl RivStorMed

Rivista di Storia deila Medicina. Roma.

RMAL

Revue du Moyen Age Latin. Strasbourg.

RMetaph

Review Haven.

RMM RNeosc

Revue de Métaphysique et de Morale. Paris. Revue Néoscolastique de philosophie publiée par la Société

of Metaphysics.

A philosophical

quarterly.

New

philosophique de Louvain. Louvain (suite : RPAL). RN

Revue Numismatique. Paris.

RO

Rocznik Orientalistyczny. Polska Akademia Nauk, Komitet

ROC

Revue de l'Orient Chrétien. Paris.

Romanitas

Romanitas. Revista de Cultura Romana (Língua, Instituigóes e Direito). Rio de Janeiro.

RPAA

Rendiconti della Pontificia Accademia

Nauk Orientalistycznych. Warszawa.

di Archeologia.

Roma. RPh

Revue de Philologie, de littérature et d'histoire anciennes. Paris.

RPhA

Revue de Philosophie Ancienne. Bruxelles.

RPhilos RPhL RPL

Revue Philosophique de la France et de l'étranger. Paris. Revue Philosophique de Louvain. Louvain. Res Publica Litterarum. Studies in the classical tradition. Lawrence.

ABRÉVIATIONS - REVUES ET PÉRIODIQUES

35

Römische Quartalschrift für christliche Altertumskunde und

für Kirchengeschichte. Freiburg im Breisgau. Rivista Storica dell'Antichità. Bologna. Rivista di Studi Bizantini e Neoellenici. Roma. Rivista di Studi Classici. Torino. Rassegna di Scienze Filosofiche. Napoli. Revista espafiola de Lingüística. Madrid. Rivista critica di Storia della Filosofia. Firenze.

Rivista di Storia e Letteratura Religiosa. Firenze. Rivista degli Studi Orientali. Roma.

Rivista Storica dell'Antichità. Bologna. Revue des Sciences Philosophiques et Théologiques. Paris.

Revue des Sciences Religieuses. Strasbourg. Revue Thomiste. Toulouse. Recherches de Théologie Ancienne et Médiévale. Louvain.

Revue de Théologie et de Philosophie. Lausanne. Rivista Trimestrale di Studi Filosofici e Religiosi. Perugia. Revista Venezolana di Filosofía. Caracas. Saeculum. Jahrbuch für Universalgeschichte. Freiburg Breisgau.

im

South African Medical Journal. Le Cap. Salesianum. Theologiae. Iuris canonici. Philosophiae. Paedagogiae. Roma. Sitzungsberichte

SCO Scriptorium

der

Österreischischen

Akademie

der

Wissenschaften in Wien, Philosophisch-historische Klasse. Wien. Sitzungsberichte der Bayerischen Akademie der Wissenschaften, Philosophisch-historische Klasse. München. La Scuola Cattolica. Rivista di scienze religiose. Milano. Scholastik (devenue par la suite Theologie und Philosophie). Freiburg im Breisgau. Scripta Classica Israelica. Yearbook of the Israel Society for the promotion of classical studies. Jerusalem. Studi Classici e Orientali. Pisa. Scriptorium. Revue internationale des études relatives aux manuscrits. Anvers/Amsterdam/Bruxelles.

ScrPhil

Scripta Philologa. Milano.

ScrTheol

Scripta Theologica. Cura Ordinum Theologorum Scandinavicorum edita. Lund.

36

DICTIONNAIRE DES PHILOSOPHES ANTIQUES

SDHJ

Studia et Documenta Historiae et Juris. Roma.

Sefarad

Sefarad. Revista de la Escuela de estudios hebráicos [puis: Revista del Instituto Arias Montano de estudios hebráicos y

Oriente próximo]. Madrid/Barcelona. SEJG

Sacris Erudiri. Jaarboek

SGM SHAW

Steenbrugge. Studien zur Geschichte der Medizin. Leipzig. Sitzungsberichte der Heidelberger Akademie der Wissenschaften, Philosophisch-historische Klasse. Heidelberg.

voor Godsdienstwetenschappen.

SI

Studia Islamica. Paris.

SicGymn

Siculorum Gymnasium. Rassegna semestrale della Facoltà di

SIFC

Studi Italiani di Filologia Classica. Firenze.

Sileno

Sileno. Rivista di studi classici e cristiani. Roma.

SMGB

Studien und Mitteilungen zur Geschichte des BenediktinerOrdens und seiner Zweige. Sankt Ottilien.

lettere e filosofia dell'Università di Catania. Catania.

SO

Symbolae

Osloenses,

auspiciis Societatis Graeco-Latinae.

Oslo. Sophia

Sophia. Rivista internazionale di fonti e studi di storia della

filosofia. Roma/Napoli/Padova. SPAW

Sitzungsberichte der (-1944 : Preuflischen, puis :) Deutschen Akademie der Wissenschaften zu Berlin, Philosophischhistorische Klasse. Berlin.

Speculum

Speculum. À journal of mediaeval studies. Mediaeval Academy of America. Cambridge (Mass.).

SPh

Studies in Philology, Chapel Hill.

SPhG

Studia Philosophica Gandansia. Gand.

SPRS

Studia Philologica Salmanticensia. Salamanca.

SRen

Studies in the Renaissance. New York. (Cette revue a cessé

de paraitre avec le tome 21 en 1974; pour la suite voir RenQ.) StudClas

Studii Clasice. Soc. de Studii clasice din RSR. Bucuresti.

StudHistPhilSc

Studies in History and Philosophy of Science. Oxford/New

Studlran

Studia Iranica. Institut frangais d'iranologie de Teheran. Paris/Téhéran. Studi filosofici. Annali dell'Istituto orientale di Napoli. Napoli. Studi Medievali. Torino. Studies in Medieval and Renaissance History. New York.

York.

StudFilos

StudMed StudMedRenHist

ABRÉVIATIONS - REVUES ET PÉRIODIQUES

37

StudUrb (Ser. B)

Studi Urbinati di Storia, Filosofia e Letteratura. Urbino.

SyllClass

Syllecta Classica. University of Iowa.

Symposium

Symposium. Syracuse (New York).

Syria

Syria. Revue d'art oriental et d'archéologie. Paris.

TAPhA

Transactions and Proceedings of the American Philological

Association. Lancaster (Pennsylvania). TAPhS Temenos

Transactions of the American Philosophical Society. Philadelphia (Pennsylvania).

Temenos. scholars

Studies in comparative in

Denmark,

Finland,

religion presented by Norway

and

Sweden.

Helsinki. Tijdschrift voor Filosofie. Utrecht. Theologie und Glaube. Paderborn.

Theologie und Philosophie. Freiburg im Breisgau. Theoria. A Swedish journal of philosophy. Stockholm. Theologische Literaturzeitung. Berlin.

The Thomist. A speculative quarterly of theology and philosophy... Baltimore. Theologische Quartalschrift. München. Theologische Studien und Kritiken, Gotha.

Theologische Zeitschrift. Basel. Travaux et mémoires. Paris.

Τόποι. Orient-Occident. Lyon/Paris. Traditio. Studies in ancient and medieval history, thought and religion. New York. Ur. Iraqi Cultural Center. London. Vigiliae Christianae. A review of early christian life and language. Ámsterdam.

Verbum VerbDom VetChr

Becmnux Opesneü ucmopuu [Vestnik Drevnej Istorii]. Revue d'Histoire ancienne. Moskva. Verbum. Revue de linguistique publiée par l'Université de Nancy Il. Verbum Domini. Commentarii de Re Biblica. Roma. Vetera Christianorum. Istituto di Letteratura cristiana antica.

Bari. Viator

Viator. Medieval and Renaissance studies. Berkeley.

Vichiana Vivarium

Vichiana. Rassegna di studi filologici e storici. Napoli. Vivarium. A journal for mediaeval philosophy and the intellectual life of the Middle Ages. Leiden.

VKF

Voprosy klassiceskij Filologii. Moskva.

38

DICTIONNARRE DES PHILOSOPHES ANTIQUES

VL

Vita Latina. Avignon.

VLU

Vestnik Leningradskogo Universiteta/Filosofija. Leningrad.

VNGZ

Vierteljahrsschrift der Naturforschenden Gesellschaft in Zürich. Zürich. Würzburger Jahrbücher für die Altertumswissenschaft. Würzburg.

WJA

WKPh WS

Wochenschrift für Klassische Philologie. Berlin. Wiener Studien. Zeitschrift für klassische Philologie und

WZJena

Patristik. Wien. Wissenschaftliche Zeitschrift der Friedrich-Schiller-Universität Jena, Gesellschafts- und sprachwissenschaftliche

Reihe. Jena. WZLeipzig

Wissenschaftliche

Zeitschrift

der

K.-Marx-Universität

Yale Classical Studies. New Haven. Zeitschrift für Ägyptische Sprache Berlin.

und Altertumskunde.

Leipzig. Leipzig. YCIS ZAeS

ZAnt

Ziva Antika. Antiquité vivante. Skopje.

ZAss

Zeitschrift für Assyriologie und verwandte Gebiete. Leipzig/

Weimar/Berlin. ZATW

Zeitschrift für die Alttestamentliche Wissenschaft. Berlin.

ZDA

Zeitschrift für deutsches Alterthum [puis : und deutsche Literatur]. Leipzig puis Berlin.

ZDMG

Zeitschrift der Deutschen Morgenlándischen Wiesbaden.

Gesellschaft.

Z/P

Zeitschrift für Politik. Organ d. Hochschule für politische

ZGAIW

Wissenschaften München. Berlin. Zeitschrift für Geschichte der Arabisch-Islamischen Wissenschaften. Institut für Geschichte der Arabisch-Islamischen

Wissenschaften an der Johann Wolfgang Goethe-Universität. Frankfurt am Main. ZKG

Zeitschrift für Kirchengeschichte. Stuttgart.

ZKTh

Zeitschrift für Katholische Theologie. Wien.

ZN

Zeitschrift für Numismatik. Berlin.

ZNTW

Zeitschrift für Neutestamentliche

Wissenschaft

und die

ZPE

Kunde des Urchristentums. Berlin. Zeitschrift für Papyrologie und Epigraphik. Bonn.

ZPhF

Zeitschrift für Philosophische Forschung. Meisenheim.

ZSVG

Zeitschrift für Semitistik und verwandte Gebiete.

Deutsche

Morgenländische Gesellschaft. Leipzig. ZWTh

Zeitschrift für die Wissenschaftliche Theologie. lena.

ABREVIATIONS - OUVRAGES DE REFERENCE

39

II. Collections, dictionnaires et ouvrages de référence

ACA

The Ancient Commentators on Aristotle, a series of english translations with introductions and indexes. London/lthaca (N.Y.). Acta Conciliorum (Ecumenicorum, ed. E. Schwartz. Berlin 1914 - . Ante-Nicene Fathers, Buffalo/New York. Ante-Nicene Christian Library, Edinburgh 1864 - . Aufstieg und Niedergang der rómischen

Welt. Geschichte

und Kultur Roms im Spiegel der neueren Forschung. Berlin. Augustinus-Lexikon, Basel 1986 —.

Altertümer von Pergamon, Berlin/Leipzig 1885 — . Coll. «Bibliothèque augustinienne ». Paris. Coll. « Bibliothèque des Écoles françaises d’Athenes et de Rome ». Paris. Bibliotheca Hagiographica Graeca, 3* éd., Bruxelles 1957. Coll. « Bibliotheca Scriptorum Graecorum et Romanorum Teubneriana ». Leipzig/Stuttgart. Biblioteca Universale laterza. Roma/Bari. Commentaria in Aristotelem Graeca, edita consilio et auctoritate

Academiae

Litterarum

Regiae

Borussicae.

Berlin

1891-1909. CAGL

Catholicisme

CCAG CCCM CCG

CCL CFHB

Commentaria

in Aristotelem

Graeca:

versiones Latinae

temporis resuscitatarum litterarum, hrsg. von Charles [H.] Lohr. Catholicisme, hier, aujourd'hui, demain. Encyclopédie publiée sous le patronage de l'Institut Catholique de Lille. Paris. Coll. «Catalogus Codicum Astrologorum Graecorum », t. IXII. Bruxelles 1898-1953. Coll. « Corpus Christianorum ». Series Continuatio Mediaevalis. Turnhout 1971 - . Coll. «Corpus Christianorum». Series Graeca. Turnhout 1977 - . Coll. «Corpus Christianorum ». Series Latina. Turnhout 1953- . Corpus Fontium Historiae Byzantinae consilio societatis internationalis studiis byzantinis provehendis destinatae editum.

DICTIONNAIRE DES PHILOSOPHES ANTIQUES Comicorum

Graecorum

Fragmenta,

ed. G. Kaibel. Berlin

1899. Corpus Glossariorum Latinorum, a G. Loewe incohatum ed.

G. Gótz, Leipzig 1888-1923, 7 vol.; réimpr. Amsterdam 1964. Corpus Inscriptionum Graecarum. 4 vol. Berlin 1828-1859. Corpus Inscriptionum Latinarum. Berlin 1863— . Coll. «Corpus Latinum Commentariorum in Aristotelem Graecorum ». Paris/Louvain. Supplementa, Paris, Louvain, Leiden. Coll. «Catalogue des Manuscrits Alchimiques Grecs ». Bruxelles 1924-1932. Coll. «Corpus Medicorum Graecorum ». Leipzig/Berlin 1908- . Coll. «Corpus Medicorum Latinorum ». Leipzig/Berlin 1915-1928 ; 1963—. Corpus dei papiri filosofici greci e latini. Testi e lessico nei papiri di cultura greca e latina, Parte 1: Autori Noti, vol. 1*,

Firenze 1989; 1**, Firenze 1992 ; 1***, Firenze 1999 ; Parte IH: Commentari, 1995 ; vol. 4, 1-2: Indici. Tavole, firenze 2002. Clavis Patrum Graecorum, éd. M. Geerard, 5 vol. Turnhout 1974-1987. Clavis Patrum Graecorum - Supplementum, cura et studio M. Geerard et J. Noret, Turnhout 1998. Coll. «California Studies in Classical Antiquity ». Berkeley. Corpus Scriptorum Christianorum Orientalium, ed. I. B. Chabot, I. Guidi (et alii). Paris, Leipzig, Louvain, 1903 - .

Coll. «Corpus Scriptorum Ecclesiasticorum Latinorum ». Wien 1866 - . Corpus Scriptorum Historiae Byzantinae. Bonn 1828-1897. Clavis Patrum Latinorum, éd. E. Dekkers (1961), 2* éd., Steenbrugge 1961, XXVIII-640.

«Collection des Universités de France ». Paris. C. Daremberg

et E. Saglio

(édit.),

Dictionnaire

des

Anti-

quités Grecques et Romaines, Paris 1877-1919. H. Diels (édit.), Doxographi Graeci collegit recensuit pro-

legomenis indicibusque instruxit H. D., Berlin 1879, réimpr. Berlin 1958, X-854 p. voir ILS. Dictionnaire d'Histoire et de Géographie Ecclésiastique, éd.

A. Baudrillart. Paris 1912- .

ABREVIATIONS - OUVRAGES DE REFERENCE DHI

4

Dictionary of the history of ideas: studies of selected pivotal

ideas, edited by Philip P. Wiener, New York 1973-1974. DK

Diels H. (édit.), Die Fragmente der Vorsokratiker. Griechisch und Deutsch von H.D. (1903), 6. verbesserte

Auflage, herausgegeben von W. Kranz, t. I, Zürich 1951, XII-504

p.; t. II, Zürich

1952, 428

p.; t. III: Wortindex,

Namen- und Stellenregister, Zürich 1952, 660 p. Dictionnaire des Philosophes Antiques, publié sous la direction de ΚΕ. Goulet, Paris 1989 - . Dictionary of Scientific Biography. New York 1970-1980. Dictionnaire de Spiritualité, éd. M. Viller. Paris 1932- .

Dictionnaire de Théologie Catholique, éd. A. Vacant, E. Mangenot et E. Amann. Paris 1903-1950. Coll. «Études préliminaires aux religions orientales dans l'Empire romain ». Leiden 1961-1990. Enciclopedia dell'Arte Antica classica e orientale. Roma 1958-1984. Encyclopédie

de

l'Islam.

Nouvelle

édition.

Leiden/New

EncJud

York/Köln/Paris 1960 - . Encyclopaedia iranica. London/Boston 1982- . Encyclopaedia Judaica. Jerusalem.

FAC

J. M. Edmonds (édit.), The Fragments of Attic Comedy, after

FD

Meineke, Bergk and Koch, augmented, newly edited with their contexts, annotated and completely translated into English verse by J. M. E., Leiden 1957-1961. Fouilles de Delphes, t. III: Épigraphie. Paris 1929 — .

Enclran

FGrHist

F. Jacoby, Die Fragmente der griechischen Historiker, t. 1III C 2, Berlin/Leiden, 1923-1958 ; « vermehrte Neudrucke », Leiden 1954- .

FHG

Fragmenta Historicorum Graecorum, Muller, 5 vol. Paris 1841-1870.

FIRA

S. Riccobono, J. Baviera, V. Arangio-Ruiz et alii (édit.), Fontes luris Romani Anteiustiniani (Leges, auctores, leges saeculares), in usum scholarum [1908], 2* éd., Firenze 1940-1943, 3 vol.

FPhG

Fragmenta Philosophorum Graecorum, Mullach, 3 vol. Paris 1860-1881.

GAL, S. I, II, III

edd. C. und Th.

ed. F. W. A.

C. Brockelmann, Geschichte der Arabischen Litteratur, t. I, Weimar 1898; t. II, Berlin 1902; Suppl. I, II, III. Leiden 1937-1942.

DICTIONNAIRE DES PHILOSOPHES ANTIQUES

42 GAS

Geschichte des arabischen Schrifttums. Leiden 1967 - . Le t. XII : Mathematische Geographie und Kartographie im Islam und ihr Fortleben im Abenland : Kartenband von F.

Sezgin, est paru en 2000. Coll. « Die griechischen christlichen Schriftsteller der ersten

(drei) Jahrhunderte ». Berlin 1897— . F. Susemihl, Geschichte der griechischen Litteratur in der Alexandrinerzeit, t. 1l, Leipzig 1891, XVI-907 p.; t. II, Leipzig 1892, XVI-771 p.

GGM

Geographi Graeci Minores, ed. C. Muller. 2 vol. et 1 atlas,

Paris 1855-1861. GGP,

Antike2/l

Fr. Überweg, Grundriss der Geschichte der Philosophie, Vóllig neubearbeitete Ausgabe, Die Philosophie der Antike, Band 2/1: Sophistik, Sokrates-Sokratik, Mathematik, Medizin, von K. Döring, H. Flashar, G.B. Kerferd, C. Osing-

GGP,

Antike3

Grote, H.-J. Washkies ; hrsg. von H. Flashar, Basel/Stuttgart 1998, XIV-540 p. Fr. Überweg, Grundriss der Geschichte der Philosophie, Vóllig neubearbeitete Ausgabe, Die Philosophie der Antike, Band 3: Ältere Akademie — Aristoteles — Peripatos, herausgegeben von Hellmut Flashar, Basel/Stuttgart 1983, XXII-

GGP, Antike4

645 p. Fr. Überweg, Grundriss der Geschichte der Philosophie, Vóllig neubearbeitete Ausgabe, Die Philosophie der Antike, Band

4: Die hellenistische Philosophie, von M. Erler, H.

Flashar, G. Gawlick, W. Görler und P. Steinmetz, hrsg. von H. Flashar, Basel/Stuttgart 1994, XXVI-1272 p. en deux volumes

GRF

Grammaticae Romanae Fragmenta, éd. H. Funaioli, coll. BT, t. 1 (seul paru), Leipzig 1907, XXX1I-614 p.

HWPh

J. Ritter et K. Gründer (édit.), Historisches Wörterbuch der

Philosophie, völlig neubearb. Ausg. des Wörterbuchs der philosophischen

Begriffe

von

R. Eisler,

Basel/Stuttgart

1971 —. IBM ID IG

Ancient Greek Inscriptions in the British Museum. 1874-1916, 4 vol., index.

Oxford

Inscriptions de Délos. Paris 1926-1972, 7 vol. Inscriptiones Graecae, consilio et auctoritate Academiae Litterarum (Regiae) Borussicae. Ed. maior, Berlin 1873 -.

IG?

Inscriptiones Graecae, editio minor, Berlin 1913 - .

IGR

Inscriptiones Graecae ad res Romanas pertinentes, R. Cagnat, J. Toutain (et alii). Paris 1906-1927.

ed.

ABRÉVIATIONS - OUVRAGES DE RÉFÉRENCE IGUR

43

L. Moretti (édit.), Inscriptiones Graecae Urbis Romae, coll.

«Studi pubblicati dall'Istituto Italiano per la storia antica» 17, 22 (1-2), 28, Roma 1968, 1973 et 1979.

IK ILS

Coll. «Inschriften griechischen Städte Kleinasien ». Bonn. H. Dessau (édit.), Inscriptiones Latinae Selectae, 3 tomes en

5 vol., Berlin 1892-1916, réimpr. Berlin 1954-1955. KP

Der Kleine Pauly. Lexikon der Antike auf der Grundlage von Pauly's Realencyclopädie der classischen Altertumswissenschaft unter Mitwirkung zahlreicher Fachgelehrter bearbeitet und herausgegeben von K. Ziegler und W. Sontheimer, 5 vol. Stuttgart 1964-1975.

LAW

Lexikon der alten Welt. Zürich/Stuttgart 1965.

LCI

Lexikon für Christliche Ikonographie, Freiburg im Breisgau 1968-1976.

LCL

Coll. «The Loeb Classical Library ». London/Cambridge (Mass.) 1912- .

LGPN

Lexicon of Greek Personal Names, t.

1: The Aegean islands,

Cyprus, Cyrenaica, by P. M. Fraser et E. Matthews, Oxford

1987; t. II: Attica, ed. by M.J. Osborne and S.G. Byrne, Oxford 1994; t. III: The Peloponnese, Western Greece, Sicily and Magna Graecia, ed. by P.M. Fraser and E. Matthews,

Oxford 1997. UMC

Lexicon Iconographicum München 1981 - .

Mythologiae

Classicae.

Zürich/

A Greek-English Lexicon, compiled by H.G. Liddell and R. Scott, revised and augmented throughout by H. S. Jones with the assistance of R. McKenzie, with a Supplement 1968 (remplagant les Addenda et corrigenda de la 9° éd. de 1940), Oxford 1968; nouvelle édition, « with a revised supplement

1996 », Oxford 1996. LTK

Lexikon für Theologie und Kirche. Freiburg

im Breisgau

1930-1938, 2* éd., 1957-1968. MAMA

Monumenta 1956.

Asiae Minoris Antiquae.

Manchester

1928-

MGH

Monumenta Germaniae historica inde ab anno Christi quingentesimo usque ad annum millesimum et quingentesimum,

ed. Societas aperiendis fontibus Germanicarum medii aevi. Hannover 1826 - . MvP

H. von Fritze, Die Münzen 108 p.

von Pergamon,

Berlin

1910,

44

OCD

DICTIONNAIRE DES PHILOSOPHES ANTIQUES

OPA

The Oxford Classical Dictionary, edited by N.G.L. Hammond and H.H. Scullard, 2° éd., Oxford 1970; 3° éd. by S. Hornblower and A. Spawforth, Oxford 1996, LIV-1640 p. Coll. «Oxford Classical Texts». Oxford. Orientis Graeci Inscriptiones Selectae, ed. W. Dittenberger, 2 vol., Leipzig 1903-1905; réimpr. Hildesheim 1960. Coll. «Les œuvres de Philon d' Alexandrie ». Paris 196] --.

PA

J. Kirchner, Prosopographia Attica, t. 1: Berlin 1901, VII-

OCT OGIS

603 p.; t. I1: Berlin 1903, VIII-660 p. PCBE

Prosopographie chrétienne du Bas-Empire. Tome I: A. Mandouze (édit.), Prosopographie de l'Afrique chrétienne (303-533). Paris 1982. Tome II : Ch. Pietri et Luce Pietri (édit.), Prosopographie de l'Italie chrétienne (313-604), 2

PCG

R. Kassel et C. Austin (édit.), Poetae Comici Graeci. Berlin

vol, Rome 1999-2000, 2435 p. 1983- . PG

Patrologiae cursus completus..., ed. J.-P. Migne. Graeca, 161 volumes, Paris 1857-1866.

Series

PGM

Papyri Graecae Magicae. Die griechischen Zauberpapyri, ed. K. Preisendanz, 2 vol., Leipzig/Berlin 1928-1931.

PIR

H. Dessau, E. Klebs et P. von Rohden (édit.), Prosopogra-

PIR?

phia Imperii Romani saeculorum 1, II, III, Berlin 1897-1898. E. Groag, A. Stein et L. Petersen (édit.), Prosopographia Imperii Romani saeculorum 1, 11, III, editio secunda, Berlin

1933-. PL

Patrologiae cursus completus..., Latina, 217 vol., Paris 1844-1855.

ed. J.-P. Migne.

Series

PLRE

Prosopography of the Later Roman Empire, t. 1 (260-395): A. H. M. Jones, J. R. Martindale ἃ J. Morris (édit.), Cambridge 1971; t. I1 (395-527): J. R. Martindale (édit.), Cambridge 1980; t. III a et b (527-641): J.R. Martindale (édit.), Cambridge 1992.

PO

Patrologia Orientalis, ed. R. Graffin et F. Nau. Paris 1903-.

PP

Prosopographia Ptolemaica.

PTS RAC

Coll. « Patristische Texte und Studien ». Berlin 1963 —. Reallexikon für Antike und Christentum, ed. T. Klauser. Leipzig 1941, puis Stuttgart 1950— .

RE

Paulys Realencyclopädie der classischen Altertumswissen-

schaft.

Neue

Bearbeitung

begonnen

von

G. Wissowa,

fortgeführt von W. Kroll und K. Mittelhaus unter Mitwirkung zahlreicher Fachgenossen, Stuttgart/München

ABREVIATIONS - OUVRAGES DE REFERENCE

45

1893-1972; Register der Nachtráge und Supplement von H. Gärtner RESuppl. RECAM

R(E)PThK RESuppl.

Regional

und

A.

Wünsch,

Epigraphic

München

Catalogues

1980.

of Asia

Voir

aussi

Minor, II: St.

Mitchell. The Ankara District, The Inscriptions of North Galatia. With the assistance of David French and Jean Greenhalgh, coll. «British Archaeological Reports, International Series» 135, Oxford 1982. Real-Encyclopádie für Protestantische Theologie und Kirche, 3* éd., Leipzig 1896-1913. Paulys Realencyclopädie der classischen Altertumswissen-

schaft, Neue Bearbeitung unter Mitwirkung zahlreicher Fachgenossen, Supplementbände 1-XV, 1903-1978. RGG

Die Religion in Geschichte und Gegenwart. 3* éd., Tübingen

RUSCH

1957-1965. Coll. «Rutgers University Studies in Classical Humanities ».

SC

Coll. «Sources chrétiennes ». Paris 1941 - .

SEG

Supplementum Epigraphicum Amsterdam 1923- .

SGLG

Sammlung Griechischer & Lateinischer Grammatiker, hrsg. von K. Alpers, H. Erbse, A. Kleinlogel. Berlin/New York 1974- . W. Dittenberger (édit.), Sylloge Inscriptionum Graecarum, 4 vol., Leipzig 1883, 3e éd. Leipzig 1915-1924.

New Brunswick (U.S.A.)/Oxford.

SIG

Graecum.

Leiden,

puis

SPB

Coll. «Studia Patristica et Byzantina», Ettal 1953 —.

SR / SSR

Giannantoni G. (édit.), Socraticorum Reliquiae collegit, disposuit, apparatibus notisque instruxit G. G., [Roma/Napoli]

1983-1985, 4 vol. L'ensemble a été repris et élargi dans Socratis et Socraticorum Reliquiae collegit, disposuit, apparatibus notisque instruxit Gabriele Giannantoni, coll. «Elenchos» 18, Napoli 1990, 4 vol. Les tomes I et II (XII-521 p. et X11-652 p.) contiennent

les textes,

le tome

III (301

p.) un

Conspectus librorum, un Index fontium et un Index nominum, le tome IV (X11-609 p.) le commentaire (sous forme de

ST STB Suppl. Arist.

56 notes développées). Coll. «Studi e Testi». Cité du Vatican 1900 —. Coll. «Studien und Texte zur Byzantinistik», Frankfurt am Main/Berlin/Bern 1994 -. Supplementum Aristotelicum, editum consilio et auctoritate Academiae litterarum regiae Borussicae, 3 tomes en 2 vol. chacun, Berlin 1886-1893.

46

DICTIONNAIRE DES PHILOSOPHES ANTIQUES

Suppl. Hell.

SVF

Lloyd-Jones H. & Parsons P. (édit.), Supplementum Hellenisticum. Indices in hoc Supplementum necnon in Powellii Collectanea Alexandrina confecit H.-G. Nesselrath, coll. «Texte und Kommentare » 11, Berlin 1983, XXXII-863 p. Stoicorum

t.

Veterum Fragmenta collegit loannes ab Arnim,

I: Zeno et Zenonis discipuli, Leipzig 1905 ; t. II: Chrysippi

fragmenta logica et physica, Leipzig 1903; t. III: Chrysippi

fragmenta moralia. Fragmenta successorum Chrysippi, Leipzig 1903; t. IV: Indices, ed. M. Adler, Leipzig 1924. TRE

Theologische Realenzyklopädie. Berlin 1976— .

TU

Coll. « Texte und Untersuchungen zur Geschichte der altchristlichen Literatur». Leipzig/Berlin 1882 — . Coll. « Wege der Forschung ». Darmstadt.

WdF

III. Références complétes des études et éditions citées de facon abrégée ATHANASSIADI Polymnia, Damascius. The Philosophical History. Text with translation and notes,

Apameia 1999, 403 p.

BAILLET J., Inscriptions grecques et latines des tombeaux des rois ou Syringes,

coll.

« Mémoires publiés par l'Institut frangais d'archéologie orientale du

Caire » 42, Le Caire 1923. BARIGAZZI

A., Favorino

di Arelate,

Opere.

Introduzione,

testo critico e

commento a cura di A.B., coll. «Testi greci e latini con commento filologico» 4, Firenze 1966, X11-610 p.

BRISSON L., « Notices sur les noms propres [mentionnés dans la Vie de Plotin]», dans l'ouvrage collectif Porphyre. La Vie de Plotin, i. I: Travaux préliminaires et index grec complet par L. Brisson, M.-O. Goulet-Cazé, R. Goulet et

D. O'Brien. Préface de J. Pépin, coll. «Histoire des doctrines de l' Antiquité classique » 6, Paris 1982, p. 49-142. BURKERT

W., Lore and Science in Ancient Pythagoreanism, Cambridge (Mass.)

1972 (trad. revue

de Weisheit und Wissenschaft:

Studien zu Pythagoras,

Philolaos und Platon, Nürnberg 1962). CASTNER C.J., Prosopography of Roman Epicureans from the Second Century

B.C. to the Second Century A. D., coll. «Studien zur klassischen Philologie » 34, Frankfurt am Main 1988, XIX-116 p. COURCELLE P., Les Lettres grecques en Occident de Macrobe à Cassiodore, coll. BEFAR 159, Nouvelle édition revue et augmentée, Paris 1948, XVI-

440 p. CRÖNERT W., Kolotes und Menedemos. Texte und Untersuchungen zur Philoso-

phen- und Literaturgeschichte. Mit einem

Beitrag

von

P. Jouguet

und

ABREVIATIONS - ETUDES ET EDITIONS

47

P. Perdrizet und einer Lichtdrucktafel, coll. « Studien zur Palaeographie und Papyruskunde» 6, Leipzig 1906, réimpr. Amsterdam 1965, [11]-198 p. DAVIES J. K., Athenian Propertied Families 600-300 B. C., Oxford 1971, XXXII-

653 p. DEGRASSI A., / fasti consulari dell'impero Romano dal 30 avanti Cristo al 613 dopo Cristo, coll. «Sussidi eruditi » 3, Roma 1952, XVIII-289 p. DEICHGRÄBER K., Die griechische Empirikerschule. Sammlung der Fragmente

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illustres. Traduction frangaise sour la direction de Marie-Odile Goulet-Cazé. Introductions, traductions et notes de J.-F. Balaudé, L. Brisson, J. Brunschwig, T. Dorandi, M.-O. Goulet-Cazé, R. Goulet et M. Narcy, avec la collaboration de M. Patillon, coll. «La Pochothèque », Paris, 2° éd. revue et corrigée 1999, 1398 p. GRIFFIN M. et J. BARNES, Philosophia Roman Society, Oxford 1989, v1-302 p.

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der

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49

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coll. «La Scuola di Epicuro» Napoli 1988, 196 p. LYNCH

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50

DICTIONNAIRE DES PHILOSOPHES ANTIQUES

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dargestellt, t. III 1: Die nacharistotelische Philosophie. Erste Hälfte. Fünfte Auflage. Manualdruck der vierten Auflage, hrsg. v. E. Wellmann, Leipzig 1923, réimpr. Hildesheim 1963.

Avertissement

La transcription frangaise des noms propres grecs et latins est toujours chose délicate. La tendance traditionnelle est de donner une forme francaise quand c’est possible et que le personnage est connu de cette façon, ce qui peut entraîner des problémes d'ordre alphabétique. Fallait-il adopter Aischinés, Aeschines, Eschine ? Nous avons tenté de respecter dans pareil cas la forme la plus proche du grec, au moins dans l'intitulé de la notice, quitte à rappeler entre parentheses la forme courante connue par le lecteur français et à utiliser cette dernière dans le corps de l'article. Nous avons également essayé de ne pas transcrire différemment les homonymes qui se succèdent directement, mais il a semblé impossible d'appliquer des régles immuables. On rencontrera des Denys et des Dionysios. Les noms latins sont classés au cognomen, mais des renvois sont prévus pour les autres composantes importantes du nom. La liste finale des notices du présent

tome devrait faciliter le repérage des différents noms. L'intitulé de chaque notice indique le numéro attribué par la Realencyclopaedie aux différents homonymes, accessoirement le numéro que le personnage concerné a reçu dans d'autres prosopographies (PLRE, PIR?, PA). On ne s'étonnera pas de trouver des indications comme RE : ou RESuppl. IV : (sans chiffre arabe), lorsque les articles de cette encyclopédie ne comportent pas de numéro. Quand l'article de la Realencyclopaedie n'offrait aucune information supplémentaire par rapport à ce que l'on peut lire dans notre notice, nous n'avons pas fourni une référence bibliographique complète : le renvoi initial suffira à rappeller qu'il existe un article consacré à ce philosophe. Une lettre ou un nom n'est

ajouté au numéro d'homonymie que si la forme retenue par cette encyclopédie allemande ne correspond par à la forme frangaise du nom (RE K 2 pour *Callisthéne"). L'intitulé de chaque notice comprend également une datation au moins approximative du personnage. Dans l'indication des siècles, un petit a en exposant signale une date antérieure à l'ére chrétienne (IV* signifie « IV* siécle avant Jésus-Christ »). La lettre p sert de méme, mais seulement si nécessaire, à indiquer une date de notre &re. Dans ces indications chronologiques, les lettres D, M et F signifient "début", “milieu” et "fin".

Pour simplifier le systéme de référence bibliographique à l'intérieur des notices, nous avons choisi de numéroter en chiffres gras les références successives et d'y renvoyer dans la suite de la notice. Par exemple, on trouvera 3 V. Brochard, Les sceptiques grecs, 2* éd., Paris 1923, p. 303 n. 2, puis, plus loin dans la notice une simple référence à Brochard 3, p. 300. Ce systéme n'a pas été employé pour les trés courtes notices oü il n'y avait pas de renvoi interne.

52

DICTIONNAIRE DES PHILOSOPHES ANTIQUES

Les informations sont réparties sous un certain nombre de rubriques (mises en relief par l'emploi de caractéres gras ou espacés) qui reviennent de notice en notice et facilitent la consultation de l'ouvrage. Par exemple: Chronologie, Bibliographies (oà sont signalées les bibliographies consacrées à ce philosophe et non pas les ouvrages comme tels; à ne pas confondre avec Cf.), (Euvres conservées, Datation, Éditions et traductions, etc. Certaines notices trés développées peuvent comporter toute une hiérarchie de titres intermédiaires, ainsi qu'un sommaire initial. De fagon générale, nous avons résisté à la tentation courante d'identifier les personnages homonymes. Même là où l'identification nous semblait probable, nous avons regroupé les informations en blocs distincts à l'intérieur de la notice. Le signe » renvoie aux notices déjà parues dans les tomes I - III du Dictionnaire. Yl signifie que le personnage a fait l'objet d'une notice, mais nous ne l'avons pas employé pour les noms les plus importants qui reviennent souvent. Il n'apparait d'ailleurs qu'à la première occurrence d'un nom dans la notice. Une

référence plus précise (avec indication du nom de l'auteur de l'article) est faite lorsque le contenu méme de la notice est visé.

I. NOTICES COMPLEMENTAIRES POUR LES TOMES ANTERIEURS (A-K) SAUF ARISTOTE DE STAGIRE ET CICERON

A Ja

ABEI Diogène d'Oinoanda, dans le fragment 70 (I 6) de sa Lettre (fr. 68-74 Smith), rappelle la doctrine épicurienne qu'il avait exposée d'un ami dont seul le début du nom est conservé: Aßeı. La doctrine dans les termes suivants : xavól[va τῶ]ν πράξεων elvat! [καὶ τὰ]

DII? à Dionysius à l'intention est rappelée ἡδέα πάθη

xal tà ! [ὀχλη]ρὰ πρὸς ἃ δεῖ BAél[novr]ac ἐπικρείνειν | [xal τὴ]ν φυγὴν αὐτῶν | [xai τὴ]ν δίωξίν τινός 1 [γε ἄλ]λου: «the standard of our actions are the feelings of [both] pleasure and [pain], by reference to which we must determine (both the] avoidance of them [and the] pursuit of something else» (trad.

Smith). Selon Smith, le nom serait la translittération grecque du nom

Avitianus ou

Avitus. D'autres formes sont cependant possibles. Dans

sa récente édition des

fragments,

M.F.

Smith

(édit.), Diogenes

of

Oinoanda. The Epicurean inscription. Edited with Introduction, translation, and notes, coll. «La Scuola di Epicuro» Suppl. 1, Napoli 1993, 660 p., date maintenant l'inscription de Diogene vers l'an 120 de notre ère (p. 35-48). RICHARD GOULET.

3b

ABNIMOS DE GADARA I La littérature midrashique et un passage du Talmud de Babylone rapportent des anecdotes mettant en scène Rabbi Meir (II* s.) et un philosophe païen du nom d’Abnimos de Gadara. Sources. (1) Haguiga 15 b, traduit par I. Abrahams, dans I. Epstein (édit.), The Babylonian Talmud Seder Mo'ed, transl. into English with notes, glossary, indices, London 1935-1952, 35 vol., t. IV, 1938, p. 100 (voir trad. française Le Talmud. Traité Haguiga. Traduit de l'araméen et de l'hébreu, introduit et annoté

par I. Salzer, Lagrasse 1991, 320 pages, p. 122: "Nimoss le tisserand"); (2) Gen. LXV 20, traduit par H. Freedman, Genesis, London 1939, t. II, p. 596; (3) Exode 13, 1, traduit par S. M. Lehrman, London 1939, dans Midrash Rabbah; (4) Ruth U 13, traduit par L. Rabinowitz, dans H. Friedman et M. Simon (édit.), Midrash

Rabbah, transl. into English with notes, glossary, indices, London 1939, p. 35. (5) Lamentations introd. 2, traduit par A. Cohen, dans la méme publication, p. 3; (6) Pesikta de Rav Kahana 15, 5 (121 a), traduit de l'hébreu et de l'araméen par

W.G. Braude et I. J. Kapstein, Philadelphia 1975, p. 279. Selon Rabbi Abba b. Kahana, ce philosophe méritait autre paien vénérable, le Balaam de Nombres 22. Les témoignent de la sympathie marquée par Abnimos envers (n** 6, 2, 5). Inversement Rabbi Meir aurait manifesté son

d'étre comparé à un anecdotes rapportées la communauté juive amitié pour le philoso-

56

ABNIMOS DE GADARA

A3b

phe en lui présentant ses condoléances lors du décès de la mère, puis du père d'Abnimos (4). Il aurait à une autre occasion demandé à Rabbi Meir: «Est-ce que toutes les laines qui descendent dans le chaudron [du teinturier] en remontent

[teintes correctement] ? » Il lui fut répondu: «Celle qui était propre auprès de sa mère en remontera [propre]. Celle qui n'était pas propre auprès de sa mère n'en

remontera pas propre ». Une autre anecdote montre Abnimos consultant les sages juifs sur le probléme de la création du monde, notamment Abba Joseph le Maure qui lui transmit une explication de caractère allégorique (3). On croit également reconnaitre le méme personnage sous les traits de ce paien que Rabbi Meir embrassa sur la téte en s'émerveillant de la qualité de ses interprétations de l'Écriture (cf. Wilhelm Bacher, Die Agada der Tannaiten, t. Il, Strassburg 1890, Ρ. 34 sq.). On a suggéré que ce nom pourrait correspondre à celui du cynique Oenomaos

de Gadara, bien que les anecdotes ne prétent à Abnimos aucun des traits cyniques que soulignent par ailleurs d'autres textes du Talmud. Cf. art. «Gadara», EncJud VII, p. 251; L.B., art. «Oenomaus of Gadara», Jewish Encyclopedia, p. 386; M. Luz, « A description of the Greek Cynic in the Jerusalem Talmud », JSJ 20, 1989, p. 49-60 [deux bréves descriptions du cynique hellénistique tel qu’il apparaissait aux Juifs du II“ s., d’après le Talmud de Jérusalem: yGittin VII 1, 38b et yTerumoth I 1, 2a]; /d., « Oenomaus and Talmudic Anecdote », JSJ 23, 1991, 42-80; /d., « Abnimos, Nimos and Oenomaus:

A note », JewQRev 77, 1986-1987, p. 191-195; S.J. Bastomsky, « Abnimos and Oenomaus:

A question of identity», Apeiron 8, 1974, p. 57; J. Hammerstaedt,

«Der Kyniker Oenomaus von Gadara», ANRW II 36, 4, 1990, p. 2836-2839; Id., «Le cynisme littéraire à l'époque impériale», dans M.-O. Goulet-Cazé (édit.), Le cynisme ancien et ses prolongemenis, Paris 1993, p. 412. Je remercie Benoit Zawizwa, de l' Année philologique, pour l'aide apportée dans la rédaction de cette notice. RICHARD GOULET.

ADRASTE D'APHRODISE - témoignages arabes L'une des questions abordées dans les prolégomènes à l'étude d'Aristote que les commentateurs alexandrins d'Aristote ont élaboré dans le cadre de leur histoire tendancieuse de la philosophie concerne le point de départ des études

philosophiques (πόθεν ἀρκτέον). Dans les commentaires conservés en grec, Boéthos de Sidon (»*B 48) est censé avoir posé la physique comme point de départ et Andronicus de Rhodes (**A 181), la logique. Voir Elias, in Categ.. p. 117, 20-26 Busse. Elias ajoute que les platoniciens préféraient faire commencer l'étude de la philosophie par l'éthique ou les mathématiques.

Dans un texte d’al-Färäbi (f 950) qui est un remaniement presque mot pour mot de la méme tradition, l'éthique est dite avoir été posée comme point de départ par un philosophe dont le nom semble étre trés probablement celui d'Adraste: 'dfrsts ; voir al-Färäbi, Mà yanbagi an yugaddama qabla ta'allum falsafat Arista, publié dans

1 Mabadi'

al-falsafa al-qadima, Le Caire

1910,

A 29a

AGANAFAT

57

p. 11, 2 F. A. Schmölders, Documenta Philosophiae Arabum, Bonn et 3 Fr. Dieterici, Alfarabi's philosophische Abhandlungen, Leiden

1836, p. 7, 1890, p. 52,

et traduit dans 4 W. W. Fortenbaugh, Quellen zur Ethik Theophrasts, Amsterdam 1984, L 34, p. 31, 198. Cela ne signifie pas qu'Adraste a prétendu que le point de départ pour l'étude de la philosophie aristotélicienne devait étre l'éthique, mais cela montre seulement que les commentateurs alexandrins postérieurs à Élias ont retenu son nom comme le philosophe qui aurait, croyait-on, choisi cette position, peut-être parce qu'il était l'auteur d'un ouvrage sur les traités éthiques d' Aristote et de Théophraste : cf. R. Goulet, art. « Adraste d'Aphrodise», DPhA I, 1989, p. 57, n? 5. Voir 5 D. Gutas, «The Starting Point of Philosophical Studies in Alexandrian and Arabic Aristotelianism », dans W. W. Fortenbaugh (édit.), Theo-

phrastus of Eresus. On his life and work, coll. «Rutgers University Studies in Classical Humanities » 2, New Brunswick (N. J.)/Oxford 1985, p. 115-123.

Le nom qui était fort probablement celui d'Adraste dans le texte d’al-Färäbi fut lu comme étant celui de Théophraste dans la tradition arabe (ainsi que dans les éditions modernes d’al-Färäbi), sans doute parce que ce dernier était beaucoup plus connu (Gutas 5, p. 121-122). Il en est résulté qu' Adraste est resté inconnu dans les textes arabes, ou du moins n'a pas encore été identifié. DIMITRI GUTAS.

AGANAFAT Aganafat se présente comme un professeur d' Alexandrie (« de nobili ac regia civitate Egipti », Prologue). Il aurait écrit, à une date indéterminée, le Thesaurus philosophorum, composé à la demande de soixante philosophes. Il s'appuie principalement sur les Premiers et Seconds Analytiques, les Topiques et les Réfutations sophistiques d' Aristote. Édition. 1 L. M. De Rijk, Die mittelalterlichen Traktate De modo opponendi et respondendi. Einleitung und Ausgabe der einschlügigen Texte, coll.

« BGPMA » ΝΕ. 17 Münster 1980, p. 106-158, prol. p. 109-110, d’après mss. Vatican Palat. lat. 1007 (XII s.) et Vatican lat. 4537 (XII. s.) et la versio pragensis (Prague, Univ. 898, a. 1407), qui est sans prologue. Contient : 1. Le Thesaurus Philosophorum d' Aganafat, 2. La version de Prague du Thesaurus Philosophorum, 3. Pseudo-Alberti Magni De modo opponendi et respondendi, 4. Gentilis de Monte Ste Marie in Georgio, De arte et modo disputandi.

Cf. 2 L. M. De Rijk, «A note on Aganafat(?)'s "Thesaurus Philosophorum"», Vivarium 11, 1973, p. 105-107; 3 S. Ebbesen, Commentators and Commentaries

on Aristotle's Sophistici Elenchi, Leiden 1981, t. III, p. 122-124; 4 Olga Weijers, Le travail intellectuel à la Faculté des arts de Paris: textes et maîtres (ca.

1200-1500), 1: Répertoire des noms commengant par A-B, coll. «Studia artistarum» 1, [Turnhout] 1994, p. 33-34.

De Rijk 1, p. 23, situe les interpolations du texte aux alentours de 1200, date approximative de son apparition dans le monde latin. Avant cette publication, Ebbesen

3 avait suggeré

qu'il pouvait s'agir d'un

faux

médiéval. Mais on

58

AGANAFAT

A 29a

s'explique mal en ce cas le choix d'un pseudonyme aussi complétement inconnu, et les précisions géographiques du prologue. Au terme de son analyse critique (p. 54-67), De Rijk suggère l'existence d'un

noyau originel de l'ouvrage, concernant seulement le róle de l'opposant, auquel a été ajoutée la part du répondant. FRANCOISE HUDRY.

35a

AGATHIOS DMIV Le sophiste Libanios, dans une lettre adressée en 362 à Arion d'Ancyre (Epist. 728), dont les fils fréquentaient son école, évoque la renommée assurée à cette famille par la σοφία d’Agathios, le père d'Arion. Selon O. Seeck, Die Briefe des Libanius, Leipzig 1906, p. 84, il s'agissait vraisemblablement d'un philosophe. L'un des fils d’Arion portait lui aussi le nom d'Agathios. Absent dans RE et PLRE. RICHARD GOULET.

AGATHOCLES Philosophe cynique qui figure dans le titre du dernier fragment d’un recueil de schémas destinés aux exercices rhétoriques conservé dans un papyrus de Milan

(PMilVogl. 20, col. III, li. 26-32, édité par G. Bastianini dans CPF I 1*, Firenze 1992, p. 92 sq.).

C'est là l'unique mention d'un cynique du nom d'Agathoclés. La nature du texte en cause invite à penser qu'il s'agit d'un personnage fictif. TLZIANO DORANDI.

71

AISCHINES DE SPHETTOS Nouvelle édition des fragments papyrologiques: (1) Miltiade : POxy 2889 (fin I s.) et 2890 (début IT s.) par L. Rosetti, dans CPF

I, π

8, 2 et 3, p. 134-146. Voir également les remarques de A. Carlini

sur

PLille T0a-f+85+86, ibid., p. 148. (5) Alcibiade: POxy

1608 (fin If s.) par L. Rosetti, dans CPF

I, n?

8, 1,

p. 120-134. Voir également les remarques de A. Carlini sur PErlangen 7, ibid., p. 147-148. Un dit d'Eschine sur Prodicos a été retrouvé dans POxy 2087, édité, traduit et

commenté par Isabella Andorlini et A. Linguiti dans CPF I, n? 8, AT, p. 146-147. RICHARD GOULET.

87a

ALCIDAMAS Le Catalogue de Lamprias des œuvres de Plutarque de Chéronée au n? 69 un Περὶ Σωχράτους δαιμονίου πρὸς ᾿Αλκιδάμαντα (Sur de Socrate à ou contre Alcidamas). Aucun Alcidamas n'apparaissant vrage conservé de Plutarque, les éditeurs ont généralement proposé de

comprend le démon dans l'ouconstituer

A 117a

ALEXANDRE DE MACÉDOINE

59

un n? 69a correspondant à un titre distinct: Πρὸς ᾿Αλκιδάμαντα (Ziegler, Sandbach, lrigoin). Reprenant une suggestion de 1 R. Volkmann, Leben, Schriften und Philosophie des Plutarch von Chaeronea, Berlin 1869, t. T, p. 111, 2 M. A. Joyal, «A lost plutarchean philosophical work», Philologus 137, 1993, p. 92-103, a récem-

ment proposé de rattacher ces mots au numéro suivant du catalogue et de resti-

tuer comme titre du n° 70: Πρὸς ᾿Αλκιδάμαντα ὑπὲρ τοῦ Πλάτωνος Θεάyouc (Contre Alcidamas, à la défense du "Théages" de Platon). Ce titre épou-

serait la forme d'un autre traité (conservé) de Plutarque, le n? 81 du catalogue:

Πρὸς Κωλώτην ὑπὲρ τῶν ἄλλων φιλοσόφων (Contre Colotès, à la défense des autres philosophes). Selon Joyal 2, p. 101, il serait légitime de reconnaitre dans cet Alcidamas, cri-

tique du Théagés, un épicurien d'époque inconnue qui aurait attaqué les vues superstitieuses impliquées par la conception du démon de Socrate (voir notamment Théages 128ἃ - 131 a). Cet écrit rejoindrait la production épicurienne antiplatonicienne : les traités Contre le "Lysis" de Platon et Contre l'"Euthydéme" de Platon de Colotès de Lampsaque (»*C 180), le Contre l'"Euthyphron" de Platon et le Contre le "Gorgias"

de Platon de Métrodore de Lampsaque

le

Contre le "Gorgias" de Platon de Zénon de Sidon. RICHARD GOULET.

ALCIMAQUE DE PAROS ve Pythagoricien ancien dont le nom figure dans le Catalogue de Jamblique, V. pyth. 36, 267 ; p. 145, 4 Deubner.

Chez Jamblique, V. pyth. 35, 257; p. 138,20- 139,8, Alcimaque figure, en compagnie de Deinarchos (#*D 26), Méton et Démocédès (**D 64), parmi les

pythagoriciens qui s’opposèrent, après la victoire de Crotone sur Sybaris, à la modification de la constitution proposée par certains dmocrates du conseil des Mille, qui désiraient la participation de tous les citoyens aux carrières publiques et à l'assemblée. BRUNO CENTRONE.

117a

ALEXANDRE DE MACÉDOINE (Tradition arabe) La présence dans la culture arabo-islamique de la figure d' Alexandre le Grand tient à un faisceau de causes qui participent de catégories diverses et non exclusives les unes des autres : historico-religieuses, le conquérant ayant été assimilé à Du I-Qamayn, «l'Homme aux deux comes» de Coran 18 (La Caverne), v. 83-

98 (1 W. Montgomery Watt, «Iskandar», EP III, p. 133; 2 F. de Polignac, «L'homme

aux deux cornes: une image d'Alexandre du symbolisme grec à

l'apocalyptique musulmane », MEFRA 96, 1984, p. 29-51); idéologiques (3 F. de Polignac, « L'image d' Alexandre dans la littérature arabe: l'Orient face à l’hellénisme ?», Arabica 29, 1982, p. 296-306); littéraires: du fait de la transmission du

Roman d'Alexandre du Pseudo-Callisthène (4 W. Spoerri, DPhA II, 1994, p. 221) en arabe, persan et turc (5 art. «Iskandar Näma», par A. Abel et Réd., EI? III,

60

ALEXANDRE DE MACEDOINE

A 117a

p. 133-134), et d'œuvres qui l'ont exploité (6 Ch.-H. de Fouchécour, Moralia : les notions morales dans la littérature persane du 3°-%

au 7*-13* siècle, Paris

1986, p. 69-81), ainsi que d'autres traditions et légendes dont certaines font du Macédonien un fidéle du Dieu unique, voire un prophéte (7 M. Grignaschi, «La figure d' Alexandre chez les Arabes et sa genése », ASPh 3, 1993, p. 205-234). En conséquence, Alexandre apparait dans la littérature arabe et persane comme un guerrier, certes, mais aussi un observateur du monde et qui fréquente

les philosophes (cf. 8 C. Muckensturm, art. «Cal(ljanus» C 14, DPAA II, p. 157160, et 9 Ead., art. «Dandamis

[ou

Mandanis]»

D 20, ibid. p. 610-612), en

somme comme un roi éclairé, et, par là, exemplaire. Une aura proprement philosophique lui vient de ses relations, réelles ou légendaires, avec Aristote, son maitre, avec qui il aurait échangé des lettres (10 J. Bielawski, « Lettres d'Aristote à Alexandre en version arabe», RO 28, 1964, p. 7-34; 11 M. Grignaschi, «Les Rasä'il Aristütälisa ila l-Iskandar de Sälim Abü-l-'Ala' et l'activité culturelle à

l'époque omeyyade», BEO

19, 1965-1966, p. 7-83), et qui aurait écrit à son

intention un Livre de la politique (Kitáb al-Siyäsa) apocryphe connu sous le nom de Secret des secrets (Sirr al-asrár): 12 ed. ‘A. Badawi, Al-Usül al-

yunäniyya li-l-nazariyyát al-siyäsiyya fi-al-islam, Le Caire 1954, p. 65-171; voir 13 M. Grignaschi, «L'origine et les métamorphoses du "Sirr al-asrar" (Secretum secretorum)», AHMA 43, 1976, p. 7-112, et, plus loins la notice de 14 M. Zonta, « Pseudo-Aristote, Secretum secretorum») ; de ces données et des récits qui le mettent en rapport avec Diogene le Cynique (=D

147) résulte dans la gnomo-

logie arabe la séquence fréquemment attestée: Aristote-Alexandre-Diogène. Car dans la même veine on aura attribué au conquérant de l'Asie un nombre relativement important de traits, d’aphorismes et d'anecdotes qu'on retrouve, choisis et regroupés de façons diverses, dans les ouvrages d'adab («culture, édification »). Pour la tradition iranienne (recueil de conseils, romans de Ferdowsi et de Nezami), voir de Fouchécour 6, p. 73-81; dans la tradition arabe, citons les

ouvrages suivants, qui, du 3*-9* au 5*-11* siècle, transmettent, en des quantités et proportions variables, dits et faits d' Alexandre: 15 Hunayn ibn Ishäq, Ádáb alfalasifa (« Traits instructifs des philosophes »), éd. A. Badawi, Kuwait 1406/1975, p. 93-111; un ouvrage compilé dans le cercle d'Abü Sulaymän al-Sigistäni et à lui attribué, Siwan al-hikma («Le cabinet de la sagesse »), dont on connaît deux recueils d'extraits différemment composés : Muntahab Siwan al-hikma, 16 éd. A.

Badawi, Téhéran 1974, p. 152-168, 17 éd. D. M. Dunlop, The Hague 1979, p. 4856

(8 64-77); 18 Muhtasar

Siwän

al-hikma, ms.

Fatih

3222/1,

f? 207-30";

19 Abü 1-Faraÿ ibn Hindü, A/-Kalim al-rühäniyya fi l-hikam al-yünäniyya («Les sentences spirituelles parmi les aphorismes grecs »), éd. M. Al-Qabbäni alDimasqi, Le Caire 1318/1900, p. 91-94; 20 Abü 'Ali Ahmad ibn Muhammad alMiskawayh, Al-Hikmat al-hälida («La Sagesse éternelle»), éd. A. Badawi, 3° éd., Beyrouth 1983, p. 219-225, 265-267, 278-281; 21 Abü I-Wafa' al-Mubassir ibn Fatik, Muhtar al-hikam wa mahäsin al-kalim (« Aphorismes choisis et belles sentences »), éd. A. Badawi, Madrid 1958, p. 222-251; Abü l-Fath Muhammad al-Sahrastäni, Kirab al-Milal wa-al-nihal («Livre des religions et des sectes »),

AM

ALEXANDROS D'APHRODISIAS

61

22 éd. W. Cureton, 2 vol., London 1842-1846, rééd. Leipzig 1923, p. 328-332; 23 éd. M. Badrän, 2 vol., Le Caire 1366-1375/1947-1965, p. 1001-1008; 24 J. Jolivet (trad.), Shahrastani, Livre des religions et des sectes, t. II, traduction

avec introduction et notes, «Collection Unesco d'ceuvres représentatives. Série arabe », Peeters-Unesco 1993, p. 319-324; 25 Sams al-Din Muhammad alSahrazüri, Nuzhat al-arwäh wa-rawdat al-afräh fi ta’rih al-hükamä’ («Le délassement des esprits et le jardin des joies dans l'histoire des sages»), éd. Khursid Ahmed, 2 vol., Hyderabad 1396/1976, I, p. 250-300. Selon une tradition fréquemment reprise dans la littérature arabe, à la mort d' Alexandre des philosophes et des sages se réunirent autour de sa dépouille et chacun d'eux prononga une sentence : voir 25 J.-L. Kraemer, Humanism in the Renaissance of Islam, Leiden 1986, p. 149 n. 127 et, dans les ouvrages cités plus haut, Hunayn 15, p. 98-104; Muntahab, Badawi 16, p. 167-168, Dunlop 17, p. 56 (8 77); Ibn Fätik 21, p. 240-241 ; Sahrastani, Cureton 22, p. 331-332; Badrän 23, p. 1006-1008; trad.

Jolivet 24, p. 323-324. JEAN JOLIVET.

112

ALEXANDROS D'APHRODISIAS (RE 94, PIR? A 507) Trim Supplément à la notice de R. Goulet et M. Aouad, dans DPhA, vol. I, Paris 1989, p. 125-139. Cette mise à jour n'entend pas répertorier tous les travaux consacrés à Alexandre depuis 1989, mais se concentre sur l'identification, la tradition textuelle et la traduction des traités et des fragments grecs ou arabes tranmsis sous le nom d' Alexandre. Les références ont été numérotées en prolongements des 107 numéros de la notice de 1989. [On a récemment découvert à Aphrodisias une inscription donnant le nom complet du philosophe aristotélicien: Titus Aurelius Alexander, et précisant, entre autres informations, qu'il était diadoque à Athènes. Cette inscription sera publiée sous le numéro 4 par Angelos Chaniotes dans un appendice au rapport de fouilles: « New inscriptions from Aphrodisias, 1995-2001 ». Nous remercions le professeur R. R. R. Smith de nous avoir communiqué cette information. R.G.] Monographies récentes. 108 K. Flannery, Ways into the Logic of Alexander of Aphrodisias, coll. «Philosophia Antiqua» 62, Leiden 1994, XXIV-169 p. ; 109 S. Fazzo (édit.), Alessandro di Afrodisia, La provvidenza,

Questioni sulla

provvidenza, coll. «Biblioteca Universale Rizzoli», Milano 1999, 261 p., notamment «La dottrina della provvidenza in Alessandro di Afrodisia», p. 5-82; 110 M. Bonelli, Alessandro di Afrodisia e la metafisica come scienza dimostrativa, coll. « Elenchos» 35, Napoli 2001, 316 p.; 111 P. Moraux t, Der Aristote-

lismus bei den Griechen. Von Andronikos bis Alexander von Aphrodisias, t. III: Alexander

von Aphrodisias, hrsg.

von

J. Wiesner, coll. «Peripatoi» VII

1,

Berlin/New York 2001, VII-650 p. « Vorwort» par J. Wiesner, p. V-VIII; par P. Moraux: I. Teil:

« Kommentare und Schriften

zur Aristotelischen Logik», p. 3-125; 11. Teil: «Kommentare zu den Naturphilosophischen Traktaten des Aristoteles», p. 127-314 ; III. Teil: «Kommentare und Schriften zur Aristotelischen Psychologie», p. 315-420; IV. Teil: «Kommentar zur Aristotelischen Metaphysik»,

62

ALEXANDROS D'APHRODISIAS

A 112

p. 421-510; par R. W. Sharples: V. Teil: «Schriften und Problemkomplexe zur Ethik», p. 511-

616; bibliographie, p. 618-650.

112 S. Fazzo, Aporia e sistema. La materia, la forma, il divino nelle Quaestiones di Alessandro di Afrodisia, coll. «Pubblicazioni della Facoltà di

Lettere e Filosofia dell' Università di Pavia » 97, Pisa 2002, 237 p.; 113 G. Movia (édit.), Alessandro di Afrodisia e la “Metafisica” di Aristotele, coll. «Temi metafisici e problemi del pensiero antico. Studi e testi» 94, Milano 2003, 316 p. Bibliographies. 114 R. W. Sharples dans Moraux 111, p. 618-650 ; Fazzo 109, p. 233-237. I. Commentaires conservés en grec Traductions parues aprés 1989: (1) Analytica priora I (CAG II 1). Chap. I 1-7: 115 J. Barnes, S. Bobzien, K Flannery et K. lerodiakonou, coll. ACA, London/Ithaca (NY) 1991 ; chap. 18-13: 116 I. Müller et J. Gould, coll. ACA, London/Ithaca (NY) 1999; chap. I 14-22: 117 I. Müller et J. Gould, coll. ACA, London/Tthaca (NY) 1999. (2) Topica (CAG II 2). London/Ithaca (NY) 2001.

Livre

I:

118

J.M. Van

Ophuijsen, coll. ACA,

(3) Meteorologica (CAG III 2). Livre IV: 119 E. Lewis, coll. ACA, London/ Ithaca (NY) 1996. (4) De sensu et sensato (CAG III 1): 120 J. A. Towey, coll. ACA, London/ Ithaca (NY) 2000. (5) Metaphysica (CAG D). Livre I: 121 W. E. Dooley, coll. ACA, London/ Ithaca (NY) 1989; livres II et III: 122 W. E. Dooley (II) et A. Madigan (III), coll. ACA, London/Ithaca (NY) 1992 ; livre IV: 123 A. Madigan, coll. ACA, London/ Ithaca (NY) 1993; livre V: 124 W.E. Dooley, coll. ACA, London/Ithaca (NY) 1993. [Alex.] in Met. XII: trad. dans 125 R. Salis, La metafisica come teologia. Il commento dello pseudo Alessandro al libro XII della Metafisica di Aristotele, Cagliari 2000. Sur l'attribution à Michel d'Éphése des livres E-N, voir 126 C. Luna, Trois études sur la tradition des comrnentaires anciens à la Métaphysique d'Aristote, coll. « Philosophia Antiqua» 88, Leiden 2001, et, plus loin, sa notice sur « Les commentaires grecs à la Métaphysique ». Sur le commentaire au livre A, voir aussi la contribution de 127 R. W. Sharples. « Pseudo-Alexandre on Aristotle, Metaphysics ^ », dans Movia 113, p. 187-218.

II. Commentaires perdus (6) Categoriae.

Traduction de citations hébraiques chez Yehudah

Cohen

(pouvant avoir comme source intermédiaire l'arabe, peut-étre à travers le commentaire également perdu d’al-Färäbi) dans 128 M. Zonta, «Fonti antiche e medievali della logica ebraica nella Provenza del Trecento», Medioevo 23, 1997,

p. 515-594, notamment p. 538-543; références à des fragments en arabe, p. 538 et n. 77, p. 541; à des citations en arménien p. 539 n. 78. (11) Physica. Des fragments du commentaire aux livres IV-VIII sous forme de

gloses marginales au texte d'Aristote (Paris, Bibliothéque Nationale, ms. Suppl. gr. 643 et ms. Parisinus

gr.

1859) ont été identifiés

par

129

M.

Rashed,

AN?

ALEXANDROS D’APHRODISIAS

63

«Alexandre d’Aphrodise et la "Magna Quaestio" : Róle et indépendance des scholies dans la tradition byzantine du corpus aristotélicien», LEC 63, 1995, p. 295-351. Comparaison entre un de ces fragments sur Phys. IV 4 et le De intel-

lectu, p. 192-195 dans 130 M. Rashed, « A "new"

text of Alexander on the

soul's motion », dans R. Sorabji (édit.), Aristotle and after, coll. BICS-Suppl.

68,

University of London: School of Advanced Studies 1997, p. 181-195. Des fragments en arabe contenus dans les marges du ms. de Leiden (Bibl. Univ., Or. 583) de la Physique et peut-être tirés du commentaire (en partie perdu) de Philopon ont été signalés par 131 E. Giannakis, « Fragments from Alexander's Lost Commentary

on Aristotle's Physics», ZGAIW

10, 1996, p. 157-187. Une

reconstruction d'éléments constitutifs du prologue d’après un parallèle SimpliciusAverroés a été proposée par 132 M. Rashed, « Alexandre d'Aphrodise lecteur du Protreptique », dans J. Hamesse (édit.), Les prologues médiévaux, Actes du Colloque international organisé par l'Academia Belgica et l'École frangaise de Rome avec le concours de la F.1. D. E. M. (Rome, 26-28 mars 1998), Turnhout

2000, p. 1-37. (13) De generatione et corruptione. Sur les fragments de la version arabe par Abü Bisr Mattü Ibn Yünus cités sous forme d'extraits dans le ms. Paris. ar. 5099 (Gäbir ibn Hayyän, Kitäb al-Tasrif): voir 133 E. Gannagé, « Alexandre d’Aphrodise In De generatione et corruptione apud Gäbir ibn Hayyän, Kitáb alTasrif», DSTFM 9, 1998, p. 35-86 [transcription, traduction et analyse des passages comportant une référence nominale à Alexandre, p. 43-53; examen parallèle de citations chez Ya'qüb b. Ishäq al-Isra'ili, ms. /stambul, Nuruosmaniye 3589, p. 54-58], avec les remarques de 134 S. Fazzo, « Frammenti da Alessandro in De generatione et corruptione nel Kitab al-Tasrif: problemi di riconoscimento e di ricostruzione », DSTFM 10, 1999, p. 195-203; 135 S. Fazzo, « Alessandro di Afrodisia sulle “contrarietä tangibili" (De gen. et corr. Il 2): fonti greche e arabe a confronto », dans 136 C. D'Ancona et G. Serra (édit.), Aristotele e Alessandro di Afrodisia nella tradizione araba, Padova 2002, p. 151-189 [analyse des

extraits du commentaire sur De gen. et corr. Il 2 conservés aux fol. 128'72-130' 12, p. 169-187. Sur la contribution des extraits à l'histoire du texte grec d' Aristote 330b 30-32 et à sa reconstitution, voir p. 154-157]. Une traduction anglaise des extraits par E. Gannagé est en préparation pour la série des Ancient Commentators of Aristotle

(ACA).

III. Œuvres personnelles conservées en grec Sur les opuscules, les fragments, les Problemata inauthentiques 137 R. W. « Alexander and pseudo-Alexanders of Aphrodisias, Scripta minima. Questions and makeweights and prospects », dans W. Kullmann. J. Althoff et M. Asper (édit.), wissenschaftlicher Literatur in der Antike, coll. « ScriptOralia» 95, Reihe A,

Sharples, Problems, Gartungen Altertums-

wissenschaftliche Reihe 22, Tübingen 1998, p. 383-403. (16) De anima (éd. I. Bruns, Suppl. Arist. II 1). Traduction et commentaire

par 138 P. Accattino et P.L. Donini, Alessandro di Afrodisia, L'anima, coll. «Biblioteca universale Laterza» 447, Roma/Bari 1996, XXXVI-319 p.

64

ALEXANDROS

D’APHRODISIAS

A112

(17) De fato (éd. I. Bruns, Suppl. Arist. IL 2). Traduction et commentaire par 139 C. Natali et E. Tetamo, Alessandro di Afrodisia. Il destino, Milano 1996,

302 p., et par 140 A. Magris, Alessandro di Afrodisia, Sul destino. Ii più importante classico dell'antichità sul rapporto tra fato e libertà di scelta nella vita umana, Firenze 1996, 161 p.

(19) Φυσικῶν σχολι(κ)ῶν ἀποριῶν xai λύσεων βιβλία γ΄ (Quaestiones naturales) éd. I. Bruns, Suppl. Arist., Il 2, 1892, p. 1-116. Quaestiones I 1-II 15, traduction par 141 R. W. Sharples, coll. ACA, London/Ithaca (NY) 1992. Quaestiones YI 16-III 15, traduction par 142 R. W. Sharples, coll. ACA, London/ Ithaca (NY) 1994. Éd. révisée et trad. annotée de Quaestiones 1 25, II 3, II 19, II

21 dans Fazzo 109, p. 181-255. Plusieurs Quaestiones sont analysées et traduites intégralement ou partiellement (lorsque c'est nécessaire sur la base d'un texte grec révisé) dans Fazzo 112. Une traduction et une discussion de Quaestio II 3 se

trouvent aussi dans 143 S. Fazzo, « Alessandro d' Afrodisia e Tolomeo: aristotelismo e astrologia fra il II e il III secolo d. C. », RSF 4, 1988, p. 627-649. Sur là tradition manuscrite, voir Fazzo 112 p. 37-42. Sur les gloses manuscrites du XVI* s. dans les marges de l'editio princeps (exemplaires: München, Bayer. Staatsbibl. Res. 2? A. gr. b. 27; Milano, Bibl. Nazionale Braidense B. XVI.6. 078 ; cf. aussi

Milano, Bibl. Ambr. S. R. 456/2), voir 144 S. Fazzo, « Philology and Philosophy on the Margins of Early Printed Editions of the Ancient Greek Commentators on Aristotle, with special reference to copies held in the Biblioteca Nazionale Braidense, Milan», dans 145 C. W. T. Blackwell and S. Kusukawa (édit.), Philosophy in the Sixteenth and Seventeenth Centuries : Conversations with Aristotle, Aldershot 1999, p. 48-75, Addendum p. 74 sq. Ce genre de marginalia comporte des séries de variantes qui sont intéressantes pour l'établissement du texte. Quaestiones conservées en arabe Nous suivons la numérotation généralement adoptée dans les études rnodernes en utilisant

des sigles alphanumériques qui identifient les textes transmis en arabe sous le nom d' Alexandre d'aprés leur ordre d'apparition dans les répertoires préparés par Dietrich 11 et van Ess 12. Comme les entrées de ces répertoires regroupent souvent des textes composites ou pseudépigraphes, il est évident que ce système devra être refait en tenant compte de l'état actuel de nos

connaissances.

(19 b) (D 19 = Quaestio I 5), (19 d) (D 5 = Quaestio I 12), (19e) (D 6 = Quaestio II 15), (19 f) (D 7 = Quaestio II 11): voir (19 ἢ) ci-dessous. (19 h) D 27. Ce corpus au titre étrange (Ce qu'Alexandre d'Aphrodise a extrait de l'ouvrage d'Aristote intitulé “Theologie” — ce qui signifie le discours

sur la souveraineté divine) qui se trouve dans le ms. /stambul Carullah 1279 est analysé en sept sections (a-b-c-d-e-f-g) par 146 F. W. Zimmermann,

Arabus rides again», ASPh 4, 1994, p. 9-51 [sur la question p. 15 sq.: D 27 contient, en plus de vingt sections tirées theol., étudiées par Endress 17, et en plus de deux sections pas d'original grec (D 27 b Sur la cause premiere, et D 27 g

«Proclus

du titre, p. 33-40], de Proclus, Sroich. dont on ne connait Sur la génération),

la traduction adaptée (cercle de al-Kindi, IX* s.) des Quaestiones 1 8 (D 27 c; e même texte grec se trouve traduit dans ΝΕ 32, 19 I de notre liste), H 11 (D 27 d;

AI

ALEXANDROS

le méme

D’APHRODISIAS

65

texte grec se trouve à la base de D 7, 19 f dans notre liste), II 19

(D 27 e, voir ci-dessous 19 k dans notre liste), II 3 (D 27 f; voir ci-dessous 19 m dans notre liste). Selon Zimmermann14é, les textes d' Alexandre et de Proclus traduits par le cercle d'al-Kindi devaient former au début un corpus unitaire. qui fut transmis sous le nom d'Alexandre. La comparaison entre D 27 d et D 7 (dont la source commune est la Quaestio H 11) montre que D 7 est une révision de D 27 d, ultérieurement adaptée par un «animateur» au cours du méme IX* s. (Zimmermann 146, p. 16-18) ; cela prouve que certaines versions d' Alexandre du cercle d'al-Kindi étaient soumises à des modifications arbitraires aprés la traduction ; de telles modifications se vérifient aussi dans d'autres traductions adaptées du cercle d'al-Kindi: D 5,

notre 19 d, tiréde la Quaestio 1 12 ; D 6, notre 19 e, tiré de la Quaestio II 15: D 19, notre 19 b, üré de la Quaestio I 5. voir Zimmermann 146, p. 20-22. Quant aux textes originaux grecs dont de telles traductions ont été tirées, on ne voit pas de raison, à l'heure actuelle, de supposer qu'ils étaient substantiellement différents de ceux qui nous ont été transmis en Occident (à l'exception des titres, qui peuvent avoir une origine postérieure à Alexandre en grec comme en arabe); sur la possibilité, sur un point de détail, d'utiliser D 7/D 27 d (qui dans la partie centrale coincident)

pour corriger le texte transmis en grec de Quaestio II 11, p. 56, 28 Bruns, voir Fazzo 112, p. 77 n. 143.

Le cinquième traité attribué à Alexandre dans D 27, qu'on appellera D 27 g suivant l'analyse de Zimmermann, hypothétiquement identifié avec D 16, (notre n? 35) par van Ess 12 (« Über einige neue Fragmente des Alexander von Aphrodisias und des Proklos in arabischer Übersetzung», /s! 42, 1966, p. 148-168, p. 149, 151 sous le n° 16) n'est pas l’œuvre d' Alexandre et n'est pas identique à D 16: voir 147 S. Fazzo, «L'Alexandre arabe et la génération à partir du néant», dans 148 A. Hasnawi, A. Elamrani-Jamal et M. Aouad (édit.), Perspectives arabes et médiévales sur la tradition scientifique et philosophique grecque

(Actes du colloque de la S. I. H. S. P. A. E, Paris, 31 mars-3 avril 1993, Leuven/ Paris 1997, p. 277-287 ; sur sa nature apparemment composite, voir 149 A. Hasnawi, « Alexandre d'Aphrodise vs Jean Philopon: notes sur quelques traités d' Alexandre "perdus" en grec, conservés en arabe», ASPh

4, 1994, p. 53-109,

notamment p. 101-106; sur la fortune de D 16 et D 27 g, voir ibid. p. 107-109. (19 k) (vE 34 : De la puissance qui s'exerce à partir du mouvement du corps éminent vers les corps soumis à la génération et à la corruption) et (19 m) (vE 33: Du monde, laquelle de ses parties a besoin, pour sa persistance et sa conti-

nuité, de la direction d'autres parties) ne sont pas proprement une traduction mais une adaptation de la Quaestio II 3 (19 k) et de la Quaestio II 19 (19 m) réin-

terpretées en fonction du contexte culturel du cercle d'al-Kindi: voir 150 S. Fazzo et H. Wiesner, « Alexander of Aphrodisias in the Kindi-circle and in alKindi's cosmology », ASPh 3, 1993, p. 119-153 (traduction de vE 34 et de vE

33 par H. Wiesner, ibid., p. 149-153). (19 p) (D 2). Le titre Alexandre a dit: "le mobile qui se meut sur une cer-

taine grandeur se meut-il, au début de son mouvement, sur la premiere partie de cette grandeur, ou non?” appartient en fait à D 2 a = Quaestio 1 22 (éd. Badawi

61, p. 278-279, 5), la première des trois traductions faites par al-Dimasqi, (D 2 a-

b et D 3 e), transmises (ms. Damas, Zähiriya 'Amm 4871) et éditées (Badawi 61) comme un seul traité. Ces trois pièces différentes ont été dégagées par Gatje 13 («Zur arabischen Überlieferung des Alexanders von Aphrodisias», ZDMG 116,

66

ALEXANDROS

D’APHRODISIAS

A 112

1966, p. 255-278, notamment p. 262). D 2 b, Le mouvement est une passion (éd. Badawi 61, p. 279, 5-16) étant une traduction de la Quaestio I 21, une traduction

antérieure de la méme Quaestio I 21, adaptée par le cercle d’al-Kindi, a été identifiée avec la premiere partie de D 8 (éd. Badawi 61, p. 289 sq., n? 32 dans notre liste), voir le paralléle entre D 2b, D 8a et le texte grec chez Hasnawi 149, p. 55-68, tr. p. 93 sq. (20) Ἠθικῶν προβλημάτων a’ (Quaestiones morales), éd. I. Bruns, Suppl. Arist. II 2, 1892, p. 117-163. Traduction par 151 R. W. Sharples, coll. ACA. London/Ithaca (NY) 1990. (21) De anima liber alter (titre impropre, s'agissant d'une collection d'écrits

variés, dont une partie seulement traite de psychologie), également appelé Mantissa par son éditeur I. Bruns: Suppl. Arist. II 1, 1889, p. 101-186. N° 2: Περὶ νοῦ (De intellectu): éd. I. Bruns, Suppl. Arist. IL 1, p. 106, 18 - 113, 24, traduc-

tion, analyse et discussion de l'authenticité par F. M. Schroeder dans 152 F. M. Schroeder et R. B. Todd, Two Aristotelian Greek Commentators on the Intel-

lect : The De Intellectu attributed to Alexander of Aphrodisias and Themistius' Paraphrase of Aristotle De Anima 3.4-8, Toronto

1990

[Introduction au De

intellectu, p. 1-45, en particulier sur l'authenticité, p. 6-22; traduction, p. 46-58; commentaire, p. 59-74]: en dépit de la tripartition de l'intellect, qui est apparemment commune au De intellectu et au De anima, Schroeder (renouant partiellement avec l'analyse du jeune Moraux 6) trouve que le caractère dérivatif et les

insuffisances doctrinales du De intellectu interdisent de l'attribuer directement à Alexandre; 153 F.M. Schroeder, « The Provenance of the De Intellecıu attributed to Alexander of Aphrodisias », DSTFM 8, 1997, p. 105-120, propose de dater l'opuscule aprés Plotin (car l'auteur semble faire référence à l'usage plotinien de la noétique alexandriste), peut-étre méme aprés Thémistius, à l'époque des commentaires néoplatoniciens (V* -VI* s.). Schroeder 152 s'oppose à l'avis de 154 B.C. Bazán, «L'authenticité du de intellectu attribué à Alexandre d'Aphrodise », RPhL 71, 1973, p. 468-487, qui lit (p. 478-484) le De intellectu comme une révision d'aspects contradictoires du De anima, tandis que 155 P.L. Donini, Tre studi sull'aristotelismo nel II secolo d. C., Torino 1974, p. 59-62, trouve au contraire que si le De intellectu devait Etre attribué à Alexandre, le De anima devrait étre entre les deux l'ouvrage le plus tardif et le plus refléchi; traduction, texte révisé et commentaire par 156 P. Accattino, Alessandro di Afrodisia, De Intellectu, Torino 2001, 65 p., d'aprés lequel l'opuscule, citant Aristote de Mytiléne (»*A 413) comme maître de l'auteur, serait un ouvrage authentique d' Alexandre, précédant son De anima, rédigé pourtant pour son usage personnel, comme une série de notes aide-mémoire, ce qui en expliquerait les anomalies de structure. Selon Rashed 130, p. 192-195, la comparaison entre le De intellectu et un fragment in Physicam IV 4 conservé dans le Parisinus suppl. gr. 643 fol 101', montre que l'opuscule est une œuvre authentique d'Alexandre antérieure à son commentaire

à la Physique.

Sur

la tradition manuscrite

arabe

du

De

intellectu, voir 157 Marc Geoffroy, « La tradition arabe du περὶ νοῦ d'Alexandre d'Aphrodise et les origines de la théorie farabienne des quatres degrés de

A112

ALEXANDROS

D'APHRODISIAS

67

l'intellect», dans D'Ancona et Serra 136, p. 191-231; 158 R. Arnzen, «Ms. Paínà Khuda Bakhsh 2641: From Alexandria to Golconda », MUSJ 56, 19982003 (sous presse).

IV. (Euvres personnelles conservées seulement en arabe Tradition arabe : sur la question générale de l'interprétation du corpus attribué en arabe à Alexandre, Fazzo 147 et 159 G. Endress, « Alexander Arabus on the First Cause. Aristotle's First Mover in an Arabic treatise attributed to Alexander of Aphrodisias », dans D' Ancona et Serra 136, p. 38-41 ; la tradition, développée chez les auteurs arabes, mais absente dans les sources grecques, d'une querelle ou

d'une polémique directe entre Alexandre et Galien (»*G 3) a été remise en question par 160 S. Fazzo, « Alexandre d'Aphrodise contre Galien 7», PhilosAnt 2, 2002, p. 109-144. (22) Περὶ προνοίας (D 18). Ed. et traduction par M. Zonta dans Fazzo 109,

p. 95-179 (sommaire analytique par S. Fazzo, ibid., p. 42-52). 161 P. Thillet (édit.), Alexandre d'Aphrodise, Traité de la Providence, version arabe de Abü Bisr Mattà ibn Yünus, introduction, édition et traduction, Lagrasse 2003, 272 p.

Sur les fragments grecs cités par Cyrille d' Alexandrie, cf. 162 S. Fazzo, « Frammenti dal trattato Sulla provvidenza di Alessandro di Afrodisia nel Contra Julianum di Cirillo di Alessandria», Aevum 2, 2000, p. 399-419; cf. p. 415 n. 41,

sur la faiblesse du témoignage de Cyrille cité par Moraux 2 à l'appui de la these qui fait d' Aristote de Mytiléne (»*A 413) le maître d' Alexandre. (24) D 1 De principiis. Ed. et traduction d’après l'arabe par 163 Ch. Genequand, Alexander of Aphrodisias, On the Cosmos, coll. «Islamic philosophy, theology, and science» 44, Leiden 2001, 187 p. (c.r. par 164 S. Fazzo, RSF 2, 2003, p. 384-387). Une version syriaque très littérale de ce traité est à la base de l'opuscule de Sergius de Res'ayna traduit par 165 G. Furlani, «Il Trattato di Res'ayna sull'Universo », RTSFR 4, 1923, p. 1-22. Cet opuscule est donc un témoin

important

pour la reconstitution du texte. La découverte

est due

à

166 D. R. Miller, « Sargis of Res’aynä : On What the Celestial Bodies Know », dans R. Lavenant (édit.), V] Symposium Syriacum (Cambridge, 30 August-2 September 1992), coll. «Orientalia Christiana Analecta» 247, Roma 1994, p. 221-233) ; cf. aussi 167 Ch. Genequand, « Vers une nouvelle édition de la Magäla fi mabädi’i al-kulli d'Alexandre d'Aphrodise», dans Hasnawi et alii 148, p. 271-276, notamment 271 sq. Une traduction avec commentaire du traité d'Alexandre, établie sur la base de l'arabe et du syriaque, est préparée par M. Zonta et S. Fazzo pour la coll. « Immagini della ragione » (Firenze). (25) D 28 Réfutation de la critique de Galien contre la these d’Aristote que tout mobile ne peut se mouvoir que par un moteur. Discussion du contenu, de la

composition, de l'origine dans Fazzo 160, oü sont exprimés des doutes importants sur l’authenticité de l'ensemble du traité, voir les remarques d'Endress 159, p. 47 sq.

(26) D 4 Traité d'Alexandre d'Aphrodise : réfutation de Xénocrate, sur la «question» que l'espèce est antérieure au genre, et antérieure à lui d'une ante-

68

ALEXANDROS

D’APHRODISIAS

A112

riorité naturelle. Traduction du début de la quaestio dans Zimmermann p. 25. (27)

D 11

Réfutation

de la thèse de Galien

146,

sur le possible. Il n'existe

probablement aucun traité d' Alexandre sur ce sujet. En réalité, le fragment édité par Rescher et Marmura 88 sous ce titre ne concerne pas le "possible" mais le

“nécessaire ; il consiste en un court passage qui n'est pas attribué à Alexandre mais à Galien lui-méme. Discussion dans Fazzo 160. (30) D 15 Traité d'Alexandre sur le gouvernement des sphères: adaptation abrégée du De providentia (Περὶ npovola) par le cercle d’al-Kindi. Discussion et comparaison avec D 18 (n? 22 ci-dessus) par Fazzo-Wiesner 150. (32) D 8 Traité d'Alexandre sur la forme, qu'elle est l'uchévement du mouvement et sa perfection selon l'opinion d'Aristote. L'original grec a été identifié:

il s'agit d'une traduction adaptée par le cercle d'al-Kindi de la Quaestio I 21, voir 19 p ci-dessus, Zimmermann 146, p. 25-28, et Hasnawi 149, p. 55-59, trad. 93 sq. (33) D 9 Traité d'Alexandre : que l'acte est plus général que le mouvement selon l'opinion d' Aristote. Traduction du début de la quaestio dans Zimmer-

mann 146, p. 22 sq. Identifié comme traduction adaptée (IX* s., cercle d'al-Kindi) de Philopon, De aeternitate mundi contra Proclum IV 4-6 (p. 65, 1-68, 17 Rabe) par Hasnawi 149, p. 68-75, traduction p. 95-97. (35) D

16 Où

l'on réfute la these de celui qui dit qu'une chose ne peut

provenir que d'une autre chose et oü l'on démontre que toute chose ne peut provenir que du néant. Cet opuscule ne peut pas être l’œuvre d' Alexandre et n'est pas identique à D 27 g, voir notre n° 19 h ci-dessus; il n'a pas non plus été

écrit contre Galien, voir Fazzo 147; il s'agit d'une traduction, adaptée par le cercle d'al-Kindi, avec plusieurs lacunes, de Philopon, De aeternitate mundi contra Procium IX 8, p. 338, 21-25 et 339, 2-24 Rabe, IX 11, 345,4 - 355, 26 Rabe, voir Hasnawi 149, p. 76-88 ; traduction, p. 97-100. (36) D 29 (ms. Istambul Carullah 1279 fol. 69/?^*9) Que toute cause séparée est dans toutes les choses et dans aucune selon l'opinion d'Aristote. Ce n'est

pas un opuscule d'Alexandre, mais la traduction adaptée (IX* s., cercle d'alKindi)

de

la section

98

de

Proclus,

Stoich.

Theol.,

p. 86-88

Dodds:

voir

Zimmermann 146, p. 10-15; édition, p. 48-51. (37) D 26 (au titre Fi-l-falak, Sur la sphère,

qui se trouve

dans

le ms.

Istambul Carullah 1279 aux fol. 535-54*5, (et non 51*-53* comme on le lit chez Dietrich 11 s. v., p. 99, par confusion avec D 15, cf. ibid. s.v. p. 97). Il s'agit de trois fragments non continus du De principiis (D 1, notre n? 24) dont l'extension

est précisée par Genequand 163. p. 28. (38) D 30. Ce texte sans doute tardif, au titre inadapté (Livre des remarques

utiles sur la poésie, par Aristote), composé trés probablement en arabe sur la base d'un compilation, peut-étre grecque, de fopoi tirés de Arist., Top. III 1-3 et

VII 1, n'est donc pas l'ouvrage d’Alexandre; voir l'analyse de 168 F.W. Zimmermann, « Topics and the misnamed Book of Poetic Gleanings attributed

Α112

ALEXANDROS

D'APHRODISIAS

69

to Aristotle and Alexander of Aphrodisias in a medieval Arabic manuscript», dans 169

W. W. Fortenbaugh et D. C. Mirhady (édit.), Peripatetic Rhetoric after

Aristotle, coll. RUSCH 6, New Brunswick 1994, p. 314-319. (39) vE 35 Épître sur la cause. Édition, sur la base des trois manuscrits

connus, par Endress 159, p. 62-74; sommaire analytique, ibid. p. 49-54 ; édition et traduction

d’après

le ms

Princeton

ELS

308 (incipit endommagé)

par

Genequand 163, p. 136-143. (47), (48) Les titres des numéros 26, Sur l'unité ou Sur le monothéisme (Kitab Fi-al-tawhid) et 28, Opinion des philosophes sur l'unité ou Opinion des

philosophes sur le monothéisme (Kitäb Árà' al-falásifa fi-al-tawhid) de la liste d'IAU ne correspondent pas au De unitate du ms. Paris. lat. 6443, fol. 193t194’. L'identification était proposée par Steinschneider 10, p. 97, n? 22, sur la

base de l'attribution de ce De unitate à Alexandre dans l'incipit de ce méme manuscrit (l'explicit porte en revanche le nom d'al-Kindi), aussi bien que dans l'incipit et dans l'explicit d'un deuxiéme ms., Roma, Angelica H 10 n. 11. Le

traité parisien a depuis été identifié comme l’œuvre de Dominicus Gundissalinus (XII s.) et a été édité par 170 P. Correns, coll. BGPTM

I 1, Münster 1891: voir

171 G. Lacombe, Aristoteles Latinus, coll. « Corpus philosophorum medii aevi », pars prior, Roma 1939, p. 518 (je suis redevable pour cette information à Charles Burnett du Warburg Institute, University of London). Quoi qu'il en soit, dans la mesure oü l'interprétation la plus naturelle du titre fi-al-tawhid a un sens théolo-

gique, il suggére un texte sur le monothéisme. Il est évident que si un texte sur ce sujet a circulé sous le nom d' Alexandre il s'agissait d'un pseudépigraphe. (49) Le 2% titre de la liste d'IAU, De la genèse des formes à partir du néant,

correspondant peut-étre à notre n? 35 ou à la partie D 27 g de notre n? 19 h, ne peut pas être l’œuvre d'Alexandre, puisqu'aucun de ces textes ne l'est (voir les notes ci-dessus), et que, de toute

facon,

une telle doctrine

ne convient

pas à

l'exégète d' Aristote : cf. Fazzo 147, p. 278 sq. Nouveaux

textes transmis sous le nom d'Alexandre. Trois textes inédits

sont transmis sous le nom d'Alexandre dans le ms Ambrosianus Q 74 sup: 172 E. Martini et D. Bassi, Catalogus codicum

Graecorum

cf.

Bibliothecae Ambro-

sianae, Milano 1908, réimpr. Hildesheim 1978, n? 641, p. 769 sq., 772. Ils ont été récemment édités : (a) fol. 167"2-172?5. Sélections de définitions données chez Aristote (ExAo-

vai ὅρων τῶν παρ᾽ ᾿Αριστοτέλει ῥηθέντων). Il s'agit d'un recueil de 227 définitions, rangées essentiellement dans l'ordre de leur parution dans un certain nombre de traités d' Aristote. Éd., trad. et commentaire par 173 S. Kapetanaki et R. W. Sharples, « A glossary attributed to Alexander of Aphrodisias», BICS 44,

2000, p. 103-143. L'attribution à Alexandre de l'ensemble est fort douteuse. Pour une discussion, voir Kapetanaki-Sharples 173, p. 105 sq. (b) fol. 176/29-177?. Fragment de tradition indirecte Sur les universaux (Περὶ τῶν καθόλου). Ed. et comm. par 174 M. Rashed, «Textes inédits transmis par l'Ambrosianus

Q 74 sup. Alexandre d’Aphrodise et Olympiodore d' Alexandrie »,

70

ALEXANDROS D'APHRODISIAS

A112

RSPT 81, 1997, p. 219-238. Comme l'a remarqué M. Rashed, les lignes 177'?-

11 soulèvent une objection contre l'argument qui précède ; elle est attribuée en

marge à Olympiodore.

(c) fol. 190"*2. Sur les idées (περὶ ἰδεῶν). Éd., trad. et comm. par Rashed 174. Les lignes 10-13 sont analysées par l'éditeur comme un centon de textes

aristotéliciens. Leur connexion avec les lignes 4-9 n'est pas évidente : elle conduit à formuler des hypothèses difficiles. Deux fragments d'origine inconnue, dont le deuxiéme est directement attribué à Alexandre, sont transmis dans le ms. de Florence Riccard. 63 (fol. 29-30" et 30"-317) à l'intérieur d'une séries d'extraits tirés d' Alexandre (251-40”). Ils sont édités par 167 G. Vitelli, « Due frammenti di Alessandro di Afrodisia », Festschrift Theodor Gomperz, Wien 1902, p. 90-93. Intr. et traduc-

tion chez Sharples 142, p. 89-94. SILVIA FAZZO. [Dans DPhA 1, 1989, p. 139, la référence 107 est incomplète. Il faut lire: /d., « Masä'il wa-

adjwiba», EI? VI, p. 636-639.

R.G. et M.A.]

AMICUS MI Dans deux de ses lettres à Lucilius, Sénéque évoque un Amicus noster, philosophe stoïcien qui ne serait pas, selon E. Bickel, « Seneca's Briefe 58 und 65», RAM 103, 1960, p. 1-20, surtout p. 7-8, un simple ami anonyme de Sénèque, mais bien un Annaeus (?) Amicus, esclave ou affranchi de Sénèque et son bibliothécaire Dans la Lettre 77, 6, Sénèque rapporte à son correspondant l'exhortation au suicide adressée à leur ami commun (cf. Lettre 29, 1: De Marcellino nostro quaeris, et 77, 10: amici tui) Tullius (RE 42) Marcellinus (RE 3) par « Amicus

noster Stoicus, homo egregius et ... vir fortis ac strenuus». On a envisagé de corriger Amicus noster en Attalus noster (Schweighäuser, comp. Lettre 63, 5; 81, 22) ou de voir dans le mot «Stoicus» la déformation d'un nom propre (W. Theiler, Die Vorbereitung des Neuplatonismus, coll. « Problemata» 1, Berlin

1930, p. 36). Mais une formule similaire apparait dans la Lettre 58, 8, qui rapporte (88 16-22) les explications fournies par « Amicus noster, homo eruditissimus»

sur les six significations de τὸ ὄν chez Platon. Selon Bickel, cet Amicus rapporterait dans ce passage l'enseignement de Posidonius. Il serait étrange que dans ces deux passages Sénéque ait tu le nom de ce ou ces amis tout en fournissant des

qualificatifs aussi précis que Stoicus ou eruditissimus. Sénèque désigne souvent des philosophes stoiciens ou des gens de son entourage en employant le qualificatif Noster (ainsi Attale, Bassus, Démétrius, Maximus. Cléanthe, Chrysippe [qui n'est sans doute pas le scholarque stoicien en 56, 3, où la forme Crispus est aussi attestée)). L'expression peut difficilement s'appliquer à un ami bien défini dont on n'aurait pas parié auparavant dans la lettre. Il ne semble pas y avoir de références anonymes analogues dans la correspondance de Sénéque. En revanche, plusieurs lettres peuvent mentionner des amis de Lucilius ou des amis communs à Lucilius et à Sénèque sans les nommer, parce qu'ils étaient bien identifiés dans la lettre à laquelle Sénèque répondait (11, 1: amicus tuus; 36, 1: Amicum

tuum ; 25, 1 : quod ad duos amicos nostros pertinet. ..). Pour l'attribution de qualificatifs moraux comme nom, voir Bickel (p. 8) qui signale Annaeus Fidus, affranchi de Sénéque (Nat. Quaest. TV a, praef. 8), et pour le nom Amicus les affranchis Iulius Amicus, Claudius Amicus et Sittius Amicus.

A 187a

ANTHÉMIOS

7

Ph. Merlan (« Greek Philosophy from Plato to Plotinus », dans A. H. Armstrong [édit], The Cambridge History of Later Greek and Early Medieval Philosophy, Cambridge 1967, p. 55, n. 3) rapporte l'opinion de Bickel comme si Annaeus Amicus avait été un disciple de Posidonius

(mort en 515: «who used to work with Posidonius ». Mais Sénèque cite des propos qu'il a entendus le jour méme (hodierno die ὃ 8; cf. $ 1, où il évoque l'occasion de cet échange au sujet de Platon : cum forte de Platone loqueremus).

RICHARD GOULET.

ANAXARQUE D’ABDERE PMich inv. 4912, col. I 12-14 Priest, a conservé trois lignes concernant la confrontation entre Anaxarque et Nicocréon. Cf. l'édition de T. Dorandi, dans CPF 1, n? 11,p. 169. RICHARD GOULET.

ANAXILAOS DE LARISSE Son nom apparait dans PHolm, A 12-14 qui contient des recettes de chimie ou d’alchimie. Voir I. Andorlini, CPF I, n° 12, p. 170-171. RICHARD GOULET.

ANTHÉMIOS

FIV

"Prétre d' Athéna" à Athènes et "premier des sages de l'endroit", il fut le maitre de Jean Chrysostome (sans doute en rhétorique), d'aprés une Vie de ce

dernier écrite par Georges d' Alexandrie (vers 620). Elle a été éditée par 1 Henry Savile, Eton 1610-1613, t. VIII, p. 157-265 (notamment p. 166, 24-26). Voir 2 F. Halkin, Douze récits byzantins sur Saint Jean Chrysostome, coll. «Subsidia hagiographica », Bruxelles, Société des Bollandistes, 1977, p. 76-110. La vie est

résumée par Photius, Bibl. cod. 96. Un séjour d'études de Chrysotome à Athènes est considéré comme possible de l'été 367 au printemps 368 par 3 F.R. Trombley, Hellenic religion and christianization c. 370-529, coll.

« Religions in the Graeco-Roman World»

115,

Leiden 1993, t. I, p. 333, qui suit la chronologie établie par 4 R. E. Carter, « The Chronology of Saint John Chrysostom's Early Life», Traditio 18, 1962, p. 357364. Au cours d'une discussion, organisée par Démosthène, le préfet de la ville (6 τῆς πόλεως ἔπαρχος), entre Jean et Anthémios concernant la comparaison entre le christianisme et le paganisme (p. 162, 21 Saville) «Jean, selon le résumé de Photius, l'emporta par sa sagesse, son intelligence et sa piété ». « Anthémios, possédé par le démon, fut délivré par la parole de Jean et par sa prière; il se fit méme baptiser avec toute sa maison par l’évêque de la ville» (trad. Henry, t. II, p. 50).

Selon Trombley 3, l'épisode ne serait pas nécessairement historique, mais témoignerait d'une connaissance précise des institutions athéniennes et pourrait

dépendre d'un récit écrit dans les années 481-484. Il reste surprenant qu'un aussi célébre rhéteur n'apparaisse pas dans les Vies des sophistes d'Eunape de Sardes (**E 121) qui étudia lui aussi la rhétorique à Athènes à la méme époque.

72

ANTHÉMIOS

A 117a

Cf. 5 A. Cameron, « lamblichus at Athens», Athenaeum 45, 1967, p. 143-153, notamment la note 19, p. 153, qui présente Anthémius comme « another leading philosopher at Athens at this period ». RICHARD GOULET.

191

ANTIDOROS Ajouter: G. Indelli, « Una presunta testimonianza su Antidoro», CronErc 21, 1992, p. 103 sq. TIZIANO DORANDI.

192a

ANTIGENES

P

Dans une épigramme conservée dans l'Anthologie Palatine IX 412, le poète et philosophe épicurien Philodéme de Gadara déplore, en s'adressant à son ami Sosylos, la récente disparition de leurs amis communs Antigénès et Bacchios (=B 1a). M. Gigante, «Gli epigrammi di Filodemo quali testimonianze autobiografiche. Filodemo nella Villa di Ercolano: incontri al belvedere (Anth. Pal. IX 412 e XI 35)», dans Studi di filologia classica in onore di Guido Monaco, t. 1, Palermo

1991, p. 421-427, et dans Filodemo in Italia, Firenze 1990, p. 69-79, considère que ces trois amis appartenaient au cercle épicurien qui était réuni avec Philodéme dans la Villa des papyri à Herculanum. SIMONE FOLLET.

194

ANTIGONE GONATAS ca 319-239 Iconographie. L'iconographie d'Antigone est trés mal connue, faute de représentations monétaires. Les sources épigraphiques rappellent des représentations du roi. D'apres une inscription d’Athenes, des peintures dédiées à Athena Nike figuraient les hauts faits du roi qui avait sauvé les Grecs de la menace des barbares gaulois en 277 av.

J.-Chr.: IG? 677,1. 3-6.

Une fresque de Boscoreale présente peut-étre le roi de Macédoine coiffé de la causi: 1 G. Kleiner, « Das hellenistische Herrscherbild », dans G. Kopcke et M.B. Moore

(édit.), Studies in Classical Art and Archaeology. A Tribute to Peter

Heinrich von Blanckenhagen, Locust Valley (N. Y.) 1979, p. 135-136, pl. 40, 1-2, a proposé de reconnaitre Zénon et son disciple Antigone Gonatas qui regardent Phila assise. Le roi de Macédoine est représenté jeune, avec la causia, le diadéme,

la lance et le bouclier macédonien. On rejettera l'exégèse qui reconnait dans cette figure une personnification de la Macédoine: 2 M. Robertson, « The Boscoreale figure-paintings », JRS 45, 1955, p. 61-62, pl. 12; 3 K. Fittschen, «Zum Figurenfries der Villa von Boscoreale », dans B. Andreae, H. Kyrieleis (édit.), Neue

Forschungen in Pompeji und den anderen vom Vesuvausbruch 79 n. Chr. verschütteten Stüdten, Recklinghausen 1975, p. 93-100, fig. 62-71; cette interprétation méconnait en effet le contexte de la scéne: que peut symboliser alors le philosophe debout à gauche ?

A194

ANTIGONE GONATAS

73

L’interpretation de la scene doit rendre compte de la réunion des trois personnages. Le philosophe drapé dans son ample manteau peut en effet évoquer les traits de Zénon ; on pourrait aussi, avec un peu moins de vraisemblance, songer à Aratos. Mais on n'a jamais remarqué une indication qui doit guider l'interprétation : les trois personnages sont figurés sous un portique, il s'agit bien d'une évocation allégorique de la Stoa. Le philosophe a toute chance d'étre Zénon et le june prince son éléve Antigone Gonatas. Pour l'interprétation d'ensemble on en reviendra donc aux observations de Kleiner 1: la peinture est commémorative ; elle rappelle le souvenir de grandes figures, non pas une scène réelle; on pourrait,

me semble-t-il, la situer dans le paradis des sages. On renoncera aux interprétations trop précises de 4 G. Hafner, « Lanassa», RivArcheol 4, 1980, p. 17-25, fig. 1-10, qui, reconnaissant sur la mégalographie de Boscoreale des Antigonides, lui donnait comme sujet le mariage de Démétrios Poliorcéte et de Lanassa en 290.

Les autres tentatives d'identification sont trés peu assurées. On écartera l'hypothèse de 6 G. Dontas, «Stil und Benennung eines Herrscherportráts in Kopenhagen», JŒAI 54, 1983, p. 87-98, qui identifie comme Antigone Gonatas

un portrait de Copenhague, où l'on reconnait d'habitude avec raison Philippe I (fig. 1-3, 8); il voudrait également reconnaitre le souverain hellénistique sur un médailion de Tarse (fig. 9) et une coupe du musée Bénaki (fig. 10), qui représentent également Philippe Il. 7 C.F. Leon, « Antigonos Gonatas Rediscovered », AncW 20, 1-2, 1989, p. 21-

28, a revu l'ensemble des interprétations proposées sur les portraits d' Antigone ; il incline, pour sa part, à reconnaitre Gonatas dans des portraits aux cornes caprines ou taurines, qui passent souvent pour des effigies de Démétrios Poliorcéte ou d'Alexandre. Leon identifie notamment comme Gonatas une statuette de Pella aux cornes de Pan (fig. 3 a) et la tête du Dôdékathéon délien, p. 24 n. 29; ces

deux documents représentent plutót, me semble-t-il, un Alexandre assimilé à Pan: Pline XXXV 106 indique que Protogénès peignit « Alexandrum ac Pana». Dans la même perspective que Leon, 8 H. P. Laubscher, «Hellenistische Herrscher und Pan», MDAI(A) 100, 1985, p. 333-353, pl. 66-71, avait déjà identifié comme Antigone Gonatas une statuette en bronze de Berlin-Ouest avec les petites cornes du dieu (pl. 66-67). On peut douter de cette identification, car on cerne trés mal l'iconographie de Gonatas. Contrairement à Laubscher, qui rejette l'identification comme Gonatas d'une figure de la frise de Boscoreale, on retiendra que la mégalographie de Boscoreale offre la seule base raisonnable pour étudier l'iconographie du roi de Macédoine. Cf. 9 Richter, Portraits III, p. 256, fig. 1745; 10 R. R. R. Smith, Hellenistic Royal Portraits,

« Oxford Monographs on Classical Archaeology », Oxford

1988,

p. 10, 19, 24-25, 42, 44-45, 50, 154, n? 19, pl. 71, 7-8.

FRANCOIS QUEYREL.

74

ANTIPATROS

A 2022

ANTIPATROS DII? Dédicataire d'une lettre de l'épicurien Diogéne d'Oinoanda (=D 141) reproduite dans l'inscription que ce dernier fit graver sur la place du marché de sa ville

natale. Dans son édition des fragments, M. F. Smith (édit.), Diogenes of Oinoanda. The Epicurean inscription. Edited with Introduction, translation, and notes,

coll. «La Scuola di Epicuro» Suppl. 1, Napoli 1993, 660 p., date l'inscription vers l'an 120 de notre ére (p. 35-48). La lettre (fr. 62-67 Smith, éditée p. 251-260, traduite p. 397-399, commentée

p. 507-512) introduisait un exposé sur l’infinité épicurienne des mondes (περὶ

ἀπειρίας κόσμων, fr. 63 II 4-5, IV 13-14) qu'Antipatros avait demandé dans une lettre antérieure à Diogene. Diogéne qui évoque son âge avancé (fr. 63, II 3-4), semble s'adresser à un collégue plus jeune, qu'il avait personnellement converti à la philosophie épicurienne (fr. 62, I 8- 10). Diogéne, qui venait de quitter son pays pour Rhodes à la venue de l'hiver (fr. 62, H 9-14), exprime son désir de le revoir à la fin de l'hiver, lui et leurs amis communs «à Athènes, Chalcis et Thèbes »

(fr. 62, 1I 3-5; I 4-13). Antipatros vivait probablement dans l'une de ces trois villes, sans doute

à Athènes.

Diogene

introduit le traité comme

le fruit des

discussions qu'il avait récemment tenues sur la conception épicurienne de a pluralité des mondes avec un certain Théodoridas de Lindos, présenté comme un ἑταῖρος, connu d’Antipatros, ayant récemment commencé l'étude de la philosophie (fr. 63, II 6-14). Ces fragments nous renseignent sur la vitalité des cercles épicuriens à la fin du second siècle de notre ère dans plusieurs villes de l'Empire. L'édition de Smith nous dispense de signaler la bibliographie plus ancienne.

Voir tout de méme C. W. Chilton (&dit.), Diogenes of Oenoanda, The fragments, London 1971, p. 8-10, 59-63; R. Philippson, art. « Diogenes von Oinoanda» 47a, RESuppl. V, 1931, col. 160-161 ; D. Clay, « The philosophical Inscription of Diogenes of (Enoanda: New Discoveries 1969-1983», ANRWII 36, 4, p. 2509-2514, principalement p. 2512-2513, et l’Epilogue écrit par Clay en 1980, p. 2550-2551. RICHARD GOULET.

205

ANTIPATROS DE TARSE

Il faut ajouter à la liste des œuvres d'Antipatros un Περὶ οἰκετῶν χρήσεως α΄ β΄ (Sur la façon de traiter les domestiques en deux livres), cité avec d'autres

traités stoïciens de Boèce (»*B 47), Chrysippe (»*C 121), Diogene de Babylonie (»*D 146) et Posidonius dans PMilVogliano

11 (lettre du II: s.). Cette lettre de

Théon à son “ami” (ἑταίρῳ) Héraclide le “philosophe” (*»*H 51) commence par la formule platonicienne (D. L. III 61, Lucien, Laps. 4) εὖ πράττειν. La lettre est

éditée, traduite et commentée par A. Linguiti, dans CPF 1, n° 6, p. 110-114. On a également retrouvé un fragment d' Antipatros dans un papyrus de provenance inconnue remontant au I s. de notre ère: M. Szymañski, «P. Berol. inv. 16545: a text on stoic epistemology with a fragment of Antipater of Tarsus », JJP 20, 1990, p. 139-141. Voir CPF 1 1***, 100 (Stoici), 11T, p. 812-813. Nou-

A 236a

APOLAUSTUS MEMPHIUS

75

velie édition par T. Backhouse, « Antipater of Tarsus on false "phantasiai" », dans Papiri filosofici. Miscellanea di Studi 3, coll. «Studi e testi per il Corpus dei papiri filosofici greci e latini» 10, Firenze 2000, p. 7-31. RICHARD GOULET.

2218

ANTIPATROS DE TARSE Philosophe, dédicataire d'une lettre conservée dans un papyrus du 1° siècle de notre ère (PHamb I 37, τ). Dans cette lettre, Lóreios Caminos évoque la xaAo-

xaya®la de Claudius Antoninus et ses mœurs, qui sont celles d'un authentique philosophe. Il reconnaît avoir reçu de lui une formation comme il n'en a reçue d'aucun de tous les autres philosophes. Il salue pour terminer les enfants du philosophe, Chaira (?) et Antoninus. RICHARD GOULET.

APOLAUSTUS MEMPHIUS

II

Athénée, Deipnosophistes I, 20 cd, dont on ne peut lire qu'un épitomé suscep-

tible d'avoir mal résumé le texte originel, attribue le qualificatif de philosophos à

Apolaustus, un danseur contemporain (τὸν ἐφ᾽ ἡμῖν ... ὀρχηστήν), également surnommé “Memphis” (sic): il aurait exprimé la philosophie pythagoricienne, grâce à son jeu muet, de façon plus évidente que n'importe quel rhéteur. Le nom de scéne Apolaustus a été porté par plusieurs pantomimes et la notice d'Athénée pourrait concerner au moins deux artistes du nom d'Apolaustus Memphius: le second, Apolaustus Memphius Junior, était un éléve moins connu du premier, lequel fut probablement mis à mort en 189 de notre ére (SHA, Commodus 7, 2). Par conséquent, bien qu'Apolaustus Senior füt mort depuis longtemps lorsqu' Athénée écrivit son ceuvre (vers 220), c'est sans doute lui qui est mentionné comme le premier "Memphius", un nom qui aurait tendance à suggérer une origine égyptienne. Les différents Apolausti ont maintenant été correctement distingués et identifiés par 1 M. L. Caldelli, « Ancora su L. Aurelius Augg. lib. Apolaustus Memphius Senior», Epigraphica 55. 1993, p. 45-57, et sa liste mérite de remplacer toutes les études antérieures, y compris les bibliographies utiles sur les Apolausti fournies par 2 H. Leppin, Histrionen, Bonn 1992, p. 204-211 (que l'on complétera par 3 W. Slater, « The Pantomime Tib. Iulius Apolaustus », GRBS 36, 1995, p. 263-292). Apolaustus portait à l'origine le nom inhabituel d’Agrippos. Il fut ramené de Syrie à Rome en 166, par Verus, co-empereur avec Marc-Aurèle, «presque comme un trophée de la guerre contre les Parthes». Il y regut un nouveau nom

et fut affranchi, devenant le plus grand pantomime de son époque (Fronton, Ver. 110, 1). La pantomime était un spectacle de ballet qui mettait en scéne un unique danseur masqué et muet, accompagné par un chœur qui chantait la ligne dramatique (fabula saltica) et un orchestre destiné à soutenir le rythme. En général, le récit était de nature mythologique, mais il pouvait contenir un message politique (voir

76

APOLAUSTUS

MEMPHIUS

A 236a

Pline, Panégyrique 54). On peut soupçonner qu'une danse de portée philosophique était cependant peu vraisemblable, car les philosophes et les moralistes condamnaient en général la pantomime. Voir 4 M. Kokolakis, « Pantomimus », Platon 10, 1959, p. 10, et 5 M. E. Molloy, Libanius and the Dancers, Hildesheim 1996, p. 90 sgq. où l'on trouvera une plus ample bibliographie. Il est possible

toutefois que la pantomime ait eu parfois un théme philosophique. Le satiriste d'époque hellénistique Ménippe de Gadara (Athénée XIV, 629 f), dans son Sym-

posium perdu, mentionnait une danse (qui n'a sans doute jarnais été réellement dansée: voir plus bas à propos du mime) intitulée «La conflagration universelle » (κόσμου ἐκπύρωσις), titre qui semble parodier un theme stoicien. La philosophie naturelle pouvait apparaitre dans le théme « Découverte du centre de la terre » (τὸ μέσον τῆς γῆς εὑρισκόμενον), mentionné par Lucien (De saltatione 38), et Libanius fait état d'une anecdote d'origine hellénistique, où la liberté était le theme d'une chanson et d'une danse. (Orat. 64, 119). On voit cependant difh-

cilement comment la philosophie pythagoricienne aurait pu faire l'objet d'une danse, en quelque sens que ce soit. En vérité, Lucien qui écrivait à l'époque de

cet Apolaustus Memphius, vers 165 de notre ère, dit dans son De saltatione 70: «J'ai entendu quelqu'un s'exprimer avec la bétise d'un jeune homme

à propos

du silence des masques de la pantomime, prétendant qu'il y avait là une référence cachée à la doctrine pythagoricienne ». Ce passage concerne certainement la méme histoire que celle dont parle Athénée et il suggére que l'abréviateur d'Athénée a simplement abrégé de façon erronée une interprétation moralisante ou comique du masque silencieux du pantomime en mettant en rapport sa bouche close avec le silence pythagoricien, théme qui avait fait l'objet depuis longtemps de réflexions satiriques et d’allusions chez les poètes comiques. Voir 6 W. Burkert, Lore and Science in Ancient Pythagoreanism, Harvard

1972, p. 179 et

199. On sait cependant que des doctrines philosophiques étaient couramment évoquées dans des spectacles publics ou privés, bien qu'en général elles aient été présentées sous une forme déformée. Depuis qu' Aristophane dans les Nuées s'était moqué de Socrate, les philosophes avaient toujours fait l'objet des moque-

ries des poètes comiques. Les pythagoriciens et les représentants des autres écoles occupaient la scéne de la Moyenne comédie comme

des charlatans prétentieux.

Par la suite, ils apparurent dans le mime hellénistique et romain, qui étaient largement soumis à l'influence de la philosophie populaire. Méme les Problemes aristotéliciens pouvaient faire l'objet de la parodie publique de Matréas d' Alexandrie (Athénée I, 19 d). Un exemple particuliérement significatif est fourni par Cicéron vers 66 av. J.-Chr. (pro Q. Gallio fr. 4, 2 Puccioni = Jérôme, CSEL 54, p. 429): «A ces concours — car je parle de ce dont je viens de faire l'expérience -, il y a

un poète qui ces banquets dre, ou dans ces hommes mais par des

prédomine, un homme d'un savoir sans faille, qui est responsable de de poétes et de philosophes, lorsqu'il présente Euripide et Ménanun autre endroit Socrate et Épicure, comme se parlant l'un à l'autre, dont nous savons que les vies ont été séparées non par des années, siécles. Et quels applaudissements et quelles acclamations ce poéte

A 298

ARATOS

77

souleve ainsi! Il a un grand nombre de ses éléves dans le theätre...» Les citoyens ordinaires du monde antique devaient connaitre les doctrines comme l'épicurisme ou le pythagorisme à partir de telles représentations ou de parodies de ce genre, même si, bien sûr, des philosophes et d'autres professeurs donnaient des leçons

au théátre et dans d'autres lieux publics. Voir 7 J. Hahn, Der Philosoph und die Gesellschaft, Stuttgart 1989, p. 147; 8 A. Chaniotis, Historie und Historiker in den griechischen Inschriften, Stuttgart 1988, p. 123. Les gens les plus éduqués désapprouvaient la couturne à Ja mode chez les Romains de faire jouer à titre privé par des esclaves des dialogues platoniciens au cours du repas (Plutarque, Quaestiones conviviales 711 c) et naturellement les cuisiniers qui avaient appris à citer le Timée de Platon ennuyaient les invités (Athénée IX, 381 f). WILLIAM J. SLATER.

247

APOLLODORE DE CYZIQUE Le témoignage de Pline l'Ancien XXIV 167 (DK 74 fr. 3) qui présente Apollodore comme

adsectator de Démocrite (»*D 70) concerne probablement

un

auteur homonyme (voir notice suivante) que l'on peut dater du III* siècle av. J.-C. Le lien d'Apollodore de Cyzique avec Démocrite n'est donc pas établi par ce témoignage et de ce fait la datation proposée (F V^) ne repose sur rien. RICHARD GOULET.

APOLLODORE I? Ce n'est sans doute pas à Apollodore de Cyzique (#*A 247) que pense Pline l'Ancien XXIV 167 (DK 74, fr. 3) lorsqu'il rappelle que ce "disciple" (adsectator) de Démocrite (»D 70) faisait mention de la plante dite aeschynomene. M. Wellmann, art. « Apollodoros » 69, RE I 1, 1894, col. 2895, avait dans un premier temps rapporté ce passage à un auteur d'ouvrages de sciences naturelles intitulés

Περὶ θηρίων et Περὶ θανασίμων ou δηλητηρίων φαρμάκων, qu'il datait du début du 11II* siècle av. J.-C. Voir aussi Susemihl, GGLA, t. I, p. 784-785, et Nachträge, p. 906. Mais dans une note à DK 68 B II [Unechte Fragmente] 300, 2 (11, 212, 11-12), Wellmann semble renoncer à cette identification: « Der hier

genannte Apollodoros ὁ Δημοχρίτειος (Anhänger des Bolos wie der von Alexander von Tralles erwähnte Theognostos ὁ Δημοχρίτειος) ist Verfasser einer botanischen Schrift mit magischem Einschlag und lebte unter Tiberius. Seine Schrift läßt sich aus Plinius rekonstruiren. » RICHARD GOULET.

ARATOS Iconographie. On connait par Pomponius Méla, De chorographia I 71, l'existence d'un tombeau d’Aratos à Soles; s’il était orné d'une statue, on supposera que sa téte était du type reproduit sur des monnaies de la cité natale du philosophe. L'identification des portraits d'Aratos est liée à Ja connaissance de l'iconographie de Chrysippe (»*C 121): voir 1 J.J. Bernoulli, Griechische Ikonographie,

78

ARATOS

A 298

mit Ausschluss Alexanders und der Diadochen, München

1901, 1, Münztafel II

11;2, p. 145-154, fig. 13-15; 2 F. Queyrel, art. «Chrysippe» C 121, DPhA

IL

1994, p. 361-365. Les deux philosophes sont représentés sur des monnaies de leur ville natale, Soles: 3 Schefold, Bildnisse, p. 172-173, n? 28, fig., p. 221, et sur un médaillon en terre cuite: 4 G. M. A. Richter, The Portraits of the Greeks.

Supplement, London 1972, p. 7, fig. 1659 a. Malgré les arguments invoqués par 5 L. Bacchielli, « Arato o Crisippo? Nuove ipotesi per un vecchio problema», QuadArcheolLib

10, 1979, p. 27-48, on peut considérer comme

acquise l'iden-

tification du philosophe à la barbe la plus courte et au cráne chauve comme Chrysippe. Sur ces monnaies, Aratos tient la main gauche devant la bouche: ἢ s'agit d'un geste typiquement stoicien, dont la signification a été dégagée pour Cléanthe (voir 6 F. Queyrel, art. « Cléanthe » C 138, DPhA II, 1994, p. 414-415). Un seul portrait pourrait représenter en ronde bosse le méme

type, mais cet

hermés de la Villa Albani a une barbe plus longue et un cráne moins garni que les profils monétaires, ce qui, me semble-t-il, peut rendre son identification incertaine. Le philosophe est sürement figuré en compagnie d'Uranie sur une mosaique de Tréves, une enluminure du ΧΙ siècle et un tissu copte: il convient d'écarter les arguments de Bacchielli 5, qui veut reconnaitre sur ce tissu le type statuaire

identifié d'ordinaire comme Chrysippe. Ces trois documents présentent en effet bien le type iconographique des monnaies de Soles, oü Aratos se distingue de Chrysippe par sa chevelure abondante. On retrouve ces méches fournies sur les

trois documents cités. Ces images reproduisent sans doute philosophe, assis, avec Uranie ; Schefold 3, p. 168-169, fig. siècle av. J.-C. Une coupe du trésor de Berthouville présente sur l'une oü figurent une femme assise qui tient un rouleau et un

un groupe statuaire du 5, date l'original du 11° de ses faces une scéne homme barbu, debout,

qui pointe de son báton un globe astral, dont la bande zodiacale est ornée d'un scorpion: 7 Trésors d'orfévrerie gallo-romains (catalogue d'exposition, musée du Luxembourg, Paris, 9 février-23 avril 1989; musée de la civilisation galloromaine, Lyon, 16 mai-27 aoüt 1989), Paris 1989, p. 86-87, n? 19. Schefold 3,

P. 216, en a proposé une interprétation convaincante: Aratos, fondateur de la poésie astronomique, est accompagné ici d’Uranie. Une statuette en terre cuite représenterait le philosophe: J. Bracker, «Quellenkritik zur statuarischen Überlieferung Arats v. Soloi», KJVF 10, 1969, p. 76-81, 8 pl. (non vidi). Cf. 8 Richter, Portraits 11, p. 239-241, fig. 1652-1660; 9 Ead., The Portraits of the Greeks, éd. abrégée par R. R. R. Smith, Oxford 1984, p. 89-92, fig. 53-56;

10 L. A. Scatozza Höricht, 7] volto dei filosofi antichi, Napoli 1986, p. 191, fig. 192-193; Schefold 3, p. 108-109, n° 3, fig., p. 209, 217. FRANCOIS QUEYREL.

ARCHÉLAOS Archélaos d' Athénes figure, à la suite d'Anaximandre (®»A

165), d'Anaxi-

mène (»*A 168) et d'Anaxagore (»*A 158), dans une liste de philosophes, sinon

A356

ARISTIPPE DE CYRENE

79

de chefs d'école, conservée dans PDuke inv. G 178, col. 1, li. 9. Voir l'édition de

W.H. Willis et T. Dorandi dans CPF 1, n° 1 (Lista di scolarchi), p. 81-84. RICHARD GOULET.

ARETE DE CYRENE Iconographie. L'iconographie de cette femme philosophe est liée à celle d'Aristippe: voir 1 F. Queyrel et F. Caujolle-Zaslawsky, art. « Aristippe» A 356, DPRA I, 1989, p. 375. L'hermés double de Berlin la représente accolée au maitre

de l'école cyrénaique ; je retrouve Arété en compagnie d’Aristippe sur un relief de Cyrene, où l’on croyait reconnaitre Aphrodite et Asclépios: 2 E. Mitropoulou, « Deux reliefs de Cyréne», BCH 99, 1975, p. 335-337, n? 2, fig. 2-4. La pomme ou grenade qu'elle tient contre elle de la main droite symbolise sans doute l'hédonisme, qui la rapproche d' Aphrodite. Cf. 3 Richter, Portraits I, p. 176, fig. 1016-1017 ; 4 L. A. Scatozza Höricht, /7 volto dei filosofi antichi, Napoli 1986, p. 103-107, fig. 36-39. FRANCOIS QUEYREL.

ARISTAGORAS MF III* Dédicataire de plusieurs ouvrages de Chrysippe: Τέχνη διαλεκτικὴ πρὸς

᾿Αρισταγόραν a’ (D. L. VII 189), Περὶ ἀποφατικῶν πρὸς ᾿Αρισταγόραν y’ (D.L. VII 190), Περὶ τῶν ἐπιφορῶν πρὸς ᾿Αρισταγόραν a’ (D.L. VII 194). De tels traités ne pouvaient guère être dédiés qu'à un collègue ou à un disciple à l'intérieur de l'école stoicienne. C'est sans doute à propos de ce dédicataire de Chrysippe que Pohlenz dans son index renvoyait à Crönert. Mais le nom est absent du Register de Kolotes und Menedemos et n'apparait pas dans le chapitre intitulé « Aus dem Freundeskreise des Chrysippos » (p. 79-81) oü Crónert compare la liste des disciples de Chrysippe avec les dédicataires de ses œuvres.

RICHARD GOULET.

ARISTIPPE DE CYRÉNE Iconographie. Un document qui n'a jamais été pris en considération pourrait éclairer l'iconographie du philosophe. Un petit relief fragmentaire du British Museum (BM 796) provenant de Cyrene représenterait Aphrodite et Asclépios, debout, la première de trois-quarts à droite, son compagnon de profil à droite: 1 E. Mitropoulou, « Deux reliefs de Cyréne », BCH 99, 1975, p. 335-337, n? 2,

fig. 2-4. La figure identifiée comme Asclépios ne trouve pas de paralléle dans l'iconographie du dieu, qui n'est jamais représenté avec une barbe et des cheveux

aussi courts, une expression aussi personnelle, la main droite placée devant le menton : voir B. Holtzmann, art. « Asklepios», LIMC

II, 1984, p. 863-897, pl.

631-667. L’identification avec Asclépios est donc exclue. De méme la figure féminine, identifiée comme Aphrodite, n'a pas de parallele dans l'iconographie de la déesse: voir A. Delivorrias, art. « Aphrodite», LIMC II, 1984, p. 2-150, pl. 1153. La grenade, ou pomme, que tient la figure férninine est, il est vrai, une allusion à Aphrodite: clle s'explique aisément si l'attribut fait allusion à l'hédonisme.

80

ARISTIPPE DE CYRENE

A 356

Le personnage barbu a tout de l'iconographie traditionnelle du philosophe ; méme s’il est debout, ce qui n'est pas sûr à cause de la mutilation du relief, il fait un geste de discussion en placant sa main devant son menton. Si la figure était assise, son paralléle le plus proche se trouve dans la statue de philosophe du palais Spada, où Richter reconnaissait Aristippe : 2 F. Queyrel, art. « Aristippe» A 356, DPhA I, 1989, p. 375, fig. 3. L'iconographie d’Aristippe est ainsi fixée par la convergence de ces deux documents.

L’identification de la téte du relief de Cyréne améne à reconsidérer le portrait viril de l'hermés double de Berlin: 3 Richter, Portraits Il, p. 176, fig. 1015-1017;

les traits sont assez semblables, méme si les courtes méches du

philosophe

s'allongent à Berlin. En tout cas, l'hermés double associe Arété au philosophe,

car la figure féminine du relief se retrouve exactement sur l'hermés: voir plus haut 4 F. Queyrel, art. « Arété de Cyréne» A 328. Le portrait du relief est trés proche de la statuette en bronze du British Museum où l'on reconnait habituellement Cléanthe : Richter 3, p. 189, fig. 1106. Le type iconographique de la statuette rappelle celui de l'Aristippe du palais Spada, ce qui avait amené à identifier également comme le philosophe cyrénéen la statuette londonienne: 4 K. A. Esdaile, « A bronze-statuette in the British Museum and the ‘Aristotle’ of the Palazzo Spada», JHS 34, 1914, p. 47-59, pl. 11-HI. Cette possibilité d'identification amènerait à bouleverser l'iconographie de Cléanthe : 5 F. Queyrel, art. « Cléanthe» C 138, DPhA Il, 1994, p. 414-415. Un rapprochement proposé par Esdaile 4 p. 53, peut séduire: les portraits oü l'on reconnaît d'babitude Colotés pourraient figurer Aristippe. Ce type iconographique est associé sur un hermès double de Madrid à un portrait d’Epicure: Richter 3, p. 206, n? 4, fig. 1331-1332; cette association s'explique aussi facilement s'il s'agit d'Aristippe que de Colotés: voir 6 F. Queyrel, art. «Colotes» C 180, DPhA II, 1994, p. 450. Cf. 7 L. A. Scatozza Hóricht, // volto dei filosofi antichi, Napoli 1986, p. 103-

107, fig. 36-39; 8 Schefold, Bildnisse, p. 78-79, n? 4, fig., p. 206. FRANCOIS QUEYREL.

421

ARRIA (MAIOR) Iconographie. On rappellera pour mémoire l'ancienne appellation comme « Paetus et Arria» du groupe Ludovisi, représentant un Gaulois se tuant aprés avoir tué sa femme, maintenant conservé au musée national romain (musée des Thermes) à Rome. Cette interprétation, avancée dans les années 1670, eut cours

pendant plus d'un siècle: 1 F. Haskell, N. Penny, Pour l'amour de l'antique. La statuaire gréco-romaine et le goüt européen.

1500-1900, traduction F. Lissa-

rague, Paris 1988, p. 304-306, n? 147, fig. On sait que le groupe romain est, avec le Gaulois mourant du Capitole, une copie du «grand ex-voto» d'Attale I”, qui commémorait, à Pergame, la victoire sur les Gaulois aux sources du Caique: 2 H.-J.

Schalles,

Untersuchungen

zur

Kulturpolitik

der

pergamenischen

Herrscher im dritten Jahrhundert vor Christus, «Istanbuler Forschungen»

Tübingen 1985, p. 68-104, pl. 3-5.

FRANQOIS QUEYREL.

36,

A 443a

ASCLEPIADES

81

ARTÉMON RE 23

MI

Hérésiarque chrétien de Rome, connu principalement par Eusèbe, H. E. V 28,

qui enseignait que «le Sauveur est un homme ordinaire» (ψιλὸς ἄνθρωπος). Eusébe suit dans ce chapitre un ouvrage anonyme, dirigé contre les disciples d'Artémon, qui reprochait notamment à ces hérétiques de subordonner les enseignements de l'Écriture aux règles de la logique: «Sans aucune crainte, ils ont corrompu les Écritures divines; ils ont rejeté la régle de l'ancienne foi; ils ont d'autre

part ignoré

le Christ, ne recherchant

pas ce que

disent

les divines

Écritures, mais s’exergant laborieusement à découvrir une figure de syllogisme (σχῆμα συλλογισμοῦ) pour établir leur athéisme. Et si on leur objecte une parole de l’Écriture divine, ils demandent si l'on peut faire un syllogisme conjonctif ou disjonctif. Abandonnant les saintes Écritures de Dieu, ils fréquentent la géométrie, sous prétexte qu'ils sont de la terre, parlent de la terre et ignorent celui qui vient

d'en haut. Euclide en vérité géométrise laborieusement chez quelques-uns d'entre eux. Aristote et Théophraste sont les objets de leur admiration; Galien (»*G 3) est méme presque adoré par quelques-uns d'entre eux. Abusant des arts des infideles en faveur de la doctrine de leur hérésie, altérant avec la fourberie des athées la simple foi des Écritures divines, faut-il dire encore qu'ils ne sont méme pas prés de la foi? A cause de cela, ils portent sans crainte les mains sur les saintes Écritures, en disant qu'ils les corrigent» (8 13-15; trad. Bardy). Ce rationalisme amenait en effet les disciples d' Artémon, comme Asclépiade, Théodote, Hermophile ou Apolloniades, à corriger le texte des Écritures. Cf. H. Schoene, «Ein Einbruch der antiken Logik und Textkritik in die altchristliche Theologie », dans Pisciculi. Festschrift Fr.J. Dölger darg., Münster

1939, p. 252-265. On a pensé que la source d'Eusèbe était un traité contre l’hérésie d' Artémon composé par Gaius, prétre de l'Église de Rome sous l'épiscopat de Victor et de Zéphyrin (199-217), ultérieurement élu "évéque des Gentils". Voir Photius, Bibliothéque cod. 48, 12 a 10-14 Bekker. La source d'Eusébe rapporte que les hérétiques situaient entre Victor et Zéphyrin le passage de la doctrine, selon eux "traditionnelle", concernant l'humanité de Jésus à la doctrine "nouvelle" de sa divinité (voir H. E. V 28, 3). Eusèbe connait de Gaius, qu'il situe sous Zéphyrin, un dialogue contre le montaniste Proclus (H. E. II 25, 6, III 31, 4 et VI 20, 3; Photius, Bibliothèque cod. 48, 12 a 1-2) et une Zetésis ("Recherche") qui traitait de l'hérésie de Cérinthe (H. E. III 28, 1-2).

RICHARD GOULET.

ARTÉMON DE MAGNÉSIE Auteur de ᾿Αρτέμωνος διηγημάτων), yai διάφοροι Bekker.

Récits des exploits opérés par des femmes vertueuses (Ex τῶν τοῦ Μάγνητος τῶν xar’ ἀρετὴν γυναιξὶ πεπραγματευμένων un ouvrage compilé dans le deuxième des douze livres des 'ExAode Sopatros, selon Photius, Bibliothèque cod. 161, 103 b 18-19 RICHARD GOULET.

ASCLEPIADES Dedicataire d'un recueil de Sentences pythagoriciennes attribué à Démophile (»+D 76) et contenu dans le Vaticanus gr. 743. Cf. A. R. Sodano, Le sentenze

82

ASCLEPIADES

A 443a

"pitagoriche" dello pseudo-Demofilo, coll. «Bolletino dei classici» Suppl. 12, [Roma] 1991, p. 7-9. Selon Sodano, p. 8-9, ce personnage présenté comme ami et saint (φίλτατε ἡμῖν καὶ ἱερώτατε "AoxAnmdön) aurait appartenu à des cercles néopythagoriciens. JEAN BOUFFARTIGUE.

ASTÉRIUS

FIV

Évéque arien, «formé à la dialectique capiteuse des sophistes», mentionné par

Théodoret de Cyr, Histoire philothée Π 21 (p. 243 Canivet). «Il défendait farouchement le mensonge et combattait la vérité avec de vilains procédés». Voir la note de P. Canivet, t. I, p. 243, n. 2. Il ne s'agirait pas de l'arien, originaire de

Cappadoce, Astérius le sophiste, né vers 270 et mort peu aprés 341. Ce dernier ne devint d'ailleurs jamais évéque, à cause de son comportement dans la persécution de Dioclétien. Voir cependant en faveur d'une identification A. Jülicher, art. « Asterius»12, RE II 2, 1896, col. 1786-1787. RICHARD GOULET.

465a

ASTRAIOS Frére adoptif de Pythagore. Dans son roman Les Merveilles incroyables d'au-delà de Thulé, Antonius

Diogéne transmettait, dans le cadre d'un emboitement inimaginable de récits [voir la notice « Diogene (Antonius —) », D 137], divers renseignements sur la vie de Pythagore, pieusement recueillis par Porphyre dans sa Vie de Pythagore

($ 10). Il racontait comment Mnésarque, le pere de Pythagore, découvrit un jour, au cours de ses voyages en «bien des villes et bien des pays», «un petit enfant

couché sous un grand peuplier touffu». «Il s'arréta, le vit étendu sur le dos, regardant le ciel sans ciller en face du soleil et tenant dans la bouche un petit roseau mince comme

une flûte ; étonné, et le voyant nourri par une sève que

distillait le peuplier, il le prit avec lui, jugeant qu'il y avait du divin dans la naissance de l'enfant» (trad. des Places). Une fois installé à Samos, «il se chargea d'élever le petit, qu'il appela Astraios, avec ses trois fils Eunostos, Tyrrhenos et Pythagore ». Par la suite, « Mnésarque fit cadeau d’Astraios à Pythagore (...) qui entreprit son éducation» (8 13).

Astraios apparaít également dans le résumé que Photius donne du roman d'Antonius

Diogene

(Bibliothèque,

cod.

166). L'une des couches narratives

reprenait ce qu'Astraios avait raconté sur Pythagore et Mnésarque (109b 14-15). Dercyllis dont les récits étaient intégrés au roman racontait pour sa part ce qu' Astraios, en jouant de la flûte, avait fait aux ennemis des habitants d'une ville d'Ibérie qui voyaient la nuit, mais étaient aveugles le jour (109b 18-21), comment il fut honoré par les Aquitains «à cause de ses yeux qui, se dilatant et se rétrécissant, annongaient les phases de la lune » (109b 27-29) et comment il avait «mis fin à la querelle des rois de ce pays pour le pouvoir» (109b29-32). A la suite d'autres aventures survenues chez le peuple des Astures, Astraios «n'évita pas le

A 505

ATTICUS (T. POMPONIUS -)

83

châtiment qui lui était dû pour une faute ancienne ; mais, contre toute attente, i fut d'abord sauvé du danger, puis dépecé» (109b 39- 11022). Plus loin, on retrouve Astraios à Métaponte, puis chez les Thraces et les Massagètes, alors qu'il se rend «auprès de son ami Zamolxis» (110a22-23). «Le récit rapporte tout ce qu'ils virent au cours de ce voyage, comment Astraios rencontra chez les Gétes Zamolxis, qui était déjà considéré comme un dieu, et ce que Dercyllis et Mantinias priérent Astraios de dire et demander pour eux» (110a 25-28), «avant de laisser auprès de Zamolxis Astraios, honoré par les Gétes » (110a36-37). RICHARD GOULET.

ATOCIUS Ce nom figure comme celui d'un commentateur d' Aristote dans une liste (O. Kroehnert, Canonesne poetarum scriptorum artificium per antiquitatem fue-

runt ? Diss. Königsberg 1897, p. 8 = P. de Lagarde, Symmikta, Göttingen 1877, p. 175) qui énumére comme les plus utiles les noms suivants: Πορφύριος Φοῖνιξ, ᾿Αλέξανδρος ᾿Αφροδισιεύς, ᾿Αμμώνιος, ᾿Αρριανός, Εὔκαιρος, "Atöxıog, Ζαχαρίας xai Τριδοῦνος *** ἀδελφός. Il s'agit probablement du mathématicien et philosophe Eutocius d' Ascalon (®E 175). RICHARD GOULET.

ATTICUS (T. POMPONIUS -) Iconographie. A titre de simple hypothése, 1 V. Poulsen, Les portraits romains, 1. République et dynastie julienne, «Publications de la Glyptothéque Ny Carisberg » 7, Copenhague 1962, n° 3, p. 42-43, pl. VI-VII, a suggéré qu'un

portrait républicain de vieillard pouvait représenter Atticus. L'identification s'appuie sur le rapprochement avec un buste des Offices à Florence, qui, selon Poulsen, représenterait le méme personnage: voir 2 A. Hekler, Die Bildniskunst der Griechen und Rómer, Stuttgart 1912, pl. 146 a, p. 318, qui rejette le portrait dans l'anonymat, écartant l'identification avec Corbulon ; l'inscription au nom de Cicéron sous le buste florentin remonte à une identification sans fondement de la Renaissance: voir 3 F. Queyrel, art. « Cicéron» C 123, DPhA II, 1994, p. 394. En fait le rapprochement de Poulsen me paraît peu convaincant; les deux portraits se ressemblent, sans représenter la méme personne, car ils appartiennent tous deux au genre des portraits de vieillards en vogue à la fin de la République: voir 4 K. Vierneisel, P. Zanker (édit.), Die Bildnisse des Augustus, Herrscherbild und Politik im kaiserlichen Rom (cat. d'exposition, Munich, Glyptothek et Berlin-Ouest,

Antikenmuseum, déc.-juin 1979), München 1979, p. 87, n° 8.8; 5 F. Queyrel, dans Vrai ou faux ? Copier, imiter, falsifier (cat. d'exposition, Paris, Bibliothèque nationale, 6 rnai-29 octobre 1988), Paris 1988, n? 11, p. 65-66. FRANCOIS QUEYREL.

84

BACCHIOS

B Ib

B ib

BACCHIOS RE 2 IV Ce musicographe, qui aurait vécu sous Constantin (274-337), est l'auteur d'un unique traité, Εἰσαγωγὴ τεχνῆς μουσικῆς, d'inspiration surtout aristoxénienne, l'un des plus méthodiques qui, dans sa rédaction sous forme de questions et de réponses, nous soient parvenus de l'Antiquité. Éditions critiques avec traductions. Editio princeps: 1 M. Mersenne, dans Quaestiones (celeberrimae) in Genesim, Paris 1623, d’après le ms. de Paris,

BnF gr. 2436; 2 F. Morellus [Morel], Bacchii Senioris latromathematici EIZAFATH sive Introductio Methodica ad Musicam per dialogismum Graeca... Paris 1623, V1-24 p. (avec trad. latine);

3 M. Meibomius, Antiquae Musicae Auctores

septem, I, Amsterdam 1652, p. 1-36 (avec trad. latine et notes critiques), réimpr. dans la collection « Monuments of Music and Music Literature in Facsimile » Il 51, New York 1977; 4 R. G. H. Westphal, dans Die Fragmente und die Lehrsätze der griechischen Rhythmiker, Leipzig 1861 (2° éd. 1867), p. 66-69 (extraits); 5 K. von Jan, Die Eisagoge des Bacchius, coll. «Lyceum zu Strassburg im

Elsass», Beilage zum Programm für das Schuljahr 1889/1890, Programm. 509, Strasbourg

1890, 32 p., avec

trad. allemande suivie d'un

Nr.

commentaire

(Erklärung, Strasbourg 1891, 23 p.: Programm Nr. 512); 6 K. von Jan, Musici Scriptores Graeci: Aristoteles, Euclides, Nicomachus, Bacchius, Gaudentius, Alypius, et melodiarum veterum quidquid exstat. Recognovit, prooemiis et

indice instruxit Carolus Janus, coll. BT, Leipzig 1895, p. 292-316; réimpr. Hildesheim 1962 ; 7 L. Zanoncelli, La manualistica musicale greca, Milano 1990. p. 252-285 (avec trad. italienne et commentaire, p. 287-304 ; reproduit le texte de von Jan 6, mais avec un apparat différent). Autres traductions. Frangaises: 8 M. Mersenne, dans Traité de l'harmonie

universelle, Paris 1627, p. 93-106 (sous le pseudonyme de «Sieur de Sermes»); 9 Ch.-Ém. Ruelle, Collection des auteurs grecs relatifs à la musique 5, Paris 1895, p. 103-140. Une trad. inédite, faite d’après l’éd. Meibom 3 et attribuée à G.-A. Villoteau (1759-1839), membre de la campagne d'Égypte, est conservée à la BnF, Département de la Musique, fonds du Conservatoire, ainsi qu'à la Bibl. Mun. de Tours. Elle serait due, selon A. de La Fage, à N.-L. Achaintre. Anglaise: 10 O. Steinmayer, JMT 29, 1985, p. 273-294 (avec notes critiques, p. 295-298).

Cf. 11 Ch.-Ém. Ruelle, « Traduction de quelques textes grecs inédits recueillis à Madrid et à l'Escurial», AAEEG 8, 1874, p. 122-149 (partic. p. 124-126: Fragment musical anonyme, d’après Bacchius l'Ancien); 12 Id., Études sur l'ancienne musique grecque, Paris 1875 ; 13 K. von Jan, «Die Metrik des Bacchius »,

RhM 46, 1891, p. 557-576; 14 Christ-Schmid-Stählin, GGL VII 2/2 (6° éd. 1924), 895 (ὃ 770); 15 1. Solomon, «Ekbole and Eklusis in the Musical Treatise of Bacchius », SO 55, 1980, p. 111-126; 16 P. Amelio, «L'Isagoge di Bacchio», dans D. Sabaino, M. T. Rosa Barezzani et R. Tibaldi (édit.), Musicam in subtilitate

B 70

BYNDACÓ

scrutando.

85

Contributi alla storia della teoria musicale,

coll. «Studi

e Testi

Musicali», n. s. 7, Lucca 1994, p. 57-88. Dans l'état oü il nous est parvenu, ce compendium scolaire est en réalité un amalgame de deux traités (A, B) dus à deux auteurs distincts, l'un d'eux étant

« Bacchius le Vieux», inconnu par ailleurs. Sa doctrine est conforme au canon traditionnel de la musicographie antique (la division en paragraphes est celle de von Jan 5 et 6, retenue par Zanoncelli 7 et Ruelle 9). A. Définition de la musique («connaissance du chant et des faits relatifs au chant») et de ses éléments: hauteur ($ 4), système (δ 5), intervalles ($8 6-9, 64), consonances avec leur notation (88 10-18; 75-77), pycnum, («systéme composé de deux intervalles minimes dans

chaque genre », $ 20), genres («division ou répartition des sons et des intervalles dans le tétracorde »): enharmonique, chromatique, diatonique ($8 21-25), tétracordes (88 26-28 ; 80-87), composés de sons mobiles et de sons fixes ($8 29-32), éclysis et ekbolé ($88 37-38, 41-42), disjonction (ὃ 39) et conjonction (8 63),

registres des sons: hypatoide (grave), parhypatoide (moyen), lichanoide (aigu) ($8 43-44), nature de la mélodie, reláchée (de l'aigu au grave), tendue (du grave à l'aigu) ou stationnaire ($ 45), tropes («formes d'un tissu mélodique») ou tons de hauteur ($8 46-49), métaboles ou modulations (de système, de genre, de trope, d'éthos, de rythme, $8 50-58), dissonance ($ 59), homophonie ($ 60), paraphonie (8 61; la définition manque), sons du Grand Système (88 63 -65), diésis (quart de ton; $$ 8, 66). Le deuxième traité (B, $8 67-101) reprend sensiblement les

mémes topoi dans une rédaction abrégée, mais développe davantage les questions de métrique et de rythmique (δὲ 94-101).

La tradition manuscrite. Elle est recensée in extenso par 17 Thomas

J.

Mathiesen, Ancient Greek Music Theory. A Catalogue raisonné of Manuscripts, coll. « Répertoire International des Sources Musicales», B XI, München 1988, qui décrit 36 mss dont 22 du ΧΥΠ s. Seuls deux mss sont du ΧΙ s. Cf. aussi von Jan 5 et 6 et Ruelle 9. YVES CHARTIER.

70

BYNDACÓ ou RHYNDACÓ DE LUCANIE Pythagoricienne, sœur d'Occélos et d'Eccélos de Lucanie d’après le Catalogue de Jamblique (V. pyth. 36, 267 ; p. 146, 19 Deubner), et non pythagoricien, frére de Philtys comme le supposait Deubner à la suite d'une correction du passage. Voir B. Centrone et R. Goulet, art. «Eccélos de Lucanie» E 1, DPhA

III, 2000, p. 51-52. BRUNO CENTRONE.

86

CORVINUS

C 190a

C CAELIUS -» MARCELLINUS (CAELIUS -) CAMEINOS -» LÓREIOS CAMEINOS 190a

CORVINUS (M. Valerius Messalla —) RE Valerius 26 PIR?

cons. 31?

Orateur et homme politique romain, né vers 64 av. J.-Chr. et mort vers 8 ap. J.-Chr. En 45-44, avec Horace (**H 167) et plusieurs autres jeunes de l'aristocratie, dont le fils de Cicéron (Marcus: »C 124), il séjourna à Athènes afin d'étudier la philosophie (Cicéron, Art. XII 32, 2; XV 17, 2). Voir B. Senuit, «Le

séjour d' Horace à Athénes», LEC 47, 1979, 249-255. Dans son Ode III 21, Horace entend partager avec lui un vin daté de l'année de naissance du poète (consulat de L. Manlius Torquatus: 65*). Corvinus, «quoique imprégné des entretiens socratiques » ne dédaignera pas ce bon vin, pas plus que l'antique Caton [en réalité Caton d'Utique] ne se refusait à réchauffer de vin pur sa vertu (cf. Martial, Epigr. II 89, 1-2, et Sénèque, De tranquillitate animi 17,4 et 9, Pline, Lettres III 12, et Piutarque, Vie de Caton le jeune 6, 3). Comme Mécène, Corvinus réunissait chez lui une cour de poètes, dont Tibulle, Sulpicia et Ovide. Voir C. Davies, « Poetry in the circle of Messalla», G&R 20, 1973, p. 25-35; L. Winniczuk, «Mecenat», Meander 34, 1979, p. 111-116 (rés. en lat.). Fragments. Enrica Malcovati (édit.), Oratorum Romanorum fragmenta, collegit, recensuit, prolegomenis illustravit H. Malcovati, coll. « Corpus scripto-

rum Latinorum Paravianum » 56-58, Torino 1930, p. 188. Cf. Jacob Hammer, Prolegomena The military and political career of Columbia Univ. Press, 1925, IX-100 Valerius Messalla Corvinus], RE VIII

to M. p. A

an edition of the Panegyricus Messalae. Valerius Messala Corvinus, New York, 8; (R. Hanslik], art. « Valerius» 261 [M. 1, 1955, col. 131-157 [arbre généalogique

de la famille, col. 144-145]; A. Valvo, «M. Valerio Messalla Corvino negli studi

piü recenti», ANRW II 30, 3, 1983, p. 1663-1680. RICHARD GOULET.

225a

CTESIPHON, FILS DE NEMÖNIOS, DE THASOS

FII - D Ill

J.-Y. Empereur et A. Simossi, «Inscriptions honorifiques du port de Thasos», BCH 118, 1994, p. 407-410, publient, avec photographie, une inscription honorifique gravée sur une base de statue: Ἢ πατρὶς Κτησιφῶντα Νεμωνίου τὸν φιλόσοφον, «La patrie (a élevé cette statue) à Ktèsiphon, fils de Némónios, le philosophe », qu'ils attribuent, d'apres l'écriture, à la fin du IF siècle ou au début du HT (nous précisons : avant 212). Ils rapprochent une épitaphe mutilée inscrite sur un sarcophage: Κτησιφῶν φιλόσο[φος], «Ktesiphon, philosophe », et deux

H 101a

HÉRON D'ALEXANDRIE

87

autres inscriptions nommant un Némónios fils de Ktésiphon (/G XII 8, 326, 5, et IG Xll Suppl. 445, 3), père ou fils du philosophe probablement. SIMONE FOLLET.

D 126a

DIODOROS D'ALEXANDRIE Il Le grammarien Diodoros mentionné dans les deux passages du Lexique de Suidas a été identifié avec le personnage homonyme connu par POxy. 2192, ἢ. 38 et PMerton 19 (daté du 31 mars 173), c'est-à-dire Valerius Diodorus membre du Musée d’ Alexandrie, fils de l'érudit (φιλόσοφος) de l'époque d’Hadrien (117-

138) Valerius Polion. Cette identification permet de mieux dater le lexicographe Valerius Hlarpocration, mais non pas de résoudre l''énigme' du Diodoros d'Alexandrie ‘disciple de Téléclès. Cf. E.G. Turner, JEA 38, 1952, p. 91 sq.; B. Hemmerdinger, REG

p. 107-109 ; 1... Keaney (édit.), Harpocration.

Lexeis of the ten

72, 1959,

orators,

Amsterdam 1991, p. IX-XI. TIZIANO DORANDI.

E 175

EUTOCIUS On corrigera dans l'intitulé de la notice "d' Alexandrie" en “d’Ascalon”.

H HÉRON-— MAXIME HÉRON Ola

HÉRON D'ALEXANDRIE RE 5 Mathématicien et ingénieur. Il fut le plus grand ingénieur de l'Antiquité. Les témoignages dont on dispose sur sa vie sont rares et souvent dépourvus de valeur. D'un autre cóté, on ne peut déduire grand chose de ses œuvres, dont un grand nombre cependant nous sont

parvenues. L'intérét qu'elles ont suscité explique leur utilisation massive et les nombreuses réélaborations qu'elles ont connues au cours des siècles. Les auteurs antiques ont désigné Héron comme unyavıxöc («mécanicien» ou plutôt «ingénieur »), pour le distinguer d'autres personnages homonymes. On le trouve par exemple explicitement désigné de la sorte par Proclus, Hyporyposis,

88

HERON D’ALEXANDRIE

H 101a

p. 120, 4 Manitius ; in prim. Eucl., p. 305, 24 et 346, 13 Friedlein ; et par Damien, Optica, p. 14, 5 Schöne. Pappus également, dans ses Collectiones II, p- 56, 1 ; VIII, p. 1022, 14-15 ; VIII, p. 1034, 4 Hultsch, fait toujours référence à Héron dans des contextes relatifs à la mécanique, bien qu'il n'emploie pas l'expression "Hpov ὁ unyavixóc. Dans certains manuscrits il est mentionné comme ὁ ᾿Αλεξανδρεύς, et c'est ainsi que l'appellent également Pappus, Collect. VIII, p. 1060, 4 Hultsch, et un auteur anonyme (Héron de Byzance ?) édité par 1 C. Wescher, Poliorcétique des Grecs, Paris 1867, p. 256, 8. Ce second épithéte nous informe sur la ville oà Héron vivait et exergait son activité : c'est A un des rares points sûrs de sa biographie. La désignation d'Héron comme φιλόcodoc que l'on trouve dans les manuscrits de la recension pseudo-héronienne des Pneumatica est probablement une infiltration dans la tradition authentique du texte. J'estime cependant qu'un tel qualificatif doit également étre pris en considération, car des savants et des philosophes ont, à différentes époques, souligné la portée philosophique des écrits de Héron et ont noté aussi bien les arguments de caractére ouvertement philosophique qu'il utilise que les problémes mathématiques qui ont des conséquences philosophiques ou sont liés à la philosophie (voir par exemple Henri Aristippe, Phaedo 89 Minio Paluello). La chronologie de Héron a fait l'objet de beaucoup de discussions. Depuis les études de Neugebauer, dont nous reparlerons plus bas, on peut aujourd'hui situer

Héron dans la seconde moitié du I“ siècle apr. J.-C. Pour établir la chronologie de Héron les savants ont proposé des dates fort divergentes s'étalant de la mort d' Archimede (212 av. J.-C.) qui est souvent cité par Héron, à Pappus (III-IV* siècle apr. J.-C.) qui cite Héron à plusieurs reprises. Une premiere tentative pour obtenir une datation plus précise se fonde sur la relation présumée de Héron avec Ctésibius que suggèrent des indications tirées

des manuscrits. Le principal manuscrit qui a transmis le livre des Belopoiica, le Parisinus Suppl. Graec. 607, porte dans son titre "Hpovoc Κτησιδίου BeAonouxá.

On lit également dans le Vindobon.

120: Τέλος

τῶν

᾿Αρχιμήδους

BeAonouxöv τῶν ἐξηγηθέντων παρὰ "Hoovoc Κτησιδίου. On a tiré du génitif Κτησιδίου la conclusion que Héron aurait été le disciple de Ctésibius, comme le prétend explicitement l'auteur byzantin anonyme du X* siécle déjà cité (Héron de Byzance ?) qui écrit : ὁ 'Aoxpnvóc Κτησίδιος ὁ τοῦ ᾿Αλεξανδρέως "Hpovoc καθηγητής. On situe généralement Ctésibius (»^C 224) vers 270 av. J.-C.

(cf. 2 A.G. Drachmann, Ktesibios, Philon and Heron. A study in ancient pneumatics, Copenhagen 1948, notamment p. 1-41). En réalité, le génitif Κτησιδίου des manuscrits évoque non pas le rapport de maitre à disciple qui relierait Ctésibius à Héron, mais bien, si l'on tient compte de l'incompatibilité chronologique qui existe entre les deux personnages, le fait que les Belopoiica reprennent le contenu d'un ouvrage de Ctésibius sur le méme sujet. On est également tenté de mettre chronologiquement en rapport Héron et Philon de Byzance, un contemporain légèrement plus jeune de Ctésibius, à partir de deux considérations: (a) dans les Automata, p. 412, 13, Heron dit que ses contemporains, oi καθ᾽ ἡμᾶς, ont mis en scène au théâtre le mythe de Nauplius en utilisant un automate

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HÉRON D'ALEXANDRIE

89

fixe que Héron attribue à Philon de Byzance (cf. Automata, p. 404, 11 - 408, 10). A partirde ce passage, 3 K. Tittel, art. «Heron» 5, RE VIII 1, 1912, col. 997 et 1050 sqq., formule l’hypothèse que Philon serait inclus par Héron parmi ses

contemporains. (b) D'autre part, Philon, dans ses Belopoiica, traite de dispositifs militaires qui semblent correspondre à ceux que décrits Héron dans ses propres Belopoiica. Ces deux arguments se fondent sur des présuppositions fragiles. Le

premier argument met en rapport deux passages indépendants des Automata, puisque dans le premier passage (p. 404, 11 - 408, 10), Héron décrit l'automate

créé par Philon pour le mythe de Nauplius en se fondant sur la description que le méme Philon en avait fournie, tandis que dans le second passage (p. 412, 13), Heron parle de ses contemporains qui ont mis en scéne le méme mythe en utilisant des automates plus variés et doués de mouvement contrairement à ceux

qu'avaient construits les anciens. L'erreur de Tittel est d'avoir rapproché ces deux passages pour conclure que Philon appartenait aux oi καθ᾽ ἡμᾶς. I suffisait

de lire Automata, p. 404, 11-14, où Heron considère Philon comme un prédécesseur (τῶν πρὸ ἡμῶν). Philon doit donc être inclus, selon Héron, parmi les constructeurs «anciens » d’automates et non parmi les contemporains. C'est à la méme conclusion qu'est parvenu également 4 Th. Heath, A History of Greek

Mathematics, Oxford 1921, t. Il, p. 301 et n. 3. Le pas à la critique, car Philon présente en réalité des par Ctésibius, auquel remonte également Héron. En le texte grec des Metrica : cette découverte invite à

second argument ne résiste dispositifs qui étaient décrits 1896, R. Schöne a découvert situer le terminus post quem

vers 150 av. J-C., puisque Heron, Metrica, 58, 19 et 62, 17, fait référence aux

cordes du cercle, que l'on peut faire remonter à la Table des cordes d'Hipparque de Nicée (185-125 av. J.-C.), comme l'a déjà montré Heath 4, p. 299. On a ensuite discuté d'un passage de Pappus, Collect. II, p. 54-56 Hultsch,

qui, à propos de la méthode susceptible de trouver deux moyennes proportionnelles de deux

droites

inégales données,

mentionne

la solution donnée

par oí

παλαιοὶ γεωμέτραι tout en donnant l'impression de mettre ensemble Héron, Ératosthéne (»+E 52), Nicomède et Philon et donc de situer Héron à une époque fort antérieure à la sienne. Toutefois, une lecture attentive du passage invite à

écarter une telle interprétation, car il est manifeste que Pappus, tout au contraire, cite la solution du probléme fournie par Philon et qu'il cite Héron uniquement parce que la solution fournie par ce dernier dans ses Mechanica est identique à

celle de sphaera que l'on VIII, p.

Philon, comme du reste nous en informe Eutocius, Comm. in libros de et cylindro, p. 66, 5 Heiberg-Stamatis. A propos des citations de Héron rencontre chez Pappus, on a également discuté du fait que dans Collect. 1116, 4-7 Hultsch, Pappus fournit des extraits de Mechanica de Héron et

déplore la présence de certaines lacunes. On a toutefois des raisons de penser que

l'ajout des extraits tirés de Héron est dü non pas à Pappus lui-méme, mais à un auteur plus tardif, ce qui conduit à rejeter cet indice qui supposerait un écart temporel excessif entre Héron et Pappus. Un certain rapport a été également supposé entre Héron et Posidonius d'Apamée. Dans les Mechanica I 24, ouvrage conservé en version arabe, Héron donne

90

HÉRON D'ALEXANDRIE

H 101a

une définition du centre de gravité et attribue cette définition à un stoicien du nom de Posidonius, qui pourrait être Posidonius d' Apamée. D'ailleurs, parmi les Definitiones d" Héron, il s'en trouve quelques-unes, par exemple la def. 23 «sur la figure » et la définition 71 «sur les parallèles», que Proclus, in prim. Eucl., p. 143, 7 et 176, 4 Friedlein, attribue à Posidonius d' Apamée (cf. aussi Tittel 3, col. 998 ; Heath 4, t. II, p. 302; 5 J. Mau, art. «Heron», KP 2, 1967, col. 1106).

Dans ces conditions, si l'on devait admettre que Posidonius fut le premier à fournir de telles définitions et que c'est Héron lui-méme et non un éditeur plus tardif de ses écrits qui a inséré ces définitions dans le texte, on devrait conclure que Héron n'a pas pu vivre avant Posidonius et que le terminus post quem pour sa

datation devrait être la fin du II siècle av. J.-C. On devrait également considérer comme étonnant le silence de Vitruve sur Héron: dans la préface du livre VII du De architectura, que l’on date de la fin du I“ siècle av. J.-C., Vitruve cite une liste de « mécaniciens» dont les ouvrages lui ont fourni des extraits. Cette liste contient douze noms de mécaniciens et donne toutes les apparences d'une citation complète. Elle mentionne aussi bien Archimede que Ctésibius et Philon de Byzance, mais ne fait aucune allusion à un Heron. En outre, en examinant les problömes pris en compte par l'un et l'autre auteur, on constate entre Héron et Vitruve de nombreuses divergences et peu de ressemblances (cf. Heath 4, t. II, p. 302-303),

ce qui inclinerait à penser que Vitruve ne connaissait pas Héron et, par conséquent, que Héron a vécu apres Vitruve.

La comparaison entre certaines mesure géodésiques que l'on peut lire chez les arpenteurs romains avec celles qui sont contenues chez Héron laisse soupconner que Héron a vécu à une époque plus tardive (cf. Tittel 3, col. 999; Heath 4, t II,

p. 303). On pourrait établir un paralléle, par exemple, entre Héron et Columelle, l'auteur du traité agronomique le plus développé laissé par l'Antiquité, le De re rustica, un ouvrage du I? siècle de notre ère. Pour certaines mesures de figures planes, Columelle semble utiliser des méthodes qui ont des liens étroits avec celles employées par Héron, principalement pour ce qui concerne la mensuration du triangle équilatéral, de l'hexagone régulier et du segment de cercle moindre qu'un demi-cercle (cf. Heath 4, t. II, p. 303). On peut cependant envisager l'hypothése que l'un et l'autre aient eu accés à d'autres sources, surtout parce que le méme Héron affime que les anciens, bien qu'ils aient mesuré le segment de cercle mineur d'un demi-cercle avec une certaine négligence (Merrica, p. 72, 28-29),

ont manifesté au contraire beaucoup d'exactitude dans la mesure de l'aire d'un demi-cercle (Metrica, p. 74, 21).

L'analyse donnée par 6 O. Neugebauer, Über eine Methode zur Distanzbestimmung Alexandria-Rom bei Heron, coll. « Det. Kgl. Danske Videnskabernes

Selskab. Historisk-filologiske Meddelelser » 26, 2, Copenhague 1938, du $ 35 de la Dioptre, a contribué à l'établissement d'une chronologie rapprochant Héron de Columelle. Dans ce chapitre, Héron indique une méthode pour mesurer la distance entre deux points différents tant en latitude qu'en longitude, comme Rome et Alexandrie d'Égypte. Déjà 7 H. Schóne, Heronis Alexandrini, Opera

quae supersunt omnia, vol. III, Leipzig 1903, p. 303 n. 1, avait souligné le fait que

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HÉRON D'ALEXANDRIE

9

le texte du ὃ 35 est corrompu, au point qu'il n'est plus possible de reconstruire correctement le procédé ni de le représenter dans une

figure. Neugebauer a

reconstruit par la suite le chapitre, tout en donnant une traduction qui a réussi à satisfaire les experts. Il découvrit ensuite - comme il l'a dit lui-même — que quelques années auparavant, plus précisément en 1923, M. A. Roure avait appliqué la méme opération et était parvenu aux mémes résultats. Neugebauer se servait de la description de l'éclipse à l'occasion de laquelle Héron avait mesuré la distance entre Alexandrie et Rome pour établir l'époque oü vivait Héron. De fait, l'Alexandrin fait référence à une éclipse de lune, survenue simultanément dans les deux villes dix jours avant l'équinoxe de printemps: elle était visible à Alexandrie

à la cinquième heure de la nuit et à Rome à la troisième heure. Cette éclipse, décrite en des termes aussi précis est identifiée par Neugebauer avec celle qui est survenue le 13 mars de l'année 62 de notre ere, date qui constitue un terminus

ante quem pour la chronologie de Héron: ce dernier devrait être situé au I” siècle apr. J.-C. et serait pratiquernent un contemporain de Néron. Les conclusions de Neugebauer sont acceptées et confirmées par Drachmann 1, p. 76-77, et 8 Id., «Heron

and Ptolemaios», Centaurus

1, 1950, p. 117-131,

ainsi que par le méme 9 O. Neugebauer, The Exact Sciences in Antiquity, Providence (R.1.), 1957. Ces conclusions contredisent diverses opinions émises par

d'autres savants qui se fondaient sur des bases scientifiques moins süres et arrivaient, comme le démontre Neugebauer, à des conclusions erronées. Par exem-

ple, Heath 4, t. II, p. 305, nie l'authenticité de Dioptra $ 35 en fonction de ce qu'on lit dans Schöne 7, p. 303. Mais ce qu'écrit Heath ne vaut plus aprés les démontrations fournies par Neugebauer postérieurement à l'édition de Schóne. La méme chose vaut pour la thése soutenue par 10 I. Hammer Jensen, «Ptole-

maios und Heron », Hermes 48, 1913, p. 224-235, qui s'appuyait sur le méme $ 35 de la Dioptre pour établir une relation entre Héron et Ptolémée et situer

Heron au I siècle de notre ère. Comme l'a fait Neugebauer 6, Héron a été situé au I” siècle apr. J.-C. par 11 U. von Wilamowitz, dans Die griechische und lateinische Literatur und Sprache von U. v. Wilamowitz-Moellendorff, K. Krumbacher, J. Wackernagel, Fr. Leo, E. Norden, F. Skutsch = P. Hinneberg (édit.), Die Kultur der Gegenwart. Ihre Entwicklung und ihre Ziele, 1 8, Leipzig/Berlin 1912, p. 145; 12 W. Schmidt, dans Heronis Alexandrini, Opera quae supersunt omnia, vol. 1, Leipzig

1899, p. IX sqq. ; Drachmann 1, p. 76-77 ; Drachmann 8, p. 117-131; Mau 5, col. 1106. Mais c'est à des conclusions différentes que sont parvenus 13 T. H. Martin, Recherches sur la vie et les ouvrages d'Héron

d'Alexandrie,

disciple de Ctési-

bius, et sur tous les ouvrages mathématiques grecs qui ont été attribués à un auteur nommé Héron, coll. « Mémoires présentés par divers savants à l' Académie des Inscriptions et Belles Lettres» I®* sér., IV, Paris 1854; Tittel 3, col. 994-1000; 14 P. Tannery, « L’Arithmetique des Grecs dans Héron d'alexandrie », Mémoires de la Société des sciences physiques et naturelles de Bordeaux 15 sér., 1882, t. IV, p. 314 (= Mémoires Scientifiques, t. I, Toulouse/Paris 1912, p. 190), et

15 R. Meier, De Heronis aetate, Lipsiae 1905, p. 8, qui tous situent Héron vers

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HERON D’ALEXANDRIE

H 101a

l'an 100 av. J.-C. En faveur d'une datation au IY. siècle de notre ère se sont toutefois prononcés

Hammer

Jensen

10 et 16 J. L. Heiberg, Heronis Alexandrini,

Opera quae supersunt omnia, vol. V, Leipzig 1914, p. iX. D a méme été placé au Hr siècle par Heath 4, t. II, p. 306; 17 H. Diels, SPAW 1895, p. 43; 18 B. Carra de Vaux, «Les Mécaniques ou l'élévateur de Héron d' Alexandrie publiées pour la première fois sur la version arabe de Qostä ibn Lüqä (IX* siècle) et traduites en

français », JA IX* série, t. II, 1893, p. 387 et 406. La question chronologique n'a pas cessé d'étre alimentée par d'autres études

et d'autres hypothéses. Par exemple, 19 F. Krafft, « Kunst und Natur: Die Heronische Frage und die Technik in der klassischen Antike», A&A 1973, p. 1-19, a suggéré de définir comme terminus ante quem celui du floruit de Marinus de Tyr qui se place vers l'an 114 de notre ére, sur la base d'arguments qui montreraient que Héron fut en activité avant Marinus. D'autres contributions récentes apportent un soutien à la datation établie par Neugebauer 6. Par exemple, 20 P. Keyser, «Suetonius Nero 41.2 and the date of Heron Mechanicus of Alexandria», CPh 83, 1988, p. 218-220, a fait remarquer qu'il y a dü y avoir deux experts distincts ayant observé l'éclipse décrite par Héron et identifiée par

Neugebauer avec celle de l'année 62 de notre ére. Un de ces deux experts serait vraisemblablement Héron lui-méme, qui a pu observer l'éclipse à Alexandrie, l'autre pourrait étre un de ses assistants ou un collégue avec lequel il était en

contact et qui aurait observé l’éclipse depuis Rome. Keyser 20, p. 219, déduit ensuite le terminus ante quem des Pneumatica de Héron en se fondant sur Suétone, Néron 41, 2, qui est repris dans un passage semblable par Dion Cassius. Dans ce passage, Suétone se réjouit d'un nouveau type d'orgue hydraulique dont une démonstration publique avait été donnée à Rome en 68 apr. J.-C., instrument que Keyser identifie avec celui de Héron sur la base des observations suivantes : Héron aurait été le plus grand mathématicien et ingénieur de son temps et on peut penser, avec un fort degré de vraisemblance, que l'orgue à eau, dont il parle dans Pneumatica 142, serait celui qui était le plus à l'avant-garde, puisqu'il n'est pas mentionné par d'autres mathématiciens et ingénieurs à l'époque oü Suétone écrivait. Keyser qui situe également Ctésibius au 111° siècle av. J.-C., fait remarquer que le fait que Suétone se réjouisse de ce nouveau modele d'orgue hydraulique donne justement l'impression qu'il s'agissait d'un instrument nouveau par rapport à celui qui avait été inventé par Ctésibius, ce qui améne à penser ou bien à Héron ou bien à un contemporain inconnu de Suétone, mais, comme le dit

Keyser 20, p. 219, «entia non sunt multiplicanda praeter necessitatem». En conséquence, l'année 68 de notre ère devient le terminus ante quem pour la publication des Pneumatica, et il s'agit d'une datation qui vient confirmer, ainsi que le souligne Keyser, les dates de 55 et de 62 qui ont été proposées par la publication des Mechanica et de la Dioptre. La date de 55 apr. J.-C. proposée pour la publication des Mechanica est déduite d'un passage de Héron, Mechanica IH 21, où est décrite une nouvelle méthode pour filleter une vis. Pline, Naturalis Historia, XVIII 74 Ian-Mayhoff, affirme que cette méthode fut découverte 22 ans avant la composition de son

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HÉRON D'ALEXANDRIE

93

ouvrage, c'est-à-dire 22 ans avant l'année 77 de notre ère. 21 L. Nix e W.

Schmidt, Heronis Alexandrini, Opera quae supersunt omnia, vol. Il, Leipzig 1901, p. XIX et XXII-XXIII, en ont tiré la conséquence que la publication des Mechanica

doit remonter

à 55 apr. J.-C. Cette opinion

a été partagée

par

22 A.G. Drachmann, Ancient Oil Mills and Presses, coll. «Kgl. Danske Videnskabernes Selskab, Archaeologisk-Kunsthistorisk Meddelelser» 1, Copenhague

1932, p. 125-128; 23 Id., The

Mechanical

Technology of Greek and

Roman Antiquity, Copenhagen 1963, p. 140 et 205 ; Krafft 19, p. 19 n. 55; 24 D. Sakalis, Die Datierung Herons von Alexandria, Kóln 1972, p. 4-5. Cet argument n'est évidemment valable que si l'on peut démontrer que Héron a décrit le dispo-

sitif pour filleter une vis pour la premiére permet pas d'établir l’œuvre en elle-même, est le premier à publier cette méthode -, et uniquement à travers l'ouvrage de Héron assisté à une démonstration pratique de la

fois dans les Mechanica — ce que ne car Héron ne dit absolument pas qu'il si Pline a connu une pareille méthode et non, par exemple, parce qu'il avait méthode. Il est permis de penser, en

tout état de cause, que la description écrite et l'application de la méthode doivent

étre considérées comme proches d'un point de vue chronologique, ce qui rend plausible la date de 55 apr. J.-C. comme date de publication des Mechanica. Pour résumer, les données exposées jusqu'ici rendent parfaitement vraisem-

blable la datation de la vie de Héron au I“ siècle de notre ère. En effet, la référence donnée par Heron dans ses Merrica à des tables des cordes, qui semblent étre celles d'Hipparque, de méme que ses définitions 23 et 71 qui rapportent,

comme on l’a dit, le point de vue de Posidonius d' Apamée permettent déjà de situer l'époque de Héron après le IF siècle av. J.-C. Le silence de Vitruve concernant Héron peut, encore une fois, faire déplacer son époque au I” siècle av. J.-C.

Mais la comparaison avec les arpenteurs romains, et notamment avec Columelle, amènent — comme nous l'avons dit - à situer la vie de Héron dans le I? siècle de notre ére. Des dates beaucoup pour précises peuvent étre définies au moyen des

trois données suivantes: (1) l'éclipse de lune de l'année 62 de notre ère, qui constitue un terminus post quem pour la publication de la Dioptre ; (2) l'argument de Ia vis filletée mentionnée par Pline et qui assigne l'année 55 apr. J.-C.

comme terminus post quem pour la publication des Mechanica ; (3) le passage de Suétone signalé par Keyser concernant un nouveau type d'orgue hydraulique exposé publiquement

à Rome

en 68 de notre ère et qui fixe en cette année le

terminus ante quem de la publication des Pneumatica. Tous ces arguments donnent de bonnes raisons de croire que Héron a vécu au I? siècle de notre ère.

Dernier point. Comme l'a justement démontré 25 R. Goulet, Trois cordonniers philosophes, dans ses Études sur les vies de philosophes dans l'Antiquité

tardive, Paris 2001, p. 145-149 (article précédemment paru dans M. Joyal [édit.], Studies in Plato and the Platonic tradition, Essays presented to John Whittaker, Aldershot 1997, p. 119-125), Héron d' Alexandrie ne peut être identifié avec le cordonnier Héron cité par Théon, Progymnasmata 8, comme

von Arnim, art. « Heron» 3, RE VIII 1, 1912, col. 992.

l'a envisagé 26 H.

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HERON D’ALEXANDRIE

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Œuvres. Héron fut un auteur abondant et ses œuvres couvrent de vastes secteurs du savoir scientifique, par exemple les mathématiques, la géodésie, la physique, les diverses branches de la mécanique, l’optique. Ces œuvres furent de la plus grande utilisé d’un point de vue théorique, mais principalement du point de vue pratique: ce fait eu comme conséquence d'une part qu'il y eut une riche tradition textuelle, comme le révèle le nombre considérable de manuscrits de certaines œuvres, et d'autre part qu'elles firent l'objet de

réélaborations et

d'ajouts constants de la part d'auteurs plus tardifs, ce qui fait qu'il est parfois impossible de remonter à leur recension originale. La facon dont Héron traite le contenu de ses différents écrits permet de lui attribuer de facon générale le qualificatif de «technologue ». Lorsqu'en effet il affronte certaines problématiques complexes de caractère théorique, notamment en mathématiques, il ne les considere pas toujours comme ayant leur fin en elles-mêmes, mais parfois en rapport étroit avec leur application technico-pratique. Héron s'inscrit donc dans un domaine de la recherche scientifique qui se situe entre les mathématiques pures, c’est-à-dire les mathématiques comprises à la manière d'Euclide (2+E 80), et les mathématiques techniques, ou, si l'on veut, leurs applications pratiques. A partir de ces considérations, il est possible de répartir les écrits de Héron en deux sections différentes: A. Écrits mathématiques qui ont un caractere principalement théorique, lesquels ont déjà été publiés par 27 F. Hultsch, Variae collectiones. Heronis Alexandrini geometricorum et stereometricorum reliquiae, Berlin

1864, B. Écrits technologiques que l'on peut à nouveau subdiviser en deux groupes: 1. Ecrits technologico-théoriques et 2. Écrits technologico-pratiques. Mais avant tout, il me semble opportun de signaler la répartition des œuvres dans l'édition Teubner, qui constitue l'édition de référence. 28 Heronis Alexandrini opera quae supersunt omnia, coll. BT, vol. I-V, Leipzig 1899-1914: vol. I: Pneumatica (1-II), Automata, Schmidt 12; vol. II: Mechanica (1-IIl et fragments grecs), Catoptrica, Nix-Schmidt 21 ; vol. III: Metrica (I-II), Dioptra, Schöne 7; 29 vol. IV: Definitiones, Geometrica, ed. J. L.. Heiberg, 1912; vol. V: [Geodaesia], Stereometrica (1-II), De mensuris, Heiberg 16.

Dans son Appendice, Schmidt 12 rassemble les fragments conservés du Tlepi ὑδρίων ὠροσχκοπείων, le Liber Philonis De Ingeniis Spiritualibus et des extraits du De

architectura de Vitruve;

Nix-Schmidt

21 font suivre la Catoptrique

d'extraits du De architectura de Vitruve, de la Naturalis Historia de Pline, du De agri cultura de Caton, de la Catoptrique du Pseudo-Euclide ; Heiberg 16, sans en donner une publication officielle, inclut cependant la Géodésie aux p. LXX-XCIII. A. Écrits mathématiques (1) Merrica I-III. Ils constituent certainement l'ouvrage de mathématiques le plus important, d'une part parce qu'Héron y étudie de facon plus approfondie des sujets qu'il reprend dans d'autres ouvrages, d'autre part parce que cette œu-

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HÉRON D'ALEXANDRIE

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vre semble avoir conservé sa forme originale dans une plus grande mesure que ce que l'on constate pour les autres écrits. Jusqu'à la découverte par Schóne en

1896 du manuscrit de Constantinople qui a transmis cet ouvrage — cf. 30 E.M. Bruins, Hero Alexandrinus, Metrica : accedunt partes quaedam selectae Codicis constantinopolitani palatii veteris No. 1, Leiden

1964 —, les Metrica n'étaient

connus que par une allusion que l'on trouve chez Eutocius, in Archimedis dimensionem circuli, lI, p. 270 Heiberg-Stamatis. En ce qui concerne le contenu, le livre I traite de façon générale de la mesure des aires avec de nombreuses citations d’Eudoxe et d' Archimede ; le livre II expose la mesure des figures solides en se référant à la Méthode d' Archimede ; le livre III, qui s'ouvre avec l'éloge de la géométrie (cf. 31 J. Y. Guillaumin, «L'éloge de la géométrie dans la préface du livre III des Metrica d'Héron d' Alexandrie », REA 99, 1997, p. 91-99), traite de

la division des figures en parties ayant des rapports déterminés l'une par rapport à l'autre ; ce texte a de nombreux points communs avec le traité d'Euclide Sur la

division de la figure. (2) Definitiones. L'œuvre doit être attribuée à Héron, cf. Heiberg 29, p. IV, et

cette attribution est universellement acceptée, bien qu'il s'agisse d'une miscellanée mathématique composée par un savant byzantin (probablement du XI* siècle) à partir d'extraits d'Héron et de divers auteurs. Il y a 138 définitions en tout: les 132 premières appartiennent à Héron, la 133° est tirée des Geometrica du méme Heron, la 134° des Éléments d’Euclide, la 135° de Géminus, les définitions 136 et

137 du commentaire de Proclus à Euclide, la 138* d'Anatolius et de Théon de

Smyrne. Les définitions de Héron, malgré le titre, "Opot τῶν γεωμετρίας óvoμάτων, n'ont pas toutes le caractère d'une simple définition, car l'auteur fournit également, dans la plupart des cas, une explication de la notion géométrique examinée. Les arguments suivent une progression logique qui va des objets les plus simples aux plus complexes de la géométrie, c'est-à-dire du point aux proportions entre les grandeurs. (3) Geometrica. Comme l’a dit Heiberg 16, p. XXI sqq., l’œuvre peut être considérée comme héronienne dans sa forme originaire, mais elle est encombrée

d'interpolations et d'interventions d'un auteur postérieur, au point qu'il est impossible de distinguer ce qui appartient réellement à Héron

de ce qui, au

contraire, a été interpolé ou développé par la suite. Ceci s'explique par le fait que les problémes abordés par Héron font l'objet d'importantes retombées dans le domaine de leur utilisation pratique, principalement en ce qui concerne l'arpen-

tage, ce qui a entraîné dans la tradition de cet ouvrage des modifications, des ajouts et des omissions, principalement à l'époque byzantine. Les argumentations des Geometrica citent celles du premier livre des Merrica, notamment les $8 5-

20, qui semblent provenir d'un texte des Metrica différent de celui que nous connaissons, et les $$ 21, 1-25 jusqu'à 22, 3-24. (4) Geodaesia. Cet écrit ne peut pas étre considéré comme un ouvrage indépendant, car il ne contient que des extraits des Geometrica et des Metrica. C'est de Metrica 1 8 provient la « formule de Héron» qui permet de calculer l'aire d'un triangle dont on connait la longueur des trois cótés. Cette formule est beaucoup

96

HERON D’ALEXANDRIE

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utilisée, car elle facilite le calcul des aires non seulement des trianges, mais aussi des polygones irréguiiers, à travers leur décomposition en triangles. Son emploi est trés fréquent dans la mesure des terrains. (5) Stereometrica I-II. La tradition de cette œuvre a elle aussi fait l'objet d'un

développement. Sous le titre Εἰσαγωγαὶ τῶν στερεομετρουμένων, sont en effet transmis deux recueils de textes destinés à la solution de problèmes d'ordre pratique : le premier ensemble est transmis sous le nom de Héron, tandis que le second est anonyme. Dans certains manuscrits, se trouvent mélangées des parties de l'une et de l'autre recueil. Le livre I expose la mesure de figures géométriques solides, d'édifices ou d'autres constructions, comme, par exemple, un théátre, un amphitheätre, une piscine, un puits, un navire, un tonneau de vin etc. Le contenu

du livre II est semblable à celui du livre I, dont certaines parties se trouvent répétées. Le $ 27 expose le probléme de Thalés: comment mesurer la hauteur d'un

pilier ou d'une poutre en mesurant les ombres. (6) De mensuris. Cet ouvrage, attribué à Heron dans un manuscrit d’Archiméde du IX* siécle, étudie différents problémes de mesure et de calcul, de nature principalement géométrique et stéréométrique, mais toujours en rapport avec des objets ou des lieux concrets, par exemple: blocs de pierre de diverses formes,

morceaux de bois, théátres, hippodromes, citernes, etc. La forme sous laquelle cet écrit a été transmise est malheureusement trés corrompue, au point qu'il n'est pas toujours possible de remonter au texte primitif de Héron. Certaines sections du texte ont été rayées et on trouve des erreurs qui sont certainement dues aux compilateurs. D'autres sections du texte présentent des points de contact avec d'autres œuvres de Héron, principalement avec Merrica let Il et Stereometrica 1 comme l'indique Heiberg 16, p. XXXIV-XXXV. (7) Liber Geeponicus. ll s'agit d'un recueil désordonné d'extraits d'autres œuvres de Héron, principalement les Geometrica et les Stereometrica, comme

l'indique Heiberg 29, p. XXIX, et Heiberg 16, p. VII-VIII. L'ouvrage commence, par exemple, avec 41 définitions empruntées aux Définitions, cf. Heiberg 29,

p. XXIX. (8) Commentaire sur les Éléments d'Euclide. Nous ne possédons que quelques extraits tirés de Proclus, et d'autres en langue arabe tirés d’Anaritius ou alNairizi (cf. ms. Leid. 399, 1). Ces extraits permettent de se faire une idée générale

du contenu et du caractére de l'ouvrage. Les extraits en arabe d'al-Nairizi furent publiés, dans la traduction latine de Gérard de Crémone, par Curtze en 1899, puis par Besthom et Heiberg. L'ouvrage examine un certain nombre de propositions d'Euclide, selon lesquelles la figure peut être tracée de différentes façons ; il présente des preuves alternatives de certaines propositions du livre ΠῚ des Éléments, ainsi que des démonstrations dans lesquelles Heron ne suit pas le texte d’Euclide, en vertu d'une hypothétique objection (ἔνστασις) contre la construction des figures utilisée par Euclide. Il fournit en outre des «théorémes converses» par rapport à ceux d'Euclide, etc.

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B. Écrits technologiques 1. Ecrits technologico-théoriques (9) Mechanica (1-IIT). L'ouvrage n'a été entièrement conservé que dans la tra-

duction arabe de Qostä ibn Lüqä. Dans l'édition Nix-Schmidt 21, sont ajoutés les fragments grecs, dont certains correspondent à des passages d'autres œuvres héroniennes, par exemple la Dioptre, le Barulcos et les Belopoiica. Il en résulte que la reconstruction du texte original est impossible, ce qui fait que cet écrit — qui est d'une extréme importance du fait qu'il associe à l'application pratique des problémes la dimension de recherche scientifique ou plutót, sous certains aspects, lui accorde sa préférence — peut fournir de la théorie mécanique de Héron une connaissance qui n'est pas toujours authentique. Le livre I étudie pour commencer la facon de mettre en mouvement un corps d'un poids donné au moyen d'une force donnée (cf. Dioptra $ 37). Est ensuite décrite la construction d'un

treuil à engrenage qui correspond au Barulcos décrit dans l’œuvre qui porte ce titre. Certains problémes de mécanique générale abordés par Héron se trouvent également chez Pappus, Collect. VIII Hultsch. La

matière, assez désordonnée,

concerne principalement les problèmes suivants: ceux qui sont liés à l'utilisation

de la roue et à son mouvement sous l'influence des Mnyavixà προδλήματα pseudo-aristotéliciens ; le probléme du parallélogramme des vitesses; la facon de trouver deux moyennes proportionnelles ou bien le problème de la duplication du cube ; le probléme du mouvement sur un plan incliné; la question du centre de gravité. Le livre II s'occupe des cinq éléments fondamentaux de la mécanique ou des cinq « machines » simples, et de leur combinaison: la roue, le levier, la poulie, le coin et la vis. Le livre III a un caractère plus appliqué et plus technique, car il traite de la construction de machines de différents types, qui utilisent ces éléments mécaniques fondamentaux et il se termine par la description de différents types de presses: à vis, à vis centrale, à vis et levier, etc. Sur les Mechanica, cf. 32 F.

Krafft, « Bemerkungen zur mechanischen Technik und ihrer Darstellung in der klassischen Antike », Technikgeschichte 33, 1966, p. 121-159; Drachmann 23, p. 96-101. (10) Pneumatica (1-II). C'est peut-être le traité d'Héron le plus étudié, comme

le montrent les nombreuses copies médiévales et les diverses éditions de la Renaissance. L’zuvre présente une série de machines qui, en utilisant la pression de l'air, de la vapeur et de l'eau au moyen d'un systéme de syphon, produisent un mouvement ou, d'une facon ou d'une autre, certains effets mécaniques. Ces machines sont subdivisées par Héron en deux groupes, destinés, le premier à l'utilité de la vie quotidienne, le second à des finalités ludiques, c'est-à-dire à susciter l'émerveillement et à divertir, comme, par exemple, les appareils créés pour développer le chant des oiseaux ou une mélodie musicale, ou encore les dispositifs permettant de verser de l'eau et d'en faire sortir du vin. L'engin le plus connu des Pneumatica est cependant celui qui est appelé eolipila, qui est actionné par la force de la vapeur. L'eolipila est une turbine à réaction capable de distribuer une toute petite puissance ; elle représente la premiere tentative pour utiliser la vapeur pour obtenirde l'énergie mécanique. L'ouvrage prend en compte tout ce que les

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HERON D’ALEXANDRIE

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prédécesseurs avaient écrit sur le sujet, principalement Philon de Byzance, mais ἃ s'agit de nouvelles solutions pour des engins déjà existants ou de machines entierement nouvelles et originales. Le livre I contient, dans sa longue préface, un théme d'une teneur scientifique et philosophique incontestable, à savoir le pro-

bléme de l'existence du vide, qui mentionne la doctrine de Straton de Lampsaque et devrait, à mon avis, être comparé avec les arguments d' Aristote et de Démocnte.

(11) Automata. L'ouvrage est dédié à la construction de machineries extraor-

dinaires, souvent destinées au théátre. Héron distingue deux types d'automates :

les automates mobiles ou automobiles (rà ὑπάγοντα αὐτόματα) et les automates fixes (στατὰ αὐτόματα), qui sont proprement ceux du théâtre. Comme modele d'automate mobile Heron décrit un décor constitué par un petit temple posé sur une base et ayant à son sommet une statuette de la Victoire ailée: au milieu de sons et de rumeurs se meuvent des bacchantes, la Victoire, Dionysos et une panthère, sur laquelle se renverse du vin qui déborde d'une coupe que Dio-

nysos tient dans sa main. Comme modèle d'un automate fixe Héron rapporte la représentation théátrale en cinq actes du mythe de Nauplius, depuis le départ des navires grecs de Troie jusqu'au moment où ils s'écrasent sur les écueils durant

une tempéte et à la mort d' Ajax foudroyé par Athéna. Dans Automata, p. 340, 23 - 342, 4 et 410, 8-10, Héron dit préférer les automates fixes, d'une part parce

qu'ils sont plus sûrs, d'autre part parce qu'ils offrent davantage de possibilités sur le plan du spectacle. Il est parvenu dans cet ouvrage à se montrer original et à dépasser ses prédécesseurs dans la création d'engins merveilleux. (12) Barulcos. Petit traité de mécanique, probablement indépendant, dont le

fragment le plus remarquable a été transmis, comme le nom βαρουλκός, dans Pappus, Collect. VII, p. 1060 sgg. Hultsch. II correspond substantiellement à deux passages d'ouvrages connus de Héron, plus exactement à la fin du texte de la Dioptre et au début du texte des Mechanica. L'ouvrage aborde un probléme déjà posé par Archiméde: comment mettre en mouvement un poids déterminé avec une force déterminée au moyen d'un systéme d'engrenage.

(13) Dioptra. D'après Tittel 3, col. 1017, outre le titre περὶ διόπτρας, il faudrait prendre en compte le titre διοπτρικά, par analogie avec des titres du méme champ disciplinaire, en premier lieu le titre xarontpıxd. Cet ouvrage sur la dioptre, qui est un instrument semblable à notre théodolite, traite principalement de l'art de mesurer les champs, ce qui explique qu'on y trouve de nombreuses ressemblances avec les écrits des arpenteurs romains. Il comprend toutefois également une partie astronomique dans laquelle Héron aborde par exemple la facon de mesurer les distances entre les astres en mesurant les angles. L’ouvrage contient également la description du fameux hodomètre, ὁδόμετρον, c'est-à-dire un instrument pour mesurer le parcours des véhicules correspondant au mécanisme du taximètre de nos jours. (14) Catoprrica. L'œuvre fut longtemps considérée comme un écrit de Ptolémée et identifiée à la section de l'Oprique qui dans les manuscrits et les anciennes éditions porte le titre De speculis. L'attribution du traité à Héron a com-

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mencé à étre envisagée, non sans rencontrer des oppositions, à partir de la publication du texte en traduction italienne de 33 G. B. Venturi, Commentari sopra la storia e le teorie dell'ottíca 177, Bologna 1814 (cf. aussi 34 V. Rose, Anecdota Graeca et Graeco-latina, Berlin 1870, II, p. 296), sur la base des obser-

vations suivantes. Tout d'abord, à cause de certains indices internes, surtout d'ordre stylistique, mais encore plus à cause de certains indices externes relatifs à

d'autres écrits héroniens et du témoignage d'autres auteurs, et surtout à cause du fait que le De speculis du pseudo-Ptolémée fait référence à un écrit sur la Dioptre qui correspond en substance à l'ouvrage homonyme

de Héron: «de dioptrico

autem — y est-il dit — a nobis in aliis dictum est copiose quanta videbantur |...]» (cf. Nix-Schmidt 21, p. 318, 7-9). En second lieu, nous trouvons dans ce De speculis du pseudo-Ptolémée, Nix-Schmidt 21, p. 322, 6-8, la description du principe héronien selon lequel le rayon lumineux, lorsqu'il se reflète, accomplit par nature, s'il ne subit aucune interruption, ni distorsion, ni réfraction, le parcours le plus

bref, c'est-à-dire un parcours en ligne droite, idée que l'on ne trouve ni chez Euclide ni chez Ptolémée, mais seulement chez Héron, d’après le témoignage sans équivoque de Damien, Optica, 20 Schöne (Damien donne le titre exact de l'ouvrage de Heron: ἀπέδειξε γὰρ ὁ μηχανικὸς Ἥρων £v τοῖς αὑτοῦ Karοπτρικοῖς, ὅτι xTA.). Enfin, dans le De speculis du pseudo-Ptolémée on trouve cet intérét pour l'application pratique de la doctrine théorique qui est le caractere principal de la production scientifique de Héron. Les Catoptrica que l'on peut lire dans l'édition Teubner correspondent à la traduction latine faite par Guillaume de Moerbeke en 1269 en toute probabilité directement sur le texte grec, et non pas à partir de la recension arabe (qui avait été traduite en latin, un siécle auparavant, par Eugène de Sicile), si l’on en juge tout au moins d’après les nombreux hellénismes qui sont présents dans la traduction. Le contenu de l'ouvrage ne se limite pas à une simple théorie des miroirs ou de la réflexion des rayons de lumiére, mais tient compte aussi de plusieurs théorémes de géométrie. Plusieurs propositions géométriques utilisées par Héron renvoient aux Catoptrica du pseudoEuclide, mais doivent étre attribuées, selon Heath 4, t. I, p. 444, à Théon d’Alexandrie. 2. Ecrits tehnologico-pratiques (15) Belopoiica. Ouvrage de génie militaire, dédié à la technique de construction de machines pour le jet de projectiles ou de flèches (cf. 35 B. Gille, Techniques et civilisations, dans Id. {édit.], Histoire des Techniques, Paris 1978, p. 356358 ; 36 E. W. Marsden, Greek and Roman Artillery. Technical Treatises, Oxford

1971, p. 18-60), et édité par 37 H. Diels et E. Schramm, APAW 1918, p. 5-55 Heron représente avec cet écrit notre source principale pour la connaissance de ce domaine d'étude, aprés Ctésibius et Philon de Byzance. Quant au contenu, outre les problömes techniques relatifs au matériel et à la méthode de construction de la catapulte, on peut reconnaitre de l'intérét à tous les éléments d'ordre

mathématique qui concernent la définition des mesures des différents engins, par

exemple le calibre du trou qui doit accueillir les tenseurs.

100

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(16) Cheirobalistra. En rapport avec les Belopoiica il faut mentionner le traité "Hpovoc χειροδαλλίστρας xaraoxeur) καὶ συμμετρίαι (cf. Tittel 3, col. 1040), édité par 38 V. Prou, «La chirobaliste d'Héron d'Alexandrie », dans Notices et extraits des manuscrits de la Bibliothéque Nationale XXVI,

2, Paris

1877,

p. 116-149. L'ouvrage traite de la construction d'un engin pour lancer manuellement des projectiles — trés probablement des flèches —, qui posait certainement des problémes similaires à ceux qui sont contenus dans les Belopoiica à propos de la construction de la catapulte.

(17) Sur les horloges hydrauliques. Écrit perdu en quatre livres cité par Heron dans le Prooemium des Pneumatica et par Pappus, Collect. VIII, p. 1026, 1 Hultsch. Certains framents de cet ouvrage sont conservés chez Proclus, Hypo-

typosis, p. 120, 23 Manitius, et chez Pappus, Comm. in Ptol. Syntaxin V, p. Rome. Les fragments conservés se trouvent dans Schmidt 12, p. 456-457. tradition rapporte que Ctésibius serait l'inventeur des horloges actionnées l'eau; Héron par conséquent avait déjà des modèles et des précurseurs avec quels se mesurer. Les principes sur lesquels devait se fonder un pareil engin analogues à ceux qui sont déjà exposés dans Pneumatica 1 4-6, où est décrit cisément une horloge hydraulique.

126 La par lessont pré-

(18) Nous ne savons rien d'autres œuvres éventuellement écrites par Heron,

par exemple d'un ouvrage d'architecture intitulé Camarica, c'est-à-dire Sur la construction des voûtes (cf. Eutocius, Comm. in libros de sphaera et cylindro, p. 98 Heiberg-Stamatis), ni de l'ouvrage intitulé Zóvta, ou Les balances (cf. Pappus, Collect., VIII, p. 1024, 28 Hultsch), qui reprend le titre d'un ouvrage Δ᾽ Archiméde, le Περὶ ζυγῶν. Nous ne savons rien non plus d'un ouvrage supposé sur l'astrolabe : le Fihrist I 269 — une sorte de catalogue rédigé, vers 987,

par l'encyclopédiste arabe Muhammed ibn Ishak an-Nadim - attribue à Heron un ouvrage portant un titre dont la traduction signifie à peu prés «Procédure par le moyen de l'astrolabe». En outre, dans le manuscrit de Leiden des Mechanica,

à cette œuvre est ajoutée un traité sur l'utilisation des instruments astronomiques. Il ne semble pas que Héron ait écrit des ouvrages de physique théorique, même s certaines sections des Mechanica et des Pneumatica relévent de ce secteur

d'études. En outre, certains passages de la Dioptre concernant l'astronomie, ou, plus précisément, la « cosmologie », rentrent indirectement dans la physique. Enfin, on ne sait rien non plus d'un ouvrage supposé d'arithmétique auquel

Héron fait à deux reprises référence dans ses Définitions, déf. 122 et 128. Qu'il ait composé un manuel sur l'art de la mensuration, n'est enfin qu'une supposition de 39 M. Cantor, «Die rómischen Agrimensoren und ihre Stellung», dans Der Geschichte der Feldmesskunst. Eine historisch-mathematische Untersuchung,

Leipzig 1875. Études récentes (dans un ordre chronologique inverse). 40 G.R. Giardina, La nozione di punto geometrico nelle Definitiones di Erone di Alessandria, dans

41 M. Barbanti, G.R. Giardina, P. Manganaro (édit.), ENQXIZ ΚΑΙ ΦΙΛΙΑ. Unione e Amicizia, Omaggio a Francesco Romano, Catania 2002, p. 317-332; 42 G. Argoud et G. Y. Guillaumin, Autour de la Dioptre d'Héron d'Alexandrie, Saint-

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101

Étienne 2000 ; 43 G. Argoud, «Heron d'Alexandrie et les “Pneumatiques”», dans 44 G. Argoud et G. Y. Guillaumin (édit.), Sciences exactes et sciences appli-

quées à Alexandrie, Saint-Étienne 1998; 45 L. Russo, « The definitions of funda-

mental geometric entities contained in Book I of Euclid's Elements», AHES 52, 1998, p. 195-219 (paru antérieurement sous le titre 46 «Sulla non autenticità delle definizioni degli enti geometrici fondamentali contenute negli Elementi di Euclide », BollClass ser. III, 13, 1992, p. 25-44) ; 47 G. Argoud et G. Y. Guiliaumin, Les Pneumatiques d'Héron d'Alexandrie, Intr. trad. et notes par G.A. et

G. Y.G. avec la collaboration d'A. Cachard, Saint-Étienne 1997 ; 48 J. Hgyrup, «Hero,

Ps.-Hero,

and Near Eastern

practical geometry: an

investigation of

Merrica, Geometrica, and other treatises», dans 49 K. Döring, B. Herzoff et G. Wóhrle, Antike Naturwissenschaften und ihre Rezeption, vol. VII, Trier 1997,

p. 67-93 ; 50 L. Russo, La rivoluzione dimenticata. Il pensiero scientifico greco e la scienza moderna, Milano 1997; 51 G. Argoud, «Heron d'Alexandrie, mathématicien et inventeur», dans 52 G. Argoud (édit.), Science et vie intellectuelle à Alexandrie (F'-IIF siècle après J.C.), Saint-Étienne 1994, p. 53-65;

53 G. Cambiano, « Automaton », StudStor 35, 1994, p. 613-633; 54 P. Fleury, «Heron d' Alexandrie et Vitruve. A propos des techniques dites pneumatiques », dans Argoud 52, p. 67-81; 55 B. Vitrac, «Euclide et Héron, deux approches de l'enseignement des mathématiques dans l'antiquité ?», dans Argoud 52, p. 121145; 56 W. Knorr, «᾿Αριθμητικὴ Στοιχείωσις : on Diophantus and Hero of Alexandria », HistMath 20, 1993, p. 180-192; 57 P. Keyser, « A new look at Heron's steam engine», AHES 44, 1992, p. 107-124; 58 E.R. Lloyd, La science grecque aprés Aristote, Paris 1990; 59 M.M. Rozanskaá, «La Mécanique

d'Héron ed. par Zmud' Leonid À., Quelques problèmes de l'histoire de la science antique », AN 1989, p. 120-127;60 Héron d'Alexandrie, Les mécaniques ou l'élévateur des corps lourds, texte arabe de Qosta ibn Lüqä établi et traduit par B. Carra de Vaux, introd. par D. R. Hill, commentaires par A. G. Drachmann, coll. « Sciences et philosophie arabes. Études et reprises», Paris 1988; 61 G.A. Ferrari, Meccanica allargata, dans 62 G. Giannantoni et M. Vegetti (édit.), La scienza ellenistica, Napoli 1984, p. 225-296; 63 K. D. White, Greek and Roman Technology, London 1984 ; 64 L. Curchin et R. Fischer, «Hero of Alexandria's numerical treatment of division in extreme and mean ratio and its implications », Phoenix 352, 1981, p. 129-133; 65 B. Gille, Les mécaniciens grecs. La naissance

de la technologie, Paris 1980 ; 66 C.M. Taisback, «An Archimedean proof of Heron's formula for the area of a triangle», Centaurus 24,

1980, p. 110-116;

67 M. Federspicl, «Sur un passage des Definitiones du pseudo-Héron d' Alexandrie (éd. Heiberg, p. 156, 1. 1-5)», RHS 32, 1979, p. 97-106; 68 AG. Drachmann, « Ktesibios's waterclock and Heron's adjustable siphon», Centaurus 20, 1976, p. 1-10; 69 P.L. Rose, The Italian Renaissance of Mathematics, Genéve

1975; 70 N. Gudea-D. Boatz, «Herons Cheiroballistra», SJ 31, 1974,

p. 50-72; 71 O.L. Smith, «On

some

manuscripts of Heron, Pneumatica»,

Scriptorium 27, 1973, p. 96-101; 72 A.G. Drachmann,

dria», dans DSB

art.

« Hero of Alexan-

VI, 1972, p. 310-314; 73 E. Grant, «Henricus

Aristippus,

102

HÉRON D'ALEXANDRIE

H 10la

William of Moerbeke and two alleged medieval translations of Hero's Pneumatica», Speculum 46, 1971, p. 656-669 ; 74 M. Boas Hali, The Pneumatics of Hero

of Alexandria:

a Facsimile

of the

1851, London

1971; 75

A.G.

Drachmann, « A detail of Heron's Dioptra», Centaurus 14, 1969, p. 241-247; 76 A.G. Drachmann, « A physical experiment in Heron's Dioptra», Centaurus 13, 1968, p. 220-224. Héron et la philosophie. En lisant les traités de Héron il est possible de trouver toute une série d'arguments qui montrent l'aspect philosophique de sa pen-

sée. Dans le Commentaire sur Euclide par exemple, Héron discute de l'indépendance et de la nécessité des axiomes et il défend la validité des propositions générales de la géométrie euclidienne, méme s'il doit parfois modifier la description des figures faite par Euclide pour contrer les objections éventuelles des sceptiques et des épicuriens. Dans les Mechanica, on relève l'influence de la pensée péripatéticienne. La recherche continue des causes tout comme la réduction des phénoménes mécaniques à des principes simples fondamentaux rappelle étroitement l'enseignement aristotélicien selon lequel le fondement de toute recherche scientifique repose sur la recherche des causes et des principes. Il serait intéressant ensuite d'étudier la conception héronienne de Ia pesanteur en relation avec la conception aristotélicienne. Héron n'est pas entièrement d'accord avec Aristote, car il remarque que les corps tombent plus rapidement quand ils sont plus lourds et que la forme de chacun des corps a une importance dans la détermination de la vitesse de sa chute. Le Prooemium des Pneumatica présente un grand intérét philosophique du fait que Héron traite du probléme du vide, en recourant largement à Straton de Lampsaque. Une grande partie de ce qu'écrit Héron devrait étre comparée aux doctrines de Démocrite et d' Aristote. Tandis qu' Aristote en effet avait nié, contre Démocrite, l'existence du vide, Straton avait adopté une position intermédiaire entre ces deux philosophes, niant le vide continu (ἀθροῦν χενόν) et admettant l'existence du vide discontinu, c'est-à-dire du vide qui sépare

les particules les plus petites dont se composent l'air, l'eau et les autres corps élémentaires. Selon Héron, le vide continu n'existe pas dans la nature et i n'existe que le vide discontinu entre les particules de corps différents. Le but des engins pneumatiques est alors de créer et d'utiliser le vide continu dans des espaces déterminés de facon à pouvoir attirer dans ces espaces des fluides qu'il ne serait pas possible d'attirer autrement qu'au moyen de ce vide créé artificiellement. Le Prooemium des Pneumatica, oü Héron fournit encore une théorie de la lumière et de la chaleur, est en outre d'une importance remarquable du point de vue du progres des sciences naturelles, car il applique une méthode qui comrnence par planifier la recherche, puis présente des expériences en guise de preuves. Cela fut bien remarqué par Galilée qui propose une conception semblable à celle de Héron dans la premiere journée des Discours et démonstrations mathématiques concernant deux sciences nouvelles. Au début des Catoptrica d'un autre côté, on lit une description de l'harmonie des sphères qui a une nette empreinte philosophique de type stoicisant, car elle rappelle de prés Posidonius. Platon et Aristote sont également cités à propos de leur facon de concevoir la

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connaissance à travers les sens. Les Definitiones se réfèrent également à Posidonius, car c'est à lui qu'il faut apparemment faire remonter les définitions 23 et 71. On pourrait encore donner d'autres exemples. Mais la raison principale qui fait, à mon avis, que la figure de Héron présente de l'intérét du point de vue de l'histoire de la philosophie tient au fait qu'en plus d'avoir été apprécié de tout temps comme mathématicien et ingénieur, il représente un moment important dans l'évolution du concept de philosophie comme telle dans l'Antiquité, en ce sens qu'avec ses ouvrages les mathématiques anciennes de tradition euclidienne cessent d'étre un discours purement théorique pour devenir un probléme d'application technologique. Chez Héron, les deux sciences mathématiques fondamentales, l'arithmétique et la géométrie, étudiées depuis l'Antiquité dans leur relations réciproques, agissent l'une sur l'autre de manière à permettre un fondement scientifique des techniques opératives (expérimentales) et constructives (mécaniques) qui, auparavant, étaient laissées à l'état de simples expériences ou de curiosités. Pour toutes ces raisons, j'estime que la figure de Héron doit étre prise en considération également du point de vue de l'histoire de la pensée philosophique antique et tardo-antique. D'ailleurs la désignation comme φιλόσοφος, méme si elle est de peu de poids et d'importance par rapport à celle de unyavıxöc, peut à juste titre se recommander de la tradition manuscrite et des témoignages d'auteurs tardifs comme, par exemple, Henri Aristippe. GIOVANNA R. GIARDINA.

104

HÉRODOTE DE SMYRNE (FLAVIUS Ce philosophe, apparemment inconnu inscription honorifique de Pergame pour (MDAI(A) 35, 1910, p. 485 n? 80; IGR IV

? -) I1? par ailleurs, est mentionné dans une sa fille, Flavia Apphion Comelian® 1690). BERNADETTE PUECH.

165

HÉRODOTE DE TARSE RE 11

FH

Dans un passage célèbre (IX 116), Diogene Laérce présente une “succession” des représentants du scepticisme "pyrrhonien" depuis Euphranor (»E 130), élève de Timon de Phlionte, jusqu'à Saturninus, élève de Sextus Empiricus (sur ce passage, voir quelques références bibliographiques et indications d'ensemble dans les notices consacrées à Dioscouridès de Chypre [»#*D 203] et à Eubule d'Alexandrie [»E 75]). A l'intérieur de cette succession est mentionné « Héro-

dote fils d’Arieus, de Tarse» (Ἡρόδοτος ᾿Αριέως Ταρσεύς), en position d’eleve du médecin empirique Ménodote de Nicomédie et de maitre de Sextus Empiricus, lui-même présenté comme 1' «auteur des dix livres de sceptiques et d'autres trés beaux ouvrages ». 1 F. Kudlien, « Die Datierung des Sextus Empiricus und des Diogenes Laertios», RhM 106, 1963, p. 252 n. 1, propose de lire la présentation du patronyme

et de l'ethnique d' Hérodote sous la forme 'HpóBoroc ’Apelou Ταρσέως, au lieu de 'Hopó6oroc ᾿Αριέως Ταρσεύς, afin de mieux conforter l'identification du

104

HERODOTE DE TARSE

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pere d'Hérodote avec le pharmacologue Lecanios Areios de Tarse (RE Areios 13), et celle de l'Hérodote maître de Sextus, lui-même, avec un Hérodote médecin, fils de Lecanios Areios (voir ci-dessous). Quoi qu'il en soit de la question d'identification, la correction ne convainc pas. « Arieus », nom propre trés peu attesté (cf. cependant Pausanias II 4, 4), est la /ectio difficilior face à « Areios», bien plus courant. Quant à la mention de l'ethnique rapportée au pére plutót qu'au fils, elle serait, semble-t-il, fort inhabituelle.

L'identité et la date de cet Hérodote, maitre de Sextus, ont prété à controverse. Galien cite plusieurs fois avec éloge un médecin de ce nom, membre de l'école pneumatique (fl. ΕἸ ou D II), élève d’Agathinos de Sparte (**A 34, cf. les références et le résumé de la discussion chronologique par R. Goulet), et fils de Lecanios Areios de Tarse. Il ne serait autre que le maitre de Sextus, de l'avis de 2 E. Zeller, Die Philosophie der Griechen, V 3, p. 6 n. 1, et de Kudlien 1, p. 252254, et 3 Id., dans

KP

II, p. 1103. Cependant, la chronologie de ce médecin

parait difficilement compatible avec son röle de maitre de Sextus, qui est plus tardif ; et Galien connait un autre médecin nommé Hérodote, qu'il critique souvent, et qui pourrait avoir joué ce róle s'il est vrai qu'il a été l'éléve de Ménodote. Le vol. VIII de la RE, 1912, col. 990, distingue Hérodote

11, sceptique maître de

Sextus (notice de H. von Arnim) et Hérodote 12, médecin pneumatique disciple d'Agathinos (notice de H. Gossen), qui aurait vécu un siècle plus tôt que le précédent. Hérodote (ou l'un de ces Hérodote s'ils sont deux) pourrait avoir laissé une

trace originale, à la fois philosophique et médicale, dans la discussion du problème de la causalité : selon [Galien], Hisr. philos. ἃ 131 Diels, il aurait admis que «cer-

tains, parfois, se mettent à avoir de la fièvre sans aucune cause antécédente» (je dois cette référence à 4 J. Barnes, « Ancient Skepticism and Causation», dans M. Burnyeat [édit.], The Skeptical Tradition, Berkeley 1983, p. 190 n. 17). Mais i faut noter que Diels (DDG, p. 647 et 39) préférait lire ici le nom du célèbre médecin Hérophile, selon la correction déjà proposée par Guillaume Budé ; sur le parallèle chez le Ps. Plutarque, Plac. V 29, 3, cf. Diels, ibid., p. 441. La correction est sans doute une lectio facilior, mais il faut noter qu'elle est confirmée par la tradition arabe (cf. Plutarque, Opinions des philosophes, éd. G. Lachenaud, CUF, Paris 1993, p. 313, n. 2 de la p. 189).

Sextus Empiricus a-t-il fait mention de celui qui est censé avoir été son maitre ? Littéralement, jamais. Cependant, le nom d'Hérodote a été introduit par conjecture dans l'une des corrections qui ont été proposées pour émender un passage trés corrompu des Hypotyposes pyrrhoniennes (1 222). La question est

fort complexe; on peut résumer les principales positions à l'aide des exposés présentés par 5 F. Decleva Caizzi, « Aenesidemus and the Academy», CQ 42, 1992, p. 186-187, ainsi que par 6 W. Görler, « Älterer Pyrrhonismus — Jüngere Akademie — Antiochos aus Askalon », dans GGP, Antike 4, Basel 1994, p. 840. Un tableau plus complet des positions en présence et de leurs défenseurs est maintenant disponible dans 7 E. Spinelli, « Sextus Empiricus, the neighbouring philosophies and the sceptical tradition (again on Pyr. ] 220-225)», dans J. Sih-

H 105

HERODOTE DE TARSE

vola (édit.), Essays on Ancient Scepticism and

105 the Sceptical Tradition,

coll.

«Acta Philosophica Fennica », Helsinki 1999. Le contexte est celui d'une discussion sur la question de savoir si Platon a été un dogmatique, un aporétique, ou encore un peu des deux. Après avoir disposé rapidement de la premiere et de la troisiéme position, qui de toute facon écartent Platon du scepticisme, Sextus poursuit: « Quant à la question de savoir s'il est un pur sceptique, nous en traitons plus au large dans nos Commentaires [sans doute la partie perdue de l'ouvrage dont il nous reste A. M. VII-XI, cf. 8 J. Annas et J.

Barnes (édit.), Sextus Empiricus — Outlines of Scepticism, Cambridge 1994, p. 58 n. 241]; maintenant nous disons, en manière d'esquisse, que Platon (...)» est soit dogmatique, soit probabiliste, et dans tous les cas étranger au véritable scepticisme. Dans la partie qui vient d’être omise, on lit dans les mss. καταπερμηδοτον καὶ Αἰνησίδημον, puis une parenthèse signifiant «ce sont eux, en effet, qui ont été surtout les partisans de cette position (στάσις)». Le problème posé par la corruption du nom propre manquant est encore compliqué par l'ambiguité du mot στάσις (la position sceptique en général, ou, bien plutôt, l'interprétation de Platon comme un "pur sceptique"), et par la possibilité de construire la préposition restituable κατά soit avec le génitif (“contre”), soit avec l'accusatif ("selon",,9 66 "en accord avec”).

Les solutions proposées sont les suivantes: (1) κατὰ «τοὺς» περὶ Μηνόδοτον xai. Αἰνησίδημον : «en suivant l'opinion de Ménodote et d'Énésidéme» (à savoir celle que s'apprête à soutenir Sextus: Platon n'était pas un "pur sceptique"). C'est la solution proposée par 9 P. Natorp, Forschungen zur Geschichte des Erkenntnisproblems im Altertum, Berlin

1884, p. 69 n. 2; elle a été adoptée par Mutschmann dans sa 1" édition des Hypotyposes (1912), et elle est aujourd'hui encore préférée par F. Decleva Caizzi S. p. 187, pour des raisons qui, à vrai dire, concernent Enésidéme plutôt que Ménodote ou Hérodote. Dans l'article cité ci-dessus, E. Spinelli (7) propose de nombreux arguments textuels et philosophiques en faveur d'une conjecture qui équivaut pour le sens à la solution (1), mais qui est paléographiquement plus satisfaisante, à savoir

καθάπερ «oi περὶ» Mrv«ó»80rov καὶ Αἰνησίδημον, «comme le pensent Ménodote et Énésidéme » (le "v", absent du texte des mss grecs, est fourni par la

version latine du XIII* siècle, qui donne ici secundum permindotum). Sextus est d'accord avec leur "position", qui est de considérer que Platon n'était pas un sceptique. Cet article fait peu mention d'Hérodote, et ne signale pas que, selon Diogene Laérce, celui-ci aurait été le maître de Sextus. (2) κατὰ «τῶν» περὶ Μηνόδοτον καὶ Alunolönuov: «en opposition à l'opinion de Ménodote et d'Énésidéme» (qui étaient, dans cette nouvelle perspective,

les principaux champions d'une interprétation de Platon comme “pur sceptique"). Cette solution, radicalement différente de la précédente, a été proposée par 10 W. Heintz, Studien zu Sextus Empiricus, Halle 1922, p. 30, et adoptée entre

106

HERODOTE DE TARSE

H 105

autres par plusieurs éditeurs et/ou traducteurs de Sextus (Mutschmann-Mau, Bury, Annas-Barnes); 11 K. Deichgrüber, dans la 2° édition (1965) de Die griechische Empirikerschule, finit par s'y rallier (Zusätze, p. 418, 36). (3) κατὰ ᾿Ηρόδοτον xal Alunolönuov: «en suivant l'opinion d'Hérodote et d'Énésidéme » (qui dans cette hypothése auraient soutenu, comme Sextus, que

Platon n'était pas un pur sceptique). Cette solution a été proposée par 12 E. Pappenheim, Erläuterungen zu des Sextus Empiricus pyrrhoneischen Grundzügen, Leipzig 1881, ad loc.; K. Deichgrüber, au terme d'une argumentation

complexe, l'acceptait comme “la seule possible" dans la 1” édition (1930) de Die griechische Empirikerschule, p. 266-267 n. 2, avant d'y renoncer trente-cinq ans plus tard, en deux lignes, au profit de la solution (2), celle proposée par Heintz. Personne, apparemment, n'a songé à proposer la variante de (2) que voici: xarà «τῶν» περὶ 'Hpó6orov xal Αἰνησίδημον («en opposition à l'opinion d'Hérodote et d'Enésidéme »). Dans la discussion de ce passage, le nom

d'Hérodote est certainement, du

point de vue paléographique, un concurrent sérieux pour celui de Ménodote (en revanche, on ne voit pas de bonne raison d'approuver la suggestion de 13 E. Zeller, Die Philosophie der Griechen, V 3, p. 6 n. 1, qui propose de garder les deux noms: xarà ᾿Ηρόδοτον «xai Mnvößorov> xai Αἰνησίδημον). Mais, sur le fond, il faut bien reconnaitre qu'Hérodote joue les utilités, et qu'il ne peut guére en étre autrement, puisqu'on ne sait rien de lui, alors que Ménodote et Énésidéme sont célébres. Une premiere question est alors de savoir si Ménodote et Énésidème pouvaient avoir pensé que Platon était un “pur sceptique”, ou s'ils devaient, comme Sextus lui-méme, ne rien avoir pensé de tel. Une seconde question s'éléve en outre, du fait que le passage qui nous occupe figure comme partie intégrante dans un vaste examen critique des "philosophies voisines" du scepticisme (cf. 14 K. Janá&ek, «Αἱ παραχείμεναι φιλοσοφίαι. Bemerkungen zu Sextus Empiricus PH I 210-241 », Philologus, 121, 1977, p. 90-94, et Spinelli 7), examen en conclusion duquel Sextus déclare, de façon inattendue, que le scepticisme est plus proche du méthodisme que de l'empirisme médical. C'est pourquoi les principaux arguments échangés dans les discussions auxquelles ce passage a donné lieu tournent autour de deux formes plus affinées des questions mentionnées ci-dessus, l'une concernant plus particulièrement Énésidème, et l'autre Ménodote : en premier lieu, est-il plausible qu'Énésidéme, adversaire des académiciens de son temps et pyrrhonien déclaré, ait pu considérer Platon comme un pur sceptique (cf. Decleva Caizzi 5, Górler 6, et Spinelli 7) ? Et en second lieu, est-il plausible que Ménodote, grand représentant de l'école empirique, ait pu soutenir une position dont la conséquence était apparemment que le méthodisme seul, et non son concurrent l'empirisme, correspondait au point de vue sceptique

(cf. Deichgräber 11)? Ces deux questions sont difficilement solubles, et ce n'est évidemment pas ici le lieu d'essayer de les résoudre, puisqu'elles ne concernent pas directement Hérodote. L'ironie du sort veut pourtant que ce soit de leur réglement que

H 106

HÉRON LE CORDONNIER

107

dépendent finalement, dans une large mesure, la présence ou l'infortuné Hérodote dans le texte de son illustre disciple.

l’absence de

JACQUES BRUNSCHWIG.

166

HÉRON

le cordonnier RE 3

Aelius Théon, Progymnasmata 9, associe ce cordonnier à la courtisane Léontion comme exemples de personnages s'étant illustrés dans la philosophie malgré leur condition sociale très modeste (cf. L. Spengel, Rhetores Graeci, coll. BT, Leipzig 1854, t. II, p. 111, 31 - 112, 2). H. von Amim, art. «Heron» 3, RE VIII

1, 1912, col. 992, a cru pouvoir l'identifier avec un contemporain de Théon beaucoup mieux connu, l'ingénieur Héron d'Alexandrie, l'auteur de plusieurs traités conservés, dont les Pneumatica. Mais ce dernier n'est jamais présenté comme un philosophe dans les sources anciennes et encore moins comme un ancien cordonnier. Il est probable que la figure célèbre qui se cache derrière Héron était en fait un autre cordonnier: Simon le disciple de Socrate. L'erreur a pu être commise par Théon, mais aussi par la tradition manuscrite: les deux noms se terminent en grec de façon identique (£EIMONA — HPONA). Voir R. Goulet, « Trois cordonniers philosophes », dans M. Joyal (édit.), Studies in Plato and the Platonic tradition. Essays presented to John Whittaker, Aldeshot

1997, p. 119-

125, repris dans Études sur les Vies de philosophes de l'Antiquité tardive. Diogene Laérce, Porphyre de Tyr, Eunape de Sardes, coll. « Textes et traditions » 1,

Paris 2001, p. 145-149. La version arménienne a d'ailleurs conservé le nom de Simon et non

de

Héron, conjecture qu'avait déjà faite Meineke. Voir l'édition de M. Patillon et G. Bolognesi, CUF, Paris 1997, p. 77. RICHARD GOULET.

II. ARISTOTE DE STAGIRE

414

ARISTOTE DE STAGIRE RE 18 (+ Suppl. XI)

384/3-322/1

PLAN DE LA NOTICE Prosopographie L'œuvre d' Aristote

I, 413-423 I, 424-443

Iconographie Miéza

I, 444-445 I, 445-448

Organon L'Organon. Tradition grecque L'Organon. Tradition syriaque et arabe La tradition des commentaires grecs sur le De interpretatione (Int)

1, 482-502 I. 502-528 122-173

Éthique et politique

Éthiques. Tradition grecque (Eth.) Éthiques. Tradition syriaque et arabe (Éth.Ar.)

174-190 191-198

Politique (Pol.)

199-202

Constitution des Athéniens (C.A.)

203-207

Poétique et rhétorique La Poétique

I, 448-451

La Poétique. Tradition syriaque et arabe (Poet. Ar.) La Rhétorique. Tradition grecque La Rhétorique. Tradition syriaque et arabe Compléments sur la tradition syriaque et arabe de la Rhetorique

208-218 L, 451-454 I, 455-472 219-223

Métaphysique La Metaphysique. Tradition grecque (Meta.) La Métaphysique. Tradition syriaque et arabe Compléments sur la tradition arabe de la Métaphysique (Meta.Ar.)

224-258 I, 528-534 259-264

Écrits sur l’histoire naturelle et la psychologie Physique. (Phys.) De caelo. Tradition grecque (Cael.) De caelo. Tradition syriaque et arabe (Cael.Ar.) De generatione et corruptione. Tradition grecque (G.C.)

265-271 272-282 283-294 295-303

De generatione et corruptione. Tradition syriaque et arabe (G.C..Ar.) 304-314 Meteorologica (Meteor.)

Meteorologica. Tradition syriaque et arabe (Meteor.Ar.) Le corpus biologique Zoologica. Tradition syriaque et arabe (Zool.Ar.)

315-323

324-328 I, 472-481 329-334

De anima. Tradition grecque (Anim.)

335-345

De anima. Tradition syriaque et arabe (Anim.Ar.) De anima. Paraphrase arabe (Anim.Paraphr.) Parva naturalia. Tradition grecque (P.N.)

346-358 359-365 366-374

Parva naturalia. Tradition arabe (P.N.Ar.)

375-378

Dialogues (Fragments) (Dial.)

379-471

112

ARISTOTE DE STAGIRE Dubia et Spuria De mundo. Tradition grecque (Mund.) De mundo. Tradition syriaque et arabe (Mund.Ar.) Opuscules (Opusc.) Physiognomica. Tradition arabe (Physiogn.Ar.) De plantis. Tradition arabe (Plant.Ar.)

475-480 481-483 484-495 496-498 499-505

De Melisso, Xenophane, Gorgia De virtutibus et vitiis (Virt.)

1, 534-537 506-546

Économique (Econ.)

547-553

Rhétorique à Alexandre (Rhet. Alex.)

554-574

Problemata physica. Tradition grecque (Probl.) Problemata physica. Tradition orientale (Probl.Ar.) Liber de causis (Caus.) Le De Pomo Secretum Secretorum (Secr.)

De lapidibus (Lapid.) La Théologie d'Arístote

575-593 593-598 599-647 I 537-541 648-651

652-654 I, 541-590

Iconographie. On ajoutera la représentation probable du Stagirite sur la mosaique de Torre Annunziata à Naples et sa réplique à la Villa Albani: voir 1 M.F. Billot, art. «Académie (topographie et archéologie) », DPAA I, 1989, p. 783, frontispice en couleurs ; 2 F. Queyrel, art. «Démétrios de Phalére » D 54, DPhA II, 1994, p. 633-635 ; le philosophe debout à droite ressemble en effet aux portraits d'Aristote. FRANCOIS QUEYREL.

LES COMMENTAIRES GRECS ET BYZANTINS

De nombreuses traductions des commentaires grecs d'Aristote étant parues depuis 1989, il nous a semblé utile de mettre à jour le tableau fourni dans DPRA I, 1989, p. 437-441. Ce tableau ne prend pas en compte les commentaires latins de Boèce, les commentaires syriaques ou arabes et leurs traductions éventuelles en hébreu ou en latin au Moyen-Age. Pour les commentaires byzantins seuls ceux qui ont fait l'objet d'une publication récente ont été mentionnés. Plusieurs sont encore inédit. Catégories Porphyre

Busse

IV 1

- Isagogè (avec la traduction de Boèce)

1 G. Girgenti (trad.), Porfirio, Isagoge: testo greco a fronte Pref., introd., trad. e apparati di G.G. Versione latina di Severino Boezio in appendice, coll. « Testi a fronte » 15, Milano 1995, 212 p. 2 Alain de Libera et Alain-Philippe Segonds (édit.). Porphyre. Isagoge. Texte grec, translatio Boethii, trad. par A.P.S. ; introd. et notes par A.d.L., coll. « Sic et non », Paris 1998, CXLII-100 p. 3 Porphyrios Einführung in die Kategorien des Aristoteles = (Isagoge), dans Aristoteles, Kategorien, Hermeneutik, Darmstadt 1998, p. 155-188. 4 Hans Günter Zekl (édit.), Aristoteles, Kategorien, Hermeneutik oder vom sprachlichen Ausdruck = De interpretatione: griechisch-deutsch ; beigegeben sind : Porphyrios, Einführung in die Kategorien des Aristoteles = Isagoge, Pseudo-Aristoteles, Einteilungen = Divisiones, Pseudo-Platon : Begriffsbestimmungen = Definitiones. Hrsg., übers., mit Einl. und Anm.

versehen

von

H.G.Z.

=

Organon, Band

2, coll.

«Philosophische

Bibliothek » 493, Hamburg 1998, LXXVI11-337 p. 5 Alfonso García Suárez, Luis M. Valdés Villanueva et Julián Velarde Lombraña (trad.), Aristóteles, Categorías, De interpretatione. Porfirio, Isagoge. Introd., trad. y notas, coll. «Cuadernos de filosofía y ensayo »,

Madrid [1999], 185 p. 6 Juan José García Norro y Rogelio Rovira Rubí (édit.), Porfirio, Isagoge. Texto griego, Translatio Boethii. Introd., trad., notas, apéndices y bibliografía, coll. « Textos y documentos » 22, Barcelona 2003, LVI-119 p. 7 J. Barnes (trad.), Porphyry, Introduction. Transl. with a commentary, coll. « Clarendon later ancient philosophers », Oxford 2003, 415 p.

Cf. aussi 10 et 22. - Commentaire par questions et réponses B S.K. Strange (trad.), Porphyry. London/lthaca (N.Y.) 1992, 185 p.

On

Aristotle Categories,

coll. ACA,

- Commentaire à Gédalius (2+G 10), en 7 livres. Les fragments (45-74) ont été rassemblés par A. Smith (édit.), Porphyrii philosophi fragmenta, coll. BT, Stuttgart/Leipzig 1993, p. 35-59. Texte grec et traduction francaise de la plupart des fragments de Smith dans une these

encore inédite de l'École pratique des Hautes Études, V* section: J.M.

Chase, Études sur le commentaire de Porphyre d'Aristote adressé à Gédalios, [Paris] 2000, 391 p.

sur les

"Catégories"

114

ARISTOTE DE STAGIRE Busse

Dexippe

IV 2

9 J. Dillon, Dexippus, On Aristotle's Categories, coll. ACA, London/Ithaca

(N.Y.) 1990. 155 p. Ammonius - sur F'isagogè

Busse

IV 3

Version latine : 10 Pomponius Gauricus (trad.), Ammonius Hermeae : Commentaria in quinque voces Porphyrii (1. Ausg. Venedig, 1539); Ioannes Baptista Rasarius, /n Aristotelis categorias (erweiterte Nachschrift des Johannes Philoponus = CAG XHI/i) (1. Ausg. Venedig, 1562), mit einer Einl. von R. Thiel und Ch. Lohr, CAGL 9, StuttgarUBad Cannstatt 2002, 126 p. - Commentaire

Busse

11 S. M. Coben et G.B. Matthews (édit.), Ammonius, gories, coll. ACA, London/Ithaca (N.Y.) 1991, 170 p.

IV 4 On Aristotle Cate-

Version latine de Ioannes Baptista Rasarius, dans 3. Kalbfleisch

Simplicius

VIII

Trois tomes de la traduction française commentée ont paru sous la direction d’Ilsetraut Hadot: 12 Simplicius, Commentaire sur les Catégories : traduction commentée, 1: Introduction. Première partie: (p. 1-9, 3 Kalbfleisch), sous la dir. de Ilsetraut Hadot : trad. par Ph. Hoffmann : avec la collab. de I. Hadot et P. Hadot ; commentaires et notes à la trad. [par] I. Hadot ; avec des appendices de P. Hadot et J.-P. Mahé, coll. « Philosophia antiqua » 50, Leiden 1990, x-239 p. ; 13 Simplicius, Commentaire sur les Catégories : traduction commentée, III : Préambule aux Catégories. Commentaire au premier chapitre des Catégories : (p. 21-40 Kalbfleisch), sous la dir. de I. Hadot ; trad. de Ph. Hoffmann; avec la collab. de I. Hadot.

P. Hadot et C. Luna; commentaires et notes à la trad. par C. Luna, coll. «Philosophia antiqua» 51, Leiden 1990. 1X-179 p. ; 14 Simplicius. Commentaire sur les « Catégories » d'Aristote, Chapitres 2 à 4 ; trad. par Ph. Hoffmann, avec la collab. de I. Hadot et P. Hadot ; commentaire par C. Luna, coll. « Anagógé » 1, Paris 2001, X1X-917 p. Dans la collection ACA, trois tomes sont parus : 15 F. A. J. de Haas et B. Fleet (trad.), Simplicius, On Aristotle Categories 5-6, coll. ACA, London/ Ithaca (N.Y.) 2001, 169 p. ; 16 B. Fleet (trad.), Simplicius, On Aristotle's

Categories

7-8, coll. ACA,

London/lthaca (N.Y.) 2002, xiv-226 p. ;

17 R. Gaskin (trad.), Simplicius, On Aristotle Categories 9-15. coll. ACA, London/Ithaca (N.Y.) 2000, 280 p. La traduction des livres 1-4 de

Simplicius est sous presse dans la méme

série: M. Chase (trad.). On

Aristotle's Categories 1-4, coll. ACA, Londou/Ithaca (N.Y.).

Version latine : 18 Guillelmus Dorotheus, Simplicius, Commentarium in Decem categorias Aristotelis (1. Ausg. Venedig, 1540), mit einer Einleitung von R. Thiel und Ch. Lohr, = CAGL 8, Stuttgart/Bad Cannstatt 1999, xvii78 p. Olympiodore

Busse

XII 1

Busse

XII

- Prolegomena - Commentaire Philopon (autrefois attribué à Ammonius)

LES COMMENTAIRES GRECS

115

Elias - Prolegomena

Busse

XVIII 1

- sur l' Isagoge - Commentaire

Busse

Sur l'attribution de ce commentaire

XVIII 1

édité par Busse

sous le nom

d'Élias,

voir R. Goulet, notice « Elias» E 15, DPhA III, 2000, p. 57-66.

Pseudo-Élias - sur l'Isagogé 19 L.G. Westerink, Pseudo-Elias, Lectures on Porphyryés Isagoge, Introduction, text and indices, Amsterdam 1967, XVIIt+- 160 p. David - Prolegomena

Busse

XVIII 2

- sur l'Isagogé La version arménienne de ces ouvrages de David a été publiée par S. ArevSatyan en 1960, 1967 et 1980. Voir 20 J.-P. Mahé, « David l'Invincible dans la tradition arménienne » dans Hadot 12, p. 189-207, et 21 Agnés Ouzounian, notice « David l'Invincible» D 23, DPhA II, 1994, p. 614-615. Paraphrase anonyme

Hayduck

XXIII 2

Aréthas de Césarée 22 M. Share, Arethas of Cesarea's scholia on Porphyry's Isagoge and Aristotle's Categories

coll.

« Commentaria

(Codex

Vaticanus

Urbinas 35) : a critical edition,

in Aristotelem Byzantina»

1, Athénes 1994, XVI-

293 p. Cf. aussi 23 Th. Szlezák (éd.), Pseudo-Archytas über die Kategorien. Texte zur griechischen A.-Exegese herausgegeben, übersetzt und kommentiert von Th.S., coll. « Peripatoi » 4, Berlin, 1972, 224 p. De interpretatione Ammonius

Busse 24 D. L. Blank (trad.), Ammonius,

IV 5

On Aristotle, On interpretation 1-8, coll.

ACA, London/Ithaca (N.Y.) 1996, 206 p. ; 25 D. L. Blank (trad.), Ammonius,

On Aristotle,

On

Interpretation 9, with Norman

Kretzmann

(trad.),

Boethius, On Aristotle, On interpretation 9: first and second commentaries, with essays by R. Sorabji, N. Kretzmann and M. Mignucci, coll. ACA, London/lthaca (N.Y.) 1998, 216 p.

Étienne d' Alexandrie

Hayduck

XVIII 3

26 W. Charlton (trad.), « Philoponus », On Aristotle On the soul 3.9-13 ; Stephanus, On Aristotle On interpretation, coll. ACA, London/Ithaca (N.Y.)

2000, 239 p. Cf. 27 L. Tarán (édit.), Anonymous Commentary on Aristotle's De interpretatione (Codex Parisinus graecus 2064), coll. «Beiträge zur klassischen Philologie » 95, Meisenheim am Glan 1978, XLVIH-122 p. La tradition arménienne a conservé un commentaire d'"Amelaxos" au De Interpretatione, auquel sont attribués les deux premiers chapitres sur les Catégories transmis par le ms. arménien de Vienne n? 112. Voir la notice «Amelaxos ».

ARISTOTE DE STAGIRE

116 Topiques

Alexandre d’Aphrodise Wallies 28 J. M. Van Ophuijsen (trad.), Alexander of Aphrodisias, topics 1, coll. ACA, London/Ithaca (N.Y.) 2001. x11-228 p. Version

112 On Aristotle

latine : 29 Guillelmus Dorotheus (trad.), Alexandri Aphrodisiensis.

In VIII libros Topicorum Aristotelis commentario. Pseudo-Alexandri Annotationes in librum Elenchorum Aristotelis (1. Ausg. Venedig, Scotum 1541), mit einer Einl. von St. Ebbesen, CAGL 6, StuttgaruBad Cannstatt 1996, xv1-42-103 p. Jean Italos et Léon Magentinos 30 S. Kotzabassi (édit.), Byzantinische Kommentatoren

der aristotelischen

Topik : Johannes Italos und Leon Magentinos, coll. « Etaireia Vyzantinon Erevnon » 17. Thessaloniki 1999, x-166 p. [Contient le commentaire de Jean Italos aux livres II-IV des Topiques et celui de Léon Magentinos à la préface et au livre II du méme traité.] Réfutations sophistiques Alexandre d' Aphrodise

Wallies

13

Ce commentaire a été attribué à Michel d'Éphèse par K. Praechter. Paraphrase anonyme

Hayduck

XXIII 4

Cf. 31 Sten Ebbesen, Commentators and Commentaries on Aristotle 's Sophistici Elenchi. A study of Post-Aristotelian ancient and medieval writings

on fallacies,

coll.

CLCAG,

7, Leiden

1981,

t. I: The

Greek

tradition, 1X-355 p.; t. II: Greektexts and fragments of the Latin transiation of « Alexander's » commentary, XXXV11-556 p. ; III: Appendices, Danish summary, Indices, IV-415 p. Premiers analytiques

Alexandre d' Aphrodise

- livreI

Wallies

Il 1

32 J. Barnes, S. Bobzien, K. Flannery et K. Ierodiakonou (trad.). Alexander of Aphrodisias, On Aristotle Prior Analytics 1. 1-7, coll. ACA, London/Ithaca (N.Y.) 1991, vi1-252 p.; 331. Mueller with J.B. Gould (trad.), Alexander of Aphrodsias, On Aristotle, Prior analytics 1. 8-13 (with 1.17, 36b35-37a31), [with] introd., notes and appendices by I. Mueller, coll. ACA,

London/Ithaca

(N.Y.)

1999, vi-188 p. ; 34 I. Mueller

et J.B.

Gould (trad.), Alexander of Aphrodisias, On Aristotle, Prior analytics 1. 1422, [with] introd., notes and appendices by I. Mueller, coll. ACA, London/Ithaca (N.Y.) 1999, vi-270 p. Ammonius

-livrel

Philopon

Wallies

IV6

Wallies

XIII 2

Version latine : 35 Guillelmus Dorotheus Commentariae annotationes in libros priorum Ausg. Venedig 1541), mit einer Einl. von K. CAGL 4, Stutigart/Bad Cannstatt 1994, x v1-87 Thémistius

- Paraphrase du livre I

(trad.), Johannis Philoponi resolutivorum Aristotelis (1. Verrycken und Ch.H. Lohr. p.

Wallies

XXIII 3

Une version arménienne d'un commentaire attribué à David a été éditée (et traduite en russe) par 36 S. S. ArevSatyan, Meknut'iwn i Verlucakann Aristotéli (Commentaire sur l'Analytique d'Aristote), Érévan 1967. 37 Y. Manandean. Yunaban dprocé ew nra zargac' man Srjannere (L'École

LES COMMENTAIRES GRECS

117

hellénisante et les étapes de son développement), Wien 1929, p. 66-67, s'était autrefois prononcé en faveur d'une attribution à Élias. [Voir document suivant.]

Élias - Commentaire

38 L.G. Westerink, «Elias on the Prior Analytics », Mnemosyne 14, 1961, p. 126-139, repris dans Texts and studies in Neoplatonism and Byzantine Literature. Collected papers, Amsterdam 1980, p. 59-72. Seconds analytiques Thémistius - Paraphrase Philopon

Wallies

VI

Wallies XIII 3 Version latine: 39 Andreas Gratiolus et Philippus Theodosius (trad.), Johannis Philoponi Commentaria in libros posteriorum Aristotelis, übers. von Neudruck der 1. Ausg. Venedig, 1542, mit einer Einl. von K. Verrycken und Ch. Lohr, CAGL 5, Stuttgart/Bad Cannstatt 1995, XVI-154 p.

Anonyme

- livre II

Wallies

XIII 3

Eustrate

- livre II

Hayduck

XXI 1

Anonyme

- livre I (extrait)

Cf. 40 P. Moraux (édit.), Le commentaire d'Alexandre d'Aphrodise aux "Seconds analytiques" d'Aristote, coll. «Peripatoi» 13, Berlin 1979, vitl-

158 p. Éthique à Nicomaque Cf. 41 H. P. Mercken, The Greek Commentaries on the Nicomachean Ethics of Aristotle in the Latin translation of Robert Grosseteste, Bishop of Lincoln (d. 1253), t. 3: The Anonymous commentator on book VII, Aspasius on book VIII and Michael of Ephesus on books IX and X. Critical ed. with an introductory study = Corpus Latinum commentariorum in Aristotelem Graecorum VI, Leuven University Pr., 1991, VIIi-72-478 p.

Aspasius

- livres I-IV ; VII-IX

Heylbut

XIX 1

42 H. Longpré (trad.), Aspasius, Commentaire du livre III de l'Éthique à Nicomaque d'Aristote (p. 58-80.3 Heylbut) : traduction, notes et commentaire, Ph. D. Ottawa 1998, 257 p. 43 D. Konstan (trad.), Aspasius, Anonymous, Michael of Ephesus : on Aristotle Nicomachean Ethics 8 and 9, coll. ACA, London/Ithaca (N.Y.) 2001, [Vi]. 239 p. (Contient: Aspasius, sur E.N. VIII ; Paraphrase anonyme sur E.N. VIlI-IX ; Michel d'Éphése, sur E. N. IX.]

“Heliodore”

- Paraphrase

Heylbut

XIX 2

Eustrate

-livre I

Heylbut

XX

Anonyme

- livres II-V

Heylbut

XX

Eustrate

- livre VI

Heylbut

XX

Anonyme

- livre VII

Heylbut

XX

- livres IX-X

Heylbut

XX

- livre V

Hayduck

XXII 3

Michel d'Éphèse

118

ARISTOTE DE STAGIRE

Rhétorique Anonyme

Rabe

XXI 2

Stéphanos (XII. s.)

Rabe

XXI2

Fragment d'un commentaire

- livre HII

Rabe

XX12

Fragment d'une Paraphrase

- livre III

Rabe

XX12

Métaphysique Alexandre d' Aphrodise Hayduck I Seuls les livres A-A sont authentiques (éd. Hayduck, p. 1-439), les livres EN (éd. Hayduck, p. 440-837) sont de Michel d'Éphèse (cf. 44 C. Luna, Trois études sur la tradition des commentaires anciens à la Métaphysique d’Aristote, Leiden 2001).

45 R. Salis (trad.), La metafisica come teologia : il commento dello pseudo Alessandro [di Afrodisia] al libro XII della « Metafisica » di Aristotele.

Introd., trad. e note di R. S., Cagliari 2000, 140 p. 46 W.E. Dooley (trad.), Alexander of Aphrodisias, On Aristotle Metaphysics I, coll. ACA, London/lthaca (N.Y.) 1989, vii-240 p.; 47 W.E. Dooley et Arthur Madigan (trad.), Alexander of Aphrodisias, On Aristotle Metaphysics 2 & 3, coll. ACA, London/Ithaca (N.Y.) 1992, 242 p. ; 48 A. Madigan (trad.), Alexander of Aphrodisias, On Aristotle Metaphysics 4, coll. ACA, London/lthaca (N.Y.) 1993, vi-227 p.; 49 W. E. Dooley (trad.). Alexander of Aphrodisias, On Aristotle Metaphysics 5, coll. ACA,

London/Ithaca (N.Y.) 1993, vi-224 p. Thémistius

— - Paraphrase (latin et hébreu) du livre A Landauer v5 SOR. Brague (trad.), Thémistius, Paraphrase de la « Métaphysique »

d'Aristote (livre Lambda). Trad. de l'hébreu et de l'arabe, introd., notes et indices, coll. « Tradition de la pensée classique », Paris 1999, 172 p. Syrianus

- livres B,

Kroll

VII

Asclépius

- livres A-Z

Hayduck

VI2

- livres A-N

Inédit

Ps.-Jean Philopon

T,

MetN

Version latine : 51 Franciscus Patritius (trad.), Pseudo-Johannis Philoponi Expositiones in omnes XIV Aristotelis libros metaphysicos (1. Ausg. Ferrara 1583), hrsg. von Ch. Lohr, mit einer Einl. von Ch. Lohr, CAGL 2,

StuttgarUBad Cannstatt 1991, XVI-67 p. Théodore Métochitès Version latine : 52 Gentianus Hervetus (trad.), Theodorus Metochites, Paraphrasis in Aristotelis universam naturalem philosophiam (1. Ausg. Basel 1559), mit einer Einl. von Ch. Lohr, CAGL 3, Bad Cannstatt/ Stuttgart 1992, XV-675 p. 22 pl. Physique Thémistius

- Paraphrase 53 R.B. Todd (trad.), Themistius on London/lthaca (N. Y.) 2003, x-150 p.

Simplicius

Schenkl Aristotle

v2 Physics

4, coll. ACA,

- livres I-IV

Diels

IX

- livres V-VIII

Diels

X

54 B. Fleet (trad.), Simplicius, On Aristotle Physics 2, coll. ACA, London Ithaca (N.Y.) 1997, 218 p.: 55J. O. Urmson (trad.), Simplicius, On

LES COMMENTAIRES GRECS

119

Aristotle Physics 4. 1-5, 10-14, coll. ACA, London/Ithaca (N.Y.) 1992, 225 p. ; 56 J. O. Urmson (trad.), Simplicius, On Aristotle Physics 5, [with] notes by P. Lautner, coll. ACA, London/Ithaca (N.Y.) 1997, 199 p.; 57 D. Konstan (trad.), Simplicius, On Aristotle's Physics 6, coll. ACA, London/ Ithaca (N.Y.) 1989, 181 p.; 58 J.O. Urmson (trad.), Simplicius, On Aristotle Physics 3, notes by Peter Lautner, coll. ACA, London/Ithaca (N.Y.) 2002, 198 p. ; Ch. T. Hagen (trad.), Simplicius, On Aristotle Physics 7, coll ACA, London/Ithaca (N.Y.) 1994, 195 p.; 59 R. McKirahan (trad.), Simplicius, On Aristotle Physics 8.6-10, coll. ACA, London/Ithaca (N.Y.) 2001, 247 p. ; 60 J. O. Urmson (trad.), Simplicius, Corollaries on place and time, transl. by J.O.U., annotated by L. Siorvanes, coll. ACA, London/Ithaca (N.Y.) 1992, 157 p. Philopon - livres I-II

Vitelli

XVI

- livres IV-VIII

Vitelli

XVII

61 A. R. Lacey (trad.), Philoponus, On Aristotle Physics 2, coll. ACA, London/Ithaca (N.Y.) 1993, 241 p. ; 62 M.J. Edwards (trad.), Philoponus, On Aristotle Physics 3, coll. ACA, London/Ithaca (N.Y.) 1994, 218 p. ; 63 P. Lettinck et J.O. Urmson (trad.), Philoponus, On Aristotle Physics 58 ; Simplicius,

On Aristotle on the void, coll. ACA,

London/Ithaca

(N.Y.)

1994, x-267 p.; 64 D. Furley et Chr. Wildberg (trad.), Philoponus, Corollaries on place and void. With Simplicius, Against Philoponus on the eternity of the world, coll. ACA, London/Ithaca (N.Y.) 1991, 153 p. Michel Psellus Version latine : 65 Johannes Baptista Camotius (trad.), Michaelis Pselli Commentarii in Physicen Aristotelis (1. Ausg. Venedig 1554), hrsg. von Ch. Lohr, mit einer Einl. von Ch. Lohr, CAGL 1, Stuttgart/Bad Cannstatt 1990, xv- 81 p.

Météorologiques Alexandre d' Aphrodise

Hayduck

112

66 E. Lewis (trad.), Alexander of Aphrodisias, On Aristotle Meteorology 4, coll. ACA, London/Ithaca (N.Y.) 1996, 186 p.; voir aussi 67 V. C. B. Coutant (édit.), Alexander of Aphrodisias' Commentary on book IV of Aristotle's Meteorologica, edited and translated by V. C. B.C. (Diss. Columbia), New York 1936. Philopon

- livre I

Olympiodore

Hayduck

XIV 1

Stüve

XII 2

Landauer

V4

Heiberg

VII

De caelo Thémistius - Paraphrase (latin et hébreu) Simplicius

68 R. J. Hankinson (trad.), Simplicius, On Arístotle's On the heavens 1. 1-4, coll. ACA, London/Ithaca (N.Y.) 2002, X1-164 p. Quatre autres volumes sont sous presse dans la même série: R. J. Hankinson (trad.), Simplicius, On Aristotle

On

Aristotle On

the Heavens

the Heavens

1.5-9;

R. J. Hankinson

1.10-12;

(trad.), Simplicius,

1. Mueller (trad.), Simplicius.

Aristotle On the Heavens 2.1-9; 1. Mueller (trad.), Simplicius,

On the Heavens 2.10-14.

On

On

On Aristotle

120

ARISTOTE DE STAGIRE

De generatione et corruptione Alexandre d’Aphrodise Pour les extraits de la version arabe du commentaire traduit par Abü Bisr Mattä Ibn Yünus (correspondant à De gen. et corr. Il 2-5), conservés dans le Kitáb al-Tasrif de Gàbir ibn Hayyän (ms. Paris. ar. 5099), on consultera aussi Emma Gannagé, Le Commentaire d'Alexandre d'Aphrodise In De generatione et corruptione perdu en grec retrouvé en arabe dans Gäbir b. Hayyän, K. al-Tasrif. Édition, traduction annotée et commentaire, These Université de Paris I, Paris 1998. Une traduction anglaise des extraits par E. Gannagé est en préparation pour la série des Ancient Commentators of Aristotle (ACA). Philopon

Vitelli XIV 2 69 C.J. F. Williams (trad.), Philoponus, On Aristotle On coming-to-be and perishing 1.1-5, introd. by Sylvia Berryman, coll. ACA, London/Ithaca

(N.Y.) Aristotle

1999,1x-195 On

p.;

70 C.J. F. Williams (trad.), Philoponus.

coming-to-be

and perishing

1.6-2.4,

introd.

On

by Sylvia

Berryman, coll. ACA, London/Ithaca (N.Y.) 1999, viti-177 p. Les parties des animaux

Michel d'Éphèse

Hayduck

XXII 2

Hayduck

XIV 3

La génération des animaux Philopon

Attribué à Michel d'Éphèse par Rose en 1854.

La marche des animaux Michel d'Éphàse

Hayduck

XXII 2

Hayduck

XXII 2

Heinze

V3

Le mouvement des animaux

Michel d'Éphèse De anima Thémistius - Paraphrase

71 R. B. Todd (trad.), Themistius, On Aristotle On the soul, coll. ACA. London/Ithaca (N.Y.) 1996, vii1-247 p.

Simplicius

Hayduck

XI

Le commentaire est attribué à Priscianus de Lydie par C. Steel. et à un membre de l’école de Simplicius par H.J. Blumenthal L'attribution à Simplicius transmise par les manuscrits est défendue par I. Hadot. 72 J. O. Urmson (trad.), Simplicius, On Aristotle On the soul 1. 1-2.4, [with] notes by P. Lautner, coll. ACA, London/Ithaca (N.Y.) 1995. 248 p. ; 73 P. M. Huby (trad.), Priscian, On Theophrastus on sense-perception ;

C. Steel et J.O. Urmson

(trad.), « Simplicius », On Aristotle On the

soul 2. 5-12, [with] notes by J. O. Urmson, coll. ACA, London/Ithaca (N.Y.) 1997, 261 p.; 74 H. J. Blumenthal (trad.), « Simplicius ». On Aristotle On the soul 3. 1-5, coll. ACA, London/Ithaca (N.Y.) 2000, vıit-188 p. Philopon

Hayduck XV Le commentaire sur le livre III est peut-être d'Étienne d'Alexandrie. Cf. 75 M. De Corte, Le commentaire de Jean Philopon sur le troisiéme livre du

LES COMMENTAIRES GRECS

121

"Traité de l'âme” d'Aristote, coll. « Bibl. de la Fac. de Philos. et Lettres de l'Univ. de Liège » 65, Liège 1934, XX1I-86 p. 76 W. Charlton (trad.), « Philoponus », On Aristotle On the soul 3. 1-8, coll. ACA,

London/Ithaca

(N.Y.)

2000,

211

p.; 77 W.

Charlton

(trad.),

« Philoponus », On Aristotle On the soul 3.9-13 ; Stephanus, On Aristotle On

interpretation,

coll. ACA,

London/lthaca

(N.Y.)

2000,

239 p.

ἮΝ.

Charlton (trad.), Philoponus, On Aristotle On the Soul 2.1-6, est sous presse. La version latine médiévale de Guillaume de Moerbeke éditée par De Corte pourrait provenir du texte authentique de Philopon. Elle a été traduite par 78 W. Charlton avec la collaboration de F. Bossier (trad.), Philoponus, On Aristotle on the intellect : (de Anima 3. 4-8), coll. ACA, London/Ithaca (N.Y.) 1991, vın-183 p. Étienne d' Alexandrie

Cf. 75, 76 et 77. Sophonias

- Paraphrase

Hayduck

XXIII 1

Alexandre d’Aphrodise Bruns Suppl. Ar. Il 1 Cf. 79 F. M. Schroeder et R. B. Todd, Two Greek Aristotelian commentators on the intellect : the De Intellectu attributed to Alexander of Aphradisias and Themistius' paraphrase of Aristotle De Anima 3.4-8. Introd., translation, commentary & notes by F. M. S et R. M. T., coll. «Mediaeval sources in trans]. » 33, Toronto 1990, v1-165 p. Parva naturalia Thémistius (autrefois attribué à Sophonias)

Wendland

V6

Michel d'Éphèse

Wendland

XXII 1

De sensu et sensato Alexandre d' Aphrodise Wendland IIT 1 80 J. A. Towey (trad.), Alexander of Aphrodisias, On Aristotle on Sense perception, coll. ACA, London/Ithaca (N.Y.) 2000, vın-230 p.

MICHAEL CHASE.

LA TRADITION DES COMMENTAIRES GRECS SUR LE DE INTERPRETATIONE (PH) D'ARISTOTE JUSQU'AU VIFS. Plan

de la notice

1. Les commentaires édités : les textes et les études sur les textes. A. Les commentaires grecs conservés édités dans les CAG 1. Les commentaires édités intégralement dans les CAG a. Ammonius d' Alexandrie (a) le texte (B) les traductions du commentaire

d' Ammonius

— traduction arménienne — traductions latines - traductions modernes

b. Stephanos d’Alexandrie (a) le texte

(B) la traduction du commentaire de Stephanos

2. Les fragments de commentaires édités dans les CAG a. Jean Philopon

b. Élias

c. Fragments dont l'attribution est incertaine Les fragments du commentaire d'Olympiodore d' Alexandrie et le commentaire anonyme du Parisinus graecus 2064 récemment édités Il. Le problème des influences et des sources. Les commentaires grecs perdus. A. Le débat sur les filiations B. Les commentaires perdus 1. Les traités parallèles au PH B.

a. Théophraste d'Érése b. Eud&me de Rhodes c. Apulée de Madaure 2. Les commentaires sur le PH a. Aspasios b. Herminos c. Galien de Pergame

d. Alexandre d’Aphrodisias e. Porphyre de Tyr f. Jamblique de Chalcis

£g. Syrianos h. Proclus de Lycie Ill. Les études sur les aspects linguistiques, métaphysiques et logiques des commentaires

grecs sur le PH. A. B. C.

Études concernant les commentaires de la « section linguistique » du PH et certaines innovations logiques des commentateurs (PH IX excepté) Études portant sur les aspects métaphysiques des commentaires sur le PH Études portant sur les commentaires du chapitre IX du PH: «interprétation traditionnelle » et « seconde interprétation ancienne »

DE INTERPRETATIONE

123

1. LES COMMENTAIRES EDITES: LES TEXTES ET LES ETUDES SUR LES TEXTES.

Editions: A l'époque moderne, des fragments, plus ou moins importants selon les cas, des commentaires grecs sur le De [Interpretatione (Περὶ épunveiac) d' Aristote, ont été rassemblés par C. A. Brandis en 1836 dans l'édition des œuvres d' Aristote de l'Académie de Berlin, 1 Aristotelis Opera ex recensione Immanuelis Bekkeri edidit Academia

Regia Borussica, Accedunt Fragmenta,

Scholia, Index aristotelicus, Editio altera addendis instruxit fragmentorum collectionem retractavit Olof Gigon,

(5 vol.) : Volumen

Quartum,

Scholia in

Aristotelem collegit C.A. Brandis, Supplementum scholiorum Syriani in Metaphysica Commentaria edidit H. Usener, Accedit Vita Marciana, Berlin 1961, p. XIII-XV et 93-139 (fragments du commentaire d' Ammonius p. 95-139), et 2 T. Waitz (édit.), Aristoteles Organon graece, novis codicum auxiliis adiutus recognovit, scholiis ineditis et commentario instruxit T. W., 2 vol., Lipsiae 1844-

1846, réimp. Haalen 1965, I, p. 38-43, qui donne de courtes scholies sur le PH, parmi lesquelles figurent des extraits du commentaire de Stephanos et du commentaire anonyme du codex Parisinus graecus 2064. Les commentaires conser-

vés ont été publiés intégralement ensuite dans la collection des CAG : 3 A. Busse (édit.), Ammonius, in Aristotelis de Interpretatione Commentarius, CAG IV 5, Berlin 1897, (réimp. 1960), LIV-320 p., (commentaire d'Ammonius p. 1-272 ;

fragments de commentaires postérieurs à Ammonius p. XV-LIV) ; 4 M. Hayduck, Stephani in Librum Aristotelis De Interpretatione Commentarium, CAG

XVIII 3,

Berlin 1885, p. 1-78. Les fragments du commentaire anonyme du codex Parisi-

nus graecus 2064 ont fait l'objet d'une édition récente par 5 L. Tarán, Anonymous Commentary

on Aristotle's De Interpretatione (Codex Parisinus Graecus

2064), coll. « Beitráge zur Klassischen Philologie» 95, Meisenheim-am-Glan 1978, XLVII-122 p., qui publie aussi, p. XXV-XLI, les fragments du commentaire

d'Olympiodore. Bibliographie générale: 6 R. Goulet, art. « Aristote de Stagire» A 414, «L'œuvre d’Aristote», DPhA

I, p. 424-442 et 435-441 ; 7 J. Brunschwig, art.

« Aristote de Stagire » A 414, «L'Organon. Tradition grecque », DPhA I, p. 482502; 8 R. Sorabji, Aristotle transformed. The Ancient Commentators and their influence, coll. ACA, coll. « The Ancient Commentators on Aristotle, a series of English translations with introductions and indexes », Ithaca/New York 1990, p. 27-30 et 485-524. 9 H. Weidemann (trad.), Aristoteles, Peri Hermeneias, übersetzt und erläutert von H. W., coll. « Aristoteles Werke in deutscher Über-

setzung » Band 1, Teil 2, Berlin 1994, viII-483 p., p. 71-75, 97-132 (bibliographie), 133-474 (surtout 300-304).

124

ARISTOTE DE STAGIRE A. LES COMMENTAIRES GRECS CONSERVES EDITES DANS LES CAG

I. LES COMMENTAIRES EDITES INTEGRALEMENT DANS LES CAG

a. Ammonios fils d'Hermias (RE 15: 435/445-517/526) (a) Le texte

De tous les commentaires grecs sur le De Interpretatione d' Aristote, le commentaire d'Ammonios Hermeiou (2*A 141) est le plus ancien et le plus long qui nous soit parvenu. Le texte procuré par Busse 3, p. 1-272, portant le titre AMMANIOY

TOY EPMEIOY

YIIOMNHMA

ΕΙΣ TO ΠΕΡῚ EPMHNEIAZ,

est édité

d’après quatre manuscrits du XIII s. : (A) Parisinus gr. 1942, (M) Monacensis gr. 222, (F) Laurentianus gr. 71, 3 et (G) Laurentianus gr. 72, 7. Des deux

familles A/M et F/G, Busse 3, p. VII, considére que la premiere est la plus fiable, et qu'à l'intérieur de chacune d'elles, (A) d'une part, et (G) d'autre part, offrent des lecons préférables. L'édition princeps aldine publiée à Venise en 1503 est proche de (M). L'édition du texte est précédée d'une Préface (Busse 3, p. V-Vili) qui examine les sources d'Ammonius, et présente rapidement les quatre manuscrits servant de base à l'édition ainsi que l'editio princeps aldine (a). Le Supplementum Praefationis (Busse 3, p. 1X-LI1) présente en premier lieu (p. IX-XIV), de facon détaillée, treize manuscrits (dont les quatre précédemment évoqués) et les premières éditions du XVI* s. faites à Venise en 1503, 1545 et 1546; en second lieu (p. XI V-XV) est évoquée la traduction latine du commentaire d'Ammonius dont Busse donne le début ; enfin sont présentés (p. XV-LiI) les manuscrits concernant les commentaires sur le PH postérieurs à Ammonius : commentaires quasi complets, fragments ou scholies anonymes ou dont l'attribution est discutée (les p. XXXIV-LII concernent les commentaires byzantins tardifs que nous n'évoquerons pas ici). Suivent (p. LIII-LIV) de courts Addenda Praefationis Supplemento 1.

Dans l'édition récente de la «section linguistique» du PH (16a1—172a7), par 10 E. Montanari, La sezione linguistica del Peri Hermeneias di Aristotele, coll.

«Università degli Studi di Firenze, Dipartimento di Scienze dell' Antichità Georgio Pasquali, Studi e Testi » 5 et 8, vol. I: 1] Testo, Firenze 1984, 220 p.; vol. II:

Il commento, Firenze 1988, 359 p., le texte du PH (I, p. 107-115, et II, p. 11-20) est accompagné d'une étude d'ensemble de la tradition textuelle, directe et indirecte, du PH (I, p. 25-106), en vue de l'établissement du texte des quatre pre-

miers chapitres (I, p. 117-200), et d'un commentaire doctrinal de chapitres qui met à contribution les commentateurs (II, p. 21-326). risation de la tradition des manuscrits du commentaire d' Ammonius proposée par Busse peut être confirmée, selon Montanari 10, p. 72 prise en compte de cinq autres manuscrits, s'ajoutant aux quatre

ces mémes La caractésur le PH sq., par la utilisés par

l'édition Busse: (K) Ambrosianus gr. 922, de «type F>, non signalé par Busse,

datant du XIII* s.; (Lb et La) Laurentianus gr. 72, 23 et 85, 1, de «type F», et non de «type A » (contra Busse), datant respectivement du XHI° s. et du XIII*XIV* s. ; (T) Vaticanus gr. 247, de «type F» comme

le signalait Busse, datant du

XIII*-XIV* s. ; la traduction latine de Guillaume de Moerbeke, reproduisant un manuscrit antérieur à 1268, (W), de «type A», comme l'indique 11 L. MinioPaluello, dans L. Minio-Paluello et G. Verbeke (édit.), De Interpretatione vel

DE INTERPRETATIONE

125

Periermenias, 1: Translatio Boethii, Specimina translationum recentiorum, edidit L. M.-P., 2: Translatio Guillelmi de Moerbeka, edidit G. V., revisit L. M.-P., coll. « Aristoteles Latinus » II 1-2, Bruges/Paris 1965, LXIX-128 p., notamment

p. LVIII et LXIV. Montanari 10, I, p. 66-79, déplore cependant que Busse ne justifie pas les raisons de sa préférence pour la famille A/M et formule des réserves à l'égard de la méthode employée dans la description, la classification et l'élimination des manuscrits, en particulier dans les Addenda. L'examen des cinq manuscrits précédemment cités met aussi en évidence la contamination complete de la tradition textuelle du commentaire d'Ammonius (cf. Montanari 10, p. 7576) qu'avait signalée 12 L. Minio-Paluello (édit.), Aristotelis Categoriae et Liber De Interpretatione recognovit brevique adnotatione critica instruxit L. M.P., coll. OCT, Oxford 1949, XXIV-96 p., notamment p. XIX.

13 M. Richard, «AIIO ΦΩΝΗΣ », Byzantion 20, 1950, p. 191-222, (repris dans Id., Opera Minora III, Turnhout/Louvain, 1977, n° 60), notamment p. 192-193, se fondant sur 14 J. Freudenthal, art. « Ammonios » (15), RE 1 2, 1894, col.

1863-1865, pourrait laisser croire qu'aucun des ouvrages édités sous le nom d'Ammonius « n'est sorti tel quel de sa plume » ; de méme aussi 15 G. Verbeke (édit.), Ammonius, Commentaire sur le Peri Hermeneias d’Aristote, Traduction de Guillaume de Moerbeke, Édition critique et étude sur l'utilisation du commentaire dans l’œuvre de Saint Thomas par G. V., coll. CLCAG 2, Louvain/Paris

1961, CXX-516 p., à la p. VII; 16 L. M. De Rijk, Logica Modernorum. À contribution to the history of early terminist logic, coll. « Wijsgerige teksten en studies » 6, Assen

1962-1967, vol. I, p. 30. Cependant, contrairement au commen-

taire d' Asclépius sur la Métaphysique et aux commentaires d' Ammonius sur les Catégories ou sur les Premiers Analytiques I, le commentaire sur le PH n'est pas

déclaré ἀπὸ φωνῆς

᾿Αμμωνίου, expression qu'il convient de traduire par

«d’après l'enseignement oral de » (Richard 13, p. 193 et 222). Le commentaire

sur le PH doit étre considéré non seulement comme le seul des commentaires écrits de la main d'Ammonius parvenu jusqu'à nous, mais vraisemblablement

aussi comme la seule œuvre longue qu'il ait jamais écrite : voir 17 L.G. Westerink (Edit. et trad.), Anonymous Prolegomena to Platonic Philosophy, Introduction, Text, Translation and Indices by L. G. W., Amsterdam 1962, p. ΧΙ ; édition

française, 18 /d., Prolégomènes à la philosophie de Platon, texte établi par L.G. W. et traduit par J. Trouillard, avec la collaboration de A.P. Segonds, CUF, Paris 1990, XCIX-103 p. (1-44 doubles), p. 11; reprise d'une partie de l'introduction de l'édition de 1962 (p. X-XXXII) sous le titre: « The Alexandrian commentators and the introductions to their commentaries» dans Sorabji 8, p. 325-348 ; voir aussi 19 H. D. Saffrey, art.

« Ammonios d'Alexandrie » A 141, dans DPhA

I, p. 168-169. Suivant Westerink 17, Tarán 5, p. XV et XVI, ajoute que le fait qu'Ammonius (p. 8, 24-28 Busse) intégre à son texte une édition du PH atteste qu'il s'agit d'un traité rédigé. 20 A. Busse, « Über die in Ammonius' Kommentar erhaltene Überlieferung der aristotelischen Schrift Περὶ ἑρμηνείας», dans Festschrift Johannes Vahlen zum siebenzigsten Geburtstag, Berlin 1900, p. 71-85, Minio-Paluello 12, p. XIII

126

ARISTOTE DE STAGIRE

(« maximi pretii cum Ammonius ipse librum totum Aristotelis a se editum commentario

inseruisse dicat », cf. p. 8, 24-28

Busse) ainsi que Montanari

10,

I,

p. 30-31 et 66, ont souligné l'importance, pour l'édition du texte d'Aristote, du commentaire d'Ammonius, qui contient le texte entier du PH. La recension d'Ammonius est proche du texte du PH fourni par le codex e (Minio-Paluello 12, p. XX); les lemmes conservant l'intégralité du PH figurent dans les manuscrits A et F du commentaire sur le PH

(Minio-Paluello

12, p. XIX ; Jd. 11 p. LXIV ;

Montanari 10, I, p. 68 et 72). Cependant Montanari 10, I, p. 71-72, estime que la contamination qu'a subie la tradition textuelle du commentaire

d'Ammonius

rend délicate son utilisation pour l'établissement du texte d' Aristote. De plus, Minio-Paluello 11, p. LVIIL, remarque, que les lignes sur lesquelles on se fonde pour affirmer que le commentaire d'Ammonius contient une édition du texte d' Aristote (p. 8, 25-28 Busse) ne figurent pas dans le codex A, ni non plus dans la traduction latine de G. de Moerbeke du commentaire d'Ammonius («An

Ammonius ipse libellum Aristotelicum in suam rem correctum ediderit ambigi potest, cum ea quae de hac re Ammonio in codicibus nonnullis tribuuntur neque

codex Parisinus 1942 praebeat neque Guillelmus ipse legisse videatur ») ; le passage est aussi absent de G comme l'indique l'apparat de Busse. 21 E. Lamberz, « Form des philosophischen Kommentars », dans 22 J. Pépin et H.D. Saffrey (édit.), Proclus, Lecteur et interprète des anciens, coll. «Colloques internatio-

naux du CNRS », Paris 1987, p. 1-20, notamment p. 11-13, reprend ces problèmes et considère αυ ἔκδοσις (p. 8, 28 Busse) ne signifie pas «édition du texte », dans le passage concerné, mais que l'on ne doit pas aller jusqu'à douter de l'authenticité du passage. Sur le sens d'Éxôooic voir: 23 M.-O. Goulet-Cazé, « L’amière-plan scolaire de la vie de Plotin », dans L. Brisson et alii, Porphyre. La Vie de Plotin, 1: Travaux préliminaires et index grec complet, coll. « Histoire des doctrines de l'antiquité classique » 6, Paris 1982, p. 229-327, cf. p. 280-287 (bibliographie p. 285 n. 2); 24 J. Mansfeld, Prolegomena. Questions to be settled before the study of an author, or a text, coll. « Philosophia antiqua» 61, Leiden 1994,

p. 194 et 201.

Outre les lemmes, le commentaire d' Ammonius transmet une division du PH (cf. Minio-Paluello 12, p. VI: «vel Ammonius vel ante eum editor aliquis divisit») en cinq sections ordonnée à une classification des propositions, différente de celle, en quatorze chapitres, adoptée dans les éditions modernes : I" section : (16a1—17 37),

portant sur les principes de l’Enonce déclaratif ; 115 section:

(17a38- 19b 19), sur les propositions composées d'un sujet et d'un prédicat ; III* section: (19b19-21a 33), sur les propositions comportant un troisième terme (προσκατηγορουμένου) ; IV* section: (21a34—23 a26), sur les propositions modales (μετὰ τρόπου) ; V* section: (23a27 jusqu'à la fin). Porphyre ne commentait pas cette cinquième section, doutant de son authenticité, comme Syria-

nos qui, lui, la commentait du PH en quatre sections et cette «cinquième section » nos mais qui pourrait être

cependant. Ammonius, qui organise en fait le texte un supplément (p. 7, 16-17 et 8, 22-23 Busse), divise en six ἐπιχειρήματα, division présente chez Syrial'œuvre d'Alexandre, selon 25 F.W. Zimmermann

(trad.), Al-Farabi's Commentary and Short Treatise on Aristotle's De Interpre-

DE INTERPRETATIONE

127

tatione, translated with an Introduction and Notes, coll. «Classical and Medieval Logic Texts» 3, London 1981, CLII-287 p., p. LXVIII-CV, à la p. LXXXVIl ; d'autres commentateurs, dont Stephanos, la divisent en cinq arguments ; l'Anonyme édité par Tarán n'apporte aucune subdivision dans cette section trés bréve (cf. p. 7.15-8,23 Busse; Minio-Paluello 12, p. VI-VII; Tarán 5, p. XVI-XVIII et n. 28; Zimmermann 25, p. LXXXVI-XCII). Les cinq sections sont nommées χεφάλαια chez Ammonius (p. 1, 17, p. 7, 16 et 27, p. 8, 14 Busse; emploi de τμήματα p. 7, 17 cependant), alors que Stephanos et !’Anonyme édité par L. Tarán les dénomment τμήματα. Tarán 5, p. XVI, fait valoir que, puisque Boèce ignore cette division dans sa traduction (Minio-Paluello 11, I) ainsi que dans ses

deux commentaires du PH et qu'il a dü disposer du commentaire de Syrianus mais ne mentionne pas Proclus, on peut supposer que cette division en cinq sections remonte à Proclus ou est d'Ammonius lui-méme (les commentaires de Boèce sont édités par 26 C. Meiser [édit.}, Anicii Manlii Severini Boetii Commentarii in Librum Aristotelis ΠΕΡῚ EPMHNEIAX recensuit C. M., pars prior versionem continuam et primam editionem continens, pars posterior secundam

editionem et indices continens, coll. BT, Lipsiae 1877-1880, réimp. London/New York

1987, X-225 p. et V1-555 p.). Zimmermann 25,

considère cette division comme

p. LIII et LXXXVII-XCI,

plus ancienne puisqu'elle pourrait provenir,

selon lui, du commentaire de Syrianus ou méme de celui de Jamblique. Sur les

emplois de κεφάλαιον, voir Goulet-Cazé 23, p. 315-321 ; 27 A.P. Segonds (édit. et trad.), Proclus, Sur le Premier Alcibiade de Platon, CUF,

2 vol., Paris

1985-1986, I, p. LXXII n. 2. L'introduction du commentaire sur le PH, qui annonce cinq rubriques, en étudie en fait six (nommées aussi κεφάλαια) conformément aux normes établies

par Proclus: sur les six points canoniques à traiter dans l'introduction des commentaires voir 28 I. Hadot, «Les introductions aux commentaires exégétiques chez les auteurs néoplatoniciens et les auteurs chrétiens », dans M. Tardieu (édit.), Les règles de l'interprétation, coll. «Centre d'études des religions du Livre », Paris 1987, p. 99-122, et 29 Ead., Simplicius, Commentaire sur les Caté-

gories, Traduction commentée sous la direction de I. H., fasc. I: Introduction, Premiere partie (p. 1-9, 3 Kalbfleisch), coll. « Philosophia antiqua » 50, Leiden 1990, p. 21-47 (reprise de Hadot 28), et p. 138-160; notons que, dans le commentaire sur le PH, Ammonius intervertit le deuxième et le troisième point par rapport à l'ordre codifié dans son commentaire sur les Categories et dans celui d'Olympiodore, cf. Hadot 29, p. 142-143; voir aussi Zimmermann 25, p. XCI n. 2; Mansfeld 24, p. 40, 174, 194. Ammonius examine d'abord l'objet du traité

(p. 1,21—4,16 Busse), puis en deuxiéme lieu son rang parmi les traités de l'Organon (p. 4, 17-24 Busse), ensuite son utilité qu'il considére comme donnée dans l'étude du premier point (p. 3, 18 et 4, 25-26 Busse), puis la raison du titre (p. 4, 27 —5, 23 Busse) et, avant l'évocation en sixième lieu du plan de l'ouvrage (p. 7,15—8, 23 Busse), il soulève la question de l'authenticité du PH (p. 5, 24—

7,14 Busse) qui le conduit à examiner l'athétése d'Andronicos de Rhodes (**A 181). Ce dernier passage est une source pour la reconstitution de l'argu-

128

ARISTOTE DE STAGIRE

mentation d’Andronicos et des commentateurs qui, au contraire d’Ändronicos, considerent tous le traité comme authentique : cf. 39 H. Maier, « Die Echtheit der aristotelischen Hermeneutik », AGPh 13, 1899, p. 23-72, (p. 35 sq.), repris dans Id., Die Syllogistik des Aristoteles, 3 vol., Tübingen, 1896-1900, réimp. Leipzig 1936, en appendice au tome 1; 31 P. Moraux, Der Aristotelismus bei den Griechen von Andronikos bis Alexander von Aphrodisias, t. 1 : Die Renaissance des Aristotelismus im I. Jh. v. Chr., coll. « Peripatoi » 5, Berlin/New York 1973,

XX-535 p.; t. II: Der Aristotelismus im I. und II. Jh. n. Chr., coll. « Peripatoi » 6, Berlin/New York 1984, XXX-825 p., au tome I, p. 117-119; 32 /d., «La critique d'authenticité

chez

les commentateurs

grecs

d'Aristote »,

dans

Mansel'e

Armagan/Mélanges Mansel, t. 1, Türk Tarih Kurumu Yayinlari Dizi VII-SA.60, Ankara 1974, p. 265-288;33 L. Tarán, c.r. de Moraux 31, Gnomon, 1981, p. 721-750, en particulier p. 731-739 ; Montanari 10, I, p. 135-144. Que le titre du PH n'ait été sans doute fixé que tardivement et que donc les anciens péri-

patéticiens, comme Théophraste et Eudéme (»*E 93), qui ont pourtant abondamment utilisé le matériau qu'il leur offrait, n'aient pas mentionné le PH comme tel, est un fait qui a pu conforter l’hypothèse de l’inauthenticité du traité (Maier

30, p. 69 sq.). Moraux 31 montre que, pour reconstruire les raisons de l'athétése d'Andronicos, on ne dispose pas d'une tradition univoque rnais d'une double tradition (contra 34 P. Courcelle, Les Lettres grecques en Occident de Macrobe

à Cassiodore,

coll. BEFAR

159, nouvelle édition revue et augmentée, Paris

1948, p. 276). L'une, représentée par Ammonius (p. 5, 28 - 6, 4), Philopon (in De Anima, p. 27, 21-27 et 45, 8-12 Hayduck) et une scholie de l'anon. Coisl. gr. 160

(p. XIX-XXIII Busse 3; Brandis 1, 94a21-32), présente Andronicos comme soutenant qu' Aristote identifie les παθήματα τῆς ψυχῆς (1626-7) et les vonματα, mais s'étonnant de ne pas trouver le passage concerné dans le De Anima

auquel Aristote renvoie au début du PH. La réponse à cette objection d'Andronicos ainsi comprise consiste, comme en témoigne le texte d' Ammonius, à citer des passages du De Anima oü la pensée est présentée comme en quelque facon passive. L'autre tradition, exposée dans Boéce (p. 11, 13-30 Meiser?), considère que, pour Andronicos, les παθήματα

concernés sont les affects (tristesse, joie,

cupidité) dont Aristote, là encore, n'a pas traité dans le De Anima. Pour Boéce, Andronicos n'a pas compris qu' Aristote, dans ce passage du PH, désigne par παθήματα les νοήματα et non pas les affects. La première lecture crédite Andronicos d'une opinion juste, l'autre d'une erreur sur le sens donné par Aristote aux παθήματα. Pour Moraux 31, c'est cette seconde interprétation, la

plus ancienne, remontant au-delà de Porphyre jusqu'à Alexandre, qui doit étre considérée comme rapportant exactement la position d’Andronicos. La version présentée par Ammonius est une version tronquée et déformée de la version porphyrienne : ce que Porphyre présentait comme une thèse, à savoir qu'Aristote désigne par παθήματα

les νοήματα,

a été pris par erreur par la première

tradition pour une partie de l'argumentation d' Andronicos. Montanari 10, p. 139, considère que les deux versions ne sont pas incompatibles. Voir aussi: Brunschwig 7, p. 493; 35 R. Goulet, art. « Andronicus de Rhodes » A 181,

DE INTERPRETATIONE

129

DPhA I, p. 200-202 ; 36 J. Magee, Boethius on Signification and Mind, coll. «Philosophia antiqua » 52, Leiden 1989, XIV-163 p. (voir p. 7-63 et surtout p. 31 n. 84) qui examine les études récentes portant sur la lecture qu'ont fait de PH

16a 3-9 les commentateurs grecs, Boèce, le commentaire syriaque de Georgius et G. de Moerbeke. Busse 3, p. V-VII, regrette qu'Ammonius n'ait pas été plus soigneux dans l'indication de ses sources. Le commentaire sur le PH cite six commentateurs : Alexandre, Herminus, Porphyre, Jamblique, Syrianus et Proclus (cf. aussi Zimmermann 25, p. LXXXVIII). La source essentielle est Porphyre dont le commentaire inspire Ammonius, méme quand ce dernier ne le cite pas, et à l'avis duquel Ammonius se range le plus souvent. Zimmermann 25, p. LXXXV, pense qu'Ammonius n'a pas eu accés au commentaire d' Alexandre à travers le seul commentaire

de

Porphyre

qui l'intégrait

puisqu'

Ammonius

cite Alexandre

(p. 267, 27 Busse) lorsqu'il commente le chapitre XIV que Porphyre n'a pas commenté. Syrianus inspire le commentaire du chap. XIV, Jamblique est cité trois fois et inspire le commentaire du chap. IX, Herminus est cité deux fois d'aprés Porphyre. Sur le rapport qu'entretiennent les commentaire sur le PH de Porphyre et d'Ammonius ainsi que sur la tradition des commentaires de l'Organon, voir aussi 37 S. Ebbesen, Commentators and commentaries on Aristotle's Sophistici Elenchi. A study of Post-Aristotelian Ancient and Medieval Writings on Fallacies, coll. CLCAG 7, 3 vol., Leiden 1981 ; vol. 1: The Greek tradition,

IX-355 p. (reprise des p. 133-170, sous le titre «Porphyry's legacy to logic: a reconstruction », dans Sorabji 8, p. 141-171), voir p. 133-235 ; vol. 3: Appendices, Danish summary, Indices, voir p. 384 et 404. (B) Les traductions du commentaire d' Ammonius :

Traduction arménienne : Un manuscrit arménien conserve un commentaire sur le PH d'Amelaxos que l'on a pu attribuer à Ammonios, mais cette hypothèse est contestée. Voir 38 J.-P. Mahé, art. « Amelaxos » A 135, DPhA I, p. 160;

39 Id., art.

« Ammonios d' Alexandrie » A 141, « Traditions géorgienne et armé-

nienne», DPhA

I, p. 169-170;

40

Id., «David

l'Invincible dans la tradition

arménienne », dans Hadot 29, Appendice II, p. 189-207 n. 35, 37, 57. Traductions latines : Le commentaire d'Ammonius a été traduit en latin, pour la première fois, au XIII* siècle. Le Moyen Âge latin n'avait connu jusque là que le Περὶ ἑρμηνείας d’Apulee (voir pour les éditions : 41 J.-M. Flamand, art. « Apulée de Madaure » A 294, DPhA I, p. 298-317, notamment p. 301), la traduction latine du PH d'Aristote faite au milieu du IV* s. par Marius Victorinus (42 J. Isaac, Le Peri Hermeneias en Occident de Boéce à Saint Thomas, Histoire littéraire d'un traité d’Aristote, coll. « Bibliothéque thomiste» 29, Paris 1953,

192 p., signale, p. 15. qu'elle fut peu répandue; 43 P. Hadot, Marius Victorinus, coll. « Études augustinennes », Paris 1971, p. 110 et 189, considère son existence

comme douteuse, dans la mesure oü elle n'est attestée que par une seule version des Institutiones de Cassiodore ; cf. aussi Minio-Paluello 11, p. IX), puis la tra-

duction en latin du PH et les deux commentaires sur le PH par Boèce (Isaac 42,

130

ARISTOTE DE STAGIRE

p. 15-30). La traduction anonyme du texte d' Ammonius est dorénavant attribuée à G. de Moerbeke : rédigée entre le 18 mai et le 12 septembre 1268, c'est celle

dont fait usage Thomas d'Aquin dans son Expositio du Περὶ ἑρμηνείας. Sur cette attribution et sur l'utilisation par Thomas d'Aquin (qui a eu aussi recours au second commentaire de Boéce) de la traduction de G. de Moerbeke, voir 44 M. Grabmann, Guglielmo di Moerbeke O.P. il traduttore delle Opere di Aristotele, coll. «Miscellanea Historiae Pontificiae » XI 20, Roma

1946, p. 127 ;

45 L. Minio-Paluello, « Henri Aristippe, Guillaume de Moerbeke et les traductions

latines

des

Météorologiques et du De

Generatione

et

corruptione

d' Aristote », RPhL 45, 1947, p. 206-235, repris dans 46 Id., Opuscula. The Latin Aristotle, Amsterdam 1972, p. 57-86 ; Isaac 42, p. 101-106; 47 A. Mansion, «Date de quelques commentaires de St Thomas sur Aristote [De Interpretatione, De Anima, Metaphysica] », dans Studia mediaevalia in honorem R.J. Martin,

Bruges s.d., p. 271-287, notamment p. 272-275; Verbeke 15, p. VII-XCI; Minio-Paluello 11, p. LVIII-LXIV ; 48 Sancti Thomae de Aquino Opera Omnia iussu Leonis XIII P. M. edita, Tomus I* 1, Expositio Libri Peryermenias, Editio altera retractata, Cura et studio fratrum praedicatorum, Roma/Paris 1989, intro-

duction (de R. A. Gauthier), p. 45*-50* et 81*-84*. Sur l'hypothèse, formulée par Verbeke 15, p. XXXII et CX, que saint Thomas aurait emporté d'Italie un manuscrit, comportant une traduction inachevée de Moerbeke, semblable à celui que conserve le codex Basil. H 6, voir 49 L.J. Bataillon, « Bulletin d'histoire des doctrines médiévales », RSPT 47, 1963, p. 247-289, aux p. 255-256. La préface de l'édition de la traduction latine du commentaire sur le PH d' Ammonius par Verbeke 15 comporte quatre études : « Deux commentaires sur le Peri Hermeneias d' Aristote : Ammonius et Saint Thomas » ; « Vérité et contingence : La doctrine d'Ammonius, de Boèce et de Saint Thomas»; « Deux traductions de G. de Moerbeke : Le Peri Hermeneias et le Commentaire d' Ammonius» ; «Les manuscrits »; deux lexiques grec-latin et latin-grec terminent l'ouvrage. L'édition se fonde essentiellement sur le Vatícanus lat. 2067 (V), qui seul, parrni

les cinq manuscrits conservés, offre un texte complet. Les autres manuscrits ne contiennent qu'une partie du texte: (F) Parisinus lat. 16080 et (H) Vaticanus Basilicanus H 6, ou présentent d'importantes lacunes : (P) Parisinus lat. 16600 et (O) Vaticanus Ottobon. 2049, que l'édition n'utilise pas parce qu'il est une copie assez récente de V. Verbeke 15, p. LXXV. considere que le texte grec utilisé par Moerbeke serait proche de la famille FG des manuscrits d'Ammonius, mais sur ce point voir Montanari 10, p. 74, et Minio-Paluello 11, p. LViII-LXIV. Alors que Busse 3, p. XIV-XV, qui connaissait seulement le codex P, jugeait la traduction médiocre, Verbeke souligne l'utilité, pour les éditeurs modernes d' Aristote, de cette traduction très proche du texte qui permet de remonter à un état ancien du texte grec: cf. Montanari 10 et

Minio-Paluello 12, p. XVI, qui a recours au codex V. On peut confirmer son exactitude, selon Verbeke 15, p. LXXXVI-LXXXVII, par une comparaison qui la confronte à trois autres traductions latines d'un méme passage (p. 132, 8-25 Busse): celles de Bartholemacus Sylvanius de Salone et de Joannes Baptista Rasarius datant toutes deux du XVI* s., et celle de la version anonyme du fragment du commentaire d' Ammonius (p. 130,1— 138, 10 Busse) publiée en 1658, à Londres, avec le texte grec de l'édition de 1545 corrigé par l'Anonyme à partir d'un manuscrit de la Bodléienne. Cf. 50 Anonyme: Alexandri Aphrodisiensis ad Imperatores De Fato et de eo quod nostrae potestatis est cui accessit Ammonii Hermiae in libri Aristotelis de Interpretatione sectionem secundam commentarius, London 1658 ; le même fragment du commentaire d' Ammonius que celui édité avec la version anonyme est repris, mais accompagné de la traduction latine de 51 H. Grotius, Philosophorum Sententiae de Fato et de eo quod in nostra est potestate, Paris/Leiden 1648, par 52 J. C. Orelli, (édit.), Alexandri Aphrodisiensis, Ammonii Hermiae filii, Plotini, Bardesanis Syri et Georgii Gemisti Plethonis De

DE INTERPRETATIONE

131

Fato quae supersunt graece, Zürich 1824, X-360 p. Sur ce passage du commentaire d’Ammonius, voir Verbeke 15, p. LXXVIIet CI-CII ; Minio-Paluello 11, p. LXVII n. 3; 53 P. Thillet

(édit. et trad.), Alexandre d'Aphrodise, Traité du destin,

doubles), p. CXXXVIII.

Sur les traductions latines du commentaire

CUF, Paris 1984, CLV1I-110 p. (1-76

d' Ammonius postérieures à celles de G. de

Moerbeke, voir Minio-Paluello 11, p. LXIV-LXIX et 85-110. Traductions modernes: 54 C. Noica (trad.), Ammonius, Stephanus Commentarii la Tractatul Despre

Interpretareal lui Aristotel, insotite de textul, commentat,

traducere, curínt

inainte, notesi commentariul, Bucarest 1971. 55 H. Arens (trad.), Arístotle's Theory of language and its tradition, Texts from 500 to 1750. Selection, Translation and Commentary, coll. « Amsterdam

studies in the theory and history of linguistic science. Series 3, Studies in the history of linguistics » 29, Amsterdam/Philadelphia 1984, 532 p. Contient (p. 58-123) une traduction partielle en anglais du commentaire sur le PH d'Ammonius jusqu'à p. 66, 28, portant sur PH 1-IV (jusque 1737), qui comporte d'importantes coupures concernant en particulier les références aux commentaires antérieurs et les discussions s'y rapportant. Les notes (p. 124-158) qui accompagnent la traduction confrontent Ammonius aux grammairiens (Denys le Thrace, Apollonios Dyscole, Priscien) et aux commentateurs grecs (jusqu'à Stephanos) ainsi qu'à Boéce. Cependant les coupures dans le texte éliminent beaucoup de références importantes qui ne donnent pas lieu, de ce fait, à un commentaire. Cette. traduction d' Ammonius est précédée (p. 18-57) du texte grec de PH 16a1-17a7 d'Aristote, et de sa traduction suivie de notes. Elle est suivie, d'abord, par une traduction

d'extraits de la seconde édition du commentaire de Boéce sur PH 1-1V (p. 159-204, p. 1-96 Meiser?) accompagnée de notes (p. 205-230) dans lesquelles figure la traduction latine de PH IV par Boèce (p. 207-211). Suit par ailleurs (p. 231-513) la traduction annotée d'extraits des commentaires médiévaux latins sur le méme passage d'Abélard, Albert le Grand, Thomas d'Aquin, Martin de Dacie, puis celle de Jean de Saint Thomas (XVII s.). Est donné enfin (p. 514-522) un résumé paraphrasé, accompagné d'extraits, de passages de Hermes or A Philosophical Inquiry concerning «Language and» Universal Grammar de J. Harris (XVIIIe s.). Table des concordances p. 527-529, Index p. 531-532.

56 F. Ildefonse et J. Lallot (trad.):

« Ammonius, Commentaire du Peri Her-

meneias : Préambule et chapitres I à V (p. 1-81, 2 Busse). Traduction de F. I. et J.L », Archives et documents de la Société d'histoire et d'épistémologie des sciences du langage

(SHESL), seconde série n? 7, décembre

1992, p. 1-91.

57 D. Blank (trad.), Ammonius, On Aristotle On Interpretation 1-8, translated

by D. B., coll. ACA, London 1996, 206 p. 58 D. Blank (trad.), On determinism, Ammonius, On Aristotle On Interpreta-

tion 9, translated by D. B., with Boethius, On Aristotle On Interpretation 9, first and second commentaries, translated by N. Kretzmann, with essays by R. Sorabji, N. Kretzmann & M. Mignucci, coll. ACA, London

1998, 216 p. ; traduc-

tion du texte d' Ammonius et notes p. 87-128; traduction des textes de Boèce et notes p. 129-191.

58bis G. Seel (édit.), en collaboration avec J.-P. Schneider et D. Schulthess, Ammonius and the Seabattle. Texts, Commentary, and Essays. Ammonius on Aristotle : De interpretatione 9 (and 7, 1-17). Greek Text established by Busse, reprint from CAG IV/v. English translation by D. Blank, revised by J.-P.

132

ARISTOTE DE STAGIRE

Schneider and G. Seel. Philosophical Commentary by G. Seel. Essays by M. Mignucci and G. Seel, coll. « Peripatoi » 18, Berlin/New York 2001, 312 p. A cóté des essais, l'ouvrage contient, p. 39-71, une traduction anglaise partielle du commentaire

d' Ammonius sur PH 7 (1-17 Busse) - version révisée de ce passa-

ge traduit dans Blank 57 — accompagnée d'un commentaire philosophique p. 135-146, ainsi qu'une traduction anglaise du commentaire d' Ammonius sur PH 9, p. 72-127 - qui révise Blank 58 -, accompagnée d'un commentaire philosophique p. 147-209. b. Stephanos d'Alexandrie ( fl. vers 610 à Constantinople) (a) Le texte

Le commentaire de Stephanos d'Alexandrie, ZXOAIA ΣῪΝ ΘΕΩ͂Ι ATIO ΦΏΝΗΣ ZTEOANOY

DIAOEO®OY ΕΙΣ TO ΠΕΡῚ EPMHNEIAX

APIETOTEAOYX, a été édité

par Hayduck 4 d’après le seul manuscrit existant (Parisinus gr. 2064 f. 367-87"). Considéré comme une œuvre authentique, l'ouvrage n'est cependant pas écrit de

la main de Stephanos, mais consiste en des notes parfois résumées, rapportant l'enseignement oral du professeur, qui est désigné plusieurs fois à la troisième personne: voir 59 R. Vancourt, Les derniers commentateurs alexandrins d'Aristote. L'école d’Olympiodore, Étienne d'Alexandrie, Lille 1941, VI-166 p.,

notamment p. 35-37, qui remarquait que la tradition arabe le qualifie de compendium (cf. 60 F. E. Peters, Aristoteles Arabus. The oriental translations and com-

mentaries on the Aristotelian corpus, coll. « New York University, Department of Classics Monographs on Mediterranean Antiquity » Leiden 1968, p. 12, qui signale que le texte du Firhist est en mauvais état; 61 B. Dodge (édit. et trad.), The Fihrist of al-Nadim, a tenth-century survey of Muslim culture, coll. « Records of civilization : Sources and studies» 83, New York/London 1970, vol. 1, p. 599, déplace un signe de ponctuation et attribue a compilarion à Porphyre et non à Stephanos); voir aussi Montanari 10, I, p. 84-87. Le commentaire ne comporte pas de lemmes offrant l'intégralité du texte d' Aristote mais seulement des extraits. Montanari 10, I, p. 101, signale la contamination interne du texte, comparable à celle qui affecte les lemmes, les citations et le texte d'Ammonius, et attire l'attention sur le désaccord entre les citations figurant dans la

θεωρία et celles qui figurent dans la λέξις. Le commentaire est divisé en cinq sections nommées τμήματα, désignation qui porte peut-être la trace de l'influence d’Olympiodore, sans que l'on puisse affirmer qu'elle figurait dans le commentaire de ce dernier (Tarán 5, p. XVIII). L'absence de justification de cette division chez Stephanos est sans doute due au fait que le commentaire ne comporte plus d'introduction et débute d'emblée par la premiére section. Hayduck 4, p. VI, considére le commentaire de Stephanos comme une simple reprise de celui d'Ammonius, témoignage sur les études aristotéliciennes «in summis tenebris Byzantinae

aetatis». Appréciation reprise par Vancourt 59,

p. 38: les références de Stephanos à Alexandre, Porphyre, Jamblique semblent puisées dans Ammonius dont le commentaire a été « pillé» par les professeurs qui lui ont succédé.

DE INTERPRETATIONE

133

Cependant: (a) Vancourt 59, p. 38, souligne, aprés Busse 3, p. XXXIV, une référence, p. 12, 1, à Galien, dont Stephanos rejette la définition du nom en commentant PH 16 b 26, qui est originale par rapport à Ammonius (voir aussi Tarán 5, p. IX n. 12); (b) Ii attire aussi l'attention sur la facture externe du commentaire de Stephanos, qui présente les traits formels qui se retrouvent dans les commentaires d'Olympiodore et de ses disciples, en se fondant sur 62 R. Beutler, art. « Olympiodoros » 13, RE XVIII 1, 1939, col. 207-227, pour confirmer son rattachement à «l'école d'Olympiodore ». L'ouvrage est divisé en sections (τμήματα) marquées de facon presque semblable et divisées en leçons (πράξεις) terminées par les

formules ἐν οἷς σὺν θεῷ ἡ πρᾶξις ou ἐν οἷς σὺν θεῷ ἡ παροῦσα πρᾶξις, ou ταῦτα ἔχει À πρᾶξις ; la coincidence d'une fin de legon et d'une fin de section est marquée par une formule particulière (Vancourt 59, p. 35-36). La leçon est en général divisée en θεωρία, considérations d'ensemble sur le sens général du passage, et en λέξις, explication de détail des mots nettement distinguée de la θεωρία. La division en leçons ne se trouve pas dans les commentaires d' Ammonius ni dans ceux de Philopon (à l'exception semble-t-il du commentaire sur la Physique). Elle est présente chez Olympiodore, de facon plus ou moins nette, la structure « modèle » pouvant être altérée par les avatars de la transmission du texte ou du fait de l'objet dont il traite. dans les commentaires sur les Méréorologiques (cependant 63 L. Tarán, « Asclepius of Tralles, Commentary to Nicomachus' Introduction to Arithmetic »,

TAPhS 59, 4, 1969, p. 5-23, remarque, p. 14 et 16, qu'une division en θεωρία et λέξις figure dans ceux d'Asclépius et de Philopon) et sur les Catégories, ainsi que dans ses commentaires sur Alcibiade, Gorgias et Phédon (Vancourt 59, p. 9-11). Elle est aussi présente, là encore de facon plus ou moins visible, chez ses disciples Élias (Prolégoménes, commentaire sur l'/sagoge) et David (Prolégomènes, commentaire sur l'7sagogé ; à propos du commentaire sur

les Catégories de Élias/David, voir maintenant 63 bis R. Goulet, art. «Elias» E 15, DPhA III,

2000, p. 57-66). Sur les « méthodes scolaires d'Olympiodore », voir 64 A.J. Festugiere, « Modes de composition des Commentaires de Proclus », MH 20, 1963, p. 77-100, repris dans 65 Id... Études de philosophie grecque, Paris 1971, p. 551-556.

Tarán 5, p. XIII, semble inviter à nuancer le sens de l'expression «école d'Olympiodore », au moins lorsqu'il s'agit de l'appliquer à Stephanos. La division formelle en πράξεις, qui témoigne de l'adoption d'un style d'école, ne signifie pas forcément qu'il y a influence quant au contenu, ni, surtout, qu'il y a relation de maitre à disciple. Le commentaire de Stephanos est trés étroitement dépendant de celui d' Ammonius, qu'il cite une fois, alors qu'il ne présente pas de parallélisme frappant avec les scholies existantes d'Olympiodore, qu'il ne cite d'ailleurs pas. Sur la place de Stephanos dans la tradition des commentaires sur le PH voir aussi Ebbesen 37 (références dans le vol. 3, p. 401 et 413).

Zimmermann 25, p. XCI-XCII, signale trois autres traits distinguant le commentaire sur le PH de Stephanos de celui d' Ammonius : (a) Le commentaire de Stephanos présente, méme s'il n'en est pas l'origine, une innovation concernant les régles pour l'uniformisation de l'ordre selon lequel les mots doivent étre placés dans les propositions-exemples. Zimmermann objecte à Hayduck 4, qui les considérait comme inauthentiques, que les tables de propositions attachées au commentaire de Stephanos procurent pourtant un paradigme pertinent pour les schémas de propositions envisagés dans le commentaire ; (b) Stephanos introduit le probléme de la théodicée dans la discussion sur la prescience divine (p. 35. 34 — 36, 4). Al-Färäbi reprendra. lui aussi, le probléme en ces termes dans son commentaire, ce qui, entre autres arguments, permet d'établir qu'il ne dépend pas seulement d'Ammonius mais aussi de Stephanos; (c) Stephanos réduit à cinq les six arguments mentionnés par Ammonius dans la cinquième section. Il refuse le premier argument et commence avec le deuxiéme argument d' Ammonius (al-Färäbi au contraire, qui pourtant dépend de Stephanos, mentionne les six arguments).

134

ARISTOTE DE STAGIRE

Sur l'identité, les œuvres, le parcours religieux et philosophique de Stephanos voir 66 W. Wolska-Conus, «Stephanos d’ Athènes et Stephanos d'Alexandrie. Essai d'identification et de biographie », REByz 47, 1989, p. 5-89, qui soutient que différents Stephanos que l'on s'accordait à distinguer, en particulier Stephanos d’Athenes et Stephanos d' Alexandrie, constituent un méme personnage : Stephanos, philosophe, astronome et médecin commentateur d’Hippocrate et de Galien, serait né à Athénes vers 550-555, aurait vécu à Alexandrie vers 567-572 dans les milieux monophysites proches de Philopon, puis dans l'entourage du patriarche dyophysite; il serait arrivé à Constantinople après 610 sous le règne d'Héraclius et serait mort avant 638; p. 74-76 l'argumentation de l'auteur prend appui sur un passage du commentaire sur le PH. Cf. aussi Westerink 17, p. XXXIX-XLIL.

(β) Traduction du commentaire de Stephanos: 67 W. Charlton (trad.), Philoponus, On Aristotle On the Soul 3. 9-13 with

Stephanus, On Aristotle On Interpretation, translated by W.C., coll. ACA, London 2000, VI1-239 p. : les p. 12-15 de l'introduction sont consacrées au commentaire de Stephanos sur le PH dont la traduction anglaise est donnée p. 113-197 ; notes et index p. 199-239. 2. LES FRAGMENTS DE COMMENTAIRES ÉDITÉS DANS LES CAG

a. Jean Philopon (RE 21)

ca 490-570

(a) L'existence du commentaire de Philopon est attestée par une note de Michel Psellos (éd. Ald. 1503 f. N 6"; cf. 68 L. G. Benakis, «Grundbibliographie zum Aristoteles-Studium in Byzanz », dans 69 J. Wiesner [édit.], Aristoteles: Werk und Wirkung, Paul Moraux gewidmet, vol. 2: Kommentierung, Überlieferung, Nachleben, Berlin/New York 1987, p. 353) et par la tradition arabe

(Busse 3, p. XIII et XV-XIX ; Peters 60, p. 12; Dodge 61, p. 599). Dans le Vindobonensis gr. 10 sont insérées, dans le commentaire d' Ammonius (fr. 103"-276^), de nombreuses scholies dont les unes sont notées ἰωάννου (fr. 173'-206"), et les autres anonymes (sauf deux, 223" et 248", notées ἰωάννου). Parmi les scholies

notées «ἰωάννου » Busse considère que seul un noyau de scholies est de Philopon, auquel se sont peu à peu ajoutés des fragments qui ont regu le nom de Philopon. Parmi les scholies sans nom d'auteur, aucune ne concorde avec le texte

d'Ammonius quoique beaucoup le rappellent par le contenu ; l'une est peut-étre d'Élias ; d'autres, qui concernent la cinquiéme section du PH, sont issues pour la plupart du commentaire de Pseudo-Magentinos et l'une est tirée de Michel Psellos. Busse 3, p. XVII-XIX, ne publie que des échantillons de ce qu'il appelle un « amas » de scholies. (b) On a aussi attaché le nom de Philopon à un Anonyme que contiennent le

Coislinianus 160 (f. 1-96), le Laurentianus 72,1 (f. 123' -149") et quelques autres manuscrits (cf. Busse 3, p. XIX-XXIII). Mais, selon Busse, la médiocre qualité du

commentaire est indigne d'un disciple d' Ammonius ; l'Anonyme serait postérieur à Philopon. Busse publie des extraits du Laurentianus, tirés pour la plupart du proemium ; certaines scholies du Coislinianus, concernant le Proemium,

sont

données par Brandis 1, 93a6— 94 b 29. Il faut noter que 70 D. M. Schenkeveld, «Stoic and Peripatetic kinds of speech act and the distinction of grammatical moods », Mnemosyne 37, 1984, p. 291-353, fait référence à ces scholies, p. 295.

DE INTERPRETATIONE

135

b. Elias (RE 2)

F VI

Les scholies d'Élias contenues dans le Parisinus gr. 1942 (A) et le Monacensis 222 (M) dont le texte est trés corrompu, sont, selon Busse 3, p. XXVI-XXVIII,

difficiles à déchiffrer et ne semblent pas présenter de concordance avec le commentaire sur les Catégories (Élias/David: Goulet 63 bis, p. 57-66) ni avec le

commentaire d'Élias sur l'/sagogé. Voir Westerink 17, p. XXXI sq. c. Fragments dont l'attribution est incertaine

(a) Busse 3, p. XXVIII-XXXI, présente des scholies données dans le Marcianus 257 (cf. Waitz 2, p. 38) et le Laurentianus 72, 5 qui peuvent étre attribuées à Philopon ou à Élias. Les scholies du Marcianus 257 concernant le proemium concordent avec le schéma introductif en six points de certains commentaires de Philopon et d'Élias (Busse 3. p. XXVIII). Parmi celles du Laurentianus 72, 5. qui sont de trois époques différentes, les plus anciennes appartiennent, les unes au commentaire d' Ammonius, et les autres aux commentaires de Phi-

lopon ou d'Élias. Voir aussi Montanari 10, 1, p. 59.

(b) L'Ambrosianus L 93 sup (maintenant Ambr. 490) comporte des scholies

anonymes (f. 60"-69") qui ne portent pas trace d'une influence d'Ammonius; l'une d'elle concorde avec une scholie du Vindobonensis gr.

10 notée «iwäv-

vou». Aucun élément, selon Busse 3, p. XXXI-XXXIV, ne permet de parvenir à une attribution. Tarán 5, p. XIV, signale qu'un fragment de ces scholies (f. 65" [ad 18 a 34]:

Busse 3, p. XXXIII) présente une parenté avec les scholies du

commentaire d'Olympiodore sur le PH et avec son commentaire sur le Gorgias. Parmi les scholies 70*-79*, trés succintes, certaines portent le nom d'Ammonius et sont tirées de son commentaire. B. LES FRAGMENTS DU COMMENTAIRE D'OLYMPIODORE (RE 13. 495/505-ca 565) ET LE COMMENTAIRE ANONYME DU PARISINUS GRAECUS 2064 RÉCEMMENT ÉDITÉS.

Le Supplementum praefationis de Busse (3, p. XXIII-XXVI) proposait d'attri-

buer à Olympiodore, ou à un de ses disciples, un fragment d'un commentaire anonyme sur le PH, qui commence au milieu de la discussion de PH 16230, contenu, avec le commentaire sur le PH de Stephanos et ce qui reste du commentaire sur les Premiers Analytiques d' Ammonius, dans le Parisinus gr. 2064 (f. 1-35). Notant sa parenté avec le commentaire sur le PH d' Ammonius, Busse tirait argument de concordances avec le commentaire sur les Categories

d'Olympiodore pour justifier son hypothèse. Ce texte du Parisinus gr. 2064 dont, avant Busse 3, Waitz 2, I, p. 38-43, avait

donné quelques extraits, a été édité par Tarán 5, p. 1-120. Ce dernier rectifie, p- IX, une erreur de Vancourt 59, p. 1-2, qui soutient à tort que ce commentaire

attribué par Busse à Olympiodore, avait été auparavant, selon Busse lui-méme, attribué à Syrianus. Tarán 5, p. IV-XXV, considère comme Busse, que le titre

actuel ('E£rynotc εἰς τὸ Περὶ ἑρμηνείας ᾿Αριστοτέλους xal eic τὰ γ΄ σχήματα) n'est pas le titre original -- il daterait du XIV* ou XV* s. — qui a été perdu en méme temps que les six folios manquants au début du texte. Mais Tarán 5

136

ARISTOTE DE STAGIRE

invalide l'attribution de l’ Anonyme à Olympiodore ou à un de ses élèves, propo-

sée par Busse et qu'adoptait Vancourt 59, en objectant que: (a) les paralieles entre l'Anonyme et le commentaire sur les Catégories d'Olympiodore s'expliquent par leur appartenance à la tradition ammonienne ; (b) les différences de forme (absence d'une division en πράξεις de l'Anonyme, présente dans les commentaires d'Olympiodore et de ses éléves) et de contenu sont plus importantes que les ressemblances (Tarán S, p. XIII) ; (c) le Vaticanus Urbinas gr. 35 donne des scholies sur le PH que leur contenu permet au contraire d'attribuer à Olympiodore ; elles sont éditées dans l'introduction de Tarán 5, p. XXV-XLI. Ces scholies, désormais attribuées à Olympiodore, interprétent PH 18a28 comme une critique de l'astrologie, interprétation que l'on peut rapprocher d'un passage de son commentaire sur le Gorgias et d'une scholie anonyme de l'Ambrosianus L 93 sup., mais qui ne se trouve ni dans l'Anonyme anciennement attribué à Olympiodore, ni dans les commentaires d' Ammonius et de Stephanos. Le commentaire anonyme serait l’œuvre «d'un auteur appartenant à l'école

néoplatonicienne alexandrine écrivant à Alexandrie ou à Constantinople à la fin du VI* ou au début du VIF s. » (Tarán 5, p. XXV). Cette lecture assez littérale du

PH, plus simple que celle d'Ammonius, présente certains des traits syntaxiques des commentaires de l'école d'Ammonius (Tarán 63, p. 22) ; les lemmes et citations du PH sont généralement en accord avec Ammonius, sauf en quelques endroits où l'on retrouve les leçons du Marcianus gr. 201 (voir cependant Montanari 10, 1, p. 86, sur la contamination du texte). L'Anonyme accepte la lecture de Porphyre, et non celle d'Ammonius pour le texte de PH 16b22-23 (p. 10, 11 Tarán). Il divise le texte d'Aristote, comme les commentaires

d' Am-

monius et de Stephanos, en cinq sections (τμήματο). La désignation des sections comme τμήματα s’expliquerait par l'influence d'Olympiodore sur les méthodes scolaires de l'école alexandrine, sans que l'on puisse établir une filiation (Tarán 5, p. XVIII). Le commentaire de la cinqui&me section est trés bref et

ne comporte aucune division. L'Anonyme dépend du commentaire d' Ammonius qu'il connait directement et non par des gloses (il ne cite Alexandre et Porphyre que là oà Ammonius ne les mentionne pas), mais l'intérét du texte résiderait selon Tarán 5, p. XX-XXI, dans le fait qu'il utilise aussi d'autres sources qui nous sont inconnues. Contra Busse 3, qui pensait que l'Anonyme avait accès aux commentaires d' Alexandre et Porphyre, Tarán 5 considére qu'il suffit de supposer un accès au commentaire de Porphyre ou encore à celui de Syrianus, qui est la dernière autorité citée par l' Anonyme. Outre Alexandre et Porphyre nommés deux fois, l'Anonyme mentionne une fois Jamblique et Syrianus. Voir aussi Ebbesen 37, I, p. 124 et 284. 71 G. Furlani, « Aristoteles, De interpretatione 16 a6-7, nach einem syrisch erhaltenen Kommentar », ZSVG 1, 1922, p. 34-37, notamment p. 34 et 36, et 72 Id., «La versione e il commento di Georgio delle Nazioni all'Organo aristotelico », SJFC I 3, 1923, p. 305-333,

voir p. 307, 326-327, signale que dans

l'introduction (qui est en fait un commentaire) à la traduction syriaque du PH de Georges, évêque des Nations arabes (début du VIII“ s.), figure un fragment de

DE INTERPRETATIONE

137

commentaire grec, dont le texte syriaque ne donne pas l’origine, mais qui est dit «conforme au commentaire d’Olympiodore » par une glose marginale. Montanari 10, I, p. 32, 87-88, 128, et II, p. 13, 47-48, considére ce passage comme pré-

cieux pour l'établissement du texte du PH — puisqu'il atteste l'existence, à côté de πρώτως, d'une variante πρώτων, ignorée par la tradition directe mais confirmée par les variantes des commentaires d' Ammonios et de Stephanos, la traduction arménienne, celles de Boéce et de Moerbeke -, et le mentionne, sans autre

précision, comme un fragment du commentaire d'Olympiodore. Ce fragment n'est pas évoqué par Tarán 5. Magee 36, p. 28, traite avec circonspection l'attri-

bution à Olympiodore du commentaire utilisé par Georges. Cf. 73 H. Hugonnard-Roche, art. « Aristote de Stagire » A 414, «L'Organon. Tradition syriaque et arabe, Le De Interpretatione », DPhA I, p. 513-516, p. 515. Il. LE PROBLEME DES INFLUENCES ET DES SOURCES. LES COMMENTAIRES GRECS PERDUS A. LE DÉBAT SUR LES FILIATIONS

1. Les recherches sur les commentaires grecs perdus s'étayent non seulement sur les commentaires grecs conservés, mais aussi sur le matériau abondant fourni par les deux commentaires latins sur le PH de Boèce (480-525). D'où la question

de savoir comment situer les commentaires de Boéce par rapport à Ammonius, son contemporain, et s'il faut, ou non, distinguer plusieurs lignées interprétatives parmi les commentateurs grecs. Courcelle 34, p. 261-300, avait formulé l'hypothèse d'un contact direct entre Boéce et l'école d' Alexandrie: ou bien Boèce aurait eu entre les mains le texte du commentaire d'Ammonius sur le PH — ou plus précisément une premiére version du texte un peu différente de la version définitive que nous possédons -, ou bien méme Boéce aurait reçu sa formation intellectuelle à Alexandrie oü il aurait pu suivre le cours d'Ammonius. Cette thése est maintenant ébranlée par les travaux de 74 J. Shiel, Boethius' commentaries on Aristotle in relation to the Greek commentaries with special reference to Porphyry, Oxford 1952, Bodl. MS. D. Phil. c. 287, et 75 Id., «Boethius' com-

mentaries on Aristotle », MRS 4, 1958, p. 217-244, repris sous le méme titre dans Sorabji 8, p. 349-372, et dans 76 M. Fuhrmann et J. Gruber, Boethius, coll. « Wege der Forschung » 483, Darmstadt 1984, p. 155-183 (post-script 1983,

p. 182-183). 77 J. Bidez, RBPH 2, 1923, p. 189-201, p. 200 (reprise, avec des modifications de « Boèce et Porphyre», CRAI 1922, p. 346-350; trad. all. dans Fuhrmann et Gruber 76, p. 133-145), avait déjà soutenu que l’œuvre logique de Boéce doit presque tout à Porphyre et qu'en cette matiére « Boéce n'a fait que

traduire ou paraphraser un recueil de textes et de commentaires détachés avant lui de l’œuvre de Porphyre ». Les conclusions de J. Shiel sont assez générale-

ment admises, voir par exemple: 78 L. Minio-Paluello, « Les traductions et les commentaires aristotéliciens de Boéce», dans Studia Patristica 2, coll. TU 64, 1957, p. 358-365, repris dans Minio-Paluello 46, p. 328-335, trad. all. dans Fuhrmann 76, p. 147-154 ; 79 L. Obertello, Severino Boezio, coll.

« Accademia

138

ARISTOTE DE STAGIRE

Ligure di Scienze e Lettere », Genova 1974, I, p. 522-544; Tarán S, p. vm ; 80 R. W. Sharples, « Alexander of Aphrodisias, De Fato: Some Parallels», CO 28, 1978, p. 243-266, notamment p. 258 n. 158; Zimmermann 25, p. LXXXVIII; 81 R. Sorabji, Time, Creation and the Continuum : theories in antiquity and the

early middle ages, London/Ithaca/New York 1983, p. 119 n. 95; Arens 55, p. 206; Magee 36, p. 2-5 et 54, qui croit toutefois raisonnable de penser que Boéce possédait une copie du commentaire de Porphyre ; 82 R. W. Sharples (édit. et trad.), Cicero: On Fate (De Fato) & Boethius: The Consolation of Philosophy IV.5-7, V (Philosophiae Consolationis), edited with introduction, translation and commentary by R. W. S., Warminster 1991, p. 41-42. Des réser-

ves importantes ont cependant été formulées à l'encontre de la thése de Shiel, notamment par 83 C.J. De Vogel, « Boethiana I», Vivarium 9, 1971, p. 49-66; 84 E. Stump, « Boethius's works on the Topics», Vivarium 12, 1974, p. 77-93 ; 85 H. Chadwick, Boethius, The consolations of music, logic, theology, and phi-

losophy, Oxford 1981, réimp. 1983, p. 129 et 153, qui accepte certains arguments de Shiel, mais pense que Boèce devait disposer d'un texte complet du commentaire de Porphyre (p. 130); 86 S. Ebbesen, « Boethius as an Aristotelian scholar», dans Wiesner 69, II, p. 286-311, repris sous le titre « Boethius as an

Aristotelian commentator », dans Sorabji 8, p. 373-391. Saffrey 19, p. 169, considere que « le dernier mot sur cette question «des rapports entre Ammonius et Boèce> n'est pas encore dit». 87 S. Knuuttila, Modalities in Medieval Philosophy, coll. « Topics in medieval philosophy », London/New York 1993, p. 46, conteste Shiel. Notons que 88 S. J. Verhaak, Zeger Van Kortrijk, Commentar Van Peri Hermeneias, inleidende studie en tekstuitgave, with an English summary, coll. « Verhandelingen van de koninklijke vlaamse Academie voor wetenschappen », Letteren en schone kunsten van Belgie, kl. d. Letteren Jrg. XXVI, Brussel 1964, CXLVI-212 p., suit Courcelle 34 (cf. résumé en anglais

p. CXXXIV). Courcelle 34 soutenait que Boèce a pour source essentielle Porphyre, comme déjà l'avait montré J. Bidez, et qu'il avait lu aussi Jamblique (commentaire sur les Catégories), Thémistius (commentaires sur les Catégories, les Analytiques et les Topiques) et surtout le commentaire sur le PH de Syrianus qu'il cite tout en lui opposant Porphyre (p. 88, 26 et 173. 11 Meiser?). L'hypothèse qu'il avait acquis sa culture par un contact direct avec les commentateurs grecs contemporains issus de l'école de Syrianus, en particulier Ammonius, prenait appui d'abord sur une phrase de Cassiodore (voir 89 S. Gersh, art. « Boethius » A 41, dans DPhA IX, p. 117-122, p. 117). Elle se fondait ensuite sur le fait que les œuvres scientifiques de Boéce sont des adaptations d'ouvrages alexandrins ou commentés par les Alexandrins et sur les convergences importantes rencontrées dans la comparaison des commentaires de Boéce et d' Ammonius sur l'/sagogé, les Catégories, et le PH. L'habitude des anciens et des médiévaux de ne pas citer les contemporains expliquerait le silence de Boèce sur Proclus et Ammonius. A côté d’arguments prenant en compte l'ordre chronologique des traductions et des commen-

taires de Boéce, la méthode scolastique commune aux deux auteurs, et ce qu'il considère comme l'influence d' Ammonius sur le commentaire de Boèce aux Catégories. c'est le commentaire sur le PH qui devait fournir les arguments essentiels (importance des concordances ; conjecture célèbre portant sur un passage corrompu du second commentaire de Boèce sur le PH qui propose de lire « sicut Ammonius docet» là oü le manuscrit donne «audivimus », corrigé en «Eudemus » par Meiser 26, p. 361, 9, et que P. Courcelle relie à Ammonius p. 199, 19: voir p. 274-278). P. Courcelle se fondait aussi sur la concordance entre La Consolation de philosophie (I 2, chap. 9) de Boéce et le commentaire de Proclus sur le Timée ainsi que sur

DE INTERPRETATIONE

139

l'étroite parenté qui semble rattacher les livres IV et V de La Consolation de philosophie aux écrits néoplatoniciens du V* s. sur la providence et la prescience divine; il rapprochait encore La Consolation de philosophie V, du commentaire perdu d' Ammonius sur la Physique. Sur le rapport entre les commentaires sur le PH conservés en grec. les commentaires de Bo&ce sur le PH et La Consolation de philosophie voir 90 J. Sulowski, « The sources of Boethius' De Consolatione Philosophiae», Sophia 29, 1961, p. 67-94; 91 P. Courcelle, La Consolation de philosophie dans la tradition littéraire. Antécédents et postérité de Boéce, coll. « Études augustiniennes », Paris 1967, 449 p.: Obertello 79 (étude des sources grecques de Boce, vol. l, p. 451-544) ; 92 R. R.K. Sorabji, Necessity, Cause, and Blame. Perspectives on Aristotle's

Theory, London 1980, p. 124-125; Jd. 81, p. 255-256 : Sharples 82, p. 25-29, 41-46, 149-150, 227-23.

Selon Shiel 74, les hypothéses de P. Courcelle ne sont recevables pour aucun des commentaires sur l'Organon. Suivant d'une certaine manière la thèse de J. Bidez (tout est porphyrien), il soutient que Boéce n'a eu de contact direct avec

aucun des textes grecs dont il invoque l'autorité (Porphyre) ou qu'il semble démarquer (Ammonius). Boéce aurait disposé d'un texte du PH comportant d'importantes gloses marginales issues en particulier du commentaire de Porphyre et ses sources grecques lui auraient été connues seulement, de maniére lacunaire, par les marginalia que comportait son manuscrit. Il aurait eu à sa disposition un codex d'un format assez semblable à celui du plus ancien manuscrit de l' Organon, l'Urbinas gr. 35, du IX* s., et son œuvre de commenta-

teur aurait consisté à recopier scrupuleusement, en les traduisant, les notes dont il disposait, n'utilisant que quelques-unes des références de son manuscrit dans la premiere édition du commentaire sur le PH, mais recopiant dans la seconde tout le matériau figurant dans les notes (Shiel 75 dans Sorabji 8, p. 360-361):

thèse qui accorde peu à l'originalité de Boéce et que récuse Ebbesen 86, dans Sorabji 8, p. 373-391, notamment p. 376, en la qualifiant de «one source-no thinking theory ». Les arguments de Shiel 75 sont les suivants : (a) Les trés nombreux paralléles avec Ammonius (90) s'expliquent par leur source commune, le commentaire de Porphyre, et proviennent des gloses marginales; (b) La correction de Meiser ( Eudemus) doit être maintenue ; (c) La structure générale et la nature du commentaire different chez Ammonius et chez Boéce ; division en cinq sections chez Ammonius, mais en six livres chez Boéce; absence, chez Ammonius, de tout ce dont traite Boéce dans son premier chapitre; Ammonius cite souvent Platon et insiste sur l'harmonie entre Platon et Aristote alors que Boéce cite le plus souvent Aspasius, Herminus, Alexandre, Porphyre, les stoiciens et Syrianus; contraste trés marqué dans le commentaire du chapitre XIV oü Ammonius examine six arguments alors que le commentaire de

Boéce est peu fourni ; des expressions ou exemples, venant manifestement du grec, que l'on trouve chez Bo&ce ne viennent pas d'Ammonius ; (à ces arguments Tarán 5, p. VIII, suivant Moraux 31, 1, p. 117-119, ajoute que les considérations sur la question de l'authenticité du PH different dans les deux commentaires, tant dans l'exposé de l’athétèse d' Andronicus que dans sa réfutation: Boèce, en particulier, cite Alexandre qu' Ammonius ne cite pas): (d) Boèce n'aurait pas, non plus, eu accés directement au commentaire d'Alexandre (cf. Shiel 75 dans

Sorabji 8, p. 358), et toutes ses informations sur les commentaires antérieurs lui viendraient de gloses extraites du commentaire de Porphyre ; (e) Boéce dispose aussi d'un matériau post-

porphyrien fourni, là encore, par les gloses marginales, issues en particulier de Syrianus (ibid. p. 359). Toutefois Chadwick 85, p. 128 et 157, considère que le manuscrit de Bo&ce comportait des scholies d'un maitre néoplatonicien ayant, avant Damascius, un regard critique sur Syrianus et Proclus.

140

ARISTOTE DE STAGIRE

2. Acceptant les conclusions de Shiel, Zimmermann 25 s’efforce de reconstituer la tradition exégétique du PH en comparant les commentaires grecs d’Ammonius et de Stephanos, (sans prendre en compte l’Anonyme édité par Tarán 5), les commentaires latins de Boèce et le plus ancien commentaire arabe conservé,

celui d'al-Fáràbi (env. 870-950 de l’ère chrétienne). Il propose, p. XCI-XCII, de distinguer deux traditions exégétiques : [1] celle du commentaire de Porphyre largement modelé sur celui d'Alexandre, dans la lignée duquel se situerait Boéce; [2] celle du commentaire de Jamblique, partiellement rejeté par Syrianus, réhabilité dans le cours de Proclus et « immortalisé » par Ammonius que résume Stephanos. Al-Färäbi hériterait partiellement des deux lignées (il aurait disposé d'un codex contenant essentiellement des fragments de Porphyre [1] et de Stephanos [2]. Le raisonnement de Zimmermann 25, p. LXXXIV-CIV, retient plusieurs critères: (1) La présence ou l'absence de la division du texte d'Aristote en cinq sections, soustendue par une classification des propositions qui les distingue selon qu'elles comportent deux

éléments, trois éléments, ou un opérateur modal. Dans les commentaires qui l'adoptent, cette division fournit le plan du commentaire. Inexistante chez Boece (division en six livres) qui suit Porphyre, elle est présente chez Ammonius, Stephanos et al-Färäbi et semble donc appartenir au prototype [2]. (2) Le calcul du nombre des schémas de propositions. Il est situé au début de la deuxième,

de la troisième et de la quatrième section des commentaires d' Ammonius et de Stephanos: il figure de façon très résumée chez al-Färäbi: mais il est présent aussi chez Boéce qui cite Syrianus (d'aprés des gloses marginales). Ce calcul serait un produit de la division du texte selon la classification des propositions. (3) L'organisation du commentaire du chapitre 1X : (a) le schéma interprétatif hérité d' Alexandre, que met en œuvre Boéce, fait une large place à la polémique contre les mégariques et contre les stoiciens; (b) le schéma «jambliquéen » remanié par Proclus dans ses cours ignore, lui, cette polémique ou, plutôt, il la résume dans l'argument du « moissonneur » conservé seulement par Ammonius ; il a recours au «principe de Jamblique » pour traiter du probléme, introduit par Alexandre, de la prescience divine (p. 135, 14- 137, 1 Busse; p. 35. 19-33 Hayduck). Le principe de Jamblique est présent chez Ammonius et chez Stephanos, mais il ne figure pas, selon Zimmermann, dans les deux commentaires de Boéce. Stephanos

introduit, dans le commentaire de ce chapitre, le probléme de !a théodicée (p. 35,34 — 36,4 Hayduck) que l'on retrouve chez al-Färäbi. (4) Le commentaire du chapitre XIV (Ammonius, p. 258. 10 Busse; Stephanos, p. 63, 9-11 Hayduck) : Porphyre ne l'a pas commenté, à la différence d' Alexandre. Sur ce chapitre, en l'absence de gloses porphyriennes, Botce se limite à une paraphrase. Ammonius le commente

conformément à la tradition (Alexandre) et rapporte la critique que Syrianus adressait aux six arguments en lesquels se trouve découpé le texte d'Aristote. On retrouve ces six arguments chez al-Farabi, alors que Stephanos, omettant le premier, n'en évoque que cinq. Sur ce dernier chapitre, voir aussi Tarán 5, p. XVI n. 28. 93 J. Talanga, c.r. de Zimmermann 25 dans AGPh 68, 1986, p. 302-309, résume, pour chaque chapitre du PH, les résultats de F. W. Zimmermann concernant le rapport d’at-Färäbi et de la tradition grecque. B. LES COMMENTAIRES PERDUS 1. LES TRAITÉS « PARALLELES » AU PH a. Théophraste d 'Érése (RE 3)

372/1 ou 371/0*-288/7 ou 287/6?

Théophraste n'écrivit pas un commentaire mais un traité paralléle au PH, Περὶ καταφάσεως xai ἀποφάσεως (De l'affirmation et de la négation). Voir

DE INTERPRETATIONE

Maier

30,

p. 51-64; 94

I. M. Bocheñski, La

141

logique de Théophraste,

coll.

«Collectanea Friburgensia » 32, Fribourg (Suisse) 1947, p. 15-27, 32-34, 39-53; Isaac 42, p. 12-13; 95 A. Graeser, Die logischen Fragmente des Theophrast, herausgegeben und erläutert von A.G., coll. « Kleine Texte für Vorlesungen und

Übungen», Berlin/New York 1973, fr. 1-12, p. 1-13, 50-51, 58-74; 96 L. Repici, La logica di Teofrasto, Studio critico e raccolta dei frammenti e delle testimo-

nianze, coll. « CNR Centro di studio per la storia della storiografia filosofica », Bologna 1977, p. 45-79, 193-199; 97 W.W. Fortenbaugh et al. (édit.), Theophrastus of Eresus. Sources for his life, writings, thought and influence, Part One, Life, Writings, Various reports, Logic, Physics, Metaphysics, Theology, Mathematics, coll. «Philosophia Antiqua» 54, 1, Leiden 1992, p. 1-14 : princi-

pes d'édition; p. 114-275: fragments logiques. Philopon dans son commentaire sur les Catégories (p. 7, 20 Busse) attribue à Théophraste un commentaire sur le PH qu'il faut sans doute identifier au Περὶ καταφάσεως xal ἀποφάσεως (Bochefiski 94, p. 31-32 ; Graeser 95, p. 3, 58; Repici 96, p. 179-180, 193). Notons que le Fihrist mentionne Théophraste parmi les commentateurs du PH, voir Peters 60, p. 12, Dodge 61, I, p. 599. Plusieurs explications du titre de l'ouvrage de Théophraste ont été proposées: le titre renverrait au début du PH (16

a 2) d'Aristote, dont le titre n'était pas fixé

à l'époque de Théophraste et d'Eudéme, ou bien aurait été originellement Tlepi ἀποφάνσεως (Maier 30, p. 70-72 ; Bocheñski 94, p. 27 et 34 ; Graeser 95, p. 50; Repici 96, p. 45). Alexandre d' Aphrodise se référe au traité de Théophraste, bien connu de lui selon Bocheñski, dans ses commentaires sur les Premiers Analytiques,

les Topiques

et la Métaphysique,

sous

le titre Περὶ καταφάσεως

(Bochenski 94, p. 17 et p. 27; Graeser 95, p. 1). Boéce (p. 9, 24 et 102, 26 Meiser?) cite le titre entier, sans doute d’apres Porphyre qui semble avoir été le dernier à utiliser l'ouvrage (voir Isaac 42, p. 28-29 contra Bochenski 94, p. 20-

22 ; Obertello 79, p. 484 ; Zimmermann 25, p. LXXXV). Donnent aussi le titre entier: Diogene Laerce (V 44) qui l'évoque aussi sous le titre Περὶ ἀποφάσεως (D.L. V 46; Bocheñski 94, p. 27 ; Graeser 95, p. 50) et Galien qui écrivit un commentaire en six livres à ce traité de Théophraste (voir Bochefiski 94, p. 19;

Moraux 31, II, p. 689; Fortenbaugh 97, fr. 73, p. 132-133). Porphyre aurait écrit un commentaire, qu’aurait connu Boéce, sur le titre Περὶ καταφάσεως (Bochefiski 94, p. 20; Graeser 95, p. 51 ; Repici 96, p. 46; L. M. De Rijk 16, I,

p. 29 et n. 13). L'ouvrage de Théophraste, selon Bocheriski 94, avait recours à d'autres œuvres d' Aristote (An. Pr., Meta., et An. Post.) et avait donc une certaine ampleur.

Boece (p. 12, 3-16 Meiser?), se faisant là sans doute l'écho du point de vue d' Alexandre d’Aphrodise (Isaac 42, p. 28 n. 2, voir notre étude ci-dessous), rap-

porte que l'ouvrage traitait des mémes problémes que le PH en employant les mémes expressions; il note aussi que Théophraste traite rapidement de ce qu'Aristote a approfondi et donne plus d'ampleur à ce qu' Aristote n'a pas développé, ce qui fait du traité de Théophraste un commentaire et un complément du PH. Bocheñski suppose qu'il s'agissait d'un traité systématique où Théophraste

142

ARISTOTE DE STAGIRE

présentait comme siennes les thèses d’ Aristote sans jarnais le citer, ce qui expliquerait qu' Andronicos, qui connaissait l'ouvrage de Théophraste, ait pu douter de l'authenticité du PH. C'est dans cet ouvrage que l'on trouve des termes techniques constamment repris ensuite: προσδιορισμός (quantificateur), πρότασις

Ex μεταθέσεως (proposition métathétique), πρότασις κατὰ πρόσληψιν (proposition prosleptique), (voir Maier 30, p. 56-58, 59-60 ; Bochefiski 94, p. 43-51 ; 98 R. Blanché, La logique et son histoire, coll. «U », Paris

1970, p. 84-85 ;

Graeser 95, p. 65, 67, 69 ; Repici 96, p. 58-72; Zimmermann 25, p. LXXXIVLXXXV). L'interprétation de certains fragments est réexaminée par 99 J. Brunschwig, «“Indéterminé” et "indéfini" dans la logique de Théophraste », RPhilos 172, 1982, p. 359-370 : (a) L'étude du texte d' Alexandre emprunté au commentaire sur les Topiques (=Bochenski fr. 10; Graeser fr. 12; Repici p. 76-77) montre que le traité Sur l'affirmation intégrait aussi des éléments puisés dans les Topiques (cf. Top. II 6, 120 a6 sq., où la particulière indéterminée [quelque... au moins], proposition simple quantifiée, est distinguée de plusieurs classes de particuliéres, déterminées à des degrés divers qui sont, elles, des conjonctions de propositions simples). (b) Le fragment du commentaire d'Alexandre sur les Premiers Analytiques (Bochefiski fr. 4 ; Graeser fr. 4; Repici fr. 10a) témoigne, selon Brunschwig, du fait que Théophraste « avait reconnu l'exacte coincidence entre ce qu' Aristote appelle la particulière dans les Analytiques [1 1, 24a 16-22, où Aristote oppose la particulière, proposition quantifiée, à l’universelle et à la proposition indéterminée sans quantificateur] et ce que. dans les Topiques, il appelle la particuliere indéterminée » (Brunschwig 99. p. 364; voir Maier 30, p. 53-56; Bocheñski 94, p. 41-43; Graeser 95, p. 62-64; Repici 96, p. 54-56). I1 faudrait interpréter en ce sens un texte de Boéce (Comm. de Int., p. 139, 25-140, 12 Meiser; fr. 4c Graeser : fr. 10b Repici) et un passage du commentaire d' Ammonius portant sur PH 7, où il faudrait repousser la parenthèse fermante (p. 90, 12 sg. Busse ; fr. 4b Graeser; fr. 104 Repici), qui permettent de

penser que Théophraste «a

utilisé spécifiquement les termes ἀδιόριστος et ἀόριστος, “indé-

terminé" et "indéfini", pour désigner les deux propriétés de la proposition particulière qu'il avaient dégagées et distinguées» (Brunschwig 99, p. 370); « l’indetermination de la particulière prend son sens par opposition aux particulières diversement déterminées des Topiques v. alors que « le caractére indéfini de la particuliére prend son sens par opposition à la proposition singulière » (Brunschwig 99, p. 367): de ce fait, la proposition portant sur l'universel dont

le sujet n'est pas pris universellement de PH 17 b 7 ne s'identifie pas à l'indéterminée des Premiers Analytiques mais à une particulière de sens indéterminé, formulée de façon inhabituelle.

b. Eudéme de Rhodes (RE 11) Maier 30, p. 65 et 68, souligne qu'entre le Περὶ λέξεως d'Eudéme ($E 93)

et le PH le parallélisme est moins évident que celui qui permet de rattacher le

Περὶ καταφάσεως xai ἀποφάσεως de Theophraste au PH. Néanmoins, méme si l'ouvrage d'Eudéme emploie un matériau disparate qui peut étre rapporté aux différents traités de V'Organon (Premiers Analytiques, Topiques, Réfutations sophistiques, Rhétorique. Poétique. en particulier 1456 b8 sq.), la réflexion sur les parties du discours, sur les espèces de discours et sur la théorie du jugement, est rattachée, pour l'essentiel, au PH (chap. III, IV, X et XI en particulier) par Maier 30, p. 65-69. Cf aussi 100 F. Martini, art. « Eudemos von Rhodos» 11, RE VI t, 1907, col. 895-901, cf. col. 901; 101 F. Wehrli (édit.), Die Schule des Aristoteles, Texte und Kommentar, Vlll: Eudemos von Rhodos, Basel 1955, 123 p., p. 84-87. La définition de la λέξις (Poet. 6, 1450 b 13) comme τὴν διὰ

DE INTERPRETATIONE

143

τῆς ὀνομασίας ἑρμηνείαν pourrait rendre raison du titre du traité d’Eudeme, surtout si l’on considère que le PH n’avait pas alors, lui-même, de titre fixe (Maier 30, p. 71-72). Le commentaire sur le PH, que Philopon dans son commentaire des Catégories (p. 7, 20) semble attribuer à Eudéme, devrait peut-étre être identifié au Περὶ λέξεως, voir Wehrli 101, fr. 7 p. 11, et p. 79; Graeser 95, p. 50-51. Galien a composé un commentaire en trois livres sur le Περὶ λέξεως d'Eudéme (cf. Moraux 31, II, p. 689; Wehrli 101, p. 85; Fortenbaugh 97, fr. 73,

p. 132-133 ; voir aussi 102 V. Boudon, art. «Galien de Pergame » G 3, DP^A III, 1994, p. 464, n? 104). Après avoir été étudiés dans Maier 30, les fragments concernant le Περὶ

λέξεως ont été édités et commentés par Wehrli 101 (fr. 7 et 25-29, voir pages 11, 20-21, 79, 84-87). Les fragments 25, 26 et 28 (Wehrli 101) proviennent des commentaires d' Alexandre sur les Topiques, les Premiers Analytiques et la Métaphysique, et le fr. 27 d'une scholie anonyme (Brandis 1, p. 146, 24). Le fr. 29, issu du De captionibus de Galien (ΠΕΡῚ TON ΠΑΡΑ ΤῊΝ AEZIN ΣΟΦΙΣΜΑ-

TON) dans lequel Ebbesen 37, p. 78, voit un commentaire de Ref. soph. 165 b2430, cite Eudéme de Rhodes comme source d'exemples d'ambiguité apparente et distingue trois sortes d'ambiguité, cf. 103 R. B. Edlow (édit. et trad.), Galen on language and ambiguity. An English Translation of Galen's ‘De Captionibus (On fallacies)' with Introduction,

Text, and Commentary, coll. «Philosophia

Antiqua » 31, Leiden 1977, p. 46, 54 et 102, 16. Edlow 103, p. 53-55, met en doute l'idée, admise, après Prantl, par Wehrli 101, p. 20-21, que le Περὶ λέξεως d’Eud&me puisse étre l'origine de cette distinction, qui pourrait aussi provenir du commentaire de Galien sur ce méme ouvrage. Ebbesen 37, I, p. 14-16, émet la

méme réserve, qu'il étaye sur une base textuelle en contestant la pertinence du fr. 29 (Wehrli 101): il faudrait y lire une référence à l’Euthydeme de Platon et non à Eudème. Sur le De captionibus voir encore Ebbesen 37, I, p. 78-87, 236239 ; III, p. 393. c. Apulée de Madaure (RE « Appuleius » 9) ca 125-aprés 170 Le Περὶ ἑρμηνείας d'Apulée, bien qu'il soit écrit en latin, peut être évoqué comme témoin, indirect, de la tradition grecque du commentaire sur le PH d'Aristote. Les tenants de l'authenticité de ce texte, qui propose une terminologie latine pour les concepts logiques grecs, que remaniera Boèce, ont pu y voir une traduction d'un ouvrage grec, peut-être un manuel, augmentée d'une paraphrase et de considérations propres à l'auteur. Voir Bocheriski 94, p. 16; Isaac 42, p. 26 et 29; Flamand 41. p. 304-307 ; 104 M. W. Sullivan, Apuleian Logic. The nature, sources, and influences of Apuleius's Peri Hermeneias, coll. «Studies in Logic

and the Foundations of Mathematics», Amsterdam 1967, 265 p.. (voir p. 139-157 et 165-166 l'étude de l'influence péripatéticienne sur le PH d'Apulée et p. 209-227 celle de l'influence du PH d’Apulée sur Boèce, où l'auteur soutient, contre Isaac 42, p. 29, que le De Syllogismis Caregoricis de Boéce dérive directement du PH d'Apulée). Son influence sur les auteurs latins, que l'on peut retracer depuis Martianus Capella et Cassiodorus Senator (»*C 52) jusqu'au ΧΕΙ s, fut grande, mais son importance pour l'étude de la tradition grecque des commentaires sur le PH reste encore à évaluer. Le PH d'Apulée est « péripatéticien de nature » selon Sullivan 96, p. 139. Il tient l'essentiel de son contenu du PH d'Aristote et aborde dans

ses cinq premiers chapitres, en les traitant toutefois différemment, les mémes problémes que les chap. I-VII du PH; la suite de l'ouvrage par contre tient des Premiers Analytiques et, dans une moindre mesure des Topiques. Il contient deux références à Théophraste et se réfère aussi

144

ARISTOTE DE STAGIRE

à d'autres péripatéticiens ; à côté de six références, critiques le plus souvent, aux stoiciens, il mentionne encore, entre autres, Cicéron et Platon. Cependant Sullivan 104, p. 169, reste prudent sur la question de savoir si c'est un manuel grec ou latin qu'a copié Apulée; de méme considére-t-il que la question de savoir si des auteurs anciens, comme Eudéme de Rhodes, ou un contemporain, comme Galien, ont influencé le contenu du traité ne peut étre tranchée pour le moment. Cf. aussi 105 M. Baldassarri (édit.), Apuleio, L'interpretazione. Testo latino, con introduzione, traduzione e commento, Como 1986, 112 p.; Flamand 41, p. 306-307. Pour 106 D. Londey et C. Johanson (trad.), The Logic of Apuleius, including a complete Latin text and English translation of the Peri Hermeneias of Apuleius of Madaura, coll. « Philosophia antiqua » 47, Leiden 1987, v11-121 p., l'ouvrage d' Apulée n'est pas seulement un «habillage » d' Aristote en latin (p. 37) mais est l'œuvre d'un logicien, bien formé dans les écoles grecques, qui ne s'est pas contenté de traduire un manuel grec (p. 19): ils soulignent que le diagramme du carré des oppositions (PH V), ainsi que l'introduction des termes « quantité » et «qualité » (PH Mi) sont l'indice d'un progrès en logique. Sur le carré logique. absent de l'/nstitutio logica de Galien, que l'on trouve pour la premiere fois chez Apulée (PH V), voir la mise au point de Londey et Johanson 106, p. 109-112, contestant le diagramme reproduit dans Sullivan 104, p. 64-66, qui contient une terminologie non-apuléenne ; les auteurs considérent qu'on peut continuer à attribuer à Apulée l'invention du carré des oppositions, quoique le texte puisse laisser penser aussi qu'il rectifie seulement un schéma antérieur.

2. LES COMMENTAIRES SUR LE PH d. Aspasios (RE 2)

FI-DII

Il semble qu'aprés les traités autonomes de Théophraste et d'Eudéme, qui ne

sont pas des commentaires, les péripatéticiens aient négligé l'étude du PH, à cause, sans doute, de la difficulté reconnue au traité, et aussi, par la suite, de l’athétèse d'Andronicos ; (sur la réputation de traité difficile qui s'attachait au PH, voir Boéce, p. 293, 27 - 294,4 Meiser? et Moraux 31, II, p. 230 et 231 n. 15).

Aspasios (**A 461), qui est le premier à commenter le PH aprés qu' Ándronicos l'ait considéré

comme

inauthentique,

devait

le tenir pour authentique.

La

question de savoir s'il proposait une réfutation des arguments d' Andronicus est plus délicate, mais, dans la mesure où Alexandre se range le plus souvent à l'avis d'Aspasios, il est probable que ce dernier a fourni arguments en faveur de l'authenticité du PH.

à Alexandre une partie de ses

Ammonius (en particulier p. 99, 8— 100, 1 et 127, 21-33 Busse) reprend les explications d'Aspasios, sans doute à travers Alexandre et, surtout, Porphyre, mais ne le cite pas. Boéce est la source essentielle pour les recherches sur Aspasios, mais il ne le connaissait probalement qu'à travers Porphyre, qui lui-méme tirait son information d'Alexandre; cf. 107 E. Zeller, Die Philosophie der

Griechen in ihrer geschichtlichen Entwicklung, 6 vol., Leipzig 1859-1868, vol. III

1, 3* éd.

1880,

p. 780

[697] (réimpr. Hildesheim

1963); Moraux 31, II,

p. 231;108 R. Goulet, art. « Aspasios » A 461, DPhA I, p. 635-636; 109 F. Becchi, « Aspasio, commentatore di Aristotele », dans ANRW II 36, 7 (Nachtrag zu Bd II 36, 2), 1994, p. 5365-5396, à la p. 5369). D'après les passages du

second commentaire de Boéce examinés dans Moraux 31, II, p. 230-235, Alexandre approuve le plus souvent l'exégése d'Aspasios et refuse au contraire celle d'Herminos (»*H 83). Ainsi pour PH 1623-8, 16b 20-21, 1757-8 et 18a18-26, a-t-on, chez Aspasios, la source des considérations reprises dans les

DE INTERPRETATIONE

145

commentaires d' Alexandre, Porphyre, Ammonius et Boéce. Ce commentaire d'Aspasios

a été largement

incorporé

au commentaire

d'Alexandre

qui lui

accordait le plus grand crédit et, comme ce dernier est lui-méme incorporé à celui de Porphyre qui inspire les exégéses postérieures, il semble que l'on puisse considérer qu'Aspasios a fourni la base de tous les commentaires ultérieurs. Notons que Moraux 31, II, p. 232, signale l'orientation sensualiste de la réflexion d'Aspasios. Sur la question de savoir si l'on doit compter Aspasios parmi les péripatéticiens, comme le faisait Porphyre, voir Goulet 108. b. Herminos (RE 2)

II

Élève d'Aspasios, Herminos (»*H 83) est avec Sosigène, et peut-être Aristote

de Mytiléne, un des maítres d'Alexandre d'Aphrodise: cf. 110 H. Schmidt, De Hermino peripatetico, Diss. Marburg, 1907; 111 H. von Amim, art. «Herminos» 2, RE VIII 1, 1912, col. 835; Moraux 31, II, p. 374-382 ; 112 R. Goulet,

art. « Aristote de Mytilene» A 413, DPhA I, p. 411-412. Le commentaire d'Herminos est cité deux fois par Ammonius (p. 24, 18 et 52, 29 Busse), d’après Porph yre selon Busse 3, p. VI; cf. aussi Zeller 107, III 1, 3° éd. Leipzig 1880, p. 783, n. 2 et 3, et p. 784 [700-701] (réimpr. Hildesheim 1963). Il est mentionné

par Boece le plus souvent comme celui que refuse Alexandre (voir Moraux 31, II, p. 374-382, pour les références au second commentaire de Boéce sur le PH). Tl semble que ce commentaire n'ait pas été suivi par la tradition exégétique ultérieure précisément parce qu' Alexandre, source à travers Porphyre des autres commentateurs, rejette ses explications pour lui préférer celles d’Aspasios. Le rejet d' Herminos par les commentateurs s'expliquerait, selon Moraux 31, par son manque d'exactitude philologique. Ainsi, dans la discussion sur la disposition du chap. 1, il n'a pas l'accord de Boéce, et, dans la discusion sur PH 16a8, sa lecture est rejetée par Alexandre, Porphyre, Ammonius et Boèce. Sur le probléme du verbe (PH 16b6-7, 16b 16-18) il est critiqué par Ammonius (p. 52, 2729 Busse), et Boéce refuse son explication de PH 17b 7-12. Sont contestées

aussi ses explications de PH 18 a 18-19. Pour PH 19b25-30 en revanche, Porphyre, Ammonius et Boèce suivent Herminos en considérant que le passage n'a qu'une fonction d'exercice dialectique. Voir aussi Montanari 9, I, p. 28-29. c. Galien de Pergame (RE 2)

129-ca 199

Élève d'un disciple d’Aspasios, qui serait Eudème de Pergame (»*E 93) plutôt qu'Herminos (2?*H 83) selon Moraux 31, II, p. 226 (cf. Goulet 108 et 112), Galien a écrit dans sa jeunesse, sans doute à titre d'exercice, un commentaire en

trois livres sur le PH d' Aristote qui, comme ses autres commentaires, n'était pas destiné à la publication mais à des cercles d'amis; il a aussi commenté le Περὶ καταφάσεως de Théophraste (six livres) et le Περὶ λέξεως d'Eudéme de Rhodes (trois livres). Cf. 113 I. Marquardt, 1. Mueller, G. Helmreich, (édit.), Claudii Galeni Pergameni Scripta Minora, coll. BT, 3 vol., Leipzig 1884-1893; le vol. II, ex recognitione 1. Mueller, 1891, contient, p. 91-124, à cóté d'autres

traités, le traité Περὶ τῶν ἰδίων βιδλίων : voir p. 117,20- 118,3 et p. 122, 19 —123,9 ; Bocheñski 94, p. 19; Vancourt 59, p. 38; Moraux 31, II, p. 689-690;

146

ARISTOTE DE STAGIRE

Tarán 5, p. IX n. 12; Fortenbaugh 97, fr. 73 p. 132-133; 114 K. Hülser, «Galen und die Logik », ANRW II 36, 5, Berlin/New York 1992, p. 3523-3554, évoque globalement les commentaires sur les œuvres logiques, p. 3537; Mansfeld 24, p. 129 n. 231. Busse 3, p. XXXIV n. I, considère que le commentaire de Galien sur le PH était connu des auteurs arabes ; Moraux 31, II, p. 690 n. 12, évoque Hunayn ibn Ishàq - le traducteur du PH en syriaque, à «l'école » duquel est due la traduction en syriaque et en arabe d'un nombre important d'ouvrages grecs - qui déclare avoir trouvé un exemplaire incomplet du commentaire de Galien. Pour Zimmermann 25, p. LXXXII, cette remarque de Hunayn pourrait impliquer que l'ouvrage est resté non traduit (cf. aussi p. XCII n. 4). La notice du Fihrist dans la traduc-

tion de Peters 60, p. 12, porte : «there is a rare commentary of Galen; it is nonextant» ; de méme Dodge 61, I, p. 599; en revanche l'édition récente de 115 R. Tagaddud (édit.), Al-Nadim, Kitäb al-Fihrist, Dar al-masira, Beyrouth, 3° éd.

1988, p. 309, 13, donne «existant ». d. Alexandre d'Aphrodisias (RE 94)

II*-1i1I* siècle

Les témoignages concernant le commentaire perdu d'Alexandre sur le PH sont donnés par Zeller 107, III 1, 3* éd., Leipzig 1880, p. 789 n. 3 et p. 790 [705706]

(réimpr.

Hildesheim

1963); voir aussi Thillet 53, p. LIX ; 116

R.W.

Sharples, « Alexander of Aphrodisias : Scholasticism and Innovation », ANRW II 36, 2, Berlin/New York 1987, p. 1176-1243, voir p. 1185; 117 R. Goulet et M. Aouad, art. « Alexandros d'Aphrodisias » A 112, DPhA I, p. 125-139, notamment p. 130. Bocherski 94, p. 17, et Zimmermann 25, p. LXXXV, considèrent

que les commentaires conservés d' Alexandre attestent qu'il connaissait parfaitement

De l'affirmation de Théophraste (ainsi que ses Premiers Analytiques).

L'étude du rapport du commentaire d' Alexandre avec ceux de ses devanciers Aspasios et Herminos a été faite par Moraux 31, II, p. 230-235 et 374-382. On peut sans doute préter à ce commentaire perdu une méthode analogue à celle des

commentaires conservés d' Alexandre, qui ne sont pas ordonnés formellement, à la différence de ceux des néoplatoniciens alexandrins, en une discussion générale (θεωρία) suivie d'une explication de détail (λέξις), et qui n'obéissent

pas tous au schéma formel que l'on trouvera dans les introductions des commentaires postérieurs, mais semblent l'avoir préparé sur certains points ; voir Moraux 31, I, p. 65-85 (qui fait remonter ce schéma à Andronicus) ; Tarán 33, p. 736 sq. ; 118 R. W. Sharples, « The school of Alexander?», dans Sorabji 8. p. 83-111, cf. p. 95-96; Mansfeld 24, p. 40-42, 174, 192, 194, qui suit Moraux. La question de l'authenticicité du PH est évoquée par Alexandre dans son commentaire sur les Premiers Analytiques (p. 160, 32 et 161, 1): 119 M. Wallies (édit.), Alexandri in Analyticorum priorum librum I Commentarium,

CAG II 1, Berlin 1883, réimp. 1960, XXII-426 p. ; Moraux 31, I, p. 117 n. 2; Sharples 118, p. 89 n. 50 et p. 96. Son commentaire sur le PH répondait sans doute à l'athétése d' Andronicos de Rhodes. La reconstitution de l'argumentation d' Alexandre suppose que l'on détermine ce que les commentaires d'Ammonius et de Boéce lui ont emprunté sur ce point. Isaac 42, p. 28, et n. 2, contra

DE INTERPRETATIONE

147

Bocheriski 94, p. 32, considère que le texte de Boéce, (p. 11, 13-12, 28 Meiser?) évoquant et réfutant l’athétèse d' Andronicos ne rapporte les considérations propres de Boece qu'à partir de 12, 19, et qu'auparavant il rapporte les arguments d'Alexandre: c'est Alexandre qui aurait vu dans l'existence du traité De l'affirmation de Théophraste, composé comme un traité complétant les points que le PH laissait dans l'ombre, un argument qui confirmait la these de l'authenticité. Cet argument s'ajouterait à celui, analysé par Moraux 31, 1, p. 117-119 (cf. supra), qui faisait valoir qu' Aristote désigne, dans le passage incriminé par Andronicos, par παθήματα les νοήματα et non les affections, et à celui, souligné par Tarán 33, p. 738-739 et n. 49 et 50, qui montrait que le PH est aristotélicien dans le contenu et dans le style. Voir aussi Montanari 10, I, p. 29; Obertello 79, p. 497 et 498 n. 17. Le fragment en arabe « Sur le son vocal » édité par 120 'A. Badawi (édit.), Commentaires sur Aristote perdus en grec et autres épitres, coll. «Recherches

publiées sous la direction de l'Institut de Lettres Orientales de Beyrouth » n.s. A. Langue arabe et pensée islamique 1, Beyrouth 1971, p. 31, proviendrait du commentaire sur le PH d'Alexandre: voir 121 F. W. Zimmermann et H. V.B. Brown,

«Neue arabische Übersetzungstexte aus dem Bereich der spátantiken

griechischen Philosophie», /s! 50, 1973, p. 313-324, à la p. 316 n° 4. Par ailleurs 122 R. B. Todd, « Alexander of Aphrodisias on De Int. 16a26-29 », Hermes

104,

1976, p. 140-146, montre que le passage du commentaire d' Ammonius (p. 39, 17-32 Busse) oü ce dernier répond au syllogisme, évoqué en 39, 13-17, exposé par Alexandre, comme le dit explicitement Ammonius, pourrait provenir du commentaire perdu sur le PH : le syllogisme qu'exposait Alexandre, s'il n'est

pas un exercice d'école, pourrait avoir une source stoicienne, et la réfutation présentée par Ammonius peut être mise en parallèle avec la Quaestio III 11, attribuée à Alexandre, ainsi qu'avec le commentaire sur le De Anima (82, 3-5) de ce

dernier. Voir Sharples 118, p. 98. 123 Anne Sheppard, Proclus’ philosophical method of exegesis: the use of Aristotle and the Stoics in the Commentary on the

Cratylus, dans Pépin et Saffrey 22, p. 136-151, à la p. 146 n. 22, établit une relation entre Quaestio III 11 et un second passage du commentaire d' Ammonius (p. 62, 21 Busse), consacré au méme probléme, oü elle voit une reprise du commentaire sur le Craryle de Proclus, et peut-être de son exégèse du PH.

Pour Zimmermann 25, p. LXXXV, le fait que le commentaire d' Alexandre ait été incorporé dans celui de Porphyre, tant les points d'accord que de désaccord, a pu contribuer à sa disparition (voir Busse 3, p. V1; Sharples 80, p. 258 n. 158). Il considère que l'on peut adopter comme principe que, sauf preuve contraire, peuvent étre attribués

à Alexandre tous les traits que les commentaires existants

ont en commun ou attribuent à Porphyre. On devrait ainsi, selon lui, attribuer à Alexandre le schéma d'interprétation du chapitre IX que Boëèce dans son troisième livre attribue à Porphyre, c'est-à-dire la polémique anti-stoicienne et la discussion des mégariques sur le possible pour laquelle il existe un parallèle dans le commentaire d'Alexandre sur les Premiers Analytiques (p. 184, 5 sq. Wallies), qui pourrait étre un résumé de l'exposé du commentaire sur le PH

148

ARISTOTE DE STAGIRE

perdu. Serait aussi l’œuvre d'Alexandre l'introduction du probléme de la connaissance divine des futurs contingents dans le commentaire de ce méme chapitre IX, tel qu'on le trouve exposé par Boèce (p. 226, 1-13 Meiser?) que

F. W. Zimmermann rapproche de De Fato XXX, p. 200, 12-201, 18 (Thillet 53, p. 56-58 ; 124 R. W. Sharples [trad.], Alexander of Aphrodisias, On Fate, text, translation and commentary, London 1983, p. 80-81 ; mais voir Sharples 80, p. 260-261, Sharples 124 p. 164-166, Sharples 82, p. 28-29). Alexandre pourrait etre par ailleurs l'auteur de la division du chap. XIV en six arguments (Zimmermann 25, p. LXXXVII). Les hypothèses concernant la structure et le contenu du commentaire sur le PH d' Alexandre se heurtent au fait qu'il semble difficile de déméler, dans la richesse du

matériau

issu d'Alexandre

transmis,

à travers

le commentaire

de

Porphyre, par le second commentaire de Boèce, ce qui peut provenir du com-

mentaire d' Alexandre, et de savoir si ce dernier se cantonnait à des considérations strictement logiques ou comportait des développements analogues à ceux

qu'offre le De Fato. Se fondant sur 125 R. Beutler, art. «Porphyrios » 21, RE XXII 1, 1953, col. 284, et sur Shiel 75, p. 231-234, qui soutient que Bo£ce tient sa connaissance d'Alexandre de scholies porphyriennes mélées à un matériau

postérieur, Sharples 80, p. 258, souligne que Porphyre lui-même a pu incorporer ä son

commentaire

sur le PH,

avec

les éléments

empruntés

au commentaire

d'Alexandre, des éléments provenant du De Faro. Cependant l'importance des parallèles entre les commentaires sur le PH d'Ammonius et de Boéce d'une part et le De Fato d'autre part, autorise aussi l'hypothése d'un parallélisme entre le

commentaire perdu d' Alexandre, en particulier dans l’exégèse de PH IX, et son De Fato (chap. X, XI, XXX surtout). Dans le De Fato, le point de vue polémique

semble toutefois l'emporter sur l'exposé des thèses propres à Alexandre, qu'il est dés lors difficile de reconstruire, et il n'y a pas, semble-t-il, de voie décisive

pour clarifier ce que l'on pourrait appeler la «solution » d'Alexandre au problème posé par la connaissance divine des futurs contingents. Sharples souligne l'ambiguité des propos qu' Alexandre oppose aux arguments déterministes (stoiciens ?) dans le chapitre XXX du De Fato(p. 201, 13-18, 24-29) : les dieux n'ont

pas une connaissance de toutes choses, et ils n'ont une connaissance des événements contingents que dans la mesure oü ils connaissent par avance «le contin-

gent comme contingent» (p. 201, 11-14 Thillet; voir Sharples 80, p. 254-266 ; Sharples 124, p. 27-29, 81, 164-166; Sharples 116, p. 1220; Sharples 82, p. 2529, 41, 44-45, 230. Proclus aurait formulé sa propre thèse, que les dieux ont une

connaissance définie et nécessaire de l'indéfini et du contingent dans la mesure oü la nature de la connaissance se régle sur le connaissant et non sur la chose connue, en référence à deux théories qu'il refuse: la thèse des stoiciens, d'une

part, pour qui tout est nécessaire et connu comme tel — le possible n'ayant pas, pour ces derniers, un sens ontologique mais seulement épistémique -, et, d'autre part, celle des « péripatéticiens » soutenant que Dieu a seulement une connaissance indéfinie du contingent : Proclus, Decem dubitationes Il 6, 3 dans 126 D. Isaac (édit. et trad.), Proclus, Trois études sur la providence, I, Dix problèmes

DE INTERPRETATIONE

149

concernant la providence, CUF, Paris 1977, p. 61: De Providentia et Fato 63, 15, dans 127 Id., (édit. et trad.), Proclus, Trois études sur la providence, ll, Pro-

vidence, Fatalité, Liberté, CUF, Paris 1979, p. 81; traduction allemande: 128 T. Borger et M. Erler, Proklos Diadochos, Über die Vorsehung, das Schicksal und den freien Willen an Theodoros, den Ingenieur (Mechaniker), coll.

« Beitrage 2. ki. Philol.» 121, Meisenheim-am-Glan, 1980, X111-150 p. Cf. 129 W. Theiler, « Tacitus und die antike Schicksalslehre », dans Phyllobolia für P. von der Mühll, Basel 1946, p. 36-90 (réimp. Id., Forschungen zum Neuplato-

nismus, coll. «Quellen und Studien zur Geschichte der Philosophie » 10, Berlin 1966, p. 46-103); 130 R.T. Wallis, Neoplatonism, coll. «Classical life and letters », London 1972, p. 29-30 et 149-150; 131 F.P. Hager, «Proklos und Alexander von Aphrodisias über ein Problem der Lehre der Vorsehung », dans J.

Mansfeld et al. (édit.), Kephalaion: Studies in Greek Philosophy and its Continuation presented to C.J. De Vogel, coll. « Philosophical Texts and Studies » 23, Assen 1975, p. 171-182 ; 132 P. T. M. Huber, Die Vereinbarkeit von góttlicher Vorsehung und menschlicher Freiheit in der Consolatio Philosophiae des Boethius, Zürich 1976, p. 12-59 ; Sorabji 92, p. 124-125. S'appuyant en particulier sur Theiler 129, p. 51 sq. (réimp. p. 63), ainsi que sur Wallis 130, p. 149, Hager 131, p. 175-178, et Huber 132, p. 14 et 22, Sharples 80, p. 260-261, considère que Proclus, nommant les péripatéticiens, désigne par là Alexandre, et qu'il l'interpréte comme affirmant que les dieux ont une connaissance indéfinie du contingent. L'affirmation d' Alexandre, selon la lecture de Proclus que Sharples approuve, signifie que les dieux savent (a) qu'il est possible que je fasse ou ne fasse pas quelque chose, et non pas (b) que je vais, en fait, faire (ou ne pas faire)

telle chose, méme si par ailleurs je pourrais agir autrement. Voir aussi: 133 G. Verbeke, « Aristotélisme et Stoicisme dans le De Fato d' Alexandre d' Aphrodise », AGPh 50, 1968, p. 73-100 ; 134 R. T. Wallis, « Divine Omniscience in Plotinus, Proclus, and Aquinas » dans H.J. Blumenthal and R. A. Markus (édit.), Neoplatonism and early christian thought, Essays in honour of A. H. Armstrong,

London 1981, p. 224-225; Sorabji 92, p. 124-125 ; 135 M. Mignucci, «Logic and Omniscience: Alexander of Aphrodisias and Proclus », OSAPh 3, 1985, p. 219-245, voir p. 225-234 ; 136 Id., « Boezio e il problema dei futuri contingenti », Medioevo 13, 1987, p. 1-50, p. 45. La méme thèse (a) se retrouve chez Calcidius (commentaire sur le Timée) et chez Porphyre (évoqué par Proclus dans son commentaire sur le Timée), qui semblent dépendre tous deux d'Alexandre : cf. 137 J. H. Waszink (édit.), Timaeus a Calcidio translatus commentarioque instructus. In societatem operis conjuncto P.J. Jensen edidit J. H. W., coll. « Corpus platonicum medii aevi, Plato Latinus » 4, London/Leiden 1962, introduction: 138 J. den Boeft, Calcidius on fate : his doctrine and sources, coll. « Philosophia antiqua» 18, Leiden 1970, p. 131137; Proclus, in Tim., 1, p. 352, 12 Diehl, trad. fr. 139 A.J. Festugiere (trad.), Proclus, Commentaire sur le Timée, Traduction et notes par A.J.F., t. II, livre II, coll. « Bibliothèque des textes philosophiques », Paris 1967, p. 212; Sharples 80, p. 260-261 et 265; Sharples 116,

p. 1220; Sharples 124,p. 28; Sharples 82, p. 26. Sharples 80, p. 261-262, à la suite de Waszink 137 (p. LXIU, LXXXVI, XC, Cil), considère que Calcidius emprunte à Numénius à travers Porphyre et que ce que Calcidius semble tenir d' Alexandre reflete plutöt l'utilisation que Porphyre fait d' Alexandre; Porphyre a pu combiner un matériau emprunté à Numénius avec ce qu'il a emprunté à Alexandre (voir aussi Thillet 53, p. CXXXV ; Sharples 124, p. 29;

150

ARISTOTE DE STAGIRE

Sharples 82, p. 26; mais 140 J. Dillon, The Middle Platonists. A Study of Platonism, 80 B.C. to A.D. 220, coll. «Classical Life and Letters », London 1977, p. 401-408, refuse l'idée d'une source porphyrienne pour Calcidius); voir aussi 141

Id., art. « Calcidius» C 12, DPAA

II,

p. 156-157. Sharples 80, p. 262 conteste par ailleurs l'idée soutenue par Theiler 129. p. 74 et n. 6 (réimp. p. 87 et n. 171). que la thèse d'Alexandre - les dieux ont une prescience du contingent comme contingent, entendue au sens (a) —, puisse être attribuée à Gaius (#+G 2), en remarquant que cette théorie ne se trouve pas chez Albinus, Apulée et Pseudo-Plutarque. Voir encore, sur la conception du possible chez Alexandre, 142 R. W. Sharples, « Responsibility, chance and not-being (Alexander of Aphrodisias Manrissa 169-172)», BICS 22, 1975, p. 3763; 143 Id., « Alexander of Aphrodisias’ second treatment of fate? De Anima libri Mantissa, p. 179-186 Bruns », BICS 27, 1980, p. 76-94; 144 Id., « An Ancient Dialogue on Possibility : Alexander of Aphrodisias, Quaestio I, 4», AGPh 64, 1982, p. 23-38; 145 D. Frede, «Could Paris (son of Priam) have chosen otherwise?», OSAPh 2. 1984, p. 279-292; 146 R. W. Sharples, « Could Alexander (follower of Aristotle) have done better? A response to Professor

Frede and others », OSAPh 5, 1987, p. 197-216. Notons que Zimmermann 25, p. LXXXVI et n. 1, attribue au second commentaire de Boéce, à propos du problème de la connaissance divine des futurs contingents. la solution d’Alexandre; de méme Chadwick 85, p. 159 et 162-163. Au contraire pour Sharples (80, p. 261 n. 187 et 193; 124, p. 165; 82, p. 28-29), Boéce - qui affirme. comme Ammonius, que les propositions contradictoires singulières portant sur les futurs contingents sont, avant l'événement, vraies ou fausses, mais de façon indéterminée — soutient dans le second commentaire sur le PH, et non pas seulement dans De Consolatione philosophiae, que les dieux peuvent en avoir une connaissance définie, comme le soutiennent aussi Proclus, Jamblique et Ammonius: il faudrait ainsi comprendre 226, 9-13 (Meiser 26 ed. sec.) où figure l'affirmation que Dieu connait « le contingent comme contingent» au sens (b) et comme un rejet de la position d' Alexandre et de Porphyre, signifiant que pour la connaissance divine l'issue est déterminée,

encore qu'elle dépende de la liberté humaine. Sharples 82, p. 28-29 s'oppose à Huber 132, p. 18 n. 45, et à Chadwick 85. p. 159, mais suit Courcelle 91, p. 213-214. Sorabji 92, p. 124125, et Sorabji 81, p. 255-256, renvoie, pour la thèse de Bo&ce, que les dieux ont une connaissance définie du contingent, à De Consolatione philosophiae seulement. On ne sait si, dans le commentaire de PH IX, Alexandre établissait un lien entre le probléme de la connaissance par les dieux des futurs contingents, tel qu'il apparait dans le De Fato. et les problémes qu'évoque sa réflexion sur la providence dans les écrits conservés en grec (Quaest. 125 et II 21) ou seulement en arabe (De principiis et les deux versions du De Providentia) — et qui concernent la question de savoir si la providence est exercée par le premier moteur ou par les âmes des sphères célestes ; si la région sublunaire est l'objet principal de la providence ou si elle n'est son objet que par accident; si la providence concerne les espèces ou si elle s'étend jusqu'aux individus. Sur ces textes voir 147 P. Moraux, Alexandre d'Aphrodise exégète de la noétique d’Aristote, coll. « Bibliothèque de la Faculté de Philosophie et Lettres de l'Université de Liège » 99, Liège/Paris 1942, p. 195-202; 148 P. Thillet, « Un traité inconnu d' Alexandre d'Aphrodise sur la Providence dans une version arabe inédite», dans L'homme et son destin d'après les penseurs du Moyen Age. Actes du K' Congrès international de philosophie médiévale, Louvain/Paris 1960, p. 313-324 ; 149 Id., Alexandre

d’Aphrodise, Thèse pour le doctorat d'État, Paris 1979, vol. 4-5: Traité de la Providence. Version arabe d'Abu Bi3r Mattà ibn Yünus; 150 H.J. Ruland (édit. et trad.), Die arabischen Fassungen von zwei Schriften des Alexander von Aphrodisias. Über die Vorsehung und über das liberum arbitrium, Diss. Saarbrücken 1976, 236 p.; 151 ΚΕ W. Sharples, « Alexander of Aphrodisias on Divine Providence : Two Problems », CQ 32, 1982, p. 198-211; Sharples 124,

p. 23-27; Thillet 53, p. LXVII sq. ; Sharples 116, p. 1216-1220; Sharples 118, p. 91; Sharples 82, p. 32-33; 152 R.W. Sharples. (trad.). Alexander of Aphrodisias, Quaestiones 1.1-2. 15 translated by R.W. S.. coll. ACA, Ithaca/New York 1992, 183 p.; Goulet et Aouad 117, p. 135-137; 153 R. W. Sharples, (trad.), Alexander of Aphrodisias, Quaestiones 2. 16-3. 15,

translatedby R.W. S., coll. ACA, Ithaca/New York 1994, p. 19-26, 118-121.

DE INTERPRETATIONE

e. Porphyre de Tyr (RE 21)

151

234-305/vers 310?

Les témoignages sur les œuvres de Porphyre non conservées intégralement et les fragments qui lui sont explicitement attribués par les commentateurs (et qui n'ont pas fait l'objet d'une édition par ailleurs) sont maintenant édités par 154 A. Smith, Porphyrii philosophi fragmenta edidit A.S., fragmenta arabica David Wasserstein interpretante, coll. BT, StuttgarULeipzig 1993, LIII-653 p. (voir p. VIII pour les principes d'édition ; p. 1-11, fr. 1-4T pour la vie et les œuvres). Les fragments du commentaire, perdu, sur le PH figurent p. 59-112, fr. 75-110 et proviennent du second commentaire sur le PH de Boéce pour l'essentiel, du commentaire d' Ammonius en second lieu, de |’ Anonyme édité par Tarán 5, auxquels s'ajoutent quelques passages de Stephanos ; p. 163, fr. 167, figure le témoignage concernant le commentaire sur le traité De l'affirmation de Théophraste (cf. De Rijk 16, I, p. 29 et n. 13). Cette édition suit la classification des œuvres de Porphyre établie par 155 J. Bidez, Vie de Porphyre, le philosophe néoplatonicien, avec les fragments des traités Περὶ ἀγαλμάτων et De regressu animae, coll.

« Université

de

Gand,

Recueil

de

travaux » 43, Gent

1913,

réimp.

Hildesheim 1964, VI-170-73*p. ; la liste des œuvres philosophiques figure dans l'appendice IV, p. 165-166 et 63*-73* ; le commentaire sur le PH est évoqué p. 61 et p. 65". Voir aussi: Zeller 107, III 2, X11-865 p., 3° éd., Leipzig 1881, p. 640 n. 3 [575-576] (réimpr. Hildesheim

1963); Beutler 125, col. 279-301 :

liste des œuvres perdues ; Peters 60, p. 12; Dodge 61, I, p. 599. Ebbesen 37, vol. 1, p. 133-235, montre, dans sa reconstruction de l'apport de Porphyre comme commentateur des œuvres de l'Organon, que de nombreux passages des com-

mentaires de Boèce et des commentaires grecs sur l'Organon conservés (méme tardifs), qui ne nomment pas Porphyre mais l'incorporent, portent témoignage des thèses porphyriennes soutenues, vraisemblablement, dans son commentaire sur le PH (voir en particulier Ebbesen 37, I, p. 151-154 et 159-168 ; III, p. 397 et 411; Sorabji 8, p. 156-159 et 164-171). Selon Bidez 155, p. 53 sq., et 156 H. D. Saffrey, « Pourquoi Porphyre a-t-il édité Plotin? Réponse provisoire », dans L. Brisson et alii, Porphyre. La Vie de Plotin, t. II: Études d'introduction, texte grec et traduction frangaise, commentaire, notes complémentaires, bibliographie, coll. «Histoire des doctrines de l'antiquité classique » 16, Paris 1992, p. 31-57, repris dans Le Néoplatonisme apres Plotin, Paris 2000, p. 3-26, (voir p. 34, 42- 44, 53), les commentaires de Porphyre sur Aristote, dont beaucoup sont perdus, sont antérieurs à ses commentaires sur les œuvres de Platon et appartiennent vraisemblablement tous à la période du séjour à Lilybée en Sicile, aprés 268, oü Porphyre les écrivit à l'intention de certains de ses anciens condisciples demeurés à Rome auprès de Plotin. Le commentaire sur le PH aurait ainsi été écrit dans le méme temps que Sur le dissentiment de Platon et d'Aristote, l'Isagogè, le grand Commentaire sur les Catégories dédié à Gedalius (#G

10), l'Inrroduction à l'étude du syllogisme

catégorique, et le petit Commentaire par questions et réponses (Κατὰ πεῦσιν xai ἀπόκρισιν) sur les Catégories. Par-delà Plotin qui n'écrivit aucun commentaire, Porphyre aurait suivi le modèle des commentaires de Boethus de Sidon

152

ARISTOTE DE STAGIRE

(**B 48) et d' Alexandre d’Aphrodise ; destinés à des correspondants, et non à une « école », ces commentaires n'avaient pas à proprement parler un caractére scolaire. Busse 3, p. VI, désigne Porphyre comme la première source du commentaire d'Ammonius, et Beutler 125, col. 284, soutient que c'est par le commentaire de

Porphyre qu' Ammonius et Boéce ont eu connaissance de celui d'Alexandre. Zimmermann 25, p. LXXXV, cependant, suivant Shiel 75, considére que Boéce n'y a eu sans doute accés que par des scholies porphyriennes, et que Porphyre n'aurait pas été le dernier à utiliser le commentaire d' Alexandre puisqu' Ammonius adopte la leçon d' Alexandre pour PH 23 b 39 (p. 267, 27 Busse) à propos du commentaire du chap. XIV négligé par Porphyre. Il insiste, p. LXXXV-LXXXIX, sur le fait que ce commentaire de Porphyre, qui intégrait celui d' Alexandre, a nourri toute la tradition ultérieure (cf. Bidez 155, p. 61) et s'est trouvé lui-méme

incorporé aux commentaires conservés, aussi bien ceux de Boèce que ceux d'Ammonius, Stephanos et al-Färäbi. Le commentaire de Porphyre se distinguait cependant de ces derniers par l'absence de commentaire du chap. XIV (cf. Ammonius : p. 252, 8-10 Busse ; Stephanos: p. 63, 9-11

Hayduck). Busse 3, p. VI

n. 2, pense que le chapitre XIV, dû à l'école péripatéticienne, peut-être à Théophraste, manquait peut-étre dans certaines copies. Voir aussi Montanari 10, I, p. 29. f. Jamblique de Chalcis (RE 3)

ca 242-325

Les commentaires sur le PH d'Ammonius (p. 135, 14, p. 202, 3-10 et 15-18, p. 227, 31-32 Busse) et de Stephanos (p. 21, 28, p. 35, 16-24, p. 38, 1, p. 50, 1326 Hayduck) mentionnent l’ex&g&se de Jamblique sans référence précise à une œuvre; cf. Zeller 107, 111 2, 3° éd., Leipzig 1881, p. 681 n. 2 et 682 [615-616] (repris dans E. Zeller et R. Mondolfo, La filosofia dei Greci nel suo sviluppo sto-

rico, coll. «Il pensiero storico » 47, IIl 6, Firenze 1961, réimpr. 1968, p. 6 n. 7 et p- 7). 157 B. Dalsgaard Larsen, Jamblique de Chalcis exegete et philosophe. Appendice : Testimonia et fragmenta exegetica, Aarhus 1972, vol. 1, p. 53 et 302-307, soutient que, s'il est certain que Jamblique a commenté le PH, il n'est pas sûr qu'ait existé un commentaire écrit ; les passages qui se réfèrent à l'exégèse de Jamblique pourraient provenir d'un autre contexte. en particulier du

commentaire sur les Premiers Analytiques ou, lorsqu'il s'agit des fragments concernant le «principe de Jamblique », du commentaire sur le De Anima. Les fragments appartenant à la tradition du PH sont ainsi classés (vol. 2, p. 72-77) comme fragments du commentaire sur les Premiers Analytiques (fr. 137-139, 142) ou bien comme d'origine incertaine (fr. 146-149). 158 L. Tarán, c.r. de

Larsen 157 dans CWo, 1975, p. 466-467, à la p. 467, lui objecte le témoignage de la tradition arabe : la notice du Fihrist mentionne un commentaire de Jamblique sur le PH. Voir 159 A. Badawi, La transmission de la philosophie grecque au monde arabe, coll. « Études de philosophie médiévale» 56, Paris 1968, p. 110, 2° éd. 1987, p. 125, Peters 60, p. 12, Dodge 61, I, p. 599. 160 H.J. Blumenthal, «Did Jamblichus write

a commentary on the De Anima? », Hermes

DE INTERPRETATIONE

153

102, 1974, p. 554, présente des arguments allant dans le méme sens que Larsen

157, mais pense que les passages paralléles d' Ammonius (135, 12 Busse) et de Stephanos (35, 19 Hayduck), qui concernent le « principe de Jamblique », semblent désigner un méme commentaire de Jamblique sur le PH. 161 J. M. Dillon (édit. et trad.), Jamblichi Chalcidensis, In Platonis Dialogos Commentariorum

Fragmenta, edited with translation and commentary, coll. « Philosophia antiqua », 23, Leiden 1973, p. 15 et 21, considére qu'il n'y a pas lieu de douter de l'existence de ce commentaire,

mais 162

ANRW

York

II 36, 2, Berlin/New

/d. «Iamblichus

of Chalcis», dans

1987, p. 877, est plus nuancé.

Selon

Zimmermann 25, p. LXXXVII, le commentaire de Jamblique, offrait le prototype [2] qui aurait inspiré l'école de Proclus, puis d' Ammonius, et qui aurait remanié

considérablement le commentaire du chapitre IX. Le «principe de Jamblique » (p. 135, 14 Busse ; p. 35, 19-33 Hayduck) apporte une réponse nouvelle au probléme de la connaissance divine des futurs contingents qui se substitue à la «solution » d' Alexandre: si la connaissance se règle non sur l'objet connu mais sur le sujet connaissant, les dieux possèdent non pas une connaissance contingente et instable du contingent, mais une connaissance nécessaire, déterminée et

intemporelle de l'événement contingent, qui demeure, de sa nature propre, indéterminé et temporel. Le principe sauve la prescience et l'omniscience divine sans

abolir l'indétermination du futur. Zimmermann ne se prononce pas sur la présence du «principe de Jamblique » chez Syrianus, mais il considére que l'enseignement de Proclus transmit ce principe à Ammonius, à qui Stephanos l'emprunta.

Les

prototype

deux

commentaires

de

Boèce,

[1] alexandro-porphyrien,

dépendant

ignoraient

ce

selon

Zimmermann

«principe»

du

(mais voir

Sharples 82, p. 28) présent toutefois dans la cinquième partie du De Consolatione philosophiae (V 4 et 6); cf. Sulowski 90, p. 90-91 ; Huber 132, p. 40. Sur

le sens de ce principe chez Proclus, Ammonius et Boèce, voir 163 A.C. Lloyd, «The later Neoplatonists », dans A.H. Armstrong (édit.), The Cambridge History of Later Greek and Early Medieval Philosophy, Cambridge 1967

(réimpr. 1970, 1980), p. 319; Sorabji 92, p. 124-125 ; Sorabji 81, p. 253-264 ; Mignucci 135; 164 A.C. Lloyd, The anatomy of neoplatonism, Oxford 1990, p. 154-163. Sharples 82, p. 26-29, 41-46, 227-231, considère, p. 44-45, que le

recours de Boéce au «principe de Jamblique » dans De Consolatione philosophiae, qui l'associe à deux autres principes, se distingue de l'utilisation qu'en font Proclus et Ammonius. Al-Färäbi qui dépend des deux prototypes ne mentionne pas ce « principe de Jamblique » qui ne semble pas avoir survécu aux hasards de la transmission.

Par ailleurs, se fondant sur une remarque de Boéce

(p. 324, 15-24 Meiser?), Zimmermann 25, p. XCI, formule l'hypothése que Syrianus dans son dénombrement des schémas de propositions critiquerait pour le réduire un schéma antérieur plus étendu, (qui se retrouverait ensuite dans le dénombrement d' Ammonius ?), dont l'auteur serait Jamblique. Comme ce calcul trouve sa raison d’être dans la division de PH en cinq sections, elle-même

fondée sur une classification des propositions, Jamblique pourrait étre l'auteur, non seulement de la version remaniée du commentaire du chapitre IX, mais aussi

154

ARISTOTE DE STAGIRE

de la division et donc de «l'ordre des raisons» suivi par les commentateurs postérieurs proposant la division en cinq parties. De là l’hypothèse d'un prototype jambliquéen, qui serait à l’œuvre dans les commentaires d' Ammonius et de Stephanos essentiellement, dans le commentaire d’al-Färäbi partiellement, et qu'ignore Botce. Sur le rôle de Jamblique dans la fixation des règles d'exégése des commentaires de Platon qui ont systématisé les méthodes scolaires, voir 165 K. Praechter, « Richtungen und Schulen im Neuplatonismus », dans Genethliakon für C. Robert, Berlin 1910, p. 105-156, repris dans 166 Id., Kleine Schriften, hrsg. von H. Dórrie, coll. « Collectanea » 7, Hildesheim/New York 1973, p. 165-216; Festupière 64 dans Festugière 65, p. 551-574; 167 A.J. Festugière, « L'ordre de lecture des dialogues de Platon aux Ve/VI® siècles », MH 26, 1969, p. 281-296, dans

Festugière 65, p. 535-550; Westerink 17, p. XXXII-XL, 18, p. LvitiI-LXXIV; Dillon 161, p. 5466; Dillon 162, p. 877.

8. Syrianos

(RE |)

diadoque en 432, mort en 437

Les commentaires de Syrianos sur les œuvres d’Aristote n'étaient peut-être pas tous des commentaires écrits, mais l'on sait que le cursus des études inauguré à Athénes par Syrianus lui-méme prévoyait que l'on commentát Aristote avant Platon et les «théologiens ». Cf. 168 Marinus, Vita Procli, 13 et 26. dans Diogenis Laertii de clarorum philosophorum... libri decem... recensuit C. G. Cobet, Accedunt Olympiodori, Ammonii, Iamblichi. Porphyrii et aliorum vitae Platonis, Aristotelis, Pythagorae, Plotini et [Isidori A. Westermanno et Marini Vita Procli J. F. Boissonadio edentibus, éd. F. Didot, coll. « Bibliothéque grecque », Paris 1850, 111-319 p. et appendice 1V-182 p., appendice p. 147-170, réimp. Amsterdam 1966 ; nouvelle édition avec unetraduction française et une riche annotation par 168bis H. D. Saffrey et A.-Ph. Segonds (édit.), Marinus. Proclus ou Sur le bonheur. Texte établi, traduit et annoté par H. D. S et A.-Ph. S., avec la collaboration de C. Luna, CUF, Paris 2001, CLXXVI-236 p. (144 doubles) ; trad. angl. dans 169 L.J. Rosan, The philosophy of Proclus, The final phase of ancient thought, New York 1949, p. 13-34, voir p. 20 et 27 ; 170 R. Masullo (édit. et trad.), Marino di Neapoli, Vita di Proclo, Testo critico, intr., trad. e commentario a cura di R. M., coll. « Speculum», Napoli 1985, 168 p.; Lloyd 163, p. 304; 171 H.D. Saffrey et L.G. Westerink (édit. et trad.), Proclus, Théologie platonicienne, 4 vol.. CUF, Paris 1968-1981. t. 1,

P. XV-XVII; Segonds 27, 1, p. VIH.

172 R.L. Cardullo, « Syrianus’ lost commentaries on Aristotle », BICS 33, 1986, p. 112-124, corrige, à partir des témoignages concernant les commentaires perdus sur Aristote, la liste des œuvres attribuées à Syrianos figurant dans

173 A. Adler (édit.), Suidae

Lexicon, coll. «Lexicographi graeci»

1, 5 vol.,

Leipzig 1928-1938, t. IV, Σ 1662. Elle signale, p. 114, que l'intérét de Syrianus va d'abord, parmi les ceuvres logiques, aux Catégories. On dispose, pour le com-

mentaire de Syrianus sur le PH, de deux témoignages d' Ammonius, d'un témoignage dans un commentaire anonyme, quatre dans Boece et deux dans Thomas d'Aquin qui répète Boéce. Notons que le témoignage du commentaire anonyme que l'auteur, sans donner de référence, attribue p. 114, sans doute d’après Busse 3, p. XXIV, à «Olympiodore probablement » doit être l’Anonyme édité par Tarán 5 (voir p. XXIV et p. 120, 12-13). R. L. Cardullo examine cinq textes dans lesquels se retrouve une même manière d'envisager Aristote; le second texte

concerne la critique que Syrianus adresse à PH 16b 26-33 (cf. p. 87, 30-89, 1 Meiser! : Boèce y rejette l'opinion de Syrianus pour lui préférer Porphyre). La critique d' Aristote est incisive lorsqu'il s'agit de thèses que Syrianus accepte. Les thèses qu'il rejette au contraire ne donnent

DE INTERPRETATIONE

155

pas lieu à une polémique mais sont retranscrites en termes néoplatoniciens : Syrianus ne cher-

che pas à montrer l'accord de Platon et d’Aristote, mais à subordonner le second au premier, subordination oà les théses d'Aristote sont éclairées d'un point de vue, platonicien, qui leur confère une vérité. Que Syrianus soit aux antipodes de Porphyre explique peut-être le refus « porphyrien » dont il est souvent l'objet de la part de Boece.

Les fragments du commentaire de Syrianus sur le PH ont été édités dans 174 R. L. Cardullo, Siriano, esegeta di Aristotele, 1: Frammenti e Testimonianze dei Commentari all'Organon. Introduzione, testo, traduzione, note et commento,

coll. « Symbolon » 14, Firenze 1995, 404 p. (en partie doubles), voir p. 35-36, 54-56, 127-141 (fr. 17-25), 328-383. Voir aussi 175 K. Praechter, art. «Syrianos » 1, RE IV 2, 1932, col. 17281775, notamment col. 1731. 176 H. D. Saffrey, «Comment Syrianus, le maitre de l'école néoplatonicienne d’Athenes, considérait-il Aristote? », dans Wiesner

69, II, p. 205-214 (traduit sous le titre «How did Syrianus regard Aristotle? », dans Sorabji 8, p. 173-180) souligne, p. 210-211, que la manière dont Ammonius présente

Syrianus

dans

son commentaire

sur le PH

(p. 253,

12-17

Busse),

comme un arbitre entre Platon et Aristote, témoigne d'une tradition établie par Syrianus « de grand respect pour Aristote, méme quand on doit le réfuter », critique qu'illustre par exemple l'objection de Syrianus à l'encontre d'Aristote conservée par le commentaire anonyme édité par Tarán 5 (p. 120, 12-13 et p. IXX). Bo&ce a conservé (p. 321, 20 Meiser?) un dénombrement des schémas de propositions, le premier connu de nous, qui aurait appartenu au commentaire de Syrianus sur le PH. Zimmermann 25 pense que ce dénombrement aboutissant à 144 schémas de propositions (Boëce : p. 323, 6 Meiser?) pourrait être une réduction d'un schéma jambliquéen antérieur plus étendu ; il reconstitue, p. LXXXIX et XC, dans un premier tableau, d’après Boèce, le dénombrement de Syrianus qu'il confronte, dans un second tableau, à celui donné par Ammonius (reprenant, lui, Jamblique ?) qui aboutit au nombre de 3024 schémas de propositions (cf. Busse 3, p. 218-219). Selon Ammonius (p. 251, 25 sq. Busse), Syrianus, comme Porphyre, considérait le chapitre XIV comme à part. Mais alors que Porphyre s'abstenait de le commenter, Syrianus proposait une réfutation des théses pour lui contraires à l'enseignement de Platon et d' Aristote lui-même, en soumettant à la critique les six ἐπιχειρήματα qu'y développe Aristote. Selon Zimmermann 25, p. LXXXVII, le texte d'Ammonius qui évoque ces arguments n'implique pas que Syrianus ait été l'auteur de cette division du chapitre en six arguments: Alexandre pourrait en étre l'auteur (voir aussi Tarán 5, p. IX et XVI n. 28). Il remarque encore,

p. LXXXVIII, que l'on pourrait formuler l'hypothèse que Syrianus ignorait le «principe de Jamblique » puisque Boèce, dont la dernière autorité citée est Syrianus, n'évoque pas ce principe dans ses deux commentaires sur le PH ; mais on ne peut rien induire de ce silence de Boéce, surtout si l’on admet qu'il ne disposait que des extraits de Syrianus procurés par les notes marginales de son manuscrit du PH d' Aristote. De plus, sur l'interprétation du second commentaire de Boece, voir Sharples 82, p. 28.

ARISTOTE DE STAGIRE

156

h. Proclus de Lycie (RE 4)

411-485

On sait que de l'école d'Athénes, hormis le commentaire de Syrianus sur Ia Métaphysique et les commentaires de Simplicius, ne demeure aucun commentaire sur Aristote, et la question reste ouverte de savoir si Proclus a écrit des commentaires sur les œuvres d' Aristote, et en particulier sur le PH. S'en tenant

aux ouvrages écrits, les listes des œuvres de Proclus ne mentionnent pas de commentaire sur le PH : voir à ce propos Zeller 107, III 2, 3* éd. Leipzig 1881, p. 780 n. 1 (703] (repris dans E. Zeller et R. Mondolfo, La filosofia dei Greci nel suo sviluppo storico, coll. « Il pensiero storico» 47, III 6, Firenze 1961, réimpr.

1968, p. 125 n. 20 et p. 126) ; 177 R. Beutler, art. «Proklos » 4, RE XXIII

1,

1957, col. 186-247 (voir col. 190-208 sur les œuvres), n'évoque pas de com-

mentaire 178 E. R. text with avec huit

sur le PH; Rosan 169, p. 36-59 (voir p. 57 n. 22) et p. 245-254. Dodds (édit. et trad.), Proclus, The Elements of Theology, A revised translation, introduction and commentary, Oxford 1933, réimp. 1963 pages supplémentaires d' addenda et corrigenda, p. XIII-XVI, n'évoque

que les commentaires perdus mentionnés par Proclus lui-même et remarque qu'il

est difficile de tracer la frontiére entre commentaires publiés et cours non publiés qui sont des notes d'étudiants ; 179 J. Trouillard (trad.), Proclos, Éléments de

Théologie, traduction, introduction et notes, coll. « Bibliothèque philosophique », Paris 1965, p. 26, remarque que certains ouvrages de Proclus, soit non publiés, soit perdus, ne nous sont pas parvenus, et n'évoque pas de commentaire sur

le

PH.

Zimmermann

25,

p. LXXXVIII

admet,

avec

Busse 3, p . ll,

et

Westerink 17, p. XII, que l'évocation de l’exégèse du PH par Proclus dans le commentaire d' Ammonius (p. 1, 6-11 Busse) désigne un enseignement oral de Proclus, et non un commentaire écrit; cf. aussi Saffrey et Westerink 171, p. LV. En évoquant l'enseignement de son maitre dés le début de son commentaire, Ammonius semble présenter son exégèse comme un «héritage » de Proclus, mais il ne lui attribue explicitement que le «canon de Proclus » (p. 181, 21-32, p. 182, 14-16 Busse ; Stephanos: p. 46, 25, p. 49, 24 Hayduck). Zimmermann 25 considère que c'est Proclus, dans son exégèse de PH IX, qui a adopté le «principe de Jamblique » et qui a réorganisé le schéma interprétatif de la discussion sur la prescience divine transmis à Ammonius, abandonnant la polémique anti-mégarique et anti-stoicienne introduite par Alexandre, qu'il réduit désormais à l'examen du «moissonneur » (cf. Ammonius: p. 131,24 -132,7 Busse; Stephanos : p. 35, 1-10 Hayduck). Le principe de Jamblique est intégré, de facon plus ou moins explicite, à plusieurs œuvres de Proclus, ainsi: Dec. dub. 11 7, 1-29 dans Isaac 126, p. 61-62; De Prov. XII 63-65, dans Isaac 127, p. 81-83 ; El. Th., prop. 124 dans Dodds 178, p. 110, 10-28 et p. 266 ; Th. pl., 121 dans Saffrey et Westerink 171, p. 98, 3-12; in Tim. 1, 351, 20 sq. Diehl = Festugière 139, II, p. 211-212. Voir aussi: Wallis 130, p. 29-30, 149-150; Sorabji 92, p. 124-125; Wallis 134, p. 226-227 et 229; 180 L. Obertello, « Proclus, Ammonius and Boethius on Divine Knowledge », Dionysius 5, 1981, p. 127-164, qui contient (p. 139-145) une paraphrase de quelques pages du

DE INTERPRETATIONE

157

commentaire d' Ammonius sur PH IX ; Sorabji 81 p. 255-256 et 261-262; Lloyd 163, p. 154-163 ; Sharples 82, p. 25-29, 41-46, 227-231. L'intérêt de cette adoption du «principe de Jamblique » par Proclus est particuliérement souligné par Mignucci 135 qui montre, sur l'exemple des conceptions logiques et théologiques de Plotin, des stoiciens, d' Alexandre d’Aphrodise et de Proclus, comment une théorie logique (la sémantique des énoncés temporellement indéfinis) a pu étre connectée avec le probléme théologique de la nature de la connaissance divine : (1) Aristote et la plupart des anciens, parmi eux Alexandre d' Aphrodise, adoptent ce que l'auteur appelle la thèse T, pour laquelle un seul et méme énoncé temporellement indéfini peut changer de valeur de vérité sans perdre son identité, dans la mesure où (contrairement à la conception de Frege) la vérité et la fausseté sont congues non comme des traits distinctifs des propositions, mais comme des propriétés accidentelles des propositions situées sur le même plan que les propriétés « phasales » des individus (135, p. 223-224). Cette thèse T implique que, les propositions changeant de valeur de vérité, la connaissance que les dieux auront des futurs contingents ne sera pas immuable, et qu'il ne saurait y avoir non plus d'immutabilité divine. Les stoiciens tiraient de cette thèse la conséquence qu'il vaut mieux soutenir que tout est déterminé, et renoncer à la contingence du futur, plutót qu'à l'ommniscience et à l'immutabilité des dieux. Alexandre (De Fato, XXX), aurait refusé cette conséquence et conservé la contingence des événements et l'immutabilité divine, mais non l'omniscience, en soutenant que «les dieux connaissent le contingent comme contingent ». Contra Verbeke 133, p. 97, qui interpréte la phrase d' Alexandre comme une correction du point de vue stoicien, signifiant que les dieux connaissent ce qui se produit dans le monde, «le possible comme possible et le nécessaire comme nécessaire », Mignucci 135, p. 232 et n. 25, considére, comme Sharples 80, p. 260, et 124. p. 165, qu' Alexandre soutient que les dieux ne sont pas omniscients, le contingent étant inconnaissable méme pour eux: pour ce qui est des individus, seules en effet les propositions prédictives concernant le passé et le présent, qui ne changent pas de valeur de vérité, peuvent être connues des dieux (Mignucci 135, p. 234). (2) Proclus, au contraire, renonce à la thèse T en adoptant le «principe de Jamblique» : la modalité de la connaissance se réglant sur la nature du sujet connaissant et non sur celle de l'objet connu, les dieux peuvent avoir une connaissance nécessaire, définie et immuable de ce qui est contingent, indéfini et changeant par des propositions dont la vérité ne change pas aprés que l'événement ait eu lieu. Cette perspective maintient l'omniscience et l'immutabilité divine sans renoncer au contingent : les Hénades ne connaissent pas seulement ce qui est universel et éternel mais ont une connaissance du particulier et du contingent s'étendant jusqu'au moindre détail des individus ; cette connaissance unitaire et stable de l'événement sur le mode du nécessaire et de l'éternel laisse subsister la nature contingente et temporelle de l'événement singulier et ellemême n'est pas altérée par cette dernière, La dénotation d'une proposition est alors considérée, selon Mignucci 135, p. 240-242, comme se confondant avec sa valeur de vérité — dans cette mesure, en modifiant la thése T, Proclus effectue, en quelque sorte. par avance, un «retour» à Frege — mais comme déterminée par la séquence des valeurs de vérité que la proposition prend dans le temps plutót que par sa valeur de vérité au moment de son énonciation : le temps étant supposé dense. on pourrait rendre compte de la différence qui

sépare connaissance humaine et connaissance divine. Hadot 28, p. 99-122 (repris dans Hadot 29, p. 21-47) souligne que selon David (Élias/David : Goulet 63 bis, p. 57-66) (181 A. Busse (édit.), Eliae in Porphyrii Isagogen et

Aristotelis Categorias Commentaria, CAG XVIII 1, Berlin 1900, réimp. 1961, XXX1-290 p., in Categ., p. 107, 24-26] c'est Proclus qui introduisit les normes de lecture des commentaires dans sa Συνανάγνωσις (Commentaire d'un texte sous la direction d'un maître), sur ce terme

voir Mansfeld 24, p. 193-194. Toutes les introductions des commentaires grecs aux Catégories conservés, postérieurs à Ammonius, proposent une introduction à la philosophie d'Aristote en dix points qui, dans un deuxième temps, fait suivre le dixième point (recherche, pour

158

ARISTOTE DE STAGIRE

chaque traité d' Aristote, des points capitaux devant faire l'objet d'un examen préliminaire) d'une analyse des six points à envisager dans la lecture de tout traité: but de l'ouvrage, utilité, authenticité, place dans le syllabus, raison du titre, division en parties. Ces six points figurent, à partir d'Ammonius, dans toutes les introductions des commentaires grecs sur Aristote. Hadot 29, p. 138-160, étudie les variations, chez les différents auteurs, de l'ordre adopté pour traiter du troisième, quatrième et cinquième point. La question de l'origine des schémas introductifs, traitée par Hadot 28 qui soutient, conrra 182 K. Praechter, « Die griechischen Aristoteleskommentare », ByzZ 18, 1909, p. 516-538 (repris sous le titre: «Review of the Commentaria in Aristotelem Graeca » dans Sorabji 8, p. 31-54), que les schémas introductifs «en six points» ont été codifiés avant Ammonius et que l'on peut en trouver des esquisses au ie s., par exemple dans le commentaire de Porphyre sur les Catégories et dans la préface du

commentaire d'Origène sur le Cantique des Cantiques, est reprise par Mansfeld 24. Voir aussi Festugière 64, dans /d. 65, p. 555, qui différencie, malgré leur appartenance à une méme tradition, les méthodes scolaires de Proclus de celles d'Olympiodore; Zimmermann 24,

p. XCI.

Ill LES ÉTUDES SUR LES ASPECTS LINGUISTIQUES, MÉTAPHYSIQUES ET LOGIQUES DES COMMENTAIRES SUR LE PH. A. ÉTUDES CONCERNANT LES COMMENTAIRES DE LA « SECTION LINGUISTIQUE » DU PH ET CERTAINES INNOVATIONS LOGIQUES DES COMMENTATEURS (PH IX EXCEPTÉ)

Concernant PH 1: Magee 36, dans son étude de la théorie de la signification et des facultés de l'esprit que propose Boéce en commentant PH 16a 3-9, examine la tradition du texte aristotélicien de ce passage à partir des fragments des commentaires grecs sur le PH perdus, cités ou incorporés dans d'autres ouvrages, et des développements correspondants chez Ammonius ou Stephanos. Le chapitre 1, en particulier, dresse un bilan des études antérieures portant sur l'interprétation de PH 1623-9 par les commentateurs, parmi lesquelles celles de: Arens 55; 183 N. Kretzmann, « Aristotle on spoken sound significant by convention », dans J. Corcoran (édit.), Ancient Logic and its modern interpretations: Proceedings of the Buffalo Symposium on modernist interpretations of ancient logic, 21 and 22 April 1972, «Synthese Historical Library » 9, Dordrecht/Boston 1974, p. 3-21; 184 J. Pépin, « LYMBOAA, ΣΗΜΕΙ͂Α. ‘OMOIQΜΑΤΑ. A propos de De Inrerpretatione, 1, 16a 3-8 et Politique, VII, 5, 1340a6-39 », dans Wiesner 69, vol. 1, Berlin/New York 1985, p. 22-44; Montanari 10, I et II.

185 J. Brunschwig, «Le chapitre 1 du De Interpretatione. Aristote, Ammonius et nous», à paraitre dans les actes du XIII* Symposium Aristotelicum, présente une étude interne de la méthode, scolaire, suivie par Ammonius dans son commentaire de PH I. A propos de l'épineux passage (PH 16 a 3-9) il s'accorde avec Montanari 10 (I, p. 126-132, et II, p. 13 et 45-57) sur le texte d'Ammonius

(πρώτων en 17, 17 et 24, 5 Busse) et sur la lecture que ce dernier faisait de PH 16 a 6 (πρώτων) dans son manuscrit, mais il soutient que le texte d'Ammonius permet de penser, paradoxalement, que le texte réel d' Aristote (16 a 6) pourrait être πρώτως. Concernant PH IV: 186 G. Nuchelmans, Theories of propositions. Ancient and Medieval Conceptions of the bearers of truth and falsity, coll. « North-

Holland linguistic series» 8, Amsterdam/London 1973, p. 89-103, souligne, p. 102, que l'élaboration d'une théorie des modes verbaux par les grammairiens, Apollonius Dyscole, Denys le Thrace, Choeroboscos, qui obéit à une logique

DE INTERPRETATIONE

159

propre à la théorie grammaticale, a pris appui, à partir d'une réflexion sur les «porteurs » du vrai et du faux, sur les classifications péripatéticiennes et stoiciennes des espéces de discours exprimant dans des énoncés complets des pensées complétes. Le commentaire d' Ammonius pourrait alors apparaitre comme un témoin des spéculations péripatéticiennes, bien antérieures à Ammonius, qui ont pu inspirer, au moins partiellement, la théorie grammaticale (voir p. 90 et 9399). Schenkeveld 70 considére quant à lui que c'est la classification stoicienne des λεκτὰ αὐτοτελὴ qui a pu être le point de départ d'une théorie des modes verbaux plutôt que la classification que l'on trouve chez Ammonius et chez d'autres commentateurs tardifs. Il n'y a pas, selon lui, de continuité entre les réflexions d' Aristote (Poet. 1456 b 8; PH 17 a1-5) et l'élaboration des grammai-

riens et des rhéteurs, ni non plus entre ces réflexions et les classifications qui, chez les commentateurs tardifs d'Aristote peuvent étre considérées comme un nouveau point de départ. Schenkeveld examine la conception péripatéticienne des εἴδη λόγου, que l'on trouve, par exemple, dans les chapitres introductifs des commentaires sur l'Organon -- en particulier dans les commentaires sur le PH d'Ammonius, de Boèce (ed. sec.), de Stephanos, de l'Anonyme édité par Tarán ainsi que dans un commentaire anonyme (Busse 3, p. XXII-XXIII ; Brandis 1, 93221 sq.), et dans les commentaires d' Ammonius sur les Premiers Analytiques et sur l’/sagoge —, dans le commentaire de Simplicius sur la Physique, ainsi que dans les introductions et les commentaires du Corpus Hermogenianum qui ont

intégré par la suite cette classification (Schenkeveld 70, p. 294-295). Le commentaire d' Ammonius sur le PH fournit la liste des cinq εἴδη λόγου des péripatéticiens, qui sont des énoncés simples et complets: ἀποφαντικός (declaratif),

εὐκτικός (optatif), προσταχτικός (impératif), ἐρωτηματικός (interrogatif), xAntixóc

(vocatif) (p. 2, 10-25 Busse). Alors que Nuchelmans

186 suggère

qu'elle est ancienne, Schenkeveld tient cette classification pour tardive, bien qu'Ammonius semble la considérer comme évidente et commune. Elle aurait son origine chez un des prédécesseurs immédiats de ce dernier (vers 450) : (a) Cette classification systématique ne se trouve pas chez Alexandre d'Aphrodise. Le commentaire d' Ammonius sur les Premiers Analytiques [187 M. Wallies (édit.), Ammonii in Aristotelis Analyticorum priorum librum I Commentarium, CAG IV 6, Berlin 1899, réimp. 1960, x V1-100 p.. p. 26, 28 sq.] reprend bien celui d'Alexandre, mais il ajoute la mention des cinq espèces péripatéticiennes de discours et des dix espèces stoïciennes qui ne figure pas chez Alexandre. La séquence εὐχή, ἐντολή, κλῆσις, chez Alexandre (Wallies 119,1 17, 4 sq.; 188 J. Barnes, S. Bobzien, K. Flannery et K. lerodiakonou (trad.), Alexander of Aphrodisias, On Aristotle Prior Analytics I 1-7, coll. ACA, London 1991, p. 64) ne prouve pas l'existence d'une classification systématique en usage chez les péripatéticiens à l'époque d' Alexandre; (b) Ammonius (p. 2, 10—3, 7 Busse) semble présenter la classification péripatéticienne comme antérieure à celle des stoiciens à laquelle il la confronté, mais la liste stoicienne doit être, selon Schenkeveld, p. 301-302, bien antérieure, puisqu'elle figure chez Diogéne Laerce (VII 65-68) dans une partie d'un fragment attribué à Dioclés de Magnésie (**D 115) qui donne une liste

de dix λεκτὰ αὐτοτελῆ; (c) Ammonius fonde l'énumération des εἴδη λόγου simples et complets sur une mise en relation des cinq espéces de discours avec une bipartition des facultés de

l’äme qui rapporte le λόγος ἀποφαντικός aux facultés cognitives et les autres espèces de discours aux facultés désirantes (p. 5. 1-19 Busse; Schenkeveld p. 296); cette nouvelle approche qui ne se trouve dans aucun texte conservé antérieur

à Ammonius, serait apparue ca 450,

160

ARISTOTE DE STAGIRE

et aurait ensuite

été reprise

dans

les manuels

de

rhétorique de

la période

byzantine

(Schenkeveld 70, p. 296-298). Ammonius (p. 2, 26 — 3, 6 Busse) établit une correspondance entre la termino-

logie péripatéticienne et stoicienne pour λόγος àrod$avruxóc/átioua, εὐκτιxóc/ápatixóc,

κλητικός)προσαγορευτικός, et considère que les espèces pro-

pres aux stoiciens (ὀμοτικόν, ἐκθετικόν, ὑποθετικόν, τὸ ὅμοιον ἀξιώματι, ἐπαπορητικόν) peuvent étre ramenées à des formes modifiées du λόγος ἀποφαντικός

susceptible d’être vrai ou faux (sur les débats à l'intérieur du stoi-

cisme concernant la valeur de vérité des serments, voir Schenkeveld 70, p. 317319). Le texte d'Ammonius présenterait une version abrégée de la liste primitive stoicienne des espéces de discours, que Schenkeveld 70 reconstruit, p. 308-310, et 324 (λεκτὸν ánodavrtixóv ou ἀξίωμα, ἐρώτημα, πύσμα, À. Erranopntixöv, A. npootaxtıxöv, A. ópxixóv, A. dpatixóv, A. προσαγορευτικόν. A. ὑποθετικόν, A. ὅμοιον dfımparı; |᾿ἐκθετικόν, que Dioclés n'évoque pas, aurait pu être ajouté plus tard par Posidonius à partir d'une division de [᾿ὑποθετικόν, de méme que le θαυμαστικόν). Nuchelmans 186, p. 99 et 102, voyait, dans la tentative de réduction des espèces stoiciennes de Aexrà αὐτοτελῆ aux εἴδη λόγου des péripatéticiens, la preuve que l’on considérait λόγοι péripatéticiens et Aexta stoiciens comme

appartenant à un méme

genre. Schenkeveld 70 (p. 324-326,

330, 351) observe que la réduction n'est possible que parce que les commentateurs d' Aristote n'ont pas tenu compte de la différence qui sépare la conception péripatéticienne des λόγοι et la conception stoicienne des Aextá: c'est le schéma péripatéticien de mise en correspondance des facultés de l’äme et des énoncés qui sert de guide à cette réduction et non une réflexion sur les modes verbaux, et il n'y a pas lieu, ainsi, de considérer que le texte d'Ammonius porte témoignage d'une classification péripatéticienne ancienne qui aurait joué un róle dans la différenciation des cinq modes

verbaux par les grammairiens.

Voir,

p. 304 et 306-307, les tableaux comparatifs concernant, l'un, les espèces de discours, l'autre, les exemples. On trouvera une traduction du texte d' Ammonius dans les recueils de fragments des stoiciens de 189 M. Baldassarri, La Logica Stoica.

Testimonianze

e Frammenti,

Testi originali con introduzione

duzione commentata, a cura di M. B., 9 vol., vol. V B, Plotino, I

e tra-

Commentatori

aristotelici tardi, Boezio, Como 1987, p. 50-51 ; 190 K. Hülser (édit. et trad.), Die Fragmente zur Dialektik der Stoiker. Neue Sammlung der Texte mit deutscher Übersetzung und Kommentaren, 4 vol., 1987-1988, vol. 3, p. 11141115, fr. 897; voir les remarques sur le texte d'Ammonius et la discussion de

Schenkeveld 70 dans 190, p. 1115-1116. Concernant PH 1-Iv : Sheppard 123 montre que le commentaire d'Ammonius sur le PH peut éclairer le commentaire de Proclus sur le Cratyle ainsi que

l'attitude exégétique de Proclus dans son commentaire perdu sur le PH. Le commentaire sur le Cratyle, qui s'arréte au milieu d'un exposé sur 406d, serait

une collection de fragments rassemblés d'aprés de bréves notes d'étudiants et éloignés d'au moins deux degrés de l'exégése de Proclus, et n'en livrant sans doute, dans certains passages, qu'un aspect tronqué. Le commentaire d'Ammo-

DE INTERPRETATIONE

161

nius sur le PH pourrait être envisagé comme un témoin de l’enseignement de Proclus sur le Craryle et sur le PH: de même en effet que le PH d'Aristote semble évoquer le Cratyle (PH 17a1-2, par exemple, qui parait critiquer implicitement Crat. 386d - 390e), de même, Proclus, en commentant le Cratyle, discute

des passages du PH, qu'il a commentés par ailleurs, et Ammonius, expliquant le PH, mentionne le Cratyle. On peut ainsi penser qu' Ammonius utilisait, dans son commentaire sur le PH, soit le cours de Proclus sur le PH auquel il avait assisté, soit l'exégése du Cratyle de ce dernier. Le recours de Proclus à Aristote et les critiques qu'il lui adresse s'inscrivent dans le contexte néoplatonicien qui tend à harmoniser les vues de Platon et d' Aristote à partir du postulat de la supériorité de Platon. Mais, si le commentaire sur le Craryle fait preuve de sévérité à l'égard d'Aristote, l'exposé d'Ammonius est, lui, en sympathie avec Aristote: on peut supposer qu'il reflete en cela l'attitude exégétique de Proclus qui, en commentant Aristote, devait l'envisager d'un point de vue sensiblement différent de celui qu'il adoptait en commentant Platon. Trois des quatre passages du commentaire sur le Cratyle qui présentent une critique des vues d' Aristote sur le langage dans le PH peuvent être mis en parallèle avec le commentaire sur le PH d'Ammonius: (1) in Crat. XLVIL p. 15,27 — 16,4, qui porte sur PH 16a13-15 correspond au commentaire sur le PH (p. 29, 18-26); (2) in Crat. XLIX, p. 16,28- 18,4, qui s'oppose à PH 17a 1-2, reçoit un développement dans le passage parallèle du commentaire d'Ammonius sur le PH (p. 62, 21 sq.); (3) in Crat. LV, p. 25, 18-20, qui semble concerner PH 1683-8, correspond au commentaire sur le PH (p. 19, 4-6) et la remarque de Proclus, p. 26, 2-3. sur Crat. 435 a sq. est reprise de manière plus développée et explicite par Ammonius, p. 34, 17 sq.. commentant PH 16a21-29. Ce texte d'Ammonius, qui montre l'accord de

Platon et d'Aristote sur un point oü le désaccord peut sembler patent, constituerait un équivalent du commentaire de Proclus sur le Cratyle et de son enseignement sur le PH.

Voir aussi Ebbesen 37, I, p. 177-180, qui remarque que ce passage d' Ammonius, qu'il rattache aussi au commentaire sur le Cratyle de Proclus, pourrait provenir de Porphyre ; Todd 122. Concernant PH VI: De Rijk 16, I, p. 24-39, compare les commentaires de Boece (p. 129, 10— 134, 7 Meiser?) et d'Ammonius (p. 84,6— 86, 7 Busse) por-

tant sur PH 17 a 34-37. Boèce s'appuie sur la définition de l'ÉAeyyoc de Réf. soph. 167 a 23-27 dont sont extraits six types d'oppositions fallacieuses ; Ammonius, lui, tout en fondant implicitement son commentaire sur cette méme définition de |᾿ ἔλεγχος, n'évoque que cinq types d'oppositions fallacieuses, et renvoie ensuite (p. 85, 28-33), mais sans justifier sa référence, à la distinction par Aristote (Réf. soph. 165 b 23-27 et 166 b 21-27) de treize formes de paralogisme (six παρὰ τὴν λέξιν, sept ἔξω τῆς λέξεως qu'Ammonius dénomme παρὰ τὴν διάνοιαν). Selon L.M. De Rijk (qui confronte les classifications des oppositions fallacieuses proposées par Ammonius et Boéce avec celles qu'offrent, à propos de la définition de }᾿ ἔλεγχος, le commentaire tardif de Pseudo- Alexandre

Réfutations Sophonias), figure aussi sique (1005 nales de son

sur les

sophistiques ainsi que la paraphrase de ce méme ouvrage attribuée à le recours à la définition de l'ÉAeyyoc de Réf. soph. 167 a 23-27, qui dans les commentaires d' Alexandre et d'Asclépius sur la Métaphyb 19-22), pourrait provenir, dans le cas de Boece, des gloses margimanuscrit du PH issues des commentaires de Porphyre sur le Περὶ

162

ARISTOTE DE STAGIRE

καταφάσεως xal ἀποφάσεως de Théophraste et sur le PH d’Aristote. Théophraste, suivant peut-étre le dernier Aristote, serait l'origine de cette référence à la définition de 1᾿ ἔλεγχος pour éclairer ce passage du PH. Ebbesen 37, I, p. 127131, signale que Stephanos (p. 23, 30-34 Hayduck) renvoie, comme Ammonius,

à la distinction des treize formes de paralogisme, alors qu'Élias (Busse 3, p. XXVI sq.) conteste la pertinence de ce renvoi pour éclairer PH 17 a 34-37. Ebbesen considère par ailleurs que l'opposition terminologique entre παρὰ τὴν

λέξιν / παρὰ τὴν διάνοιαν était traditionnellement utilisée dans les commentaires sur PH VI avant d'étre mentionnée dans les commentaires sur les Réfuta-

tions sophistiques. Porphyre, le premier, l'aurait introduite dans son commentaire sur le PH. Concernant PH

XII : 191 J. Barnes,

« Ammonius

and adverbs », OSAPR,

suppl. vol. 1991, p. 145-163, prend pour point de départ l'analyse et la classification par Ammonius des « propositions comportant un mode » (προτάσεις μετὰ τρόπου, p. 214, 7 sg. Busse) qui ouvre la quatrième section du commentaire sur

le PH portant sur PH 21a34, et se propose de cerner ce qu'Ammonius entend par τρόπος. La notion serait apparue dans la deuxième moitié du 1° siècle avant J.-C. et était devenue courante à l'époque d'Alexandre d'Aphrodise, dont le

commentaire sur les Premiers Analytiques I (p. 26, 15-18 Wallies) présente la première référence conservée à des τρόποι. Barnes considère que le τρόπος, sous-classe des adverbes pour Ammonius, est une catégorie logique plutót que grammaticale : les exemples de τρόποι - le τρόπος étant défini comme ce qui indique

une

certaine

relation

entre

prédicat

et sujet et qui contribue

à la

construction d'énoncés déclaratifs — donnés par Ammonius (p. 214, 25-29 Busse) sont tous des adverbes (ἐπιρρήματα). Les adverbes sont mentionnés dans la définition qu' Ammonius donne des parties du discours (p. 11,7— 15,13 Busse). Mais si la typologie et les exemples sont proches de ceux de Denys le Thrace (Barnes 188, p. 148 n. 14 et 15; voir 192 I. Sluiter, Ancient grammar in

context. Contributions to the study of ancient linguistic thought, Amsterdam 1990, p. 133, p. 227-229), les τρόποι ne coincident pas avec la catégorie grammaticale de l'adverbe. Chez Apollonios Dyscole, l'adverbe modifie le verbe et serait un opérateur sur les verbes formant des verbes; les τρόποι des péripatéticiens eux, sont une sous-classe des adverbes et sont plutôt des « adcopules » dans la mesure où ils modifient le rapport entre sujet et prédicat. Cependant, tous les τρόποι ne peuvent être analysés dans la catégorie des « adcopules » si l'on tient compte des opérateurs modaux (Barnes 188, p. 151 n. 20) et Barnes considere qu'ils sont, en particulier les opérateurs modaux, des « adpropositions » (adsentences) qui prennent des propositions et forment des propositions (Barnes 188, p. 154 n. 27).

En second lieu, on peut, selon Barnes, considérer qu' Ammonius adopte une théorie des modalités «hybride » qui n'accepte pas de traiter parallèlement la modalité et les relations temporelles. Ammonius, en effet, pour qui les τρόποι sont indénombrables quoique leur nombre ne soit pas infini, approuve Aristote de ne retenir que les quatre opérateurs modaux

du nécessaire, du possible, du

contingent et de l'impossible, et refuse d'admettre un opérateur modal de «l'hyparctique ». Ammonius s'oppose à la plupart des commentateurs (parmi

DE INTERPRETATIONE

163

eux, Alexandre ; Barnes 188, p. 157 n. 37) par son refus de voir dans l'actuel une modalité, qui tient à son refus d'admettre le parallélisme de la modalité et du temps qu'acceptent les tenants de l'hyparctique (p. 216, 1-29 Busse). Une étude plus audacieuse des τρόποι par les commentateurs aurait pu, selon Barnes, ouvrir la voie d'une logique déontique, épistémique, ou endoxique. Concernant l'ensemble du PH : voir 193 R. Fernández Garrido, «Los comentarios griegos y latinos al De interpretatione aristotélico hasta Tomás de Aquino », Emerita 64, 1996, p. 307-323, et 194 A. Benmakhlouf et S. Diebler (trad.) : Averroés, Commentaire moyen sur le De Interpretatione, Introduction, traduction et notes de A. B. et S. D., coll.

«Sic et Non», Paris 2000, 206 p. :

l'introduction (p. 7-67) étudie, aux p. 17-38, la tradition exégétique grecque du PH, avec une particulière insistance sur l'exégése de PH 10, en prenant en compte de maniere systématique les données fournies par le second commentaire de Boèce. B. ÉTUDES PORTANT SUR LES ASPECTS MÉTAPHYSIQUES DES COMMENTAIRES SUR LE PH

195 K. Verrycken, «The Metaphysics of Ammonius son of Hermias », dans Sorabji 8, p. 199-231, étudie quelques pages du commentaire d' Ammonius sur le PH, concernant les chap. IX, XI et XIII du PH, qui donnent lieu à des considéra-

tions métaphysiques. Ces passages permettent de situer la démarche d'Ammonius dans son rapport aux concepts du systéme métaphysique du néoplatonisme athénien de Syrianus et de Proclus, et d'éclairer deux problémes plus généraux, articulés l'un à l'autre: celui du «théisme » d'Ammonius et celui du contenu doctrinal du néoplatonisme alexandrin en général. Cf. 196 K. Verrycken, God en Wereld in de Wijsbegeerte van loannes Philoponus, diss. Leuven 1985, XLVII425 p. (nous n'avons pas pu consulter cet ouvrage). On a pu opposer l'école paienne athénienne (Plutarque, Syrianus, Proclus, Damascius, Simplicius) se consacrant à l'exégese de Platon et négligeant Aristote (persécutée par les auto-

rités comme en témoignerait la fermeture de l'école en 529), et l'école d' Alexandrie (Hypatie, Hiéroclés, Hermias, Ammonius, Asclépius, Philopon, Olympiodore, Elias, David), composant avec le christianisme, ou méme l'adoptant — et à ce titre finalement tolérée par les autorités —

se consacrant surtout à l'exégése des textes d’Aristote, Le « théisme », repéré dans le commentaire d' Ammonius sur /’/sagogè, aurait été le point de rencontre de l'intention d'harmoniser Platon et Aristote (confusion du premier moteur et du Démiurge-Nous) et de se concilier

le christianisme (conception du premier principes identifié au Démiurge, comme cause efficiente, qui ne se situe plus au-delà de l'Étre). Voir les études de 197 P. Tannery, « Sur la

période finale de la philosophie grecque », RPhilos 42, 1896, p. 266-287; Praechter 165, p. 151-154, repris dans Id. 166, p. 211-215; 198 Id., « Christlich-neuplatonische Beziehungen», ByzZ 21, 1912, p. 1-27 (p. 3-5, 12-21), repris dans Id. 166, p. 138-164; 199 Id., art.

«Hierokles » 18, RE VIII 2, 1913, col. 1479-1487 (col. 1481-1482); 200 /d., art. « Simplikios » 10, RE III A 1, 1927 col. 204-213 (col. 207); 201 P. Merlan, «Ammonius Hermiae,

Zacharias Scholasticus and Boethius », GRBS 9, 1968, p. 193-203 (p. 200-201); 202 Id., « Ammonius, son of Hermias », dans C.C. Gillispie (édit.), DSB, I, 1970, p. 137; 203 L.G. Westerink, The Greek Commentaries on Plato's Phaedo, coll. « Verhandelingen der Koninkliike Nederlandse Akademie van Wetenschappen» Afd. Letterkunde 92, Amsterdam/

Oxford/New York 1976, vol. 1: Olympiodorus, p. 24. Wallis 130, p. 138-159, p. 141, consi-

164

ARISTOTE DE STAGIRE

dere que la différence entre les deux écoles a été souvent surestimée (voir aussi p. 150 l'examen de l'incidence de la théorie des hénades sur le probléme de ia prescience divine chez Proclus et dans le commentaire d'Ammonius sur le PH). L'opposition entre « néoplatonisme alexandrin » et « néoplatonisme athénien » a été contestée, avant Verrycken 195. par Lloyd 163, p. 269-325 (voir p. 314-316), ainsi que par 204 I. Hadot, «Le systéme théologique de

Simplicius dans son Commentaire sur le Manuel d'Épictéte », dans Le Néoplatonisme, coll. «Colloques internationaux du CNRS », Paris 1971, p. 265-279, et 205 Ead., Le probléme du néoplatonisme alexandrin. Hiéroclès et Simplicius, coll. « Études Augustiniennes», Paris 1978, 243 p. Hadot 205, p. 143, relativise l'opposition entre les deux écoles, qui avaient des contacts étroits (Hiéroclés, Hermias et Amrnonius ont été formés à Athénes, Damascius et Simplicius à Alexandrie), et qui, toutes deux, commentaient Aristote avant d'aborder l'étude de Platon. Elle conteste en particulier l'idée que l'école d' Alexandrie ait pu soutenir un platonisme pré-plotinien identifiant 'Un, principe suprême, et l' Intellect démiurgique, en ignorant la doctrine, soutenue par Plotin et ses successeurs, de l'Un au-delà de l'Être. L'étude du com-

mentaire sur le Carmen aureum et du Traité sur la Providence d'Hiéroclés (qui nous est connu à travers deux résumés de Photius) ainsi que du Commentaire sur le Manuel d "Epictere de Simplicius, lui permet de soutenir que, malgré leur « silence » sur les aspects les plus compliqués de la philosophie de Syrianus et de Proclus, ces ouvrages. destinés à des débutants, présentent tous les traits du néoplatonisme post-jambliquéen tel qu'on le trouve exprimé dans

les œuvres de Proclus et de Damascius.

Dans le contexte de ce débat, Verrycken 195, p. 204 n. 23, reproche à 206 K. Kremer, Der Metaphysikbegriff in den Aristoteles-Kommentaren der AmmoniusSchule, coll. «Beitráge zur Geschichte der Philosophie und Theologie des

Mittelalters» 39, 1, Münster 1961, X1-223 p., et 207 Id., «Die Anschauung der Ammonius

giblen.

(Hermeiou)-Schule

Über

einen

Beitrag

über den

Wirklichkeitscharakter des Intelli-

der Spätantike

zur platonisch-aristotelischen

Metaphysik », PhilosJb 69, 1961-1962, p. 46-63, de faire peu de cas du caractère

néoplatonicien de l'école d'Ammonius. Selon lui, au contraire, l'examen du commentaire d' Ammonius sur le PH permet d'y repérer l'influence de Proclus, inégalement perceptible à cause de l'habitude qu'avait Ammonius, de traiter la réalité intelligible de deux manières différentes selon le niveau

considéré ( Verrycken 195, p. 212-215). En dépit de l'usage sporadique de termes comme «ὁ θεός» ou «le démiurge» le contexte est, selon Verrycken, néoplatonicien (caractérisé, selon l'auteur, par l'accent mis sur la distinction entre le Bien principe supréme et l'Intellect): référence aux trois hypostases séparées (Dieu, Intelligence, À me) mises en relation avec πράγματα, νοήματα, φωναί (p. 24, 24-29 Busse; cf. Kremer 206, p. 39) ; idée que l'intellect n'est pas le plus haut degré de réalité mais qu'il est transcendé par le «non-étre », c'est-àdire l'Un, entendu comme ce qui est au-delà de l'étre et de toute forme (p. 213, 1-5 et 8-10 Busse) ; évocation des hénades divines dans les θείαι διακοσμήσεις définies par leur ἰδιότης en 135, 28-32 ainsi qu'en d'autres endroits. Ammonius, cependant, s'écarte de Proclus en ce qu'il semble considérer que les dieux appartiennent non au premier degré de réalité mais au second, celui de l'étre et des réalités intelligibles (p. 133, 19-23; p. 136, 20-24 Busse), et qu'il caractérise par «αἰωνίως » la connaissance éternelle et indivise que les dieux ont des choses temporelles et divisibles (chez Proclus en revanche, le terme «αἰωνίως »

caractérise le deuxième degré de réalité, alors que les hénades divines transcendent l'étre éternel, cf. Verrycken 195, p. 213, et n. 116). Verrycken 195, p. 214,

DE INTERPRETATIONE

165

soutient contra Saffrey et Westerink 171, vol. III, p. LXXVI, que l'abandon vraisemblable de la théorie des hénades (peut-étre déjà négligée dans le commentaire

sur

le

PH

en

248,7— 249, 26)

dans

la réflexion

ultérieure

d'Ammonius — et dont témoigne le commentaire d'Asclépius sur la Métaphysique rédigé «ἀπὸ φωνῆς ᾿Αμμωνίου τοῦ ‘Epuelou » où la théorie des hénades disparait — ne plaide pas en faveur de l'interprétation théiste de la métaphysique

d' Ammonius ; il témoignerait seulement du fait que, dans l'étude

d'Aristote, qui est une propédeutique à l'étude de Platon, Ammonius professait une version simplifiée du systéme de Proclus et qu'il déployait, ou au contraire réduisait, selon le contexte et le niveau de réflexion, l'exposé des niveaux les

plus difficiles de la métaphysique de Proclus (Verrycken 195, p. 214). Ce qui conduit Ammonius à marquer et à «respecter» l'écart entre l'Un au-delà de l'Étre et l’Intellect (assimilé

au Dieu

d'Aristote) et à évoquer

les hénades

lorsqu'il s'agit ἀ ἀκρίδεια, ou, au contraire, à sembler confondre ces niveaux, au point de paraître abandonner la doctrine plotinienne de l’Un au-delà de l'étre, lorsqu'il

ne

présente

qu'un

exposé

incomplet

de

la

métaphysique

néoplatonicienne. Le commentaire d' Asclépius sur la Méraphysique, confirmerait que l'enseignement d'Ammonius présentait les concepts néoplatoniciens fondamentaux hérités de Syrianus et de Proclus tant dans la conception du premier et du deuxième principe, que dans celle de la causalité divine (Verrycken 195, p. 205-210). Mémes conclusions concernant : (1) quelques passages des commentaires d' Ammonius sur l’/sagoge, les Catégories, et les Premiers Analytiques ; (2) le dialogue « Ammonius » ou « De Mundi Opificio » écrit par Zacharias (le Scholastique) de Mytiléne, sur lequel s'appuyait Merlan 201, qui relate des discussions entre Ammonius et Zacharias pouvant étre situées à une date proche de celle de l'enseignement du commentaire sur le PH (Verrycken 195, p. 210-212); (3) l'interprétation par Ammonius du concept de Dieu aristotélicien que transmettent les exposés d'Asclépius (in Metaph.) et celui de Simplicius (in Phys., in De Cael.) dans lesquels il faudrait voir des exposés compatibles qui ne s'opposent que parce qu'ils sont incomplets et relévent de registres différents (Verrycken 195, p. 215223). Cependant, reprenant à propos d'Athènes et d'Alexandrie les formules d'Élias/David (in Categ., p. 120, 23-30) qualifiant Platon et Aristote (le premier dei φυσιολογῶν

θεολογεῖ,

l'autre del θεολογῶν φυσιολογεῖ), Verrycken 195, p. 221-222 et 226-231, conclut que le systéme métaphysique d'Ammonius, s'il ne différe pas en substance de la métaphysique enseignée à Athenes par Proclus, effectue, parallélernent à la néoplatonisation d' Aristote, une «aristotélianisation » du systéme néoplatonicien qui lui confere une orientation cosmologique, dont il faudrait se dernander dans quelle mesure elle survit dans l'école d'Olympiodore et chez Stephanos. Sur les théses métaphysiques sous-jacentes au commentaire d' Ammonius sur le PH, voir aussi Obertello 180 ainsi que 208 E. Tempelis, « The school of Ammonius, son of Hermias,

on knowledge of the divine», Parnassos 38, 1996, p. 289-373, et 209 Id., « The school of Ammonius, son of Hermias, on knowledge of the divine», Parnassos 39, 1997, p. 295-350. C. LES ÉTUDES PORTANT SUR LES COMMENTAIRES DU CHAPITRE IX DU PH: « INTERPRÉTATION TRADITIONNELLE » ET « SECONDE INTERPRÉTATION ANCIENNE »

Dans les études qui ont pour objet la lecture que les commentateurs grecs d'Aristote ont proposée du chapitre IX du PH, la «question disputée» est de savoir si l'on doit considérer qu'a été soutenue dans l'antiquité et l'antiquité tardive «une » interprétation, que l'on peut appeler «traditionnelle » (IT) (qui est

166

ARISTOTE DE STAGIRE

aussi la plus ancienne, sans étre d'ailleurs uniquement péripatéticienne), ou bien s'il y a eu, aprés cette interprétation dite traditionnelle, mais dans l'antiquité méme, une interprétation, que certains ont pu assimiler à l'interprétation « non standard» ou «médiévale » et qui serait la «seconde interprétation ancienne » (SIA). La question de savoir quel contenu logique il faut donner à ces interprétations est obscurcie par le fait que l'expression «interprétation traditionnelle » n'est pas employée de facon univoque par les auteurs. Les discussions concernent pour l'essentiel les difficultés que soulève la fin du chapitre (PH 19 a 36 b 4) et l'interprétation qu'en donnent les commentateurs grecs et Boéce: les anciens, et parmi eux les commentateurs du PH, disent-ils tous (IT) qu' Aristote nie ce que Eukasiewicz appelle le « principe de bivalence » (PB), (Vp v Fp), ou qu'au moins il en restreint la validité dans le cas des propositions portant sur les futurs contingents (PFC)? Ou bien certains, - Ammonius et Boéce, et sans doute d'autres avant eux -, soutiennent-ils qu' Aristote maintient le PB pour les PFC aussi, ce qui signifierait que la qualification de « vrai » ou de «faux» par «ἀφωρισμένως », ou au contraire par «ἀορίστως », introduit une ligne d'interprétation nouvelle (SIA) différente de ΕἼΤ ? Derrière la querelle de mots, — que faut-il entendre par l'expression «interprétation traditionnelle » 7 —, git la question de la définition de «l'objet » principal du chapitre IX du PH. 210 V. Celluprica, 7! Capitolo 9 del De Interpretatione di Aristotele, Rassegna di Studi: 1930-1973, coll. « Consiglio Nazionale delle Ricerche, Centro di Studio per la Storia della Storiographia Filosofica», Bologna 1977, p. 29-76, donne une bibliographie des études consacrées à PH ΙΧ de 1930 à 1972, classées selon trois rubriques d'importance inégale : (D l'interprétation «traditionnelle » (p. 43-66), notion composite, qui désigne les tenants de la lecture « majoritaire » du texte d' Aristote, mais qui n'a pas de caractère proprement historique, dont l'auteur distingue sept variantes parmi lesquelles : (a) la lecture ancienne d' Ammonius et de Boèce, (b) l'interprétation de 211 J. Lukasiewicz, « On Determinism », dans 212 S. McCall (édit.), Polish Logic (1920-1939), Oxford 1967, p. 19-39, qui a suscité un renouveau des études, et qui considère qu'Aristote critique seulement l'application du PB (Vp v Fp) et non celui du tiers exclu (Vp v Vnon p) aux PFC. Selon lui les propositions litigieuses ont une valeur de vérité «tierce » intermédiaire entre le vrai et le faux, ce qui fait d' Aristote le précurseur de la logique trivalente; (c) l'interprétation « philologique », dénomination qui désigne des auteurs n'ayant d'autre point commun que de soutenir que pour Aristote les PFC ne sont ni vraies ni fausses, non au sens où elles possèdent une troisième valeur de vérité, mais en tant que cette valeur n'est pas encore définie. Le principe du tiers exclu continuerait à valoir pour de telles

propositions. Cette interprétation rattache la solution d’Aristote à sa théorie de la vérité comme correspondance et à la doctrine de la contingence ; (II) l'interprétation « non standard » (p. 66-70), qui se fonde sur PH 19 a 23-32 pour soutenir que ni le principe du tiers exclu, ni le PB ne sont en cause dans ce chapitre mais que c'est seulement la vérité nécessaire des PFC qui est en question. C'est en particulier l'interprétation de N. Rescher qui croit trouver cette analyse dans al-Färabi d'abord, puis chez les médiévaux (Abélard, Averroés, Thomas d'Aquin, Duns Scott, Ockham

et Anselme) ; (IIT) l'interprétation «anomale » (p. 71) de Mac

Kim pour qui Aristote évoque ici le probléme de la décidabilité des PFC. Parmi les travaux postérieurs qui s'intéressent surtout aux lectures modernes de PH Ix, mais qui en évoquent aussi les lectures anciennes, et qui fournissent une bibliographie récente, on consultera, avec les ouvrages mentionnés dans la suite de cette étude, en particulier: 213 J. Hintikka, Time and Necessity. Studies in Aristotle's Theory of Modality, Oxford 1973, 225 p., reprise d'études déjà signalées dans Celluprica 210, voir la critique de l'interprétation traditionnelle p. 147-178; 214 G. Seel, Die Aristotelische Modaltheorie, coll. « Quellen und Studien zur Philosophie», Berlin/New York 1982, 486 p. ; 215 /d., « Diodore domine-t-il

DE INTERPRETATIONE

167

Aristote ? », RMM 87, 1982, p. 293-313; 216 J. Vuillemin, Nécessité ou contingence. L'aporie de Diodore et les systérnes philosophiques, coll. « Le sens commun » Paris 1984, 446 p., voir en particulier p. (49-187; 217 M.J. White, Agency and integrality. Philosophical themes in the ancient discussions of determinism and responsibility, Dordrecht/Boston/Lancaster/Tokyo 1985, xu1-283 p. ; 218 J. Talanga, Zukunftsurteile und Fatum. Eine Untersuchung über Aristo-

teles’ De Interpretatione 9 und Ciceros De Fato, mit einem Überblick über die spätantiken Heimarmene-Lehren, Bonn 1986, p. 143-166; 219 W.L. Craig, The problem of divine foreknowledge and future contingents from Aristotle to Suarez, coll. « Brill's studies in intellectual history » 7, Leiden 1988, p. 1-58; Knuuttila 87, p. 1-44, bibliographie p. 197-223; Sharples 82.

1. La question de savoir comment les commentateurs de l'antiquité ont lu PH IX dépend de la manière dont les études récentes comprennent les données historiques rassemblées par 220 J. Eukasiewicz, « Philosophische Bemerkungen zu mehrwertigen Systemen des Aussagenkalküls », dans Comptes-rendus des séances de la Société des Sciences et des Lettres de Varsovie, CLIII 23, 1930, p. 51-

71, repris sous le titre «Philosophical Remarks on many-valued Systems of Propositional Logic» dans McCall 212, p. 40-65, voir l'Appendice (p. 63-65). Il attribue à Aristote (PH IV 17 a2), la loi de bivalence selon laquelle toute proposition est vraie ou fausse, mais considère qu'il en refuse la validité universelle dans le cas des PFC. Cette restriction s'effectue dans PH IX 19a 36-39, mais en des termes que Lukasiewicz juge trop peu explicites. Il considére que PH 18b8-

9 (τὸ γὰρ ónórep' ἔτυχεν οὐδὲν μᾶλλον οὕτως ἢ μὴ οὕτως ἔχει fj ἕξει) a conduit les stoiciens, qui, au contraire, l’affirment qu' Aristote refusait la loi de bivalence (cf. Boèce : p. lui, les péripatéticiens ont tenté d'éclairer la position qu'il sous-entendait une distinction entre «definite

fermement, ἃ soutenir 208, 1-3 Meiser?). Selon d’Aristote en soutenant verum» et «indefinite

verum », et il mentionne alors Boèce (p. 125, 18-20 Meiser!) et Ammonius (p. 141, 20 Busse). Les épicuriens, ont, selon lui, adopté l'idée d'Aristote en

affirmant que de telles énonciations «nec veras nec falsas esse» (Cicéron, De Fato 37), position que Nicostratos soutenait aussi selon Simplicius (in Categ., p. 406, 6-16 Kalbfleisch). Lukasiewicz semble ainsi considérer que l'interprétation « traditionnelle » d'Aristote était celle qu'en donnaient dans l'antiquité les stoiciens, les épicuriens et le moyen-platonicien Nicostratos. S'il évoque l'interprétation péripatéticienne d' Ammonius et de Boéce, qui considère que «οὐ μένtot ἤδη ἀληθῆ ἢ φευδῆ» de PH 19a39 signifie que les PFC ne sont pas encore déterminément vraies ou fausses, il la présente comme une simple variante qui n'introduit pas de différence substantielle. Il ne semble donc évoquer qu'une seule lecture du texte d'Aristote, celle qui y voit une négation du PB, et qui pouvait étre diversement modulée. Cependant 221 N. Kretzmann, « Boethius and the truth about tomorrow's sea battle», dans L. M. de Rijk et H. A. G. Braakhuis (édit.), Logos and Pragma. Essays on the Philosophy of Language in honour of

Professor Gabriel Nuchelmans, coll. « Artistarium supplementa » 3, Nijmegen 1987, p. 63-97, p. 65-66 (repris dans Blank 58, p. 24-52), et 222 M. Mignucci, «Ammonius on future contingent propositions », dans M. Frede and G. Striker (édit.), Rationality in Greek Thought, Oxford 1996, X-353 p., p. 279-310, à la p. 280 note 3, considèrent que Lukasiewicz attribue

à Ammonius et à Boèce une

168

ARISTOTE DE STAGIRE

interprétation (SLA) différente de I’IT. L'étude de Mignucci 222 a été reprise avec d'importantes modifications dans Blank 58 p. 53-86 sous le titre « Ammonius’ sea battle », puis à nouveau mise à jour dans Seel 58bis, p. 247-284 sous le titre « Ammonius and the problem of future contingent truth ». 2. Les études de 223 D. Frede, Aristoteles und die « Seeschlacht ». Das Problem der Contingentia Futura in De Interpretatione 9, coll.

« Hypomnemata »

27, Göttingen 1970, 129 p., et 224 Ead., «The sea-battle reconsidered : A defence of the traditional interpretation », OSAPh 3, 1985, p. 31-87, font valoir l'inter-

prétation traditionnelle d' Aristote, définie par Frede 224, p. 42, comme «ce qui nous est parvenu dans les commentaires

d' Ammonius

et de Boéce », et soutenant

que les PFC ne divisent pas le vrai et le faux déterminément (ἀφωρισμένως) mais indéterminément (ἀορίστως), contre une interprétation «non standard »,

présentée en particulier par 225 G. E. M. Anscombe, «Aristotle and the SeaBattle. De Interpretatione chapter IX », Mind 65, 1956, p. 1-15, repris dans J. M. Moravcsik, Aristotle, A collection of critical essays, coll.

« Modern Studies in

Philosophy », London/Melboume 1968, p. 15-33, et 226 N. Rescher, « An interpretation of Aristotle's Doctrine of Future Contingency and Excluded Middle », dans Studies in the History of Arabic Logic, Pittsburgh/Liverpool/London 1963, 108 p., p. 43-54 (voir Frede 223, p. 24-32). Pour ces derniers auteurs sur la validité du principe de et il a pour objet de clarifier Rescher 226, p. 45, pense

le chap. IX ne porte pas sur la vérité des propositions, ni non plus bivalence ou du tiers exclu, mais sur la nécessité des propositions la différence entre vérité nécessaire et vérité simple. contingente. repérer chez al-Färäbi l'origine de cette interprétation, mais

Zimmermann 25, le conteste sur ce point p. LXVIII. Contre cette lecture d' Aristote, Frede 224, p- 49 n. 31, remarque en particulier qu' Aristote, contrairement aux stoiciens, ne modalise pas le vrai et le faux, et qu'il n'y a donc pas lieu de supposer que PH IX veut établir une distinction entre le vrai et le nécessairement vrai: PH IX traite de la vérité des PFC et il s'agit pour Aristote de montrer qu'une valeur de vérité de ces propositions fixée indéterminément n'abolit pas la contingence de l'événement, comme le ferait une vérité fixée déterminément (224, p. 45 n. 26 et p. 75 sq.).

Pour Frede 224, p. 75 sq., Ammonius et l'interprétation traditionnelle qu'elleméme adopte, soutiennent qu' Aristote dans le chap. 1X limite la validité universelle du PB en laissant intact le principe du tiers exclu: la qualification qu'introduit l'IT en sous-entendant ἀφωρισμένως ou ἀορίστως, permettrait, « diplomatiquement», d'éviter de décider si Aristote suspend temporairement le PB ou le limite définitivement, et correspond à la facon, elle-méme diplomatique, dont Aristote s'exprime en 19 a 39 (224, p. 43). Cette conception de l'IT qui s'exprime chez Ammonius et Boèce, dont l'interprétation concorde alors méme que leurs commentaires différent dans la structure et l'argumentation, doit exprimer selon Frede le consensus de l'école aristotélicienne antérieure, comme en témoigneraient un passage de Simplicius (ín Categ., p. 407, 12-13 Kalbfleisch) et un texte attribué à Alexandre, ou plutôt provenant de l'école d' Alexandre, Quaestio I 4, p. 11, 9 sq. (Frede 223, p. 26, et 224, p. 44 sq. ; Sharples 152, p. 26-36, voir p. 35). Contra Sorabji 92, p. 92 sq., Frede refuse, suivant en cela Eukasiewicz, de voir dans les textes d'Ammonius et de Boece une interprétation nouvelle, dif-

férente de l'IT: «il n'y a pas de coupure dans l'interprétation traditionnelle mais

DE INTERPRETATIONE

169

seulement plus ou moins d’insistance sur le fait que le PB est seulement suspendu et non pas éliminé » (224, p. 45 n. 26). 3. Sharples 80, p. 263-264, au contraire, oppose comme deux lectures différentes d’une part l'interprétation des PFC donnée par Épicure (Cicéron, De Fato 37) ainsi que la lecture d' Aristote par les stoïciens, que conteste Boèce (Boéce: p. 208, 1-3 Meiser?), selon laquelle les PFC n'auraient pas de valeur de vérité, et d'autre part l'interprétation de PH IX donnée par Ammonius et Boéce selon laquelle, avant l'événement, de deux propositions singuliéres contradictoires portant sur les futurs contingents, l'une est vraie et l'autre fausse, mais seulement de façon indéterminée (80, p. 263 n. 208 à 210). Il considère que la position péripatéticienne exposée dans le texte de Simplicius (in Categ., p. 407, 6 sq. Kalbfleisch) est bien la méme que celle d'Ammonius et Boèce et que «les péripatéticiens », en disant que les PFC ont une valeur de vérité, mais indéfinie, sou-

tiennent qu' Aristote refuse qu'elles puissent n'étre ni vraies ni fausses: on aurait donc là une interprétation différente de celle que présente I’IT. Cette deuxième interprétation ancienne (SIA) ne serait pas une variante de l'IT mais serait en

fort contraste avec elle. Si, selon Sharples, Simplicius présente la position péripatéticienne comme une réponse à Nicostratos qui soutenait l’IT comme les stoiciens et les épicuriens, on peut induire qu'elle en differe et qu'elle ne consiste pas seulement à dire que les PFC ne sont ni vraies ni fausses sous prétexte qu'elles ne sont pas encore vraies ou fausses : le texte dirait donc que les PFC sont

vraies ou fausses, mais indéterminément. Sharples 80, n. 212, insiste cependant sur l'ambiguité du texte de Simplicius: en 407, 7 et 407, 12. le texte suggère que les PFC n'ont pas de valeur de vérité, mais 407, 6 implique que les composants des PFC ont déjà une valeur de vérité, et 407, 10 les oppose aux propositions au présent et au passé qui sont déterminément vraies ou fausses (ἀφωρισμένως). La SIA est aussi, pour Sharples, à opposer à l'interprétation non standard.

Comme

Frede 223, p. 26, Sharples attire l'attention, p. 264, sur la derniére

partie de l’une des Quaestiones attribuées à Alexandre ( Quaestio I 4) où s’expri-

meraient, pour la premiere fois, l'opposition entre vérité définie et (par implication) indéfinie dans la discussion sur les futurs contingents ainsi que l'association de la première avec une position déterministe. Les trois premières sections de cette Quaestio 1 4, comme le De Fato d' Alexandre, semblent soutenir avec

l'IT que les PFC ne sont ni vraies ni fausses. L'auteur de la fin de Quaestio 14 au contraire, inaugurerait une position nouvelle qui associerait le concept de vérité (ou fausseté) définie — et lui seulement — avec le déterminisme, réservant

par là — par implication — la possibilité d'échapper au déterminisme en concevant que des PFC soient vraies (ou fausses) mais de facon indefinie. Sharples 152, p. 35 n. 81, reprend l'idée qu'il s'agit, dans Quaestio | 4, du premier texte qui implique l'idée que les PFC sont vraies ou fausses déterminément, avec cette réserve : «though we only have the assertion that determinate future truth or falsity is incompatible with contingency, not an explicit claim that indeterminate future truth or falsity is not, and it may be that later ancient authors saw more significance in our present text than its author did himself». Il ajoute qu'il est frappant que dans le passage concerné, contrairement aux précédents, les assertions portant sur la vérité future ne soient pas fondées sur des assomptions déterministes, mais sur un argument purement logique. Voir aussi 227 D. Frede, « Omne quod est quando est necesse est esse», AGPh 54, 1972, p. 153-167.

170

ARISTOTE DE STAGIRE

4. Sorabji 92, p. 91-120, adopte une lecture qui diffère de celles de Lukasiewicz et de Frede d'une part, et de la lecture de Sharples d'autre part, en redistribuant autrement les données. L'interprétation traditionnelle de PH IX par les commentateurs, et dont il pense qu'elle est celle qui rend le mieux justice au texte d' Aristote, est celle qui comprend PH 19 a39 -b2 comme signifiant qu'il y a des propositions qui ne sont pas vraies ou fausses par avance. Sorabji considére, p. 92, que les péripatéticiens mentionnés par Simplicius (in Categ., p. 407, 6-13 Kalbfleisch) soutiennent une interprétation d' Aristote semblable à l'IT. Il ajoute que, sans la mention du «ἤδη », la méme interprétation du texte d' Aristote est donnée par les stoiciens (selon Boece: p. 208, 1-3 Meiser?) et que la dénégation d'une valeur de vérité aux PFC, avec ou sans mention du « ἤδη», a été

considérée comme une vue correcte en elle-méme pour éviter le déterminisme, par Épicure, le moyen-platonicien Nicostratos et probablement Alexandre d'Aphrodise. Par contre il soutient, p. 93-94, que Boéce (p. 208, 7 et 245 Meiser?) et Ammonius s'opposent à cette IT en ce qu'ils déclarent que, pour Aristote, les PFC sont vraies ou fausses, sans étre déterminément vraies ou déterminément fausses. Il trouve donc chez Ammonius et Boèce l'origine de la SLA qu'il considère aussi comme la source de l'interprétation médiévale (contra Rescher 226, critiqué depuis lors par Zimmermann 25, p. LXVIII, qui repérait son origine chez al-Färäbi). Sorabji, à l'instar de Lukasiewicz, classe ensemble comme tenants de l'interprétation traditionnelle, l'interprétation d' Aristote par les stoiciens, les vues des épicuriens et celles du moyen-platonicien Nicostratos, ainsi que l'interprétation péripatéticienne. Sans doute voit-il, dans la position péripatéticienne, comme Lukasiewicz lui-méme et Frede, une simple «variation » n'introduisant pas de rupture dans I’IT. Cependant Frede situe, elle, Ammonius et Boèce du côté de l' IT et les péripatéticiens mentionnés par Simplicius lui apparaissent comme les ancêtres de la lecture, traditionnelle, d’Ammonius et Boèce. Sharples de son côté, distingue Ammonius et Boece de I’IT et les considère, de même que Sorabji, comme soutenant la SIA, mais i! attirait l'attention sur l'ambiguité du texte de Simplicius qu'il comprend, contrairement à Sorabji, comme un témoignage d'une position péripatéticienne différente de celle de Nicostratos et de l'IT, et qui serait voisine peut-étre de celle d’Ammonius et de Boéce. Sharples, enfin, distingue la SIA repérée chez Ammonius et Boéce de l'interprétation non standard.

5. Kretzmann 221 voit dans la réponse péripatéticienne aux stoiciens qu'évoque Simplicius (in Categ., p. 407, 6-13 Kalbfleisch) l'origine de la SIA, telle

qu'elle s'exprime ensuite chez Ammonius et Boèce. Il objecte, p. 87 n. 4, à Sorabji 92 que l'emploi ἀ᾽ ἀφωρισμένως dans la réponse des « péripatéticiens » aux stoiciens suggere que les péripatéticiens évoqués par Simplicius, à qui Sorabji attribue l'IT, soutiennent une interprétation semblable à celle de Boèce et donc la SIA. Il remarque ensuite, contra Frede 223 et 224 et Sharples 80, que Quaestio 14, p. 12, 16-20 évoque la position des adversaires, dont l'absurdité est soulignée quelques lignes plus bas (Quaestio I 4, p. 13, 2-5) oà Alexandre semble revenir à l'IT: ce passage proposerait, seulement, une anticipation de la terminologie de la SLA et non pas de l'interprétation elle-même. Parmi quatre lectures possibles de passages des commentaires de Boèce sur le PH, Kretzmann retient la dernière qui correspond à la SIA :

DE INTERPRETATIONE

171

(i) les valeurs de vérité sont indéfinies seulement pour notre connaissance ; (ii) les valeurs de vérité sont changeantes avant l'événement et deviennent ensuite inéluctables; (iii) il y a une troisième valeur de vérité; (iv) « vrai-ou-faux » comme propriété disjonctive (either-trueor-false as a disjunctive property), (v-o-f). Cette dernière interprétation serait aussi celle des

commentateurs récents qui opposent la SIA et l'IT (Rescher, Gale, Sharples, Sorabji}, quoiqu'ils ne l'aient pas souligné (221, p. 92 n. 48).

Selon cette lecture, la SIA soutenue par Boèce se retrouve dans le commentaire d' Ammonius (p. 145, 9-19 Busse; voir 221, p. 89 n. 26, la liste des passages où Ammonius utilise la terminologie de la SIA) et présente deux traits : (a) elle maintient le PB pour les PFC et entend la bivalence au sens large, comme distincte de la bivalence au sens strict soutenue par les stoiciens (221, p. 77-78); (b) la vérité des propositions ne dépendrait pas seulement de leur correspondance avec l'état de choses mais de la

modalité de l'assertion du locuteur (221, p. 80-87). Sur cette perspective voir Knuuttila 87, p. 59 sq.

6. Mignucci 222, qui suit une démarche parallèle à l'étude concernant Boèce de Mignucci 136, soutient aussi que la SIA fait de la distinction entre « vrai déterminément » et « vrai indéterminément» la cheville ouvrière de la réfutation du déterminisme et prévaut dans l'interprétation qu' Ammonius donne de PH IX (p. 130, 20-26 ; 131, 2-4; 139, 15-17 Busse ; Boece: p. 208, 1-11 Meiser)). Selon

cette lecture le PB vaut inconditionnellement pour les PFC, qui sont indéterminément vraies ou fausses, dans la mesure oü nous comprenons la nécessité qui s'y attache comme nécessité simple (ἁπλῶς), et non pas comme

une nécessité

historique semblable à la nécessité du passé et du présent. C'est du point de vue de la vérité ou de la fausseté simples qu' Ammonius peut dire que le PB vaut dans tous les cas, ce qui lui permet, dans le cadre de la SIA, de rendre compte de la vérité des prédictions que nie l'IT, au contraire, en invalidant le PB. Ammo-

nius, avec la SIA, selon M. Mignucci, pose, contrairement à l'IT, que la relation entre propositions et faits n'est pas temporelle : La vérité simple d'une proposition, c'est-à-dire le fait qu'elle exprime une conformité à l'événement, est une valeur de vérité intemporelle ne dépendant pas du moment oü elle est prononcée, ni du fait que les conditions permettant de lui assigner une valeur de vérité sont réalisées; elle n'est pas temporellement donnée, et ne renvoie pas à «l'aménagement » du monde. Attribuer une valeur de vérité simple ne dépend pas du fait que le cours du monde est fixé à l'avance mais résulte du fait d'admettre qu'il y aura une histoire future réelle du monde, quelle qu'elle soit. Le sens logique de l'interprétation de PH IX par Ammonius pourrait étre cerné à partir de la théorie des mondes possibles et de la relation d'accessibilité (Mignucci

222, p. 290-304).

En accord avec Sharples 80 et Kretzmann 221, Mignucci 136, p. 41-50, et 222. p. 304-310, se fonde sur le texte de Simplicius (in Categ., p. 407, 6-14 Kalbfleisch), dont il souligne toutefois les difficultés, pour formuler l'hypothèse que la SIA aurait pu apparaitre antérieurement à Porphyre, source commune de Boèce et d' Ammonius, dans les milieux péripatéticiens en réponse à Nicostratos, c'est-à-dire dans l'entourage d' Alexandre d’Aphrodise. Contra Sorabji 92 et Frede 224, il voit, dans les péripatéticiens évoqués par Simplicius, des « Ammoniens ». Par ailleurs il envisage la fin du texte de Quaestio I 4, qui pourrait étre

l'origine de la conception d'Ammonius et de la SIA, avec des réserves qui convergent avec celles de Sharples 80, n. 212, et Kretzmann 221, p. 67-68.

172

ARISTOTE DE STAGIRE

Voir aussi 228 J. Van Eck, « Another Interpretation of Aristotle's De Interpretatione 9. A support for the so-called second oldest or "medieval" interpretation », Vivarium 26, 1988, p. 19-38, qui donne une traduction et une analyse de PH 1X s'efforcant de préciser le sens logique de la SIA, qu'il reconnait chez Boèce, cf. 228, p. 36-38: L'IT soutiendrait une version faible du principe de correspondance et une version forte du PB, qu'il faudrait alors limiter; la SIA au contraire, une version forte du principe de correspondance et une version faible du PB, qui peut étre maintenu. L'erreur de raisonnement que critique Aristote dans PH IX reposerait sur la temporalisation de Ja valeur de vérité qui situe les valeurs de vérité dans le temps et qui implique une nécessité historique (un état de choses est nécessaire quand il a été rendu irrévocable par le passé). Le déterminisme étend cette nécessité historique au futur. Il convient donc de distinguer entre: (a) un principe sain, le PB (il est toujours possible d'assigner une valeur de vérité aux propositions, méme les PFC), et (b) un principe nocif (les propositions ont toujours, déjà, une valeur de vérité, au sens historique d'étre à tout moment du temps déjà vraies ou fausses). Au lieu donc de dire que les PFC manquent de valeur de vérité, parce qu'elles ne sont pas déjà vraies ou fausses dans la mesure où l'état de choses n'existe pas, comme le fait l'IT, la SIA dira qu'elles ont une valeur de vérité intemporelle, alors que les propositions portant sur le passé ou le présent peuvent de

plus être dites déjà vraies ou fausses. Selon cette lecture, en 19 a 39 - b 2, Aristote refuse d'appliquer la nécessité historique aux PFC : il n'est pas nécessaire que l'une ou l'autre soit vraie, à la manière dont cela est nécessaire pour les faits accomplis et, pour les PFC, s'en tient à la version faible du PB et à la nécessité simple.

L'ensemble de ce débat a été repris par 229 R. Gaskin, « Alexander's Sea Battle: a discussion of Alexander of Aphrodisias De Fato 10», Phronesis 38, 1993, p. 75-94, et, surtout, 230 /d., The Sea Battle and the Master Argument.

Aristotle and Diodorus Cronos on the Metaphysics of the future, coll. « Quellen und Studien zur Philosophie » 40, Berlin/New York 1995, X11-406 p. Les p. 1216 concernent PH 1X (confronté, p. 193-216, avec Méta. E 3) et les p. 217-328

sont consacrées à l'argument dominateur de Diodore; le premier appendice, p. 329-350, évoque l'interprétation arabe et médiévale de PH IX ; le second, p. 351-367, et le troisiéme, p. 368-376, concernent De Fato 30-31 et Quaestio I

4 d' Alexandre d' Aphrodise. La tradition grecque (avec Boéce) du commentaire de PH IX, qui est prise en compte dans la plupart des chapitres de la première moitié de l'ouvrage, est étudiée pour elle-méme p. 146-184, à partir de la distinction par Gaskin, p. 12-17, de quatre interprétations possibles de PH IX : (AR) antiréaliste (interprétation standard traditionnelle) ; (R) réaliste, interprétation non standard ; (S) statistique, soutenue par Hintikka ; (C) interprétation attribuée à Ammonius et Boèce par Gaskin qui la tient (cf. p. 17 et chap. 12)

pour «l'interprétation la plus satisfaisante du texte d' Aristote ». (C) est une variante de (AR) dont elle est rhétoriquement distincte. Selon cette lecture « the

disjunction 'either true or false' must be understood non-truth-functionally. «...» Then the position to be ascribed to the commentators in their interpretation of Aristotle is that the disjuncts are either-true-or-false, but not either true, or alternatively false» (p. 149). L'auteur conteste (p. 149 sq., 155 et note 41) la lecture de Boéce proposée par Mignucci 136 ainsi que (p. 176-179) celle de Kretzmann 221. ᾿Αφωρισμένως chez Ammonius et definite chez Boéce ne comportent pas, selon Gaskin (p. 150 sq), de force modale, et ne peuvent étre

DE INTERPRETATIONE

173

tenus pour synonymes de nécessaire ; il faudrait retenir pour ἀφωρισμένως la traduction par séparément, proposée par White 217, p. 60, et traiter ἀφωρισμένως ou definite comme «a syntactic distributor of truth-values ». Πάντως (Ammonius

154, 32-34 Busse), de méme, ne devrait pas étre modalisé (p. 158-

159; appendice 2, p. 353-354 et 366-367). Mais il faudrait distinguer le sens que prend l'opposition ἀφωρισμένως / ἀορίστως (definite / indefinite) dans l'emploi logique de ces notions dans (C), lorsqu'elles interviennent dans la réfutation du fatalisme, de celui que lui confère son emploi dans le contexte métaphysique, à propos de la connaissance divine, oü les concepts néoplatoniciens ont alors une

valeur modale, qui oppose le nécessaire et le contingent (voir p. 171 sq.). On trouvera une discussion de Gaskin 230 dans 231 R. R. K. Sorabji, « The

three deterministic arguments opposed by Ammonius » dans Blank 58, p. 3-15, notamment p. 10-11, et 232 R.R. K. Sorabji, « Boethius, Ammonius and their different Greek backgrounds », dans Blank 58 p. 16-23, (l'auteur soutient dans

ces deux études que le traitement de l'opposition definite / indefinite par Boèce diffère de celui de l'opposition ἀφωρισμένως / ἀορίστως par Ammonius), ainsi que dans 233 M. Mignucci,

« Ammonius'

sea battle», dans Blank 58 p. 53-86,

notamment aux p. 55-59, et dans 234 M. Mignucci « Ammonius and the problem of future contingent truth » dans Seel 58bis, p. 247-284. Voir encore 235 R. Gaskin, «Sea Battles, Worn-out Cloaks, and other matters of interpretation: Weidemann on Aristotle's Peri Hermeneias», AGPh 78, 1996, p. 48-59, c.r. de

Weidemann 9 ; 236 D. Frede, «Logik, Sprache und die Offenheit der Zukunft in der Antike. Bemerkungen zu zwei neuen Forschungsbeiträgen », ZPhF 52, 1998,

p. 84-104, c.r. de Weidemann 9 et Gaskin 230 ; 237 N. Denyer, « Gaskin on the Master Argument», AGPh 78, 1996, p. 166-180; 238 R. Gaskin, «Reconstructing the Master Argument: Response to Denyer », AGPh

78, 1996, p. 181-

191. 239 G. Seel, « 'In a definite way true'. Truth-values and their modalization in Ammonius » dans Seel 58bis p. 234-246, ainsi que dans l'introduction (Seel 58bis p. 13-38) et dans le commentaire philosophique qui accompagne la traduction anglaise du commentaire d'Ammonius sur PH 9, (Seel 58bis p. 147-209), fait une approche technique renouvelée et une synthèse récente sur ces débats, pour refuser d'attribuer l'IT à Ammonius. 240 G. Seel, « Ammonius' semantics

of the assertoric sentence » dans Seel 58bis p. 213-233, souligne le lien qui unit cette question de la valeur de vérité des PFC (PH 9) et celle, plus large, des conditions de vérité de l'árto9avruxóc λόγος en général, traitée en particulier par Ammonius dans son commentaire de PH 7 (86, 26 - 101, 9 Busse). CHANTAL HASNAOUI.

LES ETHIQUES. TRADITION GRECQUE 1. LES TROIS ÉTHIQUES D'ARISTOTE

Sous le nom d'Aristote ont été transmis quatre traités éthiques: (1) ᾿Ηθικὰ Νικομάχεια, lat. Ethica Nicomachea, désignée en français comme Éthique à Nicomaque, de Nicomaque ou bien Éthique Nicomachéenne (= E. N.) ; (2) Ἦθι-

xà Εὐδήμια, lat. Ethica Eudemia, en français Éthique à Eudeme (= E.E.); (3) Ἠθικὰ μεγάλα, lat. Magna Moralia, en français Grande Morale (= M. M.); (4) Περὶ ἀρετῶν xal κακῶν, lat. De virtutibus et vitiis (voir la notice « Le traité pseudo-aristotélicien De virtutibus et vitiis» dans le présent Supplément). Ce dernier ouvrage n'est certainement pas authentique et nous n'en traiterons pas

dans la présente notice. L'Éthique est la seule œuvre complète d’Aristote qui nous soit parvenue dans une double (ou une triple) rédaction. Ceci pose certains problèmes en ce qui concerne l'authenticité des différentes versions, le rapport

qu'elles entretiennent entre elles, tant du point de vue formel que du point de vue du contenu, enfin la valeur des trois écrits au plan philosophique. Éditions modernes. Pour les éditions antérieures à celles que nous signalons, on se rapportera à la bibliographie citée dans DPhA, t. I, p. 434-437. Éthique à Nicomaque. 11. Bekker (édit.), Aristotelis opera ed. Academia Regia Borussica, « Édition de l'Académie de Berlin», Berlin 1831; réédition par O. Gigon, Berlin 1960 et 1970, t. II, p. 1094a- 1181 b; 2 F. Dübner, U.C. Bussemaker, J.H. E. Heitz (édit.), Aristotelis opera omnia graece et latine cum indice nominum et rerum absolutissimo, « Édition Didot», Paris 1848, réimpr. Hildesheim/New York 1973, t. II, p. 1-130; 3 F. Susemihl (édit.), Aristotelis

Ethica Nicomachea, Recognovit F. S., coll. BT, Leipzig 1882; editio tertia curavit O. Apelt, Leipzig 1912, XXX-279 p. L'édition communément utilisée aujourd'hui est celle de 4 I. Bywater (édit.), Aristotelis Ethica Nicomachea. Recognovit brevique adnotatione crit. instrux. I. B., coll. OCT, Oxford 1894, VII-264 p., plusieurs fois réimprimée. Voir également les éditions de Ramsauer 66, Burnet 68 et Rackam 31. Voir aussi plus loin les éditions de livres séparés par Jackson 72 et Greenwood 74, voir de méme plus avant. Éthique à Eudéme. Éditée dans Bekker 1, p. 1214a- 1249b ; dans Dübner 2, t. I], p. 184-241. 5 F. Susemihl (édit.), [Aristotelis] Ethica Eudemia. Eudemii

Rhodii ethica. Adiecto de virtutibus et vitiis libello. Recognovit F.S., coll. BT, Leipzig 1884, réimpr. Amsterdam 1967, XL-199 p. 6 R. R. Walzer et J. M. Mingay (édit.), Aristotelis Ethica Eudemia, recenserunt brevique adn. crit. instruxerunt R. R. W. et J. M. M. praefatione auxit J. M. M., coll. OCT, Oxford 1991, XX-162 p. (nouvelle édition; fondée sur l'étude de 7 D. Harlfinger, « Die

Überlieferungsgeschichte der Eudemischen Ethik», dans 8 P. Moraux et D. Harlfinger (édit.), Untersuchungen zur Eudemischen Ethik, Akaten des 5. Symposium Aristotelicum, coll. « Peripatoi » 1, Berlin 1971, p. 1-50, sur de nouvelles

LES ETHIQUES - TRADITION GRECQUE

175

collations des mss faites par W. D. Ross, H. Langerbeck, R. Walzer, et sur les conjectures de A. Kenny, D.À. Russell, C. J. Rowe, D. B. Robinson; présente de nombreuses innovations). Pour l'édition" de Rackam, voir plus avant 31. Magna

moralia. Éditée dans Bekker 1, p. 1181a-1213b;

Dübner 2, t. II,

p. 131-183. 9 F. Susemihl, Aristotelis quae feruntur Magna Moralia. Recognovit F.S., coll. BT, Leipzig 1883, XX-126 p. Traductions anciennes. Les traductions médiévales de l'E. N. ont été éditées par 10 R. A. Gauthier, Ethica Nicomachea, coll. « Aristoteles Latinus » XXVI 13, Leiden/Bruxelles 1972-1974, cinq fascicules en pagination continue, CCXX751 p. (Fasc. primus : Praefatio. Fasc. secundus: 'Erhica vetus’, 'Ethica Nova', *'Hoferiana', 'Borghesiana'. Fasc. tertius: Translatio Roberti Grosseteste Lincolniensis. A recensio. Fasc. quartus: Translatio Roberti Grosseteste Lincolnien-

sis. B recensio recognita. Fasc. quintus: Indices verborum), avec indices greclatin et indices des notes. Les traductions de l' E. N. faites à la Renaissance par Denys Lambin (Dionysius Labinus,

1520-1572) ; des M. M. par Giorgio Valla (1447-1500)

et de

l'E.E. par un auteur anonyme ont été éditées par I. Bekker dans la premiere édition de 1, t. III: Aristoteles latine interpretibus variis, p. 537-589, 589-606 et 606-625. Dans la nouvelle édition publiée par O. Gigon ce volume n'a pas été réimprimé et à sa place a été publiée une édition des fragments des œuvres perdues d'Aristote établie par Gigon lui-même (cf. t. I, praefatio, p. V-VI). Sur Aristote à la Renaissance en général, voir la bibliographie donnée dans DPhA, t. T, p. 442. Traductions modernes encore en usage.

Éthique à Nicomaque. Latine : dans Dübner 2, t. Il p. 1-130. Frangaises: 11 I. Voilquin (trad.), Aristote. Éthique de Nicomaque.

Texte,

traduction, préface et notes par J. V., coll. « Classiques Garnier », Paris 1940, avec le texte grec de Susemihl. Réimprimée sans le grec dans la coll. «GamierFlammarion », X11-529 p. ; 12 J. Tricot (trad.), Aristote. Éthique

à Nicomaque.

Nouvelle traduction, avec introduction, notes et index par J. T., coll. « Bibliothéque des textes philosophiques », Paris 1959 ; deuxiéme édition, Paris 1967, 539 p.; 13 R. A. Gauthier et J. Y. Jolif (trad.), L'Éthique à Nicomaque, Introduction,

traduction et commentaire par R. A. G. et J. Y. J., coll. « Aristote. Traductions et études », Louvain/Paris 1958-1959, deuxiéme édition avec une introduction nou-

velle, Louvain/Paris 1970, 4 tomes, les deux derniers en pagination continue, 3593224986 p. Anglaises : 14 W.D. Ross (trad.), Ethica Nicomachea, coll. « The Works of Aristotle translated into English» [= ‘Oxford Translation'] 9, Oxford/London

1915, plusieurs fois réimprimée, respecte la pagination de l'édition Bekker 1; édition revue par 7.0. Urmson dans 15 J. Barnes (édit.), The complete works of Aristotle. The Revised Oxford Translation, coll.

« Bollingen Series» 71/2, Prin-

ceton 1984, 2 tomes, t. II, p. 1728-1867 ; 16 H. Rackam (édit.), Aristotle. The Nicomachean Ethics. With an English translation by H. R., coll. LCL, London/

ARISTOTE DE STAGIRE

176

Cambridge (Mass.) 1926; «new and revised ed.» 1935, XXXViIII-650 p., avec un texte grec, plusieurs fois réimprimée ; 17 H.G. Apostle (trad.), Aristotle. The Nicomachean

Ethics. Translated with commentaries and glossary by H.G. A.,

coll. «Synthese Historical Library» 13, Dordrecht/Boston 1975, XX1-372 p. ; 18 T. Irwin (trad.), Aristotle. The Nicomachean Ethics. Translated by T. I., coll. « Hackett classics », Indianapolis 1985, XXVIII-441 p., second edition, revised,

Indianapolis/Cambridge

1999, XXVII-361

p.; 18bis S. Broadie et C. Rowe

(trad.), Aristotle, Nicomachean Ethics. Translation, Introduction and Commen-

tary, Oxford 2002, X-468 p. Allemandes : 19 P. Gohlke (trad.), Aristoteles. « Aristoteles. Die Lehrschriften » 7/3, Paderbom

Nikomachische

Ethik, coll.

1954, 335 p. Sur les traductions

de Gohlke, cf. la sévère critique de F. Dirlmeier 42, p. 478-480 ; 20 F. Dirlmeier (trad.), Aristoteles. Nikomachische Ethik. Übersetzt und kommentiert von F.D., coll. « Aristoteles

Werke

in Deutscher

Übersetzung

» 6, Berlin

1959; «dritte,

erneut durchgesehene Aufl.» 1964, 605 p. ; 21 G. Bien (édit.), Aristoteles. Nikomachische Ethik, Übersetzung v. E. Rolfes, Erläuterungen v. G. Bien, coll. «Philosophische Bibliothek », Hamburg 1972, 440 p. Italiennes: 22 A. Plebe (trad.), Etica Nicomachea, coll. « Aristotele. Opere »

7, Roma/Bari

1973; nouvelle édition 1983, XLVI-291 p. ; 23 C. Mazzarelli

(trad.), Aristotele. Etica Nicomachea.

Introduzione, traduzione e parafrasi di

C. M., coll. «I classici del pensiero», Milano (trad.), Aristotele. Etica Nicomachea,

1979, 464 p.; 24 M. Zanatta

Introduzione,

traduzione

e commento

di

M.Z., coll. « Biblioteca Universale Rizzoli », Milano 1986, 2 tomes, 1140 p., reprend le texte grec de Bywater. 25 L. Caiani (trad.), Etiche di Aristotele : Etica Eudemea, Etica Nicomachea, Grande Etica, Torino 1996, 650 p. ; 26 C. Natali (trad.), Aristotele. Etica Nicomachea, Trad. introd. et notes, coll. «Economica Laterza» 167, Roma/Bari 1999 (avec le texte grec de Susemihl-Apelt, revisé),

559 p. Espagnoles : 27 M. Araujo et J. Marias (trad.), Aristóteles. Ética

a Nicómaco,

edición bilingüe y traducción, introducción y notas, Madrid 1959, avec un texte grec, plusieurs fois réimprimée (je n'ai pu consulter cette édition) ; 28 E. Ledo Inigó et J. Palli Bonet (trad.), Aristóteles. Ética Nicomáquea.

Ética Eudemia.

Introducción por E. L. I., traducción y notas por J.P. B., Madrid 1985 (l’E. N. se trouve aux p. 129-409). Pour les traductions de livres séparés, voir plus avant: Souilhé et Cruchon 71, Jackson 72, Greenwood 74, Rodier 76, Laurenti 73, 80 et 170.

Éthique à Eudème. Latine : dans Dübner 2, t. II, p. 184-241. Française: 29 V. Décarie (trad.), Aristote. Éthique à Eudeme. Introd., trad.,

notes et indices par V.D., coll. « Bibliothéque des Textes Philosophiques », Paris/Montréal 1978, 236 p. Anglaises : 39 J. Solomon (trad.), Ethica Eudemia. De virtutibus et vitiis by J. S., « The Works of Aristotle translated into English » [= ‘Oxford Translation'] 9, Oxford 1915, plusieurs fois réimprimée, reprend la pagination de Bekker 1;

LES ETHIQUES - TRADITION GRECQUE

177

réimprimée dans Barnes 15, t. II, p. 1868-1921; 31 H. Rackam (édit.), Aristotle. The Athenian constitution. The Eudemian Ethics. On virtues and vices, with an English translation by H. R., coll. LCL, London/Cambridge (Mass.) 1935, avec un texte grec, plusieurs fois réimprimée (l'E. E. se trouve aux p. 190-481). Allemandes : 32 P. Gohlke (trad.), Eudemische Ethik, coll. « Aristoteles. Die Lehrschriften » 7/2, Paderborn 1954, 277 p.; 33 F. Dirlmeier (trad.), Aristoteles.

Eudemische Ethik, coll. « Aristoteles Werke in Deutscher Übersetzung » 7, Berlin 1962 ; «vierte, gegenüber der dritten, durchgesehen, unveründerte Auflage » Berlin 1984, 504 p. Italiennes: 34 A. Plebe (trad.), Grande Etica. Etica Eudemia, coll. « Aristo-

tele. Opere » 8, Roma/Bari 1973; nouvelle édition 1983 (l'E. E. se trouve aux p. 101-284); Caiani 25; 35 P.L. Donini, Aristotele. Etica Eudemia, Trad. introd. et notes, coll. «Economica Laterza»

182, Roma/Bari

1999 (avec le texte grec de

Walzer-Mingay et des importantes notes textuelles), 233 p. Espagnoles : Ledo Inigó et Palli Bonet (trad.) 28 (U'E. E. se trouve aux p. 411480). Traductions modernes de livres séparés: 36 M. Woods (trad.), Aristotle's Eu-

demian Ethics books I, II and VIII. Translated with a commentary by M.W., coll. « Clarendon Aristotle series», Oxford 1982, X11-234 p.

Magna Moralia. Latines: dans Dübner 2, t. II, p. 131-183. Frangaises:

37 A. Wartelle,

« Aristote.

Grande

Morale,

Introduction et tra-

duction », Revue de l'Institut Catholique de Paris, n? 23, 1987, p. 3-90; 38 C.

Dalimier (trad.), Aristote. Les grands livres d'éthique, coll. « Retour aux grands textes », Paris 1992, 222 p. Anglaises: 39 St.G. Stock (trad.), Magna Moralia by St. G. S., «The Works of Aristotle translated into English » [= ‘Oxford Translation'] 9, Oxford

1915,

plusieurs fois réimprimée, reprend la pagination de Bekker 1; réimprimée dans Barnes

15, t. II, p. 1868-1921;

40 G.C. Armstrong (trad.), Oeconomica

and

Magna Moralia [avec le texte grec de Susemihl], with an English translation by G.C. A., coll. LCL, London/Cambridge 1935, plusieurs fois réimprimée (les M.M. se trouvent aux p. 425-688). Allemandes: 41 P. Gohlke (trad.), Aristoteles. Grosse Ethik, coll. « Aristote-

les. Die Lehrschriften» 7/1, Paderborn 1949, «zweite Auflage» 1951, 157 p. ; 42 F. Dirlmeier (trad.), Aristoteles. Magna Moralia. Übersetzt und kommentiert

von F. D., coll. «Aristoteles Werke in Deutscher Übersetzung» 8, Berlin 1958, «fünfte, gegenüber der dritten durchgesehen, unveründerte Auflage» Berlin 1983, 482 p. ; Caiani 25. Italiennes : Plebe 34 (les M. M. se trouvent aux p. 3-96); Caiani 25. Contenu. Les trois éthiques ont une structure assez semblable, et les thémes principaux s'y succèdent toujours dans le méme ordre: (1) Le bien suprême et le bonheur ; (2) La vertu éthique en général et les vertus éthiques particulières ; (3) Les vertus

dianoétiques ou intellectuelles; (4) Les vices, l’incontinence ;

178

ARISTOTE DE STAGIRE

(5) L'amitié ; (6) La vertu parfaite, le bonheur total. On peut le montrer par le schéma suivant:

E.E.

E.N. Livre I 1-3 Objet et méthode

M.M.

Livre I 1-5 Le bonheur; 6 Questions de méthode ; 78 Bien supréme et bonheur.

Livre I I Note sur [8 méthode, le bien supréme, la vertu; 2-

Livre II La vertu éthique en général, les conditions de la vertu éthique: la responsabilité, le volontaire, la choix, la délibération.

4-19 La vertu éthique en

6-12 Les vertus éthiques en

Livre III Les vertus éthiques

20-23 Les vertus éthiques en

particulier: le courage et la tempérance. Livre IV Les vertus éthiques

en particulier: courage, tern-

particulier: courage, tempérance, mansuétude, libéralité, magnanimité, magnificence,

du traité ; 4-12 Le bonheur et le bien suprême; 13 Vertus et parties de l'áme. Livre Il La vertu éthique en général.

Livre III 1-5 Conditions de la vertu éthique: le volontaire, le

choix, la délibération, la responsabilité.

en particulier: libéralité, magnificence, magnanimité, ambition, douceur, affabilité,

pérance, mansuétude, libéra-

lité, magnanimité, magnificence, les autres dispositions

vertueuses.

sincérité, bon goût, modestie. Livre V La justice. Livre VI Les vertus dianoétiques, en rapport particuliè-

Livre IV = E.N. Livre V Livre V z E.N. Livre VI

rement avec la prudence. Livre VII 1 Les vices en général; 2-8 Incontinence, intempérance, bestialité ; 910 Continence et persévérance; 11-14 Le plaisir (D. Livres VIII-IX Les différentes espéces de l'amitié: bienveillance, concorde, amour de

soi. Livre X 1-5 Le plaisir (ID; 6-8 Le bonheur suprême est la

Livre VI = E.N. Livre VII

général, conditions de la vertu: le volontaire, le choix, la délibération.

juste indignation, dignité, modestie, courtoisie, amitié, sincérité, justice ; 24 Le critère de la vertu éthique, les vertus dianoétiques (I). Livre II 1-3 Les vertus dianoétiques (II), problèmes Concernant les vertus éthiques; 4-6 Continence. incontinence, bestialité, intempérance, maîtrise de soi.

7 Le plaisir, le bon usage de Livre VII Amitié, amour de soi, concorde, bienveillance. Livre VIII 1 Vertu et science; 2 La bonne fortune ;

la vertu; 8 La bonne fortune: 9 La vertu parfaite; 10 Le critère juste; 11-17 Amitié, bienveillance, concorde, amour de soi, {la fin du traité est perdue].

3 La vertu complète, le critère

vie contemplative ; 9 Éthique

des biens et des actions et la

et politique.

contemplation.

Comme

3 Le bonheur.

on le voit, les deux livres de la Grande

Éthique renferment l'inté-

gralité du contenu des divers livres qui composent les autres traités. Bien que la Grande Éthique soit dans l'ensemble marquée par une plus grande brièveté, étant deux fois moins longue que l’E.E., ses deux livres représentent chacun en longueur le double d'un livre de l'E. E. La constitution des trois éthiques aristotéliciennes livres dits communs. Nous avons indiqué dans le schéma livres de l' E. N. et trois livres de |' E. E. sont mots pour mots Ces livres sont parfois appelés “livres communs" aux deux

et le probléme qui précéde que identiques entre traités. En effet,

des trois eux. dans

LES ÉTHIQUES - TRADITION GRECQUE

179

1! mss de V’E.E. sur 21, qui tous dépendent du Laurentianus 81.15 (XV* s.),

aprés le livre III est transcrit un texte identique à celui des livres V-VII de VE.N.; dans d'autres mss de !' E. N. en revanche, ne sont rapportés que les incipit des livres V-VII de l'E. N., et dans d'autres encore on renvoie directement au texte de l’E.N. avec l'indication que le texte des trois livres centraux, E. N. VVII et E. E. IV-VI, est identique. L'opinion courante est que les trois livres communs appartenaient à l'E. N. et qu'ils ont été ajoutés dans les mss de l' E. E. pour compléter une lacune causée par la perte de la section centrale originelle de l'E. E. (cf. Susemihl 5, p. IX ; Gauthier et Jolif 13, t. L/1, p. 70-74 ; 43 C. J. Rowe, The Eudemian and Nicomachean Ethics : a study in the development of Aristotle's tought, coll. « Proceedings of the Cambridge Philological Society. Supplement» 3, Cambridge 1971, p. 79-114 ; Harlfinger 7; Walzer et Mingay 6, p. VIIIX). C'est pourquoi, dans les éditions et les traductions modernes de 1' E. E., les livres IV-VI font défaut et le livre VII suit immédiatement, de facon un peu

étrange, le livre III. L'opinion contraire, selon laquelle les livres communs auraient appartenu originellement à l'E. E. et auraient été ajoutés après coup à l'E. N. a été soutenue récemment par 44 A. Kenny, The Aristotelian ethics. A study of the relationship between the Eudemian

and Nicomachean

Ethics of

Aristotle, Oxford 1978, X11-250 p., surtout p. 1-49, qui se fonde d'une part sur une analyse stylistique conduite avec l'aide d'un ordinateur, d'autre part sur une analyse du contenu conceptuel. Cette thése ne s'est cependant pas imposée de facon définitive. L'ordonnance actuelle des trois éthiques remonte probablement à l'édition des écrits d' Aristote faite par Andronicus de Rhodes (»*A 181) au premier siècle avant J.-C. (cf. DPhA, t. I, p. 200-202 et 434-435). On relève déjà toutefois certaines allusions à l’E.N. et à l’E.E. dans des écrits antérieurs à l'édition d' Andronicus. Dans les Vies de philosophes de Diogène Laérce (V 22-27) est reproduite une liste des œuvres d'Aristote rédigée vers la fin du III* s. av. J.-C. et représentant par conséquent l'état du corpus aristotélicien antérieur à l'édition d' Andronicus. Le n? 38 de cette liste signale une Éthique, en quatre ou cinq livres, selon les divers mss, dans laquelle W. Jaeger a identifié la première allusion à l'E.E. Il ne s'agit que d'une hypothèse, Une seconde version de cette liste ancienne des œuvres d'Aristote est conservée dans la Vie d'Aristote attribuée à Hésychius de Milet (VIE s. de notre ère); le n° 39 de cette liste signale

cette fois une Éthique en 10 livres, dans laquelle beaucoup ont reconnu une allusion à l’E.N. D'autres considèrent que le chiffre 10 est une correction pour le chiffre 5 rapporté dans la ver-

sion que Diogène Laërce donne de la méme liste, Cette liste d' Hésychius comprend un appendice qui énumère 57 œuvres absentes de la liste de Diogéne Laërce; cet Appendix hesychiana rernonterait, en partie, à une époque postérieure à l'édition d' Andronicus. On y trouve cité au

n° 174, un ouvrage intitulé Sur l'Éthique Nicomachéenne, titre corrigé par certains en Éthique Nicomachéenne. On ne sait pas s'il s'agissait de l'E.N. ou d'un ouvrage qui lui était consacré.

En tout cas, le titre E.N. est cité explicitement (les listes sont reproduites dans DPhA, p. 425-434, avec la bibliographie correspondante). Cicéron (»*C 123) est plus ou moins contemporain d’Andronicus, mais il ne semble connaitre l'édition effectuée par ce dernier; dans le De finibus (V 12) pourtant, écrit en 45 J.-C, il cite des libri de moribus qu'il considérait comme un ouvrage de Nicomaque, mais d'autres attribuaient à Aristote: on a coutume d'y voir une citation de l' E. N.

t. I, pas av. que

La liste des œuvres d' Aristote insérée dans la Vie d'Aristote écrite par le néoplatonicien Ptolémée et conservée en version arabe (cf. DPhA, t. I, p. 414-416 et 432-434), correspond à

ARISTOTE DE STAGIRE

180

l'état des œuvres d'Aristote postérieur à l'édition d' Andronicus de Rhodes. Dans cette liste sont cités explicitement, au n° 35, les M. M. en deux livres et, au n? 36, l' E.E. en huit livres. L'E.N. est absente de cette liste. Diogène Laërce lui-même (Ii s. de notre ère) cite ailleurs dans sa Vie d’Aristote (V 21) un passage d’E.E. VII 12 en l'empruntant «au septième livre de l'Érhique». Plusieurs auteurs anciens, en commençant par Aristote lui-même, citent les Éthiques: on voit souvent dans tel ou tel passage une citation, non littérale, du texte de l'E.E. ou des M. M., plutôt que du texte de l'E.N. De par leur caractère, de telles identifications restent conjectu-

rales et elles sont souvent réfutées par d'autres savants (voir la liste dressée par Dirlmeier 33, p. 109-118, et Dirlmeier 42, p. 99-110).

Le plus ancien des commentateurs d' Aristote, Aspasius (I*"-II* s. de notre ère, cf. notice A 461, DPhA, t. 1, p. 635-636, et plus loin Heylbut 57), dans son commentaire sur l'E.N., (a) fait référence à certains livres de l'E. N. qui se seraient perdus (cf. CAG XIX, p. 161, 9): peut-être pensait-il que les livres communs avaient appartenu à l'origine à l' E.F.. puis avaient été transférés à |' E.N.; d'un autre côté, (b) il semble se demander si les livres communs, et l'ensemble de 1’E.E., ont été écrits par Aristote ou par Eudéme. Par conséquent, il connaissait l'existence de !' E. E., peut-être en huit livres, et il y voyait une œuvre d'Eudéme de Rhodes (»E 93) ou du moins envisageait cette attribution (cf. principalement CAG XIX, p. 151, 18-

27). Le médio-platonicien Atticus (1° s. de notre ère. cf. notice A 507, DPhA, t. I, p. 664-665) est le premier qui cite toutes les Éthiques dont il est ici question: E.N., E.E. et M. M.: il les attribue toutes trois à Aristote et il considére que toutes les trois sont dénuées d'aucune valeur (fr. 2 Baudry). Il n'est pas certain qu' Alexandre d'Aphrodise (H°-HI° s. de notre ère, cf. notice A 112, DPhA, t. I, p. 125-139) ait écrit un commentaire sur l'E.N., ainsi que certains le pensent. Toutes les citations des Éthiques présentes dans les autres commentaires qu'il a écrits se réfe-

rent à l'E.N. Le recueil des Problèmes éthiques édité par I. Bruns (voir plus loin le n° 62), et attribué à Alexandre et à son école, fait référence seulement à !' E.N., qui avait apparemment déjà acquis à cette époque, sur l’E.E. (et, à plus forte raison sur les M. M.), une position de

prééminence qu’elle a conservée jusqu'à nos jours. Sur le probléme des livres centraux et sur les rapports entre les différentes Éthiques, voir Rowe 43;45 R. Bodeüs, «Contribution à l'histoire des œuvres morales d' Aristote. Les testimonia», RPAL 71, 1973, p. 451-467; Kenny 44, ainsi que les introductions aux commentaires

de Gauthier et Jolif 13 t. I/1, p. 70-74; Dirlmeier 20, p. 93-97; Dirlmeier 33, p. 109-118.

Problèmes d'authenticité et de chronologie. Depuis Cicéron, presque personne n'a douté de l'authenticité de l'E. N., hormis Schleiermacher et ceux qui considèrent que toutes les œuvres d' Aristote ont été écrites par Théophraste (Zürcher, Chroust).

Au XIX“ s., on considérait communément que l'Erhica Eudemia avait été écrite par Eudéme de Rhodes, un disciple d'Aristote (Spengel, Bonitz). L'édition

critique de Susemihl, encore d'usage courant, s'intitule en effet Eudemi Rhodii Ethica (cf. Susemihl 5). Au début du XX* s., s'est dessinée une réaction contre

cette tendance gräce notamment à 46 E. Kapp, Das Verhältnis der Eudemischen zur Nikomachischen Ethik des Aristoteles, diss. Freiburg, Berlin 1912, 53 p., et, à partir de l’œuvre de 47 W. Jaeger, Aristoteles. Grundlegung einer Geschichte seiner Entwicklung, Berlin 1923, deuxiéme édition corrigée et augmentée 1955, XI-626 p. (traduction anglaise : Oxford 1934, deuxiéme édition corrigée et augmentée : 1948; traduction italienne: Firenze 1935, quatrième édition: 1968 ; traduction espagnole: México 1946 ; traduction francaise: Aristote. Fondements

LES ETHIQUES - TRADITION GRECQUE

181

pour une histoire de son évolution. Trad. et présenté par O. Sedeyn, coll. « Polemos » 13, Paris 1997, XX-510 p.), s'est développée l’idée que l'E. E. serait un

ouvrage authentique d'Aristote et un écrit datant de sa jeunesse, appelé à étre remplacé par la version plus mürement réfléchie qu'est l' E.N. L'authenticité de l'E. E. n'a plus été remise en question, même s'il y a des doutes sur la chronolo-

gie relative de l'E. N. et de l'E. E. Plusieurs savants soutiennent la thèse de Jaeger. Voir en dernier lieu Rowe 43 qui résume l'histoire des discussions antérieures, défend l'authenticité de l'E. E. et estime que l’E. N. serait le dernier des traités éthiques d'Aristote et constituerait une révision de l’E.E. faite par Aristote lui-même. En revanche, Kenny 44, p. 214-239, considère que les deux traités sont tardifs, mais que

|'E. E.

suivrait en général l'E. N.

L'interprétation

génétique sert de fondement au plus important commentaire moderne de I" E. N., celui de Gauthier et Jolif 13. On trouvera une critique générale de l'interprétation génétique de l'éthique d'Aristote, en rapport notamment avec VE. N., dans 48 R. Stark, Aristotelesstudien. Philologische Untersuchungen zur

Entwicklung

der

aristotelischen

Ethik.

Aus

dem

Nachlass

hrsg.

von

P. Steinmetz, coll. « Zetemata. Monographien zum Altertumswissenschaft » 8, München 1963, «zweite, überarbeite und erweiterte Auflage » München 1972,

XX1-202 p. Les Magna Moralia sont considérés par la plupart des savants comme un écrit de l'école d' Aristote, un résumé des deux autres Éthiques, et leur authenticité

n'est pas admise. Il s'agit d'une œuvre plus schématique et dont la théorie est moins approfondie que l'E. N. et l'E. E. En faveur de l’authenticité, on peut citer: 49 H. von Arnim, Die drei aristotelischen Ethik, SAWW, Wien/Leipzig 1924, 142 p.; 50 /d, «Die Echtheit der Grossen Ethik des Aristoteles», RAM 76, 1927, p. 113-137 ; 51 Id., Nochmals die aristotelischen Ethiken, SAWW 209 B, 2, Wien 1929. Contre l'authenticité: 52 R. Walzer, Magna Moralia und aristotelische Ethik, coll. «Neue Philol. Untersuch. » 7, Berlin 1929, 1X-300 p. ; 53 K. O. Brink, Stil und Form der pseudoaristotelischen Magna Moralia, Diss. Berlin,

Ohlau in Schlesien 1933, 110 p. La démonstration la plus convaincante de l'inauthenticité de ce traité est l'ouvrage de 54 P.L. Donini, L'etíca dei Magna Moralia, coll. «Fondazione Parini Chirio», Torino

1965,

X11-249 p. Les plus

récents défenseurs de l'authenticité des M. M. sont Dirlmeier 42, p. 144-147 et passim, 55 F. Becchi, « Variazioni funzionali nei Magna Moralia. La virtü come impulso razionale al bene», Prometheus 6, 1980, p. 201-226, et 56 J. M. Cooper,

«The Magna Moralia and Aristotle's moral philosophy », AJPh 94, 349 ; ils pensent que les M. M. constitueraient la version la plus l'Érhique d' Aristote. Même ceux qui soutiennent l'authenticité admettent cependant que la version qui nous est parvenue a dü étre disciple d' Aristote à l'époque de Théophraste.

1973, p. 327ancienne de de l'ouvrage refaite par un

Titres. Les titres des trois éthiques ne remontent pas au temps d'Aristote et n'apparaissent pas dans les listes les plus anciennes de ses œuvres; ce sont des

litres assez énigmatiques. Les adjectifs « Nicomachéenne » et « Eudémienne » se

reférent, en toute probabilité, au fils d'Aristote, Nicomaque, et à son disciple,

182

ARISTOTE DE STAGIRE

Eudéme de Rhodes. Certains ont cependant pensé aussi au pére d'Aristote, Nicomaque, et à Eudéme de Chypre (»E 91), à qui Aristote avait dédié une élégie et son dialogue Eudème ou Sur l'áme. On se demande si Nicomaque et

Eudème furent les éditeurs de deux recueils de leçons d' Aristote sur l'éthique ou s'ils n'étaient que les dédicataires des ouvrages. Le titre Grande Éthique qui est attribué au traité le plus bref est communément expliqué par le fait que les deux seuls livres qui la composent, ainsi que nous l'avons noté plus haut, sont parti-

culiérement longs et qu'ils devaient être contenus dans des rouleaux de papyrus plus grands que la normale. Les deux autres titres avaient d'un autre cóté le röle évident de distinguer les deux autres éthiques l'une de l'autre: s'il n'y avait eu

qu'une seule version des écrits moraux d' Aristote, son titre aurait été simplement Éthique (cf. Dirlmeier 20, p. 149; Gauthier et Jolif 13 t. 1], p. 82-84; voir également Bodeüs 45, et Décarie 29, p. 17-31). 2. LES

COMMENTAIRES ET LES ÉTUDES CRITIQUES ANCIENNES ET MODERNES

Commentaires antiques. I] n'existe pas de commentaire antique de l' E. E. et des M. M. Les commentaires antiques sur l’E.N. ont été publiés dans la collection de l'Académie de Berlin: 57 G. Heylbut (édit.), Aspasii in Ethica Nicomachea quae supersunt commentaria, CAG XIX/1, Berlin 1889, XIV-246 p. ; 58 Id. (édit.), Heliodori in Ethica Nicomachea paraphrasis, CAG

XIX/2, Berlin

1889,

VIII-246 p. ; 59 Id. (édit.), Eustratii et Michelii et anonyma in Ethica Nicomachea commentaria, CAG XX, Berlin 1892, XV1-654 p.; 60 M. Hayduck (édit.), Michaelis Ephesii in librum quintum Ethicorum Nicomacheorum commentaria,

CAG XXIV3 (Supplementum voluminis XX), Berlin 1901, VIII-86 p. Sur les commentaires antiques à l' E.N. on dispose maintenant de l'importante étude de 61 H. P. F. Mercken, « The Greeks commentators in Aristotle's Ethics», dans R. Sorabji (édit.), Aristotle transformed.

The ancient commentators and their

influence, coll. ACA, London 1980, p. 407-444 (cf. aussi Gauthier et Jolif 13, t. I/1, p. 100-107). Nous en résumons les principales conclusions. Le commentaire d'Aspasius [»+A 461] (I"-II* s. de notre ère) sur l'intégralité de l'E. N., publié par Heylbut 57, ne nous est parvenu qu'à l'état fragmentaire : il n'en reste que les parties consacrées aux livres I-IV et VII-VIII 1-15 (= CAG XIX/1). Le commentaire publié par Heylbut 58 sous le nom d'"Héliodore" (**H 34) est en vérité d'un auteur inconnu, d'époque incertaine, mais de toute manière tardif, et

pourrait méme avoir été écrit au XIV* siécle. Le commentaire composite publié par Heylbut 59 se compose d'écrits d'auteurs d'époques trés diverses; on y trouve, en particulier: (1) des scholies anonymes (1I*-IfI s. de notre ère) aux livres II-V (CAG XX, p. 122-255); selon Kenny 44, p. 37, les scholies aux livres II-IV seraient l’œuvre d'Adraste d'Aphrodise [»+A 24] (IF s. de notre ère, cf. DPhA, t. I, p. 56-57 avec bibliographie complémentaire) ; (2) un commentaire de

Michel d’Éphèse (première moitié du XF s.) aux livres IX et X (CAG XX, p. 461-620); le commentaire de Michel d'Éphèse au livre V a été publié par Hayduck 60 ; (3) un commentaire d'Eustrate [**E 163] (ca1050—c.1120) aux livres I et VI (CAG XX, p. 1-121 et 256-406); (4) des scholies anonymes au

LES ETHIQUES - TRADITION GRECQUE

183

livre VII, d'époque inconnue, mais trés tardive, en tout cas antérieure à la traduction de Grosseteste (CAG XX, p. 407-460).

Un écrits antique qui équivaut

à un commentaire de l’E.N.: 62 I. Bruns

(édit.), Alexandri Aphrodisiensis praeter commentaria scripta minora. Quaestio-

nes, de fato, de mixtione, Suppl. Arist., IU2, Berlin 1892, Quaestiones ethicae, p. 117-163,

maintenant

traduites en anglais

par 63

R.W.

Sharples

(trad.),

Alexander of Aphrodisias. Ethical problems, coll. ACA, London 1990, 146 p., avec notes, bibliographie, indices et glossaire anglais-grec et grec-anglais. Parmi les commentaires médiévaux, le seul réellement utilisé aujourd'hui est celui de S. Thomas d'Aquin: 64 Sancti Thomae de Aquino, Sententia libri ethicorum, cura et studio fratrum praedicatorum [L. J. Bataillon, R. Gallet, R. A. Gauthier,

M. Gills, B. Guyot, A. M. Kenzler, M. Perrier, J. Peters], coll. jussu Leonis XIII edita » (édition Léonine) 47, Roma mes avec des indices.

« Opera omnia

1969, p. 275+683, 2 volu-

Commentaires modernes généralement utilisés. Éthique à Nicomaque.

65 A. Grant (édit.), The Ethics of Aristotle. Ilustrated

with essays and notes by A. G., London 1857, « fourth edition revised» London 1885, réimprimé dans la coll. « Philosophy of Plato and Aristotle », New York 1973, XXXV+357+LXXX VIII p., contient le texte grec et de copieux indices; 66 G. Ramsauer

(édit.), Aristotelis Ethica Nicomachea,

edidit et commentario

continuo instruxit G. R., Leipzig 1878, VIII-740 p., avec le texte grec ; 67 J. A. Stewart, Notes on the Nicomachean Ethics of Aristotle, Oxford 1892, 2 volumes, X1145394-475 p. ; 68 J. Burnet (édit.), The Ethics of Aristotle. Edited with an introduction and notes by J. B., London 1900, L11-502 p., avec le texte grec et des indices; 69 H. H. Joachim, Aristotle. The Nicomachean Ethics. A commentary

by the late H.H. J. edited by D. A. Rees, Oxford 1951, VHI-304 p. ; Dirlmeier 20; Gauthier et Jolif 13, t. II; Apostle 17; Irwin 18; Bien 21; Zanatta 24;70 F.H. Eterovich, Aristotle's Nicomachean Ethics. Commentary and Analysis,

Washington 1980, XXIX-301 p. Commentaires à des livres particuliers: 71 J. Souilhé et G. Cruchon (trad.), Aristote : l'Éthique Nicomachéenne. Livres 1 et II. Traduction et commentaire

par J. S. et G.C., coll. « Archives de Philosophie» 7, 1929, Cahier 1 (et unique), Paris 1929, V-248 p. ; 72 H. Jackson (édit.), Περὶ δικαιοσύνης. The fifth book of the Nicomachean Ethics of Aristotle, Cambridge 1879, «Philosophy of Plato and Aristotle», New York 1973, édition critique du livre V, une traduction, des indices et 73 R. Laurenti (trad.), Aristotele. Il libro della giustizia

réimprimé dans la coll. VH-125 p., contient une une ample introduction ; (Etica Nicomachea V).

A cura di R.L., Bari s.d., 233 p.; contient une ample introduction, la traduction italienne de E. N. V et de M. M.

I 33, des notes et un sommaire. 74 L. H. G.

Greenwood (édit.), Aristotle. Nicomachean Ethics book six. With essays, notes and translation, Cambridge 1909, réimprimé dans la coll. «Philosophy of Plato and Aristotle », New York 1973, v1-214 p. ; contient une édition critique du livre VI, une traduction, des indices, une ample introduction et des notes.; 75 M. Pakaluk, Nícomachean Ethics: Books VIII and IX, coll. «Clarendon Aristotle

184

ARISTOTE DE STAGIRE

Series», Oxford 1998, 239 p.; 76 G. Rodier (trad.), Aristote. Éthique à Nicomaque livre X. Avec introduction et éclarcissements par G. R., Paris 1897, 151 p. ; l' Introduction a été réimprimée dans 77 G. Rodier, Études de philosophie grecque. Socrate, Antisthene, Platon, Aristote, les Stoiciens, Plotin. Préface d’E.

Gilson, coll. « Bibliothèque d'histoire de la philosophie » Paris 1926 ; troisième édition: Paris 1969, X-354 p. ; 78 M. Van Straaten et G.J. de Vries, «Notes on the VIII and IX'^ books on Aristotle's Nicomachean Ethics», Mnemosyne 13, 1960, p. 193-228; 79 R. Laurenti (trad.), Aristotele. I libri sull’amicizia, coll.

«Skepsis» 4, Napoli 1987, 189 p. ; 80 T. B. Eriksen, Bios theoretikos. Notes on NE X 6-8, Oslo 1976, 272 p. Éthique à Eudéme. Dirlmeier 33. Voir aussi les actes du V* Symposium Aristotelicum consacré à l'E. E.: Moraux et Harlfinger 8; 81 A. von Fragstein,

Studien zur Ethik des Aristoteles, Amsterdam 1974, 475 p. (qui écrit : “Vielleicht hätte ich die vorliegende Schrift ‘ergänzenden Kommentar zur E. E.' nennen kónnen"). Voir enfin Woods 36. Magna Moralia. Dirlmeier 42; Donini 54 (commente texte des M. M.).

la quasi-totalité du

Les principales études contemporaines sur la pensée éthique d'Aristote. L'éthique d'Aristote est l'un des rares domaines de la pensée antique qui ne soient pas étudiés uniquement pour leur intérét purement historique, mais qui sont encore considérés aujourd'hui comme d'actualité par les différents courants de la philosophie contemporaine. Méme le lecteur animé exclusivement par des intéréts philologiques doit tenir compte de cet élément: c'est ce qui explique

pourquoi encore aujourd'hui l'éthique d'Aristote est l'un des domaines oü l'on publie le plus et pourquoi de nombreux auteurs abordent Aristote comme s'il était un de nos contemporains.

En général, la revalorisation actuelle de la pensée éthique d' Aristote se fonde sur la distinction entre la méthode des sciences théorétiques et celle du savoir pratique. Dans le monde germanique, plusieurs auteurs ont proposé une mise en

valeur de la philosophie pratique d' Aristote comme méthode propre à l'éthique en opposition à la tradition de la sociologie weberienne et au principe méthodologique de la distinction entre jugements de faits et jugements de valeur, ou bien

en opposition au formalisme de la morale kantienne. Cette conception a trouvé des partisans également dans la philosophie italienne contemporaine.

Dans le

monde anglo-saxon en revanche, l'éthique d'Aristote, traditionnellement beaucoup étudiée, est considérée comme la position la plus importante pouvant s'opposer aux tentatives de réduction du raisonnement pratique individuel à la verification d'une connexion causale et à la réduction de l'action humaine à un événement naturel ; de plus, depuis l'effondrement de la conception exclusivement méthodologique de l'éthique, Aristote, dans les pays anglo-saxons, est considéré comme l'une des principales autorités sur les thémes d'éthique matérielle comme l'amitié, la justice, les vertus, le rapport entre esprit et le corps. Les études d'orientation philosophique signalées dans les pages qui suivent s'intéressent presque toutes à la seule E. N., avec des références occasionnelles à l'E. E.

LES ETHIQUES - TRADITION GRECQUE

185

Bibliographie générale sur l'éthique d’Aristote dans Dirlmeier 20, p. 255264 ; Dirlmeier 33, p. 112-127; Dirlmeier 42, p. 115-118 (contient une histoire des études consacrées aux trois Éthiques aristoteliciennes du XIX° s. jusqu'aux années '60) ; Gauthier et Jolif 13, t. I, p. 315-334, et t. II/2, p. 917-940 (bibliographie critique avec parfois des formules très sévères) ; une excellente biblio-

graphie raisonnée comprenant 253 titres a été publiée par 82 J. Barnes, M. Schofield, R. Sorabji (édit.), Articles on Aristotle. 2: Ethics and politics, London

1977, p. 219-233. Sur l' E. N. en général, voir 83 R. Loening, Die Zurechnungslehre des Aristoteles, Jena 1903, réimpr. Hidelsheim 1967, p. 1-245; 84 R. A. Gauthier, La morale d'Aristote, coll. «Sup. — Le philosophe » 34, Paris 1958 ; troisieme édition revue et corrigée 1973, 138 p. ; Stark 48; 85 W.F.R. Hardie, Aristorle's ethical theory, Oxford 1968; «second edition» Oxford 1980, XII-448 p. ; 86 J. Montoya et J. Conill, Aristöteles. Sabiduría y felicidad, Madrid 1985 (je n'ai pu voir cet ouvrage); 87 M. C. Nussbaum, The fragility of goodness. Luck

and ethics in Greek tragedy and philosophy. coll. « Cambridge paperback library », Cambridge 1986, p. 235-394; 88 J.O. Urmson, Aristotle's Erhics, London 1988, VIH-130 p. ; 89 M. Vegetti, L'etica degli antichi, coll. « Manuali Laterza» 4, Roma/Bari 1989 (l'éthique d'Aristote est discutée aux p. 159-217);90 M.

Heidegger, Platon. Sophistes, Vorlesung Wintersemester 1924-5, coll. « Martin Heidegger Gesamtausgabe » II. Abteilung. Band 19, Frankfurt/M. 1992, (l'éthique d' Aristote est discutée aux p. 21-189); 91 E. Berti, Aristotele nel Novecento, coll. « Universale Laterza» 741, Roma/Bari 1992 (l'éthique d' Aristote est discutée aux p. 186-245); 92 J. Annas, The Morality of Happiness, New York/Oxford 1993, 502 p. Il existe plusieurs recueils d'études sur l'éthique d'Aristote: la plus importante est celle de Barnes et al. (édit.) 82 (contient des études fondamentales de

divers auteurs, en anglais ou traduites en anglais); voir également 93 F. P. Hager (édit.), Ethik und Politik des Aristoteles, coll. «Wege der Forschung » 208, Darmstadt

1972, XXXIil-442 p. ; 94 A.O.

Rorty (édit.), Essays on Aristotle’s

ethics, coll. «Major Thinkers Series» 2, Berkeley 1980, v11I-438 p. (recueil présenté comme ‘a sequel' de 82) ; 95 C. Müller-Goldingen (édit.), Schriften zur aristotelischen Ethik, coll. «Olms Studien » 7, Hildesheim

1988 p. Xv111-482

(études de caractére principalement philologique présentées en réimpression anastatique) ; on trouve quelques études intéressantes parmi les conférences données sur l'£. N. qui ont été rassemblées par 96 A. Alberti (édit.), Studi sull'etica

di Aristotele, coll. «Elenchos» 19, Napoli 1990, 329 p. ; voir aussi 97 J.P. Anton et A. Preus, Essays in ancient Greek Philosophy IV: Aristotle's Ethics, New York 1991, 283 p. Mais les recherches les plus importantes sont celles qui sont consacrées à des thémes particuliers. Outre plusieurs études contenues dans les recueils cités pré-

cédemment, nous citerons quelques études importantes qui portent sur des sujets précis.

186

ARISTOTE DE STAGIRE

Les questions de méthode, comme il a été dit plus haut, constituent le point central des tentatives modernes de revalorisation de l'éthique d' Aristote. Concernant la méthode propre à l'éthique, le concept de "philosophie pratique" et le recours aux opinions autorisées comme critére de valeur éthique, voir 98 A. Arendt, The human condition, Chicago 1958 (traduction italienne : Milano

1964, cinquième édition : 1989), 406 p., chap. V ; 99 H.G. Gadamer, Wahrheit und Methode. Grundzüge einer philosophischen Hermeneutik, 15 partie, chap. II,

2 b: Die hermeneutische Aktualiät des Aristoteles, Tübingen 1960 «dritte, erweiterte Auflage» Tübingen 1972, p. 295-307 (traduction italienne: Milano 1972, sixième édition: Milano 1989 ; c'est à partir de ce passage que s'est développée principalement la "réhabilitation" de la philosophie pratique aristotélicienne dans la pensée allemande moderne) ; 100 O. Hóffe, Praktische Philo-

sophie. Das Modell des Aristoteles, coll. «Epimeleia. Beiträge zur Philosophie » 18, München/Salzburg 1971, 208 p.; 101 R. Bubner, Handlung, Sprache und Vernunft. Grundbegriffe praktischer Philosophie, Frankfurt a/M. 1976 ; «Neu-

ausgabe mit einem Anhang » Frankfurt a/M. 1982, p. 295 (traduction italienne Bologna 1985); 102 J. Barnes, « Aristotle and the method of ethics», R/Ph 34,

1980, p. 490-511 (a été à l'origine d'une importante discussion, cf. Irwin 104, Natali 111, Müller-Goldingen 112); 103 F. Volpi, La rinascita della filosofia pratica in Germania, dans C. Pacchiani (édit.), Filosofia pratica e scienza poli-

tica, coll. « Progetto» 3, Abano Terme (Padova) 1980, p. 11-97 (panorama des études récentes qui prend également en considération les études d'auteurs américains) ; 104 T. Irwin, «Aristotle's method of ethics », dans D.J. O'Meara (édit.),

Studies in Aristotle, coll. «Studies in philosophy and the history of philosophy» 9, Washington 1981, p. 193-223; en ce qui concerne Macintyre 139 voir plus loin; sur sa perspective “néoaristotélicienne”, voir 105 A. Madigan, «Plato, Aristotle and professor Macintyre », AncPhil 3, 1983, p. 171-183, et 106 A. A. Long, « Greek ethics after MacIntyre and the Stoic community of reason», AncPhil 3, 1983, p. 184-199 ; 107 L. Cortella, Aristorele e la razionalità della prassi. Una analisi del dibattitto sulla filosofia pratica aristotelica in Germania,

coll. «Materiali e ricerche. Nuova serie» 1, Roma 1987, 94 p. (panorama des études récentes dans le monde germanique) ; 108 G. Giorgini, « Esiste un neoaristotelismo anglosassone ? », dans E. Berti et L. M. Napolitano Valditara (édit.), Erica, politica, retorica. Studi su Aristotele e la sua presenza nell'età moderna, coll. «Methodos » 17, L'Aquila 1989, p. 271-297 (panorama des études récentes principalement américaines) ; 109 E. Berti, Le ragioni di Aristotele, coll.

« Quadrante » 21, Roma/Bari

1989, p. 113-152; 110 F. Volpi, «Tra Aristo-

tele e Kant : orizzonti, prospettive e limiti del dibattito sulla 'riabilitazione della filosofia pratica' », dans C. A. Viano (édit.), Teorie etiche contemporanee, Torino 1990, p. 128-148 (révision de Volpi 103) ; 111 C. Natali, « Fino a che

punto rispettare le opinioni in etica: Aristotele e gli endoxa», dans N. De Domenico, A. Escher Di Stefano, G. Puglisi (édit.), Ermeneutica e filosofia pratica. Atti del Convegno Internazionale (Catania 8-10 ottobre 1987), coll. « Kronos » 4, Venezia 1990, p. 191-201 ; 112 C. Müller-Goldingen, « Aristoteles

LES ETHIQUES - TRADITION GRECQUE

187

über die Methode der Ethik (E. E. 1 3 und 6)», dans P. Steinmetz (édit.), Beiträge zur hellenistischen Literatur und ihrer Rezeption in Rom, coll. « Palingenesia. Monographien und Texte zur klassischen Altertumswissenschaft » 28, Stuttgart

1990, p. 9-26 ; 113 F. Volpi, «"Sein und Zeit": Homologien zur "Nikomachischen Ethik"», PhilosJb 96, 1989, p. 225-40 ; 114 S. Broadie, Ethics with Aristotle, New York/Oxford 1991, 462 p. Dans les cercles "analytiques" la réinterprétation du concept de 'syllogisme pratique” proposée par Anscombe a connu beaucoup de succès; une intense discussion s'est également déployée autour du probléme de la phronesis, pour savoir si elle était en mesure seulement de calculer les fins ou si elle pouvait également connaitre les moyens. Pour les concepts de sagesse, raisonnement pratique, syllogisme pratique, voir 115 Ὁ... Allan, « The practical syllogism», dans Autour d'Aristote, (Mélanges Mansion), coll. « Bibliothèque philosophique de Louvain»

16, Louvain 1955, p. 325-340; 116 G. E. M. Anscombe, Intention,

Oxford 1957, deuxiéme édition Oxford 1985, X1-94 p. (ouvrage qui a fait date dans le débat philosophique en langue anglaise en signalant l'importance de la notion aristotélicienne de 'syllogisme pratique”); 117 T. Ando, Aristotle's theory of practical cognition, The Hague

1958; troisiéme édition The Hague

1971,

XIV-281 p. ; 118 P. Aubenque, La prudence chez Aristote, coll. « Bibliothèque de philosophie contemporaine», Paris 1963 ; deuxième édition Paris 1976, 192 p. (souligne

l'aspect

'tragique'

de l'éthique

aristotélicienne); 119

A.

Kenny,

«Practical inference », Analysis 26, 1965-1966, p. 65-75 ; 120 /d., « The practical syllogism and incontinence», Phronesis 11, 1966, p. 163-184; 121 S.H. Etheridge, «Practical syllogism and necessity », Philologus 112, 1968, p. 20-42; 122 J. D. Monan, Moral knowledge and its methodology

in Aristotle, Oxford

1968, X V1-163 p. ; 123 G. Santas, « Aristotle on Practical Inference, the Explanation of Action, and Akrasia», Phronesis 14, 1969, p. 162-189; 124 J. M. Cooper, Reason and human good in Aristotle, Cambridge (Mass.)/London 1975, XIV192 p. (s'intéresse également à la notion de bonheur); 125 P.L. Donini, «Incontinenza e sillogismo pratico nell' "Etica Nicomachea" », RSF 20, 1977, p. 174-194 ; 126 A. W. Müller, Praktisches Folgern und Selbstgestaltung nach

Aristoteles, coll. «Praktische Philosophie» 14, Freiburg/München 1982, 368 p. ; 127 C. Natali, La saggezza di Aristotele, coll. «Elenchos. Collana di testi e studi sul pensiero antico » 16, Napoli 1989, 367 p. (traduction anglaise révisée et mise

à jour: The wisdom of Aristotle, New York 2001, coll. «SUNY Series in ancient philosophy », 259 p. ; s'intéresse également aux notions de vertu et de bonheur); 128 P. Schollmeier, « Aristotle on Practical Wisdom», ZPhF, 43, 1989, p. 124132; 129 E. Berti, «Phronesis et science politique », dans P. Aubenque et A. Tordesillas (édit.), Aristote Politique, Paris 1993, p. 435-439; 130 J. Y. Chateau (édit.), La vérité pratique. Éthique à Nicomaque, Livre VI, coll.

«Tradition de la pensée classique », Paris 1997, 376 p; 131 C. D. C. Reeve, Practices of reason: Aristotle's Nicomachean Ethics, Oxford 1992, 439 p.; 132 R. Elm, Klugheit und Erfahrung bei Aristoteles, Paderborn 1996, 303 p.;

188

ARISTOTE DE STAGIRE

133 P. Gochet, Le syllogisme pratique d’Aristote, dans A. Motte et J. Denooz (édit.), Aristotelica secunda.

Mélanges Rutten, Liège 1996, p. 117-129.

L'anthropologie d' Aristote et sa doctrine de la vertu sont étudiées aujourd'hui avec un renouveau d'intérét; la théorie du juste milieu en revanche est moins appréciée par les philosophes contemporains. Pour l'anthropologie d'Aristote et les concepts d'émotions, caractère, vertu et juste milieu, également par rapport à Platon, voir 134 H. J. Krámer, Arete bei Platon und Aristoteles. Zum Wesen und zur Geschichte der platonischen Ontologie, coll.

« Abhandlungen der Heidelber-

ger Akademie der Wissenschaften, philosophisch-historische Klasse» 1959, n° 6, Heidelberg 1959 ; deuxième édition Amsterdam 1967. 600 p. (l'ouvrage qui a donné naissance à I'"École de Tübingen"); 135 T. Tracy, Physiological theory and the doctrine of the mean in Plato and Aristorle, coll. «Studies

in

philosophy » 17, The Hague/Paris 1969, 396 p. (sur l'arriére-plan médical des doctrines éthiques); 136 J. O. Urmson, « Aristotle's Doctrine of the Mean», APhQ 10, 1973, p. 223-230 ; 137 W. W. Fortenbaugh, Aristotle on emotion. A contribution to philosophical psychology, rhetoric, poetics, politics and ethics,

London

1975, 101 p.; 138 S.R. L. Clark, Aristotle's man. Speculations upon

Aristotelian anthropology, Oxford 1975, X-240 p. (étude d'un caractère très personnel); 139 A. MacIntyre, After virtue. A study in moral theory, London 1981,

p. 114-209 (sur cette étude, voir Madigan 140 F. Wehrli,

105, Long 106, Giorgini 108) ;

«Die aristotelische Anthropologie zwischen

Platonismus

und

Sophistik », MH 39, 1982, p. 179-205; 141 D.5. Hutchinson, The virtues of Aristotle, London/ New York 1986, X-139 p.; 142 U. Wolf, «Über den Sinn der aristotelische Mesoteslehre », Phronesis 32, 1988, p. 54-75; voir aussi plus loin Kraut

165; 143 S. Ὁ. Stalkever, Finding

the mean.

Theory and practice in

aristotelian political philosophy. coll. «Studies in moral, political and legal philosophy », Princeton 1990, X-287 p. ; 144 G. Verbeke, Moral education in Aristotle, Washington

1990, X11-243 p. (un recueil d'articles) : 145 S. Gastaldi,

Aristotele e la politica delle passioni. Retorica, psicologia ed etica dei comportamenti passionali, coll. «Biblioteca storico-filosofica» Torino 1990, 144 p. Le concept aristotélicien de justice a été étudié soit en rapport avec l'arriéreplan historique et institutionnel, soit en opposition aux concepts formalistes de justice à l'époque moderne. Voir entre autres: 146 M. Salomon, Der Begriff der Gerechtigkeit bei Aristoteles. Nebst einem Anhang über den Begriff der Tauschgeschaftes, Leiden

1937, réimpr. dans

la coll.

« Morals and

law

in ancient

Greece », New York 1979, 168 p.; 147 M. Hamburger. Morals and law. The growth of Aristotle's moral theory, Newhaven (Conn.) 1951; «new edition » New York 1971, 230 p.; 148 A. R. W. Harrison, « Aristotle's Nicomachean Ethics, book V, and the law of Athens», JHS 77, 1957, p. 42-47; 149 R. Bambo-

rough, « Aristotle's justice, a paradigm of philosophy », dans R. Bamborough (édit.), New essays on Plato and Aristotle, coll.

« International Library on philo-

sophy and scientific method», London/New York 1965 ; réimpr. 1979, p. 159174; 150 H. Kelsen, « Aristotle's doctrine of justice », dans J. J Walsh et H.L.

LES ETHIQUES - TRADITION GRECQUE

189

Shapiro (édit.), Aristotle's Ethics. Issues and interpretations, Belmont (California) 1967, p. 102-119.

Plusieurs études ont été consacrées au concept d'amitié, autant du point de vue historique que du point de vue systématique: voir Hamburger 147, p. 112151; 151 A. W.H. Adkins, « ‘Friendship’ and ‘selfsufficiency’ in Homer and

Aristotle' », CQ 13, 1963, p. 30-45; 152 J.-C. Fraisse, Philia. La notion d'amitié dans la philosophie antique, coll. «Université de Paris IV », Paris 1974, p. 189286; 153 J. Annas, «Plato and Aristotle on friendship and altruism », Mind 86, 1977, p. 532-554 ; 154 E. Berti, « Amicizia e "focal meaning" », dans A. Alberti et ΚΕ. Sharples (édit.), Aspasius : The Earliest Extant Commentary on Aristoile's Ethics, Berlin/New York 1999, p. 176-190. Ont été beaucoup discutés les concepts de bien de l'homme et de bonheur. En ce qui concerne le premier terme, divers philosophes anglo-saxons ont cherché à

donner une formalisation logique des démonstrations du bien supréme faites par Aristote dans le premier livre de l'E. N. ; en ce qui concerne le second concept,

on a beaucoup discuté pour savoir si la vie heureuse pour Aristote, le bios theoretikos, comprenait également un exercice complet des vertus morales; voir entre autres 155, J. Leonard, Le bonheur chez Aristote, « Académie royale de

Belgique. Mémoires», Classe de Lettres, 1948 44/1, Bruxelles 1948, 224 p. ; 156 B. A. O. Williams, « Aristotle on the good. A formal sketch», PhilosQ 12, 1962, p. 289-296 (tentative de formalisation des arguments du premier livre de l'E. N.; a suscité un vif débat); 157 W. F. R. Hardie, «The final good in Aristotle's Ethics », Philosophy 40, 1965, p. 277-295; 158 J. Vanier, Le bonheur.

Principe et fin de la morale aristotélicienne, coll. « Textes et études philosophiques », Paris/Bruges 1965, 498 p.; 159 C.A. Kirwan, «Logic and the good in Aristotle », PhilosQ 17, 1967, p. 97-114 ; 160 W.F.R. Hardie, « Aristotle on the best life for a man», Philosophy 54, 1979, p. 35-50; 161 R. Kraut, «Two

conceptions of happiness », PAR 88, 1977, p. 167-197 (étude importante pour la comparaison avec les conceptions modernes du bonheur); 162 K. Jacobi, « Aristoteles’ Einführung des Begriffes εὐδαιμονία im I. Buch der "Nikomachischen Ethik"», PhilosJb 86, 1979, p. 300-325 ; 163 G. Seel, « Wert und Wertrangordnung in der aristotelischen Güterlehre. Zu EN I 1, 1094a1-26», AGPh 63, 1981, p. 253-288 ; 164 J.-E. Pleines, Eudaimonia zwischen Kant und Aristo-

teles. Glückseligkeit als hóchstes menschlichen Handelns, Würzburg 1984, 188 p. ; 165 R. Kraut, Aristorle on the human good, Princeton 1989, X1I-379 p. La notion de plaisir a attiré une attention comparativement moins importante ; voir 166 A.J. Festugiere (édit.), Aristote. Le Plaisir (Eth. Nic. VII 11-14, X 1-5).

Introduction, traduction et notes par A. J. F., coll. «Bibliothèque des textes philosophiques », Paris 1936, LXXVI-48 p.; 167 G. E. L. Owen, « Aristotelian pleasures», PAS 72,

Nicomachischen

1971-1972, p. 135-152;

168 F. Ricken, Der Lustbegriff in der

Ethik des Aristoteles, coll. «Hypomnemata » 46, Góttingen

1976, 168 p. : 169 J. C. B. Gosling et C. C. W. Taylor, The Greeks on pleasure, Oxford 1982, p. 193-344 (la recherche la plus ample et la mieux articulée); 170 R. Laurenti (édit.), Aristotele. Scritti sul piacere, coll. « Aestetica» 26,

190

ARISTOTE DE STAGIRE

Palermo 1989, 221 p. (traduction italienne et commentaire de tous les passages du corpus aristotelicum consacrés au plaisir); 171 P. Cosenza et R. Laurenti, // piacere nella filosofia greca, coll. «Skepsis» 7, Napoli 1993 (les textes d' Aristote son commentés aux p. 188-246) ; 172 E. Berti, « Il dibattito sul piacere nell' Accademia antica », dans L. Montoneri (édit.), / filosofi greci e il piacere, coll. «Biblioteca di cultura moderna» 1068, Roma/Bari 1994, p. 135-158;

173 C. Natali, «Le plaisir dans l'"Éthique à Nicomaque" », dans M. Dixsaut et F. Teisserenc (édit.), La félure du plaisir. Études sur le Philébe de Platon, 2: Contextes, coll. « Tradition de la pensée classique », Paris 1999, p. 129-148. La discussion sur les concepts d'action, de volonté et de faiblesse de volonté est conduite presque toujours en étroite relation avec les recherches contemporaines des philosophes analytiques sur la question: 174 1.1. Walsh, Aristotle's conception of moral weakness; New York/London 1963, 199 p.; Kenny 119; Santas 123; 175 J.L. Ackrill, «Aristotle on action », Mind 87, 1978, p. 595-601 ;

176 A. Kenny, Aristotle's theory of the will, London 1979, X-181 p. (examine la philosophie d'Aristote où serait absente la notion moderne de volonté); 177 R. Sorabji, Necessity, cause and blame. Perspectives on Aristotle's theory, Ithaca/ London 1980, 326 p.; 178 N.O. Dahl, Practical reason, Aristotle and the weak-

ness of the will, coll. « Minnesota publications in the humanities » 4, Minneapolis 1984, X11-303 p. (ample panorama de toutes les discussions précédentes sur ce thème) ; 179 D. Charles, Aristotle's philosophy of action, London

1984, X11-282

p. (Aristote comme solution possible aux impasses de la philosophie analytique contemporaine sur le théme de l'action) ; 180 P.L. Donini, Erhos. Aristotele e il determinismo, coll. « Culture antiche. Studi e testi » 2, Alessandria 1989, 155 p. ; 181 C. Natali, « Azioni e movimenti in Aristotele», dans A. Alberti (édit.), Realtà e ragione. Studi di filosofia antica, coll. «Studi» 190, Firenze 1994, p. 159-184; 182 C. Natali, «Responsabilità e determinismo nell'etica aristotelica», dans M. Migliori (édit.), // dibattito etico e politico in Grecia tra il V e il IV secolo, Napoli 2000, p. 481-510.

Pour la critique formulée par Aristote à l'endroit de Platon et de ses prédécesseurs voir 183 D. J. Allan, «Aristotle's criticism of platonic doctrine concerning goodness and the good », PAS 64, 1963-1964, p. 273-286; Krümer

Berti, «Unité et multiplicité du bien selon E. E.

134; 184 E.

18», dans Moraux et Harlfinger

8, p. 157-184, (version italienne dans 185 E. Berti, Studi aristotelici, coll.

« Me-

thodos» 7, L'Aquila 1975, p. 159-180); 186 W. W. Fortenbaugh, « Nicomachean Ethics I, 1096b 26-29», Phronesis 11, 1966, p. 185-194. Pour les Magna Moralia cetie notice a mis à contribution une bibliographie antérieurement

préparée par André Wartelle. CARLO NATALI.

LES ETHIQUES. TRADITION SYRIAQUE ET ARABE 1. La tradition syriaque

On n'a l'Éthique l'absence ancienne.

pas connaissance de l'existence d'une traduction syriaque complete de à Nicomaque (désormais E.N.) avant le 1X° s.: ceci pourrait expliquer apparente de références à l'œuvre dans la littérature syriaque plus Selon le bibliographe arabe Ibn al-Nadim (mort en 995), « Abü Zaka-

riyyä (Yahyä Ibn 'Ádi) possédait certains livres (de l' EN), de la main d’Ishäq ibn Hunayn, avec le commentaire de Thémistius, lesquels étaient sortis (?) en syria-

que» (Kitäb al-fihrist, ed. G. Flügel, Leipzig 1872, p. 252, 3-4): on ne sait cependant pas clairement qui les avait traduits en cette langue. 1 A. Badawi, La transmission de la philosophie grecque au monde arabe, coll. « Études de philosophie médiévale » 56, 2* édition, Paris 1987, p. 98-99, déduit de ce passage

qu'Ishaq ibn Hunayn avait traduit une partie de !'EN en syriaque, en méme temps qu'un commentaire de Thémistius qui ne nous est pas autrement connu.

En tout cas, l'unique trace jusqu'à présent identifiée de l'EN dans la tradition syriaque médiévale est représentée par une citation correspondant à E.N. 1130a 5-10 et 1131a2-9, incluse dans la Crème de la science (Hewat Hekmtä),

l'encyclopédie philosophique de Grégoire (Jean) Bar-Hebraeus (1225-1286), publiée et étudiée dans 2 M. Zonta, «Structure and sources of Bar-Hebraeus's

"Practical philosophy" in "The cream of science" », dans R. Lavenant (édit.), Symposium Syriacum VII, coll. « Orientalia Christiana Analecta», 256, Roma 1998, p. 279-292. Il est cependant trés probable que cette citation n'a pas été

directement tirée du texte complet de ᾿ΕΝ, mais de la version syriaque perdue de la Summa Alexandrinorum (v. infra).

Quant aux autres écrits éthiques d' Aristote, il semble que n'aient été traduits en syriaque que les passages des Magna Moralia insérés dans un remaniement

du De virtutibus et vitiis pseudo-aristotélicien (voir la notice « Le traité pseudoaristotélicien De virtutibus et vitiis» dans le présent Supplément), qui n'est connu que gráce à deux versions arabes (éditées dans 3 M. Kellermann, Ein pseudo-aristotelischer Traktat über die Tugend. Edition und Übersetzung der arabischen Fassungen des Abü Qurra und des Ibn at-Tayyib, Diss. Erlangen 1965), et, précisément, à une version

syriaque, dont le texte n'a été découvert

qu'à date récente par S. Brock (cf. Zonta 2, p. 292). 2. La tradition arabe en général Le témoignage le plus ancien sur la connaissance des Éthiques d'Aristote dans le monde arabe remonte à al-Kindi (m. 866), qui, dans sa Lettre sur le nom-

bre des livres d'Aristote (Risála Fi kammiyyat kutub Aristä) affirme, à propos des écrits éthiques du Stagirite: «Parmi eux figurent son grand ouvrage sur l'éthique, dédié à son fils Nicomaque, qui s'appelle Éthique à Nicomaque et est composé de onze livres ; un autre (ouvrage), qui comporte un nombre de livres

ARISTOTE DE STAGIRE

192

moins élevé, et qui, pour le contenu, est semblable à l'Éthique à Nicomaque ; et enfin un ouvrage adressé à l'un de ses compagnons » (M. Guidi et R. Walzer, «Studi su al-Kindi, I. Uno scritto introduttivo allo studio di Aristotele», MAL s. VI, v. 6, 1940, p. 383 et 393). Il n'est pas difficile de reconnaître dans les trois

œuvres en question l' EN, les Magna Moralia et l’Ethigue à Eudéme ; toutefois, il est probable que la description d'al-Kindi ne remonte pas à une lecture directe de ces cuvres, mais à des renseignements fournis par une source intermédiaire grecque. De toute façon, dans la tradition arabe et médiévale, l’Éthique à Eude-

me et les Magna Moralia semblent n'avoir joué qu'un róle presque insignifiant : en effet, bien que ces écrits ne soient pas restés complétement inconnus des bibliographes arabes (v. infra), cela ne veut pas dire qu'il en ait jamais existé des versions arabes complètes. En revanche, le rôle joué par l' EN est beaucoup plus important: voir à cet égard le cadre historique tracé par 4 R. A. Gauthier in Aristote, L'Éthique à Nicomaque, introd., trad. et commentaire par R. A. G. et J.-

Y. Jolif, t. I, Louvain/Paris 1970, p. 107-111, et la bibliographie sommaire offerte par 5 G. Endress, «Die wissenschaftliche Literatur», dans W. Fischer (édit.), Grundriss der arabischen Philologie, ΠῚ, Wiesbaden 1992, p. 40, n. 102103. 3. L'EN dans la tradition arabe directe

Le principal probléme que pose le témoignage d'al-Kindi cité plus haut est constitué par la subdivision de l'EN en onze livres (un de plus par rapport à ceux que connait la tradition grecque). Le témoignage d’al-Kindi doit cependant étre confronté à celui d'Ibn al-Nadim, qui déclare, à propos de l'EN: «Porphyre a commenté cet ouvrage, douze livres; Ishäq ibn Hunayn l’a traduit (en arabe)» (Kitäb al-fihrist, ed. G. Flügel, p. 252, 2). La référence à « douze livres» n'est

absolument pas claire. Selon 6 M. Steinschneider, Die arabischen Übersetzungen aus dem Griechischen, Graz 1960 [réimpression de quatre articles publiés entre 1889 et 1896], p. 107-109, et 7 F. E. Peters, Aristoteles Arabus. The Orien-

tal translations and commentaries on the Aristotelian Corpus, coll. « Monographs on Mediterranean Antiquity » 2, Leiden 1968, p. 52 n. 7, le nombre douze pourrait s'expliquer soit par une subdivision différente du matériel contenu dans le texte grec des dix livres de l'EN, soit par l'ajout à ces derniers des deux livres des Magna

Moralia.

A l'appui de cette seconde

hypothèse,

Peters rapporte

l'affirmation du bibliographe arabe Haggi Halifa (XVII* s.), selon lequel l'éthique d' Aristote se composerait de deux parties, deux livres de «grands traités » - les Magna Moralia ? — et huit livres d'une «petite éthique» — l'EN ?- pour un total de douze (sic) livres. Ibn al-Nadim est en tout cas le premier à faire connaitre l'existence d'une version arabe complète de I’ EN, œuvre d'Ishàq ibn Hunayn (m. 910): l'existence d'une seconde traduction arabe, que Gauthier 4, p. 108, voudrait attribuer à Abü al-Hayr al-Hasan ibn Suwar (m. après 1017), n'est pas effectivement prouvée. Il y a pourtant le témoignage d’al-Färäbi (870-950), qui, d'une part, dans son Harmonie entre les opinions des sages Platon et Aristote (Risálat al-Zam' bayna

LES ETHIQUES - TRADITION SYRIAQUE ET ARABE

193

ra'yay al-hakimayn Aflatün al-Ilàhi wa-Aristütalis) fait non seulement référence

à un commentaire de Porphyre sur l'EN, mais aussi cite explicitement deux passages de l'œuvre d' Aristote et déclare avoir tiré l’un d'eux d'une « petite Nicomaquéenne » qui n'est pas mieux spécifiée ; mais qui, d'autre part, dans un écrit de lui qui n'est conservé que par une traduction latine médiévale (8 D. Salman, «The

Medieval

Latin translations of Alfarabi's Works», NSchol

13,

1939,

p. 250) laisse entendre qu'il a eu connaissance d'un texte de [᾿ΕΝ en dix livres, qui correspondent, pour le contenu, aux dix livres de la tradition grecque. Il parait donc vraisemblable qu’al-Färäbi a eu sous les yeux une traduction arabe

différente de celle d'Ishaq ibn Hunayn (cf. sur ce sujet 9 D. M. Dunlop, « Observations on the medieval Arabic version of Aristotle's Nicomachean Ethics», dans Oriente e Occidente nel Medioevo. Filosofia e scienze, coll. « Accademia Nazionale dei Lincei. Convegni» 13, Roma 1971, p. 235), bien qu'on soit encore

loin de savoir ce qu'a pu étre cette traduction. C'est seulement la découverte du texte de la version arabe de [᾿ΕΝ établie par Ishäq ibn Hunayn, découverte due à 10 A. J. Arberry, « The Nicomachean Ethics

in Arabic»,

BSOAS

(correspondant

aux

17, 1955, p. 1-9, pour les livres VIII-XI de l’œuvre livres VII-X

du texte grec), et

à 11 D.

M. Dunlop,

«The

Nicomachean Ethics in Arabic, Books I-VI», Oriens 15, 1962, p. 18-34, pour les

livres I- VI, qui a permis d'avancer une hypothése cohérente pour expliquer l'histoire de la tradition arabe de l’œuvre. Selon cette hypothèse (présentée et discutée dans Dunlop 9, p. 229-250; 12 D. M. Dunlop, «A masterpiece of translation from the School of Hunayn: Aristotle's Nicomachean Ethics», dans Ephram Hunayn Festival, Baghdad 1974, p. 561-588 ; et 13 /d., «The Arabic tradition

of the

Summa

Alexandrinorum»,

AHMA

49,

1982,

p. 260-261),

il

existait déjà en grec une recension de l’EN en onze ou douze livres ; cette recension fut d'abord traduite en syriaque (et c'est peut-être justement à cette occasion qu'elle trouva sa forme définitive: cf. Dunlop 12 p. 573-574), puis du syriaque en arabe. Le traducteur arabe fut, presque à coup sür, Ishaq ibn Hunayn, et non son père Hunayn ibn Ishäq (comme il est indiqué à tort par le bibliographe Ibn al-Qifti: cf. Dunlop 9 p. 232-233; Dunlop 12 p. 585). La «petite Nicomaquéenne » citée par al-Färäbi, de son cóté, ne doit pas étre identifiée à la Summa Alexandrinorum (comme le soutient pourtant Dunlop 9, p. 249), car il ne s'agit pas d'autre chose que d'une désignation de l’EN (và μιχρὰ Νιχομάχεια) courante chez les auteurs grecs de la fin de l'antiquité (Dunlop 13, p. 258-259). C'est à cet endroit que se pose la question de l'origine de cette «recension large» de !' EN: question qui ne peut se résoudre que par le moyen de l'analyse des rares fragments qui subsistent du livre VII ; ce livre se trouvait, dans le texte

arabe, inséré entre les traductions des livres VI et VII du texte original grec. Ces fragments ont été découverts (cf. 14 M. C. Lyons, «A Greek ethical treatise », Oriens 13-14, 1960-1961, p. 37-40) au milieu du texte de la version arabe d'un

compendium éthique attribué à un certain "Nicolas" (que l'on identifie, généralement, avec un Nicolas de Laodicée inconnu) ; mais ils ont été identifiés comme

des parties du livre VII de la version arabe d’Ishäq ibn Hunayn par 15 L. V.

194

ARISTOTE DE STAGIRE

Berman, « A note on the added seventh book of the Nicomachean Ethics in Ara-

bic», JAOS 82 1962, p. 555-556. Effectivernent, puisque ce livre reprend des arguments déjà traités dans la dernière partie du livre III et dans les livres IV-V de !’EN, et puisqu'il repose manifestement sur un original grec, probablement

composé par un auteur néoplatonicien d'époque impériale (cf. Dunlop 9, p. 245250; Dunlop 13, p. 259-260), il ne semble pas trop risqué d'identifier le livre VII de la recension de l’EN traduite en arabe avec une réélaboration du commentaire

perdu de Porphyre aux livres I-VI; et l'on peut supposer que le livre XII de cette recension, si toutefois il a bel et bien existé (Ibn al-Nadim est le seul à témoigner de son existence) a consisté également en un abrégé du commentaire de Por-

phyre aux livres VII-X de l' EN grecque. En particulier, l'affirmation d’Ibn alNadim selon laquelle, en méme temps que l' EN, on aurait aussi traduit en arabe le commentaire de Porphyre sur cet ouvrage, serait confirmée par la découverte

de citations de ce commentaire dans le Livre sur le bonheur et sur le moyen de (se) rendre heureux (Kitäb al-Sa'ada wa-al-is'áàd) de Abü al-Hasan al-‘Amiri (m. 992): cf. 16 A. A. Ghorab, « The Greek commentators on Aristotle quoted in

al-‘Amiri’s "As-sa'ada wa-l-is'ad"» dans S. M. Stern, A. Hourani et V. Brown [édit.], Islamic philosophy and the classical tradition (Festschrift R. Walzer),

Oxford 1972, p. 78-79, et dans les chap. 3-5 de la Correction des mœurs (Tahdib al-ahlàq) d' Ahmad Miskawayh (m. 1030): cf. 17 R. Walzer, « Some aspects of Miskawayh's Tahdib al-ahläq», dans Studi Orientalistici in onore di Giorgio

Levi della Vida, Il, Roma 1956, p. 603-621. Éditions. L'unique édition complète — non critique— des parties retrouvées jusqu'à présent de la version arabe d'Ishaq ibn Hunayn est 18 'A. Badawi (édit.),

Aristütälis, al-Ahläg, targamat Ishäq ibn Hunayn, haqqaqahu ... 'A. B., Kuwayt 1979, 500 p. Badawi publie le texte des livres I-VI et VIII-XI de la version, et reporte en outre le texte arabe des fragments qui subsistent du livre VII (p. 367387) et du compendium attribué à "Nicolas" (p. 394-431). 4. L'E.N. dans la tradition arabe indirecte

Une revue rapide, mais exhaustive des principaux témoignages pertinents (d’al-Färäbi à al-' Amiri, d'Avicenne à Ibn Bàgga, de Miskawayh à Averroes et

Maimonide) se lit dans 19 L. V. Berman, «Le commentaire moyen d'Ibn Rushd sur l'Éthique à Nicomaque dans la littérature hébraïque du Moyen Âge», ArchJuives 13, 1977, p. 20-21; cf. aussi Badawi 18 p. 18-46. 20 M. Fakhry, Ethical theories in Islam, coll. «Islamic philosophy, theology and science» 8, premiere éd., Leiden 1991, p. 65-66, estime que l'éthique péripatéticienne a relativement peu influencé l'éthique islamique médiévale, précisément parce que, filtrée qu'elle était par le commentaire de Porphyre, elle s'est trouvée absorbée et surpassée par l'éthique platonicienne. Plusieurs des principaux philosophes arabes du Moyen Âge ont cependant tiré profit de "᾿ΕΝ: (a) Abü Nasr al-Farabi (870-950). Si, comme on l'a dit, il n'est pas certain

qu’al-Färäbi ait connu la version d'Ishaq ibn Hunayn, il fut certainement l'auteur d'un commentaire sur l' EN (Sarh kitab al-Ahläg li-Aristutälis), ou du moins sur

LES ETHIQUES - TRADITION SYRIAQUE ET ARABE

195

une partie de l' EN. Le texte de ce commentaire, qui s'est trouvé perdu, est cité par de nombreux auteurs arabes médiévaux, d'Ibn Bägga à Ibn Tufayl, d'Averroés à Maimonide : cf. 21 M. Steinschneider, Al-Farabi (Alpharabius) des

arabischen Philosophen Leben und Schriften, Saint-Petersbourg 1869 [réimpr. Amsterdam

1966], p. 60-61

(en général); 22 S. Pines, «La philosophie dans

l'économie du genre humain selon Averroes: une réponse à al-Färäbi ? », dans Multiple Averroes, Paris 1978, p. 189-207 (pour les citations de l’œuvre rapportées par Averroes et Ibn Bágga) ; 23 /d., «The philosophic sources of the Guide of the Perplexed », dans Moses Maimonides, The Guide of the Perplexed, transl. by S. P., Chicago/London 1963, p. LXXIX-LXXXII (discussion sur la citation contenue dans le Guide des égarés de Maimonide) ; Fakhry 20 p. 78-85. Il n'est pas exclu que le commentaire d’al-Färäbi ait même pu être connu d' Albert le Grand, par l'intermédiaire d'une version latine perdue (cf. Salman 8, p. 247-

248); d'autre part, Fakhry 20, p. 79, émet l'hypothése que les Chapitres choisis (Fusul muntaza'a) d’al-Färäbi pourraient justement représenter un recueil d'extraits tirés de ce commentaire. Pour une discussion des diverses interpréta-

tions philosophiques des témoignages qui restent de l’œuvre, avec bibliographie, cf. 24 H. Davidson, « Maimonides on metaphysical knowledge », MaimonStud 3 1992-1993, p. 55-67. En revanche, le texte de la préface d’al-Färäbi à son commentaire sur l'EN (qui correspond probablement à l'écrit désigné par certaines sources arabes comme Sarh sadr kitäb al-Ahláq) est conservé, au moins en partie, aussi bien

dans une traduction latine (cf. Salman 8, p. 250) que dans une traduction en hébreu, probablement faite sur le texte latin, qui est discutée et éditée dans 25 L.

V. Berman, «Ibn Rushd's Middle Commentary on the Nicomachean Ethics in Medieval

Hebrew literature», dans Multiple Averroes, Paris 1978, p. 298-299;

303-304 ; 308-310. (b) Yahyä ibn ‘Adi (873-964). L'utilisation de [᾿ΕΝ dans sa Correction des

mœurs (Tahdib al-ahläg) est étudiée par 26 ΚΗ. Samir, «Le livre II de !’ Éthique à Nicomaque et le Tahdib al-akhläq de Yahyä b. ‘Adi », communication présentée au congrès Commenti a Platone e ad Aristotele in versioni orientali, Napoli 24-26 settembre 1992 [Actes sous presse]. (c) Abu al-Hasan al-'Àmiri (m. 992). L'étude la plus approfondie et la plus à jour sur l'emploi de l' EN par cet auteur est 27 S. Pohl, « Die aristotelische Ethik im Kitab al-Sa'ada wa-l-is'ad », dans G. Endress et R. Kruk (édit.), The ancient tradition in Christian and Islamic Hellenism (Festschrift H. J. Drossaart Lulofs),

Leiden 1997, p. 207-238, oü l'on arrive à la conclusion que al-' Àmiri a connu et utilisé la version d'Ishäq ibn Hunayn. (d) Abu Bakr ibn Bagga (m. 1138). Les nombreuses citations de l' E.N. contenues dans deux écrits de cet auteur, le Régime du solitaire (Tadbir al-muta-

wahhid) et l' Épitre d’adieu (Risala al-wadä'), sont analysées dans Dunlop 9, p. 240-242.

(e) Abü al-Walid ibn Rusd (Averroes, 1126-1198). Du texte arabe du Commentaire moyen (Talhis) d' Averroés sur l' EN, composé en 1177 et qui s'appuie

196

ARISTOTE DE STAGIRE

sur la version d’Ishäg —-à l'exclusion, pourtant, du livre VII, inauthentique (cf. 28 L. V. Berman, «The revised Hebrew translation of Averroes" Middle Commentary on the Nicomachean Ethics», dans A. A. Neuman et S. Zeitlin (édit.),

The seventy-fifth anniversary volume of the Jewish Quarterly Review, Philadelphia 1967, p. 106 n. 4) — il ne reste que quelques fragments, qui ont été publiés et étudiés par 29 L.V. Berman, « Excerpts from the lost Arabic original of Ibn Rushd's Middle Commentary on the Nicomachean Ethics», Oriens 20 1967, p. 31-59. Cependant, il subsiste deux traductions intégrales de cette œuvre : (1) La traduction latine a été rédigée par Hermann l’Allemand en 1240; le texte est publié dans 30 Arístotelis opera cum Averrois commentariis, Frankfurt am Main 1962 (réimpr. de Aristotelis omnia quae exstant Opera, Venetiis 1562), Ill, p. 1A - 160B. Sur le caractère de l’œuvre, cf. 31 G. Lacombe (édit.), Aristoteles Latinus, Codices, Roma 1939, I, p. 110-111; 32 A. Pelzer, «Les versions latines des ouvrages de morale conservés sous le nom d' Aristote en usage au

XIII* siècle», dans Id., Études d'histoire littéraire sur la scolastique médiévale, recueil d'articles mis à jour ... par A. Pattin et E. Van de Vyver, coll. «Philosophes médiévaux » 8, Louvain/Paris 1964, p. 142-147. Pour une liste des mss qui subsistent, cf. 33 J. B. Korolec, «Le commentaire d'Averroes sur l'Éthique à Nicomaque», BullPhilosMed 27, 1985, p. 104-107. Selon le méme Korolec (34 « Mittlerer Kommentar von Averroes zur Nikomachischen Ethik des Aristo-

teles », MedPhilosPolon 31, 1992, p. 61-118, et en particulier p. 67-68), il existerait de la version d'Hermann une versio pura, une versio recognita constituée par une révision accomplie d'aprés une nouvelle collation du texte arabe, ainsi que deux autres rédactions. Dans l'attente d'une édition critique complète de l'œuvre, qu'il s'emploie à préparer, Korolec 34, p. 71-101, offre une édition critique de la versio pura du livre IV. (2) La version hébraique a été rédigée entre 1320 et 1321 par Shemuel ben Yehudah de Marseille (cf. 35 M. Steinschneider, Die hebraeischen Übersetzungen des Mittelalters und die Juden als Dolmetscher, Berlin 1893 [réimpr. Graz

1956], p. 216-218). Sur cette traduction, sur son élaboration textuelle complexe (qui aurait comporté une série de révisions, dont les premières furent menées par le traducteur lui-même d’après le texte arabe) et sur sa fortune dans la littérature

hébraique médiévale, voir en particulier Berman 19; pour une plus ample bibliographie sur cette question, cf. 36 Ph. Rosemann, «Averroes: a catalogue of editions and scholarly writings from 1821 onwards», BuliPhilosMed 30, 1988, p. 181-182, numéros 216-218. Une édition des différentes rédactions du livre TV de cette traduction se lit dans 37 L. V. Berman, The Hebrew versions of Book

Four of Averroes! Middle Commentary on the Nicomachean Ethics, Jerusalem 1981, [VI-145 (26) p.}; l'édition critique complete a été publiée dans 38 L. V. Berman (édit.), Averroes' Middle Commentary on Aristotle's Nicomachean Ethics in the Hebrew version of Samuel Ben Judah, Jerusalem 1999, Xn1-417 p.

LES ETHIQUES - TRADITION SYRIAQUE ET ARABE

197

5. L'E.N. dans la tradition arabo-latine

Certains passages de la traduction d'Ishàq ibn Hunayn ont été traduits en latin, probablement par les soins d'Hermann l'Allemand, autour de 1240, et se trouvent aujourd'hui dans les marges de certains mss de la version gréco-latine

partielle de l’E.N. connue sous le nom d’Ethica Vetus: ils correspondent à E.N. 1096 a 19-24 ; 1098218;

1102a30;

1102b 13- 1103a 10; 1119b 1-18, et ont été

étudiés et édités par 39 R. A. Gauthier (édit.), Ethica Nicomachea, I, coll. « Aristoteles Latinus» XXVI 1-3, Leiden/Bruxelles 1974, p. CXLVII-CLII (étude); 40 Id. Ethica Nicomachea, Il, coll. « Aristoteles Latinus» XXVI 1-3,

p. 127-131 (édition). Pour les passages respectifs correspondant dans la version arabe, cf. Badawi 18, p. 62, 1-5; 81, 19; 82, 14- 84, 2; 139,6 - 140, 1. 6. L'E.N. dans la tradition arabo-hébraïque De l’E.N., outre une version hébraïque complete tirée de la traduction grécolatine de l’œuvre et rédigée aux alentours de 1400 par Me'ir Alguadez (sur lequel on verra les notices et la bibliographie fournies dans Steinschneider 35, p. 209-212,

et dans 41 M. Zonta,

La filosofia antica nel Medioevo

ebraico,

coll. « Philosophica» 2, Brescia 1996, p. 258-260 et 276), il existe aussi certaines citations hébraiques reprises apparemment d'une version arabe et qui se trouvent

dans les écrits de Shem Tob ben Yosef Ibn Falaquera (1225-apres 1290): cf. 42 M. Plessner, «L'importance de Shem Tob Ibn Falaquera pour l'étude de l'histoire de la philosophie » [en hébreu], dans Homenaje a Millás-Vallicrosa, II,

Barcelona 1956, p. 164 et 171-172. Cependant, 43 S. Harvey, «La source des citations de l’Éthique d' Aristote dans le Guide (des égarés) et dans le Moreh hamoreh » [en hébreu], JSJT 14, 1998, p. 87-102, a récemment démontré que, dans ces passages, Ibn Falaquera n'emploie pas directement l’EN arabe, mais la Summa Alexandrinorum (v. infra). 7. La Summa Alexandrinorum

On n'a pas encore retrouvé de traces du texte grec de cet écrit, qui n'est connu que gráce à la traduction arabe et aux traditions hébraique et latine qui en dépendent, si bien qu'on a supposé qu'il ne s'agit que d'un résumé de l' EN arabe dans la traduction de Ishäq ibn Hunayn (cf. Harvey 43, p. 96 n. 33). Toutefois il

paraît plus probable qu'au cours du VI* s., dans sieurs auteurs aient préparé un compendium de 11 livres (cf. Dunlop 13, p. 260-261 ; Dunlop 9, 577). Ce compendium, connu successivement Iskandaräniyyin, puis des latins sous le nom de

l'école d' Alexandrie, un ou plul'E.N., fondé sur la recension en p. 246-249 ; Dunlop 12, p. 574des arabes comme /htisär alSumma Alexandrinorum, aurait

été traduit en syriaque; et cette traduction syriaque, dont il ne reste qu'une cita-

tion dans l’œuvre de Bar-Hebraeus (cf. supra), s'est probablement trouvée traduite en arabe par le philosophe et traducteur Abü ‘Ali “Isa Ibn Zur'a (9431008) : cf. Dunlop 13, p. 261-263. Il ne reste aujourd'hui de cette version arabe que quelques fragments, tirés des livres I, VII et VIII de l’œuvre, édités dans 44 D.M. Dunlop, « The manuscript Taimur Pasha 290 and the Summa Alexan-

198

ARISTOTE DE STAGIRE

drinorum », Arabica 21 1974, p. 252-263 ; 23, 1976, p. 313-314, et republiés dans Badawi 18, p. 436-445. D'autres citations, toujours en arabe, se lisent dans

la Correction des mœurs de Miskawayh et dans l’œuvre doxographique de alMubassir Ibn Fätik, Choix de dits sapientiaux (Muhtär al-hikam), écrite autour de 1050 (cf. Dunlop 13, p. 254-255). Les traditions latine et hébraique sont donc indispensables pour la reconstruction du texte. La premiere est représentée par la version latine faite sur le texte arabe et rédigée vers 1243 ou 1244 par Hermann l'Allemand (cf. Lacombe 31, p. 68-69 ; Pelzer 32, p. 147-149): elle a été éditée pour la première fois, sur la base d'un seul ms, dans 45 C. Marchesi, L'Etica Nicomachea nella tradizione latina medievale, Messina 1904, p. XLI-LXXXVI (réimpr. anastatique de cette éd. dans Badawi 18, p. 446-491); une liste des mss restant se trouve dans 46 M.-Th.

d'Alverny, « Remarques sur la tradition manuscrite de la "Summa Alexandrinorum"», AHMA 49 1982, p. 265-272. La version d'Hermann a été traduite, probablement vers 1250, en toscan, par Taddeo Alderotti, et quelques années plus tard, lorsque le florentin Brunetto Latini composa en frangais le livre VI de son

Trésor, il fit ample usage de cette version toscane, dont il confronta néanmoins le texte avec l'original latin: cf. 47 C. Marchesi, «Il Compendio volgare dell' Etica aristotelica e le fonti del VI libro del Trésor», GSLI 42, 1903, p. 1-74. Enfin, dans !a seconde moitié du XIII* s., Engelbert d' Admont réélabora en latin le texte d' Hermann (cf. d' Alverny 46, p. 271-272): cette réélaboration, connue

sous le nom de redactio patavina, a été publiée dans 48 G.B. Fowler, « Manuscript Admont 608 and Engelbert of Admont (ca 1250-1331)», AHMA 49, 1982, p. 195-252. De son cóté, autour de 1250-1260, Shem Tob Ibn Falaquera avait traduit en hébreu de larges extraits du texte arabe de la Summa

Alexandrinorum, en les

insérant dans certains de ses écrits, et en particulier dans les six premiers chapitres de son œuvre La perfection des actions (Selemut ha-ma'asim), édité dans

49 R. Jospe, Torah and Sophia: the life and thought of Shem Tob Ibn Falaquera, coll. « Monographs of the Hebrew Union College» 11, Cincinnati 1988, p. 411458 ; cf. 50 B. Chiesa, «Etica e antropologia nel pensiero di Shem Tob Ibn

Falaquera », dans F. Vattioni (édit.), Attí della VII settimana "Sangue e antropologia nella teologia medievale", I, Roma 1991, p. 368-384; 51 Id., «Una fonte sconosciuta dell'etica di Shem Tob Ibn Falaquera: la Summa Alexandrinorum », dans A. Vivian (édit.), Biblische und judaistische Studien : Festschrift für Paolo

Sacchi, Frankfurt am Main/Bern/New York/Paris 1990, p. 583-612 (analyse des citations hébraiques tirées du livre I de la Summa). Pour certaines précisions sur ce point, voir aussi 52 M. Zonta, Henoch

12, 1990, p. 223-225, et les nouvelles

citations de la Surnma dans Ibn Falaquera signalées dans Harvey 43, p. 91-97. MAURO ZONTA.

LES POLITIQUES Titre et authenticité. Aristote cite lui-même (Rhétorique 1 8, 1366421) un

de ses ouvrages qui est vraisemblablement notre traité par l'expression ἐν τοῖς πολιτικοῖς, ce qui est plutôt un masculin pluriel aprés lequel il faut sous-entendre λόγοις qu'un neutre pluriel. Dans les listes anciennes, le traité est désigné chez Diogéne Laérce par

l'expression Πολιτικῆς ἀχροάσεως ἡ Θεοφράστου a'B'y'6'e£'c Cn, dans le catalogue anonyme par Πολιτικῆς ἀκροάσεως η΄, ce qui l’inclut dans les traités acroamatiques, et, dans le cas de Diogéne Laérce, laisse supposer que Théophraste avait également composé des Politiques dans le méme esprit et/ou sous la méme forme que celles de son maítre. L'authenticité de notre texte n'est pas contestée, pas plus que son caractére lacunaire, méme si les interprétes ne sont pas d'accord sur le nombre, et donc la place, de ces lacunes. En tout état de cause, la fin du dernier livre manque. Commentaires anciens. Nous n'avons ni commentaire grec ni traduction arabe des Politiques. Mais on ne peut en tirer la conclusion, comme le fait par exemple 1 J. Aubonnet (édit.), Aristote, Politique. Texte établi et traduit par J.A., CUF, Paris 1960-1989, t. I, p. CXXV, que le texte était inconnu des Anciens. Alexandre d’Aphrodise dans son commentaire de la Métaphysique, David-Élias dans son commentaire des Catégories, Proclus dans son commen-

taire de la République de Platon le citent de maniére précise. Pour l'éventualité d'une traduction arabe, cf. 2 S. Pines, dans Studies in Arabic Versions of Greek Texts and Medieval Science, Jérusalem/Leiden 1986, p. 146-159, et 3 R. Brague,

« Note sur la traduction arabe de la Politique, derechef qu'elle n'existe pas», dans P. Aubenque (édit.), Aristote politique. Essais sur la Politique d'Aristote,

Paris 1993, p. 423-433, qui penche en faveur de l'absence de traduction arabe. En Occident, c'est Gundissalinus qui le premier signala l'existence d'un traité d'Aristote sur la cité, et cela à la suite de sa lecture d'Alfarabi; cf. 4 G.M. Grech, The Commentary of Peter of Auvergne on Aristotle's Politics. The inedi-

ted part: Book Ill, less. I-VI. Introduction and critical text by G.M. G., Roma 1967. Manuscrits, éditions, traductions et commentaires. Nous avons 32 manuscrits grecs comportant le texte complet, 3 manuscrits fragmentaires et 16 excerpta. Les plus anciens de ces manuscrits ne remontent par au-delà du XIV* siècle, d’où l'importance des deux traductions latines du XIIF siècle de Guillau-

me de Moerbeke (la translatio imperfecta qui s'arréte à 1273 a30, et la translatio perfecta) qui, par leur mot-à-mot, ont souvent valeur de manuscrit. Les manuscrits sont bien décrits par 5 A. Dreizehnter (édit.), Aristoteles, Politik. Eingeleitet, kritisch herausgegeben und mit Indices versehen von A.D., coll. « Studia et Testimonia antiqua» 7, München 1970. Leur répartition en deux familles remonte à 6 F. Susemihl (édit.), Aristotelis Politica, coll. BT, Leipzig 1872, mais

la séparation des deux familles n'est sans doute pas aussi ancienne que Susemihl

200

ARISTOTE DE STAGIRE

le prétend : voir à ce sujet 7 A. Dreizehnter, Untersuchungen zur Textgeschichte der aristotelischen Politik, Leiden 1962. Des conjectures importantes, parfois hardies, sur le texte sont proposées par 8 C. Thurot, Études sur Aristote. Politique, dialectique, rhétorique, Paris 1860.

Importance spéciale de la traduction frangaise de Nicole Oresme, éditée par 9 A.D.

Menut,

Maítre

Nicole

Oresme.

Le

livre de

Politiques

d'Aristote.

Published from the text of Avranches Manuscript 223. With a critical introduction and notes by A. D. M., Philadelphia 1970. Elle daterait de 1370. Parmi les nombreuses traductions latines de la Renaissance, il faut signaler 10 J. G. Sepulveda, Aristotelis De Republica libri VIII, Paris 1548; 11 P. Vettori, Petri Victorii Commentarii in VIII libros Aristotelis de optimo Statu civitatis, Firenze 1552. La

traduction de 12 F. Thurot, La morale et la politique d'Aristote, traduites du grec par F. T., tome II: La Politique, Paris 1824, est intéressante. La meilleure édition moderne est celle de Dreizehnter 5, qui a remplacé celles de Susemihl 6, 13 F. Susemihl et O. Immisch (édit.), Aristotelis Politica, post

F.S. recensuit O.I, coll. BT, Leipzig 1909, et 14 W.L. Newman (édit.), The Politics of Aristotle, with an introduction, two prefatory essays and notes critical and explanatory, Oxford

1887-1902,

4 vol. Autres éditions: 15 W. D. Ross,

Aristotelis Politica, recognovit brevique adnotatione critica instr. W.D.R., Oxford 1957 [Index nominum et potiorum verborum: p. 271-282] ; Aubonnet 1. Traductions récentes : 16 E. Barker, The Politics of Aristotle, translated with

introduction, notes and appendixes, Oxford 1946, «with corrections » 1948 (1958); 17 J. Tricot, Aristote. La Politique. Nouvelle traduction avec introduction, notes et index par J.T., coll. «Bibliothéque des textes philosophiques », Paris 1962, 2* éd. 1970, 597 p. ; 18 O. Gigon, Aristoteles’ Politik, eingeleitet, übersetzt und kommentiert von O. G., Zürich

1973 (avec commentaire]; 19 C.

Lord, Aristotle. The Politics, translated with an introduction, notes and glossary by C.L., Chicago 1985; 20 P. Pellegrin, Aristote. Les politiques, traduction inédite, introduction, bibliographie, notes et index par P. P., coll. « Garnier-Flammarion », Paris 1990, 2* éd. 1993.

Commentaires anciens : Albert le Grand, Thomas d'Aquin (à partir de III 9 le commentaire est de Pierre

d' Auvergne), Nicole Oresme (Menut 9), Sepulveda

10, Vetorii 11, 21 L. Regius, Les Politiques d'Aristote, esquelles est monstree la science de gouverner le genre humain en toutes especes d'estats publics, Paris 1568, 22 S. Maurus, Aristotelis Opera quae extant omnia, brevi paraphrasi et litterae perpetuo inhaerente expositione, Roma 1668, rééd. Paris 1885-1886, 4 vol. (le commentaire sur Les politiques est dans le t. II). A l'époque moderne Newman 14 reste irremplagable. Études d'orientation. 23 La « Politique » d'Aristote. Sept exposés et discussions par R. Stark, D.J. Allan, P. Aubenque, P. Moraux, R. Weil, G.J. D. Aalders, O. Gigon, coll. « Entretiens sur l'Antiquité classique» 11, Vandœuvres/Genéve 1965 ; 24 P. Steinmetz (édit.), Schriften zu den Politika des Aristoteles, Hildesheim 1973 [réimpression de plusieurs articles classiques] ; 25 J.

LES POLITIQUES

201

Barnes, M. Schofield, R. Sorabji (édit.), Articles on Aristotle, vol. 2: Ethics and

politics, London 1977 [réimpression de plusieurs articles, avec une bibliographie]. A signaler également, le numéro de 25 Ktèma (Strasbourg) 5, 1980, p. 211-288 : « Autour de la Politique d' Aristote», et 27 G. Patzig (édit.), Aristo-

teles « Politik». Akten des XI. Symposium Aristotelicum, Friedrischafen/ Bodensee 25.8 - 3. 9. 1987, hrsg von G. P., Göttingen 1990, qui rassemblent des articles sur des sujets divers. Sur la philosophie politique aristotélicienne en général: 28 E. Barker, The political thought of Plato and Aristotle, London 1906 ; réimpr. New York 1960;

29 M. Defourny, Aristote: Études sur la Politique, Paris 1932; 30 R. Weil, Aristote et l'histoire. Essai sur la « Politique », coll. «Études et commentaires» 36, Paris 1960 ; 31

B. Bien, Die Grundlagen der politischen Philosophie des

Aristoteles, Freiburg 1973; 32 A. Kamp, Die politische philosophie des Aristoteles und ihre metaphysischen Grundiagen.

Wesenstheorie und Polisordnung,

Freiburg/München 1985, 403 p. . Questions particuliéres. Transmission du texte, structure et chronologie: 33 E. Barker, « The life of Aristotle and the composition and structure of the Politics», CR 45, 1931, p. 162-172, repris dans Steinmetz 24; Dreizehnter 7, Lord 19. La chronologie interne du traité n'a pas fait l'objet d'un commencement d'accord entre les interprétes: cf. 34 H. von Arnim, «Zur Entstehungsgeschichte des aristotelischen Politik», SAWW

200,

Aristoteles. Grundlegung einer Geschichte seiner 36 Aristotle. Fundamentals of the history of his R. Robinson, Oxford 1934, «second edition with additions » 1948, chap. X: « The original Politics»,

1, 1924; 35 W.

Jaeger,

Entwicklung, Berlin 1923 = development. Translated by the Author's corrections and p. 259-292 ; 37 W. Siegfried,

«Zur Entstehungsgeschichte der aristotelischen Politik », Philologus 86, 1933,

p. 362-391, repris dans Steinmetz 24. En réaction contre ces recherches sur la chronologie interne des différentes parties de la Politique: 38 P. Pellegrin, «La "Politique" d'Aristote: unité et fractures. Éloge de la lecture sommaire », RPhilos 1987, p. 129-159. La tentation de modifier l'ordre des livres sous prétexte que les livres VII et VIII des manuscrits seraient anciens date au moins de l'opuscule de 39 A. Scaino da Salo, /n Octo Libros qui extant de Republica Questiones, Roma 1577, qui reprenait une suggestion de Segni, dont la traduction italienne date de 1559, remarquant que les livres VII et VIII semblaient suivre le livre III. Aubonnet 1, t. I, p. CVII, donne un tableau des principales propositions de modification de l'ordre des livres. Statut de la philosophie politique: 40 E. Weil, «L'anthropologie d' Aristote », RMM 51, 1946, p. 7-36; 41 R. Bodéüs, Le philosophe et la cité. Recherches sur

les rapports entre morale et politique dans la pensée d'Aristote, Paris 1982. Cité, citoyen: 42 W. Kullmann, « Des Mensch als politisches Lebewesen bei Aristoteles », Hermes

108, 1980, p. 419-443; 43 C. Lefèvre, «Approches aristo-

téliciennes de l'égalité entre les citoyens », RIPh

133-134, 1980, p. 541-565;

44 F. Wolff, «Justice et pouvoir (Aristote Politique III, 9-13)», Phronesis 20,

1988, p. 249-256.

202

ARISTOTE DE STAGIRE

Constitutions, lois: 45 P. Aubenque, «La loi selon Aristote », ArchPhilos Droit 25, 1980, p. 147-157; 46 J. Brunschwig, «Du mouvement et de l'immobilité de la loi», RIPh 133-134, 1980, p. 512-540; 47 P. Rodrigo, «D'une excel-

lente constitution. Notes sur politeia chez Aristote », RPhA 5, 1987, p. 71-93. Économie, famille, esclavage: 48 V. Goldschmidt, «La théorie aristotélicienne de l'esclavage et sa méthode», dans Zetesis, Album amicorum (Mélanges E. de Stryker), Antwerpen 1973, p. 147-163 ; 49 A. Berthoud, Aristote et l'ar-

gent, Paris 1981; 50 P. Pellegrin, «La théorie aristotélicienne de l'esclavage: tendances actuelles de l'interprétation», RPhilos 1982, p. 63-79. Bibliographie. 51 H. Flashar, GGP Antike 3, 1983, p. 207-208 ; 303-305 ; 431-436. Cette notice a mis à profit une bibliographie aristotélicienne préparée par Frangoise Caujolle-Zaslawsky.

PIERRE PELLEGRIN.

LA CONSTITUTION DES ATHENIENS

Éditions, traductions et commentaires. Jusqu'à la fin du XIX* siécle la Constitution des Athéniens n'a été connue que par la tradition indirecte, dans la plupart des cas gráce aux citations des lexicographes et des grammairiens (cf. 1 V. Rose, Aristotelis qui ferebantur librorum fragmenta, Leipzig 1886, réimpr. Stuttgart 1967, fr. 381-474 ; cf. 2 Id., Aristoteles pseudepigraphus, Leipzig 1863), auxquelles il faut ajouter l' Epitome des Constitutions d'Aristote d'Héraclide Lembos

(2H 61) (3 M. R. Dilts, Heraclidis Lembi Excerpta

Politiarum, coll.

«Greek, Roman and Byzantine Monographs» 5, Durham [N.C.] 1971); un fragment, peut-étre la paraphrase du chap. 7, 3, a été publié par 4 M.H. Chambers, «More Notes on the Text of the Ath. Pol.», TAPhA 102, 1971, p. 43. Notre connaissance de cet ouvrage a été totalement transformée aprés la publication du PBerol. 5009 (Pack 164) par 5 F. Blass, « Neue Papyrusfragmente eines Historikers im Aegyptischen Museum zu Berlin», Hermes 15, 1880, p. 366-382 (deux feuillets datés du II* siècle apr. J.-C. par son premier éditeur et qui contiennent les chap. 12-13 et 21-22; le texte ne fut identifié que par 6 T. Bergk, «Zur Aristotelischen Politie », RAM 36, 1881, p. 87-115; dernière révision du texte par 7 M.H. Chambers, « The Berlin Fragments of the Ath. Pol.», TAPhA 98, 1967, p. 49-66) et surtout du PLond. 131 par 8 F. G. Kenyon, ABHNAIQN TIOAITEIA, Aristotle on the Constitution of Athens, London 1891, LII-190 p. [avec fac-similé du papyrus] ; les quatre rouleaux du PLond. 131 (Pack 163) (les notes de compta-

bilité contenues au recto se rapportent aux années 78 et 79 apr. J.-C. et notre texte au verso est généralement daté de la fin du I” siécle) nous permettent de lire en entier la Constitution des Athéniens, à l'exception du début: le texte commence par un espace blanc, ce qui nous indique que l'archétype était déjà mutilé ;

le texte qui nous est parvenu commence avec les problémes de l'Attique présolonienne (le contenu de la partie initiale peut être reconstruit grâce à l' Epitome d'Héraclide et à la tradition indirecte). Plusieurs éditions suivirent celle de Kenyon et le texte fit l'objet d'un véritable acharnement critique qui a produit de nombreuses conjectures parfois bizarres et souvent plus utiles à la réflexion sur les problémes de la compréhension et de la cohérence du texte en général que nécessaires à sa restitution. Éditions. Parmi les nombreuses éditions il faut rappeler: 9 G. Kaibel et U. von Wilamowitz Moellendorff (édit.), Aristotelis Πολιτεία ᾿Αθηναίων, Berlin 1891, 1898": 10 H. van Herwerden et J. van Leeuwen (édit.), De Republica Athenien-

sium. Aristotelis AOHNAIGN TIOAITEIA, post Kenyonem recenserunt H.v. H. et J. v. L., Leiden 1891 ; 11 C. Ferrini (édit.), Aristotele - La Costituzione degli Ateniesi, ed., trad. C. F., Milano 1891 ; 12 F. Blass (édit.), Aristotelis Πολιτεία

᾿Αθηναίων, Leipzig 1892, 19035; 13 T. Thalheim, Leipzig 1909, 1914?; 14H. Oppermann (édit.), Aristoteles, ᾿Αθηναίων Πολιτεία. Post F. Blass et Th. Thalheim edidit H.O., coll. BT, Leipzig 1928 ; édition remaniée, 1968; 15 A. Cosattini (édit.), Aristotele - La Costituzione di Atene, Firenze 1899, 1942? ;

204

ARISTOTE DE STAGIRE

16 G. Mathieu et B. Haussoullier (édit.), Aristote - Constitution d’Athenes, coll.

CUF, Paris 1922, 19445; 17 A. Tovar, Aristoteles: La Constitución de Atenas, Madrid 1948. Particuliérement précieuse pour la critique du texte est la quatriéme édition de 18 F.G. Kenyon, dans Supplementum Aristotelicum II 2, Berlin 1903. La dernière édition est celle de 19 M. H. Chambers, Aristoteles, AOHNAIQN

HOAITEIA, coll. BT, Leipzig 1986, oü l'éditeur a entiérement réexaminé le papyrus. Pour les caractéristiques des éditions les plus importantes, voir 20 G. Arrighetti, « Un secolo di edizioni dell'Athenaion Politeia», dans L'Athenaion Politeia di Aristotele 1891-1991, Napoli 1994, p. 21-37. Traductions. F. Kenyon avait déjà publié une traduction en 1891, 21 Aristotle on Athenian

Constitution, Transl. with

Intr. and

Notes, London

1891, 1895?. Parmi les nombreuses traductions qui ont suivi la publication du papyrus il convient de rappeler ici: 22 K. von Fritz et E. Kapp, Aristotle's Constitution of Athens and Related Texts, New York 1950; nouvelle édition, 1974 ; 23 P.J. Rhodes, Aristotle, The Athenian Constitution, Harmondsworth 1984 ; 24 Aristoteles, Staat der Athener, übersetz und erlautert von M.H. Chambers, Berlin 1990.

Indispensables sont les commentaires suivants: 25 J. E. Sandys, Aristotle’s Constitution of Athens. À revised text with an introduction, critical and explanatory notes, testimonia and indices, London 1893, 24 revised ed. 1912; 26 P.J. Rhodes, A Commentary to the Aristotelian Athenaion Politeia, Oxford 1981, XIII-795 p.; 27 M.H. Chambers, Aristoteles, Staat der Athener, übersetzt und erlautert von M. H. C., Berlin 1990.

Nous renvoyons à Rhodes 26, p. 739-746, pour une liste plus compléte des éditions et des commentaires. Epitome L’Epitome des Constitutions d’Aristote d' Héraclide Lembos commence par la Constitution des Athéniens, constitution à laquelle l'auteur a dédié les plus longs développements. L' Epitorne est spécialement utile pour reconstruire (avec l'aide des autres sources indirectes) le début de l'ouvrage, perdu dans le papyrus de Londres: Aristote devait traiter de l'évolution de la monarchie à Athenes, à partir d'Ion, des réformes de Pandion et de Thésée, et du passage de la

monarchie à l'archontat. Rappelons ici la dernière édition: Dilts 3; pour le personnage et son œuvre, voir 28 H. Bloch, «Heracleides Lembus and his Epitome of Aristotle's Politeiai», TAPAA 71, 1940, p. 27-39, et la notice de 29 J.-P. Schneider, art. « Héraclide Lembos » H 61, DPhA III, 2000, p. 568-571.

Bibliographie. Pour les études publiées jusqu'en 1912, cf. Sandys 25, p. LXXX-XCI. Pour les années suivantes, Rhodes 26, p. 739-762 ; 767-769, et Chambers 27, p. 104-135, offrent une information riche, mais sélective, étant donnée l'ampleur de la bibliographie. Contenu. Le texte est construit en deux parties. Dans la premiére, diachronique, Aristote souligne les moments les plus significatifs de l'évolution de la constitution athénienne (les modifications sont résumées au chap. 41) jusqu'à la derniere démocratie, réinstaurée aprés la fin de la tyrannie des Trente, plus ou moins sem-

LA CONSTITUTION DES ATHENIENS

205

blable à la démocratie contemporaine, chap. 1-41 ; dans la deuxième, il décrit les caractéres et les fonctionnements des institutions fondamentales de cette méme constitution, chap. 42-69. Les études modernes ont principalement étudié les problémes qui se présentent dans la premiere partie: chronologie, sources, analyse de chaque épisode historique rapporté. Pour la chronologie en général, voir 30 G. Maddoli, Cronologia e storia. Studi comparati sull'Athenaion Politeia di Aristo-

tele, Perugia 1975. Pour les sources, nous rappelons qu'un seul historien est mentionné nommément, Hérodote, au chap. 14; que les vers de Solon (chap. 5-12) et probablement les carmina convivialia (chap. 19-20) proviennent de sources contemporaines des événements traités ; qu' Aristote a utilisé des sources atthidographiques (on notera les paralléles manifestes entre le chap. 22 et Androtion, FGrHist 324 F 6, sur l'ostracisme) et quelques pamphlets (voir les documents qui concernent les constitutions des Quatre Cents et des Cinq Mille, chap. 30-31, et la constitution de Dracon, chap. 4). Pour une discussion sur les sources avec différents points de vue sur la maniére dont l'auteur les a utilisées voir 31 G. Mathieu, Aristote. Constitution d'Athènes. Essai sur la méthode suivie par Aristote dans

la discussion des textes, Paris 1915, et surtout Rhodes 26, p. 15-30, ainsi que Chambers 27, p. 84-91. La deuxième partie représente une mine d'informations irremplacable pour la connaissance de l'organisation de la démocratie athénienne au IV* siécle; la structure correspond aux critéres de définition d'une constitution telle qu'elle est décrite dans Politique III, 1275 a 22 sqq. ; IV, 1297 b 37 sqq.: la définition des citoyens et leur formation (chap. 42); les charges (chap. 43-62); les tribunaux

(chap. 63-39). Pour l'interprétation de cette dernière section, voir les recherches de A. L. Boegehold, à partir de 32 Aristotle and the Dikasteria, Diss. Harvard 1957, jusqu'à 33 The Athenian Agora XXVIII. The Law courts at Athens, Princeton 1995, et 34 S. Dow, «Aristotle, the Kleroteria and the Courts», HSPh 50, 1939, p. 1-34. L'auteur a sürement utilisé des informations de premiere main, et des documents ; le regroupement des informations était possible aux éléves athéniens qui, en tant que citoyens, avaient accès aux archives de la ville. Il est impossible de fournir au lecteur une bibliographie détaillée sur chaque probléme concernant l'interprétation des événements et des institutions traitées. Nous signalons, en plus des commentaires déjà mentionnés, trois volumes contenant les contributions des participants à trois rencontres tenues à l'occasion du centenaire (1991) de la publication du PLond. 131 ; on y trouvera une mise à jour sur certains problémes concernant la Constitution des Athéniens : 35 L. R. Cresci et L. Piccirilli (édit.), L'« Athenaion Politeia» di Aristotele, Genova 1993; 36 M. Piérart (édit.), Aristote et Athénes (Fribourg 23-25 mai 1991), Paris 1993; 37 G. Maddoli (édit.), L'Athenaion Politeia di Aristotele 1891-1991: per un bilancio di

cento anni di studi = Incontri perugini di Storia della Storiografia antica e sul mondo antico, Napoli 1994. La question inévitable qui se pose pour ce texte est celle de son authenticité, question soulevée par les modernes (les premiers doutes sur l'authenticité furent

formulés par 38 W.L. Newman,

CR 5, 1891, p. 155-164; 39 F. Cauer, Hat

206

ARISTOTE DE STAGIRE

Aristoteles die Schrift vom

Staate der Athener geschrieben?, Stuttgart

1891),

alors que les anciens n'ont jamais mis en doute l'attribution à Aristote de la CdA. Le doute sur l'authenticité est généralement ia conséquence d'un jugement très sévère sur la valeur de l'ouvrage en tant que source historique: les modernes soulignent les anachronismes de la Constitution de Dracon, chap. 4 (une partie du texte est probablement interpolée ; en faveur de l'historicité du chap. 4, cf. 40 R. Develin, « The Constitution of Dracon », Athenaeum 62, 1984, p. 295-307)

et de la collaboration entre Éphialte et Thémistocle dans la réforme des pouvoirs de l' Aréopage au chap. 25 (contra 41 R.G. Lewis, « Themistokles and Ephialtes », CQ 47, 1997, p. 358-362) ; on remarque que certaines informations different par rapport à la Politique: le chap. 4 présente la constitution de Dracon, tandis que

Politique II, 1274 b, nous dit que Dracon a seulement écrit des lois pour une constitution déjà existante; le chap. 8 parle d'une modification de l'élection des magistrats,

tandis que

Politique II, 1273 b 41 -1274 a

2, et III, 1281

b 32-34,

affirment que Solon ne changea pas les procédures d'élection. Les modernes qui doutent de l'authenticité parlent aussi d'absence de perspective philosophique dans ce texte (cf. 42 I. Düring, Aristoteles, Heidelberg 1966, p. 477). Sur le rapport entre la CdA et l’œuvre d'Aristote, cf. 43 P. Mayer, Das Aristoteles Politik

und die ᾿Αθηναίων Πολιτεία, Bonn 1891; 44 B. Niese, «Über Aristoteles’ Geschichte der Athenischen Verfassung», HZ 62, 1892, p. 38-68 ; 45 H. Dufour, La Constitution d'Athènes et l'œuvre d'Aristote, Paris 1895 ; 46 M. Pokrowsky, « Über das Verhältniß der ᾿Αθηναίων Πολιτεία zu den naturwissenschaftlichen

Schriften des Aristoteles», NJbb [JKPh] 151, 1895, p. 465-476; 47 R. Weil, Aristote et l'histoire: essai sur la Politique, Paris 1960; 48 M. Chambers, « Aristotle's forms of democracy », TAPhA 92, 1961, p. 20-26; 49 J. Day,

« Accidents in Aristotle, AP 26. 1», TAPhA 92, 1961, p. 52-65; 50 R. Weil, «Philosophie et histoire. La vision de l'histoire chez Aristote», dans La Politique d'Aristote. Sept exposés et discussions, coll. «Entretiens sur l'Antiquité classique» 11, Vandoeuvres-Geneve 1964, p. 159-189; 51 D.L. Blank, «Dialectical Method in the Aristotelian Athenaion Politeia», GRBS 24, 1984, p. 275-284; 52 L. Bertelli, « Democrazia e metabole. Rapporti tra l'Athenaion Politeia e la teoria politica di Aristotele », dans Maddoli 37, p. 73-99. Le débat reste ouvert: les arguments de ceux qui refusent l'authenticité sont exposés dans l'introduction du commentaire de Rhodes 26, en particulier p. 5863. Ceux qui acceptent son authenticité se fondent surtout sur le fait que cet ouvrage et la Politique partagent la même vision de la constitution d’Athenes (le livre de 53 J. H. Day et M. H. Chambers, Aristotle’s History of Athenian Democracy, Berkeley/Los Angeles 1962, est sur ce point fondamental) et de l'histoire (cf. 54 G. Arrighetti, « Aristotele e il metodo

storico dell'Athenaion Politeia »,

SCO 37, 1987, p. 98-101); pour l'ensemble des arguments en faveur de l'authenticité, voir l'introduction du commentaire de Chambers 27, p. 75-82. Du point de vue chronologique la CdA se situe dans les dernières années de la vie d'Aristote; le dernier archontat mentionné (chap. 54, 7) est celui de Céphiso-

phon, 329/8; on y parle encore du pouvoir athénien sur Samos (chap. 62, 2),

LA CONSTITUTION DES ATHENIENS

207

pouvoir disparu certainement aprés l'an 322; la triére sacrée appelée « Ammonias» (chap. 61, 7) n'a pu recevoir ce nom qu'aprés le temps du voyage d'Alexandre à l'oasis d' Ammon en 324. Sur la datation, voir 55 J.J. Keaney, « The Date of Aristotle's Athenaion Politeia », Historia 19, 1970, p. 326-336. La

version du texte que nous avons est donc postérieure à la Politique. En outre il ne faut pas oublier que la CdA était vraisemblablement un texte exotérique, destiné à la publication, trés différent de tous les ouvrages du Corpus aristotelicum avec lesquels tout parallèle stylistique et formel aurait donc une valeur limitée. Sur la langue et le style, le livre de 56 G. Kaibel, Stil und Text der Πολιτεία ᾿Αθηναίων des Aristoteles, Berlin 1893, représente l'analyse la plus compléte, mais on rappellera aussi plusieurs travaux de Keaney, qui ont souligné l'élaboration trés soignée de certaines parties de l'ouvrage, comme les chapitres sur Solon (chap. 2-12), et en général la possibilité d'une composition stratifiée de ce texte, 57 J.J. Keaney, «The Structure of the Arhenaion Politeia», HSPh 67,

1963, p. 115-146; 58 /d., «Ring Composition in Aristotle's Athenaion Politeia», AJPh 90, 1969, p. 406-423 ; 59 Id., The Composition of Aristotle's Athenaion Politeia: Observation and Explanation, Oxford 1992. La CdA est aussi le seul texte de la grande collection péripatéticienne des Constiturions (158 titres selon la liste d'Hésychius, voir 60 P. Moraux, Les listes anciennes des ouvrages d'Aristote, Louvain

1951,

p. 27, et DPhA

I

1989,

p. 429), que nous pouvons lire entiérement. La collection des Constitutions avait été utilisée pour la réflexion sur les différents types de gouvernements et leurs modifications qui est développée dans les livres IV-VI de la Politique, et elle était selon toute probabilité le résultat d'un travail collectif des élèves d'Aristote: on peut s’interroger sur le röle du maitre dans l'élaboration de chaque Constitution. Pour la Constitution des Athéniens nous pouvons néanmoins remarquer que les idées et la maniere d'analyser les événements et de les sélectionner correspond à la méthode que nous retrouvons dans la Politique. ANNA SANTONI.

LA POETIQUE. TRADITION SYRIAQUE ET ARABE

L'ouvrage le plus ample sur la tradition syriaque et arabe de la Poétique est celui de 1 J. Tkatsch, Die arabische Übersetzung der Poetik des Aristoteles und die Grundlage der Kritik des griechischen Textes, coll. « Akademie der

Wissenschaften in Wien, Philos.-histor. Klasse. Kommission für die Herausgabe der arabischen Aristoteles-Übersetzungen» I 1-2, Wien/Leipzig, Bd. I, 1928, 283 p., Bd. II aus dem Nachlass hrsg. von A. Gudeman und Th. Seif, 1939, 237 p. Le premier volume contient une introduction générale sur l'héritage grec, sa transmission et son influence en syriaque et en arabe, une édition de la traduction arabe et, en vis-à-vis, une traduction de l'arabe en latin par Tkatsch. Le second volume contient des remarques sur la traduction latine, une comparaison entre l'arabe et le grec, et une étude des rapports entre les manuscrits grecs. Si la partie de critique philologique conserve encore tout son intérét, les informations historiques sur la tradition aristotélicienne en syriaque et en arabe, et sur celle de la Poétique en particulier, doivent étre largement révisées à l'aide des ouvrages plus récents. Voir le c.r. de 2 W. Kutsch, «Zur Geschichte der syrisch-arabischen Übersetzungsliteratur », Orientalia 6, 1937, p. 68-82. On trouvera une présentation commode (mais elle-méme aussi dépassée) du contenu des dictionnaires biobliographiques arabes touchant la Poétique dans 3 F. E. Peters, Aristoteles Arabus. The Oriental

Translations and Commentaries on the Aristotelian Corpus, coll. « Monographs on Mediterranean Antiquity » 2, Leiden 1968, p. 28-30. Une excellente étude de la tradition syriaque et arabe de la Poétique, qui allie la précision philologique et la connaissance du contexte littéraire, se trouve dans 4 W. Heinrichs, Arabische

Dichtung und griechische Poetik, coll. «Beiruter Texte und Studien » 8, Beirut 1969, aux p. 105-162. La mise au point la plus récente sur la tradition orientale du

texte est désormais celle de 5 O.J. Schrier,

« The Syriac and Arabic Versions of

Aristotle's Poetics », dans G. Endress and R. Kruk (édit.), The Ancient Tradition in

Christian and Islamic Hellenism. Studies on the Transmission of Greek Philosophy and Sciences [= Mélanges H.J. Drossaart Lulofs], Leiden 1997, p. 259-278: l'auteur s'appuie sur un passage touchant la définition de la tragédie par Aristote

(1449 b 24-27), pour comparer le texte grec avec les versions conservées en syriaque et en arabe, et dresser un nouveau stemma de la tradition orientale de la Poétique, qui corrige et complete les classements antérieurs. Cette étude prélude à l'édition (que l'auteur prépare) des textes syriaques et arabes utiles à la critique du texte grec. On trouve également, à propos de la définition de la tragédie par Aristote, une excellente analyse comparée de la source grecque avec la traduction arabe, et les commentaires d’Avicenne et d'Averroés, dans 6 D. Gutas, «On Translating Averroes' Commentaries», JAOS 110, 1990, p. 92-101 [= c.r. de 7 C. Butterworth, Averroes' Middle Commentary on Aristotle's Poetics, Princeton

1986]. Tradition syriaque. On ne connait pas d'attestation d'une version syriaque ancienne de la Poétique, c'est-à-dire antérieure aux débuts de l'époque abbasside. La première allusion à ce texte d' Aristote, semble-t-il, se trouve dans une lettre (en

LA POETIQUE - TRADITION SYRIAQUE ET ARABE

syriaque)

du

catholicos

nestorien

Timothée I"

(1 823),

209

demandant

à

son

correspondant, un certain Pétion, de s'enquérir s'il existait des commentaires ou des scholies («que ce füt, ou non, en syriaque») des Topiques, Réfutations sophistiques, Rhétorique et Poétique, au monastére de Mar Mattai (monastere syrien orthodoxe situé au sud-est de Mossoul): cf. 8 O. Braun, « Briefe des

Katholikos Timotheos I.», OC 2, 1902, p. 1-32 (édition syriaque et traduction allemande de la lettre, aux p. 4-11); autre édition de cette lettre avec traduction

française dans 9 H. Pognon, Une version syriaque des aphorismes d' Hippocrate, I** partie (texte), Leipzig 1903, p. XVI-XXI ; résumé du contenu de la lettre dans 10 R.J. Bidawid, Les lettres du patriarche nestorien Timothée I, coll. «Studi e Testi » 187, Città del Vaticano 1956, p. 35 ; une nouvelle traduction, en anglais,

qui corrige les précédentes, a été préparée à partir d'une nouvelle collation de plusieurs manuscrits par 11 S. P. Brock, « Two Letters of the Patriarch Timothy from the Late Eighth Century on Translations from Greek», ASPh 9, 1999, p. 233246. Ajoutons encore ceci, qu'en faveur de l'existence possible d'une traduction ancienne de la Poétique, on ne peut plus tirer argument d'un paralléle avec les prétendues scolies composées sur la Rhétorique d' Aristote par Sévére Sebokt (le maître de l'École du monastère de Qennesre, mort en 666/667), depuis que l'on a montré que ces scolies portent sur la logique d'Aristote, mais non pas sur la Rhérorique : cf. 12 G.J. Reinink, «Severus

Sebokts Brief an den Periodeutes

Jonan. Einige Fragen zur aristotelischen Logik », dans R. Lavenant (édit.), 477 Symposium

Syriacum, coll. «Orientalia Christiana Analecta » 221, Roma

1983,

p. 97-107. Il ne subsiste aujourd'hui en syriaque qu'un très court fragment de la Poétique,

concernant la définition de la tragédie (= ἔστιν οὖν

1449b24 - τραγῳδία

1450 a 9), qui est cité avec de légères omissions et modifications dans une œuvre

tardive, le Livre des dialogues (Ktaba d-Diyalogö), sorte de compilation scientifique composée par un auteur syro-occidental, Sévére bar Sakko (qui prit le nom de Jacob, lorsqu'il devint évêque au monastère de Mar Mattai, et qui mourut en 1241). Sur cet auteur, voir 13 O.J. Schrier, «Name

and Function of Jacob bar

Sakko. Notes on the History of the Monastery of Mar Mattay », dans R. Lavenant (édit.),

V Symposium Syriacum, 1988, coll.

« Orientalia Christiana Analecta» 226,

Roma 1990, p. 215-228. Édition du fragment syriaque (sur la base de deux mss), avec traduction latine, dans 14 D. S. Margoliouth, Analecta Orientalia ad Poeticam

Aristoteleam,

London

1887, p. 77*-79*,

trad. p. 54-56

(remarques

critiques sur la version syriaque, avec nouvelle traduction latine, dans Tkatsch 1, I p. 155-157). Une édition en fac-similé du manuscrit Harvard syr. 126 avait été publiée par 15 M. Sprengling, «Severus bar Shakko's Poetics, Part II», The American Journal of Semitic Languages and Literatures 32, 1915-1916, p. 293-

307 (le fragment de Poet. se trouve p. 305-306). Rien ne permet de dire, comme le fait Tkatsch 1, I, p. 96b -97 a, que la traduction syriaque ait été faite au VI siècle et révisée à l'époque abbasside. Au contraire, la définition donnée à propos du terme fragodiyä par Hunayn ibn Ishäq (t après 870), conservée en syriaque dans

les lexiques de Bar Bahlül et Bar 'Ali (datant de la seconde moitié du X* siécle), montre que l'auteur ne connaissait pas le texte de la Poétique: cf. Schrier 5,

210

ARISTOTE DE STAGIRE

p. 264-265 ; Hunayn interpréte, en effet, les termes désignant, en grec, la tragédie et la comédie, comme se rapportant à deux sortes de musique, qui servent une visée éthique, à savoir ramener les pécheurs dans le droit chemin, et il mentionne à ce propos que Galien aurait traité de ces deux sortes de musique dans ses ouvrages médicaux : sur cette définition de Hunayn, qui provient trés probablement de son lexique perdu (qui a été la source de Bar Bahlül et de Bar 'Ali), cf. 16 O.J. Schrier, « Hunayn ibn Ishäg on tragedy and comedy: A new fragment of Galen », Mnemosyne 48, 1995, p. 344-348. Le texte fragmentaire de la Poétique, conservé dans le traité de Sévére Bar Sakko, appartient probablement à une traduction faite par Ishäq ibn Hunayn (t 910). Cette attribution à Ishaq d'une traduction syriaque de la Poétique n'est pas directement attestée, mais semble résulter d'un ensemble de données. On a vu que Hunayn ibn Ishàq ne connait pas le texte méme de la Poétique. D’apres 17 Ibn alNadim, Fihrist, p. 250, 253 Flügel, d'autre part, la traduction arabe d'Abü Biär Mattä (voir ci-dessous) a été faite à partir du syriaque, et le philosophe jacobite Yahyä ibn "Adi (t 974) a tenté d'acheter une traduction de la Poétique faite par Ishäq (avec celles de la Rhét. et de SE) à Ibrähim ibn 'Abdallah qui lui-même appartenait à l'entourage d’Ishäq et a traduit plusieurs traités du syriaque à l'arabe (notamment le livre VIII des Topiques à partir d'une version syriaque d’Ishäq; cf. DPhA I, p. 524-525); Yahyä ibn ‘Adi, qui traduisait habituellement du syriaque, aurait pu souhaiter avoir en main un exemplaire, peut-étre autographe, de la version syriaque d'Isháq, car l'on sait qu'il a lui-même aussi traduit la Poétique en arabe (voir ci-dessous). Analyse du fragment de traduction syriaque et de ses erreurs (sur 1449 b 24-27) dans Schrier 5, p. 265-266, qui conclut que la traduction était fort peu compréhensible ; voir aussi Heinrichs 4, p. 115-118, qui analyse en particulier la traduction du terme μίμησις en syriaque. Un autre témoin de la traduction syriaque — la section sur la Poétique dans l'œuvre de Grégoire abü al-Farag (Barhebraeus) — fut pris en compte, pour la premiére fois, dans le stemma traditionis dressé par 18 L. Minio-Paluello (édit.), De arte poetica = Aristoteles Latinus XXXIII, Bruxelles/Paris 21968, p. XXI, mais l'auteur s'est borné à présenter la section en question comme issue de la traduction d'Ishàq, sans aucune précision sur l'ampleur ni la qualité de l'emprunt, ni méme sur l'œuvre de Barhebraeus dont il s'agit. Schrier 5, p. 273-274, étudie brièvement la définition de la tragédie qui apparait dans la section consacrée à la Poétique, dans l'encyclopédie de Barhebraeus intitulée Hewar hekmrä («La creme de la science»), — section rédigée en

1286:

l'auteur conclut que Barhebraeus

s'est

appuyé sur le texte correspondant du Kitáb al-Sifa’ d' Avicenne (voir ci-dessous), mais qu'il a consulté aussi la version syriaque de Poét. faite probablement par Ishäq (l'étendue de ses emprunts resterait à préciser). Édition de la section sur la

Poétique tirée de La crême de la science de Barhebraeus, sous le titre Ktábà dPo’etige d-(')itaw(hy) tsi'áyà da-mlilutà men Ktábá d-Hewat hekmtä (« Livre de la Poétique, qui est le neuviéme de la logique dans le Livre de la créme de la science »), dans Margoliouth 14, p. 114-139 (Un premier accés à l'ensemble de l’œuvre de Barhebraeus, évêque de Méliténe et maphrien d'Orient, peut être

LA POÉTIQUE - TRADITION SYRIAQUE ET ARABE

211

trouvé dans 19 J.-M. Fiey, « Esquisse d'une bibliographie de Bar Hébraeus (t 1286)», POr 13, 1986, p. 279-312). Traductions

arabes. Deux traductions arabes de la Poétique sont attestées.

D'aprés le bibliographe Ibn al-Nadim 17, p. 250, l'une d'elles a été faite par le chrétien nestorien Abü Bisr Mattä ibn Yünus (t 940) à partir du syriaque, probablement donc à partir de la version d'Ishaq ibn Hunayn. Elle est conservée dans le manuscrit Parisinus arabus 2346 (qui confirme l'attribution à Abü Bisr Mattä dans la suscription), mais, par suite du manque d'un feuillet, le texte s’arrête à 1462 b 5. La comparaison de cette version avec le fragment syriaque, qui subsiste, a montré qu'elle dépend d'un texte identique à ce fragment (cf. Schrier 5, p. 266267). Cette traduction a été éditée à plusieurs reprises : cf. Margoliouth 14, p. 1-76 (20 Id., The Poetics of Aristotle, London

1911, donne une traduction latine de la

version arabe en face du texte grec) ; Tkatsch 1, t. I, p. 220-283 (avec sa propre traduction latine en face du texte arabe); 21 ' A. Badawi (édit.), Aristütális, Fann al-Shi'r ma'a al-targama al-'arabiyya al-qadima wa-surüh al-Färäbi wa-Ibn Sina

wa-Ibn

Rusd («Art

poétique,

avec

la traduction

arabe

ancienne

et les

commentaires d'al-Farabi, d’Avicenne et d'Averroes »), Le Caire 1953, p. 85-145; 22 Sh. M. 'Ayyad, Kitáb Aristütalis fi I-si'r («Livre d'Aristote sur la Poétique»),

Le Caire 1967. Sur le traducteur Abü Bisr Mattä, reconnu comme le maitre de la

logique parmi ses contemporains, cf. 23 G. Endress, « Mattà b. Yünus », dans EP, p. 835-836. Ainsi que le fait observer Schrier 5, p. 267-268, le mot syriaque trägodutä est rendu, dans la traduction d'Abü Bi&r Mattä, par l'expression arabe sind'at al-madih, qui désigne l'art de la poésie d'éloge — poésie dont l'objet doit étre, en outre, selon Abü Bisr, une action volontaire: les modifications ainsi introduites par le traducteur, qui font de la tragédie une poésie d'éloge à coloration éthique, seront reprises par des auteurs comme al-Färäbi et Avicenne (Schrier 5,

p. 268). A propos de la traduction de μίμησις par Abü Bisr Matta, voir Heinrichs 4, p. 121-123. Une seconde traduction aurait été faite par Yahya ibn ‘Adi (t 974), d’après Ibn al-Nadim 17, p. 250. Plusieurs des traités de l'Organon conservés dans le Parisinus arabus 2346 portent des notes marginales qui remontent à des commentaires de Yahyä ibn 'Adi, et attestent son activité critique à l'égard des traductions réalisées par ses prédécesseurs,

Ishäq

ibn Hunayn

notamment.

Il se

pourrait donc qu'il ait révisé (à partir du syriaque) la traduction d’Abü Bisr Matta, plutôt que traduit à nouveaux frais la version syriaque d'Isháq ibn Hunayn : quoi qu'il en soit, sa version devait employer un vocabulaire différent de celui d' Abü Bisr Mattà pour les termes techniques fondamentaux de l'ouvrage. C'est probablement cette traduction de Yahya ibn 'Adi que le philosophe Ibn Sinà a utilisée pour composer le commentaire sur la Poétique, qui est inclus dans son

Kitàb al-Sifa’: cf. Schrier 5, p. 268-272. Sur les divergences entre la traduction d'Abü Biär Mattä et le commentaire d'Avicenne, cf. 24 S. Afnan, «The Commentary of Avicenna on Aristotle's Poetics», JRAS

1947, p. 188-190, et les

notes accompagnant la traduction de 25 I. M. Dahiyat, Avicenna's Commentary on the Poetics of Aristotle. A critical study with an annotated translation of the text,

Leiden 1974.

212

ARISTOTE DE STAGIRE

A propos de l'utilisation de la traduction arabe pour l'établissement du texte grec de la Poétique, voir les résultats des comparaisons entre les traditions grecque, gréco-latine, gréco-sémitique et sémitico-latine, dans Minio-Paluello 18, p. XVIII-XXIII.

Commentaire grec en arabe. Ibn al-Nadim 17, p. 250, rapporte un propos selon lequel il existait un commentaire de Thémistius sur la Poétique, mais il ajoute que cette attribution était considérée comme fausse. La formulation montre

que le bibliographe n'a pas vu l'ouvrage, et il n'en a pas été conservé de manuscrit. Dans son « Epitre sur les régles de l'art poétique» (Risäla fi qawánin sind 'at al-si'r), al-Färäbi fait certes allusion à ses lectures de traités sur l'art poé-

tique attribués à Aristote, Thémistius et d'autres commentateurs (non cités), cf. l'édition et la traduction anglaise de 26 A.J. Arberry, « Färäbi's Canons of Poetry », RSO 17, 1938, p. 266-278 (aux p. 270 et 276) ; mais il semble bien que les sources d’al-Färäbi soient en partie apocryphes, car la liste des douze genres de la poésie grecque, qu'elles sont censées avoir fournie (liste reprise par Avicenne dans son commentaire sur la Poétique), n'est pas aristotélicienne: cf. Dahiyat 25, p. 24-26, 66-68, qui estime qu'il peut s'agir de sources apocryphes issues de la tradition d'écrits épidictiques de Thémistius. Commentaires arabes. Ibn al-Nadim 17, p. 250, mentionne un abrégé (muhtasar) de la Poétique par al-Kindi (t 873), qui ne semble pas conservé. Il n'y

a pas de raison d'identifier cet abrégé avec le traité «Sur l'art des poétes », mentionné (ibid. p. 257) parmi les œuvres musicales d'al-Kindi, comme proposent de le faire Tkatsch 1, t. 1, p. 125, et Peters 3, p. 29 (le second traité pouvant être un ouvrage de métrique mélodique, le premier étant l'un des éléments du compendium de logique dans la tradition grecque tardive, puis arabe: voir plus bas). Si alKindi avait effectivement composé un abrégé de la Poétique, cela signifierait que le texte d' Aristote avait été traduit antérieurement A la version d’Ishäg ibn Hunayn.

Mais il se pourrait aussi que le traité d'al-Kindi, en supposant qu'il ait bien existé, ait été compilé à partir de matériel de seconde main, inauthentique, mais attribué à Aristote, comparable à celui qui est à la source du traité d’al-Färäbi (comme on l'a

suggéré ci-dessus). Du moins al-Kindi mentionne-t-il la Poétique comme le huitiéme des traités de logique (selon le schéma tardo-antique, repris et développé dans la tradition arabe: voir ci-dessous), dans son ouvrage introductif aux livres d'Aristote, Risäla fi kammiyya kutub Aristätälis wa-mà yuhtagu ilayhi fi rahsil al-

falsafa («Sur le corpus des livres d'Aristote et sur ce qui est nécessaire pour acquérir la philosophie») : cf. l'édition, avec traduction italienne, de 27 M. Guidi

et R. Walzer, «Studi su al-Kindi I: Uno scritto introduttivo allo studio di Aristotele», RAL serie VI, 6, 1937, p. 375-419 (aux p. 392, 402, 406, 417); traduction de la section sur la logique par 28 N. Rescher, « Al-Kindi's Sketch of Aristotle's Organon », NSchol 37, 1963, p. 44-58, réimpr. dans 29 N. Rescher, Studies in the History of Arabic Logic, Pittsburgh 1963, p. 28-38. Plusieurs traités se rapportant à la Poétique ont été composés par Abü Nasr alFäräbi ( 950): excellent exposé d'ensemble sur ces traités et leur contenu dans

Heinrichs 4, p. 127-155. La Risála fi gawänin sina'at al-si'r, éditée et traduite par Arberry 26, d’après le manuscrit India Office 3832, emprunte à Aristote aussi bien

LA POETIQUE - TRADITION SYRIAQUE ET ARABE

213

qu'à des sources apocryphes, d'oà provient un ensemble de vues sur les genres poétiques et les classes de poètes, qui sont indépendantes du texte aristotélicien ; autre édition, d'aprés le méme manuscrit, dans Badawi 21, p. 147-158. Un autre manuscrit (Princeton, Yahuda 308) est signalé par Peters 3, p 29 n. 4 (d'apres J. Kritzeck, MIDEO 3, 1956, p. 376). Nouvelle édition par 30 M. T. Dànis Pazüh, A/Mantigiyyät li-l-Färäbi («Les œuvres logiques d’al-Färäbi»), 3 vol., Qom 1408, 1409 et 1410 H., t. 1, p. 493-499. Bréve, mais lucide, analyse du traité, dans

Dahiyat 25, p. 20-27, oü sont signalés les différents points de vue, logique, puis épidictique (en termes d'éloge et de bláme), successivement adoptés par al-Färäbi dans sa description de l'art poétique et de ses genres. Un autre traité d’al-Färäbi touchant la Poétique fait partie de la suite d'ouvrages (sortes d'épitomés) qu'il a composés en relation avec les traités qui constituent l'Organon : éditions de ce «Livre de la poétique» par 31 M. Mahdi « Kitàb al-si'r li-abi Nasr al-Färäbi », Shi‘r 3, 1959, p. 90-95, et Dàni$ Pazüh 30, t. 1, p. 500-503. Traduction hébraique, attribuée par l'érudition moderne à Todros Todrosi d' Arles (vers 1330): cf. 32 M. Zonta, La filosofia antica nel Medioevo ebraico. Le traduzioni ebraiche medievali dei testi filosofici antichi, coll. « Philosophica. Testi

e studi» 2, Brescia 1996, p. 190, 193. Le contenu de ce traité est brièvement décrit par 33 M.S. Galston, « Al-Farabi et la logique aristotélicienne dans la philosophie islamique », dans M. A. Sinaceur (édit.), Aristote aujourd'hui, Paris 1988, p. 192-

217 (aux p. 193-198); selon cet auteur, le Kitab al-si'r «reprend de manière systématique les enseignements généraux des trois premiers chapitres de la Poétique d'Aristote en les reformulant dans un langage familier aux lecteurs musulmans », sans commenter le reste de l'ouvrage (p. 197). L’inclusion

de la Rhétorique

et de la Poétique

dans un Organon élargi,

esquissée sous forme de projet dans la tradition philosophique alexandrine, a trouvé sa pleine expression, et ses justifications théoriques, dans la tradition arabe. On la trouve mentionnée dans l'épitre d'al-Kindi «Sur le corpus des livres d'Aristote » (voir ci-dessus), mais c'est dans le traité d' al-Farabi intitulé /hsa’ al-

‘ulüm («Recensement des sciences ») qu'en est donné le premier exposé systématique (au chapitre deuxiéme): cf. 34 A. Gonzalez Palencia (édit.), Al-Färäbi, Catálogo de las ciencias, Madrid/Granada 1932, 2* éd. 1953 (avec traduction espagnole) ; 35 U. Amin (édit.), Al-Färäbi, /hsa’ al-'ulüm, Le Caire 1931, 3° éd.

1968. Ce traité d’al-Färäbi a connu une grande diffusion au moyen áge latin, moins

par la traduction de Gérard de Crémone

(vers

1175-1180),

que par le

remaniement (rédigé vers 1150) qu'en fit Gundisalvus (dont le nom est aussi orthographié Gundissalinus), archidiacre de Tolède, sous le titre De scientiis, et par son propre traité De divisione philosophiae, dans lequel il reprend le matériel farabien: cf. 36 H. Hugonnard-Roche, «La classification des sciences de Gundissalinus et l'influence d’Avicenne », dans J. Jolivet et R. Rashed (édit.), Études

sur Avicenne, Paris 1984, p. 41-75 [sur les problémes posés par l'identification de Gundisalvus et par l'attribution à cet auteur de diverses œuvres propres ou de traductions de l'arabe au latin, cf. 37 A. Rucquoi, «Gundisalvus ou Dominicus Gundisalvi », BullPhilosMed 41, 1999, p. 85-106]. Le succés de l'ouvrage d'alFäräbi ne fut pas moindre dans la tradition hébraique: voir 38 M. Zonta, La

214

ARISTOTE DE STAGIRE

"classificazione delle scienze" di al-Faräbi nella tradizione ebraica, Edizione

critica e traduzione annotata della versione ebraica di Qalonymos ben Qalonymos ben Me'ir, coll. « Eurasiatica» 29, Venezia 1992. Pour une brève présentation du point de vue logique, sous lequel al-Färäbi envisage, dans ce traité, la place de la Poétique dans l'Organon, voir Dahiyat 25, p. 15-20. La question de l'inclusion de la Poétique (et de la Rhétorique) dans le corpus logique d'Aristote, et des nouvelles interprétations que ces textes (et la logique elle-même tout entière) ont reçues par suite de cette nouvelle organisation, a fait l'objet de plusieurs études récentes. Cette question de l'extension de l'Organon a souvent recu l'appellation de « context theory», forgée en relation avec la place de la Poétique dans la logique par 39 O.B. Hardison, « The Place of Averroes" Commentary on the Poetics in the History of Medieval Criticism», dans I. L. Lievsay (édit.), Medieval and Renaissance Studies, t. 4, Duke 1970, p. 57-81. Sur la tradition alexandrine de cette taxinomie de l'Organon, voir 40 R. Walzer, «Zur

Traditiongeschichte der aristotelischen Poetik», SIFC 11, 1934, p. 5-14, réimpr. dans 41 Id., Greek

into Arabic: Essays on Islamic Philosophy, London

1963,

p. 129-136. S'agissant de la tradition arabe, le "syllogisme poétique" a été étudié dans un important article de 42 G. Schoeler, « Der poetische Syllogismus: Ein Beitrag zum Verständnis der "logischen" Poetik der Araber», ZDMG 133, 1983, p. 43-92, qui décrit la forme logique de ce syllogisme (d’après Avicenne et alFäräbi), puis examine sa place dans le corpus logique et la question de son usage (et de son rapport à la poésie). Voir aussi Galston 33 (à propos d’al-Färäbi), et 43 D.L. Black, «The “Imaginative Syllogism" in Arabic Philosophy: A Medieval Contribution to the Philosophical Study of Metaphor», MediaevalStud 51, 1989, p. 241-267, qui porte sur la relation entre imagination et syllogisme poétique, et également sur la structure formelle du "syllogisme imaginatif", à propos d'alFäräbi et d'Avicenne [trad. française, souvent inexacte : 44 Id., « Le “syllogisme imaginatif" dans la philosophie arabe: contribution médiévale à l'étude philosophique de la métaphore», dans M. A. Sinaceur (édit.), Penser avec Aristote, Toulouse 1991, p. 245-273]. La question a été reprise dans son ensemble et développée à l'aide d'analyses détaillées dans l'étude fondamentale de 45 D. L. Black, Logic and Aristotle's Rhetoric and Poetics in Medieval Arabic Philosophy, coll. «Islamic Philosophy and Theology » 7, Leiden 1990, qui s'appuie sur l’œuvre des philosophes al-Färäbi, Ibn Sinä et Ibn Rusd [lire aussi le c.r. de 46 J. Lameer,

« Aristotelian Rhetoric and Poetics as Logical Arts in Medieval Islamic Philosophy », BO 50, 1993, col. 563-582]. La découverte, dans un petit traité d’al-Färäbi, Le Propos d’al-Färäbi sur l'harmonie (al-tanäsub) et la composition (al-ta’lif), d'exemples de syllogismes

poétiques a permis à 47 M. Aouad et G. Schoeler, «Le syllogisme poétique selon al-Färäbi : un syllogisme incorrect de la deuxième figure », ASPh 12, 2002, p. 185196, d'identifier, dans la doctrine d’al-Färäbi tout au moins, la structure de ces syllogismes, constitutifs de la métaphore: il s'agit de syllogismes incorrects de la deuxième figure (propositions affirmatives et moyen terme attribut de la majeure et de la mineure). Cette conclusion est d'ailleurs renforcée par un passage (récemment découvert par M. Aouad) du Livre de la Poerique d’Ibn Tumlüs, qui

LA POETIQUE - TRADITION SYRIAQUE ET ARABE

215

non seulement donne des exemples de syllogismes po£tiques, mais en fournit explicitement une interprétation en termes de syllogismes incorrects de la deuxième figure. Ce passage est traduit, édité et analysé dans 48 M. Aouad, «Le syllogisme poétique selon le Livre de la Poétique d'Ibn Tumlüs», dans R. Arnzen et J. Thielmann

(édit.), Festschrift für

Gerhard

Endress,

coll.

«Orientalia

Lovaniensia Analecta », Leuven 2004 (à paraitre). Le Livre de la Poétique d'Ibn Tumlüs appartient à son Introduction à l'art de la logique dont les sources sont

essentiellement al-Färäbi [voir 49 A. Elamrani-Jamal, «Éléments nouveaux pour l'étude de l'introduction à l'art de la logique d'Ibn Tumlüs (m. 620 H./122)», dans A. Hasnawi, A. Elamrani-Jamal et M. Aouad (édit.), Perspectives arabes et médiévales

sur la tradition scientifique

et philosophique

grecque.

Actes

du

Colloque de la S.1. H. S. P. A. I. 29 mars-3 avril 1993, Paris 1997, p. 465-469] et Averroes [voir 50 M. Aouad (édit.), Averroes (Ibn Rusd), Commentaire moyen à la Rhétorique d'Aristote, texte établi, traduit et commenté par M. A., 3 vol., Paris 2002, vol. I, p. 8, 211-212, 216-218 ; 51 Id., Ibn Tumlüs' Book on Rhetoric, critical edition, translation and notes (à paraître) ; 51bis /d., « Le Livre de la Poétique d'Ibn Tumlüs et Le Commentaire moyen à la Poétique d' Aristote par Averroes »

(article à paraitre)]. Sur les rapports de la doctrine farabienne de l'imagination poétique, de la religion et de la politique, voir 52 W. Heinrichs, «Die antike Verknüpfung von Phantasia und Dichtung bei den Arabern », ZDMG 128, 1978, p. 269-298, ainsi que les autres travaux signalés dans DPhA vol. I, p. 465-466. Le corpus de Gäbir (IX*-X* s.) comporte le titre suivant: Notre livre dans lequel nous avons commenté le livre d'Aristote sur la Rhétorique et l'Éloquence en matiére de Poésie et de Dialectique, — traduction empruntée à 53 P. Kraus, Jabir

ibn Hayyan, Contribution à l'histoire des idées scientifiques dans l'Islam, 1: Le corpus des écrits jabiriens, coll. «Mémoires de l'Institut d'Égypte » 44, Le Caire 1943, p. 164, n? 2586, qui note: «il est possible que Jabir ait commenté la Rhétorique et la Poétique dans un ouvrage unique, mais le titre précité est équivoque ». Avicenne (t 1037) a traité plusieurs fois du contenu de la Poétique dans ses ouvrages. Le plus ancien traité fait partie de son encyclopédie al-Hikma al'arüdiyya («Philosophie pour al-"Arüdi»), rédigée à l’âge de vingt et un ans pour un certain Abü-l-Hasan le métricien (al- 'arüdi): cf. 54 M. Salim Salim (édit.), Ibn

Sina, Kitäb al-magmü' aw al-hikma al- 'arüdiyya fi ma'äni Kitäb al-Si'r («Compilation ou philosophie pour al-'Arüdi sur les significations du livre de la poétique »), Le Caire 1969. Sur l'ensemble de cette encyclopédie, voir 58 D. Gutas, Avicenna

and the Aristotelian

Tradition. Introduction

to reading

Avicenna's

philosophical works, coll. «Islamic philosophy and theology. Texts and studies » 4, Leiden 1988, p. 87-93. Plus ample que la précédente somme, le Kitab al-Shifa' («Livre de la Guérison») contient, dans la neuviéme section de la premiere partie consacrée à la logique, un traitement de la Poétique : cette section a été éditée par Margoliouth 14, p. 80-112 (avec traduction des chap. 1-3, p. 73-90), et par Badawi 21, p. 159-198 ; autre édition par 56 'A. Badawi (édit.), Ibn Sina, al-Sifa',

al-Mantiq, al-Si'r, Le Caire 1966. Traduction anglaise par Dahiyat 25, avec étude

216

ARISTOTE DE STAGIRE

de l'approche avicennienne de la poétique (p. 10-12 et 29-58). Traduction partielle des chap. 1-2, dans 57 V. Cantarino, Arabic Poetics in the Golden Age: Selection of Texts Accompanied by a Preliminary Study, coll.

«Studies in Arabic Literature.

Supplement to the Journal of Arabic Literature» 4, Leiden L'étude

1975, p. 132-140.

de 58 F. Gabrieli, «Estetica e poesia araba nell'interpretazione della

Poetica aristotelica presso Avicenna e Averroë », RSO 12, 1929-1930, p. 291-331, manque certaines différences essentielles entre les commentaires d'Avicenne et d' Averroes, et ne situe pas la Poétique d' Aristote à sa vraie place dans la tradition arabe (cf. Dahiyat 25, p. 11 n. 3). Par opposition à ce que tentera Averroes, Avicenne ne se propose pas d'harmoniser la Poétique d' Aristote avec l'art de la poésie arabe, mais il marque au contraire la différence entre les deux domaines (lire Dahiyat 25, p. 31-45).

D'après le bibliographe Ibn abi Usaybi'a, 'Uyün al-anba' fi tabaqat al-atibba' (« Sources d'informations sur les classes des médecins »), ed. Müller, Le Caire

1882, Il, p. 94, Ibn al-Haytam (t 1039) aurait composé une œuvre sur la poétique «à partir d'éléments grecs et arabes»: cette œuvre pourrait avoir utilisé la Poétique.

Ibn Ruëd (* 1198) a composé deux commentaires sur la Poétique, un « abrégé » et un «commentaire moyen ». L'abrégé, conservé en arabe dans deux manuscrits en écriture hébraique (Paris BnF hebr. 1008, München hébr. 309) est le dernier d'un ensemble d'abrégés (écrit vers 1157) couvrant tout l' Organon étendu de la

tradition arabe, ensemble auquel a été donné parfois le titre al-Darüri fi-I-Mantig («Ce qui est nécessaire en logique»). Cet abrégé a été édité d’après le ms München hébr. 309 (incomplet) et le ms Paris hébr. 1008 (pour la fin du texte) par 59 Εἰ Lasinio, Il commento

medio di Averroè alla Poetica di Aristotele per la

prima volta pubblicato in arabo e in ebraico e recato in italiano. coll. « Annali delle Università Toscane: Scienze noologiche» 13, Pisa 1873, p. XVII-XVIII, Appendice A. Nouvelle édition à partir des deux mss par 60 Ch. E. Butterworth, Averroés' Three Short Commentaries on Aristotle's "Topics", "Rhetoric", and "Poetics", coll. «Studies in Islamic Philosophy and Science», Albany 1977, p. 203-206, avec traduction anglaise p. 83-84 (et notes p. 132-134) [important c. r. par 61 G. Schoeler, « Averroés' Rückwendung zu Aristoteles. Die "Kurzen" und die “Mittleren Kommentare zum Organon" », BO 37, 1980, p. 294-301, qui montre

que, dans son abrégé, Averroes dépend largement de l'exégeése des philosophes de la tradition arabe, al-Farabi et Avicenne, alors que dans son «commentaire moyen» il cherche à se libérer de cette tradition pour revenir à la pensée originale d' Aristote: pour prendre un exemple, il n'est pas question dans le « commentaire moyen » du syllogisme poétique, tandis que dans l'abrégé ce syllogisme est pris en considération et que la poésie est traitée comme un art du syllogisme en puissance]. Cet abrégé a fait l'objet de deux traductions en hébreu, la première par Jacob ben Mahir Ibn Tibbon en 1289 (liste de mss dans 62 M. Steinschneider, Die hebraeischen Übersetzungen des Mittelalters und die Juden als Dolmetscher, Berlin 1893, p. 54; l'ensemble des abrégés de logique, dans la version de Jacob, a été publiée par 63 J. Marcaria, Kol mel'eket higgayon le-Aristutalis, Riva di Trento

5320 [= 1559]), et la seconde - une révision de la précédente — par Samuel ben

LA POÉTIQUE - TRADITION SYRIAQUE ET ARABE

217

Yehuda de Marseille en 1329 (ms. Paris BnF hebr. 956). Une traduction de l'hébreu au latin, faite par Abraham de Balmes (t 1523), apparait dans les éditions

de la Renaissance, à partir de 1550: voir, par exemple, l'édition des Giunta, Venise 1562 (réimpr. Frankfurt am Main 1962), vol. 2, fol. 197",

Le «commentaire moyen » (talhis) d'Averroés sur la Poétique, composé vers 1175, et aujourd'hui conservé dans deux manuscrits (Florence Laurent. or. 180 et

Leiden Univ. 2073), a été édité par Lasinio 59, d'aprés le ms. de Florence (avec l'aide des versions latines et hébraique : cf. ci-dessous). Quand, par la suite, le ms.

de Leiden fut découvert, les variantes en furent éditées par 64 Id., « Studi sopra Averroè, Vi», GSA/ 11, 1897-1898, p. 141-152 et 12, 1899, p. 197-206. Une édition du traité a été donnée par Badawi 21, p. 199-250, qui n'a pas consulté les manuscrits et se borne à reproduire l'édition de Lasinio 59, en y ajoutant quelques notes. Nouvelle édition, à partir des manuscrits, par 65 M. Salim Salim (édit.), Ibn Rusd, Talhis kitäb Aristürälis ft al-Si'r, Le Caire 1971. Une dernière édition

critique a été faite par 66 C. Butterworth et A.'A. al-M. Haridi (édit.), {bn Rusd, Talhis kitäb al-sir, coll. «Corpus Commentariorum Averrois in Aristotelem », Versionum

Arabicarum 1 a (9), Le Caire 1986. Sur la base de cette édition, une

traduction anglaise a été donnée

par 67 C. Butterworth,

Averroes' Middle

Commentary on Aristotle's Poetics, Princeton 1986 (lire le c. r. de Gutas 6). Sur ce

commentaire d' Averroes, voir 68 J. Tkatsch, « Über den arabischen Kommentar des Averroes zur Poetik des Aristoteles», WS 24, 1902, p. 70-98 ; Gabrieli 58. Sur l'utilisation de la Poétique par Averro&s aux fins de présenter ses propres vues sur l'art poétique, cf. 69 V. Cantarino, « Averroes on Poetry », dans G.L. Tikku (édit.),

Islam and its Cultural Divergence: Studies in Honor of Gustave E. von Grunebaum, Urbana 1971, p. 10-26. Une traduction latine du texte arabe du «commentaire moyen» a été faite par Hermann |’ Allemand en 1256 à Tolède, et publiée dans les éditions vénitiennes de 1481 et 1515, mais jamais réimprimée depuis lors; voir Aristoteles Latinus I, p. 103-104, n? 104, et p. 212-213; édition moderne en annexe dans MinioPaluello 18, p. 39-74. Ainsi qu'il l'explique dans son prologue (voir ibid., p. 41), Hermann avait entrepris de traduire la Poétique d' Aristote à partir de l'arabe, mais devant

les difficultés qu'il rencontrait, il se résolut à traduire le commentaire

d'Averroes dans l'espoir de fournir un texte plus intelligible aux Latins: c'est par cette version latine du Commentaire d’Averro&s que la Poétique fut connue du moyen áge latin, avant la traduction gréco-latine de Guillaume de Moerbeke (exécutée en 1278). Voir aussi les remarques de Tkatsch 1, p. 134-136. Une traduction hébraique de l'arabe faite par Todros Todrosi d' Arles en 1337, à Trinquetaille, a été publiée par Lasinio 59 (Parte seconda), d’après deux manuscrits (Parme De Rossi 362 et Turin 40. A. 1. 14) ; d'autres sont connus: voir

Steinschneider 62, p. 62-63 (sur le traducteur, voir Zonta 32, p. 249-254). A la Renaissance, cette version hébraïque fut à son tour traduite deux fois en latin (au

milieu du XVI siècle). L'une de ces versions, due à Jacob Mantino, fut publiée dans les diverses éditions juntines des œuvres d'Aristote accompagnées des commentaires d' A verroés (en 1550, 1562, 1570) ; l'édition de 1562 a été reprise et annotée par 79 F. Heidenhain, « Averrois Paraphrasis in Librum Poeticae

218

ARISTOTE DE STAGIRE

Aristotelis Jacob Mantino Hispano Hebraeo medico interprete, ex libro qui Venetiis apud Iunctas A. MDLXII prodiit», JKPh, Supplementband 17, 1889, p. 349-382. L'autre version, faite par Abraham de Balmes, figure dans une édition publiée à Venise en 1560 (apud Cominum de Tridino). Comparaison du texte arabe avec la traduction de Jacob Mantino dans Tkatsch 68. Les commentaires d' Averroes à la Poétique ont été diversement évalués. Selon 71 F. Lehner, « An Evaluation of Averroes' Paraphrase on Aristotle's Poetics », Thomist 30, 1966, p. 38-65, Averroes n'a pas compris le texte d' Aristote, et c'est ce qui explique ses divergences avec sa source grecque ; méme interprétation dans 72 Id., « The Lambda-Ennea Case», Thomist 32, 1968, p. 387-423. A l'opposé, Averroès est considéré comme se distinguant intentionnellement du philosophe grec par 73 H. Gätje, « Averroes als Aristoteleskommentator », ZDMG 114, 1964, p. 59-65. La Poétique posait aux interprètes arabes de difficiles problèmes d'interprétation, du fait que diverses notions relevant de la culture grecque, (genres littéraires, formes artistiques, formes de société, etc.) n'avaient pas d'équivalents dans la culture arabe. On trouve des exemples des difficultés rencontrées par les traducteurs, et des interprétations suscitées par les traductions chez les philosophes de langue arabe, dans Gutas 6 (à propos de la tragédie qui devient l'art de l'eulogie se rapportant aux actions vertueuses), Gabrieli 58, Cantarino 57. HENRI HUGONNARD-ROCHE.

LA RHETORIQUE. TRADITION SYRIAQUE ET ARABE (COMPLEMENTS)

Les informations qui suivent s’ajoutent, pour la plupart, à celles apparaissant sous des rubriques identiques dans la notice sur «La Rhétorique. Tradition syriaque et arabe » (DPhA, vol. I, p. 455-472). Version syriaque On sait, par la notice d'Ibn al-Samh, qu'il existait une version syriaque de Rhér, mais il n'y en a pas de manuscrit actuellement conservé (voir DPhA, vol. I, p. 456). Le seul commentaire syriaque dont on dispose est celui de Bar Hebraeus (t 1286) dans La Crème de la Sagesse. 103 J. W. Watt en prépare une édition et une traduction pour la série Aristoteles Semitico-Latinus. Bar Hebraeus a utilisé le commentaire d'Avicenne (dans le Sifá' : voir Salem 9), mais aussi une version

syriaque de Rhét [m&me procédure dans Poét : voir, dans ce supplément, la notice de H. Hugonnard-Roche sur «La Poétique. Tradition syriaque et arabe »]. La version de Bar Hebraeus est proche de la traduction arabe ancienne (voir, sur celleci, DPhA, vol. I, p. 457-459). Par exemple, au niveau de Rhét 1365a24-30, Bar

Hebraeus et l'ancienne traduction arabe (Lyons 12, vol. I, p. 38-39 et 263-264) ont, tous les deux, l'addition «le troisième homme armé, Iphicrates, étendu sur la terre, louant et décrivant », alors qu' Avicenne remarque seulement que le Premier Enseignement (c.-à-d. celui d' Aristote) donne des exemples que, lui, Avicenne ne comprend pas. Il est aussi évident que la version de Rhét utilisée par Bar Hebraeus ne se confond pas avec la traduction arabe ancienne, mais est une version syriaque proche de cette derniére, comme le montrent les nombreuses translittérations de termes grecs, termes que l'on ne trouve pas dans la traduction arabe ancienne. Par exemple, pour 1360a12 dapane, Bar Hebraeus a d'p'ny, la traduction arabe ancienne nzl ou bdi ; pour 1372233 Diosis, Bar Hebraeus a dywsys, la traduction arabe £nf ou hyf. On discerne donc, dans le commentaire de Bar Hebraeus, le

profil de la version syriaque, et il apparaît que l'ancienne traduction arabe a été traduite soit du syriaque, soit — avec l'aide de la traduction syriaque — d'un manuscrit grec semblable au manuscrit grec du traducteur syriaque. [Pour une présentation plus détaillée de cet argument, voir l'introduction de Watt 103]. JOHN WATT. Tradition arabe

1) Question de la survie cours. Les deux premiéres Rashed, «L’exégèse de la mentateurs grecs, arabes et

de textes anciens. Une enquéte en trois parties parties ont déjà été publiées : 104 M. Aouad Rhétorique d' Aristote: recherches sur quelques byzantins. Premiere partie», Medioevo 23, 1997,

est en et M. comp. 43-

189 : 105 M. Aouad et M. Rashed, «L'exégese de la Rhétorique d' Aristote: recherches sur quelques commentateurs grecs, arabes et byzantins. Deuxiéme

partie », Medioevo 25, 1999-2000, p. 551-649.

ARISTOTE DE STAGIRE

220

2) Question du rattachement de la rhétorique et de la poétique à la logique, ses antécédents grecs et ses développements dans les commentaires arabes : 106 D.L. Black, Logic and Aristotle's "Rhetoric" and "Poetics" in Medieval Arabic Philosophy, Leiden 1990 ; comptes rendus par 107 O. Leaman, dans Asian Philosophy 2, 1992, p. 102-104 ; 108 E. L. Ormsby, dans The Middle East Journal 46, 1992, p. 704-705 ; 109 J. Lameer, « Aristotelian Rhetoric and Poetics as Logical Arts in

Medieval Islamic Philosophy », BO 50, 1993, col. 563-582, et 110 R. Würsch, dans ZDMG 144, 1994, p. 380-388. 3) Traduction arabe de Rhét. Compte rendu critique des éditions Lyons 12 et Badawi 7 par 111 E. Panoussi, « The Unique Arabic Manuscript of Aristotle's Ars Rhetorica and its two Editions published to date by 'Abdrrahman Badawi and by M[alcolm] C. Lyons», dans S.J. Ashtiyäni, H. Matsubara, T. Iwami, A. Matsumoto (édit.), Consciousness and Reality. Studies in Memory of Toshihiko Izutsu, Tokyo 1998, p. 233-250. Revue des fragments conservés dans al-' ÀAmiri 47, al-Sa'áda wa-l-is'äd par 112 St. Pohl, « Die Aristotelische Ethik im Kitäb asSa'áda wa-l-is'ád des Abü l-Hasan al-' Àmiri », dans G. Endress et R. Kruk (édit.),

The Ancient Tradition Transmission

in Christian and Islamic Hellenism. Studies on the

of Greek Philosophy and Sciences dedicated to H. J. Drossaart

Lulofs, Leiden 1997, p. 201-238. Analyse des citations empruntées à la poésie grecque dans 113 M.C. Lyons, « Poetic quotations in the Arabic Version of Aristotle's Rhetoric », ASPh 12, 2002, 197-216. 4) Gäbir b. Hayyän. Précisions dans Aouad 130 (cité plus loin), vol. I, p. 4.

5) Al-Färäbi. De nombreux fragments arabes correspondant à des passages en latin de la Didascalia in Rethoricam Aristotelis ex glosa Alpharabii ont été trouvés dans Le Livre sur ce qui est utilisé, de la logique, dans les sciences et les arts du médecin Ibn Ridwän ( 1061 ou 1068). Ils ont été publiés et identifiés dans

114 M. Aouad, «La

doctrine

rhétorique

d’Ibn

Ridwän et la Didascalia

in

Rhetoricam Aristotelis ex glosa Alpharabii», ASPh 7, 1997, p. 163-245 ; 115 Id.,

«La doctrine rhétorique d'Ibn Ridwàn et la Didascalia in Rhetoricam Aristotelis ex glosa Alpharabii (suite)», ASPh 8, 1998, p. 131-160 ; 116 Id., « Le texte arabe du chapitre sur la rhétorique d'Ibn Ridwän et ses correspondants dans la Didascalia in Rhetoricam Aristotelis ex glosa Alpharabii : fragments du Grand commentaire à la Rhétorique d’al-Färäbi », dans 117 G. Dahan et I. Rosier-Catach (édit.), La Rhétorique d'Aristote : traditions et commentaires, de l'Antiquité au

XVIF siècle, Paris 1998, p. 169-225. Les fragments attestent de l'authenticité de la Didascalia et constituent une preuve de plus de l'existence du Grand Commentaire à la Rhétorique par al-Färäbi, aujourd'hui perdu. Par ailleurs, aux éditions déjà disponibles du Kitab al-Hatäba on ajoutera : 118 M.T. Daneche Pajuh (édit.), Al-Mantigiyyät li-I-Färabi, t.

1: Al-Nusüs al-mantiqiyya, Qom

Hatäba, p. 456-492. Différents examinés dans 119 M. Aouad, reconsidérés par Al-Färäbi, ou le ASPh 2, 1992, p. 133-180 ; Aouad

1408 H., Kitab al-

points de doctrine propres à al-Färäbi sont «Les fondements de la Rhétorique d'Aristote concept de point de vue immédiat et commun », 115 et 116.

6) Al- Àmiri. Précisions dans Pohl 112.

LA RHETORIQUE - TRADITION SYRIAQUE ET ARABE

221

7) Avicenne. Traduction en allemand du premier livre de la Rhétorique du Sifa' (Salem 9, p. 1-49) dans 120 R. Würsch (édit. et trad.), Avicennas Bearbeitungen der aristotelischen "Rhetorik" : ein Beitrag zum Fortleben antiken Bildungsgutes in der islamischen Welt, Berlin 1991 [introduction doctrinale, p. 1-139 ;

traduction, p. 140-174 ; annotation, p. 175-212 ; conclusion synthétique, p. 213217 ; concordance entre les livres II-IV de la Rhétorique du Sifá' (non traduit) et

Rhét, p. 218-219 ; collation du texte du livre I dans deux manuscrits de Leiden avec l'édition Salem 9, qui ne les avait pas pris en considération, p. 220-234 ; plusieurs index (général, des concepts arabes et des concepts grecs), p. 235-247 ; bibliographie, p. 248-260]. Compte rendu par 121 M. Aouad, BCAI, 10, 1993, p. 106-121, à rectifier par 122 /d., « Définition du concept de loué selon le point de vue immédiat dans la Rhétorique du Sifá'», dans 123 A. Hasnawi, A. Elamrani-

Jamal et M. Aouad (édit.), Perspectives arabes et médiévales sur la tradition scientifique et philosophique grecque. Actes du Colloque de la S.I. H. S. P.A.I. Paris 29 mars-3 avril 1993, Paris

1997, p. 420, n. 21 ; 446, n. 70. Analyse de

différents points de doctrine dans : 124 R. Würsch, «Die Lehre vom Enthymem in der Rhetorik des Aristoteles und ihre Weiterentwicklung bei Avicenna und Averroes», dans K. Jacobi (édit.), Argumentationstheorie. Scholastische Forschungen zu den logischen und semantischen Regeln korrekten Folgerns,

Leiden 1993, p. 589-606 ; 125 M. Aouad, «Les prémisses rhétoriques selon les Isárát d' Avicenne», dans Ph. Büttgen, St. Diebler et M. Rashed (édit.), Théories

de la phrase et de la proposition de Platon à Averroës, Paris 1999, p. 281-304 ; Aouad 122, p. 409-451. 8) Ibn al-Haytam Il ne s'agirait pas du grand mathématicien (Alhazen) : voir 126 R. Rashed (édit. et trad.), Les Mathématiques infinitésimales du IX* au XI*

s.

Ibn al-Haytham, vol. 1l, London 1993, p. 1-19, qui soutient que 127 A. Müller (édit.), Ibn Abi Usaybi'a,

'Uyün al-anbä’ fi tabaqát al-atibbä’, 3 vol., Le Caire/

Leipzig 1882-1884, vol. II, p. 90-99, a confondu deux personnages : Abü 'Ali alHasan b. al-Hasan b. al-Haytam (t aprés 1040), le célébre mathématicien, physicien et astronome, et Muhammad b. al-Hasan b. al-Haytam (naissance vers 965), philosophe et médecin ayant accessoirement composé des ouvrages d'astronomie,

d'optique et de mathématiques à visée plutót didactique. Ce dernier aurait été en rapport «avec Ibn al-Samh et Ibn al-Tayyib, c'est-à-dire avec l'école de Bagdad » (Rashed 126, p. 19). Cette thèse a été contestée par 128 A. I. Sabra, « One Ibn al-

Haytham or Two?: An Exercise in Reading the Bio-Bibliographical Sources », ZGIW 12, 1998, p. 1-50. 9) Ibn al- Tayyib. Précisions dans 104 Aouad-Rashed. 10) Ibn Ridwän (t 1061 ou 1068). Tous les passages concernant la rhétorique du Livre sur ce qui est utilisé, de la logique, dans les sciences et les arts, ceux

empruntés à Al-Färäbi et ceux du cru d'Ibn Ridwän, sont publiés, traduits et analysés dans Aouad 114 et 115. 11) Le livre qu’Abü al-Barakät Hibatalläh b. Malkä al-Bagdädi (f aprés 1165) consacre aux «syllogismes rhétoriques, qui sont ceux que l'on appelle en grec ritüriqd » dans Al-Kitáb al-mu'tabar (129 Abu al-Barakät Hibatalläh b. ‘Ali b.

222

ARISTOTE DE STAGIRE

Malka al-Bagdädi, A/-Kitab al-mu'sabar fi al-hikma, 3 vol., Haydarabad

1357-

1358 H, vol. I, p. 269-276.) dépend manifestement de Fi ma'ani kitàb Rituriqa d'Avicenne (voir Würsch

120, p. 11; 63; 77; 79 ; 217), dont il reprend souvent la

formulation elle-méme. Seulement, il m'est apparu qu'il en diverge aussi sur quelques points fondamentaux. Ainsi, curieusement, la 'umda devient les procédés extérieurs au discours (al-Bagdadi 129, vol. I, p. 269, 21-270, 1), alors que, selon

la plupart des commentateurs arabes, le pilier ('amud) de la rhétorique constitué de l’enthymème et de l'exemple. 12) Averroés.

Avec

130 M.

Aouad

(édit. et trad.), Averroes

est

(Ibn Rusd),

Commentaire moyen à la Rhétorique d'Aristote. Édition critique du texte arabe et traduction française par M.A. = Union Académique Internationale, Corpus Philosophorum Medii Aevi, Averrois Opera, Series À : Averroes Arabicus, XVII, coll. « Textes et traditions » 5, Paris 2002, 3 vol., X-501 p., VI-450 p., V-705 p., on dispose maintenant de la première traduction en langue moderne de la totalité d'un commentaire continu médiéval de la Rhétorique d' Aristote. Cette traduction est accompagnée d'une édition critique du texte arabe : vol. 1: Panorama de la tradition arabe de la Rhétorique. Méthodes et dates du Commentaire moyen à la Rhétorique, p. 1-50 ; Le fil directeur, p. 51-126 ; Résumé analytique, principales articulations et points forts, p. 127-188 ; Hiérarchie des idées du Commentaire moyen à la Rhétorique, p. 189-204 ; L'édition et la traduction : Sources et méthodes, p. 205-222 ; Signes et remarques marginales dans les manuscrits, p. 223-264 ; Lecture des éditions antérieures, p. 265-277 ; Index des notions du texte

arabe du Commentaire moyen à la Rhétorique, p. 281-411 ; Index des notions de la traduction francaise, p. 413-434 ; Index des proverbes et adages arabes, p. 435-436 ; Index des noms figurant dans le texte arabe du Commentaire moyen à la Rhetorique, p. 437-443 ; Index des noms figurant dans la traduction frangaise, p. 445-446 ; Index des noms et des termes de

civilisation de l’Introduction générale et du Commentaire du Commentaire, p. 447-462 ; Titres abrégés, p. 463-493 ; vol. II: Édition critique du texte arabe et, en vis-à-vis, traduction française : vol. II] : Commentaire du Commentaire. Quelques rectifications : vol. I, p. 8, n. 3, au lieu de : « 217 », lire : «216 » ; au lieu de : «223-4 », lire : «211-12 » ; vol. I, p. 473, au lieu de : «122», lire: «1223» ; vol. I, p. 478, ajouter: «Heinrichs, " Rhetoric and poetics " : W. Heinrichs, “ Rhétoric and poetics ", dans Encyclopedia of Arabic Literature, éd. 1. Scott Meisami et P. Starkey. 2 vol., London/New York, 1998, vol. II, p. 651-6 » ; vol. I. p. 483, 25,

ajouter : « p. 233-250 » ; vol. I, p. 492, dernière ligne, ajouter : « p. 589-606 » ; vol. II, p. 255. 19, au lieu de : « iglihi », lire : « aglihi » ; vol. II, p. 292, n. 2, au lieu de : « TAL I, 180, 5 », lire :

« TAL I, 188, 5 ».

Comparaison de la méthode du Commentaire moyen à la Rhétorique avec celle de l’Abrégé de la rhétorique dans : 131 M. Aouad, « Manühig Ibn Ruëd fi Al-Qawl fi al-aqáwil al-hutabiyya wa-Talhis Al-Hitába » (La méthode d’Averroès dans l'Abrégé de la rhétorique et dans le Commentaire moyen à la Rhétorique), dans

M. 'Arfa Mansia (édit.), Symposium international. Actualité d’Averroes. Ibn Rusd, faylasüf al-Sarq wa-al-Garb fi al-dikra al-mi'awiyya al-tämina li-wafätihi, 2 vol., Dar al-Gharb al-Islami, Tunis 1999, vol. IF, p. 41-55. Question de la datation, de la révision et des sources arabes du Commentaire moyen à la Rhétorique dans 132 M. Aouad et M. Rashed, « Commentateurs "satisfaisants" et "non satisfaisants" de la Rhétorique selon Averroes», dans G. Endress (édit.), Proceedings of the 4" Symposium Averroicum, Kóln, 7-10 Septembre, 1996, Leiden 1999, p. 83-124. Analyse de différents points de doctrine dans 133 M. Blaustein, « The Scope and Methods of Rhetoric in Averroes' Middle Commentary on Aristotle's Rhetoric,»

LA RHETORIQUE - TRADITION SYRIAQUE ET ARABE

223

dans Ch. E. Butterworth (édit.), The Political Aspects of Islamic Philosophy. Essays in Honor of Muhsin S. Mahdi, Cambridge (Mass.) 1992, p. 262-303 ; 134 Ch. E. Butterworth, «Political Teaching of Averroes», ASPh 2, 1992, p. 187-

202 ; 135 M. Aouad, «Les fondements de la Rhétorique d' Aristote reconsidérés par Averroes dans L'Abrégé de la rhétorique, ou le développement du concept de

* point de vue immédiat " », dans W. W. Fortenbaugh et D. C. Mirhady (édit.), Peripatetic Rhetoric After Aristotle, coll. RUSCH

6, New

Brunswick/London

1994,

p. 261-313 ; 136 /d., «Les fondements de la Rhétorique d' Aristote reconsidérés par Averroes dans le Commentaire moyen de la Rhétorique, ou le développement

du concept de "point de vue immédiat" », BEO 48, 1996, p. 113-128 ; 137 Ch. E. Butterworth, « Averroes' Platonization of Aristotle's Art of Rhetoric », dans Dahan

et Rosier-Catach 117, p. 227-240. Sur la tradition hébraique, on peut maintenant consulter 138 J.-P. Rothschild, «La Réception de la Rhérorique dans la littérature hébraique du moyen-áge », dans Dahan et Rosier-Catach 117, p. 257-282. 13) Ibn Tumlüs(f

1223). La plus grande partie de son Introduction à l'art de la

logique (Madhal ilà sinä‘at al-mantig) est constituée du Livre de la Rhétorique. Sur Ibn Tumlüs en général et son Introduction à l'art de la logique, voir 139 A. Elamrani-Jamal, « Éléments nouveaux pour l'étude de l'Introduction à l'art de la logique d'Ibn Tumlüs (t 620 H./122)», dans 123, p. 465-483. Quant au Livre de la Rhétorique, il m'est apparu comme un ample abrégé constituant sans doute la seule synthése conservée entre la tradition antérieure des abrégés arabes de la rhétorique et celle des commentaires continus de cet ouvrage : Kitab alHatäba d'al-Farabi ; Abrégé de la Rhétorique par Averroes ; Rhétorique du Sifa' par Avicenne et surtout Commentaire moyen à la Rhétorique par Averroes. Ce dernier ouvrage constitue d'ailleurs la source principale du Livre de la Rhétorique d’Ibn Tumlüs, qui en reprend souvent littéralement les mots. Le Livre de la Rhétorique sera édité avec une traduction en vis-à-vis et une présentation historique et doctrinale dans un ouvrage à paraitre prochainement : 140 M. Aouad (édit. et trad.), /bn Tumlüs' Book on Rhetoric, critical edition, translation and notes. Voir aussi Aouad 130, vol. I, p. 8; 211-212 ; 216-218. MAROUN

AOUAD.

LA METAPHYSIQUE. TRADITION GRECQUE

Origine et titre. Sous le titre de Métaphysique et de ses équivalents dans les langues modernes, on connait un ensemble de traités d' Aristote groupés sous le titre grec τὰ μετὰ τὰ φυσικά. Alors que le titre grec est au neutre pluriel, le titre moderne est au féminin singulier. Cette bi-

zarrerie s'explique par l'intermédiaire latin : le latin ne possédant pas d'article défini, la transcription latine des mots μετὰ φυσικά fut contractée en Metaphysica ; d'abord neutre pluriel, comme son modèle grec, ce mot apparut bientôt comme un féminin singulier dans l'intitulé des traductions latines de la Métaphysique (cf. 100 [cité plus bas], p. ΧΙ n. 1, p. LVI).

Absent des écrits d' Aristote qui nous sont conservés, le titre grec n'est attesté pour la première fois de façon sûre que dans l'intitulé d'un Examen de la Méta-

physique d'Aristote (θεωρία τῶν ᾿Αριστοτέλους μετὰ τὰ φυσικά) attribué à Nicolas de Damas (15) par [ἃ scolie terminale qui figure dans plusieurs manuscrits du «fragment métaphysique » de Théophraste (12 b 2). Un catalogue des ceuvres d' Aristote, attribué par ses deux témoins arabes à un certain Ptolémée el Garib (l'Étranger ou l'Inconnu), mentionne un ouvrage en treize livres dont 1 I. Düring, Aristotle in the Ancient Biographical Tradition, Góteborg 1957 (réimpr. New York 1987), p. 226, traduit le titre «His book

on that which comes

after the

physics », ce qui autorise la rétroversion en grec : τῶν μετὰ τὰ φυσικά. Quelle que soit l'identité de ce Ptolémée (voir la notice « Aristote de Stagire », A 414, DPhA I, p. 415-417), son catalogue dépend d’Andronicus de Rhodes (D 1*) aussi

bien dans son contenu que dans son ordonnance (voir la notice « Aristote de Stagire », A 414, DPhA I, p. 432-434, et notice « Andronicus de Rhodes », A 181).

Le catalogue des œuvres d' Aristote fourni par Diogène Laérce (V 22-27), dont, quelle que soit la source, on s'accorde à reconnaitre qu'elle est au contraire antérieure à l'édition d' Andronicus (voir notices « Ariston de Céos », A 396, DPhA

p. 400 ; «Hermippe de Smyrne », H 86, DPhA III, p. 656), ne comporte part aucun titre évoquant une « métaphysique » : le titre τὰ μετὰ τὰ semble donc bien ne pas remonter plus haut qu’Andronicus, et la thèse temps prévalu (2 H. Bonitz, Aristotelis Metaphysica, vol. II, Bonn 1849

L

pour sa puotxé a long[réimpr.

Hildesheim 1960], p. 3-5 ; 3 E. Zeller, Die Philosophie der Griechen YI 24 80 n. 1

[réimpr. Hildesheim 1990]) que ce dernier en était l'inventeur, en méme temps que du regroupement sous ce titre des traités qui composent aujourd'hui la Métaphysique. Cette these a été contestée par 4 W. Jaeger, Studien zur Entstehungsgeschichte

der Metaphysik des Aristoteles, Berlin 1912, p. 180, et 5 P. Moraux, Les Listes anciennes des ouvrages d'Aristote, Louvain 1951, p. 188 (et n. 8) et p. 314. L'argument essentiel de Jaeger 4 est que le canon des textes classiques était déjà fixé au début de l'époque impériale, ce qui diminuait à ses yeux la probabilité d'innovations importantes de la part d' Andronicus. (Cet argument contient in nuce les réserves qui ont été faites plus récemment, sans nécessairement se référer à Jaeger, sur l'importance dans la transmission du corpus aristotélicien de l'édition d' Andronicus, voire tout simplement sur son existence.)

MÉTAPHYSIQUE- TITRE

225

Moraux 5, pour sa part, s'est appuyé sur le fait qu'un autre catalogue, attribué aujourd'hui à Hésychius (VY. siècle), qui conclut la Vie d' Aristote anonyme éditée par Gilles Ménage en appendice à son édition de Diogene Laérce (1663), comporte par deux fois la mention μεταφυσικά : une première fois dans la liste principale, parallèle pour l'essentiel à celle de Diogene Laërce, une deuxième fois, sous la forme τῆς μεταφυσικά (= περὶ θεωρητικῆς τῆς μετὰ «rà» φυσικά ?). Méme si la partie du catalogue anonyme dans laquelle apparait cette mention semble étre un appendice, qui pourrait fort bien, comme le pense Düring 1, p. 90, étre un emprunt postérieur au catalogue qui accompagnait l'édition d' Andronicus, le parallélisme de la première liste et de celle de Diogéne Laërce invite à penser à une source commune. D’oü l'idée, déjà défendue par 6 E. Howald, «Die Schriftenverzeichnisse des Aristoteles und des Theophrast », Hermes 55, 1920, p. 205, que l'absence chez Diogene Laérce de titres présents dans le catalogue anonyme prouve l'existence de lacunes chez Diogene. C'est ce qu'a voulu prouver Moraux 5, (locis citatis), en cherchant à démontrer que le catalogue que

Diogène Laërce avait sous les yeux était un document établi sur cinq colonnes de longueur égale (sauf la dernière) : les disparités qu'il présente par rapport au catalogue anonyme seraient autant de lacunes dues à une détérioration du document qui aurait fait disparaître le bas de chaque colonne. D’après le calcul de Moraux, c'est au bas de la quatrième colonne qu'auraient figuré les μεταφυσικά qu'on retrouve à l'endroit correspondant dans le catalogue anonyme. Ainsi serait attestée l'existence d'une Métaphysique connue sous ce titre depuis au moins le début du HF. Sur la base de la démonstration de Moraux 5, 7 H. Reiner, «Die Entstehung und ursprüngliche Bedeutung des Namens Metaphysik », ZPhF 8, 1954, p. 210237 (repris dans F. P. Hager [édit.], Metaphysik und Theologie des Aristoteles,

Darmstadt 1969, p. 139-174 ; trad. angl. of the Name

« The Emergence and Original Meaning

'Metaphysics' », Graduate Faculty Philosophy Journal 13/2, 1990,

p. 23-46) a soutenu que le titre μετὰ rà φυσικά remontait, sinon à Aristote luiméme, du moins à la premiere génération de ses successeurs, qui se seraient fondés sur des indications tirées de l'enseignement méme d' Aristote. Malgré l'intérét évident d'une pareille hypothèse, qui permet de rapporter à Aristote lui-méme, à défaut du titre, en tout cas la conception de la Metaphysique, la base en parait fragile. La forme, en effet, sous laquelle le titre est mentionné par deux fois dans le catalogue anonyme, μεταφυσικά, n'est attestée dans aucun des manuscrits de la Métaphysique ni par aucun de ses commentateurs. En dehors du catalogue anonyme, elle n'est attestée (sans rapport avec Aristote) que dans le texte du Commentaire sur Isaie de Basile de Césarée (330-379) édité en 1721 par J. Garnier : or, comme l'indique 8 L. Brisson, « Un si long anonymat », dans J.M. Narbonne et L. Langlois (édit.), La Métaphysique. Son histoire, sa critique, ses enjeux, Paris/Québec, «t. I: Textes des conférences plénières du 27° Congrès de l'A. S. P. L. F. tenu à Québec en août 1998>, 1999, p. 37-60, notamment p. 3839 et n. 4, le plus ancien manuscrit de ce commentaire (Coislin gr. 113, IX*-X* siècle), qu'ont ignoré ses éditeurs modernes, porte à la place de μεταφυσικά les

226

ARISTOTE DE STAGIRE

mots μετὰ φύσιν. Une forme voisine, encore plus singulière il est vrai, μεταφυσιρή, figure, cette fois pour désigner nommément la Métaphysique d' Aristote, dans l'un des manuscrits (A = Mutinensis III E 8, XIIIf-XIV* s.) du Commentaire

sur le De caelo de Simplicius (p. 503, 34 Heiberg = Porphyre, fragm. 163, 16 Smith), le manuscrit F (= Marcianus gr. 228, XV* s.) indiquant au contraire le titre canonique μετὰ rà φυσικά. Comme le remarque encore Brisson 8, p. 43, «on peut penser qu'un érudit du XIII*-XIV* siècle a corrigé le titre traditionnel μετὰ τὰ

φυσικά par μεταφυσική, parce qu'il prenait modèle sur la traduction latine metaphysica en un seul mot » : la méme explication vaut évidemment pour la variante μεταφυσικά du Commentaire sur Isaie de Basile. Mais, s'il y a lieu de conclure que l’adjectif μεταφυσικός «est une invention tardive, peut-être introduite dans la langue grecque à partir de la traduction latine du titre du traité

d'Aristote rà μετὰ τὰ φυσικά » (Brisson 8), les μεταφυσικά du catalogue anonyme ne peuvent échapper à leur tour à cette conclusion qu'au prix d'une

correction en μετὰ «τὰ» φυσικά, dont on s'étonne que Rose, qui l'a proposée pour la seconde mention du titre dans le catalogue attribué à Hésychius, ne l'ait pas retenue aussi pour la premiére. Faute de cette correction, la supposition de l'existence d'une Métaphysique

antérieurement à l'édition d'Andronicus

est

dépourvue de base textuelle, et il parait plus prudent de conjecturer, avec Düring 1, p. 90, que la mention d'une Métaphysique dans le catalogue anonyme est une addition tardive, due selon lui à Hésychius.

Admettre cette conclusion négative revient à dire que nous n'avons aucune trace de l'existence de notre Métaphysique avant le I*. À vrai dire, on n'est guère

en meilleure posture si l'on admet l'authenticité du titre μεταφυσικά dans le catalogue anonyme : il ne pouvait s'agir, en effet, de la Métaphysique que nous connaissons. Dans le catalogue anonyme, le titre μεταφυσικά est suivi de la lettre x”, qui dans la numération grecque représente le nombre 20 : ou bien donc à s'agit d'un nombre de livres nettement plus élevé que les quatorze que nous connaissons aujourd'hui, ou bien la lettre x n'a ici qu'une valeur ordinale tirée de son rang d'apparition dans l'alphabet : le dixiéme, ce qui correspond au nombre de livres indiqués dans l'appendice du méme catalogue par la lettre ι΄ : 10. Tirant argument de leur caractére de «piéce rapportée », Jaeger 4, p. 177, suivi par Moraux 5, p. 196-197, a fait l'hypothése qu'étaient laissés en dehors de cette Métaphysique en dix livres les livres a, A, K et A, et qu'elle comportait en revanche les actuels livres A, B, Γ, E, Z, H, 6, I, M et N. On trouve dans 9 P. Donini, La Metafisica di Aristotele. Introduzione alla lettura, Roma 1995, p. 14, une jus-

tification théorique de cette sélection : au livre A, exposé critique de l'histoire de la philosophie avant Aristote, ferait suite le livre B, exposé systématique des apories que les livres Γ, E, Z, H, 6, 1, M et N chercheraient ensuite à résoudre. Mais c'est supposer déjà constitué pour l'essentiel l'ensemble que nous connaissons aujourd’hui, ce que ni le catalogue anonyme ni celui de Diogéne Laërce ne permettent de confirmer. De l'actuelle Métaphysique, en effet, seul le livre A est, de

l'avis de tous, aisément identifiable sous l'intitulé περὶ τῶν ποσαχῶς λεγομένων fj κατὰ πρόσθεσιν (item 36 dans le catalogue de Diogène Laérce, 37 dans le

METAPHYSIQUE- TITRE

227

catalogue anonyme), mais Moraux 5, p. 73, ne fait qu'exprimer l'avis généralement répandu en écrivant qu'«il est manifeste que ce livre a été inséré assez malencontreusement dans l'actuelle Métaphysique » ! Le méme Moraux a pro-

posé l'identification de l'actuel livre E sous le titre περὶ ἐπιστημῶν (item 26 chez D.L., 25 chez l'anonyme), du livre T ou du livre A sous le titre περὶ ἀρχῆς (41 chez D.L.), du livre T encore sous le titre περὶ ἐπιστήμης (40 chez D.L.) - hypothése ancienne déjà rejetée par Bonitz 2, p. 6 ; à quoi Donini 9, p. 11, a ajouté l'éventuelle présence des livres M et N sous le titre «Sur la philosophie de Speusippe et de Xénocrate » (n? 93 chez D.L.) : quoi qu'il en soit de la validité de ces conjectures, la majeure partie de la Métaphysique reste de toute facon absente du catalogue.

10 E. Zeller, «Über die Benützung der aristotelische Metaphysik in den Schriften der älteren Peripatetiker », APAW,

1877, p. 145-167, a cherché dans

des rapprochements (énumérés dans Zeller 3, II 24, p. 83 n. 1) entre des passages de la Métaphysique et des fragments des premiers péripatéticiens, principalement d'Eudéme de Rhodes et de Théophraste, la preuve que la Métaphysique était connue dés la premiere génération du Lycée. Un indice supplémentaire en ce sens serait fourni, selon lui, par une tradition que rapporte Asclépius (M VI) et une indication du Ps.-Alexandre d’Aphrodise (In Metaph., p. 515, 3-11 Hayduck). Selon Asclépius (/n Metaph, p. 4, 4-16 Hayduck = Eudemos von Rhodos, fr. 3 Wehrli), Eud&me de Rhodes (voir la notice E 95, DPhA III, p. 288), dépositaire de

la Métaphysique d' Aristote, n'aurait pas jugé bon de publier un ouvrage «d'une telle importance ». Après sa mort, l'ouvrage ayant été détérioré en certaines de ses parties, les successeurs d'Eudéme en auraient comblé les lacunes à l'aide d'emprunts aux autres ouvrages d' Aristote, ce qui explique, que, telle que nous la lisons, la Métaphysique manque de continuité, emprunte des parties entiéres aux autres traités d' Aristote, et se répète souvent. Il est faux, remarque Zeller, qu'on lise dans la Métaphysique des doublons d'autres œuvres d' Aristote : le défaut de

composition allégué par Asclépius n'existant pas, l'explication qu'il en donne n'a pas non plus de valeur. Mais discontinuités et répétitions d'un livre à l'autre sont, elles, incontestables : il se peut trés bien que la tradition rapportée par Asclépius garde le souvenir de la constitution de la Méraphysique à partir d'ouvrages originairement indépendants les uns des autres. D'autre part, comme l'ont noté également 11 W.D. Ross, Aristotle's Metaphysics, Oxford 1924, p. XXXII, et Moraux 5, p. 319, il n'est pas impossible qu'Eudéme ait eu à faire avec l'édition de tout ou partie des traités qui constituent aujourd'hui la Métaphysique : le Pseudo-Alexandre d'Aphrodise (In Metaph., P. 515, 3-11 Hayduck = Eudemos von Rhodos, fr. 124 Wehrli) fait état d'une intervention éditoriale d'Eudéme sur un passage du livre Z. Or, s'il est vrai qu'Eudéme

était retourné

à Rhodes après la mort d'Aristote (voir DPhA

III,

P. 286), c'est là que devrait avoir vu le jour son édition de la Métaphysique : ce qui pourrait expliquer que, restée inconnue aussi bien des péripatéticiens d'Athénes que des bibliothécaires d' Alexandrie, elle soit absente du catalogue dont Diogéne Laërce et l'anonyme sont les témoins, et qu'en revanche elle ait pu

228

ARISTOTE DE STAGIRE

se trouver entre les mains d' Andronicus, lui-méme originaire de Rhodes, et inté-

grée à son édition. Ce n'est là évidemment qu'une conjecture, mais c'est apparemment la seule qui permette d'expliquer l'apparition tardive de la Métaphysique tout en la rattachant à une tradition aristotélicienne directe. À l'appui de cette hypothèse, Donini 9, p. 18, fait remarquer que, au vu de la documentation dont nous disposons, Théophraste semble avoir ignoré des doctrines aussi caractéristiques de la métaphysique d' Aristote que celles de l'étre en tant qu'étre ou de la nature de la substance, ce qui fait penser que, au propre successeur d' Áristote à la tête du Lycée, les livres où sont exposées ces doctrines (T, Z, H, 6) étaient inconnus. Plus généralement, on peut observer que l’hypothèse d'une Metaphysique restée pour la plus grande partie inédite jusqu'au début de l'époque impériale s'accorde assez bien avec l'absence de toute métaphysique ou philosophie première dans la philosophie hellénistique. Cette derniére remarque peut aussi venir en renfort de l'une des explications qui ont été données du titre τὰ μετὰ và φυσικά, «ce qui fait suite aux questions naturelles », selon laquelle ce titre, sans référence à leur contenu, n'indiquerait rien d'autre que la place assignée aux livres qu'il désigne dans l'édition d' Andronicus : on peut comprendre, en effet, que ce dernier, mis en présence de traités qui ne trouvaient pas leur place dans la tripartition de la philosophie, canonique depuis le stoicisme, en logique, éthique et physique, se soit contenté de les ajouter à un corpus qui, par ailleurs, pouvait s'accommoder de cette tripartition. Alors que cette interprétation du titre de la Métaphysique est exclusivement moderne (selon 12 H. Reiner, « Die Entstehung der Lehre vom bibliothekarischen

Ürsprung des Namens Metaphysik. Geschichte einer Wissenschaftslegende », ZPhF 9, 1955, p. 77-99, le premier à l'avoir soutenue en propres termes fut J.G. Buhle en 1788 et elle n'est généralement acceptée que depuis 13 GGPh!!, völlig neu bearbeitete von K. Praechter, 1920), une tout autre interprétation avait

cours dans l'Antiquité, dont sont témoins Alexandre d'Aphrodise (/n Metaph., p. 171, 5-7 Hayduck) et Asclépius (In Metaph., p. 1, 8-22 ; p 3, 21-30 Hayduck) :

le titre μετὰ τὰ φυσικά (dû selon eux à Aristote lui-même) serait lié à l'ordre dans lequel doivent &tre lus les traités du Stagirite, en allant de ce qui est le plus connu pour nous quoique dernier dans la hiérarchie naturelle des étres (la nature)

à ce qui est mieux connu en soi mais que notre faiblesse ne nous permet pas d'aborder directement. Contre cette interprétation, on tire objection (Donini 9, p. 16) du fait que, si bien attestée qu'elle soit chez Aristote, cette distinction entre le plus connu pour nous, point de départ de nos investigations, et le plus connu par soi qui, bien qu'ontologiquement premier, en est l'aboutissement, vaut, chez le Stagirite, pour chaque discipline et non pas pour un quelconque rapport de priorité entre disciplines. Tout ce que prouve cette objection, c'est qu'ainsi enten-

du, le titre μετὰ τὰ φυσικά ne peut pas être d' Aristote : méme erronée au regard de la doctrine aristotélicienne strictement entendue, il se peut très bien que l'interprétation rapportée par les commentateurs refléte la pensée de celui ou de ceux (en demier lieu le plus probablement Andronicus) qui donnérent son titre à la Métaphysique. En d'autres termes, une fois admis qu' Aristote n'est l'auteur ni du

MÉTAPHYSIQUE

— TITRE

229

groupement ni de l'ordonnancement des traités qui nous ont été transmis sous le titre rà μετὰ τὰ φυσικά, et qu'il n'est par conséquent pas non plus l'auteur de ce titre, il n'est pas possible de trancher entre les deux explications concurrentes qui en ont été données, l'ancienne et la moderne. MICHEL NARCY.

La bibliographie exhaustive et commentée publiée par R. Radice (voir plus bas 30) nous invite à limiter les indications bibliographiques de cette notice aux publications les plus importantes et à ne signaler qu'un certain nombre d'ouvrages ou d'articles récents. Histoire du texte. 14 S. Bernardinello, Eliminatio codicum della Metafisica

di Aristotele, coll. «Studia Aristotelica» 4, Padova 1970, 251 p.; 15 D. Harlfinger, « Zur Überlieferungsgeschichte der Metaphysik» dans Aubenque 98 (cité plus loin), p. 7-36.

Éditions. 16 W.D. Ross, Aristotle's Metaphysics. A revised text with introduction and commentary, Oxford

1924 ; “with corrections"

1953, 4° éd. 1970,

CLXVI-366 p. et 528 p.; 17 W. Jaeger (édit.), Aristotelis Metaphysica, coll. OCT, Oxford 1957, XXII-312 p. Traductions. Voir Radice 3), p. 39-48 ; Anglaise. 18 W.D. Ross (édit.), The Works of Aristotle. Translated into English under the editorship of W. D. Ross., Oxford 1908-1952, t. VIII: Metaphysica, by W.D. Ross. 1908 ; nouvelle édition: Metaphysics,

with a translation, commentary and introduction by W.D.

Ross

and F. H. Fobes, Oxford 1929, XXXII-87 p.; Francaise. 19 J. Tricot, Aristote, La Métaphysique, nouvelle édition entiérement refondue, avec commentaire, Paris 1953, (première éd. 1933), LVII-878 p. en 2 vol.; /taliennes. 20 C. A. Viano, Aristoteles, La metafisica, Torino 1974, 792 p. ; rééd. dans la coll. «I classici del pensiero TEA» 3, Milano 1992, 790 p.; 21 G. Reale, Aristotele, Metafisica.

Saggio introduttivo, testo greco con traduzione a fronte e commentario, ed. maggiore rinnovata, coll. « Temi metafisici e problerni del pensiero antico. Studi e testi » 23-25, Milano 1993, 3 vol.: 408 p., X111-706 p., 712 p.; Allemande. 22 H.

Seidl (édit.) Aristoteles, Metaphysik [trad. de H. Bonitz, texte grec de W. Christ, introduction et commentaire de Seidl], coll. «Philosophische Bibliothek » 307308, Hamburg 1978-1980, 7: Bücher I(A)-VI(E), LXVIII-429 p.; II: Bücher VII (Z)-XIV (N), XXX-p. 246-627 ; Espagnole. 23 T. Calvo Martínez, Aristóteles,

Metafísica. Introd., trad. y notas, coll. « Biblioteca clásica Gredos » 200, Madrid 1994, 582 p. Lexiques. 24 L. Delatte et al., Metaphysica, Index verborum, Listes de fréquence, coll.

« Alpha-Omega R. A,

Lexika, Indizes, Konkordanzen

zur klass.

Philol. » 42, Hildesheim 1984, XIII-521 p. Études stylométriques. 25 A.J. P. Kenny, « A stylometric study of Aristotle's Meraphysics », Assoc. for Lit. & Ling. Computing Bull. 7, 1979, p. 12-21; 26 C. Rutten, « Aristote, Métaphysique Z. Essai de stylométrie», RELO 1982, p. 163192; 27 Chr. Rutten, « Aristote, Métaphysique, Z, 3, 7, 8, 9 et 17. Essai de chro-

230

ARISTOTE DE STAGIRE

nologie relative», RELO 19, 1983, p. 175-188 ; 28 Jd., «Science de l’ätre et théologie dans la “Métaphysique” d' Aristote: essai d'analyse génétique», dans Éd. Delruelle et Vinciane Pirenne-Delforge (édit.), Κῆποι. De la religion à la philosophie. Melanges offerts à André Motte, coll. «Kernos. Supplément » 235, Liege 2001, p. 227-235. Bibliographies. 29 H. Flashar, « Aristoteles», dans GGP Antike 3, 1983, p. 211-212, 310-312, 437-441 ; 30 R. Radice, La

"Metafisica" di Aristotele nel

XX secolo. Bibliografia ragionata e sistematica, con la collaborazione di M. Andolfo, A. Aravantinou, M. Bastit er alii, Presentazione di G. Reale, coll « Temi metafisici e problemi del pensiero antico. Studi e testi» 48, Milano 1996, 735 p. Voir aussi plus loin Owens 68 et Aubenque 60. Sur le titre. Voir plus haut la notice de Michel Narcy. 31 Ph. Hoffmann, «La problématique du titre des traités d' Aristote selon les commentateurs grecs. Quelques exemples», dans J.-C. Fredouille, M.-O. Goulet-Cazé, Ph. Hoffmann, P. Petitmengin (édit.), Titres et articulations du texte dans les œuvres antiques.

Actes du Colloque international de Chantilly, 13-15 décembre 1994, «Collection des Études Augustiniennes », Série Antiquité 152, Paris 1997, p. 75-103. Commentaires de l'ensemble de la Métaphysique. Voir Radice 30, p. 4952; 32 H. Bonitz, Meraphysica recognovit et enarravit H. B. Pars posterior, Bonn 1849, réimpr. Hildesheim 1960; Seidl 22; Reale 21; Barnes 99, p. 178-197. Commentaires modernes sur des livres particuliers (classés par ordre chronologique). Voir également Radice 30, p. 49-52 ; Barnes 99 p. 185-194. 33 L. Elders, Aristotle’s theory of the One. A commentary on book X [= 1] of the Metaphysics, coll. « Wijsgerige teksten en studies» 5, Assen 1961, XVII218 p. 34 L. Elders, Aristotle’s theology. A commentary on book A of the Metaphysics, coll. «Filosofische Bibliotheek » 1, Assen 1972, 309 p. 35 F. Grayeff, Aristotle and his school. An inquiry into the history of the Peripatos, with

a commentary on Metaphysics A, B and F, London

1974, 230 p.

36 H.G. Gadamer, Aristoteles, Metaphysik XII. Komm., 3. verb. Aufl. coll. «Klostermann Texte Philos. », Frankfurt 1976, 64 p. 37 J. Annas, Aristotle's Metaphysics, Books M and N, translated with Introduction and Notes, coll. «Clarendon Aristotle series», Oxford 1976, VIN-227 p.

Édition italienne : Interpretazione dei libri M-N della « Metafisica » di Aristotele : la filosofia della matematica in Platone e Aristotele, trad. di Elisabetta Cattanei, coll. « Temi metafisici e problemi del pensiero antico. Studi e testi» 18, Milano 1992, 384 p. 38 M. Burnyeat, Notes on Book "Eta" and "Theta" of Aristotle's "Metaphysics" : being the record of a seminar held in London, 1979-1982, coll. «Study aids monograph » 4, Oxford 1984, [11]IV-166 p. 39 J. Owens, «The present status of Alpha Elatton in the Aristotelian Meta-

physics», AGPh 66, 1984, p. 148-169.

MÉTAPHYSIQUE - TRADITION GRECQUE

231

40 H. Schmitz, Die Ideenlehre des Aristoteles, 1: Aristoteles, 1: Kommentar

zum 7. Buch [= Z] der Metaphysik, Bonn 1985, XX-324 p. 41 M. Frede et G. Patzig, Aristoteles, Metaphysik Z, t. I: Einleitung, Text und Übersetzung, München 1987, 121 p.; t. II: Kommentar, München 1987, 346 p. Édition italienne : M. Frede et G. Patzig, Il libro Z della Metafisica di Aristotele,

presentazione di G. Reale; traduzione di Nicoletta Scotti Muth, coll. «Pubblicazioni del Centro di ricerche di metafisica. Temi metafisici e problemi del pensiero antico » 86, Milano 2001, 497 p. 42 Barbara Cassin et Michel Narcy, La décision du sens. Le livre Gamma de la Métaphysique d' Aristote. Introduction, texte, traduction et commentaire, coll «Histoire des doctrines de l' Antiquité classique» 13, Paris 1989, 297 p. 43 Charlotte Witt, Substance and essence in Aristotle. An

interpretation of

Metaphysics VII-IX, Ithaca/London 1989, v1II-201 p. 44 Marie-Paule Duminil et Annick Jaulin, Aristote, Métaphysiques. Livre delta, texte, trad. et commentaire, coll. « Philosophica», Toulouse 1991, 332 p. 45 Chr. Kirwan, Aristotle's Metaphysics, Books T, A, and E, translated with

notes, coll. « Clarendon Aristotle series», 2% ed., Oxford 1993, VI-254 p. 46 E. Berti et C. Rossitto, Aristotele, Il libro prirno della Metafisica. Trad. di

A. Russo, «Collezione scolastica », Bari 1993. 139 p. 47 E. Sonderegger, Aristoteles, Metaphysik Z 1-12. Philosophische und philologische Erwägungen zum Text, coll. «Berner Reihe philosophischer Studien» 15, Bern/Stuttgart/Wien 1993, νΠ|-369 p. 48 D. Bostock, Aristotle, Metaphysics, Books Z and H, translated with a commentary, coll. « Clarendon Aristotle series», Oxford 1994, X1I-301 p. 49 Chr. Rapp, Aristoteles, Metaphysik. Die Substanzbücher (Z, H, Y), coll. «Klassiker auslegen » 4, Berlin 1996, vIN-388 p. 50 A. Madigan, Aristotle's Metaphysics, Book B and book K 1-2 translated with a commentary, coll. « Clarendon Aristotle series », Oxford 1999, XL-185 p. 51 M. Frede et D. Charles (édit.), Aristotle's “Metaphysics” Lambda : Symposium Aristotelicum, Oxford 2000, v1-366 p.

Études d'orientation. 52 Franz Brentano, Von der mannigfaltigen Bedeutung des Seienden nach Aristoteles [1862]; trad. française: De la diversité des acceptions de l'étre d'aprés Aristote. Trad. de l'allemand par P. David, coll.

« Bibliothéque des textes philosophiques », Paris 1992, 208 p; trad. italienne: Sui molteplici significati dell'essere secondo Aristotele. Prefazione,

introduzione,

traduzioni dei testi greci, progettazione e impostazione editoriale di G. Reale; traduzione del testo tedesco e indici di St. Tognoli, coll. « Temi metafisici e problemi del pensiero antico » 45, Milano 1995, LXXIII-272 p.; 53 P. Natorp, Tema e disposizione della « Metafisica» di Aristotele, con in appendice il saggio sulla inautenticità del libro K della « Metafisica ». Prefazione, introduzione, progettazione e impostazione editoriale di G. Reale ; traduzione del testo tedesco e indici di V. Cicero, coll. « Temi metafisici e problemi del pensiero antico» 44, Milano 1995,

ARISTOTE DE STAGIRE

232

179 p. (traduction de Thema

und Disposition

der aristotelischen Metaphysik

[1888] et «Über Aristoteles’ Metaphysik K 1-8, 1065 a 26» [1888]); 54 L. Robin, La theorie platonicienne des Idées et des nombres d’apres Aristote. Étude historique et critique, Paris 1908, Xv11-702 p.; 55 J.-M. Le Blond, Logique et méthode chez Aristote. Étude sur la recherche des Principes dans la Physique aristotélicienne, coll. « Bibliothèque d'histoire de la philosophie», Paris 1939, XXXI-455 p. ; 56 Ph. Merlan, from Platonism to Neoplatonism, Den Haag 1953, XV-210 p.; 57 A. Mansion, «Philosophie premiére, philosophie seconde et métaphysique chez Aristote», RPhL 56, 1958, p. 165-221; 58 G. Patzig, «Theologie und Ontologie in der Metaphysik des Aristoteles », Kant-Studien 52, 1960-1961, p. 185-205, traduction anglaise dans Barnes 73, p. 33-49; 59 V. Décarie, L'objet de la métaphysique selon Aristote, Paris/Montréal 1961, 198 p. ; 60 P. Aubenque, Le probléme de l'étre chez Aristote. Essai sur la problématique aristotelicienne, Paris 1962, 4° éd., coll. « Quadrige », 2002, VIII-551 p.; 61 Id., « Aristoteles und das Problem der Metaphysik», ZPhF 15, 1961, p. 321-333 ; 62 /d., «Sur la notion aristotélicienne d'aporie », dans Aristote et les problömes de méthode. Communications présentées au Symposium Aristoielicum, coll. « Aristote. Tra-

ductions et études », Paris Métaphysique », RPhL 60, und das Wesentliche : Zu Seiende" (Metaphysik Z),

1961, p. 3-19 ; 63 L. Elders, « Aristote et l'objet de la 1962, p. 165-183; 64 R. Boehme, Das Grundlegende Aristoteles’ Abhandlung "Über das Sein und das Den Haag 1965, X-227 p.; trad. frangaise: La Méta-

physique d'Aristote : le fondamental et l'essential,

“De

l'être ei de l'étant",

livre VII. Trad. de l'all. et prés. par E. Martineau, avec une note de J.-F. Courtine, coll. «Bibliothèque de philosophie », [Paris] 1976, 380 p.; 65 W. Leszl, Logic and metaphysics in Aristotle : Aristotle's treatment of types of equivocity and its relevance to his metaphysical theories, coll. «Studia aristotelica » 5, Padova 1970, XVI-603 p. ; 66 G.G.

Granger, La théorie aristotélicienne de la science, coll.

« Analyse et raisons» 22, Paris 1976, 382 p.; 67 E. Berti, Aristotele, dalla dialettica alla filosofia prima, coll. «Saggi di una nuova storia della filosofia», Padova 1977, 477 p.; 68 J. Owens, The doctrine of being in the Aristotelian Metaphysics. A study in the Greek background of mediaeval thought, colL «Standard ed. & monogr. », 3° éd., Toronto 1978, XXX11-539 p. (avec une importante bibliographie) ; 69 K. Brinkmann, Aristoteles’ allgemeine und spezielle Metaphysik, coll. «Peripatoi » 12, Berlin 1979, x-256 p.; 70 K. H. VolkmannSchluck, Die Metaphysik des Aristoteles, Frankfurt 1979, 304 p.; 71 F. CaujolleZaslawsky, « Aristote, sur quelques traductions récentes de τὸ τί ἦν εἶναι», RThPh 113, 1981, p. 61-76; 72 E. Berti, «Note sulla tradizione dei primi due libri della Metafisica di Aristotele», Elenchos 3, 1982, p. 5-37; 73 K. L. Michelet,

Examen critique de l'ouvrage d'Aristote intitulé “Métaphysique”, coll. « Vrin reprises », Paris 1982, 1V-322 p.; 74 E. Berti, «Quelques remarques sur la conception aristotélicienne du non-étre », RPhA 1, 1983, p. 115-142; 75 G. Verbeke, «L'objet de la métaphysique d' Aristote selon des études récentes », RPhA 1, 1983, p. 5-30; 76 H. Seidl, Beitráge zu Aristoteles' Erkenntnislehre und Metaphysik, coll. «Elementa» 35, Würzburg 1984, 214 p.; 77 A. de Muralt,

METAPHYSIQUE - TRADITION GRECQUE

233

Comment dire l’Etre? L'invention du discours métaphysique chez Aristote, coll. « Vrin reprises », Paris 1985, 206 p.; 78 C. H. Kahn, «On the intended interpretation of Aristotle's Metaphysics », dans 1. Wiesner (édit.), Aristoteles. Werk und Wirkung, Paul Moraux gewidmet, t. 1: Aristoteles und seine Schule, Berlin 1985,

p. 311-338; 79 D.W. Graham, Aristotle's two systems, Oxford 1987, XVI-359 p.; 80 M. Furth, Substance, form and psyche. An Aristotelean Metaphysics, Cambridge 1988, XIV-300 p. ; 81 T.H. Irwin, Aristotle's first principles, Oxford 1988, XVIII-702 p., trad. italienne: / principi primi di Aristotele. Presentazione di G. Reale ; introd. e indici a cura di R. Davies; trad. del testo inglese di A. Giordani, coll. « Temi metafisici e problemi del pensiero antico. Studi e testi» 50, Milano 1996, XL-684 p.; 82 M. Lutz-Bachmann, « Die Frage nach dem Gegenstand der Metaphysik bei Aristoteles », dans M. Lutz-Bachmann (édit.), Ontologie und Theologie: Beiträge zum Problem der Metaphysik bei Aristoteles und Thomas

von Aquin, coll. «Europäische Hochschulschriften R. 23 Theol.» 331, Frankfurt 1988, p. 9-35; 83 A. Urbanas, La notion d'accident chez Aristote. Logique et métaphysique, coll.

« Noésis» et «Collection d'études anciennes », Montréal/Paris

1988. 222 p.; 84 E. Berti, «Il concetto di "sostanza prima" nel libro Z della "Metafisica", RF 80, 1989, p. 3-23; 85 E. Berti, «Les stratégies contemporaines d'interprétation d' Aristote », Rue Descartes 1-2, 1991, p. 33-55 ; 86 Id., Aristotele nel Novecento, coll. « Universale Laterza» 741, Roma 1992, 277 p. (I. ll neouma-

nesimo tedesco del primo novecento; II. Heidegger; III. La filosofia analitica ; IV. La rinascita della filosofia pratica); 87 /d., «La Metafisica di Aristotele: “ontoteologie" o "filosofia prima", RFN 85, 1993, p. 256-282, repris dans Bausola 82, p. 117-143 = «La Métaphysique d' Aristote : “onto-théologie” ou “philosophie première” ? », RPhA 14, 1996, p. 61-85; 88 G. Reale, 1] concetto di « filosofia prima » e l'unità della metafisica di Aristotele: con due saggi sui concetti di potenza-atto e di essere, 7" ed. con l'aggiunta di tre saggi integrativi, coll. « Temi metafisici e problemi del pensiero antico: studi e testi» 26, Milano 1994, XL583 p.; 89 J. Bames, « Metaphysics», dans J. Barnes, The Cambridge companion to Aristotle, Cambridge 1995, p. 1-26; 90 P. Donini, La Merafisica di Aristotele. Introduzione alla lettura, Roma 1995, 174 p. (c.r. par E. Berti, Elenchos 16, 1995, p. 375-385) ; 91 J.J. Cleary, Aristotle and mathematics : aporetic method in cosmology and metaphysics, coll. «Philosophia Antiqua» 67, Leiden 1995, XXXVI-558 p. ; 92 E. Berti, La filosofia del primo Aristotele. Presentazione di G. Reale. Indici generali a cura di G. Girgenti, coll. «Pubblicazioni del Centro di ricerche di metafisica. Collana Temi metafisici e problemi del pensiero antico» 59, 2° ed., Milano 1997, XLVI-575 p.; 93 B. Hafemann, Aristoteles’ transzendentaler Realismus. Inhalt und Umfang erster Prinzipien in der Metaphysik, coll. «Quellen und Studien zur Philosophie » 46, Berlin 1998, X1-357 p.; 94 J. Hübner, Aristoteles über Getrenntheit und Ursächlichkeit: der Begriff des εἶδος

χωριστόν, coll. « Paradeigmata» 20, Hamburg 2000, 1X-366 p.; 95 M. V. Wedin, Aristotle's Theory of Substance. The Categories and Metaphysics Zeta. Oxford 2000, 496 p.

234

ARISTOTE DE STAGIRE

Recueils d’etudes. 96 F.-P. Hager, Metaphysik und Theologie des Aristoteles, coll. « Wege der Forschung » 206, Darmstadt 1969, xvII1-467 p.; 97 E. Berti, Studi aristotelici, coll. « Methodos » 7, L' Aquila 1975, 363 p. (18 articles d'E. Berti, dont plusieurs concernent la Métaphysique) ; 98 P. Aubenque (édit), Érudes sur la Métaphysique d'Aristote. Actes du VF Symposium aristotelicum, coll «Bibliothèque d'histoire de la philosophie », Paris 1979, 276 p.; 99 J. Barnes, M. Schofield et R. Sorabji R., Articles on Aristotle, ΠῚ: Metaphysics, London 1979, XIV-223 p.; 100 P. Aubenque et alii, Études aristoteliciennes. Métaphysique et théologie, coll. « Vrin-Reprise», Paris 1985, 315 p. (articles publiés entre 19541983); 101 A. Graeser (édit.), Mathematik und Metaphysik bei Aristoteles: Akten des X. Symposium Aristotelicum, coll. «Berner R. philos. Stud.» 7, Bern

1987, 332 p. ; 102 D. Devereux et P. Pellegrin (édit), Biologie, logique et métaphysique chez Aristote, Paris 1990, 528 p.; 103 A. Bausola et G. Reale (édit), Aristotele. Perché la metafisica. Studi su alcuni concetti-chiave della filosofia prima aristotelica e sulla storia dei loro influssi, coll. « Temi metafisici e pro-

blemi del pensiero antico» 29, Milano 1994, 649 p. (19 articles. Reprend les actes du congrés de Naples en 1993, parus dans Rivista di Filosofia neo-scolastica, n? 2-4, 1993, p. 173-749); 104 D. Ch. Scaltsas et M. L. Gill (édit), Unity, Identity and Explanation in Aristotle's Metaphysics, Oxford 1994, x-381 p.; 105 Numéro spécial de RIPh 1997 consacré à la Métaphysique d' Aristote; 106 M. Bastit et J. Follon, Essais sur la théologie d'Aristote. Actes du colloque de Dijon, col. « Aristote. Traductions et études», Louvain-la-Neuve 1998, 110 p.; 107 J.-M. Narbonne et L. Langlois (édit.), La Métaphysique. Son histoire, sa critique, ses enjeux, «t. I: Textes des conférences plénières du 27° Congrès de l'Association des sociétés de philosophie de langue française tenu à Québec en août 19985, Paris/Québec, 1999, 256 p.; 108 L. Langlois et J.-M. Narbonne (édit), La Métaphysique. Son histoire, sa critique, ses enjeux, coll. «Zétésis », «t. II: Actes du 27° Congrès de l'A. S.

P.L. F. tenu à Québec en août 1998», Paris/Québec

1999,

2000, X-1097 p. [peu de choses sur la Métaphysique d' Aristote]. Bien qu'ils ne se présentent pas comme les deux tomes d'une méme publication, ces deux derniers volumes, parus avec le même titre, dans la même collection, ne doivent pas être

confondus. Voir aussi Frede 51. Problémes

d'authenticité

des différents

livres.

109

P.

Moraux

et

J. Wiesner (édit.), Zweifelhaftes im Corpus Aristotelicum. Studien zu einigen

Dubia. Akten des 9. Symposium Aristotelicum (Berlin, 7.-16. September 1981), coll. «Peripatoi » 14, Berlin 1982, x-400 p.; 110 P. Aubenque, «Sur l'inauthenticité du livre K de la Métaphysique », dans Moraux 109, p. 318-344 ; 111 E.

Berti, «La fonction de Métaph. Alpha Elatton dans la philosophie d' Aristote », dans Moraux 109, p. 260-294 ; 112 V. Décarie, «L'authenticité du livre K de la

Métaphysique », dans Moraux 109, p. 295-317; 113 T. A. Szlezák, «Alpha Elatton. Einheit und Einordnung in die Metaphysik», dans Moraux 109, p. 221259 ; 114 G. Vuillemin-Diem, « Anmerkungen zum Pasikles-Bericht und zu Echtheitszweifeln am grósseren und kleineren Alpha in Handschriften und Kommentaren », dans Moraux 109, p. 157-192.

METAPHYSIQUE - TRADITION GRECQUE

235

Contenu et structure. On trouvera un resume succinct des 14 livres dans 1151. Düring, art. « Aristoteles», RESuppi XI, 1968, col. 273-275; Flashar 29, p. 257-262. Une lecture méme rapide montre que l'ouvrage n'a pas été composé d'une seule venue et qu'il regroupe des écrits distincts qui peuvent recouvrir plusieurs livres, un ou deux chapitres ou quelques lignes seulement. Les mêmes thèmes sont repris selon des points de départ différents. Certains chapitres reproduisent de longs développements de la Physique. Le caractére littéraire des différents livres varie énormément. On lit ici une sorte de lexique philosophique (A), là une doxographie des philosophes présocratiques (A), ici des notes de cours ou des notes personnelles à peine mises en forme (T, I, M 1-9, M 9 jusqu'à N), là encore un traité beaucoup plus travaillé, y compris du point de vue littéraire (A). On a rattaché l'ensemble des traités à quatre approches distinctes (voir Reale 88, p. 7984): une archéologie (recherche des principes et des causes premières), une ontologie (de l’être en tant qu'être), une ousiologie (théorie de la substance) et une théologie. Pour les commentateurs, du moins jusqu'au XIX* siécle, cet état composite de la Métaphysique n'a jamais empéché une lecture continue cherchant à retrouver les pièces d'une construction systématique cohérente. Références aristotéliciennes dans la Métaphysique. Aristote renvoie à plusieurs ouvrages antérieurement composés, ainsi qu’à des sections déjà écrites des livres qu'il est en train de composer. L'étude de ces références est délicate. Parfois, elles apparaissent dans des passages interpolés. Certains ouvrages sont perdus

(par exemple: ἐν τῇ ἐκλογῇ τῶν ἐναντίων). On voit au minimum que des parties de la Méraphysique reçoivent des titres distincts (ἐν τοῖς περὶ τοῦ ποσαχῶς correspond à A, qui figure dans la liste de Diogéne Laërce reproduite

dans DPhA

I, p. 425, n? 36; ἐν ταῖς ἀπορίαις... ἐν ταῖς

ἀπορήμασιν

correspond à B ; ἐν τοῖς περὶ οὐσίας à Z et H) et que les renvois à la Physique visent peut-étre des traités comme le De caelo ou le De generatione et corruptione. A 1, 981 b 25 [une interpola- £v τοῖς ἠθικοῖς tion selon Jaeger]

Eth. Nicom. V1 3-7, 1139 b 14 - 1141 8

A 3, 983a 33

ἐν τοῖς περὶ φύσεως

Phys. 113-7, 194 b 16 sqq.

A 4,985 a 12

ἐν toic περὶ φύσεως

Phys. II 3-7

A A A A

ἐν £v ἐν £v

Phys. 12-3 Phys. 113-7 De cael. Y 7 ; De gen. 116 Phys. 113-7

5, 986 b 30 7.988 a 22 8, 989 a 24 10,9932 11

B1,995b5

τοῖς τοῖς τοῖς toic

περὶ φύσεως περὶ φύσεως περὶ φύσεως φυσικοῖς

ἐν toic πεφροιμιασμένοις

B 1,997b4 ἐν τοῖς πρώτοις λόγοις T 2. 1004 a 2 [une interpola- ἐν τῇ ἐκλογῇ τῶν ἐναντίων tion selon Jaeger] T 2, 1004 a 32 [une interpola- ἐν ταῖς ἀπορίαις...

ἐν ταῖς

Metaph. A (sur les 4 causes)

Meiaph. A Traité perdu Metaph. B 1,995 b 18-27,

tion selon Jaeger]

ἀπορήμασιν

997 a 25-34

T 8, 1012b6

ἐν τοῖς ἐπάνω λόγοις

Metaph. V 4, 1006 a 18 sqq.

E 4, 1027 b 29

ὕστερον ἐπισκεπτέον

Metaph. © 10

B 2

ARISTOTE DE STAGIRE

236 Ζ 1, 1028 41} £4,1029b i Z 12, 1037b 8 H 1, 1042b 8 81,1045b32 6 8, 1049 b 27 6 8, 1049 b 36 11, 1052a 15 12, 1053b 10 12, 1053 b 17

ἐν τοῖς περὶ τοῦ ποσαχῶς

Metaph. À 7

ἐν ἀρχῇ διειλόμεθα

Metaph. Z i

ἐν τοῖς ἀναλυτιχοῖς ἐν τοῖς φυσυτοῖς

Anal. post. 11 3-10 et 13

Phys.

ἐν τοῖς πρώτοις λόγοις ἐν τοῖς περὶ τῆς οὐσίας λόγοις ἐν τοῖς περὶ κινήσεως ἐν τοῖς περὶ τοῦ ποσαχῶς

V 1 (225a12-20) ; De

gen. et corr. 17 (317a17-31) Metaph. 2] Metaph. Z7, 8 Phys. V16, 236 b 33

Metaph. À 6 ἐν τοῖς διαπορήμασιν Metaph. B 4 ἐν τοῖς περὶ οὐσίας καὶ περὶ Metaph. Z 13eiH τοῦ ὄντος εἴρηται λόγοις

13, 1054 a 30 K 1,1059 a 18

ἐν τῇ διαιρέσει τῶν ἐναν- Metaph. T 2? τίων ἐκ τῶν πρώτων ἐν οἷς διηπό- Metaph. A 3-10? pna...

K 1, 1059 a 34 K 6, 1062 b 31

£v τοῖς φυσικοῖς ἐν τοῖς φυσικοῖς

Phys. Il 8 Phys. | 7-9; De gen. et corr. I

K 7, 1064 a 36 A 8, 1073 a 32

ὅπερ πειρασόμεθα δευινύναι

M1,1076a9

ἐν τῇ xöv..., ἐν τοῖς ἐν τοῖς

Metaph. A 6 sqq.? Phys. VIII 8, 9; De caelo I 2; Il 3-8 Phys. I; Metaph. ZHO?

3, 317b 14 -319b 5

M 2, 1076 a 39 M 2, 1076 b 39 M9, 1086 a 23 M 9, 1086 a 34 M 9, 1086b 2

ἐν τοῖς φυσυχτοῖς

μεθόδῳ τῶν ὕστερον δέ... διαπορήμασιν ἀπορήμασιν

ἐν τοῖς περὶ φύσεως

διηπόρηται πρότερον ἐν τοῖς ἔμπροσθεν

φυσι-

Metaph. B 2, 998 a 7-19 Metaph. B 2, 997 b 12-34 Phys. II 1 (ou 14-6); De gen. et corr.11;li 5 Metaph. B 6, 1003 a 6 Metaph. A 6, 987 b 1-6 plutöt

M 10, 1086b 15

que M 4, 178 b 17-30 κατ᾽ ἀρχὰς ἐν τοῖς διαπορή- Metaph. B 4, 999 b 24; B 6 μασιν 1003a 6

N 2, 1088 b 24

£v ἄλλοις λόγοις

De caelo 1 12 ou Metaph. Θ 8

Reprises. 42

Phys. 113, 194 b 23-195 b 2] videtur... » Jaeger]

K9

Phys. HIE 1-3

K 10 K11-12

Phys. 1114-5 et 7 Phys. V1

[«sed a

priore libri A recensione alienum fuisse

Doxographies. Présocratiques et postsocratiques. Voir 116 H. Chemiss, Aristotle's criticism of presocratic philosophy, Baltimore 1935, XV1-418 p.; 117 Id., Aristotle’s criticism of Plato and the Academy, 1, [seul paru], Baltimore 1944, 610 p. ; 118 Id., The Riddle of the Early Academy, Baltimore 1945, 103 p.

METAPHYSIQUE - TRADITION GRECQUE

237

Études sur le développement de la pensée d’Aristote. 119 W. Jaeger, Studien zur Entstehung der Metaphysik des Aristoteles, Berlin 1912, v1-198 p.;

120 Id., Aristoteles. Grundlegung einer Geschichte seiner Entwicklung, Berlin 1923, 2* éd. 1955 (réimpr. 1967); trad. anglaise: Aristotle. Fundamentals of the History of his development, translated with the author's corrections and additions

by R. Robinson, Oxford 1934, 410 p., 2nd edition 1962; trad. française: Aristote. Fondements pour une histoire de son évolution. Trad. et présenté par O. Sedeyn,

coll. « Polemos » 13, Paris 1997, XX-510 p.; Aubenque 60, p. 2, a écrit: «On peut dire que, depuis 1923, la presque totalité de la littérature aristotélicienne est une réponse à W. Jaeger». 121 A. Mansion, «La genèse de l’œuvre d' Aristote après les travaux récents», RNeosc 28, 1927, p. 207-341 et 423-466 ; 122 R. Mugnier,

La théorie du Premier 1930, 232 p.; 123 F. «Aristote. Traductions 124 W.K.C. Guthrie,

moteur et l'évolution de la pensée aristotélicienne, Paris Nuyens, L'évolution de la psychologie d'Aristote, coll. et études », La Haye, Louvain et Paris 1948, Xv-353 p.; A History of Greek Philosophy, t. VI: Aristotle. An

Encounter, Cambridge 1981, p. 3-17; 125 B. Dumoulin, Analyse génétique de la Métaphysique d’Aristote, coll. « Noësis » et «Coll. d'études anciennes », Montréal/

Paris 1986, 460 p.; 126 P. Faucon de Boylesve, « Une analyse génétique de la Métaphysique d' Aristote» [celle de Dumoulin 95], RSPh 71, 1987, p. 560-564; 127 J. M. Rist, The mind of Aristotle. A study in philosophical growth, coll. «Phoenix. Supplementary volume » 25, Toronto 1989, XVII-360 p. (c.r. par E. Berti, Elenchos 12, 1991, p. 125-129, qui résume l'interprétation de Rist de la facon suivante: «Rist propone di considerare alpha elatton una piü antica introduzione alla Fisica, K una più antica versione di ΒΓΕ, ABTE il primo nucleo dell'opera, Al un nucleo successivo, MNA un nucleo ancora più tardo, OZH e A 8 il nucleo finale. Tutti, comunque, risalirebbero all'ultimo periodo ateniese. ») ; 128 E. Berti, « Nuovi studi sull'evoluzione filosofica di Aristotele», Elenchos 14, 1993, p. 91-94 (signale les théses de Graham 79, Furth 80 et Irwin 81, puis résume les communications du colloque de Boston ultérieurement publiées dans 129 W. Wians (édit.), Aristotle's philosophical development. Problems and prospects, Lanham (MD) 1996, XIv-407 p.; 130 R. Bodéüs, Aristote. Une philosophie en quête de savoir, coll. «Bibliothèque des Philosophies », Paris 2002, p. 101-108. Le fait d'une évolution ne demande pas une longue démonstration. Aristote est arrivé à l'Académie de Platon à l’âge de 17 ans et il est resté une bonne vingtaine d'années dans cette école au point de risquer d'en prendre la direction. Il y eut certainement une période de sa vie oü ses idées étaient plus proches de Platon qu'elles ne le furent à l'époque oü il enseignait au Lycée et oü il critiquait ouvertement les vues de certains platoniciens. Distinguer des dates et des étapes dans cette évolution et y rattacher des ouvrages ou des chapitres de ses ouvrages n'est pas aussi simple. Peut-on constater, au-delà des divergences de points de vue et méme de doctrine à l'intérieur du corpus, une évolution? Y a-t-il une couche proprement platonicienne dans les écrits d' Aristote (comme le supposait W. Jaeger) ou faut-il imaginer que dés ses premiers écrits, ou du moins dés ses premiers écrits

238

ARISTOTE DE STAGIRE

conservés, il avait déjà rompu avec les idées principales de son maitre (position défendue par I. Düring)? Et quel était l'état de la pensée de Platon dans les années où se formait la pensée d' Aristote ? La doctrine des idées séparées en étaitelle une composante aussi essentielle qu'à l'époque des grands dialogues? Et lorsqu'on a repéré entre deux passages des divergences doctrinales, faut-il nécessairement supposer que l'une est antérieure à l'autre et comment déterminer l’antériorité de l'une sur l'autre? Aristote ne donne-t-il pas souvent l'impression de suivre une ligne de réflexion jusqu'à son terme, sans trop se soucier des conclusions qu'une démarche différente lui avait permis d'atteindre ailleurs ? C'est à de telles questions que doit répondre la recherche actuelle. Le domaine d'investigation ne se limite d'ailleurs pas à la métaphysique, mais touche à la logique, la physique, la psychologie, la politique, la rhétorique, oü l'on a de méme cherché à découvrir différentes étapes d'une évolution doctrinale. A des comparaisons doctrinales, toujours soumises à une large part d'interprétation, dont les termes sont tirés de traités qui ne sont de toutes manières pas datés, certains ont préféré s'en remettre à des études stylométriques similaires à celles qui ont produit des résultats souvent concluants dans le cas des dialogues platoniciens, mais qui doivent cependant prendre en considération le fait que certains traités ont pu étre retouchés à différentes époques par Aristote, pour ne rien dire des modifications qu'ont pu apporter au corpus ses disciples et successeurs. Alors que Jaeger croyait suivre dans l’œuvre d’Aristote les étapes d'un éloignement progressif à l'égard du platonisme, des représentations différentes de l'évolution ont été proposées dans des études plus récentes. Sans parler des opposants à l’idée même que l'on puisse dégager une évolution doctrinale dans l'aeuvre d'Aristote, on peut signaler à titre d'exemple l’hypothèse que la rupture avec le platonisme ait été dans un premier temps brutale, puis qu'elle ait fait place à une récupération progressive de certaines positions platoniciennes (Guthrie 124, p. 15). La pertinence de nombre d'observations textuelles de Jaeger laisse de la place pour des analyses que seule une réflexion philosophique approfondie permet de conduire à terme. Plutót que de s'attacher à des positions doctrinales singuliéres jugées plus ou moins platoniciennes, c'est à la position générale du probléme de l'étre qu'il faut porter attention pour dégager d'un livre A l'autre des perspectives inspirées par des projets différents plus ou moins bien intégrés dans les phases rédactionnelles finales. C'est ainsi que Pierre Aubenque 60, montre comment les efforts d' Aristote pour constituer, en opposition à la physique, une "philosophie premiére" ou une "théologie" conduisant à la reconnaissance d'un Premier Moteur immobile s'est développée sur des voies au départ totalement distinctes de cette "science (sans nom chez Aristote) de l'étre en tant qu'étre" élaborée à par-

tir d'une étude des significations de l'étre par opposition aux sciences particulières. Cette opposition a été généralement méconnue par la tradition: «Cette assimilation de ]'étre en tant qu'être et de l'étre séparé deviendra traditionnelle chez

les commentateurs et, en permettant d'identifier science de l'étre en tant qu'étre et philosophie première, autorisera une interprétation unitaire de la Métaphysique, qui s'est perpétuée jusqu'à nos jours » (Aubenque 60, p. 41).

METAPHYSIQUE - TRADITION GRECQUE

239

Cette interprétation unitaire qui assimile l'ontologie à la théologie peut se fonder sur le livre K (chap. 4) qu' Aubenque 60, p. 43, considére comme inauthentique, mais elle risque de méconnaître l'originalité de l'expérience philosophique d'Aristote qui se solde, selon Aubenque 60, p. 506, par «l'échec du double projet aristotélicien d'une théologie humaine et d'une science de l'étre en tant qu'étre». Les couches de la Métaphysique selon Jaeger, Theller et Düring (d’après Flashar 29, p. 257): Jaeger (1923) Couche

1: A (style «Nous»

Theller (1958)

Düring (1966)

Couche 1: A, N, puis A (sans Couche

en A9), B. T, A, M 9 jusqu'à 8); vers 347.

1: A

(le plus

ancien

"écrit"), M 9 jusqu'à N, A.

M

N, K et E 1: «Urmeta1-9,B et I; encore avant 347. physik», après 347; la métaphysique comme science de l'être immatériel. Couche 2:Z, H et O = Couche 2: A (sans 7, B.T et Couche 2:T, E, Z, H et 0; «Livres sur la substance», E ; après 347, période du après 335.

originellement indépendants ; séjour à Assos.

passage à un nouveau concept de la métaphysique ; la métaphysique comme science générale de l’être.

À contient des éléments aussi

bien d'époque ancienne que d'époque récente; K est une compilation postérieure à Aristote (c'est également l'opinion d’Aubenque 50).

Couche 3: E 2-4, I et M 1-9 Couche 3: Z, H et ©; vers (style « Ils» en M 4-5); après 335; commencement d’une

335.

nouvelle période d'enseignement à Athènes. Couche 4: Insertion de A 7, I et M; vers 330. Couche 5: Insertion de A 8 (notes d'élèves) ; après 330.

Un résumé un peu détaillé de la thèse de Jaeger peut-être utile, non seulement parce que l'ensemble des études sur la Métaphysique d' Aristote au XX* siècle se situe par rapport à cette reconstitution fondamentale, mais aussi parce que ces analyses mettent en lumière des blocs littéraires qui gardent leur indépendance, méme si on n'accepte pas la théorie génétique particulière élaborée par Jaeger. On trouvera une théorie génétique différente dans 131 I. Düring, Aristoteles. Darstellung und Interpretation seines Denkens, coll. « Bibliothek der klassischen Altertumswissenschaften » Neue Folge, 1. Reihe, Heidelberg 1966, p. 189-194 et 591594. Ross 16, p. XIII-XXXIII, tout en prenant en compte la reconstitution de Jaeger, s'attache à la nuancer et à la préciser. D faut tout d'abord repérer des additions au texte de la Métaphysique qui sont apparemment postérieures à la mort d' Aristote. C'est ainsi qu'un scholiaste atteste que le livre a — inséré

postérieurement à la numérotation des livres (de physique, si l'on en juge par la fin d'Eudéme de Rhodes. On a vu qu'Aristote celui d'un ouvrage indépendant dans une

de la Métaphysique — contiendrait les notes de cours du livre) d'un certain Pasiclès, qui était le neveu cite le livre A sous un titre qui était connu comme liste ancienne des écrits d'Aristote. D'autres blocs

240

ARISTOTE DE STAGIRE

erratiques ont pu étre ajoutés par Aristote, mais s'inscrivent trés mal dans le projet d'ensemble. Le statut de K est étonnant, car il reprend - dans une version plus ancienne? — le contenu de BTE et contient dans sa seconde partie plusieurs extraits de la Physique. A se présente comme un cours indépendant et MN n'entretiennent guère de rapport avec tout ce qui précède, sinon avec les deux premiers livres. D'autres chapitres de moindre importance semblent apparaitre en fin de livre ou de rouleau. Ross 16, p. XXX-XXXI, qui suit Jaeger, isole ainsi les sections A 10, K 1065 a 26 jusqu'à la fin. © 10 et Z 12 (dans ce dernier cas, aprés la conclusion de Z au chapitre 11, le chapitre 13 aurait correspondu au début d'un nouveau rouleau). Une critique de la doctrine platonicienne des Idées se lit en A 9 et en M 4-5, cette seconde version se présentant comme plus élaborée et plus sévère. On a remarqué que dans la première version Aristote s'associait aux défenseurs des Idées en employant le pronom « nous », alors que

dans la seconde il les évoque à la troisième personne du pluriel. La première version ne fait qu'évoquer des critiques connues et ce n'est qu'en lisant les fragments du traité Sur les idées conservés par Alexandre d' Aphrodise qu'on peut en comprendre la portée. La perspective fondamentale serait de faire évoluer la doctrine platonicienne en abandonnant le concept d'idées

séparées. Deux renvois internes (B 2. 997 b 3 et B 6, 1002 b 12) amènent Jaeger à considérer que les livres A et B constituent une unité et datent de la méme époque ancienne (séjour à Assos).

où Aristote inscrivait sa critique des Idées dans le cadre de I’ Académie. C'est un platonisme beaucoup plus tardif, oü les Idées sont remplacées par les Nombres mathématiques, le platonisme de Speusippe et de Xénocrate, qui est visé dans l'exposé trés construit et non dépourvu de rhétorique de M 1-9, jusqu'à la conclusion en 1086 a 20 (citation poétique d’Epicharme), bien que dans le détail le contenu semble incorporer des matériaux plus

anciens. La suite (M 9 depuis 1086 a 21 jusqu'à la fin de M 10) serait l'ancienne préface du livre, correspondant dans son contenu au début de M 1. Elle aurait introduit à une critique plus ancienne de la métaphysique académicienne des nombres, dont certains morceaux ont probablement été incorporés dans le livre M. Elle devait faire corps avec la premiere métaphysique des livres A et B auxquels elle fait d'ailleurs référence à plusieurs reprises. On retrouverait, selon Jaeger, dans N une partie de la métaphysique ancienne remplacée par M 1-9: son contenu est celui qui est annoncé dans l'ancienne préface à la fin du livre M. L'adversaire principal est alors Speusippe qui avait remplacé les Idées séparées par les objets mathématiques, et non Xénocrate, alors présent dans l'entourage d'Aristote à Assos. Face à cette première métaphysique, M 1-9 expose la doctrine de la substance, caractéristique de la pensée aristotélicienne. Jacger revient ensuite à la liste de questions du livre B et y découvre une tentative parfaitement platonicienne pour établir une réalité supra-sensible, méme si l'on renonce à l'existence d'Idées séparées. Si les livres T et E 1 prolongent cette problématique en étudiant les quatre premiers problèmes rencontrés par «la science que nous cherchons », Z offre un tout nouveau départ en exposant la théorie de la substance et à partir de là et jusqu'à M 9-10 et N, plus aucune référence ne sera faite au programme défini dans le livre B. L'insertion des livres ΖΗΘ sur la substance à leur endroit actuel leur a conféré le statut d'une introduction à la doctrine de la substance du Premier moteur exposée dans le livre A, mais ce détour n'était pas envisagé par le programme du livre B et rien n'annonce cette perspective finale à l'intérieur de ces trois livres.

Cette orientation de la doctrine de la substance vers l'exposé sur l'étre supra-sensible est assurée par deux passages mal rattachés au contexte — et le premier placé au mauvais endroit - (Z 3, 1029

b 3-12; Z 11, 1037 a 10 sqq.). Il s'agirait, selon Jaeger, d'additions rédactionnelles plus tardives destinées à renforcer l'unité de l'ouvrage. Cette perspective est loin d'étre déterminante dans

l'ensemble des livres ZH qui s’attachent plutôt à élaborer une conception nouvelle de la substance sans aucun égard pour la problématique platonicienne de la séparation à l'égard de la matière. Aristote fait référence aux livres ZH (H résumant et complétant Z) comme concernant la substance enΘ et I (6 8, 1049 b 27; 1 2, 1053 b 17), mais on ne trouve aucune référence de ce type dans les livres plus anciens. Il fait d'autre part référence à l'introduction de Z comme à un commencement (Z 4, 1029 b 1), au commencement du traité auquel appartient O (O 1, 1045 b 31), ce qui suggere que ce traité de la substance était originellement indépendant. Il n'est pas sür

METAPHYSIQUE - TRADITION GRECQUE

241

que le livre I ait appartenu à cet ensemble ; Jaeger croit plutôt qu'il a été ajouté dans la version finale de la Métaphysique, car en I 2, 1053 b 9, l'auteur semble se reporter au livre B comme à une introduction. De nouvelles ruptures sont exploitées par Jaeger. En E 2, Aristote aborde le probléme des différents sens de l'étre et notamment l'étude de l'ousia. Or, le méme thème fait l'objet du début de Z et une référence est faite non pas à E 2, mais au περὶ τοῦ ποσαχῶς (A). La présence de ce livre à l'intérieur de la Métaphysique est due aux éditeurs. Mais Aristote n'aurait pas écrit le début de Z si E 2 avait déjà été écrit. E 2-4 est en fait une transition rédactionnelle entre l'ancienne introduction (A-E 1) et le nouvel ensemble ZHOIM. Jaeger isole une autre addition rédactionnelle en 10 et son annonce en E 4, 1027 b 29: ces passages servent à orienter la réflexion sur la substance vers l'ascension jusqu'à l'essence Il y a une parfaite correspondance, selon Jaeger, entre l'ancienne préface conservée en M 9 et l'ancienne métaphysique des premiers principes et des causes exposée dans les premiers livres; entre la nouvelle préface de M 1 et la doctrine de la substance tirée d'une analyse de l'étre sensible et de la forme immanente. Alors que dans la premiere approche, la réalité sensible étudiée par les philosophes présocratiques était rejetée du domaine d'investigation de la métaphysique et confiée à la physique, la seconde métaphysique s'intéresse aux différents sens de l'étre en faisant place à la substance sensible. Si Aristote a pu associer ces deux métaphysiques, celle de l'étre transcendant et celle des formes immanentes de la substance sensible, c'est gráce au concept d'étre en tant qu'étre qui permettait d'élargir l'objet de la métaphysique de l'étre absolu aux êtres de toutes sortes, y compris aux abstractions de la pensée. Mais dans une phase plus ancienne de la doctrine aristotélicienne l'objet de la métaphysique était sans doute plus restreint et se limitait à l'étre impérissable et éternel. C'est ce que permet de conclure l'étude de K 1-8, dont Jaeger reconnait l'authenticité (contre Natorp), méme s'il y voit des notes de cours d'un éléve d'Aristote. On y reconnait, en plus bref, tous les développements des livres BTE, mais non la division des sens de l'étre exposee en E 2, ni certains détails de E 4 qui annongaient un passage du livre © 10, manifestement parce que dans la version plus ancienne de la Métaphysique à laquelle K fait référence il n'y avait pas de livre ©. Dans K, la métaphysique est conçue comme la science de l'immatériel, ce qui correspond à la perspective des premiers livres et non aux livres centraux de la Métaphysique.

La comparaison entre les livres BTE et K 1-8 permet d'isoler des modifications dans l'ouvrage originel afin de mieux affirmer la perspective, ouverte à l'étre matériel, introduite dans la version ultérieure. Alors que dans la version de K 1, 1059 a 39, «la science que nous cherchons » exclut tout intérét métaphysique pour la substance sensible, la version de B 2, 997 a 34 recherche une réalité supra-sensible en dehors du monde sensible. Pour reprendre les termes de Jaeger. le rapport entre le sensible et le supra-sensible passe d'un ou bien ou bien à un non seulement mais aussi. De même l'absence de tout équivalent dans K d'un passage comme B 6, 1002 b 33 sur l'existence en acte ou en puissance des principes suggère que le thème abordé a été ajouté par Aristote pour préparer la théorie de la forme immanente et de l'opposition entre l'acte et la puissance qu'il développait dans sa nouvelle métaphysique. Dans un autre passage de la version ancienne (K 3, 1060, a 7-27) Aristote déclare rechercher un être éternel séparé et

permanent, supérieur à la réalité sensible, analogue aux Idées platoniciennes, mais différent. On doit donc distinguer deux conceptions différentes de la métaphysique. Dans un premier temps, Aristote assignait à la philosophie premiere l'étude du monde supra-sensible, identifiant cette réalité immuable, éternelle et transcendante, non plus aux Idées séparées de Platon, mais au Premier Moteur immobile. Cette science pouvait étre définie comme une théologie (E !, 1026 a 19 sqq.). Mais, selon une conception plus tardive, il en vint à définir la métaphysique comme

l'étude de l'étre en tant qu'étre. C'est cette approche théologique ancienne que l'on voit culminer dans le livre A de la Métaphysique. L'ouvrage ne révèle aucun lien littéraire avec le reste de l’œuvre et offre un système

métaphysique complet en résumé. La première partie de l'ouvrage traite de la doctrine de la réalité sensible (matière, forme, puissance, acte) comme le font les livres centraux de la Méraphy-

242

ARISTOTE DE STAGIRE

sique, mais comme préliminaire à l'investigation métaphysique proprement dite et non comme l'un des objets de la quéte métaphysique. Cette partie est orientée vers ia partie principale, qui est

la seconde, où est étudié l'être immobile et éternel. A la physique sont assignés les êtres périssables du monde d'ici-bas et les êtres célestes impérissables : à

«une autre science », la métaphysi-

que, la substance immobile (A 1, 1069 a 30 et 36). Autrement dit, dans ce livre, Aristote ne voyait pas encore dans la doctrine de la substance sensible une partie intégrantede la philosophie première. Cette ancienne métaphysique était la science de l'étre pur et parfait et non pas de tous les sens de l'étre. La doctrine des formes immanentes est présentée comme définie par la physique

qui sert de base à la réflexion métaphysique : cette dernière, faisant abstraction du mouvement, découvre une forme suprême immatérielle dont dépendent tous les êtres de la nature. Ce Premier Moteur immobile est la fin visée par tout le mouvement visible de l'ensemble du monde. Jaeger s’attache finalement à démontrer l'antériorité de N par rapport à A et met en évidence les passages de N qui ont été simplifiés dans A. Dans un chapitre ultérieur, Jaeger montre que le chapitre A 8, dont l'inspiration est plus astronomique que théologique (moteurs immobiles des différentes sphéres du systéme d'Eudoxe corrigé par Callippe) est un ajout tardif, postérieur à 330%, et qu'il ne joue donc pas contre

une datation ancienne de l'ensemble du livre A. Cette insertion éditoriale — tirée d'un état encore plus récent de la théologie aristotélicienne — permet d'ailleurs de retrouver la continuité de l'argumentation du chapitre 7 au chapitre 9.

On peut résumer les points essentiels de cette reconstitution de la genése de la Métaphysique dans le tableau suivant: Couches "Urmetaphysik" (théologie) Introduction à la théologie

ABTEI

M9-N K

Science de l'étre pur et parfait

^

Théorie de la substance Nouvelle métaphysique

Ajouts rédactionnels La Métaphysique Ajouts éditoriaux

ΖΗΘ I

B6 A*BTE1 a

E24 E24

Z3et11.010 ΖΗΘ

À

1K

M 1-9

A

MI-9

M9-N

AS

Selon Aubenque 60, p. 39-43, en K 4, l'identification de la « philosophie premiere » (également désignée comme philosophie, science premiere et sagesse) avec la science de l'étre en tant qu'étre (par opposition aux mathématiques) suffit à démontrer l'inauthenticité du livre K (un résumé des livres ΒΓΕ. suivi d'une compilation de la physique), dans la mesure où partout ailleurs Aristote utilise cette expression pour désigner, par opposition à la physique, la science des étres divins ou séparés et donc comme équivalent de la théologie. Ce passage constituerait le fondement, l'unique fondement de l'interprétation unitaire de la Métaphysigue comme science de l'être en tant qu'être et de l'étre séparé. La théologie du Premier Moteur exposée en A 8 est ainsi considérée, dans le De caelo 1 8, 277 b 10 et dans le De motu animalium 6, 700 b 7, comme

appartenant à un traité « sur la philosophie premiere».

Les désignations de la métaphysique. On a vu que le terme métaphysique n'était pas d'Aristote. Pour dégager le ou les projets philosophiques présents dans ce recueil composite, il est utile de relever les désignations de la science dont prétend relever telle ou telle section et les objets qu'elles assignent à la recherche.

METAPHYSIQUE - TRADITION GRECQUE A1,981b28et982a2

A 2, 982 a 31 sqq.

243

La sagesse qui traite des causes premières et des principes (τὴν ὀνομαζομένην σοφίαν περὶ τὰ πρῶτα αἰτία xal τὰς ἀρχάς). [Addition rédactionnelle selon Jaeger] La science du suprêmement connaissable (ἐπιστήμη τοῦ μάλιστα ἐπιστητοῦ), c'est-à-dire des choses premières et des causes (rà

πρῶτα xai τὰ αἰτία). A 2, 982 b 8-9 A 2,983 a 5-7

A 2,983 a 21 À 9, 992 a 24-25 A9, 992 b 29 a1, 993 b 20 B 1,995 a 24 B 6, 1003 a 17 T 1, 1003 a 21 2, 1004a 4 E1,1025b3 E1, 1026 a 16 E1,1026 a 19-22

Le nom recherch€ concerne cette science des premiers principes et des premières causes. C'est la science la plus divine: celle que Dieu posséderait principalement et qui traiterait des choses divines. La science que nous cherchons (τῆς ἐπιστήμης τῆς ζητουμένης). La sagesse recherche la cause des phénomènes. La science de toutes choses (τῶν πάντων ἐπιστήμη). Cf. A 2, 982a 22: τὴν καθόλου ἐπιστήμην.

La philosophie, science de la vérité (τὴν φιλοσοφίαν ἐπιστήμην τῆς ἀληθείας). La science que nous recherchons (τὴν ἐπιζητουμένην ἐπιστήμην). Une science des principes.

Il y a une science qui étudie l'étre en tant qu'être (Ἔστιν ἐπιστήμη τις À θεωρεῖ τὸ ὃν À ὄν). La philosophie première. Cf. Z 11, 1037 a 15: la physique comme philosophie seconde. L'objet de notre investigation : les principes et les causes des êtres, mais des êtres en tant qu'étres.

La science première a pour objet les êtres séparés et immobiles (περὶ χωριστὰ xal ἀκίνητα). Il y a trois philosophies théorétiques : la mathématique, la physique et

la théologie. Cette derniere est la plus haute science théorétique, celle E 1, 1026 a 30-32 Z 1, 1028 b 24

Z 1, 1028 b 6-7

H 1,1042 a 5-6 9 1,1045 b 27-29 K 1,1059 a 18 K1,1059 335 etb I K2,1060 a4 et 6

qui étudie le genre le plus élevé: la nature immobile et séparée. La philosophie première et universelle (καθόλου) étudie la substance immobile ; elle considére l'étre en tant qu'étre.

L'objet constant de toutes les recherches, présentes et passées, ce qui est toujours source d'embarras: qu'est-ce que l'étre? revient à demander: qu'est-ce que l'ousia ? « Pour nous aussi, l'objet principal, premier, unique pour ainsi dire, de notre étude, ce doit être la nature de l'étre ainsi conçu (c'est-à-dire en tant qu'ousia) ». L'objet de notre investigation : les causes, les principes et les éléments des ousiai. Nous avons traité de l'étre au sens premier (l'ousia), auquel se rapportent toutes les autres catégories de l'étre... La sagesse est une science des principes. La science que nous recherchons (τὴν ἐπιζητουμένην ἐπιστήμην). Porte-elle sur les substances sensibles ou sur d'autres substances ?

La science que nous cherchons (ἡ ζητουμένη νῦν ἐπιστήμη) porte sur une substance séparée, non sensible, éternelle, existant par soi.

K3, 1060 b 31

Voir K 2, 1060 a 3-27. La science du philosophe porte sur l'étre en tant qu'étre, pris universellement et non dans l'une de ses parties...

244

ARISTOTE DE STAGIRE

K 4, 1061 b 19 et 30

K 7, 1064 a 28 sqq. K 7, 1064 b 1 sqq.

La philosophie premiere étudie notamment les principes des mathématiques. Elle traite de l'étre, en tant que chacun des objets particuliers est un étre. Il existe une science de l'être en tant qu'être et séparé, l'étre séparé et immobile, le divin, le premier et souverain principe. La théologie, science théorétique supréme, a pour objet l'étre le plus

digne de prix de tous les étres. Cette science est antérieure à la physiA 1 1069 a 18

que et universelle (καθόλου) par son antériorité méme. Notre spéculation porte sur la substance (ousia), car les principes et les causes que nous cherchons sont ceux des substances.

Commentaires anciens et médiévaux. Pour les commentaires grecs, voir plus loin la notice de C. Luna. 132 A. Zimmermann, Verzeichnis ungedrückter Kommentare zur Metaphysik und Physik des Aristoteles aus der Zeit von etwa 1250-1350, t. I, coll. «Studien und Texte zur Geistesgeschichte des Mittelalters » 9, Leiden 1971, X-301 p; 133 G. Vuillemin-Diem (édit.), Metaphysica, lib. IIV.4. Translatio Iacobi sive "vetustissima" cum scholiis et translatio composita sive "vetus" = Aristoteles Latinus XXV I-Ia, coll. «Corpus philosophorum medii aevi », Bruxelles/Paris 1970, LIX-244 p. ; 134 Ead. (édit.), Aristoteles, Metaphysica, lib. I-X, XII-XIV, [rransl. anonyma sive « media »], = Aristoteles

Latinus XXV 2, coll. «Corpus philosophorum medii aevi», Leiden 1976, LXXX385 p.; 135 Ead. (édit.), Aristoteles, Metaphysica, libri I-XIV. Recensio e translatio Guillelmi de Moerbeka, = Aristoteles Latinus XXV 3, 1-2, coll. «Cor-

pus philosophorum medii aevi», Leiden 1995, t. 1: Praefatio, X11-375 p.: t II: Editio textus, 460 p.; 136 Ead., «Jakob von Venedig und der Übersetzer der Physica

Vaticana

und Metaphysica

Media»,

AHMA

49,

1974,

p. 7-25;

137 Ead., « Untersuchungen zu Wilhelm von Moerbekes Metaphysikübersetzung, I : Revision und Neuübersetzung ; Il : Die griechische Quelle : Vind. phil. Gr. 100 (Ὁ) ? III : Das Theophrast-Scholion und seine Verwechslung. », dans A. Zimmermann (édit.), Studien zur mittelalterlichen Geistesgeschichte und ihren Quellen,

coll. «Miscellanea Mediaevalia » 15, Berlin 1982 p. 102-208; 138 Ead., «Die doppelte Redaktion von Wilhelm von Moerbekes Metaphysikübersetzung », dans P.L. Schoonheim et G. Endress (édit.), The transmission of Greek texts in mediaeval Islam and the West, coll. «Symposium Graeco-Arabicum » 1, Bochum 1986, p. 19-24 ; 139 Ead., «La traduction de la Métaphysique d'Aristote par Guillaume de Moerbeke et son exemplaire grec, Vind. phil. gr. 100 (J), II», dans J. Wiesner (édit.), Aristoteles. Werk und Wirkung, Paul Moraux gewidmet, t. II :

Kommentierung, Überlieferung, Nachleben, Berlin 1987, p. 434-486; Zimmermann, Aristotelisches Erbe im arabisch-lateinischen Mittelalter setzungen, Kommentare, Interpretationen, für den Druck besorgt von Vuillemin-Diem, coll. «Miscellanea Mediaevalia», Berlin 1986, vM-370 p. 141 P. Moraux, « Anecdota Graeca Minora, I: Anonyme Einleitung zu

140 A. : ÜberGudrun Aristo-

teles' Metaphysik», ZPE 40, 1980, p. 59-75 (introduction, texte et commentaire).

142 G. Verbeke, «Aristotle's Metaphysics viewed by

the ancient Greek

commentators », dans D. O'Meara (édit), Studies in Aristotle, coll. «Studies in

Philosophy and the History of Philosophy » 9, Washington 1981, p. 107-127.

METAPHYSIQUE - TRADITION GRECQUE

245

143 D.T. Devereux, « The relationship between Theophrastus’ Metaphysics and Aristotle’s Meraphysics Lambda», dans W. W. Fortenbaugh et R.W. Sharples Robert (édit.), Theophrastean studies. On natural science, physics and metaphy-

sics, ethics, religion, and rhetoric, coll. «Rutgers Univ. Stud. in class. humanities» 3, New Brunswick 1988, p. 167-188. RICHARD GOULET.

Les éditions de la Métaphysique d’ Aristote avant Jaeger. Schwegler (voir 13) distingue une premiére génération d'éditions qui sont toutes des reproductions plus ou moins fidèles, directes ou indirectes, de l’editio princeps : 1 Aristotelis Opera, «édités par Alde Manuce, avec l'aide d' Alexander Bondinus>, 5 vol., Venise, A. Manuce 1495-1498 ; t. IV, 1497. Les différences entre les textes édités proviennent, non pas d'un nouvel examen des manuscrits, mais uniquement de conjectures ou de la consultation des traductions latines anciennes ; jusqu'à Brandis (voir 11), la Métaphysique est citée d’après l'Aldine, ou d’après les éditions qui l'ont reproduite. Schwegler précise qu'en tant qu'editio princeps, l' Aldine a rang de manuscrit ; mais qu'en tant que manuscrit, elle ne fait pas partie des meilleurs. Son texte concorde la plupart du temps avec celui de E, le Parisinus gr. 1853 du X* s., et T, le Varicanus gr. 256 de 1311/121320/21 (voir aussi Bonitz 15). Elle a été suivie de trois éditions à Bäle.

2 ᾿Αριστοτέλους ἅπαντα, Aristotelis ... Opera ... omnia ..., per D. Erasmum Roterodamum, 2 vol., Bâle, apud I. Bebelium, 1531, est une reproduction fidèle de l’Aldine, avec quelques corrections de Simon Grynäus (elle repose sur de nouvelles consultations des manuscrits pour la Physique, l'Organon et quelques traités d'histoire naturelle) ; elle a été rééditée en 1539, puis en 1550 avec des conjectures de Juste Wels, Matthias Flach, P. Vettori et Conrad Gesner (= Basileensis

tertia ou Isingriniana) : 3 ᾿Αριστοτέλους ἅπαντα, Aristotelis ... Opera ... omnia ..., per I. Bebelium et M. Isingrinium, 2 vol., Bále, apud I. Bebelium et M. Isingrinium,

1550. Puis vient la deuxiéme

Aldine (= Aldina

minor ou Camo-

tiana) : 4 «Aristotelis et Theophrasti opera», éd. par J. B. Camotius, Venise, apud Aldi filios, 1551-1553 ; t. IV, 1552, dont Schwegler n'a pas disposé et sur laquelle Bonitz ne fait aucun commentaire. 5 J. Périon (édit.), Aristotelis eorum quae Physica sequuntur, sive Metaphysicorum, ut vocant, libri tredecim, quorum

primus duos complectitur, Paris, T. Richard, 1558, rééd. 1568, que Schwegler et Bonitz ne mentionnent pas. Parait alors la première édition de la Métaphysique avec commentaire du jésuite P. Fonseca: 6 Commentariorum Petri Fonsecae in libros Metaphysicorum Aristotelis tomus primus et tomus secundus, avec le texte, Rome, apud F. Zanettum et B. Tosium,

1577-1589 ; vol. III, Cologne,

1604. Elle

comporte quelques nouvelles lecons de manuscrits. Plus soignée est l'édition de

7 Fr. Sylburg, ᾿Αριστοτέλους τὰ εὑρισκόμενα. Aristotelis opera quae exstant, 11 vol., Francfort, apud A. Wecheli heredes, 1584-1587; 1585. Bien qu'il n'ait disposé que des éditions Isingriniana (ou Basileensis tertia) et Camotiana (ou Aldina minor) et qu'il n'ait pas vérifié le texte des manuscrits, il a purgé l'Aldine

246

LA METAPHYSIQUE - LES EDITIONS

de ses fautes en s’aidant beaucoup de la traduction de Bessarion ; nombre de ses propositions coincident avec des lecons que fera connaitre Bekker gräce à ses

collations des manuscrits. 8 I. Casaubon. 'AptorotéAouc... τὰ

σωζόμενα.

Operum Aristotelis, ... nova editio, graece et latine, Lyon, apud G. Laemarium et J. Bubonium, 1590, rééd. 1597, 1605, 1607. L'édition d'Isaac Casaubon, « garde de la bibliothéque du roi» sous Henri IV, est semblable à celle de Sylburg, avec des variantes tirées de traductions latines. Elle a été révisée et reproduite à son tour par Giulio Pace et G. du Val: 9 J. Pacius, 'AptototéAouc, ... rà σωζόμενα. Operum Aristotelis, ... nova editio, graece et latine, Francfort, Héritiers d'André Wechel, 1597, rééd. 1605, 1607 ; 10 G. du Val, Aristotelis Opera

omnia, graece et latine, Paris, typis regiis, 1619, rééd. 1629, 1639, 1654. Deux siécles aprés, commence une seconde génération d'éditions avec Brandis qui, le premier, a procédé à une nouvelle collation de manuscrits : 11 Chr. Aug. Brandis, Aristotelis et Theophrasti Metaphysica. Ad veterum codicum manuscriptorum fidem recensita indicibusque instructa ..., Berlin, G. Reimer, 1823. Deux de ces manuscrits n'avaient pas encore été utilisés, selon lui, et, gráce à eux, il a pu assainir le texte en de nombreux endroits, leur texte étant confirmé par les commentateurs grecs : «In textum nunquam lectionem recepi, quae aut codicum manuscriptorum, quos ipse excussi, aut interpretum Graecorum auctoritate non firmaretur » (11, p. VI). Mais il ne précise ni le nombre de manuscrits qu'il a utiliSés, ni leur identité ; son apparat critique présente simplement des variantes, sans indication sur leur provenance. L'un de ces manuscrits est sans doute AP (le Laurentianus 87, 12, du ΧΙ et du XIV* s.), dont le texte édité par Brandis ne s'écarte pour revenir à la vulgate, beaucoup plus proche de E, que de façon exceptionnelle, selon Schwegler (13, p. XIX). 12 Aristotelis opera, graece ex recensione Immanuelis Bekkeri «vol. I-IE>, ed. Academia Regia Borussica, 5 vol., Berlin, G. Reimer, 1831-1870 ; T. II, 1831. Bekker a, le premier, identifié par un ensemble de sigles les manuscrits dont il présente les variantes dans son apparat critique (ce sont généralement ces mémes sigles que nous utilisons encore aujourd'hui), mais il n'a pas décrit ces manuscrits : c'est de l'apparat critique qu'il faut inférer son jugement. Il en a lu 15: AP, BP (le Laurentianus 87. 18, de la première moitié du XIII* s. et de la premiere moitié du XVI* s., copié par Camillus Venetus à partir de N 1091b33), C* (le Laurentianus 87. 26, de la seconde moitié du XIII*

s.), D^ (l'Ambrosianus F 113, du XV* s., qui contient aussi des scholies d' Alexandre), E, E? (le Marcianus 211, du XIII* -XIV* s.), f (le Marcianus 206, daté de

1467), F (le Parisinus gr. 1876, du XIII* s., qui contient le commentaire d'Alexandre aux quatre premiers livres de la Métaphysique d' Aristote et les scholies de Michel d'Éphése aux livres V à XIII, dont la fin est mutilée), G^ (le

Parisinus gr. 1896, du XV* s., copié par Cesar Strategos et contenant les scholies de Syrianus aux livres II, XII et XIII de la Métaphysique d' Aristote), H* (le Marcianus 214, du XIII: -XIV* s.), H (le Parisinus gr. 1901, du XIII* s., contenant les scholies d' Asclépios aux six premiers livres de la Métaphysique d' Aristote), P (le

Parisinus Coisl. 161, du XIV * s., 6* décennie, de Constantinople, avec des scholies de Syrianus et de Michel d'Éphèse), Q (le Marcianus 200, de 1457, copié par

ARISTOTE DE STAGIRE

247

Ioannes Rhosos comme l'indique la souscription), S (le Laurentianus 81.1, de la

seconde moitié du XIII* s., copié par Ioannes Panaretos, dont on trouve la souscription au folio 75") et T. Mais seuls E et T figurent réguliérement pour toute la Métaphysique. Bekker suit généralement E, selon Jaeger («Rezension von W.D. Ross, Aristotle's Metaphysics », Gnomon

1925, p. 57-65, repr. dans Scripta

minora, t. I, Roma 1960, p. 305-314 : p. 315), et il n'utiliserait les manuscrits A^ et F? que de façon accessoire, bien qu'assez fréquente selon Schwegler (13, p. XIX-XX) ; de fait, il suit souvent AP contre l'accord des autres manuscrits selon

H. Bonitz (15, p. XV, qui considère même que c'est AP, et non E, que suit

Bekker) et Jaeger (id. et 19, p. V), puis il suit FPGPIPHP selon H. Bonitz. 13 A. Schwegler,

Die Metaphysik

des

Aristoteles, t. I, Tübingen,1847.

Schwegler

reproduit le texte de Bekker, réservant ses critiques et ses propositions de changement pour son commentaire. 14 'AptaroréAnc. Aristotelis Opera omnia, graece et latine, éd. F. Dübner, Bussemaker et Heitz, 4 t. en 5 vol., Paris, A.F. Didot, 1848-1874 ; t. II, 1850. L'édition de Bussemaker ne marque pas de progrès, puisqu'elle ne comporte pas d'apparat critique. 15 H. Bonitz, Arísrorelis Metaphysica, 2 vol., Bonn, A. Marcus, 1848-1849 ; rééd. Hildesheim 1960. Bonitz reprend l'apparat critique de Bekker, mais, conscient de la valeur des commentaires anciens, il ajoute des lecons tirées des commentaires d' Alexandre, Syrianus, Asclépius, Thémistius, Simplicius, et aussi des variantes issues de la traduction de Bessarion ; il reconnait la valeur de E pour la Physique, mais pas pour la Métaphysique. 16 Aristotelis Metaphysica, recognovit W. Christ, Leipzig, Teubner, 1886, rééd. 1895. Christ a bien vu que le texte de la Metaphysique nous a été transmis par la voie de deux familles de manuscrits, dont les meilleurs et les plus anciens représentants sont respectivement A? et E, qui se complétent mutuellement pour beaucoup de lacunes. il sembie bien étre le premier à présenter une description détaillée de ces manuscrits pour la Métaphysique. Il a collationné E, et examiné les lieux incertains de AP, mais Ross (17, P. CLVI-CLVH), suivi par Jaeger (19, p. 1X), ont confirmé bon nombre des lectures de A? faites par Bekker

contre celles de Christ. Dans certains cas, Christ cite également le texte de T, S,

H*, HP, G^, IP, l'Aldine de 1498, ou le texte que lisaient Alexandre, Asclépius ou

Bessarion ; il considère l'autorité de E et A" comme à peu près équivalente, mais il privilégie A®. La critique de Jaeger est virulente à l'égard du «cobetianisme » de Christ qui ne considere le plus souvent que deux manuscrits : « Christ ...hat im einzelnen manches zur Verbesserung des Textes beigetragen, ist aber weder in der Emendation noch in der Analyse über die Hóhenlage seiner Homeranalyse und Pindarkritik hinausgelangt» («Rezension von W.D. Ross, Aristotle's Metaphysics », p. 308). Les choix de Jacger ne seront pourtant pas si éloignés. 17 W.D. Ross, Aristotle's Metaphysics, a revised text with introduction and commentary, 2 vol., Oxford, Clarendon Press, 1924. Ross a approuvé le choix quasi-exclusif de AP et E par Christ, mais il leur a ajouté le Vindobonensis phil. gr. 100, J, sur lequel A. Gercke avait attiré l'attention dans un court article (« Aristoteleum», WS 14, 1892, p. 146-148) et que J. Irigoin date du IX* siècle («L'Aristote de

Vienne », JCEBG IV, 1957, p. 5-10). Ross a collationné A^, et partiellement J en

248

LA METAPHYSIQUE - LES EDITIONS

1904 : sa collation fut complétée plus tard par les soins de S. Eustratiades. ΠῚ n'a examiné dans le manuscrit E que les lieux où le texte diverge de celui de J, et ceux oü les lectures de Bekker et de Christ différent. Il considére que AP, bien que plus récent, remonte à un état du texte plus ancien que E et J, qui sont très proches parents ; Alexandre représente selon lui une tradition intermédiaire. Il cite également Asclépius, Syrianus, Thémistius, et la traduction attribuée à Guillaume de Moerbeke, qui a la méme valeur selon lui qu'un manuscrit du XIII* siècle, ou méme plus ancien, pour les quatre premiers livres de la Méraphysique, et plus rarement, il cite les manuscrits S et T, Simplicius (bien qu'il ne l'annonce pas), la

traduction de Bessarion et l'Aldine. 18 H. Tredennick, Aristotle. The Metaphysics, coll. LCL, 2 vol., Londres 1933 et New-York 1935, 19362, 19473, (...) L'édition de Tredennick est basée sur celle de Bekker, mais il ne retient que les manuscrits E, A? (= A pour lui), S et T, auxquels il ajoute J; il prend également en considération les traductions de Guillaume de Moerbeke et de Bessarion, les commentaires d' Alexandre, du Pseudo-Alexandre, d’Asclépius, de Syrianus et de Thémistius, et l' Aldine de 1498. Il ajoute des notes lorsqu'il rejette le texte de Bekker pour des corrections de Schwegler, Bonitz, Christ, Jaeger et Ross. 19 W. Jaeger, Aristotelis Metaphysica, Oxford, Clarendon Press, 1957. Jaeger avait presque achevé son édition lorsqu'est parue celle de Ross (Jaeger, « Emendationen zur aristotelischen Metaphysik A-D», Hermes 52 1917, p. 481-519). Leurs choix des témoins de la tradition sont semblables. Jaeger a collationné E, J et AP, à partir de photographies pour E et AP. Il considère que la collection byzantine d'œuvres aristotéliciennes présentée par E remonte à une édition très ancienne, qui dérive elle-méme d'une édition péripatéticienne, comme en témoigne la scholie au fragment de Théophraste selon laquelle Andronicos de Rhodes ne considérait pas Théophraste comme l'auteur de ce livre, et qui lui oppose l'autorité de Nicolas de Damas, un érudit péripatéticien ; c'est pourquoi il appelle cette édition « Andronicus auctus ». Il présente E et J comme des manuscrits frères issus d'un archétype en onciale dont les mots n'étaient ni séparés ni accentués. L'édition critique de la Métaphysique a donc bénéficié de progrés presque constants dans la prise en compte des données de la tradition manuscrite depuis le premier quart du XIX® s. : Brandis le premier est revenu au texte des manuscrits; Bekker a indiqué l'origine des variantes; Bonitz a montré l'importance des commentaires antiques et de la traduction de Bessarion; Christ a sélectionné les manuscrits et posé les bases de leur stemma ; Ross et Jaeger ont pris en compte le manuscrit J et la traduction attribuée à Guillaume de Moerbeke. Mais il manque encore une étude détaillée des principaux manuscrits pour préciser la facon dont leurs copistes ont «édité» le texte d’Aristote (ce constat vaut, de manière générale, pour tous les textes de l'Antiquité). L'ensemble des éditeurs de la Métaphysique ne s'est généralement intéressé aux manuscrits concernés que dans la limite du texte édité: ils n'ont pas procédé à un examen paléographique général des principaux manuscrits. D'autres éditeurs, qui se sont intéressés à d'autres textes d' Aristote, ont montré plus de rigueur dans ce domaine. Ainsi, Charles Thurot avec le De partibus animalium, Aurelius Fórster pour le De anima et le De sensu

ARISTOTE DE STAGIRE

249

et de memoria libri, et Paul Moraux pour le De caelo, qui méritait un développement pour lui-méme. Moraux a méme consacré une monographie au manuscrit E: «Le Parisinus

graecus

1853 (Ms E)

d'Aristote», Scriptorium 21,

1967,

p. 17-41 et planches 3 et 4. C'est donc en grande partie sur les études de ces &diteurs que repose l'état actuel de notre connaissance des manuscrits d' Aristote. De nouvelles études sont en cours, en vue d'une nouvelle édition ; voir Myriam Hecquet-Devienne, «Les mains du Parisinus graecus 1853. Une nouvelle collation des quatre premiers livres de la Métaphysique d' Aristote (folios 225v-247v)», Scrittura e Civiltà 24, 2000, p. 103-171. MYRIAM

HECQUET-DEVIENNE.

Les commentaires grecs à la Métaphysique. On trouve les premières traces d'une exégèse de la Métaphysique aussitôt après l'édition d' Andronicus de Rhodes (»*A

181), au I” siècle av. J.-C., chez

Eudore d'Alexandrie (cf. infra, n? 4). En effet, bien que le commentaire le plus ancien qui nous soit parvenu soit celui d' Alexandre d' Aphrodise, il présuppose une activité exégétique déjà assez développée (cf. infra, n° 4). Le commentaire d'Alexandre, caractérisé par une exégèse littérale rigoureuse et équilibrée, constitue la base sur laquelle se fondent les commentateurs postérieurs. Dans les écoles néoplatoniciennes, la Métaphysique représentait le degré le plus élevé dans l'étude d'Aristote, mais précédait l'étude de Platon (cf. 1 Marinus, Proclus ou sur le bonheur, par H. D. Saffrey et A.-Ph. Segonds, CUF, Paris 2001, p. 16 n.1 [p. 108-109 des Nores complémentaires]). C'est probablement sa position à la fin du cursus des lectures aristotéliciennes qui explique la rareté des commentaires néoplatoniciens à la Métaphysique (seulement deux commentaires conservés, ceux

de Syrianus et d' Asclépius, auxquels il faut ajouter les commentaires de Porphyre et du Ps.-Simplicius, simplement attestés, et la paraphrase de Thémistius). Les deux commentateurs byzantins, Michel d'Éphése et le Ps.-Philopon, se limitent à reprendre Alexandre et Syrianus, sans rien ajouter de nouveau. Finalement, le commentaire connu sous le nom de Herennius n'est qu'un faux qui remonte au XV* siécle (malheureusement encore invoqué par certains savants comme un ouvrage ancien). Les commentaires grecs à la Métaphysique conservés ou simplement attestés sont donc au nombre de douze. (1) Nicolas de Damas (ca 64° - après 4°). L'original grec de l'ouvrage Περὶ τῆς ᾿Αριστοτέλους

φιλοσοφίας est perdu; il fut traduit en syriaque (un frag-

ment de la version syriaque a été retrouvé: il s'agit plutót d'un épitomé que d'une véritable traduction de l'original grec) et en arabe. Alors qu'aucun commentateur grec ne semble avoir connu cet ouvrage, la traduction arabe a été utilisée par Averroés dans son Grand commentaire sur la Métaphysique. L'ouvrage de Nicolas devait se composer de plus de treize livres, dont les livres Π-ῚΠ étaient consacrés à la Métaphysique, aussitôt aprés la Physique, traitée dans le livre I. Il ne s'agissait pas d'un véritable commentaire, mais d'un exposé paraphrastique de la métaphysique d' Aristote, visant à éclaircir le texte d'Aristote,

250

LA METAPHYSIQUE - LES COMMENTAIRES GRECS

selon le modéle exégétique d' Andronicus de Rhodes. En général, Nicolas, trés fidèle à l’enseignement d' Aristote, suit la disposition du texte aristotélicien, tout en préférant parfois un ordre différent et plus systématique. Par exemple, dans la discussion des apories du livre B, il pense que la discussion et la solution devraient suivre immédiatement la formulation de l'aporie (ce que fera Syrianus, infra, n? 7). Cf. 2 H. J. Drossaart Lulofs, Nicolaus Damascenus. On the Philosophy of Aristotle, Leiden 1965, 19692, p. 27-34, 74-81, 134-152 ; 3 P. Moraux, Aristotelismus, t. 1, p. 465-487 (sur l'ouvrage en général), 473-475 (sur les livres U-II). (2) Aspasius (F I-D II, »*A 461). Alexandre d'Aphrodise (CAG I, p. 41, 21-

28 ; p. 58, 31-59, 8 ; p. 379, 3-8 Hayduck) conserve trois fragments du commentaire d'Aspasius concernant les chapitres A 5, A 6 et A 9 (textes analysés par Moraux 3, t. II, p. 246-249). Ce commentaire était probablement une paraphrase, avec un certain intérét pour les questions de critique textuelle. (3) Aristote de Mytilène (M II, »A 413). Un fragment de son commentaire est conservé par Syrianus, /n Met., CAG VI 1, p. 99, 17-100, 13 Kroll (M 3, 1078 a

22-31), en part. p. 100, 6-9 (discussion chez Moraux 3, t. II, p. 403-406. I! faut accepter l'addition de «ἢ» chez Syr., /n Mer., p. 100, 10, proposée par Moraux 3, t. II, p. 405 n. 26. Il semble en outre que Kroll, app. crit. p. 100, 6-7, ait raison de soupgonner les mots ὁ ἐξηγητὴς τοῦ φιλοσόφου ᾿Αριστοτέλους qui accompagnent le nom d'Aristote de Mytiléne et qui semblent effectivement étre une glose). Il est certain que Syrianus ne connaît cette opinion d' Aristote de Mytiléne que par l'intermédiaire d' Alexandre, qu'il cite dans ce méme passage (p. 100, 4 et 10). (4) Alexandre d'Aphrodise (II-III, »*A 112, en part. p. 129). Édition par M. Hayduck, CAG I, 1891. Présentation d'ensemble de ce commentaire chez Moraux 3, t. III (édité de façon posthume, sans mise à jour bibliographique), p. 423-510 ; bibliographie chez 4 R. W. Sharples, « Alexander of Aphrodisias : Scholasticism and Innovation », ANRW II 36, 2, Berlin 1987, p. 1176-1243, en part. p. 1182-1183. Seuls les livres A-A sont authentiques (éd. Hayduck, p. 1439), les livres E-N (éd. Hayduck, p. 440-837) sont de Michel d'Éphèse (cf. infra, n? 10). L'ensemble du commentaire d' Alexandre (livres A-N) a été traduit en

syriaque et la traduction syriaque a été, à son tour, traduite en arabe. La traduction arabe a été utilisée par Averroes dans son Grand commentaire sur la Métaphysique (**A 414, p. 528-534, sur la tradition syriaque et arabe de la Métaphysique). Des livres E-N authentiques ne restent que quelques fragments : — livres E, H, 6, I, K : aucun fragment (cf. Moraux 3, t. III, p. 491). - livre Z : trois fragments conservés par Asclépius (»*A 458), In Mer., p. 408, 5-7 ; p. 408, 20-22 et p. 428, 13-20 Hayduck (cf. Moraux 3, t. III, p. 489-490). - livre A : trente-six fragments conservés par Averroes, rassemblés et traduits en allemand par 5 J. Freudenthal, Die durch Averroes erhaltenen Fragmente Alexanders zur Metaphysik des Aristoteles, Berlin 1885 (cf. Moraux 3, t III, p. 491-501).

LA METAPHYSIQUE - LES COMMENTAIRES GRECS

251

- livres M-N : dix fragments conservés par Syrianus (cf. Moraux 3, t HI, p. 502-510 ; 6 C. Luna, Trois études sur la tradition des commentaires anciens à la Métaphysique d'Aristote, Leiden 2001, p. 37-53). Le commentaire d' Alexandre est un ouvrage de la maturité, postérieur aux commentaires de l'Organon et de la Physique. Alexandre se propose d'expliquer le texte d'Aristote, proposition par proposition, à l'aide des passages paralléles d' Aristote lui-même (sur la méthode exégétique d' Alexandre, cf. 7 P. L. Donini, « Alessandro di Afrodisia e i metodi dell'esegesi filosofica », dans C. Moreschini (édit.), Esegesi, parafrasi e compilazione in età tardoantica, Atti del Terzo Convegno dell' Associazione di Studi Tardoantichi, Napoli 1995, p. 107-129). La vérité des thèses aristotéliciennes n'est jamais mise en question. Le procédé habitue] d'Alexandre consiste à diviser le texte en lemmes et, pour chaque lemme, à donner d'abord un bref résumé de ce qui précéde (introduit, en général, par un

participe : εἰπών, μνημονεύσας etc.), et à énoncer ensuite la thèse principale développée dans le passage qui va étre commenté. Ici et là, des questions supplémentaires (ἐπιζητήσεις) discutent des problèmes qui n'entrent pas directement dans le lemme commenté, mais qui, d'une maniere ou d'une autre, s'y rattachent. La question demeure parfois sans solution. Dans le but de rendre le texte d' Aristote le plus compréhensible possible, Alexandre a souvent recours à des analyses philologiques : il discute des variantes et propose, toujours avec beaucoup de prudence, des conjectures lorsque les variantes transmises ne le satisfont pas. Son intérét philologique concerne aussi des questions générales, telles que l'authenticité ou la place de tel ou tel livre dans l'ensemble de la Métaphysique. En ce qui concerne les sources, Alexandre est trés probablement le dernier

commentateur à pouvoir lire les écrits perdus d'Aristote (Περὶ φιλοσοφίας, Περὶ τἀγαθοῦ, Περὶ ἰδεῶν, Περὶ τῶν Πυθαγορείων) qui ne sont connus des commentateurs postérieurs que par son intermédiaire (cf. Luna 6, p. 39-45, 193-196). Eudore d' Alexandrie (fl. ca 40», $E 97), Aspasius (cf. supra, n° 2) et Aristote de

Mytilène (cf. supra, n° 3) sont les seuls auteurs qu' Alexandre cite nommément. Alors qu'il lit directement les commentaires d' Aspasius et d' Aristote de Mytilène, la citation d'Eudore (Alex., p. 59, 6-8) est tirée du commentaire d'Aspasius. La

remarque d'Eudore, concernant le texte de Met. A 6, 988 a 10-11, aurait été formulée dans un écrit sur les premiers principes, et non pas dans un commentaire sur la Métaphysique (#+E 97, p. 292, n? 4 ; cf. Moraux 3, t II, p. 511 n. 6:8 C. Mazzarelli, « Raccolta e interpretazione delle testimonianze e dei frammenti del medioplatonico Eudoro di Alessandria », RFN 77, 1985, p. 197-209, 535-555, en part. fr. 2, p. 200-201). Alexandre rapporte aussi des opinions anonymes qui témoignent du fait que, à son époque, la tradition exégétique de la Métaphysique était déjà bien établie. (5) Porphyre (III). Deux fragments concernant l'exégèse du livre A sont conservés dans le commentaire de Simplicius sur le De caelo (fr. 163 F Smith =

Simpl., In De caelo, p. 503, 22-34 Heiberg ; fr. 164 F = ibid., p. 506, 8-16). Sur le fr. 163F, cf. 9 L. Brisson, «Un si long anonymat », dans J.-M. Narbonne et L. Langlois (édit.), La Métaphysique. Son histoire, sa critique, ses enjeux, coll

252

LA METAPHYSIQUE - LES COMMENTAIRES GRECS

«Zétésis », Paris-Québec 1999, p. 37-60, en part. p. 41-43, 59-60). Les doutes

soulevés par 10 H. J. Blumenthal, «Did Iamblichus write a commentary on the De anima ? », Hermes 102, 1974, p. 540-556, en part. p. 541, sur l'existence d'un commentaire de Porphyre sur le livre A, ne semblent pas fondés. Cf. aussi 11 P. Hadot, «L'harmonie des philosophies de Plotin et d' Aristote selon Porphyre dans le commentaire de Dexippe sur les Catégories », dans Plotino e il neoplatonismo in Oriente e in Occidente, Atti del Convegno internazionale, Roma 5-9 ottobre 1970, Roma 1974, p. 31-47. (6) Thémistius (317-388) a écrit une paraphrase du livre A, cf. 12 R. Brague, Thémistius. Paraphrase de la Métaphysique d'Aristote (livre Lambda), traduit de l’hébreu et de l'arabe, introduction, notes et indices par R. B., Paris 1999. L'original grec, aujourd'hui perdu, a été traduit en arabe probablement par Abu Bisr Matta au X* siécle (on ne conserve que des fragments de la traduction arabe). Le texte arabe a été traduit en hébreu en 1255 par Moise ben Samuel Ibn Tibbon. A son tour, la traduction hébraique a été traduite en latin par Moise Finzi en 1558. La traduction hébraique et, à la suite du texte hébreu, la traduction latine (avec des modifications) ont été éditées par S. Landauer, CAG

V 5, 1905. Il est

probable que Thémistius avait décidé de commenter le seul livre A à cause de sa centralité et de son importance (cf. Brague 12, p. 23-24 ; cf. aussi supra, n? 5, et infra, n° 9). La paraphrase de Thémistius ne semble avoir laissé aucune trace chez les commentateurs grecs ou byzantins, alors qu'elle a été bien connue dans le monde arabe. Bien qu'il s'agisse d'une paraphrase, Thémistius expose parfois ses opinions personnelles à propos de certaines questions telles que la connaissance que Dieu a du monde (cf. Brague 12, p. 34-39). (7) Syrianus (1 437). Ce commentaire couvre les livres B,T, M et N (éd. W. Kroll, CAG VI 1, 1902). La forme actuelle du texte est, semble-t-il, celle d'origine

(le passage p. 195, 10-13, suggère clairement que Syrianus n'a pas commenté le livre A). Le but de Syrianus étant de répondre aux objections d' Aristote visant la doctrine pythagoricienne et platonicienne, on comprend qu'il ait décidé de commenter les livres les plus antiplatoniciens de la Métaphysique. Asclépius conserve deux citations de Syrianus à propos du livre Z : (a) p. 433, 9-436, 6 Hayduck (Z 13, 1038 b 9-1039 a 23): réponse aux dix arguments par lesquels Aristote démontre que les universaux ne sont pas des substances ; (b) p. 450, 18-28 (Z 17,

1041 a 31-32) : explication de l'affirmation d' Aristote selon laquelle on ne recherche pas la cause efficiente des réalités éternelles, mais seulement des choses soumises à la génération et à la corruption. Ces deux passages, qui pourraient provenir d'un cours oral de Syrianus sur le livre Z, constituent de simples témoignages, et non pas des fragments (cf. 13 L. Cardullo, «Syrianus défenseur de Platon contre Aristote selon le témoignage d’Asclépius (Méraphysique 433, 9 - 436, 6) », dans M. Dixsaut (édit.), Contre Platon, t. I, Le platonisme dévoilé, Paris 1993, p. 197-

214 ; Luna 6, p. 173-175). La source de Syrianus pour l'exégese littérale est le commentaire d' Alexandre qu'il connait dans son intégralité (livres A-N). Les citations explicites d' Alexandre sont au nombre de 17 (cf. Luna 6, p. 72). Elles concernent toujours des points

LA METAPHYSIQUE - LES COMMENTAIRES GRECS

253

bien précis d'exégése littérale, à l'exception de deux passages : (a) p. 23, 25-34, 1, où Syrianus attaque Alexandre à propos de la prétendue synonymie existant entre l'homme d'ici-bas et l'homme en soi (cf. 14 A. Madigan, «Syrianus and Asclepius on Forms and Intermediates in Plato and Aristotle », JHPh 24, 1986, p. 149171) ; (b) p. 32, 15-37, où Syrianus critique la doctrine péripatéticienne de la diffé-

rence spécifique (cf. 15 F. A. J. de Haas, John Philoponus's New Definition of Prime Matter. Aspects of its Background in Neoplatonism and the Ancient Commentary Tradition, Leiden 1997, p. 246-249). Les citations explicites n'épuisent toutefois pas la dette de Syrianus à l'égard d' Alexandre. En effet, la comparaison des deux commentaires sur les livres communs

(B et I') permet de décou-

vrir au moins 34 citations implicites (cf. Luna 6, p. 72-98). Dans ses citations, aussi bien explicites qu'implicites, Syrianus ne transcrit jamais le texte d' Alexandre. On remarque toutefois quelques reprises textuelles, qui permettent de conclure qu'il avait le texte d' Alexandre sous les yeux. La présence d' Alexandre chez Syrianus se montre aussi dans la division du texte. Si l'on compare les deux commentaires sur le livre B, on remarque que le texte est divisé en 58 lemmes par Alexandre, en 77 lemmes par Syrianus ; 42 lemmes sont communs aux deux commentateurs, 16 lemmes d' Alexandre ne sont pas repris par Syrianus, qui en ajoute 35 nouveaux. La structure de base est donc demeurée identique, mais, chez Syrianus, on remarque une parcellisation du texte plus accentuée. Sur l'importance que le commentaire de Syrianus revét dans ie développement de la métaphysique néoplatonicienne, cf. 16 C. D'Ancona et C. Luna, «La doctrine des principes : Syrianus comme source textuelle et doctrinale de Proclus », dans A.-Ph. Segonds et C. Steel (édit.), Proclus et la Théologie Platonicienne. Actes du Colloque International de Louvain (13-16 mai 1998), en

l'honneur de H. D. Saffrey et L. G. Westerink t, Leuven-Paris 2000, p. 189-278. Sur l'attitude de Syrianus à l'égard d'Aristote, cf. 17 H. D. Saffrey, « Comment Syrianus, le maître de l'école néoplatonicienne d'Athènes, considérait-il Aristote ? », dans J. Wiesner (édit.), Aristoteles

Werk

und

Wirkung,

Paul Moraux

gewidmet, t. II, Berlin 1987, p. 205-214 (repris dans Recherches sur le néoplatonisme aprés Plotin, Paris 1990, p. 131-140 ; trad. anglaise dans R. Sorabji (édit.), Aristotle transformed. The ancient commentators and their influence, London 1990, p. 173-179) ; 18 C. D'Ancona, «Syrianus dans la tradition exégétique de la Métaphysique d' Aristote. Deuxiéme partie : Antécédents et postérité », dans M.-O. Goulet-Cazé (édit.), Le commentaire entre tradition et innovation. Actes du Colloque international de l'Institut des traditions textuelles (Paris et Villejuif, 22-25

septembre 1999), Paris 2000, p. 311-327. Sur la conception de la métaphysique chez Syrianus, cf. 19 D. J. O'Meara, «Le probléme de la métaphysique dans l'antiquité tardive », FZPhTh 33, 1986, p. 3-22. (8) Asclépius de Tralles (M VI, »A 458). Ce commentaire, qui comprend les livres A-Z (édition M. Hayduck, CAG VI 2, 1888), est la rédaction ἀπὸ φωνῆς d'un cours d’Ammonius (cf. Luna 6, p. 99-103). Du point de vue structural, le

caractère le plus marquant est sa division en θεωρία et λέξις. La θεωρία analyse une péricope du texte d' Aristote, dont elle présente les thémes et les problémes

254

LA MÉTAPHYSIQUE - LES COMMENTAIRES GRECS

principaux, sans entrer dans les détails de l'exégese littérale. A celle-ci, en effet, est consacrée la λέξις, dans laquelle la portion de texte examinée dans la θεωρία est divisée en lemmes plus ou moins brefs. La λέξις renvoie trés souvent à la θεωρία. Outre les formules de renvoi à la θεωρία (cf. Luna 6, p. 213-214), le commentaire

d'Asclépius présente un certain nombre de locutions caractéristiques (cf. Luna 6, p. 104-106, 215-217). Les sources principales d'Asclépius sont Alexandre et Syrianus. Comme Syrianus, Asclépius connait le commentaire d' Alexandre dans son intégralité, puisqu'il le cite dans le livre Z, donc après le livre A qui est le dernier des livres authentiques d'Alexandre qui nous soient parvenus. Le commentaire d' Alexandre est présent dans celui d'Asclépius sous différentes formes : (a) extraits ; (b) citations non littérales, qui se divisent, à leur tour, en deux groupes : (b 1) citations

non littérales explicites, (b 2) emprunts anonymes. (a) Les extraits du commentaire d'Alexandre ne se trouvent que dans les livres A, a, B et I. L'étendue et la littéralité de ces extraits sont absolument incompatibles avec une rédaction ἀπὸ φωνῆς. Il est donc impossible qu'ils aient fait partie de l'exposé oral d'Ammonius. Leur présence ne s'explique qu'en supposant qu'Asclépius a copié le texte d' Alexandre, en !’ajoutant aux notes qu'il avait prises au cours d'Ammonius. La presque totalité des extraits d' Alexandre sont anonymes. Mais il ne manque pas d'extraits introduits ou clos par une mention explicite du nom d' Alexandre. Les extraits se trouvent presque toujours dans la λέξις, ce qui est compréhensible, étant donné le caractère littéral du commentaire d' Alexandre. Il se peut que, sur tel ou tel passage du texte aristotélicien, l'exégése d' Ammonius ait été superficielle ou que les notes d'Asclépius aient été trés pauvres ou méme inexistantes et qu' Asclépius ait pensé à remédier à ces défauts en recourant au commentaire d' Alexandre. Dans certains cas, la λέξις tout entière ou bien le commentaire d'un

lemme se réduisent purement et simplement à l'extrait d'Alexandre, comme s Asclépius n'avait disposé d'aucun élément du cours d'Ammonius. Les extraits d'Alexandre sont parfaitement littéraux et suivent rigoureusement l'ordre du texte d' Alexandre. Asclépius n'a pas fait beaucoup d'efforts pour les intégrer dans le texte d'Ammonius. La seule trace d'une opération de greffe des extraits sur le corpus des notes prises au cours d'Ammonius, est la particule οὖν qu'Asclépius ajoute trés souvent au début de l'extrait pour le relier de quelque manière à ce qui précède. (b) A la différence des extraits, les citations non littérales d'Alexandre chez Asclépius se trouvent dans tous les livres et faisaient trés probablement partie du cours d'Ammonius. Elles sont tantöt explicites, tantöt anonymes. Naturellement, pour les livres E et Z, aucune comparaison n'est possible, car les livres E-N du commentaire d' Alexandre sont perdus. (b 1) Les citations non littérales explicites sont au nombre de onze (cf. Luna 6, p. 122-125). (b 2) Quant aux emprunts anonymes, la comparaison entre le commentaire d'Asclépius et celui d'Alexandre pour les livres communs (A-A) permet de reconnaitre au moins 36 passages oü le commentaire d'Alexandre constitue ka source de celui d'Asclépius (cf. Luna 6, p. 125-141). En plus de cette utilisation directe du commentaire d' Alexandre, on peut repérer un certain nombre de cas

LA MÉTAPHYSIQUE - LES COMMENTAIRES GRECS

255

où le commentaire d' Alexandre a été la source de celui d'Asclépius par l’intermédiaire de celui de Syrianus (cf. Luna 6, p. 175-186). Les citations d' Alexandre filtrées à travers le commentaire de Syrianus permettent d'étudier le processus de simplification et parfois de déformation que subit le commentaire d'Alexandre dans son utilisation progressive. Quant à Syrianus, son commentaire a exercé une influence profonde sur celui d'Asclépius (cf. 20 K. Praechter, c.r. de l'éd. de Syrianus par W. Kroll, dans GGA 165, 1903, p. 513-530 [repris dans Kleine Schriften, hrsg. von H. Dérrie, Hildesheim 1973, p. 246-263] ; Luna 6, p. 142-175). Cette influence se fait sentir

sur quatre points. (a) Pour Asclépius, comme pour Syrianus, commenter la Métaphysique signifie essentiellement répondre aux arguments antiplatoniciens d' Aristote. Par rapport à Syrianus, le commentaire d'Asclépius est moins polémique à l'égard d' Aristote et recherche avec zèle l'accord entre Platon et Aristote, toujours considéré comme appartenant à l'école de Platon. Dans cette perspective concordiste, la véritable cible d' Aristote, pour Asclépius, n'est pas Platon, mais les fausses interprétations du platonisme. (b) Par conséquent, le commentaire d'Asclépius sur les livres A et B présente la méme structure que celui de Syrianus, à savoir un exposé paraphrastique du texte d'Aristote, suivi d'une réponse à la difficulté soulevée par Aristote. (c) Asclépius semble aussi hériter de Syrianus l'habitude de s'adresser à Aristote par des apostrophes à la deuxiéme personne du singulier. (d) Dans les livres B et I', Asclépius utilise très souvent le commentaire de Syrianus. Il s'agit toujours de citations anonymes, dans lesquelles on remarque toutefois d'évidentes reprises littérales. Celles-ci amènent à croire qu' Ammonius disposait du texte écrit du commentaire de Syrianus, méme si l'on ne peut pas exclure l'existence d'une tradition d'enseignement oral (Syrianus — Proclus (ou Hermias) — Ammonius — Asclépius).

Bien qu'inférieur, d'un point de vue spéculatif, au commentaire de Syrianus, celui d’Asclépius fournit un témoignage essentiel sur le développement de la philosophie et de l'exégéese aristotélicienne à Alexandrie. Sur la notion de métaphysique propre à Asclépius, cf. 21 K. Kremer, Der Metaphysikbegriff in den Aristoteles-Kommentaren der Ammonius-Schule, coll. «Beiträge zur Geschichte der Philosophie und Theologie des Mittelalters » XXXIX 1, Münster West. 1961. Sur le commentaire d' Asclépius en tant que témoin de la métaphysique d' Ammonius, cf. 22 K. Verrycken, « The metaphysics of Ammonius son of Hermeias », dans R. Sorabji (édit.), Aristotle transformed.

The

ancient

commentators

and

their

influence, London 1990, p. 199-231. (9) Ps.-Simplicius (M VI). Le commentaire sur le De anima édité sous le nom

de Simplicius (éd. M. Hayduck, CAG XI, 1882) contient deux auto-références à un commentaire sur la Métaphysique. (1) p. 28, 19-20 (12, 404 b 19-21) : xal

σαφέστερον μὲν ἡ τῶν ἀνδρῶν ἔννοια ἐν τοῖς εἰς τὰ Μετὰ rà φυσικά μοι γεγραμμένοις διήρθρωται. Puisque ce passage du De anima, concernant la génération des idées de la ligne, de la surface et du solide à partir des nombres, est parallèle à Met. N 3, 1090 b 20-24, le renvoi pourrait se rapporter à l’exégèse de Mer. N. (2) p. 217, 23-28 (III 4, 429 a 10-11) : Τίς μὲν xal ποῖος ὁ χωριστὸς

256

LA METAPHYSIQUE - LES COMMENTAIRES GRECS

τῶν ψυχῶν νοῦς [...] εὐκαιρότερον ἡμῖν xal τελειότερον ἐν τοῖς εἰς τὸ λάδδα τῆς Μετὰ τὰ φυσικὰ γεγραμμένοις ἑπομένως ταῖς ᾿Ιαμδλίχου περὶ αὐτοῦ κατὰ τὸν ᾿Αριστοτέλους σκοπὸν θεωρίαις πεφιλοσόφηται. Il s'agit donc d’un renvoi explicite ἃ un commentaire du livre A (la mention de Jamblique à propos du σκοπός du livre A n'implique pas que Jamblique ait écrit un commentaire sur ce livre, cf. 23 C.

D' Ancona,

« Commenting on Aristotle : from Late

Antiquity to the Arab Aristotelianism », dans W. Geerlings und Ch. Schulze (édit.), Der Kommentar in Antike und Mittelalter, Leiden 2002, p. 201-251, en

part. p. 208 n. 20. En effet, aucune autre source ne témoigne de l'existence d'un commentaire de Jamblique sur la Métaphysique, et aucune des citations de Jamblique chez Syrianus ne permet de conclure à l'existence d'un commentaire de Jamblique sur la Métaphysique, pace 24 J. Dillon, Jamblichi Chalcidensis in Platonis dialogos commentariorum fragmenta, Leiden

1973, p. 22). L'attribution

du commentaire auquel se référent ces deux renvois dépend, évidemment, de l'attribution du commentaire sur le De anima. Publié par M. Hayduck sous le nom de Simplicius, ce texte a été attribué à Priscien de Lydie par 25 F. Bossier et C. Steel, «Priscianus Lydus en de "In De anima"

van Pseudo (?)-Simplicius »,

TF 34, 1972, p. 761-822 ; 26 C. Steel, « The author of the Commentary On the Soul », dans Priscian, On Theophrastus on Sense-Perception with 'Simplicius' On Aristotle On the Soul 2.5-12, Translated by P. Huby & C. Steel, London 1997, p. 105-140.

L'attribution à

Simplicius est

soutenue

par

27

I. Hadot,

« Simplicius or Priscianus ? On the author of the commentary on Aristotle's De anima (CAG ΧΙ): a methodological study », Mnemosyne 55, 2002, p. 159-199. Les deux auto-références sont donc considérées par Hadot 27, p. 171 et n. 45, comme une confirmation de son hypothese selon laquelle Simplicius aurait écrit un commentaire sur la Métaphysique (cf. 28 I. Hadot, « Recherches sur les fragments du commentaire de Simplicius sur la Métaphysique d' Aristote », dans L Hadot (édit.), Simplicius. Sa vie, son œuvre, sa survie. Actes du colloque international de Paris (28 sept. - 1® oct. 1985), Berlin 1987, p. 225-245, en part. p. 228229). Il semble toutefois qu'une telle hypothèse puisse difficilement être retenue (cf. 29 M. Rashed, «Traces d'un commentaire de Simplicius sur la Métaphysique à Byzance ? », RSPT 84, 2000, p. 275-284). (10) Ps.-Alexandre = Michel d’Ephese (XII). L'attribution du commentaire sur

les livres E-N publié sous le nom d' Alexandre (éd. M. Hayduck, CAG I, p. 440837) à Michel d'Éphése a été soutenue surtout par 30 K. Praechter, c.r. de Michaelis Ephesii /n libros De partibus animalium, De animalium motione, De animalium incessu, ed. M. Hayduck, CAG XXIII 2, dans GGA 168, 1906, p. 861907, sur la base d'une série d'expressions et de tournures caractéristiques qui se retrouvent dans l'/n Met. et dans tous les commentaires de Michel d'Éphése. Les résultats de Praechter sont confirmés par Luna 6, p. 53-71, 197-212, en sorte que l'attribution de ce commentaire à Michel d'Éphése peut désormais être considérée comme certaine. Par conséquent, l'hypotheése selon laquelle le Ps.-Alexandre serait un commentateur antérieur à Syrianus, source du commentaire de Syrianus sur les livres M-N (cf. 31 L. Tarán, «Syrianus and Pseudo-Alexander's commentary

LA MÉTAPHYSIQUE - LES COMMENTAIRES GRECS

257

on Metaph. E-N », dans J. Wiesner (édit.), Aristoteles Werk und Wirkung, Paul

Moraux gewidmet, t. II, Berlin 1987, p. 215-232), doit étre absolument écartée. Le probléme du rapport entre le commentaire de Syrianus et celui du Ps.-Alexandre naît du fait que, dans les livres M et N, on trouve un certain nombre de passages communs aux deux auteurs (103 passages de différente longueur, liste chez Luna 6, p. 191-192). Tous ces passages paralléles s'expliquent comme des emprunts du Ps.-Alexandre à Syrianus. Une telle conclusion se fonde sur trois considérations : (a) le commentaire du Ps.-Alexandre contient des citations qui ne

s'expliquent que sur la base du texte de Syrianus, en ce sens que les deux textes contiennent la méme citation, qui est explicite, complète et bien adaptée au contexte chez Syrianus, alors qu'elle est anonyme, incompléte et incohérente chez le Ps.- Alexandre

(cf. Luna 6, p. 3-12). (b) Le Ps.-Alexandre présente des anoma-

lies de sens et de syntaxe dues au fait qu'il est le produit d'une élaboration plus ou moins maladroite du texte de Syrianus (cf. Luna 6, p. 12-18). (c) Le texte du Ps.Alexandre a le caractére d'une glose au texte de Syrianus, en ce sens qu'il développe et glose le texte de Syrianus afin de le rendre plus clair et plus explicite (cf. Luna 6, p. 18-32). Malgré les auto-références à l'/n Met. A-A et les emprunts anonymes au De anima et aux Questions d' Alexandre d'Aphrodise, Michel d'Éphese n'a pas voulu usurper le nom d'Alexandre pour écrire son commentaire sur Met. E-N. Comme tous ses autres commentaires, celui sur Met. E-N est un ouvrage fait de piéces et de morceaux. Pressé de fournir en trés peu de temps un grand nombre de commentaires sur les ouvrages d' Aristote les plus disparates, à la demande de la princesse Anne Comnene (ce qui permet de dater son commentaire entre 1118, date à laquelle Anne Comnéne se retira dans le couvent τῆς Κεχαριτωμένης à Constantinople et réunit autour d'elle un cercle de savants, et 1138, lorsque la princesse, ayant commencé à écrire ses mémoires, dut interrompre ses études aristotéliciennes, cf. 32 R. Browning, « An unpublished funeral oration on Anna Comnena », PCPhS 188 [NS 8], 1962, p. 1-12, repris dans R. Sorabji (édit.), Aristotle transformed. The ancient commentators and their influence, London

1990, p. 393-406, en part. p. 399), Michel dut constituer un dossier de textes, le plus souvent tirés d' Alexandre d'Aphrodise, qu'il utilisait à chaque fois que l'argument le permettait. Cela présuppose une technique de composition trés rapide, scolastique et peu originale, qui vise à produire des commentaires en série et qui est forcée d'utiliser sans trop de scrupules tous les matériaux disponibles. Pour les livres A-A, il existait déjà le commentaire d' Alexandre : Michel s'y réfere comme à son propre ouvrage parce que ce gros morceau d'exégese fait, en quelque sorte, partie du commentaire qu'il doit fournir. Pour les livres E-N, il a tiré de Syrianus tout ce qu'il était possible d'en tirer, à savoir les passages d'exégese littérale (cf. Luna 6, p. 66-71). (11) Ps.-Philopon (XIII-XIV). Le texte grec (livres A-N), inédit, est transmis

par trois mss. : Ambros. F 113 sup., ff. 173'-238", XIV* s. (livres K-N) ; Var. Urb. gr. 49, XIV* s. (texte complet) ; Vindob. phil. gr. 189, ff. 1307-213", XVT s. (livres

A 1-5, Z-N). Quelques extraits du texte grec, tirés de l' Urb. gr. 49, ont été publiés

258

LA METAPHYSIQUE - LES COMMENTAIRES GRECS

par Ch. Brandis, Scholia in Aristotelem, dans Aristotelis Opera, ex recensione L Bekkeri, editio altera quam curavit O. Gigon, t. IV, Berolini 1961 (réimpr. de l'édition 1836), col. 520 a 26-b 34, et notes aux col. 522 b, 524 a, 532 a, 533 a-b, 534 b, 539 a-b, 540 a, 544 b-545 a, 546 a. L'Ambros. F 113 sup. attribue ce commentaire à Georges Pachymère

(1242-ca

1307) (cf. 33 S. Alexandru, « A

New Manuscript of Pseudo-Philoponus' Commentary on Aristotle's Metaphysics Containing a Hitherto Unknown Ascription of the Work », Phronesis 44, 1999, p. 347-352). Quoi qu'il en soit, l'attribution à Philopon (soutenue par H. Reiner, « Der Metaphysik-Kommentar des Joannes Philoponos », Hermes 82, 1954, p. 480-482, et acceptée par Kremer 21) est impossible, car le commentaire du Ps.Philopon cite celui de Michel d’Ephöse (cf. 34 G. Vuillemin-Diem, « Anmerkungen zum Pasikles-Bericht und zu Echtheitszweifeln am grósseren und kleineren Alpha in Handschriften und Kommentaren », dans P. Moraux und J. Wiesner (édit.), Zwefeilhaftes im Corpus Aristotelicum. Studien zu einigen Dubia. Akten des 9. Symposium Aristotelicum (Berlin, 7.-16. September 1981), Berlin 1983, p. 157-192, en part. p. 169-170 ; Luna 6, p. 54). Une traduction latine du texte grec par Francesco Patrizi parut à Ferrare en 1583 : Joannis Philoponi breves, sed apprime doctae et utiles exposiriones in omnes XIII. Aristotelis libros eos qui vocantur Metaphysici quas Franciscus Patricius de graecis, latinas fecerat, Ferrariae 1583 (réimpr. : 35 Pseudo-Johannis Philoponi Expositiones in Omnes XIV Aristotelis Libros Metaphysicos. Übersetzt von Franciscus Patritius. Neudruck der ersten Ausgabe Ferrara 1583 mit einer Einleitung von Ch. Lohr, coll. CAGL 2, Stuttgart/Bad Cannstatt 1991). Les sources principales du Ps.-Philopon sont le commentaire d'Alexandre pour les livres A-A et le commentaire de Michel d'Éphése pour les livres E-N (cf. Lohr 35, p. XII-XIII ; sur un prétendu

témoignage du Περὶ ἰδεῶν chez le Ps.-Philopon, cf. Luna 6, p. 196). (12) Ps.-Herennius (XV). Le commentaire sur la Métaphysique attribué à Herennius (#E 53), élève d'Ammonius Saccas et condisciple de Plotin, et édité

par Angelo Mai, Classicorum auctorum e Vaticanis codicibus editorum, t. IX,

Romae 1837, p. 513-593, sous le titre ‘Epevvlou φιλοσόφου ἐξήγησις εἰς τὰ Μετὰ tà φυσικά, est un faux forgé à Rome au XV* s., dans le milieu de Bessarion, contenant des extraits de Philon d'Alexandrie, d' Alexandre d' Aphrodise, de Proclus,

de

Damascius,

de

saint

Augustin

et de

Georges

Pachymére

(cf.

36 Damascius, Traité des premiers principes, par L.G. Westerink et J. Combes, t. I, Paris 1986, p. CXI-CXIV). CONCETTA

LUNA.

LA METAPHYSIQUE. TRADITION SYRIAQUE ET ARABE

(t. I, 1989, p. 528-531) Mise à jour bibliographique 1. Concernant le lien qui rattache la tradition des écoles philosophiques dans l'antiquité tardive et la tradition aristotélicienne arabe, voir 1 C. D'Ancona Costa, «Commenting on Aristotle: from Late Antiquity to the Arab Aristotelianism», dans W. Geerlings et C. Schulze (édit.), Der Kommentar in Antike und Mittel-

alter. Beiträge zu seiner Erforschung, Leiden 2002, p. 201-251. Sur la tradition philosophique en langue syriaque: 2 S. Brock, « From antagonism to assimilation. Syriac attitudes to Greek learning», dans N. G. Garsoian, T.F. Mathews, R. W. Thomson (édit.), East of Byzantium : Syria and Armenia in

the formative period, Washington 1982, p. 17-39; 3 H. Hugonnard-Roche, « Note sur Sergius de Rés$'ayna, traducteur du grec en syriaque et commentateur d' Aristote », dans J. Endress

et

R.

Kruk

(édit.), The

Ancient

Tradition

in

Christian and Islamic Hellenism. Studies on the Transmission of Greek Philosophy and Sciences dedicated to H. J. Drossaart Lulofs on his ninetieth birthday, Leiden 1997, p. 121-143; 4 Id., «Comme la cigogne au désert. Un prologue de Sergius de Res'ayna à l'étude de la philosophie aristotélicienne en syriaque », dans A. de Libera, A. Elamrani-Jamal et A. Galonnier (édit.), Langages et philosophie. Hommage à Jean Jolivet, Paris 1997, p. 79-97 ; 5 J.-M. Fiey, Chrétiens syriaques sous les Abbassides surtout

à Bagdad (749-1258), coll. «Corpus

Scriptorum

Christianorum Orientalium. Subsidiat. » 59, Leuven 1980. 2. Éditions de l'ouvrage intitulé Fi al-falsafa al-ülà d'al-Kindi: 6 al-Kindi, Fi al-falsafa al-ülä, dans M.'A.H. Abü Rida (édit.), Rasa’il al-Kindi alfalsafiyya, 2 vol., Le Caire 1950-1953; 7 al-Kindi, Fi al-falsafa al-ula, dans R.

Rashed et J. Jolivet (édit.), Œuvres philosophiques et scientifiques d'al-Kindi, Métaphysique et cosmologie, Leiden 1998, p. 1-101. Traduction espagnole: 8 R. Ramón Guerrero et E. Tornero Poveda, Obras filosoficas de al-Kindi, Madrid 1986, p. 46-87. Études sur les sources du traité Fi al-falsafa al-ülä d'al-Kindi: 9 C. D'Ancona Costa, « Aristotele e Plotino nella dottrina di al-Kindi sul principio primo», DSTFM 3, 1992, p. 363-422 ; 10 Ead., « Al-Kindi on the Subject-Matter of the First Philosophy. Direct and Indirect Sources of Falsafa al-ulà, Chapter One », dans J. A. Aertsen

(édit.), Miscellanea

Mediaevalia, coll.

« Veröffentli-

chungen des Thomas-Instituts der Universität zu Köln» 26, Berlin/New York 1998, p. 841-855. Justification de la falsafa dans la Fi al-falsafa al-ülà d’al-Kindi: 11 G. Endress, « The Defense of Reason: the Plea for Philosophy in the religious community », ZGAIW 6, 1990, p. 1-49. 4. 5. 6. Sur le cercle d'al-Kindi, les traducteurs qui y travaillaient (entre autres

Ustär), sur ses critères et les techniques de traductions utilisées dans ce cercle, voir

260

ARISTOTE DE STAGIRE

12 G. Endress, Proclus Arabus. Zwanzig Abschnitte aus der Institutio Theologica in arabischer Übersetzung, Wiesbaden/Beirut 1973; 13 /d., « The Circle of al-Kindi. Early Arabic Translations from the Greek and the Rise of Islamic Philosophy », dans J. Endress et R. Kruk (édit.), The Ancient Tradition in Christian and Islamic Hellenism. Studies on the Transmission of Greek Philosophy and Sciences dedicated to H. J. Drossaart Lulofs on his ninetieth birthday, Leiden 1997, p. 43-76. 7-8. Sur la doctrine métaphysique élaborée dans la falsafa, comme synthése de l'aristotélisme et du néoplatonisme, voir 14 G. Endress, «La concordance entre Platon et Aristote, l' Aristote arabe et l'émancipation de la philosophie en Islam médiéval », dans B. Mojsisch et O. Pluta (édit.), Historia Philosophiae

Medii

Aevi : Studien zur Geschichte der Philosophie des Mitttelalters, Amsterdam/ Philadelphia 1991, p. 237-257; 15 C. D'Ancona, La Casa della Sapienza. La trasmissione della metafisica greca e la formazione della filosofia araba, Milano

1996 ; 16 G. Endress, «L'Aristote Arabe. Réception, Autorité et Transformation du Premier Maitre », Medioevo 23, 1997, p. 1-42; 17 C. D'Ancona, «Greek into Arabic: Neoplatonism in Translation», dans P. Adamson et R. Taylor (édit), The Cambridge Companion to Arabic Philosophy, Cambridge Univ. Press (sous presse).

9. Nouvel examen de la question «d'Alexandrie à Bagdad» soulevée par l'étude de Meyerhof (1930): 18 G. Strohmaier, « Von Alexandrien nach Bagdad. Eine fiktive Schultradition », dans J. Wiesner (édit.), Aristoteles, Werk und Wirkung, Paul Moraux gewidmet, t. II: Kommentierung, Überlieferung, Nach-

leben, Berlin/New York

1987, p. 380-389; 19 S. Stroumsa, «Al-Färäbi

and

Maimonides on the Christian Philosophical Tradition: a Re-evaluation», /s! 68,

1991, p. 263-287 ; 20 J. Lameer, « From Alexandria to Baghdad: Reflections on the genesis of a problematical tradition », dans J. Endress et R. Kruk (édit.), The Ancient Tradition in Christian and Islamic Hellenism. Studies on the Transmission of Greek Philosophy and Sciences dedicated to H.J. Drossaart Lulofs on his ninetieth birthday, Leiden 1997, p. 181-191; 21 D. Gutas, « The "Alexandria to Baghdad" complex of narratives. A contribution to the study of philosophical and medical historiography among the Arabs », DSTFM 10, 1999, p. 155-193. Sur le lien textuel qui relie l'approche néoplatonicienne des textes dans l'école d'Alexandrie à celle de la tradition arabo-islamique, voir 22 D. Gutas, «Paul the Persian on the classification of the parts of Aristotle's philosophy: a milestone between Alexandria and Bagdad », /s! 60, 1983, p. 231-267. 10. Sur la connaissance qu'avait al-Färäbi de la Métaphysique d' Aristote et sur le róle joué par les écrits d’al-Färäbi dans la formation métaphysico-philosophique d’Avicenne, voir 23 Á. Gonzalez Palencia (edit.), Al-Färäbi, Catálogo de las ciencias, edición y traducción castellana por Ä.G.P., Madrid 19532, p. 87.10-90; 24 "U. Amin (édit.), Al-Faräbi, Kirab Ihsa’ al-'ulüm, Le

Caire

1968? ; 25 M. Mahdi (édit.), Al-Färäbi, Kitäb al-Hurüf, Beirut 1969; 25 [Éditeur anonyme], Al-Färabi, Magála ft agräd Mà

26 Th.A. Druart,

«Le

traité d’al-Färäbi

ba'd at-tabi'a, Haydaräbäd

1930;

sur le buts de la Métaphysique

LA METAPHYSIQUE - TRADITION ARABE

261

d’Aristote», BullPhilosMed 24, 1982, p. 38-43; 27 R. Ramón Guerrero, «AlFäräbi y la ‘Metafisica’ de Aristóteles», La ciudad de dios 196, 1983, p. 211240 ; 28 D. Gutas, Avicenna and the Aristotelian Tradition : Introduction to rea-

ding Avicenna's philosophical works, Leiden 1988, p. 22-30, 149-198, 237-242; 29 Id., « Avicenna's Eastern (“Oriental”) philosophy. Nature, contents, transmission», ASPh 10, 2000, p. 159-180; 30 A. Bertolacci, « From al-Kindi to alFäräbi: Avicenna's progressive knowledge of Aristotle's Meraphysics according to his autobiography », ASPh 11, 2001, p. 257-295. Les traductions arabes de la Métaphysique, p. 531-533. a. La traduction d'Ustat Sur Ustät: 31 J. Nasrallah, «L'Église melchite en Iraq, Perse et dans l'Asie

centrale », Proche Orient Chrétien 38, 1976, p. 319-353. Sur la tradition du livre Alpha Elatton traduit par Usrär: 32 R. Walzer, «On the Arabic Versions of books A, a & A of Aristotle's Meraphysics», HSPh 63, 1958, p. 217-231 (réimpr. dans R. Walzer, Greek into Arabic. Essays on Islamic philosophy, ed. S.M. Stern, R. Walzer, B. Cassirer, Oxford 1963, p. 114-128); 33 A. Neuwirth, « Neue Materialen zur Arabischen Tradition der beiden ersten Metaphysik-Bücher », Welt des Islams 18, 1977-1978, p. 84-100; 34 G. Endress, «Die wissenschaftliche Literatur», dans H. Gätje (édit). Grundriß der Arabischen Philologie, Band II (Literatur), Wiesbaden

1987, p. 7-23; 35 J. N. Mattock, «The

Early translations from Greek into Arabic: an Experiment in Comparative Assessment», dans Symposium Graeco-Arabicum: Akten des Zweiten Symposium Graeco-Arabicum, Ruhr-Universität Bochum, 3-5 März 1987, hrsg. von G.

Endress unter Mittwirkung von Marita Schmeink, coll. « Archivum Graeco-Arabicum» 1, Amsterdam 1989, p. 73-102; 36 H.H. Biesterfeldt, «Kommunikation

durch Übersetzung: Ziele und Methoden der griechisch-arabischen Übersetzungen des 9. Jahrhunderts », dans G. Binder et K. Ehlich (édit.), Kommunikation durch Zeichen und Wort, Siätten und Formen der Kommunikation im Altertum IV, Trier 1995, p. 137-192; 37 C. Martini, «La tradizione araba della Metafisica di Aristotele: Libri a - A», dans C. D'Ancona et G. Serra (édit.), Aristotele e

Alessandro di Afrodisia nella tradizione araba, Padova 2002, p. 75-112; 38 C. Martini Bonadeo, « Yahya ibn 'Adi's Commentary on the Metaphysics (Book a): Method and style of composition », dans Sciences et philosophie arabes : méthodes, problémes et cas. Actes du Colloque international de la Société Internationale d'Histoire des Sciences et de la Philosophie Arabes et Islamiques (SIHSPAT) (Carthage, 28 novembre — 2 décembre 2000), Académie tunisienne des sciences, des lettres et des arts "Beit al-Hikma”, Carthage 2003, sous presse. Sur la tradition du livre Beta traduit par Ustaát et sur le commentaire d'Aver-

roès : 39 L. Bauloye, Averroes Grand Commentaire (Tafsir) de la Métaphysique Livre Beta, Paris 2002. Sur la traduction du livre Gamma généralement attribuée à Ustádt: 40 A. Bertolacci, The Arabic Translations of book T of Aristotle's Metaphysics, inédit.

262

ARISTOTE DE STAGIRE

Sur la tradition du livre Delta traduit par Ustar: 41 R. Ponzalli (édit.), Averrois in Aristotelis librum V (A) Metaphysicorum Aristotelis Commentarius, Bern 1971 (édition et traduction de l'arabe en latin).

Sur la traduction du livre Zeta 1 et 2 par roés: 42 L. Bauloye, «Averroés Grand d'Aristote, Z 1 et 2. Traduction et notes», question de l'essence. Averroes et Thomas Métaphysique Z I, Louvain-la-Neuve 1997.

Ustär et sur le commentaire d'AverCommentaire de la Métaphysique BEO 49, 1997, p. 53-73; 43 Id., La d'Aquin, Commentateurs d'Aristote,

Sur la traduction du livre Thera par Ustät: 44 Bürke, Das Neunte Buch (O)

des lateinischen groflen Metaphysik-Kommentars von Averroes, Bern 1969 (édition et traduction de l'arabe en latin). Sur la traduction du livre Lambda par Ustat: Walzer 32; 45 M. Geoffroy, « Remarques sur la traduction Ustät du livre Lambda de la Métaphysique, chapitre 6», article sous presse ; 46 J. Janssens, « Avicenne et sa « paraphrase-commentaire» du livre Lambda (Kiräb al-insäf)», article sous presse; 47 C. Martini

Bonadeo, «ὡς ἐρώμενον: alcune interpretazioni arabe di Meraph. À 7», dans Aristotele ed i suoi esegeti neoplatonici. Logica ed ontologia nelle interpreta-

zioni greche e arabe. Atti del colloquio promosso dal CNR - Centro di Studio del Pensiero Antico e dalla European Science Foundation - Network Late Antiquity and Arabic Thought, Roma, 19-20 ottobre 2001, sous presse. b. La traduzione d’Ishäq ibn Hunayn Sur Ishaq ibn Hunayn et le cercle de traducteur de son père Hunayn ibn Ishaq: 48 M. Salama-Carr, La traduction à l'époque abbaside. L'école de Hunayn ibn Ishàq et son importance pour la traduction, coll. « Traductologie » 6,

Paris 1990; 49 M. Cassarino, Traduzioni e traduttori arabi dell'VIII all'XI secolo, Roma 1998, p. 74-83.

Sur la traduction du livre Alpha Elatton par Ishaq ibn Hunayn: Walzer 32; 50 Gion Darms (édit.), Averroes, In Aristotelis librum H (a) Metaphysicorum Commentarius, Fribourg (Suisse) 1966 (édition et traduction de l'arabe en latin) ;

Endress 34, p. 7-23; Mattock 35; Biesterfeldt 36; Martini 37 ; Martini Bonadeo 38. Sur la traduction du livre Gamma par Ishaq ibn Hunayn: Bertolacci 40. d. Le traducteur Yahyä ibn ‘Adi Sur Yahyä ibn ‘Adi: 50 A. Périer, Yahyä ibn ‘Adi, un philosophe arabe chrétien du X° siècle, Paris 1920; 51 G. Endress, The Works of Yahya ibn ‘Adi.

An analytical inventory, Wiesbaden 1977 ; 52 E. Platti, Yahya ibn ‘Adi, théologien chrétien et philosophe arabe, coll. « Orientalia Lovaniensia Analecta» 14, Leuven, Department Orientaliestick, 1983; 53 J. L. Kraemer, Humanism in the

Renaissance of Islam, The Cultural Revival during Buyid Age, Leiden 1986, p. 104-139; 54 M. Nasir bin Omar, «Christian Traslators in Medieval

Islamic

Baghdäd: the Life and Works of Yahyä Ibn 'Adi», /s!Q 39, 1995, p. 167-181. Sur le commentaire de Yahyä ibn "Adi au livre Alpha Elatton: 55 M. Miskät, Aristätälis-i hakim. Nahustin magäla-i Mà ba'd at-tabi‘a mawsüm bi magälat

LA METAPHYSIQUE - TRADITION ARABE

263

al-Alif al-sugrä targama-i Ishàq ibn Hunayn bà Yahya b. ‘Adi wa tafsir-i Ibn-i Rusd, Tehrän 1346/1967 ; 56 ‘A. Badawi, Rasa 'il falsafiyya li-l-Kindi wa-alFäräbi wa-ibn Bägga wa-ibn ‘Adi, Bangazi 1973, p. 168-203; 57 S. Khalifat, Yahyà ibn ‘Adi. The Philosophical Treatises. A Critical edition with an introduction and a study, Amman 1988, p. 220-262; Martini Bonadeo 38 ; 58 Ead., «Un commento ad Alpha Elatton "sicut litterae sonant" nella Bagdad del X secolo», Medioevo 28, 2003, sous presse. e. Le livre Alpha Meizon Sur Nazif ibn Aymàn: 59 J. Nasrallah, « Nazif ibn Yumn, médecin, traducteur et théologien melchite du X* siécle», Arabica 21, 1974, p. 303-312; 60 D. Gutas, Greek Thought, Arabic Culture. The Graeco-Arabic Translation Movement in Baghdad and Early ‘Abbäsid Society (2nd-4th/8th- 10th centuries),

London/New York 1998, p. 151-152. Témoignages sur la traduction arabe du livre Alpha meizon : Neuwirth 33; 61 A. Bertolacci, «Metafisica A 5, 986 a 22-26 nell'/lahiyat del Kitab as-Sifa di Ibn Sina», DSTFM 10, 1999, p. 205-231 ; Martini 37; 62 C. Martini, «The Arabic version of the book Alpha Meizon of Aristotle's Metaphysics and the testimony of MS. Bibl. Apostolica Vaticana, Ott. Lat. 2048», dans J. Hamesse (édit.), Le traducteurs au travail. Leurs manuscrits et leurs méthodes, Turnhout

2001, p. 173-206. f. Le traducteur Ibn Zur'a: 63 J.L. Kraemer, Humanism in the Renaissance of Islam,

The

64 P. Thillet,

Cultural Revival during

Buyid Age, Leiden

1986, p. 117-123;

« Remarques sur le livre Lambda de la Métaphysique », sous presse.

g. Sur Abü Bisr Mattà traducteur du livre Lambda d'Alexandre d'Aphrodise et celui de Thémistius.

avec

le commentaire

Édition du commentaire d'Alexandre d'Aphrodise sur la Métaphysique d' Aristote, livres A-A (les livres E-N sont de Michel d'Éphése: voir 65 C. Luna, Trois études sur la tradition des commentaires anciens à la Métaphysique d'Aristote, Leiden 2001, p. 1-71): 66 M. Hayduck (édit.), Alexandri Aphrodiensis in Aristotelis Metaphysica Commentaria, CAG I, Berlin 1891.

Édition et traduction de 67 S. Landauer

(édit.),

la paraphrase de Thémistius au

Themistii

in

Aristotelis

livre Lambda:

Metaphysicorum

librum

A

paraphrasis hebraice et latine, CAG V 5, Berlin 1903; 68 ‘A. Badawi, Arist ‘inda al-'Arab, Le Caire 1947, p. 12-21, 329-333; 69 R. Brague (édit), Thémistius. Paraphrase de la Métaphysique d'Aristote (Livre Lambda), traduit de l'hébreu et de l'arabe. Introd., notes et indices par R.B., Paris 1999; 70 A. Neuwirth, 'Abd al Latif al-Bagdadi's Bearbeitung von Buch Lambda der aristotelischen Metaphysik, Wiesbaden 1976; 71 R. M. Frank, «Some textual notes on the oriental versions of Themistius' Paraphrase of Book L of the Metaphysics», Cahiers de Byrsa 8, 1958-1959 , p. 215-230; 72 S. Pines, «Some distinctive metaphysical conceptions in Themistius’ Commentary on Book Lambda and their place in the history of philosophy », dans J. Wiesner (édit.), Aristoteles, Werk und Wirkung, Paul Moraux gewidmet, t. Il: Kommentierung,

264

ARISTOTE DE STAGIRE

Überlieferung, Nachleben, Berlin/New York 1987, p. 177-204 (réimpr. dans The Collected Works of Shlomo Pines, t. III: Studies in the History of Arabic Philosophy, Jerusalem 1996). h. Sur la traduction anonyme du livre Lambda : 73 D. Gutas,

« Notes and

Texts from Cairo Manuscripts, II: Texts from Avicenna's Library in a Copy by ‘Abd-ar-Razzäq as-Signähi», MME 2, 1987, p. 7-17; Badawi 68, p. 3-11 et p. 48-49 de l'introduction (oü cette traduction anonyme est attribuée à Ishäg). Caractère général des traductions arabes de la Métaphysique, p. 533-534. 74 L. Bauloye, «La traduction arabe de la Métaphysique et l'établissement du texte prec », dans Aristotelica Secunda,

Mélanges

offerts à Christian

Rutten,

Liege 1996, p. 281-289 ; Gutas 60, p. 141-150 ; 75 G. Endress et D. Gutas (édit.), A Greek and Arabic Lexicon. Materials for a Dictionary of the Mediaeval Translations from Greek into Arabic, I, Leiden 2002.

Bibliographie complémentaire, p. 534. 76 I. Madkour, «La Métaphysique en terre d'Islam», MIDEO 7, 1962-1963, p. 21-34; 77 C. Hein, Definition und Einteilung der Philosophie. Von der spätantiken Einleitungsliteratur zur arabischen Enzyklopádie, Frankfurt am Main

1985, p. 306-316; 78 C. Genequand,

« Metaphysics », dans Seyyed Hossein Nasr et Oliver Leaman (édit.), History of Islamic Philosophy, London/New York 1996, 2* partie, p. 783-801; 79 A. Bertolacci et D. C. Reisman, « Tàbit ibn Qurra's Concise Exposition of Aristotle's Metaphysics: Text, Translation, and Commentary», dans R. Rashed (édit.), Tabir

ibn Qurra. Science and Philosophy in 9^ century Baghdad, London/Louvain, sous presse. CECILIA MARTINI BONADEO.

LA PHYSIQUE

Authenticité, composition et chronologie Interne. Le texte qui nous est parvenu comprend huit livres, avec deux versions pour les trois premiers chapitres du livre VII. Seule l'authenticité aristotélicienne de l'une des deux versions de VII 13 est contestée. Pourtant les catalogues anciens des ouvrages d' Aristote donnent une impression à premiére vue confuse de la situation. Voici les titres qui pourraient désigner tout ou partie de notre Physique : Diogène Laérce n°41: n°45: n°90: n°91: n? 115: “Hesychius” : n°21: n’40:

n°81: n°82: n? 102 : n° 148 : n° 170: Ptol&mee : n°17: n°34: n°57:

n°85:

: περὶ ἀρχῆς a’ περὶ κινήσεως a’ περὶ φύσεως a''y* φυσικὸν α΄ περὶ κινήσεως a’ περὶ ἀρχῶν ἢ φύσεως α΄ περὶ κινήσεως a’

περὶ φύσεως α΄ περὶ φυσικῶν α΄ περὶ κινήσεως α΄ φυσικῆς ἀκροάσεως ιη΄ περὶ χρόνου περὶ χινήσεως η΄ περὶ ἀκροάσεως φυσικῆς η΄ θέσεις φυσικαὶ α΄

περὶ χρόνου a’

Diogene Laérce ne recense aucune Physique en huit livres. "Hésychius", non plus sauf si, comme 1 P. Moraux, Les listes anciennes de ouvrages d'Aristote Louvain 1951, p. 252, on estime qu'une «erreur paléographique» a fait écrire ιη΄ pour η΄. Mais 2 W. D. Ross, Aristotle’s Physics. A revised Text with Introduction

and Commentary, Oxford 1936, p. 6, a peut-étre raison de considérer que ces «Legons de physique » en 18 livres (n? 148) représentent la physique au sens large et comprennent : notre Physique (8 livres), le Traité du ciel (4 livres), De la génération et de la corruption (2 livres), les Météorologiques (4 livres). Quant à Ptolémée il donne deux ouvrages en huit livres qui pourraient correspondre à notre Physique. Il est possible, comme le suggère Ross 2, que ces deux titres désignent le même ouvrage, l'expression περὶ κινήσεως désignant l'ensemble de la Physique, comme, nous le verrons plus bas, ce fut le cas de l'expression τὰ φυσικά. De tout cela on tirera la conclusion qu'il est possible que notre physique soit constituée de

266

ARISTOTE DE STAGIRE

traités relativement indépendants, mis ultérieurement ensemble. Rappelons que même si l'on accepte l'identité de structure entre la liste d’“Hésychius” et celle de Ptolémée, celle-ci est récente, et en tout cas post-andronicienne.

Mais la these inverse peut également étre soutenue avec un argument plus fort que des hypothèses sur les listes anciennes d'ouvrages d' Aristote : Simplicius nous rapporte qu'Eudéme de Rhodes (**E 93), disciple direct d' Aristote, a écrit une Physique dans laquelle il suivait de près le plan de la Physique d' Aristote (sauf, comme nous le verrons, pour le livre VII), ce qui tendrait à prouver que notre physique est un assemblage qui remonte au moins à la génération des successeurs immédiats d' Aristote. Aristote lui-méme renvoie souvent à la Physique dans ses autres écrits (cf. Bonitz, /ndex 102a53 - b 30) sous des titres divers: τὰ φυσικά ou τὰ περὶ φύσεως se référant à des passages des livres I, II, III et V ; τὰ περὶ κινήσεως se référant à des passages des livres VI et VIII; τὰ περὶ τὰς ἀρχάς pour le livre III;

τὰ περὶ χρόνου καὶ κινήσεως se référant au livre VI. Mais le fait qu' Aristote cite un passage d'aprés son contenu ne milite pas en faveur d'un état "éclaté" de la Physique. Ross a certainement raison en disant que l'expression «la physique» (rà φυσικά

ou rà

περὶ

φύσεως)

peut renvoyer à trois choses : (i) au sens

restreint : aux livres II et III de notre Physique (avec moins de certitude pour le livre IIT); (ii) à notre Physique en VIII (ou VII) livres ; (iii) à la «philosophie

naturelle» dans son entier (qu'Aristote appelle d'ailleurs aussi ἡ φυσικὴ φιλοσοφία, Parties des animaux 652b9, Parva Naturalia 464b 33). Récapitulant ses recherches au début des Météorologiques, Aristote écrit qu'il a déjà traité nepi (...) τῶν πρώτων αἰτίων τῆς φύσεως xal περὶ πάσης κινήσεως φυσικῆς, ἔτι δὲ

περὶ τῶν κατὰ ἄνω φορὰν ótaxexoounuévov ἄστρων καὶ περὶ τῶν στοιχείων τῶν σωματιχῶν (...), καὶ περὶ γενέσεως καὶ φθορᾶς τῆς κοινῆς (328a 20-24), et qu'il se propose maintenant de traiter des phénomènes météorologiques, et qu'il lui faudra plus tard traiter des animaux et des plantes pour achever son «programme ». On reconnait dans cette liste : la Physique, les traités Du ciel et De

la génération et de la corruption. Notons que ce texte est à bon droit invoqué par Ross pour soutenir que le n? 148 de la liste d'"Hésychius" renvoie bien à cette «physique » au sens large en 18 livres. Il n'est donc pas étonnant qu' Aristote emploie τὰ περὶ φύσεως pour se référer à d'autres œuvres que la Physique, en l'occurence au traité Du ciel (Métaph. 989 a24). Concernant notre Physique Aristote lui assigne donc deux objets : «les causes premières de la nature et le mouvement naturel dans son ensemble ». Si l'on se

souvient que les termes « cause» (αἴτιον) et «principe» (ἀρχή) sont presqu'interchangeables chez Aristote, c'est également la position des commentateurs anciens de la Physique.

D’après Simplicius, « Aristote et les compagnons d' Aristote» (p. 801, 13 Diels) divisaient la Physique en deux parties : les cinq premiers livres traitant des principes, les trois derniers du mouvement. En 923, 8 il ajoute que telle était l'opinion d'Andronicos (2*A 181) qui s'appuyait sur les témoignages de Théophraste et

d'Eudéme, et il ajoute que Damas (®+D 2a), biographe d'Eudéme, parlait des trois livres « sur le mouvement» tirés de la Physique d' Aristote (p. 924, 13-14 Diels).

LA PHYSIQUE

267

Mais Simplicius indique que Porphyre divisait autrement la Physique : les quatre premiers livres s'opposent aux quatre derniers, lesquels traitent du mouvement.

Philopon avait une position semblable à celle de Porphyre (p. 2, 15-16 V itelli). Ross a tranché ce probléme de maniére assez convaincante en soutenant que Simplicius, qui avait devant lui une Physique en huit livres, n'a pas fait attention au fait que quand Eudéme parle des «trois derniers livres» consacrés au mouvement il veut dire les livres V, VI et VIII, puisqu'il omettait le livre VI. 3 J.

Brunschwig, « Qu'est-ce que "La Physique" d’Aristote? » dans F. De Gandt et P. Souffrin (édit.), La Physique d'Aristote et les conditions d'une science de la nature, Paris 1991, p. 30, adhère à la position de Ross en remarquant que cette

argumentation s'applique sans doute plus à Andronicos qu'à Simplicius. Pourtant Brunschwig lui-méme apporte, sans s'y arréter, un élément qui complique le probléme en faisant remarquer que Simplicius semble avoir évolué sur ce point, puisque, dans son commentaire sur le traité Du ciel (p. 226, 19-20 Heiberg), il divise la

Physique en quatre premiers livres sur les principes et quatre autres sur le mouvement.

La division en deux ensembles de quatre livres a paru plus « naturelle » à beaucoup et a généralement été adoptée. Peut-étre à tort, car le livre V traite de la définition générale et des propriétés principales du changement, et se trouve, de ce fait, «de niveau» avec les trois premiers chapitres du livre III. Au contraire, ce qu'on peut appeler la cinématique aristotélicienne commence au livre VI. Le livre VII. Depuis l'antiquité ce livre est soupçonné non tant d’être inauthentique que de n'étre pas à sa place : méme s'il n'est pas répétitif, le livre VII n'est pas indispensable dans l'économie de la physique, et rompt méme le mouvement des livres V, VI et VIII. La démonstration de l'existence du premier moteur im-

mobile, qui est sa grande nouveauté théorique, est reprise, de manière plus détaillée, dans le livre VIII. C'est sans doute pourquoi Eudéme l'omettait (Simplicius, p. 1036,

13-15 Diels). 4 E. Hoffmann, De Aristotelis Physicorum

septimi libri

origine et auctoritate, Berlin 1905, soutenait que le livre VII était une version préliminaire du livre huit « pour débutants », thése réfutée par Ross 2, p. 18-19. L'existence de deux versions remonte au moins à l'époque des commentateurs grecs, puisque Simplicius a à sa disposition un ἕτερον É66ouov βίδλιον qui «diffère peu «du premier» par l'expression », mais qui partage avec lui les mêmes προδλήματα et les mêmes ἀποδείξεις (p. 1036, 4-6 Diels). Nous n'avons conservé cette seconde version (nommée ß par Ross) que pour les trois premiers chapi-

tres, alors modernes que c'est théoriques

que Simplicius semblait l'avoir pour tout le livre. Les interprètes sont en général d'accord avec les anciens commentateurs pour estimer la première version (a) qui est la plus aristotélicienne : si les raisons invoquées paraissent faibles, les raisons stylistiques le sont moins.

Ainsi, dans ß, le passage de 242b4 (£v τῇ αὐτῇ κατηγορίᾳ τῆς οὐσίας fj τοῦ γένους) et l'emploi de ὑπέρ au sens de περί en 243a 10, signalés par Ross. Ross conclut en faveur de l’hypothèse suivante : a serait un ouvrage ancien, peut-être la trace d'une première version de la Physique (Ross invoque l'autorité de Torstrik dans la préface à son édition du De Anima). Mais comme, par ailleurs, Ross attribue à la Physique «récente » une date ancienne, on se demande quand Aristote

268

ARISTOTE DE STAGIRE

aurait pu composer cette Physique « ancienne» si proche, doctrinalement, de la «récente ».

L'étude la plus soigneuse du probléme est celle de 5 R. Wardy, The Chain of Change. A study of Aristotle's Physics VII, Cambridge 1990, qui avance l'hypothése que la seconde version serait la réponse d'un péripatéticien ancien à la

premiére version. Les différences entre les deux versions viendraient donc de l'effort d'interrogation d'un lecteur «créatif » et non de l'incompréhension d'un épigone imbécile, comme beaucoup d’interpretes le pensaient jusqu'alors. L'accord quasi-unanime selon lequel la Physique serait un ouvrage assez ancien ne repose, comme d'habitude, sur rien, ou à peu prés. Certes le livre A de la Métaphysique présuppose un certain nombre de thèses de la Physique, mais comme ce livre À est considéré comme ancien parce qu'il dépend de la Physique... Par contre une querelle intéressante, méme s'il est difficile d'y prendre parti, a

eu lieu entre 6 G. Rodier, «Sur la composition de la Physique d' Aristote», AGPh 8, 1895, p. 445-460; 9, 1896, 189-189, et 7 Paul Tannery, «Sur la composition de la Physique d' Aristote», AGPh

7, 1893, p. 224-229;

9, 1895, p. 115-118, sur la

chronologie interne du traité. Tannery, reprenant le fait déjà noté par Simplicius (p. 801, 3-9 Diels), que dans la Physique Aristote emploie le terme κίνησις en deux sens, un sens large, au livre III, dans lequel x(vnoic équivaut à μεταδολή et

désigne donc toute forme de changement, et un sens plus étroit, qui apparait dans le livre V, dans lequel κίνησις désigne tous les changements non-substantiels (altération, accroissement/diminution,

translation), en tirait la conclusion

que

le

livre III était plus récent que le livre V : le mouvement de la réflexion d'Aristote étant de réduire la génération/corruption au statut de mouvement parmi les autres. Rodier soutient la thése inverse : Aristote est parti d'un sens láche pour aller vers un sens plus précis. Ce que Ross 2 et Brunschwig 3 approuvent sous prétexte que le sens restreint prédominerait dans des ouvrages comme les traités De l’âme, De la génération et de la corruption et la Métaphysique qui seraient postérieurs.

Tradition manuscrite et éditions. Il faudrait aujourd'hui refaire une véritable édition critique du texte de la Physique fondée sur une nouvelle collation des manuscrits, qui sont au moins 85 à contenir tout ou partie du texte. La plus récente reste celle de Ross 2. Outre les manuscrits il faut tenir compte de la paraphrase de Thémistius (T), éditée par 8 H. Schenkl, Themistii in Aristotelis Physica Paraphrasis, coll. CAG V 2, Berlin 1900, des commentaires de Simplicius (S), édités par 9 H. Diels, Simplicii in Aristotelis Physicorum Libri quattuor Priores Commentaria, coll. CAG IX, Berlin 1882, Simplicii in Aristotelis Physicorum Libri quattuor Posteriores Commentaria, coll. CAG X, Berlin 1895, de Philopon (P),

édité par 10 H. Vitelli, Joannis Philoponi in Aristotelis physicorum octo libros commentaria, coll. CAG XVII-XVIII, Berlin 1887-1888, de la version dite arabo-

latine (V) éditée avec le commentaire d’Averroès à Venise en 1562, des passages paralléles de la Meraphysique (M), mais aussi de la Physique d'Eudéme et des commentaires perdus, notamment ceux d' Alexandre d’Aphrodise et de Porphyre dont on a des passages significatifs dans S.

LA PHYSIQUE

269

Le travail le plus important avant Ross est celui de 11 H. Diels, Zur Text-

geschichte der aristotelischen Physik, Berlin 1882, pour les quatre premiers livres. A partir de Diels on a distingué deux familles de manuscrits : (i) E (Par. gr. 1853) constitue une famille à lui tout seul; (ii) F (Laur. 87, 7), G (Laur. 87, 6), H (Vatic. gr. 1027); 1 (Vatic. gr. 241);

Ross appelle cette famille A. K (Laur. 87, 24) représente une troisième tradition intermédiaire entre les deux familles.

Ross est le premier à prendre en compte J (Vindob. 100) manuscrit trés important parce que du milieu du IX* siècle, c'est-à-dire plus vieux que E, et qui se rattache à la seconde famille. Cette redécouverte a réduit la prédominance de E. De plus, Diels n'a pas tenu compte de V, qui a été étudié, pour les livres I à IV, par 12 A. Mansion, « Étude critique sur la texte de la Physique d' Aristote», RPh 1923, p. 5-41. Mansion a tendance à voir plus d'accord entre E et V qu'entre A et E, ce que conteste Ross. Quand, donc, tous les membres de A y compris J sont d'accord, on inclinera à leur donner raison (sauf erreur manifeste) contre E, mais quand un

des membres de A est d'accord avec E on préférera cette lecon. Pour la version a du livre VII il faut prendre en compte les manuscrits b Bekker (Par. gr. 1859), c Bekker (Par. gr. 1861), j Ross (Par. gr. 2033), y Ross (Bodl. Misc. 238).

Avant l'édition de Ross on peut noter les éditions critiques suivantes : — l'édition d’I. Bekker, dans sa grande édition d'Aristote de l'Université de Berlin (1831), ne connait ni J ni V ni les commentateurs grecs; — l'édition de K. Prantl dans la Bibliotheca Teubneriana (1879): — l'édition de ΚΕ. Carteron, dans la Collection des Université de France, (2

volumes 1926 et 1931) est médiocre : l'apparat critique est sommaire (l'auteur n'a pas collationné les manuscrits lui-même), la traduction souvent fautive. Traductions et commentaires. Outre les commentaires anciens (Thémistius,

IV* siècle), Simplicius et Philopon (VI* siècle), la Physique a fait l'objet de nombreux commentaires au Moyen Age et à l'époque moderne. Voici les plus rernar-

quables et les plus utiles pour le lecteur contemporain de la Physique. Traductions et commentaires arabes. Il y a eu plusieurs traductions de la Physique en arabe, mais une seule a été

conservée, à la fois sous sa forme originale et dans une traduction latine, celle d’Ishäq ibn Hunayn mort en 910 (cf. 13 F. E. Peters, Aristoteles Arabus, Leiden 1968, notamment p. 30 sq.). Le texte arabe a été publié par 14 ‘A. Badawi (édit.),

Aristütdlis, Al-Tabi'a [Physique, traduction d'Ishàq b. Hunayn], Le Caire 19641965,

2 vol., d'aprés

un manuscrit

unique

conservé

à Leiden

(Or.

583). Ce

manuscrit comprend les huit livres de la Physique, accompagnés d'un ensemble de commentaires dû à Abü ‘Ali al-Hasan ibn al-Samh, mort en 1027, qui se rattache à l'école des péripatéticiens chrétiens de Bagdad illustrée en particulier par Yahyä ibn 'Adi (893-974). Ce commentaire intégre de larges extraits d'autres commentateurs de la méme

école: Yahyä

ibn 'Adi lui-méme, Abü Bisr Mattä b. Yunus

270

ARISTOTE DE STAGIRE

(mort en 940) et Abü-al-Farag ibn al-Tayyib (mort en 1040). Sont également cités des passages des commentaires d' Alexandre et de Thémistius. D'autre part, 15 G. Endress, The

Works of Yahya ibn Adi, Wiesbaden

1977, a établi que certains

extraits intitulés simplement: « Yahyà », appartiennent, non pas à Yahyä ibn ‘Adi, mais à Yahyà al- Nahwi, «Jean le Grammairien», c'est-à-dire à Jean Philopon; par ce biais, on a ainsi retrouvé une partie du commentaire de Philopon aux livres V à VIII, qui ne nous a été conservé en grec que sous forme d'extraits. Cf. 16 P. Lettinck et J. O. Urmson [édit.], Philoponus, On Aristotle's Physics 5-8, with Simplicius, On Aristotle on the world, translated by P.L. and J.O.U., coll. ACA,

London 1994. D'après une liste de livres publiée en 988 par Ibn an-Nadim (Fihrist), il y avait plusieurs autres traductions arabes de la Physique. Le manuscrit de Leiden contient

quelques citations de celles de Qustä ibn Lüqä et de al-Dimasqi. Les commentaires d' Alexandre d' Aphrodise, de Thémistius et de Philopon avaient été traduits, alors que Simplicius semble ignoré. Quant aux commentateurs arabes, on trouve parmi eux les plus grands noms de la philosophie : al-Färäbi dont le commentaire est perdu, Ibn Sina (Avicenne), et surtout Ibn Rusd (Averroes). On trouvera une présentation de la physique du Sifa d'Avicenne dans 17 A. Hasnawi, « Commentaire et démonstration. Bréves remarques sur la Physique du Sifä’ d' Avicenne», dans M.-O. Goulet-Cazé et alii (édit.), Le Commentaire entre tradition et innovation. Actes du Colloque international de l'Institut des traditions textuelles (Paris et Villejuif, 22-25 septebre 1999), Paris 2000, p. 509-519. Ibn Rusd a composé trois commentaires de la Physique, un petit, un moyen, un grand, le Grand commentaire n'étant aujourd'hui connu que dans sa traduction latine imprimée dans la grande édition des Juntes de Venise: 18 Aristotelis Opera cum Averrois Cordubensis Commentariis, 12 vol., Venise 1562-1574 (réimp. Frankfurt 1962). La Physique se trouve dans le tome IV. Dans cette édition, le texte d' Aristote est donné dans deux traductions: la première (imprimée

en caractères droits) est faite directement sur le grec ; il s'agit sans doute de celle de Guillaume de Moerbeke ou d'une révision de celle-ci. La seconde (imprimée en italiques) est la traduction de la version d’Ishäq. Il faut enfin mentionner le commentaire d'Ibn Bägga, l'Avempace des Latins, dont Averroes s'est beaucoup inspiré y compris en le critiquant (cf. 19 P. Lettinck, Aristotle's Physics and its reception in the Arabic world. With an edition of the unpublished part of Ibn Bajja’s Commentary on the Physics, Leiden 1994).

Moyen Age et Renaissance. - Nous avons deux traductions latines faites sur l'arabe : celle de Gérard de Crémone (ΧΙ siècle) et celle attribuée à Michel Scot (début XIII* siècle).

— Les traduction latines faites sur le grec sont nombreuses. Mais elles peuvent être situées par rapport à deux textes : la Translatio vetus que L. Minio-Paluello a attribuée à Jacques de Venise au XI siècle, et la Translatio nova qui est une révision de la précédente par Guillaume de Moerbeke. C'est sur cette traduction qu'est fait le commentaire de Thomas d'Aquin (éd. 20 P. M. Maggiölo, Torino/Roma 1965). Il existe une troisiéme traduction médiévale, la Translatio Vaticana dont

nous n'avons conservé le texte que jusqu'à II 2. A. Mansion qui l'a éditée en 1957

LA PHYSIQUE

271

estimait que c'était la plus ancienne, ce qui a été contesté (cf. 21 F. Bossier et J. Brams, Physica Translatio Vetus, coll. « Aristoteles Latinus», Leiden/New York 1990, 2 vol.).

- Traduction de Joachim Perionius : plusieurs éditions, la meilleure est : 22 Aristotelis De Natura aut De Rerum Principiis libri VIII, Joachimo Perionio interprete, et per Nicholaum Grouchium correcti et emendati, Paris 1554. — Texte traduction latine et commentaire de Julius Pacius, Francfort 1596 (rééd. 1964). — Dans l'édition gréco-latine de Casaubon (Lyon 1590; nombreuses rééd.) la traduction de la Physique est due à Jean Argyropoulos. C'est sur cette traduction qu'est fait le commentaire de Sylvestre Maurus (Rome 1665, rééd. Paris 1886).

Époque moderne. 23 F.M. Comford et P.H. Wicksteed, Aristotle. The Physics with an English Translation, London/Cambridge (Mass.) 1929 et 1934, 2 vol.; 24 R. P. Hardie et R. K. Gaye, Physica, dans W.D. Ross (édit.), The Works of Aristotle translated into English, t. II, Oxford 1930 ; 25 H.G. Apostle, Aristotle's Physics translated

with Commentaries and Glossary, Indianapolis 1969; 26 A. Russo, Aristotele, Fisica, Roma/Bari 1973; 27 H. G. Zekl, Aristoteles’ Physik. Vorlesung über Natur. Texte de Ross et trad. allemande, 2 vol., Hamburg 1987 et 1988; 28 H. Wagner, Aristoteles Physik Vorlesung, 5* éd., Berlin 1989; 29 J.L. Calvo Martínez,

Aristóteles, Física. Texto revisado y traducido por J.L.C.M., coll. « Alma Mater. Colección d autores griegos y latinos», Madrid 1996, CvilI- 277 p.; 30 P. Pellegrin, Aristote. Physique, coll. « GF», Paris 2000. Bibliographie. 31 H. Flashar, dans GGP Antike 3, ὃ 11, n? 770-804 (p. 212),

8 13, n? 530-570 (p. 312-314), 8 14, n° 460-519 (p. 441-444). Principales études d'orientation. 32 A. Mansion, /ntroduction à la physique aristotélicienne, Paris 1913, 2* éd. 1945; 33 J. M. Le Blond, Logique et méthode chez Aristote. Étude sur la recherche des principes dans la physique aristotéli-

cienne, coll. «Bibliothèque d'histoire de la 34 F. Solmsen, Aristotle’s system of the 35 I. Düring (édit.), Naturphilosophie bei lungen des 4. Symposium Aristotelicum

philosophie », Paris 1939; reed, 1970; physical world, Ithaca (N.Y.) 1960; Aristoteles und Theophrast. Verhand[Göteborg 1966], Heidelberg 1969;

36 W. Wieland, Die aristotelische Physik. Untersuchugen über die Grundlagen

der Naturwissenschaft und die sprachlichen Bedingungen der Prinzipienforschung bei Aristoteles, Göttingen

1962, 2° éd. 1970 ; 37 G. A. Seeck (édit.), Die Natur-

philosophie des Aristoteles, coll. « Wege der Forschung » 225, Darmstadt 1975 (contributions diverses) ; 38 L. Couloubaritsis, L'avènement de la science physique. Essai sur la Physique d'Aristote, Bruxelles

1981; 39 S. Waterlow, Nature,

Change and Agency in Aristotle's Physics, Oxford 1982. PIERRE PELLEGRIN.

DE CAELO. TRADITION GRECQUE

C'est dans le Περὶ Οὐρανοῦ (De Caelo: mais au Moyen-Âge le titre le plus courant était De Caelo et Mundo), et en particulier dans les deux premiers livres

de ce traité qu'a été exposée la substance de la cosmologie aristotélicienne, c'est-à-dire la description que le philosophe a élaborée du Tout comme structure articulde. Aprés l'avoir emporté sur d'autres modeles de l'univers, comme le modèle atomistique (de Démocrite, puis d’Epicure) ou le modèle héliocentrique (d'Aristarque de Samos), cette cosmologie constituera le fondement de l'éla-

boration ultérieure du «système du monde » propre à Ptolémée, suprême réalisation, inégalée, de l'astronomie antique. Le système de Ptolémée, fondé sur l'hypothése aristotélicienne de la position centrale de la terre et rendu plus complexe que celui d'Aristote par le recours à des modèles mathématiques et astronomiques extrêmement raffinés, survivra à travers tout le Moyen-Âge et au-delà et ne sera remis en question, en ce qui concerne le schéma géocentrique, qu'au cours de la Renaissance tardive, d'abord par Copernic, puis par Kepler et Galilée. Le nouveau « système du monde» placera au centre du Tout le soleil, en reléguant la terre au rôle d'une planète parmi les autres planètes. Tel qu'il est décrit dans ie De Caelo, l'univers aristotélicien semble obéir à des lois physiques et structurelles empreintes d'un caractére nécessaire: une nécessité d'autant plus incontestable qu'elle est liée à la nature aprioristique, axiomatique de ces lois, ainsi que des définitions ultérieures qui en sont extraites de facon déductive et dialectique; les données de l'expérience n'ont qu'une assez faible importance, étant en général adoptées surtout pour confirmer des formulations fondées de façon théorique. S'il faut reconnaitre un mérite à cette cosmologie, une qualité qui est probablement celle qui a déterminé sa survie pluri-millénaire, c'est sans doute la cohérence intime qui l'anime, la possibilité de ramener le systéme tout entier à un

certain nombre de propositions fondamentales d'une grande simplicité et d'une grande prégnance. Le systéme aristotélicien, ou plutót sa version ptoléméenne, ne sera évincé que lorsqu'avec Copernic sera affirmée la légitimité, d'un point de vue astronomique, du remplacement de la terre par le soleil au centre du monde (en réalité, le centre du monde est pour Copernic le centre de l'orbite circulaire décrite par la terre, centre qui ne coincide pas avec la position du soleil), ou lorsqu'avec Galilée, l'approche aristotélicienne sera totalement renversée, l'observation expérimentale étant placée à la base de la nouvelle science, à la place du raisonnement déductif. Les hypothéses ou les axiomes fondamentaux qui régissent le cosmos d' Aristote sont principalement des hypothèses cinétiques, des théories générales relatives aux lois qui gouvernent le mouvement (local). C'est en rapport avec cette théorie que se définissent non seulement la topographie (on devrait plutót dire la topologie) de l'univers, mais aussi la nature méme des corps qui le composent et qui sont par définition des «corps mobiles», dans la mesure où il

DE CAELO - TRADITION GRECQUE

273

n'existe pas de corps «naturels» privés de mouvement. Dans une perspective dialectique, cette théorie a une cohérence étroite qui lui est propre, ne laissant pas place à des contestations, une fois qu'on a accepté les axiomes de départ et avec eux le recours systématique à la méthode déductive. Les axiomes relatifs au mouvement des corps naturels ont un caractère essentiellement disjonctif (le mouvement est ou simple ou composé, ou rectiligne ou circulaire, ou selon nature ou contre nature) et ils permettent, en vertu de la méthode mise en œuvre, non seulement de caractériser et de définir les corps

«simples », mais aussi leurs propriétés cinétiques spécifiques, esquissant de la sorte la charpente de la description ultérieure qui sera proposée pour la structure du Tout. Ce premier résultat, atteint apparemment au prix d'un effort limité, est rendu possible par une simplification drastique et une réduction à l'essentiel de l'objet de la recherche ; le cosmos dont on parle en cet endroit est un cosmos

élémentaire, formé de corps simples (les 4+1 éléments précisément) et laisse provisoirement en dehors du probléme les corps composés. La simplification permet à Aristote d'attribuer une existence privilégiée aux seuls mouvements simples, le mouvement rectiligne uniforme (orientable selon deux directions opposées) et le mouvement circulaire uniforme (orienté en une seule direction). L'hypothéque théorétique de la prééminence du mouvement circulaire, qui est

au centre de la cosmologie aristotélicienne, exercera son poids, en méme temps que la supposition d'une vitesse uniforme de ce mouvement, sur toute l'astronomie post-aristotélicienne,

y compris Copernic et Galilée : il faudra le courage

conceptuel de Giordano Bruno et le génie mathématique de Kepler pour nier l'existence du mouvement circulaire uniforme des corps célestes et, inversement, pour proposer la figure de l’ellipse comme modèle du mouvement des corps planétaires. Mouvement circulaire par conséquent, et en plus uniforme, pour la sphère des étoiles fixes qui clót l'univers et pour les planétes qui tournent autour de la terre: mais le mouvement de ces planétes, qui est irrégulier, est considéré comme

la

résultante du mouvement concurrent, pour chacune d'elles, de plusieurs cercles ou sphéres. En revanche, il existe un mouvement rectiligne, défini par sa double polarité (vers le centre ou à partir du centre), pour les quatre éléments de ce

qu'on appelle le monde «sublunaire », c'est-à-dire la sphére terrestre: dans l'ordre, la terre, l'eau, l'air et le feu. Que les éléments «sublunaires» doivent étre au nombre de quatre, ni plus ni moins que quatre, est pour une part un hommage rendu aux doctrines traditionnelles prédominantes depuis Empédocle,

mais c'est également un objet de déduction dans le cadre de la méthode dialectique: le mouvement naturel «simple» a en réalité un axe d'orientation qui lui est propre (du haut vers le bas et inversement) qu' Aristote dirige à juste titre vers

le centre de la terre, point vers lequel s'effectue la chute des graves. L'axe cinétique, pour les corps qui se meuvent sans intervention de forces extérieures, est ainsi perpendiculaire, en chaque point, à la surface de la sphére terrestre (plus exactement, au plan tangent à ce point), et c'est sur cet axe qu’ Aristote situe les

«éléments » ou les «corps simples » que lui fournissait la tradition spéculative

274

ARISTOTE DE STAGIRE

grecque, les quatre que nous avons énumérés et qu’Aristote n'avait aucune raison de remplacer par d'autres, fussent les «homéoméries » d' Anaxagore ou, pire encore, les atomes de Démocrite. Quatre éléments, deux «póles» de l'axe du mouvement, “en bas" et “en haut". Pour que tout soit en son lieu propre, Aristote se devait cependant de mieux distinguer entre eux les mouvements élémentaires. Deux éléments, la terre et l'eau, se meuvent par nature vers le bas (vers le centre de la terre et du Tout); les deux autres, l'air et le feu, se meuvent dans la direction opposée, s'éloignant

selon une ligne radiale du centre de la sphére terrestre. A cette premiere distinction s'en ajoute cependant une seconde, entre un poids «absolu » (celui de la terre) et un poids «relatif» (celui de l'eau, « plus légère » que la terre, mais «plus lourde » que l'air ou le feu). C'est de cette facon que d'une part se justifie l'existence de quatre éléments et non de deux seulement, tandis que d'autre part est rendue plus aisée l'interaction réciproque, laquelle aurait été plus ardue en présence de deux éléments seulement, l'un «absolument pesant», l'autre «absolument léger». La reconnaissance d'un axe de la chute des graves dont le centre est le centre de la terre, se présente indubitablement comme

une proposition de caractere

scientifique, sinon «expérimentale ». Mais le prix payé par Aristote pour cette affirmation est extrémement élevé, du fait qu'il comporte deux déductions (non

plus expérimentales, mais dialectiques) d'une incalculable gravité pour l'histoire future de la cosmologie : (1) tout d'abord l'existence d'un mouvement naturel

vers le haut, symétrique au premier et en un certain sens le complétant. Pour que soit prouvé définitivement le caractère erroné de cette hypothèse d'un mouvement «absolu » vers le haut, il faudra attendre le De motu de Galilée (1590), qui démontra, sur la base des lois propres à la chute des graves, qu'il n'existe pas de corps naturellement légers. (2) La seconde déduction est l'existence, dans l'uni-

vers entier, d'un unique «centre de gravité», à savoir le centre de la terre; de toute facon, ceux qui comme Démocrite présupposaient des atomes en nombre infini, en mouvement dans le vide par suite de leur poids, n'étaient pas en mesure d'expliquer vers quel «centre» d'attraction ceux-ci se mouvaient. La nécessité de donner un «centre» au Tout a conduit tout naturellement Aristote à affirmer la nécessité logique de l'existence de la terre; la terre existe, avant méme que nous ne fassions l'expérience directe de son existence, du fait qu'elle «doit » étre, puisqu'il est nécessaire qu'existe un corps en repos au centre du Tout. En somme, si la terre n'existait pas, il faudrait l'inventer...

Au caractére central et sphérique de la terre, qui explique entre autres que les lignes de chute des graves ne sont pas des lignes paralléles, mais qu'elles convergent vers le centre — ce qu'Aristote appelle «selon des angles égaux », c'est-à-dire qu'elles sont perpendiculaires au plan de tangence — correspond, plus ou moins selon qu'on s'éloigne de la terre, la sphéricité toujours plus parfaite des corps célestes (déjà à partir de la lune !) et du trajet qu'ils effectuent dans leur mouvement. Pour les corps célestes comme pour les éléments sublunaires vaut la loi de correspondance bi-univoque entre le mouvement et le

DE CAELO - TRADITION GRECQUE

275

COrps: par conséquent, au mouvement circulaire (uniforme) correspond un corps,

ou plusieurs corps «circulaires », i. e. qui se meuvent d'un mouvement circulaire (uniforme) par nature. En réalité, on doit constater que, par rapport à la régularité absolue du mouvement (= de la vitesse du mouvement) de la sphére des fixes,

qui permet de lui attribuer une sphère unique — laquelle avait pour Kepler une épaisseur de deux milles germaniques ! -, les étoiles «vagabondes », ou planétes, font montre d'une irrégularité plus ou moins grave, sous forme d'accélérations, de «stations», de rétrogradations, etc. Il n'était cependant pas possible de revenir sur ses pas en refusant à des corps d'une telle dignité (il s'agissait de divinités: Arès, Hermès, Zeus, etc.) des mouvements circulaires uniformes. Tout

en présupposant justement que le mouvement circulaire de vitesse uniforme était doué d'une valeur supérieure, Aristote est arrivé à une solution de compromis: les sphéres qui assurent le mouvement des planétes sont certes des sphéres parfaites, douées d'une vitesse uniforme, mais on suppose qu'à chaque planéte correspondent plusieurs sphéres, mécaniquement solidaires entre elles. Le mouvement de la planéte (ou de la sphére sur laquelle la planéte est fixée) est la résultante des mouvements des différentes sphères: un mouvement irrégulier qui nait de la combinaison de plusieurs mouvements réguliers. Les détails mathématiques du système, y compris le nombre de sphères à assigner à chacune des planétes, et le nombre total des sphéres (55?), Aristote les empruntait aux théories astronomiques élaborées à ce propos par Eudoxe (»*E 98) et Callippe (»C 33). Gráce à cette opération que l'on serait tenté de qualifier d'acrobatie astronorique, Aristote cherchait à sauver à la fois les axiomes sur le mouvements et les faits observés,

les « phénomènes » astronomiques,

incontestables méme

pour

l'expérience commune. Ce compromis et cette multiplication invraisemblable des sphères demeurait le point le plus vulnérable et aussi le point de dérapage de tout le système. A l’hypothèse aristotélicienne des sphères « homocentriques»

s'opposerent progressivement celle des sphères excentriques (Hipparque, Héraclide du Pont (»*H 60]), et celle des déférents et des épicycles, hypothèse suggérée également par Hipparque, mais portée à ses extrémes conséquences, ainsi

qu'à sa «perfection » maximale par Ptolémée : toutes ces hypothèses sont des artifices plus ou moins élégants destinés à sauvegarder à la fois les « phénoménes » et le primat axiologique du mouvement circulaire uniforme. L'édifice de

Ptolémée s'écroulera sous son propre poids et sous le poids des complications croissantes qu'on y apporta, au fur et à mesure que s'enrichissait, surtout avec Tycho Brahé, le patrimoine d'observations astronomiques toujours plus exactes. Mais le sortilége du mouvement circulaire ne succombera, comme nous l'avons

dit, que sous l'audace mathématique de Kepler. Au-dessus et au-delà de la dernière des sphères planétaires, celle de Saturne,

se trouve l'ineffable sphére des étoiles fixes, ou plutót, selon les termes d'Aristote, le corps qui se meut par nature d'un mouvement circulaire uniforme. Si les éléments qui se mouvaient, deux à deux, vers le centre de la terre ou

s'éloignaient d'elle, étaient au nombre de quatre, le cinquième corps (mais en

276

ARISTOTE DE STAGIRE

réalité le «premier » !) est celui qui tourne perpétuellement sur lui-même, autour des deux póles, Sud et Nord, de l'axe céleste et en méme temps autour du centre de la terre. Sur la superficie de cette sphère sont ancrés les fixes, «innombrables » pour Aristote, au nombre de 1022 selon Ptolémée (celles qui sont visibles dans notre hémisphére), tout comme 1022 sera encore le chiffre accepté par Copernic. Quoi qu'il en soit, on pourrait noter que cette terre, même si elle est de valeur inférieure, sinon infime du fait de sa distance par rapport au «corps premier» (une distance qui est également la cause «ontologique » de son immobilité, puisqu'il lui est impossible d'égaler ne serait-ce que de facon minime la perfection du «corps premier»), cette terre offre quand méme à ce «corps premier» le centre autour duquel il tourne. L'objection est assez grave pour qu' Aristote n'essaye pas d'y répondre ; la réponse est cependant fournie en dépassant les limites de la «science de la nature » et implique l'existence d'une entité supérieure, transcendante, qui se situe en dehors de l'espace et du temps «physique » : le Premier Moteur. C'est pour se conformer à la nature parfaite de ce Premier Moteur que le « premier ciel» se meut perpétuellement du plus parfait des mouvements, le mouvement circulaire uniforme ; on ne peut pas en dire autant des autres sphéres (et encore moins des éléments sublunaires) ou plus exactement

des systèmes de sphères qui portent les planètes, en vertu desquels ces dernieres se meuvent de mouvements d'autant plus irréguliers qu'elles sont éloignées du Moteur premier. Le mouvement des sphéres célestes se produit en effet autour du «centre », le centre du Tout, mais celui-ci coincide, méme si ce n'est que par

accident, avec le centre de la terre, ce qui n'a qu'une signification purement géométrique et non axiologique. En d'autres termes, le «systéme du monde » aristotélicien (ce qui ne serait pas vrai pour celui de Ptolémée), ne s'épuise pas dans l'explication physique fondée sur les axiomes du mouvement local, mais déborde au dehors de la science naturelle pour rechercher dans les principes de

la «philosophie premiére » ou de la «théologie » les justifications ultimes de sa structure et de son fonctionnement. Tout ceci non sans incertitudes et hésitations, dés lors que la nature «divine » est reconnue non seulement au Premier Moteur (immobile) et aux autres moteurs qui président au mouvement des sphéres, mais

aussi au Premier Mobile, la sphère des fixes, et de proche en proche, selon une gradation hiérarchique, aux autres sphéres et corps célestes. La solution qui est offerte est donc contradictoire, mais la contradiction résulte de la convergence, en cette théorie cosmique, d'exigences diverses: les

exigences exprimées par la religion astrale traditionnelle, qui le siége des dieux et dans les corps célestes celui d'entités de exigences imposées par une cinématique et une mécanique fournissaient la justification physique de cet univers ; celles, par la conception d'un deus otiosus qui non seulement n'a

voyait dans le ciel nature divine; les déductivistes qui enfin, impliquées pas créé l'univers

(puisque l'univers est incréé), mais n'exerce en celui-ci aucune activité, ne se

manifestant que comme objet de désir et d'imitation, absolument immobile dans

DE CAELO - TRADITION GRECQUE

277

sa perfection abstraite au « centre» du Tout (entendu comme un centre idéal, non géométrique, et substantiellement extérieur au lieu). Nous sommes ainsi conduits à examiner l'autre probléme central de la cosmologie aristotélicienne (comme de toute autre cosmologie): celui du caractère fini ou infini, soit du point de vue spatio-temporel soit du point de vue numérique, de l'univers. Étant données les prémisses que nous avons rencontrées, qu'elles soient de caractére naturel ou transcendant, il ne peut y avoir qu'une seule réponse aristotélicienne à cette question globale: l'univers est fini dans l'espace et est l'unique univers existant, car en lui se concentre et s'épuise la totalité de la matière. Les deux démonstrations relatives à la finitude spatiale et à l'unicité de cet univers sont étroitement interdépendantes et peuvent

être condensées en une seule : hors de l'univers par nous habité, dont la limite extrême est formée par la sphère des fixes, il n'existe pas d'espace (ou plutôt de «lieu », pour respecter la terminologie aristotélicienne) et par conséquent il ne peut exister non plus d'autres univers comme le nótre. Pour Aristote, une

pluralité de mondes semblables au nótre, chacun avec son centre et sa périphérie, et indépendant de notre monde, est inconcevable : si tous les mondes

ont la

méme nature, unique doit aussi étre leur centre. La justification de cette unité et de cette finitude du cosmos est recherchée dans la définition méme du «lieu » (Aristote en traite non seulement dans le De

Caelo, mais aussi dans la Physique), comme

«premiere limite immobile du

contenant» : une limite (peras) qui coincide avec la «forme» (eidos) méme

du

corps. Comme le «vide» est un moule négatif du «lieu» (dans la mesure oü le vide ne peut par définition contenir aucun corps), il est facile pour Aristote d'en nier l'existence et de nier par conséquent qu'au-delà du peras (du lieu) puisse se trouver quoi que ce soit (pour ne pas dire d'autres univers). Dans le De Caelo, la démonstration est encore une fois conduite à partir des axiomes relatifs au mou-

vement, qui permettent d'établir que le mouvement local ne peut se produire qu'en rapport au centre du Tout (= de la Terre), selon des trajets rectilignes ou circulaires. Il pourrait sembler qu' Aristote ne cesse d’errer dans une chaine de paralo-

gismes, mais ce serait voir les choses du point de vue d'une logique purement spéculative, qui ignorerait les fondements historiques et culturels de cet édifice. Dans cette perspective, on ne saurait réfuter l'objection d'Archytas ($*A 322),

prétendant qu'il est toujours possible de toute facon de tendre une main ou un báton au dehors de la limite extréme du cosmos. En vérité, les raisons profondes et les plus valables de la «circonscription » de l'univers aristotélicien à l'intérieur de l'infranchissable limite de la forme, devraient étre cherchées dans une

perspective morphologico-culturelle en se rattachant à l'expérience vécue en Grèce entre le VI* et le IV“ s., une expérience qui trouve son lieu d'expression privilégié dans la plastique sculpturale. La «forme» qui domine la vision de la

plastique archaique et classique coincide de fait avec le peras dans lequel la figure est enclose et avec la lumière (une lumière cependant qui émane de l'intérieur et n'arrive pas du dehors) qui auréole d’elle-m&me ce peras (Diano).

278

ARISTOTE DE STAGIRE

Mais à l'extérieur du peras de la forme plastique — et nous avons ici une convergence spectaculaire avec la cosmologie d' Aristote, lequel se montre en cela le disciple fidèle de la grécité classique --, à l'extérieur du peras qui enclót la forme

il n'y a rien, il n'existe pas d'espace extérieur que le corps puisse envahir, puisque la statue classique ne peut pas tourner sur elle-même, et qu'elle ne se meut pas dans un espace extérieur à son propre peras, comme ce sera le cas au contraire à l'époque hellénistique (et sur ce point, comme nous l'avons dit, Aristote se montre encore un «classique »). La forme plastique exclut un espace

extérieur grâce à la force intrinsèque de son propre peras ; le cosmos aristotélicien, pour supprimer la possibilité méme d'un tel espace extérieur, «lieu» ou « vide» comme on voudra l'appeler, doit avoir une figure sphérique et se mouvoir en tournant sur son axe. Une sphére en révolution, ou pire encore un univers

non sphérique, envahirait continuellement cet espace extérieur dont Aristote rejette l'existence, tout comme la rejetait l'expérience artistique de l'époque classique. Ce n'est donc pas à la lumière de la simple logique philosophique, ni en restant à l'intérieur du système spéculatif, là où les contradictions restent insolubles, qu'on peut découvrir le sens profond de la cosmologie aristotélicienne, mais il faut chercher ce sens dans la problématique globale du systéme culturel, de la morphologie de la forme artistique, là où les caractères particuliers d'une culture s'expriment de la maniere la plus authentique, parce que spontanée et irréfléchie. Il nous reste à parler de l'autre dimension de l'univers, la dimension temporelle qui compléte la dimension spatiale et locale. Unique et fini dans l'espace, le cosmos aristotélicien est, en tant que tout, incréé et impérissable, cristallisé dans une double éternité, «a parte ante » (il n'y a pas de création ni de commence-

ment) et «a parte post » (il n'y a pas de fin du monde). Il faut cependant dire que les arguments développés à ce sujet dans le De Caelo manquent de mordant et de persuasion; ils semblent surtout destinés à prouver que ce qui est incréé est nécessairement impérissable: on ne peut admettre ni un monde incréé et périssable, ni un monde créé et éternel (comme celui du Timée, qui n'est d'ailleurs pas le produit d'une création « ex nihilo»). La polémique antiplatonicienne apparait ainsi comme la visée principale du raisonnement. Une fois admise l'éternité future du monde en tant qu'étre «divin», on se doit forcément d'en admettre

également l'éternité passée et cette durée éternelle est celle qui garantit aussi la stabilité globale du cosmos, malgré toutes sortes de variations (« générations » et «corruptions ») au niveau local et uniquement à l'intérieur de la sphère sublunaire. En dehors de l'affirmation de cette symétrie qui impose au temps infini, à

l'éternité, une double direction, et en dehors des traits insistants dirigés contre le platonisme (mais en revanche non pas contre l'atomisme évidemment !), le De Caelo n'offre pas d'arguments puissants, ainsi que nous l'avons dit, en faveur de l'éternité du monde. L'un des plus efficaces et aussi des plus actuels reste indubitablement celui qui s'appuie sur l'impossibilité de déterminer dans le passé le moment de la création ou du début du monde. L'argument (283 a) est à peu près

DE CAELO - TRADITION GRECQUE

279

le suivant: pourquoi l'univers, qui pendant un temps infini n'avait pas existé, serait-il venu à l'être en un moment du temps et non à un autre ? Il manque une raison préférentielle et si les points du temps sont infinis, en tout instant du temps infini passé étaient simultanément présents pour l'univers deux possibilités opposées, venir à l'étre ou ne pas venir à l'étre, avec toutes les contradictions impliquées par une telle situation. Le modèle d'un «univers stationnaire», incréé et éternel, permet précisément

à Aristote d'éviter cette contradiction ; une contradiction que le « modèle standard» de la cosmologie actuelle évite en déclarant que ce qui est antérieur à la «singularité initiale » ne fait pas l'objet de connaissance scientifique. Il resterait à se demander, sur ce point, comment il a pu arriver qu'une telle cosmologie, dont est exclue la figure platonicienne et biblique d'un dieu ou d'un démiurge créateur, tout comme aussi en est exclue toute perspective eschatologique, a pu devenir au Moyen-Äge, et bien qu'elle soit totalement inconciliable avec le récit de la Genése, un dogme central et officiel de la doctrine chrétienne. Mais, bien entendu, ce serait là une autre histoire.

Structure. Le De Caelo ne constitue pas une exposition unifiée sur le cosmos, mais plutót un recueil de trois traités distincts qui correspondent à peu pres aux livres I-II, III et IV. Parmi ces livres, la principale unité est fournie par les livres I-II, une exposition suffisamment systématique et cohérente, à l'intérieur de laquelle on peut toutefois distinguer cinq sections secondaires: (a) I 1-5, sur le premier ciel et sur les quatre éléments ; (b) I 5-7, sur l'infini (et l'impossibilité d'un monde infini); (c) I 8-II 6, sur l'ensemble du ciel, son unicité et ses propriétés ; (d) II 7-12, sur la nature des astres; (e) II 13-14, sur la terre. On observe

en revanche un net contraste entre les deux premiers livres et le livre III, qui

contient un traité sur les éléments, ainsi que sur la génération et la corruption. Il s'agit manifestement d'une exposition autonome à l'origine, ultérieurement associée aux livres I-II. Le livre IV de son cóté est un petit traité consacré à la

pesanteur et à la légèreté ; il présente lui aussi les signes d'une autonomie marquée.

Globalement, le De Caelo, ou plutót la série de traités traditionnellement regroupée sous ce titre, se présente comme une œuvre rien moins qu'unifiée ; elle apparait plutót comme le résultat d'un assemblage de morceaux distincts, tous relatifs d'une fagon ou d'une autre à la thématique cosmologique. Commentaires anciens et traductions médiévales. Des commentaires antiques au De Caelo n'a été intégralement conservé que celui de Simplicius (VI* s.: édité par J.L. Heiberg dans CAG VII en 1894), tandis que celui d' Alexandre d’Aphrodise (II-HT° s.) n'est plus connu que par les fragments qu'en cite Simpli-

cius et que celui de Jean Philopon (VI* s.) est totalement perdu. Une paraphrase du De Caelo, œuvre de Thémistius (IV* s., éditée par S. Landauer dans CAG V 4 en 1902), a été conservée par une traduction latine effectuée sur une traduction en hébreu (ca 1284), elle-méme dépendante d'une version arabe.

280

ARISTOTE DE STAGIRE

Au cours du Moyen-Âge en Occident, les premières traductions qui ont divulgué l'ouvrage d'Aristote entre le XII* et le XIII s. sont des traductions arabo-latines: celle de Gérard de Crémone (t 1187), désignée sous le titre de translatio vetus, et celle de Michel Scot, qui vivait à la cour de Frédéric II de

Souabe, bien que cette dernière ait connue une fortune bien supérieure à la premiére (la traduction de Gérard de Crémone étant restée inédite jusqu'à nos jours). Il y a de bonnes raisons de supposer que l'une et l'autre traductions ont été effectuées sur la traduction arabe de Yahyä ibn al-Bifrig, qui vivait autour de 815, une traduction qui n'était pas d'une extréme fidélité par rapport au texte aristotélicien. Pour la tradition arabe médiévale, voir la notice d'H. HugonnardRoche sur «La tradition syriaque et arabe du De caelo». A la suite des traductions faites à partir de l'arabe, et avec la diffusion en Occident de la culture grecque, le De Caelo fit l'objet de deux traductions latines effectuées directement sur le grec: celle, limitée aux livres I-II, de Robert Grosseteste (dont seul le livre II nous est parvenu) et celle, appelée translatio nova, de Guillaume de Moerbeke qui la réalisa vers 1260. La traduction de Guillaume eut une fortune immense (elle est conservée dans 200 manuscrits

environ) et la fidélité avec laquelle elle fut effectuée permettrait de l'utiliser « codicis instar» si l'on pouvait éliminer la possibilité que l'auteur a eu recours à plus d'un manuscrit. Manuscrits et éditions. La premiere édition scientifique du De Caelo est celle de 1 I. Bekker, publiée dans le cadre de l'édition complète de l’œuvre d'Aristote (Aristotelis Opera, ex recognitione Immanuelis Bekkeri, ed. Academia Regia Borussica, Berlin 1831). Elle était fondée sur 5 manuscrits, EFHLM

(le plus ancien et le important étant E, le Parisinus graecus 1853, IX-X* s.). Les collations de l'édition Bekker n'étaient pas toujours fidèles. Elle fut suivie, un siécle plus tard, par l'édition de 2 D. J. Allan (édit.), Aristoteles, De caelo libri quattuor, rec. brevique adnot. crit. instr. D.J. A., coll. OCT, Oxford 1936, qui

ajoutait aux 5 manuscrits de Bekker le trés important manuscrit J (Vindobonensis phil. gr. 100, du X* s.) et regroupait les 6 manuscrits utilisés en deux familles: EL et ® (JFHM). Allan revoyait et corrigeait en partie les collations de Bekker ; il signalait dans son apparat les concordances que l'on peut tirer du commentaire de Simplicius (et éventuellement des autres commentaires antiques) et de la traduction gréco-latine de Guillaume de Moerbeke (I). Les collations et l'appa-

rat de l'édition Allan ont été revus et rectifiés par 3 O. Longo (édit.), Aristotele, De caelo, introduzione, testo critico, traduzione e note di O.L., coll. «Classici greci e latini con testo a fronte», Firenze 1962. Longo a élargi d'autre part le nombre de manuscrits utilisés, le portant à 19, tandis que 6 autres étaient écartés

comme descripti, et 7 comme deteriores. Longo réexamine également et enrichit les données que l'on peut tirer du commentaire de Simplicius et dresse une comparaison avec les matériaux offerts par les traductions arabo-latines. Peu aprés a été publiée l'édition de 4 P. Moraux (édit.), Aristote, Du ciel, texte établi

et traduit par P. M., CUF, Paris 1965, CXCI-167 p. [p. 1-154 doubles], 12 figs. Moraux avait, dans un premier temps (voir Moraux 23, plus loin), accepté la

DE CAELO - TRADITION GRECQUE

281

répartition en deux familles des manuscrits retenus par Allan, tout en leur donnant des sigles différents (a = EL; b = JFHM); mais dans son édition de 1965, il a restreint son choix de manuscrits à trois, EJH (à travers eux les arché-

types des deux familles a et b). Moraux consacre beaucoup d'attention à réviser systématiquement les données offertes par le manuscrit E et ses diverses mains; il recourt en outre, de temps à autre,

à deux manuscrits de Bekker, FL, et au

manuscrit W de Longo. Dans son édition, Moraux renongait également à utiliser la distinction qu'il avait précédemment acceptée dans les deux familles d' Allan et de Longo (a et b), méme s'il suppose à l'origine de la tradition médiévale une

double translittération effectuée au moment du passage de l'onciale à la minuscule, phénoméne qui se refléte dans les archétypes des deux familles, c'est-à-dire E et J. Traductions: — anglaises: Une excellente traduction anglaise, accompagnée de notes et d'un index anglais, a été publiée par 5 J.L. Stocks, dans la série The Works of Aristotle, translated into English under the editorship of W. D. Ross, vol. Il, Oxford 1930, reprise dans J. Barnes (édit.), The complete works of Aristotle, « The revised Oxford translation », Princeton 1984, vol. I. Le texte a

ensuite été traduit par 6 W.K. C. Guthrie, Aristotle, On the heavens, with an Engl. transl. by W. K. C. G., coll. LCL, London 1939; cette traduction est fondée sur le texte d'Allan, reproduit en regard, avec un apparat succint, des notes de commentaire et des observations critiques ; — française : 7 J. Tricot (édit.), Aristote, Traité du ciel, suivi du pseudoaristotélicien Traité du monde, traduction et notes par J. T., coll. « Bibliothéque de textes philosophiques», Paris 1949, d'excellent niveau comme toujours, avec un

riche apparat de notes explicatives ; traduction plus récente dans Moreau 4; - italienne: Longo 3; cette traduction a été revue pour la série 8 Aristotele, Opere, coll. «Universale Laterza », vol. III: Fisica, Del cielo, Bari 1973, p. 239-

363; - allemande : 9 O. Gigon, (édit.), Aristoteles,

Vom Himmel,

Von der Seele,

Von der Dichtung, eingeleitet und neu übertragen von O.G., Zürich 1950. Commentaires, Des notes plus ou moins développées se trouvent dans les éditions et traductions du De caelo déjà citées, en particulier celles de Tricot 7, Longo 3 et Moraux 4. Un commentaire systématique a été publié par 10 L. Elders, Aristotle's cosmology.

A commentary on the De caelo, coll. « Philosophi-

cal texts and studies» 13, Assen 1966. Études d'orientation. 11 A. P. Bos, On the elements. Aristotle's early cosmology, coll. «Bijdraege tit de Filosofie » 3, Assen 1973; 12 C. Diano, Forme et événement. Principes pour une interprétation du monde grec, Combas 1994;

13 I. Düring, Aristoteles. Darstellung und Interpretation seines Denkens, coll. « Bibliothek der klassischen Altertumswissenschaften » Neue Folge, I. Reihe, Heidelberg 1966, p. 346-385 ; 14 P. Duhem, Le systeme du monde. Histoire des doctrines cosmologiques de Platon à Copernic, vol. Let II; réimpr. Paris 1965;

15 G. E. R. Lloyd, Aristotle. The growth and structure of his thought, Cambridge

282

ARISTOTE DE STAGIRE

1968, p. 133-180; 16 P. Moraux, « La méthode d' Aristote dans l'étude du ciel (De Caelo M 1-I 12)», dans l'ouvrage collectif Aristote et les problèmes de méthode, coll. « Aristote. Traductions et études», Louvain/Paris 1961, p. 173194 ; 17 J. Moreau, Aristote et son école, Paris 1962, p. 122-145 ; 18 G. A. Seeck,

Über die Elemente in der Kosmologie des Aristoteles. Untersuchungen zu "De generatione et corruptione" und "De caelo", coll. «Zetemata» 34, München 1964 ; 19 F. Solmsen, Aristotle's system of the physical world, Ithaca (NY) 1960,

p. 253-304. Autres études importantes. 20 H.J. Easterling, «Homocentric spheres in “De caelo"», Phronesis 6, 1961, p. 138-153; 21 F. Franco Repellini, «Il "De caelo" di Aristotele come risposta dialettica al Timeo», RSF 35, 1980, p. 99126; 22 J. F. McCue, «Scientific procedure in Aristotle's "De caelo", Traditio 18, 1962, p. 1-24; 23 P. Moraux, « Notes sur la tradition indirecte du “De caelo"», Hermes 82, 1954, p. 145-182 ; 24 G. V. Schiaparelli, Le sfere omocen-

triche di Eudosso, di Callippo e di Aristotele, coll. « Pubblicazioni del R. Osservatorio di Brera » 9, Milano/Napoli 1875. ODDONE LONGO.

DE CAELO. TRADITION SYRIAQUE ET ARABE

Tradition syriaque. Aucune traduction syriaque du De caelo n'est conservée, et les biobibliographes arabes ne font nulle mention d'une traduction ni d'un traducteur de ce traité d' Aristote en syriaque. Le grand traducteur de Galien en syriaque, Sergius de Res’ainä (t 536), a certes traduit le traité pseudo-

aristotélicien Περὶ κόσμου, et probablement aussi le «traité sur les causes de l'univers selon la doctrine d'Aristote le Philosophe, [montrant] comment c'est

un globe» : ce dernier traité, attribué à Sergius dans l'unique manuscrit le conservant (Londres Br. Libr., Add. 14 658, fol. 99"- 107"), n'est autre en réalité

qu'une version syriaque du traité d' Alexandre d' Aphrodisias perdu en grec, mais connu par la tradition arabe sous le titre «Sur les principes du Tout, selon l'opinion d'Aristote le Philosophe » [pour les références aux éd. et trad., voir DPhA I, p. 135; nouvelle édition du texte arabe, avec trad. anglaise, par 1 Ch. Genequand, Alexander of Aphrodisias on the Cosmos, coll. « Islamic Philosophy, Theology and Science» 44, Leiden 2001] ; l'identification de la version syriaque est due à 2 D. R. Miller, «Sargis of Resaina: On What the Celestial Bodies Know», dans R. Lavenant (édit.), VI Symposium Syriacum 1992, coll. « Orientalia Christiana Analecta » 247, Roma

1994, p. 221-233. Selon Miller 2,

la version syriaque est sensiblement différente de la version arabe, chacune de ces deux versions contenant des parties absentes de l'autre. Alors qu'elle était encore considérée comme !'ceuvre de Sergius, la version syriaque avait été traduite en italien par 3 G. Furlani, «Il trattato di Sergio di Résh'ayná sull’universo », RTSFR 4, 1923, p. 1-22. Les deux traductions effectuées par Sergius (du Περὶ κόσμου et du traité d' Alexandre) témoignent de son intérêt pour la cosmologie, mais rien ne permet de penser qu'il ait aussi traduit le De caelo. Un semblable intérét pour la cosmologie (ou la cosmographie) est manifeste à travers divers opuscules d'auteurs tels que Sévère Sebokt (+ 666/667), Jacques d'Édesse ({ 708) ou Georges des Arabes (t 724): cf. 4 F. Sezgin, GAS, t. VI, p. 111-115, et 5 F. Nau, «La cosmographie au VII siècle chez les syriens », ROC 15, 1910, p. 225-254 (article qui est, en fait, une description du contenu du ms. Parisinus syr. 346, occupé pour l'essentiel par des œuvres cosmographiques de Sévère Sebokt) ; mais ces opuscules se rapportent à la tradition astronomique ptoléméenne et non à celle du De caelo. Quant aux auteurs tardifs de la tradition

syriaque, comme Ya'qüb (Severus) bar Sakkü (t 1241) ou Grégoire abü alFaraÿ, dit Barhebraeus (t 1286), ils dépendent largement des auteurs arabes antérieurs, et il n'est guère possible de repérer dans leurs ouvrages encyclopédiques des traces de versions syriaques anciennes du De caelo: cf. 6 J. Ruska, «Studien zu Severus bar Sakkü's “ Buch der Dialoge" », ZAss 12, 1897, p. 8-41, 145-161 (à la p. 145). On peut trouver une vue d'ensemble sur les ceuvres

d'astronomie et de cosmologie conservées en syriaque, dans le chapitre rédigé par 7 H. Hugonnard-Roche, « Matematica e astronomía », dans Storia della Scienza, publiée par l'Istituto della Enciclopedia Italiana, vol. IV, Roma 2001, sezione 1, La scienza siriaca (aux p. 36-41).

284

ARISTOTE DE STAGIRE

L'examen des versions arabes conservées du De caelo atteste, toutefois, qu'une traduction syriaque, au moins, a existé, qui a été la source de la version arabe désignée par A (voir ci-dessous «traductions arabes») : un certain nombre de caractéristiques lexicales et d'erreurs de cette version ne s'expliquent, en effet, que par le recours à un intermédiaire syriaque, comme l’a bien établi 8 G. Endress, Die arabischen Übersetzungen von Aristoteles’ Schrift De caelo, Diss. Frankfurt am Main 1966, p. 32-35. Mais l'auteur de cette traduction syriaque (aujourd'hui perdue) et la date de sa composition sont inconnus. Traductions arabes. L'étude fondamentale sur les versions arabes du De caelo est celle de Endress 8. Cette étude contient des analyses minutieuses des caractéristiques linguistiques des trois versions arabes conservées du De caelo, de leur terminologie technique, de leur phraséologie, et des diverses techniques de traduction à l'œuvre dans ces versions ; elle contient aussi des conclusions ou

des hypothéses touchant les auteurs de ces versions et les relations entre ces versions. Depuis la rédaction de son ouvrage, l'auteur a profondément modifié lesdites hypothèses ou conclusions, et ses nouvelles conclusions devraient être exposées dans l'édition qu'il a promise des versions arabes du De caelo: on peut en trouver, à ce jour, un bref sommaire dans 9 G. Endress, «Die arabischen Übersetzungen von Aristoteles’ Schrift De Caelo», dans P. L. Schoonheim (edit. with the assistance of G. Endress), Symposium Graeco-Arabicum I. The trans-

mission of Greek texts in Mediaeval Islam and the West (Proceedings of a conference held at the Netherlands Institute for Advanced Study, Wassenaar, 19-21 February 1985), Bochum

1986, p. 5-6; réimpr. dans Symposium Graeco-Arabi-

cum Il (Akten des Zweiten Symposium Graeco-Arabicum, Ruhr-Universität Bochum, 3.-5. März 1987), herausg. von G. Endress, Amsterdam 1989, p. 189191); cf. aussi: 10 G. Endress, « Averroes' De caelo. Ibn Rushd's Cosmology in his Commentaries on Aristotle's On the Heavens», ASPh 5, 1995, p. 9-49 (« Appendix, Source materials, I. The Arabic versions of Aristotle's De caelo»,

p. 47-48). En revanche, les analyses linguistiques de Endress 8 conservent l'essentiel de leur valeur. Nous tácherons de tenir compte ici de ces analyses et des nouvelles conclusions tout à la fois. On dispose de deux types de sources touchant les traductions arabes du De caelo (en arabe : Kitab al-samá' wa-al-'älam, « Livre du ciel et du monde») : les

manuscrits, et les bibliographies. Le bibliographe 11 Ibn al-Nadim, Kitab alfihrist, p. 250-251

Flügel, fait état de trois versions du De caelo en arabe: la

première aurait été exécutée par Ibn al-Bifriq; cette version aurait ensuite été révisée par Hunayn ibn Ishàq (t aprés 870); une troisième version, faite par Abü Bir Mattà (t 940), ne porterait que sur une portion du livre I du traité d'Aristote. Ces informations sont reprises par 12 Al-Qifti, Ta’rih al-hukamá", p. 39-40 Lippert, qui omet toutefois de mentionner la révision de Hunayn. Traduction anglaise des articles de ces bibliographies touchant le De caelo dans 13 F.E. Peters, Aristoteles Arabus. The Oriental translations and commentaries on the Aristotelian Corpus, coll. « Monographs on Mediterranean Antiquity »,

DE CAELO - TRADITION SYRIAQUE ET ARABE

285

Leiden 1968, p. 35 (les analyses de Peters, ibid., p. 35-36 sont largement dépassées) ; traduction allemande dans Endress 8, p. 87-88.

Dans les manuscrits, d'autre part, trois traductions arabes du De caelo, toutes trois anonymes, sont aujourd'hui conservées (désignées par A, B, C, en suivant

Endress 8). La version A, qui se trouve dans un seul manuscrit incomplet, ne contenant que des parties des livres I et II (extraits de I 9—II 9: cf. le détail dans Endress 8, p. 8), a été faite sur la base d'une version syriaque (cf. Endress 8, p. 31-38). La version B est conservée dans huit manuscrits, dont sept appartiennent à une tradition orientale (remontant à un exemplaire perdu copié à Damas en 1184), et un seul à une tradition occidentale, qui subsiste sous forme

d'un

fragment (I 7-II 7) accompagné du grand commentaire d' Averroes (cf. Endress 8, p. 38-43, à corriger par id. 9, p. 5-6). La version C est conservée dans trois manuscrits orientaux et dans le Londiniensis Add. Or. 7453 qui a servi de base à la transcription (très infidèle) publiée par 14 ' A. Badawi, Arisrütälis fi al-sama' wa-al-ätär al- 'ulwiyya (Aristotelis De caelo et Meteorologica),

Le Caire 1961.

Analyse de ces versions, de leur langue et de leur technique de traduction dans Endress 8, p. 31-86: de cette analyse, on retiendra les parties purement descriptives, en omettant ce qui touche les datations, attributions et relations supposées

des versions entre elles. Les sources manuscrites ne fournissant aucune indication sur les auteurs de

ces versions, c'est par l'analyse interne de leur langue que l'on peut s'essayer à les relier aux informations des bibliographes. Selon Endress 9 et 10, la version B représenterait la "vulgate" due à Yühanna (Yahyä) Ibn al-Bitriq (v. 815), l'un

des traducteurs du “cercle d'al-Kindi" ; la version C est assurément une révision de B (remaniement important pour le livre I 1-4; révision de la terminologie pour ] 5-7 ; le reste étant identique dans B et C), mais il reste incertain si le réviseur fut Hunayn ou Abü Biër Mattä; la version A pourrait être l’œuvre d'Abü al-

Farag ibn al-Tayyib (t 1043), qui est vraisemblablement l'auteur du commentaire accompagnant cette traduction dans le manuscrit unique oü elle est conservée (Paris, BnF, ar. 2281) ; enfin on peut se demander si les relations existant entre les versions A et B s’expliquent par une méme source syriaque ou par la

dépendance de A par rapport à B. Dans son Tafsir (Grand Commentaire) sur le De caelo, Averroés a utilisé occasionnellement la version A, qu'il appelle la traduction d'Abü al-Farag (III, c. 52, 56, 58); il désigne la version B comme une des «traductions d'al-Kindi» (III, c. 35), déplorant de ne pas disposer de l'une

des productions plus exactes d'Ishaq ibn Hunayn (traducteur de la Physique d' Aristote, mort en 910). Sur les traducteurs ayant ceuvré dans l'entourage d'alKindi, voir 15 G. Endress, «The Circle of al-Kindi : Early Arabic Translations from the Greek and the Rise of Islamic Philosophy », dans G. Endress and R. Kruk (édit.), The Ancient Tradition in Christian and Islamic Hellenism. Studies on the Transmission of Greek Philosophy and Sciences [= Mélanges H.J. Drossaart Lulofs], Leiden 1997, p. 43-76. Il est connu que les traductions faites

dans ce milieu sont généralement assez libres et comportent des remaniements ou des additions interprétatives, et c'est le cas de la traduction faite par Ibn al-

286

ARISTOTE DE STAGIRE

Bitriq: on lira, par exemple, l'intéressante histoire des traductions successives, en syriaque, en arabe, et en latin (par Gérard de Crémone) de l'expression pythagoricienne Διὸς φυλακήν (De caelo, 293b 3) par 16 P. Kingsley, «The Christian Aristotle: Theological Interpretation and Interpolation in Medieval Versions of ‘On the Heavens' », Muséon

107, 1994, p. 195-205. Signalons enfin

qu’Averroès n'a pas connu la version C. Traductions arabo-latines. La premiere traduction du De caelo, qui fut faite en latin, fut exécutée à partir de l'arabe, sur la base de la version B (plus précisément : sur la base d'un manuscrit appartenant à la tradition occidentale de B) par Gérard de Crémone (v. 1114-1187); sur ce traducteur, cf. une vue d'ensemble par 16 R. Lemay, art. « Gerard of Cremona », DSB 15, 1978, p. 173-192 ; voir aussi 17 P. Pizzamiglio (édit.), Gerardo da Cremona, coll. « Annali della biblioteca statale e libreria civica di Cremona» 41, Cremona 1992 [recueil d'articles issus d'un colloque tenu à l'occasion du huitiéme centenaire de la mort de Gérard]. Le caractére extrémement littéral de cette traduction la rend utile à la

critique du texte arabe, d'aprés Endress 8, p. 22. L'étude de la traduction du De caelo, proposée par 18 I. Opelt, «Zur Übersetzungstechnik des Gerhard von Cremona », Glotta 38, 1959, p. 135-170, a le grave défaut de mêler les caractéristiques du traducteur du grec à l'arabe (Ibn al-Bitriq) avec celles du traducteur de l'arabe au latin (Gérard de Crémone). Pour un exemple d'analyse touchant

une traduction par Gérard d'un traité de philosophie 19 G. Serra,

«Note

sulla

traduzione

arabo-latina

del

naturelle, cf. plutót De

generatione

et

corruptione di Aristotele», GCFI, 4" serie, 4, 1973, p. 383-427 (cf. aussi, pour un autre exemple, 20 L. Minio-Paluello, « Note sull' Aristotele Latino Medievale.

IV. La tradizione semitico-latina del testo dei Secondi Analitici», RFN 43, 1951, p. 97-124 ; réimpr. dans 21 Id., Opuscula. The Latin Aristotle, Amsterdam 1972, p. 127-154). La traduction du De caelo par Gérard n'a jamais été publiée dans les éditions anciennes de ce traité. Édition moderne par 22 I. Opelt, en bas de page dans P. Hossfeld (édit.), Alberti Magni Opera omnia, t. 5, pars 1, De caelo et mundo, Münster 1971. Une seconde traduction arabo-latine fut exécutée par Michel Scot, probablement entre 1224 et 1230, en accompagnement de sa version du Grand commen-

taire d' Averroes (avec une préface adressée à Étienne de Provins, qui sera membre de la commission créée en 1231 par Grégoire IX pour expurger les libri naturales d' Aristote): sur ce traducteur, cf. 23 L. Minio-Paluello, art. « Michael Scot» DSB 9, 1974, p. 361-365;24 R. Manselli, «La corte di Federico Il e Michele Scoto », dans L'averroismo in Italia, coll. « Accademia Nazionale dei

Lincei. Atti dei Convegni Lincei» 40, Roma 1979, p. 63-80; 25 C. Burnett, « Michael Scot and the transmission of scientific culture from Toledo to Bologna via the court of Frederick

Il Hohenstaufen», Micrologus

2, 1994, p. 101-126.

Selon 26 O. Longo, «Sulla tradizione del De caelo di Aristotele », RAL 14, 1959,

p. 67-93, qui compare les traductions de Gérard de Crémone et de Michel Scot (p. 72-75), une méme version arabe (celle d'Ibn al-Bitriq) serait à la base des deux versions; cf. aussi 27 O. Longo (édit.), Aristotele, De caelo, Firenze 1962,

DE CAELO - TRADITION SYRIAQUE ET ARABE

287

p. XLII-XLIX. D’après Endress 8, p. 23-24, la traduction des lemmes, dans le Grand commentaire d’Averroès, serait un remaniement de la version de Gérard, à partir d'un texte arabe appartenant également à la tradition occidentale de B. La traduction arabo-latine de Michel Scot n'a jamais été extraite, au Moyen Age, du Commentaire d' Averroes, mais cette traduction arabo-latine et la traduction gréco-latine exécutée (v. 1270) par Guillaume de Moerbeke ont été imprimées, sous forme de lemmes successifs, dans plusieurs éditions des commentaires

d'Averroés à la Renaissance, par exemple au vol. V de l'édition publiée à Venise apud Junctas, 1562-1574 (réimpr. Frankfurt am Main 1962; dans cette édition, les lemmes tirés de la traduction de Guillaume précédent les lemmes de la traduction due à Michel Scot). Édition moderne, non publiée, de la traduction de Michel Scot, par F. J. Carmody. On ne connait pas de traduction du De caelo en hébreu, ni de mention d'une telle traduction: cf. 28 G. Tamani et M. Zonta, Aristoteles Hebraicus. Versioni, commenti e compendi del Corpus Aristotelicum nei manoscritti ebraici delle biblioteche italiane, coll.

« Eurasiatica» 46, Venezia

1997, où le De caelo est

donné comme «non traduit» en hébreu (p. 39). En outre, un seul auteur est mentionné à propos de la tradition hébraique du texte du De caelo par 29 M. Zonta, La filosofia antica nel Medioevo ebraico. Le traduzioni ebraiche medievali dei testi filosofici antichi, coll. «Philosophica. Testi e studi» 2, Brescia 1996, p. 251-253: il s'agit du traducteur Todros Todrosi (actif entre 1330 et 1340, aux environs d' Arles) qui manifesta l'intention d'inclure, dans l'anthologie philosophique qu'il préparait, des commentaires au De caelo; dans l'unique manuscrit qui a conservé son œuvre, toutefois, la partie concernant le De caelo manque. Tradition arabe. Le bibliographe Ibn al-Nadim 11, p. 250-251 Flügel, fait état de l'existence, en arabe, d'un commentaire d' Alexandre d'Aphrodise (»*A

112), sur une partie du premier livre du De caelo ; il indique ailleurs (p. 264) que la traduction a été faite par Abü Bisr Matta, et révisée par Yahyä ibn "Adi (traduction aujourd'hui perdue ; pour les fragments conservés en grec, cf. DPhA I, p. 130). II note aussi (p. 250) que Yahya ibn ‘Adi (t 974) a traduit le commentaire

de Thémistius ou révisé une traduction de ce commentaire. D’après le témoignage d’Ibn al-Sari (aussi connu sous le nom d’Ibn al-Saläh, t 1153), ce com-

mentaire a été traduit en arabe par Abü Bisr Mattä sur une version syriaque de Hunayn ibn Ishäg, et Yahyä ibn ‘Adi a révisé la traduction d' Abü Biär Mattä: cf. 30 M. Türker (édit.), «Ibnü’s-Salah’ in De Coelo ve onun 8 erhleri hakkindaki tenkitleri», Aragürma 2, 1964, p. 1-79 (aux p. 57-58, 68); cf. aussi 31 G.

Endress, The works of Yahyáà ibn ‘Adi. An analytical inventory, Wiesbaden 1977, p. 29-30. La version arabe du commentaire de Thémistius, encore accessible à Averroes, est aujourd'hui perdue, mais on possède la traduction en hébreu, faite sur l'arabe, par Zerahyah ben Isaac en 1284, à Rome, pour le rabbin Sabbatai b. Salomo: cf. 32 M. Steinschneider, Die hebraeischen Übersetzungen des Mittelalters und die Juden als Dolmetscher, Berlin 1893, p. 125-126 (sur le traducteur

Zerahyah ben Isaac ben Shealtiel Hen, issu d'une famille de Barcelone, et actif à Rome entre

1277 et 1291, voir Steinschneider 32, p. 111-114; 33 C. Sirat, La

288

ARISTOTE DE STAGIRE

philosophie juive au Moyen Age selon les textes manuscrits et imprimés, Paris 1983, p. 304-305 ; Zonta 29, p. 222-226; et la thése de 34 A. Ravitsky, The Thought of R. Zerahiah b. Isaac b. Shealtiel Hen and the Maimonidean-Tibbonian Philosophy in the 13th century, Jerusalem 1977, en hébreu). A son tour, la

version hébraique a été traduite en latin (et dédiée au cardinal Aloysius d'Este) par le médecin Moses Alatino de Spoléte (cf. EncJud II, col. 514), avec l'aide du médecin juif Elia Nolanus (Elia ben Yosef, de Nola en Italie) et éditée

à Venise

en 1574 (cf. Steinschneider 32, p. 126). Perdu en grec et en arabe, le commen taire de Thémistius a été édité dans sa version hébraique et dans sa version latine (celle-ci revue pour la rendre plus fidéle à l'hébreu) par 35 S. Landauer, CAG V 4; sur la tradition manuscrite du commentaire de Thémistius, et sur l'édition des

versions hébraique et latine par Landauer, on lira l'étude critique de 36 M. Zonta, « Hebraica Veritas: Temistio, Parafrasi del De coelo. Tradizione e critica del testo », Athenaeum 82, 1994, p. 403-428.

Les ouvrages dans lesquels Jean Philopon critique la cosmologie aristotélicienne (et spécifiquement la these de l'éternité du monde) ont été connus, au moins

partiellement, en arabe.

Ainsi deux

fragments

du De aeternitate mundi

contra Proclum, ouvrage rédigé en 529 pour réfuter les dix-huit arguments de Proclus en faveur de l'éternité du monde, ont été conservés (avec des remanie-

ments) dans des épitomés arabes, mis sous le nom d' Alexandre: il s'agit des traités numérotés D.9 et D. 16 dans la liste des œuvres d' Alexandre en arabe établie par37 A. Dietrich, « Die arabische Version einer unbekannten Schrift des Alexander von Aphrodisias über die Differentia specifica», NAWG 1964, p. 93100; cf. aussi la liste des œuvres

d'Alexandre

dans DPhA

I, p. 137, n? 33

[« Traité d'Alexandre: que l'acte est plus général que le mouvement selon l'opinion d' Aristote »] et n° 35 [«Où l'on réfute la thèse de celui qui dit qu'une chose ne peut provenir que d'une autre chose et oü l'on démontre que toute

chose ne peut provenir que du néant»]. La restitution à Philopon de ces deux traités est l’œuvre de 38 A. Hasnawi, « Alexandre d’Aphrodise vs Jean Philopon: Notes sur quelques traités d' Alexandre " perdus " en grec, conservés en arabe », ASPh 4, 1994, p. 53-109, oü l'on trouvera des comparaisons détaillées entre le

texte grec de Philopon (éd. H. Rabe, Leipzig 1899) et ses épitomés arabes. Plus généralement, sur la connaissance que les auteurs arabes avaient du traité de Philopon, voir 39 G. Endress, Proclus Arabus, Zwanzig Abschnitte aus der Institutio Theologica in arabischer Übersetzung, Beirut 1973, p. 17-18, où la biblio-

graphie est rassemblée. Le De aeternitate mundi contra Aristotelem, d'autre part, fut bien connu des philosophes arabes : al-Färäbi, en particulier, attaqua le traité dans plusieurs de ses ouvrages ; voir, sur ce sujet, les détails donnés par 40 M. Mahdi, « Alfarabi

against Philoponus », JNES 26, 1967, p. 233-260. Mais des du traité de Philopon sont aujourd'hui conservés en arabe : (qui se rapporte à De caelo I, 3, 270b5-11), préservé dans sophique Muntahab Siwan al-hikma, est transcrit et traduit « À lost passage from Philoponus' Contra Aristotelem in

fragments seulement l'un de ces fragments l'encyclopédie philopar 41 J. L. Kraemer, Arabic translation »,

DE CAELO - TRADITION SYRIAQUE ET ARABE

289

JAOS 85, 1965, p. 318-327. Ce méme fragment, ainsi que trois autres, extraits de la réfutation d’al-Färäbi, sont traduits dans le recueil des fragments du traité de Philopon, constitué en version anglaise sous le titre: 42 Philoponus, Against Aristotle, on the Eternity of the World, transl. by Chr. Wildberg, coll. «The Ancient Commentators on Aristotle », London 1987. En outre, un trés court fragment syriaque, conservé

dans un manuscrit de Londres

(Add.

17 214, fol.

72**-73^), parmi des extraits d'ceuvres patristiques, se réfère au huitième livre du Contra Aristotelem et semble donc indiquer que le traité se composait de huit livres, au lieu des six auparavant reconnus (cf. le fragment 134 dans Philoponus 42). Deux autres fragments (paralléles à des textes connus par le commentaire de

Simplicius, /n De caelo) ont été signalés dans les Syllogismes sur l'áme de Michel Psellos et dans le Kitab al-Manfa‘a d’Abü al-Fadl al-Antäki Antioche au XII* siècle), par Marwan Rashed [communication orale].

(actif à

On ne trouve pas d'attestation d'une traduction arabe du commentaire de Simplicius chez les bibliographes arabes, mais on ne devrait pas pour autant en conclure trop rapidement que l'ouvrage ait été totalement inconnu: des recherches restent à faire sur ce sujet.

Le De caelo a été largement étudié et commenté par les érudits de langue arabe. Nous ne mentionnerons ici que quelques-unes de ces études. Hunayn ibn Ishäq n'aurait pas seulement révisé la version arabe du De caelo due à Ibn alBitriq; d’après 43 Ibn abi Usaybi'a, Kiräb 'Uyün al-anbä’ fi tabagät al-atibba', I, p. 200 Müller, il aurait composé aussi un Compendium du livre du ciel et du monde (Gawämi' kitáb al-samà' wa-al-'älam), ouvrage qui serait identique aux Seize questions de Hunayn sur le De caelo mentionnées par Ibn al-Nadim 11, p. 250. Cet écrit, dont on ne posséde aucun exemplaire en arabe, a été identifié avec un texte conservé dans une traduction latine du ΧΙ siècle d'auteur inconnu, souvent insérée, sous le titre De caelo et mundo, dans la version latine du Kitab al-Sifa' (Sufficientia) d' Avicenne, à la place du texte authentique de ce dernier (notamment dans l'édition de Bonetus Locatellus, Venise, 1508 ; éd. critique de ce traité pseudo-avicennien par 43bis O. Gutman [édit.], PseudoAvicenna, Liber celi et mundi. A critical edition with introduction, coll. « Aristoteles Semitico-Latinus » 14, Leiden 2003, XLII-286 p.); cette identification a été

soutenue par 44 M. Alonso, «Hunayn traducido al Latin por Ibn Dawüd y Domingo Gundisalvo», Al-Andalus 16, 1951, p. 37-47, qui prétendait, en outre, que l'opuscule attribué à Hunayn était une compilation d'extraits du commentaire de Thémistius sur le De caelo. Cette vue, traditionnellement regue depuis l'anicle d' Alonso, a été critiquée par 45 R. Glasner, «The Hebrew Version of De celo et mundo Attributed to Ibn Sina», ASPh 6, 1996, p. 89-112: selon l'auteur, i! n'est pas prouvé que le De celo et mundo mis sous le nom d'Avicenne soit composé d'extraits du commentaire de Thémistius et, d'autre part, si ce traité n'est certainement pas d'Avicenne, il est fort douteux qu'il soit de Hunayn. Ajoutons que rien ne prouve non plus que le traducteur latin ait été Ibn Dawüd ou Dominicus Gundissalinus, contrairement à ce que laisse supposer l'article d' Alonso 44, p. 44, qui s'appuie sur des précisions indüment ajoutées

290

ARISTOTE DE STAGIRE

par des rédacteurs de catalogues de manuscrits (sur ce point, cf. 46M.T. d'Alverny, « Notes sur les traductions médiévales d'Avicenne», AHMA 19, 1952, p. 337-358, à la p. 352; réimpr. dans 47 M. T. d'Alverny, Avicenne en Occident [recueil d'articles], coll. « Études de philosophie médiévale » 71, Paris

1993). Ce traité, dans sa version latine, fut à l'origine d'un remaniement en hébreu, dû à un certain Shlomo ben Moshe de Melgueil [«de Melgueil », et non «me-Laguiri » , comme

l'ont écrit, par erreur, certains érudits modernes]; cet

auteur (actif dans la seconde moitié du XIII* siécle, et peut-étre identique à Salomon de Melgueil qui mourut à Narbonne entre 1306 et 1309; voir Gallia Judaica, p. 356-357) a omis certaines parties et introduit de nouveaux développements ayant leur source dans l’œuvre d'Avicenne et de Maimonide; cf. Glasner 45, qui note la large diffusion qu'eut ce texte dans la tradition hébraique. Le traité de Hunayn Sur la lumiére et sa vraie nature (Fi al-daw' wa-haqiqatihi), qui est une compilation faite à partir d'œuvres d’Aristote, contient un exposé de la doctrine du mouvement, tirée du De caelo 12: cf. Endress 8, p. 101 (éd. 48 L. Cheikho, «Fi al-daw' wa-hagigatihi li- Hunayn ibn Ishäg», Al-Masrig 2, 1899, p. 1105-1113; éd. et trad. fr. 49 /d., « Notice sur un ancien manuscrit arabe », Actes du XI* congres des Orientalistes, 3° section, Paris 1899, p. 125142 ; trad. allemande 50 C. Prüfer und M. Meyerhof, «Die aristotelische Lehre vom Licht bei Hunain b. Isháq », /s! 2, 1911 p. 117-128).

Abü Zayd Ahmad ibn Sahl al-Balhi (t 934 ?), éléve d'al-Kindi, composa un commentaire sur le début du De caelo pour Abü Ga'far al-Hazin, selon Ibn alNadim 11, p. 251. Abü Häsim al-Gubba'i (t 933) est dit avoir rédigé une critique du De caelo (al-Qifti 12, p. 40), qui aurait été réfutée par Ibn al-Haytam (cf. Ibn

abi Usaybi'a 43, II, p. 95). Al-Färäbi également composa un commentaire du De caelo, qui n'est connu que par les sources bibliographiques (al-Qifti 12, p. 279 ; Ibn abi Ugaybi'a 4311, p. 139), et peut-être des allusions d'Averroes (cf. 51 M. Steinschneider, Al-Farabi des arabischen Philosophen Leben und Schriften mit besonderer Rücksicht auf die Geschichte der griechischen Wissenschaft unter

den Arabern, coll.

« Mémoires de l’Académie Impériale des Sciences de St.

Petersbourg » VIII* série, XIII 4, St. Petersburg 1869, réimpr. Amsterdam

1966,

p. 138). D'aprés Ibn al-Nadim 11, p. 264, le chrétien jacobite ‘Isa ibn Ishaq Ibn Zur'a (t 1008) commenta une partie du livre III du De caelo. Probablement ce commentaire touchait-il, entre autres choses, à l'affirmation (fausse) d' Aristote selon

laquelle deux solides seulement, la pyramide et le cube, remplissent le lieu (306 b 3-8) : une question d'Ibn Zur'a sur ce sujet et le résumé de la réponse de son maître Yahyä ibn ‘Adi sont, en effet, cités par Ibn al-Saläh dans le traité où il réfute l'affirmation d' Aristote; cf. Endress 31, p. 63-64. Édition du traité d'Ibn

al-Saläh par Türker 30; cf. aussi 52 M. Türker, «Les critiques d'Ibn as-Saläh sur le De caelo d' Aristote et sur ses commentaires», dans La Filosofia della natura

nel medioevo (Atti del 3° Congresso internazionale di filosofia medioevale, Passo della Mendola, Trento, 31 agosto-5 settembre 1964), Milano 1966, p. 242-

252.

DE CAELO - TRADITION SYRIAQUE ET ARABE

291

Un commentaire dû à Abü al-Farag ibn al-Tayyib ( 1043) est attesté par une

lettre d'un disciple d'Avicenne (cf. 53 S. Pines, «La "philosophie orientale" d'Avicenne et sa polémique contre les Bagdadiens», AHMA 27, 1952, p. 35-36): ce commentaire est probablement à identifier avec celui qui accompagne la version C du De caelo, d'aprés Endress 9 et 10. Le compagnon d'Avicenne, Abü Sahl 'Isá ibn Yahyà al-Masihi (1 1010), composa aussi un commentaire (cf. GAL I, 2° éd., p. 274) et Avicenne lui-même (t 1037) écrivit un traité sous forme de

«Réponses à des questions posées par Abu Rayhàn al-Birüni», qui touche aux thèses du De caelo ; cf. 54 S. H. Nasr and M. Mohaqqeq (édit.), Aba Reyhán Berüni va Ebn-e Sina, Al-As'ila wa-l-agwiba, Tehran 1974. Il existe également

un Livre du ciel et du monde d' Avicenne, qui fait partie de son grand ouvrage philosophique, le Kiräb al-Sifä’ («Livre de la guérison»): 55 I. Madkour (édit.), Ibn Sinä, al-Sifá', al-Tabi'iyyät (2 al-Samä’ wa-al- 'àlam), Le Caire 1968. Ce traité se trouve également conservé dans une traduction latine (inédite), exécutée

par un certain "Johannes Gunsalvi" de Burgos et un acolyte juif nommé Salomon, sur les ordres de Gonzalve Garcia de Gudiel, évéque de Burgos de 1274 à

1280; cf. Alonso 44, p. 38, et M. T. d'Alverny 46, p. 347-348 (qui signalait qu'un seul manuscrit, Vat. Urbin. Lat. 186, avait été trouvé qui contint cette traduction) ; voir aussi 56 M.T. d'Alverny, « Avicenna Latinus. I Introduction. Les

manuscrits de l’Avicenne latin», AHMA 28, 1961, p. 281-316, aux p. 286-287 (réimpr. dans Avicenna Latinus, Codices, descripsit M.-T d'Alverny, addenda collegerunt S. Van Riet et P. Jodogne, Louvain-la-Neuve/Leiden 1994 ; description du manuscrit Vat. Urbin. Lat. 186 aux p. 86-88). Il faut prendre garde que la mention d'une traduction du latin à l’hébreu exécutée par Salomon ben Moïse de Melgueil, qui figure dans des ouvrages anciens (cf. 57 M. Steinschneider, Die arabischen Übersetzungen aus dem Griechischen, Graz 1960, p. 95 ; et Id., 32, p. 283), doit se rapporter au texte du pseudo-A vicenne, cité plus haut, et non pas au traité original d’Avicenne; on ne connait pas de version hébraique du Livre du ciel et du monde d' Avicenne. Ibn al-Haytam (t 1039) composa une réfutation de la critique adressée par Philopon au De caelo (peut-étre une critique du De aeternitate mundi contra Proclum), d'après Ibn abi Ugaybi'a 43, II, p. 94. Les trois commentaires sur le De caelo composés par Averroes sont conservés. L'Épitomé du De caelo est le deuxième d'un ensemble de quatre épitomés (Gawämi') concernant la philosophie naturelle d' Aristote (Physique, De caelo, De generatione et corruptione, Meteorologica), achevé en 1159 (cf. 58 Gamäl al-Din ai-'Alawi, al-Matn al-Rusdi: madhal li-girá'a gadida, Casablanca

1986,

p. 55 sqq.). Sur la visée et l'économie du traité (où Averroés omet le livre III, et entend

ne

retenir que

les «énoncés démonstratifs » d'Aristote),

Hugonnard-Roche, « L'Épitomé du De caelo d' Aristote de méthode et de doctrine », AHMA 51, 1984, p. 7-39.

cf. S9 H.

par Averroes: questions Edition non critique fon-

dee sur deux manuscrits médiocres (dix-huit sont aujourd'hui connus) : 60 Kizab

al-Samá' wa-al-'álam, dans Rasä’il ibn Rusd, Haydarabad 1947. Traduction de l'arabe en hébreu par Moise b. Samuel

Ibn Tibbon

(entre

1244 et 1274; cf.

292

ARISTOTE DE STAGIRE

Steinschneider 32, p. 126; sur le traducteur, cf. Sirat 33, p. 257-261 et Zonta 29, p. 182-186). Il n'existe pas de traduction latine connue de l'Épitomé ; contrairement à ce qu'ont suggéré 61 G. Lacombe et L. Minio-Paluello, Aristoteles Latinus, Codices, t. 1, Paris-Bruges 1939, 2* éd. 1957, p. 105-106, les deux courts fragments latins traitant de la théorie des graves (intitulés Capitulum de extremis in loco et medio et Capitulum de motu gravis et levis), qui présentent une certaine ressemblance avec des passages du Grand commentaire et du Commentaire moyen d'Averroés sur le livre IV du De caelo, ne sont pas des traductions de passages de l'Épitomé, comme l'a montré la comparaison du latin avec le texte arabe ; cf. Hugonnard-Roche 59, p. 9. On trouve parfois aussi, dans la littérature secondaire, des bibliographies d' Averroes contenant l'indication d'une traduction (voire d'une édition) latine de l'Épitomé: de pareilles informations sont erronées.

Le Commentaire moyen (souvent appelé Talhis), daté de 1171 d’après la version hébraïque, a été édité d’après les deux manuscrits connus par 62 Gamäl alDin al-'Alawi (édit.), Ibn Rusd, Talhis al-Samá' wa-al-'älam, Fas 1984 (qui fournit un utile apparatus similium appuyé sur l'Épitomé et le Grand commentaire). Traduction de l'arabe en hébreu par Salomon b. Ajjub de Béziers (v. 1240; cf. Steinschneider 32, p. 128, Zonta 29, p. 187). Traduction

latine,

exécutée au début du XVI siècle, d’après la version hébraïque, par Paulus Israelita (Paulo Ricci, t 1541; sur cet auteur, cf. EncJud XIV, 1971, p. 163-164), et

publiée dans diverses éditions de la Renaissance (cf. 63 F. E. Cranz, A Bibliography of Aristotle editions, 1501-1600, 2% ed. with addenda and revisions by Ch. B. Schmitt, coll. « Bibliotheca Bibliographica Aureliana», Baden-Baden

1984 ; sur les éditions d’Averroès à la Renaissance, voir aussi 64 F. E. Cranz, « Editions of the Latin Aristotle accompanied by the commentaries of Averroes», dans E.P. Mahoney (édit.), Philosophy and Humanism. Renaissance essays in honor of Paul Oskar Kristeller, Leiden 1976, p. 116-128).

Le Grand commentaire (Tafsir dans le manuscrit ; encore appelé Sarh) est l'une des dernières œuvres d’Averroès, probablement écrite après les Grands commentaires sur les Analytiques seconds et la Physique (cf. 'Alawi 58, p. 104).

Édition critique, basée sur l'unique manuscrit conservé (incomplet, couvrant De caelo 1 7, c. 61 à II 7, c. 42) et sur la version arabo-latine médiévale de Michel

Scot, en préparation

par G. Endress.

Une

reproduction en fac-similé du

manuscrit (Tunis, Bibliothéque Nationale, ms n? 11821, ancient Ahmadiyya 5538) a été procurée par 65 G. Endress (édit.), /bn Rushd, Commentary on Aristotle's Book on the Heaven and the Universe, coll. «Publications of the

Institute for the History of Arabic-islamic Science » Series C, vol. 57, Frankfurt am Main

1994. La traduction arabo-latine médiévale de Michel Scot (avec les

lemmes du texte aristotélicien dans la version de Michel Scot lui-méme et dans la version gréco-latine de Guillaume de Moerbeke) figure dans diverses éditions de la Renaissance

(cf. Cranz 63). Édition, non publiée, de la traduction de

Michel Scot, par F.J. Carmody. La tradition hébraique ne semble pas avoir connu le Grand commentaire au De caelo: cf. Zonta 29, p. 151.

DE CAELO - TRADITION SYRIAQUE ET ARABE

Proche, par son sujet, des orbis d' Averroes est perdu en Michel Scot, qui a été reprise sance, par exemple au vol. IX

293

commentaires sur le De caelo, le De substantia arabe, mais subsiste dans une version latine due à dans certaines éditions d'Averroés à la Renaisde l'édition publiée à Venise apud Junctas, 1562-

1574 (réimpr. Frankfurt am Main 1962); cf. aussi 66 M. Alonso (édit.), Comentario al "De substantia orbis" de Averroes (Aristotelismo e Averroismo) por

Alvaro de Toledo, Madrid 1941 (inclut la trad. latine du De substantia orbis). Une traduction hébraique a été exécutée à partir du latin par Yehudah b. Mosheh Romano (né à Rome vers 1290 et actif entre 1310 et 1330; cf. Zonta 29, p. 229232): cf. 67 A. Hyman (édit.), Averroes! De substantia orbis, coll. «Corpus

Philosophorum Medii Aevi, Opera Averrois », Cambridge Mass./Jerusalem 1986 (éd. du texte hébreu avec trad. anglaise et commentaire); 68 C. Rigo, /l "De substantia orbis" di Averroé : edizione della versione latino-ebraica con commento di Yehudah b. Mosheh Romano, thése Torino 1992 (contient une édition

critique de la traduction et du commentaire de Yehudah au De substantia orbis). Le seul commentaire grec accessible à Averroés, en version arabe, fut celui

de Thémistius (auquel il se référe abondamment dans la partie de son Épitomé qui se rapporte au livre IV du De caelo). Les autres commentateurs grecs qu'il mentionne (Alexandre d'Aphrodise, Philopon, Olympiodore) ne lui furent connus que par des sources secondaires. Une autre source importante d' Averroes

fut le traité d' Alexandre Sur les principes du Tout, perdu en grec, mais conservé dans une version arabe (Maqala Fi mabadi' al-kull ; cf. DPhA I, p. 135-136, n? 24 ; éd. 69 ' A. Badawi, Arista ‘inda al-'Arab, Le Caire 1947, p. 253-277, et Genequand 1), et peut-étre aussi, du méme Alexandre, l'Épitre sur la cause (inédite ; cf. DPhA

p. 137, n° 39;

éd. en préparation

par G. Endress).

Sur la

cosmologie d' Averroés, vue d'ensemble dans Endress 10 (qui s'intéresse parti-

culiérement à trois points: la relation entre ämes célestes, les mouvements des sphéres). commentaires dans 70 H. Hugonnard-Roche, nale d'Averroes dans les commentaires au De

cosmologie et métaphysique, les Exemple de comparaison des trois « Remarques sur l'évolution doctricaelo: le problème du mouvement

de la terre», Mélanges de la Casa de Velázquez 13, 1977, p. 103-117. Le Grand

commentairea eu une influence considérable sur la cosmologie et la physique médiévales latines, non seulement pour la transmission des doctrines d' Aristote,

mais aussi pour la méthode de traitement des textes aristotéliciens: cf. 71 H. Hugonnard-Roche, « Méthodes d'argumentation et philosophie naturelle chez Averroés », dans Orientalische Kultur und europäisches Mittelalter, coll. «Miscellanea Mediaevalia»

17, Berlin 1985, p. 241-253 (sur la méthode d' Aver-

roès dans ses commentaires de philosophie naturelle, cf. aussi 72 J. Sarnowsky, « Averroes als “ scholastischer " Kommentator der Physik des Aristoteles », ibid.,

p. 254-273). A propos de l'analyse logique des procédures argumentatives d'Aristote par Averroes, on peut lire 73 H. Hugonnard-Roche, « La formulation logique de l'argumentation dans les commentaires d'Averroés au De caelo », dans M.-O. Goulet-Cazé et alii (édit.), Le commentaire entre tradition et

innovation, coll. « Bibliothéque d'histoire de la philosophie », Paris 2000, p. 387-

294

ARISTOTE DE STAGIRE

395. Les exépèses du texte d’Aristote présentes dans les Grands commentaires d'Averroés sur le De caelo et sur la Physique ont été la source de divers problè-

mes cosmologiques ou physiques débattus par les médiévaux latins : on lira, sur ce sujet, l'étude suggestive de 74 J. Murdoch, « Transmission and Figuration : An Aspect of the Islamic Contribution to Mathematics, Science and Natural Philosophy in the Latin West», Proceedings of the First International Symposium for the History of Arabic Science [University of Aleppo, 1976], vol. II, Alep 1978, p. 108-122 (aux p. 113-122). HENRI HUGONNARD-ROCHE.

DE GENERATIONE ET CORRUPTION. TRADITION GRECQUE Authenticité et place dans le corpus. Cet ouvrage (Bekker 314a1 - 338b 19),

qui nous a été transmis en deux livres, le plus souvent comme troisième membre d'un groupe d'écrits de physique (incluant : Physique, De Caelo et Méteorologiques), est tenu pour authentique par une critique unanime. Il figure sous son titre et avec sa division traditionnels dans l'appendice du catalogue de l'Anonyme de Ménage (Hésychius), n° 149, et dans le catalogue de Ptolémée, n° 42. Il est absent de la liste de Diogene Laérce, mais deux titres qui y figurent (n? 25: Περὶ τοῦ πάσχειν ἢ πεπονθέναι a’; n? 39: Περὶ στοχείων a’ß’y’) pourraient lui étre rapportés ; cf. édition des listes par 1 I. Düring, Aristotle in the Ancient biographical tradition, Göteborg 1957, p. 41-50; 83-89 et 221-231 ; hypothèses sur leurs origines chez 2 P. Moraux, Les Listes anciennes des ouvrages d'Aristo-

te, Louvain

1951 (notamment p. 211-247; 306-309, sur l'affinité des listes de

Diogene Laërce et de Ptolémée - expliquée par une origine commune, qui pourrait étre Ariston de Céos [»*A 396]) [ou, selon d'autres, dont Düring,

Hermippe (**H 86)] - et sur leurs divergences — expliquées par un ajustement ultérieur de la liste de Ptolémée à l'édition d' Andronicus (»*A 181); état récent des discussions dans 3 P. Moraux. Der Aristotelismus bei den Griechen, t. I, coll.

« Peripatoi » 5, Berlin 1973, p. 4-5 n. 2. Telle qu'est disposée la liste de D. L., les deux titres dont nous parlons ne devraient pas viser des ouvrages de physique, mais plutót de logique ; on pourrait donc penser, pour le n? 25, à une version plus

développée de Categ. 9 (qu'elle soit d' Aristote lui-même ou de l'un de ses disciples) et pour le n? 39, à trois livres de dialectique, pris dans la collection des Topiques, cf. en ce sens Moraux 2, p. 45-46 et 81-82. Cependant De Anima B 5,

417al

et De Generatione Animalium

A

3, 768b3,

renvoient à un Περὶ

τοῦ

ποιεῖν καὶ τοῦ πάσχειν en des termes qui peuvent laisser penser qu'on ait en vue un traitement physique et qui n'excluent nullement qu'il s'agisse de GC A 7-9 ; de méme

De Anima

B

11, 423b29

et De Sensu 4, 441b11,

renvoient à un

Περὶ στοιχείων en envisageant l'étude des quatre éléments corruptibles et des couples de qualités qui les caractérisent. Alexandre d'Aphrodise, suivi par Thémistius, Simplicius et par Philopon, identifie les deux renvois du De Anima 417al et 423b29 également au GC ; cependant Alexandre connait déjà notre traité sous le titre sous lequel il nous est parvenu dans la tradition manuscrite — ce qui suggére que l'ouvrage apparaissait sous la forme que nous lui connaissons

des l'édition d'Andronicus et que le catalogue de Diogéne Laérce remonte à un état d'organisation des volumina antérieur à cette édition. 4 P. Gohlke, «Die Entstehung der naturwissenschaftlichen Schriften des Aristoteles », Hermes

59,

1924, p. 274-306, a avancé l'hypothése que les trois livres du Περὶ στοιχείων représenteraient un état primitif des cours de physique correspondant à De Caelo A-T plus GC, B; le traité G C se serait ensuite autonomisé d'abord par l'adjonction des chapitres 6-10 de l'actuel livre A (= le n? 25 de la liste de D. L.),

puis par l'insertion malheureuse (postérieure à Aristote) des chapitres A 1-5, qui

296

ARISTOTE DE STAGIRE

devaient initialement appartenir à la série des leçons Περὶ κινήσεως. Outre le fait que les considérations de Gohlke sont solidaires d'une vue d'ensemble sur la trajectoire intellectuelle d' Aristote (notamment sur l'impact de la découverte de la distinction acte/puissance dans une évolution qui conduit à la reconnaissance d'un premier moteur immobile), qui n'est pas moins contestable que celle de Jaeger, dont elle prend le contre-pied, on doit faire observer que l'hypothése qui porte spécialement sur la série des écrits physiques combine une information (Simplicius, in Phys., p. 923 Diels) qui concerne trés probablement l'état primitif du cours sur la physique (à savoir la division en un groupe de leçons de φυσικαὶ ἀρχαί = les 5 premiers livres, et un autre περὶ κινήσεως = les livres 6-8), et dont on peut penser qu'elle remonte à Théophraste, et une conception dont on

peut penser qu'elle reflète surtout la manière dont les péripatéticiens des F et IP siècles ont voulu présenter le « système » de leur maître pour qu'il püt rivaliser avec les cosmologies stoicienne et médio-platonicienne, — à savoir en organisant les regroupements de De Caelo A-B, d'une part, et de De Caelo T plus De Generatione et Corruptione, d'autre part, de façon qu'ils correspondent à une division entre la région du divin (avec un élément éternel, l’éther, et une providence

directe s’exergant du premier moteur aux planètes) et celle du dérivé (avec des éléments soumis à la génération et à la corruption et une providence qui ne s'exerce que pour la régularité des cycles ; cf. GC, B,10-11); de cette présentation de la cosmologie péripatéticienne, nous avons des échos tant par les réactions polémiques qu'elle a suscitées (le plus bel exemple étant la critique par Atticus (#*A 507) d'une providence qui se bornerait à la région supra-lunaire ainsi que de la substitution d'un «cinquième corps » à l'àme comme cause explicative des mouvements du ciel et des astres) que par les points doctrinaux retenus par les doxographes (p. ex. D. L. V 32 et cf. là dessus 5 P. Moraux, « Diogene Laérce et le Peripatos», Elenchos 7, 1986, p. 246-294, surtout p. 280-282) et enfin par les réélaborations éclectiques comme le De Mundo. Si l'on rejette comme anachronique cette facon d'interpréter la connexion de GC avec le De Caelo, il n'en demeure pas moins que cette connexion existe réellement. Le prologue de Meteorol. A 1, 338a20-25, place l'étude de la génération et de la corruption à la suite de celle du mouvement des astres et des changements qui affectent les éléments corporels, et le début de A 1, 378b 10-13, suggère qu'une rubrique Περὶ στοιχείων aurait pu désigner l'étude des éléments sublunaires et des couples de qualités qui expliquent les changements dont ils sont susceptibles. Alexandre d'Aphrodise (ín Meteor. p. 2 et p. 179 Hayduck) interpréte ces déclarations comme signifiant que le traité GC se rattache à un thème dont l'étude est annoncée en De Caelo T 1, 298b 6-9, sans qu'elle soit entiérement exécutée dans cet ouvrage, et que son prolongement logique est le livre IV des Météorologiques. Ces remarques de l'Exégéte conservent-elles la trace d'un état du texte antérieur à l'édition d' Andronicus (que suit Alexandre) ?

Peut-étre un indice en ce sens serait-il fourni par la rubrique de la cinquiéme partie du Compendium de Aristotelis philosophia de Nicolas de Damas, qui donne, sous le titre «de la génération et de la corruption», deux extraits de GC

DE GENERATIONE ET CORRUPTIONE - TRADITION GRECQUE

297

(B 3, 330 b 25 et 10, 336b25) à la suite d'un extrait du De Caelo (A 6, 313 a 16)

et d'un autre (qui n'est plus désormais représenté que par une glose au texte de Nicolas)

de

De

Caelo

T 8, 306b 32.

Cf. 6 H.J. Drossaart Lulofs, Nicolaus

Damascenus on the Philosophy of Aristotle, 2* éd., Leiden 1969, p. 88-90, 165170 et 171-173 (nouveau témoignage d'apres le traité du Ciel d'Ibn ai-Salah) ainsi que Moraux 3, t. I, p. 475-477. Mais il semble que cet exposé, lorsqu'il s'écarte de l'édition d' Andronicus — et il le fait, notamment quant à la place où il insére ce qu'il retient de la Métaphysique —, le fasse plutót d'aprés une décision personnelle de Nicolas que par respect pour une tradition plus ancienne. Simplicius, in De Caelo, p. 1, 1-2, 10 sqq. fait état d'une discussion sur les conditions et les restrictions sous lesquelles le titre Περὶ οὐρανοῦ pouvait s'appliquer à l'ensemble des quatre livres de ce traité; une position large, représentée par Alexandre, justifiait la constitu-

tion de l'ouvrage en admettant l'équivalence οὐρανόςΞξκόσμος et en indiquant que le sujet traité est l’ensemble des cinq éléments avec leurs Jamblique (»*J 3) restreignait l'objet de l'ouvrage supra-lunaire, donc aux deux premiers livres. A Alexandre, que si l'on veut examiner la doctrine du

mobilités respectives : l'exégèse issue de à l'élément et au mouvement de la région cette occasion, et pour souligner, contre Stagirite sur l'ensemble du kosmos, on ne

pourra s'en tenir aux enseignements contenus dans le De Caelo et il faudra recourir à tous les traités de physique, Simplicius mentionne le fait que Nicolas « le Péripatéticien », rédigeant un

ouvrage qu'il intitulait Περὶ τοῦ παντός, a dû composer un traité spécial pour chacune des choses de l'univers. Simpl., op. cit., p. 3, 25-29 [= test. 1 dans Drossaart Lulofs 6, p. 7 et 1516]; l'identité de cet ouvrage avec le Compendium de Aristotelis philosophia, en partie préservé dans la traduction syriaque, n'est pas assurée; mais aprés tout, la division de l'ouvrage en 13 sections correspondant à la liste longue de la série des traités physiques d'Aristote avec l'insertion des sections résumant la Métaphysique entre la section relative à la physique et celle relative aux deux premiers livres du De Caelo - ne s'accorderait pas trop mal avec l'indication de Simplicius. La disposition suivie par Nicolas — et qui donne un sens assez spé-

cial à l'expression μετὰ tà φυσικά puisqu'elle fixe la place de cette série de livres apres la physique générale, mais tout de méme à l'intérieur de la série physique — témoigne plus vraisemblablement d'un attachement au schéma d'organisation des philosophies hellénistiques (la «théologie » étant intégrée à la physique), auquel Nicolas a ajusté la série de traités qu'il trouvait dans l'édition d' Andronicus, que d'un état du texte antérieur à cette édition.

Le prologue des Météorologiques donne comme appartenant à une séquence clairement reconnaissable le contenu des livres I et II du De Caelo, puis l'exa-

men de la nature et du nombre des éléments «corporels» (ce qui laisse entendre que dans son esprit le cinquiéme élément est, sinon incorporel, du moins quelque chose qui n'a pas de matière commune avec les quatre autres) et de leurs transformations réciproques (- le livre I), enfin l'étude de ce qu'il y a de général dans la génération et la corruption (A 1, 338a21-25). Ce que vise cette dernière indi-

cation n'est pas trop clair: tout autant que notre actuel GC, on peut y voir le livre T du De Caelo lui-même, du fait que c'est à peu près en ces mêmes termes qu'il est introduit (298b 8-12), et c'est ce qui a fait penser que, dans la façon dont Aristote envisageait la série de ses legons de physique, il ne séparait pas les deux livres de notre actuel GC du troisième du De Caelo (pour cette façon de voir, cf. par exemple 7 A. Mansion, Introduction à la Physique d'Aristote, 2° éd., Louvain 1945, p. 16-19). De toutes maniéres, il faut reconnaitre que le livre IV du

De Caelo n'entre pas dans ce plan et qu'en effet son introduction le rattache au

298

ARISTOTE DE STAGIRE

traité Περὶ κινήσεως (307 b 30-31), c'est-à-dire à la seconde partie de la Physique. Ceci a fait juger que le livre IV est le résultat d'une insertion postérieure: cf. 8 O. Gigon, « Aristoteles-Studien I», MH 9, 1952, p. 113-156; 9 P. Moraux, « Einige Bemerkungen über den Aufbau von Aristoteles’ Schrift de Caelo», MH 6, 1949, p. 157-165; 10 /d., « Recherches sur le de Caelo d' Aristote », RT 59, 1951, p. 170-196; 11 L. Elders, Aristotle’s Cosmology, Assen 1966, p. 59-63; attitude critiquée par 12 W. Kullmann, «Zur wissenschaftlichen Methode des Aristoteles », dans Synusia. Festgabe W. Schadewaldt, Pfullingen 1965, p. 247274; et nuancée dans 13 P. Moraux intr. à son édit. du De Caelo, CUF, Paris 1965, p. XXIXXVIII. On a aussi supposé une stratification chronologique opposant les blocs De Caelo A-B, d'une part, et dC T-A +GC d'autre part, en estimant que dans le second le « cinquième corps » est ou bien encore ignoré, ou bien abandonné: cf. 14 F. Solmsen, Aristotle's system of the phy-

sícal World, Cornell 1960, p. 292-303.

Il semble bien que la série dC + GC, lorsqu'Aristote l'a formée et quelle qu'ait été Ia stratification chronologique des morceaux qu'il a ainsi réunis, soit tiraillée entre une double détermination de son théme: d'un cóté l'examen des corps «élémentaires » — dont on entreprend jusqu'à la déduction du nombre, déduction que le livre III du dC n'achéve pas, car il montre seulement qu'il doit y avoir au moins deux éléments en plus de l'éther (mais peut-étre ne se proposet-il pas davantage, d'où le Περὶ τοῖν δυοῖν de 298b 8), et qui n'est menée à terme qu'en GC II -, d'autre part, l'examen de tous les changements en tant

qu'ils sont naturels aux corps élémentaires situés dans un kosmos. Aux yeux du Stagirite, les deux examens ne peuvent pas étre menés l'un sans l'autre, ce qu'il exprime au début de dC T, 298a27 - b4, en disant que l’enquête porte à la fois sur les substances naturelles (en premier lieu les corps élémentaires) et sur leurs

propriétés (πάθη) — en l'occurrence les changements qui leurs conviennent naturellement. Il semble bien que ce soit par le biais de la différenciation de leurs changements qu' Aristote ait voulu délimiter le domaine de ce qui est élémentaire

parmi les corps, la difficulté étant alors de choisir un fil conducteur parmi les quatre types de changement distingués en Phys. E 1, 224b 35 - 225b8

(le cas du

changement selon l'agir et le pätir étant, comme cette catégorie elle-méme, équivoque) ; apparemment Aristote a hésité entre privilégier le changement selon la substance (304 b 23-25) ou le changement selon le lieu: l'un et l'autre offrent

l'avantage de permettre l'établissement d'une pluralité d'éléments (et pas indéfinie cf. 304b11-22), alors que c'est en réduisant les espéces du changement à l'altération, ou mieux à l'augmentation et à la diminution, que beaucoup de «présocratiques » avaient été amenés à ne poser qu'un seul élément. Tant le changement kat’ ousian que le changement selon le lieu permettent d'opposer l'éther aux éléments sublunaires, et ni l'un ni l'autre ne donnent le moyen de dif-

férencier jusqu'au bout les quatre corps sublunaires (d’après la contrariété caractéristique du changement local, on a l'opposition de la terre et du feu - le lourd et le léger absolus -, et il faut ajouter une opposition du lourd et du léger relatifs pour obtenir les deux élements supplémentaires ; la considération du changement selon la substance permet surtout de distinguer «l'élémental » de ce qui ne l'est pas — car c'est sous ce chef qu'on peut mettre en évidence qu'il ne se décompose pas, par un processus naturel, en quelque chose de plus simple — et

DE GENERATIONE ET CORRUPTIONE - TRADITION GRECQUE

299

elle permet seulement d'établir que lorsqu'ils se corrompent ou naissent, c'est toujours l'un à partir de et vers l'autre que les éléments le font). Peut-étre cependant faut-il considérer que l'acquis du troisième livre du De Caelo ait été d'établir que la condition pour que ia mutabilité puisse régner — y compris dans ce sens qu'elle donne lieu à un ordre — dans la région sublunaire, c'est qu'elle affecte les éléments eux-mêmes (contre Empédocle) et de délier l'assignation d'un mouvement spécifique à chaque élément de la considération de sa structure géométrique (contre Platon). Sources manuscrites. Les manuscrits qui servent de base aux éditions modernes contiennent tout ou partie de la série des traités physiques au sens étroit Voir, pour un recensement des 67 manuscrits connus et une étude de leur relation stemmatique, 14bis M. Rashed, Die Überlieferungsgeschichte der aristotelischen Schrift "De generatione et corruptione", coll. «Serta Graeca»

12, Wiesbaden 2001, X111-381 p. 48 p. de pl. ill. index. Ils sont divisés en deux familles indépendantes dont les chefs de file sont E (Paris. graecus 1853, X* s.)

- auquel sont apparentés L (Vat. gr. 253, vers 1300), W (Paris. Suppl. gr. 314, vers 1300), M (Marr. 4563, copié en 1470) et la traduction arabe (voir plus loin la notice de M. Rashed sur la tradition arabe du traité)

— et J (Vindob. 100, daté

du IX* s. par 15 J. Irigoin, « L'Aristote de Vienne », JCEBG 6, 1957, p. 5-10) auquel

sont apparentés F (Laurent.

87/7, XI-XIv*

s.) et H (Vat. gr.

1027,

XII *s.). Un stemma codicum détaillé est présenté par Rashed I4bis, p. 383. Critique textuelle : outre Rashed 14bis, en part. p. 315-350, cf. 16 W. T. Verdenius et T.H. Waszink, Aristotle On Coming-to-be and Passing-away. Some Comments, Leiden 1946, 2° éd, 1968, et H. Kuhl, «Textkritisches zu Aristoteles

Περὶ γενέσεως xai φθορᾶς », ΚΛΜ 102, 1959, p. 39-47. Principales éditions. 17 H.H. Joachim (édit.), Aristotle On Coming-to-be and Passing-away, Oxford 1922, réimp. Hildesheim 1970 et 1982; 18 E.S. Forster (édit.), Aristotle On Coming-to-be and Passing-away. dans le t. II] de la coll. LCL, 1955; 19 Ch. Mugler (édit.), Aristote. De la Génération et de la

Corruption, CUF, Paris 1966. Un nouvelle édition est actuellement préparée par M. Rashed pour la CUF (à paraitre en 2004). Traductions 20 H. H. Joachim, Aristotle On Coming-to-be and Passingaway, Oxford 1922 (t. II de l'Oxford translation) ; 21 J. Tricot, Aristote. De la Génération et de la Corruption, Paris 1934 ; 22 M. Migliori, Aristotele. La gene-

razione e la corruzione, Napoli 1976; 23 C.J. F. ratione et Corruptione, coll. «Clarendon Aristotle Aperçu d'ensemble et problèmes. Cf. à titre 14, 4° partie ; 24 G. A. Seeck Ueber die Elemente

Williams, Aristotle: De Gene», Oxford 1982. d'études d'orientation Solmsen in der Kosmologie des Aristo-

teles (Unters. z. GC u. dC), coll. «Zetemata » 34, München

1964. Le livre I étu-

die, de manière générale, les espèces de changement autres que celui selon le lieu. Dans certains cas l'étude est plus longue: pour le changement kat'ousian (chap.

1, 31427, à 3, 319b 5), parce qu'il est nécessaire d'en établir la nature

spécifique, par distinction d'avec la σύγχρισις et la διάκρισις à quoi le ramène l'atomisme, et parce qu'il est nécessaire d'établir la réalité et les traits distinctifs

300

ARISTOTE DE STAGIRE

d'une génération (resp. corruption) «absolue » (définition en 318b 9-32); pour le

changement kata poson (chap. 5, 32027-322233), du fait que c'est un processus qui semble toujours accompagner au moins l'une des autres espèces de changement et qu'il est difficile de préciser ce à quoi l'incrément ou la diminution vient s'ajouter ou se soustraire ; enfin pour l'action et la passion (chap. 7, 323b 1, à 9, 327 a 29), étant donné qu'il faut ici encore éliminer des explications ato-

mistes — ou celles qui font intervenir des pores —, lesquelles ou bien réduisent la passion à n'étre un changement qu'en apparence (au moins pour les corps sim-

ples) ou bien laissent dans l'indécision le point de savoir si c'est le méme qui agit sur le méme ou l'opposé sur l’opposé. Plus brefs sont les exposés sur l'altération (chap. 4), sur le mélange (chap. 10) ainsi que le chap. 6, dont la fonction est, semble-t-il, de faire transition vers l'ensemble des thémes traités aux chap.

7-10, y compris en introduisant la notion du contact (qui n'est pas une metabole, mais qui est condition pour l'aboutissement des processus d'action/passion et pour la formation des mixtes). Le livre II étudie le nombre et les transformations mutuelles des éléments (chap. 1 à 5) ; puis la formation des mixtes, envisagée comme résultat d'une action mutuelle d'éléments dont les qualités sont opposées deux à deux (chap. 7

et 8); la critique d'Empédocle, au chap. 6, sert de transition: Empédocle n'admet pas les transformations mutuelles des éléments, mais seulement leurs associations et dissociations, et en conséquence, pour lui comme

pour les atomistes, la

formation des étres naturels complets — et d'abord auparavant, celle des homéomeres — se réduit à une juxtaposition de fragments d'éléments qui restent différents (en sorte que la dissolution d'un vivant ou d'une de ses parties homéoméres est plutót un tri qu'une destruction) et dont la concrétion en un produit (temporairement) stable reste le fait du hasard ; enfin les trois derniers chapitres assignent au mouvement selon l'écliptique la cause du fait qu'il y ait perpétuité du mouvement des transformations mutuelles des éléments ainsi que la génération de composés homéoméres. Il est raisonnable de penser que le livre I a été placé là où il est parce qu'Aristote avait besoin de dégager la notion de

génération des essais antérieurs pour l’éliminer, lui soustraire les éléments, ou l'amalgamer soit à l'altération, soit à l'augmentation; mais l'examen des conditions de l'agir et du pátir permet de prendre un nouveau tournant pour la détermination des conditions de la génération à ses différents niveaux: lorsqu'on

a établi que l'action se fait entre opposés, mais du méme genre (dans un sens qui peut étre assez large), le choix des paires de qualités sensibles (qui sont ou directement contraires - comme le chaud et le froid — ou du moins d'un genre commun - celui des qualités tactiles -, comme c'est le cas pour l'humide et le chaud) qui vont servir à définir les éléments (et ce choix, s'il comporte bien une

réduction par analyse — 329b 29 — 330a 29 -, ne prétend plus être une déduction des éléments à partir des couples de contraires retenus: simplement, une fois qu'on en a reconnu deux comme primaires, on les assigne par paires aux éléments que l'on sait déjà être quatre) permet de définir les modes de l’agir/pâtir

qui président aux deux niveaux de génération: ou bien une qualité «détruit»,

DE GENERATIONE ET CORRUPTIONE - TRADITION GRECQUE

301

dans un corps patient, la qualité qui lui est opposée, c'est-à-dire l'absorbe en elle, et alors on a génération d'un élément à partir de la corruption d'un autre, ou bien le rapport des substrats agent et patient fait qu'il y a action et passion réciproques, et il se forme un composé parfaitement mixte qui a une qualité intermédiaire entre les deux extrêmes; enfin il y a une autre forme de la relation agent/patient (indiquée en 329 b 24-32 et qui jouera un róle prédominant dans le IV* livre des Météorologiques) selon laquelle le froid et le chaud sont toujours

les qualités actives, et en vertu de quoi un corps ne transforme pas l'autre l'élément qu'il est (ou qui prédomine en lui), mais opère sur lui de façon à associer les parties homogénes (c'est-à-dire qui relévent du méme élément), en dissociant les parties hétérogènes (c'est l'action du chaud et en ce sens

en en en on

devine que le feu a une action de «purification »), ou au contraire de facon à

combiner des parties hétérogénes (c'est l'action du froid). Comme on voit, les deux formes de la relation de l'agir et du pätir se distinguent en ce que l'une cause un processus dont le résultat est du type de l'altération, tandis que l'autre lance un processus dont le résultat est du type de la σύγκρισις) διάκρισις (la «catégorie» de l'agir et du pátir est équivoque entre les changements kata poion et kata poson, quant à son modus operandi, et avec le changement kat'ousian, quant à son aboutissement) ; selon que c'est l'un ou l'autre type d'action qui prédomine, on a une génération qui reste au niveau de l'élément (un élément est détruit et un autre apparait à sa place), ou bien une génération qui voit la formation (la disparition, ou le remplacement) d'un homéomére. Le GC se contente, il est vrai, d'expliquer comment, dans l'action des corps les uns sur les autres, il puisse résulter la formation d’homéomères (comme la chair), plutôt qu'une simple transformation d’un élément dans l’autre (de l’air en feu), par le fait que le rapport des qualités opposées des deux corps ne permet pas toujours l’absorption

de l’une dans l’autre, et qu'il peut y avoir formation d'un état intermédiaire (chap. 7) ; en ce sens, il n'exploite pas la suggestion de 329 b 24-32, et c'est le livre IV des Météorologiques qui le fera, prolongeant donc notre traité (ce qui plaiderait en faveur de son authenticité), mais rompant,

il est vrai, avec le

programme annoncé à la fin du troisiéme livre (ce qui pourrait faire penser que sa place est plutót à la suite du GC). Le GC contient d'importants exposés critiques de l'atomisme, de la théorie d'Empédocle (»E

19) et du Timee; on peut les envisager comme dessinant le

champ de problèmes dont Aristote considère qu'il hérite et comme offrant certains des matériaux qu'il utilise: c'est la perspective qui anime le livre de Solmsen 14; on peut aussi les envisager selon la mesure de confiance qu'on peut leur accorder: cf. ainsi l'examen minutieux, mais sévére, de 25 H. Cherniss,

Aristotle's Criticism of Presocratic Philosophy, Baltimore 1935 (réimpr. New York 1972) et 26 Id., Aristotle's Criticism of Plato and the Academy, Baltimore 1944 (réimpr. New York 1972); ou 27 G. S. Claghorn, Aristotle’s Criticism of Plato's Timaeus, La Haye 1954; 28 J.B. Skemp, «Ὕλη and ὑποδοχή », dans Aristotle and Plato in the Midfourth

Góteborg 1960, p. 201-212.

Century (1. Symposium

Aristotelicum),

302

ARISTOTE DE STAGIRE

L'importance

de la doctrine de l'agir et du pátir a été soulignée

par

29 S. Waterlow, « Affecting and being affected», Mind 79, 1970, p. 92 sqq. - Le

GC contient deux des rares passages qui suggèrent qu'il faut poser une «matière première » commune aux éléments, quoique non-sensible et non séparable (I 3, 319b2-4, II 5, 332a35 et cf. 329a24-26 et 34); ils ont été examinés dans une

discussion qui a opposé partisans et adversaires de l'attribution au Stagirite d'un tel concept: 30 H. R. King, «Aristotle without prima materia », JHI 17, 1956, p. 370-389 ; 31 W. Chariton, Aristotle, Physics i & ii, coll. «Clarendon Aristo-

tle», Oxford 1970, App., p. 129-145; 32 Id., « Prime matter : nesis 28, 1983, p. 197-211 (répond principalement à 23) ; 33 tle's Introduction of matter», PAR 83, 1974, p. 474-500, d'un 34 F. Solmsen, « Aristotle and prime matter», JHI 19, 1958,

a rejoinder », PhroB. Jones, « Aristocóté ; et de l'autre : p. 243-252 (répond

à 30) ; 35 H. M. Robinson, « Prime matter in Aristotle », Phronesis 19, 1974, p. 168-188 (critique surtout 31) ; 36 R. Dancy, «On some Aristotle's second

Thoughts about substances: matter », PhR 87, 1978, p. 372-413 (critique 31 et 33); C.J. S. Williams, dans 23, p. 211-219 (critique surtout 31); 37 A. Code,

« The persistence of aristotelian matter », PhilosStud 29, 1976, p. 357-367 (répond à un argument de 33) ; 38 Sheldon M. Cohen, « Aristotle's doctrine of the material substrate », PAR 93, 1984, p. 171-194 (critique 32);39 D. W. Graham, Aristotle's two Systems, Oxford 1987, chap. 8. En dehors de ce débat,

signalons 40 R. Sokolowski, « Matter, Elements and Substance in Aristotle», JHPh 8, 1970, p. 263-288 ; 41 L. Cencillo, « Funciones del concepto de *materia" en el Corpus aristotelicum RevFilos(Madrid) 15, 1956, p. 209-226 ; 42 Id.,

« Cuestiones sistematicas entorno a tres nociones de materia prima en el Corpus aristotelicum », Pensamiento 12, 1956, p. 473-484 ; 43 Id., « Tres problemas planteados por el concepto de hyle», Emerita 25, 1957, p. 1-13; 44 Id., Hyle: Origen, concepto y funciones de la materia en el Corpus aristotelicum, Madrid

1958, et surtout 45 H. Happ, Hyle. Studien zum aristotelischen Materie-Begriff, Berlin 1971. — Le chap. I 10 a été étudié par 46 R. Sharvy, « Aristotle on Mixtures », JPhilos 80, 1983, p. 439-457. — L'orientation de la fin de l'ouvrage a été

caractérisée par 46 M. Migliori, « Elementi metafisici nel 'de Generatione et Corruptione'», Pensamiento

35,

1979, p. 223-235,

et par 47 G.

Verbeke,

« Nécessité de la génération selon Aristote », dans Energeia. Mélanges Ant. Jannone, Paris et Athénes 1986, p. 199-212. — Annoncée dans notre traité, déve-

loppée dans Meteorol. IV, et surtout dans les traités biologiques, la théorie des homéoméres

a reçu

des

formulations

modernes

de

la part de

Esquisse d'une Sémiophysique, Paris 1988, chap. 6 et 7 ; 49 Id.,

48 R.

Thom,

« Homéomères

et anhoméomères en théorie biologique d’Aristote à aujourd’hui», dans D. et Métaphysique

chez

Aristote, Paris 1990, et 50 /d., « Matière, forme et catastrophes», dans

Devereux

et P. Pellegrin

M. A.

Sinaceur

1991,

(édit.), Penser

(édit.), Biologie, avec Aristote,

publ.

Logique de

l'UNESCO,

Toulouse

p. 367-398. Commentaires

anciens. Il ne nous est parvenu que celui de 51 Philopon :

édité par H. Vitelli, CAG XIV 2, 1897. Cependant on peut y joindre 52 le De

DE GENERATIONE ET

CORRUPTIONE - TRADITION GRECQUE

303

mixtione d'Alexandre d’Aphrodise: édité par Ivo Bruns, CAG Suppl. vol. II 2, quoique bien entendu il s'agisse d'un ouvrage propre d' Alexandre, dirigé contre la théorie de la krasis di'holon des stoïciens ; cf. sur cet opuscule 53 R. B. Todd, Alexander of Aphrodisias on Stoic Physics: a study of the ‘de mixtione', Leiden 1976. Traductions latines. Il en existe trois — vetus, nova, plus la traduction arabolatine de Gérard de Crémone -; 54 édition de la vetus translatio dans l'Aristoteles latinus, éd. J. Judycka, Bruges 1986 ; il a récemment été démontré philologiquement par 55 R. Durling, «The Anonymous Translation of Aristotle's De generatione et corruptione (Translatio Vetus)», Traditio 49, 1994, p. 320-330,

que l'auteur de la vetus n'était autre que le juge Burgundio de Pise (c. 11101193) et ce résultat a été confirmé par la découverte des manuscrits grecs du tra-

ducteur: cf. 56 G. Vuillemin-Diem et M. Rashed, «Burgundio de Pise et ses manuscrits grecs d' Áristote : Laur. 87.7 et Laur. 81.18», RTAM 64, 1997, p. 136198 ; l'édition de la nova translatio est en préparation, également par J. Judycka ; rappelons qu'il s'agit d'une double révision de la verus, dont, en dépit de doutes soulevés par L. Minio Paluello, Mme Judycka a défendu l'attribution à Guillaume de Moerbeke: cf. 57 Ead., «L'attribution de la nova rranslatio du de Generatione et Corruptione à G. de Moerbeke », dans J. Brams et W. Vanhamel (édit.), Guillaume de Moerbeke Louvain 1989, p. 247-249). BERNARD BESNIER.

DE GENERATIONE ET CORRUPTION. TRADITION ARABE

L'analyse de la tradition arabe du De generatione et corruptione (GC), nécessaire pour l'établissement du texte grec d'Aristote, est également indispensable pour comprendre l'histoire de ses commentaires. Pour un exposé du contenu des notices des biobibliographes arabes, voir 1 M. Steinschneider, Die arabischen Übersetzungen aus dem Griechischen, Graz 1960 [réimp. de quatre articles parus en 1889, 1893, 1896 et 1891], p. (95)-(96); 2 ‘A. Badawi, La transmission de la

philosophie grecque au monde arabe, coll. « Études de philosophie médiévale » 56, Paris 1968 ; réédition: Paris 1987, p. 94-95, 114, 117, 124,3 F. E. Peters,

Aristoteles Arabus. The Oriental Translations and Commentaries on the Aristotelian Corpus, coll. «Monographs on Mediterranean Antiquity » 2, Leiden 1968, p. 37-38. L'analyse critique de ces sources ne peut cependant faire l'économie d'une étude de la tradition au sens le plus large. I. LES TRADUCTIONS DU "DE GENERATIONE ET CORRUPTIONE"

Listes chez les biobibliographes arabes. Toutes ces listes remontent à 4 AlNadim, Kirab al-fihrisr, éd. G. Flügel, Leipzig 1871, p. 251. Celui-ci recense, en 987-988, trois traductions du GC, dont une hypothétique (quatre si l'on compte celle des lemmes accompagnant le commentaire d' Alexandre d' Aphrodise, tra-

duits en bloc avec ce dernier par Mattà b. Yünus, et peut-étre cinq si c'est aussi le cas du commentaire d'Olympiodore traduit par Ustät. Voir infr. [II]). L'absence de toute traduction arabe conservée rend le recours à la tradition arabe indirecte (le Commentaire moyen d’Averroès principalement: voir 5 Abü alWalid Muhammad b. Rusd, Talhis al-kawn wa-al-fasád, éd. G. Al-'Alawi, Beyrouth 1995), ainsi qu'aux traductions arabo-latine et arabo-hébraique (cf. infr., La traduction de Ishäq b. Hunayn), indispensable. Les trois traductions du texte seul (non accompagné d'un commentaire) sont les suivantes:

— Celle de Ishäq b. Hunayn (t 910). Celui-ci aurait traduit en arabe la version syriaque effectuée par son père Hunayn ( 873). Ce renseignement des biobibliographes est confirmé par l'analyse de 6 G. Serra, «Note sulla traduzione arabo-latina del De generatione et corruptione di Aristotele», GCFI, 52 (1973), p. 383-427, ainsi que par le titre de la version hébraique (voir 7 A. Tessier, La traduzione arabo-ebraica del "De generatione et corruptione" di Aristotele, coll. MAL, s. VIII, vol. XXVIII, fasc. 1, Roma 1984, p. 5-123). Selon Serra 6, p. 386 des raisons générales et certaines particularités lexicales de

grande importance (confusion, en particulier, du terme empédocléen τὸ veixoc, -ouc «la discorde», avec le doublet hellénistique de v(xn, νῖκος «la victoire »,

qu'on retrouve souvent ailleurs dans les traductions arabes) permettent de supposer que la traduction de Ishàq a servi de base à la traduction latine de Gérard de Crémone. Les réserves que j'avais exprimées antérieurement dans 8 M. Rashed, « Démocrite-Platon-Aristote, une histoire de mots. À propos de De Generatione et Corruptione 315a26-b15», LEC 62, 1994, p. 177-186, p. 183, n. 13, n'ont

DE GENERATIONE ET

CORRUPTIONE - TRADITION ARABE

305

aucun lieu d’être : à supposer méme que la découverte de Serra, qui atteste une révision partielle du texte arabe transmis en latin et en hébreu (la confusion des termes est absente du livre I), n'autorise pas à elle seule, dans des milieux aussi

liés que ceux des écoles de traducteurs, une identification définitive du traducteur, le titre des deux manuscrits hébraiques conservés («livre de la génération et de la corruption, traduction de Zerahyah ben Yishaq ben Hunayn», voir Tessier

7. p. 11-12) lève les derniers doutes: celui-ci provient trés certainement de l'amalgame, dü à une haplographie, du nom des deux traducteurs (Zerahyah ben Yishaq et Isháq b. Hunayn). La comparaison méticuleuse de la traduction de

Gérard avec celle de Zerahyah effectuée par 9 G. Serra, «Alcune osservazioni sulle traduzioni dall'arabo in ebraico e in latino del De generatione et corruptione di Aristotele e dello pseudo-aristotelico Liber de causis », dans Scritti in onore di Carlo Diano, Bologna 1975, p. 385-433, montre cependant que si le fond commun est certainement le méme - et donc, selon toute vraisemblance, la

version de Ishäq — , des différences subsistent néanmoins, qui ont pu se nourrir de variantes accolées au texte principal. La traduction hébraique remonte en effet

de facon indépendante à [a méme traduction arabe que la version de Gérard. Le rapport des traductions entre elles et leur rapport aux originaux arabes, syriaques (voir Serra 6, p. 401-402) et grecs que leur comparaison laisse apercevoir a fait l'objet de plusieurs études. Outre Serra 9, on peut consulter 10 A. Tessier, « Note alla traduzione arabo-ebraica del De generatione et corruptione di Aristotele »,

AFLP 4, 1979, p. 263-268 ; 11 A. Tessier, «Studi su Zerahyah Hen traduttore in ebraico di Aristotele. Note al primo libro della versione del De generatione et corruptione», BolllstFilolGreca 5, 1979/1980, p. 89-101 ; 12 A. Tessier, « Ver-

bum de verbo. Tradizione semitico-latina del De generatione et corruptione aristotelico », BollIstFilolGreca, Suppl. 8, Roma

1983; 13 G. Serra, « Aristotele,

de generatione et corruptione (317b18-20 ; 318a5-6). Tradizione semitico-latina e critica del testo», AAPat, vol. CIV, 1991-1992, Padova 1993, p. 147-155. Il est toutefois évident que seule une édition critique de la version arabo-latine (en préparation par G. Serra) permettra au lecteur la comparaison avec le texte hébraique édité par Tessier 7 (et assorti par ce dernier d'une traduction latine more Gerardi).

Pour une étude de la position stemmatique de l'exemplaire grec (Ar.) de Hunayn b. Ishäq dans l'ensemble de la tradition manuscrite, voir 14 M. Rashed, Die Überlieferungsgeschichte der aristotelischen Schrift « De generatione et

corruptione », coll. «Serta Graeca» 12, Wiesbaden 2001, XI11-381 p. 48 p. de pl. ill. index. (dissertation soutenue en 1999 à l'Université de Hambourg). Cet exemplaire remonte de maniére indépendante à l'un des deux hyparchétypes (Q). Il est probable, pour un certain nombre de raisons stemmatiques et histori-

ques, que Hunayn acquit à Byzance (plutót qu'en province) un manuscrit contenant la Physique et le De generatione et corruptione. Certains indices semblent méme inviter à rattacher ce manuscrit à l'exemplar universitaire athénien des traités physiques d' Aristote.

306

ARISTOTE DE STAGIRE

avant 500

n!

âge des translittérations

Q >

j Vind. phil. 100 (J)

ca

860

ca

950

Paris. 1853 (E)

- Celle d'Abü ‘Utmän al-Dimaiqi (fl. ca 900). On ne sait sur celle-ci rien d'autre que ce que nous apprend la notice d'Al-Nadim 4: al-Dimasqi aurait, comme

Isháq, traduit en arabe la version syriaque de Hunayn. Il semble pour

cette raison peu probable qu'il soit le réviseur de la version de Ishäg que la tradition latino-hébraique oblige à postuler. - Celle d'Ibráhim b. Bakküs. Al-Nadim 4 n'a pas vu cette traduction de ses propres yeux. Étant donné l'aspect relativement récent des deux traductions précédentes, il n'est pas sans importance de déterminer l'époque à laquelle a vécu Ibn Bakküs. Ce traducteur n'ayant jamais fait l'objet de recherche approfondie et ayant donné lieu à de nombreuses affirmations erronées, on procédera ici à une analyse aussi exhaustive que possible des quelques renseignements dont nous disposons sur lui. Car si certains érudits voient en lui, à juste titre, un auteur du X* siécle, lié à la fameuse École de Bagdad, d'autres semblent privilégier (sans doute sous l'influence de 15 Ibn abi Usaybi'a, 'Uyün al-anba’ ft tabagät al-atibba', éd. A. Müller, 2 vol., Le Caire/Königsberg 1882-1884, vol. I, p. 188, qui cite notre traducteur aprés Ustät mais avant al-Bitriq et Abü 'Ütmàn al-Dimasqi) une datation beaucoup plus haute — , et situent notre traducteur au VINS ou au IX* siècle (cf. par exemple Peters 3, p. 25; 16 F. Sezgin, GAS, t. IV, Leiden 1971, p. 313; 17 T. Fahd, « Botanique et agriculture», Histoire des sciences arabes, t. Il, éd. R. Rashed, Paris 1997, p. 73-110, notamment p. 77).

Cette réponse engage dés lors, au delà du simple souci d'exactitude historique, la question de l'exemplaire de travail d'al-Kindi (né vers 800, mort autour de 860870). Ce dernier est en effet l'auteur d'un Éclaircissement de la cause efficiente prochaine de la génération et de la corruption conservé (cf. 18 Abü Ishäq al-

Kindi, Al-ibana ‘an al- 'illati al-fa'ilati al-qaribati li-l-kawn wa al-fasäd, Rasa'il al-Kindi al-falsaftyya, éd. M. Abu Rida, 2 vol., Le Caire 1950-1953, t. I, p. 214237) et une scholie latine lui attribue un commentaire du GC, inconnu par

DE GENERATIONE ET

CORRUPTIONE - TRADITION ARABE

307

ailleurs, duquel Alfred de Sareshel se serait inspiré dans son propre commentaire, aujourd'hui perdu. Sur ce point, voir 19 Aristoteles Latinus IX 1. De generatione et corruptione (Translatio vetus), ed. J. Judycka, Leiden 1986, p. LLI: «Liber Aristotelis ... correctus et per capitula distinctus a magistro Alvredo de Sares secundum commentum infr. (ID.

Alkindi super eundem

librum». Voir

Le patronyme. On trouve un grand nombre d'orthographes et de transcriptions du nom de notre auteur: Ibn Bakus, Ibn Bakus, Ibn Bakküs, Ibn Bakküs. (les formes « Nakus » et « Takwim» [sic !] remontent sûrement à des mélectures

de manuscrits non ponctués ou difficiles à lire. Cf. 20 M. Steinschneider, AlFarabi [Alpharabius]. Des arabischen Philosophen Leben und Schriften mit besonderer Rücksicht auf die Geschichte der griechischen Wissenschaft unter

den Arabern, St. Petersburg 1869 (repr. Amsterdam 1966), p. 160 n. 17. Il semble que

nous soyons en présence du vieux nom

grec Bacchus (Βάχχος ; cf.

21 Al-Qifti, Ta'rih al-hukamáà', éd. J. Lippert, Leipzig 1903, p. 37, qui suit une identification de Sachau), bien attesté dans le milieu syriaque (cf. 22 R. Payne Smith, Thesaurus Syriacus, t. I, Oxford 1829, col. 524). Ceci pourrait expliquer l'hésitation sur la longueur de la finale: les transcriptions arabes pouvaient en effet calquer soit l'orthographe (B-K-W-S), soit la prononciation du syriaque, cette langue ayant perdu, contrairement à l'arabe, l'opposition dans la quantité des voyelles. Nous ne sommes pas renseignés sur le lieu d'origine exact de notre érudit. Sa nisba, «al-"Ussäri» (et non pas «al-'Assari» ; cf. Steinschneider 20, ibid. et la référence bibliographique), n'indique ni origine ni confession. Notons toutefois qu'on trouve, dans 23 Haggi Halifa, Kasf al-zunün ‘an asami al-kutub wa al-funün, 7 vol, éd. G. Flügel, London 1852, t. V, p. 245, la nisba « al"Irági », l'Irakien. Est-ce à dire qu'Ibn Bakküs est né en Iraq, ou qu'il se serait contenté, selon le parcours classique de l'époque, de monter un jour à Bagdad? On ne saurait pour l'instant répondre à cette question. Bornons-nous seulement à remarquer que Yahyà b. "Adi parle d'une « proximité» (qurb), sans davantage de précision, entre Ibn Bakküs et Bisr b. Sam'än, Juif de Mossoul. Sur ce point, cf. 24 S. Pines, « A Tenth Century Philosophical Correspondence », PAAJR 24, 1955, p. 103-135, en part. p. 104-105, et 25 S. Khalifat (édit.) Yahya b. 'Adi : Magälät Yahyä b. 'Adi al-falsafiyya, Amman 1988, p. 46-47 et 330. On retiendra en conclusion, comme seuls éléments onomastiques à peu près certains, que nous avons à faire à un Syriaque vivant en Irak.

La chronologie. Quatre éléments permettent de fixer la chronologie d’Ibn Bakküs avec une relative précision: ses rapports avec Yahyá b. ' Adi, attestés par une lettre datée de ce dernier, sa collaboration avec le prétre grec Yuhannä b. Fatila, mathématicien et helléniste, dans la révision des Réfutations sophistiques,

sa contemporanéité avec le médecin Abu al-Hasan le Juif, attestée par le Qädi "Abd al-Gabbär, et la date de décès de son fils transmise par al-Qifti 21.

a) La lettre de Yahya b. ‘Adi. Dans sa réponse (datée du 1°" muharram 341 = 28 mai 952) aux questions philosophiques d'Ibn abi Sa'id, Yahya parle d'lbn Bakküs comme d'un «ami» et d'un «frère» (cf. Khalifat 25, p. 330, et surtout

308

ARISTOTE DE STAGIRE

p. 47 n. 43). Cette dénomination exclut une grande difference d’äge entre les deux hommes, dans un sens comme dans l'autre. Yahyä b. 'Adi étant né en 893, la naissance d’Ibn Bakküs doit donc se situer à la fin du IX* siècle ou dans la premiere décennie du X*. b) La collaboration avec Yühannä al-Qiss. On sait qu'Ibn Bakküs s'est asso-

cié avec ce prétre pour corriger la version syriaque des Réfutations sophistiques et en donner une traduction arabe amendée à la lumiére du grec (cf. DPhA I, p. 526-527). Or Yühannä est lui aussi un homme de la première moitié du X* siè-

cle. Nous savons en effet, par al-Nadim 4, p. 241, qu'il était un traducteur reconnu au milieu du siècle: «peu après 340/951 (fi sanat nayyif wa-arba in)».

on lui confie, à lui et à d'autres traducteurs qu'al-Nadim ne nomme pas, le déchiffrement de vieux manuscrits grecs découverts à Ispahan. Ce fait confirme la datation induite par la lettre de Yahya b. 'Adi, mais ne permet pas de la préciser. Cette collaboration s'inscrit dans un véritable courant caractéristique de la période post-ishäquienne des traductions, oü l'on recherche la plus grande exactitude philologique possible. Un passage méthodologique de Yühannä al-

Qiss, cité au cours d'une polémique contre l'enseignement des Grecs par le grand théologien mu'tazilite ‘Abd al-Gabbär (voir 26 Qädi al-Qudät 'Abd-alGabbar

b. Ahmad

al-Hamadäni, Tatbit dalä’il al-nubuwwa, éd. 'A. 'Utmàn,

Beyrouth, s.d., p. 75-76) reflète bien cet état d'esprit: « Yühannä al-Qiss, qui enseignait Euclide (»*E 80), l’ Almageste et autres, disait: "ceux qui ont traduit ces livres ont retranché beaucoup des erreurs et des fautes les plus grossiéres

qu'ils contenaient, dans l'intérét de leur clan et à leur avantage; ils les ont recyclés et ils leur ont donné ce qu'ils ne contenaient pas en faveur des Musulmans et dans le sens de leur Révélation”». L'activité de réviseur de Yühannä est sans doute à mettre en rapport avec une telle déclaration. Cela pourrait d'ailleurs nous pousser à risquer une hypothèse concernant le GC: on sait en effet, depuis les

travaux de G. Serra, que le premier livre de la traduction de Ishaq a été révisé par un philologue possédant une excellente connaissance du grec. Ne faudrait-il donc pas voir dans la notice du Fihrist une trace de cette révision, et comprendre

en ce sens la «traduction» d'Ibn Bakküs ? Celui-ci aurait fait dans le cas du GC ce qu'il a fait pour les Réfutations sophistiques. c) Contemporain d' Abü al-Hasan le Juif. Cf. 'Abd-al-Gabbar 26, p. 618-619. Abü al-Hasan était un médecin reconnu en 933. Cf. 27 S. Pinès, « La collusion

entre les Byzantins et la subversion islamique et la lettre injurieuse d'un ‘roi’ de Byzance (deux extraits d''Abd al-Jabbar)», The Collected Works of Schlomo Pines, t. IV, éd. G. 6. Stroumsa, Jérusalem 1996, p. 172-189, p. 188-189. Ce renseignement s'accorde donc encore une fois avec notre datation de la nais-

sance d'Ibn Bakküs. d) Ajoutons encore que d’après Hilal b. al-Muhassin al-Säbi’, rapporté par alQifti 21, p. 236, son fils Abü al-Hasan, qui eut le temps d'avoir une véritable carrière médicale, serait mort dans la nuit du 14 au 15 septembre 1004. Il a donc dà naitre au plus tard autour de 950 et plus vraisemblablement autour de 940, ce

DE GENERATIONE ET CORRUPTIONE - TRADITION ARABE

309

qui confirme globalement notre datation du père, en nous incitant peut-être à la rapprocher plutöt des années 905-910 (Abü al-Hasan appartenant au cercle d’Ibn Zur'a et celui-ci étant né en 943) que 890-895. La dynastie médicale. On peut, en combinant les sources conservées, reconstituer l'existence d'une véritable dynastie médicale du X€ siècle. Notons, avant de revenir sur ce point, que les attestations dans ce contexte ne sont jamais

d'«Ibn Bakküs»

mais d'«Ibn

Bakus». Ibn Abi Usaybi'a

15, p. 305,

tout

d'abord, mentionne clairement l'existence du père (Abü Ishàq Ibrahim b. Bakus) et du fils (Abü al-Hasan 'Ali b. Ibrahim b. Bakus). C'est au fils qu'al-Qifti 21,

p. 335-336, consacre une notice biographique. Ibn abi Usgaybi'a 15, p. 244 confond déjà le père et le fils, faisant d’Ibrähim l'aveugle et le médecin du bimäristän de 'Adud al-Dawla. ll s'agit en réalité bien plutôt de son fils, comme le savait encore al-Qifti. Cela est explicitement confirmé par ' Abd al-Gabbar 26,

p. 618-619 (passage mentionné par Khalifat 23, p. 47 n. 46), qui nous apprend au surplus qu'«Ibn Bakus » était l'éléve d'Abü al-Hasan b. Nafis, médecin actif autour de 345. On ne peut déterminer ici en toute certitude s’il s'agit du pére ou fils. Le contexte inciterait plutót à adopter la premiere éventualité. 'Abd alGabbär 26, p. 621-622, passage qui ne semble pas avoir été mis à contribution par les historiens de la médecine, nous révèle quelques précieux détails supplémentaires : « Cet Abü al-Hasan ibn Bakus fut affecté d'ophtalmie du vivant de son pére et, ce dernier ayant exagéré son traitement, il perdit l'un de ses yeux; puis, devenu médecin, expert, et son art ayant crü, il perdit l'autre encore ... et la fille [l'éditeur imprime "le fils de la fille" par inadvertance] d'Abu al-Hasan

ibn Bakus, épouse d'Abü al-Husayn le médecin, eut une maladie alors que son pére était médecin, que son mari était médecin, que son oncle paternel était médecin, que son beau-pére était médecin. Ils se réunirent tous pour la soigner,

mais sa mort les devanga ». L'arbre généalogique est donc celui d'une véritable dynastie médicale de Bagdad : Ibrähim Abü Ishäq b. Bakus (médecin)

| ... (médecin)

| "Ali Abü al-Hasan b. Bakus (médecin)

fille

oo

... (médecin)

Abü al-Husayn (médecin)

C'est ainsi le fils Ibn Bakus que vise une violente critique d'Ibn al-Hammär

alias Ibn Suwär (943-1056) rapportée par Ibn Butlàn (1010-1070) et transmise parallélement par al-Qifti 21, p. 313-314: ««Ibn Ridwan» a déclaré que je n'avais rien lu des sciences des anciens et il a dit: “s’il avait lu, il saurait qu'Ibn Bakus, qui est au nombre des médecins les plus estimables, a dit dans son traité

médical qu'il y a un point dans le cœur à partir duquel la vie se diffuse dans le corps". Je dis donc à mon estimable maître : tu t'es précipité comme à ton habitude, et tu as cru que cet Ibn Bakus était le traducteur de livres et le professeur de

310

ARISTOTE DE STAGIRE

médecine. Tu ne sais pas que celui-là était le fils de celui-ci (anna hada waladun lahu), aveugle,

amoureux

du vin, démesurément

enclin à l'ivresse. C'est

à

propos de lui «du fils» qu’Abü al-Hayr ibn al-Hammär a dit dans son traité Sur l'examen des médecins que la médecine à Bagdad était tombée au point que celui qui guidait un aveugle deux mois pouvait ouvrir une boutique et s'arroger le titre de médecin. C'est cet Ibn Bakus qui a été écarté du bimaristan, de la

médecine duquel les gens se sont protégés [...] et qui est l'auteur des Doutes sur les Problèmes de Hunayn que le Sayb a eu entre les mains». 28 J. Schacht et M. Meyerhof, The medico-philosophical controversy between Ibn Butlan of Baghdad and Ibn Ridwan of Cairo. A contribution to the history of Greek learning among the Arabs, Le Caire 1937, p. 103-104, en arrivent, au cours d'une traduction fantaisiste de tout ce passage, à introduire un mauvais garçon qu'on cherchera en vain dans le texte arabe : «You were too hasty according to your habit, and you believed that this Ibn Baks is the translator of books and the professor of medicine, and you did not know that he was a lad who was the guide of a blind man and a lover of wine and a drunkard. .." (leur commentaire, op. cit., p. 104 n. 1, frise d'ailleurs le romanesque: "The famous physician and translator Ibráhim ibn Baks ... was blind, and it is possible that the ‘lad’ of whom Ibn Butlän and Ibn al-Khammär speak was his guide, who picked up from him some medical knowledge and opened a clinique on his own account, perhaps aided by the likeness of his name to that of the reputed master»).

Cet ensemble de textes nous permet ainsi de lever deux ambiguités grevant la biographie d'Ibrahim b. Bakus. (i) La premiere incohérence faisait du correspon-

dant honoré comme un frère par Yahyä b. ‘Adi l'un des disciples de l'éléve de ce dernier, 'Isà b. Zur'a (t 1008): cf. par exemple Pines 24, p. 105 n. 10 (lire, dans le texte et en note, Ibrahim et non "b. Ibrahim") ; 29 J. K. Kraemer, Philosophy in the Renaissance of Islam: Abü Sulayman al-Sijistäni and his Circle, Leiden

1986, p. 115: “Before Ibn Bakküsh became a pupil of Ibn Zur'a he had been an associate of Yahyä b. 'Adi" : il s'agit en fait très probablement non pas d'Ibrahim mais d’Abü al-Hasan, son fils. (ii) Cela vaut aussi pour une mention d'«Ibn

Bakus»

dans un passage de 30 Abü Hayyän al-Tawhidi, A/-Imtà' wa-al-

mu 'ánasa, éd. A. Amin et A. Al-Zayn (reprod. Büläq, s.d.) vol. I, p. 38, mettant

en scéne un certain nombre de médecins et savants que n'intéressaient pas la philosophie de l'áme et la métaphysique (pour une mise en contexte de ce passage, voir 31 R. Rashed, « Al-Qühi vs. Aristotle: On Motion », ASPh 9, 1999, P. 7-24, p. 9). Ici encore, la contradiction chronologique et historique qu'il y avait à admettre que le contemporain honoré par Yahyä b. ‘Adi pour son savoir

en philosophie, le traducteur de deux traités d' Aristote et d'un traité de Théophraste sur la perception (le De sensibus), l'auteur d'un traité en arabe sur Les réves, n'ait eu aucun intérét pour la psychologie, se dissipe si l'on voit une allusion à Abü al-Hasan et non à Ibrahim. Cette mention doit d'ailleurs nous

conduire à la plus grande prudence dans notre interprétation des critiques d'Ibn al-Khammär. Un médecin appartenant à l'un des cercles les plus positivistes d'alors, qui avait consacré tout un traité à réfuter les Problémes de Hunayn, étaient la cible désignée de collégues plus respectueux des autorités scolaires. Rappelons un dernier point: c'est Abü al-Hasan (32 G. Endress, The Works of Yahyà Ibn ‘Adi: An Analytical Inventory, Wiesbaden 1977, p. 49 n. 18, et 33 F.

Micheau,

«Les institutions scientifiques dans le Proche-Orient médiéval »,

DE GENERATIONE ET CORRUPTIONE - TRADITION ARABE

311

Histoire des sciences arabes, t. III, éd. R. Rashed, Paris 1997, p. 233-254, p. 240, parlent d’Ibrähim), comme Al-Qifti 21, p. 235-236, et Ibn abi Usaybi'a 15, p. 310, le disent d'ailleurs explicitement, qui fut l’un des 24 médecins de

l'hópital fondé par 'Adud al-Dawla en 982, et dont il aurait par la suite été écarté, s’il faut accorder foi aux renseignements d'Ibn Bujlàn. Les œuvres. Il reste à présenter les œuvres et les mentions conservées d'Ibn Bakküs/Bakus dans un tableau synoptique. Celui-ci fait d'ailleurs apparaitre un petit problème prosopographique : Désignation

Caractéristiques

Sources — Al-Nadim.

traducteur: Aristote, De Generatione et Corruptione.

Abü Ishäq Ibrähim b. Bakküs

traducteur: Aristote, Refutafions sophisitiques.

Abü Ishäq Ibrähim b. Bakküs

traducteur : Théophraste, De sensibus.

Abü Isháq Ibrahim b. Bakküs

- Al-Nadim.

Abü Ishäg Ibráhim b. Bakküs

- Al-Nadim.

Ibrahim b. Bakus le médecin (aitabib)

— Nasir al-Din al-Tüsi,

traducteur : Théophraste, De Caus. plantarum. traducteur : Platon, Républiques.

— Al-Qifti : Ibn Bakkus. - Al-Nadim.

— Ms. B. N. Ar. 2346 (Ibn Suwär), f. 380v.: Ibn Bakkus.

Kitáb Safinat al-Ahkam, ms. Chester Beatty 3640,

f.3. auteur: Sur les rêves.

Abà Ishäg Ibrähim b. Bakküs Ibrahim b. Bakus le médecin

— Al-Nadim. — Ibn abi Usaybi'a p. 244.

auteur : Sur la variole.

Ibrahim b. Bakus le médecin

— Ibn abi Usaybi'a p. 244. - Haggi Halifa VI, p. 51.

auteur : Kunnás.

Ibrähim b. Bakus le médecin

- Ibn abi Usaybi'a p. 244. — Haÿgi Halifa V, p. 245.

auteur: Que l'eau pure est

Plus froide que l'eau d'orge.

— Haggi Halifa VI, p. 51.

— Al-Qifti p. 236: «Kunnas

"intermédiaire", c'est-àdire ce qui est entre petit et grand». auteur: Agräbädin. Controverse sur la forme des éléments avec Yahyä b. ‘Adi «ami» et « frère» de Yahyä b. ‘Adi très versé dans la

Ibrahim b. Bakus le médecin Abü Ishäq Ibrahim b. Bakküs

Ibn abi Usaybi'a p. 244. — [bn Suwär rapporté par Ibn abi Usaybi'a p. 323.

Abü Ishäq Ibráhim b. Bakküs

— lettre de Yahyà b. "Adi à Ibn abi Sa'id.

Tbn Bakus

- [bn Butlän opposant Ibn

philosophie. «traducteur de livres et professeur de médecine». mention de son fils. «médecin » célèbre. «traducteur » moins doué

que Hunayn b. Ishäg.

Ibn Bakus Ibn Bakus Ibn Bakus

Suwär à Ibn Ridwän. - Abü Hayyän al-Tawhidi.

— “Abd al-Gabbär. — Ibn abi Usaybi'a p. 188.

ARISTOTE DE STAGIRE

312

La ligne de partage entre « Ibn Bakküs» et «Ibn Bakus » est très nette. Tout sc passe comme si le premier nom était réservé à l'aristotélicien et le second au médecin. La seule exception à cette partition rigoureuse est la mention, attestée uniquement dans l'introduction de la grande œuvre astrologique d'al-Tüsi, d'une traduction des Républiques de Platon («al-siyasar al-aflatüniyya» ; sur cette forme plurielle, caractéristique de la tradition alexandrine du texte de Platon, et qu'on retrouve dans le Paris. gr. 1807, manuscrit central de la fameuse "Collection philosophique", voir 34 L. G. Westerink, « The Title of Plato's Republic », ICS 6, 1981, p. 112-115) par «le médecin Ibrahim b. Bakus». Il esta contrario notable que presque toutes les autres sources, cohérentes, sont en gros contem-

poraines de notre auteur: Yahyä b. "Adi était en mesure de ne pas écorcher le nom d'un correspondant estimé, et le littérateur al-Tawhidi n'était guére homme à faire des fautes d'orthographe. Si l'on suppose en outre qu'Ibn Butlan s'appuyait sur le traité d'Ibn Suwär Sur l'examen des médecins dans tout le passage, cité plus haut, de la réfutation d'Ibn Ridwän, il faudrait méme admettre qu'Ibn Suwär fait la différence entre le fils du médecin qu'il connaissait et l'aristotélicien correspondant de Yahya

b. ‘Adi

et réviseur des Refutations

sophistiques, qu'il mentionne dans le colophon de sa propre édition de cette ceuvre. Seules des données nouvelles permettront de trancher la question. IIl. LES

COMMENTAIRES GRECS DU "DE GENERATIONE ET CORRUPTIONE" DANS LA TRADITION ARABE

La tradition arabe est au moins aussi importante dans le cas des commentateurs grecs que dans celui du texte d'Aristote. Al-Nadim 4 connait les traductions suivantes : (i) un commentaire d' Alexandre d'Aphrodise [**A 112] (trad.: 1. Mattà ibn

Yünus ; 2. Qustä b. Lügä [premier livre]) ; (ii) un commentaire d'Olympiodore, attesté également en syriaque (trad.: 1. Ustàt ; 2. Mattä ibn Yünus [corrigé par Yahya b. 'Adi]);

(iii) deux commentaires de Thémistius, un grand et un petit (traducteur inconnu ; il n'est pas exclu qu'il s'agisse de la paraphrase respectivement du premier et du second livre du GC) ; (iv) un commentaire de Jean Philopon (traducteur inconnu).

On n'a conservé aucune autre mention des commentaires d'Olympiodore et de Thémistius, ni dans la tradition grecque ni dans la tradition arabo-syriaque. Le commentaire de Philopon est trés vraisemblablement celui conservé en grec. Avicenne est le seul philosophe arabe à le mentionner explicitement: cf. 35 S. H. Nasr and M. Mohaghegh (édit.) Al-Biruni and Ibn Sina: al-As'ila wa'l-Ajwibah (Questions and Answers) including the further answers of al-Birüni and al-

Ma'sümt's defense of Ibn Sínà, with English and Persian introductions, Tehran 1972, p. 13. Notons en outre que si l'on suppose qu'al-Kindi, au IX* siècle, connaissait le GC, il faut peut-être admettre que son collaborateur Ustät avait traduit, avec le commentaire d'Olympiodore, le texte d'Aristote lui-méme, sous

forme de lemmes.

DE GENERATIONE ET

CORRUPTIONE - TRADITION ARABE

313

Une donnée historique indépendante confirme l'existence d'une version arabe pré-ishäquienne du GC, remontant au moins à la premiere moitié du IX* siécle et disponible dans le milieu d' Al-Kindi. Le polymathe Ibn Qutayba (213/828-276/889), nous apprend, dans son 36 Kitab ta 'wil muhtalif al-hadit, Le Caire 1900, p. 60-61, que le protégé du calife al-Ma'mün, Muhammad b. al-Gahm al-Barmaki (fl. ca 820) possédait un exemplaire “du Livre de la génération et de la corruption, de la Physique et des Définitions logiques" auxquels il consacrait tout son temps (... fa-nagid mushafahu kutub Aristätälisa fi al-kawn wa-al-fasäd wa-al-kiyan wa-hudüd al-mantiq bihä yaqta'u dahrahu). Le passage est traduit dans 37 G. Lecomte, Le traité des divergences du hadit d'Ibn Qutayba (mort en 276/889), Damas 1962, p. 55 (8 56), et commenté dans 38 /d., « Muhammad b. al-Gahm al-Barmaki, gouverneur philosophe, jugé par Ibn Qutayba», Arabica 5, 1958, p. 263-271. p. 268 (et en part. n. 6). Il est dès lors particulièrement significatif qu'al-Kindi ait rédigé son Épître sur l'unicité de

Dieu et la finitude du corps du monde à la demande de Muhammad b. al-Gahm, qu'il qualifie d'ailleurs dans la préface de “frère digne de louange”; cf. sur ce point 39 J. van Ess, Theologie und Gesellschaft im 2. und 3. Jahrhundert Hidschra. Eine Geschichte des religiósen Denkens im frühen Islam, t. III, Berlin/New York 1992, p. 204-208, et 40 R. Rashed et J. Jolivet, (Euvres philosophiques et scientifiques d'al-Kindi, t. II: Métaphysique et cosmologie, coll. « Islamic philosophy, theology and science. Texts and Studies» 19, Leiden/Boston/Kóln 1998, p. 135-136). La désignation de la Physique par son titre ancien («sam'» al-kiyan et non par al-samä” al-tabi'i) et d'une œuvre logique "aristotélicienne" par le titre de l'ouvrage que "Abdisü' Ibn-Bihriz, Métropolite de Mossoul, dédia à Gibril b. Bahtisü' avant 827 (date de la mort de ce dernier), corrobore l'authenticité du renseignement fourni par Ibn Qutayba. Même si l'on admet la datation tardive du Ta'wil muhtalif al-hadit proposée avec de bonnes raisons par 41 G. Lecomte, [bn Quiayba (mort en 276/889): l'homme, son œuvre, ses

idées, Damas 1965, p. 90, "peu aprés 870", et quoi qu'il en soit de la validité de l'information qu'il nous délivre, ce passage d'Ibn Qutayba constitue la première attestation historique d'une version arabe du GC.

Hormis Philopon conservé en grec -- lui-même citant un certain nombre de fois le commentaire d' Alexandre d'Aphrodise -, on n'a conservé, de tous ces textes, que d'importants fragments arabes du commentaire d'Alexandre d'Aphrodise. Voir la notice « Alexandre d'Aphrodisias» A 112, DPhA I, 1989, p. 130-131. Les deux sources principales sont 5 (pour les versions latine et hébraique, voir 42 Averrois Cordubensis Commentarium Medium in Aristotelis De Generatione et Corruptione Libros, €d. P. H. Fobes et S. Kurland, Cambridge (Mass.) 1956, et 43 Averrois Cordubensis Commentarium Medium et Epitome in Aristotelis De Generatione et Corruptione Libros, éd. S. Kurland, Cambridge (Mass.) 1958; voir aussi 44 S. Kurland, Averroes on Aristotle's "De Generatione et Corruptione" Middle Commentary and Epitome. Translated from the original Arabic and the Hebrew and Latin Versions with notes and introduction,

Cambridge (Mass.) 1958) et le Kitäb al-Tasrif attribué à Gäbir ibn Hayyàn. C'est à 45 P. Kraus, Jábir ibn Hayyän. Contribution à l'histoire des idées scien-

tifiques dans l'Islám, t. 11: Jabir et la science grecque, Le Caire 1942 (réimpr. Paris 1986), p. 322, qu'on doit la découverte de l'importance de ce dernier pour la reconstitution du commentaire d' Alexandre aux chapitres II 2-5 du GC. Ce texte important est encore inédit. On en trouve des extraits dans 46 P. Kraus, Essai sur l'histoire des idées scientifiques dans l'Islâm, Le Caire/Paris 1935,

p. 392-459. Pour une liste des manuscrits connus, voir Sezgin 16, p. 255-256. Serra 13, p. 151 n. 12, et 47 G. Serra, «La traduzione araba del De generatione

et corruptione di Aristotele citata nel Kirab al-tasrif attribuito a Gabir», dans

314

ARISTOTE DE STAGIRE

A. Valvo (édit.), La diffuzione dell'eredità classica nell'età tardoantica e medie-

vale. Forme e modi di trasmissione, Alessandria 1997, p. 177-188 [version définitive du méme article parue dans Medioevo 23, 1997, p. 191-288] démontre, à l'issue d'une analyse philologique serrée, la pertinence de la conjecture de Kraus 45, p. 322: c'est bien la traduction de Matta ibn Yünus (la seule mentionnée du livre II) que cite l'auteur du Kiräb al-Tasrif. On note au passage que ce résultat réfute de manière décisive les tenants d'une datation haute pour l’ensemble du corpus jabirien. Voir en outre, sur ce sujet, l'importante contribution de 48 E. Gannagé, « Alexandre d'Aphrodise /n De generatione et corrupstione apud Gäbir b. Hayyan, K. al-Tasrif», DSTFM 9, 1998, p. 35-86. Cf. aussi 49 S. Fazzo, « Frammenti da Alessandro di Afrodisia In De generatione et corruptione

nel Kitäb al-Tasrif: problemi di riconoscimento e di ricostruzione», DSTFM 10, 1999, p. 195-203. Deux importants volumes collectifs ont été consacrés, entièrement ou en grande partie, à la tradition médiévale du G C: 50 J. M. M. H. Thijssen and H. A. G. Braakhuis (édit.), The Commentary

Tradition on Aristo-

tle's De generatione et corruptione. Ancient, Medieval and Early Modern, coll. «Studia Artistarum» 7, Brepols 199 et SI C. d'Ancona et G. Serra (édit.), Aristotele e Alessandro di Afrodisia nella tradizione araba, coll. «Subsidia Mediaevalia Patavina » 3, Padova 2002 (v. en part. les études d'E. Gannagé, S. Fazzo, H. Eichner, M. Zonta et G. Serra). Mentionnons enfin, étant donné son importance historique et philosophique, le débat autour de la «grande année» (magnus annus), intégré par Alexandre dans son commentaire au GC. La position d'Alexandre nous est connue par 52 Ibn Rusd, Gawami‘ al-Kawn wa-al-fasäd, éd. A. al-Taftazani et S. Zayed, Le

Caire 1991, p. 35-36, et 53 Averroes, Epítome del libro sobre la generación y la corrupción, edición y traducción: J. Puig Montada, Madrid 1992, p. 60-63 du texte arabe, p. 71-72 de la traduction espagnole (prédécente édition dans Rasa 'il Ibn Rusd, Hyderabad

1947 ; pour les versions latine et hébraique et une traduc-

tion anglaise, voir Áverroes Cordubensis 42, 43 et 44). Elle apparait en filigrane dans 54 Ibn Sinà, Al-Sifä’ (al-Tabi'iyyät). 3. Al-Kawn wa-al-fasad, éd. M. Qäsim, Le Caire 1969, p. 198. Avicenne, approfondissant les attaques

d'Alexandre, se livre à une critique radicale de la notion de grande année: l'astronomie

usant dans ses observations d'instruments gradués et dans

ses

calculs d’approximations des racines irrationnelles, le calcul de la grande année dépasse a priori les capacités humaines. Pour une étude de cette discussion et de son influence sur la théodicée leibnizienne, voir 55 M. Rashed, « Théodicée et approximation : Avicenne », ASPh 10, 2000, p. 223-257. MARWAN

RASHED.

MÉTÉOROLOGIQUES. TRADITION GRECQUE Cet ouvrage (338 a 20 - 390b 22), qui nous est parvenu en quatre livres, est précédé d'un prologue qui marque sa place à la fin des traités de physique. Quoique donnée comme traditionnelle (338 a 26-27), l'appellation uereopoλογία est employée par Aristote de façon plus spécialisée qu'elle ne l'était chez ses prédécesseurs ; elle n'englobe plus l'ensemble des phénomènes cosmiques, mais se restreint à l'étude des changements naturels affectant les éléments de la région sublunaire. Cf. 1 W. Capelle, « Μετέωρος, μετεωρολογία », Philologus 25, 1912, p. 414-448 ; 2 Id., « Zur Geschichte der meteorologischen Literatur»,

Hermes 43, 1913, p. 321-358. Pour une vue d'ensembie de la discipline, voir 2bis Chr. Cusset (édit.), La météorologie dans l'antiquité. Entre sciences et croyance, Saint-Étienne 2003, 512 p. Bien que de cette fagon l'expression μετεωρολογία et les termes apparentés aient reçu une fonction de désignation nouvelle — qui, au demeurant, ne se fixe pas tout de suite: il faut attendre la

renaissance de l'aristotélisme avec l'édition d'Andronicus (»*A 181) pour qu'elle devienne prégnante —, il est douteux que le Stagirite ait songé à ce déplacement sémantique : son sentiment parait bien plutôt être que par μετεωρολογία on pourrait continuer d'entendre la considération des choses célestes, mais qu'il

se trouve que tous ses prédécesseurs l'ont abordée selon un point de vue qui conviendrait mieux à l'étude des phénomènes de l’atmosphère, faute d'avoir séparé l’élément propre à la région supra-lunaire des quatre éléments «empédocléens ». Les catalogues d'Hésychius (n^ 150) et de Ptolémée (d’après la rétro-

version d'I. Düring, à partir des témoins arabes conservés) donnent respecti-

vement les titres Περὶ μετεώρων 8’ ἢ μετεωροσκοπικά et Περὶ μετεώρων δ΄, expressions sous lesquelles, semble-t-il, le traité -- ou en tout cas son sujet -- ont été classiquement désignés. Le titre donné par les manuscrits pourrait remonter à l'édition d'Andronicus, puisque c'est ainsi que le nomment Alexandre d'Aphrodise (»A 112) et Galien (»*G 3) (cf. pour ce dernier De naturalibus facultatibus III 7, p. 167 Kühn).

Sources manuscrites. Dans une cinquantaine de manuscrits, répertoriés dans 3 A. Wartelle, Inventaire des manuscrits grecs d'Aristote et de ses commenta-

teurs, Paris 1963 — en cours de remplacement par 4 P. Moraux, D. Harlfinger, D. Reinsch, J. Wiesner, Aristoteles Graecus, Berlin, t. I, 1976 —, certains des

plus importants comportent l'ensemble des traités de physique stricto sensu; E = Parisinus graecus 1853 (X* s.) ; J = Vindob. phil. gr. 100 (IX* s.); F= Laurentia-

nus 87/7 (XIlI*-XIV* s.) et H = Vat. gr. 1027 (XIII-XIV* s.). Études sur la tradition manuscrite: 5 C. Thurot, « Observations critiques sur les Meteorologica d' Aristote », RA 20, 1869, p. 415-420 ; 21, 1870, p. 87-93; 249-255 ; 339-346; 396-407 ; 6 F. H. Fobes, « A preliminary study of certain mss. of Aristotle's Meteorology », CR 27, 1913, p. 249-252;

7 Id.. « Textual problems in Aristotle’s

Meteorology », CP 10, 1915, p. 188-214; 8 J. Zahlfleisch, «Zur Meteorologie

des Aristoteles », WS 26, 1904, p. 43-61.

316

ARISTOTE DE STAGIRE Principales éditions. 9 J.L. Ideler (édit.), Aristotelis Meteorologica libri IV,

Leipzig 1834-1836, 2 vol. (contient des extraits des commentaires d' Alexandre,

Olympiodore et Philopon ; trad. et comm. latins; beaucoup d'informations sur les lectures de la Renaissance, dont F. Vicomercati, 1556, et F. Patrizi); 10 F. H. Fobes (édit.), Aristotelis Meteorologicorum libri quattuor, Cambridge (Mass.) 1918 (réimp. Hildesheim 1967); 11 H. D. P. Lee (édit.), Aristotle's Meteorologica (t. VII de l'Aristote de la coll. Loeb) 1952; réimpr. 1962; 12 P. Louis (édit.), Aristote, Météorologiques, CUF, Paris 1982, 2 vol.

Traductions. 13 1. Tricot, Les Météorologiques, Paris 1941; 14 E. W.. Webster, The Works of Aristotle translated into English. t. III, Oxford 1923 ; 15 P. Gohlke, Aristoteles Meteorologie, Paderborn 1955 ; 16 H. Strohm, Meteorologie, dans Aristoteles Werke in deutscher Übersetzung (Bd. 12), Berlin 1979 ;

17 L. Pepe, Aristotele, Meteorologica, Napoli 1982. Éditions et traductions séparées du livre IV. 18 I. Düring, Aristotle's Chemical Treatise: Meteorologica Bk. IV, Göteborg 1944; 19 C. Baffioni, // IV libro dei « Meteorologica» di Aristotele, Napoli 1981. Questions d'authenticité. Le point encore débattu concerne le livre IV. La paternité du prologue (I 1) a été suspectée par Vicomercati et (partiellement) contestée, au siècle dernier, par E. Martini et F. Susemihl (notamment le passage 338 a 26-27 qui évoque l'appellation ancienne du sujet) ; elle a été défendue par 20 W. Capelle, « Das Próomium der Meteorologie », Hermes 47, 1912, p. 514535. Que l'on admette ou non l'authenticité du quatri&me livre, toujours est-il qu'il faut reconnaitre que sa place n'apparait pas clairement dans le programme

dessiné dans le prologue (il est plausible de lui rapporter l'indication de 338b25: «en outre, toutes ces choses que nous pouvons considérer comme relevant de la

terre, qu'elles en soient variétés, parties ou modes de ces parties» ; malheureusement ce qui suit aussitôt renvoie clairement à II 4-8, de telle manière que le

prologue semble bien correspondre aux trois premiers livres, sans laisser de place pour le quatrième; cf. pour une tentative d'harmonisation, par transposition de 339a4-5 juste avant notre passage, W. Capelle 3, p. 533 et la critique de 21 H. Strohm,

Untersuchungen zur Entwicklungsgeschichte der aristotelischen

Meteorologie, coll. «Philologus » Suppl. bd. XXVIII/1, 1935, p. 1-85). Comme les catalogues d'Hésychius et de Ptolémée donnent un ouvrage en quatre livres et qu' Alexandre a commenté celui qui nous est parvenu, il est clair que la dispo-

sition que nous connaissons remonte au moins à l'édition d'Andronicus. Mais déjà elle ne satisfaisait pas Alexandre, qui, sans mettre en doute l'authenticité du livre IV, estimait qu’il n'était pas à sa place. Les objections que l'on peut adresser à l'organisation actuelle de l'ouvrage

se ramènent à un constat assez simple, qui a déjà été fait par les anciens, mais dont les modernes - ou certains d'entre eux - ont tiré des conséquences assez différentes. La fin de III 6, 378a 15- b 6, annonce une étude des choses qui résultent de la causalité de la double exhalaison (sèche et humide) lorsqu'elle agit à

l'intérieur de la terre, c'est-à-dire de la production des «roches» (ὀρυκτά) et des «métaux»; la cause générale en est indiquée dans cet endroit et ce qui est

LES METEOROLOGIQUES - TRADITION GRECQUE

317

annoncé pour la suite, c'est l'étude détaillée, corps par corps. Or le quatriéme livre, s'il traite de la formation des corps simples («homéoméres » et non pas tout à fait « élémentaires »), mixtes d'eau et de terre, ne réalise pas pour autant ce programme : la causalité des deux exhalaisons n'y joue pas de rôle organisateur

et de ce fait, la distinction entre « roches » et « métaux » n'y revêt pas d’importance particuliére. Deux questions se posent alors immédiatement: celle de l'existence ou non d'un traité aristotélicien dans lequel le programme indiqué à la fin du livre III aurait été mené à bien ; celle de la place exacte du livre IV dans

la série des traités de physique. A la premiere question, la réponse des commentateurs anciens est trés simple: Alexandre (in Meteor., p. 178, 12-15) et Olym-

piodore (in Meteor., p. 266, 33-36) déclarent ne pas connaitre de traité du Stagirite consacré à la question, mais indiquent, à sa place, un Περὶ utgeraAAevoμένων de Théophraste. Seul Philopon (in Meteor., p. 3, 14-19 ; p. 8, 37-9,

1;

cf.

encore in Phys., p. 1, 22-2, 2) prétend que le quatriéme livre étudie la formation des métaux et des minéraux non métalliques d'aprés les principes indiqués à la fin du livre IIl; mais cette déclaration se trouve dans le commentaire du début du prologue

du

livre I, alors qu'il semble

bien que Philopon

décrive par pure

anticipation (en utilisant le programme de la fin du livre III, ou un document qui en fait état) le contenu des livres suivants, dont son commentaire - s'il l'a écrit —

ne nous est pas parvenu. La tradition médiévale (latine) témoigne de ce que l'on

a voulu combler une lacune, en supposant que le Stagirite aurait complété son œuvre météorologique par un traité de la formation des minéraux (métalliques ou non), par l'insertion (généralement en appendice à la traduction latine des Meteorologica — par Gérard de Crémone, pour les trois premiers livres, et par

Henri Aristippe pour ce qui regarde le quatriéme) d'un petit traité (en trois courts chapitres) De mineralibus qui est en fait une traduction de trois chapitres du

Shifá d'Avicenne, due à Alfred de Sareshel (probablement vers 1200). Cf. 22 E. J. Holmyard et D.C. Mandeville (édit.), Avicennae de congelatione conglutinatione lapidum, being sections of the Kitäb al-Shifá', Paris 1927.

et

À ce que nous pouvons savoir, le transfert d'attribution de ces trois chapitres, d' Avicenne au Stagirite, ne s'est affirmé qu'assez lentement à partir de la seconde moitié du XIII s. et n'a jamais fait l'objet d'un accord unanime; il n'est pas le fait du traducteur latin, lui-même auteur d'un commentaire des Meteorologica: voir 23 J. K. Otte (édit.), Alfred of Sareshel's Commentary on the Meteora of Aristotle, Leiden 1988. Dans la tradition arabe les trois chapitres avicenniens sont célébres pour ce qu'ils contiennent une condamnation de la vanité de la prétention alchimique à transmuer les métaux, critique qui admet la possibilité d'une teinture profonde qui pourrait donner à un métal une apparence semblable à celle d'un autre, mais qui prétend que la transmutation est impossible, parce que les métaux différent par une différence qualitative substantielle. Cet argument n'est pas aussi aristotélicien qu'on pourrait le penser (à ce compte, il faudrait refuser également les transformations réciproques des quatre €léments) et il ne s'accorde en tout cas pas avec l'idée. mise en avant à la fin du livre III, selon laquelle les métaux résulteraient de la congélation de l'exhalaison humide, dans un milieu oü l'acüon combinée de l'exhalaison sèche explique l'aspect « pierreux» externe — formation de gangue — ou méme intrinsèque - par σύγκρισις - du minerai. Il paraît donc très difficile de supposer soit qu'Alfred de Sareshel ait traduit directement un texte « minéralogique» d'Aristote, faisant suite au livre Ill, comme l'a prétendu 24 F. de Mely, «Le lapidaire d’Aristote», REG 7, 1894, p. 181-191, soit que du moins Avicenne ait eu accès à un texte qui aurait constitué le livre IV original en lieu et place de celui dont nous disposons désormais, et

318

ARISTOTE DE STAGIRE

dont Philopon aurait eu connaissance, ainsi que l'a soutenu 25 Ing. Hammer-Jensen, « Das sogenannte IV. Buch der Meteorologie des Aristoteles», Hermes 50, 1915, p. 113-136, qui estime inauthentique (et attribue à Straton) notre actuel livre TV. Il demeure cependant que la

tradition arabe a connu sous le nom d’Aristote un traité sur les pierres — édité dans 26 J. Ruska, Das Steinbuch des Aristoteles, Heidelberg 1912 - ainsi qu'un traité des métaux, d'aprés le complément qu'Usaibia ajoute à la liste tirée du catalogue de Ptolémée: cf. 27 I. Düring, Aristotle in the ancient biographical tradition, Göteborg 1957, p. 231 et 246; 28 C. Baffioni, «Antiche liste arabe delle opere di Aristotele », RScF 29, 1976, p. 83-114. Les témoignages grecs que V. Rose a conservés dans 29 Arístotelis quae ferebantur librorum fragmenta, Leipzig 1886 (réimpr. Stuttgart 1967) n° 254-266, et qui sont relatifs à un traité des métaux, doivent en fait étre rapportés à un ouvrage (perdu) de Théophraste: cf. 30 R. Halleux, Le Problème des métaux dans la science antique, Liège 1974, App. I, p. 171-177.

Lorsqu'on renonce à deviner dans ces textes les traces d'une version du IV* livre différente de celle que nous possédons, on peut penser qu'en évoquant le projet d'un traité sur la formation des minéraux et en en indiquant le schéma explicatif à la fin du IT livre, Aristote n'avait pas nécessairement en vue un tra-

vail déjà fait, et qu'il n'est pas invraisemblable qu'il ait songé pour son exécution plutôt à l'un de ses disciples qu'à lui-méme: c'est bien ce que suggère Alexandre,

lorsque pour commenter

les indications de la fin du livre III, il se

refere à un ou deux ouvrages de Théophraste, plutót qu'au livre IV, qu'il juge bien d'Aristote, mais étranger aux « Météorologiques ». L'idée que le livre IV réalise tout de méme le dessein de la fin du livre IV a été défendue par 31 D. E. Eichholz, « Aristotle's theory of the formation of metals and minerals», CQ 43,

1949, p. 141-146, repris dans 32 Id. (édit.), Theophrastus de lapidibus, Oxford 1965, p. 38-47 (en dehors de sa prise de position sur la question de la continuité entre le livre IV et l'annonce faite à la fin du précédent, cet article a exercé une influence par l'effort pour rendre compte au moins des processus de formation

des métaux). L'absence de continuité est, dans l'ensemble, plutót reconnue, soit en supposant l'abandon du plan de la fin du livre III, parce qu'impraticable — ainsi 33 F. Solmsen, Aristotle's system of the physical world, Cornell Univ. Press, p. 401-404 (Solmsen, de surcroit, n'admet pas l'authenticité de ce livre: cf. 34 Id., c. τ. de l'édition de H. D. Lee dans Gnomon 29, 1957, p. 131-134), suivi par Halleux 30, p. 103-105 -, soit en supposant simplement que le livre prolonge le De Generatione et Corruptione, plutót que ce qui le précéde dans les Météorologiques — ainsi Düring 18, ou en supposant une forte différence chronologique entre le livre IV et les trois précédents — ainsi 35 P. Gohlke, « Die Entstehungsgeschichte der naturwissenschaftliche Schriften des Aristoteles», Hermes 59, 1924, p. 274-306 (pour qui le livre IV est une œuvre précoce).

Ceux qui ont rejeté la paternité aristotélicienne du IV* livre pour la transférer à l’un de ses successeurs ne se sont pas contentés, pour ce faire, du constat de disparate avec les livres précédents. On a souligné l'effacement — reconnu par l'auteur, 390a3 - de la cause finale ; surtout, dans les chap. 8 et 9, le róle des

« pores » pour expliquer les différences entre les corps qui réagissent à la pénétration par l'eau par amollissement ou par fusion, au choc, par brisure ou par fragmentation, à la pression par contraction ou non, qui se laissent ou non étirer ou modifier en configuration, qui sont ou non combustibles; enfin on a mis en

LES METEOROLOGIQUES - TRADITION GRECQUE

319

avant le rôle de l’ävrineplotaotç (surtout en 4, 382a 11-14) pour expliquer la différence de comportement entre deux corps qui ne résistent pas, mais dont l’un est seulement mou tandis que l'autre fuit (comme l'eau). Cf. 36 H. B. Gottschalk,

«The Authorship of meteorologica bk. IV», CQ 11, 1961, p. 67-79 (attribution à Théophraste), suivi par Strohm 16, critiqué par 37 L. Pepe, « A proposito del IV libro dei Meteorologica di Aristotele», AAP 89, 1978, p. 503-523, et (partiellement) défendu par 38 H. Strohm, « Beobachtungen zum vierten Buch der aristotelische Meteorologie », dans 39 P. Moraux et J. Wiesner (édit.), Zweifelhaftes

im Corpus Aristotelicum (Akten der 9. Symposium Aristotelicum), Berlin 1983, p. 94-115. Un transfert d'attribution demande qu'on établisse la plausibilité aussi du cóté de celui qui en bénéficie. Si l'attribution à Straton est peu vraisemblable pour des raisons chronologiques (dans la mesure où l'on admet que les renvois des traités biologiques à notre texte ne sont pas des interpolations tardives) et parce

que ce que nous savons de lui ne s'accorde guère avec l'orientation de la fin de l'ouvrage

(cf. 40 H. B. Gottschalk, Strato of Lampsacus:

some texts, Leeds

1965), l'attribution à Théophraste resterait assez plausible, du moins dans les limites précisées par Gottschalk: on serait en présence d'une réélaboration d'un cours du Stagirite, dans laquelle seuls les chap. 8 et 9 seraient effectivement de Théophraste. Cependant les éléments sur lesquels on pensait pouvoir s'appuyer de préférence à cette fin ne permettent pas de conclusion si nette. Ainsi de Τ᾿ ἀντιπερίστασις l'auteur du livre IV fait un usage restreint et qui n'est pas trop en désaccord avec l'emploi (ou les divers emplois) qu'en fait le Stagirite par ailleurs, mais qui contraste avec la fagon dont Théophraste l'a érigée en explication passe-partout : cf. 41 W. Burnikel, Textgeschichtliche Untersuchungen zu neuen Opuscula Theophrasts, Wiesbaden 1974, p. 162-167, et 42 A. M. Battegazzore, « Aristotelismo e anti-aristotelismo nel De igne teofrasteo », Elenchos 5, 1984, p. 65-102 (notamment p. 63-69).

L'attitude actuelle de l'exégése tend à insister davantage sur la situation de transition du livre IV vers les traités biologiques — ainsi, outre Pepe 17 et 37 et Baffioni 19, p. 240-244, 43 D. Furley, « The mechanics of Meteorologica 1V. A prolegomenon to biology », dans 39, p. 73-93 — et à renoncer à y chercher la réalisation du programme d'un traité de « chimie » (des métaux et des minéraux) évoqué au livre III. Cf. toutefois pour un essai intéressant de lecture selon cette direction 44 H. Happ, « Der chemische Traktat des Aristoteles. Meteorologie IV», dans Synusia. Festgabe W. Schadewald, Pfullingen 1965, p. 289-322, et 45 Id., Hyle. Studien zum aristotelischen Materie-Begriff, Berlin 1971, p. 519558. Aperçu d'ensemble et problèmes. Pour ia situation de l'œuvre dans l'histoire de la discipline, voir 46 O. Gilbert, Die meteorologische Theorien des

griechischen Altertums, Leipzig 1907 ; Capelle 2; pour la place du traité dans l'œuvre d' Aristote, Solmsen 33, V* partie.

Aux phénomènes météorologiques proprement dits sont consacrés les trois premiers livres. Apres le prologue, deux chapitres (1 2 et 3) sont consacrés au

320

ARISTOTE DE STAGIRE

rattachement de cette étude au De Caelo (livres 1 et II). La division des phéno-

mènes météorologiques tient toute entière dans la distinction des deux sortes d'exhalaisons, séche (qui est «plutöt commme un souffle ») et humide (qui est plutôt du type de la vapeur); du fait que l'exhalaison sèche s'éléve, les phénomènes auxquels elle va donner lieu se produisent dans les strates élevées de la région sublunaire, ils sont étudiés en I 4-8 (il s'agit ici des phénomènes que l'on peut considérer comme relevant purement de l'exhalaison séche ; les plus célebres sont les étoiles filantes, les aurores boréales, les cométes et la voie lactée — qui, on le voit, est considérée comme située dans la région sublunaire). Ar. distingue (chap. 7) deux sortes de cométes: les unes sont formées dans la partie haute de la région sublunaire par l'embrasement (du fait du mouvement de l'éther) d'une exhalaison

séche, allumée par un effet igné de force modérée; ces cométes, qui ressemblent aux étoiles filantes, à cette nuance prés qu'elles ne donnent pas l'impression d'étre projetées, sont présentées comme des formations autonomes [définition de la comète 344a32-35; le sens de

l'expression ἀστήρ... ἔχων ἐν αὐτῷ πέρας xal ἀρχήν semble être que la comète est une étoile filante dont la combustion s'effectue sans qu'elle ait besoin d'une rénovation de combustible; de ce fait elle ne donne pas l'apparence d’être projetée, conserve la méme orbite et la

méme configuration; il se pourrait qu'il faille corriger αὑτῷ en αὐτῷ scil. τόπῳ]. L'autre sorte de comète est produite par l'embrasement de l'exhalaison sous l'action du mouvement d'un astre particulier, étoile ou planète, et de ce fait, elle en accompagne le mouvement et donne l'impression d’être sa «chevelure» ou sa «barbe» ; ce passage. 344a 35-b 17, offre une difficulté dans la mesure où il laisse apparemment ouverte l'éventualité que ce second type de cométe se forme dans la région supralunaire, c'est-à-dire que l'exhalaison séche puisse s'élever jusque là: à moins qu'il ne faille penser que tout en se formant au sommet de la région sublunaire, la cométe ne reste attachée à la course de l'astre - comme un halo - par une

sorte d'attraction.

La deuxième catégorie de phénomènes météorologiques a pour base l'exhalaison humide (ou vapeur) et elle se produit dans une région qui est commune à l'air et à l'eau; les plus simples de ces phénoménes sont les nuages, pluies, gelées et rosées (I 9-12). On inclut dans la discipline «météorologique » l'explication de l'origine des cours d'eau et des sources (I 13) de la mer, y compris

dans les changements séculaires de ses rapports avec la terre (I 14-II 3). Ce groupe de «phénomènes » a manifestement aux yeux d' Aristote de l'affinité avec les vents (étude annoncée en I 13, 349a 12- b3, mais effectivement menée

en II 4-6). La réserve que l'on peut émettre à l'endroit de ce regroupement, c'est bien entendu que la mer et les cours d'eau relévent certes, de l'élément humide,

mais ne sont pas à proprement parler formés par une exhalaison ; cependant, il est clair que ce qui suggère leur rattachement aux phénomènes qui ont pour base l'exhalaison, c'est d'une part que l'explication de l'origine des sources et cours d'eau a quelque chose à voir avec les pluies (méme si la théorie d' Aristote est plutót que l'eau des sources est produite par le recueil de pluies dans les roches, qui agissent comme des éponges, et par une filtration, qui suppose que les roches agissent aussi comme des condensateurs) et d'autre part, ceci souligne — ce que l'emploi du terme « phénomène » pourrait nous faire perdre de vue, du moins en raison de ses connotations modernes — que, pour Aristote, la rosée ou la mer sont

des réalités de méme statut: ce sont des parties du kosmos, formées par l'interaction de causes (exhalaisons et mouvement selon l'écliptique) qui ne sont pas

LES METEOROLOGIQUES - TRADITION GRECQUE

321

toujours dans le méme rapport l'une avec l'autre, si bien que ces parties ne sont pas éternelles quoique les conditions de leur production le soient (il y aura toujours des mers, mais pas toujours aux mêmes endroits, de méme qu'il y aura toujours des rosées, quoique rarement sur les mémes objets). L'explication de la salinité de la mer (II 3), comme commixtion d'exhalaison séche, mais à titre de résidu (1. e. comme quelque chose qui n'a pas été dominé) donne un bon exemple du probléme général posé par la doctrine des formations mixtes: elles se produisent, de manière générale (et ceci se répète à plusieurs niveaux) lorsqu'au lieu que l'affrontement de qualités opposées donne lieu à l'absorption de l'une par l'autre, elles s'équilibrent, soit pour former un état de qualité intermédiaire (cf. pour ceci GC 11 7), soit pour former un mélange sans fusion dans lequel l’un des deux opposés apporte sa qualité à titre de résidu; mais que signifie au juste l'appréciation des rapports de forces entre particules opposées ? Quoi qu'il en soit, le cas de la salure de la mer a aussi ceci de commun avec celui des vents et des phénomènes apparentés (tremblements de terre, tonnerre, ouragans et typhons cf. IT 7-1II 1), qu'il s'agit de emétéores» dans la production desquels, ou bien l’exhalaison sèche se produit dans une région qui n'est pas naturellement la sienne, ou bien l'on a une interaction des deux exhalaisons. On peut donc estimer que si la fin du deuxième livre et le premier chapitre du troisième paraissent revenir aux phénomènes qui relèvent de l'exhalaison sèche, c'est toutefois en la considérant comme un facteur qui joue son róle dans des conditions impures. Les chap. 2à 6 du livre III, enfin, étudient des phénomènes qui ne sont justement que des apparences: halos, arcs-en-ciel, parhélies et raies solaires. Les exhalaisons jouent un róle pour rendre compte des circonstances oü ces apparences peuvent se produire — par exemple pour la multiplication des effets catoptriques —, mais il s'agit d'apparences, et pas de génération véritable.

La méthodologie employée dans l'explication de ces phénomènes a rarement, et généralement sans grande réussite, été examinée ; signalons l'essai de 47 C. Freeland, « Scientific explanation and empirical data in Aristotle's Meteorology», dans D. Devereux et P. Pellegrin (édit.), Biologie, Logique et Métaphy-

sique chez Aristote, Paris 1990, p. 287-320, pour rattacher le cas des Meteorol. à un débat sur les róles respectifs du paradigme des Anal. Post. et de la « méthode des endoxa ». — Divers aspects de la théorie ont fait l'objet d'examens particuliers, les intégrant dans l'histoire d'une discipline; au premier chef l'explication de l'arc-en-ciel, remarquable en ce qu'il s'agit de l'unique exemple de « mathématique appliquée » chez Aristote : cf. 48 C.B. Boyer, The Rainbow, Princeton 1959, chap. 2 (avec renvoi aux travaux antérieurs), et 49 Th. Heath, Mathematics in Aristotle, Oxford 1949, chap. 8. 50 G. Picolet, Les Sources et le contexte historique de la théorie aristotélicienne de l'arc-en-ciel, Thése de l'Université de Paris X, 1982, 403 pages dactylographiées (étude très complète des problèmes posés par ce passage et de leur histoire); 51 /d., « Un paragraphe déplacé

dans les “Météorologiques” d' Aristote », REA 76, 1974, p. 232-236 (propose de déplacer les lignes 372b 17-21 à la suite de 372217) ; 51bis Anne Merker, « Aristote et l'arc-en-ciel : enjeux philosophiques et étude scientifique », AHES 56, 2002, p. 183-238 ; Siter B. Vitrac, « Note textuelle sur un (probléme de) lieu géométrique dans les Météorologiques d' Aristote (III. 5, 375 b 16 — 376 b 22)», AHES 56, 2002, p. 239-283. — Pour la géographie de I 13, cf. note de Lee 11, p. 102-105. — Pour le róle des montagnes (condensatrices d'humidité, mais ne

jouant pas de röle dans la formation des vents), cf. 52 W. Capelle, Bergen und Wolkenhöhen bei griechische Physikern, Heidelberg 1916. Il semble bien qu'au sein méme du Lycée, l'orientation suivie par le Stagirite ait été contestée. Dans

322

ARISTOTE DE STAGIRE

les œuvres de Théophraste, le De Ventis donne des explications trés différentes de celles de II 4-6: cf. 53 V. Coutant et V.L. Eichenlaub (édit.) Theophrastus de

Ventis, Notre Dame 1975. Pour le De igne, cf. Battegazzore 42. La Méteorologie de Théophraste nous est surtout connue par les traductions arabe et syriaque; un passage s'en trouve inséré dans le ms. syriaque Gg 2. 14 de Cambridge à l'intérieur du Compendium

de Aristotelis philosophia de Nicolas de Damas

(lequel par ailleurs, suit assez fidélement la série des traités de physique d'Ar., en insérant, comme on sait, la Métaphysique entre la Physique et le De Caelo) ; cf. 54 H. J. Drossaart Lulofs, « The syriac translation of Theophrastus' Meteorology », dans Autour d'Aristote, Mélanges A. Mansion, Louvain

1955, p. 433-

449 ; édition par 55 H. Daiber dans W. Fortenbaugh et D. Gutas (édit.), Theophrastus:

his psychological, doxographical and scientific writings, Rutgers

Univ., New Brunswick 1992. Commentaires anciens.

Il nous en est parvenu

trois:

(1) 56 Alexandre

d'Aphrodise, éd. M. Hayduck, CAG III 2, Berlin 1899. La version latine de ce commentaire, par Guillaume de Moerbeke, a été éditée par 57 A.J. Smet CLCAG, Louvain 1968. Une traduction anglaise du commentaire du livre IV a été publiée par 57bis E. Lewis, Alexander of Aphrodisias, On Aristotle Meteorology 4, transl. by E. L., coll. ACA, London 1996. (2) 58 Olympiodore, éd. W. Stüve, CAG XII 2, Berlin 1900. (3) 59 Jean Philopon, CAG XIV 1, éd. M. Hayduck, Berlin 1901.

Traductions médiévales. Traduction arabo-latine par Gérard de Crémone, à partir de la traduction arabe de Yahyä Ibn al-Bitriq : une édition préliminaire du livre I a été donnée dans la these de 60 P. L. Schoonheim, Aristoteles Meteorologie in arabischer und lateinischer Übersetzung. Textkritische Ausgabe des ersten Buches, Leiden 1978 [traduction latine avec, en regard, le texte arabe]. L'édition

complete

des

textes

arabe

et latin

figure

maintenant

dans

60bis P.L.

Schoonheim, Aristotle's "Meteorology" in the Arabico-Latin tradition: a criti-

cal edition of the texts with introduction and indices, coll. « Aristoteles SemiticoLatinus» 12, Leiden 2000, L-209 p., 3 index. L'identification d’Ibn al-Bitriq comme premier traducteur des Météorologiques (au début du IX* siécle), a été

effectuée par 61 C. Petraitis, The Arabic version of Aristotle's Meteorology, Beyrouth 1967, qui édite (d'aprés le manuscrit /stambul, Yeni Cami 1179) ce qui

n'est, manifestement, qu'un compendium. C. Petraitis suggérait qu'Ibn al- Bitriq avait traduit une version syriaque de Sergius de Res'aina,

mais aucun texte

n'autorise cette hypoyhése. Le commentaire d'Alfred de Sareshel sur cette traduction arabo-latine a été édité par Otte 23. — La traduction du IV“ livre par Henri Aristippe pourrait n'avoir pas été faite à partir de l'arabe; celle de Guillaume de Moerbeke (traduction de la totalité) est évidemment faite sur le grec: cf. 62 L. Minio Paluello, « Henri Aristippe, Guillaume de Moerbeke et les traductions latines médiévales des Météorologiques», RPhL 45, 1947, p. 206-235, et le répertoire donné dans Baffioni 19, p. 403-430. Neuf études sur le livre IV, les commentaires d' Alexandre d'Aphrodise et d'Olympiodore, ainsi que sur la survie de ce livre dans la tradition arabe et latine médiévale, principalement

LES METEOROLOGIQUES - TRADITION GRECQUE

323

alchimique, ont été rassemblées par 62bis Cristina Viano (édit.), Aristoteles chemicus: il IV libro dei "Meteorologica" nella tradizione antica e medievale a cura di C. V., coll. «International Aristotle Studies» 1, Sankt Augustin 2002,

206 p. BERNARD BESNIER.

METEOROLOGIQUES. TRADITION SYRIAQUE, ARABE ET LATINE Les Météorologiques occupent dans le corpus grec une position centrale, ce

qui est confirmé par l'ordre des sujets discutés : les Météorologiques sont placées entre les traités théoriques (Physique, Du ciel, De la génération et de la corrup-

tion) et les traités appliquant ces théories (Des plantes, Histoire des animaux), tous ces sujets étant énumérés dans le programme défini par Aristote lui-même en Météor. I 1 (338220 -339a 10). Le traité est donc présenté comme une application des théories précédemment exposées. Déjà le Περὶ τῆς ᾿Αριστοτέλους φιλοσοφίας de Nicolas de Damas (603-20?) situe dans son exposé des doctrines d' Aristote les Meteor. après Du ciel et De la génération et de la corruption, et avant Des plantes et V Histoire des animaux. Le traité Des plantes est partiellement conservé en version syriaque (cf. 1 H. Drossaart Lulofs, Aristoteles Semitico-Latinus : Nicolaus Damascenus « De plantis ». Five translations ed. and introd. by H.J. D.L. and E.L.]. Poortman, coll. « Verhandelingen der Koninklijke nederlandse akademie van wetenschappen. Afd. letterkunde. Nieuwe reeks» 139, Amsterdam 1989, xv1-730 p., p. 11 et 26). Cet ordre des traités qui place les Meteor. au milieu de la série, subsistera chez Averroes, Avicenne, en

partie chez al-Färäbi, de méme que chez d'autres auteurs.

L'immense popularité dont ont joui les Météorologiques dans l'Antiquité s'est maintenue tout au long de la tradition syriaque, arabe et hébraique d'une part, latine d'autre part. En étudiant les discussions antiques sur les éléments et leurs propriétés, les périodes byzantine et médiévale arabe et latine ont élaboré des théories nouvelles

dans

le cadre

de commentaires,

de compilations

et de

manuels. Les écrivains de langue syriaque ont incorporé la théorie météorologique d’Aristote dans leurs introductions à l'Écriture sainte. Les arabes ont pratiqué la météorologie en tant que partie de leur philosophie, essayant de réconci-

lier la vision grecque paienne avec celle de l'Islam. Forme littéraire de la tradition des Météorologiques. La popularité du traité sur les Météorologiques se manifeste dans une tradition scolaire pratiquement ininterrompue s'étendant de l' Antiquité classique au XVI s. Cette tradition s'est

matérialisée sous la forme d'une catena exégétique, dans laquelle le développement de nouveaux éléments est devenu aussi important que le texte commenté et

immuablement transmis. Les commentateurs arabes qui ont été traduits en latin sont témoins de ces activités. Les Arabes par exemple ont traité de la galaxie d'une autre manière que dans le texte grec original (Meteor. 1 8, 345 a 11-346 b 15:

al-Bitriq I, 4, lignes 128 sqq.). Avicenne, dans son Liber quartus naturalium,

De actionibus et passionibus qualitatum primarum, p. 66, ligne 66 et 68 et aliae (cité d'aprés l'édition latine; pour l'arabe, voir l'édition de 2 Ibrahim Madkour et Mahmoud Qassem, Al-Sifä’ fann 4 : AI-Af àl wa-al-infi'älät, Le Caire 1969),

a supprimé la distinction entre homéomères et anhoméornéres qui tient une place importante dans le texte grec.

Traces

d'une

version

syriaque.

Nous

trouvons

dans

le Candelabrum

Sanctuarii de Barhebraeus (1225-1286) quelques citations mais on ne connait

pas la source de ces citations qui correspondent à la version arabe de Ibn al-

LES MÉTÉOROLOGIQUES - TRADITION SYRIAQUE. ARABE ET LATINE

325

Bitriq (ca 800). Ou bien Barhebraeus cite notre texte, dont il possédait la traduction syriaque, ou bien il cite une source commune à notre texte et au Candelabrum (éd. 3 Jan Bakös, Le candélabre des sanctuaires de Grégoire Aboulfaradj dit Barhebraeus, Turnhout 1974- (reprod. en fac-sim. de l’éd. de Paris

1930-). Versions arabes de Hunayn

et d'Ibn al-Bitrig.

Nous

possédons

deux

versions arabes des Météorologiques. La première, due à Yahya ibn al-Bitriq, a été éditée par4 C. Petraitis, The Arabic version of Aristotle's Meteorology, coll. «Recherches publiées sous la direction de l'Institut de lettres orientales de Beyrouth » 39, Beyrouth 1967; nouvelle édition, avec la traduction latine de Gérard de Crémone, dans 5 P.L. Schoonheim, Aristotle’s "Meteorology" in the

Arabico-Latin tradition: a critical edition of the texts with introduction and indices, coll. « Aristoteles Semitico-Latinus » 12, Leiden 2000. L-209 p., 3 index. La seconde version, en vérité un compendium et non une traduction, a été com-

posée par Hunayn ibn Ishäq : éd. 6 H. Daiber, Ein Kompendium der aristotelischen Meteorologie in der Fassung des Hunayn ibn Ishaq (Jawami' abi Zayd Hunayn ibn Ishaàq al-'Ibadi li-kitab Aristutalis fi l-ätär al-'ulwiyya), coll. « Aristoteles Semitico-Latinus » 1, Amsterdam 1975. Les deux versions remon-

tent à l'original grec, mais n'ont rien de commun entre elles en termes de paralléles textuels. Une bréve description de la tradition arabo-latine figure dans 7 P.L. Schoonheim, « Noch einmal über die alten Metheora », dans G. Endress et

M. Schmeink, Akten des II. Symposium Graeco-Arabicum Ruhr-Universität Bochum, 3.-5. Mürz 1987, mit einer Synopse des Symposium Graeco-Arabicum I Wassenaar, Amsterdam

19.-21.

Februar

1985, coll.

« Archivum Graeco-Arabicum»

1989, p. 67-70, mais on doit maintenant

consulter

l'introduction

1, à

l'édition de Schoonheim 5. C'est sous le nom d'Aristote que la totalité des informations météorologiques dues à Aristote lui-méme, à ses successeurs ou à

d'autres courants philosophiques, est connue. Les influences néoplatoniciennes sont assez marquées. En ce qui concerne la version arabe d' al-Bitriq, qui est une version incompléte

paraphrasant le texte grec, elle contient entre autres des

fragments (interpolés) des commentateurs postérieurs. Les sources sont pour la plus grande partie inconnues. Il en résulte que la version arabe est plus élaborée, plus concrète, mais pas toujours plus claire. Le texte arabe a un caractère étiologique plus marqué, c'est-à-dire qu'il s'applique à définir systématiquement les causes des phénomènes météorologiques (le tonnerre, la foudre, la pluie, etc.). Les autorités citées par Aristote y figurent également, mais leurs opinions sont

réfutées comme dans un débat par le Philosophe. La version arabe est plus bréve que le texte grec original et l'ordre des chapitres différe considérablement. Le

texte arabe refléte vraisemblablement la version syriaque intermédiaire (comme l’attestent les syriacismes habituels), ainsi que l'archétype grec qui devait étre une compilation scolaire effectuée à partir des Météorologiques grecques. On connaît des compilations analogues produites dans les écoles alexandrines, comme le Livre des trésors de Job d'Édesse, publié par 8 A. Mignana (édit.), Encyclopaedia

of philosophical and natural sciences as taught in Baghdad

326

ARISTOTE DE STAGIRE

about A.D. 817 or Book of Treasures by Job of Edessa. Syriac text edited and translated with a critical apparatus by A. M., Cambridge 1935.

Alexandre d’Aphrodise et Olympiodore. Après les Meteor. d' Aristote, qui constituent un sommaire des opinions qui avaient été défendues jusqu'à son époque et qui ont profondément marqué la tradition scolaire ultérieure, ont été composés les grands commentaires d'Alexandre d'Aphrodise (»*A 112), puis des néoplatoniciens Olympiodore et Jean Philopon. Dans la mesure oü ces commentateurs ont été connus des Syriens et des Arabes, leurs commentaires ont introduit des éléments néoplatoniciens dans les milieux syriaques et arabes. Des trois commentaires grecs, celui d'Alexandre et celui d'Olympiodore (qui dépend d'Alexandre) ont été connus des Arabes. Olympiodore, qui est trés important et qui a conservé soigneusement les opinions de ses prédécesseurs, a été traduit en arabe, mais à partir d'un texte grec très différent de celui qui a été transmis par la tradition directe. Il a été édité par 9 'A. Badawi, Commentaires sur Aristote perdus en grec, Beyrouth 1971, p. 95 (arabe) sqq. Le commentaire d'Alexandre d'Aphrodise a disparu, mais il est cité par Samuel b. Tibbon dans sa version hébraique d'al-Bitriq: cette version, achevée en 1210 sous le titre Orot haShamayim [Les signes des cieux], a été éditée par 10 R. Fontaine, Oto! haShamayim, Samuel Ibn Tibbon's Hebrew Version of Aristotle's Meteorology. A critical edition with introduction, translation, and index, coll. «Aristoteles Semitico- Latinus » 8, Leiden 1995. Théophraste. Selon 11 R. Reitzenstein, Theophrast bei Epikur und Lukrez, coll. «Orient und Antike » 2, Heidelberg 1924, les Météorologiques de Théophraste (371-287) constituent une version indépendante. Des recherches récentes (cf. 12 H. Daiber, « The Meteorology of Theophrastus in Syriac and Arabic Translation», dans W. Fortenbaugh et D. Gutas (édit.), Theophrastus: his psychological, doxographical and scientific writings, coll. «Rutgers University studies in classical studies» 5, New Brunswick 1992, p. 166-293, qui contient l'édition par H. Daiber des traductions syriaque et arabes de la Meteorologie de Théophraste) ont démontré que Théophraste a apporté d'importantes contributions aux théories météorologiques, s'efforcant non pas d'imiter Aristote, mais de le compléter sur divers points. Théophraste fut connu en Orient, comme l'attestent des extraits de son traité sur les Météorologiques conservés dans le commentaire de Bar Kepha (813-903) sur l'Hexaemeron. Sur les écrits météoro-

logiques de Théophraste, voir 13 O. Regenbogen, art. «Theophrastos », RESuppl. VII, 1940, col. 1408-1423. De la traduction syriaque, il ne subsiste qu'un fragment dans un manuscrit unique, dont l'édition la plus récente a été donnée dans Daiber 12. Deux traductions arabes de Théophraste sont connues : une version brève par Bar Bahlüi (x° s.) (il s'agit d'un extrait], faite à partir d'une traduction syriaque, a été publiée

pour la premiere fois, à partir d'un seul manuscrit, par 14 G. Bergsträßer, Neue meteorologische Fragmente des Theophrast, dans SBAkadHeidelberg 1918 : 9, Heidelberg 1918 ; on consultera désormais l'édition critique donnée dans Daiber 12. La seconde version, complète, et faite également à partir du syriaque par Ibn

LES MÉTÉOROLOGIQUES - TRADITION SYRIAQUE, ARABE ET LATINE

327

Suwär ibn al-Hammär (943-ca 1030), a fait l'objet d'une premiere édition en facsimilé par 15 F. Sezgin, ZGA/W

1, 1984, 9-16 (arabe) ; voir désormais l'édi-

tion critique de Daiber 12. Gráce à ces textes on pourra, selon Daiber, reconstituer les Météorologiques de Théophraste. Les fragments conservés comprennent plusieurs paragraphes sur diverses questions météorologiques. Le texte d’Ibn al-

Hammar indique pour chacun des phénomènes météorologiques sa cause propre ; il énumére par exemple sept causes pour le tonnerre. Parmi les manuscrits, certains conservent le texte arabe, sous la forme d'un fragment attribué à Avicenne. Le fragment a été publié en sous le titre 16 Risala fi dikr asbab al-ra'd, à Hyderabad en 1934, p. 2-6. Tradition arabo-latine. La version arabe d'al-Bitriq est à la base de la tradi-

tion arabo-latine. Gérard de Crémone, traducteur prolifique, a donné une traduction des Météorologiques, connue comme vetus translatio, probablement apres 1150. Il reproduit habituellement le texte arabe de verbo ad verbum, selon une méthode rigoureusement littéraliste. En méme temps, il a enrichi sa propre traduction d'éléments linguistiques arabes. On peut donc dire qu'il a produit un nouveau manuscrit arabe par le biais de sa traduction latine. La vetus translatio de Gérard de Crémone est le prédécesseur de la translatio nova de Guillaume de Moerbeke (11286). Les deux versions sont absolument

indépendantes entre elles. La version latine de Gérard de Crémone, parfois incompréhensible à force de littéralité, a servi — sous une forme adaptée — de point de départ à Albert le Grand. Celui-ci l'a utilisée pour pour ses Meteororum Tractatus Quattuor (édité par 17 A. Borgnet, Paris 1890, t. IV). Albert le Grand a en effet conservé des tournures de phrase de Gérard de Crémone et a transmis, par là, à l'Occident des traces de la tradition orientale. Ensemble, les textes grec, syriaque (perdu), arabe, hébreu, latin, et la réception de cette derniére version chez Albert le Grand et d'autres savants, forment une tradition trés riche. La réception des Météorologiques par les auteurs arabes. Les emprunts des philosophes arabes aux Météorologiques sont trés fréquents, mais aussi trés divers de nature. La méthode de citation d’al-Kindi, par exemple, differe considérablement de celle des Ihwän al-Safa'. Leurs sources étaient différentes aussi. Le texte de Bitriq et celui de Hunayn occupent une position-clé dans la tradition arabe. Les développements des catégories scientifiques sont assez diffus et trés compliqués. C'est pourquoi il est difficile d'indiquer un développement dans la science arabe sur les Météorologiques. De surcroit, les sources sont contaminées,

par exemple par des ouvrages d'astronomie, comme c'est le cas chez al-Birüni. L'aspect le plus intéressant reste l'analyse des méthodes de citation des sources

grecques et des apports nouveaux des auteurs arabes au matériel traditionnel. Tous les grands philosophes se sont intéressés aux Météorologiques d’Aristote: al-Kindi (t aprés 870) fait des remarques importantes à ce sujet (Rasàá 'il al-Kindi, II, p. 98, ed. Abu Rida [1953]). Avicenne (ca 1000), dans son

Kitàb al-Sifa'

(18 Al-Tabi'a. 5 Al-Ma'àdin

wa-al-ätär al- 'ulwiyya, ed. 1.

Madkour, Le Caire 1965), et Averroes (1126-1198), dans son Kitäb al-Atar al-

328

ARISTOTE DE STAGIRE

‘ulwiyya (ed. Hyderabad 1947) et son Sarh Fi al-atär al-'ulwiyya: (commentaire complet conservé dans les mss Berlin, Ahlward 5060, fol. 112-124, et Oxford, Pockocke 206 (édition en préparation par M. Lettinck à Amsterdam]), ont écrit des commentaires complets des Météorologiques d' Aristote. Ibn Bägga a lui aussi écrit un commentaire complet. Selon Qifti (Ta rih al-hukamá ', p. 279), il

existait aussi un commentaire d’al-Färäbi, mais il est perdu. Les Murüg al-dahab de Mas'üdi citent les Météorologiques plusieurs fois d’après le texte d'al-Bitriq (19 Murüg l-dahab, ed. Ch. Pellat, 1-5, Beyrouth 1965-1974), et on relève

d'autres citations dans les Ihwan al-Safá'. En outre, Gäbir b. Hayyän, ‘Ali b. Rabban al-Tabari, Tabit b. Qurra, al-Räzi, Ibn al-Haytam et d'autres ont contri-

bué aux études météorologiques chez les Arabes. On trouvera dans Sezgin (GAS, t. VII, p. 201-305), une recension préliminaire de tous les auteurs arabes ayant

œuvré dans ce domaine. Une comparaison systématique entre les thèses d'Aristote et celles développées dans les commentaires grecs de Philopon et Olympiodore, dans les textes de Kindi, des Ihwän al-Safa', d'al-Qazwini, d'Ibn Suwär Ibn al-Hammar, Ibn Sinä (Avicenne), Ibn al-Haytam, Ibn Bagga et Ibn Rusd (Averroes), est faite, à propos des différents thèmes de recherche des Météorologiques, dans l'ouvrage de 20 P. Lettinck, Aristotle's

"Meteorology"

and its reception in the Arab worid, with an edition and translation of Ibn Suwär's “Treatise on Meteorological Phenomena" and Ibn Bäjja’s "Commentary on the Meteorology", coll. « Aristoteles Semitico-Latinus » 10, Leiden 1999,

505 p. 3 index. Conclusion. Les versions arabe et latine — ainsi que la traduction syriaque perdue — font partie d'un vaste ensemble de traités médiévaux consacrés à la physique, à la biologie et à la médecine. Ces deux documents marquent le terme d'un long développement à partir du texte grec original. Mais en même temps ils

ont donné lieu à d'autres textes: l'arabe à l'hébreu et au latin ; le texte latin de son cóté est à la base de la synthése d' Albert le Grand et a servi aux commentaires d'Alfred de Sareshel (ca 1200) et d'Adam de Bocfeld. Tous ces documents, conservés ou perdus, attestent une activité scolaire déployée sur de nombreux siécles. Le fait que dans le texte arabe manquent certains passages qui figurent en latin et inversement en est un signe : aprés la réalisation de la traduction latine les versions se sont encore développées. La version arabe des Météorologiques a eu une grande importance en Islam.

Elle fut l'occasion d'une confrontation permanente entre islamisme et christianisme : entre la vision islamique d'un développement linéaire de l'histoire mondiale et la conception chrétienne d'un développement cyclique, représenté par une croissance, un déclin et une renaissance. Les Météorologiques furent également l'occasion d'une confrontation entre le Dieu transcendant de l'Islam et le Moteur immobile d' Aristote. Quant à la version latine, elle servit au Moyen Age à l'illustration de la Bible: le commentaire des éléments physiques célestes et terrestres permettait de souligner l'importance de la création et la grandeur du Créateur. PIETER L. SCHOONHEIM.

LA ZOOLOGIE ARISTOTELICIENNE. TRADITION ARABE

Parmi les écrits zoologiques d'Aristote seul le De Animalibus (c'est-à-dire Historia Animalium, De Partibus Animalium et De Generatione Animalium)

a

été traduit en arabe (y compris le X* livre de l'Historia Animalium, considéré comme apocryphe). Dans la tradition arabe, la seule référence au De Motu Animalium

se

trouve

chez

Ibn Rusd

(voir

1H.J. Drossaart Lulofs, Nicolaus

Damascenus : On the Philosophy of Aristotle, Leiden 1969, p. 13 et p. 39); du De Incessu Animalium on n'a pas trouvé de trace dans la tradition orientale. D'aprés les sources arabes, le De Animalibus fut traduit au début du IX* siécle (26. Flügel [édit.], Kitüb al-Fihrist mit Anmerkungen herausgegeben von G.F.,

nach dessen Tode besorgt von J. Roediger und A. Müller, Leipzig 1871-1872, réimpr. Beirut 1964, t. I, p. 251; 3 J. Lippert [édit.], Ibn al-Qifti's Ta'rih alhukamä’. Auf Grund der Vorarbeiten Aug. Müller's, Leipzig 1903, p. 41; 4 G. Flügel [édit. et trad.], Lexicon bibliographicum et encyclopaedicum a Mustapha

ben Abdallah

Katib Jelebi dicto et nomine Haji Khalfa celebrato

compositum, Leipzig/London 1835-1858, t. III, n° 4662) par Yahyä (ou Yühannä) ibn al-Bitriq, ce qui est fort douteux (voir 5 G. Endress, Die arabische Übersetzungen von Aristoteles Schrift De Caelo

p. 113-115, qui suggère le nom Le nom du traducteur Ibn (Flügel 2, t. I, p. 264) à propos P. 39, il s’agit d'une traduction

[Diss.], Frankfurt /M

1966,

d’Ustät, traducteur de la Métaphysique). Zur'a est aussi mentionné par Ibn an-Nadim du De Animalibus ; d'aprés Drossaart Lulofs 1, arabe de la version syriaque du Compendium de

Nicolas le Damascéne (voir ci-dessous). Les sources arabes font aussi mention

d'une traduction syriaque plus ancienne que l'arabe (Flügel 2, t. I, p. 251; Lippert 3, p. 41), mais, malgré certains syriacismes trouvés dans la version arabe que nous connaissons, il n'y a aucune preuve qu'elle ait été traduite sur une ver-

sion syriaque intermédiaire (voir aussi 6 J. den Heijer, « Syriacisms in the Arabic version of Aristotle’s Historia Animalium », ARAM

3, n? 1/2, 1991). Pour une

discussion plus détaillée de ces questions, voir les Introductions des éditions Brugman/Drossaart Lulofs et Kruk, mentionnées plus loin. Il faudrait voir si les nombreuses citations de De Animalibus dans le Candélabre des sanctuaires de Barhebraeus (XIII* siècle ; éd. et trad. par 7 Jän Bakos, Le candelabre des sanctuaires de Grégoire Aboulfaradj dit Barhebraeus,

2* base : De la nature. PO, t. XXIV, fasc. 3) prennent leur origine dans la version syriaque du compendium de Nicolas le Damascéne (comme l'a suggéré 8 H. J. Drossaart Lulofs, « Aristotle, Bar Hebraeus, and Nicolaus Damascenus on Animals», dans 9 A. Gotthelf [édit.], Aristotle on Nature

and Living

Things,

Pittsburgh/Bristol 1985, p. 345-57) ou bien dans une autre source. Il existe, en tout cas, des différences importantes entre la version arabe connue aujourd'hui et le texte de Barhebraeus, ainsi que des correspondances remarquables avec le commentaire d’Ibn Sinà (voir ci-dessous) : par exemple Barhebraeus (Bakos 7, p. [225] 379) mentionne les éponges en rapport avec quelques testacées, ce qui

330

ARISTOTE DE STAGIRE

peut provenir d’Ibn Sinä (e. g. 10 A. Montasir et al. [édit.], Al-Shifa. La Physique. VIIF - Les Animaux {Fi tabái" al-hayawan]. Texte établi et édité par A. M. et al., Le Caire 1390/1970, p. 94) qui décrit les poulpes (traités par Aristote directement après les testacées, Hist. An.. IV 1) par un mot persan, basfäyig, ce qui du point de vue graphique ressemble fort au mot sfang, «éponge » (transmis par

l'édition citée). D'ailleurs, Drossaart Lulofs 8, p. 357 n. 7, a indiqué la relation

entre le Sifä’ d'Ibn Sinä et le chapitre sur les animaux dans le Buryrum Sapientiae de Barhebraeus (encore inédit).

Traduction latine. Au XiII* siècle, la version arabe du De Animalibus a été traduite en latin (avant 1217) par Michel Scot, connu également comme traduc-

teur du commentaire d'Avicenne sur De Animalibus (ce commentaire faisant partie de son grand œuvre le Kitäb al-Sifa', « Livre de la Guérison», édition de la traduction latine: Venise 1508; nouvelle impression photostatique Frankfurt a/M 1961). Bien qu'une deuxiéme traduction de De Animalibus d' Aristote, faite directement sur le grec par Guillaume de Moerbeke, ait été effectuée quelques années apres celle de Scot, l'influence de celle-ci (et conséquemment de la tradition arabe d' Aristote) en Europe était assez considérable, car (avec le De Anima-

libus d'Avicenne) elle constituait une des sources les plus importantes des Quaestiones super libros de animalibus et des Libri de Animalibus d' Albert le Grand (t 1280), qui à son tour exerga une influence sur des encyclopédistes tels que Thomas de Cantimpré (De Rerum Naturae) et sur des littérateurs comme le poète néerlandais médiéval Jacob de Maerlant (Der naturen bloeme). Éditions. Version arabe: 11 J. Brugman et H.J. Drossaart Lulofs (édit.), Aristotle. Generation of Animals. The Arabic Translation commonly ascribed to Yahyà ibn al-Bitrig, Leiden 1971 (édition fondée sur tous les manuscrits arabes connus, sur la traduction de Scot et sur le texte grec); 12 ‘A. Badawi (édit.),

Aristotelis De Partibus Animalium. In arabice vertit Johanna ibn al-Batriq. Edidit, annotavit et Prolegomenis instruxit 'A. B., Kuwait 1977 (édition basée sur l'un des trois mss arabes et sur le texte grec); 13 /d. (édit.), Aristätalis. Tiba' al-

hayawán. Targamat qaddama la-hu 'A. B. mss arabes et le texte est en préparation. 14

Yühanna ibn al-Bitrig. Haqqaqahu wa-Sarahahu waKuwayt 1977 (édition fondée sur le plus récent des deux grec). Une nouvelle édition par J. den Heijer et L. S. Filius R. Kruk (édit.), Arístotle. The Arabic Version of Aristotle's

Parts of Animals. Book XI-XIV of the Kitäb al-Hayawän. A critical edition with

introduction and selected glossary by R. K., coll. « Verhandelingen der Koninklijke Nederlandse Akademie van Wetenschappen, afd. Letterkunde », Nieuwe Reeks, deel 97, Amsterdam/Oxford 1979 (méme base manuscrite que l'édition Brugman/Drossaart Lulofs 11). Version arabo-latine: La version arabe de l'Historia Animalium et la version latine que fit Michel Scot de l'ensemble du De Animalibus font actuellement

l'objet d'un projet d'édition conjointe dans le cadre du projet Aristoteles Semitico-Latinus du Koninklijke Nederlandse Akademie van Wetenschappen ; pour ce qui est du texte latin, est déjà paru 15 Aafke M.1. van Oppenraaij (édit.), Michael Scotus, Libri De Animalibus 15-19. Generation of Animals, ed. by

ZOOLOGICA - TRADITION SYRIAQUE ET ARABE

331

A. M.I. v. O. ; with an Appendix, a Greek index to De Generatione Animalium by H.J. Drossaart Lulofs, Leiden 1992 ; 16 Id., Aristotle De Animalibus. Michael Scot's Arabic-Latin translation. Part Two, Books XI-XIV: Parts of Animals, Leiden 1998. Commentaires. Plusieurs philosophes arabes ont rédigé des commentaires sur l'œuvre d'Aristote, y compris le De Animalibus : — [bn Sinà (Avicenne, t 1037). Ce commentaire constitue le huitième fann de

la deuxième partie du Kitäb al-Sifa' (éditions: 17 Téhéran 1303/1885, 2 tomes ; édition séparée du huitième fann: Montasir et al 10. Ce commentaire est remarquable car Ibn Sina s'efforce de réconcilier les idées galéniques avec celles d'Aristote, surtout dans le domaine de la génération (voir 18 U. Weisser, « Die Harmonisierung antiker Zeugungstheorien im islamischen Kulturkreis und ihr Nachwirken im europáischen Mittelalter», dans 19 A. Zimmermann et I. Craemer-Ruegenberg [édit.], Orientalische Kultur und europäisches Mittelalter, Berlin/New York 1985, p. 301-327). 20 B. Musallam, « Avicenna, Biology and Medicine», Enciran I, 1982, p. 94-99; 21 A. M.I. van Oppenraaij, « Michael Scot's Translation of Avicenna's Treatise on Animals», dans R. Beyers er aliis (édit), Tradition et traduction. Hommage à Fernad Bossier, Leuven 1999,

p. 107-114 ; 22 R. Kruk, «Ibn Sinä On Animals: Between the First Teacher and the Physician», dans

J. Jansen et D. de Smet

(édit.), Proceedings Avicenna

Colloquium [sept. 1999], Leuven/Louvain-la-Neuve, (sous presse). - Ibn Bágga (Avempace, t 1139). Commentaire du premier et du deuxième livre de De Partibus Animalium et du premier livre du De Generatione Animalium, suivi de quelques pages sur l'ensemble du De Animalibus. Ce commentaire (conservé dans un ms. d'Oxford : Pococke 206 [Cat. Uri I, p. 123 n? 499]) reste

encore inédit. 23 ΒΕ. Kruk, « Ibn Bäjja’s commentary on Aristotle's De Animalibus », dans G. Endress et R. Kruk, The Ancient Tradition in Christian and Isla-

mic Hellenism, Leiden 1996, p. 165-180. = [bn Rusd (Averroes, t 1198). Commentaires sur De Partibus et De Genera-

tione Animalium, conservés seulement en versions latines et hébraiques. Édition de la version latine dans 24 Aristoteles, Omnia quae extant opera, Venise 1552, t. VI, fol. 62"-103". Une édition de la version hébraïque par R. Fontaine et G. Bos est en préparation. Abrégés : Plusieurs abrégés du De Animalibus sont mentionnés par les bibliographes arabes mediévaux : I. Non conservés: (a) un abrégé attribué à Ibn al-Haytam, [t 1039] (mentionné par Ibn abi Ugaybi'a, (25 Aug. Müller {édit.}, {bn Abi Useibia, Königsberg 1884, t. II, p. 97); (b) un abrégé attribué à 'Abd al-Latif al-Bagdädi,

[t 1231] (ibid., p. 211); (c) un abrégé d'Ibn al-Tayyib [t 1043], perdu en arabe, mais les dix premiers livres, c'est-à-dire l'Historia Animalium, sont conservés en traduction hébraique (cf. 26 M. Steinschneider, Verzeichniss der hebräischen Handschriften, Berlin 1878, n? 215, 5); (d) un abrégé attribué à Nicolas le Damascène, traduit en arabe par Ibn Zur'a (cf. 27 H.J. Drossaart Lulofs,

332

ARISTOTE DE STAGIRE

Nicolaus Damascenus on the Philosophy of Aristotle. Fragments of the first five Books Translated from the Syriac with an Introduction and Commentary, Leiden

1965, p. 38-39). II. Conservés : (a) un abrégé attribué à Thémistius, traduit en arabe par Ishàq ibn Hunayn (édité par 28 ‘A. Badawi, Commentaires sur Aristote perdus en grec

et autres épîtres. Publiés et annotés par'A. B., Beyrouth 1971). Sur l'authenticité de ce document, voir 29 F. W. Zimmermann et H. V. B. Brown, «Neue arabische Übersetzungstexte aus dem Bereich der spátantiken griechischen Philosophie », Isl SO, 1973, p. 323-324, et 30 J.N. Mattock, « The supposed Epitome by Themistius of Aristotle's Zoological Works », dans 31 A. Dietrich (édit.), Akten des

VII. Kongresses für Arabistik und Islamwissenschaft, Góttingen 15. bis 22. August 1974, coll. AAWG, Dritte Folge, Nr. 98, Góttingen 1976, p. 260-267. Sur les correspondances avec la traduction arabe du De Animalibus, voir Kruk 14, p. 40-43. (b) un abrégé attribué à Maimonide, édité par 32 J. N. Mattock (édit.), Magala tastamilu 'alà fusül min kitäb al-hayawan li-Aristü (Tract comprising excerpts

from Aristotle's Book of Animals). Artributed to Müsä b. 'Ubayd Allah alQurtubi al-Isra'ili [Maimonides].

Ed. and transl., with introd., notes and glos-

sary by J. N. M., Cambridge 1966. Sur la base de preuves internes, Mattock rejette l'attribution à Maimonide. (c) un abrégé transmis sous le nom de Täbit ibn Qurra (non mentionné par les

bibliographes arabes). Le texte préservé sous ce titre n'est cependant pas un abrégé du De Animalibus, mais une traduction du dixiéme livre des Problemata Physica. Voir 33 R. Kruk, « Pseudo-Aristotle: An Arabic Version of Problemata Physica X», Isis 67, 1976, p. 251-256, et 34 L. S. Filius (édit.), The "Problemata

physica" attributed to Aristotle: the Arabic version of Hunain ibn Ishaq and the Hebrew

version of Moses ibn Tibbon, coll. «Aristoteles semitico-latinus » 11,

Leiden 1999, LXXXVII-903 p. Réception. L'autorité d'Aristote dans le domaine de la zoologie était si importante qu'une vaste littérature zoologique a été transmise sous son nom, phénomène qui tend à obscurcir son influence véritable. Parmi les livres pseudépigraphes, l'influence du Nu'ür al-hayawän (voir 35 M. Ullmann, Die Naturund Geheimwissenschaften im Islam, Leiden 1972, p. 23-24; 36 GAS, t. IV, p. 351-2) est prédominante, et, méme si l'on trouve fréquemment des citations authentiques du De Animalibus dans des textes divergents (voir, par exemple, la

liste de témoignages rassemblée dans Ullmann 35, p. 8 n. 7), beaucoup de renseignements attribués à Aristote ont leur origine plutót dans des pseudépigraphes comme ce Nu üt. C'est surtout le cas dans le domaine littéraire ou semi-littéraire,

comme dans les cuvres des encyclopédistes. Dans l'encyclopédie zoologique d'al-Damiri, par exemple (XIII* s.), la plupart des informations transmises sous le nom d' Aristote (selon la liste de 37 Joseph de Somogyi, « Index des sources de

la Hayát al-Hayawän de ad-Damiri », JA 213, juillet septembre 1928, p. 5-128) ne sont pas authentiques ; beaucoup d'informations anonymes, en revanche, ont leur origine dans le De Animalibus. L'information est souvent mutilée : comme

ZOOLOGICA - TRADITION SYRIAQUE ET ARABE

333

les encyclopédistes latins mediévaux, les littérateurs arabes prennent des citations isolées (provenant souvent d'une source secondaire, telle que le Livre des

Animaux

d’al-Gähiz, qui cite beaucoup le De

38 Wadi'a Taha al-Nagm, Mangülät al-Gähiz

Animalibus d' Aristote, voir

‘an Aristü fi kitäb al-hayawän,

Kuwayt 1985) pour les incorporer dans leurs propres textes. Cette pratique résulte parfois, pour ce qui est des citations d' Aristote aussi bien qu'ailleurs, en corruptions curieuses ainsi qu'en une répétition monotone, à travers les textes, d'informations toujours identiques. Voir sur ce sujet: 39 R. Kruk, « Hedgehogs and their 'Chicks'. A Case History of the Aristotelian Reception in Arabic Zoology », ZGAIW 2, 1985, p. 205-234. Les philosophes arabes, en revanche, se sont occupés profondément des écrits zoologiques d' Aristote, comme le montrent les commentaires et abrégés mentionnés ci-dessus. Ils n'ont cependant que rarement essayé (à part quelques informations isolées) d'augmenter les connaissances zoologiques aristotéliciennes par des idées ou des informations nouvelles. Cela ne veut néanmoins pas dire qu'ils suivent toujours Aristote: Avicenne, par exemple, dans son commentaire sur le De Animalibus, s'oppose à l'idée aristotélicienne que la contribution de la femelle dans la génération serait exclusivement matérielle et non formative (voir

Weisser 18). Quelques opinions déviantes ont leurs origines dans des corruptions textuelles: ainsi Avicenne suggére que les homards peuvent étre générés non seulement des œufs (comme le dit Aristote), mais aussi par génération spontanée (voir 40 R. Kruk, « Aristoteles, Avicenna, Albertus, en de locusta maris », dans

41 A. M.J. van Buuren et alii [édit.], Tussentijds, Utrecht 1985, p. 147-57). R. Kruk, « On Animals : excerpts of Aristotle and Ibn Sina in Marwazi's Tabäi' alhayawän», dans C. Steel, G. Guldemond et P. Beullens (édit.), Arístotle's Ani-

mals in the Middle Ages and Renaissance, Louvain 1999, p. 96-126. Relation avec la tradition grecque. Pour les classicistes, l'importance de la tradition orientale vient du fait que l'original grec consulté par les traducteurs orientaux est plus ancien que les manuscrits grecs qui nous sont conservés, ce

qui rend absolument nécessaire la consultation des traductions orientales comme témoins textuels. Jusqu'ici, seule l'édition grecque du De Generatione Animalium faite par Drossaart Lulofs (Oxford 1965) comprend des références à la ver-

sion arabe ; plusieurs autres éditeurs ont eu recours à la traduction arabo-latine de Scot, notamment Peck (édition Loeb du De Generatione Animalium, De Partibus Animalium et de la Historia Animalium ; cette derniére commencée par Peck et continuée par Balme/Gotthelf, London 1965-1991).

Cf. en plus des références signalées en cours d'article 42 F. E. Peters, Aristoteles Arabus, Leiden 1968, p. 47-48 ; GAS 36, t. III, p. 350-352; Ullmann 35, p. 8-10; 43 H. Eisenstein, Einführung in die arabische Zoographie. Das tierkundliche Wissen in der arabisch-islamischen Literatur, Berlin 1991 (aperçu général ; l'information sur la tradition aristotélicienne n'est pas toujours correcte). Sur le traitement de quelques problémes de détail dans la tradition arabolatine voir Kruk 40, p. 147-157 ; 44 A. M. I. van Oppenraaij, « Quelques particularités de la méthode de traduction de Michel Scot», dans 45 Rencontre de cultu-

334

ARISTOTE DE STAGIRE

res dans la philosophie médiévale. Traductions et Traducteurs de l'antiquité tardive au XIV* siècle, Louvain-la-Neuve/Cassino 1990, p. 121-129 ; Weisser 18, p. 301-327. 46 Chr. Hunemörder, « Der Text des Michael Scotus um die Mitte des 13. Jahrhunderts und Thomas Cantimpratensis III», dans C. Steel, G. Guldemond et P. Beullens (édit.), Aristotle's Animals in the Middle Ages and Renaissance, Louvain 1999, p. 31-43; 47 A.M.I. van Oppenraaij, « Michael

Scot's Arabic-Latin Translation of Aristotle's Books on Animals. Some remarks concerning the relation between the translation and its Arabic and Greek sources», dans C. Steel, G. Guldemond et P. Beullens (édit.), Aristotle's Animals in

the Middle Ages and Renaissance, Louvain 1999, p. 31-43. Sur la tradition hébraique, voir ci-dessus Ibn Rushd et 48 M. Zonta, « Ibn Tayyib zoologist and Hunayn ibn Ishäg’s revision of Aristotle's De Animalibus. New evidence from the Hebrew tradition», Aram 3, n° 1/2, 1991, p. 235-247 ; 49 Id., «The Zoologi-

cal Writings in the Hebrew Tradition. The Hebrew approach to Aristotle's zoological writings and to their Ancient and Medieval Commentators in the Middle Ages», dans C. Steel, G. Guldemond et P. Beullens (édit.), Aristotle's Animals in the Middle Ages and Renaissance, Louvain 1999, p. 44-68. Sur la tradition

pseudo-aristotélicienne, voir50 M. Plessner, « Unechte und verfälschte Zitaten aus den zoologischen Schriften des Aristoteles », dans J. Burian et L. Vidman (édit.), Antiquitas Graeco-Romana ac tempora nostra, Acta Congressus internationalis habiti Brunae diebus 12-16 mensis Aprilis MCMCXVI, Prague 1968,

p. 209-216. Heijer 6.

Sur les éléments syriaques dans la traduction arabe, voir den REMKE KRUK.

DE ANIMA. TRADITION GRECQUE

Le Corpus des œuvres d' Aristote, tel qu'il figure dans l'édition canonique de 11. Bekker, Aristotelis opera, (Ed. Academia Regia Borussica, vol. I, Berlin

1831), contient, aux pages 402 a 1-435 b 25, le texte grec d'un traité intitulé Περὶ ψυχῆς. Dans la notice ci-après, nous faisons brièvement le point des connaissances actuelles relatives à ce traité De l'âme (DA), dans les limites de la

tradition grecque. La notice comprend des informations sur: (I) l'identification du traité, par son titre, dans les plus anciens témoignages concernant les œuvres attribuées à Aristote ; (II) l'état du texte grec établi à partir de la tradition manuscrite et fourni par les éditions critiques les plus récentes ; (IIT) l'authenticité et la chronologie relative de ses différentes parties ; (IV) le plan de l'ouvrage et son contenu thématique réparti sur trois « Livres» ; (V) les études, critiques et commentaires,

qui lui ont été consacrés par les auteurs grecs de l'Antiquité, et (VI) les publications savantes oü s'informer plus avant de l'état des recherches sur les différents problémes soulevés par le DA.

L'identification du traité. Parmi les listes anciennes des œuvres d'Aristote (étudiées dans l'ouvrage classique de 2 P. Moraux, Les listes anciennes des ouvrages d’Aristote, coll. « Aristote, traductions et études par l'Institut supérieur de philosophie de l'Université de Louvain », Louvain 1951), celle que contient la Vita Aristotelis Hesychii, dite Vita Menagiana (liste reproduite dans 3 V. Rose, Aristotelis qui ferebantur librorum fragmenta, Leipzig 1886 [Stuttgart 1967], p. 9-18, et dans Bekker 1, vol. III Librorum deperditorum fragmenta, collegit et

annotationibus instruxit Olof Gigon, Berlin 1987, p. 26a- 28 b) fait état d'un Περὶ ψυχῆς en 3 livres (n° 152, d’après la numérotation adoptée dans 4 I. Düring, Aristotle in the Ancient Biographical Tradition, Göteborg 1957, p. 87), qui correspond, sans aucun doute, à l'ouvrage transmis sous ce titre par la tradition manuscrite. Mais cette mention apparait dans la deuxiéme partie de la liste, qui forme un Appendice tardif (Ile s. ap. J.-C., selon Moraux 2, p. 249) et où se trouve enregistrée, semble-t-il, une sélection du Catalogue dressé au I* s. av. J.-C.

par Andronicos

de Rhodes

[»+A

181] (sur ce «Pinax », voir 5 P.

Moraux, Der Aristotelismus bei den Griechen von Andronikos bis Alexander von Aphrodisias, t. 1, Berlin/New York 1973, p. 63-66). Cette mention correspond bel et bien à celle que les auteurs arabes (en particulier Ibn al-Qifti, et Ibn abiUsaybi'a) reproduisent plus tard, d’après les listes de l'énigmatique Ptolémée (reconstituées dans Moraux 2, p. 295-297), lesquelles semblent, elles aussi, empruntées au méme Catalogue d' Andronicos (n° 44 dans Düring 4, p. 225, et dans Bekker 1, vol. HI [par ©. Gigon], p. 43 Ὁ 30). Mais elle ne figure pas dans les listes d'origine plus ancienne, conservées par Diogène Laérce (V 22-27) et par

336

ARISTOTE DE STAGIRE

l'auteur de la Vita Menagiana (première partie, dans Rose 3, p. 11-16, et dans Bekker 1, vol. III [par O. Gigon], p. 26239-28211), où le titre Περὶ ψυχῆς, enregistré avec la précision «Un livre» (n' 13 dans Düring 4, p. 42 et 83 et Bekker 1, vol. III (par O. Gigon], p. 26b 4), correspond, selon toute vraisem-

blance, à celui d'un dialogue perdu, que Plutarque (Dion 22, 3-4) dit avoir été écrit par Aristote à la mémoire de son ami Eudéme de Chypre [»+E 91] (Fragments dans Bekker 1, vol. III [par O. Gigon], p. 287-296). On ne connait pas l'état des textes grecs qui constituent notre DA avant la renaissance de l'aristotélisme inaugurée par Andronicos (voir, cependant, ci-après, $ V). Dans le résumé doxographique de la philosophie aristotélicienne que rapporte Diogène Laérce (V 28-35) et qui contient indubitablement les traces d'une connaissance préandronicienne du Corpus (à ce sujet, voir 6 R. Bodéüs, « L'influence historique

du stoicisme sur l'interprétation de l’œuvre philosophique d' Aristote », RSPT 79, 1995, p. 553-586), il y a un passage (V 32-34, reproduit dans Bekker 1, vol. III (par O. Gigon], p. 25 b 3-22) qui cite à peu prés textuellement la definition de l’äme proposée par le DA (II 1, 412 a 27 et b 5 ; définition citée aussi par Aetius [7 H. Diels, Doxographi Graeci, Berlin 1879, p. 387, 1-5]) et qui rapporte maladroitement un commentaire des termes utilisés dans cette définition. Mais l'origine de ce passage laisse peu de doutes: «nous avons affaire au travail d'un péripatéticien postérieur à Andronikos » (8 P. Moraux, «L'exposé de la philosophie d'Aristote chez Diogéne Laérce», RPhL 47, 1949, p. 40 et, plus généralement, p. 37-39).

Il L'état du texte grec. Le texte grec du DA, connu et commenté des l'Antiquité, nous a été transmis par de nombreux manuscrits, la plupart remontant au Moyen Âge. Les travaux de 9 A. Wartelle, Inventaire des manuscrits grecs d'Aristote et de ses commentateurs. Contribution à l'histoire du texte d’Aristote, « Collection d'Études anciennes », Paris 1963 (Indices, p. 173-174), complétés et

corrigés par Aristoteles Inventaire Moraux (et

10 D. Harlfinger et J. Wiesner, «Die griechischen Handschriften des und seiner Kommentatoren. Ergänzungen und Berichtigungen zum von A. Wartelle», Scriptorium, 18, 1964, p. 238-257, par 11 P. alii), Aristoteles Graecus. Die griechischen Manuskripte des Aristo-

teles, vol. I (Alexandrie-Londres), coll. « Peripatoi » 8, Berlin/New York 1976, et

par 12 R. D. Argyropoulos et I. Caras, /nventaire des manuscrits grecs d'Aristote et de ses commentateurs. Contribution à l'histoire du texte d’Aristote. Supplément, Paris 1980 (Indices, p. 72), ont permis d'en recenser près d'une centaine

(dont quatre-vingt-quatre au moins présentent le texte des trois livres au complet). Les plus importants de ceux qu'ont collationnés les éditeurs modernes, sont, dans l'ordre chronologique: Paris. gr. 1853, X* et X V* ss. (siglé E et E* pour la partie récente), Marc. gr. Z 214, XI*/XII* XIII* s. (L), Marc. gr. Z 1026, XIII*-XIV* ss. (W),

Paris. s.(?) 209, Vat.

Coisl. 386, XI* s. (C), Vat. gr. 260, XI s. (U), (H*), Ambros. 435, XII*-XIIt* ss. (X), Vat. gr. 253, XIII s. (M), Paris. gr. 2034, XIII s. (y), Vat. gr. gr. 266, XIV* s. (V) et Var. gr. 1339, XIV* s. (P).

DE ANIMA - TRADITION GRECQUE

337

Pour son édition canonique (1831), 1 Bekker avait utilisé les manuscrits E, U, V, W, X et L (au livre III seulement), ainsi que le Laurent. 81, 1, XII*-XIII* ss.

(parent de M, quant à lui collationné pour la premiere fois entiérement et jugé

supérieur par 13 M. De Corte, «Études sur les manuscrits du traité De l’âme d'Aristote », RPh 59, 1933, p. 152-156) et le Vat. gr. 256, XIV* s. (qui semble

une copie de C, comme l'a vu par la suite 14 A. Förster, Aristotelis De anima libri tres, Budapest 1912). 15 F. A. Trendelenburg, Aristotelis De anima, Jena 1833 (plusieurs rééditions), utilisa les mémes

outre, 16 A. d'hui 17 W.

manuscrits que Bekker 1 et, en

collationna pour la premiere fois y. Son matériel fut réutilisé par Torstrik, Aristotelis De anima, Berlin 1862, qui soutint la thèse, aujourabandonnée, selon laquelle auraient existé deux versions du livre III, et par Biehl, Aristotelis De anima libri III, Leipzig 1896 (3€ éd. par O. Apelt,

1926), oü est aussi utilisée la tradition indirecte (commentateurs anciens et versions latines). Cette tradition (surtout celle des commentateurs grecs) a aussi été largement consultée par 18 G. Rodier, Aristote. Traité de l'âme, Traduit et annoté, 2 voi., Paris 1900, mais dans la rédaction du commentaire (vol. IT),

plutót que pour l'établissement du texte (vol. I). Entretemps, pour son édition partielle, 19 H. Rabe, Aristotelis De Anima liber B, Berlin 1891, avait mis à profit deux nouveaux manuscrits M et P. Ce dernier manuscrit fut aussi utilisé,

pour son édition compléte, par 20 R. D. Hicks, Aristotle De Anima, with translation and notes, Cambridge 1907 (plusieurs rééditions), lequel eut encore recours au Paris. gr. 1921, XIV* s., jamais collationné jusque-là. Förster 14, qui

avait repris l'étude des huit manuscrits de Bekker 1, celle de y, entreprise par Trendelenburg 15, celle de P, entreprise par Rabe 19 et Hicks 20, et qui avait pour la première fois reconnu la valeur de C, offrait, au début du XX* s., l'édition la plus sérieuse du DA. Ses recherches furent contrólées et corrigées par De Corte 13, p. 141-160, 261-281 et 355-367, ensemble d'études qu'ignore l'édition plus récente de 21 W.D. Ross, Aristotelis De anima, coll. OCT, Oxford

1956

(repris dans Aristotle. De anima, Ed. with Introduction and Commentary, Oxford 1961), laquelle repose sur la collation des manuscrits déjà connus C, L, X, E et U, et propose plusieurs corrections personnelles. Depuis lors, l'étude de la traduction manuscrite a été élargie par 22 P. Siwek, Le De anima d'Aristote dans les manuscrits

grecs, coll. «Studi

e testi» 241, Vatican

1965, et, indépen-

damment, par 23 A. Jannone, Aristote. De l’äme. Texte établi par A.J. et traduit par E. Barbotin, coll. CUF, Paris 1966. Ce dernier éditeur n'a pas pu profiter des recherches de Siwek 22; il a, cependant, étudié plusieurs nouveaux manuscrits de Florence, Milan et Venise; il a retenu, dans son apparat, la lecon des manuscrits déjà connus E (et Ed), L, C, U, V, X, y, M et P (uniquement pour les livres I et III), et introduit les variantes de H°, ainsi que, pour certains passages, de l'Ambros. 67, XV“ s. (siglé A), du Vailicellanus B 93, XIV* s. (siglé RY) et des Laurent. 86, 19 ; 87, 20 (pour la totalité du texte) et 87, 23, tous du XIV? s. (siglés

respectivement F*, F^, F°). La tradition indirecte n'a pas été mise à profit par cet éditeur, qui n'a pas non plus tenté l'établissement d'un stemma codicum (ébauché par Förster 14, à partir de E et C). Un curieux principe est à la base de son

338

ARISTOTE DE STAGIRE

travail: « garder le plus possible le texte traditionnel» (Jannone 23, p. XLI). Mais l'éditeur reproduit (in fine) des fragments, tirés de E, qui se présentent comme des variantes au texte du livre II. On attend, depuis trente ans, une nouvelle édition critique du DA. La tradition manuscrite, corrompue de facon désespérante en plusieurs passages, n'offre, pour cela, que des témoins souvent trés contaminés. ΠΙ L'authenticité et la chronologie relative de ses différentes parties. L’authenticité du DA n'a jamais été mise en doute de facon sérieuse. La thése de 24 J. Zürcher, Aristoteles’ Werk und Geist untersucht und dargestellt, Paderborn

1952, p. 283-289, selon laquelle ce traité serait, à quatre-vingts pour cent, une composition de Théophraste, est une hypothése indémontrable, que personne n'a osé, aprés lui, envisager. Toute autre est la question de savoir si les trois livres du DA forment un ensemble constitué par Aristote lui-méme ou s'ils réunissent artificiellement des morceaux disparates, rédigés par le philosophe à différents moments de sa carrière, puis rassemblés par un éditeur ancien, pour former un traité. Cette dernière hypothèse n'a jamais été considérée à l’aide d'arguments plausibles. Les recherches « génétistes », congues depuis 25 W. Jaeger, Aristotle. Fundamentals of the History of his Development. 'Transl. by R. Robinson, 2* éd., Oxford 1934, p. 331-334, pour reconstituer l'évolution d'Aristote, n'ont pas remis en cause sérieusement le sentiment que les trois livres du DA témoignent ensemble du stade ultime des réflexions d’Aristote sur l'âme. Elles se sont bornées à y repérer les traces éventuelles de convictions différentes, professées antérieurement par le philosophe. Ainsi étaient orientés les travaux célébres de 26 Fr. Nuyens, Ontwikkelingsmomenten

in de zielkunde van Aristoteles:

Een

historisch-philosophische studie, Nijmegen 1939 (traduit en francais sous le titre L'évolution de la psychologie d'Aristote, Louvain 1948). Celui-ci avait cru pouvoir déceler trois phases successives dans l'élaboration des doctrines psychologiques du philosophe: la première, marquée par le dualisme platonicien de l'àme et du corps, aurait été caractéristique du dialogue perdu adressé à Eudéme (dont

il a été question plus haut, $ I); la deuxiéme phase, appelée « instrumentiste », parce que le corps serait désormais conçu comme l'instrument de l'áme, aurait été une phase intermédiaire ; la troisième phase, enfin, aurait été illustrée par les célébres doctrines hylémorphiques dont le DA fournit l'exposé. Malgré l'enthousiasme qu'elle suscita en son temps (et encore chez 27 R. A. Gauthier, La morale

d'Aristote, Paris 1973, p. 9 et sqq.), pareille thése n'a pas résisté à l'épreuve de la critique. L'évaluation des maigres fragments du dialogue à Eudéme ne permet plus aujourd'hui et depuis longtemps de soutenir qu' Aristote défendait, dans sa jeunesse, les théses platoniciennes. Voir, à ce propos: 28 O. Gigon, « Prolegomena to an edition of the Eudemos», dans I. Düring et G. E. L. Owen (édit.), Aristotle and Plato in the mid-fourth century, Göteborg 1960, p. 19-33, et

29 I. Düring, Aristoteles. Darstellung und Interpretation seines Denkens, Heidelberg 1966, p. 554-558 (la dernière en date des tentatives faites pour exploiter les

DE ANIMA - TRADITION GRECQUE

339

fragments du dialogue aux fins de reconstituer l'évolution d' Aristote, est celle [très peu convaincante] de 30 B. Dumoulin, Recherches sur le premier Aristote

(Eudérne, de la Philosophie, Protreptique), Paris 1981, p. 15-40; on lui préferera les exposés plus anciens de 31 A.H. Chroust, Aristotle. New light on his life and on some of his lost works, t. Il, London 1973, p. 43-70). D'autre part, l'important travail de 32 Ch. Lefèvre, Sur l'évolution d'Aristote en psychologie. Préface de S. Mansion, coll. « Aristote. Traductions et études», Louvain 1972, entrepris pour mettre à jour les théses de Nuyens 26, a finalement abouti à contester l'existence d'une position « instrumentiste » chez Aristote, et, avec elle, l'hypo-

thése d'une phase évolutive précédant l'exposé classique des théses hylémorphiques du DA. Il en résulte qu'aucun schéma évolutif plausible ne peut conduire à démembrer ce traité, ni à en isoler d'importants morceaux, comme

plus anciens. Maintenant que «le schéma rigide de Nuyens a été généralement rejeté » (33 M.C. Nussbaum, Essays on Aristotle's De Anima.

Ed. by M.C.N.

and A. Oksenberg-Rorty, Oxford 1992, p. 5), on ne peut tenir pour établi que le DA constitue pour autant un texte parfaitement homogène, sans retouches, ni ajouts d'aucune sorte. La seule probabilité est que retouches et ajouts sont mineurs. En nombre limité — ce sont tout au plus les passages suivants : I 4, 408 b 18-29 ; II 1 (en entier); IL 2, 414 a 4- 28; II 4, 415 b 7-416 a 18 et HI 5 (en entier) —, ils ne semblent pas vraiment contredire les thèses défendues ailleurs,

dont ils apparaissent plutót comme des compléments. Bref, les surcharges éventuelles n'entament pas i'unité systématique que forme la suite des exposés du DA. Ceux-ci, par ailleurs, portent des traces d'inachévement et n'ont sans doute été définitivement codifiés que par un éditeur ancien dans la séquence oü nous les lisons. Il faut encore préciser que le DA ou, plutót, différents passages qu'il contient font l'objet de nombreuses références dont plusieurs paraissent attribuables à Aristote lui-méme et que l'on trouve dans différents textes du Corpus. C'est le cas des références tout à fait explicites, du type ἐν τοῖς περὶ ψυχῆς (θεωρήμασι ou διωρισμένοις), qui semblent renvoyer à l'une ou l'autre discussion abordée dans le DA et qui figurent dans les textes suivants : De l’interprétation 1, 16 a 8 (= allusion à DA, HI 6 ?) ; Du sens 1, 436 b 10 (= IL 5); b

14 (= HII 12, 434 b 10-23); 3, 439 a 8 (= III 6-11); a 16 (= IL 5; HI 2, 425 b 26, 426 a 15); a 18 (= III 6, 418 b 11); 4, 440 b 28 (= II 8);De la mémoire 1, 449 b 30 (= III 8, 432 a 10); Du sommeil2, 455 a 8 (= 112,413 64; IIl 12, 434 a 29; etc.) ; a 24 (= III 13, 435 a 12, b 2; etc.) ; Des rêves 1, 459 a 15 (= III 3, 431 a 10) ; De la respiration 8, 474 b 11 (= 11 2-3); Mouvement des animaux 6, 700 b 5 (= 112-5); Génération des animaux 113, 736 a 37 (= 11 3-4); V 1, 779 b 22 (= III l, 425 a 4; etc.) et 7, 786 b 25 et 788 b 1 (= II 8). Toutes font allusion à des

discussions déjà tenues, signalées par une expression du genre εἴρηται Ev, car la promesse d'une étude à venir sur l’âme que l'on trouve à la fin de Démarche des animaux 19, 714 b 23, ne semble pas être, quant à elle, une indication d' Aristote lui-même, mais celle d'un éditeur ancien. La plupart se rencontrent dans l’un ou l'autre texte de la collection baptisée « Parva naturalia », qui, à tous égards, pro-

340

ARISTOTE DE STAGIRE

longe les exposés du DA. Le fait qu'aucune ne vise un passage du livre I s’explique par le róle de préambule assigné à ce livre liminaire. IV Le plan de l'ouvrage et son contenu thématique. Le premier des trois livres que comporte le DA forme un long préambule (un quart du texte total environ) et, de ce fait, se trouve parfois négligé par les commentateurs, voire les traducteurs (par exemple, 34 with certain passages Oxford 1968, et 35 M. New York 1993). Outre

D. W. Hamlyn, Aristoile's De Anima. Book II and III, from Book I, translated with introduction and notes, Durrant (édit.), Aristotle's De Anima in focus, London/ une introduction générale (1 1), qui indique l'intérét, les

difficultés et les points de vue de l'enquéte longue revue des opinions antérieures sur le ailleurs (cf. 36 M. Danieli, Zum Problem der les. Untersucht am Beispiel von ‘De Anima' commence

sur l'áme, Aristote y propose une sujet, selon une méthode utilisée Traditionsaneignung bei AristoteI, Königstein 1984). Cette revue

par un exposé doxographique (I 2), qui collecte plusieurs doctrines

imputées aux présocratiques (Démocrite, Leucippe, Anaxagore, Empédocle, Thalès, Diogene d'Apollonie, Héraclite, Alcméon, Hippon, Critias, les pythagoriciens,...) et au Timée de Platon, pour illustrer la double thése que l’äme est principe de mouvement et principe de connaissance (cf. 37 S. Mansion, «Le róle de l'exposé et de la critique des philosophies antérieures chez Aristote», dans Aristote et les problèmes de méthode, Louvain 1961, p. 35-56). Elle se poursuit par une longue critique des idées touchant la nature de l'áme qu'on trouve dans ces doctrines (I 3-5) et, spécialement, dans deux théories non évoquées jusquelà, selon lesquelles l'âme serait une sorte d'«harmonie » ou un « nombre auto-

moteur » (I 4, 407 b 27-5, 409 b 19). — Avec le livre II, commence l'exposé positif de l'enquéte. Il s'ouvre par des considérations sur l'àme en général (II 13), dont Aristote établit d'abord (II 1) une définition «commune », valable pour tous les vivants, et dont il détaille, pour terminer (II 3), les différentes facultés

intégrées chez le vivant supérieur, en l'occurrence, chez l'homme. Étrangement, Aristote tient pour «ridicule», en II 3, 414 b 25, de rechercher la définition

«commune » de l'áme, laquelle se trouve pourtant proposée, sous formes, à partir de II 1 (412 a 5). Ce qui laisse penser que ce premier plus célébre du DA, est peut-étre un ajout à une version primitive du s'ouvrait par l'actuel chapitre 2. Ayant seulement observé, dans

différentes chapitre, le livre II, qui un premier

temps (comme en II 2), que tous les vivants ont en commun une áme « végéta-

tive », qui leur permet de se nourrir et de se reproduire, Aristote a-t-il, dans un deuxiéme

temps, bravé

le ridicule d'une définition «commune », qui ne serait

celle d'aucune áme spécifique, et risqué ainsi (comme on le voit en II 1) la formule célébre que l'áme serait «la substance comme forme d'un corps naturel qui a potentiellement la vie » (412 a 19-21)? Il est possible aussi que cette formule, si controversée (cf. 38 W. W. Fortenbaugh, «A Note on De Anima 412 b 19-20», Phronesis 13, 1968, p. 88-89) et les autres formules du méme genre aient été

d'abord esquissées, pour étre ensuite laissées de cóté, comme étant sans grande

DE ANIMA - TRADITION GRECQUE

341

importance. Quoi qu'il en soit, c'est aux ämes spécifiques, c'est-à-dire aux différentes facultés intégrées dans l'áme du vivant supérieur, qu'est consacré tout le reste du DA.

On y trouve d'abord une courte analyse du «nutritif » (l’äme fon-

damentale : II 4), interrompue par des réflexions sur la manière dont l’âme est cause et principe (415 b 7-416 a 18) et clöturde par la promesse explicite (416 b 30-31) d'études plus approfondies sur l'alimentation (si la promesse a été tenue, comme semble l'indiquer Du sommeil 3, 456 b 5-6, les textes qui y correspondent ont été perdus: cf. 39 P. Louis, « Le traité d' Aristote sur la nutrition», RPh 26, 1952, p. 29-35). Suivent alors de trés longs exposés consacrés au « cognitif » et d'abord au «sensitif». Conduite à partir des objets sensibles, l'étude du «sensitif », à elle seule, s'étend jusqu'en III 2 inclusivement. C'est, à plusieurs égards, la pièce maîtresse du DA (cf. 40 D. K. W. Modrak, Aristotle. The Power of Perception, Chicago/London

1987, et 41 W. Welsch, Aisthesis. Gründzüge

und Perspektiven der aristotelischen Sinneslehre, Stuttgart 1987). Elle commence par des considérations générales (II 5) sur la nature de la connaissance

sensitive. Truffées de rappels explicites (416 b 34; 417 a 1, a 17, a 19, b 14) et annonçant des éclaircissements à venir (417 b 29-30), ces considérations forment

peut-étre un morceau ajouté. Elles précédent, dans l'état actuel du texte, l'exposé des distinctions à faire entre différentes sortes de sensibles (II 6), notamment la

distinction des sensibles « propres » et des sensibles «communs», laquelle commande la suite des analyses. Identifiant les sensibles « propres » à chaque sens, Aristote, en effet, procéde successivement à l'examen de la vue (II 7), de l'ouie (II 8), de l'odorat (II 9), du goût (II 10) et enfin du toucher (II 11), qui est, selon

lui, le sens primordial, dont l'organe serait la région du cœur. Puis, après des conclusions provisoires (II 12), il procéde à l'examen du sens dit

«commun »,

postulé par des sensibles, tel le mouvement, pergus par tous les sens. Cet examen comporte une sorte de préambule (III 1), d'interprétation difficile, qui écarte la possibilité d'un sixiéme sens (cf. 42 T. Maudlin, «De Anima III, 1: Is Any Sense Missing ? », Phronesis 31, 1986, p. 51-67), et l'analyse des fonctions assumées en commun par les sens unifiés (III 2), comme le sentiment de sentir ou la

discrimination des sensibles (cf. 43 D. Modrak, «An Aristotelian Theory of Consciousness ? », AncPhil 1, 1980-1981, p. 160-170, et 44 /d., « Koine Aisthesis and the Discrimination of Sensible Differences in De Anima III, 2», CanJPhilos 11, 1981, p. 405-423). Prolongeant la longue étude du «sensitif», celle de l'«intellectif» est introduite par des distinctions (III 3) oü se trouve éclairée principalement la nature de la représentation (ou, comme on traduit souvent, de l'imagination: φαντασία) : les précisions qui figurent à partir de 427 b 27 ont peut-être été introduites aprés une première version. L'analyse de l'«intellectif» (III 4-6) contient plusieurs exposés complexes autant que célébres, portant sur la potentialité intellective, les sortes d'intelligibles, le principe producteur de l'intellection, l'intellection des simples, etc. Le plus célèbre (III 5) concerne le principe producteur de l'intellection (νοῦς ποιητικός), ce

qu'on appelle traditionnellement, non sans équivoque, «l'intellect agent» («The rendering of nous poiètikos as "maker mind” is meant to suggest the inadequacy

342

ARISTOTE DE STAGIRE

of the more usual translation of this phrase as “active mind” or “active intellect” » : 45 L. A. Kosman, « What does the maker mind make ?» dans Nussbaum-

Oksenberg Rorty 33, p. 343). Le texte laconique de cet exposé semble avoir souffert lors de sa transmission (et le court passage 430 a 19-21 n'est sans doute pas à sa place). Des considérations générales relatives à l’«intellectif» et au «sensitif » (III 7-8) servent, en somme, de conclusion à l'étude du «cognitif »

proprement tenue, non principe de d'une étude

dit et aussi de transition. Dès le livre I, en effet, l'âme avait été seulement pour un principe de connaissance, mais encore pour un mouvement. Aristote le rappelle en III 9, 432 a 15-19. C'est l'amorce de la faculté motrice ou «appétitive », la dernière des facultés ana-

lysées dans le DA (III 9-11). Aristote y insiste d'emblée sur l'unité de l'àme et

sur l'impossibilité de distinguer, sauf en raison, cette faculté « appétitive» du «cognitif ». Il y annonce aussi certains sujets qui sont traités dans les «Parva naturalia» (la respiration, le sommeil...: III 9, 432 b 11-12). Des développements supplémentaires, consacrés à la nécessité du «nutritif» et à l'utilité des sens (III 12-13) clóturent néanmoins le DA. Plutót qu'une conclusion, ils semblent ménager une transition vers ce qui est l'objet du premier petit traité (Du sens) de la série des «Parva naturalia » (bien que ces développements aient été considérés aussi comme étant, au départ, la suite des exposés qui s'achévent en 416 b 31: voir, à ce sujet, 46 D. S. Hutchinson, « Restoring the Order of Aristotle's De Anima», CQ 37, 1987, p. 373-381). Malgré les digressions, les éventuels morceaux déplacés ou les ajouts, malgré aussi les traces visibles d'inachévement, les textes du DA répondent globalement à un plan simple et trés clair, dont peu d'autres traités du Corpus Aristotelicum offrent l'équivalent. v Les études, critiques et commentaires antiques. Les théses exposées dans le DA, souvent sous forme d'esquisses, ont fait naturellement l'objet d'études explicatives et de critiques dés l'Antiquité. Un aperçu général des interprétations anciennes se trouve dans 47 P. Moraux, « Le De Anima dans la tradition grecque.

Quelques aspects de l'interprétation du traité, de Théophraste à Themistius», dans G.E. R. Lloyd et G. E. L. Owen (édit.), Aristotle on Mind and the Senses.

Proceedings of the Seventh Symposium Aristotelicum, Cambridge 1978, p. 281324. Les premières sont dues à Théophraste d'Érése, disciple d' Aristote. Elles ne concernent pas l'áme en général (le Περὶ ψυχῆς θέσις μία que des listes anciennes prétent à Théophraste et qu'on rapproche de l'allusion de Thémistius, In Ar. De anima (430 a 25] dans CAG V

3, p. 108, 11, nous est inconnu: cf.

48 M.G. Sollenberger, « Diogenes Laertius 5. 36-57: The Vita Theophasti», dans W. W. Fortenbaugh, P. M. Huby et A. A. Long, (édit.), Theophrastus of Eresus. On his life and work, coll. «Rutgers University Studies in Classical Humanities» 2, New Brunswick (USA]/Oxford 1985, p. 109. Elles concernent en partie les questions de la sensation. Sur ce point, le long fragment du De sensibus, qui correspond peut-être au Περὶ αἰσθήσεων a’, mentionné par Diogene Laérce V 42 et qu'a édité Diels 7, p. 499-527, comme un morceau du

DE ANIMA - TRADITION GRECQUE

343

Περὶ duoıx@v δοξῶν perdu, vise autant le DA que le traité Du sens contenu dans les « Parva naturalia» (voir, à ce sujet, 49 H. Baltussen, « Peripatetic Dialectic in the De sensibus», dans 49bis W. W. Fortenbaugh and D. Gutas, (édit.), Theophrastus. His psychological, doxographical, and scientific writings, coll.

RUSCH 5, New Brunswick [N.J.]/London 1992, p. 1-19. Les interprétations de Théophraste concernent aussi et surtout les doctrines de l'intelligence, exposées principalement dans DA, III 4-5. Ces interprétations nous sont connues indirectement par les témoignages tardifs que l'on trouve au IV* s. de notre ère, dans le Commentaire de Thémistius (dans éd. R. Heinze, CAG V 3, Berlin 1899) et, au VF, dans la Metaphrasis in Theophrastum de Priscien de Lydie (Opera quae

extant dans éd. M. Hayduck, CAG XI, Berlin 1882). Les fragments de Théophraste à ce sujet ont été étudiés par 50 E. Barbotin, La théorie aristotélicienne de l'intellect d'apres Théophraste, Louvain/Paris 1954. Ils montrent des essais de reformulation des doctrines d' Aristote (voir, en dernier lieu, 51 D. Devereux,

« Theophrastus on the Intellect», dans Fortenbaugh 49bis, p. 32-43). Les maigres informations dont nous disposons sur les théories psychologiques des autres péripatéticiens anciens (sauf peut-être les témoignages concernant Dicéarque (»D 98), qui contestait la «séparation » de l'intelligence: cf. 52 F. Wehrli, Die Schule des Aristoteles, vol. I, Basel 1944, p. 50) ne permettent pas de savoir comment ceux-ci lisaient le DA. On est à peine mieux renseigné sur le détail des opinions interprétatives des premiers péripatéticiens postérieurs à Andronicos de Rhodes. Il n'est pas sür que les rares réflexions de celui-ci sur l'áme, connues par Thémistius et Galien (»*G 3) (cf. Moraux 5, I, p. 132-136) proviennent d'un

commentaire au DA. Les renseignements épars dont on dispose sur les opinions de ses successeurs immédiats ont été rassemblés par Moraux 5, I, p. 172-176 (Boéthos de Sidon [»B

48]), p. 207-208 (Xénarque de Séleucie), p. 229-231

(Cratippe de Pergame [»*C 208]), lequel a également fait le point sur les éléments de psychologie (principalement la théorie de la connaissance sensitive) que contient la doxographie d'Arius Didyme [»*A 324] (I, p. 299-305). Les témoignages relatifs à Aristote de Mytilène (»*A 413), toujours réunis par Moraux 5 (II, Berlin/New York 1984, p. 406-425), donnent une idée des débats

soulevés par la noétique du DA au Ile s. Ces débats impliquent par ailleurs les platoniciens Albinus [(»*A 78] (IL, p. 465-466) et Atticus [»»Α 507] (IL p. 576).

Moraux 5 a encore extrait de Galien tous les éléments d'une théorie de l'áme confrontée aux thèses aristotéliciennes (II, p. 752-762 et 773-784). Mais des

recherches analogues font encore défaut pour plusieurs auteurs de la méme époque, notamment Plutarque et les Peres de l'Église. On sait en revanche qu'au tournant des II-III* siècles, Alexandre d'Aphrodise avait rédigé un grand commentaire au DA, auquel renvoient des commentaires plus tardifs, quant à eux conservés, et qui orienta l'interprétation ultérieure sur plusieurs points. D' Alexandre, sont encore conservés, cependant, un commentaire au traité Du

sens (publié par P. Wendland dans CAG III 1, Berlin 1901), qui traite plusieurs questions en rapport avec le DA, et, surtout, le De anima Liber cum Mantissa (publié par I. Bruns dans CAG, Suppl. II 1, Berlin 1887), qui se présente comme

344

ARISTOTE DE STAGIRE

«un second livre sur l’äme », où l'auteur prétend clarifier plusieurs thèses aristotéliciennes. En fait, l'ouvrage rassemble vingt-sept petits traités, dont un célébre De intellectu, d'authenticité discutée (cf. 53 B.C. Bazan, «L'authenticité du De

Intellectu attribué à Alexandre d'Aphrodise», RPAL 71, 1973, p. 468-487), qui a fait l'objet d'un des premiers travaux de 54 P. Moraux (Alexandre d'Aphrodise exégéte de la noétique d’Aristote, Liège/Paris 1942). Le commentaire de Thémistius (/n libros Aristotelis De Anima paraphrasis dans l'édition de R. Heinze, CAG V 3, Berlin 1899) est le premier commentaire conservé. Son importance,

notamment pour l'interprétation de la noétique, a été récemment mise en valeur dans une étude comparative avec les théories d' Alexandre (55 F. M. Schroeder et R.B. Todd, Two Greek Aristotelian Commentators on the Intellea. The De intellectu attributed to Alexander of Aphrodisias and Themistius Paraphrasis of Aristotle's "De anima", 3. 4-8. Introduction, Translation, Commentary and Notes

by

F.

M.S.

and R. B. T., Toronto

1990).

Le

travail

de Thémistius

est

original, bien qu'il appartienne à l'époque du néo-platonisme, volontiers syncrétiste (cf. 56 H.J. Blumenthal, « Neoplatonic Elements in the De Anima Commentaries », Phronesis 21, 1976, p. 64-87). Dans cette tradition, l'influence de Por-

phyre reste mal connue, en particulier celle de l'ouvrage perdu qu'il écrivit contre la psychologie de Boéthos de Sidon et dont témoigne principalement la

Préparation Évangélique d'Eusébe (voir, à ce sujet, Moraux 5, I, p. 172). On n'a conservé, dans la tradition néoplatonicienne, que des commentaires du VIes.: celui attribué à Simplicius (éd. M. Hayduck, /n libros Aristotelis De Anima commentaria dans CAG XI, Berlin 1882), qui est peut-étre, en fait, le travail de Priscien, les autres travaux de ce dernier, déjà cités (supra), et le Commentaire

de Jean Philopon (éd. M. Hayduck, In Aristotelis De Anima libros commentaria dans CAG XV, Berlin 1897), qui semble en partie (commentaire du livre III, à partir de 424 b 22) le travail d'Étienne d'Alexandrie (VI-VII* s.). Utiles pour juger à l'occasion de l'état du texte du DA à leur époque et pour connaitre les

travaux exégétiques antérieurs, aujourd'hui perdus, ces commentaires témoignent des tendances interprétatives dominantes à la fin de l' Antiquité.

VI État de la recherche. Les recherches savantes consacrées au DA par les érudits contemporains se présentent d'abord sous la forme de commentaires

ou

d'annotations à certaines éditions critiques: les plus importantes, à cet égard, sont celles, déjà signalées, de Rodier 18 (t. II), Hicks 20 et Ross 21 (le commen-

taire est de 1961). Un appareil de notes significatives accompagne aussi plusieurs traductions. En français, on signalera: 57 1. Tricot, Aristote. De I 'Áme. Traduction nouvelle et notes par J. T., Paris 1934 (nombreuses rééditions) et 58 R. Bodéüs (édit.), Aristote. De l’äme. Traduction inédite, présentation, notes

et bibliographie par R. B., Paris 1993. En allemand: 59 W. Theiler, Aristoteles. Über die Seele. « Aristoteles

Übersetzt

Werke

von

in deutscher

W.T.,

6° éd., Darmstadt

Übersetzung », von

1983

[1959], coll.

E. Grumach,

Hrsg.

von

H. Flashar, vol. XIII, et 60 H. Seidl, Aristoteles. Über die Seele. Mit Einleitung,

DE ANIMA - TRADITION GRECQUE

345

Übersetzung (nach W. Theiler) und Kommentar herausgegeben von ἢ. S., Ham-

burg 1995

(le texte grec reproduit est celui de Biehl-Apelt 17). En italien:

61 R. Laurenti, Aristotele. Dell'Anima. Traduzione, introduzione e note a cura di R.L., Napoli/Firenze 1970 (3* éd., Bari 1973) et 62 G. Movia, Aristotele. L'ani-

ma, Traduzione, introduzione e commento, a cura di G. M., Napoli 1979. En anglais: Hamlyn 34, Durrant 35 (le commentaire est remplacé par six contributions d'auteurs différents). Par ailleurs, les études spécialisées, monographies et

articles de revue, ont été, pour la plupart, recensés dans les bibliographies dressées par Movia 62, Nussbaum-Oksenberg-Rorty 33, et Bodéüs 58 (les listes bibliographiques ont été réparties ici, sous différentes rubriques thématiques, qu'accompagnent

les références aux principales sections du DA

traitant des

thémes en question). Plusieurs études ont été réunies en recueil par Durrant 35, Nussbaum-Oksenberg-Rorty 33, Lloyd-Owen (cité à propos de Moraux 47) et 63 J. Barnes,

M. Schofield et R. Sorabji (édit.), Articles on Aristotle, t. IV:

Psychology and Aesthetics, London 1979. Parmi les monographies importantes, outre Modrak 40 et Welsh 41, on signalera : 64 F. Brentano, Die Psychologie des Aristoteles, insbesondere seine Lehre vom νοῦς ποιητικός, Mainz 1867, réimp. Darmstadt 1967; traduction anglaise, par R. George, sous le titre The

Psychology of Aristotle, Berkeley 1977 ; 65 H. Cassirer, Aristorle’ Schrift "Von der Seele" und ihre Stellung innerhalb der aristotelischen Philosophie, Tübingen 1932; 66 A. E. Chaignet, Essai sur la psychologie d'Aristote, Paris 1883 ; 67 P. Cosenza,

Napoli

Sensibilità, percezione,

esperienza secondo Aristotele,

1968; 68 R. M. Dancy, Sense and Contradiction. A Study in Aristotle,

Dordrecht 1980; 69 M. De Corte, La doctrine de l'intelligence chez Aristote, Paris 1934; 70 W. W. Fortenbaugh, Aristotle on Emotion. A Contribution to Philosophical Psychology, Rhetoric, Poetics, Politics, and Ethics, London 1975 ; 71 O. Hamelin, La théorie de l'intellect d'après Aristote et ses commentateurs, avec une introduction par E. Barbotin, Paris 1953; 72 E. Hartman, Substance, Body, and Soul: Aristotelian Investigations, Princeton 1977 ; 73 V. Kal, On Intuition and Discursive Reasoning in Aristotle, Leiden 1988 ; 74 K. Oehler, Die Lehre vom noetischen und dianoetischen Denken bei Platon und Aristoteles,

München

1962; 75 G. Picht, Aristoteles’ De anima. Mit einer Einführung von

Enno Rudolf, Stuttgart 1987 ; 76 H. Seidl, Der Begriff des Intellekts (νοῦς) bei Aristoteles im philosophischen Zusammenhang seiner Hauptschriften,

Meisenheim a. G. 1962; 77 G. Soleri, L'immortalità dell'anima in Aristotele, Torino 1952 ; 78 E. E. Spicer, Aristotle's Conception of the Soul, London 1934 ; 79 P. Van Schilgaarde, De zielkunde van Aristoteles, Leiden 1938; 80 M. V. Wedin, Mind and Imagination in Aristotle, New Haven 1988; 81 F. Weiss, Hegel's Critique of Aristotle's Philosophy of Mind, La Haye 1969. A signaler, enfin, le précieux index de 82 G. Purnelle, Aristote. De Anima. Index verborum. Listes de fréquence, Liege 1988. RICHARD BODEÜS.

DE ANIMA. TRADITION ARABE PLAN DE

LA NOTICE

l. Introduction

IL La transmission arabe, directe et indirecte du DA IIl. La connaissance des commentateurs hellénistiques du DA par la tradition arabe IV.

Les principales œuvres des auteurs arabes sur le DA.

I. Introduction

Le De Anima (DA) d' Aristote connu des arabes vers la fin du III s. H/X* s., traduit par Isháq b. Hunayn (m. 910), a représenté dans cette tradition une œuvre maitresse dans le champ strict de la psychologie et de la noétique, mais il a joué également un rôle fondateur de la science de l’âme comme science intermédiaire entre la physique et la métaphysique, róle qui lui avait déjà été reconnu dans la tradition alexandrine, par exemple dans l’œuvre de Simplicius. Voir 1 Simplicius, in De anima, p. 2, 29- 3, 28 Hayduck (CAG XI, 1882): «Elle a (la science

de l'áme) quelque chose de commun avec ce qui dépasse la nature et en méme temps elle s'incline vers la nature » (cité d’après 2 J. Jolivet, L'intellect selon Kindi, Leiden 1971, p. 47 n. 1). Ce rôle est particulièrement souligné par Averroès qui, dans deux de ses épitomés, l'Épit. au DA (3 A.F. al-Ahwani [édit.], bn Rusd, Talhis Kitäb al-

Nafs, Épitomé du Traité de l'âme, Le Caire 1950, p. 93), et l'Épit. de la métaphysique (4 O. Amine [édit.], Jbn Rusd, Talhis Mà ba'd al-tabi'a, Le Caire 1958, 8 24, p. 135), établit la nécessité de faire précéder la science métaphysique par la connaissance de la science de l'áme, illustrant cette conception à ces deux endroits cruciaux par la méme parole ou tradition (hadit) attribuée au Prophéte Muhammad : « Connais-toi, tu connaitras ton Créateur ».

Le texte du DÀ est conservé dans quatre traditions : grecque, sémitique (arabe et arabo-hébraique), latine dérivée du grec, et latine dérivée de l'arabe. 5 L.

Minio-Paluello,

« Le texte du De Anima d'Aristote: la tradition latine avant

1500», dans ses Opuscula. The latin Aristotle, Amsterdam

1972, p. 252, remar-

quait justement que «les éditeurs du texte grec du DA, à une exception pres, n'ont pas considéré les sources sémitiques ou latines ». Les études de la tradition arabe et arabo-latine qui se sont développées durant la deuxième moitié du X X* siécle deviennent un complément nécessaire à l'étude de la tradition grecque. Une importante conclusion a été établie à partir des travaux sur la transmission du DA

d'Aristote et de ses commentateurs grecs à la culture arabe. Les

études des traditions arabe, arabo-latine et arabo-hébraique sont indispensables pour compléter la connaissance de la tradition grecque.

DE ANIMA - TRADITION ARABE

347

Dans l'introduction de son édition de la traduction arabe du DA qu'il attribuait

à Ishaq b. Hunayn, 6 ‘A. Badawi, Aristütälis, Fi al-nafs [...]. Räga'ahà

‘alä usülihä al-yünäniyya wa-Sarahahä wa-haqqaqahá wa-qaddama lahà 'Abdurrahmán Badawi, coll. « Diräsät Islämiyya» 16, Al-Qähira 1954, réimpr. Al-Kuwayt/Bayrüt 1980, introd. p.(1)-(24), texte, p. 3-88, observait, p. (23), que le ms grec sur lequel elle a été exécutée était plus ancien que le plus ancien des grecs connus actuellement. Examinant la traduction attribuée à Michel Scot (m. 1235) du Grand Commentaire d'Averroes au DA édité par 7 F. Stuart Crawford (édit.), Averrois Cordubensis : Commentarium Magnum in Aristotelis de Anima libros, Cam-

bridge (Mass.) 1953, Minio-Paluello 5 concluait: «La traduction de Michel Scot représente donc un texte arabe inconnu se rapportant à un texte grec, trés probablement antérieur au dixième siècle dont elle est le seul témoin ou au moins (si

l'on suppose que celle-ci dérive du méme manuscrit) un témoin plus exact dans beaucoup de détails que la traduction d'Ishàq» [Minio-Paluello admettait provisoirement (p. 250 n. 2) que la traduction publiée par Badawi, et dont des passages correspondaient à une traduction attestée dans le Grand commentaire au DA d'Averroés et désignée comme alia translatio, était celle d'Ishaq]. Dans l'introduction de son édition de la traduction arabe à la Paraphrase de Thémistius, 8 M.C. Lyons (édit.), The Arabic Version of Themistius "De Ani-

ma", London 1973, p. XIII, concluait à son tour que, datant ancien manuscrit grec utilisé par Heinze pour son édition de Thémistius (le Coislinianus 386) est plus récent de deux siécles dont disposait Ishäg. Celui-ci serait le témoin d'une famille de

du XT° s, le plus la paraphrase de que le manuscrit mss différente de

la tradition grecque connue actuellement. Dans quelques cas la version arabe

semble avoir conservé un texte meilleur que celui de tous les mss grecs connus. La traduction récente de la Paraphrase par 9 R. B. Todd (édit.), Themistius, On Aristotle, On the Soul, translated by R. B. T., London 1996, a tenu compte de plusieurs émendations apportées au texte grec à partir de la traduction arabe par 10 G.M. Browne, « Ad Themistium Arabum », /CS 11, 1986, p. 223-245. II. La transmission arabe, directe et indirecte (arabo-latine et arabo-hébraique)

Outre les traductions du texte aristotélicien, la tradition arabe a connu une paraphrase anonyme du DA (voir plus loin la notice rédigée par 11 Rüdiger Amzen, «Le DA dans une paraphrase Anonyme », et 12 Id., Aristoteles’ De Anima, Eine verlorene spütantike Paraphrase in Arabischer und Persischer

Überlieferung, hrsg. von R. A., Leiden 1998). Une étude d'ensemble sur la transmission et la tradition arabe du DA qui rappelle les sources anciennes, al-Nadim, Ibn Gulgul, al-Qifti, Häggi Halifa, et les interprétations modernes de Steinschneider, Badawi, Peters, Frank, se trouve dans 13 H. Gátje, Srudien zur Überlieferung der aristotelischen Psychologie im Islam, coll. «Annales Universitatis Saraviensis, Philosophische Fakultüt » 11,

348

ARISTOTE DE STAGIRE

Heidelberg 1971, (p. 20-27). Un exposé détaillé de la source ancienne principale. 14 le Fihrst d'al-Nadim (édité par Reza Tajaddud, 2* éd. Téhéran [s.d.], p. 311312), est donné par 15 F.E. Peters, Aristoteles Arabus. The oriental translations

and commentaries on the Aristotelian Corpus, coll. « Monographs on Mediterranean Antiquity » 2, Leiden 1968, p. 40-45. L'information ambigué ou lacunaire donnée par al-Nadim a suscité plusieurs interprétations dans la critique moderne. Selon al-Nadim, « l'ouvrage consiste en trois livres (magäla). Hunayn en fit une

traduction complète en syriaque ; Ishäq le traduisit avec omission d'une petite partie. Il en fit une seconde traduction compléte soignée. Thémistius rédigea un commentaire de la totalité de l'ouvrage, le premier livre en deux sections, le deuxième en deux sections et le troisième en trois. Ishäq dit: "J'ai traduit cet ouvrage à partir d'un manuscrit défectueux. Apres trente ans j'ai trouvé un trés bon manuscrit que j'ai collationné avec ma premiere version" ». Le texte continue ainsi: «et c'est le commentaire de Thémistius ». 16 1. Lippert (édit.), Al-

Qifti, Ta'rih al-hukama’, Leipzig 1903, p. 41, reprend cette citation mot à mot pour le premier paragraphe mais il altére le second en disant: «Ishäq a fait une

traduction de ce qu'a écrit Thémistius à partir d'un mauvais manuscrit. Après trente ans, il l'améliora par la collation avec un bon manuscrit». Les difficultés d'interprétation liées à l'information rapportée par al-Nadim et à son amendement par al- Qifti, sont accrues par le fait que la traduction arabe de la Paraphrase de Thémistius au DA est qualifiée, dans le manuscrit, de “deuxième traduction” d'Ishaq b. Hunayn (Lyons 8, p. 42, et p. 88). Cette traduction avait été présentée par 17 M.C. Lyons, BSOAS 17, 1955, p. 426-435. Ces informations cumulées aboutissent chez un bibliographe tardif, 18

Hàggi

Halifa, Kasf al-zunün, ed.

Yaltkaya et Rilge, Istambul 1362H/1943, vol. II, col. 1407, à la supposition d'une double traduction par Ishäg, respectivement du DA d' Aristote et de son commentaire par Thémistius.

L'hypothèse longtemps soutenue est que Ishäq a exécuté deux traductions du DA, l’une incomplète, l’autre complète : voir 19 M. Steinschneider, Die arabischen Übersetzungen aus dem Griechischen [1889-1891], réimpr. Graz 1960, p. 60; 20 R. Paret, « Notes bibliographiques sur quelques travaux récents consa-

crés aux premières traductions arabes d'œuvres grecques», Byzantion 29-30, 1959-1960, p. 387-446, notamment p. 405 ; Peters 15, p. 41. Badawi 6 publie en 1954 une traduction complète du texte du DA, d’après le ms. Aya Sophia 2450 où elle est attribuée à Ishaq et que Badawi présente comme la deuxième et trés bonne traduction d’Ishäq, exécutée en 265H/879, soit une dizaine d'années après

la mort d'al-Kindi. Bien qu'admettant l'existence de deux traductions par Ishàq, Badawi 6, p. 16, maintient cependant une interrogation: comment la bonne traduction est-elle demeurée ignorée par Avicenne dans ses Gloses au traité de l'âme (voir 21 A. Badawi [édit.], /br Sina: al-ta'liqát ‘alä hawasi kitab al-nafs li-Aristatälis, Aristü 'inda al-'arab, Le Caire 1947, 2* éd., Koweit 1978, présentation p. (33)-(35), texte p. 75-116), cent vingt ans aprés son exécution supposée

par Ishäq et, près de quatre siècles plus tard, par le traducteur hébreu Serahja ben Isaac ben Schealtiel (voir plus bas 30) qui traduit en 1284 le DA de l'arabe à

DE ANIMA - TRADITION ARABE

349

partir d'une traduction composite, faite de la version d'Ishàq, et à partir du milieu du troisieme livre (431 a 14) d'une version attribuée à Ibn Zur'a (m. 398H/1008)

élève de Yahya Ibn ‘Adi (m. 974)? L'attribution à Ishaq du texte publié par Badawi, acceptée provisoirement et suivant le manuscrit par Minio-Paluello 5, p. 250 n. 2, a été rejetée par 22 R. M. Frank, « Some fragments of Ishäq's translation of the de Anima», Byrsa 8, 19581959, p. 231-251. Pour Frank, la version publiée par Badawi remonte à une trés pauvre copie d'un exemplaire grec. Caractérisée par un vocabulaire technique peu rigoureux, des imprécisions et des distortions de sens, et comportant plu-

sieurs ornissions par saut du méme au méme qui remonteraient à l'archétype grec (ex. en 412 a 21), cette traduction peut difficilement étre l'excellente traduction d’Ishäg. Pour les qualités de traducteur de ce dernier voir 23 R. Walzer, «The Arabic translations of Aristotle », Oriens 6, 1953, p. 98.

Les gloses marginales d'Avicenne au DA publiées par Badawi 21 contiennent des informations que Frank utilise au profit de sa these. Les gloses — qui seraient bien originairement des gloses, Frank 22, p. 235 et n. 4, et non pas une partie d'un commentaire complet ou une partie de l'ouvrage perdu d'Ibn Sinä, Al-Insaf,

selon l'hypothése de Badawi 21, p. 16, 24 S. Pines, «La Philosophie orientale d'Avicenne et sa polémique contre les Baghdadiens» AHMA 27, 1952, p. 10 n. 3, et 25 J. Finnegan, « Avicenna's refutation of Porphyrios », dans Avicenna Commemoration

Volume, Calcutta, Iran Society, 1956, p. 196, et auraient été

composées probablement avant A/-Insáf (cf. 27 D. Gutas, Avicenna and the Aristotelician

Tradition.

Introduction

to reading

Avicenna's

philosophical

works, coll. «Islamic Philosophy and Theology » 4, Leiden 1988, p. 139 et n. 14) -, sont fondées, d'aprés une note marginale du manuscrit (Badawi 6, p. 109 n. 1), en partie (jusqu'à 431 a) sur une version - la version incomplète ? - attribuée à Ishäq. Le restant du texte (commentant 431 a 14b sqq.) est dit, d’après la méme note marginale, fondé sur «une autre traduction » qui se révèle, d’après

Frank 22, p. 232 et n. 7, celle-là méme publiée par Badawi. Le texte composite qui accompagnait les Ta ligat pourrait être le méme (Frank 22, p. 235 n. 1) qui a servi à la version hébraique de Zerahyah Ben Isaac conservée dans un manuscrit

de la bibliothéque nationale de Turin (cf. 28 G. Peyron, Codices hebraici..., n? LXXVI a, III, 27, p. 72 sqq.) détruit par l'incendie de 1904. La première partie de ce texte (fol. 92-115) était attribuée par le traducteur hébreu à Isháq et la seconde (fol. 115-119) l’etait à Ibn Zur'a. Identifiant la version accompagnant

les gloses d'Avicenne au DA jusqu'à 431a à la version incomplète d'Ishäq, Frank, ibid., ne se prononce pas sur l'attribution à Ibn Zur'a de la fin du texte utilisé par Avicenne. La conclusion de Frank est qu'il n'y a pas eu de seconde traduction du DA par Ishäq. La tradition indirecte, arabo-latine et arabo-hébraique, apporte d'autres précisions sur la transmission arabe du DA. - Le Grand Commentaire au DA d' Averroes n'existe plus que dans sa traduction latine due à Michel Scot (m. 1235) avant 1230, publiée par Stuart Crawford 7.

350

ARISTOTE DE STAGIRE

L'étude de Minio-Paluello 5, reprise dans 29 DSB

1, 1970, p. 267-281,

a

montré que la traduction arabo-latine de Michel Scot permettait de «reconstruire dans maints détails un texte arabe perdu et de remonter à un texte grec (Phi) antérieur à tous les manuscrits grecs conservés. Phi représentait une tradition indépendante de celles que nous connaissons et peut-étre meilleure qu'elles» (5, p. 275-276). D'une comparaison entre plusieurs parties de la traduction des lemmes et les parties correspondantes de la traduction arabe attribuée à Ishäg, Minio-Paluello 5, p. 270, a montré que les deux sont indépendantes. Par ailleurs, dans son Grand commentaire, Ibn Rusd utilise une autre traduction (alia translatio) que Minio-

Palluelo a identifiée comme Badawi 6. En dix passages, p. 270 n. 38: 405 b 23-24 (284); 430 a 23-25 (452);

étant l’alia (46) ; 431 a

la traduction attribuée à Ishäq et publiée par translatio est attestée (voir Minio-Paluello 5, 408 b 11-18 (86); 417 b 9 (218); 422a 8-10 14-15 (469); 431 b 17-19 (480); 432 b 30-

433 a 1 (514); 433 a 25-26 (519); 433 b 21-24 (526). Les morceaux sont trop

courts pour permettre des déductions quelconques sur l'histoire du texte grec. La version hébraique du DA faite à partir de l'arabe par Zerahjah en 1284 publiée par 30 Gerrit Bos, Aristotle's De Anima, translated into Hebrew by Zerahyah Ben Isaac Ben Shealtiel Hen. A critical edition with an introduction and index by G. B., coll. « Aristoteles Semitico-latinus » 6, Leiden 1994, dépend de la méme source arabe (30, p. 7 et chap. 4) que la traduction principale de Michel Scot conservée dans les lemmes du Grand commentaire d' Averroes. Elle est attribuée, dans l'introduction du traducteur Zerahyah et dans une formulation ambigué (Bos 30, p. 9), pour une part (jusqu'à 431 a 14) à Ishäq et pour le reste à 'Isà Ibn Ishàq, que Steinschneider avait identifié à Ibn Zur'a. Cette formulation est interprétée par Bos 30, p. 12 conformément à une éventualité envisagée par Steinschneider selon laquelle cette traduction serait l’œuvre exclusive d'Ibn Zur'a à partir d'une version compléte syriaque traduite elle-méme du grec en partie par Hunayn (jusqu'à 431 a 14) et complétée par Ishaq. Bos commet malheureusement un fácheux lapsus calami en écrivant (30, p. 12): «My interpretation of this passage is in accordance with Steinschneider, mentionned above. That is to say, that Hunayn translated the first part from Syriac into Arabic, Ishàq the second part (from 431 a 14), while Abü 'Isa Ibn Zur'a translated the cornplete

text from Syriac into Arabic» ! Selon l'hypothèse de Steinschneider, Hunayn a traduit du grec en syriaque, non du syriaque à l'arabe. 31 Alfred L. Ivry, « The Arabic text of Aristotle' De Anima and its translator », Oriens 36, 2001, p. 5977,

qui

ne

remarque

pas

cette

erreur,

reproduit

cependant

correctement

l'hypothése de Steinschneider (31, p. 62). Lui-méme soutient l'hypothèse suggérée par Gätje 13 selon laquelle une deuxième traduction d’Ishäq aurait effectivement existé qui aurait servi dans les lemmes du Grand commentaire d'Averroés. La conclusion d'Ivry, 31, p. 64, est qu’Ishäq serait la source commune de la plupart des citations empruntées au DA, par Avicenne, Averroès et Zerahyah.

DE ANIMA - TRADITION ARABE

351

Des trois études les plus approfondies sur la transmission à l’arabe du DA, Frank 22, Gätje 13 et Minio-Paluello 5, il apparait qu'au moins trois traductions différentes, dont on a conservé en partie les textes ou une traduction, à part la Paraphrase Anonyme dont la rédaction originaire est attribuée à Ibn al-Bitriq (voir 11) ont été faites du DA dans la tradition arabe : une version incomplète attestée dans les notes marginales d’Avicenne sur le DA (Badawi 21), qui représenterait la première traduction d'Ishàq b. Hunayn ; une traduction anonyme ou

du pseudo-Ishaq publiée par Badawi 6 et dont des morceaux figurent dans la partie du commentaire du Grand commentaire d'Averroés désignée comme l'alia translatio ; une traduction anonyme (la deuxième traduction - complète —

d’Ishäq ?), conservée dans les lemmes du Grand commentaire d'Averroés et dans la traduction hébraique de Zerahya ben Isaac. Les divisions du texte dans la tradition arabe

Les divisions du texte dans différentes traditions manuscrites peuvent encore intéresser l'histoire de la transmission du DA. On peut comprendre à la lecture des Mubähatär d' Avicenne dans Badawi 21, p. 120, avec Gutas 27, p. 61, n. 3, que la traduction dont dispose Avicenne fait commencer le livre III du DA au chap. 4, 429 a 10, c'est-à-dire par la discussion de la nature de l'intellect matériel alors que dans la tradition grecque il commence à 424 b 22. La même division est opérée dans les lemmes du Grand commentaire du DA d'Averroes, Crawford 7, p. 379. La traduction du pseudo-Ishäg, éditée par Badawi 6, donne les divisions des livres suivant la division du texte grec (Badawi 6, p. 5, 402 a 1, début du livre I; P. 29, 412 a 5, début du livre II; p. 62, 422 b 22, début du livre IIT). D'autre part, Averroes utilise dans son Commentaire moyen du DA une traduction qui suit la division du texte grec: 32 A. Ivry (édit.), Averroes' Middle Commentary on Aristotle's de Anima, Le Caire 1994, (p. 1, 402 a 1, début du

commentaire du livre I; p. 46 indique la fin du commentaire du livre 1; p. 47 indique le début du commentaire du livre II, 412 a 5; p. 101, 424 b 22 indique le début du commentaire du livre III).

La division du DA de la tradition arabe a eu une influence importante sur l'histoire médiévale du commentaire au DA: voir 33 A. Gauthier, Thomae Aquinatis, Sententia libri, Opera Omnia, éd. Leonine, t. XLV,

1, Roma

1984,

Préface, p. 110-117. III. La connaissance des commentateurs hellénistiques du DA par ia tradition arabe Les sources biobibliographiques et les textes des auteurs ont conservé une partie de l'information sur la connaissance des commentaires hellénistiques du DA. Théophraste, Alexandre d'Aphrodise, Porphyre, Thémistius, Simplicius, Philopon sont cités ou, pour certains, connus par leurs textes.

352

ARISTOTE DE STAGIRE

L'étude de ces auteurs dans leur rapport avec la tradition arabe, pour ce qui concerne leurs œuvres psychologiques, a été méthodiquement engagée par J. Jolivet, 2, chap. 2, p. 31-86, lors de son examen des sources grecques possibles de l'Épitre sur l'intellect d'al-Kindi, (m. 873). Théophraste

L'essentiel des références à Theophraste à propos de l'áme et l'intellect est rassemblé par Dimitri Gutas dans 34 Theophrastus of Eresus, Sources for his life

writings, thought and influence edited and translated by W. Fortenbaugh, Pamela M. Huby, R. W. Sharples (Greek and Latin) and D. Gutas (Arabic), Part Two

1992, n° 266, p. 4-6, n? 272, p. 10; n? 308 A et 308 B p. 58-65. Le traité de Qustà b. Lüqä où l'auteur dit avoir utilisé, pour montrer la différence entre

l'esprit et l'áme (a/-rüh wa al-nafs), les livres d’Aristote et de Théophraste sur l'áme a été publié par 35 G. Gabrieli, «La Risalah di Qusta b. Lügä, sulla differenza tra la spirito e l'anima », RAL ser. V, 19, 1910, p. 622-655 ; une réédition de ce texte par J. Wilcox est en voie de publication. Dans le Grand commentaire d' Averroés au DA, on remarque que Théophraste est le plus souvent cité avec Thémistius. Alexandre d'Aphrodise Pour les œuvres psychologiques d' Alexandre connues voir 36 R. Goulet et M.

Aouad, art. « Alexandros d'Aphrodisias» A 112, DPhA notamment p. 134.

I, 1992, p. 125-139,

Porphyre

Un petit traité sur l'àme (qui a plutót pour objet l'intellect) attribué à Porphyre (Magala li-Furfürius Fi al-nafs), publié par 37 W. Kutsch, «Ein arabisches

Bruchstück

aus

Porphyrios

(?) Περὶ

φυχῆς,

und die Frage des

Verfassers der "Theologie des Aristoteles"», MUSJ 31, 1954, p. 268-269, est conservé, Il a été analysé par Jolivet 2, p. 74-80. Thémistius La Paraphrase de Thémistius au DA traduite par Ishäq b. Hunayn a été amplement utilisée par les auteurs arabes. Dans les gloses marginales d'Avicenne au DA (21), Thémistius

est cité nommément

(p. 98), Averroes

utilise

abondamment la Paraphrase du DA de Thémistius dans ses trois œuvres principales, Abrégé, Commentaire moyen et Grand commentaire sur le DA, en particulier pour le commentaire du livre III. C'est par rapport aux doctrines d'Alexandre et de Thémistius qu'il élabore sa doctrine tant commentée à partir du XIIT° s. sur la nature de l'intellect matériel. Publiée par Lyons 8, elle a conservé la division originaire grecque en sept livres, comme le remarque 38 R. Todd, Two Greek Aristotelian Commentators on the Intellect, The De Intellectu attributed to Alexander of Aphrodisias and Themistius' Paraphrase of Aristotle De Anima 3. 4-8, Introduction, translation, commentary and notes by F. M. Schroeder and R. B. Todd, coll. « Mediaeval

DE ANIMA - TRADITION ARABE

353

Sources in Translation » 33, Pontifical Institute of Medieval Studies, Toronto,

1990, p. 77 n. 1. La version arabe semble avoir conservé un meilleur texte que tous les mss grecs connus.

Exemple, en III 3-4, 428 b 2 - 429 b 31, le texte arabe de la para-

phrase est totalement différent de la version grecque. Il n'y a pas de trace d'un texte interpolé ou dû à un auteur arabe: Lyons 8, p. XIII-XIV ; Todd 9, p. 40 n. 135. L'édition de Heinze se rapproche du texte de la traduction latine de G. de Moerbeke, Todd 9, p. 40; la version arabe par contre apporte des différences de recension très significatives. Plusieurs émendations opérées dans la traduction de Todd 9, p. 32, 40 n., 87 n., 90 n., 92 n., 112 n., 113 n., 115 n., 125 n., 127, à par-

tir des lectures de la version arabe recensées par Browne 10, p. 223-245, montrent les limites de l'édition de Heinze. . Simplicius

L'information donnée par al-Nadim sur l'existence d'un bon commentaire de Simplicius au DA en syriaque et en arabe n'a pu étre vérifiée. L'ensemble des interprétations de la formulation d'al-Nadim est réexaminé par 39 I. Hadot, «La vie et l’œuvre de Simplicius d’après des sources grecques et arabes», dans I. Hadot (édit.), Simplicius, sa vie, son œuvre, sa survie. Colloque de Paris, 1985. coll. « Peripatoi » 15, Berlin 1987 p. 23-27. L'authenticité du texte grec attribué à

Simplicius, qui avait été mise en doute, est admise par le méme auteur 39, p. 24. Le Fihrist d'al-Nadim mentionnait en outre le nom d'un dédicataire énigmatique, Atawalis, (voir 40 M. Aouad, art. « Atäwälis» A 467, DPhA, t. I, p. 637-

639) du commentaire de Simplicius. Selon I. Hadot 39, p. 26 : «On ne peut tirer argument de l'existence de cette dédicace, attestée par le Fihrist, pour refuser

l'authenticité du commentaire que nous connaissons aujourd'hui sous le nom de Simplicius sous prétexte qu'il ne contient pas la dédicace en question ».

Jean Philopon Le problème de la connaissance par la tradition arabe du Traité de l'âme de Jean Philopon a été rigoureusement analysé par J. Jolivet 2 lors de son examen des sources grecques possibles qui auraient influencé la doctrine d'al-Kindi sur l'Intellect. D'un examen détaillé des sources bio-bibliographiques arabes et des historiens modernes

sur le commentaire

du DA

de Philopon,

Jolivet conclut:

(p. 70-73): «L'examen des sources nous laisse devant cette seule certitude: les bio-bibliographes arabes ne citent pas nommément le commentaire de Philopon

au Traité de l'áme; ils ne disent rien qui nous force à penser que ce commentaire soit resté totalement ignoré». Cependant: «Les recherches conduites dans les deux domaines, celui du sens et celui de la lettre [de I’Epitre sur l'intellect], se

confirment réciproquement. Elles semblent bien conduire à reconnaitre une influence de Philopon sur Kindi, non globale et de seconde main mais directe -méme si nous ne savons pas précisément ce qu'a pu lire Kindi». Cette hypothèse est confirmée par les travaux de G. Endress sur «le cercle d'al-Kindi ». Celui-ci connait les doctrines du DA de Philopon par le Compendium d’Ibn al-Bitriq (voir

354

ARISTOTE DE STAGIRE

11) du DA, dont Endress a montré la parenté avec le DA de Philopon. Voir 41 G. Endress, « The Circle of al-Kindi, Early Arabic rise of Islamic philosophy », dans G. Endress Tradition in Christian and Islamic Hellenism. Greek Philosophy and Sciences, dedicated

translations from Greek and the et R. Kruk (édit.), The Ancient Studies on the Transmission of to H.J Drossart Lulofs on his

ninetieth birthday, Leiden 1997, p. 43-76, p. 57. Dans les gloses marginales d’Ibn Sinä au DA (Badawi 21), Jean Philopon n'est jamais cité mais le Kitab Yahya al-nahwi (probablement le commentaire au DA) est cité dans son Kitab al-Mubahatat (Badawi 21, p. 121).

La possibilité qu' Avicenne ait connu le commentaire au DA de Philopon est envisagée par 42 D. Gutas, «Philoponos and Avicenna on the separability of the Intellect. A Case of Orthodox-Muslim agreement», The Greek Orthodox Theological Review [Brookline, Mass.] 31, 1986, repris dans D. Gutas, Greek Philosophers in the Arabic Tradition, Aldershot 2000, article n? XI. Averroès ne semble pas avoir disposé d'un texte de Philopon sur le DA. Le

nom de celui-ci n'apparait ni dans l' Épitomé, ni dans le Commentaire moyen, ni dans le Grand commentaire au DA. Aussi il ne semble pas que ce soit par lui que Thomas d' Aquin a pu connaitre le DA de Philopon. La suggestion de R. Sorabji dans W. Charlton (édit.), Philoponus on Aristotle on the Intellect (de Anima, 3.

4-8), translated by W.C. with the assistance of F. Bossier, London 1991, p. 8, 8 2, selon laquelle c'est par Averro&s ou par Michel d’Éphèse que saint Thomas aurait connu le DA de Philopon, qu'il ne pouvait par ailleurs connaître par la traduction de Guillaume de Moerbeke exécutée aprés sa mort, ne vaut semble-t-il pas pour l'auteur arabe. Olympiodore

Un commentaire d'Olympiodore, non signalé dans les sources grecques, est attesté, en version

syriaque, dans

le Fihrist

d'al-Nadim

(voir M.

Rashed,

« Textes inédits transmis par l'Ambr. Q 74 sup. Alexandre d'Aphrodise et Olympiodore d' Alexandrie », RSPT 81, 1997, p. 237.

IV. Les principales œuvres des auteurs arabes sur le DA

Les travaux des philosophes arabes, d'al-Kindi à Averroes, sur le DA ou plus généralement sur la théorie de l'âme et de l'intellect issue d' Aristote ont été fon-

damentaux aussi par leur postérité médiévale. 44 É. Gilson, « Les sources grécoarabes de l'augustinisme avicennisant», AHMA 91, 1929-1930, p. 5, remarquait qu'«en jetant un coup d'oeil sur les manusrits qui contiennent des traductions

latines médiévales d'œuvres arabes, on constate aisément l'existence d'une tradition qui voulait que certains traités De Intellectu fussent recopiés dans le méme volume et réunis pour la plus grande commodité du lecteur. Alexandre d'Aphrodise, Alkindi, Alfarabi, le De anima d' Avicenne semblent s'appeler les uns les autres et se compléter mutuellement. C'est qu'en effet ces écrits formaient une chaîne doctrinale qui permet de suivre les progrès accomplis par la spéculation philosophique touchant la doctrine de l'intellect».

DE ANIMA - TRADITION ARABE D'al-Kindi publiées.

355

à Averroes, les œuvres ont été pour la plupart conservées et

- al-Kindi. L'Építre sur l'âme (Al-Risäla fi al-nafs) et L'Épitre sur l'intel-

lect (Al-Risäla fi al-'agql) ont été publiées par 45 A. Abü Rida avec l'ensemble des épitres d'al-Kindi, Rasa’il al-Kindi al-falsafiyya, Le Caire 1954; t. I: AlNafs, p. 270-80 ; Al- 'Aql, p. 312-358: présentation, p. 312-353, texte, p. 353-358. La derniere a été rééditée dans Jolivet 2 (texte, p. 157-160, trad. p. 1-6, voir aussi

P. 1 n. 2 et 3) et dans Badawi 46 Rasa'il falsafiyya li-I-Kindi wa-al-Färäbi waIbn Bägga wa-Ibn ‘Adi, Beyrouth, © éd., 1983, p. 1-5. — al-Färäbi. L'Épitre sur les significations de l'Intellect (Risäla fi ma 'àni al'agl) a été publiée par 47 M. Bouyges, Beyrouth 1938. Les traductions latine et francaise ont été publiées par Gilson 44, p. 108-141. — Ibn Sinä (Avicenne): Avicenne s'est intéressé trés tôt A la question de l'áme. Son premier traité, écrit à l’âge de dix-sept ans est un compendium sur l’äme (Magäla fi al-nafs 'alà namat al-ihtisár). Gutas 27 (principalement chap. 2, p. 79-145) établit l'inventaire et propose un classement chronologique des œuvres psychologiques d’Ibn Sina. Cinq œuvres principales consacrées à l'étude de l'áme ont été conservées et publiées. Suivant la chronologie proposée par D. Gutas (récapitulée p. 145), ce Sont:

— Magäla Fi al-nafs 'alà namat al-ihtisar (Compendium sur l'áme), d'abord publié avec une traduction allemande par 48 S. Landauer, « Die Psychologie des Ibn Sinà», ZDMG 29, 1875, p. 335-418; réédité parmi d'autres textes par 49 A-F. al-Ahwàni, Ahwal al-nafs, Le Caire, 1371H/1952, p. 168-171. Le chap. 8 de ce compendium est traduit par Gutas 27, p. 16-19, sous le titre « The Stages of the Human Soul from Inception to Perfection ». — Hádl al-nafs al-insäniya (État de l'àme humaine) en préférant ce titre comme

le propose Gutas 27 (p. 99). Édité par al-Ahwäni 49 sous le titre Ahwäl al-nafs: texte p. 45-142. — Al-Ta ligát 'alä hawasi kitab al-nafs li-Aristatälis, (Les Gloses marginales au DA), édité par Badawi 21: présentation p. 33-35 ; texte p. 75-116.

— Kitäb al-Nafs (Le livre de l'âme) qui constitue la sixième partie de la physique de l'encyclopédie du Sifa (La Guérison). Il a été publié trois fois : 59 J. Bakos (édit. et trad.), Psychologie d'Ibn Sinä (Avicenne) d'après son œuvre

al-Shifá, Prague 1956, 2 vol.; 51 F. Rahman (édit.), Avicenna's De Anima, being the psychological part of Kitäb al-Shifä, London 1959, réimpr. London 1970; 52 G.C. Anawati, S Zayed, et A. Isma'il (édit.), /bn Sina, Al-Shifa', alTabi iyyát (La Physique), t. 6: Kitäb al-Nafs (De Anima), rev. and introd. I. Madkour, Le Caire 1970. - Risäla fi al-kalam 'alà al-nafs al-nätiga (Épître du propos sur l'âme rationnelle), un texte trés tardif d'Avicenne, publié par Al-Ahwäni 49, p. 195-199;

356

ARISTOTE DE STAGIRE

méme publication par le méme sous le titre 53 « Risala fi al-kalam 'ala al-nafs al-nätiga», Magallat al-kitäb, vol. 11, 1952, p. 419-423. — Ibn Bägÿa : ses travaux sur l’äme sont de la première importance surtout pour l'élaboration de la doctrine d'Averroës. Plusieurs ont été conservés et publiés: - Risálat ittisäl al-'agl bi-al-insän (Epitre de la conjonction de l'intellect

avec l’homme) publiée par 54 M. Asin Palacios, Al-Andalus 7 1942, p. 1-4, rééditée par 55 M. Fakhry, Rasd'il Ibn Bägga al-ilahiyya, Beyrouth 1968, p. 153-173. — Fi al-gäya al-insäniyya wa al-wuqüf 'alà al-'agl al-fa''al, De la fin de l'homme et de la nature de l'intellect agent, texte qui fait suite à l'Épftre de l'adieu (Risalat al-wada'}), publié par Asin Palacios 56, Al-Andalus 8, 1943, p. 84-87. Deuxiéme publication par M. Fakhry 55, p. 147-152. - Kitáb al-Nafs, (Le Traité de l’âme): publié par 57 Sagir Hasan al-Ma'sümi,

Damas 1960. Ce traité est en cours de réédition au Centre d'Études Ibn Rushd à Fes.

— Fi al-quwwa al-nätiga (De la faculté rationnelle), ce chapitre qui fait partie du Traité de l'âme, mais qui fut amputé aprés la mort d’Ibn Bàgga, a été réédité d'aprés deux mss, dont l'un, celui de Berlin, avait été perdu et a été retrouvé

récemment en Pologne, dans 58 Les Cahiers du groupe de recherche sur la philosophie islamique, n? 2, Centre d'Études Ibn Rushd, Fès 1999, p. 211-232. — Un ensemble de propos sur l'áme dont l'authenticité de certains n'est pas prouvée a été publié par 59 J.E. Alawi, Rasa 'il falsaftyya li-Abi Bakr ibn Bagga, Beyrouth-Casablanca (s. d.], p. 144-189. Ibn Ruäd

(Averroés)

Sa doctrine de l'Intellect, désignée depuis Leibniz du nom impropre de monopsychisme, est devenue l’emblème de sa philosophie depuis le XII“ s. Ibn Rusd a écrit sur le thème de l’âme et de l'intellect dans plusieurs des genres littéraires dans lesquels il s'est exprimé ; abrégé, paraphrase, grand commentaire, questions et opuscules. Un inventaire de ces œuvres conservées en arabe ou en traduction latine ou hébraique est donné par 60 H. A. Davidson, « Averroes on the Material Intellect », Viator 17, 1986, p. 91-137, repris dans 61 Alfarabi, Avicenna and Averroes on Intellect, New York/Oxford, 1992, p. 258-314, p. 262-264. Une mise au point bibliographique sur les travaux relatifs à la psychologie et la noétique d'Averroes avait été faite par 62 1. Vennebusch, « Zur Bibliographie des psychologischen Schriftums des Averroes», BullPhilosMed 6, 1964, p. 92-100, et par

63 Ph. W. Rosernann, « Averroes: A Catalogue of editions and scholarly writings from 1821 onwards », BullPhilosMed 30, 1988, p. 153-221.

Sept œuvres d'Ibn Rusd sur le DA sont actuellement connues : (1) Muhtasar ou gawámi' Kitäb al-nafs (Épitomé du DA) publié trois fois: 64 Rasä’il Ibn Rusd, Hyderabad

1947; 65 A.F. al-Ahwani (édit.), Talhis Kitab

DE ANIMA - TRADITION ARABE al- Nafs, Le Caire 1950; 66 Salvator Gómez

357

Nogales (édit.), Abü-al-Walid b.

Rusd, Talhis Kitab al-Nafs, Epitome De Anima, coll. «Corpus Commentariorum Averrois In Aristotelem », Averrois Opera, A, series arabica 31, Madrid 1985. Cette dernière édition est très défectueuse, cf. c. r. par 67 A. Elamrani-Jamal, BCAI 7, 1990, p. 88-91. (2) Talhis (Paraphrase) : Ivry 32. Traductions partielles : - Le chapitre sur la faculté appétitive, par 68 H. Gátje, Das Kapitel über das Begehren aus dem mittleren Kommentar des Averroes zur

Schrift über die Seele, Amsterdam/Oxford/New York 1985; - le chapitre sur la faculté rationnelle par 69 A. Elamrani-Jamal, «Averroés: La doctrine de l’intellect matériel dans le Commentaire moyen au De anima d' Aristote. Présentation et traduction, suivie d'un lexique-index du chapitre 3, livre III : De la faculté rationnelle », dans A. de Libera, A. Elamrani-Jamal et A. Galonnier (édit.), Lan-

gages et philosophie, Hommage à Jean Jolivet, Paris 1997, p. 281-307. Traduction complète, avec reprise de l'édition (Ivry 32), 70 A. Ivry (trad.), Averroes,

Middle Commentary on Aristotle's De Anima, À Critical Edition of

Arabic Text with English Translation, Notes (Utah) 2002. (3) Le Grand commentaire n'existe plus Crawford 7. Des fragments du texte arabe du découverts et sont en cours de publication

and Introduction by A.L.I., Provo qu'en traduction latine: voir Stuart Grand commentaire au DA ont été par 70 Abdelkader ben Chehida,

«Iktisäf al-nass al-'arabi li-ahamm ajzà' al-sarh al-kabir li-kitab al-nafs, ta'lif

Abi al-Walid Ibn Rusd», Al-Hay’a al-tagäfiyya (Tunis) 35, 1985, p. 14-48. Les chap. 4 et 5 du livre III du Grand commentaire ont été traduits par 71 A. Hyman dans A. Hyman et J. Walsh (édit.), Philosophy in the Middle Ages. The Christian, Islamic and Jewish Traditions, 2* éd., Indianapolis 1987, p. 324-334.

Une traduction francaise du livre III est donnée par 72 A. de Libera, Averroes, l'intelligence et la pensée, sur le De Anima, Paris 1998, p. 49-173, notes p. 175-396. (4) Un texte conservé en trad. hébraique: 73 K. Bland, The Epistle on the possibility of conjonction with the active Intellect by Ibn Rushd with the Commentary of Moses Narboni. À Critical edition and annotated translation by K. B., New York 1982. (5)-(6) Deux piéces conservées en hébreu, traduites en latin, relatives au

théme de la conjonction de l'intellect, ont été publiées par 74 J. Hercz, Drei Abhandlungen über die Conjunction, Berlin, 1869. (7) 75 H. Davidson, Averroes' Commentary on Alexander of Aphrodisias (?) de intellectu, (texte conservé dans une traduction hébraïque), dans Shlomo Pines

Jubilee, vol. I, Jerusalem 1988, p. 205-217. Le traité du De Animae Beatitudine, attribué à Averroes, a fait l'objet d'une étude nouvelle avec une réédition du texte à partir de nouveaux manuscrits et une traduction

dans 76 M. Geoffroy

et C. Steel,

Édition, traduction et études, Paris, 2001.

"La béatitude de l’âme”.

358

ARISTOTE DE STAGIRE

Une fausse attribution ? D'après Ibn abi Usaybi'a (Badawi 6, p. 18, et Peters 15, p. 43,), Ibn alHaytam (Alhazen, m. vers 430H) aurait composé une Paraphrase au DA.R.

Rashed, en distinguant deux personnages du nom d’Ibn al-Haytam confondus dans les sources bibliographiques, conclut, dans 77 Les Mathématiques infinitésimales du IX* au XF siècle. Ibn al-Haytham, vol. II, London 1993, p. 8-19, que beaucoup de textes philosophiques attribués à Ibn al-Haytam, dont le compendium du DA, ne seraient pas les œuvres du célèbre mathématicien al- Hasan b. alHasan

b. al-Haytam

(Alhazen), mais d'un philosophe de l'école de Bagdad

Muhammad b. al-Hasan b. al-Haytam à laquelle appartiendraient Ibn al-Tayyib et Ibn al-Samh.

ABDELALI ELAMRANI-JAMAL.

DE ANIMA. PARAPHRASE ARABE ANONYME

En plus des traductions intégrales du texte aristotélicien et de la paraphrase de Thémistius, nous est parvenue une Paraphrase du De Anima anonyme et sans titre, en versions arabe et persane. Ce texte constitue, selon toute probabilité, la plus ancienne attestation de l'intérêt porté par la tradition arabo-islamique à la doctrine aristotélicienne de l'áme.

Études d'orientation. 1 R. Walzer, «New light on the Arabic translations of Aristotle », Oriens 6, 1953, p. 126-128 ; réimpr. dans 2 Id., Greek into Arabic.

Essays on Islamic Philosophy, Oxford 1962, p. 95-97 ; 3 ‘A. Badawi, Arisrütälis. Fi l-Nafs [...]. Rága'aha wa-haqqaqahà wa-qaddama lahä "Abdurrahmän Badawi, coll. « Diräsät Islàmiyya » 16, Al-Qähira 1954, réimpr. Al-Kuwayt/Bayrüt 1980, p. (14)424) ; 4 F. E. Peters, Aristoteles Arabus. The oriental translations and commentaries on the Aristotelian Corpus, coll. « Monographs on Mediterranean

Antiquity » 2, Leiden 1968, p. 42-44 ; 5 H. Gátje, Studien zur Überlieferung der aristotelischen Psychologie im Islam, coll.

« Annales Universitatis Saraviensis,

Philosophische Fakultät» 11, Heidelberg 1971, p. 45-53; 6 G. Endress, Proclus

Arabus. Zwanzig Abschnitte aus der "Institutio Theologica" in arabischer Übersetzung,

coll.

« Beiruter

Texte

und

Studien»

10, Beirut

1973,

p. 71-73;

7 R. Ramón Guerrero, La recepción árabe del DE ANIMA de Aristóteles : Al-Kindi y Al-Farabi, coll. « Pensamiento Islamico» 1, Madrid 1992, p. 96-105; 8 R. Arnzen, Aristoteles' De Anima. Eine verlorene spätantike Paraphrase in arabischer und persischer Überlieferung. Arabischer Text nebst Kommentar, quellengeschichtlichen Studien und Glossaren, coll. « Aristoteles Semitico-Latinus », 9, Leiden

1998, 751 p.; c.r. par Cristina

D' Ancona, Oriens 36, 2001,

p. 340-351. Manuscrits, éditions et traductions modernes. La version arabe de la Paraphrase est conservée dans un codex unicus, le cod. Escorialensis 2649, ff. 203b -226a. Ce manuscrit ne contient cependant pas la version originale, mais une rédaction abrégée et partiellement amputée (= Rédaction 1) qui est basée sur une version augmentée

commentée.

d'un Proœmium

L'interpolation

d'un

en forme d'une table des matières

fragment

émanant

d'une

autre

version

(ff. 2176 2-219 a18 du cod. Esc.) montre qu'une deuxième rédaction (= Rédaction II) de la Paraphrase était également en circulation. Cependant, aucune de

ces deux rédactions ne reproduit in extenso le contenu plus riche de la version originale.

360

ARISTOTE DE STAGIRE

*

Version originale (probablement d'Ibn al-Bitrig)



Version augmentée d'un Proæmium

Rédaction I (anonyme) ® aD

Trad. persane € cod. Esc. 2649€ de Käsäni

*

e Fragm. interpolé dans cod. Esc.

Rédaction Il (anonyme)

e Traité de la lumière attribué à Hunayn b. Ishäq

2649

Pour ce qui est de la description du manuscrit et des relations entre les deux rédactions, y compris le Proœmium, voir Amzen 8, p. 5-33. L’editio princeps se trouve dans 9 A.F. Al-Ahwani, Talhis kitàb al-Nafs li-Abi I-Walid Ibn Rusd wa-arba' rasd'il, Al-Qahira 1950, Mulhaq 3, p. 125-175. Al-Ahwäni n'a pas décelé des fractures internes du manuscrit et l'interpolation d'un fragment étranger. Par ailleurs, il n'a pas eu connaissance de l'existence d'une traduction persane datant du XIII* s. Arnzen 8, p. 176-351, contient une édition critique qui tient compte de la version persane augmentée d'une traduction allemande. Une traduction espagnole du Proœmium a été assurée par Ramón Guerrero 7, p. 99-104. Contenu. La structure du texte suit dans une large mesure l'original aristotélicien. Toutefois certains passages sont structurés différemment. La doxographie de De An. (livre I) est à peine effleurée. Il est accordé plus d'intérét à la théorie

de l’âme en tant qu'harmonie qu'à la théorie de l’âme motrice par nature (chap. 2-3). Par contre, au début de la Paraphrase, la noblesse de la science de l'áme,

instrument d'auto-connaissance et étape nécessaire sur la voie de la connaissance de Dieu, est abondamment justifiée. Par rapport au texte aristotélicien il est accordé proportionnellement plus de place à l'explication des parties végétative et sensitive de l'âme (livre II). Dans l'analyse de la lumière, qui diffère de la

doctrine aristotélicienne, l'auteur de la Paraphrase reprend la théorie de Jean Philopon. Du fait de la disparition d'une partie substantielle du texte, les explications des deux premiers chapitres du III* livre manquent. En ce qui concerne l'imagination (φαντασία), que l'auteur identifie avec l'intellect passif (naßntucdc νοῦς), une différentiation est établie entre une imagination irrationelle et sensi-

tive d'une part et une imagination rationnelle d'autre part. Les images de l'imagination rationnelle, qui occupe une place médiane entre les parties sensitive et rationnelle de l’äme, sont modelées par le νοῦς (αφί). L'âme est décrite comme

étant une substance simple (ἁπλή) et séparable (χωριστή) équivalente à l'a0υπόστατος de Proclus. Alors que le corps dépérit avec l’âge, l'àme s'épanouit

DE ANIMA - PARAPHRASE ARABE

361

de plus en plus. Avec la mort, l'intellect individuel se détache de toutes les parties de l’âme liées à la matière et périssables et ne pense — semper in actu — que les intelligibles purs. Attribution et datation. Le manuscrit arabe et la tradition persane ne mentionnent pas l'auteur et ne fournissent pas un titre séparé pour la Paraphrase. Néanmoins, on peut déduire, à partir des témoignages disponibles, qu'elle portait probablement un titre et que ce dernier contenait le nom d'Aristote. 10 Ibn al-Nadim, Kitab al-Fihrist, édit. G. Flügel, J. Ródiger et A. Müller, 2 vol.,

Leipzig

1871-1872, vol. I, p. 251, mentionne, à cóté des traductions du texte

aristotélicien par Hunayn ibn Ishàq et Ishaq ibn Hunayn, de la paraphrase de

Thémistius et des commentaires d'Olympiodore et Simplicius, une paraphrase (talhis ?) des Alexandrins, ainsi qu'un résumé de Yahyä ibn al-Bitriq. 11 Haggi Halifa, Kasf al-zunün, édit. et trad. latine G. Flügel, 7 vol., Leipzig 1835-1858, vol. V, p. 164-165, mentionne au lieu des Alexandrins une paraphrase d' Alexandre d' Aphrodise (»A 112). Par conséquent les diverses tentatives d'identification manquent de clarté: 12 Hartwig Derenbourg, Les manuscrits arabes de l'Escurial, coll. « Publications de l’École des langues orientales vivantes», II° série, vol. X, Paris 1884,

réimpr. Hildesheim/New York 1976, p. 457, soupgonne que ce texte est la traduction d'Ishaq ibn Hunayn ; Al-Ahwäni 9, p. 126-127, est plutôt de l'avis qu'il s'agit du résumé d' Ibn al-Bitriq (qui brilla vers 820), ce texte étant considéré

comme un résumé de la paraphrase d'Alexandre d'Aphrodise; pour sa part Badawi 3, p. (18), pense qu'Ibn al-Bitriq a lui-même résumé dans ce texte le texte aristotélicien; Gätje 5, p. 45-48, quant à lui, considére aussi qu'Ibn al-Bitriq en est l'auteur, mais sans pour autant décider s'il s'agit d'une œuvre indépendante par rapport au texte aristotélicien ou de la traduction d'un résumé. Endress 6, p. 73, dont les spéculations sont basées sur des recherches terminologiques, ainsi que Ramón Guerrero 7, p. 97, qui s'y réfère, s'orientent dans la même direction. Amzen 8, p. 140-174, tente de démontrer que la Paraphrase est identique au résumé d’Ibn al-Bitriq mentionné dans le Fihrist, bien qu'il ne s'agisse pas ici d'un résumé du texte aristotélicien mais du résumé d'une paraphrase de De An. provenant de la fin de l'Antiquité avec des additions et annotations d'Ibn al-Bitriq. Ce type de transmission transparait à travers une structure

hétérogène du texte, laquelle rassemble les caractéristiques stylistiques et rhétoriques du commentaire, de la paraphrase et de l'épitomé. La Paraphrase est citée par al-Kindi (mort ca 870) et dans 13 ‘Al ibn Rabban al-Tabari, Firdaws al-Hikma, édit. M.Z. al-Siddiqi, Berlin 1928, une œuvre achevée en 850. D'autre part, étant donné que l'auteur se réfère aux

adaptations arabes de Plotin et de Proclus

qui remontent

aux premières

décennies du IX* s., la Paraphrase est probablement issue de la période 820-850.

Sources. Endress 6, p. 72, 114, 169, 199, est le premier à avoir attiré l'attention sur des paralléles concrets entre la Paraphrase et le commentaire au De An. de Jean Philopon (cf. 14 Ioannis Philoponi in Aristotelis De anima libros commentaria, édit. M. Hayduck, CAG XV, Berlin 1887). Le commentaire de Philo-

362

ARISTOTE DE STAGIRE

pon n'a pas été transmis de façon intégrale: son commentaire sur le III* livre du De An. fut remplacé dés la fin de l'Antiquité par le commentaire de Stéphanos d'Alexandrie

(cf. 15 R. Vancourt, Les derniers

commentateurs

alexandrins

d'Aristote. L'école d'Olympiodore, Étienne d'Alexandrie, Lille 1941, p. 43-59; 16 H. Blumenthal, « John Philoponus and Stephanus of Alexandria: Two Neoplatonic Christian Commentators of Aristotle? », dans 17 D.J. O'Meara (édit.),

Neoplatonism

and Christian

Thought,

18 P. Lautner, « Philoponus, in De Anima

Norfolk

(Virginia)

1982, p. 54-86;

III: Quest for an Author»,

CQ 42,

1992, p. 510-522 ; traduction anglaise : 19 William Charlton (édit.), "Philoponus", On Aristotle on the Soul 3. 1-8, transl. by W.C., coll. ACA, London 2000).

La version grecque du commentaire original de Philopon sur le III* livre n'a pas été conservée, bien qu'elle soit en partie accessible à travers la traduction latine fragmentaire de Guillaume de Moerbeke (éditions: 20 M. de Corte (édit.), Le

Commentaire de Jean Philopon sur le Troisiéme Livre du «Traité de l'Áme » d'Aristote, coll. «Bibliothèque de la Faculté de Philosophie et Lettres de l’Université de Liège» 65, Liège/Paris 1934 ; 21 G. Verbeke (édit.), Jean Philopon. Commentaire sur le "De anima" d'Aristote. Trad. de Guillaume de Moerbeke, CLCAG 3, Louvain 1966; traduction anglaise : 22 W. Charlton (édit.), Philoponus. On Aristotle on the Intellect (de Anima 3.4-8), transl. by W. C. [...], coll.

ACA, London 1991). La Paraphrase arabe contient des parallèles doctrinaux et des concordances textuelles aussi bien avec le commentaire de Philopon qu'avec celui de Stéphanos d' Alexandrie. Les Prolegomena philosophiae ainsi que les commentaires sur

les Catégories d'Aristote et sur l’Isagoge de Porphyre des deux Alexandrins Élias et David constituent des sources supplémentaires mises en évidence par Amzen B, p. 90-95, 403. On peut déduire, à partir des structures rhétoriques du texte aussi bien que sur la base du fait que le paraphraste n'est souvent pas en mesure de distinguer entre l’Aristote authentique et ses commentateurs, que sa source était une paraphrase alexandrine ou byzantine qui se réfère à ces œuvres de la tradition scolastique alexandrine. Des similitudes avec la paraphrase du De An. du moine byzantin Sophonias, datant du début du XIV* s. (édité par 23 M. Hayduck, Sophoniae in libros Aristotelis De anima paraphrasis, CAG XXIII !, Berlin 1883), laissent à penser que l'original grec de cette paraphrase était encore en circulation à Byzance à cette époque (cf. Arnzen 8, p. 104-107). En outre, Arnzen

8, p. 114-130, 378-383, montre que le paraphraste arabe

introduit des additions personnelles dans son édition de cette paraphrase grecque. Ces additions sont fondées dans une large mesure sur des emprunts doctrinaux et des extraits des adaptations arabes de la premiére phase de l'introduction de Plotin et de Proclus dans ie monde

arabe (vers 820). Ces

emprunts sont de nature éclectique et apparaissent sans autre commentaire en contradiction avec des théorémes aristotéliciens. Étant donné que les emprunts se réfèrent aux passages du texte perdus en arabe, nous pouvons déduire que ces adaptations de Plotin et de Proclus étaient accessibles à l'auteur de la

DE ANIMA - PARAPHRASE ARABE

363

Paraphrase dans une forme plus complete et non dispersée à la différence des manuscrits actuellement disponibles (cf. Arnzen 8, p. 120-121, 127-129). Influence du texte. Dès après sa compilation, la Paraphrase fut exploitée dans le cadre de la révision des adaptations arabes de Plotin et de Proclus. Concernant des traces dans la Théologie attribuée à Aristote voir 24 F. W. Zimmermann, «The Origins of the So-called Theology of Aristotle », dans 25 J. Kraye, W. F. Ryan, C.B. Schmitt (édit.), Pseudo-Aristotle in the Middle Ages. The « Theology » and other texts, coll. « Warburg Institute Surveys and

Texts» 11, London 1986, p. 117, 124 n. 103; Amzen 8, p. 121-122, 125, 376. Au sujet des emprunts contenus dans une partie des rédactions de Proclus, voir Endress 6, p. 196-201, 235; Arnzen 8, p. 124-125, 361-363. Pour des paralleles

entre les théories de l'intellect de Jean Philopon et d'al-Kindi, pour lesquels la Paraphrase du De An. a au moins partiellement servi de médiateur, voir 26J. Jolivet, L'intellect selon Kindi, coll. « Publications de la Fondation De Goeje » 22, Leiden

1971, p. 50-73; 27 G. Endress, «Jean Jolivet: L’Intellect

selon Kindi» [c. τ. de 26], ZDMG 130, 1980, p. 430-433 ; 28 Id., « Theory of Anamnesis. A New Text and its Implications», dans Arabismo na Península Ibérica. Actas do XI Congresso da Uniäo Arabistas e Islamólogos, 1982, Évora 1986, p. 393-402. La familiarité avec la Paraphrase transparait également à travers d’autres parallèles entre ses écrits et la Paraphrase (cf. Arnzen 8, p. 132-138).

Al-Kindi’s 29 /sldo e Europeia e d'al-Kindi doctrinaux

On trouve de larges extraits de la Paraphrase dans un opuscule sur la lumière attribué à Hunayn ibn Ishäq, édité dans 30 L. Cheikho, «Fi al-Daw’ wa-haqiqatihi. Maqäla li-Hunayn ibn Ishaq naglan ‘an kutub Arisqutälis, sa'à bi-nasrihà wata'lig hawasiha al-Ab Luwis Saybü al-Yasü'i», al-Masriq 2, 1899, P. 1105-1113; traduction allemande dans 31 C. Prüfer et M. Meyerhof, « Die aristotelische Lehre vom Licht bei Hunayn b. Ishäq », /s/ 2, 1911, p. 117-128. La question de l'auteur et de la datation de ce traité reste sans réponse à ce jour. L'hétérogénéité terminologique du texte permet de conclure, cependant, qu'il s'agit d'une compilation d'extraits émanant de différents textes arabes qui ne laissent pas de doute quant à l'influence du De Caelo et de la Physique d'Aristote. Le médecin et astronome 'Ali ibn Rabban al-Tabari (mort vers 864) se fonde

sur la Paraphrase dans sa présentation de la doctrine aristotélicienne sur l'áme dans son Firdaws al-hikma 13, p. 60-79. Ceci est également valable pour le rédacteur anonyme de la plus courte des deux versions arabes du Λόγος

χεφαλαιώδης περὶ ψυχῆς πρὸς Tarıavövde Grégoire le Thaurnaturge, cette version étant disponible en trois éditions : 32 G. Furlani, «Pseudo-Aristotle Fi I-Nafs », ΚΑΙ, Ser. 5, vol. 24, Roma 1916, p. 117-137 ; 33 Sagir Hasan al-Ma’sümi, «A Treatise on the Soul ascribed to Ibn Sina», dans 34 Professor Muhammad Shafi' Presentation Volume, édit. S. M. Abdullah [...], Lahore 1955, p. 131-144 ; Gátje 5, p. 114-129; concernant les emprunts dans ce texte, cf. Arnzen 8, p. 130-132.

364

ARISTOTE DE STAGIRE

De lequel d'une nobles sophie

plus, le théoréme, qui trouve sa source chez Plotin et Proclus, et selon les corps célestes ne sont pas dotés uniquement d'un intellect, mais aussi partie de l'áme sensitive, et plus particuliérement des deux sens les plus : la vue et l’ouie, fut introduit à travers la Paraphrase arabe dans la philoarabo-islamique et y trouva un large écho (cf. à ce sujet 35 R. Walzer,

« Aristotle, De Philosophia fr. 24 in the Arabic Tradition», dans 36 I. Düring et

G. E. L. Owen (édit.), Aristotle and Plato in the Mid-Fourth Century, Papers of the Symposium Aristotelicum held at Oxford in August, 1957, coll. «Studia Graeca et Latina Gothoburgensia» 11, Góteborg 1960, p. 105-112). L'étendue de l'influence de la Paraphrase du De An. sur le développement ultérieur de la philosophie arabo-islamique n'a pas fait l'objet à ce jour de recherches. Traduction persane. Le philosophe et poète Afdal al-Din Kasani, connu sous le nom de Bäbä Afdal, a traduit, probablement dans la première moitié du

XIII s., la Paraphrase en persan. Concernant Kasani, voir 37 W.C. Chittick, art. « Baba Afzal-Al-Din Mohammad

b. Hasan Maraqi Käsäni », Enciran III, 1989,

p. 285-291; 38 J. Rypka, art. «Baba Afdal al-Din Muhammad b. Husayn Kashàni», EP? I, 1960, p. 838-839; 39 S. H. Nasr, « Afdal al-Din Kashani and the Philosophical World of Khwaja Nasir al-Din Tusi», dans 40 M. E. Marmura (édit.), Islamic Theology and Philosophy (Mélanges George F. Hourani), Albany (N. Y.) 1984, p. 249-264. Une bibliographie exhaustive se trouve dans 41 M. T. Danes-Pa£zuh, « Newesthà-ye Bäbä Afdal », Mihr 8, 1953, p. 433-436, 499-502. La traduction de Käsäni, lequel a aussi traduit de l'arabe en persan le Liber de Pomo attribué à Aristote, ainsi que d'autres textes philosophiques de la fin de l'Antiquité, se singularise par son exactitude et par le raffinement de sa terminologie philosophique. Une comparaison avec la partie du texte arabe conservée en deux versions montre que le manuscrit arabe ayant servi de base de traduction à Kasani est plus proche de la Rédaction 1 (cf. supra ) que de la Rédaction II dont

provient le fragment interpolé. A noter cependant que ce manuscrit n'est pas identique à la Rédaction I et qu'il ne contient pas le texte intégral (cf. Amzen 8, p. 13-20). 42 M. Saghir Hasan, « Notes on the Edition of the Kitäb al-Nafs ascribed to Ishäq

ibn Hunayn », JRAS

1956, p. 57-72,

propose

une

tentative de

reconstruction de la partie du texte en question sur la base de la version persane. Manuscrits

et éditions.

43 A. Monzawi,

Fehrest-e

noshe-ha-ye

hatti-ye

farsi, Téhéran (Mo'assase-ye Farhangi-ye Menjaqa'i) 1349 5/1970, t. II. 1, p. 760-761, répertorie 18 manuscrits de la traduction de Kasàni ; Arnzen 8, p. 677-680, établit une liste supplémentaire de 16 autres manuscrits. Le plus ancien de ces 34 manuscrits provient de l'an 1030/1621. Une selection de plusieurs manuscrits est décrite et classifiée dans un stemma codicum par Amzen 8, p. 41-63. La version persane est disponible en deux éditions iraniennes: 44 M. Taqi Bahär Malik al-Su'arà, Targame-ye Rawänsenäsi yà resále-ye nafs Aristü, Téhéran 1316 5/1937, et 45 M. Minowi et Y. Mahdawi, Mosannafät-e Afdal al-Din Mohammad Maraqi Kàsani, coll.

« Publ. de l'Univ.» 138, t. HI, Téhéran

1331-1337 $/1952-1958, t. II, p. 389-458, réimpr. en un seul volume, Téhéran 1365 8/1986. L'édition de M. T. Bahàr est basée sur un seul manuscrit provenant

DE ANIMA - PARAPHRASE ARABE

365

de la collection privée de Hägg Sayyed Nasrolläh. Minowi et Mahdawi quant à eux exploitent plusieurs manuscrits lors de l'établissement de leur édition et parfois citent en notes des variantes et des gloses. Une édition critique reste à faire. RÜDIGER ARNZEN.

PARVA NATURALIA. TRADITION GRECQUE Les Parva naturalia (PN) ou Petits traités d'histoire naturelle constituent un

ensemble de neuf courts traités de «psychologie » humaine et animale: De la sensation et des sensibles (De Sens.), De la mémoire et de la réminiscence (De Mem.), Du sommeil et de la veille (De Som.), Des réves (De Ins.), De la divination dans le sommeil (De Div.), De la longévité et de la vie breve (De Long.), De la jeunesse et de la vieillesse (De Juv.), De la respiration (De Resp.), De la vie et de la mort (De Vit.).

Cf. 1 J. Annas, « Aristotle on Memory and the Self», dans 2 M. C. Nussbaum et A. O. Rorty (édit.), Essays on Aristotle's De Anima, Oxford 1992, p. 297-311 ;

3 D. M. Balme «The Place of Biology in Aristotle's Philosophy», dans 4 A. Gotthelf et J. G. Lennox (édit.), Philosophical Issues in Aristotle's Biology, Cambridge 1987, p. 9-20; 5 J.I. Beare, « Aristotle's Parva naturalia. De Sensu», Hermathena 9, 1896, p. 1-29; 6 Id., «Notes on Aristotle's Parva naturalia», Hermathena 10, 1899, p. 455-473, et 11, 1901, p. 146-156; 7 C. Bitterauf, Quaestiunculae criticae in Aristotelis Parva naturalia. [Thèse], München 1900; 8 I. Block, « The Order of Aristotle's psychological Writings », AJPh 82, 1961, p. 50-77; 9 V. Cessi, « Anmerkungen zu Aristoteles’ Schrift De sensu », dans 10 W. Kullmann et S. Föllinger (édit.), Aristotelische Biologie. Intentionen, Methoden, Ergebnisse, coll. «Philosophie der Antike » 6, Stuttgart 1997, p. 325-331 ; 11 A. Debru, «L''épilepsie dans le De somno d' Aristote » dans 12 G. Sabbah (édit.), Médecins et médecine dans l'Antiquité, Saint-Étienne 1982, p. 25-41 ; 13 I. Düring, Aristoteles. Darstellung und Interpretation seines Denkens, coll. «Bibliothek der klassischen Altertumswissenschaften », Neue

Folge, 1. Reihe, Heidelberg 1966, XVI-670 p. ; 14 Ph.J. Van der Eijk, « Aristoteles über die Melancholie», Mnemosyne 43, 1990, p. 33-72 ; 15 S. Everson, Aristotle on Perception, Oxford 1997, X11-309 p. ; 16 A. Forster, Konstruktion und Entstehung der aristotelischen sogenannten Parva naturalia, Budapest 1932;

17 Id., «Textkritische Betrachtungen zur aristotelischen Schrift De sensu», Hermes 73, 1938, p. 459-473 ; 18 G. Freudenthal, Aristotle’s Theory of Material Substance. Heat and Pneuma, Form and Soul, Oxford 1995, X11-235 p.;

19 J. Freudenthal, «Zur Kritik und Exegese von Aristoteles’ περὶ τῶν κοινῶν

σώματος xai ψυχῆς ἔργων (Parva naturalia) », RhM 24, 1869, p. 81-93 et 392419; 20 T. K. Johansen, Aristotle on the Sense-Organs, coll. « Cambridge Classical Studies», Cambridge 1997, XVI-304 p.; 21 Ch. Kahn, «Sensation and Consciousness in Aristotle's Psychology », AGPh 48, 1966, p. 43-81, article repris dans 22 J. Barnes, M. Schofield et R. Sorabji (édit.), Articles on Aristotle,

t. IV: Psychology and Aesthetics, London 1977, p. 1-31; 23 J. Kany-Turpin et P. Pellegrin, « Cicero and the Aristotelian Theory of divination by dreams», dans W.W. Fortenbaugh et P. Steinmetz (édit.), Ciceros Knowledge of the Peripatos, coll. «Rutgers University Studies in Classical Humanities» 4, New Brunswick/ London

1993, p. 220-245;

24 R . A. H. King, Aristotle

on

Life and

Death,

PARVA NATURALIA - TRADITION GRECQUE

367

London 2001, 1X-214 p. ; 25 P. Kucharski, «Sur la théorie des couleurs et des saveurs dans le De sensu aristotélicien», REG 67, 1954, p. 355-390; 26 J.-L. Labarrière, «Phantasia, phantasma et phainetai dans le traité Des rêves», RPhA

2002, p. 89-107; 27 D. Lefebvre, «L'argument du sectionnement des vivants dans les Parva naturalia : le cas des insectes», RPhA, 2002, p. 5-34; 28 G. Lacombe, « Mediaeval Latin versions of the Parva naturalia », NSchol 5, 1931, p. 289-311 ; 29 Ch. Lefèvre, Sur l'évolution d'Aristote en psychologie,

coll. « Aristote - Traductions et Études», Louvain 1972, 1X-345 p.; 30 Id., «Sur le statut de l’äme dans le De anima et les Parva naturalia », dans 31 G.E.R. Lloyd et G. E. L. Owen (édit.), Aristotle on Mind and the Senses. Proceedings of

the Seventh Symposium Aristotelicum, Cambridge 1978, p. 21-67;32 G. E. R. Lloyd, « The empirical Basis of the Physiology of the Parva naturalia », dans 31, p. 215-239 ; 33 M. Lowe, « Aristotle's De somno and his Theory of Causes»,

Phronesis 23, 1978, p. 279-291 ; 34 D.K. W. Modrak, Aristotle, The Power of Perception, Chicago/ London 1987, X-249 p.; 35 P. Moraux, Les listes anciennes des ouvrages d'Aristote, coll. « Aristote - Traductions et Études », Louvain

1951, X-391 p.; 36 P.-M. Morel, «Les Parva naturalia d' Aristote et le mouvement animal», RPhA, 2002, p. 61-88; 37 R. Mugnier, «Les manuscrits des Parva naturalia d' Aristote », Mélanges Desrousseaux, Paris 1938, p. 327-333;

38 Id., «La filiation des manuscrits des Parva naturalia d' Aristote», RPh 26, 1952, p. 36-46 ; 39 F. Nuyens, L'évolution de la psychologie d'Aristote, coll. «Aristote. Traductions et Études», trad. fr., Louvain 1948 ; réimp. 1973, XVI356 p. ; 40 S. Pines, «The Arabic recension of Parva naturalia and the philo-

sophical doctrine concerning veridical dreams according to Al-Risäla al-Manämiyya and other sources», /OS 4, 1974, p. 104-153; 41 A. Preus, « On Dreams 2, 459 b 24 - 460 a 33, and Aristotle's ὄψις», Phronesis 13, 1968, p. 175-182; 42 M. Rashed, «La préservation (sótéria), objet des Parva naturalia et ruse de la

nature», RPhA, 2002, p. 35-59; 43 P. Siwek, Les manuscrits grecs des Parva naturalia d'Aristote, Roma

1961 ; 44 /d., «The

Parva naturalia of Aristotle.

Reply to Prof. Drossaart Lulofs and Prof. G. E. R. Lloyd », Sophia 34, 1966, P. 310-316; 45 R.K. Sprague, «Aristotle and the Metaphysics of Sleep», RMetaph 31, 1977, p. 230-241; 46 Id., « Aristotle on Red Mirrors (On Dreams 2, 459 b24- 460a 23) », Phronesis 30, 1985, p. 323-326; 47 M. Steinschneider, «Die

Parva

naturalia

p. 477-492, et 45,

des

Aristoteles

bei

den

Arabem»,

1891, p. 447-453; 48 F. Susemihl, «Zu

ZDMG

den

37,

1883,

sogenannten

Parva naturalia des Aristoteles», Philologus 44, 1885, p. 579-582; 49 D. Taormina, «Perception du temps et mémoire chez Aristote (De memoria et reminiscientia, 1)», PhilosAnt 2, 2002, p. 33-61; 50 M. Wedin, Mind and Imagination in Aristotle, New Haven/London 1988, X1V-292 p. ; 51 P. Wendland,

«Die Textkonstitution der Aristotelischen Schrift περὶ αἰσθήσεως xai αἰσθητῶν», dans Festschrift für Th. Gomperz, Wien 1902, p. 173-184; 52 1. Wiesner, « The Unity of the Treatise De somno and the physiological Explanation of Sleep in Aristotle»

dans 31, p. 241-280; 53 M.J. Woods,

Dreams », Apeiron 25, 1992, p. 179-188.

«Aristotle on Sleep and

368

ARISTOTE DE STAGIRE

Editions, traductions, commentaires modernes (ensemble des PN, par ordre chronologique). 54 J. Barthélemy-Saint-Hilaire (édit.), Psychologie d'Aristote : Opuscules (Parva naturalia), traduit en francais pour la premiere

fois et accompagné de notes par J. B., Paris 1847, LXXXVIII-445 p.; 55 I. Bekker (édit.), Aristotelis Opera, ex recensione I.B., ed. Academia Regia Borussica, cinq volumes, Berlin, 1830-1870. Les PN occupent les pages 436-480 du volume 1;56 G. Biehl (édit.), Parva naturalia recognovit G.B., coll. BT, Leipzig 1898 ; 57 J.L. Beare et G. R. T. Ross (édit.), The Parva naturalia, translated into

English by J. L.B. and G. R. T. R., Oxford 1908, repris dans 58 [J.A. Smith et] W. D. Ross (édit.), The

Works of Aristotle, translated into English under the

Editorship of W. D. R., vol. III, Oxford 1931 [pagination Bekker] ; 59 W.S. Hett (édit.), Aristotle, On

the Soul, Parva naturalia,

On Breath, with an English

translation by W.S.H., coll. LCL, Cambridge 1936; «revised and reprinted», 1957 ; 60 J. Tricot (édit.), Aristote, Parva naturalia, suivis du Traité pseudoaristotélicien De spiritu. Traduction et notes de J.T., Paris 1951, XV-195 p. ; 61 R. Mugnier (édit.), Petits traités d'histoire naturelle. Texte établi et traduit par R. M., CUF, Paris 1953, Xv11-135 p.; 62 D. Ross (édit.), Aristotle, Parva

naturalia. A revised Text with Introduction and Commentary by Sir D. R., Oxford 1955, X11-355 p. ; 63 P. Siwek (édit.), Aristotelis Parva naturalia graece et latine. Edidit, versione auxit, notis illustravit P. S., coll. « Philosophica Lateranensis » 5, Roma 1963, XXV11-375 p. ; 64 R. Laurenti (édit.), Piccoli trattati naturali. Traduzione di R. L. dans 65 R. Laurenti et A. Russo, Arístotele. Opere, vol. 4: Della generazione e della corruzione, Dell'anima, Piccoli trattati di storia naturale, coll. « Bibliotheca Universale Laterza » 50, Quinta edizione, Roma/ Bari 1983 [Prima edizione, coll. «Filosofi antichi e medievali », 1973], x11-331 p. ; 66 J. Barnes (édit.), The Complete Works of Aristotle. The Revised Oxford

Translation edited by J. B., vol. 1, coll. « Bollingen Series» LXXI 2, Princeton 1984 [PN : pages 641-763. Révision de la traduction de Beare et G. R. T. Ross 58, d’après le texte établi par D. Ross 62]; 67 E. La Croce et A.B. Pajares (édit.), Aristóteles, Acerca de la generación y la corrupción, Tratados breves de

historia natural. Introducciónes, traducciónes y notas por E. L.C. y A.B. P., coll. «Biblioteca Clásica Gredos» 107, Madrid 1987, 326 p.; 68 E. Dónt (édit.), Aristoteles. Kleine naturwissenschaftliche Schriften (Parva naturalia), übersetzt

und herausgegeben von E. D., coll. «Universal-Bibliothek Reclam », Stuttgart 1997, 208 p ; 69 P.-M. Morel (trad.), Aristote, Petits traités d'histoire naturelle (Parva naturalia), traduction inédite, introduction, notes et bibliographie par P.-M. M., Paris 2000, 231 p.; 70 A.L. Carbone (édit.), Aristotele, L'anima e il corpo. Parva Naturalia, Introduzione, traduzione e note di A.L.C., Milano, 2002. Éditions, traductions, commentaires modernes (traités séparés). 71 G. A. Becker (édit.), Aristotelis De somno et vigilia, De insomniis et De divinatione

per somnum. Recensuit atque illustravit G. A. B., Leipzig 1923; 72 G. R. T. Ross (édit.), Aristotle, De sensu and De memoria. Text and Translation with Introduction and Commentary by G. R. T. R., Cambridge 1906, XL-292 p. [hors index];

PARVA NATURALIA - TRADITION GRECQUE

369

73 A. Förster (édit.), Aristoteles. De sensu et De memoria libri. Budapest 1942 ; 74 H.)J. Drossaart [υἱοῖς (édit.), Aristotelis De somno et vigilia liber adiectis veteribus translationibus et Theodori Metochitae commentario, Leiden 1943,

XXXVII-46 p. ; 75 Id., Aristotelis De insomniis et De divinatione per somnum. A new Edition of the Greek text with the Latin translations by H.J. D. L., coll. «Philosophia Antiqua » 2, 2 vol., Leiden 1947, vol. 1: Preface, Greek Text,

LXXVII-24 p.; vol. 2: Translations, index verborum, IV-70 p. ; 76 R. Sorabji (édit.), Aristotle. On Memory.

[Préface, introduction, traduction et notes], Lon-

don 1972, X-122 p.; 77 D. Gallop (édit.), Aristotle, on Sleep and Dreams. A Text and Translation with Introduction, Notes and Glossary by D.G., Peterborough 1990, ΧΙΠ-201 p. ; rééd. Warminster 1996, Lv11-202 p. ; 78 Ph.J. Van der

Eijk (édit.), Aristoteles, Über Traüme. Über Weissagung im Schlaf. Übersetzt und erlaütert von Ph.J. V. d. E., dans 79 E. Grumach et H. Flashar, Aristoteles. Werke in deutscher Übersetzung, Bd 14, Teil III, Berlin 1994; 80 J. Pigeaud (édit.), La vérité des songes. De la divination dans le sommeil. [De div.] Traduit

du grec et présenté par J. P.. coll. «Rivages poche / Petite bibliothèque» Paris 1995, 141 p.

162,

On trouvera une importante bibliographie des PN (éditions anciennes ; com-

mentaires et traductions antiques, médiévales et de la Renaissance ; éditions, traductions et commentaires modernes depuis 1831 ; études) dans Van der Eijk 78,

p. 102-132. L'édition de référence généralement préférée aujourd'hui est celle de Ross 62, bien que Van der Eijk 78, par exemple, se fonde avec quelques corrections sur Siwek 63. Cette derniére édition s'autorise, selon son auteur (p. XV), de la consultation directe de la totalité des manuscrits des PN. L'apparat critique

mentionne les corrections, adjonctions et suppressions de Ross 62. L'ensemble des corrections produit un texte sensiblement

différent de celui de Ross, bien

qu'elles soient sans grande conséquence pour l'interprétation (autour de quatre-

vingt-dix variantes, mineures dans la plupart des cas, pour le seul De sens. par exemple). Aucune édition scientifique du texte grec des PN ne peut donc désormais faire l'économie d'un examen de ce travail. Commentaires grecs. Réception arabe et médiévale. Renaissance. On se reportera, d'une manière générale, à Van der Eijk 78, p. 102-104, pour la bibliographie et, p. 94-101, pour une présentation des traditions médiévales et de la Renaissance.

Les commentaires grecs des PN édités dans 81 Commentaria in Aristotelem Graeca, edita consilio et auctoritate Academiae Litterarum Regiae Borussicae, Berlin 1891-1909 sont les suivants:

Alexandre d'Aphrodise: 82 Alexandri in Librum De sensu commentarium. Edidit Paulus Wendland, Berlin 1901, III 1 (commentaire du seul De Sens.]. Thémistius : 83 Themistii (Sophoniae) in Parva naturalia commentarium. Edidit Paulus Wendland, Berlin 1903, V 6 (commentaire de De Mem.; De Som. ; De Ins. ; De Div.].

370

ARISTOTE DE STAGIRE

Michel d’Ephäse: 84 Michaelis Ephesi in Parva naturalia commentaria. Edidit Paulus Wendland,

Berlin

1903, XXII

1 [commentaire de De Mem.;

De

Som. ; De Ins.;De Div. ; De Long.; De Juv.; De Resp. ; De Vit.].

Parmi les éléments les plus remarquables des traditions arabe et latine, signalons le résumé commenté d'Averroés dans 85 A. Ledyard Shields et H. Blumberg (édit.), Averrois cordubensis compendia librorum Aristotelis qui parva naturalia vocantur. Recensuit Academy

of America,

Cambridge

A. L.S., adiuvante

(Mass.)

1949

[sur De

H. B., The Mediaeval Sens.; De Mem. ; De

Som. ; De Ins.; De Div. ; De Long.] et le commentaire de saint Thomas d'Aquin, In Aristotelis Libros De sensu et sensato, De memoria et reminiscentia com-

mentarium. Sur la lecture arabe, voir notamment Steinschneider 47 et Pines 40. Sur les deux versions gréco-latines successives du XIII* s., la seconde étant vrai-

semblablement l'ceuvre de Guillaume de Moerbeke, voir Lacombe 28. On trouvera plusieurs indications sur la lecture médiévale des PN et sur l'influence d'Averroés dans l'édition du commentaire de Pierre d’Irlande au De Long. (entre

1230 et 1260) proposée par 86 M. Dunne (édit.), Magistri Petri de Ybernia, Expositio et quaestiones in Aristotelis Librum de longitudine et brevitate vitae.

Edited with an Introduction by M.D., coll. « Philosophes Médiévaux » 30, Louvain-la-Neuve 1993, X-172 p. Sur la tradition arabe, voir également plus loin la notice de Carla Di Martino. Pour la Renaissance, on retiendra essentiellement, des bibliographies concernées, les éditions de N. Leonicus Thomaeus (Aristoteles. Opera omnia 1527), J.-B. Camotius (Aristotelis Opera 1551-1553), G. Morellius (Aristoteles. Opera 1556), I. Casaubon (Operum Aristotelis nova editio 1590).

Manuscrits. Les PN, en totalité ou en partie, figurent dans cinquante manuscrits dont le plus ancien date du X* s. et parmi lesquels se dégagent: E =

Parisinus gr. 1853, X* s. [pour la partie contenant les PN]; U - Vaticanus gr. 260, ΧΙ" s.; 5 = Laurentianus LXXXI, 1, XII* et XIII s.; L = Vaticanus gr. 253, XIII* s.; Y = Vaticanus gr. 261, XIII* ou XIV“ s.; M = Urbinas

P = Vaticanus gr. 1339, datation discutée [cf. DPhA

gr.

37, XIV“ s. ;

I, 1989, art. «Aristote de

Stagire. Le corpus biologique », p. 474]. Mugnier 38, 61 estime pouvoir confirmer la distinction opérée par Biehl 56 entre deux grandes familles EMY et LSU, et tous deux privilégient la premiére. Ross 62, p. 64, reconnait des mérites comparables aux deux familles, partiellement modifiées, et tranche en suivant Alexandre d'Aphrodise dans certains cas d'indécision. Siwek 63 distingue sept

familles réparties en deux groupes et accorde une nette préférence au groupe comprenant LSU. Composition Freudenthal

des

PN.

Le titre Parva

naturalia, selon l'hypothèse de

19, serait dû à Gilles de Rome (Ægidius Romanus), vers la fin du

XIII* s. Selon Siwek 63, p. IX, il n'indique sans doute rien d'autre que son appartenance aux « sciences naturelles », selon une distinction, usuelle chez les traduc-

teurs médiévaux d' Aristote, entre sciences naturelles, logiques, morales, etc. Les éditeurs modernes s'accordent sur les titres et l'ordre suivants:

PARVA NATURALIA - TRADITION GRECQUE

371

Περὶ αἰσθήσεως xal αἰσθητῶν - De sensu et sensibilibus : 436 a 1 - 449 b 4. Περὶ μνήμης xal ἀναμνήσεως - De memoria et reminiscentia : 449 b 4 453b 11.

Περὶ ὕπνου xai ἐγρηγόρσεως - De somno et vigilia: 453 Ὁ 11 - 458 a 32. Περὶ ἐνυπνίων - De Insomniis: 458 a 33 - 462 b 11. Περὶ τῆς καθ᾽ ὕπνον μαντικῆς - De divinatione per somnum: 462 b 12 464 b 18.

Περὶ μακροδιότητος

καὶ βραχυδιότητος - De longitudine et brevitate

vitae : 464 b 19 - 467b 9. Περὶ νεότητος xal γήρως - De juventute et senectute: 467 b 10 - 470 b 5. Περὶ ἀναπνοῆς - De respiratione: 470 b 6 - 478 b 21. Περὶ ζωῆς καὶ θανάτου - De vita et morte : 478 b 22 - 480 b 30. Cette liste appelle au moins trois remarques.

1?) Certains éditeurs, comme

Biehl 56, Mugnier 61 ou Ross 62, suivant en cela plusieurs manuscrits et le programme annoncé au début du De Juv. en 467 b 10-12, présentent les trois derniers traités dans la continuité, comme un unique traité. 2°) Les PN n'apparaissent pas dans le catalogue de Diogene Laérce, mais on les retrouve dans la liste de Ptolémée. Cette dernière, apparemment partielle à première lecture puisqu'il y manque De Ins., De Div., De Juv. et De Resp., mentionne en fait trés probablement la totalité des traités. Ainsi, on reconnaitra sans grand risque d'erreur De

Som., De Ins. et De Div. sous l'unique titre Περὶ ὕπνου xai ἐγρηγόρσεως. C'est en effet sous cette rubrique qu'Aristote annonce les trois traités dans l'introduction du De Sens. (436 a 14) et le préambule du De Som. en donne le

programme complet (453 b 17-24). Voir encore De Long. 464 b 31. De méme, il est assez probable que les quatre derniers traités soient désignés par les deux titres Περὶ μαχροδιότητος xal βραχυδιότητος et Περὶ ζωῆς xai θανάτου. Un manuscrit

au

moins

donne

d’ailleurs

pour

titre, ἃ partir de 464

b

19, Περὶ

μαχροδιότητος xal βραχυδιότητος καὶ ἀναπνοῆς xal ζωῆς καὶ θανάτου. Le flottement dans les titres des PN se retrouve dans les renvois internes au corpus aristotélicien. Il est possible que, lorsque Aristote fait explicitement référence au seul De Sens., il renvoie en fait à l'ensemble ou à une partie plus vaste des PN (cf. Mugnier 61, p. VI; Siwek 63 p. X). En tout état de cause, les cas d'enchássements ou de fusion tendent à confirmer à la fois l'unité interne et la séparation

respective de deux séquences dans les PN: a) un premier groupe, constitué par les cinq premiers traités et dans lequel le De Sens., bien délimité, tient une place à part — Moraux 35, p. 296-297, rappelle à ce sujet que, dans la tradition orientale, le groupe De Mem.,

De Som., De Ins., De Div. ne constitue qu'un seul

livre —; b) un deuxiéme groupe, formé des quatre derniers traités. 3°) La liste des titres de traités est habituellement tenue pour exhaustive au regard de l'intention premiére du Stagirite. Il arrive qu'on y adjoigne le De Spiritu, mais son authenticité est généralement rejetée (cf. Moraux 35, p. 294: «L'ouvrage [...] est bien issu de l'école péripatéticienne, mais il est sürement postaristotélicien »). D'autre part, le préambule du De Sens., si on lui accorde une fonction programmatique

372

ARISTOTE DE STAGIRE

pour l'ensemble des PN, semble annoncer un traité sur la santé et la maladie (περὶ ὑγιείας xai νόσου, 436 a 17-18. Cf. De Long. 1; 464 b 32-33) qui pourrait correspondre aux latpıxd du catalogue de Diogene Laërce. Sur l'inau-

thenticité de ces traités et d'un περὶ ὑγιείας xai νόσου en particulier, cf. Moraux 35, p. 110. L'authenticité de l'ensemble des PN est, quant à elle, rarement remise en question, leur absence dans le catalogue de Diogéne Laérce, pas plus que celle de plusieurs traités de philosophie naturelle, ne pouvant faire argument en faveur de l’hypothèse adverse (cf. Siwek 63, p. XII). La question de l'unité thématique globale des PN sera posée plus bas. Chronologie. Ce point a suscité des discussions nombreuses et contradictoires, mais qui semblent avoir trouvé un terme depuis quelques années, à la faveur d'un large consensus. On distinguera globalement trois types de positions: 1) Les PN constituent un ensemble disparate, dont la rédaction est étalée dans le temps (cf. Nuyens 39, Drossaart Lulofs 75, Lefèvre 29). 2) Un ensemble chro-

nologiquement et doctrinalement homogène, 2a) antérieur à la dernière période de rédaction du De anima (Ross 62) ; 2b) contemporain du De An. (Siwek 63,

Kahn 21, Balme 3, Van der Eijk 78, Gallop 77) ; 2c) postérieur au De An. (Block 8). 3) Un ensemble chronologiquement homogéne mais de médiocre cohérence interne, contemporain ou postérieur au De An. (Düring 13). Dans le premier groupe, les analyses de Drossaart Lulofs sont les plus argumentées. Sans les reprendre dans leur détail, il faut au moins retenir l'hypothése selon laquelle Aristote aurait repris la rédaction de certains des traités et en particulier de De Som. et de De Ins. Le texte édité sous sa forme actuelle juxtaposerait donc les deux versions successives. La première critique systématique de

cette thèse est celle de Wiesner 52. On accordera à la thèse défendue par Drossaart Lulofs que la construction interne des traités est parfois maladroite ou

réitérative — ceci vaut aussi pour le De Sens. — comme si nous avions à faire à plusieurs rédactions successives, mais l'hypothése d'un écart chronologique significatif entre ces rédactions ne s'impose pas. Les études décisives de Block et Kahn sont à l'origine du consensus actuel en faveur de la position de type 2b. De fait, si l'on accorde quelque crédit aux références internes, ou du moins à certaines d'entre elles, et si on ne les considére pas toutes comme des adjonctions ultérieures, on admettra que les PN constituent un complément ou une suite

des analyses du De An. En effet, Ross 62, p. 17, par exemple, dénombre douze renvois des PN au De An. On dénombre en outre au moins quatre annonces implicites des PN dans le De An.: II 8 (420 b 21-421 a 6) ; III 9 (432 b 11); III

10 (433 b 19-21). La thése de Block 8 conduit à poser différemment la question du rapport avec le De An.: la doctrine de la sensation commune dans les PN divergerait de celle du De An. dans la mesure oü les sens n'y seraient plus congus comme des facultés séparées mais comme les différentes fonctions de la sensation commune (p. 70). L'opposition de Kahn 21 porte essentiellement sur ce point.

PARVA NATURALIA - TRADITION GRECQUE

373

Problémes d'interprétation Les problèmes que pose l'établissement d'une chronologie des PN présentent en fait plus d'intérét du point de vue interprétatif que du strict point de vue historiographique. La question chronologique, on l'a vu, est indissociable de la double question de l'unité réelle — par opposition à une unité simplement éditoriale — et de l'objet des PN. Trois degrés d'unité peuvent étre envisagés: 1°) une unité thématique ; 2°) une unité à la fois thématique et systématique ; 3°) une unité à la fois thématique, systématique et spécifique aux PN. 1?) Il y a au moins unité de projet, si l'on voit dans les PN, comme cela semble bien étre le cas, une série d'appendices au De An., sans véritable divergence doctrinale majeure. Les principaux thémes sont les suivants: les fonctions

communes à l'àme et au corps en général (cf. par exemple le préambule du De Sens. 1; 436 a 1-b 8 ou celui du De Som. 1; 453 Ὁ 11-14, De Long. 2 ; 465 a 26-

32, De Juv. 1; 467 b 10-18 et 4; 469 a 23-b 20); la constitution élémentaire du corps et en particulier des organes sensoriels (cf. par exemple De Sens. 2-5; De

Long. 2; 465 a 14-19 ; De Resp. 8 à 15); la constitution des sensibles (De Sens. 2-7); les modes de représentation: sensation propre (cf. principalement De Sens. 1-6), sensation commune

(cf. De Sens. 7 ; 449 a 8-20; De Mem.

1; 450 a 10-12,

451 a 17 ; De Som., 1; 454 a 23-24, 2; 455 a 15-b 13; De Juv. 3; 469 a 10-12),

imagination (phantasia, cf. De Mem., De Som., De Ins., De Div. dans leur ensemble) ; les aspects mécaniques des processus psycho-physiologiques (cf.

quelques exemples parmi beaucoup d'autres : De Sens. 5 ; 443 b 15-16; De Mem. 2; 451 b 10- 452 b 22; De Som. 2-3; De Ins. 2-3; De Div. 2; 463b 12-464 b 5; De Juv. 6; 470 a 25-27); la chaleur vitale (cf. par exemple De Som. 3; De Long.

5; De Juv. 3-6; De Resp. 8; De Vit.). Ajoutons que les PN complètent les indications doxographiques du De Án. en offrant un certain nombre de témoignages originaux sur les prédécesseurs d' Aristote, notamment Empédocle et Démocrite. Il est clair que les PN, à défaut de former un unique traité, constituent un ensemble cohérent de traités réunis autour d'une méme thématique. 2°) Les PN présentent une unité à la fois thématique et systématique dans la

mesure oü ils développent sous ses divers aspects le théme principal énoncé dans le préambule du De Sens. en 436 a 7-8 : les fonctions ou activités (praxeis, 436 a 4) communes à l'áme et au corps («rà» κοινὰ τῆς τε φυχῆς [...] xai τοῦ σώματος). La question s'est posée, à partir des analyses de Nuyens 39, de savoir si les PN, ou une partie d'entre eux, ne demeurent pas tributaires d'une distinction «substantielle » (cf. Ross 62, p. 16) entre l'âme et le corps et, de ce fait,

d'une sorte d'instrumentisme qui serait incompatible avec l'hylémorphisme du De An. Il est vrai que les PN portent une attention particulière à l'aspect mécanique et matériel des processus psycho-physiques. Toutefois leur objet d'ensemble correspond bien à la thématique du De An., si l'on en juge notamment par le passage de De An. III 10; 433 b 19-21. Ce texte en effet semble annoncer le préambule du De Sens. en classant la causalité efficiente du désir parmi les «fonctions communes au corps et à l'áme» (ἐν τοῖς κοινοῖς σώματος xal ψυχῆς ἔργοις). Le mécanisme des quatre derniers traités perd son caractère

374

ARISTOTE DE STAGIRE

réducteur dés lors qu'on le pergoit comme un aspect nécessaire de l'hylémorphisme professé dans le De An. Les PN dans leur ensemble insistent sur la causalité matérielle et les relais physiologiques de la causalité motrice de l'àme, point de vue qui peut étre compris comme une simple différence d'accent par rapport au De An. (cf. en ce sens, Ross 72, p. V-VI).

3°) Une unité à la fois thématique, systématique et spécifique aux PN. L'hypothèse d'un propos spécifique des PN conduit donc à mettre l'accent sur le théme de la chaleur vitale (cf. Balme 3, p. 10), mais aussi, plus généralement, sur

le rapport à la fois thématique et systématique qu'ils entretiennent implicitement avec le De Motu. Cf. 87 M.C. Nussbaum (édit.), Aristotle's De motu animalium.

Text with Translation, Commentary and Interpretive Essays by M.C. N., Princeton 1978 [réimp. avec corr. 1985], XXX-431 p., p. 9. Les dernières lignes du De Motu (704 a 2-b 2) font en effet directement référence, indépendamment de toute considération sur la chronologie, au propos des PN: «Nous avons donc indiqué

les causes relatives aux parties de chaque animal, à l'áme, ainsi qu'à la sensation, le sommeil, la mémoire, le mouvement en général. Il reste à parler de la génération. » De fait, plusieurs manuscrits appartenant à des familles différentes placent le De Motu après le De Div. qui, dans certains d'entre eux, s’achève par la formule «il reste à traiter du mouvement des animaux en général » (περὶ δὲ κινήσεως

τῆς χοινῆς

τῶν ζῳῶν

AgxrÉov), expression derrière laquelle on

reconnait généralement le De Motu. Cela ne signifie pas pour autant qu'il faille incorporer le De Motu aux PN (voir en ce sens Siwek 63, p. XI), ce qui d'ailleurs poserait d'autres problèmes et en particulier celui de la place des traités venant après le De Div. C'est en tout cas dans une double complémentarité, avec le De An. et avec le De Motu, que se révéle le dessein particulier des PN:

expliquer les

fonctions communes à l'áme et au corps en décrivant dans leur diversité les mouvements internes des animaux. PIERRE-MARIE MOREL.

PARVA NATURALIA. TRADITION ARABE

Ces traités aristotéliciens, connus dans la tradition arabe sous le titre du premier d'entre eux, le Kitáb al-Hiss wa-al-mahsüs ou Kitab al-Häss wa-al-mahsüs, “Livre du sens et du sensible" ou "Livre du sentant et du sensible", et en Occi-

dent sous Je nom de Parva Naturalía, ont joué un róle capital dans la formation de la science psychologique arabe en fournissant des notions essentielles aux principaux auteurs de cette tradition, dont de nombreux textes passerent à l'Occident latin, notamment à la suite des traductions effectuées aux XIT° et XIII siècles. Aucun texte complet de la traduction arabe de cette œuvre ne nous est par-

venu. Les sources anciennes sont assez vagues. La notice donnée par le bio-bibliographe al-Nadim dans son Fihrist n'apporte pas beaucoup d'informations : voir 1]bn al-Nadim, Kitab al-Fihrist, mit Anmerkungen herausgegeben von G. Flügel. Nach dessen Tode von 1. Ródiger und A. Müller, Verlag von F. C. W. Vogel, 2 vol., Leipzig 1871-1872, t. I, p. 251, 19-20; éd. R. Tagaddud, 3° éd., Beyrut 1988, p. 312, 5-6; traduction anglaise du passage dans 2 F. E. Peters, Aristoteles arabus. The Oriental Transiations and Commentaries on the Aristo-

telian Corpus, Leiden 1968, p. 45-47; traduction frangaise du passage dans 3 A. Hasnaoui, « Un élève d'Abü Bisr Matta b. Yünus: Abü 'Amr al-Tabari», BEO 48, 1996, p. 35-55. Al-Nadim Écrit : « A propos du livre De sensu et sensato qui est en deux traités. On n'en connait pas de traduction à laquelle on puisse faire crédit et qui soit digne d'étre mentionnée. Ce qu'on mentionne, c'est qu'une petite partie a été glosée par al-Tabari d'après Abü Biär Matta b. Yünus», cf. Hasnaoui 3, p. 40. Ibn al-Qifti se limite à reprendre les informations données par al-Nadim en supprimant le nom de Tabari. Voir 4 Ibn al-Qifti, Ta’rikh al-hukamä’, Leipzig 1903,

p. 41, 15-16, cité d'aprés Hasnaoui 3, p. 40 n. 28. Le sens le plus probable de l'affirmation d'al-Nadim serait, selon Hasnaoui 3, qu'au X* siècle il n'y avait pas, à la connaissance de l'auteur du Fihrist, de traduction des Parva Naturalia digne d'étre signalée. Il n'aurait connu que des notes d'al-Tabari, disciple d'Abu Bisr Matta b. Yünus, notes qui seraient en réalité une sorte de reportatio, plus au moins réélaborée par le disciple, des remarques de son maitre. Dans cette perspective, les hypothéses de 5 A. Badawi, La transmission de la philosophie grecque au monde arabe, Paris 19872, p. 95,

selon lequel Abü Bisr Mattà a traduit des passages des Parva Naturalia, et de 6 H. Gatje, Studien zur Überlieferung der aristotelischen Psychologie in Islam, Heidelberg 1971, qui pense que Abü Bisr en a achevé un abrégé, n'auraient pas de base textuelle suffisante. 7 S. Pines, « The arabic recension of Parva Naturalia and the philosophical doctrine concerning veridical dreams according to al-risälà al manämiyya and others sources », /OS 4, 1974, p. 104-153, repris dans The collected works of

376

ARISTOTE DE STAGIRE

Shlomo Pines, vol. II, Leiden 1986, p. 104-153, en étudiant les citations du De divinatione per somnium dans al-Risäla al-Manämiyya d'Ibn Sinä, grâce à une comparaison avec l'Epitome du De Sensu d'Ibn Rusd, a établi que le texte des

Parva Naturalia connu et utilisé par les auteurs arabes est le témoin d'une rédaction différente de celle transmise par la tradition grecque, soit une version plus longue, soit un abrégé d'époque hellénistique peut-étre contaminé par des influences stoiciennes. La conclusion de cette étude a été en partie confirmée et

en partie remise en cause par la récente découverte, par H. Daiber, d'une traduction acéphale de notre texte. Ce dernier avait déjà signalé à l'attention des chercheurs l'existence, dans le ms. n° 1752, 7'-54* de la Bibliothèque Raza à Rampur, en Inde, d'un texte qui pourrait éclairer considérablement l'histoire de

notre traité. Voir 8 H. Daiber, « New Manuscript Findings from Indian Libraries», MME 1, 1986, p. 26-48, et 9 Id., « Semitische Sprachen als Kulturvermittler zwischen Antike und Mittelalter. Stand und Aufgaben der Forschung»,

ZDMG 36, 1986, p. 292-313. Il s'agit d'une version incomplète des Parva Naturalia, avec des gloses que 10 L.'A. Arshi, Catalogue of the Arabic Manuscripts in Rampur Raza Library, coll. «Rampur Raza Library Publication Series» 1317, Rampur, 5 vol., t. IV, 1971, p. 534-535, avait attribuées à Abü Bisr Matta. H.

Daiber a publié une première description de ce texte : 11 H. Daiber, «Salient Trends of the Arabic Aristotle », dans G. Endress et R. Kruk (édit.), The Ancient

Tradition in Christian and Islamic Hellenism. Studies on the Transmission of Greek Philosophy and Sciences dedicated to H. J. Drossaart Lulofs, Leiden 1997, p. 29-41, en particulier p. 36-41. Le texte signalé par Daiber, intitulé Kiräb al-Hiss wa-al-mahsüs (Livre du sens et du sensible), est composé de trois chapitres : un premier chapitre, acé-

phale, porte sur le sens et le sensible ; un deuxième chapitre en trois sections, l’une sur la mémoire et la réminiscence, la deuxième sur le somneil et la veille, la troisième sur les songes ; un troisième chapitre sur la longueur et la brièveté de la vie. C'est la division qu'on retrouve dans l’Epitome d'Ibn Ruëd, voir infra 14,

17, 19. Le troisiéme chapitre correspond au dernier livre dans la tradition grecque. Le ms décrit par Daiber ne contient pas le passage cité dans al-Risala alManämiyya d'Ibn Sinà et étudié par Pines 7, ni les citations de la version hébrai-

que collectées dans 12 Aviezer Ravitzky, « Hebrew Quotations from the Lost Arabic Recension of Parva Naturalia», JSAI 3, 1981-1982, p. 191-202. Il ne semble pas non plus que le texte de Rampur soit celui mentionné par al-Nadim, selon lequel le traité ne contient que deux livres. Le ms de Rampur est, d’après

Daiber 11, un texte complet, mais il ne permet pas d'établir si les commentaires qui lui sont rapportés — marqués par la lettre 3 (Sari = commentaire) — sont ceux de Tabari. Tout cela porte Daiber 11, p. 40, à formuler l'hypothèse de l'existence de «deux versions différentes d'une révision hellénistique des Parva Naturalia»

: l'une, plus étendue, aurait été utilisée par Ibn Sinà et Ibn Rusd. L'autre,

plus bréve, peut-étre due à Ibn al-Bitriq et déjà connue au IX* siécle, utilisée par al-Kindi, Qustä

ibn Lüqä et au X* siècle par al-Färäbi. Cette seconde version

serait celle qui est conservée dans le ms de Rampur.

PARVA NATURALIA - TRADITION ARABE

377

L'édition du texte signalé par Daiber est actuellement l'objet de la thèse de Mlle Rotraud Hansberger à Oxford. Mlle Hansberger a eu la gentillesse de me communiquer les premiers résultats de son travail, qui corrigent en partie la description de Daiber 11. En effet, d'aprés son analyse de la partie qui correspond au texte grec du De Divinatione, le texte de Rampur contiendrait des passages qui correspondent à la Risala al-Manämiyya d'Ibn Sina, ainsi que des passages assez proches des citations signalé par Ravitzky 12 et d'autres auteurs

de la tradition arabe. Cela qui prouverait, au moins pour la section De divinatione, que le texte connu et utilisé par les auteurs de la science psychologique arabe comme étant le texte des Parva Naturalia d'Aristote est le texte de Rampur. D'autre part, Mauro Zonta vient de me signaler d'autres citations du De Sensu, non encore remarquées jusqu'au présent, et qu'il a trouvées au cours de

ses recherches à la Bibliothéque Vaticane. Les citations, en langue arabe mais en caractères hébreux, se trouvent dans la Magala al-gami'a bayna al-falsafa waal-sari'a de Yosef Ibn Waqqar, ms Vaticanus hebr. 203, ff. 21', 27°, 30°. Mauro Zonta travaille actuellement sur ce texte. Il est à remarquer que dans les mss apparaissent deux graphies différentes du titre du traité : Kitdb al-Hiss wa-al-mahsüs (Livre du sens et du sensible) ou Kitab al-Häss wa-almahsüs (Livre du sentant et du sensible). Voir Pines 7, p. 120 n. 126 et p. 129 n. 187, ainsi que 13 H. Gatje (édit.), Epitome der Parva Naturalia des Averroes. 1: Text, herausgegeben von H.G., Wiesbaden 1961. Voir aussi 14 H. Gatje, Die Parva Naturalia des Aristoteles in der Bearbeitung des Averroes. Untersuchungen zur arabischen Philosophie, Ph. D., Tübingen 1956. La graphie al-hiss semble étre la plus courante : c'est ainsi qu'est intitulé le traité dans les textes d'al-Nadim 1, de 15 al-Kindi, Risäla Fi kammiyat kutub Aristütälis wa-mä yuhtäg ilayhi fi tahsil al-falsafa, dans Rasa 'il al-Kindi al-falsafiyya, éd. M. A. Abü Rida, I, 1950, de 16 Ibn Bàgga, Tadbir al-Mutawahhid dans M. Fakhry, Rasa 'il Ibn Bagga al-Ilähiyya, Beirut 1968", et d'Ibn Rusd selon les deux éditions Gatje 14 et 17 H. A. Blumberg (édit.), /bn Rushd, Talhis kitab al-Hiss wa-al-mahsüs, Cambridge, Mediaeval Academy of America, 1972. Ibn Rusd écrit aussi al-hiss lorsqu'il se refere à son Epitome du De Sensu dans son Epitome du De Anima et dans le Tahäfur, comme le remarque 18 A. Badawi, Talhis kitab al-Hàss wa-almahsüs, dans Aristütális Fi al-nafs, Le Caire 1954. La graphie al-häss apparaît dans le ms de la Risäla al-Manämiyya étudié par Pines, voir Pines 7; Gatje 14 signale lui aussi cette variante dans son édition. Après avoir étudié les mss et les citations qu'Ibn Ruëd fait de son propre Epitome du De Sensu dans d'autres de ses ouvrages, à savoir /'Epitome du De Anima et le Tahäfut, Badawi 18 choisit d'éditer l' Epitome du De Sensu sous le titre de Talhis kitäb alHass wa-al-mahsüs, conjecturant que le titre de la traduction du texte d' Aristote portait à l’origine la graphie al-häss, ensuite perdue dans la tradition exégétique.

Il ne semble pas que les commentaires grecs des Parva Naturalia, à savoir ceux d' Alexandre d' Aphrodise, de Thémistius et de Michel d'Éphése, aient été traduits en arabe. Le titre Kitab al-Hiss / al-hàss wa-al-mahsüs se réfère au corpus de textes des Parva Naturalia que la tradition arabe a connu, et non strictement au De Sensu.

Al-Nadim ne parle que de deux livres. Al-Kindi 15, p. 384, en posant que le Kitáb al-Hiss wa-al-mahsüs est le deuxième livre d’Aristote sur l’âme et que celui-ci y expose les causes des sensibles et des sensations, semble désigner par

ce titre le seul De Sensu. Cependant, au moins six des neuf traités de la tradition

378

ARISTOTE DE STAGIRE

grecque ont été traduits en arabe, puisqu'Ibn Rusd les expose dans son Epitomé. (1) De Sensu et sensibili, abrégé dans le premier livre de l’Epitome, (2) De memoria et reminiscentia, (3) De Somno et vigilia, (4) De Insomniis, (5) De divinatione per somnum abrégés dans le deuxième, (6) De longitudine et brevitate vitae dans le troisiéme.

Le Kitäb al-Hiss / al-häss wa-al-mahsüsa été largement utilisé par les auteurs arabes : voir la liste des citations des Parva Naturalia chez ces auteurs dans 19 M. Steinschneider, «Die Parva Naturalia dei den Arabern », ZDMG 37, 1883, p. 477-492. Cependant l' Epitome d’Ibn Rusd est le seul texte arabe entié-

rement consacré à l’exégèse des Parva Naturalia qui nous soit parvenu. Édité trois fois (voir 14, 17, 18), il en existe une seule traduction moderne, celle de 20 H. Blumberg (édit.), Averroes, Epitome of Parva Naturalia, translated from

the original arabic and the hebrew and latin versions by ἢ. B., Cambridge, Mediaeval Academy of America, 1961. L'épitomé d'Ibn Rusd a été traduit en 1254 en hébreu par Mosé ben Tibbon. Ce texte a été édité dans 21 H. Blumberg (édit.), Averrois Cordubensis, Compendia librorum Aristotelis qui Parva Naturalia vocantur. Textum hebraicum recen-

suit et adnotationibus illustravit H. B., Cambridge (Mass.) 1954. Il a aussi été traduit deux fois en latin. Les deux traductions éditées dans 22 A. L. Shields et H. A. Blumberg (édit.), Averrois, Compendia librorum Aristotelis qui "Parva Naturalia" vocantur, Cambridge, Mediaeval Academy of America, 1949, étaient connues respectivement sous les titres de Vulgata, probablement un travail attribué à Michel Scot dans les années 1225-1230, conservé dans plus de 60 mss, et de Parisina, probablement une révision de la Vulgata, conservée dans un seul

ms. Le texte hébreu a été commenté par Gersonide : voir 23 A. Altmann, Gersonides’ Commentary on Averroes Epitome of "Parva Naturalia", II. 3. Annotated

critical edition, coll. «Proceeding of the American Academy for Jewish Research», New York 1980, et connut une vaste diffusion. Le texte latin fut lui aussi largement utilisé, entre autres, par Albert le Grand, Thomas d'Aquin et Roger Bacon, comme on l'apprend à la lecture de l'/ntroduction de 24 Sancti Thomae de Aquino Opera Omnia, t. XLV, 2:

Sentencia libri de sensu et sensato,

cuius secundus tractatus est De memoria et reminiscencia, Paris 1985, voir Introduction, p. 1*-128*. CARLA DI MARTINO.

LES

«DIALOGUES »

Trois catalogues des œuvres d’Aristote ont été conservés: l'un de Diogene Laërce (V 22-27), le deuxième d'un anonyme, le troisième d'un certain Ptolémée

mal connu. Sur ces trois listes, voir 1 P. Moraux, Les listes anciennes des ouvrages d'Aristote, Louvain 1951. Elles sont éditées dans 2 V. Rose (édit.), Aristotelis qui ferebantur librorum fragmenta, collegit V. R., Leipzig 1886 [= Rose?], respectivement p. 3-9, p. 11-18 et p. 19-22. Voir aussi

DPhA 1, 1989, p. 424-434.

Comme

l'a vu déjà 3 V. Rose, De Aristotelis librorum ordine et auctoritate

commentatio, Berlin 1854, p. 47, chaque liste a sa logique propre, notamment la première qui est disposée de telle sorte que « praecedant dialogica... sequantur dialectica, deinde politica (ethica, politica, rhetorica, poetica) post physica et mathematica et ultimo denique loco historia cum epistulis et carminibus ». L'observation correspond à la réalité et sa pertinence a été reconnue par les spécialistes. Par le terme dialogica Rose faisait allusion aux 19 premiers écrits du

catalogue de Diogène Laérce (V 22). Ce sont les suivants: . Sur la justice en quatre livres, Περὶ δικαιοσύνης α΄ β΄ γ΄ δ΄,

=Symnsau2unn

. Sur les poètes en trois livres, Περὶ ποιητῶν α΄ β΄ γ΄, Sur la philosophie en trois livres, Περὶ φιλοσοφίας a’ β΄ Y', . Sur le politique ou Le politique en deux livres, Πολιτικοῦ a’ β΄,

Sur la rhétorique ou Gryllos en un livre, Περὶ 9nropodic fj Γρύλλος α΄, Nérinthe en un livre, Νήρινθος α΄, Le sophiste en un livre, Σοφιστής a’, Ménexéne en un livre, Μενέξενος α΄,

. Érotique en un livre, Ἔρωτυχός a’,

. Symposium en un livre, Συμπόσιον α΄, . Sur la richesse en un livre, Περὶ πλούτου a’, 12. Protreptique en un livre, TIpotpentuxöc a’, 13. Sur l'âme en un livre, Περὶ ψυχῆς α΄, 14. Sur la prière en un livre, Περὶ εὐχῆς a’, 15. Sur la bonne naissance en un livre, Περὶ εὐγενείας a’, 16. Sur le plaisir en un livre, Περὶ ἡδονῆς a’,

17. Alexandre ou Pour les colonies en un livre, ᾿Αλέξανδρος Tj ὑπὲρ ἀπουκιῶν a’, 18. Sur la royauté en un livre, Περὶ βασιλείας a’, 19. Sur l'éducation en un livre, Περὶ παιδείας a’.

Quelques remarques: a) Ces écrits se ressentent de l’atmosphère de l' Académie, ainsi que le suggère le parallélisme avec plusieurs titres platoniciens, et cela laisse entendre qu'ils étaient considérés à part des autres: c'est pour cette raison qu'ils ont été recensés les premiers.

380

ARISTOTE DE STAGIRE

b) Le rédacteur du catalogue les a regroupés d’après le nombre effet, Sur la justice en quatre livres précède Sur les poètes et Sur en trois livres, le Politíque en deux et les quinze autres en un vingtième Sur le Bien, Περὶ τἀγαθοῦ, comprend trois livres

des livres. En la philosophie seul livre. Le et il est suivi

d'abrégés d'ouvrages de Platon, à savoir les Extraits des Lois et de la Républi-

que. Le Περὶ τἀγαθοῦ est placé en vingtième position à la fois chez D. L. et dans le catalogue anonyme, bien que Diogene lui attribue trois livres et l'Anonyme un seul. C'est certainement l'Anonyme qui est dans le vrai. Pour les fragments de cet ouvrage, voir 4 W. D. Ross (édit.), Aristotelis Fragmenta selecta, recognovit brevique adnotatione instruxit W. D. R., Oxford 1955, P. 111-120. Pour une interprétation de son contenu, voir 5 K. Gaiser, « Plato's enigmatic lecture "On the good" », Phronesis 25, 1980, p. 5-37.

Vient ensuite un livre sur l'économie domestique, Περὶ οἰχονομίας a’, qui a fait l'objet de beaucoup de discussions et un autre sur l'arnitié, Περὶ φιλίας. Pour la traduction du titre Περὶ οἰκονομίας, voir 6 P. Chantraine (édit), Xénophon. Economique, Paris 1949 ; pour l'interprétation du traité, voir 7 R. Laurenti, Studi sull'Economico attribuito ad Aristotele, Milano 1968.

Περὶ φιλίας est probablement le sous-titre du Menexene (n° 8), arrivé ici pour des raisons qui nous échappent. Il y aurait eu par conséquent un Ménexène ou Sur l'amitié. Ménexéne est un personnage du Lysis de Platon, qui aborde des problémes rattachés à l'amitié: pour cette raison, il pouvait étre repris par Aristote et fournir le titre d'un ouvrage traitant du méme sujet. Voir Moraux 1, p. 43-44. Sur l'amitié dans le monde antique et chez Aristote, cf. 8 J.-C. Fraisse, Philia. La notion d'amitié dans la philosophie antique, Paris 1974. Je considére comme moins probable l'hypothése formulée par 9 O. Gigon (édit.), Aristotelis Opera, volumen tertium, Librorum deperditorum fragmenta, collegit et annotationibus instruxit O. G., Berlin 1987, p. 277, qui voudrait introduire également dans le dialogue le personnage de Socrate, du fait que l’un de ses fils s'appelait Ménexène.

c) A partir du n° 20, par conséquent, on constate un changement de thèmes : c’est le début des écrits que V. Rose range sous la catégorie dialectica. Les mêmes caractéristiques peuvent être observées dans le catalogue de l'Anonyrme et dans celui de Ptolémée, même si chez ce dernier se laisse percevoir un plus grand intérêt pour les écrits scolaires: cela signifie que les catalogues proviennent de sources différentes, lesquelles étaient confrontées à un Corpus Aristotelicum diversement constitué. Que les dix-neuf écrits cités aient été des écrits authentiques d’Aristote et non des pseudépigraphes comme le soutenait obstinément 10 V. Rose, Aristoteles Pseudepigraphus, Leipzig 1863, p. 23-26 (voir à ce propos, entre autres, 11 A.H. Chroust, Aristotle. New light on his life and on some of his lost works, London

1973, t. II, p. XI-XIV), on peut le conclure en premier lieu d'apres les

catalogues, lesquels, notamment ceux de Diogene et de l’ Anonyme, remontent au UF s. av. J.-C., c'est-à-dire à une époque assez proche d'Aristote pour leur conférer crédibilité, en deuxiéme lieu d'aprés les citations qu'Aristote et d'autres auteurs font de cet ensemble de dialogues.

DIALOGUES

381

Aristote, en Phys. 194 a 35-36 et dans le De anima 404 b 18-21, fait référence au De philosophia ; dans la Poétique 1454b 15-18, à un livre déjà publié sur les poètes et sur la poétique, qui est probablement le De poetis. Cicéron, De orar. 1 11, 49, Brutus 31, 120-121, Acad. pr. il, 38, 119, fait allusion à une facon d'écrire d' Aristote abondante, fluide, différente de celle qui caractérise les traités : « veniet flumen orationis aureum fundens Aristoteles... ». Cicéron, ad Art. IV 16, 2, et XIII 19, 3-4, évoque un dialogue conduit more Aristoteleo. Diogéne Laërce VIII 57 cite

le Sophiste et en IX 53 le Περὶ παιδείας. Athénée 674a cite le Symposium, Stobée IV 298, 24 le Περὶ εὐγενείας, Syrianus, in Metaph., p. 168, 33-35. le Politique, Quintilien, Inst. or. Il 17, 14, le Gryllos.

Certaines de ces citations rattachent l’œuvre à son auteur et en établissent de facon précise la paternité. Ceci sans parler du Protreptique ou du De philosophia qui sont les œuvres les plus fréquemment citées. De plus, nous possédons une dizaine de témoignages d' Aristote (passages cités dans 12 R. Laurenti [édit.], / frammenti dei dialoghi a cura di R. L., Napoli 1987, t. I, p. 16-18, n?* 29-37) qui

font référence à des ἐξωτερικοὶ λόγοι, des écrits exotériques, c'est-à-dire publiés ou divulgués, lesquels étaient bien connus et disponibles non seulement dans l'école, mais également en dehors, et, en tout état de cause, constituaient un groupe d'ouvrages possédant des propriétés particulières, qui les distinguaient des traités. Ces témoignages présentent un Aristote différent de

celui que

nous

connaissons généralement, puisqu'il avait recours, pour exprimer sa pensée à tout le moins, non pas au traité ou au cours, mais à d'autres formes d'exposition, en

premier lieu au dialogue, un dialogue qui cependant n'était pas le dialogue de type platonicien. C'est à nouveau Cicéron qui fournit les renseignements les plus importants à cet égard. De orar. III 21, 80, rappelle la technique aristotélicienne consistant à «de omnibus rebus in utramque partem dicere» ; ad Art. IV 16, 2, présente l'emploi des préambules comme faisant partie de l’Aristoteleus mos; ad Att. XIII 19, 3-4 fait allusion à la façon de conduire le dialogue «ut penes ipsum (scil. Aristotelem) sit principatus». Les éléments aristotéliciens du dialogue sont donc d'aprés Cicéron les suivants: (1) la discussion pour et contre une thése,

(2) le préambule, (3) la conduite du dialogue par l’auteur lui-même. Ces points — mais peut-être y en avait-il d'autres — illustrent le tournant que le genre littéraire du dialogue a connu avec le Stagirite, tournant dü aux changements survenus dans les conditions de la recherche intellectuelle, laquelle, sans renoncer à la vie et en continuant au contraire à lui demander des inspirations et des motifs d'enquéte, s'enferme cependant dans l'ombre d'une école, devenant affaire de spécialistes, se revét de gravité, esquive les digressions, se consacrant entièrementà l'objectif qui lui était fixé: la démonstration d'une thèse. En méme temps, le dialogue évitait les apories des premiers écrits platoniciens et, ayant confié, comme on l'a vu, à un seul personnage, généralement l'auteur, la conduite de la conversation, il attendait en conséquence de celui-ci la solution du probléme soulevé (et par là le dialogue tendait à se transformer en traité scientifique, plus logiquement articulé). C'est dans cette perspective que s'expliquent les différentes parties du dialogue: le préambule qui lui servait d'introduction et qui, aprés la dédicace, exposait le cadre narratif, rassemblant au début tous les détails, les observations, les circonstances que le dialogue platonicien introduisait dans le cours de la discussion; ensuite la position du probléme, une sorte de status

382

ARISTOTE DE STAGIRE

quaestionis, les opinions diverses de ceux qui prenaient part au débat, sous ie contrôle de l'auteur ; la démonstration de la thèse ; enfin, les difficultés, la solution de ces difficultés et la conclusion, tout cela dans ce style soutenu, doré, dont parle Cicéron. C'est là le schéma qui soutiendra la quaestio philosophica médiévale et qui se laisse entrevoir en plus d'une page de l'Érhique, de la Politique ou de la Métaphysique. Sur le dialogue aristotélicien, cf. 13 R. Hirzel, Der Dialog, Leipzig 1895, p. 272 sq., et Laurenti 12, t. I, p. 55-73. Sur la "question" philosophique médiévale, voir 13a M. Grabmann, Die Geschichte der scholastischen Methode, Berlin 1988.

Dans les pages qui suivent, nous essaierons d'étudier les dix-neuf écrits recensés, ou plutót les dix-huit, puisque nous n'avons aucun fragment du Menexene ou Sur l'amitié. Par commodité, nous les appellerons des «dialogues », bien que tous ces écrits n'en soient pas. En réalité, là oü il s'agissait d'exposer et de confronter différentes opinions sur des sujets déterminés, le dialogue était encore l'instrument le plus utile et le mieux adapté ; c'est le cas dans le De philosophia, dans le De iustitia, dans le De nobilitate. Dion Chrysostome, Orat. 53, 1, atteste d'ailleurs

que le nombre des dialogues était élevé: « Aristote également, dont on dit qu'il est à l'origine de l'interprétation littéraire et de la critique, traite du poéte (scil. Homère) dans de nombreux

dialogues (ἐν πολλοῖς διαλόγοις),

l'admirant et

l'honorant la plupart du temps». Mais il y avait également des parénèses, des exhortations sur le modèle de certains écrits d'Isocrate (ainsi peut-être le Protreptique) et on trouvait également des lettres (l'Alexandre et le traité Sur la royauté relevaient probablement de ce genre littéraire). Nous étudierons ces écrits en cherchant à préciser dans chacun l'idée fondamentale et la portée de cette idée, nous demandant si elle est diverse d'un ouvrage à l'autre ou bien si elle est

la méme dans tous: auquel cas, ces écrits seraient éclairés d'une unique lumière et la pensée d' Aristote, du moins celle du premier Aristote, acquerrait son unité. Et puisque dans le méme temps Aristote s'attaquait à d'autres travaux, ceux de l'école, il serait intéressant de voir les rapports existant entre sa double activité de vulgarisateur et de maître, et de méme entre sa première production et sa production subséquente, afin de voir s'il est possible de les unifier sous un méme

signe. Nous nous arréterons principalement sur les dialogues dont nous possédons le plus grand nombre de fragments et à partir de ceux-ci nous tenterons de rassembler les motifs qui reviennent dans d'autres, même s'il est difficile de les apercevoir, étant donné la rareté des passages qu'on peut leur rapporter. C'est pour-

quoi l'exposé le plus long concernera l’Eudème, le Protreptique et le De philosophia, pour lesquels il a été proposé encore récemment des reconstructions remarquables. Je cite les fragments en suivant le recueil de Ross 4, que je suis en général également parce qu'il est fondé sur une vision équilibrée de ce qu'on appelle le probléme du jeune Aristote. Naturellement j'ai également tenu compte des quatre recueils successifs de Rose: (1) Rose 3 (1854), (2) Rose 10 (1863), (3) 14 V. Rose (édit.), Aristotelis Opera, edidit Academia Borussica, volumen V, Aristotelis qui ferebantur librorum fragmenta, scholiorum in Aristotelem Supplementum, Index

DIALOGUES

383

Aristotelicus, Berlin 1870 [-Rose?] ; (4) Rose 2 (1886) [=Rose?], ainsi que des éditions suivantes: 15 Aem. Heitz (édit.), Fragmenta Aristotelis, collegit, dispo-

suit, illustravit A. H., Paris 1869; 16 R. Walzer (édit.), Aristotelis Dialogorum Fragmenta, in usum scholarum selegit R. W., Firenze 1934, réimpr. Hildesheim 1963 ; Laurenti 12; Gigon 9, parue en 1987, alors que j'avais déjà commencé la rédaction de cette notice. J'en ai tiré profit dans la mesure du possible, bien qu'en ce qui concerne les dialogues, Gigon s'en remette à la tradition tout en l'interprétant presque toujours de façon réductiviste. On trouvera une comparaison entre les trois recueils de Rose? 2, Walzer 16 et Ross 4 dans 17 P. Wilpert, « The Fragments of Aristotle's lost writings », dans le recueil d'études publié par 18 I. Düring et G. E. L. Owen (édit.), Aristotle and Plato in the Mid-fourth Century, Göteborg

1960, p. 257-266.

Comme pour les fragments de Ross, j'ai cité également les autres recueils de la facon habituelle, par un chiffre arabe suivi du nom de l'éditeur. Dans mon exposé, j'ai respecté l'ordre dans lequel les dialogues sont présentés chez Diogéne Laérce, bien que pour certains une telle disposition ne soit pas convaincante: c'est pourquoi, j'ai interverti les n° 17 (Alexandre ou Pour les colonies) et 18 (Sur la royauté) et j'ai traité le second avant le premier uniquement pour des raisons chronologiques, dans la mesure oü il est vraisemblable que le De regno a précédé l'Alexandre. Ce choix a entrainé une certaine perturbation dans la discussion des sujets, car certains des premiers dialogues exigent, pour étre compris, l'étude de doctrines liées à des dialogues recensés plus loin dans la liste de Diogéne Laërce. Voilà pourquoi certains points de la pensée aristotélicienne ont été abordés plusieurs fois, au fur et à mesure qu'on les rencontrait, et qu'à chaque fois ils ont été rappelés et expliqués, en particulier la doctrine de l'idée-forme. J'ai cependant préféré insister sur de tels thémes plutót que d'éluder le probléme ou de reporter la discussion. J'ai limité le nombre de références érudites, parce que mon objectif est de reconstruire la

pensée du « jeune Aristote» et parce que j'ai peut-être abusé de telles références dans mon édition des fragments d' Aristote. D'ailleurs il est facile de trouver des compléments sur les differents points de l'exposé. SUR LA JUSTICE

Le catalogue des œuvres d'Aristote conservé par Diogène Laérce s'ouvre avec le Περὶ δικαιοσύνης, Sur la justice, une œuvre emblématique, puisque la justice est la vertu par excellence, dans la mesure où l'on obtient le juste, τὸ δίκαιον, en réalisant les autres vertus, ainsi que le rappelle le vers de Théognis 147 transformé en adage populaire: «dans la justice se trouvent à la fois toutes les vertus ». L'ouvrage avait une extension remarquable, puisqu'il s'étendait sur quatre livres. Dans i' E. N. un livre seulement, le livre V, est consacré à la justice. Il est permis de penser qu'il reprend en un seul livre la matière des quatre livres du dialogue. Et c'est ce que montre une lecture précise de ce livre, caractérisé par une certaine concision des formules et par certains silences allusifs dans les conclusions, lesquels font penser que ces thémes avaient été traités ailleurs avec plus d'ampleur. On peut ajouter que dans l’E.N. deux livres sont consacrés à

384

ARISTOTE DE STAGIRE

l'amitié et l'amitié a plus d'un point de rencontre avec la justice (E. N. VIII 1, 1155a22-28): il est possible que certaines questions relatives à la justice et à l'amitié, traitées ensemble dans le Περὶ δικαιοσύνης, aient été ultérieurement

séparées dans l’Éthique. Étant donné l'ampleur de l'ouvrage, le thème devait

étre examiné à tous les niveaux et sous toutes les coutures: l'essence de la justice,

les formes de la justice, la justice dans l'homme, dans la famille, dans la polis et, en cours de route, apparaissaient les points sur lesquels s'étaient arrêtés depuis

longtemps les sophistes, puis Socrate et Platon, et on peut penser qu'ils étaient traités dans le dialogue et dans l' E. N. sous une forme qui n'était pas trop differente. Nous ne possédons cependant que de rares fragments, méme si l'un d'eux est rapporté par plusieurs sources. La tentative de reconstruction du Περὶ δικαιοσύνης la plus intéressante est celle de 19 P. Moraux, A la recherche de l'Aristote perdu. Le Dialogue "Sur la Justice", Louvain 1957, lequel a observé la façon dont Aristote traite de la justice dans ses écrits de jeunesse, puis dans ses cours sur l'éthique et la politique à propos des rapports entretenus entre eux par les membres de la famille: père et fils, mari et femme, patron et esclave, fréres entre eux, etc. Chacun de ces rapports est sous-tendu par un type déterminé de justice qui se retrouve à une échelle supérieure dans des formes déterminées de régime politique. Ainsi le rapport pere-fils correspond à la monarchie, celui de mari et femme à l'aristocratie, celui de patron et esclave à la tyrannie, celui des fréres entre eux à la démocratie et ainsi de suite. On voit donc comment à partir de la constitution de 1᾿ οἰκία, la famille, on arrive à la constitution de la polis, en étudiant comment les divers types de justice sont en correspondance d'un

niveau à l'autre et croissent en

consistance et en amplitude. C'est sur cette observation, fondamentalement juste, que s'appuie l'ouvrage de Moraux. A partir de ces rapports et en s'aidant d'autres idées sur le méme sujet dispersées dans le Corpus, il parvient à rassembler une mosaique ordonnée de positions sur la justice: à cette fin, il doit avoir recours à de nombreuses hypothèses contre lesquelles on pourrait avancer autant d'objections. Je signale seulement 20 G. R. Morrow, Gnomon 20, 1958, p. 441-442. 211. Düring, Aristoteles. Darstellung und Interpretation seines Denkens, coll. « Bibliothek der klassischen Altertumswissenschaften » 1, Heidelberg 1966 — Aristotele, trad. ital., Milano 1976. p. 538, écrit : « la tentative de reconstruction de Moraux est trés séduisante, mais doit rester une hypothese».

Pour ma part, je préférerais suivre le chemin opposé, à savoir m'appuyer sur les rares fragments dont nous disposons et chercher à les éclairer dans toute leur étendue par des rapprochements avec des positions analogues dans d'autres ouvrages, notamment l’E.N. Je pense en effet que l’E.N. et en particulier E. N. V, peuvent servir à la reconstruction de notre dialogue ou, à la limite, à en repérer les lignes directrices: il n'y a là rien d'étrange et encore moins un cercle vicieux qui consisterait à supposer que l'on veut subordonner aux écrits d'école les écrits dialogiques et démontrer les uns au moyen des autres. Il n'y a pas de cercle vicieux, car le rapport entre les deux écrits n'est pas imaginé a priori, mais

DIALOGUES

385

démontré a posteriori. Et cela pose à nouveau le probléme de l'importance des fragments.

Un des points essentiels de l'exposé était de définir les multiples significations de la justice (£. N. V 1, 1129231 sq.; il suffit de penser à Platon, Républ. I, entierement consacré au probléme. Cf. 22 S. Rosen, Introduzione alla Repubblica di Platone, trad. ital., Napoli 1990, surtout p. 22 sq.), comme il semble qu'on puisse le déduire de Cicéron, Resp. III 8, 12 (test. 1 Ross): «alter autem (scil. Aristote-

les) de ipsa iustitia quattuor implevit sane grandes libros»: de ipsa iustitia n'est rien d'autre que περὶ δικαιοσύνης αὐτῆς, dont la signification peut être éclairée par un rapprochement avec Poet. 1447 ἃ8, où la formule est reprise sous sa forme complète, περὶ ποιητικῆς αὐτῆς τε xal τῶν εἰδῶν αὐτῆς. De la méme

façon que dans la Poétique, le Περὶ δικαιοσύνης traitait de la justice en tant que telle et des formes de la justice. Cela laisse entendre que n'était pas négligé le probléme de l'essence de la justice, sur lequel Platon s'était si longuement étendu, principalement dans le Phèdre : et, par conséquent, il devait y avoir une discussion sur l'idée platonicienne. Cf. Phèdre 247 d-e: « Au cours de cette révolution (l'áme) contemple la Justice en soi, αὐτὴν δικαιοσύνην, contemple la sagesse, contemple la science, qui n'est pas celle à laquelle s'ajoute la naissance, ni celle qui est changeante, étant tantót en l'une tantót en l'autre des choses que nous appelons des êtres, mais celle qui est vraiment science en ce qui est être ». La justice est liée à la science, à la sagesse, à toutes les valeurs qui règlent l'existence et la rendent acceptable pour l'homme.

A cet égard, la position d'Aristote ne devait pas étre différente de celle qu'on peut dégager dans d'autres ouvrages, comme le Protreptique et le De philosophia, à savoir le refus de l'idée séparée, car cela est exigé par l'attention minu-

tieuse portée au réel qui se laisse dégager du Περὶ δικαιοσύνης et qui se concilie difficilement avec l'acceptation de cette doctrine platonicienne. Nous ne nous tromperons pas par conséquent en placant l'ouvrage dans la méme

phase de

développement doctrinal que nous venons de mentionner, phase à laquelle se rat-

tachent également deux écrits scolaires, le Περὶ ἰδεῶν et le Περὶ τἀγαθοῦ, deux œuvres qui remontent avec beaucoup de probabilité aux années 357*. Sur le Περὶ ἰδεῶν, cf. Ross 4, p. 120-129. Qu'il remonte à la période de l'Académie, on peut le prouver, entre autres, par une comparaison avec le Parménide de Platon. 23 E. Berti, La filosofia del primo Aristotele, Padova 1962, p. 239-249, le rattache aux années 357 environ. Cette datation est partagée par 24 W. Leszl, Il de ideis di Aristotele e la teoria platonica delle idee, Firenze 1975, p. 349-352. C'est à peu prés à la méme époque que l'on situe le Tlepl

τἀγαθοῦ, à propos duquel, outre Gaiser 5, on consultera Berti 23, p. 313-314.

En somme, l'important est de noter comment une série d'ouvrages "publiés", le Περὶ δυκαιοσύνης, le Protreptique, le De philosophia, et d'ouvrages scolaires, le Περὶ ἰδεῶν et le Περὶ τἀγαθοῦ, présentent la méme critique de la position platonicienne, ce qui permet de supposer qu'ils appartenaient à la méme période. Il faut s'en souvenir lorsque nous parlons d'un «développement» de la pensée aristotélicienne. Mais il y avait d'autres problémes, également importants, qui ne pouvaient pas être oubliés dans le Περὶ δικαιοσύνης : l'un d'eux concernait les deux conceptions du juste, le juste comme conforme à la loi et le juste comme égalité (E. N. V

386

ARISTOTE DE STAGIRE

1, 1129 a 34), deux conceptions qui ont ensuite conflué en une seule, étant donné l'étroite connexion qu'elles entretenaient. Le rapport déjà examiné par Socrate et par Platon entre δίχαιον et νόμιμον entrainait dans son sillage plusieurs questions relatives au droit: droit naturel, droit positif en ses diverses formes, ainsi de suite. Des questions semblables étaient entrainées par le rapport δίχαιον ἴσον, en relation avec la valeur de l'(cov, que ce soit a parte obiecti, ou a parte

subiecti. L'ampleur revétue par l'exposé est suggérée par les fr. 3a et 3b Ross, dus l'un et l'autre à Lactance. Dans le premier, Div. inst. 5, 15, on lit que Carnéade « pour réfuter Aristote et Platon, champions de la justice, avait rassemblé dans son premier discours tous les arguments qui pouvaient étre formulés en faveur de la justice, ea omnia quae pro iustitia dicebantur, afin de pouvoir la détruire, ainsi qu'il le fit» (cf. 25 M. Dal Pra, Lo scetticismo greco, Milano 1950,

p. 122 sqq.). Le second passage (Lactance, Epit. 55) témoigne dans le méme sens: Lactance évoque la venue de Carnéade (»*C 42) à Rome, en compagnie de Critolaos (**C 219), scholarque du Lycée, et de Diogéne de Babylonie (*»*D 146), scholarque de la Stoa, ainsi que les leçons que ces philosophes donnèrent pour et contre la justice. Dans ea omnia quae pro iustitia dicebantur étaient comprises les diverses formes de justice particulière, distributive, corrective, l'ávrurerovθός, formes que l'on rencontre en E. N. V, chap. 2-5, d'autant plus que de telles distinctions étaient communes et communément admises et, en outre, correspondaient aux données de l'expérience: on pouvait discuter de leur fondement justificatif, non pas de la réalité de leur existence. Si les formes de justice jusqu'ici énumérées considèrent principalement le juste

sous son aspect objectif, d'autres, non moins importantes, abordent le juste dans son aspect subjectif: ils étudient l'homme, c'est-à-dire l'áme, laquelle, si elle entend réaliser en elle-méme la disposition meilleure évoquée par le Protreptique (cf. fr. 3 Ross, p. 29: «...et considérer que le bonheur ne consiste pas à posséder beaucoup de choses, mais consiste plutót dans une disposition déterminée de l’äme: £v τῷ noc τὴν φυχὴν διακεῖσθαι xtA. »), doit se comporter d'une facon déterminée avec elle-même et avec l'autre qu’elle-m&me. De cela aussi parlent les fragments conservés : (a) le fr. 1 oppose justice et rhétorique ; (b) le fr. 2 la justice et l’utile ; (c) le fr. 4 la justice et le plaisir; (d) le fr. 5, lui aussi, présuppose l'étude

de l'áme. Considérons ces quatre points. (a) Le premier fragment est transmis par Démétrius, De eloc. 28: «Dans les livres d' Aristote sur la justice, il y a quelqu'un qui plaint la cité des Athéniens. S'il disait : “quelle cité ils ont prise aux ennemis comme la leur qu'ils ont détruite !", à parlerait le langage de la passion et de la pitié. Mais s'il avait recours aux assonances : “quelle cité ennemie ils ont arrachée en échange de la leur propre qu'ils

ont ruinée !" (ποίαν γὰρ πόλιν τῶν ἐχθρῶν τοιαύτην ἀπέλαδον, ὁποίαν τὴν ἰδίαν ἀπέδαλον:) par Zeus il ne susciterait ni sentiment ni compassion, mais,

comme on dit, un mélange de rire et de plaintes. Employer de tels artifices dans des moments chargés de passion, c'est, pour reprendre le proverbe, plaisanter au milieu de ceux qui pleurent». On saisit la double formulation de la même pensée: la première est simple, limpide, spontanée, la seconde obéit aux règles de la rhéto-

DIALOGUES

387

rique avec un homoioteleuton trop voyant. La premiere est acceptable, non la seconde : c'est la position du Gryllos.

(b) L'opposition entre la justice De blasph., p. 416 Müller; Grég. Εὐρύδατος). Le fragment évoque enchaîné et jeté en prison. Comme en grimpant

sur les murs,

et l'utile, transmise par trois sources (Suétone, de Corinthe, Ad Hermog., 19; Suidas, s.v. un certain Eurybatos, un voleur qui, arrêté, fut il avait la réputation d'entrer dans les maisons

les gardiens

lui demandérent

de

leur faire une

démonstration d'une telle habileté. ll commença par refuser, mais les autres insistaient. Alors le voleur, selon Suidas, «s'attacha des éponges et des éperons (aux mains et aux pieds), et se mit à monter sur le mur et, tandis que les autres le regardaient monter, stupéfaits de son agilité, il atteignit le toit et le franchit avant que les gardiens ne fassent le tour de l'édifice, puis se jetant du toit il prit la fuite ». Eurybatos ressemble par son comportement au Gygès platonicien: en présence de l'alternative du juste et de l'utile, il choisit l'utile, son avantage propre, tout à fait insensible aux motifs si longuement discutés dans le Gorgias et dans d'autres dialogues de Platon, aux yeux duquel le juste (τὸ δίκαιον) — conçu comme

cette «idée

d'ordre» que Platon aurait reçue, avec l'ascétisme,

de

ses

contacts avec le pythagorisme (voir 26 P.M. Schuhl, L'œuvre de Platon, Paris 1971, p. 102 sqq.) -- doit être suivi toujours et partout, que ce soit dans les rapports avec soi-méme ou dans les rapports avec autrui. La conduite du scélérat était l'illustration d'une conception particuliére de la justice, dont les représentants, outre Gygès, sont Thrasymaque, Calliclès (»*C 17) et certains monarques mentionnés par Platon, par exemple Archélaos. Sur Thrasymaque, cf. 27 J. P. Maguire, « Thrasymachus — or Plato ? », Phronesis 16, 1971, p. 142-163, repris dans 28 C.J. Classen (édit.), Sophistik, coll. «Wege der Forschung» 187, Darmstadt

1976, p. 564-588.

Napoli 1991. p. 21-24.

Pour Calliclès, cf. 29 S. Nonvel

Pieri (édit.), Platone,

Gorgia,

(c) Justice - plaisir. Le fragment vient de Plutarque, De stoic. rep. 1040 E: «Chrysippe, dans le troisième livre Sur la justice, ... écrivant contre Aristote au sujet de la justice, soutient que ce dernier est dans l'erreur quand il affirme que si le plaisir est la fin la justice est supprimée et avec la justice chacune des autres vertus ». L'interprétation du passage de Plutarque a été discutée. Aristote témoigne que le plaisir est un achévement de l'action, non pas comme en est un achèvement la disposition immanente au sujet, mais comme une fin qui vient s'y ajouter, de la méme façon que la beauté vient s’ajouter à celui qui est dans la force de l'âge» (E. N. X 4, 1174b 33). Cette précision restitue au plaisir sa nature authentique, en le rapprochant de la fin véritable que toute activité se propose d'atteindre. Ceci fait ressortir l'imprécision du témoignage de Chrysippe, du moins tel

que le rapporte Plutarque, et permet de rétablir la véritable position aristotéEn ce qui concerne la conception du plaisir chez Aristote, je renvoie à MR.

Laurenti,

Aristotele, Scritti sul piacere, Palermo 1989, p. 165-201. (d) Le fr. 5 Ross est emprunté à Boéce, De interpr. ed. 2, I, 1, p. 27 Meiser:

« Aristoteles... in opere de iustitia sic... dicens: φύσει γὰρ εὐθὺς διήρηται τά TE νοήματα xal τὰ αἰσθήματα, quod interpretari Latine potes hoc modo: natura

388

ARISTOTE DE STAGIRE

enim divisa sunt intellectus et sensus». D'aprés Boece, la distinction avait sa valeur dans le domaine de la logique; Rose 10, p. 92, à partir d'une comparaison avec E. N. X 5, suppose que l'expression s'insérait dans une discussion sur les différents genres de plaisirs. Aucune des deux hypothéses n'est convaincante, dans la mesure oü la distinction pouvait étre utilisée dans d'autres

domaines, par exemple dans le cadre d'une discussion sur la connaissance et sur le mode de vie le meilleur, s'il est vrai que la contemplation se rapporte aux νοήματα. Quel que soit le contexte qu'on lui restitue, le fragment exigeait la discussion du probléme psychologique. Il est possible que dans le Tlepi δικαιοσύνης ait prévalu la tripartition de l'âme, réductible en une bipartition, ainsi que l'affirment le Protreptique (fr.

6 Ross) εἴ l'E. N.

113, 1102a5 sqq.

Du peu qui en est dit, on peut réussir à saisir la structure de l'ouvrage aristotélicien, un dialogue de grande étendue qui, étant donné la nature spécifique du

thème traité, devait faire référence continuellement à l'homme et aux choses, au sujet et à l'objet, au monde extérieur et au monde intérieur. Cela impliquait le

traitement de problémes de diverses natures, de psychologie, de politique, de logique, de morale, de métaphysique, en somme de tout ce qui constitue le monde humain, puisque ce monde dans sa totalité est l'objet de la justice. De

quelle facon ces développements étaient liés entre eux, il est impossible de le dire: toute supposition, méme la mieux fondée, reste toujours une supposition.

Le grand adversaire, qu'il ait été ou non ouvertement mentionné, était Platon, mais pour préciser les véritables rapports avec le platonisme, il serait trop simple de poser le problème en termes d'opposition ou de continuité. Le Περὶ δικαιοσύνης était l'une et l'autre, ainsi qu'on le voit en examinant le probléme psychologique : Aristote sur ce point reprend et élabore de nouveau les parties de l’äme étudiées par Platon et les adapte à la loi naturelle de la nécessaire sujétion de l'inférieur au supérieur (cf. Protreptique, fr. 6 Ross, p. 34). Platonicienne était la vision de la rhétorique, condamnée si elle suit la voie empruntée par les rhéteurs de l'époque (cf. 31 E. R. Dodds [édit.], Plato, Gorgias, Oxford 1959, p. 232-233,

et 32 G. B. Kerferd, / Sofisti, trad. ital., Bologna 1988, p. 103 sgq.), réhabilitée si elle retrouve des sentiments humains et une expression appropriée à son message, comme l'enseigne le Grylios. La conception de la vie était platonicienne: la vie n'est acceptable que si elle est fondée sur la vertu, elle est inacceptable si elle est fondée sur un quelconque compromis ou bien avec l’utile ou bien avec le plaisir vulgaire des sens. Plaisir et utile, entendus du moins comme on les congoit communément, sont des formes d'égoisme (cf. sur cette forme d'égoisme E. N.

IX 8, 1168b 10 sqq.) et l'égoisme, élevé au rang de mesure régulatrice des rapports humains, s'insére dans une vision philosophique et sociale qui heurte violemment la vision aristotélicienne. Pour cette raison, il fallait le rejeter, quelle que soit la forme sous laquelle il apparaissait. L'homme qui domine dans le Tlepi δικαιοσύνης était celui que Platon avait incarné, l'homme «juste», qui fait la démonstration qu'il est tout à la fois bon et heureux (cf. Carmina, fr. 2 Ross,

p. 146). La vie d'un tel homme est la vraie vie. Par conséquent la plus grande partie des problèmes remontait à Platon et à l'école, mais la systématisation qu'en

DIALOGUES

389

donnait Aristote, faisait montre d’un esprit different, plus attentif au concret, plus sensible au devenir de la réalité, plus conscient de l'expérience singulière — et à cela la critique de l'idée séparée avait apporté une contribution non négligeable. SUR LES POETES Le Περὶ ποιητῶν est répertorié avec d'autres écrits consacrés à la poétique

dans les trois catalogues: il comprenait trois livres et faisait partie, avec le Περὶ δικαιοσύνης et le Περὶ φιλοσοφίας, des ouvrages les plus étendus du jeune Aristote. Nous possédons pour cet écrit un nombre raisonnable de fragments provenant de sources diverses: Diogene Laérce, Thémistius, Proclus, Athénée,

Jamblique, Macrobe et d'autres. C'était un dialogue, comme permettent de l'établir plusieurs arguments, en particulier l'incise μὴ φῶμεν que rapporte Athénée 505 b-c (fr. 3 Ross, cité plus loin, qui est avec les fragments 1, 2 et 4 du De nobilitate, un des rares exemples de dialogue aristotélicien), qui s'explique dans un contexte de dialogue : celui qui parle est entouré d'interlocuteurs et il sait qu'il peut interpréter leur avis sur un point qui, bien que discuté, a été par lui et par eux résolu dans un sens déterminé. Ce qu'il affirme était probablement la conclusion d'une discussion qui n'a pas été conservée.

S'il y avait eu les rhéteurs pour percevoir la douceur de la parole et les sophistes pour percevoir son pouvoir destructeur, il est clair que c'est sur les uns et les autres que s'alignent les poètes, serviteurs et, en méme temps, maîtres de la parole. Par conséquent notre écrit s'inscrit dans l’atmosphère du Gryllos et du Sophiste — ce que démontre également le fait que le Περὶ ποιητῶν, comme le Περὶ δικαιοσύνης, prend position contre la doctrine platonicienne de l'idée séparée. Ceci suggère qu'il remonte aux années d'études auprès de Platon et qu'il faut le rapprocher

du Περὶ ἰδεῶν et du Περὶ τἀγαθοῦ (sur ces écrits, voir plus haut, p. 385). Position contraire dans 33 A. Rostagni, « Il dialogo aristotelico Περὶ ποιητῶν », dans Scritti Minori, Torino 1955, p. 257 sqq., selon lequel, ce n'est qu'aprés avoir dépassé la quarantaine, et donc à la cour de Macédoine, qu' Aristote pensa séricusement « pour la première fois» aux problèmes de l'art. A ce sujet, voir Laurenti 12, t. I, p. 240-247.

La lecture attentive des fragments montre que cet écrit était ouvert à de nombreux sujets: on y distinguait plusieurs sections bien articulées, en particulier une

section historique, une section philosophique et une section critique et philologique. La premiere explique l'insistance portée sur certains personnages réputés pour leur activité sociale et politique et pour leur œuvre poétique — ainsi Empédocle (»E 19), fils de Méton, qui joua un rôle de premier plan à Agrigente et composa des ouvrages poétiques comme l' Expédition de Xerxés et un Proème à Apollon. Sur ces deux œuvres perdues d'Empédocle, cf. 34 W.K.C. Guthrie, A History of Greek philosophy, t. II, Cambridge 1969, p. 135 n. 1. Un proème à Apollon aurait de méme été rédigé par Socrate dans sa prison selon Platon, Phédon 60 d.

Aristote s'intéressait également à Antimaque, Archiloque, Mimnerme.

390

ARISTOTE DE STAGIRE

Cf. Rose? 2, fr. 676, qui inscrit le fragment dans un Appendix Dubiorum. Ni Ross ni Gigon ne le rattachent au Περὶ ποιητῶν. La matière est cependant assez appropriée à un De poetis comme le comprenaient les Anciens. De plus, le fait qu' Aristote avait rédigé plus d'un ouvrage sur la poésie renforce l'hypothèse qu'un thème comme celui-ci avait été traité en plus d'un ouvrage. Le textedu fragment est le suivant: « ... il semble que le premier auteur à avoir écrit un poème élégiaque fut Callinos. Aristote ajoute ensuite comme poètes ayant illustré ce genre Antimaque de Colophon, Archiloque de Paros, Mimnerme de Colophon, au nombre desquels on

ajoute Solon d' Athénes, excellent législateur».

Il traitait aussi d’Homere dont il rapportait la naissance et quelques épisodes importants de la vie (fr. 8 qui rappelle la section analogue du Banquet, fr. 4 Ross, et celle du De philosophia, fr. 3-7 Ross). A ce propos le fr. 7 Ross énumère une série de poètes qui auraient été rivaux, s’affrontèrent, se critiquerent l'un l'autre, ἐφιλονείκει: de façon similaire Hésiode, Op. 25-26, écrit que le potier est jaloux (xot£eı) du potier, le forgeron du forgeron, l'avare envie (d8ovéet) l'avare, le chanteur le chanteur. Selon la coutume du temps, comme on le voit également dans la Poétique, l'étude du poète allait de pair avec l'étude de l'homme, d’où la supposition, appuyée par les deux derniers fragments cités par Ross (fr. 7 et 8), que le titre complet de l'ouvrage ait été Περὶ ποιητῶν xal ποιητικῆς. Le Pseudo-Plutarque, Vita Homeri 3 (fr. 8 Ross) écrit: ᾿Αριστοτέλης δὲ ἐν τῷ τρίτῳ mepl noujtudic. Même formulation dans le fr. 7. Étant donné que la Poérique à laquelle on se reporte habituellement est en deux livres (méme s’il y a beaucoup de discussions à propos du second parmi les spécialistes), on peut penser que les deux fragments font référence au Περὶ ποιητῶν, qui avait par conséquent un titre double.

La section philosophique était trés longue, la plus volumineuse, car elle abor-

dait des thèmes relatifs aux différents genres littéraires (le vers élégiaque, le dithyrambe, la tragédie), à l'inventeur du dialogue, à la forme des dialogues de Platon, qui était une sorte de genre intermédiaire entre la poésie et la prose (μεταξὺ

ποιήματος... xal πεζοῦ λόγου: fr. 4 Ross = D.L. III 37). Sur le vers élégiaque : Rose? 2, fr. 676, cité plus haut. Sur le dithyrambe: Rose? 2, fr. 677: « Pindare dit que le dithyrambe fut trouvé à Corinthe, mais Aristote dit que le premier qui commenga à écrire un poème lyrique fut Arion, lequel fut le premier à conduire un chœur circulaire ». A propos de la tragédie, Thémistius, Or. XXVI, 316 d (t. II, p. 127 Downey-Norman), écrit: « Par conséquent, la grandiose tragédie serait-elle apparue au théátre avec tout son apparat, avec le chœur et les acteurs ? Nous ne réfléchissons pas sur ce que dit Aristote, à savoir que ie chœur, quand il apparut, chantait en l'honneur des dieux, que Thespis inventa le prologue ct le dialogue, Eschyle le troisième acteur et la scène, et que tout le reste nous le devons à Sophocie et à Euripide ? » Ni ce passage ni le précédent ne sont pris en considération par Rose, non plus que par Ross et les autres, comme faisant partie du Περὶ ποιητῶν. Mais les raisons suggérées plus haut valent ici. On peut ajouter que dans les trois fragrnents il est fait allusion à l'inventeur d'un

vers ou d'un genre poétique : n'est-ce pas le méme problème qui est abordé dans le fr. 3 Ross, un fragment sur lequel on ne peut avoir de doute, dans la mesure où Aristote y est explicitement nommé ? Sur le dialogue, voir fr. 3 Ross (= D.L. ITI 48): «On dit donc que le premier qui écrivit des dialogues fut Zénon d'Élée, mais Aristote dans le premier livre Sur les poétes affirme que

ce fut Alexaménos de Styra ou de Téos (»*A 99) ».

Mais le thème le plus intéressant devait être la mimésis qui, dans l'interprétation platonicienne, justifiait la condamnation de la poésie. Sur la mimésis chez Platon, cf. 35 A. Gudeman (édit.), Aristoteles, Περὶ ποιητικῆς, Berlin/Leipzig 1934, p. 80 sqq.; 36 D. Pesce (édit.), Aristotele, Poetica, Milano 1981, p. 9-14: 37 W. Tatarkiewicz, DHI III, p. 225-230.

DIALOGUES

391

Une telle condamnation devait nécessairement faire une forte impression dans l'école et à l'extérieur de l'école. Eile n'intéressait pas seulement un petit groupe de spécialistes et de savants, mais concernait tous les hommes, dans la mesure oü tous ont en un certain sens des rapports avec la poésie. Cette condamnation par conséquent se présentait à l'homme en tant que tel, en tant qu'il participe à une certaine nature et vit dans un certain milieu; elle sollicitait donc de lui des choix précis. Ces choix étaient d'autant plus impérieux qu'il ne pouvait pas fermer les yeux devant la réalité: les concours musicaux, les représentations dramatiques se succédaient à Athènes, tragédie et comédie constituaient des manifestations qui plus que toute autre attiraient les esprits et semaient en ceux-ci le germe du doute et de l'espérance, du bien et du mal. Aristote ne pouvait pas ne pas s'en apercevoir et, en méme temps, ne pouvait pas ne pas ressentir les aspects politiques et sociaux d'une telle condamnation ; il comprenait néanmoins que si l'on dénonçait la faiblesse du présupposé, à savoir la mimésis, la poésie serait ipso facto réhabilitée. La Poétique au début ne consacre que peu de mots à la mimésis, signe qu'il y

avait ailleurs un exposé plus détaillé — et oü cela pouvait-il se trouver sinon dans

le Περὶ ποιητῶν en trois livres 7 Cf. Pesce 36, p. 65-66. Gudeman 35, p. 80, souligne que la doctrine de la mimésis devait être assez ancienne en Gréce et, en tout cas, qu'elle avait été déjà entrevue avant Platon. Voir égale-

ment 38 M. Untersteiner (édit.), Platone, Repubblica, libro X, Napoli 1966, p. 59 sqq.

D'ailleurs, plus d'un fragment atteste que dans notre dialogue le théme était abordé et développé. Voir Athénée 505 b-c (fr. 3b Ross): « Aristote dans son livre Sur les poétes écrit ceci: “mais les mimes dits de Sophron, bien que non versifiés, ne disons-nous pas que ce sont des narrations et des imitations, λόγους xai μιμήσεις, et de méme pour les écrits d' Alexaménos de Téos qui furent les premiers des dialogues socratiques à avoir été écrits ?” » Nous savons peu de choses des mimes de Sophron, rien des écrits d' Alexaménos, qui devaient étre des tableaux, des saynettes dominées par la figure de Socrate. Aristote considère toutes ces productions comme des «narrations et des imitations ». Et il le fait, comme on l’a vu, dans le cadre d'une question rhetorique qui semble réclamer de la part des interlocuteurs du dialogue la confirmation d'une position qui était pour lui établie, comme le montre Poet. I, 1447228 sqq. Par conséquent l'expression λόγους xal μιμήσεις définit ce que sont («ne disons-nous pas que... sont ?») les écrits de Sophron, d' Alexaménos et de leurs successeurs socratiques, au-delà de l'étiquette qui les identifie: mimes, dialogues, etc. 39 C. Gallavotti (édit.), Aristotele, Dell'Arte Poetica, Verona 1974, p. 125, y

a méme vu un hendyadin et a traduit: «imitazioni artistiche fatte per mezzo di discorsi... » Dans le passage cité de la Poétique, il est question des différents modes par lesquels peut se réaliser la mimesis. L'aulétique et la citharistique utilisent dans ce but la musique et la danse; les artistes des ballets seulement la danse. «Il y a ensuite une autre forme artistique qui fait appel à la parole nue, τοῖς

λόγοις φιλοῖς, ou au vers nu, et, s’il s'agit du vers, ou bien au vers qui associe ensemble plusieurs espèces, ou bien à celui qui n'en utilise qu'une seule ; un tel art

392

ARISTOTE DE STAGIRE

est jusqu'ici «sans nom», car nous ne disposons pas d'un nom commun, οὐδὲν γὰρ ἂν ἔχοιμεν ὀνομάσαι κοινόν... pour désigner les mimes de Sophron ou de Xénarque et les dialogues socratiques, méme si la mimesis a recours au trimètre ou au vers élégiaque ou à quelque autre espéce de vers» (13, 1447a29— 1447b 13). Les deux passages de la Poétique et du De poetis se correspondent : dans l'un et dans l'autre il est affirmé que les mimes de Sophron et de Xénarque (mais Xénarque n'est pas nommé dans le De poetis), tout comme

les dialogues

socratiques, relévent de la mimésis, quoi qu'il en soit de l'indication communément employée à leur sujet: mimes, dialogues, etc. De telles compositions convergent en ce qu'elles sont des mimeseis. Mimésis est leur essence, non leur nom commun, xotvóv, 1447b 10, ce nom que la Poétique cherche en vain et ne trouve pas (ou du moins n'a pas encore trouvé) et qui n'est pas mentionné dans le De poetis, dans la mesure oü le De poetis se borne à définir la nature de ce genre d'ouvrages; ce nom, enfin, devrait correspondre à l'«aulétique » et à la « citharistique », arts qui réalisent la mimésis au moyen de la lyre et de la flûte. Tout ce que l'on pouvait dire, c'est que l'imitation dans ces écrits était obtenue au moyen de la parole. Mais une discussion de ce genre, surtout dans le De poetis, n'avait pas de sens si elle n'était pas soutenue par un exposé suffisant du concept fondamental qu'est la mimésis. Par conséquent, comme pour Platon, la poésie est aussi pour Aristote mimesis.

Mais si le vocabulaire est le même, la signification qu'il revêt est tout à fait différente chez Aristote. Puisque chez lui ne se trouve pas l'idée d'en soi, lequel, se reportant dans une certaine mesure dans l'objet particulier, offre à l'artiste la possibilité de s'adonner à l'imitation. Une fois renversé l'échafaudage métaphysique de l'idée, la réalité se présente comme un ensemble de choses revétues d'une valeur équivalente à l'imitation que l'on peut en faire. De là viennent les deux sphéres de la nature et de l'art, ainsi que le principe qui les relie: l'art imite la nature. Comme on l’a plusieurs fois fait remarquer (cf. Pesce 36, p. 14 sqq. et 40 D. W. Lucas [édit.], Aristotle. Poetics, Oxford 1968, p. 265; voir plus bas, p. 438), cela ne signifie pas que l'art reproduit servilement les choses, mais bien que les deux plans de l'art et de la nature se développent selon un méme procédé, dans la mesure où l'un et l’autre tendent à une fin, exploitent des moyens déterminés pour la réaliser et suivent un certain ordre dans la mise en œuvre de ces moyens.

Art comme mimésis, qui suscite en celui qui s'en approche le désir d'apprendre et le plaisir. Et, par conséquent, dans l'art aussi se manifeste, au niveau humain, cette exaltation du savoir indissociable du plaisir qui accompagne la réalisation de tout acte.

Sur le plaisir assuré par la tragédie, voir Laurenti 30, p. 203-213, et 41 1. Bernays, « Aristotie on the effect of tragedy» [1857], dans 42 J. Barnes, M. Schofield et R. Sorabji (édit), Articles on Aristotle, London 1979, t IV, p. 154-165.

La dimension nouvelle accordée à la mimésis explique la grande importance que tiennent les passions chez Aristote. Platon, République X, 606 d, souligne l'erreur des poètes qui renforcent de façon inconsidérée les propensions de

DIALOGUES

393

l'homme au rire et aux larmes, à savoir l'élément θυμοειδές, et oublient de k faire surveiller par l'élément qui est par nature supérieur. La conscience que ἰδ comportement de l'homme, de l'homme véritable, dans les nombreuses situations

douloureuses ou plaisantes ou ambigués de la vie, doit étre le contraire de celui que dépeignent les poètes, explique les réserves énormes que la poésie rencontre dans la cité idéale et, bien plus, la thérapie qui est proposée pour qu'elle retrouve sa vraie valeur. Cette thérapie concerne le θυμοειδές et ses πάθη, ses passions,

que la mimésis ou la poésie, note Platon, «fomente et nourrit, alors qu'elle devrait les dessécher», τρέφει γὰρ ταῦτα ἄρδουσα, δέον αὐχμεῖν (Platon, République X, 606 d; cf. aussi 43 J. Annas, An Introduction to Plato's Republic, Oxford

1981, p. 335 sqq.). L'idéal serait une poésie rationnelle, dans laquelle le logos remplacerait les πάθη, sans aucun abandon sentimental, une poésie construite avec le support de l'éthique, tendue à l'exaltation de la vertu, et pour cette raison méme utile, une poésie conçue sur le modèle des hymnes aux dieux et des chants en l'honneur des hommes de bien (République III, chap.

1-5, et X, 607 a). Il faut

comprendre que dans cette sorte de poésie celui qui loue et celui qui est loué restent ce qu'ils sont, et surtout celui qui loue ne s'oublie plus lui-méme, et ne court donc pas «le risque de l'auto-aliénation provoquée par la forte fascination

exercée par la joie poétique » (44 H. G. Gadamer, Platos dialektische Ethik und andere Studien zur platonischen Philosophie [2. Auflage, Hamburg 1968] = Studi Platonici a cura di G. Moretto, coll. « Collana di filosofia» 3, t. I, Casale

Monferrato 1983, p. 209). Cette fascination est ambivalente: si d'un cóté elle produit l’auto-aliénation, de l'autre elle est quelque chose d'extrémement plaisant Pour cette raison, Platon affirme: «si la poésie imitative, tournée vers le plaisir,

démontrait avec certains arguments qu'elle doit avoir sa place dans un État bien ordonné, nous serions ravis de l'accueillir à nouveau, car nous sommes conscients de subir nous-mêmes sa fascination, ὡς σύνισμέν γε ἡμῖν αὐτοῖς κηλουμένοις ὑπ᾽ αὐτῆς : mais il est impie, οὐχ ὅσιον, de trahir ce qui semble vrai» (République X, 607 c, voir aussi 595 c). Ce passage pourrait apparaitre comme l'ultime tentative pour sauver la poésie, si la derniére formule n'indiquait pas que l'hypothese envisagée confinait, selon Platon, à l'impossibilité, ou bien à l'irréalité. Pour Aristote, en revanche, elle est vraie. C'est là la correction qu'il la position de Platon. En conséquence, la poésie a sa place dans l'État utile à l'homme, au θυμοειδές de l'homme, surtout la tragédie et la L'utilité tient en ceci que dans la représentation les πάθη trouvent un gráce à cet exutoire l'homme goüte «un plaisir innocent» et peut donc

apporte à et elle est comédie. exutoire: affronter

la vie de facon plus dynamique et plus docile au logos. Sur la réplique d' Aristote à Platon concernant le probléme esthétique, voir 45 W.W. Fortenbaugh, Aristotle on Emotion, London 1975, p. 21 sqq. Sur le plaisir innocent, cf. Platon, Gorgias 499 c sqq.

En conclusion, c'est le logos, c'est-à-dire l'homme en tant qu'animal raisonnable,

qui est bénéficiaire, et cela, je le répète, par le biais d'un plaisir innocent, un plaisir que Platon aussi avait accepté. Il est donc logique que, plutót que de les tarir, l'homme cultive les passions, dans le cadre de certaines limites s'entend, de facon

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ARISTOTE DE STAGIRE

à ce qu'elles favorisent la vie de l’âme. Ce n'est pas pour rien que le sage aristotélicien n'est pas ἀπαθής, mais μετριοπαθής. ᾿Απαθής est le sage stoicien qui tente, toujours dans les limites des possibilités hurnaines, de détruire en lui-même les passions, non le sage aristotélicien qui au contraire veut les élever à un certain niveau d'efficacité afin de s'en servir. Cf. Cicéron, Tusculanes IV 20. 46: «haec tamen (c'est-à-dire les passions) ita disputant (c'est-à-dire les académiciens) ut resecanda esse fateantur, evelli penitus dicant nec posse nec opus esse, et in omnibus fere rebus mediocritatem esse optimam existiment ».

Nous trouvons la démonstration de tout ce qui vient d'étre dit dans un fragment du De poetis conservé dans le commentaire de Proclus à la République de

Platon. Son attribution au De poetis fut proposée par 46 J. Bernays, Zwei Abhandlungen über die aristotelische Theorie des Drama, Berlin 1880, p. 47-49, et unanimement acceptée par tous les spécialistes. D'ailleurs, dans ce fragment, Proclus fait une mention explicite d' Aristote, ce qui suggère que le fragment se rattache à l’une de ses œuvres. En recensant les points sur lesquels se fonde la position de Platon dans sa confrontation avec la poésie, Proclus écrit: «...Le second probléme - c'était ce bannissement paradoxal de la tragédie et de la comédie, paradoxal s'il est vrai qu'il est possible, gráce à elles, de satisfaire en due proportion les passions et, les ayant satisfaites, de les rendre capables de servir à l'éducation, parce qu'on a remédié à leur nocivité —, ce deuxième probléme donc, qui a fourni à Aristote une ample occasion d'attaque, et aux défenseurs de ces genres poétiques prétexte à leurs écrits contre Platon, nous le résoudrons, quant à nous, à peu prés ainsi en accord avec la doctrine précédente... Nous dirons donc nous aussi que le politique doit imaginer certains moyens de dégorger ces passions, mais non pas avec pour résultat de rendre plus intense l'attachement que nous y avons, bien au contraire avec pour résultat de les refréner et de restreindre comme il faut leurs mouvements. Or ces genres poétiques, outre la bigarrure, comportent aussi de la démesure dans leurs stimulations de ces passions, et il s'en faut donc de beaucoup qu'ils aident à s'en purger. Car les purgations ne consistent pas en des excés, mais en des activités modérées qui portent une petite ressemblance avec cela méme dont elles sont des purgations » (trad. Festugiére). On aura noté la fonction architectonique attribuée à la politique, sur laquelle Aristote s'arréte si souvent. Cf. E. N. I 1, et, pour la véritable signification de la recherche éthique qui est πολιτυτή τις οὖσα (I 1, 1094 b 11), voir 47 R. A. Gauthier et J. Y. Jolif (édit.), Aristote, L'Éthique à Nicomaque, 2° éd., Louvain

1970, t. II 1, p. 10-12, et 48 D.J.

Allan, «Individuum

und

Staat in der Ethik und der Politik des Aristoteles » [1965], dans 49 Fr.P. Hager (édit.), Ethik und Politik des Aristoteles, coll. « Wege der Forschung » 208, Darmstadt 1972, p. 403-432.

Dans le méme sens, on peut lire les fr. 5b (tiré de Jamblique, De mysteriis I 11) et

5c Ross (ibid. III 9), dont le plus intéressant est le premier, que je cite intégralement: « Quand les puissances des passions humaines qui sont en nous sont contenues de toutes parts, elles deviennent plus fortes; mais si on les exerce selon une

activité bréve et dans certaines limites, elles jouissent modérément et se satisfont ; aprés quoi, purifiées, elles s'apaisent par persuasion et sans violence. C'est pourquoi, à contempler dans la comédie et la tragédie les passions d'autrui, nous stabilisons les nôtres, les modérons et les purifions ; et au cours des rites, par le spectacle et l'audition des obscénités, nous nous libérons du tort qu'elles nous cause-

DIALOGUES

395

raient si nous les pratiquions » (trad. des Places). Par conséquent la comédie et la tragédie sont comme des rites d'initiation: en regardant, ressentant, éprouvant luimême, en un mot en vivant les joies et les douleurs d'autrui, l'homme réussit à se purifier et à affronter son activité propre de facon plus sereine. On se rappellera le fr. 15 Ross du De philosophia à propos de l'initiation: « ...les initiés ne doivent pes apprendre, μαθεῖν, mais pátir, παθεῖν, et se mettre dans une disposition déterminée A laquelle ils sont évidemment déjà prédisposés ».

Une place importante devait également être réservée à la troisième section, philologique et critique. De facon générale, elle devait résoudre des problémes d'interprétation relatifs à des vers ou à des passages qui soulevaient des difficultés ou corriger des affirmations faites par des poètes. Ainsi, le fr. 6 relève une erreur d'Euripide qui avait représenté les Étoliens marchant avec le pied gauche déchaussé et l'autre chaussé: la vérité était l'inverse. La critique de l'époque se délectait de tels problèmes philologiques et Aristote en trouvait de nombreux exemples ; le chap. 25 de la Poétique offre un cadre beaucoup plus ample pour une critique de ce genre. Certains spécialistes voient dans le chap. 25 un résumé de matériaux rassemblés et publiés dans d'autres ouvrages, insérés par la suite dans la Poétique. Cf. 50 D. de Montmollin, La poétique d'Aristote, Neuchâtel 1951, p. 99 sqq., et 51 V. Garcia Yebra (édit.), Aristoteles, Περὶ ποιητυεῆς, Madrid 1974, p. 326.

Tout ce que nous avons dit montre la complexité du Περὶ ποιητῶν. Cet ouvrage touchait des questions de genre différent et tentait de les systématiser à la lumiere d'un principe, la mimésis, c'est-à-dire l'imitation qui en dernière analyse se rapporte à la nature ; la mimésis, en effet, avant d'être un phénomène artistique, est un phénomène propre à la nature humaine. Cf. Poétique 4, 1448 b 4 sqq. A remarquer dans ce passage la présence de φύσις, soit sous

forme d’adjectif, soit dans des expressions comme κατὰ φύσιν, et la présence en outre de termes comme φιλόσοφος, συλλογίζεσθαι, qui se rapportent à la première production littéraire d'Aristote. Voir Garcia Yebra 51, p. 253-254. Le fait d'avoir effectué l'examen de la mimesis en la situant sur un plan anthropologique avant le plan poétique, confirme la solidité de la méthode aristotélicienne qui cherche à expliquer les questions particulières en les rapportant aux générales, dés lors que dans les unes et les autres dominent les mémes catégories.

L'œuvre avait par conséquent un fondement philosophique, comme l'ont souligné Rose, Hirzel et d'autres critiques modernes. Cf. Rose 10, p. 79: «philosophicum igitur non historicum libri de poetis argumentum fuisse ex ipsa dialogi ratione sequitur... ». Cf. aussi Hirzel 13, p. 288-289.

Elle était en plus une riposte à une provocation, si l'on peut appeler provocation la position platonicienne de l'art comme mimésis. SUR LA PHILOSOPHIE

La nécessité de définir l'essence véritable du philosophe, en le distinguant de tous ceux qui tentaient d'en usurper les prérogatives, fut ressentie avec force dans l'Académie, qui était une école de philosophes. Platon affronte plusieurs fois la question et dans le Sophiste 217 a sqq. il manifeste l'intention d'étudier les figures du sophiste, du politique et du philosophe. Mais, tandis que les deux premieres

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ARISTOTE DE STAGIRE

figures ont donné le titre de deux dialogues, on ne parle pas de la troisiéme et, comme on le sait, les spécialistes ont discuté de cette ornission (qui n'existerait pas selon certains). Pour sa part, Aristote dédie à chacun des deux premiers personnages un dialogue et, en méme temps, situe le philosophe au centre d'un ouvrage,

le Περὶ φιλοσοφίας, dont le titre était assez courant dans l’Académie, puisqu'on le retrouve, dans la méme formulation ou dans des formulations similaires, chez Speusippe (Περὶ φιλοσοφίας, D. L. IV 4, n° 5), Xénocrate (Περὶ σοφίας, D.L. IV 11, n° 2), Straton (Περὶ βασιλέως φιλοσόφου, D.L. V 59, n? 8), etc. Le De philosophia aristotélicien comprenait trois livres; il était donc certaine ampleur, comparable à celle du De iustitia, du traité Sur les poétes Politique. Il est difficile cependant d'en faire la reconstruction, car nous peu de fragments sürs et seule la recherche philologico-philosophique des res décennies

a réussi à lui rattacher certains passages des

d'une ou du avons dernié-

commentateurs

d' Aristote et des compilateurs antiques, et à lancer une recherche scientifique. La reconstruction, bien qu'elle soit discutable, est facilitée par le fait que certains

fragments indiquent le livre dans lequel des themes déterminés étaient traités : ceci a permis de les regrouper dans un cadre d'ensemble suffisamment sür. L'ouvrage entendait répondre à la question suivante: qui est le philosophe ? qu'est-ce que la philosophie ? Φιλόσοφος est vi nominis l'amant, le chercheur de σοφία, de sagesse: la recherche le conduit à l'acquisition de la σοφία et l'acquisition de la σοφία lui permet d'en faire usage, dans la mesure où il en a la capacité. La recherche du sens véritable du terme était importante, à cause des multiples acceptions auxquelles il se prétait. Pour Isocrate, voir 52 H. Wersdörfer, Die φιλοσοφία des Isokrates im Spiegel ihrer Terminologie, Leipzig 1940. Pour Aristote, voir 53 H. Bonitz, Index Aristotelicus,

820b 22-52 pour φιλοσοφεῖν, 820b 58 - 821 a 53 pour φιλοσοφία.

De cette façon était bien mis en relief le caractère actif du possesseur qui ne

restait pas inerte face à la chose possédée, mais l'exploitait pour son profit personnel et pour celui des autres: ainsi, selon un exemple fréquent chez Aristote, le médecin est celui qui a la science, méme s'il dort, mais davantage et de facon plus authentique celui qui exerce les fonctions de médecin: de la méme façon dans le

Protreptique, fr. 5 Ross (p. 33, 22-23) la philosophie est définie comme l'acquisition et l'usage de la sagesse, κτῆσίς τε xal χρῆσις σοφίας. Les deux états correspondent à la distinction entre puissance et acte déjà présente dans le Protreptique, fr. 14 Ross (apud Jamblique, Protreptique 11 = B 79 Düring): «il est manifeste que vivre se dit en deux sens: en puissance et en acte. Nous disons en effet que sont voyants tous les êtres qui ont la vue et sont par nature capables de voir, même s'ils restent les yeux clos, et ceux qui font usage de cette faculté et fixent leur regard sur quelque chose...»

Il n'est pas étonnant par conséquent que le fr. 8 Ross (apud Philopon, in Nicom. Isag. 1, 1; sur ce passage, voir 54 M. Untersteiner [édit.], Aristotele, Della Filosofia, Roma 1963, p. 121-133), un des plus complexes, essaie d'expliquer le sens de σοφία, la sagesse à laquelle tend le philosophe. Σοφία n'est pas une chose, C'est une certaine clarté, dans la mesure où elle éclaire les choses et apporte de la lumière, φάος, là où il y a de la ténébre. Comme souvent chez Aristote, le rap-

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397

port étymologique entre les termes σοφία, σάφεια, φάος aide à comprendre la signification du mot. De la méme façon chez Philon, De plantatione 163, μεθύειν, "s'enivrer", dérive de μετὰ τὸ θύειν: voir Symposium, fr. 3 Ross. Le même rapport entre σοφός - φιλόσοφος - σοφιστής se retrouveen D.L. Prologue 12 sqq. Ce prologue peut donner une idée du développement du De philosophia : ce n'est pas un hasard si Aristote est cité plusieurs fois dans le prologue de sorte qu'il n'est pas absurde de supposer que Diogene Laërce a en tête l'ouvrage du Stagirite et l'a utilisé.

« Il faut savoir que les hommes sont sujets à différentes destructions, à la peste,

à la famine, aux tremblements de terre, aux guerres, à diverses espéces de maladies et à d'autres causes (de destructions), principalement à des déluges incessants, comme celui par exemple que l'on dit avoir eu lieu aux temps de Deucalion, qui fut considérable, mais ne fut pas supérieur à tous les autres. Car alors les pasteurs et tous ceux qui vivaient sur les montagnes et les versants de la montagne furent sauvés, tandis que les plaines et tous ceux qui habitaient là furent submergés. C'est ainsi que l'on dit que Dardanos, à la suite du déluge, se sauva à la nage de Samothrace vers la cité qui fut ensuite appelée Troie, et que par peur tous ceux qui avaient échappé à l'eau habitérent les versants des montagnes. C'est aussi ce que montre le poète (/liade XX 215-218) quand il dit: C'est l'assembleur des nuées, Zeus, qui d'abord

["d'abord",

car

Electre, fille d' Atlas, donna à Zeus un autre fils, lason: Hésiode, Theogonie 969-970] engendra Dardanos ;

Celui-ci fonda Dardanie. La sainte Ilion ne s'élevait pas alors dans la plaine comme une cité, une vrai cité humaine: ses hommes habitaient encore les pentes de l’Ida aux mille sources (trad. P. Mazon). "Encore" signifie qu'ils n'avaient pas le courage de vivre dans la plaine. Les survivants par conséquent qui n'avaient pas de quoi se nourrir, congurent, sous l'effet de la nécessité, les choses dont ils avaient besoin, moudre le grain avec la meule, semer ou autre chose du méme ordre, et ils appelérent sagesse cette conception par laquelle ils avaient imaginé ce qui est utile aux nécessités de la vie et sage celui qui les avait conçues. Ils conçurent ensuite les arts, comme dit k poète, “à la suggestion d'Athéna" (Homère, /l. XV 412; Od. XVI 233), lesquels cependant ne se limitérent pas aux seules nécessités de l'existence, mais progressèrent jusqu'à ce qui rend la vie belle et noble. Et cela aussi ils l’appelèrent sagesse et son inventeur sage. De la sorte, "le sage constructeur l'a composé"

"grand expert en sagesse à l'instigation d' Athéna". Et à cause de l'excellence des inventions, ils rapportérent à Dieu leur conception. Ils se tournèrent ensuite vers les choses politiques et trouvèrent les lois et tout ce qui constitue la cité, et cette conception également ils l’appelèrent sagesse: tels furent les sept sages qui conqurent les vertus politiques. Continuant ensuite sur ce chemin, ils se tournérent vers les corps élémentaires et vers la nature qui les produit et ce savoir ils l’appelerent proprement science naturelle ; en réalité c'est eux que nous disons sages dans les choses naturelles. En cinquiéme lieu, vinrent ensuite ceux qui entreprirent d'exa-

miner les choses divines, supra-mondaines et totalement immuables et ils appelèrent sagesse au sens le plus propre la connaissance de ces choses ».

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ARISTOTE DE STAGIRE

Le passage est rempli de réminiscences platoniciennes, comme la conception des destructions périodiques de l'humanité et l'importance de la politique. Sur les destructions périodiques de l'humanité, voir Platon, Timée 22 sqq.. Critias 109 d sqq., Lois IIl, 677 b sgq. Quant à la «politique » restaurée dans la troisième étape de l'histoire

des hommes, voir Platon, Protagoras 320 d sqq. Chez Aristote, Politique ] 3, 1253 a 30-31. est dit «cause des plus grands biens » celui qui a réalisé l'union de l'homme et de la femme, c'està-dire celui qui a donné la législation sur le mariage — de façon médiate, il a provoqué la formation de la polis, seule institution où l'homme peut atteindre l'eudaimonia. Voir $5 P. Rybicki, «La notion de société chez Aristote », dans M. A. Sinaceur (édit), Aristote aujourd'hui, Paris

1982, p. 153-163. D'autres éléments sont communs aux penseurs grecs: le recours à Homère, le rappel des sept sages et surtout celui des philosophes de la nature.

Le rôle des philosophes naturalistes dans le développement de la pensée grecque est souligné avec plus de vigueur par Aristote que par Platon. Non seulement le premier les insère dans lc cadre du développement de la philosophie, dans le premier livre de la Métaphysique, non seulement il leur a consacré des investigations particuliéres (cf. D.L. V 25, n9* 92-101), mais il reconstruit toujours à partir d'eux les questions qu'il traite, dans la mesure oü il est convaincu de la continuité de la pensée qui, en commengant par eux, s'est lenternent élaborée pour atteindre la position avec laquelle il se trouve dialoguer. Voir à ce sujet 56 R. Pettazzoni, La religione

nella Grecia antica, Torino 1953, p. 252-253, qui saisit avec süreté et précision le moment décisif de la formation d' Aristote. Et, à propos de φύσις et de son influence sur le Stagirite, il met en évidence comment sa patrie Stagire, qui n'était pas très éloignée d' Abd?re, ne pouvait pas elle aussi ne pas le rendre conscient de l'importance de cette pensée atomiste qui était la dernière héritière du naturalisme ionique.

Toutes ces inspirations, Aristote les coordonne afin de dégager la valeur de la σοφία, et par ricochet, celle du σοφός dans l’éclaircissement du chemin de l'homme. On ne peut pas ne pas rappeler à ce sujet la position analogue du Protreptique relative à l'universalité de la philosophie (fr. 2 Ross, p. 27-28). Dans les cinq étapes de l'histoire humaine, bien mises en évidence à partir de la seconde au moyen des adverbes πάλιν, πάλιν, εἶτα, et pour finir l'adjectif πέμπτον, σοφός est celui qui réussit à concevoir, ἐπινοεῖν, à trouver, εὑρεῖν, à mettre à la lumière ce qu'en chaque conjoncture la nature humaine réclame, c'est-à-dire ce qui était indispensable non seulement par rapport au besoin, mais aussi au beau et à la civilisation, une fois satisfait le besoin. Sur ce qui est désintéressé, c'est-à-dire sur ce qu'on aime et qu'on veut en soi-même, au delà de l'utilité qu'on peut en tirer, voir Jamblique, Protreptique 9 (p. 52, 16-54, 5 Pistelli): fr. 12, 2 Ross.

Au cours du temps, chacune des phases transmet à la suivante tout ce qu'elle a trouvé d'utile, si bien que celui qui vient ensuite a un point de départ différent de celui qui l'a précédé: gráce à cela, il peut accomplir un progrés plus marqué. C'est pourquoi l’histoire de l’homme est scandée par le développement de la σοφία, laquelle, en tant que facteur de clarification, ne représente pas seulement

le ressort du devenir, mais aussi l'unique mesure à laquelle il faut juger de la valeur des choses. Car, on l'a vu, σοφία est recherche, capacité de saisir ce qui est indispensable, premier, et donc principe. Par là Aristote se référait à la grande découverte des physiologues et déjà des théologiens, dont le but était de définir

par diverses voies l'ápyr).

DIALOGUES

399

C'est ia méme conception que nous trouvons dans Métaphysique 1 3: cf. 57 W.D. Ross (édit.), Aristotie's Metaphysics, Oxford 1966, t. I, p. 128 sqq. La différence est que ce primum est déplacé et que du charnp de toutes les choses en général il est mis dans le champ d'activité d'une « chose» particulière, l'homme. Et c'est dans cette sphère, qu'on en recherche l'action.

En outre, la justification de cette découverte tenait dans la réponse au besoin le plus ressenti par l'homme, dans la mesure où sa vie entière est recherche du principe, s'il est vrai que c'est seulement dans le déploiement de cette recherche, qu'il réussit à récupérer la conscience de sa nature la plus authentique. 58 P. Wilpert, «Die Stellung der Schrift "Ueber die Philosophie" in der Gedankenentwicklung des Aristoteles», JHS 77, 1957, p. 155-162, affirme que σοφία est la clé permettant de recomposer non seulement le premier livre du De philosophia, mais l'ouvrage tout entier: la même notion réapparaît, füt-ce avec une portée différente, dans les différentes sections consacrées aux divers arguments, la doctrine de la σοφία en général, la doctrine des principes platoniciens, la doctrine de Dieu, du cosmos, de l'áme, etc. Et il a raison, mais on aurait également raison d'affir-

mer qu'il faut définir le moyen de trouver la σοφία et lui donner un fondement solide, c'est-à-dire, pour Aristote, lié en quelque façon à la physis. Dans le premier livre, qui était une sorte d'introduction, la doctrine du principe (ou des principes) avait une ampleur remarquable, dans la mesure oü Aristote cherchait à reconstruire la réponse que des penseurs de différents peuples avaient donnée à cette question. La recherche par conséquent revétait un caractère histo-

rico-philosophique comme dans le premier livre de la Métaphysique ou du De anima ou dans le second livre de la Politique. Ainsi le fr. 6 atteste que les Mages

étaient plus anciens que les Égyptiens (D. L. Prologue 8: « Aristote dans le premier livre de son traité Sur la philosophie. ..») et que, selon eux, il y avait deux principes, le bon démon, Zeus ou Oromazdès, le démon mauvais, Hadès ou Ariman. Le fr. 7 (Philopon, in De anima, p. 186, 21-26, et Cicéron, De natura

deorum 1 38, 107) concerne l'histoire grecque et nie l'existence d’Orphee, attribuant le poème orphique à un Cercops mal connu. A propos de ce fragment, voir 59 E. R. Dodds, The Greeks and the irrational, coll. « Sather classical lectures » 25, Berkeley 1951

= / Greci e l'irrazionale, trad. ital., Firenze 1973, p. 191

sqq. Sur Cercops. cf. 60 ἮΝ. Kroll, art. « Kerkops», RE XI 1, 1921, col. 314.

Le fr. 3 (cf. Porphyre apud Stobée III 21, 26) fait de méme en tentant d'identifier l'auteur de la maxime pythique « Connais-toi toi-méme », une maxime qu'il ne fallait pas attribuer, selon Aristote, à Chilon, comme beaucoup le prétendaient, puisque avant Chilon elle était gravée «dans le temple construit après celui fait de plumes et celui fait de bronze ». Pausanias X 5, 9, rapporte qu'anciennement la maison du dieu à Delphes était faite de laurier; en un second temps, les abeilles en construisirent une autre avec de la cire et des plumes. Voir aussi Plutarque, De Pyth. or. 402 d.

Cette maxime, en imposant à l'homme de se connaitre soi-méme, s'inscrivait dans la recherche d'ensemble, puisque l'homme se connaissait lui-méme et connaissait ses possibilités de différentes facons dans les différentes époques de l'histoire. Ce n'est que dans la derniére période que la maxime trouva son sens plénier en faisant passer la recherche de l'extérieur vers l'intérieur, comme l'avait

400

ARISTOTE DE STAGIRE

vu Socrate (fr. 1 et 2 Ross) — c'est le méme processus que nous avons étudié en

ce qui concerne la σοφία. La mention de Socrate dans le De philosophia était déterminante pour situer la recherche que les penseurs avaient tentée après lui, une recherche fondée essentiellement sur l'examen de l'áme, c'est-à-dire du moi. Cf. Platon, Phedre 230 a. Ce fait explique qu'on ne parle pas de hui dans le premier livre de la Métaphysique, vu que sa recherche n'était pas consacrée à la cause matérielle, alors qu'elle représentait l'essentiel de la spéculation des penseurs antérieurs.

D'autres maximes ne devaient pas non plus être négligées, lesquelles avaient, chacune à sa façon, éclairé et guidé la vie de l’homme, alors que la réflexion philosophique en était à ses commencements, et la maxime, comme le proverbe, servait en quelque sorte de manuel pour la conduite de l'existence. Puisque la σοφία joue un rôle déterminant dans l'évolution de l'homme, on a voulu voir dans le premier livre du De philosophia une espéce d'histoire de la philosophie, semblable à celle du premier livre de la Métaphysique. Mais, si l'on admet

comme

vrai ce qui a été posé jusqu'ici comme

prémisses,

plus que

d'histoire de la philosophie, il faudrait parler d'histoire du principe ou des principes, qui avaient conduit à la découverte des instruments indispensables à l'existence : en conséquence l’histoire des principes avait probablement comme

appendice une histoire des inventions, sur le modèle des Περὶ εὑρημάτων dont on parlait beaucoup dans l' Académie et auxquels Aristote aussi s'était intéressé. Gigon 9, p. 270, a tendance à interpréter le De philosophia comme une histoire de la philosophie dominée par les figures de Parménide, Anaxagore, Socrate et, évidemment, Platon. En ce

qui concerne les «inventions », voir le Περὶ παιδείας, fr. 2 Ross, p. 61. Théophraste aussi avait écrit deux livres sur le sujet (D.L. V 47). Voir également 61 A. Kleingünter, Πρῶτος

Eiperig,

coll. « Philologus » Supplementband 26, 1, Leipzig 1933.

Dans le cadre de l'histoire des principes devait nécessairement figurer un examen de la doctrine des idées, lesquelles sont, à leur fagon, un principe. On en a la preuve dans les fr. 10 et 11 Ross qui ouvraient le deuxiéme livre de l'ouvrage et attestent qu' Aristote dans ce dialogue exposait et critiquait la doctrine des idées et des idées-nombres. Proclus (apud Philopon, De aetern. mundi, p. 31, 17 Rabe) rappelle qu' Aristote attaquait la doctrine des idées dans la totalité de son œuvre et non seulement dans ses écrits scolaires: «dans ses dialogues aussi, xai ἐν τοῖς διαλόγοις, il affirme très clairement ne pas pouvoir partager cette vue, méme s l'on peut penser qu'il apportait la contradiction par esprit de rivalité, διὰ φιλονεικίαν» (cf. De poetis, fr. 7 Ross). Laissons de côté le motif qui aurait incité Aristote, selon Proclus, à critiquer Platon et qui ne peut que difficilement correspondre à la vérité: ce qui nous intéresse est l'information selon laquelle Aristote attaquait la théorie des idées non seulement dans ses ouvrages scolaires, mais «aussi dans ses dialogues ». Ceci nous autorise à déceler cette critique dans tout passage où une ambiguïté d'expression permet de le faire et renforce la tentative faite en ce sens dans le Politique, l' Eudéme, le Protreptique et ailleurs.

Le pseudo-Alexandre, in Mer. p. 717, 16-21 (= De philos., fr. 11 Ross, cité plus loin), montre que Ja largement ἐνταῦθα, reportera

doctrine des idées-nombres et, par conséquent, la doctrine de l'idée séparée avait été discutée par Aristote. On notera aussi dans le De philosophia l'expression xal «ici aussi», qui signifie que la méme discussion se rencontrait ailleurs. On se à ce que nous avons dit de l'attention plus grande portée aux «choses » que l'on

DIALOGUES

401

observe dans le De iustitia et le De poetis, attention dont il faut tenir compte pour saisir le fondement métaphysique des deux ouvrages et pour établir leur datation.

Encore une fois: l'idée et la doctrine des principes ne sont pas identiques ; autre est la critique de l'idée séparée, autre la critique de la doctrine des principes, laquelle, en tant qu'elle est un développement de la précédente, exigeait un plus grand approfondissement de toute la question. Or la seconde position est précisément la cible du De philosophia. Cf. Berti 23, p. 334 sq. Sur le rapport entre le De philosophia et le Περὶ τἀγαθοῦ, cf. 62 P. Wilpert, Zwei aristotelische Frühschriften über die Ideenlehre, Regensburg 1949, p. 172 sqq.,

et Untersteiner 54, p. 140 sq. 63 H.D. Saffrey, Le Περὶ φιλοσοφίας d'Aristote et la théorie platonicienne des idées nombres, Leiden 1955, 2* éd. 1971, a tenté de démontrer que De anima

404 b 16-27 fait référence à Platon et que 404 b 18-24 est un extrait tiré du Περὶ φιλοσοφίας : dans ce passage domine la théorie des idées-nombres. Mais voir la critique adressée à la position de Saffrey par H. Cherniss, en annexe au méme ouvrage.

Syrianus (in Met., p. 159, 33-160, 5 = fr. 11, 1 Ross), atteste qu' Aristote dans le IF livre du De philosophia affirmait que nous ne pouvons pas concevoir des nombres autres que les nombres mathématiques, d'oü l'impossibilité de l'existence des nombres idéaux. De plus, Alexandre d'Aphrodise (in Met., p. 117,

23-118, 1 Ξ fr. 11, 2 Ross) ajoute qu' Aristote, toujours dans le De philosophia, exposait la doctrine des académiciens en rapport avec le principe matériel: «(les académiciens), voulant rapporter les étres aux principes qu'ils avaient posés (et principes des étres étaient pour eux le grand et le petit, qu'ils appelaient la dyade indéfinie), cherchant à rapporter tous les étres à cette dyade, disaient que les principes de la longueur étaient le court et le long, en ce sens que la longueur tirait son origine du long et du court, qui sont grand et petit, ou bien en ce sens que toute ligne avait son commencement en l'un ou l'autre des deux, tandis que principes de la surface sont l’étroit et le large qui sont eux aussi grand et petit». Enfin, le Pseudo-Alexandre (in Mer., p. 777, 16-21 — fr. 11, 6 Ross, cité plus

haut) affirme que dans le méme ouvrage Aristote exposait également le principe formel des choses, toujours suivant les académiciens: «le principe faisant fonction de l’Un, ils ne l'introduisaient pas tous de la méme façon. Certains en vérité disaient que les nombres mêmes apportaient les formes (τὰ εἴδη) aux grandeurs,

par exemple le deux à la ligne, le trois à la surface, le quatre au solide (il rapporte de telles choses au sujet de Platon dans ses livres Sur la philosophie: c'est pourquoi dans cet ouvrage également il exposait leur pensée briévement et avec concision) ; d'autres en revanche réalisaient la forme, τὸ εἶδος, des grandeurs par participation à l'Un ». On comprend donc comment Aristote exploite la critique de la doctrine platonicienne des principes, puisque l'un et le grand-petit pouvaient lui suggérer les notions de matière et de forme, sur lesquelles se fonde sa propre pensée. D'où l'étude particulière de la doctrine elle-même et les nombreux ouvrages écrits par

lui sur ce sujet. En effet, elle était partout présente dans le Περὶ τἀγαθοῦ, la lecon fameuse et discutée de Platon, reprise et commentée par plus d'un disciple et donc par Aristote aussi, et déjà dans le Περὶ ἰδεῶν, méme si ce dernier ouvrage critiquait principalement l'idée et sa séparation des choses. Il n'est donc pas

402

ARISTOTE DE STAGIRE

étonnant que les mémes arguments aient apparu plus ou moins longuement dans divers écrits et aient reflué ensuite dans la Métaphysique. Quant à la succession chronologique qu'il faut établir entre les trois ouvrages, il semble qu'il faille placer le Περὶ φιλοσοφίας après le Περὶ ἰδεῶν et le Περὶ τἀγαθοῦ : en effet le dialogue se meut sur un terrain de recherche beaucoup plus vaste que les deux autres et, ce qui est plus important, présuppose certains points de la critique de la doctrine des idées qui avaient été développés dans ces autres ouvrages. Si par consé-

quent le Περὶ ἰδεῶν et le Περὶ τἀγαθοῦ, comme il a été dit, se situent vers 357^, dans la mesure où ils répondent aux objections sur l'idée que Platon lui-même

avait tenté d'affronter dans le Parménide, il est clair que le Περὶ φιλοσοφίας fut écrit après cette date et donc peu après 357°. Nous ne serions donc pas trés loin de l’Eudème et du Protreptique, comme nous le verrons plus loin. Pour un tableau des différentes positions tenues par les spécialistes concernant la datation du dialogue, cf. Untersteiner 54, p. XVU-XIx. Un point de référence fondamental est le premier livre de la Métaphysique, mais on discute sur les rapports chronologiques entre les deux ouvrages. 64 W. Jaeger, Aristoteles. Grundlegung einer Geschichte seiner Entwicklung, Berlin 1923, 2° éd. 1955 = Aristotele, trad. ital., Firenze 1947, p. 161 sgq., convaincu qu'une telle prise de position par rapport au maître ne pouvait pas avoir été conçue du vivant de Platon, la reporte à l'époque d'Assos (aprés 348/7). Mais tout ce qu'on a pu reconstruire des rapports entre le Maitre et les disciples dans l’Académie rernet en cause cette supposition. Il est plus probable que l'ouvrage remonte à la période des études d'Aristote auprès de Platon. Ainsi, 65 I. Düring, « Aristotle and Plato in the Mid-Fourth Century », Eranos 54, 1956, p. 118-119; Berti 23, p. 402 sqq.

En tant que recherche sur la σοφία, le De philosophia ne pouvait pas ne pas comprendre une section sur Dieu, source de la σοφία et, par là-même, terme de toute tension humaine. En vérité, Cicéron, De natura deorum I 13, 33 (fr. 28

Ross) atteste que le troisième livre de l'ouvrage parlait de Dieu et attaquait la position platonicienne. Le probléme théologique recevait un développement considérable, dans la mesure oü il faisait appel à l'histoire des hommes et à leur réflexion philosophique. Les points les plus intéressants de l'exposé concernaient :

(1) l'origine de la notion des dieux chez les hommes, (2) la preuve (ou les preuves) de l'existence de Dieu, (3) son essence et sa fonction, (4) la divinité du

cosmos. À propos du premier point, « Aristote disait que l'idée des dieux, ἔννοια θεῶν, provenait chez les hommes de deux sources: des phénomènes relatifs à l’äme et des corps célestes» (Sextus Empiricus, Adv. Math. III 20-23 = fr. 12 a Ross). En ce qui concerne la théologie d' Aristote, cf. 66 W. K. C. Guthrie, « Die Entwicklung der

Theologie des Aristoteles» [1933], dans 67 Fr.P. Hager (édit.), Metaphysik und Theologie des Aristoteles, coll. « Wege der Forschung » 206, Darmstadt 1979, p. 75-113. On trouvera une analyse des preuves de l'existence de Dieu dans la Métaphysique et dans la Physique, avec la déduction correspondante des principes qui y étaient sous-entendus, dans 68 J. Vuillernin, De la logique à la théologie, Paris 1967, p. 164-224.

L’äme est considérée comme un principe d'activité et, en effet, quand, au cours du sommeil ou à l'approche de la mort, elle se recueille en elle-méme, elle prédit l'avenir, comme

nous le verrons aussi dans l’Eudème (fr.

1 Ross). Cette

conception est en accord avec la psychologie d' Aristote, si la partie de l'áme qui

DIALOGUES

403

se recueille est la partie noétique, laquelle, en tant que telle, n'informe pas directement le corps et, par conséquent, a une activité qui lui est propre. Ce n'est pas pour rien qu'elle est divine. Cette divinité, cependant, ne s'explique pas sans l'existence d'«un étre divin qui lui est par nature semblable et est capable plus que tout de science» (τὸ καθ᾽ ἑαυτὸ ἐοικὸς τῇ ψυχῇ xal πάντων Emomμονικότατον: De philosophia, fr. 12 a Ross). On notera la force de l'expression xa0' ἑαυτό, «par soi-même, de par sa nature». Pour la construction d'émornuovoxórarov, voir plus loin, p. 410, à propos du suffixe -xoc.

L'argument met en rapport le divin de l'homme avec le divin en soi et, par conséquent, rapporte à la mémoire la preuve tirée de la ressemblance áme-idée, dont parle Platon dans le Phédon (78 b —81 a) et qui est rappelée par Aristote dans 1’ Eudérne (fr. 2 Ross). On trouve une argumentation semblable chez Xéno-

phon, Mémorables I, IV et IV, IH. C'est ainsi qu' Aristote faisait appel à l'histoire de l'homme. La seconde source de la notion du divin chez les hommes, qui est aussi une preuve de l'existence de Dieu, «est constituée par les corps célestes: en observant le soleil qui accomplit sa révolution dans le ciet durant le jour et le mouvement ordonné des autres étoiles durant la nuit, les hommes supposérent qu'il existe un dieu responsable de ce mouvement et de cet ordre. Ainsi pensait Aristote. » "Evópucav εἶναί τινα θεὸν τὸν τῆς τοιαύτης κινήσεως xal εὐταξίας αἴτιον (De philosophia. fr. 12 a Ross). Sur αἴτιος, lié ἃ αἰτία, «cause», et semblable en un certain sens à ἀρχή. voir 69 E. Boisacq. Dictionnaire étymologique de la langue grecque, 4* édition, Heidel-

berg 1950, p. 30-31.

Cette observation rappelle la preuve cosmologique, sur laquelle Aristote s'arréte longuement en l'illustrant sous divers angles. Ainsi, Sextus Empiricus, Adv. Math. 9 (= fr. 12 b Ross), se référant sans le nommer au De philosophia, note qu'en présence d'un objet bien réglé, on ne peut pas ne pas penser à celui qui l'a réglé. Cela vaut pour une armée ou pour un navire qui avancent comme il faut; la méme chose vaut pour le monde, dans lequel chaque élément remplit une fonction rigoureusement déterminée. C'est le méme raisonnement, observe Cicéron, De natura deorum Il 37, 95-96 (= fr. 13 Ross), qui se réclame d'Aristote (« Praeclare ergo Aristoteles, si essent, inquit... »), que devraient formuler des hommes qui sortiraient subitement des entrailles de la terre et se trouveraient devant le spectacle du monde, qui s'ouvrirait à leurs yeux en toute sa splendeur et sa majesté, un raisonnement que l'on rencontre dans les deux passages de Xénophon mentionnés et qui rappelle la caverne de la République, avec cette différence que l'objet de l'émerveillement des hommes d' Aristote n'est pas le modele idéal, comme chez Platon (République VII, 515 c-e), mais bien le monde des choses, différence qui pourrait suggérer qu' Aristote ne s'intéresse plus à

l'idée platonicienne séparée, mais sent avec plus de force la puissance des choses. C'est ce que nous avons déjà relevé dans le Περὶ δικαιοσύνης et dans le Περὶ ποιητῶν.

Dans les arguments qui ont été mentionnés, le principe de causalité qui leur sert de fondement est vu comme quelque chose qui s'impose immédiatement à

404

ARISTOTE DE STAGIRE

l'esprit de l'homme (cf. les verbes «considérèrent», ἐνόμισαν, fr. 12a1; «comprend», ouvinotv, 12b; «penseraient», arbitrarentur, fr. 13): c'est pour cette raison qu'il est vrai et crédible. Voir en outre Philon, Leg. all. HI 97-99 = fr. 13, 2, où réapparaît l'idée de cause, et Philon, De praem. et poen. 41-43 = fr. 13, 3, où l'argument tiré de la cause efficiente est vu comme «le chemin de bas en haut» (τὸ λεγόμενον δὴ τοῦτο κάτωθεν ἄνω), c'est-à-dire comme une induc-

tion. Sur le concept de « cause », cf. 70 O. Gigon, Grundprobleme der antiken Philosophie, Bern 1959 = Problemi fondamentali della filosofia antica, trad. ital., Napoli 1983, p. 151 sqq. Dans le même sens, s. Paul, Rom. I 19-20.

Outre la preuve cosmologique de l'existence de Dieu, une autre est transmise

par Simplicius, in De coelo, p. 288, 28-289, 15 (= fr. 16 Ross). C'est celle que les médiévaux ont appelé ex gradibus (correspondant à la quatriéme voie de saint

Thomas : cf Summa theol. I, quaest. II, art. 3). «De façon générale, là où il y a un meilleur, il y a aussi le meilleur; et puisqu'entre les étres l'un est meilleur que l'autre, il doit naturellement y en avoir un qui est le meilleur de tous: celui-là sera le divin». Le rapport plus-moins-le plus refléte la réalité concréte des choses, parmi lesquelles les trois notions se trouvent avec leur valeur propre, qui n'exige pas, comme le voulait Platon, une duplicité de mondes. Et le «maximum» de l'argumentation aristotélicienne, qui au niveau du bien correspond au «meilleur », sera le divin. Parmi les propriétés les plus importantes du divin se trouve son éternité: « Que

la divinité soit éternelle, ἀίδιον, ... on en a le témoignage dans les multiples propos exposés dans les raisonnements développés dans les ouvrages de vulgarisation, à savoir que la nécessité premiere et supréme est nécessairement tout à fait immuable ; et en effet si elle est immuable, elle est aussi éternelle » (De philosophia, fr. 16 Ross). C'était là une propriété particuliérement appréciée par la pensée grecque, puisque chez Anaximandre déjà elle avait été attribuée à l'apeiron.

Or, selon Aristote, le divin est éternel parce qu'il est immuable, ἀμετάδλητον : «ce qui change, change ou bien du fait de quelque chose d'autre ou bien par luiméme ; si c'est du fait d'un autre, c'est ou bien du fait d'un étre supérieur ou bien d'un inférieur; si c'est par lui-méme, c'est ou bien vers quelque chose de pire ou parce qu'il tend à quelque chose de plus beau. Mais le divin n'a rien qui lui soit supérieur et qui puisse le changer (car alors cet être serait plus divin), et ἃ n'est pas permis que le meilleur subisse quelque chose de la part de l'inférieur: en effet, s'il subissait quelque chose de l'inférieur, i! accueillerait en lui-méme quelque défaut, alors qu'en lui il n'y a aucun défaut. Mais il ne peut pas non plus changer sa nature, en tendant vers quelque chose de plus beau, car il ne manque d'aucune des beautés qui lui sont propres; ni en

tendant

vers le pire, puisque méme

l'homme ne se rend pas pire volontairement et ne possède rien qu'il aurait acquis de son changement en direction du pire. Cette démonstration, Aristote l'a prise dans le second livre de la République de Platon (Il, 380 d sqq.) ». On aura noté le recours au dilemme

qui est une des formes d'argumentation les plus exploi-

tées dans le monde grec ; on en trouve déjà des traces dans Homère, Zl. | 188-192, etc.

DIALOGUES

405

Par conséquent Dieu est le meilleur parce qu'il est immuable ; en tant que tel, ài peut et doit avoir toutes les perfections qui conviennent à une telle propriété et en même temps constituer la fin vers laquelle tout tend. C'est pourquoi il n'est pas faux de penser que déjà dans le De philosophia Dieu était concu comme ce qui, sans se mouvoir, mettait le reste en mouvement, c'est-à-dire comme le moteur immobile des écrits scolaires. Sur cette fonction divine, le De philosophia s'attardait, puisque Sextus Empiricus, Adv. math. 10 (= fr. 9 Ross) rapporte qu' Aristote appelait Parménide et ses disciples des «immobilisateurs », négateurs de la nature, du fait qu'ils avaient supprimé la nature comme principe du mouvement, en affirmant que rien ne se meut. Cf. 71 G. Reale et L. Ruggiu (édit), Parmenide, Poema sulla natura, Milano 1991, test. 26, p. 137. Et au contraire, Dieu et la nature s'opposent dans un rapport de mobile à immobile, tout en étant l'un et l'autre éternels et l'un et l'autre en relation avec τὸ θεῖον, mais de manière

différente. Nous avons déjà parlé de l’éternité de Dieu. Quant au monde, il est éternel, puisqu'on ne saurait concevoir l'apparition dans le dieu supréme d'une décision concernant l'une de ses activités ad extra, comme le serait la création (fr. 20 Ross), et s'il est éternel, il est indestructible. Les diverses preuves de

l'indestructibilité du cosmos démontrent l'importance du probléme non seulement du point de vue philosophique, mais aussi théologique, dans la mesure oü la position contraire pourrait sembler une

preuve

d'athéisme (fr.

18

Ross). Le

cosmos est un dieu grand et visible qui embrasse, comme un véritable panthéon, le soleil, la lune, les autres étoiles errantes et fixes; il est toujours, il a toujours été, i! sera à jamais. Divin est le monde, en particulier la zone céleste, du fait qu'il est absurde de penser que, tandis que l'eau, l'air, la terre et le feu, les quatre éléments, sont peuplés de créatures, la zone de l’éther en serait privée. Au contraire, les étoiles occupent cette zone, «laquelle est la plus subtile et toujours en mouvement et en activité; c'est pourquoi il est nécessaire que les créatures qui naissent en elle aient la sensibilité la plus fine et la mobilité la plus extréme. C'est pourquoi, puisque les astres sont produits dans l'éther, il s'ensuit nécessairement qu'ils ont sensibilité et intelligence. On peut en déduire que les astres doivent étre comptés parmi les divinités » (Cicéron, De natura deorum Il 15, 42 = fr. 21 Ross). C'était

la religion astrale exposée par Platon dans les Lois et l’Epinomis. 72 M. Nilsson, Geschichte der griechischen Religion, München

1976, t. I, p. 839-843, et

73 A. Dies et É. des Places (édit.), Platon, Les Lois par A.D.. Epinomis par É.d.P.. Paris 1956,

introduction, p. 114. Sur l'importance de la nouvelle religion, cf. 74 A.J. Festugière, La Revelation d’Hermes Trismégiste, L II, Paris 1949, p. 202 sqq. L'allusion à la religion astrale dans les Lois et dans l' Epinomis a également été mise en relation avec le De philosophia. Et on a cherché à déterminer la chronologie des trois ouvrages: sur cette question, cf. Berti 23, p. 401-409, Düring 65, p. 62 sqq.

Le mouvement des astres est un circulaire ; il n'est pas naturel, du vers le haut, il ne se produit pas force supérieure à eux qui puisse volontaire.

mouvement particulier, dans la mesure oà il est fait qu'ils ne sont pas tirés vers le bas ni élevés sous la contrainte, du fait qu'il n'existe pas de les faire se mouvoir, mais il se produit de facon

406

ARISTOTE DE STAGIRE Cf. Cicéron, De natura deorum 1l 16, 44 (= fr. 21 Ross): «restat igitur ut motus astrorum

sit voluntarius. Quae qui videat, non indocte solum verum etiam impie faciat, si deos esse neget ». Pour éxobatoc, voluntarius, cf. Untersteiner 54, p. 234-235.

Ce caractère volontaire, quelle que soit la manière dont on l'explique, ne contredit pas ce qui a été dit de leur attraction par le dieu suprême, lequel reste ainsi le point de référence du tout. Ce n'est pas pour rien qu’Aristote, dans la Physique 194 a27-36 (fr. 28 Ross), cite le De philosophia à propos de la cause finale: «car en un certain sens nous sommes nous aussi des fins; en vérité le "ce pour quoi" se dit en deux sens différents (διχῶς τὸ ob ἕνεκα) et on en a parlé dans les livres

Sur la philosophie ». Cette affirmation trouve une explication dans De anima

415b2: τὸ δ᾽ ob Evexa διττόν, τὸ μὲν ob τὸ δὲ à, la fin a une double signification: «d'un cóté le but, le ce pour quoi, de l'autre le sujet pour lequel la chose est une fin». Cf. 75 R. D. Hicks (édit.), Aristotle, De anima, Amsterdam 1965, p- 340-341, et 76 G. Movia (édit), Aristotele, L'anima, Napoli 1979, p. 297-299.

Dans le langage scolastique, l'équivalent serait la finis qui et la finis cui. Nous ne savons pas si le De philosophia se limitait seulement à établir la distinction: trés probablement il en faisait une application, et pourquoi pas à Dieu ? Avec toutes les limites et les implications que cette application comportait, étant donné que Dieu est la fin absolue vers laquelle le tout se meut. Et à ce propos aide l'extrait de Cicéron, De natura deorum 1 13, 33, déjà signalé, mais que nous devons maintenant citer avec plus d’insistance. Dans ce passage, Cicéron parle de la divinité

selon les diverses formes sous lesquelles Aristote la présentait dans le livre III du De philosophia. ll est utile de citer le passage: « Aristotelesque in tertio de philosophia libro multa turbat a magistro suo Platone dissentiens. modo enim menti tribuit omnem divinitatem, modo mundum ipsum deum dicit esse, modo alium quemdam praeficit mundo eique eas partes tribuit ut replicatione quadam mundi motum regat atque tueatur. tum caeli ardorem deum dicit esse...» Cicéron fait allusion à un dieu mens, à un dieu mundus, à un alius quidam qui régit et maintient le mouvement du monde et, enfin, au caeli ardor qui est aussi dieu. Comme on l’a plusieurs fois fait remarquer, le Grec ne répugnait pas à admettre une multiplicité d'étres divins, mais avec une divinité différente: c'est là le fondement du passage cicéronien, dont il est difficile de deviner la source et, encore moins, de donner une interprétation süre. Sur la multiplicité d'êtres divins, voir 77 A. Diés, Autour de Platon, 2* éd., Paris 1972, p. 523 et n. 234. A propos de l'«audacieuse identification du divin avec la nature, caractéristique des présocratiques ». cf. 78 W. Jaeger, The theology of the early Greek philosophers, Oxíord 1947 = La teologia degli antichi pensatori greci, trad. ital., Firenze 1961, p. 271 sgq., at 79 H.G. Gadamer, « | Presocratici », dans V. Mathieu (édit.), Quesrioni di storiografia filoso-

fica, Brescia 1975, t. I, p. 83 sqq.

Pour une discussion plus détaillée du passage de Cicéron, je renvoie à mon livre sur les fragments d' Aristote (Laurenti 12, t. II, p. 710-723). Je me borne ici à examiner la troisiéme position qui est la plus intéressante, car que le dieu d' Aristote soit mens est évident, étant donné l'exaltation continuelle de la pensée dans le monde grec - et on le verra plus loin dans le De oratione —; également incontestable est l'affirmation selon laquelle seraient divins, le cosmos, qui est

DIALOGUES

407

éternel et indestructible, ainsi que le caeli ardor, c'est-à-dire l'éther qui, en tant

que générateur des astres, qui sont dieux, ne peut pas ne pas étre dieu (cf. Cicéron, De natura deorum II 15, 42 = fr. 21 Ross; voir plus haut, p. 29). L'exégese relative au troisième « dieu» est plus complexe. Praeficit attribue à l'alius quidam une position prééminente, définie par l'expression regere atque tueri qui suit: l'alius quidam doit gouverner et garder le mouvement

du monde.

Cette

fonction, il l'accomplit replicatione quadam. Le terme a une double signification: si l'on insiste sur le préfixe re en tant qu'itération, répétition d'actes, replicatio est une révolution, révolution continuelle autour du centre, sur elle-même. Avec la méme signification re revient dans d'autres verbes: renasci, renaître, recommencer à naitre, recognoscere, reconnaitre, recommencer à connaitre, renovare,

etc. Si on insiste sur re en tant que retro (comp. recedo, je me retire, recurro, je cours vers l’arrière, etc.), alors replicatio est mouvement rétrograde, une position qui a eu ses défenseurs dans l'explication de notre passage: ces derniers ont fait appel à certains passages comme Platon, Politique 279 a sqq. et 273 a sqq., qui concerne la révolution en sens contraire de l'univers causée par l'abandon du

gouvernail de l'univers par le Dieu qui le pilote. Mais, peut-on objecter, comment peut-on concilier un tel abandon avec l'expression cicéronienne eique eas partes tribuit, un aspect positif avec un aspect négatif ? D'ailleurs replicatio n'apparait chez Cicéron qu'en ce lieu et ce fait rend impossible toute comparaison. Si on lit le passage avec soin, on s'apercoit que l'attention de l'auteur n'est pas dirigée principalement vers le mouvement des choses, aussi parfait füt-il, mais bien vers l'alius quidam qui est l'unique cause de ce mouvement, l'unique responsable. ἢ conviendrait donc de reprendre la première exégèse du terme replicatio et de supposer que l'alius quidam qui, en faisant mouvoir autour, c'est-à-dire en provoquant un mouvement rotatoire dans le mundus et dans les choses qu'il contient, le gouverne, est trés probablement le πρῶτον xtvoüv, que nous avons

déjà rencontré et dont parle Aristote en Phys. VIII et en Métaphysique XII. Il faut noter que le livre XII de la Métaphysique, contrairement à ce que certains ont pu croire, remonte avec beaucoup de probabilité à l'époque du séjour d'études d' Aristote auprès de Platon. On peut le prouver par les nombreuses réminiscences eudoxiennes qui y sont évidentes (et, lorsqu' Aristote entra à l'Académie, l'école était peut-être dirigée par Eudoxe (**E 98), cf. plus bas, p. 457). Cf. 80 W. Schadewalt, « Eudoxus von Knidos und die Lehre vom Unbewegten Beweger», dans Satura. Früchte aus der antiken Welt, Otto Weinrich zum 13. März

1951 dargebracht, Baden-Baden 1952, p. 103-129.

C'est à la méme conclusion que conduit ia présentation déjà signalée des choses comme assujetties au mouvement et de Dieu comme pensée absolue. Il en résulte que le concept de Dieu dans le De philosophia porte sans aucun doute la trace des positions platoniciennes (le Dieu démiurge du Timée, le Dieu pensée, etc.), mais, en plus, il se présente avec des caractéristiques particulières : il est immuable au sens qu' Aristote explique plusieurs fois et pourtant il meut le tout; il est pen-

see, comme l'affirme Cicéron, et, en plus, pensée de pensée, comme le veut le De oratione, cherchant à expliquer la Métaphysique ; en somme, il jouit de sa pensée. E.N. VI 14, 1154 b 26-28 : «C'est pourquoi Dieu jouit perpétuellement d'un plaisir un et simple ; car il y a non seulement une activité de mouvement, mais encore une activité d'immobilité, et le plaisir consiste plutôt dans le repos que dans le mouvement» (trad. Tricot). Il est clair

408

ARISTOTE DE STAGIRE

que nous ne pouvons pas attribuer à Dieu sans plus les deux catégories de mouvement et d'absence de mouvement, x{vnaic - ἀκινησία, dans le même sens que nous les appliquons à l'homme et aux choses. Politique VII 1, 1323524 sqq. précise: Dieu «est heureux et dans un état de béatitude, mais cela ne résulte d'aucun des biens extérieurs (τῶν ἐξωτερυκῶν

ἀγαθῶν),

mais il est heureux par lui-même (δι᾽ αὐτόν) et parce qu'il a une nature déterminée (xal τῷ ποιός τις εἶναι τὴν φύσιν)». D'où la recherche pour saisir la vraie vie intime de Dieu: cf. 81 L. Elders, Aristotle's Theology, Assen 1972, p. 180 sqq.

En somme, Aristote montre à quel point est complexe la notion d'une unité quand on l'applique au dieu supréme. Dieu ne peut pas étre un s'il n'est pas trine, dans la mesure oü il se pense lui-méme et se complait dans cette pensée. C'est ii que prend son point de départ la spéculation, principalement néoplatonicienne, pour affronter le probléme du Dieu un et trine. L'affirmation selon laquelle Dieu se complait dans sa pensée est une conséquence directe de ce qu' Aristote affirme à plusieurs reprises : sans activité il n'y a pas de plaisir. Mais l'activité de Dieu est une activité particuliére, comme on vient de le voir. Et par conséquent le plaisir dont il jouit est également un plaisir particulier. Cf. Laurenti 30, p. 194-195.

Le dernier fragment sur lequel il convient de s'arréter est le fr. 27 Ross, qui concerne l'áme. Ici plus qu’ailleurs surgissent des difficultés dans la mesure oü certains passages de Cicéron (Tusculanes 1 10, 22; 1 17, 41; I 26, 65 sqq.) semblent confirmer la spiritualité de l'àme, tandis que d'autres (par exemple Acad. pr. 17, 26) la mettent en rapport avec l'éther, l'élément constitutif des astres, ce qui laisserait penser que l'âme aussi est matérielle. La longue polémique entre les spécialistes (cf. Untersteiner 54, p. 265 sqq.), qui ont tenté de mettre en accord les affirmations de Cicéron et des autres auteurs invoqués de part et d'autre, n'est pas encore parvenue à une conclusion certaine, et elle n'y parviendra probablement pas, car le probléme des sources des Tusculanes est fort complexe et ce n'est qu'en lui donnant une solution que l'on peut espérer résoudre l'autre question. Ce que nous savons de façon certaine, c'est que dans l'Eudéme (Simplicius, in De anima, p. 221, 20-33 = Eudeme, fr. 8 Ross), qui remonte aux années 3535, l'âme est définie comme εἶδός tt: c'est là une donnée ferme qu'on ne peut éluder quand on cherche à interpréter Cicéron. Il est possible que Cicéron ait puisé à une source dans laquelle s'était faite la contamination entre la doctrine aristotélicienne authentique et le stoicisme. Ceci explique que plusieurs spécialistes repoussent certains fragments de Cicéron ou ne leur reconnaissent pas le poids qu'apparemment ils sembleraient avoir. Ainsi, par exemple, à propos de la définition de l’âme comme ἐνδελέχεια, on doit penser que le passage traite du prin-

cipe d'animation des astres: en effet ἐνδελέχεια suggère un mouvement continu et éternel, lequel est le propre des astres et, par ricochet, des âmes qu'il informe. En tout cas, il est trés improbable que deux écrits comme l’Eudème et le De philosophia, nés à peu prés à la méme époque à partir des mêmes exigences et composés dans un climat dominé par les mêmes idées, aient présenté une conception différente de l’âme. Par conséquent, il faudrait chercher à comprendre le langage de Cicéron qui, au bout du compte, traduit à partir du grec ou qui, plus vraisemblablement, en utilisant selon les moments des traductions diverses, peut avoir mal compris, comme nous l'avons dit, certaine affirmation d' Aristote.

DIALOGUES

409

Pour ἐνδελέχεια, cf. Cicéron, Tusculanes 1 10, 22 (fr. 27 Ross): «quintum genus adhibet vacans nomine et sic ipsum animum ἐνδελέχειαν appellat novo nomine quasi quamdam continuatam rnotioner et perennem». On trouvera une vision des choses tout à fait différente de celle que nous venons d'exposer dans 82 F. Nuyens, L'Évolution de la psychologie d’Aristote, Paris 1948, lequel tente de reconstruire le développement de la psychologie d' Aristote en partant de l’Eudeme, dans lequel äme et corps sont congus, à son avis. comme deux forces ennemies, jusqu'au De anima, où l'áme est entelecheia du corps vivant; par conséquent, à partir d'une conception dualiste, on arriverait à une conception moniste. Voir notamment p. 56 sqq.

Étant donné la nature particuliére du théme et l'ampleur de l'exposé, le De philosophia était peut-être, parmi les œuvres dites de jeunesse d' Aristote, celle dans laquelle, plus qu'en toute autre, on admirait l'organisation des arguments qui lui était propre, et, en méme temps, un certain retour sur des inspirations communes: ainsi le recours à l'étymologie, la mise en évidence des maximes et des proverbes, le désir de rétablir la vérité dans les circonstances importantes et dans des cas beaucoup moins importants, les reconstructions historiques, la reprise de problématiques déjà traitées, le renvoi à d'autres œuvres exotériques, etc. Ce n'est pas tout: dans le De philosophia, on ressent de la maniere la plus authentique l'atmosphère de l’Académie, avec ses discussions, les polémiques, les contradictions. Il est probable que l'ouvrage fut suscité par le désir d'étendre la recherche sur le « principe », vu non seulement au niveau métaphysique, mais au niveau scientifique, au niveau opérationnel, etc. Cela expliquerait la recension de tant de positions tenues sur le «principe», et non seulement dans le monde grec, mais partout où l'homme avait médité sur lui-même et sur les choses. Cette perspective donnait à la recherche un souffle beaucoup plus vaste, dans la mesure oü

elle montrait comment dans le domaine de la recherche les hommes avaient été sollicités par les mêmes intérêts et étaient parvenus à des résultats qui ne différaient pas beaucoup entre eux. Cela était rendu possible par l'organisation particulière de l'école d’Aristote, avec ses bibliothèques,

son matériel didactique et ses instruments de recherche. Cf. 83 C. Natali, Bios theoretikos. La vita di Aristotele e l'organizzazione della sua scuola, Bologna 1991,

p. 93-146.

C'était donc une interprétation de l'histoire et de la civilisation à la lumière du principe; de l'invention de l'instrument pour moudre le grain, conquéte précieuse de ceux qui avaient échappé au déluge, on arrivait à la conquéte de sciences plus raffinées et plus complexes, qui permettaient non seulement de vivre, mais de bien vivre, jusqu'à la philosophie congue comme recherche de l'étre dans sa polyvalence. La puissance de l'intellect qui avait congu les machines rudimentaires des primitifs s'attachait maintenant à des problémes apparemment inutiles, mais fascinants, qui constituaient le fondement de toute recherche à 1’ Académie et qui, scrutés en profondeur, étaient en mesure de donner un sens aux choses et à la vie. D'ailleurs, depuis que les philosophes de Milet avaient commencé à méditer sur les «étres», ils avaient toujours tenté de briser l'épaisse enveloppe qui en entravait l'intelligibilité. Eux cherchaient le principe. Et c'est vers ce principe, fulgurant en soi, mais obscur pour l'homme, que se tournait maintenant la recherche d'Aristote, qui tentait d'en saisir la richesse, les propriétés, l'inutile nécessité pour toute créature.

410

ARISTOTE DE STAGIRE SUR LE POLITIQUE

Sur le politique ou Le politique, cité dans les catalogues de Diogène Laërce et de l' Anonyme, rappelle le dialogue platonicien du méme nom, dialogue important dans une ambiance aussi politisée que l'était l'Académie. A cet écrit se réfère le néoplatonicien Syrianus qui affirme qu' Aristote, dans le Il* livre de l'ouvrage, écrivait expressément: «car pour toutes les choses la mesure la plus précise est le bien ». Syrianus, in Metaph., p. 168, 33-35 (fr. 2 Ross): « (Aristote) traite de ce probléme dans le

second livre du Politique, etc.» Sur la formation du terme πολιτικός (voir πόλις, TOATEUW), semblable à épotuxóc (cf. plus bas, p. 425) et à προτρεπτικός (cf. plus bas, p. 433), et sur le suffixe -xóc, cf. 84 A. Meillet et J. Vendryes, Traité de grammaire comparée des langues classiques, Paris 1953, p. 384.

On a reconnu d'autres références à cet écrit dans Cicéron, De finibus V 4, 11 (je cite plus largement que le testimonium retenu par Ross): «cumque uterque eorum [scil. Aristoteles et Theophrastus] docuisset qualem in re publica principem «esse» conveniret, pluribus praeterea conscripsisset qui esset rei publicae status... »; voir aussi ad Quint. fr. III 5, 1 (fr. 1 Ross): « Aristotelem denique quae de re publica et praestante viro scribat ipsum loqui», un passage qui a le mérite, entre autres, de souligner par la formule ipsum loqui que le dialogue aristotélicien était conduit par l'auteur lui-même. Rose? et Ross ont ajouté d'autres fragments concernant la régulation des passions qui doivent, dans un état bien ordonné, étre contrólées par le pouvoir: Sénèque, De ira

13, 3;

17,

1;19,2; 117, 1; 1113, 1; Cicéron, Tusculanes IV 19,

43; 20, 45. Méme en reconnaissant que le présupposé est vraisemblable, il est certain que les passages cités traitent de sujets dont il est impossible de définir avec précision l'appartenance ; on ne voit pas pourquoi on ne serait pas autorisé à les rattacher à des œuvres d'éthique ou de psychologie. C'est pourquoi il est préférable de ne pas en tenir compte, comme le fait aussi Gigon 9, p. 271-273, et de se

fier, pour la reconstruction du Politique, à Cicéron et à Syrianus. Cicéron définit les deux thémes de la recherche aristotélicienne, le princeps in

re publica et l’optimus rei publicae status, c'est-à-dire le citoyen qui a le primus locus dans l'administration de l'État et l’État dans sa condition la meilleure. Les deux thèmes s'appellent l'un l'autre: à l'effort pour désigner l'optimum en relation avec le citoyen correspond la tentative analogue de saisir l'optimum en relation avec l'État. Le princeps, en tant qu'homme, doit posséder la plénitude de la

vertu, en tant que citoyen, la vertu de celui qui commande et de celui qui est commandé, comme l'enseigne la Politique III 4, 1276b 16 sqq., de sorte que le princeps sera l'homme bon qui est en méme temps un bon citoyen, celui qui a les

vertus de l'un et de l'autre, c'est-à-dire qui connaît et réalise l'Épyov τοῦ &vOponov, et en outre participe à la charge de conseiller, de juge et de soldat, adaptant les diverses fonctions au déroulement du temps. Il s'agit de mettre ensemble σοφία et φρόνησις dans leur sens le plus rigoureux, σοφία en tant que vertude la théorie, φρόνησις en tant que vertu de la pratique. Et à ce propos,je me permet de renvoyer à 85 R. Laurenti, /nrroduzione alla Politica di Aristotele, Istituto Italiano per gli

Studi Filosofici, Rorna/Napoli 1991, p. 58-71.

DIALOGUES

411

Quant à la seconde partie, l'État idéal, il faudrait penser à un exposé semblable à celui des livres VII-VIII de la Politique, lesquels veulent représenter l’État idéal, xat' εὐχήν, qui répond aux désirs de tous ceux qui en font partie, un état non utopique, mais réalisable, füt-ce avec difficultés. Sur !'« État idéal », voir Laurenti 12, t. II. p. 957, note 73. Un politikos et un Etat de ce méme genre ne pouvaient atteindre leur fin sans avoir déjà réalisé le bien, qui demeure le fondement de toute construction pour Aristote et pour Platon, malgré les profondes différences que le concept présente chez l'un et l'autre. C'est ce qu'atteste le fragment de Syrianus qui exalte le bien

comme la mesure la plus précise de toutes les choses: πάντων γὰρ ἀχριδέστατον μέτρον τἀγαθόν ἐστι. L'expression a fait et fait encore l'objet de discussions de la part des spécialistes, les uns, avec Jaeger 64, p. 113 sqq., voulant lui donner une interprétation strictement platonicienne, qui est refusée par les autres. Pour les premiers la citation serait une preuve de l'adhésion d' Aristote au platonisme de stricte observance, adhésion que les autres refusent, parce qu'on ne peut la déduire d'une exégèse du texte conduite sans parti-pris. En effet Stark, Düring et d'autres ont rapproché la formule de Syrianus de Platon, Lois IV, 716 c (ὁ δὲ

θεὸς ἡμῖν πάντων χρημάτων μέτρον Av εἴη μάλιστα), pour conclure que le πάντων initial de Syrianus n'est pas un génitif partitif dépendant de ἀχριδέσταTOV μέτρον, mais devrait être compris comme un génitif objectif neutre, si bien que l'expression ne signifierait pas, comme le veut Jaeger, «le bien serait la mesure la plus précise de toutes (les mesures) », mais plutót « pour toutes choses, c'est-à-dire, pour les êtres animés et les êtres inanimés, le bien est la mesure la plus précise », en ce sens que pour toutes il n'y a pas de mesure plus précise que le bien qu'elles doivent réaliser. C'est en cette direction que s'oriente Ja traduction présentée. Pour la position évoquée dans ce paragraphe, voir 86 R. Stark, Aristotelesstudien. Philologische Untersuchungen zur Entwicklung der Aristotelischen Ethik, München 1954, p. 27 sgq.: Düring 21, p. 539, note que la phrase est prise dans un dialogue dont nous ne savons rien; on n'en connait par conséquent ni la fonction ni la provenance et elle a pu être placée dans la bouche d'un interlocuteur qui, peut-étre, défendait une position platonicienne qu' Aristote ne partageait pas. L'exégèse de Stark est communément admise.

Or, le bien, comme l'expliquent E. E. 18, E. N. I 6 et d'autres textes empruntés aux œuvres qui contenaient la polémique contre Platon, n'est pas l'idée platoni-

cienne séparée, mais le bien dans sa totalité, τὸ ὅλον ἀγαθόν, lequel est constitué par le concours de choses diverses, chacune tendant à son bien. Cf. Protreptique, fr. 4 Ross: « Par conséquent, si seule la science qui possede la justesse de

jugement, utilise la raison et regarde le bien dans son intégralité, ἡ τὸ ὅλον ἀγαθὸν θεωροῦσα, c'est-à-dire la philosophie, peut utiliser toutes choses et les commander selon la nature, il convient de philosopher en toute manière, puisque la philosophie seule comprend en soi le jugement droit et la sagesse capable de commander sans tomber dans l'erreur».

lly aun bien particulier que toute chose doit atteindre. Platon l'avait signalé dans le Lysis (219 c sqq.) et Aristote le confirme dans le fr. 6 du Protreptique: «toute chose est bien disposée quand elle est selon sa vertu propre ; l'obtenir est son bien ». Un tel bien particulier se rapporte au bien d'une autre chose, de méme

qu'ensuite le bien de cette chose se rapporte au bien d'une troisième et ainsi de

412

ARISTOTE DE STAGIRE

suite. Il se forme par conséquent une vaste chaine de rapports dans laquelle chaque chose trouve sa place et donc son bien par rapport à soi-méme et par rapport à une autre et, de facon médiate, par rapport au tout. Platon se sert de ces choses infiniment rapportées l'une à l'autre pour

atteindre ce qui est premiérement

aimable, c'est-à-dire le bien premier, τὸ πρῶτον φίλον, Aristote pour atteindre τὸ ὅλον ἀγαθόν, c'est-à-dire le bien général qui, on l'a vu, est produit par toute chose, laquelle, en réalisant immédiatement sa vertu, produit de façon médiate le bien du reste.

Τὸ πρῶτον φίλον (ou ἀγαθόν) et τὸ ὅλον ἀγαθόν: ces formules expriment la conception de Platon tendue vers l'idée transcendante et la conception d'Aristote tendue vers la forme immanente. Et c'est proprement en vertu de ce bien général que l'on peut comprendre l'importance du φρόνιμος, qui est la

norme ou le critère le plus exact des biens: κανὼν fj... ὅρος ἀκριδέστερος τῶν ἀγαθῶν. Cf. Protreptique fr. 5 Ross, et 87 P. Aubenque, La prudence chez Aristote, 2° édit, Paris 1976, notamment le premier chapitre. Sur la complexité de la φρόνησις dans le Prorreptique, cf. 88 I. Düring, Aristotle’s Protrepticus. An attempt at reconstruction, Göteborg 1961, p. 260.

Φρόνιμος est celui qui possède la φρόνησις, laquelle dans le Protreptique ne signifie pas une forme de savoir pratique, mais un savoir qui est indistinctement pratique et théorique et qui pour cette raison peut fournir le meilleur jugement sur les biens. C'est cette conception du bien dans le passage de Syrianus qui met en lumiére comment chez Aristote le bien se trouve intériorisé: c'est le bien, je le répète, qu'atteignent les choses quand elles atteignent leur «vertu», de sorte que, à travers ces biens particuliers, elles favorisent le bien général. Or, le bien particulier, vers lequel tendent les choses, représente pour celles-ci la mesure qu'elles doivent réaliser: en la réalisant, elles seront mesurees, c'est-à-dire qu'elles seront bonnes, sans excés ni défaut (deux choses extérieures à la mesure), et par cela

méme elles seront propres à étre insérées dans la trame plus vaste des biens ou des fins, sur laquelle s'articule et se rythme

le cours de l'univers, et par consé-

quent, de la vie humaine. Cette mesure ne vient pas de l'extérieur: toute chose la possède en elle-même, puisque c'est sa φύσις, la φύσις comprise comme forme et substance : τὸ εἶδος xai ἡ οὐσία (Métaphysique V 4, 1015a 10; voir aussi plus bas, p. 442). Puisqu'elle est en rapport avec l'areté, c'est-à-dire avec le bien de la chose, il n'y a pas de mesure plus précise pour cette chose. De cette facon Aristote reprenait le probléme du Politique de Platon. dans lequel la politique était l'art qui, comme

tous les autres, recherche la juste mesure et évite les excés

(Platon, Pol. 284 a sqq.; 89 H.J. Krämer, Arete bei Platon und Aristoteles, Heidelberg 1959, p. 162, affirme lui aussi que le Politique culmine dans le concept de μέσον τῶν ἐσχάτων). Cela n'était possible qu'en faisant appel à une mesure du type de celle que nous avons décrite. Une fois défini le sens du bien, l'interprétation de la phrase semble moins importante, puisque chacune des deux conceptions envisagées nous conduit à la méme conclusion. Si le bien est la mesure la plus exacte de toutes, il est évident qu'il le sera pour tous les étres, puisque aucun étre ne peut se dispenser d'étre bon; d'autre part, si le bien est la

DIALOGUES

413

mesure la plus exacte pour tous les étres, on comprend que son exactitude se

définit par rapport à toutes les autres mesures possibles. L'essentiel, comme on le voit, est de définir avec précision la signification du bien. On pourrait obtenir une confirmation de cette exégése à partir d'une étude du

Περὶ τἀγαθοῦ, où l'on trouve une affirmation intéressante selon laquelle ἀγαθὸν ἔστιν Ev, c'est-à-dire que l'un est le bien. Aristoxéne, Harm. 2, p. 20, 16—31, 3 Macran = test. 1 Ross. La comparaison avec E.E. est particuliérement intéressante, puisque selon la plupart des critiques l'ouvrage est l'un des plus anciens d' Aristote : il remonte en effet à la période académicienne. Cf. Düring 21, p. 62.

L'interprétation de l'expression est discutée, mais on peut en saisir un sens acceptable en E. E. 1 8, 1218 424 sqq., qui la reprend et l'explique. Après avoir critiqué la méthode d'investigation de certains contemporains qui partent de choses à propos desquelles on n'est nullement d'accord pour reconnaître si elles possèdent ou non le bien, pour arriver à démontrer que, par conséquent, possédent le bien également des choses qui de l'avis général sont bonnes, Aristote continue: «Il est aventureux de démontrer que l’Un est le bien lui-même (τὸ ἕν αὐτὸ τὸ àya06v), parce que les nombres tendent vers lui; en effet de quelle facon ils tendent vers lui ils ne le disent pas clairement, mais se limitent à l'affirmer purement et simplement». Le passage remonte sans aucun doute à l'époque de la leçon sur le bien et peut par conséquent aider à comprendre l'affirmation de Platon qui, dans la dernière phase de son activité, sous l'influence du pythagorisme, avait accordé beaucoup d'importance aux nombres, en particulier à l'un, origine des nombres et, à travers les nombres, des choses. On

comprend

donc comment

ceux qui

étaient allés écouter la leçon de Platon sur le bien, croyant entendre un exposé sur la santé ou sur la richesse ou sur un autre des soi-disant biens, soient restés

abasourdis devant l'exaltation de l'un. Mais on comprend aussi comment réagit Aristote, lequel pouvait accepter l'expression du Maitre et en donner une interprétation adaptée à la conception qu'il avait lentement développée. Aristote y voyait ou pouvait y voir la théorie de la forme. L'Un est le bien, est-il dit dans le

Περὶ τἀγαθοῦ, puisque l’un est comme la forme opposée à la dyade. Cf. Περὶ τἀγαθοῦ, fr. 2 Ross, ainsi que Métaphysique | 6, 987b 18-22: «et puisque les idées sont causes des autres choses, Platon considérait que les éléments des idées étaient également les éléments des choses. Il croyait par conséquent que le grand et le petit étaient principes comme matière, |'Un comme substance. De ceux-ci en effet, par participation à l'Un, dérivaient les idées et les nombres ». Sur cette dernière phrase, qui a été beaucoup discutée, voir 90 W.D.

Ross (édit.), Aristotle's Metaphysics, t. 1. p. 171-172, qui cependant supprime les mots tà εἴδη. L'un, et donc le bien, est mesure de tout: l'idée se retrouve dans le Politique,

puisque ce n'est qu'en réalisant le bien, c'est-à-dire la forme, que toute chose se réalise elle-méme. La formule aristotélicienne renvoie au monde platonicien, mais elle opère dans cet univers le changement qui était rendu nécessaire par la critique de l'idée séparée, dont on a déjà parlé. Par là la mesure, c'est-à-dire le bien, était intériorisée et du rapprochement avec la forme elle recevait une fécondité que

l'idée n'avait jamais eue. L'interprétation proposée ramène sur une méme ligne de développement k pensée de Socrate, de Platon (cf. Phédon 97 c sqq.) et d'Aristote sur le bien et

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tient compte du moment historique dans lequel l'expression aristotélicienne fut formulée, un moment d'extréme tension dans l’Académie, à cause de toutes ces discussions à propos de l'idée. Plus important encore : elle correspond parfaitement à l'interprétation de la méme doctrine platonicienne que nous avons examinée dans le Περὶ φιλοσοφίας. En conclusion, le Politique était centré sur le «bien», compris comme la perfection de la forme que tout étre doit réaliser et qui, justement en tant que bien, représente la mesure qui permet de définir pour chaque étre sa consistance — c'est-à-dire que la mesure ne se réalise pas en tous les êtres de la méme façon.

Même l'État et le chef d'État, ou mieux les chefs de l'État, obéissent à la méme

logique, dans la mesure oü ils doivent, les uns et les autres, réaliser le bien. Cela signifie que l’État devrait disposer les choses de manière à ce que l'élément de la plus haute valeur pour l'homme, c'est-à-dire l'àme, et celui qui se rapporte à l'áme, aient une absolue prééminence, comme nous l'avons déjà vu dans le Pro-

treptique, fr. 6 Ross. Etat idéal par conséquent, en tant que modelé sur des prin-

cipes philosophiques et, par là méme, éthiques: et nous avons déjà précédemment traité méme cet aspect. Le Politique en somme reprenait une position platonicienne, mais les ingrédients en étaient différents, le premier surtout, le bien, dont la conception différente chez les deux penseurs ne pouvait pas ne pas rendre leurs constructions

différentes. Peut-étre l'ouvrage comprenait-il une incursion dans l'histoire des constitutions, telles qu'elles s'étaient historiquement formées ; et même alors, leur consistance était évaluée en rapport avec la constitution la meilleure, selon un processus que l'on peut saisir à partir de certains passages de /’Éthique ou de la Politique. Sur le rapport entre éthique et politique, voir plus haut, p. 394. Sur les constitutions mesurées en rapport avec le schéma meilleur, cf. Polit. TV 3, 1290 a 24-29, et Laurenti 85, p. 72-98. SUR LA RHÉTORIQUE OU GRYLLOS

Selon Diogène Laérce II 55 (= fr. I Ross), Aristote atteste qu'à la mort de Gryllos, plusieurs auteurs écrivirent des éloges en son honneur, «en partie égale-

ment pour complaire à son père » (τὸ μέρος xai τῷ πατρὶ χαριζόμενοι), c'està-dire à Xénophon, un personnage éminent dans l'Athenes du IV* s. av. J.-C., méme si sa conduite politique n'avait pas été toujours transparente — et c'était peut-étre justement cette ambiguité qui accroissait la fascination qu'il exergait. Sur le verbe χαρίζεσθαι transmis par Diogène Laërce, cf. Bonitz 53, 846a4-16, et 91 A. Wartelle, Lexique de la "Rhétorique" d'Aristote, Paris 1982, p. 462. Le terme signifie: « faire plaisir à quelqu'un, remercier, attirer quelqu'un à son point de vue», ce qui était la tâche de la

rhétorique, comme l'attestent plusieurs fois Platon et Isocrate.

Disciple de Socrate, fervent partisan de Sparte, il avait suivi Agésilas en de nombreuses expéditions, tout en consignant par écrit le déroulement des opérations ; vers 367* il avait été rappelé dans sa patrie par un décret d'Eubule (cf. 92 E. Delebecque, Essai sur la vie de Xénophon, Paris 1957, p. 334 sqq.), un rappel qui allait lui coûter cher, car, cinq ans plus tard, en 362*, quand Athènes et Sparte

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entrérent en guerre contre les Thébains, ses fils furent eux aussi enrólés et l'un d'eux, Gryllos, perdit la vie. La mort de Gryllos provoqua des réactions de la part de nombreux rhéteurs qui adressèrent au père du jeune homme des compositions qui étaient des éloges ou des célébrations du disparu et, en méme temps, des consolations. Parmi ces rhéteurs, atteste Hermippe, se trouvait Isocrate (#+1 38). Le passage de Diogéne Laérce que nous avons cité se poursuit par ces mots: «En outre Hermippe, dans sa vie de Théophraste, affirme qu'Isocrate lui aussi rédigea un éloge de Gryllos ». Par ailleurs, l'expédition des Dix mille en Asie conduite par Xénophon était un des points de référence auxquels Isocrate avait recours pour démontrer la faiblesse de l'Empire

perse. Cf. 93 G. Mathieu, Les idées politiques d'Isocrate, Paris 1966, p. 62-63.

En somme l'événement douloureux donna à beaucoup l'occasion de démontrer leur habileté technique en autant de pièces de bravoure. Naturellement, se manifestait une fois de plus le contraste entre les différentes conceptions de la rhétorique, contraste d'autant plus violent que ces conceptions étaient éloignées l'une de l'autre, comme dans les écoles de Platon et d'Isocrate. Nous avons déjà parlé de la conception différente de la φιλοσοφία qui avait cours chez Isocrate et Aristote. Cf. plus haut, p. 396. Voir aussi 94 H.-1. Marrou, Histoire de l'éducation dans l'Antiquité, Paris 1948 = Storia dell'educazione antica, trad. ital., Roma 1950. p. 93-130, et 95 J. Bowen, A History of Western education, 1. The Ancient world, Orient and Mediterranean, 2000 B. C.-A. D. 1054, New York 1972 = Storia dell'educazione occidentale, trad. ital.,

Milano 1979,t. I, p. 111-130.

Platon avait longuement abordé la rhétorique de différents points de vue (cf. sur cette question Laurenti 12, p. 391-398), mais il ne l'avait jamais rejetée : à la différence toutefois d'Isocrate qui en voyait l'unique fonction dans la capacité de persuader, abstraction faite du sujet traité, Platon voulait seulement chercher à établir la condition qui la rende acceptable, c'est-à-dire la vérité, comme ἢ l'explique clairement dans le Phédre 277 b-c: « Tant qu'on ne connait pas la vérité sur le sujet à propos duquel on parle ou on écrit et qu'on n'est donc pas en mesure de le définir en lui-méme, et, l'ayant défini, tant qu'on n'a pas appris le moyen de le diviser en ses espéces aussi longtemps qu'il est divisible, tant que, par la suite, aprés l'analyse, fondée sur la méme méthode, de la nature de l'áme, on ne découvre pas pour chaque aspect de cette nature le type de discours qui lui est adapté, et que sur cela on ne construit pas et n'ordonne pas le discours, avec un style bariolé et comprenant tous les tons de l'harmonie pour une áme complexe et avec un style linéaire pour une âme simple, non, jusqu'à ce moment-là, on ne sera pas en mesure de traiter le genre oratoire dans les règles de l'art.» [οἱ est nettement envisagée la nécessité de saisir la vérité et de l'insérer dans un

discours approprié à l'àme. À cette conception de la rhétorique Aristote devait adresser des objections. Chercher la vérité est juste: mais peut-on toujours la trouver ? Lorsque, non par suite d'une intention malveillante, mais par la nature intrinséque des faits, par l'entrelacement compliqué des circonstances, la vérité ne peut être atteinte, n'y aura-t-il plus de belle rhétorique ? Et s'il n'y en a plus, on ne pourra plus agir, on ne pourra

plus parler ? En de pareils cas, le «sembler», le «vraisemblable»

acquièrent une signification nouvelle par rapport à celle que ces mots détiennent

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ARISTOTE DE STAGIRE

quand on les met en relation avec l'«étre». C'est sur ce point qu’Aristote fera porter sa critique. Une critique qui, comme on l'a dit, comprenait la réhabilitation du vraisemblable. Cf. 96 A. Russo, La filosofia della retorica in Platone, Napoli 1962, p. 12 sqq.

Aristote adressait une autre objection à Platon, lequel concevait le discours du rhéteur comme

un dialogue entre deux

hommes, ou plutót entre deux

ámes:

comment cela est-il possible, quand il y a d'une part un individu qui parle, de l'autre une foule qui écoute ? Comment le rhéteur pourrait-il attirer concrètement la multitude, si celui qui parle parle à tous et non à chacun en particulier? L'unique solution possible du probléme est que le rhéteur, tout en parlant à de nombreuses personnes, à de nombreuses ámes, les rassemble toutes ou la plus grande partie dans un type déterminé auquel il applique son discours. 97 A.E. Taylor, Plato, London 1908 = Platone, trad. ital., Firenze 1968, p. 490. Cf. aussi 98 KR. Hackforth, Plato's Phaedrus, Cambridge 1952, p. 151 sgq., et 99 G. Kennedy, The Art of Persuasion in Greece, London 1963, p. 79 sqq.

Il était nécessaire de faire ici aussi œuvre de systématisation. Ainsi en relation

avec la tridimensionalité du temps, Aristote divisera la rhétorique en judiciaire, épidictique, délibérative, chacune exigeant un discours approprié; il fournira à l'orateur comme instruments de preuve l'enthymème et l'exemple, et à de telles preuves il ajoutera en tant qu'instruments de persuasion

l'éthos et le pathos

(Rhétorique 1 3, 1358a36 sqq.). Vu sous cet angle, le Gryllos reprenait et développait la discussion platonicienne sur la rhétorique, mais en méme temps il continuait la polémique inaugurée par les maitres avec l'école d'Isocrate, polémique ensuite transmise à leurs disciples: il n'est pas fortuit que chez Diogene Laérce le titre de l’œuvre soit Περὶ ónropudic ἢ Γρύλλος α΄, ce qui montre que le thème discuté était la rhétorique.

Le Gryllos vit le jour vers les années 362-360 av. J.-C.: un tel écrit n'avait de sens que s'il était lié à l'événement qui l'avait provoqué, et la mort de Gryllos, comme on l’a dit, remonte à l'année 362*. C'était donc l'un des premiers ouvrages d' Aristote, sinon le premier. Dans cet écrit, comme c'est souvent le cas chez

cet auteur, la considération historique du sujet va de pair avec la considération théorique. C'est ce que confirme Quintilien, Inst. orat. II 17,

14 (= fr. 2 Ross):

« Aristoteles, ut solet, quaerendi gratia, quaedam subtilitatis suae argumenta excogitavit in Gryllo, sed idem et de arte rhetorica tres libros scripsit etc.» Ainsi dans le Gryllos Aristote a conçu contre la rhétorique des arguments caractéristiques de sa subtilité «par amour de la recherche », tandis qu'ensuite dans les trois livres de la Rhetorique il a exposé sa pensée authentique: «et dans le premier, continue Quintilien, non seulement il soutient que la rhétorique est un art, mais il lui assigne

une partie de la politique et de la dialectique...» Dans ce chapitre Quintilien recense les philosophes qui, comme Aristote (»*A 414), Critolaos (»*C 219),

Athénodore de Rhodes (»*A 495), Épicure (2+E 36), et d'autres, avaient nié que la rhétorique fût un art. Il n'est pas interdit de penser que certaines de leurs positions sont citées et recensées par Quintilien lui-méme dans la suite de son exposé

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et qu'à cette fin il s'est servi de l’œuvre la plus systématique sur la question, c'est-à-dire la Rhétorique d' Aristote, puisqu'il est trés improbable, sinon impossible, qu'il ait consulté le Gryllos. Les objections contre la conception de la rhétorique comme art que l'on peut retracer dans I’ Institution oratoire sont les suivantes: 1. Tous les arts ont une matière (habere materiam); la rhétorique n'en a pas

et n'est donc pas un art. 2. Aucun art n'admet d'opinions fausses, dans la mesure oü il ne peut exister sans la «vision perceptive» (quia constitui sine perceptione non potest) qui est

toujours vraie. Or, la rhétorique admet des opinions fausses, donc... Perceptio est l'équivalent latin du mot grec κατάληψις, un terme stoicien sur lequel Zénon s'était longuement arrêté : SVF I, p. 16-21. Quintilien l'utilise et l'adapte à la doctrine qu'il est en train d'exposer et qui,je le répète, concerne essentiellernent Aristote.

3. Tous les arts ont une fin bien précise (finem aliquem propositum): la rhétorique n'en a pas et parfois elle ne remplit pas ses promesses, donc... 4. La rhétorique a recours à des moyens illicites (viriis), puisqu'elle dit ce qui est faux et met en mouvement les affections (adfectus mover) ; or aucun art ne se

comporte de la sorte, donc... 5. Dans la discussion rhétorique on parle pour et contre une thése: on peut en conclure que la rhétorique est en opposition avec

elle-méme, se détruit elle-

même ; or aucun art n'est contraire à lui-même, aucun art ne se détruit lui-même, Dans la Rhetorique, surtout dans les première pages (sur toute cette question, voir Laurenti 12, t. I, p. 407-414), on reconnait l'écho de ces objections, méme si,

étant donné le caractére fondamentalement scientifique de l'ceuvre, elles étaient présentées sous une forme différente : elles reviennent à des clarifications, des précisions ou des compléments apportés à des positions déterminées. D'un autre cóté, à regarder les choses de prés, les objections trahissent toutes une origine académico-péripatéticienne. En effet, la première, la seconde (si on l'interprète correctement) et la troisième renvoient à des œuvres platoniciennes, en particulier au Gorgias, et par conséquent elles ne pouvaient pas ne pas étre connues d' Aristote ; la quatriéme et la cinquiéme constituent deux points essentiels de la pensée académico-péripatéticienne : il suffit de rappeler certaines observations de Socrate concernant la motio affectuum et certaines définitions de la « vertu » présentes dans les premiers dialogues platoniciens, lesquelles sont contraires l'une à l'autre. Pour la première objection, voir Platon, Gorgias 449 c sqq. Pour la seconde, le rapport opinio-perceptio, la première vraie et fausse, la seconde toujours vraie, reprend le couple platonicien

πίστις-ἐπιστήμη, qu'on trouve dans Gorg. 454 c sqq. Dans la Rhétorique | 1, 1355a24 sqq. Aristote soutient qu'avec certains hommes, un discours fondé sur la science la plus exacte n'a pas de valeur, tandis qu'en possède le discours qui tire ses preuves et ses raisonnements des notions communes. Pour la troisiérne, Platon trés souvent admet que la rhétorique n'a qu'une fin, qui est de persuader, fin à laquelle elle parvient par le moyen des discours, ψυχαγωγία τις

διὰ λόγων (Phédre 261 a): si l'on échange le moyen avec la fin, on comprend l'objection de Quintilien, laquelle peut être éclairée par Rhét. I 1, 1355 Ὁ 10 sqq.: «la fonction de la rhétorique

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n'est pas de persuader (τὸ πεῖσαι), mais de voir les moyens de persuasion relatifs à chaque objet, comme c'est le cas pour tous les autres arts : en réalité ce n'est pas la fonction de la méde-

cine de rendre la santé au malade, mais plutót d'avancer dans cette voie le plus possible...» Pour la quatrième, voir Apol. 34 c, où Socrate soutient que la motio affectuum ne convient pas à un homme véritable, même si le fait de présenter son fils au tribunal et de pleurer n'était pas considéré comme illégal. Pour la cinquième, il serait facile de renvoyer à l'un ou l’autre dialogue « aporétique » de Platon pour montrer l'extréme relativité du raisonnement philosophique et a fortiori du raisonnement rhétorique.

Si l'on accepte ce que nous venons de dire, il faut conclure que dans le Gryllos, la position qui niait à la rhétorique la nature d'un art était présentée quaerendi gratia et que d'une façon ou d'une autre devait lui être opposée la position inverse, à laquelle Aristote tenait personnellement et qui s'exprimait dans la Rhétorique. C'est en effet la position qu'ont soutenue plusieurs savants modernes. Cf. par exemple, 100 M. Lossau. « Der aristotelische Gryllos antilogisch », Philologus 118, 1974, p. 12-21.

Le Gryllos par conséquent était un dialogue qui tendait à démontrer une these, à savoir que la rhétorique est un art et, étant donné l’atmosphère surchauffée qui existait entre l' Académie et l'école d'Isocrate, on comprend l'importance revétue par cette publication aux yeux de son auteur. Ce fut en effet le Gryllos qui lui permit d'élaborer le premier cours sur la rhétorique. Cf. 101 AH. Chroust, « Aristotle's earliest "course of lectures" on Rhetoric », dans Chroust 11, t. I, p. 105 sqq. Ce fait rend problématique l'opinion soutenue par Gigon 9, selon laquelle le Gryllos attaquait le Gorgias de Platon, pour la défense duquel serait intervenu Speusippe avec son Πρὸς Γρύλλον (Diogène Laërce IV 4), comme une réplique au Gryllos. Tout d'abord, on ne voit pas pourquoi le rtpóc ne devrait pas signifier comme souvent «à» et par conséquent ce pouvait être un écrit dédié à Grylios. De plus: selon cette hypothèse Aristote aurait ignoré la véritable conception que Platon avait de la rhétorique et qui s'exprime également dans le Gorgias : là, en 521 d, Socrate déclare être l'un des rares Athéniens, sinon le seul, à pratiquer la science politique et à faire des discours «en visant ce qui est le meilleur, et non ce qui est agréable ». Voir également 508 c. Par conséquent, Platon ne rejetait pas la rhétorique fondée sur le vrai, mais l'autre qui recourait à des instruments indignes de l'art et de l'homme qui en fait usage.

Cela permet de comprendre que, plus ou moins à la méme époque, se situent des

œuvres qui traitaient de sujets semblables, par exemple les Topiques. Les Topiques, qui sont cités plus d'une fois dans la Rhétorique (cf. Wartelle 91, p. 421), étudient le syllogisme dialectique, lequel syllogisme est un raisonnement déductif

qui conclut ἐξ ἐνδόξων, c'est-à-dire à partir d'idées communément admises. La rhétorique a besoin elle aussi d'un procédé démonstratif qui est, on l'a vu, l’enthymerne, lequel se tire du vraisemblable et des signes: τὰ ἔνδοξα, τὸ £bxóc et τὸ πιθανόν ne diffèrent pas beaucoup entre eux, et, par conséquent, il y a peu de différence entre les argumentations qu'on en tire. NÉRINTHE Thémistius, le commentateur d' Aristote du IV* s. de notre ére, évoque (Orat.

295 c-d) un paysan célébré par le Stagirite «dans le dialogue corinthien ». « Cet homme, aprés s'étre un peu familiarisé avec mon travail ou, si l'on veut, mon passeternps, fit plus ou moins la méme expérience qu' Axiothéa la philosophe, Zénon de Citium et le

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paysan de Corinthe. Axiothéa (»+A 517), en effet, après avoir lu un des livres que Platon avait écrits sur la République, quitta l’Arcadie, se rendit à Athènes et fréquenta l'école de Platon, tenant longtemps cachée sa condition féminine, comme Achille chez Lycomède ; le paysan de Corinthe, aprés avoir fréquenté le Gorgías, non pas l'homme Gorgias, mais le dialogue que Platon avait écrit pour réfuter le sophiste, quitta immédiatement son champ et ses vignes, remit son äme à Platon et se mit à semer et à planter les doctrines de ce philosophe. C'est cet homme qu'Aristote célèbre dans son dialogue corinthien. Quant à l'expérience faite par Zénon, elle est bien connue et répétée par tout le monde, à savoir que l'Apologie de Socrate l'amena de Phénicie à la Stoa Poikilè ». Sur Axiothéa, cf. 102 M. Ellen Waithe (édit.), A History of Women philosophers, Dordrecht 1987, t. I, p. 205-206, et 103 R. Goulet, art. « Axiothéa de Phlionte », A 517, DPRA I, p. 690-691.

Plusieurs spécialistes voient dans ce dialogue le Nérinthe répertorié dans le catalogue de Diogéne Laérce (n? 6) et le catalogue anonyme (n? 6), quelle que soit l'explication que l'on propose pour le changement Corinthe-Nérinthe. Nérinthe

est probablement un nom propre, tandis que Corinthe pourrait indiquer ou bien ie lieu oà se déroulait le dialogue ou l'origine du paysan. Au centre de l'action était donc un paysan illuminé par la philosophie platonicienne: à la lecture du Gorgias de Platon, il laisse ses champs, la vie des champs et devient disciple de Platon; de la méme façon Axiothéa, ayant lu la République, quitte l’Arcadie et fréquente à Athènes l’Académie, tandis que Zénon, après avoir lu l’Apologie de Socrate,

fonde la Stoa. Le Gorgias avait frappé le paysan par sa recherche méticuleuse sur la justice, notamment sur la justice en rapport avec l'homme, et ce paysan s'était consacré à une philosophie fondée sur cette vertu avec le méme élan qui l'avait pendant un certain temps fait suivre d'autres doctrines, peut-être celle que soutenait tel maitre, éventuellement socratique, qui, dans le cadre d'une

polémique contre Platon,

avait mis la justice en relation avec le travail des champs. On ne peut pas ne pas rappeler le passage de Xénophon, Économique V | sqq.: «la terre, étant une divinité, enseigne elle aussi la justice à qui est en mesure de l'apprendre; elle récompense par de nombreux présents ceux qui nourrissent envers elle le plus

profond respect». L'hypothèse d'un éventuelrapport entre l'Économique et le Nérinthe pourrait aider à la datation de l'ouvrage, puisque |’ conomique de Xénophon remonte aux années 362-361. Cf. Delebecque 92, p. 363 sqq. Le Nérinthe n'en serait alors pas trop éloigné et, par suite, il serait contemporain du Gryllos qui concernait lui aussi la famille de Xénophon.

Par conséquent, la justice est en rapport avec la vie des champs et le paysan fait partie des personnages les plus justes de la société. Cette position, qui revient dans la Politique (par exemple I 8, 1256a 38-40 ; Économique I 2, 1343a25-26, etc.

mais ces passages n'établissent pas de rapport entre la campagne et la justice), apparaissait peut-étre simpliste à ceux qui voyaient la justice dans la réalisation de l'ordre entre les diverses parties de l'áme, abstraction faite du type particulier

d'existence auquel on s'adonnait. L'agriculture, à la limite, aidait à l'acquisition de la justice, mais elle ne la réalisait pas. En revanche, on soulignait toujours l'äoxnoiç par laquelle chaque partie de l'âme conservait la place qui lui est due. Si cela est vrai, on pourrait supposer que Xénophon apparaissait dans le dialogue, lui dont les liens avec Aristote sont suffisamment établis: pensons seulement au

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ARISTOTE DE STAGIRE

Gryllos. Mais il y a plus. On peut dégager des conclusions intéressantes d'une comparaison de leurs œuvres respectives, notamment en ce qui concerne les citations de Socrate chez Aristote. Il y en a une quarantaine en tout. Selon 104 A. E. Taylor, Varía Socratica, Oxford 1911, p. 57 sqq., plus de trente renvois peuvent

étre rapportés à Platon, mais huit sont indépendants de Platon; il est probable que certains d'entre eux sont liés à une œuvre de Xénophon. 105 S. Byl, Recherches sur les grands traités biologiques d'Aristote: sources écrites et préjugés, dans Académie Royale de Belgique, Mémoires de la Classe des Lettres, 2° série,

LXIV, Bruxelles 1980, p. 105-108, a découvert une douzaine de rapprochements entre les deux auteurs dans le domaine de la zoologie, d'autres rapprochements ont été établis. Cf. Laurenti 12, t. I, p. 446-448, où l'on a cherché à mettre en rapport Rhétorique 1 4, 1359 b 19 sqq. et Xénophon, Mémorables 111 6, et à démontrer que le premier passage dépend du second.

Le Gryllos suggère qu' Aristote non seulement connaissait Xénophon, qui était

rentré à Athènes avec l'amnistie signalée plus haut, mais qu'il avait suivi son activité littéraire et politique. Il n'y a par conséquent rien d'étrange à ce que l'homme à qui Aristote avait adressé un éloge de consolation, ait été ensuite introduit comme l'un des personnages d'un dialogue qui abordait des questions d'une certaine importance et correspondait en outre à l'esprit de la recherche d' Aristote, lequel est revenu plusieurs fois sur la question des formes de vie. Des paysans comme Nérinthe, il pouvait y en avoir au temps d'Aristote, comme i] y en eut plus tard à l'époque d'Horace et de Musonius. Ce qu'Aristote

tenait à signaler, avec Platon et avec Socrate, c'était la sagesse de l'oracle delphique, condensée dans le γνῶθι σαυτόν, qui, comme

on le lit dans un passage

conservé par Plutarque, Adv. Col. 20, 1118 c, fournit à Socrate le point de départ de sa remise en question et de sa recherche. Cela, Aristote le soutenait ἐν τοῖς IDarovtxoic, dans ses écrits platoniciens. Rose? 2, Walzer, Ross et d'autres ont pensé que le passage devait étre rapporté au De philosophia (fr. 1 Ross) et nous

l'avons nous aussi considéré comme un fragment de cet ouvrage. Je me demande cependant, s'agissant d'un théme si commun

chez Aristote, s'il ne pouvait pas

revenir dans plus d'un dialogue, comme c'est le cas pour d'autres sujets. Il serait alors possible de supposer que ce passage prenait place dans le Nerinthe. Ce dialogue, par conséquent, était une œuvre transparente dans sa structure qui exploitait l'aventure d'un paysan afin de reprendre le théme de la vie philosophique. Le bios philosophique ne se réalise pas au contact de la nature: quelle que soit sa beauté en elle-méme et la fascination qu'elle exerce, elle est bien peu de chose si on l'examine de pres. Pour apprécier le peu de considération que Platon a de la nature et des beautés de la nature, on peut voir comment dans le Symp. 210 a sqq. l'accès de l'âme au beau en soi fait abstraction

d'un quelconque passage à travers cette sorte de beautés, mais considere la beauté des corps (et de l'áme), des institutions et des lois, des sciences, jusqu'au moment oü on arrive à cetie beauté «dont, avant tout, l'existence est éternelle, qui ne naît ni ne meurt, ni ne croit ni ne décroit », c'est-à-dire à l'idée du beau.

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La nature excite les sens, comme la rhétorique telle que la plupart la conçoivent, mais elle ne sert à rien, car elle ne donne pas la vérité. La vie philosophique, continue Aristote, consiste dans une attitude de l’âme, une attitude informée par la vertu et la vertu ne peut se réaliser sans que l'on se connaisse soi-méme. On ne se trompe pas, par conséquent, en considérant le Nérinthe comme assez proche du Protreptique ; c'était lui aussi un écrit de propagande, composé par un néophyte, lequel fut frappé par un fait apparemment insignifiant, mais qui avait cependant trouvé d’impressionnantes résonances dans l'áme d' Aristote et qui avait acquis à ses yeux une grandiose dimension: celui qui voulait philosopher avait maintenant un autre exemple à imiter. LE SOPHISTE

Rhétorique et sophistique furent parmi les domaines de recherches que Platon

étudia le plus et que les académiciens abordérent le plus fréquemment. On a déjà parlé du Gryllos. C'est à peu prés vers la méme époque que dut voir le jour le Sophiste, une autre œuvre mentionnée dans les catalogues de Diogene Laërce (n? 7) et de l'Anonyme (n? 8), et sur laquelle nous ont été transmis quelques renseignements par Diogène Laérce et Sextus Empiricus. Il n'est que trop facile de le mettre en rapport avec le dialogue platonicien du méme nom, qui a une grande importance dans la derniére phase de la philosophie de Platon, surtout en ce qui concerne les genres suprêmes de l'être et la réalité du non-être. Étant donné la rareté des fragments qui nous sont parvenus, nous ne savons pas si Aristote reprenait ces problémes et les discutait sous différents angles. Il est certain que dans cet ouvrage étaient définis les inventeurs de la rhétorique et de la dialectique, respectivement Empédocle et Zénon. C'est ce qu'atteste Diogene Laérce VIII 57 (= fr. 1 Ross): «Aristote dans le Sophiste, dit qu'Empédocle le premier’ découvrit la rhétorique (ῥητορικὴν εὑρεῖν), Zénon [d'Élée] la dialectique ». Voir aussi IX 25. Sextus Empiricus, Adv. math. VII 6-7 (= fr. Ross), le rappelle avec d'importants détails: Empédocle donna le départ à la rhétorique (ῥητορικὴν κεκινηκέναι), le second fut l'initiateur (ἀρχηγός) de la dialectique, en tant que disciple de Parménide, qui ne fut pas sans connaitre la dialectique. Les deux informations témoignent de l'esprit critique qui animait l'Académie, dont l'activité scientifique se déployait dans les domaines variés du savoir, entre autres la question de l'£óperfic, c'est-à-dire de l'inventeur des divers arts, des diverses fagons de faire et d'agir, theme dont nous avons déjà parlé (cf. plus haut, p. 400 et p. 409). Aristote dans le Sophiste et de façon plus explicite dans ia Rhétorique III 1, 1404 a 24 sqq., tout comme Quintilien, /nst. orat. III 1, 8, qui dépend peut-être d' Aristote, rapporte l'"invention" de la rhétorique à Empédocle, dans la mesure où seuls les poètes pouvaient percevoir la puissance de la parole et par conséquent composer ce χόσμος ἐπέων qui, en caressant les oreilles, réussissait à captiver l'attention de l'auditeur. « Découvrir la rhétorique » ne signifie pas qu'avant Empédocle il n'y ait eu aucune tentative, füt-elle inconsciente, de bien parler — et une étude du pythagorisme démontre le contraire.

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ARISTOTE DE STAGIRE

Ce fut le mérite de A. Rostagni d'avoir reconstruit un chapitre intéressant de la rhétorique pythagoricienne à partir d'une scholie sur l'Odyssée. Cf. 106 A. Rostagni, Scritti minori,

Torino 1955, t. 1, p. 14 sqq. D'ailleurs que les Grecs aient cherché à bien parler, Homère déjà en est la preuve avec ses guerriers : c'était là un des piliers de l'areré héroïque. Cf. 107 W. Jaeger, Paideia. Die Formung des griechischen Menschen, Berlin 1934 = Paideia, trad. ital., Firenze

1946, t. I, p. 36 sqq.

« Découvrir la rhétorique» ne signifie pas qu'avec Empédocle la rhétorique ait atteint la perfection, mais qu'elle fit ses premiers pas: par là s'expliquent les déficiences et les lacunes qui furent par la suite éliminées. Et la formule ne signifie pas non plus qu' Empédocle ait systérnatisé la rhétorique en un corpus de règles, mais seulement qu'il examina avec beaucoup d'attention ce «langage », dont il ressentait pleinement, comme poète, la fascination. Il n'y a pas de contradiction non plus entre l'affirmation du Sophiste, selon laquelle Empédocle découvrit la rhétorique, et deux autres affirmations tirées de la Τεχνῶν συναγωγή. la première qui

parle de Tisias comme inventeur de l'art rhétorique (fr. 136 Rose?) et la seconde qui parle de Corax et Tisias comme responsables d'une systématisation des pré-

ceptes et des régles rhétoriques (fr. 137 Rose?). Sur Corax et Tisias, voir 108 J. Martin, Antike Rhetorik, München

1974, p. 52 sqq., et

109 Schmid-Stählin, Gesch. der gr. Literatur, München 1929, t. I, 1, p. 744.

En réalité, Corax et Tisias, en tant que contemporains d'Empédocle et originaires comme lui de Sicile, ont dû affronter des situations plus ou moins similaires, mais ils se limitèrent à des questions privées, c'est-à-dire à cette sphère de la rhétorique qui sera ensuite appelée judiciaire et, par conséquent, ils n'approfondirent pas le probléme de la langue en tant que tel. En outre, ils n'étaient pas poètes et par conséquent restérent sourds en face des questions que pose la parole: ils s'occupèrent de systématiser le discours dans le cadre d'un schéma susceptible de plaire à l’auditeur. Cette observation soustrait Aristote à la contradiction. Du reste, la citation de Diogene Laërce indique qu'Aristote voulait opposer Empédocle et Zénon, pour montrer que face à la méme réalité, la parole, l'un en avait compris la puissance persuasive, l'autre la puissance destructrice. Et Empédocle ressentit réellement cette puissance et il le montre dans ses œuvres de poésie et de prose. C'est pourquoi lorsqu' Aristote le définit comme inventeur de la rhétorique, il devait avoir présentes à l'esprit toutes ces œuvres, celles écrites en poésie que nous connaissons nous aussi encore partiellement (cf. plus haut, p. 389 et 110 M. R. Wright, Empedocles,

the extant fragments, Yale Univ. Press 1981, p. 17-21) et surtout

celles écrites en prose qu'Empédocle composa en raison de son activité politique et médicale, largement attestée, qui amenérent plusieurs siècles plus tard Satyros à le mentionner encore comme un médecin et un orateur illustre. Ce n'est pas sans raison que i'Agrigentin est parmi les auteurs présocratiques les plus souvent cités

par Aristote (cf. Bonitz 53, 241a51-242a58, et 111J. Bollack, Empédocle, Paris 1965, t. I, p. 43 sqg.): cela montre l'importance dont il jouissait aux yeux d' Aristote, non seulement dans le domaine de la pensée, mais aussi dans celui de la parole. L’ensoleillement de la terre sicilienne oü il était né, la puissance de la fantaisie, capable d'animer les choses du méme souffle de vie, explique la richesse

DIALOGUES

423

passionnée du langage d'Empédocle qui recourt à de nombreuses figures de rhétorique, en premier lieu à la métaphore, à l'allitération, à l’assonance, à la paré-

chése, à l'homéotéleute, à l'antithése, etc., qui trouveront ensuite en Gorgias un propagateur enthousiaste — et Gorgias fut le disciple le plus connu d'Empédocle, comme Isocrate le fut de Gorgias (Quintilien, Inst. orat. II 1, 13 = fr. 3 Ross). On trouvera une étude du style d'Empédocie dans 112 A. Traglia, Studi sulla lingua di

Empedocle, Bari 1952.

Sur ce point l'affirmation d’Aristote est donc acceptable, comme l'est aussi l’autre à propos de Zénon qui aurait donné l’impulsion à la constitution de la dialectique. Rhétorique et dialectique sont souvent présentées ensemble. La Rhétorique 1 1, 1354a 1 sqq. commence par enseigner que la rhétorique est 1 ἀντίotpodoc, c'est-à-dire l'analogue, la contre-partie de la dialectique. Cela signifie qu'elles ont entre elles des points de convergence et de divergence. Pour la comparaison entre rhétorique et dialectique, voir Alexandre d'Aphrodise, ín Top., p. 3, 25-5, 16 Wallies.

Les points de convergence sont les suivants: a) ni l'une ni l'autre discipline n'ont

un champ propre d'investigation comme les sciences du type de la mathématique ou de la géométrie, dans la mesure oü elles peuvent discuter ou plaider sur

n'importe quelle question: οὔτε γὰρ Ev τι γένος τὸ ὑποκείμενον αὐτῶν ἑκατέρᾳ....; b) en conséquence, les preuves auxquelles elles font appel ne s’accom-

plissent pas à travers les principes propres à chaque science particulière, διὰ τῶν οἰκείων, mais bien διὰ κοινῶν xal ἐνδόξων, c'est-à-dire à travers les opinions, les positions que l'on tient habituellement sur le sujet; c) l'une et l'autre conciuent

à l'affirmation et à la négation de la méme position, εἰς τὰ ἀντικείμενα, démontrant que la méme chose est tantót belle, tantót non belle, tantót utile, tantót non utile, tantót juste, tantót non juste. La plus grande différence réside dans la fagon de procéder: tandis que la dialectique procéde par demandes et réponses, la rhétorique fait appel à un exposé continu. Ainsi peut-on comprendre la définition qu'Aristote donne de la dialectique (Topiques I 1, 100a18-21; cf. 1131. Brunschwig

[édit.], Aristote, Topiques livres I-IV,

Paris

1967,

p. 113-114):

«Une méthode par laquelle nous pouvons discuter sur n'importe quel probléme, en partant de prémisses fondées sur l'opinion, et évitons de dire des choses contraires entre elles quand personnellement nous soutenons un argument». La méme définition se dégage de la fin des Réfutations sophistiques (183a37— 183b6). Dialectique dérive de διαλέγεσθαι (cf. 114 H. Schmidt, Synonymik der gr. Sprache, Leipzig 1879, 157, p. 102 sqq., et 115 L. Sichirollo, Dialettica, Milano

1973, p. 13 sqq.), un verbe qui se trouve déjà chez Homère et revient chez Sappho et Archiloque. Le préfixe δια met en évidence le fait que le discours est réparti entre plusieurs personnes, qui toutes ont droit de parler et, en méme temps, l'engagement, l'effort, la compétition qui sont attendus de tous; en réalité,

l'une des causes de l'apparition de la dialectique, comme de la rhétorique, est l'esprit de compétition, un phénomène trés complexe du monde humain en géné-

ral et du monde grec en particulier, alimenté par des exigences multiples, dont

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ARISTOTE DE STAGIRE

celles de caractere religieux ne sont pas les moins importantes. Et la dialectique n'a pas oublié ses origines. Le terme διαλεκτική apparaît pour la première fois chez Platon et on sait comment, chez lui puis chez Aristote, il a acquis une trés riche signification. Cf. 116 W. Müri, « Das Wort Dialektik bei Platon», MH 1, 1944, p. 152-168.

Mais en quel sens peut-on dire que Zénon fut inventeur de la dialectique? Pour comprendre la signification de l'expression, il faut partir de la position de Parménide, qui avait parlé d'un monde de la vérité et d'un monde de l'opinion, l'un étant le domaine de l'étre, l'autre celui de l'apparence. Il est possible que, comme le prétend Sextus Empiricus dans le fragment cité (fr. 1 Ross), Parménide ait donné la preuve de son habileté dialectique: sa facon de penser, fondée sur la contrariété, pouvait amener à ébaucher de fois en fois, en référence à chacun des membres de l'alternative elle-méme, des raisonnements dialectiques (cf. 117 Zeller-Mondolfo, La filosofia dei Greci, a cura di G. Reale, III, p. 244 sqq.). Il est certain en tout cas que Zénon a donné à ces raisonnements une plus grande consistance. Le Parménide de Platon (128 c) définit clairement son attitude: pour venir en aide au Maître (ἔστι δὲ τό γε ἀληθὲς βοήθειά τις ταῦτα [scil. l'écrit

de Zénon]), il avait accepté la position de l'opinion et en avait démontré les contradictions. Le Maitre avait affirmé le est et était arrivé à nier la multiplicité des êtres ; Zénon démontrera comment, en admettant l'opinion commune de la multiplicité des étres, on parvenait à des conclusions contradictoires. Simplicius, in Phys., p. 139, 5 (z DK 29 B 2), introduit les arguments de Zénon par ces mots: « Dans son ouvrage qui aborde de nombreux arguments Zénon démontre, cas par cas, que celui qui affirme l'existence de la pluralité est amené à tenir des propositions contradictoires ». C'est la forme de raisonnement connue comme reductio ad absurdum: si A est, il s'ensuit B et non-B; or cela est impossible; donc A l'est également. Les rares fragments qui nous sont parvenus de ce philosophe suivent ce procédé d'argumentation. Ainsi, si les étres sont multiples, ils seraient petits et grands, petits jusqu'à ne pas avoir de grandeur, grands jusqu'à étre infinis (B 2);

si les étres sont multiples, ils seront finis et infinis (B 3). Ainsi de suite. Zénon par conséquent acceptait la position de son interlocuteur et en tirait des déductions contradictoires, démontrant par là méme l'irrationalité de la position admise au point de départ. Sa dialectique correspondait plus exactement à l'antilogique (cf. Müri 116, p. 165-168) plutót qu'à la dialectique platonicienne, mais en tant que procédé formel visant à saisir le caractére contradictoire d'une thèse donnée, «elle se retrouve dans la dialectique aristotélicienne» (cf. 118 M. Untersteiner [édit.], Zenone, Testimonianze e frammenti, Firenze 1963, p. 8-9).

Pour cette raison, Zénon pouvait être défini comme le pere de la dialectique et étre rapproché d'Empédocle, le pére de la rhétorique. Sur ces diverses questions, voir les actes du Colloque international tenu à Marina d'Ascea:

1183 La Scuola Eleatica, coll. «La Parola del Passato » 43, Napoli 1988.

DIALOGUES

425

EROTIQUE ἜἘρωτικός,

du verbe ἐράω, «j'aime, je suis amoureux ». Le

suffixe -xoç,

comme on l'a vu (cf. plus haut, p. 33), indique la propension, l'inclination vers quelqu'un ou quelque chose, dans le cas présent l'amour, l'eros, cet eros paidikos, sentiment souverain dans le monde grec déjà chez Homère, lequel exalte dans l'/liade le couple Achille-Patrocle ; et s'il met en évidence la force d'Achille,

la violence, indissociable d'élans d'humanité propres au primitif, d'un autre cóté i met en lumière la bonté et la douceur d'áme qui le rendent cher aux hommes et aux dieux. En ce qui concerne Patrocle, cf. l'interprétation donnée par 119 S. Weil, «L’/liade ou le poème de la force » [Cahiers du Sud, déc. 1940-janv. 1941], Œuvres complètes, tome II, vol. 3, textes établis, présentés et annotés par Simone Fraisse, Paris 1989, p. 227-253, notamment 244. Sur l'eros paidikos, cf. 120 C. Diano, «L'eros greco», dans Saggessa e poetiche degli antichi, Vicenza 1968, p. 167-184, et 121 C. Calame (édit.), L'Amore in Grecia, Bari 1983, p. IX-

XXXVII. Généralement ἐρωτικός qualifie λόγος: il s'agit alors du discours d'amour que l'amant adresse à l'aimé. En tant que tel, il comprenait une partie laudative, dans laquelle étaient célébrées les qualités de l'aimé, suivie par une seconde partie, protreptique, dans laquelle était exposé ce que l'amant entendait faire de l'aimé, quels bienfaits il entendait lui offrir. Les deux parties n'étaient pas toujours nettement distinctes et cependant elles ne sont absentes ni des discours érotiques introduits dans le Phèdre de Platon, ni dans 1᾿ Érotique de Démosthène ; probablement étaient-elles présentes dans l'écrit du méme nom d' Aristote. En effet, Aristote a écrit plusieurs ouvrages sur l'eros, puisque les catalogues signalent un 'Epwrixög (D.L. n° 9; Anon. n? 12), dont il faut distinguer des Géoeiç Epwrixal en quatre livres (D. L. n? 71), questions relatives à l'amour, auxquelles fait peut-étre référence Athénée XV, 674 b (ἐν δευτέρῳ ἐρωτικῶν), et d'autres ouvrages. Confondre Ἐρωτικός et ἐρωτικά serait une grave erreur: le contenu du second ouvrage n'était pas différent des problèmes relatifs à l'amour dont on possède plusieurs exemples dans les Problèmes ; de l'autre ouvrage, nous ne possédons aucun fragment sûr, méme si Athénée et Plutarque font référence à cet ouvrage, à ce qu'il semble — et c'est à bon droit que les rares passages transmis par ces auteurs sont rapportés par Rose? et Ross à l'Érotique. En tout cas, il est impossible d'en reconstruire la structure, tandis qu'il n'est pas impossible de reconstruire

la pensée d' Aristote qui le sous-tend. L'eros paidikos, comme tout autre eros, a son origine dans le besoin de quelque chose ou de quelqu'un d'absent et pour cette raison il produit perturbation et joie: il s'abaisse ou s'éléve selon qu'il écoute les sens ou la raison. Décisive est la remarque d'E. E. VII 12, 1245 a 24 sqq., où eros est rapporté à φιλία: «pour cette raison encore l'amour semble quelque chose de comparable à l'amitié: celui qui aime, en effet, a besoin de rester avec l'autre, non cependant comme

réelle-

ment il le faut, mais selon la sensation» (ἀλλ᾽ οὐχ fj μάλιστα δεῖ, ἀλλὰ κατ’ αἴσθησιν). Rester ensemble, τὸ συζῆν, représente la fin ultime de l'eros et le couronnement de l'"existence érotique", quand elle se passe comme il faut.

426

ARISTOTE DE STAGIRE

L'allusion à Platon est claire: Platon aussi s'était fondé sur τὸ συζῆν des amants

pour donner l'élan à l'initiation amoureuse (cf. Symp. 210 a sqq.). Une telle initiation doit étre accomplie comme il faut: ceci implique que celui qui conduit vers le bien, c'est-à-dire l'amant, et celui qui est conduit vers le bien, c'est-à-dire l'aimé,

agissent correctement (ὀρθῶς) — et l'adverbe est répété plus d'une fois dans le passage cité. Par conséquent, la montée vers le beau doit obéir à des conditions déterminées, de méme τὸ συζῆν des amants. L'ópOóc platonicien transparait dans la formule f) μάλιστα δεῖ d’Aristote. La précision est justifiée par le fait qu'en général un tel συζῆν était conçu et survenait de façon toute autre que comme il devait advenir pour être correct — et en effet il survenait κατ᾽ alo@notv. Ce n'est que dans la forme proposée par Aristote qu'il pouvait avoir comme résultat cette compagnie vraie qui, en tant que fondée sur l'uniformité du caractère, était parfaite. Pour cette raison, l'eros dans sa valeur la plus haute, aboutissait à l'amitié parfaite et correspondait non pas à l'amitié fondée sur l'utile ou sur le plaisir, mais sur celle qui se réalise en vue du bien: «Ceux qui aiment à cause de l’utile ressentent de l'affection à cause du bien qu'ils en tirent et ceux qui aiment à cause du plaisir, ressentent de l'affection à cause du plaisir qu'ils en tirent et non pas en tant que la personne aimée est ce qu'elle est, mais en tant

qu'elle est utile et source de plaisir. De telles amitiés sont accidentelles (κατὰ συμδεδηκός)» (E. N. VIII 3, 1156a 14-17; cf. 122 F. Dirlmeier [édit.], Aristoteles, Nikomachische Ethik, übers. und komment. von F. D., Darmstadt, 8* éd.,

1983, p. 173). « Parfaite est l'amitié des hommes de bien et de ceux qui sont semblables dans la vertu» (E. N. VIII 4, 11565 7-8). Cet eros reprenait les différentes formes d'amour qui se retrouvaient dans le monde grec. Cf. 123 C. M. Bowra, L'esperienza greca, trad. ital., Milano 1973, p. 227 sqq. La formule de l'E.N. justifie l'interprétation de κατ᾽ αἴσθησιν, comme signifiant au niveau sensuel: cf. 124 V. Décarie (édit.), Aristote, Éthique à Eudeme, Paris 1984. p. 198. contre l'avis de Gauthier et Jolif.

On ne peut pas ne pas reconnaitre le disciple de Platon dans cette tentative pour libérer l’eros de l'utile et du plaisir afin de le situer sur le plan plus élevé du bien, en en faisant un amour du bien; on ne peut pas nier non plus que le désir de la perfection qui envahit le premier mobile et tout ce qu'il embrasse, reprend, bien que sous un angle différent, le désir de l'éternel que Platon avait découvert dans l’âme humaine et qui se réalise à des niveaux différents avec et dans l'amour. En somme, Aristote a ressenti l'importance de l'eros dans une société comme la société grecque, mais il a pergu également la nécessité que les rapports amantaimé fussent sous le signe de 1᾿ αἰδώς - c'est ce que souligne Athénée 564 b (= fr. 1 Ross): «Et Aristote disait que les amants ne doivent regarder aucune autre partie du corps de l'aimé que les yeux, car c'est là que réside la pudeur» (£v οἷς τὴν αἰδὼ κατοικεῖν). Le rachat que pouvait opérer 1᾿ αἰδώς, en tant que principe régulateur de l'eros, était dà à plusieurs motifs, parmi lesquels figuraient les violentes attaques soulevées contre lui dans le milieu scolastique — attaques qu' Aristote devait faire siennes.

DIALOGUES

427

On n’oubliera pas Platon, Lois VIII, 837 a-e: cette page met en évidence le caractère

indispensable d'un amour chaste entre les amants, en tant qu'amourde l'âme et de la vertu « qui désire que le jeune aimé devienne autant que possible meilleur». De là vient la fonction d'Éros

éducateur : cf. 125 J. Stenzel, Platone educatore, trad. ital., Bari 1974, p. 193-245.

On ne doit cependant pas oublier la revalorisation de la famille qu' Aristote avait tentée d'opérer, c'est-à-dire de l'union entre l'homme et la femme, cette χοινωvia premiere sur laquelle se fonde la société et qui, par rebondissement, avait mis en situation de crise les autres rapports. Aristote avait de facon intéressante mis en évidence le caractére naturel du rapport entre l'homme et la femme: cf. Polit. 1 1, 1252a26 sqq., Écon. I 3, 1343b7 sqq. Voir également 126 R. Flaceliére, L'amour en Grèce, Paris 1960, p. 174-178, et pour l'importance du mariage méme à l'époque de Platon et de Socrate : 127 K.J. Dover, «Il comportamento sessuale dei Greci in età classica », dans Calame 121, surtout p. 18-20.

La brève allusion que le fr. 1 consacre à 1᾿ αἰδώς indique clairement le caractère du petit ouvrage, tout à fait conforme à l'allure générale du Corpus. Le fr. 2 mentionne un des couples d'amants les plus célébres du monde grec, celui d’Héraclès et de Iolaos, sur la tombe duquel, d’après Plutarque, encore au temps d' Aristote, les amoureux venaient se jurer fidélité. Le fragment est rapporté en termes plus ou moins identiques dans la Vie de Pélopidas 18, 4, et dans Amat. 761 d-e. Voici la version de la Vie de Pélopidas: «On dit aussi qu'Iolaos, aimé d'Héraclés, partageait ses travaux et combattait à ses côtés. Et Aristote rapporte que, de son temps encore, les aimés et les amants se prétaient serment de fidélité sur le tombeau d'lolaos »

(trad. Flaceli&re et Chambry).

Le fr. 3 enfin (Plutarque, Arat. 760 e-761 b) met en relief la force qu'Éros inspire chez l'amoureux, au point qu'il n'a pas besoin d'Arés pour combattre : la preuve en est l'anecdote de Cléomaque et de son bien-aimé, anecdote qu' Aristote accepte, méme si, comme d'habitude, il tente d'établir la vérité historique, du fait que l'identité des personnages était fausse. Ces fragments sont trop peu nombreux pour permettre la reconstruction d'un dialogue qui aurait jeté beaucoup de lumiere sur ce chapitre encore trés discuté de l'eros paidikos, mais ils suffisent, du moins le premier, à préciser le nouvel horizon sur lequel l'eros allait se situer, puisqu'il était en vérité une force dynamique de la société grecque. SYMPOSIUM

Dans le monde grec le symposium représente l'une des formes les plus significatives de la vie communautaire: c'est ce qui explique les nombreux écrits qui en ont accompagné le développement, en ont illustré les divers moments, en ont justifié les parties. Sur le symposium dans te monde grec, cf. 128 M. Vena, Poesia e simposio nella Grecia antica. Guida storica e critica, Bari 1983.

Comme le Maitre, Aristote a écrit lui aussi un Symposium (Diogene Laërce, n° 10; catalogue anonyme, n° 19, par suite d'une correction proposée par Rose pour un συλλογισμῶν difficilement compréhensible), dont nous possédons un nombre suffisant de fragments, distribués en deux grands groupes: scientifiques et historiques.

428

ARISTOTE DE STAGIRE

Plusieurs de ces fragments traitent de sujets scientifiques, car plusieurs discipli-

nes s'intéressaient au symposium et, en particulier, à ce qu'on y consommait, aliments et boissons, à leurs propriétés bonnes et mauvaises, à la facon de les utiliser, etc. D'où les thèmes les plus variés: — la saveur de la figue et son pouvoir digestif, au point qu'on

l'appelait

l'antidote de tous les poisons (Ps.-Julien, Epist. 391 b-c = fr. 6 Ross);

— la différence entre l'ivresse produite par le vin et l'ivresse produite par la bière (Athénée 447 a-b et 34 b = fr. 7 Ross); Le second passage d' Athénée se tombe la face vers l'avant, celui qui a alourdit la tête, la bière étourdit ». Le mais la ressemblance avec le passage attribution.

lit comme suit : « Aristote dit que celui qui s'enivre de vin bu de la biére tombe sur le dos: cela vient de ce que le vin titre de l'ouvrage d'où le passage est tiré n'est pas indiqué, précédent qui fournit le titre ne laisse pas de doute sur cette

— les réactions diverses des hommes et des animaux au vin (Athénée 429 c-d et Plutarque, Quaest. conv. 650 a = fr. 8-9 Ross);

— la force du vin "samagorien", dont trois cotyles mélangés à de l'eau réussissent à enivrer plus de quarante personnes (Athénée 429 f = fr. 10 Ross). En ce qui concerne le vin "samagorien", certains, en lisant σαμαγοραῖον plutôt que oapayöpeıov, veulent le faire provenir des marchés de Samos. D'autres pensent au vin de

Maronée, « Homero [cf. Od. IX 209] celebratum, cuius una pars cum viginti aquae partibus miscebatur » (Schweighäuser, Animadversiones in Athen. Deipnos., Argentorati 1804, t V,

p. 401-402).

- les gobelets de Rhodes qui contenaient le vin infusé dans de la myrrhe, dans du jonc parfumé, avec d'autres herbes, de façon à limiter ses vertus enivrantes (Athénée 464 c-d = fr.

1 Ross);

— les caractéristiques du vin;le vin froid (Plutarque, Quaest. conv. 651b — 652a = fr. 12 Ross).

C'étaient là des questions que l'on ne dédaignait pas d'aborder à un symposium tel que pouvait l'imaginer Aristote et tel que le reprendra Épicure, un symposium fort différent du symposium platonicien, concentré sur une seule question métaphysique comme celle de l'eros. Si l'on comprend comment dans la démocratie athénienne du IV* s. av. J.-C. une telle question pouvait étre abordée dans le cadre d'un symposium, füt-il trés particulier, on comprend comment quelques décennies plus tard des questions de ce genre furent réservées à d'autres lieux et comment le symposium s'est adapté pour accueillir des discussions plus scientifiques, plus utiles peut-étre en apparence, mais beaucoup plus limitées sur le plan philosophique. Sur le symposium épicurien, cf. 129 G. Arrighetti (édit.), Epicuro, Opere, Torino 1960, p. 181-183. Dans l'une des parties du dialogue figurait une discussion entre Épicure et son disciple Polyen sur le pouvoir calorifique du vin. Dans le symposium platonicien, on ne cherchait ni l'ivresse ni le son ni les chants des flûtistes (Symp. 176 e). Il en va de méme du symposium de Xénophon III 2 sqq. En ce qui concerne la tradition des banquets, cf. 130 G. Calogero (édit.), 1! Simposio di Platone, Bari 1928, introduction, p. 6 sqq.

DIALOGUES

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Par conséquent, à ce propos encore il faut rappeler ce que nous avons dit de l'évolution du dialogue: une évolution semblable s'est produite dans le cas du symposium, dans lequel la discussion s'est adaptée à la nouvelle conception qui s'est imposée, ce qui fait que de nombreuses questions qui étaient abordées à cet endroit rappellent celles que l'on rencontre dans les Problèmes. A ce sujet, je pense qu'on peut rattacher au dialogue aristotélicien le passage de Plutarque, Non

posse suaviter vivi sec. Epicurum 13, 1095 e, que n'ont pas pris en considération Heitz 15, p. 44 (qui y voyait un fragment des Questions homériques) et Ross, mais qui est retenu par Rose? et par Gigon. Voici le texte: «Que dis-tu, Épicure ? Tu te rends de bonne heure au théâtre pour écouter des citharèdes et des aulètes, tandis que si Théophraste dans le Symposium discute de l'harmonie des sons, Aristoxéne de leur changements,

Aristote d'Homére,

tu te boucherais les oreilles

avec les mains, en un geste d'indignation et de dégoüt ?» On a beaucoup discuté sur ce fragment. Je pense avoir montré (Laurenti 12, t. IL, p. 599-604) que l'expression ἐν δὲ συμποσίῳ fait référence à une œuvre, non pas à la réunion d'amis occupés à boire et par conséquent l'expression signifie «dans un écrit intitulé Symposium » et non «dans le cours d'un symposium ». Il est trés probable qu'il s'agissait du Symposium d' Aristote, auquel participaient, outre l'auteur, Aristoxéne et Théophraste, deux de ses amis et condisciples, lesquels discutaient de sujets qui leur étaient particuliérement agréables. C'est la méme atmosphére qui domine dans l'autre série de fragments, les fragments historiques. On y étudie les régles du symposium, comment il devait se tenir, comment il fallait boire: on y évoque ensuite des personnages exceptionnellement doués pour supporter la faim et la soif. Cf. les fr. 1-5, tirés, en grande partie, d' Athénée et de Plutarque. Parmi les personnages évoqués figurait Magon de Carthage, lequel avait traversé trois fois le désert en mangeant du pain sec et sans boire (Athénée, epit. 44 d = fr. 4 Ross).

Intéressant entre tous est le fr. 3 qui explique, dans un excursus historique, le caractère sacré de l'acte de boire (Philon, De plantatione 141 sqq.. cf. 131 1 Pouilloux

[édit.], Philon,

Sur la plantation,

Paris

1963, p. 98 sqq.): «(Les

Anciens) commengaient avant toute chose par faire des prières, par offrir des sacrifices et implorer la divinité, aprés avoir purifié le corps et l'âme, le corps par des ablutions, l’âme par les ondes des lois et de la droite éducation, puis, sereins et joyeux, ils s'adonnaient à un certain délassement et souvent ne retournaient pas à la maison mais restaient dans les sanctuaires où ils avaient sacrifié, afin que dans le

souvenir des sacrifices et le respect pour le lieu, ils célébrassent une fête vraiment sacrée, sans commettre aucune

faute en parole ou en acte. Et c'est à cause de

cela, dit-on, que fut inventé le verbe μεθύειν, s'enivrer, parce que c'était la coutume chez les Anciens de boire après le sacrifice: μετὰ τὸ θύειν.» L'étymologie qui évidemment n'est pas scientifique, mais appuie la position théorique d'Aristote, explique comment le fait de s'enivrer suppose le sacrifice: pour cette raison, bien loin d'étre une action répréhensible, c'était pour les Anciens quelque chose de beau et de saint. Et puisque le μεθύειν tenait une position centrale dans

430

ARISTOTE DE STAGIRE

la recherche, il n'est pas illogique de penser que le titre véritable de l'ouvrage était Symposium ou Sur l'ivresse: Συμπόσιον f) περὶ μέθης. Celui qui lit le Banquet de Platon après avoir lu celui de Xénophon ne peut pas ne pas remarquer la différence qui les oppose. On pourrait dire quelque chose

d'analogue à propos des deux écrits d' Aristote et de Platon. On respire, dans l'un et dans l'autre, une atmosphére différente qui les justifie et les rend intéressants. On note principalement dans l'ouvrage d' Aristote le lien avec l’école. C'était en effet un symposium silencieux, affecté, austère, privé de la joie du vin, du rire, des plaisanteries, le prolongement des discussions déjà commencées entre les murs de l'école, avec le méme sérieux, la méme réserve. Ce symposium était en outre dominé par une profonde religiosité: les actes les plus communs de la vie humaine, le boire, le manger, la distraction, étaient rapportés à des rites sacrés. De là vient le caractére indispensable reconnu à la recherche historique charpée d'enregistrer l'importance du « sacré » surtout dans les premiers pas de la civilisation. Cf. Métaphysique 1 1, 983 b29 et, pour la distinction entre cosmologie théologique et naturaliste, Métaphysique III (B) 4, 10009 sqq.

Cette observation est importante, puisqu'elle permet de rapprocher notre écrit d'autres ouvrages où l'on constate de méme la présence de la recherche reli-

gieuse, par exemple le De oratione et le De philosophia. Avec son allure caractéristique l’œuvre d'Aristote pouvait garder une place originale dans l'abondante littérature des banquets et constituer un point de référence pour tous ceux qui allaient reprendre le therne. SUR LA RICHESSE

Chez Homère déjà (cf. 132 G. Barbieri, « Le dottrine economiche nell’antichità classica», dans U. A. Padovani [édit.], Grande Antologia Filosofica, Milano 1954, t. II, p. 815 sqq.), la richesse avait constitué le théme de réflexions passion-

nées, dans la mesure oü elle servait à distinguer les conditions sociales. Ces réflexions devinrent toujours plus fréquentes et complexes et elles firent l’objet de discussions au fur et à mesure que l'économie, en devenant la compétence de certaines familles, s'articulait plus fermement et qu'on en approfondissait la portée dans le domaine religieux et éthique. Tous ces problémes qui relevaient de différents niveaux confluèrent dans la paideia des sophistes qui, en exploitant tout ce qui avait été dit d'important et de valable précédemment, en particulier certaines intuitions de poétes aristocratiques comme Théognis de Mégare et de législateurs démocrates comme Solon et d'autres, refondirent le tout dans leurs écrits, les-

quels furent repris par Socrate et ses disciples Antisthéne (&*A 211), Aristippe (»+A 356) et Eschine (»*A 71). On se souviendra des paroles de Protagoras à Socrate et à Hippocrate dans le Protagoras 318 e: «...en revanche, s'il vient auprès de moi, il n'apprendra rien d'autre que ce qu'il vient pour apprendre. Or, l'objet de mon enseignement, c'est le bon conseil touchant les affaires qui

le concernent proprement (εὐδουλία περὶ τῶν obx(ov) : savoir comment administrer au mieux les affaires de sa maison à lui, et, pour ce qui est des affaires de l'État, savoir comment y avoir le plus de puissance, et par l'action, et par la parole » (trad. L. Robin). Sur la paideia des sophistes en général, voir Bowen 95, t. 1, p. 87-110.

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431

Ces disciples de Socrate élaboreront sur ce sujet des vues qui connaitront un ample développement dans l’Académie et dans le Péripatos, puis seront systématisées dans le stoicisme, l'épicurisme et la diatribe populaire. Cf. l'étude toujours valable de 133 A. Rausch, « Über die ethische Wertschätzung der

εὐγένεια und des πλοῦτος bei den Sokratikern und Peripatetikern », PAM 20, 1884, p. 449 sqq.

Dans ces écrits on rencontre des problérnes d'une certaine importance: la fonction de la richesse dans l'économie domestique, c'est-à-dire dans l'organisation correcte d'une maison, soit en ce qui concerne l'importance de la richesse possédée, soit en ce qui concerne son usage ; la distinction entre richesse naturelle et non naturelle; le rapport homme-richesse et en particulier, homme de bien — bon "chrématiste" ; enfin la tentative pour définir les vices et les vertus qui se rapportent à la richesse, avarice, prodigalité, magnificence, etc. On y rencontre également un nouvel art, la chrématistique, la techne pour se procurer des objets, de l'argent, des richesses nécessaires à la vie domestique. Pour se faire une idée de ces écrits, il faut lire Économique de Xénophon, certains chapitres du Corpus Platonicum, le premier livre de la Politique d' Aristote, l' Économique attribuée à Aristote, etc. Savoir si la richesse est un bien est une question qui revient dans plus d'un dialogue platonicien: Prot. 341 b; Euthyd. 280 b; Lois 1 631 c, etc. Cf. également le dialogue pseudo-platonicien Eryxias, consacré, en bonne partie, au méme sujet.

Étant donné l'importance éthique du probléme, Aristote, pour le résoudre, ne pouvait pas ne pas le rapporter au principe général du μέσον, lequel, défini par Platon, dominait sa conception morale. A la lumiere de ce principe il examina l'attitude de l'homme vis-à-vis de la richesse, comme on le constate dans différents chapitres du Corpus et comme il l'avait déjà fait dans le Περὶ πλούτου, une œuvre citée dans les catalogues (Diogéne Laërce n° 11; Anonyme n° 7) dont

nous ne possédons que trois fragments. Dans le premier, emprunté à Plutarque, Vie de Pélopidas 3, 1, on critique la foule (oi πολλοί) qui est incapable de se servir de la richesse, puisque les uns par pingrerie ne l'utilisent pas (διὰ μικρολογίαν), les autres en abusent par prodigalité (δι᾿ ἀσωτίαν), si bien que ces derniers passent leur vie en étant esclaves des plaisirs (ἡδοναί), — et la vie hédonistique, au sens péjoratif, est digne de l'animal, non de l'homme -

les autres des affaires, de l'activité convulsive, frénétique, de

᾿Ι᾿ ἀσχολία, qui est absence de σχολή, de paix, de tranquillité, d'otium. Par conséquent pingrerie, ladrerie, avarice, avidité d'un cóté, prodigalité, profusion, gaspillage, dilapidation de l'autre sont les deux vices qui par excès ou par défaut bouleversent la vie des hommes, en ce qui concerne la richesse, de tous les hommes,

puisque, c'est un fait, les exceptions sont des plus rares. Ce n'est pas par hasard que les mêmes «types » : le pingre, l'avare, le vantard, etc., apparaissent dans les Caractéres de Théophraste.

Parmi les diverses formes de prodigalité, il y en a une, bien connue des Romains, qui était également connue des Grecs: c'est la prodigalité, mise en évidence par Cicéron (De off. 11 16, 56-57 = fr. 2 Ross) chez ceux qui, comme les démagogues, visent les carrières et qui pour les obtenir, en mettant de côté tout

432

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scrupule, flattent de toutes les façons le peuple, y compris en leur distribuant de l'argent, des aliments et autres choses du méme genre. Voici ce qu'écrit Cicéron:

«Avec combien plus de sérieux et de vérité nous bláme Aristote, nous qui pouvons voir sans étonnement ces profusions d'argent que l'on fait pour séduire la foule... Il conclut bien encore que "ce sont choses plaisantes pour les enfants, les femmelettes, les esclaves et des hommes libres qui ressemblent tout à fait à des esclaves, mais qu'un homme sérieux et qui apprécie ce qui se fait avec un jugement sûr, ne peut en aucune manière les approuver" » (trad. M. Testard). On remarquera la triade enfant-femme-esclave et la distinction établie entre ceux-ci et l'homme « sérieux et qui apprécie ce qui se fait avec un jugement sür», deux points sur lesquels Aristote revient plus d'une fois: cf. pour le premier point Politique 1 2, 1252b21 sqq.; pour le second Protreptique, fr. 4 Ross, où la formule ὀρθὴ κρίσις explique le iudicium certum de Cicéron. Le fr. 3 (absent de Ross 4, mais inclus dans 133a D. Ross [édit.], The Works of Aristotle, translated into English under the editorship of Sir David Ross, vol.

XII: Select fragments, Oxford 1952, p. 57) qui vient de Philodéme de Gadara évoque le rapport entre l'homme et le "chrématiste", théme qui, surtout chez Aristote, puis chez les stoiciens et les épicuriens, était devenu un passage obligé des doctrines économiques. Le fragment est tiré de Philodème, Περὶ οἱκονομίας, col. XXI, 28 sqq. (ed. C. Jensen, Leipzig 1907, p. 60): « ...C'est ce qu'a compris Aristote dans son livre Sur la richesse à propos du fait que l'homme de bien est également un bon chrématiste, tandis que le mauvais est un mauvais chrématiste, comme l'a montré Métrodore. » Le livre de Philodéme dut avoir une vaste résonance, si l'on en juge d'aprés toutes les questions que l'on se pose sur la richesse dans la « diatribe » contemporaine, chez Virgile, chez Horace, chez d'autres poètes qui avaient connu l'école épicurienne de Naples.

La mise en rapport des qualités de l'homme de bien et du bon chrématiste établie par Aristote souligne la présence indispensable de l'éthique dans tous les domaines de l'activité humaine, comme cela est rappelé à propos de l'autre question qui concerne l'homme de bien et le bon citoyen (Polit. IH 4, 1276b 16 sqq. et, à ce sujet 134 J. Aubonnet [édit.], Aristote, Politique, t. YY 1, Paris 1971, p. 220 sqq.). En conclusion, les trois fragments du Περὶ πλούτου sont en harmonie entre eux, l'un rappelant l'autre, et ils présentent dans une forme concise des problemes relatifs à l'usage de la richesse telle qu'il convient à l'homme libéral et au magnanime, l'homme du μέσον, au mauvais usage qu'en font les hommes qui ne sont ni libéraux ni magnanimes, mais avares ou prodigues, les hommes des ἔσχατα, et enfin le moyen honnête, c'est-à-dire selon la nature, de se la procurer. Nous ne savons pas comment étaient articulés les trois problémes, méme si les deux premiers sont liés en E. N. IV 1-2. Ce qui est sûr, c'est que plusieurs autres problèmes devaient être mêlés, de nature diverse, principalement politique, puisque la richesse était déterminante dans la formation de cette classe de citoyens, intermédiaire entre les trop riches et les trop pauvres, sur laquelle selon Aristote devait étre fondée une bonne constitution.

DIALOGUES

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Cf. Laurenti 85, p. 95-96. Si l'on pense à la structure de l’œuvre, on comprend la conciusion

de P. Thillet dans 135 P. M. Schuhi (édit.), Aristote, De la richesse, de la prière, de la noblesse, du plaisir, de l'éducation, Paris 1968, p. 44: « Si donc Aristote a écrit un Περὶ πλούτου, dialogue de facture platonicienne, il l’a fait non pas simplement en fidèle disciple, comme un exercice d'école et en imitation servile... mais déjà en maitre dont la pensée personnelle s’affırmait ». PROTREPTIQUE

Le Protreptique, répertorié dans les catalogues des œuvres d' Aristote, est un discours d'exhortation, προτρεπτιχὸς λόγος, à la vie heureuse, telle que pouvait la concevoir un membre de l' Académie platonicienne, une vie fondée sur la science la plus haute, la philosophie, une exhortation par conséquent à la philosophie, à la vie philosophique ou à la vie consacrée à la spéculation, distincte des deux autres βίοι, la vie hédonistique, propre à la masse inculte, et la vie politique propre aux ambitieux, l'une et l'autre éloignées de la pureté du philosophe. Pour le mot rporperrrucóc, voir plus haut, p. 410. Sur le genre « protreptique », cf. 136 K. Gaiser, dans Historisches Wörterbuch der Philosophie, VII, 1989, col. reconstruction du Prorreptique d' Aristote, cf. Düring 88, p. 9-39.

1540-1541.

Pour la

L'ouvrage entre dans un type de composition assez répandu illustré par Platon, Euthyd. 282 a sqq. et Clitoph. 407 b sqq., où l'on tente de montrer, au moyen d'un raisonnement tissé de demandes et de réponses ou grâce à une parénèse, que la quasi-totalité des hommes suit des modes de vie erronés: d’oü la nécessité d'un changement radical. La dernière partie du Gorgias est également un protreptique. Cf. Dodds 31, p. 4. Sur les bois genres de vie, voir plus loin, p. 460.

Étant donné leur intention, les protreptiques faisaient usage de lieux communs, et nous pourrions nous en rendre compte si nous possédions l'un des nombreux ouvrages de ce genre écrits par Antisthène (»*A 211), Théophraste, Démétrius de Phalère (»*D 54), Chaméléon (»+C 211), Épicure (»*E 36), Cléanthe (»*C 138), Ariston de Chios (»*A 397), etc. Ce fait pourrait expliquer et partiellement justifier la décision de Gigon, qui ne tient pas compte de la reconstruction de l'oeuvre

aristotélicienne proposée par les spécialistes, qui se fondaient sur l'observation de 137 1. Bywater, «On a lost Dialogue of Aristotle», JP 2, 1869, p. 55-69, selon laquelle une section importante du Protreptique de Jamblique est constituée de passages provenant d'une œuvre analogue, qui était presque certainement l’œuvre d' Aristote: par conséquent, Gigon 9, n. 12, p. 283-287, rapporte à l'écrit d' Aristote sept fragments seulement et recueille la plus grande partie des vestiges, avec d'autres passages, sous le titre τόποι npotpentucol (p. 302-333). La distinction pourrait avoir du sens ; on ne voit cependant pas quel critére on pourrait utiliser pour distinguer les passages qu'il faut attribuer au Protreptique et aux autres, puisque, abordant les mémes thémes, ils ne pouvaient pas ne pas avoir, les uns comme les autres, une allure similaire. Au contraire, le fait que Jamblique dans son Protreptique introduise un protreptique laisse entendre que ce qui est inséré appartenait à un ouvrage unique et ne constituait pas l'assemblage de morceaux de diverses origines: ce fait, par conséquent, constitue un critére distinctif valable et raisonnable pour distinguer le bloc jambliquéen des autres,

434

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méme semblables, et pour pouvoir ainsi reconstruire le Protreptique d' Aristote. Enfin, l'utilité apportée par la philosophie à toutes les disciplines, et par conséquent à la politique, explique pourquoi un prince comme Thémison, dédicataire du Protreptique, devait la pratiquer: le tout est de savoir comment. En effet, ie Protreptique, bien que destiné à un prince, ne voulait pas étre le manuel du parfait souverain. Ou il ne l'était qu'indirectement. Selon Gigon 9, p. 287, il est peu crédible qu' Aristote ait voulu arracher Thémison aux affaire de la cité et le diriger vers la vie théorétique, fondée sur la séparation de l'áme et du corps. Pour cette raison, tous les passages qui développent un tel thème sont rapportés à d'autres dialogues. A ce sujet, on doit observer deux choses: (1) on ne comprend pas pourquoi, méme à un prince, on n'ait pu présenter l'idéal de vie enseigné par l'Académie, puis par le Péripatos, étant donné le lien étroit de la πρᾶξις et de la θεωρία supposé par Platon (cf. 138 A.J. Festugière, Contemplation et vie contemplative selon Platon, Paris 1936 [4* édition 1975], p. 381 sqq., et surtout p. 399-400) et par le Protreptique, lorsqu'il souligne l'utilité que représente la philosophie pour tous les hommes, y compris pour le prince. Le

Περὶ βασιλείας, comme nous le verrons, dit la même chose, même s'il dédouble les deux fonctions, l'action et la pensée, et les répartit en deux personnages. (2) Le Protreptique fait référence aux discours d'Isocrate, dédiés eux aussi à des princes: et si ceux-ci voulaient explorer un certain type d'éducation, on ne voit pas pourquoi l'écrit d'Aristote n'aurait pas pu avoir été congu à la méme fin. Ce n'est pas sans raison que 139 A.H. Chroust, Aristotle's Protrepticus. A reconstruction, Notre Dame (Indiana), 1964, p. XIII, évoque certaines œuvres d’Antisthène qui s'inscrivaient dans le même contexte et tendaient à la méme fin.

Ainsi perdent de leur force les motifs de la sélection opérée par Gigon et retrouve sa valeur l'hypothése de I. Bywater, reprise par Jaeger 64, p. 69 sqq., Walzer 16, p. 21-65, Ross 4, p. 26-56, 140 E. Berti (édit.), Aristotele, Esortazione alla filosofia, Padova 1967, et I. Düring (88), pour lesquels le Prorreptique

aristotélicien est constitué presque entiérement par les extraits conservés dans le Protreptique de

Jamblique.

141 I. Düring, Der Protreptikos des Aristoteles, Frankfurt am Main 1969, p. 11-12, souligne le caractère exploratoire de sa reconstruction. Mais l'importance qu'il attache à son ouvrage se manifeste dans le fait qu'il le reproduit intégralement dans son Aristoteles (cf. 20, p. 454489). Dans le même sillage s'est inscrit Chroust 139, qui discute cependant (p. XVI-XVII) l'ordre adopté par Düring.

L'analyse approfondie que Düring a appliquée à la section du Protreptique de Jamblique en ce qui concerne les termes employés et la structure de la phrase (88, p. 17 sqq.) garantit suffisamment le sérieux d'une opération qui trouve sa conclu-

sion naturelle dans la reconstruction qu'il a tentée, en utilisant une partie du travail de ses prédécesseurs, mais en cherchant, en plus, à harmoniser les différents

passages de facon à en faciliter la lecture et la compréhension. On ne verra pas dans l'acceptation des résultats de Düring une solution de facilité par rapport à la difficulté que représente la masse des fragments transmis et leur interprétation

parfois malaisée. Il est certain que la difficulté demeure même en acceptant là reconstruction de Düring et on peut remettre en question quelques phrases de transition qu'il a introduites entre deux sections ; toutefois l'ordre dans lequel les

différentes parties reviennent chez Jamblique laisse penser qu'il respecte l'ordre original, c'est-à-dire celui dans lequel Aristote les avait disposées, cela sans parler

de la logique qui préside à leur distribution dans le tout, logique qui est la méme

DIALOGUES

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pour Aristote et pour nous. Ces observations, je le répète, restituent à l’œuvre de Düring sa pleine validité au niveau philologique et philosophique ; elles autorisent aussi à l'utiliser pour tout ce qu'il faudra dire à ce sujet. Pour cette raison, nous citerons pour le Protreptique les éditions de Ross et de Düring. Comme nous l'avons dit, l’œuvre était dédiée à un certain Thémison, «roi de Chypre ». A l'époque d’Aristote, l'île de Chypre comprenait neuf états, gouvernés par une monarchie, qui avaient de fréquents contacts avec les Perses et les Grecs. Durant l'hiver 351/0, il y eut un conflit entre Perses et Chypriotes, conflit dont on ne fait pas mention dans le Protreptique. Il est probable, par conséquent,

que l'ouvrage a été écrit avant cette date. Quant aux rapports entre Chypriotes et Grecs, en particuliers avec les Athéniens, il suffit de rappeler l'A Nicocles, l'Évagoras, le Nicoclés, adressés par Isocrate (»*I 38) aux Évagorides, les princes de Salamine de Chypre, et qui remontent aux années 370-365. Selon 142 G. Mathieu et E. Brémond (édit.), /socrare, Discours, 4° éd., Paris 1961, t. II, l'A Nicoclés remonterait à 370% (p. 92), le Nicocles à 368 (p. 117) et l'Évagoras à 365, en tout cas

pas au-delà de 362 (p. 142-143).

De Chypre venait également Eudéme (»*E 91), l'académicien qui fournit le titre

du premier traité écrit par Aristote sur l’âme — et on peut penser que c'est par son intermédiaire qu' Áristote connut Thémison. En tant que prince, ce dernier était riche: il avait en outre beaucoup d'autres «choses» qui pouvaient, selon l'opinion commune, apporter le bonheur (Stobée IV 32, 21 = fr. 1 Ross et Al Düring). Mais pourquoi les académiciens avaient-ils mené tant de recherches sur la richesse, sur la façon de l'utiliser, et pourquoi voyaient-ils le bonheur lié non pas à cette richesse, mais à l'áme éduquée par la philosophie et marquée par une certaine attitude envers elle-méme et envers autrui ? C'est à cette question que répond le Protreptique en proposant sa vision de la philosophie et de la vie.

« Philosopher veut dire chercher si l’on doit philosopher ou non et aussi suivre une théorie philosophique » (Alexandre d' Aphrodise, in Top., p. 149, 9 sqq. = fr. 2 Ross, B 6 Düring). Selon ce second sens, φιλοσοφεῖν met en évidence le μετιέναι, le fait de suivre une doctrine déterminée; selon le premier sens il évoque l'interrogation concernant l'opportunité d'aborder ou non un certain problème (cf. 143 É. Bréhier, «La notion de problème en philosophie», Theoria 14, 1948, p. 1-7, repris dans Études de philosophie antique, Paris 1955, p. 10-16); par conséquent, on ne se fixe pas sur un probléme particulier, mais sur l'attitude de l'homme face à ce probléme: quel type de recherche est nécessaire pour le résoudre ? Cette opération est essentiellement une recherche et puisque l'on peut à propos de tout envisager une opération similaire, il s’ensuit que tout est objet de recherche et que rien ne se soustrait à la recherche ; méme

ceux

qui ne veulent

pas philosopher ou qui nient à leur recherche tout caractére philosophique, font effectivement de la philosophie, puisque sans philosopher, c'est-à-dire sans chercher, ils ne peuvent discuter aucune thése, méme pas la leur. Ce n'est pas par hasard que l'argumentation a frappé plusieurs commentateurs, qui l'ont transmise sous une forme plus ou moins semblable.

436

ARISTOTE DE STAGIRE

Le fr. 2 de Ross recense sept auteurs qui l'ont transmise dans leurs écrits: Alexandre d' Aphrodise que nous avons cité, Olympiodore, Elias, David, Lactance, Clément d' Alexandrie et, en plus, un scoliaste d' Aristote.

C'est peut-étre Élias qui offre la forme originelle dans le passage suivant qu'il introduit par les mots «comme dit Aristote» : el μὲν φιλοσοφητέον, φιλοσο-

φητέον, καὶ el μὴ φιλοσοφητέον, φιλοσοφητέον’ πάντως ἄρα φιλοσοφητέον. Les deux prémisses portent sur l'unique adjectif verbal de φιλοσοφεῖν, qui apparaît dans la protase et dans l'apodose, sans verbe étre: il vient en tête dans la majeure, sous forme positive, dans la mineure sous forme négative, comme k veut Aristote qui affirme lui-même la priorité du positif sur le négatif. Les deux protases sont introduites par les particules el μὲν... xal el μή; l'apodose est la méme dans les deux cas. La conclusion contient sous une forme tout aussi visible

le méme adjectif verbal φιλοσοφητέον, précédé de πάντως ἄρα, c'est-à-dire d'un adverbe qui souligne l'universalité et la nécessité de la philosophie, puis d'une particule souvent utilisée par Aristote et qui possède dans le syllogisme une fonction conclusive. Par conséquent tout est philosophie, tout est recherche. De cette facon Aristote répondait aussi à l'objection qu'on peut adresser à tout protreptique : est-

ce de la philosophie ? Si c'en est, comment un traité de philosophie pourrait-il étre accueilli par quelqu'un qui fait ses premiers pas vers la philosophie sans la posséder encore ? Si ce n'est pas de la philosophie, comment un traité non philosophique peut-il conduire un non philosophe à la philosophie 7 Nous sommes en présence d'un de ces dilemmes philosophiques que Platon connaissait bien et qu'il

évoque, par exemple dan l' Euthydéme. L'objection disparaît lorsqu'on comprend φιλοσοφεῖν dans son premier sens: toute recherche est philosophie, comme on l'a dit, et par conséquent le Protreptique lui aussi, tout en étant une préparation à la philosophie, est philosophie, parce que c'est une recherche. Ainsi la philosophie devenait un moyen de se rapprocher des choses, dans la mesure oü elle faisait de toute demande

un probléme, et, en voulant

le résoudre, révélait sa véritable

nature, qui était d'étre une recherche. Il en va autrement lorsque philosopher signifie approfondir une théorie philosophique : la recherche est alors limitée, dans la mesure oü celui qui se livre à cet approfondissement partage les positions

d'autrui et par conséquent s'adapte à ce que l'autre a dit. On comprend donc pourquoi Aristote fait appel à la double signification du verbe et met en évidence la premiere. Ce sens, ensuite, lui permet d'établir la différence qui oppose son école à d'autres, en particulier à celle d'Isocrate (»*1 38) que nous avons déjà rencontrée à propos du Gryllos. Le Gryllos, on l'a vu, qui remonte à 362", défendait les vues de l’Académie contre les rhéteurs contemporains et, par conséquent, également contre Isocrate. La polémique entre les deux écoles, lancée par les deux maîtres dans les premières années du IV“ s., continua

au cours des décennies suivantes. C'est de 353* que date l'Antidosis (cf., à propos du $ 9 du discours, Mathieu et Brémond 142, t. III, p. 96) dans laquelle Isocrate,

qui saisissait l'occasion d'une accusation, füt-elle purement fictive, lancée contre lui par Lysimaque, de corrompre la jeunesse et de s'enrichir par la rhétorique, se

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437

défendait en retraçant sa vie entière d'éléve et de maître (ὃ 30 sgg.). Dans cette reconstruction, il ne pouvait pas ne pas évoquer les écoles rivales, et de fait on relève des attaques contre l’Académie. Cette circonstance facilite la datation du Protreptique, qui vit le jour peu avant ou peu aprés le plaidoyer d'Isocrate, selon que l'on suppose qu' Aristote a répliqué à Isocrate ou, au contraire, qu’Isocrate aurait répondu par son écrit à la provocation d' Aristote. La premiére hypothése semble plus vraisemblable pour diverses raisons, la moindre n'étant pas que de cette facon Aristote continuait son œuvre de défenseur de l'Académie: en prenant l'occasion d'une attaque déjà formulée, il la retournait contre son auteur et rétablissait ainsi la vérité. En faveur de la postériorité du Prorreprique par rapport à l'Anridosis: 144 B. Einarson, « Aristotle's Protrepticus and the structure of the Epinomis », TAPhA 67, 1936, p. 261-285, Düring 88, p. 33-35 ; en faveur d’une antériorité: 145 P. von der Mühll, «Isokrates und der Protreptikos des Aristoteles », Philologus 94, 1939-1940, p. 259-265 ; Stark 86, p. 16 sqq.

Nous sommes par conséquent vers les années 352°, une date qui correspond à celle que suggère l'absence de toute allusion dans le Protreptique au conflit déjà évoqué qui a opposé à cette époque Perses et Chypriotes. Dans l’Antidosis, φιλοσοφία revient plusieurs fois, toujours en rapport avec les formes de la parole. « En effet, aprés avoir accueilli les disciples, ceux qui les fréquentent les positions qu'ils ont que ceux qui s'occupent de philosophie exposent de la parole que le discours utilise » (δ 183). Voir

les maitres de gymnastique enseignent à tous inventées pour les épreuves gymniques, tandis par le menu à leurs disciples toutes les formes également Mathieu 93, p. 37.

Ce fait démontre la supériorité dont la rhétorique jouissait dans l'école d'Isocrate et, en méme temps, explique le peu de considération que ce dernier marquait pour la ratio studiorum illustrée par Platon dans la République: ce programme d'études, selon Isocrate, ne méritait pas d'étre dit philosophie, ne pouvait pas étre utile à la parole ni à l'action; c'était tout au plus ($ 266) une «gymnastique de l'esprit et une propédeutique à la philosophie» (γυμνασίαν μέντοι τῆς ψυχῆς xal παρασκευὴν φιλοσοφίας). C'est à une dépréciation semblable que s'exposait la philosophie si on soulignait, avec Aristote, ses rapports avec la physis, et si, en tant que telle, on la considérait comme le fondement des différentes sciences, y compris de la politique, congue dans son sens plénier comme éthique-politique. Ces conceptions et les procédés qui en derivent, tous modelés sur la physis, Isocrate cherchait à les disqualifier parce que, selon lui, pour rédiger par exemple un corpus de lois, il suffisait de prendre comme modele les plus belles des lois existantes et de les mettre ensemble ; c'était là une entreprise facile, contrairement À celle qui consiste à composer des discours ne devant pas répéter des arguments déjà utilisés, mais toujours chercher du neuf. Voilà qui n'était pas aussi facile!

(8 83) La polémique contre Isocrate offrait ainsi à Aristote différentes inspirations doctrinales à développer: contre la philosophie rhétorique, la philosophie comme recherche ; contre le procédé fondé sur l'imitation, le procédé fondé sur des prin-

cipes et pour cette raison sur la nature qui seule pouvait fournir ces principes; contre le bonheur fondé sur la considération de l'utilité des choses, le bonheur

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fondé sur l’investigation désintéressée — d'où le lien indissociable entre recherche et félicité, soutien de ce type de vie philosophique qui était la fin authentique de l'homme. Ces inspirations soutenaient le Protreptique à travers une série d'argumentations construites sur l'analyse de l'expérience qui, bien qu'obscure et ambigué, vient tout d'abord du contact avec l'homme et représente le point de départ de toute recherche. L'expérience ou les choses de l'expérience, sont articulées de telle facon que, du point de vue de leur "cognoscibilité" pour nous, on passe de celles qui sont

relativement simples et davantage connues de l'homme à celles qui sont moins simples et moins connues de l'homme, jusqu'à parvenir au niveau le plus élevé, à la chose la moins connue pour nous, mais qui, du point de vue de la cognoscibilité en soi, est la meilleure et la plus désirée, ou encore la première (Jamblique, Protr. 6, p. 37, 22-41, 5 Pistelli = fr. 5, 2 Ross, B 31-40 Düring). Il y a donc un ordre

inverse entre la structure et la cognoscibilité. Un ordre similaire se présente à propos de la fin: toute chose tend à une fin et la fin, τὸ τέλος, ce à quoi tendent les choses, et par conséquent l'homme, chose parmi les choses, est supérieur au

processus qui le produit. Il est évident que, lorsqu'il y a plus d'une fin, la plus importante sera celle de la «chose » la plus importante. Sur le rapport entre la fin et le procédé, cf. fr. 6 Ross, B 69 Düring: βέλτιον yàp δεῖ τὸ τέλος εἶναι τοῦ γιγνομένου. Quant au rapport entre deux ou trois fins, cf. le fragment 6 Ross

et B 59-70 Düring, déjà cité.

Or l'homme est composé d'une àme et d'un corps et le corps est produit avant l’âme ; par conséquent l’âme et les facultés de l'âme surviennent d'autant plus tardivement qu'elles sont plus complexes ; et si la puissance nutritive est commune à l'homme et aux plantes, si la sensation est commune à l'homme et aux

bêtes, la pensée, τὸ φρονεῖν, est propre à l'homme; grâce au φρονεῖν se justifie la vie nutritive et sensitive indispensables à une créature comme l'homme qui doit penser et apprendre. L'homme par conséquent est fait pour penser: «il faut faire toutes les autres choses en vue des biens qui se produisent dans l'homme et entre ceux-ci ceux qui sont dans le corps en vue de ceux qui sont dans l'áme, la vertu

en vue de la sagesse, φρόνησις, puisque c'est là le bien le plus élevé (dxpóτατον)» (fr. 11 Ross = B 21 Düring). Sur le concept important de φρόνησις, cf. Düring 88, p. 104.

Pythagore et Anaxagore avaient dit la méme chose quand ils avaient posé comme fin pour l'homme le θεωρεῖν et le θεάσασθαι. Pour Anaxagore, cf. fr. 11 Ross et B 19 Düring ; pour Pythagore, fr. 11 Ross, B 20 Düring. On voit par là clairement comment la vie dite contemplative implique la pensée et la recherche en acte, si bien qu'il ne serait pas erroné de l'appeler aussi vie de recherche. Cf. P. Defourny, « Die Kontemplation in den aristotelischen Ethiken » [1937], dans Hager 49, p. 219-234.

C'est là la conciusion à laquelle on arrive en étudiant l'action humaine en relation à la fin qu’elle poursuit, selon l'indication de la nature. Si en plus on l'étudie en rapport avec la réalisation, on constatera la nécessité d'un principe qui puisse

régler l'art, la techn, grâce auquel l'homme agit. Ici encore réapparaît la nature, puisque ce principe est la nature. L'art imite la nature (cf. plus haut, p. 392), dans la mesure oü il prend dans la nature des éléments déterminés qu'il utilise ensuite

DIALOGUES

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pour agir, c'est-à-dire pour atteindre la fin. Et cela est vrai pareillement dans le domaine des choses matérielles et dans celui des choses non matérielles. C'est pourquoi « il est nécessaire que le politique lui aussi ait certains critères tirés de la nature elle-méme et de la vérité, critéres avec lesquels il jugera ce qui est juste, ce qui est beau, ce qui est utile. Car, tout comme dans le premier cas (scil. celui des ouvriers qui ont à faire avec les choses matérielles) leurs instruments (c'est-à-dire

les instruments qu'ils se procurent en demandant cient de tous les autres, ainsi le plus beau est conforme à la nature [comme Düring 88, p. 68, je dére comme une erreur attribuable à Jamblique

l'aide de celui qui supprime ou à un

la nature) se est le plus νόμος, que copiste]. Et

différenpossible je consicela est

impossible à réaliser pour celui qui n'a pas philosophé et n'a pas connu la vérité.

Les instruments des autres arts et les calculs les plus précis, les hommes les connaissent plus ou moins en les tirant non des réalités de premier plan (οὐκ ἀπ᾽ αὐτῶν τῶν πρώτων), mais bien de réalités de deuxième et troisième ordre et encore plus éloignées des premiéres ; les raisonnements, ensuite, ils les tirent de

l'expérience. Le philosophe, seul parmi les autres, posséde l'imitation exacte des originaux : de ces réalités il est le contemplateur et non des imitations. De méme que n'est pas bon constructeur celui qui n'utilise pas l'équerre ou quelque instru-

ment de ce genre, mais s'en rapporte à d'autres constructions, ainsi sans doute celui qui donne des lois à une cité ou entreprend des actions politiques en regardant et imitant les actions d'autrui ou les constitutions humaines, celles des

Spartiates ou des Crétois et de quelque autre peuple, n'est pas un législateur habile ni un homme sérieux, puisqu'il n'est pas admissible que soit belle l'imitation d'une chose qui n'est pas belle ni que soit immortelle et solide par nature l'imitation d'une chose non divine ni solide, mais il est clair que du philosophe, seul parmi les artisans, les lois sont solides et les actions correctes et nobles. Lui seul vit en regardant la nature et le divin (πρὸς τὴν φύσιν βλέπων ζῇ xal πρὸς τὸ θεῖον)». Chroust 11, t. II, p. 134-144, rattache ce dernier passage au Politique. Mais étant donné la portée du mot « politique », il n'y a pas de raison de l'enlever au Protreptique ; de la sorte l'allusion au politique rend plus crédible la dédicace de l'ouvrage à un homme de pouvoir et de gouvernement comme Thémison.

Maçon, médecin, maître de gymnastique, homme politique doivent connaître la «nature » et se servir de la nature pour accomplir leur œuvre. Au maçon, qui a affaire à des surfaces droites ou incurvées, servent les critères qui permettent d'établir ce qui est droit ou courbe: au médecin et au maître de gymnastique, qui s'occupent des corps, sont utiles les critéres qui permettent d'établir la santé du corps ; à l'homme politique qui s'occupe des ámes, sont utiles les critéres qui permettent de juger le vrai, le bien, le beau et ainsi de suite. Il y a un rapport étroit entre critères, instruments et réalisation de l’œuvre. Les critères c'est la nature qui les fournit, mais de façon différente au maçon, au médecin, au philo-

sophe, car une ligne courbe ou différentes. Le maçon se réfère filtrant à travers les volets, ou d'une pierre jetée dans une eau

droite, un corps ou l'áme à ce qui apparait, que ce les cercles concentriques stagnante. En se fondant

constituent des réalités soit un rayon de soleil qui se forment autour essentiellement sur de

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ARISTOTE DE STAGIRE

pareilles connaissances, le magon construira ses instruments, gräce auxquels, ensuite, il tentera de réaliser son œuvre. Le médecin et le maître de gymnastique ne peuvent pas s'arréter là: ils doivent aller plus loin et comprendre la structure du corps, la raison, la cause pour laquelle les différents organes sont ce qu'ils sont, les principes quí les font exister et les mettent en rapport entre eux et avec le

monde extérieur. Le corps est le point où se réfracte le tout et qui de son côté se réfracte dans le tout: c'est quelque chose qui a sa raison d'étre en lui-méme et en rapport avec les autres. Avec cette connaissance le médecin et le maitre de gymnastique construiront leurs instruments et gráce à eux ils pourront accomplir de

façon adéquate leur fonction. Il faudrait dire la méme chose du législateur, avec cette différence, comme on l’a vu, qu'il s'occupe non pas des corps, mais des ämes. Par conséquent il ne se contente pas de la connaissance qu'ont le médecin et le maitre de gymnastique: il a besoin de connaitre l’äme et le monde de l'áme, qui est le monde de la vérité et du divin. Son champ d'activité et son action propre sont trés supérieurs à ceux des autres: ceux-là se limitent à regarder et à étu-

dier les choses qui sont des copies qui se trouvent «au deuxiéme, au troisiéme, au nième rang» par rapport à celles qui se trouvent au premier. A ces choses puise le philosophe: à la nature elle-même et à la vérité, and τῆς φύσεως αὐτῆς xai τῆς ἀληθείας, aux premières réalités elles-mêmes, ἀπ᾿ αὐτῶν τῶν πρώτων, à la

nature et au divin, πρὸς τὴν φύσιν xal πρὸς τὸ θεῖον. Les trois expressions concernent la nature en tant qu’ordre, raison, harmonie,

structure des choses. La première expression a été longuement examinée par Düring dans un article dont les conclusions sont rappelées dans son édition du Protreptique. 146 I. Düring, « Aristotle on ultimate principles from nature and reality. Protr. 13», dans

Düring et Owen 18, p. 35-55. L'expression ἀπ᾽ αὐτῶν τῶν πρώτων revient dans la Poérique L 1447 a 12; voir aussi Phys. I 7, 189 b 31. La troisième expression rapproche φύσις et θεῖον. un rapprochement qui revient ailleurs chez Aristote. Sur la nature divine, cf. De mundo 12,392 a 31 et 147 O. Hamelin, Le systeme d’Aristote (1920), réimpr. Paris 1985, p. 300 sgg.

Φύσις et ἀλήθεια n'impliquent les deux termes, qui reviennent ment que l'unique étude digne τὰ ὄντα, puisque c'est à partir

aucun rapport à la doctrine des idées de Platon: ensemble en d'autres passages, indiquent seulede l'homme est de pénétrer la réalité, les choses, de là que l'on peut formuler des concepts capa-

bles de constituer une authentique ontologie. Sur la base de pareilles conclusions

on peut saisir la véritable signification des deux autres expressions et le motif profond qui fait que la philosophie est indispensable au philosophe. Isocrate avait fait appel au politique: il n'est pas surprenant qu’Aristote reprenne ce théme. Du reste, pour comprendre à quel point la nature, c'est-à-dire

l'étude de la nature, est indispensable à celui qui veut faire de la politique, toujours au sens large dans lequel Aristote la congoit, il faut se demander: comment celui-ci peut-il, sans la nature, connaître le juste et l'injuste, le vrai et le faux, le

bon et le mauvais ? Comment distinguer l'esclave et l'homme libre ? ou établir la différence entre le maître et l'esclave ? ou bien assigner aux uns et aux autres leurs différents devoirs ? ou bien parler du citoyen authentique et de celui qui ne

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l'est pas? De nombreuses pages de la Politique sont fondées sur la nature entendue en ce sens. Par conséquent le monde que l'homme constitue à un quelconque niveau, doit

finir par répondre à la fin pour laquelle il est pensé et produit, il ne peut pas ne pas se rapporter à la φύσις, dans laquelle se trouvent, sous une forme ou sous une autre, les principes indispensables à sa construction, laquelle, en rigueur de termes, est une co-construction, en ce sens que l’œuvre de l'homme est soutenue par celle de la nature. Pour une introduction au concept de nature, cf. Gigon 70, p. 145 sqq., 148 K. von Fritz et E. Kapp, « The development of Aristotle's political philosophy and the concept of nature » [1950], dans Barnes et alii 42, 1. Il, p. 113-134 ; 149 G. Martano, « Physis, arete, dike nella cultura greca dell'età arcaica», Elenchos 8, 1987, p. 25-42. A partir de ce que nous avons dit se manifeste la condition particuliére de l'homme qui par lui-méme n'a rien et, par conséquent, a besoin de tout recevoir de la nature, de la nourriture, lorsqu'il vient au monde (Polit. 18, 1256 b 7 sqq.) aux «armes pour la prudence et la vertu» (Polit. 1 2, 1253 a 29 sqq.) et aux instruments pour exercer son activité. En conséquence, la vision qu'il se fait des choses se fonde sur des suggestions de « nature ». Laquelle, pour cette raison, assume des fonctions « maternelles », même si elles ne sont pas toujours parfaites. De là

viennent les insuffisances auxquelles l'homme doit venir en aide, afin de les réparer par le moyen de l'art: cf. Prot. fr. 11 Ross = B 13 Düring.

Par conséquent, c'est seulement en pénétrant profondément dans l'ordre de la nature, que l’homme peut saisir les principes qui la constituent et ces principes, comme nous l'avons dit, il doit ies reporter dans le monde qu'il s'efforce de construire. La méditation sur la nature fut l'un des éléments les plus significatifs sur lesquels Aristote s'appuya pour ses recherches, recueillant les nombreuses indications qu’il avait apprises de son père, médecin et physicien, de la tradition ionienne, dont il avait récupéré les riches possibilités, et enfin de la critique qu'il avait adressée à l'idée platonicienne: ce n'est pas par hasard que l'idée platonicienne et la φύσις ionienne sont opposées l'une à l'autre et que la φύσις, comprise comme forme et substance, τὸ εἶδος καὶ ἡ οὐσία, Métaph. V 4, 1015 a 10, remplit la méme fonction que l'idée, en surmontant cependant toutes les difficultés qui provenaient de la séparation propre à l'idée. Sur l'éducation qu' Aristote put recevoir de son père, cf. Chroust 11, t. I, p. 92-104. C'est précisément le dépassement de la séparation entre l'idée et la chose qui justifie l'actualité de l'el8oc, lequel se réalise à chaque fois dans les choses. Ce fut là, à mon avis, le point dramatique qui marqua la rupture entre la pensée d' Aristote et celle de Platon. C'est pourquoi il est revenu si souvent sur ce sujet.

On trouve donc dans le Protreptique également la pensée authentique d' Aristote

dans son opposition à celle du Maître, ainsi que le confirment le Περὶ τἀγαθοῦ et le Περὶ φιλοσοφίας. En conclusion, la philosophie qui concerne la nature et la vérité, et, en méme temps, le juste et l'agréable, est la science la plus haute ; en outre, elle est possible à l'homme, avantageuse, facile, désirable, ou plutót elle est la chose la plus désirable, utile, productrice de bonheur. Pour cette raison elle doit étre placée à la base de toute action dans la vie, laquelle, pour le dire comme Socrate, n'est pas une vie si elle est privée de recherche.

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ARISTOTE DE STAGIRE

Chacune des propriétés évoquées était largement discutée dans le Protreptique. Voici quelques références. Pour la « possibilité» de philosopher: fr. 5, 2 Ross = B 31-37 Düring, «avantageuse » : fr. 5, 2 Ross = B 38-40 Düring ; « facile » : fr. 5, 2 Ross = B 54-56 Düring ; « désirable» : fr. 6 Ross = B 59-62 Düring ; «utile»: fr. 12, 2 Ross = B 42-44 Düring; « productrice de bonheur» : fr. 14 Ross = B 78-82 Düring. Mais il est évident qu'on abordait ces propriétés également dans des développements sur d'autres sujets.

Le Protreptique s'explique ainsi dans le contexte culturel de l’Académie. Certaines distinctions, par exemple entre les sciences productrices et les sciences qui utilisent des choses produites, entre les sciences subalternes et les sciences qui commandent, entre posséder et utiliser, entre vivre et vivre bien, peuvent facilement se retrouver dans les œuvres de Platon. Toutefois, on ne peut pas ne pas remarquer la présence d' Aristote et de sa pensée propre, laquelle, tout en présup-

posant celle du Maître, a déjà dans le Protreptique une claire physionomie qui lui est propre. On a déjà évoqué la substitution de la φύσις à l'idée, en tant qu'elàoc xal οὐσία. On peut ajouter l'insistance sur le μέσον, lequel, bien qu'il ait été communément accepté dans l’Académie, est devenu chez Aristote la mesure fon-

damentale du monde de l'éthique: en réalité, seule la philosophie contient en elleméme le discernement droit et la sagesse qui ordonne sans erreur τὴν ὀρθὴν xpíotv xai τὴν ἀναμάρτητον ἐπιταχτικὴν φρόνησιν (fr. 4 Ross = B 9 Düring). Si le jugement est droit, il est naturellement éloigné des excès et des

défauts des vices, pas tout: dans le γεια - δύναμις, aristotélicien qui ἐνεργεῖν.

et par conséquent il se maintient au centre, le μέσον. Ce Protreptique il faut reconnaitre l'importance du couple qui soutient la pensée du Stagirite. 'Evépyeia est un apparaît six fois dans le Protreptique — trois fois le

n'est ἐνέρterme verbe

A ce propos, je me permets de renvoyer à 150 R. Laurenti, « Presenza dell'évépyeia nelle cosidette opere giovanili di Aristotele », dans M. Sanchez Sorondo (édit.), Arti del Convegno

internazionale sull'atto aristotelico et le sue ermeneutiche, Roma 1990, p. 15-41.

En tant qu'activité, ἐνέργεια s'inscrit dans une vision particulière des choses qui, au lieu d'étre considérées dans un inutile état statique, le sont dans une puissante

activité. Cette vision, je le répète, veut tenter d'expliquer la réalité d'une façon plus conforme aux principes qui apparaissaient lentement de l'étude de la nature.

C'est dans le cadre d'une vision de ce genre que le concept d’Evepyeıa prend consistance, ainsi que dans le cadre d'une confrontation avec des concepts comme γένεσις, κίνησις. On comprend par conséquent sa signification fondamentalement cinétique d'actualisation et par suite sa signification statique, en tant

que réalisation d'une telle actualisation. A la méme conception se rattache δύναμις, qui est en rapport avec ἐνέργεια. Aristotélicienne est méme la mise en évidence au niveau psychologique de cette partie de l’äme immortelle et divine (fr. 6 Ross = B 61 Düring, et surtout fr. 10c Ross = B 108-110 Düring) qui revient dans le De anima, plus ou moins dans les mémes termes. C'est cette äme,

avec son φρονεῖν, qui rend la vie vivable, malgré toutes les douleurs et toutes les contrariétés qu'elle présente. L'exaltation aussi vigoureuse de la pensée permet de comprendre l'air de pessimisme qui entoure la conclusion du Protreptique, un

pessimisme souligné justement pour mettre en relief la beauté de la pensée. C'est

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dans cette perspective qu'il convient de l'interpréter. Il n’y a dans le monde qu'illusion, ombre; il n’y a rien de stable dans les choses, rien dans l'homme huméme. Ce dernier possède cependant quelque chose qui lui permet d'éviter tous ces malheurs: la recherche est l’œuvre de cette partie de l’âme qui est la plus haute de toutes et divine: «... il faut donc philosopher ou bien, ayant dit adieu à la vie, s'éloigner d'elle, puisque tout le reste ne semble rien d'autre qu'un monceau de bêtises et de bavardages (φλυαρία τις... πολλὴ xal λῆρος)» (fr. 10 c Ross = B 110 Düring). On note ici la nième attaque contre Isocrate, maître dans l'art de dire, un art qui, mal fondé, c'est-à-dire s'il n'est pas fondé sur la nature, aboutissait à de vides inepties et à d'inutiles bavardages. EUDEME OU SUR L'ÁME Comme

le Gryllos, rédigé pour la mort du fils de Xénophon, l'Eudéme fut

suggéré à Aristote par la mort d'un ami, condisciple à l'Académie, lequel périt à Syracuse en combattant avec Dion (»*D 167) dans une tentative pour instaurer

dans la cité la constitution inspirée de Platon. Il s'agit d'Eudéme de Chypre (»*E 91) que nous avons déjà rencontré dans le chapitre précédent. Plutarque, Dion 22, 3 (fr. 1 Ross): «Collaborérent également avec Dion de nombreux hommes politiques et, parmi les philosophes, Eudème de Chypre, pour lequel, lorsqu'il mourut,

il composa le dialogue sur l'âme... (εἰς ὃν... ἀποθανόντα τὸν περὶ ψυχῆς διάλογον ἐποίησε)».

C'est ce personnage qui a donné son titre à l’Eudème ou sur l'üme, bien que chez Diogene Laérce l'ouvrage soit répertorié seulement comme le Περὶ ψυχῆς a’. On peut cependant démontrer qu'il ne s'agit pas de l'écrit scolaire mieux connu, en rappelant que ce Περὶ ψυχῆς est un dialogue et non un traité et que pour cette raison il est répertorié par Diogene parmi les dialogues. De plus, il ne comprenait qu’un livre, alors que le traité Sur l'âme en contenait trois. Le titre complet est donné par Plutarque, Cons. ad Apoll. 115 b-c (fr.

6 Ross): ἐν τῷ

EON Lo... ἢ περὶ ψυχῆς. Sur Eudème de Chypre, qu'il faut distinguer d'Eud&me de Rhodes, voir 151 V. Décarie, « Eudéme de Rhodes ou de Chypre », dans Proceedings of the World Congress on Arístotle, Athènes 1981, t. I, p. 277-280. Pour une discussion sur les fragments de l'Eudème recensés par Ross, cf. 152 O. Gigon, «Prolegomena to an Edition of the Eudemus », dans Düring et Owen 18, p. 19-33. Tl est étrange que Diogene Laérce ne mentionne pas le De anima, lui qui mentionne ensuite des thèses sur l’äme (D.L. V 24, n° 83) et d'autres œuvres de psychologie. Le Catalogue anonyme cite au n° 68 des θέσεις περὶ ψυχῆς ἐν βιβλίῳ α΄ et au n? 152 un Περὶ ψυχῆς γ΄, qui est certainement le traité de anima ; Ptolémée, pour sa part, ne répertorie ni le dialogue ni le traité.

Eudéme était dans le dialogue le personnage clef, comme on le voit d'après le fr. 1 Ross, emprunté à Cicéron, De divinatione I 25, 53: « Quid ? singulari vir ingenio Aristoteles et paene divino ipsene errat an alios vult errare, cum scribit Eudemum Cyprium familiarem suum iter in Macedoniam facientem Pheras venisse, quae erat urbs in Thessalia tum admodum nobilis, ab Alexandro autem tyranno crudeli dominatu tenebatur. In eo igitur oppido ita graviter aegrum Eudemum fuisse ut omnes medici diffiderent. Ei visum in quiete cgregia facie iuvenem dicere fore ut perbrevi convalesceret paucisque diebus interitarum Alexandrum tyrannum, ipsum autem Eudemum quinquennio post domum esse rediturum. Atque ita quidem prima statim scribit Aristoteles consecuta et convaluisse Eudemum et ab

uxoris fratribus interfectum tyrannum. Quinto autem anno exeunte cum csset spes ex illo som-

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ARISTOTE DE STAGIRE

nio in Cyprum illum ex Sicilia esse rediturum, proeliantem eum ad Syracusas occidisse. Ex quo ita illud somnium esse interpretatum ut cum animus Eudemi c corpore excesserit, tum domum revertisse videatur. »

Si l'assassinat d' Alexandre, tyran de Pherae, par les fréres de son épouse peut être daté de façon suffisamment certaine de l'année 359* et si Eudéme, pour sa part, est mort à la fin de la cinquième année (quinto exeunte anno) apres l'assassinat, il faudrait situer la mort du jeune homme en 354*. Eudéme assistait aux

derniers événements ayant marqué l'insurrection de Dion, à l'engagement décisif entre les partisans de Dion et ceux de Callippe (**C 31), lequel en juin 354* tua Dion et contraignit les amis de ce dernier à se réfugier à Lentini (Léontinoi). C'est

peut-étre au cours de cet engagement qu'Eudéme trouva la mort. C'est dans ce contexte désastreux pour le mouvement révolutionnnaire dirigé par l'Académie que se placent la septième lettre de Platon et l’Eudème d' Aristote, que l'on peut situer vers 353, quelque temps aprés le Protreptique. Sur Alexandrede Pherae, cf. J. Kaerst, art. « Alexandros» 5, RE T 1, 1893, col. 1408-1409. Sur les ultimes opérations de Dion et de ses compagnons, voir Diodore de Sicile, Bibl. XVI 36, 5, et Plutarque, Dion 54-58, qui cependant ne sont pas en tous points concordants. En ce qui concerne la datation du dialogue, Gigon 9, p. 231, n'accepte pas le raisonnement que nous avons présenté, à propos du rapport entre la mort d'Eudème et la rédaction de l'ouvrage. A son avis, le raisonnement vaut pour le Gryllos, mais non pour l'Eudeme. Mais en cela Gigon ne tient absolument pas comptede la notice extrêmement précise de Plutarque. Dion 22, 3. En outre, la célébration du défunt faisait de 1’ Eudéme, entre autres choses, une consolation, laquelle pouvait être dédiée à ses parents et amis, et une consolation de ce genre ne se justifiait pas si elle n'était pas proche dans le temps de l'événement qui l'avait suscitée.

La mort dont on voulait faire l'objet d'une méditation sereine et d'une consolation, et l'âme dont on voulait étudier, comme dans le Phedon, la nature, ainsi que les rapports qu'elle entretenait avec le corps, certains phénomènes comme le rêve et les prédictions données en rêve, étaient au centre du dialogue; c'étaient À deux arguments débattus dans l’ Académie et qui s'appelaient l'un l'autre, puisque la conception de la mort comme retour de l'áme dans sa patrie comportait par ricochet la foi dans l'immortalité de l'âme elle-même et la dépréciation de l'existence. Tout cela doit étre pris en considération si l'on veut formuler un

jugement adéquat sur certains fragments, par exemple le fr. 6 Ross, qui sans aucun doute est tiré d'un récit mythique et est considéré par certains comme

l'expression la plus marquée du pessimisme du premier Aristote, fixé dans la contemplation de l'idée, le monde véritable de l’être, en opposition au monde faux du devenir. Mentionnons seulement 153 E. Bignone, L'Aristotele perduto e la formazione filosofica di Epicuro, Firenze 1936, t. I. p. 67, et Festugière 74, t II, p. 219 sgg. Sur les éléments mythiques dans l’Eudème, comme aussi dans le Prorreptique et dans le De philosophia, cf. 154 B. Dumoulin, Recherches sur le premier Aristote, Paris 1981, p. 25-31.

On le trouve chez Plutarque (Consolatio ad Apollonium 115 b-e) qui tend à mettre en évidence les aspects les plus tragiques de l'existence afin de rendre

sinon désirable, du moins acceptable, le détachement par rapport à la terre. Plus précisément, le passage d' Aristote est introduit pour soutenir une observation de Crantor de Soles (»*C 195), selon laquelle «de nombreux

hommes

qui furent

sages, non seulement maintenant mais depuis longtemps, ont dépioré la condition

DIALOGUES

445

humaine, considérant que la vie était un châtiment et, pour commencer, que le fait de devenir homme était le plus grand des malheurs». Cf. 155 Zeiler-Mondolfo, La filosofia dei Greci nel suo sviluppo storico, II 3/2, a cura di M. Isnardi Parente, Firenze 1974, p. 1046-1050. Pour les fragments de Crantor, philosophe académicien ayant vécu au tournant du IV® au lie siècle, cf. 156 Mullach, FPG IL, 131-152. Le fragment s'insére dans un courant pessimiste qui trouve ses racines déjà chez Homère. Cf. 157 M. Pohlenz, L'uomo greco, trad. ital., Firenze 1962, p. 141 sqq. Platon, Gorgias 492 e, évoque une position semblable en citant deux vers d'Euripide (fr. 638 Nauck?). Voir à ce sujet

Dodds 31, p. 300. Cela éclaire la signification du Περὶ πένθους de Crantor qui connut un écho remarquable dans le monde romain, comme l'atteste Cicéron, Acad. 1 135: «non magnus, verum aureulus et, ut Tuberoni Panaetius praecipit, ad verbum ediscendus libellus ».

Si τὸ γενέσθαι, entrer dans le monde du devenir, est le plus grand des malheurs, τὸ μὴ γενέσθαι serait le plus grand des bonheurs. Mais que signifie τὸ μὴ γενέσθαι ? Le texte de Crantor ne le dit pas, mais si nous le rapprochons d'autres passages de cet auteur et surtout du Gorgias 492 a et du Phédon, passages qu'en tant qu'académicien — et premier interprète de Platon (FPG 156, IL fr. 1, p. 139) - Crantor ne pouvait ignorer, on doit conclure que τὸ μὴ γενέσθαι ne signifie pas ne pas étre ou ne pas devenir de fagon absolue, mais plutót une condition que l'on quitte lorsqu'on se précipite dans le devenir. Et comme cette précipitation dans le devenir est un malheur, le contraire serait un bonheur. Par conséquent, l'áme non seulement survit au corps, dans la mesure oü apres la mort elle retourne dans sa patrie, mais elle lui préexiste également. Crantor « voyait dans la mort le passage à une existence meilleure » (Zeller-Mondolfo 155, p. 1049). Pour la position similaire de Platon, voir Schuhl 26, p. 92 sqq.

Cette interprétation est confirmée par le passage d'Aristote qui emploie méme l'expression τὸ μὴ γενέσθαι, qui rappelle le τὸ γενέσθαι de Crantor. Il s'agit de deux états opposés qui sont la vie et la mort, le meilleur étant de beaucoup le second, c'est-à-dire ἐν τῷ τεθνάναι διαγωγή, où διαγωγή. terme assez fréquent chez Aristote (cf. Bonitz 53, 178 a 26-46), désigne un mode ou une condition de vie. De la sorte, la vie est un mal, puisqu'elle marque le passage d'un état de béatitude, de bonheur, de supériorité, à un état contraire de douleur.

D'oü

la

profonde vérité de la réponse de Siléne à Midas: le meilleur pour l'homme serait en premier lieu de ne pas descendre dans le devenir, en deuxiéme lieu de mourir, une fois né, ou encore de se détacher du γενέσθαι et se tourner vers le μὴ γενέσθαι, qui est, comme on l'a vu, supérieur à l'autre état. Et qu'Aristote ait

visé à exalter la condition du défunt, Plutarque lui-méme le laisse entendre, car i ne limite pas la citation d' Aristote au dialogue entre Midas et Silène, comme



l'avait annoncé, mais il la fait précéder de quelques paroles trés explicites: « Pour cette raison, dit un interlocuteur, non seulement nous croyons que les morts sont

heureux, mais qu'il est impie de dire quelque chose contre eux et de les calomnier, puisqu'ils sont désormais devenus meilleurs et supérieurs ». On doit noter la force de la formule « puisqu'ils sont devenus (ὡς ... γεγονότων)» : le parfait évoque une condition à laquelle ils sont parvenus et qui reste stable et solide. Ceci éclaire la διαγωγή de la conclusion. Sur Midas et Silène, on racontait de nombreuses histoires. Théopompe, dans ses Philippiques (FGrHist 115 F 75 c, emprunté à Élien, Var. hist. III 18), en racontait une qui n'est pas

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ARISTOTE DE STAGIRE

trés éloignée de celle d' Aristote. Cf. 1581. Lana, Studi sul pensiero politico classico, Napoli 1973, p. 275-296.

En somme, ia mort, c'est-à-dire la condition de l'homme dans la mort, était exalt6e comme étant meilleure que celle de l'homme vivant. Mais alors pourquoi s'affliger quand elle arrive ? Pourquoi exprimer des plaintes ? Si c'est là la véritable interprétation du fragment, le fameux pessimisme aristotélicien doit être réévalué (cf. Jamblique, Protr. 8, p. 48, 9-21 Pistelli

Protr. fr. 10 c Ross). Le

passage, loin de mettre en évidence le désir du néant, qui pourrait justifier le pessimisme, démontre la grandeur de la condition du défunt et non

la misére du

vivant: cette misère n'est pas niée, mais elle n'est pas au centre des préoccupations de l’auteur, lequel n'entend pas la souligner en soi et pour soi, mais uniquement en relation avec la joie future du défunt. Cf. Cicéron, De divinatione I 30, 63 (De Philosophia, fr. 12 a Ross) principalement: «itaque appropinquante morte multo est divinior... » (scil. l'àme).

La partie consolatoire, par conséquent, est liée à la croyance en l'immortalité de l'áme. Or, si l’âme est heureuse quand elle coupe définitivement ses rapports avec le corps au moment de la mort, elle l'est également lorsque, dans le corps, elle s'éloigne de celui-ci, que ce soit dans le sommeil ou dans un autre état semblable au sommeil : elle se retire alors en elle-même et habite dans le monde de la vérité. L'excedere e corpore de l'àme (fr. 1 Ross) rappelle le καθ᾽ αὐτὴν γενέσθαι du Περὶ φιλοσοφίας, fr. 12 a Ross, qui concerne également l'áme (une position que Platon souligne plusieurs fois, dans !' Apol. 33 c, dans le Criton 44 a, dans le Phédon 60 d, etc.). L'argument est repris dans le De divinatione per somnum qui, tout en réfutant l'origine divine des réves, n'exclut pas de facon générale la possibilité qu'ils disent le vrai, étant donné le lien étroit entre le monde de la veille et celui du sommeil. Les deux positions ne sont pas contradictoires et se trouvent dans deux ouvrages dont le second, le traité scientifique, approfondit et cherche à expliquer le phénoméne qui est seulement mentionné dans l'autre. D'autre part, il ne faut pas forcer les différences entre les deux traités, car ils obéissent à des perspectives diverses, comme il a été souvent souligné. C'est ce que fait Gigon 9, p. 295-296, sans trop songer au fait que nous n'avons de l'Eudéme que des fragments et que nous ne pouvons pas savoir si, en plus de la discussion des positions défendues à propos de l'&me par les autres académiciens, il n'y avait pas, ailleurs dans le dialogue, la présentation plus détaillée de l'âme ὡς εἶδος.

Proclus, in Tim. 338 c (fr. 4 Ross), aprés avoir établi une distinction entre l'approche « physique » du probléme de l'áme choisie par Platon dans le Timée de

l'approche « mythique » des dialogues comme la République, le Gorgias et le Phédon, continue: « Aristote également, rivalisant avec lui dans le traité Sur l'âme, Y examine (scil. l'âme) sous l'aspect physique, φυσιχῶς, et il ne mentionne pas la descente de l’âme ni son sort, tandis que dans les dialogues, ἐν τοῖς διαλόγοις, il l'étudie à part...» Le témoignage d’Elias, in Categ. p. 114, 25 (= fr. 3 Ross) va dans le méme sens, se fondant sur la différence entre les arguments conclusifs des traités, δι᾽ ἀναγκαστικῶν λόγων, et les arguments persuasifs des dialogues, διὰ πιθανῶν: « Dans les dialogues, il dit ainsi que l’äme est immortelle, puisque nous les hommes, tous ensemble, en vertu d'une impulsion naturelle,

DIALOGUES αὐτοφυῶς,

nous faisons des libations aux morts et jurons en

447 leur nom; or,

personne n'offre des libations à qui n'existe pas ni ne jure en son nom». Élias n'indique pas de quel dialogue il tire cette argumentation, mais l'exaltation du défunt que nous avons déjà rencontrée dans le fr. 6 Ross permet de facon décisive de la rattacher à l’Eudème. Il est également intéressant de noter que la démonstration, qui, selon Elias, procède διὰ πιθανῶν, s'appuie sur la φύσις, c'est-à-dire sur l'une des notions les plus solides sur lesquelles Aristote construit ses arguments. Mais qu'entend Aristote par l'immortalité de l'áme ? Pense-t-il à l’äme dans son intégralité ou à une partie déterminée, c'est-à-dire au νοῦς ? Comme

on ἰδ

sait, il y a eu à ce propos des discussions déjà chez les commentateurs antiques, parmi lesquels certains ont relevé des contradictions entre les dialogues et les traités, dans la mesure où ils pensaient que les premiers se rapportaient à l'âme dans son intégralité, tandis que les traités visaient l’äme comme intellect, alors que d'autres, principalement les néoplatoniciens, tentaient de rétablir l'accord entre les dialogues et les traités, affirmant qu' Aristote, comme Platon déjà, en parlant de l'immortalité, pensait à l'àme comme intellect. Thémistius (in De anima, p. 106,

29-107, 5 = fr. 2 Ross) précise à ce propos: «Les arguments que Platon cite concernant l'immortalité de l'âme, les plus nombreux et les plus importants, se rapportent à l'intellect, εἰς τὸν νοῦν ἀνάγονται. Il en va ainsi de l'argument tiré du fait que l'áme se meut elle-même (6 τε ἐκ τῆς αὐτοχινησίας: cf. Phedre 245 € sqq.) — on démontre que seul l'intellect se meut lui-même, si nous concevons le

mouvement comme activité — et de méme de l'argument qui considère que l'apprentissage est une réminiscence (cf. Phédon 72 e sqq.) et de celui qui parle de la similitude de l'àme avec Dieu (cf. Phédon 78 b sqq.). Et parmi les autres arguments ceux qui paraissent les plus convaincants on pourrait les rapporter sans difficulté à l' intellect, comme aussi ceux αὐ Aristote lui-même a élaborés dans

l'Eudème. Il est donc clair que Platon lui aussi considère comme immortel le seul intellect». Cette position non seulement supprime toute contradiction entre les différentes œuvres d' Aristote, mais elle se présente plus que jamais comme rigoureuse, puisqu'il est plus logique de considérer comme immortelle l’âme noétique, pensante, plutót que les autres parties étroitement rattachées à la matiére. A ce propos, Protr., fr. 6 Ross = B 62 Düring, me semble décisif: « ...car,je pense, on pourrait soutenir que nous sommes seulement ou principalement cette partie », c'est-à-dire la partie

de l'âme qui commande et juge, la raison, τὸ λόγον ἔχον xal διάνοιαν. Cf. Platon, / Alcib. 130 € sqq.

Il ne faut pas voir un obstacle à cette position dans le passage de Proclus, in Remp. Il, p. 349, 13-26 Kroll (fr. 5 Ross), un passage dans lequel on a voulu voir

l'adhésion d' Aristote aux idées séparées. Il convient de le citer dans son intégralité: « Le divin Aristote donne la raison pour laquelle l'âme, en venant de là, oublie les visions de

là-haut, τῶν éxet θεαμάτων, et en venant d'ici se rappelle là-bas les expériences d'ici, τῶν ἐνταῦθα παθημάτων. Et il faut accepter l'argument. Il dit donc que certains, en passant de la santé à la maladie, sont frappés d'oubli, méme pour les lettres qu'ils ont apprises, ce qui ne se produit jamais pour celui qui passe de la maladie à la santé, que pour l’äme la vie sans le corps,

448

ARISTOTE DE STAGIRE

en tant qu'elle est conforme à la nature, ressemble à la santé, tandis que la vie dans le corps, en tant qu'elle va contre la nature, est semblable à la maladie. Là-haut, en effet, les âmes vivent selon la nature, ici contre la nature. Et c'est pourquoi il en résulte logiquement qu'en venant de là-haut elles oublient les choses de là-haut, et en allant d'ici vers là-haut elles se souviennent des choses d'ici ».

Le fragment fait l'objet de discussions tant en ce qui regarde les limites de la référence à Aristote qu'en ce qui concerne l'interprétation de certaines expressions qui, tout en étant platoniciennes, puisqu'elles sont tirées de la République, sont utilisées par un commentateur platonicien pour exprimer une position non platonicienne. Cf. Berti 23, p. 420 sqq. Gigon 9 ne conserve pas ce passage, peut-étre à cause des observations faites dans Gigon 152, p. 24-25.

On peut à bon droit affirmer que le fragment souligne les deux propriétés de l'áme déjà relevées: la préexistence par rapport au corps et l'immortalité. Et si l'immortalité comprise comme immortalité du νοῦς rejoint pleinement la doctrine aristotélicienne telle qu'elle ressort des autres fragments, il faut dire la même chose de la préexistence par rapport au corps, si l'on pense que le νοῦς vient de l'extérieur, θύραθεν, et est divin: xal θεῖον (De gener. anim. Π 3, 736 b 28). Le

fait de venir de l'extérieur et sa nature divine le séparent absolument du monde de l'homme et le font participer à un corps différent des soi-disants éléments et plus divin. Étant donné cette qualité, il est certain qu'il ne pourrait pas étre engendré: par conséquent il préexistait au corps humain. Le probléme est fondamental dans le Péripatos et Théophraste le reprend dans toute son ampleur, lui qui cherche ensuite à expliquer «comment l'intellect, en venant de l'extérieur, ἔξωθεν, et étant ajouté, ἐπίθετος, peut cependant être connaturel » (Thémistius, De anim. p. 107, 31 — 108, 1). Cf. 159 E. Barbotin, La théorie aristotélicienne de l'intellect d'aprés Theophraste, Paris 1954.

À y regarder attentivement, dans le fragment 5 également les deux propriétés de l'áme sont mentionnées pour exalter la condition du défunt. En effet quand au moment de la mort l'âme, en tant que νοῦς, se sépare de la matière, elle porte avec elle tout le bagage des expériences qu'elle a accumulées dans le cours de la

vie qu'elle a menée en compagnie du corps. Et par conséquent, en passant de l'état de maladie (la compagnie du corps) à celui de santé (la séparation du corps) elle conserve tout ce qu'il lui est nécessaire de savoir et qui convient à l'existence « bienheureuse» qui est celle du défunt. Pour cette raison les morts constituaient une catégorie particulière d’être supra-humains, vers lesquels on pouvait se tourner dans les besoins de l'existence: par leur nature singuliére et à cause du souvenir qu'ils ont de l'expérience de la vie, ils pouvaient venir en aide à ceux qui les invoquaient. Cf. 160 E. Rohde, Psyche : Seelencult und Unsterblichkeitsglaube der Griechen, Leipzig 1894 = Psyche, trad. ital., Bari 1970, t. I, p. 219: Nilsson 72, t. I, p. 378-384, lequel souligne comment à partirdu culte des morts s'est développé celui des héros: d'où leur importance. De façon plus générale, voir 161 J. G. Frazer, The fear of the dead in primitive religion, London 1933-1936 = La paura dei morti nelle religioni primitive, trad. ital., Milano 1978, p. 63-71.

DIALOGUES

449

Que là soit la signification véritable du fragment, Proclus lui-méme le souligne dans ses paroles finales — et il faut que nous nous en tenions à cela. Le reste est une réminiscence platonicienne qui, comme on l'a dit, a tenté d'exprimer une pensée non platonicienne, méme si elle avait germé à partir de la pensée de Platon.

D'autres fragments tentent d'illustrer l'essence de l'áme. Le fr. 7 Ross recense quelques passages des commentateurs aristotéliciens au De anima I 4, le chapitre qui examine et critique l'identification de l'àme à une harmonie. Platon avait déjà abordé la question dans le Phédon 85e -86d: Aristote la reprend dans l'Eudéme et ensuite dans le De anima (14, 407 b 27 sqq.). Dans le dialogue, il fait appel à deux arguments rapportés par Jean Philopon, Thémistius, Olympiodore et d'autres. Je les présente dans la recension de Philopon (in De anima, p. 141, 22 sqq. = fr. 7 Ross): «L'harmonie a un contraire, la non-harmonie ; or l'âme n'a

pas de contraire: donc l’âme n'est pas une harmonie». Voilà le premier. Voici maintenant le second argument: «A l'harmonie du corps s'oppose la non-harmonie du corps et cette non-harmonie du corps animé, c'est la maladie, la faiblesse, la laideur. Parmi ces défauts, la maladie est asymétrie des éléments, la faiblesse asymétrie des parties homogènes, la laideur, enfin, asymétrie des organes. Or, si la maladie, la faiblesse et la laideur sont des non-harmonies, la santé, la force et la beauté seront naturellement des harmonies. Mais l’âme n'est rien de tout cela, je veux dire, ní santé, ni force, ni beauté, puisque méme Thersite avait une âme bien qu'il fût des plus laids. Par conséquent l’âme n'est pas harmonie ». Le premier argument, qui présente ici le plus d'intérét, présuppose la doctrine de la substance comme ce dont on prédique quelque chose, tandis qu'elle n'est prédiquée de rien; la substance est faite pour accueillir les contraires, mais elleméme n'a pas de contraire: c'est la doctrine de Categ. 5. Ainsi donc, de la première argumentation, on déduit la substantialité de l'áme (une substantialité explicitement attestée par Olympiodore : οὐσία γάρ): l'harmonie, en revanche, n'est pas substance mais qualité et, en tant que telle, pouvant avoir un contraire, la non-

harmonie, elle peut étre inhérente à quelque chose. Harmonie et áme se rapportent à des catégories différentes et par conséquent sont distinctes entre elles. Pour la substantialité de l'áme, cf. Olympiodore, in Phaed., p. 173, 20 Norvin: «Le contraire de l'harmonie est la non-harmonie ; mais l'âme n'a aucun contraire, puisqu'elle est οὐσία. La conclusion est manifeste ».

Le second argument est fondé sur la définition de l'harmonie, qui ne peut non plus s'appliquer à l'âme, du moment que dans ce cas elle serait santé ou force ou beauté et supposerait une pluralité de parties qui ne conviennent pas à l'áme, du moins pas à l’âme comprise au sens strict. La comparaison entre les deux arguments de l’Eudeme et les arguments plus nombreux du De anima montre que dans le traité Aristote a approfondi la position du dialogue et cela réfute tous ceux qui pensent que dans ses ouvrages scolaires Aristote aurait renié les écrits publiés. Cf. Hicks 75, p. 263-267, et Movia 76, p. 256-264.

Un passage de Simplicius (in De anima, p. 221, 20-33 = fr. 8 Ross) qu'à juste titre Gigon cite en termes plus étendus approfondit encore la nature de l'âme.

450

ARISTOTE DE STAGIRE

Simplicius met en lumière le caractère particulier de l'áme rationnelle qui est simultanément divisible comme les choses et indivisible comme les εἴδη. Étant

donné cette duplicité, elle est définie ou limitée, puisqu'elle se meut de façon discursive en une succession de positions qui ont besoin d'étre unifiées, et en méme temps c'est elle qui définit et limite, puisqu'elle rassemble cette multiplicité des positions dans une unique définition. En vertu de cette capacité de rassembler

et de saisir par intuition les εἴδη, méme si ce n'est pas de façon immédiate, mais à travers la médiation de la matière dont elle les extrait, et elle est ensuite un εἶδός

tt. Ceci explique la conclusion du fragment de Simplicius: « Et par conséquent dans l' Eudéme, le dialogue qu'il a composé sur l’äme, il démontre que l’âme est une forme, εἶδός τι, et ici (scil. dans le De anima) il loue tous ceux qui disent que l’äme est réceptrice des formes, τῶν εἰδῶν &extix, non pas l'âme tout entière, mais l'áme rationnelle, considérant qu'elle connait les formes véritables

dans un second temps, δευτέρως, puisque c'est à l'intellect, la partie supérieure de l'áme, que les formes véritables correspondent». Οὐχ ὅλην ἀλλὰ τὴν vonrodiv : cette insistance sur l'áme pensante s'explique dès lors qu'on doit mettre l'accent sur sa nature eidétique. Cf. 162 G. Faggin, «L'anima nel pensiero classico antico », dans M. F. Sciacca, L'anima, Brescia 1954, p. 51 sqq.

Au delà de toutes les discussions qui ont eu lieu sur ce fragment aussi et qui, de toutes façons, peuvent être éclairées par les chapitres du De anima sur l’intellection, il est intéressant de remarquer la définition de l'âme comme εἶδός τι. Sur εἶδος, cf. Bonitz 53, 217b 58 - 219459, surtout 218 b 42, à propos du rapport entre εἶδος et la cause formelle qui nous intéresse davantage ici.

Εἶδος n'est pas incompatible avec la notion d'évreA£ysia, utilisée dans la définition de l'áme dans le De anima (II 1, 412 a 19-21). Rappelons

la définition de l'àme: «Il est par conséquent nécessaire que

l'áme

soit

substance, οὐσίαν, en tant qu'elle est forme, ὡς εἶδος, du corps naturel qui a la vie en puissance — et la substance est entéléchie : par conséquent l’âme est entéléchie d'un corps de cette Sorte ».

Quelques lignes plus haut (a 9 sqq.), on lit: «La matière est puissance, la forme entéléchie, τὸ δ᾽ εἶδος ἐντελέχεια: cette dernière peut s'entendre en deux sens, ou bien comme la science ou bien comme l'exercice actuel de la science...»

Dans le traité l'áme est vue comme cause formelle, μορφὴ xal εἶδος, 412 a 8, et μορφή est «moins ambigu que εἶδος, qui signifie également l'espéce en tant que l'opposé du genre, sans parler de l'usage continu de ce mot pour désigner l'idée platonicienne » (Hicks 75, p. 306). Simplicius considère plutôt l’âme au niveau psychologique, en tant qu'elle est réceptrice de formes, reprenant l'expression du De anima III 4, 429 a 27-29. Là, après avoir démontré que le νοῦς est impassible, ἀπαθές, non mélangé, ἀμιγές, Aristote conclut: «Ils ont raison par conséquent ceux qui soutiennent que l'âme est le lieu des formes, τόπον εἰδῶν, sauf que ce n'est pas toute l'áme qui est telle, mais l'áme intellective, ἡ vontuch, et qu'il ne s'agit pas de formes en acte, mais en puissance ». Dans le passage de Simplicius, je le répète, 1᾿ εἶδος est vu plutôt sur un plan cognitif. Et en effet l'intellect rezoit la forme de l'intelligible comme le sens regoit la forme du sensible. En II 12, 424 a 17 sqq., il précise: «En général, en ce qui concerne chaque

DIALOGUES

451

sensation, il faut considérer que le sens est fait pour accueillir les formes sensibles sans la matière, comme la cire accueille l'empreinte de l'anneau sans le fer ou l'or et regoit l'empreinte de l'or ou du bronze, mais pas en tant que c'est de l'or ou du bronze; de la méme facon tout sens subit l'action de ce qui a couleur ou saveur ou son, mais pas en tant que chacun de ces objets est dit une chose particuliére, mais en tant qu'il est muni d'une qualité déterminée et selon la forme». Le méme processus se déroule pour la connaissance intellectuelle, comme Aristote l'explique dans le De anima 1Π 4. Sur le rapport entre l' intellect et le sens, cf. Movia 76, p. 374-375.

En conclusion, l' Eudérne reprenait sur le plan psychologique ce que le Gryllos avait exposé sur le plan rhétorique : le Gryllos aussi démontrait l'importance décisive de l’âme. Le modèle était le Phédon et comme dans le Phédon, dans l'Eudéme également il y avait au moins deux sections, une scientifique et une autre consolatoire. A la premiere se rapportaient les problèmes de l'áme, les théories sur l’âme, qu'il faille les accepter ou les réfuter — et c'est d'un pareil examen que découlait la position aristotélicienne de l’âme comme εἶδός τι, avec toutes les conséquences qu'elle comportait dans l'anthropologie et la psychologie. A là section consolatoire se rapportaient les récits historiques, mythiques et les discussions philosophiques moins rigoureuses ou διὰ πιθανῶν, pour reprendre l'expression d'Élias. Les deux sections n'étaient pas séparées, mais intimement fondues, ce qui était d'autant plus facile à réaliser que le dialogue, ainsi que nous l'avons dit, était construit selon la nouvelle conception aristotélicienne. Pourtant, si les problémes étaient fondamentalement les mémes que ceux du Phédon, la présentation et la solution en étaient différentes. Η ne pouvait en être autrement: entre les deux écrits s'étaient écoulés pas moins de trente ou trente-cinq ans, puisque le Phédon trahit un Platon maître d'école, en possession d'une doctrine et d'une méthode - et doit, par conséquent, être daté des années postérieures à 388/7. Sur la datation du Phedon, cf. 163 L. Robin (édit.), Platon, Phédon, Paris 1963, p. VII-VII.

De cette date à 353" environ, année de la parution de /'Eudéme, bien des choses avaient changé et surtout la discussion sur les idées avait connu parmi les élèves de Platon et d'Aristote des développements significatifs. C'est pourquoi dans l’Eudème également la position de l’äme comme εἶδός τι devait bénéficier d'un développement adéquat, comparable à celui que nous retrouvons dans plusieurs sections du De anima. DE ORATIONE

Le probléme théologique suit la méditation aristotélicienne qui, étant fondée sur une structure binaire, reliant mobile et immobile, ce qui devient et ce qui est, l'éphémére et l'éternel, c'est-à-dire puissance et acte, trouve dans le second terme la justification du premier et de tout ce qui s'y rapporte. Au centre du probléme théologique se trouve donc la notion de Dieu, sur laquelle Aristote revient plusieurs fois dans ses œuvres exotériques et dans ses ouvrages scolaires.

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452

Il en parle déjà dans le Tlept φιλοσοφίας, dont le troisième livre était presque entièrement consacré au probléme de Dieu.

En Métaphysique XII 7, 1072 b 13 sqq, on lit la définition de Dieu comme

pensée de la pensée. C'est en rapport avec Dieu que s'explique l'enquéte d'Aristote sur la priére, étant donné le lien étroit qui unit les deux termes: plus la notion de Dieu est purifiée, plus la prière est pure. La prière dans le monde antique a fait l’objet de beaucoup d'études. Pour une introduction. cf. 164 E. von Severus, dans RAC VIII, 1972, p. 1134 sqq. ; et 165 R. Bocassino (édit). La preghiera, Milano 1967, 3 volumes. Également intéressante est l'étude de 166 H. Schmidt, Veteres philosophi quomodo iudicaverint de precibus, coll. « Religionsgeschichtliche Versuche

und Vorarbeiten » IV 1, Gießen 1907, 74 p.

Il faut donc considérer la priére non pas comme forme d'expression, c'est-à-dire comme discours ni vrai ni faux, en tant qu'il n'est pas déclaratif, mais en tant

qu 'élévation de l'esprit. En ce sens, elle peut être prière de demande, ainsi qu'elle apparaît déjà chez Homère et Hésiode et qu'elle continue à l'étre chez les autres en suivant le cours de la spéculation philosophique. Elle peut étre priére d'adoration, priére qui veut seulement reconnaitre l'infinie grandeur de la divinité et des choses dans lesquelles le divin réside. On en a un exemple exceptionnel dans l'Agamemnon d'Eschyle, v. 160 sqq. Ce dernier type de priére peut dériver également de motifs rationnels, de l'examen des choses qui nous entourent ici bas. Comme l'antique « physicien», l'homme cherche à saisir le pourquoi de la beauté et de l'éclat des choses, découvre l'ordre qui règne en elles et avec l'ordre l'esprit qui en est la cause. La reconnaissance de la grandeur surhumaine de cet esprit est prière : [εὔχεσθαι est identique au νοεῖν. « Sapiens igitur quum philosophatur loquitur cum Deo (ut ait Theophrastus, Hieronimi in libro Περὶ γάμου) simul et precatur » (Rose 10, p. 67). Voir de même Schmidt 166, p. 18: «sed Aristoteles, empiricus ille doctus homo, semper nexum causarum investigabat. Quod cum respicimus, non miramur Aristotelem de precibus, quippe quae sint piae mentis non rationis, perpaucis locis egisse ». Ce sujet était cependant congu avec une certaine profondeur, puisqu'un traité entier lui était consacré.

Le Dieu auquel on parvient de la sorte n'est certes pas le dieu d'une révélation, mais un dieu péniblement saisi par l'intellect dans son effort pour comprendre les phénomènes. C'est là la théologie naturelle dont parle Varron et qu'Augustin estimait supérieure à la théologie mythique et à la théologie civile. Il n'est donc pas surprenant qu'Aristote ait écrit un Περὶ εὐχῆς. Le titre, conservé par le catalogue de Diogène Laérce (n? 14), est confirmé par Simplicius qui écrit dans son commentaire sur le De caelo, p. 485, 19-22 (fr. | Ross): «Qu'il pense en effet à quelque chose au-dessus de l'intellect et de la substance, Aristote le montre à la fin du livre Sur la prière, où il dit clairement que Dieu est ou bien l'intellect ou bien quelque chose au-delà de l'intellect (ὅτι ὁ θεὸς ἢ νοῦς ἐστὶν ἢ xai énéxetvá τι τοῦ VOD)». Ces quelques mots ont fait l'objet d'innombrables études. On essayera ici aussi de dégager les conclusions d'une longue discussion développée ailleurs (cf. Laurenti 12, t. II, p. 715-723). La formule d'Aristote est disjonctive, une disjonctive d'un type particulier puisqu'il ne s'agit pas d'une alternative, dans la mesure où le premier et le second membre contiennent le méme

terme νοῦς,

DIALOGUES

453

présent de facon absolue dans le premier, avec une modification dans le second — et cependant que ce soit dans le premier ou dans le second le νοῦς est le méme et par conséquent Dieu est dans tous les cas νοῦς, pensée pure. Le premier membre ne pose pas de difficulté; dans le second en revanche, qui présente Dieu comme quelque chose au-delà de la pensée, cet «au-delà de la pensée» ne doit pas étre compris comme un au-delà du rationnel, ou tout à fait irrationnel. Il indique seulement le mode particulier de la pensée divine, dans lequel le pensant et le pensé ne sont pas distincts: «L'intellect se pense lui-même, se saisissant comme intelligible ; en effet il devient intelligible en se percevant et se pensant lui-même, si bien qu’intellect et intelligible sont identiques. L'intellect est capable de saisir l'intelligible et la substance et il est en acte lorsqu'il les possède » (Métaphysique XII 7, 1072 b 19-23). L'éréxerva de Simplicius se retrouve dans une formule d' Ammonius, in De interpr., p. 242, 19-243, 4 Busse, que Gigon 9, p. 296-297, rattache au Περὶ εὐχῆς. On y célèbre l'intellect des dieux qui a une nature particulière, plus vénérable que celle de l'intellect humain: τοῦ νοῦ σεμνοτέραν ἔχειν... φύσιν. L'expression rejoint celle de Simplicius et par conséquent doit s'expliquer de semblable facon.

Voilà donc comment il faut probablement interpréter la formule d'Aristote, laquelle, je le répète, veut souligner la particularité de la pensée divine, réalisée par l'intellect divin qui, tout en restant un, se scinde en intellect et intelligible, à la

différence de l'intellect humain qui dépend du sens et de l'imagination. La formule, dit Simplicius, ne se trouvait pas au début du De oratione, mais bien à la

fin. Cette place pourrait sembler étranger à premiére vue, mais comme la formule concernait la définition de Dieu dans un petit ouvrage consacré à la priére Aristote a peut-étre jugé utile de la mettre en conclusion, dans la mesure oü elle pouvait justifier tout ce qu'il avait dit précédemment sur ce sujet. Mais quel type de priére pouvait accepter le Dieu d' Aristote ? Si Dieu accepte

la prière de demande, il pourvoit aussi aux choses humaines et en prend soin -mais on considére généralement que cette image ne convient pas au Dieu d' Aristote. Toutefois sur cette question il faut procéder avec beaucoup de prudence, puisqu'il faut concéder au Dieu pensée de la pensée une certaine connaissance du monde, füt-ce une connaissante médiate, et cela amène à remettre

k

probléme sur le tapis. Sur toute cette question, cf. Elders 81, p. 39-42; 167 W.J. Verdenius, « Traditional and personal elements in Aristotle's religion », Phronesis 5, 1960, p. 56-70, et 168 C. Giacon, La causalità del motore immobile, Padova 1969. Certains savants pensent que la thèse d' Aristote ne devait pas étre trés différente de la thése épicurienne exposée dans Cicéron, De natura deorum 156 et 116. Pour une influence éventuelle du dialogue aristotélicien sur la spéculation du

moyen-platonisme, puis du néoplatonisme, voir 169 J. Pépin, «De la prière », dans Schuh] 135, p. 76-77.

D'un autre côté, ces discussions dans le Περὶ εὐχῆς pouvaient être conduites au

niveau de la religion populaire — et c'est à ce niveau que pourrait trouver sa place la priere de demande. En revanche l'autre type de priére est plus facile à admettre, celle que suggère l'infinie grandeur de Dieu: il suffit de lire tout le passage déjà cité de la Métaphysique pour comprendre comment un étre qui est de la sorte infiniment grand dans sa sagesse et infiniment heureux dans son activité ne

454

ARISTOTE DE STAGIRE

pouvait pas ne pas être adoré par l'homme. Le Περὶ φιλοσοφίας allait dans cette direction (fr. 14 Ross), de méme que certaines expressions de l' E. E. VII 4, 1239 a 1 sqq. et de l'E. N. VIII 7, 1158 b 35 sqq. à propos de l'amitié. Cette possibilité est refusée, étant donné la distance infinie entre les deux : mais s'il ne peut exister

d'amitié entre eux, rien n'empéche que l'inférieur adore le supérieur. SUR LA NOBLESSE

Εὐγένεια est un terme dont l'étymologie est transparente: il désigne la bonne naissance ou la noblesse, une notion parmi les plus discutées dans le monde grec, puisqu'elle impliquait des valeurs d'une vénérable antiquité servant à discriminer hommes et choses, types d'éducation, constitutions, etc. Étant donné le caractère positif des εὐγενεῖς, on comprend comment déjà chez Homère ils étaient également appelés ἀγαθοί. Cf. 170 F. Nietzsche, Zur Genealogie der Moral: eine Streitschrift, Leipzig 1887 Genealogia della morale, p. 223 sqq. (&dit. G. Colli et M. Montinari, t. VI 2, Milano 1968).

=

Il n'est pas de philosophe ou de poéte qui n'ait abordé le probléme de la noblesse et ne l'ait résolu selon la vision qu'il avait des choses et le contexte dans lequel le problème était placé. Euripide constitue un exemple typique, car il a étudié cette question plus que les autres et en a présenté les différents aspects, ce qui rend difficile la compréhension de sa véritable pensée sur la question. Aristote ne pouvait pas ne pas choisir entre les positions opposées de ceux qui exaltaient et de ceux qui réfutaient la noblesse. Le hasard a voulu que nous soient conservés trois fragments, tous les trois transmis par Stobée (IV 29°, 24, IV 295,

25 et IV 2%, 52, qui constituent les fragments 1, 2 et 4 Ross), dont l'un (TV 29", 25), de longueur appréciable, permet de savourer le développement du dialogue

aristotélicien. Quelle valeur a la noblesse? Le sophiste Lycophron, cité dans le premier fragment, affirme qu'elle est « quelque chose d'absolument insignifiant » (κενόν τι πάμπαν), puisque la grandeur qui l'accompagne ne tient que dans les mots, tandis qu'en réalité les non nobles, c'est-à-dire les gens de basse extraction,

ne se distinguent absolument en rien des nobles. Lycophron, disciple de Gorgias (»*G 28), traitait du probléme du jugement et soulignait les difficultés de la prédication, laquelle, à son avis, brisait l'unité dans la multiplicité. Cf. 171 M. Untersteiner, / Sofisti, Milano 1967, t. II, p. 213. Sur sa pensée politique, cf. 172 Th.A. Sinclair, A history of Greek political thought, London 1959 = Il pensiero politico classico, trad. ital., Bari 1961, p. 103-104.

Selon Simonide, cité dans le second fragment, est noble celui qui descend de riches de longue date: εὐγενεῖς τοὺς ἐκ πάλαι πλουσίων (lesquels se distinguaient ainsi des riches de date récente, les nouveaux riches, dont la position était

inférieure par rapport aux autres). Selon Socrate enfin, toujours dans le second fragment, la noblesse dérive du

père, s'il est vrai que

«c'est par la valeur

d' Aristide que sa fille elle aussi est noble». Comme le montre le fr. 3, la fille d' Aristide s'appelait Myrto. Elle a une certaine importance dans la probléme de la prétendue bigamie de Socrate. Cf. plus bas, p. 457.

DIALOGUES

455

Ce sont là trois positions sur la noblesse qu' Aristote devait, avec d'autres sans doute, recenser et critiquer de facon à construire sa propre doctrine à la lumière de cette critique. La première était rejetée, car la noblesse n'est pas un mot vide et sans consistance : elle est au contraire l'ápevi) γένους, l'excellence de la race, et pour cette raison ne se trouve pas n'importe où ni partout; en tant αὐ ἀρετή, la noblesse est une valeur trés importante. La seconde position, celle de Simonide, était également rejetée, puisque la noblesse a besoin de la richesse, comme condition indispensable, mais ne s’identifie pas à la richesse. D'ailleurs, dans les temps héroiques, et à époque plus tardive, la noblesse était par sa nature méme accompagnée dc la richesse et le binóme noblesse-richesse restait tellement indissociable dans la croyance de la plupart des gens, en particulier des nobles, que Théognis se

demandait avec stupéfaction comment

l'une pouvait exister sans l'autre et

comment les nobles d'autrefois pouvaient avoir été précipités dans

une

telle

misère. Un bonne partie du poème de Théognis cherche à rendre compte de la pauvreté de tant de nobles, l'effondrement de la polis aristocratique, le mélange déplorable des xaxol et des

ἀγαθοί. Cf. Jaeger 107, t. I, p. 291 sqq. Ceci permet de comprendre pourquoi le dialogue aristotélicien avait une forte connotation politique, étant donné le lien étroit entre la noblesse, la richesse et la politique, ainsi que le souligne également Gigon 9, p. 299.

Était ensuite rejetée la conception de Socrate, dans la mesure oü ce n'est pas le rapport pere-fils qui fonde la noblesse, mais celui de fondateur de lignée et de descendants. Là était le point essentiel de la démonstration. Comme dans tout autre rapport entre producteur et produit, c'est le producteur qui compte, mieux:

le premier producteur, ἀρχή, dont le reste dérive. Pour que la lignée soit excellente, il fallait que 1᾿ ἀρχή soit excellente: «En effet l'origine a cette capacité de produire de nombreux exemplaires de sa qualité ». C'est pour cette raison qu'elle est exaltée. « Quand dans une lignée existe un individu de cette valeur et tellement excellent que plusieurs générations recoivent le bien qui vient de lui, cette lignée

est nécessairement excellente », que ce soit pour les hommes, les chevaux ou d'autres animaux (fr. 4 Ross pour les deux dernières citations). D’oü la différence qu'il faut établir entre le noble, εὐγενές, et le généreux, γενναῖον : «noble se dit en rapport avec l'excellence de la lignée (κατὰ τὴν τοῦ γένους ἀρετήν)» - on notera qu'il s'agit de la définition déjà rencontrée dans le dialogue -, « généreux se dit ce qui ne dégénère pas de sa propre nature (xarà τὸ μὴ ἐξίστασθαι τῆς φύσεως)» (Rhétorique II 15, 1390 b 21-22). Le généreux, par lui-même, n'est

pas noble: généreux peut être dit de l'homme, de l'animal, méme de la chose — mais les choses n'ont pas un genos: par conséquent les deux adjectifs doivent étre nettement distingués.

Dans la définition aristotélicienne de la noblesse transparait la pensée aristocratique qui, en un certain sens, rejoint la loi générale sur la relation entre la cause et l'effet. Et Aristote le répète : « Quand quelqu'un est personnellement homme de

bien, ἀγαθός, mais n'a pas cette capacité naturelle, τοιαύτην δύναμιν τῆς φύσεως, d'engendrer plusieurs êtres semblables à lui, l'origine, ἀρχή, n'a pas en eux cette capacité : de telle sorte, τοιαύτη, est l'excellence de la lignée et nobles

sont tous ceux qui proviennent de cette lignée non pas si leur père est noble, mais

456

ARISTOTE DE STAGIRE

si est noble le premier qui a engendré cette lignée. Le père, en effet, n'a pas engendré un homme de bien par lui-même, δι᾽ αὑτόν, mais parce qu'il était issu d'une telle lignée » (fr. 4). En somme, le pére ne peut pas produire un fils excellent s'il n'a pas la noblesse du chef de la lignée. Il est seulement un intermédiaire transmettant la vertu à son fils, mais il transmet une vertu que lui-méme a reque d'un autre.

Toute lignée est percue comme quelque chose de fermé sur soi-méme, avec des valeurs et des vertus qui se transmettent de père en fils. Il est clair cependant

qu'une gestion inconsidérée de ces valeurs et de ces vertus pouvait les appauvrir et en provoquer la destruction: ainsi se détruisent les constitutions et les cultures des champs: «Les lignées bien douées dégénérent en des caractéres maniaques, comme le furent les descendants d' Alcibiade et de Denys l' Ancien, celles qui sont équilibrées en stupidité et torpeur, comme par exemple les descendants de Cimon, de Périclés et de Socrate » (Rhétorique II 15, 1390 b 27-31). D'où la nécessité de rechercher les causes de la destruction de la vertu, laquelle, comme la physis, est sujette à des perturbations. La nature déjà, l'homme est tenu conduite accentue peuvent expliquer

comme on l'a vu plus haut (p. 441), a par elle-méme des déficiences que de réparer au moyen de l'art: d'un autre cóté l'homme également par sa ces déficiences ou méme en provoque d'autres. Ce sont là deux raisons qui l'existence du mal parmi Jes hommes.

Des critiques formulées contre les positions de Lycophron, de Simonide et de Socrate ressort clairement la pensée d'Aristote sur la noblesse: il entend la soustraire aux choses externes, à la τύχη, aux prétendus biens, et, en méme

temps, lui donner une consistance que beaucoup avaient reconnue sans pouvoir la distinguer avec exactitude. Cette consistance est due au fait que la noblesse est en rapport avec le genos, lequel, par l'intermédiaire de l'ápynyóc, dispense à tous ses descendants certaines impulsions qui les rendent capables de réaliser l'excel-

lence que le genos lui-méme exige. D’oü encore une fois l'importance de la φύσις, régulatrice du monde physique et moral.

On rapporte d'habitude au Περὶ εὐγενείας trois autres fragments qui concernent la question des épouses de Socrate. Il s'agit de Diogéne Laërce II 26; Plutarque, Vita Arist. 27, 2; Athénée 555d - 556a. Ils constituent le fr. 3 Ross. Sur toute cette question, voir Laurenti 12, t. 1, p. 781-804.

Une lecture attentive des trois fragments, leur confrontation minutieuse, rend fort

douteuse l'information relative à la bigamie de Socrate, qui aurait eu comme épouses Xantippe et Myrto, fille ou petite-fille d' Aristide. Ces informations sont probablement dues à une interprétation erronée d'une certaine attitude du philosophe relative à Myrto, la fille d' Aristide, que Socrate aurait accueillie chez lui, parce qu'elle était veuve et pauvre. Peut-étre un acte d'humanité, de compréhension, avait-il été interprété comme quelque chose de scandaleux et d'indigne d'un homme

Xantippe.

de la grandeur de Socrate. Et Myrto

connut le méme

sort que

DIALOGUES

457

SUR LE PLAISIR

Il ne fait pas de doute que le plaisir fut l'un des thémes les plus discutés dans l'Académie. Il suffit de penser aux nombreux passages des dialogues dans lesquels Platon aborde cette question, du Protagoras au Gorgias, à la République et surtout au Philébe qui, quelle que soit l'interprétation qu'on en donne, énumere plus d'une position soutenue dans l'école à ce sujet. Ce n'est pas sans raison que Speusippe, Xénocrate, Théophraste, Straton de Lampsaque, Héraclide le Pontique (»H 60) et d'autres en ont parlé et discuté. Aristote fit de méme, et sur sa réflexion ont influé les spéculations d'Eudoxe (»*E 98) qui «identifiait le plaisir avec le bien», ainsi que le rapporte Aristote lui-même dans l'E. N. X 2, 1172 b 9. Sur tout ce probléme du plaisir, cf. 173 A. Hermann, Untersuchungen zu Platons Auffassung von der Hedoné, Göttingen 1972, et le court article de 174 G. Lieberg, «Die Stellung der griechischen Philosophie zur Lust von den Pythagoreern bis auf Aristoteles », Gymnasium 66, 1959, p. 128-137. Cf. aussi 175 R. Philippson, « Akademische Verhandlungen über die Lustlehre », Hermes 60, 1925, p. 444-481, et plus récemment 176 J. C. B. Gosling et C. C. W. Taylor. The Greeks on pleasure, Oxford 1982. Pour Aristote en particulier, cf. Laurenti 29. Pour une anthologie de passages relatifs au plaisir dans le monde grec, voir 1768 P. Cosenza et R. Laurenti, /l piacere nella filosofia greca, Napoli 1992.

Le théme du plaisir devait avoir attiré l'attention du jeune Aristote déjà, car ces questions revétent le caractere d'exercices: du reste, quand il entra à l'Académie,

les trois premiers dialogues de Platon que nous avons cités avaient déjà vu le jour et, le Maitre étant absent, Aristote put jouir de l'amitié et de la doctrine d'Eudoxe.

Il n'est donc pas illogique de penser que le Περὶ ἡδονῆς (plutôt que ἡδονῶν) signalé dans le catalogue de Diogene Laérce (n° 16) et dans le catalogue anonyme (n? 15) était un écrit dans lequel Aristote, aprés avoir recensé à son habitude les positions des adversaires et dénoncé leurs limites, préparait ainsi le terrain pour présenter sa propre conception. Cette position dans sa forme définitive se trouve dans l'EN VII 11-14, et X

1-5, les fameux textes A et B

de

Festugière. Il est cependant probable que ces chapitres reprennent des vues déjà arrêtées. Cf. 177 A.J. Festugière (édit.), Aristote, Le plaisir, Éth. Nic. VI, 11-14, X 1-5. Introd., trad. et notes par A.J. F., Paris 1946.

En réalité, le principal probléme à propos du plaisir consistait à le soustraire au besoin dont il était considéré étre le rnoyen de satisfaction: mais par là ce qui à un certain niveau était bien et pour cette raison étre, acte, en venait à dépendre de quelque chose qui était en mouvement et donc de la puissance, du devenir. De là dérivait l'autre question relative aux diverses formes du plaisir qui correspondaient aux diverses formes de vie, un autre théme fort étudié et débattu dans l'Académie. Parmi de nombreux passages, voir M. M. II 7, 1204 a 34-35: «En premier lieu, ils disent que le plaisir est un devenir et que le devenir est quelque chose d'imparfait, tandis que le bien ne peut jamais avoir sa place dans l'imparfait». Voir en outre Rhérorique 1 11, 1369 b 32 - 1370 49.

458

ARISTOTE DE STAGIRE

Nous n'avons aucune citation du Περὶ ἡδονῆς, alors que nous en avons de l’œuvre homonyme de Théophraste : pour cette raison, Zeller affirme que l’on ne peut pas supposer non plus que ce fut un dialogue. Pour l'ouvrage de Théophraste, voir Diogène Laérce V 44 (n° 49) qui mentionne un Tlepl

ἡδονῆς ὡς ᾿Αριστοτέλης α΄: cela pourrait suggérer que la paternité de l'ouvrage sur k plaisir était controversée, ou plutôt que Théophraste «comme Aristote» avait composé un ouvrage sur le plaisir. L'écrit de Théophraste est cependant plusieurs fois cité. Pour les fragments, cf. 178 F. ac mmer (édit), Theophrasti Eresii Opera, ex recognitione F. W., t. ΠῚ, Leipzig 1862, n° 8486.

Toutefois, de la lecture attentive de tous les passages que le Corpus contient sur le plaisir, nous pouvons établir que le théme, comme on l'a dit, fut abordé trés tót par Aristote et qu'il fut abordé de la facon et sous la forme dont on le traitait habituellement dans l'école: très probablement, toujours, dans ces premières tentatives, devait apparaitre la solution du probléme qui allait étre exposée dans l'E. N., du moment

qu'on y trouve déjà la notion d'évépyeta qui sous-tend la

réflexion des textes A et B de l'E. N. Il est intéressant de noter que des références au plaisir se rencontrent déjà dans les Topiques,

l'un des premiers ouvrages scolaires d'Aristote. Cf. Laurenti 30, p. 29-34. A propos de la notion d'évépyeta, voir plus haut, p. 442.

En ce qui concerne les fragments, Rose? et Gigon 9 n'en recensent aucun; Ross un seul (Athénée, epit. I, 6 d), Heitz deux (Athénée, epit. I, 6 d et Athénée VIII, 335 f, avec Cicéron, Tusc. V 35, 101 et De finibus Il 32, 106). Je considère

que peuvent se rapporter à l'ouvrage d' Aristote les trois derniers passages (= fr. 2 Heitz), mais non Athénée, epit. L, 6 d. Ce passage présente une scène commune à tous les ports du monde: « D'autres disent que Philoxène aimait le poisson, Aristote seulement qu'il aimait les banquets. I} écrit quelque part ce qui suit : "En discutant avec les gens, ils passent la journée entière parmi les bateleurs et les marins de Phasis ou de Borysthène, sans avoir rien lu d'autre que le Banquet de Philoxène et méme pas en entier" ».

Une nuée de fainéants va et vient, toujours se fatiguant à ne rien faire, s'arrétant

prés des prestidigitateurs, des charlatans, des bouffons, se liant avec tous ceux qui viennent de la lointaine Phasis et de Borysthéne pour écouter, interroger, bavarder. La scène pouvait s'insérer dans bon nombre d'écrits et le fait que ces gens ont lu (s'ils l'ont lu) le Banquet de Philoxéne ne s'y oppose en rien. Le passage ne concerne pas le plaisir, mais joue sur le contraste entre σωφροσύνη et ἀφροσύνη: pour cette raison il serait prudent de s'abstenir de formuler des hypothéses sans valeur. Le cas des premiers passages est différent, de par leur consistance et par les remarques qui font référence à Aristote. Ils concernent Sardanapale, le faible roi des Assyriens, et plus précisément l'épitaphe qu'il fit inscrire sur son sépulcre: «Ce que je possède, c'est ce que j'ai mangé ou que la passion rassasiée a consumé, mais les autres choses, nombreuses et belles, m'ont abandonné ».

Chez Cicéron, Tusc. V 35, 101, l’épitaphe est introduite par cette remarque: « Par conséquent, comment pourrait étre agréable la vie quand elle manque de sagesse, quand elle manque de mesure ? (a qua absit prudentia, absit modera-

DIALOGUES

459

tio?) Par là on voit la folie de Sardanapale qui fit inscrire sur sa tombe...» Suit l'épitaphe, puis une autre remarque qui, selon Cicéron, proviendrait d' Aristote: «Quoi d'autre aurait-on pu inscrire, dit Aristote, sur le sépulcre d'un bœuf et non d'un Roi ? Il dit ne pas avoir depuis sa mort ce que de son vivant il ne possédait que pendant qu'il en jouissait». La première remarque rappelle Aristote, surtout l' Aristote du Protreptique :

prudentia est la φρόνησις, moderatio comme modus est le μέτρον. Dans le Protreptique les deux termes reviennent ensemble, accrochés, surtout le premier,

à « vie». Il suffit de citer le fr. 7 qui souligne comment la vie véritable consiste

dans le penser et le connaître, τὸ φρονεῖν, τὸ γνωρίζειν : sans ces activités, ce n'est pas une vie. « Et encore si nous aimons le voir (τὸ ὁρᾶν) pour lui-même, cela est un témoignage suffisant que tous aiment de facon extréme le savoir et le connaitre... » (Jamblique, Protr. 7, p. 43, 25

sqq-).

La seconde remarque, celle d' Aristote, reste au méme niveau que la première, dans la mesure où si l'on enlève de la vie τὸ φρονεῖν, on supprime la caractéristique méme de l'homme et on le dégrade en béte. Par conséquent il n'y a plus τὸ φρονεῖν, mais un plaisir des sens qui est lié à l'instant et se consume dans l'instant. Ailleurs Aristote parle du plaisir remémoré ou attendu, c'est-à-dire du plaisir lié au passé ou au futur, que ce soit pour les sens ou pour l'áme. Rhétorique 1 11, 1370 a 27-35 : « Puisqu'éprouver du plaisir consiste à ressentir une impression et que l'imagination est une sensation faible, toujours le souvenir et l'espoir s'accompagnent d'une imagination de ce qu'on se rappelle ou de ce qu'on espère. S'il en est ainsi, il est clair aussi que des plaisirs sont concomitants au souvenir et à l'espoir, puisque la sensation est

elle-méme un plaisir. Par conséquent toutes les choses agréables sont ou présentes dans la sensation, ou passées dans le souvenir, ou futures dans l'espoir; car on sent le présent, on se souvient du passé, on espere l'avenir» (trad. M. Dufour).

L'hypothèse n'intéressait pas Sardanapale, méme si Cicéron (De finibus Il 32, 106) l'envisage, serait-ce avec quelque doute: «Quant au plaisir du corps, s'il est vrai que, passé, il a encore du charme, je ne comprends pas pourquoi Aristote se moque de l'épitaphe de Sardanapale, oü ce roi de Syrie se vante d'avoir emporté avec lui tous les plaisirs de sa vie voluptueuse» (trad. J. Martha). A l'hypothése envisagée par Cicéron, Aristote aurait pu répondre que dans le cas de Sardanapale parler des plaisirs passés et futurs était illogique. Pour lui tout se réalisait dans le moment présent. Et par conséquent pourquoi mentionner des choses ou des objets privés de toute valeur ? Ce n'est pas pour rien qu'Aristote avait comparé le roi à un bœuf. Et ceci correspond au témoignage selon lequel dans le Περὶ ἡδονῆς figurait une description des « vies ». C'est là, on le sait, un lieu commun chez Aristote. Cf. par exemple E. E. I 4, 1215a261216a 36. Voir plus haut, p. 433.

Il était facile de passer d'un type «bestial» d'existence à l'examen ultérieur d'autres genres de vies, chacune avec ses caractéristiques et ses plaisirs. Si tel est le cas, si donc, comme on le voit dans le Protreptique, Aristote acceptait une échelle de valeurs réalisées chacune par une faculté diverse, chacune avec sa phy-

sionomie propre et son plaisir propre, il n'est pas difficile de deviner quelle était la

460

ARISTOTE DE STAGIRE

conclusion de tout l'examen: à vie meilleure, plaisir meilleur, une position qui domine tout le Corpus et trouve son couronnement en Dieu, lequel, nous l'avons déjà dit, a lui aussi son plaisir propre. SUR LA ROYAUTÉ

Les dix-septième et dix-huitiéme « dialogues » de la liste transmise par Diogene Laérce s'intitulent respectivement ᾿Αλέξανδρος ἢ ὑπὲρ ἀποχιῶν α΄ et Περὶ βασιλείας α΄. En ce qui concerne l'interversion des deux traités dans notre exposé. voir l'Introduction de

cette notice. Ils sont souvent cités ensemble, parce qu'ils appartiennent à ce groupe d'auvres définies comme « particuliéres » (μερικά), c'est-à-dire écrites «à titre privé à un particulier: telles sont, explique le Pseudo- Ammonius (in Categ. [Ven. 1546 f 9b] = Περὶ βασιλείας, test. p. 61 Ross), les lettres et les réponses rédigées par Aristote à la demande d' Alexandre de Macédoine sur la royauté et sur la fagon de fonder des colonies, περί τε βασιλείας xal ὅπως δεῖ τὰς ἀποιχίας ποιεῖσθαι».

Le Περὶ βασιλείας est une lettre écrite en réponse à une demande d'Alexandre concernant un sujet fort complexe, celui du gouvernement. Aristote est considéré comme le maître vers lequel il faut se tourner pour avoir des indications sur la voie à suivre; il possède encore toute l'autorité et le crédit de l'homme avec lequel Alexandre avait vécu pendant environ six ans à Miéza, de 342 à 336, celui qui l'avait dirigé vers les sciences, en particulier vers les sciences morales et politiques. La lettre a donc été écrite entre ce séjour à Miéza et les années qui ont suivi la bataille d’Arbèla (octobre 331°) qui entraîna une crise chez le jeune monarque et le rendirent suspect aux yeux de beaucoup, méme à ceux d' Aristote (Plutarque, Alex. 8). Cf. 179 F.W. Walbank, The Hellenistic world, Cambridge (Mass.) 1982 = /I mondo ellenistico, trad. ital., Bologna 1983, p. 33 sqq.

On doit alors penser à l'année 336, année de l'accession au tróne de Macédoine du jeune roi, aprés la mort de son père survenue en juillet de la même année : à pouvait bien demander au Maître un conseil περὶ βασιλείας. On a proposé d'autres datations, mais aucune autre ne répond de manière satisfaisante aux indications des sources. Pour les positions de Jaeger, de Moraux et de Weil, cf. Laurenti 12, p. 876-879.

C'est probablement à cet écrit que Cicéron fait référence dans sa lettre ad Art. XII 40, 2 (test. 1 Ross, p. 61): «J'essaie souvent d'écrire un discours de conseil

(συμδουλευτιχὸν saepe conor), mais je ne trouve rien, et pourtant j'ai avec moi ceux d'Aristote et de Théopompe à Alexandre. Mais qu'ont-ils en commun ? Ces auteurs écrivaient des choses qui leur semblaient dignes et qui étaient agréables à Alexandre ; penses-tu toi méme à quelque chose de tel ? » Cicéron voulait utiliser l'ouvrage d'Aristote pour rédiger et dédier à César un traité sur le bon gouver-

nement, ainsi que le lui suggéraient les amis du dictateur, aprés la bataille de

DIALOGUES

461

Munda (mars 45°). Dans cet ouvrage Aristote écrivait des choses dignes et agréables à Alexandre, lesquelles, note encore Cicéron (ad Arr. XIII 28, 2) poussaient vers les honneurs un jeune homme enflammé pour une gloire plus pure et désireux de recevoir un conseil capable de le guider vers une renommée éternelle: ad laudem sempiternam. Le Pseudo-Ammonius (in Categ. [Ven. 1546 f 5b] = fr. 1

Ross) ajoute que l'ouvrage tenait en un seul rouleau, Ev Evi μονοδίδλῳ, et ensei-

gnait à Alexandre comment il fallait régner: παιδεύων αὐτὸν ὅπως δεῖ fjactλεύειν, formule qui précise le περί τε βασιλείας du témoignage précédemment cité. Quel type de monarchie Aristote présentait à Alexandre, Thémistius (Or. 107 c-d- fr. 2 Ross) nous l'indique, quand, aprés avoir exposé la pensée de Platon sur le roi-philosophe ou sur le philosophe-roi, il la critique et la compare avec la position d’ Aristote : « Mais il convient d'admirer Aristote qui, en changeant un peu les formules de Platon, l'a rendue plus crédible (scil. la position que Platon illustre dans la République), soutenant que le roi ne doit pas nécessairement philosopher et que cela peut lui étre une géne, mais il doit étre obéissant et docile à celui qui philosophe de facon véritable : ainsi remplit-il son régne d'actions bonnes et non de paroles ». La position de Gigon 9 me semble hyper-critique : il dissout l'œuvre en rapportant le premier des deux fragments à la Vita Marciana (T 3), l'autre, celui de Thémistius, aux fragments “ohne Buchangabe" (n. 982). Tout le contexte prouve le bien-fondé de l'hypothése de Heitz, de

Rose?, de Ross, confortée par l'information du Pseudo-Ammonius déjà citée.

La monarchie imaginée par Aristote était donc d'un type particulier, un gouvernement à deux, dans lequel la fonction fondamentale du souverain, l'activité de gouvernement, était distribuée entre deux personnages, celui qui philosophe de façon véritable, τὸ δὲ φιλοσοφοῦσιν ἀληθινῶς, et celui qui met en acte les décisions, les suggestions faites par le philosophe. Cela ne signifie pas que le dépositaire de l'autorité exécutive ne serait qu'un instrument entre les mains de l'autre; c'était une forme de monarchie qui n'était nouvelle qu'en apparence, si l'on pense à l'exemple de Périclés qui domine dans la Constitution d'Athénes 26-28 ; ce dernier, qui fut pendant si longtemps le roi non couronné d'Athènes, discutait avec les philosophes, en particulier Anaxagore, sur la conduite à suivre. Cf. 180 G. De Sanctis, Pericle, Milano 1944, p. 15 sgq.

Par conséquent Athénes, à l'un des moments les plus importants de son histoire, avait été gouvernée, sans que personne peut-étre n'en füt averti, par la méme

forme de gouvernement que celle qu' Aristote proposait à Alexandre.

L'importance du Περὶ βασιλείας tenait à son originalité, suggérée principalement par l'expérience, une originalité que l'on remarque davantage si l'on réussit à comparer l'ouvrage avec des écrits analogues produits à la méme époque

dans l’Académie. Xénocrate avait écrit des Στοιχεῖα πρὸς ᾿Αλέξανδρον περὶ βασιλείας (D. L. IV 14), dans lesquels il devait essayer de souligner avec beau-

coup de zele la note mystique qui caractérise sa doctrine; le Minos pseudo-platonicien exaltait l'antique conception du monarque disciple de Zeus et bienfaiteur des hommes, une conception qui revient chez Xénophon, Isocrate et Aristote lui^

meme.

462

ARISTOTE DE STAGIRE

C'est justement cette originalité qui explique pourquoi cette forme de monarchie n'apparait pas dans la Politique III 14-16: c'était quelque chose de trop personnel pour qu'elle puisse trouver place dans une énumération scientifique des monarchies — et en effet le philosophe qui aurait tout dirigé ne pouvait être autre que l’auteur de la lettre. La proposition d'Aristote n'eut pas de succès et cependant ne disparut pas; elle allait étre reprise par les stoiciens, qui chercheront à placer, à l'époque hellénistique, prés du souverain, puis plus tard vers la fin de la République et le début de l'Empire, prés des nobles romains, la voix de la raison incarnée dans le philosophe. ALEXANDRE OU EN FAVEUR DES COLONIES

L'Alexandre appartient lui aussi aux œuvres particulières, μερικά, comme le De regno. Le titre est expliqué, sinon justifié, par le sous-titre qui est selon cer-

tains manuscrits ὑπὲρ ἀποίκων, selon d'autres ὑπὲρ ἀποικιῶν. Je préfère la seconde leçon, entre autres raisons parce qu'elle rejoint le témoignage du Pseudo-

Ammonius cité dans la section précédente. En tout cas ὑπὲρ, qui n'est pas fréquent dans les titres d'Aristote, signifie pour, en faveur de, à la défense de, etc.

L'ouvrage prenait position en faveur des colonies, lesquelles avaient probablement subi un tort, avaient été traitées d'une facon incorrecte qui avait provoqué l'intérét d' Aristote. Préciser dans quelles circonstances peut éclairer l'ouvrage. Outre le témoignage du Pseudo-Ammonius, [᾿Αλέξανδρος deux passages, l'un de Plutarque Strabon (I 4, 9, p. 66 C.). Aucun des deux ne sont il est impossible de reconstruire l' Alexandre. Je second ne fait que le répéter:

on a coutume de rapporter à (De fort. Al. 329 b), l'autre de retenus par Gigon, selon lequel ne cite que le premier, car le

«Il ne remplit pas non plus (scil. Alexandre) son règne d'exils bellicistes et de séditions

purulentes, en suivant le conseil d' Aristote, à savoir de traiter les Hellénes comme un chef et les Barbares comme un maître, d'avoir de la considération pour les uns comme s'ils étaient des amiset des familiers et de se comporter avec les autres comme on le ferait avec des animaux et des plantes, mais parce qu'il croyait avoir été envoyé par Dieu comme arbitre et pacificateur de l'univers, ceux qu'il ne réussit pas à s'associer par la raison, il faisait leur conquéte par la force, les rassemblant dans l'unité de toutes parts, mélangeant dans la coupe de l'amitié existences, coutumes, épousailles, modes de vie, et il établit que tous devaient considérer comme leur patrie le monde entier, comme acropole et forteresse son campement, comme ses parents les hommes de bien, comme étrangers les mauvais, et ne pas distinguer grec et barbare par la chlamyde, la javeline, le cimeterre ou la robe, mais reconnaitre le grec par sa vertu, le barbare par son vice».

Dans ce passage Aristote suggérait au souverain la façon de traiter les hommes selon qu'ils étaient grecs ou barbares: il devait traiter les grecs ἡγεμονικῶς, les barbares &eorrotix@ç, c'est-à-dire les grecs en général, chef, guide, les

barbares en maître. La diversité de traitement était requise par la structure diverse du grec et du barbare, le premier possédant le βουλευτιχόν, que l'autre n'avait pas. Cf. Politique 1 13, 1260 a 12 sqq.. et 181 V. Goldschmidt, « La teoria aristotelica della schiavitù e il suo metodo », dans L. Sichirollo (édit.), Schíavità antica e moderna, Napoli 1979,

p. 183-204.

DIALOGUES

463

C'était l'enseignement courant d’Aristote, celui qu' Alexandre avait entendu dans le lieu retiré de Miéza et qu'il partagea durant la première partie de son expédition contre la Perse. Plutarque (Alex. 28) en témoigne: «De facon générale Alexandre se comportait envers les barbares avec arrogance, comme s'il avait été fermement convaincu d'avoir été littéralement engendré par un dieu; envers les hellénes en revanche, il adoptait un comportement plus modéré et plus pudique en ce qui concernait sa nature divine ». Les choses se compliquerent au fur et à mesure que la fascination de la cour perse avec sa vie fastueuse, son cérémonial somptueux, sa conception de la monarchie, fit impression sur lui. Alors vraiment éclata dans son cœur le conflit entre l'ancien et le nouveau et par suite la crise. A ce sujet, voir 182 G. Radet, Alexandre le Grand, Paris 1931 = Alessandro il grande, trad.

ital., Torino 1944, p. 179 54.

Plusieurs événements en sont les signes: certains comportements d' Alexandre en face des vieux soldats, les Thessaliens, qui furent licenciés et renvoyés à la maison; l’assassinat de certains amis; l'affaire de la proskynèsis, etc., événements qui divisérent sa suite en conservateurs et innovateurs. Conservateurs furent Philotas, fils de Parménion, Cleitos, Callisthéne (»*C 36), neveu d’Aristote, qui suivait

l'expédition et rédigeait le journal des événements les plus importants ; innovateurs furent Anaxarque (»+A 160), Cléon, plusieurs autres, qui espéraient par cette conduite bénéficier de la bienveillance du souverain. Cf. sur toute cette question, Laurenti 12, t. II, p. 928-935.

La fracture se manifesta également à propos des colonies: comment fallait-il traiter les nouveaux colons envoyés dans les cités qui avaient été construites sur toutes les terres prises à l'ennemi ? Le probléme était ancien pour les Grecs, et ensuite pour les rois de Macédoine, puisque déjà Isocrate en fait mention dans son Philippe, la lettre adressée au père d' Alexandre en l'été 346", Maintenant, cependant, le probléme était devenu brülant, dés lors que des raisons politiques, militaires, sociales en exigeaient la solution imrnediate. Les contingents envoyés pour peupler les colonies étaient généralement constitués de grecs et de barbares selon un modéle qu' Alexandre avait suivi pour la fondation d'Alexandropolis — mais la différence dans l'ampleur du phénomène entrainait des conséquences bien plus graves. Plutarque, Vita Alex. 9: «Il étouffa alors une rébellion des Médes, prit leur cité, en chassa les

barbares et y installa à leur place une population de nationalité mixte : à la cité il donna ensuite le nom d' Alexandropolis ». Il est évident que dans les nouvelles colonies fondées dans l'ancien empire perse, Alexandre ne pouvait chasser les barbares et par conséquent fut contraint d'adapter aux nouvelles circonstances la formule ancienne, changeant donc un des éléments qui

entraient ainsi dans la population des nouvelles fondations. Cf. Pettazzoni 56. p. 255-268.

Les conservateurs, avec à leur téte Callisthéne, se référaient à l'enseignement d'Aristote et voulaient que les Grecs bénéficient d'un traitement privilégié ; à l'inverse les innovateurs exhortaient Alexandre à rejeter cet enseignement et à continuer la politique d'égalité pour tous commencée à Alexandropolis. On voulut en appeler à Aristote lui-même : on voulut l'inviter à exprimer son point de vue qui n’était secret pour personne, ni pour Alexandre - et toutefois celui qui formulait la demande n'était plus le prince héritier du tróne, mais le souverain

464

ARISTOTE DE STAGIRE

d'un grand empire. La réponse vint, déterminée, détaillée, «en faveur des colonies », puisqu'elle exigeait qu'elles fussent construites avec le plus grand soin du point de vue matériel et que du point de vue moral on tínt compte de la distinction fondamentale entre barbares et grecs. Par là Aristote revendiquait la fonction sociale, économique, juridique des colonies elles-m&mes dans leurs rapports avec la mére-patrie, rapports si différents de ceux auxquels Alexandre voulait les plier. En somme les colonies devaient servir les Grecs et non être un instrument de domination pour Alexandre. D’oü, encore une fois, le titre «en faveur des colonies », qui rappelait une tradition qu'à tort on avait oubliée. Cette nuance disparaît si l'on rapporte l'ouvrage à la période de Miéza, comme le fait par exemple 183 A. Lesky, Geschichte der griechischen Literatur, Bern 1957 = Storia della letteratura greca, trad. ital., 3* édit., Milano 1969, t. II, p. 710; en outre dans cette hypothese l'information fournie par le Pseudo-Ammonius (in Categ. [Ven. 1546] fol. 9b]) selon laquelle l'ouvrage aurait été écrit à la suite

d'une demande d'Alexandre, ἐρωτηθεὶς ὑπὸ

᾿Αλεξάνδρου, perdrait de sa

consistance, étant donné que l'enseignement était un tissu de demandes et de

réponses et on ne voit pas par conséquent pourquoi il faudrait y souligner une demande qui rentrait dans le déroulement normal des choses. Par conséquent l'Alexandre était une lettre, non un dialogue, dans laquelle le rapprochement, füt-il purement imaginaire, des deux personnages-clefs de l'affaire, Aristote et Alexandre, pouvait affaiblir certaines prises de positions et les assouplir en vue d'objectifs bien définis. C'était, comme toute lettre, l'expression d'un point de vue, menée avec l'élan que le théme exigeait; comme toute lettre

c'était l'occasion d'une clarification des choses. Alexandre pouvait l'accepter ou la rejeter, soutenu en cela par les autres personnages qui intervenaient dans le débat et qui se tenaient à ses côtés dans l'opposition plus ou moins ouverte avec Philotas, Callisthène et autres. Pour cette raison nous posons comme terminus post quem de l'ouvrage l'année 330*, année de la mort de Darius et, en un certain sens, année de la conclusion de la lutte avec les Perses, comme terminus ante quem l'année 327°, année de l'exécution de Callisthéne. Aprés cette date, il est fort peu probable qu' Alexandre ait pu formuler une demande à Aristote. Comme dans toutes les autres ceuvres politiques, dans la lettre à Alexandre Aristote restait le défenseur de la polis. Était-ce une adaptation à une forme de

vie désormais institutionnalisée ou bien une incapacité à s'adapter au temps présent, de prévoir l'avenir ? Je ne crois pas qu'il faille retenir aucun des termes de l’alternative. Durant les quelques années de sa présence à la cour de Philippe, Aristote avait peut-étre remarqué que dans le cas d'une éventuelle domination macédonienne sur le monde, la polis, ia création la plus compléte de l'esprit grec, aurait été détruite comme entité politique, sociale, humaine et avec elle se serait éteinte l'areté, la vertu dans son acception la plus vaste qui donne un sens à la vie humaine en toute circonstance, sur le champ de bataille et dans l'assaut solitaire de la douleur, dans la lutte politique et dans l'exaltation de la contemplation. L'arete constituait le fondement de l'existence: pour elle étaient morts Hermias (»H 80) et Dion (»*D 167), pour elle à une époque plus lointaine avaient lutté

DIALOGUES

465

Socrate et Platon. Or, l’arerè n'a de sens que dans la polis. On comprend dès lors pourquoi la politique est une science architectonique. Pour cette raison Aristote restait fidele à la distinction traditionnelle entre grecs et barbares, pour cette raison il tenta avec beaucoup d'adresse de s'opposer à certaines nouveautés qui, exaspérées, pouvaient compromettre la vie méme de l'homme grec en entrainant des conséquences irréparables. SUR L'ÉDUCATION

Le probléme de l'éducation fut étudié par les Grecs dans son aspect subjectif, c'est-à-dire en rapport avec les qualités que doivent posséder les éléves, et dans son aspect objectif, en rapport avec les matières de l'enseignement. Sur l'histoire de l'éducation en Gréce, voir Jaeger 107, Marrou 94 et Bowen 95,

Aprés l'impulsion donnée par les sophistes, les deux aspects furent approfondis principalement en rapport avec les conditions socio-économiques changeantes de l’Athènes du V* s., si bien que Socrate et ses disciples, en particulier Platon et Aristote, se trouvèrent confrontés à une moisson considérable d'observations, de suggestions, de précisions, et en somme de problémes qui, enrichis par leur propre meditation, furent soulevés et repris dans leurs écrits. Dans ces idées puisèrent de nombreux compilateurs d'époque plus tardive qui systématisèrent un matériel trés disparate en fonction de thèmes divers. Il n'est donc pas étrange que Diogene Laérce et Stobée en aient recueilli un bon nombre, qui provenait notamment d' Aristote. Mais quelle œuvre d' Aristote utilisèrent-ils ? Un Περὶ παιδείας est cité dans le catalogue de Diogéne Laërce (n? 19) et

dans le catalogue anonyme (n? 18). Mais malheureusement, malgré l'importance du thème, l’œuvre n'est mentionnée chez les auteurs antiques que par Diogene Laërce IX 53 (= fr. 2 Ross): «Et, le premier, Protagoras inventa le bourrelet, τὴν

καλουμένην τύλην... εὗρεν, qui sert à porter les fardeaux, ainsi que le dit Aristote dans le livre Sur l'éducation: en effet il était porte-faix, comme l'atteste également quelque part Épicure. Et c'est ainsi qu'il fut emmené par Démocrite (»*D 70) qui l'avait vu lier un fagot». Au méme ouvrage semble faire allusion Plutarque, Quaest. conv. 734 d (fr. 1 Ross), quand il mentionne Florus (**F 16),

lequel, par sa perspicacité et sa finesse dans la recherche, confirmait le mot d' Aristote selon lequel «l'érudition offre de nombreux points de discussion (τὴν

πολυμάθειαν πολλὰς ἀρχὰς ποιεῖν)». Ce sont là, en général, les seuls fragments que l'on rapporte au Περὶ παιBelag. Seul Heitz 15, p. 61-62, en faisant appel aux témoignages déjà mentionnés de Diogène Laérce et de Stobée, en ajoute plusieurs autres, par exemple: « Aristote disait que l'éducation est un omement dans la fortune et un refuge dans l'infortune », « Aristote disait que l'éducation est le plus beau viatique pour la vieillesse », « Aristote, alors qu'on lui demandait quelle était la plus belle créature, répondit: “l’homme qui a l’äme bien formée par l'éducation" », «Hl y a beaucoup de joie à écouter les choses les plus belles et à s'habituer à elles», « Aristote, alors qu'on lui demandait en quoi les personnes éduquées se distin-

466

ARISTOTE DE STAGIRE

guaient des non éduquées, répondit: “comme les vivants des morts"», etc. En ce qui concerne l'origine de ces formules, on ne voit aucune raison de les insérer dans un écrit consacré exclusivement à l'éducation. Gigon 9 n'en tient pas compte non plus: il enregistre le passage de Diopène (p. 302), mais écarte celui de Plutarque (relégué parmi les fragments des Problemata, n? 735, p. 764). Dans ce dernier passage cependant l'allusion à la πολυμάθεια, que l’on devait certainement opposer au μαθεῖν, est une garantie suffisante de l'appartenance du fragment au Περὶ παιδείας. A la lumière des deux fragments cités, peut-on tenter une reconstruction ? Je commence par le premier. Nous savons que Protagoras avait reçu de son père une éducation raffinée, au point que, selon Philostrate, il aurait été assisté dans ses études par des mages (DK 80 A 2). D'où l'importance des sciences mathématiques qu'il dut comme maitre d'école pratiquer et enseigner «dans les villages ». Épicure dans sa lettre aux philosophes de Mytiléne (Arrighetti 129, p. 420) dit que Protagoras était un porte-faix, secrétaire de Démocrite «et il enseignait à lire et à écrire dans les villa-

ges» (xal £v κώμαις γράμματα διδάσκειν).

L'invention de la τύλη comme bourrelet n'était pas quelque chose d'exceptionnel et sa conception n'exigeait pas l'intelligence de Protagoras. Elle pourrait présenter un caractère plus exceptionnel cependant si l'on rapproche l'information de Diogene Laérce d'une allusion d'Athénée VIII, 354 a, lequel, à propos de la méme anecdote, ne parle pas de la τύλη comme bourrelet, mais de la «technique particuliere utilisée par Protagoras pour tenir ensemble les morceaux de bois»

(ἐπὶ ξύλων τινῶν iôla συνθέσει). Dans cette hypothèse, l'invention pourrait consister en ceci: Protagoras tenta de déterminer le point que

la mécanique

moderne appelle le barycentre, qui est le point d’application de la résultante des forces poids. Ce barycentre peut être déterminé dans une figure géométrique

plane ou dans un solide comme le point de rencontre des verticales passant par le point de suspension. Pour cela, Protagoras pour transporter (ou pour faire transporter) plus facilement un poids, par exemple un fagot, dont le poids serait

distribué de façon uniforme, déterminait le barycentre, en le considérant appliqué au centre de la section parallèle aux bases pratiqué à mi hauteur. Voilà le sens du récit. Le reste serait une fiction suggérée par le désir de mettre l'inventeur en rapport avec la matière même dont il se serait servi pour réaliser son invention et d’en mettre en valeur la personnalité en lui adjoignant un homme comme Démocrite, savant aux connaissances encyclopédiques, auteur d'écrits de géométrie pure et appliquée, et, de plus, concitoyen de Protagoras. L'anecdote exprimait le grand amour de Protagoras pour les sciences exactes qu'il avait étudiées pour elles-mémes, de maniere désintéressée, et en rapport avec leur éventuelle application aux choses concretes, de fagon intéressée. Sur la double considération des arts, cf. Aristote, Politique VIII 3, 1338 a 30 sqq. Et déjà Platon, Philébe 56 e sqq.: « Eh bien, si nous comparons l'art du calcul et l'art de la mesure qu'utilisent l'architecture et le commerce, avec la géométrie philosophique et avec les calculs savants, faut-il dire que chacun de ces arts est unique ou poserons-nous qu'il y en a deux ?» Le passage fait allusion à la géométrie ou la mathématique pure et à la géométrie ou la mathéma-

tique appliquée. La géométrie ou la mathématique pure est plus noble, comme est plus noble le

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467

plaisir pur : ce qui ne signifie pas qu'il faut mépriser les autres, la géométrie ou la mathématique appliquées.

Toujours dans l'anecdote on remarque l'intérét pour l'eóper/ic, un thème que nous avons déjà rencontré. Cette interprétation ne contredit pas le récit du Protagoras platonicien (318 d 5qq.), dans lequel, au dire de Protagoras, les autres sophistes corrompaient les jeunes gens «en leur enseignant l'arithmétique, λογισμούς, l'astronomie, la géométrie, la musique, etc.» ; lui, au contraire, se situait dans une autre perspective et cherchait à les rendre experts dans le gouvernement de la maison et de la cité. L'action du Protagoras se situe vers 423/422, les années du second séjour du sophiste à Athènes. Rien n'empéche dès lors qu'il ait antérieurement enseigné la mathématique et d'autres doctrines «dans les villages». En outre, l'enseigne-

ment de l'£060uA(a à la place des autres sciences pourrait être un expédient évident auquel le sophiste eut recours pour attirer les jeunes gens: Hippias (*H 145) avait fait de méme, lequel, tout en étant un expert en astronomie et en calcul, s'était mis à étudier l'histoire antique, gráce à laquelle il avait réussi à rester avec de jeunes spartiates (Hippias majeur 285 d). Par conséquent ni l'histoire antique ni l’ed6ouAla ne répondaient aux plus profonds intérêts des deux sophistes: tout au plus s'étaient-ils pliés à la nécessité. D'ailleurs l'un et l'autre pouvaient habilement insérer dans l'enseignement exigé par leur auditoire des notions de mathématiques. Celle-ci était par conséquent étudiée dans le Περὶ παιδείας comme matière fondamentale de l'éducation et il est probable qu'à côté d'elle figuraient les autres disciplines mentionnées par Protagoras lui-méme. Le second fragment n'est pas moins intéressant. Il souligne l'importance de la πολυμάθεια pour la science: celui qui en sait davantage a plus de possibilités de rechercher, de comprendre les principes qui le guident dans sa recherche. La polymathie n'est pas la philosophie, mais elle offre la possibilité de soulever une question philosophique, eile permet de passer du quoi au pourquoi. Cf. DK 22 B 35: «il faut que les amants de la sagesse, φιλοσόφους ἄνδρας, soient chercheurs, toropac, de nombreuses choses.» Pour cette raison, plus il y a de choses, plus il leur fautde science. Ceci pour Héraclite (»*H 64). Pour Démocrite (»D 70), cf. DK 68 B 65. On comprend comment la polymathie pouvait étre mise en correspondance avec la « recherche » dont parle le Prorr., fr. 2 Ross.

Socrate est un exemple typique d'un tel comportement: il partait de la constatation d'une chose ou d'un concept amorphe, non critique, brut, pour le dépasser, et par là l'expliquer. II déclarait être φροντιστής (Xénophon, Symp. VI 6): φροντιστής est aussi Florus. Chez eux la polymathie est avant tout point de départ de la recherche, source de connaissance, sollicitation pour le savoir. Ceci concerne, je le répète, l'aspect objectif de la question. En ce qui concerne l'aspect subjectif, c'est-à-dire les qualités exigées de celui qui recherche, il ne fait pas de doute qu'il devait tenir une large place dans l'ouvrage, si l'on pense à l'importance de la φύσις pour l'enseignement, importance qui fut constamment soulignée à divers niveaux dans les pamphlets du V* siècle par des savants de diverses tendances, si l'on pense au fait que dans le

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ARISTOTE DE STAGIRE

fragment du Περὶ παιδείας emprunté à Plutarque on voit une référence significative aux «natures philosophiques », si l'on pense enfin au poids que le concept de φύσις en général exerce sur tous les dialogues écrits par Aristote. Cet aspect devait ensuite étre soutenu par la nouvelle science qu'Aristote cherchait à constituer, la physiognomique, science qui cherchait à saisir les qualités spirituelles de l'homme à partir des traits extérieurs. Pour les fragments de la Physiognomique, cf. Heitz 15, p. 191-194.

Le dernier probléme qu'il faut aborder à propos de notre dialogue concerne les rapports qu'il entretient avec Politique VII-VIII (cf. Laurenti 12, t. II, p. 972973). Le livre VIII examine le théme de la paideia en fonction de l'état idéal: il se veut une sorte de ratio studiorum conçue sur le modèle commun, méme s'il reste

incomplet, dans la mesure oü le traitement des disciplines fondamentales, grammaire, gymnastique, musique et dessin, est seulement esquissé. L'examen de la musique est développé davantage. Dans ce livre pourraient se refléter des éléments du Περὶ παιδείας - et certains motifs le suggèrent: (1) ce ne serait pas la premiere fois qu'un écrit scolaire, en particulier dans la Politique, reprendrait des passages des traités dits de jeunesse; (2) le livre VIII de la Politique n'est pas terminé. Pourquoi ? Rien n'empêche de penser que l'existence du Περὶ παιSelac, un livre entièrement consacré au thème abordé par Pol. VIII, autorisait Aristote à le laisser inachevé. Il aurait été facile de le faire s'il avait seulement rassemblé, éventuellement discuté et adapté à la nouvelle atmosphére du traité les positions du dialogue: ceux qui en sentaient le besoin pouvaient entre temps s'adresser au dialogue. CONCLUSION

Essayons de rassembler les caractéristiques les plus importantes des écrits du premier Aristote, c'est-à-dire des «dialogues », et de répondre aux deux deman-

des que nous avons formulées au début, l'une sur les rapports entre les œuvres de jeunesse et les ouvrages scolaires de la méme époque, l'autre entre cette production et la production ultérieure. Sauf de rares exceptions, par exemple l'Alexandre et le De regno, les «dialogues» datent des années du séjour d'Aristote auprès de Platon, en gros de 367° à 348/7, lorsqu'il quitta l'Académie et se rendit à Assos prés d'Hermias. Ce furent vingt années d'étude et d'activité fécondes qui donnerent une physionomie propre à sa pensée. Et en effet, du Gryllos, de peu postérieur à 362°, on passe au De philosophia, paru aprés 357°, à l'Eudéme vers 353°, au Protreprique vers 352-350, à toutes les autres œuvres. Ce sont en général des réponses à des provocations de la part des sophistes. des rhéteurs, des maitres d'autres écoles. Ce sont également des réponses ou des tentatives de réponse aux problémes qui étaient débattus dans l'Académie. La critique adressée par Aristote à certaines positions de Platon permet de voir la grande liberté qui existait dans l'Académie méme et l'extréme finesse avec laquelle cette critique devait étre présentée pour ne pas compromettre entierement les rapports entre les savants. Peut-étre Platon exigeait-il pareille liberté,

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469

comme semble le suggérer le Parménide, parce que c'était la seule façon d'avancer dans la découverte de la vérité. Cette remarque permet de restituer dans leur contexte certaines histoires de rancœur, de jalousie, de rivalité entre le Maitre et les disciples. Ct. 184 A. Swift Riginos, Platonica. The anecdotes concerning the life and writings of Platon, Leiden 1976, dont les chapitres X-XIII, p. 93-187, sont trés instructifs.

D'ailleurs on ne doit pas oublier que dans certains écrits Aristote se fait un devoir de défendre les doctrines académiciennes : le Gryllos, le Sophiste, le Nérinthe,

d'autres écrits encore, montrent en Aristote le représentant officiel de l'Académie. Comment

un tel róle pourrait-il étre justifié si ses rapports avec le Maitre

n'avaient pas été plus que bons ? Et ce n'est que dans l'Académie qu'Aristote avait compris l'authentique signification de la philosophie comme recherche de l'étre, ce n'est que dans l'Académie qu'il pensait pouvoir trouver cette organi-

sation de la pensée que les autres écoles non seulement n'avaient pas, mais refusaient ouvertement. Par exemple l'école d'Isocrate parlait de philosophie, mais dans un sens tout à fait différent de celui qu'il désirait.

Rien d'étonnant par conséquent qu'il se soit déjà arrété sur le probléme métaphysique fondamental à partir du moment oü il avait été admis aux cours supérieurs — et qu'il ait étudié l'idée, la véritable clef de voüte du «systéme platonicien». Ceci explique que les œuvres publiées et les œuvres scolaires gravitent autour du méme centre et pourquoi le Περὶ ἰδεῶν et le Περὶ τἀγαθοῦ sont indispensables à la compréhension du De philosophia ou de l'Eudéme ou d'autres «dialogues », étant tous sous-tendus par les mémes exigences. La préparation qu'il avait regue s'appuyait sur la science et donc sur l'empirisme: à l'empirisme l'avaient amené son pére, médecin et amateur de méde-

cine, de méme que la réflexion sur les philosophes physiciens ou les philosophes de la nature, sur lesquels il avait longtemps médité, comme le démontrent tous ses écrits qui les concernent. A l'exigence empirique recommandée

par toutes ces

études, s'ajoutait l'exigence idéaliste, suggérée par la pensée de Platon: la réunion dans un méme probléme des deux exigences en faisait percevoir la complexité et, en méme temps, la possibilité de le résoudre en faisant appel à cette physis qui

était pour lui l’objet d'une reconquête, dans la mesure où c'était la conquête et l'approfondissement d'une notion tellement commune dans le monde grec. Car seule la physis des naturalistes saisissait ouvertement les exigences qui préoccupaient son esprit. S'il est vrai que l'interprétation des naturalistes donnée par Aristote dans la Métaphysique obéit aux exigences philosophiques qui fondent sa pensée, en particulier aux quatre causes, au point que l'on peut parler d'une histoire de la philosophie secundum Aristotelem (Guthrie 34, t. I, p. 39-45), il est clair que dans la physis des présocratiques, qu'il reconstruisait ex novo, il put apercevoir les principes qui expliquent l'univers, c'est-à-dire l'étre et le devenir, devant quoi s'était arrêtée la spéculation grecque depuis les origines. Ces deux mondes avec des propriétés diverses et toutefois complémentaires se retrouvaient au sein méme des choses avec les mémes propriétés et la méme complémentarité. A ces deux mondes se rapportaient matiére et forme, puissance et acte, dynamis

470 et energeia,

ARISTOTE DE STAGIRE notions qui se rencontrent dans les premiers écrits d’Aristote et

témoignent que déjà ils étaient ernployés avec la méme signification qu'ils auront dans les écrits plus tardifs. De là résulte la polyvalence du concept de physis qui sera définie attentivement, à chaque fois, comme cherche à le faire Métaph. V (A), qui renvoie à Phys.

II 1. Physis indique la génération des choses qui naissent, le principe interne à la chose, à partir duquel commence la croissance, le principe du mouvement intrinséque aux choses et qui leur appartient en vertu de leur essence méme, le principe matériel, le principe formel, enfin n'importe quelle substance. On dit avec raison (185 G. Reale [édit.], Aristotele, La Metafisica, Napoli 1968, t. I, p. 416) que le

sens fondamental est le cinquiéme, la nature comme substance ou essence des choses qui ont en elles-mêmes et pour essence propre le principe du mouvement. Φύσις par conséquent, dans la multiplicité de ses significations, domine le monde de l'expérience, toutes les affaires humaines, ce que l'homme fait et pense — en toutes choses elle intervient comme régulatrice et guide. En elle on saisit l'unité d'inspiration des «dialogues» : la définition de la noblesse, qui est l'excellence du genos, dans le Περὶ εὐγενείας répond au critère qui mesure les richesses dans le Περὶ πλούτου; la vision de Dieu «pensée ou méme quelque chose au-delà de la

pensée » dans le Περὶ εὐχῆς exige le dieu transcendant du Περὶ φιλοσοφίας; la réévaluation du plaisir dans le Περὶ ἡδονῆς appelle la réévaluation de la poésie

comme mimesis dans le Περὶ ποιητῶν; la conception de l'homme d'État dans le Politique correspond à celle du rhéteur dans le Gryllos, qui va à la conquéte de

la «rhétorique belle» recherchée par Platon. Toujours à la lumière de cette notion s'explique la philia, un des sentiments-clefs de la polis, s'explique l'eros, qui n'est plus une idée transcendante mais, avec plus de vérité, une passion humaine, à laquelle, comme à toutes les autres, il faut accorder dans l'esprit la place qui lui est due; par là s'explique la justice, la premiere vertu de l'homme qui embrasse dans ses articulations complexes la totalité de la vie; par là s'expliquent les différents bioi qui cherchent à réaliser sur des horizons divers l'essence la plus vraie de l'humanité. Le caractère central de la physis aide à situer et à comprendre le probléme du soi-disant développement de la pensée aristotélicienne, probléme qui, surtout avec la méthode génétique, a acquis une importance exceptionnelle et sur laquelle on a peut-étre trop écrit, en négligeant les exigences de certaines composantes essen-

tielles de l'esprit humain que la critique ne peut méconnaître. A la manière dont avait été résolue la question de la physis, celle-ci devrait conduire à restituer les

prétentions affichées, en ce sens que son devoir plus limité, mais plus vrai, serait non pas tant d'établir une séquence d'époques identifiables par des positions différentes, mais de saisir comment l'unique choc décisif qu' Aristote eut avec la doctrine platonicienne dans tous les champs du savoir, s’articule en chacun d'eux de facon diverse, tout en restant le méme en tous. Cette recherche, qui n'est qu'esquissée ici, pourrait systématiser plus d'une position du Stagirite, puisque, si elle est conduite comme il faut, elle devrait expliquer comment tous les résultats auxquels il est parvenu en étudiant les diverses questions sont tous les fruits de la

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471

même méthode, par laquelle toute chose, je le répète, est rapportée à la physis et

jugée selon la physis. En conclusion, la pensée d' Aristote, tout en étant sujette aux incontestables hésitations de tout homme qui pense, est, en substance, bien plus solide et unifiée qu'on ne le croit. Et en effet, par sa constitution, elle ne pouvait pas connaître de changements importants, puisque la notion à laquelle elle fait appel pour négocier ses problémes philosophiques était toujours la méme, à savoir la nature, reconstruite, comme nous l'avons dit, en tant qu'elle rassemblait en elle-méme les propriétés de la physis des présocratiques et de l'idée platonicienne, non séparée des choses. Et par conséquent, il ne peut y avoir de contradictions importantes entre les premiers écrits scolaires et les dialogues ni entre la premiere production et la production ultérieure. À cette unité de jugement répond l'autre unité du point de vue formel, puisque dans tous les «dialogues », on l'a noté, reviennent les mémes ingrédients : l'effort pour définir la vérité dans les questions grandes ou petites, les citations d'Homére et des autres poètes, l'étymologie et les proverbes, la reconstruction historique de concepts et d'institutions, le jugement scientifique sur les choses qui d'une facon ou d'une autre servent à l'homme, la critique des philosophes antérieurs. Les deux aspects s’appellent l'un l'autre et se justifient et si le dernier révèle l’auteur qui sait gérer le développement du discours en faisant appel à des «lieux communs» déterminés, l'autre révèle le philosophe qui répond aux questions soulevées par les anciens Milésiens sur la nature des choses et qui dans sa réponse introduit l’histoire que l'esprit grec avait parcourue jusqu'à lui. Le texte de cette étude a été traduit et adapté de l'italien par Richard Goulet, avec le concours de Jean-Marie Flamand et Giuseppe Conticello.

RENATO LAURENTI.

III. ARISTOTE DE STAGIRE

DUBIA ET SPURIA

DE MUNDO. TRADITION GRECQUE La tradition manuscrite de cet ouvrage (Bekker 391a1-401b28) est très distincte de celle qui nous a livré la série des écrits physiques stricto sensu; quand

il arrive qu'il fasse suite à l'un des traités de cette série — ainsi dans le Laurent. 87, 17 où il vient aprés DC et GC : cf. 1 P. Moraux, D. Harlfinger, D. Reinsch et J. Wiesner, Aristoteles Graecus, Berlin, t. I, 1976, p. 315-317 —, on a affaire à autant

de codices descripti, et la réunion témoigne d'un intérét spécial et récent plutót que d'une donnée de l'histoire de la transmission. Il n'a pas à notre connaissance fait l'objet d'un commentaire ancien; il ne figure pas dans les catalogues anciens d'ouvrages d'Aristote. Cela pourrait nous porter à penser qu'il n'était pas inclus dans l'édition d' Andronicus (»A

181).

Proclus connait le De mundo et le cite au moins une fois (In Timaeum III, p. 272, 21-25 Diehl) sous son titre actuel, peut-étre en exprimant une réserve sur la paternité aristotélicienne ; d'autres renvois possibles, identifiés par Diehl, sont simplement à « Aristote » et peuvent venir d'une tradition médio-platonicienne plutót que d'une référence précise à cet ouvrage. En revanche, Philopon, De aet. mundi, p. 174, 26 et 179, 11 Rabe, nomme ce livre comme étant d'Aristote. — Dans l'appendice de la vita Hesychiana, appendice qui, bien que tirant son origine d'un catalogue ancien (II[*), a subi des adjonctions qui tendent à le mettre en harmonie avec

l'édition d' Andronicus, on trouve n° 185 un Περὶ κόσμου γενέσεως dont il est difficile de dire s'il vise ou non notre traité (en quel sens faut-il prendre la mention d'une genèse du monde ?): cf 2 P. Moraux, Les Listes anciennes des ouvrages d'Aristote, Louvain 1951, p. 263-265 (titre ne

correspondant à rien de connu) et 279 (allusion à notre De mundo?). Les listes arabes dérivées du catalogue de Ptolémée et qui portent la marque de l'influence de l'édition d' Andronicus,

donnent à notre De Caelo un titre [= Περὶ οὐρανοῦ xal κόσμου 5'] qui ne doit pas faire penser qu'on ait joint le De mundo au traité authentique — on a toujours quatre livres, comme dans le texte transmis — mais simplement qu'on a voulu souligner que le sujet traité ne se bornait pas à la région supra-lunaire: cf. Moraux 2, p. 296.

De ce que notre ouvrage ne figurait probablement pas dans l'édition d'Andronicus, il ne résulte pas forcément qu'il n'a pu étre composé qu'aprés. cf. en ce sens 3 A. J. Festugière, La Révélation d'Hermés Trismégiste, t. II: Le Dieu cosmique, Paris 1949 ; réimp. Paris 1981) p. 477-478. [l'ensemble des pages 460-518 est

consacré à une analyse du m.x.], qui estime que l'on n'a pu songer à fabriquer ce faux qu'une fois l’œuvre du Stagirite retrouvée et remise à la mode; mais avant

l'édition d' Andronicus, l’œuvre d'Aristote jouissait déjà d'une bonne renommée par les «dialogues» et l'on peut penser que c'est plutôt avec ces œuvres «publiées » qu'avec les cours édités par Andronicus que le faussaire a voulu rivaliser. Il est difficile d'assigner une date à partir de laquelle la circulation de l'ouvrage soit attestée. Festugiére estimait que la polémique, qu'on trouve chez des apologistes chrétiens (Tatien, Athénagore ; la Cohortatio du Pseudo-Justin est netternent postérieure), mais d'abord chez le platonicien Atticus [®+A 507] (fr. 3 Des Places), contre le fait d'avoir borné l'exercice de la providence à la région supra-lunaire ne pouvait convenir qu'au m.x.; mais les apologistes chrétiens ne doivent leur information sur ce point qu'à une tradition doxographique - dont il est abondamment prouvé qu'ils sont dépendants — indiquée par 4 H. Diels, Dox. graeci, p. 131 n. 2 [le lemme relatif à Aristote sur ce point offre l'avantage - du point de vue de l'évaluation de la tradition — d'étre attesté à la fois par le pseudo-Plutarque et par Stobée ; Diels en a fait le fr. I 4, 12 d'Aétius, loc. cir. p. 332]. Dans l'hypothése où l'on voudrait maintenir l'affirmation que

476

ARISTOTE DE STAGIRE

l'attribution de ce point de doctrine au Stagirite dépende du n.x., il faudrait donc le supposer suffisamment ancien pour qu' Aé&tius ait pu l'utiliser. En ce qui concerne Atticus, il faut observer que le reproche qu'il fait à Aristote — et qui lui permet de le mettre en compagnie d'Épicure — consiste surtout en ce que, par la négation de l'immortalité (individuelle) de l'áme, on aurait

dispensé l’homme de la crainte des divinités [τὴν... πρὸς τῶν χρειττόνων εὐλάδειαν ἀφαιpobpevoc]; Atticus ne fait pas état lui-même d'une limitation de la sphère d'efficace de la providence, c'est Eusèbe qui mentionne ce point (Praep. ev. XV 5, 1), parce qu'il fait désormais partie de la polémique apologétique ; le fr. 8 Des Places pourrait équivaloir à cette critique, en ce sens qu'Atticus reproche à Aristote d'avoir soumis la région sub-lunaire à un principe - la nature - qui, parce qu'il est différent de l’âme du monde, peut-être considéré comme autonomisant cette région par rapport à l'influence de la providence ; mais, loin que l'on puisse présenter cette facon d'envisager la structuration des deux régions du kosmos d' Aristote comme inspirée par l'exposé du n.x.. c'est bien plutôt en prenant un point de vue proche de celui que l'on trouve dans ce traité (jusques et y compris l'affirmation que l’Ame du Monde «ordonne le tout en en pénétrant toutes les parties») et en l'attribuant à Platon, qu' Atticus pense pouvoir critiquer la dénivellation cosmologique du Stagirite. - Le terminus ante quem pourrait étre fixé au milieu du Ie s. de notre ère, dans la mesure où l'on admettrait comme authentique la traduction — ou adaptation - latine qui nous est parvenue sous le nom d'Apulée (et accompagnant généralement le De dogmate Platonis), - ce qui semble être la tendance actuelle de la critique: cf. J.-M.

Fiamand, art. « Apulée» A 294, DPhA t. 1, p. 300. Tradition manuscrite 5 W. L. Lorimer, The Text tradition of Pseudo-Aristotle "de Mundo", together with an appendix containing the text of the medieval Latin

versions..., coll. Some

« St. Andrews University publications» 18, London

Notes on the Text of Ps. Aristotle «de

Mundo»,

1924; 6 Id.,

coll. «Saint Andrews

University publications» 21, London 1925 (pour ce qui regarde les traductions latine, syriaque et arménienne, cf. infra 8 et 13]. Principales éditions. Les éditions séparées anciennes, comme celle de 7 J. Chr. Kapp (édit.), Aristotelis de mundo liber, Altenburg

1792 (gréco-latine) ont été

remplacées par celle de 8 W.L. Lorimer, Aristotelis qui fertur libellus De Mundo, edidit W. L. L., Sanctandreensis, accedit capitum V, VI, VII interpretatio syriaca ab Eduardo Kónig, Bonnensi germanice versa, Paris 1933 [donne les indications

sur les traductions: arménienne, p. 20-25, — mais cf. les observations de J.-P. Mahé, DPhA, t. I, p. 443 — p. 25-26, sur la trad. syriaque de Serge de Resaïna, dont les chap. 5-7 sont donnés en appendice, p. 105-118, en traduction allemande par E. Kónig]. Les traductions arabes ont été (partiellement) examinées par 9 S. M. Stern, « The Arabic translations of the pseudo-aristotelian De mundo », Muséon 1964, p. 187-204, et 10 /d., « A third arabic translation of the pseudo-aristotelian De mundo », Muséon 1965, p. 381-394. 11 Édit. et trad. anglaise par D. J. Furley, coll. LCL, Cambridge (Mass.) 1955 (t. III de l'Aristote de cette collection). 12 Éd., trad.

ital. avec comm. par G. Reale, Aristotele. Trattato sul cosmo per Alessandro, Napoli 1974. Traductions 13. E.S. Forster, dans le t. III de l'« Oxford translation » d'Aristote (1914). 14 J. Tricot, tr. fr. en appendice à sa traduction du De Caelo, Paris 1949. 15 H. Strohm, Aristoteles. Meteorologie. Ueber die Welt. Berlin 1970. Voir aussi Festugière 3 supra pour une analyse et traduction partielle.

Traduction latine attribuée à Apulée. Elle a été éditée par 16 L. MinioPaluello dans Aristoteles latinus, XI 1-2, 2° éd., Paris/Bruges 1965. Voir aussi l'article « Apulée» A 294, DPhA, t. I, p. 298 sqq.

DE MUNDO - TRADITION GRECQUE

477

Vue d'ensemble. L'ouvrage se présente comme dédié à Alexandre (chap. 1) plus vraisemblablement le roi de Macédoine que, selon une hypothése de J. Bernays, Tibére Alexandre,

le neveu de Philon d'Alexandrie (cf. art. « Alexan-

dre», DPhA A 102) - qu'on se propose de conduire à une contemplation du monde qui en fasse reconnaître la divinité (θεολογῶμεν, 391b 4). Les chap. 2 et 3 donnent la séquence des éléments y compris l'éther, comme autant de milieux oü certains phénomènes ont leur siège, ou leur mode d'existence; le chap. 5 clôt cet exposé des régions de la nature par la description rapide des « météores », expliqués par la double exhalaison — söche et humide — des livres I-III des Météorologiques. Les chapitres «théologiques » (chap. 5-7) indiquent la nécessité d'une divinité productrice et conservatrice de l'unité du monde, tissé de contraires et dont les parties sont toutes soumises au changement (chap. 5); puis ce que l'on

peut concevoir de sa nature d’après la façon dont il exerce sa causalité ordonnatrice (chap. 6); enfin ses épiclèses illustrant son rôle à la fois souverain et providentiel (chap. 7).

Un examen de l'ensemble des questions de sources et de genre littéraire a été fourni dans 3; plus récemment une étude très complète de l'ouvrage a été donnée par 17 P. Moraux, Der Aristotelismus bei den Griechen, t. 11, Berlin 1984, p. 5-82; la plupart des paralléles utiles ont déjà été signalés par Lorimer, dans 5, 6 et 8. On a relevé le mélange de matériaux qui sont restés assez simplement aristotéliciens — les cinq éléments, l'explication des « météores », le caractére indestructible du tout (396 a 33), l'idée que la divinité réalise sa tâche de gouvernement

«sans fatigue» (397b23 ; 400b 9-12) — et de ceux qui, empruntés au Stagirite, paraissent avoir subi une adaptation, pour exprimer une vue qui ne se trouve pas aussi simplement dans le corpus: ainsi l'exemple d'un enchainement mécanique de moteurs successifs liés entre eux [cf. Gen. Anim. II 1, 734 b 10-17] est utilisé

pour illustrer (398b 11-28) la façon dont la divinité pourrait par un seul mouvement ou une seule impulsion (ἁπλὴ κίνησις, cf. 399b 11 μία ῥοπή) mettre en branle les évolutions contrastées non seulement des sphéres célestes, mais encore des cycles végétatifs [cf. GC II, chap. 10 et 11] et méme les mouvements

des vents, qui en dépendent; ou l'insistance sur le fait que «l'idée que les nations se sont toujours faite de la divinité» (397b 13 cf. Metaph. ^ 8, 1074b 10-14) la présente comme ce dont dépend l'ordre entier de la nature, mais exergant son pouvoir plutôt comme le Grand Roi que comme ses satrapes (398 a2 - b 11) - c'està-dire sans se « déplacer» jusqu'en chacune des choses qu'il gouverne et en restant invisible. Ces circonstances font que quelle que soit l'opinion que l'on adopte finalement sur la paternité de l'ouvrage, toujours est-il qu'il s'est voulu de caractère aristotélicien et qu'il a su employer bien des ressources pour cela: cf. en ce sens les remarques judicieuses de 18 W. Capelle, « Die Schrift von der Welt», JKPh 15, 1905, p. 529-568, et de 19 H. Strohm, «Studien zur Schrift von der

Welt», MH 9, 1952, p. 137-175. — Les matériaux stoiciens sont moins importants que ne le jugeait p. ex. 20 G. Rudberg, Forschungen zu Poseidonios, Uppsala 1918 ; ou bien leur reprise peut-elle paraitre trop déformée et intégrée à un moule «ascalonite » cf. 21 1.1. Duhot, «Aristotélisme et stoicisme dans le peri kosmou pseudo-aristotélicien », RPhAnc 8, 1990, p. 191-228. On peut retenir: la définition

478

ARISTOTE DE STAGIRE

du monde (391 b9 = SVF II 527), l’affirmation que la puissance de Dieu gouverne les parties du monde «en les pénétrant toutes» (396b 28-29 διὰ πάντων διηκούσα), qu'elle en soit la cause « synectique » (397 b 9), que l'air soit opaque et rigide par nature et ne devienne transparent et élastique qu'en étant pénétré par le feu (392b6-8 cf. Sénéque, N. Q. II 10, 4 et déjà Cicéron, De nar. deorum 1] 10, 2627) et un usage du terme pneuma (en 394b9-10 ; il est frappant qu'en cet endroit l'auteur exprime clairement la reconnaissance du fait qu'il juxtapose l'usage proprement stoicien de ce terme et celui qui est commun au Lycée et à plusieurs écoles hellénistiques). Lorimer a suggéré que le passage de 398b28- 399a 1, oü l'on illustre par deux comparaisons l'affirmation que, l'impulsion donnée par la divinité étant la même et unique, les différentes parties du monde y réagissent chacune par un mouvement approprié à leur nature, pourrait reprendre un exemple de Chrysippe (**C 121), auquel il est fait allusion dans Cicéron, De fato, 39-44 (et cf. P. Moraux 17, p. 72-74) [en 398b27, il faut sans doute corriger ἐξ &yyouc soit par ἐξ ἄκρου ὄρους, comme Lorimer, soit en ἐξ alnoug, comme Furley, d’après le proclive d' Apulée]. — On a enfin rattaché à des influences néo-pythagoriciennes l'ensemble du chap. 5, pour autant qu'il présente le monde comme une harmonie de contraires (en citant Héraclite et Empédocle) et qui aurait donc pour cela besoin d'une cause qui les maintienne ensemble, le fait que cette cause soit envisagée comme

agissant comme

une loi (400 b 14-15) et l'interprétation des épiclèses

divines (chap. 7): cf. 22 J. P. Maguire, «The Sources of ps. Aristotle's de mundo», YCIS 6, 1939, p. 110-167, mais cf. 23 F. Sarri, «Il problema del rapporto tra il ‘de mundo’ attributo ad Aristotele e la letteratura pitagorica dell’ età ellenistica», Pensamiento 35, 1979, p. 267-314. [La comparaison avec les versions de la cosmologie néo-pythagoricienne que l'on trouve au tournant du I*-IP s., notamment dans les Mémoires pythagoriques résumés par Alexandre Polyhistor (**A 118), fait surtout ressortir de considérables différences: le n.x. ne connait pas le jeu de la monade et de la dyade, à l'origine du processus cosmogénétique; le meilleur rapprochement serait avec Cicéron, De nat. deorum I 11, 27: nam Pythagoras qui censuit animum esse per naturam omnem intentum et commeantem . . . souvent imité par la suite, p. ex. Minucius Felix, Oct. XIX 6; mais l'auteur du n.x. se garde bien d'ajouter - ce qu'on trouve ordinairement à Ja suite — que nos âmes sont des fragments émanés de cette divinité cosmique].

Reale 12 et, à sa suite, Sarri 23 et 23bis A. P. Bos, Cosmic and meta-cosmic theology in Aristotle's lost dialogues, coll. «Brill's studies in intellectual history » 16, Leiden 1989, ont illustré la fragilité et la labilité des recherches d' influences, quand nos informations sont lacunaires. Ils considérent tout bonnement notre traité comme d' Aristote ; s’il paraît s'écarter trop nettement du corpus, cela tient à ce qu'il s'agit d'une œuvre de jeunesse ; là où l'on croit reconnaitre les traces de Chrysippe ou du néo-pythagorisme, c'est au contraire l'influence de ce traité sur le stoicisme et sur les débuts de la littérature pythagoricienne pseudépigraphique qu'il faut constater. Le genre littéraire auquel appartient notre ouvrage n'est pas celui des manuels introductifs à des connaissances savantes, comme le sont les ouvrages de Géminos (»G 15) et de Cléoméde [**C 162] (pour l'astronomie) auxquels on l’a souvent comparé ; par la dédicace (sur la portée de laquelle cf. Moraux 17, p. 59-61), il

s'apparente à la littérature protreptique, du moins à celle qui se diffusait en dehors

DE MUNDO - TRADITION GRECQUE

479

des écoles. On a souligné le fait qu'on n'y trouve aucun des caractéres que nous attendons d'un ouvrage philosophique: pas de preuves, les indications qui devraient servir à une explication causale des phénoménes sont mises sur le méme plan que ce qu'elles pourraient expliquer, on s'est complu à faire état de données géographiques (au chap. 3; pour les points de comparaison cf. Moraux 17, p. 1620), qui, ou bien ont une allure un peu vieillotte, si l'on pense qu'elles font suite à Ératosthène (»+E 52) et à Posidonius, ou bien insistent sur quelques curiosités qui sont déjà passées dans la culture populaire (comme l'indication des iles — autres que les grands continents — que comprend l'Océan : Albion, l'Hibernie, Taprobane et Phébol) ; pas de discussion de thèses opposées (là où, comme en 5 init., on a cru pouvoir discerner une allusion à une difficulté qu'il s'agirait de surmonter — en l'occurence, le fait que le disparate de ses natures internes menace la survie du monde — outre le fait qu'on se borne à une allusion, si c'en est une, il faut avouer qu'il ne s'agit — tout au moins dans la formulation retenue — que d'une objection de sens commun,

c'est-à-dire littéraire). Cette œuvre appartient au mouvement

d'intussusception de la philosophie comme culture pour l'éducation rhétorique, qui est assez caractéristique de la transition de la période hellénistique aux débuts de l'époque impériale. La caractérisation des tendances philosophiques de l'ouvrage doit donc s'entendre dans les limites où il ne s'agit que des enseignements dont l'auteur a voulu faire état et de Ja Weltbild qu'il a voulu, par là, communiquer — ou refléter. Contrairement à ce que l'on a parfois prétendu, la sublimité de la causalité divine et la distinction entre sa puissance — qui pénètre les parties de l'univers — et son essence — en vertu de laquelle il n'est pas engagé dans leurs vicissitudes — (397 b 13-20), ne signifie nullement que l'auteur ait voulu par là opposer à la conception « purement immanente » de l'action cosmologique de la divinité dans le Stoicisme, une vue qui la poserait nettement comme « transcendante» ; pour qu'un principe ait statut trancendant eu égard à son domaine d'efficace, il faut que l'on soit en mesure de poser une différence de mode d'étre : c'est ce qui s'élabore dans le moyen platonisme, mais qui échappe entièrement à notre auteur. La distinction

οὐσία-δύναμις trouvait déjà sa place dans le stoícisme, p. ex. pour distinguer — lorsqu'on jugeait nécessaire de le faire; Galien oppose de ce point de vue Posidonius à Chrysippe: De plac. Hipp. et Plat. VI, 501 M. (= Posid,, fr. 146 E.K.) - la diversité des facultés de l'áme, sans les diversifier quant à leur substrat, ni imposer une diversification de localisation. Il est tout à fait possible de faire servir cette distinction pour rendre compte du fait que certaines fonctions d'un seul et méme sujet connaissent une diversité de localisation de leurs opérations. Cette facon de voir s'accorderait assez bien avec l'emploi qu'en fait l'auteur du De mundo, beaucoup mieux en tout cas que si l'on supposait qu'elle correspondit à

une différence de nature — ou pour parler par anticipation: à une différence hypoStatique — entre essence et puissance, car à supposer que l'on ait voulu par là arracher la divinité à toute espéce de consubstantialité aux parties du monde, pour en faire leur source unique, on ne comprendrait plus que son action se bornát à donner l'impulsion initiale et que chacune puisse réagir selon sa constitution propre. Si cette distinction doit anticiper un développement futur, il nous semble

480

ARISTOTE DE STAGIRE

que c'est surtout celui (dont on trouve l'aboutissement chez Numénius) qui consiste à distinguer dans la vie divine un aspect qui la lie à la démiurgie et un autre par lequel elle existe de façon autarcique. BERNARD BESNIER.

DE MUNDO. TRADITION SYRIAQUE ET ARABE

Traduction

syriaque.

Le De

Mundoa

été traduit en syriaque par Sergius de

Res'ainà (t 536 ; voir, sur cet auteur, 1 H. Hugonnard-Roche, « Note sur Sergius de Res'aina, traducteur du grec en syriaque et commentateur d' Aristote », dans 1 G. Endress et R. Kruk (édit.), The Ancient Tradition in Christian and Islamic

Hellenism. Studies on the Transmission of Greek Philosophy and sciences, dedicated to H. J. Drossaart Lulofs on his ninetieth birthday [Proceedings of the Third Symposium Graeco-Arabicum 1991], Leiden 1997, p. 121-143. Le manuscrit unique de cette traduction (Londres BL Add. 14658, fol. 107"-122") a été édité par

2 P. de Lagarde (édit.), Analecta Syriaca, Leipzig/London 1858, p. 134-158. Le manuscrit date du VIF siècle; il précède donc de six siècles le plus ancien manuscrit grec. C'est pourquoi les philologues classiques se sont demandé si la traduction syriaque pouvait avoir une valeur pour la critique textuelle. On trouvera une premiere analyse des variantes et une traduction des chap. 1-4 du De Mundo dans 3 V. Ryssel,

Über den textkritischen

Werth der syrischen Übersetzungen

griechischer Klassiker, 2 vol., Leipzig 1880 et 1881. Une traduction allemande des chap. 5-7, faite par Kónig, a été imprimée dans l'édition de l'original grec, 4 W.L. Lorimer

(édit.),

Aristotelis

qui fertur

libellus

De

Mundo

edidit

W.L.L.

Sanctandreensis. Accedit Capitum V, VI, VII interpretatio syriaca ab Eduardo König

Bonnensi

Germanice

versa,

Paris

1933;

trad.

de König

p. 105-118.

Malheureusement Lorimer n'a pas toujours compris le texte de Ryssel et la traduction de König est pleine de fautes, ce qui dévalorise l'apparat critique en ce qui concerne les variantes syriaques. Traductions

arabes.

Il y a trois versions arabes différentes conservées en

quatre manuscrits : 1) Le Ms. Istanbul, Fatih 5323, fol. 86-108" (daté de 716 A. H./1316-1317

A. D.) a été découvert par 5 R. Walzer, « Arabische Aristotelesübersetzungen in Istanbul », Gnomon 10, 1934, p. 277-280, notice reprise dans Id., Greek into Arabic, Oxford 1962, p. 139-140, sans qu'il identifiát le traité intitulé la "Lettre d'Or" (al-risäla al-dahabiyya), c'est-à-dire adressée par Aristote à Alexandre le

Grand, au De Mundo. Cet honneur revient à Stern, qui étudia le manuscrit pour la première fois (6 S. M. Stern, «The Arabic translations of the pseudo-Aristotelian treatise De Mundo», Muséon 77, 1964, p. 187-204, réimpr. dans S.M. Stern, Medieval Arabic and Hebrew thought, ed. by F. W. Zimmermann, London 1983, no. 1, et dans S. M. Stern, Pseudo-Aristotelica preserved in Arabic Translation. Texts and Studies. Collected and Reprinted. I, Edited by Fuat Sezgin in collabo-

ration with M. Amawi, C. Ehrig-Eggert, E. Neubauer, Frankfurt/M. 2000, p. 241258). - Ms. Istanbul, Aya Sofia 4260 (daté de 714 A.H./1314—1315 A. D.), fol. 97"120°. Découvert et décrit par 7 M. Grignaschi, «Les “Rasä’il 'Aristatalisa 'ilä-l-

Iskandar" de Salim Abü-l-' Alà' et l’activité culturelle à l'époque omayyade », BEO 19, 1965-1966, p. 7-83. Ce manuscrit a des liens de parenté avec celui de Fatih.

432

ARISTOTE DE STAGIRE

La traduction est fondée sur un original syriaque, mais montre des traces de collation avec des manuscrits grecs. Elle est souple, bien lisible et estompe les passages difficiles avec habileté. 2) Ms. Princeton 2989, Yahuda 308, fol. 293"-303'. Ce manuscrit daté de 677 ἢ. (1278-1279 A.D.) a été décrit par 8 J. Kritzeck, « Avicenniana. Une majmu'a philosophique à Princeton», MIDEO 3, 1956, p. 375-380) et Stern 6. Le traducteur est ainsi mentionné: 'Isä b. Ibráhim al-Nafisi, médecin du prince hamdänide Sayf alDawla (reg. 947-967 A.D.) et traducteur salarié du syriaque ; voir sur ce traducteur 9 J. Lippert (édit.), Zbn al-Qifti's Ta’rih al-hukamá'. Auf Grund der Vorarbeiten

Aug. Müller's Leipzig 1903, p. 250. L'explicit identifie ce texte à la "Lettre d'Or". 3) Le Ms. Istanbul, Köprülü

1608, fol. 182-189" (XVIF siècle) contient une

paraphrase assez abrégée dans une version tout à fait différente des autres, qui s'étend jusqu'à 399a 30 (la moitié du chap. 6). Il a été découvert par 10 J. Bielawski, «Lettres d' Aristote à Alexandre le Grand en version arabe», RO 28, 1964, p. 7-34, et étudié par 11 S.M. Stern, «A third Arabic translation of the pseudo-Aristotelian treatise De Mundo», Muséon 78, 1965, p. 381-393, réimpr. dans S. M. Stern, Medieval Arabic and Hebrew thought, ed. by F. W. Zimmermann, London 1983, no. 2, et dans S. M. Stern, Pseudo-Aristotelica preserved in Arabic Translation. Texts and Studies. Collected and Reprinted. I. Edited by Fuat Sezgin

in

collaboration

with

M.

Amawi,

C.

Ehrig-Eggert,

E.

Neubauer,

Frankfurt/M. 2000, p. 259-271. Ce manuscrit tardif, ayant un texte abrégé et corrompu, pourrait bien contenir la plus ancienne traduction. Il présente le motif de la "Lettre d' Aristote à Alexandre" de manière très élaborée. Les manuscrits ont été décrits en détail, et les trois traductions éditées et

commentées par Brafman, qui offre aussi une version anglaise du n? 1 et un index gréco-arabe (12 D. A. Brafman [édit.], The Arabic «De Mundo»: An edition with translation and commentary, Ph. D. Duke University 1985).

Les traductions arabes ne sont pas négligeables pour la critique textuelle. Les traducteurs qui travaillaient à partir du syriaque ont aussi consulté des manuscrits grecs, et offrent quelques variantes intéressantes. En outre, le fait de disposer de trois traductions arabes d'un même original est une situation unique qui constitue un défi pour les arabisants: elle donne la possibilité de faire une étude comparative des techniques de traduction. Une étude de l'histoire de l'origine de ces traductions et l'établissement de la valeur réelle des textes syriaque et arabes comme témoins de l'original grec

seraient donc souhaitables. Pour le syriaque, Lorimer 4 était mal guidé, et Brafman 12 ignore tout à fait la version syriaque, tandis que l'argumentation bien soutenue de 13 F. Klein-Franke, « Die Überlieferung der ültesten arabischen Handschrift

von Pseudo-Aristoteles "De Mundo"», Muséon 87, 1979, p. 59-65, pour qui la traduction n? 3 a été faite directement du grec, lui est inconnue. Pour étudier les versions orientales il ne suffit donc point de consulter l'édition de Lorimer 4. Le syriaque tout comme les trois versions arabes offrent parfois des

DE MUNDO - TRADITION SYRIAQUE ET ARABE

483

variantes provenant de Stobée, et non de l'ouvrage original. Il faut méme prendre en considération l'existence d'autres textes vulgaires, à découvrir encore. La transmission du De Mundo en Orient fut donc plus compliquée qu'on pourrait le supposer. WIM RAVEN.

OPUSCULES

Les Opuscules sont les parents pauvres du corpus aristotélicien. Au nombre de neuf, ces petits écrits totalisent à peine 80 pages sur les 1462 que compte l'édition 1 Bekker. 1. De Coloribus: 791 a 1 - 799b 20. 2. De Audibilibus : 800a 1 - 804 b 39.

3. Physiognomica : 805a1-814b9. 4. De Plantis: (Prologue: 8142 10-815b9) 815a10- 83004. 5. De Mirabilibus auscultationibus : 830 a5 - 847 b 10. 6. Mechanica: 847a11-858b 31. 7. De lineis insecabilibus : 968a1 - 972b23. 8. De ventorum situ et nominibus: 973 a 1 - b 25.

9. De Xenophane, Zenone [sic] et Gorgia: 974a] - 980b 21. D'attribution incertaine, anonymes, dépourvus d'attraits pour bien des historiens de la philosophie, sans contenu scientifique vraiment reconnu, ces opuscules ne doivent leur survie qu'au hasard et à la volonté d'exhaustivité des éditeurs. Ces textes n'ont en commun que leur exiguité, d’oü leur appellation : Opuscula, Kleine Schriften, et, péjorativement, Minor Works. Tout les différencie les uns des autres, de leur objet à leur destin littéraire. Ainsi, les Physiognomica ou le

De Mirabilibus auscultationibus occupent une place privilégiée dans une constellation d'écrits promis à une diffusion culturelle importante. On peut en dire autant du De ventorum situ et nominibus, équivalent d'une rose des vents,

qui reste à replacer dans l'abondante littérature météorologique ancienne. Dans un autre registre, il s'avére que le De coloribus et le De audibilibus ne prennent leur sens que réintégrés dans un ensemble de textes relevant de la philosophie naturelle et dont les auteurs abordent la description des données de la vision et de l'audition en se tenant à la frontière de l'optique ou de l'acoustique et d'une phénoménologie encore à la recherche de ses instruments descriptifs. Les Problémes mécaniques apparaissent dans les éditions de la Renaissance, à partir de manuscrits grecs qui, semble-t-il, n’ont pas donné lieu à une tradition arabe et latine. Le De lineis insecabilibus a été transmis dans un tel état de détérioration que les premiers éditeurs du corpus aristotélicien ont préféré lui substituer la paraphrase de Georges Pachymére. Enfin, c'est à un modele grec introuvable que renvoie le texte tardif du De plantis. Les Opuscules ont pris place dans les éditions des œuvres complètes d'Aristote, dans celles des traductions latines. Au XVF s., ils ont été édités ou traduits soit isolément, soit avec des textes d'autres auteurs, soit regroupés en volumes indépendants. Le premier recueil qui soit complet est dû à 2 Fr. Sylburg (édit.), Aristotelis varia opuscula, Francofurdi

1587, qui a rajouté aux textes aristotéliciens des passages d'Athénée, de Polé-

OPUSCULES

485

mon, d’Adamantius et de divers autres auteurs: De Xenophanis et Gorgiae dogmatibus

(p. 1-16), De lineis insecabilibus

Mechanica problemata (p. 43-75, notes p. 305), De mirabilibus (p. (p. 135-222, notes p. 318-335), De plantis libri duo (p. 254-295, notes

(p.

16-43, notes p. 298-299),

notes p. 299-304), De audibilibus (p. 76-88, 89-128, notes p. 305-317), Physiognomica coloribus (p. 237-254, notes p. 337-342), De p. 344-347). Le philologue avait été précédé

dans cette entreprise par 3 Henri Estienne, Aristotelis et Theophrasti scripta

quaedam. .., Parisiis 1557, qui avait édité les traités De lineis insecabilibus, De audibilibus, phraste.

De

mirabilibus

auscultationibus,

avec des opuscules de Théo-

A la fin du XIX* s., 4 C. Prantl, Aristotelis... De coloribus, De audibilibus, Physiognomica, Lipsiae 1881, et 5 O. Apelt, Aristotelis... De plantis, De mirab. auscult., Mechanica, De lineis insec., Ventorum situs et nomina, De Melisso...,

Lipsiae 1888, ont apporté au texte de l'édition Bekker des améliorations notables dont les traducteurs postérieurs ont bénéficié. 1. DE

COLORIBUS

Contenu. Cet opuscule que 6 J.L. Ideler (édit.), Aristotelis Meteorologica,

Lipsiae 1834, t. I, p. 374) tenait pour le meilleur commentaire de Mer. I 5, et qui n'est sans doute l’œuvre ni d' Aristote, ni de Théophraste, comporte deux parties.

La premiere (chap. 1-4) est consacrée aux couleurs simples dans leurs rapports aux éléments, aux couleurs composées et à leurs infinies variations sous l'effet des mélanges et des effets de l'éclairage, aux processus artificiels de coloration. Dans la seconde partie, l'auteur aborde les formes de coloration du tégument des végétaux (chap. 5) et celles de celui des animaux (chap. 6) en fonction du jeu de

deux facteurs organiques évoqués au début: le chaud et l'humide à l’œuvre sur un support solide. Éditions et traductions. 1 Ed. Bekker: II 791 a 1 - 799b 20 ; III 384-388 : trad.

latine de Celio Calcagnini. 4 Ed. C. Prantl, Lipsiae 1881, p. 1-19 (on doit en outre à C. Prantl l'excellent 7 Aristoteles über die Farben, erlaütert durch eine Uebersicht der Alten, München 1849).

Le XVY siècle a connu quatre traductions du De coloribus. La premiere, éditée en 1537, est l'aeuvre de Frangois Vatable (mort en 1547), célébre hébraisant et traducteur des Parva naturalia (Paris 1518). Cette traduction, ajoutée à une édition du Commentaire de saint Thomas sur le De genera-

tione, s'intitule: 8 Libellus Aristotelis qui inscribitur de coloribus, in quo colorum omnium generatio sive simplicium sive compositorum naturalis per causas demonstratur, recenter emissus cum duplici textus interpretatione, una quidem

Francisci Vatabli, altera vera antiqua, recognita ab Antonio Demochare Ressoneo et illustrata. La traduction de Celio Calcagnini (1479-1541), incluse dans l'édition latine de Bále de 1548 (III, 517-524), puis dans celle de Casaubon (1590, I, 736-743)

est la plus répandue. Elle a été imprimée séparément, à la suite d'une traduction

486

ARISTOTE DE STAGIRE

latine du De urinis de 1. Actuaire: 9 Actuarü Libri VII de Urinis, Ambrosio Leone Nolano interprete (p. 1-259), Aristotelis De coloribus liber, Celio Calca-

gnini interprete (p. 260-282), Antonii Thylesii Consentini De Coloribus Libellus (p. 282-299), Parisiis 1548, réédité en 1670. On trouve dans le titre de la traduction de Simone Porzio (1497-1544), éléve

de Pomponazzi, lui-méme professeur à Pise de 1540 à 1552, l'expression d'un doute sur l'auteur de l'opuscule: 10 Aristotelis vel Theophrasti De coloribus Libellus, Parisiis 1549; l'édition de Florence (1548) s'intitule: 11 De coloribus Aristotelis a Simone Portio Neapolitano latinitate donatus et commentariis illustratus, una cum ejusdem praefatione, qua coloris naturam declarat.

La quatrième traduction, plus rare, est l’œuvre de l'érudit et théologien grec Emmanuel Margounios (1549-1602) : 12 Aristotelis liber de coloribus, multis in locis emendatus, Emmanuele Margounio ... interprete. In eundem Micheli Ephesii explicatio nunc primum ab eodem latinitate donata, Patavii 1575.

Au XIX* s., deux éditeurs du De coloribus ont choisi d'y adjoindre non pas la traduction de Celio Calcagnini, mais celle de Simone Porzio : 13 J. G. Schneider, Theophrasti ... Opera..., Lipsiae 1818, texte grec: I 873-896; trad. latine: II 412-424) et 14 U. Bussemaker, Aristotelis Opera, Paris 1854, vol. ΠῚ, XX et 643-

654. 15 H. B. Gottschalk, « The De Coloribus and his author », Hermes 92, 1964,

p. 59-85, présente une analyse des six chapitres avec leurs difficultés textuelles et résume les raisons à la lumière desquelles l'auteur du De coloribus serait un disciple de Théophraste. Goethe a traduit en allemand le De coloribus: 16 Zur Farbenlehre, Tübingen 1810, II, 24-53: Theophrast oder vielmehr Aristoteles von den Farben ; 54-59: Farbennennungen der Griechen und Römer [Paris, Bibl. Nationale, Rés. p. V 818 (2), ou encore G. Werke, 1851, t. XXIX, p. 17-38]. Il s'agit d'une collection de documents et de notices (Materialen zur Geschichte der Farbenlehre) portant

sur des auteurs qui vont des Pythagoriciens aux savants du XVIII s., notamment Newton, cible d'une polémique mémorable de Goethe. Pour l'Antiquité, la pré-

sentation des documents est articulée autour d'une doxographie tirée de Plutarque, Diogene Laérce, Stobée, Aristote, Théophraste, et de notre opuscule, présenté in extenso, en 6 chapitres et 82 paragraphes. Voir aussi 17 K. Schlechta, Goethe in seinem Verhältnis zu Aristoteles, coll. «Frankfürter Studien zu Reli-

gion und Kultur der Antike» Goethe, cf. 18 G. A. Wells, art.

16, Frankfurt 1938. Sur l’œuvre scientifique de « Goethe», dans DSB V, 1972, p. 442-446 ; voir

aussi 19 S. Sambursky, « Lichte und Farbe in der physikalischen Wissenschaften und in Goethes Lehre », Eranos Jahrbuch 41, 1972, p. 177-216; 19 bis Id., The realms of colour, Leiden 1974, p. 177-216. 2. DE AUDIBILIBUS

Contenu. L'auteur de l'opuscule analyse les conditions de production du son vocal et instrumental. Il montre en détail comment les qualités de celui-ci varient

OPUSCULES

487

tant en fonction de l'état de l'émetteur que de la force avec laquelle le souffle est propulsé de celui-ci jusqu'à l'oreille qui le reçoit. Editions et traductions. 1 Éd. Bekker II, 800a 1 - 804b 39 ; III 388-391 trad. latine de F. Patrizzi; 4 ed. C. Prantl, Lipsiae 1881, p. 20-32. Ce texte, sans existence autonome, répond à une citation de Porphyre dans son Commentaire à l'Harmonique de Ptolémée, dont l'éd. princeps est due au mathématicien 20 J. Wallis (Operum mathematicorum,

vol. II, Oxonii

1699,

p. 246 sqq.). Mais, dés la Renaissance, la citation du De audibilibus fut éditée par Estienne 3, p. 67-80, reprise par Sylburg 2, p. 76-88, notes p. 305). Elle fut traduite en latin par Adrien Turnébe, maitre de Henri Estienne (21 Aristotelis libellus de his quae auditu percipiuntur..., Parisiis 1600; voir aussi le vol. II des

œuvres complètes, Argentori 1600); ainsi que par 22 A. Gogava (Aristoxeni ... Harmonicorum... libri III..., Aristotelis de obiecto auditus fragmentum ex Por-

phyrii commentariis..., Venetiis 1562, in-4? 164 p.: citation du περὶ dxouotöv, p. 152-160) et 23 F. Patrizzi (ed. Casaubon 1590, I p. 732-736). C'est à partir du ms. Coislin 173 (Ma de Bekker) et des conjectures de Wallis que fut établi le texte communément utilisé. En 1932, I. During a édité le Commentaire de Por-

phyre : 24 Porphyrios Kommentar zur Harmonielehre des Ptolemaios, coll. «Göteborg Högskolas Ärsskrift», Göteborg 1932 (voir p. 67, 22- 77, 18). Depuis Klein,

1972 (3* éd. 1990), la traduction allemande et le commentaire de 25 U. in Aristoteles

Werke..., ed. E. Grumach

et H.

Flashar, XVIII

3 (texte

p. 157-168, commentaire p. 171-291] offrent un ensemble de renseignements et d'éclaircissements précieux, dans un volume malheureusement dépourvu de la reproduction du texte grec correspondant à la traduction. 3. PHYSIOGNOMONICA

Contenu. L'opuscule se compose de deux parties hétérogènes, artificiellement réunies. La première (chap. 1-3) a pour objet le signalement de 22 caractéres répondant chacun à une association de signes physiques (chap. 3). Ce répertoire est précédé d'une introduction méthodologique dans laquelle l'auteur justifie la physiognomonique par la corrélation — en théorie biunivoque — des caractères de l'áme et des dispositions du corps, et critique l'absence de fiabilité de certains critères utilisés par les physiognomonistes (chap. 1). Il propose un ensem-

ble de signes physiques dont la combinaison correspond aux types évoqués dans la suite et met en garde contre les erreurs de jugement dues à une mauvaise interprétation de ces signes.. La seconde partie s'ouvre sur l’affirmation de l'interdépendance des états de l'áme et de ceux du corps, sur une évocation du caractére des animaux et sur les précautions indispensables à une diagnose physiognomonique correcte (chap. 4). Les différences qui s'appliquent aux animaux máles et femelles (homme compris), présentés à travers l'opposition emblématique du lion (mâle) et de la panthére (femelle) introduisent à une série de types définis tant par la combinaison de caractéres physiques que par une

parenté avec les animaux de référence. Si les préambules présentent des analogies méthodologiques, les répertoires de signes physiognomoniques different

488

ARISTOTE DE STAGIRE

sensiblement : celui de la première partie reste très fidèle à des référents utilisés dans les œuvres zoologiques du corpus, pour décrire et classer les êtres vivants, celui de la seconde partie avec l'introduction ambigué des caractères référentiels d'animaux situe l’œuvre à l'orée d'une littérature qui est aussi et sera celle des fabulistes, des auteurs de bestiaires et de satires.

Éditions et traductions. 1 Ed. Bekker II 805a 1 -814b9; 4 ed. C. Prantl, coll. BT, Leipzig 1881, p. 33-54 ; 26 ed. R. Foerster, coll. BT, Leipzig Scriptores

physiognomonici

Graeci et Latini, t. I, p. 4-91

1893:

(le texte grec est

accompagné de la traduction latine de Barthélémy de Messine. Dans les Prolegomena, p. VII-CXCII, l'éditeur reconstitue l'histoire du genre "physiognomica" de facon trés claire). Rappel des autres auteurs édités dans ce Corpus : Polemonis de Physiognomonia liber, arabice et latine ed. G. Hoffmann (I, p. 98-294); Adamanti Physiognomonia (1, p. 297-431); t. II: Anonymi de Physiognomia liber,

p. 2-145, 133 chapitres tirés du médecin Loxus, d' Aristote, de Polémon. Ce texte vient d'étre réédité : 27 J. André (édit.), Anonyme latin, Traité de Physiognomo-

nie, texte établi et traduit et commenté par J. A., CUF, Paris 1981 (sur ce traité, cf. 28 la Bibliographie des textes médicaux latins, Antiquité et haut Moyen Áge, sous la direction de Guy Sabbah [er al.}, coll. « Centre Jean Palerne. Mémoires»

6, Publications de l'Université de Saint-Étienne 1987, p. 129-130) ; Pseudopolemonis codicis Gothani Arabici versio latina, 26 chap., p. 149-160 ; Rasis physiognomonicae versio latina a Gerardo Cremoniensi facta, p. 163-179 (il s'agit de la traduction du traité intitulé en latin Ad Almansorem,

11, chap. 26-58, où la

physiognomonie vient s'ajouter aux régles du pronostic pathologique fondé sur les complexions). Physiognomiae Secreti Secretorum Pseudoaristotelici versiones latinae, p. 183-222 (sur ce texte, voir 29 F. E. Peters, Aristoteles Arabus,

Leiden 1968, p. 63-64) ; Anonymi Byzantini Physiognomica, p. 225-232 ; Sylloge locorum Physiognomonicorum, p. 237-352 (choix de textes grecs et latins: 136

textes allant d'Homere, /liade N 276 sqq. à Eustathe, contenant des passages d'Hippocrate, Platon, Aristote, etc...)

Auparavant, 30 V. Rose, Aristotelis Pseudepigraphus, Leipzig 1863 [1971], p. 696-708, 31 Id., Aristotelis qui ferebantur librorum fragmenta, coll. BT, Leipzig 1886, n'a retenu aucun texte susceptible d'étre rattaché au titre φυσιοYvouovixóv de la liste de Diogéne Laërce (tit. 110, Hes. 98). Voir cependant 32 P. Moraux, Les listes anciennes des ouvrages d'Aristote, Louvain 1951, p. 109-110 et 186-190. 33 O. Gigon, Aristotelis Opera, volumen tertium, Librorum deperditorum fragmenta, collegit et annotationibus instruxit O.G.. Berlin

1987, a pour sa part introduit dans son recueil trois passages du Corpus répondant à des préoccupations virtuellement semblables à ce titre (fr. 350-352, p. 508-511 = Pr. An. I1 27, 70b 7-30, sur les conditions de validité du jugement physiognomonique ; H. A. I 8-11, 491b 9- 49204, passim, avec l'intégration, dans la description de la téte humaine et de ses parties, de thémes physiognomoniques préexistants ; G. A. IV 3, 769b 3-35, avec une allusion à l'impossibilité de combiner et de rendre compatibles entre eux des types animaux trop différents. A ces passages, il conviendrait d'ajouter le chap. 7 du Quod animi mores tempe-

OPUSCULES

ramenta sequuntur, où Galien (ed. Marquardt, 57, 13), qui cite P. A. II 2, 648 a 15 sg. et II 4, sang et du caractère, fait allusion aux περὶ τῶν δλημάτων βιδλία (p. 54, 12-14), dans lesquels,

489

Scripta Minora, t. II, p. 51, 12650b 14 sq. sur les rapports du (Gov πραγματείαι et aux προselon lui, Aristote développe les

mêmes notions. Dans ce chapitre, Galien cite expressément H. A. I 11, 491 b9 sq.

(p. 55, 12-57, 5) et, allusivement, un σύγγραμμα φυσιογνωμικῶν θεωρήμαtov (p. 57, 7-8) qui peut avoir un rapport avec l'opuscule du corpus. Cf.

M.

Schneidewin, Die aristotelische Physiognomik,

Heidelberg

1929;

J. Schmidt, art. « Physiognomik », RE XX 1, 1941, col. 1064-1074 ; R. Megow, «Antike Physiognomielehre », Das Altertum 9, 1963, p. 213-221 ; E.C. Evans,

Physiognomics in the ancient world, coll. «Transactions of the American philosophical society » 59, 5, Philadelphia 1969; A. Degwitz, Die pseudoaristotelischen "Physiognomonica" Traktat A. Übersetzung und Kommentar, Heidel-

berg 1988. Pour la tradition arabe, voir ci-aprés la notice de Johannes Thomann. 4. DE PLANTIS

Contenu. L'opuscule est composé de deux livres comptant respectivement 7 et 10 chapitres. L'auteur commence par établir comment la vie des plantes différe en nature de celle des animaux. On reconnait bien dans son analyse les critères aristotéliciens de la distinction des deux règnes ainsi qu'une doxographie, sans doute de méme origine, impliquant Empédocle, Anaxagore, Platon, avec la critique de leur imputation aux plantes d'une vie sensible. Ni l'idée tenue pour fausse — d'un état du monde oü les animaux n'existaient pas encore, ni l'apparent dimorphisme sexuel de certaines plantes, ni les exemples limites d'animaux-plantes (les zoophytes) ne peuvent effacer la frontière qui sépare l'animal de la plante. L'auteur confirme son point de vue en tirant de la morphologie comparée de l'animal et de la plante la leçon que les analogies morphologiques cessent dés lors qu'apparait la notion de "caractére" et celle de “disposition", inhérentes à l'animal, étrangéres à la plante. Le rappel de ce préambule permet de souligner l'importance philosophique de l'opuscule. Pour le reste, l'auteur s'attache à présenter une classification générale des végétaux, à décrire leurs types de croissance, les effets de la culture sur les espéces et la facon de reconnaitre les propriétés des plantes. Dans la seconde partie, s'appuyant sur le rappel des principes de la physiologie générale, définis par le jeu du feu, de l'eau et de la terre, l'auteur décrit le pouvoir qu'ont les plantes, logées sur un sol, de se différencier en métabolisant l'air et l'eau. Il marque les limites de la production et de la croissance des végétaux dans les zones géographiques inhospitalieres, ainsi que les conditions exceptionnelles de celles qui vivent sans terre, sur l'eau ou parmi les rochers. Enfin, il aborde la question de la défoliation saisonniére, celle des variations de couleurs et de la production des laits et séves végétales.

490

ARISTOTE DE STAGIRE

Témoignages anciens, éditions et traductions. Les biographes (D.L. V 25, tit. 108 ; Hésychius, tit. 96; Vir. arab., tit. 54) mentionnent un περὶ φυτῶν = De plantis en deux livres, dont les fragments ne permettent pas de bien reconstituer les contours (Rose 30, c. XLV, p. 261-275 ;

Rose 31, p. 209-214, fr. 267-278 ; Gigon 32, tit. 108, p. 503-508, fr. 326-349). L'opuscule grec du Corpus, qui répond au méme titre et qui est lui aussi divisé en deux livres, est l'aboutissement d'une singulière aventure. Les 18 mss. grecs, recensés par 34 A. Wartelle, Inventaire des manuscrits grecs d’Aristote et

de ses commentateurs, Paris 1963, 198 p., sont, à l'exception d'un seul (Laur. LXXXV,

3, XIV* s., comportant des œuvres de Théophraste), du

X V* ou du

XVF s. Trois d'entre eux (Scorial. T II 13 gr. 152 = 44 Wartelle; Par. gr. 2069 [= Ms Pa] ; Marc. gr. Z 215, XV* s. [= Ms Na]) comportent un préambule ano-

nyme reproduit dans l'édition Bekker. En 1531, J. A. Kohlburger, professeur à Tübingen puis à Vienne, publia une premiére édition des Geoponica, à laquelle il ajouta le texte grec du De plantis: 35 1.A. Brassicanus,

De re rustica selectorum libri XX graeci... (p. 1-488);

... Aristotelis De plantis libri duo graeci nuper ab interito liberati... (p. 489551)... Basileae 1531. Dans la préface de ce volume, Simon Grynaeus supposait que le texte grec ainsi présenté était la récente traduction en grec par Gaza, Masurus, Lascaris ou Planude d'un texte latin. Voir aussi 36 J. C. Scaliger, In libros De plantis Aristoteli inscriptos commentarii, Lutetiae 1556. En réalité, l'auteur de l'opuscule n'était pas Aristote, mais un péripatéticien

du I*' s. av. J.-C., Nicolas de Damas, et le texte latin, source de la tardive version grecque, était l’œuvre d' Alfred de Sareshel (XII-XIIÉ* s.) qui s'était appuyé sur la traduction arabe de Hunayn

ibn

Ishäq.

[37 J. Longrigg,

art. «Nicolaus

of

Damascus », DSB X, 1974, p. 111-112]. La préface de E. H. F. Meyer à l'édition de Nicolas reste la meilleure initiation à la découverte de l'origine du De plantis du corpus aristotélicien: 38 E. H. F. Meyer (édit.), Nicolai Damasceni De plantis libri duo Aristoteli vulgo adscripti, ex Isaaci Ben Honain versione arabica latine vertit Alfredus..., Lipsiae 1841, XXVIII-138 p. Sur les traductions latines, voir 39 S. D. Wingate, The medieval Latin versions of the aristotelician scientific Corpus, London 1931, p. 55-72; sur Alfred de Sareshel, 40 G. Sarton, Introduction to the history of science, coll. « Carnegie institution of Washington. Publication » 376, Washington 1927-1931, t. II 2, p. 561-562; sur la traduction arabe, Peters, 29, p. 64-65 ; 41 M. Ullmann, Die Natur und Gemeinwissenschaften im Islam, Leiden 1972, p. 71-72; 42 H. J. Drossaart-Lulofs, « Aristotle's περὶ φυτῶν», JHS 77, 1957, p. 75-80;43 Id.,

Nicolaus Damascenus, On the philosophy of Aristotle.

Fragments of the first five

books translated from the Syriac with an introduction and commentary, Leiden

1965, p. 13, 24, 28 et 39. (Une traduction allemande par le méme auteur est annoncée dans Aristoteles Werke, ed. E. Grumach et H. Flashar, XVIII 4).

Pour l'ensemble de la tradition grecque, syriaque et arabe, voir également la notice ci-apres la notice d'Henri Hugonnard-Roche.

OPUSCULES

491

5. DE MIRABILIBUS AUSCULTATIONIBUS

Editions et traductions. 1 Ed. Bekker 83035-847610; 5 ed. O. Apelt, 1888, p. V, et 49-92; 44 éd. avec traduction en anglais: W.S. Hett, Aristotle, Minor Works, coll. LCL, 1936, p. 236-325; 45 trad. et comm. en all. : Aristoteles Werke... E. Grumach et H. Flashar, t. XVIII 2, Berlin 1972: Mirabilia, übers.

von H. Flashar, trad. p. 7-36; éclaircissements p. 39-154. Le De mirabilibus est constitué de 178 anecdotes délivrées sans explication. Pour la découverte du contexte littéraire, cf. 46 Scriptores rerum mirabilium graeci, ed. Westermann, Brunsvigae, Londini, 1839 (réimpr. 1963). Cet ouvrage

est ainsi distribué: Praef. p. I-LIIL; Index, p. LIV-LVI ; Aristotelis mirabiles auscultationes,

Antigoni,

Apollonii,

Phlegontis

historiae mirabiles,

Micheli

Pselli lectiones mirabiles, Reliquorum eiusdem generis scriptorum deperditorum fragmenta... et 47 A. Gianini, Paradoxographorum graecorum reliquiae, recogn. brevi ann. crit. instr. latine red. A. G., Milano 1967 (avec un apparat et surtout des paralléles trés riches). Étude intéressante de 48 H. Schrader, «Über

die Quellen der ps. aristotelischen Schrift nepl θαυμασίων ἀκουσμάτων », JKPh 97, 1868, p. 217-232. 6. PROBLEMES MECANIQUES

Contenu. Les 35 Problemes mécaniques sont précédés d'un prologue dans lequel l'auteur reprend, en l'appliquant aux instruments dont il va étudier le fonctionnement, le théme de la supériorité que la technique procure à la faiblesse humaine en lui assurant une revanche sur les forces de la nature qui dépassent les siennes. L'étude du levier et des propriétés du cercle sont pour lui les principes des démonstrations à venir, étant entendu que la mécanique se propose d'expliquer les réalités physiques par des raisons mathématiques. Ces problémes mettent en jeu un certain nombre d'outils, d'instruments professionnels et de métiers artisanaux. C'est d'abord la balance (Pr. 1, 2 et 20),

puis le levier (Pr. 3), l'équipement d'un bateau (rames, gouvernail, mát, Pr. 4-7), des objets cylindriques (poulies, roues d'engins, treuils, cabestans, Pr. 8-11,

13,

18). C'est encore ce qui concerne le transport et la partition de piéces de bois (Pr. 14, 16-17, 19, 26-27, 29), l'équipement en sangles de cuir d'un chássis de lit (Pr. 25), la fabrication de pompes pour les puits (Pr. 28). C'est enfin la mise en mouvement d'un chariot (Pr. 31), la trajectoire de projectiles (Pr. 32-35), le fonctionnement du davier et celui du casse-noix (Pr. 21-22). Ces instruments

banals sont les outils séculaires de travail de tout un peuple de marchands, de marins, de transporteurs, de portefaix, de charpentiers, de menuisiers, de puisa-

tiers, de charretiers. Un des instruments médicaux les plus simples, au dire d'Hippocrate (Du médecin 9, t. IX, p. 216 Littré), figure méme dans cet ensemble. C'est à leur fonctionnement que s'attache l'auteur, dans des développements théoriques si importants et parfois si subtils qu'on finirait par en oublier l'objet et par perdre de vue ceux des problémes que les historiens des progres du savoir scientifique n'ont pas retenu dans leurs traités.

492

ARISTOTE DE STAGIRE

Sur le fond, cf. 49 P. Duhem, Les origines de la statique, t. 1: Paris 1905, IV360 p. ; t. II: Paris 1906, ViII-364 p. ; 50 G. Sarton, Introduction to the History of Science, t. I, Baltimore 1927 (1968?), p. 132, avec bibliographie; 51 Th. Heath, Mathematics in Aristotle, Oxford 1949 (1970?), chap. X : "Mechanics", p. 227254 (avec la traduction ou le commentaire des problémes les plus significatifs pour l'histoire de la science [Prol., passim, pr. 1-6, 8, 10, 14, 16-18, 20-24, 29,

30-31]; 52 F. Krafft, Dynamische und statische Betrachtungsweise in der Antiken Mechanik, coll. «Boethius » 10, Wiesbaden 1970, 180 p., particulièrement p. 13-96 : «Dynamische Betrachtungsweise, Die peripatetische Schrift "Mechanische Probleme" » (avec la traduction du prologue et d'une partie du Pr. 1 et celle des Pr. 3, 9, 12, 13, 17, 18). Pour une information plus large 53 M.R. Cohen et I. E. Drabkins, A Source book in Greek science, Cambridge (Mass.) 1948 (19692), p. 183-256 ("Mechanics"); p. 314-351 ("Applied Mechanics"). Editions et traductions. 1 Ed. Bekker II 847a11-858b31 ; III p. 409-415, trad. latine de N. Leoniceno Tomeo;

quaestiones

éd. modernes

séparées : 54 Aristotelis

mechanicae, rec. et ill. J.P. Van Cappelle, Amstelodami

1812;

Aristotelis... Mechanica..., ed. O. Apelt 5, Lipsiae 1888, VI-VII, p. 95-137, texte

repris par Hett 44, p. 330-411 ; 55 Aristotele, Mechanica : tradizione manoscritta, testo critico, scolii a cura di Maria Elisabetta Bottechia, coll. «Studia Aristotelica» 10, Padova 1982, 172 p., 18 pl.: édition critique désormais de référence, qui n'est accompagnée d'aucune traduction.

Parmi les titres d'ceuvres d’ Aristote figure un Mnyavixóv en un livre (D. L. V 25, tit. 124; Hésychius 114; Vita arab. 20). L'auteur de la Vita Marciana (cf.

Gigon 32, p. 29a, ligne 28) cite des Μηχανικὰ προδλήματα auxquels ne correspond aucun fragment recensé. D. L. V 59 attribue à Straton de Lampsaque un Μηχανικόν (mss. B P) faisant suite à un περὶ τῶν μεταλλικῶν (D.L., ed. H. S. Long [Oxford 1964] vulg. περὶ τῶν μεταλλικῶν μηχανημάτων). Sur la foi de cette indication, on s'est autorisé à faire des Problömes mécaniques du Corpus

aristotélicien l’œuvre soit de Straton de Lampsaque (fr. 69 Wehrli), soit de son école. A ce motif s'ajoute celui de la terminologie et du style de la démonstration des Problèmes, tenant à la fois à ceux d'Euclide et d' Aristote et autorisant une datation dans la premiére génération péripatéticienne (Heath 51, p. 227). Fortune du texte. A la Renaissance, les Problémes mécaniques, édités, tra-

duits en latin et commentés, ont constitué un centre d'intérét qui a largement dépassé les frontières de l'érudition. C'est ce qu'atteste la bibliographie des traductions et commentaires de l'opuscule dont on rappellera les plus étroitement liés à l'histoire du texte. 56 Aristotelis Mechanica Victoris Fausti industria in pristinum habitum restituta ac latinitate donata, Parisiis, in-4°, 1517; 57 Nicolai Leoniceni Thomaei Opuscula...: p. 22-55: Conversio mechanicarum quaestionum Aristotelis cum figuris et annotationibus quisdam, Parisiis 1530 (premiere éd.: Florence 1527. Le texte est associé à un ensemble qui compte une traduction des Parva

OPUSCULES naturalia, des Quaestiones

493

naturales et une traduction du Commentaire de

Proclus sur la composition de l'àne du monde dans le Timée); 58 Diego Hurtado de Mendoga, Mechanica de Aristotiles: traduction en castillan faite à Trente en 1545 par le représentant au Concile de Charles-Quint, éd. par R. Fouché-Delbosc, RevHisp 5, 1898, p. 365-405 ; 59 Alexandri Piccolomini in Mechanicas Quaestiones Aristotelis paraphrasis, LXX fol., Ejusdem commentarius de certitudine mathematicarum disciplinarum..., Roma 1547 ; 60 P. Nunni [= Pedro Nuñez] ... De Arte atque ratione navigandi libri duo... Ejusdem... in problema mechanicum Aristotelis de motu navigii ex remis annotatio una,

Conimbricae

1573; 61 Le mechanice d'Aristotele, transportate di greco in

volgare idioma, con le sue De chirationi (da Antonio Guarino) nel fine, con l'ordine de numeri de capitoli, Modona 1573, Andrea Gadaldino, in-4°, 22 fol.

(d’après 62 F. E. Cranz, A Bibliography of Aristotle'e editions, 1501-1600, 27d ed. by Chr. Schmitt, coll. «Bibliographia Aureliana » 38, Baden Baden 1984, il n'existe qu'un seul exemplaire à Vienne, NB 72 S 18); 63 Paraphrasi di Monsignor Alessandro Piccolomini ... sopra la Mecaniche d'Aristotele, tradotta da Oreste Vannocci Biringucci, Roma 1582, 172 p.; 64 Aristotelis Mechanica, graeca emendata, latina facta et commentariis illustrata ab Henrico Monantholio, Medico et mathematicarum artium professore regio, ... Parisiis 1599 (Épitre à Henri IV, Préface au Lecteur, Index, 211 p.); 65 Bernardini Baldi Urbinatis, Guastallae Abbatis, in Mechanica Aristotelis Problemata Exercitationes, Adjecta succincta narratione et autoris vita et scriptis, Moguntiae

1621,

194 p. (Préface théorique et critique importante. Sur l'auteur, cf. DSB I, 1970, p. 419-420) ; 66 Giuseppe Biancani, Aristotelis loca mathematica, ... Bononiae 1615, 283 p.: p. 148-195 (8 238-270) : In Mechanicas quaestiones (sur l'auteur:

cf. 67 Dizionario biografico degli Italiani X, 1968, p. 33-35); 68 Joannes de Guevara, ... In Aristotelis Mechanicas Commentarii, Una cum additionibus quibusdam ad eamdem materiam pertinentibus, Roma 1627, 277 p. Pour une présentation historique d'ensemble, voir 69 P. L. Rose et S. Drake, « The Pseudo-aristotelician Questions of Mechanics in Renaissance Culture »,

SRen 18, 1971, p. 65-104; 70 W. R. Laird, « The scope of Renaissance Mechanics », Osiris, 2* série, 2, 1986, p. 43-68; 71 F. de Gandt, «Les Mécaniques attribuées à Aristote et le renouveau de la science des machines au XVT siècle», EPh 1986, p. 391-405 ; 71bis J. Bertier, «Les apocryphes mathématiques du Corpus aristotélicien », dans J.-Y. Guillaumin (édit.), Les mathématiques dans l'Antiquité, Centre Jean-Palerne, Université de Saint-Étienne 1992, p. 27-42. 7. DE LINEIS INSECABILIBUS

Le De lineis insecabilibus est un texte que se partagent inégalement et peutétre inéquitablement les historiens de la philosophie et ceux des mathématiques. Par son développement, ce petit écrit comporte trois parties. L'auteur (1) présente et réfute point par point les cinq arguments des défenseurs de la thèse de la réalité des lignes insécables (968 a2 — 969 b 28), (2) il montre l'incom-

494

ARISTOTE DE STAGIRE

patibilité de cette thèse avec les lois des mathématiques (969b 29 -- 97] 86), et

(3) il réfute en plusieurs séries d'arguments la théorie selon laquelle la ligne serait constituée de points (971 86--972 Ὁ 34). Ce qui a déséquilibré l'intérét qu'on a porté à ce texte et l'usage qu'on en a fait est l'évocation de Zénon d'Élée lors de l'exposé de la thèse initiale. A quoi il faut ajouter que toute une tradition d'exégeétes anciens a désigné Xénocrate, second successeur de Platon à la tête de l’Académie, comme

partisan de cette

thèse et principal adversaire implicitement visé dans la polémique. En conséquence de quoi, il n'existe pas de traité d'histoire de la philosophie ou d'ouvrage sur la postérité platonicienne qui ne se réfère à la première partie du Du lineis insecabilibus à l'exclusion, d'ailleurs, des autres. Voir en dernier lieu 72 M. Isnardi Parente (édit.), Senocrate, Ermodoro, edizione, traduzione e commento, coll. «La scuola di Platone » 3, Napoli 1982, 460 p.: fr. 123-147, p. 100-110; trad. p. 208-218; comm. p. 354-373 pour le rappel de tous les historiens du platonisme qui ont évoqué ce texte. 72bis J. Bertier, « Les apocryphes mathématiques du Corpus aristotélicien », dans J.-Y. Guillaumin (édit.), Les Mathématiques dans l'Antiquité, Centre Jean-

Palerne, Université de Saint-Étienne, 1992, p. 27-42.

La partie mathématique a inspiré des jugements aussi contradictoires que ceux de 73 Th. Heath, History of Greek mathematics, Oxford 1921, t. I, p. 347: "The interest of the work to the historians of mathematics is of the slightest", et de W.S. Hett, 44 p. 415: “Without the modern view of infinity, there is much which is mathematically brillant". Le texte du De lineis a été transmis dans un état lamentable. Édité pour la

premiere fois en 1557 par Estienne 3, séparé de la paraphrase de Georges Pachymère, qui en a méme tenu lieu dans certaines éditions, il fut amendé à la fin du XIX* s. par 74 M. Hayduck, «De Aristotelis qui fertur περὶ ἀτόμων γραμμῶν libello», JKPh 109, 1874, p. 161-171, puis par Apelt 5 dans son édition des Opuscula (1888, p. VII-XXV, texte p. 141-157). Plus récemment, d'importants travaux lui ont été consacrés, qui assurent la lisibilité et la compréhension de tout le texte: 75 W. Hirch, Die Ps. aristotelischer Schrift De lineis insecabilibus, Heidelberg 1953; 76 Maria Timpanaro Cardini (édit.), Ps. Aristotele, De lineis insecabilibus, introduzione, traduzione e commento, coll. « Testi e documenti per lo studio dell' Antichità » 32, Milano 1970, 111 p. (avec un texte grec amend€); 77 D. Harlfinger, Die Textgeschichte der Ps. aristotelischer Schrift περὶ ἀτόμων γραμμῶν, eine kodikologisch-kulturgeschichtlicher Beitrag zur Klärung der überlieferung

Verhältnisse im Corpus aristotelicum, Amsterdam

1971, 445 p. ; 78 M. Federspiel, « Notes exégétiques et critiques sur le traité pseudo-aristotélicien Des lignes insécables », REG 94, 1981, p. 502-513. 8. DE VENTORUM SITU ET NOMINIBUS

Ce texte trés court, qui figure dans une bonne dizaine de manuscrits (cf. Wartelle 34), consiste en un exposé du nom et de l'origine de 12 vents. Édité par

OPUSCULES

495

Sylburg 2, p. 131-134, notes p. 317-318, et par Casaubon (1590, I, p. 755), il a été repris par 1 Bekker (973a 1 — b 25). Rose 30 a intégré ce texte à l'ensemble

des fragments intitulés περὶ σημειῶν = De signis (Aristoteles Pseudepigraphus, 1863, chap. XLII, p. 243-254) avec une petite préface justifiant le choix des textes sélectionnés, laquelle n'a rien perdu de son intérét. En 31, fr. 249-253, il a repris de facon plus concise le méme ensemble de textes. Gigon, 32, avec une répartition différente de celle de Rose, a fait du De ventorum.... son fr. 363 (Tit. 112, p. 523-524). En plus de Météorologiques Π 6, 363 a21 — 364 b 10 (ed. Louis,

CUF, Paris 1982), le texte gagne à être rapproché du De ventis de Théophraste, ainsi que des Problèmes de la section XXVI portant sur le méme sujet. Voir aussi Posidonius, fr. 137aet b, Edelstein-Kidd, Cambridge 1972, p. 132-133, et 79 Commentaire de Kidd, Cambridge 1988, t. I, p. 515-522. Pour un exposé d'ensemble, voir 80 O. Gilbert, Die meteorologischen Theorien des griechischen

Altertums, Leipzig 1907, réimpr. 1967, p. 539-584: Windsysteme. 9. DE XENOPHANE, ZENONE [SIC] ET GORGIA

Pour ce dernier opuscule, cf. 81 Barbara Cassin, art. phane, Gorgia », dans DPhA , t. 1, p. 534-537.

«Le De Melisso, XenoJANINE BERTIER.

LA TRADITION ARABE DE LA PHYSIOGNOMONIE D’ARISTOTE I. TRADUCTION

La physiogn. dans les listes des œuvres aristotéliciennes. Ibn al-Nadim ne mentionne pas la Physiogn. parmi les ouvrages philosophiques d' Aristote, mais, au chap. 8, 3, on trouve, en tête de quelques œuvres physiognomoniques, la mention

d'une

«physiognomonie

d'Aristote» (1 G. Flügel

[édit.], Kitáb

al-Fihrist mit Anmerkungen herausgegeben von G.F., nach dessen Tode besorgt von J. Ródiger und A. Müller, Leipzig 1871-1872, réimpr. Beirut 1964, t. I. p. 314, 10). D'après le texte édité par Flügel, Ibn al-Nadim aurait présenté cette Physiogn. comme «attribuée par erreur». L'adjectif désignant cette notion (manhül) ne se trouve que dans deux des quatre manuscrits utilisés et paraît être un élément étranger au niveau de la syntaxe. Malgré cela, Flügel défend la variante comme «ganz richtig» (Flügel 1, t. 11, p. 155 ad p. 314 n. 2). La traduction de 2 Y. Mourad, La physiognomonie arabe et le Kitäb al-Firäsa de Fakhr al-Din al-Räzi, «Collection des écrits médico-psychologiques arabes» 1, Paris 1939, p. 47, présuppose une faute grave contre la grammaire de la part d'Ibn al-Nadim. Annotant le passage en question du Fihrist, Dodge remarque que, dans un manuscrits que Flügel ne connaissait pas encore, un mot qu'on peut lire comme manhül, apparait, en écriture plus petite, au-dessus du texte, et il l'exclut dans sa traduction (3 B. Dodge [trad. angl.], The Fihrist of al-Nadim. A Tenth-Century

Survey of Muslim Culture, coll. «Records of Civilization : Sources and Studies » 83, New York/London

1970, t. II, p. 736). D’après 4 H. Ritter, «Philologika: I.

Zur Überlieferung des Fihrist», [5] 17, 1928, p. 15-23 n., un apographe de ce ms. servit de modèle aux deux mss dans lesquels Flügel lisait le mot manhül, alors que les deux autres mss oü il ne le trouvait pas relévent d'une tradition indépendante. On doit en conclure que le jugement selon lequel la PAysiogn. serait une cuvre apocryphe n'est pas d'Ibn al-Nadim, mais d'un correcteur de date inconnue. D'aprés Badawi, Ibn al-Nadim aurait désigné, dans le passage en question, une version indépendante du chapitre sur la physiognomonie du Sirr al-asrár (5 'A. Badawi, La transmission de la philosophie grecque au monde

arabe, coll. « Études de philosophie médiévale » 56, Paris 1968, p. 87), mais les titres connus de telles versions dans les manuscrits contredisent cette these. Ibn abi Usaybi'a mentionne la Physiogn. d'Aristote en tête de la liste des œuvres qu'il n'a pas trouvées dans le catalogue de Ptolémée (6 A.. Müller [édit.], Ibn Abi Useibia, Königsberg 1884, t. I, p. 69, 7). La Physiogn. n'est pas

évoquée par Ibn al-Qifti. Haggı Halifa la mentionne à côté de l’œuvre homonyme de Fahraddin al-Razi (7 G. Flügel [édit. et trad.], Lexicon bibliographicum

et encyclopaedicum a Mustapha ben Abdallah Katib Jelebi dicto et nomine Haji Khalfa celebrato compositum, Leipzig/London 1835-1858, t. V, p. 129, n? 10361). Traduction conservée. On pensait depuis longtemps qu'il existait une traduction arabe de la Physiogn. d' Aristote (8 M. Steinschneider, Die arabischen

PHYSIOGNOMICA

497

Übersetzungen aus dem Griechischen, Graz 1960 [réimpr. de quatre articles parus en 1889, 1893, 1896, 1891], p. 81; 9 R. Foerster [édit.], Scriptores physio-

gnomonici Graeci et Latini, coll. BT, Leipzig 1893, t. I, p. XXIII). Le livre traitant de physiognomonie et attribué à Aristote que l'on trouve dans un manuscrit d'Istanbul, livre décrit par 10 M. Piessner, «Beiträge zur islamischen Literaturgeschichte », /slamica 4, 1929/1931, p. 527, n'est pas une traduction de la Physiogn., comme l'a cru 11 R. Walzer, Greek into Arabic. Essays in Islamic philosophy, Oxford 1962, p. 141, mais la physiognomonie du Sirr al-asrär, comme l'avait déjà supposé Plessner. Cf. 12 F. E. Peters, Aristoteles Arabus. The Oriental Translations and Commentaries on the Aristotelian Corpus, coll. « Monographs on Mediterranean Antiquity » 2, Leiden 1968, p. 63. La note de 13 GAL, t. II, p. 226, selon laquelle une traduction de Hunayn b. Ishäq serait conservée dans un ms. du Topkapi Seray à Istanbul (cf. 14 F. E. Karatay, Topkap: Sarayi Müzesi Kütüphanesi arapça yazmalar katalogu, coll. «Topkapı Sarayı Müzesi Yayinlari» 15, Istanbul 1966, t. III, p. 903, n? 7484) a été confirmée par

15 T. Fahd, La divination arabe. Études religieuses, sociologiques et folkloriques sur le milieu natif de l'islam, Leiden 1966, réimpr. Paris 1987, p. 381-382, qui remarque, de surcroit, que le texte est accompagné

d'un commentaire de

Hunayn. Il s'agit, sans doute, du Sarh k. al-Firäsa li-Aristütalis, signalé par Ibn abi Usaybi'a (Müller 6, t. II, p. 200, 25). Traduction et commentaire ont été étu-

diés dans 16 M. Grignaschi, «La "physiognomonie" traduite par Hunayn ibn Ishäg», Arabica 21, 1974, p. 285-291 ; 17 M. Grignaschi, «L'origine et les métamorphoses du ‘Sirr-al-asrâr’ », AHMA 43, 1977, p. 41 ; 18 M. Grignaschi, «La diffusion du "Secretum secretorum" (Sirr-al-'asrar) dans l'Europe occidentale »,

AHMA 47, 1981, p. 20-21. Une édition critique a été publiée par 19 A. Ghersetti, Il Kitab Aristatalis al-faylasüf fi I-firasa nella traduzione di Hunayn b. Ishäg, coll. « Quaderni di Studi Arabi : Studi e Testi» 4 , Roma 1999.

Hunayn écrit, dans le manuscrit, qu'il a traduit l'œuvre du grec. D'une façon générale, l'exemplaire grec de Hunayn ne se distinguait pas essentiellement des manuscrits grecs conservés à ce jour, mais il sauvegardait en partie un texte

meilleur. Grignaschi a pu confirmer quelques conjectures de Foerster et remplir une lacune, signalée auparavant (Grignaschi 16, p. 285-286). En outre, la traduction montre que dans le texte grec la seconde moitié du $ 55 est omise. Il ressort de ces exemples que l'utilisation de la version arabe sera indispensable à toute réédition du texte grec. Tradition secondaire. La mention la plus ancienne de la Physiognomonie

d’Aristote se trouve dans le Kitab Fi 'ilal ihtilaf al-näs fi ahlägihim de Qustä b. Lügä (ca 820-912), contemporain de Hunayn (20 P. Sbath [édit.], «Le Livre

des caractéres de Qosta ibn Louqa, grand savant et célébre médecin chrétien au IX* siécle», BIE 23, 1940-1941, p. 136, 10; trad. p. 164 ; cf. Mourad 2, p. 46-47).

A la méme époque, le théologien mu'tazilite Al-Näsi al-Akbar discutait la doctrine physiognomonique d' Aristote et de son école et il semble qu'il connaissait la traduction et le commentaire de Hunayn ; 21 J. van Ess, Frühe mu ta-

zilizische Häresiographie, Beirut 1971, p. 113-115; texte arabe p. 124-125.

498

ARISTOTE DE STAGIRE

Deux citation verbales du texte de la traduction de Hunayn se trouvent dans 22 F. Klein-Franke (édit.), Aba Sa'id Ibn Bahtisü‘, Über die Heilung der

Krankheiten der Seele und des Kórpers. Erstmalige Veróffentlichung des arabischen Textes von F. K.-F., coll. «Recherches », n. s. B. 4, Beyrouth 1986, texte arabe p. 35-36; trad. p. 65-66. Fahr al-Din al-Räzi, semble avoir utilisé la Physiogn., mais il ne la cite pas

expressément (23 A. Autuori, « Antecedenti greci ed arabi del Kirab al-firäsa di Fakhr al-Din al-Räzi», Annali 43, 1983, p. 43-60). Il aurait, en outre, composé, d’après Ibn al-Akfani (24 J.J. Witkam, De egyptische arts Ibn al-Akfäni en zijn

indeling van de wetenschappen, Leiden 1989, p. 417 [= pag. arabe 48] n? 633; cf. p. 198) un extrait, avec amplifications, de la Physiogn. d' Aristote. Des mss arabes et persans de cet extrait ont été signalés par Fahd 15, p. 381, et par 25 C. A. Storey, Persian Literature. A bio-bibliographical survey, t. II 3, Leiden

1977, p. 496. La composition tabellaire d'Ibn al-' Arabi présente sous le nom d' Aristote la physiognomonie du Sirr al-asrär (26 A. Ghersetti, « Una tabella di fisiognomica nel Qabs al-anwár wa-bahgat al-asrar attribuito a Ibn 'Arabi», Quaderni

di

Studi Arabi 12, 1994, p. 15-47). La Physiogn. est utilisée extensivement dans 27 al-Dimasqi, Kitäb al-Siyasa fi 'ilm al-firasa, Le Caire 1882, et est indiquée dans le texte par le sigle t. Hoffmann a fait une liste de ces passages et Foerster les a comparés avec le texte grec (Foerster 9, t. I, p. XXVII-XXXII). Il a pu localiser 26 citations, 22 autres ne provenant pas du texte conservé. Dimasqi a peut-étre utilisé une version de la

Physiogn. qui contenait des parties aujourd'hui perdues. Cette hypothèse ne peut pas étre confirmée par l' Anonyme Latin (28 J. André [édit.], Anonyme Latin, De la physiognomonie, CUF, Paris 1981) qui contient quelques-unes des parties

omises dans notre texte grec. La comparaison des citations localisées avec la traduction de Hunayn confirme le jugement de Foerster 9, t. I, p. XXVI, qu'alDimasqi «in mutando,

miscendo, omittendo, addendo summa

cum licentia ver-

satum esse ». II. COMMENTAIRES

Le soi-disant commentaire d'Alexandros d’Aphrodisias [»*A 112] (29 M. Ullmann, Die Medizin im Islam, coll. « Handbuch der Orientalistik» 1. Abt., Ergánzungsband 6, 1, Leiden/Kóin 1970, p. 96) est, en réalité, une version chré-

tienne de la physiognomonie du Sirr al-asrár (Foerster 9, p. XXXIII). Le seul commentaire connu de la physiogn. d' Aristote est constitué, dans la

tradition arabe, des gloses que Hunayn a ajoutées à sa traduction (Fahd 15, p. 381-382 ; Grignaschi 16, p. 288-290). Il cite Hippocrate, Épidémies t. VI, avec le commentaire de Galien VII, et Galien, De temperamentis, II, et il se réfère à

Galien, Quod animi mores corporis temperamenta sequantur. A une exception prés, les gloses se rapportent toutes au livre premier (Grignaschi 16, p. 288). JOHANNES THOMANN.

PSEUDO-ARISTOTE, DE PLANTIS

Pour la tradition du traité pseudo-aristotelicien De plantis, l'ouvrage de référence est désormais 1 H. J. Drossaart Lulofs and E. L. J. Poortman (édit.), Nicolaus Damascenus De plantis. Five translations, coll. « Aristoteles Semitico-Latinus», Amsterdam 1989, XVI-732 p. (Drossaart Lulofs est l'éditeur des versions

orientales, Poortman celui des versions latine et grecque, et nous renverrons à l'un ou à l'autre selon le cas, sous le méme numéro).

Il n'est pas absolument certain qu' Aristote ait écrit un ouvrage sur les plantes. Ceci était tenu pour indubitable par 2 P. Moraux, Les listes anciennes des ouvrages d'Aristote, coll. « Aristote - Traductions et Études » 4, Louvain 1951, X391 p., qui énumérait (p. 109 n. 28) une dizaine d'allusions à des recherches sur les plantes trouvées dans d'autres traités du corpus. Mais le méme auteur se montre plus circonspect dans un ouvrage postérieur: voir 3 Id., Der Aristote-

lismus bei den Griechen. Von Andronikos bis Alexander von Aphrodisias, coll. « Peripatoi » 5, t. I, Berlin 1973, p. 490. Des citations ou mentions se rencontrent aussi dans Antigone, Athénée et quelques autres auteurs, qui ne concernent que des détails insignifiants : cf. 4 V. Rose, Aristotelis qui ferebantur librorum frag-

menta, X éd., Leipzig 1886, fr. 267-278 (p. 209-214). Un traité Περὶ φυτῶν, en deux livres, figure aussi dans les trois anciens catalogues connus des écrits d'Aristote: Diogene Laërce 108, Anonyme issu d'Hésychius 96, Ptolémée 55 (éd. des trois listes par 5 I. Düring, Aristotle in the ancient biographical tradition, coll. «Studia graeca et latina Gothoburgensia » 5, Góteborg 1957, p. 41-50, 83-89 et 145-193; cf. aussi 6 C. Baffioni, « Antiche liste arabe delle opere di Aristotele », RScF 29, 1976, p. 83-114, à la p. 94, n? 54); cf. DPhA I, p. 428 et 433. Mais le témoignage de Diogene n'est pas sûr, car des pseudépigraphes se sont glissés dans sa liste (cf. Moraux 3, p. 491). Simplicius (in De caelo 3, 4 ; In Cat. 4, 12), Philopon (in De gen. et corr. 2,16 ; in De gen. an. 64, 14) et Olympiodore (in Meteor. 1, 13; 4, 4) mentionnent un Περὶ φυτῶν d’Aristote, mais sans l'avoir eu en main (Moraux 3, p. 491). Pour sa part, Drossaart Lulofs 1,

P. 14 n. 1, admet que le traité a bien existé, et que des traces s'en trouvent dans le De Plantis de Nicolas de Damas, composé, selon lui, d'extraits du traité perdu d' Aristote et d'extraits de Théophraste (ibid., p. 1). S'il a existé, le traité d'Aristote est devenu trés tót inaccessible, comme en témoigne Alexandre d'Aphrodise, in De sensu 87, 11-12 Wendland (xal ἔστι

περὶ φυτῶν Θεοφράστῳ πραγματεία γεγραμμένη

᾿Αριστοτέλους γὰρ où

φέρεται), et il a été probablement supplanté par les traités de Théophraste. Le traité Περὶ φυτῶν, qui figure sous ce titre (ou sous le titre latin De plantis) dans le Corpus aristotélicien, n'est donc pas l'ouvrage d' Aristote, mais un traité dont la source remonte, à travers une tradition longue et compliquée, à Nicolas de Damas, un péripatéticien contemporain d' Auguste. Sur cette tradition, les informations de Moraux 3 (p. 487-491) et surtout de Drossaart Lulofs et Poortman 1 doivent être substituées aux descriptions inexactes de 7 C. E. Dubler, «Über

500

ARISTOTE DE STAGIRE

arabische Pseudo-Aristotelica», AsiatStud 14, 1961, p. 78-82, et de 8 B. Hemmerdinger, «Le De Plantis, de Nicolas de Damas à Planude », Philologus 111, 1967, p. 56-65. La suite des diverses versions du traité s'établit ainsi: (1) un

compendium grec de Nicolas de Damas ; (2) une version syriaque du compendium de Nicolas ; (3) une traduction arabe de la version syriaque ; (4) une traduction hébraique de la version arabe ; (5) une traduction latine de la version arabe ; (6) une rétroversion grecque de la traduction latine ; (7) deux traductions

latines humanistes de cette rétroversion grecque. Tradition grecque. Comme le Περὶ φυτῶν d'Aristote, le compendium de Nicolas de Damas est perdu dans sa version grecque originale. Il est néanmoins possible de se faire une idée du contenu de l'ouvrage et de la méthode de Nicolas à partir des versions orientales, et par comparaison avec un autre ouvrage de Nicolas, également perdu en grec mais conservé pour une part en syriaque, le Περὶ τῆς ᾿Αριστοτέλους φιλοσοφίας (dont il n'est pas sûr que le

compendium sur les plantes ait fait partie): cf. 9 H.J. Drossaart Lulofs (édit.), Nicolaus Damascenus On the philosophy of Aristotle. Fragments of the first five

books transiated from the Syriac with an introduction and commentary, coll. «Philosophia antiqua » 13, Leiden 1969, X1II-178 p. ; et 10 /d., « Aristotle's ΠΕΡῚ

QYTON », JHS 77, 1957, p. 75-80. La méthode de Nicolas, selon Drossaart Lulofs (ibid., p. 76), est celle d'un compilateur, qui juxtapose des extraits du traité «commenté » en y ajoutant des passages paralléles ou apparentés tirés d'autres auteurs péripatéticiens. Pour le De plantis, Nicolas aurait pour sources essentielles l'ouvrage perdu d'Aristote et l'Historia plantarum de Théophraste : deux tentatives pour retrouver, dans le traité de Nicolas, les traces de l' Aristote

perdu sont présentées par Drossaart Lulofs 10, et par 11 /d., « Das Prooimion von ΠΕΡῚ OYTON», dans J. Wiesner (édit.), Aristoteles Werk und Wirkung [= Mélanges P. Moraux], t. II, Berlin 1987, p. 1-16. Une analyse de l'ensemble

du traité reste à faire, mais elle est maintenant rendue possible par la publication de Drossaart Lulofs 1, qui ne contient pas d'étude doctrinale, mais fournit les bases philologiques à une pareille étude. Une première analyse, réalisée à partir de la traduction latine, se trouve dans Moraux 3, p. 493-514. Tradition syriaque. D'auteur inconnu, la traduction syriaque du De plantis est également perdue, à l'exception de quelques fragments, conservés d'une part dans un manuscrit unique (Cambridge

University Libr. Gg. 2.14, fol. 383),

d'autre part dans deux ceuvres de Barhebraeus. Dans le manuscrit de Cambridge,

ne subsiste qu'un folio du De plantis, dont le texte syriaque aurait été, par ailleurs, sérieusement abrégé par un auteur inconnu: analyse du manuscrit dans

Drossaart Lulofs 1, p. 17-23, et édition du fragment ibid., p. 50-53. Grégoire abü |-Fara£g, dit Barhebraeus (t 1286), a utilisé le traité de Nicolas dans le Candelabrum Sanctuarii et dans le Butyrum Sapientiae. Le premier de ces ouvrages (un exposé général de la doctrine monophysite) contient, dans sa deuxiéme partie

("Base"), un hexaéméron, qui comporte une section sur les plantes: la première partie de cette section dépend entiérement de Nicolas, selon Drossaart Lulofs 1, p. 24-26; cf. 12 J. Bakos (édit.), «Le Candélabre des sanctuaires de Grégoire

DE PLANTIS

501

Aboulfaradj dit Barhebraeus [Bases I et II] » avec trad. française, dans PO 22.4, Paris 1930, et 24.3, Paris 1933 (section sur les plantes, p. 320-325) ; édition et trad. anglaise de la section sur les plantes dans Drossaart Lulofs 1, p. 56-63, et analyse ibid., p. 26-32, oü l'auteur cherche à distinguer ce qui remonterait à la partie théophrastienne du De plantis de Nicolas et ce qui remonterait à sa source aristotélicienne. Dans l'encyclopédie qu'est le Butyrum Sapientiae de Barhebraeus, le livre sur les plantes (sixiéme des livres physiques) est une adaptation du livre correspondant sur les plantes (septiéme des livres physiques) qui figure dans le Kitab al-Sifä’ d' Avicenne (t 1037), et dans cette adaptation ont été insé-

rés des extraits du traité de Nicolas: cf. l'analyse de Drossaart Lulofs 1, p. 3540, et son édition avec trad. anglaise ibid., p. 68-113. Tradition arabe. La traduction arabe du De plantis a été, pour la premiere fois, clairement identifiée et décrite par 13 M. Bouyges, «Sur le De plantis d' Aristote-Nicolas. À propos d'un manuscrit arabe de Constantinople », MUSJ 9, 1923, p. 72-93. Cette traduction a été réalisée, à partir du syriaque, par Ishäq ibn Hunayn

(avant 900 de notre ere): édition, traduction anglaise et notes dans

Drossaart Lulofs 1, p. 126-345. Cette édition, qui s'appuie sur cinq manuscrits arabes, et sur des sources indirectes arabes, latines et hébraiques, rend caduques les deux éditions antérieures, faites d'aprés un seul manuscrit arabe (avec l'aide de la traduction latine): 14 A.J. Arberry, « An early translation from the Greek » [= De plantis], BFAUE 1, 1933, p. 48-76, 219-257 et 2, 1934, p. 71-83, 94-105; 15 'A. Badawi, Aristuütdlis fi al-nafs, coll. «Islamica» 16, Le Caire 1954 [contient la traduction arabe du De plantis, p. 241-281]. Le traité De plantis a été

attribué tantót à Aristote, tantót à Nicolas par les bibliographes arabes: à Nicolas par Ibn al-Nadim, Kitab al-fihrist, p. 254 Flügel, et par al-Qifti, Ta'rih alhukamá', p. 336 Lippert; à Aristote par Ibn abi Usaybi'a, 'Uyün al-anbä’ fi tabagät al-atibba', I, p. 58 Müller. Le bibliographe Haggi Halifa (t 1657) décrit l'ouvrage comme un traité d' Aristote remanié par Nicolas, dont la traduction par Ishàq a été révisée par Tàbit ibn Qurra (t 901): cf. Kasf al-zunün, no. 10564 Flügel. Le De plantis a influencé les conceptions botaniques des Ihwan al-Safa',

celles d'Ibn Sina aussi bien dans le dessein général que dans de nombreux détails, celles d'Ibn al-Tayyib (f 1043) et d'Ibn Bägga (t 1138), et l'on rencontre aussi des citations du De plantis chez divers autres auteurs: cf. 16 M. Ullmann, Die Natur- und Geheimwissenschaften im Islam, coll.

« Handbuch der

Orientalistik » 1. Abt., Ergánzungsband VI, 2. Abschn., Leiden 1972, p. 71-80. Au-delà de ces notations générales, la postérité du De plantis dans le domaine arabe reste largement à étudier. Les sources du Kitab al-Nabàt d' Avicenne (septième section de la partie du Kitab al-Sifa' (« Livre de la guérison »] qui traite de la science de la nature) seraient à rechercher. Pour sa part, Ibn al-Tayyib regrette, dans son livre sur les plantes, la perte du traité d'Aristote, et il ne mentionne pas l'ouvrage de Nicolas mais l'utilise; la partie de son ouvrage (sections 24-29) qui reprend le traité de Nicolas a été publiée, avec traduction,

dans Drossaart [υἱοῖς 1, p. 218-232. Ibn Bàgga, au contraire, cite fréquemment

502

ARISTOTE DE STAGIRE

cet ouvrage, bien qu'il le considére comme inauthentique: sa paraphrase a été éditée et traduite en espagnol par 17 M. Asín Palacios, « Avempace botanico», Al-Andalus 5, 1940, p. 235-265. Selon Drossaart Lulofs 1, p. 366, l'opinion aurait prévalu chez les auteurs arabes que le De plantis, bien qu'il füt en désaccord sur quelques points avec les thèses aristotéliciennes, contenait un certain nombre de passages qui paraissaient authentiquement aristotéliciens, et ne pouvait donc étre tenu pour entiérement pseudépigraphique. Averroes aussi connut probablement le traité de Nicolas: les témoignages et références sur ce point, et sur l'existence d'un épitomé De plantis composé par le Commentateur (et aujourd'hui perdu), sont étudiés par Drossaart Lulofs 1, p. 363-367. Ce dernier avait cru, en outre, retrouver un fragment (en hébreu) de cet épitorné d' Averroes sur les plantes, incorporé dans l'ouvrage encyclopédique De'ot ha-filosofim (Les opinions des philosophes) du savant et philosophe espagnol Semtöv ibn Falaquera (v. 1225-après 1290): il se serait agi d'un commentaire par Averroes de divers passages du traité de Nicolas, associés à des éléments tirés d'autres sources ; cf. Drossaart Lulofs 1, p. 366-371, et l'édition du

texte, avec traduction anglaise, ibid., p. 440-443. Mais on a montré depuis lors qu'une partie, tout au moins, des emprunts faits à Averroes par Falaquera avait pour source, non pas un épitomé sur les plantes, mais le grand ouvrage médical d'Averroes,

Kitab al-Kulliyät fi al-tibb (Livre des généralités en médecine,

connu en latin sous le nom de Colliget): cf. 18 M. Zonta, « Mineralogy, Botany and Zoology in Medieval Hebrew Encyclopaedias. "Descriptive" and “theoretical" approaches to Arabic sources», ASPh 6, 1996, p. 263-315 (p. 293). Dans la première moitié du XVF siècle, Bernard Navagero, ambassadeur de la République de Venise auprès de la Porte, fit connaître aux éditeurs d' Averroes en latin une liste d'œuvres qu'il avait trouvées à Constantinople, parmi lesquelles un grand commentaire d'Averroes sur le De plantis: cf. la liste publiée à la fin de l'introduction dans l'édition Juntine de 1552 (vol. I, fol. 20v: «Magna commentaria in libros duos de Plantis»). L'existence de ce commentaire fut mise en doute par 19 E. Renan, Averroës et l'averroisme, 2€ éd., Paris 1861,

p. 63-64, mais admise par 20 M. Steinschneider, Die hebräischen Übersetzungen des Mittelalters und die Juden als Dolmetscher, Berlin 1893, qui crut en avoir repéré divers témoins en version hébraique (p. 142). Aprés examen de ces témoins, Drossaart Lulofs 1, p. 373-379, a conclu que seul le ms. Bodleian Huntington 576 (ancien Uri 408) contient effectivement un fragment de grand commentaire sur le De plantis (dépourvu de titre et de colophon), rédigé dans la manière d'Averroeés ; mais les lemmes sont empruntés à la traduction de Qalonymos ben Qalonymos (voir ci-dessous), et le commentaire a certainement été

composé sur la base de ces lemmes en hébreu: il s'agirait donc d'un commentaire produit par un érudit juif, à l'imitation d' Averroes. Tradition hébraïque. Le premier témoin de la tradition hébraïque du De plantis est l'ouvrage encyclopédique De ot ha-filosofim de Semtóv Ibn Falaquera, mentionné ci-dessus. La quatriéme section de l'ouvrage est consacrée aux plantes, à propos de quoi l'auteur déclare qu'il n'existe pas de traduction arabe

DE PLANTIS

503

du traité d' Aristote sur ce sujet, à l'exception de quelques extraits: il n'a donc pas eu accès à la version d’Ishäq ibn Hunayn. Il présente, en revanche, les extraits qu'il traduit comme tirés du « livre d'Aristote sur les plantes que les Alexandrins ont abrégé » ; cf. Drossaart Lulofs 1, p. 347-352, qui estime, après avoir comparé le texte hébreu de Falaquera et la version arabe d’Ishäq ibn Hunayn, que l'abrégé utilisé par Falaquera a été fait sur le texte arabe, et que la mention des Alexandrins pourrait provenir d'une confusion provoquée par le fait que l'ouvrage aurait été relié avec des pseudépigraphes tels que la Summa Alexandrinorum; cet abrégé serait de bonne qualité, et il offre la particularité de contenir un résumé du livre II du traité de Nicolas, négligé par Ibn Sinä, Barhebraeus, Ibn al-Tayyib et Ibn Bagga. Présentation du texte dans Drossaart Lulofs 1, p. 347-354, et édition avec traduction anglaise ibid., p. 388-405. Un sommaire de l'ensemble de la partie botanique du traité de Falaquera, avec discussion des sources, est donné dans Zonta 18, p. 290-298.

Sur la base de la traduction arabe faite par Ishaq ibn Hunayn, et sans emprunt à Falaquera, semble-t-il, une traduction en hébreu du De plantis fut exécutée par Qalonymos ben Qalonymos, et achevée en 1314 d’après le colophon ; édition dans Drossaart Lulofs 1, p. 407-436.

A la tradition hébraique appartient aussi le fragment de grand commentaire composé par un érudit anonyme dans la manière d' Averroes (voir ci-dessus); édition et traduction anglaise de ce fragment dans Drossaart Lulofs 1, p. 446463. Les chapitres botaniques de $emtöv Ibn Falaquera furent l'une des sources du chapitre sur les plantes dans le traité de Gershom b. Salomon d'Arles (fin du XIII* s.), La porte des cieux (Shaar ha-Shamayim),

selon Drossaart Lulofs 1,

P. 367 ; trad. anglaise de ce traité dans 21 Rabbi Gershon Ben Shlomoh d' Arles,

The Gate of Heaven (Shaar ha-Shamayim), transl. and edit. by F. S. Bodenheimer [trad. seule], Jerusalem 1953. La mise au point la plus récente sur la tradi-

tion botanique en hébreu, et sur la place qu'y occupe la botanique aristotélicienne représentée par le De plantis de Nicolas, se trouve dans Zonta 18. Traduction latine. Dédiée à Roger de Hereford, elle a été effectuée, sur la base de la version arabe d'Ishàq ibn Hunayn, par Alfred de Sareshel (Alfredus Anglicus), probablement en Espagne dans la dernière décennie du douzième

siécle (sur ce traducteur, voir 22 J. K. Otte, « The life and writings of Alfredus Anglicus », Viator 3, 1972, p. 275-291 ; 23 Id., « The role of Alfred of Sareshel (Alfredus Anglicus) and his commentary on the Metheora in the requisition of Aristotle», Viator 7, 1976, p. 197-209 ; 24 Id. [édit.], Alfred of Sareshel's Commentary on the Meteora of Aristotle, coll. «Studien und Texte zur Geistes-

geschichte des Mittelalters» 19, Leiden 1988, p. 1-15 ; Poortman 1, p. 467-472). Elle est connue dans la tradition latine sous le titre De vegetabilibus et plantis (ou De vegetabilibus). Ele a été imprimée deux fois au XV* siècle (Venise 1482

et 1496), mais elle a été remplacée, dans la tradition humaniste, par la rétroversion grecque,

dés la premiere édition de celle-ci (Bále

1539).

L'édition de

25 E. H. F. Meyer, Nicolai Damasceni de plantis libri duo Aristoteli vulgo adscripti. Ex Isaaci ben Honayn versione arabica latine vertit Alfredus, Leipzig

504

ARISTOTE DE STAGIRE

1841, est encore indispensable pour ses copieuses notes. Une Edition révisée et améliorée (mais sans le prologue, et avec la rétroversion grecque) a été publice par 26 U.C. Bussemaker, Aristotelis Opera omnia graece et latine («édition Didot »), t. IV, Paris 1857, p. 16-44. Ces éditions n'utilisent qu'un petit nombre des 159 manuscrits connus; analyse de la tradition manuscrite par Poortman 1, p. 475-508, qui suggère qu' Alfred a pu être l'auteur de certaines des corrections dont le texte porte indubitablement trace dans plusieurs manuscrits (exemples ibid., p. 493-500). L'édition de référence est maintenant celle de Poortman 1,

p. 515-561, qui donne, autant que possible, le texte de la version originale d' Alfred. Deux manuscrits portent mention (dans l'incipit ou l'explicit) d'une nova translatio ; de méme, Roger Bacon oppose à l'occasion une translatio nostra et une alia translatio, dans ses Quaestiones supra librum De plantis (éd. 27 R. Steele, Opera hactenus inedita Fr. Rogeri Baconi, fasc. II, Oxford 1932, p. 173252; cf. aussi 28 S. D. Wingate, The mediaeval Latin versions of the Aristotelian

scientific corpus, London 1931, p. 62-63). Mais aucune trace d'une autre traduction que celle d'Alfred n'a jamais été trouvée. Il parait vraisemblable qu'il s'agisse des deux versions de la méme traduction, avant et aprés révision (la nostra translatio de Roger Bacon serait alors la premiere version, tandis que la révision serait appelée alia translatio) : cf. Poortman 1, p. 504-508. Alfred de Sareshel est aussi l'auteur d'un commentaire sur le De plantis, édité par 29 R.J. Long, « Alfred of Sareshel's commentary to the Pseudo-Aristotelian De plantis: a critical edition», MediaevalStud 47, 1985, p. 125-167 ; sur la postérité de ce commentaire, voir 30 R. French, « The use of Alfred of Shareshill's Commentary on the De plantis in university teaching in the thirteenth century », Viator 28, 1997, p. 223-251.

La traduction latine a été connue et utilisée notamment par Albert le Grand (dans les livres I et IV de son De vegetabilibus) et par Vincent de Beauvais (t v. 1264) dans son Speculum naturale. Sur la réception du De plantis, cf. aussi 31 R.J. Long, « The Reception and Interpretation of the Pseudo-Aristotelian De plantis at Oxford in the Thirteenth Century», dans R. Työrinoja, A.I. Lehtinen, D. Fellesdal (édit.), Knowledge and the Sciences in Medieval Philosophy. Proceedings of the Eighth International Congress of Medieval Philosophy (S.I. E. P. M.), Helsinki 24-29 August 1987, vol. III, coll. « Annals of the Finnish

Society for Missiology and Ecumenics » 55, Helsinki 1990, p. 111-123. La traduction anglaise de 32 E. S. Forster, dans The Works of Aristotle into English under the editorship of W.D. Ross, vol. 6, Oxford 1913 (réimpr. 1952),

est faite d’après la version latine d' Alfred de Sareshel dans l'édition Meyer 25. Rétroversion grecque. Eile a été faite à partir de la traduction latine d' Alfred de Sareshel par un auteur anonyme. D’apres le témoignage d'Ermolao Barbaro (1454-1492), dans son ouvrage In Dioscoridem corrolaria (lib. 1 cap. 28, Venise

1516, fol. 6), cette traduction était attribuée à son époque à un certain Maximus (cf. Poortman 1, p. 566), qui a été généralement identifié depuis C. Gesner (Bibliotheca Universalis, Zürich 1545, fol. 83°) et J. C. Scaliger (In libros duos

DE PLANTIS

505

qui inscribuntur De Plantis Aristotele auctore libri duo, Paris 1556, fol. 15") avec Maxime Planude. S'appuyant sur le fait que le traducteur se désigne luiméme, dans son prologue, comme faisant partie des Ausoniens (Abooveg) et estimant que ce terme se rapporte aux habitants de l'Italie du Sud, 33 L. Labowsky, « Aristoteles’ De plantis and Bessarion», MRS 5, 1961, p. 132-154 (à la p. 138) a contesté cette attribution. Mais selon Poortman 1, p. 564, le terme Aboovec peut parfaitement désigner, des le XII* siècle au moins, les Byzantins : deux érudits seraient alors les candidats les plus vraisemblables comme auteurs de cette rétroversion grecque, Maxime

Planude (ca 1255-1305) d'une part, et

Manuel Holobolos (qui avait changé son prénom en Maxime) proposé par Poortman (ibid., p. 567). Dans son prologue, le traducteur indique lui-même qu'il a pourvu sa traduction de gloses et notes marginales : on trouve, en effet, de telles notes dans plusieurs manuscrits, sans d'ailleurs qu'il soit possible de déterminer si elles sont authentiques. L'édition de la version grecque est donnée par Poortman 1, p. 589-624, suivie (ibid., p. 627-648) de l'édition en colonnes

parallèles des scholies contenues dans les deux plus anciens manuscrits (du XIV* siècle), Basileensis Bibl. Univ. F. IX. 40 (olim 56), et Ambrosianus A 168 Sup.

A la Renaissance, le texte de cette rétroversion grecque a été inclus dans les éditions du corpus aristotélicien, sous l'influence notamment du cardinal Bessarion : cf. Labowsky 33, p. 149. Depuis lors, il figure dans toutes les éditions modernes du corpus, par exemple dans celles (établies sur des bases manuscrites insuffisantes) de 34 1. Bekker, Aristoteles graece, ed. Academia Regia Borussica, t. II, Berlin 1831 (814 a10- 830b4) ; 35 O. Apelt, Aristotelis quae feruntur

De plantis etc., coll. BT, Leipzig 1888; 36 Aristotle. Minor Works, ed. and transl. by W.S. Hett, coll. LCL, London 1936 (dont la traduction anglaise est faite d'après la rétroversion grecque). Traductions latines humanistes. Au XVI siècle, deux nouvelles traductions latines ont été faites sur la base de la rétroversion grecque: 37 Aristotelis Opera quae hunc usque diem extant omnia, 3 vol., Basel

1542, vol. III, p. 602-615;

38 Aristotelis... De natura stirpium liber unus et alter... ex graecis latini facti... Andrea a Lacuna interprete, Köln 1543. La premiére de ces deux traductions a été réimprimée dans plusieurs éditions du corpus aristotélicien, par exemple dans l'édition d'Aristote de l'Académie de Berlin, Bekker 34, t. III, p. 395-402 (cf. Labowsky 33, p. 154): le traducteur anonyme, qui suit de prés le texte grec, semble pourtant avoir connu la traduction d' Alfred de Sareshel et lui faire quelques emprunts (cf. Moraux 3, p. 488 n. 7). HENRI HUGONNARD-ROCHE.

LE TRAITE PSEUDO-ARISTOTELICIEN DE VIRTUTIBUS ET VITIIS avec quelques considérations sur la diffusion des listes de vertus dans les mondes grec antique, byzantin, post-byzantin et arabe

Il sera question, dans cette notice, du traité pseudo-aristotélicien De virtute (Περὶ ἀρετῆς) ou De virtutibus (Περὶ ἀρετῶν). plus connu sous le titre De virtutibus et

vitiis (Περὶ ἀρετῶν xai κακιῶν). La notice portera sur le contenu de l'ouvrage, ainsi que sur la tradition du texte, directe et indirecte, en grec et en arabe. En fait, le traité pseudo-aristotélicien De virtute (désormais abrégé en De virt.) occupe une place importante dans la tradition éthique grecque antique (dont a hérité le monde arabe et islamique), aussi bien que dans la tradition éthique byzantine et néohellénique, qui, à travers le filtre du christianisme, a su récupérer une partie considérable du patrimoine antique. La place privilégiée du De virt. est surtout due à l'énumération descriptive des vertus et des vices comprise dans cette ceuvre, qui a été largement véhiculée et remaniée, enrichie et modifiée dans la tradition éthique en grec (grec ancien, byzantin, néohellénique), en arabe, en latin et en arménien, sans oublier bien entendu les adaptations libres, les compilations au second degré et les influences au sens large du terme. Sans traiter, au sein de cette contribution, de façon générale des «listes » de vertus (les énumérations descriptives en faisant partie) mises en circulation dans les mondes grec antique, byzantin, post-byzantin et arabe — sujet qui aurait dépassé les limites allouées au présent exposé et sur lequel nous espérons revenir --, le lecteur trouvera des indications sur certaines listes de ce type qui sont liées au De virt. de façon plus ou moins directe. Une première annexe fournira des indications sur l'arménien ; une seconde annexe sera consacrée à la postérité ecdotique du De virtute en grec, alors qu'une troisième portera sur la destinée de ce texte en Occident. PLAN DE LA NOTICE A. Témoignages au sujet de l'existence d'un ouvrage d' Aristote sur la Vertu L Témoignages d’après les listes des œuvres d' Aristote Il. Un témoignage papyrologique in. Le témoignage d'une source arabe IV. Les ouvrages aristotéliciens sur la vertu et le De virt. : problèmes de fond et de forme a Les titres b. L’attribution c. Les titres et le contenu B. Composition, auteur et inspiration du De virt.

I. Composition T. Auteur et inspiration a Aristote?

b. Andronicus de Rhodes ? C. Aristoclés de Messine 7

DE VIRTUTIBUS ET VITIIS

507

C. Transmission directe : tradition manuscrite et titre du texte

I. Tradition manuscrite a

Apercu général sur la tradition manuscrite

b. Le GIM 231 €. Le Bucur. Acad. Roman. 394 (598)

Il. Titre de l'opuscule Transmission indirecte du texte L Transmission indirecte du texte en grec a Les récupérations philosophiques l. Reprise par Pseudo-Andronicus et dans les recueils de définitions (i) Le Περὶ παθῶν et le De virt. (ii) Le Περὶ παθῶν, le De virt. et un recueil de définitions . Texte reproduit par Jean Stobée

ns LR

D.

. Le De virt. employé par le commentateur néoplatonicien Élias ?

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Tp

Passages chez Pléthon ? Une paraphrase post-byzantine (i) L'auteur, Sevastos Kyminètès, et son enseignement à Bucarest (ii) La paraphrase du De virt. : tradition manuscrite et traits exégétiques majeurs b. Les récupérations théologiques et les listes de vertus à usage théologique — Emprunts de Philon ? Π. Transmission du De virt. en arabe Édition et traduction des deux versions existantes du compendium Renseignements bibliographiques complémentaires Traducteurs et témoins manuscrits du compendium Originaux grec et syriaque employés Le De virt. dans deux les deux versions existantes La Grande Morale, Stobée et le compendium ANNEXES A

TRADITION DU DE VIRT. EN ARMÉNIEN

1. Éléments de bibliographie IL Bref aperçu sur la date de la traduction

B. POSTÉRITÉ ECDOTIQUE DU DE VIRT. EN GREC

1. Éléments de bibliographie Il. Aperçu historique

HT. Éditions et traductions récentes C.

POSTÉRITÉ DU DE VIRT. EN LATIN

1. Éléments de bibliographie IL Bref aperçu A. TÉMOIGNAGES AU SUJET DE L'EXISTENCE D'UN OUVRAGE D'ARISTOTE SUR LA VERTU

Puisque (au moins) un traité perdu portant le titre Περὶ ἀρετῆς se trouve attribué à Aristote dans les sources actuellement conservées, nous avons jugé utile de commencer la notice par l'examen de ces témoignages.

Sous le titre — probablement erroné - de Περὶ ἀρετῶν xal κακιῶν (De virtutibus et vitiis), on désigne d'habitude l'ouvrage qui figure aux p.1249 a26 1251 b 37 de l'édition fournie par 1 Imm. Bekker, Aristotelis Opera, vol. II, Berlin

508

ARISTOTE DE STAGIRE

11831, 21960 (éd. revue par O. Gigon). L'ouvrage est, affirme-t-on, pseudépigraphe. Avant de passer en revue les argurnents avancés contre l'attribution à Aristote (voir

B 11 b-d), nous allons présenter les témoignages qui attestent de l'existence d'(au moins) un ouvrage aristotélicien portant ce titre. Ces témoignages sont de trois sortes : les listes des œuvres du Stagirite, des documents papyrologiques et, enfin, une source arabe. Cette présentation permettra de voir dans quelle mesure le contenu de cet ouvrage pourrait s'identifier à celui du traité dont on dispose actuellement dans le Corpus aristotelicum. I. TÉMOIGNAGES D’APRES LES LISTES DES (EUVRES D'ARISTOTE - Dans la liste (πίναξ) de Diogene Laérce (139 titres au total), reproduite aux

p. 22-27 de 2 P. Moraux,

Les listes anciennes des ouvrages d'Aristote, coll

« Aristote. Traductions et études », Louvain 1951, p. 23, on trouve, sous le n? 34,

un ouvrage intitulé : Προτάσεις περὶ ἀρετῆς a’ β΄ γ΄ (Propositions sur la vertu, a’ b' c^) ; si l'on suit la lecon d'un manuscrit (sigle P, voir la suite) mentionné dans l'apparat critique de Moraux, ce titre se rencontre aussi sous la forme : Προτάσεις

περὶ ἀρετῆς a’ B. (Propositions sur la vertu, a’ b’). C'est le titre en deux livres que reproduit 3 V. Rose, Aristotelis qui ferebantur librorum fragmenta, Leipzig 1886, réimp. Stuttgart 1967, liste de Diogéne Laérce aux p. 3-9, titre de l'ouvrage cité à la

p- 4. Il en est de méme à propos de 4 I. Düring, Aristotle in the Ancient Biographical Tradition, coll. « Acta Universitatis Gothoburgensis » 63, 2 = «Studia graeca et latina gothoburgensia » 5, Góteberg 1957 (rérimpr. New York/Londres 1987), oü l'on trouve sous le n? 34, p. 43 : Προτάσεις περὶ ἀρετῆς α΄ β΄ (titre repris in DPRA I, p. 425). Pour l'établissement de la liste de Diogéne Laérce, Moraux 2 utilise huit manuscrits au total, auxquels s'ajoute une édition imprimée (p. 21-22). Parmi les témoins employés, seul le manuscrit Paris. gr. 1759 (sigle P, voir plus haut ; voir aussi au paragraphe suivant), que Marcel Richard a examiné pour le compte de P. Moraux (voir Moraux 2, p. 21 n. I) — témoin que ne signale pas Rose 3, mais que mentionne Düring 4, p. 13 [texte ; le manuscrit est également cité dans la suite pour ce qui concerne les apographes] et 26 [sigla] — présente la leçon selon laquelle cet ouvrage comprendrait deux livres uniquement. C'est trés probablement pour cette raison que Moraux 2 a

été amené à signaler l'existence de trois livres (α΄ β΄ y’) pour les Προτάσεις περὶ ἀρετῆς de la liste de Diogéne Laërce. La base manuscrite utilisée par Düring 4 est beaucoup plus large (voir «The Manuscripts », p. 13-27) et le Parisinus figure parmi «the best three manuscipts of Diogenes » (p. 13). Si l'on consulte l'apparat critique fourni par Düring 4, p. 43, pour l'ouvrage n° 34, on constate que la leçon a’ß’y’ est attestée uniquement dans une famille, z, dont les témoins, cinq au total, sont mentionnés ibidem, p. 14. Dans les éditions et traductions récentes de Diogéne Laërce, cet ouvrage est présenté comme contenant deux livres seulement : cf. 5 H. S. Long (édit), Diogenis Laertii Vitae philosophorum, coll. « Oxford Classical Texts», Oxford !1964, réimpr. 1966, t I, p. 206, li. 26 (aucune indication supplémentaire n'est fournie dans l'apparat critique) ; 6 R. D. Hicks (édit.), Diogenes Laertius, Lives of Eminent Philosophers, coll. LCL, London/Cambridge Mass. !1925 (plusieurs réimp.), vol. I, p. 466 (texte) et 467 (traduction) ; 7 M. Gigante (trad), Diogene Laerzio, Vite dei filosofi, coll. « Filosofi antichi e medievali », Bari 1962, p. 206 ; 8 O. Appelt (édit.), Diogenes Laertius, Leben und Meinungen berühmter Philosopher. Buch I-X, trad. du grec par O. A., en collab. avec H. G. Zekl, réédité avec additions par K. Reich, coll. « Philosophische Bibliothek » 53-54, Hamburg 21967, p. 252, n° 34 ; 9 M.-O. Goulet-Cazé (dir.). Diogéne Laérce, Vie et doctrines des philosophes illustres, trad. frangaise, coll. « Classiques modernes - La Pochothèque », Paris 1999, p. 577 (« Propositions sur la vertu l, II»). ll n'y a qu'une édition relativement

ancienne

(10 H. G.

Hübner

dogmatis et apophtegmatis clarorum philosophorum

[édit.], Diogenes

Laertius,

libri decem, Leipzig

1828,

De

vitis,

réimpr.

à

DE VIRTUTIBUS ET VITIIS

509

Hildesheim en 1981, vol. I, p. 328), dans laquelle la leçon adoptée pour l'ouvrage Προτάσεις περὶ ἀρετῆς est en trois livres ; l'éditeur affirme toutefois que certains manuscrits en signalent seulement deux. Quant au manuscrit París. gr. 1759, mentionné plus haut, comme il a été possible de le constater après avoir examiné ce témoin sur place, il date, d’après l'écriture, de la fin du Xili*-début du XIV* s. ; Düring 4, p. 13, le date du «s. XIII ex. ». La liste des œuvres du Stagirite est donnée aux

f. 94". li. 21 — f. 967, li. 4 et l'ouvrage Προτάσεις περὶ ἀρετῆς, cité au f. 957, li. 6, est en effet présenté comme ayant deux livres. Sur les problémes et les questions abordées dans Moraux 2, voir V. Masellis, « Tradizione e cataloghi delle opere aristoteliche », RFIC n. s. 34, 1956, p. 337-363. Sur la fagon dont l'ouvrage de Düring 4 marque un certain recul, par rapport aux précédents, du point de vue de la méthode adoptée, surtout pour ce qui concerne les listes des ceuvres d'Aristote conservées en arabe (citées dans la suite de notre exposé), voir 11 D. Gutas, « The Spurious and the Authentic in the Arabic Lives of Aristotle », dans 1. Kraye, W. F. Ryan et C. B. Schmitt (édit.), Pseudo-Aristotle in the Middle Ages. The Theology and other Texts, coll. « Warburg Institute Surveys and Texts» 11, London 1986, p. 15-36, en particulier p. 17-18, repris in 12 D. Gutas, Greek Philosophers in the

Arabic Tradition, coll. « Variorum Collected Studies Series» 698, Aldershot 2000), étude n? VI (méme pagination).

— Un catalogue d'ouvrages d'Aristote figure également à la suite de la Vita Menagiana, qui doit son nom au premier éditeur de ce texte (1663), Gilles Ménage. Ce catalogue d'ouvrages aristotéliciens, qui a été édité dans Rose 3, p. 11-18 et

Düring 4, p. 83-89 (autres éditions signalées dans Moraux 2, p. 15 n. 2), est généralement attribué à Hésychius de Milet. Il «se divise en trois parties. La premiere [« 1a» dans la suite] compte cent trente-neuf titres et correspond à peu pres à la liste de Diogene ; la seconde [« 1b» dans la suite], plus courte, se compose de quarante-six titres, dont certains figurent déjà dans la première partie, tandis que d'autres sont nouveaux ; la troisième [«b»] est faite de dix titres d'ouvrages don-

nés comme des pseudépigraphes » (Moraux 2, p. 196). La partie «18» du catalogue, malgré les fortes ressemblances qu'elle présente avec celle de Diogene Laérce, n'a pas été copiée directement sur celle-ci ; voir les explications dans Moraux 2, p. 206-209 et l'étude consacrée à la source commune, ibidem, p. 211 sq. ; cf. DPhA I, p. 424). On y trouve sous le n? 34 le titre (Rose 3,

p. 12) Προτάσεις περὶ ἀρετῆς a’ [Y ou, ce qui revient au méme, Προτάσεις περὶ

ἀρετῆς B' (Düring 4, p. 84).

La partie « 1b» du catalogue consiste en une annexe (= Appendix Hesychiana)

de la premiére partie. Selon Moraux 2, p. 249, cette liste «n'a pas pu étre ajoutée à la liste originelle avant le premier tiers du second siècle de notre ère». On y trouve un ouvrage portant le titre Περὶ ἀρετῆς (n° 163, in Rose 3, p. 17 et Düring 4, p. 88). Moraux 2, p. 269-270 envisage deux possibilités pour ce titre, de méme que pour ceux qui se placent avant et après celui-ci (titres : Περὶ δόξης, n° 162 et Περὶ φωνῆς, n° 164). Selon la première possibilité, la présence de ces titres, troublant l'ordre alphabétique dans la liste, serait due à une interpolation. Une autre solution peut être également envisagée : le Περὶ συσσιτίων ἢ συμποσίων constitue le n? 161 de cette liste ; puisqu'il «était probablement fait... de problémes posés au cours d'un banquet ; qui nous dit que les trois titres litigieux «scil. les n° 162, 163 et 164» ne sont pas l'indication des principaux sujets auxquels étaient consacrés ces problémes ? » (Moraux 2, p. 269).

510

ARISTOTE DE STAGIRE

- Enfin, on dispose d'un catalogue (πίναξ) qui avait à plusieurs reprises attiré (et attire encore) l'attention des érudits. Il s'agit du catalogue de Ptolémée «al-garib «c'est-à-dire : l'étranger»» ; ce catalogue faisait partie d'un ensemble plus vaste, comportant également une biographie et le testament d'Aristote (Περὶ "Aptotoτέλους βίου xal διαθήκης xai τῶν βιβλίων αὐτοῦ). Les titres mentionnnés dans le Pinax ont été traduits et, à la fois, transcrits du grec en syriaque, puis en arabe.

Les biographes arabes ont reproduit tantót la traduction de la liste (uniquement), tantót la traduction accompagnée de la transcription de la liste en arabe. L'histoire de la transmission des piéces composant ce document avait été étudiée de facon détaillée par 13 A. Baumstark, Syrisch-arabische Biographien des Aristoteles, Habilitationsschrift, Heidelberg 1898, texte repris dans Aristoteles bei den Syrern vom 5. bis 8. Jahrhundert. Syrische Texte, herausgegeben, übersetzt und untersucht. 1. Band. Syrisch-arabische Biographien des Aristoteles. Syrische Kommentare zur Eloaywyn des Porphyrios [même pagination que la Habilitationsschrift], coll. « B. G. Teubner», Leipzig 1900 (réimpr. Aalen 1975), p. 53-70 pour le Pinax. Plus précisément, Baumstark avait reconstitué le catalogue de Ptolémée (p. 61-70 ; stemma des sources biobibliographiques arabes, p. 60) en se fondant sur le témoignage d'Ibn al-Qifti et celui d'Ibn abi Usaybi'a. En effet, Ibn al-Qifti (1172-1248), dans son ouvrage intitulé 14 Kitab ihbar al-'ulama' bi-ahbar al-

hukama' (généralement traduit sous le titre Chronique des savants) avait reproduit la traduction aussi bien que la transcription des titres compris dans le Pinax, alors que Ibn Abi

Ugaybi'a (mort

vers 1270), dans

son œuvre

15

Tarih

al-atibba’

(trad. : Histoire des Médecins), en avait donné uniquement la traduction en arabe. Malheureusement, Ibn al-Nadim, dans son ouvrage Al-Fihrist, composé en 987/988 ap. J.-C., n'a pas transmis le Pinax, mais il l'a remplacé par une bibliographie d' Aristote, probablement composée par lui-même, avec des éléments complémentaires concernant la transmission des œuvres aristotéliciennes dans le monde arabe (édition habituellement employée pour cet ouvrage : 16 Kitâb al-Fihrist mit Anmerkungen herausgegeben von G. Flügel, J. Roediger, Aug. Müller, vol. I, réimpr. Beyrouth 1964 ; on peut aussi consulter l'édition : 17 Kirab al-Fihrist li-1Nadim, éd. Ridà revue par Ibn ‘Ali ibn Zayy al-'abadi al-hà'iri al-mäzindaräni, Beyrouth 31988 ; mention de la «bibliographie enrichie» d’Aristote dans le Fihrist dans Gutas 11, p. 23, 27). Des reconstitutions du Pinax de Ptolémée similaires à celle effectuée par Baumstark 13 avaient déjà été proposées par M. Steinschneider dans 18 Aristotelis Opera, vol. V, Berlin 1870, sous le titre : «Ptolemaei philosophi index librorum Aristotelis ex Arabico translatus», p. 1469 sq., et 19 F. Littig, Andronikos von Rhodos. 1: Das Leben des Andronikos und seine Anordnung der aristotelischen Schriften, Habilitationsschrift, München 1890, « Anhang I. Das Verzeichnis der aristotelischen Schriften nach Ptolemáos Chennos », p. 37-42. Depuis, Moraux 2 a présenté un apergu des témoignages conservés par les sources biobibliographiques arabes (p. 289-294), en a donné un stemma (p. 291) et, aussi, une reproduction du modéle grec du catalogue (p. 295-296 et 297) ; voir aussi Düring 4, p. 189 sg. À ces publications, l'on peut ajouter les suivantes : 19bis A.H. Chroust, Aristotle. New Light on his life and on some of his lost works, vol. I: Some novel interpretation of the man and his life, London 1973, chap. XV,

DE VIRTUTIBUS ET VITIIS

511

« Aristotle's Last Will and Testament», p. 183-220 ; 20 C. Baffioni, « Antiche liste

arabe delle opere di Aristotele», RScF 29, 1976, p. 83-114 ; Gutas 11, p. 16-18 et 21 (apergu critique sur Baumstark 13, Düring 4) et p. 23-30 (composition des Vies d'Aristote conservées en arabe, avec mention du catalogue dans les sources qui l'ont conservé).

Apres avoir passé en revue les sources éditées, traduites ou mentionnées dans Steinschneider 18, Gutas 11, Long 5, Baumstark 13, Ibn Nadim 16-17, Ibn al-Qifti

14, Ibn abi Usaybi'a 15, Littig 19, notre conclusion est que l'ouvrage qui intéresse le présent exposé ne semble pas y avoir été cité. Par ailleurs, la découverte du manuscrit Aya Sofya 4833 a permis de connaitre l'unique témoin direct de la version arabe du texte de Ptolémée ; cette version

comprend également le catalogue des œuvres d' Aristote (f. 14v, li. 4 - f. 187, li. 3) ; cf. Gutas 11, p. 23 et n. 31 [in p. 34] et bibliographie réunie par M. Aouad dans DPhA I, p. 415-416 ; à l'exception de la préface à cette version, «qui n'est rapportée que dans ce codex ; pour le reste, il semble qu'il y ait généralement accord entre celui-ci et les bibliographes» (ibidem, p. 416). Une édition partielle de cette version, le catalogue y compris, a vu le jour (ibidem, p. 416) dans 21 C. Hein, Definition und Einteilung der Philosophie. Von der spátantiken Einleitungsliteratur zur ara-

bischen Enzyklopádie, coll. « Publications Universitaires Européennes. Série XX, Philosophie » 177, Frankfurt-am-Main 1985, p. 388-444 [non vidi]. Il. UN TÉMOIGNAGE PAPYROLOGIQUE

Des découvertes papyrologiques viennent étayer l’hypothèse de l'existence d'un

ouvrage attribué à Aristote et intitulé Περὶ ἀρετῆς (De la vertu). En effet, dans un catalogue de bibliothèque qui date du début du mes. ap. J.-C. et qui a été trouvé à Memphis en Égypte, on lit: [᾿Αρι]στοτέλους περὶ ἀρετῆς (PRossGeorg 1 22, étudié dans 22 CPF I, 1*, 1989, p. 85-93, avec bibliographie ; le texte du catalogue est reproduit aux p. 87-88 et le titre en question, cité à la p. 87, figure à la col. I, li. 7 du document antique). Parmi les publications antérieures de ce document, on peut signaler celle de 23 L. Mitteis et U. Wilcken, Grundzüge und Chrestomathie der Papyruskunde, Leipzig/Berlin 1912, I, 2 (par U. Wilcken), p. 182, n? 155, fr. I, li. 7 ; cf. Moraux 2, p. 254, et 24 E. A. Schmidt, Aristoteles Über die Tugend, coll.

« Aristoteles Werke

in deutscher Übersetzung

» 18,

«Opus-

cula» I, Berlin/Darmstadt 31986, p. 15 (cet ouvrage comporte 152 p., disposées comme suit : p. 5-10 : traduction en allemand ; p. 13-28 : apergu général ; p. 29138 : commentaire par chapitre ; p. 139-141 : annexe ; p. 142-152 : additions et corrections [à la deuxiéme édition]). L'ouvrage d' Aristote mentionné dans le cata-

logue de Memphis est, selon Moraux 2, ibid. et Schmidt 24, ibid., probablement identique à celui qui figure dans l'appendice à la Vita Menagiana

dont

il a été

question plus haut ; les deux érudits ne s'expriment pas au sujet des rapports entre cet ouvrage et celui qui est mentionné dans la liste de Diogène Laérce. Ill. LE TÉMOIGNAGE

D'UNE SOURCE ARABE

Ainsi que l'a signalé 25 Sh. Pines, « Un texte inconnu d’Aristote en version arabe », AHMA 31, 1956, p. 5-43, avec 26 « Addenda et corrigenda», AHMA 32,

512

ARISTOTE DE STAGIRE

1957, p. 295-299, Abu ‘Ali Ahmad b. Muhammad b. Ya'qüb Miskawayh (né à Rayy vers 320/932 et mort, probablement, le 9 safar 421/16 février 1030), dans k troisiéme chapitre de son traité éthique intitulé Kirab tahdib al-ahláq wa-tathir ala'ráq donne un passage qui est introduit comme suit (NB. Les crochets droits utilisés par Pines et reproduits dans la suite correspondent à des ajouts qu'il a jugés nécessaires pour la compréhension du texte ; en revanche, les crochets pointus que nous avons employés marquent, comme dans la suite de cette contribution, les ajouts que nous avons effectués) : « Ces deux degrés [de vertus] sont ceux mémes sur lesquels le Philosophe notre texte faisait partie de ces versions «scil. des textes d'Aristote traduits par al-Dimasqi» ». Mais comme les pseudépigraphes n'étaient pas rares dans le monde arabe (ibidem), il est difficile de connaître la part de réalité dans cette affirmation de Miskawayh. c. Les titres et le contenu. Suivant les titres conservés, il existe dans la tradition des œuvres d' Aristote en grec (au moins) quatre ouvrages aristotéliciens portant sur la vertu dont on ignore le contenu ([2]-[5]). Il n'est méme pas certain que l'ouvrage

conservé Περὶ ἀρετῆς soit l'un de ceux dont il est question dans les listes des œuvres d’Aristote ([2]-[4]). En revanche, il est trés probable que l'ouvrage IIpord-

σεις περὶ ἀρετῆς mentionné par Diogene Laérce ([2]) soit identique à l'ouvrage homonyme ([3]) cité dans le Catalogue d'Hésychius.

— Moraux 2, p. 71-72, signale qu'en règle générale Aristote entendait par np6τασις (proposition) «un discours qui affirme ou qui nie quelque chose de quelque chose» (ibid., p. 71) et que les recueils de προτάσεις (propositions) consistaient en

DE VIRTUTIBUS ET VITIIS

515

des exercices scolaires oü il était question de «... dresser des listes pour chaque genre, en les posant sous des chefs séparés, tels que Du Bien, De l'Animal, Du Bien devant étre pris dans sa généralité, en commengant par l'essence» (trad. des Topiques 1 14, 105b13-15 dans Moraux 2, p. 71-72). Par conséquent, méme s l'auteur ne s'exprime pas ouvertement sur les rapports entre les Προτάσεις περὶ ἀρετῆς (Propositions sur la Vertu, [2]-[3]} et le De virt. (1]), on classer le dernier sous la rubrique des propositions. Il s’ensuit blement, d'après la confrontation des titres, le De virt. ([1]) ne l'ouvrage d' Aristote Προτάσεις περὶ ἀρετῆς (Propositions sur

aurait du mal à que, trés probas'identifie pas à la Vertu ; [2] et

BD. - Si l’on aborde la question des rapports entre l'ouvrage aristotélicien Περὶ ἀρετῆς (De la Vertu ; [3]) mentionné dans l' Annexe à la Vita Menagiana, probablement identique à l'ouvrage homonyme cité dans le papyrus de Memphis ([4]) et le De virt. ((1]), on ne pourra rien déduire : en fait, méme si les deux premiers titres

sont identiques, on ignore tout sur leur contenu. — L'hypothése suivant laquelle la traduction arabe que mentionne Miskawayh ([6]) correspond à (l'un de) ces textes (ou méme à un autre texte portant le méme

titre) ne peut pas étre exclue a priori : le fait que, dans !a tradition grecque, il est question du De la vertu (ou Des vertus) et non pas, comme en arabe, des Vertus de

l'áme, ne peut pas constituer un argument décisif pour écarter le texte arabe, car les vertus (comme les vices) peuvent siéger aussi bien dans l'áme que dans le corps ; par conséquent, il aurait suffi d'élaguer, lors du passage à l'arabe, la partie consacrée aux vertus physiques pour obtenir le trait€ que mentionne Miskawayh. Aprés ces constatations, une remarque d'ordre chronologique s'impose. L’absence, dans le catalogue de Ptolémée (dont la rédaction remonte à la seconde moitié du I s. ap. J.-C.), de tout ouvrage portant sur la Vertu, nous semble significative. À moins de l’attribuer aux hasards de la transmission du Pinax (ou aux problèmes, plus généraux, liés à l'identité du Ptolémée auquel est attribué ce Pinax), on peut admettre que, dans la seconde moitié du I" s. ap. J.-C., le De virt. n'était pas attesté dans cette liste des œuvres d'Aristote, qui a finalement été transmise au monde arabe. Compte tenu de la présence d'un ouvrage intitulé Περὶ ἀρετῆς dans l'Annexe à la Vita Menagiana, qui (l'Annexe) est antérieure au premier tiers du

IF s. ap. J.-C., il est probable que le De virt. a été introduit tardivement parmi les œuvres d' Aristote, peut-être entre la seconde moitié du I” s. et le premier tiers du Π s. La présence de cette œuvre dans le papyrus du m“ s. semble corroborer cette hypothése. B. COMPOSITION, AUTEUR ET INSPIRATION DU DE VIRT. I. COMPOSITION

Dans le De virt., après une introduction (1, 1249a26-30), où il est question du caractère louable des vertus et du caractère blámable des vices, on trouve une tripartition des vertus (1249a31 -b29) et, ensuite, des vices (1249b29- 125022), selon

leur localisation dans l'áme, telle que divisée par Platon (1249a30-31 : τριμεροῦς

δὲ τῆς ψυχῆς... xarà Πλάτωνα). L'auteur attribue les vertus et les vices à

516 l'élément

ARISTOTE DE STAGIRE ‘raisonnable’

(λογιστικοῦ), à l'élément ‘irascible’ (θυμοειδοῦς), à

l'élément ‘concupiscible’ (ἐπιθυμητικοῦ), et à un tout plus important, la totalité de

l’äme (ὅλης τῆς ψυχῆς). Aprés avoir donné les définitions des huit vertus cardinales, une par une (2, 1250a3-15), et des huit vices premiers, un par un (3, 1250a 16-29), on trouve une

énumération des vertus secondaires (4, 1250a30-5, 1250b42) et des vices secondaires (6, 1250b43-7, 1251b25). Dans cette énumération quelque peu confuse, vertus et vices secondaires ne sont pas présentés de la méme facon. Pour ne citer qu'un exemple, parmi les vertus subordonnées à la prudence (φρόνησις, 4, 1250a30-39), sept, introduites par la formule τῆς δὲ φρονήσεώς ἐστι τὸ... (430), sont présentées comme des attributs à proprement parler de la prudence (a30-35), alors que trois autres - ou cinq autres — sont considérées comme des conséquents de la prudence, ou des vertus qui procèdent de celle-ci (and τῆς φρονήσεως ἑκάστη αὐτῶν

ἐστίν, ἢ παρέπεται τῇ φρονήσει, a36-37). En effet, Bekker 1, 435-37, cite trois vertus : μνήμη, ἐμπειρία, ἀγχίνοια, alors que F. Susemihl ajoute la δεξιότης et ᾿ εὐβουλία (41 F. Susemihl [édit.] dans [Aristotelis Ethica Eudemia] Eudemi Rho-

dii ethica, adiecto de virtutibus et vitiis libello, coll. «B.G. Teubner», Leipzig 1884, réimpr. Amsterdam 1967 : les p. XXXI-XXXVII comprennent un aperçu sur la tradition manuscrite du De virt., et les p. 181-194 l'édition du texte). Une

autre

alternative est également proposée à propos de ces dernières vertus, dont les deux premières (μνήμη et ἐμπειρία) se présentent aussi comme des causes adjuvantes (τὰ μὲν αὐτῶν

olov συναίτια

τῆς φρονήσεώς

ἐστι, a37-38), alors que deux

autres (εὐβουλία εἰ ἀγχίνοια) se présentent comme des parties (τὰ δὲ οἷον μέρη αὐτῆς, 438-39). Le traité se clôt sur un appendice (8, 125] 026-37), où sont mentionnées, pour l'essentiel, les vertus subordonnées à la Vertu.

Les vertus cardinales localisées dans les différentes parties de l’âme, ou dans sa totalité, sont les suivantes : TABLEAUI PARTIES

|. τὸ λογιστικὸν ‚ (la raison)

! 2. τὸ θυμοειδὲς. ('iraseible)

DE

L'ÂME OU TOTALITE

VERTUS

En φρόνησις

2, πραύτης 3. ἀνδρεία

2, ὀργιλύτης 3. δειλία

PRE MIERS

+. 6An ἡ ψυχή (la totalité de lame)

DIE L'AME

4. σωφροσύνη 5. ἐγκράτεια

VICES

Ι. ἀφροσύνη

DE L'ÂME

3, τὸ ἐπιθυμητικόν (le concupiscible)

6. δικαιοσύνη 7. ἐλευθεριότης 8. μεγαλοφυχία

CORRESPOND: ANTS

— d. ἀχολασία 5. ἀκρασία (Susemihl 15). ou axpuretatBekker D

6. ἀδικία 7. ἀνελευθερία (Susemihl 15: ou ἀνελευθεριότης (Bekker D S. μικροψυχία

IIl. AUTEUR ET INSPIRATION

Pendant longtemps, l'ouvrage a été considéré comme une œuvre d’Aristote. À partir du XVI s. on a commencé à mettre en doute l'authenticité de l'ouvrage ; la question a été définitivement tranchée vers la fin du XIX*s. par E. Zeller et C.

DE VIRTUTIBUS ET VITIIS

517

Schuchhardt (voir B II d), et l'ouvrage a finalement été considéré comme la production d'un éclectique tardif ; cf. l’aperçu de cette lente réévaluation de l'ouvrage dans 42 J. Kraye, «Francesco Filelfo on Emotions, Virtues and Vices : A Re-examination of his Sources», Bibliotheque d'Humanisme et Renaissance. Tra-

vaux et documents 43, 1981, p. 129-140, en particulier p. 131-133, avec bibliographie à la p. 133 n. 23. Toutefois, bien que les exégètes contemporains — à l'exception de Gohlke (voir B II a) — soient de l'avis qu'Aristote n'est pas l'auteur du De virt., plusieurs options ont été proposées. a. ARISTOTE ?

43 P. Gohlke, «Die Entstehung

der

aristotelischen Ethik, Politik, Rhetoric »,

SAWW 223, 2, 1944, p. 3-144, en particulier p. 5 sq., croit à la paternité d' Aristote : cet ouvrage représenterait une toute première étape dans l'évolution de la pensée morale du Stagirite. Dans l’apergu qu'elle donne de cette théorie, 44 A. GlibertThirry (édit.), Pseudo-Andronicus de Rhodes « Περὶ παθῶν». coll. CLCAG

suppl.

n° 2, Leiden 1977, p. 6 n. 26, signale : «il «scil. P. Gohlke> y voit l’œuvre d'éthique la plus ancienne d'Aristote, précédant la Grande Morale, Éthique à Eudéme et l'Érhique à Nicomaque. C'est cet opuscule que les Topiques utilisent quand ils font le joint entre la théorie des vertus et la division tripartite de l'áme selon Platon. Parce que la théorie de la νεπιι--μεσότης y manque, ce petit traité est un produit de l'époque oü Aristote n'avait pas encore congu cet élément fondamental de son éthique ». Par ailleurs, le joint entre la théorie des vertus et la division platonicienne de l'âme selon Platon est un argument que François Filelfe (1398-1481) avait également employé pour attribuer le De virt. au jeune Aristote, encore sous l'influence

de Platon ; cf. Kraye 42, p. 138. b. ANDRONICUS DE RHODES ?

Selon Littig 19, p. 34, l'auteur pourrait être Andronicus de Rhodes, onzième scholarque du Péripatos ; il s'agit là d'une conjecture qui résulte de l'attribution (erronée) à Andronicus de Rhodes du traité Περὶ παθῶν, dont le De virt. constitue

la seconde partie ; sur cette attribution, voir 45 R. Goulet, art. « Andronicus de Rhodes », dans DPhA I, n? 181, p. 200-202, en particulier p. 202 ; sur cet ouvrage, voir développement in D I a 1. C. ARISTOCLES DE MESSINE ?

Suivant 46 B. Rósener, « Bemerkungen über die dem Andronikos von Rhodos mit Unrecht zugewiesenen Schriften» n? I-IV, dans Beilage zum Jahrselb. des evangel. Gymnasiums zu Schweidnitz. Programm 199, 202, 204, 207 (1890-1893), n? III, p. 9, rapporté par Glibert-Thirry 44, p. 7 n. 29, «il n'est pas impossible que l'opuscule ait été tiré des œuvres d'Aristocles de Messana... Le nom 'Aptotoτέλους aurait été pris pour ᾿Αριστοκλέους» ; sur ce philosophe éclectique, voir 47 P. Moraux, Der Aristotelismus bei den Griechen von Andronikos bis Alexander von Aphrodisias, Il: Der Aristotelismus im I. und II. Jh. N. Chr., coll. «Peri-

patoi » 6, Berlin 1984, p. 83-206 et, surtout, p. 137-147 ; 48 S. Follet, art. « Aristoclés de Messine », dans DPhA I, n? 369, p. 382-384.

518

ARISTOTE DE STAGIRE

d. UN ECLECTIQUE, PEUT-ETRE UN PERIPATETICIEN ECLECTIQUE

Les autres exégètes, sans attribuer l'opuscule à un auteur précis, le placent en général dans un contexte péripatéticien ; la présence d'éléments platoniciens ne fait pas de doute et la composante stoicienne a fréquemment été relevée. Les avis ont été partagés concernant la datation : soit on opte pour une datation haute (Iv*-III* s. av. J.-C.), soit pour une datation basse (entre le I" s. av. J.-C. et le I* s. ap. J.-C.). Optant pour une datation basse, 49 E. Zeller, Die Philosophie der Griechen...,

IN, 1 : Die nacharistotelische Philosophie, éd. E. Wellmann, “Leipzig 1923, p. 670671, voit en cet opuscule l’œuvre d'un péripatéticien éclectique de la seconde moitie du I* s. av. J.-C. Le caractère péripatéticien de cette œuvre tiendrait au style descriptif de l'exposé sur les vertus aristotéliciennes et les vices correspondants, en usage dans l'école péripatéticienne depuis Théophraste. L'éclectisme de son auteur se manifesterait «dans la conciliation qu'il tente d'opérer entre Platon et Aristote, en rattachant les vertus aristotéliciennes et les vices correspondants à la division tripartite de l’âme selon Platon» (citation de Glibert-Thirry 44, p. 6-7, correspondant à Zeller 49, p. 670). Le Περὶ ἀρετῶν xai κακιῶν trahirait également, d’après Zeller, une influence stoicienne. Toutefois, l'argument employé par Zeller 49, p. 671 n. 2, se fondait sur « l'opposition entre les ἐπαινετά et les ψεκτά qui commande toute la structure » du De virt. (citation de Glibert-Thirry

18, p. 7) ; cet argument a été

réfuté par 50 C. Schuchhardt, Andronici Rhodii qui fertur libelli Περὶ παθῶν pars altera De virtutibus et vitiis. Dissertatio philologica à V Université de Heidelberg, Darmstadt

1883, p. 35 ; cf. Glibert- Thirry 44, p. 6-7. En

effet, Schuchhardt 50,

après avoir souligné les emprunts à Platon et mentionné les affinités avec I’ Éthique à Nicomaque d' Aristote (ibid., p. 33-35), réfute l'argument de Zeller sur le caractère purment stoïcien de l'opposition entre les ἐπαινετά et les ψεκτά (ibid., p. 35). tout en maintenant la thése de la composante stoicienne. Susemihl 41, p. XXXI, en suivant Zeller 49 et Schuchhardt 50, parle de l'auteur du De virt. comme «philosopho haud magni ingeni eclectico» ; ce philosophe éclectique, qui, semble-t-il, serait attaché à l'école péripatéticienne, aurait cherché à concilier les doctrines éthiques aristotélicienne et platonicienne ; l'ouvrage aurait été écrit « saeculo vel ante vel post Christum natum primo, certe non ante haec tempora ». L'auteur passe sous silence la présence d'éléments stoiciens ; cf. 51 Ch. B. Schmitt, « Aristotle's Ethics in the Sixteenth Century : Some Preliminary Considerations », dans W. Rüegg et D. Wuttke (édit.), Ethik im Humanismus, colL «Beiträge zur Humanismusforschung » 5, Boppard 1979, p. 87-112, repris dans 52 Ch.B. Schmitt, The Aristotelian Tradition and Renaissance Universities, coll. « Variorum Collected Studies Series» 203, London 1984, étude n° VII (même pagination), p. 103, qui signale : «the work itself can be dated within a century of the birth of Christ». Optant, à peu prés, pour la méme datation, 53 R.-A. Gauthier, Magnanimité. L'idéal de la grandeur dans la philosophie paienne et dans la théologie chré-

tienne, coll. « Bibliothèque thomiste » 28, Paris 1951, considère que l'opuscule, œuvre d'un péripatéticien, date, sans doute, du I* s. av. J.-C. (p. 117 n. 2 et p. 152).

Dans 54 R.-A. Gauthier, L'Éthique à Nicomaque. Introd. trad. et comm. par R-A. Gauthier et J.-Y. Jolif, coll. « Aristote. Traductions et études », t. I, 1, 2Louvain/Paris

DE VIRTUTIBUS ET VITIIS

519

1970, p. 99, le méme auteur admet que l'opuscule puisse dater méme «du I* s. av. ou après J.-C. ». Quant aux composantes du De virt., sans traiter des éléments platoniciens, R.-A.

Gauthier met tout d'abord en évidence le caractére péripatéticien de l'ouvrage: selon lui (53, p. 117 n. 2), l’auteur du De virt. trace un portrait de la magnanimité (1250b 34-42) « qui rappelle celui d' Aristote» ; la présence de la magnanimité parmi les vertus cardinales, alors qu'elle était classée parmi les vertus subordonnées chez Chrysippe serait également conforme à l'enseignement d'Aristote (Gauthier 53, p. 151 n. 1). L'opuscule marque également, selon R.-A. Gauthier, une influence stoicienne nette, l'argument employé étant que le De virt. est tributaire de la doctrine stoicienne de la subordination des vertus, dont l'origine remonte à Chrysippe (Gauthier 53, p. 150-151). Les «deux textes qui semblent nous avoir conservé le plus fidèlement la doctrine de Chrysippe» semblent être (ibidem, p. 151 n. 1, avec mention, aussi, des textes qui l'ont conservée de façon incomplète) : — Jean Stobée, édité par 55 C. Wachsmuth et Ὁ. Hense, loannis Stobaei Anthologium, et, plus précisément, au vol. IIT: 56 C. Wachsmuth (édit.), loannis Stobaei Anthologii libri duo priores qui inscribi solent eclogae physicae et ethicae, Berlin 1884 (réimpr. 1958), lib. U, cap. VII, $ 502, p. 60, 9 - 62, 2 [fin du passage à la ligne 6] = SVF III 264. - Pseudo-Andronicus de Rhodes, Περὶ παθῶν, p. 261, 88-97 Glibert-Thirry-—

SVF Ili 269. Cette doctrine, que son auteur, Chrysippe, aurait laissée imprécise, a donné naissance à «une floraison d'interprétations divergentes» ; elle serait représentée d'une facon confuse dans le De virt. (Gauthier 26, p. 152). Glibert-Thirry 44, p. 8-9, se rattachant, elle aussi, à l'opinion «qui voit dans l'opuscule l’œuvre d'un péripatéticien éclectique tardif» (Glibert-Thirry 44, p. 9), insiste, à la suite de Gauthier 53 et 54, sur les emprunts stoiciens dont témoigne l'opuscule. 57 B. Tambrun-Krasker (édition critique, introduction, traduction et

commentaire) Γεωργίου Γεμιστοῦ Πλήθωνος Περὶ ἀρετῶν. Georges Gémiste Pléthon Traité des vertus., coll. «Corpus philosophorum medii aevi, philosophi byzantini » 3, Athénes 1987, p. 32 n. 13, reproduit l'opinion d'A. Glibert-Thirry. Selon Kraye 42, p. 131-132, l'ouvrage, datant du I” s. av. J.-C. - I? s. ap. J.-C., est l’œuvre d'un philosophe éclectique qui cherchait à concilier les doctrines de Platon et d' Aristote. À l'opposé de ces théories se trouve celle de Schmidt 24. D’après cet ouvrage,

p. 23-28, l'auteur du De virt., qui se situerait aux confins des IV* et III s. av. J.-C. serait un péripatéticien de l'époque de Théophraste. Il s'écarterait de l'éthique aristotélicienne, puisqu'aucun thème propre à cette éthique ne se trouve cité dans le De virt. Schmidt étaie cet argument sur l'absence dans le De virt., d'une part, de la théorie aristotélicienne de médiété (μεσότης, juste milieu), d'autre part, des éléments fondamentaux de la problématique du Stagirite, organisée autour des termes προαίρεσις, εὐδαιμονία, τέλος. En revanche, cet ouvrage témoignerait des tendances que l'on décèle dans les Caractères de Théophraste et dans le Περὶ τοῦ χουφίζειν ὑπερηφανείας d'Ariston de Céos (voir, sur ce personnage, l'article

520

ARISTOTE DE STAGIRE

58 F. Caujolle-Zaslawsky et R. Goulet, « Ariston de Céos», dans DPhA I, n? 396, p. 398-400, en particulier p. 399) et, par conséquent, serait une éthique pratique oü sont décrits des types humains plutót qu'un traité moral de conception rigoureusement théorique. Toute trace de stoicisme, selon Schmidt 24, serait absente de cet

opuscule. Par ailleurs, la présence d'éléments platoniciens (division tripartite de l'âme et comparaison de l'harmonie entre les parties de l'áme et un bon État politique) renforcerait l'hypothése que l'opuscule date du premier péripatétisme, puisqu'Aristoxéne de Tarente et Héraclide le Pontique ont également réservé un large emploi aux œuvres de Platon. La théorie de Schmidt a été fortement critiquée : cf. Glibert-Thirry 44, p. 8-9 ; Gauthier 53, p. 99 n. 37 ; Kraye 42, p. 131 n. 16. Il est clair que la différence de datation (IV* - IH av. J.-C. : Schmidt 24 / I* av. J.-C. - 17 ap. J.-C. : Zeller 49, Gauthier 53 et 54, Glibert-Thirry 44, Tambrun-

Krasker 57, Kraye 42) modifie sensiblement le róle de la composante chrysippéenne et, de ce fait, la place du De virt. dans le contexte philosophique général. En effet, ainsi que nous l'a suggéré D. S. Hutchinson (voir plus loin 61), si l'on admet la datation basse (I* av. J.-C. - I ap. J.-C.), on aura à faire avec une produc-

tion éclectique [précisons: péripatéticienne éclectique] tardive, qui combine des éléments de la doctrine péripatéticienne à des techniques d'organisation stoiciennes ; en revanche, si l’on accepte la datation haute (IV* - If s. av. J.-C.), on devra considérer ipso facto que l'opuscule témoigne d'une doctrine, relevant peut-étre de

l'Académie, à partir de laquelle Chrysippe lui-méme aurait développé sa propre doctrine de la subordination des vertus. C'est précisément cette conséquence qui a paru extravagante à Gauthier 53, p. 99 n. 37, qui signale : «voir dans une œuvrette dont la platitude et l'indigence sautent aux yeux «c'est-à-dire le De virt. la source de doctrines aussi profondes que, par exemple, la doctrine stoicienne des vertus, c'est, à mon avis, commettre une faute de goüt qu'aucune érudition ne saurait racheter... ». Sans trancher entre les deux solutions proposées et, par conséquent, sans pren-

dre parti sur la question de l'antériorité du De virt. ou de la classification chrysipéenne des vertus, nous donnerons, dans la suite, un tableau permettant d'évaluer le

caractére commun entre les vertus de la classification de Chrysippe et celles du De virt. Pour ce faire, nous reproduirons la liste des vertus d’après Chrysippe selon les témoignages de Stobée 55 et SVF III 264, tout en notant par un astérisque les ver-

tus qui dans le ses ; si tableau

figurent également, sous la méme forme De virt. Parfois, les vertus sont désignées une telle périphrase dans le De virt. peut ci-dessous, nous faisons suivre l'astérisque

ou sous une forme ressemblante, dans le De virt. par des périphracorrespondre à un substantif du d'un point d'interrogation. Enfin,

nous notons en lettres italiques les vertus subordonnées selon Chrysippe qui sont

des vertus cardinales dans le De virt.

DE VIRTUTIBUS ET VITIIS

521

TABLEAU II VERTUS PREMIÈRES ('Aperal πρῶται) $póvnotc*

| σωφροσύνη"

ἀνδρεία"

d

δικαιοσύνη"

VERTUS SUBORDONNEES (’Apetal ὑποτεταγμέναι)

- εὐβουλία"

- καρτερία"

- εὐσέβεια

- εὐλογιστία" (1250a30-32 ?) | - χοσμιότης"

- θαρραλεότης"

|- χρηστότης

- νουνέχεια" (1250-32 ?)

- φιλοπονία’

ante

- εαὐταξία"

ce

Cane cinis

- κεὐστοχία»" (?)

;- εὐμηχανία

La présence dans le De virt. de toutes les vertus cardinales que l'on rencontre chez Chrysippe (« prudence, tempérance, courage, justice») ne constitue pas nécessairement une preuve d'emprunt fait à Chrysippe, étant donné que ces quatre ver-

tus étaient considérées comme les vertus «traditionnelles». En effet, «cette liste «scil. des quatre vertus» a probablement été établie au V* siècle av. J.-C. Elle a été systématisée par Platon, et elle est devenue classique avec les stoïciens » (TambrunKrasker 57, p. 47) ; cf. 59 H. Mutschmann (édit.), Divisiones quae vulgo dicuntur

aristoteleae, coll. «B. G. Teubner», Leipzig 1906, p. XIV, XXVIII-XXIX et 16-17, n? 13. On remarque que dans le De virt. on retrouve la quasi-totalité des vertus chrysippéennes. Toutefois, deux vertus subordonnées chez Chrysippe (ἐγχράτεια, μεγαλοψυχία)

sont devenues des vertus cardinales dans le De virt. Comme

le

signale Gauthier 53, p. 151 n. 1, l'auteur du De virt. «a emprunté à Chrysippe la liste caractéristique des cinq vertus subordonnées à la force ; mais il a remplacé par l'ebvoApía la magnanimité, à laquelle, conformément à l'enseignement d' Aristote, 1

entendait réserver une place plus importante ». En somme, la ressemblance entre le De virt. et Chrysippe réside dans le concept de classification des vertus selon un mode hiérarchique, aussi bien que dans la facon dont s'est réalisé ce procédé de classification. C. TRANSMISSION DIRECTE

: TRADITION MANUSCRITE

ET TITRE DU TEXTE

I. TRADITION MANUSCRITE

Une étude de la tradition manuscrite du De virt. est en préparation par 60 P.

Eleuteri (renseignement enregistré par lettre datant du 8 décembre 1992) et une nouvelle édition critique est en préparation par 61 D. S. Hutchinson (renseignement enregistré par lettre datant du 27 novembre 1992 ; voir autres éléments in Annexe B, n° III). Le lecteur trouvera dans la suite un aperçu général sur la tradi-

tion manuscrite, puis nous relevererons deux points de celle-ci qui nous ont semblé intéressants et qui entrent dans le cadre de nos recherches.

522

ARISTOTE DE STAGIRE

ἃ. APERCU GÉNÉRAL SUR LA TRADITION MANUSCRITE

62 A. Wartelle, Inventaire des manuscrits grecs d'Aristote et de ses commenta-

teurs : contribution à l'histoire du texte d'Aristote, «Coll. d'Études anciennes», Paris 1963, p. 181-182, a inventorié cinquante-six manuscrits du De virt. ; cf. aussi Schmidt 24, p. 13-15. 63 R. D. Argyropoulos et I. Caras, Inventaire des manuscrits grecs d'Aristote et de ses commentateurs : contribution à l'histoire du

texte d’Aristote. Supplément, «Coll. d'Études anciennes » et «Centre de recherches néohelléniques, Fondation Nationale de la recherche scientifique-Gréce» 23, Paris 1980, ajoutent (p. 72) six manuscrits à Wartelle 62 [parmi les manuscrits notés à la p- 72, le Scorial. gr. 12 (R. I. 12), du XV* s., est à écarter : d’après le contenu décrit au n? 145, p. 27 du Supplément, il ne comprend pas le De virt. ; cf. 64 A. Revilla, Catálogo de los códices griegos de la Biblioteca de El Escorial, t. I, n? 1-178, Madrid 1936, p. 17-21]. Deux autres manuscrits mentionnés par ces auteurs, le Monac. gr. 289, du XV* s., et le Bodl.

Barocc.

131, du

XIV* s. (n° 261

et 277,

respectivement aux p. 37 et 38 du Supplément), relèvent, ainsi que le signalent Argyropoulos-Caras 63, des ajouts à Wartelle 62, p. 12, faits par 65 D. Harlfinger et J. Wiesner, «Die griechischen Handschriften des Aristoteles und seiner Kommentatoren : Ergänzungen

und

Berichtigungen zum

/nventaire

von

A.

Wartelle»,

Scriptorium 18, 1964, p. 238-257, en particulier p. 247 et 248 (autres suppléments à Wartelle pris en considération par Argyropoulos-Caras 63, donnés ibidem, p. 8 n. 2).

Ces renseignements sont à compléter par 66 P. Moraux (avec la collaboration de D. Harlfinger, D. Reinsch et J. Wiesner), Aristoteles Graecus : Die griechischen Manuskripte des Aristoteles, vol. I (Alexandrie-Londres), coll. « Peripatoi» 8, Berlin

1976. En effet, sur les quinze manuscrits du De virt. décrits dans cet ouvrage, la plupart sont déjà mentionnés dans Wartelle 62. En témoigne le Laur. 58, 20, du premier quart du XIV* s., signalé dans Wartelle 62, n? 482, p. 32 et décrit dans Moraux 66, p. 207-209. Toutefois, quelques exceptions sont à signaler: le Lond. B.L.Addit. 8225, du XVY* s. (Moraux 66, p. 449-452) ne figure pas dans Wartelle 62 non plus que dans Argyropoulos-Caras 63. Moraux 66 signale aussi les manuscrits disparus, comme les Scorial. gr. B. III. 15 (Andrés n? 95), du XVI s., et M. IV. 5 (Andrés n? 636), du XV* ou du XVT* s. (Moraux 66, p. 146 et 147), détruits

lors de l'incendie qui a ravagé la Bibliothèque de l'Escorial en 1671 (cf. 67 G. de Andrés, Catálogo de los códices griegos desaparecidos de la Real Biblioteca de El Escorial, Escorial 1968, n? 95, p. 48-49 et n? 636, p. 295-296). Ainsi, plus de soixante manuscrits du De virt. sont connus à présent ; Eleuteri 60

signale justement seigment similaire direct tradition ». poulos-Caras 63

que «il testo greco & tramandato da 70 manoscritti» et un renest fourni par Hutchinson 61 : «There are about 70 MSS of the La plupart des manuscrits mentionnés dans Wartelle 62, Argyroet Moraux 66 datent du XIV*-XVY s. ; Eleuteri 60 précise que (à

l'exception du Mosquensis, voir paragraphe suivant), une dizaine de manuscrits sont datables du XIIIf et du XIV* siècle, les autres datant du XV* ou du XVT siècle. Selon

Schmidt 24, p. 14, Eleuteri 60 et Hutchinson 61, le témoin les plus ancien est le GIM (Musée Historique d'État, Moscou), Collection synodale 231

(olim Savva

394). Le Lips. Bibi. Univ. gr. 16, également sur parchemin, ne daterait pas du IX*-

DE VIRTUTIBUS ET VITIIS

523

X° siècle (renseignement reproduit in Wartelle 62, n° 771, p. 54), mais du XIr*-X* siécle (Schmidt 24, p. 13). A en juger par le nombre de témoins qui comprennent, à la fois, le De virt. et le Traité des vertus de Pléthon, la tradition manuscrite du De virt. semble liée, dés le départ, à celle de l'ouvrage de Pléthon ; voir le contenu des

manuscrits de Pléthon, décrits par Tambrun-Krasker 57, p. XLV-LXXXII et les explications fournies plus loin (D I a 4). b. LE GIM 231

Ce manuscrit sur parchemin est, comme il a été signalé, le témoin le plus ancien du De virt. Ainsi qu'en témoigne la souscription, il a été écrit par le diacre Stylianos pour le compte d'Aréthas, archevéque de Césarée, la copie ayant été achevée en avril 932 ; voir, entre autres, 68 P. Lemerle, Le premier humanisme byzantin. Notes et remarques sur enseignement et culture à Byzance des origines au X* siécle,

coll. «Bibliothéque byzantine. Études» 6, Paris 1971, p. 229-230, et 69 Id., O πρῶτος Bu(avrivóc οὑμανισμός. Σημειώσεις καὶ παρατηρήσεις γιὰ τὴν ἐχπαίδευση καὶ τὴν παιδεία στὸ Βυζάντιο ἀπὸ τὶς ἀρχὲς ὥς τὸν 105 αἰώνα [traduction de M. Nystazopoulou-Pelekidou], coll. «Μορφωτικὸν Ἵδρυμα Ἐθνικῆς Τραπέζης », 2Athènes 1985, p. 207. Le manuscrit se trouvait au monastére de Dionysiou (Athos) avant d'étre pris à

Moscou. En effet, il faisait partie du lot de 500 environ manuscrits grecs que l'archimandrite Arsène Suchanov a achetés pour le compte du tsar Alexis (1645-1676) en juin 1654 à plusieurs monastéres athonites contre un paiement de 3750 thalers et de

40 fourrures d'hermine d'une valeur de 580 thalers. Ces témoins ont été dans la suite déposés à la Bibliothèque synodale. Sur l'ensemble acheté par Arsène Suchanov, vingt-sept manuscrits provenaient du monastere de Dionysiou et le manuscrit d'Aréthas en faisait partie. Sur les circonstances dans lesquelles cet "achat" a été effectué, voir 70 M. Lascaris, « Arsène Suchanov et les manuscrits de l'Athos », Byzantion 28, 1958, p. 543-545 et l’apergu sommaire dans 71 B. L. Fonkit, « 'O ρόλος τῶν ἑλληνικῶν μοναστηριῶν στὴν πολιτιστικὴ ζωὴ τῆς

Ρωσίας τὸν 170 αἰώνα», Τάσεις του Ὀρθοδόξου μοναχισμού, 9PF-20°° auóvec. Πρακχτικά του Διεθνούς Συμποσίου που διοργανώθηκε στα πλαίσια του Προγράμματος “Οἱ δρόμοι του ορθόδοξου μοναχισμού: Πορευθέντες μάθετε"», coll. «Τὸ Βυζάντιο σήμερα. Ebvixé "Töpupa Epeuvov, Ivarırobto Βυζαντινών Ερευνών» 1, Athènes 1996, p. 109-113, en particulier p. 110. On pourra également consulter notre Histoire de la bibliothéque du monastere de Dionysiou (ouvrage en préparation avancée, réalisé dans le cadre du catalogage des manuscrits de Dionysiou, dont nous avons la responsabilité : voir 72 M. Cacouros, « Apergu sur les manuscrits grecs datés (X*-XVI* s.) du

monastère de Dionysiou

(Athos) », Arti del V Colloquio Internazionale di

Paleographia Greca (Cremona, 4-10 ottobre 1998), sous la direction de G. Prato, Firenze 2000,

p. 741-745). Les manuscrits grecs de la Bibliothèque synodale (patriarcale), 510

environ, ont été, dans

la

majeure partie, recueillis dans le Musée historique de Moscou, oü d'autres fonds ont également été abrités. Dernier catalogue de la Bibliothèque (encore) synodale par 73 Archimandrite Vladimir, Cacremarnueckoe onHcaHie pykorincet Μοοκοβοκοῦ CHuHonanbon (TlaTpiapıuer) Bu6niorekn. Pyxonucu l'peueckia, Moskva 1894 ; le Mosquensis est décrit ibidem, n? 231 [= le numéro supra, 231. correspond à la cotation Vladimir], p. 296-301. Un apergu sommaire de ce catalogue a été donné en grec par 74 Archimandrite lakóvos Vatopedinos, Ἢ ἐν Móaya Συνοδυχὴ βιβλισθήρη

τῶν χειρογράφων. Ἐπιτομὴ τοῦ ὑπὸ τοῦ ᾿Αρχιμανδρίτου Βλαδημιρυ [sic] ῥωσσιστὶ ἐχκδοθέντος καταλόγου τοῦ Τμήματος τῶν ἑλληνικῶν χειρογράφων τῆς ἐν τῷ Κρεμλίνῳ Βιβλιοθήρκης, Moskva

1896 ; la liste des manuscrits que Suchanov

a pris au monastère de Diony-

siou figure dans Archimandrite Iakóvos 74, p. 21-25 et le Mosquensis est cité ibidem, n? 21, p. 24.

524

ARISTOTE DE STAGIRE

Voir suppléments sur les manuscrits du Muséc récemment fournis dans 75 B. L. Fonkié et F. B. Poljakov, Tpeueckne pyxormcn Mockosckon CHonanHof GHGruoreku. Tlarcorpabnueckune,

KOAHKOJIOrHUueCKHE H 6H6rHOrpadHuECKHE AONONHEHHA K karaJiory apxHMaHıpHTa Brammnpa (®unautponopa), Moskva 1993, p. 23-166 [les p. 83-84 comprennent des indications bibliographiques sur le Mosquensis 231]. Sur les catalogues des manuscrits de cette bibliothéque qui ne sont pas mentionnés dans ce développement, notamment celui de Savva, et, également, sur le nombre des manuscrits recensés dans chaque catalogue, voir 76 J.-M. Olivier, Répertoire des bibliothèques et des catalogues de manuscrits grecs de Marcel Richard. Troisième édition, entiè-

rement refondue, coll. « Corpus christianorum », Tumhout 1995, p. 555-557 (Vladimir 73 = Olivier 76, n? 1736 ; Fonki£-Poljakov 75 = Olivier 76, n° 1737 ; lakôvos 74 = Olivier 76, n° 1738). C. LE BUCUR. ACAD. ROMAN. 394 (598)

Ce manuscrit de la premiére moitié du X V* s., décrit par D. Reinsch dans Moraux 66, p. 87-89, avait été mentionné sous le n? 482 dans les Addenda d'Argyropoulos-Caras 63, p. 56, précisément gráce à un renseignement dü au méme chercheur ; voir également sur ce manuscrit 77 M. Cacouros,

« Un commen-

taire byzantin inédit au deuxiéme livre des Seconds Analytiques, attribuable à Jean Chortasménos », RHT 24, 1994, p. 149-198, notamment p. 163-165. Les f. 95-183 de ce manuscrit — et le De virt., copié au f. 132"-133', en fait partie --, ainsi que l'attestent les signatures et les filigranes, formait, d'aprés Reinsch (dans Moraux 66, p. 88-89), à l'origine une unité avec le Bucur. Academ. Roman. 1014. En effet, le manuscrit originel est, d'aprés nous, lié à l'enseignement de la philo-

sophie et des arts libéraux à Byzance. Plus précisément, il reléve (en partie) de l'enseignement de la logique et de la rhétorique assuré par Jean Chortasménos (ca 1360/1370 - 4 octobre 1431), dont les opuscules (logiques et rhétoriques) sont compris aux f. 3' -79' de l'actuel Bucur. Acad. Roum. 394 (598) [édition du Corpus chortasmenianum par nos soins, avec nouvelle bio-ergographie]. Ainsi que l'étude d'une note marginale dans le Paris. gr. 1846, f. 151" nous avait permis de consta-

ter, l'enseignement de Chortasménos a trés probablement été réalisé dans le cadre de ses obligations comme katholikos didaskalos au patriarcat de Constantinople. Ses opuscules ont été copiés par ses éléves dans le cadre du cursus d'études qu'il

avait organisé. Sur l'enseignement de la philosophie et des arts libéraux à Byzance, voir : 78 C. N. Constantinides, Higher Education in Byzantium in the Thirteenth and Early Fourteenth Centuries (1204-ca. 1310), coll. « Texts and Studies of the History of Cyprus» 11, Nicosia 1982, [mentions éparses] ; 79 M. Cacouros, « De la pensée grecque à la pensée byzantine», dans Encyclopédie Philosophique Universelle, publiée sous la direction d'A. Jacob, vol. IV : Le Discours Philosophique, sous la direction de J.-F. Mattei, Paris 1998, n° 77, p. 1362-1384, en particulier p. 1373-1377. Sur la biographie de Chortasménos, voir la monographie de 80 H. Hunger, Johannes Chortasmenos (ca. 1370 - ca. 1436/37). Briefe, Gedichte und kleine Schriften. Einleitung, Regesten, Prosopographie, Text. coll. « Wiener byzantinistische Studien» 7, Wien 1969. Sur le problémes de ses autographes, voir 81 P. Canart et G. Prato, «Les recueils organisés par Jean Chortasménos et le probléme de ses autographes », dans Studien zum Patriarchatsregister von Konstantinopel 1, éd. H. Hunger, coll. «Österreichische Akademie der Wissenschaften, Philosophisch-historische Klasse, Sitzungsberichte » 383, Wien 1981, p. 115-178, avec 20 pl. Sur l'enseignement assuré par Chortasménos en tant que katholikos didaskalos, voir 82 M. Cacouros, « Jean Chortasménos katholikos didaskalos. Contribution à l'histoire de l'enseignement à Byzance », dans U. Criscuolo - R. Maisano (édit.), Synodia. Studia humanitatis Antonio Garzya septuagenario ab amicis atque discipulis dicata, coll. « Collectanea » 15, Napoli 1997, p. 83-107 ; 83 Id., « Jean Chortasménos katholikos didaskalos, annotateur du corpus logicum dü à Néophytos

DE VIRTUTIBUS ET VITIIS

525

Prodromènos », dans S. Lucà et L. Perria (édit), Ὀπώρα. Studi in onore di mgr P. Canart per il LXX compleanno, vol. II = Bollettino della Badia greca di Grottaferrata n. s. 52, 1998, p. 185225 ; cf. Cacouros 79, p. 1374-1375 et 1379.

De façon plus particulière, le manuscrit originel semble être lié à Georges Scholarios, né vers 1385/1390, éléve de Chortasménos, puis katholikos didaskalos ;

devenu, à partir de la mort de Marc Eugénikos, chef de la «Synaxis des orthodoxes », il a été le premier patriarche de Constantinople apres la prise de cette ville par les Turcs en mai 1453. Sur la date de 1385/1390 proposée pour la naissance de Scholarios (et sur les dates antérieurement proposées), voir 84 M. Cacouros, «Georges Scholarios et le Paris. gr. 1932 : Jean Chortas-

ménos, l'enseignement de la logique, le thomisme à Byzance. Contribution à l'histoire de l'enseignement à Byzance», dans les Actes du Congres International sur l'écriture grecque aux XVe-XVIE siècles (H ελληνική γραφή κατά roug 150 xat 160 auwveg), Athènes, 18-20 octobre 1996, sous la direction de N. Oikonomides, coll. « National Hellenic Research Foundation, Institute for Byzantine Research, International Symposiurn » 7, Athénes 2000, p. 397-442, en particulier p. 413-416 ; proposition signalée dans 85 M. Molin Pradel, « Note su alcuni manoscritti greci della Staats- und Universitätsbibliothek di Amburgo», Codices manuscripti 34/35, mars 2001, p. 15-27 (dont 6 planches), en particulier p. 16 n. 11. Sur Scholarios katholikos didaskalos, voir bref aperçu

dans Cacouros 79, p. 1373, et, désormais, 86 M. Cacouros, « Un patriarche à Rome, un katholikos didaskalos au patriarcat et deux donations trop tardives de reliques du Seigneur : Grégoire III Mamas et Georges Scholarios, le Synode et la Synaxis », dans A. Avramea, A. Laiou et E. Chrysos (édit.), Byzantium State and Society. In Memory of Nikos Oikonomides, coll. «National Hellenic Research Foundation, Institute for Byzantine Research », Athenes 2003, p. 71-124.

En ce qui concerne les rapports de Scholarios avec le manuscrit de Bucarest, voir identification de sa main par D. Harlfinger dans le Bucur. 1014 (Moraux 66, P. 88). En effet, ainsi qu'en témoigne le Paris. gr. 1932 (Cacouros 84, p. 401-402,

410-413, 421-430), Scholarios copiait ou annotait les notes qu'il prenait au cours de son maitre. La partie originale du Bucur. Acad. Roum. 394 (598) comprend aussi des extraits, traduits en grec, de la Somme contre les Gentils de Thomas d' Aquin et l'on connait le vif intérêt que Scholarios a témoigné pour l'œuvre de Thomas d'Aquin ; voir Cacouros 84, p. 411, 416-420, 431 et Annexe II, avec examen du Vatop. 255, manuscrit de la Pars Prima de la Somme théologique de Thomas d'Aquin ; voir, en dernier lieu, 87 B. Fonkitch, « Nouveaux autographes de Démé-

trius Cydonès et de Gennade Scholarios », Mélanges Gilbert Dagron = Travaux et Mémoires 14, 2002, p. 243-250 : dans cet article, il est question du Vatop. 254, manuscrit de la Somme théologique de Thomas d' Aquin, annoté, selon l'auteur, par Dèmètrios Kydonés et Georges Scholarios ; le passage non identifié qui figure dans la marge du f. 49r (= pl. 3) et que l'auteur attribue à la main de Kydonés correspond à la traduction d'un extrait des Quaestiones De quolibet de Thomas d' Aquin, identifié et édité dans Cacouros 84, p. 417, 419 et Annexe II. II. TITRE DE L'OPUSCULE

Le témoin le plus ancien, le Mosquensis 231, présente, d'aprés Vladimir 73, p. 299 (cf. Schmidt 24, p. 14), le titre : ἀριστοτέλους περὶ ἀρετῆς. Il en est de méme à propos du Lips. Bibl. univ. gr. 16 (cf. Schmidt 24, p. 14) et d'un autre témoin, le Laur. 7, 35, du XIII*-XIV* s. (n° 470, p. 31 de Wartelle 62), qui se rapproche du Mosqu. 231. Quatre autres manuscrits rapportent, selon Schmidt 24, p. 14 :

526

ARISTOTE DE STAGIRE

ἀριστοτέλους περὶ ἀρετῶν (Heidelb. Palar. gr. 132, du XV°s.: Wartelle 62, n? 658, p. 46 et Moraux 66, p. 370-372 ; Monac. gr. 495, du XIV*-XV*s.: Wartelle 62, n° 1143, p. 83-84) ; περὶ τῶν ἀρετῶν xal κακιῶν (Monac. gr. 289, du XV* s., omis dans Wartelle 62, signalé dans Argyropoulos-Caras 63, n? *261, p. 37, d’après Harlfinger et Wiesner 65, p. 247 ; voir supra) ; ἀριστοτέλους περὶ ἀρετῶν (Monac. gr. 102, du

XVT 5. : Wartelle 62, n° 1114, p. 81). La

présence

dans ces quatre manuscrits des titres différents par rapport aux témoins les plus anciens ne signifie pas nécessairement qu'ils représentent une (seule) tradition différente. Méme s'il est hautement probable que le titre original de l'opuscule soit περὶ ἀρετῆς. seul l'examen exhaustif de la tradition manuscrite (entrepris par Eleuteri 60) pourra apporter une solution à ce probléme. D. TRANSMISSION INDIRECTE DU TEXTE

On peut distinguer, dans l'histoire de la transmission indirecte de ce traité, deux types de diffusion différents. Il y a, tout d'abord, la transmission indirecte à proprement parler du texte en grec et, aussi, en arabe, sans oublier l'arménien. Cette transmission indirecte devra étre complétée, nous semble-t-il — et cette remarque pourrait sans doute s'étendre à d'autre textes du Corpus aristotelicum —, par une autre, elle aussi de nature indirecte mais particuliérement difficile à cerner. Il s'agit de la transmission latente, ou diffuse, du De virt., dans le monde hellénophone aussi bien que dans le monde arabe, réalisée par le biais des listes de vertus et de vices (a) présentant des recoupements au troisième degré avec les vertus et vices mentionnés dans le De virt. (c'est le cas, notamment, des ouvrages relevant de la

tradition indirecte et qui, à leur tour, ont été indirectement transmis, ce mode de diffusion touchant aux limites de ce qui a été désigné plus haut comme transmission indirecte à proprement parler), ou (b) offrant des similitudes et des points en commun au sens large du terme avec les listes du De virt. ou, enfin, (c) témoignant

d'une influence située au niveau des mentalités bien plus qu'au niveau textuel. L'existence de ces modes de diffusion indirecte explique les raisons pour lequelles plusieurs érudits ont cru, à propos de certains ouvrages composés dans l'Antiquité tardive ou à Byzance, qu'il y avait emprunt au De virt., alors qu'en réalité il s'agissait des cas relevant de cette «diffusion latente » suivant un des trois modes décrits plus haut (a-c), et, surtout, du troisiéme mode, à savoir d'une influence du traité localisable au niveau de la circulation et de la lente germination

des idées et des mouvements culturels bien plus qu'au niveau textuel. Les listes de vertus et de vices dont il est question se présentent essentiellement sous trois formes : (I) Parfois elles comportent uniquement des noms de vertus et de vices ; il s'agit de simples énumérations de termes. (II) Dans d'autres cas, ces noms sont suivis des définitions correspondantes (IIa), et parfois aussi de l'énumération des propres majeurs correspondant à chaque

vertu (IIb). Dans ce cas, ces listes deviennent pratiquement des recueils des horoi, autrement dit des définitions ; voir, sur les recueils de définitions, 88 Chr. Furrer-

Pilliod, Ὅροι xai ὑπογραφαί. Collections alphabétiques de définitions profanes

DE VIRTUTIBUS ET VITIIS et sacrées, coll. «Studi e Testi» 395, Vatican 2000,

527 chapitre I (formation des

recueils) ; voir aussi, en dernier lieu, l’apergu, avec la bibliographie antérieure, fourni dans 89 M. Cacouros, «Le lexique des définitions relevant de la philosophie, du trivium et du quadrivium compilé par Néophytos Prodroménos, son activité lexicographique et les corpus de textes philosophiques et scientifiques organisés par lui au monastère de Pétra à Constantinople», dans les Actes (sous presse) de la VII Giornata di Studi Bizantini. La erudizione scolastico-grammaticale a Bisanzio,

organisé par l'Università degli Studi di Salerno, le Dipartimento di Scienze dell’ Antichità et l'Associazione Italiana di Studi Bizantini, Salerno, 11-12 avril 2002, Napoli 2003, p. 165-220, en particulier p. 176-181 (une étude des recueils de définitions à Byzance, de leur support et de leur origine philosophiques est actuellement en cours dans le cadre de l'édition du lexique de Néophytos ; voir bibliographie supplémentaire fournie in/ra). Ces recueils, qui sont soit d'orientation philosophique soit d'orientation théologique soit de composition mixte (mélanges sacro-profanes), constituent dans l' Antiquité tardive et à Byzance un genre littéraire autonome. En règle générale, ils sont articulés autour d'un ensemble de concepts, qui sont définis gráce aux prédicats essentiels de ces concepts (il s'agit, dans ce cas, des ὅροι, définitions) ; dans d'autres

cas, ils sont décrits par le biais des propres (ἴδια), et il s'agit alors des ὑπογραφαί, des descriptions. Ces recueils, qui sont en fait des lexiques, suivent fréquemment un ordre (plus ou moins) alphabétique, comme dans le cas du recueil sacro-profane compris dans le Patmiacus 263, du X“ s. ou de celui qui figure dans la Doctrina patrum de incarnatione Verbi. Une édition basée sur une sélection de définitions sacro-profanes a récemment été donnée par

Furrer-Pilliod 88. Cet ouvrage, qui comprend X-313 p. et IV pl., est structuré comme suit : p. VI-X : introduction et remerciements ; p. 1-40 : chapitre I (Histoire des recueils de définitions) ; p. 41-66 : chapitre Il (Description du corpus) ; p. 67-269 : édition des définitions choisies (la p. 67 comprend les sigles des manuscrits utilisés et la p. 68 les abréviations employées) ; p. 271-288 : éditions des textes utilisés et bibliographie ; p. 289-313 : index des mots et des noms d'auteurs. Aprés avoir sélectionné des manuscrits qui comprennent uniquement des «listes anonymes de définitions présentées par ordre alphabétique » (p. 41), l'auteur a défini, au sein du choix effectué, trois collections, A, B et C, dont la première est majoritairement représentée par le Patriacus. L'étude réalisée dans $8 appelle quelques réserves, qui portent avant tout sur le contenu des manuscrits qui n'ant pas été « choisis », et, également, sur la génétique et, surtout, l'unité de ce qui est désigné comme «le recueil de définitions » dont seraient issues les trois collections. Une édition du recueil contenu dans le Parmiacus est préparée par les soins de P. Van Deun et de B. Rosen (Univ. de Leuven, Belgique) ; la partie consacrée à la Lettre A est actuellement sous presse (Sacris Erudiri). D'autres recueils de définitions ont été édités par P. Van Deun ; voir 90 /d., « L'Unionum definitiones

(CPG 7697, 18) attribué à Maxime le Confesseur : étude et édition», REByz 58, 2000, p. 123-147. Voir aussi les publications de M. Roueché, 91 « Byzantine Philosophical Texts of the Seventh

Century », JOB 23, 197), p. 61-76 ; 92 « A Middle Byzantine Handbook of Logical Terminology », JÓB 29, 1980, p. 71-98 et 93 « The Definitions of Philosophers and a New Fragment of Stephanus the Philosopher », JÓB 40, 1990, p. 107-128. La Doctrina patrum a été éditée par 94 F. Diekamp, Doctrina patrum 8. Jahrhunderts, von E. Chrysos, aussi remarques

de incarnatione Verbi. Ein griechisches Florilegium aus der Wende des 7. und 2. Auflage mit Korrekturen und Nachtráge von B. Phanourgakis ; herausgegeben Münster 1981, p. 249-266 ; le recueil correspond au chap. 33 de la Doctrina ; voir dans Furrer-Pilliod 88, p. 42-44. Sur la différence entre le horos et la hypographe,

passée sous silence dans Furrer-Pilliod 88, voir 95 J.-M. Narbonne, « Définition et description : le problème de la saisie des genres premiers et des individus chez Aristote dans l'exégèse de Simpli-

528

ARISTOTE DE STAGIRE

cius », ArchPhilos 50, 1987, p. 529-554 ; l'auteur de la présente notice consacre en ce moment des recherches à cette question: voir page précédente.

Dans d'autres cas, ce n'est pas l'ordre alphabétique qui prévaut, mais les lemmes sont organisés autour de la définition de certains termes-clés. Tel est le cas du recueil de définitions philosophiques que l'on trouve dans le Περὶ παθῶν de PseudoAndronicus de Rhodes, dont il sera question dans la suite (D I a 1). Dans ces cas, i

s'agit des regroupements thématiques, mais, fréquemment, l'ordre « dans lequel les définitions sont citées » ne semble pas correspondre «à une structure précise » (Van Deun 90, p. 124-125), car «la présence, au sein de ces lexiques, des développements juxtaposés, et qui parfois se superposent ou s'entremélent, sans oublier les ajouts progressivement effectués, font que la structure finale et l'ordre suivi pour l'agencement des lemmes dans ces opuscules soient fréquemment confus ou en tout cas difficiles à percevoir» (Cacouros 89, p. 179). (III) Enfin, il est possible de trouver, à la place des définitions ou à la suite de

chaque définition, des extraits de contenu éthique illustrant le mode de vie auquel correspondait chaque vertu ou chaque vice. Vu le caractère parallèle et particulièrement lié des deux types de transmission indirecte (indirecte à proprement parler et indirecte latente), nous avons été obligé à en traiter sous la méme rubrique dans la suite, en abordant tout d'abord le domaine

du grec, puis celui de l'arabe. Les développements qui leur seront consacrés ne prétendent bien entendu pas à l'exhaustivité. 1. TRANSMISSION INDIRECTE DU TEXTE EN GREC

Ainsi qu'il a été signalé, la grande particularité de la tradition du De virt. consiste dans le fait qu'il a été transmis, tantót quasi-littéralement, tantót de facon fortement remaniée ou sous forme d'extraits, dans plusieurs textes, philosophiques ou théologiques. Les textes philosophiques dans lesquels le De virt. a été utilisé vont pratiquement de l'Antiquité jusqu'à l'aprés-Byzance, le dernier témoignage byzantin étant de peu antérieur à la chute de Constantinople en 1453 ; autrement dit, on assiste à une remarquable continuité dans l'emploi philosophique de cette source. Dans le domaine théologique, l'usage réservé au De virt. a été quelque peu différent, puisque les vertus et les vices qui s'y trouvent cités ont été vite enrichis avec les vertus chrétiennes ou les vices condamnés par le christianisme. a. LES RÉCUPÉRATIONS PHILOSOPHIQUES

1. Reprise par Pseudo-Andronicus et dans les recueils de définitions Des emprunts au De virt. particulièrement importants — voire la quasi-totalité de l'opuscule - ont été faits par Pseudo-Andronicus de Rhodes dans l'ouvrage Περὶ παθῶν, édité et étudié en dernier lieu par Glibert-Thirry 44. Si l'utilisation que Pseudo-Andronicus a réservée au De virt. relève de la transmission indirecte à proprement parler, elle est complétée par une autre, qui est, elle, de nature latente, et qui concerne l'intégration dans un recueil de définitions de certains passages de Pseudo-Andronicus (ou de sa source), dont les extraits du De virt. Ainsi, le cas de

Pseudo-Andronicus illustre à merveille la complexité qui caractérise la transmission

DE VIRTUTIBUS ET VITIIS

529

du De virt., la richesse extréme de cette tradition, mais aussi la coexistence des deux

types de transmission indirecte dont il a précédemment été question. (i) Le Περὶ παθῶν et le De virt. La composition philosophique de l'ouvrage Περὶ παθῶν a été examinée, en dernier lieu, par Glibert-Thirry 44, p. 11-29. L'ouvrage de Glibert-Thirry 44, comportant v1-360 p., est organisé comme suit : p. V-VI : avant-propos ; p. 1-34 : introduction ; p. 35-131 : description et classement des manuscrits du texte grec, suivis des principes de l'édition de ce texte ; p. 132-217 : étude de la traduction latine médiévale, comportant la description et le classement des manuscrits de la traduction, suivis des principes de l'édition de celle-ci ; p. 218-271 : édition du texte grec (pages impaires) et de la traduction latine (pages paires) ; p. 273-319 : annexe sur la tradition parallèle du Περὶ παθῶν ; p. 320-360 : bibliographie et plusieurs index. .

Dans cet examen, l'auteur passe en renue les développements antérieurs consacrés à cette question, notamment ceux qui ont été proposés par Schuchhardt 50 et 96 X. Kreuttner, Andronici Rhodii qui fertur libelli Περὶ παθῶν pars prior De affectibus. Thése de Heidelberg, Darmstadt

1885.

L'examen effectué par Glibert-Thirry 44 lui a permis à de conclure que le Περὶ παθῶν «est avant tout une collection de définitions stoiciennes... cette collection procède de l'auteur de la théorie de la subordination des passions et des vertus, de Chrysippe... » (p. 27) ; de plus, l'origine chrysipéenne du Περὶ παθῶν doit être entendue dans le sens large du terme, car rien ne permet d'affirmer «que dans leur forme pseudo-andronicienne elles «videl. ces définitions» sont les purs produits de ce philosophe «scil. de Chrysippe»» ; le Περὶ παθῶν présente des « interpolations par rapport au fonds d'ancien stoicisme... plus importantes que ce qu'en ont dit

Kreuttner et Schuchhardt»

(p. 28).

Plus précisément, le Περὶ παθῶν est composé de deux parties d'origine et de conception différentes, qui ont été juxtaposées ; généralement intitulées De affectibus et De

virtutibus et de vitiis, elle avaient été respectivement éditées, avant

Glibert-Thirry 44, par Kreuttner 96 et Schuchhardt 50. Ce dernier ouvrage, comportant 84 p., est composé comme suit : p. 5-18 : étude de la tradition manuscrite ; p. 19-32 : texte grec, suivi d'un texte en appendice : p. 33-83 : examen des sources, les p. 64-83 comprenant des tableaux comparatifs ; p. 84 : curr. vitae de l'auteur.

La première partie du Περὶ παθῶν remonte à Chrysippe. En revanche, la seconde partie, à savoir l'opuscule intitulé De virtutibus et de vitiis, «n'est autre qu'un arrangement du “Περὶ ἀρετῶν καὶ κακιῶν du Pseudo-Aristote » (GlibertThirry 44, p. 5). Glibert- Thirry 44, p. 2, signale que le compilateur du Περὶ παθῶν «reprend intégralement» le De virt., «hormis l'appendice et quelques variantes». En suivant l'apparat des sources de cette édition, l'on peut constater que les seuls passages du De virt. qui n'ont pas été employés dans le Περὶ παθῶν sont : 1250a21-25 (definition de áxpáreta/áxpaoía); 1251a15-16 ὕπεστι-ἤθους ; 1251a23-29 (attributs de dxxpáreta/dxpaoía) ; 1251b26-37 (l'appendice, ainsi que le signale l’auteur). Toutefois, deux modifications importantes se sont produites dans le Περὶ παθῶν.

530

ARISTOTE DE STAGIRE

Premiére modification : le plan original du De virt. a été changé dans cet ouvrage, car Pseudo-Andronicus «dispose sa compilation d'une maniére plus synthétique. Il présente en effet chacune des vertus... düment définie, avec les actes qui lui sont propres et respecte le méme ordre pour les vices contraires, de telle sorte que la seconde partie de l'opuscule propose deux chapitres nettement délimités dont l'un pourrait s'intituler “Περὶ áperóv", l'autre “Περὶ κακιῶν» (GlibertThirry 44, p. 3). Cette modification visait, nous semble-t-il, à faire du De virt. un recueil des horoi dans lequel la définition de chaque vertu serait directement complétée et enrichie par les conséquents ou attributs secondaires de celle-ci, tout comme dans le cas (IIb) des recueils de définitions décrits plus haut. Seconde modification : l'opuscule de Pseudo-Andronicus « se termine sur une glose de la définition aristotéliciennne de la vertu, déterminée comme moyenne entre deux extrêmes », ce texte se faisant «l'écho de passages parallèles de l'Éthique à Eudeme et de l' Éthique à Nicomaque » (citations de Glibert-Thirry 44, p. 3 et 9 ; voir, aussi, p. 3-4, 9-11 et 29). Cette substitution « semble répondre au souci de combler une grave lacune dans un traité consacré aux (ibidem, p. 11).

vertus aristotéliciennes»

Ainsi, bien que l'opuscule soit d'origine stoicienne, «la dominante stoicienne de l'ouvrage s'y entrelace ici et là avec des traces de platonisme et de péripatétisme »

(Glibert- Thirry 44, p. 29, reproduit [reprise non signalée] dans Furrer-Pilliod 88, p. 23-24). (ii) Le Περὶ παθῶν, le De virt. et un recueil de définitions

Une étape ultérieure de la transmission indirecte du De virt. par le biais du Περὶ παθῶν peut être cherchée dans le Parmiacus 263, le recueil alphabétique de definitions mentionné plus haut. En effet, la définition de la πραότης (1250a4-5) et de ses

propres (1250a39-44) s’y trouvent citées sous la lettre rt, ces passages étant attestés uniquement dans la Collection A (Furrer-Pilliod 88, lettre rr, n? 77-78, p. 173 ; cf. index des noms d'auteurs, p. 306). Les deux extraits en question du De virt. figurent aussi dans la seconde partie du Περὶ παθῶν (Glibert-Thirry 44, p. 245, li. 64-67 et li. 68-71), à savoir dans la reprise du De virt. (voir supra).

La question qui se pose est de savoir si la Collection A témoigne de l'emploi direct du De virt. ou de l'utilisation du Περὶ παθῶν, fréquemment mis à contribution dans les trois Collections (voir Furrer-Pilliod 88, index des noms d'auteurs, p. 312). Comme

la définition de la πραότης

est suivie dans la Collection A de

l'énumération des propres caractérisant cette vertu, alors que, dans l'édition Bekker 1, les deux passages sont séparés par trente-cinq lignes environ de texte, on devra déduire que, trés probablement, l'excerpteur a utilisé le Περὶ παθῶν. Dans cette argumentation linéaire, seule la datation pourrait poser probléme : la Collection A (ou, en tout cas, son noyau primitif) pourrait-elle être antérieure au Περὶ παθῶν, compilé à l'époque hellénistique, probablement peu aprés le De virt. (Glibert-Thirry 44, p. 34) ? Si le Patmiacus, qui date du X* s., offre à cet égard un terminus non post quem, le manque de renseignement (Furrer-Pilliod 88) sur la date de la formation du recueil oblige à exploiter uniquement le critére textuel.

DE VIRTUTIBUS ET VITIIS

531

2. Texte reproduit par Jean Stobée Le De virt. a été reproduit dans sa totalité vers 400 ap. J.-C. par Jean Stobée, édité dans Wachsmuth-Hense 55 et, plus précisément, dans le vol. III de cette ceuvre : 97 O. Hense (édit.), Joannis Stobaei Anthologii libri duo posteriores, Berlin

1894 (réimpr. 1958), lib. I, cap. I (περὶ ἀρετῆς), p. 137, 6-148, 12. Sur cette reproduction,

cf.

Schuchhardt 50 ; 98 R. Walzer,

«Some

Aspects

of Miskawaih's

Tahdhib Al-Akhläg», dans Greek into Arabic. Essays on Islamic Philosophy, «Oriental Studies» 1, Oxford 21963, étude n? 13, 220-235 (article originellement paru dans Srudi Orientalistici in onore di Giorgio Levi della Vida, Roma 1956,

vol. II, p. 603-621 ; dans la reprise effectuée dans Essays, l'auteur a ajouté des notes en bas de pages, mises entre crochets droits), p. 221-222 ; Glibert-Thirry 44, p. 5

[sur le passage Hense 97, p. 148, li. 10-12, voir app. des sources de GlibertThirry 44, p. 271] ; Schmidt 24, p. 142 ; Furrer-Pilliod 88, p. 22 et n. 65.

Stobée attribue l'opuscule nommément à Aristote. En effet, Hense 97, dans l'apparat des sources de la p. 137, signale que les manuscrits M [= Scorial. gr. 94 (X. II. 14.)], sur parchemin, de la fin du XI* - début du ΧΙ s. (cf. Hense 97, p. XXIXXXXVI, qui cite ce témoin sous la cote «LXXXX (£. II. 14.)» ; Wachsmuth-Hense 55, et, plus précisément, vol. 1: 99 C. Wachsmuth (édit.), Joannis Stobaei Anthologii

libri duo priores qui inscribi solent eclogae physicae et ethicae, Berlin 1884 (réimpr. 1958), p. XXIX-XXX, cité sous la méme cote que dans Hense 87 ; Revilla 64, p. 324-325), et A [= Paris. gr. 1984], du XIV* s. (cf. Hense 97, p. XXXVIXXXVIII ; Wachsmuth 99, p. XXX), portent comme titre ᾿Αριστοτέλους περὶ àpeτῆς. La leçon du Vindob. phil. gr. 67 (sigle S) est nettement postérieure — en effet, les f. 1-5, sur papier, oü est compris ce texte, datent du XIV* s., selon 100 H. Hunger, Katalog der griechischen Handschriften der Österreichischen Nationalbibliothek, t. 1. Codices historici. Codices philosophici et philologici, coll. « Museion, Neue Folge» Vierte Reihe, Erster Band, Teil 1, Wien 1961, p. 184 -, alors que la majeure partie de ce témoin a été copiée sur parchemin au début du ΧΙ s. (Hense 97, p. VIT ; Wachsmuth 99 p. XXXI), ou, plutôt (Hunger 100), au X* s.

(les f. 148-149" et 196" ont été écrits, eux, sur parchemin au XI s.). Ainsi, méme à travers ce maillon de la tradition indirecte, on peut constater que dans les deux manuscrits mentionnés, dont l'un est un témoin relativement ancien,

le titre donné à l'opuscule est Περὶ ἀρετῆς. Par conséquent, un examen systématique de la tradition manuscrite de Stobée permettra, peut-être, de corroborer l’hypothése, mentionnée auparavant, selon laquelle le titre de l'opuscule pseudo-aristotélicien aurait été Περὶ ἀρετῆς. Le texte de Stobée, tout comme le Περὶ παθῶν, a connu une tradition indirecte et le De virt. semble y avoir été impliqué. Tel est probablement le cas d'un com-

pendium d'éthique conservé dans deux versions arabes de facture similaire, dont i sera question plus loin (voir D II) : dans ce cas, le De virt., imbriqué dans une comPilation éthique relativement étendue, côtoie différentes divisions des biens transmises, entre autres, par Stobée. Bien entendu, il faut étre particuliérement prudent quant à la source employée dans ce compendium, car ces divisions de biens se rapprochent textuellement du Florilege de Stobée, mais, aussi, de la Grande Morale

(voir développement dans D Π f).

ARISTOTE DE STAGIRE

532

Enfin, il ne faut pas oublier que Stobée a parfois été retenu « parmi les témoins de la tradition parallèle du De virrutibus du Pseudo- Andronicus », autrement dit de la seconde section du Περὶ παθῶν ; il s'agit plus précisément du passage Wachsmuth 56, lib. II, cap. VII, ὃ 501, p. 59, li. 4 - 8 5b2, p. 62, li. 6 [ou ἃ 553, p. 62, li. 14) (voir Schuchhardt 50, p. 38 sq., notamment p. 49, et Glibert-Thirry 44, p. 13 [citation provenant de cette page] et 18 ; cf. éléments fournis par Gauthier 53,

p. 150-151, exposés supra et portant sur un passage moins étendu). 3. Le De virt. employé par le commentateur néoplatonicien Élias ? On a considéré que, au VI s., le commentateur néoplatonicien Elias avait présenté une adaptation libre du De virt. dans ses Prolégoménes à la philosophie.

Cette œuvre, organisée en douze leçons, introduit un commentaire à l’Isagoge de Porphyre, qui comporte les legons 13-40 et constitue la suite normale des Prolégomènes. Sur Elias, voir, en dernier lieu 101 R. Goulet, art. «Elias», dans DPhA I, n° 15, p. 57-66. Les Prolégomènes à la philosophie ont été édités par 102 A. Busse [édit.], Eliae In Porphyrii Isagogen et Aristotelis Categorias commentaria, coll. CAG XVIII 1, Berlin 1900, p. 1-34, et le commentaire Al’/sagoge de Porphyre, ibidem, p. 35-104.

Le passage relatif aux vertus figure p. 18, 26 - 19, 29 Busse. Sur l'emprunt en question, cf. Walzer 98, p. 222 ; voir Glibert-Thirry 44, p. 5 et n. 19 et Schmidt 24, p. 142 ; cf. Furrer-Pilliod 88, p. 22 et n. 65. Cet emprunt supposé d'Élias a été vivement contesté par Schmidt 24, qui, dans ses Corrigenda-addenda à la deuxième édition, signale qu'il n'y a aucune analogie d'expression ou de contexte

entre ce passage de

Elias et le De virt.

Le passage des Prolégoménes (p. 18, 26 - 19, 29 Busse) s'intégre dans une explication textuelle précise et il est composé comme suit. L'auteur mentionne tout

d'abord (p. 18, 29-32), les trois parties de l’âme (λογικόν, θυμικόν, ἐπιθυμηtixÓv) et les quatre vertus cardinales (φρόνησις, ἀνδρία [sic], σωφροσύνη, δικαιοσύνη), dont chacune occupe une partie de l'áme, exception faite de la dernière, la justice, qui n'occupe pas une seule partie, mais fréquente la totalité des trois

parties («οὐκ ἠξίωσεν Evi μορίῳ ἐποχεῖσθαι τῆς ψυχῆς, ἀλλὰ διὰ τῆς τριμερείας πεφοίτηρεν », p. 18, 31-32). Dans la suite (p. 18, 33 - 19, 14), l'auteur explique les raisons d'étre de la suprématie de la justice et, surtout, la facon dont on aboutit au schéma «3 [parties] : 4 [vertus] ». Aprés avoir formulé une conclusion à

cet égard (li. 15-19), il présente (li. 19-24) les actes (ou les conséquents) des quatre

vertus (ἔργον δὲ τῆς μὲν δικαιοσύνης... τῆς δὲ φρονήσεως... τῆς ἀνδρίας... τῆς σωφροσύνης...), en commençant par la justice, et, enfin (li. 25-29), il formule

quelques reflexions sur le caractère lié des quatre vertus, ce qui explique le passage qu'il était appelé à interpréter. Méme si l'on admet que la mention des quatre vertus occupant les trois parties de l’âme pouvait constituer un emprunt fait au De virt. 1249a30-b29 — car il ne s’agit pas de l'unique possibilité offerte —, la suite du commentaire néoplatonicien ne semble pas correspondre au texte pseudo-aristotélicien ; ainsi, les actes de chaque vertu ne semlbent pas être celles du De virt. Ces attributs sont respectivement pour chaque vertu mentionnée par le commentateur néoplatonicien : τὸ τὸν κατ᾽ ἀξίαν

DE VIRTUTIBUS ET VITIIS

κόσμον

ἐπάγειν

τῷ κοσμουμένῳ...

τὸ rà δέοντα

533

ποιεῖν...

τὸ νικᾶν

τὸ

ἀνθιστάμενον... τὸ μὴ εἴκειν τῷ χείρονι. Seul le troisiéme attribut pourrait se rapprocher de ἀνδραγαθίζεσθαι ou bien de εὔτολμον πρὸς κινδύνους, que l'on rencontre, à propos de cette vertu, dans le De virt.

Si le passage d'Élias ne semble pas relever de la tradition indirecte à proprement parler du De

virt., on peut en revanche considérer qu'il témoigne de

cet état

d'esprit dont il a précédemment été question, qui caractérise le monde grec à partir de l'époque hellénistique jusqu'à la fin de Byzance et même après, et qui consistait à donner des listes de vertus, dont chacune était suivie d'une définition ou de l'énumération des attributs qui la caractérisent. 4. Passages chez Plethon?

Georges Gémiste Pléthon (1370 - 25 juin 1452), le philosophe de Mistra (voir apercu biographique et bibliographie réunis dans Cacouros 79, p. 1373 et 1379), a composé un opuscule intitulé Περὶ ἀρετῶν, édité, en dernier lieu, par TambrunKrasker 57. Cet ouvrage, comportant XCII-127 p., est organisé comme suit : p. IX-XVIII : bibliographie ; P- XIX-XXXIV : l'homme et son œuvre ; p. XXXIV-XLII : le Traité des vertus dans l’œuvre de Pléthon et son influence ; p. XLIlI-LXXXIV : description des manuscrits et l'établissement du

stemma ; p. LXXXV-LXXXVI : éditions du Traité des vertus ; p. LXXXVII-LXXXIX : principes de l'édition ; p. XCII : sigles et abréviations ; p. 1-15 : texte grec ; p. 19-28 : traduction en français ; p. 29-112 : commentaire ; p. 113-116 : appendice ; p. 117-127 : des index.

Une tradition manuscrite commune à cet opuscule et au De virt., de méme que l'identité des titres des deux ouvrages laissent a priori croire à une forte influence du De virt. sur l'opuscule de Pléthon. Toutefois, comme le signale TambrunKrasker 57, p. XL, même si Pléthon «fait des emprunts aux "traités des vertus" qu'il connaît» et bien qu'il ait consulté le De virt., il marque «un certain éclectisme ». Autrement dit, son Traité des vertus «ne se situe pas dans la lignée tradi-

tionnelle des "traités des vertus" » (ibidem, p. XXXVII), d'autant plus que «la seconde partie du traité expose un programme d'éducation » (ibidem, p. XXXVI). Des réserves à cet égard ont été formulées par J. Munitiz (103 compte rendu dans JÓB 40, 1990, p. 478-483, en particulier p. 481-482), qui signale : «Given the dearth of adequate studies on the ethical systems in the early and middle Byzantine periods, one cannot prove her «scil. l'auteur» wrong, but one suspects that the ela-

borations of Evagrius, and later Maximus, would repay study, if only to provide contrast ». Dans le cas du De virt., la situation est similaire avec celle que l'on rencontre pour les autres traités des vertus. En effet, si l'on en juge par l'apparat des

sources établi par Tambrun-Krasker 57, Pléthon a peu, ou très peu, cité le De virr. En effet, les seuls passages du De virt. mentionnés dans l'apparat sont : De virt. 1250a-b pour Pléthon, p. 2, 6 ; De virt. 1250b2 pour Pléthon p. 3, 10-11 ; les deux références enregistrées sont indirectes, la première étant, de plus, d'ordre général. Malgré les différences qui séparent le traité de Pléthon du De virt., l'identité du titre des deux ouvrages et les similitudes de conception et de contenu ont fait que le traité de Pléthon fut fréquemment copié, des le départ, avec le De virt. Ce phénomène devra être interprété à sa juste valeur : dans Byzance finissante — Pléthon

534

ARISTOTE DE STAGIRE

mourra une année avant la prise de Constantinople par les Turcs en mai 1453 —, l'ouvrage de Pléthon était probablement pergu comme une suite, un complément et une continuation du De virt. et la tradition manuscrite refléterait précisément cette mise en parallele des deux ouvrages. 5. Une paraphrase post-byzantine Une paraphrase du De virt. a été élaborée par Sevastos Kyminètès à Bucarest en 1698. Il sera briévement question dans la suite de l'auteur et de l'enseignement qu'il a assuré à Bucarest, puis de la tradition manuscrite et des traits exégétiques de sa paraphrase. (i) L'auteur, Sevastos Kyminètès, et son enseignement à Bucarest

Kyminètès a été professeur à l’Académie princière, appelée Αὐθεντικὴ ᾿Ακαδημία, située à Bucarest. Son

séjour dans cette ville va de

1689 — ou, mieux, de

1693 — jusqu'à 1702, date de sa mort. Le programme d'enseignement assuré par Kyminétés à l' Académie, mais, aussi, celui qu'il avait précédemment assuré, devait comprendre plusieurs auteurs anciens, comme

Isocrate, Euripide, Hésiode, Homère,

Pindare, Sophocle, et méme Synésios de Cyréne. Kyminètès avait accordé une place privilégiée à l'aeuvre d' Aristote, qu'il avait enseignée et commentée, comme le montre sa paraphrase au De virt. La date de 1689 pour l'arrivée de Kyrninétés à Bucarest figure dans 104 A. Camariano-Cioran, Les Académies princières de Bucarest et de Jassy et leurs professeurs, coll. «Institute for Balkan Studies» 142, Thessalonique 1974, p. 31-32, 364-365 ; elle a été reproduite par 105 A. G.

Skarvelé-Nikolopoulou, Τὰ μαθηματάρια τῶν ἑλληνικῶν σχολείων τῆς Toupxoxparíac. Διδασκόμενα κείμενα, σχολικὰ προγράμματα, διδακτικὲς μέθοδοι. Συμβολὴ στὴν ἱστορία τῆς νεοελληνικῆς παιδείας, coll. «Σύλλογος πρὸς διάδοσιν ὠφελίμων βιβλίων, νεώτεραι ἐχδόσεις», 2° série, 51, Athènes 1993 [page de titre] / 1994 [couverture], XVI-959p., 14 pl., p. 235 ; l'auteur a étudié les μαθηματάρια, c'est-à-dire les manuels [manuscrits] en usage dans les écoles grecques durant l'occupation turque, 1453-1821. La date, plus probable, de 1693 est proposée par 106 Ch. Karanasios, Sebastos Trapezuntios Kyminetes (1632-1702). Biographie, Werkheuristik und die editio princeps der Exegese zu "De virtute" des Pseudo-Aristoteles. Thése de doctorat, Univ. Libre de Berlin 1993, p. 37-41 et 107 /d., édition de la thèse (méme titre), coll. « Serta graeca» 10, Wiesbaden 2001, p. 24-27. Voir, sur la biographie, les œuvres, l'enseignement (et les manuscrits) de Kyminetes, Camariano-Cioran 104, p. 363-372 et, surtout, p. 368-370 ; 108 A. E. Karathanasès, Of Ἕλληνες λόγιοι στὴ BAayía (1670-1714): Συμβολὴ στὴ μελέτη τῆς Ar νικῆς πνευματικῆς χίνησης στὶς παραδουνάβιες ἡγεμονίες κατὰ τὴν προφαναριωτυτὴ

περίοδο, coll. «ἼἽδρυμα μελετῶν χερσονήσου τοῦ Αἵμου» 194, Thessalonique 1982. p. 83-89 (biographie) et p. 86 n. 2 (production littéraire) ; 109 A. Pignani, Sevastos Kyminitis, Metafrasi del De Regno di Sinesio di Cirene, coll. « Lustrum» 5, Napoli 1987, p. 19-22 (biographie) ; SkarvelèNikolopoulou 105, p. 320, 328-329, et, en dernier lieu, la longue étude effectuée par Karanasios

107, p. 5-252.

(ii) La paraphrase du De virt. : tradition manuscrite et traits exégétiques majeurs L'exégèse (ἐξήγησις) de Sevastos Kyminètès au De virt., rédigée en 1698 à Bucarest, a été éditée pour la première fois par Karanasios 106-107. L'ouvrage 107, qui comporte XV11-376 p. et 12 planches, est organisé comme suit : p. IX-XVII : préface, abréviations et bibliographie ; p. 1-3 : «Einleitung » de l'auteur ; p. 5-252 : partie 1, intitulée : « Das Leben und das Werk des Sebastos Kyminetes » ; p. 253-369 : partie II, intitulée: «Die Exegese des Sebastos Kyminetes zu De virtute des Pseudo- Aristoteles » (cette partie comporte l'édition de la paraphrase aux p. 314-369, précédée de la description des manuscrits aux

DE VIRTUTIBUS ET VITIIS

535

p. 273-288, de la recensio codicum aux p. 289-306, du stemma à la p. 307 et des principes de l'édition aux p. 309-310) ; p. 371: liste des manuscrits cités ; p. 372-376 : index des noms, suivi

de 12 planches.

L'éditeur mentionne six manuscrits, dont l'un, le Metochion du Saint-Sépulcre 118, actuellement conservé à la Bibliothéque nationale de Gréce (Athenes) et

comprenant une premiére forme de l'ouvrage, est un autographe de l'auteur (description aux p. 49 et 273-275 ; cf. Wartelle 62, p. 8, n° 107 et Skarvelè-Nikolopoulou 105, p. 329). Autres manuscrits mentionnés dans Karanasios 107 : Bucurest. Acad. Rom.

615 (111) et 179 (618), Athos

Vatopedi 579, Lavra K117

(1404),

manuscrit n? 2 de la métropole de Kós. Comme le souligne cet auteur, l'exégése, dédiée au Prince de Valachie Constantin Bráncoveanu, a été rédigée dans la langue populaire de l'époque (cf. CamarianoCioran 104, p. 367, et Skarvelé-Nikolopoulou 105, p. 311, 328-329) ; Kyminetes fait de son exégèse un « miroir des princes» à but psychagogique, puisque les vertus sont à rechercher et les vices à éviter. Toutefois, la psychagogie désirée ne concerne pas seulement le Prince, mais vise aussi un public plus large. On congoit ainsi que cet ouvrage soit lié aux intéréts éthiques d'un cercle de personnes cultivées réunies autour du Prince. A. Glykofryde-Leontsine

a récemment

consacré un

article à

l'apport éthique de cette œuvre de Kyminètès (110 «H Περί aperóv xat xaxtáv ἐξήγησις του Σεβαστού Κυμινήτη και n νεοελληνιχή aperoAoyu nodi», Νεοελληνική Φιλοσοφία, par les soins de K. Voudourès, Athènes 2000, p. 3757 [non vidi] ; nos remerciements à M. Ch. Karanasios, qui nous a signalé cette contribution).

L'exégèse du De virt. par Kyminètès est un commentaire perpétuel et concis du De virt. Ainsi que l'indique le titre donné par l’auteur lui-même, il s’agit d'une

Ἐξήγησις εἰς ἁπλῆν φράσιν εἰς τὴν σύντομον τοῦ

᾿Αριστοτέλους Περὶ

ἀρετῶν καὶ καχιῶν διδασκαλίαν (version A : 106, p. 374 = 107, p. 314 ; version B : 106, p. 375 = 107, p. 315). Suivant Karanasios 107, p. 255-264, la méthode utilisée pour le commentaire consiste à donner, dans la plupart des cas, des synonymes pour les mots ou expressions employés dans l'original pseudo-aristotélicien ; voir, sur les techniques exégétiques adoptées par Kyminètès dans son exégèse du De

regno de Synesius : Pignani 109, p. 27-37 ; cf. Skarvelé-Nikolopoulou 105, p. 306, 311, 328-329. b. LES RÉCUPÉRATIONS THÉOLOGIQUES ET LES LISTES DE VERTUS À USAGE PSYCHAGOGIQUE

À partir de l'arrivée du christianisme, et, surtout, aprés son établissement comme religion officielle à Byzance, les auteurs chrétiens ont cherché à faciliter la connaissance de l'idéal chrétien. Plusieurs textes mis à la disposition des fidéles comprenaient, sous une forme facilement assimilable, des listes de vertus et, surtout, des

vices permettant de se faire une idée précise sur les vertus chrétiennes à adopter et les vices à éviter, l'ensemble visant à guider le lecteur dans le «chemin de vertu»

(voir apergu sommaire dans 111 Th. Spidlík, La spiritualité de l'Orient chrétien. Manuel systématique, coll. «Orientalia Christiana Analecta» 206, Roma

1978,

P. 277 sq., et en particulier p. 283-286). Ces listes présentent parfois des recoupements, des points en commun ou des similitudes avec le De virt. En témoignent cer-

536

ARISTOTE DE STAGIRE

taines œuvres d'Évagre le Pontique, de Maxime le Confesseur et de (Pseudo)Damascéne, sans oublier bien entendu les floriléges spirituels, que 112 M. Richard, «Floriléges spirituels grecs», dans DSp V [= Opera minora, vol. I, Tumhout/ Leuven 1976, article n° 1, avec numérotation ancienne reproduite dans la marge], col. 475-510, en particulier, col. 475, divise en trois classes : « damascénienne, sacro-

profane et monastique ». Les florilèges damascéniens en particulier remontent à une ample compilation intitulé “ἱερά, en trois livres, composée en Palestine au VII s., le troisiéme livre de cette vaste compilation étant précisément consacré aux vertus et aux vices (voir Richard 112, col. 476-486 pour les floriléges damascéniens et col. 476 sur leur origine ; P. Géhin,

« Nouveaux fragments grecs des Lettres d'Éva-

gre », RHT 24, 1994, p. 117-147, notamment

p. 118-119). L'étude

de ces textes ne

pouvant pas se faire dans le cadre de cette contribution, nous avons pris le parti de présenter un cas relevant de Philon d'Alexandrie, qui permet précisément de mesurer la facon dont les éléments relevant de la philosophie, notamment ceux dont se compose le De virt., étaient parfois susceptibles de s’inflitrer au sein d'ouvrages de contenu théologique, pour en faire, dans une premiere étape, partie intégrante, puis pour étre transmis suivant un mouvement encore plus complexe vers différents recueils composés d'extraits. — Emprunts de Philon ?

D'aprés Zeller 49, p. 671 n. 4, Philon d' Alexandrie se serait inspiré du De virt. dans le De aeternitate mundi. Glibert-Thirry 44 est d'avis que cette influence n'est pas à rechercher dans le De aeternitate mundi, édité par 113 L. Cohn-P. Wendland (édit.), Philonis Alexandrini Opera quae supersunt Berlin 1896-1915, 6 vol.: vol. VI, p. 72, 7-73, 2 (2 114 R. Arnaldez et J. Pouilloux [édit.], Philon d'Alexandrie, De aeternitate mundi, coll. OPA

30, Paris

1969, p. 74-76), oü

rien de spécifique-

ment propre au De virt. n'apparait ; elle est plutót à rechercher dans le De opificio mundi du méme auteur, édité par 115 L. Cohn, Philonis De opificio mundi, dans Cohn-Wendland 113, vol. I, p. 25, li. 5-8 2 116 R. Arnaldez (édit.), Philon

d'Alexandrie, De opificio mundi, coll. OPA 1, Paris 1961, p. 191, où, comme ἰδ signale Glibert-Thirry 44, p. 5-6, «une opposition entre les vertus et les vices cardinaux et les actes qu'ils suscitent rappelle bien davantage la partie introductive du

“Περὶ ἀρετῶν καὶ κακιῶν». ἃ cóté de ce passage du De virt., peut-étre indirectement utilisé par Philon, à faut signaler l'existence d'un extrait du De virr., 1250244-b3 et b4-5, littéralement cité (le passage 1250b3-b4 ayant été omis) dans les Fragmenta de Philon, édités par 117 J. R. Harris (édit.), Fragments of Philo Judaeus, with two facsimiles, edited for

the Syndics of the University Press, Cambridge 1886, fr. (2], p. 9. Il s'agit de l'énumération des attributs de l’&vöpela, suivie de la liste des vertus qui procèdent de celle-ci ; nous reproduisons le passage philonien d'après Harris 117 : ἀνδρείας εἶναι τὸ δύσπληκτον εἶναι ὑπὸ | φόβων τῶν περὶ θάνατον, xal τὸ εὐθαρσῆ | ἐν τοῖς δεινοῖς καὶ τὸ εὕὔτολμον ἐν τοῖς xtv-|Büvoiç καὶ τὸ μᾶλλον αἱρεῖσθαι

τεθνάναι | καλῶς ἢ αἰσχρῶς, καὶ τὸ νίκης αἴτιον εἶναι. παρέπεται δὲ τῇ ἀνδρείᾳ ἡ | εὐτολμία καὶ εὐψυχία καὶ τὸ θάρσος ; cf. Glibert-Thirry 44, p. 6 ; Schmidt 24, p. 142, dans ses Corrigenda-addenda à sa deuxiéme édition, passe

DE VIRTUTIBUS ET VITHS

537

sous silence le renvoi aux deux premières œuvres de Philon et ne retient que l'emprunt dont témoigne ce fragment. Le passage du De virt. proviendrait du Περὶ γιγάντων de Philon (Harris 117, p. 9 ; édition de cet ouvrage dans 118 A. Moses (édit.), Philon

d'Alexandrie,

De gigantibus.

Quod

Deus

sit immutabilis, coll.

OPA 7-8, Paris 1963). Devra-t-on en déduire que Philon avait directement utilisé le De virt. ? Si la transmission de ce passage du De

virt. sous forme de fragment

impose la prudence, il vaut la peine de signaler que le passage 1250a44-b5 du De virt. (c'est-à-dire un passage oü la partie médiane, 1250b3-b4, n'a pas été omise) a été reproduit dans la Collection A des Horoi, représentée par le Parmiacus (Furrer-

Pilliod 88, lettre a, n? 85, p. 78) ; signalons aussi que le passage 1250a44-b3 et b45 du De virt. a également été reproduit dans la seconde section du Περὶ παθῶν de Pseudo-Andronicus

(Glibert-Thirry 44, p. 249, li. 89-94), autrement dit dans la

section comprenant le De virt., le passage 1250b3-b4 ayant été omis précisément comme dans le texte de Philon... Ainsi, il semblerait que le fragment de Philon reproduit par Harris 117 ait été lié, probablement dès l'origine, avec la tradition du Περὶ παθῶν, autrement dit avec la transmission indirecte du De virt. La transmission de ce fragment est, elle aussi, complexe dans la mesure oü certains fragments philoniens ont été conservés (uniquement) dans des florilèges damascéniens (voir Cohn-Wendland 113, vol. I, p. LXIII sq. et vol. II, p. XI sq. ; cf. Richard 112, p. 477) et que l'extrait en question, suivant les indications fournies par Harris 117, p. IX-X et

XX-XXU (cf. Cohn-Wendland 113, vol. I, p. LXV-LXVI), relève de ce cas de figure. 11. TRANSMISSION DU DE VIRT. EN ARABE

Le De virt. a été également transmis en arabe. En effet, méme si l'on ne connait pas à présent de transmission directe pour ce texte, il a manifestement été traduit en arabe et a circulé dans le monde islamique. Cette diffusion est susceptible d'avoir été faite suivant (au moins) un des modes suivants :

(1) traduction en arabe des compendia grecs déjà formés et comprenant, entre autres, le De virt. ; ces traductions datent trés probablement de l'áge d'or du mouvement de traduction dans le monde arabe ; (2) traduction, partielle ou totale, en arabe des ouvrages d'éthique grecs (dont le De virt.), puis combinaison, effectuée par les Arabes, de divers extraits provenant de ces traductions ; le résultat de ce double processus était la création des compendia d'origine grecque mais d'organisation arabe ; (3) intégration partielle des traductions en arabe dans des ouvrages d'éthique composés par des Árabes. De cette diffusion multiple et variée qu'a dû connaitre le De virt. il ne reste à présent, dans l'état actuel de la recherche, qu'une seule trace : il s'agit d'un compendium d'éthique conservé dans deux versions différentes en arabe. a EDITION ET TRADUCTION DES DEUX VERSIONS EXISTANTES DU COMPENDIUM

Ces deux versions en arabe ont été éditées et traduites dans 119 M. KellermannRost, Ein pseudoaristotelischer Traktat über die Tugend. Edition und Übersetzung der arabischen Fassungen des Abü Qurra und des Ibn at-Tayyib. Thèse de docto-

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ARISTOTE DE STAGIRE

rat présentée à la Faculté Philosophique de l'Université Friedrich-Alexander à Erlangen-Nuremberg, en septembre 1961. Cet ouvrage, qui comporte 235 p., est organisé comme suit : p. 3: table des matières ; p. 4-13 : description des manuscrits ; p. 14-25 : exposé sur les traducteurs ; p. 26-29 : rapports entre les deux traductions en arabe ; p. 30 : principes de l'édition ; p. 31-66 : édition des deux versions ; p- 67-118 : traduction ; p. 119-228 : glossaires arabo-grecs des deux versions, précédés d'un glossaire gréco-arabe ; p. 229-234 : bibliographie). Voir signalement de ce texte, avant d'étre édité, dans Walzer 98 et Pines 25 [références fournies dans la suite].

À l'exception de la traduction faite par Kellermann-Rost 119, une traduction (partielle) des passages se rapportant à la division des biens (avec récapitulation

bibliogr. et nouvel examen des sources d'une partie du compendium) se trouve dans 120 M. Cacouros, «La division des biens dans le compendium d'éthique par Abü Qurra et Ibn al-Tayyib et ses rapports avec la Grande Morale et le Florilége de Stobée », dans A. Hasnawi, A. Elamrani-Jamal et M. Aouad (édit.), Perspectives arabes et médiévales sur la tradition scientifique et philosophique grecque. Actes du Colloque de la S.I.

H. S.

P. A.I., Paris 29 mars-J avril 1993,

Leuven/Paris

1997, p. 289-318, en particulier Annexes I et II, p. 315-318. b. RENSEIGNEMENTS BIBLIOGRAPHIQUES COMPLÉMENTAIRES

L'édition de Kellermann-Rost 19 est mentionnée dans 121 F. E. Peters, Aristoteles Arabus.

The Oriental Translations and Commentaries on the Aristotelian

Corpus, coll.

« Monographs on Mediterranean Antiquity » 2, Leiden

1968, p. 74-

75 ; 122 |. Dick (introd. et texte critique [en arabe]), Théodore Abuqurra, Traité de

l'existence du créateur et de la vraie religion, coll. « Patrimoine arabe chrétien» 3, Jounieh (Liban)

1982, p. XV, n. 29 ; Schmidt 6, p. 142 sq. ; Badawi 38, n? 26-27,

p. 108 ; 123 J. Nasrallah avec la collaboration de R. Haddad, Histoire du mouvement littéraire dans l'église melchite du V. au XX* siècle. Contribution à l'étude de la littérature arabe chrétienne, t. 2, vol. II (750-X* siècle), Louvain/Paris 1988,

p. 131. Les glossaires du compendium ont été exploités dans 124 G. Endress et D. Gutas, A Greek and Arabic Lexicon

(GALex): Materials for a Dictionary of the

Mediaeval Translations from Greek into Arabic, coll.

« Handbook of Oriental

Studies. The Near and Middle East», Leiden 1992-2001 [6 fasc.] ; les deux auteurs ont intégré l'édition de Kellermann-Rost dans la liste d'ouvrages inventoriés des le fasc. I : Introduction — Sources (A-aharu), voir 124, fasc. 1, p. 15* et 24*-25*. C. TRADUCTEURS

ET TÉMOINS MANUSCRITS DU COMPENDIUM

La première version est présentée comme un «Livre (kitab) du philosophe Aristote (Aristätälis al-failasüf) sur les vertus de l’âme (Fi fada'il al-nafs). Traduction (targama) de Abü Qurra, évéque de Harrän, faite pour Dü al-yaminain

Tähir ibn al-Husain ». La seconde est présentée comme la traduction (nagala : il a traduit) d'un ouvrage (magäla) composé (sanafa) par le philosophe Aristote (Aristätälis al-failasüf), prince des philosophes (ra'isu al-faläsifa). L'ouvrage

d" Aristote, intitulé cette fois Fi al-fadila (De la vertu), serait traduit du syriaque à l'arabe par Abü al-Farag 'abd-Allah ibn al-Tayyib. Les deux opuscules sont présentés comme des traductions d'un texte d' Aristote, qui serait respectivement intitulé Des vertus de l’äme ou De la vertu. Si le titre De

DE VIRTUTIBUS ET VITIIS

539

la vertu rappelle celui que l'on rencontre dans la tradition grecque (Περὶ ἀρετῆς, examiné in A I-I), le titre Des vertus de l'âme rappelle davantage le titre rapporté par Miskawayh, Les vertus de l'âme, fada’il al-nafs (A III). Les remarques formu-

lées dans A I-II, et surtout A IV, interdisent toutefois de cerner de trop près cette variation dans le titre. Les traducteurs sont respectivement Théodore Abü Qurra, évéque de Harràn, et Abü al-Faraÿ, le philosophe, physicien et théologien nestorien. Le premier traducteur ne précise pas quelle était la langue de l'original employé ; cette question reste sans réponse, étant donné qu'il connaissait l'arabe, le syriaque, mais aussi le grec (Kellermann 119, p. 27). En revanche, dans le deuxiéme cas, il est indiqué que la

traduction a été faite à partir d'un intermédiaire syriaque. Sur la chronologie de la naissance d' Abü Qurra, le Père I. Dick 122, p. Xilt, avance l'année 750 comme la date la plus vraisemblable ; il reprend cette date dans son édition de 125 Théodore Abuqurra, Traité du culte des icönes, coll. « Patrimoine arabe chrétien» 10, Jounieh (Liban) 1986, p. VIII. En revanche, J. Nasrallah 123, p. 109-110, place la naissance d’Abü Qurra vers 725, notamment vers 724/725 (p. 104). Quant à la date de sa mort, I. Dick 122, p. Xi, et 125, p. VI, la place entre 825 et 830 ; 1. Nasrallah 123, p. 104 et, surtout, p. 115, la situe aprés 829. Quant à Abü al-Farag, il vécut vers la fin du X* - première moitié du xi* siècle et mourut en 1043 ; dates d'après 126 F. Rosenthal, « The Symbolism of the Tabula Cebetis according to Abül-Faraj Ihn aj-Tayyib», dans Recherches d'Islamologie : Recueils d'articles offert à Georges C. Anawati et Louis Gardet par leurs collégues et amis, coll. « Bibliothéque philosophique de Louvain. Éditions de l’Institut supérieur de Philosophie » 26, Louvain 1978, p. 273-287, en particulier p. 273-274 {article repris dans 127 F. Rosenthal, Greek Philosophy in the Arab World. A Collection of Essays, coll. « Variorum Collected Studies Series» 322, London 1978, étude VI, avec maintien de la pagination originale] ; voir aussi 128 S. M. Stern, «Ibn al-Tayyib's Commentary on the [sagoge», BSOAS 19, 1957, p. 419-425, en particulier p. 422 [article repris dans 129 S. M. Stern, Medieval Arabic and Hebrew Thought, éd. par F. W. Zimmermann coll. « Variorum Collected Studies Series» 183, London 1983, étude XVII, avec maintien de la pagination originale].

La premiére de ces versions est conservée dans le manuscrit Köprülü 1608, du XV* s. (cf. Pines 25, p. 35 et Kellermann 119, p. 13 et 17), f. 66-73 (Kellermann 119, p. 13) ou f. 66'-73" (Pines 25, ibidem). La deuxième version se trouve

dans un manuscrit de la fin du XV“ s. — début du XVI* s., qui faisait auparavant partie de la Kónigliche Bibliothek à Berlin, et qui est actuellement conservé à Tübingen. 1l s'agit du manuscrit syro-arabe qui porte dans le catalogue de 130 E. Sachau la cote Berol. 88 : la description figure aux p. 321-335 de son catalogue Verzeichnis der Syrischen Handschriften der kónigl. Bibliothek zu Berlin, Berlin 1899. L'ordre des folios dans ce témoin, extrémement bouleversé, peut &tre reconstitué pour ce texte comme suit : f. 141"- 143". 154. 163. 164. 157-162" ; voir Kellermann 119, p. 14 et, aussi, la description du contenu ibidem, p. 8-12. Le texte, quoique écrit en arabe porte des marginalia en syriaque. Pines 25, p. 35 avait signalé qu'il se proposait d'éditer ces deux textes, et Walzer 98, p. 222 n. I (note ajoutée à l'article d'origine) avait mentionné qu'une édition était en préparation par cet érudit ; l'édition a fina-

lement été effectuée par Kellermann 119. d. ORIGINAUX GREC ET SYRIAQUE EMPLOYÉS

La comparaison textuelle des deux versions par Kellermann 119, p. 26-29, lui avait permis d'arriver aux conclusions suivantes. Les deux traducteurs ont employé

540

ARISTOTE DE STAGIRE

le méme compendium d'éthique ; toutefois, ils ont eu en mains des versions différentes de l'original grec, ou, peut-étre, des traductions syriaques différentes. La preuve que les deux traducteurs ont employé des textes différents du traité grec s'établit, de facon probante, dans la partie centrale des versions (voir suite, e), qui «indique clairement que les deux traductions ne peuvent pas provenir d'un original commun» (trad. faite de Kellermann 119, p. 27 ; sur les sources grecques utilisóes dans la seconde section de la partie centrale et les rapports entre ces passages dans les deux versions, voir Cacouros 120 [reprise de la conclusion formulée par Keller-

mann 119, p. 292-293]). Probablement, «ce compendium d'éthique aristotéliciennne était répandu dans le monde héllenistique et que, par des voies différentes, ἢ est parvenu jusqu'aux Arabes» (trad. faite de Kellermann 119, p. 27). Ainsi, i s'agirait d'une diffusion faite suivant le type (1) défini plus haut. €. LE DE VIRT. DANS LES DEUX VERSIONS EXISTANTES

Pines 25, p. 35 et Kellermann 119, p. 4, signalent que les deux textes contiennent, dans une premiere partie, une traduction quasi-littérale du traité pseudo-aristotélicien Des vertus et des vices. Cette premiere partie correspond à l'éd. Keller-

mann 119, Abü Qurra, p. 45[1], li. 4 - p. 39[7), li. 13 et Ibn al-Tayyib, p. 66[1], li. 6 - p. S9[8], li. 17. Parmi les particularités communes au De virt. dans les deux versions, on peut signaler la présence d'une incise, exprimée de fagon analogue dans Abü Qurra p. 45[1], li. 8-9 et Ibn al-Tayyib p. 66[1], li. 11. Elle fait défaut dans le texte grec, et se place, dans les versions arabes, après le passage qui correspond à Bekker 1, 1249a30-31 : τριμεροῦς δὲ τῆς ψυχῆς λαμδανομένης κατὰ Πλάτωνα («l'âme étant considérée comme tripartite par Platon»). Cette parenthèse comprend l'énumération des trois parties de l'àme selon Platon ; dans le texte grec (1249231 -b29) cette division est employée sans avoir été préalablement énoncée (Kellermann 119, p. 26). Cet ajout dans les versions arabes pourrait constituer une glose explicative intégrée dans le texte : le cas serait similaire à la désignation de Platon comme

«le Sage» ou «le Philosophe» (Affarün al-hakim chez Abü Qurra

p. 45[1], li. 8 et Ibn al-Tayyib p. 66[1], li. 11), alors que, dans le texte grec (xarà Πλάτωνα,

1249231), ce qualificatif fait défaut.

La deuxième partie (Abü Qurra, p. 39[7], li. 14 - p. 38(8], li. 14 ; Ibn al-Tayyib, p. 59{8], li. 18 - p. 56[11], li. 6) se compose de deux sections, une première appelée Mesotes-Abschnitt par Kellermann 119 et une seconde, comprenant des divisions des biens, désignée comme Diairesis-Stück. Quant à la troisième partie (Abü Qurra, p. 38[8], li. 15 - p. 32[14], li. 4 et Ibn al-Tayyib, p. 56[11], li. 7 - p. 46[21], li. 8).

elle comprend, selon Kellermann 119, p. 4, et apparat des sources p. 82-96 et 109118, la traduction en arabe des Divisiones aristoteleae (Mutschmann 59, p. 1 5q.).

f. La Grande Morale, Stobée et le compendium D’apres les éléments donnés dans le paragraphe précédent, le compendium d'éthique originel devait comprendre au moins le De virt. et les Divisiones aristoteleae. À ces sources on devra ajouter celles de la deuxième partie du compendium. En effet, la première section de cette partie, la Mesotes-Abschnitt, pourrait porter l'empreinte de Grande Morale 1 20, 119059 - 33, 1193b20 (Kellermann 119, p. 5

DE VIRTUTIBUS ET VITHS

541

et apparat des sources, p. 77-79 et 106-107). Quant aux sources de la seconde section de cette partie, la Diairesis-Stück comprenant des divisions de biens, elles ont été différemment établies par Pines 25, p. 5-7 et 35 et Kellermann 119, p. 5-6 et apparat des sources, p. 79-81 et 107-108 ; voir Cacouros 120, p. 293 sq. Résumons la situation, en précisant que la numérotation des divisions de biens données dans la suite correspond à celle qu'elles présentent dans les textes respectifs. Pines 25, p. 5-6 et 35 avait proposé l'identification suivante : Un passage du compendium (non défini), situé dans la deuxième partie du compendium, et qui devait raisonnablement correspondre aux deux premières divisions de biens données dans le compendium

=

Stobée,

vol. II = 56, lib. IL

cap. VII, $ 19[13], p. 134, 20-135, 16 «correspondant aux deux premières divisions de biens» = Miskawayh «nos références se feront par commodité à l'édition de Zurayk 30», p. 76, 18-77, 9 «les deux premières divisions de biens» ; voir 120, p. 293-295. Kellermann 119, p. 5-6 et apparat des sources, p. 79-81 et 107-108, sans tenir

compte du rapprochement effectué avec Stobée et Miskawayh, avait proposé d'identifier la Diairesis-Stück (= seconde section de la deuxiéme partie du compendium, comportant trois divisions de biens) avec Grande Morale 1 2, 1183b201184212 «trois divisions de biens». Le début de la troisième partie du compendium

(Abü Qurra, p. 38[8], li. 15-19 et Ibn al-Tayyib, p. 56[11], li. 7-14) contient une quatriéme division de biens, correspondant au

passage liminaire des

Divisiones

aristoteleae ; un meilleur paralléle à ce passage peut étre cherché, nous semble-t-il, dans Grande Morale 1 3, 1184b1-6. Voir Cacouros 120, p. 295, 303 et n. 34, 306-

311. Ainsi, le nombre des divisions de biens figurant dans le compendium s'éléve à Quatre (voir trad. dans Cacouros 120, Annexes I et II).

Un nombre de divisions de biens similaires encore plus important se trouve chez Stobée et Miskawayh, permettant d'élargir le rapprochement « suggéré» par Pines avec Stobée et Miskawayh, qui était fondé sur deux divisions uniquement. De plus, étant donné le nombre plus élevé des divisions de biens comprises dans Stobée et Miskawayh par rapport au compendium, il était possible de dépasser le cadre du compendium (qui pourrait avoir un rapport de contenu à contenant avec les deux autres sources) et de proposer un rapprochement plus étroit entre Stobée et Miska-

wayh. L'élargissement des passages mis en parallèle imposait la modification des limites des passsages définis par Pines pour ces deux sources ; voir Cacouros 120, P. 294-295, en particulier n. 19, 20, 22. Nous donnons dans la suite le nouveau rapport établi au sens large : Stobée, vol. II = 56, p. 134, 20-137, 12 = Miskawayh. p. 76, 17-78, 12. Quant au compendium, si le passage de Stobée et celui de la Grande Morale ont des affinités considérables sur les quatre divisions qu'ils présentent en commun, le développement effectué dans Cacouros 120, p. 306-313, a permis de préciser que la source du compendium devait étre cherchée du cóté de la Grande Morale plutót que de celui de Stobée (ibidem, p. 314).

L'examen exhaustif des sources de Miskawayh sera peut-étre utile pour la transmission du De virr., de la méme facon qu'il l'a été pour la tradition indirecte

542

ARISTOTE DE STAGIRE

de Porphyre. En effet, Miskawayh introduit le passage redéfini plus haut (Zurayk 3, p. 76, 18-78, 12) par la remarque suivante : «Le Bien, selon la division qu'en a donnée Aristote et selon ce qu'ont rapporté, d’après celui-ci, Porphyre et d'autres, se présente ainsi...» (Zurayk 30, p. 76, 17-18 ; traduction d'aprés Arkoun 33, p. 125, repris dans Cacouros 120, p. 295 n. 22). Dans la mesure oü l'on peut faire correspondre le passage redéfini de Miskawayh au passage redéfini de Stobée (et, dans un moindre degré, à la section définie du compendium), et si, comme il est naturel, l'ensemble du passage redéfini de Miskawayh correspond au texte d' Aristote «rapporté» par Porphyre, il résulte que le texte « porphyrien » correspond probablement à Miskawayh, p. 76, 17-78, 12. Dans l'édition des Fragments de Porphyre publiée par 131 A. Smith (édit.), Porphyrii philosophi fragmenta. Fragmenta arabica D. Wasserstein interpretante, coll. BT, Stuttgart/Leipzig 1993, le n? 166F, p. 162-163, est présenté comme correspondant à la première division de biens donnée par Miskawayh (= Zurayk 30, p- 76, 16-77, 3) ; autrement dit, le passage mentionné est encore plus court que celui qui avait été « suggéré » par Pines, dont le nom est cité dans l'apparat des sources ;

rappelons que le passage proposé par Pines comprenait les deux premières divisions. Vu les arguments avancés, les limites du passage « porphyrien» devraient étre redéfinies et appliquées à l'ensemble du passage de Miskawayh ; voir 120, p. 295 n. 22 et supra. Quoi qu'il en soit, ces problémes laissent apparaitre la complexité qui caractérise la transmission du De virt. et, par conséquent, du compendium dans le monde arabe. Sa formation et, par la suite, sa transmission ont probablement connu plusieurs étapes, et cette remarque explique la difficulté de localiser les sources premieres (dont certaines devaient déjà exister, durant la période oü ce texte était formé, sous forme de compilations et anthologies), aussi bien que celles qui ont pu avoir été ultérieurement ajoutées.

DE VIRTUTIBUS ET VITIIS

543

ANNEXES A. TRADITION DU DE VIRT. EN ARMENIEN

Une traduction du De virt, a été conservée en arménien. L ELEMENTS DE BIBLIOGRAPHIE

132 F.C. Conybeare, A Collation with the Ancient Armenian Versions of the Greek Text of Aristotle's Categories, De Interpretatione, De Mundo, De Virtutibus et uitiis and of Porphyry's Introduction, coll. « Analecta Oxoniensia. Classical

Series» I. 6, Oxford 1892, p. XXXII, XXXV, et collation de la version arménienne avec le texte grec du De virt. aux p. 72-75 ; Schmidt 24, p. 14 ; 133 A. Terian, « The Hellenising School : Its Time, Place, and Scope of Activities Reconsidered», dans N.G. Garsoian, Th. F. Mathews et R.W. Thomson (édit), East of Byzantium :

Syria and Armenia in the Formative Period (Dumbarton Oaks Symposium, 1980), Washington (D.C.) 1982, p. 175-186, voir pour le De virt. aux p. 175-176 ; 134 D. S. Hutchinson, « Armenian and Arabic Translations in the Textual Transmis-

sion of pseudo-Aristotle's De Virtutibus et vitiis», conférence présentée à Naples, dans le cadre des « Commentaries on Plato and Aristotle in Oriental Languages », 24-26 septembre 1992 (signalée dans 135 Association Internationale des Études Arméniennes, Newsletter n? 17, octobre 1992, p. 12) ; 136 R. W. Thomson, A Bibliography of Classical Armenian Literature to 1500 AD, coll. « Corpus christia-

norum », Turnhout 1995, p. 35 ; 137 C. Zuckerman, A Repertory of Published Armenian Translations of Classical Works, annexe par A. Terian, texte revu par M.E. Stone, coll. « Institute of African and Asian Studies, Hebrew University of Jerusalem», Jérusalem 1995, p. 13-14 = 138 G. Fiaccadori (édit), Autori classici

in lingue del Vicino

e Medio Oriente, avec une présentation de G. Pugliese

Carratelli, Atti del VI, VII e VIII Seminario sul tema : « Recupero di testi classici attraverso recezioni in lingue del Vicino e Medio Oriente », coll. «Istituto italiano

per gli studi filosofici», Roma 2001, p. 415-448, en particulier p. 427-428. 11. BREF APERÇU SUR LA DATE DE LA TRADUCTION

Conybeare 132, p. XXXV, signale que, suivant des critéres de style, la traduction

armenienne du De virt. était datée du Vs. dans l'édition de Koriwn, Mambre et Dawit', parue à Venise en 1833, alors que, pour sa part, il croyait que ce texte est plus tardif. A. Terian 133, distingue quatre groupes de traductions (p. 175 sq.) faites du grec en armenien au sein de l'École hellénisante, dont l’activité se situe probablement à Constantinople entre 570 et 730 (p. 183) ; ces groupes correspondent en principe à quatre périodes différentes de la vie de cette école ; la traduction du De virt. fait partie du troisiéme groupe (p. 175-176), les traductions les plus tardives de ce groupe n'étant pas « prior to the seventh century » (p. 182). B. POSTÉRITÉ ECDOTIQUE DU DE VIRT. EN GREC

Malgré sa briéveté, le De virt. a fréquemment retenu l'attention des éditeurs à partir du deuxième quart du XVI s.

544

ARISTOTE DE STAGIRE

1. ELEMENTS DE BIBLIOGRAPHIE

Schmitt 51, p. 105-108. Voir aussi 139 M. Schwab, Bibliographie d'Aristote, Paris 1896 (réimpr. New York 1967), p. 252-253. On peut également consulter 140 F. E. Cranz, A Bibliography of Aristotle Editions (1501-1600), with an intro-

duction and indexes, coll. «Bibliotheca bibliographica aureliana» 38, BadenBaden 1971, index sur le De virt., p. 165: bien que cet ouvrage porte sur l'ecdotique latine, il peut étre utilisé lorsqu'il s'agit d'éditions d' Aristote comportant également un texte en grec ; il a été mis à contribution et complété par Schmitt 51, voir ibidem, p. 104, qui est à l'origine de la seconde édition: 140bis Second Edition with addenda and revisions by Ch. B. Schmitt, coll. « Bibliotheca Bibliographica Aureliana» 38*, Baden-Baden 1984; les titres ajoutés (Addenda) occupent les p. 113160 et les nouvelles cotes se caractérisent par la présence d'une lettre à la fin. L'index sur le De virt., qui occupe les p. 223-224, est considérablement enrichi dans cette édition. Quelques éléments supplémentaires peuvent étre trouvés dans la publication suivante [elle concerne les impressions en grec des ouvrages qui sont plus directement post-byzantins et néo-helléniques] 141 Th. Papadopoulos, 'EAAnvix?) βιβλιογραφία (1466 ci.-1800), t. 1: ᾿Αλφαβητικὴ xai ypovoAoyuxr) dva-

xaráratic, t. Il : (Παράρτημα) Προσθῆκαι - Συμπληρώσεις - Διορθώσεις, colL «Γραφεῖον Δημοσιευμάτων τῆς ᾿Ακαδημίας ᾿Αθηνῶν», Athènes 1986. II. APERÇU HISTORIQUE

L'exposé qui suit se fonde sur la présentation de Schmitt 51. Le De virt. n'a pas été inclus dans l'editio princeps d' Aristote par Alde Manuce (1495-1498) (bibliographie abondante : nous nous contenterons de renvoyer à 142 K. Sp. Staikos,

'EAAnvixéc φιλοσοφικὲς ἐκδόσεις τὸν πρῶτο αἰώνα τῆς Tunoypadlac. Κατάλογος ἔκθεσης, coll. «ΕἘὐρωπαϊχὸ Πολιτιστικὸ Κέντρο Δελφῶν », Athènes 2001, n° 9), mais a été édité pour la première fois par Jean Chéradame à Paris en 1529 [Schwab 139, n? 2507, p. 253 ; Schmitt 51, p. 105 n. 69; Cranz 140bis,

n? 107.910 B]. Sept années plus tard, en 1536, l'opuscule est édité de nouveau dans l'editio princeps du Florilége de Jean Stobée, Venise 1536 (le colophon porte la date de 1535) et le De virt. sera repris dans plusieurs rééditions de Stobée ; ainsi, la coexistence des deux opuscules au niveau de la transmission (voir D I a 2) se voit prolongée en imprimerie.

En

1538

parait

à Paris, par

les soins d'Alexandre

Chamaillard, une nouvelle édition de l'opuscule qui prétendait étre la premiere : Aristotelis de virtutibus libellus. Nunc primum et repertus et in lucem editus [Schwab 139, n? 2508, p. 253 ; Cranz 140, n? 107.977 ; Schmitt 51, p. 106 n. 71]. En 1539, l'ouvrage est réimprimé à Bále avec une nouvelle traduction par Simon Grynaeus [Schwab 139, n? 2511, p. 253 ; Cranz 140, n? 107.981 ; Schmitt 51,

p- 107 n. 75] ; c'est en 1539 également que le De virt. a été intégré, pour la première fois, dans une édition complète des œuvres

d' Aristote : Aristotelis... opera

quaecunque impressa hactenus extiterunt omnia denuo iam collatione vetustissimorum exemplarium, partim integris aliquot libris, veluti περὶ φυτῶν duobus, περὶ ἀρετῶν uno nunc primum adiectis... per Des. Eras. Roterdamum [Schwab 139, n° 383, p. 54 ; Cranz 149, n? 107.980 ; Schmitt 51, p. 107 n. 76, où il faut lire 107.980 au lieu de

107.780]. Cette édition d' Aristote

à Bâle en

1539 constitue

quasiment une reprise de l'édition grecque d'Aristote par Érasme

(de

1531:

DE VIRTUTIBUS ET VITIIS

545

Schwab 139, n? 382, p. 54; Cranz 140, n? 107.928), avec adjonction, cette fois, du De virt. Désormais, cet ouvrage sera réimprimé dans toutes les éditions importantes

d'Aristote jusqu'au début du ΧΥΠ s. Traduit à plusieurs reprises en latin (voir Annexe III) et en italien dans les XVI*- XVII* s., et fréquemment réimprimé, il a été également intégré dans l'édition du Περὶ ἀρετῶν par Georges Gémiste Pléthon, Bále

1552

[Papadopoulos 141 n? 2434 ; cf. 142 Staikos,

n? 31; Cranz 140bis,

n? 108.230A] ; voir remarques in C I et, aussi, in D I a 4 à propos de la coexistence de ces textes dans la tradition manuscrite ; voir aussi D 1 a 5. L'ouvrage étant bref et facilement compréhensible, il a été souvent repris dans des floriléges et dans des recueils de sentences et il semble avoir joué parmi les penseurs du XVI* s., qui cherchaient à concilier les différentes doctrines philosophiques anciennes, un róle analogue à celui du traité pseudo-aristotélicien De mundo. Ili. ÉDITIONS ET TRADUCTIONS RÉCENTES

Hormis l'édition de Bekker 1, on dispose de Susemihl 15. Une nouvelle édition critique est préparée par Hutchinson 61. Parmi les traductions récentes, il est possible de signaler les suivantes : trad. en anglais par 143 H. Rackham dans le vol. XX de Aristotle in twenty-three volumes (vol. qui contient aussi les ceuvres Athenian Institution et Eudemian

Ethics), coll. LCL,

London/Cambridge

(Mass.) '1935,

?1952 (plusieurs réimpressions) ; une traduction du De virt. est également comprise dans la coll. 144 « The Works of Aristotle », traduits sous la direction de W.D. Ross, vol. IX : Ethica Nicomachea par W.D. Ross, Magna Moralia par S.G. Stock, Ethica Eudemia, De virtutibus et vitiis par J. Solomon, Oxford 1915, (plusieurs réimpressions), sans pagination ; reprise de cette traduction dans 145 The Complete Works of Aristotle (The Revised Oxford Translation), éd. par J. Barnes, coll. « Bollingen Series. Princeton University Press» n? LXXI. 2, vol. II, Princeton 1984,

p. 1982-1985. C. POSTÉRITÉ DU DE VIRT. EN LATIN 1. ELEMENTS DE BIBLIOGRAPHIE

Les ouvrages suivants (disposés par ordre chronologique) fournissent des indications à ce sujet : Cranz 140 ; Glibert-Thirry 44 ; Schmitt 51, p. 93, 103-108 [avec bibliographie détaillée], et, surtout, l' Appendice trés utile, aux p. 109-111

; Kraye

42 ; 146 J. McEvoy, The Philosophy of Robert Grosseteste, coll. « Oxford Clarendon Press», Oxford 1982, Appendix A, n? 12 : «Aristoteles de Virtute (De Laudabilibus Bonis)», p. 478-479 ; 147 Ch.B. Schmitt, « Pseudo-Aristotle in the Latin Middle Ages», dans J. Kraye, W.F. Ryan et C. B. Schmitt (édit.), Pseudo-Aristotle in the Middle Ages. The Theology and other Texts, coll. « Warburg Institute Sur-

veys and Texts » 1 1, London 1986, 3-14, repris dans 148 Ch.B. Schmitt, Reappraisals in Renaissance Thought, éd. par Ch. Webster, coll. « Variorum Collected Studies Series» 297, London 1989, étude n° I (pagination conservée), en particulier p. 6-7 ; 149 N. Kretzmann, A. Kenny, J. Pinborg (édit.), E. Stump (édit. associé), The Cambridge History of Later Medieval Philosophy from the rediscovery of

Aristotle to the disintegration of scholasticism (1100-1600), coll. « Cambridge University Press», Cambridge 1992 (réimpr.), p. 49, 61 (De laudabilibus bonis) ;

546

ARISTOTE DE STAGIRE

150 Ch.B. Schmitt (édit. général), Q. Skinner et E. Kessler (édit), J. Kraye (édit

associé), The Cambridge History of Renaissance Philosophy, coll. « Cambridge University Press», Cambridge 1992 (réimpr.), p. 326. ll. BREF APERÇU Le De virt. a été connu dans l'Occident à partir du XIIi* s., quand il a été traduit par R. Grosseteste. Au XV* s., suite à la présence de manuscrits grecs en nombre important en Italie, trois traditions textuelles différentes ont vu le jour, issues des traditions grecques citées plus haut :

a tradition autonome du De virt. ; tel est le cas de plusieurs manuscrits oü le De

virt. est mis en appendice à l’Éthique à Nicomaque ; b. tradition dans le Florilège de Stobée ; cf. DIa2; c. tradition comme seconde partie du Περὶ παθῶν de Pseudo-Andronicus ; cf. Dial. Plusieurs érudits de la Renaissance ont traduit le De virt. en latin, comme Cyria-

que d'Ancóne, qui en donna la première traduction humaniste, et aussi Niccold Perotti, Georges Hermonyme de Sparte (Schmitt 51, p. 104-105). Trois traductions ont été faites au XV* s. (ibíd., p. 93). Une liste des traductions en latin faites avant

1610, quatorze au total, figure aux p. 109-111 de Schmitt 51, complétant les indications fournies par Cranz 140. [Notice remise en 1992 ; ajouts effectués en 1995 et 2003.] MICHEL CACOUROS.

ECONOMIQUES Il s'agit d'un mélange de trois petites œuvres indépendantes, réunies à une date imprécise sous le titre Οἰκονομικός (« Sur l'administration de la maison»).

Le témoignage de Diogene Laérce, Vitae philosophorum V 22, au numéro 23 de la liste des œuvres d’Aristote, donne le titre Οἰχονομικός à un texte aristotélicien constitué d'un livre unique; il semble pourtant que seul le livre I de l'œuvre - le seul, à vrai dire, qui traite le thème indiqué dans le titre — représente l'Olxovotuxóc attribué à Aristote depuis l'Antiquité. En D.L. V 22, la leçon περὶ οἰκονομίας est, pourtant, celle que préfère H. S. Long [edit.], Diogenis Laertii Vitae philosophorum, recognovit H.S. L., coll. OCT, Oxonii

1964, vol. I,

p. 206, 15, préfère cependant la leçon περὶ οἰκονομίας. Dans le catalogue d'Hésychius l'Économique est mentionnée au n° 17; elle n’apparait pas dans la rétroversion proposée par I. Düring des deux témoins arabes de la liste de Ptolémée el-Garib (cf. DPAA I, p. 432-434).

Le livre I contient un exposé sur le théme de l'administration de la maison, divisé en six chapitres: sur l'essence de l'économie et sur sa relation avec la politique ; sur les parties fondamentales de la maison; sur la femme comme administratrice et comme épouse ; sur les esclaves ; sur l'administrateur de la maison. Le livre Il est en revanche consacré à l'économie financière, et se divise

en deux parties: dans la première sont distinguées quatre « économies » (celle du Grand Roi, celle du satrape, celle de la πόλις et celle de l'individu), tandis que

la seconde dresse une liste des expédients employés par divers États pour se procurer de l'argent. Dans le livre III, enfin, il s'agit exclusivement des rapports entre mari et femme. Les livres I-Il sont conservés dans leur version originale et se présentent unis également dans la tradition manuscrite grecque ; le livre III ne survit, en revanche, que dans une série de traductions latines médiévales. Pour le status quaestionis sur l’œuvre et sur ses diverses parties, demeure fondamental 1 R. Laurenti,

Studi sull' Economico attribuito ad Aristotele, coll. « Pubblicazioni dell'Istituto di Filosofia, Facoltà di Magistero dell'Università di Genova»

3, Milano

1968,

157 p., auquel il faut se reporter pour toute la bibliographie antérieure. Voir cependant aussi 2 B. A. Van Groningen et A. Wartelle (édit.), Aristote, Économique, texte édité par B. A. v. G. et A. W., traduit et annoté par A. W., CUF, Paris 1968 XXXI-110 p. [p. 1-47 doubles], en particulier l'Introduction (p. VII-XXVIIT), à compléter avec les données fournies dans le compte rendu de 3 P. Thillet, «Les Économiques d' Aristote», REG 82, 1969, p. 563-574. Enfin, pour ce qui est de la fortune de l’œuvre, surtout dans la traduction latine médiévale (l’œuvre ne semble pas avoir jamais été utilisée par les auteurs byzantins), on trouve une bibliographie presque compléte dans 4 G. Jackson, «Sulla fortuna dell' Economico pseudo-aristotelico o di Teofrasto fino al XIV secolo», AJON (filol) 4-5, 1982-1983, p. 141-183, et 5 /d., «La diffusione dell'*Economico" teofrasteo o pseudo-aristotelico nel Quattrocento», AION (filol) V7, 1995, p. 295-328; elle doit cependant être complétée par la liste des

548

ARISTOTE DE STAGIRE

commentaires latins médiévaux fournie par 6 Ch. Flüeler, « Mittelalterliche Kommentare zur “Politik” des Aristoteles und zur Pseudo-Aristotelischen "Oekonomik" », BullPhilosMed 29, 1987, p. 193-229. Editions. Outre van Groningen et Wartelle 2, voir 7 I. Bekker (édit.), Aristoteles graece, "Édition de l’Académie de Berlin", Berlin 1831, p. 1343a- 1353b; rééd. O. Gigon, Berlin, 1960 et 1970, sans changement; 8 Aristotelis opera omnia, graece et latine, “Edition Didot", Paris 1848, rééd. 1862, t. I p. 635-651; 9 Fr. Susemihl (édit.), Aristotelis quae feruntur Œconomica,

coll. BT, Leipzig

1887, XXX-94 p; 10 G.C. Armstrong (édit.), Œconomica and Magna Moralia, with an English translation, dans: Arístotle in twenty-three volumes, t. 18 (à la suite des livres X-XIV de la Métaphysique publiés par H. Tredennick), coll. LCL, London 1935, VI-688 p. ; plusieurs fois réimprimé ou réédité; l’Economique est aux p. 321-424. Édition commentée. 11 B. A. van Groningen, Aristote. Le Second Livre de l'Économique. Édité avec une introduction et un commentaire critique et explicatif, Leiden 1933, 59 et 218 p. ; Traductions. Latines: voir l'édition Didot 8. Le texte latin du livre III est publié par Susemihl 9, Armstrong 10, Wartelle 2. Frangaises: voir A. Wartelle 2; 12 J. Tricot, Aristote, les Économiques. Nouvelle traduction avec introduction et notes, coli. «Bibliothèque des textes philosophiques», Paris 1958, 80 p. Allemandes: 13 J.G. Schlosser, Aristoteles. Politik und Fragment der (Ekonomik, Lübeck/Leipzig 1798; 14 P. Gohlke, Über Haushaltung in Familie und Staat (Aristoteles. Die Lehrschriften, hrsg., übertr. und in ihrer Entstehung erlaütert von P. Gohlke, Bd. VII, 6), Paderborn 1953. Anglaises: 15 Ed. Walford, The Politics and Economics of Aristotle. Translated with with notes, analyses and index, Boston/New York

1889 (1

éd.

1853); 16 E. S. Forster, The Works of

Aristotle translated into English, X 2: Œconomica, Oxford 1920; c.r. par J. S. Stock, CR 35, 1921, p. 70, et par H. Rackham, CR 36, 1922, p. 77 et 112. Voir en outre Armstrong 10. Espagnole: 17 M. García Valdés, Aristóteles. Constitución de los Atenienses. Pseudo-Aristóteles. Económicos. Introd., trad. y notas, coll. «Bibl. clás. Gredos », Madrid 1984, 318 p. Italienne: 18 R. Laurenti, Aristotele. Il trattato sull'economia, Bari 1967, 166 p.

Livre I. Auteur et sources. Largement discutée dans Laurenti 1, p. 9-29, la question est reprise dans 19 U. Victor, [Aristoteles] OIKONOMIKOS. Das erste Buch der Ökonomik - Handschriften, Text, Übersetzung und Kommentar — und seine Beziehungen zur Ökonomikliteratur, coll. « Beiträge zur klassischen Philologie» 147, Königstein 1983, 214 p., notamment p. 167-175. Contre la paternité aristotélicienne de l’œuvre (affirmée aussi par Hésychius et par les commentateurs alexandrins d' Aristote Olympiodore, David l'Invincible et Élias), il n'y a que le témoignage de Philodème de Gadara (περὶ οἰκονομίας, p. 26, 37 -38, 2 Jensen), qui cite et critique d'amples extraits du livre en l'attribuant à Théophraste. L'œuvre présente de nombreux éléments en commun avec l'Oixovoutx6ç de Xénophon, et notamment avec les chap. VII-XIV de ce dernier ; la

critique en a généralement tiré la conclusion que le ps.-Aristote dépendait de

L’ECONOMIQUE

549

Xénophon — conclusion à laquelle s'oppose Victor 19, p. 177-192, lequel préfère conclure sur l'idée que les deux écrits dépendent d'une source commune, peutêtre identifiable avec l'Oixovouoxóc perdu d'Antisthéne (**A 211). Nombreux

sont, enfin, dans l’œuvre les échos à d'autres écrits aristotéliciens, en particulier à la Politique et à l'Éthique à Nicomaque ; cependant, Laurenti 1, p. 23-24, et Victor 19 relévent une série de divergences de contenu et de lexique, par rapport à l’Aristote authentique, qui suggèrent à tous deux l'hypothèse selon laquelle l'œuvre serait, en réalité, un produit de l'école du Stagirite, écrite peut-être peu aprés sa mort et sur la base de legons qu'il aurait pu donner sur ce sujet. Laurenti

et Victor concluent donc que l'attribution à Théophraste est probablement le résultat d'une erreur qui a pu se produire au cours des travaux de copie des listes bibliographiques antiques, tandis que Jackson 4, p. 149, soutient au contraire qu'il n'existe pas d'objection solide contre cette attribution. Éditions. Une édition critique est publiée dans van Groningen-Wartelle 2, p. 1-8; elle doit toutefois étre confrontée avec les corrections suggérées par Thillet 3, p. 574-578, et surtout avec l'édition critique plus récente de Victor 19, p. 87-105, qui est précédée, p. 15-85, d'une discussion détaillée de la tradition du texte (bien plus large que celle qu'on trouve dans van Groningen-Wartelle 2, p. XIII-XVII), et suivie, p. 107-166, d'un commentaire détaillé portant sur le texte et sur le contenu. Tradition arabe. Une version arabe en forme de paraphrase, par moments succincte et non dénuée d'erreurs de traduction, a été composée probablement par le traducteur et philosophe nestorien Abü al-Farag ‘Abdalläh ibn al-Tayyib (m. 1043): cf. 20 F. E. Peters, Aristoteles Arabus : the Oriental translations and

commentaries on the Aristotelian Corpus, coll. « Monographs on Mediterranean antiquity » 2, Leiden 1968, p. 63 ; Jackson 4, p. 155-156, nie au contraire — mais sans arguments substantiels — l'attribution à Ibn al-Tayyib. Cette attribution est attestée dans le manuscrit de l' Escorial, Derenbourg 888 (olim Casiri 883), sous

le titre de Kitáb Aristü fi tadbir al-manzil (Livre d'Aristote sur l'administration de la maison),

et dans un autre manuscrit, dont on ignore le lieu actuel de

conservation et dont le texte, intitulé Timär maqalat Aristü fi tadbir al-manzil (Fruits du traité d’Aristote sur l'administration de la maison), a été édité par

21 I. Ma'lüf, «Risälat tadbir al-manzil li-Aristü al-faylasüf », RevAcadArDamas 1, 1921, p. 380-385 (en revanche, le «traité d' Aristote sur l'économie » mentionné dans 22 A. Badawi, La transmission de la philosophie grecque au monde

arabe, coll. « Études de philosophie médiévale » 56, 2* éd. Paris 1987, 9], n'a rien à voir avec le texte en question). Une version allemande édité par Ma'lüf, due à Z. Shunnar, se trouve dans Victor 19, p. 69-73. pas possible d'établir avec certitude si la traduction arabe a été faite

p. 84 et du texte Il n'est à partir

d'une traduction syriaque déjà existante, dont il ne resterait aucune trace; en tout

cas, c'est un fait (relevé par Jackson 4, p. 155), qu'elle représente probablement le témoignage le plus ancien de la tradition directe de l’œuvre, puisque sa composition serait d'environ deux siècles antérieure à la date de copie des plus anciens manuscrits grecs subsistants (datés du XIII* s.).

550

ARISTOTE DE STAGIRE

Tradition latine médiévale. Selon le status quaestionis fourni par p. 167-176, integré par les recentes recherches de Christoph Flüeler, cette ceuvre peut-étre cinq versions latines, réalisées avant le milieu dans l'ordre chronologique suivant : - la version, aujourd'hui perdue, citée par Ferrand d'Espagne dans sitio I-Il libros Yconomicorum

Jackson 4, il y eut de du XV* s., son Expo-

Aristotelis (datée de 1302-1303, et conservée

dans un seul manuscrit) ; - ce qu'on appelle la translatio vetus, rédigée probablement dans la seconde moitié du XIII* s., dans un milieu italien, sur la base du texte original grec, dont il reste environ dix-sept rnanuscrits ; - une revision de la translatio vetus par le traducteur Guillaume de Moerbeke (mort en 1286), conservée dans le seul manuscrit de Florence, Biblioteca Mediceo-Laurenziana, conv. soppr. 95 (cf. 23 J. Brams, in BullPhilosMed 39, 1997,

p. 15); - ce qu'on appelle la translatio Durandi, réalisée par Durand d'Auvergne à Anagni en 1295, avec l'aide de deux autres traducteurs (un archiepiscopus et un episcopus de Grecia, restés anonymes), autant sur la base de la translatio vetus que (selon toute probabilité) sur celle du texte grec (24 H. Goldbrunner, « Duran-

dus de Alvernia, Nicolaus van Oresme und Leonardo Bruni. Zu den Übersetzungen der pseudo-aristotelischen Ókonomik », AKG 50, 1968, p. 215-223); il reste de cette traduction plus de soixante manuscrits (auxquels il faut ajouter les mss qui présentent un texte contaminé par la translatio vetus) ;

- ]a traduction réalisée par l'arétin Leonardo Bruni en 1420-1421, précédée d'une préface et accompagnée d'un commentaire (pour l'origine de ce travail, cf. 25 J. Soudek, « The genesis and tradition of Leonardo Bruni's annotated version of the (Pseudo-)Aristotelian Economics », Scriptorium 12, 1958, p. 260268) ; cette version serait, elle aussi, fondée sur la translatio Durandi confrontée avec le texte grec (Goldbrunner 24, p. 224-232); elle est encore conservée dans

plus de deux cents manuscrits (cf. 26 J. Soudek, «Leonardo Bruni and his public: a statistical and interpretive survey of his annotated Latin version of the (pseudo-)Aristotelian Economics», StudMedRenHist

Jackson 5. Une nouvelle édition critique de la translatio Moerbeke et de la translatio

Durandi

5, 1968,

p. 49-163),

et

vetus, de la révision de

paraitra bientöt: 27 C. Flüeler (édit.),

Oeconomica. Translatio anonyma, Recensio Guillelmi de Moerbeka et Translatio Durandi de Alvernia, coll. « Aristoteles Latinus» XXX [sous presse].

N'ont aucun rapport direct avec l' Économique ni le Compendium libri qui Aristoteli adscriptus est De Yconomia, édité par 28 G. B. Fowler, « Manuscript Admont 608 and Engelbert of Admont (c. 1250-1331), Part II: Appendices 613», AHMA 53, 1978, p. 242-245, ni la Translatio abreviata fratris Petri episcopi Cartaginiensis de speculatione antecer in regitiva domus, réalisée par le

traducteur espagnol Pedro Gallego (m. 1267) et publiée pour la premiere fois par 29 A. Pelzer, Études d'histoire littéraire sur la scolastique médiévale, recueil

L'ÉCONOMIQUE

551

d'articles mis à jour ... par A. Pattin et E. van der Vyver, coll. «Philosophes médiévaux » 8, Louvain/Paris

1964, p. 231-240. Selon Victor 19, p. 193-204,

l'antecer traduit par Gallego serait en fait un texte d'origine grecque, composé sur la base d'écrits aristotéliciens et des différents Οἰκονομικός de Xénophon, du pseudo- Aristote (livre I) et de Bryson (»+B 66): cela pourrait faire supposer

qu'il s'agissait d'une sorte de «recueil résumé » des écrits économiques classiques, composé à la fin de l'antiquité et peut-étre de méme genre que la Summaria Alexandrinorum. Enfin, pour une présentation sommaire des versions hébraiques médiévales (il y en a deux, la première fondée sur la transiatio Durandi [environ 1430], la seconde sur la version de Bruni), voir 30 M. Zonta, « La tradizione ebraica degli scritti economici greci », Athenaeum 84, 1996, p. 549-554. Livre II. Auteur et sources. Le manque apparent d'homogénéité entre les deux parties de l’œuvre - qui relève de la littérature des πόροι, florissante dans la Gréce du IV* s. — a souvent fait croire qu'il fallait voir dans ce livre deux écrits distincts, attribuables à deux auteurs opérant à des époques différentes (mais toujours autour de 300 av. J.-C.); Laurenti 1, p. 31-59, aprés une large discussion des diverses opinions sur la question, estime au contraire qu'il s'agit d'un traité unitaire de chrématistique, divisé en deux sections (théorique et pratique), et probablement composé par un éléve d'Aristote (certainement différent de l'auteur du livre I), vers la fin du IV* s. — et c'est dans ce sens que vont aussi les vues exprimées par van Groningen-Wartelle 2, p. XIII, et par 31 S. Isager, «Once upon a time. On the interpretation of [Aristotle], Oikonomika II », dans Studies in ancient

p. 77-83.

history

De

and

numismatics

(Festschrift

Rudi

Thomsen),

Aarhus

1988,

son côté, 32 M. R. Cataudella, OIKONOMIKA : Esperienze di

finanza pubblica nella Grecia antica. Letture del Libro II degli "Oekonomika" pseudoaristotelici e altri saggi, Firenze 1984, p. 28-29, a suggéré de dater l’œuvre de la décennie 280-270 av. J.-C., car il y avait reconnu un lien avec certaines

mesures de politique financière prises à cette époque dans le royaume des Séleucides. Pour une discussion générale sur le contenu, voir van Groningen 11, p. 3459:33

L.

Cracco

Ruggini,

«Eforo

nello Pseudo-Aristotele,

Oec.

II?»,

Athenaeum 44, 1966, p. 199-237, propose de voir dans l'histoire universelle (perdue) d'Éphore (IVe s.) la source de la seconde section de l’œuvre. Éditions. L'édition critique la plus récente est dans van Groningen-Wartelle 2, p. 9-35 (à confronter avec les observations de Thillet 3, p. 578-587); elle

reprend en substance l'édition déjà publiée dans van Groningen 11, p. 3-21, suivie d'un trés riche commentaire sur le texte et sur le contenu — surtout historique - de l’œuvre (p. 25-209).

Traduction latine médiévale. Il n'existe de l’œuvre que la translatio vetus (pour la bibliographie, cf. supra, Livre I), dont le texte a été édité — d'aprés

quatre manuscrits seulement — dans van Groningen 11, p. 18-30, et la révision de Guillaume de Moerbeke (pour une édition critique de ces deux textes, il faut attendre la parution de Flüeler 27). On n'en connait pas de commentaire rédigé à

552

ARISTOTE DE STAGIRE

l'époque médiévale, et l’œuvre est inconnue de la tradition syriaque, arabe et hébraique. Livre III. Auteur et sources. La vaste discussion menée par Laurenti 1, p. 125-157, conduit à la conclusion qu'il s'agit d'une œuvre unitaire et tout-à-fait indépendante, et que les doctrines qu'elle contient, qui ne sont pas sans faire écho à la philosophie populaire du stoicisme tardif, ne sont pas toujours compatibles avec celles du Péripatos. Il faudrait compter cet ouvrage parmi les nombreux écrits grecs sur le mariage, qui ont fleuri dans la période allant du Is. av. J.-C. au 11° s. apr. J.-C. (parmi lesquels on compte les œuvres attribuées aux femmes-auteurs Périctionè et Phintis) ; par conséquent, il ne faudrait pas du tout

l'identifier à l'un des deux écrits περὶ συμδιωσέως

et νόμοι ἀνδρὸς xai

γαμετῆς attribués à Aristote par les listes bibliographiques antiques (Hésychius), et pas davantage le relier au livre I, comme c'est le cas dans certaines des traductions latines médiévales. Van Groningen-Wartelle 2, p. XVIII-XX, tout en rejetant l'attribution à Aristote, semblent pourtant croire qu'il s'agit en tout cas d'un ouvrage de son école. Tradition du texte. Le texte grec de l'ouvrage s'est trouvé perdu, probablement avant la fin du XIII“ s. ; il n'en reste que les traductions latines médiévales suivantes (pour les traductions particulières, cf. supra, Livre I; voir aussi la discussion menée dans van Groningen-Wartelle 2, p. XVIII-XXVIL et dans Thillet 3, p. 568-673): - les fragments de la traduction connue de Ferrand d'Espagne ; - la translatio vetus, dépendante du texte original ;

- la révision de la translatio vetus attribuée à Guillaume de Moerbeke ; - la translatio Durandi, fondée sur la précédente mais qui n'a probablement pas été faite sans confrontation avec le texte grec. La traduction présumée du Livre III, œuvre de Leonardo Bruni, n'est en revanche rien d'autre qu'une réfection de la translatio Durandi, qui n'est cependant pas exempte d'éléments tirés des deux autres traductions: cf. Goldbrunner 2A, p. 228. Editions. Les fragments de Ferrand ont été publiés dans 34 V. Rose, Aristoteles pseudoepigraphus, Leipzig 1863, p. 655-663, alors que les éditions plus récentes de la translatio vetus et de la translatio Durandi, faites sur un choix restreint de manuscrits, sont celles qui ont été respectivement publiées dans 35 F. Susemihl (edit.), Aristotelis quae feruntur Oeconomica, coll. BT, Leipzig 1887,

p. 41-63 (pages impaires) et dans van Groningen-Wartelle 2, p. 36-47 (cf. aussi Thillet 3, p. 587-589). Pour une édition critique des traductions verus, de Moerbeke et Durandi, il faut attendre la publication de Flüeler 27. Études récentes et commentaires. 36 M. Defourny, Aristote. Théorie économique et politique sociale, coll. «Ann. Inst. de Philos.», Louvain/Paris, 3, 1914, 134 p.; c.r. par L. Robin, REG 29, 1916 p. 114; 15 A. Andréadès, «La première apparition de la science des finances, un chapitre de I' Économique d' Aristote », Écon. Polit. Contemp. 3, 1930, p. 1-9 et Padova 1930, vitI-9 p. ;

L’ECONOMIQUE

553

37 D. Willers, Die Ökonomie des Aristoteles (Diss.), Breslau 1931, 48 P.; C.r.

dans LZB 1931, col. 1403; 38 P. Mandonnet, « Guillaume de Moerbeke, traduc-

teur des Économiques », AHMA 1933, p. 9-29; 39 P. Mandonnet, «Albert le Grand et les Économiques d' Aristote», AHMA 1933, p. 29-35; 40 M. de Viciana, Comentari a l'Economica d’Aristotil, coll. «Bibl. Escriny V, Sant Boi de Llobregat», Barcelona 1982, 108 p. Pour quelques références bibliographiques aux éditions et traductions modernes de l’œuvre, cette notice a tiré profit d'une bibliographie inédite antérieurement préparée pour le DPhA par André Wartellet.

MAURO ZONTA.

PSEUDO-ARISTOTE, RHÉTORIQUE À ALEXANDRE (340-300*) Éléments bibliographiques. Édition de référence, sous le titre Anaximenis Ars Rhetorica, par 1 M. Fuhrmann, coll. BT, Leipzig 1966, 2^ éd., München/ Leipzig 2000; histoire du texte dans 2 /d., Untersuchungen zur Textgeschichte

der pseudo-aristotelischen Alexander-Rhetorik (der Téyvn des Anaximenes von Lampsakos), AAWM/GS 1964, 7, Wiesbaden 1965. Outre quelques extraits figurant dans des recueils constitués à la Renaissance (Parisini gr. 2041, 2042 ; Vari-

canus gr. 1340), la liste des codices doit étre augmentée de l' Alexandrinus Bibl. Pair. 128 (sur ce document, voir 3 P. Moraux ef al., Aristoteles Graecus, t. I, coll. « Peripatoi » 8, Berlin 1976, p. 2-3; nous avons acquis la conviction que le

copiste, Andreas Donos, a utilisé comme modèles les Matrítenses 4632 et 4684, cf. 4 P. Chiron, « La tradition manuscrite de la Rhétorique à Alexandre : prolégomènes à une nouvelle édition critique », RHT 30, 2000, p. 34-35; et, pour une partie du chap. 38, d'un manuscrit de Saragosse, le Caesaraug. gr. 7 (sur ce manuscrit, voir 5 Á. Escobar, «El Caesaraug. Gr. 7: un fragmento pseudoaristotelico [Rhet. Al. 1446 a 36 - 1447 b 7] en el fondo griego de La Seo [Zara-

goza] », Symbolae Berolinenses für D. Harlfinger, Amsterdam 1993, p. 81-94). Principales traductions modernes : 6 E. S. Forster, De Rhetorica ad Alexandrum (The Works of Aristotle transl. into English under the Editorship of W. D. Ross, vol. 11), Oxford 1924, réimpr. dans 7 J. Barnes (édit.), The Complete Works of

Aristotle. The Revised Oxford Translation, coll. « Bollingen series » LXXI 2, vol. II, Princeton University Press, 1984, p. 2270-2315; 8 H. Rackham, Rhetorica ad Alexandrum (Aristotle XVD, coll. LCL, London 1937 (1983), p. 257-456 (anglais); 9 P. Gohlke, Rhetorik an Alexander, coll. «Aristoteles, die Lehrschriften» III 3, Paderborn 1959 (allemand) ; 10 J. Sánchez Sanz, Retórica a

Alejandro, coll. « Acta Salmanticensia. Estudios filologicos », 217, Salamanca 1989 (espagnol). Il n'a pas été pub,lié de traduction française complete depuis celle de 11 J. Barthélemy Saint-Hilaire, Rhétorique à Alexandre (Rhétorique d' Aristote, t. II, p. 155-342), Paris 1870. Seul commentaire à ce jour dans 12 L. Spengel, Anaximenis ars rhetorica quae vulgo fertur Aristotelis ad Alexandrum, Turici et Vitoduri 1844, p. 93-276. Études d'orientation. 13 J. Brzoska, art. « Anaximenes» 3, RE I 2, 1894, col. 2086-2098 ; 14 W. Kroll, art. «Rhetorik» 11, RESuppl. VII, 1940, col.

1052-1054 ; 15 M. WeiBenberger, art. « Anaximenes [2, aus Lampsakos}», KP I A, 1996, col.674 ; 16 M. Kraus, art. « Anaximenes aus Lampsakos », dans O. Schütze (édit.), Metzler Lexikon Antiker Autoren, Stuttgart/Weimar 1997, p. 4243 ; voir aussi 17 V. Buchheit, Untersuchungen zur Theorie des Genos Epideiktikon von Gorgias bis Aristoteles, München 1960, p. 189-207 ; 18 K. Barwick, «Die “Rhetorik ad Alexandrum" und Anaximenes, Alkidamas, Isokrates, Aristoteles und die Theodecteia » I, Philologus 110, 1966, p. 212-245; II, Philologus 111, 1967, p. 47-55 ; 19 I. Beck, Untersuchungen zur Theorie des

Genos symbuleutikon, Diss. Hamburg 1970, p. 89-167. Voir en dernier 20 D.C.

RHETORIQUE A ALEXANDRE

555

Mirhady, « Aristotle, the Rhetorica ad Alexandrum and the tria genera causarum » ; 21 D. Marsh, «Francesco Filelfo's Translation of the Rhetorica ad

Alexandrum», dans W. W. Fortenbaugh and D.C. Mirhady (édit.), Peripatetic Rhetoric after Aristotle, coll. RUSCH 6, New Brunswick/London 1994, p. 54-65 et 349-364 ; 22 G. La Bua, «Quintil. "Inst. Or." 3, 4, 9 e la "Rhetorica ad

Alexandrum"», GIF 47, 1995, p. 271-282; 23 A.C. Braet, « On the Origin of Normative Argumentation Theory. The Paradoxical Case of the Rhetoric 10 Alexander », Argumentation 10, 1996, p. 347-349 ; 24 M. Patillon, « Aristote, Corax, Anaximéne et les autres dans la Rhétorique à Alexandre », REG 110, 1997, p. 104-125 (avec une utile synopsis du traité, p. 112-117); 25 P. Chiron,

«Sur une série de pisteis dans la Rhétorique à Alexandre (Rh. Al., chap. 7-14)», Rhetorica 16, 1998, p. 349-391. Id. 4, p. 17-69 ; 26 /d., « Observations sur le lexique de la Rhétorique à Alexandre », Ktèma 24, 1999, p. 313-340 ; 27 Id. «L'épitre dédicatoire de la Rhétorique à Alexandre : un faux si impudent?», dans S. C. Mimouni (édit.), Apocryphité : histoire d'un concept transversal aux Religions du Livre, Paris, sous presse; 28 R. Velardi, «La metafora della paternità letteraria e la *morte' dell'autore. L'Epistula ad Alexandrum premessa alla Rhetorica di Anassimene di Lampsaco », dans G. Cerri (édit.), La letteratura

pseudepigrafa nella cultura greca e romana, coll. « AION » 22, Napoli 2000, p. 197-229. La Rhétorique à Alexandre (en abrégé Rh. Al.), transmise par les manuscrits sous le nom d'Aristote, est considérée généralement comme la plus ancienne τέχνη ῥητορική («art » rhétorique) conservée. C'est un ouvrage aux ambitions

avant tout pratiques, dont la doctrine refléte les acquis de la proto-rhétorique sicilienne combinés à ceux des courants sophistique et isocratique, mais qui offre aussi de troublantes analogies avec la Rhétorique d' Aristote. Par sa conception,

la Rh. Al. représente, avant la Τέχνη de Denys le Thrace, l'Elca Yo) ἁρμονυτή de Cléonide, la Rhétorique à Herennius, etc., le premier exemplaire de la tradition technique des traités systématiques étudiée par 29 M. Fuhrmann, Das systematische Lehrbuch, Göttingen

1960 (sur la Rh. Al, voir p. 11-28). Sans méme

arguer du sens trés large du terme philosophie dans l' Antiquité, une discussion sur ce texte dans un Dictionnaire des Philosophes trouve sa justification non seulement dans la transmission du traité au sein du corpus aristotélicien, dans les

liens doctrinaux que l'on peut y déceler avec la Rhétorique, mais aussi dans ses rapports étroits avec la sophistique, dans la méthode suivie (définitions, divisions, effort de hiérarchisation des catégories, malgré un conflit entre empirisme et systématisation qui empéche d'y voir un véritable systéme rhétorique, cf. Fuhrmann 29, p. 15), et dans la présence de quelques développements particuliers (notamment les passages sur démocratie et oligarchie, au chap. 2, 1424 a 8 b 27, et sur les moyens de persuasion, chap. 7 à 14) qui touchent à la philosophie politique et à la théorie de l'argumentation. Dans son état actuel, le traité est précédé d'une lettre dédicatoire apocryphe prétendument adressée par Aristote à Alexandre. 1l contient ensuite trente-huit chapitres de longueur trés inégale (ce découpage remonte à Érasme). Il faut en

556

ARISTOTE DE STAGIRE

isoler comme inauthentiques une série de notes de lecture désordonnées (chap. 38, 1446 a 36 - 1447 b 7). Le début du chapitre 38 (1445 b 24 - 1446 a 35) a d'autre part éveillé des soupcons (orientations bibliographiques dans Beck 19, p. 97 n. 1; voir aussi Barwick 18, I, p. 223-224): il renferme un développement sur la formation morale de l'orateur rédigé dans des termes qui cherchent d'une maniere artificielle à calquer la méthode de formation morale sur la formation technique, au prix d'"acrobaties" proches de l'absurde. Mais on s'accorde généralement contre l'athétése, avec raison, car il n'est pas exclu que la présence d'un tel développement ait correspondu à une norme dans les traités de tradition isocratique (sur la portée morale de l'éducation à la parole, cf. Isocrate, Nic. 7 ; pour l'adjonction de consignes morales aux préceptes techniques, cf. Quintilien XII 1, 1). Le corps du traité (chap. 1-37) ne comporte pas d'introduction à proprement parler ; l'auteur commence par une division des discours "politiques" en trois genres (γένη), le genre démégorique (önuınyopıxdv γένος), le genre épidictique

(ἐπιδεικτικὸν v.) et le genre judiciaire (δικανικὸν Y.). Il distingue ensuite sept espèces (εἴδη): l’eldog προτρεπτικόν (exhortation), ἀποτρεπτικόν (dissuasion), ἐγκωμιαστικόν (éloge), ψεκτικόν (blâme), xarnyoptxév (accusation), ἀπολογητικόν (défense), ἐξεταστικόν (examen). La matière est ensuite structurée selon trois grandes parties. La première (chap. 1-5) s'attache à l'argumentation propre à chaque espèce de discours. Les principaux instruments (topiques) sont définis, divisés et appliqués à des cas-types. La seconde (chap. 6-28) suit la méme méthode (définitions, divisions et mode d'emploi) mais regroupe un ensemble de notions (moyens de persuasion, moyens d'expression) analysées indépendamment du discours choisi. La troisiéme (chap. 29-37) reprend la référence aux espéces mais en suivant l'ordre des parties du discours (exorde, narra-

tion, confirmation, procatalepse — ou anticipation —, épilogue): y sont examinés pour chaque espèce le contenu, l'organisation interne et l'enchainement de ses parties constitutives. Datation. Pour la datation du traité, il existe des points de repère assez solides, du moins si l'on admet l'unité de l'ouvrage. Un indice interne offre un terminus a quo: au chap. 8 (1429 b 18-22), il est fait mention de l'expédition des Corinthiens en Sicile, venus aider, sous la conduite de Timoléon, les habitants de Syracuse attaqués par les Carthaginois. Cet épisode est situé par les historiens en 344/3 av. J.-C. (30 K.J. Beloch, Griechische Geschichte, t. II 2, 2° éd., Berlin/

Leipzig 1923, p. 380). La papyrologie offre un terminus ante quem, au moins pour la partie restituée partiellement (17 fragments s'étendant du chap. I au chap. 4 — 1422 a 25 - 1427 a 2 —) par le PHib. 26. Les éditeurs, B.P. Grenfell et

A. S. Hunt (31 The Hibeh Papyri 1, London 1906, p. 114), datent le document lui-méme ca 285-250 et la composition de l'ouvrage (eu égard aux délais voulus par la copie, la diffusion du rouleau, sa carriére, sa mise au rebut et son réemploi comme cartonnage de momie) du IV* s., avec pour terminus 300, estimation confirmée pour nous par le Pr. Paul Mertens. Donc, si l'on s'en tient aux don-

RHETORIQUE A ALEXANDRE

557

nées les plus sûres, l'ouvrage existait, tout ou partie, dans la seconde moitié du IV* siècle, entre ca 340 et 300 av. J.-C. Attribution. La question de l'attribution est beaucoup plus délicate et n'est pas définitivement tranchée à ce jour. Il est pourtant essentiel de la poser car les indices disponibles conduisent à soulever des problèmes fondamentaux, comme celui de l'unité de l'ouvrage (vs compilation), celui des rapports entre la doctrine du rhéteur et celle d'Aristote, mais aussi celui de l'établissement du texte. Trois

indices principaux conduisent à envisager trois hypothèses, dont les fortunes ont été diverses auprès des savants : A) Le titre actuel (sous sa forme complète : Rhétorique d’Aristote «dédiée» à Alexandre) indique comme auteur Aristote. D'autre part, Athénée (XI, 508 a)

cite une définition de la loi tirée de l'épitre dédicatoire apocryphe et l'attribue à Aristote. Enfin Syrianus (/n Hermog. comm. II, p. 11, 17-12, 2 Rabe) décrit et

attribue à Aristote un "systéme" rhétorique à deux genres (le démégorique et le judiciaire) et à sept espéces (les mémes que dans la Rh. Al.). Or si la division en deux genres est étrangère à la Rh. Al. dans son état actuel, cette division en sept espèces constitue probablement la particularité doctrinale la plus marquante du traité. Cela dit, l'attribution de la Rh. A/. à Aristote est mise le plus souvent sur le

compte de l’épître dédicatoire, et elle est, depuis Érasme (dans son éd. d' Aristote parue à Bále en 1531, cf. Fuhrmann, 2, p. 143, n. 1), généralement récusée (voir

cependant Beck 19, p. 90 n. 1). B) La fin de la lettre dédicatoire (1421 a 38 - b 6), passage d'interprétation délicate, semble indiquer que le traité est une compilation réunissant les Theodecteia d' Aristote et un traité de Corax. Cette seconde hypothése n'est plus que

rarement prise au sérieux depuis 32 C. Benoît, Essai historique sur les premiers manuels d'invention oratoire, Paris 1846 (Vrin-Reprise 1983), p. 148-157, mais mérite un réexamen en raison de la présence, dans le traité, d'un certain nombre d'indices d'hétérogénéité (sur ce point, voir 33 C. Campe, «I. Über die vermeinte Rhetorik des Anaximenes» ; «II. Die angebliche Rhetorik des Anaximenes von Lampsakus»,

Philologus 9, 1854, p. 106-128; 279-310, et Patillon 24,

p. 111-122). La thèse de la compilation tardive semble être aussi celle d'O. Gigon (34 art. «Aristoteles », Lexikon der Antike. Philosophie Literatur Wissenschaft, Bd. 1, 2* éd., München 1970, col. 183-184). C) Quintilien (III 4, 9) décrit le même “système” que Syrianus mais l'attribue

à Anaximène de Lampsaque (»*A 167), historien, orateur et rhéteur contemporain d' Aristote. Lancée par Pier Vettori dans son édition commentée de la Rhétorique d' Aristote parue à Bále en 1549 (Fuhrmann 2, p. 143 n. 2), la these de l'attribution du traité à Anaximène a été à plusieurs reprises ardemment défendue par L. Spengel (38 Συναγωγὴ Texvöv, Stuttgart 1828, p. 182-191;

36 « Die 'Ρητορικὴ πρὸς ᾿Αλέξανδρον, ein Werk des Anaximenes», ZAW 7, 1840, col. 1258-1267 ; 12, p. IX-XII ; 37 « Die Rhetorica (des Anaximenes) ad

Alexandrum kein Machwerk der spätesten Zeit», Philologus 18, 1862, p. 604646 — réponse à Campe 33). 38 Ad. Ipfelkofer, Die Rhetorik des Anaximenes unter den Werken des Aristoteles, Progr. Würzburg 1889, a fait sienne la thése

558

ARISTOTE DE STAGIRE

de Spengel, mais en mettant en valeur les altérations qui ont affecté le texte au cours de sa transmission. P. Wendland a repris et nuancé ce double point de vue (39 Anaximenes von Lampsakos, Berlin 1905, p. 26-64 ; 40 Id., «Zu Anaxime-

nes Rhetorik », Hermes 51, 1916, p. 486-490) ; de méme, plus récemment, M. Fuhrmann (2, chap. 8; 29, p. 11 n. 1), suivi par Beck (19, p. 90-91), tandis que Barwick (18, I, p. 213-218) s'attachait à détruire les objections de Buchheit (17)

à la thése de Spengel. L'Année Philologique a d'ailleurs entériné cette communis opinio, depuis 1966, en regroupant toutes les indications relatives à la Rh. Al. sous le nom d'Anaximéne. Autre signe de ce quasi-consensus, la recherche a délaissé la question de l'attribution, aprés la publication de l'édition Fuhrmann, pour s'attacher à la critique textuelle (notamment 41 R. Kassel, « Textvorschláge zur Rhetorik des Anaximenes », Philologus 111, 1967, p. 122-126; 42 O. Zwierlein, «Zum Text der Anaximenes-Rhetorik », RAM 112, 1969, p. 72-84; 43 M.D.

Reeve, «Notes on Anaximenes' TEXNH

PHTOPIKH », CQ 20, 1970,

p. 237-241). Cela dit, bien des partisans de cette attribution reconnaissent qu'elle n'est que probable (par exemple, 44 Th. Cole, The origins of Rhetoric Greece, Baltimore/London 1991, inscrit dans l'index: “Anaximenes sacus (?)") et, depuis F. Susemihl (45 GGLA, t. II, Leipzig 1892, p. jusqu'à Buchheit (17, p. 189-207), un certain nombre de savants ont

in ancient of Lamp451-457) manifesté

une ferme opposition à l'argumentation de Spengel. Ce n'est pas le lieu d'un examen détaillé du probléme, que nous avons étudié dans l'introduction de notre récent édition (46 P. Chiron

[édit.], Ps.-Aristote,

Rhétorique à Alexandre, texte établi et traduit par P. C., CUF, Paris, 2002, notamment p. XL-CVII). Tragons seulement les grandes lignes du débat: Les hypothéses (A) et (B) reposent toutes deux sur la lettre dédicatoire apo-

cryphe. Il convient, pour en étudier la pertinence, de mesurer d'abord la valeur de ce document (1), puis de voir s'il est plausible (hypothese A), sur la base d'une comparaison avec la Rhétorique, d'attribuer l'ouvrage entier à Aristote (2), ensuite si l’hypothèse (B) de la compilation trouve confirmation dans le

texte (3) et enfin si la confrontation entre la Rh. Al. et ce que l'on sait des Theodecteia (4) et de Corax (5) renforce ou diminue les probabilités obtenues. Pour

l'hypothese (C), il convient d'examiner les titres d'Anaximéne de Lampsaque à l'attribution (6) et d'analyser la pertinence du rapprochement entre la RA. Al. et le témoignage de Quintilien (7). (1) La lettre dédicatoire d' Aristote à Alexandre La valeur de ce document est trés faible. Outre la médiocrité du texte (un éloge du logos, d'esprit isocratique, mais rédigé dans un style "gorgianique" jusqu'à la caricature), il faut souligner que cette lettre est passablement inadaptée

au traité qui suit, car elle adresse à un monarque un traité consacré pour l'essentiel à l'éloquence pratiquée dans le cadre des institutions démocratiques athéniennes du IV* s. Il faut aussi noter que la double attribution qu'elle semble indiquer (Aristote/Corax) n'est cohérente ni avec le titre, Rhétorique d'Aristote à

Alexandre, oü n'est pas mentionné le nom de Corax, ni avec le contexte immé-

RHETORIQUE À ALEXANDRE

559

diat, qui renferme une violente diatribe contre les compilateurs (Epist. 14-15, 1421 a 28-34). Wendland (39, p. 28) et H. Usener (47 Kleine Schrifen I 1, Leipzig 1912, p- 5) ont relevé de surcroît une invraisernblance qui accroît les soupçons: “Alexandre” a écrit, dit la lettre (Epist. 14, 1421 a 26-28), pour demander à “Aristote” de tenir son ouvrage secret. “Aristote” répercute cette requête en demandant à son correspondant d'éviter toute diffusion du traité. L'auteur de la lettre fait trés probablement référence à une fiction selon laquelle Alexandre, dans le temps de ses études sous la direction du philosophe, aurait demandé à Aristote de tenir secrètes ses œuvres de haute substance philosophique, c'est-àdire ses livres de métaphysique. Cette fiction est connue par un échange épistolaire apocryphe reproduit partiellement par Plutarque (Vit. Alex. 7, 7-9), complétement par Simplicius (CAG IX, p. 8, 20-29 Diels) et Aulu-Gelle (Noct. att. XX 5, 11-12); sur ces textes, voir notamment 48 I. Düring, Aristotle in the Biographical Tradition, Göteborg 1957, p. 432 sq. ; 49 M. Plezia, Aristotelis epistularum fragmenta cum testamento, Varsovie 1961, p. 42-43. En se référant à cette fiction, l'auteur de la lettre dédicatoire trahit sa crédulité. Il trahit aussi son ignorance, car les œuvres rhétoriques n'entraient pas dans la catégorie des œuvres à protéger (cf. Quintilien III 1, 14 - la rhétorique était enseignée l'apresmidi — ; Aulu-Gelle, 20, 5, 2; scholie aux Sraseis d'Hermogéne, Rhet. Gr. IV, p. 298, 5 sq. Walz). L'épitre dédicatoire est donc selon toute vraisemblance un faux: l'attribution du traité à Aristote et à Corax ne pouvait qu'en augmenter le prix. A quelle époque a-t-elle été écrite ? Selon I. Düring (48, p. 433-434 ; 50 Id., art. « Aristoteles », RESuppl. XI, 1968, col. 165), la correspondance apocryphe entre Aristote

et Alexandre à laquelle se réfère probablement l'auteur de la lettre dédicatoire remonte à Andronicos de Rhodes. D'autre part, Athénée cite un passage de cette lettre (pour une appréciation différente de cet indice, cf. Patillon, 24, p. 105 n. 6). Il faut donc situer la rédaction de la lettre entre le I s. av. J.-C. et la fin du

II s. apr. J.-C. Toute précision supplémentaire dépend du témoignage de Quintilien (ITI 4, 9). Puisqu' Athénée prête à Aristote la lettre qu'il cite, et si le traité doit son attribution à Aristote à l'adjonction de la fausse lettre, il faut situer cette adjonction aprés Quintilien qui attribue encore le traité à Anaximene, si du moins Quintilien

parle bien de la Rh. AI. (cf. infra). La lettre dédicatoire serait donc datable plus précisément entre Quintilien (ca 30 - post 95) et Athénée (premiere moitié du III* s. apr. J.-C.). Cette datation coinciderait de surcroit avec la date probable à laquelle la Rh. Al. est entrée dans le corpus aristotélicien. En effet, l'ouvrage n'apparait pas dans les listes des œuvres d' Aristote avant l' Appendice au catalogue anonyme dit Anonyme de Ménage. 1] semble y avoir été mentionné sous la forme suivante (cf. 51 P. Moraux, Les listes anciennes des ouvrages d'Aristote, Louvain 1951, p. 258): ὑποθήκας πρὸς ᾿Αλέξανδρον, ἢ περὶ ῥήτορος ἢ πολιτικοῦ

(Conseils à Alexandre, ou sur l’orateur ou l'homme politique). Certes,

l'origine de cet appendice n'est pas connue avec exactitude. L'hypothése domi-

560

ARISTOTE DE STAGIRE

nante consiste à y voir la main d'Hésychius de Milet (VIP), mais Hésychius aurait utilisé une source qui ne saurait, selon Moraux (51, p. 249), étre antérieure

au premier tiers du II* s. apr. J.-C. Si passage de l'ouvrage dans le corpus 51, p. 285), les deux estimations se encore la rédaction de la lettre au IF

la lettre dédicatoire est bien à l'origine du aristotélicien (c'est ce que pense Moraux rejoignent, ce qui ancre plus solidement s. apr. J.-C. Tous ces éléments en font un

document hautement suspect, que les spécialistes des témoignages sur la proto-

rhétorique récusent en général (voir notamment, à propos de Corax, 52 K. Schópsdau, Antike Vorstellungen von der Geschichte der griechischen Rhetorik,

Diss. Sarrebrück 1969, p. 177 n. 36). 2) La Rh. Αἱ. εἴ la Rhétorique d’ Aristote Pourtant, les points de contact entre la Rh. Al. et la doctrine aristotélicienne

connue par la Rhétorique sont étonnamment nombreux (cf. Barwick 18, I, p. 230-245). La méthode consistant à procéder par définitions et divisions (cf. Fuhrmann 29, p. 16 sq.; Barwick 18, I, p. 232; 53 W.M. A. Grimaldi, Studies in the Philosophy of Aristotle's Rhetoric, coll. « Hermes Einzelschriften » 25, Wiesbaden 1972, p. 76 n. 33), si caractéristique du philosophe, se retrouve souvent dans la Rh. Al. L'auteur de la Rh. Al. étudie, comme

Aristote, les trois genres

oratoires que sont le genre démégorique, le genre épidictique et le genre judiciaire. Si banal que cela puisse paraitre, la convergence est remarquable car, aux dires d'Aristote

lui-méme

(Rhet.

1354 b 22-29),

les premiers

manuels

ne

s'occupaient guère que d'enseigner à plaider; Platon (Phaedr. 261 b) et Isocrate (Soph. 19) le confirment. Chez les deux auteurs, priorité est donnée à l'éloquence délibérative (cf. Rhet. 1358 b 7), et l'ordre dans lequel sont traités les trois genres est le même. Tous les deux divisent chaque genre, avec une formulation

trés proche, en un couple d'opérations opposées (exhorter, dissuader — louer, blámer — accuser, défendre, cp. Rh. Al. 1421 b 8-10 et Rhet.

1358 b 8-13), à cette

différence prés que le rhéteur ajoute le discours d'examen. L'analyse des "prédicats de base" que sont le juste, le légal, etc. (Rh. Al. chap. 1, 1421 b 23 sq.) et leur mise en rapport avec les espèces oratoires (Rh. AZ. chap. 6, 1427 b 39 - 1428 a 1) trouvent un écho dans la Rhétorique avec la théorie du τέλος de chaque genre (Rhet. 1358 b 20-28). Les deux auteurs ont le méme souci de définir, pour le genre démégorique, à la fois une topique abstraite (cp. RA. Αἰ. chap. 1 et Rhet. I, 5) et une liste de sujets-types (cp. Rh. Al. chap. 2, et Rher. I, 4). Ces listes sont d'ailleurs assez voisines (cp. Rh. Al. chap. 2, 1423 a 22-25 et Rhet. 1359 b 1923). La division des pisteis (moyens de persuasion) en deux catégories se retrouve avec des analogies évidentes chez les deux auteurs: en effet, le rhéteur distingue les pisteis dérivées "des discours, des actes et des hommes"

des pisteis

"ajoutées" (chap. 7, 1428 a 16-23). On ne peut pas ne pas songer à la division en pisteis "techniques" vs "non techniques" en Rhet. 1355 b 35 sq. (pour une comparaison entre le rhéteur et Aristote sur la question des pisteis "ajoutées" ou “non techniques", cf. 54 D.C. Mirhady, « Non-technical pisteis in Aristotle and Anaximenes », AJPh 112, 1991, p. 5-28). L'affectation privilégiée des techni-

RHÉTORIQUE À ALEXANDRE

561

ques d'amplification au genre épidictique, des exemples au genre démégorique tandis que le judiciaire est le domaine préférentiel de l'enthyméme (Rher. 1368 a 26-33) n'est pas sans rappeler des remarques faites au chap. 6 de la Rh. Al. De méme, les définitions de l'injustice (ἀδικία), de l'erreur (ἁμάρτημα) et de la

malchance (ἀτυχία) dans la Rh. Al. (chap. 4, 1427 a 30 - 1427 b 1) et les conséquences qu'il faut en tirer en matière judiciaire rappellent de manière frappante les considérations d' Aristote sur l'ätoynua, l'áuóprnua et 1᾿ἀδίκημα dans la Rhétorique (1374 b 5-10). La distinction entre les biens qui résident dans la vertu

et ceux qui n'y résident pas (Rh. Al. chap. 35, 1440 b 15-23 ; mais l'authenticité du passage a été discutée, cf. Ipfelkofer 38, p. 47-51, contra Wendland 39, p. 54 ; voir aussi Buchheit 17, p. 223 sq.; Barwick 18, I, p. 233) rappelle fortement Rhet. 1367 b 27 sq. La consigne donnée par l'auteur de la Rh. Al. (chap. 15, 1431 b 23-26) de mettre des enthym&mes en "épilogue" aux témoignages est formulée d'une manière qui rappelle de trés prés Rhet. 1394 a 10-11, même si les deux auteurs ne définissent pas l'enthymàme de la méme façon. La théorie de la maxime enfin n'est pas sans lien chez les deux auteurs (Rh. Al. chap. 11: Rhet. II, 21). La liste n'est pas close. Ces points de contact sont donc nombreux et touchent routes les parties de la Rh. Al., mais est-ce suffisant pour attribuer cet ouvrage à l'auteur de la Rhétorique ? Non, et, depuis Érasme (cf. supra), on ne s'y hasarde plus guère (voir cependant 55 P. Gohlke, «Die Entstehung der aristotelischen Ethik, Politik, Rhetorik», SAWW 223, 2, Wien 1944, p. 112 sq. ; mais Beck 19, p. 90 n. 1, note

malicieusement que Gohlke croyait à l'authenticité de toutes les ceuvres du corpus aristotélicien). Les listes les plus anciennes des œuvres d'Aristote ne mentionnent pas l'ouvrage (cf. supra). Surtout, ni le niveau conceptuel, ni la pensée elle-même, ni le style de la Rh. Al. ne coincident vraiment avec ceux du Stagirite tels qu'on peut les apprécier dans la Rhétorique. Aristote aborde cette discipline à la fois dans l'esprit de la critique platonicienne de la rhétorique des sophistes et pour réaliser le programme, formulé dans le Phèdre, d'une rhétorique idéale fondée sur une rationalisation de la persuasion sous tous ses aspects, quasi-logiques et psychologiques. Or la Rh. Al. ne contient pas de considérations théoriques générales (définition de la rhétorique, de son τέλος, de ses rapports avec les autres disciplines, etc.) — ce qui en soi est déjà un indice — et laisse transparaitre en permanence, malgré quelques traces du moralisme isocratique (chap. 38) et certaines marques d'une formation philosophique - sensibles dans la tendance à la systématisation —, le pragmatisme d'un rhéteur professionnel (son souci est “d'être richement pourvu", de “ne pas manquer de matière”, cf. 56 F. Blaß, Die attische Beredsamkeit, t. Il, © éd., Leipzig 1892, p. 393; voir aussi 57 R.C. Jebb, Attic Orators from Antiphon to Isaeos, t. II, London

1876, p. 431,

qui note que cette préoccupation vaut à l'ouvrage une indéniable utilité pratique). On a peine à croire qu' Aristote ait pu, à un moment quelconque de sa carrière, faire ainsi métier de rhéteur. A cela s'ajoute l'influence exercée sur la Rh. Al. du relativisme sceptique des anciens sophistes (avec notamment l'orientation privilégiée de l'analyse de la persuasion sur la réception des arguments plutót

562

ARISTOTE DE STAGIRE

que sur leur validité logique ou factuelle, la prééminence de l’eixög — le vraisemblable - sur le vrai, cf. 58 G. H. Goebel, « Probability in the earliest rhetorical theory », Mnemosyne 42, 1989, p. 41-53). Surtout, la Rhétorique est en rela-

tion intime avec l'ensemble du système philosophique d' Aristote : la théorie de l'enthyméme et de l'exemple, notamment, est une adaptation aux conditions particuliéres propres à la rhétorique de modes de raisonnement (déduction et induction sur des prémisses probables) issus de la dialectique. On n'observe rien de tel dans la Rh. Al. Des points de méthode (Aristote choisit des exemples dans tous les cantons de la littérature, l'auteur de la RA. Al. forge les siens), une bonne part de la terminologie et bien des définitions (notamment dans le domaine des

moyens de persuasion ; c'est le cas en particulier pour la discussion du τεχμήριον, cp. Rh. Al. chap. 9 et Rhet. 1357 b 4 sq.; cf. Grimaldi 53, p. 76 n. 33) divergent. On observe méme certaines contradictions flagrantes entre les deux ouvrages : par exemple, l'auteur de la Rh. Al. enseigne la briéveté de la narration

(cf. chap. 30, 1438 a 21 sq.); or Aristote ridiculise ce précepte: γελοίως τὴν διήγησίν φασι δεῖν εἶναι ταχεῖαν (Rhet. 1416 b 30). Dans le méme domaine, le rhéteur s'étend longuement sur la narration dans le genre démégorique : or selon Aristote c'est une partie sans nécessité en dehors du judiciaire, cf. Rhet. 1414 a 37 sq., et Spengel 12, p. 213. Pour l'auteur de la Rh. Al., la procatalepse (anticipation), dans une de ses définitions, constitue une partie du discours (cf.

chap. 32-33, 1439 b 1 sq.) succédant à la confirmation. Chez Aristote, la réfutation de l'adversaire ne se constitue pas en entité distincte de la preuve : τὰ πρὸς τὸν ἀντίδικον οὐχ ἕτερόν τι εἶδος, ἀλλὰ τῶν πίστεων (Rhet. 1418 b 5). Le rhéteur donne à l'exorde la fonction d'éveiller l'attention du public (Rh. Al. chap. 29, 1436 b 5-15). Certes, le philosophe utilise un matériau trés voisin sur cette question (cp. notamment Rhet.

1415 b 1 sq. à Rh. Al. 1436 b 5 sq.), mais

son analyse est plus fine et en partie contraire: il n'importe pas toujours de rendre l'auditeur attentif, il faut parfois le faire rire (Rhet.

1415 a 36-38); de sur-

croit, le probléme de l'attention du public se pose rarement dans les débuts (Rhet. 1415 b 9-12). Spengel (12, p. XI) a noté aussi des différences dans la rédaction: Aristote, à la différence de ce que l'on voit dans la Rh. Al., n'utilise jamais la première personne du singulier. Il a été observé également que la RA. Al. emploie ὑπὲρ + gén. pour dire à propos de, quand Aristote utilise περί. Il est évident que l'auteur de la Rh. Al. et l'auteur de la Rhétorique appartiennent à des familles d'esprit et de talent bien différents. De plus, aucune relation plus spéciale ne peut être établie entre telle ou telle partie de la Rh. Al. et la Rhétorique. L'hypothése de la compilation perd donc encore un peu de sa pertinence. Reste le probléme des analogies entre les deux doctrines. Deux solutions se présentent: l'utilisation de sources communes,

l'interdépendance entre les

deux textes. Cette dernière solution sera abordée ci-après (relations entre la RA. Al. et une œuvre de jeunesse, les Theodecteia, éventualité de retouches aristotéli-

santes apportées apres l'entrée du texte dans le corpus aristotélicien, possibilité de contacts entre Anaximène et Aristote). Quant à la première éventualité, elle ressortit au probléme des influences subies par les deux auteurs en provenance

RHETORIQUE A ALEXANDRE

563

de la proto-rhétorique et de la sophistique. Il y a là un point trés important mais difficile à cerner faute de documents sürs. Car si, en pratique, l'existence d'une empreinte aristotélicienne sur la Rh. Al. ne peut étre déterminée qu'en fonction du degré d'élaboration que l'on prête à cette rhétorique ancienne, les documents réunis par 59 L. Radermacher, Artium Scriptores (Reste der voraristotelischen Rhetorik), SAWW 227, 3, Wien 1951, n'offrent guére plus que des indices. Cela dit, il nous semble que ces indices autorisent à supposer l'existence d'acquis techniques importants, en tout cas plus substantiels que ceux qu' Aristote prête à la tradition technique qui l'a précédé (Rhet. 1354 a 11 sq.) : citons les recherches de Protagoras sur la propriété du vocabulaire (cp. 59, B III 5 = Hermias, p. 192 de l'éd. du Phédre de Platon par F. Ast, Lipsiae 1810, et Rh. AJ. chap. 25, 1435 a 32-33), sur le genre des mots (59, B III 6-8 = Aristote, Rhet. 1407 b 6, Soph. el.

173 b 17, Aristophane, Nub. 658 sq.; Rh. Al. chap. 25, 1435 b 11-14), sur la réversibilité des arguments et la mise au point d'argumentations-types (59, B III 19-22 = D.L. IX 51; IX 53;

Cicéron, Brut. 12, 46 ; Quintilien, III 1, 12; et Rh.

Al. passim), sur la maitrise de l'ampleur des discours (59, B III 23 = Platon, Prot. 334 e; Rh. Al. chap. 22, 1434 b 1-25 ; mais cette compétence était revendiquée aussi par Gorgias, cf. Platon, Phaedr. 267 a; Gorg. 449 b-c ; Aristote, Rhet. 1418 a 35-38), l'importance de l'entrainement (59, B III 25 = Stobée, Flor. III 29, 80; et Rh. Al. chap. 38, 1445 b 24-26) et de la formation morale (59, B III 27

= Platon, Prot. 318a

et Rh. Al. chap. 38, 1445 b 29 sq.). Citons aussi les travaux

de Gorgias: l’intérêt de ce dernier pour les aspects politiques de l’éloquence (59, B VII 9 = Platon, Gorg. 452 a; 10 = Anonyme in Prolegomenon sylloge, p. 217,

3 Rabe) évoque la priorité donnée dans la Rh. Al. au démégorique, priorité surprenante, disions-nous, eu égard à la spécialisation judiciaire, Aristoteles dixit, des premiers technographes. Les couples de prédicats antithétiques (le juste et l'injuste, le bien et le mal, le beau et le laid) considérés par Gorgias comme

étant

l'objet de la rhétorique (ibidem) pourraient étre considérés comme une des sources de la première topique présentée par l'auteur de la Rh. Al. (chap. 1, 1421 b 23 sq.). La séparation radicale entre persuasion et morale, ou l'a-moralité de la technique oratoire (59, B VII 11-13 = Plat. Gorg. 457 a - et la scholie ad loc. -; Men. 95 c) coincident avec le rejet en fin de traité (Rh. Al. chap. 38) des considérations éthiques issues de Protagoras et d'Isocrate. L'utilisation de la moquerie

recommandée par Gorgias en lieu et place de la réfutation (59, B VII 21-22 = Platon, Gorg. 473 e, et Aristote, Rhet.

1419 b 4) trouve un écho dans la Rh. Al.

au chap. 35, 1441 b 23-25. Les préceptes sur les célébres figures dites “gorgianiques" connues notamment par Diodore et Denys (cf. 59. B VII 32-33 et les notes de Radermacher) se retrouvent — sans la distance critique qui prévaudra chez les rhéteurs plus tardifs — aux chap. 26-28 de la Rh. Al. De nombreux autres rapprochements sont possibles avec les travaux de Prodicos, Thrasymaque, Antiphon (**A 209), Hippias, Théodore de Byzance, Polos d'Agrigente, Alcidamas [»*A 988] (cf. Barwick 18, I, p. 219-222) et Isocrate [»+1 38] (Barwick 18,

I, p. 222-230), sans compter tout un matériau technique sans origine connue que l'on peut extraire de similitudes terminologiques ou doctrinales entre plusieurs

564

ARISTOTE DE STAGIRE

orateurs ou rhéteurs et la Rh. Al. (cf. 59, C 26, 28, 34-36, 38, 44, 46, 52, 53, 59, 62, 66, 67). On se prend d'ailleurs à penser que, si l’auteur de la RA. Al. citait ses sources, le nombre des fragments des sophistes augmenterait considérablement. La minimisation des acquis antérieurs par Aristote vient sans doute de la séparation qu'il effectue entre l'héritage des sophistes et celui des technographes. Il ressort donc de ces rapprochements que la Rh. Al. et la Rhétorique d'Aristote doivent probablement une bonne part de leurs similitudes à l'utilisation d'un fonds commun. Ajoutons que l'existence de ce fonds pèse sur la détermination de l'ordre chronologique dans lequel il faut placer les deux ouvrages que, rappelons-le, les éléments sürs de datation situent dans la méme période. De toute évidence, si l'on admet la richesse du fonds commun, la these de l'antériorité de la Rh. Al. par rapport à la Rhétorique est la plus vraisemblable, car il parait peu plausible que le rhéteur, s'il écrivait aprés publication de ce grand ouvrage, ait ignoré toutes les innovations qui s'y trouvent, ou n'ait pas tenu compte de l'opposition d' Aristote, exprimée surtout dans le Livre III de sa Rhétorique (supra), à plusieurs des préceptes qu'il expose. On peut signaler au passage que cette localisation dans le Livre III des points de polémique avec la Rh. Al. n'est peut-être pas indifférente, mais l’hypothèse d'une composition intercalee - Rhét. I-II; Rh. Al. ; Rhét. III — constitue une piste de recherches qui n'a pas encore été explorée. Cette enquéte demanderait en particulier la prise en compte des nouveaux résultats de la méthode génétique exposés par 60 J. M. Rist, The Mind of Aristotle : A Study in Philosophical Growth, coll. «Phoenix. Supplementary volume» 25, Toronto 1989, et 61 G. A. Kennedy, Aristotle on Rhetoric. A Theory of Civic Discourse, New York 1991, p. 299-305 (Appendix 11 A “The Composition of the Rhetoric"). 3) Les indices textuels de compilation Mais l'hypothése de la compilation ne peut étre abandonnée avant d'étre mise à l'épreuve du texte. Or à certains défauts de structure signalés par Fuhrmann s'ajoute le voisinage, dans la transition entre la deuxième et la troisième partie du traité, d'une phrase qui peut passer pour une formule de conclusion (chap. 28, 1436 a 12-13: "Oca δὲ ἔξω τέχνης κεῖται, τὸ αὐτόματον αὐτὸ δείξει) et d'une allusion aux progymnasmata (chap. 28, 1436 a 25), toutes deux suspectées par les éditeurs : le passage qui suit la formule citée pourrait étre la suture entre des pièces rapportées. Le fait que le plan annoncé au début du traité (chap. 1,

1421 b 16-17 : δυνάμεις, χρήσεις, πράξεις) ne couvre que la première partie et non pas l'ensemble (comme on l’a longtemps pensé aprés Spengel 12, p. 103, au prix d'une correction de πράξεις en τάξεις) va dans le méme sens (voir sur ce

point Fuhrmann 29, p. 12 n. 1). Il est certain d'autre part qu'existent des indices lexicaux significatifs d'une rupture de continuité entre les chap. 1-28 et les chap. 29-37 (voir sur ce point Patillon 24, p. 122): le bláme (vs. ἐγκώμιον) se dit φόγος avant la “frontière”, xaxoAoyla après. Certains termes, également requis par la matiére, ne se trouvent que d'un cóté ou de l'autre de cette frontiere:

λύειν, ὠφελεῖν, γνωμολογεῖν (-(a, -oxóc) n'apparaissent qu'à partir du chap.

RHETORIQUE A ALEXANDRE

565

29; etc. De part et d'autre du chap. 29, les valeurs des termes ἐπίλογος, eloηγεῖσθαι varient. Le terme δικαιολογία change complètement de sens en cours de traité. Il signifie d'abord plaidoirie, discours du genre judiciaire (chap. 1, 1421 b 13; chap. 18, 1432 b 33) puis argumentation juridique ou qualification

du fait par opposition aux moyens de persuasion (chap. 30, 1438 a 25 ; chap. 36, 1443 a 4;

1443 b 13). Ces éléments

conduisent Patillon (24, p. 122-123) à

contester le discrédit dont souffrent les indications de la lettre apocryphe, et à y voir encore l’un des supports de fécondes hypothèses de travail. Mais, à notre sens, il convient d'étre extrémement prudent avant de conclure

à la compilation. Les disparités constatées sont peut-étre à interpréter en fonction de la diversité des influences subies par l'auteur. Car l’hypothèse de la compilation heurte non seulement le subjectif sentiment d'unité que procure la lecture du traité mais aussi un fait: l'intime relation d'interdépendance qui unit la troisiéme partie aux deux premières. Il est difficile d'imaginer les deux premières parties amputées des conseils sur l'organisation du discours, le plus ancien requisit en

rhétorique. Ensuite, il est facile d’observer que la troisième partie s'appuie constamment sur les données présentées dans les deux premiéres. Ainsi, le chapitre 32, consacré à la confirmation dans le genre démégorique, se borne en fait à des conseils sur le choix à faire entre les moyens de persuasion et sur l'ordre à adopter pour leur mise en ceuvre. Ils sont supposés connus. D'autre part, la théorie de la procatalepse présente la méme hétérogénéité de part et d'autre de la frontière représentée par le chap. 29. Au chapitre 18, le procédé a deux fonc-

tions, détruire les préventions du public, réfuter les arguments prévisibles de la partie adverse. Quand le rhéteur place sous la rubrique de l'anticipation les moyens de faire face à un «chahut» intervenant en cours de discours (chap. 18, 1433 a 14 sq.), on peut méme se demander si le terme d'anticipation convient parfaitement. Or cette double théorie correspond dans la troisième partie à deux emplois distincts de la procatalepse, dans l'exorde — avec la premiere fonction décrite au chap. 18 (cf. chap. 29, 1437 a 3; chap. 36, 1442 b 17) — et à titre de partie autonome (chap. 33 ; chap. 36, 1444 a 16 sq.), située après la confirmation, avec la seconde fonction décrite au chap.

18. En d'autres termes, la théorie, y

compris dans ses défauts, est parfaitement cohérente de part et d'autre de la frontière entre les deux premières et la troisième partie. L'unité de l'ouvrage se voit aussi à la récurrence d'un certain nombre de «tics» tout au long du texte, par exemple les emplois de μὲν οὖν, ou la reprise tout au long du traité de cette expression

si caractéristique

de la préoccupation

pratique

du rhéteur: oùx

ἀπορεῖν, εὐπορεῖν (ne pas être à court, être bien pourvu de matière). La conclusion de cet examen est donc peu favorable à l'hypothése d'un traité fait de parties juxtaposées d'auteurs différents. Si la matière et la terminologie sont indiscutablement hétérogènes, et trahissent des influences extérieures, voire

des interventions tardives sur le texte, il parait difficile de dénier au traité l'unité de pensée et de style (cf. Grimaldi 53, p. 76 n. 33: «The work does reveal unity of concept and composition which argues to a single author»).

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ARISTOTE DE STAGIRE

Mais il reste, pour vider la question, à étudier la pertinence de la double attribution (Aristote/Corax) en relation avec ce que l'on sait des Theodecteia et du traité de Corax. 4) Les Theodecteia

La lettre dédicatoire ouvre donc la piste d'une œuvre de jeunesse d' Aristote, les Theodecteia (cf. Barwick 18, II, p. 47-55, mais Barwick pose le probléme en termes d'influences et non d'attribution), qui constitueraient une partie de l'envoi qui suit, à savoir une partie du traité. Les renseignements disponibles sur le dramaturge et rhéteur Théodecte (cf. 62 F. Solmsen,

« Drei Rekonstruktionen

zur antiken Rhetorik

und Poetik »,

Hermes 67, 1932, p. 133-154, et 63 Id., art. « Theodektes » 1, RE V, 2* éd., 1934, col. 1722-1734) et sur les Theodecteia sont rares et discutés. Les listes anciennes

des œuvres d' Aristote prêtent à ce dernier des Theodecteia, mais ne s'accordent pas sur le nombre de livres qu'aurait comporté cet ouvrage (cf. Moraux 51, p. 98-101). Le titre méme pose probléme. On a soutenu tour à tour que ces Theodecteia étaient d'Aristote, ou un ouvrage d' Aristote publié par ou attribué à Théodecte, ou un compte rendu des recherches de Théodecte rédigé par Aristote. C'est cette dernière hypothèse qui séduit le plus, car elle explique à la fois la référence à Théodecte dans le titre et la présence de l'ouvrage parmi les œuvres d'Aristote. Les Theodecteia s'inscriraient alors -comme la fameuse Συναγωγὴ τεχνῶν, cf. Cicéron, De Inv. II 2, 6 — parmi les travaux documentaires effectués

par Aristote comme préparation à sa propre Rhétorique. A priori, l'idée d'assimiler la Rh. Al. à ces Theodecteia n'est pas sans attrait. Car Théodecte a été l’élève d'Isocrate, de Platon et d' Aristote, et son œuvre est potentiellement le creuset où pouvaient se fondre la tradition et ces nouvelles influences. Si la Rh. A/. n'est autre, au moins pour une de ses parties, que son Traité résumé, peut-étre travaillé, par Aristote dans les premiers temps de la réflexion de ce dernier sur la rhétorique, il y a là le moyen de comprendre l'association dans la RA. Al. de la rhétorique traditionnelle (avec une nette empreinte isocratique) et d'innovations philosophiques sensibles non seulement dans l'élargissement du champ rhetorique mais aussi dans les analogies que nous avons soulignées avec la doctrine du Stagirite. Ce statut de travail préparatoire, en partie de l'ordre de la compilation, expliquerait que la pensée d' Aristote n'y ait pas le niveau de la Rhétorique et que la doctrine n'y soit pas, ou plutót pas encore, intégrée à l'ensemble du système de pensée du philosophe. Sur ce point, K. Barwick (18, II, loc. cit.) a échafaudé une construction qui ne

manque pas d'intérét. La Rh. Al. — qu'il considère comme l’œuvre d’Anaximene — serait dépendante des Theodecteia. Cet ouvrage aurait été lui-même un ouvrage composite, constitué d'un développement sur les parties du discours, dü à Théodecte lui-même, et d'un second morceau, lui-même double, consacré d'une part aux moyens de persuasion (πίστεις), d'autre part au style (λέξις), et dont

l'auteur aurait été Aristote. En cela, Barwick s'oppose à Solmsen (références de la polémique chez Barwick 18, II, p. 47), qui considérait les Theodecteia comme

RHETORIQUE A ALEXANDRE

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un ouvrage consacré exclusivement aux parties du discours. L'indication de l'Anonyme de Ménage (trois livres) va plutót dans le sens de Barwick, de méme

que la mention συναγωγή (recueil) qui sert à désigner les Theodecteia, quel que soit le nombre de livres indiqué, sur les listes anciennes. Pour étayer cette hypothèse, Barwick observe d'abord que la théorie du style en était, avant Aristote, au stade du balbutiement; c'est Aristote lui-même qui le dit (Rhet. 1403 b 35-36). Quand le Stagirite évoque des prédécesseurs dans ce domaine, il ne cite que Thrasymaque, et souligne le peu de progrés accomplis (Rhet. 1404 a 13). De plus, il est peu vraisemblable, selon Barwick, qu’Isocrate ait élaboré lui-méme une théorie de l'argumentation et du style. Or la tradition isocratique postérieure présente une théorie du style, et les témoins qui l'évoquent se référent à une série d'auteurs associant étroitement le courant péripatéticien au courant isocratique. Ainsi, sur le péon, Cicéron (Orator 218; voir aussi Quintilien IX 4, 87 sq.) cite Aristote, Théophraste, Théodecte et Ephore. Le pont entre les deux écoles serait les Theodecteia, et cet ouvrage serait la seule source oü l'auteur de la Rh. Al. pouvait trouver réunies les prémices d'une théorie du style et de l'argumentation ainsi que la doctrine traditionnelle des parties du discours.

Cela dit, la confrontation avec la Rh. Al des rares témoignages conservés sur le contenu des Theodecteia (cf. Wendland 39, p. 30 sq.; 64 V. Rose, Aristotelis Fragmenta, coll. BT, Leipzig 1886, p. 114-118) ne confirme guère cette théorie. Aristote lui-même se réfère aux Theodecteia dans la Rhétorique (1410 b 2-3): Ai

δ᾽ ἀρεταὶ [ἀρεταὶ Rose Rœmer: ἀρχαὶ codd.] τῶν περιόδων σχεδὸν Ev τοῖς Θεοδεκτείοις ἐξηρίθμηνται (Les qualités [les débuts] de périodes ont été presque toutes dénombré(e)s dans les Théodecteia). Certes, c'est du moins ce que pense Gohlke (55, p. 114), cette indication d'Aristote pourrait s'appliquer aux chapitres 26-28 de la Rh. Al. oü se trouvent analysées les figures gorgianiques d'antithése, de parisose et de paromoiose, lesquelles, chez Aristote, sont étudiées en rapport avec la période. Mais d'une part le mot période n'apparait pas dans la Rh. Al. D'autre part, il n'est pas question dans notre traité de différentes qualités (ou sortes?) ni d'ailleurs des débuts de période. Surtout, le développement du

rhéteur n'est pas exhaustif, tant s'en faut: on comprendrait mal qu' Aristote

ait

pu y renvoyer son lecteur comme à un travail déjà fait, résumant l'essentiel de

l'acquis. Il s'y trouve méme beaucoup moins de détails que dans la Rhétorique. Selon Cicéron (Orator, 172, 194, 218; cf. aussi Quintilien IX 4, 88), Théo-

decte avait étudié les questions de rythme en prose et recommandé l'usage du péon, tout comme Aristote dans la Rhétorique, ce qui rend probable la présence de cette doctrine dans les Theodecteia: on ne trouve rien de semblable dans la Rh. Al. Dans le domaine des qualités de la narration, la tradition isocratique prescrivait la concision, la clarté et la crédibilité. Selon Quintilien (IV 2, 63),

Théodecte aurait distingué cing qualités de la narration, en ajoutant la grandeur et l'agrément. Aristote récuse en général ce type d'analyse (Rhet. 1414 a 19-21) dans un passage qui pourrait bien avoir un caractère polémique. Il est donc peu probable qu'il ait repris ces catégories de Théodecte dans son compte rendu. La

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ARISTOTE DE STAGIRE

Rh. Al, est quant à elle fidèle au trio traditionnel. La grandeur de style n'est évoquée dans le traité qu'à propos de l'éloge (chap. 35, 1441 b 13), et l'agrément y est un prédicat de base pour l'argumentation démégorique et non une qualité de la narration. En tout état de cause, cette rencontre entre la Rh. Al. et Aristote "contre" Théodecte n'a aucune valeur d'indice concernant les rapports entre les Theodecteia et la Rh. Al. Dans le De Compositione Verborum (2, 1), Denys d'Halicarnasse note l'accord entre Aristote et Théodecte pour distinguer trois types de mots, à savoir le nom (ὄνομα), le verbe (ῥῆμα) et le mot conjonctif ou de liaison (σύνδεσμος).

Cet accord peut évoquer comme source les Theodecteia. Quand on se tourne vers la Rh. Al., on constate, dans ce domaine des catégories grammaticales, la présence du nom et du mot de liaison mais l'absence du verbe et l'addition d'une catégorie supplémentaire, celle d'articulation (ἄρθρον) qui semble recouvrir à la fois ce que nous appelons article et adjectif démonstratif (cf. chap. 25, 1435 b 11-14). Il y a manifestement divergence. Cela dit, ces comptes rendus tardifs ne

sont guère fiables. Dans la Poétique (1456 b 20 sq.), ce sont huit μέρη τῆς λέξεως (parties de l'expression) qui sont distingués, parmi lesquels quatre catégories de mots: nom, verbe, mot conjonctif et articulation (sur les complexes problémes posés par cette catégorie, cf. 65 Aristote, Poétique, édit. R. DupontRoc et J. Lailot, Paris 1980, p. 321 sq.). Dans les Prolegomena (cf. 66 H. Rabe, édit., Prolegomenon Sylloge, Leipzig,

1931, p. 32 et 216; voir aussi l'Anonyme Séguier, Rhet. Gr. I, 2* éd., p. 389 Sp.H.), des scoliastes anonymes signalent que Théodecte avait développé toute une théorie des parties du discours, en affectant à chaque partie une fonction principale: la fonction de l'exorde étant de susciter la bienveillance, celle de la narration, d'inspirer la confiance, celle de la confirmation, de convaincre, celle de

l'épilogue de fournir une récapitulation et de conférer au propos une force d'ordre émotionnel. Toutes ces notions, d'ailleurs traditionnelles, se retrouvent dans la Rhétorique comme dans la Rh. Al., mais parmi d'autres, sans étre ainsi mises en relief. On le voit, la piste des Theodecteia — tout en restant intéressante en termes d'influences - ne fait guère avancer dans le probléme de l'attribution. Ajoutons que si la Rh. Al. devait être identifiée aux Theodecteia, il faudrait admettre qu'à partir du IÉ s. apr. J.-C. les listes des œuvres d' Aristote ont enregistré deux titres pour la même œuvre, ce qui ne va pas sans difficultés. 5) L'hypothèse Corax Comme il en allait pour les Theodecteia, la question de l'attribution d'une partie du traité à Corax pose de complexes problémes de documentation. Les fragments et témoignages conservés sur Corax et Tisias sont de fiabilité trés variable ; on ne sait encore pas avec certitude lequel des deux a écrit le premier traité (on admet généralement que Corax fut l'inventeur, et Tisias le rédacteur, cf. Goebel 58, p. 41 n. 2, mais on a suggéré également que Corax était le... surnom de Tisias, cf. 67 Th. Cole, « Who was Corax 7», /CS 16, 1991, p. 65-84).

RHETORIQUE A ALEXANDRE

569

Cette incertitude est ancienne (cf. Platon, Phaedr. 273 c). Quant au contenu de

cet ancien traité, il est connu par des témoignages souvent contaminés par des théories plus récentes (68 S. Wilcox, «Corax and the Prolegomena», AJPh 64, 1943, p. 1-23; Schöpsdau 52). Sur ces sources, voir H. Rabe 66, p. VIII sq. et L. Radermacher 59, A V 1 sq. B 1I 1-26. On trouvera l’essentiel de la bibliographie dans Goebel 58, p. 41 n. 1, et 69 G. A. Kennedy, The Art of Persuasion in Greece, Princeton 1963, p. 58-59, n. 5. Ce qui est sür est que, lorsqu'on confronte ces documents à la Rh. Al., on constate que des rapprochements sont possibles mais qu'ils touchent non seulement à la théorie des parties du discours (Radermacher 59, B II 8, 23), comme on pouvait l'attendre, mais aussi à la théorie du vraisemblable (59, B II 15-22)

ou aux techniques de maîtrise de la longueur des discours (59, B II 15). Ces rapprochements sont ponctuels, terminologiques parfois (catastasis pour l'exorde, cf. Rh. Al. chap. 29, 1438 a 2, et Syrianus, In Hermogenem Il p. 127, 4-6 Rabe),

et ne mettent en jeu ni la rédaction ni la structure de la doctrine. Parmi les points de rapprochement, certains sont redoublés par des témoignages sur Isocrate (ainsi, Isocrate avait élaboré lui aussi une théorie de la catastasis, cf. Syrianus, Op. cit., I, p. 93, 22-25 Rabe ; II, p. 170, 23 sq. R.). Autrement dit, les traces de la

proto-rhétorique sicilienne dans la Rh. Al. sont à interpréter en termes d'influence, parfois méme indirecte, vía un canal isocratique, et ne sauraient étayer une hypothèse d'attribution. L'assurance méme du faussaire, confrontée aux incertitudes dont font état les plus anciens témoins sur l'identité de l'inventeur de la rhétorique et sur le contenu du premier traité, parait un indice supplémentaire de tromperie. Comme on le voit, ni l’hypothèse de l'attribution à Aristote, ni celle de la compilation ne trouvent de confirmation, que ce soit en termes de critique

interne ou externe. Il reste à examiner l'attribution du traité à Anaximène. 6) Les titres d'Anaximéne à l'attribution

Anaximène, fils d’Aristoclös, natif de Lampsaque, est un historien et rhéteur du 1V* siècle (ca 380-320) célèbre en son temps, présenté par la Souda (A 1989 = ΤΊ Jacoby) comme un élève du cynique Diogene de Sinope (cette relation de maître à élève entre Diogène et Anaximène est en réalité peu plausible, cf. 70 M.-O. Goulet-Cazé, art. « Anaximéne de Lampsaque» A 167, DPhA, I, p. 194) et de Zoilos d'Amphipolis (cette indication en revanche est corroborée par les mentions consécutives de Zoïlos et d'Anaximéene chez Denys d’Halicarnasse, Op. Rh. V 8, 1; elle pourrait aussi compter parmi les indices en faveur de l'attribution de la Rh. Al. à Anaximène: la définition donnée de l'ironie dans cet ouvrage au chap. 21 (1434 a 17-18) ressemble fort à celle de Zoilos citée par Phabammon, περὶ σχημάτων, Rhet. Gr. VII, p. 493, 15-16 Walz, cf. Kennedy 69, p. 116). Anaximène aurait été, toujours selon la Souda, le maitre de rhétorique d'Alexandre puis le compagnon de ce dernier dans quelques-unes de ses campagnes. Plusieurs témoignages lui prêtent des élèves à Athènes, où il aurait donc tenu école. On consultera Brzoska 13, col. 2086-2088 ; 71 G. Reichmann,

ARISTOTE DE STAGIRE

570

De Anaximenis Lampsaceni vita, Diss. inaug., Berolini 1894. Les documents (fragments et témoignages) sur Anaximène historien ont été réunis par 72 F. Jacoby (FGrHist. 2A, n? 72, p. 112-130; 2C, p. 105-112, Berlin 1926). Il avait écrit, entre autres, une Histoire Universelle, des Philippiques et une Histoire d'Alexandre. Il n'en reste que quelques fragments. D'après Didyme (/n Demosth. Comm. 11, 7 sq., p. 39-40 Pearson-Stephens), la réponse de Démosthène à la lettre de Philippe (n? XI = fr. 11 Jacoby) serait en réalité un pastiche dû à Anaximène et figurait à l'origine au livre VII de ses Philippiques, avant d’être agrégée au corpus démosthénien. Les quelques informations conservées sur le

rhéteur Sur tracent p. 215,

ont été regroupées par Radermacher (59, B XXXVI 1-9, p. 200-202). la personnalité et les capacités d' Anaximéne, de nombreux témoignages le portrait d'un sophiste, au sens péjoratif du terme (Philod&me, Rher. I, 1 Sudhaus = 59, B XXXVI, 6; cf. 73 P. Moraux, «Deux témoignages de

Philodéme sur Aristote», REG 92, 1979, p. 400-412), à la fois rusé et sans scru-

pule (cf. Pausanias, VI 18, 2 = T 6 Jacoby ; texte partiellement reproduit dans la Souda), mesquin (cf. 74 L. Sternbach,

« De Gnomologio Vaticano inedito II»,

WS 10, 1887 [1962], n°85 p. 7), mal élevé (Athénée I, 21 c), incapable de maitriser ses appétits (cf. D. L. VI 57), mauvais poète (cf. Sternbach 74 n? 78 p. 3-5; Philodéme, π. ποιημάτων (Voll. Herc. col. alt. VI 174] = T 26 Jacoby et Usener 47, 1, XVII, p. 328-329). Il faut faire bien sür, étant donné l'époque, la part de

l'invective politique et, pour les anecdotes rapportées par D. L., de ia rudesse cynique. Ce qui est sür cependant est que ces attaques convergent et tendent à dessiner le portrait d'un sophiste assez astucieux, voire retors, sans grande envergure intellectuelle, en tout opposé à la figure d' Aristote le philosophe, son quasi contemporain et maître du méme prestigieux élève. Il est d'ailleurs possible qu'ait existé une inimitié entre les deux "collégues". Quand Alexandre voulut, en représailles contre le complot ourdi par Callisthéne, le parent d' Aristote, chagriner ce dernier, il choisit comme moyen de combler d'honneurs Anaximéne (D.L. V 10 =T 9 a Jacoby; mais ce témoignage est peut-être erroné : quand on le confronte à celui de Plutarque, Vit. Alex. 8, on ne peut exclure que D. L. ait confondu Anaximène avec Anaxarque (**A 160), cf. Blaß 56, p. 379 n. 2). Comme orateur, Anaximéne a, semble-t-il, pratiqué le genre délibératif et le

genre judiciaire, cf. Radermacher 59, B XXXVI 1 = Denys d'Halicarnasse, Op. Rh. IV 19, 3; il a composé aussi des éloges, cf. 59, B. XXXVI 5 = Hypoth. Isocr. Hel. (mais ce témoignage présente une grave difficulté chronologique) ; B XXXVI 7 = Stobée, Flor. III 38, 45 et la remarque de Radermacher, 59, p. 201. On lit dans le Lexique d’Harpocration (sv. Εὐθίας, p. 88, 25-27 Bekker) qu’ Anaximène aurait été, aux dires d'Hermippe (»*H 86), le rédacteur pour le compte d'Euthias du discours d'accusation prononcé contre Phryné, dans l'affai-

re rendue célébre par la défense que fit Hypéride de la jeune femme; méme affirmation, mais attribuée à Diodore le Géographe, chez Athénée XIII, 591 e. Enfin, comme son maître Zoilos, Anaximène aurait écrit sur Homère (59, B XXXVI I Rad. = Denys d'Halicarnasse, Op. Rh. IV 19, 3).

RHETORIQUE À ALEXANDRE

571

Sous l'angie de la rhétorique, les informations disponibles sur Anaximéne (Radermacher 59, B XXXVI 1-9) sont assez maigres et indirectes: Denys d'Halicarnasse classe son style dans la méme catégorie que celui d'Isocrate (ibidem ; voir aussi Plutarque, Cic. 51, 2). L'examen de la réponse à la lettre de Philippe, probablement rédigée par Anaximène, ín Démosthéne, Harangues II, edit. M. Croiset, Paris,

CUF, 1967, p. 155-160, confirme ce jugement: c'est du

Démosthéne atténué, "isocratisé". Denys nous apprend également qu'il a écrit des Traités. C'est peut-étre aussi en tant que rhéteur qu'il a touché à l'éloquence

délibérative et judiciaire (cf. Philodéme, Rhet. Il, p. 204, 20 S. = 59, B XXXVI, 3). Pausanias (VI 18, 6 = 59, B XXXVI,

1) signale qu'il fut le premier à « s'exer-

cer à parler sans préparation sur toutes sortes de sujets». Un mot d'esprit rapporté par Stobée (Flor. III 36, 20 = T 25 Jacoby: Θεόκριτος, ᾿Αναξιμένους

λέγειν μέλλοντος, ἄρχεται, εἶπε, λέξεων μὲν πόταμος vod δὲ σταλαγμός. Anaximene s'apprétait à parler; Théocrite «de Chios» dit: Voici que commence un fleuve de paroles, mais un ruisselet de pensée) va dans le méme sens: une critique semblable a été adressée à Alcidamas. Il faut donc sans doute mettre ce reproche en relation avec le fait que les deux sophistes, Alcidamas et Anaximéne, ont enseigné les techniques d'improvisation. Le fr. 59, B XXXVI 4 (= Philodéme, Rher. II, p. 165, 22 S.), malheureusement trés abimé, signale son

intérét pour la démonstration rhétorique. Comme on le constate, les informations disponibles sur Anaximéne, si vagues soient-elles, font de lui un assez bon candidat à l'attribution, contrairement à ce que dit 75 E. M. Cope, An introduction to Aristotle's Rhetoric, London/Cambridge 1867, p. 408-409 (Cope s'appuyait sur la langue du traité, qui s'écarte effectivement de celle qu'on attendrait d'un rhéteur bien formé, mais cet écart s'explique assez par les accidents de transmission du texte): c'est non seulement un orateur mais aussi un rhéteur ; il s'est intéressé à l'éloquence délibérative, ce

qui est plus original et coincide avec une priorité sensible dans le traité. S'il s'est bien intéressé à l'aspect démonstratif de la rhétorique, i! y a là un rapprochement possible avec ce qu'il y a de plus surprenant dans le traité (cf. chap. 7-14), eu égard aux critiques qu'Aristote adresse aux rhéteurs qui l'ont précédé. C'est de plus un sophiste: or n'a-t-on pas souligné l'appartenance de la Rh. Al. à la mouvance sophistique ? Son style est isocratique : or les conseils stylistiques donnés dans la Rh. Al. sont eux aussi isocratiques d'esprit. Il aurait enseigné les techniques d'improvisation : la Rh. Al. comporte une allusion à cette pratique (chap. 38, 1445 b 26). Quant à sa position de "collégue" d' Aristote auprés d' Alexandre - malgré leur possible inimitié —, elle n'est pas sans jeter une certaine lumière sur l'énigme des contacts relevés plus haut entre la Rh. Al. et la Rhétorique. 7) Le témoignage de Quintilien

Le témoignage de Quintilien (III 4, 9) présente un élément de grand poids: le nombre, le nom et l'ordre de présentation des “espèces” oratoires coincident avec ce que l'on trouve au début de la Rh. Al., ce qui est d'autant plus remarqua-

572

ARISTOTE DE STAGIRE

ble qu'une telle analyse en sept espéces ne se retrouve nulle part ailleurs et que l'éferaorixdv εἶδος (discours d'examen) n'est pas autrement attesté. Cependant, il existe une grosse divergence sur le nombre des catégories les plus vastes, celui des genres, puisque, selon Quintilien, et contrairement à ce qu'on lit dans la Rh. Al., Anaximene n'isolait pas le genre épidictique mais seulement le genre démégorique et le genre judiciaire. Comme le note 76 G. M. A. Grube (A Greek Critic : Demetrius on Style, Toronto 1961, p. 157), on ne peut

guère faire l'hypothèse d'une négligence de Quintilien, puisque sa remarque sur Anaximène fait suite à une déclaration selon laquelle il adopte lui-même, comme Aristote (Rhet. 1358 b 7-8), la division en trois genres. Le nombre des genres est

donc le thème essentiel du passage et, si la position d' Anaximéne est mentionnée, c'est pour sa spécificité. De plus, le renseignement de Quintilien est corroboré par le passage de Denys d'Halicarnasse consacré à l'activité d'Anaximéne

dans deux domaines, le délibératif et le judiciaire (Op. Rh. IV 19, 3, cf. supra). Bref, il semble avéré que, pour Denys comme pour Quintilien, le nom d'Anaximène est associé à la pratique ou à la théorie de seulement deux genres oratoires, alors que l'auteur de la Rh. Al. en distingue trois. On a donc pu dire que Quintilien parlait d'un autre traité. Ce traité serait, à la vérité, fort proche de la Rh. Al., et aurait appartenu au méme "type" (Buchheit 17, p. 118), mais l'attribution de la Rh. Al. à Anaximéne serait indéfendable (Buchheit 17, p. 189 sq.). Il faut rappeler ici le témoignage de Syrianus, dans son commentaire au Περὶ στάσεων d'Hermogéne (op. cit., Il, p. 11-12 Rabe). Ce témoignage est, dans sa première partie, parfaitement conforme à celui de Quintilien, à ceci près qu'il attribue ia dichotomie des deux genres et l'analyse en sept espèces non pas à Anaximéne mais à Aristote. La question est donc double: les deux auteurs parlent-ils de la Rh. Al. et, si oui, lequel a raison, lequel a tort dans l'attribution ? Remarquons d'abord que, des deux témoignages, seul celui de Quintilien parait bien informé, avec la distinction établie entre le système des genres dans la Rhétorique d'Aristote et la dichotomie d'Anaximéne. Le témoignage de Syrianus est plus douteux, puisqu'il accepte sans sourciller comme d'Aristote une division étrangere à la Rhétorique. Comme on a des raisons de penser qu'il connaissait ce dernier ouvrage, la chose ne fait pas de lui un critique des plus attentifs. Surtout, un autre facteur doit étre introduit à ce stade de l'enquéte : le témoignage de Syrianus ne se limite pas au compte rendu du système des espèces et des genres. Le commentateur cite de surcroît la définition de l’espèce qui le surprenait le plus, ᾿᾿ἐξεταστικὸν εἶδος (discours d'examen), ce qui prouve qu'il parle bien de la Rh. Al. et non pas d'un autre traité. Le fait est confirmé — s’il en était besoin — par un autre passage de son commentaire (op. cit., H, p. 176,

17-177, 8 R.) où Syrianus paraphrase longuement, en y mêlant des considérations personnelles, la définition de l' utile donnée dans la Rh. Al. (chap. 1, 1422 a 4-15). Ailleurs (op. cit., II, p. 168, 3-8 Rabe), le scholiaste entreméle, sur la question des sujets de délibération, la liste donnée dans la Rhétorique d' Aristote (1359 b 21-23) à celle qui est fournie dans la Rh. Al. (chap. 2. 1423 a 22-25).

Comme le dit Fuhrmann (2, p. 148), Syrianus connaissait et utilisait la Rh. Al.

RHÉTORIQUE À ALEXANDRE

573

Il y a donc ici deux possibilités: ou bien on ne prend en considération que le témoignage de Syrianus, étant donné qu'il est le plus complet et vise sans conteste la Rh. Al. et on accepte alors l'attribution à Aristote. Mais nous avons vu que cette attribution n'allait pas sans difficultés. Cela laisserait d'autre part le témoignage de Quintilien sans explication. Ou bien on considere que Quintilien, dont ie compte rendu - à l'attribution près — est parfaitement conforme à celui de Syrianus, évoque lui aussi la Rh. Al. — bien que de façon moins complete — tout

en disposant, du fait de son antériorité chronologique, d'une information plus exacte sur l'auteur. Syrianus, parlant apres l'addition de la lettre apocryphe, et peu pourvu de sens critique, ne ferait que refléter la falsification. Et alors la coincidence de son témoignage avec celui de Quintilien deviendrait le lien permettant de mettre ce dernier témoignage en relation avec la Rh. Al. et donc de donner toute sa force à l'attribution du traité à Anaximéne. Ce lien intime entre quatre des termes en jeu (la théorie des deux genres, le

témoignage de Quintilien - mis en relation plus étroite avec le traité grâce à Syrianus - Anaximène et le traité lui-même) est peut-être corroboré par la lettre apocryphe. Cette lettre (Epist. 17, 1421 b 3-4) se termine par une division des préceptes en deux catégories, “politiques” et judiciaires (... περί τε τῶν πολιτιχῶν xai τῶν δικανικῶν παραγγελμάτων). Si l'on admet que pour l'auteur de cette lettre l'adjectif πολιτικός, au lieu de recouvrir comme dans le traité toute

l'éloquence préalablement à la division en genres, désigne l'éloquence politique au sens moderne du mot, c'est-à-dire l'éloquence délibérative des Grecs, nous

sommes face là encore à une dichotomie opposant cette éloquence délibérative à l'éloquence judiciaire, sans que l'éloquence épidictique soit isolée en tant que

genre. En d'autres termes, la dichotomie présentée par Quintilien et Syrianus correspondrait à un état ancien du traité, état qui était encore le sien au moment de l’addition de la lettre apocryphe. Il s'ensuit que l'attribution du traité à Anaximéne, trés souvent admise depuis

les travaux de Spengel, dispose effectivement d'un fort coefficient de vraisemblance malgré les objections de V. Buchheit, mais seulement à condition d'attribuer à Anaximéne un texte sensiblement différent de celui que nous possédons.

La question qui se pose alors est celle de la possibilité d'une reconstitution fiable du texte original. La solution adoptée par Spengel (12, p. 99, 176-177), à

savoir corriger le texte en quelques endroits (là oü intervient la notion de genre épidictique) pour le conformer aux témoignages de Quintilien et de Syrianus, est-elle satisfaisante ? Fuhrmann (2, p. 150-158) a montré qu'en fait une étude détaillée du texte peut conduire à soupçonner l'authenticité de toute la théorie des genres, qui serait le fruit d'une réfection aristotélisante. L'étude linguistique fait apparaitre d'autre part un certain nombre d'altérations par rapport à l'usage morphologique et syntaxique des écrivains du IV s. (Wendland 40). Le PHib. 26, pour les passages qu'il nous a conservés (un dixième du texte à peu prés), prouve ce caractere actif de la transmission. L'étude de la terminologie technique (Fuhrmann 2,

p. 158 sq.), si elle fait ressortir sur bien des points l'archaisme de la doctrine par

574

ARISTOTE DE STAGIRE

rapport à Aristote, r&vele aussi des traces de révision. Dans l'état actuel des connaissances, ces altérations textuelles, le caractére vraisemblable et seulement vraisemblable de l'attribution à Anaximène, doivent rendre prudent l'éditeur qui songe à inscrire ce nom sur la page de titre. Au total, l'ancienneté et J’homogénéité du traité original nous paraissent probables, et plausible l'attribution de cette couche ancienne du texte au rhéteur Anaximène. À ce titre, la Rh. Al. constitue un document essentiel sur la rhétorique empirique et sur la rhétorique des sophistes (cf. 77 O. Baumhauer, Die

sophistische Rhetorik. Eine Theorie sprachlicher Kommunikation, Stoccarda 1986), c'est-à-dire sur le terrain utilisé par Aristote pour bâtir sa propre Rhétorique. Mais le texte a subi une transmission de type fluide qui en a altéré la rédaction et certains aspects de la superstructure, et cela dans une mesure difficile à fixer exactement. Ces incertitudes expliquent sans doute une relative désaffection de la recherche à l'égard de ce texte dont l'importance historique — pourvu qu'on l'utilise avec prudence - est pourtant considérable. PIERRE CHIRON.

PROBLEMATA PHYSICA PLAN DE LA NOTICE I. IL III.

La tradition grecque Les autres collections anciennes de Problèmes La tradition occidentale A. B. C.

La tradition orientale

gov»

IV.

Le Moyen-Age latin La tradition latine humaniste La critique moderne, du XVI au XX* s. La tradition arabe des Problemata physica La tradition hébraïque des Problemata physica Les Problemata inedita arabes Les Problèmes physiques syriaques 1. LA TRADITION GRECQUE

Aucun traité du Corpus aristotélicien n'est plus négligé et ignoré des historiens de la philosophie et des philologues que les Problemata physica. Les remarques de 1 E. S. Forster, « The pseudo-aristotelician Problems: their nature and composition », CQ, 1928, p. 163-165, n'ont rien perdu de leur actualité. Plusieurs raisons se conjuguent pour expliquer cet état de fait: celles-ci vont du dédain inspiré par une œuvre «inauthentique » et composite aux difficultés d'en comprendre la structure formelle et à l'absence d'intérét pour un contenu réputé anodin. Pourtant, l'influence et la place des Problemata dans la culture antique et médiévale pourraient constituer en elles-mémes une raison suffisante de ne pas laisser cette œuvre dans l'ombre. La meilleure façon de l'aborder, semble-til, consiste à renoncer aux fallacieuses sécurités des synthéses hátives globalisantes — doctrinales ou épistémologiques -, pour en suivre la trace historique. Contenu. Il est impossible de résumer un ensemble qui regroupe prés de 890 problémes répartis en 38 sections. Les domaines couverts intéressent : — la médecine et la thérapeutique (1: 57 problèmes médicaux) ; — la physiologie (II: 42 pr. sur la sueur. III: 35 pr. sur la consommation de vin et sur l'ivresse. IV : 32 pr. sur les plaisirs de l'amour. V : 42 pr. sur la fatigue. VI : 7 pr. sur la position et la posture. VII: 9 pr. sur la sympathie. VIII : 22 pr. sur le froid et le frisson. IX : 14 pr. sur les meurtrissures, les cicatrices et les marques. X1: 62 pr. sur la voix. Xll: 13 pr. sur les choses bien odorantes. XIII: 12 pr. sur les choses mal odorantes. XIV : 16 pr. sur la complexion) ; — la zoologie (X : abrégé de 67 problèmes physiques) ; — les mathématiques pures et appliquées (XV : 13 pr. concernant la théorie mathématique ; XVI: 13 pr. sur les choses inanimées ; XVII : 3 pr. sur les choses animées) ; — la philologie (XVIII : 10 problèmes) ;

576

ARISTOTE DE STAGIRE - la musique (XIX : 50 pr. sur l'harmonie) ;

- les végétaux (XX : 36 pr. sur les buissons et les plantes potageres. XXI : 26 pr. sur la farine d’orge, la galette et les choses semblables. XXII : 14 pr. sur le fruit); - la météorologie (XXIII: 41 pr. sur l'eau salée et sur la mer. XXIV : 19 pr. sur les eaux chaudes. XXV : 22 pr. sur l'air. XXVE: 62 pr. sur les vents) ; - l'anthropologie (XXVII : 11 pr. sur la peur et le courage. XXVIII : 8 pr. sur la tempérance et l'intempérance, la maitrise de soi et l'incontinence. XXX : 14 pr. sur l'intelligence,

l'intellect et la sagesse). - le droit (XXIX : 16 pr. sur la justice et l'injustice), — les fonctions du corps humain (XXXI: 29 pr. sur les yeux ; XXXII: 13 pr. sur les oreilles; XXXIII: 18 pr. sur les narines. XXXIV : 12 pr. sur la bouche et ce qu'elle contient ; XXXV : 10 pr. sur le toucher; XXXVI: 3 pr. sur la face; XXXVII: 6 pr. sur le corps tout entier; XXXVIII:

11 pr. sur la couleur).

Manifestement, le titre Problemata physica ne convient qu'à une partie des sections. Ainsi, ni la philologie (XVIIT), ni la musique (XIX), ni le droit (XXIX),

ni les sciences mathématiques, dans une certaine mesure, ne s'y rattachent. D’oü les interrogations des exégètes sur la composition de ce corpus. Le caractère hétérogéne des sujets abordés ne laisse pas de déconcerter, par exemple avec l'introduction de thémes étrangers à la philosophie (la gymnastique ou l'exercice physique : II, V ; l'étude des postures : VI), le rapprochement de savoirs par ailleurs bien distincts les uns des autres (acoustique mathématique, physique, physiologique, art du chant, esthétique musicale, histoire de la musique: XI et XIX), l'imbrication de connaissances théoriques et appliquées (botanique, culture des plantes: XX et XXI). Une adaptation mentale est nécessaire à l'historien de la philosophie lecteur de ce texte: elle porte sur une réévaluation de la « polymathie » (21.

Bertier, « Aristote,

De

l'éducation»,

dans

P.-M.

Schuhl

(édit.),

Aristote, Cinq œuvres perdues. Fragments et témoignages..., Paris 1968, p. 143165), une juste appréciation des techniques de l'exposition des apories et de leur discussion mises au service des sciences, notamment celles de la nature. A cet égard, le rappel des règles aristotéliciennes de la discussion dialectique reste insuffisant pour rendre compte des arguments effectifs des Problèmes. On peut en dire autant des textes qui, d'une facon ou d'une autre, figurent, soit dans les apories, soit dans leur résolution. Aucun, si intéressant soit-il pour une tradition indirecte, n'est « canonique ». Ni les Airs, eaux, lieux et les Aphorismes du Cor-

pus hippocratique, mélés à la première partie de la section I, ni les opuscules de Théophraste reproduits à la lettre dans les sections IT, V et XXVI, ni les passages d' Aristote, à partir desquels et en fonction desquels s'éclairent tant de problèmes d'autres sections. Pour une découverte de la tradition littéraire et intellectuelle liée aux Problemata, voir 3 Brian Lawn, The Salernitan Questions. An Introduction to the History of Medieval and Renaissance Problem Literature, Oxford 1963, 240 p. ;

3bis Id., The Rise and decline of the scholastic "Quaestio disputata", coll. « Education and Society in the Middle Age and the Renaissance » 2, Leiden 1993, ν]1- 178 p.

PROBLEMATA PHYSICA — TRADITION GRECQUE

577

Principales éditions modernes globales. Texte de référence pour la pagination: 4 ed. 1. Bekker, Berlin 1831, t. II, 859a- 967b : Problemata physica ; t. UI,

415-479 : Problemata Theodoro Gaza interprete; 5 U.C. Bussemaker, dans F. Dübner, U.C. Bussemaker et E. Heitz (édit.), Aristotelis opera omnia, Graece et Latine, Paris [Didot],

1848-1869, t. IV, 1857: Praef. WM-IX, Problemata,

108-

290; Problemata inedita: 291-332 ; Cassii Problema ΧΧΝῚ + 332-334; 6 Ch.-

Ém. Ruelle, H. Knoellinger et J. Klek (édit.), Aristotelis quae feruntur Problemata

physica, coll. BT, Lipsiae 1922, XV-318 p., index ; 7 W.S.

Hett (édit.),

Aristotle, Problems, with an English translation by W.S.H., coll. LCL 316-317, London 1936-1937 (le texte grec est celui de Ruelle 6, avec des modifications et sans apparat systématique) ; 8 P. Louis (édit.), Aristote. Problèmes (Sections IX). Texte établi et annoté par P. L., CUF, t. I, Paris 1991, LIV-216 p. (dont 126 doubles); t. Il (Sections XI-XXVII), Paris 1993, vIII-291 p. ; (dont 162 doubles);

t. III (Sections XXVIII-XXXVIII), Paris 1994, 230 p. (dont 61 doubles), Index. Manuscrits. On connait une soixantaine de mss des Problemata physica. Ceux-ci n'ont pas encore donné lieu à une étude codicologique du type de celle effectuée par D. Harlfinger pour le De lineis insecabilibus (1971) ou par M.E. Bottecchia pour les Problemata

mechanica

(1982).

A

ce jour,

l'inventaire

détaillé des mss d'Aristote, entrepris par 9 P. Moraux, D. Harlfinger, D. Reinsch, J. Wiesner, Aristoteles Graecus. Die griechischen Manuskripte des Aristoteles, I, coll. « Peripatoi » 8, Berlin/New York 1976, XXXII-495 p., s'arréte aux bibliothéques de Londres, avec la description d'une douzaine d'exemplaires. Pour le reste, on peut se reporter aux indications générales et plus sommaires de 10 A. Wartelle, Inventaire des manuscrits grecs d’Aristote et de ses commentateurs, Paris 1963, 198 p., qui recense toutes les données des catalogues de manuscrits ; 11 R. D. Argyropoulos et I. Caras, Supplément à l'Inventaire, Paris 1980, 81 p. ind. Dans la mesure oü les Problemata physica forment une collection bien sou-

vent distincte de celles des autres traités du Corpus, et sont parfois copiés avec des Problèmes d'auteurs plus tardifs, il est intéressant de recouper les références

précédentes avec celles de 12 H. Diels, Die Handschriften der Antiken Ärzte, Abhandlungen der Preussischen Akad. der Wiss., Berlin 1905-1907, (réimpr. Amsterdam

1970) II 9 “Alexander Aphrodisiensis", 22 "Cassius Iatrosophista",

106 "Theophylactus Simocatta", et Nachtrag, p. 44, 46, 68) en notant que certains traducteurs et imprimeurs de la Renaissance continueront à éditer ces œuvres ensemble. Pour ce qui principaux sont (selon Louis 8, logique, le Vat.

est du texte méme, Bekker 4 s'appuie sur quatorze manuscrits dont les trois le Parísinus graecus 2036, X* s., fol. 1-178 (Ya), le Laur. gr. 87, 4, ΧΙΠ-" s. p. XLV), après rectification (Ca), qui contient aussi les œuvres du corpus biogr. 1283, XV° s. (Xa). Ces manuscrits forment la base des éditions ultérieures.

Ruelle, Knöllinger et Klek 6 utilisent également les manuscrits suivants déjà présents chez Bekker, les Marc. gr. 200 de 1457 (Q), 215, Xv* s. (Na), 216 (Oa), App. IV 58, xıtl® s. (Ka). La nouveauté de leur édition réside dans l'appel aux leçons du Parisinus graecus 1865, Xv* s. (Ap) de Michel Apostolios, dont Ch.-Ém. Ruelle avait cru montrer l'importance dans 13 « Corrections anciennes et nouvelles dans le texte des Problömes musicaux d' Aristote», RPh 15, 1891, p. 168-174 (aprés les amendements de Bojesen 22, Egger 23. Wagener 115,

578

ARISTOTE DE STAGIRE

Gevaert 28). La position de Ruelle fut critiquée par J. Klek (cf. 6, Praef. p. VI-Vit). Hett (7, t. I, p. 10) fera place à ce manuscrit à côté des trois premiers, et G. Marenghi, dans la préface de son édition de la section (cf. infra 29) reprendra les critiques de 1. Klek sur la valeur du manuscrit d'Apostolios. Il reviendra à 14 P. Louis, «Les manuscrits parisiens des “Problemes" d’Aristote», RPh 60, 1986, p. 197-204, et Louis 8, préface p. XXXV-XLVI, de reprendre l'examen de ce manuscrit et de le situer dans une généalogie complexe différente de celle du stemma de G. Marenghi. La collection Problemata inedita contient quelques probiémes identiques à des problémes du corpus. Les mss collationnés par Bussemaker 5 sont recensés p. VIII-1X. Par la suite, on n'en fait guère état. O. Gigon, Aristotelis Opera, Berlin/New York, I, 1960, annonce leur édition avec le volume alors en préparation des fragments (Aristotelis Opera, volumen tertium, Librorum deperditorum fragmenta, collegit et annotationibus instruxit O.G., Berlin 1987), oü les Problemata inedita ne figurent cependant pas. Louis 8 inclut ces textes dans son conspectus siglorum, d'après l'édition Bussemaker.

Traductions modernes globales. 15 Les Problemes d’Aristote, traduits en

frangais par J. Barthélemy-Saint-Hilaire, Paris 1891, 2 vol.: I (Sections I-XV) LXXVI-430 p., II (Sections XVI-XXXVI 516 p. [p. 431-516: Sommaire]; la bibliographie de l'introduction s'arréte à 1869 ; 16 E. S. Forster (trad.), Problemalta, transl. by. E. S. F., dans W.D.

Ross (édit.), The

Works of Aristotle, t. VII,

Oxford 1927; 17 P. Gohlke, Aristoteles Probleme, Paderborn 1961, 416 p. ; Hett 7 ; 18 H. Flashar, Aristoteles Problemata Physica, übersetz von H. F., coll. « Aristoteles Werke

in deutscher Übersetzung

» 19, Berlin

1962 ; 4* tirage

1990,

766 p. (cette traduction est accompagnée d'une introduction et d'un commentaire dans lequel l'auteur a rassemblé une quantité impressionnante de références bibliographiques sur tous les domaines du savoir impliqués dans chaque section).

Éditions et/ou traductions séparées. Comme les Problemata ne forment pas un tout homogène, il s'est trouvé que certaines sections ont fait l'objet d'une présentation séparée parce que leur sujet intéressait un éditeur.

Au XVf s., c'est le cas des quatre sections suivantes (trad. latine de Théodore Gaza), qui accompagnent des textes de Giorgio Valla (1447-1500) sur les sujets analogues, eux-mémes extraits de son encyclopédie De expetendis et fugiendis

rebus (Venise 1501), et publiés à Strasbourg vers 1528-1530: 19 Problemata Aristotelis de re medica (= section I), avec le De corporis commodis et incommodis ; Aristotelis problemata quae ad res bene olidas pertinent (= sections XII, XIII 3, XIV 3, 4, 5, 11), avec le De physicis quaestionibus ; Aristotelis Problemala quae ad oculos pertinent (= section XXXI), avec le De natura oculorum,

un choix d'extraits d'encyclopédistes byzantins ; Aristotelis Problemata quae ad totum corpus pertinent (= section XXXVID, avec le De universi corporis purgafione.

A la même époque, les problèmes de la section XX (buissons et plantes potagéres) ont trouvé place dans deux recueils de textes. Le premier, placé sous le patronage de 20 Eobanus Hess (1488-1540)... Bonae valetudinis conservanda praecepta... Paris 1533, comporte des opuscules ressortissant au régime, avec leurs conseils sur les plantes. On comprend dès lors ce qui a incité à y inclure: Aristotelis Problemata quae ad stirpium genus et oleracea pertinent (fol. 58-65",

PROBLEMATA PHYSICA - TRADITION GRECQUE

579

trad. Gaza) à la suite de la Coena de J. B. Fiera (1469-1538, fol. 23"-46") et de

l'Hortulus de Strabus Gallus (809-849) consacré aux propriétés des végétaux que l'on cultive. La méme section XX figure à la suite de l'Examen omnium simplicium medicamentorum quorum in officinis usus est, de 21 A. M. Brasavola (1500-1555), Lyon 1537 (p. 520-542) dans lequel l'auteur présente les sujets de

la matiére médicale sous forme dialoguée. Ces publications séparées représentent un cas instructif de la survie culturelle du savoir contenu dans les Problemata physica.

Au XIX* s., les problémes musicaux (XIX) ont fait l'objet d'études - Editions ou traductions — particulieres: 22 E.F.

Bojesen,

De problematis Aristotelis

scripsit et Sectionem XIX commentariis illustravit E. F.B., Hafniae 1836, 118 p., avec une introduction générale sur un plan d'exposition qu'on retrouvera ensuite, par exemple chez Prantl 105 (cité plus loin), et bien plus tard chez Flashar 18. 23 E. Egger, Essai sur l'histoire de la critique chez les Grecs, suivi de la Poétique d'Aristote et d'extraits de ses Problèmes, avec traduction française

et commentaire,

Paris

1850,

548

p.,

p. 128-134: Le

livre

des

Problèmes ; p. 395-409 : 16 problèmes de la section XIX ; p. 477-484: Notes; et 24 Probl. XI 27 («Observations sur le développement de l'intelligence et du langage

chez

les enfants»)

dans

l'édition

de

1887.

25 Ch.-Em.

Ruelle,

«Problémes musicaux d'Aristote: avertissement, section XIX, traduction francaise et notes», REG 4, 1891, p. 232-267; présentation séparée, par le méme auteur, dans la série de traductions intitulée « Collection de textes grecs relatifs à la musique », Paris Firmin-Didot, 6 fasc. 1871-1898: fasc. 4, 1891 (les autres

fascicules de cette collection sont: 1. Aristoxéne, 1871; 2. Nicomaque de Gérase, 1881; 3. Cléonide et Euclide, 1884; 5. Alypius et Gaudence, 1895; 6. Sextus Empiricus,

1898). 26E. d'Eichtal et Th. Reinach,

« Notes

sur les

Problémes dits d' Aristote», REG 5, 1892, p. 22-52. 27 Musici scriptores Graeci, rec. C. Jan, Lipsiae

1895: Pseudo-Aristotelis

de rebus musicis problemata,

Introd. p. 39-59 ; Probl. V 2; XI 3-62b; XIX 1-50, p. 59-111 avec des notes et des commentaires

toujours intéressants à consulter. 28 F. A. Gevaert et J.C.

Vollgraff, Les problèmes musicaux d’Aristote (XIX). Texte grec avec traduction francaise, notes philologiques, commentaire musical et appendice, Gand 1903 (réimpr. Osnabrück

1977), 421

p. 29 Aristotele, Problemi musicali, trad. con

testo a fronte a cura di G. Marenghi, Firenze 1957, 139 p.; à propos de quoi voir aussi 30 G. Marenghi, «Su alcuni luoghi dei Problemi musicali aristotelici », GIF 1957, p. 198-204, Mbis /d., «L'esecuzione vocale nei Problemi musicali pseudo-aristotelici», dans Miscellanea filologica a cura di I. Gallo, Univ. degli Studi di Salerno, 1986, p. 73-101. D'autres problémes sont dans le méme cas: 31 Aristotele,

Problemi

di fonazione

e di acustica

(XP), a cura di G.

Marenghi, Napoli 1962, 135 p. (avec une introduction générale sur la tradition manuscrite et les traductions latines de Barthélémy de Messine et de Georges de Trébizonde [sur lequel voir plus bas “La tradition latine humaniste", n? 80]).

580

ARISTOTE DE STAGIRE 32 Arıstotele, Problemi di medicina (I), testo critico, traduzione e commento

di G. Marenghi, coll. «Classici greci e latini», Sezione Testi

e commenti

2,

Milano 1965, XX111-366 p. Le regain d'intérét pour les problèmes de la section I est dü pour une part aux développements des études sur la médecine ancienne:

cf. 33 H. Diller, Die Überlieferung der hippokratischen Schrift Περὶ ἀέρων, ὑδάτων, τόπων, coll. «Philologus Suppl.» XXIII 3, Leipzig 1932, chap. 5: "Die antike Nebenüberlieferung" ; 34 R. Seligsohn, Die Übersetzung der ps.aristotelischen Problemata durch Bartholomeus von Messina. Text und textkritische Untersuchungen zum ersten Buch, Berlin 1934 (pour le texte, voir trad.

latines du Moyen Áge; le commentaire comporte beaucoup d'éléments intéressant l'histoire de la médecine ; H. Flashar lui doit beaucoup) ; 35 J. Bertier,

«A

propos de quelques résurgences des Épidémies dans les Problemata du Corpus aristotélicien», dans les Actes du V* Colloque hippocratique 1984, coll. « Sudhoffs Archiv für Geschichte der Medizin»,

Suppl.

Bd 27, Berlin

1989.

p. 261-269 Le Problème

XXX

1 (sur la mélancolie des hommes

exceptionnels) a fait

l'objet d'études particuliéres d'historiens de l'art ou de la psychopathologie. 36E. Panofsky et F. Saxl, Dürer Melencholia. Eine quellen- und typengeschichtliche Untersuchung, Leipzig 1923; édition reprise et augmentée : 37 R. Klibansky, E. Panofsky, F. Saxi, Saturn and Melancholy. Studies of natural philosophy, religion and art, London/New York 1964, avec texte grec et trad. du

Probl. XXX | par R. K.; trad. en français de cet ouvrage: 38 Saturne et la Mélancolie, Paris 1989 (contient, p. 49-75, le texte grec établi par R. Klibansky et la traduction annotée de L. Évrard). Voir aussi 39 Aristotele, La "Melanconia" dell'uomo di genio, a cura di C. Angelino et E. Salvaneschi, Genova 1981,

53 p. 3 pl. (texte grec et trad.) (contient en appendice Arétée III 5: περὶ μελαγχολίας) ; 40 Aristote, L'homme de génie et la mélancolie (le Probleme XXX I),

traduit et présenté par J. Pigeaud, Paris 1988, 129 p. ; sur le thème, cf. 41 H. Flashar, Melancholie und Melancholiker in den medizinischen Theorien der Antike, Berlin 1966; 42 J. Pigeaud, La maladie de l'áme, Paris 1981, 590 p. ; 43 Id., Folie et cure de la folie chez les médecins de l'Antiquité gréco-romaine,

Paris 1987, 266 p.; 44 C. Garcia Guai, «Del Melancolico como atrabilario. Segun las antiguas idéas griegas sobre la enfermedad de la melancolia», Faventia 6, 1984, p. 41-50. 45 Ph.J. van der Eijk, « Aristoteles über die Melancholie », Mnemosyne 43, 1990, p. 33-72. Sur les sections XII et XIII: 46 G. Marenghi (édit.), [Aristotele,] Profumi e

miasmi. Introduzione, testo critico, traduzione e commento a cura di G.M., coll. « Università degli Studi di Salerno — Quaderni del Dipartimento di Scienze dell’Antichitä» 10, Napoli 1991, 179 p. (comprend la traduction latine de Georges dc Trébizonde). L'identification des Problemata physica. Elle exigerait (1) le recoupement du titre de la tradition manuscrite προδλήματα φυσικὰ κατ᾽ εἶδος συναγωγῆς avec les titres des listes anciennes d'œuvres d' Aristote et les citations du titre par des auteurs anciens ; (2) la recension des allusions d' Aristote à ses Problemata et

PROBLEMATA PHYSICA - TRADITION GRECQUE

581

la comparaison des témoignages d'auteurs anciens à propos des Problemata avec ceux du Corpus. L'absence de concordance significative et les parallélismes observés imposent l'idée d'éditions successives des Problemata dont ceux du Corpus représenteraient un témoin privilégié (voir Flashar 18, p. 356; Louis 8, pP. XXV-XXXVII, en gardant à l'esprit que la mise en forme de cette question date de la Renaissance, voir, plus loin, Accoramboni 96, Guastavini 98 et leurs propres sources).

Le titre. Sur les recueils de Problemata mentionnés dans les catalogues des œuvres d' Aristote, voir 47 I. Düring, Aristotle in ancient biographical tradition,

Göteborg 1957 (p. 48-49, 44, pour Diogene Laérce; p. 86-88 pour Hésychius ; p. 94 pour la Vita Marciana ; p. 156 pour la Vita latina ; p. 288 pour Ptolémée elGarib). Le recoupement des listes (cf. DPhA, t. I, p. 424-434) fait apparaitre :

περὶ προδλημάτων (D. L.51, H 48, Pt. 23) φυσικῶν κατὰ στοιχεῖον An’ (D.L. 120, H 110)

ἐπιτεθεαμένων προδλημάτων α΄, β΄ (D.L.121,

H 112)

ἐγκυκλίων α΄, β’ (Ὁ.1..121.} 113)

συμμίκτων ζητημάτων οβ΄ (Η 128) τὰ ἰατρικά προδλήματα καὶ τὰ φυσικὰ προδλήματα [70 livres] (VM 4, VL 40) προδλήματα ξη΄ (Ρι. 76)

προδλήματα ἰατρικά ε΄ (Ρι. 81).

Sur les titres cités par les auteurs anciens, qui attestent une divergence entre l'édition citée par eux et les subdivisions de celle du Corpus, voir par exemple Aulu-Gelle HI 6 (fr. 229 Rose 49 = fr. 757 Gigon). Voir aussi Marenghi 110. Les fragments. Les allusions d'auteurs anciens à des Problemata d' Aristote,

sans équivalent dans ceux du Corpus, ont été rassemblées dans les recueils de fragments d'ceuvres perdues : 48 V. Rose, Aristoteles Pseudepigraphus, Leipzig 1863; réimpr. Hildesheim/New York 1971, VI Physica, XXXIX, p. 214-239 [33 fr.]; à la fin du vol., Rose a ajouté Anecdota Aristotelica, Problemata quae dicuntur Aristotelis, p. 666-673, texte dont il sera question à propos de la tradition latine, et qui ne reparaît pas dans l'édition de 1886 (fr. 209-245): 49 V. Rose (édit.), Aristotelis Fragmenta, coll. BT, Leipzig 1886, 462 p., cette dernière édition elle-méme augmentée d'un nouveau texte latin édité d'aprés le ms. Oxon. Bodl. Digby 67 ; 50 E. Heitz, Die verlorenen Schriften des Aristoteles, Leipzig 1865, I, p. 103-122; 51 Id., Fragmenta Aristotelis, coll. disp. ill.

[Didot]

1869, IV, chap. VII Problemata, p. 194-211

E. H., Paris

[44 fr.]; 52 O. Gigon

(édit.), Aristotelis Opera, volumen tertium, Librorum deperditorum fragmenta, collegit et annotationibus instruxit O. G., Berlin 1987, Titulus XXIX, fr. 713-

769, avec une présentation différente des précédentes dont les auteurs avaient regroupé les fragments par théme. On y trouve les témoignages d'Aristote (713-

723), suivis de passages étendus empruntés à Plutarque (724-739), Galien (740746), Apollonios (747-754), Aulu-Gelle (755-761), etc... Un inconvénient commun à tous ces recueils tient à ce qu'ils ne fournissent pas les repères d'une

vision synoptique de tous les témoignages relatifs aux Problemata, qu'ils s'y rapportent (on aurait l'équivalent d'une tradition indirecte) ou qu'ils ne s'y

582

ARISTOTE DE STAGIRE

rapportent pas (ce sont nos fragments). Inconvénient aggravé du fait qu'il n'existe ni table détaillée des apories des Problemata, dans les éditions modernes, ni index exhaustif du vocabulaire, ni table générale de concordance avec les auteurs intéressés. Il. LES AUTRES COLLECTIONS ANCIENNES DE PROBLÈMES

Plusieurs ceuvres grecques, par leur facture, leur objet, les résurgences des Problemata qu'elles recèlent, intéressent l’analyste de ces derniers. Les Quaestiones Convivales de Plutarque: 53 W. Capelle, « Auf Spuren alter φυσικοί» : Hermes 45, 1910, p. 320-336, a montré la relation de certaines sections tant avec les Problemata aristotéliciens, qu'avec les Problemata inedita et les Problèmes dits d' Alexandre d’Aphrodise (**A 112). La consultation des loci similes de l'éd. 54 C. Hubert, Plutarchus, Moralia IV, coll. BT,

Lipsiae

1938, qui recueille ces données, reste toujours utile pour saisir un état de la survie de ces collections de problémes. Cette seule indication à l'exclusion de bien d'autres, ne dispense pas de trouver dans les excellentes éditions des Moralia, en notes, la piste de tous les tenants et aboutissants de cette littérature symposiaque et encyclopédique, qui fournit nombre de fragments des Problemata (cf. 48-52). Quant à l'accés aux collections de probl&mes traditionnellement liées à celles

du Corpus, il est plus malaisé. On associe aux Problemata deux autres collections, celle du Pseudo-Alexandre et celle de Cassius le latrosophiste (»*C 54),

déjà rapprochées les unes des autres dans certains mss. Cf. Moraux 9 pour la description des mss de Bologne 3635, Londres, BM fonds Harley 6295, Jérusalem, Bibl. Pat. orth. 416 qui contient en outre le dialogue de Théophylacte Simocatta (VII s.); on peut ajouter par exemple les mss de Madrid 84 (4616), Modene 10 (II D 10), Paris 1883, 1884, Venise Z 259, indications à compléter par celles de Diels 12.

Édités en 1497 à Venise (Pellechet 1175), les Problémes d' Alexandre, traduits en latin par Giorgio Valla (Venise 1488), puis par Théodore Gaza (Lyon vers 1505), ont connu une diffusion parallèle à celle des Problemata du Corpus. On note méme en 1555 une traduction française qui atteste l'intérêt des contemporains pour l’œuvre: Les Problèmes d'Alexandre d'Aphrodisée... pleins de

matiére de médecine et de philosophie, traduits du grec en frangais par M. Heret, Paris 1555). Édition moderne: 55 I. L. Ideler, Physici et medici Graeci minores, Berlin 1841, réimpr. Amterdam 1963, t. I, p. 3-80. L'ouvrage comporte deux sections comptant 152 et 76 problémes, précédés d'une préface méthodologique trés importante, dans laquelle l'auteur définit ce qui fournit matiére à probléme et les procédures de résolution des apories. Pour la datation, cf. 56 M. Wellmann, Handbuch der Geschichte der Medizin (begründet von Th. Puschmann, hrsg. von M. Neuburger, lena 1901-1905), I, 482, qui souligne les parentés du texte avec les doctrines de l'école pneumatique et le situe postérieurement au IF s. ap. J.-C.

PROBLEMATA PHYSICA - TRADITION GRECQUE

583

Sur Cassius le Iatrosophiste, voir 57 M. Wellmann, art. «Cassius ». RE III 2, 1899, col. 1679-1680, qui met en évidence l'éclectisme, tantót pneumatique, tantót méthodique, de Cassius. Édition moderne : Ideler 55, t. I, p. 144-167 ; aux

84 questions de cette coilection il faut ajouter celle éditée par Bussemaker 5, t IV, p. 332-334, sur la couleur de la cornée et de la pupille. La première question (“Pourquoi les blessures circulaires sont-elles plus difficiles à soigner que les autres ?") devrait attirer l'attention des aristotélisants (Ps. Alexandre 1 99, p. 34 Ideler; Rose 48, $ 31. p. 674): elle correspond à un passage des Seconds Analytiques 1 13, 79a 12 sq. La réponse met en scène les Hérophiléens et Asclépiade (58 H. von Staden, Herophilus. The art of medicine in early Alexandria, Cambridge 1989, fr. 236, ne commente pas ce

passage). [Voir J. Jouanna, « Pourquoi les plaies circulaires guérissent-elles difficilement ?», dans D. Gourévitch (édit.), Mélanges Grmek, Genève 1992, p. 95-108 ; d’après le Scorialensis ® III 12, xv* s.]

Le byzantin Théophylacte Simocatta (mort en 640) a composé un dialogue entre Antisthène et Polycrate pour mettre en forme le développement de 20 apories empruntées à la philosophie naturelle : éd. à Lyon en 1596 avec les Problèmes de Cassius, traduit en latin en 1598 à Heidelberg par J. Kimedoncius, nouvelle édition à Leipzig en 1653, trad. en frangais à Paris en 1603; au XIX* s., 59 Theophylacti Simocattae Quaestiones Physicae..., rec. J.F. Boissonade, Paris

1835: texte p. 1-28 ; trad. lat. p. 85-110 ; notes p. 165-216; ed. Ideler 55, p. 168184. Bussemaker

5 a donné l'édition princeps d'une collection de problémes,

désormais intitulée Problemata inedita (p. 291-332), avec la description des manuscrits et du sommaire (p. VIH-XIX). Sur un total de 262 apories, moins de 15 sont littéralement identiques à un probléme du Corpus, ce qui n'est pas le cas de ceux des Problèmes dits d' Alexandre et de ceux de Cassius le Iatrosophiste, cités dans les loci similes des éditions modernes des Problèmes aristotéliciens, semblables certes par les questions, mais différents par le style et les argumentations. Sur ces problémes, voir 60 H. Usener, Alexandri Aphrodisiensis quae feruntur problematorum liber IH et IV, coll. «Jahresbericht über das Kgl. Joachimsthalsche Gymnasium », Berlin 1859 (mais l'attribution de ces questions à Alexandre n'a jamais été admise), Rose 48, p. 216-221 ; 61 H. Wegehaupt, «Zur Überlieferung der Pseudo aristotelischen Problemata anecdota», Philologus 29, 1918, p. 469-473; 62 H. Flashar, «Zur spätantiken Hippokratesdeutung», Hermes 90, 1962, p. 402-418, avec la présentation d'un prologue édité par Usener, manquant dans Bussemaker 5, et qui est identique à celui de Théophilos Protospatharios (VII? s.) à son commentaire des Aphorismes d'Hip-

pocrate. (Voir Scholia in Hippocratem et Galenum, ed. F.R. Dietz, 1834 (1966), II, p. 236 sq.. passim.)

Ce qui fait le plus défaut à ces collections de Problèmes reste l'absence de table d'apories, qui en permettraient le survol.

584

ARISTOTE DE STAGIRE III. LA TRADITION OCCIDENTALE

A. Le Moyen Age latin On distingue de l’antiqua versio (Barthélémy de Messine) une vetustissima translatio. Rose 48, p. 666-673, Anecdota Aristotelica, a édité des Problemata

quae dicuntur Aristotelis philosophi, d'aprés trois mss: de Bamberg, de Berlin, de Bruxelles. Ce texte, qui ne figure plus dans l'éd. des Fragmenta de 1886, se compose de quarante-trois problémes, dont vingt-deux sont la traduction latine d'un texte grec répondant à la collection Problemata inedita (Bussemaker 5), huit celle d'un probléme de Cassius le Iatrosophiste, et un celle d'un probléme du Ps.-Alexandre (table de concordance et reprise du texte des Problémes sans

paralléles grecs par Heitz 50, p. 196-197). On estime (63 Bibliographie des textes médicaux latins antiques, Centre Jean-Palerne, Univ. de Saint-Etienne, 1987 s.v. "Aristoteles") que cette traduction est du V* ou du VI* siècle. Sur cette traduction et ses résurgences médiévales (salernitaines, dans l'École de Chartres,

chez Adélard de Bath), cf. Lawn 3, p. 12-14, et tableau p. 24. Rose 49, fr. 245, a édité d’apres le ms. Oxon. Bodl. Digby 67 (XIV* s.), fol.

96 b “... quedam questiones naturales edite sive facte ab Aristotile". C'est un ensemble de onze Probl&mes météorologiques, dont certains présentent des analogies avec des Problèmes de la section XXVI ou le De ventis de Théophraste. Le texte latin est repris par Gigon 52, tit. XXIX, fr. 769. Selon Rose (note ad loc.), l'auteur de la traduction serait Jean de Basingestokes (X111° s.) ; selon 64 Al. Birkenmajer, Classement des ouvrages attribués à Aristote par le Moyen

Age latin, Cracow 1932, p. 11-12, ce serait l'œuvre de David de Dinant. Voir aussi Lawn 3, p. 78-79. On désigne sous le nom d'Antiqua versio la traduction faite par Barthélémy de Messine, entre 1258 et 1266, sans doute sur un manuscrit grec de la famille

de Y? (Parisinus graecus 2036, X* s.). Cette traduction figure dans les éditions du XVI siècle, à côté de celle de Théodore Gaza (Nova versio, voir infra 67). Des érudits comme Guastavini (1608) ou Settala (1632) [voir infra 97 et 100] en font état, ainsi que Bussemaker 5 (1857). Plus récemment, on en recense deux

éditions partielles: Seligsohn 34; Marenghi 31 ; 65

/d.,

«Un capitolo dell"

Aristotele medievale: Bartolomeo da Messina, traduttore dei Problemata Physi-

ca», Aevum 35, 1962, p. 269-283, avec la comparaison de la traduction de Barthélémy de Messine et de celle de Georges de Trébizonde pour cinq problèmes (I 2, 5, 51; VII 2; III 25) ; 66 /d., « La tradizione manoscritta dei Proble-

mata physica aristotelici », BollClass 9, 1961, p. 47-57. Ayant été faite e verbo, la traduction de Barthélémy est utile pour la constitution du texte grec: cf. Seligson 34, p. 6-9. Avec la renaissance de l’aristotélisme au ΧΙ] s., l’intérêt pour les Proble-

mata ne devait pas se démentir. A preuve, 67 l' Expositio problematum Aristotelis de Pietro d' Abano (ca

1250-1315 ou 1316), achevée vers 1310, imprimée

pour la premiere fois à Mantoue en 1475, et réimprimée plusieurs fois (notamment à Venise en 1505, et 1519, Paris

1520; Bussemaker 5, p. III, a consulté

PROBLEMATA PHYSICA - TRADITION GRECQUE

585

l'éd. de Venise [1519] pour y relever des lecons de l’antiqua versio). Sur la tra-

duction que Pietro d' Abano aurait faite d'aprés un exemplaire trouvé à Constantinople, intitulé Liber Problematum Aristotelis secundum speciem compilationis, voir éd. Venise 1505, p. 1. Sur l'auteur, cf. Lawn 3, p. 92-93; 68 N. Siraisi, «The Expositio Problematum Aristotelis of Peter d' Abano », Isis 61, 1970, p. 321-339, notamment p. 321-322 ; 69 E. Wickersheimer, Dictionnaire biogra-

phique des médecins en France au Moyen Age, Paris 1936, deux vol., VIII-871 p. (réimpr. Genéve 1979, avec un Supplément par G. Beaujouan et D. Jacquart), p. 224-226 ; 70 E. Paschetto, Pietro d'Abano, medico e filosofo, Firenze

1984.

Le texte qui accompagne les éditions de l' Expositio est celui de Barthélémy de Messine. Autre commentateur des Problemata physica, Walter Burley (mort vers 1343); sur ce personnage, cf. Lawn 3, p. 95; 71 1. Murdoch et E. Sylla,

"Burley", DSB, t. II, p. 608-612. Mais ce commentaire de Walter Burley est resté inédit. Le

De causis mirabilium de Nicolas Oresme

(mort en

1382) fournit un bon exemple de

l'intégration des Problemata dans le développement de la philosophie naturelle au XIV* s. : cf. 72 B. Hansen, Nicole Oresme and the Marvels of Nature, edition [du De causis mirabilium] & comment. by B.H., Toronto 1985, 487 p., avec dix passages empruntés à la traduction de Barthélémy de Messine, dans un contexte didactique et argumentatif qui reste de plain-pied avec celui des Problemata et d'autres œuvres d' Aristote. Un travail de fourmi dans les commentaires scolastiques des médecins grecs et arabes ferait apparaitre maintes utilisations des Problemata physica. Un exemple d'emprunt dans le domaine de la médecine des enfants: Jacques Despars (1380 ?-1458) commente les préceptes d'Avicenne sur le régime de la nourrice en ajoutant à d'autres références celles d'un Probléme de la section IV (probl. 12) sur les conséquences de l'amour physique ; 73 Canonis Libri... cum explanatione Jacobi de Partibus, Lugduni 1498, folio LL 3 verso col. a, li. 59-60 ; 74 D. Jacquart, Le regard d'un médecin sur son temps : Jacques Despars, coll. « Bibliothèque de l'École des Chartes » 138, Paris 1980, p. 35-86. Le passage aboutira en fin de compte à une transcription francaise de 75 Simon de Vallambert, Cinq livres sur la maniére de nourrir et de gouverner les enfans des leur naissance, Poitiers, De Marneff, 1565, p. 28. Sur cette tradition : 76 J. Bertier, « Un traité scolastique de médecine des enfants : le Pedenemicon de Gabriel Miron », dans les Acres de 110* Colloque des Sociétés Savantes, 1: Histoire médiévale et

Philologie, Paris Éditions du C.T.H.S. (Ministère de l'Éduc. Nationale) 1987, p. 9-23; 76bis Ead., « La médecine des enfants à l'époque impériale», ANRW XXXVII 3, Berlin 1996,

p. 2223-2277. Dans la seconde moitié du XIV* s., Évrart de Conty (mort en 1405), médecin

de Charles V, a donné une traduction frangaise littérale des Problemata, faite sur la traduction de Barthélémy de Messine et accompagnée d'un commentaire. Cette traduction est restée inédite (mss Paris B.N. fr. 24281, 24282, XIV* siecle

peut-étre autographe; id. 210, 211; 563, 564, Nouv. acq. 3371 ; Cambrai 894 ; B. N. fr. 573, Chantilly, Musée Condé 397 (990), Iéna, Univ. Bibl. Gall. 81, La

Haye, Bibl. Royale, 133 A 3). Voir Wickersheimer 69, p. 146, et Supplément, p. 72.

Les catalogues d'ceuvres imprimées d' Aristote incluent dans la rubrique Problemata les éditions latines et les traductions en langues vernaculaires d'une œuvre dont la diffusion populaire a surpassé celle des Problemata du Corpus. 1] s'agit d'une collection médiévale qui n'est pas antérieure à Albert le Grand,

586

ARISTOTE DE STAGIRE

appelée, d’après son incipit, “Omnes homines".

Sur cette collection (mss, édi-

tions, traductions, du XV* au XVI. s.), cf. Lawn 3, p. 99 sqq. Le titre des éditions imprimées est: 77 Probleumata Aristotelis determinantia multas questiones de variis corporum humanorum dispositionibus valde audientibus suaves, Parisiis 1500 (éd. princeps 1483). Il s'agit de 330 questions et réponses en forme de catéchisme consacrées à l'anatomie, au “milieu intérieur" (viscères et humeurs),

ainsi qu'à la reproduction humaine. Le fonds est emprunté aux œuvres zoologiques d'Aristote, complété par des leçons tirées d'Hippocrate, de Galien, d'Avicenne, d'Averroés, de Constantin l' Africain et d'Albert le Grand. Cette collection, traduite en hoch deutsch (Problemata Aristotelis teutsch, Ausburg 1493, B. N. Rés. R 788), en anglais un siécle plus tard (London

1595, avec de

nombreuses rééditions), a été imprimée au XVF siècle avec les Problèmes (96 problémes) du padouan Marcantonio Zimara (ca 1470-1532). On ne recense pas

moins de sept éditions d'une traduction francaise entre 1554 et 1668 : 78 Les Problémes d'Aristote traitant de la nature de l'homme et de la femme, des principes de la génération, de la formation des enfants au ventre de leur mére, et de toutes les parties du corps humain, Rouen, chez P. Caillove, 1668, 151 fol. Plus récemment, L. R. Lind en a édité le texte d'aprés un ms. de Bologne: 79 Problemata varia anatomica, ms. 1165 The University of Bologna, coll. « Univ. of Kansas Publications, Humanistic Studies » 38, Kansas City 1968,

100 p. L'auteur de "Omnes homines", parmi de nombreuses références aristotéliciennes, cite deux fois les Problemata du Corpus, p. 81 (Probl. X 54 [53] et X

63 (62]) traitant de la répartition de la pilosité sur le corps de l'homme et sur celui des animaux. B. La tradition latine humaniste

Georges de Trébizonde (1396-1486), rival et critique acerbe de Théodore Gaza, a traduit les Problemata physica. Cf. Klek 6, Praef., p. X ; voir aussi Georgius Trapezuntius, Adversus Theodorum Gazam in perversionem problematum Aristotelis, édité par 80 L. Mohler, Kardinal Bessarion als Theologe, Humanist und Staatsman. Aus Bessarions Gelehrtenkreis, coll. «Quellen und

Forschungen aus dem Gebiet der Geschichte » 14, t. III, Paderborn 1942 (réimpr. Aalen 1967), p. 274-342, avec la citation et la rectification d'une vingtaine de passages; Marenghi 31, donne la traduction latine de Georges de Trébizonde pour la Section XI; le reste est encore inédit. La traduction

latine de Théodore

Gaza (cf. l'édition Bekker 4) offre des

caractéristiques de redondance qui la rendent impropre à la constitution du texte grec, à la différence de celle de Barthélémy de Messine. Sur les traducteurs et les traductions de la Renaissance, voir 81 D.J. Geanakoplos, Greek scholars in Venice, Studies in the dissemination of Greek learning from Byzantium to Western Europe, Harvard Univ. Pr., Cambridge Mass., 1962, 337 p. index.

La diffusion des Problemata physica dans le monde des savants et des lettrés se refléte dans les références et les citations qui sont faites par des auteurs mar-

PROBLEMATA PHYSICA - TRADITION GRECQUE quants comme

Mélanchton (Probl. XXX

587

1), Galilée (Probl. XXIII 3) ou Grotius

(Probl. XXIX 13). Sur quoi voir: Flashar 18, p. 377-378. Bien noter la différence entre ces cas pour apprécier les conditions de la survie de l’œuvre. La citation de Mélanchton offre l'exemple de la récurrence d'un théme fascinant, mais banal (cf supra 36 à 45). L'évocation possible par Galilée du Probl. XXIII 3 (comparaison du comportement d'un navire au port et en haute mer) intervient dans le contexte d'une

polémique contre des péripatéticiens qui ne reconnaissent pas les enseignements d'Archiméde ; dans ce contexte, les Problemata, leur authenticité, n'ont aucune importance réelle, de l'aveu méme des interlocuteurs de Galilée. Les textes sont:

82 Galileo Galilei, Discorso delle cose che stanno in su l'acqua o che ín quella se muovono, ed. 1612, p. 16; Discorso apologetico di Lodovico delle Colombe, ibid., p. 55-56 ; Considerazioni di M. Vicenzio di Grazia, ibid., p. 225; ed.

nazionale Firenze 1894, t. IV, p. 78, 364-365, 674-675. A l'inverse, Hugo de Groot (83 H. Grotius, De jure belli ac pacis libri tres, editio secunda Amsterdami 1631, p. 353, II XXIII, 5: De causis dubiis ; trad. franc. par M. de Courtin, Paris 1687, I, p. 581) incorpore expressément à toutes les leçons léguées par l'humanisme ancien et récent relatives à la prépondérance de l'intime conviction sur l'application automatique des règles du juste et de l'injuste celle des arguments du Probl. XXIX 13, ancétres de l'adage "Ubi adsit paritas in dubio judicandum est pro reo". Trois siécles plus tard, la section XXIX

sera devenue,

parmi

bien d'autres, l'une des sources littéraires bien

modeste de la connaissance du droit grec. Noter: 84 Rodolphe Dareste de la Chavanne, La science du droit en Grèce: Platon, Aristote, Théophraste, Paris, L. Larose et Forcel, 1893, réimpr. 1976, 319 p., p. 296-298, chap. 5: "les Problemes” (résumé des apories de la section XXIX). On peut ajouter: —l'anatomiste G. Falloppio (1523-1562), qui a expressément utilisé les Problémes XXXIV

2 et 3 (sensibilité des dents au chaud et au froid) dans un

chapitre sur la nature des dents dans lequel il se réfère aux autres œuvres biologiques d' Aristote. En la matière, la continuité du savoir, de Galien au XVF s., permet à l'ostéologue d'étre au méme titre un savant et un érudit: 85 G. Falloppio, Expositio in librum Galeni de ossibus, Venetiis 1570, fol. 40". - 86 J. Kepler, Ad Vitellionem paralipomena quibus astronomica pars optica traditur..., Francofurti... 1604, in-4? piéces lim. 449 p. index, qui se reporte expressément à quelques Problémes des sections I, XV, XVI et XXXI. Dans ce contexte, l'étude des lois de l'éclairage, la géométrie du cône et du cylindre ainsi que la théorie de la vision appartiennent au même ensemble. Par la suite, cette derniére (section XXXI) prendra place dans l'histoire de la physiologie ou de la

médecine, et les autres sujets (sections XV et XVI) reviendront à celle des mathématiques. Voir 87 C.B. Boyer, « Aristotelian references to the law of reflection », Isis 36, 1945-1946, p. 92-95.

588

ARISTOTE DE STAGIRE

— 88 G. Biancani, Aristotelis loco mathematica..., Bononiae 8 335-408, p. 227-279, qui commente

1615, 283 p.,

des Problémes des sections XV,

XVI,

XXIII et XXXI, ainsi que la section XIX tout entière. Sur quoi voir 89 J. Bertier, «Les apocryphes mathématiques du Corpus aristotélicien », dans J.-Y. Guillaumin (édit.), Mathématiques dans l'Antiquité, Centre Jean-Palerne, Université de

Saint-Étienne 1992, p. 27-42, pour compléter 90 Th. Heath, Mathematics Aristotle, Oxford 1959, p. 248-269, plus théorique qu'historique.

in

Dans un registre plus attendu, celui de la philosophie naturelle et dans les formes consacrées, 91 Alessandro Tassoni (1565-1635),

Varieta di Pensieri

divisa in IX parti, Modona 1612, in-4? pieces lim. 595 p. index, cite une quarantaine de Problèmes

empruntés

aux

sections

I-II, X-XIV,

XIX,

XXIV-XXVI,

XXIX-XXXI et XXXIV. Il le fait en associant ces passages à d'autres œuvres du Stagirite (De Caelo, Meteorologica , Gen. Anim. , Part. Anim., Hist. Anim., De

audibilibus, De plantis), lors de discussions qui mettent en cause les opinions et les théses de C. Cardano, J. C. Scaliger, B. Telesio, G. Falloppio, P. Rondelet sur des sujets discutés. La pratique du regroupement des citations faites en latin dans cet ouvrage rédigé en italien n'exclut pas à l'occasion une critique d'authenticité, par exemple, à propos de l'explication de la vision adoptée dans la section XXXI et qui, selon A. Tassoni, comme selon bien d'autres, ne saurait étre celle d'Aristote. C. La critique moderne, du XVF au XX° s.

Jusqu'au XVF s., les Problemata ont fait partie intégrante d'un domaine du savoir délimité par une médecine de tradition galénique, associée à l'aristotélisme dominant la philosophie naturelle. La stagnation et le déclin de ces vecteurs ont modifié l'intérét porté à l’œuvre. Progressivement, on est passé de la considération du contenu à celle de la forme littéraire, on a mis en doute l'authenticité des Problemata physica. Toutes les raisons qui seront formulées par la suite pour refuser l'authenticité sont proposées par les philologues et les philo-

sophes du ΧΥ s. Celles-ci se fondent sur l'état de la rédaction des XXXVIII sections, avec les doublets, les triplets, imposant l'idée d'un corpus de textes accumulé à partir d'un noyau primitif, sur les différences de style entre les problémes, sur l'étrange identité de certains d'entre eux (section II: De

section V: De

lassitudine,

section XXVI:

De

sudore,

ventis) avec des passages

d'opuscules de Théophraste, enfin, sur l'insignifiance du contenu. Ces raisons,

qui n'ont pas fait l'unanimité, ont trouvé des adversaires qui ont fondé leur appréciation d'authenticité sur la méthode d'exposition et de résolution des apories, garante selon eux de l'aristotélisme des Problemata. Voir : 92 Aristotelis et Theophrasti scripta quaedam quae vel nunquam vel minus emendata quam nunc

edita fuerint, ex off. H. Stephani, Parisiis 1557, avec p. a une adresse à P. Victorius exposant l'opinion de Henri Estienne sur l'inauthenticité de l’œuvre; 93 Aristotelis, Alexandri et Cassii Problemata cum Theophrasteorum quorumdam collectaneis ..., edente Frid. Syllburgio, Francofurdi

1585 (texte amendé

avec la trad. de Théodore Gaza, p. 1-246 ; p. 356-362, extraits de Théophraste

PROBLEMATA PHYSICA - TRADITION GRECQUE

589

déjà édités par Estienne ; p. 363-404 notes ; adresse liminaire au médecin Mercurialis avec l'exposition de la question de l'authenticité). Les deux auteurs suivants ne semblent plus avoir été cités par les historiens aprés 94 J. Th. Buhle, Arístotelis opera omnia, Biponti 1791, t. I, p. 357: 95 Felice Accoramboni, Vera mens Aristotelis, id est lucidissima et eruditissima in omnia Aristotelis opera explanatio, Romae,

1604, in-fol. 819 p. (p. 742-

753, In Probl. Arist., thése nuancée avec l'idée d'un fonds aristotélicien complété par des apports ultérieurs ; liste des problémes inauthentiques et des doublets) éd. antérieures sous le titre Interpretatio locorum ... Aristotelis, Romae apud Sanctum 1590, 1600, 1603; sur l'auteur, commentateur d' Aristote, de Théophraste et de Galien (lui-méme anti-galéniste), cf. l'article de 96 F.

Cognetti, in Dizionario biografico degli Italiani, Roma

1960, I, p. 111-112;

97 Giulio Guastavini, Commentarii in priores decem Aristotelis Problematum

sectiones, Lugduni 1608, in-fol., 375 p., Index. (dans la Préface au lecteur, Guastavini rappelle la question des témoignages d' Aristote sur ses Problèmes, celle des citations et témoignages d'auteurs anciens sur les mémes, les titres des Problémes dans les listes des biographes anciens, la divergence des opinions sur l'attribution à Théophraste de la section XXVI, Des Vents). L'auteur, qui n'est pas de premier plan et qui a renoncé à poursuivre son travail aprés la publication de celui de Settala (cf. infra 100) a le mérite de faire le point à la fin du XVF s.

Son commentaire est encore bien informé sur des auteurs comme Galien, Celse, Avicenne. Guastavini, professeur de médecine pratique à Pise, a composé un Locorum de medicina selectorum liber, 1: Lugduni 1616; II: Florentiae 1625. 98 Giovanni Manulfi, Urbanae disputationes in primam problematum Aristo-

telis sectionem, Romae 1630, 343 p., index rerum et verborum, Adresse au Cardinal Barberini, reste dans la tradition de la médecine érudite, plus attentif au contenu et à son renouvellement qu'à la forme littéraire. Ce sera un siécle et demi plus tard, en un tout autre sens, le cas de 99 Thomas

Vicentio Falletti, Curiosi problemi philosophici scelti da quelle que Aristotele intitola Delle Cose naturali ..., Roma 1783, qui présente quarante problémes de la section X (Abrégé de problömes physiques), en apportant aux énoncés des réponses tirées de la science de son temps (par exemple, pr. XV Falletti — Aristote X 13, 65, sur la génération spontanée de certains animaux, avec une réponse empruntée à l'article "Generatio" de l' Encyclopédie. La dernière lecture de tradition scolastique et humaniste des Problemata physica reste celle du médecin milanais Septalius (Ludovico Settala, 1552-1633) 100 /n Aristotelis Problemata commentaria ab eo Latine facta. Opus hoc jam primum absolutum in lucem prodit auctum tomo tertio nunquam antea edito,

Lugduni 1632 (texte grec, trad. et commentaire en latin). Partisan de l'authenticité des Problemata, Settala, qui n'ignore ni la philologie, ni les travaux de ses devanciers, est le dernier interpréte à puiser dans toute la littérature ancienne, notamment médicale, pour expliquer le texte.

590

ARISTOTE DE STAGIRE

Au XIX* s., on se tournera vers d'autres aspects des Problemata. L'œuvre, soumise aux travaux des philologues, amendée, éditée, figure de façon disparate, directement ou indirectement, dans certaines études historiques classiques. Les données relatives à Théophraste apparaissent de façon intéressante dans 101 J. G. Schneider, Eclogae physicae 1801, t. IE, 241 sq.; 102 Id., Theophrasti quae supersunt opera..., Lipsiae 1818, 5 vol. (vol. 4, notes aux Opuscules). 103 A. W. T. Stahr, Aristotelia, Halle, 1832, II: Leben, Schriften und Schüler des Aristoteles; 104 Aristoteles Meteorologicum libri IV, ed. J.L. Ideler, t. I

1834, XXXVI-664 p., t. II, 1836 VIII-784 p., avec de nombreux parallèles avec les Problemata ; Bojesen 22, avec une introduction intéressante sur la structure de l’œuvre: 105 C. Prantl, «Über die Probleme des Aristoteles», ABAW VI, 1852, p. 341-377 (étude classique portant sur la forme, le contenu, la terminologie particulière des Problèmes, l'inventaire des contradictions et des divergences internes, les caractères théoriques aristotéliciens et non aristotéliciens en fonction de l'évolution de la philosophie péripatéticienne). 106 H. Bonitz, Aristotelische Studien, IV : «Zu den Problemen», SAWW 52, 1866, p. 400-423 (remarques et corrections sur plus de 80 passages). 107 E. Richter, De Aristotelis Problematis, Bonn 1885, 49 p. (dissertation académique dans laquelle l'auteur, âgé de 23 ans, s'efforce de distinguer, pour les problèmes qui s'y prêtent, les traces de trois ou quatre recensions, d'œuvres de Théophraste notamment, en comparant pour les doublets ou les triplets les styles de la rédaction; tableau récapitulatif p. 27-31 ; il conclut que les Problemata du Corpus sont le résultat d'une compilation finale d'un érudit du V* ou du VY s. après J.-C.).

108 F. Poschenrieder, Die naturwissenschaftlichen Schriften des Aristoteles in ihrem Verháltniss zu den Büchern der hippokr. Sammlung, Progr. Bamberg 1887, p. 38-67, comportant une comparaison de certains Problèmes avec des textes de la collection hippocratique. 109 F. Susemihl, GGLA, Leipzig 1891, t. I, p. 160-164, pour une mise au point des travaux précédents. La récurrence des questions sur les Problemata apparait clairement dans Forster 1 (jugement contemporain de la traduction d'Oxford); 110 G. Marenghi, «Per una identificazione e collazione storica del

fondo aristotelico dei Problemata », Maia 1, 1961, p. 34-50; 111 P. Louis, « Intérêt d'un lexique des Probiéres d' Aristote», dans Documents pour l'histoire du vocabulaire scientifique, Paris 1981, p. 19-21. Le tome III de l'édition Louis 8 (Sections XXIX-XXXVIID, comporte un index complet et non plus seulement sélectif (p. 117-230).

Certaines sections ont fait l'objet de travaux notables ou intéressants, dont le caractère disparate est tributaire des recherches historiques sur les matières correspondantes.

PROBLEMATA PHYSICA - TRADITION GRECQUE

591

Section XIX: la musique. La section XIX n'a jamais cessé d'intéresser les exégètes, du moins de façon abstraite et livresque.

En 1779 et 1780, Michel Paul Gui de Chabanon (1730-1792) donne à l'Académie des Inscriptions et Belles Lettres lecture de trois Mémoires sur les Problémes d'Aristote concernant la musique (Mémoires de l'Académie 46, 1793, p. 285-355). Il s'agit de la traduction commentée des Problémes XIX 1-19, précédée d'un préambule. L'auteur, violoniste, musicologue, helléniste, y oppose le caractère artificiel de la prosodie à celui de la musique, langue naturelle et universelle, accessible au goüt et à la sensibilité. Mais ce fonds commun n'exclut pas des différences : selon Chabanon, l'intérét des problémes musicaux d’Aristote réside dans ce qu'ils révélent de la musique grecque comme un art d'expres-

sion articulé sur une technique instrumentale et vocale différente de la contemporaine. Les difficultés du texte sont abordées de façon précise et assez érudite. Ces mémoires sont à replacer dans les nombreuses études que les savants du XVII s. ont consacrées à la poésie et à la musique anciennes, et à éclairer par les théories de l'harmonie baroque (Jean-Philippe Rameau): voir 112 J. Bertier, «Un traducteur oublié des Problèmes musicaux d' Aristote au siècle des Lumieres: Michel Paul Gui de Chabanon», dans ΣΟΦΙΗΣ MAIHTOPEX, Sagesse. Mélanges J. Pépin, Paris 1992, p. 677-690.

Chercheurs de

Au XIX* s., après l'édition de Bojesen 22, la section XIX a bénéficié d'études exceptionnelles par leur autorité et par leur complémentarité disciplinaire: celles-ci en ont renouvelé le sujet en l'abordant sous l'angle de la facture des instruments et des techniques du chant vocal, découvrant en-degà des théories mathématiques classiques et des considérations d'ordre moral l'étrangeté virtuelle de la musique

grecque pour des oreilles formées aux disciplines de la musique

baroque, classique et romantique. En plus des éditions et traductions déjà mentionnées (cf. infra 22-31), voir les travaux suivants, dont les auteurs ont tous apporté des éclaircissements textuels ou doctrinaux à la section XIX: 113 F. J. Fetis, Mémoire sur l'harmonie simultanée du son chez les Grecs et les Romains, en réponse à la question suivante: Les Grecs et les Romains ont-ils connu l'harmonie simultanée des sons? En ontils fait usage dans leur musique ?, Bruxelles/Paris 1859, 120 p.; 114 H. von Helmoltz (physicien et musicologue, 1821-1894), Die Lehre von den Tonempfindungen als physiologische Grundlage für die Theorie der Musik: Braunschweig 1862 (trad. franc. de M.G. Gueroult et M. Wolff, Théorie physiologique de la

musique fondée sur l'étude des sensations auditives, Paris 1868 [réimpr. Paris 1990], p. 314-315, trad. de XIX 20 et 36 et une correction au texte par J. Stark); 115 A. Wagener, Mémoire sur la symphonie des anciens, Bruxelles 1863, 82 p. (avec des notations musicales) ; 116 D. B. Monro, «On Arist. Probl. 19, 12», JP 1, 1868, p. 81-97; 117 F. A. Gevaert, Histoire de la théorie de la musique de

l'Antiquité, 2 vol., Gand: I, 1875; II, 1881, (réimpr. Osnabrück 1965) ; 118 C. Stumpf (philosophe et musicologue, 1848-1936), Tonpsychologie, Leipzig I: 1883; II: 1890; 119 Id., «Die pseudoaristotelischen Probleme über Müsik »,

ARISTOTE DE STAGIRE

592

APAW 140, 1896, p. 1-81; 120 R. Westphal, Aristoxen von Tarent, Leipzig 1883; 121 Ch.-E. Ruelle, «Corrections anciennes et nouvelles dans le texte des Problèmes musicaux d' Aristote », RPh 15, 1891, p. 168-174; 122 A. A. Howard,

«The αὐλός or tibia», HSPh 4, 1893, p. 1-60 (étude portant sur les sources écrites et les données archéologiques) ; 123 E. Graf, De Graecorum veterum re musica quaestionum capita duo, Marburg 1899, 90 p.; 124 E. d'Eichtal et Th. Reinach, « Nouvelles observations sur les Problèmes musicaux d' Aristote », REG

13, 1900, p. 18-44;

125 G. Tischer, Die aristotelischen Musikproblem :

Berlin 1902, 36 p. ; 126 F. Greif, « Études sur la musique ancienne », REG 22, 1909, p. 89-139; /d., « L'évolution de l'aulistique grecque », REG 23, 1910, p. 148 ; Id., «Le diapason antique », REG 24, 1911, p. 232-286; Id., «Le rythme», REG 26, 1913, p. 273-346; 127 H. P. Richards, Aristotelica. London 1915, IX167 p.: corrections au texte de Bekker (Oxford 1837 et de Bussemaker 5). Chap. IX: "The Problems" (p. 133-153). Les articles de Charles-Émile Ruelle, principal artisan de l'éd. Teubner (cf. infra 6 et 13), décédé en 1912, sont restés épars. Section IV, probléme 26 : l'homosexualité passive. Le développement récent des études historiques sur la vie sexuelle et ses représentations a renouvelé l'intérét pour les documents littéraires impliquant ce sujet. Aprés quelques siécles de censure pudibonde, inaugurée par Settala 100 (lié à Charles Borromée) - sans doute dans le climat de la Contre-Réforme —

et relayée

par J. Barthélemy

Saint-Hilaire

15 (pour le moyen

äge, voir

128 D. Jacquart et C. Thomasset, Sexualité et savoir médical au moyen áge, Paris 1985, p. 216 sq. et passim, mais nuancer avec le commentaire de Pietro d'Abano, ed. de Paris 1520, fol. LXVII'-LXVIII", et celui de Guastavini 97 [1608], p. 200-205), on a reconnu dans le Probléme IV 26, le seul texte ancien dont

l'auteur tente d'expliquer les mécanismes de l'homosexualité passive (cas venant s'ajouter à ceux de la sexualité de l'homme, de la femme et de l'eunuque, classiques pour Aristote et les auteurs médicaux). En 1900, noter une publication confidentielle: Aristote, Problèmes sur l'amour physique, traduits du grec en français et enrichis d'une préface et d'un commentaire par 129 Agricola Lieberfreund (pseudonyme de Georges Herelle, selon le Catalogue de la Bibliothèque Nationale de Paris, in-8° Res. Tb ?! 201), tirée à 25 exemplaires, CXVII-239 p.; pour IV 26, l'auteur critique la pudibonderie ambiante et propose une large documentation empruntée à des sources médicales et psychiatriques allant de 1834 à 1894. Parmi les études récentes, voir :

130 K. Dover, Greek homosexuality, Cambridge (Mass.) 1978, trad. fr. Grenoble 1982, 281 p. : ΠΙ 6 l'exploitation de l’homosexualité par la philosophie p. 189 sqq., particul. p. 206-208. 131 F. Buffière, Eros adolescent. La pédérastie dans la Gréce antique, Paris 1980, 703 p., particul. p. 438-449 ; 132 Michel Foucault, Histoire de la sexualité, t. ITI, Paris 1984, p. 55-56.

PROBLEMATA PHYSICA - TRADITION GRECQUE

593

Section I.

Aux études récentes sur la section I (cf. infra 32-35) dont la seconde partie (problémes 30-57) consacrée à la thérapeutique et à la pharmacologie forme un ensemble tout à fait distinct de la première, ajouter: 133 W. Artelt, « Studien zur Geschichte der Begriffe "Heilmittel" und "Gift"», SGM 23, 1937, 101 p., particul. p. 97-99; 134 J. Scarborough, « Theoretical assumptions in hippocratic pharmacology», dans les Actes du 1V* Colloque international hippocratique, Genève 1983, p. 307-325, particul. p. 308-312: "Aristotelian drug theory: a backdrop for hippocratic pharmacology". Sur les procédures d'argumentation, voir 135 J. Mansfeld, « Physikai doxai et problemata physica d'Aristote à Aetius », dans A. Laks (édit.), Doxographie antique - RMM 3, 1992, p. 327-364. [J. Jouanna, « Hippocrate et les Problemata d' Aristote. Essai de comparaison entre Airs, Eaux, Lieux, c. 10, Aphorismes Ill, 11-14, et Problemata 1, 8-12, 19-220 », dans R. Wittern et P. Pellegrin (édit.), Hippokratische Medizin und Antike Philosophie, coll. « Medizin der Antike » 1, Hildesheim 1996, p. 273-294.]

La considération de ces dernières références montre dans quelle mesure l'intérét pour les Problemata physica, hormis les études philologiques, ne peut renaitre que de celui pour l'histoire des sciences de la nature. JANINE BERTIER. IV. LA TRADITION ORIENTALE DES PROBLEMATA PHYSICA

A. La tradition arabe des "Problemata physica" Cf. 136 E. Renan, Les rabbins frangais du commencement du quatorziéme

siècle,

Paris

1877

(réimpr.

Westmead

1969); 137 M.

Steinschneider,

Die

hebräischen Übersetzungen des Mittelalters und die Juden als Dolmetscher, Berlin 1893; 138 A. Baumstark, Aristoteles bei den Syrern vom 5. bis 8.

Jahrhundert, Leipzig 1900 (réimpr. Aalen 1975) ; 139 I. Düring, Aristotle in ancient biographical tradition, Góteborg 1957 ; 140 M. Steinschneider, Die arabischen Übersetzungen aus dem Griechischen [réimpr. de quatre articles parus en 1889,

1893,

1896 et 1891], Graz

1960; 141 H. Flashar, Aristoteles Proble-

mata Physica, übersetz von H.F., coll. «Aristoteles Werke in deutscher Übersetzung» 19, Berlin 1962; 2 tirage 1975, 3° tirage 1983, 766 p.; 142 A. Dietrich, Medicinalia Arabica. Studien über arabische medizinische Handschriften in türkischen und syrischen Bibliotheken, coll. AAWG LXVI, Góttingen 1966 ; 143 F. E. Peters, Aristoteles Arabus. The oriental tradition and commentaries on the Aristotelian Corpus, Leiden 1968, p. 66-67 ; compte rendu par 144 H. Daiber, Gnomon 42, 1970, p. 538-547; 145 F. Sezgin, Geschichte des arabischen Schrifttums, t. 1-IX, Leiden 1967-1984 ; 146 M. Ullmann, Die Medi-

zin in Islam, t. 12 du Handbuch der Orientalistik édité par B. Spuler, Leiden/Köln 1972, p. 92-95; 147 R. Kruk, « Pseudo-Aristotle: An Arabic version of Problemata Physica X », Isis 67, 1976, p. 251-256; 148 C. Hein, Definition und Einteilung der Philosophie von der spätantiken Einleitungsliteratur zur arabischen Enzyklopädie, coll. «Europäische

Hochschulschriften» Reihe XX,

594

ARISTOTE DE STAGIRE

Philosophie Bd. 177, Frankfurt am Main/Bern/New York 1985 ; 149 H. Daiber,

art. « Masa'il wa-adjwiba», EP, t. VI, Leiden 1991, p. 636-639. Édition. 150 L.S. Filius. Problemata Physica Arabica, toegeschreven aan Aristoteles. Een kritische teksteditie van de Arabische vertaling van Hunain ibn

Isháq en de Hebreeuwse vertaling van Mose ibn Tibbön, deel I inleiding en vertaling in het Nederlands, deel Il kritische editie van de Arabische en de Hebreeuwse tekst. Diss. Vrije Universiteit Amsterdam 1989 ; 150bis Id., The "Problemata physica"

attributed to Aristotle. The Arabic version of Hunain ibn

1shäq and the Hebrew version of Moses ibn Tibbon, coll. « Aristoteles semiticolatinus» 11, Leiden 1999, LXXXVi1I-903 p.

Tradition manuscrite. Cf. Filius 150, t. I, p. 64*-66*, Filius 150bis, p. LVILIX, qui signale les manuscrits Manisa, Il Halk Kütüphanesi 1790 et Teheran, Bibl. Univ. 2234 (seulement magäla 11: cf. Kruk 147). Authenticité. Le Fihrist (éd. Téhéran), p. 315, s.v. Yahyä an-Nahwi, r. 5-6, mentionne un commentaire écrit par Yahya an-Nahwi en dix tomes. Voir également al-Qifti, Ta’rih al-hukama’, p. 356, 7. Chez Ibn abi Usaybi'a, 1, 105. 9, a

été mentionné probablement al-masä’il at-tabi 'iyya et, en 1, 69, 16 sq.. ainsi que chez Hagÿi Halifa, Kasf ai-zunün (V, p. 111, n° 10270, et p. 150, n° 10480),

nous trouvons comme nombre des livres 17 (cf. Steinschneider 137, p. 230 n. 889), de méme que dans le manuscrit de Manisa. La liste de Ptolémée Chennos (Baumstark 138, p. 85-96 et 103; Düring 139,

p. 221 sqq., et surtout p. 228, ainsi livres de Problèmes, mais, ainsi que s'agit du nombre de tous les livres seuls Problèmes physiques. L'origine grecque des Problémes

que Hein 148, p. 433 ad 75) mentionne 68 Baumstark, Düring et Hein le supposent, il de problémes non pas d'une collection des physiques arabes est certaine. Voir Filius

150, t. I, p. 31*-50*, Filius 150bis, p. XVII-XXIX: les questions abordées concordent avec les Problèmes physiques en grec, bien qu'elles soient parfois d’exten-

sion différente et qu'elles présentent des modifications réelles. Les réponses arabes sont plus étendues que les réponses de la version grecque. Elles ont probablement fait l'objet d'explications et furent adaptées aux conceptions hippocratiques et galéniques d'une époque postérieure, comme le montrent d'ailleurs cer-

taines citations littérales de Galien qui apparaissent dans le texte arabe. Selon le Fihrist (éd. de Téhéran), p. 315, s.v. Yahyà an-Nahwi, Jean le Grammairien, aurait écrit un safsir des Problemata physica. En tout état de cause, la transformation a donné lieu à la suppression de quelques répétitions (doublets) ; certains mots grecs qui figurent dans le texte arabe ne se trouvent pas dans l'original grec conservé et le style de l'arabe reléve manifestement de l'arabe de traduction. Ceci fait supposer que la version arabe remonte à un modèle grec postérieur au [ s. de notre ère qui avait connu des modifications par rapport au texte qui nous a été transmis. La traduction comprend 17 magälät qui correspondent aux premiers 15 livres des Problemata physica. Le premier livre a été divisé en deux magälas après le

PROBLEMATA PHYSICA - TRADITION ORIENTALE

595

probleme 29 comme dans certains manuscrits grecs. Cf. Flashar 141, p. 384. Le livre 15 (jusqu'au probléme 6) a également été divisé en deux. Cf. Flashar 141, p. 566. Il n'est pas impossible que cette traduction ait été effectuée par Hunayn ibn Ishaq. Cf. Filius 150, t. I, p. 40*-43*, Filius 150bis, p. XXX-XLII, comme le prétend le manuscrit de Manisa, de méme qu'Ibn abi Usaybi'a et le traducteur hébreu Mose ibn Tibbön. Cette hypothèse est confirmée par l'idiome employé qui rejoint celui des autres traductions de Hunayn, et les citations d'auteurs

contemporains comme Qustä ibn Lügä et 'Isä ibn Massa al-Basri. Tradition arabe. Cf. Ullmann 146, p. 93-94, Sezgin 145, t. III, p. 49-50, et Filius 150, t. I, p. 51*-54*, Filius 150bis, p. XLIII-XLVIII. En plus des citations, déjà signalées chez Qustä ibn Lügä, Kitab Ihtilaf al-nas (éd. 151 P. Sbath, BIE 23, 1941, p. 136, 8/164, 4-5), et chez 'Isa ibn Massa, Masá il fi al-nasl wa-al-

durriyya (éd. 152 M. W. Anbari, Diss. Erlangen/Nürnberg 1971), on trouve aussi beaucoup de citations chez Abü Bakr Muhammad ibn Zakariyä’ al-Räzi, Kirab al-Häwi fi al-Tibb (éd. Hydarabad, t. I-XXIII, 1374-1389/1955-1970; reed. 1394 /1974). L’ouvrage de Räzi fut connu à la Renaissance en traduction latine sous le titre Continens (monumentale encyclopédie médicale qui ajoute au fonds byzantin des encyclopédies d'Oribase, d’Aétius et de Paul d'Égine, des textes hippocratiques et arabes; editio princeps Brescia 1486, puis Venise 1509 et 1542). Par la traduction latine du Kitab al-Häwi, le Continens, les Problèmes

physiques ont été connus pendant le Moyen-Age sous le nom Mebel, analogue au commencement de question má bäl. Le manuscrit Téhéran, Maglis 1568, p. 251-256, contient un extrait du livre 3

(arabe 4) sur le vin et l'ivresse sous le titre Masa 'il li-Aristügälis fi Surb al-hamr, écrit en 834/1430, cf. Sezgin 145, t. III, p. 50. Voir aussi 153 J.J. Witkam, Catalogue of Arabic manuscripts in the Library of the University of Leiden and

other collections in the Netherlands, Leiden 1983, p. 358 (Or. 14.256). Le philosophe et théologien nestorien Abü al-Farag 'Abd Alläh ibn al-Tayyib (11043) a fait un extrait de magalar 1-15, en reprenant souvent les mêmes mots que le texte arabe (ce qui invite à penser qu'il n'y eut jamais de traduction syriaque des Problemata physica). Le texte a été conservé dans le manuscrit /stam-

bul, Nuruosmaniye 3610 (nouvelle numérotation 3045). Cf. Sezgin 145, t. VII, p. 376 ad S. 49. Ce texte est du type que l'on a convenu d'appeler timär-texte; voir par exemple Dietrich 142, p. 218-220, et Ullmann 146, p. 157. On trouve également des références anonymes chez ibn Butlàn (éd. 154 F. Klein-Franke, Risälar da'wat al-atibbä’. The physician's dinner party, Wiesbaden 1985, p. 33, 5 sqq. trad. dans 155 F. Klein-Franke, /bn Butlan, Das Arztebankett, aus arabischen Handschriften übersetzt und mit einer Einleitung sowie Anmerkungen versehen von F.K.F., Stuttgart 1984, p. 84) et chez Ibn Atradi (trad. Klein-Franke 19, p. 162 et note p. 286: il s'agit de Problemata physica arabica XI 15). La discussion entre ibn Butlän et ibn Ridwän, chap. 3 (éd. 156 J. Schacht et M. Meyerhof, Le Caire 1937), comporte sans doute au moins une référence anonyme. Dans un texte persan attribué à Fahr al-Din al-

596

ARISTOTE DE STAGIRE

Räzi, Hifz al-sihha, publié par 157 R. A. Nicholson, JRAS

1899, p. 17-36, on

relève également de nombreuses références aux Problèmes, surtout au livre sur l'ivresse (livre IV de la version arabe).

B. La tradition hebraique des "Problemata physica" Cf. Filius 150, t. I, p. 57*-63* et 67*-69*, Filius 150bis, p. XLIX-LV, LXLXIV et LXXI-LXXIV ; Renan 136, p. 594 et 744-745 ; Steinschneider 137, $ 122, p. 229-232 ; art. « Tibbon, ibn (Tibbonids), EncJud, XV, p. 1129-1130, et art. « Translation and Translators », ibid., XV, 1318-1329; 158 B. Blumenkranz et alii, Auteurs juifs en France médiévale. Leur œuvre imprimée, Toulouse 1974, p. 91-93; 159 M. Zonta, La filosofia antica nel Medioevo ebraico. Le traduzioni

ebraiche medievali dei testi filosofici antichi, Brescia 1996, p. 182-188 et p. 197198. Édition. Filius 150, t. II, p. 294-350, avec app. crit., p. 417-452, Filius 150bis, p. 663-793.

Tradition manuscrite. (1) Oxford, Bodleian Library 2380, Opp. Add. Qu. 141 de 5024/1264, avec la mention de Hunayn comme traducteur arabe. Le meilleur manuscrit. (2) Oxford, Bodleian Library 2050, Reggio 44, seulement la

première magäla. (3) München, Staatsbibliothek 297, de 1431-1439, par le copiste Ruben ben Salem Selomo. Cf. aussi Steinschneider 137, $ 122, p. 231. Contenu. Le texte arabe des magalat a été traduit par Mose ibn Tibbon, ainsi que l'explique le manuscrit d'Oxford (1). La traduction fut terminée à Montpellier en 5024/1264. Dans le méme manuscrit le copiste raconte qu'il a fini de le copier en 5029/1269.

La traduction est très littérale et par conséquent très

importante pour la constitution du texte arabe, surtout parce que nous n'avons qu'un seul mansucrit arabe. D'autre part ce manuscrit arabe de Manisa commence au milieu du sixième probléme

de la maqala I; seul le texte hébreu

a donc

conservé les premiers problèmes de la première magala. Tradition littéraire. Pour une citation chez Ibn Maymün, voir Steinschneider 137, p. 230, note 889. C. Les "Problemata inedita" arabes Cf. Peters 143, p. 66-67 ; Daiber 144, p. 543-545 ; Ullmann

146, p. 94-95;

Sezgin 145, t. III, p. 49-50 ; 160 H. H. Biesterfeldt et D. Gutas, love», JAOS 104, 1984, p. 21-55 (réimpr. dans D. Gutas, Greek the Arabic tradition, Aldershot 2000, texte n° XII; 161 H. Manuscripts findings from Indian libraries », MME 1, 1986, p.

The malady of philosophers in Daiber, « New 26-48; 162 G.

Meredith-Owens,

BMQ

20, 1955-1956, p. 33-34;

Filius 150, t. I, p. 9*-30*,

Filius 150bis, p. XII-XVI. Tradition manuscrite. Il est possible de classer les douze manuscrits en trois groupes: (1) Le groupe principal, dont les plus importants sont Téhéran, Maglis 9014 (1043/1633-4), Leiden Or. 14. 254 ; Princeton 2987 (1052/1642) et Bagdad 952

(1055/1645).

PROBLEMATA PHYSICA - TRADITION ORIENTALE

597

(2) Un groupe caractérisé par un texte plus bref: British Museum 12070 (330/941) Lucknow, Nadwat al-'ulama’ 1374 (1122/1710). (3) Un groupe offrant le texte le plus long: Leiden Or. 958 et Téhéran, Maglis 97730, Leiden Or. 14. 255 (1292/1875). Édition. En préparation. Voir Filius 150bis, p. XVI n. 6. Contenu. La collection contient 91 problémes. Le texte arabe est surtout une traduction de problèmes de la deuxième section de Bussemaker 5, n° 1-38. Il a pu exister une collection de problémes

dans

laquelle le

Pseudo- Alexandre,

Cassius Felix ou Cassius l'Iatrosophiste (cf. P. Louis, Aristote, Problèmes, CUF, Paris 1991, p. XXXIII n. 42), et l'auteur des Problemata Bambergensia ont puisé. Dans cette collection arabe, on trouve plusieurs problémes qui ne sont pas connus en grec. Pour le contenu, voir Filius 150, t. I, p. 17*-27*. Ces problémes ont comme caractéristique d'étre tantót plus brefs, tantót plus longs. Cf. Biesterfeldt et Gutas 161, Filius 150, t. I, p. 12*. Ces textes, de longueur différente, remontent cependant à une traduction unique, comme le montrent les correspondances dans le vocabulaire employé. Cf. Filius 150, t. I, p. 12*-14*. Problèmes inédits arabes-hébreux. Cf. 163 M. Steinschneider, «Manoscritti arabici in caratteri ebraici», BollltStudOr N.S. 4, Firenze 1878, p. 65-69,

et 164 /d., « Schriften der Araber in hebräischen Handschriften. Ein Beitrag zur arabischen Bibliographie », ZDMG 47, 1893, p. 342, et Filius 150, t. I, p. 14*15*, p. 28*-30*. Le texte arabe en caractères hébreux a été transmis seulement dans le manuscrit München 275, XV* s. L'emploi d'un vocabulaire différent montre que le texte provient d'une traduction différente de celle des problémes

inédits arabes. Il contient quelques problèmes qu'on ne trouve pas dans les Problémes inédits grecs et arabes.

Tradition littéraire. Dans la littérature syriaque, le livre offrant le plus de rapprochements est le Livre des trésors de Ayyüb al-Abras al-Ruhäwi (165 A. Mingana [édit. et trad.], Job of Edessa, Encyclopaedia of philosophical and natural sciences as taught in Baghdad about A.D. 817, or Book of Treasures.

Syriac text edited and translated with a critical apparatus by A. M., Cambridge 1953). Le livre a été écrit dans le style des Problemata physica, bien que la préoccupation de l'ouvrage ne soit pas d'ordre médical. On trouve un style identique dans 166 Ps.-Apollonius von Tyana (Balinas), Buch über das Geheimnis der Schópfung und die Darstellung der Natur, K. Sirr al-Haliqa, éd. U. Weisser, Aleppo

1979, cf. aussi 167

U. Weisser, Das

"Buch über das Geheimnis der

Schópfung" von Pseudo-Apollonios von Tyana, coll. «Ars Medica. Texte und Untersuchungen zur Quellenkunde der alten Medizin» III 2, Berlin 1980. Dans la littérature médicale, on trouve plusieurs livres dans le style des Problémes physiques, parce que la méthode de questions et réponses est une méthode pédagogique efficace. Voir par exemple 168 Hunayn ibn Ishäq, Masä'il ft al-tibb, Le Caire 1978, etc. Cf. Daiber 149. Dans

les livres mentionnés,

on relève quelques citations des Problèmes

inédits et des Problèmes physiques attribués à Alexandre d'Aphrodise. Il est

598

ARISTOTE DE STAGIRE

également possible que 169 Ibn Sina, al-Qänün ft al-tibb, Beyrouth 1408/1987,

p. 156, -1, fasse référence aux Problèmes inédits arabes. Voir encore Biesterfeldt et Gutas 161, pour quelques parallèles dans la littérature arabe, et 170 W. Raven, Ibn Däwüd al-Isbahäni and his Kitab al-Zahra, Diss. Leiden 1989, p. 74-91. D. Les “Problèmes physiques" syriaques On possède une version syriaque des ᾿Ιατρικὰ ἀπορήματα

xal φυσικὰ

προδλήματα attribués à Alexandre d'Aphrodise (cf. 171 R. Goulet et M. Aouad, art. «Alexandros d'Aphrodisias» A 112, DPhA, t. I, 1989, p. 139 (VI

59). Selon Daiber 144, p. 545-546, deux manuscrits syriaques ont été conservés: (1) Selly Oak Colleges Library, Ms. Mingana 559, fol. 3'-27*, écrit en 1930; (2) Cambridge,

Harvard Semitic Museum

4066, Sur. 132 (SMH

131), fol. 3'-36',

écrit en 1904. Voir aussi 172 M.H. Goshen-Gottstein, Syriac Manuscripts in the Harvard College Library. A catalogue, Missoula 1979, p. 90-91. Voir aussi 173 J. T. Clemons, « A Checklist of Syriac manuscripts in the United States and Canada», OCP 32, 1966, p. 249, n? 167.

Édition. En préparation. Cf. Filius 150bis, p. XVI n. 6. La traduction est trés littérale, avec une transcription de beaucoup de mots grecs et une explication en syriaque de ces mots. Voir aussi Filius 150, t. I, p. 7*-8*. Abü al-Faraë ‘Abd Allah ibn al-Tayyib a fait un epitorne de ce texte syriaque. Cet abrégé a été conservé dans le manuscrit Nuruosmaniyye 2610 (numérotation nouvelle 3095) ; fol. 1"-21". Le manuscrit a été écrit en 1076H/1665. LOU S. FILIUS.

LIBER DE CAUSIS

Cet ouvrage célèbre, attribué à Aristote déjà dans le monde arabe à une époque proche de sa composition (IX* siècle), puis dans le monde latin médiéval, où il circula à l'intérieur du corpus aristotélicien, est en réalité un remaniement extré-

mement abrégé des Éléments de Theologie de Proclus. Des Éléments procliens ἢ reprend la forme axiomatique et le but d'ensemble: fournir un manuel de théolo-

gie contenant les vérités essentielles au sujet des premiers principes de l'univers. L'auteur anonyme a pourtant opéré une sélection importante, non seulement dans le sens qu'il a réduit le nombre des propositions exposant ces thèses théologiques des 211 que contiennent les Éléments procliens aux 31 de son ouvrage, mais aussi

dans le sens que les théses tirées de Proclus sont réorganisées dans un cadre d'ensemble nouveau. Cette version remaniée de la métaphysique néoplatonicienne a exercé une grande influence sur la pensée du Moyen Age latin, sans aucun doute à cause de son attribution à Aristote, mais aussi gráce à l'efficacité de certains de ses axiomes et surtout grâce à la fusion qu'elle opère entre les thèses maitresses de la métaphysique néoplatonicienne et les doctrines centrales du monothéisme -- la création et la providence — qui s'y trouvent ouvertement formulées. Sur le compte d' Aristote étaient ainsi mises, aussi bien dans le monde musulman que dans l'Occident latin, une métaphysique de l'Un comme cause première de l'univers et en méme temps Dieu créateur et provident; une doctrine de l'Intellect comme première créature de l'Un et médiateur universel entre cette cause premiére créatrice et toute autre créature ; une vision de l'áàme comme “horizon”

qui

sépare et en méme temps relie entre eux l'éternité et le temps. En 1272, Thomas d'Aquin, dans la préface de son commentaire, faisait état de la nature et de l'origine du Liber de Causis: ayant comparé ses axiomes avec les Éléments de Theologie dans la traduction latine de Guillaume de Moerbeke, achevée en 1268, il fut en mesure de restituer l'ouvrage à son auteur véritable, un philosophe arabe qui avait abrégé les Éléments procliens. Curieusement, le renouveau des recherches contemporaines sur ce texte est, lui aussi, lié de quelque facon à Thomas d' Aquin: ce fut en effet l'édition critique du commentaire de Thomas par 1 H.D. Saffrey,

Sancti Thomae

de Aquino

super Librum

de Causis

expositio, coll.

«Textus Philosophici Friburgenses» 4-5, Fribourg/Louvain 1954, ainsi que l'étude historico-doctrinale du méme auteur, 2 /d., «L'état actuel des recherches sur le Liber de Causis comme source de la métaphysique au Moyen Age», dans A. Zimmermann (édit.), Die Metaphysik im Mittelalter, coll. «Miscellanea Medie-

valia» 2, Berlin 1963, p. 267-281 (trad. allemande, « Der gegenwärtige Stand der Forschung zum Liber de causis als einer Quelle der Metaphysik des Mittelalters », dans ὟΝ. Beierwaltes [édit.], Platonismus in der Philosophie des Mittelalters, Darmstadt 1969, p. 462-483), qui attirérent à nouveau l'attention sur cet ouvrage, sur l'influence doctrinale qu'il exerga et sur les problémes liés à son origine et à sa composition. La découverte des origines exactes du Liber de Causis fut la conséquence d'un autre ouvrage d'importance capitale pour tout ce domaine d'études:

600

ARISTOTE DE STAGIRE

3 G. Endress, Proclus Arabus. Zwanzig Abschnitte aus der Institutio Theologica in arabischer

Übersetzung, coll.

« Beiruter Texte

und

Studien»

10,

Wies-

baden/Beyrouth 1973. Gráce à l'analyse des tournures de style et des adaptations doctrinales, Endress a pu démontrer la parenté de cet abrégé avec le corpus plotinien arabe d'un cóté, et la traduction arabe, qu'il éditait, de vingt propositions des Éléments de Theologie, d'un autre côté. Ces trois pièces maîtresses du néoplatonisme arabe — le corpus plotinien arabe (sur lequel voir 4 M. Aouad, «La Théologie d'Aristote et autres textes du Plotinus Arabus», DPhA I, p. 541-590), le

"Proclus arabe" et le Liber de Causis — s'avéraient alors issues d'un méme atelier, rassemblé autour d'al-Kindi et actif à Bagdad vers le milieu du IX? siècle. PLAN DE LA NOTICE I. Les manuscrits A. Les manuscrits arabes B. Les manuscrits de la traduction latine

C. Les manuscrits des traductions hébraiques IL. Les éditions III. Les traductions A. Les traductions anciennes 1. La traduction latine 2. Les traductions hébraiques 3. La traduction arménienne B. Les traductions modernes IV. Les commentaires anciens A. Les commentaires latins B. Les commentaires hébraiques V. Les études contemporaines A. La composition et l'histoire littéraire B. La doctrine C. L'influence 1. L'influence sur les auteurs arabes et juifs postérieurs 2. L'influence sur les auteurs latins 3. L'influence sur les auteurs écrivant en langues vulgaires

1. LES MANUSCRITS À. LES MANUSCRITS ARABES

Énumération et description Les manuscrits arabes du Liber de Causis connus à l'heure actuelle sont au

nombre de trois. (i) Description du plus ancien, Leiden, Bibliotheek der Rijksuniversiteit, Or. 209, daté par le colophon de l’année 593 H / 1197 A.D., dans 50. Bardenhewer, Die pseudo-aristotelische Schrift Ueber das reine Gute

LIBER DE CAUSIS

601

bekannt unter dem Namen Liber de causis, Freiburg im Breisgau 1882 (réimpr. Frankfurt a. Main 1961), p. 4-9; dans Endress 3, p. 18; dans 6 R.C. Taylor, The Liber de Causis (Kalam fi mahd al-hayr). A Study of Medieval Neoplatonism, PhD Toronto, Toronto 1981, p. 106-107. (ii) Description du manuscrit d' Ankara, Ankara Üniversitesi Dil ve Tarih-Cografya Fakültesi Kütüphanesi, Ismail Saib 1

1696, ff. 78a-90b, signalé par F. Sezgin, dont la découverte fut communiquée à la communauté

scientifique

par Saffrey

2, p. 281, dans

Endress

3, p. 18;

dans

Taylor 6, p. 107-109; dans 7 R.C. Taylor, « Neoplatonic Texts in Turkey: Two Manuscripts Containing Ibn Tufayl's Hayy Ibn Yaqzän, Ibn al-Sid's Kirab alHada'iq, Ibn Bajja's Ittisál al-'Aql bi-I-Insan, the Liber de causis and an Anonymous Neoplatonic Treatise on Motion », MIDEO 15, 1982, p. 251-264, en part. p. 252-258. Ce manuscrit est daté du VIII siècle H / X V* selon Sezgin apud

Saffrey 2, p. 281, et Taylor 7, p. 252. (iii) Description du manuscrit Istanbul, Süleymaniye

Rosenthal,

Kütüphanesi,

Haci

Mahmut 5683,

ff.

103b-120a,

dans 8

F.

«From Arabic Books and Manuscripts VII: Some Graeco- Arabica in

Istanbul», JAOS 81, 1961, p. 7-12, en part. p. 9; dans Endress 3, p. 18; dans

Taylor 6, p. 109-111: dans Taylor 7, p. 258-262. Ce dernier manuscrit est un apographe du précédent, comme le montre Taylor 7, p. 259-262. Il s'agit d'un manuscrit récent selon Rosenthal 8, p. 9, et Taylor 7, p. 259. Les propositions 23 et 5 du Liber de causis se trouvent aussi dans le manuscrit Oxford, Bodleian Library, Ouseley 95: voir 9 F. Rosenthal, « As-Sayh al-Yünäni and the Arabic Plotinus Source », Orientalia 21, 1952, p. 461-492, en part. p. 471

(sur le "Sayh al-Yünàni" voir Aouad 4, p. 574-580; Rosenthal 9 a été repris dans Greek Philosophy in the Arab World. A Collection of Essays, Greath Yarmouth 1990); 10 G. C. Anawati, « Prolégomènes à une nouvelle édition du De causis

arabe (Kitàb al-hayr al-mahd)», dans Mélanges Louis Massignon, Damas 1956, P. 73-110, en part. p. 84, et 11 /d., «Le néoplatonisme dans la pensée musulmane. État actuel des recherches », dans Plotino e il neoplatonismo

in Oriente e

in Occidente. Atti del convegno internazionale, Accademia Nazionale dei Lincei, Roma

5-10

ottobre

1970,

coll. «Problemi

attuali di

scienza e di cultura»,

Quaderno 198, Roma 1974, p. 6 (10 et 11 ont été repris dans Études de philosophie musulmane, Paris 1974). Comme l'observait Rosenthal 9, p. 471, les propositions mentionnées apparaissent sous la forme d'un petit ouvrage sur l'immor-

talité de l'áme, intitulé Risäla Fi al-radd ‘alä man qàla inna al-insan ralasä wafaná ba'da mawtihi, "Traité sur la réponse à ceux qui disent que l'homme est anéanti et périt aprés sa mort", attribué tantót à al-Färäbi, tantót à Platon luiméme. Description des autres manuscrits de cet ouvrage, indication de son édition et traduction turque par 12 M. Türker, « Fárábi'ye Atfedilen Küçük Bir Eser», Arastirma 3, 1965, p. 1-63, et autres précisions dans Endress 3, p. 18-19; édition

à partir d'un manuscrit différent de celui utilisé par Türker par 13 ‘A. Badawi, Aflatün ft al-Isläm. Platon

en pays d'Islam, coll. «Wisdom

of Persia»

13,

Téhéran 1974, p. 337-339; voir aussi Taylor 6, p. 111-112; 14 H. Daiber,

«New

manuscript findings from Indian librairies», MME

part.

p. 37 ; Aouad 4, p. 590.

1, 1986, p. 26-48, en

602

ARISTOTE DE STAGIRE

Une «deuxiéme version» du Liber de causis a été découverte par S. Oudaimah dans le ms Istanbul, Ahmed Ill, 3287, et récemment éditée par 15 P. Thillet et S. Oudaimah (édit.), « Proclus Arabe. Un nouveau Liber de causis ? Présenté, édité et traduit par P. T. et S.O.», BEO 53-54, 2001-2002, p. 293-

368. Nous tenons à remercier vivement M. Pierre Thillet, qui a bien voulu nous communiquer ce texte avant sa parution, afin que nous puissions en faire état dans cette Notice. Dans ce qui suit, nous résumons les conclusions auxquelles M. Thillet est arrivé dans son Introduction. Nous ajouterons par la suite quelques remarques

sur ce témoin nouveau du Liber de causis arabe. Le manuscrit d'Istanbul mentionné plus haut contient aux ff. 1-74! le K. al-Fawz al-asgar de Miskawayh, et aux ff. 76-95" «des paragraphes qui correspondent à des sections» du Liber de causis. Les paragraphes, appelés chacun bab, comme dans le De causis, sont au nombre de 29; leur ordre, par rapport à celui du De causis, présente plusieurs déplacements, et le texte n'est pas identique: «Il y a des variantes, parfois trés importantes, et des différences assez grandes: ces faits ne sauraient tous étre interprétés comme des caprices ou des fautes de copiste. Il est difficile de savoir s'il s'agit de modifications apportées intentionnellement à un texte originel (...) ou si nous n'avons pas affaire plutót à une tradition différente, dont la source pourrait avoir été une version arabe de l'Elementatio theologica de Proclus». Le bouleversement de l'ordre des propositions du De causis et la présence de paragraphes qui sont absents de ce dernier ont amené M. Thiliet à conclure que «le copiste n'avait pas pour modèle une copie de la Vulgate» (i.e. le De causis) et à suggérer d'y voir un autre exemple d'utilisation de la traduction arabe des Éléments de théologie de Proclus. Sur des bases terminologiques, M. Thillet suggère également que cette utilisation pourrait étre antérieure à celle qui se rencontre dans le De causis: la version d'Istanbul, de l'avis de M. Thillet, «apporte de nouvelles traces d'un Proclus arabe, et, à ce qu'il semble, des traces plus anciennes que celles que la Vulgate a conservées ». Les observations qui suivent ne sont que provisoires, puisque seul un examen de détail qu'il est impossible de conduire ici pourra tirer au clair les rapports entre ce texte, le De causis et la traduction arabe des Éléments de théologie de Proclus (voir Endress 3). Pourtant, il nous semble

pouvoir présenter d'ores et déjà quelques remarques sur ce texte important. Des 29 paragraphes qui composent le texte, 6 ne sont pas tirés du De causis; ils n'ont pourtant pas de rapport direct avec les Éléments de théologie, ce qui nous semble aller à l'encontre de l'hypothése d'une antériorité du texte d'Istanbul par rapport au De causis. En revanche, un de ces paragraphes utilise librement une des propositions des Éléments de théologie traduites en arabe et éditées par Endress 3, qui n'apparait pas dans le Liber de causis. En outre, les 6 paragraphes du texte d'Istanbul qui ne reproduisent pas le De causis utilisent la doctrine du De causis lui-méme, qui est mise au service de développements doctrinaux partiellement originaux. De cet ensemble de données, auxquels s'ajoute le déplacement de l'ordre des propositions du De causis souligné par M. Thillet, il nous semble pouvoir avancer l'hypothése que le texte d'Istanbul témoigne de l'utilisation du De causis de la part d'un auteur postérieur, qui eut accés en méme temps au corpus

LIBER DE CAUSIS

603

du "Proclus arabe", et en particulier aux propositions attribuées à Alexandre d'Aphrodise (voir plus loin, Les études l'histoire littéraire).

contemporaines.

La

composition

et

Titre

Discussion des différents titres sous lesquels l'ouvrage est connu dans la tradition arabe dans Taylor 6, p. 54-56: le titre le plus répandu est Kitab al-Idäh liAristütalis fi al-hayr al-mahd, “Livre de l'exposition d’Aristote au sujet du bien pur", mais il est aussi cité comme Kitäb Idäh al-hayr al-mahd, "Livre de l'expo-

sition du bien pur”, chez le doxographe du XII siècle Ibn abi Usaybi'a, et comme Kitab Idäh al-hayr, "Livre de l'exposition du bien", dans l'abrégé qu'en tira avant 629 H / 1231 A.D., date de sa mort, le médecin et philosophe 'Abd al-

Latif al-Bagdadi, et à propos duquel on se reportera à Endress 3, p. 40-41; à 16 A. Neuwirth, 'Abd al-Latif al-Bagdadi's Bearbeitung von Buch Lambda der aristotelischen Metaphysik, coll. « Akademie der Wissenschaften und der Literatur» 27, Wiesbaden 1976, p. 1*-4*; à Taylor 6, p. 111; à 17 R.C. Taylor, «'Abd

al-Latif al-Bagdädi’s Epitome of the Kalam fi mahd al-hayr (Liber de causis)», dans /slamic

Theology

and

Philosophy.

Studies in honor of G. F. Hourani,

Albany 1984, p. 236-248. Attribution

Dans le manuscrit de Leiden, l'ouvrage est attribué à Aristote. Le titre est en effet Kitäb al-Idah li-Aristütälis fi al-hayr al-mahd, "Livre de l'exposition d'Aristote au sujet du bien pur": voir Bardenhewer 5, p. 58, 2. En revanche, le manuscrit d’Ankara et sa copie d'Istanbul attribuent l'ouvrage à Proclus. Le titre est le suivant; Kaläm fi mahd al-hayr. Qila inna Ubruglus [ms., d’après Taylor 7, p. 256: 'brwqys] lahhasahu min kaläm Aflátün, wa-qila innahu li-Aflatün, "Discours sur le pur bien. On dit que Proclus l'a extrait du discours de Platon et on dit qu'il est de Platon": voir Rosenthal 8, p. 9; Endress 3, p. 18; Taylor 7, P. 256 (qui édite le titre et le colophon de l'ouvrage dans le manuscrit d' Ankara). A propos de ce titre, qui apparait tel quel dans le manuscrit d'Istanbul, Rosenthal 8, p. 9, suggère que la mention de Proclus pourrait s'expliquer par une «influence occidentale sur l'origine du manuscrit» et avance méme l’hypothèse d'une dépendance de l'édition de Bardenhewer 5, ce qui montre que le manuscrit d'Istanbul pourrait méme, selon Rosenthal, être daté de la fin du XIX“ siècle. L'attribution à Proclus se trouve pourtant, comme on vient de le voir, aussi dans le manuscrit d' Ankara, dont celui d'Istanbul est un apographe et qui est daté du VII“ siècle H / X V* siècle de l'ére commune, comme on l'a vu plus haut. La source de cette information, qu'elle soit occidentale (et donc

remontant d'une

maniére quelconque à la découverte faite par Thomas d' Aquin de la dépendance du Liber de causis des Éléments de Proclus) ou bien orientale, est donc ancienne. Rapports entre les manuscrits

La tradition arabe du Liber de causis est partagée en deux branches, dont l'une est représentée par le manuscrit de Leiden et l'autre par le manuscrit d’An-

604

ARISTOTE DE STAGIRE

kara. D’apres Taylor 6, p. 114, le texte du manuscrit d' Ankara est sans conteste supérieur à celui du manuscrit de Leiden, qui présente beaucoup d'omissions, d'additions fautives et de variantes erronées. L'auteur souligne pourtant que, malgré sa supériorité, le manuscrit d' Ankara n'est pas suffisant à lui seul pour l'établissement du texte. ll ne sera pas inutile de mentionner les cas les plus évidents qui montrent la bipartition de la tradition arabe et qui permettent de situer, dans la mesure du possible, les autres témoins du texte arabe. (i) Dans la proposition 1, p. 59, 1-2 dans Bardenhewer 5, p. 138, 11-12 dans Taylor 6, k manuscrit de Leiden présente les mots « la cause première est donc cause de la chose plus intensément que la cause prochaine, qui est conjointe à celle-ci»; ces mots sont omis par le manuscrit d'Ankara, mais présents, méme si ce n'est qu'en partie, dans l'abrégé d’al-Bagdädi. (ii) Dans la

proposition 2, p. 144, 6- 145, 7 dans Taylor 6, le manuscrit d' Ankara présente les mots « selon une disposition unitaire, si bien qu'il ne subit pas d'affection ni ne peut étre détruit», mots qui

sont omis par le manuscrit de Leiden (voir p. 62, 3 dans Bardenhewer 5). (iii) Dans la proposition 17, p. 93, 3-4 dans Bardenhewer 5, p. 216, 24-25 dans Taylor 6, les mots «non par mode de création, puisque le mode de création n'appartient qu'à la cause premiére seule» sont omis par le manuscrit d' Ankara, mais présents dans le manuscrit de Leiden et aussi, à une variante mineure pres, dans l'abrégé d'al-Bagdadi. (iv) Dans la proposition 19, p. 96. 3 dans Bardenhewer 5,

p. 224, 19-20 dans Taylor 6, les mots «et il (scil. le Bien premier) n'effectue pas son effusion moins sur certaines choses et plus sur d'autres» sont omis par le manuscrit d' Ankara mais présents dans le manuscrit de Leiden. (v) Encore dans la méme proposition, p. 97. 2-3 dans Bardenhewer 5, p. 227, 31 dans Taylor 6, les mots «et il (sci. l'agent) ne gouverne pas par un gouvernement véritable et omniprésent» sont omis par le manuscrit d' Ankara, mais présents dans le manuscrit de Leiden et ils figurent, à quelques différences prés, dans l'abrégé d'alBagdädi. Ce choix d'exemples montre que les deux manuscrits existants remontent à deux familles différentes, et que l'abrégé d’al-Bagdädi se rattache plutôt à la famille représentée par le manuscrit de Leiden. A deux endroits, p. 243, 21-22 et p. 244, 25-26 dans Taylor 6, l'apparat montre que le texte préservé dans la Rísala Fi al-radd (voir plus haut, énumération et description des manuscrits, sub finem) se rattache lui aussi à la famille dont est issu le manuscrit de Leiden. B. LES MANUSCRITS DE LA TRADUCTION LATINE

Énumération et description Les manuscrits contenant la traduction latine connus à l'heure actuelle sont au nombre de 237: voir 18 R. C. Taylor, « The Liber de causis: A preliminary list of extant mss », BullPhilosMed 25, 1983, p. 63-84. Ce nombre si élevé s'explique par l'attribution de l'ouvrage à Aristote, qui entraina la circulation de ce traité avec le reste du corpus. En effet, parmi les 237 manuscrits dont Taylor 18 dresse la liste, seuls 24 ne font pas partie de l'Aristoteles Latinus. Voir aussi 19 C. B. Schmitt et D. Knox, Pseudo-Aristoteles Latinus. A guide to Latin works falsely

attributed to Aristotle before 1500, London 1985, p. 18-20. Quant à la place que tenait le Liber de causis à l'intérieur du corpus, le “livret de l'étudiant" rédigé vers 1230 par un maitre de la faculté des Arts et découvert par 20 M. Grabmann, Mittelalterliche lateinische Aristoteles-Übersetzungen und Aristoteles-Kommentare in Handschriften spanischer Bibliotheken, coll. «Sitzungsberichte der Bayerischen Akademie der Wissenschaften» 5, München 1928, p. 32-33, nous apprend que sa position institutionnelle le plagait aprés la Métaphysique. Voir à ce propos, et aussi à propos du Statut de mars 1255 introduisant officiellement le Liber de causis dans le curriculum de la Faculté des Arts de Paris, Saffrey 1,

LIBER DE CAUSIS

605

p. XVIII-XIX, et 21 A. de Libera, «Structure du corpus scolaire de la métaphysi-

que dans la première moitié du XII siècle», dans L'enseignement de la philosophie au XII siècle. Autour du "Guide de l'étudiant" du ms Ripoll 109, Actes du colloque international édités (...) par C. Lafleur, avec la collaboration de J. Carrier, Brepols 1997, p. 73-88. D’après 22 F. Hudry, «Le Liber XXIV philosophorum et le Liber de causis dans les manuscrits», AHMA 59, 1992, p. 63-88, le Liber de causis circulait aussi avec le Liber XXIV philosophorum (sur lequel voir 23 Liber

viginti quattuor philosophorum cura et studio F. Hudry,

coll.

«Corpus Christianorum. Continuatio Medieualis. Hermes Latinus» III 1, Tumholti 1997, et le Liber de intelligentiis (sur lequel voir 24 C. Baeumker, Witelo.

Ein

Philosoph und Naturforscher des XIII. Jahrhunderts, «Beiträge zur Geschichte der Philosophie und Theologie des Mittelalters» 3.2, Münster 1908, p. 1-71), ce recueil ayant pour but de «former, en continuité avec la pensée d'Albert k Grand, un complément théologique au corpus aristotélicien» (Hudry 23, p. XXXI). Parmi les 237 manuscrits du Liber de causis connus, 92 ont été décrits par 25 A. Pattin, «Le Liber de causis. Édition établie à l'aide de 90 manuscrits avec intro-

duction et notes», TPh 28, 1966, p. 90-203, en part. p. 101-120 (Pattin 25 a paru aussi séparément, Leiden, s. d.). Titre

Parmi les 92 manuscrits examinés par Pattin 25, 62 ont comme titre Liber (ou sermo) De causis (sur l'origine de ce titre, tiré selon toute vraisemblance du sujet de la première proposition, voir Saffrey 1, p. XVIII). Trois manuscrits ont comme titre Liber (ou sermo) de pura bonitate ou des titres semblables, et parmi ces trois un manuscrit trés ancien et important, Aos;a, Seminario Maggiore 3-B-38, porte comme titre la traduction littérale du titre du manuscrit de Leiden, à savoir Liber Aristotelis de expositione bonitatis purae. Ce titre est d'ailleurs celui sous lequel l'ouvrage apparaît dans la liste des traductions effectuées par Gérard de Crémone conservée dans plusieurs manuscrits et reproduite en fac simile du manuscrit

Città del Vaticano, Vat. lat. 2392, ff. 975-98" par 26 B. Boncompagni, Della vita e delle opere di Gherardo Cremonese, traduttore del secolo duodecimo, e di

Gherardo da Sabbioneta, astronomo del secolo decimoterzo, coll. « Atti dell' Accademia Pontificia dei Nuovi Lincei» 4, Roma 1851, p. 3-65, en part. p. 4*. Dans trois cas, les deux titres sont réunis: De causis et De expositione pure bonitatis, avec des variantes (De essentia purae [pura] bonitatis; De pura bonitate). Dans trois cas, au titre De causis se rattache aussi le titre De pomo citrino ou De primo eterno, corruptions de De porno eterno (sur le De pomo pseudoaristotélicien, que les lecteurs latins mettaient en relation avec le De Causis, comme le montrent les titres cités, voir 27 M. Aouad, «Le De Pomo», dans

« Aristote de Stagire. Spuria», DPhA 1, p. 537-541). Dans huit cas, le colophon rassemble tous les titres cités (parfois sous la forme De pomo eterno, parfois sous la forme De pomo citrino) et en ajoute deux autres, De esse et De intelligentiis.

Un autre manuscrit présente ce méme colophon, mais avec le titre De essentia purae bonitatis au lieu de De esse.

606

ARISTOTE DE STAGIRE

Attribution

La tradition manuscrite latine examinée par Pattin présente une remarquable variété d'attributions. Dans neuf manuscrits, l'ouvrage est attribué sans plus à Aristote ; dans douze manuscrits, Aristote est considéré l'auteur des lemmes et un autre philosophe, qui dans la plupart des cas est al-Färäbi, est indiqué comme auteur du commentaire (à cóté d’al-Färäbi, sont mentionnés Proclus et Théophraste dans un manuscrit, et "David" dans un autre); dans un manuscrit alFäräbi est considéré sans plus comme l'auteur de l'ouvrage ; dans cinq manuscrits l'ouvrage est attribué à Proclus, et il est parfois clair que l'information a été puisée chez Thomas d'Aquin: parmi ces cinq manuscrits, il y en a un où Proclus est considéré comme l'auteur des lemmes et al-Färäbi comme l'auteur du commentaire. Enfin, dans quatre manuscrits l'ouvrage est attribué à d'autres auteurs : à Gilbert de la Porrée dans un cas, à "Avendauth", "Auever" et "David" dans les autres trois cas (pour la discussion de cette attribution voir plus loin, La traduction latine). Division du texte

Le texte arabe contient 31 propositions, mais dans la tradition latine de nombreux manuscrits dédoublent la proposition 4, si bien que le texte qui en résulte est composé de 32 propositions. Parmi les manuscrits examinés par Pattin 25, 55

divisent le texte en 32 propositions, 35 en 31 propositions, 1 en 30 propositions et ] en 33. A cause du dédoublement mentionné, l'habitude s'est instaurée de citer les propositions qui suivent la quatrième par une double numérotation, p. ex. 5[6] et ainsi de suite, Rapports des manuscrits latins entre eux et avec les manuscrits arabes

L'édition de Pattin 25 ne propose aucun stemma codicum. L'auteur établit son texte en s'appuyant sur la collation compléte de dix manuscrits et la consultation

des 82 autres, sans pourtant discuter des rapports entre les manuscrits qu'il utilise. L'examen comparatif de la tradition manuscrite latine et arabe a toutefois permis à 28 R. C. Taylor, « Remarks on the Latin text and the translator of the Kalam fi mahd al-hayr ! Liber de causis», BullPhilosMed 31, 1989, p. 75-102, en part. p. 82, de décéler la supériorité du manuscrit Aosta, Seminario Maggiore 3-B-38: «Ce manuscrit en effet non seulement présente un texte latin qui à un examen attentif offre pas moins de 60 variantes en désaccord avec l'édition du P. Pattin mais parfaitement en accord avec l'arabe, mais, en plus, il reproduit l'intitulé des chapitres propre à la tradition arabe, bab ähar (“un autre chapitre” ou "une autre proposition"), capitulum aliud, un trait distinctif, pour ne pas dire unique, dans la

tradition manuscrite latine ». On a déjà remarqué d'ailleurs que dans ce manuscrit l'ouvrage possède un titre qui traduit littéralement le titre du manuscrit arabe le plus ancien. Il importe d'observer au préalable que la tradition manuscrite du Liber de causis, aussi bien arabe que latine, remonte à un archétype unique, puisqu'il y a au moins un cas où toute la tradition est dans l'erreur (aussi bien l'arabe, Taylor 6,

LIBER DE CAUSIS

607

P. 144, 6, que le latin, Pattin 25, p. 138, 77, ont la leçon fautive al-anniyya altäniya, esse secundum, au lieu de la bonne leçon al-anniyya al-täbita, proposée

par Taylor 6, loc. cit.). On peut donc par la suite s'interroger sur les rapports qui existent entre la tradition manuscrite latine et la tradition manuscrite arabe, méme s’il ne faut pas oublier que, la tradition manuscrite latine n'ayant pas encore été examinée en son entier, toute conclusion n'est que provisoire. L'examen comparatif du texte arabe (Taylor 6) et latin (Pattin 25) montre que,

dans les cas examinés plus haut et permettant de conclure que la tradition manuscrite arabe est partagée en deux branches, le texte latin présente constam-

ment un texte apparenté à celui du manuscrit d' Ankara. Dans le cas (1), (iii), (iv) et (v), le texte latin dans Pattin 25, p. 135, 15, p. 174, 62, p. 178, 19, p. 179, 34, et le manuscrit d' Ankara omettent une phrase attestée dans le manuscrit de Leiden (dans les cas [i] et [v], la phrase omise figure aussi, du moins en partie, dans l'abrégé d'alBagdädi). Dans le cas (ii), en revanche, c’est le manuscrit de Leiden qui omet la phrase “secundum habitudinem unam, unde non patitur neque destruitur", attestéc par le texte latin dans Pattin 25, p. 138, 77-79 (phrase supprimée à tort par Pattin) et par le manuscrit d'Ankara. À cette sélection de cas il est aussi utile d'ajouter l'examen du lemme de la proposition 19, qui dans le texte latin (Pattin 25, p. 177, 97-98) est le suivant: « Causa prima regit res creatas omnes praeter quod commisceatur cum eis». De l'apparat de Bardenhewer 5, p. 95, 3, et de Taylor 6, p. 221, 23, on voit que le manuscrit de Leiden présente ici, à la place de la bonne leçon tahralita, qui s'accorde avec la source grecque de ce passage et est attestée dans le manuscrit d'Ankara, la leçon fautive tuhita. Le latin commisceatur traduit la leçon du manuscrit d' Ankara. D'autres

exemples pourraient étre ajoutés pour appuyer la conclusion que selon toute vraisemblance la traduction latine est issue d'un manuscrit arabe appartenant à la même famille que le manuscrit d'Ankara.

Il importe pourtant de souligner que le manuscrit arabe qui a servi de modèle

pour la traduction latine devait présenter des particularités distinctives par rapport au manuscrit d' Ankara et aussi des fautes individuelles. Tout d'abord, la traduction latine, comme le montre le manuscrit d'Aosta qui est le plus pro-

che du texte arabe, est issue d'un manuscrit arabe qui intitulait l'ouvrage Kitáb al-Idäh liAristütälis fi al-hayr al-mahd, comme le manuscrit de Leiden, et non Kalàm fi mahd al-hayr. Qila inna Ubruglus lahhasahu min kalàm Aflätün, wa-qila innahu li-Aflätün, comme le manuscrit d' Ankara. Dans le manuscrit d'Aosta en effet, comme on vient de le voir, le titre est Liber Aristotelis de expositione bonitatis purae. Le modele arabe de la traduction latine, tout en appartenant à la branche de la tradition arabe représentée par le manuscrit d' Ankara, avait aussi des fautes individuelles. A la p. 156, 75 dans Pattin 25, le texte latin fournit unanimement la legon “et horizontem naturae", qui présuppose l'arabe *ufuq al-tabi'a. Or cette leçon fautive ne se trouve ni dans l'une ni dans l'autre branche de la tradition arabe, qui ont ici mà fawqa al-tabi'a (cf. Bardenhewer 5, p. 77, 7, et Taylor 6, p. 177, 19). Ici comme dans d'autres cas, la faute individuelle du manuscrit qui a été le modele de la traduction latine peut s'expliquer par des raisons paléographiques.

Sur la nécessité de revenir au texte arabe du De causis pour résoudre les difficultés d'interprétation du texte latin, voir 29 R.C. Taylor, « À note on Chapter 1 of the Liber de causis», Manuscripta 22, 1978, p. 169-172. C. LES MANUSCRITS DES TRADUCTIONS HÉBRAIQUES

Énumération et description Les manuscrits des quatre traductions hébraiques du Liber de causis ont été décrits par 30 J.-P. Rothschild, Les traductions hébraiques du Liber de causis

608

ARISTOTE DE STAGIRE

latin, these de troisième cycle, 1985, Université de Paris III, vol. IH, vol. I, p. 81136 (contenus et codicologie); 137-171 (rapports entre les manuscrits et principes d'édition) et plus brievement par 31 /d., «Les traductions du Livre des causes et leurs copies », RHT 24, 1994, p. 393-484, en part. p. 396. Nous remercions vivement M. Rothschild pour les précisions et les renseignements dont il a enrichi cette Notice. Le nombre des manuscrits est trés différent de l'une à l'autre de ces traductions. La seule qui fut faite à partir de l'arabe, celle de Zerahyah b. Yishaq b. She'alti'el Hen (fin du XII siècle), est conservée dans trois manuscrits, dont

deux seuls sont encore utilisables: Budapest, Magyar Tudományos Akadémia Kónyvtára, Kaufmann 284, mauvais témoin selon Rothschild 31, p. 396 n. 10, et London, Jewish Seminary 42. Le troisiéme manuscrit contenant cette traduction se trouvait dans la Biblioteca Nazionale de

Turin et a été rendu inutilisable par l'incendie de 1904. Les trois autres traductions sont faites à partir du texte latin: la traduction de Hillel b. Shemu'el, (probablement aprés dans le ms Oxford, Bodleian Library, Michael 335 (catalogue Neubauer Yehudah b. Mosheh Romano (probablement premier tiers du XIV* siècle) vingt et un manuscrits; celle de 'Eli Habilio (probablement en 1477) est

1260) est conservée n° 1318); celle de est conservée dans conservée dans k

manuscrit Parma, Biblioteca Palatina 2631 (De Rossi 457). Il y a aussi un abrégé contenant seulement les lemmes des propositions, conservé dans le manuscrit Paris, Bibliothèque Nationale, hébreu 706.

Rapports des manuscrits hébreux avec les manuscrits arabes et latins Rothschild 31, p. 404-484, traduit et commente le texte hébreu du Liber de

causis, signalant à l'occasion, dans un commentaire suivi qui accompagne chaque proposition, les écarts entre les différentes traductions hébraiques mentionnées plus haut. Seule une comparaison compléte de la traduction de Zerahyah — la seule faite d'aprés le texte arabe — avec l'édition critique du texte arabe peut donner des renseignements sürs à propos des rapports entre la tradition manuscrite hébraique et la tradition arabe. Quelques observations sont pourtant possibles. A en juger par les observations de Rothschild 31, le manuscrit arabe qui a servi de modéle pour la traduction hébraique de Zerahyah ne semble pas avoir

appartenu à famille dont est issu le manuscrit d' Ankara, farnille qui est à l'origine de la traduction latine du De causis. Parmi les cas qui partagent en deux la tradition arabe signalés plus haut, en effet, le contróle conduit sur la traduction de Zerahyah par Rothschild 31 permet de conclure dans ce sens, puisque la traduction de Zerahyah présente un texte omis dans le manuscrit d'Ankara dans les deux passages correspondant aux cas (iii) et (iv) discutés plus haut (pour le cas fiii], voir Rothschild 31, p. 458: l'auteur note que les traductions hébraiques faites sur le latin omettent cette phrase, qui se trouve pourtant chez Zerahyah et dans

l'arabe de Bardenhewer 5, à savoir, le texte du manuscrit de Leiden. Pour le cas [iv], voir Rothschild 31, p. 463: l'auteur observe que la phrase omise dans le texte latin se trouve chez Zerahyah). Parmi les cas discutés plus haut, la traduction de Zerahyah partage avec le manuscrit d' Ankara deux omissions (il s'agit du cas [i], Rothschild 31, p. 410, note l'omission commune à Zerahyah et au texte latin] et du cas [v), Rothschild 31, p. 462). Dans le cas (ii) discuté plus haut, la traduc-

tion de Zerahyah contient la phrase omise dans le manuscrit de Leiden, mais pré-

LIBER DE CAUSIS

609

sente dans le manuscrit d’Ankara et dans le latin (voir Rothschild 31, p. 413: l'auteur note la conjonction du latin et de Zerahyah). Ce dernier accord n'est tou-

tefois pas très significatif, car il ne s'agit pas d'une faute mais du texte authentique. En conclusion, l'antécédent arabe de la traduction de Zerahyah ne présente pas les fautes caractéristiques du manuscrit d' Ankara. Pour ce qui est des relations entre les traductions hébraiques faites sur le latin et leur source, Rothschild 31, p. 403, observe: «On perçoit trés nettement, dans un nombre d'exemples petit mais sans ambiguité, que le texte hébreu de Juda Romano (...) fut revu sur un texte latin largement différent de celui qui avait servi de modele à la traduction initiale ». Il importe finalement d'observer que le texte arabe du De causis a eu aussi une

circulation en caractères hébraiques. 32 R. C. Taylor, «The Kaläm fi mahd alkhayr (Liber de causis) in the Islamic philosophical milieu», dans J. Kraye, W.F. Ryan et C. B. Schmitt (édit.), Pseudo-Aristotle in the Middle Ages. The Theology and other texts, London 1986, p. 37-52, en part. p. 44 n. 9, signale la découverte par P. Fenton de portions de texte suivi, provenant des propositions 20 et 21 du Liber, conservées en caractères hébraïques dans le manuscrit Cambridge, sity Library, Taylor-Schechter Genizah Collection, New Series, 91.29.

Univer-

II. LES ÉDITIONS Édition du texte arabe, sur la base du manuscrit de Leiden, le seul connu à l'époque, dans Bardenhewer 5, p. 58-118 (c.r. par 33 G. von Hertling, HPBCD 90, 1882, p. 717-735, et par 34 D. Kaufmann, GGA

35' A. Badawi, Al-Aflatüniyya al-muhdata miyya»

19, Le Caire

1, 1883, p. 536-567); dans

‘inda al-'Arab, coll. « Dirasat Islä-

1955, p. 1-33 (c.r. par 36

p. 393-395); édition critique, prenant comme d'Ankara (voir Taylor 6, p. 55), par Taylor 6.

R. Walzer, Oriens

10, 1957,

témoin principal le manuscrit

Édition de la traduction latine, à partir de deux manuscrits (München, Bayerische Staatsbibliothek, Clm 527 et 162) et de deux incunables (l'editio princeps, dans Opera Aristotelis de naturali philosophia ed. Philippus Venetus, Venetiis 1482, sans numérotation des folios, et Aristotelis Opera Omnia ed. Gregorius de Gregoriis, Venetiis 1496, ff. 3802-385 b), dans Bardenhewer 5,

p. 163-191 ; le texte latin édité par Bardenhewer a été imprimé par Saffrey 1, « sauf chaque fois que saint Thomas, citant le Liber, présente un autre texte» (p. LXXIIL). Édition du texte latin, à partir de 92 manuscrits dont 10 entiérement

collationnés et 82 de référence (voir plus haut, Les manuscrits de la traduction latine) dans Pattin 24 (c.r. par 37 C. Vansteenkiste, « Intorno al testo latino del Liber de causis», Angelicum 44,

1967, p. 60-83; 38 L.-J. Bataillon, «Bulletin

d'histoire des doctrines médiévales II. Sources classiques, juives et arabes», RSPT 61, 1977, p. 262-288, en part. p. 285-286).

Édition des traductions hébraïques : I. La traduction de Zerahyah b. Yishag b. She'alti'el

Hen, d'aprés

le texte arabe, a été éditée (i) par 39

1. Schreiber,

Pseudo-Aristoteles Liber de Causis. Zerachja b. Iszák által eszkózólt héber forditásának kritikai összehasonlitdsa az arab eredetivel, a latin es a tóbbi héber

610

ARISTOTE DE STAGIRE

fordítasok figyelembevetelevel, Budapest 1916 (A. M.

Tud. Akad.

Kónyvtára

Kaufmann Alapítványának 284 sz. kézirata alapján), thése de doctorat avec un commentaire en hongrois: cette édition se fonde sur le manuscrit Budapest, Magyar Tudományos Akadémia Kónyvtára, Kaufmann 284, et doit étre corrigée

d'aprés le manuscrit de Londres, selon Rothschild 31, p. 396 n. 10; (ii) par Rothschild 30, vol. III, Documents joints, p. 1-17 de la troisième partie (texte provisoire) d'aprés le manuscrit de Londres, meilleur, en tenant compte des bonnes leçons du manuscrit de Budapest. II. Les traductions hébraiques faites d’après le texte latin ont été éditées de facon synoptique par Rothschild 30, t. I, p. 172-243. III. LES TRADUCTIONS A. LES TRADUCTIONS ANCIENNES 1. LA TRADUCTION LATINE

Auteur et date de la traduction

Depuis Bardenhewer 5, p. 135, qui, s'appuyant sur le témoignage déjà mentionné de la liste des traductions de Gérard de Crémone, tenait la traduction latine

du Kitäb Idah al-hayr al-mahd par Gérard pour une donnée historiquement certaine, tous les savants sont d'accord pour attribuer la traduction de l'ouvrage à ce fameux traducteur né en 1114 à Crémone et mort en 1187 à Tolède, où il se ren-

dit au plus tard en 1144 à la recherche d'un exemplaire de l’Almageste. Les discussions portent plutót d'un cóté sur la nature et la provenance de l'ouvrage traduit en latin par Gérard, et d'un

autre cóté sur une révision éventuelle de sa tra-

duction. La liste des traductions de Gérard fut dressée par ses socii peu apres sa mort, dans le but d'aider les savants à se repérer et de conserver une mémoire exacte des ouvrages scientifiques et philosophiques traduits par le maitre. Aprés

Boncompagni

26, d'autres

études

ont

été

consacrées à cette

liste: voir

40 L. Leclerc, Histoire de la médecine arabe II, Paris 1876 (réimprimé en 1963), p. 398-431 ; Bardenhewer 5, p. 136-143; 41 K. Sudhoff, « Die kurze Vita und das

Verzeichnis der Arbeiten des Gerhards von Cremona von seinen Schülern und Studiengenossen kurz nach dem Tode des Meisters (1187) zu Toledo verabfaBt», AGM 8, 1914, p. 73-82; 42 G. Sarton, Introduction to the History of Science, F V, Baltimore 1927-1948, II: From Rabbi ben Ezra to Roger Bacon, p. 339-344 ; 43 M. Mc Vaugh, A List of translations made from Arabic into Latin in the twelfth Century, dans E. Grant, A Source Book in Medieval Science, Cambridge

(Mass.) 1974, p. 35-39; 44 R. Lemay, art. «Gerard of Cremona», DSB

XV,

1978, p. 173-192 ; 45 M.-Th. d'Alverny, « Translations and Translators», dans R.L. Benson, G. Constable et C. D. Lanham (édit.), Renaissance and Renewal in

the Twelfth Century, Cambridge (Mass.) 1982, p. 421-462, en part. p. 452-453 (à la n. 133 l'auteur signale un manuscrit de la liste des traductions de Gérard jusqu'ici inconnu). Comme on l'a rappelé plus haut, cette liste attribue à Gérard la traduction du Liber Aristotelis de expositione bonitatis purae; or Bardenherwer

5, p. 139, signale que Steinschneider fut le premier à identifier le Liber Aristotelis

LIBER DE CAUSIS

611

de expositione bonitatis purae mentionné dans cette liste au Liber de causis: cf. 46 M. Steinschneider, Al-Farabi (Alpharabius), des arabischen Philosophen

Leben

und Schriften

mit besonderer

Rücksicht

griechischen Wissenschaft unter den Arabern (...), coll.

auf

die

Geschichte

der

«Mémoires de l’Académie

Impériale des Sciences de St. Petersbourg» VIII série, XIII 4, St. Petersbourg 1869, réimpr. Amsterdam 1966, p. 114. De l'avis de Bardenhewer 5, p. 145, la traduction fut exécutée entre 1167 et 1187, date de la mort de Gérard. Voir aussi 47 G.F. Hourani,

« The Medieval translations from Arabic to Latin

made

in

Spain», MW 62, 1972, p. 97-111. Sur le contexte général des traductions arabolatines, voir surtout 48 J. M. Millás Vallicrosa, «La corriente de las traducciones científicas de origen oriental hasta fines del siglo XIII», CHM 2, 1954, p. 395-428 (trad. anglaise: « Translations of Oriental scientific works (to the end of the thirteenth century)», dans G.S. Metraux et F. Crouzet (édit), The Evolution of

Science, New York 1963, p. 128-167);49 R. Lemay, «Dans l'Espagne du XII* siècle. Les traductions de l'arabe au latin», Annales E. S.C. 18, 1963, p. 639-665; 50 M. Brasa Diez, « Traducciones y traductores toledanos », EstudFilos 23, 1974,

p. 129-137;81 S. Van Riet, «De Bagdad à Toléde, ou la transmission de la culture arabe à l'Occident latin» dans J. Préaux (édit.), Église et enseignement. Actes du Colloque du X* anniversaire de l'Institut d'Histoire du Christianisme de l'Université Libre de Bruxelles, Bruxelles 1977, p. 47-56; 52 C. S.F. Burnett, «A Group of Arabic-Latin translators working in Northern Spain in the mid-12th Century», JRAS 1977, p. 62-108; 53 D.C. Lindberg, «The Transmission of Greek and Arabic Learning to the West» dans D.C. Lindberg (édit.), Sciences in the Middle Ages, Chicago/London 1978, p. 52-90; 54 B. Dod, «Aristoteles Latinus », dans N. Kretzmann, A. Kenny et J. Pinborg (édit), The Cambridge

History of Later Medieval Philosophy, Cambridge 1982, p. 45-79; 55 J. Jolivet, « The Arabic Inheritance » dans P. Dronke (édit), A History of Twelfth-Century Western Philosophy, Cambridge 1988, p. 113-148; 56 H. Daiber, «Lateinische

Übersetzungen arabischer Texte zur Philosophie und ihre Bedeutung für die Scholastik des Mittelalters. Stand und Aufgaben der Forschung» dans J. Hamesse et M. Fattori (édit), Rencontres de cultures dans la philosophie médiévale. Traductions et traducteurs de l'antiquité tardive au XIV siècle (...), coll. «Publications de l'Institut d'Études Médiévales, Textes, Études, Congrès»

11; «Ren-

contres de Philosophie Médiévale» 1, Louvain-la-Neuve/Cassino 1990, p. 203250. Hypothèses au sujet de l'antécédent du De causis latin Nul ne doute que l'ouvrage ait été traduit de l'arabe (Gérard traduisait de cette langue, et, de plus, dans la traduction latine deux mots arabes sont translittérés au lieu d’être traduits, achili ou alachili |'agl, intellect] et yliathim [hilya, parure, forme], délibérément en tant que termes techniques selon Bardenhewer 5, p. 194) ; mais la nature et la provenance de l'ouvrage traduit par Gérard ont fait longuement discuter les savants, surtout avant la découverte, par Endress 3, des relations étroites qui existent entre le Liber de causis et les traductions d'ouvrages

ARISTOTE DE STAGIRE

612

néoplatoniciens en arabe, découverte qui trancha la question du lieu de composition de l'ouvrage -- à Bagdad ou à Toléde? — en faveur de Bagdad. En effet, plusieurs savants avaient émis l'hypothèse que l'antécédent arabe du Liber de causis aurait été composé en Espagne musulmane, à Toléde, peu avant sa traduc-

tion latine par Gérard. Cette hypothése s'appuyait essentiellement sur le lien établi par les chercheurs entre le témoignage d' Albert le Grand au sujet des origines du Liber de causis et un personnage du

milieu tolédan de savants et traducteurs

connu sous le nom d'"Avendauth". Dans la préface de son De causis et processu universitatis a prima causa, Albert le Grand avait consacré un passage aux origines du Liber de causis, qu'il allait paraphraser dans la deuxiéme partie de son ouvrage après l'avoir imité dans la première, exposant à son tour la procession des effets à partir du premier principe. Il affirmait qu'un certain "David Iudaeus" avait recueilli un florilège de thèses d' Aristote, Avicenne, al-Gazäli et al-Färäbi à

propos des substances séparées, les avait ordonnées sous forme d'axiomes et y avait ajouté un commentaire de sa propre main. Il aurait intitulé cet ensemble Metaphysica (voir 57 Alberti Magni Opera Omnia ... Tomus XVII, pars II, De

causis εἴ processu universitatis a prima causa edidit W. Fauser, Monasterii Westfalorum 1993, p. 59, 9-18). Albert faisait donc du De causis l’œuvre d'un

juif écrivant en arabe et rassemblant une doxographie philosophique à partir de sources aussi bien grecques qu’arabes, ce qui suggérait

- méme si Albert ne don-

nait pas de tels renseignements — que ce personnage aurait évolué dans un milieu multi-ethnique comme celui qui s'était créé à Tolède vers la moitié du XII* siècle, après l'exode de Cordoue des juifs essayant de se soustraire aux mesures restricti-

ves prises à leur égard d'abord par les Almoravides, puis, les Almohades. A Tolède, "David Iudaeus" aurait donc susdit et écrit le commentaire: telle aurait été l'origine du reconstruction était jugée avec scepticisme par 58 D. B. neuplatonische Schrift von den Ursachen

encore davantage, par rassemblé le florilège Liber de causis. Cette Haneberg, « Über die

(liber de causis)», SBAW

1, 1863,

p. 361-388, en part. p. 373-374. La reconstruction albertinienne avait par contre été reprise à son compte par 59 A. Jourdain, Recherches critiques sur l'áge et l'origine des traductions latines d'Aristote et sur les commentaires grecs et arabes employés par les docteurs scolastiques, Paris 1819, 18432, p. 445-449. Jour-

dain fut suivi par 60 S. Munk, Mélanges de philosophie juive et arabe, Paris 1859 (réimpr. Paris 1982), p. 159, qui formula le premier un argument maintes fois répété par les tenants de la composition du De causis en Espagne musulmane, à savoir que ce texte n'était pas connu en Orient par les philosophes arabes. Par la suite, la découverte du manuscrit Oxford, Bodleian Library, Selden sup. 24, oü le

De causis se termine par les mots « Explicit Metaphysica Avendauth » (voir plus haut, Les manuscrits de la traduction latine. Attribution) avait persuadé 61 M. Steinschneider, Hebraeische Bibliographie VI, Berlin 1863, p. 110, et 62, Jd. «Die europäischen Übersetzungen aus dem Arabischen bis Mitte des 17. Jahrhunderts», SAWW 149, 1904-1905, p. 40-50, que le "David Iudaeus" mentionné par Albert et l'"Avendauth" mentionné dans cet explicit étaient une seule personne,

l'auteur du De

causis. Et, puisque Jourdain

59

avait identifié l’“Aven-

LIBER DE CAUSIS

613

dauth" qui figure dans la dédicace de la traduction latine du De Anima d'Avicenne à un juif converti nommé "Iohannes Hispanus", Steinschneider, en attribuant la composition du De causis à “Avendauth”, la mettait du méme coup sur le compte de "Iohannes Hispanus". Ce juif converti, connu aussi sous les noms de "Avendauth" et "David", aurait donc été l'auteur du De causis, selon les modali-

tés décrites par Albert le Grand. Bardenhewer 5, p. 121-135, n'acceptait pas les arguments de Jourdain et Steinschneider, et mettait en avant le caractére confus et parfois erroné des informations données par Albert. La reconstruction des origines du De causis proposée par Jourdain et Steinschneider était par contre acceptée par Kaufmann 34, p. 546-547, qui polémiquait à ce propos avec Bardenhewer, et par 63 J. Guttmann, Die Scholastik des dreizehnten Jahrhunderts in ihren Beziehungen zum Judenthum und zur jüdischen Literatur, Breslau 1902, p. 54-55. Pour accepter cette hypothése de composition il fallait contourner une difficulté remarquable : imaginer un traducteur professionnel, *Avendauth", composant son ouvrage en arabe et laissant à Gérard de Crémone le soin de le traduire en latin peu après, à Tolède méme, où par surcroît les socii de ce dernier l'auraient, à quelques années de distance, attribué de facon erronée à Aristote. Face à cette difficulté, 64 F. Pelster, «Beiträge zur Aristotelesbenutzung Alberts der Grossen », PhilosJb 46, 1933, p. 450-463, niait l'identité du De causis et du Liber Aristotelis de expositione bonitatis purae mentionné dans la liste des traductions de Gérard de Crémone. Pelster proposait aussi une autre solution possible, à savoir de considérer "Avendauth" comme l'auteur de la traduction latine du Liber Aristotelis de expositione bonitatis purae arabe ; dans cette deuxième solution, la difficulté susmentionnée aurait pu étre contournée en considérant comme erronée la donnée de la liste gérardienne. Aussi bien l'une que l'autre hypothèse étaient repoussées peu aprés par 65 H. Bédoret, «L'auteur et le traducteur du Liber de causis», RNeosc 41, 1938, p. 519-533, qui, aprés ample examen des attributions et des titres de l'ouvrage dans la tradition manuscrite, montrait que le Liber de causis et le Liber Aristotelis de expositione bonitatis purae traduit par Gérard étaient un seul et méme écrit. Bédoret, s'appuyant sur le témoignage de plusieurs manuscrits latins (voir plus haut, Les manuscrits de la traduction latine. Attribution), indiquait comme auteur al-Färäbi ; ce dernier aurait donc utilisé les Éléments de Théologie de Proclus pour composer l'ouvrage traduit par la suite par Gérard à Toléde. 66 M. Alonso, «Notas sobre los traductores toledanos Domingo Gundisalvo y Juan Hispano», Al-Andalus 8, 1943, p. 155-188, et 67 Id., «El Liber de causis», Al-Andalus 9, 1944, p. 43-69, mettait alors en avant toute une série de différences aussi bien lexicales que doctrinales entre le Liber de causis et les ouvrages d’al-Färäbi, pour revenir à l’hypothèse d'une composition par “Juan Hispano", identifié à "Avendauth", à savoir le "David Iudaeus" d' Albert le Grand. Par la suite, 68 M. Alonso, « Las fuentes literarias del Liber de causis», Al-Andalus 10, 1945, p. 345-382, développant l'observation de Munk 60 sur le silence des philosophes arabes à propos du De causis, en faisait la raison principale favorisant une attribution à “Juan Hispano". La composition du De causis à Tolède aurait ainsi expliqué le fait que les prerniers témoignages sur

614

ARISTOTE DE STAGIRE

cet écrit se retrouvaient chez les auteurs latins et non pas chez les auteurs arabes (sur le démenti que le progrès des recherches apporta à cette affirmation, voir plus loin, La composition et l'histoire littéraire, ainsi que L'influence sur les auteurs arabes et juifs postérieurs, et en particulier Rowson 184). L'argument de Munk

et Alonso réapparait aussi chez 69 J. Doresse, «Les sources du Liber de causis», RHR 131, 1946, p. 234-238. Une position bien différente à l'égard de ce que l'auteur appellait "la légende d'Avendauth" se trouve dans 70 M.-Th. d'Alverny, « Avendauth ? », dans Homenaje a Millás

Vallicrosa, Barcelona

1954, vol. L

p. 19-43, et d'Alverny 45, p. 444-446. Non seulement l'identification entre "Avendauth" et "Iohannes Hispanus" y était démontrée fausse et fondée sur une mauvaise lecture du manuscrit, mais aussi une recherche au sujet d'"Avendauth", le traducteur du De Anima d' Avicenne, aboutissait à la conclusion que ce personnage était en

réalité Abraham

ibn

Dawud,

l'auteur de

al-'Aqgida

al-rafi'a

(Emunah ramah, La Foi exaltée). Ce philosophe juif qui quitta Cordoue pour Tolède vers 1148 s'avérait ainsi l’un des principaux chainons de la transmission de la pensée d’Avicenne au monde de langue latine: Abraham aurait apporté avec lui à Tolède maints ouvrages philosophiques, parmi lesquels l'auteur énumère les Magäsid d’al-Gazäli et la Source de Vie d’Ibn Gabirol. La mention du De causis comme "Metaphysica Avendauth" du manuscrit Oxford Selden sup. 24 s'explique peut-étre par un fait du méme genre (p. 37 n. 44). Tout en visant surtout l'hypothése de l'identification entre “Avendauth” et "Iohannes Hispanus" (identification qui a été par ailleurs proposée à nouveau par 71 R. Lemay, «De la scolastique à l'histoire par le truchement de la philologie: itinéraire d'un médiéviste entre Europe et Islam », dans La diffusione delle scienze islamiche nel

Medio Evo europeo, Convegno internazionale, Roma 2-4 ottobre 1984, Roma 1987 [Accademia Nazionale dei Lincei. Fondazione Leone Caetani], p. 399-535),

cette étude souligne le peu d'exactitude des informations données par Albert le Grand et rappelle les raisons qui rendent invraisemblable une attribution de l'antécédent arabe du De causis latin à "Avendauth". Rejetée par Saffrey 2, p. 270-274, et par Endress 3, p. 20-22, l'hypothése selon laquelle l'antécédent arabe du Liber de Causis latin aurait été composé par "Avendauth" à Toléde était en revanche reprise par 72 A. Pattin, « Over de schrijver en de vertaler van het Liber de causis», TPh 23, 1961, p. 323-333; 503-526, et Pattin 25, p. 91-98.

Selon cet auteur, “Avendauth” — c'est-à-dire Abraham ibn Dàwüd - aurait rédigé le Liber de causis en arabe, et Gérard de Crémone l'aurait traduit en latin seulement après avoir eu connaissance de son existence et de son succès. Selon Pattin 25, p. 95, il est aussi « probable» que le De causis fut traduit en latin par une équipe: Gérard aurait assuré seulement la traduction du vulgaire en latin, tandis qu'un autre personnage aurait traduit l'arabe en langue vulgaire. Le progrès de la recherche a entraîné l'abandon de l'hypothese d'une composition du Liber de causis en Espagne musulmane

(voir plus loin, La

composition et

l'histoire littéraire), hypothése qui n'a été reprise par la suite que par 73 J. A. Garcia Junceda, «Gilbertus Porreta autor del Liber de causis», Jornadas de cultura árabe e islamica (Madrid, Instituto Hispano-Arabe de Cultura) 2, 1985,

LIBER DE CAUSIS

615

p. 229-239, qui attribue à Gilbert de la Porrée la composition du De causis, en ce sens, que Gilbert aurait rédigé les commentaires aux lemmes tirés des Éléments de théologie de Proclus, par 74 A. Pattin, «De Proclus Arabus en het Liber de causis», TPh 38, 1976, p. 468-473; 75 id., «Autour du Liber de causis. Quelques réflexions sur la récente littérature», FZPhTh 41, 1994, p. 354-388, et

par 76 J. S. Gil, « The translators of the period of d. Raymundo: their personalities and translations (1125-1187), dans Rencontres de cultures dans la philosophie médiévale, cité plus haut (voir Daiber 56), p. 109-119, en part. p. 113, mais sans

discussion ni mention des hypothéses alternatives. — Tout récemment une nouvelle hypothèse au sujet de la mention de "Avendauth" comme auteur du Liber de causis a été émise par 77 M. Zonta, «L'autore del De causis pseudo-aristotelico: una nuova ipotesi», dans R.B. Finazzi et A. Valvo (édit.), La diffusione dell'eredità classica nell'età tardoantica e medievale. Il "Romanzo di Alessandro" e altri scritti. Atti del seminario internazionale di studio (Roma-Napoli, 25-

27 settembre 1997), Brescia 1999, p. 323-330. S'appuyant sur l'attribution du De causis à “Albucaten (ou Abucaten) Avenam"

par Giovanni Pico della Mirandola,

Zonta 77, p. 329-330, propose d'attribuer la composition de cet ouvrage

à

Zarübä (= Abü Katm) al-Nà'imi, «un chrétien de Syrie originaire d'Émese (...),

probablement parent d'Ibn Na'ima al-Himsi», à savoir le traducteur en arabe de Plotin «qui vécut entre 800 et 900 et fit partie du cercle de traducteurs rassemblé autour d'al-Kindi ». Hypothèses au sujet d'une révision de la traduction latine de Gérard de Crémone et examen de la technique de traduction

Pattin 72, 25 et 75 a soutenu que la traduction faite par Gérard avait été par la suite révisée par Dominique Gundisalvi, traducteur d'Avicenne et compilateur d'ouvrages philosophiques inspirés des sources arabes et juives qui était actif à Toléde à la méme époque que Gérard. Pattin s'appuyait sur le fait que dans le Liber de Causis latin on rencontre un élément terminologique appartenant au vocabulaire de Gundisalvi: le mot intellectibilis, qui ne figure jamais dans les traductions de Gérard, mais se trouve dans le De anima de Gundisalvi ; cela l'ame-

nait à penser que la variante «habent essentiam» que fournissent certains manuscrits dans le lemme de la proposition 17 du De causis latin à la place de «entia» était elle aussi due à une intervention de Gundisalvi (Pattin 25, p. 98-100).

Taylor 28, p. 79-81, examine cette hypothése et conclut qu'«il n'y a aucune preuve qui suggére effectivement que la traduction du Liber de causis ait été systématiquement révisée par qui que ce soit, ni aucune preuve qui suggère que la traduction ait été faite par plus qu'un savant travaillant tout seul et traduisant directement en latin à partir d'un seul manuscrit arabe, dans un style très littéral qui souvent reflète la structure grammaticale de l'original arabe». Le littéralisme extréme qui caractérise la technique de traduction de Gérard avait déjà été remarqué par Bardenhewer 5, p. 192. Loin d'étre l'effet d'une maitrise insuffisante de l'arabe, comme on l'a soutenu (voir Bardenhewer 5, p. 148), le littéralisme chez

Gérard n'est, selon 78 L. Minio-Paluello, « Aristotele dal mondo arabo a quello

616

STAGIRE DE OTE ARIST

latino», dans L'Occidente e l'Islam nell'Alto Medioevo, Spoleto 1965, t II, p. 603-637, p. 609 (réimprimé dans Opuscula. The Latin Aristotle, Amsterdam 1972, p. 501-535), que l'application de la philosophie du langage inspirant les traductions de la Bible aussi bien que les traductions gréco-latines de Boèce, philosophie dont la plupart des traducteurs du XII* siècle sont les héritiers. Voir aussi à ce propos 79 W. Schwarz, «The meaning of fidus interpres in Medieval translation », JThS 45, 1944, p. 73-78. L'analyse de la technique gérardienne de traduction a été esquissée par Bardenhewer 5, p. 192-203. Selon lui, Gérard avait en général bien compris l'original arabe du Liber de causis. Par la suite, la technique de traduction de Gérard a été étudiée, à propos de différents ouvrages, par 80 I. Opelt, « Die Übersetzungstechnik des Gerhard von Cremona», Glotta 38, 1960, p. 135-170; 81 G. Serra, « Note sulla traduzione arabo-latina del De generatione et corruptione di Aristotele», GCFI 52, 1973, p. 383-427 ; 82 Id., « Alcune osservazioni sulle traduzioni

dall'arabo in ebraico e in latino del De generatione et corruptione di Aristotele e dello pseudo-aristotelico Liber de causis», dans Scritti in onore di Carlo Diano,

Bologna 1975, p. 385-433; 83 A. Tessier, Verbum de verbo. Tradizione semiticolatina del De generatione et corruptione aristotelico, coll.

« Università di Padova.

Bollettino dell'Istituto di Filologia Greca» Suppl. 8, Roma 1983; 84 C. S. Burnett, « Literal Translation and Intelligent Adaptation amongst the Arabic-Latin Translators of the first half of the Twelfth

Century », dans La diffusione delle scienze

islamiche nel Medio Evo europeo (voir plus haut, Lemay 71), p. 9-28 (utile pour situer la méthode de traduction gérardienne, bien qu'il ne traite pas de Gérard); 85 Id., «Some Comments on the translating works from Arabic into Latin in the Mid-Twelfth Century », dans A. Zimmermann (édit.), Orientalische Kultur und Europäisches Mittelalter, coll. « Miscellanea Mediaevalia» 17, Berlin/New York 1985, p. 161-171; 86 G. Serra, «Due studi arabo-latini (I. Note in margine a *anniyya-anitas'. II. Gerardo da Cremona traduttore del ‘Flos Alfarabii’ ?)»,

Medioevo 19, 1993, p. 27-66; 87 Id., «Filologia occidentale-orientale», dans Autori classici in lingue del Vicino e Medio Oriente. Atti del III, IV e V semi-

nario sul tema: Recupero di testi classici attraverso recezioni in lingue del Vicino e Medio Oriente, Roma 1990, p. 199-206 ; 88 /d., «Il lessico delle traduzioni filosofiche di Gerardo da Cremona», Medioevo

20,

1994,

p. 281-309;

89 P.L. Schoonheim, «Die arabisch-lateinische Überlieferung der aristotelischen Meteorologie », dans G. Endress et R. Kruk

(édit.), The Ancient Tradition

in

Christian and Islamic Hellenism. Studies on the Transmission of Greek philosophy and sciences dedicated to H. J. Drossart Lulofs (...), coll. «CNWS Publications » 50, Leiden 1997, p. 238-258, en part. p. 243-248. Vue d'ensemble dans 90 T. Ricklin, « Gerhard von Cremona und der Liber de Causis», dans Id., Die 'Physica' und der 'Liber de Causis’ im 12. Jahrhundert,

Freiburg/Schweiz 1995, p. 69-121.

LIBER DE CAUSIS

617

Glossaires sélectifs arabo-latins dans Badawi 35, Vansteenkiste 37, p. 68-83, et dans 91 C. D'Ancona Costa (édit.), Tommaso d'Aquino. Commento delle Cause. Intr., trad. e note di C. D’A.C., Milano 1986, p. 437-463.

al Libro

2. LES TRADUCTIONS HÉBRAÏQUES La traduction arabo-hébraïque Présentation générale des traductions hébraiques du De hewer 5, p. 305-323, par Rothschild 30 et Rothschild 31. Un tions hébraiques du De causis ainsi que des commentaires juifs ont consacrés à cet écrit a été dressé par 92 M. Zonta, «

causis par Bardentableau des traducque les philosophes Aristotele e l'aristo-

telismo nel giudaismo medievale », dans G. Tamani et M. Zonta (édit.), Aristoteles

Hebraicus. Versioni, commenti e compendi del Corpus Aristotelicum nei manoscritti ebraici delle biblioteche italiane, coll. « Eurasiatica. Quaderni del Dipartimento di Studi Eurasiatici, Università degli Studi Ca' Foscari di Venezia» 46, Venezia 1997, p. 13-53, en part. p. 50. Voir aussi 93 C. Sirat, La philosophie juive au Moyen Age selon les textes manuscrits et imprimés, Paris 19882, p. 306307 et 392, et 94 M. Zonta, La filosofia antica nel medioevo ebraico. Le tradu-

zioni ebraiche medievali dei testi filosofici antichi, coll. « Philosophica. Testi e studi» 2, Brescia 1996, p. 147-148, 172, 236, 258. La version hébraique du texte arabe du Liber de causis est l’œuvre de Zerahyah b. Yishaq b. She'alti'el Hen, comme

on l’a vu plus haut (Les manuscrits des traductions hébraiques). Ce

savant et traducteur de

Barcelone, actif vers la fin du

XII

siècle, consacra

son

travail aux ouvrages philosophiques, traduisant de l'arabe en hébreu Aristote, Avicenne, Averroes et Maimonide: voir 95 A. S. Halkin, « Translation and Translators (Medieval)», dans EncJud XV, 1971, col. 1318-1329. La traduction

du Liber de causis fut effectuée à Rome vers 1284, peut-étre dans le cadre du projet de Zerahyah de créer un véritable corpus Aristotelicum en hébreu selon

Zonta 92, p. 21-22, qui souligne aussi l'influence exercée sur ce savant juif espagnol par l'aristotélisme néoplatonisant typique des milieux juifs italiens de l'époque: ce ne serait pas un hasard si «trois des quatre versions juives médiévales du De causis furent rédigées en italie». Bardenhewer 5, p. 306, signale que dans le manuscrit de la Beth ha-Midrasch de Londres (voir plus haut, Les manuscrits des versions hébraiques. Énumération et description, manuscrit London,

Jewish Seminary 42) l'ouvrage s'intitule « Livre de l'exposition du Bien absolu». Dans ce manuscrit le colophon affirme que les chapitres sur le Bien absolu «sont attribués à Aristote, mais ils ne lui appartiennent pas; ils appartiennent plutót à un autre savant». Dans la traduction de Zerahyah, le Liber de causis est divisé en 29 propositions : non seulement la proposition 4 n'est pas dédoublée, comme c'est le cas dans une partie de la tradition latine (voir plus haut, Les manuscrits de la traduction latine. Division du texte), mais aussi les propositions 12[13] et 31[32]

manquent: voir Rothschild 31, p. 397 n. 14. La traduction de Zerahyah a été comparée avec celle de Gérard de Crémone,

sur quelques points significatifs, par Rothschild 31 passim et par Serra 82, p. 422429.

618

ARISTOTE DE STAGIRE

Les traductions du De causis latin en hebreu

D'autres traductions hébraiques du De causis ont été effectuées apres celle de Zerahyah, en partant cette fois-ci non pas du texte arabe mais de la traduction latine. La premiere fut celle de Hillel b. Shemu'el b. Elasar de Vérone, qui avait étudié à Toléde jusqu'en 1263 selon Bardenhewer 5, p. 308. Rothschild 31, p. 396, place la traduction dubitativement après 1260; Zonta 92, p. 50, vers 1290; d’après Bardenhewer 5, p. 311, cette traduction fut accomplie avant 1291, date à laquelle Hillel cite le De causis sous le titre qu'il lui donne dans sa traduction, à savoir "traité des trente-deux thèses”. Selon Bardenhewer 5, p. 309, ce fait

méme démontre la dépendance de la traduction de Hillel par rapport à la tradition latine du De causis, cette division n'affectant que la traduction latine ; en son état actuel l'ouvrage est toutefois divisé en 31 propositions, puisque la proposition 11[12] manque (voir Rothschild 31, p. 396 n. 14). Cette traduction est accompa-

gnée d'un commentaire (voir plus loin, Les commentaires hébraïques). Vient par la suite la traduction de Yehudah b. Mosheh Romano, la plus largement répandue à en juger par le nombre des manuscrits (voir plus haut, Les manuscrits des traductions hébraiques. Énumération et description). Rothschild 31, p. 396, place dubitativement cette traduction dans le premier tiers du XIV* siécle; Zonta 92, p. 50, suggère les années 1310-1330. Aussi bien Hillel que Yehuda Romano sont représentatifs du courant que Zonta 92, p. 22, appelle, à la suite de G. Sermoneta, “thomisme hébraïque” à cause de l'usage massif qui est fait des œuvres de Thomas d' Aquin aussi bien que d'autres auteurs scolastiques (voir 96 G. Sermoneta, «Gli scolastici ebrei alla corte di Roberto d' Angió e la diffusione programmatica del neoplatonismo in Italia agli inizi del Trecento», dans G. Roccaro et A. Musco [édit.], Platonismo e aristotelismo nel Mezzogiorno d'Italia [secc. XIVXVI], coll. «Biblioteca dell'Officina di studi medievali» 1, Palermo 1989). En

effet, la traduction du De causis de Yehuda Romano est accompagnée d'un commentaire dont les premieres lignes reproduisent la description thomasienne des origines du De causis comme abrégé des Éléments de théologie procliens par un philosophe arabe: voir Bardenhewer 5, p. 314-315. Les titres de l'ouvrage dans la traduction de Yehuda Romano démontrent sa familiarit€ avec le De causis et processu universitatis a prima causa d' Albert le Grand et avec le commentaire de Gilles de Rome, deux ouvrages qu'il a d'ailleurs traduits en hébreu (voir Bardenhewer 5, p. 55 et 312). Comme Albert et comme Gilles de Rome à sa suite (sur ces commentaires voir plus loin, Les commentaires latins), Yehuda mention-

ne les titres suivants: Livre des causes et Livre des fleurs de la divinité, et fait allusion aussi à une possible composition par al-Färäbi. La traduction de Yehuda Romano s'articule sur 31 propositions, puisque la proposition 4 n'est pas dédoublée ; mais il y a aussi toute une branche de la tradition manuscrite de cet ouvrage. comme le signale Rothschild 31, p. 396 n. 14, qui omet la proposition 12[13]. si bien que les propositions sont au nombre de 30. D y a enfin la traduction de ‘Eli Habilio, faite peut-étre en 1477 selon Rothschild 31, p. 396, et en 1471 ou 1477 selon Zonta 92, p. 50.

LIBER DE CAUSIS

619

Un survol de l'histoire littéraire du De causis jusqu'aux traductions latinohébraiques se trouve dans Rothschild 31, p. 405. Voir aussi 97 A.L. Ivry, «Philosophical translations from the Arabic into Hebrew during the Middle Ages», dans Rencontres de cultures, cité plus haut (voir Daiber 56), p. 167-186. 3. LA TRADUCTION ARMÉNIENNE

Le Liber de causis a été aussi traduit en arménien: Bardenhewer 5, p. 204, signale que dans la bibliothèque du couvent d'Etschmiadzin, à l'époque siège du Patriarchat d' Arménie, se trouvait un manuscrit du De causis en arménien, le n. 269 dans le Catalogue de la Bibliotheque d'Edchmiadzin publié par M. Brosset, St. Petersbourg 1840, p. 95. D'aprés Bardenhewer, il s'agirait d'une

traduction faite sur le latin, mais l'auteur ne donne pas de précisions sur ce point. Une tentative de comparison entre la terminologie du De causis arabe et celle de la traduction géorgienne des Éléments de théologie de Proclus par Johané Petritsi a été faite par 98 N. V. Kiladze, «On the terminology of the Liber de causis», dans A. Fodor (édit.), Proceedings of the 14th Congress of the Union Européenne des arabisanıs et islamisants, Budapest 1995, p. 61-73. L'auteur semble pourtant ignorer l'existence de la susdite traduction arménienne. B. LES TRADUCTIONS MODERNES

Traductions du texte arabe

Traduction allemande dans Bardenhewer 5, p. 58-117; traduction française dans 99 G.C. Anawati, Liber de causis. Traduction française inédite (...) faite sur le texte arabe édité par O. Bardenhewer (...), Montréal

1950; traduction

anglaise dans Taylor 6, p. 283-337, commentaire p. 339-429. Traductions de la traduction latine

Traduction anglaise du texte édité par Pattin 25 dans 100 D.J. Brand, The Book of Causes, translated from the Latin with an Introduction, Milwaukee 1984 ; traduction italienne du texte du Liber de causis adopté dans l'édition du commentaire de Thomas d'Aquin par Saffrey 1 dans D'Ancona Costa 91 ; traduction frangaise du texte édité par Pattin 25, mais révisé selon les observations de Vansteenkiste

37, de Pattin 74 et de Taylor 28, dans 101

P.

Magnard,

O.

Boulnois, B. Pinchard, J.-L. Solére, La demeure de l'étre. Autour d'un anonyme. Étude et traduction du Liber de causis, coll. «Philologie et Mercure», Paris 1990 ; traduction allemande du texte édité par Pattin 25, mais révisé selon les

observations de Taylor 28, dans 102 Liber de Causis (...) Übersetzung von A. Graeser und A. Bächli, pro manuscripto ; de méme, traduction allemande du texte

édité par Pattin 24 et révisé selon les observations de Taylor 28, par 103 A. Bächli, Untersuchung zum pseudo-aristotelischen Liber de causis und zu seiner Rezeption durch Albert den Grossen, Habilitationsschrift, Universität Bern, 2001 ;

traduction anglaise du texte du Liber de causis adopté dans l'édition du commentaire de Thomas d' Aquin par Saffrey 1 dans 104 St. Thomas Aquinas. Commen-

620

ARISTOTE DE STAGIRE

tary on the Book of Causes translated by V. A. Guagliardo O.P., C. R. Hess and R.C. Taylor, Washington 1996 ; traduction allemande du texte édité par Pattin 25, révisé selon les observations de Taylor 28, par 105 A. Fidora et A. Niederberger, Von Bagdad nach Toledo. Das "Buch der Ursachen" und seine Rezeption im Mittelalter, coll. « Excerpta classica» 20, Mainz 2001, traduction réimprimée dans 105bis A. Fidora et A. Niederberger, Vom Einen zum Vielen. Texte des Neoplatonismus

im

12.

Jahrhundert,

coll.

«Klostermann

Texte

— Philosophie»,

Frankfurt a.M. 2002, p. 51-65 ; traduction portugaise par 106 J. G. J. ter Reegen, O livro das causas. Liber de causis, coll. «Filosofia» 107, Porto Alegre 2000;

traduction espagnole du texte édité par Fidora et Niederberger 105 dans 106bis A. Fidora et J. P. Pastor, «Liber de causis», REFM 8, 2001, p. 133-152. Traduction roumaine par 106ter A. Baumgarten, Pseudo-Aristotel, Liber de causis, traducere, note si comentariu de A.B., Univers Enciclopedic, Bucuresti 2002 Nous n'avons pas pu consulter la traduction polonaise, 107 Ksiega o Przyczynach, Varsovie 1970, et la traduction japonaise 108 V.M. Pouliot et K. Oshika (édit.), Liber de causis et Sancti Thomae de Aquino super Librum de cau-

sis expositio denuo edidit V. M. Pouliot (...) diligenti cum cooperatione K. Oshika, coll. « Textus philosophici in linguam japonicam translati cura Instituti Sancti Thomae de Aquino, Kyoto », Kyoto 1967, signalées par Brand 100, p. 14. Traduction de la traduction hébraique

Traduction française de la traduction hébraïque de Yehuda Romano, d’après le texte latin du Liber de causis, dans Rothschild 31, p. 404-484. IV. LES COMMENTAIRES ANCIENS A. LES COMMENTAIRES LATINS

Taylor 18, p. 81-84, dresse une liste des commentaires et des questions consacrés au Liber de causis avant 1500, comprenant aussi bien les ouvrages édités que les inédits. Parmi ces commentaires, au nombre de 29, 11 sont anonymes. Ont consacré un commentaire ou des questions conservés au De causis: (en ordre chronologique approximatif) Roger Bacon, Henri de Gand (?), Adam de Bocfeld (?), Albert le Grand, Thomas d' Aquin, Pierre d' Auvergne (?), Siger de Brabant,

Gilles de Rome, Guillaume de Leus, Jean de Mallingiis, Jean de Grotkow, Jacob de Gostynin, Jean Krosbein, Jean Wenck de Herrenberg, "Frater Simo". Sont mentionnés par les sources bibliographiques, mais n'ont pas été retrouvés, les ouvrages sur le De causis de Robert Kilwardby, de Walter Burley et de Ludovic

de Ferrare. Aprés 1500, signalons l'ouvrage du dominicain italien Chrysostome Iavelli, édité en 1568. Nous ne mentionnons ici que les éditions (ou les manuscrits dans le cas des ouvrages inédits) et les études concernant l'identification de l'auteur ou du commentaire. Pour les études doctrinales concernant ces commen-

taires, voir plus loin, L'influence sur les auteurs latins. - Roger Bacon, Quaestiones super Librum de causis. Édition par 109 R Steele, collaborante F. M. Delorme, dans Opera hactenus inedita Rogeri Baconi,

LIBER DE CAUSIS

621

XII, Oxoni 1935. Cet ouvrage a été probablement composé entre 1241 et 1245. L'édition de Steele est accompagnée d'une édition provisoire du Liber de causis, fondée sur deux manuscrits de Londres (p. 161-187). - Henri de Gand (?), Quaestiones in Librum de causis. Édition par 110 J.-P. Zwaenepoel, Les Quaestiones in Librum de causis attribuées à Henri de Gand,

coll. «Philosophes médiévaux » 15, Louvain/Paris 1974. L'ouvrage est attribué à Henri de Gand par le catalogue de la bibliothèque de l'Escorial où se trouve k

seul manuscrit qui conserve cet ouvrage, mais le manuscrit lui-méme est anonyme, et l'éditeur juge impossible de résoudre la question de l'attribution. Selon Pattin 25, p. 126, il faut décidément rejeter cette attribution. Selon Zwaenpoel

110, p. 15-16, ces Quaestiones ont été rédigées par un maître de la Faculté des Arts de Paris aux alentours de 1250. — Adam de Bocfeld (?), Scriptum super Librum de causis. Inédit. Le commen-

taire sur le Liber de causis conservé dans le manuscrit Venezia, Biblioteca Marciana,

Lat. VI 1 (2821) est attribué à "Magister Adam" par une note du

médecin humaniste Jean de Marcanova. Sur l'identité de ce maitre “Adam” des positions différentes ont été soutenues par

111

M. Grabmann,

«Die Aristoteles-

kommentatoren Adam von Bocfeld und Adam von Bouchermefort. Die Anfánge der Erklärung des "neuen Aristoteles" in England», dans Mittelalterliches Geistesleben II, München 1930, p. 138-182 et 614-616, qui distinguait entre “Adam de Bocfeld" et “Adam de Bouchermefort”, et 112 F. Pelster, «Adam von Bocfeld (Bockingfold), ein Oxforder Erklärer des Aristoteles um die Mitte des

13. Jahrhunderts: sein Leben und seine Schriften», Scholastik 11, 1936, p. 196224 ; 113 D. Salman, « Note sur la première influence d’Averro&s», RNeosc 40,

1937, p. 203-212; 114 D. A. Callus, « Two early Oxford Masters on the problem of plurality of Forms: Adam of Buckfield - Richard Rufus of Cornwall», RNeosc 42, 1939, p. 411-445; 115 S.H. Thomson, « A Note on the works of Magister Adam de Bocfeld (Bochermefort) », M&H 2, 1944, p. 55-87, qui au contraire ont

soutenu qu'il s'agit d'un seul personnage, un maitre de la faculté des Arts d'Oxford actif vers 1250 dont les ouvrages couvrent le corpus Aristotelicum vetustius en son entier. Le commentaire sur le De causis n'appartient pourtant

pas à ce commentateur selon Grabmann (selon qui ce commentaire

111, p. 175-177; Pelster 112, p. 211

serait à attribuer

à Richard Rufus de Cornouaille) ;

Thomson 115, p. 78. Étude du Scriptum super Librum de causis du ps. Adam de Bocfeld dans 116 C. D'Ancona, « Philosophus in Libro de causis. La recezione

del Liber de causis come opera aristotelica nei commenti di Ruggero Bacone, dello ps. Enrico di Gand e dello ps. Adamo di Bocfeld», DSTFM 2, 1991, p. 611649 (tr. française dans 117 Ead., Recherches sur le Liber de causis, coll. « Études de Philosophie Médiévale » 72, Paris 1995, p. 195-228). — Albert le Grand, Liber de causis et processu universitatis

a prima causa.

L'editio princeps se trouve dans Alberti Magni Opera ... studio et labore Petri Jammy, Lugduni

1651, t. V, et a été reprise dans l'édition du XIX* siécle, Alberti

Magni Opera Omnia ed. A. et E. Borgnet, Paris 1890-1899, t. X. Édition critique par Fauser 57, dans le cadre des Alberti Magni Opera Omnia édités depuis 1951

622

ARISTOTE DE STAGIRE

par l’Albertus-Magnus-Institut de Bonn. Cet ouvrage a été rédigé selon Fauser 57, p. V. entre 1264/67 et 1268. L'édition de Fauser présente le texte du De causis selon l'édit. donnée par Pattin 25, corrigée d'aprés Taylor 28. - Thomas d'Aquin, Super Librum de causis expositio. Édition critique par Saffrey 1 (c.r. par Mansion 233; Beierwaltes 238). Description de l'editio prin-

ceps, incunable de 1493, ainsi que des éditions successives, dans Saffrey 1, p. LIILIV. Editio manualis dans 118 S. Thomae Aquinatis In Librum de causis expositio cura et studio fr. C. Pera O. P., Torino 1955, 1972? (cette édition du commen-

taire de Thomas présente le texte du De causis selon l'édit. donnée par Steele 109, corrigée à la suite du texte donné par Thomas). Traduction italienne par D'Ancona Costa 91 ; traduction anglaise par Guagliardo, Hess, Taylor 104. — Pierre d'Auvergne (?) Quaestiones super Librum de causis. Inédit. Cet ouvrage est conservé dans le manuscrit Vienne, Ósterreichische Nationalbibliothek, Vindob. Lat. 2330, aux ff. 107'-109" (voir Taylor 18, p. 83). L'attribution à Pierre d'Auvergne est rejetée par 119 A. Dondaine et L.-J. Bataillon, «Le manuscrit Vindob. Lat. 2330 et Siger de Brabant», AFP 36, 1966, p. 153-261, en part. p. 213-214.

— Siger de Brabant, Quaestiones super Librum de causis. Édition critique par 120 A. Marlasca, Les Quaestiones super Librum de causis de Siger de Brabant, coll. «Philosophes Médiévaux » 12, Louvain/Paris 1972. Ces questions ont été «certainement composées entre 1272 et 1276» et «trés probablement entre 1274 et 1276» selon Marlasca 120, p. 29.

- Gilles de Rome, Expositio super auctorem De causis Alpharabium. L'editio princeps de cet ouvrage a paru à Venise en 1550 (réimpr. Frankfurt 1968). L'édition critique de cet ouvrage est prévue dans le cadre des Aegidii Romani

Opera Omnia, dont l'édition est coordonnée par F. Del Punta et G. Fioravanti à Pise. Le colophon de l'édition vénitienne date cet ouvrage de 1290. - Guillaume de Leus, Scriptum et expositio totius Libri de

causis. Inédit.

L'ouvrage est conservé dans le manuscrit Città del Vaticano, Biblioteca Apostolica Vaticana, Borgh. 352 (voir Taylor 18, p. 82). L'ouvrage a été rédigé entre 1305 et 1309 selon 121 A. Pelzer, «Guillaume de Leus (de Levibus), frére précheur de Toulouse », dans Aus der Geisteswelt des Mittelalters, coll. « Beitrüge

zur Geschichte der Philosophie und Theologie des Mittelalters » suppl. III, Münster i. W. 1935, p. 1065-1079, en part. p. 1068. — Jean de Mallingiis, Reportationes De causis. Inédit. Cet ouvrage est conservé dans le manuscrit Worchester, Cathedral Library Q 90: voir Taylor 18, p. 83. — Jean de Grotkow : voir Pattin 72, p. 469-470 et Taylor 18, p. 83. — Jacob de Gostynin, In Librum de causis. Cet ouvrage est conservé dans le manuscrit Krakow, Bibl. Uniwersytetu Jagiellonskiego 505 et a été édité en 1507

à Krakow, à partir toutefois d'une rédaction différente: voir Taylor 18, p. 83. — Jean Krosbein, Compendium naturalis philosophiae. Inédit. Cet ouvrage est conservé dans le manuscrit Venezia, Biblioteca Nazionale Marciana, Lat. VI 99, ff. 1-167: voir Taylor 18, p. 83.

LIBER DE CAUSIS

623

— Jean Wenck de Herrenberg, In Librum de causis. Inédit. Cet ouvrage est conservé dans le manuscrit Mainz, Stadtbibliothek 610: voir Taylor 18, p. 83. - *Frater Simo", Quaestiones super Librum de causis. Inédit. Cet ouvrage est conservé dans le manuscrit Wien, Österreichische Nationalbibliothek 2303 : voir

Taylor 18, p. 84. — Chrysostome lavelli, In Librum de causis commentarii duo. Cet ouvrage a été édité dans Chrysostomi Iavelli Canapicii O. P. (...) totius rationalis, naturalis, divinae et moralis philosophiae compendium (...), Lugduni 1568, tome I, p. 469-

506. Le double commentaire est ainsi présenté: «... commentarii duo, quorum prior dilucida brevitate singulas huius libri propositiones exponit, posterior vero fusius et copiosius easdem propositiones iterum excutit et examinat». En réalité ce premier *commentaire" n'est que le texte méme du De causis, dont les propositions sont divisées en Propositio et Commentum; le véritable commentaire de Chrysostome lavelli se trouve aux pages 475-506. Il ne sera peut-être pas inutile de transcrire ici le prologue, qui témoigne non seulement des intentions de ce commentateur tardif du De causis, mais aussi des idées qu'un lecteur du XVI* siécle pouvait se faire au sujet de la nature de cet ouvrage et de son auteur: Propositiones contentae in libro De causis, qui a pluribus asseritur compositus a philosopho arabo, sive ab Algazele, sive ab Alpharabio, sive ab Avempace, multas continent ambiguitates, adeo quod difficile est scire in quo sensu acceptandae vel reprobandae sint plures ex eis. Propterea decrevi singulas examinare secundum quadruplicem viam, scilicet secundum mentem auctoris et Procli Platonici, qui et librum consimilem composuit, quem nominavit Elementationes Theoricas [lege Theologicas], et Aristotelis, et Theologi, ut manifestum sit secundum quam viam unaquaeque vera vel non vera sit, et in quo sensu. Sed antequam descedam ad examen, praepono duo. Primo, quod in libro De causis cuilibet propositioni apponitur proprium commentum, quod

iudicio meo aeditum est ab eodem auctore quicumque fuerit. Nam quando commentator alius est ab auctore aliquando nominat ipsum referens se ad eum, nominat dico aut in individuo, si habetur nomen eius, aut saltem in hoc titulo, "Auctor huius libri" etc. In hoc autem commento, ut patet legenti, nunquam est relatio ad auctorem, immo loquitur ut auctor exponens dictum suum. Quapropter in examine non distinguernus inter propositionem et commentum, sed existimabimus

quod dicitur in commento dictum esse ab auctore, et esse eiusdem veritatis vel falsitatis ve] ambiguitatis cum propositione commentata. Secundo, quod non intendo prosequi nec exponere singula verba, sed per modum resolutorium complecti paucis sententiam auctoris et deinde comparare eam doctrinae Procli, et Aristotelis, et Theologi (ce “Théologue” est Thomas d'Aquin, dont les interprétations des théses du De causis sont reprises à son compte par Chrysostorne).

A propos de l’utilisation du De causis par les auteurs du XIII* et XIV* siècle qui n'ont pas consacré un commentaire à ce texte, voir plus loin, L'influence sur les auteurs latins. B. LES COMMENTAIRES HÉBRAIQUES

Zonta 94, p. 50, énumére trois commentaires hébreux sur le Liber de causis: — Hillel b. Shemu’el b. Elasar, auteur de gloses sur le texte qu'il traduit du latin (voir plus haut, Les

traductions du

De

causis latin en hébraïque). Cet

ouvrage est daté des environs de 1290 par Zonta. Voir aussi Bardenhewer 5, p. 308-311, pour la mention du manuscrit qui conserve ce commentaire ainsi que pour d'autres précisions sur son contenu et ses sources.

624

ARISTOTE DE STAGIRE

— Yehuda Romano, auteur d'un commentaire sous forme de glose au texte,

dans lequel il fait usage aussi d’extraits du commentaire de Thomas d' Aquin, traduits en hébreu. Cet ouvrage est daté des années 1310-1330 par Zonta. Comme on l’a vu plus haut, Yehuda a traduit en hébreu aussi le De causis et processu universitatis d' Albert le Grand et, selon Bardenhewer 5, p. 312, aussi le commentaire sur le De causis de Gilles de Rome. D’après Bardenhewer 5, p. 315, k commentaire de Yehuda serait une collection de scholies tirées de plusieurs commentaires latins, rassemblées et traduites en hébreu. — Moshe b. Shabbetay, auteur d'un commentaire écrit à Rome en 1341.

V. LES ÉTUDES CONTEMPORAINES A. LA

COMPOSITION ET L'HISTOIRE LITTÉRAIRE

On a remarqué plus haut que l'un des problèmes majeurs de l’histoire littéraire du Liber de causis était représenté par le fait que cet ouvrage semblait étre presque inconnu dans le milieu arabe. Les tenants de l'hypothése d'une composition en Espagne musulmane avaient parfois mis en avant aussi l'argument selon lequel il n'y avait méme pas de témoin dans la littérature arabe de l'antécédent grec du Liber de causis, les Éléments de théologie de Proclus. Ainsi Alonso 68, p. 377. croyait qu'il n'y avait aucune trace «ni explicite ni implicite dans toute la littérature arabe » de l'ouvrage de Proclus, et en tirait la conséquence que la composition du De causis n'était pas antérieure aux années 1125-1150. La reconstruction des origines véritables et de l'histoire littéraire du De causis est intimement liée à la découverte de la traduction arabe des Éléments de théologie de Proclus. En 1947, 122 ‘A. Badawi, Aristü 'inda al-'Arab. Diräsat wa-nusüs gayr mansura, coll. « Diräsät Islamiyya » 5, Le Caire 1947, éditait une série d'écrits appartenant

à la tradition aristotélicienne conservés en arabe, écrits aussi bien issus de la tradition grecque (Alexandre d'Aphrodise [voir 123 R. Goulet et M. Aouad, art. « Alexandros d'Aphrodisias » A 112, DPhA, I, p. 125-139] et Thémistius) que rédigés directement en arabe (Abü Bisr Matta ibn Yünus, Avicenne). Parmi les

traités d' Alexandre d’Aphrodise dont le manuscrit attribue la version arabe à Abü ‘Utmän al-Dimaëqi, actif vers le premier quart du X* siècle (voir Badawi 122, p. 294, 17-18), Badawi publiait, aux p. 291-292, un court extrait intitulé dans le manuscrit Damas, Záhiriyya 4861 «Traité d'Alexandre sur la preuve de l'existence (itbät) de formes spirituelles dépourvues de matière», dont il remar-

quait l'allure “platonicienne” (introduction, p. 54), méme s'il ne soulevait pas de doutes sur l'attribution à Alexandre. Ce texte était par la suite reconnu simultanément par 124 B. Lewin, « Notes sur un texte de Proclus en traduction arabe »,

OS 4, 1955, p. 101-108, et 125 S. Pines, «Une version arabe de trois propositions de la Stoicheiösis theologike de Proclus », Oriens 8, 1955, p. 195-203 (repris dans The Collected Works of Shlomo Pines, t. I1: Studies in Arabic versions of Greek texts and in Mediaeval science, Leiden 1986, p. 278-286), comme étant la traduc-

tion arabe des propositions 15, 16 et 17 des Éléments de Théologie de Proclus. Pines soulevait la question de savoir si cette découverte appuyait de fagon décisive

LIBER DE CAUSIS

625

l'hypothèse d'une traduction arabe intégrale des Éléments de Theologie et mettait en vedette les notices données par les bio-bibliographes Ibn al-Nadim (X° siècle), qui attribuait un Kirab al-Talügiya à Proclus sans en mentionner pourtant une

traduction arabe, Ibn al-Qifti (XIII* siècle), qui par contre parlait d'un Kitab alTalugiya d' Alexandre d' Aphrodise traduit en arabe par Abü 'Utman al-Dimasqi, et de Haggi

Halifa (XVI

siècle), qui attribuait à Proclus

et à

Alexandre

d'Aphrodise un Kitab al-Talugiya ("Livre de Théologie”) traduit par Abü "Utman al-Dimasqi. Déjà Bardenhewer 5, p. 41-47, avait examiné les renseignements des bio-bibliographes et penchait pour l'hypothése d'une confusion de ces derniers, qui aurait amené l'attribution d'un seul et méme écrit aussi bien à Alexandre qu'à Proclus. Mais Pines 125 observait que la redécouverte parmi les traités d'Alexandre des extraits des Éléments de Théologie rendait probable l'existence d'une traduction arabe intégrale de cet ouvrage (le "Livre de Théolo-

gie" des bio-bibliographies mentionnées). Cette version arabe des Éléments de Théologie, qui aurait été utilisée par l'auteur du Liber de causis pour la composition de son ouvrage, aurait pu être l'œuvre de Abü "Utmän al-Dimasqi. Cette hypothèse était acceptée à titre d'hypothése par 126 R. Walzer, art. « Buruklus », EP, I, col. 1380-1382.

127 J. van Ess, « Jüngere orientalistische Literatur zur

neuplatonischen Überlieferung im Bereich des Islam», dans K. Flasch (édit.), Parusia. Studien zur Philosophie und zur Problemgeschichte des Platonismus.

Festgabe für J. Hirschberger, Frankfurt a/M 1965, p. 333-350, en part. p. 344346, signalait que l'extrait des Éléments de Théologie découvert par Pines et Lewin se trouvait aussi dans trois autres manuscrits, dont deux (Εἰ Escorial 758

II 9, ff. 100b-101b, et Tehran, Bibl. Meskät, catalogue Dänespazüh IN, 1, n. 450) contiennent seulement les trois propositions susmentionnées, alors qu'un autre, le manuscrit Istanbul, Carullah 1279, ff. 60b-66b, contient un choix plus ample de propositions des Éléments de Théologie, et notamment les propositions 1-3, 5, 62, 86, 15-17, 21, 54, 76, 78, 91, 79, 80, 167 et 72-74, ainsi que d'autres textes d' Alexandre d' Aphrodise ; le tout, sous l'intitulé: «Ce qu’ Alexandre d’Aphrodise a extrait du livre d'Aristote dit Théologie, ce qui signifie "doctrine de la divinité" » (voir Endress 3, p. 51, et 128 F. W. Zimmermann, « The Origins of the socalled Theology of Aristotle », dans Pseudo-Aristotle in the Middle Ages.

The

Theology and other texts [voir Taylor 32], p. 110-240, en part. p. 188-190). Van Ess mettait en relation ce titre avec le témoignage cité des bio-bibliographes et suggérait qu'aussi bien la “Théologie” attribuée à Alexandre que celle attribuée à Proclus auraient pu faire partie d'un ouvrage plus vaste circulant dans le milieu philosophique arabe, une “Theologie d' Aristote". Peu aprés, dans 129 J. van Ess, «Über einige neue Fragrnente des Alexander von Aphrodisias und des Proklos in arabischer Übersetzung», Is! 42, 1966, p. 148-168, il revenait sur le manuscrit

d'Istanbul et analysait les extraits des Éléments de Théologie qui y sont conservés, en posant à nouveau la question des relations existant entre la traduction arabe de l'ouvrage de Proclus et le Liber de causis. Le fait que les emprunts procliens du Liber de causis ne recoupent pas en général les propositions de Proclus en traduction arabe, doublé du fait que dans le seul cas de coincidence, la proposi-

626

ARISTOTE DE STAGIRE

tion 167, on observe une difference terminologique, conduisait van Ess 129, p. 167, à envisager comme hypothèse que la traduction arabe de Proclus et le Liber de causis seraient deux fragments distincts d'une seule "Proklos-Quelle". I remarquait aussi que le De causis s'éloigne de l'original grec plus que la traduction arabe, et observait que la terminologie rapproche le De causis du corpus plotinien arabe et de son époque de composition, plutôt que d'al-Dimasqi et de son époque. Reprenant à nouveaux frais cette recherche, Endress 3 procura par son édition du "Proclus arabe" la pièce maîtresse pour la reconstruction des origines du Liber de causis (voir les c.r. de 130 H. Gätje, 15] 50, 1974, p. 343-344 ; 131 R

Kóbert, Orientalia 43, 1974, p. 430-31 ; 132 G. Vajda, Arabica 22, 1975, p. 8182; 133 V. Brown, BSOAS 38, 1975, p. 150-51; 134 R. Degen, Mundus, 12, 1976, p. 189; 135 H. Simon, OLZ 72, 1977, p. 284-87 ; 136 G.C. Anawati, BO 36, 1979, p. 239-241, et 137 G.M. Browne, « Ad Proclum Arabum », Orientalia 53, 1984, p. 459-461). Aux manuscrits déjà connus il ajoutait d'autres témoins: le manuscrit /stanbul, Ragip Pasa 1463, n° 10, ff. 8651-8829, le plus ancien, contenant seulement les propositions 15, 17, 21 et 54, attribuées à Aristote, quatre

autres manuscrits de Téhéran et un de Taskent, contenant ou bien les propositions 15, 16 et 17 attribuées à Alexandre d'Aphrodise et censées avoir été traduites, comme les traités d' Alexandre, par Abü ‘Utmän al-Dimasqi (tout comme dans les manuscrits déjà signalés par van Ess 127), ou bien ces mémes

propositions

plus les propositions 1, 2 et 3. Ainsi était démontré qu'une traduction arabe au moins partielle des Elements de théologie avait circulé sous le nom d' Alexandre d'Aphrodise ou d' Aristote. La circulation des propositions procliennes dans les milieux philosophiques arabes est aussi attestée par l'abrégé d'al-Bagdadi. Ce médecin et philosophe, actif entre la fin du XII* et le début du XIII* siècle, abrégea dans sa Métaphysique (Kitáb fi 'ilm mà ba'd al-tabi'a: voir plus haut, Neuwirth 16), outre la Métaphysique d' Aristote, le Liber de causis (voir plus haut, Taylor

17, et 138 P. Kraus, «Plotin chez les Arabes. Remarques sur un nouveau fragment de la paraphrase arabe des Ennéades», BIE 23, 1940-41, p. 263-295, en part. p. 277 ; 139 R. Paret, « Notes bibliographiques sur quelques travaux récents consacrés aux premières traductions arabes d'œuvres grecques», Byzantion 2930, 1959-1960, p. 387-446, en part. p. 440-446). L'abrégé du De causis est suivi, dans la Métaphysique d'al-Bagdadi, par l'abrégé des propositions procliennes conservées dans le manuscrit d'Istanbul, ainsi que des cinq traités d'Alexandre

d'Aphrodise qui s'y trouvent intercalés (voir van Ess 127, p. 167, et Endress 3, p. 40-43). Aux yeux d’al-Bagdädi, l'auteur de ces textes est Aristote, ce qui vaut aussi pour les autres écrits néoplatoniciens qu'il abrége - le Liber de causis et la version arabe paraphrasée des Enréades de Plotin (voir Endress 3, p. 40). A son tour, le bio-bibliographe Ibn abi Usaybi'a (XII* siècle) attribue, lui aussi, la collection des propositions procliennes et des traités d'Alexandre à Aristote (voir Endress 3, p. 55). Or, une autre bien plus célèbre “Théologie d'Aristote" à contenu néoplatonicien circulait à la même époque et avait été utilisée par alFäräbi et Avicenne:

la paraphrase des Ennéades IV-VI (voir Aouad 4). Trois

textes néoplatoniciens (les Ennéades, les Éléments de Théologie et le Liber de

LIBER DE CAUSIS

627

causis) avaient donc visiblement été considérés comme représentatifs de la "théologie" d'Aristote dans la période formative, puis dans la période classique de la falsafa. Ce fait — mais surtout les affinités de contenu et de vocabulaire qui relient

entre eux le Plotin et le Proclus arabes — amenait Endress 3, p. 56, à conclure que les textes néoplatoniciens mentionnés, à savoir les Ennéades et les Éléments de Theologie, avaient été transmis et traduits à la méme époque, la première moitié du IX* siécle, et que la collection d'extraits de Proclus avait été trés tót considérée

comme faisant partie de la "théologie" d' Aristote. Comme on l'a déjà vu, certains manuscrits attribuent la traduction de la collection des propositions procliennes, associées aux traités d' Alexandre, à Abü ‘Utmän al-Dimasqi ; mais l'analyse du style et de la terminologie de la version arabe de Proclus conduite par Endress 3 démontre que la traduction fut effectuée à une époque plus ancienne que celle d'al-Dimasqi et par un traducteur adoptant la méme terminologie et en partie la méme phraséologie que celles qui se trouvent dans la version arabe de la Métaphysique par Ustät, du De caelo et d'une paraphrase néoplatonicienne du De Anima d' Aristote par Ibn al-Bitriq (sur cet ouvrage voir 140 R. Arnzen, Aristoteles’ De Anima. Eine verlorene spätantike Paraphrase in arabischer und persischer Überlieferung. Arabischer Text nebst Kommentar, quellengeschichtlichen Studien und Glossaren, coll. « Aristoteles Semitico-Latinus » 9, Leiden 1998), ainsi que dans la version des Ennéades IV-VI par Ibn Nà'ima al-Himsi. Ces traductions, apparentées par les particularités stylistiques et terminologiques,

furent effectuées pour al-Kindi ou sous sa supervision, dans la premiere moitié du IX* siécle. La traduction des propositions procliennes ainsi que des traités d' Alexandre

qui les accompagnent

dans

la collection

mentionnée

fut

donc

l’œuvre d'un savant de ce milieu et non pas d'al-Dimasqi, qui traduisit en effet — outre les Topiques et l'Isagoge — des traités d' Alexandre, mais à qui la traduction en question ne peut pas revenir vu les différences entre son style propre et celui

de la collection de Proclus et Alexandre (voir Endress 3, p. 185 et 190). Parmi les traducteurs mentionnés, plusieurs indices suggérent Ibn al-Bitriq comme auteur de la version arabe des propositions procliennes (voir Endress 3, p. 190-192). AlKindi, qui organisa et utilisa les traductions mentionnées plus haut dans ses ouvrages personnels, fit aussi usage du Proclus arabe, comme le montrent les parallèles textuels très parlants mis en lumière par Endress 3, p. 242-245 (à propos de l'utilisation d'ouvrages de Proclus par al-Kindi, voir aussi 141 J. Jolivet, «Pour le dossier du Proclus arabe : al-Kindi et la Théologie Platonicienne », SI 49, 1979, p. 55-75). A la question de savoir si les vingt propositions du "Proclus arabe" et le Liber de causis peuvent étre considérées comme

deux

fragments

d'une source proclienne arabe commune, Endress 3, p. 55, 187-188 et 240, répondait par la négative. Non seulement des différences terminologiques apparaissent dans le seul passage commun (la proposition 167 des Éléments dans la version arabe et la proposition 11[12] du De causis), mais, de plus, l'auteur du Liber de causis démontre une plus grande familiarité avec la philosophie néoplatonicienne que le traducteur arabe de Proclus. Endress montrait aussi que, du point de vue terminologique aussi bien que doctrinal, le De causis est plus proche

628

ARISTOTE DE STAGIRE

des Plotiniana Arabica que ne le sont les vingt propositions procliennes qu'il éditait. De cette recherche se dégage un cadre dans lequel le Liber de causis n'est qu'un élément d'une tradition plus ample, dont le promoteur fut al-Kindi et le caractere spécifique, la fusion d'aristotélisme et néoplatonisme. Taylor 6, p. 71-79, et 32, p. 39, reprenait à son compte les conclusions d'Endress, sauf en ce qui concerne la signification des divergences constatées dans la version arabe de la proposition 167 des Éléments de Théologie. Cette divergence, selon Taylor 32, p. 40, ne suffit pas à prouver que les deux témoins arabes des Éléments de Théo-

logie n'ont pas une source arabe commune, mais indique seulement que les auteurs de la rédaction finale respectivement du "Proclus arabe" et du Liber de causis ont ajouté l'un et l'autre leurs propres intégrations et modifications. Zimmermann 128 reprenait lui aussi à son compte les conclusions d'Endress 3 dans son analyse des origines de la pseudo-Théologie d'Aristote. En particulier, le fait que le Liber de causis est issu du "cercle d'al-Kindi" est désormais un fait acquis (voir Zimmermann 128, p. 112, 117, 135, 184). La reconstruction proposée par Zimmermann 128, p. 128-131, de la formation et du destin du corpus plotinien arabe se décompose en trois étapes de composition: (i) traduction et adaptation par Ibn Nà'irna al-Himsi des Ennéades IV-VI, directement du grec, et rédaction du Prologue et des “têtes des questions" (sur ces composants de la pseudo-

Théologie d'Aristote voir Aouad 4, p. 546-550); (ii) dispersion matérielle de cet assemblage, ce qui expliquerait le désordre des extraits arabes par rapport à leur

source grecque; (iii) reconstitution d'un assemblage nouveau, par un personnage plus tardif (actif probablement dans la deuxième moitié du IX“ siècle) et désormais

tellement incapable de reconnaitre la nature de cet ouvrage qu'il en attribua la paternité à Aristote, fourvoyé par le Prologue où, conformément aux thèses majeures du "cercle d'al-Kindi", les traités de Plotin étaient présentés comme

étant le complément de la Métaphysique d' Aristote. A l'intérieur de ce cadre, Zimmermann 128, p. 130-131, place la naissance du Liber de causis apres la formation du corpus plotinien arabe. L'ensemble d'ouvrages grecs de philosophie en

traduction-paraphrase arabe assemblé sous l'impulsion et la direction d'al-Kindi peut être reconstitué à partir du contenu de la Métaphysique d'al-Bagdádi, qui abrége à la suite de la Métaphysique d' Aristote, les traité d' Alexandre d’Aphrodise Sur les principes du tout et Sur la providence, le Liber de causis, la

collection mentionnée de propositions de Proclus et de traités d'Alexandre et la pseudo-Théologie d'Aristote. Cet ensemble, ou un ensemble similaire, doit avoir

constitué ce que Zimmermann 128, p. 131, appelle "Kindi's metaphysics file", dont la dispersion accidentelle doit étre postulée, selon l'auteur, précisément pour expliquer le désordre des fragments qui nous sont parvenus. «La dispersion du dossier de métaphysique d'al-Kindi produisit une rechute de matériaux anonymes et semi-anonymes qui furent par la suite attribués à Aristote par des intermédiaires ignorants. C'est ainsi que dans la deuxiéme moitié du IX* siécle (?) deux groupes de feuilles appartenant au dossier intitulé Urülägiyàä se rassemblèrent parmi les papiers dispersés du pseudo-Aristote, sous la forme de sa Théologie et de son traité Sur le Bien Pur, le Liber de causis des Latins» (p. 131). Aussi bien cet

LIBER DE CAUSIS

629

ouvrage que les vingt propositions éditées par Endress 3 sont, selon Zimmermann

128, p. 184-188, en part. p. 188, des assemblages accidentels formés à partir d'une source proclienne commune, produite à l'intérieur du cercle d'al-Kindi, bien que l'auteur observe (p. 130-131) que plusieurs faits ne se laissent pas expliquer par l'hypothése d'une dispersion et d'une réorganisation due au pur hasard. L'hypothése de la nature accidentelle du réassemblage des extraits de Plotin dans la pseudo-Théologie d’Aristote a été remise en question par 142 C. D'Ancona, « Pseudo-Theology of Aristotle, Chapter I: structure and composition», Oriens

36, 2001, p. 78-112, que nous mentionnons ici puisque la thése de la composition intentionnelle de la pseudo-Théologie touche aussi à la composition du Livre des causes: «du moins le premier chapitre [de la pseudo-Théologie] peut être envisagé comme une tentative de produire une adaptation des traités de Plotin selon les nécessités d'un public nouveau. Si le personnage qui fit autant à partir des Éléments de théologie de Proclus, en créant ainsi le Liber de causis, était un autre

membre du cercle d'al-Kindi, il devait partager avec l'éditeur du premier chapitre de la pseudo-Théologie du moins le projet d'adapter un texte néoplatonicien à travers un procédé de couper-coller» (p. 112). — Des recherches ultérieures ont montré l'existence d'autres propositions des Éléments de théologie en traduction arabe, qui s'ajoutent aux vingt éditées par Endress: 143 F. W. Zimmermann et V. B. Brown, «Neue arabische Übersetzungstexte aus dem Bereich der spätantiken griechischen Philosophie», /s/ 50, 1973, p. 313-324 (c.r. de 144 ‘A. Badawi [édit.], Commentaires sur Aristote perdus en grec et autres épîtres, coll.

« Recher-

ches publiées sous la direction de l'Institut de Lettres Orientales de Beyrouth, n. s., Langue arabe et pensée islamique» 1, Beyrouth 1971) ont découvert dans deux textes attribués à Alexandre par un manuscrit de Taskent de nouvelles traces des propositions 1-3 (qui figurent déjà dans la collection du "Proclus Arabe") et de la proposition 77 (qui en revanche n'en faisait pas partie jusque là). D'autres pieces appartenant au dossier du "Proclus arabe" ont été par la suite découvertes par 145 S. Pines, «Hitherto unknown Arabic extracts from Proclus’ Stoicheiösis Theologike and Stoicheiösis Physike», dans The Collected Works II (voir Pines 125), p. 287-293, et par 146 F. W. Zimmermann, « Proclus Arabus rides again», ASPh 4, 1994, p. 9-51. Pines 145 a retrouvé dans le manuscrit /stanbul, Haci

Mahrnut 5683, séparés par des extraits des Éléments de Physique, des extraits des

propositions 15 et 17 (appartenant déjà à la collection du Proclus arabe éditée par Endress 3; Pines 145, p. 288, observe que, dans le cas de la proposition 15, les deux versions arabes sont remarquablement différentes l'une de l'autre), ainsi que d'autres propositions — 20, 41, 48 et 86 — qui, en revanche, n'étaient pas encore connues en version arabe. Zimmermann 146 a découvert, encore une fois attribué à Alexandre dans le manuscrit Istanbul, Carullah 1279 qui contient les vingt propositions éditées par Endress, un autre extrait des Éléments de théologie, tiré de la proposition 98. Selon Zimmermann 146, p. 39-40, l'effet principal de la découverte d'autres fragments du "Proclus arabe" est de prouver qu'une collection plus ample et plus ancienne que celle qui est attestée par les vingt propositions rnentionnées plus haut a existé. Aussi la question de la nature accidentelle ou

630

ARISTOTE DE STAGIRE

intentionnelle du recueil de propositions des Éléments de Théologie dans le Liber de causis a retenu l'attention des chercheurs. Bardenhewer 5, p. 13, et 147 L. Sweeney, « Research Difficulties in the Liber de causis», MS 36, 1959, p. 109-

116, avaient soutenu le manque d'ordre interne et l'absence d'un plan clairement reconnaissable dans cet ouvrage. Anawati 10, p. 136, Taylor 31, p. 49-50, et 148 R. C. Taylor, « À critical analysis of the structure of the Kalam ft mahd alkhair (Liber de causis) », dans P. Morewedge (édit), Neoplatonism and Islamic

Thought, coll. «Studies in Neoplatonism» 5, Albany 1992, p. 11-40, ont cru opportun de remplacer la divisio textus des auteurs scolastiques tels Thomas d'Aquin — qui était prét à reconnaitre un plan d'ensemble cohérent et systématique dans le De causis — par une série de divisions générales des arguments abordés dans cet ouvrage. La conclusion de Taylor 148, p. 17, est que le Liber est formé par des « groupes de propositions ou thémes de discussion reliés par une unité souple et concernant les causes transcendantes des choses». Selon 149 C. D'Ancona Costa, «Le fonti e la struttura del Liber de causis», Medioevo

15,

1989, p. 1-38 (tr. fr. dans D'Ancona Costa 117, p. 23-52) l'examen du rapport entre le Liber et les Éléments de théologie autorise la conclusion que la reprise des propositions est tout & fait intentionnelle. Le désordre vis-à-vis de la source grecque n'est pas dü au hasard: l'auteur a sélectionné des groupes d'axiomes et en a parfois fusionné certaines parties entre elles, pour obtenir des thèses qui, tout en étant redevables aux axiomes procliens pour le fond, ont une allure différente et sont mis au service d'un but d'ensemble au moins en partie original. De plus, À a intégré aux thèses des Éléments de théologie des inspirations provenant de l'autre source néoplatonicienne à sa disposition, la paraphrase arabe de Plotin. Depuis Thomas d' Aquin on sait que l'auteur ne s'est pas borné à résumer l'ouvrage de Proclus, mais en a interprété la doctrine selon ses convictions théologiques personnelles. Or, selon Taylor 6, p. 16-23, D' Ancona Costa 149 et Taylor 148, l'auteur s'est inspiré aussi de la paraphrase arabe de Plotin, dont il a repris à son compte, selon D’Ancona Costa 149, p. 38, le modèle authentiquement plotinien "premier principe - intellect - äme”, ainsi que les interprétations caractéristiques du Plotin arabe, à savoir la définition du premier principe comme “être pur" et l'interprétation de sa causalité comme création. Loin d'étre un assemblage mécanique de propositions erratiques, le Liber de causis est donc une tentative plus ou moins réussie pour extraire des Éléments de théologie un syllabus des théses métaphysiques essentielles (voir plus loin, La doctrine). On sait que cette tentative a été effectuée dans le milieu intellectuel d'al-Kindi, dont le projet de promouvoir la diffusion de la philosophie grecque chez les musulmans cultivés a été mis en lumière par une série d'études de 150 G. Endress, « The Defense of Reason: the plea for philosophy in the religious community», ZGAIW 6, 1990, p. 1-49; 151 /d., «"Der erste Lehrer". Der arabischer Aristoteles und das Kon-

zept der Philosophie im Islam», dans H. Tworuschka (édit.), Gottes ist der Orient - Gottes ist der Okzident. Festschrift für A. Falaturi, Köln/Wien

1991, p. 151-181;

152 Id., «La concordance entre Platon et Aristote, l' Aristote arabe et l'émancipation de la philosophie en Islam médiéval », dans B. Mojsisch et O. Pluta (édit),

LIBER DE CAUSIS

631

Historia Philosophiae Medii Aevi. Studien zur Geschichte der Philosophie des Mittelalters, Amsterdam/Philadeiphia 1991, p. 237-257; 153 /d., « Al-Kindi über

die Wiedererinnerung der Seele: arabischer Platonismus und die Legitimation der Wissenschaften im Islam», Oriens 34, 1994, p. 174-221 ; 154 Id., «L'Aristote Arabe : réception, autorité et transformation du Premier Maitre», Medioevo 23, 1997, p. 1-42; 155 Jd., «The Circle of al-Kindi. Early Arabic translations from the Greek and the rise of Islamic philosophy», dans G. Endress and R. Kruk (édit.),

The

Ancient

Tradition

in

Christian

and

Islamic

Hellenism (voir

Schoonheim 89), p. 43-76. La première attestation du De causis provient selon toute vraisemblance du "cercle d'al-Kindi" également pour 156 H. S. Wiesner, The Cosmology of al-Kindi, Diss. Harvard University, 1993, p. 65-66, qui en retrouve un écho dans l'adaptation arabe d'une des Questions d' Alexandre d'Aphrodise (voir Goulet-Aouad 123), adaptation issue du "cercle d'al-Kindi" et ayant, de plus, de frappantes analogies avec le traité kindien Sur la cause agente prochaine. Le passage en question, cité par Wiesner 156, p. 66, dit que «Le régent (mudabbir) premier est la cause de la genèse (hudät) de l'étre (huwiyya)

de toutes les parties du monde, précisément comme le dit le Sage dans le Livre des causes». L'auteur observe qu'aussi bien la thése de la provenance de l'étre de toutes choses du premier principe que sa dénomination comme mudabbir se trouvent dans le De causis ; de plus, elle remarque le détail curieux du titre, qui est celui par lequel l'ouvrage est connu dans le monde latin, et non pas chez les Arabes. Voir aussi 157 S. Fazzo et H. Wiesner, « Alexander of Aphrodisias in the Kindi-circle and in Kindi's Cosmology », ASPh 3, 1993, p. 119-153, en part. p. 139. Selon

158 C.

D'Ancona

Costa,

« Al-Kindi et

l'auteur du

Liber

de

causis », dans D'Ancona Costa 117, p. 155-193, ce philosophe pourrait être non seulement l'inspirateur du mouvement intellectuel à l'intérieur duquel le De causis vit le jour, mais l'auteur méme de cet ouvrage. Comme on vient de le voir, Endress 3, p. 243-245, avait démontré d'un cóté que al-Kindi utilisa les Éléments

de théologie en traduction arabe, et, d'un autre cóté, que la doctrine kindienne du premier principe formulée dans sa Philosophie Premiere se rapproche de la proposition 31 du Liber de causis. Selon D' Ancona Costa 158, p. 166 et p. 192, si al-Kindi et l'auteur du De causis sont deux personnages distincts, «ils ont en commun la technique (...) qui consiste à composer certaines de leurs pages comme une mosaïque de passages procliens qui ne sont pas simplement rapprochés les uns des autres, mais fusionnés dans une argumentation nouvelle. (...) Ce qui unit la Philosophie premiere d'al-Kindi et le Liber de causis à l'encontre de leur antigraphos "Proclus arabe" n'est ni un fait simple, ni plusieurs faits simples: il s'agit plutôt de la présence en divers endroits d'un fait complexe qui concerne l’utilisation des sources, et qui par là met en cause le style philosophique méme des deux écrits ». Voir aussi D' Ancona 142. L’attribution du De causis à al-Kindi a été considérée « possible » par 159 D. Gutas, Greek Thought, Arabic Culture. The Graeco-Arabic Translation Movement in Baghdad and Early 'Abbäsid

Society (2nd-4th / 8th- 10th centuries), London/ New York 1998, p. 145.

632

ARISTOTE DE STAGIRE B. LA DOCTRINE

Le Liber de causis s'ouvre sur la thése de la primauté de la cause plus universelle par rapport aux autres causes suprasensibles plus particulieres (prop. 1). Par la suite, l'auteur présente ces causes: l'Intellect et l'Àme, suivis l'un et l'autre de leurs ordres propres, les intellects et les ämes (prop. 2-4[5]). Cette présentation se

termine par une proposition qui soutient que la cause première ne peut pas être l'objet de notre connaissance : nous pouvons nous en former une idée seulement à travers la description de son premier effet, à savoir l'Intellect (prop. 5[6]). Cette proposition charniére est suivie par un groupe de propositions consacrées à l'Intellect en tant que substance simple et purement intellectuelle, qui se trouve entre la cause premiere et les degrés successifs de la création. L'Intellect contemple ce qui est au-dessus de lui, c'est-à-dire la cause premiere, et gouverne ce qui est au-dessous de lui, c'est-à-dire l' Ame et, à travers la médiation de l'Áme, la Nature (prop. 6(7]-12(13]). Apres ce groupe, on trouve une proposition concernant l'Âme et une autre soutenant la capacité d'auto-conversion de toute substance connaissante (prop. 13[14]-14[15]). Deux propositions sont par la suite

consacrées à l'infini et à la puissance infinie, qui se trouve dans la cause premiere et dans les autres principes suprasensibles selon le degré de leur proximité à la cause premiere (prop. 15[16]-16[17]).

A ce moment une nouvelle série de propo-

sitions est consacrée à la cause première, qui précise que celle-ci est le créateur unique et véritable de l'univers, que sa simplicité et sa transcendance ne font pas obstacle à sa providence, et qu'elle se trouve partout, tout en demeurant séparée et supérieure à sa création (prop. 17[18]-23(24]). A travers cette section centrée

sur la causalité et la providence de Dieu, l'auteur est amené à présenter encore une fois les degrés de la création: la section conclusive de son ouvrage (prop. 24[25]-31[32]) vise à montrer, à travers la hiérarchie des substances (éternelles,

éternelles et en méme temps temporelles, temporelles), que tout l'univers, y compris les choses engendrables et corruptibles, est l'effet de la création de Dieu et est soumis aux lois de sa providence. La conclusion du De causis — toute chose, spiri-

tuelle aussi bien qu'engendrable et corruptible, tire son unité et son étre de la cause première — se rattache au début, où l'auteur avait soutenu que l’action de la

cause la plus éloignée est en réalité la plus puissante et la plus intime à l'effet. Saffrey 1, p. XXXI, avait observé que dans le Liber de causis on rencontre «la transposition du système néoplatonicien des “processions” en celui d'une véritable création », et cette différence majeure entre la doctrine du De causis et celle

de sa source proclienne avait été remarquée aussi par Anawati 10, p. 93 (137), et examinée par 160 L. Sweeney, « Doctrine of Creation in Liber de Causis», dans C.J. O’Neil (édit.), An Etienne Gilson Tribute (...), Milwaukee 1959, p. 274-289, qui voyait dans ce théme l'«exception» principale au néoplatonisme dans cet

ouvrage : la communication de l'étre, à la place de la communication de l'unité, est dans le De causis le propre de la causalité du premier principe. Selon 161 C.]. de Vogel, «Some reflections on the Liber de causis», Vivarium 4, 1966, p. 67-82,

l'auteur du De causis, suivant ses convictions monothéistes, a introduit plusieurs

LIBER DE CAUSIS

633

modifications importantes par rapport à la doctrine néoplatonicienne: tout d'abord, il a fait coincider l'Un et l'étre au degré pur et éminent, «allant à l'encontre de la tradition néoplatonicienne en son entier» (p. 77); deuxièmement,

il a aboli les hypostases supplémentaires (hénades et autres) dont Proclus avait enrichi la hiérarchie néoplatonicienne des principes. Ces modifications ont été remarquées aussi par Endress 3, p. 201-217 et 230-233, dans les interpolations du "Proclus Arabe" aussi bien que dans le Liber de causis. Endress 3, p. 240, entrevoit toutefois une différence entre les deux auteurs arabes qui ont remanié les propositions de Proclus: dans le Liber de causis également l'interprétation créationniste et monothéiste trahit une influence chrétienne ; mais il s'agit du christianisme des écrits pseudo-dionysiens plutót que de celui des commentateurs d' Aristote tels Jean Philopon, qui en revanche a influencé l'auteur des interpolations du "Proclus Arabe". La parenté entre la doctrine du Liber de causis et celle du pseudo-Denys avait été remarquée par Thomas d'Aquin en plusieurs endroits de son commentaire, comme l’a souligné Saffrey 1, p. XXX-XXXI. Tout comme le pseudo-Denys, l'auteur du De causis abolit les hypostases séparées que Proclus avait posées et reconduit en Dieu les principes "étre, vie, pensée" (Saffrey 1, p. 20, 5-22; p. 28, 10-25; p. 33, 5-13). Par conséquent, aussi bien pour le pseudoDenys que pour l'auteur du De causis, Dieu est en méme temps “Un pur" comme chez Proclus - et "étre pur" — à l'encontre de Proclus (Saffrey 1, p. 47, 8-22). L'adaptation monothéiste et la ressemblance avec certaines positions du

pseudo- Denys ont été remarquées aussi par 162 E. Booth, Aristotelian aporetic ontology in Islamic and Christian thinkers, Cambridge 1983, en part. p. 87-88. Pour une présentation de la doctrine du De causis à l'intérieur du courant néoplatonicien, voir aussi 163, A. Graeser, « (Pseudo-)Aristoteles: Buch über die Ursa-

chen », dans Id., Interpretationen. Hauprwerke der Philosophie. Antike, Stuttgart 1992, p. 292-318. L'origine de cette importante modification par rapport à la doctrine néoplatonicienne commune qui consiste à placer l'Un au-delà de l'étre, est un des points les plus débattus parmi les chercheurs. 164 P. Thillet, «Indices porphyriens dans la pseudo-Théologie d’Aristote», dans Le néoplatonisme. Actes du Colloque international du CNRS, Paris 1971, p. 293-302, et 165 S. Pines, «Les textes arabes dits plotiniens et le courant "porphyrien" dans le néoplatonisme grec», ibid., p. 303-317, considéraient la présence de cette doctrine dans la paraphrase arabe de Plotin comme la trace de l'influence de Porphyre, à qui 166 P. Hadot, Porphyre et Victorinus, I-II, coll. « Études Augustiniennes », Paris 1968, venait d'attribuer un commentaire anonyme sur le Parménide oü le premier principe est nommé αὐτὸ τὸ εἶναι καθαρόν. A la suite de Thillet 164 et de Pines 165, Taylor 6, p. 18-23, a soutenu que la doctrine du premier principe comme “être pur" des Plotiniana Arabica, du "Proclus arabe" et du Liber de causis, provient de Porphyre. En revanche, selon 167 C. D'Ancona Costa, «La doctrine néoplatonicienne de l'étre entre l'Antiquité tardive et le Moyen Áge. Le

Liber de causis par rapport à ses sources», RTAM 59, 1992, p. 41-85 (repris dans D' Ancona Costa 117, p. 121-153), la formulation de la doctrine du premier principe comme "étre pur" dans les textes néoplatoniciens arabes ne présente pas les

634

ARISTOTE DE STAGIRE

traits qui caractérisent la position de Porphyre, en particulier la distinction entre l'étre "pur" désigné par l'infinitif τὸ εἶναι, et ce qui participe à l'être, désigné par le participe tó dv; en revanche, les textes néoplatoniciens arabes présentent des affinités spécifiques avec la position du pseudo-Denys, dont le corpus fut déjà traduit en syriaque vers le milieu du VI siècle et une deuxième fois au cours du VIII siècle (voir 168 S. Lilla, « Denys l’Aréopagite [pseudo-] », dans DPhA IL p. 727742, en part. p. 741, et par la suite 169 I. Perczel, «Sergius of Reshaina's Syriac Translation of the Dionysian corpus. Some preliminary remarks», dans C. Baffioni [édit.], La diffusione dell'eredità classica nell'età tardoantica e medievale. Filologia, storia, dottrina, coll. « L'eredità classica nel mondo orientale» 3,

Alessandria 2000, p. 79-94) et peuvent donc avoir influencé l'auteur de la paraphrase arabe de Plotin, qui était un chrétien d'origine syrienne. De la paraphrase arabe de Plotin, cette doctrine aurait alors été transmise au Liber de causis qui, comme on l'a déjà vu, s'en inspire à plusieurs reprises. Sur l'influence possible d'une thése dionysienne sur le Liber de causis, à travers la paraphrase arabe des Ennéades, voir aussi 170 C. D'Ancona Costa, « Proclus, Denys, le Liber de causis et la science divine», dans O. Boulnois (édit.), Le Contemplateur et les idées.

Actes du colloque sur la science divine, 18-20 mai 1998, Paris 2002, p. 19-44. Les modifications doctrinales par rapport à Proclus, qui caractérisent le Liber de causis et qui en représentent donc la doctrine au sens propre, sont à attribuer aussi bien à l'influence de la paraphrase arabe de Plotin qu'aux idées et intentions

propres à l'auteur. La présence du mot rare yliathim (hilya, "parure, forme"), qui rapproche le lexique du De causis de celui du Plotin arabe, avait été signalée par Anawati 10, p. 108 (152), et par Endress 3, p. 135-136 et 212 (sur le mot yliathim, voir aussi Serra 82, p. 423-427 ; 171 R.C. Taylor, «St. Thomas and the Liber de causis on the hylomorphic composition of separate substances», MediaevalStud 41, 1979, p. 506-513; 172 G. Madec, « Yliathim », ALMA 43, 1984, p. 119-121); le rapprochement n'est pourtant pas seulement lexical. La doctrine véhiculée par ce mot introduit en effet une modification doctrinale par rapport à Proclus, modification qui a été examinée par 173 C. D'Ancona Costa, «“Cause prime non est yliathim". Liber de causis, prop. 8[9]: le fonti e la dottrina », DSTFM 1, 1990, p. 327-351 (trad. fr. dans D'Ancona Costa 117, p- 97-119). La these du De causis selon laquelle le premier principe est la seule réalité qui n'ait point d’yliathim distinct de son être est un remaniement de la doctrine plotinienne du premier principe ἄμορφον xal ἀνείδεον. Cette doctrine fut abandonnée par Proclus en faveur de l'introduction d'un principe hypostatique d'indétermination subordonné à l’Un et coordonné au principe de détermination, mais elle a été récupérée par l'auteur du De causis, qui l’a rencontrée dans la paraphrase arabe des Ennéades, déjà accompagnée de l'idée que si le premier principe n'a point de forme c'est parce qu'il est "étre pur". L'auteur du De causis a repris à son compte cette construction doctrinale et en a fait le pivot de son systéme des principes. Étre pur et Un véritable, la cause premiere est identifiée aussi à l’être qui précède l’éternité, contrairement à l'opinion de Proclus, qui faisait de l'étre une hypostase placée entre les principes de détermination-indétermi-

LIBER DE CAUSIS

635

nation et le monde intelligible. Selon 174 C. D’Ancona Costa, « "Esse quod est supra aeternitatem". La cause premiere, l'étre et l'éternité dans le Liber de causis et dans ses sources », AHMA

59, 1992, p. 41-62 (repris dans D'Ancona

Costa

117, p. 53-72), cette modification par rapport à Proclus est due à l'influence de la paraphrase arabe des Ennéades, dans laquelle — sous l'impulsion de la version de la doctrine néoplatonicienne du premier principe élaborée par le pseudo-Denys — l'être qui précède l'éternité est identifié au premier principe lui-même (un résumé de la doctrine du De causis se trouve aussi dans 175 M.P. Prokop, «Le concept de l'éternité et du temps dans le Liber de causis», JPh

12, 1987, p. 48-59). Une

autre doctrine de dérivation plotinienne, que l'auteur du De causis a connue gräce à la paraphrase arabe des Ennéades et dont la présence introduit une modification importante par rapport à Proclus, est la thése de la médiation universelle de l'Intellect, qui remplace par la structure plotinienne traditionnelle "Un - Intellect Ame" le système complexe des principes médiateurs supplémentaires introduits par Proclus dans le but de préserver la transcendance de l’Un. L'auteur du Liber de causis ne laisse subsister que l'Intellect hypostatique dans le róle de médiateur universel entre l'unité parfaite et inexprimable du premier principe et la multiplicité. Cette doctrine typiquement plotinienne, qui fut abandonnée par les néoplatoniciens postérieurs, a été adoptée à nouveau par l'auteur du Liber de causis, qui l'a connue à travers la paraphrase arabe des Ennéades. A partir de la version de ce topos plotinien offerte par la paraphrase arabe des Ennéades, l'auteur du De causis a mis en place une de ses doctrines les plus caractéristiques, qui allait devenir célèbre dans le Moyen Âge latin: la distinction entre la causalité per modum creationis, qui est le propre du premier principe seul, et la causalité per modum informationis, qui est le propre des principes subordonnés et surtout de l’intelligentia ; voir 176 C. D'Ancona Costa, «La doctrine de la création mediante intel-

ligentia dans le Liber de causis et dans ses sources», RSPT 76, 1992, p. 209-233 (repris dans D' Ancona Costa 117, p. 73-95). Les simplifications du schéma métaphysique des Éléments de théologie propres au Liber de causis sont donc l'effet d'une sorte de "retour à Plotin" qui s'est produit lorsque l'auteur a réorganisé les matériaux procliens selon le modèle qu'il avait rencontré dans la paraphrase arabe des Ennéades. Revenant sur la question de la source de l'identification de l'Un à l'“être pur", 177 R.C. Taylor, « Aquinas, the Plotiniana Arabica and the metaphysics of being and actuality », JH] 59, 1998, p. 217-239, a soutenu que la doctrine du Liber de causis selon laquelle le premier principe est étre pur et crée em donnant l'étre s'inspire des Plotiniana Arabica, qui à leur tour sont influencés par l'interprétation de la pensée plotinienne forgée par Porphyre. Il n'est pas nécessaire selon Taylor 177, p. 236, d'imaginer une connaissance directe du commentaire porphyrien sur le Parmenide de la part de l'auteur de la paraphrase arabe des Ennéades: il suffit de penser qu'il a interprété comme Porphyre la doctrine de Plotin sur le premier principe, et en particulier les développements de VI 8 [39] (traité qui par ailleurs n'est pas attesté dans la version arabe que nous possédons à présent). Des parallèles doctrinaux entre le Liber de causis et la paraphrase arabe de Plotin, et notamment la présence dans ces deux ouvrages de la

636

ARISTOTE DE STAGIRE

doctrine de la création mediante intelligentia, de la doctrine de la primauté de l'étre parmi toutes les créatures et de la doctrine de l'ineffabilité divine, ont été détectés également par 178 P. Adamson, The Arabic Plotinus. A study of philosophy in translation, Doct. Diss. Notre Dame, Indiana, 2000. L'histoire de la formule qui véhicule la doctrine de l'identité entre Un et "étre pur" dans les textes néoplatoniciens arabes, "anniyya faqat, esse tantum", a été retracée par

179 C. D'Ancona Costa, «L'influence du vocabulaire arabe: “Causa prima est esse tantum"», dans L'élaboration

du

vocabulaire philosophique au

Moven

Age. Actes du Colloque International organisé par la SIEPM, Louvain-la-Neuve/ Leuven, 12-14 sept. 1998, p. 51-97. Un examen des infléchissements de la doctrine néoplatonicienne de la causalité dans le Liber de causis se trouve dans 180 C. D'Ancona, «La notion de "cause" dans les textes néoplatoniciens arabes», dans C. Chiesa et L. Freuler (édit.), Métaphysiques médiévales. Études en l'honneur d'André de Muralt, coll.

« Cahiers de la Revue de Théologie et de

Philosophie » 20, Genéve/Lausanne/ Neuchátel 1999, p. 47-68. C. L'INFLUENCE 1. L'INFLUENCE SUR LES AUTEURS

ARABES

ET JUIFS POSTÉRIEURS

La recherche contemporaine a découvert l'utilisation du De causis par des

auteurs arabes, actifs avant la date de la traduction latine de cet ouvrage en Espagne musulmane.

Les traces de la connaissance du De causis par des auteurs

arabes occidentaux avaient déjà été mises en lumière dans le passé: 181 F. Mehren, « Correspondance du philosophe soufi Ibn Sab'in Abd Oul Haqq avec l'empereur Frédéric II de Hohenstaufen », JA, VII série, 14,

1879, p. 240-274;

341-454, et 182 E. Lator, «Ibn Sab'in de Murcia y su Budd al-'arif», AlAndalus 9, 1944, p. 371-417, en part. p. 415-417 (appendice, «Ibn Sab'in y el Liber de causis») avaient signalé que cet auteur andalou du XIII* siècle mentionnait le De causis comme ouvrage d'Aristote dans sa correspondance avec Frédéric II: voir aussi Taylor 32, p. 42; pour une citation du De causis dans le Budd al-'arifde Ibn Sab'in, voir aussi 183 P. Spallino, «Le Categorie aristoteliche nella problematica dell'unità secondo Ibn Sab'in», dans La diffusione dell'eredità classica nell'età tardoantica e medievale. Filologia, storia, dottrina

[voir plus haut, Perczel 169] p. 167-177, en part. p. 172-173 (à la n. 21, l'auteur attribue curieusement le De causis à Proclus lui-méme). Pour situer la composition du De causis, la découverte de la connaissance que des auteurs arabes orientaux en avaient eue à une époque à peu prés contemporaine (al-Bagdädi) ou méme antérieure à sa traduction latine a joué un róle décisif. Déjà Anawati 10, p. 85 (129), observait que l'abrégé du De causis par al-Bagdadi (voir Endress 3, p. 40-43; Neuwirth 16; Taylor 17; Taylor 32, p. 42; Zimmermann 128, p. 131: van Ess 129, p. 167; Kraus 138, p. 277) plaidait avec force pour la composition "bagdadienne" de cet ouvrage: «Il serait étonnant qu'un auteur oriental comme Bagdädi ait puisé ses renseignements sur le De causis ailleurs qu'en Égypte ou en

Syrie» ; méme conclusion aussi dans van Ess 127, p. 342-343. Mais la preuve

LIBER DE CAUSIS

637

extérieure décisive confirmant les arguments internes mis en lumière par Endress 3 en faveur de la composition du De causis dans la Bagdad du IX* siècle a été offerte par 184 E. K. Rowson, « An unpublished work by al-‘Amiri and the date of the Arabic De causis» JAOS 104, 1984, p. 193-199. Ce philosophe mort en 992, originaire du Khorasan, mais qui vécut aussi à Bagdad oü il fut l'éléve d'un éléve d'al-Kindi, Abü Zayd al-Balkhi, cite abondamment le De causis dans son ouvrage Fusül fi al-ma'älim al-ilähiyya (“Chapitres sur des sujets de métaphysique"). Selon Rowson 184, p. 194, la plus grande partie du matériel contenu dans cet ouvrage «dépend directement du Mahd al-khayr, m&me si c'est sous une forme extrémement paraphrasée ». On obtient ainsi la preuve qu'à la fin du X* siécle le De causis circulait parmi les philosophes arabes orientaux, et notamment dans la sphère d'influence d'al-Kindi (sur al-'Ámiri, voir aussi 185 E.K. Rowson, A Muslim Philosopher on the soul and its fate: al-‘Amiri’s Kitàb alAmad 'alá l-abad, coll. « American Oriental Series» 70, New Haven 1988; Taylor 32, p. 45 n. 26, suggère que le chapitre 5, sections 1-2 du Κ΄. al-Amad ‘alà al-abad [88, 10 - 90, 4 Rowson, trad. anglaise p. 89-91] contient une citation ou bien du De causis ou bien de sa source). Si cette découverte tranche définitive-

ment la question des origines du De causis, le probléme demeure de savoir pourquoi les principaux philosophes arabes ne citent pas cet ouvrage et semblent ne pas le connaitre. Selon Taylor 32, p. 42-44, cette question trahit la perspective typiquement occidentale qui consiste à privilégier al-Färäbi, Avicenne ou Averroes par rapport aux autres philosophes tels al-' Ámiri ou al-Bagdädi — qui, eux, connaissent et utilisent le De causis. Il reste que les philosophes arabes mieux connus en Occident, al-Kindi, al-Färäbi, Avicenne et Averroes, ne semblent pas connaître cet ouvrage ; selon Taylor cela pourrait s'expliquer par le fait qu'il a été éclipsé par la pseudo-Théologie d'Aristote, ouvrage de bien plus vaste envergure et beaucoup plus célébre en Orient, et que al-Färäbi et Avicenne connaissent en effet trés bien. D'ailleurs, un examen systématique permettant d'établir avec certitude la présence ou l'absence chez les philosophes arabes nommés de traces du De causis n'a pas encore été effectué. En ce qui concerne al-Kindi, on sait depuis

Endress 3, p. 242-245, qu'un parallele textuel frappant existe entre la conclusion de la partie conservée de sa Philosophie Premiére et la derniére proposition du De causis. D'autres comparaisons doctrinales entre les œuvres kindiennes et le De

causis se trouvent dans D' Ancona Costa 158. En ce qui concerne Avicenne, des passages de sa Métaphysique évoquent le Liber de causis, utilisé de facon libre, mais tout de méme reconnaissable: voir à ce propos 186 C. D'Ancona Costa, « Avicenna and the Liber de Causis: A Contribution to the Dossier», Revísta

Española de Filosofia Medieval 7, 2000, p. 95-114, dont nous tirons la liste des passages qui suit. Dans cette liste, le sigle S indique l'édition du texte arabe de la Métaphysique d' Avicenne: 187 Ibn Sina, Al-Shifa’. Al-IHahiyyát (T), texte établi

et édité par G.C. Anawati, S. Zayed, préface par I. Madkour, (II) texte établi et édité par M. Y. Moussa, S. Dunya, S. Zayed, Le Caire 1960; le sigle vR indique la traduction latine: 188 Avicenna Latinus. Liber de philosophia prima sive de scientia divina, édition critique de la traduction latine médiévale par S. van Riet,

ARISTOTE DE STAGIRE

638

coll. «Avicenna Latinus» 3 et 4, [-IV, Louvain/Leiden 1977; V-X, Louvain/ Leiden 1980; le sigle A, enfin, la traduction française : 189 Avicenne. La Métaphysique du Shifá, introd., trad. et notes par G.C. Anawati, I-II, coll. « Études Musulmanes » 21 et 27, Paris 1978-1985. Le passage de VII 4 (p. 347, 10-13 S,

p. 402, 48-56 vR, p. 88 A) oü Avicenne soutient que le premier principe, Étre pur, n'a point de quiddité, mais qu'il répand l'étre sur les choses qui possèdent la

quiddité, s'inspire librement de la proposition 8[9], Bardenhewer 5, p. 78, 8-79, ]. Encore dans ce chapitre (p. 348, 5-6 S, p. 403, 69-73 vR, vol. II p. 88 A), le passage où Avicenne affirme que le premier principe ne peut pas être connu à travers une définition ou une démonstration puisqu'il n'a pas de cause évoque un passage de la proposition 5(6], Bardenhewer 5, p. 70, 2-7. Le passage de VII 6 (p. 355, 11 S, p. 412, 62-70 vR ; vol. II p. 94 A) où Avicenne soutient que l’Être nécessaire est le Bien Pur et que toutes choses désirent le bien s'inspire d'un passage de la proposition 22[23], Bardenhewer S, p. 101, 7-9. Le passage de VIII 7 (p. 365, 4-7 S, p. 426, 50-56 vR; vol. II p. 103

A) énonce

la hiérarchie des

substances intellectuelles, dont la premiére découle du premier principe sans intermédiaire et les autres sont l'effet d'"impressions" de l'une sur l'autre, abrège librement la proposition 4 et 4[5], Bardenhewer 5, p. 66, 1 -67, 7. Encore dans ce

chapitre (p. 368, 14-16 S, p. 431, 50-56 vR, vol. II p. 106 A), le passage où Avicenne parle de la "beauté" pure et supréme du Premier comme principe de la beauté de toutes les choses, qui en participent selon leur capacité, s'inspire librement

de la proposition

19(20],

Bardenhewer

5, p. 95, 7-96, 6. Un

dernier

passage mérite d'étre mentionné: IV 3 (p. 188, 5 - 189, 11 S, p. 216, 23-34 vR, vol. I, p. 228 A). Avicenne s'y réclame des "sages" (hukama’) qui ont attribué au premier principe le statut de “au-dessus de la perfection" (fawqa l-tamämi), transcendant non seulement ce qui est imparfait, mais aussi le "parfait", c'est-àdire le monde intelligible et l'Intellect. Aussi bien le vocabulaire que la doctrine rapprochent de facon remarquable ce passage de la proposition 21[22] du De causis, Bardenhewer 5, p. 99, 9 - 100, 3, mais lexique et doctrine se trouvent aussi dans la paraphrase arabe de V 2[li]. 1, à savoir pseudo-Théologie d'Aristote, X, p. 134, 16-135, 11 dans 190 'A. Badawi, Aflürin 'inda al- 'arab. Plotinus apud Arabes. Theologia Aristotelis et fragmenta quae supersunt, coll. « Dirásat Islamiyya » 20, Le Caire 1955, 1966, Koweit 1977. Sur le statut de

fawqa l-tamäm du premier principe chez Avicenne voir aussi p. 355, 9-10 S, p. 412, 59-61 vR, vol. II p. 94 A. 191 H. A. Davidson, Proofs for Eternity, Creation and the Existence of God in Medieval Islamic and Jewish Philosophy, New York/Oxford 1987, p. 294, pense que la preuve avicennienne de l'existence du necesse esse dépend d'arguments néoplatoniciens transmis par le De causis. 192 R. C. Taylor, c.r. de Davidson 191, Speculum 65, 1990, p. 646-648, est prudent à ce propos. 193 H. A. Davidson, Alfarabi, Avicenna & Averroes, on Intellect: their cosmologies, theories of the active intellect & theories of human

intellect, Oxford 1992, p. 164, remarque l'utilisation par Avicenne de [a dénomination “Bien Pur, hayr al-mahd” pour le premier principe, une dénomination qui rappelle le titre du De causis arabe. Aussi 194 'A. Badawi, La transmission de la

LIBER DE CAUSIS

639

philosophie grecque au monde arabe, Paris 1968, p. 68-69, pour soutenir qu'Avicenne avait eu connaissance du De causis avait évoqué un argument terminologique, à savoir l'emploi par Avicenne de la dénomination du premier principe comme “al-gani al-tamm, celui qui est parfaitement riche", qui rappelle la dénomination de la cause première comme “al-gana’ al-akbar, la plus grande richesse", dans De causis 20[21], p. 98, 2 dans Bardenhewer 5, p. 22, 2 dans

Badawi 35. Cet argument a été jugé insuffisant par Taylor 32, p. 46 n. 34. Vers la moitié du XII* siécle, le De causis aurait été connu également, selon Badawi 35, p. 21 de l’Introduction, par Abü al-Barakät al-Bagdädi, qui s'en serait inspiré dans son Kiräb al-Mu'tabar (sur la dépendance du K. al-Mu'tabar d’Abü

al-

Barakát al-Bagdädi vis-à-vis du modèle avicennien de classification des sciences, voir 195 G. Endress, Die wissenschaftliche Literatur, dans Grundriß der Arabischen Philologie, 11: Supplement, hrsg. von W. Fischer, Wiesbaden 1992, p. 59); toutefois Taylor 32, p. 41 et p. 46, n. 35, est à nouveau prudent à ce propos. Une trace du Liber de causis se trouve dans l'ouvrage néoplatonicien arabe reconstruit par 196 S.M. Stern, «Ibn Hasdäy’s Neoplatonist. A Neoplatonic treatise and its influence on Isaac Israeli and the longer version of the Theology of Aristotle », Oriens 13-14, 1960-1961, p. 58-120 (réimpr. dans 197 S. M. Stern, Medieval Arabic and Hebrew Thought, ed. by F. W. Zimmermann, London 1983). Dans la partie finale de son ouvrage Le prince et l’ascöte, version hébraïque de l'adaptation arabe de la légende du Bouddha, cet auteur juif du XIII* siécle introduit un long excursus philosophique qui était connu aussi par le philosophe juif du X* siécle Isaac Israeli et qui présente des passages communs avec la “longue recension” de la pseudo-Théologie d’Aristote (sur cette "longue recension", voir Aouad 4, p. 564-570). Selon Stern 196 et 197 A. Altmann et S. M. Stern, Isaac Israeli. A Neoplatonic Philosopher of the early tenth century. His

works translated with comments and an outline of his philosophy, coll. «Scripta Judaica» 1, Oxford 1958, réimpr. Westport 1979, p. 95-132, ce traité néoplatonicien anonyme et probablement attribué à Aristote est une source commune

à

Isaac Israeli, à la “longue recension" de la pseudo-Théologie d’Aristote et à Ibn Hasdäy. Si on admet avec Stern que l'excursus philosophique introduit par ce dernier dans Le prince et l'ascéte n'est qu'une longue citation provenant de cette source néoplatonicienne arabe commune, on peut y voir aussi une des premiéres utilisations non seulement de la paraphrase arabe de Plotin, mais aussi du De causis, puisque le passage du chapitre 32, p. 102, 35-36 dans Stern 196, est une citation littérale, courte mais reconnaissable, de la prop. 5[6], p. 70, 2

dans

Bardenhewer 5. Il n'est pas aisé de détecter l'influence éventuelle du De causis dans les milieux ismaéliens, qui utilisèrent par ailleurs largement les paraphrases arabes de Plotin (voir Aouad 4, en part. p. 564-570), et dont les doctrines d'inspiration néoplatonicienne sont donc plus aisément expliquées par les textes plotiniens arabes que par le De causis (voir 198 P. Walker, Early Philosophical Shiism: The Ismaili Neoplatonism of Abü Ya'qub al-Sijistani, Cambridge 1993); toutefois 199 D. De Smet, La quiétude de l'intellect. Néoplatonisme et gnose ismaélienne dans l’œuvre de Hamid ad-Din al-Kirmäni (Xe-Xe siècle), coll

640

ARISTOTE DE STAGIRE

«Orientalia Lovaniensia Analecta» 67, Leuven 1995, a pu déceler de nombreux paralléles entre les ceuvres de ce penseur ismaélien contemporain d’Avicenne et le Liber de causis (voir l'index, s. v.). Enfin, nous rappelons celle qui nous semble

être une utilisation du De causis de la part d'un auteur arabe inconnu, à savoir le texte édité par Thillet et Oudaimah 15. Seule une étude plus poussée pourra éventuellement aider à situer chronologiquement cet ouvrage par rapport au De cau-

sis. — Les philosophes juifs en Espagne musulmane ont connu trés tót le De causis: 200 P. Fenton, «Gleanings from Moseh ibn Ezra's Magälat al-Hadiqa » Sefarad 36, 1976, p. 285-298, a démontré que Moses ibn Jacob ibn Ezra (ca 1055-ca 1135) utilisa le De causis, en l'attribuant à Aristote; Taylor 32, p. 41, a pu préciser que les citations d'Ibn Ezra proviennent du Traite sur la réponse à ceux qui disent que l'homme est anéanii et périt aprés sa mort, qui à son tour contient, comme on l'a vu plus haut, des extraits du De causis (voir Les manu-

scrits arabes. Énumération et description, et les références signalées à Endress 3; Rosenthal 9; Anawati 10; Türker 12; Badawi 13). Jusqu'à plus ample informé, 1 est impossible de déterminer par qui et comment le De causis arabe fut introduit en Espagne musulmane et par quelle voie l'ouvrage arriva à Tolède pour y être traduit en latin par Gérard; l'hypothèse émise par Badawi 35, p. 24 de l'Introduction, selon laquelle un exemplaire du De causis aurait pu étre transmis à Maimonide par al-Bagdadi, qu'il rencontra lors d'un voyage au Caire, est rapportée par van Ess 127, p. 342, avec un certain scepticisme que justifient des raisons chronologiques: premiérement, Maimonide n'avait que treize ans lorsqu'il quitta l'Espagne pour ce voyage ; deuxiémement, sa rencontre avec al-Bagdädi se situe en 1192,

à un moment donc oü Gérard était déjà mort et le De causis déjà

traduit en latin. À la Renaissance, l'auteur juif Yohanan Alemanno, tres de Giovanni Pico della Mirandola, utilisa le Liber de causis pour thèses sur l'ineffabilité divine et sur la procession des sefiror dans voir 201 M. Idel, « The Magical and Neoplatonic Interpretations of in the Renaissance», dans

B.D. Cooperman

(édit.), Jewish

l'un des maiexpliquer les la Kabbalah: the Kabbalah

Thought

in

the

Sixteenth Century, coll. «Harvard University Center for Jewish Studies, Texts and Studies» 2, Cambridge (Mass.) - London 1983, p. 186-242. 2. L'INFLUENCE SUR LES AUTEURS

LATINS

Les traces de la première utilisation latine du De causis ont été découvertes par

202 M. Th. d'Alverny, «Les pérégrinations de l’âme dans l'autre monde d’après un anonyme de la fin du XII* siècle», AHMA 13, 1940-1942, p. 239-299, qui a trouvé dans un petit traité conservé dans les feuillets de garde du manuscrit Paris, Bibl. Nationale, Latin 3236 A, la citation explicite de la proposition 3 du De causis (p. 240 et 282). Des traces des propositions 5[6], 14[15] et 21(22] sont éga-

lement reconnaissables. Le De causis est attribué à Aristote et cité sous le titre De bonitate pura. Le petit traité, anonyme, est daté pour des raisons paléographiques aux environs de l'an 1200 par d’Alverny 202, p. 243 n. 4, et placé dans la sphère d'influence des philosophes et traducteurs actifs à Tolède vers la fin du XII siècle tels Gundissalinus, que l’auteur connait très bien selon d' Alverny 202, p. 241-242.

LIBER DE CAUSIS

641

L'influence du De causis sur l'anonyme Liber de causis primis et secundis (traité à situer probablement dans les premières décennies du XIIÉ* siècle et dans lequel les emprunts à Avicenne sont mélés à ceux venant de Jean Scot Erigene et saint Augustin) a été montrée par 203 M.-Th. D'Alverny, « Une rencontre symbolyque de Jean Scot Érigène et d'Avicenne. Note sur le De causis primis et secundis et fluxu qui consequitur eas», dans J.J. O'Meara et L. Bieler (édit.), The Mind of

Eriugena, Dublin 1973, p. 170-181. Le premier auteur scolastique qui utilisa le De causis est Alain de Lille (t 1203), qui dans le Contra haereticos 1, 30 (PL 210,

col. 332) cite la définition de l’äme «in horizonte aeternitatis» de la proposition 2. Le De causis est cité sous le titre Aphorismi de essentia summae bonitatis (voir Saffrey 1, p. XVI-XVH). Le Contra haereticos est daté entre 1184 et 1202 (voir

204 C. Vasoli, «Studi recenti su Alano di Lilla», BISI 72, 1960, p. 35-89, p. 41) et il est bien probable, selon Saffrey 1, p. XVII, qu'Alain prit connaissance du De causis lors de sa mission contre les Cathares à Montpellier, dont l'école de médecine était trés liée

à Toléde. Voir aussi 205 M.-Th. d'Alverny, Alain de Lille.

Textes inédits avec une introduction sur sa vie et ses œuvres, Paris 1965, p. 1213. A propos de l'influence du Liber de causis sur les Règles de Théologie d'Alain de Lille, voir 206 Alain de Lille, Règles de théologie, suivi de Sermon sur la sphère intelligible, introd., trad. et notes par F. Hudry, coll. «Sagesses chré-

tiennes» 21, Paris 1995, p. 55-57. Voir aussi 207 A. Niederberger, «Zwischen De hebdomadibus und Liber de causis. Einige Bemerkungen zu Form und Argumentation der Regulae theologiae des Alanus ab Insulis», Convenit Selecta 5, 2000, p. 47-52. Les propositions 2 et 10[11] sont citées aussi dans une question

anonyme d'un auteur probablement contemporain d'Alain: voir 208 E. Bertola, « Alano di Lilla, Filippo il Cancelliere e una inedita quaestio sull'immortalità dell'anima umana », RFN 62, 1970, p. 245-271, en part. p. 266 et 269. Dans cet ouvrage aussi le De causis est cité comme Aphorismi de essentia summae bonitatis. Il est cité aussi dans un autre ouvrage de polémique contre les Cathares, la

Summa contra patarenos attribuée à Pierre Martyr et composée aux environs de 1235 (voir 209 T. Käppeli, «Une somme contre les hérétiques de S. Pierre Martyr (?)», AFP

17, 1947, p. 295-335, et 210 A. Borst, Les Cathares, Paris

1978, p. 20). Guillaume d'Auxerre (t 1231) cite la proposition 9[10] dans sa Summa Aurea (voir Saffrey 1, p. XVIII, et 211 Magistri Guillelmi Altissiodorensis Summa Aurea cura et studio J. Ribailler, I-II, Grottaferrata 1980-1982, II 1, p. 262, 10). L'ouvrage est connu et utilisé aussi par Philippe le Chancelier (t 1236) dans sa Summa de Bono (voir Saffrey 1, p. XVHI, et 212 Philippi Cancellarii Parisiensis Summa de Bono, ed. N. Wicki, coll. «Corpus Philosophorum Medii Aevi. Opera philosophica mediae aetatis selecta», 2, I-Il, Bern 1985, p. 34,

22; p. 81, 172-174; p. 269, 171-172; p. 1049, 289-290). Une utilisation ample du De causis se fait jour chez Guillaume d' Auvergne (ca 1180-1249): Saffrey 1, p. XVIII; 213 M. Baumgartner, Die Erkenntnislehre des Wilhelm Auvergne, coll. «Beitráge zur Geschichte der Philosophie und Theologie Mittelalters » II 1, Münster

plus voir von des

1893, p. 5; 214 J. R. O'Donnell (édit.), « Tractatus

Magistri Guillelmi Alverniensis De bono et malo », MediaevalStud 8,

1946,

642

ARISTOTE DE STAGIRE

p. 245-299, en part. p. 247 et 280-281. Alexandre de Halés (ca 1170/80-1245) utilise abondamment le De causis dans sa Summa

Theologica (voir Saffrey 1,

p. XVIII, et 215 Doctoris Irrefragabilis Alexandri de Hales (...) Summa Theologica cura et studio pp. Collegii S. Bonaventurae ... edita, Quaracchi 1948, tom. IV, lib. ΠῚ, p. XCVI. Les auteurs mentionnés attribuent le De causis à Aristote; le premier à avoir utilisé ce titre, qui devient courant au XIII* siècle et remplace presque complétement les autres, est Roland de Crémone, le premier maitre dominicain, actif vers

1230: voir 216 C. R. Hess, « Roland of Cremona's place in the current of

thought», Angelicum 45, 1968, p. 429-477, en part. p. 433. Il importe aussi de remarquer que des thèses provenant de plusieurs propositions du De causis (1, 3,

5[6], 6[7], 8[9], 9[10], 10[11}, 16[17], 19[20], 20[21], 21[22]. 22[23], 23[24], 24[25)), transformées en lemmes, se trouvent dans les Parvi Flores, un recueil de

théses attribuées à Aristote trés célébre au Moyen Age: voir 217 J. Hamesse, Les Auctoritates Aristotelis. Un florilége médiéval. Étude historique et édition critique, Louvain/Paris 1974, p. 231-232. Les citations du De causis dans les œuvres de saint Bonaventure sont nombreuses: la plupart viennent de la proposition 1, à

laquelle Bonaventure emprunte le principe de la primauté de l'action de la cause premiere et plus universelle, mais d'autres propositions sont citées aussi: la proposition 4, à laquelle il emprunte la thése de la primauté de l'étre parmi toutes les créatures ; les propositions 9[10], 15(16], 16[17], auxquelles il reprend la doctrine

du mode de connaissance des intelligences séparées ; la proposition 19[20], sur l'omniprésence de la cause premiere. La doctrine de la proposition 3, sur la création mediante intelligentia, est pourtant áprement critiquée comme hérétique (pour l'indication des passages dans les Opera Omnia de Bonaventure, voir D'Ancona Costa 91, p. 75 n. 119). A la suite de la levée de l'interdiction qui avait atteint les libri naturales d' Aristote en 1210, et apres l'introduction du De causis

dans l'enseignement officiel, introduction dont l’histoire a été retracée par Saffrey 1, p. XVIII-XX, les utilisations du Liber se doublent de véritables commentaires

(voir plus haut, Les commentaires latins), qui marquent l'entrée de ce texte à plein titre dans le système du savoir philosophique. Dans l’histoire de la réception du Liber de causis dans le monde latin, on distingue deux périodes dont la limite se situe en 1272, date de la composition du commentaire de Thomas d'Aquin,

dont le pro&me informa la communauté scientifique de la dépendance de vrage par rapport aux Éléments de théologie de Proclus. Les commentaires rieurs à celui de Thomas d'Aquin approchent le De causis en tant que aristotélicien, tandis que les commentaires postérieurs y voient désormais un

l'ouantétexte texte

issu du courant platonicien, méme s'ils ne renoncent pas à y voir, suivant Albert le Grand (voir Fauser 57, p. 59, 37 - 60, 5 et p. 191, 21-23), le complément nécessaire de la Métaphysique d' Aristote (voir Gilles de Rome, Expositio super Aucto-

rem De causis Alpharabium, Proemium, Y). Sur la traduction latine des Éléments de théologie par Guillaume de Moerbeke, qui permit à Thomas cette minutieuse recherche des sources procliennes de chaque proposition du De causis qui caractérise son commentaire, voir 218 H. Boese, Wilhelm von Moerbeke als Übersetzer des Stoikeiosis theologike des Proclus. Untersuchungen und Texte zur

LIBER DE CAUSIS Überlieferung der Elementatio Theologica, coll. AHAW,

643 1985, 5, Heidelberg

1985 , 219 Proclus. Elementatio Theologica translata a Guillelmo de Morbecca hrsg. von H. Boese, coll. « Ancient and Medieval Philosophy, De Wulf - Mansion Centre Series» [ 5, Leuven

1987; 220 J. Brams et W. Vanhamel (édit.), Guillau-

me de Moerbeke. Recueil d'études à l'occasion du 700° anniversaire de sa mort (1286), coll. «Ancient and Medieval Philosophy, De Wulf-Mansion Centre Series» I 7, Leuven 1989, qui font état aussi des études antérieures. Selon

221 C.H. Lohr, « The pseudo-Aristotelian Liber de causis and Latin theories of science in the twelfth and thirteenth centuries», dans Pseudo-Aristotle in the Middle Ages. The Theology and other texts (voir Taylor 32), p. 53-62, ce ne fut pas le De causis qui fournit aux Latins le modèle d'une science universelle axiomatique, celui-ci ayant été déjà acquis grâce à Boéce. Comme il prönait une méthode déductive (plutót que axiomatique au sens propre), le De causis fut en réalité reconnu comme platonicien et rayé du corpus aristotélicien avant méme la découverte de sa source littéraire proclienne par Thomas d'Aquin. Pour un essai d'analyse doctrinale des premiers commentaires, ceux de Roger Bacon - qui fut

selon Saffrey 1, p. XX, «le premier à Paris à prendre le De causis comme texte de base pour son enseignement» -- du ps. Henri de Gand et du ps. Adam de Bocfeld, voir D' Ancona Costa 116. Les commentaires latins du Liber de causis qui ont retenu davantage l'attention des chercheurs sont la paraphrase d' Albert le Grand et le commentaire de Thomas d'Aquin. Sur l'ouvrage d'Albert le Grand, voir surtout 222 M. Feigl, « Albert der GroBe und die arabische Philosophie. Eine Studie zu den Quellen seines Kommentars zum Liber de causis», PhilosJb 63,

1955, p. 131-150; 223 G. Wieland, Untersuchungen zum Seinsbegriff im Metaphysikkommentar Alberts der Grossen, coll. « Beitráge zur Geschichte der Philosophie im Mittelalters» n. F. 7, Münster 1972, p. 57-64 ; 224 L. Sweeney, « Esse primum creatum in Albert the Great's Liber de causis et processu universitatis », Thomist 44, 1980, p. 549-646; 225 Id., « Albert the Great, Aristotelian or Neoplatonist? A Study of his Liber de causis et processu universitatis», Proceedings of the PMR Conference (Villanova), 5, 1980, p. 137-149; 226 L. Sturlese, «Il razionalismo filosofico e scientifico di Alberto il Grande», DSTFM 1, 1990, p. 323-426 ; 227 A. de Libera, Albert le Grand et la philosophie, Paris 1990,

passim ; 228 Id., « Albert le Grand et Thomas d’Aquin interprètes du Liber de causis », RSPT 74, 1990, p. 347-378 ; 229 Id., « Albert le Grand et le platonisme. De la doctrine des idées à la théorie des trois états de l'universel», dans E. P. Bos et P. A. Meijer (édit.), On Proclus and his influence in Medieval philosophy, colL «Philosophia Antiqua» 53, Leiden 1992, p. 89-119; 230 W. Fauser, « Albert the Great's Commentary on the Liber de causis», BullPhilosMed 36, 1994, p. 3844 ; 231 L. Hódl, «'Opus naturae est opus intelligentiae". Ein neuplatonische Axiom in aristotelischen Verständnis des Albertus Magnus», dans F. Niewóhner et L. Sturlese (&dit.), Averroismus im Mittelalter und in der Renaissance, Zürich 1994, p. 132-148; 232 T. Bonin, Creation as Emanation: the origin of diversity

in Albert the Great's "On the Causes and the procession of the universe", Notre Dame 2000. Sur le commentaire de Thomas voir surtout 233 A. Mansion, «Saint

644

ARISTOTE DE STAGIRE

Thomas et le Liber de causis A propos d'une édition récente de son Commen-

taire», RPhL 53, 1955, p. 54-72; 234 C. Vansteenkiste, «Il Liber de causis negli scritti di san Tommaso », Angelicum 35, 1958, p. 325-374; 235 C. Fabro, Parte-

cipazione e causalità secondo S. Tommaso d'Aquino, Torino 1960, p. 171-306; 236 G. Lafont, Structures et méthode dans la Somme Théologique de saint Thomas d'Aquin, Bruges 1961, p. 104-123; 237 K. Kremer, «Die Creatio nach Thomas von Aquin und dem Liber de causis», dans Ekklesia. Festschrift für M. Wehr, Trier 1962, p. 321-344; 238 W. Beierwaltes, « Der Kommentar zum Liber

de causis als neuplatonisches Element Aquin », PhilolRschau

in der Philosophie des Thomas

11, 1963, p. 192-215; 239

K.

Kremer,

Die

von

neuplato-

nische Seinsphilosophie und ihre Wirkung auf Thomas von Aquin, coll. «Studien zur Problemgeschichte der antiken und mittelalterlichen Philosophie» 1, Leiden 1965, 19712, p. 356-474 ; 240 C.Y.J. Ho, «La doctrine de la participation dans le

commentaire de saint Thomas d' Aquin sur le Liber de causis», RPhL 70, 1972, p. 360-383; 241 T. A. Fay, «Participation: the transformation of Platonic and Neoplatonic thought in the metaphysics of Thomas Aquinas», DivThom P 6, 1973, p. 50-64 : Taylor 171; 242 W.J. Hankey, « Aquinas’ First Principle: being or unity?» Dionysius 4, 1980, p. 133-172; 243 C. Fabro, « The overcoming of the triad of Being, Life, and Intellect by Saint Thomas Aquinas», dans D.J. O’Meara (édit.), Neoplatonism and Christian thought, Albany 1982, p. 98-108; 244 C. D'Ancona Costa, «L'uso della sententia Dionysii nel commento di s

Tommaso e Egidio Romano alle proposizioni 3, 4, 6 del Liber de causis», Medioevo 7, 1982, p. 1-42; 245 L. Elders, «Saint Thomas d' Aquin et la métaphysique du Liber de causis», RT 89, 1989, p. 427-442; de Libera 227 ; 246 C. D'Ancona Costa, « Saint Thomas lecteur du Liber de causis. Bilan des recherches contemporaines concernant le De causis et analyse de l'interprétation thomiste», RT 92, 1992, p. 611-649 (repris dans D'Ancona Costa 117, p. 229-258); 247 S.C. Selner-Wright, « Thomas Aquinas and the Metaphysical Inconsistency of the Liber de causis», MS 72, 4, 1995, p. 323-336; 248 J. A. Aertsen, «Ontology and Henology in Medieval philosophy (Thomas Aquinas, Master Eckhart and Berthold of Moosburg)», dans On Proclus and his influence in Medieval philo-

sophy (voir de Libera 228), p. 120-140; 249 J.-P. Torrell, Initiation à saint Thomas d'Aquin. Sa personne et son œuvre, coll. « Vestigia» 13, Fribourg/ Paris 1993, p. 324-326; 250 J. A. Aertsen, « Thomas Aquinas: Aristotelianism versus Platonism ? » dans L. Benakis (édit.), Néoplatonisme et pensée médiévale. Actes du colloque international de Corfou (...), coll. « Rencontres de Philosophie Médiévale» 6, Turnhout 1997, p. 147-162 ; Taylor 177 ; 251 Francisco Fortuny, «Los

Comentários de Tomás e Siger Anuario 10, 1997, p. 42-92 ; 252 causis selon Thomas d' Aquin et Sur le commentaire de Gilles de Egidio Romano nel commento D’Ancona Costa 243; 254 J.-L. Rome et la premiere proposition

al Liber de causis», Semindrio de Filosofia. D. Piché, «Causa prima et esse dans le Liber de Siger de Brabant», Dialogue 38, 1999, p. 75-97. Rome, voir 253 G. Trapé, «Ii neoplatonismo di al De causis», Aquinas 9, 1966, p. 49-86; Solère, « Néoplatonisme et rhétorique : Gilles de du De causis», dans Néoplatonisme et pensée

LIBER DE CAUSIS

médiévale

(voir Aertsen 247), p. 163-196. Sur le commentaire

645

de

Siger de

Brabant, voir 255 A. Marlasca, «La antropologia sigeriana en las Quaestiones super Librum de causis», EstudFilos 53, 1971, p. 1-37; 256 R. Imbach, «Notule sur le commentaire du Liber de causis de Siger de Brabant et ses rapports avec Thomas d'Aquin», FZPhTh 43, 1996, p. 304-323, Fortuny 250 et Piché 251. Sur les commentaires des docteurs scholastiques polonais voir 257 B.J. Rucinski, «La connaissance du Liber de causis dans la littérature polonaise depuis le XV* jusqu'au XX* siécles», dans Actas del V Congresso Internacional de Filosofía Medieval, II, Madrid 1979, p. 1187-1192. — En dehors de la tradition des com-

mentaires sur ce texte, le Liber de causis a continué d'étre utilisé et cité méme aprés la découverte thomasienne de ses origines, qui lui enlevait le prestige de l'attribution à Aristote. Tel est le cas de Meister Eckhart, qui cite plusieurs propositions du De causis ou y fait allusion dans ses écrits. Dans ce qui suit, nous indiquons entre parenthéses les propositions citées (sans pourtant indiquer la double numérotation à laquelle on a fait allusion plus haut, Les manuscrits de la tradition latine, division du texte). Voir 258 Meister Eckharts Predigten, hrsg. und übers. von J. Quint, coll. « Meister Eckhart. Die deutschen und lateinischen Werke. Die

deutschen Werke» 1, Stuttgart 1958 (2, 3, 6, 16, 22, 24); 2, Stuttgart 1971 (4, 16, 21); 3, Stuttgart 1976 (5, 20, 21). Lorsqu'il mentionne l'auteur du De causis, Meister Eckhart utilise souvent la formule «ein meister, ein heidnischer meister». Voir aussi 259 Magistri Echardi Expositio Libri Exodi. Sermones et lectiones Super Ecclesiastici cap. 24. Expositio Libri Sapientiae. Expositio Cantici Canticorum cap. 1, 6, hrsg. und übers. von H. Fischer, J. Koch, K. Weiss, coll. «Meister Eckhart. Die deutschen und lateinischen Werke. Die lateinische Werke», 3, Stuttgart 1992 (prop. 1, 2, 4, 6, 7, 9, 13, 15, 16, 17. 18, 20, 21, 32); 260 Magistri Echardi Expositio Sancti Evangelii secundum Iohannem, hrsg. und

übers. von K. Christ, B. Decker, J. Koch, H. Fischer, L. Sturlese, A. Zimmermann, coll. «Meister Eckhart. Die deutschen und lateinischen Werke. Die lateinischen Werke», 3, Stuttgart 1994 (prop. 1, 3, 4, 6, 9, 10, 12, 15, 16, 17, 20, 21, 22, 24, 30). A propos de l'influence du Liber de causis sur les auteurs médiévaux

qui n'ont pourtant pas consacré un commentaire à cet ouvrage, voir 261 W. Beierwaltes, « Primum est dives per se. Meister Eckhart und der Liber de causis», dans On Proclus and his influence in Medieval philosophy (voir de Libera 228), p. 141-169; 262 A. de Libera, Introduction à la mystique rhénane.

D'Albert le Grand à Maître Eckhart, coll. « Sagesse chrétienne», Paris 1984, en part. p. 29 et 114-119; 263 E. P. Bos, « William of Ockham's interpretation of the first proposition of the Liber de causis», dans On Procius and his influence in Medieval philosophy (voir de Libera 228), p. 171-189. Plusieurs études consacrées à l'influence qu'exerga, à partir des années '70 du XIII* siècle, la traduction latine des Éléments de théologie contiennent aussi des comparaisons avec ia doctrine et l'influence du De causis. Voir surtout 264 R. Imbach, «Le (néo-) platonisme médiéval, Proclus latin et l'école dominicaine allemande », RThPh 110, 1978, p. 427-448 ; 265 L. Sturlese, « Il dibattito sul Proclo latino nel medioevo fra

l'università di Parigi e lo studium di Colonia», dans Proclus et son influence.

646

ARISTOTE DE STAGIRE

Actes du colloque de Neuchâtel, juin 1985, Zürich 1987, p. 262-285 ; 266 C. Riccati, «La presenza di Proclo tra neoplatonismo arabizzante e tradizione dionisiana (Bertoldo di Moosburg e Niccoló Cusano)», dans G. Piaia (édit), Concordia

Discors. Studi su Niccoló Cusano e l'umanesimo europeo offerti a Giovanni Santinello, coll. « Medioevo e Umanesimo » 84, Padova 1993, p. 23-38. Parmi les

auteurs qui ont utilisé aussi bien les Éléments de théologie que le De causis, on se

rapportera surtout à Henri Bate de Malines, Thierry de Freiberg et Berthold de Moosburg. Voir 267 Henricus Bate, Speculum divinorum et quorundam naturalium, Parts ΧΙ- ΧΙ: On Platonic Philosophy, ed. H. Boese with an introduction

and an analysis by C. Steel, coll. « Ancient and Medieval Philosophy, De WulfMansion Centre, I, 12», Leuven 1990; 268 Dietrich von Freiberg, Opera Omnia, veröffentlicht unter Leitung von K. Flasch. I. Schriften zur Intellekttheorie, hrsg. von B. Mojsisch, Hamburg 1977 ; Il. Schriften zur Metaphysik, hrsg. von R Imbach, M.R. Pagnoni Sturlese, H. Stefan, L. Sturlese, Hamburg 1980; III. Schriften zur Naturphilosophie und Metaphysik, hrsg. von J.-D. Cavigioli, R. Imbach, B. Mojsisch, M. R. Pagnoni Sturlese, R. Rehn, L. Sturlese, Hamburg 1983; IV Schriften zur Naturwissenschaft. Briefe, hrsg. von M. R. Pagnoni Sturlese, R. Rehn, L. Sturlese, W. A. Wallace, coll. « Corpus Philosophorum Teutonicorum Medii Aevi» II 1 - II 4, Hamburg 1985; 269 Bertoldo di Moosburg, Expositio super Elementationem theologicam Procli 184-211, De animabus, a cura di L. Sturlese, coll. « Temi e testi» 18, Roma 1974; Berthold von Moosburg, Expositio super Elementationem theologicam Procli. Prologus. Propositiones 1-13, hrsg. von M. R. Pagnoni Sturlese, L. Sturlese, Hamburg 1984 ; Propositiones 14-34, hrsg. von L. Sturlese, M. R. Pagnoni Sturlese, B. Mojsisch, coll. «Corpus Philosophorum Teutonicorum Medii Aevi» VI 1-2, Hamburg

1986. 3. L'INFLUENCE SUR LES AUTEURS ÉCRIVANT EN LANGUES VULGAIRES

Le De causis a été assez abondamment cité par Dante Alighieri, qui y eut recours dans l'explication philosophique de plusieurs idées énoncées aussi bien dans la Commedia que dans d'autres ouvrages (De Monarchia, Convivio). Voir

les études d'ensemble de 270 R. Murari, «Il De causis e la sua fortuna nel Medio Evo. Contributo allo studio delle fonti dantesche», GSLI 34, 1899, p. 98-117; 271 C. Sauter, « Dante und der Liber de causis», HPBCD 147, 1911, p. 89-91; 272 B. Nardi, «Le citazioni dantesche del Liber de causis» dans Saggi di filoso-

fia dantesca, Milano/Genova/Roma/Napoli 1930, p. 91-119. Analyses de l'influence du De causis sur la vision philosophique de Dante dans 273 É. Gilson, Dante et la philosophie, coll. «Études de philosophie médiévale» 28, Paris 1939; 274 B. Nardi, Dante e la cultura medievale. Nuovi saggi di filosofia dantesca,

Bari 1949, passim et en part. p. 309-335; 275 R. Imbach, « Dante und die Philosophie », dans Laien in der Philosophie des Mittelalters. Hinweise und Anregungen zu einem vernachlässigten Thema, coll. «Bochumer Studien zur Philoso-

phie» 14, Amsterdam 1989, p. 66-71 ; 132-142; 276 Id., Dante, la philosophie et les laics, coll. « Vestigia» 21, Fribourg/Paris 1996. Selon 277 M. Corti, La feli-

LIBER DE CAUSIS

647

cità mentale. Nuove prospettive per Cavalcanti e Dante, Torino 1983, p. 97 (qui cependant n'indique pas le bien-fondé de ce soupgon), Dante aurait pu considérer que le De causis était un ouvrage de Thomas d' Aquin. Sont citées par Dante la proposition 1, sur la primauté de la cause plus éloignée (De Mon. I 11 et Épirre à Cangrande, Ep. XIII 20); la proposition 2, sur l'àme comme "horizon" entre deux mondes (De Mon. IL 5); la prop. 3, sur les trois opérations de l'áme "noble", à savoir animatrice, intellectuelle et divine (Conv. tr. IV, c. 21); la proposition 4, sur la primauté de l'être parmi tous les effetsde Dieu (Conv. tr. ITI, c. 2; c. 6); la prop. 7[8], surle mode de connaissance

des intelligences (Conv. tr. III, c. 6); la prop. 9[10], sur le statut des formes intelligibles dans les intelligences (Épîre à Cangrande, Ep. XHI 21); la prop. 19[20], sur l'omniprésence et en même temps la transcendance de la cause première (Conv. tr. III c. 2; c. 7).

278 C. B. Schmitt, «Pseudo-Aristotle in the Latin Middle Ages», dans Pseudo-Aristotle in the Middle Ages. The Theology and other texts (voir Taylor 32), p. 3-14, en part. p. 8, observe que le De causis est l'un des rares textes pseudo-aristotéliciens dont le lieu naturel fut la culture universitaire. L'expulsion hors du corpus aristotélicien qui suivit lentement la découverte de sa nature par Thomas d' Aquin entraina donc, petit à petit, la perte d'intérét pour cet ouvrage. Selon 279 E. P. Mahoney, « Neoplatonism, the Greek commentators, and Renaissance Aristotelianism », dans Neoplatonism and Christian Thought (voir Fabro 234), p. 169-184, et 280 Id., « Metaphysical foundations of the hierarchy of being according to some late-Medieval and Renaissance philosophers», dans P. Morewedge (édit.), Philosophies of existence Ancient and Medieval, New

York

1982, p. 165-257, le De causis fut pourtant un élément important dans le modèle foncièrement platonicien qui guida la compréhension d' Aristote par des auteurs tels Agostino Nifo ou Marcantonio Zimara. Toutefois le róle qu'on reconnut éventuellement au De causis à la Renaissance dans le projet de démontrer l'harmonie entre Platon et Aristote n'a pas encore été étudié. Le platonisme de la Renaissance d'ailleurs n'accorde pas grande importance au De causis: Marsilio Ficino pourtant le connait et — peut-étre à la suite de Gilles de Rome qui avait fait de méme - l'attribue à al-Färäbi dans son épitre Responsio petenti Platonicam instructionem et librorum numerum éditée par 281 R. Klibansky, The continuity of the Platonic tradition during the Middle Ages with a new preface and four supplementary chapters, New York/London 1981 (premiere édit. London 1939), p. 47, 39. Pour la connaissance du De causis par Giovanni Pico della Mirandola voir Zonta 77 et Idel 201. Enfin 282 J. Kraye, « The pseudo-Aristotelian Theology in sixteenth- and seventeenth-century Europe», dans Pseudo-Arístotle in the Middle Ages. The Theology and other texts (voir Taylor 32), p. 265-286, en part. p. 275, signale que dans l'édition lyonnaise du corpus aristotélicien (1578 et 1580), qui inclut la pseudo-Théologie, le De causis est également inclu. L'éditeur, Étienne Michel, est pourtant bien conscient de la nature pseudépigraphe des deux ouvrages et souligne la parenté qui les rapproche (/bid., p. 285 n. 106). On se rapportera aussi à 283 H. Daiber, Bibliography of Islamic Philosophy, I-II, coll. « Handbuch der Orientalistik. Erste Abteilung. Der nahe und mittlere Osten» 43, Leiden/Boston/Kóln 1999, II, p. 365-368. CRISTINA D'ANCONA et RICHARD C. TAYLOR.

PSEUDO-ARISTOTE, SECRETUM SECRETORUM

Il s'agissait, à l'origine, d'un speculum principis: ce n'est pas un hasard si le véritable titre de ce traité, en arabe, est Kitab al-Siyasa fr tadbir al-riyäsa, Livre sur la conduite et l'administration du pouvoir, alors que Sirr al-asrär, Le secret des secrets, n'en est que le sous-titre. Cependant, à cette structure originale se sont trouvés intégrés des matériaux hétérogènes, de caractère médical et ésotérique (physiognomonie, astrologie, onomatomancie). L'œuvre dans son ensem-

ble se présente comme

une série de conseils de gouvernement, fournis par

Aristote à Alexandre le Grand; au cours de la tradition, l’œuvre a pris des for-

mes rédactionnelles diverses, et s'est trouvée constituée tantót de sept, tantót de huit, tantót de dix livres (dont certains ont pu aussi étre transmis par une voie indépendante), et les interventions de certains traducteurs et lecteurs l'ont diver-

sement enrichie. Par conséquent, cet ouvrage est d'un maigre intérét du point de vue philosophique et son importance tient plutót à l'immense fortune qu'il a connue en tant que petite «encyclopédie scientifique », dans l'Orient comme dans l'Occident médiéval. Le recueil d'études le plus récent sur cette œuvre est: 1 W.F. Ryan et C.B. Schmitt (édit.), Pseudo-Aristotle, The Secret of Secrets : sources and influences, coll. « Warburg Institute surveys» 9, London 1982, 148 p.

Sources et origines. Sur ce probléme controversé, l'essai le plus détaillé et le plus approfondi reste aujourd'hui celui de 2 M. Manzalaoui, «The pseudoAristotelian Kiräb sirr al-asrär. Facts and problems», Oriens 23-24, 1970-1971,

p. 147-257, auquel il faut renvoyer pour toute la bibliographie antérieure sur ce sujet (p. 246-257). La thése qui y est soutenue (cf. en particulier le stemma dans Manzalaoui 2, p. 193) est la suivante: l’œuvre pourrait avoir été rédigée sur la base du remaniement arabe d'une collection d'épitres pseudo-aristotéliciennes écrite en langue grecque, qui aurait été réalisée à Damas entre 724 et 743 par les soins de Salim abü al-'Ala', le secrétaire du calife Hisam, ce qui revient à admettre l'hypothèse soutenue par 3 M. Grignaschi, «Les “Rasä’il ’Aristätälisa ’ilä-lIskandar" de Sälim abü-l-' Alà' et l'activité culturelle de l'époque omay yade », BEO 19 1965-1966, p. 7-83 et 4 Jd., « Le roman épistolaire classique conservé dans la version de Salim abu l-'Alà'», Muséon 80, 1967, p. 211-264. En tout cas,

c'est seulement au cours du IX* siécle que l'intervention d'un compilateur anonyme (caché sous le nom du traducteur arabe Yahyä ibn al-Bitriq) aurait tiré de ce remaniement le texte arabe de la « version brève» de l’œuvre, en sept ou huit livres ; et c'est à cette version arabe que, peu de temps après, se seraient à leur tour trouvés intégrés certains chapitres (cf. Manzalaoui 2, p. 187-188). Cette «version brève» aurait ainsi abouti à un texte dont on aurait, plus tard, tiré la traduction latine partielle de Johannes Hispalensis (cf. infra); ce texte, enrichi

d'un prologue, aurait encore connu, au cours du moyen áge, deux autres traductions: l'une, la plus ancienne, en castillan, et l'autre en hébreu (v. infra). La première trace d'une connaissance de cette œuvre dans le monde arabe remon-

SECRETUM SECRETORUM

649

terait donc, en tout état de cause, à 941, à l'époque oü un texte déjà adapté de la « version bréve » se serait trouvé cité dans une anthologie (cf. Manzalaoui 2,

p. 155-158 ; voir cependant contra 5 M. Grignaschi, «L'origine et les métamorphoses du Sirr al-asrär », AHMA 43, 1976, p. 14, qui ferait remonter cette antho-

logie à une époque plus récente); ce texte aurait subi ensuite une nouvelle et plus ample révision aprés 975, sous l'influence des Építres des Fréres de la pureté (Rasä’il Ihwan al-Safà'), et aurait ainsi été transformé en une « version longue » de l’œuvre (en dix livres), qui fut alors traduite en latin par Philippe de Tripoli, puis en de nombreuses langues européennes. La liste des nombreux manuscrits arabes du Secretum qui ont été jusqu'à présent retrouvés (au moins 47) a été dressée par Manzalaoui 2, p. 148-156. À la thése de Manzalaoui s'oppose celle de Grignaschi (exposée dans Grignaschi 5 et reprise dans 6 /d., « La diffusion du Secretum secretorum [Sirr al-asrär]

dans

l'Europe

occidentale»,

AHMA

47,

1980,

p. 7-70,

et 7 Id.

« Remarques sur la formation et l'interprétation du Sirr al-asrär», dans RyanSchmitt 1, p. 3-33 ; cf. aussi 8 Id., «La figure d'Alexandre chez les Arabes et sa genése», ASPh 3, 1993, p. 225-232), selon laquelle (cf. le stemma dans Grignaschi 5, p. 87) la source principale de l’œuvre serait constituée par le Régime général (al-Siyasa al-'ammiyya), un speculum principis arabe composé précisément par Salim Abü 1-'Ala, joint à un «roman épistolaire » grec qu'il aurait fait traduire en arabe, et fondé sur des sources telles que l'Éthique à Nicomaque, des textes hermétiques, des textes byzantins de tactique et des écrits politiques persans. Cet écrit, remanié sur la base des Építres des Frères de la Pureté et de textes indiens (cf. 9 S. Wikander, «De l'Inde à l'Espagne: l'origine de la “Poridat de las Poridades" », dans Actas IV Congresso de Estudos Árabes e Islámicos, Leiden 1971, p. 267-269) et persans, aurait donné lieu, vers 950, à un

Kitäb al-Siyasa fi tadbir al-riyasa, qui n'est aujourd'hui conservé que dans la paraphrase turque composée par Nasuh Neväli (XVI s.); et ce dernier texte, enrichi à son tour d'éléments relatifs à la physiognomonie, à la médecine et à la minéralogie (tirés de la Tabula Smaragdina, du De lapidibus pseudo-aristotélicien, et d'autres sources), aurait été à l'origine d'un archétype — maintenant perdu — du Secretum, duquel auraient ensuite été détachées, de façon indépendante,

les deux

«versions»

: la «version

brève»,

qu'il

faut

dater

selon

Grignaschi du X* s., et la « version longue », qui remonte au XIF s. Pour un exposé général de l'histoire et de la fortune du texte, voir aussi 10 Opera hactenus inedita Rogeri Baconi, ed. R. Steele, t. V, Oxford 1920, p. VII-LXIV, et 11 F. E. Peters, Aristoteles Arabus : the Oriental translations and commentaries on the Aristotelian corpus, coll. « Monographs on Mediterranean Antiquity » 2, Leiden 1968, p. 67-72 (avec les compléments de 12 H. Daiber dans Gnomon 42,

1970, p. 546-547). Éditions. La seule édition du texte arabe est celle de la «rédaction longue» de l’œuvre, établie d’après dix mss et publiée dans 13 A. Badawi, Fontes Graecae doctrinarum politicarum islamicarum, I, Le Caire 1954, p. 65-171.

650

ARISTOTE DE STAGIRE

Traductions. Comme on l'a dit, à partir du texte de cette ceuvre ont été rédigées, durant le moyen áge, de trés nombreuses versions en différentes langues: russe, tchéque, croate, allemand, islandais, anglais, castillan, catalan, portugais, francais, italien, turc, persan et hébreu (pour un rapide survol de ces traductions,

cf. 14 R. Förster,

« Handschriften und Ausgaben des pseudo-aristotelischen

Secretum secretorum», CentrblBiblwes 6, 1889, p. 57-76; sur les traductions en

langues et dialectes romans, cf. aussi 15 F. Fery-Hue, art. «Secret des secrets », Dictionnaire des lettres frangaises, 2* éd. revue, sous la dir. de G. Hasenohr et M. Zink, Paris 1994, p. 1366-1370). Toutefois, les seules traductions qui aient

quelque importance pour la reconstruction d'une ou de plusieurs versions du texte arabe de l’œuvre sont: (a) la traduction latine de la section de la «version brève » intitulée De regi-

mine sanitatis, réalisée par le portugais Johannes Hispalensis et Limiensis, probablement entre 1112 et 1128 (cf. sur ce point 16 C. Burnett, «“Magister Johannes Hispalensis et Limiensis" and Qustä ibn Lüqa's De differentia spiritus et animae : a Portuguese contribution to the Arts Curriculum ? », Mediaevalia 7-8,

1995, p. 241 et 255-258); (b) la traduction la plus ancienne en castillan, intitulée Poridat de las Porida-

des, qui fut probablement faite directement sur le texte arabe de la « version brève» dans les premières années du XIII. s. (cf., pour une synthèse récente, 17 R. Ramón Guerrero, «El Pseudo-Aristöteles árabe y la literatura didacticomoral hispana: del Sirr al-asrar a la Poridat de las poridades », dans José M. Soto Rabanos (édit.), Pensamiento medieval hispano. Homenaje a Horacio Santiago Otero, Madrid 1998, p. 1037-1051); (c) la traduction en hébreu, réalisée sur le texte arabe de la «version brève »

par un traducteur anonyme vers la fin du XIII* s. (cf. 18 A. I. Spitzer, «The Hebrew translation of the Sod ha-sodot and its place in the transmission of the Sirr al-asrär», dans Ryan-Schmitt 1, p. 34-54), et attribuée à tort à Yehudah al-

Harizi. Selon Grignaschi 5, p. 77, ce ne serait rien d'autre que la revision d'une version préexistante — et aujourd'hui perdue — en hébreu du texte arabe, sur laquelle serait directement fondée aussi la version russe du Secretum (composée probablement en Lithuanie au début du XVF s.: cf. 19 W. F. Ryan, «The Secretum secretorum and the Muscovite autocracy », dans Ryan-Schmitt 1, p. 114123). Certaines parties du texte du Secretum ont pourtant été traduites en hébreu séparément (cf. 20 M. Steinschneider, Die hebrüischen Übersetzungen des Mittelalters und die Juden als Dolmetscher, Berlin 1893, réimpr. Graz 1956,

p. 251-257), bien que l'on ne sache pas encore trés bien par qui ni à partir de quelles sources ; (d) la traduction en latin attribuée à Philippe de Tripoli (Philippus Tripolitanus), faite suivant la « version longue » de l’œuvre et restée encore inédite. La

date de composition de cette version est encore controversée : divers indices renvoient à la seconde décennie du XIII* s. (cf. 21

M. A. Manzalaoui, « Philip of

Tripoli and his textual methods », dans Ryan-Schmitt 1, p. 55-72), mais l'identité du traducteur est loin d'étre claire. Pour une étude récente de cette traduction,

SECRETUM SECRETORUM

651

voir néanmoins 22 St.J. Williams, «Philip of Tripoli's Translation of the Pseudo-Aristotelian Secretum Secretorum viewed within the context of intellectual activity in the Crusader Levant», dans I. Draelants, A. Tihon et B. van den Abeele (édit.), Occident et Proche-Orient. Contacts scientifiques au temps des Croisades, Turnhout 2000, p. 79-94. Selon une hypothése de Grignaschi 6, p. 17, le nom de « Philippe », tout comme celui de son commanditaire, l'évéque «Guy de Vere», serait entièrement fictif, et n'aurait été employé que pour faciliter la diffusion de l’œuvre, dans la crainte de l'autorité ecclésiastique. La traduction de Philippe a fait l'objet, au cours de la seconde moitié du XIIIe s., d'une paraphrase latine, œuvre d'Engelbert d'Admont, qui est éditée dans 23 G.B. Fowler, «Manuscript Admont 608 and Engelbert of Admont (c. 1250-1331)», AHMA 44,

1977, p. 206-242. Les deux traductions latines du Secretum ont été publiées à plusieurs reprises, à partir de la fin du XV* s., mais il n'existe encore ni de l'une ni de l'autre une édition critique;

une

liste des

mss

existants

(plus de 600)

se trouve

dans

24 Ch. B. Schmitt et D. Knox, Pseudo-Aristoteles Latinus: a guide to Latin works falsely attributed to Aristotle before 1500, coll. « Warburg Institute surveys and texts» 12, London 1985, p. 54-75. Pour des contributions récentes à l'étude de la tradition latine médiévale du Secretum, voir 25 St. J. Williams, « The Early Circulation of the pseudo-Aristotelian "Secret of Secrets" in the West», Micrologus 2, 1994, p. 127-144 ; 26 St. J. Williams, « Roger Bacon and

His Edition of the Pseudo-Aristotelian Secretum Secretorum», Speculum 69, 1994, p. 57-73. MAURO ZONTA.

PSEUDO-ARISTOTE, DE LAPIDIBUS

Dans ses diverses versions, cette œuvre consiste en une liste de pierres précieuses avec les propriétés de chacune d'elles, chaque entrée étant souvent précédée d'une brève introduction: il ne s'agit donc pas d'un traité théorique et scientifique de minéralogie, mais d'un traité appartenant à la littérature descriptive de la fin de l'antiquité sur les φυσικαὶ δυνάμεις. Une présentation sommaire du caractère et de l'histoire du texte est donnée par 1 M. Steinschneider, Die arabischen Übersetzungen aus dem Griechischen, Graz 1960 (réimpression de 4 articles parus entre 1889 et 1896), p. 122-124; 2 C. E. Dubler, «Über ara-

bische Pseudo-Aristotelica », AsiatStud 14, 1961, p. 78-81; 3 F. E. Peters, Aristoteles Arabus. The Oriental translations and commentaries on the Aristotelian Corpus, coll. « Monographs on Mediterranean Antiquity » 2, Leiden 1968, p. 5961 ; 4 A. Badawi, La transmission de la philosophie grecque au monde arabe, coll. « Études de philosophie médiévale » 56, 2° éd. Paris 1987, p. 103-104. Un examen complet et détaillé, avec une vaste bibliographie, des diverses questions

relatives aux origines et à l’histoire de l’œuvre se trouve dans 5 M. Ullmann, Die Natur- und Geheimwissenschaften im Islam, coll.

« Handbuch der Orientalistik »,

Erste Abteilung VI/2, Leiden/Köln 1972, p. 105-110; cf. aussi, pour la liste des mss arabes de l'œuvre, 6 F. Sezgin, GAS, IV, Leiden 1971, p. 103; VII, Leiden 1979, p. 394. Origines et sources. Les origines de l'œuvre, que l'on situe à des dates diverses entre le V* et le IX* s., en milieu soit byzantin, soit syrien, soit persan, restent de toutes façons obscures (cf. Ullmann 5, p. 109-110): parmi les hypothèses dignes de considération figure celle de

7 M. Wellmann, «Aristoteles De lapidi-

bus», SPAW 1924, p. 79-82, qui estime que le De lapidibus a pu constituer, à une certaine époque, la partie minéralogique d'un ouvrage plus vaste, le Livre des Choses de la Nature, qui, composé en syriaque vers 600 apres J.-C., fut traduit en arabe entre 763 et le milieu du IX* s., et dont il ne subsiste aujourd'hui, sous ce titre, que la section zoologique (publiée dans K. Ahrens [édit.]. Das "Buch der Naturgegenstände”, Kiel 1892); et, selon 8 M. Grignaschi, «L'origine et les métamorphoses du “Sirr al-asrär”», AHMA 43, 1976, p. 55-60, c'est à

ce titre que le De lapidibus pourrait figurer parmi les sources du Secretum secretorum pseudo-aristotélicien. L'hypothèse la pius plausible, en tout état de cause, semble étre celle qu'a soutenue 9 J. Ruska, Das Steinbuch des Aristoteles, Heidelberg 1912, p. 45, et qu'a reprise Ullmann (Ullmann 5, p. 110; voir cependant contra 10 I. Loew, dans OLZ 16, 1913, p. 374, et Sezgin 6, p. 103): la premiere rédaction du De lapidibus aurait été composée en langue arabe au cours de la première moitié du IX* s., et pourrait être attribuée au traducteur Hunayn ibn Ishäq (m. 873); il faudrait donc tenir pour fausse l'affirmation, qui se trouve dans l'introduction de certaines versions de l'œuvre, selon laquelle elle aurait été traduite du grec en syriaque, puis en arabe, par les soins d'un personnage fictif,

“Luca ben Serapion". De l'avis de 11 M. Plessner, art. « Hadjar» dans ΕἸΣ t. III,

DE LAPIDIBUS

653

p. 31, on aurait par la suite attribué cet ouvrage à Aristote afin d'offrir ainsi au lecteur la suite annoncée de l'exposé sur la minéralogie, commencé par le Stagirite à la fin du livre III des Meteorologica et laissé interrompu. Quoi qu'il en soit, i] y aurait, selon Ullmann 5, p. 118-109, au moins trois sources identifiables de l'œuvre: (a) un lapidaire en pehlevi, encore connu à travers une version remontant au IX* s. (cf. Ullmann 5, p. 102-104); (b) un Livre des pierres (Kitab al-ahgár) anonyme, reposant à son tour, par

l'intermédiaire d'une version arabe du Λιθογνώμων de Xénocrate d'Éphese (environ 70 aprés J.-C.), sur un écrit minéralogique de Sotacos (environ 300 avant J.-C.): cf. 12 M. Ullmann, « Der literarische Hintergrund des Steinbuches des Aristoteles»,

dans

Actas

IV Congresso

de

Estudos

Árabes

e Islämicos,

Leiden 1971, p. 291-299; (c) un « Livre d'Hermés », sans autres précisions.

Versions arabes. De cette œuvre, il existe en langue arabe diverses versions dont les relations réciproques demeurent toujours enveloppées d'obscurité. Il est certain que le texte arabe édité dans Ruska 9, p. 93-125 (cf. les corrections apportées par 13 C. F. Seybold, dans ZDMG 68, 1914, p. 606-625) d’après le ms. de Paris, BN, ar. 2772, appartient à une tradition textuelle différente de celle dont témoigne le ms. du Caire, Taymür Pasa 60 tabi'iyyat (remontant au IX* s. et inédit; pour ce ms., voir Ullmann 5 , p. 105 et n. 7); les autres témoins arabes de l’œuvre sont énumérés dans Ullmann 5, p. 105. Versions en latin et en hébreu. C'est à un texte semblable à celui que contient le ms. du Caire que remontent, d'une part, la traduction en latin de l’œuvre contenue dans le ms. Montpellier, Bibliothèque de l'École de Médecine 277 (éditée dans 14 V. Rose, « Aristoteles De lapidibus und Arnoldus Saxo», ZDA 18, n. F. 6, 1875, p. 384-397), et d'autre part la traduction en hébreu, rédi-

gée à la fin du XIIF s., inédite et contenue — sous une forme incomplète ou abrégée — dans au moins cinq mss, ainsi que les citations en hébreu traduites direc-

tement du texte arabe et incluses par Shem Tob Ibn Falaquera au livre III de ses Opinions des philosophes (De'ot ha-filosofim), qui date d'environ 1270: sur toute la question et sur la fortune de l’œuvre dans la littérature hébraïque médiévale, cf. 15 M. Zonta, « Mineralogy, botany and zoology in Medieval Hebrew encyclopaedias », ASPh 6, 1996, p. 272-273 n. 31, et p. 311-314. En revanche, le texte latin du De lapidibus contenu dans le ms. de Liège, Bibliothèque de l'Université 77 (édité dans Rose 14, p. 349-382, et republié dans Ruska 9 p. 183-

208), que l'on voudrait attribuer à Gérard de Crémone (cf. Peters 3, p. 61 et n. 1), paraît proche du texte arabe du ms. de Paris.

Fortune. Une liste des citations de l’œuvre dans la littérature arabe médiévale se trouve dans Ullmann 5, p. 105-107. A vrai dire, Abü Rayhän al-Birüni doutait déjà de l'attribution du De lapidibus à Aristote; et l’œuvre, malgré sa grande

fortune dans la littérature latine médiévale (cf. la bibliographie donnée dans 16 Ch. B. Schmitt et D. Knox, Pseudo-Aristoteles

Latinus: a guide to Latin

654

ARISTOTE DE STAGIRE

works falsely attributed to Aristotle before 1500, coll. « Warburg Institute surveys and texts » 12, London 1985, p. 37-39) n'a, de toutes fagons, jamais fait partie du Corpus Aristotelicum latin en usage dans les écoles. MAURO ZONTA.

IV. CICERON

123

CICERO (MARCUS TULLIUS) père RE 29

106-43

PLAN DE LA NOTICE

Biographie Iconographie Instrumenta studiorum (Inst.) Le probléme des sources chez Cicéron De senectute (Sen.) De amicitia (Amic.) Les Academica

De finibus (Fin.) Tusculanes (Tusc.) De Officiis (ΟΕ) De natura deorum, De divinatione, De fato De Republica (Rep.) De Legibus (Leg.) Paradoxa (Parad.) Philosophica (Philos.) Hortensius (Hont.) Traités rhétoriques (Rhet.) Discours (Orat.)

II, 365-373 II, 393-395 659-660 II, 373-377 661-662 663-665 II, 377-382

666-670 671-675 676-679 Il, 382-393 680-687 687-697 698-703 704-715 716-719 720-731 732-741

INSTRUMENTA STUDIORUM Indices. 1 H. Merguet, Lexikon zu den Reden des Cicero, 4 vol., lena 1877-

1884; 2 H. Merguet, Lexikon zu den philosophischen Schriften Ciceros, 3 vol., lena 1887-1894; 3 W. A. Oldfather, H. V. Canter, K. M. Abbott, Index uerborum Ciceronis epistularum, Urbana 1938; 4 J. W. Spaeth, Index uerborum Ciceronis poeticorum fragmentorum, Urbana 1955; 5 K. M. Abbott, W. A. Oldfather, H. V.

Canter, Index uerborum in Ciceronis Rhetorica, Urbana 1964. Ces lexiques sont complets pour les mots latins (à l'exception des noms propres); 2 Merguet donne aussi, à la fin du 3* volume (p. 915-918), les mots grecs utilisés par Cicéron dans ses œuvres philosophiques. Pour une liste complète des mots grecs employés par Cicéron, voir 6 H. J. Rose, « The Greek of Cicero», JHS 41, 1921, p. 91-116. Pour les noms propres, voir 7 J. C. Orelli, J. G. Baiter, Onomasticon Tullianum, 3 vol., Zürich 1836-1838 ; 8 D. R. Shackleton Bailey, Onomasticon to Cicero's speeches, 2° €d., Stuttgart 1992 ; 9 Id., Onomasticon to Cicero's letters, Stuttgart 1995 ; 10 Id., Onomasticon to Cicero's treatises, Stuttgart 1996.

Bibliographies. N.B. Aux études proprement bibliographiques, nous avons joint quelques travaux impor-

tants, qui permettront également au lecteur de s'orienter dans la vaste bibliographie cicéronienne.

11 L. Laurand, Cicéron (Volume complémentaire), Paris 1934 (p. 367-500:

bibliographie et notes bibliographiques); 12 N.I. Herescu, Bibliographie de la littérature latine, Paris 1943 (p. 69-129: Cicéron); 13 W. Allen, «A survey of selected Ciceronian bibliography, 1939-1953», CWo 47, 1954, p. 129-139; 14 S.E. Smethurst, « Cicero's rhetorical and philosophical works, 1939-1956. A bibliographical survey », CWo 51, 1957-1958, p. 1-4; 24; 32-41; Id., « Cicero's rhetorical and philosophical works, 1957-1963», CWo 58, 1964-65, p. 36-45 ; Id., « Cicero's rhetorical and philosophical works, 1964-1967», CWo 61, 1967, p. 125-133; 15 P. Boyancé, « Travaux récents sur Cicéron (1939-1958) », dans Actes du congrés de Lyon de l'Association Guillaume Budé, Paris 1960, p. 254291 (repris dans Boyancé 22, p. 36-73); 16 A. Michel, Rhétorique et philosophie chez Cicéron. Essai sur les fondements philosophiques de l'art de persuader,

Paris 1960, 752 p. (importante bibliographie p. 665-707); 17 K. Büchner, Cicero. Bestand und Wandel seiner geistigen Welt, Heidelberg 1964, 542 p. ; 18 W. Totok, Handbuch der Geschichte der Philosophie, 1: Altertum, Frankfurt am Main 1964, p. 296-310 ("Cicero") ; 19 R.J. Rowland, « A survey of selected

Ciceronian bibliography, 1953-1965 », CWo 60, 1966-1967, p. 51-65; 101-115; Id., « A survey of selected Ciceronian bibliography, 1965-1974», CWo 71, 1978, p. 289-327 ; 20 A. E. Douglas, Cicero, coll. « Greece & Rome. New surveys in the Classics» 2, Oxford 1968, reimpr. 1979, 43 p. ; 20 B. Finger, « Auswahl zu einer Cicero-Bibliographie der letzten Jahre», dans G. Radke (édit.), Cicero. Ein Mensch seiner Zeit, Berlin 1968, p. 246-259 ; 22 P. Boyancé, Études sur l'humanisme cicéronien, Bruxelles 1970, 352 p. ; 23 A. Michel, «Cicéron et les

660

DICTIONNAIRE DES PHILOSOPHES ANTIQUES

grands courants de la philosophie antique: problèmes généraux (1960-1970)», Lustrum 16, 1971-72, p. 81-103; 305-306 ; 24 A. E. Douglas, «The intellectual background of Cicero's Rhetorica: a study in method», ANRW I 3, 1973, p. 95138 (p. 132-138: bibliographie des traités de rhétorique depuis 1945); 25 L. Perelli,

« Rassegna di studi sul pensiero politico ciceroniano (1970-1984) »,

BStudLat 15, 1985, p. 51-84; 26 P. MacKendrick, The philosophical books of Cicero, London

1989, 429 p. ; 27 C. Lévy, Cicero Academicus. Recherches sur

les Académiques et sur la philosophie cicéronienne, Paris 1992, 697 p. ; 28 G. Gawlick, W. Górler, dans GGP, Antike 4, 1994, p. 991-1168 (la bibliographie la plus complète et la plus à jour des œuvres philosophiques de Cicéron; remarquable instrument de travail, de consultation indispensable); 29 J.G. F. Powell

(édit.), Cicero the philosopher. Twelve papers, Oxford 1995, XV11-360 p. Chronologie. 30 N. Marinone, Cronologia ciceroniana, Roma 1997, 490 p.

FRANQOIS GUILLAUMONT.

CATO MAIOR DE SENECTUTE

Principales éditions et traductions. 1 K. Simbeck Tulli Ciceronis scripta quae manserunt omnia, fasc. recognouit K. S.; De gloria, recognouit O. P., coll. BT, typa ed. prioris, Stuttgart 1997), vIII-96 p. (p. 1-43: Falconer (édit.), Cicero,

et O. Plasberg (édit.), M. 47: Cato Maior-Laelius, Leipzig 1917 (ed. stereoDe senectute) ; 2 W. A.

De senectute, De amicitia, De diuinatione,

with an

English translation, coll. LCL, 1923, 568 p. (p. 1-99: De senectute); 3 H. Herter (édit.), M. Tullius Cicero, Cato Maior, coll. « Heidelberger Texte», Lateinische Reihe, Bd 19, Heidelberg 1949, 71 p.; 4 P. Venini (édit.), M. Tulli Ciceronis

Cato Maior de senectute, Laelius de amicitia, coll. «Corpus

Paravianum»,

Torino 1959, XXXV-99 p. (p. 1-42: De senectute); 5 P. Wuilleumier (édit.), Cicéron, Caton l'Ancien (De la vieillesse), CUF, Paris 1961, 139 p. (p. 82-135 doubles) ; 6 M. Faltner (édit.), M. Tulli Ciceronis Cato Maior de senectute, Lateinisch-Deutsch, coll. « Tusculum », München 1963, 197 p. (une nouvelle édition,

avec le Laelius, est parue en 1988, puis 1993; l'annotation et la bibliographie y sont réduites) ; 7 M. Bonaria (édit.), M. Tulli Ciceronis Cato Maior de senectute, Milano 1968, 87 p.; 8 E. Narducci et con introd. e note di E. N., trad. di C. p. ; 9 N. Flocchini (édit.), Cicerone, trad. e note, Milano 1987, 176 p.; 10

C. Saggio (édit.), Cicerone, La vecchiezza, S., testo latino a fronte, Milano 1983, 243 Catone il vecchio. La vecchiaia, introd., J. G. F. Powell (édit.), Cicero, Cato Maior

de senectute, ed. with introduction and commentary, Cambridge 1988, 298 p. Pour les éditions et traductions plus anciennes, voir Wuilleumier 5, p. 70-71. Date et analyse. Pour la rédaction du Cato Maior, un terminus ante quem est fourni par une lettre à Atticus (»*A 505), du 11 mai 44, dans laquelle Cicéron écrit: «Il me faut lire assidüment le Cato Maior, que je t'ai dédié, car la vieillesse m'aigrit; tout me donne de la bile» (Art. XIV 21, 3: Legendus mihi saepius est Cato Maior ad te missus ; amariorem enim me senectus facit ; stomachor omnia). Le traité est-il antérieur ou postérieur à la mort de César(»*C 8) ? Les avis

divergent sur ce point, mais la plupart des commentateurs penchent pour la première hypothèse. En effet, le De senectute est mentionné, comme

une œuvre

récente, dans la préface au De diuinatione, livre II, écrite sans doute peu de temps après les Ides de mars. D'autre part le début du traité (Cato 1) semble faire allusion à la dictature césarienne. I] faudrait donc dater le De senectute des tout premiers mois de 44, ou des tout derniers mois de 45. Cicéron se propose d'alléger le fardeau de la vieillesse pour son ami Atticus et aussi pour lui-même (Cato 1-2). Atticus, le dédicataire, qui était de trois ans

l'ainé de Cicéron, semble avoir beaucoup apprécié le De senectute (voir Att. XVI 3, 1, du 17 juillet 44, et Art. XVI 11, 3, du 5 novembre 44). Le dialogue, situé en 150, met en scène Caton l’Ancien (»*C 58), alors âgé de 84 ans, Scipion Émilien et son ami Laelius. Apres la dédicace à Atticus (88 1-3) et l'introduction du dia-

logue (88 4-14), Caton réfute successivement quatre griefs que l'on peut formuler contre la vieillesse: elle nous détournerait des affaires (88 15-26), elle affai-

662

CICERO (MARCUS TULLIUS)

blirait le corps ($8 27-38), elle nous priverait de tous les plaisirs ($8 39-66), elle nous rapproche de la mort ($8 66-85). Il termine en affirmant sa croyance en

l'immortalité de l'áme ($$ 77-85). Orientation bibliographique. Pour une introduction à l'étude du De senectufe, on consultera, outre les notices des éditions citées plus haut (notamment celles de Wuilleumier 5 et Powell 10), 11 A. Michel, «Le Caton et le Laelius: originalité philosophique et expérience personnelle dans deux traités cicéroniens », VL 85, 1982, p. 12-18. L'importante notice de Narducci 8 a été reprise, avec quelques modifications, dans 12 E. N., Modelli etici e società. Un'idea di Cicerone, Pisa 1989, 279 p. (p. 13-78: «Il Caro Maior, o la vecchiezza dell' aristocrazia romana »). Sur la vieillesse et les vieillards dans le monde antique, voir maintenant 13 U. Mattioli (édit.), Senectus. La vecchiaia nel mondo classico, Bologna 1995, vol. I: Grecia, XXIV-487 p.; vol. II: Roma, 392 p. (voir notamment p. 183-238: «Da Cicerone a Seneca», par O. Fuà). Voir aussi 14 C. Gnilka, art. « Greisenalter», RAC XII, 1983, col. 995-1094 ; 15 T.M. Falkner et J. De Luce (édit.), Old age in Greek and Latin literature, New York 1989, xv-

260 p. (recueil d'études dont aucune ne concerne directement le Cato Maior), et la bibliographie de 16 W. Suder, Geras. Old age in Greco-Roman antiquity. A classified bibliography, Wroclaw 1991, 169 p. (livres et articles y sont classés selon l'ordre alphabétique des noms d'auteurs; index thématique en fin de volume). La figure de Caton l' Ancien dans l’œuvre de Cicéron a fait l'objet de plusieurs travaux : voir notamment 17 E. de Saint-Denis, «Caton l’Ancien vu par Cicéron», IL 8, 1956, p. 93-100; 18 U. Kammer, Untersuchungen zu Ciceros Bild von Cato Censorius, Frankfurt am Main 1963, 177 p. Sur le péripatéticien Ariston de Céos, auteur d'un traité sur la vieillesse (voir Cato 3), dont Cicéron a

pu s'inspirer, voir 19 F. Caujolle-Zaslawsky et R. Goulet, art. «Ariston de Céos » A 396, DPhA I, p. 398-400. Signalons enfin que la traduction grecque du Cato Maior par Théodore Gaza (XV* siècle) a fait l'objet d'une édition récente due à G. Salanitro (20 Theodorus

Gaza, M. Tullii Ciceronis liber de senectute in Graecum translatus, ed. I. Salanitro, coll. BT, Leipzig 1987, XXV1-146 p.). Pour une bibliographie plus complète, voir Wuilleumier 5, p. 70-79; 21 G. Gawlick et W. Górler, dans GGP, Antike 4, p. 1004-1005;

1078-1079 ; 1158-

1159. FRANÇOIS

GUILLAUMONT.

LAELIUS DE AMICITIA Principales éditions, traductions et commentaires. 22 M. Seyffert (édit.), M. Tulli Ciceronis Laelius de amicitia dialogus, mit einem Kommentar bearbei-

tet von M.S., 2. Auflage besorgt von C. F.

W. Müller, Leipzig 1876, 590 p.

(commentaire important);23 J. S. Reid (édit.), M. Tulli Ciceronis Laelius de

amicítia, Cambridge 1879, 170 p. (annotation trés utile); K. Simbeck 1 (p. 4486: De amicitia); W. A. Falconer 2 (p. 101-211: De amicitia); 24 L. Laurand

(édit.), Cicéron, L'amitié, CUF,

Paris 1928, XXV1-57 p. (p. 3-55 doubles);

P. Venini 4 (p. 43-90: De amicitia) ; 25 M. Faltner (édit.), M. Tulli Ciceronis

Laelius de amicitia, Lateinisch-Deutsch, coll. « Tusculum », München 1966 (2* éd.), 207 p. (une nouvelle édition, avec le Cato Maior, est parue en 1988, puis 1993; l'annotation et la bibliographie y sont réduites); 26 R. Combès (édit.), Cicéron, L'amitié, CUF, Paris, 1” éd. 1971, 4° éd. 1993, LXXVIH-69 p. (p. 2-62 doubles);27 P. Fedeli (édit.), M. Tulli Ciceronis Laelius de amicitia, Milano

1971, 125 p.; 28 K. A. Neuhausen (comm.), M. Tullius Cicero, Laelius, Einleitung und Kommentar, Heidelberg, Lieferung 1, 1981 ; Lieferung 2, 1985; Lieferung 3, 1992 (Neuhausen n'édite pas le texte, mais en donne un commentaire trés détaillé ; les fascicules parus contiennent une longue introduction et le commentaire des $8 1 à 10); 29 N. Flocchini (édit.), Cicerone, Lelio. L'amicizia, introd., trad. e note, Milano 1987, 184 p.;30 J. G. F. Powell (édit.), Cicero,

Laelius, On friendship (Laelius de amicitia) and the Dream of Scipio (Somnium Scipionis), edited with introduction, translation and commentary, Warminster 1990, 176 p. Date et analyse. Le De amicitia a certainement été rédigé au cours de l'année 44: il est postérieur au De senectute, auquel il fait référence (Lael. 4-5 ; cf. 11), et antérieur au De officiis, qui le cite (off. IL 31); les deux premiers livres du De officiis ont été terminés avant le 5 novembre 44 (Arr. XVI

11, 4). Comme Cicé-

ron ne mentionne jamais expressément le Laelius dans les lettres à Atticus, on suppose qu'il a été composé à un moment oü les deux amis se trouvaient ensem-

ble à Rome. Ainsi 31 R. Philippson, art. «M. Tullius Cicero », RE VII A 1, 1939, col. 1164, plagait sa rédaction dans la période qui va du 15 mars au 7 mai 44. Combès 26 (p. VII-XI) a montré qu'il a plus probablement été écrit durant le séjour que Cicéron fit à Rome en septembre et octobre 44. La lettre à Atticus du 5 novembre fait sans doute allusion à l'ultime révision du Laelius, précédant sa publication (Arr. XVI 11, 3; voir 32 J. Beaujeu, dans Cicéron, Correspondance, CUF, t. X, Paris 1991, p. 247). Comme le Cato Maior, avec lequel il présente de nombreux points communs, le Laelius est dédié à Atticus, qui aurait invité Cicéron à écrire sur l'amitié (Lael. 4). C'est à nouveau un dialogue, situé en 129, quelques jours aprés la mort de Scipion Émilien, le second Africain. C. Laelius, qui vient de perdre son meilleur ami en la personne de Scipion, expose sa conception de l'amitié en présence de ses deux gendres, C. Fannius (»*F 6) et Q. Mucius

Scaevola l'augure. Leur

664

CICERO (MARCUS TULLIUS)

entretien, donné pour historique, aurait beaucoup plus tard été rapporté au jeune Cicéron par son maitre Scaevola (Lael. 1-3).

La composition du Laelius est loin d'avoir la netteté de celle du Cato Maior. La demande formulée par Fannius au $16 semble indiquer un plan: dis-nous «ce que tu penses de l'amitié, quelles qualités tu lui accordes, quelles régles tu donnes pour elle» (Lael. 16: quid sentias, qualem existumes, quae praecepta des. Pour cette division, comparer Aristote, Éthique à Eudème VII 1, 1234b 1821 ; Panétius, dans le De finibus IV 23). Pourtant, si les $8 17-24 correspondent à

la question quid sentias, il est difficile de retrouver les deux autres questions dans la suite du dialogue ; parmi les diverses solutions qui ont été proposées, aucune n'est vraiment satisfaisante. Il est donc préférable de considérer, avec Combès 26, p. XXVIII-XXIX, que Laelius n'adopte pas le plan qui lui a été suggéré ; cela correspond à la nature de son exposé, qui est une exhortation de caractere oratoire et non une disputatio de caractère technique (Lael. 17). Selon Combès 26, p. XXVIN-XXXVIIl, Laelius, apres avoir donné son point de vue sur l'amitié (8 17-24), parlera de l'origine (8$ 25-32), puis de la conservation de

l'amitié ($ 33-100). Contre les théories utilitaristes, Cicéron souligne principalement le caractère désintéressé de l'amitié. Orientation bibliographique. Sur le théme de l'amitié, voir 33 J.-C. Fraisse, Philia. La notion d'amitié dans la philosophie antique, Paris 1974, 504 p. Pour un cadre plus large, voir 34 A.-J. Voelke, Les rapports avec autrui dans la philosophie grecque, d'Aristote à Panétius, Paris 1961, 206 p. Voir aussi 35 K. Treu, art. «Freundschaft», RAC VIII, 1972, col. 418-434 ; 36 L.F. Pizzolato, L'idea di amicizia nel mondo antico classico e cristiano, Torino 1993, X-356p. Sur la

notion romaine d’amicitia, voir notamment 37 P. A. Brunt, « Amicitia in the late Roman republic », PCPhS n.s. 11, 1965, p. 1-20 (repris dans R. Seager [édit.],

The crisis of the Roman republic, Cambridge 1969, p. 199-218). Une abondante bibliographie sur amicitia et amicus a été réunie par 38 V. Reichmann dans O. Hiltbrunner (édit.), Bibliographie zur lateinischen Wortforschung, t. II, Adeoatrocitas, Bern/München 1984, p. 171-201.

Sur le Laelius, voir 39 K. Bringmann, Untersuchungen zum späten Cicero, Göttingen

1971, p. 206-228 ("Laelius de amicitia"); Michel 11; Narducci

12,

p. 79-110 ("Le ambiguità della amicitia"). 40 Maria Bellincioni, Struttura e pensiero del Laelius ciceroniano, Brescia 1970, 254 p., fait clairement le point sur les questions controversées (sources, structure, datation du Laelius); puis elle

étudie la conception cicéronienne de l'amitié, qui découle à la fois de la spéculation philosophique grecque et de la mentalité romaine traditionnelle. Le méme savant a, d'autre part, édité deux textes dont le sujet est proche de celui du Laelius, la lettre de Cicéron au césarien Matius et la réponse de ce dernier: voir 41 M. Bellincioni (édit.), M. Tullio Cicerone, Ad familiares, 11, 27 e 28, Cicerone e Mazio, testo, introduzione, versione e commento Brescia 1970, 123 p. Sur

ces lettres célébres, voir maintenant Beaujeu 32, p. 33-35 ; 42 M. Griffin, « From

Aristotle to Atticus: Cicero and Matius on friendship», dans J. Barnes et M.

DE AMICITIA

665

Griffin (édit.), Philosophia togata, t. 11: Plato and Aristotle at Rome, Oxford 1997, p. 86-109. Différents travaux, surtout à date ancienne, relévent de la Quellenforschung. La “recherche des sources" s'est orientée dans deux directions principales. Pour les uns, Cicéron s'est inspiré d'un traité péripatéticien, probablement le traité de Théophraste sur l'amitié, qu' Aulu-Gelle considérait déjà comme une source du Laelius (Nuits attiques I 3, 11): voir 43 F. Scheuerpflug, Quaestiones Laelianae, lena 1914, 57 p.; 44 H. Hommel, «Cicero und der Peripatos», Gymnasium 62, 1955, p. 319-334 (repris dans Symbola, Band I, Kleine Schriften zur Literaturund Kulturgeschichte der Antike, éd. B. Gladigow, HildesheimNew York 1976,

p. 290-307). Pour d'autres, la source principale du De amicitia serait une œuvre du stoicien Panétius, qui aurait lui-méme intégré des apports péripatéticiens : voir surtout le livre important de 45 F. A. Steinmetz, Die Freundschaftslehre des Panaitios nach einer Analyse von Ciceros "Laelius de amicitia", Wiesbaden 1967, x11-225 p. De son côté 46 M. Giusta a tenté de montrer l'influence de la

tradition doxographique sur le Laelius (1 dossografi di etica, t. II, Torino 1967, p. 505-516). En cette matière une certaine prudence s'impose, comme le notait déjà Laurand 24, p. VI: «On se représente Cicéron asservi à un texte qu'il ne quitte des yeux que pour en chercher un autre; on suppose qu'il n'a jamais pu trouver une idée par lui-méme; on oublie que le sujet dont il parle lui était familier depuis longtemps, qu'il s'en était entretenu, soit avec les philosophes ses amis, soit avec Atticus, enfin, que, dans ses vastes lectures, il avait rencontré souvent des pensécs qui s'y rapportaient plus ou moins directement. » Sur les rapports avec l'épicurisme, voir Bellincioni 40, p. 147-177 ; 47 T. Gargiulo, « Aspetti politici della polemica antiepicurea di Cicerone. Il Laelius de amicitia », Elenchos, 1, 1980, p. 292-332; 48 A. Grilli, «Sull'amicizia epicurea

nel Laelius », Elenchos, 5, 1984, p. 221-224. Sur l'influence du Laelius, voir Combès 26, p. LVI-LVIII. Nous signalerons

que pour 49 E. Gilson, La théologie mystique de saint Bernard, Paris 1934, p. 20-24 et passim, le De amicitia aurait exercé une influence sur la mystique cistercienne. Pour une bibliographie plus complete, voir Combes 26, p. LXIX-LXXIII; Neuhausen 28, p. 4-17; 108-109; Gawlick et Górler 21, p. 1005; 1079; 11581159. FRANCOIS

GUILLAUMONT.

DE FINIBUS

Éditions et commentaires. L'édition commentée de 1 J. N. Madvig, De finibus bonorum et malorum quinque, Copenhague 1839, réimpr. Hildesheim, 1965, reste à bien des égards indispensable. L'édition avec traduction de 2 J. Martha, Des termes extrémes des biens et des maux, CUF,

2 vol., Paris 1928-1930, a été

revue et corrigée par C. Lévy, t. I, 1990; par C. Rambaux, t. II, 1989. En anglais, nous disposons de l'édition avec traduction de 3 H. Rackam, De finibus bonorum et malorum, coll. LCL, London 1914, et des éditions partielles, avec introduction et commentaire, de 4 1.5. Reid, De finibus bonorum et malorum libri, 1, II, Cambridge 1925 (réimpr. Hildesheim 1968), et de 5 M.R. Wright, On stoic good and evil. De finibus bonorum et malorum liber Ill and Paradoxa Stoicorum, Warminster, 1991. En allemand, on se référera aux éditions-traductions de

6 O. Gigon et Laila Straume-Zimmermann, Über die Ziele des menschlichen Handeins, coll.

« Tusculum », Zürich/München

1988 (avec introd. et commen-

taire) et de 7 H. Merklin, De finibus bonorum et malorum. Über dans höchste

Gut und das grösste Übel, Stuttgart 1989. Études critiques. 8 A. Lórcher, Das Fremde und das Eigene in Ciceros Büchern De finibus bonorum et malorum und den Academica, Halle 1911; 9 M.N. P. Packer, Cicero's Presentation of Epicurean Ethics, New York 1938; 10 A. Lueder, Die philosophische Persönlichkeit des Antiochos von Askalon, Göttingen 1940; 11 F. Giancotti, « Profilo interiore nel De finibus », dans Atti del I congresso internazionale di studi ciceroniani, Roma 1961, p. 223-244 ; 12 G. D'Anna, La polemica antiepicurea nel De finibus di Cicerone, Roma

1962 ; 13 M. Giusta, / dossografi di etica, 2 vol., Torino 1964-1967, passim ; 14 A. Michel, « À propos du souverain bien. Cicéron et le dialogue des écoles philosophiques », dans Hommage à M. Renard, I, Bruxelles 1969; 15 J. Pépin, Idées grecques sur l'homme et sur Dieu, Paris 1971 ; 16 D. Pesce, L'etica stoica nel terzo libro del De finibus, Brescia 1977 ; 17 J. Glucker, Antiochus and the

Late Academy, Göttingen 1978 ; 18 C. Lévy, «La dialectique de Cicéron dans les livres II et IV du De finibus», REL 62, 1984, p. 111-127; 19 J. Brunschwig, « The Cradle Argument in Epicureanism and Stoicism », dans 20 The Norms of Nature,

M.

Schofield

et G.

Striker (édit.), Cambridge

1986

(repris dans

19a Études sur les philosophies hellénistiques, Paris 1995, p. 69-112) ; 210. Gigon, «The Peripatos in Cicero's De finibus», dans 22 W.W. Fortenbaugh et P. Steinmetz (édit.), Cicero's Knowledge of the Periparos New Brunswick/London 1989, p. 159-185; 23 M. Giusta, « Antioco di Ascalona e Carneade nel libro V del De finibus bonorum et malorum di Cicerone», Elen-

chos, 11, 1990, p. 29-49 ; 24 B. Inwood, « Rhetorica disputatio. The Strategy of De finibus Il», dans 25 M. Nussbaum (édit.), The Poetics of Therapy. Hellenistic Ethics in its Rhetorical and Litterary context, Edmonton 1990 ; 26 G. Magnaldi,

L'olxelwoiç peripatetica in Ario Didmo e nel De finibus di Cicerone, Firenze 1991; 27 C. Lévy, Cicero Academicus, Roma 1992, p. 377-444 ; 28 M.R.

DE FINIBUS

667

Wright, « Cicero on Self-Love and Love of Humanity », dans 29 J. Powell (édit.), Cicero the philosopher, Oxford 1995; 30 M. C. Stokes, «Cicero and the Epicu-

rean pleasures », dans Powell 29, p. 145-171 ; 31 G. Gawlick et W. Górler, dans GGP

4, 2, Basel

1994, p. 1039-1041 ; 1071-1072;32 C. Lévy,

«Cicéron et

l'épicurisme: la problématique de l'éloge paradoxal», dans 33 C. AuvrayAssayas et D. Delattre, Cicéron et Philodéme,

Paris 2001, p. 71-75, et J.-L.

Ferrary, « Réponse à Carlos Lévy », dans Auvray-Assayas et Delattre 33, p. 7784. 1. Élaboration de l'œuvre

Dans la préface du philosophie est fondée épuisé ce sujet en cinq sophe soutenait et ce

second livre du De diuinatione (II sur «les fins des biens et des maux livres, afin que l'on püt comprendre qu'on lui objectait». La question

2), Cicéron dit que la » et il ajoute qu’il «a ce que chaque philodemeure ouverte de

savoir si, dés le début, Cicéron a eu une conscience claire de ce qu'allait étre

l'architecture de son œuvre philosophique. Sur ce probléme, cf. 34 A. Grilli, «Il piano

delli scritti filosofici

di Cicerone », RSF,

26,

1971,

p. 302-305; 35 P.

Steinmetz, « Plan und Plünnerung der philosophischen Schriften Ciceros », dans Beitrüge zur hellenistischen Literatur und ihrer Rezeption in Rom, Stuttgart 1990, p. 141-153. On constate, en tout cas, que les premières allusions dans la

correspondance concernent uniquement la partie épicurienne de l’œuvre. Dans Att. XII 12, du 16 mars 45, il semble accepter — non sans réticence - la suggestion d'Atticus (®+A 505) de confier la présentation de l'épicurisme à un personnage vivant, ce qu'il ne fera pas finalement puisque le róle sera attribué à un pompéien décédé lors de la guerre civile, L. Manlius Torquatus. Par ailleurs, on sait que, tout en préparant l'œuvre téléologique, Cicéron travaille intensément à la préparation des Académiques. Le 29 mai, il annonce (Arr. XIII 32) à son ami l'arrivée du Torquatus - titre qui désigne trés vraisemblablement l'exposé épicurien et sa réfutation — précédé par les deux livres académiques, le Catullus et le Lucullus. Divers indices dans la correspondance (cf. 36 J. Beaujeu, Cicéron. Correspondance, t. VII, CUF, Paris 1983, p. 309) montrent que Cicéron a continué à se documenter aupres d' Átticus pour la rédaction du De finibus. Il est fait mention de l’œuvre dans la lettre à Atticus XIII 12, 3, du 23 juin 45, sous le titre

Περὶ τελῶν σύνταξις. Cicéron y affirme qu'il est très satisfait de ces dialogues et qu'il accepte de les dédier à Brutus (»+B 63), comme le lui avait suggéré Atticus. Le 29 il annonce à son ami (Att. XIII 19, 4) qu'il a terminé le Περὶ

τελῶν et il lui précise la répartition des rôles : L. Torquatus pour l'épicurisme, M. Caton (»*C 59) pour le stoicisme, M. Pison pour la doctrine péripatéticienne. 2. Composition du "De finibus" Nous avons vu que Cicéron a défini lui-même son œuvre comme une succession de disputationes in utramque partem, juxtaposant l'exposé de chacune des grandes doctrines éthiques hellénistiques et sa réfutation. Une telle présentation pose le probléme de ce qui fait l'unité d'un tel ensemble et la difficulté est rendue d'autant plus grande par les variations dans les personnages et la mise en

668

CICERO (MARCUS TULLIUS)

scene de ces dialogues. Les livres I et II, qui contiennent l'exposé de l'épicurisme et sa réfutation sont censés reproduire un dialogue qui aurait eu lieu entre l'épicurien L. Manlius Torquatus et Cicéron en 50 av. J.-C. dans la propriété de Cicéron à Cumes. Un autre ami de Cicéron, C. Valerius Triarius, y est également présent, mais il s'exprime trés peu et représente le jugement sévére d'un Romain de tradition devant les maximes épicuriennes. Dans livres III et IV les interlocuteurs sont le stoicien M. Porcius Caton et Cicéron. Le cadre de la conversation, datée de 52, est la bibliothèque du jeune Lucullus à Tusculum. Les personnages du livre V sont le péripatéticien M. Pupius Pison et Cicéron. Le lieu du dialogue est l’Académie d'Athènes, où les deux personnages se trouvaient en 79 pour suivre l'enseignement d' Antiochus d'Ascalon (**A 200).

L'élément d'unité le plus apparent est donc la présence constante de Cicéron qui soumet à la critique chacun des grands systémes, concrétisant ainsi ce qui représente pour lui l'essence méme de la philosophie néoacadémicienne dont il se réclame. Mais on remarquera aussi que les lieux et les dates des dialogues ont leur importance. La conversation avec l'épicurien se déroule dans une villa, lieu d'otium ; celle avec le stoicien également dans une villa, mais à l'intérieur de Ia bibliothèque, lieu d'étude; celle avec Pison dans l’Académie, lieu par excellence de la philosophie. Cette montée de l’œuvre vers l'Académie est aussi, comme l'a souligné Giancotti 11, p. 225, une remontée dans le temps, symbolisée par la date fictive de chacun des dialogues : le plus récent est celui consacré à l'épicurisme, doctrine que Cicéron apprécie le moins; le plus ancien celui où il est question de l'éthique académico-péripatécienne, qui apparait dans le De finibus comme la plus vraisemblable. Autre élément significatif : alors que l'exposé et sa réfutation font l'objet de deux livres distincts pour ce qui concerne l'épicurisme et le stoicisme, la doctrine académico-péripatéticienne et les critiques qui lui sont adressées par Cicéron sont réunies dans un même livre, qui associe ainsi les deux aspects de la philosophie de l' Académie: le dogmatisme, représenté par Pison, et l'attitude critique qu'incarne Cicéron. Livre I: Progmium (1-12) adressé à Brutus et destiné à justifier le projet cicéronien d'écrire des œuvres philosophiques en latin. Préambule du dialogue (13-16). Réquisitoire de Cicéron contre la physique, la logique et l'éthique épicuriennes (17-26). La réponse de Torquatus ne concerne que la morale: le plaisir est la fin supréme (29-42) ; toutes les vertus ont pour fondement la recherche du plaisir (43-54) ; supériorité des plaisirs de l’âme et tableau du bonheur épicurien (55-61); la physique comme fondement de la logique et de l'éthique (62-64) ; l'amitie épicurienne (65-70). Livre II: Cicéron reproche à Épicure de ne pas avoir défini le plaisir : sens commun du terme ou absence de douleur (6-16); le souverain bien épicurien s'identifie tantót au sensua-

lisme tantôt à l'absence de douleur (18-35); c'est sur la raison que doit être fondée l'éthique (36-44) ; les vertus et le véritable bonheur ne sont pas compatibles avec la théorie du plaisir (45-85) ; observations complémentaires sur le discours de Torquatus : problèmes de la durée du bonheur et de la douleur (86-110) ; l'épicurisme est une doctrine dangereuse, qui ne correspond pas à la véritable nature de l'homme (111-119). Livre lE: Préambule sur la traduction en latin des termes philosophiques et discussion avec Caton sur l'originalité du stoicisme (1-16) ; probléme du passage de la tendance primitive

à la fin supréme (17-22); le caractére absolu de la sagesse n'implique pas l'indifférence (2339); originalité du Portique par rapport au Lycée (41-48) ; à propos des indifférents et des pré-

DE FINIBUS

669

férables (50-61): la société humaine et l'amitié (62-71) ; la dialectique et la physique sont des vertus (72-73). Livre IV : Préambule et présentation de l’œuvre des académico-péripatéticiens (1-12) ; leur

éthique : vivre selon la nature, en tenant compte du fait que l'homme est fait d'une áme et d'un corps (14-18); l'originalité des Stoiciens est seulement terminologique (19-23) ; le stoicisme aboutit à l'indifférentisme (24-48) ; caractère aberrant des syllogismes et des paradoxes stoiciens (49-55) ; ou bien les Stoiciens n'ont apporté que des innovations terminologiques, ou bien ils sont des indifférentistes (56-77). Livre V : Préambule dans l'Académie (1-8) ; l'apport philosophique des académico-péripatéticiens (9-14); à partir de la diuisio carneadia, choix du systéme académico-péripatéticien (16-23); l'amour de l'homme pour lui-même doit aboutir à un souverain bien intégrant le corps et l’âme (24-45) ; l'áme et le corps : les biens du corps et les vertus de l'áme, les biens extérieurs ; les emprunts faits par les philosophes stoiciens (46-75); critiques cicéroniennes sur l'instabilité du bonheur proposé par Pison (77-86) ; réponse de Pison défendant la cohérence de son systéme (86-95).

J. Problémes philosophiques

Le premier probléme que rencontre le lecteur du De finibus est l'identification de la doctrine exposée par Pison. Celui-ci nous est présenté comme un péripatéticien, disciple de Staseas de Naples, mais son discours exprime

la doctrine

d' Antiochus

d'Ascalon,

cet académicien

qui, par réaction

contre le scepticisme de l'Ancienne Académie, avait prétendu retrouver une doctrine qu'il affirmait commune à l'Ancienne Académie et au Lycée. Le fait qu'Antiochus

soit la source de Fin. V n'est contesté que par Giusta 13, t. I,

p. 74-100, pour qui Cicéron se serait servi d'un ouvrage doxographique. Le caractère artificiel de la doctrine exposée dans le dernier livre incite à s'interroger sur l'authenticité des systémes exposés. Le De finibus est en effet

construit sur le postulat de la diuisio carneadia, classification élaborée à des fins dialectiques par le néoacadémicien Carnéade (»*C 42), qui prétendait que dans l'immense majorité des doctrines éthiques il y a une relation nécessaire entre l'obxe(ootc et le τέλος : l'homme recherche comme fin ce qui a été l'objet de sa premiere pulsion naturelle. Or il a été montré, notamment par 37 M. Pohlenz, Grundfragen der stoischen Philosophie, Göttingen 1940, p. 1-47 - pour une tentative récente de réhabiliter la thése contraire, cf. Magnaldi 26 — que, contrairernent à ce qu'affirme Pison dans Fin. V, la notion d'oixeluatç n'existait pas

dans la philosophie de l' Ancienne Académie ni dans celle du Lycée. En ce qui concerne l'épicurisme, s'il est vrai que l'on trouve chez Épicure un certain nombre

d'énoncés

relatifs

à l'expérience

du

plaisir

chez

l'enfant,

en

revanche,

comme l'a remarqué Brunschwig 19a, p. 85-86, il ne « parait pas avoir établi de rapports étroits, sur le plan causal et sur le plan chronologique, entre l'expérience du plaisir et la poursuite du plaisir ». L'exposé de Torquatus révéle donc

un état ultérieur de la doctrine marqué par les apports d'épicuriens qui ont cherché à compléter l'enseignement du maître tout en tenant compte de la manière dont le probléme téléologique était posé dans le débat philosophique marqué par la controverse entre académiciens et stoiciens.

670

CICERO (MARCUS TULLIUS)

Cette uniformisation que l'on constate dans l'exposition des doctrines est encore plus manifeste dans les critiques que leur adresse Cicéron. Comme nous l'avons montré ailleurs (Lévy 18), la réfutation du stoicisme et celle de l'épicurisme sont construites sur un méme modèle. Dans les deux cas, en effet, Cicéron cherche à montrer que, loin de retrouver dans le τέλος l'objet de la pulsion premiere, les dogmatiques aboutissent à deux définitions du souverain bien contradictoires et entre lesquelles ils sont incapables de choisir: plaisir cinétique et absence de douleur, pour les épicuriens; prima naturae et indifférence absolue, pour les stoiciens. Les académico-péripatéticiens (dans la version de leur philosophie donnée par Antiochus) n'encourent pas le méme reproche d'incohérence aux yeux de Cicéron, mais il leur fait grief d'avoir relativisé le bonheur en le conditionnant à des facteurs extérieurs à la vertu. L'cuvre s'achéve, en fait, sur

l'opposition entre deux logiques: Pison tient compte de ce qu'est réellement l'homme, mais il propose précisément une morale trop humaine, en ce sens qu'elle ne soustrait pas le souverain bien aux aléas de la fortune. En revanche, les stoiciens ont une anthropologie erronée, mais ils ont su garder au τέλος son caractère d'absolu. A quoi donc aboutit la réflexion cicéronienne dans le De finibus? D'abord à la conclusion — évidemment néoacadémicienne — que la recherche doit se poursuivre, étant donné qu'aucune des solutions envisagées n'a été jugée pleinement satisfaisante. Mais on remarquera que le naturalisme éthique commun aux systémes hellénistiques s'est trouvé lui-même mis en cause, puisqu'il a été impossible de fonder le τέλος sur le principe de l'oixelwoiç. Il n'est pas indifférent à cet égard de noter que Platon, quasiment absent du De finibus, est, au contraire, trés présent dans les Tusculanes, qui permettent précisément de dépasser les apories rencontrées dans le traité téléologique. CARLOS LÉVY.

TUSCULANES

Éditions et commentaires. 1 Tusculanarum disputationum libri V, O. Heine éd., 2 vol., Leipzig 1864; 2 Tusculanarum disputationum libri V, coll. BT Leipzig/Berlin 1912, (texte de l'éd. Heine, comm. de M. Pohlenz. L'édition ne comprend en fait que les deux premiers livres); 3 Tusculanae disputationes, ed. M.

Pohlenz, coll. BT, Leipzig

1918 et Stuttgart

19657, fasc. 44 ; 4 Tusculan

disputations, éd. trad. J. E. King, coll. LCL, London/New York 1927; 5 Tusculanes, texte établi par G. Fohlen et traduit par J. Humbert, CUF, 2 vol., Paris 1931 ; 6 Tusculanarum disputationum, éd. A. Barigazzi : 6a liber tertius, Torino 1943 (19562), 6b liber primus, Torino 1949 ; 7 Gespräche in Tusculum, éd. trad. O. Gigon, München 1951 (et Zürich 1970?) ; 8 Gespräche in Tusculum, éd. trad.

K. Büchner, Zürich 1952 (1966?) ; 9 Tusculanarum disputationum liber secundus, éd. A. Grilli, Brescia 1987; 10 Tusculanae disputationes, éd. M. Giusta, Torino 1984 ; 11a A. E. Douglas (édit.), Tusculan disputations, éd. et trad., t. I, Warminster 1985 ; 11b t. II (livres 2-5), 1990. Études critiques. 12 bus, diss. Halle, 1868; disputations, 1, 17-81», Quellen des III Buches

G. Zietschmann, De Tusculanarum disputationum fonti13 R. Miller-Jones, « Posidonius and Cicero's Tusculan CPh 18, 1923, p. 202-238 ; 14 P. Finger, «Die Beiden der Tusculanen », Philologus 84, 1929, p. 51-81; 15 R.

Philippson, « Das dritte und vierte Buch der Tusculanen », Hermes 67, 1932, p. 245-294 ; 16 K. Reinhardt, art. « Poseidonios » 3, RE XXII

1, 1953, col. 588-

926; 17 A. Michel, «Rhétorique et philosophie dans les Tusculanes », REL 39, 1961, p. 158-171; 18

P. Boyancé,

«Cicéron et le Premier

Alcibiade », REL

1964, p. 210-225 ; 19 N. Marinone, « 1] pensiero cirenaico nel libro III delle Tusculanae», RFIC 94, 1966, p. 359-388 ; 20 M. Giusta, / dossografi di etica, t. II, Torino 1967, p. 229-318; 21 L. Alfonsi, «Studi sulle Tusculanae », WS N. S., 1, 1967, p. 147-155; 22 H. Hommel, Ciceros Gebetshymnus an die Philo-

sophie. Tuskulanen, V, 5, SHAW 1968, 3; 23 P. Courcelle, «Cicéron et le précepte delphique», GIF 21, 1969, p. 109-120; 24 M. Giusta, « Due edizioni originali delle Tusculane? », AAST 103, 1969, p. 437-499 ; 25 K. Bringmann, Untersuchungen zum späten Cicero, Göttingen 1971; 26 A. M. Ioppolo, « Carneade e il terzo libro delle Tusculanae », Elenchos 1, 1980, p. 76-91 ; 27 J. Pigeaud, La maladie de l'âme : étude sur la relation de l’äme et du corps dans la tradition

médico-philosophique antique, Paris 1981; 28 A. Michel, « Humanisme et anthropologie chez Cicéron », REL 62, 1984, p. 128-142 ; 29 S. Lundstróm, Zur textkritik der Tusculanen, Uppsala 1986; 30 C. J. Classen, « Die Peripatetiker in Ciceros

Tuskulanen»,

dans

31 W.W.

Fortenbaugh

et P. Steinmetz

Cicero's knowledge of the Peripatos, New Brunswick/London,

(édit.),

1989, p. 186-

200 ; 32 J. Mansfeld, «Doxography and dialectic. The Sitz im Leben of the Placita», ANRW II 36, 4, Berlin 1990, p. 3056-3229; 33 M. Giusta, Il testo delle Tusculane, Torino 1991 ; 34 C. Lévy, Cicero Academicus, Roma 1992, p. 445-

494 ; 35 G. Gawlick et W. Górler, dans GGP 4, 2, Basel 1994, p. 1041-1043;

672

CICERO (MARCUS TULLIUS)

36

A.E. Douglas, «Form and content in the Tusculan

disputations», dans

37 J. G. F. Powell (édit.), Cicero the philosopher, Oxford 1995. 1. Élaboration de l'œuvre et tradition manuscrite

L'élaboration des Tusculanes nous est nettement moins bien connue que celle des Académiques ou du De finibus. La seule lettre oü il en soit explicitement question est Atr., XV 2, du 18 mai 44, où Cicéron se réjouit de ce qu'Atticus (»A 505) ait apprécié la première Tusculane. Cette date constitue donc le termi-

nus ante quem pour la rédaction de l’œuvre, qui fut trés vraisemblablement élaborée en méme temps que le De natura deorum. ll est généralement admis que la lettre Art. XIII 32, du 29 mai 45, dans laquelle Cicéron demande à Atticus de lui envoyer le Περὶ ψυχῆς de Théophraste, lequel sera cité en Tusc. I 24, indique la préparation des Tusculanes. Le titre apparait dans l’œuvre méme (Tusc. V 1: Quintus hic dies, Brutus, finem faciet Tusculanarum disputationum) et il est

confirmé par le catalogue du De diuinatione II 2. Cicéron s'en explique en Tusc. 14,7, oà il explique qu'il a profité de la présence de nombreux amis à Tusculum pour s'entrainer à la déclamation sur des thémes philosophiques et oser faire des cours (scholas) à la manière des maîtres grecs. Sur le sens précis de scholai et sa relation avec le genre de la diatribe, voir Douglas 36, p. 199-203. Le recueil de ces conférences fut dédié à Brutus (**B 63), comme Cicéron lui-même l'annon-

ce en V 121, en affirmant que c'est sur les vives instances de celui-ci qu'il a abordé la littérature philosophique. Comme l'a remarqué Bringmann 25, p. 191194, les Tusculanes marquent une nouvelle étape de l'itinéraire philosophique de Cicéron, puisque celui-ci, laissant quelque peu de cóté — voir cependant II 5 — le róle d'éducateur du peuple romain qu'il avait revendiqué dans ses autres traités, n'hésite plus à se poser lui-mérne en véritable maitre de philosophie. En ce qui concerne l'édition du texte, le principal débat dans ces dernières

années a été celui qui a opposé S. Lundstróm et M. Giusta: Lundstróm 29 a fortement critiqué l'établissement du texte des Tusculanes réalisé par Giusta 10. Au centre de la discussion, l'évaluation des corrections du Vaticanus 3246 (V2),

considérées comme des interpolations par Lundstróm et, en revanche, jugées dignes d'un grand intérét par M. Giusta. Bien que la démonstration de ce dernier soit sur certains points convaincante, il parait difficile de le suivre dans la totale

confiance qu’il accorde à V 2. De méme, l’hypothèse, développée par Giusta, selon laquelle les livres I et III montreraient en plusieurs endroits l'existence de deux rédactions successives se heurte à de sérieuses objections. 2. Composition des "Tusculanes"

La présentation par Cicéron lui-méme des Tusculanes comme étant la transcription d'une série de conférences incite à considérer chacun des cinq livres comme un ensemble autonome. Nous avons cherché au contraire (Lévy 34, p. 446-452) à réunir tous les éléments textuels qui incitent à considérer cette ceuvre dans une double continuité: continuité externe, puisque les Tusculanes vont apporter une réponse au probléme du souverain bien laissé sans solution

TUSCULANES

673

dans le De finibus ; continuité interne, chacun des livres constituant un maillon

dans la démonstration que le bonheur parfait du sage n'est pas un dogme qui appartienne en propre à telle ou telle école, mais un idéal inhérent à la recherche philosophique elle-même. Sénèque, dans Ep. 85, 17, dit qu'il ne faut pas confondre deux points qui doivent être établis séparément: (a) il n'y a d'autre bien que la beauté morale ; (b) la vertu suffit au bonheur. A la fin du livre V du De fini-

bus, Cicéron avait montré contre le péripatéticien Pison que (a) est le seul moyen de préserver un absolu de l'éthique. Dans les Tusculanes il apporte tous les arguments possibles en faveur de (b). Mais si la méthode démonstrative est stoicien-

ne, tout comme le sont de trés nombreux arguments — ce qui explique que les Tusculanes aient été si souvent interprétées comme une œuvre stoïcienne — leur inspiration n'est pas celle du Portique, car Cicéron n'accepte ni la prétention des stoiciens à détenir la vérité, ni le caractère systématique de leur éthique. Livre 1: Proæwmium : nécessité de créer une littérature philosophique romaine et mise en scène des disputationes (1-8). Partie dialectique où maitre et disciple discutent sur le thème choisi : la mort est-elle un mal? (9-17). Abandon de la dialectique au profit de la doxographie sur la définition de l'áme (18-25). Première possibilité : l'áme est immortelle ; arguments pla-

toniciens, et réfutation non seulement des épicuriens, mais aussi des stoiciens, pour qui la survie de l'âme est limitée (19-81). Deuxième possibilité : l'âme est mortelle ; dans ce cas elle ne peut souffrir, puisqu'elle n'existe plus (82-112). Éloge de la mort (112-120). Livre II: Prooemium: il faut que les Romains aient une littérature philosophique autre que celle des épicuriens (1-13). Sur le thème choisi, «la douleur est-elle un mal ?», réfutation de ceux (hédonistes, poètes) qui la considèrent comme telle et critique de Zénon qui croit pouvoir régler le probléme par des syllogismes (14-31). Pratique de la préparation à la douleur (3541). Recours à la raison philosophique. Exemple de la résistance à la douleur du stoicien Posidonius. Seule une certa ratio peut assurer durablement la lutte contre la douleur (42-66). Livre III : Prooemium: La philosophie comme médecine de l’âme (1-6). Thème choisi : le sage est-il inaccessible au chagrin ? L'étymologie d'insania montre que les Romains ont considéré avant Socrate la passion comme une folie (7-12). Démonstration à la manière stoicienne (14-21). Passage à une démonstration de caractère plus oratoire, avec réfutation des

théses d'Épicure (il faut évoquer des biens par le souvenir) et des cyrénaiques (pour qu'il y ait chagrin, il faut que le mal soit inattendu) (22-54). Justification contre Carnéade de la méthode de consolation par analogie (55-60). Critique du róle de la volonté dans le chagrin et de la thése péripatéticienne des passions moyennes (61-75). Définition d'une méthode de consolation (76-80).

Livre IV : Proemium : histoire du développement de la philosophie à Rome (1-7). Sur le thème : «le sage est-il inaccessible aux passions 7», Cicéron conserve la division platonicienne de l'âme, mais expose la théorie stoicienne de la passion (11-33). Passage à une démonstration de caractère plus oratoire et critique de la théorie péripatéticienne des passions moyennes (37-57). Les différentes méthodes de traitement de la passion (59-81). Conclusion:

toutes les passions procèdent de l'opinion et de la volonté (82-84). Livre V: Prooemium : Éloge de la philosophie et brève histoire de la philosophie depuis les Sept sages jusqu'à la Nouvelle Académie (1-11). Le maitre va réfuter l'opinion de l'auditeur : «Ja vertu ne suffit pas pour être heureux ». Il commence par rappeler les conclusions des précédentes disputationes et en conclut que le bonheur du sage est assuré puisqu'il ne peut être en proie à la passion (12-17). Critique de Théophraste et d'Épicure. Conclusion : seule l’autarcie de la vertu peut assurer le bonheur parfait (18-31). Retour à Platon, source de la proposition selon laquelle il ne peut y avoir d'autre bien que la beauté morale. Parfaite cohérence

de cette assertion. Exemples de ce bonheur et portrait du sage (33-72). A l'objection: «un tel bonheur peut-il résister aux supplices? », Cicéron répond en montrant qu'une telle thése peut étre conciliée avec toutes les doctrines philosophiques, méme celle du Jardin (73-120).

674

CICERO (MARCUS TULLIUS)

Du point de vue de la construction, on trouve dans les livres I, III, et IV un méme mouvement qui consiste à faire succéder à une partie philosophique un développement de caractére plus oratoire. Mais il s'agit de tout autre chose que d'un artifice de présentation, puisque ce changement de registre permet à Cicéron d'exposer ses vues personnelles et surtout de se dégager de la structure systématique du stoïcisme, pour intégrer cette doctrine dans une perspective philosophique. 3. Problémes philosophiques Pour le détail des hypothèses concernant les sources, voir le DPhA II, p. 373377. Signalons simplement que la Quellenforschung avait trés majoritairement interprété les Tusculanes comme un assemblage de conférences inspirées d'auteurs stoiciens, l'exception étant 38 R. Hirzel qui, dans ses Untersuchungen zu Ciceros philosophischen Schriften, t. III, Leipzig 1883, p. 342 sq., affirma que Cicéron s'était inspiré d'une œuvre sur l'éthique écrite par son maître Philon de Larissa. La thése de l'inspiration stoicienne des Tusculanes fut battue en bréche de manière trés convaincante par Miller Jones 13, à propos du livre I, considéré jusqu'alors comme posidonien. De manière significative, aucun passage de la premiere Tusculane ne figure dans l'édition des fragments de Posidonius publiée par L. Edelstein et I. G. Kidd en 1972. Bien que le but de la première Tusculane soit de montrer que, quelle que soit l'idée que l'on se fasse de la nature humaine — voir sur ce point Mansfeld 32 sur la doxographie des $8 19-22 - la mort ne doit pas être crainte, la question domi-

nante est celle de la definition de l'homme. L'anthropologie qui a la préférence de Cicéron est, comme l'ont montré les travaux de P. Boyancé, de P. Courcelle et de J. Pépin, celle du Premier Alcibiade : l'homme n'est rien d'autre que son &me, le corps n'étant plus qu'un simple récipient. Dans la seconde partie du livre, Cicéron évoque les philosophes qui ne croient pas à la survie de l’âme après la mort, et parmi eux Panétius, dont il dit (8 78) qu'il ne s'écartait de Platon que sur la question de l'immortalité de l’âme. Dans tout le livre I, le stoicisme est soit ouvertement critiqué, soit désarticulé et intégré dans une perspective platonicienne. La philosophie des passions exposée dans les livres II, III et IV, parait, en revanche, puiser directement à des sources stoiciennes, dont on a beaucoup discuté pour savoir si elles appartenaient à l' Ancien ou au Moyen stoicisme. Sur ce point, voir en particulier les travaux de Philippson 15, Reinhardt 16, Pigeaud 27, p. 245-330, Lévy 34, p. 468-480. Ce que l'on peut dire, en tout cas, c'est que Cicéron n'utilise pas la théorie stoicienne des passions pour elle-même, mais comme un moyen pour exprimer l'idéal de sérénité parfaite qu'il veut intégrer à la uetus descriptio (IV 10), c’est-à-dire au dualisme platonicien qui continue à étre la « source » (ibid., 11) de son inspiration. La distance par rapport au stoicisme est particulièrement nette en II 29, où Cicéron reproche à Zénon d'avoir cru pouvoir vaincre la douleur en élaborant de petits syllogismes.

TUSCULANES

675

Dans le dernier livre Cicéron rejette avec force la distinction établie par Antiochus entre uita beata et uita beatissima et affirme que seule la vertu peut garantir le bonheur absolu. Toutefois, alors que le stoïcisme considérait cette proposition comme un dogme qui lui appartenait en propre, Cicéron, toujours dans une perspective platonicienne, la présente comme une aspiration propre à tous les philosophes. Ainsi l'examen des différentes éthiques, commencé de manière dialectique et parfois même polémique dans le De finibus, s'achève sur un hymne à la philosophie, recherche incertaine, mais orientée vers l'absolu,

quelle que soit l'appartenance du philosophe.

CARLOS LÉVY.

DE OFFICHS

Encore imprévu dans le programme d'ouvrages philosophiques dressé au début du second livre du De inventione (à la fin mars 44), l'ouvage en trois livres

a été écrit entre le 25 octobre et le 9 décembre 44, date du retour de Cicéron à Rome. L'ouvrage est dédié à Marcus Cicéron (»*C 124), alors en séjour d'études à Athènes et bientôt en partance pour rejoindre l'armée de Brutus (»*B 63). Voir 1 M. Testard, «Le fils de Cicéron, destinataire du De officiis», BAGB

1962,

p. 198-213. Sur les étapes de la composition, voir 2 M. Fiévez, «"Opera peregrinationis huius" ou les étapes de la composition de De Officiis», Latomus

12,

1953, p. 261-274. Lorsqu'il en fait mention pour la premiere fois dans une lettre à Atticus (Ad Art. XV 13, 6) écrite de Pouzzoles le 25 octobre 44, Cicéron présente l'ouvrage comme un περὶ τοῦ καθήκοντος. Dans une lettre du 5 novem-

bre (Ad Art. XVI 11, 4), il apprend à Atticus que deux des trois livres projetés de ce De officiis sont déjà écrits: il y reprenait le plan (« honestum an turpe sit; utile an inutile; cum haec inter se pugnare uideantur, quomodo iudicandum sit») et le

contenu d'un ouvrage similaire en trois livres de Panétius de Rhodes, mais se retrouvait bloqué du fait que Panétius n'avait pas traité le troisiéme sujet qu'il avait annoncé (voir De off. III 8). Cicéron espère trouver la suite dans l'ouvrage que Posidonius a écrit à la suite de Panétius et il en a demandé τὰ κεφάλαια à Athénodore de Tarse dit Calvus (»*A 497). Cicéron espère y trouver un exposé περὶ τοῦ κατὰ περίστασιν καθήκοντος. A la mi-novembre, Cicéron dit à Atticus (Ad Att. XVI 14) qu'il a reçu d'Athénodore un hypomnèma assez joli (satis bellum). Il dut recevoir ensuite l'ouvrage de Posidonius, dont il fait état au début

du livre III, mais le contenu ne correspondait pas à ce qu'il attendait et il décida de composer avec ses propres armes (Marte suo, De Off. III 34) le livre III. Sur les circonstances de la composition, voir Testard 7, t. I, p. 7-21.

Éditions. L'édition qui fait maintenant autorité est celle de 3 M. Winterbottom (édit.), M. Tulli Ciceronis, De officiis, recognovit brevique adnotatione critica instruxit M. W., coll. OCT, Oxford 1994, XviII-172 p. ill. index; voir le c.r. de 4 P. Fedeli, Gnomon 72, 2000, p. 593-599 et l'article de 5 P. Fedeli, « Noterelle al "De officiis" di Cicerone », Paideia 55, 2000, p. 217-224 [notes sur l'édition de Winterbottom 3]. Autres éditions : 6 K. Atzert (édit.), Cicero, De

officiis, tertium recognovit C. A., coll. BT, Leipzig

1949, XLIV-189 p. ; 7 M.

Testard (édit.), Cicéron, Les devoirs. Texte établi et traduit par M. T., CUF, Paris 1965-1970, 2 vol. ; 8 P. Fedeli (édit.), M. Tulli Ciceronis De officiis, libri tres. P.F. recognovit, [Milano] [1965], 229 p. ;

Traductions. Frangaise : Testard 7. Anglaises: J. Higginbotham (édit.), Cicero on moral obligation. A new translation of Cicero's De officiis, with introd. & notes, London/Berkeley 1967, 214 p.; 9 H.G. Edinger (édit.), De officiis. On duties. Transl. with introd. & notes, coll. «Libr. of Liberal Arts », Indianapolis 1974, XXX11-207 p. ; 10 M.T. Griffin et E. M. Atkins (édit.), Cicero, On duties, coll. « Cambridge texts in the history of political thought», Cam-

DE OFFICHS

677

bridge/New York 1991, L1-189 p. ; 11 W. Miller (édit.), Cicero, De officiis, with

an English translation by W.M., coll. LCL, London/New York 1913, XV1-423; 12 P. G. Walsh (édit.), Cicero, On obligations. Translated with an introduction

and notes, coll. «Oxford world's classics», Oxford/New York 2000, LX-218 p. ; Allemandes : 13 K. Büchner (édit.), Cicero,

Vom rechten Handeln. Eingeleitet

und übersetzt von K. B., coll. «Bibliothek der Alten Welt. Rómische Reihe », Zürich [1953], 217 p.; 14 O. Schoenberger (édit.), De officiis. Einl., Text ἃ Erl.,

Bamberg 1974, 134 et 88 p.; 15 H. Merklin (édit.), Cicero, Von den Pflichten : lateinisch-deutsch. Neu übertr. & hrsg. von H. M., mit einem Nachwort von M. Fuhrmann, coll. « Insel-Taschenbuch » 1273, Frankfurt-am-Main/Leipzig 1991, 407 p. Lexique. 16 Catherine Kinapenne, Cicéron, De officiis. Index verborum, listes de fréquence, relevés grammaticaux, coll. « Travaux publiés par le Centre informatique de philosophie et lettres. Série du Laboratoire d'analyse statistique des langues anciennes » 22, Liège 1995, IV-408 p. Commentaire. 17 A. R. Dyck, A commentary on Cicero "De officiis", Ann Arbor (Mich.) 1996, XL1-716 p., 6 index.

Bibliographie. 18 G. Gawlick et W. Górler, «Cicero», dans H. Flashar (édit.), GGP Antike 4: Die hellenistische Philosophie, Basel 1994, p. 1005-1006 (éditions et traductions) et 1080-1082 (études).

Probléme des sources. Voir DPhA, t. II, p. 375-376. Testard 7, t. I, p. 25-49. Histoire du texte. 19 L. A. Kolga, «Les éditions de traductions frangaises du De officiis de Cicéron au XV* s.», Kniga (Kniga Moskva) 37, 1978, p. 177-181 ; 20 B. Schefold (édit.), Marcus Tullius Cicero, De officiis. Faksimile der 1465 in Mainz erschienenen Editio princeps nach dem Exemplar der Bayerischen Staatsbibliothek München, Sign. 4? L. impr. membr. 2, coll. « Die HandelsblattBibliothek "Klassiker der Nationalókonomie"», Düsseldorf 2001, [175] p. ;

21 K. B. Thomas, Textkritische Untersuchungen zu Ciceros Schrift De officiis, coll. « Orbis antiquus» 26, Münster 1971, 124 p. ; 22 M. Winterbottom, « New light on the X tradition of Cicero's De officiis», MD 24, 1990, p. 135-141; 23 Id., « The transmission of Cicero's De officiis », CQ 43, 1993, p. 215-242. Étude d'orientation. 24 P. Fedeli, «Il De officiis di Cicerone.

Problemi e

atteggiamenti della critica moderna», ANRW 1 4, Berlin 1973, p. 357-427. Cf. 25 A. Brinton, «Cicero's use of historical examples in moral argument», Ph&Rh 21, 1988, p. 169-184 ; 26 E. Gabba, «Per un'interpretazione politica del De officiis di Cicerone», RAL 34, 1979, p. 117-141; 27 W.C. Korfmacher, «Cicero and the bellum iustum», CB 48, 1972, p. 49-52 [de Off. 1 34-40]; 28 D. Romano, « Motivi politici ed autobiografici nel De officiis di Cicerone», ALGP 5-6, 1968-1969, p. 21-31; 29 M. Ruch, « L'histoire romaine dans le De

officiis», Caesarodunum 6, 1971, p. 111-122; 39 M. Thurmair, « Das decorum als zentraler Begriff in Ciceros Schrift De officiis », dans E. Hora et E. Kessler (édit.), Studia humanitatis. Ernesto Grassi zum 70. Geburtstag, coll. «Hum. Bibl. 1 Reihe» 16, München 1973, p. 63-78.

678

CICERO (MARCUS TULLIUS)

Perspectives philosophiques. 31 K. Abel, « 100 Jahre Hekaton-Forschung », WJA 13, 1987, p. 101-120; 32 Julia Annas, «Cicero on Stoic moral philosophy and private property», dans M. Griffin et J. Barnes (édit.), Philosophia togata. Essays on philosophy and Roman society, Oxford 1989, p. 151-173 [sur de Off.

I 50-57] ; 33 E. M. Atkins, « "Domina et regina virtutum" : justice and societas in De officiis », Phronesis 35, 1990, p. 258-289; 34 D. Auverlot, «Structure et

sens du livre I du De officiis », IL 42, 1990, p. 3-9; 35 P. Cugusi, « Cicerone, De officiis libro II: note di lettura», dans Per Enrica Malcovati : atti del convegno di studi nel centenario della nascita (Pavia 21-22 ottobre 1994), coll.

« Biblio-

teca di Athenaeum» 31, Como 1996, p. 125-152 ; 36 A. R. Dyck, « The plan of Panaetius' περὶ τοῦ καθήκοντος », AJPh

100, 1979, p. 408-416; 37 Id.,

«On

the composition and source of Cicero De officiis I, 50-58», CSCA 12, 1979, p. 77-84 ; 38 Id., «Cicero, De officiis 2.21-22», Philologus 124, 1980, p. 201211; 39 /d., « Notes on composition, text and sources of Cicero's De officiis», Hermes 112, 1984, p. 215-227 ; 40 M. Erren, « Wovon spricht Cicero in De officiis?», WJA 13, 1987, p. 181-194; 41 Irene Frings, « Struktur und Quellen des Prooemiums zum I. Buch Ciceros de officiis», Prometheus 19, 1993, p. 169-

182; 42 G. Garbarino, «Il concetto etico-politico di gloria nel De officiis di Cicerone », dans Tra Grecia e Roma. Temi antichi e metodologie moderne, Roma 1980, p. 197-204 ; 43 Ead., « Aspetti del pensiero di Panezio nel De officiis di Cicerone », dans I. Lano (édit.), / principi del buon governo secondo Cicerone e Seneca, coll. «Corsi universitari », Torino [1981], p. 141-151; 44 H. A. Gärtner, Cicero und Panaitios. Beobachtungen zu Ciceros De officiis,

coll. SHAW 1974, 5, Heidelberg 1974, 79 p.; 45 O. Gigon, «Bemerkungen zu Ciceros De officiis », dans P. Steinmetz (édit.), Politeia und Res publica. Beiträge zum Verständnis von Politik, Recht und Staat in der Antike, dem Andenken

Rudolf Starks gewidmet, coll. «Palingenesia» 4, Steiner, 1969, p. 267-278 ; 46 C. Gill, «Personhood and personality. The four-personae theory in Cicero, De officiis I», OSAPR 6, 1988, p. 169-199 ; 47 H. Gomoll, Der stoische Philosoph Hekaton. Seine Begriffswelt und Nachwirkung unter Beigabe seiner Fragmente,

Diss. Bonn, Borsdorf/Leipzig 1933, XII-114 p. (pour les sources du livre III); 48 P. Grimal, «Le De officiis de Cicéron», VL 115, 1989, p.2-9; 49 W. Heilmann,

Ethische

Reflexion

und

rómische

Lebenswirklichkeit

in

Ciceros Schrift De officiis. Ein literatursoziologischer Versuch, coll. «Palingenesia» 17, Wiesbaden 1982, IX-212 p. ; 50 Lotte Labowsky, Die Ethik des Panaitios. Untersuchungen zur Geschichte des Decorum bei Cicero und Horaz, Leipzig 1934, 124 p.; 51 E. Lefèvre, Panaitios' und Ciceros Pflichtenlehre : vom philosophischen Traktat zum politischen Lehrbuch, coll. «Historia. Einzel-

schriften » 150, Stuttgart 2001, 226 p. ; 52 C. Lévy, «Le De officiis dans l'œuvre philosophique de Cicéron », VL 116, 1989, p. 11-16; 53 A. A. Long, «Cicero's politics in the De officiis», dans A. Laks et M. Schofield (édit.), Justice and generosity. Studies in Hellenistic social and political philosophy. Proceedings of

the Sixth Symposium Hellenisticum, Cambridge/ New York 1995, p. 213-240; 54 A. Michel, «Philosophie grecque et libertés individuelles dans le De officiis

DE OFFICHS

679

de Cicéron», dans La filosofia greca e il diritto romano. Colloquio italofrancese (Roma, 14-17 aprile 1973), coll. « Accad. naz. dei Lincei Quad.» 221 «Problemi attuali di scienza e di cultura», t. I, Roma 1976, p. 83-96;

55 J. Moreau, «La place des "officia" dans l'éthique stoicienne », RPhA 1, 1983, p. 99-112; 56 R. Nickel, « Das Recht auf Leben und Unversehrtheit in Ciceros Schrift

De

officiis (3,21-32) », dans

P. Neukam

(édit.), Die

Antike

als

Begleiterin, coll. « Dialog Schule-Wissenschaft, Klass. Sprachen & Lit.» 24, München 1990, p. 55-72; 57 M. Pohlenz, Antikes Führertum. Cicero De officiis und das Lebensideal Panaitios, Leipzig/Berlin 1934, réimpr. dans la coll. « Neue Wege zur Antike. II. Reihe: Interpretationen » 3, Amsterdam 1967, 156 p., trad.

ital.: L'ideale di vita attiva secondo Panezio nel De officiis di Cicerone. Trad. di M. Bellincioni, coll. « Antichità classica e cristiana» 6, Brescia 1970, 229 p.; 58 Id., «Cicero de officiis III», NGG 1934, p. 1-39; 59 F. Prost, «La psychologie de Panétius : réflexions sur l'évolution du stoicisme à Rome et la valeur du témoignage de Cicéron», REL 79, 2001, p. 37-53; 60 Annekatrin Puhle, Persona: zur Ethik des Panaitios, coll. «Europäische Hochschulschriften», Reihe XX,

Philosophie,

224,

Frankfurt

am

Main/New

York

1987,

290

p.;

61 M. Testard, « Aspects de l'humanisme cicéronien dans le De officiis», IL 23, 1971, p. 220-228; 62 E. Vimercati, «Il pensiero filosofico-politico di Panezio: ipotesi per una sua ricostruzione», RFN 92, 2000, p. 386-423; 63 E. Zorzi, « Note sulla struttura del III libro del De Officiis », Aevums 35, 1961, p. 136-141. Pour l'influence de Panétius, voir également 64 Francesca Alesse, Panezio di Rodi, Testimonianze. Edizione, traduzione e commento, coll. «Elenchos» 27, [Napoli] 1994, 349 p. ; voir aussi 65 Ead., Panezio di Rodi e la tradizione stoica, coll. « Elenchos » 23, [Napoli] 1994, 310 p. RICHARD GOULET.

LES DIALOGUES POLITIQUES : DE REPUBLICA, DE LEGIBUS

Sur la pensée politique à Rome sous la République: 1 C. Nicolet, Les Idées politiques à Rome sous la république, Paris 1964 ; 2 R. Klein (édit.), Das Staatsdenken der Rómer, coll. « Wege der Forschung» 46, Darmstadt 1966; 3 J.1.. Ferrary, «Le idee politiche a Roma nell'epoca repubblicana», dans L. Firpo (édit.), Storia delle idee politiche, economiche e sociali, I, Torino 1982,

p. 723-804 (sur Cicéron, p. 766-793); 4 E. Lepore, «Il pensiero politico rornano del 1 secolo», dans A. Schiavone (édit.), Storia di Roma,

II,1, Torino

1990,

p. 857-883. Sur Cicéron en particulier: 5 H. Strasburger, Concordia ordinum. Eine Untersuchung zur Politik Ciceros, Diss. Leipzig

1931, repris dans Studien zur alte

Geschichte, I, Hildesheim/New York, 1982, p. 1-82; 6 E. Lepore, !{ princeps ciceroniano e gli ideali politici della tarda repubblica, Napoli 1954 ; 7 J. Sprute,

« Rechts- und Staatsphilosophie bei Cicero», Phronesis 28, 1983, p. 150-176; 8 L. Perelli, « Rassegna di studi sul pensiero politico ciceroniano (1970-1984) », BStudLat 15, 1985, p. 51-84; 9 Id., /l pensiero politico di Cicerone. Tra filosofia

greca e ideologia aristocratica romana, Firenze 1990; G. Gawlick et W. Górler, dans 10 GGP, Antike 4, chap. 6 (Cicero), Basel 1994, p. 991-1168, particulièrement 1139-1145 (bibliographie sur «Staat und Politik »). DE REPUBLICA

11 E. Berti, /l de republica di Cicerone e il pensiero politico classico, Padova 1963; 12 P. Boyancé, «Les problémes du De re publica de Cicéron», IL 16, 1964, p. 18-25 (= 13 Id. Études sur

l'humanisme cicéronien, coll.

« Latomus »

121, Bruxelles 1970, p. 180-196); 14 P. L. Schmidt, «Cicero De re publica. Die Forschung der letzten fünf Dezennien», ANRW I 4, Berlin 1973, p. 262-333 (riche bibliographie critique, à l'exclusion malheureusement du Somn. Sc.);

15 W. Suerbaum, «Studienbibliographie zu Ciceros De re publica », Gymnasium 85, 1977, p. 59-88; 16 O. Gigon, «Studien zu Ciceros De Republica », dans 17 Die Antike Philosophie als Massstab und Realität, Zürich/München 1977,

p. 208-355 ; Gawlick et Górler, dans 10, p. 1032-1035 et 1060-1067. 1. Date de rédaction et contexte politique

La correspondance de Cicéron montre que l’œuvre était en chantier depuis peu en mai 54 (Art. IV 14, 1; Q. fr. II 12,1 ). Il s'agissait déjà d'un dialogue met-

tant en scène Scipion Émilien et ses amis (Art. IV 16, 2, vers le 1*' juillet), mais, fin octobre ou début novembre, alors que deux livres étaient déjà composés, Cicéron fut tenté de donner à son ouvrage la forme d'un entretien entre son frére et lui (Q. fr. HIS, 1-2). Nous ne savons quand il revint à son projet primitif tout en le modifiant, puisqu'à un dialogue de 9 livres se déroulant sur 9 jours avec un prologue en téte de chaque livre, il substitua 6 livres se déroulant sur 3 jours avec un prologue en téte de chaque groupe de deux livres. Nous ne savons non

DE REPUBLICA, DE LEGIBUS

681

plus quand la version définitive fut achevée. Cicéron décida de diffuser le texte lorsqu'il dut aller gouverner la province de Cilicie, en mai 51 (Fam. VIII 1, 4; Art. V 12, 2). Il est probable que les deux faits sont liés, Cicéron voulant partiellement compenser son absence de Rome par la publication de son De rep. En ce cas, on n'en saurait déduire nécessairement que le dialogue venait seulement d'étre achevé. Ce point a son importance surtout pour la datation du De leg.

Apres un retour d'exil triomphal (57), Cicéron nourrit l'espoir de jouer à nouveau un róle politique majeur: dans la fin du Pro Sestio (56), véritable appel aux jeunes membres des ordres dirigeants pour qu'ils se regroupent derrière un idéal politique brièvement esquissé, on trouve déjà quelques-uns des thèmes essentiels que développeront les dialogues des années suivantes (18 P. Boyancé, «Cum dignitate otium», REA 43, 1941, p. 172-191 {= 13 p. 114-134]; 19 M. Fuhrmann, «Cum dignitate otium'. Politisches Programm und Staatstheorie bei Cicero», Gymnasium 67, 1960, p. 481-500 ; Ferrary 3, p. 771-774). Brusquement ramené à la réalité lorsque Pompée, César et Crassus resserrérent leur alliance et qu'il fut contraint, au Sénat et devant les tribunaux, de leur donner des gages de plus en plus humiliants, Cicéron chercha dans l'écriture une compensation ou plutót un complément à une action politique oü sa liberté et son influence étaient désormais restreintes. La première œuvre composée dans ces conditions fut le De oratore (écrit en 55 et mis en circulation dés 54). Ce n'était pas seulement un

traité de rhétorique, car l'orateur idéal a déjà vocation à être l'homme politique idéal du De rep. (voir notamment III 17, 63). En imaginant pour le De rep. un dialogue qui se serait tenu en 129 plutôt que de parler lui-même, Cicéron voulait éviter d'offenser l'un des puissants de son temps, mais il n'en voulait pas moins répondre aux problémes posés par les troubles dans lesquels la République se débattait (©. fr. 11] 5, 2). Or la situation évolua rapidement à partir de 53, sans que les choix politiques de Pompée deviennent encore clairs. Cette incertitude peut expliquer la décision de retarder la diffusion du De rep., et de commencer entre temps la rédaction du De legibus. 2. Histoire du texte. Éditions et commentaires

Le seul manuscrit du De rep. qui nous soit parvenu est un palimpseste fragmentaire écrit à la fin du IV“ ou au début du V* s., le Var. lat. 5757. Il nous a conservé 148 folios seulement d'un volume qui en comportait peut-étre 650 environ, et de facon fort inégale: les deux tiers du livre I, plus de la moitié du livre II, moins du cinquiéme du livre III, seulement 2 folios appartenant au livre IV et 3 folios appartenant au livre V. Il fut publié pour la premiere fois par A. Mai en 1822. Une reproduction photographique en a été donnée, avec un important volume de prolépomènes de G. Mercati: 20 M. Tulli Ciceronis de re publica libri e codice rescripto

Vaticano Latino 5757 phototypice expressi, Vatican

1934. - Commenté au début du V* s. par Macrobe (et par Favonius Eulogius [»*F 9], dont la Disputatio n'est connue que par un seul manuscrit), le Somnium

Scipionis qui terminait le dialogue eut une survie propre: fragments importants cités dans les commentaires ; texte complet conservé dans de nombreux manu-

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CICERO (MARCUS TULLIUS)

scrits, accompagnant le texte de Macrobe (le plus souvent, et dans les manuscrits les plus anciens), mais apparaissant aussi dés le XI s. dans des manuscrits réunissant divers textes cicéroniens (21 B. Munk Olsen, «Quelques aspects de la diffusion du "Somnium Scipionis" de Cicéron au Moyen Age (du IX* au XII* siécle) », dans Studia Romana in honorem P. Krarup, Odense 1976, p. 146-153; B.C. Barker-Benfield, dans 22 L. D. Reynolds (édit.), Texts and Transmission. A

Survey of the Latin Classics, Oxford 1983, p. 224-231). — Pour le reste, nous dépendons de citations ou de témoignages transmis par des auteurs anciens (excellente étude méthodique, auteur par auteur, dans 23 E. Heck, Die Bezeugung von Ciceros Schrift De re publica, coll. «Spudasmata » 4, Hildesheim

1966). Particulièrement précieux sont Augustin (C. D.) et Lactance (Inst. diu.), à qui nous sommes largement redevables, en particulier, de notre connaissance du livre III. Aucun texte postérieur au VI* ou au VI s. ne témoigne plus d'une connaissance directe du texte cicéronien, le doute restant permis en ce qui concerne Isidore de Séville (»*I 34). Les fragments ont été pour la premiére fois recueillis par Robert Étienne (1539), commentés par Carlo Sigonio (1559). La localisation exacte à l'intérieur du dialogue d'un certain nombre d'entre eux

(méme lorsque le livre auquel ils appartenaient est indiqué, comme c'est le cas pour les nombreux mais trés brefs fragments conservés par Nonius Marcellus) reste l'un des problémes les plus difficiles de l'édition du De rep. L'édition de référence à laquelle nous renvoyons dans cette notice, méme si certains fragments sont trés vraisemblablement mal placés, reste celle de 24 K. Ziegler, coll. BT, Leipzig, 1969". Celle de 25 E. Bréguet, CUF, Paris, 1980, n'a pas apporté de réels progrés, mais donne une traduction francaise. On signalera également parmi les éditions bilingues, en anglais celle de 26 C. W. Keyes, coll. LCL, London/Cambridge (Mass.) 1928, avec le De legibus, en allemand celles de 27 K. Büchner, Cicero, Vom Gemeinwesen, Zürich 1952; Stuttgart 1979, et de 28 K. Ziegler, Cicero, Staatstheoretische Schriften, Berlin 1974, avec le De legibus.

Indispensable est le commentaire de 29 K. Büchner, Cicero, De re publica. Kommentar, coll. «Wiss. Komm. zu griech. & lat. Schriftstellern», Heidelberg 1984, 546 p., publié au terme d'une longue série de travaux (repris dans les volumes II, VI et IX de ses 30 Studien zur rómischen Literatur, Wiesbaden 1962, 1967 et 1978). Une utile édition commentée de 31 J.E. G. Zetzel, Cam-

bridge 1995, se limite malheureusement à la quasi-totalité des parties des deux premiers livres conservées par le palimpseste et au Somn. Sc. Pour le Somn. Sc. seul, on a les éditions de 32 A. Ronconi, Firenze 1961 (avec commentaire) et de 33 K. Büchner, coll. «Hermes Einzelschriften » 36, Wiesbaden 1976 (avec

traduction allemande, et une étude se présentant sous la forme de chapitres thématiques et non d'un commentaire continu). Commentaires antiques au Somnium Scipionis: Macrobe, Commentariorum in Somnium Scipionis libri duo: 34 ed. J. Willis, coll. BT, Leipzig 1963; 35 ed. L. Scarpa (avec traduction italienne et notes), Padova 1981: 36 ed M. Regali, 2 vol., Pisa

1983-1990 (avec traduction italienne et commentaire).



DE REPUBLICA, DE LEGIBUS

683

Favonius Eulogius, Disputatio super Somnium Scipionis: 37 ed. A. Holder, coll. BT, Leipzig 1901; 38 ed. R. E. van Weddingen, coll. « Latomus » 27, Bruxelles 1957 (avec traduction frangaise); 39 traduction italienne et notes).

ed.

L.

Scarpa,

Padova

1974

(avec

3. Structure du dialogue L'importance de la division en trois journées est formellement marquée par l'existence de prologues en téte des seuls livres I, III et V. Le titre, De republica, est une référence à la Politeia de Platon, mais le sujet reste celui qui avait été défini dans une lettre de 54: de optimo statu ciuitatis et de optimo ciue (Q. fr. XII 5, 1). L'optimus status ciuitatis est incontestablement le théme de la premiere journée (cf. 120, 33 et II 38, 64): aprés avoir, dans le livre I, établi la supériorité de la constitution mixte et modérée, Scipion, dans le livre II, prend l'exemple de la mise en place des institutions romaines jusqu'en 449 pour montrer que Rome a réalisé cet idéal et en préciser les traits caractéristiques. On peut, malgré le petit nombre des fragments conservés, considérer comme non moins certain que l'optimus ciuis était le thème de la troisième journée: ce qui nous est parvenu du livre V concerne les vertus, la formation et les activités du rector reipublicae, et ce qui reste du livre VI jusqu'au Somn. Sc. a trait aux devoirs de l'homme politique face au risque d'éclatement de Ja cité. La deuxième journée est la moins évidemment unitaire. L'essentiel du livre III vise à prouver qu'il ne peut y avoir véritablement de cité sans justice, revenant à la fin sur ce qui avait été dit dans le livre 1 pour y introduire des corrections importantes : ainsi les régimes qui avaient été décrits comme des formes perverties de res publicae se révèlent-ils ne plus être du tout des res publicae (III 43 ; Aug., C. D. II 21). Le livre IV, de son côté, traitait des traditions, pratiques et lois de l'optimus status, et en particulier de ce qui concerne la formation et la vie des citoyens. On peut donc considerer qu'à la tripartition I-II, III-IV, V-VI se superpose une bipartition I-III (status rei publicae) et IV-VI (mores et uiri, associés dans le vers d'Ennius cité

en V 1). La deuxième journée possède pourtant son unité : elle est le cœur de l'ouvrage, établissant les fondements éthiques et anthropologiques de l’oprimus status et de l'optimus ciuis. C'est dans le livre III que devait étre affirmé le principe qu'il n'est d'autre bien que la moralité (III 26, 38), et que se trouvait en tout cas la définition de la vraie loi (III 22, 33). Il en résultait une révision des

conceptions de la res publica et de la cause première du regroupement des hommes en cités, redéfinie comme une ciuium beate et honeste uiuendi societas (IV

3, 3 cf. 125, 39). Mais nous savons aussi par Lactance (De opif. Dei 111-13) que le livre IV contenait le développement sur la nature de l'homme auquel Cicéron renverra dans le premier livre du De leg. (1 11, 27). S'il y avait ainsi approfondissement au cours de la deuxième journée des définitions posées au début de la première, il y avait inversement pendant les deux premières journées apparition progressive des thémes qui allaient étre pleinement développés dans la troisième : l'optimus ciuis, le rector fait ainsi progressivement son apparition en I 29, 45; II 29, 51; II 40, 67 - 42, 69. Le livre VI reprend d'autre part, enrichis de

684

CICERO (MARCUS TULLIUS)

tout le corps du dialogue, les thèmes introducteurs du livre I: le développement sur l'optimus ciuis face aux dissensions civiles raméne au contexte politique de 129, lui-méme annonciateur de la crise des années 50. Une premiere discussion ayant été consacrée à un phénomène inquiétant de dédoublement du soleil (I 13, 19- 17, 29), Laelius avait protesté contre la futilité d'un tel propos dans un moment politique grave, alors que la cité et le Sénat lui-méme paraissaient sur le point de perdre leur unité, et il avait engagé le dialogue véritable en donnant comme thème initial celui des livres I et II, mais comme finalité ultime le propos

auquel le dialogue parvient dans le livre VI, c'est-à-dire l'explication de la crise et des moyens d'y remédier. Le Somn. Sc., enfin, n'est pas un morceau obligé pour faire pendant au mythe d'Er dans la République de Platon: c'est lui qui donne tout son sens à l'éloge que Scipion avait fait de la doctrina en I 17, 26-29, suscitant l'incompréhension de Laelius, et qui, simultanément, donne son ultime justification à l'impératif de la participation à l'activité politique posé dans le prologue du premier livre (I 1, 1- 6, 11); il constitue également un approfondissement de l'anthropologie du livre 4, de méme qu'il donne, avec la révélation de l'harmonie des sphéres, un fondement cosmologique à l'harmonie musicale utilisée en II 42, 69 pour illustrer et justifier l'idéal politique d'un consensus préservant la structure hiérarchique de la cité. Ce qui nous reste du dialogue suffit donc à prouver la complexité et la richesse de sa structure. Cela implique aussi, malheureusement, que l'état dans lequel il nous a été transmis ne permet d'en avoir qu'une connaissance et une appréciation générale trés imparfaites. Sur les prologues, en particulier celui du livre I, et le problème des bioi, de la réflexion théorique et de l'action pratique: 40 K. Büchner, « Der Eingang von Ciceros Staat», Hommages à J. Bayet, coll. «Latomus» 70, Bruxelles 1964, p. 132-153 [= 30, VI, p. 46-64]; 41 G. Pfligersdorffer, Politik und Musse. Zum Proómium und Einleitungsgespräch von Ciceros De re publica, München 1969 ; 42 A. Grilli, / proemi del De re publica di Cicerone, Brescia 1971 ; 43 E. Andreoni Fontecedro, 1! dibattito su vita e cultura nel ‘De re publica' di Cicerone, Roma 1981 ; 44 R. Müller, « Das Problem Theorie-Praxis in der Peripatos-Rezeption von Ciceros Staatschrift», dans 45 W.W. Fortenbaugh et P. Steinmetz (édit.), Cicero's Knowledge of the Peripatos, coll. RUSCH 4, New Brunswick/London 1989, p. 101-113. - Concemant les trois premiers livres, deux études complémentaires de K. Büchner: 46 « Die beste Verfassung. Eine philologische Untersuchung zu den ersten drei Büchern von Ciceros Staat», SIFC 26, 1952, p. 37-140, et 47 Id., «Der Tyrann und sein Gegenbild in CiceTOS 'Staat' », Hermes 80, 1952, p. 343-371 [= 30. II, p. 37-147]; sur les deux premiers livres:

48 J. Michelfeit, « Der König und sein Gegenbild in Ciceros 'Staat' ». Philologus 108, 1964, p. 262-287. - Sur le livre 1: 49 F. Solmsen, « Die Theorie der Staatsformen bei Cicero De re publica 1 (Kompositionelle Beobachtungen) », Philologus 88, 1933, p. 326-341 [= 2, p. 315-331]; 50 D. Frede, «Constitution and Citizenship: Peripatetic Influence on Cicero's Political Conceptions in the De re publica », dans 45, p. 77-100. Une bibliographie peut-étre surabondante a été consacrée à la définition de la res publica en 1 25, 39 et à la recherche de ses sources ; on a rarement accordé un intérét suffisant au fait que ces réflexions initiales sont l'objet d'un important réexamen à la fin du livre III et au début du livre IV. Voir en dernier lieu 51 M. Schofield, « Cicero's Definition of res publica », dans 52 J. G. F. Powell, (édit) Cicero the Philosopher, Oxford 1995, p. 63-83. Bibliographie surabondante également, parce qu'elle ne se nourrit plus guére d’arguments nouveaux ou convaincants, à propos du $ I 33, 50, traditionnellement considéré comme appartenant à l'éloge de la démocratie mais interprété par Büchner 46 comme l'unique fragment subsistant d'un premier éloge de la monarchie; contra,

DE REPUBLICA, DE LEGIBUS

685

à juste titre selon moi, 53 J. Kroymann, «Die Stellung des Königtums im 1 Buch von Ciceros Staat», HSCPh 63, 1958, p. 309-332. — Sur le livrell : 54 L. Perelli, « Natura e ratio nel il libro del De re publica ciceroniano», RFIC 100, 1972, p. 295-311 ; 55 J.-L. Ferrary, «L'archéologie du De re publica (2, 2,4 - 37, 63): Cicéron entre Polybe et Platon», JRS 74, 1984, p. 87-98; 56 A. Novara, « Res publica progrediens... ad optimum statum », dans Le Droit et le futur. Paris 1985, p. 29-47 ; 57 G. Lieberg. « Das Methodenkapitel in Ciceros Staat (Rep., 2, 11, 21-22)», Mnemosyne 47, 1994, p. 12-32. La reconstitution de la fin du livre (II 38, 64-44, 70) pose plusieurs problèmes particuliérement délicats, que l'on ne saurait considérer comme résolus: voir 58 W. Richter, « Einige Rekonstruktions- und Quellenprobleme in Cicero De re publica. », RFIC 97, 1969, P. 55-81 et 273-295; 59 H. Schwamborn, « Prudens. Gedanken zu Cicero, De re publica 11 6470», Alispr. Unt, 13, 1970, p. 17-45 ; Büchner 30, p. 246-262 ; 60 C. Lévy. Cicero Academi-

cus, Roma 1992, p. 505-506 ; 61 J.-L. Ferrary, «The Statesman and the Law in the Political Philosophy of Cicero », dans A. Laks & M. Schofield (édit.), Justice and Generosity, Cambridge 1995, p. 48-73, part. 59-66. - Sur le livre III: 62 J.-L. Ferrary, «Le discours de Laelius dans le troisième livre du De re

publica de Cicéron», MEFRA 86, 1974, p. 745-771; 63 Id., «Le discours de Philus (Cicéron, De re publica, III, 8-31) et la philosophie de Caméade », REL 55, 1977, p. 128-156; 64 J.-Chr. Dumont, « Conquête et esclavage chez Cicéron, De republica, 111, 36-37 », Krèma 3, 1983, p. 113-128; 65 J.-L. Ferrary, Philhellénisme et imperialisme, Roma 1988, p. 351-378 ; Lévy,

60, p. 496-508. - Sur le livre IV : 66 K. Büchner, «Zum Platonismus Ciceros. Bemerkungen zum vierten Buch von Ciceros Werk De re publica», dans Studia Platonica. Festschr. H. Gundert,

Amsterdam 1974, p. 165-184 (= 30, IX, p. 76-99]. - Sur le livre V : 67 M. Ducos, «La crainte de l'infamie et l'obéissance à la loi (Cicéron,

De re publica, V, 4, 6) », REL 57, 1979, p. 145-65. - Sur le Somn. Sc. (outre les éditions commentées déjà citées): 68 R. Harder, Über Ciceros Somnium Scipionis, coll. «Schr. [= Kleine Schriften, München Scipion, Bordeaux 1936; 70 G. "Somnium Scipionis' », Hermes

Königsberger Gel. Ges., Geisteswiss. Kl. » 6, 3, Halle 1929 1960, p. 354-395]: 69 P. Boyancé, Études sur le Songe de Maurach, «Africanus Maior und die Glaubwürdigkeit des 92, 1964, p. 299-313; 71 H. Görgemanns, « Die Bedeutung

der Traumeinkleidung im Somnium Scipionis », WS, N.F., 2, 1968, p. 46-69; 72 R.F. Glei, « Kosmologie statt Eschatologie : Ciceros 'Somnium Scipionis' », dans G. Ginder et B. Effe (édit.), Tod und Jenseits im Altertum, Trier 1991, p. 122-143.

4. Le probléme des sources Une théorie qui a été fort en vogue depuis 73 A. Schmekel, Die Philosophie

der mittleren Stoa, Berlin 1892, et qu'a renforcée de son autorité 74 M. Pohlenz, «Cicero De Republica als Kunstwerk», Festschr. Reitzenstein, Leipzig 1931, p. 70-105 [2 75 Kleine Schriften, Hildesheim 1965, II, p. 374-410], est que Panétius ait été la source principale du De rep., à l'exception de la partie historique du livre II qui dépendrait de Polybe. Une variante (remontant à 76 I. Heinemann, Poseidonios’ metaphysische Schriften, Hi, Breslau 1928) substitue à Panétius son

disciple Posidonius, que Scipion de toute facon ne pouvait mentionner pour des raisons chronologiques. Cette surinterprétation évidente de De rep. I 21, 34 (et

de De leg. III 6, 14) est fondée en particulier sur un rapprochement contestable entre la définition du populus en I 25, 39 et SVF III 327 et 329, mais surtout sur

des postulats (recherche d'une source unique réduisant au minimum

la part

d'élaboration cicéronienne) et sur des erreurs de méthode (utilisation de rappro-

chements avec le De officiis comme si ce texte était purement et simplement le

686

CICERO (MARCUS TULLIUS)

traité de Panétius dont Cicéron s’inspira lorsqu'il le composa): voir les objections rassemblées par Schmidt 14, p. 311-312; Ferrary 65, p. 363-378. Elle est heureusement en déclin, même si elle trouve encore des partisans (ainsi l'idée de la source posidonienne est-elle reprise par 77 H.-Th. Johann, Gerechtigkeit und Nutzen. Studien zur ciceronischen und hellenistischen Naturrechts- und Staatslehre, Heidelberg 1981, un ouvrage utile pour de nombreuses analyses de détails, méme si les thèses principales en sont irrecevables).

Le peu que nous savons de la rédaction du dialogue suggére le recours à d'assez nombreuses sources, utilisées avec plus de liberté que ce ne sera le cas pour certains traités des années 46-44. Cicéron qualifie son sujet de « magnus locus philosophiaeque proprius, a Platone, Aristotele, Theophrasto totaque Peripateticorum familia tractatus uberrime» (De diu. II 1, 3) et, même s'il y a des passa-

ges oü l'influence stoicienne est incontestable (par ex. la définition de la loi naturelle en III 22, 33), c'est dans cette direction qu'il faut s'orienter en priorité dans la recherche des sources. Cicéron n'avait pas hésité à écrire qu'avec ce dialogue il s'enrólait dans la suite de Platon (comes: Plin., N. H., praef., 22). Le De rep. entretient avec la République un rapport complexe d'imitation (pouvant aller jusqu'à la pure traduction : I 43, 66-67) et de rivalité (TI 1, 3, 11, 21-22 et 29, 51; VI 3, 3-

7, 7), pouvant aller jusqu'à la polémique ouverte (IV 4, 4-5, 5).

On doit à 78 V. Póschl, Rómischer Staat und griechisches Staatsdenken bei Cicero. Untersuchungen zu Ciceros Schrift De re publica, Berlin 1936, p. 108-

186, des progrés considérables dans la confrontation du texte de Platon et des fragments de Cicéron, méme si l'on ne peut accepter toutes ses conclusions. Mais il reste probablement à découvrir d'autres traces encore de l'influence du corpus platonicien dans son ensemble (cf. par ex. Ferrary 55: Lois IIl et De rep. II 4-63; 61, p. 65: Alc. I et De rep. I1 69). Cicéron ne connaissait probablement pas la Politique d' Aristote lorsqu'il écrivit son traité (79 P. Moraux, « Cicéron et les ouvrages scolaires d' Aristote »,

Ciceroniana À, 1975, p. 81-96; Frede 50), mais il en allait différemment pour les dialogues, y compris le Sur la justice. D'autre part, une partie de l'enseignement "ésotérique" d' Aristote dut lui parvenir indirectement à travers les ceuvres de ses disciples. En matiére de philosophie politique, Théophraste est toujours mentionné à cóté de Platon et d' Aristote (Leg. III 6, 14), avec un intérét particulier pour les Politika pros tous kairous (Fin. V 4, 11), connus des l'année 59 (Art. II

9, 1-2). Il n'est guère douteux que Cicéron se soit inspiré de cette œuvre pour traiter du théme, important dans son portrait de l'homme politique idéal, de la ciuilis prudentia (Ferrary 61, p. 53-55).

De méme

toute la partie du livre I

confrontant les diverses formes de constitutions simples et concluant à la supériorité de la constitution mixte (26, 42 - 35, 55, et l'essentiel de 44, 68) permet-

elle de supposer l'utilisation directe d'une source péripatéticienne (Solmsen 49, proposant le nom de Dicéarque (**D 98) dont l'utilisation par Cicéron au moment de la rédaction du De rep. est incontestable [Atr. VI 2, 3], et dont le

Tripolitikos était un éloge de la constitution lacédémonienne comme constitution mixte ; Frede 50, p. 86-94, n'excluant pas Théophraste). Sur la connaissance

DE REPUBLICA, DE LEGIBUS

687

qu’avait Cicéron des péripatéticiens, voir de maniére générale les contributions réunies dans 45. Il reste un mot à dire sur l’Académie depuis Carnéade (»*C 42). Le discours

de Philus dans le livre III est sans aucun doute d'origine carnéadienne, méme s'il est beaucoup moins certain qu'il s'agisse précisément du contenu d'une conférence tenue à Rome en 155 par ce philosophe, comme le prétend Cicéron. Quant à Antiochus d’Ascalon (»*A 200), il ne faudrait pas qu'on en fasse un successeur de Panétius ou de Posidonius dans le róle de la source unique ou principale, ainsi que pourraient le faire craindre certains travaux des derniéres décennies, mais il est incontestable que son enseignement a influé sur la conception qu'avait Cicéron des rapports existant entre Platon, les péripatéticiens et les stoïciens, et de ce fait sur sa lecture et son interprétation de leurs œuvres. Le probléme de savoir si le Cicéron des années 50 se rattache à l' Ancienne Académie d' Antiochus, s'étant éloigné des positions de Philon de Larissa et de la Nouvelle Académie depuis son séjour athénien de 79 avant de revenir à elles à partir de l’Hortensius et des Académiques, ou s'il est fondamentalement resté toute sa vie fidèle au probabilisme de Philon, a été récemment l'objet de nouvelles discussions: voir dans le premier sens 80 J. Glucker, « Cicero's Philosophical Affiliations», dans J.M. Dillon et A.A. Long, (édit.), The Question of "Eclecticism". Studies in Later

Greek Philosophy, Berkeley 1988, p. 34-69, et 81 P. Steinmetz, « Beobachtungen zu Ciceros philosophischem Standpunkt », dans 45, p. 1-22; dans le second sens, 82 W. Górler, «Silencing the Troublemaker: De Legibus I. 39 and the Continuity of Cicero's Scepticism », dans 52, p. 85-113; entre les deux, la position trés nuancée de Lévy, 60, p. 96-126. DE LEGIBUS 83 E. Rawson, « The Interpretation of Cicero's 'De legibus' », ANRW I 4, Berlin 1973, p. 334-356, repris dans Roman Culture and Society, Oxford 1991,

p. 125-148 ; 84 L. Troiani, «Per un'interpretazione delle *Leggi' ciceroniane », Athenaeum 60, 1982, p. 315-335 ; Gawlick et Górler 10, p. 1035-1036 et 10671069. 1. Date de rédaction

Le De leg. se présente explicitement comme un complément du De rep. (15, 15); il est censé se dérouler aprés la mort de Clodius en janvier 52 (II 17, 42) et ne contient aucune référence à la guerre civile de 49: c'est pourquoi les premiers commentateurs n'avaient pas douté que les deux dialogues politiques aient été écrits immédiatement l'un aprés l'autre. A la différence du De rep., toutefois, le De Leg. n'est l'objet d'aucune mention ou allusion incontestable dans la correspondance, et il ne figure pas non plus dans la liste que Cicéron donne en 44 de ses ceuvres philosophiques dans De diu. II 1. C'est pourquoi une datation tardive, en 44-43, a également été proposée (pour la premiere fois par Chapman en 1741; plus récemment 85 E. A. Robinson, « The date of Cicero's De legibus», TAPhA 77, 1946, p. 321-322, et 86 M. Ruch, «La question du De legibus», LEC

688

CICERO (MARCUS TULLIUS)

17, 1949, p. 3-21). Une troisième hypothèse, formulée par 87 R. Reitzenstein, Drei Vermutungen zur Geschichte der römischen Literatur, Marburg 1893, suppose une premiére rédaction avant le départ de Cicéron pour la Cilicie en 51 mais déduit de quelques lignes d'une lettre à Varron d'avril 46 (Fam. IX 2, 5) que Cicéron reprit alors son ouvrage, et propose de rapporter en particulier à cet important remaniement l'essentiel du livre I: elle a été reprise par 88 K. Büchner, « Sinn und Entstehung von De legibus», Atti del internazionale di Studi ciceroniani, Roma 1961, p. 81-90,

I Congresso tandis que

89 A. Grilli, « Data e senso del De legibus di Cicerone», PP 45, 1990, p. 175187, et 90 B. Wisniewski, « Le probléme de la loi naturelle dans le De legibus de Cicéron», LEC 60, 1992, p. 129-138, datent de 46 le début de la rédaction du dialogue. Mais, après l'étude fondamentale de 91 P. L. Schmidt, Die Abfassungszeit von Ciceros Schrift über die Gesetze, coll.

« Collana di studi ciceroniani» 4,

Roma 1969, on ne peut guère douter que le dialogue dans sa totalité date de 5251. La réelle complémentarité et continuité des deux dialogues politiques, sans trace de la rupture qu'aurait dü provoquer l'expérience de la guerre civile, l'absence aussi de toute référence à César, excluent une datation basse (on notera en passant que lorsque Cicéron. présente son De leg. comme un complément au De rep. sur le modèle du rapport existant entre la République et les Lois de Platon [I 5, 15], il oblitére manifestement, comme d'autres Anciens, le fait que la cité des deux dialogues platoniciens n'est pas la méme) ; d'autre part, il n'y a pas d'argument déterminant pour conclure à un profond remaniement et supposer que le

livre I soit de plusieurs années postérieur aux autres (voir également, en réponse à Büchner 92, A. Hentschke, « Zur historischen und literarischen Bedeutung von Ciceros Schrift ‘De Legibus' », Philologus 115, 1971, p. 118-130). On admettra

donc que la rédaction du De leg., commencée en 52, fut interrompue par le départ de Cicéron en Cilicie, et qu'ensuite la guerre civile puis la dictature césarienne rendirent inutile son achévement et sa publication. 93 O. Gigon, «Literarische Form und philosophischer Gehalt von Ciceros ‘De legibus" », Ciceroniana 2, 1976, p. 59-72 [= 17, p. 356-377] est toutefois allé trop loin dans l'hypothése d'un De leg. resté à l'état d'ébauche très provisoire, avec un livre I composé de matériaux non utilisés dans la version achevée du De rep. 2. Histoire du texte et éditions

En ce domaine aussi nous disposons d'un travail considérable de 94 P. L. Schmidt : Die Überlieferung von Ciceros Schrift 'De legibus' in Mittelalter und

Renaissance, München 1974. Voir aussi R. H. Rouse, dans 22, p. 124-128. P.L. Schmidt n'ayant pas encore donné dans la Bibliotheca Teubneriana l'édition qu'ont préparée ses recherches sur l'histoire du texte, on aura recours à la troisiéme édition de 95 K. Ziegler revue par W. Górler, Freiburg i. Br./ Würzburg 1979, sans ignorer celle de 96 K. Büchner, Milano 1973. L'édition de 97 G. de Plinval dans la CUF (Paris 1959) ne peut être utilisée qu'avec précaution. Le De leg. figure à cóté du De rep. dans les éditions bilingues déjà signalées de Keyes 26 et Ziegler 28. Il n'y a pas de commentaire récent du De leg., si

DE REPUBLICA, DE LEGIBUS

689

ce n'est celui, insuffisant et limité au livre I, de 98 L. P. Kenter, Amsterdam 1972. Il peut encore être utile de se reporter à celui de 99 A. Du Mesnil, Leipzig 1879. 3. Structure du dialogue

Sur l'exemple des Lois de Platon (I 5, 15), le dialogue se déroulait pendant une seule journée et mettait en scéne un personnage principal et deux interlocuteurs (Cicéron, son frère Quintus [»*C 125] et son ami Atticus [**A 505}). Pour

son second projet De rep., Cicéron avait pensé à un dialogue entre son frere et lui (Q. fr. 1115, 2), mais le modèle platonicien aura suggéré l'introduction d’Atticus en tiers. Comme dans les Lois aussi, les lois sont précédées d'exhortations (II 6, 14 et 7, 16; cf. III 1, 1), et suivies de commentaire (mais les lois d'un

méme livre sont regroupées en un seul bloc, et elles ont une briéveté modèle est à chercher dans les XII Tables, le corpus de lois dont Rome au milieu du V* s.). Comme dans les Lois, enfin, il n'y a pas de prologue mais les deux premiers livres contiennent chacun une sorte de dialogue

dont le se dota formel, prélimi-

naire, qu'on ne trouve pas dans le livre III. Celui du livre II (1, 1 - 3, 7) est lié à la

décision des trois personnages de cesser leur promenade et de s’asseoir avant de poursuivre leur entretien. Cette mise en scène, explicitement empruntée au Phedre (II 3, 6), isole le livre I et en souligne le caractère introductif : il est en effet

tout entier consacré à une réflexion sur les fondements du droit et à unc définition de la loi véritable. Les manuscrits ne nous ont conservé que les trois premiers livres (avec des lacunes aprés I 33, 1 39, II 53 et surtout ΠῚ 17). Le deuxiéme contient les lois sur la religion, le troisiéme (dont nous possédons probablement la fin: 100 E. Heck, «Zum Buchschluss von Cicero, De legibus Ill»,

Hermes 107, 1979, p. 496-499), les lois sur l'organisation des magistratures. Le quatrième, non conservé, devait contenir les lois sur l'administration de la justice (III 20, 47), tandis qu'un autre développement était annoncé sur la formation et les régles de vie des citoyens et des dirigeants (III 13, 29-30). Un fragment préservé par Macrobe (Saturn. VI 4, 8), où les personnages se déplagaient encore une fois afin de poursuivre leur entretien, appartenait au livre V. On pense généralernent qu'il y avait un nombre pair de livres, peut-étre VI comme le De rep. Le fragment de Macrobe ne suggérerait-il pas plutót un projet en 7 livres au moins (I I[-IV + V-VII)? Le nombre des livres prévus ne peut être qu'objet d’hypotheses, et celui des livres rédigés reste inconnu. - Sur le livre I (et II 4, 8-6, 14), outre Kenter 98 et Schmidt 91, p. 184-249: 101 M. Pohlenz, « Der Eingang von Ciceros Gesetzen» Philologus 93, 1938, p. 102-127 [= 75, II, P. 410-435] (sur I 1-17); 102 P. Boyancé, «Cicéron et les semailles d’ämes du Timée », Romanitas

3-4,

1961, p. 111-117

[= 13, p. 294-300]

(sur I 8, 24) ; 103 /d., « Cicéron

et le

Premier Alcibiade», REL 41, 1963, p. 210-229 (= 13, p. 256-275] (sur I 22, 58-24, 62);

104 Id., « Cicéron et les parties de la philosophie», REL 49, 1971, p. 127-154 (sur les mémes

$8); 105 /d., «L'éloge de la philosophie dans le De legibus, 1, 58-62 », Ciceroniana 1, 1975, p. 21-42; 106 K. M. Girardet, Die Ordnung der Welt. Ein Beitrag zur philosophischen und politischen Interpretation von Ciceros Schrift De legibus, coll. « Historia Einzelschriften » 42, Wiesbaden 1983, part. p. 40-84; 107 S. Benardete, « Cicero's De legibus 1: Its Plan and Inten-

tion », AJPh 108, 1987, p. 295-309.

690

CICERO (MARCUS TULLIUS) - Sur le livre II: 108 R.J. Goar, Cicero and the State Religion, Amsterdam 1972, p. 78-96 ;

E. Rawson (83), p. 342-349; 109 H. Dörrie, «Ciceros Entwurf zu einer Neuordnung des römischen Sakralwesens. Zu den geistigen Grundlagen von De legibus, Buch Il», Classica et Medievalia F. Blatt dedicata, Copenhague 1973, p. 224-240 ; 110 J. Kroymann, «Cicero und die rómische Religion », Ciceroniana. Hommages à K. Kumaniecki, Leiden 1975, p. 116-128, part. p. 119-123 ; 111 A. Momigliano, « The Theological Efforts of the Roman Upper Classes

in the First Century B. C. », CPh 79, 1984, p. 199-211 = Ottavo Contributo alla storia degli studi classici e del mondo antico, Roma 1987, p. 261-277 ; 112 J. Turpin, «Cicéron, De legibus 1- M et la religion romaine: une interprétation philosophique à la veille du principat ».

ANRW II 16, 3, Berlin 1986, p. 1877-1908. — Sur le livre III: 113 C. W. Keyes, «Original Elements in Cicero's Ideal Constitution », AJPh 42, 1921, p. 309-323; Rawson 83, p. 349-354 ; 114 J. Kroymann, « Res publica restifuenda », Politeia und res publica [Festschr. R. Stark], coll. «Palingenesia » 4, Wiesbaden 1969, p. 245-266 ; 115 A. Heuss, Ciceros Theorie vom rómischen Staat, coll. NAWG, Góttingen 1975, p. 196-272; 116 G. A. Lehmann, Politische Reformvorschldge in der Krise der späten römischen Republik. Cicero, De legibus IIl und Sallusts Sendschreiben an Caesar, Meisenheim-am-Glan 1980, p. 12-51 ; 117 A. Ronconi, « Cicerone e la costituzione romana»,

SIFC 54, 1982, p. 7-28 ; Novara 56. — Sur le tribunat de la plébe (III 8, 19-11, 26): 118 L. Perelli, «Note sul tribunato della plebe nella riflessione ciceroniana», OS 5, 1979, p. 285-303; Ferrary 55, p. 94-97;

119 L. Thommen, « Das Bild vom Volkstribunat in Ciceros Schrift über die Gesetze », Chiron 18, 1988, p. 357-75. — Sur les lois tabellaires (III 15, 33-17, 39): 120 C. Nicolet, « Arpinum, Aemilius Scaurus

et les Tullii Cicerones », REL 45, 1967, p. 276-304; 121 Id., « Cicéron, Platon et le vote secret », Historia 19, 1970, p. 39-66; Ferrary 61, p. 58-59.

4. Le probléme des sources Il est incontestable que la définition de la loi naturelle qui est donnée dans le livre I et les $8 8-14 du livre II (comme déjà celle de De rep. III 33) et les argu-

ments sur lesquels elle est fondée sont essentiellement d'origine stoicienne. Mais cela n'implique pas que Cicéron se pose en porte-parole du stoicisme (et von Arnim n'a pas été assez prudent dans l'utilisation du De leg. pour la compilation de ses SVF): cette théorie de la loi sera plus tard, dans un texte clairement inspiré par l'enseignement d' Antiochus d'Ascalon (Fin. IV 5, 11-12), mentionnée au nombre des doctrines que les stoiciens prétendaient s'approprier alors qu'elles auraient appartenu à l’héritage de l’Académie. Or le livre I contient une réflexion doxographique explicitement influencée par Antiochus (20, 52-21, 56), et P. Boyancé a pu retrouver dans les $8 24 et 58-62 d'autres traces de l'in-

fluence de ce philosophe (102-105). On a même signalé dans la conception cicéronienne de la loi certains traits relevant d'une inspiration plus platonicienne que stoicienne, ou du moins d'un stoicisme fortement teinté de platonisme (122 R. A. Horsley, «The Law of Nature in Philo and Cicero», HThR 71, 1978, p. 35-59;

Lévy 60, p. 509-521). Cicéron prétend en fait obtenir l'accord de tous les philosophes, à l'exclusion des épicuriens et tandis que la Nouvelle Académie de Carnéade (**C 42) est courtoisement priée de ne pas polémiquer (I 13, 37-39). Cet irénisme suffit à expliquer, par exemple, une définition du bonum plus souple que dans le livre III du De rep., où la polémique contre Carnéade exigeait des prises de position plus strictes. De méme Cicéron peut-il paraître hésiter, selon les passages, entre un immanentisme stoicien et un transcendantalisme platoni-

DE REPUBLICA, DE LEGIBUS

691

cien, sans que cela implique l'utilisation de deux sources différentes dont la fusion n'aurait pas été bien réalisée, ni surtout permette de distinguer deux strates de rédaction successives.

Pour l'essentiel du livre Il et pour le livre III le probléme est tout différent, puisqu'il s'agit de savoir dans quelle mesure la philosophie grecque a pu influer sur la formulation et surtout la justification de lois qui, dans leur contenu, sont essentiellement conformes aux institutions de Rome. Il ne manque pas de recherches en ce sens, notamment pour le livre II (oü la justification des lois n'est pas

aussi dramatiquement mutilée que dans le livre III), mais c'est sans doute sur ce point que l'absence d'un commentaire continu fondé sur une égale connaissance des textes philosophiques grecs et des institutions romaines se fait le plus cruellement sentir. QUELQUES GRANDS PROBLEMES D'INTERPRÉTATION

I. Cicéron et la constitution mixte

La supériorité de la constitution mixte sur les trois formes pures que sont la monarchie, l'aristocratie et la démocratie est un théme important de la philosophie politique grecque, qu'on voit apparaitre chez le Platon des Lois et chez Aristote, mais qui ne dut trouver son plein épanouissement qu'à partir d'œuvres perdues de la génération suivante, comme le Tripolitikos de Dicéarque (»»Ὁ 98). A la suite peut-étre de Caton (mais la seule indication sur laquelle se fonde cette hypothése concerne Carthage et non Rome: Serv. auct. ad Aen. IV 682 = Origines, fr. 80 Peter), Polybe eut recours à ce modèle pour interpréter les institutions romaines et faire leur éloge. Lorsque le palimpseste du De rep. fut publié, il y avait déjà plus de trois siécles que le texte de Polybe avait été utilisé dans la pensée politique occidentale pour discuter l'interprétation de la république romaine en termes de constitution mixte, et il était inévitable que le texte de Cicéron füt analysé à la lumiére de cette tradition. De plus, une confrontation de Polybe et de Cicéron et une appréciation de la part d'influence que le premier put exercer sur le second sont compliquées par la disparition quasi-totale de l'"archéologie" du livre VI des Histoires, c'est-à-dire de la partie du texte de Polybe qui constituait un équivalent du livre II dans le De rep. : d’oü la tentation, inversement, d'utiliser Cicéron pour reconstruire arbitrairement l'archéologie perdue de Polybe. Pourtant, si l'un et l'autre semblent bien avoir arrété en 449 la mise en place du système des institutions romaines, il ne fait guère de doute qu'à l'intérieur de ce cadre chronologique commun les différences l'aient emporté en fait sur les similitudes. Polybe et Cicéron soulignent la progressivité de cette mise en place, mais alors que le premier la voit émerger d'une série de crises transformées en autant de progrès, sans véritable projet rationnel (VI 10, 10), Cicéron met l'accent sur la sagesse politique des hommes politiques romains qui, dans l’ensemble, guident et maîtrisent cette évolution (II 1, 2, se réclamant de

Caton): Frede 50, p. 90. Pour Cicéron, la constitution romaine était mixte dès le régne de Romulus, mais non encore tempérée selon le juste équilibre, alors que

692

CICERO (MARCUS TULLIUS)

Polybe, pour lier la constitution mixte à sa conception de l’anacyclose, devait plutót dater la constitution mixte de 449 seulement, lorsque le maintien d'une forme de pouvoir monarchique et d'une forme de pouvoir aristocratique empéche l'établissement de la pure démocratie apres le renversement de l'oligarchie des Décemvirs. Surtout, Polybe voit dans la constitution mixte un équilibre entre éléments monarchique, aristocratique et démocratique par un jeu de pouvoirs et contre-pouvoirs, alors que Cicéron, s'affranchissant du modèle péripatéticien initialement adopté, commence par affirmer la supériorité de la monarchie, c'està-dire de la forme pure de l' imperium (|. I), puis, à travers l'expérience romaine, montre la nécessité d'une temperatio imperii, d'une modération du pouvoir par l'introduction d'une quantité de liberté soigneusement dosée de facon à ne pas dégénérer en licence abusive (1l. II). Le caractère proprement romain de cette analyse est incontestable, et il se manifeste particuliérement par le fait qu'au schéma ternaire repris initialement de la tradition grecque se substitue un schéma essentiellement binaire pouvoir/liberté = sénat et magistrats/ peuple (Ferrary 55, p. 91-92). 2. Rome et la cité idéale ; les institutions romaines et la loi naturelle

Le statut de Rome et de ses institutions dans les dialogues est suffisamment surprenant et ambigu pour que Cicéron ait eu conscience de l'étonnement qu'il

provoquerait, et pour que les commentateurs aient ensuite préféré souvent éliminer cette gêne au risque de gauchir le propos cicéronien. Rome, dans De rep. II, est présentée comme un exemplum (cf. I 46, 70 et II 39, 66), c'est-à-dire à la fois

comme un exemple et comme un mod£le. Il y a là explique la déception de Tubero lorsqu'il objecte à discussion était la res publica de maniere générale, (II 38, 64). Laelius, lui, avait compris beaucoup plus l'histoire, Scipion avait opté pour une synthése des péripatéticienne, et fait d'une cité unique, mais qui

une certaine ambiguité, qui Scipion que le propos de la et non pas seulement Rome tót que, quitte à rationaliser démarches platonicienne et était une cité bien réelle et

non pas imaginaire, le modéle, le paradigme (l' exemplar) de la cité idéale (II 11,

21-22, bien commenté par Lieberg 57). L'ambiguité est levée dans les livres II et III du De legibus, lorsqu'il apparait, à l'étonnement de Quintus et d' Atticus (II

10, 23; III 5, 12), que les lois formulées par Cicéron sont, à quelques exceptions prés, inspirées des institutions rornaines. On a généralement esquivé la difficulté, en considérant que les lois cicéroniennes n'avaient la prétention que d'étre conformes aux exigences de la loi naturelle telle qu'elle aurait été définie dans le livre I, et cette interprétation remonte finalement à la réutilisation de Cicéron par des écrivains chrétiens soucieux d'établir que la valeur des lois positives dépendait de leur conformité à une loi divine transcendante Inst. diu. VI 8 et son utilisation du fragment III 22, Girardet (106, p. 23-115; voir aussi « 'Naturrecht' bei (De legibus) », dans 45, p. 114-132) a montré qu'un

(voir notamment Lactance, 33 du De rep.). Or K. M. Aristoteles und bei Cicero certain nombre de déclara-

tions trés claires de Cicéron interdisent une telle interprétation : les lois des livres II et ΠῚ ne sont pas seulement conformes à une loi naturelle, elles ont la préten-

DE REPUBLICA, DE LEGIBUS

693

tion de fonder un droit naturel, et d’avoir de ce fait une valeur universelle dans l'espace, éternelle dans le temps (cf. I 22, 57; II 6, 14; III 2, 4; III 20, 49;

Ferrary 61, p. 68-70). Il est vrai que les Romains n'hésitaient pas à introduire chez leurs sujets, à la demande de ces derniers ou lorsque cela leur paraissait nécessaire, un certain nombre de normes constitutionnelles empruntées à leur

propre cité: l'exemple le plus connu est la loi de Pompée régissant le recrutement des conseils dans les cités de la nouvelle province de Pont-Bithynie. Mais il reste, entre de telles pratiques et les propos de Cicéron dans le De legibus, un

saut qualitatif considérable, qui explique l'étonnement de Quintus et d' Atticus, méme si l'on ne suit pas totalement Girardet (106, p. 116-188) dans l'idée que Cicéron ait réellement envisagé l'adoption de son "code" par toutes les cités de l'empire romain. Rome, d'exemple, devient en tout cas le paradigme de l'optimus status: cette évolution est facilitée par la critique d'autres constitutions mixtes, et notamment de Sparte ; mais ce qui est implicitement assumé sans étre vraiment établi, c'est que Rome n'est pas seulement une cité supérieure aux

autres dans son mode de gouvernement, c'est qu'avec Rome le paradigme de l'optimus status s'est déjà historiquement réalisé. S'il est vrai en effet que pour Cicéron le temps ne s'est pas arrété en 449, que des modifications ont pu et

pourront encore étre apportées, puisque sont acceptées des réformes comme l'institution des lois tabellaires, et que sont méme suggérées un petit nombre d'autres réformes n'appartenant pas à la tradition romaine,

il n'en reste pas

moins que l'optimus status, c'est-à-dire la juste temperatio imperii, a été atteint en 449, et qu'il ne s'agit plus, depuis, que de préserver cette donnée fondamentale en tenant compte des circonstances sans rien leur sacrifier d'essentiel.

3. Autour de la « théorie cicéronienne du principat » L'interprétation du De republica a été parfois faussée par l'idée que ce traité aurait proposé

une théorie du principat annonciatrice

du régime

augustéen.

Développée en particulier par 123 R. Reitzenstein, « Die Idee des Prinzipats bei Cicero und Augustus », NGG 38, 1917, p. 399-436 et 481-498, et encore par 124 M. Schäfer, «Cicero und der Prinzipat des Augustus», Gymnasium 64, 1957, p. 310-335, elle a été justement combattue et réfutée par 125 R. Heinze, « Ciceros 'Staat' als politische Tendenzschrift», Hermes Vom

Geist des

Römertums,

Darmstadt

1960?,

59, 1924, p. 73-94 [-

p. 141-159],

P. Grenade

(plus

nettement dans 126 « Remarques sur la théorie cicéronienne dite du *Principat' », MEFR 57, 1940, p. 32-63, que dans 127 « Autour du De republica», REL 29, 1951, p. 162-183), Lepore 6, et 128 P. Krarup, Rector rei publicae, Copenhague 1956. Les remarques suivantes porteront sur trois points, qui peuvent d'ailleurs apparaitre isolément dans telle ou telle étude, et ne conduisent pas toujours à la thèse extrême d'un Cicéron précurseur d' Auguste. -- Le premier est la préférence accordée à la monarchie parmi les constitutions simples (I 30, 46 - 51, 64). Elle

ne doit pas faire oublier que Scipion ne cesse de proclamer la supériorité de la constitution mixte sur toute forme simple, et il faut considérer dans leur ensemble les deux premiers livres : aprés avoir dans le livre I affirmé le primat de l'im-

694

CICERO (MARCUS TULLIUS)

perium dont la monarchie est en quelque sorte une forme pure, Cicéron démontre dans le livre II la nécessité d'une temperatio imperii dont il souligne qu'elle est incompatible avec toute forme, méme mixte, de monarchie (Il 23, 43). L'échec de la monarchie romuléenne devenue tyrannie avec Tarquin le Superbe (II 25, 45-31, 53) condamne définitivement un retour en arrière, et

justifie le recours à tous les moyens pour contrer les tentatives d'adfectatio regni (11 35,60; VI 8, 8). On ne peut déduire du De rep. que les Romains des dernières

décennies de la République auraient vu le régime monarchique avec plus de faveur que ceux des générations précédentes (en ce sens, d'une certaine facon, 129 P. Grimal, «Du De republica au De clementia. Réflexions sur l'évolution de l'idée monarchique à Rome », MEFRA 91, 1979, p. 671-691, repris dans Rome.

La.littérature et l'histoire, coll. «École Française de Rome » 93, Roma 1986, II, p. 1239-1259). Si le dialogue cicéronien a de ce point de vue exercé quelque influence dans la mise en place du système augustéen, ce fut plutôt indirectement, dans là mesure où il a contribué à fournir une caution morale au tyrannicide de 44 (130 E. Gabba, «I falsi stati nel De republica di Cicerone», dans Studi in onore di E. Volterra, Ill, Milano

1971, p. 1-5), et oü l'échec de César

conduisit Auguste à dissimuler le plus possible les aspects monarchiques de son pouvoir. — Le second point est la dictature promise à Scipion Émilien dans le Songe s'il échappe aux pieges tendus par ses proches (VI 12, 12), qu'on a souvent interprétée comme une dictature constituante dotée de pouvoirs extraordinaires (ainsi 131 C. Nicolet, «Le De republica VI,

12 et la dictature de

Scipion », REL 42, 1964, p. 212-230; Lehmann, 116, p. 40-44; la question de savoir s'il fut réellement question en 129 de nommer Scipion dictateur est ici secondaire, mais on prendra garde au fait qu'il y a de toute fagon dans le Songe un certain nombre d'inexactitudes historiques, bien analysées par 132 J. EvrardGillis, «Historicité et composition littéraire dans le Somnium Scipionis : quelques observations », AncSoc 8, 1977, p. 217-221). Girardet 106, p. 186-221, a récemment fondé sur ces lignes et sur une allusion au De republica contenue dans un traité politique grec de l'époque de Justinien (133 C. A. Behr, «A New Fragment of Cicero's De republica», AJPh 95, 1974, p. 141-149) des hypothéses encore beaucoup plus audacieuses, et qui ne sauraient étre retenues: pour introduire son code législatif à Rome, Cicéron aurait imaginé la désignation pendant quelques années d'un dictateur reipublicae constituendae assisté de Xuiri legibus scribundis annuellement renouvelés. Le dialogue byzantin doit maintenant étre consulté dans l'édition de 134 C. M. Mazzucchi, Menae patricii cum Thoma referendario de scientia politica dialogus, Milano 1982 (où le nouveau "fragment" se trouve p.27). Il semble bien que l'auteur, un contemporain de Priscien, a eu une connaissance directe du De rep. (voir aussi p. 15 et 25 M.), mais son texte est trés difficilement exploitable pour remonter à la véritable pensée cicéronienne, qu'il a manifestement trés profondément réinterprétée pour la rendre utilisable dans le contexte de la Constantinople de Justinien: en tout cas, il n'a rien à voir avec les conclusions qu'en a voulu tirer

Girardet (et on notera que n'est pas davantage concluant l'article que le méme

DE REPUBLICA, DE LEGIBUS

695

texte byzantin a inspiré à 135 A. S. Fotiou, « A Re-Consideration of Cicero's Princeps Civitatis in the Light of New Evidence from a Sixth-Century Political Treatise », dans D. F. Bright et E. S. Ramage (édit.), Classical Texts and their

Traditions. Studies in Honor of C.R. Trahman, Chico, California 1984, p. 4158). Quant aux lignes du Songe, elles sont parfaitement compatibles avec Leg. III, et rien ne permet d'affirmer qu'il y soit question d'autre chose que d'une dictature traditionnelle de type présyllanien, c'est-à-dire une solution à laquelle la République avait souvent eu recours dans le passé, en particulier pour rétablir l'unité de la cité menacée de sédition (De leg. III 3, 9): 136 J.-L. Ferrary, « Cicéron et la dictature » , dans Fr. Hinard (édit.), Dictatures, Paris 1988, p. 97-

105). - Reste le troisiéme point, c'est-à-dire le róle dévolu à celui que Cicéron, dans les livres V et VI du De rep., semble d'ailleurs avoir plus volontiers appelé rector que princeps, sans doute parce que les principes ciuitatis de son temps lui en paraissaient par trop éloignés. Ce róle est considérable en effet, puisque le rector, c'est-à-dire en fait l'homme politique idéal, a pour mission de préserver la constitution mixte et tempérée que ses prédécesseurs ont progressivement mise en place (cf. De rep. I 29, 45 et II 25, 45), et par l'exemple qu'il donne de maintenir ou rétablir la concorde et l'harmonie au sein de la cité (De rep. II 42, 69). Mais ce rector n'a pas vocation à être unique (l'idéal serait même que tout sénateur, en tout cas les plus prestigieux d'entre eux, assument ce röle: De leg. II 13, 30- 14, 32), il n'a aucune place qui lui soit dévolue dans le système des magistratures (De leg. III), et peut méme

n'exercer aucune

magistrature, ne

détenir aucun pouvoir institutionnel au moment où il se manifeste (De rep. II 25, 46). Là est la différence essentielle: le rector cicéronien bénéficie d'une aucto-

ritas, il exerce un magistére moral, qui n'impliquent aucune modification des institutions ; Auguste, malgré une phrase célébre de ses Res gestae (34, 3), ne l'emportait pas seulement par son auctoritas: sa force était assise sur une accu-

mulation de pouvoirs qui avaient en fait totalement rongé le systéme des magistratures. Une surinterprétation manifeste de l'influence qu'auraient exercée les dialogues cicéroniens avait entraîné par réaction les paroles méprisantes de R. Syme en 1939 («a book about which too much has been written», à propos du De rep.); les travaux des derniéres décennies les ont replacés dans leur contexte historique et ont beaucoup contribué à les mieux comprendre et à les mieux juger. Sur le probléme de "Cicéron précurseur politique", l'étude de 137 J. Béranger, «Cicéron précurseur politique », Hermes 87, 1959, p. 103-117,

repris dans Principatus, Genéve 1975, p. 117-134, témoignait déjà d'une approche enfin débarrassée des postulats anciens, et traitant avec pertinence et finesse une question dont était perçue toute la complexité. [Notice rédigée en 1995. Addendum, mars 2000]. Sur la pensée politique à Rome, ajouter 138 G. Zecchini, /l pensiero politico romano dall'età arcaica alla tarda antichità, Roma 1997 (en particulier le chap.

4: «La teoria di Cicerone e la prassi di Cesare »). On lira également avec profit les contributions réunies dans 139 M. Griffin et J. Barnes (édit.), Philosophia togata : Essays on philosophy and Roman society, 1-II, Oxford 1979 et 1997.

696

CICERO (MARCUS TULLIUS)

Editions. Une nouvelle édition des deux traités doit être donnée par J. G. F. Powell dans ia collection Oxford Classical Texts. Une utile traduction anglaise a été publiée par 140 J. E.G. Zetzel, Cicero, On the Commonwealth and On the Laws, coll. « Cambridge Texts in the History of Political Thought,» Cambridge 1999. Le De republica Pour le livre I, les discussions sur le $ 50 continuent sans fin (141 G. Lieberg, WS 106, 1993, p. 85-102: fragment d'éloge de la démocratie ; 142 J. Christes, WJA 21, 1996/7, p. 219-227: fragment d'éloge de la monarchie). Pour le livre II, ajouter 143 W. Blósel, «Die Anakyklosis-Theorie und die

Verfassung Roms im Spiegel des sechsten Buches des Polybios und Ciceros de re publica BuchII », Hermes 126, 1998, p. 31-57. Pour le livre ITI, ajouter 144 J. E. G. Zetzel, «Natural Law and Poetic Justice: a Carneadian Debate in Cicero and Virgil », CPh 91, 1996, p. 297-319 ; 145 D. E. Hahm, « Plato, Carneades and Cicero's Philus (Cicero, rep. 3, 8-31)»,

CQ n.s. 49, 1999, p. 167-183. Pour le Songe de Scipion, ajouter 146 J.G. F. Powell,

« Second thoughts on

the Dream of Scipio», dans F. Carins et M. Heath (édit.), Papers of the Leeds international Latin seminar, IX : Roman poetry and prose, Greek poetry, etymo-

logy, historiography, Leeds 1996, p. 13-27. Le De legibus Ajouter 147 M. Fontanella, « Introduzione al de legibus di Cicerone», Athenaeum 85, 1997, p. 487-530 ; 86, 1998, p. 179-208. Le dernier article de 148 A. Grilli en faveur dune datation césarienne du De legibus («Cicerone e la speranza d'una costituzione », ACD 31, 1995, p. 55-63), ne m'améne pas à modifier mes conclusions. Pour le livre II, ajouter en particulier 149 J. Linderski, « Cicero and Roman

divination», PP 37, 1982, p. 12-38, repris dans Roman questions, Stuttgart 1995, p. 458-484, avec des addenda p. 667-668), et P. A. Brunt, «Philosophy and Religion in the Late Republic», dans 139, I, p. 174-198. Pour des compléments bibliographiques, voir 147. Cicéron et la constitution mixte Ajouter A. Lintott, «The Theory of the Mixed Constitution at Rome », dans 139, II, p. 70-85. Rome et la cité idéale ; les institutions romaines et la loi naturelle.

Ajouter, sur la loi naturelle, les thèses largement divergentes exprimées dans deux articles de ANRW Il 36, 7, Berlin 1994, par 150 P. A. Vander Waerdt, « Philosophical influence on Roman Jurisprudence ? The Case of Stoicism and Natural Law», p. 4851-4900 (en part., sur Leg., I, p. 4866-4878), et 151 Ph. Mitsis, « Natural Law and Natural Right in post-Aristotelian philosophy. The Stoics and their Critics», p. 4812-4850 (en partic. les critiques contre Vander Waerdt, p. 4841-4844). On notera que ces travaux ignorent totalement ceux de

DE REPUBLICA, DE LEGIBUS

697

Girardet, qui est revenu sur cette question dans 152 « Naturrecht und Naturgesetz: eine gerade Linie von Cicero zu Augustinus », RAM 138, 1995, p. 266298. Sur la comparaison entre Rome et Sparte, 153 I. G. Taiphakos, Σύγκρισις

πολιτειῶν στὸ De re publica τοῦ Κικέρωνος. ἑλληνικῆς Autour Ajouter blica», SCI

'H ρωμαϊκχὴ ἐφαρμογὴ μιᾶς

μεθόδου, Athènes 1996. de la «théorie cicéronienne du principat » 154 1.6. F. Powell, « The rector rei publicae of Cicero's de Repu13, 1994, p. 19-29. JEAN-LOUIS FERRARY.

PARADOXA STOICORUM

Éditions et commentaires. Les éditions de référence sont celles de 1 O. Plasberg (édit.), Paradoxa Stoicorum, Academicorum reliquiae cum Lucullo, Timaeus, De Natura Deorum, De Divinatione, De Fato, Leipzig 1908 ; de 2 R. Badali (édit.), Cicero, Paradoxa Stoicorum, Milano 1968, et de 3 J. Molager (édit.), Les paradoxes des Stoiciens, CUF, Paris 1971 (avec une importante introduction); voir aussi 4 H. Rackham (édit.), Cicero, De oratore

Book III, De fato, Paradoxa Stoicorum, De partitione oratoria, with an English translation by H. R., coll. LCL, Cambridge (Mass.)/London 1942. Parmi les éditions commentées, cf. en outre 5 G. Munno (édit.), Cicero, Paradoxa Stoicorum, Napoli 1937; 6 S. Stella (édit.), Cicero, Paradoxa Stoicorum, Milano 1937; 7 A.G. Lee (édit.), Cicero, Paradoxa Stoicorum, London 1953; 8 N. Marinone (édit.), / paradossi degli Stoici, Milano 1958 (utile et équilibré: l'auteur a

examiné certaines questions exégétiques et textuelles dans 9 N. Marinone, « Cicerone, "Paradoxa Stoicorum" $22 e 837», RIFC 38, 1960, p. 53-67); 10 G. Bruno (édit.), Cicero, Paradoxa Stoicorum, Roma 1962; 11 M.R. Wright (édit.), Cicero, On Stoic good and evil: De finibus 3 and Paradoxa Stoicorum,

ed. with an introd., transl. and commentary, Warminster 1991 ; l'ouvrage de 12 M. V. Ronnick, Cicero's « Paradoxa Stoicorum» : a commentary, an interpretation and a study of its influence, Frankfurt a. M. 1991, est utile, plus encore que par son commentaire, par les longs passages qu'il consacre à la tradition manuscrite et à la fortune de l'œuvre. Datation et nature de l’œuvre. Grâce aux données fournies par proem. 5, on peut fixer de manière assez sûre la date de la composition des Paradoxa Stoicorum aux tout premiers mois — probablement en février (ce qui équivaut au mois d'avril du calendrier préjulien) — de 46, aussitót aprés la composition plus absorbante du Brutus et avant que ne soit parvenue à Rome, après la seconde moitié du mois, la nouvelle du suicide de Caton (**C 59) à Utique, Caton à qui il est fait allusion dans les Paradoxa comme à quelqu'un qui est encore vivant: sur

toute la question, cf. 13 P. Groebe, «Die Abfassungszeit des Brutus und der Paradoxa Ciceros », Hermes 55, 1920, p. 105-107. L'ouvrage est dédié à Brutus (»*B 63) : c'est à lui qu'avait déjà été dédié lors des mois immédiatement précédents le Brutus, et que seront adressés dans la méme année l'Orator, et par la

suite les trois traités philosophiques De finibus bonorum et malorum, Tusculanae disputationes, De natura deorum.

Brutus comptait parmi les atticistes les plus renommés de son temps: ce n'est pas par hasard, semble-t-il, que Cicéron, après avoir donné son nom à l'importante histoire de l'éloquence romaine dans laquelle il cherche notamment à corriger les positions atticistes, lui dédie désormais les Paradoxa Stoicorum où il soumet à un traitement d'amplificatio rhétorique appropriée ces maximes stoiciennes trés concises, dont la briéveté et la ieiunitas semblent se trouver en sin-

gulière coïncidence avec les positions de l'atticisme. Au début du second livre

PARADOXA STOICORUM

699

du De diuinatione (II 1-4), Cicéron dresse la liste de ses propres œuvres philoso-

phiques ; or, il n'a pas placé les Paradoxa dans cette liste, et c'est notamment pour cette raison qu'on s'est demandé quelle position occupe cette ceuvre dans l'activité de Cicéron: on a voulu attribuer à cette œuvre un caractère d'exercice, exclusivement rhétorique (voir le ludens de proem. 3), en se fondant aussi sur le caractère contradictoire que l’on a prétendu irréductible à l'égard des positions prises ailleurs par Cicéron, qui s'exprime de facon hostile aux maximes stoiciennes aussi bien avant la composition des Paradoxa, par exemple dans le Pro Murena, qu'après, par exemple dans le De finibus; cf. 14 R. Philippson, art. « M. Tullius Cicero. Philosophische Schriften», RE VII A, 2, 1939, col. 1123; 15 O. Tescari, / paradossi degli Stoici, Milano 1968, p. 9-10. Mais cette inter-

prétation purement rhétorique a été à son tour soumise à la discussion, par exemple par 16 K. Kumaniecki, « Ciceros Paradoxa Stoicorum und die rómische Wirklichkeit», Philologus 101, 1957, p. 113-134, et par 17 A. Michel, «Cicéron et les paradoxes stoiciens », AAntHung 16, 1968, p. 223-232; la question a été reprise, dans un volume qui contient une mise au point sur divers problémes liés à l'opuscule cicéronien, par 18 F. Stok, Omnes stultos insanire. La politica del paradosso in Cicerone, Pisa 1981, p. 11 n. 16-19 ; cf. aussi M. R. Wright 11, et les suggestions de 19 P. Grimal, « Réflexions sur les Paradoxa Stoicorum de Cicéron », dans Tradizione dell'antico nelle letterature e nelle arti d'Occidente :

Studi in memoria di Maria Bellincioni Scarpat, Roma 1990, p. 1-6. Structure de l’œuvre. L'opuscule comprend un prologue - qui expose des données importantes sur la nature et les intentions de l’œuvre — et le traitement de six paradoxes (une lacune au début du quatriéme paradoxe rend possible — quoique non certain — que les maximes traitées aient été à l'origine au nombre de sept), chacun précédé du titre grec correspondant, qui rapporte l'énoncé de la thèse sous la forme où elle avait circulé dans l'école stoicienne. Le prologue présente l’œuvre comme un exercice rhétorique dans lequel l'auteur se propose de traiter sous la forme de lieux communs et de quaestiones infinitae (θέσεις) les

théses ardues et paradoxales (quae ... sunt admirabilia contraque opinionem omnium, glose Cicéron dans le proem. 4 avec une terminologie latine) de l'éthi-

que stoicienne, en les rendant accessibles et convaincantes pour un vaste public. C'est ainsi qu'il en démontre d'une part l'ascendance socratique (et cet appel à Socrate constitue une forme de légitimation pour des maximes, comme celles des stoiciens, exposées à l'accusation d'extrémisme et d'abstraction scolastique), et d'autre part la compatibilité et méme la coincidence avec la morale romaine traditionnelle. La méthode suivie ne sera donc pas celle, typiquement philoso-

phique, du dialogue — dans lequel on cherche à évaluer la validité d'une assertion par le moyen d'un débat entre opinions diverses — mais celle du monologue rhétorique qui tend à persuader un auditoire, sous des formes parénétiques qui du dialogue conservent néanmoins l'écho et la mimesis. Il est important, à cet égard,

de souligner l’emploi d'un procédé typique de la diatribe : la fiction d'un interlocuteur imaginaire, tantót destinataire de l'action persuasive, tantót adversaire que Cicéron évoque et apostrophe dans des formes destinées à susciter l'émotion, en

700

CICERO (MARCUS TULLIUS)

un entretien dense constitué d' exempla tirés de l'histoire romaine, d'éthopées de types humains abstraits, d'allusions personnelles, d'interrogations rhétoriques. En ce sens les Paradoxa de Cicéron, tout en absorbant et en adaptant des formes provenant de la diatribe, annoncent certaines modalités de communication philosophique qui seront typiques de l'époque impériale: cf. 20 G. Moretti, Acutum dicendi genus. Brevità, oscurità, sottigliezze e paradossi nelle tradizioni reto-

riche degli Stoici, Bologna 1995, p. 170-172). Le premier paradoxe, «Que le beau moral est le seul bien» (Cicéron fera

discuter Caton sur le méme th&me dans le De fin. III 26-27, et il y fait aussi allusion dans le De fin. IV 46 et le De off. III 12), se trouve illustré par des exemples tirés de l'histoire romaine, allant de Romulus et Numa jusqu'aux Scipions et à Caton le Censeur, suivant une méthode communément suggérée par les recueils de préceptes rhétoriques, mais qui regoit ici une fonction supplémentaire, celle de faire adhérer à l'antique morale romaine et à ses héros traditionnels les affirmations paradoxales de l'école stoicienne (la vertu seule suffit à donner le bon-

heur, et ce que nous appelons à tort des «biens » n'en sont pas effectivement : mais on doit observer que l'origine stoicienne de semblables théses se trouve dés la premiere phrase — pour éviter les réactions négatives du public idéal auquel s'adresse Cicéron — déguisée et traitée comme non pertinente ; il est au contraire fait plusieurs fois allusion à un courant d'opposition — génériquement indiqué par le pronom isti — qui finalement, au paragraphe 14, se trouve identifié avec les

Épicuriens).

Le second paradoxe porte pour titre « Que la vertu seule suffit à donner une vie heureuse» (Cicéron en donnera l'argumentation discutée dans le livre V des Tusculanae, et il y fera encore allusion dans le De fin. V 79 en relation logique - il faut y prendre garde — avec le premier paradoxe: rapprochement qui explique aussi la séquence adoptée dans les Paradoxa Stoicorum). Ce paradoxe lui aussi se trouve illustré par des exemples tirés de l'histoire nationale (l'homme vertueux est heureux méme au milieu des supplices, comme Atilius Regulus, ou dans l'adversité, comme Marius). Le bonheur authentique est indépendant des circonstances externes ; seul est malheureux celui qui est méchant et esclave des

passions : Cicéron s'adresse ici sur un ton áprement polémique à un interlocuteur qu'il ne nomme pas, et en qui il est facile de reconnaitre Publius Clodius Pulcher, son ennemi juré — mort en affrontant les hommes de Milon sur la via

Appia au début de l'année 52 - qui sera apostrophé avec plus de violence encore dans le quatriéme paradoxe. En revanche, il faut probablement exclure toute référence à Antoine, parce que la rupture avec lui sera postérieure (en 44), et parce que les allusions du texte ne lui conviennent pas complétement. Le troisiéme paradoxe affirme : « Toutes les fautes sont égales, les bonnes actions aussi ». De fait, la réalité d'une faute — ou au contraire d'un acte vertueux — ne doit pas se mesurer à ses conséquences, mais à l'intention de son auteur. Violer ce qui est licite, c'est comme traverser une ligne marquant une limite, et une fois celle-ci franchie la faute ne connait pas de gradations. Ce paradoxe ne s'avére pas seulement le plus difficile à démontrer, c'est aussi celui dont le trai-

PARADOXA STOICORUM

701

tement révèle les plus grandes intonations sophistiques (cependant on a soutenu, comme 21 B. Wisniewski, «Les Paradoxa Stoicorum de Cicéron et la Sophistique», LEC 49, 1981, p. 293-303, qu'on trouve de manière générale dans le petit ouvrage de Cicéron des échos de théories, de controverses et d'argumentations venant de Prodicos de Céos, de Protagoras, d’Hippias (ἢ 145) et encore d'Aristippe [»+A 356]). De tous les paradoxes, c'est aussi celui qui se laisse le moins ramener à la morale romaine traditionnelle : ainsi, aux exempla tirés de

l'histoire nationale se substituent des ressemblances et des exemples génériques d'école. Dans ce paradoxe en particulier, l'exercice d'équilibre auquel se livre Cicéron en matiére d'habileté argumentative semble en réalité prévaloir sur toute conviction philosophique : ailleurs il ne fait que fustiger de ses critiques cette thése, qui est fortement ridiculisée dans le Pro Mur. 61-62, et réfutée dans le De

fin. IV 74-77, passage dans lequel Cicéron rejette en outre un grand nombre des exemples employés précisément dans le troisième des Paradoxa afin de la soutenir. Le quatrième paradoxe porte pour titre: « Tout insensé est fou» (Cicéron y fait allusion encore dans les Tusc. III 9): mais le développement de ce paradoxe

— qui s'interrompt après la première phrase en raison d'une lacune dont il est difficile de déterminer l'étendue — s'oriente ensuite en réalité vers un autre paradoxe, « Tout insensé est en exil», auquel Cicéron fait encore allusion dans ad Brut. I 15, 5, et dont il traite aussi, en le liant étroitement à l'autre paradoxe, également dans le Pro Murena 61 et dans le Lucullus 144. Il existe donc au moins trois hypothèses possibles sur l'état originaire du texte: (a) la lacune est trés grande, et elle a dü contenir le traitement du paradoxe « Tout insensé est fou » et le début du paradoxe « Tout insensé est en exil», dont il ne resterait que la partie finale : dans ce cas, les paradoxes traités auraient été au nombre de sept et non de six ; (b) il n'y a qu'un seul paradoxe, mais il comprend, comme dans le

Pro Murena et le Lucullus, un développement des deux thèses qui sont logiquement liées l'une à l'autre: la lacune serait alors de proportions moyennes; (c) il n'y a en réalité qu'un seul thème traité, «Tout insensé est en exil», et le titre est le résultat d'une méprise, d'une confusion avec le paradoxe plus connu: la lacune serait alors assez réduite. L'invective est lancée une fois encore, comme dans le second paradoxe, contre Clodius, d'autant plus qu'au théme abstrait de l'exil se méle le souvenir de la responsabilité directe qu'a eue ce personnage dans l'exil concret de Cicéron (sur les techniques rhétoriques et pathétiques du

développement ici employées, cf. 22 B.P. Wallach, «Rhetoric and Paradox : Cicero, Paradoxa Stoicorum IV », Hermes 118, 1990, p. 171-183; en général sur l'introduction de réalités contemporaines dans la discussion des paradoxes, cf. Kumaniecki 16). Le cinquième paradoxe, «Seul le sage est libre et tout insensé est esclave» (thème auquel Cicéron fait encore allusion dans le Pro Mur. 61 et le De fin. III 75), propose, comme exemples d'individus rendus — chacun à sa manière --

esclaves des passions, toute une galerie de types humains apparemment abstraits (le général, l'amoureux, le collectionneur, l'ambitieux), mais dans laquelle se

702

CICERO (MARCUS TULLIUS)

cachent des allusions à des personnages concrets de la Rome contemporaine ou appartenant au passé récent. Le sixiéme paradoxe, « Seul le sage est riche» (Cicéron y fera de nouveau allusion dans le De fin. III 75, rappelant là encore le personnage de Crassus) vient enfin clore l'ceuvre sur une nouvelle apostrophe polémique adressée à un personnage contemporain. Il s'agit du triumvir Marcus Licinius Crassus (»*C 198), mort en 53 à Carrhes, auquel Cicéron se réfère des le début sans le

nommer expressément: par opposition à son ethos négatif se trouvent pourtant rappelés rapidement des héros et des personnages exemplaires relevant d'un passé plus ou moins lointain (Fabricius, Manius Curius, l' Africain et Manius Manilius). C'est dire qu'une fois encore, l'argumentaire cicéronien se sert effi-

cacement dans les Paradoxa Stoicorum d'une stratégie qui avait depuis les débuts favorisé la pénétration du stoicisme dans le milieu culturel romain (cf. Moretti 20, p. 73 sqq.) : il s'agit de la dissimulation des doctrines d'école sous la

livrée rassurante et convaincante de l'éthique traditionnelle, de l'appel au mythe de la Rome archaique. Sources. Les paradoxes étaient devenus des les origines de l'école un extraordinaire véhicule doctrinal de la pensée stoicienne, dans la mesure oü ces formules brachylogiques rassemblaient en elles, sous forme d'apophtegmes faciles à retenir et surprenants (ce n'est pas un hasard si cette forme a fait l'objet de fréquentes parodies, par exemple dans la satire latine), l'essentiel de la pensée éthique de l'école (cf. Moretti 20, p. 159 sgg.). Nous avons connaissance d'un traité

spécifique consacré à ces formules: Hécaton, (»*H 13) le disciple de Panétius,

avait écrit un Περὶ παραδόξων comportant au moins trois livres (cf. Diog. Laert. VII 124). Il est probable que le traité d'Hécaton a influencé l'approche cicéro-

nienne des paradoxes stoiciens ; Cicéron utilisera également, peu de temps aprés, son traité sur les devoirs — outre celui de Panétius — pour composer son De officiis. Sénèque puisera encore volontiers à ses écrits, et pas seulement dans le De beneficiis, et il s'appuiera en particulier sur ses maximes. Des formulations identiques ou semblables à celles utilisées par Cicéron se rencontrent, d'autre part, de facon récurrente dans ce qui reste des écrits des maitres du Portique : et les paradoxes — auxquels on reconnait la valeur qui caractérise absolument la pensée éthique de l'école — se retrouveront dans les encadrements biographicodoctrinaux que leur consacrera Diogéne Laérce. Pour le premier paradoxe cicéronien, cf. par conséquent e. g. Diog. Laert. VII 101; pour le second, Diog. Laert. VII 127-128; pour le troisieme, Diog. Laert. VII 120; pour le quatriéme, Diog. Laert. VII, 124; pour le cinquième, Diog. Laert. VII 121-122; pour le sixième, cf. Stob., Anthol. 2, 7, 1181, p. 99-103 Wachsmuth.

Fortune. Le petit ouvrage de Cicéron sera destiné à connaitre une vaste diffusion manuscrite et une fortune culturelle durable. Il faut en particulier en rappeler l'extraordinaire efficacité modélisante, dont rend largement compte, tout en se fondant sur des travaux antérieurs, Ronnick 12, aux chap. IV. History of the "Paradoxa Stoicorum" as a Manuscript et chap. V. History of the "Paradoxa Stoicorum" as a Printed Book (p. 51-100), et dans les Appendices: 1. The

PARADOXA STOICORUM

"Paradoxa

703

Stoicorum" in Medieval and Renaissance Catalogues ; 2. Manu-

scripts and Commentaries of the Paradoxa Stoicorum; 3. Paradoxa Stoicorum as a Printed Book, 1465-1991 (p. 147-219). (M. V. Ronnick, «Manuscripts and commentaries of the Paradoxa Stoicorum», RCCM 32, 1990, p. 119-137; W. Englert, « Bringing philosophy to the light. Cicero's Paradoxa Stoicorum », Apeiron 23, 1990, p. 117-142; G. Achard, «Les Paradoxa Stoicorum de Cicéron :

éloquence ou philosophie ? », REL 77, 1999, p. 72-86.) GABRIELLA MORETTI.

FRAGMENTS PHILOSOPHIQUES Editions. 1 Giovanna Garbarino (édit.), M. Tulli Ciceronis Fragmenta ex

libris philosophicis, ex libris deperditis, ex scriptis incertis, Ioanna Garbarino recognovit, Milano 1984, 179 p. Importante préface en latin (p. 3-37) ; bibliographies des éditions antérieures, des sources, des études ; index des noms et des sources; table de concordance avec les principales éditions antérieures. Pour

chaque ouvrage ou section, distingue testimonia et fragmenta. 2 C. Vitelli (édit.), M. Tulli Ciceronis Consolationis fragmenta, Milano 1984, 61 p. Préface en latin (p. 7-11); bibliographies ; reconstitution du plan probable de l'ouvrage (en latin, p. 22-23); index; table de concordance avec l'édition Müller (BT, Leipzig 1879) ; testimonia suivis de vingt-trois fr. 3 A. Grilli (édit.), Hortensius, Milano/

Varese 1962, 175 p. Préface en latin (p. 7-8); reconstitution du plan probable de l'ouvrage (en latin, p. 9-11); table de concordance ; testimonia suivis de cent-

vingt fr. ; importantes Observations en italien (p. 61-174). Également 4 M. Ruch, L'"Hortensius" de Cicéron. Histoire et reconstitution, Paris 1958 (importante introduction, p. 8-58; quatre-vingt-seize fragments disposés selon une proposition de reconstruction, chacun suivi d'une traduction francaise et d'un commentaire) ; 5 L. Straume-Zimmermann dans L. Straume-Zimmermann, F. Broemser

et O. Gigon, Hortensius, Lucullus, Academici libri, coll. «Sammlung Tusculum », München/Zürich 1990, p. 6-111 avec traduction allemande, commentaire en allemand (p. 327-370) et table de concordance p. 477-479. LA CONSOLATIO

Composition. Écrite par Cicéron pour son propre usage, à la suite de la mort de sa fille Tullia en février 45. Selon 6 K. Kumaniecki, « A propos de la Consolatio perdue de Cicéron », AFLAix 46, 1969, p. 369-402, elle aurait été composée en

deux

jours

(6-7

mars

45).

7

C. Vitelli,

«La consolatio ciceroniana.

Cronologia della composizione », RAL 28, 1973, p. 673-681, propose une datation légèrement différente : début entre le 15 février et le 6 mars, achèvement entre le 8 et le 11 mars, révision et correction jusqu'au 21 mars; d’après Arr. XII 23, 3, Atticus (»*A 505) aurait largement collaboré à la révision de l'ouvrage. La correspondance (Att. XII 12-34) conserve le témoignage de l'intensité de

son chagrin (cf. 8 Y. G. Lepage, «Cicéron devant la mort de Tullia d'apres sa correspondance », LEC 44, 1976, p. 246-258, qui étudie l'ensemble des réactions

de Cicéron face à ce drame). Réfugié dans une villa appartenant à Atticus, Cicéron a lu toute la littérature de maerore minuendo avant de se livrer à un exercice sans précédent d'auto-consolation (Art. XII 14, 3) pour lequel il s'est particulie-

rement inspiré de Crantor (**C 195] (F 4 ; 4a; cependant pour Kumaniecki 6 il ne faut pas surestimer l'importance de cette inspiration avouée qui cache un

recours à un matériel beaucoup plus large). Le réconfort qu'il y trouva l'incita à publier son texte pour servir à d'autres (Diu. II 3).

FRAGMENTS PHILOSOPHIQUES

705

Structure et thèmes. Selon Kumaniecki 6, le plan comprenait trois parties: 1° misère de la vie humaine ; 2? revue des arguments de consolation proposés par les philosophes; 3° thése de l'immortalité de l’äme. Dans la reconstitution de Vitelli 2, la Consolation associait, aprés un prologue (F 1-4a) une déploration

des maux inhérents à la vie (F 5-15) à une thérapie du chagrin (F 16-23). Le premier théme développait l'idée que la vie représente un chátiment (cf. Hortensius, F 112 Grilli) et qu'en conséquence mieux vaut n'étre pas né ou alors mourir au plus tót, et la réflexion sur la condition humaine s’appuyait en particulier sur des exemples poétiques: Naeuius: F 10; Hésiode: F 13; Callimaque: F 14; auteurs de Métamorphoses: F 12; sur ce dernier point, l'hypothése de Vitelli a été confirmée par 9 L. Alfonsi, « Su un τόπος della consolatio ciceroniana », Athenaeum 52, 1974, p. 347-348: Cicéron aurait évoqué les métamorphoses de Niobé, Hécube, Alcyoné, Cycnus.

Le second théme empruntait aux études philosophiques du Portique et du Péripatos et l'histoire romaine fournissait de nombreux exemples (sur les person-

nages évoqués : cf. 10 F. Münzer, Römische Adelsparteien und Adelsfamilien, Stuttgart 1920, Anhang, «Die geschichtlichen Beispiele in Ciceros Consolatio », p. 376-408). A partir de la citation d'Ennius (»E

25) contenue dans le F 17

(licet / lacrimare plebi, regi honeste non licet) et par comparaison avec la Correspondance et les Tusculanes, 11 G. Mazzoli, «La plebs e il rex (Fr. 17 Vitelli).

Per l'interpretazione

della Consolatio

ciceroniana », Athenaeum

60,

1982, p. 359-385, étudie les enjeux philosophiques de la Consolatio et son recours aux exempla (importantes indications bibliographiques en notes). Le probléme illustré par la citation d'Ennius est également évoqué dans le De Amiεἶπα 6-7 (échange entre Fannius [»*F 6] et son beau-père Laelius, au sujet du chagrin que ce dernier éprouve de la mort de son ami Scipion). Le parallèle entre les deux œuvres (la référence poétique aux rois s'appliquant aux consulaires comme Laelius et Cicéron) illustre la facon dont Cicéron nourrit sa réflexion de

son expérience personnelle à travers les figures qu'il met en scene. Sources et réminiscences. Dans les Tusculanes Cicéron fait plusieurs allusions à la Consolation: en Tusc. III 76, Cicéron passant en revue les méthodes de consolation proposées par les diverses écoles dit les avoir combinées dans son

ouvrage. Mais il estime avec le recul que la meilleure thérapie doit s'adapter à la circonstance et trouver la formule la plus propice; sur ce passage, cf. 12 N. Marinone, « Per l'interpretazione di Tusculanae III 76», QUCC, 3, 1967,

p. 81-89 (avec discussion textuelle). Par ailleurs Tusc. I 66 conserve un passage de la Consolation consacré à la nature divine de l'áme. Cicéron fait encore référence à ce travail en Tusc. III 70 (exempla historiques) et IV 63, oü il explique n'avoir dans son cas pas suivi Chrysippe (ΡῈ 121) en portant remède à un mal «recens ». La Consolation si elle avait été conservée aurait sans doute apporté un éclairage important sur le rapport critique entretenu par Cicéron avec la psychologie stoicienne dans Tusc. III et IV. Hors du corpus cicéronien, les principaux fragments sont conservés par Lac-

tance. 13 P. Monat, «Lactance et Cicéron. A propos d'un fragment de |’ Horten-

706

CICERO (MARCUS TULLIUS)

sius», REL 53, 1975, p. 248-267, à partir d'une réflexion sur le texte source, estime toutefois à propos du F 14 Müller (= F 21 Grilli = Lact., /nst. diu. VI 2, 15) qu'il faut rendre à Lactance une phrase attribuée à Cicéron. Sur la Consolation chez Augustin (»*A 508), cf. 14 J. Doignon, «Souvenirs cicéroniens (Hor-

tensius, Consolation) et virgiliens dans l'exposé d' Augustin sur l'état humain d'"ignorance et de difficulté" (Aug. Lib. arb. 3, 51-54) », VChr 47, 1993, p. 131139, qui rapproche de Hort. F 112 Grilli et Consol. F 10 Vitelli, et lit une influence conjointe du spiritualisme de la Consolation et du discours d' Anchise dans Aen. VI sur le supplice des âmes ; sur l'image du supplice tyrrhénien (F 112), venant de la tradition orphique et rapportée par Aristote ( Protreptique), cf. 15 J. Pépin, «La légende orphique du supplice tyrrhénien » dans L'art des confins : Mélanges M. de Gandillac, Paris 1985, p. 387-406.

Perspectives philosophiques. Sur les thèmes de la littérature de consolation, cf. 16 R. Kassel, Untersuchungen zur griechischen und rómischen Konsolationsliteratur, coll.

« Zetemata » 18, München

1958; 17 H.-T. Johann, Trauer und

Trost. Eine quellen- und strukturanalytische Untersuchung der philosophischen Trostschriften über den Tod, coll. «Studia et Testimonia Antiqua» 5, München 1968. Étude récente de la question de la thérapie du chagrin chez Cicéron: 18 S.A. White, «Cicero and the therapists », dans 19 J. G. F. Powell (édit.), Cicero the philosopher, Oxford 1995, p. 219-246, qui souligne la qualité de la documentation de Cicéron et la profondeur de son analyse sur un sujet touchant un aspect essentiel de son expérience. Cicéron et La mort de Tullia. 20 O. Seel, Cicero. Wort, Staat, Welt, Stuttgart 1953, propose une bonne étude psychologique des rapports de Cicéron avec sa fille (p. 310-326) et de son deuil (p. 356-377). Cicéron avait en projet la consécration d'un funus à la mémoire de Tullia. 21 P. Boyancé, «L'apothéose de Tullia», REA 46, 1944, p. 179-184, repris dans Études sur l'humanisme cicéro-

nien, coll. « Latomus» 121, Bruxelles 1970, p. 335-341, a étudié les implications philosophiques et religieuses de ce projet : celui-ci s'inscrit dans le courant d'un platonisme mystique propagé par Crantor et aboutissant à des actes de culte comme l’héroïsation (cf. également 22 J.-M. André, «La philosophie religieuse de Cicéron. Dualisme académique et tripartition varronienne», dans Ciceroniana. Hommages à K. Kumaniecki, Leiden 1975, p. 11-21). Ce projet ne vit pas le jour — sans doute parce que la Consolation fut à elle-même ce monument. 23 H. Zehnacker, « Officium consolantis: le devoir de consolation dans la

correspondance de Cicéron, de la bataille de Pharsale à la mort de Tullia», REL 63, 1985, p. 69-86, met en parallèle le plan reconstitué de la Consolation et l'itinéraire spirituel de son auteur. Enfin, 24 C. Lévy, Cicero Academicus, coll. BEFAR 162, Roma 1992, p. 125-126, suggere de voir dans la tension créée entre la douleur humaine et le désir platonicien d'identification à la divinité un élément qui a pu contribuer, avec le drame de la guerre civile, à tourner Cicéron vers une réflexion philosophique générale sur le sens de la vie.

FRAGMENTS PHILOSOPHIQUES

707

L'HORTENSIUS

Composition. Date incertaine: soit fin 46 ou début 45 (cf. 25 P. Grimal, Cicéron, Paris 1986, p. 347-349): la mort de Tullia serait venue interrompre un début de travail philosophique (cf. Ruch 4, p. 35-37) ; soit au printemps 45 après la Consolation (cf. Powell 19, p. XIV; cf. chronologie des ceuvres par 26 P.

Steinmetz, « Planung und Planünderung der philosophischen Schriften Ciceros », dans P. Steinmetz [édit.], Beitrüge zur Hellenistischen Literatur und ihrer Rezeption in Rom, coll. «Palingenesia» 28, Stuttgart 1990, p. 141-153). La continuité se marquerait alors par la défense de l'utilité de la philosophie, vers laquelle Cicéron s'est tourné dans l'épreuve du deuil: cf. 27 K. Büchner, Cicero. Bestand und Wandel seiner geistigen Weit, Heidelberg 1964, p. 376-377, qui appuie son hypothèse sur la confession de Ac. post. 11, et la parenté de contenu beaucoup plus grande avec la Consolation qu'avec les travaux de 46. Ruch 4 souligne que l’Hortensius poursuit la réflexion cicéronienne sur les rapports entre éloquence et philosophie, développée dans le cycle des traités rhétoriques, mais en opérant un retournement dans l'ordre de valeur: celui-ci s'explique mal

sans le traumatisme du deuil, et plaide donc plutót contre la datation de Ruch. D'après Fin. I 2, le succès remporté par l'ouvrage auprès du public cultivé incita Cicéron à développer son cycle de travaux sur la philosophie, faisant de ce dialogue comme la préface à l'ensemble de l’œuvre. L. Straume-Zimmermann et O. Gigon insistent dans leur commentaire (5, p. 311-326) sur le caractère trilogique de l'ensemble formé par !' Hortensius, le Lucullus et les Academica (rappelons que dans la première version des Académiques Cicéron mettait en scène Lucullus, Catulus (»*C 60) et Hortensius, interlocuteurs de l' Hortensius). Présentation. Date dramatique: vers 62, dans la villa de Lucullus (à Tuscu-

lum selon Ruch 4, p. 69; discussion des hypothéses par28 O. Gigon, «Die Szenerie des ciceronianische "Hortensius"», Philologus 106, 1962 (p. 222-245), p- 227-228. Le dialogue s'ouvrait par un prologue, puis une conversation entre Catulus, Lucullus, Hortensius et Cicéron, comparant les diverses disciplines (« synkrisis », topos introducteur du genre). La discussion subséquente opposait le grand orateur Hortensius (Q. H. Hortalus, 114-50), partisan de l'éloquence et adversaire

de la philosophie, autres disciplines. et rival (défenseur vel art rhétorique

et Cicéron, qui défend la supériorité de celle-ci sur toutes les Dans la fiction du dialogue, Cicéron rend hommage à son aîné de Verrés); en méme temps il fait triompher l'idée d'un nouromain pétri de culture philosophique (et incarné par lui-

méme).

Structure et thémes. Selon les reconstitutions de Ruch 4 et Grilli 3, l'ouvrage suit un modele oratoire : Pour Grilli : prologue et thése d'Hortensius : F 132; confirmation (dialoguée) : 33-53; réponse de Cicéron : réfutation (destructive puis constructive): 54-110 ; péroraison:

111-115.

L'argumentation de Cicéron démontre la nécessité de la philosophie pour accéder au bonheur: elle permet de suivre la nature, détourne des mauvaises

708

CICERO (MARCUS TULLIUS)

habitudes et des fausses valeurs comme le luxe ou le plaisir et comprend les quatre vertus cardinales (prudentia, temperentia, fortitudo, iustitia : F 95). Elle

implique d'ordonner sa vie comme recherche constante de la vérité (F 106-109): le mythe de l’île des Bienheureux (F 110) montre que la science est la valeur

supréme y compris du point de vue des dieux. Qu'il y ait ou non une vie aprés la mort, seule la philosophie peut donner un sens à notre existence, en assurant notre bonheur présent et en offrant l'espoir d'une récompense ultérieure F 111-

115). Sources.

La source essentielle de l'Hortensius est le Protreptique (perdu)

d' Aristote, point de départ d'une importante tradition ancienne: cf. 29 I. Düring, Aristotle's Protrepticus. An attempt at reconstruction, coll.

« Studia Graeca et

Lat. gothob. » 12, Göteborg 1961 ; 30 D. Turkowska, L'Hortensius de Cicéron et le Protreptique

d'Aristote, coll.

«Polska

Akademia

Nauk»

6, Oddzial

w

Krakowie 1965. Cependant cette dette se limite à la partie proprement protreptique du texte cicéronien, qui renouvelle la tradition du genre par l'introduction du dialogue et l'inscription dans le contexte historique et culture] contemporain. Les fragments témoignent également de la présence de thémes stoiciens : perversion par la couture de la nature initialement bonne de l'homme (F 64-66) ; critique

des faux biens qui ne sont pas en notre pouvoir (F 74-87); valeur intrinsèque de la poursuite même sans succès (F 106-109) ; allusion au suicide (F 115). Études particulières : Le probleme de l'antagonisme entre sapientia et fortuna a été examiné par 31 J. Doignon, « Un éclairage nouveau du fragment 104 (Grilli) de l' Hortensius de Cicéron», Hermes 111, 1983, p. 458-464: le passage aurait été cité de facon incompléte par Nonius et, rapproché du F 67 (ex. d'Orata), exprimerait «l'impossible rencontre de la fortune et de la sagesse ». Sur le thème de la Grande Année (F 80), dont seul l' Hortensius fournit la durée précise dans l’œuvre de Cicéron (12954 ans): 32 L. Straume-Zimmer-

mann, « Das ‘grosse Jahr’ bei Cicero», MH 30, 1973, p. 179-183. Sur les «philosophes consulaires » (F 114 Grilli et F 102 Müller = Augustin, c. Iulianum IV 15, 76, exclu par Grilli): cf. 33 M. Ruch, «Consulares Philosophi chez Cicéron et Saint Augustin», REAug 5 1959, p. 99-102: Cicéron qualifie de consulares (ou maiores, ou antiqui) les philosophes qui croient à l'immortalité de l'áme dans la tradition de Socrate et Platon, et de plebei (ou minores) leurs

adversaires, en particulier épicuriens; cette classification pourrait porter la marque d'Antiochus (»*A 200), les termes eux-mêmes reprenant des réalités romaines (dénominations des anciennes familles, et des dieux dans la religion). Cepen-

dant 34 J. Glucker, « Consulares Philosophi again», REAug 11, 1965, p. 229234, a montré que cette croyance n'était pour Cicéron qu'un aspect de la classification philosophique et que c'est Augustin qui en a fait le critére discriminant. D'aprés 35 M. Plezia, «Les philosophes consulaires, politiques et plébéiens de Cicéron », Zetesis. Mélanges É. de Strycker, Utrecht 1973, p. 367-372, qui rapproche de De Or. I 109, l'expression philosophi quasi (ou tamquam) consu-

lares correspond à gr. πολιτικοὶ

φιλόσοφοι, qui remonterait à Dicéarque

(»D 98) et désigne les hommes à la fois philosophes et hommes d'État (alors

FRAGMENTS PHILOSOPHIQUES

709

que les épicuriens seraient appelés plébéiens pour stigmatiser leur manque de culture) ; selon le méme auteur, 36 « De uiris consularibus philosophantibus », Meander 44, 1989, p. 119-126, et 37 «De Ciceronis Hortensio dialogo siue de consolatione philosophiae», ibid., p. 311-322 (en polonais, brefs résumés en latin), l' Hortensius s'adressait aux jeunes sénateurs et leur proposait pour but aprés la chute de la République l'accomplissement du devoir au service de la cité.

38 C. Vitelli, «La Pro Archia e l' Hortensius. Analogie e loro significato », Hermes 104, 1976, p. 59-72, propose un parallèle entre les deux œuvres, à partir du choix des personnages du dialogue, liés par ailleurs à Archias. Fortune du traité. La forme de l'Hortensius a inspiré le Dialogue des Orateurs de Tacite, confrontant poésie, histoire et éloquence. Sur le fond, il a surtout joué un róle essentiel dans la formation d' Augustin (source des plus importants fragments) par l'effet d'une révélation l'ouvrant à la philosophie puis au-delà à la contemplation : cf. De uita beara 1-4; Conf. III 7-8. Cf. 39 W. Süss, «De Ciceronis Hortensio », JBM 5, 1950, p. 293-304 ; 40 M. Testard, Saint Augustin

et Cicéron, Paris 1958 ; 41 R.J. O'Cornell, Factus erectior (De uita beata 4)», AugStud

«On Augustine's “first conversion". 17, 1986, p. 15-29; 42 P. Mattei,

«Cum agerem annum aetatis undeuicensimum, Augustin, l'Horrensius et la Bible, Confessions IIL, 4, 7-5, 9», VL 116, 1989, p. 26-36 (synthèse bibliographique p. 35-36). 43 J. Doignon, «L'enseignement de l'Hortensius de Cicéron sur les richesses devant la conscience d'Augustin jusqu'aux Confessions », AC 51, 1982, p. 193-206 estime cependant que l'influence de Cicéron (cf. F 67 Grilli sur Orata) condamnant les richesses si elles sont excessives est surtout présente

dans les dialogues dits de Cassiciacum, tandis que les Confessions marqueraient sur ce point un raidissement ascétique ; à ce moment Augustin prend conscience de l’insuffisance de l' Hortensius (absence du Christ) et réévalue sa dette envers Cicéron. Sur l'influence combinée de la Consolation et de l'Hortensius sur un passage d'Augustin, cf. Doignon 14. 44 A. Grilli, «Echi dell' Hortensius», Helmantica 28, 1977, p. 189-199, met

en évidence les réminiscences du dialogue chez Sénèque, Quintilien, Aulu-Gelle. Selon le même auteur, 45 «Fortuna dell' Hortensius », dans S. Prete (édit.), Memores tui. Mélanges M. Vitaletti, Sassoferrato 1990, p. 61-70, la disparition

du texte serait due à la mort des écoles de rhétorique, dans lesquelles l’Hortensius faisait figure de manuel. (Pour Ruch 4, p. 48-57, il s'agit d'une destruction concertée

au plus tard au VI* siècle, en réaction contre le succès de l'ouvrage

auprès des Pères de l'Église.)

Voir également plus loin la notice de G. Madec consacrée à l’Hortensius.

710

CICERO (MARCUS TULLIUS) LE DE GLORIA Texte. Garbarino 1, p. 59-64 (8 fr.). Premiere rédaction en un livre achevée

en août 44; après relecture par Atticus et corrections, l'ouvrage est divisé en deux livres et publié peu avant le De Officiis (cf. T 5). La critique de la vaine gloire devait s'y appuyer largement sur l'exemple de César (»*C

8), assassiné peu avant, cf. F 3; 4; 8 (interprétation de 46 R.

Philippson, RE VII A 1, col. 1168), thème repris en Off. 126; 43; 1123; 84. La crainte de représailles de la part des césariens explique la prudence de Cicéron (cf. T 2; 3) et le retard de publication. Le théme de la gloire fait l'objet d'un

développement suivi en Off. II 31-85 qui reprend (cf. T 5) l'analyse du De Gloria sous l'angle des rapports entre gloire et action. Voir 47 A.A. Long, « Cicero's politica in De officiis», dans A. Laks et M. Schofield (édit.), Justice and generosity, Cambridge 19995, p. 213-240. Sur la gloire chez Cicéron, cf. 48 A. D. Leeman, Gloria. Cicero's waardering van de Roem en haar achtergrond in de hellenistische wijsbegeerte en de

romeinse samenleving, Diss. Leiden, Rotterdam 1949 (avec important sommaire en anglais) ; 49 P. Jal, « Cicéron et la gloire en temps de guerre civile», Mnemosyne 16, 1963, p. 43-56; 50 A. Haury, «Cicéron et la gloire : une pédagogie de la vertu », dans Mélanges Boyancé, coll. BEFAR 22, Roma 1974, p. 401-417; 51 G. Garbarino, «1l concetto etico-politico di gloria nel De Officiis di Cicerone », dans Tra Grecia e Roma. Temi antichi e metodologie moderne, Roma 1980, p. 197-204 ; 52 U. Knoche, «Die rómische Ruhm gedanke », Philologus 43,

1934, p. 102-124. " LE DE VIRTUTIBUS Texte. Garbarino 1 p. 65 (1 fr.) Titre. De quattuor uirtutibus liber (T 1) ou Commentarius de uirtutibus (F 1). Datation.

Elle est incertaine : Garbarino

(1, p.

13, avec

références

aux

travaux antérieurs n. 15) a montré que les allusions de Art. XV 13a, 2 et Off. 14 ne s'appliquaient pas à cet ouvrage: on ne peut donc affirmer (cf. Philippson 46, col. 1173) qu'il ait suivi le De Officiis et constitué un opuscule de supplément à la discussion sur les vertus contenue dans ce traité. Cicéron y aurait plutót rassemblé des arguments appelés à étre développés dans le De Officiis et ce com-

mentarius aurait été publié aprés la mort de Cicéron par son affranchi Tiro, comme d'autres ouvrages inachevés ou non destinés à publication. 53 G. Garbarino, « I presunti frammenti del «De virtutibus » di Cicerone nelle opere di Antoine de La Sale», MAT, Serie V, vol. 5 (1981), p. 1-75, a également ras-

semblé les raisons de refuser toute authenticité aux « fragments » forgés de toutes pièces par A. de La Sale (textes donnés par Garbarino 1, fragmenta spuria 169178).

FRAGMENTS PHILOSOPHIQUES

711

TRADUCTIONS

Textes. L'Économique de Xénophon : éd. Garbarino 1, p. 65-83 (vingt-sept fragments, avec texte grec en notes) ; Garbarino, contrairement à Müller, inclut dans son édition 9 fragments (marqués d'un *) tirés des Rei Rusticae Libri de Columelle: méme s'il ne cite pas comme ailleurs sa source pour les passages concernés, celui-ci emprunta à la traduction de Cicéron (en l'aménageant au besoin) beaucoup plus certainement qu'il ne retraduisit lui-méme l'original. Le Protagoras de Platon : éd. Garbarino 1, p. 83-85 (cinq fr.). Le Timée de Platon: 54 éd. O. Plasberg, coll. BT, fasc. I, Leipzig 1908, avec texte grec correspondant en interlignes (p. 155-196); 55 R. Giomini, De Diuinatione, De Fato, Timaeus, coll. BT, Leipzig 1975, p. 177-228 avec texte grec en regard.

Sont conservées

les sections correspondant

à Tim.

27d - 37c, 38c-

43 b;46a- 47a. Traduction poétique: Les Phénomènes d’Aratos (ῬΑ 298): 56 J. Soubiran, (édit.), Aratea. Fragments poétiques, CUF, Paris 1972. Sont conservés 480 vers

correspondant à 470 vers de l'original et formant un ensemble continu (ΞΕ XXXIII), plus 73 vers isolés et parfois incomplets (cités pour la plupart par Cicéron dans Nar. Deor. II 104-110), ainsi que 27 vers des Prognostica (traduction des Diosèmeiai qui formaient la troisième partie du poème d’Aratos) cités pour la plupart en De Diu. 1 13-15. Le texte complet comprenait environ 1150 vers. Soubiran 56 Introduction, p. 87 n. 2, donne une bibliographie des travaux antérieurs (1868-1970) consacrés aux traductions poétiques de Cicéron. Économique. Date: 85 (cf. Off. 11 87 = T 1): œuvre de jeunesse, elle suit de peu la rédaction du De Inuentione, et constitue d'abord un exercice de style. Le choix de l'ouvrage témoigne par ailleurs d'un souci de la mise en pratique de la sagesse dans ses aspects concrets (gestion du patrimoine, organisation domestique), qui prendra toute son ampleur dans le De

Officiis et la réflexion sur la

morale pratique des kathekonta ou «actes appropriés ». On peut aussi y lire la volonté précoce de chercher chez les Grecs une réflexion conciliable avec la tradition proprement romaine (le mos maiorum), incarnée par la figure du pater familias : ainsi se marque un lien avec le Cato maior de Senectute, dans lequel Cicéron reprendra un passage de sa traduction (Car. M. 59 = F 3). Pour P. Grimal (25, p. 49) le jeune Cicéron trouvait enfin dans ce texte une vision idéalisee du «bonheur d' Arpinum ». Selon 57 F. de Caria, «Cicerone C. M. 79-81 e Senofonte Cyr. VIII 7, 17 e Cic. C.M. 59 e Sen. Oec. IV 20, 25», RCCM 16, 1974, p. 321-336 étudiant les deux traductions de Xénophon que contient le Cato maior, Cicéron se montre fidéle et précis lorsqu'il s'attache à préserver la qualité littéraire de l'original, mais ne s'interdit pas certains écarts pour abréger. Protagoras. Date incertaine : ce travail est souvent tenu pour contemporain de la traduction de l' Économique, cependant en Fin. I 7 (soit en 45) Cicéron déclare

712

CICERO (MARCUS TULLIUS)

n'avoir encore traduit ni Platon ni Aristote (cf. Garbarino 1, Praefatio p. 17-18). Les fragments qui nous sont parvenus sont rares et émanent de grammairiens soucieux de questions de langue. L'intérét de Cicéron pour ce dialogue peut être mis en rapport avec sa volonté de dépasser la rupture socratique entre rhétorique et philosophie : sur ce point cf. De Or. III 59-61, et 58 A. A. Long, «Cicero's Plato and Aristotle », dans 19 (p. 37-61), p. 43-52, qui étudie le róle de la référence à Platon et à la théorie des Formes dans la définition d'une éloquence philosophique. Timée. Cette traduction date de 45, mais elle n'est pas mentionnée dans la préface du De Diu. II, vraisemblablement parce que le travail allait rester inachevé. Le texte n'est pas présenté comme une traduction, mais comporte au contraire une mise en situation romaine. Personnages: Cicéron, P. Nigidius Figulus (pythagoricien), Cratippe [»*C 208] (péripatéticien); date dramatique:

51, à Éphèse.

Traitant de la cosmologie, cet ouvrage devait sans doute s'intégrer à l'ensemble formé par le De Natura Deorum, le De Diuinatione et le De Fato et consacré

à la physique. Cicéron a pu voir dans le Timée de Platon un ouvrage d’inspiration pythagoricienne et concevoir sa traduction dans le cadre d'un projet d'expo-

sition du pythagorisme: cf. Giomini 55, p. XVI-XVII. Pour une étude des enjeux philosophiques de la question physique, cf. Lévy 24, p. 539-617, et DPhA II, p. 382-397. Cf. également 59 K. Bayer, « Antike Welterklärung, ausgehend von Ciceros Timaeus siue de universo», dans P. von Neukam (édit.), Struktur und

Gehalt, coll. «Dialog. Schule-Wissensch. Klass. Spr. und Lit. » 17, München 1983, p. 122-148. L'étude comparée de la traduction et de l'original a surtout donné lieu à l'étude de 60 R. Poncelet, Cicéron traducteur de Platon, Paris 1957, qui s'attache à montrer les insuffisances du latin dans l'expression de la pensée abstraite (le latin ne disposant pas de ressources syntaxiques comme l'article, un systéme participial complexe, le participe présent de esse, etc.). Cette thése s'appuie sur un lourd appareil de théorie linguistique moderne, et a fait l'objet d'une critique

par 61 A. Michel, «Rhétorique et philosophie dans les traités de Cicéron», ANRW I 3, 1973, p. 139-208, critique approfondie par 62 N. Lambardi, 7i ‘Timaeus’ ciceroniano.

Arte e tecnica del ‘vertere’, coll. QFL

2, Firenze

1982,

156 p., qui souligne la distance entre la conception cicéronienne de la traduction et la conception moderne «scientifique» : le souci de la uariatio sermonis conditionne souvent les choix syntaxiques du traducteur, qui se montre par ailleurs ingénieux dans ses innovations lexicales (ex. medietas) ; il s'agit pour lui de rendre accessible à son public romain la pensée de Platon, selon une ex&gese qui s'inscrit dans la tradition platonicienne, en méme temps que de produire une œuvre d'art latine. J. G. F. Powell, « Cicero's translations from the Greek», dans 19,

p. 273-300, propose sans se limiter au Timée une approche globale des problémes de traduction et des intentions du traducteur selon les contextes et les ambitions de son travail. En outre sur un certain nombre d'exemples il justifie les choix de Cicéron, conscient des difficultés auxquelles il se heurtait (p. 284-288).

FRAGMENTS PHILOSOPHIQUES

713

63 N. Lambardi, « Appunti critici sulla problematica del Timaeus ciceroniano », QFL 1, 1981, p. 9-36, a montré d'une part que Cicéron ne suivait pas un autre texte que celui que nous connaissons, et d'autre part que sa traduction ne témoignait pas de l'influence d'une exégèse particulière. Au contraire, selon 64 A. Franzoi, « Osservazioni sulla traduzione ciceroniana del Timeo di Platone », Pubblicazioni della Facoltà di magistero dell'Università di Ferrara 1, 3, 1973,

p. 47-58, Cicéron insere le texte original dans la tradition culturelle rornaine par ses choix lexicaux et stylistiques qui portent la marque de son éducation rhétorique et de la tradition poétique. 65 H. D. Saffrey, «Un exercice de latin philosophique, autographe du Cardinal Bessarion», dans Studi Bessarionei, coll. «Medioevo e umanesimo » 24, Padova 1978, p. 371-379, repris dans Recherches sur la tradition platonicienne au Moyen Áge et à la Renaissance, Paris

1987,

p. 177-187, étudie la comparaison faite par le célébre humaniste entre la traduction cicéronienne et son modele platonicien. Compléments. 1? Cicéron et Platon: les passages de Cicéron évoquant Platon sont utilement rassemblés

dans 66 Th. De Graff, « Plato in Cicero », CPh 35, 1940, p. 143-153. Ci. τὸ la traduction philosophique. Études générales : 67 M. Liscu, L'expression des id. iques chez Cicéron, Paris 1937 ; 68 H. J. Hartung, Ciceros Methode bei der Uber. chischer philosophischer Termini, Hamburg 1970;69 C. Moreschini, « Osservad «ui sul lessico filosofico di Cicerone », ASNP 19, 1979, p. 99-178. Cicéron traducteur de Platon : 70 M. Puelma, « Cicero als Plato-Ubersetzer», MH 37, 1980, p. 137-178, rappelle que Cicéron se voulait d'abord Platonis aemulus et montre que ses impératifs rhétoriques et pédagogiques lui imposent de traduire non pas uerbum e uerbo mais

sensum e sensu. Traduction du vocabulaire de l'éthique : 71 phie morale chez Cicéron, Paris 1930. Traduction du vocabulaire épistémologique : laire latin de la connaissance : essai de synthése phie, coll. BEFAR, Roma 1992, p. 91-106 ; 73 J.

M. Liscu, Érude sur la langue de la philosocf. 72 C. Lévy, «Cicéron créateur du vocabu», dans La langue latine langue de la philosoGlucker, «Probabile, Veri Simile, and related

terms » dans 74, p. 115-143.

Aratea. Cicéron a traduit Aratos alors qu'il était admodum adulescentulus (Nat. Deor. II 104), soit vers 90-89: sur la discussion des hypothèses de datation, cf. Soubiran 56, Introduction, p. 9-16: pour lui, rien ne porte à croire à un achèvement ou une révision tardive ; cependant 74 C. Lévy, «Quelques remarques à propos des titres des œuvres philosophiques chez Cicéron», dans J.-C. Fredouille et al. (édit.), Titres et articulations du texte dans les œuvres antiques,

Paris 1997, p. 191-207, revient (p. 199) à l'hypothèse d'une révision en 60, à titre de délassement dans le cadre de travaux mineurs. Cicéron lui-méme ne s'est pas trompé sur la valeur de ce travail, puisque c'est le seul de sa production poétique de jeunesse qu'il évoque et cite abondamment dans son áge mür. Sa traduction

reste

cependant

entachée

d'un

certain

nombre

de contre-sens

et

d'erreurs, soit par incompréhension du texte grec, soit par méconnaissance de l'astronomie: sans doute le jeune Cicéron concevait-il moins son travail comme une contribution à la science que comme un essai — à cet égard plutôt réussi — d'adaptation de la poésie savante alexandrine à une esthétique romaine du gran-

714

CICERO (MARCUS TULLIUS)

diose

héritée d'Ennius

(»*E 25). Selon 75 C. Lansdei,

« Nota a Cic. Arat.

XXXIII 24-26», GIF 33, 1981, p. 221-226, qui compare avec les traductions correspondantes d' Avienus (»&*À 515) et de Germanicus, les innovations apportées par Cicéron dans sa traduction d’Aratos 252-253 porteraient la marque d'un commentaire ancien présentant de nombreux points de contact avec les scholies conservées. 76 M. van den Bruwaene, «Influence d'Aratus et de Rhodes sur l’œuvre philosophique de Cicéron », ANRW (Festschrift Vogt) 1 4, Berlin 1973, p. 428-437, date la traduction des Diosemeiai de 87, et la place sous l'influence d'Apollonius Molon (descendant du Molon ami d' Aratus) et de la mode littéraire de Rhodes.

Études particulières. Depuis l'édition de Soubiran, des études de détail ont souligné l'intérét du travail de Cicéron dans sa traduction d’Aratos : 77 F. Bellandi, « Sul frammento XVI 5-6 Soub. degli Aratea

di Cicerone », Prometheus 14, 1988, p. 231-243 (fidélité à l'original et valeur poétique) ; 78 L. Landolfi, «Cicerone, Arato e il mito delle età », QUCC 63 (= NS 34, 1), 1990, p. 87-98 (prise de position dans le débat entre primitivisme et progressisme, à propos de la traduction de Phaen. 96-136); 79 L. Gamberale, « Cicerone Aratea 55-61. Arato Phaenomena 282-286 », RFIC 101, 1973, p. 414-441 (innovations cicéroniennes vv. 57-58, alors que le latin se montre moins technique que le grec) ; 80 D. P. Kubiak, « The Orion episode of Cicero's Aratea », CJ 71, 1981, p. 12-22 (l'étude de la traduction des termes de la poésie hellénistique montre la contribution de Cicéron au développement de la poésie latine), et 81 « Cicero and the poetry of nature», SIFC 8, 1990, p. 198-214 (combinaison de sources grecques et latines dans F 4 Soub.) ; 82 M. R. Jonin, « Cicéron et les Aratea », AFLNice 21, 1974, p. 247-258, étudiant l'invention lexicale de Cicéron, a souligné l'importance accordée à la lumiére dans sa traduction.

AUTRES FRAGMENTS

li reste quelques traces d'un De iure ciuili in artem redigendo (Garbarino 1, p. 93-94 : deux courts fragments) composé après le De Oraiore et sans doute en rapport avec le souhait formulé par Crassus en De Or. I 190 de voir constituer un systéme de droit rigoureux et cohérent (hypotheses de datation, cf. Garbarino 1, Praefatio, p. 27 n. 69). Cependant pour 83 F. Bona, « L’ideale retorico ciceroniano ed il ius civile in artem redigere », SDHJ 46, 1980, p. 282-382 (avec état

de la question) il ne pouvait s'agir que d'un manuel de droit civil à l'usage des écoles de rhétorique et non d'une œuvre théorique plus systématique que la jurisprudence. Enfin Cicéron composa en 60 un commentarius sur son consulat en grec (Art.

I 19, 10) qui servit de base à la composition de son poème De consulatu suo: cf. Garbarino 1, p. 86-88, et Soubiran 56, p. 241-246. (Sur l'absence de titre grec dans le corpus cicéronien: cf. Lévy 74, p. 200). 84 M. Plezia, « De la philosophie dans le De Consulatu suo», dans H. Zehnacker et G. Hentz (édit.), Hommages à

R. Schilling, Paris 1983, p.383-392, estime que la réflexion sur l'homme d'État et son róle social devait tenir une place importante dans ces deux textes. Par ailleurs, pour85 J. Gaillard, « Uranie, Jupiter et Cicéron. Du De consulatu suo au De temporibus suis», REL 54, 1976, p. 152-164, les figures divines présentes dans les deux poèmes autobiographiques représentent l'otium litteratum dans

FRAGMENTS PHILOSOPHIQUES

715

l’action politique d’une part, dans le loisir forc& de l’autre. Ces textes personnels sont donc à mettre en rapport avec les réflexions sur le politique et son destin dans le corpus théorique. FRANCOIS PROST.

HORTENSIUS

Le premier dialogue philosophique de Cicéron, écrit en 46-45 (peut-étre dés l'automne 46, DPhA, II, p. 371) était son «Protreptique», inspiré de celui d'Aristote (voir 1 D. Turkowska, L'Hortensius de Cicéron et le Protreptique d'Aristote, Wroclaw 1965) et faisait partie d'une trilogie: Hortensius, Catulus, Lucullus (DPhA, IL p. 378; 2 O. Gigon, «Die Szenerie des ciceronischen "Hor-

tensius"», Philologus 106, 1962, p. 222-245; 3 K. Bringmann, Untersuchungen zum spáten Cicero, coll. «Hypomnemata» 29, Góttingen 1971, p. 111-112). Augustin l'avait lu au cours de ses études: «usitato iam discendi ordine» (il était donc au « programme »), et en avait recu une impulsion décisive pour sa conversion (Conf. III 4, 7-8; 4 M. Testard, Saint Augustin et Cicéron, Paris 1958, 1, p. 11-39). En 386, il le faisait lire à ses jeunes amis (C. acad. I 1, 4). Boéce le connaissait encore trés probablement (voir De differentiis topicis 2). On en perd

ensuite malheureusement la trace. Témoignages et fragments (une centaine) en ont été rassemblés par 5 C.F. W. Müller, M. Tulli Ciceronis scripta quae manserunt omnia, IV 3 (Fragments), Leipzig 1879. Les plus nombreux (70 environ) proviennent du De compendiosa doctrina de Nonius, grammairien du IV* siècle (éd. W.M. Lindsay, Leipzig 1903): ce sont de courtes citations à visée lexicale; les plus importants du point de vue philosophique sont les citations de Lactance (Diuinae Institutiones [CSEL XIX], I 7, 3-6; III 16, 3-17; VI 2, 14-16; cf. 6 P. Monat, «Lactance et Cicéron. A propos d'un fragment de l'Hortensius», REL 58, 1975 [1976],

p. 248-267), et surtout celles d'Augustin (7 H. Hagendahl, Augustine and the Latin Classics, Göteborg 1967, vol. I, p. 79-94 ; vol. II, p. 486-497). En 1892, 8 O. Plasberg, De M. Tulli Ciceronis Hortensio Dialogo, Berlin 1892, proposait

un essai de reconstitution, qui demeure dans l'ensemble convaincant (voir 9 H. Usener, recension dans GGA 1, 1892, p. 377-389; 10 C.O. Brink, recension de 11 Ruch, JRS 51, 1961, p. 215-222; Bringmann 2, p. 111). Plasberg a été suivi par 11 M. Ruch, L’“Hortensius” de Cicéron. Histoire et reconstitution, Paris 1958; par 12 A. Grilli, M. Tulli Ciceronis "Hortensius", Milano/Varese 1962; et par 13 L. Straume-Zimmermann, Ciceros "Hortensius", Bern/Frankfurt am M. 1976. Ceux-ci, dans leurs travaux de restauration, ont estimé devoir changer l'ordre des fragments et adopter de nouvelles numérotations ; ce qui a pour effet de compliquer le systéme des références (voir, par exemple, la table de concordance chez Straume-Zimmermann 13, p. 242-244). Il manque aussi à ces travaux de bonnes tables de références aux auteurs cités. On donne ici le plan de l'Hortensius tel que l'a reconstitué Grilli 12, p. 9-11 (en suivant la numérotation qui lui est propre). 14 E. Feldmann en fait une présentation plus détaillée dans: Der Einfluss des "Hortensius" und des Manichäismus auf das Denken des jungen Augustinus von 373, Diss., Münster in W.

1975, p. 77-100.

HORTENSIUS

717

Dans le Prooemium (fr. 1-7), aprés la dédicace à Brutus, Cicéron présentait la scene et les personnages (le dialogue était censé avoir lieu dans une villa de Lucullus, en 62 ou 61; Gigon 2, p. 233; Bringmann 3, p. 113; dans la région de Naples, plutót que de Tusculum, selon 15 B.R. Voss, « Tusculanum oder Neapolitanum ? Der Ort

des

Gesprächs

Ciceros "Hortensius"», Hermes 94,

1966,

p. 505-506). Le corps de l'ouvrage comportait deux parties: un débat (fr. 8-53), puis un discours suivi de Cicéron (qui était le protreptique proprement dit; fr. 54-115). I. Catulus (»*C 60) commençait en dissertant sur le plaisir que procure la poésie (fr. 8-10). Lucullus répliquait en disant qu'il faut préférer l'histoire (fr. 11-16). Hortensius intervenait pour donner la palme à l'éloquence (fr. 17-18. Catulus répliquait en affirmant l'excellence de la philosophie sur tous les arts (fr. 19-22); avis partagé par Cicéron (fr. 23). Hortensius se moquait alors de la dialectique des philosophes (fr. 24-25). Cicéron lui objectait qu'il utilisait lui-même la dialectique (fr. 26-32). Hortensius poursuivait sa critique des philosophes: ils prónent l'otium et ne servent pas l’État (fr. 33-36); ils avancent des absurdités et ne font pas ce qu'ils disent (fr. 37-39); ils ne s'entendent pas sur la morale (fr. 40-50); il en est

qui donnent dans le scepticisme (fr. 51). En somme, la philosophie n'est pas la sagesse ; elle est, du reste récente (fr. 52); et réservée à quelques-uns (fr. 53): bref,

il ne faut pas philosopher. Cicéron répondait à tout cela, en disant qu'Hortensius philosophait en prétendant qu'il ne faut pas philosopher (fr. 54, 1); récuser la philosophie, c'est récuser la sagesse et ravaler la nature humaine à la sottise (fr. 54, 2); s'il est vrai que les philosophes n'égalent pas les politiques, il y a eu pourtant parmi eux des personnalités de grand mérite (fr. 55-56). II. Les critiques d'Hortensius ainsi réfutées, Cicéron, à l'invitation d'un de ses amis (fr. 57), passait à l'éloge de la philosophie, en partant du principe: « Nous voulons tous étre heureux » ; mais nous ne nous accordons pas sur ce qui fait le

bonheur (fr. 58- 62). Ceux qui estiment que le bonheur est soumis au hasard se trompent (fr. 63); c'est un effet de la perversion de la raison (fr. 64-66). Orata, ce richard à qui ne manquait rien de ce qu'on estime des biens, n'était pas heureux ; il lui manquait la sagesse (fr. 67- 73). Rien de ce qui est soumis au hasard n'est un bien véritable, ni la richesse (fr. 74-76), ni la gloire (fr. 77-83), ni le plaisir (fr.

84-87). Pour accéder à la philosophie, beaucoup d'arts sont nécessaires, que la multitude, à cause des occupations de la vie ordinaire, ne peut acquérir; l'accés à la philosophie est de ce fait réservé à un petit nombre (fr. 88-92). Mais la philosophie, étant l'amour de la sagesse et rien n'étant plus souhaitable que la sagesse, 1 faut s'y appliquer. La philosophie exige la pratique de quatre vertus, nécessaires pour accéder au bonheur (fr. 95): la prudence (fr. 96), la tempérance (fr. 97-98), la force et la justice (fr. 99-105). L'exercice de la sagesse vise la recherche de la

vérité ; et c'est dans cette recherche que le sage est heureux (fr. 106-109). On peut s'en persuader en imaginant ce que serait la vie dans les Îles fortunées (in beatorum insulis; cf. Platon, République 519 c et 540 b; Aristote, Protreptique, fr. Ross 12): pour y étre heureux, pas besoin des vertus ni de l'éloquence, mais de la seule contemplation de la nature; c'est la vie méme des dieux (fr. 110). La phi-

718

CICERO (MARCUS TULLIUS)

losophie est elle-m&me le don le plus grand que les dieux ont fait aux hommes, l'unique recours contre les misères de cette vie (fr. 111). Ces misères, selon les

poétes et philosophes anciens, sont les chátiments de crimes commis dans une vie antérieure ; c'est pourquoi le corps est comme ia prison et le tombeau de l’âme. De grands philosophes estiment qu'à la mort l’âme ne s'éteint pas, mais émigre soit vers le bonheur, soit vers le malheur, suivant ses mérites (fr. 112-114). Si

donc nous vivons dans la philosophie, nous avons une grande espérance: si nos &mes sont mortelles, la fin sera paisible, comme le repos de la vie; ou bien, si nos &mes sont éternelles et divines, l'ascension et le retour au ciel nous seront plus faciles ; quoi qu'il en soit, il nous faut mettre tous nos efforts et nos soins à ces exercices (fr. 115).

Cicéron a présenté lui-méme son ouvrage comme une « défense et illustration» de la philosophie (Luc. 6; De fin.

12; Tusc. 114; III 6; De diuin. II 1; De off. Il 5-

8). Le protreptique a rempli son róle au moins une fois: il a converti Augustin à la philosophie (il le dit à cinq reprises: De b. uita, 14; Sol. 1 10, 17; Conf. III 4, 7-8; VI 11, 18; VIII 7, 17). Celui-ci s'en servait ensuite pour l'initiation de ses jeunes

disciples ; et il a acquité une partie de sa dette en citant les fragments les plus importants que nous en connaissons. Ses deux premiers ouvrages, C. academicos et De beata uita, reprennent la thématique fondamentale de l' Hortensius sur le bonheur et la sagesse. 16 R. Holte, Béatitude et sagesse. Saint Augustin et la fin de l'homme dans la philosophie ancienne, Paris 1962, n'a pas relevé cette influence, bien étudiée, en revanche, par 17 D. Ohlmann, De 5. Augustini dialo-

gis in Cassiciaco Drewniok,

De

scriptis, Diss. Argentorati

Augustini

contra Academicos

(Strasbourg)

1897, et 18 P.

libri III, Diss., Breslau

1913.

Ohlmann et Drewniok ont été trop sévérement critiqués par 19 J.H. Van Haeringen, De Augustini ante baptismum rusticantis operibus, Diss., Groningen 1917, voir aussi 20 J. Doignon, « Allégories du retour dans le Contra academicos de saint Augustin », Latomus 52, 1993, p. 860-867 ; 21 J. Doignon, «Du bonheur

humain à la béatitude divine, Un centon cicéronien dans la bouche d'un disciple d' Augustin », dans Charisteria Augustiniana losepho Oroz Reta dicata, Madrid

1994, p. 131-137). Pour établir que le C. academicos dépend foncièrement de l'Hortensius, Ohlmann 17, p. 28-76, s'est servi avec perspicacité de De Trinitate XIII-XIV. Ces livres permettent, en effet, de reconstituer la trame du protreptique (22 G. Madec, «L'Hortensius de Cicéron dans les livres XIII-XIV du De Trinitate», REAug 15, 1969, p. 167-173; 23 P. Frassinetti, «Sulla trama dell’

"Hortensius"», PIS, 1963, p. 149-1-54; voir aussi 24 J. Doignon, «Clichés cicéroniens et sénéquiens dans le Contra academicos de saint Augustin: les égarements de la vie, le gouffre des passions, l'àme rendue à elle-même», dans Hommages à Henry Bardon, coll. « Latomus» 187, Bruxelles 1985, p. 139-146). Le dialogue De beata uita tourne autour de l'axiome sur la volonté universelle du

bonheur (25 R. Dienel, « Ciceros Hortensius und S. Augustinus De beata uita», 22. Jahresbericht des Mädchen Obergymnasium, Wien 1914; 26 J. Doignon, «L'enseignement

de

l'Hortensius de Cicéron

sur

les

richesses devant

la

conscience d' Augustin jusqu'aux Confessions », AC 51, 1982, p. 193-206; 27 Id.,

HORTENSIUS

719

«Un éclairage nouveau du fragment 104 (Grilli) de l' Hortensius de Cicéron», Hermes 111, 1983, p. 458-464 ; 28 Id., «Une approche de l'exemple de Sergius Orata», dans Bibliothèque Augustinienne, vol. 4/1, p. 142; et «Un "exemple" de L’“Hortensius” : les biens de fortune d'Orata et son indigence», ibid., p. 146). Selon Testard 4, p. 209, Augustin «a repris toute sa vie» la formule: «Beati omnes

esse

uolumus»

(fr. 36

Müller,

59

Ruch,

58

Grilli, 69

Straume-

Zimmermann; voir Testard 4, p. 209 n. 1; Hagendahl 7, I, p. 82 et IL p. 490-493; Straume-Zimmermann 13, p. 165). On a aussi relevé des traces de l'ouvrage dans le De libero arbitrio (29 G. Madec, «Souvenirs de 1l'"Hortensius"», dans Bibliotheque Augustinienne, vol. 6, 3° éd., p. 554-557; 30 J. Doignon, «La

problématique des quatre vertus dans les premiers traités de saint Augustin», dans L'Umanesimo di Sant'Agostino, Bari 1986, p. 169-191; 32 /d., «La problémati-

que cicéronienne du protreptique du De libero arbitrio II, 35 de saint Augustin», Latomus

40,

1981, p. 807-817 ; 32 /d., « Souvenirs

cicéroniens (Hortensius,

Consolation) et virgiliens dans l'exposé d'Augustin sur l'état humains d'"ignorance et de difficulté" (Aug. lib. arb. 3, 51-54)»,

VChr 47, 1993, p. 131-139.

Dans sa controverse avec Julien d'Éclane, Augustin eut encore l'occasion de citer l'Hortensius à trois reprises (C. Iulianum IV 15, 78; V 7, 29 et V 10, 42). La

derniere citation concerne le cruel supplice que les Étrusques infligeaient aux ennemis qu'ils capturaient (33 J. Pépin, «La légende orphique du supplice tyrrhénien », dans L'art des confins, Mélanges offerts

à M.

de Gandillac, Paris

1985, p. 387-406 ; 34 J. Brunschvig, « Aristote et les pirates thyrrhéniens (A propos des fragments 60 Rose du "Protreptique") », RPhilos 88, 1963, p. 171-190). Voir plus récemment 34bis P. F. Beatrice, « Le corps-cadavre et le supplice des pirates tyrrhéniens» dans Éd. Delruelle et V. Pirenne-Delforge (édit.), KHIIOI:

de la religion à la philosophie. Mélanges offerts

à André Motte, coll.

« Kernos. Supplément» 11, Liege 2001, p. 269-283. Selon 35 A. Solignac, « Comment Dieu a fait le corps de l'homme », dans Bibliothéque Augustinienne, vol. 48, p. 684-685, il est possible aussi qu' Augustin doive ses remarques sur la stature droite de l'homme (De diu. qu. 83, qu. 51; De

Gen. ad litt. VI 12, 22;

De Trin. XII 1, 1) à l'Hortensius qui aurait repris le topos au Protreptique d'Aristote (fr. 11 Ross). GOULVEN MADEC.

TRAITES RHETORIQUES Études d'orientation.

1 W. Kroll, art. « M. Tullius Cicero» 29, section «Die rhetorischen Schriften », RE VII A 1, 1939, col. 1091-1103; 2 J.M. May

(édit.), Brill's Companion

to

Cicero : Oratory and Rhetoric, Leiden 2002, X111-632 (17 chapitres écrits par 13 auteurs sur la vie de Cicéron, la formation rhétorique à son époque, sur les discours des différentes époques de sa vie, sur ses traités rhétoriques, sur l'influence exercée par Cicéron et enfin sur les tendances récentes de la recherche). Cf. 3 T. Adamik, «Cicero's theory of three kinds of style», ACD 31, 1995, p. 3-10; 4 S. Bittner, Ciceros Rhetorik.

Eine

Bildungstheorie : von der Rede-

technik zur humanitären Eloquenz, Frechen 1999, 588 p.; 5 G. Calboli, «La retorica preciceroniana e la politica a Roma», dans W. Ludwig (édit.), Éloquence et rhétorique chez Cicéron. Sept exposés suivis de discussions, coll. «Entretiens sur l'antiquité class.» 28, Vandœuvres 1982, p. 41-108; 6 L. Calboli Montefusco,

« Der EinfluB der peripatetisch-akademischen Lehre auf Ciceros rhetorische Schriften», WS 106, 1993, p. 103-109; 7 E. Castorina, L'ultima oratoria di Cicerone, Catania 1975, 216 p.; 8 C.J. Classen, Recht, Rhetorik, Politik, Unter-

suchungen zu Ciceros rhetorischer Strategie, Darmstadt 1985, 1x-390 p.; 9 Id., « Ciceros orator perfectus. Ein vir bonus dicendi peritus?», dans F. Piperno (édit.), Studi per Riccardo Ribuoli. Scritti di filologia, musicologia, storia, Roma 1986, p. 43-55; 10 D. K. Clift, A prosopography to the speeches of Cicero.

Historical figures before 80 B. C., Diss., Harvard University Cambridge (MA) 1975; 11 C. Codofier Merino, «Eloquentia y orator», EClás 26, 1984, p. 297302; 12 J. M. Cooper, « Plato, Isocrates and Cicero on the independence of ora-

tory from philosophy », dans Proceedings of the Boston area colloquium in ancient philosophy 1, 1985, Lanham 1986, p. 77-96; 13 F. Delarue, «L'asianisme à Rome», REL 60, 1982, p. 166-185; 14 A. Desmouliez, Cicéron et son goût. Essai sur une définition d'une esthétique romaine à la fin de la Répu-

blique, coll. « Latomus» 150, Bruxelles 1976, 637 p.; 15 S. Döpp, «Weisheit und Beredsamkeit. Gedanken zu ihrer Relation bei Cicero, Quintilian und Augustinus », dans P. Neukam (édit.), Information aus der Vergangenheit, coll.

« Dialog

Schule-Wissenschaft, Klass. Sprachen & Lit.» 16, München 1982, p. 37-63; 16 A. E. Douglas, « The intellectual background of Cicero's Rhetorica: a study in method », ANRW I 3, 1973, p. 95-138 (p. 132-138: bibliographie des traités de rhétorique depuis 1945); 17 E. Fantham,

« On the use of genus-terminology in

Cicero's rhetorical works» Hermes 107, 1979, p. 441-459; 18 W.W. Fortenbaugh, «Cicero's knowledge of the rhetorical treatises of Aristotle and Theophrastus », dans W. W. Fortenbaugh et P. Steinmetz (édit.), Cicero's knowledge of

the Peripatos, coll. «Rutgers Univ. studies in classical humanities» 4, New Brunswick, N.J. 1989, p. 39-60; 19 Th. Geizer, «Klassizismus, Attizismus und Asianismus », dans H. Flashar (édit.), Le classicisme

et après J.-C., coll.

à Rome aux ΚΓ" siècles avant

«Entretiens sur l'antiquité classique» 25, Vandœuvres

1979,

TRAITES RHETORIQUES

721

et aprés J.-C., coll. «Entretiens sur l'antiquité classique » 25, Vandœuvres 1979, p. 1-55; 20 S. Gennaro, « Animaduersiones quaedam de Ciceronis arte rhetorica», Orpheus 10, 1989, p. 121-126; 21 A.A. González, «Cicerón y Quintiliano ante la retórica. Distintas actitudes adoptadas », Helmantica

34,

266;22 A. Grilli, «L'educazione

1996

23

I. Hajdá, «Das

in Cicerone», R/L

130,

Demosthenes-Bild Ciceros», ACD

24 A. Holgado Redondo,

31,

1983,

1995,

p. 249-

p. 353-364;

p. 65-73;

«La oratoria romana », EClás 22, 1978, p. 341-359;

25 M.G. lodice di Martino, «La metafora del corpo nelle opere retoriche di Cicerone », BStudLat 16, 1986, p. 22-30; 26 S. Ijsseling, « Rhétorique et philosophie. Platon et les Sophistes, ou la tradition métaphysique et la tradition rhétorique », RPAL 74, 1976, p. 193-209 ; 27 F. Kühnert, « Das gesellschaftliche Leitbild des Redners in Griechenland und Rom», dans E.G. Schmidt [et al.]

(édit.), Griechenland und Rom : vergleichende Untersuchungen zu Entwicklungstendenzen

und

-hóhepunkten

der antiken

Geschichte,

Kunst

und

Literatur,

Tbilissi/Erlangen/Jena 1996, 453-458; 28 A. D. Leeman, «Het rhetorisch onderwijs in de oudheid. Zijn inhoud, zijn doel, zijn didactiek», Lampas 14, 1981, p. 179-191 ; 29 Id., «The variety of classical rhetoric», dans B. Vickers (édit), Rhetoric revalued. Papers from the International Society for the History of Rhetoric, coll. «Med. ἃ Renaissance Texts & Stud.» 19, t. 1. Binghamton 1982, p. 41-45; 30 Id., «De integratie van de retorica bij Cicero», Lampas 26, 1993, p. 90-100; 31 C. Lévy, «Rhétorique et philosophie: la monstruosité politique chez Cicéron», REL 76, 1998, p. 139-157; 32 F. Lillo Redonet, « Elementos

consolatorios en los proemios de obras retóricas y filosóficas de Cicerón (De oratore,

Brutus,

De

amicitia)», Helmantica 48, 1997,

p. 341-364; 33

AJ.

Marshall, « Library resources and creative writing at Rome», Phoenix 30, 1976, p. 252-264 ; 34 A. Michel, « Rhétorique et poétique. La théorie du sublime de Platon aux modernes», REL 54, 1976, p. 278-307 ; 35 Id., «La théorie de la rhé-

torique chez Cicéron. Éloquence et philosophie», dans W. Ludwig (édit.), Eloquence et rhétorique chez Cicéron. Sept exposés suivis de discussions coll. «Entretiens sur l'antiquité classique» 28, Vandœuvres 1982, p. 109-147; 36 Id.,

« Rhétorique et philosophie. Introduction.», dans B. Vickers (édit.), Rhetoric revalued. Papers from the International Society for the History of Rhetoric coll. « Med. & Renaissance Texts & Stud.» 19, t. I. Binghamton

1982, p. 201-206;

37 E. Narducci, Cicerone e l'eloquenza romana : retorica e progetto culturale, coll. « Quadrante » 86, Roma 1997. vilI-186 p.; 38 C. Natali, «L'immagine di Isocrate nelle opere di Cicerone», Rhetorica 3, 1985, p. 233-243; 39 K.H. Nielsen,

An

ideal critic.

Ciceronian

rhetoric

and contemporary

criticism,

Bern/Frankfurt am Main 1995, 154 p.;40 A. Novara, «La dignité de l'enseignement ou l'enseignement et le dialogue, d'apres Cic., Orat. 144. Essai sur les raisons du choix de la forme dialoguée, dans les grands traités rhétoriques cicéroniens », ALMArv 10, 1983, p. 35-52; 41 1. Préaux, «Le couple de sapientia et eloquentia», dans La rhétorique à Rome, coll. « Caesarodunum» 14 bis -

« Calliope » 1, Paris 1979, p. 171-185; 42 S. Pricoco, «Gorgia e la sofistica nella tradizione latina da Cicerone

ai cristiani», SicGymn

38,

1985,

p. 459-477;

722

CICERO (MARCUS TULLIUS)

43 F. Quadlbauer, «Zur Nachwirkung und Wandlung des ciceronischen Rednerideals», dans Ars rhetorica antica e nuova. XF Giornate filologiche genovesi, 21-23 febbraio

1983,

coll. «Pubbl.

dell'Ist. di filol. class. & mediev.

dell’

Università di Genova» 83, Genoa 1983, p. 77-116; 44 Id., «Optimus orator, perfecte eloquens. Zu Ciceros formalem Rednerideal und seiner Nachwirkung», Rhetorica

2, 1984,

p. 103-119; 48 T. Reinhardt,

«Rhetoric

in

the

Fourth

Academy», CQ 50, 2000, p. 531-547 ; 46 B. Reyes Coria, «Cicerón: del De inuentione al Orator : la fuente de la persuasión», Nova Tellus 16, 1998, p. 2944 ; 47 A. Rousselle, «Parole et inspiration. Le travail de la voix dans le monde romain», HPLS 5, 1983, p. 129-157; 48 G. E. Ryan, Cicero, rhetoric and the skeptical academy, Diss., Princeton Univ. (N.J.), 1983, 385 p.; 49 P. Santini,

«Due note critico-testuali a Cicerone retore», A&£R 24, 1979, p. 50-56; 50 R. Schottlaender, « Der Beitrag der ciceronischen Rhetorik zur Entwicklung der Humanitütsidee », A&A 22, 1976, p. 54-69; 51 S. Schweinfurth-Walla, Studien zu den rhetorischen

Überzeugungsmitteln bei Cicero und Aristoteles,

coll. « Mannheimer Beitr. zur Sprach- & Literaturwiss. » 9, Tübingen 1986, VII235 p.; 52 P.C. Tapia Züfiga, «Cicerön y la teoría del escopo: (cómo quería traducir Cicerón) », Nova Tellus 14, 1996, p. 229-255 ; 53 B. Vickers, «Territorial disputes : philosophy versus rhetoric » dans B. Vickers (édit.), Rhetoric revalued. Papers from the International Society for the History of Rhetoric, coll. « Med. & Renaissance Texts & Stud.» 19, t. I. Binghamton 1982, p. 247-266; 54 J.O. Ward, Ciceronian rhetoric in treatise, scholion and commentary, coll.

« Typo-

logie des sources du Moyen Áge occidental» 58, Turnhout 1995, 373 p.; 55 J. S. Watson (édit.), Cicero on oratory and orators, introd. by

R. A. Micken, fwd. by

D. Potter, pref. by R. L. Enos, Carbondale 1986, Lv1-379 p.; 56A. Weische, Ciceros Nachahmung der attischen Redner, coll. «Bibl. der klass. Altertums-

wiss.» N. F. Reihe 2, 45, Heidelberg 1972, 203 p.; 57 M. Winterbottom, « The Roman orator and his education», Akroterion 30, 1985, p. 53-57. DE INVENTIONE

En deux livres, incomplet ou inachevé (seule l'inventio est traitée des cinq parties annoncées en 19; voir II 178). L'ouvrage est également connu par la tradition (Quintilien, Priscien) sous le titre Rhetorici libri, ou Rhetorica. Cicéron en parle dans son De oratore 15 comme d'une œuvre de son adolescence, composée à partir de ses notes de cours (quae pueris aut adulescentulis nobis ex commen-

tariolis nostris incohata ac rudia exciderunt...). Aucun événement postérieur à 9] n'est mentionné. Il a pu étre composé avant 87 (Cicéron avait alors 19 ans).

L'ouvrage présente de grandes similitudes avec la Rhétorique à Hérennius, qui suggere la commune utilisation d'une adaptation latine d'un manuel de rhétorique grecque, exposant la théorie d'Hermagoras de Temnos sur la constitutio causae

(II siècle av. J.-C), mais se prétant également à des influences péripatéticiennes. Dans son prologue - qui a pu être composé beaucoup plus tard -, l’auteur dénonce l'inutilité, sinon les dangers, pour la communauté, d'une éloquence coupée de l'étude de la philosophie aussi bien que d'une sagesse dépourvue d'élo-

TRAITES RHETORIQUES

723

quence (I 1). C'est grâce à l'éloquence que la civilisation a pu se développer chez les hommes et la raison se substituer à la loi du plus fort (I 2-3). Mais à cóté de cette éloquence politique civilisatrice s'est développée une éloquence des procès, dénuée de tout objectif moral et le succés de ce type d'éloquence, y compris dans le domaine politique, l'a fait rejetée à tort par les hommes d'étude (I 4). Cet idéal d'une éloquence alliée à la vertu fut celui de M. Porcius Cato (**C 58), de Laelius, de Scipion l' Africain ou des Gracques (I 5). A propos de la matière de la rhétorique, Cicéron la restreint aux trois domaines distinguées par Aristote: le genre épidictique, le genre délibératif et le genre judiciaire (I 7); il critique la distinction opérée par Hermagoras en causa et quaestio (θέσις et ὑπόθεσις), considérant que le traitement de questions générales est du ressort du philosophe (I 8). Il rappelle ensuite les cinq parties de la rhétorique: inventio, dispositio, elocutio, memoria, pronuntiatio. L'inventio concerne essen-

ticllement la recherche des arguments susceptibles d'emporter la conviction (I 9). 58 R. Granatelli, «Θέσις, ὑπόθεσις, περίστασις in Apollodoro di Pergamo», Eos 70, 1982, p. 223-231.

Éditions critiques. 59 Cicero in twenty-eight volumes, vol. II: De inventione, De

optimo

genere

oratorum,

Topica, with

an

English translation by

H.M.

Hubbel, coll. LCL 386, Cambridge (Mass.)/London 1949, plusieurs fois réimpnmées, p. XI-XXII ; 1-346; 60 Cicéron, De l'invention par G. Achard, coll. CUF, Paris 1994, 436 p. ; 61 Cicerón, La invención retórica. Introd., trad. y notas de Salvador Nüfez, coll. «Biblioteca clásica Gredos» 245, Madrid

1997, 322 p.;

62 M. T. Ciceronis Rhetorici libri duo qui vocantur de inventione = De la invención retórica. Introd., trad. y notas de Bulmaro Reyes Coria, coll. «Bibliotheca scriptorum Graecorum et Romanorum Mexicana», México

1997, CCVII-

139 p. doubles ; 63 M. T. Cicerone, De inventione, introd., trad. e note a cura di Maria Greco, coll. «Studi di filologia e letteratura / Università di Lecce, Dipartimento di Scienze dell’Antichitä, Settore filologico-letterario. Supplementi» 3,

Galatina 1998, 358 p.; 64 M. Tullius Cicero, De inventione = Über die Auffindung des Stoffes; De optimo genere oratorum = Über die beste Gattung von

Rednern : lateinisch-deutsch; hrsg. und übers. von Theodor «Sammlung Tusculum», Düsseldorf/Zürich 1998, 469 p.

Nüsslein, coll.

Études sur la tradition manuscrite. 65 V. M. Lagorio, «The text of Cicero's De inventione in Codex Vat. Lat. 11506», CB 55, 1978, p. 12-15; 66 R. Mattmann, Studie zur handschriftlichen Überlieferung von Ciceros De inventione. Die schweizer Handschriften mit De inventione im Verhältnis zu den ältesten Codices, coll. «Seges Philol. & literar. Stud. & Texte hrsg. von der Philos. Fak. der Univ.» 20, Fribourg en Suisse 1975, 190 p.; 67 R. Mattmann, «Einige Handschriften mit Ciceros De inventione aus dem 9.-11. Jahrhundert», GIF 27, 1975, p. 282-305; 68 H. Thurn, «M.p.th.f. 185 der Universitütsbibliothek Würzburg, ein unbearbeiteter karolingischer Textzeuge von Ciceros De inventione », WJA N.F. 3, 1977, p. 227-230.

724

CICERO (MARCUS TULLIUS) DE ORATORE

L'ouvrage, en trois livres, écrit en 55° au cours des troubles du triumvirat, alors que Cicéron est déjà reconnu comme le premier des orateurs, relate trois entretiens de L. Licinius Crassus (#*C 198) — qui mourut une dizaine de jours après ces rencontres (III 1) — et de M. Antonius (**A 223), deux grands orateurs de la génération précédente, entourés d'un cercle d'amis: Q. Mucius Scaevola, dit l'Augure, P. Sulpicius Rufus, C. Aurelius Cotta (»C 193), Q. Lutatius Catulus (2»*C 60), C. Iulius Caesar Strabo Vopiscus. Cicéron explique le choix de ces personnages dans une lettre à Atticus datée de 54 (IV 16, 3). Les entretiens ont lieu à Tusculum sous le consulat de Philippe (I 24; III 2) en 91* (cf. I 24; III 1), pendant

les Jeux Romains (4-12 septembre), le premier jour dans le jardin de la maison de Crassus, assis sur des coussins, sous un platane (1 28, comme dans le Phedre de

Platon), le second, sous forme de promenade (III 121) dans le portique et la palestre (II 21), puis, l'aprés-midi du méme jour, assis (IH 121) dans la maison de Crassus (III 17). A l'imitation de Céphalos dans la République de Platon, le vieillard Scaevola ne reste que la première journée, les discussions techniques des

deux autres livres correspondant moins bien à la vraisemblance du personnage (Ad Art. IV 16, 3 [CXL]). Le traité est dédié à Quintus Tullius Cicero (**C 125). C'est Cotta qui aurait raconté à Cicéron le contenu de ces entretiens (III 16). Le manuscrit fut envoyé à Atticus en novembre 55 (Ad Attic. IV 13, 2 (CXXVIII]): « Pour mes livres sur l'orateur, j'y ai mis tous mes soins. J'y ai travaillé longtemps et beaucoup. Tu

peux les faire copier» (trad. Constans). Dans une lettre de décembre 54 à Lentulus (Ad Fam., 19, 23 [CLIX)), il écrit: «J'ai composé à la manière d’Aristote —

tel a du moins été mon but - trois livres "Sur l'orateur" en forme de conférences dialoguées ; (...) ils s’écartent résolument des préceptes courants et ils embrassent toute la doctrine oratoire des anciens, celle d'Isocrate comme celle d'Aristote » (trad. Constans).

Cicéron rattachait aux trois livres de ce traité l'Orator et le Brutus comme étant les quatrième et cinquième livre de ses oratorii libri (De divin. 11 1, 4). Il est facile de percevoir à la lecture de l'ouvrage que l'orateur idéal qui y est décrit à travers l’enseignement et les exemples complémentaires de Crassus et d'Antoine n'est parfaitement réalisé qu'en Cicéron lui-méme (voir en particulier II 95). Voir

en ce sens 69 G. Achard, «Pourquoi Cicéron a-t-il écrit le De oratore?», Latomus 46, 1987, p. 318-329. Les derniers mots évoquent en termes prophétiques la prochaine ascension d'Hortensius en qui Cicéron voit en réalité son précurseur.

Le traité est une critique de la formation spécialisée des écoles de rhétorique, avec ses régles et ses exercices, et un plaidoyer pour une éloquence fondée sur une vaste culture générale et une prise en compte des implications philosophiques des sujets traités. Éditions critiques. 70 Cicéron, De l'orateur. Texte établi et traduit par E. Courbaud (avec H. Bornecque pour le livre III), coll. CUF, Paris 1922, 1928,

TRAITES RHETORIQUES

1930, plusieurs fois rééditée; 71 Cicero (M. omnia, 412 p. ; Brutus, 971 p.;

725

Tullius) Scripta quae manserunt

IL 3: De oratore. recogn. K.F. Kumaniecki, coll. BT, Leipzig 1969, XLréimpr. 1995; 72 Cicero (M. Tullius), Opere retoriche, I: De oratore, Orator a cura di G. Norcio, coll. « Classici latini» 23, 1, Torino 1970, 2° éd. 1976; 73 Cicero (M. Tullius), Dell'oratore, a cura di A. Pacitti,

Bologna 1974-1976, 3 vol. 277 p., 1V-308 p., 207 p.; 74 Cicero (M. Tullius), De

oratore. Über den Redner, hrsg. von H. Merklin, coll. «Reclams Universal-Bibl. » 6884, Stuttgart 1976, 652 p.; 3° éd., coll. «Universalbibliothek » 6884, 1997, 655 p.; 75 Th.

Hastrup, M.

Leisner-Jensen et Th.

Hastrup

(édit.), Retoriske

Skrifter : 1: De oratore, Odense 1981, 699 p. en 2 vol.; 76 J.M. May et J. Wisse (édit.), Cicero, On the ideal orator : De oratore. Transl., with introduction, notes, appendixes, glossary, and indexes, Oxford/New York 2001, X-374 p. Commentaire. 77 A.D. Leeman et H. Pinkster (édit.), De oratore libri III, Kommentar, 1: Buch I, 1-165, coll. «Wissenschaftliche Kommentare zu

griechischen und lateinischen Schriftstellern », Heidelberg 1981, V1-273 p.; mémes auteurs avec H. L. W. Nelson, E. Rabbie, II: Buch

1,166-265 ; Buch

II, 1-98,

1985,

309 p. ; III: Buch II, 99-290, 1989, 333 p. ; mêmes auteurs avec J. Wisse, IV: Buch II, 291-367 ; Buch III, 1-95, Heidelberg 1996, XXV-314 p.

Études sur la tradition manuscrite. 78 D. S. A. Renting, «The manuscripts of Cicero's De oratore: E is a descendant of A», CQ 46, 1996, p. 183-195.

Cf. 79 A. Alberte González, « Idealismo y pragmatismo en el tratado ciceroniano De oratore », EClás 26 (88), 1984, p. 303-310; 80 M. von Albrecht, «Ciceros rhetorisches Bildungsideal in De oratore mit besonderer Berücksichtigung des Sokrates », dans P. Neukam (édit.), Die Antike um Brennpunkt, coll. «Dialog Schule-Wiss., Klass. Sprachen & Lit.» 25, München 1991, p.7-25; 81 D. Auverlot, «Cicéron et le livre I du De oratore. Une structure complexe », IL 38, 1986, p. 76-81; 82 1. Axer J., «Three critical notes to Cicero's De oratore », Eos 67, 1979, p. 287-291; 83 L. Calboli Montefusco, « De oratore. La doppia

funzione

84 Elaine

dell'ethos

Fantham,

dell'oratore»,

«Imitation

Rhetorica

and evolution.

The

10,

1992,

discussion

p. 245-259;

of rhetorical

imitation in Cicero De Oratore 11,87-97 and some related problems of Ciceronian theory», CPh 68, 1978, p. 1-16; 85 E. Fantham, « Varietas and satietas. De oratore 3.96. 103 and the limits of ornatus», Rhetorica 6, 1988, p. 275-290; 86 J.C. R. Hall, Style and design in Cicero's De oratore. Diss. Univ. of Texas at Austin, 1992, 208 p. [microfilm]; 87 Doreen Innes, «Cicero on tropes»,

Rhetorica 6, 1988, p. 307-325; 88 A. D. Leeman, «Entstehung und Bestimmung von Ciceros De oratore», Mnemosyne 31, 1978, p. 253-264; 89 Id., «The structure of Cicero's De oratore I», dans A. Michel et R. Verdière (édit.), Ciceroniana. Hommages à K. Kumaniecki, coll. «Roma aeterna» 9, Leiden 1975,

p. 140-149; 90 Id., «De geschiedschrijving in Cicero's De oratore», Lampas 17, 1984, p. 248-253;91 /d., «Ironie in Ciceros de oratore», dans A. D. Leeman (édit.), Form und Sinn. Studien zur römischen Literatur (1954-1984), coll. « Stud. zur klass. Philol.» 25, Frankfurt 1985, p. 39-47; 92 H. Merklin, «System

und Theorie in Ciceros De oratore », WJA 13, 1987, p. 149-161 ; 93 R. D. Meyer,

726

CICERO (MARCUS TULLIUS)

Literarische Fiktion und historischer Gehalt in Ciceros De Oratore, Diss., Freiburg 1970, X-207 p.; 94 A. Michel, «La pédagogie de Cicéron dans le De oratore. Comment unir l'idéal et le réel? », REL 64, 1986, p. 72-90; 95 M.G. Morgan, «Glaucia and Metellus. A note on Cicero, De oratore Il, 263 and II, 164», Athenaeum 52, 1974, p. 314-319; 96 B. Riposati, «La tecnica dialogica nel De

oratore di Cicerone», Vichiana

11, 1982, p. 254-263; 97

A. de

Rosalia,

«Condizione umana dell'oratore ciceroniano », ALGP 9-10, 1972-1973, p. 121-

152; 98 R. Schottlaender, « Die ethische Überordnung der oratorischen über die rhetorische Redekunst. Zum

theoretischen Gehalt von Ciceros De

oratore»,

Rhetorik 7, 1988, p. 1-12; 99 E. Schuetrumpf, «Platonic elements in the structure of Cicero De oratore Book I», Rhetorica 6, 1988, p. 237-258; 100 /d., «Cicero De Oratore I and Greek philosophical tradition», RhM 133, 1990, p. 310-321; 101 C. E. Scott, /magery in Cicero's De oratore, Diss., The University of Iowa Iowa City, 1980, 126 p.; 102 R. Valenti, « Recenti studi sul De

oratore di Cicerone» BStudLat 5, 1975, p. 58-65; 103 F. Wehrli, «Studien zu Cicero De oratore», MH 35, 1978, p. 74-99; 104 B. Wisniewski, « Gorgias, Hippias et le De oratore de Cicéron», Prometheus 6, 1980, p. 248-258. BRUTUS

Ce dialogue, exposant une histoire des orateurs sous la République à Rome, a été composé au début de 46*, alors que la guerre civile opposant César et Pompee battait son plein. Cicéron n'avait rien publié depuis son De re publica en 54 (Brutus 19). Le progrès de la rhétorique romaine aboutit, comme dans le De Oratore, à Hortensius, né huit ans avant Cicéron (230) et mort en 50 (sous le

consulat de Lucius Paullus et de Caius Marcellus, 229), qui brilla davantage dans sa jeunesse que dans ses derniéres années (325).

Les trois personnages du dialogue qui se tient dans le jardin de Cicéron (10) pres de la statue de Platon (24), sont Atticus (»*A 505), Brutus (»B 63) et Cicé-

ron lui-méme qui reste le principal intervenant. Cicéron venait de recevoir d’Atticus un livre où il avait renfermé en abrégé et avec beaucoup d'exactitude l’histoire universelle (14). Il s'agissait apparemment d'une

sorte de chronique offrant

«un classement chronologique permettant d'embrasser d'un seul coup d'œil tout le tableau des siécles» (25; trad. Marthas). A l'arriére-plan du dialogue on devine aussi une querelle littéraire opposant Brutus, chef de file des νεώτεροι, et Cicéron sur la question de l’atticisme. Un échange de lettres à ce sujet est attesté par k Dialogue des orateurs de Tacite (18, 5; 25, 5). Attaqué pour son asianisme, Cicéron revendique le qualificatif d’atticiste et rappelle que c'est là une catégorie large qui laisse la place à de nombreux types d'éloquence et qui offre le pire et le meilleur (284-291). Sur cette querelle, voir 105 A. Michel, Rhétorique et philosophie chez Cicéron, Paris 1960, p. 436 sqq. Voir aussi 106 A. Barbieri, Cicerone

e i neoattici, coll. « Quaderni di RCCM»

14, Roma 1974, 64 p.; 107 G. Calboli,

« Cicerone, Catone e i neoatticisti » dans A. Michel et R. Verdière R., Ciceroniana. Hommages à K. Kumaniecki, coll. «Roma aeterna» 9, Leiden 1975,

p. 51-103.

TRAITES RHETORIQUES

727

Comme dans le De Oratore, l'exposé est orienté vers l'auto-célébration de Cicéron. C'est avec l'année de sa naissance qu'il date “la première maturité" (prima maturitas) de l'éloquence romaine, année où fut publié un important discours en faveur de la loi Servilia de L. Licinius Crassus, alors âgé de 34 ans (en 106): «une perfection à laquelle il était impossible de rien ajouter, à moins que ne parüt un homme mieux pourvu d'une éducation philosophique, juridique et historique » (161 ; trad. Martha). Et Brutus de continuer: «Il paraîtra cet homme que tu attends, ou plutót il a déjà paru» (162). Comme l'écrit Yon 124 (cité plus loin), P. XXX, «c'est la propre statue de Cicéron qui se dresse à l'extrémité de la galerie dont elle domine de sa hauteur toute la perspective ». Éditions critiques.

108 Cicero

(M.

Tullius),

Brutus. Lateinisch-deutsch.

Hrsg. B. Kytzler, coll. « Tusculum Bücherei », München 1970, 367 p.; 4. Aufl 1990, 363 p.; 109 Cicero (M. Tullius), Scripta quae Manserunt omnia, Il 4: Brutus. Recogn. E. Malcovati er al., coll. BT, Leipzig 1970, XVIII-126 p.; 110 Cicero (M. Tullius), Retoriske Skrifter, II: Brutus. Overs. M. Leisner-Jensen,

Inst. for klass. Stud., Odense 1979, 253 p.; 111 E. « Centro di Studi Ciceroniani Tutte le opere di 309 p. ; 112 Cicerone, Brutus. Introd., trad. e note teca Universale Rizzoli, L» 1026, Milano 1995, 422

Malcovati (édit.), Bruto, coll. Cicerone» 16, Milano 1981, di E. Narducci, coll. «Bibliop.

Études sur la tradition manuscrite. 113 J. A. White, A collation and an historical and codicological study of Cicero's Brutus in the Cornell University

Library Ms. U., Diss., State Univ. of New York Buffalo, 1975, 328 p. Cf. 114 M. Bellincioni, « Ancora sulle intenzioni politiche del Brutus», dans A. Scivoletto (édit.), Sapienza antica. Studi in onore di Domenico Pesce, Milano

1985, p. 49-67; 115 A. Cavarzere, «La funzione di Ortensio nel prologo del Brutus », Lexis 16, 1998, p. 149-162; 116 M. Grazia Iodice di Martino, «Il rapporto oratore-pubblico nel Brutus di Cicerone», A&R 32, 1987, p. 147-151; 117 E. Malcovati, « Rileggendo il Brutus», in A. Michel et R. Verdiere (edit), Ciceroniana. Hommages à K. Kumaniecki, coll. « Roma aeterna» 9, Leiden 1975, p. 160-166; 118 C. Rathofer, Ciceros Brutus als literarisches Paradigma

eines Auctoritas-Verháltnisses, coll. « Beitr. zur klassischen Philologie» 174, Frankfurt 1986, XIV-292 p.; 119 W. Suerbaum, «Fehlende Redner in Ciceros Brutus?: nebst Hinweisen auf fehlende Entwicklung, fehlende Belege und fehlende Ernsthaftigkeit in einer Geschichte der römischen Beredsamkeit», dans B. Czapla, T. Lehmann et S. Liell (édit.), Vir bonus dicendi peritus : Festschrift für Alfons Weische zum 65. Geburtstag, Wiesbaden 1997, p. 407-419; 120 W. Suerbaum, « Vorliterarische römische Redner (bis zum Beginn des 2. Jhs. v. Chr.) in Ciceros Brutus und in der historischen Überlieferung», WJA

21, 1996-1997,

p. 169-198. Prosopographie. 121 G. V. Sumner, The orators in Cicero's Brutus. Prosopography and chronology, coll.

« Phoenix Suppl.» 11, Toronto 1973, 197 p.

728

CICERO (MARCUS TULLIUS) ORATOR

Composé au cours de l'été 46°, à la suite du Brutus, mais aussi des Paradoxes des stoiciens et de l'Éloge de Caton, cet ouvrage, dédié à Brutus et écrit à sa demande (35), est le cinquième de la série des oratorii libri commencée avec le De oratore. Dans une lettre à Atticus datée de mai 44 (Ad ΑΙ. XIV 20, 3 [DCCXLIII]), Cicéron l'évoque comme un ouvrage “sur le meilleur style ora-

toire" (de optimo genere dicendi). L'opposition aux néo-atticistes comme Brutus, qui restait secondaire dans le Brutus, constitue ici le point central de la réflexion. L'ouvrage révèle une composition un peu désordonnée et des redites (Yon 124, p. XV-XVII) qu'on a cherché à expliquer par l'assemblage de morceaux écrits précédemment, peut-étre dans le cadre d'un échange épistolaire avec Brutus. Voir

122 R. Sabbadini, «La composizione dell’Orasor ciceroniano», RFIC 44, 1916, p. 1-22, dont l'analyse est résumée par Yon 124, p. XVIII-XX.

Études sur la tradition manuscrite. 123 R. Westman, «Zur CornellHandschrift U in Ciceros Orator», dans C.F. Collatz (édit.), Dissertatiunculae

criticae : Festschrift für Günther Christian Hansen, Würzburg 1998, p. 193-194. Éditions critiques. 124 Cicéron, L'Orateur. Du meilleur genre d'orateurs. Texte établi et traduit par A. Yon, coll. CUF, Paris 1964, CCIII- 197 p. (en partie doubles) ; 125 Cicero (M. Tullius), Orator. Hrsg. von B. Kytzler, coll. « Tuscu-

lum Bücherei», München

1975, 266 p.; 3e éd. 1988, 267 p.; 126 Cicero (M.

Tullius), Scripta quae manserunt omnia, Fasc. 5: Orator, ed. R. Westman, coll.

BT, Leipzig 1980, ΧΧΧΙΙΠ-99 p.; 127 Cicero (M. Tullius), Retoriske Skrifter, IR: Orator og De optimo genere oratorum. Overs. J. Isager, Odense 1982, 280 p. Cf. 128 J. Glucker, «Some passages in Cicero's Orator», GIF 26, 1974, p. 170-179 ; 129 H. Matsuo, « Forma eloquentiae and genera dicendi. The concept of the ideal style in Cicero's Orator», JCS 25, 1977, p. 91-101; 130 R. Westman, « Cambiamenti nel fondo testuale dell'Orator », Ciceroniana N.S. I, 1973, p. 99-

103. DE OPTIMO GENERE ORATORUM

Les traités précédents exaltaient Démosthéne comme modele d'un atticisme fort distinct de celui de Lysias que prónaient les néo-atticistes romains. Le présent ouvrage devait servir d'introduction à une traduction de Demosthene (Sur la couronne) et d’Eschine (Contre Ctésiphon) et il était

à nouveau dirigé contre les

νεώτεροι. On le date également de 46; Cicéron a pu le composer entre le Brutus et l’Orator. On ne sait pas si les traductions furent effectuées (Yon 124, p. 98,

considére que des allusions de Jéróme et d'Apollinaire proviennent de leur lecture), mais l'ouvrage était connu sous le titre De optimo genere oratorum déjà sous Tibère (Asconius) comme une œuvre indépendante, sans les traductions. Certaines imperfections du traité pourraient laisser penser qu'il n'a jamais recu sa forme finale.

Éditions critiques. Yon 124, p. 95-117; 131Marci Tulli Ciceronis De optimo genere oratorum. Edidit, commentario critico instruxit Antonella Ippolito, coll.

TRAITES RHETORIQUES

729

« Bibliotheca philologica. Testi» 3, Palermo 1998, XXX1-46 p.; 132 Cicero (M. Tullius), Retoriske Skrifter, 11: Orator og De optimo genere oratorum. Overs. 1.

Isager, Odense 1982, 280 p. Cf. 133 Hendrickson, «Cicero 1926, p. 109-123.

De

Optimo

Genere

Oratorum», AJPh

47,

PARTITIONES ORATORIAE (DIVISIONS DE L'ART ORATOIRE) Il s'agit d'un catéchisme scolaire par questions et réponses mettant en scène

Cicéron et son fils, lequel a dü étudier la rhétorique à partir de 54°. La source pourrait étre un traité de rhétorique grec d'inspiration académicienne. On a pensé à Antiochus d'Ascalon. Éditions critiques. 134 Cicéron, Divisions de l'art oratoire. Topiques. Texte établi et traduit par H. Bornecque, Paris 1924; 135 M. Tullius Cicero, Partitiones oratoriae. Rhetorik in Frage und Antwort, von K. Bayer und G. Bayer, coll. «Sammlung Tusculum », Zürich 1994, 312 p. Études sur la tradition manuscrite. 136 G. Savvantidis, « Ciceros partitiones oratoriae. Handschriftenkunde, 1», Dodone 7, 1978, p. 183-211.

Cf. 137 M. Brozek, «Quo tempore Ciceronis Partitiones oratoriae conscriptae sint», Eos 71, 1983, p. 11-19; 138 B. Reyes Coria, La retórica en La parti-

ción oratoria de Cicerón, coll. « Centra de Estud. clás. - Ser. didáctica» 12, Univ. autónoma de México 1987, 215 p. TOPICA

A la demande du juriste Gaius Trebatius Testa qui avait découvert un exemplaire des Topiques d' Aristote dans la bibliothéque de Cicéron à Tusculum, ce

dernier aurait composé ce traité au cours d'une traversée de Vélia à Rhégium en juillet 44? et entiérement de mémoire. Cicéron présente son ouvrage comme une adaptation latine du traité d' Aristote, mais les lieux traités ne viennent pas tous des Topiques : certains se trouvent dans la Rhétorique (Il 23) ou proviennent des

stoiciens. Voir 139 M. Wallies, De fontibus Top. Cic., Halle 1878. Le méme schéma de classement des lieux se trouve dans le de Oratore Il 162-173. D'autres développements relèvent d'un traité de inventione. On pense que Cicéron aurait résumé, peut-être de mémoire, un traité hellénistique - on a pensé à Antiochus d'Ascalon ou à Diodote — en croyant qu'il présentait la doctrine d'Aristote. Un commentaire des Topiques de Cicéron a été composé par Boèce (**B 41). 140 J. C. Orelli et J. G. Baiter (édit.), Commentarii in Ciceronis Topica, dans M. Tulli Ciceronis opera quae supersunt, Zürich 1833, t. I, p. 269-395. Traduction

anglaise récente: 141 Boethius's In Ciceronis Topica , transl., with notes and an introd. by Eleonore Stump, Ithaca 1988, X1-277 p.

Éditions critiques. 142 Cicero (M. Tullius), Topik. Hrsg. H. G. Zekl, coll «Philosophische Bibl.» 356, Hamburg 1983, XXV-91 p.; 143 Cicero (M. Tullius), Topica: Die Kunst, richtig zu argumentieren. Lateinisch und deutsch, hrsg., übers. & erläutert von K. Bayer, coll. «Sammlung Tusculum», Zürich

730

CICERO (MARCUS TULLIUS)

1993, 235 p.; M. Tulli Ciceronis, Topica, ed. Maria Laetitia Riccio Coletti, Teate

1995, 116 p.; 144 Marcus Tullius Cicero, Topica, edidit, commentario critico instruxit G. Di Maria, coll. «Bibliotheca philologica» 1, Palermo 1994, XLVII132 p.

Études sur La tradition manuscrite. 145 C. E. Finch, «The University of Pennsylvania manuscript of Cicero's Topica», CB 58, 1982, p. 77-81; 146 M. Winterbottom, « The integri of Cicero's Topica», CQ 46, 1996, p. 403-410; 147 G. Di Maria, «De codicis Halensis momento ad Ciceronis Topica edenda », Vichiana 4a ser. 3, 2001, p. 176-186. Cf. 148 P. Huby, «Cicero's Topics and its Peripatetic sources», dans W.W. Fortenbaugh et P. Steinmetz (édit.), Cicero's knowledge of the Peripatos, coll

« Rutgers Univ. studies in classical humanities» 4, New Brunswick, N.J. 1989, p. 61-76; 149 J. Kaimio, Cicero's Topica, the preface and sources, coll «Annales Univ. Turkuensis Ser.

B OSA » 191, Turku

1976, 27 p.; 150

N.J.

Green-Pedersen, « Reflections on Cicero's Topica», MT 32-33, 1978, p. 43-54; 151 D. Noerr, «Ciceros Topica und die rómische Rechtsquellenlehre », Romanitas 9, 1970, p. 419-436; 152 B. Riposati, «Quomodo Topicorum Ciceronis textus intellegendus sit», Ciceroniana N.S. 1, 1973, p. 91-97. RHÉTORIQUE À HÉRENNIUS Il ne semble pas que ce traité de rhétorique, inspiré des manuels éclectiques d'époque hellénistique, ait été attribué à Cicéron avant le début du V* siécle. Par son contenu et les exemples latins qu'il fournit, il peut dater d'une époque voisine de celle du De inventione (vers 87*). Selon Achard 158, p. VII (cité plus loin), i

aurait été composé entre la mi 86* et le début de 82. Auteur. L'ouvrage a été édité, puis traduit sous le nom de Comificius (»C 189) par 153 G. Calboli, Cornifici Rhetorica ad Herennium. Introd., testo crit., comm. a cura di G.C., coll. «Ed. e saggi universitari di filol. class.» 11, Bologna 1969, XI1-498 p.; 154 Retorica ad Erennio. Trad. ital. a cura di G. Calboli, Bologna 1969, VI-122 p. On a aussi proposé le nom de Cornutus (»C

190): 155 L. Herrmann,

« Annaeus

Cornutus et sa rhétorique à Herennius

Senecio», Latomus 39, 1980, p. 144-160, celui du questeur de 86, Hirtuleius:

156 G. Achard, «L'auteur de la Rhétorique à Herennius?», REL 63,

1985,

p. 56-68, et bien d'autres...

Éditions critiques. 157 F. Marx (édit), Incerti auctoris De ratione dicendi ad C. Herennium libri IV (M. Tulli Ciceronis Ad Herennium

libri VI) edidit

F.M, Leipzig 1894, VI-554 p. ; 158 Rhétorique à Herennius, par G. Achard, coll. CUF, Paris 1989, 2* tir. rev. et corr. Paris 1997, LXXXIV-485 p.

Traductions. Française : Achard 158. /ralienne : Calboli 154. Anglaise : 159 [Cicero] Ad C. Herennium de ratione dicendi (Rhetorica ad Herennium),

with an English translation by H. Caplan, coll. LCL 403, Cambridge (Massy London 1954, LXXII-433 p.

TRAITES RHETORIQUES

731

Histoire du texte. 160 K. Manitius, «Zur Überlieferung des sogenannten Auctor ad Herennium », Philologus 100, 1956, p. 62-66; 161 K. Zelzer, «Zur Überlieferung der Rhetorik Ad Herennium», WS 16, 1982, p. 183-211; 162 A. Hafner, Untersuchungen zur Überlieferungsgeschichte der Rhetorik ad Herennium, coll. «Europäische Hochschulschriften. Reihe XV, Klassische Sprachen und Literaturen» 45, Frankfurt 1989, 111-371 p.

Bibliographie. 163 D. Matthes, «Hermagoras von Temnos 1904-1955», Lustrum 3, 1959, p. 58-214. 262-278. Cf. 164 T. Adamik, «Basic problems of the Ad Herennium: author, date, its relation to the De inventione », AAntHung 38, 1998, p. 267-285; 165 L.C. Winkel, «Some remarks on the date of the Rhetorica ad Herennium», Mnemosyne 32, 1979, p. 327-332.; 166 G.C. Alessio, « An Rhetorica falso sit

inscripta ad Herennium : un promemoria », Ciceroniana, N.S. 11, 2000, p. 141158 ; 167 J. Brzoska, art. « Cornificius », RE IV 1, 1900, col. 1605-1623; 168 G. Calboli, « Cornificiana, II: L'autore e la tendenza politica della Rhetorica ad Herennium., coll.

« Atti Accad. delle Sc. di Bologna, Cl. di Sc. mor.»

51-52,

Bologna 1965, 114 p.; 169 /d., «L'oratore M. Antonio e la Rhetorica ad Herennium», GIF 24, 1972, p. 120-177 ; 170 J. Adamietz, Ciceros De inventione

und die Rhetorik an Herennium, Diss. Marburg 1960, 110 p.; 171 L.C. Winkel, « Some remarks on the date of the Rhetorica ad Herennium», Mnemosyne 32, 1979, p. 327-332. RICHARD GOULET.

L’ASPECT PHILOSOPHIQUE DES DISCOURS

Cf. 1 P. Boyancé, «Cum dignitate otium», REA 43, 1941, p. 172-191 (repris dans Id., Études sur l'humanisme cicéronien, coll. « Latomus» 121, Bruxelles 1970, p. 114-134); 2 J. Christes, «'Cum

dignitate otium'

(Cic.

Sest. 98) — eine

Nachbetrachtung », Gymnasium 95, 1988, p. 303-315; 3 M. E. Clark et J. S. Ruebel, «Philosophy and Rhetoric in Cicero's 'Pro Milone' », RhM 128, 1985, p. 57-72 ; 4 Cornelia C. Coulter, «Plato's Crito and Cicero's In Catilinam I», CB 33, 1956-1957, p. 1-2; 5 P.H. De Lacy, «Cicero's Invective against Piso», TAPhA 72, 1941, p. 49-58; 6 A. Dyck, «Narrative obfuscation, philosophical topoi, and tragic patterning in Cicero's Pro Milone», HSCPh 98 1998, p. 219241;7 Paola Gagliardi, « Cicerone e lo stoicismo. Note a Pro Murena 58-77 », Vichiana ser. 3, 2, 1991, p. 231-239; 8 W. Görler, Untersuchungen zu Ciceros Philosophie, Heidelberg

1974, 224 p. ; 9 J. Graff, Ciceros

Selbstauffassung,

Heidelberg 1963, 163 p. ; 10 A. Grilli, «Riflessi filosofici nelle orazione di Cicerone », dans Cicerone

oratore.

Rendiconti del corso di aggiornamento per

docenti di latino e greco del Canton Ticino, Lugano 1990, p. 97-102; 11 J. Gruber, « Cicero und das hellenistische Herrscherideal. Überlegungen zur Rede

De

imperio

Cn.

Pompei»,

WS

101,

1988,

p. 243-258; 12 L.

Havas,

«L'idée d'état dans les discours consulaires de Cicéron », Ciceroniana n.s. 7, 1990, p. 133-147 ; 13 N.

Horsfall,

«La

cultura della plebs Romana»,

coll.

« Cornucopia » 2, Barcelona 1996 (sur Cicéron, p. 43-50) ; 14 Edeltraut Lasch, Philosophisches Gedankengut in Ciceros Reden, Diss. Wien

1942 (dactylogr.),

99 p. ; 15 J. Leonhardt, Ciceros Kritik der Philosophenschulen, coll. « Zetemata » 103, München 1999, 229 p. ; 16 /d., «Senat und Volk in Ciceros Reden “ De lege agraria"», ACD 34-35, 1999, p. 279-292 ; 17 A. Liéby, Quantum philosophiae studio ad augendam dicendi facultatem Cicero tribuerit, Paris 1907, 124 p. ;

18 A. Michel. Rhétorique et philosophie chez Cicéron. Essai sur les fondements philosophiques de l'art de persuader, Paris 1960, XV-752 p.; 19 P. Niederberger, Die Staatstheorie Ciceros im Spiegel seiner Reden, Einsiedeln 1943 (Schulprogramm); 20 R. Preiswerk, « Griechische Gemeinplätze in Ciceros Reden», dans Juvenes dum sumus. Aufsätze zur klassischen Altertums-

wissenschaft (Festschrift 49. Versammlung deutscher Philologen und Schulmánner zu Basel), Basel 1907, p. 27-39; 21 H. Ranft, Quaestiones philosophicae

ad orationes Ciceronis pertinentes, Diss. Leipzig 1907, 77 p.;22 Antonella Tedeschi, « La vita del sapiens: finalità e limiti. A proposito di una schermaglia retorico-filosofica in Cic. Marc. 25-27 », BStudLat 26 1996, p. 462-481. N.B. Dans l'exposé qui suit, les traductions des citations de Cicéron sont empruntées aux

divers volumes parus dans la Collection des Universités de France (dite coll. Budé), Paris, Les Belies Lettres, 1922-.

A plusieurs reprises, Cicéron explique qu'il doit en grande partie à la philosophie ses performances d'orateur, et méme qu'en principe des études philosophiques sont indispensables à un bon orateur : Brutus 306, dans le cadre de l'exposé

DISCOURS

733

de sa formation rhetorique (lors de la venue à Rome de Philonde Larisse, en 88 av. J.-C.): «Je me livrai à lui tout entier: je m'étais pris d'un amour incroyable pour la philosophie », totum ei me tradidi admirabili quodam ad philosophiam studio concitatus ; Orator 12 «J'avoue que je suis orateur ... non pour être sorti des ateliers des rhéteurs, mais des promenoirs de l' Académie », fateor me oratorem ... non ex rhetorum officinis, sed ex Academiae spatiis exstitisse; Orator 14

« Posons ... en premier lieu ... que sans la philosophie ne peut être réalisé l'homme éloquent que nous cherchons, non que tout cependant soit en elle, mais en tant qu'elle l'aide comme la palestre l'acteur», positum sit ... in primis ... sine philosophia non posse effici quem quaerimus eloquentem,

non ut in ea

tamen omnia sint, sed ut sic adiuvet ut palaestra histrionem. Dans le De oratore, Crassus, le porte-parole de Cicéron, exige que l'orateur idéal soit familier des doctrines philosophiques: I 53 (sur l'excitation et l'apaisement des affects) « Voilà des résultats qu'à moins d'avoir étudié les différents caractéres des hommes et le fond permanent de la nature humaine, à moins d'avoir saisi dans tout leur jeu les ressorts qui soulévent ou retiennent les ämes, l'on n'atteindra jamais par la parole », nisi qui naturas hominum vimque omnem humanitatis causasque eas, quibus mentes aut incitantur aut reflectuntur, penitus perspexerit, dicendo quod volet perficere non poterit (comparer I 219); 93 (doctrine de l' Académicien Charmadas [»+*C 100]) «Il n'y a aucune méthode

pour apprendre à bien dire, et... personne, à moins d'avoir étudié les doctrines des plus savants philosophes, n'est capable de s'exprimer avec habileté ou avec abondance », neque artificium ullum esse dicendi neque quemquam posse, nisi qui illa, quae a doctissimis hominibus in philosophia dicerentur, cognosset, aut callide aut copiose dicere ; De officiis 1 155 (de nombreux chefs d'État ont eu

des maitres philosophes) « Nous-mémes ... nous avons accédé aux affaires, formé et préparé par des maitres et par leur enseignement», nosque ipsi ... a doctoribus atque doctrina instructi ad eam (sc. rem publicam) et ornati accessimus. Dans la préface au De natura deorum (1 6), Cicéron insiste sur le fait qu'il s'est

adonné toute sa vie durant aux études philosophiques, et il caractérise dans ce contexte ses discours comme «bourrés de maximes des philosophes» (refertae philosophorum sententiis). A première vue, les cinquante-sept discours qui nous sont conservés ne semblent guére confirmer ces déclarations, mais il vaut la peine de procéder à un examen plus détaillé. A cet égard, il faut faire une distinction entre l'influence qu'a pu avoir la formation philosophique de Cicéron sur un plan formel (donc sans que, dans les discours, soient traitées des questions philosophiques), et la mention ou la discussion directe de doctrines et de problémes philosophiques.

1. Influence formelle sur le style et l'argumentation Cet aspect est traité en détail par Michel 18; de courtes indications peuvent ici suffire. a) La philosophie, avant tout l’ Académie sceptique, éduque à « la finesse de la pensée » (subtilitas, fat. 3).

A cet égard, c'est à la dialectique avant tout que l'on

734

CICERO (MARCUS TULLIUS)

pense: des notions et des définitions nettes, des divisions claires, des syllogismes corrects : Orator 16 « Et [...] sans une formation philosophique nous ne pouvons ni distinguer le genre et l'espèce de chaque chose, ni l'expliquer par une définition, ni la distribuer entre ses parties, ni juger de ce qui est vrai et de ce qui est faux, ni distinguer les rapports, voir les contradictions, analyser les ambiguités », nec ... sine philosophorum disciplina genus et speciem cuiusque rei cernere neque eam definiendo explicare nec tribuere in partes possumus nec iudicare quae vera, quae falsa sint neque cernere consequentia, repugnantia videre,

ambigua distinguere (dans la suite sont aussi nommées la physique et l'éthique). La philosophie fournit donc d'importantes parties de la technique de l'argumentation.

b) Une particularité de l' Académie et du Péripatos était le soin que l'on attachait à la «disputatio in utramque partem». Cicéron fait un grand éloge de cet exercice : De oratore Ill 80 «Mais si jamais il se rencontre un homme capable [...] de soutenir sur toutes les questions le pour et le contre [...], ce sera le vrai,

le parfait, le seul orateur», sin aliquis extiterit aliquando, qui [...] de omnibus rebus in utramque partem possit dicere [...], is sit verus, is perfectus, is solus

orator , Tusc. 11 9 «[...]J'ai toujours aimé la méthode des péripatéticiens et de l'Académie, qui consiste à traiter le pour et le contre en tout sujet; et la raison n'en est pas seulement qu'autrement il serait impossible de découvrir en chaque sujet où est la vraisemblance, c'est aussi parce qu'il y a là un excellent procédé d'entraînement à la parole», f... rnihi semper Peripateticorum Academiaeque consuetudo de omnibus rebus in contrarias partes disserendi non ob eam cau-

sam solum placuit, quod aliter non posset, quid in quaque re veri simile esset, inveniri, sed etiam quod esset ea maxima dicendi exercitatio. Or il va de soi que - autrement que dans les discours philosophiques — Cicéron, dans aucun des discours qu'il a effectivement prononcés, n'argumente de manière successive en faveur de deux positions mutuellement exclusives. Mais l' «exercice » de l'argumentation « conduite de part et d'autre» a pu aider l'orateur à anticiper par la pensée les arguments de l'adversaire et à les réfuter par avance: voilà la refutatio (confutatio) que les théoriciens de la rhétorique recommandent comme partie constitutive régulière d'un discours après l’argumentatio (probatio, confirmatio) positive. Et c'est avec raison que Michel 18, p. 158, fait observer que Cicéron produit en quelque sorte des « palinodies », dans les discours contre Catilina (qu'il avait auparavant défendu), pour Cluentius (oü il porte un jugement plutót positif sur Verres et ses amis), et ailleurs. Cela a pu lui être rendu plus facile par la pratique académicienne. Évidemment, ce procédé soulève aussi la question de la validité absolue de la position qui est à chaque fois soutenue (sur ce point, cf. infra, sur Cluent. 139).

c) La philosophie met enfin à la disposition de l'orateur un trésor de « pensées générales » : Orator 118 «(L'orateur) ne doit pas seulement être armé de la dia-

lectique, mais avoir la connaissance et la pratique de tous les thémes de la philosophie. Rien en effet ni de la religion, ni de la mort, ni de la piété, ni de l'amour de la patrie, ni du bien ou du mal, ni de la vertu ou du vice, ni du devoir, ni de la

DISCOURS

735

douleur, ni du plaisir, ni des passions et des égarements du cœur, toutes choses qui se présentent souvent dans les causes et qu'on y traite avec trop de sécheresse, rien, dis-je, ne peut être dit et développé avec gravité, avec ampleur, avec abondance, sans la science que j'ai dite », nec vero dialecticis modo sit instructus (orator), sed habeat omnis philosophiae notos et tractatos locos. religione, nihil de morte, nihil de pietate, nihil de caritate patriae, rebus aut malis, nihil de virtutibus aut vitiis, nihil de dolore, nihil nihil de perturbationibus animi et erroribus, quae saepe cadunt

nihil enim de nihil de bonis de voluptate, in causas et

ieiunius aguntur, nihil, inquam, sine ea scientia quam dixi graviter ample copiose dici et explicari potest. A ce propos, Cicéron ne pense pas seulement à des théses philosophiques à proprement parler, mais aussi à des formules générales de sagesse pratique, à des sentences populaires, à des proverbes et à des choses semblables. On ne peut tracer une limite claire. Les «lieux communs» (loci) de cette sorte ne servent souvent qu'à conférer plus de force et de pathos

au discours, et sont, de ce fait, un élément décoratif (voir infra), plutôt qu'une partie de l'argumentation. A l'occasion, Cicéron cependant place une thése générale (θέσις, propositum) avant la présentation d'un cas particulier (ὑπόθεσις, causa), et il insére ainsi, de facon suggestive, l'état de fait actuel dans un contexte plus vaste. Michel 18, p. 211, commente le recours à ce procédé dans le Pro Milone et le Pro Sestio. 2. Doctrines et raisonnements philosophiques dans les discours

Dans les discours, le nombre de propos philosophiques, au sens propre, est plutót réduit: l'affirmation de Cicéron (nar. d. 1 6), selon laquelle ses discours seraient « bourrés de pensées philosophiques », est exagérée. Cela n'est pas surprenant, car, Cicéron le savait trés bien, la plus grande partie de son public avait peu de compréhension pour les considérations abstraites et pouvait se sentir facilement contrariée par ce genre de choses. Il faut, à cet égard, faire une distinction entre les discours prononcés devant le peuple, devant le Sénat, devant le tribunal (part. or. 90 « comprenons d'abord qu'il y a deux espéces d'hommes, l'une ignorante et grossiére..., l'autre éclairée et cultivée», hoc primum intellegamus hominum esse duo genera : alterum indoctum et agreste..., alterum humanum et

politum). Là où Cicéron entremêle d'assez longs développements philosophiques (Mur., Sest., Pis., voir là-dessus infra), il prévient donc la mauvaise humeur de

ses auditeurs. a) D'un cóté, il atténue et dissimule ses connaissances philosophiques. Comme dans les Verrines il veut susciter l'impression qu'il ne connaissait que peu de chose sur les artistes grecs (Verr. Il 4, 4 «Ne vous étonnez pas ; tout en menant mon enquête contre Verres, j'ai appris jusqu'au nom des artistes », nimirum didici etiam, dum in istum inquiro, artificum nomina), il ne cesse de laisser entendre que ses connaissances philosophiques sont seulement vagues et superficielles, qu'il n'est informé que de seconde main: Mur. 61 fuit quidam summo ingenio vir, Zeno, cuius inventorum aemuli Stoici nominantur , Sest. 23 philosophi nescioqui ; Pis. 69 Epicurus dicit, ut opinor ...; TO (cetera

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CICERO (MARCUS TULLIUS)

studia), quae fere ceteros Epicureos neglegere dicunt ;71 siquidem philosophia, ut fertur, virtutis continet ... disciplinam; Scaur. 4 (sur le contenu du

Phédon platonicien) ut opinor. C'est presque comme une chose génante que Cicéron «avoue » qu'il a, « dans sa jeunesse », recherché une instruction philosophique: Mur. 63 fatebor ... me ... in adulescentia diffisum ingenio meo quaesisse adiumenta doctrinae. b) A cóté de cela, Cicéron cherche à se gagner l'auditoire en présupposant hypocritement, chez ses auditeurs aussi, des connaissances philosophiques de

base: Mur. 61 (devant des juges) « [...] je n'ai pas à parler devant une multitude sans culture ni dans une réunion d'hommes grossiers », f...] non est nobis haec

oratio habenda aut in imperita multitudine aut in aliquo conventu agrestium (idée semblable 91 ; en opposition tranchée, sur ce point, la constatation honnéte : fin. IV 74 apud imperitos tum illa dicta sunt) ; Pis. 68 (discours tenu fictivement devant le Sénat) non apud indoctos sed [...] in hominum eruditissimorum et humanissimorum coetu loquor (autres exemples dans Horsfall 13,

p. 92 sq., n. 340). Compte tenu des préjugés que l'on vient de mentionner, il va de soi que Cicéron, dans ses discours, ne propose jamais d'argumentation philosophique, au sens restreint, c'est-à-dire qu'il ne cherche pas à gagner son auditoire à une doctrine déterminée. A chaque fois que, dans les discours, un sujet philosophique est en cause, cela sert un but stylistico-rhétorique ou un but tactique. Cela souléve la question de savoir si, de maniére générale, les propos philosophiques qu'on trouve dans les discours peuvent étre utilisés comme des témoignages de sa position philosophique. Cicéron lui-même semble nous avertir: Cluent. 139 « [...] on se trompe grandement en croyant avoir dans les discours que nous avons tenus devant les tribunaux nos opinions autorisées düment consignées: tous ces discours en effet sont ce que le veulent les causes et les circonstances [...]», [...] errat vehementer si quis in orationibus nostris quas in iudiciis habuimus auctoritates nostras consignatas se habere arbitratur. omnes enim

illae causarum ac temporum sunt [...]. Les passages philosophiques aussi, dans les discours, ne seraient-ils donc dictés que par un pur opportunisme ? La formulation de Cicéron rappelle Tusc. V 33, oü il répond à l'«éléve » qui lui avait reproché un changement d'avis: «Toi, tu t'appuies sur des pièces signées de ma main, et prends acte de ce qu'il a pu m'arriver de dire ou d'écrire. La méthode serait bonne ailleurs, avec ceux qui sont liés par des systèmes ; mais nous, nous vivons au jour le jour; tout ce qui fait sur nous une forte impression de vraisemblance, nous l'adoptons », su quidem tabellis obsignatis agis mecum et testificaris, quid dixerim aliquando aut scripserim. cum aliis isto modo, qui legibus impositis disputant : nos in diem vivimus ; quodcumque nostros animos probabilitate percussit, id dicimus. Ici, dans une œuvre philosophique, Cicéron se

réclame non pas de ce qui, à chaque fois, est opportun, mais de ce qui est, à chaque fois, « vraisemblable » : voilà la réserve de l' Académicien sceptique. Cela ne vaut certes pas sans nuances pour les discours. Il y a là, assurément, un changement occasionnel de position philosophique, qui n'est pas seulement déterminé

DISCOURS

737

par des questions désintéressées sur ce qui touche la vérité au plus prés, mais aussi par des considérations tactiques. Mais nulle part Cicéron ne pousse l'opportunisme au point qu'il avait lui-méme recommandé dans son « petit catéchisme » de rhétorique (part. or. 90 [voir supra] «1a volupté méme, le plus grand ennemi de la vertu..., il faut bien souvent [en] faire l'éloge» atque etiam voluptas, quae maxime est inimica virtuti... saepe sane laudanda est). Un examen de

tous les passages montre que Cicéron ne fait jamais de déclaration qui aille directement à l'encontre de ses convictions. Presque toutes les pensées philosophiques dans les discours trouvent aussi une justification dans l’œuvre philosophique. Par conséquent, on peut, avec une certaine prudence, utiliser les passages cités ci-apres, afin de compléter l'image de Cicéron philosophe. On peut faire une distinction entre plusieurs types (avec des limites souvent fluctuantes):

a) Les pensées philosophiques servent de «décor» (Michel 18, p. 214: « [elles] ont pour but de créer l'émotion en donnant plus de force au discours»,

366 «une certaine élévation de ton») ; elles y sont alors placées sur le méme niveau que les lieux communs non philosophiques (cf. Preiswerk 29) ; elles ne se laissent, en général, ranger sous aucune école définie. Quelques exemples : Verr.

11 1, 57 la vertu procure plus de joie que le plaisir des sens ; Cluent. 146 éloge du droit civil (avec des résonances philosophiques) ; leg. agr. II 9 la paix, la liberté et le loisir sont appréciés des hommes, des animaux, des maisons et des champs

(schéma de degrés inspiré par Antiochus? — là-dessus, cf. Grilli 10, p. 100 sq.) ; Rab. perd. 29, «l'àme humaine est immortelle ; ce sont justement les meilleurs

des hommes qui le ressentent avec le plus d'acuité» ; Catil. II 25 les quatre vertus cardinales ; IV 8 le chátiment des méchants aprés la mort ; Arch. 2 «tous les arts forment une unité» (cf. de or. Ill 21), et 14 «la vertu doit être estimée à plus

haut prix que toute autre chose » ; Mil. 96 «le sage ne tend pas vers une récompense pour ses bonnes actions, mais les bonnes actions sont un but en soi»: làdessus, cf. Dyck 6; Phil. X1 28 «[...] la loi n'est autre chose que la raison droite, tirée de la volonté divine, ordonnant le bien, défendant le contraire », est f...] lex

nihil aliud nisi recta et a numine deorum tracta ratio, imperans honesta, prohibens contraria (cf. leg. 1 18, II 10).

b) Allusions à des points de doctrine concrets de philosophes ou d'écoles précis (qui toutefois ne sont pas nommés); ces passages sont destinés à impression-

ner ceux des auditeurs qui sont cultivés ; le plus souvent, ils sont davantage liés à l'argumentation: Verr. II 5, 35 la distinction (épicurienne) entre «désirs non naturels » (extraordinariae cupiditates) et « désirs nécessaires par nature » (ipsa

natura ac necessitas) ; Sull. 25 le paradoxe (stoicien) qui affirme que «seul le sage est roi» (idée semblable dans Phil. III 12); har. 57 la doctrine (stoicienne)

de l’oikeiosis; Sest. 47 l'alternative (socratique) à propos de la mort: «ou bien anéantissement complet (nihil), ou bien poursuite d'une vie bienheureuse (bonum) » (idée semblable dans Arch. 30, Catil. IV 7); Cael. 41-52, trois « fins de la vie» (τέλη): le plaisir, la vertu et le plaisir combinés, la vertu seule, c'est-

à-dire le Jardin, le Péripatos, la Stoa, qui ne sont cependant pas nommés ; la doc-

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CICERO (MARCUS TULLIUS)

trine extrême de la Stoa est rejetée, comme étrangère à ce monde et inhumaine ; Balb. 3 esquisse, avec approbation par Cicéron, du sage stoicien ; Scaur. 4-5 Platon sur l'immortalité de l'áme et sur le suicide ; Marc. 25-27 César comparé au sage (stoicien ?) (un dérapage) (cf. Tedeschi 22) ; Deior. 37 (doctrine stoicienne)

«seule la vertu est un bien», «elle seule garantit la félicité» ; Phil. IV 13 (idée stoicienne) «la vertu est inamissible », XI 7 (idée stoicienne) la pensée antici-

patrice (praemeditatio) comme protection à l'égard des affects. C'est presque une citation qu'on lit dans Catil. I 18 sq. et 27, avec l'introduction de la « patrie qui parle », le modèle en est le Criton 50 a- 54c (sur ce point, cf. Coulter 4).

c) Propos plus fortement imprégnés d'une marque personnelle. Dans le Pro Milone 83 sq., Cicéron caractérise le meurtre de Clodius comme un «bienfait », que les dieux ont accordé à Rome: cela, dit-il, est aussi peu à mettre en doute que le cours du soleil et des étoiles. L'événement actuel est inséré dans un contexte cosmique, ce qui est à coup sür une habile tactique rhétorique. Michel 18, p. 366, voit dans les résonances de la physique stoicienne un simple «ornement». Mais il y a là également un élément personnel: le regard admiratif porté sur la perfection du monde est presque une profession de foi, et l'on ne doit pas douter que Cicéron ait alors éprouvé réellement de la reconnaissance. Cela vaut

aussi pour Catil. III 21 (sur les signes surnaturels survenus lors de la découverte de la conjuration): « Qui peut donc étre assez ennemi de la vérité, assez inconsi-

déré, assez peu sain d'esprit pour nier que tout ce monde sensible, mais en particulier que notre ville soit gouvernée par la volonté et par la puissance des dieux immortels ? », hic quis potest esse tam aversus a vero, tam praeceps, tam mente captus, qui neget haec omnia quae videmus (i.e. le Cosmos) praecipueque hanc

urbem deorum immortalium nutu ac potestate administrari ? Méme idée har. 19 « ... Qui est assez dépourvu de raison, aprés avoir regardé le ciel, pour ne pas sentir qu'il existe des dieux [...] ou bien, quand il a compris qu'il existe des dieux, pour ne pas comprendre que leur puissance a causé la naissance, l'accroissement et la conservation d'un empire tel que le nôtre ? », quis est tam vaecors, qui aut, cum suspexit in caelum, deos esse non sentiat [...] aut, cum deos esse intellexerit, non intellegat eorum numine hoc tantum imperium esse natum et

auctum et retentum ? Comparer nat. d. II 4 quod (l'existence d'une divinité qui planifie) qui dubitet haud sane intellego. cur non idem sol sit an nullus dubitare possit ; idée semblable nar. d. II 97; Tusc. 1 70 haec igitur (la beauté du monde) [...] cum cernimus, possumusne dubitare, quin iis praesit aliquis vel effector [...] vel moderator tanti operis et muneris.— On trouve une antithèse spécifiquement cicéronienne dans le De imp. Cn. Pompei 51 et 53 : L'«autorité » (auctoritas) de Catulus et Hortensius doit céder à «la chose elle-méme et aux commandements de la raison et de la vérité» (ipsa res, ratio, veritas); idée semblable Cluent. 123-124 auctoritates censoriae contre la causa ; Mur. 67 l'autorité de Caton contre les crimina ipsa. Cette opposition porte la marque même de Cicéron. Elle revient fréquemment dans les ouvrages philosophiques, et cela, de façon assez frappante, aussi à l'inverse : auctoritas considérée comme supérieure à des arguments rationnels (Görler 8, p. 154-171).

DISCOURS

739

d) La philosophie au service d'une polémique. Dans deux discours, Cicéron examine en détail la position philosophique d'un adversaire. L. Licinius Murena fut, en 63 av. J.-C., accusé de corruption électorale. Dans le discours qu'il écrivit pour sa défense, Cicéron se tourne contre l'utilisation par trop rigide des principes moraux stoiciens par Caton le Jeune (»C 59), l’un des accusateurs (en particulier Mur. 62-65; interprétation détaillée dans Grilli 10, p. 87-94; Gagliardi7 ; Leonhardt 15, p. 127-130). C'est avant tout sur l'interdit qui frappe les affects, méme les affects humains comme la pitié et le pardon, qu'ironise Cicéron: une telle attitude, dit-il, est indigne d'un homme et contraire à la nature ; les «maîtres de vertu » stoïciens (65 vestri praeceptores et virtutis magistri) ont, dans leurs paradoxes, largement outrepassé un objectif raisonnable. La polémique est aiguë et spirituelle, mais jamais méchante ; elle trouve de larges correspondances dans celle qu'exposent fin. IV et certaines parties de Tusc. II-IV. On remarquera que deux propositions centrales du stoicisme ne sont pas attaquées : «seule la vertu est un bien» et «la vertu seule garantit une vie bienheureuse ». - Il y a moins de sympathie dans la critique que Cicéron adresse à l'attitude épicurienne de son ennemi Piso Caesoninus (avant tout dans la grande invective portée contre lui, en 55 av. J.-C., qui a fait l'objet d'une interprétation détaillée de De Lacy 5 et Grilli 10, p. 94-100, voir aussi p. red. sen. 14, Sest. 23). Cicéron rassemble avec zèle tous les préjugés contre l'école des «débauchés » : 37, la comparaison déjà traditionnelle avec des porcs, 59, moquerie à propos de la vénération démesurée envers le fondateur de l'école ; 60, sur l'indifférence

épicurienne à l'égard de la réputation et de la gloire; 70, le manque de culture. Mais le cœur de l'attaque est tourné contre l'ennemi personnel, et non contre la doctrine d'Épicure : Pison, dit-il, comprend la doctrine du Jardin de façon beaucoup trop superficielle. C'est à juste titre que Grilli 10, p. 95-96, formule cette analyse: «Cicerone riesce a presentarci due epicurismi, quello volgare e grossolanamente edonistico, quello che aveva abbracciato Pisone, distinto da quello seriamente filosofico, discutibile ma su un piano di rispettabilità. » Révélateur,

par exemple, Pis. 42 « Tes amis eux-mémes, qui définissent le mal par la douleur et le bien par le plaisir, [...] ont voulu que la puissance de la vertu fût si grande qu'il ne püt jamais y avoir d'homme vertueux qui ne soit heureux », isti ipsi qui mala dolore, bona voluptate definiunt [...] tantam virtutis vim esse voluerunt, ut

non posset esse umquam vir bonus non esse beatus; Sest. 23 « Cet homme instruit louait je ne sais quels philosophes [...] qui [...] passent pour conseiller et pour louer le plaisir — quelles sont sa nature, ses occasions, sa mesure, il ne le recherchait pas», laudabat homo doctus philosophos nescioquos [...] qui dicuntur [...] esse auctores et laudatores voluptatis — cuius et quo tempore et quo

modo non quaerebat. Par là, Cicéron rappelle à ceux de ses auditeurs qui sont cultivés aussi bien la distinction épicurienne entre ἡδονὴ £v κινήσει (voluptas in motu) et καταστηματιχὴ ἡδονή (stabilis voluptas), que le « calcul des plaisirs », toutes choses que Pison n'a pas comprises: «C'est du mot méme qu'il s'était avidement repu de toute son äme et de tout son corps », verbum ipsum (sc. volup-

tatis) omnibus «viribus» devorarat. Or, Cicéron est tout à fait loyal, à l'égard du

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CICERO (MARCUS TULLIUS)

Jardin aussi; ce qui chez Pison est blámé n'est qu'une caricature de la doctrine épicurienne. — Au partisan de César P. Vatinius, qui se donnait pour pythagoricien, Cicéron a reproché (Vatin. 14) de «faire un mauvais usage du nom d'un homme de haute culture» et de déguiser ainsi des pratiques religieuses monstrueuses : ici encore, on observe une claire distinction entre les doctrines philosophiques et leur perversion par un individu. En résumé : Cicéron ne polémique jamais, dans ses discours, contre des doctrines philosophiques dans leur forme pure, et pas du tout contre la philosophie en tant que telle. e) Philosophie et comportement politique.

On ne trouve que rarement, dans les discours de Cicéron, de relation établie entre ses activités publiques et ses convictions philosophiques. Dans les discours qui suivent le retour de l'exil il y a des passages trés touchants et personnels. On

avait reproché à Cicéron de ne pas s'étre comporté, dans son malheur, comme on pouvait l'attendre d'un philosophe. A quoi Cicéron répond dans le De domo sua 97: «J'ai éprouvé [...] une grande [...] douleur, j'en conviens, sans m'attribuer cette philosophie que certains me souhaitaient [...]. Pouvais-je donc [...] oublier que j'étais homme et étouffer des sentiments communs à notre nature ? [...] cette

insensibilité, pareille à celle du corps, qui ne sent rien quand on le brüle, serait à mes yeux torpeur plus que vertu », accepi [...] magnum [...] dolorem, non nego neque istam mihi adscisco sapientiam (terme qui, chez Cicéron, est souvent

synonyme de philosophie et de force de caractère philosophique), quam nonnulli in me requirebant [...] an ego poteram [...] infitiari me esse hominem et communem naturae sensum repudiare? [...] eam [...] animi duritiam, sicut corporis, quod cum uritur, non sentit, stuporem potius quam virtutem putarem ;

idée semblable dans Sest. 49: «Je ne suis en cela qu'un homme comme les autres, j'en conviendrai toujours, et je ne me vanterai pas d'avoir été privé sans souffrir d'un frère excellent, d'enfants bien-aimés, [...) du haut rang d'honneur

que j'occupe ici», neque [...] in hoc me hominem esse infitiabor umquam, ut me optimo fratre, carissimis liberis, [...] hoc honoris gradu sine dolore caruisse glorier [...]. Cela correspond à l'attitude modérée à l'égard des affects, que Cicéron avait conseillée à Caton le Jeune (Mur. 62-65, supra). Quelque dix années plus tard, il argumentera pareillement contre la doctrine stoicienne radicale (entre autres Luc.

135, Tusc. II 30, III 12 [le sage est susceptible de chagrin]

«Il est humain de penser ainsi, car nous ne sommes pas de pierre, et il y a dans nos ámes un élément d'essence tendre et inconsistante [...] [en accord avec l'académicien Crantor (*»*C 195)] votre insensibilité est un avantage que vous payez fort cher, par la barbarie de l’âme, par l'atonie du corps», [cadere in sapientem aegritudinern] humanum id quidem [...] non enim silice nati sumus, sed est naturale in animis tenerum quiddam et molle [...] istuc nihil dolere non sine magna mercede contingit inmanitatis in animo, stuporis in corpore) : répri-

mer toute émotion excède les possibilités humaines ; celui qui néanmoins ie fait ne manifeste pas une attitude louable, mais rudesse (inmanitas) et stupidité (stupor) ; seuls les vantards s'attribuent une complète absence d'émotion (détails

dans Górler 8, p. 108-111, 184). Une interaction entre philosophie et conduite de

DISCOURS

741

la vie saute ici aux yeux. Que l'on mesurait le comportement de Cicéron à ses prétentions philosophiques (et bien loin de la publication des « grands» traités), cela se voit aussi au début du De haruspicum responso. Cicéron s'était laissé

entrainer, la veille, à invectiver violemment Clodius, et il lui avait été reproché de s'étre laissé emporter par la souffrance et la colére, d'étre allé au-delà de ce qu aurait exigé la réflexion raisonnable d'un philosophe (quam sapientis hominis cogitata ratio postulasset). Naturellement, il conteste cette affirmation, et s’attribue ainsi une impassibilité modérée. « Non, je n'ai pas agi poussé par la colére ni perdant mon sang-froid, je n'ai rien fait qui ne füt bien considéré et depuis longtemps médité », nihil feci iratus, nihil impotenti animo, nihil non diu consideratum ac multo ante meditatum ; comparer Phil. 8,16 [...] quod me tecum iracunde agere dixisti solere, non est ita. vehementer me agere fateor, iracunde nego ; ib. 18 [...] me irasci fortasse dices. ego autem sine iracundia dico omnia, nec tamen sine dolore animi. En un sens plus large, appartient aussi au domaine philosophique la formule cicéronienne « trés fréquemment citée» (fam. I 9, 21): cum dignitate otium. Elle

désigne avant tout le programme d'une politique d’optimates (présentée de facon détaillée dans Sest. 96-100), mais présente aussi une certaine analogie avec des formules de τέλος hellénistiques (priorité de l' honestum sur l' utile) et cherche une voie moyenne entre les formules de vie βίος θεωρητικός et βίος npaxrı-

xóc (cf. Boyancé 1 et Christes 2). Le discours De imperio Cn. Pompei trace une image idéale du capitaine, qui

se transforme parfois en une image idéale du chef d'État (cf. Gruber 11). Le texte de cette étude a été traduit et adapté de l'allemand par Jean-Marie Flamand.

WOLDEMAR GÖRLER.

IV. APPENDICES

LIBER XXIV PHILOSOPHORUM

Le texte anonyme intitulé Liber XXIV philosophorum n'a été découvert par l'historiographie moderne qu'en 1886, lorsque 1 H. Denifle, Meister Eckeharts lateinische Schriften und die Grundanschauung seiner Lehre, ALKGM

2, 1886,

p. 417-615 (427-429), remarqua son importance dans l’œuvre de Maitre Eckhart O. P. (1 1328) et l’édita d’après Erfurt, Amplon. 4°151 (E), dans sa forme la plus courte, seule connue à l'époque. 2 C. Baeumker, « Das pseudo-hermetische “Buch

der vierundzwanzig Meister" (Liber XXIV philosophorum). Ein Beitrag zur Geschichte des Neupythagoreismus und Neuplatonismus im Mittelalter », dans ses Studien und Charakteristiken zur Geschichte der Philosophie insbesondere des Mittelalters. Gesammelte Vorträge und Aufsätze, coll. «Beiträge zur Geschichte der Philosophie des Mittelalters. Texte und Untersuchungen» 25, I et 2, Münster

1927, p. 194-214 (aprés une premiere édition dans Abhandlungen aus dem Gebiete der Philosophie und ihrer Geschichte. Eine Festgabe zum 70. Geburtstag Georg Freiherrn von Hertling gewidmet von seinen Schülern und Verehrern, Freiburg i.

B. 1913, p. 17-40), édita ensuite le texte d'aprés cinq manuscrits, avec le commentaire qui l'accompagne dans deux d'entre eux: Laon 412 (L) et Paris, BnF lat. 6319 (P). Suivant le manuscrit Vatican. latin. 3060 (V), il situa l'ouvrage dans la

littérature attribuée à Hermès. La préparation d'une nouvelle édition favorisa une reprise de la recherche à

nouveaux frais, qui aboutit en premier lieu à l'édition du manuscrit le plus ancien L, qui présente un texte assez différent de la tradition qui a suivi: 3 Le Livre des XXIV philosophes, traduit du latin, édité et annoté par Francoise Hudry. Postface de Marc Richir, coll. « Krisis», Grenoble 1989, 221 p. L'étude des manuscrits a permis d'observer que le Liber XXIV philosophorum joint au Liber de causis a constitué parfois le complément théologique du corpus aristotélicien médiéval: 4 F. Hudry, «Le Liber XXIV philosophorum et le Liber de causis dans les manuscrits », AHMA

59, 1992, p. 63-88. L'édition critique enfin, établie à partir

des vingt-six manuscrits connus, 5 F. Hudry, Liber viginti quattuor phorum, coll. CCCM 143A, Hermes latinus, III 1, Turnhout 1997, 118 p., bases d'une reconstitution de la genése et de la réception médiévale, plus qu'on ne pourrait le penser, de ce texte trop mal connu. Une traduction avec le texte latin, 6 // libro dei ventiquattro filosofi,

philosoa jeté les profonde italienne,

a cura di Paolo Lucentini,

coll. «Piccola Biblioteca» 429, Milano 1999, 150 p., fait le point des connaissances sur ce texte, d'une part en résumant (6, p. 11-46) les deux hypothéses en présence sur son origine: (1) chrétienne et médiévale, dans le néoplato-

nisme du XII“ s., hypothèse classique depuis 2; (2) paienne et antique, hypothèse élaborée en 3, 4 et 5; d'autre part, en reprenant (6, p. 105-150) la fortune du texte au Moyen-Age, et en particulier de ses sentences I et II, avec plusieurs approfondissements

et de nouveaux

témoins

de son influence.

Traduction

en

allemand: 6bis Vom Einen zum Vielen. Der neue Aufbruch der Metaphysik im 12. Jahrhundert: eine Auswahl zeitgenössischer Texte des Neoplatonismus.

Hrsg.,

eingeleitet, übersetzt und kommentiert von A. Fidora et A. Niederberger, coll.

746

DICTIONNARRE DES PHILOSOPHES ANTIQUES

«Klostermann Texte Philosophie », Frankfurt 2002, p. 80-89, avec un commentaire p. 144-159. Traduction en portugais 6ter par Jan ter Reegen, Veritas, 47/3 (2002), pp. 441-452. Déjà, 7 D. Mahnke, Unendliche Sphäre und Allmittelpunkt. Beiträge zur Genealogie der mathematischen Mystik, Halle 1937 (réimpr. Stuttgart/Bad Canstatt 1966), avait poussé la recherche sur la célébre sentence II: «Dieu est la sphère infinie dont le centre est partout et la circonférence nulle part», tant du côté de l'Antiquité que des temps modernes, si loin que le Liber XXIV philosophorum s'en trouvait un peu perdu de vue. 8 G. Poulet, Les métamorphoses du cercle. Préface de J. Starobinski, coll. «Champs» 76, Paris 1979 (2* éd.), a montré l'importance de cette image dans la littérature pré-classique, classique et romantique, tandis que Richir 3, p. 183-196, s'est penché sur les élaborations de la sphère infinie dans la physique moderne. Le franciscain Thomas d’York entreprit le commentaire du Liber dans son Sapientiale (1 18) de 1250-1256, sans aller au-delà de la sentence III, éd. 5, p. 85-

96, tandis qu'au début du XIV* s. le Liber est doté d'un surcommentaire anonyme, éd. 5, p. 35-83, largement utilisé par Berthold de Moosburg dans son Expositio super Elementationem theologicam Procli. Un ouvrage perdu, intitulé Liber de sapientia philosophorum, est cité à l'appui de ce commentaire du XIV* s. I! traitait du monde et de l'áme pour en tirer les caractères fondamentaux de la divinité: Cause première unique, Bien total fondant en lui seul le degré absolu de toutes les vertus (cf. Hudry 5, p. X-XV). Cependant, la recherche s'est poursuivie avec trois communications présentées au Colloque international sur La tradizione ermetica dal mondo tardo-antico all’Umanesimo (Naples, 20-24 novembre 2001): (1) F. Hudry, «Le Livre des XXIV philosophes et la génération en Dieu» ; (2) P. Lucentini, «I Ventiquattro filosofi : l'interna vita e i nomi di Dio» et (3) Zénon Kaluza, « Comme une branche

d'amandier en fleurs: à propos du Liber XXIV philosophorum », défendant l'une ou l'autre des hypothéses en présence. Les textes en seront publiés dans les 9 Actes du Colloque international sur La tradizione ermetica dal mondo tardoantico all'Umanesimo, à paraître en 2003. 1. Nature du texte

L'ouvrage se présente comme une série de vingt-quatre définitions de Dieu ou sentences (I-XXIV), accompagnées chacune d'un bref commentaire. L'ensemble est introduit par un prologue montrant autant de philosophes anonymes réunis et se donnant pour thème : qu'est-ce que Dieu 7 Toutes les définitions, ou sentences, commencent par Deus est. Les deux premieres sont les plus célèbres : (1) Dieu est monade engendrant la monade, renvoyant sur lui-même un seul éclat flamboyant. (I1) Dieu est la sphère infinie, dont le centre est partout et la circonférence nulle part. Elles ont parfois circulé isolément, sous le nom d'Hermés Trismégiste (1) et d'Empédocie (II). Le texte entier lui-même a pu être mis sous le nom d'Empédocle (cf. Hudry 5, p. XXI1+XXV).

Le commentaire a pour objet de préciser toute la transposition de sens nécessaire à l'emploi des images et du langage pour parler de Dieu, non en fonction d'une foi ou d'une révélation,

mais d’après la nature méme du concept 'dieu', dont les implications sont énumérées selon un plan que l'on peut exposer comme suit :

DICTIONNAIRE DES PHILOSOPHES ANTIQUES

747

1) Sentences I - VII: la nature divine, par rapport au nombre (1), au tout (II), dans sa simplicité (III), son caractère vivant (IV) au degré suprême (V), sa spécificité propre (VI) et inva-

riante (VII). 2) Sentences VIII - XX: Dieu et le monde ; amour (VIII), temps (IX) et &tre (X-XI) lient créateur et créature ; modalités de la création selon la volonté (XII), l'action (XIII), la puissance

et l'acte (XIV), la vie (XV). Dieu cependant en lui-méme, inconcevable et inexprimable (XVIXVII), sans étendue (XVIII), intellect de lui-même et vie autarcique (XIX-XX). 3) Sentences XXI - XXIV : Dieu et l’âme, idée de Dieu absente de l’âme (XXI), Dieu sans contact avec les idées des choses (XXII), J'áme dans l'ignorance de Dieu (XXIII), lumière divine inconnue qui passe et ne laisse qu'une deiformitas ou trace de Dieu (XXIV).

Le Liber XXIV philosophorum appartient au genre des définitions commentées, où l'énoncé est suivi de son approbatio. La comparaison avec le Liber de definitionibus de Marius Victorinus (300-aprés 362) montre qu'il n'a pas de lien avec la part cicéronienne de cet ouvrage, mais qu'il se rattache plutôt au modèle aristotélicien des définitions en usage dans la basse Antiquité (cf. Hudry 3, p. 2327 et passim). 2. Fortune médiévale du texte Apparu dans les manuscrits au début du XIII* s., mais connu pour ses sentences

I et H dès la fin du siècle précédent chez Alain de Lille et Alexandre Nequam, le Liber

XXIV

philosophorum

fut

d'abord

placé

sous

l'autorité

d'Hermés

Trismégiste, alors qu'il n'a rien en commun avec le Corpus hermeticum, puisqu'il n'y a dans ce texte aucune pensée ni ferveur religieuses, mais seulement une recherche rationnelle de la nature de Dieu. L'attribution médiévale au Trismégiste semble avoir été dictée dans un premier temps par le désir d'introduire le texte dans la culture chrétienne, à une époque où Hermès Trismégiste était considéré comme un paien qui avait eu prescience de la nature divine (cf. Hudry 5, p. XXVXXXII).

Puis, sous l'influence de la théologie négative des Péres grecs, la recherche

d'une connaissance

rationnelle de Dieu fut considérée

comme

néfaste.

Le

manuscrit Paris, BnF lat. 6286 (U) dont les textes de ce genre ont été coupés ou

cancellés, est un témoin frappant de cette attitude. Par la suite, aprés la condamnation de la théologie négative en 1241-1244, rien ne s'opposait à un regain de faveur du Liber, à nouveau copié, utilisé par Maitre Eckhart et surcommenté sans doute à Oxford, au début du XIV*s. (cf. Hudry 5, p. XCII-XCV). Mais, aprés la condamnation d'Eckhart (1326), le texte fut peu à peu réduit par une censure muette de cet intellectualisme paien qui prétendait connaitre par luiméme Dieu (cf. Hudry 5, p. XCV-XCIX). C'est pourquoi les manuscrits offrent six formes différentes, allant s'amenuisant (cf. Hudry 5, p. LXXXII-LXXXIV), de ce

texte qui passe de la théologie dans la littérature, pieuse ou profane (cf. Hudry 5, p. XCIX-CVII). Des esprits curieux et puissants continuèrent néanmoins à chaque époque d'y trouver un ferment de pensée, tels Dante, Thomas Bradwardine, Jean de Ripa, Nicolas de Cuse, Giordano Bruno, Pascal, etc. FRANCOISE HUDRY.

ANAXIMENE, ANAXIMANDRE, ANAXAGORE ET DEMOCRITE DANS LA TRADITION ARABE Nous avons regroupé quatre notices de Carmela Baffioni consacrées à Anaximandre, Anaximène, Anaxagore et Démocrite. Les sources utilisées étant largement communes à ces quatre contributions, il nous a paru préférable de les rassembler dans une section préliminaire.

Sources arabes. Pseudo-Ammonius (IX* s.): 1 U. Rudolph (édit. et trad.), Die Doxographie des Pseudo-Ammonios. Ein Beitrag zur neuplatonischen Überlieferung im Islam, coll. « Abhandlungen für die Kunde des Morgenlandes » 49, 1, Stuttgart 1989, 284 p. Pseudo-Plutarque [Aetius] (traduit au IX* s.) : 2 H. Daiber (edit. et trad.), Aerius Arabus. Die Vorsokratiker in Arabischer Überlieferung. coll. « Akademie des

Wissenschaften und der Literatur. Veröffentlichungen der Orientalischen Kommission » 33, Wiesbaden 1980, IX-823 p.; 3 ‘A. Badawi (édit.), Aristotelis De Anima

et Plutarci: De Placitis Philosophorum ; Averrois : Paraphrasis Libri de Sensu et Sensato ; Aristotelis: De Plantis, edidit, annotavit et prolegomenis instruxit 'A. B., Le Caire 1954, 4-53-290 p. Pseudo-Sigistani (cet ouvrage qui date du X* s., a été faussement attribué à Sigistäni [m. 985]: voir M. Aouad, notice «Théologie d'Aristote», DPAA, t. I,

1989, p. 575, et les études n?* 216 et 217 qui y sont citées): 4 ‘A. Badawi (édit.). Abü Sulaymán al-Sijistäni, Muntakhab Siwân al-hikmah et trois traités publiés,

annotés et préfacés par ' A. B, Téhéran 1974, 44 et 397 p.; 5 D. M. Dunlop (édit), The muntakhab Siwän al-hikma of Abü Sulaimän as-Sijistäni. Arabic Text, Introduction and Indices, coll. «Near and Middle East Monographs» 4, Den Haag/Paris/New York 1979.

Hunayn ibn Ishàq (m. 873): 6 "A. Badawi (édit.), Hunain ibn Isháq, Ádáb alfalásifa (Sentences des philosophes), Abréviation par Moham. Ben Alie Ben Ibrahim, Édition critique, notes et introduction par A. B., Publications de l'Institut des Manuscrits Arabes, Koweit 1985, 171 p. Ya'qübi (m.

897): 7 M. Th. Houtsma

(édit.), /bn

Wädhih

qui dicitur Al-

Ja'qübi, Historiae, Pars prior Historiam ante-Islamicam continens, Lugduni Batavorum 1883, cuLi1-318 p.; Pars altera Historiam islamicam continens, 630 p. 8 M. Klamroth (trad.), «Über die Auszüge aus griechischen Schriftstellern bei al-Ja'qübi. HI. Philosophen», ZDMG 41, 1887, p. 415-442. Ibn al-Nadim (m. 990): 9 G. Flügel (édit.), /bn al-Nadim, Kitáb al-Fihrist,

mit Anmerkungen hrsg. von G. F., Leipzig 1871-1872, réimpr. Beirut 1964, xxu43-361 et 278 p.; 10 B. Dodge (trad. angl.), The Fihrist of al-Nadim.

A Tenth-

Century Survey of Muslim Culture, coll. « Records of Civilization: Sources and Studies» 83, New York/London 1970. Sahrastäni (m.

1153):

11 M. Fahmi

(édit.), Sahrastäni, K. al-Milal wa-al-

nihal, 3 volumes, Le Caire 1948, 19-372, 453 et 421 p. [les passages relatifs à

SOURCES ARABES

749

Anaximène, Anaxagore et Démocrite se trouvent dans le tome II]; 12 Th. Haarbrücker (trad.), Abu- 'I-Fath' Muh'ammad

asch-Schahrastäni’s Religions-

partheien und Philosophen-Schulen. Zum ersten Male vollstándig aus dem Arabischen übersetzt und mit erklárenden Anmerkungen versehen von Dr. Th.H., 2 tomes, Halle 1850-1851, réimpr. 1969; 13 J. Jolivet (trad.), Shahrastani, Livre des religions et des sectes, t. l1: Les adeptes de doctrines arbitraires. Trad. avec introd. et notes par J. Jolivet et G. Monnot, coll. UNESCO d'œuvres représentatives. Série arabe », [Leuven]/[Paris], 1993, x1V-578 p.

Abü 'Isa al-Munaßgim (1X° s.): voir plus loin 31, p. 42. Ibn Gulgul (m. 994): 14 F. Sayyid (édit.), Les générations des médecins et des sages (Tabagät al-'atibbà' wal-hukamä’). Écrit composé en 377 H par Abü Dawüd Sulaimän ibn Hassän ibn Gulgul al-Andalusi, Le Caire 1955, 10-XLII138 p. Tawhidi

(m.

1023): 15 A. Amin

et

A.

al-Zayn

(édit.), Abá

Hayyan

al-

Tawhidi, Kitäb al-Imtáà' wa-al-mu’änasa, 2* impr., Le Caire 1953, 3 vol. (XXII226-18-3; 205-26; 230-XXV p.). Mubassir (écrit 1053): 16 ‘A. Badawi (édit.), Abü al-Wafa' al-Mubassir b. Fätik, Muhtär al-hikam wa-mahäsin al-kalim (Los bocados de oro), Madrid

1958, 68 et 372 p. Andalusi (m. 1070): 17 Sa'id ibn Ahmad ibn Sa'id al-Taglibi al-Andalusi, Tabagät al-umam, ed. 1967, 114 p.; 18 R. Blachère (trad.), Sá'id al-Andalusi, Kitäb Tabakát al-Umam (Livre des Catégories des Nations). Traduction avec

notes et indices précédée d'une introduction, Paris 1935, 192 p.; 18bis E. Llavero Ruiz (trad.), Historia de la filosofía

categorías de las naciones. Traduccion,

Kitab

tabaqät

notas e indices de E. Llavero

y de las ciencias o Libro de las

al-umam. Ruiz,

Sá'id al-Andalusi,

Introduccion

y

notas

de

A. Martinez Lorca, Madrid 2000, 232 p. Ibn al-Qifti (m. 1248): 19 J. Lippert (édit.), /bn al-Qiftis Ta'rih al-hukamá',

Leipzig 1903, 22-496 p. Ibn Abi Usaybi'a (m. 1270): 20 A. Müller (édit.), /bn Abi Useibia hrsg. von

A. M., Königsberg i. Pr. 1884, réimpr. 1972, 328-8-8-273-145-3-80-2-LIl p. Bar Hebraeus (m. 1286): 21 A. Salihani (édit.), Bar Hebraeus, Ta'rih muhtasar al-duwal, Beyrouth 1890, 531-33 p.

Sahrazüri (XIII s.): 22 M. T. Dänish

Pazhüh

et

M.S.

Mawlä’i’ (édit),

Sh.M. M. Shahrazüri, Nuzhat al-Arwäh wa Rawdat al-Afräh. Transl. by

M. A.

Tabrizi, edited with an Introduction on Historiography of Philosophy by M. T. D. and M. S. M., Tehran 1987, 509-116-233 p. Siräzi (m. 1640): 23 M. Horten, Das philosophische System von Schirazi (16401), coll. «Studien zur Geschichte und Kultur des islamischen Orients» 2,

Strassburg 1913, XII-310 p. Turba philosophorum : 24 M. Plessner, Vorsokratische Philosophie und griechische Alchimie in arabisch-lateinischer Überlieferung. Studien zu Text und

750

PRESOCRATIQUES

Inhalt der “Turba philosophorum”. Nach dem Manuskript ediert von F. KleinFranke, coll. «Boethius. Texte und Abhandlungen zur Geschichte der exakten Wissenschaften » 4, Wiesbaden 1975, 143 p. Voir le compte rendu donné par U. Rudolph, «Christliche Theologie und vorsokratische Lehren», Oriens 32, 1990, p. 97-123. Haggi Halifa (m. 1657): voir plus loin 31, p. 43. Pour un examen critique de ces diverses sources arabes ayant conservé un matériel présocratique, sur leur importance et les relations qu'elles entretiennent entre elles, voir D. Gutas, «Pre-Plotinian Philosophy in Arabic (other than Platonism and Aristotelianism). A Survey of the sources», ANRW II 36, 7, Berlin

1994, p. 4939-4973. La transmission de la pensée grecque dans l'Islam. Depuis quelques années, les travaux de F. E. Peters (consacrés de façon plus immédiate à la tradition aristotélicienne) se sont révélés particulièrement utiles, grâce au relevé préliminaire des sources arabes intéressant la philosophie antique, à l'indication de la bibliographie occidentale antérieure sur ce sujet et aux considérations méthodologiques qui restent également valables en général. 25 F. E. Peters, Aristoteles Arabus. The Oriental Translations and Commentaries on the Aristotelian Corpus, coll. «Monographs on Mediterranean Antiquity» 2, Leiden 1968, VIII-75 p; 26 Id., Aristotle and the Arabs: The Aristotelian Tradition in Islam, New York/London 1968, XXIV-304 p. ; 27 C. Baffioni, «Pensiero greco e pensiero islamico: fonti storiche e problemi metodologici», Scrinium 5, 1984, p. 25-41; 28 Ead., «Prolegomeni a uno studio delle historiae arabe del pensiero antico», dans C. Sarnelli Cerqua (édit.), Studi arabo-islamici

in

onore

di

Roberto

Rubinacci nel suo settantesimo compleanno, Napoli 1985 [paru en 1988], 2 vol., t. I, p. 21-36. En général, on peut trouver chez les auteurs arabes des notices sur les philoso-

phes antiques ou bien chez les bio-bibliographes et les doxographes, ou bien également chez les historiens et les philosophes eux-mémes. Le matériel est des plus vastes, même si l’on s'en tient aux sources déjà étudiées (pour lesquelles il existe assez souvent plus d'une édition et souvent au moins une traduction, quelquefois un index raisonné); mais il ne faut pas oublier que les connaissances relatives au monde antique sont susceptibles de continuels enrichissements au fur et à mesure que de telles sources feront l'objet de nouveaux examens plus approfondis. Si l'on veut retracer le cadre des connaissances que le monde arabo-islamique eut des auteurs antiques, il est clair, étant donné leur nature, que les bio-bibliographes et les doxographes doivent être privilégiés, et cela en proportion de leur ancienneté. En effet, les historiens et les philosophes musulmans avaient coutume de développer à leurs propres fins les données concernant la pensée des anciens (pensons par exemple à la tendance islamique à représenter toute la réalité en terme de « généalogie », ou au fait qu'en général les philosophes adjoignent aux citations antiques leurs propres théories ou méme se servent de ces citations pour approfondir pour leur propre compte des doctrines déjà établies; enfin, les historiens et les philosophes ont davantage tendance que les bio-bibliographes et les doxogra-

SOURCES ARABES

751

phes à situer les philosophes antiques dans les «cadres théoriques» empruntés au néoplatonisme grec, ou bien dessinés sur nouveaux frais dans le monde islamique). On ne doit pas oublier non plus que les historiens et les philosophes ont souvent influencé les contenus (et déjà, au départ, la sélection méme des thémes et des

problémes) que l'on trouve dans les bio-bibliographes et les doxographes plus tardifs ; mais, à l'inverse, il est bien plus important de chercher à établir dans quelle mesure et de quelle facon les premiers bio-bibliographes et doxographes ont pu influencer les élaborations théoriques successives des historiens et des philosophes. Il est cependant nécessaire de signaler que si les exposés relatifs aux auteurs grecs les plus importants (surtout Platon et Aristote) sont trés répandus chez les Arabes, on ne peut en dire autant pour les autres philosophes: les notices relatives à leur vie et à leur doctrine — y compris pour les sources les plus évidentes — sont de valeur fort variable quant à leur qualité et à la richesse de leur contenu. Ainsi, par exemple, parmi la centaine de sources de types différents soumises à examen, sept seulement se sont révélées utiles pour Anaximène, sept pour Anaximandre, douze pour Anaxagore et dix-sept pour Démocrite; l'éventail des notices se réduit encore du fait que souvent les sources orientales se copient l'une l'autre. 180

ANAXAGORE RE 4 Anaxagore dans l'Islam. Sur ce sujet, la seule contribution spécifique (si l'on excepte les notices qu'on peut trouver dans les histoires de la pensée islamique ou dans les études relatives à la tradition grecque en Islam) semble étre celle de 29 C. Baffioni, « Una "storia della filosofia greca" nell'Islam del XII secolo, II: Anassagora et Empedocle », Elenchos 3, 1982, p. 87-107, qui concerne la notice de

Sahrastäni sur Anaxagore et la bibliographie antérieure sur la question; sur ce sujet, voir aussi 30 Ead., «Moto e quiete in Dio nel k. al-milal di Sahrastäni», Annali dell'Università di Cagliari, Facoltà di Scienze Politiche 9, 1983, p. 39-53. Peut également s'avérer utile 31 Ead., Atornismo e antiatomismo nel pensiero islamico, con un' Appendice di M. Nasti de Vincentis, Napoli 1982, X-357 p., p. 38, 42, 121, 155 et 306. L'article sur la notice de Sahrastàni est repris dans 32 Ead., Sulle tracce di sofia. Tre "divini" neila Grecia classica, Napoli 1990, p. 209-211 et 351. On peut cependant trouver une comparaison systématique entre les sources originales grecques, les doctrines attribuées par les Arabes à Anaxagore et les autres sources islamiques, le tout accompagné d'un commentaire exhaustif, pour le Pseudo-Ammonius et le Pseudo-Plutarque, dans les éditions respectives de Rudolph (sur une théorie exposée anonymement, mais rapportée à Anaxagore par l'éditeur, voir 1, p. 193) et de Daiber (sur les témoignages anonymes ou rapportés par voie indirecte par Daiber à Anaxagore, voir 2, P. 334, 370, 376, 391, 399, 412, 414, 423, 429, 432 n. 42, 446-447, 447-449, 466, 468-469, 514, 514-515). Pour d'autres renseignements sur les citations des

doctrines d' Anaxagore chez Gäbir ibn Hayyän (IX*-X* s.) et chez Galien (astronomie), autres que les citations dans les Placita du Pseudo-Plutarque, voir 33 GAS, t. IV, p. 250; t VI, p. 82, 83 et 97 ; t. VII, p. 224 et 239. Pour l'étude des

doxographes arabes de la pensée antique, l'ouvrage de 34 D. Gutas, Greek

752

PRESOCRATIQUES

Wisdom Literature in Arabic translation. A study of the Graeco-Arabic gnomologia, New Haven (CT) 1975, 504 p., peut se révéler trés utile. Gutas présente notamment le contenu du traité A/-Sa'ada wa-al-is'ád d’Abü al-Hasan Muham-

mad b. Abi Darr al-‘Amiri (m. 992) [qui n'est cependant pas immédiatement utile pour Anaxapore].

Le nom se trouve indiqué dans les sources islamiques sous la forme Anksagürs

(Pseudo-Ammonius 1, passim; Tawhidi 15, t. II, p. 35; Sahrastäni 11, passim; Ibn al-Qifti 19, p. 60; Bar Hebraeus 21, p. 84), Anqsagürs (Pseudo-Plutarque 2, passim ; Pseudo-Sißistäni 4, passim) ou Anksägüräs (Andalusi 17, p. 35). Le Pseudo-Plutarque (2, p. 98) et le Pseudo-Sigistäni (4, p. 79) indiquent également qu'il était originaire de Clazomenes ; mais de facon étrange l'auteur beaucoup plus tardif Sahrazüri comprend la cité d'origine comme le nom d'un autre philosophe et dit, parlant ensuite au pluriel, qu'aprés [Anaximandre et Anaximène] vinrent « Anaxagore et Clazomènes » (22, p. 16).

Conformément à la &taôoy classique (D. L. I 14; II 6), le Pseudo-Sigistäni situe Anaxagore immédiatement aprés Anaximène (4, p. 79 et 114), et c'est peutêtre là le motif qui amène Sahrastäni à le rattacher, non pas à Clazoménes, mais à l'école milésienne (11, p. 248); il dit: «il a réfléchi sur l'unité [divine] comme

Thalès, mais il s'oppose à lui sur le premier principe» (11, p. 248-249), et confirme ensuite qu' Anaxagore continue l'opinion de Thalès, « puisque l'un et l'autre provenaient de Milet et (qu’)ils sont voisins dans le fait d'établir la matière

premiere telle que les formes soient représentées en elle, et le corps premier tel que les choses existantes soient dissimulées en lui» (11, p. 253); sur les rapports entre Anaxagore et Thalés voir aussi, pour Sirázi, 23, p. 151. Le PseudoSigistani est également l'unique auteur qui ajoute, sur la vie d'Anaxagore, quelques renseignements supplémentaires — naturellement, comme en de nombreux autres cas, en s'éloignant de la tradition classique. Ainsi, il nous raconte que le philosophe aurait embrassé l'ascétisme, se soumettant en outre aux peines du gel, dans le but de se mortifier (4, p. 114; comp. Diogene de Sinope en D.L. VI 23); à cette méme tradition biographique semble aussi se conformer Sahrazüri (22, p. 204). Le Pseudo-Sigistäni 4, p. 114-115, rapporte aussi quelques anecdotes, par exemple comment Anaxagore ne se démontait pas en face des désordres qui survenaient dans sa propre cité, les considérant comme des songes qui, comme tels, ne troublent pas la vie des gens éveillés, concluant: « Et ainsi ce que je vois

ne m'inquiéte pas, quand je me tourne vers l'opinion droite, puisque toutes les choses du monde sont comme un songe, et la rectitude de l'opinion est comme là veille». Et encore: «Sa femme commenga à se disputer avec lui, et, lui, restait à l'écouter pendant longtemps et il supportait en silence sans rien répondre; à la fm, exaspérée, [la femme] prit l'eau sale des vêtements qu'elle était en train de laver

et la lui versa sur la téte et sur le livre qu'il avait en main. Alors, [Anaxagore] leva la téte vers elle et lui dit: "Jusqu'à ce moment j'étais entre les tonnerres et les éclairs. Et voici maintenant qu'il pleut"» (cf. D.L. II 36, où cependant l'anecdote

est rapportée à Socrate). Enfin, nous apprenons comment Anaxagore restait indifférent aux insultes d'un lascar, expliquant: "Puisque je ne m'attends pas à enten-

ANAXAGORE

753

dre de la part de la corneille l'air de la colombe, ni de la part de la grue le chant

de la tourterelle, et de même que je n'entends rien de la part de l'oiseau sinon le son qui lui ressemble, de méme je ne me mets pas en colere lorsque j'entends de

l'homme ce qui lui ressemble» (cf. encore Sahrazüri 22, p. 204-205). Dans le cas d'Anaxagore les datations proposées par les auteurs musulmans sont trés discordantes. Ainsi, Mubassir (16, p. 40) le cite dans la vie de Zénon

d'Élée (identifié, comme c'est la coutume dans la philosophie islamique, sous le nom de Zinün al-akbar) comme son contemporain, en méme temps que Lucien le sophiste, Héraclite, Empédocle, Mélissos, Protagoras, Socrate et Démocrite.

Sahrazüri fait de méme (22, p. 260-261), considérant cependant Lucien comme la source ; mais dans un autre contexte (22, p. 23), il le présente comme contemporain de Démocrite. Ibn al-Qifti, ensuite (mais de pareilles hardiesses chronologiques sont assez répandues dans les différentes sources islamiques) considére Anaxagore presque comme un contemporain d' Aristote (19, p. 60). De facon plus générale, il est cité chez Andalusi, tout de suite aprés les «cinq philosophes par excellence» de la tradition islamique (Empédocle, Pythagore, Socrate, Platon et Aristote), avec Thalès, Démocrite et d'autres « prédécesseurs ou contemporains d' Aristote » (17, p. 35). Bar Hebraeus, en revanche (21, p. 84), situe Anaxagore (avec Pindare et Simonide, Protagoras et Isocrate, Aristophane et * Aqhális") dans le méme contexte que Pythagore, Démocrite et Diogene le cynique. Mais Anaxagore est associé à d'autres philosophes antiques également pour la doctrine. Le Pseudo-Ammonius par exemple soutient qu'il professait concernant le Créateur une doctrine analogue à celles de Chrysippe et Socrate, tandis qu'il se serait opposé sur le premier créé, comme Épicure et Platon, à Plutarque, à Empédocle et à d'autres philosophes (noms que Rudolph n'a pu identifier) (1, p. 40-41; sur de telles doctrines voir plus loin). Le Pseudo-Ammonius toujours oppose Anaxagore (et en outre Démocrite, Platon, Aristote, Proclus et tout ceux qui sont

venus aprés eux, y compris un autre personnage non identifié par Rudolph) à Empédocle, sauf sur la doctrine de la «seconde naissance» (1, p. 72). Le PseudoPlutarque en revanche l'associe ici et là à Démocrite (2, p. 128, 152, 156, 160,

168), aux stoiciens (p. 136), à Empédocle (p. 138), à Diogene (p. 144), à Cléanthe (p. 152), à Métrodore et Midron (p. 156), à Parménide (p. 234; pour les diverses doctrines en cause, voir plus loin).

(p. 220), à Euripide

Nos auteurs ne disent rien sur la formation ou sur l'activité philosophique d'Anaxagore, ni sur ses éventuels disciples. Seul le Pseudo-Plutarque (2, p. 190) fait allusion aux «compagnons d’Anaxagore », tandis que, de facon plus générale, le Pseudo- Ammonius fait observer qu'à partir de ses théses, comme aussi à partir de celles d'Empédocle et de Démocrite sur le premier créé, s'en sont développées beaucoup d'autres (1, p. 42). Sahrastäni, pour sa part, rapporte: «Et les sages postérieurs s'opposeront à lui pour avoir établi un corps absolu, spécifié par aucune forme céleste ou matérielle, pour en avoir éliminé la limite, pour avoir parlé de la “dissimulation” et de l'"apparition" et pour sa façon d'expliquer la cause de l'ordre et sa facon de déterminer l'ordonnateur... et Aristote raconte à

754

PRESOCRATIQUES

son sujet [qu'il a dit que] le corps duquel proviennent les choses ne peut devenir multiple » (11, p. 253). A la différence de ce que l'on observe pour les noms plus célébres (comme Socrate, Platon et Aristote), on ne trouve pas non plus dans les sources consultées

la description physique du philosophe. Même si les sources consultées ne citent aucun titre d'ouvrage d'Anaxagore, une référence à un éventuel Περὶ φύσεως peut être retrouvée dans la qualification de «naturaliste» que lui attribue Bar Hebraeus (21, p. 84); des allusions générales A ses œuvres, qui auraient été brülées en méme temps que celles de Galien, se trouvent chez Mubassir (16, p. 292) et Sahrazüri (22, p. 336), toujours dans les notices consacrés à Galien. Ibn al-Qifti (19, p. 60) lui attribue des «traités (magqä-

lat) transmis dans les écoles de mathématiques (ou peut-étre dans les établissements d'enseignement

[madäris al-ta‘lim])». Et nous lisons chez

le Pseudo-

Sigistäni (4, p. 114) qu'Anaxagore reprenait dans ses œuvres les doctrines d'Anaximéne, en prenant sa défense contre ceux qui n'étaient pas d'accord avec lui. Les auteurs arabes rattachent au nom du philosophe de nombreuses doctrines, à propos desquelles il est possible, naturellement, de remonter à des antécédents grecs, au premier chef la théorie des «homéoméries». Ainsi, le Pseudo-Plutarque raconte: « Anaxagore de Clazomènes pensait que les principes des choses existantes étaient les homéoméries, et qu'il [faisait partie] des choses impossibles ou difficiles à croire qu'une chose vienne de rien ou qu'elle se corrompe dans le rien; [il soutenait aussi] que nous nous nourrissons d'un aliment simple tiré du blé, et que nous buvons l'eau pure, et [que] de cet aliment se nourrissent les poils, les veines, les artères, les nerfs et les autres organes (cf. 59 B 10 DK); et puisqu'il en est ainsi, il est nécessaire de concéder que les étres engendrés ne proviennent que de l'aliment dont nous nous nourrissons. C'est dans ces étres engendrés que la croissance a lieu. Ainsi, proviennent de l’aliment des parties qui engendrent le sang, les veines, les os et les autres parties perceptibles par l'intellect; il ne faut pas chercher à saisir toutes les choses avec les sens, mais nous savons qu'il y a des parties perceptibles avec l'intellect. Comme les parties de ces organes engendrés par l'aliment sont semblables entre elles — c'est pour cela qu'elles s'appellent *homéoméries" et qu'il les pose comme principes des choses existantes —, il pose les homéoméries comme la matière et il pose comme cause active l’intellect ordonnateur du Tout. Il est le principe de toutes choses et celui qui les rend belles. li nous faut donc admettre ce qu'il dit, puisqu'il associe à la matière la cause active [comme on le voit, ici résonne la théorie platonicienne bien connue] » (2, p. 98-100; cf. Aetius 13, 5 et 59 A 46 DK); Pseudo-Sigistäni: « Apres lui [scil. Anaximène] vint ensuite Anaxagore de Clazomènes: il pensait que les principes des choses existantes créées par le Dieu Tres-Haut sont les homéoméries » (4, p. 79); Sahrastäni: «Il a dit: "Le principe des choses existantes est [un corps premier] aux parties homéoméres, c'est-à-dire des parties subtiles que le sens ne pergoit pas et l'esprit ne saisit pas, de [ces parties] dérive tout le devenir, [celui du

monde] supérieur et [celui du monde] inférieur, puisque les choses composées

ANAXAGORE

755

sont précédées par les simples, et de mérne les diverses sont précédées par les semblables: est-ce que toutes les choses composées ne sont pas mélangées et constituées seulement à partir des éléments, c'est-à-dire les homéoméries simples, et est-ce que les animaux, les plantes et tout ce qui se nourrit, ne se nourrissent pas seulement de parties semblables, ou non semblables, qui se rassemblent dans l'estomac et deviennent semblables, puis courent dans les veines et dans les artères et se transforment en parties diverses comme le sang, la chair et l'os"?» (11, p. 249) Comme on le voit, ici la théorie est donnée sous la forme d'un véritable

"fragment", méme si tout au plus les doctrines anaxagoréennes sont exposées sous la forme de "témoignages". Sahrazüri dira par exemple: «L'opinion de ces deux sages [scil. Anaxagore et "Clazomenes", voir plus haut] est que les principes des choses existantes créées par le Créateur sont les homéoméries» (22, p- 16). Pour Sirazi, voir ci-apres, 23, p. 137. La Turba philosophorum donne une représentation un peu plus organique de l'ontologie anaxagoréenne, sans la dissocier d'une représentation théologisante ambigué (mais probablement due à une lecture erronée du texte arabe) (cf. 24, p. 49-50). Il ne manque pas, dans les sources, d'allusions à l'autre principe fondamental de l'ontologie anaxagoréenne, le νοῦς. Ainsi, avant tout, le Pseudo-Plutarque:

« Quant à Anaxagore il a dit que les corps existaient primordialement dans le principe, [tout] immobiles, et que l'intellect, c'est-à-dire la divinité, les a ordonnés et a posé pour eux une génération selon des proportions» (2, p. 116; cf. Aetius 1

7, 5 et 59 A 48 DK); et de la méme facon Sahrastäni: «Et on raconte aussi à son propos qu'il était d'accord avec les autres sages concernant le premier principe, à savoir que c'était l' intellect agent, sauf qu'il s'opposait à eux en soutenant que le

vrai Premier est en repos, non en mouvement, et nous exposerons le discours sur le repos et le mouvement de Celui-ci, le Trés-Haut, et nous expliquerons leurs termes techniques sur cette question... Et on raconte à son propos qu'il a dit que les choses étaient en repos, puis que l'intellect les a mises en ordre de la meilleure facon et les a placées en [diverses] positions, en haut, en bas, au centre, puis certaines en mouvement, d'autres en repos, et en mouvernent rectiligne ou circulaire, [certaines en tant que] sphéres en mouvement circulaire, et [d'autres en tant qu’Jéléments en mouvement rectiligne, et toutes ces [choses] en cet ordre sont

des manifestations des choses existantes qui se trouvent dans le corps premier...» (11, p. 250-252). , Mais les arabes devaient avoir bien clairement à l'esprit la perplexité exprimée par Platon dans le Phédon à propos de l'absence de finalisme de ce νοῦς: « Anaxagore et les stoiciens ont dit à propos du hasard que c'est une cause inconnue dans les esprits humains, dans la mesure oü parmi les choses qui sont engendrées il y en a certaines qui sont dues à la nécessité, d'autres qui sont dues à la fortune, d'autres qui sont dues à la liberté de choix, d'autres qui sont dues au hasard et d'autres qui sont dues uniquement à elles-mémes» (2, p. 136; cf. Aetius I 29, 7 et 59 A 66 DK; cf. aussi pour Siräzi 23, p. 28); «Quant

aux partisans

d'Anaxagore et de Démocrite ils ont pensé que (le mélange] vient de la proximité de position» (2, p. 128; cf. Aetius I 17, 2 et 59 A 54 DK). Et nous lisons encore

756

PRÉSOCRATIQUES

sur le mélange: « Anaxagore fut d'accord avec Empédocle à propos de cela, à savoir sur la nature, que c'est un mélange, ce qui revient à dire une génération et une corruption» (2, p. 138; cf. Aetius I 30, 2); mais cela sert également à confir-

mer la théorie essentielle que «rien ne se crée et rien ne se détruit»: « Et ainsi Anaxagore et Euripide pensent qu'aucun étre animé ne meurt, mais que ceux-ci se transforment les uns dans les autres et leur forme change» (2, p. 234; cf. Aetius V 19, 3). Mais au philosophe sont aussi attribuées des théories qui n'ont que peu ou méme rien à voir avec l'Anaxagore historique. En premier lieu, la célébre théorie du kumün et du zuhür (de la « dissimulation » et de l'« apparition »), qui sera ensuite portée aux plus grands fastes par le mu'tazilite al-Nazzäm. Ainsi, à ce propos, Sahrastäni raconte, non sans k poids de la théologisation habituelle: « On rapporte à son sujet [qu'il disait que] l'ordonnateur est la nature, et [que] parfois [il disait] que l'ordonnateur est le Créateur Tres-Haut; et puisque le principe premier selon lui est ce corps, il en découle sa doctrine que le retour est bien vers ce corps, et puisque la premiére naissance est l'apparition, il s'ensuit que la seconde naissance est la dissimulation, et cette [théorie] est voisine de la doctrine de celui qui parle de la matière première dans laquelle s'instaurent les formes, sauf que, lui, établit un corps infini en acte, c'est-à-dire les homéoméries, tandis que les partisans de la matiére n'établissent aucun corps en acte... Ft il indique aussi que la multiplicité provient du Créateur Trés-Haut » (11, p. 252-253). Et encore: « Et Porphyre raconte à son propos qu'il a dit: “La racine des choses est un corps unique qui sert de substrat au Tout, infini", mais il n'explique pas ce qu'est ce corps, s'il est fait des éléments ou est extérieur à eux ; il a dit aussi que de lui sortent tous les corps, les forces physiques, les espèces et les genres ; et il est le premier qui ait parlé de "dissimulation" et d'“apparition”, du fait qu'il postule toutes les choses comme dissimulées dans le corps premier; et l'existence n'est que leur apparition à partir de ce corps comme espèce, sorte, extension, figure, épaisseur et rareté, comme l'épi apparait à partir de l'unique semence. le grand palmier de la petite datte, l'homme parfait de

forme de la vile semence et l'oiseau de l'œuf, car tout cela est apparition de la dissimulation. acte de puissance et forme à partir de la prédisposition de la matière ; et en vérité le commencement est unique, et n'est dü à rien d'autre qu'à ce corps premier» (11, p. 251-252). A Anaxagore sont également rapportées des doctrines non seulement significativement théo-

logisantes, mais qui se ressentent sans équivoque des problématiques du Kaläm relatives aux attributs divins. Cela apparaît avec une clarté particulière dans ce passage du Pseudo-Ammonius: «En ce qui concerne Anaxagore, il a choisi la doctrine de Plutarque sur le Créateur, la volonté et l'acte, et a soutenu que la volonté n'est pas différente du voulu et n'est pas non plus différente du voulant, et de méme l'acte n'est pas différent de l'agent ni différent de l'agi, puisque la

volonté n'a pas de forme essentielle et de méme l'acte n'a pas de forme essentielle, et la forme de la volonté et la forme de l'acte subsistent et existent ou bien dans l'agent ou bien dans l'agi ; et il rappelle que la forme de la volonté est tantôt cachée dans le voulant tantôt manifestée dans le voulu, [et] nous décidonsce que nous pensons du voulu, sauf que la volonté est dans le voulant

avant d'étre dans le voulu, et elle ne subsiste pas sinon dans le voulu. Platon et Aristote cependant n'acceptent pas cela d'Anaxagore, mais ils soutiennent que la forme de la volonté et la forme de l'acte sont subsistantes, parce que plus simples que la forme du voulu, dans la mesure où ils disent: "Regardez celui qui taille la chose, c'est-à-dire l'agent puisqu'il taille la chose. et regardez la chose taillée et regardez la taille; eh bien, le tailleur est celui qui laisse sa propre impression sur la chose et le taillé est ce en quoi est posée l'impression et ce qui accueille l'impression de celui qui fait l'impression, donc l'impression n'est ni celui qui fait l'impression ni celui en qui est posée l'impression» (1, p. 72-73). Pareille dissertation sera reprise par

Sahrastäni presque à la lettre dans son arücle dédié à Platon (11, p. 315-316).

Mais beaucoup d'autres doctrines sont rapportées à Anaxagore — uniquement chez le Pseudo-Plutarque ; on peut les diviser selon les thémes abordés. Astronomie. « Anaxagore pense que la substance de la [sphère] enveloppante est de feu, et qu'avec la puissance de sa rotation elle attire des roches de la terre

ANAXAGORE

757

et les enflamme, et cela [arrive] quand la [terre] est attrapée par elle» (2, p. 148;

cf. Aetius H 13, 3 et 59 A 71 DK); « Anaxagore, Démocrite et Cléanthe pensent que tous les astres se meuvent d'un mouvement de translation de l'orient vers l'occident» (2, p. 152; cf. Aetius II 16, 1 et 59 A 78 DK);

« Anaxagore,

Démo-

crite, Métrodore et Midron pensent que la masse du soleil est comme une roche en feu» (2, p. 156; cf. Aetius II 20, 6 et 59 A 72 DK); « Anaxagore pense qu'elle [scil. la grandeur du soleil] est égale à plusieurs fois la [terre]» (2, p. 156; cf.

D. L. II 8, Aetius IL 21, 3 et 59 A 72 DK); « Anaxagore et Démocrite pensent que le corps de la lune est dur et illuminé de l'extérieur, et [qu']en elle il y a des plaines, des monts et des vallées» (2, p. 160; cf. D.L. IL 8, Aetius Π 25, 9 et 59 A 77 DK); « Anaxagore pense que dans le genre de la [lune] il y a une diversité à cause du mélange, puisqu'elle est inanimée, mélée avec une substance froide et terreuse, et que la substance terreuse se mélange avec la substance du feu, et c'est pourquoi ces astres s'appellent “astres brillants «de fausse lumiére»" » (2, p. 164; cf. Aetius II 30, 2 et 59 A 77 DK); « Anaxagore pense que l'ombre de la terre sur ce lieu [scil. la voie lactée] plane dans le ciel lorsque le soleil se trouve sous la terre et n'illumine pas le Tout avec la lumière qui est en lui» (2, p. 168; cf. Aetius III 1, 5 et 59 A 80 DK). Météorologie. « Anaxagore et Démocrite pensent que [les comètes] sont un agglomérat de quelques étoiles ou davantage, de manière à ce que leurs lumières s'unissent et qu'elles soient illuminées l'une par l'autre» (2, p. 168; D.L. II 9, Aetius III 2, 2 et 59 A 81 DK); « Anaxagore pense que les étoiles qui s'appellent *tombantes' tombent de l'éther comme une étincelle, et c'est pourquoi elles s'éteignent tout d'un

coup»

(2, p. 170; cf. Aetius III 2, 9 et 59 A

82 DK);

« Anaxagore pense que [le tonnerre] se forme quand le froid tombe dans le chaud, ce qui [survient] lorsque une partie de l'éther tombe dans l'air, car par la collision et l'émission du vacarme se forme le tonnerre ; [que] de la couleur noire

qui se forme dans le nuage provient l'éclair; [qu']à mesure de la grandeur de la lumière dans sa multiplicité et grandeur se forme ce qu'on appelle le "keraunos" [scil. la foudre]; [que] du feu qui a plus de corporéité provient ce qu'on appelle

le "typhon" et que du feu mélangé avec le nuage provient ce qu'on appelle le “prester” [scil. l'ouragan]» (2, p. 170-172; cf. Aetius III 3, 4 et 59 A 84); « Anaxagore pense que l'arc-en-ciel se forme à partir de la réflexion des rayons du soleil sur un nuage épais, et qu'en face du [lieu] qu'ils rencontrent il y a toujours une étoile fixe ; ainsi parle-t-il aussi pour les influences autres que solaires qui surviennent dans le lieu appelé “le Pont" [scil. les parhélies] (2, p. 176; cf. Aetius HI 5, il et 59 A 86 DK); « Anaxagore pense que le tremblement de terre arrive lorsque l'air pénètre et ne peut passer à travers la surface de la terre à cause de l'épaisseur et de la compression [de la terre], de sorte qu'il se retourne et se heurte, et se forme en lui comme un tonnerre» (2, p. 182; cf. Aetius IL 15, 4 et

59 A 89 DK); « Anaxagore a pensé que quand l'humidité originelle mêlée s'enflamme par la rotation du soleil et la partie grasse [de cette humidité] se trouve comprimée, le reste se transforme en salinité et amertume» (2, p. 184; cf. ΠῚ 16, 2 et 59 A 90 DK); « Anaxagore pense que l'abondance du Nil (est due] à la neige

758

PRESOCRATIQUES

qui se trouve en terre d’Abyssinie, qui se solidifie l'hiver et fond l'été» (2, p. 188; cf. AetiusIV 1, 3 et 59 A 91 DK). Cosmologie. «Diogéne et Anaxagore pensent que, aprés la formation du monde, [celui-ci] s'est incliné de lui-même vers le sud, et peut-être cela s'est-il produit par politique, afin que des parties [du monde] soient habitées et des parties non habitées à cause du froid, du chaud et de l'équilibre [des climats]» (2, p. 144; cf. Aetius IT 8, 1 et 59 A 67 DK).

Psychologie. «Les disciples d' Anaxagore pensent que l'áme est [de substance] aérée et ils disent à propos du corps qu'il est ainsi» (2, p. 190; cf. Aetius IV 3, 2 et 59 A 93 DK); «Anaxagore pense que tout animal a une raison active qui tient la place de l'intellect, tandis qu'il n'a pas la raison passive qui est appelée le traducteur de l'intelllect» (2, p. 236; cf. Aetius V 20, 3 et 59 A 101 DK). Physique. « Anaxagore pense que le son vient du pneuma quand il entre en collision avec l'air dense et la collision parvient à l'auditeur, et [que] de cette facon survient [aussi] l'écho» (2, p. 208;

cf. Aetius IV 19, 5 et 59 A 106 DK).

Anatomie. « Anaxagore et Parménide pensent que ce qui vient du côté droit se déverse dans le côté droit de l'utérus, et que ce qui vient du côté gauche se déverse dans le côté gauche, et que lorsque cela change et se fait différemment, ἢ en résulte la naissance d'une femelle» (2, p. 220; cf. D.L. IL 9, Aetius V 7, 4 et 59

A 111 DK). Physiologie. « Anaxagore pense que le sommeil est une chose commune à tous les actes du corps et que cette passion est [le propre] du corps, non de l'áme, et que l'áme a une mort, et c'est sa séparation du corps» (2, p. 240; cf. Aetius V 25, 2 et 59 A 103); « Anaxagore pense que les êtres animés se nourrissent de l'humide que chacun de leurs organes extrait pour la conservation et la nutrition, et que quand l'aliment qui leur vient est abondant, ils croissent, tandis qu'ils vieillissent et se dessèchent quand ce qui se sépare d'eux est abondant, et que lorsque ces hommes sont comparés à ceux qui vivaient avant eux, ils ont par rapport à ces derniers le rang des enfants» (2, p. 244; cf. Aetius V 27, 2). On trouve également dans nos sources une riche série de Dirs attribués à Anaxagore. Pseudo-Sigistáni: «Il disait: “Tu ne dois pas examiner les choses de la sagesse en présence d'un fainéant, car comme les bétes qui ne percoivent l'or et les pierres précieuses qu'en fonction de leur poids seulement et n'en pergoivent pes la valeur, ainsi le fainéant ne pergoit les choses de la sagesse qu'en fonction du poids de la fatigue pour lui, et il n'en pergoit pas la valeur". Et il disait: "La tristesse est un accident qui vient de la perte de ce qui est aimé et du fait d'avoir manqué ce qui est recherché" » (4, p. 115). Tawhidi: « Anaxagore disait: "De méme que dans le vase, quand il est rempli de l'eau qu'il peut accueillir et qu'on en met ensuite encore, [celle-ci] est de trop et se déverse à l'extérieur, et peut-être

bien pourra-t-il ensuite sortir quelque chose d'autre ; ainsi l'esprit tient ce qu'il peut tenir et si on lui demande de tenir quelque chose qui excède sa capacité il se trouble, et il peut arriver que se perde certaine chose que l'esprit tenait" » (15, t. Il, p. 35; l'auteur, à cet endroit, fait observer qu'Anaxagore avait raison, et

ANAXAGORE

759

continue avec d'autres anecdotes sur le méme sujet). Mubassir:

« De méme que la

mort est mauvaise pour celui qui a eu une vie bonne, ainsi elle est bonne pour celui qui a eu une vie mauvaise. Par conséquent, on ne doit pas dire: La mort est bonne et non mauvaise, mais elle est bonne ou mauvaise relativement à telle ou telle chose» (16, p. 317). CARMELA

170

BAFFIONI.

ANAXIMANDRE RE 1 Anaximandre dans l'Islam. Il n'existe pas sur ce sujet de contribution spécifique et l'on doit se contenter des notices contenues dans les histoires de la pensée islamique ou dans les études relatives à la tradition grecque en Islam; on peut cependant trouver une comparaison systématique entre les sources originales grecques, les doctrines attribuées par les Arabes à Anaximandre et les autres sources islamiques, le tout accompagné d'un commentaire exhaustif, pour ἰδ Pseudo-Ammonius et le Pseudo-Piutarque dans les éditions respectives de Rudolph (pour une théorie astronomique du Pseudo- Ammonius, exposée anonymement, mais rapportée par l'éditeur à Anaximandre, voir 1, p. 105, 193 sqq. et 209) et de Daiber (sur les témoignages anonymes ou rapportés par voie indirecte par Daiber à Anaximandre, voir 2, p. 376, 389, 389-390, 390, 432, 437 n. 41, 445 et 460). Pour d'autres renseignements sur les citations des doctrines astronomiques d' Anaximandre — autres que les citations du Pseudo-Plutarque — chez Apol-

lonius de Tyane et Gäbir ibn Hayyän, voir GAS 33, t. IV, p. 61-62; t. VI, p. 8283, 103, 130; t. VII, p. 224. Pour l'étude des doxographes arabes de la pensée antique, l'ouvrage de Gutas 34 peut se révéler trés utile. Gutas présente notamment le contenu du traité A/-Sa'àda wa-al-is'àd d’Abü al-Hasan Muhammad

b.

Abi Darr al-' Àmiri (qui n'est cependant pas immédiatement utile pour Anaximandre).

Le nom se trouve indiqué dans les sources islamiques sous la forme Anksmändrs (Pseudo-Sigistani 4, p. 78), Anqsmndrs (Pseudo-Plutarque 2, passim) ou Anäksimändrüs (Mubassir 16, p. 54). Certains auteurs le situent explicitement à Milet (Pseudo-Plutarque 2, p. 96; le Pseudo-Sigistäni 4, p. 78; Mubassir 16, p. 54; Sahrazüri 22, p. 16), se confor-

mant en outre à la διαδοχή traditionnelle (cf. D. L. II 3) en le plaçant aprés Thalès (Pseudo-Sigistäni 4, p. 78 ; Sahrazüri 22, p. 16); à cela se limitent les informations fournies sur sa vie. Seul Mubassir, en parlant de Pythagore, dit que, parvenu à l'áge de la maturité, (littéralement: «lorsque lui poussa la barbe »), il fut envoyé étudier auprés d' Anaximandre la géométrie, l'arpentage et l'astronomie (16, P. 54); en outre, cet auteur associe à Anaximandre Diogene d'Apollonie (16, P. 73, cf. D.L. IX 57 et 12 A 3 DK), en l'assimilant cependant à Diogene le cyni-

que. La méme chose est répétée également par Sahrazüri dans la notice dédiée à Diogene le cynique, à nouveau confondu avec l' Apolloniate (22, p. 219). Nos auteurs ne disent rien sur la formation, sur l'activité philosophique ou sur d'éventuels disciples d' Anaximandre ; seul le Pseudo-Plutarque le cite, une fois, avec Métrodore de Chios et Crates (2, p. 152; cf. Aetius II 15, 6; sur la doctrine,

760

PRESOCRATIQUES

voir plus loin). A la différence de ce que l'on observe pour les noms plus célèbres (comme Socrate, Platon et Aristote), on ne trouve pas non plus dans les sources consultées la description physique du philosophe. Comme on peut s'y attendre du fait de la rareté des témoignages, les auteurs musulmans ne font également aucune référence à des titres transmis sous le nom d'Anaximandre. Toutefois, nos sources exposent quelques points de sa pensée avec une certaine fidélité. Ainsi, par exemple, pour l'Ontologie, le Pseudo-Plutarque fait référence à ce philosophe: « Anaximandre de Milet pense que le principe des choses existantes serait l'infini et que de lui provient tout le devenir et à lui le Tout retourne» (2, p. 96). Le témoignage est repris à la lettre par le PseudoSigistäni (4, p. 78) et Sahrazüri (22, p. 16). Mais le Pseudo-Plutarque approfondit ainsi: «et pour cette raison il pense que s'engendrent des mondes à

l'infini et

qu'ils se corrompent et retournent à la réalité d’où ils sont venus, et il dit que [cette réalité] est infinie, puisque la diminution ne lui est pas inhérente et qu'elle existe pour toujours» (2, p. 96-98; cf. Aetius

13, 3 et 12 A

14 DK). Mais le

commentaire ultérieur de notre auteur sur la théorie de l’infini-äpy n'est cependant pas positif: « Cet homme s'est trompé, en ce qu'il n'explique pas ce qu'est cet infini, si c'est l'air ou l'eau ou la terre ou d'autres corps, et il s'est trompé

aussi parce qu'il a imposé de nécessité une matière et rendu vaine la cause active. En effet l'infini n'est pas autre chose que la matière, et la matière ne peut être en acte si la cause active n'existe pas» (2, p. 98; cf. Aetius 13, 3et 12 A 14 DK). De

façon similaire, mais encore plus radicale, Siräzi le critique ou bien à cause de la négativité sans activité de l'infini-ápyf,, ou bien parce que celui-ci, s'il est compris comme infini, ne serait ni divisible ni indivisible et ne serait pas non plus facilement définissable dans un sens ontologique (cf. 16, p. 73). Le Pseudo-Plutarque continuait ensuite: « Anaximandre a pensé que les cieux infinis sont des divinités » (2, p. 118; cf. Aetius I7, 12 et 12 A 17 DK). Les doctrines attribuées par les auteurs musulmans à Anaximandre ont tout au plus l'aspect de témoignages. Ces doctrines — la source est toujours le Pseudo-Plutarque — peuvent se subdiviser selon les sujets traités.

Astronomie. « Anaximandre, Métrodore appelé Chios" et Cratés pensent que la position du soleil est supérieure à toutes les [autres] choses et qu’apres lui il y a la lune et encore apres les planétes et les étoiles fixes» (2, p. 152; cf. Aetius II 15, 6); « Anaximandre pense que le mouvement de chaque astre se fait par les sphères et les globes en lesquels chacun d'eux se trouve fixé» (2, p. 152; cf. Aetius Il 16, 5 et 12 A 18 DK); « Anaximandre pense que le soleil est circulaire, dix-huit

fois la terre, et que sa rotation est comme celle de la sphère de la galaxie, qu'il est creux, qu'il est plein de feu et que le feu apparait de sa bouche comme apparait la foudre, et cela [survient] dans la forme du soleil» (2, p. 154; cf. Aetius IV 20, 1);

« Anaximandre pense que le soleil est de la méme grandeur que la terre, et que le cercle qui est au-dessus de lui est égal à vingt-sept fois la terre» (2, p. 156; cf. Aetius II 21, 1 et 12 A 11 et 21 DK); « Anaximandre pense que l'éclipse du soleil survient par l’occiusion du trou [Daiber a al-gamar, mais semble lire, à juste titre, al-qa'r puisqu'il traduit par Vertiefung] dont provient le feu» (2, p. 158; cf.

ANAXIMANDRE

761

Aetius II 24, 2); « Anaximandre pense que la substance de la lune est un cercle

dont la mesure est dix-neuf fois la terre, comme le corps du soleil, qu'elle est pleine de feu, et qu'elle s'éclipse par le moyen d'une rotation sphérique, dans la mesure où elle est creuse et pleine de feu, et elle n'a qu'une voie respiratoire» (2, p- 160; cf. Aetius II 25, 1 et 12 A 22 DK); « Anaximandre pense que la lune en elle-même est lumineuse «d'une lumiére» qui lui est propre et cependant elle est bléme» (2, p. 160; cf. D.L. II 1, Aetius Il 28, 1 et 12 A 22 DK); « Anaximandre pense que l'éclipse de lune est due à l'obstruction [du trou] de la lune qui se trouve sur sa courbe» (2, p. 162; cf. Aetius II 29, 1 et 12 A 22 DK).

Météorologie. « Anaximandre pense que [les phénomènes atmosphériques] ne se forment qu'à partir de l'air, puisque, quand il se recueille autour d'un nuage

dense et le comprime, de facon que celui-ci s'effondre par la compression due à la finesse et à la sécheresse [de l'air], alors se forme un son à cause de la déflagration et, de l'ouverture qui s'est formée dans le nuage noir, vient l'illumination» (2, p. 170; cf. Aetius III 1 et 12 A 23 DK);

« Anaximandre

pense que le vent est

l'écoulement de l'air, et que cet [écoulement] survient quand le soleil meut ou dissout les parties subtiles et humides qui sont dans l'air» (2, p. 176; cf. Aetius IH 7, let 12 A 24 DK). Cosmologie. « Anaximandre pense que la forme [de la terre] est comme celle des colonnes de pierre, et que ses surfaces sont courbées » (2, p. 178; cf. III 10, 2 et 12 A 25 DK ; dans ce passage, le texte pourrait servir à corriger l'original grec); « Anaximandre dit que la mer est le résidu de l'humidité originelle, la plus grande partie de laquelle a été asséchée par la substance du feu, tandis que ce qui reste se liquéfie par la brülure [du soleil]» (2, p. 184; cf. Aetius III 16, 1 et 12 A

27 DK). La présentation doctrinale fournie par la Turba philosophorum est forternent orientée dans un sens alchimique (cf. 24, p. 38-40), et c'est en ce sens que

sont lues également les annotations de caractére astronomique. Zoologie. « Anaximandre pense que les premiers étres animés ont été engendrés dans l'humidité et qu'ils étaient recouverts d'enveloppes comme

celles des

poissons, et après qu'ils eurent passé de nombreuses périodes et années ils passèrent au sec. Lorsque ces enveloppes furent éliminées la durée de vie [de ces animaux] devint [Daiber a wa-sarat; Badawi 3, p. 181, a sarat, la seule version qui fait ici sens] bréve» (2, p. 234; cf. Aetius V 19, 4 et 12 A 30 DK). CARMELA BAFFIONI.

168

ANAXIMENE DE MILET RE 2 Anaximène dans l'Islam. Sur ce sujet, la seule contribution spécifique (si l'on excepte les notices que l'on peut trouver dans les histoires de la pensée islamique ou dans les études relatives à la tradition grecque en Islam) sernble étre celle de

35 C. Baffioni, « Una "storia della filosofia greca" nell'Islam del XII secolo, I: Talete

e Anassimene », Elenchos

2, 1981,

p. 355-374,

qui

concerne

la notice

consacrée à Anaximène par Sahrastäni ; compléments ultérieurs sur cette question dans Baffioni 32. On peut cependant trouver une comparaison systématique entre

les sources originales grecques, les doctrines attribuées par les Arabes à Anaxi-

762

PRESOCRATIQUES

mène et les autres sources islamiques, le tout accompagné d'un commentaire exhaustif, pour le Pseudo- Ammonius et le Pseudo-Plutarque, dans les éditions respectives de Rudolph et de Daiber (sur les témoignages anonymes ou rapportés par voie indirecte par Daiber à Anaximène, voir 2, p. 339, 391, 392, 393, 398-

400, 412, 449, 458-459, 460 et 508). Pour des renseignements concernant la citation d'une doctrine météorologique d' Anaximéne chez ‘Ali ibn Rabban al-Tabari

(IX* s.), autre que ceux de la Turba philosophorum et des Placita du Pseudo-Plutarque, voir GAS 33, t. IV, p. 61-62; t. VI, p. 82-83; t. VII, p. 224, 229 et 236.

Pour l'étude des doxographes arabes de la pensée antique, l'ouvrage de Gutas 34 peut se révéler trés utile. Gutas présente notamment le contenu du traité A/Sa 'äda wa-al-is'àd d' Abü al-Hasan Muhammad b. Abi Darr al-' Àmiri (qui n'est

cependant pas immédiatement utile pour Anaximène). Le nom apparait dans les sources islamiques sous la forme Anksimäns (Pseudo- Ammonius

1, passim ; Sahrastäni 11, p. 253) ou Angsmäns (Pseudo-Plu-

tarque, passim ; Pseudo-Sigistàni 4, p. 79, mais Angsimäns, p. 113). Le philosophe est parfois explicitement associé à Milet (Pseudo-Plutarque 2, p. 98 ; Pseudo-

Sigistani 4, p. 79 et 113; Sahrazüri 22, p. 16; Sirazi 23, p. 199) et, une fois, conformément à la διαδοχή traditionnelle, il est placé aprés Anaximandre (Pseudo-Sigistäni 4, p. 79 et 113). C'est là tout ce que nous apprennent les sources islamiques sur la biographie d' Anaximéene. Il est vrai que Sahrastäni, au commencement de sa notice consacrée à Anaximene, souligne sa sagesse et son excellence (11, p. 253), mais seul le Pseudo-Sigistäni nous rapporte une anecdote (4, p. 114). Nos auteurs ne disent rien sur la formation et l'activité philosophique d'Anaximéne, ni sur ses éventuels disciples. Seul le Pseudo- Ammonius signale qu'il s'opposa à Héraclite et à Empédocle par sa théorie de l'air comme arche (1, P. 70). A la différence de ce que l'on observe pour les noms plus célébres (comme Socrate, Platon et Aristote), on ne trouve pas non plus dans les sources consultées la description physique du philosophe. Les auteurs ne font non plus aucune référence aux titres d'ceuvres éventuelles d'Anaximéne. Ils exposent cependant quelques points de sa pensée avec une certaine fidélité par rapport aux «originaux » grecs. Ainsi, par exemple, pour la théorie de l'air comme arché, nous pouvons compter sur de nombreuses sources. Avant tout, le Pseudo- Ammonius: « Anaximène dit que le premier des premiers principes [mais cette lecon pourrait étre discutée], parmi les choses créées, est l'air, et que de l'air provient tout ce qui existe dans le monde, puisque de lui viennent le feu, l'eau et la terre» (1, p. 70; cf. 13 A 9 DK). De facon trés semblable

Sahrastàni: « Et on a transmis également des premiers principes [sur cette lecon, proviennent tous les corps, supérieurs et p. 255). Témoignage légèrement différent

à son propos [qu'il a dit] que le premier voir plus haut] est l'air, et que de l'air inférieurs, qui sont dans le monde » (11, chez le Pseudo-Plutarque: « Anaximène

de Milet pense que le principe des choses existantes est l'air et que de l'air vient le Tout et qu'en lui [le Tout] se résout. Il en va de méme pour l’äme qui est en

nous: en effet, l'air est ce qui la conserve en nous. L'esprit [pneuma] et l'air tien-

ANAXIMENE

763

nent le monde entier et l'esprit et l'air se disent d'une méme signification au moyen de deux termes synonymes» (2, p. 98; cf. Aetius I 3, 4 et 13 B 2 DK), repris à la lettre par le Pseudo-Sigistàni (4, p. 79), puis par Sahrazüri (22, p. 16); avec plus d'abondance de détails la théorie se retrouve dans la Turba philosophorum (p. 45-46, cf. 13 A 5-8 DK). Dans nos sources nous trouvons également quelques jugements sur cette doctrine. Ainsi, par exemple, le Pseudo-Plutarque : « Cet homme aussi s'est trompé, lorsqu'il a imaginé que les étres animés s'engendrent à partir d'une chose simple douée d'une forme unique, c'est-à-dire l'esprit [pneuma] et l'air, puisqu'il n'est pas possible que le principe soit la matière seule et qu'il soit une chose unique, mais il faut poser en méme temps qu'elle la cause active, comme il arrive pour l'argent : en effet celui-ci ne suffit pas à lui seul, puisqu'il n'en sort pas une coupe s'il n'y a pas également l'agent, c'est-à-dire l'artisan, et il en vade méme pour le cuivre, le bois et tous les autres matériaux » (2, p. 98; cf. Aetius I 3, 4 et 13 B 2 DK). Avec encore plus d'audace Sahrastäni rattache Anaximène à la tradition prophétique qu'il avait fait commencer, en Grèce, avec Thalès. De fait, après avoir noté que, pour Anaximène, l'air (hawá") pur, dit matière (unsur), est principe des êtres du monde spirituel et que l'air impur, appelé air en un sens restreint, est principe des étres du monde corporel, Sahrastäni écrit: «Et cela est comme la doctrine de Thalès, puisque celui-ci établit la matière et, en vis-à-vis, l'eau, et [Anaximène] pose la matière et,en vis-à-vis, l'air, et il met la matière au rang du Premier Calame et l'intellect au rang du Tableau (cf. Coran LXVIII 1, XCVI 4 et LXXXV 22], qui accueille l'impression des formes, et il ordonne les choses existantes selon cet ordre; et lui aussi a acquis la connaissance de la lampe de la prophétie, et se confond avec les façons de s'exprimer du peuple» (11, p. 256). De fait, Thalés est considéré dans la philosophie islamique comme le premier des « Sept Sages » (ou «colonnes de la Sagesse » : ainsi, outre Sahrastäni 11, p. 241, le Pseudo- Ammonius), puisqu'« ils partagent une unique opinion... que le Créateur... est éternel, sans principe ni fin, il est le principe des choses, sans avoir commencé, i] est pergu par ses créatures comme étant lui-méme seulement, et il n'y a pas de quiddité qui lui ressemble, mais toute quiddité est créée par lui, tandis que lui est l'Un; mais il n'est pas l'Un au sens numérique, puisque l'Un au sens numérique devient plusieurs et lui non. Il est, dans son unicité, créateur de la forme de la matière et de la forme de l' intellect ; d'où la forme de la matière est aussi une, sauf qu'elle devient multiple, et la forme ne devient multiple dans la matiére, que lorsque prend naissance à partir d'elle, par l'action créatrice du Créateur, la forme de l’intellect ; les espèces de formes sont alors ordonnées selon les classes des lumières qui se trouvent en elles de sorte que ces classes deviennent des formes multiples, et les formes sont ordonnées incessamment dans un monde apres l'autre selon les classes des mondes jusqu'à ce qu'il en reste peu, je veux dire la lumiére des formes dans la matière, et que la matière se raréfie. Et en dérive alors cette forme vile. Ces forces s'ordonnent dans ces mondes selon l'inhabitation de l'áme dans ces corps. Les maux, la douleur et la tristesse ne viennent pas de ces forces. Celles-ci se réduisent dans les corps, car aucun ne peut

les supporter, et rapidement eiles s'effacent. Et c'est lui qui ordonne tout cela et il se tient en repos, il ne lui est pas possible de se mouvoir, puisque le mouvement ne peut être qu'instauré ;

mais [les sept Sages] disent [aussi] que le mouvement d'En-haut est supérieur au mouvement d'ici-bas de la méme facon que le repos d'En-haut est supérieur au repos d'ici-bas» (1, p. 4546) ; Sahrastäni reprend naturellement presque à la lettre cette vision théologisante (11, p. 253254, suivi aussi par Siräzi, cf. 23, p. 151); il approfondit cependant la conception pyramidale de l'étre, de caractère néoplatonicien, qui est à peine esquissée chez le Pseudo- Ammonius ; en outre, il présente plus loin le probléme de la création selon une problématique typique de la philosophie islarnique : « Tout étre créé dont la forme se manifeste dans les limites de la création est tel que

cette forme est dans Sa science première, et les formes auprès de Lui sont infinies. 1l a dit aussi qu'il n'est pas possible de ne pas soutenir l'une des deux théses suivantes: ou bien nous disons qu'il ne crée que ce qui se trouvait dans Sa science, ou bien nous disons qu'Il ne crée que des

choses αὐ Ἢ ne connaissait pas, et c'est là une thèse à combattre. Et si nous disons qu'Il crée ce qui se trouvait dans Sa science, alors la forme est éternelle par Son éternité, et Son essence ne se multiplie pes quand les choses connues deviennent multiples, pas plus qu'elle ne se transforme

764

PRESOCRATIQUES

avec leurs transformations» (11, p. 254; cf. la théorie de Siräzi, certainement pas conforme à la vérité historique, selon laquelle les formes dans la pensée de Dieu seraient des accidents, dans 23, p. 181). Une telle conception conduit à ses conséquences extrémes cette vision « métaphysique » déjà exprimée par le Pseudo- Ammonius : « Puisqu'il en est ainsi, exactement comme ce qu'a dit Anaximène, il est clair que la vérité est double, l'une lumineuse et pure et l'autre obscure, et la sagesse est unique. Et si quelqu'un dit: "La sagesse est aussi parfois obscure comme la vérité obscure", nous répondons que la sagesse dans ce monde, quand elle apparait dans certaines choses et est lurnineuse, ne se manifeste que par ce qu'elle manifeste. Quant à la vérité, la plus grande partie de son acte est cachée, et ce qui se manifeste est minime, et puisqu'il en est ainsi, il est évidemment clair que la sagesse a plus de lumiere et est plus manifeste que la vérité, et ce qui est plus manifeste en lumière et évidence ne peut être obscur en lui-même, mais par le biais de quelque chose qui l'accueille». Le Pseudo- Ammonius concluait ainsi: « Pourtant il est hors de doute que la thèse d' Anaximene est meilleure d'un certain point de vue, et la thèse des deux [i. e. Socrate et Anaximene] est acceptable, sauf que celle d' Anaximéne est plus claire» (1, p. 48; sur

le point de vue de Socrate, voir Sahrastáni 11, p. 296, et 32, p. 101-103). Chez les deux auteurs, la présentation de doctrines attribuées à Anaximène — mais évidemment bien éloignées de la « vérité historique » — débouche sur une véritable Eschatologie qui leur est propre. Ainsi le Pseudo-Ammonius : « Et il soutient que tout ce qui se forme à partir de l'air pur est subtil et spirituel [pneumatique], ne s'efface pas et la corruption n'y pénètre pas et il n'accueille pas la souillure, et ce monde reste attaché à tout ce qui subsiste dans ce monde sordide et à la saleté abondante, puisque ce monde est sordide et qu'il empéche [ce qui subsiste en lui] de s'élever en hauteur ; et tout ce qui n'accueille pas cette souillure et ces saletés et les chasse et s'associe avec son universalité pure et chaste, est pur et adhère au monde de l'universalité » (1, p. 70). On trouve chez Sahrastäni un développement mieux articulé. Il parvient plutót à deux représentations distinctes : l'une, semblable à celle du Pseudo- Ammonius (11, p. 255-256), l'autre, qui la précède immédiatement : « Il a dit que la stabilité de ce monde-ci est en fonction de la rare lumière qu'il a de ce monde-là ; sinon il ne serait pas même stable le temps d'un coup d'œil ; et il demeure stable tant que l'intellect ne purifie pas sa partie mêlée en lui, et l'âme ne purifie pas sa partie mélée en lui ; et quand ces deux parties s'en purifient, les parties de ce monde disparaissent, se corrompent et restent obscures, du fait que s'anéantit le peu de lumière en elle, et les âmes sales et mauvaises restent dans cette ténèbre sans lumière ni joie ni sérénité ni

repos ni tranquillité ni consolation » (11, p. 254-255 ; cf. pour Siräzi 23, p. 151). Mais à Anaximéne sont également attribuées des doctrines plus proches de

celles qui sont transmises par la tradition grecque. On peut les répartir en fonction des thèmes abordés. La source exclusive est le Pseudo-Plutarque. Astronomie : « Anaximéne pense que la substance du ciel est une substance

vaporeuse et que le mouvement qui s'effectue en dehors de lui se trouve à son extrémité » (2, p. 146; cf. Aetius IL 11, 1 et 13 A 13 DK); « Anaximéne pense que [les formes des étoiles] sont comme des clous fixés solidement dans la substance de la glace» (2, p. 150; cf. Aetius II 14, 3 et 13 A 14 DK); « Anaximène pense que les astres se meuvent au-dessus et au-dessous de la terre» (2, p. 152; cf.

Aetius II 16, 6 et 13 A 14 DK); « Anaximène pense que le soleil dans sa forme est comme un plateau subtil » (2, p. 158; cf. Aetius II 22, 1 et 13 A 15, ainsi que B 2a

DK); « Anaximène pense que [la terre] a la forme d'une table» (2, p. 178; cf. Aetius III 10, 3 et 13 A 20 DK);

« Anaximène pense, en ce qui concerne la terre,

que, du fait de sa largeur, elle flotte dans l'air» (2, p. 184; cf. Aetius III 15, 8 et 13 A 20 DK). Météorologie : « Anaximène pense que [les signes de l'été et de l'hiver] ne viennent pas des astres, mais seulement du soleil» (2, p. 154; cf. Aetius II 19, 2 et

13 A 14 DK); «Anaximène pense que les nuages se forment quand l'air est

ANAXIMENE

765

dense, mais quand il se condense ultérieurement et se comprime, de la compression vient la pluie; quant à la neige elle se forme quand l'eau qui descend du nuage se solidifie, et la gréle se forme quand l'eau se méle et se mélange avec l'air» (2, p. 172; cf. Aetius III 4, 1 et 13 A 17 DK); « Anaximène pense que l'arcen-ciel se forme quand le soleil illumine et se place devant un nuage épais et noir, dans la mesure où les rayons du soleil dans cette situation ne peuvent pénétrer, mais sont coupés par ce corps épais» (2, p. 174; cf. Aetius III 5, 10 et 13 A 18 DK); « Anaximène pense que la cause des tremblements de terre est la sécheresse et la secousse de la terre, et que l'une de ces deux connotations dérive du sec, l'autre de la pluie» (2, p. 182; cf. Aetius III 15, 3 et 13 A 21 DK ; ces théories sont attribuées aux stoiciens en D. L. VII 52-54). Comme on le voit par la facon dont ils sont rapportés, ces passages peuvent tout au plus étre considérés comme des témoignages; mais le Pseudo-Sigistäni, de son côté, a conservé une série de dits attribués directement à Anaximéne: «"Le temps est le transformateur du monde”. “Ce qu'il y a de meilleur, de plus beau et de plus parfait pour l'homme est d'étre pur dans son áme, chaste dans son instrument quand il s'agit d'apprendre l'éducation et de rechercher la sagesse, afin que son esprit soit libre des pensées mauvaises, opprimantes et qui font obstacle dans l'éducation à laquelle il aspire, et afin que son discours, quand il sort de lui, soit évident, clair et bon comme l'eau pure qui se prend dans une source pure; c'est que l'amour des dames et ie désir des femmes est le maximum de

l'utilité pour les dissolus et des trésors du péché pour les êtres immoraux". “Il est nécessaire pour nous de contempler la sagesse et ses fruits dans un miroir pur,

puis de réfléchir ensuite sur ce dont nous devons nous occuper. En effet, nous voyons que quand les gens craignent le blàme et évitent le péché, il s'ensuit la préoccupation et la douleur, tandis que nous voyons [ceux qui se comportent] de facon contraire jouir en toute occasion, étre dans des [postes] meilleurs et s'étonner de ces [autres], sans comprendre, parce que quand ils voient les personnes raisonnables préoccupées, tristes, anxieuses, réfléchissant sur la probité de leurs âmes et sur ce qui leur garantit le retour après la séparation de ce corps, et [qu'] ils voient leurs [propres] ämes dégagées et assurées d'une position dominante, ils pensent à propos d'eux-mémes qu'ils sont les meilleurs et les plus heureux de tous, et des autres qu'ils sont les plus vils et les plus malheureux de tous, et cela

est le résultat de ce qu'ils contemplent de manière légère ce monde, qui doit être contemplé avec un regard subtil" » (4, p. 113-114). CARMELA BAFFIONI.

169

DÉMOCRITE RE 6 Démocrite en Islam. Sur ce sujet ont été publiées ces derniéres années quelques études spécifiques (outre les exposés habituels que l'on peut trouver dans les histoires de la pensée islamique ou dans les études consacrées à la tradition grecque en Islam): 36 C. Baffioni, «Note sulla terminologia atomistica araba e greca», PP 120, 1976, p. 363-375; 37 Ead., «Valore 'filosofico' dell'atomismo del Kalam », AZON 40, 1980, p. 243-264; 38 Ead., «L'interpretazione alfieriana

766

PRESOCRATIQUES

dell'indivisibilità degli atomi e l'atomismo del Kalam», SicGym 53, 1980, p. 553559; Baffioni 31 passim ; 39 H. Daiber, « Demokritos in Arabic and Syriac tradition », Proceedings of the First International Congress on Democritus (Xanthi 6-

9 October 1983), Xanthi 1984, p. 251-265, qui reprend, commente et approfondit les précédentes études sur le sujet; 40 C. Baffioni, « Atomisti greci in alcune fonti arabe del pensiero antico», dans L'atomo fra scienza e letteratura, Atti delle XII Giornate filologiche genovesi, Genova 1985, p. 107-139; 41 Ead., «Una "storia della filosofica greca" nell'Islam del XII secolo: IV: 1 "primi sapienti" (2* parte)», Elenchos 8, 1987, p. 381-429, sur les représentations de Démocrite chez Sahrastàni ; Baffioni 32. On peut, en outre, trouver une comparaison systématique entre les sources originales grecques, les doctrines attribuées par les Arabes à Démocrite et les autres sources islamiques, le tout accompagné d'un commentaire exhaustif, pour le Pseudo-Ammonius et le Pseudo-Plutarque, dans les éditions respectives de Rudolph et de Daiber (pour les témoignages anonymes ou indirects identifiés comme démocritéens par Daiber, voir 2, p. 340-341, 359, 367, 375-376, 418, 430, 431, 432 n. 43, 437 n. 39, 446-447, 458-459, 461-462, 495-496, 500, 821). Les références à Démocrite sont trés nombreuses dans GAS 33, t. III, pas-

sim ; t. IV : p. 49-50 pour l'alchimie et p. 310-312 pour la botanique ; t. V, p. 427; t. VI: p. 82-83 pour le Pseudo-Plutarque ; t. VII: p. 308-309 pour l'astronomie. Pour l'étude des doxographes arabes de la pensée antique, l'ouvrage de Gutas 34 peut être très utile: il expose entre autres les contenus de l'ouvrage Al-Sa 'äda wa-al-is'äd d' Abü al-Hasan Muhammad b. Abi Darr al-' Ámiri. Le nom se trouve indiqué sous des formes diverses: Dimgrát (Hunayn ibn Isháq 6, p. 147), Dimgrät (Ibn Abi Usaybi'a 20, p. 105); Dimgrätis (Ya'qübi 7, t. I, p. 135; Nadim 9, p. 353, 354, 357; Ibn Gulgul 14, p. 33; Sahrastäni 11, p. 325 et 348) ; Dimügrätis (Bar Hebraeus 21, p. 84); Dimgrät (Pseudo-Ammonius 1, p. 43 et 77); Dimgrätis (Pseudo-Ammonius 1, passim ; Pseudo-Sigistäni 4, p. 202); Dimügritüs (Pseudo-Plutarque 2, passim) ; Dümgrätis (Andalusi 17,

p. 35; pour d'autres transcriptions, voir Baffioni 31, passim). Parmi les philosophes « présocratiques », Démocrite est peut-étre celui qui est le plus souvent cité dans les sources arabes ; mais cela est peut-être dû aussi aux

nombreuses confusions que le monde islamique a fait autour de ce nom. En vérité, le Démocrite

atomiste est souvent superposé

à Bolos

de

Mende

(cf.

Baffioni 31, p. 27), ou dénombré par Ibn al-Nadim parmi les alchimistes (Baffioni 31, p. 30-31); mais Ibn al-Qifti fait également mention d'un médecin homonyme,

inventeur d'une potion capable de protéger contre les maladies du foie, de l'estomac ou de la rate (19, p. 181). De telles confusions expliquent peut-étre pourquoi peu de sources font allusion à la cité d'origine du philosophe atomiste: Abdére. D'ailleurs, certains auteurs ne manquent pas de mettre l'accent sur les intéréts stríctement ou principalement philosophiques de Démocrite (PseudoSigistäni 4, p. 202 ; Ibn Gulgul 14, p. 33).

DEMOCRITE

767

Sur la forme D/Dimugrät et les confusions qu'elle a pu entraîner entre Démocrite d'Abdére, le Pseudo-Démocrite, Bolus Democritus et Damocratès, le médecin, on consultera aussi la notice de D. Gutas, « Démocratès “Gnomicus” ».

Les sources ne s'accordent pas sur la situation chronologique du philosophe et elles offrent souvent un décalage évident. Le Pseudo-Plutarque le rattache à l'époque d'Épicure (2, p. 102); le Pseudo-Sigistäni, dans la ligne d’Ibn al-Nadim (9, p. 287), en fait un contemporain d'Hippocrate, à l'époque de Bahmän ibn Isfandiyär ibn Kustaëb [scil. Artaxerxes I] (4, p. 202; cf. aussi al-Munaggim

dans Baffioni 31, p. 42 ; Sahrastàni 11, p. 348; Häßgi Halifa dans Baffioni 31, p. 43). Étrangement, au contraire, Ibn Gulgul l'inclut parmi les «gréco-byzantins », tout en le considérant comme contemporain de Socrate (14, p. 33), en quoi il est repris à la lettre par Ibn al-Qifti (19, p. 182). Mubassir cite Démocrite comme contemporain de Zénon d'Élée (appelé comme d'habitude al-akbar) avec Anaxagore, Lucien le sophiste, Héraclite, Empédocle, Mélissos, Protagoras et Socrate (16, p. 40) ; ainsi aussi Sahrazüri (22, p. 260-261), qui fait cependant de Lucien sa propre source, et indique ailleurs comme contemporains, et vivant dans la méme cité, Anaxagore et Démocrite (22, p. 23; cf. aussi al-Munaggim dans Baffioni 31, p. 42); Bar Hebraeus situe en revanche l'acmé de Démocrite à la mort de Pythagore (quand celui-ci avait 95 ans) (21, p. 84); la Turba philosophorum, pour sa part, présentera Démocrite comme un élève de Leucippe (24, p. 63). De façon plus générale, al-Andalusi cite Démocrite après les «cinq philosophes par excellence » de la tradition islamique (Empédocle, Pythagore, Socrate, Platon et Aristote), avec Thalés, Anaxagore et d'autres « prédécesseurs ou contemporains d' Aristote » (17, p. 35). A cela se limitent dans les sources les indications

relatives à sa vie. En ce qui concerne les doctrines également, Démocrite est associé aux noms les plus divers. Le Pseudo-Ammonius le nomme avec Zénon d'Élée (1, p. 43) et le Pseudo-Plutarque le cite, dans l'ordre, avec Anaxagore (2, p. 128, 152, 156, 160, 168), Leucippe (2, p. 128, 144, 196), Démétrius (2, p. 128), Métrodore (2,

p. 128, 138 - où il est considéré comme maître du philosophe, ainsi que d'Épicure -, 156), Épicure (2, p. 128, 138, 140, 192, 194, 202, 218, 230, 234, 236), Parménide (2, p. 132, 184), Cléanthe (2, p. 152), Midron (2, p. 156), Thales (2,

p- 182), Platon (2, p. 192), Straton (2, p. 218) et Pythagore (2, p. 218). Nos auteurs ne disent rien sur sa formation et son activité philosophiques, ou sur ses éventuels disciples. Seul le Pseudo- Ammonius parle de «compagnons » au sens de «faction» (si'a) de Démocrite (1, p. 41; cf. Sahrastäni 11, p. 325), et le Pseudo-Plutarque

de

«compagnons

de

Démocrite » (2, p. 122).

Le

Pseudo-

Ammonius, en outre, considére Empédocle, Anaxagore et Démocrite comme

les

points de départ de toutes les positions philosophiques successives concernant «le premier

créé» (1, p. 42), et il oppose

Démocrite

(avec

Anaxagore,

Platon,

Aristote, Proclus et tous ceux qui sont venus aprés eux, ainsi qu'avec d'autre philosophes non identifiés par Rudolph) à Empédocle, sauf en ce qui concerne la doctrine de la «seconde naissance » (1, p. 72).

768

PRESOCRATIQUES

A la différence de ce que l'on observe pour les noms plus célébres (comme Socrate, Platon et Aristote), on ne trouve pas non plus dans les sources consultées la description physique du philosophe. Les auteurs ne font pas non plus référence à des titres transmis sous le nom de Démocrite, même si Ya'qübi lui attribue «un livre sur les natures des animaux et

sur ce qui chez elles converge avec les natures des hommes» en regard Baffioni 31, p. 28-30). Le Pseudo-Sigistáni, pour sa doit des traités (magälät) et des opinions mentionnées par les [qui parlent] de lui dans [leurs] livres» (4, p. 203), tandis

(7, t. I, p. 135; cf. part, note: «On lui sages et les savants qu’Ibn Gulgul (14,

p. 33) et Andalusi (17, p. 35) font explicitement allusion à des œuvres concernant

l'atomisme. Assez différemment Ibn al-Qifti dit: « Philosophe grec, auteur d'un traité (magäla) sur la philosophie, personnalité de premier plan pour ce qui est de l'enseignement de ce sujet en terre de Gréce, et son discours est mentionné dans leurs écoles scientifiques, et déjà les biographes l'ont enregistré, et en ont transmis les théses » (Ibn al-Qifti 19, p. 182). Cependant cet auteur également évoque des œuvres de Démocrite sur les atomes, «que les traducteurs ont traduites en syriaque, puis en arabe », et des «lettres belles et raffinées» (19, p. 182); Ibn Abi

Usaybi'a enfin cite parmi les œuvres d' Aristote un Kitab ila Dimqrat fi al-tawhid (20, p. 105: sur ce titre dans la tradition arabe, voir 42 C. Baffioni, « Antiche liste

arabe delle opere di Aristotele», RScF 29, 1976, p. 83-114). En ce qui concerne la doctrine fondamentale de Démocrite, l'atomisme, les

sources arabes qui y font explicitement allusion sont surtout d'origine grecque. En effet, la plus célèbre théorie atomistique musulmane, celle du Kalam, s'éloigne

notablement, pour la lettre et surtout pour l'esprit, de la formulation originelle de l'Abdéritain ; et lorsque les auteurs musulmans en parlent, les positions de Démocrite sont souvent confondues avec celles de Leucippe et d'Épicure (ainsi lorsqu'ils expliquent l'indivisibilité des atomes par leur petitesse et non par leur dureté) ou bien ils s'expriment en termes extrémement vagues. Seule exception, la physique de Muhammad ibn Zakariyyä’ al-Räzi (bien qu'elle soit préservée seulement dans des sources pour la plupart isma'iliennes et beaucoup plus tardives), qui montre quelques influences de la doctrines originale de Démocrite. Examinons donc quelques témoignages. Le Pseudo-Plutarque, en parlant d'Épicure, note que Démocrite rapporte aux atomes uniquement la grandeur et la figure (2, p. 104; cf. Sahrastani 11, p. 287). Et il dit encore: « Les compagnons de Démocrite disent que la matière première n'accueille aucune impression, et ce sont l'atome et le vide et ce qui n'est pas un corps» (2, p. 122; cf. Aetius I 9, 3); « Leucippe, Démocrite, Démétrius, Métrodore et Épicure ont pensé que les atomes sont infinis en nombre et que le vide est infini en grandeur» (2, p. 128; cf. Aetius I 18, 3 et 67 A 15 DK); « Démocrite, Épicure et tous ceux qui parlent des atomes et du vide ne pensent pas que celui-ci est animé ni qu'il est ordonné selon une administration [providentielle], mais qu'il est ordonné par une nature irrationnelle» (2, p. 140; cf. Aetius II 3, 2 et 67 A 22 DK); Ibn Gulgul: «Et c'est lui qui

parlait des atomes » (14, p. 33); les autres sources répètent à la lettre la théorie démocritéenne de la «résolution des corps dans l'atome» (hu/ül al-agsäm

ilà

DEMOCRITE

769

guz’ la yatagazza’): Andalusi (17, p. 35); Ibn al-Qifti (19, p. 182); Bar Hebraeus (21, p. 84). Et encore: «Les factions d'Anaxagore et de Démocrite ont soutenu que [le mélange: ici celui des atomes entre eux] provient de la proximité de leur position» (2, p. 128; cf. Aetius I 17, 2 et 59 A 54 DK); «Parménide et Démocrite ont pensé que toutes les choses viennent par nécessité, et que la nécessité est la fortune, la vengeance, l'adrninistration politique et l'agent du Tout» (2, p. 132134 ; cf. Aetius I 25, 3 et 68 A 66 DK); «Démocrite

pense qu'elle

[scil. la

nécessité] serait la dureté, la corruption et le choc de la matière» (2, p. 134, cf. Aetius I 26, 2 et 68 A 66 DK). Mais on doit observer que, bien avant, Ya‘qübi

parlait de Démocrite comme de «celui [qui prétendait] que le monde

était

composé de poussière (habä’)» (7, t. I, p. 135), en se servant d'une terminologie

$äbirienne (cf. 43 C. Baffioni, «Filosofia della natura e alchimia nei commenti ad Aristotele della Scuola di Alessandria», dans L. Serra [édit.], Atti del Congresso Internazionale Gli interscambi culturali e socio-economici fra l'Africa Settentrionale e l'Europa mediterranea, Napoli 1986, t. I, p. 403-431 ; pour d'autres sources sur l'atomisme de Démocrite chez les auteurs musulmans, voir Baffioni 31 et Baffioni 41). Le Pseudo-Ammonius, en revanche, attribue à Démocrite une théorie qui a

bien peu à voir avec l'atomisme: « Démocrite et ses compagnons, c'est-à-dire sa faction, ont dit, à propos du premier créé, que ce n'est pas la matière seule ni l'intellect, mais les quatre mélanges, c'est-à-dire les éléments; puis à partir d'eux ont été créées toutes les choses simples tout d'un coup; quant aux choses composées, elles ont été engendrées de manière à être permanentes et sujettes à disparition, sauf qu'elle persistent selon une espéce et périssent selon une autre, puisque parmi elles il y en a qui ont été créées de maniére à perdurer toujours et auxquelles il n'est pas possible de disparaitre, et d'autres qui ne perdurent pas, mais disparaissent et auxquelles il n'est pas possible de perdurer» (1, p. 41). ll ne manque pas non plus de théories théologisantes en rapport avec l' Abdéritain. Ainsi, par exemple, encore une fois le Pseudo-Ammonius : « Zénon l'ancien, Démocrite et les sägriyyün [non identifiés par Rudolph] ont affirmé que [le Créateur] est en mouvement » (1, p. 43); et le Pseudo-Plutarque : « Démocrite a pensé que Dieu était l'intellect, et que l'âme du monde était un feu circulaire » (2, p. 118; cf. Aetius 1 7, 16-17 et 68 A 74 DK). Mais nos sources attribuent à Démocrite des positions encore plus distantes de la réalité historique. Ainsi le Pseudo-Ammonius : « Et il a dit qu’... il estimait juste de dire que le monde perdure et ne disparait pas, puisqu'il soutient que ce monde est associé au monde supérieur de la méme facon que les éléments de ces choses sont associés avec les esprits subtils qui habitent en

elles. Or la [partie] pure des éléments, même s'ils disparaissent en apparence, vient de l'esprit simple qui est en eux. Et puisqu'il en est ainsi, [une telle partie pure] ne disparait que pour les sens, mais pour l'intellect elle ne disparait pas ; de méme ce monde ne disparait pas puisque la [partie] pure [des éléments] est en lui et sa [partie] pure est associée aux mondes simples, mais il est pour toujours et il ne disparait pas. Ceux des sages qui ont fait des reproches à [Démocrite] l'ont fait parce qu'il a soutenu que les éléments sont le premier créé et qu'ils sont [les choses]

simples qui ne disparaissent pas et auxquelles il n'est pas possible de disparaître. Et c'est là l'opinion de Démocrite et de sa faction, et c'est là la thèse acceptée par la sagesse pure, mais étant donné que la sagesse est corrompue par une chose aprés l'autre et qu'elle n'est ni pure ni chaste, en elle se trouvent certaines ramifications » (1, p. 41-42). «1l y eut aussi le sage Démo-

crite qui a parlé de la nature. Et Démocrite n'a traité de la nature que parce qu'il avait une doctrine subtile, aux significations obscures, et qu’il était capable de conduire à ce qui est diffi-

770

PRESOCRATIQUES

cile... Il pose le commencement, c'est-à-dire le commencement de ce monde, à partir des premiers [principes] et il en a donné la preuve à ses contemporains et il a fait ses livres de cette manière et selon cette voie, de la partie cachée de laquelle il a informé les imäm, et sa doctrine n'est pas manifeste à partir de son discours... Il a dit dans son livre qu'à partir des premiers principes se sont formés les mondes ; et que [ces principes) sont permanents, ne pas et ne se dissipent pas, et ils sont inhérents à l'éternité, attachés à celle-ci, sauf qu'ils [viennent] d'un principe unique qu'on ne peut décrire parce que l'étre des choses, c'est-à-dire les formes des substances, est sous lui. [Ces principes] sont la limite maximale et il n'y a pas audessus de substance plus grande, à part le principe unique de la puissance duquel sont sortis ces principes» (1, p. 77). Le texte continue en présentant une vision eschatologique d'interprétation difficile— bien qu'elle soit en partie conforme à une vision attribuée par les sources islamiques à plus d'un « présocratique » —, qui assure l'éternité aux substances purifiées du péché. De telles conceptions seront également reprises par Sahrastäni (cf. en regard Baffioni 31, p. 37-39, Baffioni 41, p. 383-392, et 40, p. 138 et 376-377).

Les différentes doctrines sont attribuées par les Arabes à Démocrite tout au plus dans le cadre de «témoignages ». Le Pseudo-Plutarque est la source de théories appartenant aux domaines les plus variés. Métaphysique. « Démocrite et Epicure pensent que cela [scil. le fait d'étre des étres animés] est impossible pour la nature céleste » (2, p. 236; cf. Aetius V 20, 2). Astronomie. « Démocrite pense que les étoiles fixes sont les astres les plus élevés, et qu’apres elles se trouvent les planètes, et encore après le soleil et l'astre dit “phosphoros” [scil. l'étoile du matin, qu'on appelle Vénus] et la lune» (2, p. 150; cf. Aetius Il 15, 3 et 68 A 86 DK); « Anaxagore, Démocrite et pensent que tous les astres se meuvent d'un mouvement de translation de Cléanthe l'orient vers l'occident» (2, p. 152; cf. Aetius II 16, 1 et 68

A 86 DK);

« Anaxagore, Démo-

crite, Métrodore et Midron pensent que la masse du soleil est comme une roche enflammée» (2, p. 156; cf. Aetius II 20, 6 et 59 A 72 DK); « Anaxagore et

Démocrite pensent que le corps de la lune est dur et illuminé de l'extérieur, et [qu']en lui se trouvent des plaines, des monts et des vallées » (2, p. 160; cf. Aetius II 25, 9 et 68 A 90 DK); « Démocrite pense que [la voie lactée] est l'illumination

de beaucoup de petits astres liés les uns aux autres qui s'illuminent l'un l'autre» (2, p. 168; cf. Aetius III 1, 6 et 68 A 91 DK); « Democrite pense que [la terre] a

la forme d'une coupe dans sa largeur, et au centre elle est creuse» (2, p. 180; cf. Aetius III 10, 5 et 68 A 94 DK); «Parménide et Démocrite pensent que la terre,

parce qu'elle est équidistante de tous les cótés et qu'elle n'a aucune raison qui la fasse incliner vers l'un des cótés, pour cette raison se contente de flotter et ne se meut point » (2, p. 184 ; cf. Aetius III 15, 7 et 68 A 98 DK).

Météorologie. « Anaxagore et Démocrite pensent que [les cométes] sont un agglomérat de quelques étoiles ou davantage, de facon à ce que leurs lumiéres s'unissent et qu'elles soient illuminées l'une par l'autre» (2, p. 168; cf. Aetius Ill 2,2et59 A 81 DK); «Thalès et Démocrite rapportent la cause des tremblements de terre à l'eau » (2, p. 182; cf. Aetius III 15, 1); « Démocrite pense que les neiges qui se trouvent dans les parties septentrionales de la terre fondent après le changement estival et glissent vers le cóté méridional et en Égypte, et [que] à la suite des vents hivernaux

il se forme

des

pluies violentes par

lesquelles se

remplissent les marais, les étangs et le Nil d'Égypte» (2, p. 188; cf. Aetius IV 1, 4 et 68 A 99 DK).

DEMOCRITE

771

Cosmologie. « Démocrite, Épicure et leur maître Métrodore pensent que k monde est infini, dans la mesure où il est infini en toutes les directions» (2, p. 138; cf. Aetius II 1, 3, et avec une certaine différence 70 A 7 DK); «Leucippe et Démocrite pensent que le monde a un vétement comme une chemise qui l'enve-

loppe, ou bien une couverture étendue sur lui» (2, p. 144; cf. Aetius II 7, 2, et, avec une certaine différence, 67 A 23 DK); « Démocrite pense que la terre s'incli-

ne vers le cóté méridional du Tout lorsqu'il est [encore] faible, car le cóté septentrional est dans son mélange non équilibré et indistinct, tandis que le cóté méridio-

nal est équilibré, et c'est pourquoi la partie de la terre [qui est de ce côté] devient lourde, puisqu'elle excéde en fruits et qu'elle croit» (2, p. 180; cf. Aetius III 12, 2 et 68 A 96 DK); « Démocrite pense que la terre oscillait du fait de sa petitesse et de sa légèreté, et avec le cours du temps elle s'est épaissie et appesantie, de sorte qu'elle s'est stabilisée » (2, p. 182; cf. Aetius III 13, 4 et 68 A 95 DK). Psychologie. « Démocrite pense que l'àme est un mélange des éléments perqus par l'intellect, dont la forme est circulaire et la force est de feu, et qui sont des corps » (2, p. 190; cf. Aetius IV 3, 5, et avec une certaine différence 68 A 102 DK); «Démocrite et Épicure pensent que l'áme a deux parties, et que sa partie

rationnelle a son siège dans la poitrine, et la partie irrationnelle se propage dans tout le mélange du corps» (2, p. 192; cf. Aetius IV 4, 5-6 et 68 A 105 DK); « Démocrite pense que l'áme existe en toutes choses, méme dans les corps morts, et pour cette raison il y a en eux une chose lumineuse, chaude [et] sensible aprés

que se soit évaporée la plus grande partie» (2, p. 192; cf. Aetius IV 4, 7 et 68 A 117 DK); «Platon et Démocrite pensent que la partie qui commande est dans toute la tête » (2, p. 192; cf. Aetius IV 5, 1 et, avec une certaine différence, 68 A

105 DK); « Démocrite et Épicure pensent que l'áme est corruptible et se corrompt avec le corps» (2, p. 194; cf. Aetius IV 7, 4 et 68 A 109 DK); «Leucippe

et Démocrite pensent que le sens et l'imagination sont constitués de formes qui viennent à nous de l'extérieur et qu'il n'y a rien dans notre áme, dont la forme ne vienne de l'extérieur» (2, p. 196; cf. Aetius IV 8, 10 et 67 A 30 DK); «Démo-

crite pense que le songe se forme par la présence d'[objets] semblables aux choses » (2, p. 216; cf. Aetius V 2, 1 et 68 A

136 DK); «Straton et Démocrite

pensent que la puissance [de la semence génitale] est aussi un corps parce qu'elle est pneumatique» (2, p. 218; cf. Aetius V 4, 3 et 68 A 140 DK). Physique. « Démocrite pense que l'un des genres du mouvement est le mou-

vement qui a lieu de manière rectiligne ou incliné» (2, p. 132; cf. Aetius I 23, 3-4 et 68 A 47 DK); «Démocrite pense que l'air aussi assume les formes de parties qui se meuvent avec un son, si bien qu'il se forme en lui d'autres [parties] pareilles, et i! disait: “18 pie se met contre la pie et tout [étre] est lié à son semblable" » (2, p. 208; cf. Aetius IV 19, 3).

Sensation et vision. « Démocrite pense que les sens sont multiples et qu'ils se trouvent ou bien dans les animaux irrationnels, ou bien dans ceux qui sont sages, ou bien en Dieu»

(2, p. 198; cf. Aetius IV 10, 4 et 68 A 116 DK); « Démocrite et

Épicure pensent que la faculté visuelle se fait par des images qui se forment dans

772

PRÉSOCRATIQUES

les rayons de la vue et retournent au [sens] de la vue» (2, p. 202; cf. Aetius IV 13, 1-2 et 67 A 29 DK). Anatomie. « Démocrite pense que la semence provient du corps entier, des organes principaux, de la chair et des fibres» (2, p. 218; cf. Aetius V 3, 6 et 68 A 141 DK); «Pythagore, Épicure et Démocrite pensent que les femmes ont une semence qui se déverse, puisqu'elles ont des organes appelés parastatai [scil. des testicules], et ils sont tournés vers l'intérieur, et c'est à cause d'eux qu'elles ont le

désir de [les] utiliser» (2, p. 218; cf. Aetius V 5, 1 et 68 A 142 DK); « Démocrite pense que les organes généraux se constituent en fonction de n'importe quelle chose, tandis que les organes spéciaux se constituent en fonction de la faculté supérieure» (2, p. 222; cf. Aetius V 7, 6); «Démocrite et Épicure pensent que l'embryon dans l'utérus se nourrit par la bouche, et pour cela à peine né il vient avec la bouche à la mamelle, et ils pensent que dans l'utérus se trouvent des [parties] semblables aux tétins des mamelles et des bouches pareilles, à travers lesquels l'embryon se nourrit » (2, p. 230; cf. Aetius V 16, 1 et 68 A 144 DK).

Zoologie. « Démocrite et Épicure pensent que les animaux sont engendrés et que leur formation est due à une substance chaude et que la [matière] première de leur vie est le chaud» (2, p. 234; cf. Aetius V 19, 4a).

Une tradition des plus florissantes est issue également autour des Dits de Démocrite, déjà avec Hunayn ibn Ishaq: « Démocrite disait: "La pire chose est un savant qui se comporte comme un ignorant"» (6, p. 147). Pseudo-Sigistäni: «“Ne parle pas face à face avec personne sans écouter ses paroles et sans confronter la science qui est dans ton äme avec celle qui est dans la sienne: et si tu trouves que celle qui est dans ton áme est plus grande, alors tu dois désirer encore plus la chose par laquelle tu es supérieur à ce qu'il a en lui. Et si tu trouves que [la science] qui se trouve en son áme est la plus grande, alors saisis et conserve dans ton áme la chose par laquelle il est supérieur à toi et que tu as acquise de lui"; “Les hommes sont plus dignes par leur effort dans la recherche de l'éducation que par leur effort [dans la recherche] de toutes les autres possessions de la terre et l'exploitation de la richesse. En effet, ils n'obtiennent du fruit de la richesse que l'abondance du vivre, tandis que grâce au fruit de l'éducation ils cueillent - en méme temps que l'abondance du vivre — la noblesse dans le monde terrestre et k salut dans l'au-delà”; “Un savant obstiné est meilleur qu'un [homme] équitable et ignorant", mais un de ses élèves faisait observer: "L'ignorant n'est pas équitable et le savant n'est pas obstiné". Et il disait: "La science est esprit, et la pratique est corps ; la science est racine, et la pratique est ramification. Et si la science était pour la pratique et si la pratique n'était pas pour la science, alors la cause qui attire serait meilleure que ce qui est attiré". "La science chez celui qui ne fait rien se peut comparer au malade qui porte son médicament mais sans s'en servir pour se soigner".

Et il dit à un de ses éléves: "Tu

ne conviens à rien".

L'autre

demanda: “Pourquoi?” et il s'en trouva affligé. Il répondit: "Parce que tu conviens à n'importe quelle chose". Et il lui fut dit: "Ne regarde pas !”, et ἢ ferma les yeux. Il lui fut dit: "N'écoute pas!” et il se boucha les oreilles. Π lui fut dit: “Ne parle pas!” et il mit sa main sur sa bouche. Il lui fut dit: "N'étudie

DEMOCRITE

773

pas !”, et il répondit: “Je ne puis". Sont achevés ses dits et que Dieu soit loué» (4, p. 204-205). Pour les dits gnomiques, la confusion entre Démocrite et Démocratès et une de leurs traductions chez Sahrastäni, cf. Baffioni 31, p. 33-37 et 33, p. 418-424. Ces notices ont été traduites et adaptées de l'italien par Richard Goulet avec la collaboration de Maroun Aouad qui a notamment vérifié sur l'original arabe le texte des traductions frangaises. |

CARMELA BAFFIONI.

Index des noms propres

Cet index contient les noms de tous les personnages historiques mentionnés dans les notices. Les noms des auteurs des sources primaires anciennes ne sont pas pris en compte. En règle générale, nous avons évité d'identifier les personnages homonymes connus par des sources distinctes, lorsque l'identification n'apparaissait pas comme certaine. Une brève caractérisation du personnage n'a été ajoutée que là oü elle semblait nécessaire, notamment pour distinguer les homonymes. 1l arrive que la translittération des noms propres retenue dans l'index ne soit pas celle qui a été utilisée dans les notices. Comme cet index entend compléter la séquence des notices, lorsque le personnage bénéficie d'une notice dans le présent tome, aucune référence n'est faite à la notice correspondante. Les numéros renvoient aux notices (pour les lettres A à H de l'alphabet) et un seul renvoi est

indiqué pour une méme notice, méme si le nom figure à plusieurs endroits. Toutefois, pour les notices qui comprennent plusieurs pages, on a ajouté un renvoi aux pages oü le nom propre apparait. Les numéros de notices sont séparés par des points-virgules, les numéros de pages par des virgules. Exemple: AlcibiadeC 16; 17; 102; 174; 175;

216, p. 516, 520; D 13, p. 604; 91; 195; 226, p. 901, 905.

Cette référence doit se lire de la facon suivante: On trouvera le nom d' Alcibiade dans les notices C 16, C 17... C 216, puis D 13, D 91, D 195, D 226. Pour la notice

C 216, un renvoi complémentaire est fait aux pages 516 et 520. De méme pour D 226 aux pages 901 et 905. En plus des noms propres apparaissant dans les notices complémentaires pour les lettres A-H, l'index répertorie ceux qui figurent dans les quatre autres sections du présent Supplément. A l’intérieur de chaque section un sigle abrège le titre de la notice. Voici les sigles employés: Sigle Amic. Anim. Anim.Ar. Anim.Paraphr. C.A. Cael. Cael.Ar. Caus. Dial. Econ. Eth.

Section Cicéron Aristote Aristote Aristote Aristote Aristote Aristote Pseudo-Aristote Aristote Pseudo-Aristote Aristote

Notice De amicitia De anima. Tradition grecque De anima. Tradition syriaque et arabe De anima. Paraphrase arabe Constitution des Athéniens De caelo. Tradition grecque De caelo. Tradition syriaque et arabe Liber de causis Dialogues (Fragments) Économique Éthiques. Tradition grecque

Eth.Ar.

Aristote

Éthiques. Tradition syriaque et arabe

Fin.

Cicéron

De finibus

776

DICTIONNAIRE DES PHILOSOPHES ANTIQUES

Sigle Section GC. Aristote G.C.Ar. Aristote Hort. Cicéron Int. Aristote Lapid. Pseudo-Aristote Leg. Cicéron Liber24philos. Appendice Meta. Aristote Meta.Ar. Aristote Meteor. Aristote Meteor Ar. Aristote Mund. Pseudo-Aristote Mund.Ar. Pseudo-Aristote Off. Cicéron Opusc. Pseudo-Aristote Orat. Cicéron ΡΝ. Aristote P.NAr. Aristote Parad. Cicéron Philos. Cicéron Phys. Aristote Physiogn.Ar. | Pseudo-Aristote Plant.Ar. Pseudo-Aristote Poet.Ar. Aristote Pol. Aristote Presocr.Ar. Appendice Probl. Probl.Ar. Rep. Rhet. Rhet. Alex. Rhet.Ar. Secr. Sen. Tusc. Virt. Zool.Ar.

Pseudo-Aristote Pseudo-Aristote Cicéron Cicéron Pseudo-Aristote Aristote Pseudo-Aristote Cicéron Cicéron Pseudo-Aristote Aristote



— —

— —



Notice De generatione et corruptione. Tradition grecque De generatione et corruptione. Tradition syriaque et arabe Hortensius De interpretatione De lapidibus De Legibus Liber XXIV philosophorum Métaphysique. Tradition grecque Métaphysique. Tradition arabe Meteorologica. Tradition grecque Meteorologica. Tradition syriaque et arabe De mundo. Tradition grecque De mundo. Tradition syriaque et arabe De Officiis Opuscules Discours Parva naturalia. Tradition grecque Parva naturalia. Tradition arabe Paradoxa Philosophica Physique Physiognomica. Tradition arabe De planris. Tradition arabe Poétique. Tradition syriaque et arabe Politique Anaximene, Anaximandre, Anaxagore et Démocrite dans la tradition arabe Problemata. Tradition grecque Problemata. Tradition orientale De Republica Traités rhétoriques Rhétorique à Alexandre Rhétorique. Tradition syriaque et arabe Secretum Secretorum De senectute Tusculanes De virtutibus et vitiis Zoologica. Tradition syriaque et arabe

Les occurrences des noms d' Aristote n'ont pas été relevées dans les notices sections Il et III, ni celles de Cicéron dans la section IV. L'identification des noms propres relevant de la tradition syriaque et arabe a assurée par Maroun Aouad. Quand il existe un nom équivalent (transformation les Latins...), il est indiqué entre crochets. Pour le classement alphabétique de noms, il n'est pas tenu compte de l'article défini français ou arabe (αἰ), ni de b.

des été par ces

INDEX DES NOMS PROPRES 'Adud al-Dawla Arist., G.C.Ar., p. 309, 311.

"Abd al-Gabbàr b. Ahmad b. ‘Abd al-Gabbär al-Hamadäni al-Asadäbädi, abü al-Hasan, qàdi al-qudät Arist., G.C.Ar., p. 307-309. "Abd al-Latif al-Bagdadi, voir Al-Bagdädi.

"Abdisü' b. Bihriz Arist., G.C.Ar., p. 313. Abélard Arist., Int., p. 131, 166.

310. médecin

Arist.,

G.C.Ar.,

Abü Ga'far al-Häzin Arist., Cael., p. 290. Abü Häsim, voir Al-Gubbä'i (Abü Hasim). Abü

Hayyän

al-Tawhidi

Arist.,

Aetius, médecin Ps.Arist., Probl.Ar., p. 595. Agathinos de Sparte H 105. Agathios, fils d' Arion d’Ancyre A 35a. Agésilas Arist., Dial., p. 414. Agrippos A 236a. Alain de Lille Ps.Arist., Caus., p. 641; App.,

Liber24philos., p. 747.

Abà al-'Alà, voir Sälim Abü al-'Alà. Abü al-Fadl al-Antäki Arist., Cael., p. 289. Abü-al-Hasan al-'Arüdi (le métricien) Arist., Poet. Ar., p. 215. Abü al-Hasan b. Nafis Arist., G.C.Ar., p. 309. Abü al-Hasan le Juif Arist., G.C.Ar., p. 307Abü al-Husayn, p. 309.

777

G.C.Ar.,

P. 312; App.. Presocr.Ar., p. 749. Abü “Isä al-Munaggim App. Presocr.Ar., p. 749. Abü Nasr al-Tabarsi Ps.Arist., Virt., p. 512.

Albert le Grand Arist, Int., p. 131; Eth.Ar., p. 195; Pol., p. 200; Meteor.Ar., p. 327328; Zool.Ar., p. 330; P.N.Ar., p. 378; Ps.Arist., Plant., p. 504; Probl., p. 585-586;

Caus., p. 612-614, 618, 620-621. 623, 642. Albinus Arist., Int., p. 150; Anim., p. 343. Albucaten (ou Abucaten) Avenam, voir

Zarübä [Abü Katm] al-Nä’imi. Alcibiade A 71 ; Arist., Dial., p. 456.

Alcidamas d'Élée Ps.Arist., Rhet.Al., p. 563, 571. Alcméon Arist., Anim., p. 340. Manuce (Alde -) Ps.Arist., Virt., p. 544.

Alderotti (Taddeo -) Arist., Eth.Ar., p. 198. Alexaménos de Styra ou de Téos Arist., Dial.,

p. 390-391.

Abü Sahl 'Isä b. Yahyä al-Masihi Arist., Cael., p. 291.

Alexander

Abü Sa'id b. Bahtisü' p. 498.

Alexandre d'Aphrodise A 499a; Arist., p. 16-

Ps.Arist.,

Physiogn.,

Abü 'Utmàn Sa'id b. Ya'qüb al-Dimasqi A 112, p. 65 ; Arist., Phys., p. 270; G.C.Ar., P. 306 ; Ps.Arist., Physiogn., p. 498; Virt.,

P. 513-514 ; Caus., p. 624-627. Abü

Zayd

Ahmad

b. Sahl

al-Balhi

Arist.,

Cael., p. 290; Ps.Arıst., Caus., p. 636. Abraham b. Dàwüd [Avendauth] Arist., Cael.,

p. 289 ; Ps. Arist., Caus., p. 606, 612-615. Abraham de Balmes Arist., Poet.Ar., p. 218. Accoramboni (Felice -) Ps.Arist., Probl.,

p. 589. Actuaire (J. -) Ps.Arist., Opusc., p. 486. Adam (Magister -) Ps.Arist., Caus., p. 621. Adam de Bocfeld Arist., Meteor.Ar., p. 328; Ps.Arist., Caus., p. 620-621. Adam de Bocfeld (Ps.) Ps.Arist., Caus., p. 643. Adam de Bouchermefort Ps.Arist., Caus.,

p. 621. Adamantius Ps. Arist., Opusc., p. 485.

(Titus

Aurelius

-)

=

Alexandre

d'Aphrodise A 112, p. 61. 121; Int., p. 126, 128-129, 132, 136, 139152, 156-157, 159, 162-163, 169-172 ; Eth., p. 180, 183;

Pol., p. 199; Meta, p. 228, 240,

248-258. 263; Phys., p. 268, 270 ; Cael., p. 279, 283, 287-288, 293; G.C., p. 295297, 302; G.C.Ar., p.304, 312-314; Meteor., p. 315-316, 318. 322 ; Meteor. Ar., p. 326; Anim., p. 343-344; Anim.Ar., p. 351-352, 354; Anim.Paraphr., p. 361; P.N., p.369-370; P.N.Ar., p.377; Physiogn., p. 498; Ps.Arist., Plant., p. 499;

Probl., p. 582 ; Probl.Ar., p. 597-598 ; Caus., p. 603, 624-629. Alexandre (Ps.) Arist, p. 116; Meta, p. 227,

256-257 ; Ps.Arist., Probl.Ar., p. 597. Alexandre de Halés Ps.Arist., Caus., p. 641. Alexandre de Macédoine A 194 ; Arist., C.A., P. 207, Dial., p. 460-464 ; Ps.Arist., Mund., p. 477. 481 ; Secr., p. 648.

Alexandre Polyhistor Ps.Arist.. Mund., p. 478. Alexandre, p. 444.

tyran

de

Pherae

Arist,

Dial.

Adraste d’Aphrodise Arist., Eth., p. 182.

Alexis, tsar Ps.Arist., Virt., p. 523.

Aetius, doxographe Arist., Anim., p. 336; Ps.Arist., Mund., p. 476; App., Presocr.Ar., p. 748.

‘Ali b. Rabban al-Tabari Arist.. Meteor. Ar., p. 328; Anim.Paraphr., p.361, 363;

P.N.Ar., p. 375-376.

DICTIONNAIRE DES PHILOSOPHES ANTIQUES

778

Alfred de Sareshel Arist., G.C.Ar., p. 307; Meteor., p. 317, 322; Meteor. Ar., p. 328;

Antiphon p. 563.

Ps.Arist., Opusc., p. 490; Plant., p. 503-505. Alhazen, voir Ibn al-Haytam (Abü ‘Ali alHasan b. al-Hasan).

Antisthene, disciple de Socrate Arist., Dial.,

Aloysius d'Este Arist., Cael., p. 288. Amelaxos Arist., p. 15-116; Int., p. 129.

Rhet.Ar., p. 220; Ps.Arist., Caus., p. 637;

App., Presocr.Ar., p. 751, 759, 762, 766. A

499a;

Arist.,

p. 114-116; Int., p. 124-140, 142, 144-148, 150, 152-169, 171-173 ; Meta, p. 253-255. Ammonius (Ps.) App., Presocr.Ar., p. 748. Ammonius Saccas Arist., Meta, p. 258. Anaritus, voir al-Nayrizi al-Fadl b. Hätim abü

al-"Abbäs. Anatolius H 1018, p. 95. Anaxagore A 308; Arist, Cael., p. 274; Anim., p. 340; Dial., p. 400, 438 ; Opusc., p. 489 ; App., Presocr.Ar., p. 751-759. Anaxarque Arist, Dial, p. 463; Rhet.Al., P. 570.

Anaximandre

A 308; Arist., Dial., p. 404;

App., Presocr.Ar.. p. 759-761.

Anaximène de p. 557-558, Anaximène Presocr.Ar., Andronicos

Lampsaque Ps.Arist., Rhet.Al., 562, 566, 569, 571-574. de Milet A 308; App. p. 761-765.

de

Rhodes

Rhet.Al.,

p. 430, 433; Ps.Arist., Econ., p. 549. Antoine,

voir

Marc-Antoine

(Marcus

Apolaustus Memphius Junior À 236a.

Al-'Amiri (Abü al-Hasan Muhammad b. abi Darr Yüsuf) Arist., Eth.Ar., p. 194-195; d'Alexandrie

Ps.Arist.,

Antonius) Cic., p. 700. Antoninus, fils de Claudius Antoninus A 221a. Antonius (M. -), orateur Cic., Rhet.. p. 724. Antonius Diogene A 465a.

Amicus (Claudius -) A 136a. Amicus (Iulius -) A 136a. Amicus (Sittius -) A 136a.

Ammonios

d'Athènes

A

24;

Arist., Int.,

p. 127-128, 139, 144, 146-147 ; Eth., p. 179180; Meta, p. 224-225, 228, 248-250; Phys., p. 266-267; G.C., p. 295-296; Meteor., p. 315-316 ; Anim., p. 335-336, 343; Ps.Arist., Mund., p. 475 ; Rhet. AL,

p. 559; Virt., p. 517. Andronicus de Rhodes (Ps. -) Ps.Arist., Virt.,

519, p. 528-531, 537, 546. Androtion Arist., C.A., p. 205.

Anne Comnène Arist., Meta, p. 257. Anselme de Canterbury Arist., Int., p. 166.

Al-Antäki, voir Abü al-Fadl al-Antäki. Antimaque de Colophon Arist., Dial., p. 389-

390. Antiochus d'Ascalon Cic., Fin., p. 668-670; Tusc., p. 675; Rep., p. 687: Leg., p. 690;

Philos., p. 708; Rhet., p. 728.

Apollodore de Cyzique A 247a. Apollonios Dyscole Arist., Int., p. 131, 158,

162. Apollonius Molon Cic., Philos., p. 714. Apollonius de Tyane (Balinas) (Ps.) Ps.Arist.,

Probl.Ar., p. 597. Apostolios (Michel -) Ps.Arist., Probl., p. 577. Apulée de Madaure Arist., Int., p. 129, 144, 150; Ps. Arist., Mund., p. 476.

143-

Aghälis App., Presocr.Ar., p. 753. Aratos de Cilicie A 194 ; Cic., Philos., p. 710, 713-714. Archélaos, roi Arist., Dial., p. 387. Archias Cic., Philos., p. 709.

Archiloque de Paros Arist., Dial., p. 389-390. Archimède H 10ta, p. 88, 90, 95, 98, 100; Ps.Arist., Probl., p. 587. Archytas de Tarente Arist., Cael., p. 277. Archytas (Ps. -) Arit., p. 115. Arétè de Cyrène A 356. Aréthas de Césarée Arist., p. 115; Ps.Arist., Virt., p. 523. Argyropoulos (Jean -) Arist., Phys., p. 271. Arieus de Tarse H 105. Arion d'Ancyre A 35a. Arion, poète lyrique Arist., Dial., p. 390. Aristarque de Samos Arist., Cael., p. 272. Aristide le Grand, ou le Juste Arist., Dial., p. 454, 456. Arıstippe (Henri -) H 101a, p. 103; Arist.,

Meteor., p. 317, 322. Aristippe de Cyréne A 328; Arist., Dial. p. 430; Cic., Parad., p. 701. Aristoclés de Messine Ps.Arist., Virt., p. 517. Ariston de Céos Arist., Meta, p. 224; G.C., p. 295 ; Ps.Arist., Virt., p. 519. Ariston de Chios Arist., Dial., p. 433. Aristophane, le poète comique A 236a ; App., Presocr.Ar., p. 753.

INDEX DES NOMS PROPRES Aristote de Mytiléne A 112, p. 66-67; Arist., Int., p. 145; Meta, p. 250-251; Anim., p. 343. Aristote de Stagire A 24; 1172 ; 434a ; H 101a, p. 102; Cic., Amic., p. 664 ; Rep., p. 686 ;

Leg., p. 691; Philos., p. 706, 708, 712; Hort., p. 716, 719; Rhet, p. 724, 728 ; App., Presocr.Ar., p. 753-754, 760, 762, 767-768. Aristoxéne de Tarente Arist., Dial., p. 429; Ps.Arist., Virt., p. 520. Arius Didyme Arist, Anim., p. 343. Arrianus, commentateur d' Aristote (?) A 499a. Arsène Suchanov Ps. Arist., Virt., p. 523.

Artaxerxes I*', voir Bahmän b. Isfandiyär ibn Kustasb. Asclépiade, disciple d' Artémon A 434a.

Aspasius Arist., Int., p. 117-118; p. 139, 144-

146; Eth., p. 180, 182 ; Meta, p. 250-251.

Opusc.,

p. 484 ; Rhet. AL, p. 557, 559.

p. 676. Attale, maitre de Sénèque A 136a. (Pomponius

-) Cic.,

Sen.,

p. 661;

Amic., p. 663, 665; Fin., p. 667; Tusc., p. 672; Off., p. 676; Leg., p. 689, 692; Philos., p. 704, 710 ; Rhet., p. 724-725, 727. Atticus Arist, Eth., p. 180; G.C., p. 296; Anim., p. 343; Ps.Arist., Mund., p. 475476. Auever Ps.Arist., Caus., p. 606. Auguste, empereur Cic., Leg., p. 693, 695. Augustin d'Hippone Arist.. Meta, p. 258; Dial., p. 452 ; Ps.Arist., Caus., p. 640; Cic., Rep., p. 682; Philos., p. 708-709; Hort.,

p. 716, 718. Aulu-Gelle Amic.. p. 665 ; Philos.. p. 709. Avempace, voir Ibn Bäßza Abü Bakr.

Avendauth, voir Abraham b. Däwüd. Averroés, voir Ibn Rusd abü al-Walid Muhammad b. Ahmad b. Muhammad al-

Hafid. Avicenne, voir Ibn Sina abü ‘Ali al-Husayn b.

‘Abd Allah. Avienus Cic., Philos., p. 714.

Arist.,

Meteor.Ar.,

Probl.Ar., p. 597.

p. 325; Ps.Arist.,

Bacchios, épicurien A 192a. Bacon (Roger -) Arist, P.N.Ar., p. 378; Ps.Arist., Plant., p. 504 ; Caus., p. 620, 643. Bäbä Afdal al-Din Muhammad b. Husayn

Maraqi

Käsäni Arist.,

Anim.Paraphr.,

p. 364.

Al-Bagdädi 'Abd al-Latif Arist., Zool.Ar., p. 331; Ps.Arist., Caus., p. 603-604, 607, 626, 628, 636-637, 640. Al-Bagdàdi abü al-Barakät Hibat Allàh b. Rhet.Ar., p. 221 ; Ps.Arist.,

Caus., p. 639. Al-Balbi, voir Abü Zayd Ahmad b. Sahl alBalbi. Bahmän

b.

Isfandiyär

b.

Kustasb

[scil.

Artaxerxes I] App., Presocr.Ar., p. 767. Balaam A 3b.

Bar ‘Ali Arist., Poet. Ar., p. 210.

Athénodore de Rhodes Arist., Dial., p. 416. Athénodore de Tarse dit Calvus Cic., Off.,

Atticus

Axiothéa Arist., Dial., p. 418-419. Ayyüb al-Abras al-Ruhäwi [Job d'Édesse]

Malkà Arist,

Asclépius de Tralles Int., p. 125, 133, 163, 165 ; Meta, p. 227-228, 246, 248-250, 253, 255.

Aslät, voir Ustät. Astérius de Cappadoce A 464a. Athénée de Naucratis Ps.Arist.,

779

Bar Bahlül, p. 210; Arist., Meteor.Ar., p. 326.

Bar Kepha Arist., Meteor.Ar., p. 326. Barbaro (Ermolao -) Ps.Arist., Plant., p. 504.

Barberini, Cardinal Ps. Arist., Probl., p. 589. Barhebraeus, voir Ibn al-'Ibri. Barthélémy de Messine Ps.Arist.,

Opusc.,

p. 488 ; Ps. Arist., Probl., p. 579, 584-586. Barthélemy

Saint-Hilaire

(J.

-)

Ps.Arist.,

Probl., p. 592. Basile de Césarée Arist., Meta, p. 225. Bassus, ami de Sénèque A 136a. Bate de Malines (Henri -) Ps.Arist., Caus., p. 645.

Berthold

de

Moosburg

Ps.Arist.,

Caus.,

p. 646 ; App., Liber24philos., p. 746. Bessarion (J. -), cardinal Arist., Meta, p. 246,

248, 258; Ps.Arist., Plant, p. 505; Cic., Philos., p. 713. Bisr b. Sam'àn Arist., G.C.Ar., p. 307. Biancani (G. -) Ps.Arist., Probl., p. 588. Al-Birüni abü al-Rayhàn Muhammad b. Ahmad Arist,, Cael, p. 291 ; Meteor.Ar.,

p. 327 ; Ps. Arist., Lapid., p. 653. Boëèce (Anicius Manlius Severinus Boethius) A 205 ; Arist., p. 113; Int., p. 127-131, 137-

148, 150-151, 154-155, 159, 161, 166-173; Ps.Arist., Caus., p. 616, 643; Cic., Rhet.,

p. 728. Boéthos de Sidon A 24; Arist., Int., p. 151154 ; Anim., p. 343-344.

DICTIONNAIRE DES PHILOSOPHES ANTIQUES

780

Caton (M. Porcius -), le Censeur H 101a, p. 94; Cic., Sen., p. 661; Leg., p. 691; Parad., p. 700; Disc., p. 738. Catulus (Q. Lutatius -) Philos., p. 707 ; Hort.,

Bolos de Mende App., Presocr.Ar., p. 766. Bolos Demokritos App., Presocr.Ar., p. 767.

Bonaventure Ps.Arist., Caus., p. 642. Bondinus (Alexander -) Arist., Meta.. p. 245. Borromée (Charles -) Ps.Arist., Probl., p. 592.

Bradwardine (Thomas -) App.. Liber24philos., p. 747. Brahé (Tycho -) Arist., Cael., p. 275. Bráncoveanu

(Constantin

-),

Prince

de

Valachie Ps.Arist., Virt., p. 535. Brasavola (A.-M. -) Ps.Arist., Probl., p. 579. Brassicanus (J.A. -) Ps.Arist., Opusc., p. 490. Bruni (Leonardo

-) Ps.Arist., Econ., p. 550,

552. Bruno (Giordano -) Arist., Cael., p. 273; App., Liber24philos., p. 747. Brutus (M. lunius -) Cic., Fin., p. 667-668; Tusc., p. 672; Off., p. 676 ; Leg.. p. 694; Parad., p. 698; Hort., p. 717 ; Rhet. p. 725721.

Burgundio de Pise Arist., G.C., p. 302. Burley (Walter Caus., p. 620.

-) Ps.Arist., Probl., p. 585;

Calcagnini (Celio -) Ps.Arist., Opusc., p. 485.

Calcidius Arist., Int., p. 149-150. Callimaque de Cyrène Cic., Philos., p. 705. Callinos, poète élégiaque Arist., Dial., p. 390. Callippe de Cyzique Arist., Meta, p. 242;

Cael., p. 275 ; Dial., p. 444. d'Olynthe

464 ; Ps.Arist., Rhet. Al., p. 570.

Cassiodore (Flavius Magnus Aurelius Cassiodorus Senator) Arist., Int., p. 138,

143. Cassius Felix Ps.Arist.. Probl. Ar., p. 597. Ps.Arist.,

Probl.,

p. 582-584 ; Probl.Ar., p. 597. Catilina Cic., Disc., p. 734.

Caton (M. Porcius -) d'Utique C 190a; Cic., Fin., p. 667-668 ; Parad.,

p. 723; Disc., p. 739-740.

Charmadas Cic., Disc.. p. 733. Chéradame (Jean -) Ps.Arist., Virt., p. 544.

Chilon Arist., Dial., p. 399. Choeroboscos Arist., Int., p. 158. Chortasménos (Jean -) Ps.Arist., Virt., p. 524-

525. Chrysippe (ou Crispus ?) A 136a. Dial., p. 387 ; Ps.Arist., Mund., p. 478-479 ;

Virt., p. 519-521, 529; Cic., Philos., p. 705; App., Presocr.Ar., p. 753. Cicero (Marcus Tullius -) Arist., Int., p. 144;

p. 698:

Cicero (Marcus Tullius -) fils C 190a; Cic.,

Off., p. 676 ; Rhet., p. 728.

Casaubon (Isaac -) Arist., Meta., p. 246; P.N., p. 370.

l'Iatrosophiste

Probl., p. 591. Chaira, fille de Claudius Antoninus A 221a. Chamaillard (Alexandre -) Ps.Arist., Virt.. p. 544. Chaméléon Arist., Dial., p. 433.

Eth., p. 180 ; Dial., p. 406-408.

Arist., Dial., p. 463-

Camotius (J.-B. -) Arist., Meta., p. 245; P.N., p. 370. Cardano (C. -) Ps.Arist., Probl., p. 588. Carnéade de Cyrène Arist., Dial., p. 386 ; Cic.. Fin., p. 669; Tusc., p. 673; Rep., p. 687: Leg., p. 690.

Cassius

Céphalos de Syracuse Cic., Rhet., p. 724. Céphisophon, archonte Arist., C.A., p. 206. Cérinthe, hérétique A 434a. César (Jules -) Cic., Sen., p. 661; Rep.. p. 681; Leg., p. 688, 694 ; Philos., p. 710; Rhet., p. 725. Chabanon (Michel Paul Gui de -) Ps.Arist.,

Chrysippe de Soles A 205; 298 ; 336a ; Arist..

Calliclés Arist., Dial., p. 387.

Callisthéne

p. 717; Rhet., p. 724 : Disc., p. 738. Celse. médecin Ps.Arist., Probl., p. 589.

Rhet.,

Cicero (Quintus Tullius -) Cic., Leg., p. 689; Leg., p. 692 ; Rhet., p. 724.

Cimon Arist., Dial., p. 456. Cléanthe d'Assos A 136a; 298 ; 356; Arist., Dial., p. 433; App.. Presocr.Ar., p. 753,

757,767, 770. Cleitos Arist., Dial., p. 463.

Ciéomaque Arist., Dial., p. 427. Cléoméde Ps.Arist., Mund., p. 479. Cléon Arist., Dial., p. 463. Cléonide Ps.Arist., Rhet. Al., p. 555. Clodius Pulcher (Publius -) Cic., Leg., p. 687: Parad., p. 700-701 ; Disc., p. 738, 741. Cluentius, p. 734.

Colotés de Lampsaque A 87a; 356. Columelle H 101a, p. 90. Constantin l' Africain Ps. Arist., Probl., p. 586.

INDEX DES NOMS PROPRES Copernic (N. -) Arist., Cael., p. 272-273, 276. Corax Arist., Dial. p. 422; Ps.Arist., Rhet.Al.,

p. 557-559, 566, 568. Corbulon A 505. Cornèlianè (Flavia Apphion -) H 104. Cornificius Cic., Rhet., p. 729.

App., Presocr.Ar., p. 753, 765-773. Démophile A 443a. Démosthène, orateur Arist, Dial.,

Rhet.Al.,

p. 425;

p. 570; Cic., Rhet.

Démosthène, préfet d'Athènes A 187a. Denys d’Halicarnasse Ps.Arist., Rhet.Al.,

Comutus Cic., Rhet., p. 729. Crantor de Soles Arist., Dial., p. 444-445 ; Cic., Philos., p. 704, 706 ; Disc., p. 740. Crassus (L. Licinius -) Cic., Philos., p. 714;

Rhet., p. 724, 726 ; Disc., p. 733. Crassus Dives (Marcus Licinius -), triumvir Cic., Rep., p. 681 ; Parad., p. 702. Cratés (de Mallos ?) App., Presocr.Ar., p. 759-

760. p. 343;

p- 568-569, 571. Denys l'Ancien Arist., Dial., p. 456. Denys l'Aréopagite [pseudo-] Ps.Arist., Caus.,

p. 633-634. Denys le Thrace Arist., Int., p. 131, 158, 162; Ps.Arist., Rhet. Al, p. 555. Dercyllis A 465a. Despars (Jacques -) Ps.Arist., Probl., p. 585. Dicéarque de Messine Cic., Rep., p. 686; Leg.. p. 691 ; Philos., p. 708.

Al-Dimaëqi, voir Abü 'Utmàn Sa'id b. Ya'qüb

Critolaos de Phasélis Arist., Dial., p. 386, 416. Ctésibius d'Alexandrie H 101a, p. 88-90, 92,

99-100.

al-Dimasqi. Dioclés de Magnésie Arist., Int., p. 159-160. Dioclétien, empereur A 464a.

Diodore Cronos Arist., Int., p. 172.

Curius (Manius ) Cic., Parad., p. 702. Cyriaque d' Ancóne Ps.Arist., Virt.. p. 546. Cyrille d' Alexandrie A 112, p. 67. Damas Arist., Phys., p. 266. Damascène (Ps.) Ps. Arist, Virt., p. 535. Damascius Arist., Int., p. 139, 163-164; Meta,

p. 258. Damien (Damianus) H 101a, p. 99.

Al-Damiri Muhammad b. Müsä b. ‘Îsä, Kamal al-Din Arist., Zool.Ar., p. 332. Damocratès App.. Presocr.Ar., p. 767. Dante Alighieri Ps.Arist., Caus.. p. 646; App., Liber24philos., p. 747.

David de Dinant Ps.Arist., Probl., p. 584. David Iudaeus Ps.Arist., Caus., p. 612-613. David l'Invincible Arist., p. 115, 117; Int.,

p.133,

p. 340; P.N., p. 373; Dial., p. 465, 467;

Ps.Arist., p. 727.

Cotta (C. Aurelius -) Cic., Rhet., p. 724.

Cratippe de Pergame Arist., Anim.. Cic., Philos., p. 712. Crispus A 136a. Critias Arist., Anim., p. 340.

781

163;

Anim.Paraphr.,

p. 362;

Ps.Arist., Econ., p. 548. Deinarchos A 89. Démétrios Poliorcète A 194. Démétrius (Lacon ?) App., Presocr.Ar., p. 767-

768.

Diodore le Géographe Ps.Arist., Rhet.Al., p. 570. Diodote, stoicien Cic., Rhet., p. 728. Diogene (d'Apollonie ?) App., Presocr.Ar., p. 758.

Diogéne d'Apollonie Arist., Anim., p. 340; App., Presocr.Ar., p. 759. Diogene d'Oinoanda A 3a; 202a. Diogène de Babylonie A 205; Arist., Dial., p. 386. Diogéne de Sinope A 117a; Ps.Arist., RheL.Al., p. 569 ; App., Presocr.Ar., p. 752-

753, 759. Diogene Laerce Arist., Int., p. 141, 159; Eth.,

p. 179-180: Pol., p. 199 ; Meta, p. 224-227; Phys., p. 265 ; G.C., p. 295; Anim. p. 335-

336, 342 ; P.N., p. 371-372; Dial., p. 379380 ; Il A Opusc., p. 488 ; Plant., p. 499;

Virt., p. 508, 514; Econ., p. 547 ; Probl, p. 581 ; Cic., Parad., p. 702. Dion de Syracuse Arist., Dial., p. 443.

Dioscouridès de Chypre H 105.

Démétrius de Phalére Arist., Dial., p. 433. Démétrius, ami de Sénèque A 136a.

Dorotheus (Guillelmus -) Arist., p. 114, 116. Dracon d' Atheénes Arist., C.A., p. 205-206.

Démocédes A 89. Démocrite d'Abdére A 247; 247a; H 101a,

Durand d'Auvergne

p. 102; Arist., Cael., p. 272, 274; Anim.

Duns Scot Arist., Int., p. 166. 552.

Ps.Arist., Econ., p. 550,

DICTIONNAIRE DES PHILOSOPHES ANTIQUES

782

Eccélos de Lucanie B 70. Eckhart (Maitre -) Ps.Arist., Caus., p. 645;

App., Liber24philos., p. 745, 747. "Eli Habilio Ps.Arist., Caus., p. 608, 618. Elia ben Yosef de Nola Arist., Cael., p. 288.

Elias Arist., p. 115; Int, p. 133-135, 157, 162163, 165; Pol., p. 199; Ps.Arist., Econ., p. 548; Arist, Anim.Paraphr., p. 362;

Ps.Arist., Virt., p. 532-533.

Elias (Ps.-) Arist., p. 115. Empédocle d'Agrigente Arist., G.C., p. 299301 ; Meteor., p. 315 ; Anim., p. 340 ; P.N., P. 373; Dial., p. 389, 421-423 ; Ps.Arist., Mund.,

p.478;

Opusc.,

p.489;

App.

Liber24philos., p. 746; Presocr.Ar., p. 753 ; App., Presocr.Ar., p. 762, 767.

Énésidéme de Cnossos H 105.

Engelbert d'Admont Arist., Eth.Ar., p. 198; Ps.Arist., Secr., p. 651. Ennius Cic., Rep., p. 683; Philos., p. 705, 714.

Éphialte Arist., C.A., p. 206. Éphore Ps.Arist., Rhet.Al., p. 567. Epicharme Arist., Meta, p. 240. Épictète Arist., Int., p. 164. Épicure A 236a; 356; Arist., Int., p. 169-170 ; Caei.,

p.272;

Dial,

p.416,

428-429,

433, 465; Ps.Arist., Mund., p. 476; Cic., Fin., p. 668; Tusc., p. 673; Disc., p. 739; App., Presocr.Ar., p. 753, 767-768, 770-

772.

Érasme Ps.Arist, Virt, p. 544; Rhet. AL, p. 555, 557, 561.

Ératosthène

de Cyrène

H

10la,

p.89;

Ps.Arist., Mund., p. 479. Eschine de Sphettos Arist., Dial., p. 430.

Estienne (Henri -) Ps.Arist., Opusc., p. 487; Probl., p. 588.

Étienne (Robert -) Cic., Rep., p. 682. Étienne d'Alexandrie, voir Stéphanos d' Alexandrie.

Étienne de Provins Arist., Cael., p. 286.

G.C.Ar., p. 308; Ps.Arist., Opusc., p. 492. de

Chypre

Arist,

Anim.,

Eudoxe de Cnide H 101a. p. 95 ; Arist., Meta, p. 242; Cael., p. 275 ; Dial., p. 457. Eugène de Sicile H 101a, p. 99. Eugénikos (Marc -) Ps.Arist., Virt, p. 525. Eukairos A 499a. Eunape de Sardes A 187a. Eunostos A 465a. Euphranor H 105.

Euripide A 236a; Arist., Dial., p. 390, 395, 454;

Ps.Arist.,

Virt.,

p. 534;

App.

Presocr.Ar., p. 753, 756. Eurybatos, voleur Arist., Dial., p. 387. Eusèbe de Césarée Arist, Anim., p. 344. Eustathios, voir Ustät. Eustrate de Nicée Arist., p. 117; Eth., p. 182.

Euthias Ps. Arist., Rhet. AL, p. 570. Eutocius d'Ascalon A 499a.

Évagoras Arist., Dial., p. 435. Évagre le Pontique Ps.Arist., Virt., p. 535.

Evrart de Conty Ps.Arist., Probl., p. 585. Fabricius Luscinus (C. -) Cic., Parad., p. 702. Färäbi, voir Al-Färäbi. Falletti (Thomas Vicentio -) Ps.Arist., Probl.,

p. 589. Falloppio (G. -) Ps.Arist., Probl. p. 587-588. Fannius (C. -) Cic., Amic., p. 663; Philos., p. 705. Al-Fárábi abü Nasr Muhammad b. Muham-

223;

Meta, p. 260; Phys., p. 270;

p. 336;

Cael.,

p. 288-290; Meteor.Ar., p. 324, 328; Anim.Ar., p. 354-355; P.N.Ar., p. 376; Ps.Arist., Caus., p. 601, 606, 612-613, 626,

637, 647. Favonius Eulogius Cic., Rep., p. 681, 683. Ferrand d'Espagne

Eubule d'Alexandrie H 105. Eubule d’Athenes Arist., Dial., p. 414. Euclide A 434a ; H 101a, p. 95-96, 99; Arist.

Dial., p. 435, 443-444. Eudème de Pergame Arist., Int., p. 145.

Eudore d' Alexandrie Arist., Meta, p. 249, 251.

mad b. Tarhän b. Awzalag-Uzlug A 112, p- 62; Arist., Int., p. 133, 140, 152-154, 166, 168; Eth.Ar., p. 192-195 ; Pol., p. 199; Poet.Ar., p. 211-215, 217 ; Rhet Ar., p. 220-

Eschine, orateur Cic., Rhet.. p. 727. Eschyle Arist., Dial., p. 390.

Eudéme

Eudéme de Rhodes Arist., Int., p. 128, 141144 ; Eth., p. 180, 182; Meta, p. 227, 239; Phys., p. 266-267 ; Dial., p. 443.

Ps.Arist., Econ., p. 550,

552. Ficino (Marsilio -) Ps.Arist., Caus., p. 647. Fidus (Annaeus -), affranchi de Sénèque

136a. Fiera (J. B. -) Ps.Arist., Probl., p. 579. Figulus (P. Nigidius -) Cic., Philos., p. 712. Filelfe (François -) Ps.Arist., Virt., p. 517.

A

INDEX DES NOMS PROPRES Finzi (Moise -) Arist., Meta, p. 252. Florus (L. Mestrius -) Arist, Dial., p. 465, 467. Fonseca (P. -) Arist., Meta., p. 245. Frater Simo Ps.Arist., Caus., p. 620, 622. Frédéric II de Hohenstaufen Arist., Cael., P. 280; Ps.Arist., Caus., p. 636. Frères de la pureté, voir Ihwän al-Safà'.

Gäbir b. Hayyän b. 'Abd Alläh abü Müsä alKüfi al-Süfi (Geber] A 112, p. 63; Arıst., Poet.Ar., p.215; Rhet.Ar., p.220;

Meteor.Ar., p. 328; App., Presocr.Ar., p. 751. Al-Gähiz abü "Utmän 'Amr b. Bahr Arist., Zool.Ar., p. 333. Gaius, moyen-platonicien Arist., Int., p. 150.

Gaius, prêtre de l'Église de Rome A 434a. Galien de Pergame A 112, p. 67-68; A 434a;

Arist, Int., p. 133-134, 141, 143-146; Poet.Ar., p. 210; Cael., p. 283; Meteor., p. 315;

Anim., p. 343;

Ps.Arist., Opusc.,

p. 489; Physiogn., p. 498, 586-587, 589; App.. Presocr.Ar., p. 751, 754. Galilei (Galileo -) H 101a, p. 102; Arist., Cael., p. 272-274 ; Ps.Arist., Probl., p. 587. Gallego (Pedro -) Ps.Arist., Econ., p. 550. Gallus (Strabus -) Ps.Arist., Probl., p. 579. Gauricus (Pomponius -) Arist., p. 113. Gaza (Théodore -) Ps.Arist., Opusc., p. 490;

Probl., p. 578, 582, 584, 586, 588; Cic., Sen., p. 662.

Al-Gazáli abü Hàmid Muhammad b. Muhammad al-Tüsi Ps.Arist., Caus., p. 612, 614. Gedalius Arist, p. 113; Int., p. 151. Géminos

H

101a,

p. 95;

Ps.Arist., Mund.,

p. 479. Georges d' Alexandrie A 187a.

Georges de Trébizonde p. 579, 580, 584, 586.

Ps.Arist.,

Georges

Sparte

Hermonyme

Virt., p. 546.

de

Georges, évêque des Nations

Probl.,

Ps.Arist.,

arabes Arist.,

Int., p. 129, 136-137 ; Cael., p. 283. Gérard de Crémone H 101a, p. 96; Arist, Poet Ar., p. 213: Phys, p. 270; Cael. p. 280, 286-287 , G.C., p. 302; G.C.Ar., p. 304-305; Meteor. p.317, 322; Meteor.Ar., p. 327 ; Ps.Arist., Caus., p. 605,

610-617, 640 ; Lapid., p. 653. Germanicus Cic., Philos., p. 714.

783

Gershom b. Salomon d'Arles Ps.Arist., Plant., p. 503.

Gersonide Arist., P.N.Ar., p. 378. Gibril b. Babtisü' Arist., G.C.Ar., p. 313. Gilbert de la Porrée Ps.Arist., Caus., p. 606, 615. Gilles de Rome Arist., P.N., p. 370; Ps.Arist., Caus., p. 618, 620, 622-623, 642, 647.

Goethe (J.W. von -) Ps.Arist., Opusc., p. 486. Gogava (A. -) Ps.Arist., Opusc., p. 487.

Gorgias de Léontini Arist., Dial., p. 419, 423; Ps.Arist., Rhet. AL, p. 563. Gracchus (Iulius -) Cic., Rhet., p. 723. Gracchus (Tiberius -) Cic., Rhet., p. 723. Gratiolus (André -) Arist., p. 117.

Grégoire (Jean) Bar-Hebraeus, voir Ibn alTori. Grégoire IX Arist., Cael., p. 286. Grégoire le Thaumaturge

Arist.,

Anim.Paraphr., p. 363. Gregoriis (Gregorius de -) Ps.Arist., Caus., p. 609. Groot (Hugo de -) Ps.Arist., Probl., p. 587. Grosseteste (Robert -) Arist., p. 117; Cael, p. 280; Ps.Arist., Virt., p. 546.

Gryllos Arist., Dial., p. 414-416, 418. Grynaeus (Simon -) Arist, Meta., p. 245; Ps.Arist, Opusc., p. 490; Virt., p. 544.

Guastavini (Giulio -) Ps.Arist., Probl., p. 589. Al-Gubbä'i abü Häsim Arist., Cael., p. 290. Gudiel (Gonzalve Garcia de -) Arist., Cael., p. 291. Guillaume d’Auvergne Ps.Arist., Caus., p. 641.

Guillaume d’Auxerre Ps.Arist., Caus., p. 641. Guillaume d’Ockham Arist, Int., p. 166. Guillaume de Leus Ps.Arist., Caus., p- 620, 622.

Guillaume de Moerbeke H 101a, p. 99; Arist., Int, p. 124, 126, 129-130, 137; Pol. p. 199; Poet.Ar., p. 218; Meta, p. 248; Phys., p. 270; Cael., p. 280, 287, 292; G.C., p. 302; Metcor., p. 322; Meteor.Ar.,

p. 327 ; Zool.Ar., p. 330 ; Anim.Ar., p. 354; Anim.Paraphr., p. 362; P.N., p. 370; Ps.Arist., Econ., p. 550-552 ; Caus., p. 599,

642. Gundisalvi (Dominico -) [Gundisalvus ou Gundissalinus] A 112, p. 69; Arist., Pol.,

p. 199; Poet. Ar., p. 213-214; Cael., p. 289; Ps.Arist., Caus., p. 615, 640.

DICTIONNAIRE DES PHILOSOPHES ANTIQUES

784

Gunsalvi de Burgos (Johannes -) Arist., Cael.,

p. 291. Guy de Vere, évéque Ps.Arist., Secr., p. 651. Gygès Arist., Dial., p. 387.

Ha

Halifa Mustafä b. 'Abd Alläh Kätib lebi

Arist.,

Eth. Ar., p. 192;

p. 347-348 ; Ps.Arist.,

Anim.Ar.,

Plant.

p. 501;

Probl.Ar., p. 594; Caus., p. 624; Presocr.Ar., p. 750. Harpocration (Valerius -) D 126a. Harris (J. -) Arist., Int., p. 131.

App.

Dial., p. 457 ; Ps.Arist., Virt., p. 520.

Héraclite d'Éphese Arist, Anim., p. 340; Mund.,

p. 478;

App., Presocr.Ar.. p. 753, 762, 767. Herennius (Ps.) Arist., Meta, p. 249, 258. Herm(e)ias d'Alexandrie Arist., Int., p. 124,

163-164. Hermagoras

de Temnos

Cic., Rhet., p. 722-

723. Hermann l'Allemand Arist., Eth.Ar., p. 196198 ; Poet.Ar., p. 217. Hermias d'Atarnée Arist., Dial., p. 464. Herminus Arist., Int., p. 129, 139, 144-146. Hermippe de Smyme Arist., Meta, p. 224;

G.C.. p. 295: Dial, Rhet.Al., p. 570.

p.415;

Hipparque de Nicée H 101a, p. 89, 93. Hipparque de Samos Arist., Cael.. p. 275.

Hippias d'Élis Arist.. Dial., p. 467. Hippias

d'Élis

Ps.Arist.,

Rhet.At.,

p. 563;

Probl., p. 576, 583, 586 ; App., Presocr.Ar.,

Héraclide Lembos Arist., C.A., p. 203-204. Ps.Arist..

Vérone

Hippocrate de Cos Arist, Int, p. 134; Ps.Arist., Opusc., p. 491; Physiogn.. p. 498 ;

Hécaton de Rhodes Cic., Parad., p. 702. Héliodore de Pruse Arist., p. 117; Eth., p. 182. Henri de Gand Ps.Arist., Caus., p. 620. Henri de Gand (Ps.) Ps.Arist., Caus., p. 643. Héraclide le “philosophe” A 205. Héraclide le Pontique Arist, Cael., p. 275;

p. 467;

Hillel b. Shemu'el b. Elasar de Ps.Arist., Caus., p. 608, 618, 623.

Cic., Parad., p. 701.

Al-Häzin, voir Abü Ga'far al-Häzin.

Dial.,

Hilàl b. al-Mubassin b. Ibráhim al-Sábi' Arist. G.C.Ar., p. 308.

Ps.Arist.

Hermophile, disciple d' Artémon A 434a. Hérodote Arist., C.A., p. 205. Héron d' Alexandrie H 106. Héron le cordonnier (Simon ?) H 101a, p. 93.

Hérophile, médecin H 105. Hervetus (Gentianus -) Arist., p. 118. Hésiode Arist., Dial., p. 390 ; Ps.Arist., Virt., p. 534; Cic., Philos., p. 705. Hésychius de Milet Arist., Eth., p. 179; Meta, p. 225-226; Phys., p. 265-266; Meteor.,

p. 315-316; Ps.Arist., Plant., p. 499 ; Virt., p. 509, 514 ; Econ., p. 547-548; Rhet.AL, P. 560; Probi., p. 581. Hisàm, calife Ps.Arist., Secr., p. 648. Hiéroclès d'Alexandrie Arist., Int, p. 163-164.

p. 767.

Hippon Arist., Anim., p. 340.

Hirtuleius Cic., Rhet., p. 729. Holobolos (Manuel -) Ps.Arist., Plant., p. 505. Homère

Arist., Dial., p. 390, 398, 404, 422,

425. 429-430, 471 ; Ps.Arist., Virt., p. 534: Rhet.Al., p. 570. Horace C 190a; Arist., Dial., p. 432. Hortensius (Q. Hortensius Hortalus)

Cic.,

Philos.. p. 707 ; Hort., p. 717; Rhet., p. 724725; Disc.. p. 738. Hypatie Arist., Int.. p. 163.

Hypéride Ps.Arist., Rhet AI., p. 570. Hunayn b. Ishäq al-'Ibádi abü Zayd A 117a; Arist, Int, p.146; Eth.Ar.. p.193:

Poet.Ar., p. 209,-210 ; Meta, p. 262 ; Cael.. p. 284-285, 287, 289-290; G.C.Ar., p. 304306 ; Meteor.Ar., p. 325. 327; Anim.Ar., p. 348: Anim.Paraphr., p. 361, 363; Ps.Arist., Opusc., p. 490; Physiogn.. p. 497-

498; Virt., p. 513; Probl.Ar., p. 595, 597; Lapid., p. 652; App., Presocr.Ar., p. 748. lavelli

(Chrysostome

-)

Ps.Arist..

Caus.,

p. 620, 623. Ibn abi Sa'id b. 'Utmàn b. 5414 al-Mawsili Arist., G.C.Ar., p. 307.

Ibn abi Usaybi'a Muwaffaq ‘Abbäs

Ahmad

al-Din abü al-

b. al-Qàsim

b. Halifa

b.

Yünus al-Hazragi Arist., Poet.Ar., p. 216; Cael., p.289-290; G.C.Ar., p. 309; Meteor., p. 318; Zool.Ar., p. 331 : Anim., p. 335; Anim.Ar., p.358; Ps.Arist., Physiogn., p. 496-498 ; Plant., p. 501; Virt.. p. 510; Probl.Ar., p. 594-595, Caus.,

p. 603, 626: App., Presocr.Ar., p. 749. Ibn al-Akfäni ai-Imám Sams at-Din abi ‘Abd Allàh Muhammad b. Ibrähim b. Sá'id alAnsäri al-Singäri Ps.Arist., Physiogn.,

p. 498.

INDEX DES NOMS PROPRES Ibn Atradi ‘Ali b. Hibat Allah b. ‘Ali, abu alHasan Ps.Arist., Probl.Ar., p. 595. Ibn Bäÿga abü Bakr Muhammad b. Yahyä b. al-Sá'ig al-Tugibi al-Andalusi al-Saraqusti [Avempace] Arist., Eth.Ar., p. 194-195;

Phys.. p. 270; Meteor.Ar., p. 328 ; Zool.Ar., P. 331; Anim.Ar.. p. 355; Ps.Arist., Plant.,

p. 501. 503. Ibn Bahtisü', voir Abu Sa'id b. Bahtisü‘. Ibn Bahtisü', voir Gibril b. Bahtisü'. Ibn Bakküs, voir Ibn Bakus Ibn Bakus abu al-Hasan ‘Ali b. Ibrähim Arist.,

G.C.Ar., p. 308-312. Ibn Bakus Ibrähim abu Ishàq Arist., G.C.Ar.,

p. 306-312. Ibn al-Batriq, voir Ibn al-Bitriq.

Ibn Bihriz, voir 'Abdisü' b. Bihriz. Ibn al-Bitriq abu Zakariyya' Yühannä [Yahyä] [al-Batriq] Arist., Cael., p. 284-286, 289; G.C.Ar., p.306; Meteor, p.322; Meteor. Ar., p. 325-328; Zool.Ar., p. 329; Anim.Ar., p. 351; Anim.Paraphr.. p. 361; P.N.Ar., p. 376; Ps.Arist., Caus., p. 627;

Secr., p. 648. Ibn Butlän Arist., G.C.Ar., p. 309, 312; Ps.Arist., Probl.Ar., p. 595. Ibn Ezra, voir Moses b. Jacob b. Ezra. Ibn Falaquera, voir Shem Tob b. Yosef b. Falaquera. Ibn Fatila (Yuhannä) [Jean le Géomètre]

Arist., G.C.Ar., p. 307. Ibn Gulgul abü Dawüd Sulaymàn b. Hassän al-Andalusi Arist., Anim.Ar., p. 347 ; App.. Presocr.Ar., p. 749. Ibn Gabirol Ps.Arist., Caus., p. 614. Ibn al-Hammär Arist., G.C.Ar., p. 309-310. Ibn al-Haytam (I. Abü 'Ali al-Hasan b. alHasan) [Alhazen]|;: II. Muhammad b. alHasan) Arist, Rhet.Ar., p. 221; Cael. p. 290-291 ; Meteor. Ar., p. 328 ; Zool.Ar..

p. 331; Anim.Ar., p. 358. Ibn al-Haytam 1 (Abu ‘Ali al-Hasan b. alHasan) [Alhazen] Arist., Rhet. Ar., p. 221. Ibn al-Haytam 11 (Muhammad b. al-Hasan) Arist., Rhet. Ar., p. 221. Ibn Hasday (Abraham) Ps.Arist., Caus..

p. 639. Ibn Hindü abü al-Farag A 117a.

Ibn al-'Ibri G*righor-Yühannàn-abü al-Farag [Barhebraeus] Arist., Eth.Ar., p. 191, 197 ; Poet.Ar., p. 210-211; Rhet.Ar., p. 219;

Cael., p. 285 ; Meteor.Ar., p. 325 ; Zool.Ar.,

785

p. 329-330 ; Ps.Arist., Plant., p. 500, 503; App. Presocr.Ar., p. 749. Ibn Maymün [Maimonide] Arist., Eth.Ar., p. 194-195 ; Cael., p. 290: Zool.Ar., p. 332;

Ps.Arist., Probl.Ar., p. 596; Caus., p. 617, 640. Ibn al-Nadim, voir Al-Nadim.

Ibn Nà'ima ‘Abd al-Masih b. "Abd Allàh b. Nä‘ima

al-Himsi

Ps.Arist., Caus.,

p. 615,

627- 628. Ibn al-Qifti Gamäl al-Din al-Hasan 'Ali b Yüsuf

b. Ibrähim

b. ‘Abd

al-Wähid

al-

Saybàni al-Qädi al-Akram Arist., Eth.Ar., p. 193; Cael., p. 284; G.C.Ar., p. 307-309; Meteor.Ar., p.328; Anim. p.335; Anim.Ar., Ps.Arist., Probl.Ar., Presocr.Ar.,

p. 347-348 ; P.N.Ar., p. 375; Plant, p. 501; Virt., p. 510; p. 594; Caus., p. 624; App. p. 749.

Ibn Qutayba Arist., G.C.Ar., p. 313. Ibn Ridwàn (Abü al-Hasan Ali b. Ridwän b. ‘Ali b. Ga'far al-Misri) Arist, Rhet. Ar. p. 220-221 ; G.C.Ar., p. 309, 312 ; Ps.Arist., Probl.Ar., p. 595. Ibn Rusd abü al-Walid Muhammad b. Ahmad b. Muhammad al-Hafid [Averroes] A 112, p. 63; Arist., Int. p. 166 ; Eth.Ar., p. 194-

196; Poet.Ar., p. 208, 214, 216-218; Rhet.Ar., p. 222-223, Meta, p. 249-250, 261-262 ; Phys., p. 270 ; Cael., p. 285-287, 290-292 ; Cael., p. 293; G.C.Ar., p. 304, 314 ; Meteor.Ar., p. 324, 327-328 ; Zool.Ar.,

p. 329, 331; Anim.Ar., p. 346-347, 350, 352, 354, 356-357; P.N., p. 370; P.N.Ar.. p. 376-378 ; Ps.Arist., Plant., p. 502-503; Probl., p. 586 ; Caus., p. 617, 637.

Ibn

Sab'in'

‘Abd

Muhammad Muhammad

al-Haqq

b. Ibrähim

b.

b. Nasr al-'Akki al-Mursi abü Quib al-Din Ps.Arist., Caus.,

p. 636. Ibn al-Saläh [Ibn al-Sari} Arist.. Cael., p. 287, 290; G.C., p. 297. Ibn al-Samh abü 'Ali al-Hasan Arist., Rhet.Ar., p. 219, 221: Phys. p.269; Anim.Ar., p. 358. Ibn al-Sari, voir Ibn al-Saläh. Ibn Sinä abu ‘Ali al-Husayn b. 'Abd Altäh [Avicenne] Arist., Eth.Ar., p. 194; Poet.Ar.,

p. 208, 211-212, 214-215, 217 ; Rhet. Ar., p.219,

221-222;

Meta,

p. 260:

Phys.

p. 270; Cael., p. 289-291 ; G.C.Ar., p. 312, 314: Meteor., p. 317 ; Meteor.Ar., p. 324, 327-328; Zool.Ar., p. 329-331, 333; Anim.Ar., p. 348-352, 354-355; P.N.Ar.,

786

DICTIONNAIRE DES PHILOSOPHES ANTIQUES

P. 376 ; Ps.Arist., Plant., p. SOI, 503; Probl., p. 585-586, 589; Probl. Ar., p. 597; Caus.,

p. 612-615, 617, 624, 626, 637-640. Ibn Suwär abü al Hayr al-Hasan b. Suwär b. al-Hammär Arıst., Eth.Ar., p. 192; G.C.Ar.,

p. 309-310, 312 ; Meteor.Ar., p. 327-328. Ibn al-Tayyib abö al-Faraÿ ‘Abd Alläh al‘Iräqi [Abulpharagius Abdall Benattibus] Arist., Rhet.Ar., p. 221; Phys., p. 270;

Cael,

p.285; Cael, p. 291;

Zool.Ar.,

p. 331; Anim.Ar., p. 358; Ps.Arist., Plant.,

p. 501, 503; Virt., p. 538-541; p. 549; Probl.Ar., p. 595, 598.

Econ.,

Ibn Tibbon (Moïse b. Samuel) Arist., Meta,

p. 252 ; Cacl., p. 292 ; Meteor. Ar., p. 326. Ibn Tibbón (Mose -) Arist., P.N.Ar., p. 378; Ps.Arist., Probl.Ar., p. 595-596. Ibn Tufayl Arist., Eth.Ar., p. 195.

Ibn Tumlüs Yüsuf b. Ahmad abü al-Haggag abü Ishäq [Alpharagiag bin Thamlus] Arist.,

Poet. Ar., p. 215; Rhet.Ar., p. 223.

Ibn Zur'a abü ‘Ali 'Isà Arist., Eth.Ar., p. 197; Meta, p. 263; Cael, p.290; G.C.Ar., p- 309-310;

Zool. Ar., p. 331;

Anim.Ar.,

p. 349-350. Ibrahim b. Bakküs voir Ibn Bakus Tbrähim abü Isháq.

Ibrähim b. ‘Abd Allàh al-Näqid al-Nasräni alKátib Arist., Poet.Ar., p. 210. Ihwän al-$afä’ Arist., Meteor.Ar., p. 327-328; Plant., p. 501 ; Secr., p. 649.

Iohannes Hispanus, voir Juan Hispano. Iphicrates Arist., Rhet.Ar., p. 219.

‘Isa b. Ibrahim al-Nafisi Ps.Arist., Mund., p. 482. '[sa b. Mássa

al-Basri

Ps.Arist.,

Probl.Ar.,

p. 595. Ishàq

b. Hunayn

b. Ishäq

ai-'Tbàádi

Arist.,

Eth.Ar., p. 191-194, 197 ; Poet. Ar., p. 211212;

Meta,

p. 262;

Phys.,

p. 269-270;

Cael, p.285; G.C.Ar. p. 304-305; Zool.Ar., p. 332; Anim.Ar., p. 346-351; Anim.Paraphr.,

p. 361;

Ps.Arist., Plant.,

p. $01-503. Isidore de Séville Cic., Rep.. p. 682. Isocrate Arist., Dial., p. 415, 435-436, 461 ;

Ps.Arist., Virt., p. 534; Rhet. Al., p. 560, 563, 566, 569, 571; Cic., Rhet., p. 724; App., Presocr.Ar., p. 753. Israeli (Isaac -) Ps.Arist., Caus., p. 639. [talos (Jean -) Arist., p. 116.

Jacob b. Mahir b. Tibbon Arist., Poet.Ar., p. 217. Jacob de Gostynin Ps.Arist., Caus., p. 620,

622. Jacob de Maerlant Arist., Zool.Ar., p. 330.

Jacques d'Édesse Arist., Cael., p. 283. Jacques de Venise Arist., Phys., p. 270. Jamblique de Chalcis Arist, Int., p. 127; Arist., Int., p. 129, 132, 136, 138, 140, 150, 152-157 ; Meta, p. 256 ; G.C., p. 297 ; Dial..

p. 433-434 ; Ps.Arist., Virt., p. 513. Jean Jean Jean Jean

Chrysostome A 187a. de Basingestokes Ps.Arist., Probl., p. 584. de Grotkow Ps.Arist., Caus., p. 620, 622. de Mallingiis Ps.Arist., Caus., p. 620,

622. Jean de Marcanova Ps.Arist., Caus., p. 621. Jean de Ripa App., Liber24philos., p. 747.

Jean de Saint Thomas Arist , Int., p. 131. Jean le Géomètre, voir Ibn Fatila. Jean le Grammairien (Yahyà al-Nahwi] Arist., Phys., p. 270; Ps.Arist., Probl.Ar., p. 594.

Jean Scot Érigène Ps.Arist., Caus., p. 640. Jean Wenck de Herrenberg Ps.Arist., Caus.,

p. 620, 622.

Job d'Édesse, voir Ayyüb al-Abraë al-Ruhäwi. Johannes Hispalensis, voir Juan Hispano. Joseph le Maure A 3b.

Juan Hispano Ps.Arist., Caus., p. 613-614; Secr., p. 648, 650. Juda Romano, voir Romano.

Yehudah

b.

Mosheh

Justinien, empereur Cic., Leg., p. 694. Kahana (Rabbi Abba b.-) A 3b. Käsäni, voir Bäbä Afdal al-Din Muhammad b. Husayn Marsqi Käsäni.

Kepler (J. -) Arist., Cael., p. 272-273, 275; Ps.Arist., Probl., p. 587. Kilwardby (Robert -) Ps.Arist., Caus., p. 620. Kimedoncius (J. -) Ps.Arist., Probl., p. 583.

Al-Kindi abü Yüsuf Ya'qüb b. Ishaq A 112, p. 64-66, 68-69 ; Arist., Eth.Ar., p. 191-192 ; Poet.Ar., p. 212-213; Meta, p. 259-260; Cael., p. 285, 290 ; G.C.Ar., p. 306, 312313; Metcor.Ar., p. 327-328; Anim.Ar., p. 348, 352-353; Anim.Paraphr., p. 361, 363 ; P.N.Ar., p. 376-377 ; Ps.Arist., Caus.,

p. 600. 615, 627-631, 636-637. Kohlburger (J. A. -) Ps.Arist., Opusc., p. 490.

Krosbein (Jean -) Ps.Arist., Caus., p. 620, 622.

INDEX DES NOMS PROPRES Kydonès (Démétrius -) Ps.Arist., Virt., p. 525. Kyminétés (Sevastos -) Ps.Arist., Virt., p. 534535.

La Sale (Antoine de -) Cic., Philos., p. 710. Lactance Cic., Rep., p. 682; Philos., p. 706;

Hort., p. 716. Laelius (C. -) Cic., Sen., p. 661; p. 663-664 ; Rep., p. 684; Leg.,

Amic., p. 692;

Philos., p. 705; Rhet., p. 723. Lambin (Denys -) Arist., Eth., p. 175. Lamprias A 87a. Lanassa, épouse de Démétrios

Poliorcéte A

(Alde

-)

Arist,

Meta,

p.

245;

Ps.Arist., Virt., p. 544. Manulfi (Giovanni -) Ps.Arist., Probl., p. 589.

Marc-Aurèle, empereur A 236a. Marcellinus (Tullius -) A 136a. Marcellus (C. -) Cic., Rhet., p. 725. Margounios (Emmanuel -) Ps.Arist., Opusc., p. 486. Marinus de Tyr H 101a, p. 92. Marius (C. -) Cic., Parad., p. 700. Martianus Capella Arist., Int., p. 143. Martin de Dacie Arist., Int., p. 131.

Mas'üdi Arist., Meteor.Ar., p. 328.

194.

Masurus (M. -) Ps.Arist., Opusc., p. 490. Matius (C. -) Cic., Amic., p. 664. Matréas d' Alexandrie A 236a. Mattä abü Biör Yünus al-Qunná'i A 112, p. 63, 67; Arist, Poet.Ar., p. 210-211 ; Meta,

Lascaris (J. -) Ps.Arist., Opusc., p. 490.

Latini (Brunetto -) Arist., Eth.Ar., p. 198. Lecanios Areios de Tarse H 105.

Leibniz (G.W. -) Arist., Anim.Ar., p. 356. Lentulus (P. -) Cic., Rhet., p. 724. Leucippe Arist, Anim., p.340;

Manuce

78?

App.

Presocr.Ar., p. 767-768, 771. Libanios A 35a. Lieberfreund (Agricola -), pseudonyme de Georges Herelle) Ps.Arist., Probl., p. 592. Locatellus (Bonetus -) Arist., Cael., p. 289. Lóreios Caminos A 221a. Loxus Ps.Arist., Opusc., p. 488. Luca ben Serapion Ps.Arist., Lapid., p. 652. Lucien le sophiste App., Presocr.Ar., p. 753,

761. Lucilius, correspondant de Sénèque A 136a. Lucullus Cic., Philos., p. 707 ; Hort., p. 717. Ludovic de Ferrare Ps.Arist., Caus., p. 620. Lycophron, disciple de Gorgias Arist., Dial.,

p. 454, 456. Lysias Cic., Rhet., p. 727. Lysimaque Arist., Dial., p. 436. Macrobe Cic., Rep., p. 681-682 ; Leg., p. 689. Magentinos (Léon -) Arist., p. 116. Magentinos (Ps.-) Arist., Int., p. 134. Magon de Carthage Arist., Dial., p. 429. Al-Ma'mün (Abü al-'Abbas 'Abd Allàh b. Härün al-Rasid) Arist., G.C.Ar., p. 313; A 117a; Arist, Eth.Ar., p. 198; App., Presocr.Ar., p. 749. Maimonide, voir Ibn Maymün. Manilius (Manius -) Cic., Parad., p. 702. Mantinias A 465a. Mantino (Jacob -) Arist., Poet. Ar., p. 218.

p. 252, 263; Phys., p. 269 ; Cacl., p. 284285, 287; G.C.Ar., p. 304, 312; P.N.Ar., p. 375-376 ; Ps. Arist., Caus., p. 624. Maurus (Sylvestre -) Arist., Pol., p. 200; Phys., p. 271. Maxime le Confesseur Ps.Arist., Virt., p. 535. Maximus, ami de Sénèque A 136a. Me'ir Alguadez Arist., Eth.Ar., p. 197.

Mécène C 190a. Meir (Rabbi -) A 3b.

Mélanchton (Ph. -) Ps.Arist., Probl., p. 587. Mélissos App., Presocr.Ar., p. 753, 767.

Ménage (Gilles) Ps.Arist., Virt., p. 509. Ménandre, poète comique A 236a. Ménexène Arist., Dial., p. 380.

Ménippe de Gadara A 236a. Ménodote de Nicomédie H 105. Mercurialis, médecin Ps.Arist., Probl., p. 589.

Métochités (Théodore -) Arist., p. 118. Méton, pythagoricien A 89. Métrodore de Chios App., Presocr.Ar., p. 753,

757, 759-760, 767-768, 770. Métrodore de Lampsaque A 87a; Arist., Dial., p. 432.

Michel (Etienne -) Ps.Arist., Caus., p. 647. Michel d'Épheése A 112, p. 62; Arist., p. 116, 118, 120-121; Eth., p. 182; Meta, p. 246, 249-250, 256, 258, 263; Anim.Ar., p. 354; P.N., p. 370; P.N.Ar., p. 377. Michel Scot Arist, Phys., p. 270; Cael., p. 280, 286-287, 292-293; Zool.Ar., p. 330, 333; Anim.Ar., p. 347, 349-350; p. 378.

P.N.Ar.,

DICTIONNAIRE DES PHILOSOPHES ANTIQUES

788

Midron App., Presocr.Ar., p. 753, 757, 767, 770. Milon (T. Annius Milo) Cic., Parad., p. 700. Mimnerme de Colophon Arist., Dial., p. 389-

390. Miron (Gabriel -) Ps.Arist., Probl., p. 585. Miskawayh (Abü 'Ali Ahmad b. Muhammad) A 117a; Arist, Eth.Ar., p. 194, 198;

Nicolas de Damas Arist., Meta, p. 224, 248250; G.C., p. 296-297 , Meteor.Ar., p. 324 : Zool.Ar., p. 329, 331; Ps.Arist., Opusc.. p. 490 ; Plant., p. 499-503. Nicolas de Laodicée Arist., Eth.Ar., p. 193,

194.

Mnésarque, le père de Pythagore A 465a.

Nicomaque Arist., Eth., p. 181-182; Eth.Ar., p. 191. Nicomède H 101a, p. 89. Nicostratos Arist., Int., p. 167, 169-170.

Mose b Tibbön, voir Ibn Tibbön.

Nifo (Agostino -) Ps.Arist., Caus., p. 647.

Moise b. Samuel b Tibbön, voir Ibn Tibbón. Morellius (G. -) Arist., P.N., p. 370. Moses Alatino de Spoléte Arist., Cael., p. 288. Moses ibn Jacob ibn Ezra Ps.Arist., Caus., p. 640. Moshe b. Shabbetay Ps. Arist., Caus., p. 624.

Nimoss le tisserand A 3b. Nonius Marcellus Cic., Rep., p. 682; Cic.. Hort., p. 716. Numa Parad., p. 700. Numénius d'Apamée Arist., Int. p. 149; Ps.Arist., Mund., p. 480.

Muhammad

Occélos B 70. Oenomaos de Gadara A 3b. Olympiodore d'Alexandrie A

Ps.Arist., Virt., p. 511-515, 541-542.

(le

Prophète)

Arist.,

Anim.Ar.,

p. 346.

Muhammad

b. al-Gahm al-Barmaki Arist.,

G.C.Ar., p. 313. Murena (L. Licinius -) Cic., Disc., p. 739.

Myrto,

fille d'Aristide Arist., Dial., p. 454,

456. Al-Nadim

abü

al-Farag

Muhammad

b. abi

Ya’qub Ishàq al-Warraq al-Baÿdädi H (01a, p. 100; Arist., Eth.Ar., p. 191-192, 194; Poet.Ar., p. 210-212; Phys., p. 270; Cael.,

p. 287, 289-290 ; G.C.Ar., p. 304, 306, 308, 312; Anim.Ar., p. 347-348, 353; Anim.Paraphr., p. 361; P.N.Ar., p. 375377 ; Ps.Arist., Physiogn., p. 496; Plant., P. 501; Virt., p. 510; Probl.Ar., p. 594; Caus., p. 624 ; App., Presocr.Ar., p. 748. Naeuius, poéte Cic., Philos., p. 705.

Al-Nasi' al-Akbar Ps.Arist., Physiogn., p. 497. Nasuh Nevali Ps.Arist.. Secr., p. 649. Navagero (Bernard -) Ps.Arist.. Plant., p. 502. Nazif b. Aymän [Nazif b. Yumm (Le Prétre grec)] Arist., Meta, p. 263. Al-Nazzam abü Ishäq Ibrähim b. Sayyär b.

Häni’ p. 756. Al-Nayrizi

al-Fadl

b. Hätim

abü

al-'Abbas

[Anaritus] H 101a, p. 96.

Némónios fils de Ctésiphon C 225a. Nemönios, père de Ctésiphon C 225a. Nequam (Alexandre -) App., Liber24philos., p. 747.

Nérinthe Arist., Dial., p. 419-420. Nicocréon de Chypre À 160.

Nicolas de Cuse App. Liber24philos., p. 747.

112, p. 69-70 ;

Arist., p. 115, 119; Int., p. 127, 132-133, 135-137, 154, 158. 163, 165; Cael., p. 293; G.C.Ar., p. 304, 312: Meteor., p. 316-317, 322, 326; Meteor.Ar., p. 328 ; Ps.Arist., Econ., p. 548. Orata (C. Sergius -) Cic., Philos.. p. 708; Hort., p. 717; Hort., p. 719. Oresme

(Nicole

-)

Arist.

Pol,

p.200;

Ps.Arist., Probl., p. 585. Oribase de Pergame Ps.Arist., Probi.Ar., p. 595. Origene d' Alexandrie Arist., Int., p. 158. Pace (Giulio -) [Julius Pacius] Arist., Meta.. P. 246, Phys. p. 271. Pachymère (Georges -) Arist., Meta, p. 258; Ps.Arist., Opusc., p. 484, 494. Paetus (P. Clodius Thrasea -) A 421.

Panaretos (Ioannes -) Arist., Meta., p. 247. Panétius de Rhodes Cic., Amic., p. 664-665; Tusc., p. 674: Off., p. 676; Rep., p. 685687 ; Parad., p. 702. Pappus. astronome H 101a, p. 88. Parménide d'Élée Arist, Dial., p. 400. 424: App., Presocr.Ar., p. 753, 757, 767. 769-

770. Pascal (Blaise -) App.. Liber24philos., p. 747. Patriz(z)i (Francesco -) Arist., Meta, p. 258; Meteor., p. 316 ; Ps.Arist., Opusc., p. 487. Paul d’Egine Ps.Arist., Probl.Ar., p. 595. Paullus (Lucius -) Cic., Rhet., p. 725.

789

INDEX DES NOMS PROPRES

Piso Caesoninus (L. Calpurnius -) Cic., Disc.,

Paulus Israelita Arist., Cael.. p. 292. Périclés Arist., Dial., p. 456. Périctionè Ps.Arist., Econ., p. 552. Périon

(Joachim

-) [Perionius]

Arist.,

p. 739-740. Planude (Maxime -) Ps.Arist., Opusc., p. 490; Meta.,

p. 245; Phys., p. 271. Perotti (Niccolo -) Ps.Arist., Virt., p. 546. Pétion Arist., Poet. Ar., p. 209. Petritsi (Jobané -) Ps.Arist, Caus., p. 619. Philippe de Tripoli Ps.Arist., Secr., p. 649-

651. Philippe II de Macédoine

A

194 ; Ps.Arist.,

Rhet.Al., p. 570-571.

Ps.Arist., Virt., p. 535-536. Philon de Byzance H 101a. p. 88-90, 98-99. Philon de Larissa Cic., Tusc., p. 674; Rep., p. 687 ; Disc., p. 733. 112, p. 63, 65, 68; Arist.,

p. 114, 116-117, 119-121; Int., p. 128, 133135, 141, 143, 163 ; Meta, p. 258, 267, 269270; Cael., p. 279, 288, 291, 293; G.C., P. 295, 302 ; G.C.Ar., p. 312-313; Meteor.,

p. 316-317, 322; Meteor.Ar., p. 326, 328 ; Anim., p. 344; Anim.Ar., p. 351, 353; Anim.Paraphr., p. 361-363; Ps.Arist., Mund., p. 475 ; Caus., p. 633. Philopon (Ps.) Arist., p. 118; Meta, p. 249,

257. Philotas, fils p. 463-464.

de

Parménion

249, 255, 260 ; G.C., p. 299, 301 ; G.C.Ar., p. 312; Anim., p. 340 ; Dial., p. 380, 384,

387-388, 390, 392-394, 398, 400-403, 407. 411-412, 415-417, 419-421, 425-426, 430, 433, 436, 447, 451, 457, 461, 465, 468-469 ; Ps.Arist., Mund.,

Philippe le Chancelier Ps.Arist., Caus., p. 641. Philippe, consul Cic., Rhet., p. 724. Philippus Venetus Ps.Arist., Caus., p. 609. Philodéme de Gadara A 192a; Arist., Dial., p. 432; Econ., p. 548. Philon d'Alexandrie Arist., Meta, p. 258;

Philopon (Jean -) A

Plant., p. 505. Platon A 87a; 136a; 205; 236a; H 10Ola, p. 102; 105; Arist., Int., p. 139, 143-144, 151, 154; Eth.Ar., p. 192 ; Meta, p. 237,

Arist.,

Dial.,

Philoxene Arist.. Dial., p. 458. Philtys B 70. Phintis Ps.Arist., Econ., p. 552. Phryné Ps.Arist., Rhet. Al., p. 570. Pico della Mirandola (Giovanni -) Ps.Arist., Caus., p. 615, 640, 647. Pierre d'Auvergne Ps.Arist., Caus., p. 620; Caus., p. 622.

Pierre d'Irlande Arist., P.N., p. 370. Pierre Martyr Ps.Arist., Caus., p. 641. Pietro d'Abano Ps.Arist., Probl., p. 584-585,

592. Pindare Arist., Dial., p. 390; Ps.Arist., Virt., p- 534; App., Presocr.Ar., p. 753. Piso (M. Pupius -) Cic., Fin.. p. 667-669; Tusc., p. 673.

p. 476 ; Opusc.

p. 489,

494; Virt., p. 515, 517-518, 521, 540; Rhet.Al., p. 560, 566; Caus., p. 601, 603, 647 ; Cic., Fin., p. 670; Tusc., p. 673-674 ;

Rep., p. 683, 686-687; Leg., p. 688-689, 691 ; Philos., p. 708, 710, 712-713; Rhet., p. 724-725 ; App., Presocr.Ar., p. 753-768 ; 71; Pléthon (Georges Gémiste -) Ps.Arist., Virt.,

p. 523, 533, 545. Pline l'Ancien H 101a, p. 93. Plotin Arist., Int., p. 151; Arist., Int., p. 164; Ps.Arist., Caus., p. 630, 634, 639; Arist, Meta, p. 258; Anim.Paraphr., p. 361-364 ; Ps.Arist., Caus., p. 615, 626, 628-629, 633.

635. Plutarque (de Chéronée ?) App., Presocr.Ar.,

p. 753, 756. Plutarque (Ps.) App., Presocr.Ar., p. 748; Arist., Int., p. 150. Plutarque d' Athénes Arist., [nt., p. 163.

Plutarque de Chéronée A 87a; Arist.. Anim., p. 343. Polémon, physiogn. Ps.Arist., Opusc., p. 484,

488. Polion (Valerius -) D 126a. Polos d'Agrigente Ps.Arist., Rhet.Al., p. 563. Polybe Cic., Rep., p. 685 ; Leg., p. 691-692. Polyen Arist., Dial., p. 428. Pompée Cic., Rep., p. 681; Leg., p. 693; Rhet., p. 725. Pomponazzi (P. -) Ps.Arist., Opusc., p. 486. Porphyre de Tyr A 499a ; Arist., p. 113; Int.

p. 126, 128-129, 132, 136-141, 144-145, 147-152, 155, 158, 161-162, 171 ; Eth.Ar., p. 193-194 ; Meta, p. 249, 251-252 ; Phys., p. 267-268; Anim., p. 344; Anim.Ar., p. 351-352; Anim.Paraphr., p.362; Ps.Arist., Opusc., p. 487 ; Virt., p. 541-542; Caus., p. 633, 635; App., Presocr.Ar.,

p. 756.

790

DICTIONNAIRE DES PHILOSOPHES ANTIQUES

Porzio (Simone -) Ps. Arist, Opusc., p. 486. Posidonius d'Apamée A 136a; 205; H 101a, p. 89-90, 93, 102; Arist, Int., p. 160; Ps.Arist., Mund., p. 479; Cic. Tusc. p. 673-674 ; Off., p. 676 ; Rep., p. 685, 687. Priscien de Lydie Arist., Int., p. 131; Meta, p. 256; Anim., p. 343-344. Proclus, montaniste A 434a.

Proclus de Lycie A 112, p. 64-65, 68; H 1018. p. 95; Arist., Int., p. 127, 129, 138-139, 149-150, 153, 156-158, 160-161, 163-165; Arist.,

Pol.,

p.199;

Meta,

p.258;

Anim.Paraphr., p. 360-364 ; Ps.Arist., Caus., p. 599-600, 602-603, 606, 613, 624-629, 634-636 ; App., Presocr.Ar., p. 767. Prodicos de Céos A 71; Ps.Arist., Rhet. AIL,

p. 563 ; Cic., Parad.. p. 701. Prodroménos

(Néophytos

-) Ps.Arist., Virt.,

p. 527. Protagoras Arist., Dial., p. 465-467; Cic., Parad., p. 701 ; App., Presocr.Ar., p. 753,

767. Protogénès, peintre A 194.

Psellos (Michel -) Arist., p. 119; Int., p. 134; Caci., p. 289.

Ptolémée (Ps.) H 101a, p. 99. Ptolémée al-garib, voir Ptolémée Chennos ou al-garib, pinacographe

Ptolémée, astronome H 101a, p. 91, 98 ; Arist., Cael., p. 272, 276. Ptolémée Chennos ou al-garib, pinacographe Arist, Eth., p. 179 ; Meta, p. 224; Phys.,

p. 265-266 ; G.C., p. 295 ; Metcor., p. 315316, 318; P.N., p. 371; Dial., p. 379-380; Ps.Arist., Physiogn., p. 496; Plant., p. 499;

Virt, p. 510-511, Probl.Ar., p. 594. Pythagore

de Samos

515;

Probl,

A 465a;

p. 581;

Arist., Dial.,

p. 438 ; App.. Presocr.Ar., p. 753, 759, 767, 772. Qalonymos ben Qalonymos

Ps.Arist., Plant,

p. 502-503. Al-Qazwini Zakariyyà' b. Muhammad b. Mahmüd abü Yahyä Arist., Meteor.Ar., p- 328. Quintilien Ps.Arist., Rhet.Al., p. 557, 559,

567, 571-573; Cic., Philos., p. 709. Qustä b. Lüqà al-Ba'labakki H 101a, p. 97; Arist, Phys., p. 270; G.C.Ar., p. 312; Anim.Ar., p.352; P.N.Ar. p.376; Ps.Arist., Physiogn., p. 497; Probl.Ar.,

p. 595.

Rameau

(Jean-Philippe

-) Ps.Arist., Probl.,

p. 591. Rasarius (Joannes Baptista -) Arist., p. 114; Int. p. 130.

Al-Räzi abü Bakr Muhammad b. Zakariyyá' [Rhazes]

Arist.,

Meteor.Ar.,

Ps.Arist., Probl.Ar., Presocr.Ar., p. 768. Al-Räzi

Fahr

al-Din

p.328;

p.595;

Ps.Arist.,

App.

Physiogn.,

p. 496, 498 ; Probl.Ar., p. 595. Regius (L.) Arist., Pol., p. 200.

Regulus (Atilius -) Cic., Parad., p. 700. Rhazes, voir Al-Rázi abü Bakr Muhammad b. Zakariyyà'.

Rhosos (Ioannes -) Arist., Meta., p. 247. Richard Rufus de Cornouaille Ps.Arist., Caus., p. 621. Roger de Hereford Ps.Arist., Plant., p. 503. Roland de Crémone Ps.Arist., Caus., p. 641. Romulus Cic., Leg., p. 691, 694; Parad., p. 700.

Rondelet (P. -) Ps.Arist., Probl., p. 588. Rufus (P. Sulpicius -) Cic., Rhet., p. 724. Sabbatai b. Salomo Arist., Cael., p. 287. Sage Grec (Le -), voir Al-Sayb al-Yünäni. Al-Sahrastäni abü al-Fath Muhammad b. "Abd al-Karim A 1178; App., Presocr.Ar., p. 748. Al-Sahrazüri Sams al-Din Muhammad b. Mahmüd al-Isrägi' Presocr.Ar., p. 749.

A

117a;

App.

5814 b. Ahmad b. Sá'id al-Taglibi al-Andalusi App., Presocr.Ar., p. 749.

Sälim Abü al-'Alà Ps.Arist., Secr., p. 648-649. Salomon (Schlomo] ben Moïse de Melgueil Arist., Cael., p. 290-291. Salomon b. Ajjub de Béziers Arist, Cacl., p. 292.

Salomon, acolyte juif de Johannes Gunsalvi de Burgos Arist., Cael., p. 291. Samuel [Shmuel] ben Yehuda de Marseille Arist, Eth. Ar., p. 196; Poet.Ar., p. 217. Sardanapale Arist., Dial., p. 458-459. Saturninus, éléve de Sextus Empiricus H 105.

Al-Sayh ai-Yünäni (Le Sage grec) Ps.Arist., Caus., p. 600.

Sayf al-Dawla Ps.Arist., Mund., p. 482. Scaevola Cic., Amic., p. 664. Scaevola l'augure (Q. Mucius -) Cic.. Amic.,

p. 663; Rhet, p. 724. Scaliger (J. C. -) Ps.Arist., Probl, p. 588.

791

INDEX DES NOMS PROPRES

Sophocle Arist., Dial., p. 390; Ps.Arist., Virt.,

Scholarios (Georges -) Ps.Arist., Virt., p. 525.

Scipion

Émilien

(P.

Cornelius

Scipio

Aemilianus Africanus) Cic., Sen., p. 661; Amic., p. 663 ; Rep., p. 680, 683, 685 ; Leg., p. 692, 694 ; Philos., p. 705 ; Rhet., p. 723. Scipion l'Africain (P. Cornelius Scipio Africanus Maior) Cic., Parad., p. 702. Scipions Cic., Parad., p. 700.

Sénèque A 136a ; Cic., Tusc., p. 673; Parad., p. 702 ; Philos., p. 709.

Sepulveda (J.G. -) Arist., Pol., p. 200. Sergius de Res'aina A 112, p. 67; Arist., Cael., p. 283;

Meteor., p. 322;

Ps.Arist.,

Mund., p. 481. Settala (Ludovico -) Ps.Arist., Probl., p. 589, 592. Sévère [Jacob] bar Sakko Arist., Poet.Ar., p. 209-210; Cael., p. 283.

Sévère Sébokht Arist., Poet. Ar., p. 209 ; Cael., p. 283. Sextus Empiricus H 105. Shem Tob b. Yosef b. Eth.Ar., p. 197-198;

Faiaquera Ps.Arist.,

Arist. Plant.

p. 502-503 ; Lapid., p. 653. Al-Sigistäni (Abü

Sulaymän

Muhammad

b.

Tähir b. Bahräm al-Sigistäni al-Mantiqi) A 117a.

Sigistäni (Ps.) App., Presocr.Ar., p. 748. Siger de Brabant Ps.Arist., Caus., p. 620, 622. Sigonio (Carlo -) Cic., Rep., p. 682. Simon de Vallambert Ps.Arist., Probl., p. 585. Simon le cordonnier H 106.

Simonide Arist., Dial., p. 454, 456; App. Presocr.Ar., p. 753.

Simplicius A 112, p. 63; Arist., p. 114, 119120; Int., p. 156, 159, 163-164, 167, 169, 171; Meta, p. 226, 248, 251, 255-256; Phys., p. 266-267, 269; Cael., p. 279-280, 289; G.C., p. 295, 297; Anim, p. 344; Anim.Ar., p. 346, 351, 353. Simplicius (Ps.) Arist., Meta, p. 249, 255.

Al-Siräzi Sadr al-Din Muhammad b. Ibrahim, Mollà Sadra App., Presocr.Ar., p. 749. Socrate A 87a; 236a; H 106; Arist., Dial., p. 380, 384, 389, 391, 400, 420, 430-431, 441, 454, 456, 465, 467; Cic., Tusc., p. 673;

Parad., p. 699;

Philos.,

p. 708;

App., Presocr.Ar., p. 752-754, 760, 762, 764, 767-768. Solon

d'Athénes

Dial., p. 390. Sopatros A 434b.

Arist., C.A., p. 205, 207;

p. 534.

Sophonias Arist, Anim.Paraphr., p. 362. Sophron Arist, Dial., p. 391-392. Sosigene Arist, Int., p. 145. Sotacos Ps.Arist., Lapid., p. 653. Speusippe Arist., Dial., p. 396, 457 ; Meta,

p. 227, 240. Staseas de Naples Cic., Fin., p. 669. Stéphanos (Étienne) d'Alexandrie Arist., p. 115, 118, 121; Int., p. 131-137, 140, 151152, 154, 159, 162, 165; Anim., p. 344: Anim.Paraphr., p. 362. Stobée Ps.Arist., Virt., p. 531, 541. Strategos (Cesar -) Arist., Meta., p. 246. Straton de Lampsaque

H

101a, p. 98,

102;

Arist., Meteor., p. 318-319 ; Dial., p. 396, 457; Ps.Arist., Opusc., p.492; App. Presocr.Ar., p. 767, 771. Stylianos Ps.Arist., Virt, p. 523. Suétone H 101a, p. 92. Sylburg (Fr. -) Arist., Meta., p. 245. Sylvanius de Salone (Barthoiemaeus -) Arist.,

Int., p. 130. Synésios de Cyrène Ps. Arist., Virt., p. 534. Syrianus Arist., Int., p. 126-127, 129, 135-136, 138-140, 153-156, 163-165 ; Meta, p. 246, 248-250, 252-257; Ps.Arist., Rhet.AL, p. 557. 572-573. Al-Tabari, voir "Ali b. Rabban al-Tabari. Täbit b. Qurra Arist., Meteor.Ar., p. 328; Zool.Ar., p. 332 ; Ps.Arist., Plant., p. 501. Tacite Cic., Philos., p. 709.

Táhir b. al-Husayn b. Mus'ab b. Ruzayq, Dü al- Y aminayn Ps.Arist., Virt., p. 538. Tarquin le Superbe Cic., Leg., p. 694. Tassoni (Alessandro -) Ps.Arist., Probl., p. 588. Al-Tawhidi, voir Abü Hayyän al-Tawhidi. Téléclès D 126a. Telesio (B. -) Ps.Arist., Probl., p. 588. festa (Gaius Trebatius -) Cic., Rhet, p. 728.

Thalès Arist., Anim., p. 340. Thalès de Milet H 101a,

p.96;

App.

Presocr.Ar., p. 752, 763, 767, 770. Thémison de Chypre Arist., Dial., p. 434-435.

Thémistius A 112, p. 66; Arist., p. 116-118, 120-121; Eth.Ar., p. 191; Arist.,

Poet. Ar.,

p. 212; Meta, p. 248-249, 252, 263; Phys.. p. 269-270 ; Cael., p. 279, 287-289, 293;

DICTIONNAIRE DES PHILOSOPHES ANTIQUES

792

G.C., p. 295 ; G.C.Ar., p. 312; Zool.Ar., p. 332;

Anim,

p. 343-344;

Anim.Ar.,

p. 347-348, 351-352; P.N.Ar., p. 377, 369 ; Ps.Arist., Caus., p. 624. Thémistocle Arist., C.A., p. 206.

Théocrite Ps.Arist., Rhet. AL, p. 571. Théodecte de Phasélis Ps.Arist., Rhet. AL, p. 566-568. Théodore Abü Qurra, évéque Ps.Arist., Virt., p. 538-541.

Théodore P. 563.

de Byzance

de

Harrän

Ps.Arist., Rhet.Al..

Théodoridas de Lindos A 202a. Theodosius (Philippus -) Arist., p. 117. Théodote, disciple d'Artémon A 434a. Théognis de Mégare Arist., Dial., p. 384, 430,

455. Théognostos ὁ Δημοχρίτειος A 247a.

Théophraste d'Érèse A 24 ; 434a ; Arist., Int., p. 128, 141-144, 146-147, 151-152, p. 199;

162; Meta,

p. 224, 221-228, 248 ; Phys., p. 266; G.C., p. 296; G.C.Ar., p. 310; Meteor., p. 317319, 322; Meteor.Ar., p.326; Anim.

p. 338, 342-343; Anim.Ar., p. 351-352; Dial., p. 400, 415, 429, 431, 433, 448, 457458; Ps.Arist.. Opusc., p. 485; p. 499-500; Virt, p. 518-519;

Plant., Econ.,

p. 548-549 ; Rhet. AL, p. 567 ; Probl., p. 576. 588-590; Caus., p.606; Cic. Amic., p. 665: Tusc., p. 672-673 ; Rep., p. 686. Théophylacte

Simocatta

Ps.Arist.,

Probl..

p. 583. Théopompe Arist., Dial., p. 445, 460. Thespis Arist., Dial., p. 390.

Thierry de Freiberg Ps.Arist.. Caus., p. 645. Thomaeus (N. Leonicus -) Arist., P.N., p. 370. Thomas d'Aquin Arist., Int., p. 130-131, 154, 166; Eth., p. 183; Pol, p. 200; Phys.

p. 270;

Anim.Ar.,

p.351,

354;

P.N.,

p. 370; P.N.Ar., p. 378; Ps.Arist., Virt., p. 525 ; Caus., p. 599, 603, 606, 618-621.

623, 630, 633, 642-643, 645-647. Thomas d' York App., Liber24philos., p. 746. Thomas de Cantimpré Arist., Zool.Ar., p. 330. Thrasymaque Arist., Dial., p. 387 ; Ps.Arist.,

Rhet.Al., p. 563, 567. Tibére Alexandre, neveu de Philon d'Alexandrie Ps.Arist., Mund., p. 477.

p. 568. Todros Todrosi

d'Arles

Arist.,

Poet. Ar.,

p. 213, 218 ; Cael., p. 287. Torquatus (L. Manlius -) C 190a; Cic., Fin., p. 667-668. Triarius (C. Valerius -) Cic., Fin., p. 668. Tribunus A 499a. Tullia, fille de Cicéron Cic., Philos.. p. 704, 706-707. Turnèbe (Adrien -) Ps.Arist., Opusc., p. 487.

Al-Tüsi (Nasir al-Din abü Ga'far Muhammad p. 312; Ps.Arist., Virt., p. 512-513.

p. 583. Pol.,

Tisias Arist., Dial., p. 422; Ps.Arist., Rhet. Al.,

b. Muhammad b. al-Hasan) Arist, G.C.Ar.,

Théon de Smyrne H 1018. p. 95. Théophilos Protospatharios Ps.Arist., Probl.,

Arist., Eth., p. 180;

Tibulle C 190a. Timon de Phlionte H 105. Timothée I" Arist., Poet. Ar., p. 209. Tiro (M. Tullius -) Cic., Philos.. p. 710.

Tyrrhénos A 465a. Ustät (Astat] [Eustathios] Arist., Meta, p. 259;

Arist., Meta, p. 261-262 ; G.C.Ar., p. 304, 306, 312 ; Ps.Arist., Caus., p. 627. Val (G. du -) Arist., Meta., p. 246. Valla (Giorgio -) Arist., Eth., p. 175 ; Ps.Arist.,

Probl., p. 578, 582. Varron Arist., Dial., p. 452 ; Cic., Leg., p. 688. Vatable (François -) Ps.Arist., Opusc., p. 485.

Verrés Cic., Philos., p. 707 ; Disc.. p. 735. Verus (Lucius -), empereur A 236a. Vettori (Pier -) Arist., Pol., p. 200; Ps.Arist.,

Rhet.Al., p. 557. Vicomercati (F. -) Arist., Meteor., p. 316. Victor, évéque de Rome A 434a. Victorinus (Marius -) Arist., Int., p. 129; App., Liber24philos., p. 747. Victorius (P. -) = P. Vettori Ps.Arist., Probl., p. 588. Vincent de Beauvais Ps.Arist., Plant., p. 504.

Virgile Arist., Dial., p. 432. Vitruve H 101a, p. 90, 94. Vopiscus (C. Iulius Caesar

Strabo

-) Cic.,

Rhet., p. 724. Xantippe Arist., Dial., p. 456. Xénarque de Séleucie Arist., Anim., p. 343. Xénarque, mimographe Arist., Dial.. p. 392.

Xénocrate d’Ephese Ps.Arist., Lapid., p. 653. Xénocrate

de Chalcédoine

A

112,

Arist., Meta, p. 227, 240; Dial., 461 ; Ps.Arist., Opusc., p. 494.

p. 67; p. 457,

INDEX DES NOMS PROPRES Xénophon Arist., Dial., p. 414. 420 ; Ps.Arist.. Econ., p. 548, 551: Arist.. Dial., p. 415, 428,

430;

Ps.Arist.,

Econ.,

p. 549;

Cic.,

Philos., p. 710. Ya'qüb

(Severus)

bar Sakkü,

voir Sévère bar

Sakko. Ya'qüb b. Ishäq al-Isrá'ili A 112, p. 63. Yahyä al-Nahwi, voir Jean le Grammairien. Yahyà b. ‘Adi (Abü Zakariyyà') Arist., Eth.Ar., p. 191, 195; Poet. Ar., p. 210-211 ; Meta, p. 262; Phys., p. 269-270 ; Cael.

p. 287, 290; G.C.Ar., p. 307-308, 310, 312 ; Anim.Ar., p. 349. Al-Ya'qübi abü al-"Abbäs Ahmad b. Ishäq [Abi Ya'qüb] b. Ga'far b. Wahb b. Wadih App., Presocr.Ar., p. 748. Yehudah al-Harizi Ps.Arist., Secr., p. 650. Yehudah

b. Mosheh

Romano

(Juda Romano)

Arist., Cael, p. 293; Ps.Arist., Caus., p. 608-609, 618, 620, 623. Yehudah Cohen A 112, p. 62. Yohanan Alemanno Ps.Arist., Caus.. p. 640. Yühanná al-Qiss Arist., G.C.Ar., p. 308. Yosef Ibn Waggär Arist., P.N.Ar., p. 377.

793

Zacharias = Zacharias de Mytilène ? A 499a. Zacharias de Mytiléne Arist., Int., p. 165. Zamolxis A 465a. Zarübä [Abü Katm] al-Nà'imi (Albucaten (ou Abucaten) Avenam]

Ps.Arist., Caus., p. 615.

Zénon d'Élée Arist., Dial., p. 390, 421, 423424; Ps.Arist, Opusc., p. 494; App. Presocr.Ar., p. 753, 767. Zénon de Kition A 194; Arist., Dial., p. 418-

419

Cic., Tusc., p. 673-674 ; Disc., p. 735.

Zénon de Sidon A 87a. Zénon l'ancien = Zénon d'Élée? App., Presocr.Ar., p. 769. Zéphyrin, évéque de Rome A 434a. Zerahyah ben Yishaq ben Hunayn, voir Zerahyah b. Yishaq b. She'alti'el Hen Arist., Cael., p. 287; G.C.Ar., p. 305; Anim.Ar., p. 348-351 ; Ps.Arist., Caus., p. 608-609,

617. Zimara (Marcantonio -) Ps.Arist., Probl., P. 586; Caus., p. 647. Zoilos d'Amphipolis Ps.Arist., Rhet.Al.,

p. 569.

Index des mots-vedettes figurant dans les titres d'ouvrages des philosophes Cet index devrait permettre de retrouver d'aprés leurs mots principaux les ouvrages attribués aux philosophes qui ont bénéficié d'une notice dans le troisiéme tome de ce dictionnaire. Un méme mot peut renvoyer à plus d'un titre dans la méme notice ou la méme section de notice. Comme les notices ne rapportent pas

toujours en grec le titre des ouvrages, on a complété l'index grec par une liste de mots français ou latins, tels qu'ils apparaissent dans la notice. Tous les titres attribués aux auteurs ne sont pas nécessairement des titres d'ouvrages philosophiques. Les commentaires, traductions et paraphrases sont regroupés sous le nom du philosophe qui fait l'objet de ces travaux érudits. Lorsque la liste des œuvres comporte une numérotation, on renvoie à ces numéros. Pour les notices longues, on renvoie

également à la page oà le titre apparait. ᾿Αθηναῖος, Arist., C.A., p. 203.

᾿Αλέξανδρος, Arist., Dial., p. 379. ᾿Αλκιδάμας, A 87a. FgoAAoc, Arist., Dial., p. 379. Εὐδήμειος, Arist., Eth., p. 174.

Θεάγης, A 87a.

Θεόφραστος. Arist., Pol., p. 199. Κωλώτης, A 87a.

Μενέξενος, Arist., Dial., p. 379. Νήρινθος, Arist., Dial., p. 379.

Νικομάχειος, Arist., Eth., p. 174. Πλάτων, A 87a. Σωκράτης. A 87a. αἴσθησις, Arist., P.N., p. 371. αἰσθητός, Arist., P.N., p. 371.

ἄτομος, Ps.Arist., Opusc., p. 484. BapouXxóc, H 101a, p. 98. βασιλεία, Arist., Dial., p. 379. βραχυδιότης. Arist., ΡΝ, , p. 371.

γῇ, A 236a.

γῆρας, Arist., ΡΝ, p. 371. γραμμή, Ps.Arist., Opusc., p. 484, γυνή, A 434b. δαίμων, A 87a. διχαιοσύνη, Arist, Dial., p. 379. διήγημα, A 434b. διόπτρα, H 101a, p. 98. ἐγρήγορσις, Arist., P.N., p. 371. εἰσαγωγή, B Ib. ἐχπύρωσις, A 236a.

ἄχουσμα, Ps.Arist., Opusc., p. 484. äxouotéç, Ps.Arist., Opusc., p. 484.

ἐνύπνιον, Arist., P.N., p. 371. ἑρμηνεία, Arist., Int., p. 123, 143. ἐρωτικός, Arist., Dial., p. 379.

ἀνάμνησις, Arist, P.N., p. 371.

ebyevela, Arist., Dial., p. 379.

ἀναπνοή, Arist., P.N., p. 371. ἄνεμος, Ps.Arist., Opusc., p. 484. ἀπειρία, A 202a. ἀποικία, Arist., Dial., p. 379. &nopía, A 112, p. 64. ἀπόφανσις, Arist. Int., p. 141.

εὑρίσκειν, A 236a. εὐχή, Arist., Dial., p. 379.

ἀπόφασις, Arist., Int., p. 140-141. ἀχρόασις, Arist., Pol., p. 199.

ἀρετή, A 434b ; Arist., Eth., p. 174; Ps.Arist., Virt., p. 506.

ζήτησις, A 4348.

ζύγιον, H 101a, p. 100. ζωή, Arist., P-N., p. 371,

ἡδονή, Arist., Dial., p. 379.

ἠθυκός, A 112, p. 66 ; Arist., Eth., p. 174.

θάνατος, Arist., P.N., p. 371.

θαυμάσιος, Ps.Arist., Opusc., p. 484. θέσις, Ps.Arist., Opusc., p. 484.

796

DICTIONNAIRE DES PHILOSOPHES ANTIQUES

xaxía, Ps.Arist., Virt., p. 506. κακός, Arist., Eth., p. 174. κατάφασις, Arist., Int., p. 140-141. κόσμος. A 202a; 236a; Ps.Arist.. Mund.,

Alcibiade, A 71. Aratos, - Phénoménes.

p. 475. λέξις. Arist., Int., p. 142-143.

Aristote et Pseudo-Aristote [traductions commentaires], A 112. p. 67-69. — Anal. pr. I, A 112, p. 62.

λύσις, A 112, p. 64. μαχφοδιότης, Arist., ΡΝ, p. 371. μαντικός, Arist., P.N., p. 371. μέγας, Arist., Eth., p. 174. μέσος, A 236a.

μεταφυσιχή, Arist., Meta., p. 224. μηχανικός, Ps.Arist., Opusc., p. 484.

μνήμης, Arist. P.N., p. 371. μουσικός, B Ib.

νεότης, Arist., P.N., p. 371. νοῦς, A 112, p. 66

οἰκέτης. A 205. οὐρανός, Arist.. Cael., p. 277.

p.713.

p. 359-365. - "De animalibus" [2Hisroria animalium, De partibus animalium, De generatione animalium], Arist., Zool.Ar., p. 329-334. — De caelo, Arist., Cael., p. 279-280;

Cael.Ar. p. 283-294. — P. p. -

De generatione et corruptione, A 112, 63; Arist, G.C., p. 302-303 ; G.C.Ar.. 304-314. De interpr., Arist.. [nt., p. 122-173. De mundo, Ps.Arist.. Mund.Ar. ; p. 481-

483. — De plantis,

npóSAnua, A 112, p. 66.

ῥητορικός. Arist., Dial., p. 379.

συμπόσιον, Arist., Dial., p. 379. σοφιστής. Arist. Dial.. p. 379. oyoAux)óc. A 112, p. 64.

σχόλιον, Arist., Int, p. 123. τέχνη, B Ib. ὕπνος, Arist., P.N., p. 371. ὑπόμνημα, Arıst., [nt., p. 124. φιλοσοφίας. Arist., Dial., p. 379. φιλόσοφος, A 87a. φυσικός. A 112, p. 64 ; Arist.. Meta., p. 224. φυσιογνωμονικός. Ps.Arist., Opusc., p. 484. φυτόν, Arist., Opusc., p. 484. χρῆσις, A 205. χρῶμα, Ps.Arıst., Opusc., p. 484.

ψυχή, Arist., Dial., p. 379.

et

- De anima, Arist.. Anim., p. 342-344: Anim.Ar., p. 346-358; Anim.Paraphr..

παιδεία. Arist., Dial., p. 379.

npovola, A 112, p. 67. προσηγορία, Ps. Arist. Opusc., p. 484. προτρεπτικός, Arist., Dial.. p. 379.

Cic., Philos..

- Catégories, A 112. p. 62.

πλοῦτος, Arist., Dial., p. 379. ποιητής, Arist.. Dial., p. 379.

πολιτεία, Arist., C.A., p. 203. πολιτικός, Arist., Pol., p. 199; Dial., p. 379. πράττειν, A 434b.

traduction,

Ps.Arist.,

Plant. Ar., p. 499-

505. - De sensu et sensato, A 112, p. 62. - De virtutibus et vitiis. Ps.Arıst.. Vin. p. 537-540, 543. - Économique. Ps.Arist.. Econ., p. 549-552,

- Éthique à Nicomaque, Arist., Eth.. p. 182183, 191-198. - Métaphysique, A 112, p. 62 ; Arist., Meta.,

p. 244-245, 249-258 ; MetaAr. p. 259-264. - Météorologiques, A 112, p. 62: Arist., Meteor., p. 322-323 ; Meteor.Ar., 324-328. — Opuscules, Ps. Arist., Opusc., p. 484-495. — Physiognomonie, Ps.Arist., Physiogn.Ar.,

p. 496-498. — Parva naturalia, Arist., P.N., p. 369-370:

P.N.Ar., p. 375-378. - Physique,

A

112, p. 62;

Arist.,

Phys.,

p. 269-271. - Poétique, Arist., Poet.Ar., p. 208-218. — Politique, Arist., Pol., p. 200.

— Problemata physica,

Ps.Arist.,

Probl.,

p. 584-593 ; Probl. Ar., 593-598.

- Rhétorique, Arist., Rhet. Ar., p. 219-223. - Topiques, A 112. p. 62. Brutus, Cic., Rhet., p. 726. Cato, Cic., Sen., p. 661.

INDEX DES TITRES Cicéron, — Songe

de

Scipion,

commentaire,

Cic.,

Rep., p. 682-683. - Topiques,

797

consolario, Cic., Philos., p. 704. consulatus, Cic., Philos., p. 714.

continuité. A 112, p. 65 (19 k).

commentaire,

Cic.,

Rhet.,

p. 729. Euclide, - Éléments, commentaire, H 101a, p. 96.

corps, A 112, p. 65 (19 k).

corps éminent, A 112, p. 65 (19 k). corruption, A 112, p. 65 (19 k). critique, A 112, p. 67.

Eudéme,

- Περὶ λέξεως. commentaire, Arist., Int.,

p. 143, 145.

début, A 112, p. 65 (19 p).

definitio, H 101a, p. 95.

définition, A 112, p. 69.

Galien,A 112, p. 67-68.

direction, A 112, p. 65 (19 k).

Hortensius, Cic., Philos., p. 707 ; Hort., p. 717.

épitre A 12 P 60

Laelius, Cic., Amic., p. 663. Miltiade, A 71.

espèce, A 112, p. 67 fatum, À 112, p. 64.

Platon,

finis, Cic., Fin., p. 666.

Herennius, Cic., Rhet.. p. 730.

discours, A 112, p. 64 (19 h)

- Euthydeme, A 87a. u Gorg ias, À 87a. — Lysis, A 87a. ion. - Protagoras, traduction,

forme, A 112, p. 68-69.

geeponicus, H 101a, p. 96.

Ci

.

Cic., Philos.,

P. 711. pn Theages, A 87a. - Timée, traduction, Cic., Philos.. p. 712.

Stoicus, Cic., Parad., p. 698.

Théophraste, - Περὶ ἀποφάσεως καὶ commentaire, Arist., Int.,

'

καταφάσεως,

Tusculanus, Cic.. Tusc., p. 671. Xénocrate, A 112, p. 67. Xénophon,

- Économique, traduction, Cic., Philos., p.711.

général, A 112, p. 68.

génération, A 112, p. 64 (19h), 65 (19 k).

génèse, A 112, p. 69. genre, A 112, p. 67. .

genus, Cic., Rhet., p. 728. geodaesia, H 101a, p. 95.

β geometrica, H 101a. p. 95.

gloria, Cic., Philos., p. 710.

gouvernement, A 112, p. 68.

grandeur, A 112, p. 65 (19 p). horloge hydraulique, H 101a, p. 100.

idée, À 112, p. 69.

achèvement, A 112, p. 68. acte. A 112, p. 68.

intellectus, A 112, p. 66 inventio, Cic., Rhet., p. 722. ius, Cic., Philos., p. 714. lex, Cic.. Leg.. p. 687.

amicitia, Cic. Am., p. 663 .

mantissa, A 112, p. 66.

anima, A 112, p. 63, 66.

mechanica, H 101a, p. 97.

antérieur, A 112, p. 67. antériorité naturelle, A 112, p. 67.

mensura, H 101a, p. 96. metrica, H 101a, p. 94.

ars, Cic., Philos., p. 714. automata, H 101a, p. 98. belopoiica, H 101a, p. 99.

mobile, A 112, p. 65 (19 p), 67. monde, A 112, p. 65 (19 k). monothéisme, A 112, p. 69.

camarica, H 101a, p. 100.

moteur, A 112, p. 67.

catoptrica, H 101a, p. 98.

mouvement,

cause, A 112, p. 68-69. cause première, A 112, p. 64 (19 h).

(19 p), 68. mouvoir (se), A 112, p. 65 (19 p). 67.

cheirobalistra,

H 101a, p. 100.

ciuilis, Cic., Philos., p. 714. commentarius, Cic., Philos., p. 714.

A

112, p. 65 (19 k et p), 66

néant, A 112, p. 68-69. officium, Cic., Off., p. 676. opinion, A 112, p. 68-69.

798

DICTIONNAIRE DES PHILOSOPHES ANTIQUES

optimus, Cic., Rhet., p. 728. orator, Cic., Rhet., p. 724, 728. oratorius, Cic., Rhet, p. 729.

paradoxon, Cic., Parad., p. 698. partie, A 112, p. 65 (19 k et p). partitio, Cic., Rhet, p. 729. passion, A 112, p. 66 (19 p).

réfutation, A 112, p. 67-68. remarque, republica, rhetorica, sceptique,

A 112, p. 68. Cic., Rep., p. 681. Cic., Rhet, p. 730. H 105, p. 103.

sélection, A 112, p. 69.

perfection, A 112, p. 68.

senectus, Cic., Sen., p. 662. sentence, A 443a.

persistance, philosophe, philosophus, pneumatica,

séparé, A 112, p. 68. souveraineté divine, A 112, p. 64 (19 h). speculum, H 101a, p. 98. sphère, A 112, p. 68.

A 112, p. 65 (19 k). A 112, p. 69. A 29a. H 101a, p. 97.

poésie, A 112, p. 68. possible, A 112, p. 68. principium, A 112, p. 67-68. provenir, A 112, p. 68.

puissance, A 112, p. 65 (19 k).

stereometrica, H 101a, p. 96. thesaurus, A 29a.

thése, A 112, p. 67-68. topica, Cic., Rhet., p. 729. universaux, A 112, p. 69.

quaestio, A 112, p. 64-66.

unité, A 112, p. 69. utile, A 112, p. 68.

redigere, Cic., Philos., p. 714.

virtus, Cic., Philos., p. 710.

pythagoricien, A 443a.

Liste des notices du Supplément

ABEI| ABNIMOS DE GADARA ADRASTE D’APHRODISE AGANAFAT AGATHIOS AGATHOCLES AISCHINES DE SPHETTOS ALCIDAMAS ALCIMAQUE DE PAROS ALEXANDRE DE MACEDOINE

ALEXANDROS D'APHRODISIAS AMICUS ANAXARQUE D’ABDERE ANAXILAOS DE LARISSE ANTHÉMIOS ANTIDOROS ANTIGENES ANTIGONE GONATAS ANTIPATROS

ANTIPATROS DE TARSE ANTIPATROS DE TARSE APOLAUSTUS MEMPHIUS APOLLODORE DE CYZIQUE APOLLODORE ARATOS ARCHELAOS ARETÈ DE CYRENE ARISTAGORAS ARISTIPPE DE CYRENE ARRIA (MAIOR) ARTÉMON ARTÉMON DE MAGNÉSIE ASCLEPIADES ASTERIUS ASTRAIOS ATOCIUS ATTICUS (T. POMPONIUS -)

BACCHIUS

BYNDACÓ DE LUCANIE

85

190a

CORVINUS

CTESIPHON

86

126a

DIODOROS D’ALEXANDRIE

175

EUTOCIUS

10la

HERON D’ALEXANDRIE HERODOTE DE SMYRNE

HEODOTE DE TARSE HERON LE CORDONNIER

103

800

DICTIONNAIRE DES PHILOSOPHES ANTIQUES U. ARISTOTE DE STAGIRE

Organon La tradition des commentaires grecs sur le De interpretatione (Int.) Éthique et politique

Éthiques. Tradition grecque (Eth.) Éthiques. Tradition syriaque et arabe (Eth.Ar.) Politique (Pol.) Constitution des Athéniens (C.A.)

Poétique et rhétorique La Poétique. Tradition syriaque et arabe (Poet.Ar.) Compléments sur la tradition syriaque et arabe de la Rhétorique Métaphysique La Métaphysique. Tradition grecque (Meta.) Compléments sur la tradition arabe de la Métaphysique (Meta.Ar.)

Écrits sur l'histoire naturelle et la psychologie Physique. (Phys.) De caelo. Tradition grecque (Cael.) De caelo. Tradition syriaque et arabe (Cael.Ar.) De generatione et corruptione. Tradition grecque (G.C.) De generatione et corruptione. Tradition syriaque et arabe (G.C..Ar.) Meteorologica (Meteor.) Meteorologica. Tradition syriaque et arabe (Meteor.Ar.) Zoologica. Tradition syriaque et arabe (Zool.Ar.) De anima. Tradition grecque (Anim.) De anima. Tradition syriaque et arabe (Anim.Ar.) De anima. Paraphrase arabe (Anim.Paraphr.) Parva naturalia. Tradition grecque (P.N.)

Parva naturalia. Tradition arabe (P.N.Ar.) Dialogues (Fragments) (Dial.) Ill. ARISTOTE DE STAGIRE. DUBIA ET SPURIA

De mundo. Tradition grecque (Mund.) De mundo. Tradition syriaque et arabe (Mund.Ar.) Opuscules (Opusc.) Physiognomica. Tradition arabe (Physiogn.Ar.)

De plantis. Tradition arabe (Plant.Ar.) De virtutibus et vitiis

(Virt.)

Économique (Econ.)547-553

Rhétorique à Alexandre (Rhet.Alex.) Problemata physica. Tradition grecque (Probl.) Problemata physica. Tradition orientale (Probl.Ar.)

593

LISTE DES NOTICES DU SUPPLEMENT Liber de causis (Caus.) Secretum Secretorum (Secr.) De lapidibus (Lapid.)

IV. CICERON Instrumenta studiorum (Inst.) De senectute (Sen.)

De amicitia (Amic.) De finibus (Fin.) Tusculanes (Tusc.) De Officiis (Off.)

De Republica (Rep.) De Legibus (Leg.) Paradoxa (Parad.)

Philosophica (Philos.) Hortensius (Hort.) Traités rhétoriques (Rhet.) Discours (Orat.) V. APPENDICES

Liber XXIV philosophorum Anaximéne, Anaximandre, Anaxagore et Démocrite dans la tradition arabe

745 749

TABLE DES MATIERES

AVANT-PROPOS

Auteurs des notices du Supplément ....... Abréviations Avertissement

I. Notices complémentaires pour les tomes antérieurs (A-K)

II. Aristote de Stagire III. Aristote de Stagire. Dubia et spuria

473

IV. Cicéron ......

655

V. Appendices

743

Index des noms propres

775

Index des mots-vedettes figurant dans les titres

795

Liste des notices du tome III

799

Imprimé en France par EUROPE MEDIA DUPLICATION S.A. 53110 Lassay-les-Cháteaux N° dossier : 11211 — Dépôt légal : octobre 2003