Dictionnaire des philosophes antiques, Tome 3: d'Eccélos à Juvénal [3, 1 ed.] 2271057485, 9782271057488

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French Pages 1072 [1070] Year 2000

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Dictionnaire des philosophes antiques, Tome 3: d'Eccélos à Juvénal [3, 1 ed.]
 2271057485, 9782271057488

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DICTIONNAIRE DES

PHILOSOPHES ANTIQUES

DICTIONNAIRE DES

PHILOSOPHES ANTIQUES publié sous la direction de

RICHARD GOULET Chercheur au CNRS

III

d'Eccélos à Juvénal

CNRS ÉDITIONS

15 , rue Malebranche, 75005 PARIS 2000

172

D52 1994 0. 3

© CNRS ÉDITIONS, Paris, 2000 ISBN 2 -271-05748 -5

grad $1406151 shilo

2/25/04

AVANT- PROPOS Ce troisième tome paraît plus de six ans après le précédent. C ' est un délai

excessif qui demande quelques explications. La première est de caractère stricte

ment personnel. Devant l'urgence de la situation, j'ai accepté en 1994-1995 la responsabilité d 'informatiser la banque de données de l'Année philologique et de développer, en étroite collaboration avec son directeur, Pierre-Paul CORSETTI, et

son directeur-adjoint, Éric REBILLARD , le programmede gestion et de publica tion automatique des données saisies annuellement dans les différentes succur sales. La difficulté et l'ampleur de la tâche dépassèrent les estimations et récla

mèrent certains mois l'essentiel de mes énergies. Le programme est maintenant utilisé en mode réseau par l'ensemble de l'équipe internationale et il a déjà servi

à publier les trois derniers volumes annuels (tomes 66 -68 ). La seconde explica tion , pour une part liée à la précédente, tient au fait que de trop nombreuses

notices, prises en charge par des rédacteurs compétents et toujours promises pour des dates reportées de fois en fois, ne m 'ont jamais été remises, peut-être parce que l'on me savait occupé à d'autres tâches. J'ai dû en conséquence rédiger moi même plusieurs de ces notices, parfois difficiles, ce qui a retardé d 'autant la mise au point du manuscrit final. Il faudra pour l'avenir éviter que de telles situations

se reproduisent. Assurer l'harmonisation et la vérification desmilliers de références regrou pées dans ces 483 notices, parfois fort longues, demande aussi beaucoup de

temps. J'ai pu à nouveau compter sur l'aide demon collègue Tiziano DORANDI qui a relu l'ensemble de l'ouvrage et proposé de fort utiles compléments biblio graphiques, et sur celle de Simone FOLLET qui a procédé à une correction impi toyable des épreuves et retrouvé des erreurs bibliographiques, linguistiques,

orthographiques, typographiques de tous ordres. Je les remercie tous deux de

leur indispensable collaboration. Maroun AQUAD m 'a constamment apporté une aide précieuse pour tout ce qui concerne la tradition orientale des textes philosophiques. Il a également collaboré à la révision des index . Le lecteur ne manquera pas de repérer plusieurs notices remarquables, parfois

exceptionnellement développées, préparées par des collègues espagnols. Leur collaboration nous a été acquise par Pedro Pablo FUENTES GONZÁLEZ, profes seur à l'Université de Grenade, qui s' est également chargé d 'adapter ces notices

au format bibliographique du Dictionnaire. La préparation de ce troisième tome n'aurait pas été possible sans le support matériel et financier de l'UPR 76 du C . N . R . S ., maintenant dirigée par Michel NARCY , et le soutien amical de tous sesmembres.

DICTIONNAIRE DES PHILOSOPHES ANTIQUES

Je dois également remercier mon épouse, Marie -Odile GOULET-CAZÉ , qui s'est chargée de la relecture finale de l'ouvrage et a ainsi permis la correction de

nombreuses fautes ou coquilles. C 'est avec beaucoup d'émotion qu' il me faut saluer la mémoire du Père Georges Matthieu DE DURAND, O .P., décédé le 3 novembre 1997 , qui a rédigé la notice « Eunome l' Arien » . C 'est lui qui a dirigé mon premier mémoire sur

Grégoire de Nysse à Montréal en 1968-1969 et c'est lui encore qui, alors que j' étais venu étudier à Paris, m ’a suggéré de rédiger mon doctorat de troisième cycle sur MacariosMagnès. C 'était un homme d'une immense culture et d'une grande méthode, comme l'attestent la qualité de ses éditions critiques et la rigueur inégalée de ses bulletins de patristique dans la Revue des Sciences Philo sophiques et Théologiques. Trois autres rédacteurs de ce troisième tome nous ont quittés prématurément. Jesús LENS TUERO, qui avait déjà écrit la notice « Diodore de Sicile » dans le

tome précédent, et qui a rédigé , avec Pedro Pablo FUENTES GONZÁLEZ , la notice « lamboulos» du présent tome, était à Grenade le maître de la plupart des collaborateurs espagnols de ce Dictionnaire. Omer BALLÉRIAUX, spécialiste de

Thémistius, a consacré dans ce troisième tomeune notice à « Eugenius» , le père du philosophe. Quant à John WHITTAKER , qui fut autrefois chercheur associé

dans notre unité de recherche, il a collaboré à notre projet depuis l'origine et a rédigé de nombreuses notices sur les médio -platoniciens. Ses amis sontheureux d'avoir pu l'honorer avant sa mort d'un volume demélanges. Je remercie enfin les auteurs qui nous ont fait parvenir leurs ouvrages ou des tirés à part de leurs publications. Étant donné l'éclatement actuel de la biblio graphie scientifique en des revues et des recueils toujours plus nombreux, c'est pour eux une garantie supplémentaire de voir leurs études les plus récentes prises

en compte dans les notices du Dictionnaire . Nous avonsmaintenu pour l'essentiel la présentation choisie lors de la publi cation des tomes précédents . La seule nouveauté importante est l'indication des numéros de notices dans le titre courant. RICHARD GOULET.

Toute correspondance peut être adressée à Richard Goulet

4, rue de l'Abbaye F - 92160 ANTONY

AUTEURS DES NOTICES DU TOME III

Anna ANGELI

Liceo Classico « Vittorio Emanuele III» (Napoli) I 14.

Maroun AQUAD

C .N .R .S. (Paris) I 39 .

TOmer BALLÉRIAUX Daniel A . BERTRAND

Liège. E 110.

C .N .R .S . (Strasbourg) H 154 .

Margarethe BILLERBECK

Université de Fribourg (Suisse) I 40.

Véronique BOUDON

Université de Paris IV

Jean BOUFFARTIGUE

Université de Paris X (Nanterre )

E 35; 92; G 3; 20; H 58 . I 2; 46 .

Luc BRISSON

C .N . R . S. (Paris) E 38; 51; 53; 56 ; 58 , 59; 74; 94; 162; F 13; G 13; 14 ; 21; 29; H 84 ; 94; 128 ; 173; 1 20 ; 26 .

Jacques BRUNSCHWIG

Université de Paris I

Michel CACOUROS

E 75; 130; 143; G 18; H 54 ; 105. École pratique des Hautes Études (Ive section ) E 163.

José María CAMACHO ROJO

Université de Grenade 141.

Javier CAMPOS DAROCA

Université d 'Almeria H 8; 12 ; 101.

Bruno CENTRONE

C .N .R . (Rome) E 1; 4; 5; 6 ; 8 ; 9 ; 13; 21; 23; 26 ; 28; 29; 39; 46 ; 47; 50 ; 63,64; 66 ;69; 78 ; 95; 104; 107; 120 ; 126 ; 129 ; 141; 144 ; 145 ; 146 ; 150 ; 166 ; 168; 173; 174 ; 180 ; G 7 ; 24 ; 26 ; 36 ; H 1 ; 2 ; 5 ; 6 ; 23 ; 24 ; 36 ; 37 ;

88 ; 99; 112; 115 ; 139; 140; 144; 153; 155; 159; 161; I 11.

Frédéric CHAPOT

Professeur agrégé de lettres classiques H 93.

10

DICTIONNA

Yves CHARTIER

D P IRE ES HILOSOPHES ANTIQUES Université d 'Ottawa G 8.

Michael CHASE

Vassa S . CONTICELLO

Chercheur associé U .P.R . 76 G9; 10.

École pratique des Hautes Études (Ve section ) J1.

Georges M . DE DURAND , O .P.

Professeur émérite à l'Université deMon

tréal – Institut des Sources chrétiennes E 122. John DILLON

Trinity College , Université de Dublin

Tiziano DORANDI

E 97; H 170 ; I 3. C .N . R . S. (Paris) E 2; 12 ; 16 ; 61; 62 ; 65; 73; 76 ; 77 ; 83; 89; 90 ; 117; 123, 127, 128 ; 137 ; 140; 147; 148 ; 165 ; G 1 ; 25 ; H 4 ; 11; 21; 25; 26 ; 33; 47 ; 48 ; 55 ; 57 ; 66 ; 75;

80 ; 82; 91; 97; 103; 111; 113; 137 ; 141; 142; 147; I 7 ; 9; 16 ; 17.

Michèle DUCOS

Université de Paris IV (Sorbonne ) E 25; 176 ; F 1; 3; 4; 6 ; 24 ; 26 ; 27; G 4 ; 5 ; 12 ; 32; 33; H 27 ; 39 ; 40 ; 41; 167; I 10 ; 52 .

Fabrice EMPLI

Professeur agrégé de lettres classiques H 160.

Jean -Marie FLAMAND

I. R . H . T . (Paris) E 139 ; F 7; H 100; 1 50.

Simone FOLLET

Université de Paris IV (Sorbonne)

Jacques FONTAINE

E 86; 133; F 10 ; G 11; H 28; 1 27. Institut de France 1 34.

Pedro Pablo FUENTESGONZÁLEZ

Université de Grenade E 33;52; H 8; 12 ;64a; 101; 138 ; 151; 15; 38; 41.

JesúsMaría GARCÍA GONZÁLEZ

Université de Grenade H 138 .

PaulGÉHIN

I.R .H .T. (Paris) E 184.

Stephen GERSH Marie -Odile GOULET-CAZÉ

Université Notre-Dame (Indiana) E 11; 102; 158; 159; F 2; 12 ; 23. C .N .R .S . (Paris ) E 3 ; 42; 70 ; 72; 138; F 8; G 27; H 16 ; 19; 46 ; 68; 74 ; 92; 156 ; 162; 169; 171; 177; 1 24 ; 28.

AUTEURS DES NOTICES

Richard GOULET

C .N .R .S. (Paris) E 1; 7; 10; 14 ; 15; 19; 20; 30; 31; 34; 36 ; 37; 41; 43; 44 ; 48 ; 49; 55 ; 60 ; 60a; 67; 68; 79 ; 84 ; 88 ; 100 ; 101; 103 ; 105; 106 , 108 ; 109; 111; 114 ; 115 ; 121; 124 ; 131; 134 ; 135 ; 149 ; 152 ; 153; 155 ; 156 ;

157 ; 160; 161; 167; 170 ; 171; 175; 177; 182; 187 ; F 5 ; 11; 17 ; 18 ; 19; G 6 ; 16 ; 17; 19; 29 ; 30 ; 31; 34 ; H 13; 14 ; 15 ; 17 ; 18 ; 34 ; 35 ; 38 ; 43; 45 ; 49 ; 51; 52 ; 59 ; 62; 67; 71 ; 78 ; 79 ; 89 ; 96 ; 97a ; 98 ;

102 ; 106 ; 107; 108 ; 109 ; 114 ; 116 ; 119 ; 122; 124 ; 125 : 127 ; 130 ; 132 ; 133; 134 ; 135 ; 143; 148; 149;

150 ; 158 ; 161; 163; 164; 165; 174 ; 176 ; I 1; 8 ;

15; 18; 19; 21; 22; 29; 30 ; 31; 37; 39; 45 ; 47 , 48 ; 49; J 2 .

Christian GUÉRARD

C . N . R . S . (Paris )

Ilsetraut HADOT

H 53; 72; 73. C .N .R .S. (Paris)

Marie -Christine HELLMANN

H 126. Institut de recherche sur l'architecture

antique (C .N .R .S.)

Henri HUGONNARD-ROCHE

E 82; G 28; H 64. C . N . R . S . (Paris ) E 54; 154.

Jacques JOUANNA

Université de Paris IV (Sorbonne) Institut de France H 152.

Jan Fredrik KINDSTRAND

Université d’Uppsala

LaurentLEIDWANGER

E 27; 96 ; 151; H 76; 178. Professeur agrégé de lettres classiques E 45.

Jesús LENS TUERO

Université de Grenade 15 .

Hélène LONGPRÉ

Université d 'Ottawa E 163

Juan Luis LÓPEZ CRUCES

Université d 'Almeria H 64a; I 38.

Caroline MAGDELAINE

Université Marc Bloch-Strasbourg

Pierre MARAVAL

Université de Paris IV (Sorbonne)

H 152.

E 17;40; 81; 112; 113; 119; 153; 155; H 70; 81; 85; 95 ; 120 ; 123; 131; I 23; 32 ; 33.

Alain MARTIN

Université Libre de Bruxelles E 19 .

DICTIONNAIRE DES PHILOSOPHES ANTIQUES École Pratique des Hautes Études, Section SergeMOURAVIEV

des sciences religieuses H 64 ; 90.

Claire MUCKENSTURM -POULLE

Université de Besançon G 35.

Robert MULLER

Université de Nantes

Michel NARCY

E 71; 82; 125; 1 12 . C .N . R . S . (Paris) E 169; 172; G 28; H 20; 145; 157; I4; 13.

Brigitte PÉREZ

Professeur agrégé de lettres classiques

Jean PÉPIN

C .N . R . S . (Paris )

E 24 . F9; H 63; 1 51.

Bernadette PUECH

Université de Nancy II E 18; 32; 33a; 85 ; 99; 116 ; 118 ; 136 ; 142; 164; 181; 183; 185; 186 ; 188; F 14 ; 15; 16 ; 20; 21; 22;

25; G 22; 23; 30 ; H 3 ; 7 ; 10 ; 42 ; 44 ; 50 ; 56 ; 65;

69; 77; 87; 104; 110 ; 117; 118, 146 ; 166; 168; 172; 1 35 ; 36 ; 43; 44; 49.

Marie -Henriette QUET

C .N . R .S.,UMR 8585 (Paris) E 87 .

François QUEYREL

Université de Paris IV (Sorbonne) H 75.

Patrick ROBIANO

Professeur agrégé de lettres classiques

Henri Dominique SAFFREY

E 132 ; 178; 179; H 31; 16 ; 25 ; 42. C . N . R . S . (Paris) H 22; 30 ; 121; 175.

Jacques SCHAMP

Université de Fribourg (Suisse ) H 136 .

Jean -Pierre SCHNEIDER Robert B . TODD

Bernard VITRAC

Université de Neuchâtel (Suisse) E 22; 57; 91; 93; 98 ; H 60;61; 83; 86 ; 129. University of British Columbia (Vancouver) G 15 ; H 32.

C .N . R .S. (Paris) E 80 .

tJohn WHITTAKER

Memorial University of New Foundland G 2 ; H 9.

ABRÉVIATIONS I. Revues et périodiques

A& A

Antike und Abendland. Beiträge zum Verständnis der

Griechen und Römer und ihres Nachlebens. Berlin. A &R

Atene e Roma. Rassegna trimestrale dell'Associazione italia

na di cultura classica . Firenze. AA

Archäologischer Anzeiger. Berlin .

AAA

'Apxaloloyixd 'Avárexta ÉĘ ’AInVõv. Athènes.

AAAH

Acta ad Archaeologiam et Artium Historiam pertinentia .

Institutum Romanum Norvegiae, Roma. AAHG

AAntHung

Anzeiger für die Altertumswissenschaft, hrsg. von der Öster reichischen Humanistischen Gesellschaft. Innsbruck .

Acta Antiqua Academiae Scientiarum Hungaricae. Buda pest.

ААР AAPal

Atti dell'Accademia Pontaniana.Napoli. Atti dell'Accademia di Scienze, Lettere e Arti di Palermo. Palermo.

AAPat

Atti e Memorie dell'Accademia Patavina di Scienze, Lettere

ed Arti, Classe diScienzemorali, Lettere ed Arti. Padova. AAT

Atti della Accademia delle Scienze di Torino, Classe di

AATC

Scienze morali, storiche e filologiche. Torino . Atti e Memorie dell'Accademia Toscana “ La Colombaria ”. Firenze .

AAWG

Abhandlungen der Akademie der Wissenschaften in Göttin gen. Philologisch -historische Klasse . Göttingen . 3. Folge, 27, 1942 - . (Auparavant AGWG )

1. Ces listes ont pour but de faciliter l' identification des sigles et des abréviations utilisés dans l'ouvrage . Il ne s'agit donc pas d 'une bibliographie générale sur la philosophie antique .

On n ' y cherchera pas non plus une description bibliographique complète des périodiques et des collections qui y sont recensés. Les sigles adoptés sont le plus souvent ceux de l'Année

philologique. On a retenu dans d 'autres cas les usages établis dans les publications spéciali sées (orientalisme, archéologie ). Nombre de revues ont connu des changements dans leur titre,

leur sous-titre, leur système de tomaison et leur lieu de publication. Il nous était impossible de rendre compte de toutes ces variations. Certaines revues ont paru en plusieurs séries succes

sives ayant chacune leur tomaison propre. Dans nos notices, nous n 'avons pas précisé à quelle série correspondait la tomaison d 'une référence lorsque la date de publication permettait faci lement de la retrouver.

DICTIONNAIRE DES PHILOSOPHES ANTIQUES

AAWM /GS AAWM / L

Abhandlungen der Akademie der Wissenschaften (und der Literatur), Mainz, Geistes- und sozialwissenschaftliche Klasse . Wiesbaden . Abhandlungen der Akademie der Wissenschaften (und der Literatur), Mainz, Klasse der Literatur. Wiesbaden .

АВ

Analecta Bollandiana. Société des Bollandistes, Bruxelles.

ABAW

Abhandlungen der Bayerischen (- 1920 : Königl. Bayer.)

ABG

Klasse .München. Archiv für Begriffsgeschichte . Bausteine zu einem histo rischen Wörterbuch der Philosophie. Bonn .

Akademie der Wissenschaften , Philosophisch-historische

ABSA AC ACD

Annual of the British School at Athens. London . L'Antiquité Classique.Louvain -la -Neuve.

Acta Classica Universitatis Scientiarum Debreceniensis. Univ. Kossuth , Debrecen .

ACF

Annuaire du Collège de France. Paris.

Acme

Acme. Annali della Facoltà di Filosofia e Lettere dell'Uni versità statale di Milano. Milano . Acta Seminarii Philologici Erlangensis. Erlangen , puis

ActSemPhilolErl Adamantius

ADFF ADMG

Leipzig . Adamantius. Notizario del Gruppo Italiano di Ricerca su “ Origene e la tradizione alessandrina ”, Pisa. Annali del Dipartimento di filosofia dell'Università di Firenze. Firenze. Abhandlungen der Deutschen Morgenländischen Gesell schaft. Leipzig

AE

AEAtl AEFUE

voir ArchEph. Anuario de Estudios Atlánticos. Madrid /Las Palmas. Anales de estudios filológicos de la Universidad de Extrema

dura. Cáceres. Aegyptus

Aegyptus. Rivista italiana di egittologia e di papirologia. Milano.

AEHE, IVe sect.

Annuaire de l'École pratique des Hautes Études, Sciences historiques et philologiques. Paris.

AEHE, De sect.

Annuaire de l'École pratique des Hautes Études, Sciences religieuses. Paris.

Aesculape

Aesculape. Revue mensuelle illustrée des lettres et des arts

dans leurs rapports avec les sciences et la médecine. Société internationale d'histoire de la médecine. Paris . Aevum

Aevum . Rassegna di scienze storiche, linguistiche e filolo giche. Milano.

ABRÉVIATIONS - REVUES ET PÉRIODIQUES AFB

15

Anuari di filologia, Secció D : Studia Graeca et Latina. Barcelona.

AFLB

Annali della Facoltà di Lettere e Filosofia di Bari. Bari.

AFMC

Annali della Facoltà di Lettere e Filosofia della Università di Cagliari. Cagliari.

AFLL

Annali della Facoltà di Lettere di Lecce. Lecce.

AFLM

Annali della Facoltà di Lettere e Filosofia , Università di

Macerata. Padova. AFLN

Annali della Facoltà di Lettere e Filosofia della Università

di Napoli.Napoli. AFMC

Annali della Facoltà di Magistero dell'Università di Cagliari. Cagliari.

AGM (N )

Sudhoffs Archiv für Geschichte der Medizin und Natur wissenschaften. Wiesbaden .

AGPh AGWG

Archiv für Geschichte der Philosophie . Berlin . Abhandlungen der (- 1921 : Königl.) Gesellschaft der Wissenschaften zu Göttingen , (à partir de 1893 :) Philolo gisch -historische Klasse. (Berlin , puis ) Göttingen . 1, 1838 / 1842 – 40, 1894/1895 ; N .F. 1, 1896 / 1897 – 25, 1930/ 1931 ;

3. Folge 1, 1932 – 26, 1940. Pour la suite, voir AAWG. AHAW

AHB

Abhandlungen der Heidelberger Akademie der Wissen schaften, Philosophisch-historische Klasse. Heidelberg. The Ancient History Bulletin . Alberta Department of

AHES

Archive for History of Exact Sciences. Berlin .

AHMA

Archives d 'Histoire doctrinale et littéraire du Moyen Âge.

Classics. Calgary . Paris .

Abstrlran

Abstracta Iranica. Revue bibliographique pour le domaine irano -aryen publiée en Supplément à la revue Studia Iranica. Institut français d 'iranologie. Téhéran /Leiden .

AIHS

Archives Internationales d'Histoire des Sciences.Roma.

AIIS

Annali dell'Istituto Italiano per gli Studi Storici. Bologna.

AIPho

Annuaire de l'Institut de Philologie et d 'Histoire Orientales

AIV

et Slaves de l'Université Libre de Bruxelles. Bruxelles. Atti dell'Istituto Veneto di Scienze, Lettere ed Arti, Classe di Scienze morali e Lettere. Venezia .

AJA AJAH AJPh

American Journal of Archaeology. New York.

American Journal of AncientHistory. Cambridge (Mass.). American Journal of Philology. Baltimore. Antike Kunst, hrsg. von der Vereinigung der Freunde antiker Kunst in Basel. Olten .

16

A D P IRE ES HILOSOPHES NTIQUES

DICTIONNA

AMal

Akroterion . Quarterly for the Classics in South Africa. Dept. of Classics.Univ. of Stellenbosch . Al-muktataf. An Arabic scientific review .Le Caire. Das Altertum , hrsg. vom Zentralinstitut für Alte Geschichte und Archäologie der Deutschen Akademie der DDR . Berlin . Analecta Malacitana. Revista de la Sección de Filología de

Ambix

la Facultad de Filosofía y Letras. Malaga. Ambir. The Journal of the Society for the study of alchemy

Akroterion

Al-muktataf Altertum

and early chemistry . Cambridge.

AN

Aquileia Nostra . Bollettino dell'Associazione nazionale per Aquileia. Aquileia.

AncPhil AncSoc AncW

Ancient Philosophy. Pittsburgh.

Angelicum

Angelicum . Universitas a Sancto Thoma Aquinate in Urbe.

Annales E . S . C.

Roma. Annales( Économie, Sociétés, Civilisations). Paris. L 'Année Épigraphique. Paris.

AnnEpigr AnnMedHist Anregung Antaios Antichthon

Ancient Society. Louvain .

The Ancient World . Chicago.

Annals ofMedicalHistory. New York. Anregung. Zeitschrift fürGymnasialpädagogik .München .

Antaios. Stuttgart.

Antichthon. Journal of the Australian society for classical

AntikTanulm Antiquitas

studies. Sydney. Antik Tanulmányok. Studia antiqua. Budapest. Antiquitas. Rivista trimestrale di antichità classica. Salerno.

Antiquity

Antiquity. A quarterly review of archaeology. Newbury , Berks.

AOMV

Annali dell' Ospedale Maria Vittoria di Torino. Torino.

APAW

Abhandlungen der (-1870 : Königl.; 1871- 1917: Königl. Preuß. ; 1918 -44 : Preuß.; puis :) Deutschen Akademie der Wissenschaften zu Berlin , Philosophisch-historische Klasse . Berlin .

Apeiron

Apeiron. Department of philosophy, University of Alberta ,

APF

Archiv für Papyrusforschung und verwandte Gebiete.

AQ

Leipzig. Al- Qantara . Revista de estudios árabes.Madrid . Arabica . Revue d'études arabes. Leiden.

Canada.

Arabica ArchClass

Archeologia Classica. Rivista della Scuola nazionale di Archeologia , pubblicata a cura degli Istituti di Archeologia e

ABRÉVIATIONS - REVUES ET PÉRIODIQUES

17

Storia dell'arte greca e romana e di Etruscologia e antichità italiche dell'Università di Roma. Roma. ArchDelt

’Apxaloloyixòv Akłtiov. Athènes.

Archeion ArchEph

Archeion . Archivio di storia della scienza.Roma.

'Apxaloloyiun 'Eonuepis (-1909 : 'Eq. 'Apx.). ’Apxalo hoyixń ÉTaipeta . Athènes.

ArchGlottltal

Archivio Glottologico Italiano. Firenze .

ArchGiurid

Archivio Giuridico. Pisa. Archivio italiano di psicologia generale e del lavoro .

ArchltalPsicol

Torino .

ArchOrient Archiv Philos ArchPhilos

Archiv Orientální. Praha. Archiv für Philosophie. Stuttgart. Archives de Philosophie. Recherches et documentation . Paris.

Arctos

Arctos. Acta philologica Fennica,Helsinki.

ArtsAsiatiques ARID ARW

Arts Asiatiques. Paris. Analecta Romana Instituti Danici. Odense. Archiv für Religionswissenschaft. Leipzig/Berlin .

AS

Anatolian Studies. Journal of the British Institute of

AsiatStud

ASNP

Archaeology at Ankara. London. Asiatische Studien . Études Asiatiques. Berne. Annali della Scuola Normale Superiore di Pisa , Classe di Lettere e Filosofia. Pisa .

ASPh

Arabic Sciences and Philosophy.Cambridge.

Athena Athenaeum

'Αθηνά. Σύγγραμμα περιοδικόν της εν Αθήναις επι omuovexñS ÉTaipeiaç. Athènes. Athenaeum . Studi periodici di Letteratura e Storia dell'Anti

Athenaion

chità. Pavia. 'AOńvalov. Evrypaupa neplodixòv. Athènes .

AU

Der altsprachliche Unterricht. Arbeitshefte zu seiner

wissenschaftlichen Begründung und praktischen Gestalt.

Stuttgart. AUG

Annales de l'Université de Grenoble. Paris/Grenoble.

Augustinus

Augustinus. Revista publicada por los Padres Agustinos recoletos.Madrid .

AUMur

Anales de la Universidad de Murcia (Letras).Murcia.

ВА

Bollettino d 'Arte del Ministero della Pubblica Istruzione. Roma.

BAB

Bulletin de la Classe des Lettres de l'Académie Royale de Belgique. Bruxelles.

E

NAIR

18

BABesch

BACILE

ION DICT

PHES

OSO DES PHIL

QUES

ANTI

Bulletin Antieke Beschaving.Leiden . Bull. semestriel de l'Association des classiques de l'Univer sité de Liège. Stavelot.

BACTH

Bulletin Archéologique du Comité des Travaux Historiques. Ministère de l'Éducation nationale, Paris .

BAGB

Bulletin de l'Association Guillaume Budé. Paris. Bulletin d 'ArchéologieMarocaine. Casablanca.

BAM

BANL BAR

Boletín de la Academia Nacional de Letras.Montevideo. Bulletin de l'Académie des sciences de l’ U .R.S.S. Leningrad, puis Moscou.

BAug BBG BCAL

« Bulletin Augustinien » dans REAug. Blätter für das Bayerische Gymnasialschulwesen.München. Bulletin critique des Annales Islamologiques. Supplément aux Annales Islamologiques. Institut français d'archéologie orientale .Le Caire .

BCH

Bulletin de Correspondance Hellénique. Paris.

BCO

Bibliotheca Classica Orientalis. Dokumentation der alter tumswissenschaftlichen Literatur der Sowjetunion und der Länder der Volksdemokratien . Berlin.

BE BEO

« Bulletin épigraphique » dans REG .

Berytus

Bulletin d 'Études Orientales, publié par l'Institut français de Damas. Beyrouth . Berytus. Archaeological Studies published by the Museum of Archaeology of the American University of Beirut. Beirut.

Bessarione

Bessarione. Pubblicazione periodica di studi orientali. Roma.

BFAUE

Bulletin of the Faculty of Arts of University of Egypt. Le Caire .

BFCI

Bollettino di Filologia Classica . Torino.

BHM

Bulletin of the History of Medicine. Baltimore. Bulletin de l'Institut français d'Archéologie Orientale. Le

BIAO

Caire . BiblMath

Bibliotheca mathematica. A series of monographs on pure and applied mathematics. Amsterdam .

BICS BIEH

Bulletin of the Institute of Classical Studies. University of London . Boletín del Instituto de Estudios Helénicos. Barcelona.

BIE

Bulletin de l'Institut d'Égypte. Le Caire.

Bilychnis

Bilychnis. Roma.

BK

19 ABRÉVIATIONS -REVUES ET PÉRIODIQUES Bedi Karthlisa. Revue de kartvélologie (Études géorgiennes

et caucasiennes). Destin de la Géorgie. Paris. Devenu , à

partir de 1985, Revue des études géorgiennes et cauca siennes.

BLE

Bulletin de Littérature Ecclésiastique. Toulouse.

BLR BMAH

The Bodleian Library Record. Oxford.

BO

Bibliotheca Orientalis, uitg. van het Nederlandsch Instituut voor het Nabije Oosten . Leiden . Bollettino dei classici, a cura del Comitato per la prepa

BollClass

Bulletin desMusées royaux d'Artetd 'Histoire. Bruxelles.

razione dell'edizione nazionale dei classici greci e latini. Roma.

BonnerJb

Bonner Jahrbücher des Rheinischen Landesmuseums in Bonn und des Vereins von Altertumsfreunden im Rheinlande. Köln .

Boreas

Boreas. Münstersche Beiträge zur Archäologie.Münster.

BPhw

Berliner Philologische Wochenschrift. Leipzig/Berlin . (Suite : PhW ).

BRGK

Bericht der Römisch -Germanischen Kommission des

BSOAS

Deutschen Archäologischen Instituts. Berlin . Bulletin of the School of Oriental and African Studies.

BStudLat

London . Bollettino di Studi Latini. Periodico quadrimestrale d' infor

BullScMath

mazione bibliografica . Napoli. Bulletin des sciences mathématiques et astronomiques. Paris, réimpr. Amsterdam .

BullGéod

Bulletin géodésique. Official Journal of the International Association ofGeodesy & InternationalUnion of Geodesy and Geophysics. Berlin .

BWP

Winckelmannsprogramm der Archäologischen Gesellschaft

Byrsa

zu Berlin . Berlin . Cahiers de Byrsa. Musée Lavigerie (Carthage, Tunisie).

Byzantion

Byzantion. Revue internationale des études byzantines.

Paris .

Bruxelles. Byz] Byzs

ByzZ C&M

Byzantinisch -neugriechische Jahrbücher. Athènes. Byzantinoslavica. Revue internationale des études byzan tines. Praha. Byzantinische Zeitschrift.München . Classica et Mediaevalia. Revue danoise d'histoire et de

philologie publiée par la Société danoise pour les études anciennes etmédiévales. København .

20

C &S Caesaraugusta

A D P AIRE ES HILOSOPHES NTIQUES

DICTIONN

Cultura e Scuola . Roma. Caesaraugusta . Arqueología , prehistoria, historia antigua .

CSIC , Inst. Fernandino el Católico. Zaragoza . Caesarodunum

CahsWeil

Caesarodunum . Institut d'études latines de l'Université de Tours . Cahiers Simone Weil. Revue trimestrielle publiée par l'Asso ciation pour l'étude de la pensée de Simone Weil. Paris.

CB

The Classical Bulletin , Saint Louis.

CCC CCM CE CEA

Civiltà Classica e Cristiana. Genova. Cahiers de Civilisation Médiévale. Poitiers.

Chronique d'Égypte. Bruxelles. Cahiers des Études Anciennes. Montréal.

Centaurus

Centaurus. International magazine of the history of mathe

CF

matics, science and technology. København. Classical Folia. Studies in the christian perpetuation of the Classics. New York .

CFC

Cuadernos de Filología clásica (Estudios Griegos e indo

europeos).Madrid . Chiron

Chiron. Mitteilungen der Kommission für alte Geschichte

und Epigraphik des Deutschen Archäologischen Instituts. München .

CIMA

Cahiers de l'Institut du Moyen Age grec et latin . Køben havn .

CJ

The Classical Journal. Athens (Georgia ).

CIAnt CollectFranciscC

Classical Antiquity. Berkeley.

CollectTheol

Collectanea Theologica Societatis theologorum Polonae

Contributo CPh

cQ COR CR CRAI

Collectanea Franciscana. Roma. cura edita . Varsovie . Contributo . Osservatorio astrofisico , Arcetri. Firenze.

Classical Philology. Chicago. Classical Quarterly. Oxford . Church Quarterly Review .London. ClassicalReview . Oxford .

Comptes Rendus de l'Académie des Inscriptions et Belles Lettres. Paris.

CRASR

Comptes Rendus de l'Académie des Sciences de Russie. Leningrad.

CronErc

Cronache Ercolanesi. Bollettino del Centro internazionale per lo studio dei Papiri Ercolanesi.Napoli.

CrSt

Cristianesimo nella storia. Ricerche storiche esegetiche teologiche. Bologna.

ABRÉVIATIONS - REVUES ET PÉRIODIQUES CT

Les Cahiers de Tunisie. Tunis.

CW CWo

Classical Weekly. New York . The Classical World. Pittsburgh (Pennsylvania).

DA

21

Dissertation Abstracts. International abstracts of disserta

tions available in microfilm or as xerographic reproductions. Ann Arbor (Michigan ). Dacia DArch

DAW

Dacia . Revue d'archéologie et d 'histoire ancienne. Bucarest. Dialoghidi Archeologia . Roma. Denkschriften der Akademie der Wissenschaften in Wien . Wien .

Deutsche Rschau DGT

Deutsche Rundschau für Geographie und Statistik. Wien / Leipzig.

Drevnejsije Gosudarstva na territorii SSSR. Les États les plus importants sur le territoire de l'URSS. Matériaux et

DHA

Recherches.Moskva. Dialogues d 'Histoire ancienne . Paris .

Diálogos

Diálogos. Revista del Departamento de filosofía. Universi

Dioniso

dad de Puerto Rico . Dioniso . Rivista trimestrale di studi sul teatro antico. Sira cusa .

Dionysius

Dionysius. Dalhousie University, Halifax, Nova Scotia.

Diotima DLZ

Diotima. Revue de recherche philosophique. Athènes.

Dodone DOP

EA

EEa

Deutsche Literaturzeitung für Kritik der internationalen

Wissenschaft. Berlin . Δωδώνη. Επιστημονική επετηρίς της Φιλοσοφικής Exorñs toŨ Mavetlotnuiov ’lwavvivwv, Ioannina. Dumbarton Oaks Papers. New York . Epigraphica Anatolica . Zeitschrift für Epigraphik und histo rische Geographie Anatoliens. Bonn. Estudios Eclesiásticos. Revista trimestral de investigación e información teológica.Madrid .

EEAth

Επιστημονική Επετηρίς της φιλοσοφικής Σχολής του

EHBS

Tlaventiomnulov ’AInvőv. Athènes. 'Enempis 'Eralpelaç Bučavtivāv Enovdov. Athènes.

EHR Eikasmos

English HistoricalReview . London .

Eirene Elenchos EMC

Eirene. Studia Graeca et Latina. Praha.

Eikasmos. Quaderni bolognesi di filologia classica. Bologna.

Elenchos. Rivista di studi sul pensiero antico . RomaNapoli.

Échos du Monde Classique. Classical News and Views. Calgary (Alberta ).

22

ANTI DES PHIL QUES OSOP H E S y Filología E Emerita. RRevista de Lingüística clásica.Madrid .

DICTI

ONNAI

Emerita EO

Échos d 'Orient. Paris .

Eos

Eos. Commentarii Societatis Philologae Polonorum . Wrocław .

EPh

Études Philosophiques. Paris.

EpigrStud

Epigraphische Studien . Köln .

Epos

Epos. Revista de filología de la Universidad nacional de educación a distancia (Facultad de filología).Madrid.

Eranos

Eranos. Acta Philologica Suecana. Uppsala.

Erasmus

Erasmus. Speculum Scientiarum . Bulletin international de la

Eunomia

science contemporaine. Wiesbaden. Eunomia. Ephemeridis Listy filologické supplementum . Praha.

Expositor Florllib

The Expositor. London. Florentia Iliberritana. Revista de estudios de antigüedad clásica. Granada.

F& F

Forschung und Fortschritte . Korrespondenzblatt der deutschen Wissenschaft und Technik . Berlin .

Fortunatae

Fortunatae . Revista Canaria de filología, cultura y huma nidades clásicas. La Laguna (Canarias).

FranciscStud

Franciscan Studies. A quarterly review .New York.

FZPhTh

Freiburger Zeitschrift für Philosophie und Theologie. Frei

G &R

burg in der Schweiz . Greece and Rome. Oxford.

GB

Grazer Beiträge. Zeitschrift für die klassische Altertums wissenschaft. Graz.

GCFI

Giornale Critico della Filosofia Italiana. Firenze.

Gerion

Gerion.Madrid .

GFF

Giornale Filologico Ferrarese. Ferrara.

GFRF

Giornale Ferrarese di Retorica e Filologia . Ferrara . (Suite de GFF.)

GGA

Göttinger Gelehrte Anzeigen. Göttingen. Ce périodique interrompu en 1944 a paru de 1739 à 1752 sous le titre Göttingische Zeitung von gelehrten Sachen, de 1753 à 1801 sous le titre Göttingische Anzeigen von gelehrten Sachen.

GIF

Giornale Italiano di Filologia . Rivista trimestrale di cultura. Roma.

Glotta

Glotta. Zeitschrift für griechische und lateinische Sprache. Göttingen .

GM

Giornale diMetafisica . Genova.

Gnomon

23 ABRÉVIATIONS - REVUESET PÉRIODIQUES Gnomon . Kritische Zeitschrift für die gesamte klassische

Altertumswissenschaft.München . GRBS

Greek, Roman and Byzantine Studies. Durham (N . C.).

Gregorianum

Gregorianum . Commentarii de re theologica et philosophica. Roma.

Gymnasium

Gymnasium . Zeitschrift für Kultur der Antike und huma nistische Bildung. Heidelberg.

H &T

History and Theory. Studies in the philosophy of history.

Hebraica

Wesleyan University , Middletown, Conn . Hebraica. A quarterly journal in the interest of Hebrew

study. New Haven (Conn.), puis Chicago. HebrUCA

Hebrew Union College Annual, Cincinnati.

Helikon

Helikon . Rivista di tradizione e cultura classica.Roma.

Hellenica

Ελληνικά, Φιλολογικόν, ιστορικών και λαογραφικός περιοδικόν σύγγραμμα της Εταιρείας Μακεδονικών

Entovôõv. Thessalonique. Hephaistos

Hephaistos. Kritische Zeitschrift zur Theorie und Praxis der

Archäologie, Kunstwissenschaft und angrenzender Gebiete. Bremen . Hermathena

Hermathena. Trinity College , Dublin .

Hermeneus

Hermeneus. Tijdschrift voor de antieke Cultuur. Culemborg.

Hermes

Hermes. Zeitschrift für klassische Philologie. Wiesbaden .

Hesperia

Hesperia . Journal of the American school of classical stu dies at Athens. Athens.

Hespéris .

Hespéris. Archives berbères et Bulletin de l' Institut des

Hautes- ÉtudesMarocaines. Paris. Hestia

'Eotia . Athènes.

Hippokrates

Hippokrates. Annales Societatis Historiae Medicinae Fenni cae. Helsinki. Hispanic Review . Philadelphia . Historia mathematica. International Journal of History of Mathematics. New York /London .

Hispanic Review HistMath Historia HistSc

Historia. Zeitschrift füralte Geschichte . Wiesbaden.

Historia Scientiarum . International Journal of the History of Science Society of Japan . Tokyo.

Homine (De)

Historisches Jahrbuch.München. DeHomine. Roma.

Horos

"Opoç. " Eva åpxaloyvuotixò neplodixó. Athènes.

HPTh

History of political thought. Exeter. History of Religions. Chicago .

НJ

HR

DICTIONNAIRE DES PHILOSOPHES ANTIQUES

HSCP

voir HSPh.

HSF

Historische Sprachforschung (Historical Linguistics ). Göttingen . Harvard Studies in Classical Philology. Cambridge (Mass.).

HSP ,

HTAR

Harvard Theological Review . Cambridge (Mass.). Illinois Classical Studies. University of Illinois, Chicago .

ICS IEJ

Israel Exploration Journal. Jerusalem .

IJMES

International Journal of Middle East Studies. Cambridge .

IL Index

L ' Information Littéraire . Paris . Index. Quaderni camerti di studi romanistici. International

Survey of Roman Law .Napoli. Ínsula Iraq

Ínsula . Revista de Letras y Ciencias Humanas. Madrid .

Iraq, published by the British school of archaeology in Iraq. London .

Irénikon

Isis

Irénikon . Bulletin mensuel des moines de l'union des Églises. Prieuré d'Amay sur Meuse . Isis. An international review devoted to the history of science and its cultural influences. Washington .

Isl

Der Islam . Berlin .

IslCult 1Q Ítaca Italianistica

Islamic Culture. An English quarterly . Hyderabad . The Islamic Quarterly. London. Ítaca. Quaderns catalans de cultura classica. Barcelona.

Italica

Italica. Review of the American Association of teachers of Italian. Ann Arbor, Univ . ofMichigan . Journal Asiatique. Paris.

JA

Janus

Italianistica . Rivista di letteratura italiana. Milano.

Janus. Revue internationale de l'histoire des sciences , de la médecine, de la pharmacie et de la technique . Amsterdam .

JAOS

Journal of the American Oriental Society. Baltimore .

JAW

Jahresbericht fürdie Fortschritte der Altertumswissenschaft . Leipzig .

JbAC

Jahrbuch für Antike und Christentum .Münster . Jahrbücher für Protestantische Theologie. Leipzig . Journal of Classical Studies. The Journal of the classical

JbPTA

JCS

society of Japan,Kyôto . IDAI JEA JHA

Jahrbuch des Deutschen Archäologischen Instituts. Berlin . Journal of Egyptian Archaeology . London .

Journal for the History of Astronomy. Chalfont St. Giles, Bucks.

ABRÉVIATIONS - REVUES ET PÉRIODIQUES JHAS

JHI

25

Journal forthe History of Arabic Science. Alep. Journal of the History of Ideas. Ephrata, Penna & Phila delphia .

JHPh JJP JUS

Journal of the History of Philosophy. Berkeley . Journal of Juristic Papyrology. Warszawa.

JKPh

Jahrbücher für klassische Philologie. Leipzig . Le périodique

Journal of Jewish Studies. Oxford . s'est intitulé diversement à différentes périodes de son histoire, de 1826 à 1943 : Neue Jahrbücher für Philologie und Pädagogik, Neue Jahrbücher für das klassische Alter

tum , Geschichte und deutsche Literatur und für Pädagogik, Neue Jahrbücher für Wissenschaft und Jugendbildung, Neue

Jahrbücher für deutscheWissenschaft, Neue Jarhbücher für INES ING JEA

Antike und deutsche Bildung. Journal of Near Eastern Studies. Chicago.

Jahrbuch fürNumismatik und Geldgeschichte. Kallmünz. Jahreshefte des Österreichischen Archäologischen Instituts. Wien .

JÖB JEBG

Jahrbuch der Österreichischen Byzantinistik. Wien . Jahrbuch der Österreichischen Byzantinischen Gesellschaft. Wien .

JP

JPakHS JR JRA JRAS

JRS JS JSAI ᎫᏚᎫ

Journal of Philology.London/Cambridge. Journal of the Pakistan Historical Society. Karachi. Journal of Religion. Chicago. Journal of Roman Archaeology. Ann Arbor (Michigan). Journal of the Royal Asiatic Society.London . Journal ofRoman Studies. London . Journal des Savants. Paris. Jerusalem Studies in Arabic and Islam . Jerusalem . Journal for the Study of Judaism in the Persian, Hellenistic and Roman Period. Leiden .

JTCS

Journal of Theological Studies. Oxford .

JWCI Kairos

Journalof the Warburg and Courtauld Institute. London. Kairos. Zeitschrift für Religionswissenschaft und Theologie . Salzburg .

Karthago Kentron

Karthago.Revue d' archéologie africaine. Paris. Kentron . Revue du monde antique et de psychologie histo rique. Université de Caen .

Kleio

Kleio. Tijdschrift voor oude talen en antieke kultuur. Leuven .

DICTIONNAIRE DES PHILOSOPHES ANTIQUES Kleronomia Klio Koinonia

Kleronomia. Thessalonique. Klio . Beiträge zur alten Geschichte. Berlin .

Koivwvia . Organo dell'Associazione di Studi tardoantichi. Napoli.

Kokalos

Káxaros. Studi pubbl. dall'Istituto di Storia antica dell' Università di Palermo.Roma.

Ktèma

Ktèma. Civilisations de l'Orient, de la Grèce et de Rome antiques. Strasbourg, Centre de recherche sur le Proche Orient et la Grèce antique et Groupe de recherche d'histoire romaine. Kyklos. Jahrbuch des Instituts für Geschichte der Medizin an der Universität Leipzig, puis: Jahrbuch für Geschichte und Philosophie der Medizin . Leipzig.

Kyklos

L& G

Latina etGraeca.Zagrev.

Lampas Latomus

Lampas. Tijdschrift voor Nederlandse classici.Muiderberg. Latomus. Revue d ' études latines. Bruxelles. Liverpool ClassicalMonthly . University of Liverpool, Dept of Greek.

LCM

LD

Letras de Deusto. Bilbao .

LEC

Leonardo

Les Études Classiques. Namur. Leonardo. Rassegna bibliografica. Milano.

Lexis

Lexis. Studien zur Sprachphilosophie. Sprachgeschichte und

LF

Listy Filologické. Praha.

Begriffsforschung. Lahr im B . Libyca

Libyca. Bulletin du Service des Antiquités (Archéologie, Épigraphie ). Alger.

Litteris

LNV Lustrum

Litteris. An international critical review of the humanities published by the New society of letters at Lund. Lund. Litterae Numismaticae Vindobonenses. Wien . Lustrum . Internationale Forschungsberichte aus dem Bereich

des klassischen Altertums. Göttingen. LS LZB

Leipziger Studien . Leipzig.

Maia

Maia . Rivista di letterature classiche. Bologna.

MAIB

Memorie dell'Accademia (delle Reale Academia ) delle

Literarisches Zentralblatt für Deutschland. Leipzig .

Scienze dell'Istituto di Bologna. Classe di Scienze morali. MAL

Bologna. Atti della (-1946 : Reale ) Accademia (depuis 1921 :) nazio nale dei Lincei. Memorie della classe di scienze morali e storiche dell'Accademia dei Lincei. Roma.

ABRÉVIATIONS - REVUES ET PÉRIODIQUES MALKAW

27

Mededelingen der Koninklijke Nederlandse Akademie van Wetenschappen. Afdeling Letterkunde. Amsterdam .

MARS

Mémoires de l'Académie Roumaine (Section scientifique). Bucarest.

MCr MD MDAFA

Museum Criticum . Quaderni dell' Istituto di filologia classica

dell'Università di Bologna. Roma. Materiali e Discussioni per l'analisidei testiclassici. Pisa. Mémoires de la Délégation Archéologique Française en

MDAI(A )

Afghanistan. Paris. Mitteilungen des Deutschen Archäologischen Instituts (Athenische Abteilung).Berlin .

MDAI( I)

Mitteilungen des Deutschen Archäologischen Instituts

MDAI ( M )

Mitteilungen des Deutschen Archäologischen Instituts (AbteilungMadrid ). Mainz. Mitteilungen des Deutschen Archäologischen Instituts

(Abteilung Istanbul). Tübingen .

MDAI( R )

(Römische Abteilung). Mainz. МЕАН

Meander

Miscelánea de estudiosárabes y hebraicos. Granada. Meander. Revue de civilisation du monde antique. Warszawa.

MedHist

Medical History. London, Welcome Institute for the History ofMedicine.

MedLife

Medical Life. New York .

Medioevo

Medioevo . Rivista di storia della filosofia medievale . Padova.

MedWelt

Die Medizinische Welt. Berlin .

MEFRA

Mélanges d 'archéologie et d 'histoire de l'École Française

MEFRM

de Rome. Rome. Mélanges de l'École Française de Rome. Moyen âge et

MemCentreJPal

tempsmodernes. Paris. Mémoires du Centre Jean Palerne. Saint-Étienne.

MemSocScBord

Mémoires de la Société des Sciences physiques et naturelles

MH

Museum Helveticum . Revue suisse pour l'étude de l'Anti quité classique. Bâle . Memorias de Historia Antigua. Oviedo.

de Bordeaux. Bordeaux. MHA MHJ

MIDEO

Medizin-historisches Journal. Stuttgart. Mélanges de l'Institut Dominicain d 'Études Orientales. Le Caire.

Minerva

Minerva .Revista de filologia clásica. Valladolid .

28

DICTIONNAIRE DES PHILOSOPHES ANTIQUES

Mind

Mind. A quarterly review of psychology & philosophy .

MIG

Mitteilungen des Instituts für Österreichische Geschichts

London . forschung. Wien .

MiscAcadBerlin MME Mnemosyne MRS

MSB

MSLC MSMG

MSR MT MusB Muséon

Miscellanea Berolinensia ad incrementum scientiarum ex scriptis Societati Regiae Scientiarum exhibitis edita . Berlin. Manuscripts of the Middle East. A Journal devoted to the study of handwritten materials of theMiddle East. Leiden . Mnemosyne. Bibliotheca Classica Batava.Leiden . Mediaeval and Renaissance Studies. London . Marburger Sitzungsberichte. Marburg. Miscellanea di Studi di Letteratura Cristiana antica . Catania. Marburger Schriften zur Medizingeschichte. Frankfurt am Main /Bern . Mélanges de Science Religieuse. Lille .

Museum Tusculanum . København . Musée Belge. Revue de philologie classique. Louvain .

Le Muséon. Revue d' études orientales. Louvain.

MUSI

Mélanges de l'Université Saint-Joseph. Beyrouth .

NAWG

Nachrichten von der Akademie der Wissenschaften in Göttingen, Philologisch -historische Klasse. Göttingen .

NGG

Nova Tellus

(Avant 1941: NGG ) Nachrichten von der Gesellschaft der Wissenschaften zu Göttingen . Philologisch -historische Klasse. 1894 - 1940 . Göttingen . (Pour la suite, voir NAWG ).

Nova Tellus. Anuario del Centro de Estudios clásicos. Mexico.

NRFH

Nueva Revista de Filología Hispánica.México.

NRL

Nouvelles de la République des Lettres. Napoli.

NSchol

The New Scholasticism . Baltimore.

NT

Novum Testamentum . An international quarterly for New Testament and related studies. Leiden .

NTS

New Testament Studies. An international journal published quarterly under the auspices of Studiorum Novi Testamenti Societas. Cambridge.

NumChron

Numismatic Chronicle and journal of the Royal numismatic

Numen

society. London . Numen . International review for the history of religions. Leiden.

Numisma

OC

ABRÉVIATIONS - REVUES ET PÉRIODIQUES Numisma. Revista de la Sociedad ibero -americana de Estudios numismáticos.Madrid . Oriens Christianus. Hefte für die Kunde des christlichen

Orients. Wiesbaden . OCP OLP

Orientalia Christiana Periodica .Roma. Orientalia Lovaniensia Periodica. Louvain .

OLZ OM

Oriente Moderno. Roma.

Orientalistische Literaturzeitung. Berlin .

Oriens

Oriens. Journal de la Société internationale d' études orien

Orientalia

tales. Leiden . Orientalia . Commentarii periodici Pontificii Instituti Biblici. Roma.

Orpheus OSAPh PAA

PACPhA

Orpheus. Rivista di umanità classica e cristiana. Catania . Oxford Studies in Ancient Philosophy. Oxford. cf. PraktAkadAth . Proceedings of the American Catholic Philosophical Asso

ciation. Washington. PagStorMed

Pagine de Storia della Medizina. Roma.

Paideia

Paideia . Rivista letteraria di informazione bibliografica. Roma.

PalEQ

Palestine Exploration Fund. Quarterly statement. London.

Pallas

Pallas. Revue interuniversitaire d 'études antiques. Toulouse .

PAPhs

Proceedings of the American Philosophical Society. Phila delphia .

Parousia

Παρουσία. Επιστημονικό περιοδικό του Συλλόγου

Διδακτικού Προσωπικό Φιλοσοφικής Σχολής Πανε Tilotnuíou ’AOnvāv. Athènes. PAS

Proceedings of the Aristotelian Society. London .

PBA PBSA PBSR PAAAS

Proceedings of the British Academy. Oxford .

Papers of the British School at Athens. London. Papers ofthe British School at Rome. London . Proceedings of the American Academy of Arts and Sciences. Boston.

PCPS

Proceedings of the Cambridge Philological Society. Cam

bridge. Pensamiento

Pensamiento . Revista de investigación e información filosó fica. Madrid .

Ph & Rh

Philosophy and Rhetoric. University Park (Pennsylvania ).

Philologus

Philologus. Zeitschrift für klassische Philologie . Berlin.

30

DICTIONNAIRE DES PHILOSOPHES ANTIQUES

PhilolRschau Philosophia

Philologische Rundschau. Bremen .

PhM Phoenix

PhilosophischeMonatshefte . Berlin /Leipzig/Heidelberg . The Phoenix. The Journal of the Classical association of Canada. Toronto .

PhR Phronesis

Philosophical Review .New York . Phronesis. A Journal for ancient philosophy.Assen . Philosophische Studien . Leipzig . Philologische Wochenschrift. Leipzig. (Suite de BPhW .) Physis. Rivista di storia della scienza. Firenze.

PhStud PhᎳ

Φιλοσοφία. Επετηρίς του Κέντρου ερεύνης της ελλη νικής φιλοσοφίας. Αthenes.

Physis Platon

Mátwv. Aentiov tñs 'Etalpaías ' Exańvwv Qiaoróywv.

POC

Athènes. Proche-Orient Chrétien . Jérusalem .

Moréuwv. 'Apxalo Oyıxòv teplodLxóv. Athènes.

Polemôn PP

La Parola del Passato . Rivista di studi antichi. Napoli.

PPol

Il Pensiero Politico. Rivista di storia delle idee politiche e sociali. Firenze.

PraktAkadAth

PraktArchEt

TIpaxtixà tñs 'Axadnuías év 'AIŃvais. Athènes. Πρακτικά της εν Αθήναις Αρχαιολογικής Εταιρείας. Athènes .

PRIA

Proceedings of the Royal Irish Academy. Dublin .

Pr )

Preussische Jahrbücher. Berlin . Prometheus. Rivista quadrimestrale di studiclassici. Firenze .

Prometheus Prudentia PSBA

Prudentia . A journal devoted to the intellectual history of the ancientworld . Auckland.

Proceedings ofthe Society of Biblical Archaeology. London . Pour la suite , voir Journal of the Royal Asiatic Society.

QFC

QIRAS

Quaderni di filologia classica dell'Università di Trieste , Istituto di Filol. class. Roma. Quarterly Journal of the Royal Astronomical Society.

London. QIS

Quarterly Journalof Speech. New York .

QS

Quadernidi Storia. Rassegna di antichità redatta nell'Istituto

QSGN

di storia greca e romana dell'Università di Bari. Bari. Quellen und Studien zur Geschichte der Naturwissen

QStGM

schaften und der Medizin . Berlin . Quellen und Studien zur Geschichte der Mathematik, Astro nomie und Physik. Berlin .

ABRÉVIATIONS -REVUES ET PÉRIODIQUES QUCC R& T

31

Quaderni Urbinati di Cultura Classica. Roma.

RAAN

Recherches et Travaux. Angers . Revue Archéologique. Paris. Rendiconti dell'Accademia di Archeologia , Lettere e Belle

RABM

Arti di Napoli. Napoli. Revista de Archivos, Bibliotecas y Museos.Madrid .

RAF

Revue Africaine. Journal des travaux de la Société historique

RAL

algérienne. Alger. Atti della (-1946 : Reale ) Accademia (depuis 1921 :) nazio

RA

nale dei Lincei. Rendiconti della classe di scienze morali, storiche e filologiche dell'Accademia dei Lincei. Roma. RAM

Revue d 'Ascétique et deMystique (devenue en 1972 Revue

RAN

d'Histoire de la Spiritualité). Toulouse , puis Paris. Revue Archéologique de Narbonnaise. Paris.

RBen RBi

Revue Bénédictine. Abbaye de Maredsous, Belgique.

RBNum

Revue Belge de Numismatique. Bruxelles.

RBPH

Revue Belge de Philologie et d'Histoire. Mechelen.

RCCM RCr

Rivista Critica di Clinica Medica. Firenze .

RDAC

Report of the Department of Antiquities, Cyprus. Nicosia.

REA

Revue des Études Anciennes. Talence. Revue des Études Augustiniennes. Paris.

REAug

Revue Biblique. Paris.

Revue Critique. Paris.

RecSR

Revue des Études Byzantines. Paris. Recherches de Science Religieuse. Paris.

REG

Revue des Études Grecques. Paris.

REByz

REGC

Revue des Études Géorgiennes et Caucasiennes. Paris. Suite de Bedi Karthlisa . Revue de kartvélologie (Études géor

REIsl REJ REL

RelStud

giennes et caucasiennes). Destin de la Géorgie , paru de 1948 à 1984. Revue des Études Islamiques. Paris.

Revue des Études Juives. Louvain . Revue des Études Latines. Paris. Religious Studies. Cambridge.

RenQ

Renaissance Quarterly . Renaissance Society of America. New York.

REPh

Revuede l'Enseignement philosophique. Aurillac.

RESE

Revue des Études sud -est-européennes. Bucarest. Revue. Informatique et statistiques dans les sciences humai

Revue

nes. Liège.

NAIRE

32

RevueMaritime

PHES

QUES ANTI Revue maritime. Informations, actualités, documentation

ON DICTI

SO DES PHILO

maritime (= Revuemaritime et coloniale ). Paris.

RevUnivComplut Revista de la Universidad Complutense. Madrid . RevHistPhilos Revue d'Histoire de la Philosophie. Lille. Rhetorica Rhetorica. A Journal of the History of Rhetoric . Berkeley. RE

RFIC

Rivista di Filosofia . Torino . Rivista di Filologia e di Istruzione Classica . Torino / Firenze/Roma.

RFN RGI

Rivista di filosofia neoscolastica.Milano. Rivista Geographica Italiana. Firenze.

RHLL

Revista de Historia . La Laguna.

RM RHPR

Rheinisches Museum für Philologie. Frankfurt am Main .

RHR RHT

Revue de l'Histoiredes Religions. Paris.

Richel RIDA

RIGI

Revue d'Histoire et de Philosophie Religieuses. Paris. Revue d 'Histoire des Textes. Paris. Ricerche Religiose. Rivista di studistorico-religiosi.Roma. Revue Internationale des Droits de l'Antiquité. Bruxelles.

Rivista Indo-Greco-Italica di filologia, lingua, antichità . Napoli.

RIL

Rendiconti dell' Istituto Lombardo. Classe di lettere, scienze morali e storiche.Milano.

RIMA

Revue de l'Institut desmanuscrits arabes. Le Caire .

Rinascimento RIO

Rinascimento. Rivista dell' Istituto nazionale di studi sul Rinascimento . Firenze. Revue Internationale d 'Onomastique. Paris.

RIPh

Revue Internationale de Philosophie. Paris.

RivBibl

Rivista Biblica. Organo dell'Associazione Biblica italiana. Roma/Firenze.

RivStorMed

Rivista di Storia della Medicina.Roma.

RMAL

Revue du Moyen Age Latin . Strasbourg.

RMM

Revue de Métaphysique et de Morale. Paris.

RNeosc

Revue Néoscolastique de philosophie publiée par la Société

RN

philosophique de Louvain .Louvain (suite : RPhL ). Revue Numismatique. Paris .

ROC

Revue de l'Orient Chrétien . Paris.

RPAA

Rendiconti della Pontificia Accademia di Archeologia . Roma.

Rph

Revue de philologie, de littérature et d 'histoire anciennes. Paris .

ABRÉVIATIONS - REVUES ET PÉRIODIQUES RPHA

Revue de Philosophie Ancienne. Bruxelles.

RPhilos

Revue Philosophique de la France et de l'étranger. Paris.

RPHL

Revue Philosophique de Louvain. Louvain .

RPL

Res publica litterarum . Studies in the classical tradition . Lawrence.

ROA

Römische Quartalschrift für christliche Altertumskunde und für Kirchengeschichte . Freiburg im Breisgau .

RSA

Rivista Storica dell'Antichità. Bologna. Rivista di Studi Bizantini e Neoellenici. Roma.

RSBN

Rivista distudi classici. Torino . Rassegna di Scienze Filosofiche. Napoli. Revista española de Lingüística.Madrid .

RSC

RSCF RSEL RSF

Rivista critica di Storia della Filosofia. Firenze.

RSLR RSO

Rivista di Storia e Letteratura Religiosa. Firenze.

RSA

RSPT

Rivista storica dell'Antichità . Bologna. Revue des Sciences Philosophiques et Théologiques. Paris.

RSR RT

Revue des Sciences Religieuses. Strasbourg. Revue Thomiste. Toulouse.

RTAM

RThPh RTSFR

Rivista degli Studi Orientali. Roma.

:

Recherches de Théologie Ancienne etMédiévale. Louvain .

Revue de Théologie etde Philosophie. Lausanne. Rivista Trimestrale di Studi Filosofici e Religiosi. Perugia.

RVF Saeculum

Revista Venezolana di Filosofía . Caracas. Saeculum . Jahrbuch für Universalgeschichte . Freiburg im Breisgau.

SAfrMed ] Salesianum

South African Medical Journal. Le Cap.

SAWW

Salesianum . Theologiae. Iuris canonici. Philosophiae. Pae dagogiae.Roma. Sitzungsberichte der Österreischischen Akademie der Wissenschaften in Wien, Philosophisch -historische Klasse. Wien .

SBAW

Sitzungsberichte der Bayerischen Akademie der Wissen

schaften, Philosophisch-historische Klasse.München.

ScCatt

La Scuola Cattolica. Rivista discienze religiose . Milano .

Scholastik

Scholastik (devenue par la suite Theologie und Philoso phie). Freiburg im Breisgau.

SCI

Scripta Classica Israelica. Yearbook of the Israel Society for the promotion of classical studies. Jerusalem .

SCO

Studi Classici e Orientali. Pisa.

DICTIONNAIRE DES PHILOSOPHES ANTIQUES

Scriptorium

Scriptorium . Revue internationale des études relatives aux manuscrits . Anvers/Amsterdam /Bruxelles.

ScrPhil ScrTheol

Scripta Philologa.Milano. Scripta Theologica. Cura Ordinum Theologorum Scandina vicorum edita . Lund.

SEJG

Sacris Erudiri. Jaarboek voor Godsdienstwetenschappen . Steenbrugge.

SHAW

Sitzungsberichte der Heidelberger Akademie der Wissen

SI

schaften, Philosophisch -historische Klasse. Heidelberg. Studia Islamica. Paris.

SicGymn

Siculorum Gymnasium . Rassegna semestrale della Facoltà di lettere e filosofia dell'Università di Catania . Catania .

SIFC

Studi Italiani di Filologia Classica. Firenze.

Sileno SMGB

Sileno. Rivista di studi classici e cristiani.Roma. Studien und Mitteilungen zur Geschichte des Benediktiner

Ordens und seiner Zweige. Sankt Ottilien . StudMed

StudiMedievali. Torino.

SO

Symbolae Osloenses, auspiciis Societatis Graeco -Latinae.

Sophia

Oslo . Sophia . Rivista internazionale di fonti e studi di storia della

SPAW

Sitzungsberichte der (-1944: Preußischen, puis :) Deutschen

filosofia. RomaNapoli/Padova.

Akademie der Wissenschaften zu Berlin, Philosophisch historische Klasse . Berlin . Sph SPG

SPS SRen

Studies in Philology, Chapel Hill.

Studia Philosophica Gandansia .Gand. Studia Philologica Salmanticensia. Salamanca. Studies in the Renaissance. New York. (Cette revue a cessé de paraître avec le tome 21 en 1974 ; pour la suite voir RenQ.)

StudClas StudHistPhilSc

Studii Clasice. Soc. de Studii clasice din RSR . București. Studies in History and Philosophy of Science. Oxford /New York .

Studiran StudFilos

Studia Iranica. Institut français d'iranologie de Téhéran . Paris/Téhéran .

Studi filosofici. Annali dell' Istituto orientale di Napoli. Napoli.

StudUrb (Ser. B) Studi Urbinatidi Storia, Filosofia e Letteratura. Urbino. SyllClass Symposium

Syllecta Classica . University of Iowa. Symposium . Syracuse (New York).

ABRÉVIATIONS -REVUES ET PÉRIODIQUES

35

Syria

Syria. Revue d'art oriental et d ' archéologie . Paris.

TAPHA

Transactions and Proceedings of the American Philological Association. Lancaster (Pennsylvania ).

TAPHS

Transactions of the American Philosophical Society. Phila delphia (Pennsylvania).

Temenos

Temenos. Studies in comparative religion presented by scholars in Denmark, Finland , Norway and Sweden . Helsinki.

Th & G Th & Ph

Theologie und Glaube. Paderborn .

ThLZ

Theologie und Philosophie. Freiburg im Breisgau .

ThStKr

Theologische Literaturzeitung. Berlin . Theologische Quartalschrift.München. Theologische Studien und Kritiken ,Gotha.

ThZ

Theologische Zeitschrift. Basel.

TM TPh Topoi

Travaux etmémoires. Paris. Tijdschrift voor Philosophie. Utrecht.

ThQ

Traditio

Tónou. Orient-Occident. Lyon/Paris. Traditio . Studies in ancient and medieval history , thought

VChr

and religion . New York. Ur. IraqiCultural Center. London. Vigiliae Christianae. A review of early christian life and language. Amsterdam .

VDI

BecmHuk Opebheŭ ucmopuu (Vestnik Drevnej Istorii). Revue d 'Histoire ancienne.Moskva.

Verbum

Verbum . Revue de linguistique publiée par l'Université de

VerbDom

Nancy II. Verbum Domini. Commentarii de Re Biblica. Roma. Vetera Christianorum . Istituto di Letteratura cristiana antica.

VetChr

Bari. Viator Vichiana

Vivarium VKF VL

VLU

Viator.Medieval and Renaissance studies. Berkeley . Vichiana. Rassegna di studi filologici e storici. Napoli. Vivarium . A journal for mediaeval philosophy and the

intellectual life of the Middle Ages. Leiden. Voprosy klassičeskij Filologii.Moskva. Vita Latina. Avignon.

VNGZ

Vestnik Leningradskogo Universiteta /Filosofija. Leningrad. Vierteljahrsschrift der Naturforschenden Gesellschaft in

WJA

Zürich. Zürich . Würzburger Jahrbücher für die Altertumswissenschaft. Würzburg

36 WKPh WS WZJena

DICTIONNAIRE DES PHILOSOPHES ANTIQUES

Wochenschrift für klassische Philologie. Berlin .

Wiener Studien . Zeitschrift für klassische Philologie und Patristik . Wien . Wissenschaftliche Zeitschrift der Friedrich -Schiller-Univer sität Jena, Gesellschafts - und sprachwissenschaftliche Reihe. Jena .

WZLeipzig

Wissenschaftliche Zeitschrift der K.-Marx-Universität

Leipzig. Leipzig. YCIS ZAS

Yale Classical Studies.New Haven. Zeitschrift für Ägyptische Sprache und Altertumskunde. Berlin .

ZAnt

ZATW

Živa Antika. Antiquité vivante. Skopje . Zeitschrift für Assyriologie und verwandte Gebiete. Leipzig Weimar/Berlin . Zeitschrift für die Alttestamentliche Wissenschaft. Berlin .

ZDMG

Zeitschrift der Deutschen Morgenländischen Gesellschaft.

ZAss

Wiesbaden.

ZfP

Zeitschrift für Politik. Organ d. Hochschule für politische Wissenschaften München. Berlin .

ZGAIW

Zeitschrift für Geschichte der Arabisch-Islamischen Wissen schaften . Institut für Geschichte der Arabisch -Islamischen

Wissenschaften an der Johann Wolfgang Goethe-Univer sität. Frankfurt am Main .

ZKG ZKTE ZN ZNTW

ZPE ZPhF

ZSWG

Zeitschrift für Kirchengeschichte. Stuttgart. Zeitschrift für Katholische Theologie. Wien. Zeitschrift für Numismatik. Berlin . Zeitschrift für neutestamentliche Wissenschaft und die

Kunde des Urchristentums. Berlin . Zeitschrift für Papyrologie und Epigraphik. Bonn . Zeitschrift für Philosophische Forschung.Meisenheim . Zeitschrift für Semitistik und verwandte Gebiete. Deutsche

Morgenländische Gesellschaft. Leipzig .

ZWTH

Zeitschrift für die Wissenschaftliche Theologie. Iena. II. Collections, dictionnaires et ouvrages de référence

ACO

Acta Conciliorum Ecumenicorum , ed. E . Schwartz. Berlin 1914 - .

ANF

Ante -Nicene Fathers, Buffalo /New York.

ANL

Ante-Nicene Christian Library, Edinburgh 1864 - .

ANRW

AugLex AvP ВА

37 ABRÉVIATIONS - ÉTUDES ET ÉDITIONS Aufstieg und Niedergang der römischen Welt. Geschichte und Kultur Roms im Spiegel der neueren Forschung. Berlin . Augustinus-Lexikon , Basel 1986 - . Altertümer von Pergamon, Berlin /Leipzig 1885 – .

Coll.« Bibliothèque augustinienne» . Paris.

BEFAR

Coll. « Bibliothèque des Écoles françaises d' Athènes et de Rome » . Paris.

BHG3

Bibliotheca Hagiographica Graeca, 3e éd ., Bruxelles 1957.

BT

Coll. « Bibliotheca Scriptorum Graecorum et Romanorum Teubneriana ». Leipzig/Stuttgart.

BUL

Biblioteca Universale laterza. Roma/Bari.

CAG

Commentaria in Aristotelem Graeca, edita consilio et aucto

ritate Academiae Litterarum Regiae Borussicae. Berlin 1891 - 1909 . Catholicisme

Catholicisme, hier, aujourd 'hui, demain . Encyclopédie pu

bliée sous le patronage de l'Institut Catholique de Lille. Paris .

CCAG

Coll. « Catalogus Codicum Astrologorum Graecorum » , t.I XII. Bruxelles 1898 - 1953.

CCG

Coll. « Corpus Christianorum ». Series Graeca. Turnhout 1977 - .

CCL

Coll. « Corpus Christianorum » . Series Latina. Turnhout 1953 - .

CFHB

Corpus Fontium Historiae Byzantinae consilio societatis internationalis studiis byzantinis provehendis destinatae editum .

CGFr

Comicorum Graecorum Fragmenta , ed . G . Kaibel. Berlin 1899.

CGL

Corpus Glossariorum Latinorum , a G . Loewe incohatum ed . G . Götz , Leipzig 1888 -1923, 7 vol.; réimpr. Amsterdam 1964.

CIG

CIL CLCAG

Corpus Inscriptionum Graecarum . 4 vol.Berlin 1828-1859. Corpus Inscriptionum Latinarum . Berlin 1863 - .

Coll. « Corpus Latinum Commentariorum in Aristotelem Graecorum » . Paris/Louvain . Supplementa , Paris , Louvain ,

CMAG

Leiden . Coll. « Catalogue des Manuscrits Alchimiques Grecs » . Bruxelles 1924- 1932.

CMG

Coll. « Corpus Medicorum Graecorum » . Leipzig/Berlin 1908

E

NAIR

38

CML

ION DICT

ES

SOPH

O DES PHIL

QUES

ANTI

Coll. « Corpus Medicorum Latinorum » . Leipzig/Berlin

1915-1928 ; 1963 CPF

Corpus dei papiri filosofici greci e latini. Testi e lessico nei

papiridi cultura greca e latina, Parte I: Autori Noti, vol. 1* , Firenze 1989; 1* *, Firenze 1992; 1* * *, Firenze 1999; Parte CPG

III : Commentari, 1995. Clavis Patrum Graecorum , éd. M . Geerard, 5 vol. Turnhout

1974- 1987.

CPGS

Clavis Patrum Graecorum , cura et studio M . Geerard et J. Noret, Turnhout 1998 .

CSCA CSCO

CSEL

Coll.« California Studies in Classical Antiquity ». Berkeley . Corpus Scriptorum Christianorum Orientalium , ed. I. B . Chabot, I. Guidi (et alii). Paris, Leipzig , Louvain , 1903 - . Coll. « Corpus Scriptorum Ecclesiasticorum Latinorum » . Wien 1866 - .

CHSB CPL

Corpus Scriptorum Historiae Byzantinae. Bonn 1828- 1897. Clavis Patrum Latinorum , éd. E. Dekkers (1961), 2e éd ., Steenbrugge 1961, XXVIII-640 .

CUF DAGR

DDG

« Collection des Universités de France» . Paris. C . Daremberg et E . Saglio ( édit.), Dictionnaire des Anti quités Grecques et Romaines, Paris 1877- 1919 . H . Diels (édit.), DoxographiGraeci collegit recensuit pro legomenis indicibusque instruxit H . D ., Berlin 1879, réimpr.

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voir ILS.

DHGE

Dictionnaire d 'Histoire et de Géographie Ecclésiastique, éd . A . Baudrillart. Paris 1912 - .

DK

Diels H . (édit.), Die Fragmente der Vorsokratiker. Griechisch und Deutsch von H . D . (1903), 6. verbesserte Auflage, herausgegeben von W . Kranz, t. I, Zürich 1951, XII -504 p.; t. II, Zürich 1952, 428 p .; t. III : Wortindex, Namen - und Stellenregister, Zürich 1952, 660 p.

DPhA

Dictionnaire des Philosophes Antiques, publié sous la

DTC

direction de R .Goulet, Paris 1989 - . Dictionary of Scientific Biography.New York 1970-1980. Dictionnaire de Spiritualité, éd . M . Viller. Paris 1932 - . Dictionnaire de Théologie Catholique, éd. A . Vacant,

EPRO

Coll. « Études préliminaires aux religions orientales dans

DSB

DSp

E .Mangenot et E . Amann . Paris 1903 -1950.

l'Empire romain » . Leiden 1961-1990 .

ABRÉVIATIONS - ÉTUDES ET ÉDITIONS

39

EAA

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EP

Encyclopédie de l' Islam . Nouvelle édition . Leiden/New

EncJud

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1958 -1984 . York/Köln /Paris 1960 - . FAC

J. M . Edmonds (édit.), The Fragments of Attic Comedy, after Meineke, Bergk and Koch , augmented , newly edited with

their contexts, annotated and completely translated into English verse by J. M . E ., Leiden 1957-1961. FD

FGrHist

Fouilles de Delphes, t. III : Épigraphie. Paris 1929 - . F. Jacoby, Die Fragmente der griechischen Historiker, t. I

III C 2 , Berlin /Leiden , 1923- 1958 ; « vermehrte Neudrucke » , Leiden 1954 - ,

FHG

Fragmenta Historicorum Graecorum , edd . C . und Th .

Muller, 5 vol. Paris 1841-1870. FIRA

S . Riccobono, J. Baviera, V . Arangio -Ruiz et alii ( édit.), Fontes Iuris Romani Anteiustiniani (Leges, auctores, leges saeculares), in usum scholarum ( 1908 ), 2e éd., Firenze

1940- 1943, 3 vol. FPG

Fragmenta Philosophorum Graecorum , ed. F . W . A . Mullach , 3 vol. Paris 1860 -1881.

GAL, S. I, II, III

C . Brockelmann, Geschichte der Arabischen Litteratur, t. I,

GAS

Weimar 1898 ; t. II, Berlin 1902 ; Suppl. I, II, III. Leiden 1937- 1942. Geschichte des arabischen Schrifttums. Leiden 1967 – . Le

t. V : Mathematik bis ca . 430 H . von F . Sezgin , est paru en 1974 . GCS

Coll. « Die griechischen christlichen Schriftsteller der ersten

GGLA

F. Susemihl, Geschichte der griechischen Litteratur in der

(drei) Jahrhunderte » . Berlin 1897 - .

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GGM

Geographi Graeci Minores, ed. C .Muller. 2 vol. et 1 atlas,

Paris 1855 -1861. GGP, Antike 2/ 1 Fr. Überweg, Grundriss der Geschichte der Philosophie,

Völlig neubearbeitete Ausgabe, Die Philosophie der Antike, Band 2/1 : Sophistik , Sokrates-Sokratik ,Mathematik, Medi zin , von K . Döring, H . Flashar, G . B . Kerferd , C . Osing Grote , H .-J. Washkies ; hrsg. von H . Flashar, Basel/Stuttgart GGP, Antike 3

1998, XIV-540 p . Fr. Überweg, Grundriss der Geschichte der Philosophie, Völlig neubearbeitete Ausgabe, Die Philosophie der Antike,

DICTIONNAIRE DES PHILOSOPHES ANTIQUES

Band 3 : Ältere Akademie – Aristoteles – Peripatos, heraus gegeben von Hellmut Flashar, Basel/Stuttgart 1983, XXII

GGP, Antike 4

645 p. Fr. Überweg, Grundriss der Geschichte der Philosophie , Völlig neubearbeitete Ausgabe, Die Philosophie der Antike,

Band 4 : Die hellenistische Philosophie, von M . Erler, H . Flashar, G . Gawlick, W . Görler und P . Steinmetz , hrsg. von

H . Flashar, Basel/Stuttgart 1994, XXVI-1272 p . en deux volumes GRF

HWPh

Grammaticae Romanae Fragmenta, éd . H . Funaioli, coll . BT, t. I ( seulparu), Leipzig 1907, XXXII-614 p. J. Ritter et K . Gründer (édit.), Historisches Wörterbuch der

Philosophie, völlig neubearb . Ausg. des Wörterbuchs der philosophischen Begriffe von R . Eisler, Basel/Stuttgart 1971 -

Ancient Greek Inscriptions in the British Museum . Oxford 1874 -1916 , 4 vol., index. Inscriptions de Délos. Paris 1926 -1972, 7 vol. Inscriptiones Graecae, consilio et auctoritate Academiae

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IGR

Inscriptiones Graecae ad res Romanas pertinentes, ed .

IGUR

R . Cagnat, J. Toutain (et alii). Paris 1906 -1927. L. Moretti (édit.), Inscriptiones Graecae Urbis Romae, coll. « Studi pubblicati dall'Istituto Italiano per la storia antica » 17, 22 (1- 2 ), 28 , Roma 1968, 1973 et 1979.

IK

ILS

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KP

Der Kleine Pauly. Lexikon der Antike auf der Grundlage von Pauly ' s Realencyclopädie der classischen Altertums wissenschaft unter Mitwirkung zahlreicher Fachgelehrter bearbeitet und herausgegeben von K . Ziegler und W .

Sontheimer, 5 vol. Stuttgart 1964- 1975 . LAW

Lexikon der alten Welt. Zürich/ Stuttgart 1965.

LCI

Lexikon für Christliche Ikonographie, Freiburg im Breisgau 1968 - 1976 .

LCL

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LGPN

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ABRÉVIATIONS - ÉTUDES ET ÉDITIONS

41

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Lexicon Iconographicum Mythologiae Classicae. Zürich / München 1981 - .

LS )

A Greek- English Lexicon, compiled by H .G . Liddell and R . Scott, revised and augmented throughout by H . S. Jones with the assistance of R . McKenzie, with a Supplement 1968

(remplaçantles Addenda et corrigenda de la 9e éd . de 1940), LTK

Oxford 1968 ; nouvelle édition , « with a revised supplement 1996 » , Oxford 1996 . Lexikon für Theologie und Kirche. Freiburg im Breisgau

1930 -1938, 2e éd., 1957-1968. ΜΑΜΑ

Monumenta Asiae Minoris Antiquae. Manchester 1928 1956 .

MGH

Monumenta Germaniae historica inde ab anno Christi quingentesimo usque ad annum millesimum et quingen tesimum , ed . Societas aperiendis fontibus Germanicarum

Mvp OCD

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ОСТ

Coll. « Oxford Classical Texts » .Oxford .

OGIS

Orientis Graeci Inscriptiones Selectae, ed . W . Dittenberger, 2 vol., Leipzig 1903-1905; réimpr. Hildesheim 1960.

OPA PA

Coll.« Les œuvres de Philon d 'Alexandrie » . Paris 1961 - . J. Kirchner, Prosopographia Attica, t. I: Berlin 1901, VIII

603 p .; t. II: Berlin 1903, VIII-660 p . PCBE

Prosopographie chrétienne du Bas-Empire. Tome I: A .

Mandouze ( édit.), Prosopographie de l'Afrique chrétienne (303-533). Paris 1982. Tome II : Ch . Pietri et Luce Pietri (édit.), Prosopographie de l'Italie chrétienne (313-604 ), vol. PCG

1 : A - K, Rome 1999, 1226 p . R .Kassel et C . Austin (édit.), Poetae ComiciGraeci. Berlin 1983 - .

PG

Patrologiae cursus completus..., ed. J.-P. Migne. Series

PGM

Graeca, 161 volumes,Paris 1857- 1866. Papyri Graecae Magicae. Die griechischen Zauberpapyri, ed . K . Preisendanz, 2 vol., Leipzig /Berlin 1928 - 1931.

DICTIONNAIRE DES PHILOSOPHES ANTIQUES PIR

H . Dessau, E . Klebs et P. von Rohden (édit.), Prosopogra

PIR

phia Imperii Romani saeculorum I, II, III, Berlin 1897 - 1898. E . Groag, A . Stein et L . Petersen ( édit.), Prosopographia Imperii Romani saeculorum I, II, III, editio secunda, Berlin

PL

1933 - . Patrologiae cursus completus..., ed. J.-P. Migne. Series Latina, ed. J.- P.Migne, 217 vol., Paris 1844 - 1855.

PLRE

Prosopography of the Later Roman Empire, t. I ( 260-395) : A. H . M . Jones, J. R . Martindale & J. Morris ( édit.), Cam bridge 1971 ; t. II (395-527) : J. R . Martindale (édit.), Cam bridge 1980 ; t. III a et b (527 -641): J. R . Martindale (édit.), Cambridge 1992.

Po

Patrologia Orientalis, ed. R.Graffin et F.Nau. Paris 1903 – .

PP

Prosopographia Ptolemaica.

PTS RAC

Coll. « Patristische Texte und Studien ». Berlin 1963 -

Reallexikon für Antike und Christentum , ed. T . Klauser.

RE

Leipzig 1941, puis Stuttgart 1950 - . Paulys Realencyclopädie der classischen Altertumswissen schaft. Neue Bearbeitung begonnen von G . Wissowa,

fortgeführt von W . Kroll und K . Mittelhaus unter Mit wirkung zahlreicher Fachgenossen , StuttgartMünchen 1893

1972 ; Register der Nachträge und Supplement von H . Gärtner und A . Wünsch , München 1980. Voir aussi

RESuppl. RECAM

Regional Epigraphic Catalogues of Asia Minor, II : St. Mitchell. The Ankara District, The Inscriptions of North Galatia . With the assistance of David French and Jean

Greenhalgh, coll. « British Archaeological Reports, Inter national Series» 135,Oxford 1982. R ( E )PTEK

Real-Encyclopädie für Protestantische Theologie und Kirche , 3e éd ., Leipzig 1896 - 1913 .

RESuppl.

Paulys Realencyclopädie der classischen Altertumswissen schaft, Neue Bearbeitung unter Mitwirkung zahlreicher

RGG

Fachgenossen, Supplementbände 1-XV, 1903-1978. Die Religion in Geschichte und Gegenwart. 3e éd ., Tübingen

RUSCH

1957- 1965. Coll. « Rutgers University Studies in Classical Humanities» . New Brunswick (U .S.A .)/Oxford .

SC

Coll.« Sources chrétiennes» .Paris 1941

SEG

Supplementum Epigraphicum Graecum . Leiden , puis Amsterdam 1923 - .

ABRÉVIATIONS - ÉTUDES ET ÉDITIONS SGLG

Sammlung Griechischer & LateinischerGrammatiker, hrsg. von K . Alpers , H . Erbse, A . Kleinlogel. Berlin /New York 1974 - .

SIG

W .Dittenberger (édit.), Sylloge Inscriptionum Graecarum , 4 vol., Leipzig 1883, 3e éd . Leipzig 1915- 1924.

SPB

Coll.« Studia Patristica et Byzantina» , Ettal 1953 -

SR / SSR

Giannantoni G . (édit.), Socraticorum Reliquiae collegit, dis posuit, apparatibus notisque instruxit G .G ., (Roma/Napoli ]

1983-1985, 4 vol. L 'ensemble a été repris et élargi dans Socratis et Socraticorum Reliquiae collegit, disposuit, appa ratibus notisque instruxit Gabriele Giannantoni, coll. « Elen

chos» 18 ,Napoli 1990, 4 vol.Les tomes I et II (XI1-521 p. et XII-652 p.) contiennent les textes, le tome III (301 p .) un Conspectus librorum , un Index fontium et un Index nomi

num , le tome IV (XII-609 p .) le commentaire (sous formede

56 notesdéveloppées). Coll. « Studi e Testi» . Cité du Vatican 1900 -. STB

Suppl. Arist.

Coll. « Studien und Texte zur Byzantinistik » , Frankfurt am Main /Berlin/Bern 1994 Supplementum Aristotelicum , editum consilio et auctoritate Academiae litterarum regiae Borussicae, 3 tomes en 2 vol. chacun , Berlin 1886 -1893 .

Suppl. Hell.

Lloyd- Jones H . & Parsons P. ( édit.), Supplementum Helle

SVF

nisticum . Indices in hoc Supplementum necnon in Powellii Collectanea Alexandrina confecit H .-G . Nesselrath , coll. « Texte und Kommentare » 11, Berlin 1983, XXXII-863 p. Stoicorum Veterum Fragmenta collegit Ioannes ab Arnim ,

t. I: Zeno et Zenonis discipuli, Leipzig 1905; t. II : Chrysippi

TRE

TU WdF

fragmenta logica et physica, Leipzig 1903; t. III : Chrysippi fragmenta moralia . Fragmenta successorum Chrysippi, Leipzig 1903 ; t. IV : Indices, ed. M . Adler,Leipzig 1924. Theologische Realenzyklopädie . Berlin 1976 - .

Coll. « Texte und Untersuchungen zur Geschichte der alt christlichen Literatur» . Leipzig/Berlin 1882 - . Coll. « Wege der Forschung» .Darmstadt.

DICTIONNAIRE DES PHILOSOPHES ANTIQUES

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BAILLET J., Inscriptions grecques etlatines des tombeaux des rois ou Syringes, coll. « Mémoires publiés par l'Institut français d'archéologie orientale du Caire » 42, Le Caire 1923.

BARIGAZZI A ., Favorino di Arelate , Opere. Introduzione, testo critico e commento a cura di A . B ., coll. « Testi greci e latini con commento filologico »

4 , Firenze 1966 , XII-610 p . BRISSON L ., « Notices sur les noms propres (mentionnés dans la Vie de Plotin ] » , dans l'ouvrage collectif Porphyre. La Vie de Plotin , t. I : Travaux préli minaires et index grec complet par L . Brisson , M .-O .Goulet-Cazé, R .Goulet et D . O 'Brien. Préface de J. Pépin , coll. « Histoire des doctrines de l'Anti

quité classique » 6 , Paris 1982, p .49- 142. BURKERT W ., Lore and Science in Ancient Pythagoreanism , Cambridge (Mass .)

1972 (trad. revue de Weisheit und Wissenschaft: Studien zu Pythagoras, Philolaos und Platon , Nürnberg 1962) .

CASTNER C . J ., Prosopography of Roman Epicureans from the Second Century B . C . to the Second Century A . D ., coll. « Studien zur klassischen Philologie »

34, Frankfurt am Main 1988, XIX -116 p.

COURCELLE P ., Les Lettres grecques en Occident de Macrobe à Cassiodore, coll. BEFAR 159, Nouvelle édition revue et augmentée, Paris 1948 , XVI 440 p .

CRÖNERT W ., Kolotes und Menedemos. Texte und Untersuchungen zur

Philosophen - und Literaturgeschichte.Mit einem Beitrag von P . Jouguet und P . Perdrizet und einer Lichtdrucktafel, coll. « Studien zur Palaeographie und Papyruskunde » 6 , Leipzig 1906 , réimpr. Amsterdam 1965, ( 11)- 198 p . DAVIES J. K ., Athenian Propertied Families 600 -300 B . C ., Oxford 1971, XXXII 653 p .

DEGRASSI A ., 1 fasti consulari dell'impero Romano dal 30 avanti Cristo al613 dopo Cristo , coll. « Sussidi eruditi» 3, Roma 1952, XVIII-289 p .

DEICHGRÄBER K ., Die griechische Empirikerschule. Sammlung der Fragmente und Darstellung der Lehre, Berlin 1930 ; réimpr. (augmentée de notes

complémentaires sur les fragments déjà publiés, ainsi que de nouveaux fragments et des extraits de la traduction anglaise par R .Walzer de la version

arabe du traité Sur l'expérience médicale de Galien , p . 399-425) Zürich 1965.

45 ABRÉVIATIONS - ÉTUDES ET ÉDITIONS DIELS H . ( édit.), Doxographi Graeci collegit recensuit prolegomenis indici

busque instruxit H . D ., Berlin 1879, réimpr. Berlin 1958, X -854 p . DILLON J. M ., The Middle Platonists. A study of Platonism 80 B . C . to 220 A . D ., London 1977, XVIII-429 p. DILLON J. et J. HERSHBELL (édit.), lamblichus, On the Pythagorean Way of Life. Text, translation, and notes, coll. « Texts and translations» 29, «Graeco Roman Religion Series» 11, Atlanta (Georgia ), Society of Biblical Literature,

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RE

48

ONNAI

DICTI

S

SOPHE

DES PHILO

UES

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the Early Academy, ze éd., Leiden 1967, VIII-340 p. ; t. III: The Hellenistic

Roman period, 2° éd ., Leiden 1964, XVI-673 p. ZELLER Ed., Die Philosophie der Griechen in ihrer geschichtlichen Entwicklung dargestellt, t. III 1: Die nacharistotelische Philosophie. Erste Hälfte . Fünfte Auflage. Manualdruck der vierten Auflage, hrsg. v. E. Wellmann, Leipzig 1923, réimpr. Hildesheim 1963.

Avertissement

La transcription française des nomspropres grecs et latins est toujours chose délicate. La tendance traditionnelle est de donner une forme française quand

c'est possible et que le personnage est connu de cette façon, ce qui peut entraîner des problèmes d'ordre alphabétique. Fallait-il adopter Aischinès, Aeschines, Eschine ? Nous avons tenté de respecter dans pareil cas la forme la plus proche du grec, au moins dans l'intitulé de la notice, quitte à rappeler entre parenthèses la forme courante connue par le lecteur français et à utiliser cette dernière dans le corps de l'article. Nous avons également essayé de ne pas transcrire différem

ment les homonymes qui se succèdent directement, mais il a semblé impossible d 'appliquer des règles immuables. On rencontrera des Denys et des Dionysios.

Les noms latins sont classés au cognomen,mais des renvois sont prévus pour les autres composantes importantes du nom . La liste finale des notices du présent tome devrait faciliter le repérage des différents noms. L 'intitulé de chaque notice indique le numéro attribué par la Realencyclo paedie aux différents homonymes, accessoirement le numéro que le personnage

concerné a reçu dans d 'autres prosopographies (PLRE, PIR2, PA ). On ne s 'éton nera pas de trouver des indications comme RE : ou RESuppl. IV : (sans chiffre

arabe), lorsque les articles de cette encyclopédie ne comportent pas de numéro . Quand l'article de la Realencyclopaedie n 'offrait aucune information supplé mentaire par rapport à ce que l'on peut lire dans notre notice, nous n 'avons pas

fourni une référence bibliographique complète : le renvoi initial suffira à rap peller qu'il existe un article consacré à ce philosophe. Une lettre ou un nom n 'est ajouté au numéro d 'homonymie que si la forme retenue par cette encyclopédie

allemande ne correspond par à la forme française du nom (RE K 2 pour “ Callisthène" ). L ' intitulé de chaque notice comprend également une datation au moins

approximative du personnage. Dans l'indication des siècles, un petit a en expo sant signale une date antérieure à l' ère chrétienne (Iva signifie « IVe siècle avant

Jésus-Christ» ).La lettre p sert demême,mais seulement si nécessaire, à indiquer une date de notre ère. Dans ces indications chronologiques, les lettres D , M et F signifient " début” , “milieu” et “ fin ” .

Pour simplifier le système de référence bibliographique à l'intérieur des notices, nous avons choisi de numéroter en chiffres gras les références succes sives et d ' y renvoyer dans la suite de la notice. Par exemple , on trouvera 3 V .

Brochard, Les sceptiques grecs, 2° éd., Paris 1923, p. 303 n . 2 , puis, plus loin

dans la notice une simple référence à Brochard 3, p . 300. Ce systèmen 'a pas été employé pour les très courtes notices où il n'y avait pas de renvoi interne.

50

NNAIRE ES HILOSOPHES NTIQUES D P A

DICTIO

Les informations sontréparties sous un certain nombre de rubriques (mises en relief par l'emploi de caractères gras ou espacés) qui reviennent de notice en notice et facilitent la consultation de l'ouvrage. Par exemple: Chronologie , Bibliographies (où sont signalées les bibliographies consacrées à ce philosophe

et non pas les ouvrages comme tels; à ne pas confondre avec Cf.), Euvres conservées, Datation , Éditions et traductions, etc . Certaines notices très dévelop pées peuvent comporter toute une hiérarchie de titres intermédiaires, ainsi qu 'un

sommaire initial. De façon générale , nous avons résisté à la tentation courante d'identifier les personnages homonymes.Même là où l'identification nous semblait probable ,

nous avons regroupé les informations en blocs distincts à l'intérieur de la notice. Le signe » renvoie aux notices déjà parues dans les tomes I - III du Diction naire. Il signifie que le personnage a fait l'objet d 'une notice, mais nous ne l'avons pas employé pour les noms les plus importants qui reviennent souvent. Il n 'apparaît d 'ailleurs qu ' à la première occurrence d 'un nom dans la notice. Une référence plus précise (avec indication du nom de l'auteur de l'article) est faite lorsque le contenu même de la notice est visé.

1 ECCÉLOS DE LUCANIE RE Pôlos 4

Sous le nom du pythagoricien Pôlos de Lucanie (ěx Mórov Ilvdayopelov AevxAVOŪ ) (RE 4 ) a été conservé par Stobée,Anthol. II 9, 51, un fragment d'une vingtaine de lignes en dialecte dorien tiré d'un Περί δικαιοσύνης (Sur la justice ). Voir 1 H . Thesleff, The Pythagorean texts , p. 77 , 14 - 78 , 16 . Une tra duction anglaise du passage due à K . S . Guthrie (1920 ) a été reprise dans 2 R . Navon , The Pythagorean writings, p. 162, et dans 3 D . R . Fideler, The Pytha

gorean sourcebook and library, p. 253. Contenu : la justice est la mère et la nourrice des autres vertus et reçoit des noms différents en fonction des domaines de la réalité . Datation : 1110 -11a s., selon 4 H . Thesleff, An Introduction to the

Pythagorean writings of the Hellenistic period, Åbo 1961, p . 115 ; 1a/ P selon 5 B . Centrone, Pseudopythagorica ethica . I trattati morali di Archita , Metopo,

Teage, Eurifamo. Introduzione, edizione, traduzione e commento a cura di B .C .,

Napoli 1990 ,p. 15 n. 7, et41-44. Dans sa liste des auteurs cités par Stobée, Photius, Bibl., cod. 167, p . 114 a 33, a retenu le nom d'Ecpôlos, qui peut résulter d'unemauvaise lecture du lemme.

Commeon ne connaît pasde pythagoricien du nom de Pôlos, on a proposé de corriger Éx Tónov en 'Exxénov (Praechter et Harder ),nom tiré d'un passage du

catalogue de Jamblique consacré aux femmes pythagoriciennes (V . pyth . 36, 267), tel qu 'il est lu par Thesleff 1, p . 77, 11-12, où l'on rencontre : « Philtys, fille de Théophris de Crotone », puis : « Byndacô , seur d'Occélos et d 'Eccélos de Lucanie » (Buvoaxu adenon 'Oxxénov xai 'Exxénov tõv Aevxavőv). Dans le passage sur les femmes pythagoriciennes, le texte édité par Deubner est assez différent:OTÙS... Buvdáxov åbenoń , 'Oxxew xai 'Exxenù (Scal.) < ådenpai 'Oxxéw

xai 'Oxxíaw > tõv Aevxavõv.Nous aurions donc d' une part une Philtys, sæur du pythagori cien Byndacos par ailleurs inconnu, et d 'autre part Eccélô et Occélo , scurs d' Occilos et d'Oc célos (nomstirés d'un passage antérieur du Catalogue). Mais selon Thesleff 4 , p. 75 n . 2, la forme 'Exxenú est due à une corruption de la formedorienne du génitifmasculin singulier. Il faut donc rejeter ces corrections et modifier la notice B 70 en conséquence : « Byndaco ou Rhyndaco de Lucanie » , pythagoricienne, seur d 'Occélos et d 'Eccélos. On corrigera dans le

même sens la traduction donnée par L . Brisson et A . Ph. Segonds, Jamblique, Vie de Pytha gore. Introduction, traduction et notes, coll. « La Roue à Livres» 29, Paris 1996 , p. 144.

Selon 6 K . Praechter, « Ein verkanntes Fragment des angeblichen Pythago reers Okellos » , Philologus 61, 1902 , p. 266 -270 , il conviendrait d'identifier

Eccélos avec Occélos. Contre cette identification, voir Thesleff 4, p . 13 n . 1. Occélos de Lucanie (DK 48) est un pythagoricien beaucoup plus connu. On lui attribuait un ſepi tñs toŨ Tavtoç qúoewç conservé et d 'autres traités pseudépigraphes (voir la lettre d'Archytas à Platon citée par Diogène Laërce VIII 80 ). Il est mentionné, plus haut dans le

Catalogue de Jamblique, avec son frère Occilos, comme pythagoricien de Lucanie (Jamblique, V . pyth . 36 , 267). Dans plusieurs notices des deux premiers tomes du DPhA, nous avons présenté par erreur

comme étant " de Leucade” des pythagoriciens d 'origine “ lucanienne" (ethnique Aevxavóc).

EI

ECCÉLOS DE LUCANIE

C 'est le cas d'Arésandros, Arésas, Byndacos et Cérambos. L 'erreur a été à juste titre signalée par 70. Masson, « Sur quelques noms de philosophes grecs. A propos du Dictionnaire des philosophes antiques, vol. II » , RPh 68, 1994, p . 231-237,notamment p . 233. O .Masson rejette lui aussi la correction de Deubner retenue dans la notice sur Byndacos. Selon lui, Eccélos, le deuxième frère de Byndacô, serait l'Occilos du passage antérieur du Catalogue.

BRUNO CENTRONE et RICHARD GOULET.

2 ECDÉLOS DEMÉGALOPOLIS RE (s.V.« Ekdémos» )

IIIa

Élève d'Arcésilas (MA 302), fréquemment cité dans les sources en compa gnie de Démophanès (MD 75). Voir Polybe X 22, 2 ; Plutarque, Philop. 1 ; Pausanias VIII 49, 1, et la Souda, s.v. Dioroiunv, Ø 409, t. IV , p. 731 Adler ). K . Ziegler (RhM 83, 1934 , p. 228 -233) a démontré que la forme correcte des deux noms était Démophanès et Ecdélos, et non pasMégalophanès et Ecdémos.

On ne peut séparer la reconstruction de la biographie d'Ecdelos de celle de Démophanès. Ils étudièrent ensemble auprès d' Arcesilas, qui fut scholarque de

l' Académie à partir de 268-264, et ils s'honoraient d'avoir été les maîtres de Philopoemen. Contraints à l'exil, ils organisèrent un complot contre Aristodé mos, le tyran de Mégalopolis, et participèrent à l'entreprise d’Aratos contre Nicoclès, le tyran de Sicyone (selon Plutarque, Aratos 4 -9, seul Ecdélos intervint dans ce dernier épisode ). Enfin ils furent invités à Cyrène pour préparer une nouvelle constitution et réorganiser la cité (A . Laronde, Cyrène et la Libye hellénistique , Paris 1987, p. 381-382). La succession chronologique des deux premiers événements est controversée (entre 251 et 250 ). Polybe (X 22, 2) et Plutarque (Philop. 1)mentionnent la libé ration de Mégalopolis avant celle de Sicyone,mais la valeur de ce renseigne ment a été mise en doute par Beloch, Porter et Will, qui intervertissent les deux

dates (voir les indications bibliographiques dans le commentaire de D . P. Orsi, dans M . Manfredini et V . Antelami (édit.), Plutarco. Vita di Arato e di Arta

serse,Milano 1987, p. 198 ). Cf. H . von Arnim , art. « Ekdemos », RE V 2, 1905 , col. 2159; H . Dörrie , art. « Ekdemos » , KP III, 1975 , col. 221 ; F . W . Walbank , A Historical commentary

on Polybius, t. II, Oxford 1967, p . 223-224. TIZIANO DORANDI.

ECDÉMOS + ECDÉLOS IV -III 3 ÉCHÉCLÈS D 'ÉPHÈSE RE 2 Diogène Laërce (VI 95) le présente comme un disciple de Cléomène (MC 163) et de Théombrote , tous deux disciples de Cratès le Cynique (> C 205), et comme le maître du philosophe cynique Ménédème. Voir M .- O . Goulet Cazé, « Une liste de disciples de Cratès le Cynique en Diogène Laërce 6 , 95 » ,

Hermes 114 , 1986 , p. 247-252. MARIE -ODILE GOULET-CAZÉ.

ÉCHÉCRATÈS DE PHLIONTE

E5

4 ÉCHÉCRATEIA DE PHLIONTE Pythagoricienne dont le nom figure dans le catalogue de Jamblique, V. pyth . 36 , 267, p. 147, 3 Deubner. (Cf. T . Dorandi, « Assiotea e Lasteneia . Due donne all'Accademia » , AATC 54, n.s. 40, 1989 , p . 60 , qui la met en rapport avec l'Échécratès de Phlionte du Phédon (voir notice sui L.B. vante ) .

Il importe de rappeler que plusieurs des pythagoriciennes du passage de Jamblique sont les épouses, les sæurs ou les filles de pythagoriciens également répertoriés; entre père et fille ou entre frère et seur, les nomssont souvent semblables: Cheilonis ( C 108 ), fille de Cheilon de Sparte ( * C 107), Habrotéleia (MH 1), fille d'Habrotélès de Tarente (MH 2). Parfois le lien de parenté n 'est pas rappelé ,mais peut être déduit de la présence d'un pythagoricien dans la liste : il y a une Tyrsénis de Sybaris et un Tyrsénos de Sybaris, une Peisirrhode de Tarente et un

Peisirthodos de Tarente. Échécrateia de Phlionte pourrait donc être apparentée à Échécratèsde R .G .) BRUNO CENTRONE.

Phlionte (p . 144 , 15 Deubner).

5 ÉCHÉCRATÈS DE PHLIONTE RE (+ RESuppl. III)

V -IV

Pythagoricien dont le nom figure dans le catalogue de Jamblique, V. pyth . 36 , 267; p. 146 ,6 Deubner. On rencontre égalementdans le catalogue un Échécratès (RE6) parmi les pythagoriciens de Tarente (p. 144, 15 Deubner). Témoignages. 1 DK 27 (53); 2 M . Timpanaro Cardini, Pitagorici. Testimo nianze e frammenti, fasc . II, Firenze, 2e éd., 1969, p. 426 -429 (incomplet).

Cf. 3 E . Wellmann, art. « Echekrates» 3, RE V 2 , 1905, col. 1909- 1910 ; 4 W . A . Oldfather,art.« Echekrates » , RESuppl. III, 1918,col.417-418. Le témoignage le plus ancien est celui du Phédon de Platon . Phédon y raconte

à Échécratès le conversation qui s'est déroulée dans la prison entre Socrate et ses disciples, avant l'exécution de la sentence. On peut déduire du passage 57 a-b

qu 'Échécratès était originaire de Phlionte et que la rencontre avec Phédon se situe dans cette localité. Au cours de la conversation , Échécratès interrompt deux

fois le récit de Phédon (Phédon 88c et 102 a ). La première interruption est parti culièrement significative, dans la mesure où Échécratès se montre fort intéressé

par la doctrine de l'âme-harmonie que vient de rappeler Simmias et qui sera ensuite réfutée par Socrate. C 'est surtout sur la base de ces détails qu'il est per mis de confirmer les renseignements concernant l'existence d'une communauté pythagoricienne à Phlionte et l'allégeance pythagoricienne d 'Échécratès, affir

mée de façon explicite par d 'autres auteurs: Diogène Laërce VIII 46 (= Aristoxène, fr. 19 Wehrli) mentionne Échécratès avec Xénophile de Chal cidique de Thrace, Phanton , Dioclès (2 + D 116 ) et Polymnastos, ces trois derniers

originaires de Phlionte, parmi les derniers pythagoriciens qu ’Aristoxène aurait connus et qui auraient été les auditeurs de Philolaos et d'Eurytos (~+ E 150);

Jamblique, V . pyth . 35 , 251, p. 135 , 3-8 Deubner, qualifie de philosophes « des plus sérieux » (OTOUDALÓTATOL) ces mêmes pythagoriciens qui conservèrent les enseignements et les coutumes de la secte en voie d'extinction. Diodore de Sicile (XV 76 , 4 ) situe ces derniers” pythagoriciens vers 366 /5 av. J.-C (Ol. 103, 3). Dans la neuvième lettre pseudo-platonicienne, adressée à Archytas (P - A 322 ), -

S

ATÈ

54

CR CHÉ

É

NTE

O DE PHLI

E5

lettre censée avoir été écrite après le premier voyage de Platon en Sicile et donc en 3879 au plus tôt – l'auteur prétend avoir soin d 'Échécratès, fils de Phrynion ,

présenté comme un veavíoxoç; on peut se demander si ce qualificatif pouvait convenir à Échécratès vers 388 avant J.- C. (Oldfather 4 , col. 417, se montre favorable à cette hypothèse , parce que le père d 'Échécratès, selon Polybe (XII 10 , 7- 8 ), fut chargé d 'une ambassade par Denys l'Ancien : Échécratès devait

donc être plus jeune que Platon ) ; la lettre n 'a cependant aucune valeur histo rique, voir 5 W . Burkert, Lore and Science, p . 92 n . 40. Selon 6 J . Kerschen steiner ( édit.), Platon. Briefe , hrsg. von W . Neumann , München 1967, p . 218, il

s 'agirait d'un personnage inventé par l'auteur de la lettre pseudépigraphe qui se servait des noms de pythagoriciens célèbres. Selon 7 F . Novotny, Platonis Epistulae, Brno 1930, p . 272, il s'agirait plutôt d 'Échécratès de Tarente ( » E 6 ),

pythagoricien qui apparaît lui aussi dans le Catalogue de Jamblique. D 'autres témoignages montrent qu 'Échécratès était en rapport avec des

Locriens. Dans Cicéron, De finibus V 29, 87 (cf. Val. Max. VII 7 , ext. 3), Pison (= Marcus Pupius Piso Calpurnianus, consul en 61) rapporte que Platon se rendit à Locres auprès des pythagoriciens Échécratès, Timée et Arion (* * A 334 ). C ' est

à un certain Échécratès que l' historien Polybe dit avoir emprunté des informa

tions sur les Locriens (XII 10 , 7 = Timée (de Tauroménium ), FGrHist 566 F 12 ) ; il s'agit très probablementdu nôtre : voir Burkert 5 , p . 92 n . 40.

8 F. Prontera, « Echecrate di Fliunte un Pitagorico ? » ,AATC 39, 1974, p. 3 19, et 9 Id ., « Gli “ ultimi” Pitagorici. Contributo per una revisione della tradi zione » , DArch 9 -10, 1976 - 1977, p . 267 -332, a mis en doute le pythagorisme

d 'Échécratès et la réalité historique d' un cercle pythagoricien à Phlionte. Selon

10 C. Rowe, Plato . Phaedo, Cambridge 1993, il n' y aurait pas lieu de douter du pythagorisme d 'Échécratès,même s 'il ne fut pas orthodoxe. 11 T . Ebert, Sokra tes als Pythagoreer und die anamnesis in Platons Phaidon , Stuttgart 1994,

notammentp . 5 n . 2, insiste lui aussi sur le pythagorisme d 'Échécratès. [Il y a dans la liste de Jamblique (p. 147, 3 Deubner) une Échécrateia de Phlionte (> · E 4 ) R. G .)

qui pourrait être sa seur ou sa fille.

BRUNO CENTRONE.

6 ÉCHÉCRATÈS DE TARENTE Pythagoricien dont le nom figure dans le Catalogue de Jamblique, V. pyth . 36 , 267 ; p . 144, 15 Deubner. Il faut sans doute le distinguer de son homonyme, plus

célèbre, originaire de Phlionte (3- E 5). Selon F. Novotny, Platonis Epistulae, Brno 1930 , p. 272, il faut l'identifier avec le jeune Échécratèsmentionné dans la neuvième lettre pseudo-platonicienne. Voir la notice précédente. BRUNO CENTRONE.

7 ÉCHÉCRATIDÈS DE MÉTHYMNE RE 2

Miva

Philosophe péripatéticien , « familier » (ouvons) d' Aristote de Stagire ( M+A 414 ),mentionné par Étienne de Byzance, Ethnica (Epitome), p. 449, 18 Meine ke, avec d 'autres compatriotes originaires de Méthymne sur l'île de Lesbos.

E9

ECPHANTE (PSEUDO-)

55

A . Wiedersich, art. « Echekratides» 1a, RESuppl. IV , 1924, col. 269, le rap proche d 'Échécratidès, sophiste emprisonné par Alexandre le Grand à Sardes. Alexandre le libéra, avec d'autres détenus, à la demande de Phocion (cf. Élien ,

Var. Hist. I 25, et Plutarque, Phocion 18, 6 ). Voir aussi A . Wiedersich, Prosopographie der Griechen beim Perserkönige, Diss. Breslau 1922, nº 84 ; H . Berve, Das Alexanderreich auf prosopographischer Grundlage, München 1926 , t. II, n° 333.

RICHARD GOULET .

8 ECPHANTE DE CROTONE RE 3 V -IVa ? Pythagoricien ancien dont le nom figure dans le catalogue de Jamblique, V. pyth . 36 , 267 ; p . 143, 20 Deubner. Il était originaire de Crotone selon Jam blique, de Syracuse selon les doxographes (voir Aétius I 3, 19 (DDG 286 ) ; Hippolyte , Philos. I 15, li. 1- 19 (DDG 566 , 11- 19]).

Témoignages. 1 DK 51 (38); t. I, p . 442 ; 2 M . Timpanaro Cardini, Pita gorici. Testimonianze e frammenti, fasc. II,Firenze 1962, 25 (51), p. 416 -421. Le nom d 'Ecphante est principalement lié à une hypothèse atomiste et à un système astronomique géocentrique selon lequel la terre tourne autour de son propre axe. Selon une thèse ancienne de 3 P. Tannery, « Pseudonymes an tiques » , dans Mémoires scientifiques IX , Paris 1897, p. 232, et « Ecphante de Syracuse » , dans Mémoires scientifiques VII, Paris 1898 , p . 249, l'existence

historique d 'Ecphante ne serait pas du tout certaine et, en tout état de cause, les témoignages sur sa doctrine remonteraient à un dialogue d'Héraclide le Pontique (» H 60) dont Ecphante et Hicétas auraient été les protagonistes; d'autres savants se sont prononcés en sens contraire ; sur cette question , voir 4 E . Zeller

et R . Mondolfo, La filosofia dei Greci nel suo sviluppo storico , I 2 , Firenze 19502, p. 349 ; 5 W .K . C .Guthrie ,History ofGreek Philosophy, t. I, p. 323-327 ; 6 F. Wehrli, Die Schule des Aristoteles, Heft VII :Herakleides Pontikos, Basel/ Stuttgart, 1953, 19692, p. 96 ; 7 W . Burkert, Lore and Science, p . 341 et n . 17- 19 . En admettant la réalité historique de ce personnage, il reste difficile d'établir sa chronologie ; la présence de conceptions atomistes et du géocentrisme permet tent de penser qu 'il était postérieur à Philolaos et contemporain d'Archytas ( > A 322). BRUNO CENTRONE .

9 PSEUDO -ECPHANTE

Sous le nom d'Ecphante ont été transmis par Stobée IV 6 , 22 et IV 7, 64.65 .66 quatre fragments d'un llepi Baocheias roi, être d'essence divine, est à la cité ce que dieu bler le plus possible à dieu par la pratique de la rendre semblables à lui, de façon à ce que se humaine la concorde qui règne dans l'univers.

(Sur la royauté). Contenu : le est au cosmos ; il doit ressem vertu et ses sujets doivent se réalise dans la communauté

Éditions et traductions. 1. L . Delatte ( édit.), Les Traités de la Royauté

d 'Ecphante, Diotogène et Sthénidas, Liège 1942. Comprend l'édition (p. 25 -37),

ECPHANTE (PSEUDO -)

56

E9

la traduction (p . 47-52) et un commentaire de ces fragments (p . 164-244 ) ; 2 . H . Thesleff, The Pythagorean texts, p . 79 , 1 -84, 8 . Une traduction anglaise due à T .

Taylor ( 1822) et à K . S . Guthrie ( 1920) a été reprise dans 3 R . Navon , The Pythagorean Writings, p . 96 - 100 , et dans 4 D . R . Fideler, The Pythagorean

sourcebook and library, p . 257-259; une traduction incorporée dans le texte de la monographie se trouve également dans 5 E . R . Goodenough, « The Political Philosophy of Hellenistic Kingship » , YCIS 1 , 1928, p. 55- 102, cf. p . 75-78 ; 83 84 ; 86 -89. Traduction italienne dans 6 A . Squilloni, il concetto di “ regno ” nel pensiero dello ps. Ecfanto . Le fonti e i trattati PERI BASILEIAS, Firenze 1991,

p . 22-29. Datation . IIIa selon Goodenough 5 passim ; 7 T. A . Sinclair, History ofGreek political thought, London 1951, p . 294 ; 8 H . Thesleff, An Introduction to the

cal he1961 i t i n o l p e u s t ,p. 109 ; avec des réserves: 9 G . J. D . Aalders , Political thought in Hellenistic times,

Pythagorean writings of the Hellenistic period, Åbo 1961, p . 65 -70 ; 100 - 101 ;

Amsterdam 1975, p . 27-28 et n . 96 ; 1-IIP selon Delatte 1, p . 282-290, notamment p . 285 ; 10 W . Burkert, « Zur geistesgeschichtlichen Einordnung einiger Pseudo

pythagorica» , dans Pseudepigrapha I, Vandæuvres/Genève 1971, p . 25-55, notamment 52 -55 , suggère que l'ouvrage a pu être composé sous les Sévère, à

l' époque de l'impératrice Julia Domna ( † 217) ( > I 42); une datation à l' époque de Domitien (81-96 ) a été proposée par Squilloni 6 , p. 60 ; 188- 197 ; on y trouvera égalementun status quaestionis complet, p . 35-43.

BRUNO CENTRONE.

10 ECPÔLOS Ce nom apparaît dans une liste de philosophes cités par Stobée, qui a été conservée par Photius, Bibl. cod. 167, p . 114 a 33 Bekker. Le passage correspon dant dans l'Anthologie est un extrait sur la justice du pythagoricien Pôlos de

Lucanie (Èx Názov lludayopelov AevxavoŨ) [RE 4 ), nom que l'on a corrigé en Eccélos de Lucanie (» E 1). RICHARD GOULET.

11 EGNATIUS RE 9 Auteur d 'un poème didactique en plusieurs livres, intitulé De Rerum Natura,

dont deux passages du premier livre sont cités par Macrobe, Saturnalia VI 5 , 2 ; VI 5 , 12. Le titre et le style des extraits suggèrent la volonté d 'imiter Lucrèce. Il

n 'est pas possible d 'assigner une date précise à l'activité littéraire d 'Egnatius. Cf. O . Skutsch , art. « Egnatius» , RE V 2 , 1905, col. 1993- 1994. STEPHEN GERSH .

EGNATIUS → CELER (P .EGNATIUS -) EGRILLUS → EUARETUS ( Q. A . E . -)

E 15

ÉLIAS

Іта

12 EIRÉNAIOS DE MILET

Dédicataire d'un ouvrage de Démétrios Lacon (~+ D 60 ) conservé dans PHerc. 1012 et édité par E . Puglia , Demetrio Lacone. Aporie testuali ed esege tiche in Epicuro (PHerc. 1012 ), Napoli 1988 , col. LXXIV 1-4 : Treborn μέν χάρις τωι μεθ' ημών] Η φιλοπονώτατα φιλοσοφήσαντι και της καλής

M [l]ań tov un ánootávti Bià | Tavtòs Eipnvaíwi, « Je suis rempli de la plus grande reconnaissance envers Eirénaios qui a philosophé avec moi dans les tra vaux les plus pénibles et qui n 'a jamais quitté la belle Milet» . L 'attribution du PHerc. 1012 à Démétrios Lacon permet de dater Eirénaios du Irº. Eirénaios, ori

ginaire de Milet, fut disciple de Démétrios (E . L . Hicks, CR 1 , 1887, p. 188) pen dant le séjour de ce dernier sur cette île. Une identification a été envisagée,mais reste incertaine, avec le personnage homonyme, père adoptif du navarque Méniscos de Milet, qui est honoré avec Asclépliade de Clazomènes et Polystrate de Caryste pour avoir aidé les Romains pendant la guerre sociale (90 -88 av. J.

C .) dans une inscription gréco-latine datée de 78a (IGUR 1 118). Cf. Puglia , p. 43-45.

TIZIANO DORANDI. 13 EIRISCOS DE MÉTAPONTE

Pythagoricien ancien dont le nom figure dans le catalogue de Jamblique, V. pyth . 36 , 267, p. 144, 5 Deubner. BRUNO CENTRONE.

ELENXINOS → ALEXINOS D 'ÉLIS 14 ELEUC ( H )ADIUS

DM II

Évêque confesseur de Ravenne dans la première moitié du lie siècle . Il aurait été philosophe avant de se convertir au christianisme à l' instigation d'Apolli

naire de Ravenne. Cf. W . M . Sinclair, art. « Eleuchadius», DCB 11, 1880 , p. 74 ; G . Lucchesi, Note agiografiche sui primi vescovi di Ravenna, Faenza 1941, p. 97- 110 ; S . Benz , art. « Eleucadius » , DHGE XV, 1963, col. 143 ; G . Lucchesi, art. « Eleu cadio » , Bibliotheca Sanctorum , t. IV , Roma 1964, col. 1002- 1003. RICHARD GOULET.

15 ÉLIAS RE 2 PLRE III :6 Philosophenéoplatonicien, commentateur d'Aristote .

F VI

Études d 'orientation . 1 W . Kroll, art. « Elias » 2, RE V 2 , 1905, col. 2366 ; 2 L . G . Westerink, « The Alexandrian commentators and the introductions to their commentaries », dans R . Sorabji (édit.), Aristotle transformed. The Ancient Commentators and their influence, Ithaca (N . Y.), Cornell Univ . Pr., 1990 , p. 336 -339 ; 3 Id ., Introduction dans L . G . Westerink, J. Trouillard et A . Ph .

Segonds (édit.), Prolégomènes à la philosophie de Platon, CUF, Paris 1990, P. XXXI-XXXVI; 4 S . S. Arevšatyan , « L 'héritage de David l'Invincible sous une lumière nouvelle » , BanberMatenadarani 9, 1969, p. 7-22 (en arménien , avec un

résumé français) ; 5 Id., The development of philosophy in ancient Armenia, Vth.

ÉLIAS

58

E 15

vith centuries, Erevan 1973, p. 275-285 (en russe, non vidi) ; 6 J.-P. Mahé, « David l’Invicible dans la tradition arménienne », dans I. Hadot (édit.), Simpli cius, Commentaire sur les Catégories, fasc. I, coll. « Philosophia antiqua » 50, Leiden 1990 , Appendice II, p. 189-207 ; 7 E . Thorossian , « David the Invincible

as an interpreter of Aristotle 's Categories » , dans David the Invincible, the great

philosopher of ancient Armenia . Publication of the Armenian SSR Academy of Sciences. Erevan . Selected papers presented on the occasion of the 1500th anniversary of David at the symposium held in Erevan , May 1980 , and the session held on Moscow , June 1980 (paru en 1983) (non vidi].

Bibliographie . 8 R .W . Thompson , A Bibliography of classical Armenian literature to 1500 A.D ., coll. « Corpus Christianorum » , Turnhout 1995, p. 45 .

Euvres. ( 1) Prolégomènes à la philosophie (12 leçons). CAG XVIII 1, 1900, p. 1-34 Busse . Ce texte estdirectement suivide (2 ). (2) Prolégomènes et Commentaire de l'Isagogè de Porphyre. Ibid., p. 35- 104 (leçons 13-40).Le commentaire textuel commence p. 40 , 1 Busse .

Ces deux textes qui n 'en forment qu'un ont été transmis sans nom d'auteur; ils ont été attribués à Élias par 9 V . Rose, Aristoteles pseudepigraphus, Leipzig 1863, p. 71 et 181, 10 Id ., Leben des heiligen David von Thessalonike griechisch

nach der einzigen bisher aufgefundenen Handschrift, Berlin 1887, p. VIII n. 1, puis par A . Busse .

( 3) Bien que l'ouvrage ait été transmis sous le nom du philosophe David ( D 23), Busse a de même édité sous le nom d 'Élias des Prolégomènes à la philosophie d 'Aristote, introduisant à un Commentaire des Catégories. Ibid ., p . 107 -255. Ce commentaire - dans la suite de cette notice nous le désignerons comme étant celui de “David /Élias” – qui, à la différence du précédent et du commentaire sur les Premiers Analytiques cité plus loin , n'est pas découpé en leçons (npáčelC ), aborde le texte des Catégories à la p. 135 , 1. Une datation

approximative est fournie par le fait que l'auteur cite l'æuvre de Jean Philopon, disciple d'Ammonius d'Alexandrie (in Categ., p. 246, 14-15). La version armén ienne a été éditée par 11 S. S . Arevšatyan , Erkasirut'iwnk ' p 'ilisop'ayakank'

( Euvres philosophiques), Érévan 1980 [réimpriméen 1989), p. 193- 300.Notons que cette version arménienne est mutilée et ne porte pas de titre (voir Mahé 6 , p . 195). Une édition antérieure, due à 12 H . Manandean , Meknut ’iwn Storogut'eanc'u Aristotēli enc'ayeal Eliasi Imastasiri, Saint-Pétersbourg 1911, attribuait le commentaire à Élias. 13 A .K . Sanjian (édit.), David Anhaght' the “ Invincible " philosopher, coll. « Studies in Near Eastern Culture and Society » 7,

Atlanta 1986 , XVI-150 p., dans son introduction, p. 8- 9, rapporte que « the Armenian version has survived in a single defective manuscript copy (now at the Matenadaran in Erevan .MS Nº 1930 ), which lacks the beginning and the end of the text. »

C 'est donc à tort que, dans DPHA I, p. 438, nous avons écrit que l'attribution à David était soutenue par la tradition grecque et arménienne unanime. Après avoir indiqué les titres des

versions arméniennes des trois euvres attribuées à David par la tradition grecque, Mahé 6 , p . 195 , écrit : « Les deux æuvres qui ont un titre sont attribuées à Dawit'... » , ce qui semble

E 18

ÉLIAS

59

bien impliquer que la troisième est transmise de façon anonyme dans l'arménien . Voir aussi J.-P . Mahé, art. « David » , Neue Pauly III, 1997, col. 337 -338 : « die Zuweisung dieses Werkes (= Erklärung der zehn Kategorien ) an David ist im Armen . zufällig nicht direkt bestätigt, da

der Text zu Beginn beschädigt ist». Pour les problèmes d'authenticité, voir plusbas. Sanjian 13, p . 8 , soutient que l' attribution à David du commentaire sur les Catégories a été définitivementdémontrée par Sen Arevšatyan . Fort curieusement, c 'est apparemment la seule apparition de ce commentaire dans les actes de colloque entièrement consacré à David . Sanjian rappelle (p . 10 ) que pour Arevšatyan , David serait également l'auteur de la Hiérarchie céleste et de la Hiérarchie ecclésiastique attribuées à Denys l'Areopagite (™D 85 ). Il ne

semble pas que cette thèse ait emporté l'assentiment. Manandean 16 (cité plus loin ), a supposé, de son côté, que ce commentaire sur les Caté

gories était en fait d'Olympiodore , lequel aurait porté, à la suite de son baptême, le nom d ' Elias. Dans un travail malheureusement encore inédit, Agnès Ouzounian , grâce à une comparai son méthodique entre le texte grec et la version arménienne de l' introduction de ce commen taire, a repéré des passages conservés uniquement en arménien et en a proposé une rétrover

sion en grec . Selon Mme I. Hadot, l'examen de ces divers passages établirait la supériorité de la version arménienne sur le texte grec transmis par lesmanuscrits.

(4 ) Scholies sur le De Interpretatione, éditées par Busse, CAG IV 5, 1897, P . XXVI-XXVIII. Une comparaison mériterait d 'être faite avec un commentaire du De Interpretatione

conservé uniquement en arménien . Les manuscrits l'attribuent à David , mais, sauf Arevšatyan ,

les spécialistes ont rejeté cette attribution. Voir Mahé 6, p. 195 n. 37.

(5 ) Début d'un commentaire sur les Premiers analytiques, édité par 14 L .G . Westerink , « Elias on the Prior Analytics» , Mnemosyne 14 , 1961, p. 126 -139, repris dans Texts and studies in Neoplatonism and Byzantine literature.

Collected papers, Amsterdam 1980, p. 59-72 (à partir du Parisinus gr.678 ). Ce commentaire , quimentionne l'exégèse d'Eutocius (2 - E 175) sur l’ Isagogè de Porphyre, mériterait d ' être comparé avec un commentaire de David sur les Pre miers analytique, conservé seulement en arménien et édité par 15 S . S. Arevšatyan , Meknut'iwn i Verlucakann Aristotéli( Commentaire sur l'Analytique d 'Aristote), Érévan 1967, avec une traduction russe. 16 Y .Manandean, Yunaban

dproc'ě ew nra zargac'man šrjannerė (L 'École hellénisante et les étapes de son développement), Vienne 1929, p . 66 -67, s'était autrefois prononcé en faveur

d'une attribution à Élias. Cf. Westerink, p.XXXVII n. 102: « Youri Chitchaline, Moscou, dans une lettre d 'avril 1989, constate des rapports très étroits entre ce commentaire ( = la version arménienne ) et celui d' Élias [ = le commentaire publié par Westerink ]» . Selon Arevšatyan 4 , l'auteur du commen taire sur les Analytiques citerait Eutocius (comme le fait l' Elias de Westerink ) et Olym

piodore.

(6 ) Élias (in Isag., p. 39, 31-32) annonce un commentaire sur l'Apodictique (= Analytiques postérieurs ), où serait démontré le lien rattachant l’ Isagogè de Porphyre à l'ensemble de la logique aristotélicienne : åváyktai (scil. tò npo κείμενον βιβλίον) δε υπ' ουδέν μέρος της φιλοσοφίας, αλλ' υπό το όργανον

αυτής , φημί την λογικήν, ώς δειχθήσεται συν θεώεν τη Αποδεικτική. Sur ce thème, voir aussi Ammonius, in Isag., p . 23, 19 -23 : ÚTÒ dè tò loyixòv õpravov

ανάγεται της φιλοσοφίας το προκείμενον βιβλίον διδάσκει γάρ τα εις τας αρχάς της αποδείξεως συντελούντα, ήτις εστί τω γένει συλλογισμός, δς είδός έστι του συνθέτου Nóyou, ognálev yÉVEL Éoti Nóros. Voir aussi David ,In Isag., p. 94, 7-9.

60

ÉLIAS

E 15

(7 ) Tepi aipéoewV, peut-être un Commentaire du De Sectis deGalien . L 'ou vrage estmentionné par Élias dans ses Prolégomènes à l'Isagogè, p . 6 , 7- 9 Busse (uç elontal Év TQ Hepìaipéoewv). (8) Sous le nom de David ou d 'Élias a été conservé dans quelques manuscrits un commentaire sur l'Isagogè qui ne serait d'aucun de ces deux auteurs, mais proviendrait de la même école. Le texte a été édité par 17 L .G . Westerink ( édit.), Pseudo-Elias (Pseudo- David) Lectures on Porphyry 's Isagoge. Introduction, text and indices, Amsterdam 1967, XVIII- 160 p. Les sept premières leçons n 'ont pas

été conservées. L 'auteur, qui suit de près l'exégèse de David (voir le tableau donné par Westerink 17, p. XII), est un Chrétien et cite des passages de la Bible .

Il manifeste une grande familiarité avec la littérature médicale ,semble connaître Alexandrie et vit apparemment à Constantinople . Selon 18 W . Wolska-Conus, « Stéphanos d ' Athènes et Stéphanos d' Alexandrie . Essai d ' identification et de

biographie » , REByz 47, 1989, p. 5 -89, notamment p. 68 -82, l' auteur serait Stéphanos.

(9 ) Enfin , sans se prononcer pour un auteur précis, L.G .Westerink rattache à l'école d 'Olympiodore et d 'Élias la composition des Prolégomènes anonymes à

la philosophie de Platon. Il s'agirait d'un « compte rendu de cours donnés par l'un des successeurs d 'Olympiodore dans la seconde moitié du vie siècle» (Westerink 3, p. LXXXIX ).

Élias, commeDavid ,apparaîtdans les scholies d'époque byzantine. Voir 19 M . Roueché, « Byzantine philosophical texts of the seventh century» ,JEByz 23, 1974 , p .61-76.

Problème de l'attribution du commentaire sur les Catégories. L ' attribu tion à Élias des textes ( 1)- (2 ), transmis sans nom d 'auteur, et ( 3), transmis sous

le nom de David par la tradition grecque, a été fondée par A . Busse sur un ensemble d'arguments rappelés dans la préface de son édition (CAG XVIII 1, 1900 ; voir aussi sa préface à l' édition de l’ Isagogè, CAG IV 1, 1887, p . XXXVI sqq.). Si l'attribution des Prolégomènes et du Commentaire sur l’Isagogè, fondée essentiellement sur des utilisations de passages précis du commentaire dans des scholies byzantines qui les connaissent comme des extraits d '“ Élias" (CAG IV 1 , 1887, p . XXXVIII-XL ; CAG XVIII 1 , 1900 , p . V -VI), ne semble pas avoir été

remise en cause, l'attribution à Élias du commentaire sur les Catégories ne peut plus, depuis quelques années, être considérée comme généralement acceptée. Il importe donc d 'examiner d ’un peu plus près les arguments avancés pour et

contre cette attribution , en tenant compte des objections soulevées par Arevšatyan 4 et Mahé 6 , p . 197-203. Busse a noté des divergences entre certaines affirmations de ce commentaire (“ David/ Élias" ) et des points de vue exprimés par David dans ses Prolégomènes. (a) David , in Isag., p . 94, 8 , annonce qu'il étudiera dans son commentaire aux Catégories la question de savoir si la logique est une partie ou un instrument de la philosophie (ń OÈ

λογική είτε μέρος εστί της φιλοσοφίας είτε όργανον εν ταίς Κατηγορίαις μαθησό peda ). (On trouve une telle annonce à la fin de la partie introductive de l'in Isag. d 'Ammo nius (p . 23, 23-24) : ń oĖ Royixń où uépoc tñs pilooopiac ár opravov, ús év ÉTÉOW

delbouev. Voir demême, chez Olympiodore, Prolegomena, p. 1, 14 -15: IntoWuEv TÓTepov Mépoç ñ opravov tñs piloooplaç ń Noyixeń , qui renvoie aux explications fournies p. 14, 18 -

ÉLIAS 61 18 , 12 ). Élias, poursa part, dans ses Prolégomènes à la philosophie, p. 26 , 35 - 27, 1, à propos

E 18

du même sujet, renvoie à son traitementdes Premiers analytiques: deixOnoetal yåp oùv Dem έν τοίς Αναλυτικοίς ότι η λογική ου μέρος της φιλοσοφίας, αλλ' όργανον, διότι το μεν

uépoc ouMQUÉS, TÒ dě opravov ÉTeioaxtov. Les deux auteurs se proposaient donc d'aborder cette question classique dans deux sections différentes de leur cours de logique. Or, selon Busse, le commentaire de David / Élias ne fournit pas d'explications à ce sujet et ne répondrait

donc pas à l'annonce faite par David.

Pour contester la valeur de cette déduction, Arevšatyan 4 et Mahé 6 (p. 197-198) ont signalé plusieurs passages de ce commentaire où la logique est présentée comme un

instrument de la philosophie (p . 177, 11-14 ; 118 , 20-22; 118, 34 -35 ; 119, 16 -22).Mais on n'y trouve pas, nous semble - t-il, d'exposé formel étudiant ce problème ou établissant que la logique est un instrument ou une partie (ou les deux ), tel qu 'on en trouve par exemple chez Olympiodore. 20 I. Hadot, dans sa traduction commentée de Simplicius, Commentaire sur les

Catégories, fasc. I, coll. « Philosophia antiqua » 50, Leiden 1990 , p. 167 - 168, ne paraît pas convaincue par les rapprochements proposés par Arevšatyan , mais considère que l'argument

de Busse ne prouve pas que David n 'est pas l'auteur du commentaire sur les Catégories, du fait qu 'il a pu changer d'avis sur l'emplacement idéal d'un tel développement sur la nature de la logique . Il nous semble cependant que le commentaire d 'Élias sur les Premiers analytiques, édité

par Westerink 14 , fournit une confirmation décisive à la thèse de Busse, car il offre un

développement sur la nature de la logique quirépond parfaitement à la référence de l'in Isag. . d'Élias ( p . 134, 4 - 137, 3 Westerink , suivi d'un résumé p. 137 , 4 - 138 , 13 ).

Signalons que, selon Manandean 16 , p. 66 -67, un tel développement se lit dans un com mentaire de David sur l'Analytique (Premiers analytiques, par opposition à l'Apodictique = Analytiques postérieurs) conservé seulement en arménien . L ' éditeur arménien en a conclu que

l'ouvrage doit en conséquence être retiré à David et être restitué à Élias. Voir Mahé 6 , p . 202 qui conteste, à la suite d 'Arevšatyan cette conclusion . Il est en fait possible que ce commen

taire corresponde au commentaire grec maintenant publié parWesterink (5). Résumons les différents points de ce difficile problème. ( 1) David annonce qu'il traitera de la logique comme partie ou instrument de la philosophie dans son Commentaire sur les Catégories. L ' In Isag. de David/Elias n 'offre pas de passage satisfaisant. Il faut logiquement en conclure que ce commentaire n 'est pas celui qu 'annonçait David et ne peut donc pas être attribué à David . (2 ) Élias annonce pour sa part qu 'il traitera du problème dans son Commentaire sur les Premiers analytiques. Or, dans le commentaire d' Élias édité par Westerink on trouve effectivement un passage développé sur ce sujet. ( 3) On comprend dès

lors que l' In Isag. de David /Éliasne fournisse pas un tel développement et on peut en conclure

qu'il n'est sans doute pasde David ,mais pourrait être d'Élias. (b ) Busse oppose ensuite les explications fournies par les deux commentateurs concernant l'origine du nom de l' école péripatéticienne. Selon David, in Isag., p. 121, 8 - 18 , Aristote n 'aurait pas voulu enseigner dans une chaire par respect pour Platon qui enseignait en se déplaçant (itepLóutos). L 'explication fournie par David /Élias (p . 113, 2- 4 ) est différente : cette appellation serait due au fait que l'école d'Aristote était l'héritière de Platon par l' inter

médiaire de Speusippe, lequel enseignait en marchant (xatà trepinatov troLOULÉVov tàs ÉEnyňoeg). Arevšatyan 4 etMahé 6 (p. 200) ont cependant souligné à juste titre qu 'au début de cette section (p. 112, 17-20 ), le commentateur expliquait bien le terme de péripatéticien à partir de la pratique de Platon et non de celle de Speusippe: ånò toũ Mátwvoç xatà nepi

natov TÒS ouvovoias troLOUMÉvou.On pourrait ajouter que, dans la phrase où estmentionné Speusippe comme relais de transmission de l'héritage de Platon, le participe nolo MÉVOU pourrait fort bien se rapporter à Platon , plutôt qu'à Speusippe : ŐT! OLEDÉFavto mu oxoanv του Πλάτωνος, διά μέσου Σπευσίππου, κατά περίπατον ποιουμένου τάς εξηγήσεις, la formule dià uboov EnevoiNhov se bornantà rappeler qu 'Aristote n'avait pas été l'héritier légitime de Platon .

ÉLIAS

62

Ε 15

( c) Enfin , une dernière opposition concerne l'origine des livres inauthentiques. David

énumère quatre causes (in Isag., p . 81-82) et le commentaire sur les Catégories cinq (in Categ., p . 128). Le texte, les détails et les exemples fournis de part et d 'autre sont suffisam ment divergents pour que Arevšatyan 4 etMahé 6 (p. 200-201) reconnaissent surce point leur embarras. Ils supposent que David a pu compiler de façon différente dans ses deux écrits des

explications traditionnelles divergentes.

Mais l'argument peut- être le plus impressionnant avancé par Busse est un renvoi que fait David /Élias (colonne centrale ) à ses propres Prolégomènes à

l'Isagogè, à propos de l'enseignement d'Aristote dans son Économique. On trouve chez David (colonne de droite) un passage parallèle , mais c 'est avec les Prolégomènes attribués à Élias (colonne de gauche) que l'on peut établir le rap

prochement textuelle plus étroit. < Élias> , Prolegomena, p . 33, David /Élias, in Categ., 2 -7. p. 116, 23-28

David , Prolegomena, p. 74, 17-25 .

διά δε το οικονομικών γέ - αλλά μην και οικονομικά έγραψε δε και τα οικο γραπται αυτό ο Οικονο- είσιν αυτό γεγραμμένα νομικά, εν οίς περί διοική μικός το σύνταγμα, εν και βιβλία, ώς το Οικονομικών σεως οίκου διαλέγεται (έν φησιν εκ τεσσάρων σχέ- σύνταγμα και Περί συμ- θα λέγει ότι τέσσαρά τινα σεων συγκεκρoτήσθαι τον βιώσεως ανδρός και γυναι- δεί συνδραμείν εις σύστα

οίκον, πατρός προς τέκνα, κός, εν ώ λέγει εκ τεσσά- σιν οίκου: σχέσιν ανδρός ανδρός πρός γυναίκα, δεσ. ρων σχέσεων συγκεκρο- πρός γυναίκα , στοργήν πα πότου προς δούλους, εισ- τησθαι τον εύ έχοντα τρός προς τέκνα, δέος οικε ιόντων προς εξιόντα, ίνα οίκον, πατρός προς τέκνα, των πρός δεσπότην, και ένα

μήτε πλείονα τα εισιόντα ανδρός πρός γυναίκα, δεσ. ή σύμμετρα τα έξιόντα τοίς των εξιόντων ( φειδωλία πότου προς δούλους, εισ- είσιoύσιν εκατέρα γάρ άμε γάρ τούτο και ανελευ- ιόντων προς εξιόντα και ως τρία αισχρά έστιν είτε γάρ θερία) μήτε πλείονα τα είρηται ημίν εν τοις της πολλά ευρεθώσι τα εισιόντα

εξιόντα των εισιόντων Πορφυρίου Εισαγωγής προ- ολίγα δε τα έξιόντα, αισχρόν τι συμβαίνει ο γάρ (ασωτία γάρ τούτο), αλλ' λεγομένοις . επίσης . τοιούτος φιλάργυρος ευρί σκεται, είτε πάλιν ολίγα ευρεθώσι τα εισιόντα πολλά

δε τα έξιόντα, αισχρόν τι συμβαίνει ευρίσκεται γάρ ο

τοιούτος άσωτος) , έγραψε δε και τα πολιτικά .

Une étude lexicographique et stylistique pourrait fournir des indications sup plémentaires pour clarifier ce problème d'attribution . Signalons par exemple une formule remarquable, commune à Élias et à David/Élias, et qu 'on chercherait en vain chez les autres commentateurs, y compris chez David : όψέ ποτε επι γενόμενος ο Ιάμβλιχος (in Categ., p. 130, 14), a rapprocher de ο γούν Πυθα

γόρας οψέ ποτε επιγενόμενος ( Elias, in Isag., p. 24, 4).

Bien que le vocabulaire de ce groupe de textes, tout comme les exégèses qui y sont développées, soit largement commun, on retrouve ici et là des termes,

relativement rares, communs à l' in Categ. de David /Élias et à l’in Isag. d'Élias, mais absents de l’ in Isag. de David . Demême, on peut isoler des termes de l'in Isag. de David qui n 'apparaissentpas dans les textes d 'Élias ni dans l'in Categ. En guise de premier échantillon, signalons lesmots suivants :

Ε 18

ÉLIAS

David/Élias, in Categ.

63

Élias, in Isag .

διαβιβάζειν, καταβιβάζειν

121, 17; 126, 18; 189, 27 ; 238, 95, 23

καταλιμπάνειν, παραλιμπάνειν

31 ; 238, 32 194, 36 ;

επείγειν, κατεπείγειν

185 , 25 ; 220, 22

28, 5; 100, 4

παραλογισμός, παραλογίζεσθαι

41, 24 ; 44, 15 48, 2 ; 48, 7 201, 21 ; 231, 14 50, 18 136, 10 ; 142, 5 ; 178; 2 ; 178, 4 ; 17, 24

παρασπίζειν

249, 5 ; 255, 11

παραφυάς προκαταλαμβάνειν

201, 20

μεγαληγορία παραπλέκεσθαι, περιπλέκεσθαι

204, 13

178, 6

24, 33 50, 16 ; 50, 17 117, 33 ; 138, 13 ; 138, 14 ; 243, 64, 5 24

στενοχωρείσθαι εξορχήσασθαι (τα απόρρητα)

171, 30 ; 175, 16 125, 13 [passage imprimé entre

90, 9 15, 2

crochets droits par Busse)

125, 25 ; 125, 2 28, 16; 28, 18 αντωπήσαι Inversement, on constate qu'une formule de transition comme Μαθόντες... έλθωμεν ου ( φέρε) χωρήσωμεν qui revient constamment chez David ( Prolegomena, p. 13, 27 ; 26, 30-27, 1 ; 65 , 11 - 13 ; 76, 29 ; 78, 27 ; in Isag. p. 83, 8 ; 87, 1 ; 91, 22 ; 173, 10; 179, 10; 201, 3 - 4) est

totalement absente de l'in Isag. d'Élias et du commentaire sur les Catégories de David/Élias.

Οι pourrait direla méme chose de la formule similaire Είπόντες ου Ειρηκότες ... έλθωμεν, λέξωμεν ου (φέρε) χωρήσωμεν (David, Prolegomena, p. 52, 30; 68, 20; 74, 1; in Isag., p . 181, 13 ; 197, 22-23 ; 213, 30-31). Pour autant qu'une recherche sommaire permette de l' établir, ces formules de transition semblent caractéristiques du style de David . Dans le groupe des commentateurs des Catégories, on ne les trouve ni chez Ammonius, ni chez Olym

piodore , ni chez Philopon , ni chez Simplicius... Et elles sont absentes du texte d 'Élias et du

commentaire sur les Catégories dontnous cherchons à identifier l'auteur (David /Élias). De leur côté, Élias et David/Élias ont une prédilection pour la formule de transition 'EⓇ' οίς είπωμεν ( Elias, in Istag., p . 8, 14 ; 39, 20; 93, 30; David/ Elias, in Categ., p. 132, 22 ; 133, 9 ; 133 , 28; 223, 26; 224, 1 : 224, 23) que l' on ne trouve pas chez David ni chez les autres

commentateurs. Les deux auteurs achèvent de même leurs commentaires par des formules presque identiques. David/Élias, in Categ., p. 255, 37-38 Élias, in Isag., p. 104, 11-12

ταύτα έχει η παρούσα θεωρία. συγκατα- ταύτα έχει η πράξις. συγκαταπαύεται δε παύεται αυτή συν θεώ και η πάσα πραγ- αυτή συν θεώ και τα σχόλαια των Κατη ματεία του Πορφυρίου. γοριών. Il est intéressant de constater que l' in Isag. édité par Westerink (8 ), qui suit de très près

l'exégèse de David et en reprend parfois les formulations, possède lui aussi des traits sty listiques propres qui peuvent confirmer qu 'il est d 'un auteur distinct. Signalons la formule de

conclusion presque invariable a la fin de chaque cours : εν οίς συν θεώ η πράξις πληρούται ου τελειούται et l'introduction des paragraphes par Είπωμεν (legon 19, 8; 18, 17, 19, 9, 19, 19; 19, 30 ; 28, 18 ; 43, 9 ; 44, 11) qu' on ne trouve pas apparemment chez les autres com mentateurs (voir en revanche Stephanus, Scholia in Hippocratis Prognosticon I 12, li. 36 , rap prochement qui pourrait confirmer l' attribution à Stephanus proposée par Wolska-Conus 18). Même lorsque les commentateurs reprennent des exemples scolaires traditionnels, le contexte de leur emploi peut se révéler significatif, tout comme la terminologie employée.

Prenons comme exemple la formule que Platon aurait inscrite à l'entrée de l'Académie . Cf.

ÉLIAS

64

E 15

sur le contexte propre à chaque occurrence de la formule, 21 H . D . Saffrey, « ATENME TPHTOE MHAEIE EIEIT12 . Une inscription légendaire » , REG 81, 1968, p. 67-87, repris dans Recherches sur le néoplatonisme après Plotin , Paris 1990, p . 251-271. Dans la version d'Olympiodore, Proleg., p . 9 , 1 Busse, on lit : ÉnlyEypáddal év tÕ toũ Mátwvog uovoelw

« ůyewuétontos undeis eloitw » . Les deux occurrences qu'on retrouve chez David désignent le « musée » commeun áxpoarnplov: Proleg., p . 5 , 12 - 13 : 60€v xảv to åxpoampiw ÉTTÉ

Ypapev: « åyewuétontos undeig eioitw » . Ibid ., p. 57, 19-20 : 60€v xai npò toŨ åxpoa

mpſov toŨ oixelov ÉTÉypadev « ůyeWUÉTontos un dels eloitw .» Il peut dès lors être intéres sant de noter que les deux occurrences du commentaire de David /Élias reprennent, comme Olympiodore, le terme de «musée » : in Categ., p. 118, 18 -19 : xai dià Mátwva Étlypá

Vavta npò toŨ MOvoelov « ảyewMÉTONTOSundeig eloitw .» Ibid., p. 119 , 3-4 : oủx âv ÉTÉ ypadev ó Mátwv npò toŨ oixelov povoelou « ůyewuÉTontos un dels eloitw » . Saffrey 21, p . 84, signale que c' est la formulation de David que reprend l'auteur de l'in /sag. publié par Westerink 17, p. 34 (leçon 18 , 7).

Constatant que la partie finale du commentaire de David sur l' Isagoge (à partir de David , p. 219, 25) reprend le texte du commentaire d'Élias (p. 99, 6 , à

partir du lemme tò uÈv Oův yévos), Busse (p. VIII) suppose qu'on a voulu ache

ver ou réparer ce commentaire en empruntant un commentaire voisin issu de la même école, celui d'Élias, et que, dans la foulée, le commentaire sur les Caté gories d' Élias a remplacé un commentaire antérieur de David (qui ne serait plus

conservé que dans quelques fragments du ms Vaticanus Urbinas gr. 35, (voir 22 M . Share, Arethas of Caesarea's Scholia on Porphyry 's Isagoge and Aristotle 's Categories (Codex Vaticanus Urbinas graecus 35 ). A critical edition ,

coll. « Corpus philosophorum Medii Aevi/Commentaria in Aristotelem Byzan tina » 1, Athènes/Bruxelles/Paris 1994]). Par la suite, le nom de l'auteur du début des Prolégomènes et de l'in Isag., David , aurait été appliqué au commentaire sur

les Catégories qui venait à la suite . Westerink 14 , p. 127, résume ainsi les conclusions de Busse : « The commentary on the Categories is usually preceded by David on the Isagoge (CAG XVIII 2), of which the last pages are missing and have been replaced by those of Elias, so that a toð aŭtoő in the title of the following commentary on the Categories would automatically be understood as referring

to David » .

On ne peut donc pas considérer que la thèse de Busse a été gravement remise en cause par les études de Arevšatyan 4 et Mahé 6 . Les nouveaux arguments

stylistiques quenous avons avancés la conforteraientplutôt. En faveur d'une attribution à David , Arevšatyan 4 etMahé6 (p. 198 - 199) ont développé un autre argument digne de considération : le fait que la version arménienne du Commentaire de David sur l’Isagoge contient trois références,

absentes de la version grecque, à un Commentaire sur les Catégories qui leur semble bien être le commentaire de David/Élias, où chacun des points évoqués est clairement exposé. Il faut cependant relativiser l'importance de ces rapprochements : les trois sujets annoncés par David font partie des points que tout commentaire des

Catégories devait forcément traiter: (a ) la raison de l'obscurité des écrits de Platon et d'Aristote (ce point est énuméré, commeun des éléments essentiels du

schéma introductif à l' étude des traités d 'Aristote , par Ammonius, in Categ., p. 1, 10 , Olympiodore, Prolegomena, p. 1, 22, et les autres commentateurs);

ÉLIAS

E 18

(b ) la définition de l'homonyme et du synonyme; (c) l' absence de contrariété entre les essences du fait qu 'elles ne sont pas dans la substance, mais sont des substances. Tous les commentaires néoplatoniciens pouvaient donc convenir à de tels rapprochements et on ne peut donc pas conclure de la présence de ces thèmes dans le commentaire de David /Élias que c'était là le commentaire visé

par David dans les passages de son commentaire sur l’Isagogè. Il semble donc prudent de considérer que l'attribution à Élias du commentaire sur les Catégories, transmis par la tradition grecque sous le nom de David, et, par la tradition arménienne sans nom d 'auteur, ne peut être rejetée avec les

arguments avancés par Arevšatyan et Mahé. De nombreuses études récentes consacrées à David l' Arménien, parues en arménien ou en russe, n 'ont pu être examinées pour la rédaction de la présente notice. Pour intéressantes qu 'elles soient, on retiendra que, la version arménienne du commentaire sur les Catégories étant conservée sans nom d 'auteur (Mahé 6 , p. 195), le problème de l'identification de l'auteur

de ce traité reste essentiellement un problèmede philologie grecque. Pour l'histoire de la philosophie, l'identification de l'auteur de ce commen

taire n 'est cependantpas capitale. Car on reconnaît dans ces divers textes moins des commentaires formels composés par les auteurs eux-mêmes, que des notes de cours prises par leurs eleves, d' ou la formule από φωνής Ηλίου ou από

Ouvñs Aabíó , qui figure dans les titres. Comme ces maîtres eux-mêmes trans mettaient un enseignement traditionnel relativement homogène, les rapproche

ments que l'on peut établir ne prouvent pas toujours des dépendances littéraires incontestables. On retiendra sur cette question les conclusions exposées par I. Hadot 20, p. 169-182, à propos du schéma introductif commun aux commenta teurs néoplatoniciens des Catégories d'Aristote . On peut estimer que seules de nouvelles études stylistiques et lexicographiques, de même que la prise en compte systématique de la tradition arménienne, permettront de trancher ce

difficile problème d 'attribution. Sur l'arrière -plan doctrinal commun à ces commentateurs, voir l'étude récente de 23 E . Tempelis, The School of Ammonius, son of Hermias on knowledge of the divine, Athènes 1998 , 169 p . Sur les Prolégomènes à la philosophie, voir 24 C . Widberg, « Three Neoplatonic

Introductions to Philosophy : Ammonius, David and Elias» ,Hermathena 149, 1990, p. 33-51.

L 'auteur. Le commentaire sur les Premiers Analytiques (texte 5 ) présente l'auteur comme « philosophe » et « apo -éparque » (årò énápywv), terme qui serait, selon Westerink 3, p. XXXI-XXXII, un titre honorifique conféré à l'époque à des hommes de lettres. Le nom d 'Élias atteste son origine chrétienne et le commentateur reconnaît dans lesmiracles des actes de la Providence (Westerink , 3, p. XXXVI).Mais, de façon générale , si l'on peut prendre en compte le témoi gnage du commentaire sur les Catégories, Élias n 'affiche pas nettement ses convictions chrétiennes et reste même attaché à des doctrines païennes comme

l'éternité du monde (in Categ., p. 120, 16 -17 ; p . 187, 6- 7). Bien que les textes conservés s'inscrivent essentiellement dans la tradition des

commentaires d'Aristote,Westerink rappelle qu'Élias, comme les autres néopla toniciens, devait considérer cet enseignement comme une préparation à l'étude

de Platon : voir la formule tà ’AplotoTÉNOUç tūv Mátwvoç cioaywy

ÉLIAS

66

E 15

ToLoGuevoç (in Categ., p . 123, 9 -11). Grâce à des rapprochements entre les

commentaires d 'Olympiodore et d 'Élias, Westerink (p. XXXII-XXXVI) a conclu à un rapport de maître à disciple entre les deux philosophes. Je remercie Mme I.Hadot, Concetta Luna et Agnès Ouzounian qui m 'ontcommuniqué des informations précieuses pour la rédaction de cette notice.

RICHARD GOULET. ÉLIEN → AILIANOS 16 ELLOPIÓN DE PÉPARÈTHOS RE 2

Iva

Plutarque (De genio Socratis 7 ,578 f)mentionne Ellopión de Péparèthos (une île située au nord de l'Eubée ) comme compagnon de Platon et de Simmias au

cours de leur voyage en Égypte . Il aurait, en compagnie de Platon et de Simmias, tenu des discussions philosophiques (ouudioOopoŰVTEC) avec Chonuphis de Memphis ( B + C 112 (où l'on corrigera le nom Hellopión en Ellopión : 'EMoniwv

et non 'EMoniwv]). Cf. P . Natorp ,art.« Ellopion » 2, RE V 2, 1905 , col. 2438 . TIZIANO DORANDI. MIV 17 ELPIDIUS PLRE : Philosophe destinataire d 'une lettre de l'empereur Julien (ou plus vraisem blablement d 'un Pseudo -Julien ) ( Ep. 195, 442 d -443). Aucun détail de la lettre ne permet d ' établir un rapprochement avec l'un ou l'autre des homonymes dont on sait qu 'ils ont fait partie de l'entourage de Julien ou qu 'ils ont vécu à cette

époque. Voir 0 . Seeck , art. « Helpidius» 2-5, RE VIII 1, 1912 , col. 207- 208 ; Id ., Die Briefe des Libanios, Leipzig 1906 , p. 168 -171. PIERRE MARAVAL .

18 EMPÉDOCLE

I/II

Empédoclès est l'un des personnages que Plutarque fait intervenir dans les Propos de Table (VIII 7 -8 ) : il y participe au banquet donné à Rome par Sextius Sylla pour fêter l' arrivée de l' écrivain après une assez longue absence, proba blement au début du règne de Trajan (pour la date , voir B . Puech, « Prosopogra phie des amis de Plutarque » , ANRW II 33 , 6 , 1992 , p . 4878 -4879) . Il manifeste une connaissance assez précise des milieux pythagoriciens contemporains, dont

il ne semble pourtant pas faire lui-même partie ; il ditnotamment avoir rencontré un disciple d 'Alexicratès (34A 124) et cite des propos de Tyndarès de Sparte . Cf. K . Ziegler, art. « Plutarchos» 2, RE XXI 1, 1951,col.674. BERNADETTE PUECH.

19 EMPÉDOCLE D 'AGRIGENTE RE 3 483/2a – 424 /3a Philosophe “ presocratique”,auteur d 'un poème didactique Sur la nature et de Purifications. La pensée d'Empédocle nous est également connue par une abon dante doxographie . Études d 'orientation . 1 E . Wellmann, art. « Empedokles » 3, RE V 2, 1905,

col. 2507-2512 ; compléments bibliographiques par 2 C .J. Classen, RESuppl.

67 EMPÉDOCLE D 'AGRIGENTE XII, 1970, 241[notée 1413-247 ; 3 K . Freeman, The Pre -Socratic philosophers,

E 19

p. 172 - 204 ; 4 W . K . C .Guthrie , A History of Greek Philosophy, t. II, p. 122-265.

Un colloque a été consacré à Empédocle en 1997 : 5 Empedocle e la cultura della Sicilia antica. Illustrazione di un frammento inedito della sua opera. Atti

del Convegno tenuto ad Agrigento dal 4 al 6 settembre 1997 = Elenchos 19 , 1998 .

Fragments et témoignages (par ordre chronologique). 6 DK 31, t. I, p . 276 375 ; Nachtrag, p. 498 -501; 7 J. Bollack, Empédocle, t. I: Introduction à l'an cienne physique, coll. « Sens commun » , Paris 1965 ,411 p.; t. II : Les origines. Édition critique, Paris 1969, XXIV -304 p.; t. III -IV ): Les origines. Commen taires 1 et 2, Paris 1969, 305 et683 p .; réimpr. dans la coll. « Tel» nºs 201-203,

Paris 1992 ; 8 N . Van der Ben, The Proem of Empedocles ' “peri physios”. Towards a new edition of all the fragments. Thirty-one fragments edited by N . V. d. B ., Amsterdam 1975 , 230 p.; 9 C . Gallavotti (édit.), Empedocle. Poema fisico e lustrale , coll. « Scrittori greci e latini» , Milano 1975, 2e éd. 1993, XXV

357 p .; compte rendu détaillé par 10 D . O 'Brien dans Gnomon 54, 1982, p . 225 234 ; 11 M . R . Wright (édit.), Empedocles, The extant fragments, ed. with an introd., comm . & concordance by M .R . W ., New Haven, Yale University Press 1981, VIII-364 p . (index verborum : p. 319 -346 ; bibliographie : p . 299 -309) ; 2e

éd ., avec bibliographie complémentaire, London/Indianapolis 1995, VI- 368 p.; 12 B . Inwood (édit.), The Poem of Empedocles : a text and translation with an introduction by B . I., coll. « Phoenix Supplementary volume» 29, « Phoenix

Presocratics » 3, Toronto 1992, X -320 p. (bibliographie : p . 295- 303). Nouveaux fragments. 13 H . Hunger, « Palimpsest-Fragmente aus Herodians

Kaboex repoowdia , Buch 5-7, cod. Vindob. Hist. gr. 10 » , J @ BG 16 , 1967, p . 1-33. Sur les vestiges papyrologiques, voir 14 CPG I** , 1992 , n° 49, p. 145 150. Une découverte récente a mis au jour de longs extraits d'Empédocle . Alain Martin a bien voulu décrire l'apport du papyrus qu'il a édité en collaboration

avec O . Primavesi. < Le papyrus de Strasbourg. Un papyrus conservé à la Bibliothèque Natio nale et Universitaire de Strasbourg (P. Strasb. gr. Inv. 1665- 1666 ) constitue le seul témoin direct de l'æuvre d'Empédocle . Le texte du papyrus a été publié par 15 A . Martin et O . Primavesi (édit.), L 'Empédocle de Strasbourg (P . Strasb. gr. Inv. 1665- 1666 ). Introduction, édition et commentaire, Strasbourg Berlin 1999, XII- 398 p. et 6 planches photographiques. Sur la provenance du papyrus et l' iden tification du texte qu 'il porte , voir 16 A . Martin , « D 'Achmîm à Strasbourg, sur les traces d'Empédocle » , BAB 60 s., 8 , 1997 , p . 121-137 ; 17 Id ., « L 'Empedocle di Strasburgo : aspetti papirologici » , dans Empedocle e la cultura della Sicilia antica 5 , p . 223-240. Sur l'apport du

papyrus à la critique des fragments de la tradition indirecte et à l'appréciation de la démono logie d 'Empédocle, voir 18 O . Primavesi, « Editing Empedocles: Some longstanding problems reconsidered in the light of the Strasburg papyrus » , dans W . Burkert et al. (édit.), Fragment

sammlungen philosophischer Texte der Antike. Le raccolte dei frammenti di filosofi antichi. Atti del Seminario internazionale Ascona, Centro Stefano Franscini, 22-27 settembre 1996 ,

coll. « Aporemata » 2,Göttingen 1998, p.62-88; 19 Id., « Empedocle: il problema del ciclo cosmico e il papiro di Strasburgo », dans Empedocle e la cultura della Sicilia antica 5 , p . 241

288 ; 20 Id., Kosmos und Dämon bei Empedokles. Der Strasburger Empedokles-Papyrus und die indirekte Überlieferung, coll. « Hypomnemata » (souspresse).

CLE

68

EMPÉDO

NTE

D 'AGRIGE

E 19

Le papyrus, dont l'écriture invite à placer la copie vers la fin du jer siècle apr. J.-C ., a été acquis en 1904, sur le marché des antiquités, à Achmîm (entre Assiout et Louxor, en Haute -Égypte ). Là s'élevait dans l'Antiquité la cité de Panopolis. À l'époque protobyzantine, celle-ci fut un centre littéraire de premier rang (les poètes Triphiodore et Nonnos étaient, entre autres, ori ginaires du lieu ) et un foyer de résistance de la culture profane. Si lieu d 'achat, provenance et

origine se confondent, le papyrus constitue, deux ou trois siècles plus tôt, un premier indice d 'une activité d ' enseignement ou d ' érudition à Panopolis, dans le domaine de la philosophie

grecque. Il vaut la peine de noter que c 'est de Panopolis aussi que proviennentles archives du notable Aurelios Ammon , du IVe siècle, où figure un texte à ce jour unique dans la documen

tation , P . Duke Inv. G 178 : une liste de philosophes grecs, depuis les "présocratiques" jus qu 'aux stoïciens ; cf. CPFI 1*, p. 81-84, fr. 1 .

Lors de l'achat, le papyrus se trouvait incorporé dans un objet (une couronne ou un collier) orné de feuilles de cuivre (sans doute doré), dont il formait le support. Une provenance funéraire est hautement vraisemblable pour un tel objet : il est permis de penser à l'une des nécropoles d'Achmîm , dont nous

savons qu'elles ont subi des pillages en règle dès la fin du XIXe siècle - en particulier au secteur d'El-Salamouni, pourvu de nombreuses tombes d'époque romaine. Le papyrus n 'a donc pas été trouvé dans son contexte de première utilisation , mais en remploi, dans une tombe.

Il n'y a aucune raison de penser que la réutilisation d'un papyrus portant un texte d'Empé docle procédait d 'une intention délibérée, par exemple eschatologique : un objet semblable , signalé dans la nécropole d' Abousir el-Meleq (entre le Fayoum et le Nil, en Moyenne

Égypte ), avait en effet été réalisé à l'aide d'un papyrus portant un acte privé .

La transformation du papyrusen support,par découpage et pliage, son séjour dans une tombe, pendant une quinzaine de siècles, enfin le démontage de l'objet

dans lequel il était inclus (les autres éléments de ce dernier ont apparemment disparu) ont provoqué de graves dommages. 52 pièces, toutes de dimensions

réduites, ont été dénombrées lors de l'ouverture des cadres où le papyrus était enfermé depuis le début du siècle ; 47 ont révélé entre elles un ou plusieurs raccords, qui ont permis de reconstituer des ensembles, plus ou moins étendus.

Ceux -ci ont été désignés à l'aide des lettres de l'alphabet , de a à k : les ensembles a à d ont été rangés dans l'ordre selon lequel ils se présentaient

vraisemblablement à l'origine ; les autres ensembles (ainsi que 5 pièces restées

isolées) ont été désignés de manière conventionnelle . Si l'ordre dans lequel les ensembles ont été distribués est en partie conjectural, il faut insister sur le fait que la continuité de chacun d 'eux, considéré individuellement, est garantie

par les données physiques ; en outre , leur unité de fond et de forme (y compris l'écriture)

invite de manière pressante à attribuer tous les ensembles au même manuscrit, soit à un rouleau unique.

L' ensemble a , qui regroupe 24 pièces, est le plus étendu. Il comporte 39 vers , répartis sur 2 colonnes. De la col. a(i) ne survivent que les 9 derniers vers; la col. a (ii) est préservée sur toute sa hauteur, soit 30 vers . L 'identification du texte que

porte le papyrus trouve un premier appui dans le fait que les lignes a (i) 1-5 recoupent les v. 31-35 de DK 31 B 17, dont elles enrichissent d'ailleurs le texte

de deux variantes mineures. B 17, auquel le papyrus fournit un supplément appréciable , était déjà , avec ses 34 vers (ou 35 , si l'on accepte l'insertion du v.

E 19

EMPÉDOCLE D 'AGRIGENTE

69

9), le plus long extrait transmis par la tradition indirecte. Son témoin principal,

Simplicius (in Phys., p . 157, 27), précise qu'il appartient au “ livre I” du poème Sur la nature d 'Empédocle . Les différents ensembles constituent sans doute les

restes d'un rouleau qui s'ouvrait sur le texte complet de ce livre. Une note stichométrique, placée dans la marge en face de la dernière ligne de l'ensemble, a (ii) 30, désigne ce vers comme le 300e du manuscrit. Un calcul simple montre que les 39 lignes de a correspondentaux v. 262-300 du “livre I” du poème Sur la

nature ,les 34 vers (ou 35) de B 17 aux v. 233- 266 (ou 232- 266 ). L 'espace ainsi libéré avant l'exposé doctrinal de B 17 – soit 232 vers (ou 231) - est com

patible avec l'hypothèse selon laquelle l'æuvre commençait par un proème développé (incluant par exemple B 115 ), relancée par Van der Ben 8.

La suite de l'ensemble a livre d'autres recoupements avec les extraits connus

du poèmeSur la nature . Les lignes a (i) 6 - a (ii) 2 rappellent les v. 7-12 de B 21, avec les variations coutumières au poète entre deux passages parallèles. Les lignes a (i) 8 - a (ii) 2 recoupentmême exactement une citation d 'Empédocle par Aristote (Metaph. B 4 , 1000 a 29-32), où l'on avait voulu reconnaître un témoin infidèle des v. 9-12 de B 21. Les lignes a(ii) 18-20 livrent le passage auquel ren voient les v . 1 -6 de B 35, qui se présentent comme une auto -citation ; le papyrus

permet de résoudre une incongruité syntaxique dans le texte transmis là par la tradition indirecte . Enfin , la dernière ligne de l'ensemble , déjà mentionnée à propos de la note stichométrique qui l'accompagne, révèle que les mots par les quels Simplicius terminait le développement incluant la longue citation de B 17 ( in Phys., p . 161, 20 ) sont directement empruntés à Empédocle ; une corruption grave survenue dans la transmission du texte avait empêché de reconnaître un vers du poète . Gallavotti 9, p. 22-23 (fr. 5, 2) et 193, avait à juste titre soupçonné la présence là d'une véritable citation , sans parvenir toutefois à rétablir le vers de manière satisfaisante.

L 'ensemble b , constitué de 2 pièces, est long de 6 lignes et se place au bas d 'une colonne. Les lignes b 2 et b 4 correspondent respectivement aux v . 3 et 2 de B 76 . Une difficulté peut à nouveau être résolue dans le texte de la tradition indirecte , dont on n 'avait pas compris qu 'il résultait, déjà chez son citateur, d'un

collage. Le papyrus procure en outre deux variantesmineures au texte du v .2 . L 'ensemble c se compose de 2 pièces, disjointes, appartenant selon toute vraisemblance au sommet d 'une colonne, chacune réduite à quelques lettres à

peine. Lemauvais état de conservation n' empêche pas d'identifier les lignes c 2

8 avec B 20 . Le papyrus fournit même une solution pour le problème syntaxique que posaient les v. 2 -5 du fragment ; il livre également une variante au texte du v. 3.

L' ensemble d, qui réunit 11 pièces, est le second en importance; une grande partie de la marge supérieure est préservée. Ses 18 lignes n 'offrent qu 'un seul

recoupement avec les fragments connus: B 139, débarrassé d'une corruption survenue dans la tradition indirecte , se lit aux lignes d 5-6 . Plusieurs détails

invitent en outre à reconnaître dans l'ensemble d un écho (pour ainsi dire une reprise ) de B 62 , que Simplicius (in Phys., p. 381, 29) présente comme extrait du

EMPÉDOCLE D 'AGRIGENTE

70

E 19

« livre II» du poème Sur la nature. L 'ensemble d appartient vraisemblablement

au même livre ; si l'hypothèse est correcte , le rouleau dont le papyrus est issu portait le texte du « livre II » à la suite du « livre I » (à l'image des manuscrits ptolémaïques et romains, portant deux chants homériques). B 139 était traditionnellement attribué aux Purifications. Cette attribution se heurte aux accents physiques du contexte révélé par le papyrus, en particulier au rapprochement avec B 62 . Il serait en tout cas également imprudent de chercher dans le recoupement avec B 139 une

preuve en faveur de l'hypothèse , formulée par Osborne 81 (cité plus loin ), selon laquelle les

Purifications et le poème Sur la nature ne constituaient qu 'une auvre, connue sous deux titres. Le papyrus plaide plutôt en faveur de l'analyse, privilégiée par la recherche récente, qui souligne l'unité de la pensée d 'Empédocle : chez lui, les thèmes " scientifiques" et " religieux " .

“ physiques" et " éthiques” , se complétaient, s'interpénétraient et réagissaient l'un sur l'autre ;

on a sans doute eu tort de vouloir les enfermer respectivementdans le poème Sur la nature et dans les Purifications.

La pièce e porte quelques lettres appartenant à 4 lignes, précédées d'un frag

ment de la marge supérieure. Aucune identification n 'est possible ,mais les don nées physiques garantissent l'autonomie de la pièce par rapport aux ensembles précédents.

Les ensembles f(i-ii) (6 pièces, 12 lignes ), g (2 pièces, 3 lignes), ainsi que les pièces h ( 2 lignes ), i (3 lettres), j ( 1 lettre) et k ( 1 lettre) se réduisent à peu de chose. Leur autonomie n 'est pas assurée: il n'est pas exclu qu'une partie de ces ensembles et de ces pièces provienne des zones perdues de a- e. Au total, compte non tenu des éléments dont l'autonomie n 'est pas garantie , le papyrus livre 74 lignes, toutes mutilées à des degrés divers. 20 d'entre elles recoupent des vers déjà connus par des citations ; pour chacun des fragments concernés (B 17 , B 20 , B 76 , B 139 – indirectement B 21 et B 35 ) le papyrus apporte des leçons originales, qui permettent dans la plupart des cas de résoudre

des apories de la tradition indirecte. Les 54 vers (ou segments de vers ) inconnus jusqu 'à ce jour apportent leur lot de nouveautés. Le nom Qiain apparaît pour la

première fois dans le texte pour désigner l'un des deux principes qui régissent l'univers (cf. B 18). Des mots inédits viennent enrichir le lexique grec :

aunte obáuwv, “ quimarche (pousse) sur la vigne”, en a(ii) 28 ; xpataivuros, “ au dos puissant”, en b 3. Le papyrus livre en a (ii) 21-30 un bel exemple d'une adresse développée au disciple Pausanias; d 'unemanière générale , il permet de

mieux apprécier la technique du poète en matière de répétitions et de variations. Du point de vue de la doctrine empédocléenne, il a semblé aux éditeurs que le témoignage du papyrus se conciliait le mieux avec l'interprétation que O 'Brien 67 (cité plus loin ) a donnée du " cycle” (incluant deux zoogonies: l'une sous le

règne de l'Amour croissant; l'autre , dont nous sommes des produits, sous le règne de la Haine croissante ).Le papyrus paraît en outre offrir des informations neuves sur la démonologie empédocléenne, en particulier sur la manière dont

celle- ci s'imbriquait dans la théorie physique. ALAIN MARTIN .>

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EMPÉDOCLE D 'AGRIGENTE

71

Traductions (seules) : - Allemandes dans DK 6 (fragments seulement) ; 21 Die Vorsokratiker, II : Zenon, Empedokles, Anaxagoras, Leukipp, Demokrit,

griech.-dt., Ausw . der Fragm ., übers. und erl. von J.Mansfeld , coll. « Universal Bibl.» 7966 , Stuttgart 1986 , 351 p . - Française : 22 Les Présocratiques. Édition établie par J.- P . Dumontavec la collaboration de D . Delattre et de J.- L . Poirier, coll. « La Pléiade » 345, Paris 1988, p . 318 -439. – Italienne: 23 E . Bignone (édit.), I Poeti filosofi della Grecia : Empedocle . Studio critico , traduzione e commento delle testimonianze e dei frammenti, coll. « Il pensiero greco » 11, Torino 1916 , XII-688 p . - Anglaises : 24 K . Freeman , Ancilla to The Pre

Socratic Philosophers, p . 51-69 ; 25 G . S. Kirk , J. E . Raven et M . Schofield, The Presocratic philosophers. A critical history with a selection of texts, 2e éd.,

Cambridge 1983, p . 280-321. – Espagnole : 26 E . La Croce, « Empédocles de Agrigento » , dans N .L . Cordero et alii, Los Filósofos presocráticos, t. II, Introducciones, traducciones y notas, coll. « Biblioteca Clásica Gredos » 24 ,

Madrid 1979, réimpr. 1985, p . 127-294 (introd. p . 129-135 ; trad.p . 136 -294). Sur la langue d 'Empédocle. 27 Fr. Thomas, Sprachliche Untersuchungen zu Empedokles, Diss. Leipzig 1924 ; 28 A . Traglia , Studi sulla lingua di Empedocle,

coll. « Mousikai dialektoi» , Supplementi. Serie V 3 , Bari 1952 ; 29 H . Gerke,

Sprache und Stil des Empedokles, Diss.Göttingen 1953 ; 30 M . S. Buhl, Unter suchungen zu Sprache und Stil des Empedokles, Diss. Heidelberg 1956 ; 31 M . Laura Gemelli Marciano , Le metamorfosi della tradizione:mutamenti di signifi cato e neologisminel “Peri physeos " di Empedocle, coll. « Le Rane. Studi» 5 ,

Bari 1990, 231 p .; 32 A . Battegazzore, « Il linguaggio di Empedocle » , dans 33 Index Empedocleus, a cura di G . Imbraguglia et al., t. I, coll. « Le opere e i giorni» 1, Genova 1991, p .69-79.

Concordance. 34 Index Empedocleus, a cura di G . Imbraguglia et al., t. II, coll. « Le opere e i giorni» 2 , Genova 1991, p . 212-515. Présentation de cet

instrument par 35 G .Messina, « Il lessico di Empedocle » , dans 33, p . 81- 97. Bibliographies. O 'Brien 67 (cité plus loin ), p . 337-401; Classen 2 ; 36 L .

Paquet, M .Roussel et Y . Lafrance , Les Présocratiques:bibliographie analytique (1879- 1980 ), t. II : D ’Alcméon aux auteurs de la Collection hippocratique, coll. « Noêsis » et « Collection d 'Études Anciennes» ,Montréal/Paris 1989, sect. VII,

p . 138 -181 ; Martin et Primavesi 15, p . 377-396 .

Sources biographiques antiques.Notre connaissance de la vie d 'Empédocle est largement tributaire de Diogène Laërce VIII 51-77 Traduction française et notes par 37 J.- F. Balaudé, Diogène Laërce, Vies et doctrines des philosophes illustres, coll. « La Pochothèque – Classiques modernes» , Paris 1999, p . 980 1002. Toutes les autres sources sontperdues. Plusieurs n 'étaient mentionnées par

Diogène Laërce qu'à travers des sources intermédiaires. Voici, dans l'ordre alphabétique, celles qui sontmentionnées dans la Vie d'Empédocle : ( 1) Alcidamas, Discours physique (VIII 56 ). (2 ) Apollodore, Chronologie (VIII 58 ). Il mettait à profit les témoignages

anciens de Glaucos, d ’Aristote et d'Héraclide le Pontique.

72

EMPÉDO

CLE

E 19

D 'AGRIGEN

TE

(3) Aristippe (VIII 60 et peut-être 61) : probablement dans l'ouvrage apo cryphe Sur la sensualité des Anciens (I 96 et passim ). Sur cet ouvrage, voir DPHA A 356 , t. I, p . 374 (n° 32).

(4) Aristote, (VIII 51) ; Le Sophiste (VIII 57) ; Sur les poètes (VIII 57) ; sans indication d 'ouvrage (VIII63 et 74 ). (5 ) Démétrius de Trézène, Contre les sophistes (VIII 74). Voir DPHA D 58. Il évoquait la mort d 'Empédocle en pastichant Od. XI 278 (DK 31 A 1 ; FHG IV

383). Les mss de D .L . ont « Démocritos» .

(6 ) Diodore d ’Éphèse (VIII 70 : « à propos d'Anaximandre », ou peut- être d 'Anaxagore, par suite d 'une confusion dans les abréviations commise par Dio gène Laërce : voir DPhA D 129) .

(7) Diogène Laërce, Pammetros (VIII 74 -75) : deux épigrammes. (8) Ératosthène, Olympioniques (VIII 51). Voir notice « Ératosthène» , nº 13. (9 ) Favorinus, Mémorables (VIII 53.63.73). (10) Glaucos (RE 36 ). Cet auteur de la fin du Ve siècle est également cité par Diogène Laërce en IX 38 (FHG II 24 ), apparemment à travers Thrasylle , comme autorité attestant que Démocrite avait été le disciple d 'un des pythagoriciens et avait vécu à leur époque. Dans la Vie d 'Empédocle, il apparaît

dans une citation des vers de la Chronique d 'Apollodore . Il avait composé un ouvrage Sur les poètes et les musiciens anciens ( Plutarque, De mus. 4 , 1132 e ), dans lequel il signalait les victoires remportées par ces artistes lors de différents

concours. Il pouvait ainsi fournir de précieuses indications chronologiques. (11) Héraclide (le Pontique), Sur les maladies (VIII 51.60 ; voir aussi, sans

indication de l'ouvrage, VIII 52.61.67). Selon 38 H . B .Gottschalk , Heraclides of Pontus, Oxford 1980 , p . 13- 36 , les fragments seraient empruntés au dialogue

intitulé ſlepi tñs önvou ñ lepi voowv (« Sur la femme inanimée ou Sur les maladies » ).

(12) Héraclide (Lembos), Abrégé (VIII 53) ; identifié également comme« le fils de Sarapion » (VIII 58). (13) Hermippe (VIII 51.56 .69). (14) Hiéronymos (de Rhodes) (VIII 57.58).

(15) Hippobote (VIII 51.69.72). ( 16 ) Lettre (pseudépigraphe) de Télaugès à Philolaos (VIII 53.55.74 ).

(17) Néanthe (de Cyzique), (VIII 55.58.72). (18) Satyros, Vies (VIII 52.58) ; il citait apparemment le témoignage de Gorgias (VIII 59) ; sans indication de l'ouvrage (VIII 60). ( 19) Théophraste, < Abrégé des doctrines physiques ?> (VIII 55 ) .

(20) Timée (de Tauromenium : FGrHist 566 ), Histoires = < Eixerixá> , livres I et II (VIII 66 ), IV (ou XIV ?) (VIII 71), IX (VIII 54), XV (VIII 51), XVIII (VIII 60) ; sans indication de l'ouvrage (VIII 64.71-72). Il critiquait les invrai

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EMPÉDOCLE D 'AGRIGENTE

73

semblances du récit d'Héraclide (VIII 71-72 ). Certaines de ces références peuvent avoir été corrompues et plusieurs ont été corrigées par les éditeurs.

39 R. Vattuone, « Timeo F 1196 . Empedocle e Timoleonte», RSA 15, 1985,p .225 -236 . (21) Timon de Phlionte , < Silles> (VIII 67).

(22) Xanthos [RE 29, voir FGrHist 1001] (VIII 63). Cet auteur rapportait, Év tog nepi aútoŨ, qu 'Empédocle avait refusé la royauté qu'on lui

proposait. Ce passage semble assez étranger aux Lydiaka de Xanthos de Lydie (RE 25), bien qu ' il figure dans les fragments de cet historien du Ve siècle av. J .- C . ( FGrHist 765 F 33).

Selon Asheri 41 (cité plus loin ), p . 493 n. 28, « gli interessi di Xanthos per il ciclo cosmico mazdaico (voir D .L . I 2 ) possono spiegare il suo interesse per il ciclo cosmico di Empedocle » .

Bidez 50 (cité plus loin ), p. 58, a pensé qu 'il s'agissait du médecin Xanthos, fils de Timon de Phlionte , connu par D . L . IX 109-110 (absent de la RE).

D 'autres sources anciennes apparaissent dans les témoignages:

(23) Dicéarque, Olympikos (Athénée XIV, 620 d = DK 31 A 12).

(24) Porphyre , Histoire philosophique (Souda E 1002). Famille. Diogène Laërce a rapporté des informations contradictoires. Selon

Hippobote (fr. 15 Gigante ) – et déjà Timée (Histoires, livre XV = FGrHist 566 F 26b ) -, Empédocle serait le fils d’un Méton, lui-même fils d ’un Empédocle (VIII 51). Le grand-père homonyme était un homme célèbre de son temps, éleveur de chevaux (Héraclide le Pontique, Sur les maladies = fr. 76 Wehrli) et vainqueur olympique en la 71° Olympiade (496 /54), selon la liste des vainqueurs olympi

ques d'Eratosthène (FGrHist 241 F 7), qui empruntait ce renseignement à Aristote (cf. DPHA A 414 , t. I, p. 428, n° 131 de la liste de D .L . etn° 122 de la liste d'Hésychius = fr. 71 a Rose = fr. 18 Gigon ). La Chronique d'Apollodore

(VIII 52) et la tradition doxographique confirment que le nom du père d'Empé docle étaitMéton (DK 31 A 33). Dans les premiers mots de la vie d'Empédocle (VIII 51), l'apport d'Hippobote ne porte probablement pas sur le patronyme et l'ethnique d 'Empédocle, mais sur le fait que le père

d'Empédocle était lui-même le fils d'un autre Empédocle. D 'où la confirmation tirée de Timée : ce grand-père d'Empédocle était un homme de distinction (énionuoc ). Puisqu 'il s'agit là d 'une donnée secondaire de la tradition , il n 'est pas impossible qu 'elle tende à expliquer

pourquoi, comme nous allons le voir, Empédocle était présenté comme champion olympique.

Satyros (FHG III 162) cependant donne pour père à Empédocle un certain Exainétos, nom qui aurait été également porté par le fils d'Empédocle. Lamême

année, à Olympie (71° Olympiade, 496/54), Empédocle aurait été vainqueur dans la course de chevaux et son fils à la lutte, plutôt qu 'à la course à pied comme le rapportait Héraclide (Lembos) dans son Abrégé < de Satyros ?> (FHG III 169).

Voir 40 L . Moretti, « Olympionikai, i vincitori negli antichi agoni olympici» , MAL ser. VIII, vol. VIII, 1957, p. 53- 198, n° 167 et 170. D 'autres sources accep tent cette tradition qui fait d 'Empédocle lui-même un vainqueur olympique.

Ainsi Favorinus (VIII 53 = fr. 48 Barigazzi, 21 Mensching) et Athénée I, 5 e (DK 31 A 11), racontent que, pour célébrer sa victoire, il offrit, par fidélité au

végétarisme pythagoricien, un beuf de miel et de farine ou bien encore de myrrhe, d'encens et d'aromates précieux.

74

E 19 EMPÉDOCL D 'AGRIGENTE E Selon Diodore, XIII 82, 7 , et Élien , H . V . IV 8 , le vainqueur olympique en Ol. 92 (412a)

aurait été Exainétos d' Agrigente , quiavait déjà été, selon XII 82, 2 , le vainqueur des jeux de l'Olympiade précédente (Ol. 91 = 4162). Voir Moretti 40 n° 341 et 346 . Il est cependant peu probable que Satyros ait cru qu 'Empédocle et son fils Exainétos aient pu être vainqueurs à Olympie à une date aussi tardive que 416 ou 412 . On peut seulement supposer que c 'est à cause d 'une liste d 'olympioniques comme celle de Diodore qu 'Héraclide prétendait qu 'Exai

nétos avait triomphé non pas à la lutte , mais dans l'épreuve décisive de la course à pied . En vérité , le couple Empédocle - Exainétos ne correspondrait pas au philosophe et à son fils,mais au grand -père d 'Empédocle et à son fils, peut-être frère de Méton et oncle du philosophe.

Selon Favorinus (FHG III 578 = fr. 48 Barigazzi, 57 Mensching), Empédocle avait égale

ment un frère du nom de Callicratidès (D . L . VIII 53).Un traité pythagoricien pseudépigraphe est attribué à un certain Callicratidas (

C 19 ) : le nom a pu être choisi en pensant à ce frère

d ' Empédocle ,mais ce Callicratidas aurait été d' origine lacédémonienne. Une lettre de Télaugès , fils de Pythagore , à Philolaos, faisait d 'Empédocle le fils d 'un cer tain Archinomos (D . L . VIII 53).Mais Diogène lui-même connaissait cette lettre comme pseu

dépigraphe (VIII 55) et le nom ne semble pas par ailleurs attesté.

Le nom deMéton réapparaît en VIII 72 : à sa mort les dissensions à Agrigente offraient un terrain propice à un retour à la tyrannie . C 'est Empédocle qui aurait alors persuadé ses concitoyens de pratiquer l'égalité civique. Le contexte poli tique dans lequel Empédocle évolua peut être résumé à partir de Diodore XI 53 . A la mort de Théron (RE 1) d’Agrigente (Ol. 77 : 472 /14), qui avait exercé la tyrannie pendant seize ans, son fils Thrasydaios lui succéda. Contrairement à son père qui était estimé des citoyens, son fils exerça une tyrannie violente et impo pulaire. Défait par Hiéron de Syracuse dans une bataille, il se retira à Mégare (en Grèce) où il mourut. Agrigente opta alors pour une constitution démocratique et

signa un traité de paix avec Hiéron. C 'est apparemment dans le cadre de cette jeune démocratie encore mal assurée queMéton et son fils Empédocle militèrent pour la concorde sociale et luttèrent contre les aspirations tyranniques. C 'est ainsi qu 'Empédocle obtint la dissolution de l'assemblée des Mille, trois ans après sa création (VIII 66 ). Sesmoyens financiers lui auraient permis d 'assurer la dot de nombreuses jeunes filles d ’Agrigente qui en étaient dépourvues (VIII 73).

Diogène exagère sans doute lorsqu'il parle des 800 000 habitants d 'Agrigente (VIII 63). Diodore (XIII 84 et 90) donne comme chiffre 200 000, dont 20 000 citoyens de plein droit. Sur le rôle joué par Empédocle dans l'évolution du régime qui suivit la chute

de la tyrannie à Agrigente , voir 41 D . Asheri, « Agrigento libera : rivolgimenti interni e problemi costituzionali, ca. 471-446 a. C .» , Athenaeum 68, 1990 , p . 483-501 ; 42 N . Lurachi, Tirannidi arcaiche in Sicilia e Magna Grecia da Panezio di Leontini alla caduta dei Dinomenidi, coll. « Fondazione Luigi Firpo . Centro di Studi sul pensiero politico . Studi e Testi » 3, Firenze 1994, 430 p ., notamment chap. VIII , 2 : « La tirannide di Terone » . Sur le contexte culturel, voir aussi 43 E . De Miro , « Società e arte nell'età di Empedocle » , dans Empedocle e la cultura della Sicilia antica 5, p. 325 -344. Chronologie. Par bonheur, Diogène Laërce a conservé pour une fois les vers de la Chronique d 'Apollodore relatifs à Empédocle (44 F . Jacoby, Apollodors Chronik. Eine Sammlung der Fragmente , coll. « Philologische Untersuchungen » 16 , Berlin 1902 , fr. 43, p . 271-277 ; FGrHist 244 F 32a ), ce qui nous fournit un

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EMPÉDOCLE D 'AGRIGENTE

75

aperçu précieux sur l' arrière -plan littéraire de tant de datations antiques attri buées à Apollodore. Apollodore semble avoir fixé l'acmé d'Empédocle en se

fondant sur le témoignage de Glaucos (de Rhégium ), un écrivain de la fin du ve siècle av . J.-C ., auteur d'un ouvrage Sur les poètes et les musiciens anciens. Comme Glaucos mentionnait une visite d'Empédocle à Thurium , ville alors récemment fondée, Apollodore aurait fait coïncider l'acmé d'Empédocle et la

fondation de cette ville en Ol. 84, 1 (444/3a), datation confirmée par Diogène Laërce (VIII 74), qui ne mentionne que l'Olympiade,mais pense certainement à l'année même de la célébration des Jeux Olympiques et donc à la première année. Apollodore situant l'acmé à 40 ans, Empédocle serait né en Ol. 74 ,2 (483/29). Selon Aristote (VIII 52 et 74 = fr. 71 b Rose3 = fr. 19 Gigon ), Empé docle serait mort à 60 ans, et donc, si l'on retient l'acmé fixé par Apollodore, en

Ol. 89 ,1 (424 /3 ).

Plutôt que d'autres témoignages qui prêtaientdes âges différents à Empédocle au moment de sa mort, c'est Aristote qu 'Apollodore suivait sur ce point, car il réfutait l'opinion d’historiens plus anciens qui prétendaient qu'Empédocle, exilé

à Syracuse, avait combattu aux côtés des Syracusains dans la guerre qui les opposa aux Athéniens. Il s'agit sans doute de la guerre de 415 -413. S' il avait 40 ans en Ol. 84 , 1 (444/3), Empédocle avait donc 70 ans à l' époque de cette guerre,

ce qui confirme la conclusion tirée par Apollodore dans ses vers: à l' époque, Empédocle était ou bien mort ou bien extrêmement âgé (untepyempaxúc). C 'est là l'interprétation traditionnelle, mais si Apollodore a fondé toute sa chronologie d' Empédocle sur l'hypothèse qu 'il avait 40 ans lorsqu'il a visité Thurium peu après sa fonda tion (444 /3) , il est étonnant qu 'il se soit permis d'affirmer aussi catégoriquement qu 'Empé docle n 'avait pu participer à la guerre de 415-413. Car pourquoi Empédocle n 'aurait-il pas visité Thurium à vingt ans et plusieurs années après sa fondation ? Avait-il d'autres arguments qui n ' apparaissent pas dans les vers conservés ? Ou était -il de ces savants pour qui les hypo

thèses se transforment en faits lorsqu'elles sont souvent répétées ? A quels historiens Apollodore s'opposait-il ? On apprendra plus loin que Timée parlait d 'Empédocle dans son livre XIV (VIII 71 [où lesmanuscrits ont cependant IV )). Or, les livres XIII et peut-être XIV narraient les épisodes de l'expédition athénienne contre Syracuse (Athé née VII, 327 b ; XIII, 589 a) et c 'est apparemment dans ce contexte qu 'apparaissait Empé

docle. Diels (t. I, p. 281 ad loc.) s'est par conséquent demandé si Apollodore , en contestant qu'Empédocle ait pu participer à cette guerre, ne visait pas ici Timée.

Apollodore ajoutait que l'Empédocle vainqueur en la 71e Olympiade (4964) n ' était pas le philosophe, mais son grand-père homonyme (VIII 52). Il suivait

apparemment sur ce point Ératosthène (VIII 51), qui dépendait lui-même d'Aristote .

La distinction, opérée par Apollodore, entre deux Empédocle , pourrait expli quer que Satyros donne comme père au vainqueur olympique Exainétos. Il s 'agi

rait alors de l'arrière grand-père du philosophe (RE 1). Exainétos d ’Agrigente , le vainqueur olympique de 416 et 412, pourrait être un membre plus jeune de cette famille . Mais il faudrait être sûr que les listes d 'olympioniques dressées par Aristote et déjà la

documentation qu'il avait mise à contribution permettaient d 'identifier des concitoyens homo nymes, toujours plusnombreux pour une époque donnée que le petit nombre de ceux qui sont connus par des sources littéraires ou épigraphiques.

76

E 19

EMPÉDOCLE D 'AGRIGENTE

Dans cette hypothèse et en tenant compte de quelques autres témoignages mentionnant une sœur (selon Aristote) ou une fille (Hiéronymos) du philosophe quiaurait brûlé certains de ses poèmes (VIII 57), on pourrait reconstituer l'arbre généalogique d'Empédocle de la façon suivante : Exainętos 1 Empédocle 1, vainqueurolympique en 496

Exainetos 2, vainqueurolympique en 496

Callicratidès

Méton

Empédocle 2 le Philosophe ? sæur (VIII 57) (.. .) ? Exainetos 3 , vainqueur olympique en 416 et 412

? fille (VIII 57) Empédocle 3 l'auteur

tragique (Souda E 1001)

D ' autres auteurs attribuaient à Empédocle un âge plus avancé à sa mort. Ainsi Néanthe de Cyzique le faisait mourir à 77 ans (D . L . VIII 73), d'autres à 109 ans (D . L . VIII 74), peut- être par suite d'une confusion avec Gorgias, disciple d'Em

pédocle (voir D .L . VIII 58 = Apollodore, FGrHist 244 F 33). La datation retenue par Apollodore (483/2a – 424/34) rejoint le point de vue d'Aristote (Metaph. I 3 , 984all = DK 31 A 6 ), pour qui Anaxagore (2 A 158 ]

(500/499 - 428/7 , selon Apollodore, FGrHist 244 F 31) était antérieur à Empé docle ( tñ uèv naixia npótepoç Üv toútov ), bien que « plus récent par ses æuvres» (tots o’ éprouc votepos), « venu de peu après lui » , ajoutait Théo

phraste (Simplicius, in Phys. p . 25, 19 Diels = DK 31 A 7). O 'Brien 45 ( cité plus loin ), p . 97- 106 , considère que le mot jotepoç dans le passage

d'Aristote ne signifie pas " plus récent” ou “ postérieur” (chronologiquement),mais plutôt " inférieur” (du point de vue de la doctrine des éléments).

Zeller (pp. 751 n . 1) conclut du témoignage d'Alcidamas qui faisait d'Empé docle un condisciple de Zénon d'Élée chez Parménide que la vie du philosophe a pu s'étendre des années 494 à 434 , ce quiexpliquerait mieux les influences de sa

pensée que l'on croit reconnaître chez Mélissos et Anaxagore. Mais 45 D . O 'Brien, « The relation of Anaxagoras and Empedocles » , JHS 88, 1968, p. 93

113, considère qu'Anaxagore a pu influencer la pensée d 'Empédocle plutôt que subir son influence.

Biographie. Il est possible que lorsqu'au IVe siècle on se mit à porter intérêt à la biographie d'Empédocle, on n 'ait point eu d'autre source de renseignement que ses propres poèmes. S'inspirant d'un article célèbre de 46 J. A . Fairweather, « Fiction in the biographies of ancient writers» , AncSoc 5 , 1974 -1975, p. 231 275 (voir également 47 ead., « Traditional narrative, inference and truth in the Lives of Greek poets » , coll. ARCA 11, Liverpool 1984 , p . 315 -369), Ava Chitwood estime que tout ce qui est rapporté de la vie et de la mort d'Empédocle

a été tiré d'une « lecture biographique» de ses poèmes: « Empedocles, then, was

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EMPÉDOCLE D ' AGRIGENTE

77

forced by his biographers both to live and to die by his own words» (48 Ava Chitwood , « The death of Empedocles » , AJPh 107 , 1986 , p. 175- 191, notam

ment p. 191; voir aussi 49 Ead., The death of Greek philosophers, Diss. The Johns Hopkins Univ. Baltimore, Md. 1993, 339 p.). On peut illustrer l'emploi de cette méthode par plusieurs passages de Diogène Laërce qui (Empédocle était d'Agrigente comme l'atteste le fragment B 112), VIII 60 (Empédocle aurait justifient certains détails biographiques par la citation de vers du poète . Par exemple VIII 54

pratiqué la magie comme le suggèrent les vers de B 111), VIII 61-62 (Héraclide voyait en Empédocle un médecin et un devin en se fondant à nouveau sur les vers de B 112), VIII 66 (Empédocle était méprisant et orgueilleux comme le montre toujours B 112, vers 4 -5 ). Timée pouvait de même (VIII 54 ) citer le début de B 129 qui visait selon lui Pythagore (bien que le

nom du philosophe ne soit pas mentionné), sans doute pour confirmer qu'Empédocle avait été l'élève de Pythagore. D 'autres détails ne sont pas explicitement mis en rapport avec des vers d 'Empédocle ,mais pourraient avoir été inspirés par des déclarations du poète. Par exemple, le

sacrifice d 'un bæuf fabriqué à partir de miel et de farine (D . L . VIII 53, ou de myrrhe, d 'encens et d 'aromates selon le parallèle chez Athénée I, 3e ) fait immédiatement penser aux

sacrifices non sanglants du fragment B 128 (parfums,myrrhe, encens etmiel). L 'anecdote qui rapporte qu 'Empédocle avait arrêté un vent pestilentiel (VIII 60 et les parallèles en A 14 ) évoque immanquablement un vers de B 111 (cité en D . L . VIII 59 ) où le philosophe promet d'apprendre à son disciple à apaiser la violence des vents qui détruisent les récoltes. Le même

passage mentionne aussi le contrôle de la pluie qui rappelle une autre prouesse d'Empédocle ( rapportée par Philostrate : A 14 ). Il était de même tentant de prêter des guérisonsmiraculeuses et même des réanimations à un personnage qui prétendait connaître les remèdes à appliquer

aux maladies et à la vieillesse, etmême la façon de faire remonter un mort de chez Hadès ( B 111). Le portrait d 'Empédocle circulant en vêtements d 'apparat entouré de jeunes gens (D . L .

VIII 73) rappelle pour sa part les vers du fragment B 112 : « Je ne suis plus mortel et tous vous me rendez I L 'honneur quime convient, m 'ornant de bandelettes I etme passant au cou des

guirlandes de fleurs. I Quand, ainsi couronné, j'effectue mon entrée | Dans les riches cités, des hommes et des femmes I je recueille l'hommage. Ils me suivent en foule...» (trad . Dumont).

Ces rapprochements expliquentpeut-être plusieurs traits de la légende d'Empédocle.Il faut cependant se garder de rejeter par principe un trait biographique sous prétexte qu 'on peut le mettre en rapport avec tel ou tel détail des écrits de l'auteur. Car la recherche des traces bio graphiques dans l'euvre d'un auteur n 'est condamnable que lorsqu 'elle est faite sans discer nement. Ce n 'est pas parce qu 'il est possible d 'établir un rapprochement entre un témoignage biographique et un passage de l'euvre d 'un auteur que ce témoignage est nécessairement faux . D 'autre part, il n 'est pas possible de réduire tous les détails de la biographie d 'Empé docle par ce procédé, sauf à expliquer des pans entiers de cette biographie par des formules imprécises. Ainsi Ava Chitwood voit dans les vers du fragment B 146 (« Et lorsque vient la fin , ils deviennent prophètes, I poètes, médecins et princes sur la terre ; I puis , de là , ils s'élè vent et deviennent des dieux | comblés d'honneurs» (trad . Dumont)) l'origine des principaux

aspects de la figure d 'Empédocle. « Empedocles' careers as politician , poet, seer, and physi cian are all the outcomeof the tradition which transforms philosophy into biography through a

biographical reading of the subject's work » (Chitwood, p. 176 ). Quant à l'exil d'Empédocle l'exil de l'âme dans les fragments B 118-119. Il semble difficile de faire dépendre les témoi gnages concernant l'activité politique d'Empédocle de tels indices qui ne sont d' ailleurs pas transmis comme autobiographiques. Les légendes ontbesoin d'un noyau biographique : il n 'y

dans le Péloponnèse (évoqué en D . L . VII 67), il s 'expliquerait par les vers d ' Empédocle sur

a pas de légende de parfaits inconnus.

50 J. Bidez, La Biographie d'Empédocle, coll. « Recueil de travaux publiés par la Faculté de Philosophie et Lettres de l'Université deGand » 12,Gand 1894,

XII- 176 p.; réimpr. Hildesheim 1973 ; 51 U . von Wilamowitz-Moellendorff, « Die Kadapuoi des Empedokles », SPAW 1929, p .626 -661, notamment pour la

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EMPÉDOCLE D 'AGRIGENTE

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biographie : p .653-655 . Voir également l'étude récente de 52 Christine Mauduit, « Les miracles d 'Empédocle ou la naissance d ’un thaumaturge » , BAGB 1998, p . 289-309. Les anecdotes rapportées à propos d 'Empédocle entendent généralement

illustrer tel ou teltrait de sa personnalité : il est successivement présenté comme orateur et homme politique, médecin et guérisseur, magicien ou expert en sciences naturelles, démocrate et prétentieux. Il aurait ainsi fait revenir à la vie

une femme inanimée depuis trente jours (VIII 61), assaini certaines cités en détournant des cours d'eau (VIII 70 ) ou bien en arrêtant ou captant sur la mon tagne les vents avec des peaux d 'ânes (VIII 60), retenu un nuage orageux

(Philostrate , Vita Apollonii VIII 7, 8 = DK 31 A 14 ), refusé la royauté, déjoué

des tentatives de tyrannie (VIII 64), fait dissoudre une assemblée oligarchique (VIII 66 ), etc .

Plusieurs récits rapportaient de façon divergente les circonstances de sa mort. Diogène Laërce juxtapose ou entrelace des traditions distinctes et même rivales. Il semble que le point de départ de la légende soit lié au fait qu 'on ne connaissait

pas l' endroit où avait été enseveli Empédocle. Le récit que Diogène emprunte à Héraclide le Pontique provenait d 'un dialogue dans lequel Pausanias,le disciple d 'Empédocle, racontait, comme témoin de la scène, la disparition d 'Empédocle « près du champ de Peisianax » , au cours de la nuit, après un sacrifice de remer ciementpour la guérison d'unemalade incurable . Hermippe (fr. 27 Wehrli) connaissait en plus le nom de la patiente : Pantheia d'Agrigente (VIII69). On ignore sur quel témoignage se fonde 53 F . Wehrli, Hermippos der Kallimacheer,

Basel 1974, p. 61,pour affirmer que Pantheia était la fille de Peisianax d'Agrigente .

Une voix forte appelant Empédocle par son nom et une lumière céleste auraientmarqué comme une apothéose la disparition du philosophe. Hippobote (fr. 16 Gigante) racontait qu'il se serait ensuite jeté dans l'Etna et que seule sa sandale de bronze aurait été rejetée par le volcan . Selon cette version, le saut dans l'Etna était un subterfuge employé par Empédocle pour disparaître sans laisser de trace et faire croire à sa divinisation . Il se peut que cette anecdote ait

figuré déjà chez Héraclide le Pontique et que, dans le dialogue, Pausanias l'ait réfutée . Une autre version de la mort situe le saut dans l'Etna dans un autre contexte, celui de la

purification de la rivière de Sélinonte. Apparu aux citoyens sur la rive, Empédocle aurait été vénéré comme un dieu et il aurait voulu raffermir cette croyance en disparaissantmystérieuse ment (VIII 70 ).

Timée , qui dénonçait le caractère légendaire des récits d ’Héraclide le Pon tique, opposait plusieurs arguments à ce récit de divinisation : (a ) Pausanias

n 'avait jamais élevé de monument en faveur d'Empédocle ; (b) Peisianax (absent de la RE ) était originaire de Syracuse et n 'avait pas de lien avec Agrigente ,

(c ) Empédocle n 'avait jamais parlé de l'Etna voisin , (d ) il est courant qu'on

ignore le lieu d'ensevelissement des grands hommes, (e )Héraclide était réputé pour ses inventions de « paradoxologue ». Plus prosaïquement, Timée prétendait qu 'on ignorait tout de la mort d'Empédocle : on savait seulement qu 'il avait

quitté la Sicile et était mort dans le Péloponnèse. C 'est sans doute une autre

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EMPÉDOCLE D 'AGRIGENTE

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source (Néanthe ?), dans la lignée de Timée, mais davantage soucieuse de com bler les lacunes de l'information, qui ajoutait qu 'Empédocle serait tombé de son char en se rendant à Messène et se serait brisé l'os de la cuisse. Par suite de cet accident, il seraitmort à l'âge de 77 ans (VIII 73) et aurait été enseveli à Mégare. La lettre sans doute pseudépigraphe de Télaugès évoquait plutôtune mort accidentelle par noyade à un âge avancé (VIII 74). Dans son pamphlet en vers Contre les Sophistes, Démétrius

de Trézène (FHG IV 383) supposait pour sa part qu'Empédocle s' était pendu (VIII 74).

L 'Antiquité était frappée par le comportement « théâtral», voire arrogant, du

personnage. Empédocle portait un vêtementmajestueux (VIII 70): une robe de couleur pourpre et une ceinture dorée, des sandales de bronze et une couronne

delphique de laurier (VIII 73) autour de ses cheveux longs. Tout cela , avec l'escorte de jeunes gens qui le suivaient de près, contribuait à dégager une impression d'aura royale , pour ne pas dire divine. Dans les Problèmes pseudo-aristotéliciens (XXX 1, 953 a 26 = DK 31 A 17), Empédocle est associé à Platon et à Socrate dans une liste de "mélancoliques” célèbres.

Iconographie. Le témoignage d 'Hippobote (fr. 17 Gigante ) est étrange: il y aurait eu autrefois à Agrigente une statue cachée ou voilée d 'Empédocle, qui se

retrouva par la suite , devant le Sénat à Rome, axárupos, dévoilée, manifeste

ment parce que les Romains l'avaient déplacée là (D . L . VIII 72). Diogène connaissait encore de son temps des “ images peintes” (ypantai eixóveç) du

philosophe (VIII 72).

Maîtres et disciples. La chronologie d'Apollodore entraîne le rejet de toute une tradition quivoit en Empédocle un disciple direct de Pythagore (D .L . VIII 54 [ Timée, FGrHist 566 F 14 ), 56 ), dont l'acmé était située par le chronographe

en 532/19 (D .L . II 2 , où l'information est par erreur rapportée à Anaximandre (voir D .L . VIII 45 ?]). La Souda (T 481; voir aussi E 1002) pour sa part présente Télaugès, le fils et le disciple de Pythagore, comme lemaître d'Empédocle . Voir

aussi Eusèbe, P . E . X 15 , 15 (DK 31 A 8), qui situe ces études à l'époque d'Hé raclite (Ol.69 = 504 -501), donc à une époque inconciliable avec la chronologie d'Apollodore . Néanthe (FGrHist 84 F 26 ) avouait ne pas connaître auprès de quel pythago ricien Empédocle avait étudié (VIII 55 ),mais il donnait foi à une tradition selon laquelle le philosophe aurait été excommunié pouravoir dévoilé les doctrines de

l'école dans ses poèmes (voir déjà VIII 54).Dans ce passage, Néanthe réfutait comme pseudépigraphe la lettre de Télaugès qui présentait Empédocle comme le disciple d'Hippasos ( H 144 ) et de Brontinos (aB 61). D 'un autre côté , qu ' Empédocle ait pu être, comme le prétend la Souda (A 4121), le disciple

d'Archytas ( A 322), un pythagoricien du IVe siècle, est chronologiquement impossible. La liste des pythagoriciens transmise par Jamblique enregistre le nom d'Empédocle d'Agrigente . Elle connaît aussi un Méton de Paros (De vita pyth., 36 , 267).

EMPÉDOCLE D 'AGRIGENTE

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Guère plus vraisemblables , du point de vue d'Apollodore en tout cas, seraient des études d'Empédocle auprès de Xénophane (acmé en 540/39a, selon D .L . IX 20 ) ou de Parménide (acméen 504/39, selon D .L . IX 23). Diogène Laërce rapporte en IX 20 un apophtegmemettant en scène Empédocle et Xéno phane,mais le nom de Xénophane n 'apparaît pas dans une autre version de l'apophtegme (DK 31 A 20 ).

Selon Théophraste (DK 31 A 7), Empédocle aurait été zélateur de Parménide, mais plus encore des pythagoriciens. Pour la Souda (11 675), Parménide aurait été l' élève de Xénophane (ou d 'Anaximandre s 'il faut croire Théophraste ) ; il aurait eu comme successeurs Empédocle ,

« le philosophe etmédecin » , et Zénon d ' Élée. Dans sa notice sur Empédocle ( E 1002), le même lexique cite l'Histoire philosophique de Porphyre (livre II, fr. 8 Segonds) pour affirmer

qu 'Empédocle fut « en premier lieu » disciple de Parménide et son bien -aimé (Taloxá). Dio gène Laërce (VIII 54 ) connaissait d 'autre part des auteurs qui rapportaient les éloges pronon

cés dans le fragment B 129 non pas à Pythagore,mais à Parménide.

En revanche, les historiens reconnaissent volontiers une influence doctrinale et littéraire de Parménide sur Empédocle. Voir 54 G . Giannantoni, « L 'originalità del pluralismo empedocleo », Elenchos 18, 1997, p. 235-255. Alors que Théo

phraste (VIII 55 = fr. 227 B Fortenbaugh et alii = DDG p. 477, 18 et n.) voyait dans les vers d' Empédocle Sur la nature une imitation du poème similaire de Parménide, Hermippe (VIII 56 = fr. 26 Wehrli) y décelait plutôt l' influence de Xénophane, philosophe qu' Empédocle aurait fréquenté et imité, avant de se tourner vers les pythagoriciens. Alcidamas prétendait pour sa part qu 'Empédocle

aurait, avec Zénon d'Élée, étudié d'abord avec Parménide, puis serait devenu l'auditeur d’Anaxagore et de Pythagore (VIII 56). Ce sont de telles successions philosophiques construites sur des similitudes doctrinales, voire des rapprochements géographiques, que les recherches chrono

logiques d'Apollodore suffisaient à renverser.

Selon Philostrate, Empédocle aurait étudié auprès desMages (DK A 31 14 ). Son traité Sur la nature était dédié au médecin Pausanias de Géla (VIII 60), pour lequel il aurait écrit une épigramme citée par Diogène Laërce. Pausanias réapparaît dans les fragments biographiques, car il était l'un des personnages du dialogue d'Héraclide le Pontique cité à plusieurs reprises par Diogène. Il est

possible que tous les détails empruntés à ce dialogue soient légendaires. Empédocle aurait, un jour qu'il était chez son ami Anchytès, arrêté par un chant, en s ' accompagnant sur la lyre , un jeune homme qui voulait tuer son hôte parce qu ' il avait

condamné son père à mort. Le jeune homme serait ensuite devenu un zélé disciple du philo sophe (Jamblique, De vita pyth. 113 = DK 31 A 15 ) . Comme Pausanias, ami, disciple d 'Em

pédocle et dédicataire du poème Sur la nature, était le fils d 'un certain Anchytės (VIII 61 =

DK 31 B 1), Diels (note ad loc.) croit que Jamblique, qui ne mentionne pas le nom du jeune homme, a pu donner à l'hôte d'Empédocle le nom du père de Pausanias. Empédocle et les diadochai. Empédocle apparaît dans les Vies de Diogène Laërce à la suite de la vie de Pythagore , à titre de pythagoricien (VIII 50 ), « car, selon certains, il fut l'auditeur de Pythagore ». L 'apparition d'Empédocle au livre VIII est cependant un peu inattendue, dans la mesure où il était absent de la tra dition « italique » décrite dans le prologue (I 13- 15), où l'on passait directement

de Pythagore et Télaugès à Xénophane et Parménide.

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81 EMPÉDOCLE D 'AGRIGENTE Empédocle et la tradition médicale . Empédocle était connu comme l'auteur

d'un 'latpixòç Nóyos (voir plus bas). Il est cité, vers la fin du Ve siècle, dans le

traité pseudo-hippocratique Sur l'ancienne médecine XX 1 (DK 31 A 71), comme représentant d 'une tradition de médecine philosophique : « Le discours de ces gens-là va dans le sens de la philosophie comme celui d'Empédocle ou d 'autres qui, à propos de la nature, ont écrit en remontant à l'origine ce qu 'est

l'homme, comment il s'est formé au début et de quels éléments il s'est consti tué. » (trad. Jouanna). Sur ce témoignage, voir 55 M . Vegetti, « Empedocle “medico e sofista " (Antica Medicina 20 )» , Empedocle e la cultura della Sicilia antica 5, p. 345- 359. Satyros (VIII 58) présentait Empédocle comme un médecin et la tradition a parfois vu en lui le fondateur de l'école sicilienne de médecine : selon Pline (DK A 3), l' école empirique aurait été fondée par Acron d’Agri gente, qui se recommandait de l'autorité d 'Empédocle . En la distinguant des

écoles de Cos, de Cnide et de Rhodes, Galien (ibid .) rapprochait dans l'école ita

lienne Philistion, Empédocle, Pausanias et leurs compagnons. Euvres. Aristote, dans son Sophiste perdu (fr.65 Rose3 = fr. 17 Gigon ), fai

sait d 'Empédocle l'inventeur de la rhétorique (D . L . VIII 57 ; voir aussi IX 25). Satyros le présentait comme un excellent orateur (VIII 58). Gorgias (3+ 6 27) aurait été son élève . Voir 56 H . Diels , « Gorgias und Empedokles» , SPAW 1884 ,

p . 343- 368 ; 57 G . B . Kerferd , « Gorgias and Empedocles » , SicGymn 38 , 1985 ,

p. 595-605. D 'autres témoignagesmoins crédibles lui donnent comme disciples Tisias, Gorgias et Polos (DK 31 A 19). 58 T . Buchheim , « Maler, Sprachbildner : Zur Verwandtschaft des Gorgias mit Empedokles » , Hermes 113, 1985 , p . 417

429.

Aristote percevait dans les vers d'Empédocle une imitation d'Homère (VIII 57), mais n 'appréciait pas tellement les qualités poétiques du philosophe. Dans la Poétique I, 1447 b 17 (DK 31 A 22 ), il semble réduire la poésie d'Empédocle à

l'emploi du mètre . Pour le reste, ce dernier était plus un physiologue qu'un poète . Voir dans le même sens les scholies à Denys le Thrace citées en DK 31 A

25 . Selon la Rhétorique III 5 , 1407 a 31 (DK 31 A 25), la forme poétique servait surtout à masquer l'ambiguïté des propos tenus par Empédocle , une ambiguïté comparable à celle des oracles. C 'est donc, selon lesMétéorologiques II 3, 357 a 24 (DK 31 A 25 ), un genre peu approprié à l'exposé scientifique des réalités de la nature . Plutarque (Quaest. conv. V 8 , 2, 683 e = DK B 148 ) exprime un

jugement beaucoup plus positif sur la poésie d 'Empédocle. 59 K . E . Stangaard , « Empedokles " physiologus” eller poet ? » , MT 40 -43, 1980 , p. 23- 38 (en

danois). Sur la figure du poète évoquée par Horace, Art poétique, v. 458 -467 (DK A 16 ), voir 60 S . Cerasuolo , « Empedocles frigidus» , Vichiana 8, 1979, p . 252 -279.

Dans son traité Sur les poètes (D .L . VIII 57 = fr. 70 Rose3 = fr. 17 Gigon), Aristote vantait pourtant les qualités poétiques du philosophe, telles qu' elles s'exprimaientnotammentdans un poème sur l'invasion de Xerxès et un Prooi mion à Apollon (VIII 57). 61 F . Solmsen, « Empedocles' Hymn to Apollo » ,

Phronesis 25, 1980 , p. 219-227, a cru retrouver dans le fr. B 134 (et peut-être

LE

EMPÉDOC

82

E

D 'AGRIGENT

E 19

déjà dans les fr. B 131-133) des extraits de cet hymne à Apollon (qui aurait été,

selon D . L . VIII 57, brûlé involontairement par la sæur - ou la fille (Hiéronymos, fr. 30 Wehrli] - d 'Empédocle).

Selon Solmsen , cette anecdote signifierait seulement qu 'à l'époque hellénistique ce poème n ' était plus conservé comme tel: il a pu être retrouvé plus tard , éventuellement sans titre parti culier. Le fragment B 134 proviendrait, selon Tzetzès, d ' un troisième livre du Plepi púoewS ,

dont ce serait l'unique attestation. Sur les « hymnes physiques» d'Empédocle, traitant de la « nature » d'Apollon ou de Zeus, voir DK A 23. Des vestiges du poème sur l'invasion de Xerxès pourraient se trouver dans

DK B 34, selon 62 D . Sider, « Empedocles' Persika» , AncPhil 2 , 1982, p . 76 -78 (qui s'oppose à la correction de Persika en Physika ),mais le fragment et son

contexte ne semblent guère favorables à cette interprétation . Aristote prêtait également à Empédocle des tragédies et des discours politi ques. Néanthe (FGrHist 84 F 27) qui avait lu sept tragédies y voyait des œuvres

de jeunesse. Héraclide (Lembos), fils de Sarapion (FHG III 169), attribuait ces tragédies, au nombre de 43 selon Hiéronymos (fr. 30 Wehrli), à un autre auteur.

La Souda (E 1001) connaît un Empédocle auteur de tragédies, petit-fils du philo sophe, qui pourrait faire l'affaire : 'Euntedoxins, OuyatpidoŨS toở Tpo tépov ,

Tpayıxóç. tpaywdíal aútoŨ xo'. Quant aux écrits politiques, ils expliquent qu'aux yeux d'Aristote Empédocle ait pu apparaître comme un fondateur de la rhétorique. Le traité Sur la nature (ſlepi púoews tõv outwv) comprenait apparemment deux livres. Seul Tzetzès rapporte un fragment (B 134) à un troisième livre. Sur l'authenticité d 'un tel titre chez des auteurs présocratiques, voir 63 E . Schmalz

riedt, Peri physeos. Zur Frühgeschichte der Buchtitel, München 1970, 142 p . L 'ouvrage était dédié à Pausanias, dont le nom apparaît dès le premier vers

(D . L. VIII 60 = B 1).

Le poème intitulé les Purifications (Kadapuoi), dont il reste aussi de nom breux fragments , aurait été récité par le rhapsode Cléomène à Olympie (D . L .

VIII 63 = Favorinus, Mémorables, fr. 49 Barigazzi, 18 Mensching ; voir aussi

Athénée XIV , 620 d , qui cite à ce propos l’Olympikos de Dicéarque [fr. 87 Wehrli]). Un séjour d 'Empédocle à Olympie , peut-être lié à un exil dans le Péloponnèse, est par ailleurs attesté en D . L . VIII 66 -67.

Il n 'est pas possible de regrouper ici toute la bibliographie récente consacrée

aux poèmes d 'Empédocle ou à tel ou tel de ses fragments. Signalons seulement quelques études de portée générale sur le “système” d'Empédocle . Contre l'interprétation « cyclique» traditionnelle despoèmes: 64 Uvo Hölscher, « Welt zeiten und Lebenszyklus. Eine Nachprüfung der Empedokles-Doxographie » ,

Hermes 93, 1965, p . 7 -33 ; 65 F . Solmsen , « Love and Strife in Empedocles' Cosmology », Phronesis 10 , 1965 , p . 109-148 ; 66 J. Mansfeld , « Ambiguity in

Empedocles B 17, 3-5. A suggestion » , Phronesis 17, 1972 , p. 17-39, repris dans Kleine Schriften, t. I, Hildesheim 1968, p. 274-313. En faveur de l'interprétation traditionnelle : 67 D . O 'Brien , Empedocles' cosmic cycle. A reconstruction from

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EMPÉDOCLE D 'AGRIGENTE

the fragments and secondary sources, coll. « Cambridge Classical Studies», Cambridge University Press 1969, IX - 460 p.; 68 Id., Pour interpréter Empé docle , « Collection d 'Études Anciennes » et « Philosophia Antiqua » 38, Paris/ Leiden 1981, X - 138 p. ( sur Bollack 7 et Van der Ben 8 ). Autres études récentes : 69 J.Ch. Lueth , Die Struktur des Wirklichen im Empedokleischen System Über

die Natur, coll. « Monographien zur philosophischen Forschung» 61, Meisen heim am Glan 1970 , VI- 176 p. ; 70 N . Van der Ben , « Empedocles' cycle and

fragment 17, 3-5 DK » , Hermes 112, 1984, p. 281-296 ; 71 G . Brown, « The cosmological theory of Empedocles» , Apeiron 18 , 1984, p. 97- 101; 72 K . Alt, « Einige Fragen zu den Katharmoi des Empedokles» , Hermes 115, 1987, p. 385 411 ; 116 , 1988, p. 264 -271; 73 D . W .Graham , « Symmetry in the Empedoclean cycle » , CQ 38 , 1988, p. 297-312 ; 74 J.-F. Balaudé, Le démon et la communauté des vivants. Étude de la tradition d 'interprétation des Catharmes d 'Empédocle. De Platon à Porphyre, Thèse Lille 1992 ; 75 D . O 'Brien , « Empedocles revisi ted » , AncPhil 15, 1995, p. 403-470 (sur Wright 11 et Inwood 12 ) ; 76 P . Kingsley, Ancient Philosophy, Mystery, and Magic. Empedocles and Pytha gorean Tradition , Oxford 1995 , X -442 p . (bibliographie : p . 403-416 ) ; compte

rendu par 77 D . O ' Brien , Isis 89, 1998 , p. 122 -124 ; 78 M . Van den Ben ,

« Empedocles' fragment 20 DK . Some suggestions » Mnemosyne 49, 1996 , p . 298 -320 ; 79 J.-F . Balaudé, « Parenté du vivant et végétarisme radical. Le “ défi" d 'Empédocle » , dans B . Cassin et J.-L . Labarrière (édit.), L 'animal dans l'Antiquité, Paris 1997, p. 31-53. L 'article de Van den Ben 78 a suscité les réactions de 80 M . Gigante , « Attendendo Empedocle : un 'insidia al recupero del testo autentico » , SIFC 3a ser. 15 , 1997 , p . 131- 134 , et de 81 D . Holwerda, « Zu Empedokles Fr. 20 D -K .» ,Mnemosyne Ser. 4, 50 , 1997, p. 320 -321. On a traditionnellement opposé nettement ces deux poèmes, le ſepi púbewS

étant considéré comme une explication « scientifique » de la nature, les Purifica tions comme un poème religieux consacré au destin du « démon » à travers ses réincarnations. On a tenté d'expliquer cette double inspiration par une évolution spirituelle d'Empédocle , même si aucun accord ne s'est fait sur ce qui constitue le pointde départ et le point d'arrivée de ce développement. Plus récemment, on a remis en cause cette opposition comme étant trop marquée par une opposition

jugée anachronique entre science et religion, et on en est venu à nier la distinc tion réelle entre les deux poèmes. Voir 82 Catherine Osborne, « Empedocles recycled », CQ 37 , 1987, p. 24 -50, suivie par Inwood 12 , p . 9, et la réfutation de cette thèse par O ' Brien 75, p. 431-441. Voir aussi 83 P. Kingsley, « Empedocles'

two poems» , Hermes 124 , 1996 , p . 108-111; 84 D . Obbink, « The adressees of Empedocles» ,MD 31, 1993, p. 51-98 . Les auteurs antiques citent des passages d 'Empédocle en les attribuant à l'un ou à l'autre titre (ou à des périphrases évoquant ces titres), mais aucun ne citerait les deux comme distincts. Seul Diogène atteste directement l'existence de deux poèmes distincts, mais son témoignage est jugé tardif. On tire également argument du fait que Simplicius, qui cite le fragment B 115 (que Plutarque, Hippolyte et Celse permettent de rattacher aux Purifications) à la suite de passages qu 'il emprunte au Tepi Púoewç, ne dit pas qu 'il a cette fois recours aux

Purifications. Tout en maintenant la distinction de deux poèmes, N . Van der Ben 70 rapportait

EMPÉDOCLE D 'AGRIGENTE

84

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B 115 au début du poème cosmique et rattachait à ce fragment d 'autres fragments traditionnel lement attribués aux Purifications. Martin et Primavesi 15 , p . 119), sans se prononcer sur la distinction ou l'identification des deux titres attestés, soulignent que les nouveaux fragments confirment l'unité du système d 'Empédocle et montrent que la démonologie n ' était pas absente du poème physique. Voir encore Primavesi 19 . En ce qui concerne l' opposition entre les recherches physiques et l'enseignement religieux,

une tradition ancienne rapportée au Physikos d ' Alcidamas l'expliquait par la double influence d ' Anaxagore et de Pythagore : Empédocle aurait imité la physiologia du premier, et la oeuvo

τητα του βίου και του σχήματος du second ( VIII 56).

Selon Diogène Laërce VIII 77 , ces deux ouvrages auraient compris (in distinctement ?) 5000 vers (nevtaxloxíaca ), alors qu ’un traité médical (’Iatpl

xóc Tóyos) aurait compris 600 “ vers” (Ěnn) ou plutôt lignes, car il était en prose selon la Souda . Selon ce même ouvrage (qui ne parle pas des Purifications), le traité Sur la nature comprenait deux livres et 2000 vers . 85 H . Diels, « Über die Gedichte des Empedokles» , SPAW 1898, p. 396 -415, grâce à une correction du texte de Diogène Laërce (Trávta tployixia ), attribue 2000 vers au poème Sur la nature et 1000 aux Purifications. On a également extrapolé à partir de ces données peu cohérentes (Diogène ne distingue pas entre les deux poèmes ; la Souda ne mentionne pas les Purifications) que chaque livre comprenait 1000

vers et donc que les cinq mille vers dont parle Diogène correspondaient à cinq livres , à répartir entre les deux ouvrages. Sur la fragilité de toutes ces déductions, voir O ' Brien 68 chap. II: « Sur le nombre de vers et la division en livres des deux poèmes d'Empédocle », p. 4 -13. De telles indications stichométriques apparaissent ici et là chez Diogène Laërce à propos de nombreux auteurs d ' époque ancienne : Thalès ( I 34 , qui forme doublet avec I 23), Solon ( I

61), Chilon (I 68 ), Pittacos (1 79), Bias (I 85), Cléobule (I 89), Périandre (1 97), Anacharsis (I

101), Épiménide (I 111) et Xénophane (IX 20). Il est possible qu' elles soient empruntées au traité de Lobon d 'Argos Sur les poètes (1 34 et I 112), de même que différents extraits poé tiques des Sages ou des auteurs présocratiques. Les chiffres ronds qui sont donnés (200 , 5000 , 200 , 600 , 2000, 3000, 2000 , 800 , 5000 ,6500, 4000 , 5000 , 600 , 2000) invitent à douter de leur authenticité .

Sur le caractère « oral» de cette poésie, voir 86 J.P. Hershbell,« Empedocles' oral style » , CJ63, 1968, p. 351- 357. Rares sont les fragments qui sont attribués expressément à un livre particulier.

La répartition des autres fragments entre ces deux poèmes et leur emplacement dans l'économie générale de chacun a fait l'objet de débats interminables. Toute reconstitution doit s'appuyer sur les fragments qui sont expressément attribués à

l'un ou l'autre des deux poèmes. Selon O 'Brien 75, p . 438-440, on peut attribuer au poème Sur la nature les développements suivants: - une dédicace à Pausanias (fr. 1, Diogène Laërce VIII60-61) ; - un exposé sur les premiers principes, présentant la naissance et la mort comme le résultat non d'une venue à l'être ou d'un anéantissement absolus,mais du mélange ou de la séparation d'éléments préexistants (fr. 8 , Aétius I 30, 1 : tiré du “ livre I" );

- de longs passages, en partie répétitifs, sur l' alternance de l'Un etdu Multiple, laquelle donne lieu à la production de créatures mortelles sous l'effet d'une unification progressive et d 'une séparation progressive (fr. fr. 17, Simplicius, in Phys. p . 157, 27 et 161, 14 - 15 : tiré du " livre I") ;

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EMPÉDOCLE D'AGRIGENTE

- une cosmogonie (fr. 53, Simplicius, in Phys. p. 330, 33-35 et 331, 10 -11);

- une zoogonie (fr. 62, Simplicius, in Phys.p.381,29 - 382, 3: tiré du “livre II”). Les fragments explicitement rapportés aux Purifications sont moins nom breux.

- Les deux premiers vers adressés aux amis d 'Agrigente sont conservés par Diogène Laërce VIII 54. - Des vers du fr. 115 sontcités par Plutarque (De exilio 17, 607 c- d , et De Iside et Osiride 26 , 361 c ) et Celse (apud Origène, Contra Celsum VIII 53) comme se rapportant à la " purifi cation ” . D 'après le contenu de ces vers , le poèmeracontait la chute du démon et ses pérégrina tions ultérieures " sur les sentiers pénibles de la vie" . Si cette dernière formule fait allusion aux réincarnations successives, il est légitime de rattacher aux Purifications plusieurs fragments

qui décrivent la hiérarchie des différentes formes de vie, depuis les plantes et les animaux jus qu'aux hommes et aux dieux (voir les fr. 127, 146 et 147). - Hippolyte (Ref. VII 30 , 3-4 ) reproche à l'hérésiarque Marcion d 'enseigner “ les purifica tions d 'Empédocle” en exigeantdes pratiques purificatoires relatives à l'alimentation et à la sexualité. On peut en conclure que les fragments qui dénonçaient les sacrifices animaux et la nourriture carnée en considération de la croyance en la réincarnation provenaient eux aussi de

ce contexte littéraire (fr. 136 - 137, tirés de Sextus, Adv. math . IX 127-129).

- On sait enfin par Théon de Smyrne (Expositio p. 104, 1 -3 Hiller) qui cite le fr. 153a que les Purifications comprenaient des développements embryologiques et, par Hérodien (voir Hunger 13, p . 5 et 26 ), qu 'elles faisaient une place à une description de certaines plantes.

D 'après Hérodien, ces développements se situeraient dans le deuxième livre des Purifications.

Une autre question fort débattue depuis une trentaine d'années estde savoir si

la cosmogénèse décrite par Empédocle est un processus cyclique infini d' alter nance entre l’Un et le Multiple. Des témoignages doxographiques autorisés

(Platon, Aristote et Simplicius) appuient clairement cette interprétation ,mais les vers, peu nombreux, qui évoquent un cycle cosmique (surtout B 17) ont été par fois reconstitués, traduits et commentés dans un sens différent (« Lebens zyklus » ). Diogène cite également une épigramme d 'Empédocle sur Pausanias, dont il

aurait été l'amant (VIII 61). Elle était probablement connue grâce à l'un des livres de l'ouvrage d'un certain Aristippe (cité au paragraphe précédent), Sur la sensualité des Anciens (voir ainsi les épigrammes attribuées par cet auteur à Platon en IV 29- 30). Son authenticité est douteuse. Dans l'Anth. Pal. VII 508 , elle est attribuée à Simonide.

Une autre épigramme (VIII 65) concerne un concitoyen nommé Acron , père du médecin homonyme (* A 14 ).Mais Diogène lui-même connaissait ces vers comme étant également attribués à Simonide. Alors que le médecin Acron d 'Agrigente demandait au Conseil l'autorisation d 'élever un monument à la

mémoire de son père qui avait été également médecin , Empédocle s'y serait opposé. Le distique et le contexte narratif ne sont pas en parfaite harmonie. Si, chez Diogène Laërce , les mots ratpos ” Axpov (« dont le père était Acron » ) évoquent le père de celui que l'on veut honorer, il faudrait en conclure que ce dernier était fils d 'Acron et père du médecin

Acron qui avait adressé la demande. On aurait donc trois Acron différents.Mais la Souda ( A 1026 ) présente le médecin sicilien (l'auteur de la requête , s 'il s'agit bien de la même per sonne ) qui exerça à Athènes comme fils de Xénôn et, s ' il faut en croire l' édition , ne voit pas

dans l'axpov final du premier vers un nom propre.

86

EMPÉDOCLE D 'AGRIGENTE

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Il est possible que la référence à Simonide (répétée par la Souda ) ait concerné plutôt l'épi gramme de VIII 62 sur Pausanias, effectivement attribuée à Simonide par l'Anthologie Pala tine (VII 508). Rappelons que Simonide estmort à Agrigente (Callimaque, fr. 71).

Spuria . Voir Classen 2,col. 247. Littérature antique sur Empédocle. D 'après la Souda (Z 77), Zénon d 'Élée

(DK 29 A 2 ) aurait écrit une 'Exńynous tūv 'EuntedoxMÉOUS (DK 31 A 5).Une lettre d' ÉpicureEm(fr. Arrighetti?) évoque un philosophe commentant à Téos ped104 756la Aligne de Démocrite et de Leucippe. Il pourrait o DK Anaxagore etet Empédocle dans s 'agit de Nausiphane (DK 756 A 7).PlConcernant aton, voit l'influence d'Empédocle sur les théories physiques du Timée de Platon, voir 87 J. P. Hershbell, « Empedo 45-)166 ; 88 D . O 'Brien , clean influences in the Timaeus » , Phoenix 28 , 1974 , p0.. 1145« L 'Empédocle de Platon » , REG 110 , 1997 , p . 381-398 ; 89 Id ., « Plato and

Empedocles on evil » , dans J.J. Cleary (édit.), Traditions of Platonism . Essays in honour of John Dillon, Aldershot 1999, p. 1-27. Pour Aristote : 90 G . Giannan

toni, « L 'interpretazione aristotelica di Empedocle» , Empedocle e la cultura della Sicilia antica 5, p . 361-411. La liste des æuvres de Théophraste transmise par Diogène Laërce cite en V 43 un lepì 'Eunedoxnéous a '. Hermarque de

Mitylène (= H 75), successeur d'Épicure à la tête du Jardin , écrivit un lepi 'Eunedoxéous (à corriger probablement en Ipòs 'Eunedoxnéa ), en vingt deux livres ( D . L . X 24). Voir 91 I. Gallo , « Ermarco e la polemica epicurea contro Empedocle » , dans P . Cosenza (édit.), Esistenza e destino nel pensiero

greco arcaico, coll« Pubbl. dell'Univ . di Salerno », Sez.Atti Conv.Miscell., IX ,

Napoli 1985, p . 33-50. Sur le problème du titre de ce traité, voir en dernier lieu 92 D . Obbink, « Hermarchus, Against Empedocles» , CQ 38 , 1988, p . 428-435. L ' épicurien Colotès de Lampsaque (2 -C 180), dans son traité intitulé Qu 'on ne sauraitmême pas vivre selon les doctrines des autres philosophes, s'attaquait à Empédocle , comme à la plupart des philosophes anciens.La critique épicurienne se maintient jusqu 'à Démétrius Lacon et Diogène d 'Oinoanda . Voir 93 C .

Gallavotti, « Empedocle nei papiri ercolanesi » , dans J. Bingen , G . Cambier et G .

Nachtergael ( édit.), Le monde grec. Pensée, littérature, histoire, documents. Hommages à Claire Préaux, coll. « Université libre de Bruxelles. Faculté de

Philosophie et Lettres» 62,Bruxelles 1975, p. 153- 161; 94 E . Puglia, « Demetrio Lacone e Empedocle » , dans Atti XVII Congresso internazionale di papirologia ,

Napoli 1984, p .437-446 ; 95 E. Puglia (édit.), Demetrio Lacone. Aporie testuali ed esegetiche in Epicuro (PHerc. 1012 ), ed. trad. et comm . a cura di E . P ., coll.

« La Scuola di Epicuro » 8, Napoli 1988 , 328 p. (précédé d'un recueil des témoignages sur Démétrius Lacon rassemblés par M . Gigante); 96 C . Gallavotti,

« La critica di Empedocle in Diogene di Enoanda », MCr 22, 1975- 1977, p . 243

249 ; 97 A . Casanova, « La critica di Diogene d'Enoanda alla metempsicosi empedoclea (NF 2 + fr. 34 Ch.) » , dans Studi Barigazzi = Sileno 10, 1984 , t. I, p . 119- 130 ; Sur Empédocle et Lucrèce, voir 98 D . Sedley , « The proems of

Empedocles and Lucretius» ,GRBS 30 , 1989, p . 269-296 . Cicéron, ad Q . fr. II 9 , 3, mentionne les Empedoclea d'un certain Sallustius, inconnu par ailleurs . Voir 99 P . Hamblenne, « Au Salluste inconnu » , RBPhH 59, 1981, p. 60 -70. D 'après la

87 EMPÉDOCLE D 'AGRIGENTE liste dressée par son frère Lamprias, Plutarque de Chéronée avait écrit un

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ouvrage intitulé Eis 'Eunedoxéa , qui comprenait dix livres (n° 43). Un frag

ment en est conservé (fr. 24 Sandbach ). 100 J.Hershbell, « Plutarch as a source for Empedocles re-examined » , AJPh 92 , 1971, p . 156 -184 ; 101 W . Burkert, « Plotin , Plutarch und die Interpretation von Heraklit und Empedokles» , dans J.

Mansfeld et C . M . de Rijk ( édit.), Kephalaion . Studies in Greek philosophy and its continuation offered to C . J. de Vogel, Assen 1975, p. 137-146 . Sur le témoignage doxographique d 'Hippolyte, voir 102 J. P .Hershbell, « Hippolytus' Elenchos as a source for Empedocles re -examined » , Phronesis 18, 1973, p . 97

114 et 187 -203 ; 103 J. Mansfeld , Heresiography in context. Hippolytus' Elen

chos as a source for Greek philosophy, coll. « Philosophia antiqua» 56 , Leiden 1992 , XVIII-391 p ., notamment p . 208 -230 et 245 - 262. Sur Empédocle et l’Ora cle d 'Apollon sur Plotin (Porphyre, Vita Plotini 22), voir 104 M . J. Edwards, « A late use of Empedocles: The Oracle on Plotinus » ,Mnemosyne 43, 1990 , p . 151- 155, et les réserves de 105 R . Goulet, « Sur quelques interprétations récentes de l'Oracle d 'Apollon » , dans l'ouvrage collectif, Porphyre, La Vie de Plotin , t. II, Paris 1992, p . 603-617, notamment p . 608 -609. Sur l'interprétation

d 'Empédocle (et de Parménide) chez Porphyre et chez Al-Sahrastāni, voir 106 S . Kohlschitter, « Parmenides and Empedocles in Porphyry' s History of

philosophy » , Hermathena 110, 1991, p . 43-53. De façon générale sur la tradition arabe relative à Empédocle, voir 107 F . Altheim et R . Stiehl, Porphyrius und Empedokles, Tübingen 1954, 74 p . ; 108 C . Baffioni, « Una storia della filosofia greca nell' Islam del XII secolo , II : Anassagora ed Empedocle » , Elenchos 3 , 1982 , p. 87 - 107. Voir aussi: 109 Ead., Sulle tracce di sofia . Tre “ divini” nella

Grecia classica, Napoli 1990 ,571 p. Voir aussi Kingsley 76 , p . 371-391 (« From Empedocles to the Sufis: “ The Pythagorean Leaven ” » ). Survie . Il semble que les poèmes d 'Empédocle aientcirculé jusqu'à la fin de l'Antiquité , peut-être même jusqu 'au début du XIIIe siècle , s'il faut en croire un témoignage de Michel Italicus. Voir 110 C . Horna, « Empedocleum » , WS 48,

1930 , p. 3 -11; 111 J.Mansfeld , « A lost manuscript of Empedokles ' Kathar moi», Mnemosyne 47, 1994, p. 79-82 (sur un manuscrit signalé par G . Aurispa en 1424 ).

112 S . Bercovitsh , « Empedocles in the English Renaissance » , SPh 65, 1968, p . 67-80 . Sur Empédocle et Hölderlin , voir 113 W . Kranz, Empedokles. Antike Gestalt

und romantische Neuschöpfung, coll. « Erasmus Bibliothek » , Zürich 1949, 392 p .; 114 U . Hoelscher, Empedokles und Hölderlin , Frankfurt am Main 1965,

65 p .; 115 I. Hochmuth , « Empedokles in Hölderlins Trauespiel », Altertum 17 , 1971, p . 43-58. Traduction française du poème: 116 Empédocle sur l'Etna. tler.. établi... rançaidsa'Empédocle a vec D.E. Sat(1799) rad . deen lafmort établi. par par DDanièle Texte de la troisième version Huillet et Jean-Marie Straub, en collab, avec D . E . Sattler... ; texte découpé par Jean -Marie Straub ... et trad . en français par Danièle Huillet; postf. de Louis

Seguin , Toulouse 1990,65 p. 117 R. Furness, « Nietzsche and Empedocles», JBSP 2, 1971, p. 91-94.

88

EMPÉDOCLE D 'AGRIGENTE

E 19

Empédocle a également inspiré des poètes comme Matthew Arnold ( 1822 1889), qui a publié en 1852 Empedocles on Etna : A dramatic poem . Voir 118 K . Allot (édit.), Poems of Matthew Arnold , London 1965. Traduction française :

119 Empédocle sur l'Etna (Empedocles on Etna). Étude critique et traduction par Louis Bonnerot, « Collection bilingue des classiques étrangers» , Paris 1947 , 166 p. 120 B . Brecht, Der Schuh des Empedokles, dans Gedichte 1934 - 1941,

Frankfurt- am -Main 1961, p . 47-50 = La sandale d ' Empédocle, édité et traduit

par M .Régnaut, dans B. Brecht, Poèmes, t. IV , Paris 1966, p. 44-47. 121 Romain Rolland, Empédocle d 'Agrigente et l'âge de la haine, Paris 1918 ,

48 p . ; 122 Raymond Guérin , Empédocle. Mythe, Paris 1950. RICHARD GOULET.

20 EMPÉDOS RE 2 Auteur d'Apomnèmoneumata, cité par Athénée, Deipnosophistes IX , 370 c . Selon lui, Zénon de Kition jurait « par la câpre» (xánnapus), imitant Socrate qui jurait « par le chien ». Le renseignement et la comparaison avec Socrate apparais sent également, de façon anonyme (paoi), chez Diogène Laërce VII 32, à la fin de la biographie de Zénon (voir aussi Souda, s.v. várnapic ). " Euntedos est, dans le texte d'Athénée, une correction, due à C .Müller, pour futodoc. Susemihl, GGLA II, p . 399 n . 314 , mentionne ce personnage dans une liste d 'historiens de date inconnue. Selon F . Jacoby, art. « Empedos » 2 , RE V 2 , 1905, col. 2512, il s 'agirait plutôt d 'un

philosophe stoïcien . RICHARD GOULET.

21 EMPÉDOS DE SYBARIS

Pythagoricien ancien dont le nom figure dans le catalogue de Jamblique, V . pyth. 36 , 267, p . 145, 1 Deubner. BRUNO CENTRONE.

22 EMPÉDOTIME DE SYRACUSE RESuppl. IV

Figure littéraire d'un dialogue d'Héraclide le Pontique (** H 60). Cf. 1 W . Kroll, art. « Empedotimos» , RESuppl. IV , 1924, col. 269; 2 R . Daebritz, art. « Herakleides » 45, RE VIII, 1913, col. 476 -477 ; 3 E . Rohde, Seelencult und Unsterblichkeitsglaube der Griechen , Tübingen 19259-10, t. II,

p. 94 n . 1 (= E . Rohde, Psyché. Le culte de l'âme chez les Grecs et leur croyance à l'immortalité , trad. A . Reymond , Paris 1928, p . 340 n. 1) ; 4 F . Wehrli, Hera

kleides Pontikos, coll. « Die Schule des Aristoteles» 7 , Basel/Stuttgart 19692, fr. 90 -96 (commentaire, p . 90 -93) ; Wehrli ne retient pas toutes les références à Empédotime (cf. par ex. Anthologie Palatine VIII 29 (Grégoire de Nazianze ),

Grégoire de Nazianze, Orationes IV 591) ; 5 H . B . Gottschalk , Heraclides of Pontus, Oxford 1980, p . 98- 105, 149- 154 (textes ajoutés à ceux édités par

Wehrli 4 ); 6 W . Burkert, Lore and science , p . 366 -368.

E 23

ENDIOS DE SYBARIS

89 (Quelques témoignages, empruntés à Michel Psellus, l'Empereur Julien , Grégoire de Nazianze et une scholie sur les vers de Grégoire attribuée à Cosmas de Jérusalem dit le Mélode, ont été signalés par 7 J . Whittaker, « Varia Posidoniana » , EMC 40, n .s. 16 , 1997, p. 305 -315 , en particulier p. 305 -309. R . G .)

On a fait l'hypothèse que le nom d'Empédotime aurait été forgé par Héraclide le Pontique sur ceux d'Empédocle et du « chaman » Hermotime de Clazomènes

(Wehrli 4, p. 91 ; cf.Gottschalk 5, p. 111 n . 79). On apprend par la Souda (s.v. 'Euntedótluoc, t. I, 2, p. 259, 16 -20 Adler et

s.v. 'lovilavós (l'Empereur Julien ), t. I, 2, p. 643, 4-7 Adler ) qu 'Empédotime

avait écrit un ouvrage Sur la physique (Ilepi puolxnç åxpoácewC) et que l'Em pereur Julien avait témoigné dans ses Saturnales (tà Kpovla = fr. 161 Bidez) de sa foi en Empédotime et en Pythagore et aussi en ce qu 'en ont dit Héraclide le

Pontique et Jamblique de Chalcis. D 'après les témoignages que nous possédons sur Empédotime, l'enseignement de celui-ci relève effectivement de la « psycho

logie » , c'est-à-dire de la physique, mais l'auteur de la Souda , ou plutôt sa

source, a tort de considérer ce « philosophe» comme un personnage historique (même attitude chez Grégoire de Nazianze, Orationes IV 59). (Sur le témoignage de Julien, voir J. Bouffartigue, L 'Empereur Julien et la culture de son temps, « Collection des Études Augustiniennes - Série Antiquité » 133, Paris 1992, p . 111 112. R . G .)

Les sources antiques rapportent une vision qu'aurait eue Empédotime lors

d 'une chasse , au cours de laquelle Pluton et Perséphone lui seraient apparus; illuminé par la lumière qui entourait les dieux, il aurait vu « dans une vision directe toute la vérité sur les âmes» (Proclus, In Remp. II, p. 119, 20-27 Kroll). Il aurait décrit les trois portes et les trois voies qui mènent au ciel (Varron ap. Servius, In Verg. Georgica I 34 ) et présenté la voie lactée comme le chemin qui

mène les âmes dans « l'Hadès céleste» (Damascius ap. Jean Philopon , In

Meteor., p. 117, 8-27 Hayduck ). Il est vraisemblable qu'Empédotimeprésentait sous forme de vision une doctrine chère à Héraclide le Pontique, peut-être dans le dialogue intitulé lepi quxñs (autres hypothèses dans Wehrli 4, p. 90 -91). On trouvera une interprétation des révélations d' Empédotime dans Gottschalk 5 ,

p . 98- 105. Pour une brève présentation de la psychologie et de la théologie d 'Hé raclide le Pontique, cf. 8 H . -J. Krämer, « Die Ältere Akademie » $ 5 : Herakleides

Pontikos, GGP, Antike 3, 1983, p . 91-92.

Notons enfin que ce sont principalement des néoplatoniciens qui ont repris l'anecdote de la vision d'Empédotime (Jamblique, Julien, Proclus, Damascius [Olympiodore , fr. 95 Wehrli = Damascius), Philopon ). JEAN -PIERRE SCHNEIDER .

23 ENDIOS DE SYBARIS Pythagoricien ancien dont le nom figure dans le catalogue de Jamblique, V. pyth . 36 , 267, p. 145, 2 Deubner. BRUNO CENTRONE.

ÉNÉE → AINÉAS

DÈME

ÉNÉSI

90

24 ÉNÉSIDÈME

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ja ?

Fondateur du néo -pyrrhonisme.

Biographie. La biographie d'Énésidème pose de nombreux problèmes. On trouvera un résumédes propositions de datation (entre 80 av. J.-C . et 130 apr.) dans 1 Ch. L . Stough , Greek scepticism , A Study in epistemology, Berkeley/Los Angeles 1969, p . 8 - 9 , et 2 J. Glucker, Antiochus and the Late Academy, Göttin gen 1978, p . 116 - 119. Une étape importante de la discussion est constituée par

3 H . von Arnim , Quellenstudien zu Philo von Alexandria, coll. « Philologische Untersuchungen » 11, Berlin 1888, sect. II : Philo und Aenesidem , p . 53- 100 , en

particulier p. 73. On admet généralement aujourd 'hui l'hypothèse de 4 V . Brochard , Les Sceptiques grecs, Paris 1884, p . 244 -245, qui fait d 'Énésidème un contemporain de Cicéron. L 'argument principalpour cette datation s'appuie sur

un passage de Photius, Bibl. cod. 212, qui expose les critiques d'Énésidème contre l'Académie, en particulier celle de son temps, laquelle n 'est selon lui sceptique que de nom et ne diffère pas en pratique du stoïcisme. Ces critiques ne peuvent viser Antiochus d 'Ascalon ( > A 200 ) , puisque la remarque que ces aca démiciens contemporains, tout en dogmatisant sur beaucoup de points, rejettent

le critère stoïcien de la représentation compréhensive ne peut précisément pas s 'appliquer à celui que Cicéron appelle germanissimus stoicus (II Acad . VI 18 ). Il doit plutôt s 'agir de Philon de Larissa. Énésidème aurait écrit ses Livres Pyrrhoniens tandis que la position de Philon était encore officiellement celle de l'école tout entière , donc avant le départ de ce dernier pour Rome (Glucker 2 , p . 117) .

De nouveaux éléments sont apparus dans la discussion , à partir des tentatives

faites pour localiser l' activité philosophique d’Énésidème. Sur son lieu d'origine en effet, les témoignages divergent. Énésidème est généralement dit Kvúolos « de Cnossos» , d'après le témoignage de Diogène Laërce dans la Vie de Timon

(IX 115 -116 ),mais notre source principale sur la vie d 'Énésidème, la notice de Photius, Bibl. cod. 212 , 169b 19, indique : • Aivnoíonuos ó éĘ Aly @ v , « Énési

dème d 'Aeges» , tandis qu' Aristoclès (témoignage transmis par Eusébe, P. É . XIV 18, 22) fait allusion à une renaissance récente de l'enseignement sceptique due à un certain Énésidème à Alexandrie d'Égypte : éxoès xai apánv. 5 F . Decleva Caizzi, « Aenesidemus and the Academy » , CQ 42 , 1992, p . 176 - 189 , propose une solution à cette difficulté en distinguant un lieu d 'origine, Cnossos,

un lieu associé à la renommée du philosophe, Alexandrie , et un « lieu inter médiaire » , Aeges, « où Énésidème se trouvait à un certain moment de sa vie » , mais, comme le remarque 6 J. Mansfeld , « Aenesidemus and the Academics» , dans L . Ayres ( édit.), The Passionate Intellect, Essays on the transformation of Classical Traditions, coll. « Rutgers University Studies in Classical Humani ties » , New Brunswick /London 1995, p . 235 -248 , si le Kvóolog de D . L . peut désigner soit le lieu de naissance, soit une cité dont Énésidème fut citoyen , soit le lieu où il fut enterré, le ¿E Alyõv de Photius fait sans ambiguité référence au

lieu de naissance (p . 239).

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ÉNÉSIDÈME

L' allusion à Alexandrie a pu être utilisée pour la datation basse du philosophe à partir de la formule éxoès xai tpónv. En particulier, 7 N . Macoll, The Greek

Sceptics, London /Cambridge 1869, p . 68-69, a proposé la date extrême de 130 apr. J.- C . Mais d'une part l'expression peut toujours être comprise d 'une manière assez lâche, d 'autre part la datation d 'Aristoclès ( > A 369) a été récem ment remontée du lie au jer siècle de notre ère, sur la base d 'une nouvelle lecture de manuscrits faisant d 'Aristote de Mytilène (mA 413 ) et non d'Aristoclès le péripatéticien du IIe siècle qui fut le maître d' Alexandre d' Aphrodise (> A 112]

(8 P .Moraux , « Aristoteles , der Lehrer des Al. v. Aphr.» , AGPh 49 1967, p. 169 182). La difficulté demeure toutefois puisque les partisans de cette nouvelle

datation d ' Aristoclès (ainsi 9 S. Follet, DPA t. I, p . 382) s'appuient sur 10 P. Moraux , Aristotelismus, t. II , p . 83-92, qui utilise pour faire remonter la date d 'Aristoclès précisément le éxoès xai npónu qui est rapporté à Énésidème. On

pourra s'en tenir prudemment aux conclusions de 11 H .B . Gottschalk , « Aristo telian philosophy in the Roman world from the time of Cicero to the end of the second century A . D . » , ANRW II 36 , 2 , 1987, p. 1161-1162 : « Tout ce que nous pouvons dire est qu' < Aristoclès > a probablement vécu au premier ou second siècle de notre ère. »

La question de la localisation d 'Aeges n 'est pas non plus sans importance pour la datation de l'æuvre d 'Énésidème. Par ailleurs, elle recoupe l'interpréta

tion du lien entre Énésidème et le destinataire de ses huit Livres Pyrrhoniens, Lucius Tubero (Photius, Bibl. cod. 212, 169 b 32 -33), seule indication biogra phique qui puisse faire allusion à l'appartenance d 'Énésidème à l'Académie . Photius dit en effet qu’Énésidème aurait dédié ses livres « à un ouvaipEOLÁTNS, membre de l' Académie , Lucius Tubero , d 'origine romaine, d 'une famille illustre

et ambitionnant des charges politiques non négligeables » ( 169 b 30 -35). Trois questions se posent à propos de ce passage de Photius: (a ) qui est Lucius Tube ro ? (b ) quel rapport peut-on voir entre le lien d 'Énésidème avec Tubéron et la

mention de la cité d 'Aeges en 170 a 41 ? (c ) comment doit-on comprendre le

συναιρεσιώτης ? On admet avec E . Klebs, l'auteur de la majeure partie des notices de la RE sur

les “ Tubero ”, qu'il s'agit de L . Aelius Tubero , que Cicéron cite comme un ami dans le Pro Ligario et qui fut légat du proconsul d 'Asie , Quintus Cicéron (2 + C 125 ). Selon Decleva Caizzi 5 , p . 180 , Énésidème et Lucius Tubero se seraient

rencontrés dans l'Aeges d ’Éolide (Aeolis) qui appartenait justement au territoire de la province d 'Asie , précisément pendant le proconsulat de Quintus, donc de 63 à 58 av. J.- C . 12 F . Decleva Caizzi, « Per un 'edizione delle testimonianze

sullo scettico Enesidemo » , Annuario del Ginnasio Liceo “ A . Volta " di Como,

, 1990 -1992 (1992), p. 183-200 , confirme sa localisation par le rapproche mentavec un témoignage épigraphique de la région de Kymè en Éolide (IGR IV 1740 ), dans lequel un philosophe “pyrrhoniaste” du nom de Ménéclès (selon la reconstitution de Kaibel, Epigrammata Graeca, nº 2416 , p. 522, confirmée par

D . Baltazzi, BCH 12, 1888, nº 017 , p . 368 ) se vante d 'avoir réalisé l' idéal pyr rhonien de l'ataraxie (åtápayov odov ). Pour C . Lévy (dans une étude à paraître

92

ÉNÉSI

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DÈME dans REG ), il s'agirait plutôt de l'Aeges de Cilicie où le jeune L . Tubero serait venu visiter Énésidème une dizaine d'années avant la date proposée par Decleva

Caizzi. Il appuie son choix de l'Aeges de Cilicie sur un témoignage de Philo

strate , Vie d 'Apollonios 1 7, 1, quimontre qu'au jer siècle apr. J.-C . Apollonios de Tyane (* A 284 ) pouvait « philosopher» avec « des platoniciens, des chrysip

péens, des péripatéticiens» . Comment comprendre que Cicéron ne mentionne pas cette ville, alors qu'il fut proconsul de Cilicie en 51-50, si déjà une vingtaine d 'années auparavant elle avait pu voir la rencontre d'Énésidème et de Tubero ? On pourrait enfin songer à une localisation plus simple d 'Aeges, dont, dit Pho tius, Énésidème est « originaire » ; il existait un lieu de ce nom en Crète ,même s'il s 'agit d 'un Aegeum antrum (cf. Hésiode, Théogonie 481 sq .) et un lieu trop

éloigné de Cnossos (Inscriptiones Creticae I 1). Le silence de Cicéron sur Énésidème a par ailleurs donné lieu à plusieurs ten

tatives d ' explication . 13 E . Zeller, Die Philosophie der Griechen in ihrer geschichtlichen Entwicklung dargestellt, II 2 , Leipzig 1881, p . 15, proposait déjà

d'identifier le Tubero auquel Énésidème avait dédié sesæuvres avec un membre de la famille autre que l'amide Cicéron, parce que Cicéron ne semble pas être informé de l'existence d 'Énésidème (Cf. Glucker 2 , p . 116 n . 44 ). Dans l'hypo thèse de F . Decleva Caizzi qui retient l' identification traditionnelle avec l'amide

Cicéron, le silence de ce dernier est plausible dans la mesure où Énésidème n 'a pas appartenu à l'Académie . Enfin, une autre hypothèse a été présentée par 14 G .

Reale, Storia della filosofia antica IV ,Milano 1978, p. 152. Le silence de Cicé ron permettrait de dater la renaissance du pyrrhonisme: l’æuvre d ’Énésidème fut écrite probablement dans les années suivant immédiatement la mort de Cicéron , juste après 439. Comme l'a montré C . Lévy , il n 'est nullement nécessaire que

Cicéron ait cité dans ses œuvres les auteurs qu 'il a pu connaître , comme en témoigne le cas de Lucrèce. Énésidème fut-il compagnon de Tubero à l'Académie ? On considère tradi tionnellement avec Brochard qu ’Énésidème avait fait un passage à l' Académie,

sur la base du témoignage de Photius. Mais F . Decleva Caizzi propose de lire autrement ouvalpeolárns : le termene signifierait pas compagnon d 'Énésidème à l'Académie , mais « membre de l' Académie » , en dépit du préfixe contenu dans

le terme. On pourrait aussi envisager que Tubero issu de l'Académie ( TÕV ŠE 'Axaðnuíaç tivi) ait épousé, au moment où Énésidème lui dédia son æuvre, la même aipeolç qu'Énésidème, à savoir non pas la doctrine de l'Académie (voir 15 H . Tarrant, Scepticism or Platonism ? Cambridge 1985, p .60 ),mais le néo pyrrhonisme (voir sur ce pointMansfeld 6 , p. 241- 245 ). Les critiques adressées à l' Académie (Photius, Bibl. cod. 212, 170 a - b ) correspondent bien à l'attitude de quelqu 'un qui déserte l'Académie pour le pyrrhonisme et se justifie en montrant que l'Académie a elle -même trahi son scepticisme et qu'elle se confond avec le

stoïcisme (Glucker 2 , p . 118).

Les écrits d 'Énésidème. Les témoignages font état de quelques titres: - Muppáveloc Noyou (Sextus, A. M . VIII 215 ; D .L. IX 106 et 116 ) que Pho tius appelle Huppwviwv Noyou (Discours pyrrhoniens ou des Pyrrhoniens).

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ÉNÉSIDÈME

- Karà oopías, Contre la science (D .L . IX 106).

- Nepi Intńcewç, Sur la recherche ( D. L . IX 106 ). - Eis tà Iuppúvela ÚTOTÚTIWOLÇ, Esquisse du pyrrhonisme (D. L . IX 78 et Aristoclès dans Eusèbe, P . É. XIV 18 , 11). - EtoixeiGOELÇ, Introduction élémentaire (Aristoclès, ibid. 16 ). - Ipørn eloaywyń , Première Introduction (Sextus, A . M . X 216 ).

Les trois derniers peuvent n 'être que des parties d 'autres ouvrages. Des trois qui sont certainement d 'Énésidème (Brochard 4 , p . 247), deux ne sont plus pour nous que des titres. Seuls les huit livres des Discours Pyrrhoniens sont analysés

par Photius. Le premier livre est consacré à la différence entre les académiciens et les pyrrhoniens qui, eux, n' affirment rien , pas même qu 'ils n 'affirment rien , et à l' attaque contre les académiciens accusés de collusion avec les stoïciens ( voir l'analyse du passage 160b 35 - 170 a 38 par Decleva Caizzi 12 p. 196 -200) . Le second livre traiterait des principes, des causes, du mouvement, de la génération

et de la corruption , le troisième de la sensation et de la pensée. Le quatrième démontre qu 'il n 'y a point de signes et indique les difficultés relatives à la nature, au monde, à l'existence des dieux. Le cinquième expose les huit tropes

dits parfois aitiologiques ( contre les causes). Le sixième traite du bien et du mal, le septième combat la théorie des vertus et le huitième veut prouver que ni le bonheur, ni le plaisir, ni la sagesse ne sont le souverain bien .

Les témoignages. Les cuvres de Sextus Empiricus constituent la source principale pour la connaissance d 'Énésidème. Non seulement son nom y est cité une dizaine de fois (selon l' index de l'édition Janáček ), mais il est également

tenu pour l'auteur de nombreux arguments sceptiques de Sextus. 16 F . Decleva Caizzi, « Sesto e gli Scettici» , Elenchos 13, 1992 , p . 279 -327 , considère qu 'en particulier l'expression « les sceptiques plus anciens » se réfère principalement à

lui (p . 301). 17 K . Janáček, « Ainesidemos und Sextos Empeirikos» , Eirene 17, 1980 , p . 5- 16 , analyse les sources qui ont été considérées en particulier par von

Arnim comme des témoignages sur Énésidème. Il analyse essentiellement Clé ment d'Alexandrie (Stromates III 93 , 19 – 94, 4 Stählin ), Diogène Laërce IX 95 , et

Sextus. Selon lui, il y a une source plus ancienne que Sextus dans Clément d' Alexandrie , Diogène Laërce étant considéré comme indépendant de Sextus.

L 'essentiel de la démonstration sur Énésidème concerne l'expression désignant la vérité dogmatique ń Év TOTS oủol aandela . Cette expression énésidémienne,

mais également plus ancienne, revient régulièrement chez Sextus. Dans un article précédent ( 18 « Zur Interpretation des Photios Abschnittes über Ainesi demos» , Eirene 14 , 1976 , p . 93 - 100) consacré à Photius (Bibl. cod. 212), Janáček a rejeté les témoignages de Philon et d' Aristoclès sur Énésidème et considéré que Diogène Laërce conserve des fragments et une terminologie plus

anciens que Sextus,bien que Sextus lui-même soit plus ancien (p . 93-94 ).

On peut dire avec Brochard 4, p . 249, que « c'est en ne prenant que ce qui est devenu le bien commun des sceptiques que Sextus suit Énésidème partout où il

ne le cite pas » . Voir Decleva Caizzi 12 .

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ÉNÉSIDÈME

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Trois passages importants de l'Adversus Mathematicos de Sextus sont attri bués nommément à Énésidème, conformément au résumé de Photius, mais la difficulté est de savoir où s'arrêtent les arguments empruntés à Énésidème et où

recommencent les propos de Sextus. On distingue (1) un passage sur les causes: A. M . IX 218 sqq., (2) un sur la vérité : A. M . VIII 40 sqq., et (3) un sur les signes : A . M . VIII 215 sqq .

Les dix tropes. Énésidème est l'auteur des dix tropes de la suspension du

jugement (Aristoclés dans Eusèbe, P . É. XIV 18 , 11; Sextus, A. M . VII 345 ; D . L . IX 78, 87), dans la mesure où , partant d'un matériau , d'exemples et de l'expression même de tropes, traditionnels chez les sceptiques, il est le premier à les ordonner et à les énumérer avec une certaineméthode. Dans l' exposé des dix

tropes de ses Hypotyposes Pyrrhoniennes, Sextus ne semble pas toutefois suivre fidèlement Énésidème. Si tel était le cas, comme le remarque Brochard 4 , p. 250

n . 7, la question si difficile de la date de ce philosophe serait décidée , par l'exemple de Tibère (H . P . I 84). Il existe essentiellement deux versions des dix tropes, celle très détaillée de Sextus et celle plus restreinte de Diogène Laërce, qui suit un ordre légèrement différent, et quelques témoignages divergents (Aristoclès n 'attribue à Énésidème que neuf tropes, Favorinus dans D .L . IX 87 modifie la place des deux derniers tropes de Diogène et Philon d' Alexandrie n 'en cite que huit). 19 J. Annas et J.

Barnes, The modes of scepticism , Cambridge 1985, analysent chaque trope dans l'ordre de Sextus en citant les textes parallèles. Par le terme de tropes (τρόποι ou encore τόποι et λόγοι, cf. Η. Ρ . Ι 36, termes parfois traduits par celui de modes), les sceptiques désignaient les diver

ses « manières ou raisons» par lesquelles on arrive à la nécessité de suspendre son jugement (Brochard) ou les « types de considération » pour douter de la pos

sibilité du savoir (20 A . A . Long, Hellenistic Philosophy, London 1986 , p . 82). Sur les rapports entre relativisme et scepticisme, voir Annas et Barnes 19, p. 98, et 21 G . Striker , “ The ten tropes of Aenesidemus” , dans M . Burnyeat (édit.), The

Skeptical tradition , coll. “Major thinkers Ser.", Berkeley 1983, p . 95- 115 . Dans l'ordre de Sextus et en adoptant la terminologie devenue classique de Brochard, les tropes sont ainsi classés : (1) la diversité des animaux, (2) les diffé rences entre les hommes, ( 3) la diversité des sens, (4 ) les circonstances, (5 ) les situations, les distances et les lieux, (6 ) les mélanges, ( 7) les qualités ou compo sitions, (8) la relation , (9) la fréquence et la rareté , (10 ) les coutumes, les lois, les opinions. Sextus simplifie lui-même la liste en concluant que tous les tropes se ramènent à un seul, celui de la relation (H . P . I 39). L 'ordre adopté par Diogène peut paraître plus satisfaisant (Brochard 4, p. 260 , et 22 F . Cossutta, Le scepticisme, coll. “ Que-sais-je ?" , Paris 1994, p. 79 -81, qui propose une nouvelle terminologie ). Le dixième trope d' Énésidème devient le cinquième; il s'agit en effet de divergences d'opinion tenant à la nature ou aux dispositions du sujet. Le septième devient le huitième; les sixième, septième, huitième et neuvième tropes se rapportent à l'objet considéré en lui-même, abstraction faite de tout rapport soit entre le sujet et l'objet, soit entre les divers

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objets. Le dixième enfin (la relation), le plus important de tous, désigne les rap ports des objets entre eux .

L 'argumentation sceptique. Les tropes de la suspension du jugement, s'ils permettent de faire d 'Énésidème le rénovateur du scepticisme, ne sont pourtant pas l'unique argumentation du sceptique qui nous soit parvenue. Les trois lam beaux de doctrine transmis par Sextus sur la vérité, sur les causes et sur les

signes constituent les points fondamentaux de l'argumentation sceptique dirigée contre l'adversaire stoïcien . Le premier argument (A . M . VIII 40 -48) démontre

qu'il ne peut y avoir de vérité. Le second (A . M . IX 218 -227) expose les huit tropes destinés à réfuter ceux qui croient à l'existence des causes. Le troisième attaque la démonstration en montrant qu 'il n 'y a pas de signes visibles révélant

les choses invisibles (cf. Photius 170 b 12). Aucun texte précis ne permet d ' attri

buer à Énésidème la distinction développée par Sextus entre signes commémo ratifs et signes indicatifs. La théorie morale soulève deux difficultés. D ' une part les témoignages per

mettent de retrouver à propos d'Énésidème la mêmecontradiction à laquelle sont confrontés les interprètes de Pyrrhon . D 'après le résumé de Photius, les derniers livres des Discours Pyrrhoniens d'Énésidème étaient consacrés à réfuter la théorie morale des stoïciens et rejetaient toute définition du souverain bien .Mais

chez Diogène Laërce (IX 107) et Aristoclès (Eusèbe, P . É . XIV 18 , 4), Énési dème est associé à Timon pour l'opinion que l'ataraxie est le bien que seul le scepticisme peut assurer et qu 'elle résulte de la suspension du jugement. D 'autre part, la fin du passage d' Aristoclès est tellement problématique que le texte a pu être récusé. Pour les partisans de la suspension du jugement, explique en effet

Aristoclès , « il s 'ensuivra selon Timon d 'abord l'aphasie, ensuite l' ataraxie , et selon Enésidème le plaisir » .

L 'héraclitisme d 'Énésidème. Ce problème est généralementmis en évidence et traité à partir d'un passage de Sextus qui présente la position d 'Énésidème et

la récuse à l'intérieur de la section consacrée aux rapprochements avec les philo sophies voisines (23 K . Janáček , « AINAPAKEIMENAI (scil. TỈ EKEYEI) OIAO LOQIAI. Bemerkungen zu Sextus Empiricus P . H . I 210-241 » , Philologus 121, 1977 , p . 90 -94).

Il s'agit de H . P . I 210-212 intitulé « Que la manière sceptique de procéder diffère de la philosophie héraclitéenne » , plus particulièrement de la formule de 210 : « Énésidème et ses partisans (oi tepi töv Aivnoidnuov) ont dit que “ la

manière sceptique de procéder est un chemin vers la philosophie héraclitéenne” , en vertu du fait que “ le même possède une apparence contradictoire " précède " le même possède une réalité contradictoire ” (...)» .

On ne voit pas comment expliquer cette métamorphose de « l'héritier de Pyrrhon » en « disciple d 'Héraclite » (Brochard 4 , p . 272). La difficulté de la question s'accroît si l' on tient compte d 'un certain nombre d 'autres passages de

Sextus considérés comme des passages « dogmatiques » d'Énésidème, et généra lement introduits par l' énigmatique formule « Énésidème» : A. M . VII 348-350 (sur la raison et les sens), A.M . VIII 8 (sur la vérité), A. M . IX 337 (sur la partie

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et le tout), et trois passages parallèles sur le temps: A . M . X 215-218 , A. M . X 230 -233 et H . P . III 138. Certaines de ces doxographies trouvent des parallèles dans Tertullien , De Anima 5 , 2 ; 9, 5 ; 14 , 5 ; 17, 2 ; 25, 5.

Trois tendances ont coexisté dès les premières publications consacrées à la question à la fin du XIXe siècle . Une première, que l'on pourrait qualifier d 'histo

rique, consiste à se débarrasser du mystère que constitue l'héraclitisme d ’Énési dème en l'imputant à une erreur, qu'elle soit due à Sextus (24 H . Diels, Doxo graphiGraeci, Berlin 1879 , p. 209 -210 ) ou à l'existence d'une source intermé diaire (25 E . Zeller et E . Pappenheim , Der angebliche Heraklitismus des Skepti kers Ainesidemos, Berlin 1889) .

Von Arnim 3, p . 81-82, a soulevé une objection constamment reprise contre la thèse commune de Diels, Zeller et Pappenheim : les relations de pensée entre

Philon d 'Alexandrie et Énésidèmerendent impossible que l' attribution des doc trines héraclitéennes à Énésidème soit due à un néo-pyrrhonien du IIe siècle ou même à une erreur de Sextus parce que chez Philon déjà (mort peu après 40 apr.

J.-C .) se trouve la trace des tropes mais aussi de l'héraclitisme (voir 26 K . Janáček, « Philo von Alexandreia und die skeptischen Tropen » , Eirene 19 , 1982, p . 83- 97). Les remarques de von Arnim n 'ont pas seulement été utilisées pour dater la vie d 'Énésidème, mais aussi pour confirmer l'existence d 'un « héracli

tisme d 'Énésidème». La deuxième tendance, et finalement la plus féconde jusqu'à nos jours , consiste à distinguer des phases dans la vie et l'euvre de l'auteur.Mais le « che

min » d 'Énésidème est double, le conduisant tantôt de l'héraclitisme au scepti cisme (27 E . Saisset, Le scepticisme antique, Aenésidème, Pascal, Kant, Paris 1865 ; 28 M . Dal Pra , Lo scetticismo greco, Bari 1975, 3e éd. 1989; 29 J. Rist, « The Heracliteanism of Aenesidemus» , Phoenix 24 , 1970, p. 309 -319 ), tantôt

du scepticisme à l'héraclitisme (Brochard 4, 30 G . Capone Braga, « L 'eracli

tismo di Enesidemo» , RF 22, 1931, p. 33-47), avec éventuellementdans chaque cas un passage par l'Académie . Enfin , certains auteurs réinterprètent le scepticisme d 'Énésidème de façon à pouvoir faire du sceptique un véritable héraclitéen sans recourir à la solution de phases distinctes dans son évolution intellectuelle . Il s 'agit d 'abord de 31 P . Natorp , Forschungen zur Geschichte des Erkenntnis -Problems im Alterthum .

Protagoras, Demokrit, Epikur und die Skepsis, Berlin 1884 (réimpr. Hildesheim

1965), reprise dans un contexte plus large d ’un article paru l'année précédente : 32 Id., « Untersuchungen über die Skepsis im Alterthum : Aenesidem » , RhM 38,

1883, p . 28 -91, dont les conclusions hardies, dénoncées en leur temps par Brochard , ont été reprises récemment dans un contexte purement méthodo logique par Stough 1. Natorp tente une justification philosophique de l'héraclitisme d'Énésidème, interprété comme un phénoménisme compatible avec le scepticisme. Énésidème aurait renoué avec la doctrine de Protagoras « dontmanifestement est issu le

scepticisme pyrrhonien » , et aurait été conscient de la relation de cette doctrine

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avec l'héraclitisme. Natorp est sans doute le premier à attribuer à Énésidème la lecture sceptique de Protagoras chez Sextus A . M . VII 60-64. De plus, il construit, comme le fera aussi Brochard, « le lien logique précis » entre les doctrines énésidémo-héraclitéennes et H . P. I 210 : tous les passages du corpus et en particulier ceux sur le temps sont des exemples « de la thèse générale que le réel peut être contradiction » (31, p. 110). 33 M . Conche, Pyrrhon ou l'apparence, Villers -sur-Mer 1975 , suivi par Reale 14, p. 180 , interprète l'héraclitisme comme scepticisme “ antimétaphysi que -nihiliste” . Dans cette perspective, le témoignage d ’Aristoclès est fortement validé aux dépens de celui de Sextus et est analysé comme l'exacte négation des trois principes aristotéliciens qui « s'y laissent entrevoir » : le principe de raison , le principe de contradiction, le principe du tiers -exclu . De même, les tropes sont analysés comme « une machine de guerre anti-dogmatique » particulièrement dirigée contre l'adversaire stoïcien (p. 78) et n 'auraient pas la même valeur pour Sextus et pour Énésidème. L 'argumentation par les tropes s'inscrit dans le cadre d 'une « philosophie de la représentation avec la scission de l’être et du paraître »

(p . 87). « L 'héraclitéisme n 'a rien d 'un phénoménisme, et le scepticisme phéno méniste ne peut conduire à l'héraclitéisme. Si donc l'orientation sceptique est,

selon Énésidème, un acheminement à la philosophie d'Héraclite, c 'est que le scepticisme de Pyrrhon et d' Énésidème n 'est nullement un phénoménisme» . Ainsi « le pyrrhonisme coïncide avec un néo -héraclitéisme où l'accent ne serait pas mis sur le logos mais sur la dissolution et la mort» . C ' est, d 'une manière générale , la question des rapports avec le stoïcisme qui reste ambiguë dans l'en

semble de cette thèse sur l'héraclitisme d'Énésidème, pourtant très cohérente dès lors que l'on admet son corollaire, la thèse anti-phénoméniste sur Pyrrhon. Or, pour Énésidème, les règles qui permettent d'exclure le témoignage de Sextus quand il s'agit de Pyrrhon ne valent plus et, comme le pensait Natorp, il n 'y a aucune raison de privilégier Aristoclès qui connaîtmal Énésidèmeaux dépens de Sextus quile connaît bien .

34 U . Burkhard , Die angebliche Heraklit-Nachfolge des Skeptikers Aene sidem , Bonn 1973, a récemment renouvelé les données du problème en expli quant le « prétendu héraclitisme d ' Énésidème» comme une stratégie polémique

du sceptique dirigée contre son contemporain Posidonius, qui serait l'auteur d 'une interprétation stoïcisante d 'Héraclite , telle qu 'elle ressort du résumé de la

doctrine du logos d'Héraclite en A. M . VII 126 - 134. Cette thèse a l'avantage d'éliminer la contradiction, à l'intérieur de l'école sceptique, entre l'Héraclite dogmatique de Sextus et l'Héraclite sceptique ou « pré- sceptique » d 'Énésidème.

En effet, selon Burkhard , « il n 'y a pas d 'héraclitisme d’Énésidème» , mais une interprétation critique de l'utilisation d'Héraclite par les stoïciens. Pour Énési dème, le principe fondamental de l'héraclitisme est la coïncidence des contraires,

ce que l'auteur nomme « l' énantiologie » .Mais l'utilisation de ce principe paraît contestable sur deux points: il s'agit à la fois de l'hypothèse selon laquelle le ressort de la critique anti-stoïcienne d 'Énésidème doit être situé dans la seule ironie , sans justification de l'intérêt pour la doctrine d 'Héraclite , et d 'autre part

ÉNÉSIDÈME

98

E 24

du fonctionnement même de cette ironie , sur lequel on peut faire des réserves. On pourra donc doubler son hypothèse critique d 'une interprétation positive.

Énésidème substitue à l'héraclitisme du consensus stoïcien l'héraclitisme de la coexistence des contraires. Ilne tente pas de supprimer l'écart entre apparence contradictoire et réalité contradictoire, et n 'identifie pas héraclitisme et scepti

cisme. Au contraire, l’énantiologie considérée commele fondement de la pensée d 'Héraclite est une thèse dogmatique à laquelle le sceptique n 'adhère pas. Il n ' y a pas, comme l' a montré Burkhard, d 'héraclitisme d ' Énésidème. De plus, c 'est

seulement à condition d ' admettre que la doctrine du flux et celle de la coexistence des contraires font référence à la même interprétation d 'Héraclite, à savoir l'un des pôles de l'interprétation platonicienne, que l'on peut comprendre l'intérêt d 'Énésidème pour l'Héraclite du Théétète . La plupart des commenta

teurs ont reconnu à Énésidème un intérêt pour la recherche de l'énantiologie, en rapport avec H . P . I 210 , mais nullement pour le flux héraclitéen . Or les deux aspects ne se séparent pas. C 'est pourquoi l'héraclitisme diffus dans Philon d 'Alexandrie, qui affleure principalement sous la forme du flux héraclitéen , pourrait bien avoir un rapport avec l'interprétation d 'Énésidème. Certes il est

impossible de tirer des témoignages de Philon la preuve d 'un « héraclitisme d 'Énésidème» , mais ils pourraient contenir la trace de l'intérêt que les scep tiques aussi bien que les académiciens pouvaient trouver à la doctrine du flux (comme en témoigne également le Commentaire Anonyme au Théétète, PBerol.

9782,col. LXI;cf.commentaire ad loc. de 35 D . Sedley , CPF III, 1995, p . 545 547).

Pour le sens de la formule qui est au centre de la problématique, on voit mal

quel sens de ratá pourrait autoriser la stricte compréhension de la formule comme « Énésidème interprétantHéraclite » , voire dans la version de Burkhard « réinterprétant l'interprétation (stoïcienne) d 'Héraclite » , à moins d 'admettre la

réversibilité de la formule , ce qui ne s'admet pas d ' emblée . Les deux seules possibilités qui paraissent acceptables du point de vue de la langue le sont diffi

cilement du point de vue de la reconstruction de la pensée tant d'Héraclite que d 'Énésidème qu 'elles supposent. S'il s'agit d 'Énésidème « citant Héraclite » , qu ’Héraclite désigne ici un auteur, un titre , ou un personnage de dialogue, on

voit mal à quelles « citations» d 'Héraclite peuvent correspondre les notices de Sextus. S 'il s'agit d 'Énésidème « suivant Héraclite » , le mêmeproblème se pose ,

doublé du problème philosophique principal que pose l'existence d 'un « héra clitisme d 'Énésidème» . Par ailleurs, la compréhension de xará comme « en

relation avec » (Zeller-Pappenheim ) n'est pas si précise qu'elle doive impliquer une adhésion à Héraclite . On peut donc interpréter d 'une manière inédite l'expression de Sextus, en attribuant à xará une fonction symbolique ou

emblématique dans laquelle le nom d 'Héraclite est comme l'indicateur d'une pensée ou même d 'un mode de pensée ou de discussion , à savoir la pensée du flux ou du devenir, c 'est-à -dire celle qui, pour les lecteurs de Platon - à l'intérieur de l'Académie ou non - , était associée à « Héraclite » ou plutôt aux « Héraclitéens» .

E 25

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ENNIUS

Ainsi, malgré les nombreux doutes qui subsistent concernant la relation entre l'utilisation d 'Héraclite par Énésidème et le rôle que ce dernier a pu jouer à

l'Académie , on peut penser que la formule Aivnoíonuoc xatà tov ' Hpa Xheltov n 'est pas une formule doxographique à proprement parler,mais qu 'elle

désigne une utilisation philosophique de la doxographie, ce qui est un cas extra ordinaire dans le systèmede la doxographie antique. BRIGITTE PÉREZ .

25 ENNIUS ( Q . -) RE 8

239- 169

Ennius estné en 239a à Rudies, ville de Calabre . Il est messapien d 'origine et

grec par sa formation. Il servit sans doute dans l'armée romaine en tant qu'auxi liaire pendant la seconde guerre punique. En 204, Caton (2°C 58), alors questeur d 'Afrique, le rencontra en Sardaigne et le conduisit à Rome, où il commença sans doute par enseigner le grec (Suétone, Gramm . 1). Son protecteur fut d ' abord Caton puis M . Fulvius Nobilior (2°F 24 ) ; il l'accompagna dans sa campagne

contre les Étoliens et célébra la victoire d'Ambracie dans un poème. Mais Ennius semble avoir été également proche de Scipion l'Africain . Ces relations avec les dirigeants romains expliquent qu'il ait pu obtenir la nationalité romaine

en 184a (Ann. 377 Vahlen ). Ennius mourut en 169. Éditions. 1 J. Vahlen , Ennianae poesis reliquiae, 3e éd., Leipzig 1928. Texte et traduction anglaise : 2 E. H . Warmington , Remains of Old Latin, t. I: Ennius and Caecilius, coll. LCL, London/Cambridge (Mass .), 1935. Pour les tragédies :

30 . Ribbeck , Scaenicae Romanorum poesis fragmenta, t. I: Tragicorum frag menta , Leipzig 1897 ; 4 A . Klotz , O . Seel, L . Voit, Scaenicorum Romanorum

fragmenta , t. I: Tragicorum fragmenta,München 1953. Commentaires. Tragédies : 5 H . D . Jocelyn , The Tragedies of Ennius, Cam bridge 1967. Annales: 6 0 . Skutsch , The Annals of Ennius, Oxford 1985.

Études.70. Skutsch (édit.), Ennius, coll. « Entretiens sur l'Antiquité clas sique » 17, Genève/Vandæuvres 1972. Les æuvres de ce poète sont extrêmement nombreuses et variées, mais il n 'en

subsiste pour nous que des fragments plus ou moins étendus. Il suffit ici d 'en énumérer les plus importantes: - Des tragédies : une vingtaine nous sont connues, inspirées des tragédies

grecques: Andromaque,Médée, Phoenix. - Des poèmes divers : Satires, poèmes sur Scipion ou sur Ambracie. - Un Épicharme, poèmeou peut-être euvre en prose .

- Un Évhémère. - Les Annales, épopée en 18 livres partant de la fondation de Rome jusqu 'aux guerres proches de son temps, en comprenant les victoires de Caton en Espagne

et la victoire d 'Ambracie . La culture philosophique d 'Ennius apparaît d 'abord dans ses tragédies où de nombreux passages évoquent des thèmes philosophiques: attention portée à

100

E 25

ENNIUS

l'esprit de liberté qui fortifie l'esprit humain (Phoenix ), critique des devins et des philosophes. La critique des dieux qui ne s 'occupent pas des hommes se trouve

également présente dans le Télamon . Un fragment de Médée comporte un éloge de la sagesse (voir 8 G . Garbarino, Roma e la filosofia greca, p . 580-595). Ces thèmes semblent le plus souvent empruntés au théâtre d'Euripide, mais il est important que le philosophe ait choisi de les retenir. Ennius peut ainsi être consi déré comme l' introducteur de la philosophie à Rome.

L 'Épicharme semble avoir débuté par un songe où Ennius rencontre le poète grec ; ce choix ne semble pas être un procédé littéraire,mais révèle l'importance des songes pour le poète comme le montrent d 'autres æuvres. Le poème conte

nait aussi des allusions à la génération des êtres à partir des éléments primor diaux. Ilmentionnait également Jupiter identifié avec des éléments comme l'air et le feu (Garbarino 8 , p . 283). On ne sait pas vraiment si Ennius s'inspirait véri

tablement d 'Épicharme, ou d'écrits postérieurs inspirés par le poète . Une doctrine spécifique appartenant à une école précise ne semble pas avoir figuré dans cette cuvre, mais bien des éléments se retrouvent dans les æuvres posté

rieures du poète. L ' Évhémère est connu essentiellement par Lactance (Diuinae Institutiones I). Le poète expose les règnes successifs d 'Ouranos, Saturne et Jupiter, mais en

supprimant l'aspect mythique pour insister sur le caractère humain , car les règnes des dieux se réduisent souvent à des querelles de famille . Cet aspect humain de la religion traditionnelle se rapproche des thèses d 'Évhémère (HE 187). On ne connaît pas exactement les sources dont le poème latin a pu

s'inspirer, mais ce choix correspond certainement aux préoccupations de son temps (Garbarino 8, p. 303).

Les Annales font également une place importante à la philosophie. L 'épopée commence par un songe où Ennius rencontre Homère. Dans un discours sur la

nature le poète révèle que son âme est passée finalement dans celle d'Ennius, après s'être incarnée dans d 'autres êtres. A un double titre cette doctrime évoque le pythagorisme. La doctrine de la métempsychose fait en effet partie des thèses

essentielles de cette école philosophique ; Homère affirmait d'ailleurs avoir été un paon (Ann. I 9 , éd. Skutsch 6 ), sans doute symbole d'immortalité . En outre , le recours au songe permet de connaître des vérités philosophiques, jusque là

cachées.Ennius insiste à nouveau sur ce point dans le chant VII (VII 2 Skutsch ) : « personne avantmoi n 'a rêvé de philosophie (sophian ) que l'on appelle sagesse ( sapientia ) avant de l'avoir étudiée ». A partir de ces données, Il paraît donc vrai

semblable de penser qu'Ennius s 'inspire fortement du pythagorisme qu 'il

pouvait avoir connu en Grande Grèce. Cf. O . Skutsch , art. « Q. Ennius» , RE V 2 , 1905, col. 2589- 2628; D . Liuzzi, « Ennio ed il pitagorismo » ,AFML 3, 1973- 1974, p. 281-299. MICHÈLE DUCOS.

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ÉPANDRIDÈS

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26 ÉPAMINONDAS DE THÈBES RE 1

410 /405 - 362 Une tradition ancienne faisait du célèbre général et homme politique Épami nondas un pythagoricien ; il serait devenu disciple de Lysis, après que ce dernier - l'un des seuls survivants, avec Archippe ( * * A 321), du massacre des pythago riciens à Crotone – se fut réfugié à Thèbes. Voir Porphyre, V . Pyth . 55 ; Jam

blique, V . pyth. 35 , 250 ; Diogène Laërce VIII 7 ; Cornelius Nepos, Épamin . 2 ; Cicéron , De officiis I 44 , 155 ; De oratore III 24 , 139 ; Diodore de Sicile X 11, 2 ;

XV 39, 2 ; XVI 2, 2; Dion Chrysostome, Or. 49, 5 ; Pausanias IX 13 ; Plutarque, De gen . Socr. ( en particulier 583c ; 585 d - e), où Épaminondas figure parmi les participants au dialogue ; Epaminondas aurait appelé Lysis “ père " , selon Jam

blique, V. pyth . 35, 250, p. 134, 20-21 Deubner. Si Épaminondas a été disciple de Lysis de Tarente , cela n 'a pu se produire qu'au début du IVe siècle . Voir 1 P .

Wuilleumier, Tarente des origines à la conquête romaine, Paris 1939, p . 564 565 . Le pythagorisme d 'Épaminondas aurait exercé une influence sur la stratégie militaire. Voir sur cette question 2 P . Vidal-Naquet, « Épaminondas pythagori cien ou le problème tactique de la droite et de la gauche» (1960 ), repris dans Le Chasseur noir. Formes de pensée et formes de société dans le monde grec, Paris

1983 (édition revue et corrigée), p. 95- 121. Selon le témoignage d ’Alcidamas (P - A 88) transmis par Aristote , Rhét. II 23 , 1398b 18 , « à Thèbes, dès que les gouvernants devinrent philosophes, la cité connut la prospérité » ; il est possible qu 'il s'agisse d 'une allusion au gouverne ment d 'Épaminondas. Voir 3 E .L . Minar Jr., Early Pythagorean Politics in

Practice and Theory, Baltimore 1942, réimpr. New - York 1979 , p. 93 ; 4 W . Burkert, Lore and Science, p. 116 n . 43. Claudien Mamert, De statu animae II 7 , mentionne un Épaminondas parmi les pythagoriciens qui auraient soutenu par écrit la doctrine de l'incorporéité de l'âme. L ' auteur a pu faire référence à un ouvrage pseudépigraphe attribué à Epaminondas. Toutefois, selon 5 H . Thesleff, An Introduction to the Pythago

rean writings of the Hellenistic period , Åbo 1961, p . 120-121, il s'agirait d'une généralisation de Claudien qui n' impliquerait pas l'existence d 'écrits pseudépi graphes.

Cf. H . Swoboda, art. « Epameinondas» 1, RE V 2, 1905, col. 2674-2707,

notamment col.2676 -2677. BRUNO CENTRONE.

27 ÉPANDRIDÈS

“ Philosophe” de doctrine et d' époque inconnues, dont deux sentences sont citées par Stobée II 8 , 18 - 19 ; il est égalementmentionné par Photius dans Bibl. cod . 167, 114 a. Les deux sentences sont rédigées dans le dialecte ionien et traitent de la rela tion entre opóvnouc et túyn . La sentence citée par Stobée II 8 , 18 apparaît éga

lement chez Photius dans son Opusculum paraeneticum 210 , p. 23 Sternbach , mais à titre anonyme. Dans la littérature gnomologique, on trouve plusieurs pas

ÉPANDRIDÈS

102

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sages parallèles à la sentence citée par Stobée II 8 , 19 ; la sentence figure à titre anonyme dans le Gnomologium Byzantinum 42 Wachsmuth et chez Jean Georgidès, G 1105 Odorico. Dans le Corpus Parisinum (cod . Par. gr. 1168)

f. 87', elle est attribuée à Plutarque (= Excerpta Parisina, Plutarque 83, p. 74 Sternbach), de même que chez Maxime le Confesseur, Loci communes 2, 15 Phillips, AntoniusMelissa , Loci communes I8 , 136 , col. 797 c , Florilège de Patmos (msN° 6 ) 9 , 38a Sargologos, Ivwulud duoibuata App. 25 Elter.

Du fait qu'Épandridès est complètement inconnu en tant que philosophe et que son nom est très peu commun, plusieurs corrections ont été tentées. 1 A . Meineke, dans loannis Stobaei Eclogarum physicarum et ethicarum libri duo ,

t. II, Lipsiae 1864, p . CXCVII, propose Euandros (de Phocée, » E 65) (cf. Diogène Laërce IV 60 ) ; 2 F . Lortzing, Über die ethischen Fragmente Demokrits,

Sophien -Gymnasium in Berlin . VIII. Jahresbericht, Berlin 1873, p. 5 , propose Eusebe ( E 151] (cité uniquement chez Stobée et chez des auteurs plus récents ); 3 B . ten Brink , « Anecdota Epicharmi, Democriti, ceterorum in Sylloge

Sententiarum Leidensi » , Philologus 6 , 1851, p . 581, attribue la sentence citée par Stobée II 8, 19 à Démocrite (MD 70 ], supposant que le nepi ávôpayaoins

de ce dernier en serait la source. Il est possible qu 'une correction du nom soit inutile , car on l'a retrouvé dans des inscriptions ; cf. 4 LGPN , t. I, s.v . p . 153, et

t. II, s.v. p . 145. JAN FREDRIK KINDSTRAND . Iva? 28 ÉPICHARIDÈS Dans un fragment, cité par Athénée (IV, 161 b ), des Gens de Tarente du comique Alexis (fr. 223 Kassel-Austin ; la pièce peut être datée entre 330 et 320), il est fait mention d 'Épicharidès, un des pythagoriciens, distincts des

pythagorisants (atudayopícovtec) qui ne se nourrissent d' aucun être animé. Épicharidès, dit-on ,mangeait de la viande de chien,mais seulement après avoir tué l'animal, de façon à ce qu'il ne soit plus animé (une argumentation semblable se rencontre dans une épigramme de Diogène Laërce VIII 44 consacrée à Pythagore). Que cet Épicharides ait été un personnage réel ou fictif, il est en tout cas un représentant typique du pythagorisme “ acousmatique” qui survécut à l'extinction de l' école antique. Voir W . Burkert, Lore and Science, p . 198-202.

BRUNO CENTRONE. 29 ÉPICHARME DE SYRACUSE RE 2

flor. 488/5

Auteur comique, considéré par certains comme l'« inventeur » de la comédie. De nombreux témoignages le présentent comme un adhérent du mouvement pythagoricien .

Témoignages. 1 6 . Kaibel, CGFr I, p. 88- 147 ; 2 A . Olivieri, Frammenti

della commedia greca e del mimo nella Sicilia e nella Magna Grecia , t. 12, Napoli 1946 , p. 108 sqq.; 3 DK 23, t. I, p . 193 -207 ; traduction française dans

4 J.-P. Dumont, Les Présocratiques, p. 189-213 et 1247-1253 (notes) ; 5 C . Austin (édit.), Comicorum Graecorum fragmenta in papyris reperta, Berlin /New

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ÉPICHARME DE SYRACUSE

103

York 1973, p. 52 -83. Voir également 6 P . Van Deun, « Some fragments of Epicharmus disclosed in the Florilegium called Loci Communes ? » , AC 60 , 1991, p. 201-205 (examine la possibilité que des fragments d 'Épicharme soient conservés dans (Max. Conf.), Loc. comm. XV 61 et 62 ; XIX 53 et 54 ; XXXV 22) ; 7 L . Rodriguez-Noriega Guillén, « Dos nuevos fragmentos epicarmeos de

transmisión indirecta » , Minerva 9, 1995, p. 49-51 (Athénée IX , 528 e, et Servius, Explan. in Dom . 4 , 531, 17-21) ; 8 E . G . Turner, « A fragment of Epi charmus ? (or Pseudepicharmea ?), with an additional note by E . W . Handley » ,

WS 10 , 1976 , p . 48-50 (fragment papyrologique en dorien d 'environ 300 av. J. C . en provenance de Saqqara , peut-être tiré d 'une comédie d 'Épicharme ou d 'un traité de médecine).

Euvres. Les titres de 45 comédies ont été transmis (39 se trouvent dans CGFr; les autres titres, dont 6 nouveaux, se trouvent dans Austin ). Apollodore d 'Athènes (FGrHist 244 F 213; » A 244) aurait, selon Porphyre, Vie de Plotin 24 , rassemblé et classé par sujet en dix livres les écrits d'Épicharme. Sources biographiques anciennes. ( 1) Diogène Laërce VIII 78 (fr. I 3

Kaibel) ; (2 ) Souda, E 2766 ; t. II, p. 393, 21-29 Adler; Apollodore d 'Athènes (FGrHist 244 F 213) avait écrit un lepi 'Enixápuov. Denys le Jeune avait également écrit un livre Ilepi tõv troinuatwv 'Enlyápuov : voir Souda A 1179, t. II, p . 110 , 20-21 Adler.

Biographie et chronologie. Voir 9 A . Pickard -Cambridge, Dithyramb, Tragedy and Comedy, revised by T . B . L . Webster , Oxford 1962, p. 230 -239.

Il était originaire , selon une interprétation plausible d'Aristote, Poet. 3, 1449 b ( fr. I 2 Kaibel), de Mégara Hyblaea , selon Néanthe (FGrHist 84 F 13), de Crastos (en Sicile ), selon d 'autres, dont Diogène Laërce III 78 , de Samos ou de Cos.

Épicharme était contemporain de Hiéron de Syracuse (478-467) : voir Schol. in Pind. Pyth . I 98 (fr. I 98 Kaibel). Dans ses Nãooi, il racontait que Hiéron avait empêché Anaxilas de Rhégium d 'anéantir les habitants de Locres. Selon la Souda, l'activité d' Épicharme s'exerça à Syracuse six ans avant le début des Guerres médiques (486 ). Voir cependant 10 G . Kaibel, art. « Epicharmos » 2 , RE

VI 1, 1907, col. 34-41, notamment col. 35, qui remet en cause la valeur histo rique de cette notice. Son acmè a été située dans la 73e Olympiade (488-485 : cf.

fr . I 9 Kaibel). Selon Aristote cependant, Épicharme était de beaucoup antérieur à Chionidès (qui fut actif huit ans avant le début des Guerres médiques (cf. Souda X 318 = I 1 PCG IV ) et à Magnès. Ces divergences sont peut-être expli cables si l'on prend en considération la longue durée de sa vie : 90 ans selon

Diogène Laërce, 97 selon Pseudo-Lucien, Macrob. 25 (fr. I 3 Kaibel). Une longue tradition qualifie le comique sicilien Épicharmede pythagoricien. La plus ancienne attestation de cette tradition est Plutarque, Numa 8 (fr. I 4 Kaibel). Diogène Laërce traite brièvement d 'Épicharme dans la section de ses

Vies consacrée aux pythagoriciens (VIII 78), le présentant comme « auditeur de

Pythagore » (cf. Clément, Strom . V 100 ; en D . L. I 42, il figure à côté de Pytha

ÉPICHARME DE SYRACUSE

104

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gore dans la liste des personnages ayant été considérés comme Sages fournie par

Hippobote ). Selon Diogène, il était le fils d'Élothalès (Élothalès est également le

titre d 'un écrit attribué à Pythagore dans le catalogue d 'Héraclide Lembos transmis par D . L . VIII 7) et originaire de Cos; il aurait émigré en Sicile dans sa jeunesse, comme en porteraient témoignage ses propres écrits. Chez Jamblique, V. pyth . 36 , 266 , Épicharme est qualifié d'“ auditeur exter

ne” , n 'appartenant pas à la secte : arrivé à Syracuse, il se serait abstenu de philo sopher de manière ouverte à cause de la tyrannie de Hiéron et il aurait mis en vers les pensées (dianoiai) des pythagoriciens, divulguant de façon amusante les doctrines de Pythagore . Jamblique fait allusion à ces dianoiai (V. pyth . 29, 166 ), quand il dit que les sentences d 'Epicharme, connues par presque tous les philo sophes, constituent l'un des meilleurs exemples de sagesse pratique. Selon Jam

blique, V. pyth . 241, des doctrines de Pythagore et d'Épicharme se retrouveraient dans la science médicale du fils d 'Épicharme, Métrodore (le passage a été corrigé par Diels ), dont est cité un passage (DK 23 B 65). De nombreux écrits apocryphes circulaient donc sous le nom d'Épicharme (fr. 135 -147 Kaibel) et déjà dans l'antiquité on leur reconnaissait ce caractère pseudépigraphe. Diogène lui attribue des hypomnemata de sciences naturelles, d' éthique et de médecine; il

mentionne également la présence dans ces cuvres d'acrostiches qui attesteraient leur authenticité (phénomène qui au contraire démontre leur caractère apo cryphe, dans la mesure où les acrostiches n 'apparaissent pas avant l'époque

alexandrine : cf. A . Pickard -Cambridge 9, p. 235). Selon Kaibel 1, p . 134 -135 , Épicharme aurait écrit un Carmen physicum (test. 239-254 Kaibel) ; Pickard-Cambridge 9, p. 241- 245 , est d'un avis contraire. Parmi les pseudépigraphes d'Épicharme, il fautmentionner:

Ipòç ’Avtńvopa, Contre (ou A ) Anténor (Plutarque, Numa 8 ). Moriteia , République (fr. 255- 260 Kaibel; DK 23 B 56-57). Elle aurait été composée, selon Aristoxène, apud Athénée XIV , 648 d (fr. 45 Wehrli = DK

23 A 10 ), par le flûtiste Chrysogonos; elle est citée par Clément, Strom . V 118.

Kavóv et võual. Selon Philochoros (FGrHist 328 F 79), ilfaudrait attribuer ces écrits à Axiopistos de Locres ( A 516 ), probablement un pseudonyme. Xipwv (test. 290 Kaibel = Athénée XIV , 648 d ).

On lui a attribué également des traités d'agriculture (Columella I 1 : fr. I 5 Kaibel) .

Dans sa Vie de Platon , Diogène Laërce cite quelques extraits d 'un ouvrage intitulé Ipós ’ Auúvtav (» A 152) d'un certain Alcimos de Syracuse (» A 90), qui cherchait à montrer que Platon avait emprunté certaines de ses doctrines, notamment sa théorie des Idées elle-même, à Épicharme et qui citait en ce sens des passages des comédies de ce dernier. L 'authenticité de certains de ces pas

sages est contestée. Sur cette question, voir 11 M . Gigante, « Epicarmo, Pseudo Epicamo e Platone », PP 30, 1953, p. 161-175 ; 12 K . Gaiser, « Die Platon -Refe rate des Alkimos bei Diogenes Laertios (III 9 -17) » , dans Zetesis (Mélanges E .

de Strycker ), Antwerpen/Utrecht 1973, p. 61-79 ; 13 L . Brisson , « Diogène

E 32

ÉPICRATÈS D 'HÉRACLÉE

105

Laërce, “ Vies et doctrines des philosophes illustres”, Livre III : Structure et contenu » , dans ANRW II 36 , 5 , 1992, p . 3619 -3760, notamment. p . 3646 - 3651.

Platon cite Épicharme dans le Théétète 152 e et le range parmi les partisans de la théorie selon laquelle rien n 'est, mais tout est en devenir.

Le poète latin Ennius (2E 25) a traduit l'un de ces écrits apocryphes dans son Épicharme, poème didactique dont le prologue fait exposér en songe par Épicharme des doctrines sur la nature ; dans ces passages les dieux du monde romain étaient identifiés avec les éléments de la cosmologie traditionnelle . Voir

14 I. Vahlen (édit.), Ennianae poesis reliquiae, 2e éd ., Leipzig 1928, p . 220 -222.

Études d 'orientation . Kaibel 1 ; Kaibel 10 ; Pickard-Cambridge 9 , p . 230 288 ; 14 A . C . Cassio, « Two studies on Epicharmus and his influence» , HSP,

89, 1985, p. 37-51. BRUNO CENTRONE.

30 ÉPICRATÈS

MIII

Cinquième des neuf exécuteurs testamentaires (épimélètes) du testament de Straton de Lampsaque,mort vers 268a (Diogène Laërce V 62-63). Il n 'est pas dit expressément qu'il s'agit de disciples au sein de l' école péripatéticienne,mais la phrase qui suit stipule que la diatribè est léguée à Lycon (huitième nom dans la

liste) parce que les autres sont trop âgés ou trop occupés (ãoxorou). Épicratès doit également recevoir 500 drachmes et un serviteur choisi par Arcésilas, l'un des deux héritiers . Avec Iraios et Olympichos, il est chargé des funérailles du scholarque.

RICHARD GOULET.

31 ÉPICRATÈS

MF III

Dédicataire de deux ouvrages de Chrysippe de Soles (* * C 121) relevant de la logique : 'Enltoun tõv após 'Enixpárnu au 160hőv a ', Résumé des ambiguï

tés adressé à Épicratès, en un livre (D . L. VII 193, n° 59 Hadot: seule la version résumée de l'ouvrage semble donc citée dans la liste) et lepi oŰtidoç Tóyou npòs 'Enrizpárnu a ', Sur l'argument du “ Personne ” à Épicratès, en un livre

(D .L . VII 198, n° 113 Hadot). De tels ouvrages ne peuvent guère avoir été dédiés qu'à un disciple ou à un collègue au sein de l'école stoïcienne . RICHARD GOULET.

32 ÉPICRATÈS D 'HÉRACLÉE

III/IIa ?

Ce péripatéticien , fils de Démétrius, fit un assez long séjour à Samos, où il enseigna la philosophie au gymnase. En récompense de son dévouement et de sa générosité – il dispensait ses cours gratuitement aux jeunes gens pauvres – il y reçut le droit de cité. Le décret qui le lui conférait (MDAI( A ) 44, 1919, nº 14

p . 29 ; SEG I 368) a été daté par son éditeur, M . Schede, des environs de 200 av. J.-C ., d 'après la forme des lettres probablement , car le texte ne contient aucun indice chronologique. Il pourrait être un peu antérieur à la date proposée ,mais il paraît néanmoins difficile que le professeur de Samos puisse être identique à l'homonyme (2E 30 ) désigné dans le testament de Straton comme l'un de ses

106

ÉPICRATÈS D 'HÉRACLÉE

E 32

exécuteurs testamentaires: celui-ci, d 'après les termes mêmes du testament, devait être déjà , vers 2689, un homme d 'âge mûr, installé à Athènes; il n 'est

guère probable qu 'il se soit engagé, dans la seconde moitié du siècle, dans une carrière de professeur itinérant. Voir W . Ameling, « Prosopographia Heracleotica » , dans Lloyd Jones, The

Inscriptions ofHeraclea Pontica, coll. IK , 47 , Bonn 1994, p . 135. BERNADETTE PUECH.

33 ÉPICTÈTE RE 3 PIR2 E 74

I- II

Philosophe stoïcien (représentant de la nouvelle Stoa),disciple de Musonius Rufus. De ses enseignements (Alatpißaí, Entretiens), qui furent consignés par

son disciple Arrien deNicomédie (3 + A 25), nous ne possédons qu'une partie (la moitié), ainsi qu'une version abrégée (' Erxelpídlov,Manuel), également due à Arrien , et une série de fragments conservés notamment dans des gnomologies.

A . Bibliographie générale.

Bibliographies : 1 W . A . Oldfather, Contributions towards a bibliography of Epictetus. Appendix : Jacob Schegk 's translation of the Enchiridion, Basel 1534

= Univ. of Illinois Bulletin 25, Urbana 1927, XII-201 p . App. 38 p .; 2 Id., Contri butions towards a bibliography of Epictetus. A supplement, ed. by M . Harman , with a preliminary list of Epictetus' manuscripts by W . H . Friederich and C . U . Faye, Urbana 1952 , XXI-177 p. ; 3 M . Spanneut, « Épictète 1952- 1962» , IL

14 , 1962 , p. 212 -216 ; 4 J. Hershbell, « The stoicism of Epictetus: Twentieth cen

tury perspectives» , ANRW II 36 , 3, 1989, p. 2148-2163. Notices : 5 H . von Arnim , art.« Epiktetos» 3,RE VI 1 , 1907, col. 126 -131 ; 6 A . Stein , PIR2 III, 1943, E 74, p. 81 ; 7 A .Jagu, art. « Épictète. I. Doctrine », DSp IV 1960, col. 822-830 ; 8 M . Spanneut, art. « Épictète . II. Influence à l' époque patristique. III. Épictète et le Moyen Age » , DSp IV 1960 , col. 830 849 ; 9 J.- E . d 'Angers, art. « Épictète. IV . Période moderne » , DSp IV 1960, col. 849-854 ; 10 M . Spanneut, art. « Epiktet» , RAC 5 , 1961, col. 599-681; 11 H . Dörrie , art. « Epiktetos » 1, KP II 1967, col. 313-314 ; 12 K . von Fritz , art.

« Epictetus» 2 ,OCD2, p . 390 ; 13 A . J.Malherbe, « Epictetus» , The Interpreter's Dictionary of the Bible. An illustrated encyclopedia . Supplementary volume, édit. K . Crim , Nashville 1976 , p . 271 ; 14 J.- F . Mattéi, art. « Épictète » , Diction naire des Philosophes, I, Paris 1984, p . 859 -866 ; 15 G . Rocca -Serra , art. « Épictète » , Encyclopédie philosophique universelle , III : Les Euvres philo sophiques. Dictionnaire , volume dirigé par J.- F. Mattéi, t. I : Philosophie occi

dentale : Ir millénaire av. J.-C . - 1889, Paris 1992, p . 133. Études d ' orientation : 16 C . Martha, Les moralistes sous l'empire romain (philosophes et poètes), Paris 1865, p . 191- 208 (« La vertu stoïque : Épictète » );

17 R . Asmus, Quaestiones Epicteteae, Diss. Friburgi Brisigaviae 1887, Freiburg i. Br. 1888 ; 18 A . Bonhöffer, Epictet und die Stoa. Untersuchungen zur stoischen Philosophie, Stuttgart 1890 , réimpr. Stuttgart/Bad Cannstatt 1968 ;

19 Id ., Die Ethik des Stoikers Epictet. Anhang : Exkurse über einige wichtige

E 33

ÉPICTÈTE

107

Punkte der stoischen Ethik , Stuttgart 1894, réimpr. Stuttgart/Bad Cannstatt 1968 ; 20 R . Hirzel, Der Dialog. Ein literarhistorischer Versuch , Leipzig 1895,

réimpr. Hildesheim 1963, t. II, p. 245-252 ; 21 A . Croiset et M .Croiset, Histoire de la littérature grecque, Paris 19012 , t. V , p. 457-466 ; 22 Th. Colardeau, Étude

sur Épictète , Thèse Paris 1903 ; 23 R . Renner, Zu Epiktets Diatriben , Diss.Mün chen , Amberg 1904 ; 24 O . Halbauer, De diatribis Epicteti, Diss. Lipsiae 1911 ;

25 W . Schmid, Wilhelm von Christ's Geschichte der griechischen Literatur, Zweiter Teil : Die nachklassische Periode der griechischen Literatur, Erste Hälfte : Von 320 vor Christus bis 100 nach Christus, coll. « Handbuch der Alter

tumswissenschaft» VII 2 , 1, Sechste Auflage unter Mitwirkung von O . Stählin , München 1920 , réimpr. 1959, p. 358 -361 ; 26 E . Zeller, Die Philosophie der Griechen , t. III 1, p. 765-781 ; 27 E . Bosshard , « Épictète » , RThPh 17, 1929, p . 202-216 ; 28 V . d'Agostino, « Sulla divisione dell'opera di Epitteto » , BFC 34, 1928, p. 150- 152 (repris dans 29 Id ., Studi sul neostoicismo. Seneca . Plinio il Giovane. Epitteto . Marco Aurelio , 2a edizione riv. e ampl., Torino 1962, p. 90 91) ; 30 Id ., « Intorno al concetto della libertà in Epitteto » , ArchItalPsicol 8, 1930 , p. 298- 331 (réimpr. dans d'Agostino 29, p. 92- 119 ) ; 31 G . Calogero , « Introduzione a Epitteto », Leonardo 4 , 1933, p. 235-241; 32 D . Pesce, « La

morale di Epitteto » , RF 30, 1939, p . 250-264 (repris dans 33 Id ., Scrittisulla filosofia antica d ' etica e di filosofia dell'arte, Parma 1988, p. 41-52); 34 F . D 'Ambrozio , Epitteto e la morale del suo tempo, Roma 1940 ; 35 M . Pohlenz,

La Stoa. Storia di un movimento spirituale (trad. de la 2e édit. allemande, Göttingen 1959), Firenze 1967,réimpr. 1978, t. II, p. 23-25, 104- 133 ; 36 B . L .

Hijmans (Jr.), " Aomouc. Notes on Epictetus' educational system , Diss. Utrecht, coll. « Wijsgerige Teksten en Studies» 2, Assen ,1959 ; 37 J.Moreau , Epictète ou le secret de la liberté, présentation, choix de textes, bibliographie , coll. « Philo sophes de tous les temps » 11, Paris 1964 (cf. 38 Id ., « Épictète ou le secret de la

liberté » , REPh 34, 1984, p. 4 -13); 39 G . Germain , Épictète et la spiritualité stoï cienne , coll. « Maîtres spirituels» 33, Paris 1964 ; 40 F .Millar, « Epictetus and the imperial court » , JRS 55, 1965 , p . 141-148 ; 41 F . Elemento, « Le Diatribe di Epitteto » , dans Diadosis. Voci di presenza classica. Rassegna ufficiosa a cura della cattedra di lett. class. del liceo C . Varese, Tortona 1967, p . 63-73 ; 42 J. Xenakis , Epictetus, philosopher-therapist, The Hague 1969 ; 43 E . Cizek , « Épictète et l'héritage stoïcien » , StudClas 17, 1975 , p . 71-87 ; 44 Jelena M . Štajerman, « Épictète et sa place dans le stoïcisme romain » (en russe ), VDI 1975 , n° 132, p. 197-210 ; 45 P .A . Brunt, « From Epictetus to Arrian » , Athenaeum 55 , 1977 , p. 19-48 ; 46 W . Siegfried , « Stoische Haltung nach Epiktet » , Gesnerus 44, 1988, p. 269-279 ; 47 W . O . Stephens, Stoic strength . An examination of the

ethics of Epictetus, Diss.Univ . of Pensylvania, Philadelphia 1990 ; 48 P . Hadot, La citadelle intérieure. Introduction aux Pensées de Marc Aurèle, Paris 1992,

p. 89-117 (chap . V : « Le stoïcisme d 'Épictète » ) ; 49 J.-J. Duhot, Épictète et la sagesse stoïcienne, coll. « L 'aventure intérieure », Paris 1996 , 265 p. Éditions : L 'editio princeps du Manuel (avec le commentaire de Simplicius)

fut publiée à Venise en 1528 ; celle des Entretiens, due à V . Trincavelli, fut

108

ÉPICTÈTE

E 33

publiée aussi à Venise en 1535 (’Applavoũ 'Epíxentos ( sic ]).La première édi tion vraiment critique des Entretiens (contenant aussi le Manuel) fut celle de

50 J.Upton, Epicteti quae supersunt dissertationes ab Arriano collectae, 2 vol. (t. I: texte grec et latin ; t. II: Notae et emendationes), Londini 1739-1741. On possède deux grandes éditions de l'ensemble de l'auvre : (a) 51 J. Schweighäuser, Epicteteae philosophiae monumenta , t. I- III : Epicteti

Dissertationum ab Arriano digestarum libri IV. Eiusdem Enchiridion et deperdi tis sermonibus fragmenta. Post Io . Uptoni aliorumque curas denuo ad Codicum

manuscriptorum fidem recensuit, latina versione, adnotationibus, indicibus illustravit J. Schw ., Lipsiae 1799, réimpr. Hildesheim /New York 1977. (b ) 52 H . Schenkl, Epicteti dissertationes ab Arriano digestae, ad fidem codi cis Bodleianirec. H . S.,accedunt fragmenta, Enchiridion ex rec. Schweighäuseri , Gnomologiorum Epicteteorum reliquiae, indices (editio maior), coll. BT, Leipzig

1894, 19162, réimpr. 1965, XXV-740 p.; 53 Id., editio minor 1898 (XIV -499 p.; avec unenouvelle collation de W . M . Lindsay), 19162 (avec les scholies éditées par T. W . Allen ; sur les scholies d' Épictète , voir Spanneut 8, col. 846 -847; Id .

10 , col.672-673). Il y a d'autres éditions de l'ensemble :

(a) 54 Fr. Dübner, Theophrasti Characteres, MarciAntonini Commentarii, Epicteti Dissertationes ab Arriano literis mandatae, fragmenta et Enchiridion

cum commentario Simplicii, Cebetis Tabula , Maximi Tyrii Dissertationes, Graece et Latine cum indicibus, Parisiis 18422, p. 1- 14 (Enchiridion ), p. 15-32

(Fragmenta), p. 33-220 (Dissertationes), p.221-227 (Index nominum et rerum ). (b) 55 W . A .Oldfather, Epictetus. The Discourses as reported by Arrian, the Manual and Fragments, with an English translation , 2 vol.: t. I: Discourses,

Books I and II, coll. LCL 131, Cambridge (Mass.)/London 1925, réimpr. 1979 ;

t. II : Discourses, Books III and IV, theManual and Fragments, coll. LCL 218, Cambridge (Mass.) London 1928, réimpr. 1985. Autres éditions : 56 Ch. Thurot, Épictète. Manuel, texte grec , précédé d 'une introduction , accompagné de notes et suivi d 'un lexique des mots techniques, Paris 1874 ; 57 H . Joly , Ma nuel d ' Epictète, texte grec et traduction française en regard , édition précédée d'une introduc

tion et d 'une analyse, et accompagnée d 'appréciations philosophiques, Paris 19048 ; 58 W . Capelle , Epiktet. Handbüchlein der Moral, mit Anhang : Ausgew . Fragmente verlore

ner Diatriben , hrsg. von W . C ., Jena 1906 ; 59 A . von Gleichen -Russwurm , Epiktet. Unter redungen und Handbüchlein der Moral, neu hrsg., coll. « Deutsche Bibliothek » , Berlin 1914 ;

60 P . Smets , Epiktet. Handbüchlein der stoischen Philosophie, neu hrsg., Mainz 1938 ;61 Id ., Epiktet. Fragmente, griech . u. dt. hrsg .,Mainz 1938 ; 62 H . Schmidt, Epiktet. Handbüchlein der Moral und Unterredungen, coll. « Kröners Taschenausgabe » 2 , Stuttgart 1954 ; 63 J. Souilhé, Épictète. Entretiens, texte établi et traduit par J.S., CUF, 4 vol.: t. I: 1943, réimpr. 1975 ; t. II: 1949, réimpr. 1969; t. III 1963; 1. IV 1965 (publication posthume des deux derniers tomes avec la collaboration d ' A . Jagu ) ; 64 P . Jordán de Urries y Azara , Epicteto. Pláticas por Arriano , texto revisado y traducido , coll. « Hispánica de autores griegos

y latinos » , 4 vol., Barcelona 1957, 1963, 1965, 1973 (le t. IV contient le livre IV et les frag ments) ; 65 M . Billerbeck, Epiktet. Vom Kynismus [Entretiens III 22), hrsg. und übers. mit einem Kommentar, coll. « Philosophia Antiqua » 34 , Leiden 1978 ; 66 W . Kraus, Epiktet. Handbüchlein der Moral und Unterredungen, hrsg. u . überarb . von W . K ., dt. Übert.nach J. G . Schulthess u . K . Enk , coll. « Diogenes- Taschenbuch » , Zürich 1987 ;67 K . Steinmann , Epiktet.

E 33

ÉPICTÈTE

109

Handbüchlein der Moral, Griechisch/Deutsch ,übers. u. hrsg., coll. « Universal-Bibliothek » 8788 , Stuttgart 1992 ; 68 R . Nickel, Epiktet, Teles, Musonius. Ausgewählte Schriften , griechisch -deutsch , hrsg. und übers. von R . N ., coll. « Tusculum » , München /Zürich 1994;

69 R . F. Dobbin (édit.), Epictetus, Discourses, Book I, coll. « Clarendon Later Ancient Philo sophers » , Oxford/New York 1998 .

Il fautmaintenant signaler une importante édition critique (avec traduction anglaise ) du Manuel et des versions chrétiennes de ce texte : 69bis Gerard Boter,

The Encheiridion of Epictetus and its three christian adaptations. Transmission and critical editions, coll. « Philosophia Antiqua » 82, Leiden 1999. Traductions: Les traductions des Entretiens et notamment du Manuel sont extraordinairement nombreuses. Outre les éditions bilingues citées plus haut,

nous offrons ici une ample sélection de ces traductions, y compris les plus anciennes, en différentes langues : En latin : Schweighäuser 51, Epicteti stoici Enchiridion ab Angelo Politiano e graeco

versum , t. V, p. 139- 172 (trad. de Politien , Boloniae 1497); 70 R . P. Oliver, Niccolo Perotti's version of the Enchiridion of Epictetus, edited with an introd . and a list of Perotti' s writings, Urbana 1954 (édition , à partir des différents manuscrits, de la traduction de l'humaniste N . Perotti : Epicteti Enchiridium una cum Simplicii in eiusdem expositionem praefatione, Bolo

niae 1450 ) ; 71 E . V . Maltese , Epitteto , Manuale. Con la versione latina di Angelo Poliziano e il volgarizzamento diGiacomo Leopardi, Introduzione, traduzione e note, coll. « I grandi libri Garzanti » , Milano 1990 , p . 47 -86 (A . Poliziano ). La première traduction latine des Entretiens

est due à 72 J. Schegk , Arriani Nicomediensis de Epicteti philosophi, praeceptoris sui, disser tationibus libri IIII... editi, Jacobo Scheggio ... interprete . Accedit Epicteti Enchiridion , Angelo

Politiano interprete,Basileae 1554 (avec le texte grec de Trincavelli). En allemand : 73 K . Enk, Epiktetos Unterredungen, aufgezeichnet von Arrhianos aus dem griechischen in das Deutsche übertragen, Wien 1866 ; 74 J.Grabisch, Unterredungen mit Epiktet, ausgew . und ins Deutsche übertr., Jena/Leipzig 1905 ; 75 Fr. Dobe, Handbüchlein der Lebenskunst (Enchiridion ), verdeutscht von Fr. D ., Berlin 1921; 76 R .Mücke, Epiktet, Was von ihm erhalten ist nach den Aufzeichnungen Arrians, Neubearbeitung der Ubers. von

J.G . Schulthess (1766 ) von R . M ., Heidelberg 1924 ; 77 W . Capelle , Epiktet. Handbüchlein der Moral und Auslese aus den Gesprächen , übers. von W . C ., Jena 1925 ; 78 Id ., Epiktet,

Teles und Musonius. Wege zu glückseligem Leben , übertragen und eingeleitet von W . C ., coll. * Die Bibliothek der alten Welt. Griechische Reihe. Stoa und Stoiker» 3, Zürich 1948 , p. 7 206 (traduction du Manuel et d 'une sélection personnelle des Entretiens et des fragments, avec

des introductions et des notes); 79 Id ., Dir selber treu. Antike Lebensweisheiten von Epiktet

und Musonius, übertr. von W . C ., coll. « Artemis-Bibl.» 25, Zürich 1986 ; 80 C . Hilty , Epiktet. DasHandbüchlein der Moral, nach der Übertragung von C . H ., Stuttgart 1946 ; 81 E . Neitzke, Epictetus. Handbüchlein der Ethik ,übers., mit einer Einleitung u . Anmerkungen versehen von

E .N ., coll. « Reclams Universal-Bibliothek » 2001, Stuttgart 1980 ; 82 R . Nickel, Epiktet, Teles und Musonius. Wege zum Glück, auf der Grundlage der Übertragung von W . Capelle neu übersetzt, mit Anmerkungen versehen und eingeleitet von R . N ., coll. « Die Bibliothek der

alten Welt.GriechischeReihe » ,Zürich München 1987, p. 5 -198 et notes p. 289-310 ( 2e édit.: Epiktet, Teles, Musonius :Wege zum Glück, auf der Grundlage der Übertr. von W . Capelle neu übersetzt, & mit Einf. & Erl. vers . von R . N ., coll. « dtv » 2269,München 1991).

En français : 83 J.Goulu , Les Propos d 'Épictète recueillis par Arrian, auteur grec, son

disciple, translatez du grec en françois par Fr. J. de S. F. (Frère Jean de S. François),Paris 1609 et 1630 ; 84 A .- P . Thurot, Discours philosophiques d 'Epictète, recueillis par Arrien , et

traduits du grec en français , Paris 1838 ; 85 V . Courdaveaux, Les Entretiens d ' Épictète , recueillis par Arrien , traduction nouvelle & complète, 2e édit. revue et corrigée, Paris 1882

(18621), réimpr. 1908 ; 86 F . Thurot, Epictetus, Manuel, traduction française par F. Th ., accompagnée d'une introduction et revue par Ch. Thurot, Paris 1874, réimpr. 1896 ; 87 A .

Fouillée ,Manuel d 'Épictète, trad. Naigeon (1782), revue avec introduction et notes, Paris

ÉPICTÈTE

110

E 33

1876 ; 88 J. Souilhé et A . Jagu, Épictète . Entretiens,Manuel, trad. de J. S. et A . J., coll. « Les grandes cuvres de l' Antiquité classique » , Paris 1950 ; 89 É . Bréhier, Épictète, Entretiens

(livres 1 à IV ), traduction par É. Br., revue par P. Aubenque. Rubriques, notice et notes par P . Aubenque, dans Les Stoïciens, coll. « Bibliothèque de la Pléiade , Paris 1962, p. 801 -1105

(notes : 1339-1355) ; 90 J. Pépin , Épictète, Manuel, traduction, notice et notes, dans Les Stoï ciens, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », Paris 1962, p. 1107-1132 (notes: 1355-1370); 91 C .

Chrétien , Épictète.Manuel,traduction de R . Rétoquart, revue et complétée par C. Ch., Intro duction, commentaires et notes par C . Ch., coll. « Profil philosophie > 738 , Paris 1988 ;

92 M . Gondicas, Épictète , Ce qui dépend de nous. Manuel et Entretiens, coll. « Retour aux grands textes » , Paris 1991. 93 (Arrien ), Manuel d 'Épictète . Traduction inédite et notes par E . Cattin . Introduction et postface par L . Jaffro , coll. « GF >> 797 , Paris 1997, 162 p. (trad. p . 63 91; notes p. 93- 126 ).

En anglais: 94 E . Carter, All theworks of Epictetus, which are now extant, consisting of his Discourses, preserved by Arrian , in four books, the Enchiridion, and fragments, translated

from the originalGreek by E. C ., with an introduction and notes, London 1758, réimpr. 1957 ; 95 Th . W . Higginson, The Discourses of Epictetus with the Enchiridion and Fragments, translated by Th. W . H ., 2 vol., Boston 1865 (cf. Epictetus. The Enchiridion, translated by Th . W . Higginson, with an introduction by A . Salomon , coll. « The library of liberal arts » , India napolis/New York 1955) ; 96 G . Long, The Discourses of Epictetus with the Encheiridion and Fragments, translated with notes, a life of Epictetus, and a view of his philosophy, coll. « Lib .

of the world 's best books» , New York 1890 ; 97 P.E .Matheson, Epictetus. The Discourses and Manual, together with fragments of his writings, transl. with introd. and notes, 2 vol., Oxford 1916 ; 98 J. Bonforte , The philosophy of Epictetus (traduction des Entretiens, fondée sur celle de T . W . Higginson),New York 1955 ; 99 N . P. White, The Handbook of Epictetus, translated with an introd. and annot., Indianapolis 1983. En italien : 100 E. Pelinejo ,Manuale di Epitteto, Parma 1793 ; 101 D .Bassi, Dai Discorsi di Epitteto, trad. e comm ., coll. « Pubblicazioni di cultura morale » 1, Firenze 1915 ; 102 G .Rensi ( édit.), Il Manuale di Epitteto, nella versione di Angelo Poliziano, Milano 1926 ; 103 G . Calogero (édit.), Il Manuale di Epitteto, nella versione di Giacomo Leopardi (1825, publiée à Florence en 1845 après la mort de son auteur), con introduzione e commento di G . C ., coll. « Collana scolastica ditesti filosofici», Firenze 1933, 19362 ; 104 E . Albino (édit.), Il Manuale, volgarizzato da G . Leopardi, introd. e comm . di E . A ., Roma 1950 (cf. Maltese 71, p . 87 - 119 ; 105 C .Moreschini [édit.), Il Manuale d 'Epitteto, trad. di Leopardi, coll. « Mini ma >> 9, Roma 1990) ; 106 R . Laurenti, Epitteto . Le Diatribe e i Frammenti, Bari 1960, réimpr.

coll. « Biblioteca Universale Laterza » 282, Roma/Bari 1989 ; 107 A . Caretta et L . Samarati, Epitteto . Il manuale, versione, introd . e note, coll. « Il pensiero class. de la filos. comm . » , Brescia 1970 ; 108 S. Arcoleo, Epitteto. Il manuale, trad., comm . analitico e storico -critico, coll. « Classici di filosofia e pedagogia » 3 , Torino 1973; 109 G . Reale et C . Cassanmagnago, Epitteto. Diatribe, Manuale , Frammenti, introduzione, prefazioni e parafrasi di G . R ., trad ., note e indici di C . C ., coll. « I classici del pensiero , Sez. I : Filos. class. e tardoantica » ,Milano

1982 ;Maltese 71, p. 1-46 .

En espagnol: 110 F. Sánchez de las Brozas (El Brocense ), Doctrina del stoyco filosofo drid 1632,Ginebra 1766 (la traduction est un peu libre ); 111 G . de Correas, Ortografia kastel Epicteto, que se llama comunmēte Encheiridio, Salamanca 1600 , réimpr. Pamplona 1612,Ma

lana nueva y perfecta juntamente con elManual de Epicteto y la Tabla de Kebes, Salamanca

1630 (la traduction du Manuel y est utilisée comme exemple grammatical) ; 112 F. de Quevedo , « Doctrina de Epicteto puesta en español con consonantes » , dans Epicteto y Phocí. lides en español con consonantes. Con el origen de los estoicos, y su defensa contra Plutarco, y la defensa de Epicuro contra la común opinion ,Madrid Barcelona 1635 (traduction , ou plu

tôt paraphrase, en vers du Manuel); 113 A . Brum (?), Theatro moral de la vida humana, en cien emblemas, con el Enchiridion de Epicteto... y la Tabla de Cebes..., Bruselas 1672 (réimpr. dans Theofrasto , Caracteres morales. Epicteto, Enquiridion o Máximas. Cebes, la Tabla de Cebes, coll. « Austral»> 733, Buenos Aires 1947, p. 79- 118) ; 114 J. Ortiz y Sanz,

Enchûridion ó manualde Epicteto, con el texto griego traducido en castellano e ilustrado con

ÉPICTÈTE 111 algunas notas (traduction latine en appendice), Valencia 1816 ; 115 P. Ortiz García, Epicteto .

E 33

Disertaciones por Arriano, traducción , introducción y notas, coll. « Biblioteca clásica Gredos » 185, Madrid 1993 ; 116 Ead., Tabla de Cebes. Musonio Rufo, Disertaciones y frag mentos menores. Epicteto, Manual, Fragmentos, Introducciones, traducción y notas, coll. < Biblioteca clásica Gredos » 207, Madrid 1995, p. 167-247 (Manuel) ; 117 R . Alonso García , Epicteto, Manual, Introducción , traducción y notas, Madrid 1993 ; 118 J. M . García de la

Mora, Epicteto, Enquiridión, Estudio introductorio , traducción y notas. En apéndice, la ver sión parafrástica de D . Francisco de Quevedo y Villegas (cf. 112 ), coll. « Textos y documen

tos » 14 ,Barcelona 1991. En catalan : 119 J. Leita , Epictet, Enquiridió . Marc Aureli, Reflexions, a cura de J. Mont

serrat i Torrents, coll: « Texts filosòfics» 27, Barcelona 1983. En grec : 120 S. Delta, 'Enixtútov 'Eyxelpídlov, Mápxou Aúpnalov tà eic Éautóv (OEUTÉPn Éxoóon Slopowuévn ),Keávdouc " Yuvos eic Aía , uetáopaois , Athènes 1935 ; 121 S . Delta, Al xat' ' Applavov 'EnlxtÝTelol Alatpiſal, metáppaois, Athènes 1937 ; 122 A . Dalezios, 'Etxepidlov, åpx. xelu ., cioayum , metápp., onueiGOELS, coll. « lláttu poç » 82, Athènes 1955. En hollandais : 123 M . A . Gillis, Epictetus Hantboecxken, leerende na der Stoischer Philo sophen wyse hoe elc in sinen roep gherustelyck leven sal. In nederduytsch overgesedt deur M . A . G . , Antwerpen 1564 (cf. 124 M . Boas, « De oudste nederlansche vertaling van Epictetus

Enchiridion en haar auteur », Tijdsschrift vor Nederlandsche Taal- en Letterkunde 37, 1918 , p. 279 - 301) ; 125 H . L . Spiegel, Epictetus Handi-boexken , ende Cebes Tafereel. Lerende philosophischer wyze hoe elck in sijn beroep gherustelixt leven zal... Noch Cebes tafereels

kort begrip , in rijm ghestelt door H . L . S ., Amsterdam 1615 ; 126 F . Scheurleer, Enchiridion : zedekundig handboekje van Epictetus, vert. en van een inleid. voorz F . S ., Gravenhage 1915 ;

127 H . W . F . Stellwag, Epictetus. Het eerste boek van der Diatriben (Entretiens I), inleiding, vertaling en commentaar door H . W . S ., Diss. Utrecht, Amsterdam /Paris 1933 ; 128 H . Giltay, De levende Epictetus. Ein nieuw handboekje naar Epictetus' Diatribae, samengest. en van een

inl. en aant, voorz H . G ., Gravenhage 1946 . En danois : 129 E . Boye, Epiktets Haandbog, af det Græske oversat og med Anmærk ninger oplyst af E .B ., København 1781; 130 J. A . Bundgaard , Epiktetos' Haandbog, övers. af J. A . B ., 2. udg., København 1942.

En tchèque : 131 R .Kuthan, J. Ludvíkovský, L. Svodoba et J. Mertlíková, Encheiridion, Diatribai, introd., trad., comm ., coll. « Antická knihovna » 10 , Praha 1972. En russe : 132 G . A . Tarojan , « Epicteti Diatribae» , VDI 1975 n° 132, p. 195-253, n° 133, p . 217 -259, n° 134, p. 207-234, n° 135, p. 215 -249, n° 136 , p. 195-237 (traduction précédée par l'article de Štajerman 44).

En lituanien : 133 V .Kazanskiene, Épictète. Euvres choisies (en lituanien ), Vilnius 1986 .

B . Vie.

Sources biographiques anciennes. Nos connaissances sur la vie d'Épictète sont très pauvres. On trouve un catalogue de témoignages anciens sur Épictète chez Schweighäuser 51, t. II 2, p. 123-136 , et Schenkl 52 , p . III-XV. Les sources

les plus importantes sont: Aulu-Gelle (11P ),Nuits Attiques II 18, 10 et XV 11, 3 5 ; Simplicius (VIP ), Commentarius in Epicteti Enchiridion ; et la Souda (XP), s.v.

'EnixTnTOS, E 2424,t.II, p. 365, 24-31 et 366, 1-17 Adler. Au début de la pré face du commentaire de Simplicius (cf. Hadot 172 , p. 192, 1-4 ), on apprend

qu'Arrien « a écrit sur la vie et sur la mort d'Épictète» (= test. 3 Schenkl = Arrien , test. 4 Roos). A la suite d'Asmus 17, p . 31 sq ., Schenkl 52, p. XV sq . (cf.

aussi Colardeau 22, p.23), s'oppose à ceux qui ont voulu tirer de cette phrase l'idée qu 'Arrien avait écrit une biographie proprement dite de son maître,

ÉPICTÈTE E 33 publiée comme introduction au Manuel. Schenkl 52, p. XVI,montre en effet que les témoignages que l'on possède sur Épictète (sauf de rares exceptions) sem blent bien dériver des quatre livres d' Entretiens qui nous sont parvenus. Ces 112

livres restent en réalité la source la plus riche pour notre connaissance de la personnalité du philosophe. D 'après Schenkl, les mots de Simplicius peuvent faire référence simplement à un passage (perdu) des Entretiens, où Arrien ,dans le dessein de montrer la tranquillité d'âme dont jouit celui qui ne considère pas la mort comme un mal, aurait présenté Épictète moribond en train de dialoguer une dernière fois avec ses amis et disciples (cf. aussi Zeller 26 , t. III 1, p. 766 sq. n . 2 ; Colardeau 22 , p. 23 sq. n . 5 ; von Arnim 5, col. 126 sq.; Souilhé 63, t. I, p . I). Dans l'introduction de son édition du Commentaire de Simplicius,Mme I. Hadot 172 , p . 152 - 157, considère pour sa part que le passage fait bien allusion à

une Vie d'Épictète par Arrien , d 'ailleurs utilisée par Simplicius pour certains

détails biographiques concernant le philosophe.

Chronologie et biographie . La Souda,loc. cit. (= test. 21 Schenkl), nous apprend que la patrie d 'Épictète fut Hiérapolis (auj. Tambouk -Kalessi), en Phry gie méridionale. Le lexicographe ne précise pas la date de sa naissance ni celle de sa mort. Il se borne à dire (cf. test. 30 Schenkl) qu 'Epictète a vécu jusqu 'à

l'avènement de Marc-Aurèle (161). Cependant, depuis Schenkl 52, p. XIX sqq., les critiques estiment qu 'une date plus ancienne s'accordemieux avec les points de repère fournis par les Entretiens, notamment avec la chronologie de celui qui les a publiés, Arrien (ca 85 - ca 165, * A 425 ), que l'on considère habituel lement comme un fidèle éditeur de ses propres notes de cours (cf. infra ). En effet, Schenkl 52, p. XXVII sqq., tout en supposant qu 'Arrien a dû suivre les

leçons d 'Épictète avant sa nomination commeconsul ca 130 , remarque qu’Épic tète lui-même se présente comme un vieillard lorsque Arrien était son auditeur (cf. Entretiens I 16 , 20 ; II 6 , 23 ; II 19, 25 ; Lucien , Contre un ignorant 13 = test.

15 Schenkl), et qu 'il aurait dû vivre encore une quarantaine d'années pour atteindre l'avènement de Marc -Aurèle. Donc, Schenkl imagine qu 'Épictète a

vécu seulement jusque vers le milieu du règne d'Hadrien (117-138), qui a traité, on le sait, le philosophe avec une grande familiarité ( cf. S. H . A ., Vita Hadriani

16 , 10 = test. 27 Schenkl, où l'on signale l'amitié de l' empereur pour les philosophes Épictète et Héliodore [ H 28 ]). Schenkl 52, p. XXXII, suppose par ailleurs qu 'Épictète est né en 50 . Cette date a été déduite approximativement à partir de celle de l'incendie délibéré du Capitole en 69, car cet événement semble avoir vivement marqué Épictète lorsqu 'il était disciple de Musonius Rufus (cf. infra), comme on peut le déduire d'un passage des Entretiens I 7, 32

( cf. contra Hijmans 36 , p. 9 n. 1). Le Capitole fut incendié aussi en 80,mais de façon accidentelle, tandis que le passage en question semble bien faire référence à l'action criminelle de 69 (cf. Schenkl 52, p . XXIII ; Oldfather 55, t. I, p . XI) . L ’an 50 proposé par Schenkl s'explique facilement si on suppose qu 'Epictète pouvait avoir 19 ans lorsqu 'il était disciple de Musonius. Ainsi, on s'accorde d 'ordinaire pour placer sa vie entre ca 50 et ca 125/130.

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ÉPICTÈTE

113

Cf. Souilhé 63, t. I, p . II, IX ; Oldfather 55 , t. I, p . XII : † 120 (cf. Hijmans 36, p . 9 ) ; Spanneut 10 , col. 599 sq .; Mattei 14 , p . 860 ;Rocca-Serra 15, p. 133.

En réalité, cette chronologie , bien qu 'elle soit plausible, n' a qu 'un caractère hypothétique (cf. Colardeau 22, p. 3). Comme le souligne Stellwag 127 , p. 1, la

plus grande longévité attribuée par la Souda à Épictète n'est pas impossible. Sur la base des témoignages d 'Aulu -Gelle II 18 , 10 (= test. 9 Schenkl) et de Marc

Aurèle VII 19 (= test. 12 Schenkl), qui parlent tous deux d'Épictète comme s'il était mort, on peut seulement fixer 170 commeterminus ante quem pour la mort, car cette année semble bien le terminus post quem pour la publication des Nuits Attiques (* A 509) et de l'ouvrage de Marc -Aurèle (cf. Schenkl52, p. XXII). Par

ailleurs , d'après Georges le Syncelle (= test. 5 Schenkl), Épictète a eu son floruit pendant le règne d 'Antonin le Pieux (138- 161), bien qu 'il fût déjà actif comme philosophe sous le règne de Domitien (81-96 ), s'il a été compris dans le décret sénatorial par lequel, sous cet empereur, furent chassés de Rome tous les philo sophes, ca 94 (cf. infra ). De son côté ,Millar 40, p. 141 sq., qui souhaite se tenir à l'écart de toute conjecture, déclare que la seule chose que l'on puisse affirmer avec certitude sur la chronologie d 'Épictète est qu'il était à Rome pendant la

période des Flaviens (69- 96 ), lorsqu'il fut ami et disciple de Musonius. Épictète a passé sans doute ses premières années à Hiérapolis. Cette ville (« la ville sainte » ) était alors un centre religieux très important: tout en étant célèbre notamment pour les mystères de Cybèle (cf. Strabon XIII 14), elle abritait aussi une communauté chrétienne (cf. Spanneut 10 , col. 599 sq .). Donc, il est facile

d'imaginer que ce milieu a dû jouer un rôle très important dans la formation de la spiritualité d'Épictète (cf.Oldfather 55,t. I,p . VIII). A en croire une inscription de Pisidie , qui n'est pas datée mais semble bien ancienne (cf. 134 G . Kaibel, « Inschriften aus Pisidien » , Hermes 23, 1888 , p . 532-545 , notamment p . 542 sq. = test. 19 Schenkl), Épictète est né dans l'esclavage. Par ailleurs, dans un distique anonyme transmis par Jean Chryso stome et par Macrobe (cf. test. 18 , 35 et 36 Schenkl), on présente l'esclavage

d'Épictète au moyen du verbe yiyveodai. Il n 'est pas sûr que ce verbe ait dans ce passage le sens de « naître », car, comme le remarque Schenkl52, p. XVI,n . 2, le verbe en question s' identifie souvent en poésie avec elvál, et, comme le signale Souilhé 63, t. I, p. II, il peut aussi avoir le sens de « devenir » . En fait, Schenkl 52, p . XVI, met en cause l' idée qu 'Épictète soit né esclave. Il suggère que cette idée a été tirée d'un passage des Entretiens (IV 1, 51), où l'on dit de Diogène de Sinope qu'il était un homme libre parce qu 'il l' était lui-même, bien qu 'il ne fût pas né de parents libres. En revanche, Oldfather 55 , t. I, p. VII n. 2, considère qu 'il n 'y a pas de raison pour douter du renseignement selon lequel Épictète est né esclave. Martha 16 , p . 196 , soutient que le nom même qu ’Épictète portait n 'était qu 'un adjectif signifiant « esclave » (« acquis récem ment » ), et que ce nom lui aurait donc été donné non par ses parents mais par son

maître . Cependant, Oldfather 55, ibid., récuse l'idée de Martha selon laquelle le nom qu 'Épictète portait n 'était pas son nom réel et qu'il l'employait uniquement

pour chercher une espèce d 'anonymat, par souci de modestie : « the designation

114

ÉPICTÈTE

E 33

is by no means restricted to slaves , while his modesty, because coupled with Stoic straightforwardness , is far removed from the shrinking humility that seeks self-effacement» . Germain 39, p. 183 n. 7, remarque aussi que le mot 'Enixtn tos comme nom propre est attesté pour des hommes libres. A son tour, Colar deau 22 , p . 6 sq . n . 5 , tout en rappelant que les esclaves dans l'Antiquité recevaient souvent le nom de leur pays d'origine, suggère que ce mot désignait une partie de la Phrygie qui avait été ajoutée à un pays plus ancien ou acquise

par ce pays.Mais, comme le remarque Souilhé63, t. I, p . III, aucun témoignage ne confirme cette hypothèse (cf.Mattéi 14, ibid .). En toutcas, l' ensemble de nos sources, y compris les Entretiens, attestent bien qu'Épictète fut esclave au moins pendant une période de sa vie (cf. Entretiens I 9, 29 -30 ; 19, 19-21 ; test. 9, 17, 18, 31 a et b, 35, 36 , 36 a, 47, 50 , 59 Schenkl; Fronton , Lettres, Ad Verum (?) 5, p . 52 Haines (cf. p. 135 Van den Hout]). Comme esclave, il fut envoyé à Rome, probablement encore très jeune ; on le

trouve au service d 'Épaphrodite, sans doute l'affranchi deNéron , que la Souda présente comme un des gardes du corps de l' empereur,mais qui semble avoir été plutôt son secrétaire (« a libellis » ), d'après le témoignage de Suétone, Vie de

Néron XLIX 5, et Vie de Domitien XIV 2 (cf. PIR? E 69; 135 P . R .C . Weaver, « Epaphroditus, Josephus, and Epictetus» , CQ 44, 1994, p. 468 -479). La qualité morale de ce personnage semble avoir été exécrable . Il n 'est sans doute pas

fortuit que dans le souvenir d'Épictète Épaphrodite apparaisse toujours comme

unmauvais exemple (cf. Entretiens I 1, 20 ; 9, 19 ; 19, 19-21; 20, 11-12 ; 26 , 11 12 ). A en croire la tradition , rapportée par Origène, qui suit Celse (cf. test. 17 Schenkl), et confirmée par Grégoire de Nazianze et son frère Césaire (test. 31-35 Schenkl), Épictète serait devenu boiteux à cause de la brutalité de son maître

( vraisemblablement Épaphrodite). Celse , ap. Origène, Contra Celsum VII 53, raconte de façon dramatique cet épisode : Épaphrodite aurait mis à la torture la jambe d 'Épictète, qui se serait borné à lui dire en souriant: « Tu vas la casser» , puis, lorsque la jambe fut de fait cassée, se serait borné à reprendre: « Je te l'avais bien dit, que tu allais la casser» . Quoi qu'il en soit, le fait qu 'il était boi teux est confirmé par Épictète lui-même (cf. Entretiens I 8, 14 ; 16 , 20 ). La Souda explique l'infirmité d' Épictète comme due à de simples rhumatismes. Cependant, ce témoignage, bien que R . Bentley l'ait défendu (cf. aussi Croiset 21, t. V , p . 458 ), n 'a généralement pas obtenu créance parmi les critiques (cf. 136 W . A . Oldfather, « Richard Bentley' s critical notes on Arrian 's Discourses of Epictetus » , TAPHA 53, 1921, 41-52, notamment p. 42). Oldfather 55, t. I., P. IX sq. n . 1, affirme que le témoignage de Simplicius, loc. cit. (= test.47 Schenkl),

selon lequel Épictète était faible de corps et boiteux depuis sa jeunesse, ne per met pas de trancher la question et s'accorde aussi bien avec une version qu 'avec l'autre. Cependant, il considère la version de la torture comme la plus vraisem blable (cf. en revanche le scepticisme de Colardeau 22, p. 6 n. 1). A son avis, si

Épictète fait référence si souvent au thème du maître ou du tyran qui veutoppri mer quelqu'un au moyen de la torture, de la prison , de l'exil, etc ., si la liberté est un sujet central chez lui, c 'est bien entendu parce que c 'était un lieu commun

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ÉPICTÈTE

115

dans le stoïcisme, mais c'est peut-être aussi parce qu'il avait gardé toujours un sentiment très vif de sa propre expérience personnelle (cf. Entretiens I 18, 17). Oldfather va même jusqu 'à suggérer que le silence des autres sources sur cet épi sode de torture serait dû à un chrétien apologiste sans scrupules qui aurait cher

ché ainsi à priver ce martyr païen de son comportement héroïque ( cf. aussi Hijmans 36 , p . 8 ).

En ce qui concerne la question de la torture , Souilhé63,t. I, p. IV sq ., rappelle aussi le témoignage d'Épictète lui-même (Entretiens 19, 29) selon lequel Muso nius voulait préparer l'âme de son disciple à subir la violence de son patron. Par ailleurs, il imagine qu'Épaphrodite a dû se laisser séduire assez vite par la force d'âmede son esclave, étant donné qu 'il lui permit, avant de lui donner la liberté,

de suivre les leçons de Musonius, le plus grand philosophe stoïcien de l' époque (cf. aussi Entretiens I 7 , 32). Épictète peut avoir été son disciple lorsque Muso nius est revenu de l'exil après la mort de Néron en 68/69, comme le soutient Schenkl 52, p . XIX sq., XXXII (cf. Croiset 21, t. V , p. 458 sq ., quiplaçait plutôt ces études d'Épictète auprès de Musonius sous le règne de Néron ). Cependant, Souilhé 63, t. I, p. VI, suggère que Musonius,malgré la faveur dont il jouissait auprès de Vespasien , a pu se voir contraintde quitter encore une fois Rome après le décret général d'expulsion des philosophes édicté sous cet empereur, ca 71 75, pour revenir seulement avec l'avènement de Titus en 79. D 'après lui, c'est sans doute alors qu'Épictète fut son disciple (cf. aussi Jordán de Urries 64, t. I, P . XXI). Jordán de Urríes 64, t. I, p . XIII, suggère que le fait qu'Épaphrodite ait permis à Épictète de se procurer une formation philosophique n 'est pas nécessairement un signe de bienveillance à l'égard de son esclave,mais peut répondre au fait qu 'il souhaitait en faire le pédagogue de ses enfants, en raison de son défaut physique, qui l' empêchait de réaliser d 'autres travaux, et en

raison de son intelligence éveillée (cf.aussi Ortiz García 115, p. 10 , 363 n . 169).

L 'influence que les enseignements de Musonius exercèrent sur Épictète fut sans doute décisive (cf. Entretiens I 1, 27 ; 7, 32 ; 9, 29 ; III 6 , 10 ; 23, 29 ; et fr. 4 8 Schenkl). A ce sujet, voir Hijmans 36 , p . 3 - 7 ; 137 R . Laurenti, « Musonio e Epitteto » , Sophia 34 , 1966 , p. 317 -335 ; et 138 Id ., « Musonio ,maestro di Epit teto » , ANRW II 36, 3, 1989, p . 2105-2146. On n 'a pas de raison de penser que

Musonius n'a pas été son seulmaître . En effet, comme le remarque Souilhé 63, P. VI sq., on peut expliquer certains aspects cyniques de la pensée d'Épictète « par la formeâpre et un peu rude que le Stoïcisme romain de ce temps avait em pruntée aux Cyniques » sans qu 'on ait besoin d 'imaginer, comme l'avait fait Bonhöffer 19 , p. IV (cf. aussi Hirzel 20 , t. II, p . 246 n. 1), qu 'Épictète a été

disciple d 'un cynique avant d'entendre Musonius. L 'affranchissement d'Épictète a dû se produire avant 94, car, commenous l'avons dit plus haut, il fut inclus dans le décret d'expulsion des philosophes appliqué sous Domitien . C 'est à ce moment que le philosophe se rendit en exil à

Nicopolis en Épire (cf. Aulu -Gelle XV 11 = test. 10 Schenkl; Pline le Jeune, Lettres III 11 ; Lucien , La mort de Peregrinus 18 = test. 16 Schenkl; Tacite , Vie d 'Agricola 2 ; Simplicius, loc. cit., test. 51 Schenkl). Il y créa une école de philo sophie , sans doute dans sa propremaison. C ' était une école ouverte , qui semble

116

ÉPICTÈTE

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avoir été fréquentée par un très grand nombre de disciples (ou d 'auditeurs plus ou moins occasionnels) et avoir joui d 'une grande renommée (cf. Hijmans 36 ,

p . 2 sq. ; Brunt45, p. 20 sq.). C ' est peut-être dans le cadre de cette école que doit se placer son entretien avec Hadrien (cf. S. H . A ., supra ).Mais certains critiques

considèrent que cette visite a eu lieu à Athènes, en supposant un voyage d 'Épictète dans cette ville . Schenkl 52 , p. XXVI, croit confirmer cela à l'aide de

deux passages: Lucien, Vie de Démonax 55 (test. 14 Schenkl), où l'on raconte qu ’Épictète s'est adressé un jour à Démonax ( D 74 ] (qui passa sa vie à Athènes) ; et Flavius Philostrate , Lettres69, p. 485 sq. Hercher (à Épictète = test. 23 Schenkl), où l'on déclare que les applaudissements reçus à Athènes ont dû provoquer chez Épictète une stupeur comparable à celle que produisent les cym bales retentissantes chez les initiés aux mystères de Rhéa, c'est-à-dire les mystères d 'Éleusis. Stellwag 127 , p . 5, accorde foi elle aussi à ce dernier rensei gnement, et elle croit pouvoir alléguer en guise de confirmation le témoignage des Entretiens eux -mêmes (cf. I 4 , 30 ; III 22 , 78). Oldfather 55, t. I, p. X , penche pour l'authenticité de ce voyage athénien , bien qu 'il reconnaisse que les pas

sages allégués par Schenklne sont pas probants, tout comme Souilhé 63, t. I, p. IX , qui cependant considère comme plus probable l'hypothèse d'un voyage d 'Hadrien à Nicopolis . Enfin , Hijmans 36 , p. 1 sq., tout en fixant la visite d 'Hadrien à Nicopolis en 125, conclut que la seule chose que l'on puisse affir mer est qu'il a existé un rapport personnel entre Hadrien et Épictète.

[Épictète fut honoré, au sanctuaire d'Épidaure , d'un hermès (IG IV 12, 683) élevé par un ami qui n'a pas jugé nécessaire de préciser son nom . Cette omission ne peut s'expliquer que si le donateur était d'un rang suffisamment élevé pour ne pas être astreint aux usages qui s'imposaient aux dédicants ordinaires : Blinken

berg (NT 3, 1895 , p. 157) a sans doute eu raison de reconnaître en lui l'empereur Hadrien .

BERNADETTE PUECH.]

Lucien , Démonax 3 (= test. 13 Schenkl) prétend que le cynique Démonax a fréquenté le philosophe. En réalité , on ne peut reconnaître aujourd 'hui avec certitude qu'un seul disciple d'Épictète , Arrien de Nicomédie ( en Bithynie ), l'homme politique et écrivain qui préserva ses enseignements. Voir S . Follet, notice « Arrien de Nicomédie » A 425 , DPhA I, 1989, p. 597 -604 . Schenkl 52, p. XXVIII, se représente Arrien comme disciple d'Épictète dans les premières années du règne d 'Hadrien (117 -120), à l'encontre de Colardeau 22 , p. 14, qui

suppose qu 'il entretint un rapport plus discontinu avec son maître (cf. aussi 139 E. Schwartz , art. « Arrianus» 9 , RE II 1 , 1895, col. 1230-1247, notamment p . 1230, et Croiset 21, t. V , p. 459, qui songentdéjà au règne de Trajan : 98 - 117).

En tout cas, c 'est sans doute pendant sa jeunesse , avant sa nomination comme consul ca 130 , que doit se placer le séjour, plus ou moins prolongé, d'Arrien à Nicopolis auprès d'Épictète , lorsque celui-ci était déjà relativement âgé (cf.

supra). On a daté ce séjour ca 108, à partir de la mention dans les Entretiens III 7, ainsi que chez Pline le Jeune, Lettres VIII 24, 2 -4 , d 'un épicurien du nom de Maximus comme corrector des cités libres, qui aurait fréquenté l'école

d'Épictète (cf. DPha A 425, p. 598).

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ÉPICTÈTE

117

Sur l'école d 'Épictète et la valeur de sa pédagogie, voir 140 J. Bruns, De schola Epicteti, Kiel 1897 ; Colardeau 22, p . 71-113 ; 141 L . Weber, « Lamorale d 'Épictète et les besoins pré sents de l' enseignement moral» , RMM 1905, p . 830-858 ; 1906 , p . 342-360 ; 1907, p. 327 347 ; 1909, p . 203-236 ; 142 E . A . Abbott, « From the lecture room of Epictetus» , Expositor 1, 1906 , p . 132- 143 ; Halbauer 24, p .43-56 ; 143 W . Scherer, Epictets pädagogische Bedeutung, Prog. Regensburg 1916 ; Hijmans 36 , p . 92 -102 ; 144 P . Zarrella , « La concezione del disce polo in Epitteto » , Aevum 40 , 1966 , p . 211-229 ; 145 J.N . Sevenster, « Education or conver

sion. Epictetusand the Gospels » , NT 8 , 1966, p . 247-262. Brunt 45, p . 20 sq., analyse en détail la composition de l'auditoire d'Épictète, et il constate que celui-ci recrutait ses élèves parmi les aristocrates grecs locaux, afin sans doute de leur apprendre à remplir les devoirs inhérents à leur situation sociale (cf. Cizek 43), mais aussi à regarder avec indifférence les biens extérieurs, le pouvoir et la renommée, et à ne valoriser que les biensmoraux tirés de la liberté intérieure. En analysant l'æuvre d 'Arrien , qui fit une car rière politique, Brunt observe que les enseignements d 'Épictète ne s' y trouvent pas toujours réalisés. En effet, quelle que soit l'influence qu 'Épictète a exercée sur sa vie, le système de valeurs qu 'adopte Arrien dans l'Anabase d 'Alexandre ne correspond pas à celui que préconi

sait son maître . Par exemple, son interprétation d' Alexandre comme un homme et un roi admi

rable n 'est pas stoïcienne, car les vrais stoïciens avaient tendance à condamner Alexandre , et même l' Alexandre idéalisé d ' Arrien .

Cf. aussi 146 R . Laurenti, « Classi e ascesa sociale in Epitteto », Index 13, 1985, p. 407 424.

Épictète mena toujours une vie de simplicité. A Rome, il n 'avait nul besoin de fermer la porte de sa maison , où l'on ne trouvait qu 'un lit de paille et une natte de jonc pour dormir (cf. Simplicius, op. cit., test. 47 Schenkl). De la fruga lité de sa vie à Nicopolis rend aussi témoignage l'anecdote selon laquelle un jour on lui vola une lampe de fer, ce qui lui fit comprendre qu' il devait la remplacer

par une autre de terre (cf. Entretiens I 18, 15 ; 29, 21). C 'est sans doute cette anecdote qui donna lieu plus tard à la légende racontée par Lucien , Contre un ignorant 13 (= test. 15 Schenkl), selon laquelle, après la mort d' Épictète , un admirateur acheta cette lampe de terre trois mille drachmes, dans la pensée peut

être - pense Lucien - que s'il l'utilisait la nuit pour lire, il hériterait sans effort de la sagesse d' Épictète pendantson sommeil et pourrait devenir aussi admirable que lui. Enfin, l' image que nous pouvons nous faire de l'aspect extérieur

d 'Épictète est celle d'un vieillard boiteux (cf. supra ) aux cheveux blancs, qui porte la barbe et le manteau du philosophe (cf. Entretiens III 1, 24 ), mais se pré sente toujours propre et soigné, pour ne pas déranger les gens avec qui il se

trouve (Entretiens IV 11, 13- 14). Épictète resta sans doute célibataire pendant toute sa vie. A la différence des épicuriens, il était loin de rejeter l'institution du mariage (cf. Entretiens I 23), mais il considérait que le vrai philosophe (le vrai « cynique » ) devait plutôt s'abstenir du mariage et de l'éducation des enfants, car ces tâches pouvaient le

distraire de sa plus haute mission (cf. Entretiens III 22, 67 sqq.). Lucien, Démo nax 55, affirme qu 'Épictète conseillait à Démonax de créer une famille , ce à quoi

le cynique répliqua ironiquement: « Eh bien , Épictète, donne-moi donc une de tes filles» . D 'après Simplicius, test. 52 Schenkl, Épictète passa seul la plus grande partie de sa vie,mais , lorsqu 'il était déjà vieux, il prit une femme comme nourrice d 'un enfant qu 'un de ses amis allait exposer à cause de son indigence et

qu'il adopta. Cela ne veut pas dire qu'il se soitmarié. Le verbe employé (stap

ÉPICTÈTE

118

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kráſeto ) n'autorise pas à le supposer, mais veut dire simplement qu'il « prit chez lui» cette femme commenourrice de l'enfant (italdiou tpopóv). Toutefois, Hijmans 36 , p . 2 n . 6 , considère qu 'on ne peut pas savoir clairement si la femme en question a joué le rôle de servante ou d' épouse (cf. Colardeau 22, p . 11 sq.) .

C . Euvre. A l'instar de Socrate , qu 'il admirait (cf. infra ), Épictète ne publia jamais aucun écrit. Son enseignement était purement oral, et il nous serait aujourd 'hui pratiquement inconnu sans les æuvres de son disciple Arrien . Voici en fait ce qui

nous en est parvenu :

(a ) Un recueil en quatre livres de leçons, connu dans nos manuscrits sous le nom de Alatpißaí (Entretiens = Schenkl 52, p. 7-454 ). Ces entretiens sont en partie des discours avec un interlocuteur fictif , en partie des dialogues socra tiques et surtout des discours à mi-chemin entre les uns et les autres. Notre recueil est précédé par une lettre -préface d' Arrien à un certain Lucius Gellius

(MG 11), dans laquelle Arrien présente les textes qu 'il publie de son maître comme une reproduction fidèle de ses notes de cours (Únouvnuata ). Il y affirme que ces notes, bien qu 'il les ait rédigées pour lui-même, ontcommencé à

circuler publiquement à son insu et contre sa volonté , ce qui le décida à les publier lui-même afin de sauvegarder les discours d 'Épictète tels que celui-ci les avait prononcés.

(b ) Un abrégé de l'ouvrage précédent, connu sous le nom d’ ’Eyxelpídlov (Manuel: Schweighäuser 51, t. III, p. 1-62,notes p . 137- 174 ; Schenkl 52, p . 5 *. 38* ). D 'après Simplicius , op. cit., préface , test. 3 Schenkl, cet abrégé fut publié aussi par Arrien, qui, comme lui-même le disait dans la lettre-dédicace (perdue)

à Massalenus, y voulait condenser les parties les plus significatives et les plus frappantes des enseignements d ' Épictète. Sur Massalenus , voir I. Hadot 172, p. 142 n . 1, qui suggère la possibilité de l'identifier avec C . Ulpius Prastina Paca

tusMessalinus, PIR ? M 512 . (c ) Une série de fragments conservés par quatre sources ( cf. Schweighäuser

51, t. III, p.63-138 , notes p . 175-216 ; Schenkl 52, p. 455-475) : - de l'Anthologie de Jean Stobée , si on laisse de côté ceux qui sont douteux ou manifestement faux , on tire vingt-trois fragments (fr. I-VIII , XI-XXV , IX , X Schenkl) ; - des Nuits Attiques d ' Aulu -Gelle , on en tire deux (fr. IX , X Schenkl);

- de l' écrit Contre les Gentils d’Arnobe (ca 300 ), on en tire un (fr. Xa Schenkl) ; - des Méditations de Marc- Aurèle , on en tire six ( fr. XXVI-XXVIIIa Schenkl,

XXVIIIa Oldfather). L ' attribution à Épictète du fragment XXVIII est due à

147 H . Fränkel, « Ein Epiktetfragment» , Philologus 80, 1924, p . 221. D 'après l'analyse de Schenkl 52, p. XLVII ( cf. P . XLI sqq.), ces fragments proviennent finalement soit des Entretiens eux-mêmes (sans doute , comme on le verra, dans une édition plus complète que celle que nous connaissons aujour

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ÉPICTÈTE

119

d 'hui), soit de la recension du Manuel faite par Simplicius pour son commentaire (cf. infra). Schenkl exclut les fragments XIII, XV, XVI, et peut-être XIV : ils proviennent d'un ouvrage intitulé ( chez Stobée) Mémorables d 'Épictète ('Etl

xtńtov ánouvnuoveúuata ), qu'il estime anonyme, mais qui en réalité ne semble pas différent des Entretiens (cf. infra). Il exclut aussi le fragment XXIX ,

qui lui semble appartenir à ce qu'on appelle la Paraphrase chrétienne du Manuel (cf. infra). Enfin , d 'après son analyse, les numéros XVII-XXI, XXIII-XXV, peuvent provenir aussi bien des Entretiens que du Manuel (dans la recension de Simplicius).

Tous ces fragments sont considérés aujourd'hui comme authentiques par la critique. D 'autres ont été considérés depuis Schenkl 52, p. XLVII, comme dou

teux ou faux (« fragmenta dubia et spuria » = Schenkl52, p. 462-475), à savoir: les fragments XXX -XXXIV Schenkl, tirés de Stobée ; le fragment XXXV

Schenkl, tiré du Floril. cod. Par. 1168 [501 E.) ( cf. Stobée III 6, 58); enfin , le

fragment XXXVI Schenkl, tiré du Pseudo-Antonios,Melissa I 21. Cf. 148 A . Elter, « Neue Bruchstücke des loannes Stobaeus » , RHM 47, 1892,

p. 130 -137 ; 149 H . Schenkl, « Die epiktetischen Fragmente. Eine Untersuchung zur Überlieferungsgeschichte der griechischen Florilegien » , SAW 115, 1887

(1888), p. 443-546 (publication séparée: Wien 1888). Par ailleurs, il y a des fragments prétendumentd'Épictète dans plusieurs recueils tardifs : - le recueil appelé par Schenkl 52, p. 476 -492, Gnomologium Epicteteum Stobaei, formé par des sentences du cod. Vaticanus Graecus 1144 (XVe s.), fol. 209v, qui dérivent, d 'après Elter 148 , p . 130 sqq ., de la première partie de l'Anthologie de Stobée, livres I-II (= Schenkl

52, p. 476 -477), ainsi que par des sentences tirées de la deuxième partie de cette Anthologie, livres III- IV (= Schenkl 52, p. 478-492) ; - deux recueils attribués à un personnage mystérieux de nom de Moschion (Mooylovos

yvõual = Schenkl 52, p .493-494 ; etMooylovos ÚnoOñxal = Schenkl 52, p . 495-496 ) : cf. 150 A . Elter, Gnomica II, Epicteti et Moschionis quae feruntur sententiae cum corollario ,

Leipzig 1892 ; 151 P. Derron , Pseudo-Phocylide. Sentences, texte établi, traduit et commenté,

CUF, Paris 1986,p.XXXVI sq.; - le florilège de Démocrite-Isocrate -Épictète ( cf. 152 C . Wachsmuth , Studien zu den grie

chischen Florilegien , Berlin 1882, réimpr. Amsterdam 1971, p. 121- 122, 162 -216 ; 153 G . Matino, « Una nuova recensione dello gnomologio democriteo - epitteteo » , BollClass 2 , 1981,

p . 104 -119). Comme le remarque Spanneut 8, col. 843 sq., les fragments rapportés dans ce genre de florilèges (Spanneut en mentionne aussi d 'autres) ne peuvent pas être mis au compte d'Épictète sans autre examen : ils sont d 'inspiration stoïcienne et rendent parfois un son épictétéen , mais il ne semble pas que les compilateurs soient jamais remontés à Épictète .

En général, sur la tradition gnomologique d'Épictète , cf. 154 D .M . Searby, Aristotle in the Greek gnomological tradition, coll. « Acta Universatis Upsaliensis . Studia Graeca Upsalien

sia » 19, Uppsala 1998 , 314 p.

Les titres différents dont usent nos sources pour désigner l'æuvre d ' Épictète ont amené les critiques modernes à se poser la question de l'unité de cette

euvre. Aujourd'hui on s'accorde à penser que les enseignements d'Épictète (nous laissons de côté pour lemoment la question du rôle qu ’Arrien a joué dans

leurmise en forme littéraire ) ne constituaient qu'un seul ouvrage (si on laisse de côté le résumé du Manuel), à savoir : l'ouvrage qui nous est parvenu (plus ou

120

ÉPICTÈTE

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moins complet) dans nos manuscrits sous le nom de Alatpißaí (Entretiens).

Simplicius, op. cit., préface, parle aussi des Alatpiſal d'Épictète. Il dit qu ’Ar rien , dans la lettre qui précédait le Manuel, déclarait avoir extrait ce résumé éx

tõv 'Enixthtov hóywv,mais Simplicius ne semble pas distinguer entre ces λόγοι ou discours et les Διατριβαί. Dans la lettre a Lucius Gellius qui nous est

parvenue comme préface de nos Entretiens, Arrien parle aussi de « discours » . Il y emploie aussi le terme únouvnuata pour faire référence à ses notes de cours qui seraient le matériau à partir duquel il publie les discours de son maître. Ce terme est repris par Marc-Aurèle 1 7 (= test. 11 Schenkl: tots 'Enlmtntelous

Únouvňuaolv ). Quant à Aulu -Gelle, témoin de premier ordre , il parle des dissertationes d'Épictète ordonnées (I 2 = test. 8 Schenkl) ou composées (XVII 19, 5) par Arrien , et il traduit par dissertationes le grec dlaréEELC (XIX 1). De

son côté, le philosophe néoplatonicien Damascius (V -VI), Vie d 'Isidore, fr. 109 , p. 85 , 14 Zintzen (= la Souda, loc. cit., p. 365, 27 Adler ; Epitoma Photiana 58 = Photius, Bibliothèque, cod . 242, 338 b, p. 18, 17 sq. Henry = test. 42 Schenkl),

introduit un nouveau nom , lorsqu'ilmentionne les oyoral d'Épictète. Malgré la diversité des noms (Platpiſal, abyol, útrouvňuata, dlaréEELS dissertationes, oxonal), rien n' empêche de supposer que tous ces auteurs font référence à un seul et même recueil d'Épictète . Cependant, la question devient

plus compliquée si on tient compte des témoignages de Stobée et de Photius. Le premier introduit les extraits qu'il choisit pour son Anthologie de façon très variée : le plus souvent il se contente du simple en -tête 'Enixthtou ou éx TOŨ

’Emixtútov (cf. parfois aussi 'Applavoũ 'Enlxtntelov ou ’Applavoő), mais il emploie quatre fois le terme ánouvnuoveúuata (Èx tōv 'Enlxtútov ánou vn Movevuátwv) et une fois le termenpotpentixai ouiríal (éx tõv ’Applavoû npotpentixõv ducacõv).Mais c'est le témoignage de Photius, Bibl. cod. 58,

17 b, p . 52, 17 - 20 Henry (= test. 6 Schenkl), qui a le plus embrouillé la question , puisqu 'il dit qu ' Arrien a écrit les Alatpißaí (Entretiens) de son maître Épictète ,

« en huit livres (je les connais), et douze livres d ''Ouidial (Conversations) du même Épictète » . La Souda, test. 21 Schenkl, prétend aussi qu'Épictète a produit beaucoup d'écrits (Ěypaqe nomrá ).

En s'appuyant sur ces témoignages, mis en rapport avec les autres signalés plus haut, plusieurs critiques ont émis des hypothèses différentes: 155 H . Schenkl, « Zur Geschichte des epiktetischen Nachlasses », dans Verhandlungen der 41. Versammlung deutscher Philologen und Schulmänner in München, 1891, Leipzig 1892, p . 195 -202 , formule l'hypothèse selon laquelle Arrien a écrit en tout (outre le Manuel) douze livres d ''Anouvnuoveúuara (Souvenirs ) d 'Épictète , dont les quatre premiers portaient le titre Alatpißai (Entretiens), les quatre suivants celui de AlaNÉEELS, et les quatre derniers celui d' 'Oucial (Homélies). De toute évidence, cette hypothèse se révèle arbitraire. Schenkl 52, P. XLVII, la modifiera lui-même plus tard : il distinguera alors, d 'un côté , les Alatpiſal, en huit livres (selon Photius), dont nous ne conservons que la moitié (aux livres disparus il fau drait attribuer les fragments I- X ; XXVI-XXVIII ; et peut-être XVIII , XXII et Xa) ; et, de l'autre, les 'Oucaiai, en douze livres (encore selon Photius), auxquels il faudrait attribuer les

fragments XI et XII. Quant aux 'Anouvnuovevuara, Schenki les considère maintenant comme desnotes remaniées par d'autres écrivains.

121 ÉPICTÈTE E 33 A son tour, d 'Agostino 28 formule l'hypothèse suivante : outre les Alatpiſal, peut-être en huit livres, dont nous possédons les quatre premiers, il faut admettre l'existence d 'une collec

tion d ' Oulniai, probablement en douze livres, ainsi que d 'un ouvrage intitulé AlaréEELS ( « Conversazioni» ), qui comprenait au moins cinq livres, selon le témoignage d 'Aulu -Gelle XIX 1, 14 . Par ailleurs, d 'Agostino identifie les 'Anouvnuoveúpata cités par Stobée avec les Alatpuſai, dans la pensée qu 'il est facile d 'expliquer le passage de la désignation primitive de

υπομνήματα a celle d'απομνημονεύματα, et que ce titre rapprochait en outre l' euvre d 'Arrien de celle de son modèle, Xénophon (comme on sait, Arrien était appelé le « nouveau Xénophon » ). Finalement, Stellwag 127 , p . 714 , s'est prononcée aussi sur cette question d'un point de vue assez original, que nous trouvons rapporté en détail chez Souilhé 63, t. I, p . XV -XVII. D 'après l'historienne hollandaise, les Alatpißai n 'ont pas été rédigées par Arrien mais par Épictète lui-même, car un disciple, même s'il avait sténographié les paroles de son maître

(cf. infra), n'aurait pu les reproduire d 'une façon aussi détaillée, aussi vivante. En réalité, Epictète, d 'après Stellwag, loin de se tenir à un texte fixe, a soumis ces Alatpißai à un pro cessus de remaniement constant. Par ailleurs, d 'après elle, c'est à tort que la lettre à Lucius

Gellius a été jointe aux Alatpißaí, comme si elle en était la préface. Voici à ses yeux ce qui s'est passé : Arrien rédigea de son côté des commentaires sur Épictète (les 'Anouvnuo veúuara ), qu 'il communiqua seulement à ses amis ; plus tard , lorsqu 'il a vu ces commentaires

publiés à son insu et contre sa volonté, il a écrit la lettre à Lucius Gellius pour expliquer ses une lettre qui se rapportait en réalité à un autre ouvrage , aux 'Anouunuoveúuara d 'Arrien . Comme preuve de cette interpolation tardive, Stellwag allègue la place anormale que la lettre en question occupe dansnosmanuscrits, entre la table desmatières du premier livre et le pre

intentions ; enfin , les éditeurs postérieurs des Alatpiſal ont inséré au début de cet ouvrage

mier chapitre .

Souilhé63, t. I, p. XVI sq., conteste cette hypothèse, bien qu'il reconnaisse qu 'elle est très séduisante . A son avis, l'affirmation de la Souda selon laquelle Épictète a beaucoup écrit ne peut pas être prise au sérieux, car la Souda n ' est jamais une autorité par soi. Par ailleurs,

Souilhé ne croit pas impossible « qu 'un disciple intelligent, industrieux et rempli d 'une affectueuse admiration pour son maître, soit capable de prendre au vol, pour ainsi dire, les moindres paroles qu 'il entend » . En revanche, si on envisage les Entretiens comme les notes

réunies par Epictète en vue de ses leçons, on ne comprendrait pas que l'auteur ait toujours adopté la troisième personne pour introduire ses propres développements. Il considère aussi

comme peu probable qu'Épictète ait eu l' intention de publier un jour ses notes, étant donné son scepticisme sur la valeur éducative des textes écrits (cf. par exemple Entretiens I 1, 23 s99. ; 4, 7 sqq.). Finalement, Souilhé nie qu 'on puisse aujourd 'hui tirer une conclusion

quelconque de la place inhabituelle que la lettre d 'Arrien occupe dans nos manuscrits.

En réalité, la plupart des critiques admettent depuis longtemps que les divers titres de la tradition font référence à un même ouvrage d' Arrien : Cf. Upton 50, t. II, p. 4 ; Schweighäuser 51, t. II, p. 11 sq.; Asmus 17, p. 26 sqq.; Renner 23 , p. 56 -67 ; Zeller 26 , t. III 1, p . 766 sq. n . 2 ; Colardeau 22, p . 20 -23 ; Croiset 21, t. V , p . 460 sq. n . 2 ; Oldfather 55 , t. I, p. XII ; Souilhé 63, t. I, p. XVII-XIX ; Spanneut 10 , col. 602 ;

Jordán de Urries64, t. I, p. LXXXV. Il faut admettre cependant que nos Entretiens sont incomplets, comme l'indi

quent les fragments qui ne correspondent à aucun de nos quatre livres (cf. supra), ainsi que plusieurs passages du Manuel qui ne correspondent, eux non plus, à aucun de ces livres. Par ailleurs, Aulu -Gelle XIX 1 traduit en latin un passage

qu'il dit emprunté au livre V (= fr. IX Schenkl).

Une autre question importante relative à l'ouvrage concerne le rôle qu’Ar rien a joué dans la rédaction des Entretiens. A ce sujet, il est intéressant de

remarquer combien les critiques ont envisagé différemment la façon dont les

122

ÉPICTÈTE

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enseignements de Musonius et ceux d'Épictète nous sont parvenus. L 'hypothèse

selon laquelle le “ rapporteur” de Musonius (Lucius, Polion ou un autre ) ne s'est pas borné à la reproduction sténographique mais a laissé une empreinte person

nelle dans son « mémorial » (ánouvnuoveúuata) et n 'a pas rejeté non plus la composante plus ou moins légendaire ou idéalisante a été formulée déjà par Hirzel 20, t. II, p. 244 sq., quirattachait le cas de Musonius à une façon de faire typique chez les socratiques. Cf. aussi 156 P. Wendland, « Philo und die kynisch -stoische Diatribe » , dans P . Wendland et O . Kern , Beiträge zur Geschichte der griechischen Philosophie und Religion, Berlin 1895, p . 1- 75 , notamment p .68 sq. ; 157 O . Hense, C . Musonii Rufi reliquiae, coll. BT, Leipzig

1905, réimpr. 1990, p. IX sqq. ; 158 P . Lejay, Euvres d 'Horace, texte latin avec un commen taire critique et explicatif, des introductions et des tables, t. II: Satires, Paris 1911, réimpr . Hildesheim 1966 , p . XXX ; 159 K . von Fritz , art, « Musonius » 1 , RE XVI, 1933, col. 893 -897 , notamment col. 895 sq. ; 160 Cora E . Lutz , « Musonius Rufus : “ The Roman Socrates " > ,

YCIS 10, 1947, p . 1 -147, notamment p. 7- 13 ; 161 S . K . Stowers, The Diatribe and Paul' s Letter to the Romans, coll. « SBL , Diss. Series » 57, Chico 1981, p . 54 , 58. 162 A . Jagu , Musonius Rufus : Entretiens et fragments, Introduction , traduction et commentaire, coll. « Studien und Materialen zur Geschichte der Philosophie, Kleine Reihe» 5 , Hildesheim /New

York 1979, p . 10, établit une distinction entre l'intervention de Lucius (arrangement défor

mant les choses) et celle de Polion (reproduction exacte de la réalité). On a envisagé de façon très différente la reproduction des diatribes d' Épictète par son disciple Arrien : on a ainsi supposé que ce dernier se serait contenté de

sténographier fidèlement les propos d'Épictète , selon la thèse bien connue de 163 K . Hartmann , « Arrian und Epiktet» , NJA 15, 1905, p . 248 -275 , notamment p . 257 , 274 sq. (cf. aussi Capelle 77 , p.69 sq.; Souilhé63, t. I, p. XI; 164 A . B . Bosworth , « Arrian 's literary development» , CQ 22, 1972 , p. 183 ; Brunt 45 ,

p. 31 ; ou 165 D . Tsekourakis ,« TÒ OTOLYETO TOŨ diałóyou orNU XUVLXOOTWlXN “ Platpißń " » , Hellenica 32, 1980, p.61-78, notamment p. 72 sq.). La lettre-dédi cace à L . Gellius dans laquelle Arrien présente son édition semblerait confirmer cette interprétation , car Arrien y affirme (cf. supra) qu 'il publie ses notes de cours (únouvnuata ) telles quelles, sans aucun souci proprement littéraire .

En revanche, 166 Th.Wirth , « Arrians Erinnerungen an Epiktet » , MH 24, 1967, p . 149-189 et 197-216 , soutient que les textes d 'Épictète qui nous sont parvenus ne répondent pas à de prétendus sténogrammes d 'Arrien mais à ses ánouvnuoveúuata littéraires, appartenant à la même tradition que les Mémo rables de Xénophon (cf. Hirzel 20 , t. II, p. 249 sq.). Il affirme qu 'Arrien a opéré

une sélection dans les dóyol de son maître et a réuni desmorceaux séparés dans le temps, en soumettant en général le matériel à une activité littéraire très déve loppée, si bien qu 'on devrait considérer les Entretiens comme son æuvre plutôt

que comme celle d'Épictète (p. 215). Enfin , Wirth interprète les déclarations d'Arrien dans la lettre-dédicace (à savoir, qu'il reproduit littéralement les ensei

gnements oraux du maître et s'excuse , par conséquent, de ne pas les présenter d'une façon plus polie ) comme de simples topoi littéraires visant à légitimer l'édition et à la présenter de façon modeste, par souci de captatio benevolentiae

(cf. Billerbeck 65, p. 5 n . 25 ).

ÉPICTÈTE 123 167 S .R . Slings, « Epictetus en Socrates: Kennis, deugd en vrijheit » (résumé

E 33

en anglais ), Lampas 16 , 1983, p .65-85, ainsi que 168 S. L . Radt, « Zu Epiktets Diatriben » ,Mnemosyne 43, 1990 , p. 364- 373, se sont opposés radicalement à la thèse de Wirth 166 . L 'argument principal allégué contre cette thèse et en faveur de la thèse de Hartmann 163 est le fait que les Entretiens sont écrits en koinè, tandis qu ' Arrien utilise le dialecte attique dans ses propres ouvrages (cf. Millar

40 , p . 142).Cependant, 169 J. M . Floristán Imízcoz, « Arriano, aticismo y koiné, I: Fonética y morfología », CFC 4, 1994 , p. 161- 184, a constaté que certains traits de la langue littéraire d'Arrien (en dehors des diatribes) ne correspondent pas aux normes attiques que l'auteur veut imiter mais à une koinè réelle (cf. 170 Id . « Arriano, aticismo y koiné, II : Sintaxis » , CFC 5, 1995, p. 91- 141). Enfin , la thèse de Wirth 166 a été reprise d 'une façon nuancée par 171 Ph. A . Stadter, Arrian of Nicomedia, Chapel Hill 1980 , p . 26 -28 , qui reconnaît l'existence partielle de la fiction dans le rapport d'Arrien , en expliquant qu 'Ar rien emploie ici une langue et un style différents parce qu 'il veut imiter Épictète ,

qu'il avait connu très étroitement (cf. Hershbell 4 , p . 2152 sq.; et DPHA A 425, p. 602 ; 172 I.Hadot, Simplicius. Commentaire sur le Manuel d 'Épictète. Intro duction et édition critique du texte grec, coll. « Philosophia Antiqua » 66 , Leiden

1995, p . 153 sq. n. 8). Nous nous rangeons aussi à cet avis. En effet, entre les positions extrêmes défendues par Hartmann 163 (reproduction sténographique exacte) et Wirth 166 (fiction pure) sur le rôle joué par Arrien dans la trans mission des enseignements d 'Épictète , il semble raisonnable de chercher le juste milieu . Il y a sans doute dans nos Entretiens d'Épictète beaucoup de fiction litté raire et d 'idéalisation de la part d 'Arrien . Donc, nous pouvons affirmer que leur fixation littéraire est bien l'euvre de ce dernier. La considération du genre de l'euvre d'Épictète -Arrien nous place devant la question fort discutée de la « diatribe » . La « diatribe» comme genre littéraire est une construction moderne. Le point de départ théorique se trouve dans 173 U . von Wilamowitz-Möllendorff, Antigonos von Karystos, coll. « Philologische

Untersuchungen » 4 , Berlin 1881, réimpr. Berlin /Zürich 1965, p. 292-319 (Ex kurs 3 : « Der kynische Prediger Teles» ). Bien qu 'il ne parle pas encore de « dia

tribe » . Wilamowitz décrit un genre qui ne manque pas de cohérence et qui peut très bien être illustré par les fragments de Télès (1114) : le genre de la leçon ou de la prédication morale (sur les thèmes de la « philosophie populaire » ), composée en prose (avec des citations ou des parodies de vers), opposant des arguments à un « adversaire fictif» (réplique purement fonctionnelle) et prononcée devant un public d 'auditeurs par un philosophe (« maître» ) qui n 'enseigne pas dans le cadre d'une école proprement dite. Cela dit, la notion moderne de « diatribe » telle qu 'elle fut formulée ensuite par les philologues, notamment allemands, est devenue de plus en plus un fouillis qui s'applique à des ouvrages appartenant aux genres littéraires les plus divers , en prose ou en vers ou en un mélange de prose et vers. En effet, les philologues (ainsi O . Hense, R . Heinze, R . Bultmann , G . A . Gerhard ou J. Geffcken ) parlent de la « diatribe » d'une façon tellement

confuse qu 'il est pratiquement impossible de la défendre à proprement parler

124

ÉPICTÈTE

E 33

comme un genre littéraire (cf. 174 A . Oltramare, Les origines de la diatribe romaine, Thèse Lausanne, Genève 1926 ). En fait, cette notion moderne déve

loppée jusqu'à nos jours a fait l'objet de temps en temps, depuis Halbauer 24 , p. 1- 18, d'une critique plus ou moins radicale . Halbauer remarque que tout ce que ses contemporains appellent « diatribe » ne

correspond pas du tout à ce que lemot grec dlatpißń désignait. C' est pourquoi il juge nécessaire d'expliquer tout d'abord le sens ancien de ce mot. Laissant de

côté ses acceptions communes (qui font référence à l'idée d'« occupation du temps » ) ainsi que son acception technique comme désignation d 'une figure

rhétorique (épimoné ou commoratio), le mot dlatpißń n 'avait, d'après Halbauer, qu’un sens purement descriptif : il faisait référence de façon vague à l'école , ou à

l'activité pédagogique d 'un individu dans son rapport avec ses disciples ou avec d 'autres gens, sans préciser ni la forme ou la méthode suivies (éristique dans la Oláraels ou dialectique dans le diáoyos ) ni les contenus transmis ( éthiques, musicaux , rhétoriques, etc .). Rien n 'indique que ce mot (cf. lat. diatriba) ait acquis chez les Grecs anciens un sens technique comme genre littéraire. Tout au

plus pouvait-il faire référence aux écrits destinés à cette activité pédagogique ou issus d'elle .

De ce point de vue (repris récemment par Stowers 161), Halbauer distingue

divers genres de « diatribes» , selon la méthode pédagogique suivie par chaque philosophe. On peut par exemple constater des différences entre Épictète et

Télès , philosophe d' inspiration cynique dont Stobée a conservé quelques frag ments, tirés de propos qui ne sont pas désignés comme des « diatribes » ,mais peuvent être considérés comme telles au sens ancien, car ils décrivent bien une

situation d 'enseignement. Une analyse rapide permet de constater que son auteur se borne à appliquer comme méthode pédagogique l'éristique fondée sur la fiction d 'un « adversaire » , qui, bien entendu, n 'est pas envisagé comme un ennemimais comme quelqu'un qui doit être libéré de ses erreurs. En revanche,

les diatribes d'Épictète présentent une pédagogie plus riche, sans doute parce qu 'elles sont issues d 'une réalité scolaire différente de celle de Télès, beaucoup plus complexe et systématisée, installée dans un lieu fixe. Il faut tenir compte aussi du fait que les enseignements de Télès nous sont parvenus sous la forme

d 'extraits anthologiques tirés d'un épitomé, tandis que ceux d 'Épictète ont été rapportés par Arrien , qui a sans doute créé des compositions originales à partir de ses souvenirs admiratifs des enseignements d 'Épictète (cf. supra ). En tout

cas, la méthode d'enseignement suivie par Épictète n 'est pas toujours celle de Télès. En effet, tous les textes d' Arrien ne correspondent pas à la diatribe au sens moderne initial (cf.Wilamowitz), bien qu 'ils correspondent tous à la diatribe au sens ancien , ainsi que l'indique d 'ailleurs leur titre de Alatpißai dans la tradi tion manuscrite : comme le remarque Halbauer 24, p. 10 , on constate d'ordinaire chez Épictète une tendance à conjuguer la méthode pédagogique éristique avec la

méthode dialectique (socratique) à l'imitation de Platon (cf. p. 21 sqq.). Halbauer 24, p. 47, établit dans les diatribes d 'Épictète la distinction formelle entre dia lexeis à la manière de Télès (notamment Entretiens IV 2- 13 ; 1 12 ; et II 7), dialogues socra

ÉPICTÈTE 125 tiques (par ex. Entretiens I 11 ; II 4 ; II 14) et discours en général (Cóyou), à mi-chemin entre E 33

les unes et les autres, catégorie à laquelle appartiennent la plupart des diatribes du philosophe

(cf. 175 B . Schouler, Libanios. Discours moraux. Introduction, texte et traduction , Paris 1973, p . 31, et 176 Th . Schmeller, Paulus und die « Diatribe » . Eine vergleichende Stilinterpretation ,

coll. « Neutestamentliche Abhandlungen », N . F 19,München, 1987, p . 40 ). Pour la critique de la notion moderne de « diatribe » et les essais de nouvelle définition , nous renvoyons aux développements de Stowers 161, p . 7 -78, Schmeller 176 , p . 1 -54, et

177 P . P. Fuentes González, Las diatribas de Teles. Estudio introductorio y comentario de los

textos conservados, Thèse Granada 1990 (microfilm 1991), p. 1-111 (résumé dans 178 P. P . Fuentes González , Les diatribes de Télès. Introduction, texte revu, traduction et commentaire des fragments, coll. « Histoire des doctrines de l'Antiquité classique » 23, Paris 1998 , Introduction, chap. VI, p . 44 -78).

L ' intention pédagogique etmoralisante qui préside aux Entretiens demande

une langue familière , vivante et spontanée, ainsi qu 'un style capable de captiver les esprits des récepteurs du discours ( cf. Souilhé 63, t. I, p .LXVII-LXXI). Ces qualités étaient admirablement bien représentées dans les discours d 'Épictète, d 'après le témoignage de son disciple Arrien (cf. la Lettre à Lucius Gellius). Cf. 179 J. Stuhrmann, De vocabulis notionum philosophicarum in Epicteti libris, Diss. inaug. Ienens., Neustadt 1885 ; 180 R . Mücke, Zu Arrians und Epiktets Sprachgebrauch,

Progr. Nordhausen 1887 ; 181 Th . Colardeau , « Les citations et les allusions poétiques dans Épictète » , AUG 13, 1901, p . 495 -514 ; Id . 22, p. 283 -337 ; 182 R . Renner , Das Kind. Ein Gleichnismittel des Epiktets, München 1905 ; 183 P . E . H . Melcher, De sermone Epicteteo

quibus rebus ab Attica regula discedat, Diss. philologicae Halenses XVII 1, Halle 1906 ; 184 W . Scherer, « Das Gleichnis, ein Bildungsmittel bei Epiktet», BBG 53, 1917, p. 204 -209 ; 185 F . Umlauft, Gleichnisrede bei Epiktet, Diss. Wien 1948 ; 186 D . Szumska, « De dimi nutivis apud Epictetum etMarcum Aurelium obviis» (en polonais avec résumé en latin ), Eos

54, 1964, p. 230-238 (cf. 187 P.Wendland, Quaestiones Musonianae. DeMusonio Stoico Clementis Alexandrini aliorumque auctore, Berolini 1886 , p 10 n. 4 ; 188 H . von Müller, De Teletis elocutione, Diss. Friburgi Brisigaviae 1891, p. 48 ; 189 F . Martinazzoli, « Aotáplov. I diminutivi nello stile epitteteo, PP 3 , 1948, p . 262-268; Billerbeck 65 , p . 63) ; 190 H . W . Pleket, « Toprós. A note on Epictetus III, 12, 10 » , Mnemosyne 23, 1970 , p . 304 -306 ; 191 G . Fatouros, « Neugriechisch bei Epiktet» , Glotta 49, 1971, p. 85 -92 ; 192 M . Kokolakis, « Το δράμα του βίου εις τον Επίκτητον » , dans Φιλολογικά μελετηματα εις την αρχαίαν

Érinvixnv ypaquarelav, Athènes 1976 , p . 177 -185 ; 193 J. M . Floristán Imízcoz, « El tema de futuro en Epicteto » , EClás 27 , 1985 , n° 89, p . 111-131 ; 194 Id., « Los modos verbales en Epicteto . Sus usos sintácticos a la luz de los textos contemporáneos » ,Minerva 1, 1987, p. 93

116 .

D . Philosophie : Épictète , comme les critiques modernes l'ont montré depuis Colardeau 22 et Bonhöffer 18 et 19 , suit fidèlement l'orthodoxie stoïcienne, fondée sur les doc trines de Zénon , Cléanthe et Chrysippe (cf. 195 J. P. Hershbell, « Epictetus and Chrysippus» , ICS 18 , 1993, p. 139- 146 ), ainsi que de leurs disciples directs . En effet, d'après P. Hadot48, p. 99 : « On peut dire qu 'Épictète se rattache à la tradi tion la plus orthodoxe, celle qui, issueco de Chrysippe, passe, semble-t- il, par Epici [ Ans205 ider),a sans Archédème (mA 307 ] et Antipatros aucune allusion à Panétius est,Épictète en , est considéré l, ce comme la source la plus sûre et Posidonius.» Qui plus est, que nous ayons du système stoïcien, du moins pour ce qui concerne la psycho logie et l'éthique. En tout cas, il est considéré (avec Sénèque) comme le repré

sentant le plus important du stoïcisme impérial, ce qu'on appelle la « Nouvelle Stoa » ,

ÉPICTÈTE

126

E 33

Cependant il s'appuie aussi sur la pensée d 'autres philosophes non stoïciens (cf. Hershbell 4 , p. 2153 -2157). Il faut remarquer notamment que les modèles

par excellence du sage sont pour Épictète Socrate et Diogène le Cynique, ce qui en réalité n 'a rien d'étonnant, si on pense aux origines socratiques ou même

cyniques de la pensée de Zénon. D 'après 196 F. Schweingruber, « Sokrates und Epiktet» , Hermes 78 , 1943, p . 52 -79 , Épictète estparti du portrait de Socrate élaboré par les cyniques,mais il

en a adouci les traits d' après lesmodèles de Platon et de Xénophon. A son tour, 197 K . Döring, « Sokrates bei Epiktet » , dans K . Döring et W . Kullmann (édit.), Studia Platonica, Festschrift für Hermann Gundert zu seinem 65. Geburtstag am

30 .4.1974, Amsterdam 1973, p . 195-226 , constate que, quoique la plupart des traits qu'Épictète prête à son Socrate soient empruntés à Platon (auteur qu 'il pouvait, selon lui, n 'avoir pas lu ou n 'avoir que peu lu directement), l'image

finale est très différente : le Socrate d'Épictète traduit l'image du xanós xai áradós stoïcien, du vrai philosophe qui connaît la juste valeur des choses et qui accorde parfaitement ses actes (publics et privés) à ce qu'il considère comme juste .

Le rationalisme d'Épictète selon lequel personne n 'agitmal consciemment est tout à fait d'origine socratique (cf. Entretiens I 18 ; 28, 4 sqq.; II 26 , 5 sqq.). Mais Épictète ne se borne pas à l'intellectualisme strictdes stoïciens, qui fonde la vertu seulement sur la connaissance rationnelle. Il reconnaît aussi la nécessité de l'ascèse (cf. infra ). Cf.Renner 23, p . 29 sqq. ; 198 C . Terzi, Il razionalismo morale di Epitteto , Udine 1938 ; Slings 167, à propos d ' Entretiens I 18 ; 199 E . Riondato , Epitteto, I : Esperienza e ragione,

coll. « Miscellanea erudita 16 », Padova 1965, 142 p.

A ce sujet, on ne peut pas nier l'influence du cynisme. Épictète présente le sage Diogène (- D 147) comme le héros moral qu 'il faut chercher à imiter (cf. 200 R . Laurenti, « Il filosofo ideale secondo Epitteto » ,GM 17 , 1962, p. 501 513). Bien entendu, il a opéré une idéalisation évidente du Diogène historique ainsi que du cynisme ancien en général. Cf. Billerbeck 65 , p. 6 -9 ; 201 Ead., « La réception du cynisme à Rome» , AC 51, 1982, p . 151- 173 (= « Greek cynicism in imperial Rome», dans Ead. [édit), Die Kyniker in der modernen Forschung. Aufsätze mit Einführung und Bibliographie, coll. « Bochumer Studien zur Philosophie » 15 , Amsterdam 1991, p. 147- 166 ) ; 202 Ead., « Le cynisme idéalisé d'Épic tète à Julien », dans M .-O . Goulet-Cazé et R . Goulet (édit.), Le cynisme ancien et ses prolon gements, p. 319 -338 ; 203 M .-O . Goulet-Cazé, L 'ascèse cynique. Un commentaire de Diogène

Laërce VI 70-71, coll. « Histoire des doctrines de l'Antiquité classique » 10, Paris 1986 , p . 188- 190 ; 202 sq. ; 204 Ead., « Le cynisme à l'époque impériale » , ANRW II 36 , 4, 1990 ,

p . 2720-2833, notamment p. 2773-2776 .

Par ailleurs, 205 F. Decleva-Caizzi, « La tradizione antistenico -cinica in Epit teto » , dans G . Giannantoni (édit.), Scuole socratiche minori e filosofia elle nistica, coll. « Pubbl. del Centro di studio per la storia della storiografia filoso

fica » 4, Bologna 1977, p . 93- 113, soutient qu 'Épictète a une connaissance directe d’Antisthène (P + A 211), le socratique qui a joué un rôle important dans

l' établissement de la philosophie cynique (même s'il n 'a pas été le maître de

E 33

ÉPICTÈTE

127

Diogène). D ' après lui, Épictète aurait tiré de l'æuvre d’Antisthène quelques-unes de ses idées-forces: l'opposition entre la vie du philosophe et la vie du commun desmortels , l'image de la vie comme un drame où chacun doit jouer le rôle qui lui a été attribué, la valeur de modèles donnée à Ulysse et à Héraclès, l’antithèse οικείον/αλλότριον, enfin 'importance du καιρός et de la réussite ( aspiration fondamentale de l'homme). " ).

Sans nier l'influence du cynisme, 206 A . Jagu, Épictète et Platon. Essai sur les relations du stoïcisme et du platonisme, à propos de la morale des Entretiens,

Paris 1946 , notamment p. 47 sqq., a étudié en détail l' influence de Platon sur Épictète (cf. Zeller 26 , t. III 2 : Die nacharistotelische Philosophie. Zweite Hälfte, p. 254 -261). D 'après lui, cette influence se reconnaît non seulement dans

le portrait de Socrate (p. 47-62),mais aussi dans certains aspects de la doctrine morale d'Épictète , à savoir : l'intellectualisme (p.63-72), le rigorisme (p. 73-86 ), le spiritualisme (p. 87-96 ), l'ascétisme (p . 97 -111) et le caractère religieux

(p. 112-133). De son analyse, Jagu tire les conclusions suivantes sur la façon dont Épictète a utilisé les dialogues de Platon ( p . 135 - 152 ) : le moraliste a

directement utilisé l'Apologie, le Criton et le Phédon ; il a lu , du moins vraisem blablement, le Gorgias, le Banquet, l'Alcibiade, le Théétète et le Protagoras ; enfin , il a connu , soit directement soit indirectement, les Lois et la République. D 'après Jagu 206 , p. 142, ces dialogues ont retenu l'attention d'Épictète parce qu 'ils lui offraient le modèle parfait du sage stoïcien dans la personne de Socrate , ou simplement parce qu 'ils portaient sur des questions morales, notam ment lorsqu 'ils traitaient ces questions d 'un point de vue accordé aux caracté

ristiques de la propre personnalité d'Épictète (rigorisme, spiritualisme, ascétisme et caractère profondément religieux). Jagu suppose qu’Épictète a dédaigné les dialogues abordant des problèmes surtout théoriques (le Cratyle, le Parménide,

le Sophiste, le Politique, le Timée et le Critias). Enfin , d'après lui, le platonisme d'Épictète ne l'aurait nullement écarté de

l'orthodoxie de la Stoa : « Nous sommes en présence d 'une adaptation du plato nisme au stoïcisme, nous pouvons même dire en présence d'une transposition stoïcienne du platonisme. Épictète a rejeté les dogmes de Platon qui ne cadraient pas avec l'enseignement de son école , comme la croyance à la survie de l'âme. Son dualisme corps-âme s'arrête juste à temps pour ne pas le faire dévier du matérialisme stoïcien . Son ascétisme, la purification qu 'il prêche ne sont point

ordonnés comme chez Platon à la vision des essences,mais cherchentà procurer la liberté intérieure...» (p. 158). 207 J. P . Hershbell, « Plato and Epictetus: Philosophy and Politics in Ancient Greece and Rome » , dans E .G . Schmidt (édit.),Griechenland und Rom . Vergleichende Untersuchungen zu

Entwicklungstendenzen und -höhepunkten der antiken Geschichte, Kunst und Literatur, Erlangen / Jena 1996 , 476 -484.

En revanche, Épictète a eu des rapports plutôt polémiques avec les représen tants d'autres écoles de philosophie , notamment avec les épicuriens et les aca

démiciens ( scepticisme d 'Arcesilas de Pitane (P+ A 302) et Carnéade de Cyrène

[2 + C 42]), que visent en particulier Entretiens 15 ; 23 ; II 20 et III 7.

128

ÉPICTÈTE

E 33

Cf. 208 L . Perelli, « Epicuro e la dottrina di Crizia sull' origine della religione » , RFIC 33, 1955, p . 29-56 (à propos d 'Entretiens II 20, 23) ; 209 R . Laurenti, « Epicuro in Epitteto » , Sophia 28, 1960 , p . 59-68 ; 210 id., « Epitteto e lo scetticismo» , dans G . Giannantoni (édit.), Lo scetticismo antico. Atti del Convegno organizzato dal Centro di studio del pensiero antico del C . N . R ., Roma, 5- 8 novembre 1980 , coll. « Elenchos » 6 , Napoli 1981, t. I, p . 377 -392 ;

211 A . Grilli et A . Barigazzi, « Stoicismo ed epicureismo nell'età imperiale . Seneca, Epitteto , Marco Aurelio » , dans M . dal Pra (édit.), Storia de la filosofia greca dal VIal IV secolo, t. IV : La filosofia ellenistica e la patristica cristiana dal III secolo a . C . al V secolo d . C , Milano 1975, p . 201 -212 ; 212 M . Cuvigny, « Plutarque et Épictète » , dans Association Guillaume Budé. Actes du ville Congrès, Paris 5 - 10 avril 1968, Paris 1969, p . 560-566 (à propos d ' Entre

tiens II 20, 27); 213 P.Desideri, « Dionenel giudizio degli scrittori antichi.2 : Epitteto » ,dans Dione di Prusa. Un intellettuale greco nell'impero romano, coll. « Biblioteca di cultura contemporanea » 135,Messina 1978,p. 2-4.

Aspects principaux du stoïcisme d 'Épictète. En général, son stoïcisme peut être caractérisé par l'importance prééminente qu 'il accorde à la liberté et à la rai son, tout en conservant une empreinte ascétique et religieuse très marquée.

Épictète conserve la division stoïcienne classique de la philosophie en logique, physique et éthique. Il a très peu d'intérêt pour les subtilités de la logi

que et pour la physique. Il s'attache surtout à la partie éthique (davantage dans sa dimension pratique que théorique). Toutefois, il n 'oublie pas lesautres parties du système, qui doivent avoir leur place, fût-elle secondaire , dans la formation du philosophe (cf. Colardeau 22, p. 35 -68). En fait, dans les Entretiens, même si Epictète ne s'occupe pas à proprement parler des questions de physique, il exprime souvent les points de vue stoïciens sur le cosmos, l'homme et la divinité

(cf. Souilhé 63,t. I, p. LVII sq.; Spanneut 10, col.604 sq.; 214 B. L. Hijmans, « Epictetus and the teleological explanation of nature», PACA 2, 1959, p. 15 -21 ; 215 Id., « A note on púols in Epictetus» , Mnemosyne 20 , 1967, p . 279-284 ). Mais son éthique ne peut surtout pas se comprendre indépendamment de la réflexion logique, qui ne se justifie que comme propédeutique nécessaire à la

pratique (cf. Entretiens I 17 ; 26 , 1-4 ; II 23, 36 -47 ; II 25). Épictète se montre insatisfait par la logique pure, comme le montre Entretiens II 19 (« Contre ceux qui ne s 'approprient des philosophes que l'argumentation » ), sur le célèbre « argument dominateur » attribué à Diodoros Cronos (

D 124 ) : cf. 216 P . M . Schuhl, Le

Dominateur et les possibles, Paris 1960 ; 217 R .L . Purtill, « The master argument » , Apeiron 7 , 1973, p. 31- 36 ; 218 R . Müller, Les Mégariques. Fragments et témoignages, coll. « Histoire

des doctrines de l'Antiquité classique » 9, Paris 1985, p . 141-158, notamment p . 145 sq . (plus

ample bibliographie p. 232-234). Pour les sections logiques de l'æuvre d'Épictète, voir Colardeau 22, p. 149-170; Xenakis 42 , p. 26 -39 ; et 219 M . Baldassarri, La logica stoica. Testimonianze e frammenti, Testi origi

nali con introduzione e traduzione commentata , t. VII B : Le testimonianze minori del sec. II

d . C . : Epitteto , Plutarco, Gellio , Apuleio, Como 1987. Cf. 220 J. Barnes, Logic and the Impe rial Stou, coll. « Philosophia Antiqua » 75, Leiden 1997, p . 24 -145 (aux p. 129- 145, texte , tra duction et commentaire d'Entretiens 1 7 (« De l'usage des raisonnements amphibologiques hypothétiques et autres semblables» ]).

L 'importance de la logique dans l'éthique d'Épictète a été remarquée notam

ment par 221 P. de Lacy, « The logical structure of the ethics of Epictetus », CPh 38 , 1943, p . 112 -125, pour qui Épictète , à la suite de Chrysippe, plaçait l' éthique

entre la logique, qui la précédait, et la physique, qui la suivait.

E 33

ÉPICTÈTE

129

Arrien aurait rassemblé et organisé soigneusement la matière philosophique d'Épictète selon les principes de la logique, pour présenter un exposé progressif de la théorie éthique de son maître. De Lacy veut trouver une démonstration de son hypothèse (qu 'Épictète fondait l'étude de l' éthique sur la logique qui devait la précéder) dans l'ordre des Entretiens, montrant

notamment que le premier livre est dominé par le principe que l' éthique dépend de l'analyse logique (cf. déjà Halbauer 24 , p. 43 sqq.). D 'après lui, les livres suivants font continuellement

état de cette démonstration sans y ajouter d' éléments essentiels. Rappelons que Hartmann 163, p. 259, avait défendu l'hypothèse selon laquelle Arrien a publié les Entretiens en suivant simplement l'ordre chronologique. Souilhé 63, t. I, p . XXII, croit à son tour que le recueil a été formé d'une façon plutôtmatérielle , de manière à consti

tuer des livres à peu près égaux en longueur et à distribuer danschacune des parties les thèmes qui se répètent». En réalité, comme le remarque Hershbell 4, p. 2150 n. 11,malgré les efforts de De Lacy 221 , nulle théorie proposée sur le prétendu ordre des Entretiens n 'est convain cante .

Épictète, Entretiens III 2, 1 sqq., distingue trois topoi ou lieux (domaines ) de la philosophie , envisagée par lui comme une ascèse permettantde parvenir à la condition de l'hommezaróc xai ayalós (cf. Entretiens I 4 , 11 ; II 8, 29 ; III 2, 1 ; IV 4 , 16 ; fr.XXVIII Schenkl):

(a) le topos concernant les désirs et les rejets (ó nepi tás ópéteng xai tas ÈxXALOELs), c' est-à-dire concernant les passions(o nepi tà táon) ; (b ) le topos concernant les tendances positives etnégatives, les propensions et les répulsions (ó nepi tác opuàç xai adopuác), c'est-à-dire concernant le devoir (o nepi tò xaoñxov );

(c) enfin le topos concernant la prévention des erreurs et des jugements témé raires (o nepì tnv åvecanatnoiav xai ávelXALÓTnta ), c 'est-à -dire le topos concernant les assentiments (o nepì tàç ovyxata /boelc), qui ne sera abordé

que par ceux qui ont déjà progressé dans les deux premiers topoi. 222 D . Pesce, « La struttura concettuale dell'etica di Epitteto (i tre topoi)» , dans Il Platone di Tubinga, coll. « Antichità class. e cristiana » 30 , Brescia 1990 , p. 51-75, analyse ce scheme ternaire, négligé à ses yeux d 'ordinaire par les critiques. Ainsi, il s'étonne notamment du fait que de Lacy ne l' ait pas mis à contribution pour démontrer sa thèse (cf. supra ). Quant à

223 P . Hadot, Exercices spirituels et philosophie antique, Paris 19872, p . 135 - 153 (« Une clé des Pensées de Marc Aurèle, les trois topoi philosophiques selon Épictète »> = EPh 1978 n° 1,

p . 65 -83), qui parle notamment du schème à propos de Marc -Aurèle, Pesce conteste son hypo thèse selon laquelle il y a une correspondance entre ces trois topoi et la division traditionnelle

de la philosophie prônée par l' école stoïcienne: physique, éthique et logique. Pesce 222,p . 55, reconnaît que la correspondance du troisième topos avec la logique est facile, mais celle du premier avec la physique ne lui semble pas convaincante, « parce qu 'une référence à la " vision physique " n 'est pas seulement contenue dans le premier topos mais aussi dans le deuxième, pour ne pas dire que cette référence est demandée dans l'ensemble du système, y

compris la logique » . P . Hadot 48, p. 89-117, notamment p. 106 - 115, reprend son hypothèse, en répondant aux critiques de Pesce. Les trois topoi, c'est- à -dire les trois « actes de l'âme » (pour lesquels il suggère la désignation « thèmes d 'exercice » ) ne sont pas autre chose pour lui que les trois parties de la philosophie. A ce sujet, Hadot 48, p . 94 -98 , part du fait que les stoïciens ne par lent pas seulement d 'un discours sur la logique mais d 'une logique vécue, pas seulement d 'un

discours sur l'éthique mais d'une éthique vécue, et pas seulement d 'un discours sur la phy

sique, mais d'une physique vécue: « Pratiquement confondues en un acte unique lorsqu'il s'agit d'exercer concrètement la philosophie , physique, éthique et dialectique doivent bien pourtant se distinguer quand il s'agit de les enseigner. Il faut exposer, décrire la philosophie au

E 33 ÉPICTÈTE disciple. Le discours philosophique introduit une dimension temporelle qui a deux aspects : le

130

temps « logique» du discours lui-même et le temps psychologique qui est nécessaire au disciple pour assimiler intérieurement ce qui lui est proposé » (p. 96 ). L 'ordre à établir entre la

physique, l'éthique et la logique ou dialectique se révèle donc important: « Selon l'ordre logique de l' exposé, la physique doit précéder l' éthique pour la fonder rationnellement, mais,

selon l'ordre psychologique de la formation, la physique doit suivre l'éthique, parce qu 'en pratiquant l' éthique, on se prépare à la révélation du monde divin de la Nature universelle »

(p . 97). D 'après Hadot, on comprend que les stoïciens aient distingué par conséquent entre la

philosophie et le discours se rapportant à elle : « Ils affirmaient en effet que la logique, la phy sique, l'éthique, donc ... les parties de la philosophie, n'étaient pas en fait des parties de la philosophie proprement dite, mais des parties du discours se rapportant à la philosophie. C 'est

que... physique, logique et éthique n'apparaissentcomme distinctes, séparées, éventuellement successives, que dans le discours d'enseignement de la philosophie» (p . 97 sq.).

Hadot 48, p. 107, estime évident que pour Épictète la discipline du jugement et de l'assen timent (troisième topos) correspond à la partie logique de la philosophie, et la discipline de l'impulsion (deuxième topos) à la partie éthique de la philosophie. Il allègue Entretiens IV 4, 11- 18 , où d'après lui Épictète oppose la « logique théorique » (« contenue dans les traités Sur

la compréhension ), quine procure qu’un savoir théorique et une habileté technique dans les discussions, sans rapport avec la réalité » , et la « logique vécue » (« qui consiste à critiquer les

représentations qui se présentent effectivement à nous dans la vie de tous les jours, à dialoguer l'impulsion et surle devoir ) et une « éthique pratique » (concernant l'exercice de la discipline de l'impulsion ).

avec elles » ); dans ce passage, il oppose une « éthique théorique » (contenue dans les traités sur

Quant à la discipline du désir (premier topos), Hadot 48, p. 108, reconnaît qu 'apparem ment elle ne correspond pas à la physique, comme l'exigerait la structure du schèmedes trois parties de la philosophie. En fait, Épictète ne fait aucune allusion dans le texte cité à un rap port particulier entre la discipline du désir et la physique. Mais Hadot 48, ibid., remarque: « s 'il est vrai que la théorie abstraite du " désir ” lui-même, en tant qu 'acte de l'âme, se situe

dans le domaine de la morale , la pratique vécue de la discipline du désir implique finalement une attitude spécifique à l'égard du cosmos et de la nature... La discipline du désir a pour but de faire en sorte que nous ne désirerons jamais des choses dont nous pourrions être frustrés,

que nous ne fuirons jamais ce que nous pourrions subir contre notre volonté. Elle consiste donc à ne désirer que ce qui dépend de nous, c 'est-à -dire le seul bien pour les stoïciens, égale ment à ne fuir que le mal moral, et, pour ce qui ne dépend pas de nous, à l'accepter comme voulu par la Nature Universelle . » Hadot allègue à ce sujet Entretiens II 14 , 7 ou 17, 25 . La

conclusion d 'Hadot se présente comme une réponse à Pesce : « Le consentement au Destin , l'obéissance aux dieux, qui est l'essentiel de la discipline du désir, suppose donc une prise de conscience de la place de l'homme dans le Tout et donc une mise en pratique de la physique » (p . 109). D 'après Hadot, cette liaison entre la discipline du désir et la physique vécue comme

un exercice spirituel se trouve « orchestrée » chez Marc -Aurèle d 'une manière plus riche encore que dans les propos d'Épictète .

Plutôtmoraliste ou éducateur que philosophe, Épictète se propose d' enseigner

aux hommes à suivre la voie de la vraie sagesse, du vrai bonheur, du vrai bien. Pour cela il est nécessaire de savoir si le but que l'homme s'assigne comme le souverain bien est à sa portée, car le contraire ne serait pas raisonnable.

L'homme a la faculté dese former des idées ou des « représentations» (@av taolal) sur la réalité qui l'entoure. Ces représentations peuvent faire naître chez lui, du point de vue psychologique, le désir (opetus ) ou l'aversion (fxxiolc ), la tendance positive ou propension (ópuń) ou la tendance négative ou répulsion

(ápopuń ); et d'un point de vue intellectuel, l'assentiment (T) Ouyxatadłodai),

la négation (TÒ ávaveīOAI) et la suspension de l'assentiment (Énoxń).

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Sur la doctrine de la connaissance , voir 224 D . Pesce, « Prenozioni e rappresentazioni nella dottrina di Epitteto » , dans Id ., Studi di filosofia antica , Padova 1961, p . 105 - 110 (chap . 7 ]) ;

225 R. Barney, « Appearances and impressions» , Phronesis 37 , 1992, p. 283-313 .

Le bien et le malne peuvent pas être décidés par nos sens extérieurs,mais par la faculté qui détermine la valeur morale des choses, qui est la faculté la plus importante et la plus noble chez l'homme, à savoir : la npoalpeolç (litt. le

« choix préalable » ).Comme le remarque Souilhé63, t. I,p . I n . 3, ce terme, sou vent employé par Épictète , a été traduit de façon très diverse , dans la mesure où il rassemble une série de notions différentes pour nous (intelligence, esprit, âme, vertu, caractère, volonté , liberté , etc.): « propositum » , « voluntas» , « consilium (Schweighauser), « libre -arbitre » (Courdaveaux ), « Wille » (Enk , Schulthess ), « Entscheidung » (Capelle), « moral purpose » (Oldfather), « Will » (Carter, Long, Matheson ), « choice » (Carter), « disposition de la personne morale » (Souilhé),

« albedrío » (Jordán de Urries). Il désigne enfin la faculté intérieure de choix, la faculté de compréhension des représentations au moyen de la raison . Épictète la

présente comme une faculté supérieure usant des autres facultés comme de ses servantes (cf. Entretiens II 23, 6 - 15). Chacun est le seul responsable de sa pro hairesis, qui se trouve à l'abri de toute action extérieure. Qui plus est, c'est

justement cette prohairesis qui aux yeux d 'Épictète distingue l'homme des autres êtres dans le monde. Quoique l'homme, par sa propre nature, se tourne vers le bien (to zaróv) ,

rejette le mal (TÒ xaxóv) et ne se soucie pas de ce qui est indifférent ( tà ådlá popa ), ses représentations ne sont pas toujours correctes dans la pratique. C 'est pourquoi la philosophie doit intervenir,car la tâche propre de celle-ci est d 'ensei gner l'usage correct des représentations selon la raison (ópon xpñolç Tõv Dav

TOOLWV).La philosophie embellit la prohairesis et chasse de l'esprit les opinions erronées, autrement dit, elle apprend à distinguer les vrais biens (désirer, éprou

ver des impulsions, affirmer ou nier en accord avec la prohairesis, avec la rai son ) de ceux qui ne sont que des biens apparents (richesse , santé , vie , plaisir, renommée, pouvoir, patrie , etc .). Comme le remarque Pohlenz 35 , t. II, p. 109, Épictète semble ne pas suivre le développement de la Stoa selon lequel on distingue parmi les choses indiffé

rentes entre des choses préférables et les non préférables. Il incline vers un scheme binaire qui n 'envisage pas de niveau intermédiaire entre le bien et le mal (cf. Entretiens IV 5, 30 ; I 27, 12). En effet, il établit une distinction nette (Blaipeols) entre deux types de choses (cf.Manuel I 1-2 ; Entretiens I 1 ; I 4 , 1 2 ; 22, 10 ; 25, 4 ; II 6 , 24 ; 226 P . Jordán de Urríes y Azara, « Epicteto , I, 4 , 27 » , Emerita 26 , 1958, p. 223-226 ) : d 'un côté, les choses qui dépendentde nous (tà UÈV £o ' nuīv), qui sont par nature libres et sans empêchement (« le jugement, la tendance, le désir , l'aversion , enfin toutes les choses qui sont nos æuvres

propres» ); de l'autre, les choses qui ne dépendent pas de nous (tà dè oủx &$ ' nuiv ), qui sont esclaves des circonstances et facilement empêchées (« le corps,

les possessions, la renommée, les charges, enfin toutes les choses qui sont étran gères à nous, qui ne sont pas nosouvres propres» ). Cette distinction est pour lui

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le fondement de la vie pratique. La prohairesis correcte consiste à ne désirer que

les choses qui dépendent de nous (tà npoalpetixá) et à renoncer aux choses extérieures ( tà ånpoalpetixá). Elle représente le vrai bien de l'homme, la vraie vertu (åpetń ), qui n 'est autre que la « science du vivre » (Étlotńun toŨ BloŰV ;

Entretiens IV I63) ; elle représente l'hommeintérieur (sa nature propre, sa per sonne morale, sa volonté libre): « Tu n 'es pas de la chair et des cheveux ,mais

prohairesis» (Entretiens III 1 ,40 ; cf. IV 5, 11) . Par conséquent, c'est l' échec ou la réussite dans l'exercice de la prohairesis qui décide du vrai bonheur (eúbaluovia ), de la vraie liberté ( evdepía ) dans l'existence humaine (Entretiens I 12, 9 ; II 1, 23 ; IV 1, 1). En effet, d'après la maxime qu ’Épictète répète sans cesse, l'important ce n 'est pas les choses en

elles-mêmes mais l'opinion ( órua ) que nous en avons: par exemple , ce n 'est pas l'exil qui est un mal en lui-mêmemais l'idée que l'exil est un mal. Pour exprimer la pleine souveraineté de l'homme sur son existence intérieure, Épic tète a souvent recours à l' image du tyran : celui-ci a bien pouvoir sur notre corps, sur nos biens extérieurs, sur notre famille ou sur notre réputation ,mais n 'a pas le

moindre pouvoir sur notre âme (cf. Entretiens I 1 , 21-14 ; 29, 10 ; IV 7 , 18 ; cf.

227 Ch .G . Starr, « Epictetus and the tyrant», CPh 44, 1949, p. 20-29); 228 J. P. Hershbell, « Epictetus : A freedman on slavery » , AncSoc 26 , 1995, p . 185 -204. Comme le remarque Pohlenz 35 , t. II, p. 114 - 118, la vertu de la prohairesis représente la notion la plus importante de l'éthique d'Épictète. A la différence de l'ancienne Stoa, qui parlait de la vertu comme de la « science du bien et du mal>>

(Énlotnun ayadov xai xaxőv ; SVF II 95 ), Épictète considère la décision morale comme plus importante que la connaissance. Cela dit, il ne rejette pas l' intellectualismede Chrysippe, tout en étantplus intellectualiste que son maître

Musonius (cf. Goulet-Cazé 203, p. 185- 188). Pour lui, c' est toujours l'opinion (correcte ou fausse) sur les choses qui détermine le comportement. Ce dernier reste ainsi tout d'abord un acte de l'intellect. Malgré ce point de départ rationa liste , il reconnaît un rôle à l'ascèse, à la volonté et au temps pour parvenir à sur monter les résistances éventuelles de la volonté (cf. Entretiens I 15, 8 ; I 17, 24 ;

cf. Jagu 7, col. 828 sq .). En tant que pédagogue par excellence, Épictète voit dans la vertu un processus d'entraînement et d'étude. Donc, entre l'homme vertueux et sage (onovdalos) et l'homme vicieux et ignorant (Paŭlos), il place l'homme qui est en train de progresser (npoxontwv ; cf.Entretiens I 4 ; III 2), dépassant ainsi le paradoxe stoïcien selon lequel il n 'y a pas de point intermédiaire entre la vertu et le vice.

Le type d 'ascèse d'Épictète, fondé sur la notion complexe de prohairesis, est

ainsi décrit par Goulet-Cazé 203, p. 188 sq .: « Pour que cette prohairesis s'oriente vers les actes, il faut exercer son jugement. C 'est pourquoi Épictète insiste tant sur la nécessité d'une ascèse de l'âme qui soit à la fois théorique (lec ture ,méditation , réflexion ...) et pratique (beaucoup d 'exercices très intellectuali sés, comme s 'entraîner à faire face aux représentations, à refréner ses désirs ...). Concernant le corps, il refuse l'ascèse corporelle pratiquée comme une fin en

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soi, mais n 'exclut pas une ascèse corporelle à finalité morale. C 'est ainsi que dans son lepi đoxńoews (= Entretiens III 12 ), après avoir montré que l'exer cice doit porter d'abord sur les désirs et les aversions, en second lieu sur la volonté et en troisième lieu sur l'assentiment, il conclut en faisant intervenir une ascèse corporelle dont le but serait de régler désirs et aversions.» Cf. Souilhé63, t. I, p . XLVI-LVII ; 229 P .Rabbow , Seelenführung. Methodik der Exerzitien in der Antike, München 1954 , p . 131- 145 ; P . Hadot 223 , p . 17 - 25 ; Hijmans 36 , p . 64 -91 ;

230 A . J. Voelke, L 'idée de volonté dans le stoïcisme, coll. « Bibliothèque de philosophie contemporaine » , Paris 1973, p. 131 -160 ; 231 R . J. Newman , « Cotidie meditare. Theory and

practice of the meditatio in imperial stoicism », ANRW II 36 , 3, 1989, p. 1473-1517 ; 232 M . Erler, « Einübung und Anverwandlung. Reflexe mündlicher Meditationstechnik in philoso phischer Literatur der Kaiserzeit » , dans W . Kullmann , J. Althoff et M . Asper (édit.), Gattun

gen wissenschaftlicher Literatur in der Antike, coll. « ScriptOralia » 95, Tübingen 1998, p . 361-381.

Épictète semble adopter en psychologie une division binaire (cf. Entretiens III 7, 4 ): la chair (oáp ) et l'âme (Quyń). Cependant, étant donné qu'il oppose la partie intellectuelle de l'âme à la représentation pure et simple liée aux tendances ou aux désirs (cf. Entretiens II 18 , 29 ; III 24 , 108 ; IV 11, 26 ), on peut affirmer

qu 'il accepte la division ternaire aristotélicienne : le corps, l'âme sensible et

l'âme intelligible ou raison.La représentation (pavtaoia ) est une empreinte sur l'âme. L 'homme garde dans son âme un grand nombre de représentations qui le poussent éventuellement à avoir des idées semblables aux premières impressions

des choses (cf. I 14, 8). Le sentiment lui-même (nádoc) n 'est qu'une impression sur l'âme (cf. I 18, 2 ). Épictète (I 20, 5 ; IV 6 , 35 ) analyse plus en détail la tendance positive ou négative, c'est-à -dire la propulsion (ópuń ) ou la répulsion

(ápopuń), les phénomènes élémentaires de la volition . Si la tendance a comme base la représentation d'une action , elle reste telle ; si elle a commebase la repré

sentation d'un objet,elle devient un désir (öpetiç) ou une aversion (fxXALOLÇ ). D 'après Pohlenz 35 , t. II, p. 107, Épictète ne distingue pas entre les tendances et les actions, mais , à l'intérieur de l'âme, entre les tendances (positives ou négatives) qui se rapportent à notre bien -être subjectif (ópéčelg et êxxnioeus) et

les tendances qui se rapportent à notre comportement à l'égard du monde qui nous entoure , pour lesquelles il réserve le nom d'ópuai, qui, dans la doctrine stoïcienne, couvrait aussi les tendances purement subjectives (cf. Entretiens I 20, 5 et 15 ; IV 6 , 35). Étant donné que les choses extérieures sont indifférentes, Épictète demande

au sage de rester en principe libre du désir. En effet, le but visé dans le premier topos est l'impassibilité (ånádela , åtapačia ), c' est-à -dire le manque total de sentiments (naon ).Mais, pour Épictète, ce but doit être corrigé par le deuxième topos, concernant le devoir, car l'homme, étant donné qu 'il passe sa vie avec d 'autres hommes, ne doit pas rester tout à fait impassible comme une statue

(cf. Entretiens III 2, 4 ; Manuel II 2 ; XLVIII 3 ). Donc, le sage éprouvera des ten dances ou des sentiments modérés, soumis à la raison, lui permettant de rester impassible , de garder sa paix intérieure et, par conséquent, son bonheur et sa liberté (cf. Entretiens IV 3 , 7). Quant aux autres passions, comme la colère, il

devra tout simplement les chasser de son esprit (cf.Bonhöffer 19 , p. 46 -49).

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Cf. 233 R . Laurenti, « Lo stoicismo romano e Plutarco di fronte al tema dell'ira » , dans I. Gallo (édit.), Aspetti dello stoicismo e dell' epicureismo in Plutarco. Atti del II Convegno di studi su Plutarco, Ferrara , 2-3 aprile 1987, coll. « Quad . del GFF » 9 , Ferrara 1988, p. 33-56 ( comparaison entre Sénèque, Épictète, Musonius Rufus et Plutarque); 234 M . C . Nussbaum ,

« Poetry and the passions : iwo Stoic views», dans J. Brunschwig et M .C. Nusbaum (édit.), Passions and perceptions : Studies in Hellenistic philosophy ofmind. Proceedings of the fifth Symposium Hellenisticum , Cambridge/New York 1993, p . 97- 149.

Toute action conforme au devoir (tò xaonxov ) répond à une tendance sou mise à un assentiment rationnel. On peut continuer à l'appeler « tendance » , ou

plus proprement « prohairesis» . Depuis l'Antiquité, on a voulu résumer la doctrine morale d'Épictète dans la formule célèbre åvéxov xai åréxov du fragment 10 Schenkl, c 'est-à -dire : « supporte et abstiens-toi» (lat. sustine et abstine). En fait, la tâche de l'homme dans le monde, selon Épictète, n 'est autre que d'affronter avec confiance et

endurance toute réalité qui ne dépend pas de lui, et de s'abstenir du mauvais choix , quand il est question de choisir , car tout choix ne dépend que de lui. Ainsi, Épictète , Entretiens II 1, affirme qu 'il faut avoir confiance (to Dappeīv) devant ce qui est soustrait à notre libre choix , quine dépend pas de nous (ånpo

aipeta ); pour ce qui dépend de notre volonté (npoalpetixá), il dit qu'il faut agir avec prudence (kůráßela ) : face à la mort, donc, il faut de l'assurance ; face à la peur de la mort, de la prudence.

La morale sociale, c'est-à-dire les principes qui gouvernent la relation de l'homme avec les autres hommes, appartient au deuxième topos d 'Épictète. Le

moraliste envisage l'homme comme un « animal civilisé et sociable » (öuepov xai ZOLVWVIXÒ (Qov ; cf. Entretiens II 10, 14 ; II 20 , 13 ; III 13, 5 ). Cf. Colardeau 22, p. 171-203 ; 235 A. Dobson , La morale sociale des derniers Stoïciens.

Sénèque, Épictète etMarc Aurèle, Paris 1967. Comme le remarque Pohlenz 35 , t. II, p . 120, Épictète, lorsqu 'il veut décrire la perfection morale , dépasse l'intellectualisme de la prohairesis, grâce à deux vertus fondamentales possédant un caractère émotionnel très marqué, à savoir :

l'aidós et la niotis (cf. Entretiens I 28, 23 ; IV 5, 14 ; 13 ; Manuel XXIV ). L 'aidós, qui était pour les stoïciens simplement la pudeur devant le blâme mérité , devient pour Épictète le sentiment éthique fondamental, placé chez l'homme par la nature. Grâce à ce sentiment, l'homme (et seulement lui) rougit involontairement lorsqu' il dit ou entend quelque chose d' inconvenant; ce senti ment le met en garde contre toute faute morale et le protège mieux que ne le

ferait l'occultation aux regards humains. Pohlenz 35 , p. 121, définit l'aidós comme « le respect que l'homme a pour sa propre dignité , comprise comme un sanctuaire inviolable » . D 'après lui, l'aidós a égard notamment à la vie inté rieure , tandis que la niotis agit plutôt dans le rapport de l'hommeavec les autres hommes: « Elle a aussi sa racine dans un sentiment, dans la tendance sociale de l'homme, mais elle représente le développement de ce sentiment sur le plan social et pratique ; elle désigne la juste position de l'individu dans la société , la

promptitude dans l'accomplissement de ses devoirs, qui est capable de faire gagner la confiance et de la communiquer en même temps ; elle est enfin le

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fondement de toute activité sociale .» D 'après Pohlenz, si l'aidós revient à la sensibilité grecque la plus ancienne, la niotic témoigne d'une influence évidente

de la fides romaine.

Chez Épictète , l'application de l'homme à la vie intérieure n'implique pas le mépris de l'activité extérieure. Les tendances pratiques qui nous poussent à accomplir nos devoirs (waOnxovta ) font partie aussi de l'âme, comme les désirs qui se rapportent à notre intérieur (cf. Entretiens III 2 , 2 et 4) . Et la sphère la plus

proche de ces devoirs est représentée par le corps. Épictète place le corps parmi les choses qui ne dépendent pas de nous (cf. supra ), et il en parle souvent avec mépris (cf. par exemple le diminutif to owuáriov ). Or, il considère que la

nature a mis chez nous l'amour pour notre corps, parce qu'il est quelque chose de nécessaire. Conformément à la nature, c 'est donc un devoir de le nourrir, de le

soigner, de le tenir propre ( cf. supra, B ; Entretiens I 16 , 9 sqq. ; IV 11 ; fr. XXIII Schenkl; Manuel XLI), sans pourtant accorder à cela trop d 'importance (cf.

Entretiens III 1 ; IV 11, 25). De même que la propreté, le moraliste conseille aussi les bonnes manières (Manuel XXXIII). En fait, il considère la communauté

comme la sphère la plus indiquée pour l'exercice des devoirs. Il reconnaît ( Entretiens II 22, 15) que tout être vivant est poussé par nature à rechercher ce qui lui est utile , mais que la nature a arrangé les choses de sorte que l'être

rationnel que l'homme représente ne puisse obtenir ce qui lui est utile qu'en collaborant en même temps au bien commun . Il ne s 'agit pas ici d'une loi extérieure. L 'homme porte en lui, à côté de l'amour pour lui-même (plautia ),

une tendance naturelle vers ses propres congénères, l’oixeiwolç. Par conséquent, Épictète ne rejette point les affections familiales (cf. Entretiens I 11; III 3, 5- 10 (cf. 236 J. J. Thierry, « Epictetus on oxÉOELS (Diss. 3 , 3 , 5 - 10 )» ,Mnemosyne 12 , 1944 , p .61- 71 ) ; 237 W . O . Stephens, « Epictetus on How the Stoic Sage

Loves » , dans OSAPh 14 , 1996 , p . 193-210; supra, B ), ni l'amitié (cf. Entretiens II 29). Non seulement il admet le mariage,mais il le considère comme quelque chose de sacré (Entretiens II 4 ;Manuel XXXIII 8). Comme le remarque Pohlenz

35 , t. II, p . 125 : « Lemariage etla procréation des enfants fontpartie des devoirs civils, de même que l'accomplissement des charges publiques ordinaires par celui qui en a le titre . Épictète considère comme avéré que l'homme doit

accomplir ces devoirs, mais il luimanque, de toute évidence, le sentiment que peut éprouver un Panétius envers l'État. Il envisage la carrière publique surtout

du pointde vue de l'éducateur, dans la mesure où elle représente pour les jeunes le but de leur ambition politique, et il insiste sur le fait qu'il faut bien donner à César ce qui appartient à César, mais aussi à Dieu ce qui appartient à Dieu... »

(cf. Entretiens I 29, 9 sqq. ; 30 ; II 23, 38 ; IV 10 , 21 ; IV 7 ; 238 J. Jundził}, « Practice and theory of family education in the works of Seneca, Epictetus and

Marcus Aurelius» , VoxP 5 , 1985,p . 51-61 (en polon., rés. en angl.)). En réalité, Épictète (cf. 19, 1 ; II 10, 3 ) considère l'hommenon pas comme le citoyen de telle ou telle société particulière , mais comme un citoyen du monde

(xóquioc). A ses yeux, tous les hommes,même les esclaves, sont des frères et tous sont égaux , parce que tous proviennent de dieu ( l'âme est un åttoonaoua

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TOŨ DeoŨ : cf. II 8, 11) et portentégalement en eux l'étincelle de divinité qui peut

les rendre libres (cf. I 33, 3 ; 14 ,6 ; 19 , 9 ; II 16 ,41 sqq.). Cf. Bonhöffer 19 , p . 58- 121, 193-233 ; 239 P.Geigenmüller, « Stellung und Pflichten des

Menschen im Kosmos nach Epiktet », NJW (= JKPh) 5, 1929 , p. 529-542. Sur la notion de cosmopolitisme, voir 240 G . R . Stanton , « The cosmopolitan ideas of Epictetus and Marcus Aurelius » , Phronesis 13, 1968, p . 183- 195 , qui distingue à ce sujet la pensée d 'Épictète et celle de Marc-Aurèle : d 'après lui, Épictète, partant de l'argument de la parenté entre l'homme et dieu , oriente son enseignement pour le citoyen de l'univers dans le

sens de l' instruction morale ; Marc-Aurèle, à son tour, part de l'idée que l'hommeest né pour la communauté et se concentre sur la vision de l' État universel.

Le rapport de l'hommeavec la divinité nous amène à considérer la religion d' Épictète. En tant que stoïcien , Épictète croit en un dieu immanent, qui est

l' esprit, l'intelligence (voûç, Nóyos) qui imprègne toutes choses (cf. Entretiens II 8, 2). Comme le remarque Pohlenz 35, t. II, p. 126 , ilmaintient la vieille défi nition selon laquelle le cosmos est un système formé par les dieux et les

hommes, mais il a remplacé le pluriel « dieux» par le singulier « dieu » (ou Zeus).

D 'après Pohlenz 35, ibid . n .41, si Épictète parle parfois des « dieux » , cela ne nous apprend rien sur sa conception de la divinité. Cf. Souilhé 63 , t. I, p . LXI: « Son polythéisme est

peut-être bien une condescendance aux habitudes du langage populaire, mais peut-être aussi, comme les maîtres de son école , ne voit-il dans les dieux du Panthéon antique que des forces

de la nature,ou les attributions différentes d'une divinité unique.»

Épictète ne distingue pas entre dieu et ce qu'il nomme la nature ,l'univers ou le tout, entre la loi divine et la loinaturelle. En tant qu 'intellect diffusé dans le monde, dieu relie intimement (par une « sympathie » ) toutes les réalités. Mais l'homme se trouve dans cette hiérarchie plus près de la divinité que tout autre être grâce à son esprit (cf. Entretiens I 14 , 1-7). C 'est pourquoi, comme le

remarque Souilhé 63, t. I, p. Lix , le dieu d'Épictète est un dieu personnel auquel l'homme est intimement uni, qui veille très spécialement sur lui par sa provi dence (htpovola ), et auquel rien ne peut échapper des événements de l'univers , comme de nos actes, de nos pensées ou de nos sentiments ( cf. Entretiens I 14 :

Que dieu voit tout ; I 6 et III 17: Sur la Providence). La fin de l'homme est de s' approcher le plus possible de la divinité, de vivre heureux et libre sous son gouvernement intérieur (II 14 , 12 ; I 12 , 4 -9). De la sorte, le philosophe authen

tique devient une espèce de témoin (uaptus ) de dieu , un témoin de la sagesse,

de la prudence, de la justice,bref de la bonté divine (cf. par exemple I 29, 46 ; III 24 , 113). Cette conception du philosophe témoin de dieu a été étudiée par 241 A . Delatte,« Le sage témoin dans la philosophie stoïco -cynique » , BAB ge s., 39, 1953 , p . 166 - 186 , qui affirme

(p. 173) qu'on la trouve pour la première fois ehez Épictète . Cf. Spanneut 10 , col.613 sq.; Jagu 7, col. 827 sq.

Dieu a tout créé par sa bonté et l'homme lui en doit reconnaissance (xápis ). Tous les biens dont il dispose à chaque moment, y compris la vie elle-même, sont des prêts faits par dieu, et il faut être toujours prêt à les lui rendre sans s 'at

tarder et sans aucun mécontentement (cf. Entretiens IV 10, 14-18). Comme le remarque Pohlenz 35, t. II, p. 128, la providence de dieu à l'égard de l'individu

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ne veut pas dire pour Épictète que dieu prend souci de son bien-être matériel. L 'homme doit rendre grâces à dieu notamment de lui avoir donné la force pour surmonter toute difficulté. Ainsi, la justice divine (théodicée) ne représente pas un problème pour le moraliste : « L 'homme quiadopte la juste disposition envers les choses, les " propres” et les “ étrangères” , n 'oubliera jamais que dieu lui a

donné dans son intérieur le seulbien qu 'il ne peutpas perdre et, reconnaissant, il

acceptera tout ce qui provient de la main de dieu, non seulement les choses agréables, non seulement le pain quotidien ,mais aussi les difficultés que la vie

lui présente » (t. II,p . 129). Épictète exprime souventcet enseignement par la métaphore de la vie commeune pièce de

théâtre : dans la vie chacun doit accomplir tout rôle (npóownov) que dieu lui attribue, de même qu ' au théâtre chaque acteur doit accomplir tout rôle que lui attribue le poète (cf. Entretiens I 2 , 19 - 21 ; 24 , 16 sqq. ; III 14 , 1 ; IV 2 , 10 ; fr. XI Schenkl ; Manuel XVII ;

cf. Kokolakis 192).

Si les difficultés sont tellement graves que l'homme ne peut plus les surmon ter, alors (et seulement alors ) il lui est permis de quitter volontairement la vie. Et cela ne signifie pas qu' il agit contre dieu, parce que c'est dieu lui-même quilui fait signe de quitter la vie lorsqu 'il ne peut plus vivre conformément à la nature (cf. Entretiens III 24 , 101). Épictète exprime souvent cette idée à travers l'image de la « porte ouverte » (ń Oupa ñ Vouxtal ; cf. Entretiens I 24 , 20 ). C 'est dieu lui-même qui a laissé ouverte la « porte » (III 8 , 6 ).

Sur le suicide chez Épictète , voir Bonhöffer 19, p . 29- 39, 188-193 ; 242 E . Benz, Das Todesproblem in der stoischen Philosophie, coll. « Tübinger Beiträge zur Altertumswissen schaft >> 68, Stuttgart 1929, notamment p . 36 sqq ., 75 sqq. ; 243 J. Xenakis, « Stoic suicide therapy » , Sophia 40 , 1972, p . 88 - 99 ; 244 R . Wyllie , « Views on suicide and freedom in stoic

philosophy and some related contemporary points of view », Prudentia 5, 1973, p . 15-32 ; 245 Y . Grisé, Le suicide dans la Rome antique (préf. P . Grimal), coll. « Noêsis-Collection

d 'études anciennes », Montréal/Paris 1982, notamment p. 218-221 ; 246 A . J. Droge, « Mori

lucrum . Paul and ancient theories of suicide » ,NT 30, 1988, p . 263-286 . Quant à la mort elle -même, Épictète, conformément à la doctrine stoïcienne, l'envisage comme la fin naturelle de l'individu, qui se dissout dans les éléments

(otolyela ) du cosmos, afin qu 'un autre puisse occuper sa place (cf. Entretiens

III 13, 14 ; II 1, 17 -18). Épictète ne croit nullement à une survivance personnelle au delà de la mort, bien qu 'il parle du désir de l'homme de retourner à dieu,

c 'est-à-dire au tout (cf. Entretiens III 24,92 sqq. ; 13, 13 sqq.; IV 7, 15 et 27 ; cf. Bonhöffer 19, p. 26 -29). Enfin, la mort n 'est qu 'une conséquence naturelle de la condition humaine, et il n 'est donc pas raisonnable de s'en affliger . Il est stupide

de pleurer la mort d'un mortel (cf. Entretiens II 5, 12 sq.; III 24, 85 sq.;Manuel III). Comme le remarque Souilhé63, t. I, p. LV , on a souvent noté qu 'Épictète se meut entre deux conceptions de la vie apparemment contradictoires : d'un côté,

une conception pessimiste et déprimante, qui décrit les incertitudes et la vanité de l'existence humaine ; de l'autre, une conception optimiste , qui chante le bon heur que représente la libération des désirs inutiles, par l'æuvre de la philo

sophie, autrement dit par l'æuvre de la divinité que chacun possède dans son

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intérieur. A la suite de Pesce 32, Souilhé 63,t. I, p. LVI, n 'y voit pas une vraie contradiction : « Il semble plutôt qu 'on doive y discerner deux points de vue :

celui du profane, de l'idiørns, qui cède au sentiment dont nos représentations sont accompagnées , ou encore du débutantdans l'apprentissage de la sagesse,

qui se raidit pour réprimer les perturbations de la sensibilité, et celui du parfait, du TTETALOEVMÉVOS, en qui la raison a triomphé et qui, ayant compris la divine ordonnance, la veut de toute sa volonté et l'aime.» La morale d'Épictète a bien un fondement religieux : elle consiste dans l' anéantissement du moi et en une acceptation totale des événements qui ne sont, finalement, que l'expression de la volonté divine. Ainsi, d'après Pesce 32, la morale stoïcienne qui, jusque là, répudiant la vie concrète, n 'avait su aboutir qu ' à la mort, arrive avec Épictète à un tournant: elle devient religieuse, reposant sur l'hypothèse de dieu qui doit être prouvée par l'expérience de la vie

(cf.Colardeau 22, p . 239-281).

Bibliographie complémentaire sur quelques thèmes philosophiques : LA LIBERTÉ-NIPOAIPEEIE : Cf. 247 H .Gomperz , Die Lebensauffassung der griechischen Philosophen und das Ideal der inneren Freiheit, Zwölf gemeinverständliche Vorlesungen ,mit Anhang zum Verständnis derMystiker, Neudruck der Ausgabe Jena und Leipzig 1904, Aalen 1979, p . 186 , 195-206 ; 248 C . Cassanmagnago, « Il problema della prohairesis in Epitteto » , RFN 69, 1977, p. 232 246 ; 249 G . Segalla , « Il problema della volontà in Epitteto » , Studia Patavina 10 , 1963,

p. 340-379; 250 M . Dragona-Monachou, « Prohairesis in Aristotle and Epictetus. A compari son with the concept of intention in the philosophy of action » (en grec, résumé en anglais),

Philosophia 8-9, 1978 -1979, p. 265-310 (sur l'originalité du concept de prohairesis chez Épictète ) ; 251 J. C .Gretenkord , Der Freiheitsbegriff Epiktets, Diss. Bochum 1981 ; 252 F .-R . Chaumartin , « La quête de la liberté intérieure devant l'oppression du pouvoir dans l'empire

romain . Sénèque et Épictète », VL 1988, n° 110 , p. 10 -17 ; Hershbell 4, p. 2159-2160 ; 253 R .J. Heisler, Epictetus on speech. The argument, Diss. Univ. of Illinois at Urbana Champaign 1989 (microfilm ; traduction et commentaire d'Entretiens II 23) ; 254 R . F. Dobbin , The sense of self in Epictetus: Prohairesis and prosopon , Diss. University of Cali

fornia, Berkeley 1989 ; 255 Id., « Mpoaipeous in Epictetus », AncPhil 11, 1991, p. 111-135. LE BIEN ETLE MAL : Cf. 256 R . Cabello , « De transitu a malo ad bonum apud Epictetum sub luce christiana » ,

VerbDom 45, 1967, p. 104-112 ; 257 G .J. Boter,« Epictetus, Encheiridion 27 »,Mnemosyne 45 , 1992, p. 473-481.

L'AMOUR DE DIEUX ET DES HOMMES, LA XAPIE : Cf. 258 R . Joly , « La charité païenne. A propos d'Épictète, Entretiens III 22, 54 » , BACIL : 1, 1953, p . 21-24 ; 259 H .-J. Klauck, « Dankbar leben , dankar sterben. Eúxoploteiv bei Epiktet » , dansGemeinde, Amt, Sakrament. Neutestamentliche Perspektiven, Würzburg 1989, p. 373-390. LA RELIGION :

Cf. 260 G . Pepe, « La filosofia religiosa di Epitteto », RFN 8 , 1916, p. 2-20, 566 -585; 261 E .G .Gulin, « Die Religion Epiktets und die Stoa » , dans Commentationes philologicae in honorem professoris emeriti J. A . Heikel, Helsingfors 1926 , p . 32 -47; 262 A . Jagu , « La reli

gion d' Épictète » , R & T 1, 1946, p. 5- 16 (cf. Id . 7, col. 823-830) ; 263 J. Le Hir, « Les fonde ments psychologiques et religieux de la morale d'Épictète », BAGB 1954, 4 (Lettres d'huma nité 13), p. 73 -93 ; 264 F . Wawrzynieak , « L ' idée de Dieu dans la science d 'Épictète » , Collec

tanea Theologica 32, 1961, p. 105 -206 ; 265 J.Pépin, Idées grecques sur l'homme etsur Dieu, « Collection d' Études Anciennes » , Paris 1971, p . 127 - 141, notamment p . 135 - 139 ; 266 R . Radice, La concezione di Dio e del divino in Epitteto , « Collana di Filosofia » 2, Milano 1982 .

E 33

ÉPICTÈTE

139

E . Épictète et le christianisme. Épictète connaissait sans doute les chrétiens, peut-être même dès son enfance à Hiérapolis (cf. supra, B ) . Mais, à ce qu 'il semble , il les connaissait seulement

d 'une façon vague, et il ne les appréciait guère . En effet, il y a des références

dans les Entretiens aux chrétiens (qu'il appelle Galiléens, d 'après l'usage juif). Un passage incontesté est celui d 'Entretiens IV 7, 6 , sur le mépris chrétien de la

mort (cf. 267 P. Corssen , « Alatpißai IV , 7, 6 », BPhW 30 , 1910 , col. 832).Un autre moins sûr est celui d 'Entretiens II 9 , 19-21, où Épictète affirme qu 'on est appelé à juste titre juif lorsqu 'on a été baptisé. 268 D . S . Sharp , Epictetus and the

New Testament, London 1914 , p . 134 , pense que cela fait référence aux chré tiens. Cependant, la pratique du baptême existait aussi dans les sectes juives (cf.

Souilhé 63 , t. I, p . LXXX sq. n . 3 ; Oldfather 55, n . ad loc.; 269 P. Carrara, « Galilei e Giudei nelle Dissertazioni di Epitteto (nota a Diss. 2, 9, 19-21)» , dans Studi in onore di Adelmo Barigazzi, Roma 1984 , t. I (= Sileno 10, 1984 ), p. 111 117) .

Le seul passage sûr présente une image très pauvre des chrétiens: lorsqu'il parle du manque de peur (åpoßia ), Épictète présente les « Galiléens » comme

exemple des gens qui manifestent de l'intrépidité par accoutumance (ÚTÒ Douc) ; des gens qui, même s'ils ne se comportent pas ainsi par folie (únò ua

vías), ne le font pas non pluspar raison (ünÒ Nóyou ). Cependant, trompé par certaines ressemblances entre les idées religieuses d'Épictète et la doctrine chrétienne, 270 Th. Zahn , Der Stoiker Epiktet und sein

Verhältnis zum Christentum , Erlangen 1894, Leipzig 18952, est amené à croire qu 'Épictète a dû utiliser plusieurs écrits du Nouveau Testament, notamment

l'Évangile selon Matthieu et l'Évangile selon Luc. Cette hypothèse fut reprise et développée par 271 K . Kuiper, Epictetus en de christelijke moraal, coll. « Verslagen en Mededeelingen der k . Akademie van Wetenschappen » 7 , Amsterdam 1906 , p . 370 -405. En revanche, elle fut contestée par 272 Fr.Mörth ,

« Epiktet und sein Verhältnis zum Christentum » , dans Festschr. 50. Vers. Klass.

Philolog. Graz, 1909, p . 178-194 , pour qui les quelques parallèles existant dans l'expression doivent s 'expliquer dans le cadre d 'une polémique d'Épictète contre les textes sacrés des chrétiens.

C 'est en particulier 273 A . Bonhöffer, Epiktet und das Neue Testament, coll. « Religionsgeschichtliche Versuche und Vorarbeiten » 10 , Gießen 1911, réimpr.

Stuttgart/Bad Cannstatt 1964, qui a démontré que l'idée qu 'Épictète dépend en quelque sorte du Nouveau Testament est tout à fait erronée. En effet, à travers

une comparaison minutieuse du vocabulaire et de la doctrine des Entretiens et des écrits du Nouveau Testament, il arrive à la conclusion qu 'il faut écarter toute possibilité d 'emprunt entre les uns et les autres. D 'après lui, le stoïcisme et le christianisme furent deux mouvements parallèles,mais indépendants (cf. Souilhé 63, t. I, p . LXIII). En ce même sens, Sharp 268 , sur la base d'une analyse compa rative du vocabulaire, conclut que les ressemblances entre les formules des

Entretiens et les écrits du Nouveau Testament (par exemple les Lettres de Paul)

ÉPICTÈTE

140

E 33

répondent normalement au fait qu'aussi bien Épictète que les auteurs du Nou veau Testament parlaient la même langue que les gens ordinaires de l'époque. Le livre de Bonhöffer a fait l'objet des critiques de 274 M .-J. Lagrange, « La philosophie religieuse d' Épictète et le Christianisme», RBi n.s. 9, 1912 , p . 5 -21, 192-212, qui revient à la thèse de Zahn 270 avec quelques changements. D 'après lui, Épictète se consume dans la contradiction entre un matérialisme asphyxiant et une aspiration mystique, et cette contradiction peut seulement s'expliquer si on accepte qu 'il se débarrasse de son orthodoxie stoïcienne par l'appel de plus en

plus fort du christianisme. Par conséquent, Lagrange 274 soutient qu'Épictète a emprunté certains éléments du Nouveau Testament, notamment de Paul. Un avis

similaire , bien quemoins radical, a été défendu par Pepe 260 .Mais la thèse de Bonhöffer s'est imposée de plus en plus parmi les critiques, car toute analyse

objective montre que, malgré les nombreux parallèles, les différences restent essentielles (cf. Spanneut 10 , col.630 -632 ; Jagu 7 , col. 829 sq .). Tout au plus

pourrait-on suggérer, comme le fait Souilhé63,t. I, p. LXIV -LXVII, la possibilité d'une influence indirecte de l'esprit chrétien sur Épictète (cf.Martha 16 , p. 207). Cf. 275 K . Vorländer, « Christliche Gedanken eines heidnischen Philosophen » , Prj 89, 1897, p. 193- 222 ; 276 R . Bultmann, « Das religiöse Moment in der ethischen Unterweisung des Epiktet und das Neue Testament» , ZNTW 13, 1912 , p. 97 - 110, 177 -191 ; 277 Id., Der Stil der paulinischen Predigt und die kynisch -stoische Diatribe, coll. « Forschungen zur Religion und Literatur des Alten und Neuen Testaments » 13, Göttingen 1910, réimpr. 1984 (cf. Sto

wers 161 et Schmeller 176 ) ; 278 O . Schmitz, Der Freiheitsgedanke bei Epiktet und das Freiheitszeugnis des Paulus. Ein religionsgeschichtlicher Vergleich , coll. « Neutestamentliche

Forschungen » I 1, Gütersloh 1923 ; 279 L . Stefanini, Il problemamorale nello stoicismo e nel cristianesimo. Sommario storico e critica ai testi : Seneca De tranquill. animi, Epitteto Manuale, Marco Aurelio , Pensieri, Nuovo Testamento , Antologia, Torino 1926 ; 280 H . Barth, « Die Bedeutung der Freiheit bei Epiktet und Augustin » , dans DasMenschenbild im Lichte des Evangeliums. Festschrift zum 60. Geburtstag von E . Brunner, Zürich 1950 , p . 49-64 ; 281 G . Jossa , « Epitteto e i cristiani» , dans Giudei, pagani e cristiani. Quattro saggi sulla

spiritualità delmondo antico, Napoli 1977 , p . 81- 108 ; 282 J. Amand , « La morale d'Epictète et le christianisme» , ANRW II 36 , 3 , 1989, p . 2164 -2199 ; 283 A . Jagu , « Christianisme et stoï

cisme, à propos d 'Épictète », dans Actes du Congrès de l'Association G . Budé (Grenoble , 21 25 septembre 1948), Paris 1949, p . 296 -297 ; 284 J. Sánchez Lasso de la Vega, « Der stoische

Weise und der christliche Heilige » , Antaios 8, 1967, p . 385 -399 (cf. 285 Id ., Ideales de la formación griega, coll. « Biblioteca de Educación y Ciencias Sociales. Serie Investigaciones y ensayos » 6 ,Madrid 1966, p . 181-272 : « Héroe griego y santo cristiano » ) ; 286 E . P . Papa

noutsos, « 'H noixn piaooopia toŨ 'Emlxtútov », Philosophia 12, 1982, p. 9-25 ; 287 F. Ferro Gay et J. Lee Benavides, « El cristianismo y el imperio », Nova Tellus 3, 1985, p. 127 148 ; 288 M . D . McGehee, Divine appointment to specific social functions in four Greco

Roman traditions. Paul, Epictetus, Cynics, and Qumran, Diss. Brown Univ ., Providence 1985 (microfilm ).

F. La postérité d 'Épictète. Si l'on en croit Arrien , dans sa lettre à Lucius Gellius, les notes qu'il avait tirées des enseignements d'Épictète commencèrent à circuler dans de mauvaises copies avantmême qu'il se fût décidé à en faire une édition fidèle . Par ailleurs,

nos témoignages montrent que les Entretiens ont été souventlus,mêmeaprès la rédaction du Manuel par Arrien , aux lie et III° siècles. A partir du IVe siècle le Manuel semble avoir remplacé de plus en plus les Entretiens.

ÉPICTÈTE

E 33

141

Au II° s. il faut remarquer surtout l'influence d'Épictète surMarc-Aurèle:

Cf. 289 Th.Dupuy, « Épictète et Marc-Aurèle. Leur doctrine», dans Mélanges littéraires et historiques, Milano 1886, p . 193-208 ; 290 G .Giurdanella Fusci, La filosofia di Antonino in rapporto con la filosofia di Seneca,Musonio e di Epitteto ,Modica 1904 ; Stanton 240 (cf. su

pra ) ; Spanneut 10 , col.619-621 ; P . Hadot223 p . 135 -153 (« Une clé ... » ; cf. supra) ; Id. 48, p . 69- 87 (chap . IV : « l'esclave -philosophe et l'empereur-philosophe. Épictète et les Pen

sées » ) ; 291 A . Michel, « Rhétorique et philosophie au second siècle après J.-C .» , ANRW II 34 , 1, 1993, p . 3-78, notamment p . 14 - 19 (« Marc-Aurèle et la tradition d 'Épictète : la critique de l'éloquence et l'adhésion à la beauté » ) ; 292 E . V .Maltese, « Per il “ manuale ” di Marco Aurelio » , dans R . Pretagostini (édit.), Tradizione e innovazione nella cultura greca da Omero

all' età ellenistica . Scritti in onore diBruno Gentili,Roma 1993, t. III, p . 1111-1118. Sur Favorinus, Galien , Aulu -Gelle, Lucien , Celse , Flavius Philostrate , voir Spanneut 10 , col.621-622. Sur Galien, voir encore 293 R . Cadiou, « Épictète et Galien » , BAGB 1954 , 4

(Lettres d 'humanité 13), p . 94- 101 ; 294 P . de Lacy, «Galen and the Greek poets » ,GRBS 7 , 1966 , p. 259- 266 .

L 'autorité d'Épictète au 11° s. est tellement grande que Celse , ap. Origène, Contra Celsum VII 54 (test. 17 Schenkl), va même jusqu 'à mettre sa mémoire d'homme sage et saint à côté de celle de Jésus-Christ. Origène (III° s.) et Gré goire de Nazianze (Ive s.),même s'ils essayent de combattre ces éloges, avouent

ne pas pouvoir souiller la splendeur de sa vie avec des calomnies. En fait, le moraliste stoïcien a exercé une influence considérable sur l'æuvre des Pères de l'Église. Cf. Spanneut 10, col. 632-650 et 651, qui analyse en détail cette influence chez les Pères grecs: Justin , Clément d'Alexandrie (II), Origène (III), Athanase, Basile le Grand,Grégoire de Nazianze, Jean Chrysostome (IV ), Synésios de Cyrène (IV /V ), Palladios, Théodoret (V ),

Procope de Gaza (V /VI) ; etlatins: Arnobe (IV), Ambroise de Milan (IV ), Augustin (IV / ). En général, on peut dire qu 'Épictète , comme Sénèque, a été accaparé par le

christianisme, notammentdès le Ive ou le ve siècle. D 'autre part, Épictète a influencé les Néoplatoniciens ( cf. Spanneut 10, col. 622 -626 ) : Plotin (III° s.), Proclus, Hiéroclès (2H 126 ), Théosébios, Damascius

(ve s.), Olympiodore et Simplicius (viº s.). D 'après Damascius, ap. Photius, loc. cit., le néoplatonicien du ve siècle Théosébios « parlait le plus souvent en prenant comme point de départ les Entretiens (oyolal] d'Epictète »

(trad . R . Henry ; cf. Spanneut 8 , col. 845). Épictète a été très présent dans le HautMoyen Age, aussi bien chez les

philles auteurs chrétiens que chez osoauteurs spaïens. r umie la premplSimplicius v ace les et de est DU l'auteur d'un e n u, Comme on sait, le philosophe néoplatonicien commentaire, qui nous est parvenu, sur le Manuel d'Épictète. L 'édition récente d'I. Hadot 172 , p . 183 -455, qui représente la première édition critique fondée sur tous les manuscrits connus de cet ouvrage, remplace les éditions de Schweig häuser 49 , t. IV (Commentarius in Epicteti Enchiridion ) et de Dübner 52, p. 1 143.

Dans la préface de son commentaire, Simplicius affirme que le Manuel

enseigne à l'âme comment se rendre libre telle que dieu l'a créée, afin qu'elle n'éprouve aucune crainte de ce qui se trouve au -dessous d'elle. Comme l'a

remarqué I. Hadot 172, p. 51 sq., ce commentaire présente l'énorme intérêt que

ÉPICTÈTE

142

E 33 l'auteur interprète un texte stoïcien selon la philosophie néoplatonicienne, dans

la perspective de lamétriopathie péripatéticienne. Par ailleurs, Hadot 172,p. 51 60 (cf. 295 Ead., Le problèmedu néoplatonisme alexandrin : Hiéroclès et Simpli

cius, coll.« Études Augustiniennes», Paris 1978, p. 147- 165) a expliqué la place que le Manuel tenait dans l'enseignement néoplatonicien. Il s'agissait pour les néoplatoniciens d'acquérir certaines dispositions morales et de purifier l'âme avant de commencer avec profit les études de philosophie proprement dites : « Aux yeux de Simplicius le Manuel constituait le genre d'exhortations non techniques aptes à fournir l'instruction éthique préparatoire dont le débutant en

philosophie devait déjà être imprégné. Dès lors, il fallait qu'il interprète le Manuel en se fondant, non pas sur l' éthique stoïcienne culminant dans l'apatheia du sage stoïcien, comme cela aurait été normal de notre point de vue moderne,

mais sur la métriopathie péripatéticienne. En procédant de la sorte, Simplicius suit le système éthique néoplatonicien , dans lequel se fondent, d'une manière tout à fait étonnante et sans jointure apparente , l' éthique du stoïcisme, évidem ment sans ses basesmatérialistes, l'éthique de l'Ancienne Académie et l' éthique péripatéticienne.» Pour le système philosophique du commentaire, voir Hadot 172 , p.61-113. Cf. 296 I. Hadot, « Die Widerlegung des Manichäismus im Epiktetkommentar des Simpli kios » , AGP , 51, 1969 , p. 31-57 (sur la réfutation du manichéisme, par laquelle Simplicius complète , en commentant le chap . XXVII du Manuel, la discussion sur l'origine du mal; cf. Ead . 172 , p . 114 - 144 ) ; 297 Ead ., « Le système théologique de Simplicius dans son com mentaire sur le Manuel d 'Épictète » , dans Le néoplatonisme. Actes du Colloque de Royau

mont, 9-13 juin 1969, Colloque international du CNRS, Paris 1971, p . 265-279; 298 Ead., « La tradition manuscrite du commentaire de Simplicius sur le Manuel d 'Épictète » , RHT 8 , 1978, p . 1- 198 (recension et classification de tous les mss conservés) ; 299 Ead ., « La tradition

manuscrite du commentaire de Simplicius sur le Manuel d' Épictète. Addenda et corrigenda » , RHT 11, 1981, p. 387 - 397 ( concernant notamment le ms. Naples, Bib . Naz., III.B .12 ; cf. aussi

Ead. 172 , p. 163-182 : « Bref aperçu de l'histoire du texte » ) ; 300 Ead., « La doctrine de Sim plicius sur l'âme raisonnable humaine dans le Commentaire sur le Manuel d 'Épictète » , dans

H . J. Blumenthal et A . C . Lloyd ( édit.), Souland the structure of being in late Neoplatonism . Syrianus, Proclus and Simplicius. Papers and discussions of a colloquium held at Liverpool, 15 - 16 April 1982, Liverpool 1982, p . 46 -71; 301 G . Cortassa, « Uno stoico di età giustinianea : Simplicio interprete di Epitteto » , dans F . Conza (édit.), Byzantina Mediolanensia. V

Congresso nazionale di studi bizantini (Milano, 19-22 ottobre 1994 ), coll. « Medioevo

romanzo e orientale. Colloqui» 3,Messina 1996 , p. 107-116. Sur la tradition moderne du commentaire, voir 302 P . Hadot, « La survie du commentaire de Simplicius sur le Manuel d' Épictète du XVe au XVIIe siècles : Perotti, Politien , Steuchus,

John Smith , Cudworth » , dans I. Hadot (édit.), Simplicius, sa vie , son æuvre, sa survie . Actes du colloque international de Paris (28 sept. - 1er oct. 1985), coll. « Peripatoi » 15 , Berlin /New

York 1987, p. 326 -367. Enfin , ce commentaire a été l'objet d'un résumé: cf. 303 M . Spanneut, « Un abrégé

inconnu du Commentaire de Simplicius sur Épictète (Vatopédi 738 , f. 2685-286V) » , dans F. Paschke (édit.), Überlieferungsgeschichtliche Untersuchungen , coll. TU 125 , Berlin 1981,

p. 531-541 (cf. Id. 10, col.626 ).

Sur l'influence d'Épictète sur les philosophes arabes, notamment sur Ya'qūb b.İsḥāq al-Kindi (1Xe s.),voir Spanneut 10 ,col.626 sq.(cf.Id. 338, p. 206 -208).

E 33

ÉPICTÈTE

143

L' influence d'Épictète chez lesmoines chrétiens aboutit à ce qu'on a appelé

l'« Épictète chrétien » : Cf. 304 F. Liguori, « Il Manuale di Epitteto tra i cristiani» , ScCart 58, 1930, p . 297-303;

305 O . Schissel von Fleschenberg, « Zur handschriftlichen Überlieferung des christlichen Epiktet» , Byz] 8 , 1930, p . 444-447 ; 306 A . Dain , « Introduction inédite à l'Épictète chrétien » , dans Mélanges de philosophie grecque offerts à Mgr Diès, Paris 1956 , p. 61-68 ; Spanneut 8 , col. 833-842, à qui nous empruntons les informations qui suivent.

En effet, on comprend sous le nom d'« Épictète chrétien » une série de docu

ments qui révèlent une exploitation d'Épictète (notamment du Manuel) par l'ascèse des moines chrétiens. Il est impossible de les situer avec précision dans le temps et dans l'espace : (A ) LE TRAITÉ DU PSEUDO-ANTOINE : Cf. 307 I.Hausherr, « Un écrit stoïcien sous le nom de Saint Antoine Ermite » , dans Id ., De doctrina spirituali christianorum orientalium quaestiones et scripta , I, coll. « Orientalia

Christiana » 30 , 3 (n° 86 ),Roma 1933, p.212 [70] – 216 [74 ](chap. V) ; Spanneut 8, col. 834 sq . ( cf. Id . 10, col. 662-664).

Le traité stoïcien attribué à saint Antoine l' ermite , comprenant 170 chapitres tres brefs (του εν αγίοις Πατρός ημών 'Αντωνίου του Μεγάλου παραινέσεις nepi ñeous åvopúrwv xai xenorñs noliteiac), porte la marque et parfois reprend le texte même d'Épictète . Spanneut 8, col. 834, reprend l'hypothèse de Hausherr 307, selon laquelle ce traité date des tout derniers temps de la Stoa .

(B) LE MANUEL DU PSEUDO-NIL : Texte : 308 J.-M . Suárez, ToŰ Év Áyious natpos nuwv Nelov... Móyou. Sancti Patris nostri Nili, Tractatus seu opuscula ... JosephusMaria Suaresius..., graece primum edidit, latine vertit ac notis illustravit, Romae 1673 (editio princeps ; cf. 309 J. P .Migne, PG 79, 1285

1312) ; Schweighäuser 51, t. V , p . 95-138 (Nili ascetae Manuale Epicteti, ad usum iuvenum christianorum adcommodatum ).

Cf. 310 C. Wotke, « Handschriftliche Beiträge zu Nilus' Paraphrase von Epiktets Hand büchlein » , WS 14, 1892, p . 69-74 ; Spanneut 8 , col. 835-837 (cf.Id . 10, col. 664-665); 311 M . Piscopo, « Utilizzazioni cristiane di Epitteto in alcune parafrasi delManuale » , dans Studi classici in onore di Quintino Cataudella , Catania 1972, t. II, p. 601-605 ; 312 Id., « La tradizione manoscritta della paraphrasi del Manuale di Epitteto di S. Nilo », dans J. Dummer (édit.), Texte und Textkritik . Eine Aufsatzsammlung, coll. TU 133, Berlin 1987, p . 505-508.

Il s'agit là d'une version interpolée du Manuel (en grec ), légèrement christia nisée, sans doute au service de l'ascèse monastique. La tradition manuscrite du Moyen Age la place sous le patronage de Nil d ’Ancyre, dit l'ascète (IV s.), le préfet de Constantinople qui, trop fatigué par la corruption de la cour d'Arca dios, se retira avec son fils au désert du Sinaï. En réalité, d'après Spanneut 8, col.

834, Épictète semble absentde la littérature monastique de l'époque patristique: c'est trompé par cette fausse attribution qu 'on a mis Épictète parmi les sources de la spiritualité ascétique (cf. infra ). La comparaison avec le texte original du Manuel a été faite par 313 P .- G . Chappuis, La destinée de l'homme. De l'influence du stoïcisme sur la pensée chrétienne primitive, Genèvel

Paris 1926 , notamment p . 145 -152. Cette analyse permet de constater qu 'on a fait un décou page nouveau du texte (les 53 chapitres d 'Épictète deviennent 72 ou 73) ; on a introduit

quelques altérations afin de glisser une note chrétienne (par exemple, Zeus devient Oeos xúploc ; Socrate, saint Paul) ; enfin, on a supprimé quelques parties, dans le dessein d 'exorci

144

ÉPICTÈTE

E 33

ser les marques les plus évidentes de son origine païenne (par exemple , le chap . 32 consacré à la divination ), bien que ce travail ne semble pas avoir été réalisé avec un grand soin .

Quant à la date de composition , 314 S. Le Nain de Tillemont,Mémoirespour servir à l'histoire ecclésiastique des six premiers siècles, t. XIV , Paris 1709,

p.210 , a déjà mis en doute l'attribution à Nil, et Migne publia l'æuvre parmiles spuria de cet auteur. A son tour, 315 F . Degenhart, Der hl. Nilus Sinaita . Sein Leben und seine Lehre vom Mönchtum , coll. « Beiträge zur Geschichte des alten

Mönchtums und des Benediktinerordens» 6 ,Münster 1915, notamment p. 18-20 , montre l’incompatibilité de cette version du Manuel avec l’æuvre de Nil. Il veut

l'attribuer à un correspondant de Nil, Comasius, ancien rhéteur devenu moine. Mais, d 'après Spanneut 8, col. 836 , l'hypothèse la plus vraisemblable est celle de 316 O . Bardenhewer, Geschichte der altkirchlichen Literatur, t. IV , Freiburg im Breisgau 19242, p. 161- 178, selon laquelle l'ouvrage est de quelques siècles

postérieur à Nil,bien qu'on ne puisse préciser davantage la date. Aujourd 'hui les critiques se rangent unanimement à cet avis.

(C) LA PARAPHRASE CHRÉTIENNEDU MANUEL: Texte : 317 M . Casaubon, Epicteti Enchiridion, una cum Cebetis Tabula, graece et latine (interprete H . Wolfio ), cum notis Merici Casauboni..., Eiusdem Enchiridii Paraphrasis Grae ca , numquam antehac edita , item Paraphraseos versio, cum notis eiusdem , Londini 1659 (editio princeps); Schweighäuser 51, t. V, p. 10-94.

Cf. Spanneut 8, col. 837 -840 (cf. Id. 10 , col. 665-667); 318 M . Piscopo, « La tradizione manoscritta della Paraphrasis Christiana del Manuale di Epitteto » , Helikon 9 - 10, 1968 -1970 , p. 593-603.

Il s'agit d 'une adaptation anonyme du Manuel (encore en grec ), nettement liée au monachisme, connue comme Paraphrase chrétienne. D 'après l'analyse de Spanneut 8 , l'adaptation, cherchant surtout à christianiser le texte , à l'adapter à la vie monastique, est ici plus profonde et plus fine. Elle produit un vrai « texte

parallèle » qui suit le Manuel de bout en bout, et met en évidence un travail beaucoup plus personnel, plus perspicace et plus exigeant que celui du Pseudo Nil : « L 'auteur de la Paraphrase repense son texte en philosophe» (col. 838). A la différence du Pseudo-Nil, il n 'est pas l'esclave du texte original: « Il abrège,

précise ,complète, adapte. Ilprend ses responsabilités d'auteur.Avec intelligence et finesse, il corrige ce qui, du point de vue de la philosophie ou des mœurs , lui

paraît incompatible avec la morale chrétienne. Il en tire une œuvre qui, tout en restant stoïcienne, est authentiquement chrétienne et capable de rendre service

aux moines, ses destinataires » (col. 840). Quant à la date de l'écrit, Spanneut 8 , ibid ., lui concède une relative antiquité.

Étantdonné que la Paraphrase est à la source d 'un commentaire très célèbre au xe siècle (cf. infra), il la place au plus tard au IX° s. (D ) LE COMMENTAIRE DE LA PARAPHRASE CHRÉTIENNE : Cf. Schweighäuser 51, t. III, p . 140 ; 319 S. Lindstam , « Ein byzantinischer Kommentar der

christlichen Paraphrase des Encheiridions », ByzZ 30 , 1929-1930, p. 43-49 ; Spanneut 8 , col. 840 -842 (cf. Id . 10, col. 667-670 ); 320 Id ., « Quelques aspects du stoïcismeau Moyen Age » , dans Actes vire Congrès de l'Association G . Budé (Aix -en - Provence, 1-6 avril 1963), Paris 1964, p . 118 -120 ; 321 Id ., « La tradition manuscrite d 'un commentaire chrétien d 'Épictète » ,

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ÉPICTÈTE

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Philologus 108, 1964, p. 128 -137 (commentaire, précédé d'une introduction ) ; 322 Id ., « Image de l'homme dans un commentaire chrétien inédit du Manuel d'Épictète » , dans

Images ofman in Ancientand Medieval thought. Studia Gerardo Verbeke ab amicis et colle gis dicata , coll. « Symbolae Fac . Litt. & Phil. Lovaniensis » 1 , Leuven 1976 , p . 213 -230 ;

323 Id ., « Stoicismebyzantin autour du IXe siècle d 'après un document inédit » ,MSR 34, 1977 nº spécial (Universitas), p . 63- 79 ; 324 Id., « Techne , morale et philosophie chrétienne dans un

document grec inédit du ixe (?) siècle » , Orpheus 2, 1981, p . 58 -79 (édition , traduction et commentaire) ; 325 A .M . Santerini Citi, « Il commento anonimo alla Parafrasi cristiana del Manuale di Epitteto » , SIFC 51, 1980, p . 50 -71 (sur la tradition manuscrite , la date de

rédaction et le texte ). Dans une quinzaine de manuscrits on lit un commentaire grec anonyme sur le Manuel d'Épictète (ěEńymouc eis tò 'Erxelpídlov), dont le texte semble plus ou moins complet. Les destinataires de ce commentaire semblentbien être clercs ou moines (cf. Spanneut 8, col. 841). D 'après l'analyse de Spanneut 8 , ibid., son auteur se révèle moins moraliste et plus philosophe que l'auteur du texte qui lui

sert de base ; il s'occupe de l'homme et de son essence plus que de religion. Spanneut rapproche plutôt ce commentaire , profondément stoïcien , de celui de Simplicius, qui semble bien l'avoir inspiré quelquefois. Par ailleurs, l'anonyme

semble avoir utilisé aussi directement le texte originel du Manuel pour son commentaire de la version chrétienne. Ce commentaire date du IXe siècle au plus tard , car deux manuscrits sont du Xe s. Dans certains manuscrits tardifs (xve/XVIIe siècles), on attribue un commentaire du Manuel ('EEńynois ueplan eis tò toŨ 'Enixthtov 'EyxElpídlov) à Georges Lacapène, moine en Thessalie au XIVe siècle , précurseur de l'humanisme. Cette attribution est acceptée encore à la fin du XIXe s. (cf. 326 V . Lundström , « Ad Georgium Lacapenum » , Eranos 2 , 1897, p . 47-48). Cependant, comme le remarque Spanneut 8, col. 840 (cf. Id. 10, col. 668), étant donné que le texte de ce commentaire se révèle le même que celui de l'euvre qui se lit

quatre siècles auparavant, cette attribution perd tout fondement.

(E ) VERSION DU MANUELDANS LE MS. VAT. GR. 2231:

327 M . Spanneut, « Épictète chez les moines», MSR 29, 1972 , p. 49-57, a étudié aussi une autre version du Manuel, jusqu 'alors inexploitée, qu 'il considère

comme indépendante des précédentes et plus typiquementmonastique. Elle se lit dans le manuscrit VaticanusGraecus 2231 (XIVe s.), fol. 62 -74 .

Tous ces documents témoignent d'une surviemanifeste du Manuel au Moyen Age et de son influence profonde au moins dans certains milieux spirituels. En

fait, des 54 manuscrits qui nous sont parvenus, un date du XIIe siècle, deux du

Xueet six du XIV°. En revanche, il semble bien établi depuis Schenkl 52, p. LV, que les Entretiens ont traversé le Moyen Age grâce à un seul manuscrit, le

Bodleianus, cod.Graec.misc. 251 (fin du Xie ou début du XIe siècle ), dont tous les autres manuscrits (20) ne seraient, directement ou indirectement, que des copies (cf. Spanneut 8, col. 844 sq.). A Byzance, cet ouvrage ne semble avoir intéressé que quelques érudits

(cf. Spanneut 8 , col. 845 sq.), notamment Photius, le patriarche de Constanti nople (IXe s.), et Aréthas de Patras, métropolite de Césarée (XⓇ s.), auteur d'une série de scholies sur les Entretiens. Par ailleurs, des extraits des Entretiens figu

raient dans des florilèges, qui contenaient aussi des extraits tirés du Manuel,

ÉPICTÈTE

146

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mais incluaient parfois aussi des extraits faussement attribués au moraliste (cf.

supra , C ). En Occident, comme le remarque Spanneut 8 , col. 847 sq., l'hellénisme a disparu au plus tard au Vie siècle . Il est donc peu probable qu 'Épictète y ait exercé une influence sérieuse avant l'existence de traductions en latin : le Manuel n ' est traduit qu 'au XVe siècle (la traduction manuscrite de Perotti date de 1453,

celle imprimée de Politien de 1497) ; les Entretiens ont été traduits au milieu du

xvie siècle ,par J. Schegk 72 (Basileae 1554,avec le texte grec de Trincavelli). Cependant, le nom d 'Épictète a trouvé une certaine célébrité dans le monde nordique à l'époque d ’Alcuin (VIII /IXe siècles), dans le genre de littérature par

questions-réponses, en latin (Spanneut 8, col. 848 ; Id . 10 , col. 657-660). En premier lieu, il a existé une Altercatio Hadriani et Epicteti, composée de 73 questions d ’Hadrien, très brièvement résolues par Épictète. D 'après ses der niers éditeurs, 328 L . W . Daly et W . Suchier , Altercatio Hadriani Augusti et

Epicteti philosophi, coll. « Illinois Stud. in Lang. & Lit. » XXIV , 1 -2, Urbana 1939, il s'agit d 'un produit des 11° /111e siècles plutôt que d 'une élaboration du Moyen Age. Quoi qu 'il en soit, comme le remarque Spanneut 8 , ibid ., cet

opuscule était très connu dès le Viie siècle . D 'après 329 E . Löfstedt,« Zur Datie rung der Altercatio Hadriani et Epicteti » , C & M 7 , 1945 , p. 146 -149, certains

indices linguistiques interdisent de le placer plus tôt que le ve siècle. Il a été tra duit en français par 330 Jean de Coras (Altercacion, en forme de dialogue, de

l'empereur Adrian et du philosophe Épictète, contenant soixante et treze ques tions et autant de réponses, rendu de latin en françois par J. de Coras, aveq la

paraphrase dumêmeautheur, Tolose et Paris 1558). Cet ouvrage inspira un doublet: Disputatio Hadriani et Epicteti philosophi, de 21 questions presque toutes communes avec l' Altercatio. Mais c'est un autre ouvrage, un dialogue entre Hadrien et le jeune Épictète (iuvenis Epictitus ), qui

semble avoir été le plus célèbre, à en juger par sa tradition manuscrite (7 mss des X®/xve siècles). 331 W . Suchier, Das mittellateinische Gespräch « Adrian und Epictitus » , nebst verwandten Texten (Joca monachorum ), hrsg. und untersucht

von W . S ., Tübingen 1955, p . 44 sq., le juge antérieur à 650. Comme le re marque Spanneut 8, col. 848 : « Il a été traduit en français , en provençal et en kymrique. Il a fourni une paraphrase qui a elle -même 7 traductions. Enfin , il a

inspiré au 13° siècle l'Enfant sage. Ce dernier dialogue, où le principal inter locuteur est un enfant prodige, Epitus, a été répandu dans toute l'Europe occi dentale jusqu'au 19e siècle . »

Spanneut 8 , ibid ., précise que cette littérature se trouve très éloignée de la

philosophie authentique d'Épictète : « ...l'usage qu 'on fait ici d'Épictète ne révèle pas qu 'on ait connu, si peu que ce soit, sa philosophie . A voir ces jeux littéraires

placés sous le patronage de l'austère moraliste et totalement étrangers à sa doctrine, on a l'impression qu 'on ignorait le sens véritable de son æuvre. » Spanneut met l'accent sur l'absence d'Épictète dans le monde latin du Moyen

Age : « Même un Jean Scot érigène, le meilleur helléniste de l'époque, l'ignore...

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ÉPICTÈTE

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Seul Jean de Salisbury † 1180 ,à deux reprises, invoque le témoignage d'Épictète dans son Policraticus...»

On peut trouver une vue d' ensemble sur la réception d'Épictète à l' époque moderne, notamment aux XVI et XVIIe siècles, chez d'Angers 9, col. 849 -854 . Cf. 332 F. Strowski, Histoire du sentiment religieux en France au XVIIIe siècle, Paris 19094 ; 333 L . Zanta, La Renaissance du Stoïcisme au XV e siècle , Paris 1914 ; 334 R . M .

Wenley, Stoicism and its influence, New York 1927 ; 335 H . Busson, La pensée religieuse française de Charron à Pascal, Paris 1933, p. 379 -429 (chap. VIII : « Stoïciens et Épicu riens » ) ; 336 J.-E . d'Angers, « Le stoïcisme en France dans la première moitié du XVIIe siècle. Les origines (1575 - 1616 ) » , Et. Franc. n.s. 2, 1951, p. 287 - 297, 389 -410 ; 3, 1952, p. 5 - 20 ,

133 -158 ; 337 Id., « Le renouveau du stoïcisme en France au 16e et au début du 17e siècle » , dans Actes Vipe Congrès de l'Association G . Budé (Aix-en - Provence, 1 -6 avril 1963), Paris 1964 , p . 122- 153 ; 338 M . Spanneut, Permanence du stoïcisme. De Zénon à Malraux, Gem bloux 1973, passim (résumé de la vie et de la doctrine d 'Épictète aux p . 74 -88 ) ; 339 K . A . Blüher, Séneca en España . Investigaciones sobre la recepción de Séneca en España desde el

siglo XIII hasta el siglo XVII, coll. « Biblioteca Románica Hispánica. II. Estudios y Ensayos >>

329,Madrid 1983 (traduit de l'édition originale allemande,München 1969), passim .

C 'est en Italie au XVI° siècle qu'Épictète (et le stoïcisme avec lui) est redé couvert. D 'après d'Angers 9 , col. 849, ce renouveau répond à une méprise : le

fait que les milieux platoniciens de Florence prenaient Épictète pour un disciple de Platon . La connaissance d'Épictète devient alors possible grâce notamment à

deux publications (cf. supra, A ): (a ) la traduction du Manuel par Ange Politien en 1497 (340 Philippus Beroaldus [ édit.], Censorinus, De die natali. Tabula Cebetis. Dialogus Luciani. Enchiridion Epicteti. Basilius.

Plutarchus, De invidia et odio, Bononiae 1497) : cf. 341 R . P . Oliver, « Era plagiario Poliziano nelle sue traduzioni di Epitteto e di Erodiano ? » , dans II Poliziano e il suo tempo, Atti del IV Convegno internazionale di Studi sul Rinascimento (Firenze-Palazzo Strozzi 23-26 sett. 1954 ), Firenze 1957, p . 253-271 ; 342 Id ., « Politian 's translation of the Enchiridion », TAPHA 89, 1958, p . 185 - 217 ; Maltese 71, p . 49-57 ; 343 Id., « Nota sul ms. Taur. J . III. 13 : (per l' En

cheiridion del Poliziano )» ,RPL 14 , 1991, p . 143-146 ; 344 G . J. Boter, « The Greek sources of the translations by Perotti and Politian of Epictetus' Encheiridion » , RHT 23, 1993, p. 159 . 188 .

(b) l'édition des Entretiens par V. Trincavelli en 1535.

L'influence de ces ouvrages se ressent en Italie au XVIe siècle chez ceux que Spanneut 8, col. 850 , appelle les « humanistes chrétiens » : par exemple , 345 A .

Steuco , bibliothécaire du Vatican, auteur de l'ouvrage De perenni philosophia libri X , Lugduni 1540, Basileae 1552 ; 346 I. de Loyola, qui publie à Rome ses Exercitia spiritualia (1548 ) ; C . Borromeo († 1584 ), qui semble avoir eu le

Manuel comme livre de chevet; ou L . di Gonzaga († 1591). D 'après Spanneut,

l'opposition faite au stoïcisme dans ce siècle (par des personnages comme G . Contatini († 1542] ou J.-B. Crispi ( † 1595]) explique qu’Épictète ait été ignoré des auteurs spirituels du XVIIe siècle . Cependant, il cite le jésuite 347 B . Castori,

Institutione civile e christiana, per uno che desideri vivere, tanto in corte quanto altrove, honoratamente e christianamente , Roma 1622 (cf. 348 J.- E . d ' Angers, « Étude sur les citations de Sénèque et d 'Épictète dans l' Institutione civile e christiana de B . Castori, S.J. ( 1622)» , MSR 17, 1960, p. 81- 103), auquel il faut ajouter M . Ricci,missionnaire jésuite en Chine dans les premières années de ce

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siècle (cf. 349 Chr. Spalatin , « Matteo Ricci's use of Epictetus' Encheiridion » ,

Gregorianum 56 , 1975, p . 551-557). En pays germanique, Spanneut 8 , col. 850 sq., constate que l'influence des

humanistes italiens se ressent surtout chez les luthériens, qui utilisent Épictète comme autorité dans le domaine de la philosophie naturelle, bien qu'ils le criti quent en partie : ainsi, J. Schegk et H . Wolf, qui font des traductions et des édi tions (cf. supra , A ) ; et 350 Th . Kirchmeyer (Naogeorgius), qui publie à

Strasbourg une Moralis philosophiae medulla , qui n'est rien d'autre qu'un com

mentaire du Manuel (Moralis philosophiaemedulla , docens quo pacto ad animi tranquillitatem beatitudinemque praesentis vitae perveniri posset, nempe

Epicteti Enchiridion , graece ac latine, cum explanatione Thomae Naogeorgi, Argentorati 1554 ). Mais la personnalité la plus influente dans le renouveau

d'Épictète est le flamand 351 Justus Lipsius, protestant converti au catholicisme, qui devientle père du stoïcisme chrétien (le soi-disant « Néo-stoïcisme» ). Il veut passionnément christianiser Épictète dans ses Manuductionis ad stoicam philo sophiam libri tres, L. Annaeo Senecae aliisque scriptoribus illustrandis, Antuer

piae 1604. Qui plus est, certains de ses disciples, comme 352 C . von Marth, dans ses Adversariorum commentariorum libri LX (Francfort 1624 ), vont jusqu 'à dire qu ’Épictète fut réellement chrétien . D 'autres, en revanche (comme J. Caselius

(† 1613) ou M . Casaubon ( † 1671]), se contentent de soutenir que le philosophe a reçu l'influence de l'Évangile .Mais ce point de vue est tout à fait contesté par d 'autres auteurs, comme le français Claude Saumaise, réfugié en Hollande († 1653) , qui défend un Épictète purement stoïcien . Cf. 353 J. L . Saunders, Justus Lipsius. The philosophy of Renaissance stoicism , New York 1955 ; Oldfather 55 , t. I, p. XXVIII -XXX ; 354 W . Dilthey, Gesammelte Werke, Stuttgart Göttingen 19606, t. II, p. 153- 162 (« Einfluss der Stoa auf die Ausbildung des natürlichen Systems der Geisteswissenschaften » ) ; p . 439 -457 ( « Anthropologie, Stoa und natürliches Sys

tem im XVII. Jahrhundert » ). Voir également l'étude récente de 355 J. Lagrée, Juste Lipse et la restauration du stoïcisme. Étude et traduction des traités stoïciens, De la constance, Manuel de philosophie stoïcienne, Physique des stoïciens (extraits ), coll. « Philologie et

Mercure » , Paris 1994, 269 p .

D 'après Spanneut 8, col. 851, la tendance à distinguer etmême à opposer le stoïcisme et le christianisme se renforce au XVIIIe siècle, notamment avec 356 J.F . Buddhaeus, Analecta historiae philosophicae, Halae Saxonum 1706 , 17242, 357 J. A . Fabricius, Bibliotheca Graeca sive Notitia scriptorum veterum

Graecorum , quorumcumque monumenta integra aut fragmenta edita extant,

Hamburgi 1705-1728 (17904, édit. par G .Chr. Harles, réimpr. Hildesheim 1966 1970) et surtout 358 M . Rossal, Disquisitio de Epicteto philosopho stoico, qua probatur eum non fuisse christianum , Groningae 1708. D 'après lui, l'évolution en France a été plus ou moins analogue : « Dans la première moitié du XVIe siècle, Épictète est très peu connu. Érasme († 1536 ) exerce toute son influence et, s'il admet quelques thèses stoïciennes, il en rejette un nombre plus grand encore . R . Gaguin († 1501), G . Budé († 1540 ) ainsi que l'espagnol L . Vives († 1540 ) pensent comme lui. Les Opera omnia de Politien ontbien été publiées à Paris en 1512, mais les traductions d 'Épictète qu 'elles

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contenaient ont seulement fourni quelques textes à des humanistes qui s'effraient

de l' apathie stoïcienne et la rejettent ironiquement. C 'est par les protestants, et donc vraisemblablement depuis l'Allemagne, que les æuvres du philosophe

phrygien font leur apparition » (ibid.). Spanneut cite 359 A . du Moulin , traduc teur du Manuel (Manuel d 'Épictète, Lyon 1544 ); J. de Coras, traducteur de l'apocryphe Altercatio Hadriani et Epicteti ( 1558 ; cf. supra ); et 360 A . de

Rivaudeau, traducteur aussi du Manuel (La doctrine d 'Épictète stoïcien, comme l'homme se peut rendre vertueus, libre , heureus et sans passion , traduite du grec en françois , Poitiers 1567 ; cf. 361 L .Zanta , La traduction française du Manuel d 'Épictète d 'André de Rivaudeau au XVIe s., Thèse compl. Lettres Paris 1914 ). Les catholiques deviennent des traducteurs d 'Épictète sous l' influence de J. Lipsius : ainsi, ses disciples 362 G . du Vair, Le Manuel d 'Épictète , les Responces

d 'Épictète aux demandes de l'empereur Adrian, Paris 1591 (cf. 363 Id.,La Saincte philosophie, la Philosophie des stoïques, Manuel d 'Épictète..., Lyon 1600 ; 364 P.Mesnard , « Du Vair et le néostoïcisme» , RPhilos 2, 1928 , p . 142 166 ), J. Goulu , feuillant (cf. supra, A ), et 365 P . de Bouglers (Manuel, Douai

1632). Au XVIIe siècle , malgré la position plutôt critique à l'égard d'Épictète adoptée par les « humanistes chrétiens» à la suite de F. de Sales († 1622 ] (cf.

notamment l'évêque J.- P. Camus en 1613 ; le capucin Y . de Paris en 1638 / 1642; le jésuite J. Hayneuve en 1639), Spanneut 8, col. 851, parle d'un renouveau du stoïcisme chrétien , qu 'il voit représenté par d'autres disciples de J. Lipsius : le cardinal A . de Richelieu, sur commande duquel travaille sans doute 366 J. Desmarets de Saint-Sorlin, Lesmorales d' Épictète , de Socrate, de Plutarque, de Sénèque, Paris 1653, 1655, 1659 (cf. Spanneut 338, p. 217) ; 367 G . Boileau , La

Vie d 'Épictète et l'Enchiridion, ou l'Abrégé de sa philosophie, avec le Tableau de Cébès, traduis du grec en françois, Paris 1655) ; le tertiaire franciscain 368 J. M . de Bordeaux, Épictète chrestien, 1ère partie, Paris 1658 ; le chancelier de l'Église de Paris 369 N . Cocquelin , Le Manuel d 'Épictète , avec des réflexions

tirées de la morale de l'Évangile, Paris 1688 ; le jésuite 370 M . Mourgues, Parallèle de la morale chrétienne avec celle des anciens philosophes, Toulouse

1701, Paris 1702 (contient la traduction du Manuel et des additions de la

paraphrase anonyme) ; et l'abbé 371 J.- B. de Bellegarde, Les Caractères d 'Épictète, traduits du grec, avec l'explication du Tableau de Cébès, la Vie

d'Épictète par G . Boileau, le Discours sur la destinée des âmes, tiré de la République de Platon, le Discours sur la tranquillité de l'âme, tiré d 'Hipparque, le Dialogue de l'empereur Hadrien et du philosophe Épictète , Trévoux 1700 ). Spanneut 8 , col. 851, 853 sq., cite aussi le récollet P. Rapine ( 1670), mais dans la ligne d' A . Steuco (cf. supra ; 372 J.- E . d ' Angers, « Le stoïcisme, Épictète et

Sénèque dans le développement du monde d'après les æuvres de Pascal Rapine de Sainte -Marie , récollet (1655 - 1673) » , CollectFrancisc 23, 1953 , p. 229-264 , notamment p. 255-258). L 'un et l'autre , d'après lui, au lieu de donner une inter prétation chrétienne d'Épictète (et du stoïcisme en général), comme le font les

disciples de J. Lipsius, « le mettent sur le mêmeplan que les autres philosophes et l'interprètent en fonction d 'un développement de la pensée humaine » .

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La dévalorisation du néo- stoïcisme en France au XVII° s. est représentée par nombre d'auteurs (cf. Spanneut 8, col. 851 sq.). Nous citons en particulier Blaise Pascal, qui s'occupe d 'Épictète dans son célèbre Entretien avec M . de Saci sur

Épictète et Montaigne ( 1655). Il y loue le philosophe d 'avoir regardé Dieu comme son principal objet,mais lui reproche sa « superbe diabolique » , le fait que la doctrine stoïcienne supprime absolument la grâce. . Cf. 373 F. Strowski, Pascal et son temps, coll. « Histoire du sentiment religieux en France au xvile siècle », Paris 1907, t. I, p . 18 -25 ; 374 C . A . Sainte-Beuve, Port Royal, Paris 18885, t. II, p . 381 sqq. (cf. ce même ouvrage dans la coll. « Bibliothèque de la Pléiade » , texte pré senté par M . Leroy, t. II, Paris 1954) ; Colardeau 22 , p . 209 sqq. ; Oldfather 55 , t. I, p . XIX sq.

n. 4 ; 375 J. Moreau , « Sur Épictète et Pascal»,GM 17, 1962, p.653-666 ; Mattei 14, p. 865 sq . (qui renvoie aussi aux Pensées, nos 431, 466 , 467).

Pour la façon dont R . Descartes réfute et utilise le stoïcisme, en s'opposant

aux humanistes chrétiens, voir 376 J.- E . d 'Angers, « Sénèque, Épictète et le stoïcismedans l'euvre de René Descartes », RThPh 3° s., 4 , 1954, p. 169- 196 . Cf. aussi Mattei 14 , p . 866, qui renvoie au Traité des passions de l'âme, art. 144 à 146 ; à la Lettre à Elisabeth du 4 août 1645, et la Lettre à Christine de Suède du 20 novembre 1647 ;

Rocca-Serra 15 , p. 133, pour quiDescartes s'inspire d'Épictète pour établir la troisième règle

de sa morale provisoire dans le Discours de la méthode III.

En Espagne, la personnalité très influente de Sénèque a obscurci quelque peu l'influence d 'Épictète, mais cette dernière ne s' en est pas moins fait sentir. Au

xvie siècle, le dominicain L . de Granada cite Épictète ou s'en fait l'écho dans ses sermons et dans ses traités ascétiques (voir par exemple sa Guía de Peca

dores, 1556 ), bien qu'il cite surtout Sénèque (cf. 377 J.- E . d 'Angers, « Les cita tions de Sénèque dans les sermons de Louis de Grenade [1505- 1589)» , RAM 36 , 1960, p . 447-465 ; 37, 1961, p . 31-46 ; Blüher 339, p. 342-352). Une édition de ses æuvres fut publiée à Salamanque en 1555. Mais c'est notamment au XVIIe siècle que la philosophie stoïcienne d'Épictète s' établit en Espagne, par l'euvre

de trois disciples de J. Lipsius: F . Sánchez de las Brozas, G . de Correas et F. de

Quevedo, qui tous traduisirent le Manuel (cf. supra , A ). Quevedo cite aussi un chapitre du Manueldans son écrit intitulé Nombre, origen, intento, recomenda ción y descendencia de la doctrina estoica, publié dans le même ouvrage Epicteto y Phocílides... contenant sa version du Manuel (cf. 378 F. Buendía [ édit.), Francisco de Quevedo y Villegas, Obras Completas, t. I: Prosa, Madrid 19696, p. 970 -991). Cf. 379 D . G . Castanien, « Three Spanish translations of Epictetus » , SPh 61, 1964, p . 616 626 ; 380 Id., « Quevedo 's version of Epictetus Encheiridion » , Symposium 18, 1964, p.68 -78 ;

381 D . Castellanos, « Quevedo y su Epicteto en español» , BANL 1, 1946 -1947 , p . 179 -213 ; Jordán de Urríes 64 , t. I, p . LXXVIII-LXXXII (avec d 'autres renseignements sur l'influence d 'Épictète en Espagne ); 382 Th .S . Beardsley, Jr., « Epicteto y Focílides de Quevedo : Un manuscrito de fines del siglo XVIII » , NRFH 20, 1971, p . 387 - 388 ; 383 H . Ettinghausen , Francisco de Quevedo and the neostoic movement, Oxford 1972 , notamment p . 57 sqq.; 384 B . Marcos, « Las deudas filosóficas de Quevedo » , LD 10 , 1980, p . 69-90 , notamment

p.76-81 ; 385 J.M . Balcells,« Francisco de Quevedo y Justo Lipsio : La “Manuductio " en la “ Vida de Epicteto "», Ínsula 1980, Diciembre 35 ,409, p. 3, 12 .

La lampe célèbre d'Épictète reste sans doute allumée, bien qu'à partir du XVIIIe siècle la réception de son æuvre n 'ait pas été étudiée de façon systéma

E 33a

ÉPICURE

151

tique. Pour les XVIII° /XIX°/XXe siècles, nous avons trouvé des références, plus ou

moins ponctuelles,concernant quelques auteurs : (a) G . W .F.Hegel: cf.Mattéi 14 , p. 866 ; (b ) J. W . von Goethe: cf. 386 O . Schönberger, « Über die Quelle eines Goethewortes» , Gymnasium 62, 1955 , p . 546 -547, pour qui le n° 489 des « Sprüche in Prosa » est tiré

d 'Épictète ; (c ) G . Leopardi: cf. 387 W . A . Oldfather, « Leopardi and Epictetus », Italica 2 , 1937, p. 44 53, pour qui Leopardi a été particulièrementheureux dans sa traduction du Manuel d 'Épictète (cf. supra, A ) à cause de sa parenté d'esprit avec le philosophe ; 388 S . Timpanaro, « Il Leopardi e i filosofi antichi » , dans Classicismo e illuminismo nell'Ottocento italiano, Pisa

1965, p. 183-228, notamment p. 217-224 (cf. 389 Id., La filologia di Giacomo Leopardi, Bari 19782) ; 390 F .Materiale , « Leopardi e Epitteto » , dansLeopardi e il mondo antico . Atti del V

Convegno internazionale di studi leopardiani (Recanati 22-25 settembre 1980 ), Firenze 1982, p . 497 -502 ; 391 A . Dolfi, « Lo stoicismo greco -romano e la filosofia pratica di Leopardi » ,

ibid ., p. 397-427 (repris dans 392 A . Dolfi, La doppia memoria. Saggio su Leopardi e il leopardismo, Roma 1986 , p . 43-81) ; 393 C .Moreschini, « Note filologiche al Volgarizamento

delManuale di Epitteto e ai Fragmenta Patrum » , Italianistica 16 , 1987, p . 393-400; Maltese 71, p. 89- 96 ;

(d) F. Nietzsche : cf.Oldfather 55, p.XVII n. 2, XXV n. 2 ;Mattéi 14 , p. 966 (qui renvoie à Aurore, livre V ). ( e) G . Miró : cf. 394 M . Fernández-Galiano, « Elmundo helénico deGabriel Miró » , Ínsula n° 53 , 15 Mayo 1950 , p . 1 et 6 (cf. 395 Id ., Elmundo clásico en el pensamiento español

contemporáneo,Madrid 1960, p . 137 -144).

(f) S. Weil: cf. 396 D. Allen, « Le Malheur: Une énigme (Simone Weil et Épictète)», CahSWeil 2 , 1979, p . 184- 196 .

En ce qui concerne les éditions et les traductions voir supra, A . Au XVIIIe s., il est intéressant de signaler l'existence d'un curieux apocryphe intitulé Les dernières paroles d 'Épictète à son fils. L 'auteur en est l'abbé 397 J.- M . de la Marque de

Tilladet, qui le publie à la suite d'un dialogue sur la doctrine de la secte des adorateurs : Dia logue du douteur et de l'adorateur par Mr l'Abbé de Tilladet, avec Les dernières paroles

d 'Épictète à son fils, et les idées de La -Mothe le Vayer, s.l. (1767), p . 15-20 . Dans l'écrit apo cryphe, Epictète s' oppose à la doctrine d ' « une nouvelle secte de la Palestine » (la secte des

chrétiens) qui cherche à séduire son fils jusqu'au point de lui donner des remords. La secte y est décrite comme soumise au pouvoir de certains « mages » (notamment Simon Barjone (St

Pierre]) qui prêchent qu'on gagne le royaume des cieux etla vie éternelle en donnant tout son bien aux mages, en haïssant son père , sa mère, son frère, en portant le glaive et non la paix ...

Epictète , qui ne veut pas mourir d' indignation et de douleur, tente de montrer à son fils que la communication avec l' « Etre Suprême » n ' a rien à voir avec les préceptes de ces gens

« misérables» et « superstitieux » , mais avec tout ce qu 'il lui a appris tout au long de sa vie. Enfin , il prévoit « des malheurs épouvantables sur la terre » ; « Si les malheureux dont tu me

parles séduisent le fils d 'Épictète , ils en séduirontbien d'autres» . L'écrit s 'achève avec la phrase : « Imperium in imperio . Mon fils, tout est perdu » .

PEDRO PABLO FUENTESGONZÁLEZ

in memoriam J. Lens Tuero,magistri sui.

33a ÉPICURE Le dialogue de Plutarque Sur les délais de la justice divine s'ouvre sur le départ d'un épicurien , qui vient d'exprimer avec vigueur sa position à propos de

l'idée de providence divine.Les manuscrits le désignent comme ó 'Enixovpos, mais il faut certainement retenir la correction de Fabricius, ó 'Enllxoúpelog : voir

ÉPICURE

152

E 33a

Y . Vernière, Plutarque. Euvres Morales VII , CUF, Paris 1974, p. 130. H .

Cherniss, Plutarch's Moralia, coll. LCL, t.XII, 1968, p . 6 , s'appuyait sur la pré sence dans les Moralia d'un aristotélicien du nom d 'Aristote pour considérer les deux personnages comme fictifs, simples porte -parole des thèses de chacune des

deux écoles et désignés pour cette raison sous les noms de leurs fondateurs respectifs . Cette argumentation est peu convaincante , car rien ne prouve que

l'Aristote du De facie soit un personnage fictif ( A 409). BERNADETTE PUECH.

34 ÉPICURE DIIIa Dans son testament, Épicure prescrit à ses légataires Amynomaque (2 - A 151) et Timocratès de veiller sur « Épicure, le fils de Métrodore , et sur le fils de Polyen, lesquels pratiquent la philosophie et vivent avec Hermarque » ( X 19 =

Polyen , fr. 7 Tepedino Guerra = Hermarque, fr. 6 Longo Auricchio ). Vogliano et Arrighetti ont proposé de lire : « ... et sur < Polyen> le fils de Polyen » . L 'en fantportait, semble-t-il, le mêmenom que son père, si l'on en croit PHerc . 176 , 5 ,XXII 6 sq. Vogliano . On constate cependant que, plus loin , « la fille de Métrodore » n'est pas nommée

non plus. La correction de Vogliano est acceptée par Tepedino Guerra et Longo Auricchio. Voir A . Angeli, « La scuola epicurea di Lampsaco nel PHerc. 176 (fr. 5 coll. I, IV , VIII

XXIII) » , CronErc 18 , 1988, p . 46 .

D 'autres mesures sont évoquées plus loin en faveur des enfants de Métrodore ( X 21).

Parmi les homonymes d'Épicure , Diogène Laërce X 26 signale le fils de Léonteus de Lampsaque et de Thémista, deux des plus anciens disciples d'Épi cure (X 25). Il faut donc en conclure que deux des principaux disciples d' Épicure , Léon teus etMétrodore de Lampsaque, donnèrent à leur fils le nom de leur maître . Le

fils deMétrodore à tout lemoins semble avoir “philosophé” avec Hermarque. Le procédé qui consiste à donner à son fils le nom de son propre père spirituel n' est pas sans parallèle chez les philosophes antiques . Voir par exemple Aidésius de Sardes ( ** A 57) , fils de Chrysanthe (MC 116 ), le disciple d ' Aidésius de Cappadoce ( * A 56 ). Isidore

d 'Alexandrie ( 131) donna de même à son fils le nom de son maître , Proclus. RICHARD GOULET.

35 ÉPICURE DE PERGAME RESuppl. IX : 5 Médecin de l' école empirique,maître de Galien (PG 3). Cf. 1 E. Wenkebach et F . Pfaff ( édit.), Galeni In Hippocratis Epidemiarum Librum VI Commentaria I-VIII, dans CMG V 10, 2, 2, Berlin 1940 (rééd. 1956 ), p. 412 ; 2 F . Kudlien, art. « Epikuros» , RESuppl. IX , 1962, col. 64 ; 3 K . Deich gräber , Die griechische Empirikerschule. Sammlung der Fragmente und Dar stellung der Lehre (1930 ), Berlin /Zürich 1965, p. 408 .

Biographie. Ce médecin nous est connu par le témoignage de Galien qui mentionne seulement deux fois son nom , du moins dans la partie de son œuvre

qui nous est parvenue. Le premier passage est emprunté au De compositione

E 35

ÉPICURE DE PERGAME

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medicamentorum per genera V 5 (t. XIII, p. 807, 7-8 Kühn ), où il est question des emplâtres cicatrisants et où Galien, entre autres recettes, cite , sous le nom d'un certain Épicure, celle d'un emplâtre vert particulièrement efficace qui, nous

dit-il, « promet beaucoup » : x ^wpà 'Entixoúpov (i.e. Šunlaotpos) noranu ÉtayYeniav čxovoa . Cette première mention d'un Épicure médecin est cepen dant restée assez longtemps ignorée et la référence au passage en question figure d 'ailleurs dans l'index de l'édition de Kühn sousle nom d' Épicure le philosophe. Il fallut en réalité attendre l'édition de F. Pfaff 1 du livre VII du commentaire de

Galien aux Épidémies VI d'Hippocrate, pour que l'attention fût attirée sur un Épicure, médecin empirique etmaître de Galien . Dans ce livre VII, perdu en

grec et conservé uniquement en traduction arabe, Galien commente en effet les symptômes de la toux épidémique de Périnthe observés par Hippocrate . Le pas

sage où le médecin de Cos évoque l'ulcération des gencives (t. V, p. 338, 7-9 Littré) est l'occasion pour Galien (p. 412 Pfaff) de mentionner certains de ses maîtres qui, avant lui, ont expliqué et commenté Hippocrate , non seulement, nous dit-il, au cours de leur enseignement oral, comme Stratonicos,mais égale

mentpar écrit, comme Épicure . « Ce dernier, précise Galien , fait partie des empi riques qui ont écrit des livres, et est originaire de ma patrie » .

Cet Épicure, auteur de plusieurs livres sur les écrits hippocratiques et originaire de Per game, ne fut, semble-t- il, mis en relation avec l' Épicure inventeur d 'un emplâtre cicatrisant qu 'en 1962 par Kudlien 2 , col. 64. La réédition de Deichgräber 3 , Die griechische Empiriker schule, parue pour la première fois en 1930 , et qui ne mentionnait aucun médecin empirique

de ce nom , fait à son tour état d 'un Épicure de Pergame ayant vécu vers 150 de notre ère (p . 408 nº 16 a).

La date à laquelle vécut ce médecin ne peut en réalité être précisée et repose sur une simple remarque de Galien à l'intérieur du livre VII de son commentaire

(p . 412, 36 Pfaff) quand il écrit, à propos de ses maîtres en général, qu'ils vécu rent « du temps de son père et de son grand père ».

Activité littéraire et d ' enseignement. Sur l'activité d' écriture et d 'ensei gnement d' Épicure de Pergame, nous ne savons là encore que ce que nous en dit Galien à propos de ses maîtres empiriques en général qui, selon lui, ne se contentèrent pas d'un enseignement oral, mais rédigèrent par écrit des commen

taires aux principaux traités hippocratiques. Cependant, ajoute Galien , ces der niers ne firent pas connaître leurs livres au public de leur vivant, et c'est seule ment après leur mort que certains purent être diffusés. Encore ne s'agissait-il là que d'une part infime de leurs écrits. Ces commentaires, pour leur plus grande

part, restèrent en effet entre les mains de quelques-uns qui négligèrent de les publier et ils furentbientôtpresque tous perdus.Galien nous dit s'être personnel lement efforcé de lire tous ceux qu 'il a pu trouver, même si cela devait de toute

façon représenter bien peu de chose . VÉRONIQUE BOUDON.

ÉPICURE DE SAMOS

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E 36

36 ÉPICURE DE SAMOS RE 1 342/1 – 271/0 Philosophe d 'Athènes, fondateur de l'école du Jardin , qu 'il dirigea jusqu'à sa mort.

Témoignages et fragments. 1 H . Usener, Epicurea , Leipzig 1887; réimpr. Stuttgart 1966 ,LXXX-445 p . Ce recueil ne comprend pas les fragments papyrologiques du Mepi qúoewç, ni le Gnomo logium Vaticanum Epicureum (publié pour la première fois en 1888 ).

Sommaire : Praefatio, V -LXXIX ; Epicuri libri a Laertio Diogene servati, 1-81 [édition des trois grandes lettres et des Sentences capitales) ; Epicuri perditorum librorum vestigia , 83- 168

[titres classés par ordre alphabétique) ; Incertae sedis fragmenta opinionumque testimonia ,

169-341 ( classement systématique: I. Prolegomena philosophiae, II. Canonica, III. Physica, IV . Ethica ); Spicilegium fragmentorum et testimoniorum , 342 -358 [addenda), Vita Epicuri ex

Laertio Diogene L. X, 359-373 ; Suidae Vita Epicuri, 373 ; Subsidium interpretationis: Argu menta librorum Epicureorum (lettres et sentences) cum testimoniis et fragmentis conlata , 374

398 ; Index nominum , 399 -420 ( sur deux colonnes); Index fontium , 421-439.

Cf. 2 M .Gigante, « Hermann Usener nella storia degli studi epicurei» , CronErc 6 , 1976 , p. 5- 14 ; 3 Id., « Usener e i testi epicurei nei papiri ercolanesi» , CronErc 8 , 1978, p. 5 - 20 ; ces

deux études ont été résumées dans 4 Id ., « Usener e i testi epicurei nei papiri ercolanesi» , dans

Ch. Jensen, W . Schmid et M . Gigante ( édit.), Saggi di papirologia ercolanese, coll. « Collana di Filologia classica » 4 , Napoli 1979, p . 45 -91.

5 G . Arrighetti ( édit.), Epicuro, Opere, a cura di G .A ., coll. « Biblioteca di cultura filosofica » 41, Torino 1960 ; « nuova edizione riveduta e ampliata »

1973, LIV-793 p . Ce recueil comprend, en plus d'une édition critique des fragments, une traduction ita lienne, des notes abondantes et des index . L 'auteur a introduit une nouvelle numérotation des fragments, mais rappelle entre parenthèses la numérotation d'Usener. Plus sélectif etmoins généreux qu 'Usener, Arrighetti élimine volontiers les doublets, les témoignages de moindre importance et le contexte littéraire des citations. Il s 'explique, p . XXXI : « È stato escluso tutto quanto chiaramente non risalisse a Epicuro, e sono relegate nelle note quelle testimonianze e anche alcuni frammenti ( fr. 138 - 264 ) sicuramente epicurei che non hanno per noi altro valore

che di chiarire e di confermare quanto già noto direttamente da frammenti o opere dimaggiore importanza » . Le recueil d 'Usener reste donc utile et se révèle d'une consultation souvent plus pratique à cause de la quantité des témoignages cités et de leur classement plus systématique. Arrighetti a mis à contribution de façon plus scientifique le matériel papyrologique et y a consacré des recherches de première main qui font de son recueil l' instrument de base des études épicuriennes. Pour ces documents papyrologiques, il faut toutefois tenir compte systé matiquement des éditions et des études, souvent importantes , parues depuis 1973 ,

Nouveaux fragments et témoignages. 6 G . Binder, « Heidnische Autoritäten im Ecclesiastes-Kommentar des Didymos von Alexandrien » , RBPH 57, 1979 ,

p. 51-56 , surtout p. 54 (citation d 'une lettre à Idoménée ). Pour les éditions séparées des æuvres conservées d'Épicure, voir la rubrique

“ Euvres philosophiques”. Traductions d'ensemble. 7 A . Ernout et L. Robin (édit.), Lucrèce, De rerum natura. Commentaire exégétique et critique précédé d 'une introduction sur l'art

de Lucrèce et d'une traduction des lettres et des pensées d'Épicure, coll. « Commentaires d'auteurs anciens », Paris 1925 , 2e éd. 1962, t. I (trois grandes lettres et Sentences capitales) ; 8 C . Bailey, Epicurus, the extant remains, with short critical apparatus, translation and notes, Oxford 1926 ; réimpr.

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155

Hildesheim 1970, 432 p. ; 9 Lidia Massa Positano , Epicurea. Traduzione di L . M .P ., coll. « Pubblicazioni dell' Istituto universitario di Magistero di Catania :

Serie filosofica, Testi e documenti » 11 , Padova 1969, 369 p . (traduction ita lienne du matériel publié par Usener, avec quelques ajouts ). 10 M . Isnardi Parente , Epicuro . Opere, coll. « Classici della filosofia », Torino 1974 ,633 p., 2°

éd . 1983,648 p. ; 11 Epicuro , Scrittimorali (Lettera a Meneceo,Massime capi tali, Sentenze e frammenti, Lettere, Testamento ), introd. e trad. di C . Diano, ed. a cura di G . Serra, testo greco a fronte, coll. « I classici della BUR » L 621, Milano 1987, 171 p . 12 A . A . Long et D . N . Sedley, The Hellenistic Philoso phers, Cambridge 1987, t. I, p . 25- 157 (traduction des principaux textes d'Épi

cure ) ; t. II, p. 18 - 162 : textes, notes et bibliographie. 13 M . Conche, Épicure, Lettres etmaximes, texte établi et trad ., introd. et notes de M . C ., coll. « Épimé

thée », Paris 1987, 328 p. Nous ne signalons pas ici les nombreux ouvrages de présentation générale de la pensée d' Épicure où sont traduits des extraits plus ou moins importants de son

æuvre. Pour les traductions d 'œuvres séparées, voir la rubrique « Euvres philo sophiques ». Fragments papyrologiques et épigraphiques. Plusieurs papyri ont conservé des extraits d 'auvres d 'Épicure . Ils sont édités, traduits et commentés dans CPF

I 1 * * , 1992, [51] Epicurus, p. 153-193. Des morceaux importants (Kúplat Pótal et diverses lettres) avaient également été reproduits par Diogène d 'Oi

noanda (YD 141) sur le mur de sa cité. Voir 14 M .F . Smith ( édit.), Diogenes of Oinoanda, coll. « La Scuola di Epicuro » Suppl. 1, Napoli 1993, 660 p., avec 18 planches photographiques et des index des noms et desmots grecs (p. 631-660) ;

bibliographie complète (p. 18-32). Études d 'orientation. 15 W . Schmid , art. « Epikur », RAC V, 1961, col. 681 819, repris dans Ausgewählte philologische Schriften , hrsg. von H . Erbse und J. Küppers, Berlin 1984, p . 151- 266 ; 16 H . Steckel, art. « Epikuros», RESuppl. XI, 1968, col. 579-652 ; 17 J.M . Rist, Epicurus. An Introduction, Cambridge 1972,

XIV-185 p . L 'ouvrage de référence sur Épicure et son école (jusqu'à Lucrèce) estmainte nant celui de 18 Michael Erler, « Epikur» , GGP, Antike 4,1 (1994 ). On y trou vera notamment une bibliographie exhaustive. Table des matières: Chap. 1 : Epikur, p . 29-202 (Stand des Forschung, Schriften , Ausga ben und Übersetzungen, Leben , Inhalt der Werke, Lehre, Nachwirkung). Chap. 2 : Die Schule Epikurs, p . 203 -380 (Der Kepos als Institution , Metrodor, Polyainos, Hermarch, Kolotes, Kar

neiskos, Idomeneus, Polystrat, Philonides, Demetrios Lakon, Zenon aus Sidon , Phaidros und Siron , Asklepiades aus Bithynien , Weitere Epikureer (Basilides und Thespis, Apollodor aus Athen , Patron , Aristion ), Dissidenten (Überläufer : Timokrates, Dionysios aus Herakleia ; Epi

kureer aus Rhodos und Kos: Nikasikrates und Timasagoras, Antiphanes, Bromios), Frauen im Kepos, Philodem aus Gadara , Einbürgerung des Epikureismus in Rom ). Chap . 3 : Lukrez,

p . 381-490.

Bibliographies. Schmid 15, col. 816-819 = p. 264-266 ; Rist 17 , p. 177-182 ; Arrighetti 5 , p. XL-LIII ; 19 H .J. Mette , « Epikuros 1963- 1978 » , Lustrum 21,

1978 , p . 45-116 (très minutieuse, avec classement systématique des publications

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156

E 36

et adjonction de compléments ou de corrections); 20 Id ., « Nachtrag zu Lustrum

21 (1978) 45- 116 » , Lustrum 22, 1979-1980, p. 109-114 ; 21 Id ., « Epikuros, 1980 -1983, Zweiter Nachtrag zu Lustrum 21 ( 1978) » , Lustrum 26 , 1984, p . 5 -6 ;

22 G . Indelli, « Studi su Epicuro, Parte prima» , dans Syzetesis. Studi sull'epicu reismo greco e latino offerti a Marcello Gigante, Napoli 1983, t. I, p . 393-445 ;

23 M . Capasso, « Studi su Epicuro. Parte seconda» , ibid., p . 447-518 ; Erler 18 ; 24 F . Alesse, « Bibliografia generale» , dans G . Giannantoni et M . Gigante (édit.), Epicureismo greco e romano. Atti del Congresso internazionale , Napoli 19-26 Maggio 1993, coll. « Elenchos» 25 * , Napoli 1996 , t. III, p . 1003- 1056 . Index nominum . Usener 1, p . 399-420 ( sur deux colonnes). Chaque entrée constitue par l'abondance des renseignements rassemblés une véritable notice

prosopographique. Arrighetti 5, p . 791-793 (sur deux colonnes); Index verborum . Arrighetti 5, p. 747-789 (sur deux colonnes ); un Glossa rium

Epicureum inédit de 25 H . Usener a été publié par M . Gigante et

W . Schmid , coll. « Lessico intellettuale europeo » 14, Roma 1977, XLVIII-873 p .

Il comprend le vocabulaire des textes conservés dans les papyri d'Herculanum , mais se fonde parfois pour ce matériel sur des éditions désuètes. Compte rendu

par 26 G . Arrighetti, dans Gnomon 51, 1979, p . 645-651 ; Mette 19, p. 68-95 , en propose une mise à jour pour les pages 3-240 du Glossarium . Sommaire : Glossarium Epicureum , 1-740 ; Index grammaticus, 741-772 ; Index Polystra teus, 773-812 ; I. F. Fabiano,Gnomologi Vaticani Epicurei Index verborum et rerum , 813-873.

Sur la famille sémantique d'åxpibela , voir 27 A. Angeli,« L'esattezza scien tifica in Epicuro e Filodemo» , CronErc 15, 1985, p.63-84. Langue et style. 28 H . Widman, Beiträge zur Syntax Epikurs, coll. « Tübin ger Beiträge zur Altertumswissenschaft » 24, Stuttgart/Berlin 1935, XVI-266 p . ;

29 C . Brescia , Ricerche sulla lingua e sullo stile di Epicuro, coll. « Collana di studi greci» 26 , Napoli 1956 , 87 p.; 30 I. L . Thyresson, The particles in Epicu

rus, Lund 1977, 174 p. Voir également Schmid 15, col. 708-714 = p. 174 -179 ; Steckel 16, col. 635-637; Erler 18, p . 51-53. Sources biographiques anciennes.

A . Sources (au moins partiellement) conservées .

(1) Diogène Laërce X 1 -13 (fr. 1 Arrighetti). Édition, traduction et commen taire par 31 A . Laks, « Édition critique et commentée de la Vie d ' Épicure dans

Diogène Laërce (X , 1-34) » , dans Études sur l'épicurisme antique. Textes réunis par J. Bollack et A . Laks, coll. « Cahiers de philologie » 1, Lille 1976 , p . 1-118 . Pour les éditions et les traductions complètes de Diogène Laërce, voir la notice

consacrée à cet auteur ( D 150 ). Nouvelle traduction française de l'ensemble du livre X avec notes par 31bis J.- F. Balaudé, dans Diogène Laërce, Vies et doctrines des philosophes illustres. Traduction française sous la direction de M .

0 . Goulet-Cazé, coll. « La Pochotèque » , Paris 1999, 1398 p.. Cf. 32 M . Gigante , « Das zehnte Buch des Diogenes Laertios : Epikur und der Epikureismus » , dans

ANRW II 36 , 6, 1992, p. 4302-4307.

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Diogène cite un certain nombre de documents originaux qui font de son livre X la plus importante source documentaire sur l'épicurisme: (1) Testament, 16

21; (II) Lettre à Idoménée, 22 ; (III) Lettre à Hérodote , 35 -83; (IV ) Lettre à Pythoclès, 84- 116 ; (V ) Lettre à Ménécée , 121-135 ; (VI) Kúplal Sótal, 139-154.

Sur ces différents documents, voir plus loin “ Euvres philosophiques”. Diogène introduit également dans son exposé des développements doxographiques: (VII) Tepi toŨ OOOOū , 117 -121; (VIII) Tepi tõv BlwTixõv, 135 - 138. Ces deux

doxographies sont éditées, traduites et commentées dans 33 J. Bollack, La pen sée du plaisir. Épicure : textesmoraux, commentaires, Paris 1975, p. 15 -50 et 145 -207 ; compte rendu par 34 D . Sedley, CR 29, 1978, p. 82 -84. On trouve également dans le texte des Lettres et des Sentences capitales plusieurs scholies qui signalentdes parallèles dans d 'autres textes d'Épicure. L 'une d' elles (X 97) cite le premier livre des 'Entexta ou 'EniExtol Oyonai ( X 26 ) de l 'épicurien Diogène de Tarse

(2D 149), source qui apparaît à plusieurs reprises dans les doxographies : X 120 (livre 5 ), 136 (livre 17 ) , 138 (livre 20 ) ; le " 12e livre" du même auteur, cité en X 118 , pourrait se rapporter au même ouvrage ; Diogène Laërce cite dans le même paragraphe l' 'Entitoun twv 'EnLXOÚ

pou nouxõv boyuátwv de ce doxographe épicurien . 35 W . Crönert, Kolotes und Menedemos,

Leipzig 1906 , p. 140, considère que l'ajout de ces scholies est dû à Diogène Laërce lui-même et que leur absence dans la Lettre à Ménécée (consacrée à la morale ) s ' explique par la

présence d'une doxographie éthique développée en X 135 -138 . (2 ) Souda, s.v. 'Enixoupos, E 2404 ,t. II, p. 362, 19 - 363, 2 Adler.Le texte est également imprimé dans Usener 1, p. 373,mais non dans Arrighetti. (3) Philodème, lepi 'Enixoúpov , Sur Épicure = PHerc. 1232 et 1289. Dans ce second papyrus, Bassi a restitué le titre ɛ[p ]ì ’Eņ (lxoúpou ] B '. Cinq pas sages sont cités par Arrighetti (voir « Indice delle fonti» ). Pour les éditions et les améliorations proposées, voir Erler 18 , p. 301. Voir aussi 36 A . Tepedino Guerra , « Osservazioni su alcuni frammenti del II libro dell'opera filodemea Su Epicuro » , dans M . Capasso (édit.), Papiri letterari greci e latini, coll. « Papyro logica Lupiensia » 1, Galatina 1992, p . 193- 202 . Nouvelle édition par 37 A .

Tepedino Guerra, « L 'opera filodemea su Epicuro (PHerc . 1232, 1289 B), CronErc 24 , 1994, p. 5-53. (4) Philodème, Ne[pi) tõv [’E ]n [1]x [0 ]ú [pou te) | xai Tivwv äriw [v ] I

nipayuatemal uunulátwv] (rest.Gigante /Spina) = PHerc 1418 . Nouvelle édition par 38 Cesira Militello , Filodemo, Memorie Epicuree (PHerc. 1418 e 310 ). Edizione, traduzione e commento a cura di C . M ., coll. « La Scuola di Epicuro »

16 , Napoli 1997, 319 p. Pour les éditions antérieures de cet ouvrage, communé

mentappelé Tractatus, voir Erler 18, p . 302-303. L'ouvrage cite de nombreuses lettres d 'Épicure et de ses disciples. Pour l'interprétation , voir 39 W . Liebich , Aufbau, Absicht und Form der Pragmateiai Philodems, Berlin 1960, 11- 125 p . [édition , traduction et commentaire des colonnes XII, XVIII-XXIII); 40 L . Spina, « Le ultime colonne delle “Ipayuatemae” di Filodemi (PHerc. 1418) »,

RAAN 46, 1971, p. 151-155 ; 41 Id ., « Il trattato di Filodemo su Epicuro e altri (PHerc. 1418)» , CronErc 7, 1977, p. 43-83. PHerc 310 constitue un autre exemplaire , beaucoup moins bien conservé s'il se peut, du même ouvrage. Arri ghetti cite 25 passages de cette æuvre de Philodème (voir « Indice delle fonti » ) . Voir aussi 42 C . Militello , « Nuove letture nel PHerc. 1418 », CronErc 20 , 1990 ,

ÉPICUREDE SAMOS

158

E 36

p . 71-82 ;43 Ead., « Una nuova lettura nelle “ Pragmateiai” di Filodemo (PHerc . 1418, col. XVIII) » , dans A . Bülow -Jacobsen (édit.), Proceedings of the 20th

International Congress of Papyrologists, Copenhagen 23-29 August, 1992 , Copenhagen ,Museum Tusculanum Press, 1994, p. 396 -402 .

Plusieurs autres cuvres de Philodème, comme le llepi eủoɛbɛías (cf. Erler

18, p. 328-329), le llepi Troútov (cf. Erler 18, p. 335 -336 ) ou le llpos rojs (Étaipovs] (cf. Erler 18 , p. 316 -317), et certains papyri, comme PHerc 176 , qui ont conservé de nombreuses citations de lettres d 'Épicure et de ses disciples, pourraient être considérés également comme des sources biographiques. Pour le lepi eủoebelaç, voir la récente édition (partielle) de 44 D . Obbink, Philodemus On piety I. Critical text with commentary, Oxford/New York 1996 , IX -676 p. Pour le ſepi Thoútov (= PHerc. 163), voir 45 A . Tepedino Guerra, « Il primo libro sulla richezza di Filo demo» , CronErc 8, 1978 , p . 52-95. Pour le Mpós tous (Étaipovc ), voir la nouvelle édition de 46 A . Angeli (édit.) , Filodemo, Agli amici di scuola (PHerc. 1005). Edizione, traduzione e

commento , coll. « La Scuola di Epicuro » 7, Napoli 1988, 353 p . Étude des témoignages papy rologiques sur le Jardin dans 47 A . Tepedino Guerra, « Il KEPOS Epicureo nel PHerc. 1780 » ,

CronErc 10, 1980 , p . 17 -24. Sur PHerc. 176 (que l'on a daté du 11° siècle av. J. -C .), voir l'importante étude de 48 A . Angeli, « La Scuola epicurea di Lampsaco nel PHerc. 176 (fr. 5

coll. I, IV , VIII-XXIII) » , CronErc 18 , 1988, p. 27-51, qui considère que l'ouvrage traitait successivement de Léonteus, d 'Idoménée , de Batis , épouse d 'Idoménée et seur de Métrodore ,

et de Polyen. Voir aussi Militello 38, p. 49- 56 (« PHerc. 176 : un precedente letterari delle Mlpayuatetal » ).

B . Sources perdues.

I.Documents autobiographiques. Plusieurs renseignements rapportés par Diogène Laërce ou ses sources (voir B II) proviennent de l'analyse des textes d' Épicure lui-même. Le Testament d'Épicure cité en X 16 -21 est ainsi utilisé en

X 10 (Ác oñaov xax tōv diaOnxeñv aŭtoũ) et 23 (xai ajtós 'Enixoupoç év taTG npoelpnuévalg OlaOnxalç). Plusieurs lettres d' Épicure sont également citées ou mentionnées, parfois à travers une source hostile à Épicure : voir X 4.5.6.7.9.11.13.22 ; voir aussi VII 5 (Zénon ) et IX 53 (Protagoras, comp. X 8).

Une source autobiographique indéterminée est utilisée en X 2 (Épicure déclarait avoir pour la première fois touché à la philosophie à l'âge de 14 ans). Concernant la bonté deMétrodore ,Diogène Laërce X 23 en appelle au témoignage d 'Épi cure ÉV nponyovuévals ypapais (mais ce texte provient d 'une correction d 'Usener, les manuscrits ont ypádel) et dans le troisième livre du Timocrate . Hicks traduit l' expression grecque citée par « in the introductions to his works» (voir aussi Gigante : « nelle introduzioni ai suoi libri» ; Arrighetti: « nelle prefazioni» ) et y voit des passages dédicatoires introduisant

à certains traités. On pourrait aussi comprendre « dans les écrits précédemment introduits,

c 'est-à -dire le Testament (X 18) et la Lettre à Idoménée (X 22), où l'on parlait deMétrodore

en termes affectueux, sans faire état ilest vraide sa bonté. II. Parmi les autres sources mentionnées par Diogène Laërce, il y aurait lieu

de distinguer entre sourcesmédiates et sources immédiates, sources favorables et sources hostiles à Épicure, sources consacrées à Épicure de façon directe ou

seulementaccessoire, sources encyclopédiques ou sources polémiques. Dans la liste alphabétique qui suit sont restitués les titres d 'ouvrages que les parallèles diogéniens permettent d 'établir. Sur le caractère propre et la datation de chaque auteur, on se reportera aux notices correspondantes.

E 36

159 ÉPICURE DE SAMOS (1) Apollodore < d'Athènes> (» A 244), Xpovixá , X 13 = FGrHist 244 F 41;

X 14 -15 = fr. 42 Arrighetti. (2 ) Apollodore l'Épicurien ( + A 243), ſlepi toŨ 'Enllxoúpov Bíov a ', X 2 ; sans indication de titre, X 13 ; Apollodore seulement, X 10 . A identifier proba

blement avec l'épicurien Apollodore è Knnotúpavvoc de X 25. (3 ) Apollodore d 'Athènes, Euvaywy tõv doyuátwv, VII 181 (productivité littéraire et originalité de Chrysippe et Épicure ; thème repris , sans référence à

Apollodore, en X 26). Il s'agit de l'épicurien plusieurs fois cité au livre X (cf. n° 2 ), plutôt que du grammairien etchronographe (nº 1). (4 ) Ariston < de Céos> ( * A 396 ) ( et non d 'Alexandrie ), év TQ 'Etixoúpov Biw , X 14 = fr. 32 Wehrli.

(5 ) Aristophane (2 * A 405), le grammairien , X 13 (comp. III 61) = fr. 404 Slater.

(6 ) Athénée < Ó ÉtlypapuatoTOLÓG, VI 14 et VII 30> (> A 479), épigramme citée en X 12 = Anth . Pal. IV 43. (7 ) Démétrius de Magnésie (2 - D 52), < llepi ouwvúuwu Tointőv te mai

ouyypadéwv, I 112 , V 3 > ou < év Toîç ouwvúuous, I 38, etc .> , X 13 = fr. 31 Mejer.

(8 ) Denys < d'Halicarnasse> (RE 113), X 4 = fr. 37 Usener-Radermacher. (9) Dioclès < de Magnésie > (HD 115 ), 'Enlopoun < TÕV Doobowv, VII 48 > , X 6 .

( 10 ) Diogène Laërce ( D 150), < lláujetpoç, I63, etc.> , épigramme citée en X 16 = Anth . Pal. VII 106 .

(11) Diotimos le Stoïcien (2D 205), X 3. Pour l'interprétation du passage, voir DPhA II , p . 885.

(12) Épictète (» E 33), X 6 = Entretiens III 24, 38.

(13) Héraclide (2H 61), 'Enitoun de Sotion (cf. n° 22), X 1 = FHG III 170.

(14) Hermarque (» H 75), Lettre (dans laquelle il racontait la mort d 'Épi cure ), X 15 = fr. 42 Longo Auricchio. ( 15) Hermippe (» H 86 ), un de ses livres sur les biographies des philosophes , X2 et 15 = fr. 60 -61 Wehrli. ( 16 ) Hérodote (BH 102 : l' épicurien destinataire d 'une lettre d 'Épicure ;men tionné également en X 5), Tlepi 'Enixoúpou é onbelas, Sur l' éphébie d 'Épicure, X 4 . La citation est intégrée dans un ensemble hostile à Épicure et le nom d'Hé rodote est associé à celui du renégat Timocrate ,mais il est possible que l'ou vrage ait été en fait une réponse aux attaques de Timocrate contre le Maître

(ainsi Steckel 16 , col. 581). ( 17) Métrodore (RE 16 ), Lepà evyeveias, Sur la bonne

naissance, X 1 = fr. 4 Körte ; la liste des æuvres de Métrodore citée en X 24 comprend un autre ouvrage de caractere biographique, le Περί της Επικούρου

E 36 ÉPICURE DE SAMOS åpowotias, Sur la maladie d 'Épicure . Métrodore avait également composé un 160

Timocrate (cf. n° 25), cité en X 136 dans un contexte doxographique. (18 )Myronianus < d 'Amastris > , év 'Quoious iotopixois xedaraíous , Cha pitres historiques similaires, X 3 = FHG IV 455.

(19) Nicolaos (Nicolas de Damas ?), source hostilementionnée en X 4 . (20 ) Philodème l' épicurien (RE 5 ), Eúvtatis tõv olhoooowv, livre X , X 3 ; voir aussi oi nepi Diódnuov, X 24 .

(21) Posidonius le Stoïcien (RE 3 ), X 4 = fr. 288 Edelstein -Kidd .

(22) Sotion (RE 1), < Aladoxn tõv pihooodwv, II 12, etc .> ou encore < Aladoyai, II 74 > , X 1 = fr. 34 Wehrli, connu à travers l' Epitomé d'Héraclide Lembos (nº 13). (23) Parmi les sources hostiles à Épicure, on trouve en X 4 des Aloxłetou ŠNEYxou de Sotion. Le texte des mss : xai Ewtiwv év rois dódexa tõv

Éttiypapouévwv Aloxiwv &Mérxwv, a łoti nepi toîçxo, a été diversement corrigé. Selon 49 F . Wehrli, Sotion, coll. « Die Schule des Aristoteles : Text und

Kommentar» , Supplementband 2 ,Basel/Stuttgart 1978, p. 8, ce Sotion,mention né parmides auteurs postérieurs au milieu du jer siècle av. J.-C ., ne serait pas

l'auteur des Aladoxal du débutdu II° s.av. J.-C . (24 ) Théodore (RE 33 ?), Ilpos 'Enixoupov 8 ', X 5. Deux stoïciens du nom de Théodore sont signalés en II 104.

(25) Timocrate (RE 11 : frère de Métrodore et disciple apostat d'Épicure , X 6 et 23), év toîç Eu pavtoms, X 6 ( source hostile à Épicure); Timocrate est cité avec Hérodote (cf. nº 16 ) en X 4 . Dans son Dion, il s 'intéressait aux maîtres de

Zénon de Citium , VII 2 (s 'il s' agit du même personnage, ce qui n 'est pas cer tain ). (26 ) Timon < de Phlionte> (RE 13), < Einou, I 34 > , X 3 = fr. 51 diMarco. Cf.

50 M . di Marco, « Riflessi della polemica antiepicurea nei Silli di Timone. I: Epicuro ypaypodidaoxanions» , Elenchos 3, 1982, p . 325 -346 ; 51 Id ., « Rifles si della polemica antiepicurea nei Silli di Timone, II : Epicuro , il porco e l'insaziabile ventre » , Elenchos 4 , 1983, p . 59 -91. Voir maintenant l'édition , de

52 M . di Marco ( édit.), Timone di Fliunte. Silli. Introduzione, edizione critica,

traduzione e commento a cura di M . di M ., coll. « Testi e commenti» 10,Roma 1989, VIII-293 p . 53 F . de Martino , « Cherilo , Timone e la cultura da maiale »,

QUCC 52, 1986, p. 137- 146 . Chronologie. Nous disposons, grâce à Diogène Laërce, de plusieurs indica tions chronologiques sur la vie d 'Épicure. Il est cependant risqué de les convertir

de façon naïve en années du calendrier julien sans connaître le système dans lequel elles prenaient place et sans avoir déterminé si elles correspondent à des données historiquement certaines ou bien constituent le résultat de déductions et

de computs chronographiques. Pour prendre un exemple, on donne généralement pour la naissance et la mort d ' Épicure les dates 341- 270 (ainsi OCD2). Apollodore situait la naissance d 'Épicure en Ol. 109, 3

(archontat de Sosigénès), c'est-à- dire en 342/1 (FGrHist 244 F 42). Comme l' anniversaire

E 36

ÉPICURE DE SAMOS

161

d'Épicure tombait dans le mois de Gamélion (le 7 selon D . L . X 15, le 10, selon X 18 ; sur ce

problème voir 54 K . Alpers, « Epikurs Geburtstag » ,MH 25, 1968, p.48-51; Schmid 15, col. 686 = p . 155 ; Steckel 16 , col. 580 ), et donc en février, on croit pouvoir éliminer 342 et dater la naissance d 'Epicure en 341. Comme Apollodore lui attribue 72 ans à sa mort, Epicure serait

donc mort au plus tôt en février 269. Malheureusement, le même Apollodore date la mort

d 'Epicure d'ol. 127, 2 (archontat de Pytharatos), soit 271/0 . (Erler 18, p. 71, quiavait daté la naissance du philosophe « Mitte Februar 341» ,ne semble pas avoir perçu le problème: « Epi kur ist.. . im Jahr 271/0 im Alter von 72 Jahren gestorben » .) Sans doute pour limiter au

minimum le décalage, on retient 270, en supposant chez Apollodore quelque calcul grossier. En vérité, dans le système d'Apollodore - d'autres exemples permettent de l' établir – « 72 ans » correspond aux 72 archontes éponymes qui se succèdent, dans la Chronique,de Sosigé nès à Pytharatos inclusivement, c 'est-à-dire - et sans prendre en considération les mois et les

jours – de 342/1 à 271/0. La seule datation attestée de la vie d'Épicure est donc 342/1-27170 , datation qui est celle d'Apollodore. Il est impossible de déterminer la valeur historique de cette datation, car on ne connaît pas la source historique d 'où Apollodore en a tiré la sub stance .

Un détail dans ce témoignage mérite également d'être relevé. La naissance d'Épicure devrait être fixée « 7 ans après la mort de Platon » (X 14 ). Apollodore (fr . 37 = D . L . III 2 ) situait cet événement en Ol. 108, 1 (348/7) . Sept années révolues plus tard nous amèneraient en Ol. 109 ,4 (341/0 ) et non en Ol. 109,3, année de la naissance d ' Épicure selon le témoignage explicite d 'Apollodore. Comme pour les âges, cette durée doit donc s'entendre selon un calcul inclusif. Il ne faut pas penser à sept années révolues, mais à un ensemble de sept années com

prenant le point de départ etle point d'arrivée. Autre datation intéressante , celle de l'installation d'Épicure à Athènes sous l'archontat d'Anaxicratès (307/6 ). Diogène Laërce semble suivre l'Épitomè de Sotion par Héraclide Lem bos (X 1), mais le contexte présente, en plus de la référence à l'archonte éponyme, des points de repère chronologiques qui figuraient - on le sait par ailleurs - dans la Chronique d 'Apollo

dore : enseignement de Xénocrate à l'Académie (F 345 Jacoby) , retraite d 'Aristote à Chalcis

(F 38) et mort d' Alexandre (F 38). On peutdonc envisager la possibilité que le témoignage de

Sotion-Héraclide remonte à Apollodore. Arrivé à Athènes sous l'archontat d'Anaxicratès, en 307/6 , Épicure est dit avoir philosophé pendant quelque temps en se mêlant aux autres philo sophes, xar' énquiElav tots along (X2), puis avoir ouvert sa propre école de philosophie (aipeous ). Ce n 'était d 'ailleurs pas sa première école. Lemêmepassage nous apprend en effet

qu 'il avait déjà rassemblé des disciples à Colophon. Apollodore (X 15) soutenait pour sa part qu 'avant d'émigrer à Athènes, Épicure avait à 32 ans tenu école (ovorogodal oxoanv) pen dant 5 ans à Mytilène et à Lampsaque. Ariston ( X 14 ) situait lui aussi l'ouverture d 'une pre

mière école à 32 ans. Dans le système d'Apollodore, Épicure avait 32 ans en 311/0. La cinquième année de cet enseignement en lonie serait donc celle de l'installation à Athènes : 307/6 . On a déjà souligné (ainsi 55 A.J. Festugière , Épicure et ses dieux, coll. «Mythes et religions» , Paris 1946 , 2e éd . corrigée 1968, p. 29 n . 1) que cette date correspondait à des cir constances historiques précises : libération d 'Athènes de la domination macédonienne par Démétrius Poliorcète (10 juin 307), décret de Sophoclès de Sounion (cf. D . L . V 38 ) stipulant

sous peine demort « qu'aucun philosophe ne dirige une école sans l'autorisation de la boulè et du peuple » (μηδένα των φιλοσόφων σχολής αφηγείσθαι αν μη τη βουλή και το δήμο Bókn) et abrogation de ce décret au printemps ou au début de l'été 306, par suite du procès intenté à Sophoclès par Philon pour établir l'illégalité de la loi. On comprend alors que l'année 30716 , année de l'arrivée à Athènes, ne soit pas l'année de l'ouverture de l'école. Épicure avait auparavant effectué un premier séjour à Athènes. Sotion-Héraclide nous apprend qu'à l'âge de 18 ans Épicure , fils d'un clérouque athénien établi à Samos, vint dans la métropole et qu 'il en repartit après la mort d 'Alexandre (juin 323). Comme Perdiccas venait

de chasser les Athéniens de Samos (en 322, d'après SIG3n° 312), c'est à Colophon qu'Épi cure alla rejoindre son père . Strabon précise (XIV 1, 18 ) qu'Épicure fut éphèbe à Athènes et que le comique Ménandre, né comme lui sous l'archontat de Sosigénès, 342/1, fut son

OUVÉOnboç. Il tient le renseignement d'Apollodore (F 43). Cette période de la vie d'Épicure

ÉPICURE DE SAMOS

162

E 36

intéressa son disciple Hérodote qui écrivit un ſepi 'Eftixoúpov onbelas (X 4 ). On devenait éphèbe à Athènes à partir de sa dix -huitième année , donc à 17 ans révolus. Dans le système d 'Apollodore, le 18e archonte depuis Sosigénès (342/1 ) tombe en 325/4. C 'est ce qu'il veut dire en donnant à Épicure l'âge de 18 ans lors de cette première venue à Athènes. Le service de deux années couvre donc 325/4 et 324 /3 . Cette deuxièmeannée s'achève peu après la mort d'Alexandre (juin 323). C 'est donc après cette date, comme le dit justement la source de D . L .

X 1, et après le décret de Perdiccas (?), donc en 323/2 , qu' Apollodore devait situer le départ d'Epicure pour Colophon .

On peut présenter pour finir un bref résumé des données chronologiques vraisem blablement fournies par Apollodore :

OLYMPIADE

ARCHONTE

ANNÉE

ÂGE

109,3

Sosigénès

342/1 < 325/4 >

18

ÉPICURE

Naissance à Samos

Éphébie à Athènes

< 324/3> 2e année d'éphébie :mort d'Alexandre < 323/2> Décret de Perdiccas; départ de Colophon

32

Premières écoles:Mytilène, puis Lampsa que

< 118 ,2 >

Anaxicratès

30716 < 306 /5 >

< 36 > Installation à Athènes < 37> Ouverture de l'école du Jardin

127,2 Pytharatos 271/ 0 72 Mort La famille d' Épicure. Selon le lepi €ủyɛveíac de Métrodore (D .L . X 1 ), Épicure était le fils de Néoclès, athénien du dème de Gargettos, du révos des

Philaïdes, et de Chairestratè . Ses parents étaient clérouques à Samos (Héraclide, Épitomè de Sotion , X 1; Strabon XIV 1, 8) et son père grammatodidaskalos

(D .L. X 4 ; Strabon, ibid.; Cicéron ,Denat. deor. I 73 : ludimagister ).Un frag ment d'une lettre d 'Épicure à sa mère est conservé par Diogène d 'Oinoanda (fr. 72 Arrighetti, fr. 125 -126 Smith ).

Épicure eut trois frères: Néoclès, Chairédèmos ( + C 90 ) et Aristoboulos ( + A 362), qu 'il exhorta à partager ses recherches philosophiques (OUVEpiooó pouv o' aŭto nepotpefauévW , X 3, d'après Philodème) et qu 'il honora en

empruntant leurs noms pour trois de ses ouvrages (X 27 -28). Voir l'arbre généalogique dans DPHA II, p. 284. Ses trois frères moururent avant lui; Plutar que, De latenter vivendo 3, 1129 a,mentionne ai tooaūtai uupiádes oriywv

επί Μητρόδωρον, επί ' Αριστόβουλον,επί Χαιρέδημον γραφόμεναι και συν tattóueval oihonovus iva undè anodavóvres Náowolv... Dans son testa

ment, Épicure demandait que l'on veillât à assurer les offrandes funèbres (Évayiouata ) pour son père, sa mère et ses frères (X 18 ). Un jour du mois de Posidéon était consacré à leur souvenir déjà du vivant d 'Épicure (ibid.). Formation philosophique. Sur la période de formation intellectuelle d'Épi cure , les témoignages sontnombreux et peu cohérents . Selon Ariston (D . L . X 14 ), Épicure commença à philosopher à l'âge de douze ans,mais Épicure lui-même (X 2) prétendait avoir pris contact avec la philosophie à l'âge de quatorze ans. Selon l'épicurien Apollodore , dans le premier livre de sa vie d 'Epicure (X 2), Épicure se serait tourné vers la philosophie , parce qu'il aurait été déçu par les grammatistai qui ne pouvaient lui expliquer tà trepi roŨ nap ' 'Holóow yáovs (" ce qu 'Hésiode dit à propos du chaos" ). Un récit plus détaillé se lit chez Sextus, Adv. Math . X 18 - 19 : « Tout jeune encore

E 36

163 ÉPICURE DE SAMOS (woulôñ uelpaxloxos), il demanda au grammatistès qui corrigeait sa lecture commentée (énavayuvboxovta aútg ) du vers “ Avant toute autre chose était le Chaos" (Hesiode, Théogonie, v. 116 ), d 'où venait le Chaos, puisque ce fut le premier des êtres. Comme le maître répondait que ce n ' était pas là son travail que d 'enseigner ces choses, mais celui des " philosophes", Épicure dit: "Alors, c'est vers eux qu'ilme faut aller, puisque ce sont eux qui connaissent la vérité sur les êtres” ». Steckel 16 , col. 580, propose d'harmoniser les témoignages en situant à 12 ans cette découverte de la philosophie chez le grammatistès et à 14 ans le début des études véritables.

Les sources attribuent à Épicure au moins quatre maîtres. Luicependant prétendait, dans sa

Lettre à Euryloque (disciple de Pyrrhon (BE 143) ?) (X 13 = fr. 48 Arrighetti), n 'avoir été l'élève de personne d'autre que de lui-même (comp. Cicéron , De nat. deor. I 72 ; Sextus, Adv.

Math . I 3 ; Aristoclès, apud Eusebe, P . E . XIV 20 , 14 ), affirmation que Cicéron compare , non sans raison , à celle d'un propriétaire insatisfait qui prétendrait ne pas avoir bénéficié de l'as

sistance d'un architecte. Qu'Épicure ait été le disciple de Nausiphane de Téos (le démocritéen, Souda, s.v. 'Enl xoupos; Cicéron , De nat. deor. I 73, qui fut disciple de Pyrrhon ; D . L . IX 64 , 69 et 102)

semble bien attesté. Au témoignage d'Apollodore (X 12 ; voir aussi Cicéron, De nat. deor. I 73 : « quem [i. e. Nausiphanes) cum a se non negat auditum vexat tamen omnibus contume liis » ), il faut ajouter celui d'Épicure lui-mêmequi, dans une de ses lettres (X 8 = fr. 101 Arri ghetti ), déclarait : taūta nyayev aútov eic ExOTAOLV Tolaúrny, bote uol Rolôopełodai xal ánoxaleTV " loáoxanov”, termedont on ne voit pas très bien le caractère injurieux,mais que les éditeurs ont tendance à vouloir conserver (cf. DK 75 A 9 ; t. II, p . 247, 28 note ). Le pas sage, de même que les autres attaques qui suivent contre les philosophes, provient sans doute de la Lettre aux philosophes résidant à Mytilène, comme le montre le fr . 103 Arrighetti. Un

autre fragment de cette lettre (fr. 104 ), qui évoque un philosophe commentant à Téos Anaxa gore et Empédocle dans la ligne de Démocrite et de Leucippe, pourrait fort bien faire réfé

rence à Nausiphane (DK 75 A 7). Chez Diogène Laërce, Nausiphane est le relais qui rattache

Épicure à Démocrite à l'intérieur de l'école italique (I 15), sans doute à travers lamédiation de Pyrrhon (D . L . IX 64,69 et 102). Sur Épicure et Pyrrhon , voir 56 M . Gigante, Scetticismo e Epicureismo. Per l'avviamento di un discorso storiografico, coll. « Elenchos » 4 , Napoli 1981, p. 37 -49 (« Epicuro e Pirrone» ) et p. 79-85 (« Epicuro e il pirroniano Euriloco » ). De fait, Dio gène (IX 64 ) rapporte que Nausiphane lui-même prétendait qu 'Epicure l'interrogeait constam ment sur Pyrrhon dont il admirait le genre de vie (åvaotpoon ). Voir encore IX 69 et 102 ;

Cicéron, De nat. deor. I 73 et 93 ; Eusèbe, P. E. XIV 20, 14 . Enfin, Ariston (D .L. X 14) pré tendait que le Canon d'Épicure plagiait le Trépied de Nausiphane ou du moins en dépendait étroitement. Selon Timocrate (X 7), les 37 livres du Nepi púoews contenaient des attaques

contre Nausiphane, Comme Strabon, XIV 1, 18 , rapporte qu' Épicure grandit à Samos et à Téos avant de venir servir comme éphèbe à Athènes, on peut penser que ces études chez

Nausiphane, où Epicure se trouvait uerà uelpaxiwv TiVWV xpainarúrtwv (fr. 103 Arri ghetti), se sont situées avant le premier séjour à Athènes. Voir Festugière 55 , p . XVII-XVIII et p . 25 - 26 . Sur ce maître d'Epicure, voir 57 F . Longo , « Nausifane nei papiri ercolanesi » , dans

F. Sbordone (édit.), Ricerche suipapiri ercolanesi, Napoli, t. I, 1969, p. 8 -21, et 58 F. Longo Auricchio et A . Tepedino Guerra, « Per un riesame della polemica epicurea contro Nausi fane » , SicGymn 33, 1980, p. 467 -477 .

Ariston (D . L . X 14 ) connaissait un autremaître d'Épicure, le platonicien Pamphilos, qu 'il aurait entendu à Samos, avantmême de se rendre à Téos apparemment. La Souda fait de ce

personnage un « disciple de Platon » et Cicéron , De nat. deor. I 72 -73 , écrit : « Pamphilum quendam Platonis auditorem ait a se Sami auditum ... Sed hunc Platonicum mirifice contemnit

Epicurus » . A côté de Nausiphane, Diogène Laërce, à la suite d'Apollodore, rangeait égalementun cer tain Praxiphane parmi lesmaîtres d 'Épicure (X 12). Il est tentant de supprimer ce nom comme une variante marginale pour le nom de Nausiphane,malencontreusement introduite dans le texte (ainsi Crönert 35 , p. 21, et Jacoby, ad FGrHist 244 F 41). L 'épicurien Carnéiscus (> 10

44) s'en prenait à un philosophe de ce nom dans le deuxièmelivre de son Philistas = PHerc

164 E 36 ÉPICURE DE SAMOS 1027 (cf. Crönert 35, p. 69 sq. et surtout p. 74 , n . 355a; nouvelle édition par 59 M . Capasso [édit.), Carneisco. Il secondo libro del Filista (PHerc. 1027 ). Edizione, traduzione e com

mento, coll. « La Scuola di Epicuro » 10, Napoli 1988). Il pourrait s'agir du péripatéticien connu par Clément d'Alexandrie, Stromates I 16 , 79, et dont on retrouve une trace épigra phique à Délos ( IG XI 4, 613). Dans ce cas, il serait difficile d'en faire un maître d 'Épicure, la

chronologie s'y opposant.Mais on connaît, grâce à D .L . III 8 ,un autre Praxiphane qui relata une discussion sur les poètes entre Platon et Isocrate dans le champ d 'Académos. Philodème

mentionne le premier livre de Praxiphane lepi noin [uáltwv (voir pour ce passage l'édition

de60 C. Mangoni [édit.), Filodemo. Il quinto libro della Poetica (PHerc. 1425 e 1538 ). Ed. trad. e comm ., coll. « La Scuola di Epicuro » 14, Napoli 1993, XII 28 -31, p. 140 et l'Introduc tion, p.49-52): il pourrait s'agir du mêmepersonnage. D .L. III 109 signale d'autre part qu'un certain Platon, homonyme du fondateur de l'Académie, était disciple de Praxiphane. Voir sur toute cette question 61 M . Capasso , « Prassifane, Epicuro e Filodemo. A proposito di Diog. Laert. X 13 e Philod . Poem . V IX , 10 - X , 1 » , Elenchos 5 , 1984 , p. 391-415.

Enfin, Démétrius de Magnésie (X 13) assignait à Épicure un autre maître : l'académicien Xénocrate . Son témoignage est repris par Cicéron, De nat. deor. I 72 : « Xenocraten audire potuit, ... et sunt qui putent audisse » (voir aussi Eusébe, P . E . XIV 20, 14 ). Xénocrate était mort quand Epicure vint s' établir à Athènes en 307/6 . Voir Festugière 55, p . XVIII -XIX et

p . 26 . On se souvient que Sotion -Héraclide datait l'arrivée d 'Épicure à Athènes par synchro nismeavec deux autres données de la Chronique d' Apollodore : l'enseignement de Xénocrate

à l'Académie et la retraite d'Aristote à Chalcis. Le danger était qu'on y vît un témoignage sur des études d ' Épicure auprès de Xénocrate : il est possible que Démétrius ait commis cette méprise. On ne peut exclure toutefois qu 'Epicure ait suivi l' enseignement de Xénocrate pen

dant ses deux années d' éphébie à Athènes.

Aristoclès (apud Eusébe, P. E . XIV 2, 14 ) rapportait que les véritables maîtres d'Épicure avaient été les livres des anciens.Hermippe (D .L . X 2-3) pour sa part racontait comment Épi cure s' était lancé vers la philosophie en découvrant les livres de Démocrite. D 'après une lettre de l'épicurien Léonteus à Lycophron (Plutarque, Adv. Colot. 3, 1108 e), Épicure se serait dit longtemps " démocritéen " . Selon Dioclès de Magnésie ( D . L . X 12 ), Épicure accordait parmi

les anciens sa préférence à Anaxagore ( ** A 158) et à Archélaos (** A 308 ), le maître de Socrate. Par Nausiphane (IX 64), nous savons qu 'il admirait également le genre de vie de

Pyrrhon . Sur le rôle de Platon et d 'Aristote dans la formation philosophique d ' Épicure, on ne peut négliger de citer l'ouvrage fondamental,bien que discuté, de 62 E . Bignone, L 'Aristotele per duto e la formazione filosofica di Epicuro, coll. « Il pensiero filosofico » 7 , Firenze 1936 , 2 volumes. Études récentes sur les rapports entre Épicure et les philosophes plus anciens. 63 D .

Sedley, « Epicurus and his professional rivals » , dans Études sur l'épicurisme antique, coll. Democritus », Phronesis 23, 1978, p. 80-86 ; 65 A . Laks, « Une légèreté de Démocrite (Epi curus, De natura liber incertus = 34 .30 ,7-15 Arrighetti) », CronErc 11, 1981, p. 19 -23 ; 66 D . O 'Brien, « La taille et la formedes atomes dans les systèmes de Démocrite et d'Épicure. Pré « Cahiers de philologie » 1, Lille 1976 , p. 119 - 160 ;64 P . M . Huby , « Epicurus' attitude to

jugé et présupposé en histoire de la philosophie » , RPhilos, 1982, p. 187-203 ;67 M . T. Riley, « The Epicurean criticism of Socrates, Phoenix 34, 1980 , p. 55 -68 ; 68 K . Kleve, « Scurra Atticus. The Epicurean view of Socrates » , dans Eucnmoic. Studi sull'epicureismo greco e

romano offerti a Marcello Gigante, coll. « Bibl. della Parola del Passato » 16 , Napoli 1983, p . 227- 253 ; 69 E . Acosta Méndez et A . Angeli, Testimonianze su Socrate . Edizione,

traduzione e commento, coll. « La Scuola di Epicuro » 13,Napoli 1992, 408 p.

Les premières écoles d 'Épicure. Cette formation philosophique précoce d'Épicure s'accorde mal avec certains témoignages selon lesquels il aurait au début de sa carrière exercé le métier de grammatodidaskalos comme son père :

oùV TÕ natpi ypayuata didáoxelv aunpoŨ Tivog ulo aplov (D .L . X 4). Her

mippe (X 2-3) racontait que c'est à la lecture de Démocrite qu’Épicure avait

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abandonné cemétier pour s' élancer vers la philosophie. Timon de Phlionte (X 3)

le traitait de ypapuodidaoxaríons et Nausiphane croyait pouvoir railler son disciple en le traitant de didáoxaros (X 8). Sur le passage de Timon, voirmaintenant le commentaire de DiMarco 50 et 52.

Apollodore (X 15) situait à trente -deux ans l'ouverture d' une première école à Mytilène, puis à Lampsaque (voir aussi Ariston X 14 ). Sotion -Héraclide (X2)

rapporte certes qu’Épicure avait déjà rassemblé des disciples durant son séjour à Colophon, mais ce témoignage reste isolé. Ferait-ilréférence à la période où il enseigna commemaître d'école ? A Mytilène, Épicure connutHermarque qui « vieillit avec luidans la philoso phie » (X 20 ) et lui succéda comme scholarque dans l' école du Jardin à Athènes

(X 24 et 16 -21). Voir 70 F . Longo Auricchio , Ermarco, Frammenti. Edizione, traduzione e commento , coll. « La Scuola di Epicuro » 1 , Napoli 1988 . Il est pos sible qu 'en quittantMytilène Épicure y ait laissé une communauté de disciples,

auxquels serait dédiée la fameuse lettre Mepi étitndeVuátwv aux philosophes (ou aux amis) résidant à Mytilène (fr. 101-104 Arrighetti). Voir 71 A . Tepedino Guerra, « I primi seguaci di Epicuro » , dans Eucńmoic. Studi sull'epicureismo

greco e romano offerti a Marcello Gigante, coll. « Bibl. della Parola del Passato » 16 ,Napoli 1983, p. 519 -523.

Peu après, c'est à Lampsaque qu'Épicure vientenseigner. Sur l'histoire ulté rieure de l'école de Lampsaque, voir 72 A . Angeli, « Eterodossia a Lampsaco ? » ,

dans La regione sotterrata del Vesuvio. Studie e prospettive. Atti del convegno internazionale 11-15 novembre 1979, Napoli 1982, p . 415-426 ; Angeli 48. On remarque qu ’un grand nombre de disciples d 'Épicure sont originaires de cette

ville .Nousconnaissons : ( 1) Polyen ( X 24 ) qui mourut avant Épicure ( X 19 ) sous l'archonte Démoclès (278 /7 ) et qui était apparemment le chef de la communauté épicurienne de

Lampsaque. Un jour du mois de Métageitnon était consacré à son souvenir (X 18 ). Pour les témoignages, voir 73 A . Tepedino Guerra , Polieno. Frammenti. Edizione, traduzione e commento, coll. « La Scuola di Epicuro » 11, Napoli 1991.

(2 ) Le fils (homonyme ?) de Polyen qu’Épicure reçut dans son école (PHerc 176 , fr. 5 , col. XXII, 5 -36 , p. 48 Vogliano = fr. 41 Arrighetti = Polyen, fr. 5-6 Tepedino Guerra ) et qu 'il recommanda à ses exécuteurs testamentaires (X 19).

(3 ) Colotès [2C 180 ] (X 25), fervent épicurien que le maître appelait affectueusement dans ses lettres Κωλωταράς ou Κωλωτάριον ( Plutarque, Adν.

Colot. 1, 1107 e ; 11, 1112 d). (4 ) Léonteus, époux de Thémista . De leur union naquit un fils qui fut appelé Épicure (2 E 34) comme le maître (X 26 ) . Voir 74 A . Angeli, « Verso un ' edizione dei frammenti di Leonteo di Lampsaco » , dans M . Capasso , G .Messeri

Savorelli et R . Pintaudi (édit.),Miscellanea papyrologica in occasione del bicen tenario dell'edizione della charta Borgiana, coll. « Papyrologica Florentina » 19, Firenze 1990, t. I, p . 59-69.

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(5 ) Métrodore , fils d'Athénaios (ou de Timocratès) et de Sandè, qui s'attacha à Épicure et ne le quitta plus, sinon pour un voyage de six mois dans son pays ( X 22). Il eut comme compagne la courtisane Léontion d ' Athènes (X 23) et laissa

un fils , nommé Épicure en l'honneur du maître, ainsi qu'une fille , du nom d' Apia, dédicataire d' une lettre de Batis, sæur deMétrodore (cf. nº 7 ). Epicure recommanda les deux enfants à ses exécuteurs testamentaires ( X 19 -21), ainsi

qu 'à Idoménée ( X 22) et à Mithrès (fr. 78).Métrodore mourut sept ans avant Épicure, dans sa 53e année ( X 23) : dans le système d 'Apollodore , il faut en conclure qu'il est mort en 27776 et qu'il est né en 328 /7 ; il avait donc une vingtaine d 'années quand Épicure enseignait à Lampsaque. Dans l'école, le 20e jour du mois était consacré à la mémoire de ce disciple de prédilection ( X 18 ). Pour les témoignages sur Métrodore , voir 75 A . Körte, Metrodori Epicurei fragmenta, Leipzig 1890. (6 ) Timocratès, frère deMétrodore , apostat de l'école et adversaire d' Épicure (X 6 et 23). On ne doit pas le confondre avec Timocratès d 'Athènes, un des exé

cuteurs testamentaires d 'Épicure. (7 ) Batis (r + B 23), sæur de Métrodore (qui lui écrivit une lettre mentionnée dans PHerc 176 , fr. 29 Vogliano ) et de Timocratès ( X 23). Angeli 48 a identifié dans PHerc 176 une biographie anonyme de Batis. Celle -ci épousa un autre citoyen de Lampsaque :

(8) Idoménée (» I 14 ), X 25. Sénèque, Epist. 21, 3 , le présente comme le ministre d 'un roi important (on avait pensé à Lysimaque, mais A . Angeli y reconnaît plutôt Antigone le Borgne). Dans une lettre écrite le jour de sa mort

(fr. 23 Angeli), Épicure lui recommandait les enfants de Métrodore et lui rappe lait l'attachement qu 'il avait marqué depuis sa jeunesse envers la philosophie et

envers lui-même (X 22). Pour les témoignages , voir 76 A . Angeli, « I frammenti

di Idomeneo di Lampsaco » , CronErc 11, 1981, p. 41- 101 ; 77 Ead., « Acces sione a Idomeneo » , CronErc 14 , 1984, p . 147. (9 ) Mentoridès (plutôt qu' Actoridès ( > A 15 ]) , frère aîné de Métrodore et de

Timocratès ( Philodème, De ira = PHerc 182, col. XII 29- 30 Indeli). Voir

Liebich 39, p.67. ( 10 ) Un certain Athénaios (> A 477) (qui n'est sans doute pas le père de Métrodore mentionné en X 22), auquel Épicure dans une lettre annonce l' arrivée à l' école de < Polyen > , le fils de Polyen de Lampsaque (voir PHerc 176 , fr. 5 , col. XXII, 5 - 36 , p . 48 Vogliano = Polyen , fr. 5 -6 Tepedino Guerra ). C 'est appa

remment un disciple de Polyen père et un condisciple de Polyen fils. Arbre généalogique de la famille deMétrodore Athénaios (ou Timocratès ) - Sandè Mentoridès Timocratès Métrodore(o Léontion ) Batis(ooldoménée) Épicure II

Apia

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En s'installant à Athènes en 307/6 , Épicure laissa à Lampsaque une commu nauté semblable à celle qu 'il avait édifiée à Mytilene. Deux fragments d'une Lettre aux amis résidant à Lampsaque ont été conservés ( fr. 96 - 97). D 'après le

fr . 97 , il semble que Léonteus résidait alors (archontat de Philippos : 292/ 1) à Lampsaque et nous avons des fragments de lettres à Thémista et à Léonteus qui datent de cette même année (fr. 50 et67). Dans une autre lettre, connue par Plu tarque, Non posse suaviter 6 , 1090 e (fr. 189 Usener; absente du recueil d'Arri ghetti), Épicure racontait avoir échappé de peu à un naufrage durantun voyage à Lampsaque. Selon 78 A .Grilli, « Il naufragio d'Epicuro » , RSF 33, 1978, p . 116 - 118 , on trouverait une allusion à ce naufrage dans un passage d 'Héraclite le Stoïcien , Problèmes homériques 79 , 7

distinguantUlysse et Épicure. Selon 79 M .Marcovich , « Epicurus' shipwreck » , ZAnt 23, 1973, p . 211, il faudrait lire

dans Plut., Non posse suaviter vivi sec. Epicurum 1090 e, áracoav kúpußpaotixńv.

Diogène Laërce X 10 connaît lui aussi aussi deux ou trois voyages d 'Épicure en lonie pour visiter ses amis et, dans un fragment de lettre à un enfant (fr. 261 Arrighetti) dont l' attribution à Épicure n 'est cependant pas certaine, l'auteur rela tait une arrivée à Lampsaque en compagnie de Pythoclès, d 'Hermarque et de Ctésippe ( C 226 ), ainsi que les retrouvailles avec Thémista et les autres amis.

Dans les années 293-291, la communauté de Lampsaque fut le cadre d'une crise liée à l'influence de l'école voisine de Cyzique qu 'avait fondée le mathé maticien académicien Eudoxe de Cnide (2 - E 98 ). Sur cette crise, voir 80 L . Spina, « Eudosso e i “ Ciziceni” nei papiri ercolanesi » , CronErc 1, 1971, p . 79 72 , et 81 D . Sedley, « Epicurus and themathematicians of Cyzicus », CronErc 6 ,

1976 , p . 23-54.Une des figures importantes au cours de ces événements semble avoir été l'épicurien Pythoclès, disciple de Polyen à Lampsaque. C 'est égale ment à Lampsaque qu 'il faut rattacher le nom d 'un autre disciple, un certain Cronius ( - C 222), dont plusieurs lettres d 'Épicure citées par Philodème font un

exemple de vie philosophique. Voir également Liebich 39, Militello 38 , p. 37 38.

Sur le problème plus général d'une conception épicurienne des mathéma tiques, voir 82 J. Mau , « Was there a special Epicurean mathematics ? », dans E . N . Lee, A . P Mourelatos et R . M . Rorty (édit.), Exegesis and argument. Studies

in Greek philosophy presented to G . Vlastos, coll. « Phronesis Suppl.» 1, Assen 1973, p . 421-430. Voir aussi 83 A . Angeli et T. Dorandi, « Il pensiero matema tico di Demetrio Lacone» , CronErc 18 , 1987, p . 89-103. Le Jardin . Épicure acheta au prix de 80 mines (D . L . X 10) un jardin situé dans la banlieue ouest d' Athènes (Sénèque, Epist. 79, 15 ), au-delà de la Porte Dipylon sur la route quimenait à l'Académie (Cicéron , Fin . V 1, 3). Voir un dessin de Candace H . Smith illustrant la région dansLong et Sedley 12 ,t. I, p . 4. Il semble qu 'il faille en distinguer la maison « sise à Mélité» (D . L . X 17), dont

le modeste jardin (Sénèque, Epist. 21, 10 ) aurait coûté 20 mines (Pline, N . H . XIX 4). Sur ces problèmes d' interprétation topographique, voir 84 R . E. Wycherley, « The Garden of Epicurus », Phoenix 13, 1959, p . 73-77, et 85 M .L .

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Clarke, « The Garden of Epicurus» , Phoenix 27, 1973, p . 386 -387. Voir aussi 86 M . Gigante , « Il giardino di Epicuro » = " Atakta” LIII, CronErc 20 , 1990 ,

p. 69-70, repris dans 87 Id., Atakta . Contributi alla papirologia ercolanese . Presentazione di Fulvio Tessitore, coll. « Biblioteca della Parola del Passato » 17, Napoli 1993, p. 105 -107, et 88 F . Longo Auricchio , « La Scuola di Epicuro » ,

CronErc 8, 1978 , p . 21-37. Le testament d 'Épicure livre plusieurs renseignements sur l'organisation de l'école. On y remarque tout d 'abord que malgré l'autorité reconnue à Hermarque, le successeur d' Épicure et le chef spirituel de l' école , les biens matériels (sauf les livres, X 21, qui vont au nouveau scho

larque ) sont donnés à deux Athéniens : Amynomaque (

A 151), fils de Philocrate , du dème

de Batè, et Timocratès, fils de Démétrius, du dème de Potamos (X 16 ). En tant que fils d 'un clérouque athénien de Samos, Épicure était athénien (ses adversaires lui contestaient ce titre en vérité, X 4 ),mais le métèque Hermarque de Mytilène ne l'était pas. Jamais les deux exécu teurs testamentaires ne sont présentés comme des disciples; ils étaient probablement des sym

pathisants de l'école qui acceptaient de servir de gérants pour assurer la continuité matérielle de l'institution . Une distinction semble établie entre le jardin et les autres propriétés d ' Épicure. Ces der nières produiront des revenus (X 18 .19.20 .21) pour subvenir aux besoins des membres de l' école et des orphelins de Polyen ou de Métrodore, mais c 'est dans le jardin et ses dépen dances que vivront et philosopheront Hermarque et ses amis. Il y a ,matériellement semble- t il, une « école dans le jardin » . La maison sise dans le quartier populaire deMélité est laissée également à la disposition d 'Hermarque pour qu 'il y habite avec ses disciples.

89 D . Clay, « Individual and community in the first generation of the Epicu rean School» , dans Euchmoic. Studi sull'epicureismo greco e romano offerti a Marcello Gigante, coll. « Bibl. della Parola del Passato » 16 , Napoli 1983, t. I,

p. 255-279, en particulier sur les fêtes annuelles épicuriennes, p. 270-279.

Disciples d 'Épicure. En plus des frères d'Épicure et des anciens disciples originaires de Mytilène et de Lampsaque (voir plus haut), nous connaissons le nom de plusieurs autresmembres de l'école épicurienne :

(1)Mys, esclave d'Épicure, qui partageait,comme les frères d'Épicure , la vie philosophique (D .L . X 3, avec généralisation à tous les serviteurs en X 10) ; dans

son testament, Épicure lui accordait la liberté, de même qu 'à Nicias,Lycon et Phaidrion (X 21).

(2) Hérodote , le destinataire de la Lettre conservée (X 35-83) ; il est égale mentmentionné en X 4 et 5 , la deuxième fois aux côtés du renégat Timocratès . ( 3) Ménécée, destinataire de la Lettre conservée (X 122-135) ; ses fils sont présentés comme des disciples d'Epicure dans une lettre datée de 284/3 (fr. 111 Arrighetti). (4) Pythoclès, dont nous avons parlé plus haut à propos de la communauté de Lampsaque ; il reçut la Lettre conservée (X 83 -116 ). Il mourut jeune, dans les

années 293-291. (5 ) Nicanor, objet de dispositions testamentaires d'Épicure (X 20).

(6 ) Ctésippe ( * C 226 ), compagnon de voyage d'un épicurien (Épicure lui même ?) lors d'un voyage à Lampsaque ( fr. 121 ; 261).

(7) Apelles (*+ A 230 ), dont Épicure (fr. 43) célébrait la conversion à la philo sophie dans un état de pureté à l'égard de toute paideia.

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(8 ) Carnéiscos [ C 44 ] (fr. 120), auteur d 'un Philistas, en au moins deux livres, dans lequel il faisait l'éloge d'un épicurien de ce nom (= PHerc 1027). (9) Un des traits caractéristiques du Jardin d'Épicure est la présence de plu sieurs hétaïres. Nous avons déjà mentionné Léontion d'Athènes, compagne de Métrodore . On connaît égalementMammarion , Hédéia (2H 14 ) (originaire de Cyzique, s'il faut l'identifier, comme le propose Usener, avec l’hétaïre dont parle Plutarque, Non posse suaviter 16 , 1098 b ), Érotion (2- E 55) et Nicidion (D .L . X 7), Boïdion (PB 51] (Plutarque, Non posse suaviter 16 , 1097 d-e), Démélata ou Démétria (MD 38), compagne d 'Hermarque (Philodème, PHerc. 1005, col. VI 8- 20 Angeli = Hermarque, fr. 3 Longo Auricchio ). Voir 90 C . J. Castner, « Epicurean hetairai as dedicants to helping deities ? », GRBS 23, 1982,

p. 51-57, à propos de quatre noms de femmes sur des inscriptions du IVe siècle av . J .- C . à Athènes : Mammarion , Hédeia, Nicidion et Boïdion . Erler 18 ,

« Frauen im Kepos», chap. 24,p . 287-288. D 'autres noms apparaissent, surtout dans les fragments épistolaires des papyri d'Herculanum , dont on ne voit pas toujours très bien le rapport qu 'ils entretien nent avec Epicure. Retenons:

(10) Ménestrate (Clément, Stromates V 12, 261, 31). ( 11) Timarque (Plutarque, Adv. Colot. 17 , 1117 b ).

( 12) Hégésianax, fils de Dosithéos (2D 224), et frère de Pyrson (fr. 46);

c 'est pour Usener un disciple d'Épicure . (13) Matron (fr. 115 et 261), pédagogue du destinataire d'une lettre d 'Épi cure.

( 14 ) Polystrate et Hippocléidès (2H 149). Valère Maxime I 8, ext. 17 : « A ce point de notre exposé trouvent place naturellement les philosophes Polystrate et

Hippocléidès, nés le même jour, formés ensemble à la doctrine de leur maître Épicure, associés également dans la possession des mêmes biens et dans le déve loppement de leur école ,morts au même moment dans une vieillesse avancée. Le partage sitotal et si constant d 'un même sort comme d 'une amitié, qui refuse rait de le considérer comme l'æuvre de la divine Concorde elle -même, qui en a

assumé la naissance, l'extension et la fin ?» (trad. R . Combès, CUF, Paris 1995, p . 153). Un Hippocléidès apparaît dans PHerc 1418 , col. XVIII (cf. Militello 38, p . 128) et dans d ' autres passages encore. Quant à Polystrate, il pourrait s'agir du successeur d 'Hermarque à la

tête du Jardin (D . L . X 25). 91 M . Capasso, « Polistrato uditore di Epicuro ? » , CronErc 12 ,

1982, p . 5 -12.

(15 ) Philodèmenous permet encore de ranger dans le cercle épicurien le plus ancien des noms comme Arcéphon (2A 300) et Eudème (» E 90 ).La liste n 'est pas exhaustive et les progrès connus dans l'exploitation des documents d 'Hercu

lanum laissentespérer qu 'on pourra un jour écrire une histoire plus précise des origines de l' école. L 'influence d 'Épicure se faisait sentir au -delà des cadres stricts de l'école sur

des sympathisants qui, restés dans le monde, étaientà même de subvenir,par des Ouvtábeis (fr. 74 et 142) , aux besoins des philosophes retirés au Jardin . Nous

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disposons ainsi d'un certain nombre de fragments de lettres (fr. 74 -82) adressées à un Syrien du nom de Mithrès qui fut ministre des finances (Ololuntńs) de Lysimaque. A la mort du souverain (2814), ce bienfaiteur tomba en disgrâce et se retrouva emprisonné au Pirée, où Métrodore vint lui porter assistance (Plutarque , Adv. Colot. 33, 1126 e-f; Non posse suaviter 15, 1097 b ). Sur ce personnage, voir la bibliographie rassemblée par Arrighetti 2, p.676 , et le commentaire aux

fr.64, 74-82, 119 et 133, ainsi queMilitello 38 , p. 38-39 et le commentaire aux nombreuses colonnes où le nom apparaît. Sur les fondements "utilitaristes” (recherche du plaisir et fuite de la douleur) de l'amitié épicurienne, voir 92 G . Arrighetti, « Philia e physiologia . I fonda menti dell'amicizia epicurea » , MD 1, 1978, p . 49-63; 93 B . Gemelli, « L 'ami cizia in Epicuro » , Sandalion 1, 1978, p . 59 -72 ; 94 J. M . Rist, « Epicurus on friendship » , GPh 75, 1980, p . 121- 129 ; 95 P .Mitsis, « Epicurus on friendship

and altruism » , OSAPh 5, 1987, p. 127 -153; 96 S. Stern -Gillet, « Epicurus and friendship » , Dialogue 28, 1989, p. 275 -288 ; 97 D . K . O 'Connor, « The invulne rable pleasures of Epicurean friendship » , GRBS 30 , 1989, p. 165 - 186 ; 98 D .

Konstan , « Friendship from Epicurus to Philodemus» , dans G . Giannantoni et M . Gigante , Epicureismo greco e romano. Atti del Congresso internazionale , Napoli 19-26 Maggio 1993, coll. « Elenchos » 25 *, Napoli 1996 , t. I, p. 387 -397 . Sur l'étude des textes d'Épicure dans la tradition épicurienne, voir 99 E . Puglia, « La filologia degli Epicurei» , CronErc 12, 1982, p. 19-34. Sur la véné ration portée à Épicure dans l'École, voir 100 D . Clay, « The cults of Epicurus » , CronErc 16 , 1986 , p. 11-28.

Sur l'école épicurienne qui perdura au moins jusqu' à la fin du IT siècle de notre ère, voir 101 J. Ferguson, « Epicureanism under the Roman Empire (revi sed and supplemented by J. P. Hershbell) » , ANRW II 36 , 4, 1990, p. 2257 -2327 ; 102 S . Follet, « Lettres d 'Hadrien aux Épicuriens d ' Athènes (14 .2 - 14. 3 .125 ) :

SEG III 226 + IG 112 1097 » ,REG 107, 1994, p. 158 -171; 103 M .F. Smith ,« An Epicurean Priest from Apamea in Syria » , ZPE 112, 1996 , p. 120 -130 (sur Aurelius Belius Philippus, prêtre de l'oracle de Baal et chef de la communauté

épicurienne d'Apamée). Sur la survie de l'épicurisme jusqu 'à l'époque moderne, voir 104 H . Jones,

The Epicurean tradition, London 1989, VII-276 p. Sur les traces de l'épicurisme dans la littérature chrétienne, voir Schmid 15, col. 773 -817 = Ausgewählte philo

logische Schriften, p. 228-264. Iconographie. Sur la popularité des images d ' Épicure dans les cercles épi curiens antiques, voir Cicéron , Fin . V 1, 3 : « cujus (Epicuri) imaginem non modo in tabulis nostri familiares, sed etiam in poculis et in anulis habent» ; Pline, N . H . XXXV 5 : « Epicuri voltus per cubicula gestant ac circumferunt secum » . Pour les nombreux bustes et statues d'Épicure, voir Schmid 15, col. 686 -687 = p. 155- 156 , et surtout 105 G . M . A . Richter, The Portraits of the Greeks, t. II, London 1965, p. 194 -200 ; figures 1149 -1222 ; Supplement, London

1971, p . [7 ]. On considère que l' original grec qui est à la source des diverses copiespourrait avoir été sculpté dans les années 280-270, donc du vivant d'Épi

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ÉPICURE DE SAMOS

171

cure . Diogène Laërce rapporte que la patrie d'Épicure (Samos ? Athènes ?) l'honora par des statues de bronze (X 9 ). Voir 106 L .A . Scatozza Höricht, I volto dei filosofi antichi. Introduzione di G . Giannantoni, coll. « Archaia - Col lana di ricerche archeologiche - Storia degli studi» 2, Napoli 1986 , p . 155 -164 ;

107 I. Sgobbo , « Statue di oratori attici ad Ercolano dinanzi alla biblioteca della Villa dei papiri», RAAN 47, 1972, p. 241-305 (un portrait d 'Épicure); 108 E . Lissi Caronna, « Una nuova replica del ritratto di Epicuro alMuseo Nazionale

Romano », BA 58, 1973, p. 176 -177 ; 109 V . Kruse- Berdoldt, Kopienkritische Untersuchungen zu den Porträts des Epikur, Metrodor und Hermarch , Diss. Göttingen 1975, 213 p. ill.; 110 B . Frischer, The Sculpted word. Epicureanism and philosophical recruitment in ancient Greece, Berkeley, Univ . of California

Pr., 1982, XXV-325 p. 16 pl. 1 carte ; 111 B . Frischer, « On reconstructing the portrait of Epicurus and identifying the Socrates of Lysippus », CSCA 12, 1979, p . 121- 154 ; 112 H . Wrede, « Bildnisse epikureischer Philosophen », MDAI(A )

97 , 1982, p. 235 -245 ; 113 B . Frischer, « A socio -psychological and semiotic analysis of Epicurus' portrait » , Arethusa 16 , 1983, p. 247-265 ; 114 H . von Heintze, « Die Statue des Epikur » , dans Alessandria e il mondo ellenistico

romano. Studi in onore di Achille Adriani, coll. « Studi e Materiali. Istituto di archeol. della Univ . di Palermo », t. III, Roma 1984, p. 765 -771 ; 115 U . Pannuti, « Ritratto di Epicuro in bronzo dalla “ Villa dei Papiri” di Ercolano » , RAL 5, VIII, vol. 39, fasc. 3-4 , 1984, p. 101- 111 (avec 6 planches) et un appendice de C .

Piccioli sur l' analyse chimique de la statue (p . 113-116 ); 116 M . Gigante, « Philosophia ut sculptura » = Atakta XXIX , CronErc 16 , 1986, p. 104, repris dans Gigante 87, p . 5 -6 . Euvres philosophiques. Apollodore d 'Athènes, dans sa Euvaywy tūv boyuátwv (D . L . VII 181), opposait les citations innombrables auxquelles se réduisaient les œuvres de Chrysippe à l'œuvre immense écrite par Épicure de son propre cru (oixeia ouvámet) et sans recours aux citations (unapádeta ). La même comparaison et la même thèse pro -épicurienne se retrouvent en X 26 , sans

référence à Apollodore, juste avant la liste des ouvrages d'Épicure. La mention de Carneade,mort en 12978 , permet d 'identifier cet auteur à Apollodore ó Knnotúpavvos (BA 243), dont 117 T. Dorandi, Ricerche sulla cronologia dei filosofi elle

nistici, coll. « Beiträge zur Altertumskunde » 19, Stuttgart 1991, p . 45-54, avec le tableau des pages 62-64 , date le scholarcat des années 150 - 110 ; il aurait lui-même écrit 400 livres (D . L . X 25 ).

De l'æuvre d'Épicure, philosophe prolifique (novypapáratoc), auquel on prête environ 300 rouleaux de papyrus (zúalvopol), qui tous rapportent le propre discours de leur auteur, sans aucune citation étrangère (uaptúplov ŠEwDev),

Diogène Laërce cite en X 27 -28 quarante-et-un titres comme étant les meilleurs (Tờ BéAttara ). Selon 118 D . Clay, « Epicurus in the archives of Athens» , dans Studies in Attic Epigraphy,

history and topography, presented to E . Vanderpool, coll. « Hesperia Suppl.» 19, Princeton 1982, p. 17 -26 , la référence aux archontes éponymes d 'Athènes conservées pour certaines lettres et certains traités (les différents livres du De natura retrouvés à Herculanum ) montrerait

que les æuvres d'Épicure, tout comme son testament (Diogène Laërce X 16 ), avaient été dépo sés au Métroon à Athènes. Selon 119 G . Cavallo , « I rotoli di Ercolano comeprodotti scritti.

172

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Quattro riflessioni» , S & C 8 , 1884, p. 5 - 30 , notamment p. 9 , les archives n 'auraient contenu

que des documents de caractère public et officiel.

I. Liste des principaux ouvrages d 'Épicure (D .L . X 27-28). Contrairement à

Usener et Arrighetti, nous conservons l'ordre de Diogène Laërce afin de respec ter le principe de classification que la liste pourrait suivre. Pour un essai d'inter

prétation , voir Steckel 16 , col.594 -595. Nous indiquons la numérotation des fragments dans Arrighetti lorsque l'ouvrage est connu autrement que par la liste de Diogène Laërce. Plusieurs témoignages ne sont signalés qu 'en note chez Arrighetti ; on en trouvera généralementle texte dans le recueil d 'Usener. Ce dernier associe également aux fragments comportant une référence explicite d 'autres passages qui

développent le même thème.

(1)Tepi púoewÇ Éntà vai tplárovta, Sur la nature, 37 livres (fr. 23-29, avec riche commentaire, p.577-669).Certains livres ont été retrouvés, parfois en deux ou trois copies, dans la bibliothèque d'Herculanum et ont fait l'objet d' édi tions indépendantes. Arrighetti signale pour chaque livre l'état de conservation ,

ainsi que les références bibliographiques aux éditions antérieures. On se conten tera donc de rappeler ici les éditions parues depuis Arrighetti (1973). On trouvera pour chaque papyrus toutes les références nécessaires dans 120 Catalogo dei Papiri Ercolanesi (CPE), sotto la direzione di M . Gigante , Napoli 1979 , 400 p., 8 pl. phot., à compléter par 121 M . Capasso , « Primo supplemento al Catalogo dei papiri ercolanesi » ,

CronErc 19, 1989, p . 193- 264.

Sur l'ensemble du livre , voir 122 G . Arrighetti, « L 'opera “ Sulla Natura" di Epicuro », CronErc 1, 1971, p. 41-56 ; 123 D . Sedley, « The Structure of Epicu rus' On Nature » , CronErc 4, 1974 , p. 89 -92 ; 124 G . Arrighetti, « L 'opera “Sulla Natura" e le lettere di Epicuro a Erodoto e a Pitocle » , CronErc 5, 1975 , p . 39 51; 125 D . Sedley, « The character of Epicurus’ On Nature » , dans Atti del XVII

Congresso internazionale di papirologia (Napoli, 19 -26 maggio 1983), Napoli 1984, p. 381-387. LIVRE

PAPYRI

ARR. Nº

II

1149+ 993 ; 1010

24

DATATION

126 Giuliana Leone, « Il II libro Della natura di Epicuro (PHerc. 1149/993 e 1010). Problemi testuali ed esegetici», dans B . G . Mandilaras (édit.), Proceedings of the XVIIIth International Congress of Papyrology, Athens 25-31May 1986, Athens, Greek Papyrological Society, 1986, t. I, p . 237-248. 26 XI 1042 ; 154

127 D . Sedley, « Epicurus, On Nature, Book XI (P.Herc. 1042), fr. 1, col. III. An Argu ment against Eudoxan Astronomy» , Proceedings of the XIV International Congress of Papy. rologists , Oxford 1975, p. 269-275 ; 128 Id ., « Epicurus and his professional rivals » , dans Études sur l'épicurisme antique. Textes réunis par J. Bollack et A . Laks, coll. « Cahiers de philologie » 1 , Lille 1976 , p . 139- 144 ; 129 G . Arrighetti et M . Gigante , « Frammenti del libro

undicesimo Della natura di Epicuro (P . Herc. 1042) » , CronErc 7 , 1977, p . 5 -8 . 1148 XIV 29 souscr. : Énì Kreápxou = 301/300

130 G . Leone, « Epicuro , Della natura , libro XIV » , CronErc 14 , 1984, p. 17 - 107 ; 131 Ead., « Per une nuova edizione del XIV libro Della natura di Epicuro (PHerc. 1148) » ,

dans Atti del XVII Congresso internazionale di papirologia (Napoli, 19 - 26 maggio 1983),

E 36

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173

Napoli 1984, p. 389-398 ; 132 Ead., « La chiusa del XIV libro “Della natura ” di Epicuro » , CronErc 17, 1987, p.49-76 . 1151 XV 30 souscr.:(ÉQ' 'H ]lyɛuáxou = 300/299

Édition plusrécente : 133 Claire Millot, « Épicure, De la Nature, livre XV », CronErc 7, 1977, p. 9-39. XXVIII

1479 + 1417

31

souscr. : (ěx t ]ūv åpxai[wv]

...!

ŠylpJáon ÉTÈ Nexiov (296 /5) TOŨ ulet]: 'A vti]párnv. 134 D . Sedley, « Epicurus, On Nature , Book XXVIII », CronErc 3 , 1973, p. 5-83. Voir aussi 135 G . Giannantoni, « La polemica antimegarica nel XXVIII libro “Della Natura " di Epicuro » , CronErc 13, 1983, p . 15-19 ; 136 D . K . Glidden, « Prolepsis in Peri physeosXXVIII

fr. 12, III, 3- 14 », dans Atti del XVII Congresso internazionale di papirologia (Napoli, 19-26 maggio 1983), Napoli 1984, p . 399-404 . XXXII 998, fr. 11 inédit 998 XXXIV

32

137 A . Tepedino Guerra, « Tracce del XXXIV Libro “Della Natura" diEpicuro nel PHerc. 998 » , CronErc 17, 1987, p. 79.

« incertusliber »

1056 ,697; 1191;

(de libertate agendi) = XXV

1420

34 et 35

138 S. Laursen,« Epicurus On Nature XXV (Long-Sedley 20 , B, C and j», CronErc 18 , 1978, p . 7 -18 ; 139 G . Arrighetti, Un passo dell'opera Sulla natura di Epicuro , Democrito e Colote » , CronErc 9, 1979, p. 5- 10 (examen du passage contenu dans les PHerc. 1056 , 697 et

1191) ; Laks 65 ; 140 Id ., « Epicurus, On Nature book XXV » , CronErc 17, 1987, p. 77 -78

(identification du livre); 141 E. Puglia, « PHerc. 1420/ 1056 : un volume dell'opera “Della natura” di Epicuro », CronErc 17 , 1987, p. 81-83 ; 142 Id., « “Against Democritus – towards the end " » , dans M . Capasso , G . Messeri Savorelli et R . Pintaudi (édit.), Miscellanea papy

rologica in occasione delbicentenario dell'edizione della Charta Borgiana, coll. « Papyro

logica Florentina » 19, Firenze 1990 ,t.I, p. 3- 22 ; 143 S. Laursen , « The summary of Epicurus “ On Nature" book 25 » ,dans M . Capasso (édit.), Papiri letterari greci e latini, coll. « Papyro logica Lupiensia » 1, Galatina 1992 , p . 141- 154 . Voir maintenant l'édition de 144 S . Laursen , « The Early parts of Epicurus, On Nature, 25th Book » , CronErc 25, 1995, p. 5 - 109 ; « The Later parts of Epicurus, On Nature, 25th Book » , CronErc 27 , 1997, p . 5 -82. 1431

36

1413

145 R . Cantarella et G . Arrighetti, « Il libro " Sul tempo” (PHerc. 1413) dell'opera di Epicuro " Sulla Natura” » , CronErc 2 , 1972, p. 5-46 ; 146 M . Isnardi Parente , « Xpóvos éml vooúuevoç e Xpovog où vooúuevos in Epicuro , pap . Herc. 1413» , PP 31, 1976 , p . 168-175. Sur la conception épicurienne du temps, voir également 147 F . Caujolle-Zaslawsky, “ Le temps épicurien est-il atomique ? » , EPh 1980 , p. 285- 306 . 362

38

1039

148 E. Puglia, « PHerc. 1039 altro libro di Epicuro " Sulla natura” ?» , CronErc 18, 1988, p . 19-26 .

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174

E 36

D 'autres fragments ou témoignages se rencontrent dans les auvres de Philodème, de Plu

tarque ou dans les scholies au livre X de Diogène Laërce.

(2) Hepi åróuwvxai xevOŨ, Sur les atomes et le vide. (3) lepi Éputos, Sur l'amour.

(4 ) 'Entitoun tūv npòs toùÇ Quolxoús, Abrégé des traités contre les physi ciens (selon Usener, serait identique au n°47 ou bien le comprendrait). (5 ) Mpòs toùç Meyap .xoús, Contre lesMégariques (fr. 194 Döring). (6 ) Alanopíai, Questions disputées. Mentionné aussi en D .L . X 119; deux fragments chez Plutarque (fr. 12, 1 et 2). (7 ) Kúplal dotai, Maximes capitales. Quarante maximes sont citées en D . L .

X 139-154 (fr. 5). Treize de ces maximes figurent également dans le Gnomolo gium Vaticanum Epicureum (fr. 6 ). Nombreux parallèles dans les notes d ' Arri ghetti 2 , p . 545 -554 . Édition séparée par 149 P. Von derMühll, Epicuri epistulae

tres et ratae sententiae a Laertio Diogene servatae. Acc. Gnomologium Epicu reum Vaticanum , coll. BT, Leipzig 1922, p. 51-60. Traduction française et com mentaire dans 150 V . Goldschmidt, La doctrine d 'Épicure et le droit, coll.

« Bibliothèque d 'histoire de la philosophie », Paris 1977, p. 251-285. Sur la maxime II, voir 151 D . Lanza, « Lamassima epicurea Nulla è per noi la morte » , SicGymn 33, 1980 , p. 357- 365 ; 152 D . Furley, « Nothing to us ? » , dans M . Schofield et G . Striker (édit.), The norms of nature. Studies in Hellenistic ethics, Cambridge Univ. Pr. 1986 , p. 75 -91.

(8 ) Mɛpì aipédEWv xai quyõv, Sur ce qu 'on choisit et ce qu 'on évite. Men tionné, puis cité en D .L . X 136 (fr. 7). Voir la définition de l'éthique en X 30 :

τα περί αιρέσεως και φυγής. (9 ) Hepi ténous, Sur la fin . Quatre fragments (fr. 22) ; plusieurs fois men tionné dans des passages signalés dans le commentaire d ’Arrighetti et cités par Usener 1, p . 119- 123. Voir 153 A . Tepedino Guerra , « PHerc. 1232, fr. 6 : una

testimonianza del libro Sul fine di Epicuro ?» , CronErc 17, 1987, p . 85-88. (10) Hepi xpirnpiou ñ Kavóv, Sur le critère ou La règle. Plusieurs témoi

gnages, chez Diogène Laërce , Cicéron, Plutarque, sont cités dans Usener 1 , p . 104- 106 .

(11) XaipédnuOS, Chairédèmos.Nom de l'un des trois frères d'Épicure. (12) Tepi De @ v , Sur les dieux. Mentionné par Plutarque (voir Usener 1 , p. 103). Quatre fragments chez Philodème (fr. 17). Plutarque de Chéronée avait

écrit un lepi tnv toŨ ’Enixoúpov åxpódolv nepi Dewu (Sur la leçon d 'Épi cure concernant les dieux) aujourd'hui perdu (n° 80 du Catalogue de Lamprias) .

(13) Tlɛpi dolórnTOS, Sur la sainteté. Connu par Cicéron et Plutarque (voir

Usener 1, p. 106 - 107). Cinq fragments chez Philodème et dans PHerc 1111 (fr. 19). (14) 'Hmolávať, Hégésianax (» H 17). A l'occasion de sa mort, Épicure adressa une lettre de consolation à son père Dosithéos [ D 224 ] (fr. 46 ).

E 36

175 ÉPICURE DE SAMOS (15) Iepi Biwv 8', Sur les genres de vie, 4 livres.Mentionné en D . L . X 30 ,

119 et 136 ; quatre fragments chez Philodème (fr. 10 ) ; Usener 1, p. 94 -96 , y rap

porte d ' autres passages de Cicéron, Sénèque et Plutarque. La Lettre à Ménécée traitait de même tà trepi Biwv (X 29 ) ; Plutarque de Chéronée avait écrit un lepi Biov tpos 'Enixoupov (Sur les genres de vie contre Épicure ) aujourd 'hui perdu

(nº 159 du Catalogue de Lamprias). ( 16 ) Hepi OLMALOnpaylaç, Sur la pratique de la justice. (17) Neoxiñs tpos Oeuiotav,Néoclès, (dédié) à Thémista . Néoclès était le nom du père d 'Épicure ( D . L . X 1) et celui de l'un de ses trois frères (X 3), sans

doute l'aîné. La dédicataire, Thémista , femme de Léonteus de Lampsaque, a donné également son nom à un ouvrage d 'Épicure connu de Cicéron : n° 53.

(18 ) Evunóolov, Banquet. Cinq fragments chez Plutarque et Philodème

( fr. 21) ; d 'autres témoignages, chez Diogène Laërce (X 119 ), Athénée (fr. 251) et Plutarque, sont cités dansUsener 1 , p . 115- 119.

( 19 ) Eủpúroxos após Mntpódwpov, Euryloque, (dédié ) à Métrodore. Eury loque (

E 143) est également le destinataire d 'une lettre d'Épicure (fr. 48) ; on

connaît aussi un disciple de Pyrrhon le sceptique qui porte ce nom (D . L . IX 68). Voir Gigante 56 , p . 79-85 (« Epicuri e il pirroniano Euriloco » ).

(20) Hepi toŨ opãv, Sur l'acte de voir. (21) ɛpi tñs év tñ åróuw yuvias, Sur l'angle dans l'atome. (22) Nepi áoñs, Sur le toucher. (23) Hepi eiuapuévns, Sur le destin . Fragment chez Philodème (fr. 14). (24 ) Hepi naoWv dócal após Tquoxpárny, Opinions sur les passions, (dé dié) à Timocratès. (25) Ipopuwotlxóv, Pronostic. (26 ) Mpotpentixós, Protreptique. Genre littéraire de l'exhortation à la philo

sophie. (27) Iepi eidúrwv, Sur les simulacres. (28) ſepi davraoias, Sur la représentation.

(29) ’Aploróbouros. Aristoboulos (2 - A 362). Nom de l'un des trois frères d'Épicure (X 3 ) ; destinataire d 'une lettre (fr. 44 -45). (30) Hepiuovoixñs, Sur la musique. (31) Lepi OlxalOOÚvns xai tõv ärrwv åpetūv, Sur la justice et les autres vertus.

(32) Hepi dúpwv xai xápitoç, Sur les présents et la gratitude. Fragment chez Sextus (fr. 13). (33) Moruuńons, Polymède. (34) Tluoxpáms r', Timocrate, 3 livres. Mentionné par D . L . IX 23. Autres témoignages, chez Cicéron, Plutarque et dans PHerc 1111, cités dans Usener 1,

ÉPICURE DE SAMOS

176

E 36

p . 123-124. Voir aussi Philodème, lepi tõv (Etoix @ v ] = PHerc 339, col. III, 2 5 Dorandi (p . 91) : tov ['E ]nixoupov év tő [ Tilluoxpá [ t ]el YPADELV TÒ uetà

Mnltp [o ]0 [úpou ) tòg uvoapwtáraç i énLTERETV TIPEELG . ( 35 ) Mntpódwpoç E',Métrodoros, 5 livres. Mentionné en D . L . X 23 ; voir aussiPlutarque, De latenter vivendo 3, 1129 a , cité par Usener 1, p . 106 .

(36 ) ’Avtíowpoç B ', Antidoros (>+ A 191), 2 livres. Un philosophe que par dérision Épicure appelait Sannidoros. Voir aussi Plutarque, Adv. Colot. 32 , 1126 a, cité par Usener 1, p. 92, et Crönert 35 , p. 24 -26 ; 177, qui retrouve ce nom dans PHerc 418 (['Av]ríowpoc) et le restitue (à la suite de Ménage ) en D . L . V 92 (’Autóowpoç ou Aútódwpoç ó 'Etixoúpeloc), ce qui l'amène à faire de ce philosophe un renégat de l'école épicurienne, comme Timocrate . Crönert 35 , p. 177, lit également ce nom dans PHerc 1251 (= col. I 9 -10 Indelli et Tsouna McKirahan) : [ĚV TLVL) I tūv ’ A [v ] t18 [úpou ourypaquálitwy, mais ce texte est reconstitué différemment par 154 G . Indelli, « Una presunta testimonianza su Antidoro » , CronErc 21,

1991, p. 103-104.

(37) Lepi vóowv (VÓTwv codd.) dótal npòç MlOpnv, Opinions sur les mala dies, (dédié) à Mithrès. Cité par Démétrius Lacon sous le titre lepi vóowv xai

Oavátou, Sur les maladies et lamort (fr. 18). (38) Karriotóhaç, Callistolas. Il s 'agirait d'un nom propre selon Usener 1 , p . 93. Crönert 35 , p . 192, envisage d 'y voir une corruption du nom de Callistra

tos (24C 37) qui apparaît dans le fr. 120 , li. 10 et 12 Arrighetti.

(39) Tepi Baoireias, Sur la royauté . Fragment chez Plutarque (fr. 9).Usener 1, p . 92, propose de rattacher ce titre au suivant par la conjonction ń , en rappe lant qu'Anaximène de Lampsaque (34A 167) avait justement écrit un BaoiréwV Metalayai. Voir 155 M . Gigante et T . Dorandi, « Anassarco e Epicuro “ Sul Regno" » , SicGymn 33, 1980 , p . 479-497, notamment p. 487-488 . (40 ) 'Avatquévng, Anaximène. Voir le titre précédent.

(41) 'Enlotoal, Lettres. Les fragments 40-133 Arrighetti rassemblent les passages conservés des Lettres d'Épicure. Usener 1, p. 131- 164, cite en plus les nombreux testimonia que l'on trouve chez Sénèque ; voir aussi Mette 19, p . 65 . Beaucoup de ces frag

ments épistolaires proviennent des papyri d'Herculanum , de sorte qu'ils posent de difficiles problèmes de reconstitution et d 'interprétation. Pour les lettres empruntées à l'ouvrage de Philodème, Mpayuatetai, voir Militello 38 ; pour celles qui proviennent du Ipós tous (Étaipovc] (= PHerc 1005) , du même auteur, voir 156 F . Sbordone, « Per la storia dell'epistolario di Epicuro » , dans Miscellanea di studi allessandrini in memoria di A . Rostagni, Torino 1963, p . 26 -39, et la nouvelle édition d' Angeli 46 . On peut ajouter au recueil d 'Arri

ghetti : 157 A .Barigazzi, « Una nuova lettera di Epicuro in Diogene d 'Enoanda» ,

Prometheus 1, 1975, p. 99-116 [Diogène d 'Oinoanda, NF 7). Sur les lettres, bibliographie dans Liebich 39, p . 122- 123. Voir aussi 158 A . Angeli, « Fram

menti di lettere di Epicuro nei papiri d 'Ercolano » , CronErc 23, 1993, p . 11-27,

etMilitello 38 , p. 69-80 (« Tipologia delle epistole ... » ).

ÉPICURE DE SAMOS

E 36

177

Plusieurs lettres sont datées de façon précise par le nom de l'archonte épo nyme athénien . Elles s'échelonnent de 294/3 ou 293/2 à 271/0, année de la mort

d 'Épicure. On corrigera certaines datations données par Arrighetti en consultant les listes d'archontes athéniens établies par 159 B . D .Meritt, « Athenian Archons 347/6 - 48/7 », Historia 26 , 1977, p. 161- 191 ; voir également 160 T. Dorandi,

« Gli Archonti nei papiri Ercolanesi» , ZPE 84, 1990, p. 121- 134 . Un tableau similaire est donné par Clay 118. On peut reconstituer l'ordre chronologique suivant:

ARCHONTE

DATE

DESTINATAIRE

ARRIGHETTI

Olympiodoros

294 /3 ou 293/2

inconnu

105

Philippos

(Dorandi) 292/1

Thémista Léonteus (et

Polyen ?) Amis de Lampsaque

Polyen

83 (-84)

inconnus

106 - 109

Mithrès

Aristonymos

290 /89 289/8

79 74

Pyrson

93

Dioclès

286 / 5

Anaxarque et

PHerc. 176 fr. 5

Diotimos

285 /4

Léontion Pyrson

Charinos

Téloclès

Isaios Euthios

Ourias Anaxicratès

291/0

284 /3 283/ 2 28170 279 /8

Mithrès

94 107

inconnu inconnu inconnu

110 -111

Léonteus

68

Diodoros (fils de

PHerc. 310 fr. 3

112

Mithrès ?)

Démoclès

278 /7

Colotès Mithrès

Euboulos

274 /3

Idoménée Mithrès inconnu

Pytharatos

27170

113

Mithrès voir aussi Idoménée et Hermarque

(Cicéron , Fin II 30 ,

96 et 98 = fr. 122 Usener)

Certaines lettres étaient connues dans l'antiquité par un titre descriptif. La Lettre aux philosophes résidant à Mytilène est citée par Athénée sous le titre ń

nepi éttitydeJMÁTWV ÉTlOtorń (fr. 102 = Athénée VIII, 354 b -c); une autre lettre (fr. 119 = Philodème, PragmateiaiXXV) s'intitule ń n [epi] tőv đoyo

178

ÉPICURE DE SAMOS

E 36

(allőv éx | < E > áuov È< tl> otor“ (li. 8-9 ; voir aussi li. 2 , et le commentaire de Militello 38 , p . 257-258). Une autre lettre enfin (fr. 69) est désignée dans un

papyrus comme [T ]nv aaunpdv xarovuévny émo[ro ]ńv. Arrighetti 2 , p.680 681, comme déjà Crönert 35 , p. 20 , suppose que les lettres d'Épicure (et des premiers maîtres de l'école ) ont connu deux classements différents : par destina

taires et par thèmes. L 'intérêt porté par l' école épicurienne aux lettres du fonda teur et des premiers disciples explique que l'épicurien Philonidès ait écrit des ’Emitouàs ? [Wv I ŠTlotoWv tõv 'Etixoúplov, Mntpodópov , Morvaivov, I ' Epuápxov xai tūvoſuvnylué[ww ]v xarà révoc én [l]loto [ @ v ], Abrégés des lettres d 'Épicure, deMétrodore, de Polyen, d 'Hermarque , et des lettres rassem

blées par genre (Anonyme, Vita Philonidis = PHerc 1044, fr. 14, li. 5 - 10 = I.

Gallo , Frammentibiografici da papiri, II : La biografia deifilosofi, Roma 1980 , p. 68 ). Voir aussi Militello 38, p . 74-75 . Les lettres sont classées par Arrighetti dans l'ordre alphabétique des noms des destinataires sous leur forme grecque : Athénaios ( * A 477), Anaxarque

(YA 159), Apelles ( + A 230), Aristoboulos ( A 362), Colotès ( C 180), Dosi théos ( > D 224 ] (ou Sosithéos), Euryloque ( E 143), Hermarque ( ^ H 75), Hé rodote (2H 102 ), Idoménée (» I 14 ), Léonteus, Léontion ,Métrodore , Mithrès, Phyrson (ou Pyrson ), Polyen , Pythoclès, Timocrate . Une lettre d 'Épicure est adressée à sa mère (fr. 125- 126 Smith ). Certaines ont un destinataire collectif: Lettres aux amis résidant à Lampsaque, aux amis résidant en Asie , aux amis, aux

grands, aux philosophes (X 7) ou aux amis résidant à Mytilène (X 136 ). Les fr. 105 - 133 proviennent de lettres dont le destinataire est inconnu. Usener 1, citait d 'autres fragments de lettres d 'Épicure à Apollonidès (> A 256 ?) (fr. 118 Us.) , Cratéros (fr. 139 Us.),Mys (fr. 152- 155 Us.), Charmides ( C 104 ) (fr. 140 Us. ),

mais un nouvel examen des papyri semble avoir amené Arrighetti à les rejeter.

Diogène Laërce rapporte en X 3 que Diotimos le Stoïcien (2D 205) avait cherché à calomnier Épicure en lui attribuant cinquante lettres de caractère licencieux et qu'un autre adversaire avait attribué à Épicure des lettres reconnues comme étant de Chrysippe . Il est difficile de déterminer s 'il se trouve des vestiges de telles lettres inauthentiques dans les fragments conservés. Crönert 38, p . 20 - 24 , rejette ainsi la Lettre aux amis (ou aux philosophes) résidant à Mytilène

(Ilepi tõv ÉALTNdEVMátwv); il signale également le travail critique sur les lettres d 'Épicure auquel se serait adonné l' épicurien Zénon de Sidon (fr. 25

Angeli-Colaizzo), le maître de Philodème, qui y fait allusion dans son lipos ToùS (Étaipovs), 4, col. XI, p. 176 - 177 Angeli.

Diogène Laërce distingue en X 35 entre les lettres (privées) qu 'il range parmi les sources de la pensée morale d 'Épicure et d 'autres lettres contenant un ensei

gnement xarà otoLxeTov ( élémentaire ?), notamment sur la théorie physique. Il s 'agit de ces lettres dans lesquelles Épicure présentait un résumé de ses ouvrages

ou un exposé des principes fondamentaux de sa doctrine (comp. X 37 : énitouny xai otoixeiwolv , X 44 : Abdexa otoLXELVOELS, X 35 : TÒV tútov tñs oans

Tipayuateias tóv XATEOTOIXELWMÉvov). Trois de ces lettres au contenu doctri

nal important ont été conservées par Diogène Laërce, qui voit en elles un

E 36

ÉPICURE DE SAMOS

179

Éttitouń de toute la philosophie épicurienne ( X 28 ). Édition séparée des trois lettres dans Von der Mühll 149 ; traduction française récente par 161 J.-F . Balaudé, Épicure : Lettres, Maximes, Sentences. Traduction, introduction et

commentaires par J.- F. B ., coll. « Classiques de la philosophie » , Paris 1994, 222 p . ; 162 traduction reprise et révisée dans Diogène Laërce , Vies et doctrines des philosophes illustres, coll. « La Pochothèque – Classiques modernes » , Paris

1999, p . 1147-1325. (42) Lettre à Hérodote , D . L . X 34-83 (D 2 ), < htepi PUOLXWV> (X 29 ; comp. X 83) ; elle est désignée commeń tpos 'Hpódotov Štritouń en X 31 (voir dans

la lettre elle-même les expressions Énitounu tñs óang npayuateias, X 35, et Titounu xai otoLyelWOLV TÕV onwv 80Eõv, X 37). En X 85 , c' est sans doute

la même lettre qui est évoquée par la formule év tñ ulxpõ ÉnlTouſ noos ‘Hpódotov. Édition , traduction et commentaire : 163 J. Bollack , M . Bollack et H .

Wismann, La Lettre d 'Épicure, Paris 1971, 314 p. (Glossaire, p . 261-277 ; “ Formes de langue”, p . 269-277 ; Index des mots grecs, p . 278 -312). Voir aussi 164 F . Heidsieck , « Épicure et la logique du vivant. Commentaire de la page 74 de la Lettre à Hérodote », REG 89, 1976 , p . 611-614 ; 165 F . Adorno, « Epicuro

Epistola a Erodoto 39, 7 - 40,3 . Vuoto , spazio -chora, intattilità , luogo , atomi e corpi nel vocabolario di Epicuro. Un interpretazione di Timeo 52 a -d di Platone e di Fisica 209 b 9 - 16 di Aristotele » , Elenchos 1, 1980 , p . 245 -275 ; 166 D .

Konstan, « Epicurus on Up and Down (Letter to Herodotus 60)» , Phronesis 17, 1972 , p . 269- 278. 167 F. Adorno, « Epicuro, Epistola a Erodoto , 39,7-41,5 ; PHerc. 1056 , 5 II. Un codicillo e qualche riflessione» , dans Eucńmois . Studi

sull'epicureismo greco e romano offerti a Marcello Gigante, coll. « Bibl. della Parola del Passato » 16 , Napoli 1983, p . 53-72 ; 168 D . Sedley, « Two concep

tions of vacuum » , Phronesis 27, 1982, p . 175-193 (sur le § 40). (43) Lettre à Pythoclès, D .L . X 83 -116 (fr. 3), nepì uetapoiwv, X 29, nepi

ueteúpwv, X 83 (voir dans la lettre : nepi tõv ueteúpwv súvtouov xai EủTTEPLypapov olaroylouós, X 84). Édition, traduction allemande : 169 E . Boer (édit.), Epikur, Brief an Pythocles,

hrsg. u . übers . von E . B ., Berlin 1953, VIII-12 p . (doubles). Édition, traduction française et commentaire : 170 J . Bollack et A . Laks (édit.), Épicure à Pythoclès. Sur la cosmologie et les problèmesmétéorologiques, coll. « Cahiers de philolo

gie » 3, Lille 1978, 373 p. (Index des mots grecs, p . 318-341; “ Faits de gram maire et de style ” , p . 342 -353) . Sur les problèmes d 'authenticité, voir Bollack et

Laks 170, p . 45-55, Arrighetti 2, p. 524-525, et la bibliographie qui y est signa lée.

(44) Lettre à Ménécée, D .L . X 121- 135 (fr. 4 ), nepi Biwv, X 29, nepi tõv

BOTLxõo xai öToc xo tà uv uặc ai cũoai, rà sº kake Yell, X 117). Édition, traduction et commentaire : Bollack 33, p . 51- 143 (Index desmots grecs,

p . 588-624 ; " Faits de grammaire et de style” , p . 625-630 ). 171 K .-H . Eller,

« Epikurs Lehrbrief an Menoikeus» ,AU 32, 1, 1989, p .69-85.

ÉPICURE DE SAMOS

180

E 36

II. D ' autres æuvres d 'Épicure sont connues, qui ne font pas partie des titres signalés par Diogène Laërce. (45) Tepi đuoiborías, Sur l'ambiguïté. Mentionné dans le ſlepi púoews,

livre XV (fr. 31, 14 , li.26 Arrighetti). (46) ’Avapwvňoelç, Proclamations (?). Fragment chez Philodème (fr. 8). Pour la signification du titre, comp. 8là ßpaxeñv pwvõv, X 36 et ń rooqúin on pwrn TOÚTWV TÁVTWVMunuoveVOUÉvwv, X 45. Voir aussi nº 56 (Gnomologium ). (47) Mpós Anuóxputov , Contre Démocrite . Fragment chez Philodème

(fr. 11) . Selon Usener 1, p . 97, cet ouvrage serait une partie du n° 4 ou même s ' y identifierait.

(48) Abdexa otoLXELGOEIÇ, Douze introductions élémentaires. L 'ouvrage est mentionné dans une scholie sur la Lettre à Hérodote, X 24. (49) Meyán énitouń, Grand abrégé. Mentionné dans trois scholies sur la Lettre à Hérodote , X 39, 40 et 73.

(50)Mixpà śnitouń, Petit abrégé. Fragment concernant la divination en D .L . X 135 ( fr. 15) ; sans doute à distinguer de la Mixpà étitoun após

‘Hpódotov (= la Lettre conservée ),mentionnée en X 85, car la Lettre ne traite pas ce sujet. (51) < /lepi eủoebelaç> (?), Sur la piété. Mentionné par Cicéron, De nat. deor. I41, 115 : « At etiam de sanctitate, de pietate adversus deos libros scripsit Epicurus » . Ce pourrait être en fait le seullepi dolórntos (nº 13) que Cicéron voudrait désigner ici par deux équivalents latins. Voir le commentaire de 172 A . S . Pease (édit.), M . Tulli Ciceronis De natura deorum libri III , t. I (“Liber

primus” ), Cambridge (Mass.) 1955 ; réimpr. Darmstadt 1968, p . 506 -507. (52 ) < /lepi ń dovñs> (?), Sur le plaisir. Mentionné par Cicéron , De divin . II 27, 59 : « Epicuri de voluptate liber » . Mais il pourrait s'agir, selon Steckel 16 , col. 597, du lepi térous (nº 9), car il serait étrange qu ’un tel titre ait échappé à

une tradition antiépicurienne obnubilée par la « fin » enseignée par ce philosophe. Dans un papyrus récemment édité par D . Obbink dans CPF , la formule úntèp tñs noovñs ne désignerait pas un titre d 'ouvrage d 'Épicure, mais le contenu de différents de ses ouvrages selon 173 E . Puglia , « Su una lettera riguardante libri di Metrodoro ed Epicuro : ( PGettyMus acc. 76. Al. 57) » , ZPE n° 117, 1997, p . 42 -44. (53) Oeuiora , Thémista . Évoqué par Cicéron , Fin . II 21, 68 : « tantis volumi nibus de Themista loqui... » ; voir aussi Or. in L . Pisonem 26 , 62. Ces deux

témoignages sont cités par Usener 1, p . 101- 102. (54 ) Mpós Oɛó paotov , Contre Théophraste . Fragment du deuxième livre

chez Plutarque (fr. 16 ) ; un ouvrage du même titre est attribué à Léontion par Cicéron, De nat. deor. I 33, 93 ; pour Usener 1, p . 101-102, qui cite le passage, il pourrait s'agir du même ouvrage ; voir le commentaire de Pease 172, p . 451.

E 36

181

ÉPICURE DE SAMOS

(55) Tepi öntopixñs, Sur l'art oratoire. Sept fragments dans l'ouvrage de Philodème qui porte le même titre et chez Ammien Marcellin (fr. 20 ) ; mentionné

également en D .L . X 13. (56 ) Plusieurs sentences épicuriennes (’Enixoúpou nipoopávnouc ), y com pris treize maximes appartenant aux Kúplai dótal (nº 7 ), sont rassemblées dans le Gnomologium Vaticanum Epicureum (Vaticanus graecus 1950 , f. 4010 - 404 ), édité pour la première fois par 174 C . Wotke, « Epikurische Spruchsammlung », WS 10 , 1888, p . 175 - 199. Le recueil constitue le fr. 6 Arrighetti et est commenté p . 555 -571, où sont rassemblés les parallèles (fr . 204 -249). La plupart des 81

sentences sont attribuées à Épicure lui-même, quelques -unes (non éditées par Arrighetti) à Métrodore (10, 30 , 31, 47, 51) ou à Hermarque (36 ). Sur la sentence 79 (ó årápagos tauto xai ÉTÉpw đóxantos), voir 175 P . Colaclidès, « Sur un

aphorisme d'Épicure » , RPh 52, 1978, p . 264- 265. Correctionsproposées pour les sentences 80 et 81 dans 176 M . Marcovich , « Epicurus Vaticanus» , ICS 10, 1985, p. 191- 194 . Voir aussi 177 A . Blanchard, « Épicure , “ Sentence Vaticane”

14 : Épicure ou Métrodore ? » , REG 104, 1991, p . 394 -409. (57) Enfin , le Testament d 'Épicure a été conservé en D . L . X 16 -21, tout

comme ceux de Platon, d 'Aristote , de Théophraste , de Straton et de Lycon. Les testimonia anciens sont cités par Usener 1, p. 165- 168. Il est possible mais nullement certain que le testament ait fait partie de la Collection qu 'avait

constituée Ariston de Céos : Diogène Laërce (V 64) lui a emprunté en tout cas celui de Straton.

Sur le testament, voir 178 K .G . Bruns, « Die Testamente der griechischen Philosophen » , Zeitschrift der Savigny-Stiftung, Romanistiche Abteilung 1, 1880 , p . 1-50 ; repris dans les Kleine Schriften de l'auteur, t. II,Weimar 1882, p. 192

237 ; 179 R . Dareste , « Les testaments des philosophes grecs» , Annuaire de l'as sociation pour l'encouragement des études grecques en France 16 , 1882, p . 1

21; 180 A . Hug, « Zu den Testamenten der griechischen Philosophen » , Fest schrift für Begrüssung der... XXXIX Versammlung deutscher Philologen..., Zürich 1887 , p. 1-22. Voir plus récemment, pour les testaments des péripatéti ciens, 181 H . B . Gottschalk , « Notes on the wills of the Peripatetic scholarchs» ,

Hermes 100, 1972, p . 314-342. Malgré le titre , on ne trouve rien sur le testament d ' Épicure dans 182 D . Clay , « Epicurus' Last Will and Testament » , AGPh 55,

1973, p. 252-280. 183 C . Natali, « Aspetti organizzativi di alcune scuole filoso fiche ateniesi» , Hermes 111, 1983, p. 52-69. Voir d'autres références bibliogra

phiques dans Crönert 35, p . 84 n .413, et Arrighetti 2, p. 488, ainsi que 184 P. D . Dimakis, « Note al testamento di Epicuro » , dans Studi in onore di Arnaldo

Biscardi, t. VI, Milano 1987, p. 471-492; 185 T. Dorandi, « Precisazioni sul testamento di Epicuro » , Labeo 38, 1992, p. 55-62.

RICHARD GOULET.

182

E 37

ÉPIDICOS

37 ÉPIDICOS A ce philosophe, dont le nom est vraisemblablement corrompu, est rapportée par Aétius une opinion sur l'origine du monde (ÚTTÓ Dúoewç yeyevñodal tov

xóquov). Le passage a été transmis par Stobée , Anthologium I 21, 6 f. Le nom apparaît également dans la liste des sources philosophiques de Stobée conservée par Photius, Bibl. cod. 167, t. II, p . 155 , 35- 36 Henry. RICHARD GOULET. fya 38 ÉPIGÉNÈS DE CÉPHISIA RE 15 PA 4803 A . Fils d’Antiphon du dème de Céphisia, c'est un membre de l'entourage de Socrate (Apologie 33 e). Il assiste au procès de Socrate, et il se trouve dans la prison quand Socrate boit la ciguë (Phédon 59 b ). Xénophon raconte dans les Mémorables (III 12) une conversation entre lui et Socrate ; comme sa condition

physique n 'est pas bonne, Socrate conseille à Épigène de faire de l'exercice. B . Diogène Laërce (II 121) fait d 'Épigène le fils de Criton (2 C 220 ; PA 8823) en lui donnant comme frères Critobule ( 2 - C 217), Hermogène et Ctésippe ( C 227) ; de toute évidence, il s'agit d 'une erreur, car cette affirmation se trouve contredite par ce qu'on lit chez Platon et chez Xénophon. Voir PA 4790 .

Selon Davies, APF n° 4790, l'erreur proviendrait d'une incompréhension de la formule employée par Platon dans le Phédon 59 b . C . I.M . Linforth , The Arts of Orpheus, Berkeley 1941, p. 116 - 117, identifie

cet Épigène avec celui qui aurait écrit lepi tñs eis 'Oppéa avapepouévns TOLNOewÇ (» E 39 ), mais rien dans la figure du socratique n 'appuie ce rappro chement. Cf. P . Natorp, art. « Epigenes» 15 , RE VI 1 , 1907, col. 64 ; J. Kirchner, PA n° 4803 ; Davies, APF nº 4790 (“ a ghost” ) .

LUC BRISSON .

39 ÉPIGÉNÈS RE 16 DIVa ? Auteur d' un traite Περί της εις ' Ορφέα αναφερομένης ποιήσεως (Sur la

poésie attribuée à Orphée) dans lequelil soutenait que le pythagoricien Cercops (2°C 84 ) était l' auteur d 'une Katábaolç eic " Ạdov (Descente dans la demeure d 'Hadès) et d'un ‘lepòs Móvos (Discours sacré), et que le pythagoricien Bron

tinus ( + B 61) était l'auteur du létroç et de Ovoixá . Voir Clément, Strom . I 21, 131, 5 ; p . 81, 11- 14 Stählin . Plus loin ( V 8 , 49, 3 ; p . 360 , 10 - 19 Stählin : év TẬ nepi tñs 'Opoéwç noindewc), Clément cite les explications allégoriques qu ’Épigénès proposait pour plusieurs formules orphiques. L 'explication de l'existence d'une littérature orphique par l'attribution à des pythagoriciens n 'est

du reste pas sans parallèle. Voir 1 W . Burkert, Lore and Science, p . 129 et n . 50 .

Les ouvrages attribués par Épigénès aux pythagoriciens figurent dans le cata logue des poèmes d 'Orphée que l'on trouve dans la Souda, 0 654 ; t. III, p . 564 , 23 - 565, 11 Adler. Voir M . L . West, The Orphic Poems, Oxford 1983, p . 9 - 13 .

Dans le Lexique d 'Harpocration , s.v. " Iwv, on peut lire que lon de Chios (3 ` I 20 )

E 41

183 ÉPIGONOS DE SPARTE avait écrit un ouvrage intitulé Tplayuol (= DK 36 (25) t. I, p. 377, 15-20) Önep Karriuaxoç å Tidéyeobal Anoiv üç 'Enlyévous (test. 9, p. 7 Leurini).

Callimaque soutenait donc que cette æuvre devait être attribuée à Épigénès. Ce témoignage soulève cependant des doutes sérieux et le texte a été diversement

corrigé. Voir les conjectures ünÒ 'Enlyévous (Bergk, Leurini), xai 'Enlyévns (Jacoby), ốc xai Elycvnc ( Diels), óc sÜTTò > 'Eurévous ( Cohn); Calli maque, selon cette dernière lecture , aurait affirmé qu’Épigénès refusait d'attri buer l'ouvrage à Ion. Pfeiffer (sur Callimaque, fr. 449) opte pour les corrections de Diels ou de Jacoby. Il est certain qu 'épigénès s'était intéressé aux tragédies d 'Ion , comme le montre le témoignage d 'Athénée XI, 468c, où lui est attribuée

l'explication d'une expression empruntée à l'Agamemnon du poète tragique. (Dans le premier passage de Clément, Strom . I 21, 131, 5 , le passage sur Épigénès suit immédiatement une mention d ’lon de Chios.

R . G .)

Selon 2 I. M . Linforth , The Arts of Orpheus, Berkeley 1941, p. 116 -117, il faudrait l'identifier avec l'Épigénès (» E 38) élève de Socrate ; des objections sont soulevées par 3 E .R . Dodds, The Greeks and the Irrational, Berkeley 1951,

p. 171,mais voir Burkert 1, p . 129 n . 50.

Cf. L . Cohn, art. « Epigenes » 16 , RE VI 1, 1907,col.65. (A . Le Boulluec , dans son commentaire au passage de Clément, Stromates V 8, 49, 3 (SC 279, Paris 1981, p. 190 ), identifie Épigénès à « Épigénès de Byzance [RE 17 ), qui a sans doute vécu au début de l'époque alexandrine. » La présentation que A . Rehm donne de ce person

nage, principalement connu comme astrologue (art. « Epigenes» 17 , RE VI 1, 1907, col. 65 66 ), n 'invite cependant pas à l'identifier avec le « grammairien grec de l' époque alexandrine » R .G .) dont parle Cohn dans la notice précédente. BRUNO CENTRONE.

40 ÉPIGONOS DE CILICIE RESuppl. III: 10 PLREI:2

MIV

Philosophe résidant en Cilicie que Gallus fit arrêter et conduire à Antioche

(avec Eusébe d'Émèse surnommé Pittakas) après l'exécution du questeur Mon tius, en 354, sous prétexte que celui-ci l'aurait accusé (Ammien Marcellin XIV 7 , 18 ). Bien qu ' il y ait eu confusion de personnes, il fut condamné à mort. « N 'ayant de philosophe que le manteau » , il affirma sous la torture avoir été associé à un complot inexistant (XIV 9, 4-6). PIERRE MARAVAL . F IV /D V 41 ÉPIGONOS DE SPARTE RE 9 PLRE 1:3 Avec Béronicianus de Sardes (~+ B 25), l'un des deux " diadoques" du philo sophe néoplatonicien Chrysanthe de Sardes (PC 116 ) dans la ville natale de ce dernier. Ces deux philosophes marquent dans les Vies des philosophes et des sophistes d' Eunape de Sardes ( E 121) le terme d'une longue succession qui, à

partir de Plotin, Porphyre et Jamblique (BI3), passait par Aidésius (2A 56 ) et Chrysanthe pour parvenir au temps d'Eunape. Ils enseignaient à Sardes lors de la composition des Vies dans les dernières années du IVe siècle ou les toutes pre

mières du ve (Eunape, Vies des philosophes et des sophistes XXIV 1; p. 101, 17

ÉPIGONOS DE SPARTE

184

E 41

20 Giangrande). Voir le stemma de la diadochè de Jamblique dans DPHA I, p . 77. RICHARD GOULET.

42 ÉPIMÉNIDE Destinataire d 'une lettre de Diogène le Chien (Lettre 51). Celui-ci, qui a

entendu dire qu'Épiménide promettait de pratiquer la vertu , lui rappelle le mot de Simonide, selon lequel « Il est difficile d 'être bon , mais facile de le pro mettre » .

La lettre est éditée et traduite en allemand par Eike Müseler, Die Kynikerbriefe, coll. « Studien zur Geschichte und Kultur des Altertums» , Neue Folge, erste Reihe, Bd. 7 , Paderborn 1994, p . 78-79 ; trad . anglaise par B . Fiore, dans A . J. Malherbe (édit.), The Cynic epistles, coll. « Society of Biblical Literature - Sources for Biblical Study » 12, Missoula

(Montana) 1977, p. 182-183.

MARIE -ODILE GOULET-CAZÉ.

43 ÉPIPHANE RE 11 Auteur d'un ouvrage conservé (mais inédit ?) Tepi Bpovrőv xai đotpanov (Sur le tonnerre et l'éclair). Voir Fabricius et Harles, Bibliotheca Graeca, t. VIII, Hambourg 1802, p. 261. RICHARD GOULET.

44 ÉPIPHANE DE CÉPHALLÉNIE RE 2 Gnostique, fils de Carpocrate d'Alexandrie et d 'Alexandria de Céphallénie . Il mourut à 17 ans et fut l' objet d 'un véritable culte à Samè de Céphallénie dans un

sanctuaire élevé en son honneur. Il était l'auteur d 'un lepi OlxalogÚvns (Sur la

justice), dont Clément d 'Alexandrie , Stromates III 2 , 5 , 1 sqq. cite de longs pas sages. Selon Clément, qui rattache le communisme radical d'Épiphane et la communauté des femmes qu'il préconise à la République de Platon, Épiphane

avait été formé par son père aux disciplines du cursus général et à la doctrine platonicienne. RICHARD GOULET.

45 ÉPIPHANE DE SALAMINE RE 3

† 402

Hérésiologue, dont les vues sur les philosophes antiques ont été intégrées comme fragments (déformés) d'Aétius dans les Doxographi Graeci d ' H . Diels,

Berlin 1879, réimpr. Berlin 1958, p. 585-593.

Vie. Pour reconstituer la chronologie de la vie d'Épiphane, il convient de par tir de la date de samort. Nous la connaissons avec précision grâce à l'Histoire ecclésiastique de Socrate (VI 12- 14), qui rapporte son ultime voyage à Constan tinople et permet de la situer au début de mai 402 (cf. 1 P . Nautin , art .

« Épiphane de Salamine» , dans DHGE XV, 1963, col. 909-927, notamment col.

617). Palladius (Dial. 16 ) nous apprend d'autre part qu'il fut évêque pendant trente-six ans, ce qui situe son élévation à l'épiscopat en 366 . Étant donné que Jérôme en 393 précise qu 'Épiphane est in extrema senectute (De Viris, 194 ), on

admet qu'il naquit entre 310 et 320 .

E 45

ÉPIPHANE DE SALAMINE

185

Sozomène (H . E . VI 32) nous donne quelques renseignements biographiques supplémentaires. Épiphane est né en Palestine, non loin d 'Éleuthéropolis ,mais il partit pour l'Égypte , afin de faire des études rhétoriques. C 'est là qu 'il eut l'oc

casion de rencontrer l'hérésie gnostique (Panarion, 26). Termina-t-il ses études avant de choisir la vie monastique ? C 'est ce long séjour au désert, dans un mo

nastère de Basse -Égypte, qui le marqua pour toujours, bien plus que l'éducation grecque qu 'il était venu chercher à Alexandrie. Toute sa vie , Épiphane restera un

moine profondément marqué par l'engagement de ses pères spirituels dans le camp d'Athanase contre les ariens d'une part, et d'autre part contre les origenistes, qu 'il poursuivit avec la plus grande intransigeance jusqu'à sa mort. C 'est pourquoi, lorsqu 'il choisit de rentrer au pays, ce fut pour fonder un monastère à Bésanduc, près d'Éleuthéropolis, probablement sur un domaine familial, ce qui lui valut d ' être ordonné prêtre (Jérôme, C . Ioh . 4 ). Dès cette

époque, il ne se cantonne pas dans son rôle d 'abbé : strict défenseur du concile de Nicée, il dénonce notamment un prêtre gnostique de Diospolis dont il fit même

excommunier l'évêque Aèce. De plus, en multipliant les contacts avec les nicéens exilés dans sa région, il ne tarda pas à entrer en conflit avec l'évêque d'Éleuthéropolis Eutychius, partisan d 'un compromis avec les ariens. C ' est sans doute la cause de son départ pour Chypre . Les évêques de l'île, désireux d'ac

croître leur autonomie vis-à-vis du siège d 'Antioche, que se disputaient alors quatre candidats, choisirent pour chef cet orthodoxe intransigeant qui disposait en outre de solides appuis du côté d' Alexandrie. Pendant les trente - six ans de

son épiscopat, il refusa d 'entrer en communion avec l'évêque officiel d'Antioche mais, loin de se replier sur son île, il ne cessa d'écrire et de voyager en Syrie, en Palestine et en Carie , pour lutter contre tous les hérétiques dont ses correspon

dants lui signalaient l'existence. Son acharnement fut particulièrement vif contre les admirateurs d'Origène. En 395, il fut invité à prêcher à Jérusalem par l'évêque Jean qui était l'un d ' entre eux . Il n 'hésita pas à provoquer son hôte en choisissant de dénoncer leurs erreurs dans son discours . Le maître des lieux répliqua dès le lendemain par un sermon contre les détracteurs d'Origène et par une profession de foi inattaquable. Épi

phane dut se retirer dans son monastère palestinien,mais, dès l'année suivante , il consacra un diacre du diocèse de Jean de Jérusalem sans la permission de

l'évêque, puis lui adressa une lettre justificative qui le sommait en fait de condamner les erreurs d ’Origène (cf. Jérôme, Ep. LI). Ces maneuvres provo

quèrent une brouille durable entre Rufin d'Aquilée, protégé de l'évêque, et son amiJérôme, qu 'Épiphane avait réussi à attirer dans son camp, et ce n 'est qu'en 397 que Jean leva l'excommunication de Jérôme, enfin réconcilié avec Rufin . En 400 , l'évêque Théophile d 'Alexandrie entra en conflit avec un de ses prêtres, Isidore, qui partit plaider sa cause à Constantinople avec quelques amis issus du

monastère de Nitrie. Pour déjouer l'entreprise de ces contestataires, Théophile les accusa d 'origenisme et chercha par une lettre synodale à susciter contre eux une réprobation générale (Jérôme, Ep . XCII). Bien entendu, Épiphane vola à son secours et obtint la condamnation d ’Origène par un concile chypriote . Aussitôt

186

ÉPIPHANE DE SALAMINE

E 45

après , il débarqua à Constantinople et tenta d 'intimider l'évêque du lieu , Jean Chrysostome, avec sa brutalité coutumière : il ordonna un diacre sans sa permis

sion, déclina son hospitalité, comme s'il s 'agissait d'un hérétique, refusa d' entrer en communion avec lui et, à l'invitation des ennemis de Jean , prit la parole aux Saints -Apôtres contre les origénistes et Chrysostome lui-même. La prudence le poussa à se rembarquer pour Chypre dès le lendemain , mais cette traversée lui fut fatale . Nul doute que l'attitude hostile d'Épiphane envers Jean Chrysostome

joua un grand rôle dans la déposition de ce dernier au Concile du Chêne de 403. Euvres. Les æuvres sont répertoriées dans CPG II,n°S 3744 -3807. Le Pana rion a été édité par 2 K . Holl, coll. GCS 25 , 31 et 37, Leipzig 1915- 1933, réimpr. par les soins de J. Dummer, Berlin 1980- 1985 ; trad . angl. 3 Epiphanius

(Sanctus). The Panarion, transl. by F. Williams, coll. « Nag Hammadi Studies » 35- 36 , Leiden 1987 -1994. Voir aussi 4 The Panarion of St. Epiphanius, Bishop of Salamis. Selected passages, transl. & ed. by Ph. R . Amidon, New York/Oxford

1990, 378 p. Épiphane et la pensée grecque. Bien qu'Épiphane ait eu le syriaque pour langue maternelle, son œuvre témoigne d 'une connaissance réelle de la langue grecque, quoi qu 'on ait pu en dire . En revanche, il ne semble pas avoir été mar

qué le moins du monde par la culture rhétorique et philosophique classique, commune à tous les autres auteurs chrétiens de cette époque. Pour Jérôme (C .

Rufin ., II 22), c 'était un érudit quimaîtrisait cinq langues: le syriaque, le grec , l'hébreu, le copte et le latin . Pour Sozomène, il tenait son éducation des moines

d'Égypte, et c'est probablement cette information qu'il faut retenir pour se faire une idée juste de son mode de penser. Épiphane ne connaît pas le dilemme des

Pères de l'Église du IVe siècle, partagés entre leur formation intellectuelle grecque et leur fidélité aux Écritures: l'enseignement biblique doit prévaloir sur tout autre type de réflexion et lui sert même de point de départ pour intégrer

toute pensée étrangère dansun cadre qui la transcende a priori. Dans son œuvre majeure, le Panarion (ou Boîte à remèdes), rédigé de 374 à 377, il entreprend de retracer l'histoire des déviations de la pensée humaine, par rapport à la parole de Dieu, depuis les origines de l'humanité jusqu'à son épo que. Ce sont en tout quatre-vingts hérésies qu 'Épiphane classe avec une minutie expressément inspirée des Thériaques et des Alexipharmaques de Nicandre de Colophon et des écrits botaniques de Dioscoride (cf. Pan. Pr. II 3, 1), afin d'indiquer à son lecteur leurs caractéristiques et le contre-poison de chacune. Le cadre des hérésies préchrétiennes qu 'il adopte lui est dicté par une phrase de saint Paul (Col. 3, 11): « il n 'est plus question de Grec ou de Juif..., de Barbare ou de Scythe... il n 'y a que le Christ.» Il en déduit donc que quatre périodes se sont succédé: le Barbarisme, d'Adam à Noé, où chaque homme est soumis à sa propre loi; le Scythisme, de Noé à Tharra , où apparaissent la superstition et la vie collective; l'Hellénisme, qui se caractérise par le culte des idoles et passe des

Égyptiens, des Babyloniens, des Phrygiens etdes Phéniciens aux Grecs ; enfin le Judaïsme, depuis Abraham , dont la marque est la circoncision . Ces deux der nières dénominations-mères vont donner naissance à des hérésies- filles parmi

E 49

187 ÉRASTOS DE SCEPSIS lesquelles les sectes juives et samaritaines du temps de Jésus, ainsi que les sectes

philosophiques grecques (cf. 5 A . Pourkier , L 'hérésiologie chez Épiphane de Salamine, coll. « Christianisme antique » 4 , Paris 1992, 539 p.). Épiphane ne retient que les quatre écoles officialisées par la création de quatre chaires impériales à Athènes : les stoïciens, les platoniciens, les pythagoriciens (ou péripatéticiens !) et les épicuriens. Cette liste n 'est pas chronologique et surprend surtout par la confusion entre pythagoriciens et péripatéticiens. On ne saurait dire s'il s'agit d'une confusion due à la piètre culture profane d'Épiphane ou à l'un des manuels doxographiques qu 'il utilisait pour écrire ces chapitres. Il commet d'ailleurs bien d'autres erreurs : il attribue la métempsychose aux stoï ciens, croit que Zénon de Kition est fils de Cléanthe puis le confond avec Zénon d 'Élée, pense que Pythagore est mort en Médie, attribue aux épicuriens le mythe orphique de l'euf cosmique. Toutes ces approximations montrent bien qu 'Épi phane n 'a qu 'un intérêt limité pour ces thèses trop éloignées de ses préoccupa

tions théologiques. Seule l'hérésie stoïcienne suscite une esquisse de réfutation, tandis que les autres sont décrites plus que sommairement.

Épiphane n 'est donc pas un informateur très fiable concernant la pensée hellénique préchrétienne,mais, en revanche, son æuvre nous apporte des rensei gnements exceptionnels sur les préoccupations et l' état des connaissances cultu relles des chrétiens du IVe siècle, en dehors des milieux d'éducation universitaire

dont sont encore issus les principaux Pères de l'Église de cette époque. LAURENT LEIDWANGER .

46 ÉPIPHRON DE MÉTAPONTE · Pythagoricien ancien dont le nom figure dans le catalogue de Jamblique,

V. pyth . 36 , 267, p . 144, 5 Deubner. BRUNO CENTRONE.

47 ÉPISYLOS DE CROTONE Pythagoricien ancien dont le nom figure dans le catalogue de Jamblique, V. pyth . 36 , 267, p . 143, 20 Deubner. BRUNO CENTRONE.

48 ÉPITIMIDÈS DE CYRÈNE RE 1

IV -III

Philosophe cyrénaïque , disciple d'Antipatros de Cyrène (** A 204 ) etmaître de Paraibatès , selon Diogène Laërce II 86 . Voir le schéma représentant les suc

cessions de l'école cyrénaïque dans la notice consacrée à Hégésias de Cyrène (

H 18) . RICHARD GOULET.

49 ÉRASTOS DE SCEPSIS RE 3

Miva

Académicien , disciple de Platon . Dans tous les témoignages anciens où son nom apparaît, il est associé à son

collègue et compatriote Coriscos (2C 187). On se reportera donc à la notice « Coriscos », DPLA II, p . 456 -459. RICHARD GOULET.

ÉRATOSTHÈNE

188

E 51

50 ÉRATOS DE CROTONE Pythagoricien ancien dont le nom figure dans le catalogue de Jamblique, V. pyth . 36 , 267 , p. 143, 21 Deubner. BRUNO CENTRONE.

51 ÉRATOSTHÈNE RE 6 Il semble qu 'il s'agisse d 'un platonicien , si l'on en croit la mention qu'en fait Jamblique dans les fragments de son De anima conservés par Stobée : « Cependant une autre manière de voir des platoniciens ne distingue les

descentes des âmes à partir des lieux différents ni selon les lots alloués par le Démiurge, ni selon les divisions des genres supérieurs, tels que dieux, anges, démons, héros, ni selon la distribution des parties de l'Univers;mais, posant en

principe que l'âme est toujours dansun corps, comme par exemple Ératosthène , Ptolémée le Platonicien et d 'autres, elle la fait passer de corps plus subtils dans

les corps épais (ootpebon ): l'âme sans doute séjourne ordinairement en quelque portion du monde sensible mais elle descend dans le corps solide tantôt de tel lieu de l'univers , tantôt de tel autre » (Anth . I 39, p . 378, 7 sq. Wachsmuth , trad.

A . J. Festugière). Ni cet Ératosthène ni ce Ptolémée ne peuvent être identifiés avec certitude. Cela dit, en Enn., IV 3, 9, 3 sq ., Plotin distingue deux modes d' entrée de l'âmedans la matière : le premier correspond à celuidont Ératosthène

et Ptolémée seraient les représentants.Dans cette perspective, ces deux platoni ciens seraient antérieurs à Plotin et pourraient être considérés comme des médio

platoniciens. Fr. Solmsen, « Eratosthenes as Platonist and Poet» , TAPHA 73, 1942, p. 192 213 (= Kleine Schriften t. I, p. 203-224 ), surtout p. 201-205 (= p. 212-216 ), a suggéré d ' identifier cet Ératosthène avec Eratosthène de Cyrène (PE 52 ). Voir

déjà R . Hirzel, Der Dialog : Ein literarhistorischer Versuch , Leipzig 1895, réimpr. Hildesheim 1963, t. I, p. 403 n . 1.

Cf. G . Knaack, art.« Eratosthenes» 6 , RE VI 1, 1907, col. 389. LUC BRISSON . 52 ÉRATOSTHÈNE DE CYRÈNE RE 4 PP VIn° 16515

ca 276 - ca 195

Savant pluridisciplinaire de l' époque hellénistique : le premier à se distinguer comme philologue, il est aussi le fondateur de la géographie mathématique (grâce à la mesure de la circonférence terrestre) etde la chronologie scientifique

( appliquée à l'histoire politique et littéraire des Grecs ). PLAN DE LA NOTICE

A . Biographie et chronologie

B. Production scientifique et littéraire I. Philosophie II. Mathématiques

III. Astronomie et géographiemathématique IV . Géographie physique

E 52

ÉRATOSTHÈNE DE CYRÈNE

189

V . Sciences historiques

1. Chronographie 2. Philologie, Critique littéraire VI. Poésie VII. Autres écrits C . Influence D . Iconographie

Cf. 1 F. Susemihl, GGLA , t. I, p. 409-428 ; 2 P. Tannery, art. « Ératosthène » , La Grande Encyclopédie, Paris 1893, t. XVI, p. 164, repris dans Mémoires Scientifiques, publiés par J.L . Heiberg et H .-G . Zeuthen , t. III: Sciences exactes dans l'Antiquité 1899- 1913, III, Toulouse/Paris 1915, réimpr. 1995, p. 358 -362 ; 3 A . Croiset et M . Croiset, Histoire de la littérature grecque, Paris 19012, t. V , p . 120 -124, 245 -247 ; 4 G . Knaack, art. « Eratosthenes» 4, RE VI 1, 1909, col.

358-388 ; 5 E . Schwartz, « Eratosthenes» , dans Charakterköpfe aus der Antike, hrsg. von J. Stroux , 3. Auflage der Neuausgabe, Leipzig 1950 (1943 '), p. 181 206 (= Charak. IX ) ; 6 W . Schmid , GGL, t. II 1, p . 245-255 ; 7 F .- A . Thalamas, La géographie d 'Ératosthène, Thèse principale pour le doctorat és Lettres pré

sentée à la Faculté des Lettres de l'Université de Paris, Versailles 1921, notam ment p . 11-63 (« Première partie : L 'homme et le milieu » ) ; 8 F. Jacoby, FGrHist

241 (t. II A , Text, p. 1010 -1021 ; Kommentar,t. II B , p .704-714 ) ; 9 E . P .Wolfer, Eratosthenes von Kyrene als Mathematiker und Philosoph, Diss. Zürich , Gro

ningen 1954 ; 10 B. L . van der Waerden , Erwachende Wissenschaft. Ägyptische, babylonische und griechische Mathematik, aus dem Holländischen übersetzt von H . Habicht mit Zusätzen des Verfassers, Zweite , ergänzte Auflage, coll. « Wissenschaft und Kultur» 8 , Basel/Stuttgart 1966 , p. 381-390 ; 11 J.Mau , art. « Eratosthenes» 2, KP II, 1967, col. 344 -346 ; 12 W . Peremans et alii, art. « 'Epatogévns » , Prosopographia Ptolemaica, t. VI: La cour, les relations

internationales et les possessions extérieures, la vie culturelle, nºs 14479-17250 , coll. « Studia Hellenistica» 17, Louvain 1968, n° 16515 , p. 213-214 ; 13 R . Pfeiffer, History of classical scholarship. From the beginnings to the end of the Hellenistic Age, Oxford 1968, réimpr. 1971, p. 152- 170 ; 14 D .R . Dicks, « Eratosthenes » , DSB IV , 1971, p. 388- 393 ; 15 P. M . Fraser, « Eratosthenes of Cyrene», PBA 56 , 1970 , p. 175 -207 ; 16 Id ., Ptolemaic Alexandria, Oxford

1972, t. I, p. 330 -332, 409-415, 456 -458, 482-484, 525-539, 623 sq.; 17 G . Dragoni, « Introduzione allo studio della vita e delle opere di Eratostene (circa 276 - circa 195 a. C .) » , Physis 17, 1975, p . 41-70 ; 18 Id ., Eratostene e l'apogeo della scienza greca, coll. « Studi di storia antica » 4 , Bologna 1979, 305 p. ; 19 F .Manna, « Il Pentathlos della scienza antica, Eratosthene, Primo e Unico dei “ primi” » , AAP 35 , 1987, p. 37 -44 ; 20 Chr. Jacob , « Un athlète du savoir : Ératosthène» , dans Chr. Jacob et Fr. de Polignac (édit.), Alexandrie, lire

siècle av. J.- C. Tous les savoirs du monde ou Le rêve d 'universalité des Ptolé mées, coll.« Mémoires» 19, Paris 1992, p . 113-127 ; 21 J.-F .Mattéi, art. « Érato

sthène de Cyrène» , Encyclopédie philosophique universelle, III : Les Euvres philosophiques. Dictionnaire, volume dirigé par J.- F. Mattéi, t. I: Philosophie

E 52 ÉRATOSTHÈNE DE CYRÈNE occidentale : lire millénaire av. J.-C . – 1889, Paris 1992, p. 135- 136 ; 22 H . J. 190

Krämer, GGP, Antike 3, p. 164- 167, 169, 172-173. A . Biographie et chronologie. Les sources dont on dispose pour étudier la chronologie et les circonstances de la vie ( et de l'æuvre ) d 'Eratosthène sont insuffisantes non seulement en quan tité mais aussi en qualité (cf. Thalamas 7, p. 11). Toutefois, elles permettent de reconstituer une image assez nette et cohérente de cet auteur. En fait, la plupart

des critiques et en tout cas les critiques les plus récents s'accordent pour situer

Ératosthène entre ca 276a et ca 1954, etmanifestent un grand consensuspour tra cer les lignes générales de sa vie , bien que les dates concrètes puissentvarier. Seuls quelques documents contemporains (notamment l'épigrammefunéraire

de Dionysios de Cyzique, Anth. Palat. VII 78 = test. 6 Jacoby) contiennent des renseignements que l'on peut considérer comme de première main . Il faut attendre ensuite plus de deux siècles après la mort d'Ératosthène, jusqu 'à

Strabon (ca 60a - 25P),Géographie I 2 , 2 (= test. 10 Jacoby), XVII 3, 22 (= test. 2 Jacoby), et Vitruve, De l'Architecture IX 1, 14. On trouve aussi des renseignements chez le Pseudo -Lucien ,Macrob. 27 (= test. 3 Jacoby) ; Censori nus, De die natali 15, 2 (= test. 5 Jacoby) ; Athénée, Deipnosoph. VII, 276 a-c ; Clément d 'Alexandrie , Strom . I 79, 3 (= test. 8 Jacoby) ; ou Suétone, De gram maticis 10 (= test. 9 Jacoby ). Mais c 'est seulement à la période la plus tardive

que l'on doit les informations les plus décisives et les plus complètes, notam ment au lexique de la Souda , s.v. 'Epatoodévns , E 2898 , t. II, p . 403 Adler

(= test. 1 Jacoby), composé douze cents ans après la mort d'Ératosthène: cf. aussi Tzetzès, De comoedia Graeca, prooem . Pb 21, CGFr, t. I, p. 19, 11 sqq. Kaibel (= XI c, p . 43, 10 sqq. Koster) ; ibid.,Ma I 1, p . 24 sq. Kaibel (= XI a 1, 5

7 , p. 22 sq. Koster); ibid.,Mb 30, p . 31, 15 -19 Kaibel (= XI a 2 , p. 32, 13 -16 Koster ). Et en général, comme le remarque Thalamas 7, p . 19, les données bio

graphiques provenant de cette époque sont l'ouvre de scholiastes, de compi lateurs, de lexicographes, et se trouvent sans doute mêlées « à des éléments dou teux, malveillants, manifestement faux ou mal compris, parfois contradictoires ou même inintelligibles ». La Souda place la naissance d' Ératosthène durant la 126€Olympiade, c'est-à dire en 276 /272a, date acceptée par la plupart des critiques : cf. Susemihl 1, t. I, p. 409 sq.; 23 R . Hirzel, Der Dialog : Ein literarhistorischer Versuch , Leipzig

1895, réimpr.Hildesheim 1963, t. I, p. 403 ; Schmid 6 ,t. I 1, p. 246 ; Thalamas 7, p . 25 ; 24 K . J. Beloch , Griechische Geschichte, Vierter Band : Die griechische

Weltherrschaft, Zweite Abteilung, Zweite neuarbeitete Auflage, Berlin /Leipzig 1927, p. 596 -598 ; Pfeiffer 13, p. 153 ; 25 J.Marlowe, The golden age of Alexan dria : From its foundation by Alexander the Great in 331 BC to its capture by the Arabs in 642 AD, London 1971, p . 71 ; Dicks 14, p . 388 ; Dragoni 17, p. 47 (cf.

Id. 18, p. 15). Cependant, Knaack 4, col. 359, a mis en question cette date sur la base de Strabon I 2 , 2 , qui critique Ératosthène pour n 'avoir pas cité Zénon , bien

qu'il fût son yvápquos (Zúvwvog yvúpluov yevóuevov). En effet, Knaack interprète le témoignage de Strabon (qu'il juge digne de foi) comme la preuve du

E 52

ÉRATOSTHÈNE DE CYRÈNE

191

fait qu'Ératosthène a été le « disciple » de Zénon. Étant donné qu'il estime que Zénon est mort en 262/261a (à la fin de la guerre de Chrémonidès), d'après le témoignage de Philodème (cf. 26 J . Beloch , « Zu den attischen Archonten des III.

Jahrhunderts » , Hermes 38 , 1903, p. 130 -133, notamment p. 130 ; 27 T .Dorandi, Ricerche sulla cronologia dei filosofi ellenistici, coll. « Beiträge zur Altertums

kunde » 19, Stuttgart 1991, p. 23- 28 ), il juge impossible qu 'Eratosthène ait été son disciple lorsqu 'il n'avait au maximum que quatorze ans. Il fait donc reculer la date de naissance d 'Ératosthène jusqu 'à 284a (cf. aussi Croiset 3, t. V , p. 121;

Mau 11, col. 344 ; Fraser 16 , t. II, p. 490 ; Id . 15 , p . 176 n. 2). A son tour, Jacoby 8 , t. II B , p. 704 , qui croit aussi qu 'Eratosthène a suivi effectivement les leçons de Zénon, suppose que le copiste de la Souda s'est trompé dans la transcription de l'année de l'Olympiade en question : il a écrit pus' (126 ) au lieu de pxa ' ( 121 ), c'est-à-dire 296 /2934. D 'après Susemihl 1, t. I, p.411 n. 10, le témoi gnage de Strabon est erroné. Cependant, Hirzel 23, t. I, p. 403 n . 1, a déjà remar qué qu 'il ne faut pas interpréter ici le terme rápluos comme « disciple » au sens strict, mais seulement comme « partisan » (cf. Beloch 24 , t. IV 2, p. 598 , pour qui Strabon veut uniquement dire qu 'Eratosthène était un « stoïcien » ). A la

suite de 28 W . Passow , « De Eratosthenis aetate » , dans Genethliacon Goettin gense. Miscellanea philologica in honorem seminarii regii philologiciGoettin gensis scripserunt philologici Goettingenses XXIV , Halis Saxonum 1888, p. 99 101, Thalamas 7 , p . 33, considère que le terme yuopluoc ne veut dire dans le

passage que « connu de» : « le terme pourrait s'interpréter comme une simple boutade de Strabon affirmant pour son compte, comme une pure impression per sonnelle , qu ’Ératosthène a connu Zénon à Athènes.» En ce même sens, Dicks 14 , p . 388 , affirme que Strabon veut seulement dire qu 'Eratosthène était « fami liarisé avec Zénon » , et il ajoute que la vie de Zénon a pu se prolonger, comme le suggère le témoignage de D . L . VII 6 , jusqu 'à la 130€ Olympiade, c 'est-à-dire

259/256a. Dragoni 17, p. 47 (cf. Id . 18 , p. 15), reprend cette interprétation et va jusqu 'à suggérer qu 'il n 'est pas impossible qu 'Eratosthène ait étudié auprès de Zénon lorsqu 'il avait déjà dix - sept ou vingt ans. Mais il est difficile d 'accepter cette date tardive pour la mort de Zénon .

Quant à la durée de la vie d'Ératosthène, nos sources semblent varier d'un à deux ans : Ératosthène serait mort quant il avait quatre - vingts ans (la Souda, loc. cit.), quatre -vingt-un ans (Censorinus, loc. cit.) ou quatre- vingt-deux ans (Pseudo -Lucien , loc. cit.). Thalamas 7 , p . 26 sq., essaie de réduire les différences à un an : « Quand le Pseudo -Lucien , dans son traité sur la longévité, relève l'âge auquel sont arrivés les vieillards célèbres de l'Antiquité , il donne aux chiffres l'expression la plus forte possible et, en affirmant qu'Eratosthène a vécu quatre vingt-deux ans, il veut évidemment dire qu 'il n 'a pas atteint la quatre -vingt-troi sième année et qu 'il est décédé après quatre-vingts ans révolus ou dans sa

quatre-vingt-deuxième année ... Censorinus et la Souda constatent... la même chose, à savoir qu 'Ératosthène a quitté ce monde au cours de sa quatre -vingt unième année. Ainsi, toutes nos sources concordent pour fixer, à un an près, la

mort d'Ératosthène et, si l'on veut réduire encore un peu l'approximation et

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trouver un terrain de conciliation avec le Pseudo-Lucien , probablement vers la

fin de cette quatre -vingt-unième année ou tout au plus au début de la suivante. » La date de la mort d'Ératosthène peut donc être fixée entre 196 et 1929. La Souda déclare qu'il vivait encore à l' époque de Ptolémée V (Épiphane), et Vitruve (loc. cit.) précise qu'il a atteint la douzième année du règne de ce der nier. Mais les dates proposées pour le début de ce règne varient de 206 à 205, 204 ou 203, de sorte que l'approximation reste encore exprimée à quatre ans près. Cela dit, la tendance dominante a été de placer l'avènement d'Épiphane en 204a (cf. 29 A . Bouché-Leclercq, Histoire des Lagides, t. II : Décadence et fin de la Dynastie (181- 30 avant J.-C .), Paris 1904 , réimpr. Bruxelles 1963, p . 391 393). Ainsi, d'après Thalamas 7, p . 26 , la mort d'Ératosthène se serait produite

entre 193 et 192a (naissance : 2729). Dragoni 17 , p. 47 (cf. Id . 18 , p. 15), à la suite de Dicks 14, p. 388 (cf. Schmid 6 , t. II 1, p. 246 ), laisse la date plus impré cise : ca 195a (naissance: ca 276a). En revanche, la datation de Knaack 4 (Mau) : † 202a (naissance 284a), se révèle impossible, bien qu 'elle le soit moins que celle

de Jacoby : † 214a (naissance: 2964). La Souda, s.v. 'Epatoonévns, raconte un détail curieux sur la mort d’ératos thène: arrivé à l'âge de 80 ans, il se serait laissé mourir d'inanition parce qu 'il

avait perdu presque complètement la vue. Thalamas 7, p. 62 n. 2, croit que ce

récit ne saurait être pris au sérieux, parce que Dionysios de Cyzique (loc. cit.), témoin de premier ordre , affirmedans ses distiques à Ératosthène que « c 'est une douce vieillesse et non un mal aveugle » (Quavpń ) qui l'a éteint, « endormidu sommeil fatal, après avoir fait des méditations sublimes» (trad . A .-M . Desrous seaux modifiée ). Il affirme aussi qu 'Eratosthène ne fut pas enterré dans sa patrie , Cyrène, mais qu 'il fut enterré « comme un ami,même en terre étrangère, près de cette frange de la grève de Protée » (scil. la plage de l'île de Pharos, dans la baie d'Alexandrie). Thalamas ajoute que le Pseudo -Lucien ne cite nullement Érato sthène lorsqu 'il énumère les personnages illustres qui, fatigués d'une trop longue vie , passent pour s'être laissés mourir de faim . Thalamas va même jusqu ' à sug

gérer que l'idée de la cécité peut être une simple déformation du qualificatif « un

peu alambiqué » auavpń employé par Dionysios, qualificatif qui a parfois le sens d'« aveugle » ( Thalamas traduit par « obscur » ). Knaack 4, col. 361, avait

déjà invoqué le témoignage de Dionysios à l'encontre de la thèse du suicide, tout en considérant le récit de la Souda comme une « fable convenue », que l'on retrouve, toujours dans la Souda , s.v. 'Apiotapxos, A 3892, t. I, p. 351 Adler (où la maladie qui conduit au suicide par inanition n 'est pas la cécité mais

l'hydropisie). En revanche, Dragoni 17, p. 67 (cf. Id . 18 , p. 234), semble prêt à accepter cette tradition du suicide, acte qu 'il veut rattacher aux rapports qu’Éra

tosthène a entretenus dans sa jeunesse avec le milieu stoïcien (cf. infra). Il veut d 'ailleurs rattacher la cécité du personnage à ses lectures intensives ainsi qu'à ses observations astronomiques. En fin de compte , comme Dragoni l'affirme, le récit de Dionysios sur la mort douce d 'Ératosthène n 'est pas en contradiction

avec l'autre tradition (cf. aussi Manna 19, p. 37 ; Mattéi 21, p. 136 ; van der

Waerden 10, p . 383).

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Quant à la patrie , il est bien attesté qu 'Ératosthène est né à Cyrène (aujour

d 'hui Shahhat) en Libye : cf. Dionysios de Cyzique, Strabon, le Pseudo-Lucien , Clément d 'Alexandrie, la Souda, ll. cc. On sait aussi que son père s'appelait Aglaos (cf. Dionysios, le Pseudo -Lucien , la Souda ). La Souda précise que

d 'après certains son nom était Ambrosios,mais ce renseignement semble négli geable, malgré le pluriel employé pour évoquer les sources (cf. Knaack 4 , col. 359 ; Thalamas 7, p. 36 ). Enfin , Étienne de Byzance, Ethnica, s.v. Kupńvn ,

p . 396 , 19 sq. Meineke, donne le nom Agacléos,mais il parle sans doute d 'un

autre Ératosthène (« historien »), né aussi à Cyrène, mais après le nôtre, d'après Knaack 4 , ibid ., qui suggère qu 'il a été une des sources de Polybe (cf. 30 Id ., art. « Eratosthenes » 5, RE VI 1, 1909, col. 388 -389).

Quant à la première formation d'Ératosthène, on sait par la Souda qu 'il a suivi les leçons de deux de ses compatriotes, le grammairien Lysanias ( sans

doute à Cyrène même) et le célèbre poète Callimaque (à Alexandrie ?). Il est allé ensuite complèter son éducation à Athènes , qui restait à l'époque le centre par excellence de la philosophie . On ne peut pas préciser la date du début de ce séjour athénien , qui a eu lieu vraisemblablement dans la première jeunesse

d 'Ératosthène, c' est-à -dire vers la moitié du 111a. Quant à la fin de ce séjour, on sait par la Souda qu’Eratosthène a été appelé d' Athènes à Alexandrie par Ptolé mée III (Évergète ), et, depuis 31 U . von Wilamowitz -Möllendorff, « Ein Weih geschenk des Eratosthenes» , NGG 1894 , p. 15 -35 , notamment p. 17 (= Kleine

Schriften, t. II, 1941, p. 48-70 ), on a considéré comme le plus vraisemblable que

cet appel se soit produit peu après l'accession de ce Ptolémée au trône d'Égypte en 246a, lorsqu 'Ératosthène avait environ trente ans (cf. Pfeiffer 13, p. 153 ; Dicks 14 , p. 388 ; Dragoni 17 , p . 55 sq .; Id . 18, p . 33 ; en revanche Knaack 4, col. 360 , lui suppose déjà quarante ans, comme Croiset 3, t. V , p. 121). Thalamas

7, p. 45, veut être plus précis, en supposant qu'Eratosthène a été appelé par le roi vers 2444, quand celui-ci, revenu vainqueur de la grande guerre de Syrie , a voulu

réorganiser la cour. Enfin , les critiques ne s'accordent pas pour l'établissement de la durée du séjour à Athènes, qui semble avoir eu cependant une certaine étendue (cf. Knaack 4 , col. 360). Dragoni 17, p. 56 (cf. Id . 18, p. 33), considère que ce séjour a duré au moins une dizaine d'années. D 'après Jacoby 8, t. II B , p. 705 , le séjour se serait prolongé pendant vingt ans, mais il faut tenir compte du fait que ce philologue place à tort la naissance d'Eratosthène en 2969. A son tour, Susemihl 1, t. I, p. 412 n . 14, fixe l'appel de Ptolémée vers 235, en le fai

sant coïncider avec le floruit d'Ératosthène (ca 40 ans), ce qui lui permet aussi

de supposer un long séjour à Athènes. Nos sources fixent le floruit d 'Ératosthène soit (cf. Jérôme, Chron. Eusèbe, t. I, p. 134, 25 Helm ) dans la huitième année de Philopator (ca 214a), soit en 531 de Rome (223 ou 221a : cf. Chronicon paschale I, 332 , 2 Dindorf), soit du temps de Philippe V , qui a régné de 221 à

179a (cf.Georges le Syncelle, Chronique, p . 341, 1 Mosshammer). Commele remarque Tha lamas 7 , p . 27, il y a suffisamment d 'accord (malgré le peu de précision habituel) pour placer

l'âge d 'or d ' Eratosthène « pendant les années qui suivirent l'avènement de Philopator, soit probablement de 221 à 215 , c 'est- à -dire entre cinquante -deux et soixante ans environ » . Tha

lamas ajoute que cela s'accorde avec l'affirmation de Proclus, In primum Euclidis elemento rum librum comm ., Prol. II, p . 68 , 17 sqq. Friedlein , et celle de la Souda , s.v. Dióxopos,

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0 441, t. IV , p . 736 Adler (= test. 11 Jacoby), qui font l'un d'Euclide, l'autre de Philochore , les représentants d' une génération antérieure à celle d 'Ératosthène,mais contemporaine de la jeunesse de celui-ci.

En tout cas, il est vraisemblable qu ’Ératosthène, pendant son séjour athénien ,

ne s'est pas borné à apprendre mais qu'il a dû commencer déjà à écrire ses pre miers ouvrages, notamment ceux de caractère philosophique (cf. Knaack 4 , ibid . ; Susemihl 1, t. I, p. 410 ; Jacoby 8 ,t. II B, p. 705 ; Dragoni 17, p . 54 sq .; Id. 18 , p . 31 sq.). C 'est alors qu 'il a connu Zénon, à en croire Strabon (I 2 , 2 ), qui avait raconté juste avant qu'Eratosthène lui-même affirmait avoir fréquenté à Athènes tous les grands hommes de la philosophie du moment, comme s'il était conscient de l' importance d 'avoir vécu cette époque brillante de la cité, qui, à ses

yeux, serait sans précédentdans l'histoire : ces grands hommes sontnotamment Ariston (de toute évidence, comme le précise la Souda, Ariston de Chios, le disciple hétérodoxe de Zénon : cf. SVF I 338 ; A 397 , p. 402) et Arcesilas (de

Pitane, le scholarque de l'Académie ; test. 8 Mette ), personnages qu 'Eratosthène qualifie de « coryphées » des philosophes de son époque; parmiles autres philo

sophes, d'après Strabon , Ératosthène a eu aussi beaucoup d'estime pour Apelle (de Chios, disciple d ' Arcésilas > A 234 ), ainsi que pour Bion (de Borysthène, philosophe de formation éclectique mais que l'on peut qualifier notamment de

cynique ; cf. test. 12 Kindstrand ; » B 32, p. 111). Dans la critique de son prédécesseur, Strabon affirme que le fait d 'avoir fré quenté nombre d 'esprits éminents ne rend pas Ératosthène immédiatement digne de foi, car l'important c 'est le choix de ses maîtres. Il lui reproche d 'avoir men

tionné surtout des philosophes dissidents, et non pas les héritiers de Zénon dont il avait été le puupquos à Athènes. Le géographe commence par dire qu'il ne va

pas cependant jusqu'à se ranger à l'avis de Polémon (d' Ilion , surnommé le Périégète , ca 220 - 1604), qui assurait (dans son traité en plusieurs livres llepi tñs

' ABývnouv 'Epatogévous étionulaç) qu ’Ératosthène n 'avait « même pas vu

Athènes » ( cf. FHG III 130 Müller). Cet ennemi d 'Ératosthène refusait de la sorte de le prendre au sérieux. Étant donné que le séjour à Athènes est affirmé par Strabon lui-même, il semble plausible d 'expliquer cette déclaration, comme le fait Thalamas 7 , p . 37 , à la suite d 'autres critiques ( cf. Knaack 4 , col. 360 ),

comme une boutade ou comme une exagération malveillante de Polémon : « Polémon considère les opinions d 'Ératosthène sur Athènes comme tellement

inexactes qu ’on dirait qu'il n 'a pas vu la ville ou, plus simplement, Polémon déclare que son adversaire n 'a vraiment pas vu Athènes. L 'obscurité est due à la

maladresse avec laquelle la citation a été faite par Strabon. » Si Eratosthène fut à Athènes partisan de Zénon , il s'est écarté par la suite de

la doctrine stoïcienne orthodoxe, car il s'est fait disciple d 'un disciple dissident du fondateur de la Stoa, le séduisant Ariston de Chios (cf. 32 P . Steinmetz ,

GGP, Antike 4 , 2 , p. 558- 561, notamment p . 559), que l'on considère normale ment commeun cynico-stoïcien imitateur de Bion (cf. 33 J. F . Kindstrand, Bion

of Borysthenes. A collection of the fragments with introduction and commentary, coll. « Acta Universitatis Upsaliensis. Studia Graeca Upsaliensia » 11, Uppsala

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195

1976 , p . 82 n . 14 ; 34 A .M . Ioppolo, « Aristone di Chio » , dans G . Giannantoni (édit.), Scuole socratiche minori e filosofia ellenistica , coll. « Pubblicazioni del centro di studio per la storia della storiografia filosofica » 4 , Bologna 1977, p . 115 - 140, notamment p. 116 ; 35 Ead ., Aristone di Chio e lo stoicismo antico , coll. « Elenchos » 1 , Napoli 1980 , p . 301) . Ératosthène est décrit expressément

comme le « disciple » (uaontńs) d 'Ariston par Athénée (VII, 281 c = SVF I 341 = fr. 17 Jacoby) et par la Souda. Ariston s'écartait de l'orthodoxie stoïcienne surtout parce qu'il refusait d 'établir des distinctions dans le domaine des choses « indifférentes» situées entre le bien et le mal, se rapprochant ainsi de la pensée cynique (cf. 36 D .R .

Dudley, A History of Cynicism , p. 97, 100; et 37 M .-O .Goulet-Cazé, L 'ascèse cynique. Un commentaire de Diogène Laërce VI 70-71, coll. « Histoire des doctrines de l'Antiquité classique » 10 , Paris 1986 , p. 41 n. 86 ; contra : loppolo

34 , p . 159). Indépendamment de l'influence que la philosophie d 'Ariston a pu exercer sur Ératosthène, celui-ci a dû sans doute prêter une attention particulière à Ariston, qui semble avoir été à ses yeux, avec Arcésilas, le philosophe le plus important à Athènes au cours de sa période d'études. En fait, d'après Athénée VII , 281 c - d ( = SVF I 341 et 408) , Ératosthène composa un ouvrage biogra phique intitulé ’Aplotov, de même qu 'Apollophanès d'Antioche, un autre

disciple d'Ariston appartenant à la secte des aristonéens (24A 291). Cela dit, il a été aussi critique à l'égard de son maître, car Athénée, loc. cit., affirme que, selon Apollophanès et Ératosthène, Ariston ne se tenait pas à l'écart du plaisir, ce qui dénoncerait son inconséquence envers le principe de l'« indifférence >> absolue qu 'il préconisait ( A 397, p. 402 sq.). Il semble en effet que dans la vie

pratique,malgré ses points de vue rigoristes, Ariston (SVF I 369 = Cicéron,De finibus IV 43) ait toléré que le sage réagisse aux stimuli extérieurs et qu 'il les suive (cf. Steinmetz 32, p. 561). Thalamas 7 , p. 36 , parle d'Ariston de Chios ( sic) comme si celui-ciavait été péripatéticien, le confondant sans doute avec Ariston de Céos ( > * A 396 ) le péripatéticien . La Souda précise

bien que le maître d' Eratosthène a été le philosophe de Chios, et cela peut se déduire aussi de Strabon . Cela dit,Mau 11, col. 344, persiste à dire qu ' Eratosthène a étudié auprès d'Ariston le péripatéticien (sans préciser la patrie de celui-ci) ; et Dragoni 17, p . 51 (cf. Id . 18, p . 19 ), qui vise clairement le philosophe de Chios, va même jusqu 'à suggérer, en s 'appuyant sur Mau , un

rapprochementde ce philosopheavec l' école aristotélicienne.

D 'après Schwartz 5, p. 187 sq., c'est en se fondant sur la doctrine d ’Ariston , selon laquelle il n 'y a pas d'autre différence de valeur que l'opposition entre la vertu et le vice, qu ’Ératosthène, tout comme le cynique Onésicrite , aurait consi déré comme un principe éthique l' idée attribuée à Alexandre de fonder une monarchie universelle, où la distinction ne serait plus entre le Grec et le barbare, mais entre l'homme « bon » et l'homme «malhonnête ». En effet, d'après Strabon

I 4, 9, Ératosthène désapprouve dans sa Géographie (II C 24 Berger ) le principe d 'une division bipartite du genre humain entre Grecs et barbares, de même que le conseil donné à Alexandre (par Aristote : cf. Plutarque, De Alexandri Magni fortuna aut virtute , 329 b -c) de traiter les Grecs en amis et les barbares en enne

mis. Il pense qu'Alexandre eûtmieux fait de prendre comme critères de division

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la vertu et la malhonnêteté, car « beaucoup de Grecs sont de méchantes gens et

beaucoup de barbares ontune civilisation raffinée, tels les Indiens ou les peuples de l'Ariane, ou encore les Romains et les Carthaginois dont les institutions poli

tiques sont si remarquables» (trad. G . Aujac). Strabon, partisan du cosmopoli tisme stoïcien, défend Aristote contre les attaques d'Ératosthène, en disant

qu'Alexandre a bien suivi l'esprit et non pas lesmots du conseil d'Aristote ,car ces divisions sont dues en réalité « au fait que, chez les uns, triomphe l'ordre, le sens politique et toutes les qualités qui accompagnentla bonne éducation et l'art de parler, tandis que chez les autres c'est l'inverse » (trad. G . Aujac ). Fraser 16 ,

t. I, p. 483, tout en acceptant la possibilité d'une influence stoïcienne (d'après lui, de Zénon lui-même), considère qu ’Ératosthène a pu développer ses idées

cosmopolitistes à la suite de ses recherches géographiques et en fonction de son

intérêt pour les peuples qui habitaient en dehors des frontières du monde grec . 38 W . W . Tarn , « Alexander, Cynics and Stoics », AJPh 60, 1939, p. 41-70, en s'appuyant sur le témoignage d' Ératosthène (et sur celui de Plutarque qui dérive à ses yeux d' Ératos thène), défend la thèse selon laquelle l'action d'Alexandre a été commandée par l'idée d 'un cosmopolitisme universel. D 'après lui, on ne saurait parler, comme le fait 39 M . H . Fisch , « Alexander and the Stoics » , AJPh 58, 1937, p . 59- 82, 129- 151, du cosmopolitismedes cyni

ques ni admettre qu 'Onésicrite ait créé une tradition (cynico - stoïcienne) qui attribuait ce cosmopolitisme à Alexandre (tradition représentée par l' image du « philosophe en armes » ) ; et enfin l'universalisme d 'Alexandre serait antérieur de 23 ans à la fondation de l'école stoï cienne par Zénon , dont le cosmopolitisme serait limité aux sages. La conception adoptée par Tarn d 'un Alexandre rêvant de créer la fraternité entre les peuples est contestée par

40 E . Badian , « Alexander the Great and the unity ofmankind », Historia 7, 1958, p . 425 -444.

A son tour, 41 R . Höistad, Cynic hero and cynic King : Studies in the cynic conception ofman , Diss. Lund, Uppsala 1948, p. 210, affirme qu'on manque de données sûres pour se faire une image claire de l'attitude des premiers stoïciens à l'égard d' Alexandre : « Eratosthène louait le cosmopolitisme d 'Alexandre comme opposé à la doctrine d 'une distinction entre Grecs etbar bares qu’ Aristote défendait... Cela , qui est la seule marque d 'approbation faite par Erato

sthène à l'égard d 'Alexandre, peut représenter probablement des points de vue stoïciens.Mais

Ératosthène est aussi peu représentatif du stoïcisme qu 'Onésicrite ne l'est du cynisme. » 42 E . Schwarzenberg, « The portraiture of Alexander » , dans Alexandre le Grand . Image et

réalité, coll. « Entretiens sur l'Antiquité classique » 22, Vandæuvres/Genève 1976 , p. 223-278 , affirme que le portrait d'Alexandre fait par Plutarque est redevable à Callisthène et à Érato sthène (cf. 43 P. A . Brunt, « From Epictetus to Arrian » ,Athenaeum 55 , 1977, p. 19 -48,notam ment p . 46 sq . ; et 44 L . Alfonsi, « Su uno spunto paolino in rapporto ai classici » , Aevum 50 ,

1976 , p . 158 , quirapproche le principe d 'égalité énoncé par Paul dans Col. 3, 11 et Gal. 3, 28 d' Ératosthène, loc. cit., et de Cicéron , De leg. I 10 - 11, 29 -32, bien qu 'il considère que le pro

moteur de ce principe doitavoir été Posidonius). Enfin , s'est prononcé à l'encontre de la thèse qui présente les cyniques comme des précurseurs du cosmopolitisme hellénistique 45 G .

Bodei Giglioni, « Una leggenda sulle origini dell’ellenismo: Alessandro e i cinici » , dans B . Virgilio ( édit.), Studi ellenistici, t. I, coll. « Biblioteca di studi antichi» 48, Pisa 1984, p. 51 73, notamment p . 73, pour qui les cyniques n 'avaient nullement en vue la monarchie univer

selle d 'Alexandre. De même, 46 G . Giannantoni, « Cinici e stoici su Alessandro Magno » ,

dans G . Casertano (édit.), I filosofi e il potere nella società e nella cultura antiche, Atti della seconda giornata di studio sulla filosofia antica, Sorrento (26 aprile 1985 ), coll. « Acta Neapolitana » 2 , Napoli 1988 , p . 75 -87 , à la suite de Tarn, soutient qu 'aussi bien les cyniques

que les stoïciens, du moins jusqu'à la fin de l'époque hellénistique, se sont toujours montrés hostiles à l'égard d 'Alexandre .

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A Athènes, commenous l'avons vu , Ératosthène a été aussi, d'après Strabon, l'auditeur d'Arcésilas.Mais, dans ce cas, on ne pense pas communément qu 'il ait été son disciple au sens strict (cf. 47 W . Görler, GGP, Antike 4, 2, p. 786 -828 , notamment p. 794, 796 ). En ce qui concerne la période athénienne, il est intéressant de remarquer l'admiration qu 'Eratosthène aurait éprouvée pour Bion, d'après le témoignage de Strabon , qui se montre critique à l'égard des déclarations de son devancier : il fait grand cas... de Bion, qui fut le pre mier, dit- il, à broder de fleurs la philosophie (npõrov åv và nepißareivpooopiav) mais à qui pourtant (c 'est encore lui qui parle ) on aurait pu souvent appliquer le vers : « Telle, sous

ses haillons, Bion la montre (scil. la cuisse) » (oinv éx paxbWV ó Bíwv = test. 12 Kindstrand ; trad. G . Aujac). Eratosthène faisait une allusion parodique aux mots qu' on adresse à Ulysse

déguisé en mendiant dans Odyssée XVIII 74 (oinv ex paxéwv Ò yÉpwv énLyouvida palvel). Ce jugement d'Eratosthène semble bien faire preuve d ' une compréhension profonde du style

de Bion , dont l'aspect vulgaire ne serait à ses yeux qu 'apparent. Diogène Laërce IV 52 (= test. 11 Kindstrand ) rappelle le jugement d'Eratosthène, mais d 'une façon incomplète qui ne rend

pas compte du fait que celui-ci considérait avec faveur l'æuvre de Bion : En outre, Bion était théâtral et il excellait à tout ridiculiser, en traitant les sujets avec des mots grossiers. Comme

ilmêlait tous les styles (Sià ... tÒ navrà eſbel Xexpãodai) on dit qu 'Eratosthène affirma de lui qu 'il avait le premier revêtu la philosophie d'un vêtement fleuri (pihooopiav åv Lvà Évédu JEV ; trad. L . Paquet modifiée ). Un jugement critique semblable avait été déjà exprimé aupara

vant, à ce qu'il semble, par Théophraste (ap. Démétrios Lacon , De natura deorum (PHerc. 1055 ), col. XVIII 1- 8, p . 75 de Falco = test. 18, 3 Fortenbaugh = 13 Kindstrand). D 'après

Kindstrand 33, p. 155 (cf. p. 53 sq.),ce témoignage montre du moins que le jugement critique à l'égard du style de Bion a eu son origine dans les cercles péripatéticiens. Si Bion a été l'objet

dans l'Antiquité d'une tradition hostile (tradition qui s'est prolongée, d'une façon ou d'une autre , chez les critiques modernes qui ont jugé ce personnage davantage comme un littérateur

que comme un philosophe), on peut donc considérer Ératosthène comme une exception , et c ' est justement son avis qu ' ont repris tous ceux qui, comme Kindstrand, se sont efforcés de

réhabiliter l'image de Bion commephilosophe. Enfin, d'après Kindstrand 33, p. 53 (cf. p. 52), le mot å vovós , plutôt que de décrire le style de Bion comme fleuri au sens technique

(uvonpos ), indiquerait seulement que Bion a mis à sa philosophie un habit qui n ' était pas approprié au caractère sérieux des sujets philosophiques : « autrement dit, il était tellement

intéressé à rendre sa philosophie attractive pour ses auditeurs que la forme a fini en grande partie par éclipser le contenu .» D 'ailleurs, comme le remarque Kindstrand 33, p. 98, il semble

évident que Bion n 'a pas pu inventer (et qu'en réalité il n 'a pas inventé) un style complète ment nouveau . D ' après Kindstrand 33, p . 152 sq ., il faut interpréter les déclarations qu ' on

trouve à ce sujet dans la tradition (ainsi chez Ératosthène) comme une simple expression du

goût des Grecs pour la recherche du premier inventeur (npūtoç kúpérns) de chaque nou veauté (littérature repi €úpnuárwv).

Au cours de son séjour à Athènes, on sait par la Souda (cf. supra) qu'Érato

sthène a été appelé à Alexandrie par le roi d'Égypte Ptolémée III Évergète (monté sur le trône en 2464) et qu'il y est resté jusqu 'à sa mort, lorsque Ptolémée V Épiphane était le roi (204-1804).Certains critiques ont trouvé problématique le fait que le lexicographe affirme dans la même notice qu ’Ératosthène a été le disciple (uaontńs) de Callimaque, de sorte qu 'ils ont présumé qu'il a dû être

son disciple à Alexandrie avant son voyage à Athènes,mais cette hypothèse ne semble pas trèsbien fondée. En effet, on veut expliquer ce premier séjour hypothétique en partant de la notice de la Souda s. v. Kaniuayos, K 227 , t. III, p . 19 , 18 -20 Adler (= test. 1 Pfeiffer), où on lit que ce poète , du temps de Ptolémée II (Philadelphe ), avant de s 'attacher au roi, avait tenu une école dans un village de la banlieue d'Alexandrie et que sa mort devait être fixée au début du règne

ÉRATOSTHÈNE DE CYRÈNE

198

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de Ptolémée III. On considère que notre personnage n 'a pu devenir son disciple qu 'à Alexan

drie du temps de Philadelphe et, par conséquent, qu'il a dû faire déjà un premier voyage dans cette ville vers 250a, avant l'appel d 'Évergète . Contre cette hypothèse d 'un premier séjour d'Eratosthène à Alexandrie avant son séjour à Athènes, voir Thalamas 7, p. 38 -42. La date de 250a a été fixée par les premiers tenants de cette hypothèse, notamment 48 W . Busch , De bibliothecariis Alexandrinis qui feruntur primis, Diss. inaug. Rostock , Suerini Megalo

politanorum 1884 , à partir d 'un passage d 'Athénée VII, 276 a (= fr. 16 Jacoby), où l' on

raconte une anecdote mettant en cause Ératosthène et la reine Arsinoé: cette reine, voyant passer la « procession de la bouteille » créée par le roi en l'honneur de Dionysos, tourna ses regards vers Eratosthène pour lui faire une réflexion dure sur cette orgie populaire . Busch

identifie cette reine avec Arsinoé II Philadelphe, dont il fixe la mort quelques années seule ment avant la mort de son époux , soit vers 250a (cf. Susemihl 1, t. I, p . 410 n . 6 ), à tort, car, comme l'a démontré Bouché-Leclercq 29 , t. I: Les cinq premiers Ptolémées (323- 181 avant

J.-C.), Paris 1903, p. 328 n. 2 ( cf. Beloch 24, t. IV 2, p. 597), Arsinoé Il est « montée au ciel » non vers 250a mais en 270a, lorsqu 'Eratosthène n 'avait que cinq ans environ , sinon seulement trois , et qu' ilne pouvait par conséquent faire partie de la suite de la reine. Bouché-Leclercq a identifié la reine en question avec Arsinoé III Philopator, fille de la reine de Cyrène Bérénice.

Athénée tire l'anecdote d'un écrit d' Ératosthène intitulé 'Apoivón , qui, d'après Bouché Leclercq 29, ibid . (cf. p . 349 n . 2), a été composé à l'occasion du culte expiatoire institué sous

Épiphane en l'honneur de cette reine. Thalamas 7, p. 39, ajoute qu 'il est excessif de donner au mot uaontús dans la notice citée

de la Souda le sens absolu d'élève (cf. Pfeiffer 13, p. 153). Il explique autrement pourquoi Callimaque, installé avant Ératosthène à la cour d' Égypte et son aîné, peut avoir été considéré comme son maître par la Souda : il a été sous sa protection et il a subi son influence person

nelle. D 'après Thalamas 7, p. 45, trois influences fondamentales se seraient ainsi exercées

successivement sur Ératosthène : à Cyrène celle d'« un bon professeur de lettres» ,Lysanias ; à Athènes, celle d'« un philosophe très ouvert» , Ariston de Chios; à Alexandrie, celle d'« un compatriote bien en cour etpoète éminent, qui l'a installé à ses côtés dans le plus grand centre d' érudition et de vie intellectuelle de l'Antiquité » . Thalamas conclut qu 'il n 'est point étonnant

qu'Eratosthène « soit devenu avant tout littérateur, philosophe et poète et que ses qualités personnelles demathématicien et de géographe ne se soient affirmées que par surcroît » (p . 45

sq.; cf. Jacob 20, p. 114 sq.).

L'hypothèse d’un premier séjour d'Ératosthène à Alexandrie voudrait s'appuyer aussi sur le témoignage tout à fait obscur et plein d'anachronismes de Tzetzès (cf. supra), selon lequel Callimaque, étant du même âge qu 'Eratosthène, aurait écrit les catalogues des livres de la

Bibliothèque d'Alexandrie,tandis qu ’Ératosthène aurait, lui, accompli le travail de classifica tion peu de temps après sa désignation comme bibliothécaire sous Ptolémée Philadelphe ( sic), à une époque où l'un et l'autre étaient encore jeunes (= Callimaque, test. 14 a , c ). Comme le

remarque Thalamas 7 , p. 40 , le tissu d'anachronismes est accru par un autre passage qui déclare qu 'Alexandre l'Étolien et Lycophron de Chalcis ont établi une édition corrigée ( lop Ocoavto ) des ouvrages dramatiques, le premier pour les tragiques, le second pour les comi ques, “ en compagnie et avec le concours d' Eratosthène, le célèbre conservateur de cette

immense bibliothèque " (= Callimaque, test. 14 b Pfeiffer). Thalamas considère que ces per sonnages, bien qu' ils soient très obscurs pour nous, « paraissent bien être d'une génération antérieure à celle d 'Eratosthène, et sans doute à celle de Philochore » . D ' après lui donc l'hypo thèse de la présence d 'Eratosthène une première fois à Alexandrie en 250a avant son séjour à Athènes cherche à rendre possible le fait qu 'Eratosthène ait collaboré avec tous ces person nages sous Philadelphe pendant les dernières années de son règne, mais n 'explique pas les

anachronismes du témoignage de Tzetzès, qu 'il faut lire avec méfiance.

Donc, à ce que l'on sait, Ératosthène n'est allé à Alexandrie que lorsqu'il a été appelé d'Athènes par Ptolémée III Évergète, et son rapport avec Callimaque

ne peut dater que de cette époque, dans les dernières années de la vie du poète (cf. Fraser 16 , t. I, p. 332 n . 205 [t. II, p. 489 sq.); Pfeiffer 13, p. 153).

199 ÉRATOSTHÈNE DE CYRÈNE L 'hypothèse d 'un premier séjour d ' Eratosthène à Alexandrie formulée pour expliquer qu'il

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soit devenu l'« élève » de Callimaque, défendue aussi par Jacoby 8, t. II B, p. 704, a été reprise

par Dragoni 17, p . 49, 53, 55 sq.; Id. 18 , p. 17, 30, 33 (cf. infra, Schwartz, qui défend cette hypothèse d' un autre point de vue).

Comme nous l'avons dit plus haut, la date de l'arrivée d'Ératosthène à Alexandrie à l'appel de Ptolémée III doit être placée avec vraisemblance vers 2448 (Thalamas; ca 2452: Beloch 24 , t. IV 2, p. 598 ; Dragoni 17, p. 56 ; Id . 18 , p. 33 ; Fraser 16 , t. I, p . 332 ; Id . 15 , p. 176 , 181 sq.; Jacob 20 , p. 115 ; en

revanche , Susemihl 1, t. I, p. 412, fixe l'appel vers 235a). Quant aux raisons qui ont motivé cet appel, on a d 'ordinaire songé à l'importance des influences cyré néennes au début du règne de Ptolémée III : d'un côté, le roi a épousé Bérénice, l'héritière du roi de Cyrène Magas (cette union était fondée, à ce qu 'il semble , sur une affection sincère attestée par le geste célèbre de Bérénice qui, lors du

départ du roi pour la grande guerre de Syrie , lui consacra sa chevelure pour lui assurer la victoire), et la reine semble avoir favorisé les rapports culturels entre

les Cyrénéens et les Égyptiens; de l'autre, Callimaque, originaire lui aussi de Cyrène , semble avoir eu une influence personnelle à la cour: poète officiel depuis le règne précédent (il composa des vers sur la chevelure de Bérénice), il s'est consacré à de lourds travaux d'érudition , et il a pu rechercher l'aide d'un jeune compatriote dont les premiers travaux étaient sans doute déjà appréciés à

Athènes (cf. Thalamas 7, p. 44 sq.; Dragoni 17, p. 50 ; Id . 18, p . 17 sq.; Jacob 20, p. 115 sq.). D 'après Thalamas 7, p. 46 , l'idée selon laquelle Bérénice a joué

un rôle important dans l'appel d'Ératosthène pourrait expliquer aussi la fidélité personnelle de celui-ci à la reine et plus tard à sa fille Arsinoé III. Strabon XVII 3, 22 (= test. 2 Jacoby),déclare qu'aussi bien Callimaque qu’Ératosthène ont bénéficié de l'estime des rois de l'Égypte , tout en décrivant l'un comme un poète qui s'est occupé aussi activement de la grammaire, l'autre comme ayant excellé en outre dans la philo sophie et dans les disciplines encyclopédiques. Cependant, Fraser 15 , p . 183 - 185 , insiste sur le

fait qu 'Eratosthène a été appelé par Évergète plutôt en qualité de poète qu'en qualité d 'homme de science.

D ' ailleurs, la plupart des critiques ontmis en rapport l'appel d'Ératosthène avec sa nomination comme directeur de la Bibliothèque d'Alexandrie , poste que l'on trouve solidement attesté dans nos sources, bien que l'ordre de la suc cession ne soit pas toujours correct. En effet, d 'après la Souda, s.v. ’Anor

RÁVLOS , A 3419, t. I, p. 307, 9 sq. (= Callimaque, test. 12 Pfeiffer ), Ératosthène précéda à ce poste son « contemporain » Apollonios (de Rhodes),mais ce rensei

gnement est erroné, car d 'après l'Index praefectorum bibliothecae Alexandrinae, qui représente l'une des listes de la Chrestomathie, POxy. X 1241, col. II 1 (= Callimaque, test. 13 Pfeiffer ; * C 22), publiée en 1914 , la charge d 'Éra tosthène fut postérieure à celle d'Apollonios. On trouve la même succession

chez Tzetzès (= Callimaque, test. 14 Pfeiffer; version latine 14 d ), qui cependant présente à tort Callimaque comme ayant été lui aussi bibliothécaire avant Éra tosthène: sicuti refert Callimachus aulicus regius bibliothecarius... fuit praete rea qui idem asseveret Eratosthenes non ita multum post eiusdem custos biblio thecae. Enfin , d'après la liste citée des bibliothécaires alexandrins, le successeur

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d'Ératosthène fut son disciple Aristophane de Byzance (cf. Pfeiffer 13, p. 154 ; Fraser 16 ,t. I, p. 333, 459 sqq.; MA 405). Sur les directeurs de la Bibliothèque, voir Busch 48, passim ; 49 A . Rostagni, « I bibliote cari alessandrini nella cronologia della letteratura ellenistica », AAT 50, 1914 -1915, p . 241 265, repris dans Scritti minori, t. II 1: Hellenica -Hellenistica, Torino 1956 , p. 185-213,

notamment p . 205 sqq. ; 50 F . Schmidt, Die Pinakes des Kallimachos, coll. « Klassisch-philo logische Studien » 1, Berlin 1922, p. 33 sq. ; Beloch 24, t. IV 2 , p. 592 -599 ; 51 E . Eichgrün ,

Kallimachos und Apollonios Rhodios, Diss. Berlin 1961, p . 24 -31 ; 52 K . Schneider, Kultur geschichte des Hellenismus, t. IIMünchen 1969, index ; 53 J.E . Sandys, A History of classical scholarship , t. I : From the sixth century B . C . to the end of theMiddle Ages, Cambridge 19213, réimpr. New York London 1967, p . 114 ; 54 G . Mader, « The Library of Alexandria » , Akro

terion 21, 1976 , p . 2 - 13, notamment p. 6 ; 55 L . Canfora , La biblioteca scomparsa, coll. « La memoria > 140 , Palermo 1986 (cf. la trad . franç. de J.- P .Manganaro et D . Dubroca : La véritable histoire de la bibliothèque d 'Alexandrie, coll. « La mesure des choses » , Paris 1988 ) ;

56 Id ., « Le biblioteche ellenistiche » , dans G . Cavallo (édit.), Le biblioteche nelmondo antico

e medievale, coll. BUL 250, Roma/Bari 1988, p . 3-28.

On peutsupposer qu 'Ératosthène est resté à la tête de la bibliothèque jusqu' à sa mort (cf. Susemihl 1, t. I, p . 412 ; Thalamas 7 , p . 54 ; Marlowe 25 , p. 71 ;

Jacob 20 , p. 116 ). Quant à la date de la nomination , les critiques varient à dix

ou quinze ans près. Parmi ceux qui ont considéré que la nomination coïncidait avec l'arrivée d’Ératosthène à Alexandrie à l'appel de Ptolémée III, la plupart l'ont placée en 245a (cf. Fraser 16 , t, I, p. 332; Jacob 20 , p. 115), mais Susemihl 1, t. I, p.410 , ne la plaçait qu 'en 235a (cf. Beloch 24 , t. IV 2, p. 598 ; Sandys 53, t. I, p. 114 : ca 234a). Thalamas 7, p. 44, suggère aussi l'an 235 ou 234a pour la

nomination, mais il ne fait pas coïncider cette date avec celle de l'appel de Pto lémée , de sorte que, d'après lui, Eratosthène, venu en Égypte au début du règne

de Ptolémée III, aurait passé à Alexandrie une dizaine d'années avant d'être nommé chef de la Bibliothèque . Il faut signaler que Thalamas 7 , p. 43, considérait Ératosthène comme le successeur de Zénodote (cf. supra ; Dicks 14, p . 388 sq.), que la mort de celui-ci oscillait, selon les calculs qu 'il utilise, entre 245 et 235a, et qu 'il incline pour la date la plus récente dans la pensée que, lorsqu 'on a proposé pour la mort de Zénodote l'année 245a, on a été surtout poussé par le désir de trouver entre lui et Ératosthène une place pour le prétendu bibliothécariat de Callimaque

(cf. Bouché-Leclercq 29, t. I, p . 224 sq., 265). En réalité , la mort de Zénodote doit se placer

vers 260a (cf. Dragoni 17 , p. 62; Rostagni 49, p . 195 sq.). Dicks 14 , p . 388 sq., place aussi vers 235a la nomination d' Ératosthène

(cf. Bouché-Leclercq 29, ibid .), tandis qu'il place son arrivée à Alexandrie vers 2464, lorsqu 'Eratosthène avait environ 30 ans. A son tour, Dragoni 17, p . 62 (cf.

Id . 18 , p. 39), rejoint Dickspour la date de l'arrivée ,mais place la nomination en 2304, date à laquelle Apollonios de Rhodes aurait quitté son poste , selon Rostagni 49,p. 199, 205. Pour Wilamowitz 31, p. 17 = p. 31 = p .65, l'appel d'Ératosthène par Ptolé mée devrait plutôt être mis en relation avec le désir du nouveau roi d'avoir un

précepteur et un conseiller pour son fils (le futur Ptolémée IV Philopator). La nomination comme bibliothécaire ne serait donc que la récompense du précepto rat royal (cf. Bouché-Leclercq 29 , t. I, p. 284 ; Knaack 4, col. 360 ; Schwartz 5,

p. 192; Dragoni 17, p. 50, 55 ; Id. 18 , p. 18, 32; Jacob 20, p. 116 ). A l'encontre

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201 ÉRATOSTHÈNE DE CYRÈNE de Wilamowitz , Jacoby 8, t. II B , p. 705,met en question la continuité entre les

fonctions de précepteur et celles de bibliothécaire. Il est intéressant de noter que, selon Schwartz 5 , p . 192, Ptolémée III n 'aurait pas confié à un jeune homme l'éducation du prince. Ératosthène devait donc avoir déjà 50 ans, de sorte

qu'il avait dû commencer auparavant ses recherches savantes dans le cadre de la bibliothèque d ' Alexandrie (cf. supra ).

Thalamas 7 , p. 46 , tout en acceptant l'idée du préceptorat, ne croit pas vrai

semblable du pointde vue chronologique l'hypothèse de la récompense, car le prince n 'aurait eu sept ans révolus que vers 247/6a, et il n'est pas probable qu'Eratosthène ait été son maître avant cet âge, si,comme on le sait par un frag ment conservé chez Quintilien , Institution oratoire I 1 , 16 , il pensait que les études de l' enfant ne devaient pas commencer avant la septième année. Thala

mas juge donc plus sage de ne pas lier les deux questions, l'exercice des fonctions de précepteur et de bibliothécaire L ' idée selon laquelle Eratosthène a été le précepteur de Philopator fut tirée

par Wilamowitz 31, p . 31 = p . 65, de l'épigramme qui apparaît à la fin d 'une

lettre d ' Ératosthène à Ptolémée III Évergète sur la duplication du cube (cf. infra, B II 8 ), où l'auteur s'exprime en des termes très familiers à l'égard du roi et du prince. L 'idée du préceptorat royal d'Ératosthène provient également, comme le remarque Pfeiffer 13, p. 154 , de la constatation de ce qui semble avoir été la règle de la maison royale à l'égard des bibliothécaires alexandrins : étant donné

que dans la liste des bibliothécaires (cf. supra ), Apollonios et plus tard Aristar que sont appelés expressément didáoxaroi des princes royaux, et que dans la notice de la Souda, s.v. Znvódotos, ce premier bibliothécaire (Zénodote d 'Éphè se ) est dit avoir été aussi précepteur (ÉtaídevoeV) des fils de Ptolémee jer Soter, on a supposé que les autres directeurs de la bibliothèque, Eratosthène et Aristo

phane, ont exercé eux aussi un préceptorat similaire. S ' il est probable qu ’Ératosthène fut le précepteur de Philopator, la vie de ce

roi, marquée par la volupté et par les crimes, n 'a pas dû faire honneur à son

maître. On ne peut pas nier cependant qu'il aima et protégea les lettres (cf. Be loch 24 , t. IV 1, p . 688 n . 3). Thalamas 7 , p. 47, 56 , place l'apogée du talent d ' Ératosthène et de son influence à la cour durant les six ou sept premières

années du règne de Philopator (ca de 221 à 2154): « Lors de la création de la procession de la Bouteille, soit vers la fin du règne, il était resté attaché à Arsinoé III Philopator, sæur et épouse du roi et digne descendante de la reine mère Bérénice assassinée par son fils. Ératosthène estmort à la fin de sa quatre vingt-unième année, d'avril à juin 192.» D 'après Thalamas 7, p. 58 sq., Ératosthène a subi, sous l'influence du milieu

alexandrin , une évolution incontestable et profonde : « Strabon paraît l'avoir caractérisée par le reproche même qu 'il adresse à son prédécesseur à propos des

jugements émis par lui sur ce qu'il a vu à Athènes: Ératosthène a cessé en Égypte de se préoccuper surtout de philosophie et c'est là que, sans abandonner les spéculations de sa jeunesse, qui restèrent pour lui une sorte de “ diversion

agréable et instructive” , il s'est adonné surtout à des “ études encyclopédiques ” » (cf. Strabon I 2 , 2 ;XVII 3, 22).

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Pour un rapport d 'ensemble sur la tradition scientifique à Alexandrie, voir 57 R . B . Smith , « The Alexandrian scientific tradition », Akroterion 21, 1976, p. 14 -21.

La Souda, s.v. 'Epatoodévns, mentionne quatre personnages qui auraient été les disciples (uaontai) d'Ératosthène (à Alexandrie ): (a) Aristophane de Byzance (* A 405), qui a été le directeur de la Biblio

thèque après son maître, et dont aurait été disciple son successeur Aristarque de Samothrace ;

(b) Mnaseas (de Patara ( en Lycie ]), dont on sait qu'il s'est occupé de la para doxographie , de la mythographie (d'un point de vue évhémériste ?) et de la géo graphie et qu 'il a été l'auteur d 'un Iepinouc, divisé en trois parties consacrées respectivement à l'Europe , à l'Asie et à l'Afrique (cf. 58 R .Laqueur, art.

« Mnaseas » 6 ,RE XV 2 , 1932 , col. 2250 -2252 ; FHG III, p. 149-158 Müller);

(c ) un certain Ménandre, peut-être l'historien Ménandre d'Éphèse (FGrHist 783 ; cf. Fraser 16 , t. II, p. 662 n. 94 ); (d) et un personnage du nom d 'Aristide, non identifié (cf. Fraser 16 , ibid .),

bien que Susemihl 1, t. I, p. 634 n. 577, ait suggéré de l'identifier avec Aristos de Salamine (FGrHist 143).

Dragoni 17, p.67 sq. (cf. Id. 18, p. 235), tout en reconnaissant qu'Eratosthène n 'a pas créé une école proprement dite (cf. Fraser 16 , t. I, p. 458 ), suggère que ses disciples ont été sans doute plus nombreux , dans la mesure où il a été le directeur de la Bibliothèque pendant environ 40 ans, dans la période la plus bril lante et la plus active de cette institution : « Tale considerazione ci fa ritenere che

l' elenco degli allievi fornitocida Suida includa solo quanto egli poté raccogliere più di dieci secoli dopo, se non , addirittura, il frutto diuna sua scelta forse arbi

traria e personale.» Le philologue et poète Euphronios de Chersonèse a été considéré comme disciple d' Éra

tosthène : cf. 59 E . Degani, Studi su Ipponatte , coll. « Studi e commenti» 2 , Bari 1984, p . 35, à

propos d 'Hipponax, fr. 52 Degani; 60 J. U . Powell, Collectanea Alexandrina. Reliquiae minores poetarum Graecorum aetatis Ptolemaicae 323 -146 A . C ., epicorum , elegiacorum , lyricorum , ethicorum . Cum epimetris et indice nominum , Oxonii 1925 , réimpr. 1970 , p . 176 sq.

Fraser 16 , t. II, p. 662 (n. 94 ), affirme que la formule oi nepi tov 'Epatoodévn de Strabon I 2 , 37 (= 1 A 3 Berger) ne fait référence tout au plus qu 'à des géographes du même avis qu 'Eratosthène (cf. Id. 15 , p . 213 sq.) et non à des disciples ou à une " école " d' Ératosthène . 61 G . Aujac, Strabon . Géographie, tome 1, Ire partie (Introduction générale - Livre I), CUF,

Paris 1969, p. 137, traduit simplement « Eratosthène » .

B . Production scientifique et littéraire. Ératosthène a cultivé presque toutes les disciplines du savoir : la philosophie , les mathématiques et en particulier leurs applications géométriques et astrono miques, la géographie , l'histoire et la chronologie , la grammaire et la critique littéraire, enfin la poésie . Il a pratiqué aussi bien la prose que le vers. Les Anciens ont été frappés par la fécondité de son talent, qui suscita l'envie de ses

successeurs, notamment chez les géographes, conscients de la difficulté de riva liser avec lui sur ce terrain (cf. Thalamas 7 , p. 56 ). Les surnoms qu' il semble avoir reçus de la part de ses contemporains font bien référence à son énorme

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productivité , mais l'envisagent sans doute aussi avec une certaine plaisanterie (cf. Knaack 4, col. 361; Pfeiffer 13, p. 170 ). Dans la notice que lui consacre la Souda, sontmentionnés trois surnoms: celui de « Bêta» (Bñta ), celui de « Pen

tathle » (IIévtatov ) et celui de « second Platon ou de Platon le jeune » (8ɛú tepov ñ véov Maatwva ). Le lexicographe explique qu 'Eratosthène a été appelé

« Bêta» (c ' est-à -dire la seconde lettre de l'alphabet), parce qu 'il était le second dans tout genre de science, restant toujours à deux pas du premier rang. Selon l'interprétation de Dicks 14, p. 389, c'est en ce sens que Strabon II 1, 41, affirme

qu’Ératosthène était un mathématicien parmi les géographes et un géographe parmi lesmathématiciens. D 'après Marcien d'Héraclée,Menippi Periplusmaris interni 2, GGM , t. I, p. 565, 26 Müller, le surnom de « Bêta » lui aurait été donné

par ceux qui étaient a la tete du Musée ( οι του Μουσείου προστάντες). Quant a « Pentathle » , ce nom désignait, comme on le sait, l'athlète qui, sans pouvoir l'emporter nécessairement sur les spécialistes de chacune des épreuves consti

tutives (la course , la lutte, le pugilat, le saut et le lancer du disque), obtenait pourtant la meilleure moyenne pour l'ensemble des épreuves. Certains critiques affirment que le surnom de « Pentathle » décrit Ératosthène comme ayant rem

porté la victoire dans toutes les disciplines (cf. Tannery 2 , p . 164 ; Thalamas 7, p. 60 ; Jacob 20, p . 114),mais d'autres interprètent plutôt ce surnom comme celui de « Bêta », c'est -à-dire comme décrivant toujours un Ératosthène qui, désireux de s'exercer dans toutes les disciplines, n 'a obtenu la première position en aucune d 'elles (cf. Knaack 4 , col. 361; Pfeiffer 13, ibid .; Manna 19, p . 37 ;

Dragoni 18, p. 50 sq.). En tout cas, les critiques modernes n 'ont pas partagé cette apparente dépréciation d 'Ératosthène, car il fut à leurs yeux un esprit encyclo pédique indiscutablement génial capable d 'ouvrir nombre de voies nouvelles dans les sciences. Ainsi, selon Manna 19, ibid ., il mériterait à juste titre le surnom d'« Alpha » (cf. contra Fraser 15 , p. 175, 213 sq.). Le surnom de « Pentathle » fut appliqué à Démocrite d 'Abdère (2 + D 70) par Thrasylle (cf. D . L . IX 37 = DK 68 A 1, t. II, p. 82, 10 -12), parce que Démocrite maîtrisait non seule ment la physique et l' éthique , mais les mathématiques et les disciplines encyclopédiques.

Thrasylle renvoie à l'usage que Socrate fait de ce nom dans le dialogue du Pseudo-Platon, Amatores, 135 e sqq . Dans cet opuscule anti-encyclopédiste, opposé à l' idée du philosophe

érudit (de la philosophie commenouualla ), Socrate utilise le nom de « pentathle » appliqué à un philosophe d 'une manière péjorative , comme décrivant celui qui connaît tous les arts

ainsi qu 'il convient à l'homme cultivé bien qu 'il ne les connaisse pas comme un spécialiste. D 'après Hirzel 23 , t. I, p. 407 sq., ce dialogue apocryphe devrait en quelque sorte viser Érato

sthène : il traduirait une espèce de polémique issue du milieu académicien contre le « nouveau Platon » .Mais cette hypothèse n 'est nullement convaincante , comme l'affirme Knaack 4, col. 386 .

Enfin , le surnom de « second Platon ou de Platon le jeune » fait sans doute ré

férence aux écrits mathématiques et philosophiques d'Ératosthène (cf.Knaack 4, col. 361 ; Dragoni 18 , p. 51).

Ératosthène semble avoir revendiqué pour lui-même une autre désignation , celle de pióroyos, au sens d’amoureux du savoir dans la diversité de ses disci plines (cf. Pfeiffer 13, p . 158 ; Sandys 53, t. I, p . 5 ). D 'après Suétone, De gram maticis 10 (= test. 9 Jacoby), c'est lui qui aurait employé pour la première fois ce

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terme afin de définir son propre travail: philologi appellationem assumpsisse videtur ( scil. L . Ateius), quia sic ut Eratosthenes, quiprimus hoc cognomen sibi vindicavit, multiplici variaque doctrina censebatur.

La Souda résume de la sorte l'æuvre d'Ératosthène: « il a écrit des ouvrages philosophiques, ainsi que des poèmes et des histoires ; une Astronomie ou des Catastérismes, Sur les écoles de la philosophie, Sur l'absence de chagrin , de

nombreux dialogues et des études abondantes sur les textes littéraires (ypapua tixá ). » Le Pseudo-Lucien (loc. cit. ) déclare à propos d 'Ératosthène qu'« on ne saurait l'appeler seulement spécialiste des textes littéraires (ypaumatixóv) mais aussi poète , philosophe et géomètre... ». Clément d 'Alexandrie (loc. cit.) le men

tionne comme auteur de deux livres sur les textes littéraires (I payuatixá ), et Vitruve (loc. cit.) à son tour comme astronome. Il est étrange qu'aucune mention ne soit faite de son cuvre géographique. Strabon lui-même, qui cite largement la Géographie d'Ératosthène, l'appelle seulement, tout d 'abord , poète et spécialiste des textes littéraires comme Callimaque, puis philosophe et mathématicien (= test. 2 Jacoby). Thalamas a essayé de déceler les raisons possibles de ce silence (cf. infra, B IV ). Malheureusement, aucun ouvrage ne nous est parvenu de l' immense produc

tion d 'Ératosthène, sauf (en version arabe) le traité sur les moyennes proportion nelles (cf. infra , II 7 ). Par ailleurs, nous ne connaissons cette production que par

des références ou des citations (paraphrases ?) chez les auteurs postérieurs. L ' opuscule qu 'on connaît sous le titre de Catastérismes n 'est sans doute pas

d 'Eratosthène, du moins sous sa forme actuelle (cf. infra , III, 11). Le seul recueil disponible de l'ensemble des fragments d 'Ératosthène est encore celui de 62 G . Bernhardy, Eratosthenica, Berlin 1822, réimpr. Osnabrück 1968, assez déficient et de toute évidence vieilli (cf. déjà 63 R . Stiehle, « Zu den

Fragmenten des Eratosthenes» , coll. « Philologus, Suppl.» 2, Leipzig , 1863, p . 453-492, notamment p . 463 sqq.). En fait, comme l'a remarqué Pfeiffer 13,

p . 170, la complexité et l'abondance des écrits d'Ératosthène, qui présentent des rapports significatifs entre eux, réclameà cor et à cri une nouvelle édition com plète des fragments qui nous sont parvenus. Dicks 14, p. 393, cite la thèse de R . M . Bentham intitulée The Fragments of Eratosthenes of Cyrene (University of London ), mais, à la suite de la mort de son auteur, cette thèse n ' a été ni soutenue ni publiée (date de la thèse dactylographiée : 1948 ). I. PHILOSOPHIE

Les fragments de caractère strictement philosophique, qui se trouvent ras semblés (d 'une manière incomplète ) dans Bernhardy 62, p . 186 - 202 ( cf. Stiehle 63, p . 487 sq.), représententune part très réduite de l'ensemble de ceux quinous

sont parvenus d'Ératosthène, ce qui rend impossible une connaissance précise de ses idées dans ce domaine. A ce qu'il semble (cf. Pfeiffer 13, p . 156 ), Érato

sthène n 'a pas eu de rapport particulier avec la philosophie dans sa ville natale, où l'école hédoniste fondée par Aristippe de Cyrène (3+ A 356 ) était établie. C 'est pendant son séjour à Athènes qu'il a fréquenté les philosophes établis dans

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cette ville , parmi lesquels, comme nous l'avons vu plus haut, il semble avoir préféré, d'après le témoignage de Strabon (I 2, 2), le stoïcien hétérodoxe Ariston

de Chios, les académiciens Arcésilas de Pitane et Apelle de Chios, et le cynique (éclectique) Bion de Borysthène. Aux yeux de Strabon, partisan de l'ancien stoï cisme, Ératosthène n 'a pas été adroit dans le choix de sesmaîtres, car, bien qu 'il

ait connu Zénon, il a suivi des disciples dissidents. Qui plus est, Strabon juge Ératosthène comme un simple dilettante non seulement en matière de philoso phie mais en toute autre discipline : « il désirait étudier la philosophie , mais man quant de courage pour se livrer entièrement à ce genre de vie , il s' y est engagé suffisamment pourtant pour satisfaire aux apparences ; peut- être voulait-il sim

plement se ménager un divertissement à ses autres études, en manière de distrac tion ou par simple jeu ; au reste , c'est dans tous les domaines qu'il adopte ce genre d'attitude » (trad . G . Aujac ). Ce jugement ne doit pas être pris sans une certaine méfiance, car il est évident qu 'on découvre toujours dans l'esprit de

Strabon une certaine animosité à l'égard d'Ératosthène (cf. Jacob 20, p. 115 ). En fait, Archimède, La quadrature de la parabole II, p. 164, 5 Mugler , considère

Ératosthène comme onovdalov xai pinooopiac npoeotāra álomóywç (cf. Id ., Sur la méthode III, p . 83, 18 -24 Mugler). Il est déjà remarquable de voir un talent encyclopédique comme celui d'Ératosthène s'inté resser, d 'une façon plus oumoins profonde, à la philosophie à une époque, l'époque hellénisti que, caractérisée justement par l'émancipation et la spécialisation des sciences par rapport à la philosophie : cf. 64 G . Giannantoni, « Su alcuni problemicirca i rapporti tra scienza e filosofia nell 'età ellenistica » , dans G . Giannantoni et M . Vegetti (édit .), La scienza ellenistica , Atti delle tre giornate di studio tenutesi a Pavia dal 14 al 16 aprile 1982, coll . « Elenchos » 9 ,

Napoli 1984 , p . 40-71. Les philosophes reprochent aux sciences et à leurs spécialistes leur caractère unilatéral, l'intention de fixer les principes de l'univers sans posséder une vision complète des choses (cf. 65 M . Isnardi Parente, La filosofia dell 'Ellenismo, Torino 1977 , p . 17). En fait, l'activité philosophique d 'Ératosthène doit être rattachée à son séjour athénien . A Alexandrie, la philosophie occupait seulement un rang subordonné, comme le remarque

Fraser 16 , t. I, p. 483, qui présente justement comme preuve le fait qu'Eratosthène soit le seul philosophe alexandrin d' importance.

Sans aller jusqu 'à considérer Ératosthène comme un dilettante en philoso phie, comme le fait Susemihl 1, t. I, p. 410 , sur les traces de Strabon , il serait erroné aussi de vouloir trouver chez lui une pensée philosophique cohérente et systématique, encore moins originale . C 'est donc à tort que 66 E . Zeller, Die

Philosophie der Griechen, t. III 1, 1, p . 45, le range parmi les stoïciens. 67 U . von Wilamowitz -Möllendorff, Antigonos von Karystos, coll. « Philologische

Untersuchungen » 4, Berlin 1881, réimpr. Berlin /Zürich 1965, p. 310 n. 21, récuse le prétendu stoïcisme d 'Eratosthène sur la base de Strabon, et le considère plutôt comme un « sceptique » . En réalité , comme le remarque Hirzel 23 , t. I,

p . 403 n. 1,le passagede Strabon autorise seulement à penser qu'Eratosthène n'a pas été, de l'avis du géographe, un stoïcien conséquent (cf. Susemihl 1, t. I,

p.410-412). A leur tour, d'autres critiques ont mis l'accent sur les aspects cyni ques de la pensée d'Ératosthène, envisageant surtout une influence du cosmo

politisme cynique (à travers Ariston ) dans la louange qu 'Ératosthène fait du comportement amical d'Alexandre à l' égard des peuples barbares (cf. supra, A ):

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ainsi 68 E . Schwartz , « Hecataeos von Teos» , RHM 40, 1885, p . 223- 262, notam

ment p . 238 sq. ; et d 'autres critiques cités dans Knaack 4 , col. 377. Mais, en raison de son esprit ouvert et encyclopédique, le qualificatif qui semble convenir le mieux à Ératosthène comme philosophe est celui d '« éclectique » (cf. Hirzel 23, t. I, p . 404 ; Jacoby 8 , t. II B , p . 705 ; Dicks 14, p . 389 ; Dragoni 17, p . 52- 54 ; Id. 18, p . 29-31). Comme le remarque Fraser 16 , t. I, p . 483 (cf. Id . 15, p . 179) , l' éclectisme d 'Ératosthène répond sans doute à une attitude purement person nelle et n 'a rien à voir avec l'éclectisme doctrinal qui fleurit à Alexandrie un

siècle ou plus après sa mort. En effet, il semble avoir pris ici et là ce qui s'accordait le mieux dans chaque

cas à ses points de vue. Par exemple, bien qu'ilse soit opposé à l'avis d 'Aristote sur le traitement qu 'Alexandre devait réserver aux barbares, sa conception de

l'art comme destiné à captiver et non à instruire (cf. Strabon I 2, 3 = I A 20 Berger) le révèle comme péripatéticien (cf. Hirzel 23, t. I, p . 404 ; infra , B V 2 ) .

Il est platonicien par ses idées sur les proportions géométriques, sur l'harmonie musicale , sur le temps (cf. ibid ., B II 8), sur la cosmologie en général (cf. ibid ., B VI 20 ). Hirzel 23, t. I. p . 403 n . 1, affirme qu 'Eratosthène se révèle stoïcien par le matérialisme de sa psychologie , car, tout en partageant l' idée platonicienne selon laquelle les âmes des hommes, avant leur incarnation , habitent les régions

célestes, il nie, d ' après Jamblique, ap . Stobée I 49, 39, p . 378 , 7 sqq. Wachsmuth , que ces âmes soient tout à fait incorporelles (cf. infra, ibid.) . Knaack 4 , col. 386 , pense qu 'il s'agit chez Jamblique d'un autre Ératosthène ( + E 51), qui serait un philosophe néoplatonicien (cf. 69 G . Knaack, art.

« Eratosthenes» 6 , RE V 1, 1907, col. 389). L . Brisson le range plutôt parmi les médio -platoniciens. Mais on peut se demander s'il ne s'agit pas de notre Érato sthène, dont on a supposé qu 'il a abordé dans certains ouvrages plusieurs thèmes

du Timée de Platon (cf. infra , B II 8, III 11, VI20). Par ailleurs, on s'attendrait a priori à ce que Stobée eût précisé qui était cet Ératosthène, s'il n 'avait pas pensé au nôtre. Bien que la chronologie de son œuvre ne puisse pas être fixée , il est vraisem

blable qu ’Ératosthène a composé ses écrits philosophiques pendant sa jeunesse, lors de son séjour à Athènes (cf. supra, A ).

(1) Tepi ayaObv xaixaxwv, Sur les biens et les maux. On possède deux fragments de cet ouvrage chez Clément d 'Alexandrie,

Strom . IV 56, 11 (= Théodoret, Thérapeutique VIII,604 b = fr. 8 Bernhardy = 20 Jacoby) et chez Harpocration d 'Alexandrie, s. v. åpuootai (fr. 7 Bernhardy = 24 Jacoby) . Chez Strabon II 2 , 2 , on lit Iepi tõv åyadov, qui peut être le titre

abrégé du même ouvrage (cf. Susemihl 1, t. I, p. 421 n . 67; Fraser 16 , t. II, p. 698 n . 36 ). On a supposé qu 'Eratosthène a exprimé ici les enseignements de son maître Ariston de Chios (cf. Knaack 4 , col. 385 ; Hirzel 23, t. I., p . 404 ;

Krämer 22, p . 164 sq.), ce qui semble tout à fait plausible . Cependant, l'hypo thèse de Bernhardy 62, p . 194 sq., reprise par Susemihl 1, t. I, p . 421, selon

laquelle cet ouvrage serait à identifier avec l’’Apiotwv dont parle Athénée VII,

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281 c- d (cf. infra, VII 26 ),manque complètement de fondement (cf. Knaack 4 , ibid . ; Fraser 16 , t. II, p.699 n . 37). Étantdonné qu'Ératosthène, d 'après Athénée, aurait mis en évidence dans son Ariston que ce philosophe ne se tenait pas toujours à l'écart du plaisir, Knaack 4 , ibid ., a supposé que l'au teur y a présenté une image de son maître qui ne péchait ni par idéalisation ni par critique destructrice. Quant au genre littéraire, on interprète souvent cet écrit comme un dialogue, de même que celui intitulé 'Apoivón (cf. infra , VII 27 ), auquel le même Athénée VII, 276 a-c ( = fr. 12 Bernhardy = 16 Jacoby) emprunte l'anecdote que nous avons rappelée plus haut (cf. Bernhardy 62, p . 197 ; Schwartz 5 , p. 187 ; Hirzel 23, ibid.) . D 'après Hirzel 23, t. I, p. 404

sq., ces deux ouvrages représenteraient une espèce demémoire dialogue des séjours d'Érato sthène à Athènes et à Alexandrie respectivement. En réalité, bien que notre auteur ait composé de nombreux dialogues, à en croire la Souda , on ne peut rien préciser sur la forme de ces deux écrits, sauf qu 'ils avaient vraisemblablement un caractère biographique. En fait, Fraser 16 , L. II, p . 699 n . 68, pense que l'Arsinoé était non un dialogue (Athénée le décrit comme ouy

ypaua ), mais plutôt une biographie. Sur cet écrit, voir 70 J.P. Rossignol, « Sur l'ouvrage

d 'Eratosthènes, intitulé Arsinoé» , RPh 1, 1845, p . 307-311. (2) Hepinoútov xai nevías, Sur la richesse et la pauvreté.

De ce traité on possède deux courtes citations chez D .L . IX 66 , et chez Plu tarque , Vie de Thémistocle 27 (fr. 10 et 11 Bernhardy). Bernhardy62, p. 195 sq., y rattache aussi l'anecdote sur Cratès et Hipparchia racontée par D . L . VI 88 (= fr. 9 Bernhardy = fr. 21 Jacoby = V H 19 Giannantoni). D 'ailleurs, il inter prète cet écrit comme une partie de l'ouvrage Sur les Biens et les Maux, avec l'accord de Susemihl 1 , t. I, p . 421 n . 67 , mais cela n 'est nullementnécessaire,

comme le remarque Knaack 4 , ibid . (cf. Fraser 16 , ibid .). (3 ) et (4) Hepi áruntiac et ſlepi tõv xatàoooopiav aipédewv. Ces deux écrits, Sur l'absence de chagrin (aúnin ) et Sur les sectes philoso phiques, se trouventmentionnés ensemble dans la Souda . On n 'en connaît que le

titre , mais on n 'a pas de raison de douter de leur authenticité , comme le fait Knaack 4 , ibid ., ni de supposer, comme le fait Bernhardy 62, p. 196 , avec de nouveau l'accord de Susemihl 1, ibid ., que le ſlepi drurias serait une partie de l'ouvrage Sur les biens et les maux. En outre , Bernhardy 62 , p. 106 , considérait

que le Περί των κατά φιλοσοφίαν αιρέσεων était un faux, au motif gue Diogène Laërce n 'aurait pasmanqué de citer un tel ouvrage dû à une autorité

comme Ératosthène. Fraser 16 , t. II, p . 699 n . 38 , ajoute qu’un ouvrage histo rique de ce genre n 'est pas très vraisemblable au IIra (cf. 71 J. Glucker, Antio chus and the late Academy, coll. « Hypomnemata » 56 , Göttingen 1978, p. 175 sq.).Mais ces arguments ne semblentpas probants.

(5) et (6 )Merétai, Exercices (oratoires), et Alároyol, Dialogues. Comme le reconnaît Knaack 4 , col. 385, on ne peut pas aujourd 'hui se pro noncer sur les exercices oratoires (uerétai) cités par Strabon II 2 , 2 , à côté de l'écrit sur les biens, et on ne peut pas les identifier sans plus avec les dialogues

nombreux dont parle la Souda, comme le voulait Bernhardy 62, p. 196 sq . (cf. Susemihl 1, t. I, p. 422 , n . 68 ). Rappelons d'ailleurs que Le Platonicien (qui

n'est pas cité comme titre séparé dans la Souda) a été considéré d 'ordinaire

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comme un dialogue, de même que l'Arsinoé, dont le caractère “ dialogique” semble cependant plus discutable. Enfin , on ne peut savoir si le mot d' Ératosthène concernant les âges de la vie figurait dans un ouvrage philosophique : « Eratosthène de Cyrène dit que la jeunesse est le printemps de la vie , l'âge mûr, l'été et l'automne, et la vieillesse en est l'hiver » (Cod. Paris. 1168 = Favori nus, Sur la vieillesse, fr. 10, p . 155 Barigazzi; trad. L . Paquet, fr. 2). Le même texte apparaît

chez Stobée IV 50 b , 78, p. 1047, 11 Hense ( = fr. 47 Jacoby) et dans le Gnomologium Vatica num 291. On retrouve la mêmepensée attribuée à Pythagore chez D .L . VIII 10. II.MATHÉMATIQUES

Si Ératosthène inclinait en tant que moraliste vers la doctrine stoïcienne dans

les traités philosophiques qu'il a écrits vraisemblablement dans sa première préiode, en tant qu 'homme de science il semble avoir cherché plutôt l'appui du platonisme de l'ancienne Académie, bien qu 'on ne puisse pas déterminer l'im portance du rôle joué ici par son maître Arcesilas (cf. Krämer 22, p. 164 sq.).

C 'est sans doute à Athènes qu'il a eu une connaissance approfondie des mathé matiques , même s'il a pu être initié déjà à cette science dans sa ville natale , où elle était une des spécialités locales (cf. Jacob 20, p. 114). Fraser 16 , t. I, p. 409, n 'exclut pas la possibilité qu ' Ératosthène ait écrit l'un ou l'autre de ses ouvrages

mathématiques avant son arrivée à Alexandrie, bien qu 'il avoue qu'on ne trouve

pas de raison pour le supposer. En fait, on a plutôt situé la production mathéma tique d 'Ératosthène dans le milieu alexandrin , en la rattachant à la tradition euclidienne fondée à Alexandrie au début de la dynastie des Lagides (cf. Thala mas 7, p . 56 sq.). Cette production appartient au domaine de la géométrie et de l'arithmétique,mais aussi à celui de l'astronomie et de la géographie mathéma

tique, que nous traiterons à part. Les fragments se trouvent rassemblés dans Bernhardy 62, p. 168 - 185. On peut identifier deux ouvrages d 'Eratosthène trai

tantde sujets mathématiques : d 'un côté , un traité Sur les moyennes proportion nelles (Ilepi Meoortwv) ; de l'autre, l'ouvrage intitulé Le Platonicien (Iłatw

vixóc), qui devait être sans doute le plus important. (7) HepiMeoothTwv, Sur les moyennes proportionnelles.

Cf. 72 H . G . Zeuthen, Die Lehre von den Kegelschnitten im Altertum , Deutsch von R . v. Fischer -Benzon , Kopenhagen 1886 , réimpr. Hildesheim 1966 (hrsg. undmit einem Vorwort und Register versehen von J. E. Hoffmann ), p. 309- 343, notamment 320 sqq. ; 73 G . Loria, Le scienze esatte nell'antica Grecia, Milano 19142, p. 347 sq.; 74 Th . Heath , A history of Greek mathematics, t. II : From Aristarch to Diophantus, Oxford 1921, réimpr. 1965, p . 105 sq ., 309 sqq. ;

Wolfer 9, p. 20-35 ; van der Waerden 10, p. 385-390 . On sait grâce à un mathématicien du IVP, Pappus, Synagoge VII 3, t. II, p. 636 , 24 sq. Hultsch , que cet ouvrage comprenait deux livres et qu'il faisait partie d'un manuel collectif des mathématiques alexandrines que Heath 74, t. II, p. 401, appelle le Trésor de l'analyse (åvahvóuevoç TónoC) et qui comprenait

des ouvrages d ’Euclide, Apollonios de Pergé, Aristée l'Ancien et Ératosthène (cf. 75 I. Thomas, Selections illustrating the history of Greek mathematics, coll.

209 ÉRATOSTHÈNE DE CYRÈNE LCL, t. II : From Aristarchus to Pappus, London 1941, p. 262). Pappus (ibid. VII

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22, t. II , p . 662, 15 sqq. Hultsch ), après avoir traité les lieux géométriques étu diés par Apollonios, fait référence à ceux qu'Eratosthène a décrits sur les pro portions et il affirme que ces lieux sont fondés sur ceux qu ' il vient de traiter, bien qu ' ils restent différents d 'eux (cf. Thomas 75, t. II, p . 264 sq.). Étant donné que les lieux cités d 'Apollonios présentent une typologie très variée, on ne peut pas établir à partir de là quel était au juste le sujet du traité d 'Ératosthène

(cf. Fraser 16 , t. I, p. 409 n . 265 [t. II, p . 591]) , bien que les critiques aient spé culé à ce sujet (cf. Zeuthen 72, p. 322- 343 ; Wolfer 9, p. 26 -29). L ' opportunité de ces spéculations peutmaintenant être vérifiée, car on a édité récemment (avec traduction anglaise ) une version arabe du traité , transmise dans

un manuscrit de Beyrouth , Univ . Saint- Joseph, 223: cf. 76 A . Muwafi et A . N . Philippou , « An Arabic version of Eratosthenes On mean proportionals» , JHAS 5 , 1981, p . 147 - 165 ; 77 R . Lorch , « A note on the technical vocabulary in Erato

sthenes ' tract On mean proportionals» , JHAS 5 , 1981, p . 166 -170 (appendice à

l'édition de la version arabe). (8 ) MatwVLXÓc, Le (dialogue ? ) Platonicien.

Cf. 78 E . Hiller, « DerNatwVixós des Eratosthenes», Philologus 30 , 1870, p. 60 - 72, qui a rassemblé les fragments ; Hirzel 23, t. I, p . 405 -407 ; Knaack 4 ,

col. 361- 363 ; Heath 74, t. I, p . 258-260 (cf. p. 244 -270 : « The duplication of the cube, or the problem of the two mean proportionals » ) ; 79 A . Schmekel, Die

positive Philosophie in ihrer geschichtlichen Entwicklung, t. I: Forschungen zur Philosophie des Hellenismus, Berlin 1938 , p. 60 -86 ; Wolfer 9 , p. 4 - 19 ; 80 F . Solmsen , « Eratosthenes as platonist and poet» , TAPHA 73 , 1942, p. 192

213 (= Kleine Schriften , coll. « Collectanea» 4, Hildesheim 1968, t. I, p . 203 224 ) ; 81 F. Lasserre, La naissance des mathématiques à l'époque de Platon, coll. « Vestigia » 7 , Fribourg Suisse/Paris 1990, p. 166 - 177 (paru d 'abord en ver

sion anglaise : The Birth of mathematics in the age of Plato , London 1964) ; van der Waerden 10 , p. 262-271 ; Fraser 16 , t. I, p. 410 -413 (notes dans t. II, p . 591 595 ; Id . 15, p . 180 -181) ; Dicks 14 , p . 391 sq. ; Dragoni 18 , p . 119 - 130 ; Krämer

22, p . 165 sq.

Pour la reconstitution du Platonicien on ne dispose que de deux citationsno minales, chez Théon de Smyrne, Expositio rerum mathematicarum ad legendum Platonem utilium , p . 2 , 3 - 12 Hiller (= fr. 3 Hiller; cf. Thomas 75 , t. I: From

Thales to Euclid , London 1957, p . 256 sq.), concernant le fameux « problème délien » , c 'est-à -dire le problème, posé déjà par Platon (Timée 31b - 32 b ), de la duplication du cube ; et, ibid ., p . 81, 17 - 84, 6 Hiller (= fr. 1 , 2 , 4 Hiller ;

cf. Thomas 75, t. II, p. 264-267), concernant les notions d'intervalle (Sláornua ), ratio ( óyos) et de proportion géométrique (åvaroyia ). Par ailleurs, les cri

tiques ont mis aussi à contribution d'autres prétendus fragments : cf. Sextus Em piricus, Adv.Math . III 28 ; X 281 sq.; Proclus, In Tim . 35 a, t. II, p . 152, 24 sqq. Diehl ( = fr. 6 Hiller) ; Aétius, Placita I 21, 3, p . 328 a 6 , 6 8 Diels (= fr. 7 Hiller ) ; Jamblique, ap. Stobée I 49, 39, p . 378 , 7 -11 Wachsmuth (= fr. 8 Hiller ;

210

E 52 ÉRATOSTHÈNE DE CYRÈNE cf. supra); Plutarque, Quaest. conv. VIII 2, 718 sq.; Ptolémée, Harmonica II 14 ,

p. 70 sq. Düring; Porphyre , In Ptolemaei Harmonica comm. 5, p. 91, 4-10 Düring. En ce qui concerne le problème délien , ils ont utilisé aussi la lettre

qu 'aurait adressée Ératosthène à Ptolémée Évergète et qui est transmise par un mathématicien du VIP , Eutocius ( E 175), dans l'un de ses commentaires sur l'æuvre d 'Archimède, Commentarii in libros de sphaera et cylindro II, t. III , p. 88 - 96 Heiberg (cf. Thomas 75 , t. I, p. 256 -260, 290 -296 ; 82 P. ver Eecke, « Eutocius et sa tradition de la lettre d 'Ératosthène au roi Ptolémée sur la dupli

cation du cube » , AIHS 9, 1956 , p. 217-226 ; traduction en français de la lettre aux pages 223 -226 ; ainsi que dans 83 Ch . Mugler (édit. ], Archimède, t. IV :

Commentaires d 'Eutocius et fragments, texte établi et traduit par Ch. M ., CUF, Paris 1972, p.64-69). En tout cas, ni la formeni le contenu du Platonicien ne peuvent être reconsti tués de façon sûre. Hiller 78 , p.68, voit dans cet écrit comme une espèce de commentaire sur la doctrine de la fabrication du corps et de l'âme du monde

dans le Timée de Platon, un commentaire dans lequel l'auteur aurait exposé aussi son propre système sur l'harmonie musicale lié à l'astronomie (cf. Susemihl 1, t. I, p .419). D 'autres critiques, à la suite de Hirzel 23, ibid ., le considèrent

comme un dialogue dont le premier rôle serait joué par Platon et le cadre imaginaire serait l'Académie (cf. Wolfer 9, p. 4, 12 sq., 17 ; Lasserre 79, p . 166

sq.; Fraser 16 , t. II, p. 591 sq. n. 268; Id . 15, p. 181 ; Krämer 22, p. 165; Mattéi

21, p.136). Cette dernière hypothèse paraît la plus plausible . En effet, Hirzel 23, t. I, p. 406 , affirme que certains éléments relèvent uniquement de la fiction littéraire (cf. Lasserre 81, p. 169) ; ils s 'expliquent mieux si on pense à un dialogue, tout comme le titre , car il suffirait de sous

entendre le mot óyoç. Plus tard Wolfer 9, p . 13 sqq., développe les arguments suivants : d 'un côté, l'idée d'un Platon fictif permettrait d 'expliquer les similitudes entre les mots d ' Éra tosthène cités par Théon ( loc. cit.) et les mots attribués à Platon par Pappus, Synagoge III 47, quine font référence à aucun dialogue de Platon ; de l'autre , les contradictions entre les diffé

rentes versions sur les origines du « problème délien » s'expliqueraient aussi par le caractère fictif du dialogue.

Laissant de côté les détails des différentes reconstitutions, parfois un peu arbi traires (cf. par ex . celle de Lasserre 81), on peut supposer que le Platonicien traitait (vraisemblablement sous la forme d 'un dialogue) certains sujets des mathématiques rattachés à la philosophie de Platon , comme les proportions, qui constituaient pour Ératosthène le fondement de la cosmologie (cf. Théon de Smyrne, op. cit., p . 82, 22 sqq. Hiller = fr. 1 , 28 sq. Hiller) et des mathématiques

(cf. Proclus, In primum Euclidis Elementorum librum comm., Prol. I, p . 43, 22 sq. Friedlein ), la théorie des gammes musicales (chromatique et diatonique ) et notamment le problème géométrique de la duplication du cube (le « problème délien » ). D 'après Ératosthène (fr. 3 Hiller), les habitants deDélos, comme la peste dévastait leur île, avaient consulté l'oracle d'Apollon et le dieu leur avait ordonné de doubler le volume de son autel, qui avait la forme d'un cube. Ils placèrent sur ce cube un second cube identique, mais la

peste ne cessa pas. Comme l'oracle leur reprochait de n 'avoir pas exécuté l'ordre du dieu, ils décidèrent d 'aller demander conseil au plus grand philosophe de la Grèce, Platon , qui leur fit

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ÉRATOSTHÈNE DE CYRÈNE

211 voir qu 'Apollon leur reprochait de négliger la géométrie. Dans le débutde la lettre citée plus haut, Eratosthène raconte à Évergète une autre origine du problèmede la duplication du cube : un poète tragique ancien (sans doute anonyme) aurait représenté Minos se plaignant du fait que la tombe construite pour son fils Glaucos était trop petite pour un prince, et Minos aurait

ordonné de la doubler, avec la suggestion de le faire par la duplication de ses côtés (= TGrF adesp. 166). L 'auteur affirme que cette suggestion n'était qu'apparemment erronée, et elle donna lieu à un sujet de recherche parmiles géomètres, qui tentèrent par la suite de doubler un solide donné tout en gardant la même forme. L 'auteur de la lettre présente la solution d 'Hippocrate de Chios ( H 151), qui ramenait le problème à une question de géométrie : la construction de deux moyennes proportionnelles entre deux segments de droite donnés. L 'au

teur revient ensuite à la version « délienne» du problème (cf. supra , le fragment du Platonicien ) : les habitants de Délos se seraient adressés ensuite aux géomètres qui se trouvaient auprès de Platon dans l'Académie pour leur demander de trouver la solution du problème. Il

mentionne les tentatives d'Archytas de Tarente (" A 322), d'Eudoxe de Cnide ( E98 ) et de application pratique à leurs solutions théoriques, sauf partiellementMénechme. Finalement,

Ménechme de Proconnèse , qui sont dits avoir échoué pour n ' avoir pas réussi à donner une

l'auteur affirmeavoir découvert une solution mécanique permettant de trouver non seulement

deuxmoyennes proportionnelles entre les segments de droite donnés mais toutes lesmoyennes proportionnelles dont on puisse avoir besoin . Il en présente la démonstration , d 'abord d 'une

façon géométrique, au moyen de trois parallelogrammes, ensuite de façon mécanique, au moyen d 'un instrument (décrit aussi par Pappus, Synagoge III 22-23, t. I, p . 56 -58 Hultsch ,

sous le nom de « mésolabe » , ibid., III 21, p. 54 ) qui consiste en une structure ( en bois, ivoire ou bronze) formée (selon les figures de la démonstration antérieure ) de deux règles parfaite

ment parallèles avec des rainures permettant de glisser longitudinalement trois plaques rectan gulaires (triangulaires selon Pappus) susceptibles d 'être déplacées indépendamment l' une de l'autre et d ' être superposées. Commele remarque Fraser 16 , t. I, p. 411 sq., le texte qui suit ne se rattache pas très bien à ce qui vient d ' être dit : on y fait référence à l'instrument de bronze

comme étant placé sur une colonne en marbre: il faisait partie d 'une dédicace, qui comporte rait aussi une inscription (contenant une version abrégée de la démonstration ) ainsi qu 'une épigramme de huit lignes, dans laquelle Eratosthène affirme que si l'on veut doubler un cube pour des raisons pratiques, on peut le faire facilement au moyen de cet instrument, sans devoir

recourir aux difficiles démonstrations mathématiques d'Archytas (comportant des cylindres), d'Eudoxe (comportant des figures courbes) et de Ménechme (comportant des sections coni ques ). Dans les deux derniers vers, l'auteur fait un « envoi» élogieux au roi et à son fils, et

termine avec son « sceau » : « Voici l'ouvre d'Ératosthène de Cyrène.» Sur les solutions d 'Archytas, Eudoxe etMénechme, voir 84 A . Sturm , « Das Delische Pro blem I : Behandlung des Problems in der platonischen Zeit» , XXIX Programm des K . K . Ober

Gymnasiums der Benedictiner zu Seitenstetten. Veröffentlicht am Schlusse des Schuljahres 1895 , Linz 1895 , p . 3 - 56 , notamment p . 22 - 32 (Archytas), p . 32 - 37 (Eudoxe), p . 37 -48 (Ménechme), et 85 O . Becker, Dasmathematische Denken der Antike, coll. « Studienhefte zur

Altertumswissenchaft » 3, Göttingen 1957, 19662 (mit einem Nachtrag von G . Patzig ), p . 76

80 (Archytas ), p. 80-82 (Eudoxe), p. 82-85 (Ménechme). Susemihl 1, t. I., p. 420,met en cause l' authenticité aussi bien de la lettre que de l'épi gramme votive. En revanche, depuis Wilamowitz 31, p. 23 sqq. = p. 56 sqq., on accepte l'au col. 362 ; Fraser 16 , t. I, p.412 ; Dicks 14, p. 392 ; Krämer 22, p. 165 ; Powell 60, fr. 35 , p .66

thenticité de l'épigramme, bien qu 'on considère la lettre comme inauthentique (cf. Knaack 4 , sq., tient l'épigramme pour « dubium » ). En effet, l'auteur inconnu de la fausse lettre semble bien avoir eu sous les yeux, outre le Platonicien d'Ératosthène, son épigramme votive, qu ' il a dû lire encore sur la colonne. La seule information nouvelle apportée par la lettre est la version

non « délienne » sur les origines du problème de la duplication, laquelle, comme le suggère Wilamowitz 31, p. 21 = p. 54 sq ., peut provenir du Platonicien .Dans le même sens, Fraser 16, t. I, p. 410, suggère que cet ouvrage comportait d'autres versions,outre la version « délienne ». En général, on a considéré aussi que la démonstration du « mésolabe » utilisant des triangles

que l'on trouve chez Pappus représente une construction plus authentique que celle utilisant

212

ÉRATOSTHÈNE DE CYRÈNE

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des rectangles que l'on trouve dans la lettre (cf. Wilamowitz 31, p. 17 = p . 50 ; Heath 74, t. I, p . 258 sqq. ;Wolfer 9, p. 37 ; Fraser 16 ,t. II, p. 593 n . 283). 86 G . Agosti, « Eratostene sulle Muse e il Re» , Hermes 125, 1997 , p. 118- 123, interprète les derniers vers de l'épigramme (vv. 13- 18 ), où Eratosthène s 'adresse directement à Evergète (en roi protecteur desMuses), comme un habile éloge des vertus du roi en tant que père , qui

serait en mêmetemps un éloge de l'efficacité d'Ératosthène en tant que précepteur du prince, le futur Ptolémée IV Philopator. Sile comportement ultérieur de celui-ci a déçu les attentes de

son maître (cf. supra, A , l'anecdote sur Arsinoé III = fr. 16 Jacoby ), cela appartient, comme l' indique Agosti, à la réalité des faits, qui, de toute évidence , n 'était pas prévue dans l' enco mium .

Solmsen 80, p. 201 sqq. = t. I, p. 212 sqq., soutient qu ’Ératosthène a abordé dans le Platonicien plusieurs thèmes du Timée de Platon (l'âme du monde, la descente des âmes, etc.). De plus, il soutient qu'un grand nombre de concepts utilisés par Platon dans le Timée pour expliquer l'univers ont exercé une influence sur une partie importante de l'æuvre d 'Eratosthène, non seulement sur

ses études mathématiques et sa théorie de la musique, mais aussi sur sa cosmo logie (cf. infra , VI 20) et sa géographie (ibid ., IV 12). Cependant Fraser 16 , t. I, p. 482 n. 31 (t. II, p .698 ), en ce qui concerne le Platonicien , pense que beaucoup des reconstitutions de Solmsen sur le platonisme d 'Ératosthène touchant des

sujets non mathématiques ne sont pas convaincantes: pour lui, il faut se borner à dire qu 'Eratosthène, dans cet ouvrage, plus exactement dans les parties concer nant les mathématiques, était essentiellement platonicien , et qu'il a sans doute

collaboré , comme auparavantEuclide (2- E 80), à la transmission à Alexandrie d'une partie importante de la doctrine mathématique de Platon . A ce sujet, 87 M .

Vegetti, « La scienza ellenistica : Problemidi epistemologia storica » , dans G . Giannantoni et M . Vegetti ( édit.), La scienza ellenistica , Atti delle tre giornate di studio tenutesi a Pavia dal 14 al 16 aprile 1982, coll. « Elenchos » 9, Napoli 1985 , p. 427 -470, notamment p. 437, parle d'un « platonisme réduit» d 'Éra

tosthène et d'autres spécialistes de la science de son époque comme les mathé maticiens Eudoxe de Cnide et Euclide, conformément à une tradition physique

quia son origine dans le Timée .

(9) Inventions:le «mésolabe» et le « crible» d'Eratosthène. Nous avons déjà décrit le « mésolabe » , dont parle aussi Vitruve, De l'Archi

tecture IX 1, 14 , comme la solution donnée par Ératosthène au problème de la duplication du cube. On sait que cette invention faisait partie d 'une dédicace votive en l'honneur de Ptolémée III, consistant en un monument placé vraisem blablement dans le temple consacré à Ptolémée (cf. Wilamowitz 31, p. 27 sqq. =

p .61 sqq.), ou bien dans l'enceinte du Musée ou du palais (cf. Fraser 16 , t. I, p. 413 et n . 297 [t. II, p. 595 sq.), qui mentionne d'autres dédicaces scientifiques

similaires de l'époque). La solution mécanique d'Ératosthène montre l'existence de mathématiques pratiques parallèles aux mathématiques théoriques platoni ciennes (cf. Dragoni 17 , p. 57; Id . 18 , p. 34), et l'intérêt pour les solutions pra

tiques semble une caractéristique générale du personnage (cf. Fraser 16 , t. I, p. 415 ; Dragoni 18, p. 130-141). En fait, comme le remarque Fraser 16 , t. I, p. 413, cette solution ne représente pas un progrès théorique, car la réduction du

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213

problème de la duplication du cube au problème de la recherche des moyennes

proportionnelles avait été déjà suggérée par Hippocrate de Chios (cf.supra ). Cela dit, on ne peut pas douter de l'importance d 'Ératosthène comme mathé maticien , attestée par Vitruve (loc. cit.), qui le mentionne à côté d 'Apollonios de Pergé ou d 'Archimède. Sa renommée dans ce domaine semble d'ailleurs assurée par la correspondance scientifique qu 'Archimède a maintenue avec lui (cf. Fraser 16 , t. I, p . 399-409 ; Dragoni 17, p . 58-62 ; Id . 18, p. 35 -39 ; Manna 19 , p . 42 sq.): c 'est à lui qu 'il dédie , sous la forme d 'une lettre , son très important

traité Sur la méthode (Ilepi tõv ungavixõv Dewpnuátwv tpos 'Epatoo dévny

Ěpodos), l'un de ses derniers traités (édit. Mügler, t. III, p . 82- 127; cf. 88 0 . Becker, Grundlagen der Mathematik in geschichtlicher Entwicklung, coll. « Orbis Academicus. Problemgeschichten der Wissenschaft in Dokumenten und

Darstellungen » II 6, Zweite erweiterte Auflage, Freiburg im Breisgau/München 1964 , p. 55 -57, 59 ; Id . 85 , p . 109 sq.) ; c 'est lui aussi qu 'il a choisi comme desti

nataire d 'un problèmemathématique qu 'il propose à tous les mathématiciens alexandrins, le « problème des bæufs » (npóßanua Boelxóv ), qu'on connaît par un poème qui n 'est sans doute pas d 'Archimède (édit.Mügler, t. III, p . 170- 173 ; cf. 89 P . Tannery, « Sur le problème des beufs d 'Archimède » , Bulletin des sciences mathématiques, 2° sér., 5, 1881, p . 25- 30 = Mémoires scientifiques, t. I :

Sciences exactes dans l'Antiquité 1876 - 1883, I, Toulouse /Paris 1912, réimpr.

1995, coll.« Les grands classiquesGauthier-Villars » , p . 118- 123). Enfin , dans le domaine de l'arithmétique, Ératosthène est passé à la postérité comme l'inventeur du « crible » (xboxLvov), un procédé élémentaire pour l'ob

tention des nombres premiers, consistant à écrire les nombres 1, 2 , et la série des

nombres impairs à partir de 3 jusqu'à une limite fixée, et à les rayer à partir de 32 = 9 de trois en trois (lieux] ; à partir de 52 = 25, de cinq en cinq (lieux ), et ainsi successivement jusqu 'au point où on arrive à un nombre premier dont le carré

dépasse la limite fixée, tous les nombres qui restent non rayés étant par consé quent premiers (cf. Nicomaque de Gérasa, Introductio arithmetica I 13, 2 -4 ,

p. 29, 17 sqq.Hoche; Dragoni 18, p . 128-130 ). III.ASTRONOMIE ET GÉOGRAPHIE MATHÉMATIQUE Comme le remarque Thalamas 7 , p . 57, l'astronomie a toujours été en hon neur chez les Ptolémées, et les observations d 'Aristarque de Samos (2 A 345), « le Copernic de la Grèce » , d'Aristylle et de Timocharès, ainsi que l'installation , dans le Palais et probablement dans le portique du Musée, de grandes armilles

permettent de croire à l'existence d 'un véritable observatoire . Sous la direction d 'Ératosthène, les différentes institutions culturelles et scientifiques financées par la cour des Ptolémées semblent avoir accentué leur caractère scientifique et

mathématique, tout en conservant leur caractère philologique et humaniste ( cf . Dragoni 17, p. 63; Id . 18 , p . 41) . Depuis 90 M . Montucla , Histoire des

Mathématiques, Paris 1758, t. I, p. 253, on rattache d' ordinaire à Ératosthène la construction des armilles de l'observatoire du Musée (cf. Marlowe 25, p . 74 ;

Dragoni 17, p . 66; Id . 18 , p. 42), bien qu'aucun document ne prouve qu'il ait

214

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spécialement contribué aux outils d 'observation astronomique. En tout cas, les observations qu 'il a entreprises dans ce domaine ont dû compter sur l'appui financier de la cour, où Ératosthène semble avoir joui (comme Callimaque ) d'une bonne position (cf.Dragoni 17 , p .65 ; Id . 18, p . 234). Il marque à l'époque hellénistique l'apogée de la géographie scientifique (« théorique » ) qui se fonde sur la géométrie , l'astronomie et la physique pour donner du monde une image rationnelle. Il écrivit un traité sur la mesure de la terre où il calculait la longueur du méridien terrestre. Ce traité semble avoir été

distinct de son ouvrage proprement géographique où il décrivait le monde habité

(cf. Thalamas 7 ,p.65). ( 10) Hepi tñs åvawetpňoewç tñs rñs, Sur la mesure de la terre. Cf. 91 H . Berger, Die geographischen Fragmente des Eratosthenes, neu ge sammelt, geordnet und besprochen , Leipzig 1880 , réimpr. Amsterdam 1964, p. 99- 142 ; 92 S . Günther, « Die Erdmessung des Eratosthenes » , Deutsche

Rschau 3, 1881, p . 327-335 ; 93 P. Tannery , Recherches sur l'histoire de l'astro nomie ancienne, Paris 1893, réimpr. Hildesheim /New York 1976, p . 103-121 (chap. V : « La sphéricité de la terre et la mesure de sa circonférence » ), notam ment p . 115 - 117 ; 94 G . M . Columba, Eratostene et la misurazione del meridiano

terrestre, Palermo 1895; 95 H . Nissen, « Die Erdmessung des Eratosthenes» , RhM 58, 1903, p. 231- 245 ; 96 E . Hoppe, Mathematik und Astronomie im

klassichen Altertum , coll. « Bibliothek der klassischen Altertumswissenschaft» 1, Heidelberg 1911, p . 280-286 ; Thalamas 7, p. 128 - 164 ; 97 W . Kubitschek , art. « Erdmessung » , RESuppl. VI 1937, col. 31-54, notamment 35 -42 ; Fraser 15 , p . 187-189 ; 98 L . V . Firsov, « Eratosthenes' calculation of the earth 's circum ference and the length of the Hellenistic stade » (en russe avec résumé en angl.), VDI 1972 n° 121, p. 154- 174 ; Dragoni 18, p. 161-232 ; 99 R . R . Newton , « The sources of Eratosthenes' measurement of the earth » , QIRAS 21, 1980 , p . 379

387 ; 100 Á . Szabó et E . Maula, Les débuts de l'astronomie , de la géométrie et de la trigonométrie chez les Grecs, traduit de l'allemand (Enklima. Unter suchungen der Frühgeschichte der griechischen Astronomie, Geographie und

der Sehnentafeln , Athènes 1982] par M . Federspiel, coll. « L 'histoire des scien ces. Textes et études », Paris 1986 , p. 55-60 ; 101 D . Rawlings, « Eratosthenes’ geodesy unrevealed . Was there a high -accuracy Hellenistic astronomy ?» , Isis 78, 1982, p . 259- 265; 102 M . Cimino , « A new , rational endeavour for under standing the Eratosthenes numerical result of the earth meridian measurement» ,

dans Compendium in astronomy. A volume dedicated to John Xanthakis, Dordrecht 1982, p. 11-21 ; 103 B . R . Goldstein , « Eratosthenes on the measure ment of the earth » , HistMath 11, 1984, p .411-416 ; 104 G . Aujac, La Sphère, instrument au service de la découverte du monde. D 'Autolycos de Pitanè à Jean de Sacrobosco, coll. « Varia » 11, Paris 1993, p . 77-97 (= « Astronomie et géo

graphie scientifique dans la Grèce ancienne» , BAGB 32 , 1973, p.441-461). L 'existence d'un traité particulier d 'Ératosthène sur la mesure de la terre avait

déjà été suggérée par Berger 91, p. 119 sq., à partir d'un passage de Macrobe,

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215

Comm . sur le Songe de Scipion I 20, 9 : et Eratosthenes in libris dimensionum sic ait : mensura terrae septies et vicies multiplicata , mensura solis efficiet. Cepen dant, Berger 91, p. 99- 142, plaçait la plupart des fragments sur la mesure de la terre réalisée par Ératosthène (= II B : « Erdmessung » ) dans le deuxième livre de

la Géographie de celui-ci (cf. Susemihl 1,t. I. p .415 sq.). Plus tard ,Nissen 95 , p . 232 sq., retrouva le texte d'un technicien, probablement du IP, Héron d 'Alexandrie , Dioptra 35, p. 302 Schöne (cf. Thomas 75 , t. II, p. 272), confir

mant l'existence d'un ouvrage « géodésique» d'Ératosthène, ayant pour titre Hepi tñs åvawetoñoewç tñs rñs. Il prétendit en outre en déterminer le conte

nu en s 'appuyant sur une interprétation personnelle d'un passage de Galien ,

Institutio logica XII, p. 26-27 Kalbfleisch, où Ératosthène est cité. En effet, considérant que ce passage donne des renseignements sur ce que dit l'ouvrage à propos de la mesure de la terre , il affirme (p . 232) qu'il y avait des exposés astronomiques généraux sur la grandeur de l'Équateur, la distance des cercles polaires et du tropique, l' étendue de la zone polaire, la grandeur et la distance du soleil et de la lune, les éclipses totales et partielles de ces astres, les variations de la durée des jours d 'après la différence de latitude et les saisons de l'année (cf.

Knaack 4 , col. 364). Mais Thalamas 7 , p . 126 , a contesté à juste titre cette reconstitution , car lorsque Galien parle de la grandeur et des distances du soleil et de la lune, puis de la description des éclipses et de la variation de la durée du jour d 'après les latitudes et les saisons de l'année , il emprunte ces exemples non plus à Eratosthènemais aux astronomes (Étuintal toiç ảotpovóuous): « Ces éléments purement astronomiques ne sauraient donc être introduits sur la foi de

Galien dans la Géophysique d'Ératosthène.» D 'autre part, Thalamas 7, p.66 , considère que l'ensemble des livres du traité cité par Macrobe formait une source commune d 'où nous sont venues les idées d 'Ératosthène sur l'évaluation du méridien terrestre , sur les zones, sur les inégalités de la surface du globe, enfin sur la grandeur du soleil par rapport à celle de la terre et sur la distance de celle-ci à la lune et au soleil (cf. 105 0 . Neugebauer, A History of ancient mathematical astronomy, coll. « Studies in the history ofmathematics and physi

cal sciences » 1, Berlin /Heidelberg/New York 1975, p. 660 et 663). Donc il ne

pense pas (p. 70) qu ’Ératosthène a écrit par exemple un ouvrage particulier sur la mesure du soleil, comme on l'a cru sur la base du témoignage deMacrobe. En se fiant plutôt à Héron , Thalamas 7, p. 71, soutient « que le traité d 'Ératosthène...

était consacré exclusivement aux mesures de tout ordre qui se rapportaient à la sphère terrestre , prise dans son ensemble, et que le titre en était bien : nepì tñs åvapetpňoews tñs rñs, c'est-à -dire “ la mesure exacte de la Terre " ou, en for

çant un peu, “ la réforme des mesures de la Terre ” . La traduction donnée par Macrobe... serait ainsi une simple déformation de l'original et le pluriel employé viserait le contenu du traité.» Bref, à l'encontre de Nissen 95, Thalamas ne pense pas qu 'aucun des points de ce traité avait le caractère d 'exposé astrono

mique général. Par ailleurs, Thalamas 7, p. 66 , 183, reprend l'hypothèse de

Knaack 4 , col. 366, selon laquelle la description de la Rose des Vents d 'Érato sthène que l'on trouve chez Galien , Comm . in Hipp . de humoribus III 13, t.XVI,

ÉRATOSTHÈNE DE CYRÈNE E 52 p. 403 sq. Kühn (distinguant cinq zones: deux zones glacées, deux zones tem

216

pérées et une zone torride), pouvait trouver place dans le traité qui nous occupe,

tandis que Berger 91, p .210 sq., la plaçait dans le troisième livre de la Géogra phie. Ératosthène n 'a pas suivi l'hypothèse héliocentrique lancée par Aristarque de Samos; il partageait encore l'hypothèse géocentrique, à laquelle on s'est attaché notamment dans les milieux stoïciens. Mais, loin d ' être un frein aux découvertes scientifiques, cette hypothèse a

été très opératoire, ainsi que l'a remarqué Aujac 104, p . 23 -32 (= « Le géocentrisme en Grèce ancienne ?» , dans Avant, avec, après Copernic , XXXie semaine de synthèse, juin 1973, Paris

1975, p. 19-28 ); et p. 33-56 (= « Stoïcisme et hypothèse géocentrique », ANRW II 36 , 3, 1989, p . 1430 - 1453) . Eratosthène a été le premier à réaliser un essai d'évaluation tout à fait scienti fique de la circonférence terrestre. Nous connaissons le procédé qu ' il a suivi grâce à la description de Cléomède, De motu circulari corporum caelestium I 10 , 3-4 , p. 94 , 23 - 100 , 23

Ziegler = 17, 48 - 110 Todd : cf. Thomas 75, t. II, p . 266 -273; 106 R . Goulet, Cléomède, Théo

rie élémentaire (« Demotu circulari corporum caelestium »), texte présenté, traduit et com menté, coll. « Histoire des doctrines de l'Antiquité classique » 3 , Paris 1980 , p . 123- 125 ;

107 G .Donnay, « A propos de quelques traités grecs d'astronomie récemment traduits en fran çais » , dans Gh. Viré (édit.), Grec et latin en 1981. Études et documents, Bruxelles 1981, p. 37-78 , notamment p.58-64 (texte et traduction ), p.69 sq. (commentaire ). Nous rapportons

le procédé en question dans les mots d'Aujac 104, p. 82 sq. : « Pour mesurer la circonférence terrestre , le principe est simple ... : on avait observé qu ' à Syène en Égypte (l'actuelle Assouan ) le jour du solstice d 'été, à midi, un puits parfaitement cylindrique était éclairé jusqu 'en son

fond : c'était donc que le soleil se trouvait alors à la verticale du lieu. La direction du soleil au

mêmeinstant à Alexandrie formait alors avec la verticale du lieu un angle quimesurait l'angle au centre correspondant à l'arc Syène-Alexandrie, à condition, bien sûr, de poser en principe que Syène et Alexandrie sont sur le mêmeméridien (ils sont en fait distants de 2º 1/2 de longi tude). Ératosthène mesura cet angle, au moyen du gnomon (n 'importe quel obélisque pouvait

faire l'affaire ), et le trouva égal à 1/50e de circonférence (soit 7° 12'). La circonférence ter restre vautalors cinquante fois la distance Syène-Alexandrie, évaluée à 5.000 stades ; cela fait donc 250 .000 stades, que l'on arrondit au chiffre supérieur divisible par soixante ; on trouva ainsi 252.000 stades. »

Aujac juge inutile de discuter sur la valeur réelle du stade pour en déduire la plus ou moins grande exactitude de cette évaluation : « ce sont des discussions gratuites à mon sens, puisqu 'il est bien évident que 5.000 stades (distance Syène-Alexandrie ) est un chiffre rond, tout autant

que 1/50e de cercle... et tout autant que les 252.000 stades divisibles par soixante. L 'important, me semble-t- il, est de constater la précision de l'observation gnomique, et de savoir que cette

évaluation de la circonférence terrestre permettait de fixer la valeur théorique du stade par rapport au degré terrestre. Pour une circonférence de 252.000 stades, le degré terrestre vaut en effet 700 stades. Quand, par “moyens gnomiques ", nous dit Strabon (II 5 , 24 ) (c 'est-à -dire en fait par la mêmeméthode astronomique), Eratosthène fixe la distance entre Alexandrie et Rhodes à 3.750 stades, c 'est une simple manière de parler pour indiquer qu 'il y a entre ces

deux villes une différence de latitude de 5° 20', ce qui estrigoureusementexact.» Pour la mesure de l'arc de méridien entre Syène et Méroé dont parle Martianus Capella

(VP),Noces de Mercure et de la Philologie VI, p. 209, 18-21 Willis, voir Dragoni 18, p. 188 sqq. Pour la discussion autour de la valeur du stade d 'Ératosthène: cf. 108 F. Westberg, « Zur Topographie des Herodot » , Klio 14 , 1915 , p . 338 - 344 ; 109 O . Viedebantt, « Eratosthenes, Hipparchos, Poseidonios. Ein Beitrag zur Geschichte des Erdmessungsproblems im Alter tum » , Klio 14 , 1915, p . 207-256 , notamment p . 232 -252 (Exkurs 1 : « Die Größe des eratosthe nischen Stadions. Zur Frage des philetärischen und des italischen oder römischen Fuß

maßes » ); 110 Id ., « Poseidonios,Marinos, Ptolemaios. Ein weiterer Beitrag zur Geschichte des Erdmessungsproblems in Altertum » , Klio 16 , 1917 ( 1920 ), p . 94 - 108 , notamment p . 100

108 (= Exkurs III : « Zur Frage des herodoteischen Stadions» ) (cf. Dicks 161, p. 150 sq.); 111 A . Ruiz Cadalso , « La véritable valeur du stade d'Ératosthène et des dimensions de la terre

217 E 52 ÉRATOSTHÈNE DE CYRÈNE déduites par lui» , Bulletin géodésique 58 , 1938, p . 148 -157 ; 112 D . Engels, « The length of Eratosthenes' stade » , AJPh 105, 1985 , p. 298 -311 ; 113 E . Gulbenkian , « The origin and value of the stadion unit used by Eratosthenes in the third century B . C .» , AHES 37, 1987 , p. 359 363.

Strabon (II 5, 24) adopta l'évaluation d'Ératosthène, qui avait été acceptée par Hipparque de Nicée (194-200P) et qui était la plus généralement admise de son temps. Un autre représentant de la géographie scientifique est le stoïcien Posidonius (135 -50 ), qui évalue aussi la circonférence terrestre à partir de l'observation de l' étoile Canope à Rhodes et à Alexandrie (cf. Strabon , ibid. ; et Cléomède I 10 ), bien que son résultat soit moins exact. Pour l' influence

d 'Ératosthène dans ce domaine de la géographie mathématique sur Hipparque et Posidonius, voir Viedebantt 109, p . 207-232 ; Id . 110 p. 94 -100 (cf. 114 A . Diller, « Geographical latitudes in Eratosthenes, Hipparchus and Posidonius » , Klio 27, N . F . 9 , 1934, p. 258 - 269 (cf. Dicks

161, p. 151 sq.;Neugebauer 105, p. 304 sq., 334 sq.,651-654, 734, 939]). L ' autre évaluation d'Ératosthène capitale pour l'astronomie et la géographie , celle de la mesure de l'obliquité de l'écliptique, nous est connue par Ptolémée, Syntaxis mathematica I 12, 1. I 1, p.67 sq. Heiberg (cf. Théon d' Alexandrie , Commentaria in Ptolemaei syntaxin mathematicam I 12 , t. II, p . 528 sq. Rome) : il décrivait l'obliquité de l'écliptique comme la

moitié de l'arc compris entre les deux tropiques, estimé par lui aux 11/83e de la circonférence (cf. Knaack 4 , col. 366 ; Dragoni, 18 , p . 76 - 88; Neugebauer 105 , p . 734) . A ce sujet, voir 115 B . R . Goldstein , « The obliquity of the ecliptic in ancientGreek astronomy» , AIHS 33, 1983, p. 3- 14 ; et 116 C .M . Taiswak, « Eleven eighty -thirds. Ptolemy's reference to Erato sthenes in Almagest, I, 12 », Centaurus 27 , 1984, p . 165- 167, pour qui Ptolémée n 'a pas emprunté à Ératosthène, qui l' ignorait, la fraction 11/83 correspondantau double de l'inclinai

son de l'écliptique par rapport au grand cercle équatorial.

(11) ’Aotpovouía ñ Karaoteplouoi,Astronomie ou Catastérismes. Toujours dans le domaine de l'astronomie, il semble qu ’Ératosthène a compilé un catalogue des constellations. En effet, la Souda mentionne dans sa présentation de l’æuvre d'Ératosthène une Astronomie ou Catastérismes

('Aotpovoulav ñ xataoteplouoúc). Par ailleurs, il nous est parvenu dans divers manuscrits un opuscule anonyme, soit sans titre, soit avec l’en-tête 'Aotpodeolar (woiwv, contenant un catalogue de 44 constellations et 475 étoiles fixes, dans lequel se trouve souvent mélangée une part demythologie . Il s'agit de légendes sur des personnages ou des êtresmythologiques qui, à la suite de leur vie terrestre, sont transformés en des constellations par l'euvre d'un dieu

qui les fait monter jusqu'au ciel en récompense ou en souvenir de leurs actions. Depuis l'editio princeps de J. Fellus, Oxonii 1672 , on appelle d'ordinaire cet opuscule Catastérismes, et on l'attribue à Ératosthène sur la base du témoignage

de la Souda. Cependant, les critiques ontcontesté plus ou moins radicalement que cet opuscule puisse être attribué à Eratosthène. 117 K . Robert, Eratosthenis Catasterismorum reliquiae, Berolini 1878, réimpr. 1963, p. 30 - 35, soutient que le texte quinous est parvenu des Catastérismes (p. 50 -199 de son édi tion ) ne peut pas être attribué à Ératosthène, car il présente des caractéristiques d'une langue trop tardive . Cela dit, il soutient qu 'il a existé un ouvrage mythographico -astronomique d 'Era

tosthène, dont il suppose que le titre était Katároyou (p. 34 ) sur la base d 'une scholie à Homère, Iliade X 29, se rapportant à l'histoire d' Érigonè, où on lit : « Eratosthène raconte cela

dans ses Catalogues» (cf.Robert 117, p. 39, li. 13 sq .). L 'opuscule quinous est parvenu (les Catastérismes) ne serait que le résultat d 'un abrégé (épitomé) fait au IIIP ou même au IVP. A son tour, 118 E .Maass, Analecta Eratosthenica, coll. « Philologische Untersuchungen » 6 ,

Berlin 1883, p. 3 sq. (p. 1-55: « De Eratosthenis qui feruntur Catasterismis »), défend comme

218

ÉRATOSTHÈNE DE CYRÈNE

E 52

titre réel de notre opuscule celuitransmis par la Souda, c'est-à -dire 'Aotpovouía , en interpré tant l'expression ñ xataoteplouoi non pas comme un sous-titre de l' ouvrage mais comme

une courte description , due au lexicographe, de son contenu. D 'après lui, ce n 'est pas Éra tosthène qui a rédigé le premier catalogue systématique des étoiles mais Hipparque, l'auteur

du commentaire des phénomènes d'Aratos (IIP ). Auparavant, n 'auraient existé que les cata logues déficients d 'Aristylle et Timocharès.Maass constate dans notre opuscule des éléments

quine peuvent pas être rapportés à Ératosthène et que l' on ne peut pas expliquer tout simple ment commedes interpolations (cf.Robert 117, p. 31; et 119 J. Böhme, « Über Eratosthenes Katasterismen », RHM 42, 1887, p. 286 -309). Il défend plutôt l'hypothèse suivante : cet écrit a été compilé à partir d 'un commentaire à Aratos (peut-être celui de Sporos vers 100P ) à la fin

du IIP ou IIIP par un falsificateur qui a voulu mettre l'æuvre sous le nom réputé d'Ératosthène, et qui a donc supprimé les références postérieures à celui-ci, tout en commettant des erreurs flagrantes, par exemple le fait d 'avoir oublié les éléments empruntés à Hipparque, qu 'il a considéré comme plus ancien qu 'Aratos. Selon Maass, bref, l'essence de l'opuscule (les cata logues d ' étoiles liés aux légendes) ne peut pas être attribuée à Eratosthène, et cet avis a été repris par Susemihl 1, t. I, p . 420 sq. n . 65 .Mais la découverte d 'une liste de constellations (Anonymus II, nº 2 ) attribuée à Eratosthène dans les manuscrits de l' Aratos latin et publiée par 120 E .Maass à la fin de ses Aratea , coll. « Philologische Untersuchungen » 12, Berlin 1892 , amène finalement Maass lui-même à reconnaître le fond ératosthénien de l'opuscule. La thèse

de Robert 117 accordant à Ératosthène la paternité de l'euvre primitive a été reprise par 121 A . Rehm , « Zu den eratosthenischen Katasterismen » , dans Mythographische Unter suchungen über griechische Sternsagen , Progr. des Wilhelms-Gymn. u . Inaug.-Diss. München

1896 , Teil I (cf. 122 Id., « Zu Hipparch und Eratosthenes» , Hermes 34, 1899, p. 251-279). En revanche, 123 A . Oliveri, Pseudo -Eratosthenis Catasterismi, dans MythographiGraeci, i. III 1, Lipsiae 1897 , p . 1-52, affirme que ni le texte conservé ni le texte primitif d'où il provient ne peuvent lui être attribués (cf. 124 Id., « I Catasterismi di Eratostene» , SIFC 5 , 1897, p . 1-25,

sur les rapports avec Aratos). Quant à l'opinion de Tannery 93, p. 273 sq. (chap. XV : « Le

catalogue des Fixes», p. 264-281), qui considère le texte des Catastérismes comme le résumé, dû à quelque grammairien , des « fables astronomiques» d 'Ératosthène (les poèmes Hermès et Érigonè), voir infra , B VI20, 21.

Pour les détails complexes de la critique concernant les Catastérismes, voir (outre Knaack 4, col. 377-381) 125 J. Martin, Histoire du texte des Phénomènes d 'Aratos, Paris 1956 , qui, à la suite de Robert 117 et à l'encontre d’Oliveri 123, reconnaît l'authenticité de l'æuvre originale (cf.notamment Martin 125 , p . 66 ,

103, 124). Fraser 16, t. II, p. 597, tout en admettant l'existence d'un ouvrage d 'Ératosthène sur l'astronomie, considère la reconstitution de Martin comme trop spéculative : « The frequency with which Erat. is cited as an authority , and also quoted as author of pseudonymous list of stars and catasterisms, in the so called (ảotpodeoiau (widiwv) and the numerous late Aratus commentaries and astronomical literature, from Hyginus onwards, indicates a tradition that an ori ginal work by him on this general theme had existed, but its form remains, in

spite of Martin 's efforts, quite uncertain.» Pfeiffer 13, p. 168, considère au moins comme probable que nos manuscrits conservent un épitomé et une adap tation postérieure de l'ouvrage original d 'Ératosthène (cf. aussi Dragoni 18 , p .73-76 ; 126 S . Feraboli, « Sulle tracce di un catalogo stellare preipparcheo » ,

dans Ead. ( édit.), Mosaico. Studi in onore di Umberto Albini, dedicati dal D .AR.FI.CL.ET. « F. Della Corte » , coll. « Pubblicazioni del Dipartimento di

archeologia , filologia classica e loro tradizioni dell'Università di Genova »

Nuova serie 148,Genova 1993,p. 75-82;Neugebauer 105, p. 287, 577 sq.).

E 52

ÉRATOSTHÈNE DE CYRÈNE

219

Solmsen 80, p. 204 sq. = t. I, p. 215 sq., croit qu'Ératosthène, en partisan fidèle de Platon, suit des croyances dérivées des religions astrales, concrètement la croyance en l'origine et la destinée astrales de l'âme. En revanche, Pfeiffer 13, p . 168, n . 4 , avoue son scepticisme à

l' égard de cette supposition selon laquelle Eratosthène envisageait la présence d'âmes humaines dans les étoiles.

Cf. encore 127 Th. Condos, The Katasterismoi of the Pseudo-Eratosthenes. A mythologi cal commentary and English translation , Diss. Univ . of Southern California, Los Angeles 1970 ; 128 A . Bartalucci, « Il lessico dei catasterismi nel De astronomia di Igino e nei testi omologi » , SCO 38, 1988 , p . 353 - 372 ; et 129 J.R . del Canto Nieto , Eratostenes, Cataste

rismos, coll. « Autores Griegos» ,Madrid 1992, introduction et traduction espagnole. IV .GÉOGRAPHIE PHYSIQUE

Ératosthène n'est pas désigné comme géographe par la Souda, ni par les autres sources anciennes qui ont résumé son æuvre (cf. supra ). Thalamas 7, p. 59, a attiré l'attention sur ce fait : « En effet, sauf Cicéron (Epistulae ad Atticum , II 6 , 1; VI, 1, 18 ), quimentionne en pas

sant la géographie d'Eratosthène, seuls les spécialistes ont parlé de lui à ce titre et aussi sou vent pour le contredire que pour l'approuver : Scymnos, Arrien , Denys le Périégète, sont ses partisans, mais Hipparque, Artémidore etMarcien d 'Héraclée le combattent, assez injustement d 'ailleurs ; Strabon , à qui pourtant nous devons l'essentiel de ce qui nous est resté du traité sur la terre habitée , résume son æuvre entière par les mots poète , littérateur et mathématicien . »

Thalamas 7 , p. 60 sq., affirme qu 'il n 'en faut pas conclure que l'effort géographique d'Era tosthène ait été considéré commenégligeable, et il essaie d'expliquer ce silence de la sorte : « Seulement cet effort se composait de deux écrits distincts dont l' intérêt n ' était pas le même

pour le public lettré. Parler de la terre en tant que sphère, c'était traiter un chapitre de la description générale du monde ; ici la géographie n 'était qu 'une partie de l'astronomie et de la géométrie... Au contraire, la description de la terre habitée restait, pour les gens cultivés, dans

le domaine des connaissances pratiques et ne s'élevait ni au rang de science pure ni à celui d'æuvre littéraire. De plus, Eratosthène, en tentant d'encadrer ses peintures des pays et des peuples dans des figures géométriques arbitraires basées sur des évaluations empiriques (cf. infra ), a accompli un essai très personnel mais qui n 'intéressait que les techniciens et qui a soulevé tout de suite de grosses objections... Son traité géographique n 'apparaissait donc pas

comme uneœuvre de premierplan ... Or c'était pour ce traité seul qu'avait été employé le titre “ Géographie ". On comprend maintenant pourquoi l'opinion éclairée n'a pas jugé nécessaire de mentionner la qualité de géographeparmi celles qu 'on s'est accordé à reconnaître à Érato sthène et quelle est dans l'euvre d' Ératosthène l'importance de chacun des deux traités qui

serventà l'exposé de ses diverses idées sur la terre.»

Thalamas essaie ensuite d'établir la chronologie relative desdeux traités d'Ératosthène sur la science de la terre : « On a seulement le droit d'affirmer que la Géographie est postérieure au Traité des Mesures, puisque la largeur de la terre habitée y est fixée au moyen d 'évalua tions de distances calculées d 'après la circonférence donnée à la terre par Eratosthène. » Tha lamas va jusqu 'à suggérer que le traité sur les mesures a été rédigé sous Evergète (comme

l'ouvrage sur la duplication du cube ), selon lui vers la fin de son règne. Quant à la Géogra phie, il la considère en principe comme une sorte de « colloraire » du traité sur les mesures .

Etant donné que l'effort énorme de compilation qu 'exigeait cet ouvrage ne lui semble pas compatible avec une vieillesse très avancée, Thalamas 7 , p . 63, suggère que « la Géographie

n 'a sûrement pas été composée avant l'arrivée d 'Ératosthène à Alexandrie ni au début de son séjour dans cette ville » . Cet ouvrage semble présupposer en effet un emploi constant et abon

dant des fonds de la Bibliothèque d' Alexandrie (cf. Strabon II 1, 5 = III A 8 Berger ).

(12) Tewypapixá,Géographie. Nos sources présentent des variations dans le titre de l'ouvrage géographique d'Ératosthène :

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220

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(a ) Tewypapia , chez Strabon II 1 ,41 ; cf. les scholies à Apolloniosde Rhodes IV 131-35 b , p . 268, 17 Wendel (= III B 76 Berger) : év lewypapía , corrigé par Keil selon la forme suivan te ;

(b) Tewypadıxá , partout chez Strabon (I 2, 21, etc.; cf. Strabon I 3, 23 = fr. I B 22 Berger: ‘ Ynouvnuara , scil. Yewypadixá) ainsi que chez Cicéron , Epistulae ad Atticum , II 6 , 1; et dans les scholies à Apollonios de Rhodes IV 235 -62 b , p . 273, 19 Wendel (= III B 74

Berger ), IV 310, p . 283, 7 Wendel (= III B 98 Berger), IV 282-91 b , p . 280, 14 Wendel (= III B 99 Berger ) ;

(c) rewypapoúueva , chez Achille , Isagoga excerpta, p. 77 Maass ; chez Étienne de Byzance, Ethnica , s.v. Auppáxlov, p . 244, 9 Meineke; dans les scholies à Euripide, Médée 2 ,

t. II, p . 141, 25 sq. Schwartz ; et dans les scholies à Apollonios de Rhodes IV 1215 , p. 310 , 20

Wendel (= III B 112 Berger).

D 'ordinaire on considère comme le titre authentique celui de Tewypapixá (cf. Berger 91, p . 17 ; Susemihl 1, t. I, p.414 ; Knaack 4 , col. 367; Fraser 16 ,

t. II, p. 736 n. 52). En tout cas, le terme « géographie » ne semble pas antérieur à Ératosthène, et il a été probablement créé par lui (cf. Pfeiffer 13, p. 164 ). D 'ailleurs, on sait grâce à Strabon (I 2, 21; 3, 23; II 1, 1) que l'écrit d'Érato sthène surles phénomènes de la géographie comportait trois livres.

Fragments : Bernhardy 62, p. 1- 109, édition tout à fait dépassée par celle de Berger 91: I (= « Fragmente des ersten Buches» ) A : « Die Homerfrage » , p. 19 40 ; B : « Geschichte der Geographie » , p. 40-79 ; II (= « Fragmente des zweiten

Buches» ) A : « Zonenlehre und Okeanosfrage» , p. 79-99 ; B : « Erdmessung » , p. 99- 142; C : « Vorarbeiten für den Kartenentwurf » , p. 142- 169; III (= « Frag mente des dritten Buches » ) A : « Grundriss der Erdkarte » , p. 169-212 ;

B : « Reste der Karte und Länderbeschreibung » , p. 212-382 (cf. Stiehle 63, p . 463-481). Rappelons les recueils plus anciens de 130 L . Ancher, Diatribe in

fragmenta Geographicorum Eratosthenis, Goettingae 1770, et 131 G .C .F. Seidel, Eratosthenis Geographicorum fragmenta , Goettingae 1789 (trad. anglai se 1799 ). Cf. 132 P . F .J.Gosselin , Géographie des Grecs analysée, ou les systemes d 'Eratosthenes, de Strabon, et de Ptolémée comparés entre eux et avec nos connoissances modernes, Paris 1790 , notamment p . 7 -56 , tableaux 1 -3, cartes 1 -2 ; 133 E. H . Bunbury , A History of ancient geography, London 1879, t. I, p . 615 -666 ; 134 M . Dubois, Examen de la Géographie de Strabon . Etude critique de la méthode et des sources, Paris 1891, p . 266 - 283 ; 135 H . Berger,

Geschichte der wissenschaftlichen Erdkunde bei den Griechen , 3 . Teil, Abschnitt II, Leipzig

19032 (1891 ), p. 384-441; 136 H . Bretzl, Botanische Forschungen des Alexanderzuges, Leipzig 1903, p . 220 sqq. ; Knaack 4 , col. 364-377 ; 137 W . Thonke, Die Karte des Erato

sthenes und die Züge Alexanders des Grossen , Diss. Strasburg 1914; Thalamas 7, p. 65-251; 138 Id ., Étude bibliographique de la Géographie d ' Eratosthène. These complémentaire pour

le doctorat és Lettres présentée à la Faculté des Lettres de l'Univ . de Paris, Versailles 1921 ; 139 J. B . Bury, « The Hellenistic age and the history of civilization » , dans J. B . Bury et alii

(édit.), The Hellenistic age. Aspects of Hellenistic civilization , Cambridge 1923 (1925 ),

réimpr. New York 1968, p. 1-30; 140 F . Gisinger, art. « Geographie » ,RESuppl. IV, 1924, col. 521-685, notamment 604-614 ; 141 J. L . Heiberg, Geschichte der Mathematik und Naturwis

senschaften im Altertum , München 1925, p. 22 ; 142 L. Pearson, « Apollonius of Rhodes and the old geographers » , AJPh 59 , 1938, p . 443-459 ; 143 F . Reyniers, « Importance de Thap

saque dans la géographie antique ou l'intérêt que présentent certains toponymes de Syrie ou d 'Égypte dans la triangulation d ' Ératosthène » , RIO 15 , 1963, p . 211-227 (cf. 144 Id ., « De la

Grèce à la Celtique. Notes de géographie et de toponymie antiques» , RIO 17, 1965, p. 101

221 ÉRATOSTHÈNE DE CYRÈNE 115 ; 145 Id ., « De l’Ibérie à Thulé, I» , RIO 19 , 1967, p. 1-11) ; 146 G . Aujac , Strabon et la

E 52

science de son temps. Les sciences du monde, Thèse Paris, « Collection d' Études Anciennes » ,

Paris 1966, p .49-64 (= « Ératosthène, le maître-géographe des temps modernes» ); cf. 147 Ead., La géographie dans le monde antique, coll. « Que sais-je ?» 1598, Paris 1975, p . 15 - 20 (= « Ératosthène et ses successeurs » ), p. 70 -78 (= « La carte d 'Ératosthène» ) ; 148 Ead., « Les modes de représentation du monde habité d 'Aristote à Ptolémée » , AFLM 16 ,

1983, p. 11-32, notamment p. 19-28 ; et 149 Ead., Claude Ptolémée, astronome, astrologue, géographe. Connaissance et représentation du monde habité, Paris 1993, p . 108 sqq. ; Dicks 14 . p . 389- 391 ; Fraser 16 , t. I, p . 525 -539 (t. II, p . 756 -772 ; cf. Id. 15 , p . 201-208 ) ; 150 R . Dion , Aspects politiques de la géographie antique, « Collection d'Études Anciennes » ,

Paris 1977 , p. 99 n. 62, 144, 170, 190 sq., 235, 257, 278 , 282 ; Dragoni 18 , p. 102 -119 ;

151 D . Rawlings, « The Eratosthenes-Strabo Nile map . Is it the earliest surviving instance of spherical cartography ? Did it supply the 5 000 stades arc for Eratosthenes' experiment ?», AHES 26 , 1982, p. 211-219 ; 152 F. Franco Repellini, « Ipparco e la tradizione astronomica » , dans G . Giannantoni et M . Vegetti (édit.), La scienza ellenistica, Atti delle tre giornate di studio tenutesi a Pavia dal 14 al 16 aprile 1982, coll. « Elenchos» 9,Napoli 1985, p. 187-223, notamment p . 193 - 197 ; 153 S .N . Mouraviev, « Cinq témoignages antiques en faveur du niveau élevé de la mer Caspienne à l'époque de Ptolémée » (en russe , rés. en angl.), DGT 1986 - 1988, p. 235- 247 ; 154 ElMostafa Moulay Rchid, « Eratosthène, l'oikoumène et la Maurusie : géographie et symétrie » , dans M .-M .Mactoux et É .Geny (édit.),Mélanges Pierre Lévêque, t. III : Anthropologie et société, coll. « Annales littér. de l'Univ. de Besançon » 404, « Centre de rech . d 'histoire anc. » 91, Paris 1989, p . 269-275 ; 155 J. M . Alonso Núñez, « La vision de la péninsule Ibérique chez les géographes et les historiens de l'époque hellénistique : Etudes sur Timée de Tauroménium et Eratosthène de Cyrène » , SEJG 31, 1989- 1990 , p. 1 -8 ;

156 A . Bonnafé, « Texte, carte et territoire : autour de l'itinéraire d’lo dans le Prométhée II » , JS 1992, p . 3 -34 ; Jacob 20 , p. 119 - 127 (cf. 157 Id., « Carte greche », dans F. Prontera (édit.), Geografia e geografi nelmondo antico. Guida storica e critica , coll. « Universale Laterza >> 638, Roma/Bari 1983, p . 47-67, notamment p . 56 -61 = 0 . Calabrese et alii (édit.), Hic sunt

leones. Geografia fantastica e viaggi straordinari, Milano 1983, p. 24 -29) ; 158 R .M . Catau

della, « L 'oceano, il Genesi e la storia del pensiero geografico », Sileno 18, 1992, p. 37-48.; 159 G . Aujac, « Eratosthène et la géographie physique » , dans G . Argoud et J.- Y . Guillaumin (édit.), Sciences exactes et sciences appliquées à Alexandrie. Actes du colloque international

de Saint-Étienne (6-8 juin 1996 ), Saint-Étienne 1998, p. 247 -261; 160 D . Marcotte , «La climatologie d'Ératosthène à Poseidonios: genèse d'une science humaine », ibid., p. 263-277.

Pour la reconstitution d'une image des trois livres de la Géographie à partir des citations critiques de Strabon , qui s'appuie notamment sur les critiques très sévères adressées par l'astronome Hipparque dans son mémoire en trois livres Contre la géographie d' Eratosthène (édit. 161 D . R . Dicks, The geographical fragments of Hipparchus, edited with an Introduction and Commentary by D . R . D ., coll. « University of London Classical Studies » 1, London 1960, p. 56 - 103, commentaire p. 113-207; cf. Aujac 146 , p. 67 -69), nous avons recours au résumé

d'Aujac 61, p. 6 -9 (cf. Aujac 146, p. 57-59) : Dès le début Ératosthèneconteste la science géographique d'Homère (cf. Aujac 146,p.61 64), dans la pensée que toutpoète écrit seulementpour plaire, pour captiver, et nullement pour instruire (I 2, 3 = fr. I A 21 Berger : quxarwylas Móvov, Olbaoxarías d' oc). Il va même jusqu 'à déclarer que l' on trouvera le lieu des errances d 'Ulysse le jour où l'on découvrira le

bourrelier qui a cousu l'outre des vents (Strabon I 2, 14 = fr. I A 16 Berger ; trad. G . Aujac). Strabon n 'est pas d'accord avec cet avis, et il consacre de longs développements à le contester. Après ce plaidoyer en faveur d 'Homère, il revient à l'examen du livre I, consacré à la géogra

phie physique. La présence de fossiles marins loin dans l'intérieur avait amené Ératosthène à réfléchir sur les vicissitudes de notre sol (I 3, 3 = fr. I B 12 et 13 Berger) et à envisager la pos

sibilité d 'un retrait des mers dans le cours des temps, expliqué par leshypothèses climatiques

222

ÉRATOSTHÈNE DE CYRÈNE

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de Xanthos de Lydie ou tectoniques de Straton de Lampsaque (I 3, 4- 10 = fr. I B 14 et 15 Berger = Straton , fr. 91 Wehrli) ; quant à la formation des détroits, il avait tenté d'expliquer les courants qui les traversent (I 3, 11- 12 = fr. I B 16 Berger), en suggérant diverses étapes dans le déplacement des eaux (1 3, 13 = fr. I B 19 Berger). Sur tous ces points Strabon apporte sa contradiction ou , quand il le peut, celle d'Hipparque. Une brève attaque contre Ératosthène à

propos des Hyperboréens (I 3, 22 sq. = I B 22 Berger) termine l'examen du livre I. Le livre II était consacré plus ou moins à des problèmes géométriques, dans un essai de « rectifier » la géographie précédente : formede la terre (I 4, 1 = fr. II B 14 Berger ), dimensions du monde habité (oixouuévn ), largeur (I 4, 2-4 = fr. II C 2 Berger) et longueur (I 4, 5-6 = fr. II C 18 Berger). A partir d'une indication qu 'il trouva dans le récit de voyage de Pythéas (Iva), Érato sthène affirmait ici qu 'il était possible d'aller par l'océan Atlantique d 'Ibérie jusqu ' en Inde en

suivant le même parallèle (I 4, 6 = II A 6 Berger). Lelivre s'achevait sur l'examen des modes habituels de division du monde habité (I 4, 7 -9 = fr. II C 22 Berger). A la fin , l'auteur désap prouvait le principe d 'une division bipartite du genre humain entre Grecs et barbares ; c 'est ici que trouvait sa place l' éloge de l'attitude d'Alexandre à l'égard des peuples barbares (cf. supra , A ). A propos de ce livre, Strabon censure Ératosthène notamment pour avoir exagéré les dimensions accordées au monde habité ou à ses parties. Enfin , le livre III concerne pro

prement l'établissement de la carte du monde habité (II 1, 1 = III A 2 Berger). Ératosthène y soutenait sa théorie (critiquée par Hipparque mais reprise par Strabon ) que le Taurus s' étend dans le prolongement de la Méditerranée le long d'un parallèle, et qu'en conséquence l'Inde devait être placée plus au nord que dans les cartes anciennes. Ainsi, Eratosthène divisait sa carte en deux axes de coordonnées se coupant à Rhodes à partir d 'un parallèle de l'Équateur allant des Colonnes d'Hercule au Taurus et à l'Himalaya. Il exposait un procédé original pour diviser géométriquement le monde habité (moitié nord etmoitié sud ) en sections (il les appelle

oppayides, « sceaux » , des figures géométriques enfermant de grandes régions géographi ques), ce qui facilitait le report sur la carte. Strabon (II 1 , 22- 39 = III B 2 , 3, 5, 7 , 19, 25- 30 Berger) décrit et discute le tracé des quatre premières sphragides de la moitié sud, déjà dure ment critiqué par Hipparque ; quant à la moitié nord , Eratosthène se servait des formes natu relles suggérées par les promontoires de la mer Intérieure (II 1, 40 = III B 97 Berger),mais sa division n 'était pas assez détaillée selon Strabon.

Ératosthène s'est opposé à l'interprétation évhémériste (cf. Fraser 16 , t. I, p. 295; Id. 15, p . 211-213 ) ; c'est pourquoi on s'est étonné d'envisager cette interprétation chez son disciple Mnaseas (cf. supra , A ). L 'esprit critique (représenté de façon emblématique par la négation ouverte de la science géographique d 'Homère ) semble avoir présidé à la Géographie d 'Era

tosthène. Pour rectifier l'ancienne carte ionienne, celui-ci a pu compter sur l'énorme docu mentation réunie dans la Bibliothèque d'Alexandrie, comportant sans aucun doute un grand nombre de traités de géographie, de périples, de récits de voyage, de descriptions régionales et de cartes (cf. Strabon , supra ; Jacob 20 , p . 120 ). Ses renseignements concernant les latitudes

étaient relativement corrects. Son calcul se fondait sur une combinaison de mesures pratiques (ou d 'estimations de distances ) avec la longueur du jour (cf. Diller 114 ). En revanche, Erato

sthène comptait sur très peu de déterminations longitudinales, les anciens ne pouvant faire ces mesures que par l'observation simultanée d 'éclipses dans des lieux différents (cf. Schwartz 5 , p . 204 ). Il a tenté du moins de se faire une idée approximative à travers des rapports de voya ges et des itinéraires des différentes régions. Reyniers 143 a étudié le système de triangulation

employé par Ératosthène,accordant une grande importance à la ville de Thapsaque, quidevait avoir acquis une réputation analogue à celle que possède aujourd 'hui Greenwich : limite du monde connu dont ce point en Méditerranée orientale formecomme un coin , et charnière entre le monde connu et le monde semi-connu de la Gédrosie et des Indes, elle était un point déter minant dans un système de triangulation qui a pour origine l' omphalos de Delphes avec,

comme satellite postérieur peut-être, celui d 'Argos (cf. Rawlings 151). Pour le système de projection (transcription sur une carte plane de la surface sphérique de la terre), voir Reyniers 143. Par ailleurs, Solmsen 80, p . 208 -210 = t. I, p . 219 -221, rattache le procédé de la subdivi sion de la carte en sphragides à la géométrie du Platonicien .

223 ÉRATOSTHÈNE DE CYRÈNE E 52 Enfin ,malgré toutes ses insuffisances, on peut affirmer sans aucune hésitation , avec Aujac 146 , p . 19, qu 'Eratosthène a accompli un progrès décisif dans le calcul et la représentation des

distances terrestres. V . SCIENCES HISTORIQUES

V 1. CHRONOGRAPHIE :

Fragments: Bernhardy 62, p. 238-262 (fr. 1-23); 162 C . Müller, « Ctesiae Cnidii et chronographorum Castoris, Eratosthenis... fragmenta », dans G . Dindorf

(édit.), Herodotus. Historiarum libri IX , Parisiis 1844, p. 182-204 (cf. Stiehle 63,

p. 491 sq.); FGrHist 241, fr. 1-8, p. 1012-1014 Jacoby (cf.fr. 9-15,p. 1015 sq.). Cf. 163 B . Niese, « Die Chronographie des Eratosthenes», Hermes 23, 1888, p. 92-102 ; 164 C . Wachsmuth , Commentatio vernaculo sermone conscripta de Eratosthene, Apollodoro ,

Sosibio chronographis, dans Ex ordinis philosophorum mandato renuntiantur philosophiae doctores et artium liberalium magistri, rectore magnifico lusto Hermanno Lipsio..., decano

Curtio Wachsmuth ..., procancellario Ernesto Henrico Bruns, inde a die primomensis novem bris a . MDCCCLXXXXI usque ad diem ultimum mensis octobris a . MDCCCLXXXII creati,

Lipsiae (1892 ), p . 3 - 30 , notamment p . 18 ( « Der Chronograph Eratosthenes von Kyrene» ); 165 E . Schwartz , « Die Königslisten des Eratosthenes und Kastor, mit Excursen über die In

terpolationen bei Africanus und Eusebius » , AGWG 40, 1894 -1895 , p. 1 -97 , notamment p . 59

sqq. (cf. Id. 5 , p . 198 -201) ; 166 F . Jacoby, Apollodors Chronik. Eine Sammlung der Frag mente, coll. « Philologische Untersuchungen » 16 , Berlin 1902, p. 35 sqq. ; Id . 8 , t. II B , p. 706 -710 ; Pfeiffer 13, p . 163- 164 ; 167 A . A .Mosshammer, The Chronicle of Eusebius and

Greek chronographic tradition, Lewisburg /London 1979, p . 97-101, 117-119, 178-180, 260 262 ; Dragoni 18 , p . 52 - 56 ; 168 M . Piérart, « Les dates de la chute de Troie et de la fondation

de Rome: comput par génération ou compte à rebours ? » , dans M . Piérart et 0 . Curty (édit.), Historia testis. Mélanges d 'épigraphie, d 'histoire ancienne et de philologie offerts à Tadeusz

Zawadzki, coll. « Seges» n.s. 7 , Fribourg (Suisse) 1989, p. 1-20.

C'est dans le même esprit scientifique que se placent les recherches chrono logiques d 'Ératosthène. En fait, il a été considéré à juste titre comme le fonda teur de la chronologie critique dans l' Antiquité (cf.Wachsmuth 164, p. 3 ; van der Waerden 10 , p . 383). Hippias d 'Élis et Aristote avaient rassemblé déjà des listes de champions olympiques (cf. infra ),mais Ératosthène les perfectionna dans ses 'Onounlovīnai, tout en fixant en 776 /5 la première Olympiade et tout

en compilant dans ses Xpovoypaţial des listes chronologiques complètes qui commençaient avec la date de la chute de Troie (fixée par lui en 1184 /3 ) et se terminaient avec la mort d'Alexandre (323).

(13) ’Oruuniovīzai, Vainqueurs olympiques. Fragments : FGrHist 241, fr. 4-8 Jacoby (cf. ibid., fr. 9-15). Ératosthène a été proposé comme l' auteur des deux fragments anonymes d 'une liste de vainqueurs olympiques conservés dans POxy. II 222, que Jacoby attribue plutôt au paradoxo

graphe Phlégon de Tralles (FGrHist415; t. III B ,p. 307-309).

Cet ouvrage comprenait plusieurs livres, deux au moins, car Athénée IV , 154 a (= fr. 4 Jacoby) cite le premier (cf. les scholies à Ménandre, POxy. III 409,

104-106 = fr. 8 Jacoby, où le numéro du livre est disparu ). Il s'agissait d'un registre des vainqueurs aux Jeux Olympiques, fait sansdoute sur le modèle des ouvrages chronographiques d'Hippias d'Élis (’OluuriloViYWv åvaypapń : cf. FGrHist 6, fr. 2 Jacoby) et d'Aristote ('Olvunlovīvai, IvOlovīxai: D .L. V

224

ÉRATOSTHÈNE DE CYRÈNE

E 52

26 ) : cf. Knaack 4 , col. 382 ; Pfeiffer 13, p. 163 ; Fraser 16 , t. I, p. 457 ; 169 L .Moretti, « Olympionikai, i vincitori negli antichi agoni olimpici» ,MAL , ge sér., VIII 2, 1957, p. 59- 198 , notamment p. 81 (nº 170 ). D 'après Knaack 4 ,

ibid., l'écrit d 'Ératosthène ne se bornait pas à des questions chronologiques, mais contenait aussi des anecdotes, et il fut utilisé par Apollodore d'Athènes (cf. FGrHist 244, fr. 43). Fraser 15 , p . 199, remarque que l'ouvrage sur les vainqueurs Olympiques entretenait le mêmerapport avec les Chronographies que l'ouvrage sur lesmesures avec la Géographie.

(14) Xpovoypapiai, Chronographies. Bernhardy 62, p. 238 sqq.; et Niese 163, p. 93 sq. (cf. aussi Croiset 3, t. V , p. 123), considéraient que le titre de la chronographie générale d'Eratosthène était lepi xpovoypadlõv, ainsi qu 'on le trouve chez Harpocration d'Alexan

drie , s.v. Eűnvoç = fr. 3 Jacoby. Mais, depuis Wachsmuth 164, p. 3 , 8 -11, on pense plutôt que le titre réel en était Xpovoypapiai, tel qu 'on le trouve chez

Denys d'Halicarnasse, Les Antiquités romaines 74 (t. I, p. 74 , 2 Jacoby) = Eusèbe, Chron. armen., p. 135, 19 Karst = fr. 1 b Jacoby (taic 'Epatoodévous Xpovoypaqlalc). On ignore le nombre de livres que les Chronographies com

portaient,bien que Niese 163, p. 93, considère comme vraisemblable (à partir de l'expression d 'Harpocration : év TÕ nepi xpovoypaplőv) qu'elles n 'en compor taient qu 'un . Elles furent adaptées et prolongées par les Chroniques d' Apollo

dore d'Athènes (ca 180 -1109), qui les supplantèrent facilement (24A 244, p. 273 sq.), ce qui explique sans doute qu 'on n'en possède que très peu de fragments

(cf. Fraser 16 , t. I, p . 456 sq.). Fragments : FGrHist 241, fr. 1- 3 Jacoby (cf. ibid ., fr. 9-15). Cf. 170 C . Theodoridis, « Vier neue Bruckstücke des Apollodoros von Athen » , RHM 122,

1979 ,p.9-17,notamment p. 16 sq.:“ Un nouveau fragment d'Ératosthène ?" Selon ce qu 'on peut reconstituer avec certitude, Ératosthène commençait sa chronologie universelle avec la date de la chute de Troie , qu 'il fixa en 1184 /3a,

80 ans avant le retour des Héraclides, fixé par lui 328 ans avant la première Olympiade en 776 / 5a , et il terminait son registre avec la mort d 'Alexandre en 324/3a (cf. Clément d 'Alexandrie , Strom . I 138, 1-3 = fr. 1 a Jacoby). Il datait

par Olympiades les événements postérieurs à 776/5a, tandis que pour les événe ments antérieurs il se servait des listes des rois de Sparte conservées par Eusébe ,

Chron. armen., p . 105, 12 Karst = Apollodore, FGrHist 244, fr. 2 (cf. Schwartz 165, p. 60 sqq.; Fraser 16 , t. II, p. 669 n. 79). 171 G . P . Edwards et R . B . Edwards, « Eratosthenes and the date of Cadmus» , CR 24, 1974 , p . 181- 182 , ontmontré qu 'Ératosthène n ' a pas assigné une date à la vie de Cadmos :

l'idée qu 'il a daté Cadmos en 1313a est une erreur du XIXe siècle . D 'autre part, Georges le Syncelle, Chronique, p. 171 sqq. Dindorf (= Apollodore , FGrHist 244, fr. 85 Jacoby = FGrHist 610 , fr. 1), affirme qu ' Eratosthène a traduit en grec sur l'ordre de Ptolémée la liste

des rois égyptiens ( = fr. 23 Bernhardy). Mais ce renseignement doit être considéré comme erroné (cf. Fraser 16 , t. I, p . 330 ), d'après 172 H . Diels, « Chronologische Untersuchungen über Apollodors Chronika» , RAM 31, 1876 , p . 1-54, notamment p . 6 -8 (cf. Wachsmuth 164 , p . 6 sq.; d 'autres critiques dans Fraser 16 , t. II, p . 487 n . 182). En revanche, Thalamas 7 , p . 57 , 61, voulait se servir de ces renseignements pour rattacher la tentative d ' Ératosthène d 'établir

225 E 52 ÉRATOSTHÈNE DE CYRÈNE une chronologie universelle au projet de Ptolémée III visant la réforme du calendrier par le célèbre décret de Canope (cf. Bouché-Leclercq 29, t. I, p . 265 sq. ; Dragoni 18 , p . 54 -56 ).

Marlowe 25, p. 71, va jusqu'à suggérer qu ’Ératosthène a inventé lui-même le nouveau calen drier, qui sera connu environ deux cents plus tard comme le calendrier julien, selon lequel tous

les quatre ans on introduit un jour intercalaire (notre 29 février) dans le calendrier solaire égyptien . Mais cette idée n ' est appuyée par aucun document. Enfin , on a déduit à tort à partir

de Clément d 'Alexandrie , Strom . I 138 (suite du fr. 1 a Jacoby) qu 'Eratosthène incluait la date de la fondation de Rome dans sa chronographie. En réalité il ne s'agit plus ici d 'une citation

d 'Eratosthène (cf. Jacoby 166 , p . 26 sq . ; Id. 8 , t. II B , p . 709 ; Knaack 4, col. 382 ; Fraser 16 , t. II, p . 660 n . 81) . Toutefois, à partir de Denys d 'Halicarnasse, loc. cit., 173 L .Moretti, « Le

Origenes di Catone, Timeo ed Eratostene » , RFIC 30, 1952, p. 289-302, a continué à soutenir qu 'Ératosthène avait aussi enregistré la date de la fondation de Rome: d 'après lui, Caton n 'au rait pas toujours suivi Timée, mais il aurait suivi dans quelques cas Ératosthène, notamment en ce qui concerne cette date. Cependant, Fraser 16 , t. I, p. 457 n . 81 (t. II, p. 660 sq .), s'est opposé aussi à cette déduction (cf. déjà Wachsmuth 164, p . 3-6 ).

Selon Fraser 16 , t. I, p. 457, on peut supposer qu ’Ératosthène n'a pas com posé sa chronographie sous la forme d'une narration historique suivie, mais sous la forme de tables. Par ailleurs, il a fait un effort sans précédent pour éliminer de sa chronologie tout élémentmythologique, même s'il a gardé certains éléments

pseudo-historiques (cf. Schwartz 165, p. 93 sq.; Id. 5, p. 200 ; Jacoby 166 , p. 11 sq. ). Schwartz 5, p . 203, remarque que le fait qu 'Ératosthène prenne la date de la chute de Troie comme point de départ de son système est en contradiction avec le fait qu 'il rejette l'autorité

géographique et historique d'Homère (cf. Fraser 15 ,p. 199 n. 1). Pourmener à bien son travail, on peut supposer qu' il a profité encore une fois

de l' énormematériel fourni par la Bibliothèque d'Alexandrie. Et, à la suite de Fraser 16 , t. I, p. 457, on peut affirmer que « la méthode d'Ératosthène était mar

quée ici, comme ailleurs , par le souci de la clarté et de la précision , et que, même s'il n 'a pas été entièrement un pionnier, c'est lui qui a présenté pour la première

fois un système chronologique rationnel de l'histoire grecque qui excluait la mythologie ». On ne peut pas déterminer si Eratosthène s'est borné à la chrono logie grecque,mais il est peu probable qu 'il se soit préoccupé de la chronologie romaine, ou qu 'il se soit occupé en profondeur de celle de l’Orient: il est sûr en tout cas qu 'il n 'a pas fait d 'essai de chronologie des légendes grecques sur la

base de synchronismes avec des listes orientales, authentiques ou inventées (cf.

Schwartz 5, p. 201). Cette méthode scientifique a été reprise par Apollodore (cf. Jacoby 166 , p. 35 sqq.), mais elle a été oubliée par les chronographes posté rieurs , comme Castor de Rhodes (= FGrHist 250), qui reviennent à la chronolo

gie vague de l'époque héroïque (cf. Fraser 16 , ibid.; Pfeiffer 13, p. 257).

(15 ) Hepi tñs óxtaktnpídoç, Sur l’octaétéride. On ne possède que deux citations de cet ouvrage chronologique Sur la période de huit années (L 'octaétéride ): chez Géminos, Introduction aux phéno

mènes VIII 24, p. 52 Aujac, sur la place des fêtes d' Isis dans le calendrier; et chez Achille, Isagoga excerpta, p . 47, 23 Maass, où Ératosthène tient pour inau

thentique l'écrit homonyme d'Eudoxe de Cnide (cf. D .L. VIII 87 = fr. 130 Lasserre ). Bernhardy 62 , p. 262, avait tenu aussi l'ouvrage d 'Ératosthène pour

ÉRATOSTHÈNE DE CYRÈNE E 52 un faux (cf. Susemihl 1, t. I, p. 420 n .65, 733 ; Schmid 6 , t. II 1, p. 249 sq.),mais 226

depuis Maass 120 , p . 14, qui a établi le texte, on n 'a pas de raisons de douter de son authenticité (cf. Knaack 4, col. 383; Pfeiffer 13, p. 164 n. 6 ; Neugebauer

105,p.620 sq.). V 2. PHILOLOGIE, CRITIQUE LITTÉRAIRE : Grâce à ses recherches chronologiques, Ératosthène a beaucoup contribué à l'étude des textes littéraires et des auteurs d'un point de vue historique, en les

réinsérant dans leur époque. Ses études philologiques (au sens moderne) ne représentent qu 'une partie de son amour du savoir en général. C 'est dans ce sens qu 'il se définit comme pióroyos (cf.supra, A ). Il faut sans doute rattacher à la

direction de la Bibliothèque d'Alexandrie la plupart des recherches philologiques d 'Ératosthène, même si Knaack 4, col. 360 , suppose que celui-ci a déjà com mencé pendant son séjour à Athènes à préparer l'un de ses ouvrages dans ce domaine, le ſlepi tñs ápxaias xwuwdías (cf. aussi Dragoni 17, p. 54 ; Id. 18 , p. 31). 174 W .J. Slater, « Aristophanes of Byzantium on the Pinakes of Callimachus » , Phoenix 30 , 1976 , p . 234 -241, a étudié les problèmes de catalogage auxquels ont dû faire face les grands savants d 'Alexandrie et les méthodes de description qu 'ils ont employées. A ce sujet, il relève l'existence d ' une polémique concernant les règles atticistes autour de l'attribution d 'ou

vrages dans la Bibliothèque au moins depuis 230a, polémique dans laquelle Ératosthène appa

raît comme un atticiste strict, tandis qu 'Aristophane de Byzance apparaît comme un partisan de la ovvdela. A son tour, 175 F . Lasserre, « Filologia e umanesimo », StudUrb B 3 , 61, 1988, p . 213- 227, estime qu'Eratosthène et Aristophane de Byzance représentent deux des nombreuses variantes de l'humanisme propre à la philosophie ancienne, caractérisé par la

volonté de s'intéresser à l'homme à travers l'æuvre littéraire. D 'après Lasserre, cette approche reste encore aujourd 'hui la plus satisfaisante, car c 'est elle qui correspond le mieux à l'esprit même de la littérature antique, malgré l'apport des méthodes d 'analyse littéraire modernes. Enfin , 176 G . Aujac, « Eratosthène, premier éditeur de textes scientifiques ? » , Pallas 24 , 1977, p . 3 - 24 , a remarqué l' importance d 'Eratosthène dans la connaissance et la conservation des

textes scientifiques : Eratosthène aurait profité de ses hautes fonctions à la Bibliothèque d ' Alexandrie pour rassembler, avec l'accord de Ptolémée Évergète, les manuels les mieux adaptés à un enseignement scientifique fondamental. Aujac interprète cela comme une réaction contre la poésie didactique qui risquait de faire disparaître les textes scientifiques proprement dits : Eratosthène aurait spécialement retenu des manuels de géométrie , science

dont certaines applications pratiques l'intéressaient personnellement en tant que géographe.

Il est intéressant de rappeler ici la conception qu 'Ératosthène avait de la fina

lité de la poésie , conception qu' il exprimait, selon Strabon , dans le livre I de sa Géographie . En effet, comme nous l'avons vu plus haut (B IV 12), Ératosthène pensait que tout poète ne vise pas à instruire mais seulement à captiver l'âme (yuxaywyía ). Ainsi, à l'encontre de ceux pour qui Homère prétendait enseigner

géographie, théologie , éthique, etc., il jugeait les voyages d'Ulysse tout à fait imaginaires. Les stoïciens, notamment les allégoristes, essayaient de trouver un sens profond dans les poèmes homériques. Comme les Alexandrins, Eratosthène envisageait la poésie , celle d'Homère et toute autre , comme un divertissement.

Pfeiffer 13, p . 166, a mis l'accent sur la hardiesse de cette position, étant donné non seulement le rôle traditionnel d 'Homère comme éducateur de la Grèce mais

aussi la tendance éducative dominante dans la poésie greque.

E 52

ÉRATOSTHÈNE DE CYRÈNE

227

La position d ' Ératosthène fut contestée par Hipparque d 'abord et plus tard par Posidonius et Strabon , qui revendiquaient aussi pour la poésie une fonction éducative . Même à son époque ou peu après, Néoptolème de Parion semble avoir polémiqué sur ce sujet avec Erato

sthène, comme on peut le déduire de Philodème, Poetica V , col. XIII 4 - 15 , p . 33 Jensen (cf.

col. XVI 5 -15 , p . 143 sq. Mangoni), où le mot yuxaywyla est employé dans un contexte similaire pour exprimer l'idée que le poète ne doit pas seulement plaire, mais aussi être utile (cf. 177 H . J . Mette , « Neoptolemos von Parion » , ROM 123, 1980 , p . 1 - 24 ; 178 Id ., art . * Neoptolemos » 11, RE 16 , 1933 , col. 2465 - 2470 , notamment col. 2467; 179 C . O . Brink ,

Horace on poetry, t. I, Prolegomena to the literary Epistles, Cambridge 1963, p. 45- 150 ). Lorsque Philodème, Poetica V, col. II 24 sqq., p. 11-13 Jensen (cf. col. V 24 sqq., p . 133 sq. Mangoni) , reprend l' idée qu'Homère n ' était pas obligé de connaître la géographie, il fautpeut être y voir une réminiscence de l'avis d'Ératosthène (cf. 180 D . C . Innes, « Hellenistic literary and philosophical scholarship , 8 : Philodemus» , dans G . A . Kennedy [édit.), The Cambridge history of literary criticism , t. I : Classical criticism , Cambridge 1989, p . 215 -219, notamment

p. 215 ; 181 G . A . Kennedy, « Hellenistic literary and philosophical scholarship , $ 3: Neopto lemus of Parium » , dans G . A . Kennedy [édit.), op. cit., p . 204 ; et § 5 : « Alexandrian philo logy » , p . 205 -210, notamment p . 206 ). Enfin , l'avis d 'Eratosthène à l'égard de la poésie a été rattaché à la tradition aristotélicienne ( cf. Hirzel 23, t.I, p. 404 ), mais aussi à la platonicienne (cf. Pfeiffer 13, p . 167 ; Krämer 22 , p . 167) . Fraser 16 , t. I , p . 483, affirme que la théorie ératosthénienne de la poésie est radicalement opposée à celle de Platon (qui cherchait à mora

liser la poésie) ; il considère (p . 759) que le germe de cette théorie se trouve plutôt chez Aristote, mais qu 'il ne faut pas la confondre avec la théorie aristotélicienne (cf. t. II, p . 1063, n. 315 ).

On ne possède que très peu de fragments de plusieurs ouvrages d'Ératosthène dans le domaine de la critique littéraire, notamment de l'écrit Sur la Comédie Ancienne.

La première collection de fragments est celle de Bernhardy 62, p. 203-237

(cf. Stiehle 63, p. 488-490 ), quiinclut des fragments n'appartenant pas en réalité à Ératosthène, comme le remarque 182 K . Boysen , « Ein angebliches Fragment des Eratosthenes», Hermes 18, 1883, p. 312 -314, à propos du fr. 50, p. 235 Bernhardy. En revanche, 183 C . Strecker, De Lycophrone, Euphronio , Eratos

thene comicorum Graecorum interpretibus, Diss. inaug. Gryphiswaldiae 1884 , augmente le matériel rassemblé par Bernhardy, en ajoutant beaucoup de frag ments incertains. Tout en étant remarquable, sa collection ne doit pas être utili sée sans précaution , car l'éditeur attribue très facilement des gloses anonymes

non seulement à Eratosthène mais aussi à Lycophron et à Euphronios (cf.

Knaack 4,col. 383 ; Pfeiffer 13, p. 159 sq.n. 8). (16 ) Ilepi tñs åpxalaç xwuwdías, Sur la Comédie Ancienne. La perte de cet ouvrage, qui comportait au moins 12 livres, est à déplorer pour l'histoire de la littérature grecque. Ératosthène ne semble pas avoir étudié la

comédie ancienne en suivant un ordre chronologique,mais d'une façon libre , en traitant, avec plus ou moins d'autonomie, ses divers aspects: la langue, le conte

nu, les représentations, etc . A partir des contributions de Lycophron de Chalcis (auquel Ptolémée III à Alexandrie avait confié un examen critique des comédies réunies à la Bibliothèque) et d 'Euphronios, soumises à la critique, il a isolé des

gloses et il a différencié des formes attiques et des formes pseudo-attiques, il a étudié le vocabulaire comique, la formation de mots, etc.; de même, en s'ap

NE E RÈNE D CY

ÉRATOSTHÈ

228

E 52

puyant sans doute sur les résultats de ses recherches chronologiques, il a traité

des problèmes posés par la représentation des ouvrages (par exemple le problè me d 'une éventuelle deuxième représentation de la Paix d 'Aristophane ). Enfin ,

l' écrit Sur la Comédie Ancienne semble avoir été marqué d 'un fort esprit critique et même polémique : en particulier, le Tepi xwuwdíaç de Lycophron semble

avoir été durement attaqué par Ératosthène (cf. Pfeiffer 13, p. 119 sq .,160). Cf. 184 D . di Tullio, Gli studi sulla commedia nell'età alessandrina e l'opera di Erato stene : Tepi ápxalaç xwuwdías, Roma 1915 ; Dragoni 18 , p . 58 ; 185 W . Luppe, « 'Anecoon náliv eic toùç Anvaïxoúc » , ZPE 46 , 1982, p. 147- 159, à propos du POxy. XXXV 2737, fr. 1, col. II 10 sqq., p .41 Lobel (commentaire sur l'Anagyros d'Aristophane), où on cite une remarque d' Ératosthène ; 186 R . Tosi, « Lexicographica Alexandrina » , MCr 25 -28, 1990

1993, p . 297-304, à propos des fragments 16 , 24, 28 et 35 Strecker. . Ératosthène est cité comme autorité dansun fragmenttrès bref, appartenant vraisemblable ment à une biographie de Démosthène, conservé dans PSI II 144 (cf. 187 G . Vitelli (édit.), Pubblicazioni della Società Italiana per la ricerca dei papiriGreci e Latini in Egitto , Firenze 1913, t. II, nº 144, p.69-71 (« Da una Vita di Demostene» ), ainsi que l'édition , avec traduc tion et commentaire, de 188 I. Gallo, Frammenti biografici da papiri, t. I : La biografia poli tica, coll. « Testi e Commenti» 1 , Roma 1975 , p . 141- 161 ( chap. 4 : Frammento di una « Vita di Demostene» (PSI 144 ) ]). L 'auteur anonyme, peut- être de l'époque impériale , y cite Érato sthène, d'un côté à propos de certaines caractéristiques de l'orateur Démosthène (cf. le fr. 32 Jacoby), et, de l'autre, à propos du problème de l'authenticité d 'une comédie du poète comique Cratès. A ce qu 'il semble, ces deux témoignages ont été tirés de l'ouvrage Sur la Co

médie Ancienne (cf.Gallo 188, p . 146 sq., 157 sq .). Le texte en question n 'apparaît pas dans les éditions des fragments d 'Ératosthène.

(17) T paumatixá.

La Souda,dans sa notice sur Ératosthène, affirme de façon confuse que celui ci a composé de nombreux ypayuatixá,mais Clément d 'Alexandrie, Strom . I

16, 79, 3 (= test. 8 Jacoby) ne mentionne que deux livres d'un ouvrage intitulé ainsi. Le Pseudo-Lucien, loc. cit., définit aussi Ératosthène comme ypapua Tixós. A ce sujet , on sait que dans la période hellénistique ce terme, qui faisait jusqu 'alors référence strictement à la science ou à l'art de la lecture et de l' écri ture, prend un sens nouveau indiquant l'étude des textes littéraires, notamment

poétiques (cf. aussi xpltixós); en même temps, on utilise alors le terme Ypaguata au sens de littérature, de composition littéraire (ouyypáupata ) que ce terme ne prenait auparavant que très rarement (cf. Pfeiffer 13, p . 157 , 162 ;

Sandys 53, t. I, p . 6 sqq.). C 'est justement des rpayuatixá d'Ératosthène que semble provenir la définition générale de la grammaire qui nous est parvenue dans les scholies de Denys le Thrace, Grammatici Graeci, t. I 3, p . 160 , 10

Hilgard : ypaullatixń ŁOTI EELS Tavtens év ypáupaol. Mais d'autres frag ments plus strictement grammaticaux ont pu provenir également de cet ouvrage , comme la remarque citée par Sergius, Explanationes in Artem Donati, Gramm . Lat., t. IV , p. 530, 24 Keil, concernant la prononciation des voyelles marquées de

l'accentcirconflexe (cf. Knaack 4 ,col. 384 sq. ; Pfeiffer 13, p . 162 n. 10 ). On possède finalement des fragments tirés de deux ouvrages d 'Ératosthène

sur le vocabulaire technique, ouvrages que l'on peut considérer comme des glos saires spécialisés:

229 ÉRATOSTHÈNE DE CYRÈNE E 52 (18) ’APXITEXTOVLYÓS, Traité d 'architecture (?). Les maigres fragments qui nous sont parvenus (cf. fr. 39, 60, 17 Strecker)

concernent les parties du chariot, du bateau et de la charrue. Comme le remarque

Pfeiffer 13, p. 162 n. 5, il n 'y a pas de raison de considérer cet écrit comme une partie de l'ouvrage sur la comédie , selon l'hypothèse de Strecker, fondée sur l' idée que la comédie athénienne aimait jouer avec les termes techniques des arts , notamment de la menuiserie (cf. Knaack 4 , col. 384; Dragoni 18, p. 58).

(19) Exevoypapixós, Sur les ustensiles domestiques (?). Cet écrit est mentionné par Pollux, Onomasticon X 1, t. II, p . 191, 3 Bethe, qui avoue sa déception après en avoir trouvé un exemplaire . Il était donc encore disponible comme ouvrage séparé au IIP. On a suggéré qu 'il s'occupait du voca

bulaire concernant les ustensiles domestiques (cf. Pfeiffer 13, p. 162). Dragoni 18, p. 58, suggère qu 'Eratosthène s'occupait dans le Exnvoypadixóc ( sic ), com me dans l’ApXITEXTOVLXÓS, du vocabulaire technique concernant les constructions artisanales et théâtrales, ainsi que la mise en scène. D 'après lui, ni l'un ni l'autre ne constituait des ouvrages séparés,mais c 'étaient plutôtdes parties de l'ouvrage sur la comédie ancienne.

Sur Ératosthène comme philologue, voir A . Dihle, « Eratosthenes und andere Philologen », dans 189 M . Baumbach , H . Köhler et A . M . Ritter (édit.), Mousopolos stephanos. Festschrift für Herwig Görgemanns, coll. « Bibliothek der klassischen Altertumswissenschaft » 2 . Reihe,

102, Heidelberg 1998, p. 86 -93.

VI.POÉSIE Fragments: 190 E. Hiller, Eratosthenis carminum reliquiae, Lipsiae 1872 : fr. 1-19 (Hermès ), p. 4-79 ; fr. 20-25 (Antérinys), p. 80 -93; fr. 26 -34 (Érigonè), p . 94 - 114 ; fr. 35 -38 ( incertae sedis fragmenta ), p. 115 - 121 ; Powell 60 , fr. 1-16

(Hermès), p . 58-63; fr. 17 (Antérinys), p.63 ; fr. 18-21, p.63 sq. (ex incerto loco ) ; fr. 22-27, p. 64 sq. (Érigonè); fr. 28, p. 65 (Épithalame) ; fr. 28 b (Dionysos bouche bée), p.65 ; fr. 29-34 (incertae sedis fragmenta ), p .65 sq .; fr. 35 - 36 (dubium ), p. 66 -68 ; fr. 37-38 (alienum ), p. 68 et p. 252 ; 191 H . Lloyd Jones et P. Parsons, Suppl. Hell., fr. 397 -399, p. 183- 186 (fr. 397 -398 , p. 183

sq.: Hermès) ; fr. 922 (adesp. pap., hexam .), p . 424 sq. (fr.de l'Hermès ?). Cf. 192 A .Couat, La poésie alexandrine sous les trois premiers Ptolémées (324 -222 av. J.-C .), Paris 1882, p. 465-469; 193 U . von Wilamowitz -Möllen dorff, Hellenistische Dichtung in der Zeit des Kallimachos, Berlin 1924 , réimpr.

1973, t. I, p. 152 sqq., 205, 218 ; 194 G . A .Keller, Eratosthenes und die alexan drinische Sterndichtung, Diss. Zürich 1946 .

Ératosthène apparaît finalement aussi comme poète . Outre l' épigramme qui nous est parvenue sur la duplication du cube (cf. supra , B II 8), on possède un ensemble de fragments poétiques, ne comportant pas toujours l'indication de

l'ouvre dont ils ont été tirés. La production poétique d ’Ératosthène, rattachée d'ordinaire à l'influence de Callimaque (cf. Thalamas 7, p. 58),a été qualifiée de « didactique » . A ce sujet, il faut rappeler qu 'Ératosthène a défendu le principe selon lequel tout poète vise seulement à plaire, à captiver, non à instruire (cf. supra, V 2). Certains auteurs (cf. Knaack 4 , col. 388 ; Pfeiffer 13, p. 169) ont

230

ÉRATOSTHÈNE DE CYRÈNE

E 52

envisagé ici une contradiction difficile à expliquer entre la théorie poétique

d 'Ératosthène (la « psychagogie » ) et sa pratique de la poésie didactique. Cepen dant, Fraser 16 , t. I, p . 623, à propos de l'Hermès, considère qu 'Ératosthène y a sans doute mélangé la mythologie et la poésie didactique d'une manière cohé

rente avec sa théorie selon laquelle la poésie cherche à plaire, non à instruire le lecteur. Par ailleurs , Fraser 16, ibid ., affirme que la poésie didactique ne s'accor dait pas très bien avec le milieu alexandrin , bien qu 'il y ait des exceptions,

comme le cas d'Ératosthène. Thalamas 7, ibid., met l'accent sur l'importance mnémotechnique de la poésie comme instrument au service de la transmission du savoir dans une culture où les livres n 'étaient pas

aussi accessibles qu 'aujourd 'hui au public lettré.

(20) ‘Epuñs, Hermès. Fragments : Bernhardy 62, fr. 1-58, p. 134- 167 (cf. Stiehle 63, p. 481-484 ) ; Hiller 190 , fr. 1- 19, p. 4-79 (cf. p. 1 sq.); Powell 60, fr. 1- 16 , p. 58 -63.

Cf. 195 M . Schmidt, « Zum 'Epuñs des Eratosthenes », RHM N . F. 6 , 1848 , p . 404-413 ; 196 Th. Bergk, « Eratosthenica » , dans Kleine philologische Schrif ten , t. II, Halle 1886 , p. 202 -238 , notamment p. 235 -238 (§ III : « Eratosthenes Mercurio p. 144 ed . Bernhardy (p. 56 ed. Hiller]>>) ; Solmsen 80 , p. 199 sq., 205 , 207 -213 = t. I, p. 210 sq., 216 , 218 -224.

Thalamas 7, p.61 sq., suggère que l'Hermès appartient à la période de l'apo gée d 'Ératosthène, c'est-à-dire au début du règne de Philopator. Ce poème était composé en hexamètres. D 'après ce que l'on peut reconstituer à partir des frag ments sûrs (cf. Hiller 190, p . 64 ), il racontait la naissance et la jeunesse d'Hermès (en incluant quelques anecdotes amusantes, comme le vol des vête ments de sa mère Maia et de ses tantes pendant leur bain , ou le vol des beufs d'Apollon : cf. fr. 1 Powell), ainsi que l'histoire de son ascension au ciel après

l'invention de la lyre (cf. fr. 13 Powell), et la description (inspirée de Platon ) de l'ordre de l'univers avec ses huit sphères tournant autour de la terre , telles que le dieu les voyait (cf. fr. 15 Powell). Le fragment le plus long (16 Powell = Achille , Isagoga excerpta , p.61Maass) décrit les cinq zones du globe terrestre comme vues du ciel par le dieu . Solmsen 80 , p . 207 sqq. = t. I, p . 218 sqq., a reconnu dans l'Hermès l'esquisse d'une cosmologie platonicienne, et il semble évident

que les huit sphères giratoires constituant une harmonie dérivent du Timée (cf. aussi Keller 194 , p . 104 sq.; et Fraser 16 ,t. I, p. 483). D 'après Schwartz 5, p. 195 sq ., la figure de cet Hermès connaisseur des étoiles n ' était pas de provenance grecque mais égyptienne : sous ce nom se cachait en réalité le dieu Thoth ,

inventeur de toutes les sciences et des arts. L 'hypothèse selon laquelle le poème dérivait de modèles égyptiens fut reprise et développée par 197 R . Reitzenstein , Zwei religions geschichtliche Fragen , nach ungedruckten griechischen Texten der Strassburger Bibliothek, Strassburg 1901, p.68 sqq. Mais cette hypothèse n 'est pas vraisemblable, car, comme l'a démontré Keller 194, p . 95 - 132 (cf. Fraser 16 , 1. II, p. 881 n . 49) , il n ' y a pas la moindre trace

d'astrologie ou d 'hermétisme dans l'Hermès (nidans les Catastérismes). Par ailleurs, d 'après 198 J. Blomqvist, « Alexandrian science : the case of Eratosthenes » , dans P . Bilde et alii (édit.), Ethnicity in Hellenistic Egypt, coll. « Studies in Hellenistic Civilization >> 3, Aarhus

1992, p. 533-573, on ne semble pas trouver d' influences égyptiennes sur l'æuvre d' Éra

ÉRATOSTHÈNE DE CYRÈNE

E 52

231

tosthène. Sans fondement également l'avis de Tannery 93, p . 274 , selon lequel les Catasté.

rismes ne seraient que le résumé des poèmes astronomiques d'Ératosthène, notamment de

l'Hermès ( cf. supra, B III 11). Cet avis avait été déjà exprimé par Bernhardy 62, p. 110-134, mais critiqué à juste titre par Hiller 190 (cf. Knaack 4, col. 388). De son côté , 199 L . Alfonsi, « L'Hermes di Eratostene e il lepi pihooopias di Aristo tele » RSF 1, 1946 , p. 103- 109, suggère que l'Hermès a subi l'influence du traité perdu

d 'Aristote Sur la philosophie. Un certain Timarchus estmentionné comme l'auteur d'un commentaire sur l'Hermès, chez Athénée XI, 501 e . Wilamowitz 193 , t. I, p. 176 n . 2 , l'identifie avec le cynique Timarque d 'Alexandrie (200 W . Nestle, art. « Timarchus » 9, RE VI A 1, 1936 , col. 1238 ), de la deuxiè me moitié du Ilja, mentionné chez D . L . VI 95 , personnage que Wilamowitz identifie égale

ment avec l'homonyme de la tribu Ptolémaïde, fils de Pausanias,mentionné dans l'épigramme X de Callimaque comme ayant sa demeure dans l'Hadès. A son tour, Susemihl 1 , t. I, p . 428

0 . 93, t. II, p. 189, avait suggéré qu'il faut corriger Tiuapyos en Twayidas, et il songeait donc à un autre personnage, Timachidas de Rhodes, cité aussi par Athénée . Enfin , Fraser 16 ,

L. I, p. 482 n . 26 (t. II, p .696 sq.),met en question l'une et l'autre identification , et se demande qui est le Timarque mentionné par la Souda , s.v. 'AnonNÁVLOC , A 3419, t. I, p. 307 , 8 Adler

(= Callimaque, test. 12 Pfeiffer) comme contemporain d 'Eratosthène,

(21) 'Eplyóvn . Cf. 201 Fr. Osann, De Eratosthenis Erigona carmine elegiaco, Gottingae 1846 ; Bergk 196 , t. II, p. 202-235 (§ 1, p. 202-221 : « De Eratosthenis Erigone »; $ 2, p . 221-235 : « Commentationis de Eratosthenis Erigone continuatio » );

202 F . Solmsen , « Eratosthenes' Erigone. A reconstruction » , TAPHA 78, 1947, p . 252-275 (= Kleine Schriften, t. I, Hildesheim 1968, p. 225 -248 ) ; 203 R .

Merkelbach, « Die Erigone des Eratosthenes», dansMiscellanea di studi ales sandrini in memoria di Augusto Rostagni, Torino 1963, p. 468-526 ; 204 Id ., « Tragödie, Komödie und dionysische Kulte (nach der Erigone des Eratosthe nes) » , Antaios 5, 1963- 1964, p. 325 -343 (cf. la trad . anglaise : « Origin and reli

gious meaning of Greek tragedy and comedy, according to the Erigone of Eratosthenes » , HR 3, 1963- 1964, p . 175- 190 ); 205 A . S . Hollis, « Attica in

Hellenistic poetry », ZPE 93, 1992, p. 1-15, notamment p . 9 sq .

Fragments : Maass 118 , p. 57-138 ; Hiller 190 , fr. 26 -34, p. 94-114 (cf. p. 3); Powell 60 , fr. 22-27, p . 64 sq. Cf. 206 A . S. Hollis, « A new fragment of Eratosthenes' Erigone ? », ZPE 89, 1991, p . 27 29, sur la possibilité de tirer un fragmentde l' Érigonè à partir de Porphyre , De l'abstinence II 10 , 1.

Voir maintenant l'édition de 207 A .Rosokoki, Die Erigone des Eratosthenes. Eine kommentierte Ausgabe der Fragmente, coll. « Bibliothek der klassischen Altertumswissenschaften » N .F., 2 . Reihe, Band 94 , Heidelberg 1995 , fr. 1-6

(p. 41-44), fragmenta dubia 1-4 (p . 45-46). Il n 'est pas facile de reconstituer l' Érigonè à partir desmaigres fragments sûrs

qui nous sont parvenus ( cf. Knaack 4, col. 387). En réalité, comme le remarque

Pfeiffer 13, p. 169 n. 1, les reconstitutions détaillées (par exemple celles de Merkelbach 203 ou de Maass 118 ), fondées sur de prétendues imitations, sur le

témoignage des lexicographes,mythographes, etc., sont très douteuses (cf.aussi 208 A . Ruiz de Elvira , « Los problemas del proemio de las Geórgicas» , Emerita

E 52 ÉRATOSTHÈNE DE CYRÈNE 35, 1967, p. 45-54, notamment p. 51 sqq.). On peut en tout cas affirmer que ce

232

poème, écrit en distiques élégiaques, racontait l'histoire du paysan attique Icare : celui-ci, ayant reçu de Dionysos un plant de vigne, fut assassiné par des paysans ivres qui n'avaient pas su apprécier le don du dieu ; sa fille Érigonè se pendit après avoir retrouvé son cadavre avec l'aide de son chien. Le poème se serait terminé par le catastérisme d 'Icare , de sa fille et du chien. Cf. Rosokoki 207, p. 53-78. C 'est à tort que Tannery 93, p . 274, suggéra que l'Érigonè n 'était qu'un épisode de l'Her mès (cf. supra ).

Parmi les ouvres poétiques d'Ératosthène, l'Érigonè semble avoir été celle

qui obtint la plus grande popularité dans l'Antiquité. En fait, le Pseudo-Longin , De sublimitate 33, 4, qualifie ce petit poème (tò noinuatiov) d'« irréprochable à

tous égards» . Il y compare Ératosthène à Archiloque, qui est à ses yeux un plus grand poète, même s'il est impétueux et souventdésordonné, car il est animépar le souffle divin de l'inspiration (cf. 209 J. van Ijzeren , « Archilochus Eratostheni comparatus » , Mnemosyne 52, 1924, p . 358-376 ). Merkelbach, 203 et 204, présente l' Érigonè comme l'exemple peut- être le plus caractéris

tique du mélange des cultures grecque et égyptienne dans le royaume des Ptolémées : les théo ries de cette petite épopée étiologique pouvaient avoir un modèle direct dans un chant de vignerons attiques évoquant le mythe d ' Icare qui ressemble au mythe d 'Osiris , mais l' interpré

tation pouvait aussi partir des données de la mythologie égyptienne, le poèmeayant pour but

demettre en reliefles traits communs entre les civilisationsgrecque et égyptienne. Sur la base du fr. 22 Powell, où on lit que les habitants du dème attique d' Icaria ont été les premiers à danser autour du bouc, on a émis l'hypothèse qu ' Eratosthène faisait référence dans son poème à la théorie hellénistique post-aristotélicienne qui voyait dans cette danse l'origine de la tragédie et de la comédie (cf. Pfeiffer 13, p. 169 n . 2 , avec bibliographie , ainsi que 210 F . Rodríguez Adrados, Fiesta , comedia y tragedia. Sobre los orígenes griegos del teatro, Barce lona 1972, réimpr. coll. « Alianza Universidad Textos » 71,Madrid 1983, p . 58 sqq.).

(22) ’AvtEpLVÚc.

Fragments : Hiller 190, fr. 20-25, p . 80-93 (cf. p .2 sq.) ; Powell60, fr. 17, p . 63 (= scholies sur Nicandre , Theriaca 472 a, p. 192, 7- 9 Crugnola ); cf. fr. 18 21 ( ex incerto loco). Cf. Bergk 196 , t. II, p . 211-219, 232 ; 211 O . Friedel, « Die Sage vom Tode Hesiods nach ihren Quellen untersucht» , JKPh Suppl. 10, 1878-1879, p . 233 278 ;Merkelbach 203, p. 519-526 .

Hiller 190, p. 2, et Bergk 196 , t. II, p. 218, ont conjecturé que le titre de cette composition était double: 'AVTEPLVÙÇ Ñ 'Holodos, sur la base de l'opuscule De Homeri et Hesiodi certamine (p .234, 240 sq . Allen ), où ils croyaient, d'après

une conjecture de Göttling, que l'Hésiode d'Ératosthène étaitmentionné. Mais cette conjecture n'est pas retenue par Allen : 'E . dé onoivév tévntónwt. Bergk suggéra que l'auteur racontait dans ce poème la légende sur la mort d'Hésiode et

le châtiment de ses assassins (cf. Susemihl 1 ,t. I, p .427 ;Knaack 4 , col. 387). A partir du fragment 17 Powell, conservé dans les scholies à Nicandre ( cf. supra), on ne peut pas déterminer le type de vers utilisé.

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233

(23 ) 'Endaráulos, Discours nuptial( ?). Fragments : 28 Powell (= Etymologicum Magnum 170, 50, s.v. aủpooxás [2092 ), t. II, p . 313, 14 sq . Lasserre et Livadaras).

Cf. Bergk 196 , t. II, p. 207-211, 232, 237 ; 212 R. Reitzenstein , « Die Hochzeit des Peleus und der Thetis » , Hermes 35, 1900, p. 73- 105, notamment p. 96 et n . 1 ; Knaack 4 , col. 388.

(24 ) ALÓVOOÇ Kexnvós, Dionysosbouche bée ( ?).

Fragments : 28 b Powell (cf. Euphorion, fr. 19, 123 Powell). A partir d 'Élien, De natura animalium VII 48, on a conjecturé qu 'Eratosthène écrivit un poème sur la légende samienne de « Dionysos bouche bée » , racontée

par Pline, Histoire naturelle VIII 57 (cf. Knaack 4 , col. 388). (25 ) Épigramme sur la duplication du cube : cf. Hiller 190, p . 130 ; supra, BII 8 . VII.AUTRES ÉCRITS

(26 ) ’ Aplotwv, Ariston : cf. supra, A , à propos du séjour à Athènes, et B I 1.

(27) ’Apoivón , Arsinoé: cf. supra, A , à propos du séjour à Alexandrie, et BI1.

(28) Mpòc Bátwva , Contre Baton ou A Baton ( ?).

D .L . VIII 89 (= fr. 22 Jacoby) mentionne les livres d'Eratosthène Contre Baton , où l'auteur aurait affirmé qu’Eudoxe de Cnide ( E 98 ) composa des Dialogues de chiens (= fr. 374 Lasserre ). Knaack 4 , col. 386 , se demande s 'il

s'agissait d'une lettre . Par ailleurs, s'il faut identifier le personnage mentionné dans le titre avec Baton de Sinope (= FGrHist 268, test. 3), comme le suggère Wilamowitz 67, p. 28 , on peut supposer que l'ouvrage avait un contenu géogra phico -historique ; mais Knaack estime plus vraisemblable l'hypothèse de Hirzel 23 , t. I, p . 410, qui songe au poète comique du même nom ( + B 24 ), ami

d'Arcesilas, qui semble avoir partagé l'orientation philosophique d'Ératosthène ( cf. CAF, t. III, p. 326 -329 ).

(29) ’Etiotoraí, Lettres. Athénée X 11, 418 a (= fr. 18 Jacoby) mentionne les Lettres d 'Ératosthène, à

propos du mot d'un certain Prépélaos (Ilpené aov : sic Kaibel: nepénerov, TÉUnteov mss ), que Knaack 4 , ibid ., suggère d 'identifier avec le chef d 'une armée de Cassandre (cf. Diodore de Sicile XX 110 ). La mention revient chez Athénée XI, 482 a (= Macrobe, Saturnales V 21, 10 ), où on cite concrètement une lettre à Agétor le Spartiate , qui manifeste un intérêt pour les antiquités.

(30) 'lotopían, Histoires.

234

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E 52

La Souda attribue aussi à Ératosthène des Histoires, mais, comme le soup çonne Knaack 4 , ibid ., il s'agit ici sans doute d 'une confusion avec Ératosthène l'historien (cf. 213 Id ., col. 388-389). C . Influence. Malgré l'étendue des centres d'intérêt d'Ératosthène, son influence sur la postérité a été remarquable danspresque tous les domaines qu'il a cultivés .

Les vues d 'Ératosthène sur la circonférence de la terre ainsi que ed façon générale sa carte du monde habité furent corrigées et dépasséespar Hipparque et plus tard (IIP) par Ptolémée,mais elles ont exercé une grande influence tout au long de l'Antiquité, directement ou le plus souvent par l'intermédiaire de

Posidonius et Strabon (cf. Berger 91, p. 1-17, notamment p . 14 -17): sur Isidore de Characène (1a /IP ; FGrHist 781), Denys le Périégète ( IIP ; GGM , t. II, p. 104

176 ), Artémidore d 'Éphèse (IIP ; FGrHist 438), Ammien Marcellin (IVP ; cf. 214 V . Gardthausen , « Die geographischen Quellen Amians », JKPh Suppl.

VI, 1872-873, p. 507-556 , notamment p. 540 -547), Marcien d 'Héraclée (III/VP; GGM , t. I, p. 574-576 ). Ératosthène a également influencé par exemple l'Alexandra de Lycophron (cf. 215 P. Fra ser, « Lycophron on Cyprus » , RDAC 1979, p . 328 -343, notamment p . 335 sqq.), les Meteoro

logica d' Arrien de Nicomédie (I-IIP ~ A 425, p. 602), le Périple du Pont-Euxin de ce même auteur (cf. 216 G .Marenghi, « Sulle fonti del Periplo di Arriano » , SIFC 29, 1957, p . 217 223), la périégèse de Scymnos de Chios (11a ; cf. 217 U . Hoefer, « Pseudo -Skymnos und Era tosthenes » , RHM 77 , 1928 , p. 127 - 152 ), ou les commentaires d 'Agrippa (cf. 218 A . Klotz ,

« Die geographischen commentarii des Agrippa und ihre Überreste » , Klio 24, N . F . 6 , 1931, p . 386 -466 ).

En général, cette survie a été étudiée par 219 A . Lheureux , « LaGéographie d' Ératosthène, son originalité et son influence dans l'Antiquité» , LEC 12, 1943, p. 33-39, qui constate que la Géographie d'Eratosthène ne perd son intérêt qu 'avec Marinos de Tyr qui sert de source à Ptolémée, bien qu 'elle continue à

être citée dans des ouvrages ultérieurs. Son importance s' étend jusqu'à la Renaissance (cf. 220 N . Broc, La géographie de la Renaissance 1420-1620, Paris 1986 ). En fait, comme le remarque Aujac 146 , p. 124 (cf. Mattei 21, p. 136 ), c'est en voulant suivre l'idée d 'Ératosthène selon laquelle il était pos

sible à partir de l'Ibérie d'arriver à l'Inde par la mer (cf. supra, B IV 12 ) que Christophe Colomb vérifia l'objection de Strabon sur la nécessité de l'existence d'un continent, jusqu 'alors inconnu, qui empêcherait d'atteindre la côte extrême orientale du monde habité (cf. 221 A . Elter, « Das Altertum und die Entdeckung Amerikas » , RAM 75 , 1926 , p . 241-265, notamment p . 249 sqq.; Manna 19 , p. 44 ; Krämer 22, p. 168). Notons aussi, avec 222 C . Préaux, « LesGrecs à la découverte de l'Afrique par l'Égypte » , CE 32, 1957 , p. 284 - 312 , que c 'est la carte de Ptolémée, fondée sur celle d 'Eratosthène, qui

fut transmise aux premiers explorateurs de l'Afrique du xixe siècle. Enfin , comme le remarque Manna 19 , p. 42, l'importance d' Ératosthène dans le domaine de la géographie mathématique est bien illustrée par le fait que le mathématicien hollandais Willebrord Snell van Royen a mis justement sous le titre d 'Eratosthenes Batavus l'euvre par laquelle il inau

gura en 1617 la littérature géodésique (223 Willebrordus Snellius, Eratosthenes Batavus, de

E 52

ÉRATOSTHÈNE DE CYRÈNE

235

terrae ambitus vera quantitate, a Willebrordo Snellio, dià TÕVÉE ánoomuátwvMETpovo @ U OLONTPūv, suscitatus, Lugduni Batavorum 1617, deux parties en un vol.).

Dans le domaine de l'astronomie, l'æuvre d'Ératosthène a influencé le traité astronomique d 'Hygin (1a; cf. 224 A . Le Beuffle , « Recherches sur Hygin » ,

REG 43, 1965, p . 275-294), les Aratea d 'Aviénus (IVP; cf. 225 A. Vigevani, « Ricerche intorno agli Aratea del poeta Avieno e alle loro fonti» , ASNP 16 1947, p. 49-72 ; * A 515). Cicéron semble s'être inspiré de l'Hermès pour

l'harmonie des sphères du Somnium Scipionis raconté dans le livre VI de la République (cf. 226 C . Pascal, « Di una fonte greca del Somnium Scipionis » , RAN 1902, p. 141- 154), et ce poème paraît aussi avoir influencé Virgile, Géor giques I 231-256 (cf. Knaack 4, col. 388 ; Croiset 3, t. V , p. 246 n . 3 ; Fraser 16 , t. II , p . 882 n. 52). Solmsen 202, p. 253 sqq. = t. I, p. 226 sqq., fait remonter en

partie l'histoire d'Icare et d'Érigonè que nous lisons dans les Dionysiaques de

Nonnos (VP) à l'Érigonè. D 'après 227 K .Meuli,« Altrömischer Maskenbrauch », MH 12, 1955, p . 206 -235, la théorie sur l'origine de la tragédie et de la comédie qu 'Eratosthène avait exposée prétendument dans ce poème (cf. supra) aurait été reprise par Varron (De scaenicis originibus) et Virgile (Géorgiques II 380 -396 ).

Cependant, Ruiz de Elvira 208, p . 51 sqq., met en question l'hypothèse selon laquelle le catastérisme d'Érigonè que l'on trouve chez Virgile, Géorgiques I 33,

provient du poème d 'Ératosthène (cf. Solmsen 202, p. 270 sqq. = t. I, p. 243 sqq.). D 'après 228 R .Merkelbach , « Die Sphaerenharmonie auf einem ravennatischen Mysten sarkophag » , ZPE 6 , 1970 , p. 277 -278, l' inscription grecque en caractères latins qui accom pagne l'un des reliefs isiaques du sarcophage commenté se rapproche du mythe de la lyre tel

que le raconte Ératosthène dans l'Hermès.

Pour terminer, on peut illustrer la renommée proverbiale d 'Ératosthène comme grand savant et homme d'une culture encyclopédique, par le fait, rappelé par Pfeiffer 13 , p. 170, que le plus grand « philologue » (au sens ératosthénien ) du XVII s., Claude de Saumaise (Salmasius), fut loué comme l'Ératosthène de

son temps (cf. 229 T . P . Blount, Censura celebriorum authorum , sive Tractatus in quo varia virorum doctorum de clarissimi cuiusque seculi scriptoribus iudicia traduntur. Editio nova correctior, cui accessit iudiciorum vernaculo sermone... in priore exhibitorum accurata in latinum translatio , Genevae 1710, p. 1025).

D . Iconographie : 230 K . Gaiser, Das Philosophenmosaik in Neapel. Eine Darstellung der platonischen Akademie, coll. AHAW 1980, 2 , Heidelberg 1980 , p . 97- 103 (chap. XIII. « Eratosthenes von Kyrene in Alexandrien : 1. Erato

sthenes und Platon , 2. Ein Bild mit Eratosthenes ?» ), soutient qu 'Ératosthène se trouve représenté dans la célèbre mosaïque découverte en 1897 à Torre Annun ziata près de Pompéi, et conservée au Museo Nazionale de Naples (inv. 124545, IP ) (elle est reproduite en page frontispice du premier tome du DPhA). D 'après l'interprétation de Gaiser, les Alexandrins ont fait l'honneur à Ératosthène, après sa mort, de le placer dans une mosaïque au milieu des philosophes de l'Ancienne Académie . Qui plus est, Gaiser 230 p. 100 - 103, suggère que le modèle original

de cette mosaïque a pu orner la tombe d 'Ératosthène ou quelqu'une des salles consacrées à sa mémoire dans le Musée à Alexandrie .

236

ÉRATOSTHÈNE DE CYRÈNE

E 52

Cf. 231 K . Gaiser, « Ilmosaico dei filosofi di Napoli. Una raffigurazione dell'Accademia platonica », StudFilos 2 , 1979, p . 35 -60 (résumé de l'ouvrage cité). Pour l'interprétation de la mosaïque en question voir aussi 232 M . -F. Billot, Annexe « Académie (topographie et archéo

logie )» ,DPha , t. I, 1989, p.693-789,notamment p . 783. PEDRO PABLO FUENTESGONZÁLEZ.

in memoriam J. Lens Tuero,magistri sui.

53 ERENNIUS ou HERENNIUS RE (Herennios) 1

MIII

Condisciple de Plotin auprès d'Ammonius (Saccas) à Alexandrie, il fut le premier à rompre le pacte qu 'il avait conclu avec Origène le Platonicien et Plotin de ne pas révéler les doctrines de leur maître (Porphyre , Vita Plotini 3, 24 .29.30 ).

Au Xviº siècle, un faussaire , qui était probablement Andréas Darmarios, a mis sous son nom une 'EEńynous eic tà metà tà quoixá composée de citations de divers philosophes antiques et d'extraits de Georges Pachymère. Sur ce texte ,

voir la note de L . Brisson et A .-Ph. Segonds, dans Porphyre, La Vie de Plotin , t. II, p. 212 -213.

Cf. K . Praechter, art. « Herennios » 1, RE VIII 1, 1912, col.649-650. LUC BRISSON . 54 ÉROSTROPHOS Ce nom est passé dans la littérature érudite comme celui de l'interlocuteur de

Socrate dans un dialogue philosophique portant sur l'âme, conservé en syriaque seulement, - dialogue qui a reçu du même coup ce nom pour titre. Ce bref dialogue, qui n 'est conservé que dans un seulms., Londres BL Add. 14658 , écrit au Viie siècle , a été édité par 1 Paul de Lagarde, Analecta Syriaca , Leipzig 1858 , p. 158 - 167, et traduit en allemand par 2 V . Ryssel, « Der pseudo sokratische Dialog über die Seele » , RhM 48, 1893 , p . 175- 195. D 'après la description de W . Wright, Catalogue of the Syriac Manuscripts in the British

Museum , part III, London 1872, p. 1158, le dialogue est simplement intitulé, dans le ms., « Sūgrațūs» , et le nom de l'interlocuteur de Socrate se lit « rwstrpā» , forme que Wright hellénise en «'rsțrpūs» et suggère de lire 'Epootpogos , en proposant de faire de ce nom le titre de l'ouvrage. Déjà 3 E . Renan , « Lettre à M . Reinaud sur quelques manuscrits syriaques du Musée britannique », JA 1852, p. 293-333, avait lu dans le nom syriaque la forme grecque Erostrophos, et il

considérait le dialogue comme étant de la famille des apocryphes platoniciens, tels que l'Eryxias, l'Axiochos, le Minos,l’Hipparque; il ajoutait: « Peut-être faut

il y voir le Miowv ñ ' Innotpópos (dont le titre se lit quelquefois 'Innootpó pos), indiqué par Diogène Laërce parmi les dialogues évidemment apocryphes [D . L . III62]» (p . 299). Sur ce passage de D .L . concernant les dialogues apocry phes, voir la traduction annotée de 4 L . Brisson , « Diogène Laërce, “ Vies et doctrines des philosophes illustres” , Livre III: Structure et contenu » , ANRW II,

36 .5, p. 3716 -3717.Le rapprochementavec le Midon peut paraître tentante , mais

il semble que ce dernier soit un traité περί αρετής et non point περί ψυχής.

E 54

ÉROSTROPHOS

237

Ryssel 2 , p . 176 n . 1, le premier, semble-t-il, proposa de voir dans le nom transcrit par lui sous la forme « Herostrophos » une corruption de « Aristippos» , les deux noms ne différant en syriaque que par une lettre ; l'auteur inconnu du dialogue aurait alors souhaité rattacher celui-ci aux entretiens de Socrate avec

Aristippe,mentionnés par Xénophon,Mém . II 1 et III 8. Ryssel soutenait égale ment que le dialogue avait été traduit du grec par le médecin Sergius de Reš'aynā, connu par ses traductions syriaques du llepi xóquou et de traités de

Galien ( et par celles qu 'on lui attribuait à tort d 'œuvres logiques aristotéli ciennes). Les considérations philologiques sur lesquelles Ryssel appuyait cette dernière affirmation sont pourtant dénuées de rigueur, et il faut décidément abandonner l' attribution à Sergius de la version syriaque du dialogue. Il ne fait

pas de doute néanmoins que le dialogue a bien été traduit du grec , comme l'attestent divers emprunts lexicaux ou syntaxiques à cette langue. Le nom « Erostrophos» n 'apparaît pas dans 5 J. Kirchner, Prosopographia Attica , 2 vol., Berlin 1901- 1903, ni dans les trois volumes publiés du LGPN. Il

s 'agit donc probablementde la déformation d 'un nom grec, et la lecture corrigée « Aristippos » apparaît comme vraisemblable . Cette lecture « Aristippos» , et la présentation , dans le dialogue, de l' interlocuteur de Socrate comme un jeune homme attiré auprès du maître par la réputation de sagesse de ce dernier, ont conduit G . Giannantoni à établir un parallèle entre cet Aristippe et Aristippe de

Cyrène ( * A 356 ), à partir du témoignage d 'Eschine de Sphettos ( D . L . II 65) relatant qu'Aristippe fut attiré à Athènes xarà xéoç Ewxpátouc. Une version italienne (dont ni l' auteur ni la source (original syriaque ou traduction alle mande ? ) ne sont cités) du début du dialogue syriaque (sous l'intitulé : Anonimo

Siriaco, Erostrofo ) a donc été incluse , à ce titre , dans 6 G . Giannantoni, I Cire naici, coll. « Pubblicazioni dell'Istituto di filosofia dell'Università di Roma» 5 , Firenze 1958, p . 265-269 (fragmentnº 155 ), et reprise par 7 G .Giannantonidans son recueil SR, puis dans la version élargie SSR , où le dialogue constitue le

fragment IV A 159 se rapportant à Aristippe de Cyrène (t. II, p.61-62). Selon D . L . III 36 , « Platon manifesta de l'hostilité à l'égard d 'Aristippe aussi.

En tout cas, dans son dialogue Sur l'âme [Phédon 59c], ilmédit de lui en faisant

remarquer qu'Aristippe n' était pas présent à la mort de Socrate , bien qu'il se trouvât à Égine, c'est-à-dire tout près» . Un faussaire aurait donc pu prendre pré texte de l'absence d'Aristippe dans la prison durant les heures qui précédèrent la mort de Socrate, lorsque celui-ci discutait de l'immortalité de l'âme avec ses

disciples, pour exprimer ses propres idées sur l'âme, en les mettant dans la bouche d 'un Aristippe qui aurait discuté du même sujet avec Socrate en une autre occasion et avec d 'autres idées . La question posée par le dialogue (dont le texte est en mauvais état, dans sa partie finale ) est celle de la destinée de l'âme après la mort: est-elle éternelle ou périt-elle avec le corps, ou passe-t-elle dans un autre corps, ou réapparaît-elle

après un certain temps dans le même corps ? Selon 8 A . E . Taylor, Plato . The

man and his work, London 19526, le dialogue porterait la marque de l'influence stoïcienne et/ou de l'influence chrétienne (p. 553). Mais il faut bien observer

ÉROSTROPHOS

238

E 54

que, dans l'Antiquité tardive, tout le monde intellectuel était imprégné de voca

bulaire stoïcien et de doctrines stoïciennes.

Ce dialogue ne figure pas parmiles apocryphes connus par D .L . ou par les manuscrits médiévaux, et il n 'est pas non plusmentionné parmiles ouvrages que la tradition arabe attribue à Platon : cf. 9 C . W .Müller, Die Kurzdialoge der Appendix Platonica . Philologische Beiträge zur nachplatonischen Sokratik , coll. « Studia et testimonia antiqua » 17, München 1975 , p . 37 n . 1 . Dans le manuscrit

où il est conservé, ce dialogue fait partie d 'un ensemble de textes grecs de philosophie morale en versions syriaques, tels que le Mpós Anuóvixov d’Iso crate , des collections de sentences attribuées à Ménandre , à Pythagore , à Platon , etc .; sur cette littérature, voir 10 S . P . Brock , « From antagonism to assimilation : Syriac attitudes to Greek learning» , dans N . Garsoğan , Th .Mathews et

R . Thompson ( édit.), East of Byzantium : Syria and Armenia in the formative period , coll. « Dumbarton Oaks Symposium », Washington 1982, p. 27 , repris dans Syriac Perspectives on Late Antiquity , coll. « Collected Studies Se ries » 199, London 1984 .Mais on ne connaît pas la postérité éventuelle de ce

dialogue socratique dans la tradition syriaque. [Je remercie Luc Brisson qui a relu cette notice et m 'a fait part de ses observations.) HENRIHUGONNARD -ROCHE.

55 ÉRÔTION FIV - D III Avec Mammarion, Hèdeia et Nicidion, l'une des courtisanes du Jardin d' Épi cure à Athènes (D . L . X 7). Dans une scholie sur le Katánous Ñ Túpavvoç 12 de Lucien , Érôtion est donné comme exemple de nom hypocoristique attique.

Cf. K . Schneider,art. « Hetairai» , RE VIII 2, 1913, col. 1331-1372. RICHARD GOULET 56

ÉRÔTYLOS RESuppl. IV :

Lamention d 'Érôtylos par Zosime (chap . V [« Sur l'eau divine » ] li. 10 et 11 de ses Mémoires authentiques, texte établi et traduit par Michèle Mertens, Les

Alchimistes grecs IV 1,CUF, Paris 1995, p .21 (où l'on corrigera ’Epwtúros en ’Epátulos), commentaire p . 171-174 ) reste mystérieuse . Michèle Mertens fait l'hypothèse suivante , qu'elle qualifie de « vraisemblable » : dans ce passage, Érô

tylos est le nom de l'étoile, avec laquelle , selon Zosime, le mercure estmis en relation . Cette hypothèse,Michèle Mertens la propose après avoir passé en revue sept attestations du nom . Une seule de ces attestations nous intéresse. Dans un papyrus magique (PMG XIII 945) du IVe siècle apr. J.-C ., on trouve la phrase ’ EpútvOS ÉV TOTS 'OpblxOTÇ úonewalwal (suite de mots magiques). On peut

en déduire soit qu’Érôtylos est le nom d'un auteur ayant écrit des Orphica (cf. O . Kern , Orphicorum fragmenta , p . 71 n° 235), soit qu'il s'agit d 'un personnage cité dans des Orphica ( cf. H . D . Betz, The Greek magical papyri in translation , including the demotic spells, Chicago /London 1986 , p. 193 n . 129). Il est impos

sible de décider entre les deux hypothèses.

E 58

239

ÉRYXIAS DE STIRIA

Cf. O . Kern , art. « Erotylos », RESuppl. IV , 1924, col. 386 . LUC BRISSON .

57 ÉRYMNÉE (Erymneus) RE Péripatéticien , chef d'école à Athènes .

MF II

Nous ne possédons sur Érymnée qu 'un seul témoignage, grâce à Athénée (V , 211e). Il s'agit d'un extrait des Histoires (iotopíai ou iotopía ) de Posidonius

d' Apamée ; on trouvera donc le texte dans les éditions de Posidonius (FHG III, p . 266 -267; fr. 253 Edelstein -Kidd ; fr. 247 Theiler). Études d 'orientation . 1 E.Martini, art. « Erymneus » , RE VI, 1909, col. 570 571; 2 P . Moraux, Aristotelismus, t. I, p. 28 n. 68 ; 3 J. P . Lynch, Aristotle 's School, p . 202 ; 4 K . O . Brink , art. « Peripatos » , RESuppl. VII, 1940 , col. 899

949 (sur Érymnée , col. 908-914 ); 5 F . Wehrli, « Der Peripatos bis zum Beginn der römischen Kaiserzeit» , GGP, Antike 3 , 1983, p . 459-599 ( sur Érymnée, p . 590) ; 6 J.-L . Ferrary, Philhellénisme et impérialisme, p. 468 -469. Vie . La plupart des auteurs modernes présentent, avec plus ou moins de pru dence, Érymnée comme le successeur de Diodore de Tyr (BD 132 ) à la tête du Lycée (vers 1004 selon Wehrli 5, p. 590 ). Or, on sait que Diodore de Tyr ensei gnait encore à Athènes entre 110 et 108 lors du séjour de L . Licinius Crassus (MC 198 ] (F. Wehrli, Hieronymos von Rhodos ; Kritolaos und seine Schüler ;

Rückblick: Der Peripatos in vorchristlicher Zeit; Register, coll. « Die Schule des Aristoteles» 10 , Basel/Stuttgart 19692, p. 88, fr. 6 Wehrli). D 'autre part, Posido nius (Athénée, loc. cit.) affirme qu 'Athénion avait fréquenté l'école d'Érymnée .

Il semble que cet Athénion (** A 484 ) était le père de l'Athénion (P- A 485) qui devint tyran d'Athènes vers 88 av. J.-C et entraîna ses concitoyens du côté de Mithridate contre Rome. Il ne paraît alors guère possible qu 'Athénion , le père , ait fréquenté l'école d'Érymnée longtemps après 130 (« peut-être vers 135 -125 » selon R . Goulet (art. « Athénion » A 485, DPhA I, 1989, p . 649). Ainsi, Érymnée

n 'est certainement pas le successeur de Diodore de Tyr. Ferrary 6 , p. 468, arrive aux mêmes conclusions (« l'école d 'Érymnée existait dans les années 130 -120 » ) et précise que cette école devait être indépendante du Lycée dirigé alors par Dio

dore.Mais alors, il faut dire qu'on ne sait rien de cette école ni de la relation de celle -ci avec le Péripatos, dirigée alors par Diodore de Tyr. Ce qui est sûr toute

fois, c'est qu'Érymnée pouvait être compté parmi les péripatéticiens ( ěv rñ Έρυμνέως του περιπατητικού σχολή). [Posidonius, dans le fragment conservé par Athénée, ne situe pas Érymnée à Athènes de S. F.)

façon explicite. On pourrait concevoir qu' il ait enseigné ailleurs.

JEAN -PIERRE SCHNEIDER .

58 ÉRYXIAS DE STIRIA RE 3 PA 5185

F va

Éryxias a donné son nom à un dialogue platonicien apocryphe qui a pour sous-titre Sur la richesse. Le dialogue s'ouvre sur la scène suivante : « Nous étions justement Éryxias du dème de Stiria et moi (Socrate), en train de nous

promener sous le portique de Zeus Libérateur quand , par la suite, s'avança vers

240

ÉRYXIAS DE STIRIA

E 58

nous Critias (celui qui fut l'un des Trente tyrans] ( C 216 ) accompagné d 'Érasistratos, le neveu de Phéax, fils d 'Érasistratos.» (Éryxias 392 a ; trad .

Robin ). Un peu plus loin (Éryxias 396 d ), Éryxias est présenté comme un parent de Critias.

Cf. J. Kirchner, PA n° 5185 ;Davies,APF n° 8792 VI.

59 ÉRYXIMAQUE D 'ATHÈNES RE : PA 5187

LUC BRISSON . F va

Éryximaque, fils d’Acoumène, estmentionné dans deux dialogues de Platon , le Protagoras et le Banquet. En compagnie de Phèdre, qui est alors âgé de dix -huit ans environ , Éryxi maque, un médecin (Phèdre 268 a ), fait partie des auditeurs d 'Hippias d'Élis dans le Protagoras (315 b -c).

L 'entretien rapporté dans le Banquet est censé avoir eu lieu le lendemain du jour où Agathon sacrifia aux dieux en reconnaissance du prix que lui avait valu

sa première tragédie, c' est-à-dire fin janvier, début février 4164. Phèdre, qui est alors âgé de trente -quatre ans va, par la bouche d 'Eryximaque, proposer de pren dre Éros pour thème de discussion (Banquet 177 a-e ). C 'est pourquoi d 'ailleurs il

prononce le premier éloge d'Éros (Banquet 178 a - 180 b , cf. 177e- 178 a), tenu par lui pour le dieu le plus ancien . Cet éloge sera suivi par celui de Pausanias (Banquet 180c - 185c), par ceux d'Éryximaque (Banquet 185 e - 188e), par celui d 'Aristophane (Banquet 189 a - 193d), d 'Agathon (Banquet 194 e - 198a) et de Socrate (Banquet 201d -212c ), qui prétend rapporter les paroles de Diotime (2D 204 ).

Se présentant comme un médecin, Éryximaque applique la distinction faite

par Pausanias entre les deux Aphrodites (l'Ouranienne et la Pandémienne) et donc entre les deux Éros non plusaux seuls êtres humains,mais à tous les êtres. Et il passe en revue les applications de cette distinction dans les domaines de la médecine, de la musique, de l' astronomie et de la divination . Dans tous les cas un même thème revient: un examen , un diagnostic, une hygiène sont nécessaires pour sauvegarder un équilibre normal, à moins que ne s'impose une thérapeu tique pour restaurer cet équilibre et pour guérir. En tout cela transparaît une confiance sans faille en l'éminence de la médecine et en son autorité fondamen tale et universelle .

Cf. P . Natorp , art. « Eryximachos » , RE VI 1, 1907, col. 607 ; J. Kirchner, PA n° 5187.

LUC BRISSON . DM VI 60 ÉSOPE (Aľownoc) RESuppl. XIV : ts Sous le nom d 'Esope ont circulé dans l'antiquité différen recueils de fables

qui ont connu un succès universel et ont été traduites et imitées dans toute la tradition littéraire postérieure . On peut y voir l'expression d 'une éthique popu

laire, rationaliste et cosmopolite, qui n 'est pas sans intérêt pour l'histoire de la

philosophie.

ÉSOPE 241 Trois recueils sont conservés, constitués sans doute tardivement, mais d' autres fables sont

E 60

connues par la tradition indirecte ou des fragments papyrologiques. Démétrius de Phalère ( D 54 ) , à la fin du IVe s. av . J. - C . avait déjà constitué un recueil de fables bywv Alow freiwv ovvaywyai, D . L . V 80 , voir aussi Alowelwy a ', V 81) , sans doute parce que les disciples d 'Aristote portaient intérêt à de tels témoignages de la sagesse populaire. Dès l'épo

que de Socrate et d 'Aristophane, puis de Platon et d 'Aristote , les fables faisaient partie du bagage culturel d 'un Grec éduqué. Socrate aurait mis en vers certaines fables d'Esope (Platon , Phédon 60 d ; voir aussi D . L . II 42 , qui en cite deux vers) qu ' il savait par cœur ( ibid . 61 b ).

Les fables étaient largement utilisées dans les écoles, ainsi que dans les études rhétoriques .

Édition des fables. 1 A . Hausrath et H . Hunger (édit.), Corpus fabularum Aesopicarum , coll. BT, Leipzig, I, 1, 4e éd., 1970, XXXIX -248 p.; t. I, 2, 1959, XX - 351 p. ; 2 É . Chambry (édit.), Ésope. Fables, CUF, Paris 1927 ; réimpr. 1985,

LIV - 162 p .(en partie doubles). Lexique. Hausrath et Hunger 1, t. I, 2, p. 191-339; 3 F. Martín García et A . Rospide López, Index Aesopi fabularum , coll. « Alpha-Omega, Reihe A » 118 , Hildesheim 1991, 170 p .

Ésope est souvent mis en rapport avec les Sept Sages (Diodore IX 28, 1; Pseudo-Plutarque, Banquet des Sept Sages 4, 150 a et passim ), comme Chilôn (Diogène Laërce I69) ou Solon (Plutarque, Vie de Solon 28, 1). Diogène Laërce

situe son acmè en Ol. 52 (572-569), alors que Chilôn était un vieillard . Selon la Souda, s.v. AíownOS, AL 334, il aurait été précipité du haut des Roches Phédria

des à Delphes en la 54€ Olympiade (564/561). La plus ancienne attestation est sans doute chez Hérodote, II 134 , qui présente Esope comme un ancien esclave d ' ladmon de Samos et connaît déjà l'exécution ou le lynchage du fabuliste à Delphes.

Si Ésope a existé, on ne voit pas trop ce que l'on pourrait dire de lui; en tout

cas,sûrement pas qu'ilest l'auteur ou l'auteur unique des fables conservées. On rencontre dans les fables deux personnages postérieurs à Ésope : l'orateur Démade (63) et le « philosophe cynique » Diogène (65).

Deux Vies d 'Esope anonymes, d'époque tardive, qui sont en fait des romans populaires, ont été conservées. Elles donnent d 'Ésope, présenté comme l'esclave

phrygien du philosophe Xanthos à Samos, une image totalement légendaire . Dans l'une des versions (W ), il est présenté comme « philosophe » (Pline, Hist.

Nat. XXXVI82, appelle de même Esope fabellarum philosophus). Édition des Vies . 4 B. E . Perry, Aesopica , vol. 1, Urbana, 1952 ; 5 M . Papa thomopoulos (édit.), ‘O Blog ToŨ Aloánov : n naparlay G ,upitexn Exdoon

uè eloaywy xaiMetádpaon , Ioannina Univ . 1990, 183 p. Lexique. 6 E. Dimitriadis-Touphexis, « Index verborum Vitae Aesopi Perria nae » , EEThess 20, 1981, p. 69-153. Cf. 7 A . Hausrath , art. « Fabel » , RE VI 2, 1909, col. 1704 - 1736 ; 8 W .

Schmid et 0 . Stählin , Geschichte der Griechischen Literatur, I 1 : Die griechische Literatur vor der attischen Hegemonie von W . Schmid , coll. « Hand

buch der Altertumswissenschaft» VII 1, 1, München 1929, p.672 -683 ; 9 S.

Josifović, art. « Aisopos und die aisopische Fabel» , RESuppl. XIV, 1974, col. 15

242

ÉSOPE

E 60

40 ; 10 H . Zeitz , « Der Aesop -Roman und seine Geschichte » , Aegyptus 16 , 1936 ,

p. 225-256 ; 11 M .L . West, « The ascription of fables to Aesop in archaic and classical Greece » , dans F. Rodríguez Adrados et O . Reverdin (édit.), La fable . Huit exposés suivis de discussions, coll. « Entretiens sur l'antiquité class, » 30,

Vandæuvres-Genève, 1983, p. 105 -136 .

Bibliographie. Schmid 8 , p.682-683 ; 12 A . Beschorner et N . Holzberg,« A bibliography of the Aesop romance » , dans Der Asop -Roman . Motivgeschichte

und Erzählstruktur, hrsg. von N . Holzberg, unter Mitarbeitung von A . Beschorner und S . Merkle , coll. « Classica Monacensia » 6 , Tübingen 1992 ,

p. 165 -197. [Le Chronicum Romanum , chronique des grands événements de l'histoire de l'Europe et de l'Asie , composée en 15/ 16 de notre ère et partiellement conservée par plusieurs « tables iliaques » (voir les références dans S . M . Burstein , « A New Tabula Iliaca : The Vasek Polak

Chronicle » , J. P. Getty Museum Journal 12, 1984, p. 153-162), transmettait une tradition exploitée également par Phèdre I 3 - selon laquelle la mort d 'Ésope aurait été contemporaine BERNADETTE PUECH . ] de la première tyrannie de Pisistrate (561/0).

RICHARD GOULET. 60a ÉTIENNE DE LAODICÉE

F III

Dernier évêque de Laodicée avant la persécution de Dioclétien. Il succéda à Anatolius ( A 157). « Il était admiré de beaucoup de gens pour ses discours

philosophiques et tout le reste de sa culture hellénique,mais il n ' était pas disposé de la mêmemanière en ce qui concerne la foi divine, comme le découvrit le progrès de la persécution qui montra en lui un homme dissimulé, lâche, sans

courage plutôt qu'un vrai philosophe» (Eusébe, H . É., VII 32, 22, trad. G . Bardy ).

RICHARD GOULET. EUA ... voir aussi EVA ...

61 EUAIÔN DE LAMPSAQUE RE 2

Iva

Académicien, disciple de Platon (D . L . III 46).

Cf. 1 P . Natorp , art. « Euaion » 2 , RE VI 1, 1907, col. 836 ; 2 M . Isnardi Parente , Studi sull'Accademia platonica antica, coll. « Saggi filosofici» 1, Firenze 1979, p . 290 ; 3 A . Wörle , Die politische Tätigkeit der Schüler Platons, Darmstadt 1981, p. 159- 160 .

Selon Démocharès dans son plaidoyer pour l'interdiction des écolesde philo sophie (fr. 1 Marasco ap. Ath. XI, 508 f), Euaiôn aurait tenté de s'emparer du pouvoir à Cyzique. La leçon desmanuscrits d'Athénée : Eŭáywv a été corrigé en Evaíwv d 'après D . L . III 46 .La datation de sa tyrannie est incertaine: selon 4 H . Berve, Die Tyrannis bei den Griechen ,München 1967, t. I, p. 312, et Wörle 3,

p . 159, elle est postérieure à 360 av. J.-C . TIZIANO DORANDI.

EUAGÔN – EUNION

E 65

EUANDROS DE PHOCÉE

243

62 EUANDROS D 'ATHÈNES Académicien , disciple de Lacydès, mentionné seulement dans la Souda, II 1707 (vol. IV , p . 140 sq. Adler = Lacydès T 5 Mette = Euandros T 5 Mette ): xai

OLEDÉEavto thv oxornv QútoŨ (scil.Nátwvoc) xal’ éva oíde: ... Aaxtons, Etavopos owxakús, Aauwv, AeovteÚS, Mooyiwv, Eűavopoç ’Anvaſos,

'Hynoivous, Kapveáðns, < X >apuádac. Cf. Crönert, Kolotes und Menedemos, p . 75 . Peut-être doit-on supposer un doublet d'Euandros de Phocée (2- E 65) ? TIZIANO DORANDI.

63 EUANDROS DE CROTONE Pythagoricien ancien dont le nom figure dans le catalogue de Jamblique, V . pyth . 36 , 267, p. 143, 22 Deubner. BRUNO CENTRONE .

64 EUANDROS DE MÉTAPONTE Pythagoricien ancien dont le nom figure dans le catalogue de Jamblique, V . pyth . 36 , 267, p . 144, 3 Deubner. BRUNO CENTRONE. IIІЛІa 65 EUANDROS DE PHOCÉE RE 8 Académicien, disciple et successeur, avec Téléclès, de Lacydès comme scho larque de l'Académie (D . L . IV 60 = T la Mette). Euandros naquit à Phocée et il entra en contact avec les souverains de Pergame. Sa chronologie est incertaine. Apollodore (FGrHist 244 F 47 ap. Philod., Acad. hist. 28, 9 sq. = Lacydès T 2a 25 Mette ) rapporte qu 'Evandros survécut à Téléclès, mort sous l'archontat de

Nicosthénès (167/6 ), et nomme, après lui, comme dernier dans une liste d ’aca démiciens, Apollonios ( A 278 ?) qui mourut sous l'archontat d'Épainétos ( 166 /5 ). On a supposé qu'Euandros était mort avant Téléclès, mais cette conclu sion est en contradiction avec la tradition rapportée par Diogène Laërce (IV 60 = Lacydès T la , 16 sq.), selon laquelle : « A Euandros succéda Hégésinos de Per game et à celui-ci succéda Carnéade » , Euandros estmentionné dans une inscrip

tion de 193/2a (IG 112 886 ) en l'honneur d 'un Pergaménien inconnu, qui avait étudié la philosophie (li. 9) et avait secouru dans le danger des disciples d'Euan dros (li. 17). U . Köhler (IG II 385) a proposé d 'identifier le personnage honoré avec Hégésinos (PH 21). Cf. Chr. Habicht, Hellenistic Athens and her philoso

phers, Princeton 1988, p. 13 = Athen in hellenistischer Zeit,München 1994, p. 241. Nous ne connaissons rien ni de ses écrits ni de sa pensée. Il faut le distinguer d 'un homonyme académicien contemporain , Euandros d 'Athènes ( E 62). Cf. H . von Arnim , art. « Euandros» 8 , RE VI,1, 1907, col. 842; H . J. Mette, Lustrum 27, 1985, p. 52 ; T . Dorandi (édit.), Filodemo : Platone e l'Academia , p .64 -65 ; W . Görler, GGP Antike 4 , 2 , p . 834 -836 . TIZIANO DORANDI.

E 66

EUANOR DE SYBARIS

244

66 EUANOR DE SYBARIS Pythagoricien ancien dont le nom figure dans le catalogue de Jamblique,

V. pyth . 36 , 267, p . 144, 20 Deubner. BRUNO CENTRONE. EUARESTOS

ÉVARESTOS

EUARETUS + EVARETUS

67 EUATHLOS RE PA 5238

va

Disciple de Protagoras d'Abdère. « Comme Protagoras lui réclamait le salaire

(ulodós) qui lui était dû pour son enseignement, il répondit: “Mais je n 'ai encore remporté aucune victoire (dans un procès) [sous-entendu : comme tu t'étais engagé à me l'enseigner)”. Protagoras lui répondit: “ Eh bien, si je l'em

porte sur toi, il me faudra recevoir (mon salaire), parce que c'est moi qui aurai triomphé ; si c'est toi qui l'emportes, (il me faudra recevoir mon salaire ) parce

que c'est toi qui auras triomphé” » (D . L. IX 56 = DK 80 A 1, t. II, p. 255, 12 13).

Le salaire exigé par Protagoras était exagérément élevé selon Apulée , Flor. 18 (DK 80 A 4 ). Il s 'élevait à 10 000 deniers selon Quintilien , Inst. Orat. III 1, 10 (DK 80 B 6 ). Protagoras

aurait été le premier à exiger un salaire de centmines, selon D . L . IX 56. (En supposant que denier est pris comme équivalent de drachme, commeune mine vaut

100 drachmes, on obtient lamême valeur en drachmes, soit 10 000 ( 100 x 100 ). S. F .) L 'anecdote est également racontée, avec beaucoup plus de détails, par Aulu

Gelle V 10 (fr. 1222 Hülser), qui voit dans cette argumentation fallacieuse une illustration des åvtiOTPÉDovta ou des reciproca. L' anecdote a en effet une suite chez Aulu -Gelle: Euathlos rétorque que s'il gagne le procès, il ne devra rien à

son maître, puisque la justice lui donnera raison, et, s'il perd, il ne lui devra rien non plus, car il n 'aura pas encore gagné de procès ! Ce type d 'argument, explique Aulu-Gelle (§ 3), peut donc être retourné contre celui qui le formule .

Cf. Syrianus, Commentaire sur le lepi otáoewv d 'Hermogène, p. 42, 2, qui rapproche ce genre de raisonnement du sophisme dit du crocodile chez les

stoïciens (SVF II 286 ; fr. 1225 Hülser). Selon P . Tannery, « Le procès de Protagoras» (1881), repris dansMémoires scientifiques, t. IX : Philologie 1880-1928, Toulouse/Paris 1929, p. 3- 7, le procès serait « une invention sophistique, où d'autres auteurs supposent d 'ailleurs un autre disciple et un autre maître , les Siciliens Tisias et Corax » , « On peut croire cependant que Protagoras avait lui-même déve loppé cette fiction comme exercice d' argumentation , puisque Diogène Laërce lui attribue une

Aixn úrèp ulodoő (plaidoyer sur les honoraires) » (p. 6 ).

Le nom apparaît aussi en D . L . IX 54 (DK 80 A 1, t. II, p . 254, 20-21) : Pythodore (PA 12412), fils de Polyzélos, l'un des Quatre-Cents, aurait intenté un procès contre Protagoras, après la lecture publique de son traité Sur les dieux. Mais, selon Aristote (fr. 67 Rose ? - Eodlotńs, fr. 3 Ross), Euathlos était l'accu sateur.

Peut-être Aristote parlait-il d 'un autre procès, celui qui avait opposé Protagoras et son disciple . Mais, d'après l'anecdote , c 'est Protagoras qui était l'accusateur.

E71

EUBOULIDÈS DE MILET

245

On trouve chez Aristophane et ses scholiastes un Euathlos, rhéteur syco

phante , qui n 'est sans doute pas le disciple de Protagoras . RICHARD GOULET.

8 EUBIOS D 'ASCALON RE 5 Philosophe stoïcien “ illustre”, d'époque indéterminée, mentionné par Étienne

de Byzance, s.v. 'Aoxárov (p. 132, 4 -5 Meineke), avec Antiochos « le Cygne » [= Antiochos d'Ascalon (mA 200 )] et Antibios (* * A 190 ), comme faisant partie des célébrités de cette cité. RICHARD GOULET.

9 EUBOULIDÈS RE 7 Dans les Theologoumena arithmeticae qui furent attribués à Jamblique, p . 52, 9 - 12 De Falco , le pythagoricien Euboulidès est cité , avec Androcyde ( » A 173) ,

Aristoxène (PA 417), Hippobote (» H 148 ) et Néanthe. Il aurait écrit sur Pytha

gore et soutenu qu’une période de 216 années (63) aurait séparé deux réincarna tions de Pythagore. Boèce, Instit.mus. II 19 (=DK 18 A 14 ), rapproche Eubouli dès et Hippasos ( H 144 ) comme des théoriciens ayant défini un certain ordre des consonances musicales. BRUNO CENTRONE .

70 EUBOULIDÈS RE 8 D 'après Diogène Laërce VI 20 (= fr.67 [?] Döring), Eubulide, dans son llepi

AloyÉVous ( Sur Diogène),disait que Diogène le Chien (2- D 147) avait falsifié lui-même la monnaie et qu 'il avait erré en exil avec son père. Qui est cet Eubulide dont on ne peut préciser la datation ? Faut-il l'identifier avec le philosophe mégarique Euboulidès de Milet (» E 71) - P . Natorp, RE VI 1, 1907, col. 870, juge l'identification difficile -, ou avec l'Eubulide qui, selon Diogène Laërce II 42 (= fr. 66 [?] Döring), dit que Socrate proposa à ses juges de payer comme amende une somme de cent drachmes ? K . Doring, Die Megariker, p . 114 , et R .Muller, Les Mégariques, p . 119 , estiment impossible de se prononcer sur ces deux identifications. D 'autre part faut-il, comme l'a proposé G .Ménage, ap. H .G . Hübner (édit), Commentarii in Diogenem Laertium , Leipzig 1830

1833, t. IV , p. 20, corriger en VI 30 Eößoulog dè en Eůſourídns ? Voir à cet

égard la notice Euboulos (» E 72). MARIE -ODILE GOULET-CAZÉ.

EUBOULIDÈS D 'ALEXANDRIE

EUBOULOS D ’ALEXANDRIE ?

71 EUBOULIDÈS DE MILET RE 8

Iva

Philosophe mégarique, adversaire d'Aristote , connu presque exclusivement

pour son activité de polémiste et de dialecticien. Témoignages et fragments. 1 K . Döring, Die Megariker, p. 16 -20 : fr. 50-58

(données biographiques), 59-67 (écrits et doctrines), ainsi que fr. 68,69, 73, 88

246

EUBOULIDÈS DE MILET

E 71

et 96 . Il faudrait ajouter un certain nombre de textes qui, sans nommer Eubulide, apportent d'indispensables précisions sur les arguments dialectiquesmentionnés

dans les fr.51 A , 64 et 65 ; plusieurs d' entre eux figurent ( sous formede citation dans l'original ou de simple référence) dans le commentaire de Döring 1, p. 109 114. On trouvera un choix plus complet de ces textes, accompagnés de leur tra

duction française, dans 2 R .Muller, Les Mégariques, p. 75-86 . Voir également 3 G . Giannantoni, SSR , fr. II B 1- 19. Traduction italienne des fragments par 4 L .

Montoneri, I Megarici, Catania 1984, p. 261-265. On trouve dans la version arabe d 'un traité de Thémistius intitulé Réponse à Maxime au sujet de la réduc

tion de la deuxième et troisième figure à la première (traduit dans 5 A . Badawi, La transmission de la philosophie grecque au monde arabe, Paris 1968, 2e éd. 1987, p . 180 ) les noms d 'Eubolide (ou Euboulide) et de Ménélaus : ils auraient

nié la conversion des prémisses. Ce témoignage est absent des recueils de Döring et de Giannantoni.

Datation. Plusieurs sources (fr. 59-62) font état de polémiques assez vives contre Aristote . Si l'on admet (avec 6 K . von Fritz , Schriften zur griechischen

Logik, Stuttgart/Bad Cannstatt 1978, t. II, p. 97) que ces polémiques sont consé cutives à la tentative d'Aristote de résoudre quelques-uns des « sophismes» d 'Eubulide (le Voilé et le Menteur sont cités dans Réf. soph. 24 , 179 a 33 et 25 , 180b2), on peut estimer que le Mégarique florissait dans la deuxièmemoitié du

IVe siècle av. J.-C . Compte tenu en outre de la date probable de composition des Réf. soph. (I. Düring et R . A . Gauthier les situent tous deux avant 3484), on est contraint de reculer la naissance d 'Eubulide au moins jusque vers 3700. D 'autre part, l'information selon laquelle ce dernier aurait été le maître de Démosthène,

né en 384a, est assez controversée (voir fr. 51-56 et Döring 1, p . 102-103) ; si elle devait néanmoins être acceptée, il faudrait placer la naissance du mégarique

avant 390a environ , ce qui ne serait d 'ailleurs pas incompatible avec les polé miques contre Aristote, et permettrait même de faire d 'Eubulide un élève direct

d'Euclide de Mégare ( » E 82 (cf. fr. 50). Il est plus difficilement concevable, en

revanche, qu'il ait assisté au procès de Socrate (fr.66 ;mais il est douteux qu 'il s'agisse du mégarique).

Euvres. Les écrits contre Aristote sont mentionnés sans titre, et désignés diversement (Bibríov, fr.60 ; oúrypauna, fr.61;nóros, fr.62). « Eubulide le dialecticien » apparaît aussi dans une citation d ' Athénée comme l'auteur d ' une

comédie intitulée Kwuaotaí (« Les fêtards» , R . Kassel et C . Austin , PCG V , 1986 , Eubulides, p. 186 , fr. 1); mais on peut comprendre aussi qu'il était un per sonnage de la pièce (fr. 57 ; voir l'apparat). Diogène Laërce attribue d'autre part

(fr.67) un Iepi Aloyévous à un certain Euboulidès (2E 71), dont on ne sait s'il s 'agit du mégarique (cf. Döring 1, p . 114 ). Quant à la production la plus impor tante d 'Eubulide, ses arguments ou questions dialectiques, Diogène Laërce se

contente d ' en faire mention sans les rapporter à des ouvrages particuliers (fr. 64 65).

École, disciples, influence. Eubulide appartient sans conteste à la tradition mégarique : il est présenté par Diogène Laërce comme un successeur d 'Euclide

E71

EUBOULIDÈS DE MILET

247

( P + E 82 ] (fr. 50 ), sans toutefois qu 'on puisse assurer qu'il en ait été l'auditeur (cf. ci-dessus “ Datation") : il eut pour élèves Euphante d'Olynthe (» E 125 ] (fr. 68 ) , Apollonios de Cyrène [ A 276 ] (fr. 96 ), et sans doute aussi Alexinos d 'Élis (> A 125 ), malgré l' imprécision du mot oladoxń (fr. 73 ;mais il est cité avant les deux autres, dans un contexte où il est manifestement question des « audi teurs » d 'Eubulide). Cette position d ' intermédiaire entre le fondateur et les der

niers mégariques n 'est pas la seule raison de l'importance d'Eubulide : si ce que nous savons de ses attaques contre Aristote ne plaide pas d'abord en sa faveur (cf. fr. 60 ), son activité de logicien et en particulier l' invention des arguments dialectiques cités aux fr. 51 A , 64 et 65 , méritent considération . On est en effet de moins en moins porté aujourd 'hui à n 'y voir que vains sophismes: on sait par exemple que le Menteur a ressurgi dans les discussions du début de notre siècle sur les fondements des mathématiques (cf. 7 A . N . Whitehead et B . Russell,

Principia Mathematica, t. I,Cambridge 1910, p. 60 ; 8 A . Tarski,« Le concept de vérité dans les langages formalisés », trad. franç. d ’un article publié en 1933 (en polonais) et 1936 (en allemand ), dans Logique, sémantique, métamathématique, Paris 1972 , t. I, p. 159 -269, spéc. p . 164- 171; 9 A . Koyré, Épiménide le Men teur, Paris 1947) ; interprétation mathématique aussi pour le Sorite ou le Chauve

( 10 E . W . Beth, « Le paradoxe du Sorite d'Eubulide de Mégare» , dans La vie , la pensée. Actes du Vire congrès des Sociétés de phil. de langue franç., Paris 1954 ,

p. 237 -241 ; voir aussi 11 J.Moline, « Aristotle, Eubulides and the Sorite » ,Mind 78, 1969, p. 393-407, et 12 G . Sillitti, « Alcune considerazioni sull'aporia del

sorite » , dans G . Giannantoni ( édit.), Scuole socratiche minori e filosofia elle nistica, Bologna 1977, p. 75-92); les discussions contemporaines concernant l'« opacité référentielle » (13 W . V . O . Quine, Word and object, Cambridge, Mass ., 1960, p. 141-146 ; trad. franç. Lemot et la chose , Paris 1977, p. 207 -212) donnent également un éclairage inattendu au problème de l'identité tel que le soulèvent l'Électre ou le Voilé , pourtant considérés d'habitude comme de mau vaises plaisanteries (les exemples très frappants de Quine sont repris et discutés

sous l'angle de l'opacité liée aux modalités par 14 J. L . Gardies, Essai sur la logique des modalités, Paris 1979, p. 215-228); et le Cornu lui-même présente des propriétés formelles intéressantes à étudier dans le contexte de la naissance de la logique des propositions (voir Muller 2, p . 118). D 'un autre côté, il est vrai que la part prise par Eubulide à la création de ces arguments est difficile à cerner : le matériau est parfois antérieur (pour le Sorite, cf. l'argumentde Zénon rapporté par Aristote, Phys. VII 5 ; 250 a 19 -25 , et Simplicius, in Phys. p . 1108,

18 Diels ; pour le Menteur, cf. 15 A . Rüstow , Der Lügner, Erlangen 1910, p. 19 39), et plusieurs d'entre eux sont attribués à Diodore Cronos (BD 124), à Philon

de Mégare ou à Alexinos d 'Élis [PA 125 ] (fr. 109, 110 ; cf. aussi fr. 77 et 84), ainsi qu 'aux stoïciens (fr. 65 ; cf. D .L . VII 82, 196 - 198, etc.) ; mais on notera

que, pour les philosophes du Portique, il s'agit plutôt de tentatives de solution et que, si le fr. 64, pris à la lettre, n 'affirme pas qu'Eubulide ait été le premier à poser les arguments en question , il suggère au moins que le mégarique a

contribué de façon significative à leur élaboration et à leur diffusion (la citation

248

EUBOULIDÈS DE MILET

E 71

du poète comique anonyme du fr. 51 A va dans le même sens; et Rüstow 15, p . 39 et 43, fait remarquer qu 'aucun des arguments du fr. 64 ne figure tel quel

dans l'Euthydème de Platon, alors que les Réf. soph ., on l'a vu, en mentionnent deux).

Études d'orientation, bibliographie. La brève étude de 17 P. Natorp , art. « Eubulides» 8 , RE VI 1, 1907, col. 870,mérite d ' être consultée au moins pour la bibliographie.Mise au point, commentaire des fragments et bibliographie plus récente dans Döring 1 , p. 105 -114, et Muller 2 , p. 110-119 . Aux travaux cités ci

dessus, on peut ajouter 17 K . von Fritz , art. « Megariker » , RESuppl. V , 1931, col. 707-724 (spéc. col. 710 -715), art. repris dans von Fritz 6 , p. 75 -92 ; 18 F .

Rivetti Barbo, L 'antinomia del mentitore nel pensiero contemporaneo, Milano 1961; 19 D . Zaslawsky, Analyse de l'être, Paris 1982 (surleMenteur, p . 72 -83) ; 20 K . Döring et Th . Ebert (édit.), Dialektiker und Stoiker. Zur Logik der Stoa

und ihrer Vorläufer, Stuttgart 1993 ; 21 W . Kuenne, « Megarische Aporien für

Freges Semantik .Über Präsupposition und Vagheit » , Zeitschrift für Semiotik 4, 1982, p. 267-290 (sur l'intérêt intrinsèque des arguments mégariques du Cornu, du Sorite et du Chauve); 22 C .Zimmer, « Die Lügner-Antinomie in Titus I, 12 » , Linguistica Biblica 59, 1987 , p. 77 -99. Voir encore : 23 M . F . Burnyeat, « Gods and heaps », dans M . Schofield et M . C . Nussbaum (édit.), Language and logos. Studies in ancient Greek philosophy presented to G . E .L . Owen , Cambridge 1982, p. 315 -338 ( sur le sorite chez Euboulidès); 24 G . Giannantoni, « La pole mica antimegarica nel XXVIII libro Della natura di Epicuro » , CronErc 13, 1983, p. 15 - 19 (fr. 13 Sedley) ; 25 K . Döring, « Sokrates, dis Sokratiker und die von ihnen begründeten Traditionen » , GGP, Antike 2/1, p. 215- 218 , avec bibliographie p . 349. ROBERTMULLER .

72 EUBOULOS Diogène Laërce VI 30 attribue à un certain EŰbovios, inconnu par ailleurs,

une Vente de Diogène où l'auteur exposait les principes éducatifs appliqués par Diogène le Chien (™D 147) quand il était le précepteur des enfants de Xéniade.

G . Ménage, ap. H .G . Hübner ( édit), Commentarii in Diogenem Laertium ,

Leipzig 1830-1833, t. IV, p. 20 , a proposé de corriger EŰbovhoç dè en Eŭbov aíons, car en VI 20, Diogène Laërce fait allusion à un lepi Aloyévous d'un certain Euboulidès (» E 70) . La correction a été refusée par certains (Th . Gomperz, K . von Fritz, H .Maier par exemple ), mais admise par d'autres (Ed . Zeller, F . Leo , W . Croenert notamment). Voir G . Giannantoni, SSR , t. IV , note

44, p. 454-455. Je suggère une identification possible de l'Eubule de Diogène Laërce VI 30 avec le poète comique athénien (RE 14 ) homonyme du IVe siècle av. J.-C . Celui-ci en tout cas ne s'inter disait pas de parler des cyniques, si l' on en juge par ce vers tiré de son Pentathle : vódos ,

audidovaos, oùdauodev I oúdeiç, xúwv, « Bâtard, esclave des deux côtés, venu de nulle part,

homme de rien, chien » (fr. 86 a Hunter = PCG V, 1986 , Eubulus, fr. 85). Mais, à en juger par le passage de Diogène Laërce VI 30, l'auteur de la Vente de Diogène écrivait en prose.

249

EUBOULOS D 'ALEXANDRIE

E 74

On peut se demander si l'extrait d 'Eubule reflète les vues pédagogiques

authentiques de Diogène ou s'il est le résultat d 'une fabrication ultérieure (cf. R . Höistad, Cynic Hero and Cynic King. Studies in the Cynic Conception of Man ,

Uppsala 1948, p. 132-134; M .-O . Goulet-Cazé, L 'ascèse cynique, Paris 1986 , P . 83- 84 ) .

MARIE -ODILE GOULET-CAZÉ. ІІa 3 EUBOULOS Académicien inconnu, disciple de Lacydès et frère d'Apollonios (P- A 278 ) de

Cyrène (?),mort sous l' archontat d' Aristophon en 143/2 (Philod., Acad. hist. col. O 20 -22 = Lacydès T 26 19 sq. Mette ). Cf. T . Dorandi (édit.), Filodemo : Platone e l'Academia , p . 66 . TIZIANO DORANDI.

M III

14 EUBOULOS RESuppl. VIII :17a et RE 15

A . Diadoque platonicien d'Athènes (Porphyre , Vita Plotini 15, 18). Il envoya des ouvrages traitant de questions platoniciennes à Plotin à Rome. Plotin les fit

remettre à Porphyre (entre 263 et 268, puisque Porphyre est à l' école de Plotin ) pour qu 'il les examine et fasse un rapport sur leur contenu. Dans la préface de son livre Sur la fin , Longin classe Eubule (Vita Plotini 20,

40) parmi les philosophes qui se sontcontentés de faire progresser leurs disciples dans la compréhension de leurs opinions, sans consigner celles-ci par écrit.

Quelques lignes plus loin cependant, il lui attribue un traité Sur le Philèbe, le Gorgias et les objections d 'Aristote contre la République de Platon , mais en

ajoutant que, tout comme Origène (le Platonicien), Eubule regardait l' écriture comme une tâche secondaire. B . Dans le De antro nympharum (6 , p. 60, 1 - 14 Nauck ?) et dans le De absti nentia (IV 16 , p. 253, 19 sq . Nauck ?), Porphyre présente Eubule comme l' auteur

d 'une Enquête surMithra (' lotopía nepi toŨ Mlepa ću norois Bibious), dont l' ampleur devait être considérable (cf., sur le sujet, R . Turcan , Mithras platonicus, Leiden 1975, p . 23-43).

Cf. F . Jacoby, art.« Eubulos » 15, RE VI 1, 1907, col. 878 -879. LUC BRISSON . MIT ? L ' unique mention conservée de ce philosophe se trouve chez Diogène Laërce

75 EUBOULOS D 'ALEXANDRIE RE 16

dans sa Vie de Timon (IX 116 ). Il y figure dans le cadre d'une liste de sceptiques pyrrhoniens, dont chacun est présenté commel'“ auditeur" du précédent, liste qui commence avec Euphranor (de Seleucie) et se termine avec Saturninus, auditeur de Sextus Empiricus. Eubule, d 'après ce texte, a été l'auditeur d ’Euphranor, et il a eu lui-même pour auditeur Ptolémée (de Cyrène). Ces deux philosophes sont mentionnés plus haut (IX 115 ), cette fois avec leur toponyme: selon Ménodote ,

Timon de Phlionte , le principal disciple de Pyrrhon , n' avait pas eu de “ succes seur” (dládogoc), et le “mouvement” (âywyń ) pyrrhonien avait subi une longue

EUBOULOS D 'ALEXANDRIE

250

E 75

éclipse, avant d' être ressuscité par Ptolémée de Cyrène ; selon Hippobote et Sotion , Timon avait eu plusieurs “ auditeurs” : Dioscouridès de Chypre (2D 203),Nicoloque de Rhodes, Euphranor de Séleucie ( E 130 ) et Praýlus de Troade.

L 'ensemble de la section IX 115 - 116 , dans Diogène Laërce, comprend des noms très connus et d ' autres (comme celui d 'Eubule ) très peu connus ; cette

section a été étudiée de près par la plupart des historiens du scepticisme. Cf. surtout 1 P. L . Haas, De Philosophorum Scepticorum Successionibus eorumque

usque ad Sextum Empiricum Scriptis, Würzburg 1875 ; 2 V . Brochard , Les scep tiques grecs, 2e éd ., Paris 1923, p. 227 -240 ; 3 W . von Kienle , Die Berichte über die Sukzessionen der Philosophen in der hellenistischen und spätantiken Litera tur, Berlin 1961; 4 J. Glucker, Antiochus and the Late Academy, coll. « Hypo

mnemata » 56 ,Göttingen 1978, p. 351-354 ;5 W . Görler, GGP Antike 4, p. 771 773. D 'après l'analyse de Glucker 4, largement approuvée par Görler 5, il faut

distinguer dans le texte de Diogène Laërce : ( 1) une information (IX 115) digne de foi, celle qui provient de Ménodote (célèbre médecin " empirique", IP) : Timon , qui n 'avait rien d 'un chef d ' école, n ' a pas eu de oládoxos, et le “mou vement” sceptique a végété pendant une longue période ( en revanche, il est peu probable que la “ résurrection " du pyrrhonisme ait été due à Ptolémée de Cyrène, plutôt qu 'à Énésidème (ME 24 ) , comme le pensent au contraire tous les auteurs

modernes, à la suite d 'Aristoclès, cité par Eusébe, P . E . XIV 18 , 29); ( 2) une information (IX 115 ) provenant d 'Hippobote (2H 148 ] (fr. 22 Gigante ) et de Sotion (fr. 33 Wehrli), qui n'estpas incompatible avec la précédente : Timon, s'il n 'a pas eu de “ successeur" officiel, a eu des “auditeurs” ; ( 3) la liste (IX 116 ) des " successeurs” d'Euphranor, jusqu 'à Saturninus (cf. le tableau généalogique et chronologique fourni dans DPhA II, p. 883, s.v. Dioscouridès de Chypre). Pour

des raisons qui tiennent à l'organisation du texte de Diogène Laërce et à ses invraisemblances chronologiques (cf. Brochard 2, p. 229-230 ), cette liste ne peut bénéficier , même dans ses premiers chaînons, de l'autorité d 'Hippobote (2 + H 148 ] (dont la date est controversée, cf. le résumédes positions et des réfé rences dans 6 F. Aronadio, « Due fonti laerziane : Sozione e Demetrio diMagne sia » , Elenchos 11, 1990 , p. 222 n .49: fl. F ira - Ila ou F 1^) et de Sotion (fl. entre

2008 et 1704). Cette liste est sans doute une fabrication tardive, chronologique ment insatisfaisante, mais utilisant des noms de personnages réels, et destinée à rattacher par une lignée apparemment ininterrompue de philosophes et de méde cins le scepticisme néo -pyrrhonien de l'époque de Sextus Empiricus à son ancêtre revendiqué, Pyrrhon . Les liens établis par cette liste largement artificielle entre Eubule , son “maître” Euphranor et son " auditeur” Ptolémée ne peuvent donc être acceptés qu 'avec beaucoup de réserves. La mention d'Eubule , dans ce contexte , n 'est cependant pas dépourvue de tout contenu documentaire. Il faut souligner qu 'il est natif d' Alexandrie , et qu'il est le premier de la liste à être signalé comme tel: Alexandrie est aussi le lieu où

Énésidème a exercé son activité philosophique (cf. Aristoclès, loc. cit.), et il est

E 77

EUBOULOS D 'ÉRYTHRÉES

251 probable que Sextus Empiricus y a séjourné (cf. A. M . I213, X 15). Il est généra lement admis, depuis 7 E . Pappenheim , « Der Sitz der Schule der pyrrhoneischen Skeptiker » , AGPh 1, 1888, p. 37-52, que l'activité de l' école” pyrrhonienne (si tant est qu 'il ait existé quelque chose de tel) s'est déroulée principalement à

Alexandrie . Serait-ce à partir d’Eubule ? Il est plus difficile de déterminer si Eubule fut aussi un médecin de l'école empirique, comme plusieurs personnages explicitementmentionnés comme tels dans la “ succession” (Ménodote , Sextus Empiricus, Saturninus), et commeaussi, sans doute , quelques autres membres de cette “ succession ” (Ptolémée de Cyrène,

Héraclide maître d'Énésidème (» H 54), à supposer qu’on identifie celui-ci avec Héraclide de Tarente , Zeuxis, Théiodas de Laodicée). Il est hautement vraisem blable que cette succession ayant précisément pour fonction d'arrimer solide

ment la tradition de la médecine empirique à la philosophie sceptique, les per sonnages qui y sontmentionnés doivent être « des médecins ayant des intérêts philosophiques et des philosophes ayant des intérêts médicaux » , même si la distinction « n 'est pas facile à tracer» (8 F. Decleva Caizzi, « Aenesidemus and the Academy» , CQ42, 1992, p. 178 et 187 n. 47). Mais, en l'absence de don nées supplémentaires, il est impossible de trancher un cas particulier, comme celui d 'Eubule . Certes, on faisait parfois remonter l'alliance du scepticisme et de l'empirismemédical jusqu 'à Timon lui-même (cf. Diogène Laërce IX 109- 110 ; Galien , De subfiguratione empirica I = K . Deichgräber, Die griechische Empiri kerschule , Berlin 1930 , p. 43), ce qui encouragerait à supposer qu 'Eubule a été

un médecin , comme les autresmembres de la liste . On notera cependant, avec Brochard 2 , p . 235, que, dans le texte de Diogène Laërce, le premier médecin empirique désigné comme tel estMénodote de Nicomédie , qui ne vient que sept " générations” après Eubule.Ce qui incite , une fois encore , à la prudence. JACQUES BRUNSCHWIG .

16 EUBOULOS D ’ÉPHÈSE RE 17

ІІa

Académicien , fils de Callicrate et disciple de Lacydès et de Téléclès. Selon Apollodore ( A 244), il mourut sous l'archontat d'Alexandre (174/3), quelques mois après son homonyme d 'Érythrées ( E 76 ] (Philod., Acad. hist., col. O 22 24, 29 -31; M 14 -17 ; 26 , 33 = 29, 6 sq. ; 27, 33 sq.; 28, 1-4 et 16 (?) = Lacydès

T 25 12-13, 19-21, 24-25 ; T 2a 15 , 18 -22Mette ; Carn . T 3a 9 sq.Mette ). Cf. H . von Arnim , art. « Eubulos » 17, RE VI, 1907, col. 879 ; T . Dorandi (édit.), Filo demo : Platone e l'Academia , p. 65 -66 . TIZIANO DORANDI.

77 EUBOULOS D ’ÉRYTHRÉES Académicien, fils d'Anténor et disciple de Lacydès et de Téléclès. Selon Apollodore (* A 244), il mourut sous l'archontat d 'Alexandre (174 /3), quelque

mois avant son homonyme d 'Éphèse ( + E 76 ] (Philod., Acad. hist., col. O 22-24, 29-31 ; M 14 - 17 ; 27 , 33 - 28, 1 = Lacydès T 2b 12- 13, 19 -21, 24-25 ; T 2a 15 , 18-22 Mette ). Cf. T. Dorandi (édit.), Filodemo : Platone e l' Academia , p . 65 -66 . TIZIANO DORANDI.

EUBOULOS DE MESSÈNE

252

E 78

78 EUBOULOS DE MESSÈNE (ou de MESSINE ?)

Jamblique, V. pyth. 27, 127; p. 72, 20 -73, 1 Deubner (cf.DK 58 d 7), raconte , pour illustrer les liens d'amitié qui unissaient les pythagoriciens entre eux ,

l'anecdote d'Euboulos de Messène : alors qu 'il faisait voile sur le chemin de retour vers sa patrie, il fut capturé par des pirates tyrrhénéens et conduit par eux en Étrurie (Tyrrhénie ), où il fut sauvé par le Tyrrhénien Nausithoos (voir le cata

logue de Jamblique, V. pyth . 36 , 267 ; p . 146 , 14 Deubner), un pythagoricien qu' il ne connaissait même pas. Ce dernier le fit rentrer à Messène en toute sécurité . Euboulos ne figure cependant pas dans le catalogue de Jamblique. BRUNO CENTRONE.

Iva

79 EUCAIROS (ou EUCAIRIOS)

« Auditeur d 'Aristote » . La liste des æuvres d' Aristote transmise par Hesychius (cf. DPHA I, p . 431) signale au n° 168 : Evuuixtwv (ntnuárwv oß ', üç nolu Eűxalpos o

åxovotns aútoŨ , Questions mélangées en 72 livres, comme le dit Eucairos son auditeur. H . Flashar, Aristoteles, Problemata physica, übersetzt von H .F ., Berlin 1962, p . 312 n. 4, propose de lire o ' ß < ibaia > , 70 livres.

Élias, in Categ., p . 114, 12 (sur p. 24 b 8), donne, comme exemple d 'écrits hypomnématiques composites (troixina ), les soixante -dix livres de Questions mélangées dédiés à Eucairios (uç tà npòs Etxaiptov aútõ yeypapuéva εβδομήκοντα βιβλία Περί συμμίκτων ζητημάτων).

Voir P.Moraux, Les listes anciennes des ouvrages d 'Aristote, coll. « Aristote - Traductions et Études» 4, Louvain 1951, p . 117 n. 17 et p. 166 . RICHARD GOULET.

IIIa

80 EUCLIDE RE 7

Mathématicien du début de l'époque hellénistique,auteur d 'une encyclopédie mathématique. Il est surtout connu pour sa composition des éléments, incon testablement l'un des plus célèbres ouvrages de l'histoire des mathématiques. PROSOPOGRAPHIE

Biographie. Voir 1 J.L . Heiberg , Litterargeschichtliche Studien über Euklid , Leipzig 1882 , en particulier p. 25-28 ; 2 F . Hultsch, art. « Eukleides» 7, RE VI 1, 1907, col. 1003- 1052, en particulier col. 1003 -1005 ; 3 T. L . Heath (trad.), Euclid , The Elements, trad. angl. et comm . par T. L . H ., t. I, 2e éd .,London 1926 ; réimpr. New York 1956 , 3 vol., vol. I, p. 1-6 ; 4 P .M . Fraser , Ptolemaic Alexan dria , Oxford 1972, 3 vol., en particulier, vol. I, p . 386 - 390 , et vol. II, p. 563-568 ; 5 1. Bulmer- Thomas et J. E. Murdoch , art. « Euclid » , DSB IV , 1971, p. 414 -459 (comprend : “Life and Works” par I. B . T., p. 414-437 ; “ Transmission of the Elements” par J. E .M .), en particulier p. 414 -415 ; 6 M . Caveing, « Introduction générale» dans Euclide d 'Alexandrie , Les Éléments. Traduits du texte de

E 80

EUCLIDE

253

Heiberg , coll.« Bibliothèque d'histoire des sciences» , Paris, vol. I, 1990, p. 13 148. Voir en particulier, vol. I, p. 13- 18 . On ne sait rien sur le lieu d 'origine d 'Euclide, ni sur sa famille . Le fait qu'il ait composé une sorte d' encyclopédie mathématique suggère évidemment qu 'il a

enseigné, mais on ne sait ni où ni avec qui il a appris lesmathématiques. Pappus affirme qu 'Apollonius de Pergè (l'auteur des Coniques) avait étudié longuement avec les disciples d 'Euclide à Alexandrie (7 F . Hultsch [ édit.), Pappi Alexandrini collectionis quae supersunt, Berlin , 1876 - 1878, p . 678 , 10-12. Selon Hultsch il s ' agit d 'une interpolation ). Les modernes en déduisent qu 'Euclide lui-même avait enseigné dans la capitale des Lagides. D ' autre part, une anecdote rapportée par Proclus met en scène Euclide et le premier Ptolémée (voir infra Chrono logie ).

D 'où une reconstruction assez généralement admise et vraisemblable mais

tout à fait hypothétique: Euclide aurait été invité par Ptolémée , comme d'autres savants , et serait en quelque sorte le fondateur de l'« école » mathématique d 'Alexandrie, dont on connaît toute une lignée de représentants, des débuts de l' époque hellénistique jusqu'à son extinction à l' époque de Théon d 'Alexandrie et de sa fille Hypatie (ⓇH 175 ), morte en 415 . Au demeurant on ne sait rien de

cet enseignement, s'il était public ou privé, dans le cadre du Musée ... ni sur les relations qu 'Euclide aurait pu avoir avec des collègues d 'autres spécialités. Le

témoignage de Pappus ne permet pas de trancher, mais suggère une continuité professorale au moins sur deux ou trois générations. La préface d ' Apollonius au

premier livre des Coniques cite Euclide (8 J. L . Heiberg [édit.), Apollonii Pergaei quae Graece exstant cum commentariis antiquis (Eutocius), I- II, coll. BT, Leipzig 1891-1893 ; réimpr. Stuttgart 1974, p . 4 , 13- 16 . C 'est l'une des plus

anciennes sinon la plus ancienne mention du nom d 'Euclide). Elle atteste qu'Apollonius connaissait (au moins en partie ) l'euvre de l'auteur des Élé ments ; on peut considérer qu'elle corrobore l'information de Pappus, ou, à l'in verse , que cette citation est à l'origine de ce qui ne serait qu 'une reconstruction

de la part de Pappusou de ses sources. Un autre témoignage de ce qu 'Apollonius a travaillé dans la « tradition » euclidienne est contenu dans une scholie aux

Données d'Euclide (Heiberg 13, VI, p . 264 , 2-3): les Définitions 13-15 auraient été ajoutées par Apollonius. Enfin il paraît très problable que la contribution

d'Apollonius à la théorie des irrationnelles s'inscrit dans la continuité, au moins

intellectuelle sinon livresque, du Livre X des Éléments d 'Euclide (voir Vitrac, 16 ,t. III, p . 399-411). Le lien ainsi établi entre Euclide et Alexandrie , outre sa vraisemblance histo

rique, a un avantage fonctionnel:marquer la différence entre le mathématicien et certains de ses plus célèbres homonymes, le philosophe de Mégare ( 2 E 82) d 'un

siècle son aîné environ ,ou l'archonte athénien de 403/2. Chronologie. Avec des informations biographiques aussi pauvres, on ne doit pas s'étonner que la datation du mathématicien reste approximative (voir

Bulmer - Thomas 5 , p. 432 n. 13). Elle est déterminée par la conjonction du

témoignage de Pappus déjà cité – qui lie en quelque sorte la chronologie de

254

EUCLIDE

E 80

l'Alexandrin à celle d'Apollonius de Pergè - et du texte fondamental de Proclus (ve siècle de notre ère) dans son commentaire au Livre I des Éléments (9 G .

Friedlein ( édit.], Procli Diadochi in primum Euclidis Elementorum librum Com mentarii, coll. BT,Leipzig 1873 ; réimpr. Hildesheim 1967, p. 68, 6-20. Sur les problèmes philologiques posés par ce texte et les différentes interprétations

qu 'ils rendent possibles, voir Heath 3, p. 1 n. 3 ; Fraser 4 , p. 386 - 387 et n.82-83, p . 563- 565; Bulmer- Thomas 5, p.432 n . 8): « Pas beaucoup plus jeune que ceux- ci [= les disciples de Platon ) est Euclide, celui qui ras sembla les Éléments (ó tà otoryeta ouvayayov) et qui, d'une part,mit en ordre beaucoup de théorèmes d'Eudoxe ( E 98 ), d 'autre part perfectionna beaucoup de ceux de Théétète , et encore éleva les plus faiblement démontrés par ceux d'avant lui jusqu 'à des démonstrations irréfutables. Cet homme- là vivait du temps du premier Ptolémée ; car Archimède, suivant de très près aussi le premier Ptolémée, mentionne Euclide, et remarquons qu 'on dit que Ptolémée

lui (Euclide) demanda une fois s'il y avait, en ce qui concerne la géométrie , quelque chemin plus court que l' Enseignement des Éléments (el tíc łotiv tepi yewuetplav odos ouvrouw répa tñs oTOLYELÁGEW ); et il répondit : pas de sentier royal vers la géométrie ! Il est donc d 'une part plus jeune que les disciples de Platon , d'autre part plus âgé qu 'Eratosthène ( E 52 )

et Archimède ; car ceux-ci sont contemporains, comme le dit quelque part Ératosthène» .

Manifestement Proclus ne dispose pas de sources historiques précises concer

nant l'auteur qu 'ilcommente. Il est contraint de procéder par encadrement entre, d 'une part, les disciples de Platon que sont Hermotime de Colophon (BH 99a) et Philippe de Medma (Philippe d'Oponte ), et, d'autre part, Archimède (ca 287 – 212 ) et son correspondant Ératosthène [

E 52 ] (ca 275 -ca 195). Outre

l'amplitude importante de la fourchette ainsi définie, les interprètes les plus pessimistes se plaisent à souligner : - que la même anecdote à propos du long apprentissage de la géométrie est rapportée en mettant en scène Ménechme (Ménaichmos) et Alexandre (apud

Stobée , Anthol. II 31, 114 ; t. II, p. 228, 30 -33Wachsmuth ), et donc qu'il ne faut pas accorder trop de poids à ce qui n 'est qu 'un lieu commun ; - que la citation d 'Euclide par Archimède à laquelle se réfère Proclus, s'il

s'agit bien de celle que l'on lit dans la Proposition 2 du Livre I du traité Sur la sphère et le cylindre, est manifestement une interpolation dans le texte d' Archi

mède et qu'il n 'y a donc pas d 'indice sûr qu’Euclide précède Archimède. Ces considérations sont hypercritiques et, à tout le moins, non décisives. Les anecdotes ont justement comme fonction de déterminer la chronologie par le

biais du synchronisme entre les personnages politiques ( et/ou célèbres) et les autres. Il y aurait de bonnes raisons de rejeter ce genre de récits s'ils mettaient en scène tantôt Euclide et Ptolémée tantôt Euclide et Alexandre... Justement il n 'en est rien : ils soulignent la contemporanéité de Ménechme et d 'Alexandre (qu 'il n 'y a pas lieu de mettre en doute ) et celle d 'Euclide avec le premier Lagide.

Quant à la citation d ’Euclide par Archimède dans le traité Sur la sphère et le cylindre, il ne fait pas de doute qu'il s'agit d'une interpolation et c'est la seule

que nous puissions repérer dans les æuvres du Syracusain qui nous sont parve nues, . .. ou presque ! Dans un petit traité conservé uniquement en arabe, et publié récemment (10 Y . Dold -Samplonius et alii [édit.), Archimedes, Opera

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EUCLIDE

255

Omnia , vol. IV , “ Sur les cercles mutuellement tangents” , coll. BT, Stuttgart 1975, p. 17 , 15- 17), le texte invoque « une Proposition du Livre III de l' écrit d 'Euclide intitulé Éléments » . Bien entendu il peut également s'agir d 'une glose ancienne, ou même d'un ajout du traducteur, ou d'un commentateur arabe.Mais

cela nous rappelle opportunément que plusieurs traités d' Archimède ne nous sont pas parvenus et qu'il faut rester prudent et neutre face à l'affirmation de Proclus .

Même si l'on admet les indications de Proclus et que l'on place l'activité d 'Euclide dans les premières décennies du Ilie siècle avant notre ère, la chrono logie ainsi fixée reste assez imprécise. Ces indications sont compatibles avec une date de naissance comprise entre 340 et 315. D 'où la recherche de précisions

supplémentaires. Une première tentative consiste à comparer Euclide et Autolycos de Pitane, auteur de deux petits traités d 'astronomie élémentaire qui nous sont parvenus, La sphère en mouvement et Au sujet des levers et couchers héliaques. Hultsch 2, col. 1004, a fait remarquer qu 'Euclide, dans ses Phénomènes, cite , sans mention

d 'auteur, plusieurs résultats que l'on trouve dans le traité de sphérique d'Auto lycos. Autolycos serait donc antérieur à notre auteur. La déduction est fragile , car rien n 'exclut un emprunt commun à une source antérieure (il y a même de bonnes indications en ce sens). Au demeurant, elle est assez inutile, car la

chronologie d'Autolycos – essentiellement déterminée par le fait que l'astro nome fut le professeur d 'Arcésilas (* * A 302), fondateur de la Moyenne Académie – n 'est guère mieux assurée que celle d 'Euclide.

Une autre tentative consiste à exploiter davantage le témoignage de Pappus et à donner une interprétation chronologique assez stricte de l'affirmation selon laquelle Apollonius étudia avec les disciples d' Euclide. Cela n 'impliquerait pas seulement un enseignement dans l'esprit euclidien ,mais signifierait aussi qu 'une génération exactement séparait l'auteur des Éléments et celui des Coniques, soit

entre une vingtaine et une soixantaine d' années selon la différence d'âge que l'on postule entre maîtres et disciples. Traditionnellement on considérait qu 'A pollonius était né vers 265-260, ce qui impliquait déjà une chronologie assez « basse » pour Euclide (voir Fraser 4 , p. 565 n . 84 ). Quiplus est, des discussions récentes ont descendu d'une vingtaine d'années la date de naissance du géomètre de Pergè (voir 11 G . J. Toomer, art. « Apollonius of Perga », DSB I, 1970, p . 179 193, en part. p . 179, et 12 O . Neugebauer, A History of AncientMathematical Astronomy, Berlin /Heidelberg New York 1975, vol. I, p. 262). Dans l'hypothèse envisagée , Euclide serait né à la fin du IVe siècle et ce serait avec un tout jeune homme que le roi Ptolémée († 2859) aurait discuté de l'enseignement de la géométrie ! De ces quelques bribes d'informations et de ces nombreuses spéculations des

modernes on retiendra qu'Euclide vécut et enseigna vraisemblablement à Alexandrie, et qu'il était sans doute plus âgé qu'Archimède et Ératosthène. Il était donc certainement contemporain d' Aristarque de Samos ( 4A 345) et de Straton de Lampsaque .

EUCLIDE

256

E 80

EUVRES

Éditions critiques . 13 J.L . Heiberg et H . Menge (édit.), Euclidis opera omnia, coll. BT, Leipzig : 1. Elementa I-IV (1883); II. EI. V - IX (1884); III. El. X

( 1886 ); IV . El. XI-XIII (1885); V. El. XIV -XV, Scholia, Prolegomena critica ( 1888 ) ; VI. Data, Marini Commentarius in Eucl. “ Data " (1896 ) ; VII. Optica,

Opticorum recensio Theonis, Catoptrica (1895) ; VIII. Phaenomena, Scripta musica, Fragmenta (1916 ).

14 E . S. Stamatis ( édit.), Euclidis Elementa , post Heiberg edidit E. S.S., coll. BT, Leipzig: I. El. I-IV (1969); II. EI. V -IX (1970 ) ; III. El. X (1972) ; IV . El.

XI-XIII (1973); V , 1. Prolegomena critica, El. XIV -XV, Scholia in lib. I-V

(1977); V, 2. Scholia in lib. VI-XIII cum appendicibus (1977). Listes d 'ouvrages reconstituées (voir Heiberg 1, p. 28 -55 , Heath 3, p . 7 -18,

Bulmer-Thomas 5 , p. 425-431, Caveing 6, p. 18-28). Deux auteurs nous ont transmis des informations importantes sur les œuvres

attribuées à Euclide dans l'Antiquité, même s 'il ne s'agit pas exactement de listes d 'ouvrages en tant que telles: Pappus et Proclus.

Pappusprésente et commente deux ensembles de textes mathématiques appe lés traditionnellement Petite Astronomie (par opposition à l’Almageste de Ptolé mée ) et Trésor de l'Analyse, respectivement dans les livres VI et VII de sa Col lection . Dans le premier ensemble figurent les Phénomènes d'Euclide et Pappus recourt également aux Optiques du même auteur dans ses lemmes. Le domaine

de l'analyse (ce que l'on peut considérer comme une partie de la géométrie non élémentaire) a été créé par trois auteurs selon Pappus: Aristée l'Ancien, Euclide et Apollonius. Dans l'ensemble des 33 livres qui constituent cette collection , Pappus cite en premier lieu les Données d 'Euclide (en 1 livre ), puis les Porismes ( en 3 livres) et les Lieux relatifs à une surface ( en 2 livres).

Quant à Proclus il consacre une « notice» biographique à l'auteur qu'il com mente (voir l'extrait donné supra ) et, outre les Éléments, il mentionne d'autres æuvres d'Euclide connues pour la rigueur de leur composition : les Optiques et les Catoptriques, les Éléments de musique, le livre Sur les divisions (des figures]

(p. 68,23 -69,4 Friedlein ). Un peu plus loin (p . 70, 9 - 18 Friedlein ), il explique qu 'Euclide avait également constitué un recueil de Faux Raisonnements à usage cathartique et complémentaire par rapport aux Eléments.

Le « catalogue » ainsi établi couvre pratiquement toutes les sciences mathé matiques distinguées par les Anciens: arithmétique, géométrie, astronomie ou sphérique, musique ou canonique, optique,mécanique, telles qu ' elles sont articu

lées dans la classification dite de Géminus (MG 15 ) (transmise par Proclus (p. 38, 2 -42, 8 Friedlein )mais dont on peutmontrer qu'elle était déjà esquissée dans ses grandes lignes à l'époque d'Aristote). C 'est en ce sens que l'on peut

parler d'une « encyclopédie » mathématique, quoique la spécialité la plus repré sentée dans le corpus euclidien soit évidemment la géométrie (pour la mécani que, absente des deux listesmentionnées, voir infra).

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EUCLIDE

257

- Éléments en 13 livres. L . I-IV : géométrie plane élémentaire; L . V : théorie

générale des proportions ; L . VI: géométrie plane des figures semblables; L . VII IX : arithmétique ; L . X : grandeurs incommensurables et classifications des lignes irrationnelles; L . XI: stéréométrie élémentaire ; L . XII : méthode dite

d'exhaustion et comparaison des figures solides simples; L . XIII : partage en extrême et moyenne raison ; construction des cinq polyèdres réguliers. Voir infra la section consacrée à ce très important traité .

Édition critique:Heiberg 13, I-IV , révisée dans Stamatis 14, I-IV . Traductionsmédiévales: voir infra . Traductions françaises : 15 J. Itard (trad.), Les livres arithmétiques d 'Euclide,

coll. Histoire de la pensée, Paris, t. X , 1961, et 16 B . Vitrac (trad .), Euclide d 'Alexandrie, Les Éléments. Traduits du texte de Heiberg, traduction (franç.) et

commentaires par B. V., coll. « Bibliothèque d 'histoire des sciences» , Paris, t. I, 1990 (Livres I à IV : Géométrie plane), p. 151-519 ; t. II, 1994 (Livres V à IX : Proportions et similitude ; arithmétique); t. III, 1998 (Livre X : Grandeurs com

mensurables et incommensurables, classification des lignes irrationnelles ). Dans 17 J. Peyrard (trad.), Les æuvres d'Euclide (Éléments et Données), Paris

1819 ; réimpr. Paris 1966 , on trouve la traduction d 'un texte grec antérieur à l'édition critique de Heiberg 13, I-IV .

- Données (AEdouéva ), non mentionnées par Proclus,mais commentées par

son disciple Marinus de Néapolis. Si l'on en croit ce dernier (Heiberg 13, VI, p . 256 , 24-25), le traité avait déjà été commenté par Pappus. Édition critique: Heiberg 13, VI, p. 2-187. Traductions médiévales : les Données ont été traduites en arabe par Isḥāq Ibn

Hunayn à la fin du IXe siècle , traduction révisée par Tābit ibn Qurra. C 'est sans

doute cette version que Gérard de Crémone rendit en latin (le texte en est appa remment perdu ). Ultérieurement Nasir at-Din at- Tūsi composa une recension (tahrir ) du livre des Données (voir 18 F . Sezgin , Geschichte des arabischen

Schrifttums, Band V , Leiden 1974 , p. 116 ). Elles furent également traduites du grec en latin au XIIe siècle, en Sicile selon toute vraisemblance. Voir 19 S. Ito (édit.), The Medieval Latin Translation of The Data of Euclid . Éd . et trad . angl.

par S . I., Tokyo/Boston/Basel/Stuttgart 1980.

Traduction française dansPeyrard 17. Il s'agit de la traduction d 'un texte grec antérieur à l'édition critique de Heiberg 13 , VI. - Sur les divisions (des figures) (Ilepi dlalPÉDewv) estmentionné seulement par Proclus (p . 69, 4 et 144, 24 Friedlein ). Il est perdu en grec, mais un traité rédigé en arabe, avec le même titre et attribué à Euclide, a été retrouvé et publié

par 20 F .Woepcke, « Notice sur des traductions arabes de deux ouvrages perdus d 'Euclide » , JA , sept.-oct. 1851, p. 217 -247, en particulier, p . 233 -247. Il a été identifié avec le traité d 'Euclide. Sans doute avait-il été traduit en latin par Gérard de Crémone; une version latine était connue de J. Dee (1527- 1608 ) et F .

Commandino (1509- 1575), peut-être même de Léonard de Pise (ca 1170 -1240). Voir Heath 3, p. 8 -10 .

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Restauration : 21 R . C . Archibald , Euclid 's Book on the Divisions of Figures with a restoration based on Woepcke 's text and on the Practica geometriae of

Leonardo Pisano, Cambridge 1915. Telles sont les œuvres arithmétiques et géométriques conservées. Les autres traités géométriques attestés par les sources anciennes sont perdus : - Les quatre livres de Coniques ( Tà Eůxheídov Bußria 8' xwvixõv), men tionnés par Pappus (p .672, 18 Hultsch ), mais manifestement repris et dévelop pés dans les quatre premiers livres du traité d'Apollonius rendant inutiles les

traitements antérieurs. Voir Heiberg 1 , p . 83-89 ; Heath 3 , p . 16 ; Caveing 6, p . 24 -25 . - Les Lieux à la surface en deux livres (Eůxheídov tómWv tõv repòs Étl paveia dúo), eux aussi mentionnés seulement par Pappus (p.636 , 23 Hultsch ),

qui produit également deux lemmes pour ce traité (p. 1004, 16 -1014,24 Hultsch ). Voir Heiberg 1, p. 79-83 ; Heath 3, p. 15- 16 ; Bulmer -Thomas 5, p. 429 ; Caveing 6 , p. 26 . - Les Porismes en trois livres (Eůx eídou troplouátwv toía ), cités par Pro clus (p. 212 , 12- 17, p. 301,21- 302, 13, p . 303, 18 -304, 10 Friedlein ) qui se devait de préciser que tópioua a deux sens bien distincts : celui que lui donnait Euclide dans l'ouvrage perdu (proposition en quelque sorte intermédiaire entre le théorème et le problème, et se rapportant, semble-t-il, à la théorie des lieux géo

métriques) et celui de « corollaire » qu 'il a dans les Éléments. Pappus leur consacre une notice importante (p . 648 , 18 -660 , 16 Hultsch ), utilisée par les mathématiciens ultérieurs pour reconstruire le traité . Voir Heiberg 1, p. 56 -79 ;

Heath 3, p . 10 - 15 ; Bulmer-Thomas 5 , p . 426 -428 ; Caveing 6 , p. 23-24. Récemment 22 J. P. Hogendijk , « On Euclid 's Lost Porisms and Its Arabic Traces» , Bollettino di Storia delle Scienze Matematiche, vol. VII, 1, 1987, p . 93 115 , a émis l'hypothèse que deux traités médiévaux (la sélection de problèmes

d 'Ibrāhim ibn Sinān († 946) et les Annotations géométriques de al-Siğzi (ca 970)] contenaient du « matériel» à rapporter aux Porismes d'Euclide. - Les Faux raisonnements (Hevdápia ), cités par Proclus, Ammonius (In Analyticorum Priorum librum I, p. 2, 26 et p. 11, 32 Wallies) et le Ps.-Alexandre

(= Michel d'Éphèse , In Sophisticos Elenchos, p . 76, 23 Wallies : TÒ TOŨ Eůxhel dov Vevôoypadnuata ). Voir Heath 3, p. 7 ; Bulmer- Thomas 5, p . 429 ;

Caveing 6, p. 22-23. Quant aux traités conservés qui relèvent des sciences traitant des « choses sensibles », pour parler commeGéminus, ils soulèvent quelques questions, entre autres des problèmes d'authenticité pour certains d'entre eux . Les doutes nais sent principalement du fait que le traitement n 'est pas aussi rigoureux, la réduc tion à des éléments premiers aussi poussée, dans ces traités, que dans les ouvrages de géométrie .Mais ce genre d'évaluation est partiellement subjectif et l'on ne doit pas perdre de vue que la possibilité de donner un exposé synthétique rigoureux d'une science dépend de son degré de développement. Ainsi,même si

la tradition mentionne des écrits optiques de Philippe d 'Oponte , disciple de Platon, l'Optique comme théorie mathématique est sans doute encore au Ive

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siècle avant notre ère une science « nouvelle» . L'« encyclopédie » euclidienne consacre deux ouvrages au sujet, auxquels on pourrait peut-être même ajouter des Dioptiques (sic )mentionnées par le seul Plutarque (...Eůxhaíonu ypapovta

tà Slontixá..., Non posse suaviter vivi secundum Epicurum 11, 1093 e - à moins qu' il ne faille corriger en tå ottixá, comme le propose Hultsch 2, col. 1050 ).

- Optiques (tà 'Ontixá Eůxłeídov ), citéespar Pappus (p. 568, 12 Hultsch), Théon d'Alexandrie (Commentaires à l'“ Almageste” de Ptolémée, I 2 , p . 332, 16 , et I 3, p. 341, 27 éd. Rome), Proclus (p. 69, 2 Friedlein ; Hypotyposis astro

nomicarum positionum , chap. 3, sect. 35, 7), Marinus (sous le titre 'Ontixñs

OtolXETa , Heiberg 13, VI, p . 254, 19 -20), Simplicius (In De caelo, p . 20, 11 Heiberg) et Jean Philopon (In Meteorologicorum librum primum , p . 27, 34 Hayduck). - Catoptriques (Tà Katontpixá), citées par Théon d 'Alexandrie (Opticorum

recensio Theonis, Heiberg 13, VII, p. 176 , 18 -19), Proclus (p .69, 2 Friedlein ). Les citations relatives aux ouvrages d 'optique proviennent toutes de l'Antiquité tardive (à l'exception de Plutarque) . Cependant on peut invoquer deux « auto -citations » , l'une de la

Catoptrique dans l'Optique (Heiberg 13, VII, p. 30, 3), l'autre de l'Optique dans les Phéno mènes (Heiberg 13, VIII, Proem ., li. 8 ). Evidemment on peutmettre en doute l'authenticité de telles références et les considérer comme des interpolations tardives, mais il n ' y a pas de rai son particulière pour cela . Si on les accepte, on peut en déduire une chronologie relative à l' intérieur du corpus euclidien : la Catoptrique aurait précédé l'Optique, et celle -ci les Phéno mènes. L ' inférence est incertaine : même authentiques, ces renvois peuvent avoir été ajoutés

pour la commodité du lecteur si l'auteur a eu l'occasion de réviser ses différents textes.

Édition critique: Heiberg 13, VII, p. 2-121 (Optique) et p. 286 -343 (Catoptri que ).

Traductionsmédiévales: l'Optique a été traduite du grec en arabe (traducteur

non connu) et Naşir at-Din aț- Țūsi en composa une recension (tahrir) (voir Sezgin 18, p. 117). L 'Optique et la Catoptrique ont été aussi rendues en latin (De visu Liber et De speculis Liber respectivement) au Xire siècle, en Sicile selon toute vraisemblance par le même traducteur que celui des Données. Voir Ito 19 , p . 29- 34. Les différentes versions du De speculis Liber sont éditées dans 23 K . Takahashi (édit.), The Medieval Latin Traditions of Euclid 's Catoptrica. Éd. et

trad. angl. par K . T.,Kuyshu 1992. Traduction française : 24 P . Ver Eecke (trad.), Euclide, L'optique et la catoptrique, Paris 1959.

- Phénomènes (Tà Palvóueva Eůxłeídou), court traité d'astronomie sphé rique, dont il existe deux versions ; il est cité par Galien (De placitis Hippocratis

et Platonis VIII 1, (sect.] 19 , [1], CMG V 4 , 1, 2, p. 484, 22-23), Pappus (p. 474, 9 , p . 594, 27 -28, p .630 , 10, p .632, 16 Hultsch (sous le titre To oúvtayua

Eủxłeídov tõv balVouévwv)], Marinus (Heiberg 13, VI, p. 254 , 19 ) et Jean

Philopon (In Physicorum libros, p. 220, 10 Vitelli). Édition critique: Heiberg 13 , VIII, p. 2 -156 . Traduction médiévale : les Phénomènes ont été traduits du grec en arabe (traducteur non connu ) et Nașir at-Din at- Tūsi en composa une recension (tahrir )

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(voir Sezgin 18, p. 118- 119). La première version latine est, semble -t-il, celle de

Zamberti, imprimée en 1505. Traduction anglaise : 25 J. L . Berggren and R . S . D .

Thomas (trad.), Euclid 's Phaenomena. A Translation and Study of a Hellenistic Treatise in Spherical Astronomy, New York /London 1996 . - La division du canon (ń toŨ xavóvos xatatouń , sectio canonis ). Court

traité conservé en grec, attribué à Euclide par une majorité de manuscrits, et mentionné par Porphyre dans son commentaire aux Harmoniques de Ptolémée (26 I. Düring (édit.), Porphyrios, Kommentar zur Harmonielehre des Ptole

maios, Göteborg 1932, p . 92, 30 ; p . 94, 3 ; p. 98, 19 ; p . 129, 22) ;mais les cita tions ne correspondent pas vraiment au texte conservé. La Division du canon

expose la théorie mathématique des intervalles musicaux. Un sujet aussi cir conscrit ne permet guère l'identification avec un autre ouvrage consacré à la musique et attribué à Euclide par Proclus (p . 69, 3 Friedlein ) et Marinus

(Heiberg 13, VI, p . 254, 19 - 20 ) sous le titre : les éléments demusique (aixarà MovoLXNv OTOLXELVOELS), à moins d'admettre que cette qualification d '« élé ments » soit systématiquement appliquée aux ouvrages d ’Euclide (le otol XelwTńs par excellence) dans l'Antiquité tardive (cf. supra comment Marinus désigne les Optiques demanière non traditionnelle : 'OntixñS otolyela ).

Éditions critiques :Heiberg 13, VIII, p . 158 -183 ; 27 C . Jan ,Musici Scriptores Graeci, coll. BT, Leipzig 1895 , p . 115 -166 ; 28 A . Barbera , The Euclidean Divi

sion of the Canon. Greek and Latin Sources, Lincoln /London 1991, p . 114 -185. Traduction française : 29 Ch - Em . Ruelle (trad .), Euclide, La division du Canon, « Collection des auteurs grecs relatifs à la musique » , Paris 1884.

Il n 'y a pas de référence antique à un ouvrage d ’Euclide consacré à la méca nique, mais trois fragments (De levi et ponderoso et comparatione corporum ad invicem , Le Livre d 'Euclide sur la balance, Liber Euclidis de ponderibus secun

dum terminorum circumferentiam ) ont été transmis par les manuscrits médié vaux. Les premier et troisième fragments , conservés en latin , ont été édités et tra duits dans 30 E . A . Moody et M . Clagett, The Medieval Science of Weights,

Madison 1960 , p . 23-31 et p . 281-283 respectivement. Le deuxième, conservé en arabe, a été édité et traduit par Woepcke 20 , p. 220-232. Duhem et Clagett consi dèrent que ces fragments pourraient dériver d'un seul etmême traitémécanique

d'Euclide. Discussions d 'authenticité. Les discussions d'authenticité concernent surtout deux des traités du corpus euclidien : la Catoptrique et la Division du canon . Du

dernier nommé, on a surtout contesté l'unité de composition, en particulier les liens entre l' introduction et la suite du texte. Toutefois l'une des études les plus récentes se prononce, malgré quelques réservesmineures, en faveur de l'authen ticité (voir 31 A . Barker, Greek Musical Writings, t. II : Harmonic and Acoustic Theory, Cambridge 1989, en particulier p . 190 ). Pour l'analyse de l'introduction

et les problèmes qu'elle pose, voir 32 A .C . Bowen, « Euclid's Sectio canonis and

the History of Pythagoreanism », dans A . C . Bowen (édit.), Science and Philoso phy in Classical Greece, coll. « Sources and Studies in the History and Philoso phy of Classical Greece » 2 , New York 1991, p . 164 - 187. Les témoignages

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anciens etmédiévaux relatifs à la question d 'authenticité (ainsi qu'un rapide sur vol historiographique, de Giorgio Valla à nos jours) sont présentés dans Barbera

28, p. 3 - 36 . A . Barbera ne prend pas vraiment parti quant à l' existence d'un noyau authentiquement euclidien ,mais il souligne la possibilité d'une composi

tion par strates dont une étape importante serait à placer aux alentours des -111€ siècles de notre ère.

De même, la Catoptrique était jugée inauthentique par J.L . Heiberg, T. L . Heath , A . Lejeune..., et considérée comme une compilation tardive dont Théon d' Alexandrie pouvait être l'auteur. Cette position a été contestée par 33 W . R . Knorr, « Archimedes and the Pseudo -Euclidean Catoptrics: early stages in the

ancient theory of mirrors », AIHS 35, 1985 , p . 28 - 105 (voir en particulier p. 83 89 ) et Takahashi 23, p. 13-37. Ce dernier conclut à l'authenticité du traité . La position de 34 G . Simon , « Aux origines de la théorie des miroirs : sur l'authen

ticité de la Catoptrique d'Euclide» , Revue d 'Histoire des Sciences 47, 1994, p . 259- 272 , comme celle de Knorr , est plus nuancée mais globalement favorable à la thèse qu 'Euclide a rédigé une Catoptrique qui n 'est pas sans lien avec le traité quinous est parvenu .

Les Éléments Intitulé.Le traité est désigné de différentesmanières par les Anciens: τα Ευκλείδου στοιχεία, τα στοιχεία: - Galien, De usu partium , t. III, p . 830 , 7-10 Kühn, Adversus eos qui de typis scripserunt vel de circuitibus, t. VII, p. 511, 10 Kühn ,De animicuiuslibet peccatorum dignotione et cura tione, t. V , p . 59, 14 Kühn . Cette dernière mention est incluse dans un passage considéré

comme une citation de Chrysippe de Soles (2C 121) ; si tel est le cas, elle serait plus ancienne que la mention d 'Euclide par Apollonius de Pergè, et le fait d 'un quasi contemporain de l' au

teur. On peutraisonnablement en douter. - Alexandre d 'Aphrodise , In Metaphysica, p . 202, 14 Hayduck, In Analyticorum priorum librum I, p . 22, 4 , p . 260, 22 -25.29.32- 34 , p . 268, 7- 8 Wallies, In Topicorum libros, p . 17, 27

Wallies, In Meteorologicorum libros, p . 145, 3 Hayduck . - Corpus héronien, Definitiones, p. 64, 23, p. 108, 22 Heiberg , Geometrica, p . 174, 9 Heiberg , Stereometrica II, p . 158, 10 Heiberg. – Pappus, p . 178, 13, p. 250 , 31, p. 314 , 9, p. 338, 4 , p . 376 , 21, p. 378, 8 , p . 380, 14, 24, p .414 , 11.22, p. 420, 7.11.19, p. 422, 35, p. 424, 2.7.10.15, p. 428, 21, p. 430, 27, p. 432, 23, p . 436 , 2 .24, p .438, 8 .19, p . 440 , 7 .15.19, p. 442, 2. 8.13, p. 456 , 17, p . 468, 2 , p . 644 , 8 -9 ,

p . 647, 7, p . 988, 10 Hultsch, Commentaires à l’Almageste de Ptolémée, p. 29, 18 Rome. - Théon d'Alexandrie, Commentaires à l'Almageste de Ptolémée, p. 363, 6, p.465, 9, p . 466, 11, p . 468, 1, p .469, 19 , p. 492, 1 Rome. - Proclus, p. 68, 7, p. 73, 11, p. 222, 15 , p. 273, 15 Friedlein . - Simplicius, In Physicorum libros, p. 60, 28, p.61, 9- 10 , p .62, 2.9 , p . 64, 29, p. 66 , 13, p. 68, 13, p. 69, 8 , p . 492, 6, p. 511, 31 Diels .

– Jean Philopon, In Analytica Posteriora, p. 73, 15 Wallies.

– Eutocius,Comm . in Arch. De Sphaera et cylindro, t. III, p. 178 , 23,p. 180 ,4 Heiberg . η Ευκλείδου στοιχείωσις, ή στοιχείωσις, η γεωμετρική στοιχείωσις: - Corpus héronien, Definitiones, p. 14 , 1, p. 76, 23, p.84, 18 Heiberg, Stereometrica, I, p. 12, 12 Heiberg.

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- Proclus, p.69, 5, p. 74, 9-10, p. 81, 7, p. 84, 6 -7, p. 233, 11, p. 259, 7, p. 271, 5.17 , p . 336 , 6 , p . 354, 2 , p. 355, 10-11, p .432, 2, 6 Friedlein . - Marinus, Heiberg 13, VI, p . 236 , 4 , p . 252, 16 -17. - Eutocius, Comm . in Arch. "De Sphaera et cylindro ", III, p . 26 , 20 , 26 , p . 30, 3, p. 36 , 1

2 , p . 120 , 4 -5 .17, p . 220, 7 Heiberg ; Comm . in Arch. “ Dimensionem circuli" , III, p. 234, 19 Heiberg ; Comm . in Arch. “De planorum Aequilibris" , III, p. 270, 26 Heiberg ; Comm . in Apollonii “ Conica ”, II, p. 178, 9 -10, p. 206, 1, p . 228, 28, p . 312 , 4 -5 Heiberg .

- Olympiodore, In Meteorologicorum libros, p. 220 ,7,p. 229, 19,p.257, 9 Stüve. τα Ευκλείδου ιγ' βιβλία: - Marinus,Heiberg 13, VI, p. 254, 18-20. – Jean Philopon, In Physicorum libros, p . 220, 16 Vitelli.

η γεωμετρία - Jean Philopon , In Analytica posteriora, p. 377, 1 Wallies. Si tà Eůxheídou Ly ' Bußala et ń yewletpia sontplutôt des descriptions utilisées comme « titres » et s'il est également clair que les auteurs anciens n 'ont pas toujours le souci de préci sion que les modernes souhaiteraient pour désigner les ouvrages, on peut cependant distinguer

deux intitulés différents pour le célèbre traité d'Euclide. Le premier, td OtolyeTa , renvoie plus directement au contenu, le terme Otolyetov (élément) désignantnormalement les propositions,

théorèmes ou problèmes. Dans certaines citations, « élément » désigne en fait l'un des 13 livres. Le second , n otolyELWOLS , souligne davantage l'aspect formel : l' ordonnancement du traité et éventuellement son utilisation dans l' enseignement élémentaire (au sens de premier et fondamental, l' un des sens de otolyelwols ) . Cette deuxièmemanière semble plus tardive ; elle

apparaît sans doute à partir du moment où les éléments et leur auteur jouissent d'une grande

notoriété (voir infra).

Histoire du texte grec et tradition manuscrite des Éléments. Voir Heiberg 1, p. 174 -224, Heath 3, p. 46 -63, Caveing 6, p. 45-55, Stamatis 14 , t. I, praefatio , p . VI- X , et t. V 1, p . XVI-LXXXIX . Voir aussi 35 J. L . Heiberg, « Ein Palimpsest

der Elemente Euklids», Philologus 44, 1885, p. 353- 366 , et 36 Id., « Paralipo mena zu Euklid », Hermes 38 , 1903, p. 46 -74, 161-201, 321-356 . Ces différents auteurs présentent l'histoire du texte des Éléments, telle que l'a reconstituée Heiberg ; en particulier elle est très favorable à la tradition directe desmanuscrits grecs contre la tradition indirecte médiévale arabe et arabo- latine. Une réaction

salutaire, mais peut-être excessive et au demeurant partielle , est présentée dans 37 W . R . Knorr, « The wrong text of Euclid. On Heiberg 's text and its alterna

tives». Centaurus 36 ,n° 2-3, 1996 , p. 208-276 . Voir aussi Vitrac 16 ,t. 3, p. 381 399 .

Traductions anciennes et médiévales (latines, arabes, syriaques, persanes,

arméniennes, hébraïques). Voir Heath 3, p. 75- 100, Murdoch 5, p. 438 -448, Caveing 6 , p. 60 -74, où l'on trouvera les principales références (Heiberg, Klam roth , Steinschneider, Suter, Thaer ...). De nouveaux travaux ont été réalisés, qui concernent surtout les traditions arabe, latine et hébraïque des Éléments.

– Pour la tradition arabe : 38 J. W . Engroff, The Arabic Tradition of Euclid's “ Elements ” : Book V, Cambridge (Mass .), Harvard University PhD . Dissertation , non publiée , 1980 (édition ,traduction et commentaires du livre V dans la version attribuée à Isḥāq ibn Hunayn révisée par Tābit ibn Qurra); 39 G . De Young, The

Arithmetic Books of Euclid 's “ Elements ", Cambridge , Harvard University PhD

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Dissertation , non publiée, 1981 (édition , traduction et commentaires des livres

VII à IX dans la version attribuée à Isḥāq ibn Hunayn révisée par Tābit ibn

Qurra ). A ces éditions partielles (et sans doute provisoires), on ajoutera quelques études : 40 S. Brentjes, « Varianten einer Hağğāğ-Version von Buch II der Ele

mente » , dans M . Folkerts and J. P. Hogendijk (édit.), Vestigia Mathematica, Studies in medieval and early modern mathematics in honour of H . L . L . Busard, Amsterdam / Atlanta 1993, p. 47-67; 41 Id ., « Textzeugen und Hypothesen zum arabischen Euklid in der Überlieferung von al-Hağğāğ b. Yūsuf b . Matar (zwischen 786 und 833) » , AHES 47 , 1994, p. 53- 92 ; 42 G . De Young, « The Arabic textual traditions of Euclid 's Elements » , HistMathem 11, 1984 , p. 147 160 ; 43 Id ., « Ishāq ibn Hunayn , Hunayn ibn Ishāg, and the Third Arabic Trans lation of Euclid's Elements » , HistMathem 19 , 1992, p. 188- 199 ; 44 A . Djebbar, « Quelques Commentaires sur les Versions arabes des Éléments d 'Euclide et sur

leur Transmission à l'Occident Musulman », dans M . Folkerts ( édit.),Mathema

tische Probleme im Mittelalter, Wiesbaden 1996 , p . 91-114 ; 45 M . Folkerts, « Euclid in Medieval Europe » , dans W . M . Stevens (édit.), Questio II, de rerum natura, Winnipeg 1989.

– Pour la tradition latine, on retiendra surtout les éditions critiques des princi

pales versions: 46 H . L . L Busard (édit.), The Translation of the Elements from the Arabic into Latin by Hermann de Carinthia (? ). L . I-VI, Janus 54, 1967, p. 1- 140 ; L . VII-IX , Janus 59, 1972, p. 125 -187 ; L . VII-XII, Amsterdam 1977 ;

47 Id . (édit.), The first Latin Translation of Euclid 's Elements commonly ascri bed to Adelard of Bath , Toronto, Pontifical Institute of Mediaeval Studies, 1983 ; 48 Id . (édit.), The Latin translation of the Arabic version of Euclid 's Elements commonly ascribed to Gerard of Cremona , Leiden 1984 ; 49 Id. (édit.), The

Mediaeval Latin Translation of Euclid 's Elements, Stuttgart 1987 (édition d'une version latine du XIIe siècle faite directement à partir du grec ); 50 H . L .L Busard et M . Folkerts (édit.), Robert of Chester's (?) Redaction of Euclid 's Elements. The so -called Adelard II Version , Basel/Boston /Berlin 1992 ; 51 H .L .L . Busard (édit.) , A Thirteenth -Century Adaptation of Robert of Chester's Version of Eu

clid 's Elements. Institut für Geschichte der Naturwissenschaften .München 1996 . Parmi les études récentes, voir 52 H .L . L . Busard, « Some early adaptations of

Euclid's Elements and the use of its Latin translations» , dans M . Folkerts et U . Lindgren (édit.), Mathemata, Festschrift für Helmut Gericke, Stuttgart/Wies baden 1985, p. 129- 164 ; 53 Id ., « Über den lateinischen Euklid im Mittelalter» . ASPh 8, 1998, p. 97- 129 ; 54 M . Folkerts, « Adelard 's Versions of Euclid 's Ele ments» , dans C . Burnett (édit.), Adelard of Bath , an English Scientist and Ara bist of the Early Twelth Century , coll. « Surveys and Texts » 14 , London 1987,

p. 55-68. - Pour la tradition hébraïque, voir 55 T. Lévy, « Les Éléments d 'Euclide en hébreu (XIIe -XVIe siècles)» , dans M . Aouad, A . Elamrani-Jamal et A . Hasnaoui (édit.), Perspectives médiévales (arabes, latines, hébraïques) sur la tradition

scientifique et philosophique grecque, Paris /Louvain 1996 ; 56 Id ., « Une version

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hébraïque inédite des Éléments d’Euclide» dans D . Jacquart ( édit.), Les voies de la science grecque, Genève 1997, p . 181-239. - Pour la tradition euclidienne dans l'Inde médiévale , voir 57 G . De Young,

« Euclidean Geometry in the Mathematical Tradition of Islamic India » ,

HistMath 22, 1995, p. 138 - 153. Commentaires anciens et médiévaux. Dans l'Antiquité, les Éléments, en totalité ou en partie, ont été commentés par Héron d'Alexandrie, Porphyre de Tyr, Pappus d 'Alexandrie, Proclus de Lycie et Simplicius ( voir Heiberg 1 ,

p. 154-173, Hultsch 2 , col. 1036 - 1039, Heath 3, p. 19-45, Murdoch 5 , p . 437, Caveing 6 , p . 28 -44 ). Seuls nous sont parvenus : le commentaire au livre I par

Proclus, conservé en grec (voir Friedlein 9), et le commentaire au livre X attri bué à Pappus, conservé dans une traduction arabe de Abū ‘Uțmān ad -Dimašqi.

Voir 58 C. Junge et W . Thomson (édit.), The Commentary of Pappus on Book X of Euclid 's Elements, éd., trad. angl. par W . T., comment. par C .J. et W . T., Cambridge (Mass .) 1930 ; réimpr. New York London 1968. Sur les problèmes d 'attribution et la nature de ce texte , voir en dernier lieu Vitrac 16 , t. III, p . 417 420 .

Plusieurs fragments importants des commentaires de Héron et de Simplicius nous ont été transmis par l'intermédiaire du commentateur arabe an -Nairizi. Son

commentaire est l'un des rares travaux arabes consacrés aux Éléments – pourtant très nombreux - qui aient été traduits en latin (par Gérard de Crémone) ; voir

59 M . Curtze ( édit.), Anaritii in decem libros priores Elementorum Euclidis Commentarii, dans Euclidis Opera omnia, ed. I. L . Heiberg et H . Menge, coll. BT, Leipzig, vol. IX , Supplementum , 1899. L 'auteur est alors appelé Anaritius

ou Anarizus. Ce texte a effectivement été utilisé par un certain nombre d 'auteurs occidentaux (Roger Bacon, Albert le Grand et très certainement Campanus (de Novare]). Une nouvelle édition critique est en cours ; voir 60 P . M . J. E . Tummers ( édit.), Anaritius ' Commentary on Euclid . The Latin Translation , I-IV , coll. « Artistarium » Supplementa 9 , Nijmegen 1994.

Pour les autres commentaires complets ou partiels des Éléments, épîtres et autres traités divers, rédigés en arabe et se rapportant à des problèmes particu liers soulevés par l'ouvrage d ’Euclide, voir Heath 3 , p . 84 -90 , Murdoch 5 , p . 441-442, Caveing 6 , p . 66 -69, Sezgin 18, p . 104 - 115. Parmi eux il fautmen

tionner l'important commentaire de al-Ğayyāni aux Définitions du livre V (fac similé du manuscrit et trad . angl. dans 61 E . B . Plooij, Euclid 's Conception of Ratio and his Definition of ProportionalMagnitudes as Criticised by Arabian Commentators, Rotterdam 1950 ) ; 62 O . P . Schrader ( édit.), The " Epistola De

Proportione et Proportionalitate ” of Ametus Filius losephi (Aḥmad ibn Yusuf),

[Traduction latine de Gérard de Crémone), éd ., trad . angl. et comment. par O .P .S., The University of Wisconsin , Ph . D ., 1961 (University Microfilm Inc., Ann Arbor,Michigan ), l'un des commentaires d ' Ibn al-Haytham ( Alhazen ) par

tiellement édité (63 B.H . Sude [ édit.), Ibn al-Haytham 's Commentary on the Premises of Euclid 's Elements: Books 1- VI, éd., trad. anglaise et comment. par

B . H . S., Princeton University, Ph. D ., 1974), la traduction française , avec com

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mentaires, des principaux textes consacrés à la question des parallèles (an Nairizi, al-Ğauhari, Țābit ibn Qurra, Ibn al-Haytam , 'Umar al-Hayyām , Naşir ad

Din at-Tūsi, al-Abhari, al-Maġribi...) dans64 K . Jaouiche, La théorie des paral lèles en pays d 'Islam , Paris 1986 , la traduction française par A . Djebbar de la très importante épître de 'Umar al-Hayyām , « Sur l'explication des prémisses problématiques du Livre d' Euclide » , dans 65 A . Djebbar, L 'émergence du conceptde nombre réel positif dans l'Épître d ' al-Khayyam (1048 -1131), Orsay, Université de Paris- Sud. Mathématiques. Prépublications 97 - 39, 1997, p . 22

70. Dans 66 B . Vahabzadeh, Trois commentaires arabes sur les concepts de rapport & de proportionnalité, Thèse de Doctorat de l'Université Paris VII, sous la direction de R . Rashed , 1997 , on trouve l'édition et la traduction française (sans doute provisoires, mais utiles) des deux commentaires déjà mentionnés de al-Ğayyāniet 'Umar al-Hayyām , ainsi que le Traité sur la difficulté relative à la

question du rapport, de al-Māhāni, l'un des plus anciens commentaires arabes

sur cette question (deuxièmemoitié du IXe siècle ). Les commentaires médiévaux consacrés aux Éléments et rédigés en latin ou en hébreu sont beaucoup moins nombreux. Parmi ceux qui ont fait l'objet d 'un travail récent, on notera celui attribué à Albert le Grand (67 P .M . J. E . Tummers

[édit.), Albertus Magnus' Commentaar op Euclides' Elementen der Geometrie, 2 vol., Nijmegen 1984 ) et celui de Gersonide (68 T. Lévy, « Gersonide, commenta teur d ’Euclide. Traduction annotée de ses gloses sur les Éléments », dans G .

Freudenthal ( édit.), Studies on Gersonides. A Fourteenth -Century Jewish Philo sopher-Scientist, Leiden 1992, p. 83- 147) . Notoriété d'Euclide et destinée des Éléments dans l'Antiquité. L 'abon dance des traductions et commentaires, le nombre des manuscrits conservés, le fait que le traité euclidien a été , après la Bible, le livre qui a connu le plus d ' édi tions jusqu 'au début de ce siècle prouvent le succès de l'ouvrage, l'énorme

impact qu'il eut sur l'histoire desmathématiques et de leur enseignement depuis le Moyen -Âge. Sa destinée, son utilisation dans l'Antiquité sont moins bien

connues. La principale difficulté tient à ce que les mathématiciens anciens citent rarement leurs sources ; quantaux renvois aux autres traités, ils sont la plupart du temps implicites. Les quelques informations qui nous sont parvenues se trouvent dans le commentaire de Proclus (voir Friedlein 9 ), lui-même ayant puisé chez ses

prédécesseurs. On peut en tirer le tableau général suivant. D 'abord Euclide n 'a évidemment pas inventé le genre littéraire « éléments » . Même en se limitant à la géométrie , Proclus (p . 66 , 7-8 .20 -21 ; p .67, 14 - 15 Friedlein ) lui connaît trois prédécesseurs : Hippocrate de Chios (2H 151] (ve s.

av. J.-C .), peut-être l'initiateur du genre, Léon et Theudios de Magnésie (Ive s. av. J.-C .). Lemême Proclus souligne la supériorité de l'exposé euclidien sur les

autres compositions de même nature (p. 69,4 - 70, 18 Friedlein ). La disparition des autres recueils d' Éléments de géométrie élémentaire confirme en quelque sorte que cette supériorité a été reconnue.

Cela dit, quand 69 P . Tannery , La géométrie grecque, comment son histoire nous est parvenue et ce que nous en savons, Paris 1887 ; réimp. Sceaux 1988 ,

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p . 166 , prenant à témoin la controverse qui opposa l'épicurien Zénon de Sidon ( fr. 27 Angeli et Colaizzo ) et le stoïcien Posidonius (p . 199, 11 - 200 , 3 ; p . 214 , 18 - 215 , 13 ; p. 216 , 10 -218, 11 Friedlein ), affirme que les Éléments

d 'Euclide étaient considérés comme l'ouvrage de référence, il faut peut- être quelque peu nuancer. Les indications dontnous disposons pour la période hellé

nistique suggèrent que le traité et les choix euclidiens restent objets de discus sion , y compris par les mathématiciens eux -mêmes. Bien entendu les critiques continueront à s'exercer sur des points précis durant toute l'Antiquité – tout par

ticulièrement sur la question des parallèles (Vitrac 16 , t. I, p . 300 -310) – mais il semble que ni la structure générale ni le contenu global du traité euclidien ne soient plus véritablement contestés par les mathématiciens postérieurs au début

de notre ère. A l'inverse, Apollonius a proposé d 'autres choix touchant apparemment aux principes mêmes des Éléments : définition alternative de l'angle (Eucl., El., Df. I 8 ; voir Proclus, p . 123, 16 ; 124 , 18 ; 125 , 17 Friedlein ), constructions élémen

taires alternatives (Eucl., El., Prop . I 10, 11, 23 ; Proclus, p . 279, 16 - 280 , 9 ;

p. 282, 8- 19 ; p. 336 , 16 Friedlein ) etmêmeremise en cause de certains axiomes (Proclus, p. 183, 13.18 ; p. 194 , 10.21 ; p . 194, 25 - 195,5 Friedlein ). Il est pos sible que certaines des dernières Propositions du livre X d'Euclide (112 -115 ) soient empruntées à Apollonius (voir Vitrac 16 , t. I, p. 7-68 et 383-384 ). Dans le même ordre d'idées, Hypsiclès (II° s. av. J.-C .) ajoutera un quatorzième livre aux

Éléments, pour compléter l'étude des polyèdres réguliers (du livre XIII). Son

traité sur les nombres polygones, cité par Diophante, avait peut-être aussi pour but d'introduire les considérations d' arithmétique figurée dans les livres arithmé

tiques d'Euclide, dont elles sont absentes, mais ce n 'est là qu'une hypothèse (déjà proposée dans Tannery 69, p. 156 ) ; si tel est le cas, cette tentative, à la dif

férence de la précédente, n 'a apparemmentpas abouti. Du strict pointde vue de

l'histoire textuelle on peut d' ailleurs considérer que la première tentative d' ex tension n 'aboutit que fort tardivement et que l'Antiquité , à la différence du

Moyen -Âge, n 'a pas connu 15 Livres d' Éléments, mais 13, plus 2 ouvrages complémentaires. Cependant la tentative d'Hypsiclès, là encore précédé par

Apollonius sur le sujet de la comparaison du dodécaèdre et de l'icosaèdre, indique que l'exposé des Éléments était perçu, dans sa globalité, comme incom plet.

Quant à la polémique entre Zénon de Sidon et Posidonius, elle s'applique très certainement à la version euclidienne des Éléments de géométrie comme c ' était également le cas de celle qui opposait Démétrius Lacon (BD 60 ) et le stoïcien

Dionysios de Cyrène (2+ D 180). Dans les deux cas il s'agissait de critiquer les premières propositions du Livre I (I 1 chez Zénon ; I 3, 9, 10 , au moins, chez Démétrios). Il n 'est pas aussi clair que la cible des Apories de Polyen (cf. DPA,

II, p. 641) était déjà les Éléments d'Euclide en tant que tels (il s'agirait d'une critique quasi contemporaine), plutôt que la géométrie en tant que savoir incom

patible avec certains principes de la philosophie épicurienne. Quoi qu'il en soit, si Posidonius « défend » Euclide ( en fait la géométrie) dans le cadre de sa polé

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mique avec les Épicuriens, il n'hésite pas non plus à proposer des Définitions alternatives (pour la figure , les espèces de triangles et de quadrilatères, les paral lèles ; voir Proclus, in Eucl., p. 143, 8 ; 170, 13 ; 176 , 6 Friedlein respectivement). Le cadre général, les concepts fondamentaux du traité sont donc encore partiel lement malléables au cours du lie siècle avant notre ère. Les modifications et

objections peuvent être textuelles etmathématiques, au sens technique du terme, mais aussi de caractère plutôt philosophique. Le débat épistémologique qui a opposé un cercle d'épicuriens et celui des condisciples du stoïcien Panétius, autour des années 100 avantnotre ère , a pu consacrer la célébrité des Éléments à l' extérieur du cercle étroit des spécialistes.

Ce n 'est qu'à partir de la fin de la période hellénistique que nous pouvons être assurés qu ’Euclide est devenu quasiment synonyme de géométrie . Pour Cicéron (De Oratore III 132) - pourtant peu féru de mathématiques (mais qui a entendu Posidonius et Zénon dans les années 79 -77 !) -, Euclide et Archimède représen tent la géométrie au même titre qu'Hippocrate de Cos (» H 152) représente la médecine, Damon (HD 13) et Aristoxène (P- A 417) la musique, Aristophane (de Byzance) (> A 405) et Callimaque (* * C 22) la critique littéraire . Ces savants anciens (pour Cicéron )maîtrisaient la totalité de leur spécialité , alors que de son temps la « spécialisation » a eu comme conséquence le « démembrement» de

tous les arts. Dans les Noces de Philologie et de Mercure de Martianus Capella (début du ve siècle), la Géométrie, avant de commencer son exposé, repère dans l'assistance les deux mêmes disciples : Archimède et Euclide.

La même association rhétorique entre Euclide et la géométrie se trouve aussi chez des auteurs non spécialistes de mathématiques comme Élien (De natura animalium VI 57 , 6 ), Eusébe de Césarée (Historia ecclesiastica V 28, 14 , 4 ), Grégoire de Nysse (Funebris in laudem Caesarii fratris oratio (orat. 7] 20, 4, 5),

et leurs témoignages n 'en sont que plus significatifs. Bien entendu les Éléments sont plusieurs fois cités par un savant encyclopédiste comme Galien (De usu partium , t. III, p . 830, 7 -13 Kühn ( cite XI 2 ), Adversus eos quide typis scripse runt vel de circuitibus, t. VII, p.511, 10 Kühn (cite VII 1), Institutio logica 16 , 6 , 5 (cite I 1), In Hippocratis librum de articulis et Galeni in eum commentarii, t. XVIII a, p. 466 , 15 Kühn (cite la Df. I 22b )] et c'est également à Euclide que se réfèrent les commentateurs d'Aristote lorsqu 'ils doivent expliquer l'un des nombreux locimathematici du maître .

Si l'on revient aux manières de désigner les Éléments et leur auteur, il me semble que l'on peut corroborer la description qui précède. Ainsi, pour désigner Euclide, Proclus, dans son commentaire , utilise plusieurs moyens : outre la

nomination pure et simple, Proclus invoque très souvent le « rédacteur des Élé ments » (Ó OTOIxelwtńs) ou simplement le « Géomètre » . Le terme • otol Yelwts est intéressant: il semble assez tardif et je l'ai trouvé appliqué seu lement à Euclide, quoique d'autres auteurs – et non des moindres (par exemple Apollonius, Archimède, Ménélaos...) – aient rédigé des traités mathématiques appartenant au genre littéraire « éléments » et qui sont d 'ailleurs désignés comme

tels. Mais, comme on le voit chez ses commentateurs (particulièrement Proclus

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et Marinus), le otoixelwtńs par excellence ne peut être qu'Euclide. Ce critère est donc sûr,mais sans surprise : sur les 181 occurrences repérées, 99 se trouvent dans le Commentaire de Proclus au Livre I et 72 proviennent des scholies des manuscrits euclidiens. De plus, 59 de ces occurrences dans les scholies portent sur le livre I et remontent pour la plupart à Proclus.

Par ailleurs, on a 2 occurrences dans le commentaire de Porphyre aux Har

moniques de Ptolémée , 2 dans la Collection mathématique de Pappus et 3 dans les Definitiones rapportées à Héron. Pour être complet,mentionnons les 3 autres références tardives: Marinus, In Eucl. Data, p. 254, 16 Menge ; Simplicius , In De caelo , p .414, 2 Heiberg ; David l'arménien, In Categ.,

p. 251, 18 Busse (qui attribue le comm .à Élias (- E 15]).

Pour le terme ń otolyeiwolç, la situation est un peu différente , et il est sans doute plus ancien que le terme ó otolXelwtńs. Au sens d'« enseignement élé mentaire », on le trouve chez Épicure (selon Diogène Laërce X 37) et Posidonius (selon Proclus p. 217, 24 Friedlein (= F 47 Edelstein -Kidd ) ; à noter qu 'il s'agit de mathématiques etmême d'un point traité dans le premier livre des Éléments d 'Euclide) entre autres. Pour son occurrence dans des titres d 'ouvrages, les

choses sont plus difficiles à circonscrire , car les titres des ouvrages anciens de mathématiques – tels qu'ils sont cités – sont plutôt fluctuants . Il semble que l'uti lisation du terme otoLXEÍwois dans un titre remonte aux débuts des écoles philo sophiques hellénistiques: Diogène Laërce cite en X 44 les Aboexa otoLYELÓ delç d' Épicure (» E 36 ), en VII 39 l’’HOLXn Otolyeiwolç du stoïcien Eudromos

[ E 103] et en VII 138 la Metewporoyixn otolyeiwolç de Posidonius (que Simplicius, In Phys. I-IV , p . 291 Diels, désigne sous le titre Metewporoyixá). Au jer siècle de notre ère , la musicologue Ptolémaïs de Cyrène compose ń Iudayopian tñs uovoixñs otolyeiwolc (voir Porphyre, In Harm . Ptol., p. 22, 24 Düring), sans doute un ouvrage sur la partie mathématique de la musique. En géométrie, le terme ń otoixeiwolç est appliqué pour l'essentiel aux Éléments d 'Euclide, mais dans des citations qui sont plutôt tardives, et il n 'est pas certain que l'ouvrage était désigné ainsi durant l'époque hellénistique. Pour les traités consacrés aux coniques par Euclide et/ou Aristée l'Ancien, Archimède utilise le terme otoixeta ; Apollonius fait demême pour ses quatre premiers livres ; même chose pour les Éléments de Mécanique auxquels se réfère Archimède. Chez

celui-ci, la seule mention de toixeiwols se trouve dans Sur la sphère et le cylindre, I, Prop. 6 . Déjà suspecte, elle l'est plus encore après la constatation que nous venons de faire , d'autant que la référence aux Éléments d' Euclide sous le vocable otolyeiwolç est devenue bien attestée à la fin de l'Antiquité, et particu lièrement chez le commentateur d'Archimède, Eutocius ( E 175). En fait elle

est déjà devenue fréquente chez Proclus, qui a lui-même composé deux otol XELVOELS (Éléments de théologie, Etoixelwolç Deodoyixń , et Éléments de Phy sique, EtoixeiwOLÇ Quoixń ). Dans le commentaire de Proclus, on compte vingt quatre occurrences du terme pour désigner le traité euclidien, quelques occur rences pour désigner un genre littéraire technique (voir en particulier p. 73, 14 et 73, 25 Friedlein ), et c 'est ainsi qu ' il désigne également un traité euclidien de

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musique (Éléments de musique, ai xatà uovOLUNU OTOIXELÚOELÇ). La plupart des autres occurrences sont tardives et contenues dans des scholies ou des com mentaires des ve (Marinus, Heiberg 13, VI, p. 252 16 -17) et vie siècles (Olym

piodore, In Meteor., p. 220 , 7 ; p. 229, 19 ; p. 257, 9 Stüve). Il y a bien une occurrence dans le commentaire de la Métaphysique transmis sous le nom d ' Alexandre d 'Aphrodise (ca 200 ) qui permettrait de remonter plus haut dans le temps. Mais on sait que seuls les commentaires aux livres A - sont authentiques, et notre mention appa raît dans le commentaire à 9, 1051a 21-23. Bien que cette attribution soit discutée, on rapporte la seconde partie du commentaire à l' érudit byzantin Michel d 'Ephèse (XIe-Xile siècle) et, dans

ces conditions, notre occurrence serait très tardive ! Si l'on accepte la suggestion de L . Tarán qui voit dans le Pseudo - Alexandre un auteur contemporain de Syrianus ou même plus ancien

( DPHA I, p . 129),notre occurrence appartient à l'époque des commentateurs, ce qui n 'a rien de surprenant.

Il reste finalement cinq occurrences dans des traités rapportés au corpus héro nien et donc d'authenticité douteuse : quatre dans les Definitiones, une dans les

Stereometrica. Si l'on est très optimiste, on rapportera les premières aux com mentaires de Héron , d'autant qu'elles ont un caractère de « rappel préliminaire » .

Si l'on fait le rapprochement avec ce que l'on a dit pour le terme otolyelwtńs (attesté dans le Pseudo-Héron , Porphyre, Pappus, Proclus,Marinus, autrement dit les commentateurs d 'Euclide), on peut raisonnablement conclure que l'intro duction des deux termes pour désigner Euclide et son traité majeur est due à l'initiative de ses commentateurs et peut-être au premier dont l'existence soit connue de nous, à savoir Héron d'Alexandrie . Autant les désignations que le tra vail de commentaire lui-même témoignent de l'autorité reconnue à partir de ce

moment-là tant à l'auteur qu 'à l'euvre .

Euclide et la philosophie . Consacrer dans ce dictionnaire une notice à Eu clide est certainement davantage justifié par l'importance de son œuvre – tout

particulièrement les Éléments – pour les logiciens et les philosophes que pour sa formation et/ou son obédience philosophique personnelle. Le traité en effet a exercé une double fonction . D 'une part, il s'agit d'une monographie de mathématiques. C 'est à elle que se sont référés par exemple les commentateurs d' Aristote et c'est en elle que les auteurs médiévaux , tout parti culièrement, ont puisé des résultats ou des méthodes mathématiques (dichoto

mie, superposition ...) pour échafauder certains arguments concernant l'existence du vide, de l'infini, ou encore la nature du continu ... Le Stagirite leur avait

d'ailleurs montré la voie en recourant lui aussi à un certain nombre de preuves de type mathématique, élaborées pour l'essentiel à partir de la théorie des pro portions.

D 'autre part, les Éléments ont joué le rôle d 'un manuel de raisonnement ou

plutôt d' éminent exemple d' exposé scientifique, déductif et synthétique (qui procède à partir des principes jusqu 'aux choses démontrées). La forme eucli

dienne a séduit un certain nombre de philosophes , qui ont cru donner plus de force à leur système ou du moins accroître leur pouvoir de conviction en recou rant à l'exposition more geometrico. Là encore, Euclide pouvait compléter Aristote , dont la théorie de la science démonstrative semble avoir été élaborée

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principalement en réfléchissant sur la pratique de la géométrie . Les échanges se

firent également dans l'autre sens, car les commentateurs médiévaux d'Euclide firent grand usage de grilles conceptuelles d 'inspiration aristotélicienne. Si l'on ne sait rien d'une éventuelle formation philosophique d’Euclide, la question de son appartenance à une École a été tranchée dès l'Antiquité par Pro clus (p .68 , 20 -23 Friedlein ): Και τη προαιρέσει δε Πλατωνικός έστι και τη φιλοσοφία ταύτη οικείος, όθεν δή και της συμπάσης στοιχειώσεως τέλος προεστήσατο την των καλουμένων Πλατωνικών σχημάτων σύστασιν . « Et dans son obédience, il est platonicien , et familier avec cette philosophie, et c 'est pour cela qu'il a proposé , comme fin de la composition des Éléments dans leur totalité, la construc tion des figures dites platoniciennes.»

Il n ' est évidemment pas impossible qu’Euclide ait sélectionné le matériel de ses Éléments en fonction de certains locimathematici des dialogues de Platon , en particulier la construction des cinq polyèdres réguliers inscriptibles dans une sphère qui est exposée dans le dernier livre authentique du traité , polyedres que Platon utilise pour rendre compte de la structure mathématique du corps du monde dans le Timée. Dans le même ordre d'idées, on pourrait rapprocher l’ar gument « de convenance » du même dialogue sur le fait qu 'il y a nécessairement quatre éléments de certain théorème euclidien du livre VIII que Nicomaque de Gérasa appelle « platonicien » (voir Vitrac 16 ,t. II, p . 384 -388) ou encore compa rer le célèbre passage du Théétète ( 147 d 4 - 148 b3) et la Proposition X 9 des

Éléments. Cela dit, on peut tout aussi bien penser qu ’Euclide a sélectionné ses résultats

parmiceux établis par ses prédécesseurs, en fonction du prestige de leurs inven teurs ou des thèmes qu 'une certaine tradition avait imposés et que Platon a pu connaître, sans qu 'il faille supposer chez l'Alexandrin la même intention (même partielle) de composer un « commentaire mathématique » à l'euvre de Platon , comme l'explicite Théon de Smyrne pour son Expositio rerum mathematicarum ad legendum Platonem utilium . L 'affirmation de Proclus procède peut-être à l'inverse de manière reconstructive : c'est parce que les éléments s'achèvent par

la construction des polyèdres que le Diadoque croit pouvoir affirmer qu'Euclide est platonicien. Quoi qu 'il en soit, avant Euclide, Platon et Aristote avaient élaboré une philo

sophie desmathématiques; du moins avaient-ils réfléchi au statut des objets mathématiques et avancé des réponses différentes sinon opposées à bien des égards. Les historiens ont donc légitimement soulevé le problème de la position d 'Euclide vis- à -vis de ces épistémologies mathématiques. Cependant il n 'est pas possible de répondre à cette question de manière assurée, parce que le style même d 'exposition des traités mathématiques (au sens technique du terme) grecs exclut complètement les considérations métamathématiques (historiques ou épistémologiques) et d’Euclide ne nous sontparvenus que des traités techniques. Ce n 'est que dans les préfaces, quand elles existent, ou dans les commentaires,

que de telles considérations peuvent être développées.

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Malheureusement les Éléments nous sont parvenus sans préface ; celle des Phénomènes est purement technique et peut-être apocryphe ; quant à celle de la

Division du canon (si on en admet l'authenticité ), elle ferait plutôt d 'Euclide un pythagoricien ; mais comme l'a fait remarquer Alan Bowen (32, p . 183- 187, en

particulier p . 185),ce rapprochement possible, en particulier avec Archytas (** A 322) , souligne simplement le fait que la catégorie « pythagorisme» de l'érudition

moderne pour ce qui relève de la science harmonique n'est pas très bien définie. Une autre piste suivie pour mesurer l'influence des philosophes, et tout parti culièrement Aristote, sur Euclide est celle des åpxai. La forme euclidienne est

démonstrative et suppose donc de partir de principes admis sans démonstration .

Les Seconds Analytiques exposent une théorie de la science démonstrative et de ses règles formelles d'exposition ; la nature des principes, les différentes espèces

qu 'il convient d' en distinguer y sont l'objet d'une analyse attentive. Contentons nous de relever ici que, chez le Stagirite comme chez Euclide, il est nécessaire , pour ce qui concerne l'exposition d 'au moins deux sciences particulières, d'in

troduire trois sortes de principes: les définitions qui posentdes significations, les hypothèses ou demandes qui posent l'existence de certains objets premiers ou

qui autorisent certaines procédures fondatrices, et les axiomes ou notions com mun (e)s aux deux sciences en question. La coïncidence a été signalée , car dans les autres traités mathématiques grecs déductifs (par exemple ceux d 'Archimède)

ne sont généralement distingués que deux types de principes : les définitions et les lemmes [anupata ou « postulats » ( außavóueva ) ou demandes (airn uata )). On remarquera cependant que ces autres traités déductifs , ou bien ne sont pas « élémentaires » , ou bien ne traitent que d 'une seule science ( en l'oc

currence de géométrie ou de mécanique). En l'absence de réel terme de compa raison, on se gardera donc de surinterpréter cette coïncidence. Pour une compa raison récente d’Aristote et Euclide, voir Caveing 6 , p. 117- 133, et 70 R . D . McKirahan Jr., Principles and Proofs. Aristotle 's Theory of Demonstrative

Science, Princeton University Press , 1992, en particulier p . 137- 163. Études d 'orientation . Outre les traductions commentées des Éléments, telles Heath 3 et Vitrac 16 , on retiendra, de la littérature euclidienne récente , les études suivantes : 71 W . R . Knorr, The Evolution of the Euclidean Elements, Dordrecht/

Boston 1975 ; 72 I.Mueller, Philosophy ofmathematics and deductive structure in Euclid 's Elements, Cambridge (Mass.)/London 1981. Ces ouvrages contien

nent des bibliographies étendues sur les principales questions posées par le traité d 'Euclide. Pour les æuvres « mineures» , outre Takahashi 23, Berggren et Thomas 25 et

Barbera 28, voir 73 A . D . Barker, «Methods and aims in the Euclidean Sectio

canonis » , JHS 101, 1981, p. 1- 16 ; 74 G . Simon, Le regard, l'être et l'apparence dans l'Optique de l'Antiquité, coll. « Des Travaux » , Paris 1988. Bibliographies. Par ailleurs il existe des bibliographies euclidiennes qui enregistrent essentiellement les différentes éditions d 'Euclide (depuis la pre mière parue en 1482 ) : 75 P . Ricardi, « Saggio di una bibliografia Euclidea » , MAIB , 4 série , 8 , 1887 , p. 401-523, 9, 1888, p . 321-343, 5€ série , 1 , 1890, p. 27

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84, 3 , 1892 , p . 639-694 ; réimpr. Hildesheim 1974 ; 76 Ch. Th. Sanford, Early

Editions of Euclid 's “ Elements" 1482- 1600, coll.« Illustrated Monographs» 20 , London 1926 ; 77 G . Kayas, Vingt-trois siècles de tradition euclidienne (Essai

bibliographique ). Rapport interne de l'École Polytechnique, Palaiseau 1977 ; 78 M . Steck et M . Folkerts, Bibliographia Euclideana, coll. « Arbor scientiarum - Beiträge zur Wissenschaftsgeschichte» , Reihe C : Bibliographien , Band I,

Hildesheim 1981 ; Ricardi 75 et Kayas 77 indiquent également un certain nom bre de références secondaires. En plus des références bibliographiques, Steck et

Folkerts 78 contient 229 pages de fac -similés de frontispices, pages de garde et

autres vignettes provenant des principales éditions des traités d ’Euclide. BERNARD VITRAC .

81 EUCLIDE PLRE I: M III ou D IV A . Destinataire de la lettre 192 de Julien ou d'un Ps.- Julien qui serait un so phiste contemporain de Jamblique ( » I 3 ), selon Bidez-Cumont (la lettre n 'est pas éditée par Bidez ; c'est la lettre 62 dans l'édition de W . C . Wright). Si c'est le fils deMaxime destinataire des lettres 190 et 191 du même auteur, il serait origi

naire de Byzance (Socrate , Hist. eccl. III 1, 16 ).

B . Est-il à identifier à l'Euclide néoplatonicien , auteur d 'un commentaire sur la République de Platon (cf. Proclus, In Remp. comm ., t. II, p. 96 , 12 Kroll) ? Si cette identification (proposée par la PLRE) est exacte, elle est chronologique ment incompatible avec une autre , proposée précédemment dans la RE et à pre mière vue mieux fondée, qui voit en cet Euclide le platonicien du milieu du IIIe siècle mentionné par Porphyre, Vita Plotini 20, 30 : voir RESuppl. VIII, 1956 , col. 167 (nº 5a). PIERRE MARAVAL.

M Va_ jer tiers Iva 82 EUCLIDE DE MÉGARE RE 5 Disciple de Socrate et amide Platon, fondateur de l'École de Mégare. Témoignages et fragments. 1 K . Döring, Die Megariker, p. 3-14 : fr. 1-14

(données biographiques), 15-30 (écrits et doctrines), 31-44 (sur l'école issue d' Euclide) ; ainsi que fr . 50, 148 A , 148 B (mais Euclide y figure par erreur), 173. Trad. franç. dans 2 R .Muller, LesMégariques, p . 19-28 . 3 G . Giannantoni, SSR , fr. II A F 1 -35 . Traduction italienne des fragments par 4 L . Montoneri, I

Megarici, Catania 1984, p. 229-247. Sources biographiques anciennes. Euclide est le plus mal connu des Socra tiques. Bien que fondateur d'une école réputée (cf. fr. 26 A , li. 1) et lui-même très favorablement jugé ( cf. fr. 36 , li. 3), il est assez mal servi par nos sources.

Platon évoque la personne d 'Euclide dansdeux dialogues: dans le Phédon 59 b c, le mégarique estmentionné parmi les disciples qui ont assisté à la mort de Socrate (fr. 3 A ); et dans le Théétète, on le sait, il se voit attribuer un rôle beau coup plus important, puisque le prologue le présente non seulement comme un

amide Théétète et de Socrate ,mais comme le « rapporteur» du dialogue entier , dont le récit lui a été fait à plusieurs reprises par Socrate lui-même et qu 'il a pu

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EUCLIDE DE MÉGARE

273

ainsi transcrire peu à peu de façon fidèle (Théét. 142 a - 143c ; le fr. 5 que Döring en a extrait estmanifestement insuffisant). Diogène Laërce, de son côté, fait par

deux fois allusion à un récit d'Hermodore (de Syracuse , » H 91) évoquant le séjour de Platon auprès d'Euclide à Mégare ( fr. 4 A - B ); il cite aussi trois vers de Timon de Phlionte où il est question des tendances éristiques d'Euclide (fr. 8), et il se réfère (fr. 31) aux Successions des philosophes d 'Alexandre Polyhistor (MA 118 ) à propos de la patrie d'Euclide (il aurait été originaire de Géla etnon de Mégare). Dion Chrysostome enfin mentionne le mégarique parmi les disciples de Socrate que Diogène le Cynique trouva à Athènes en arrivant dans cette ville ( fr. 6 ). Des autres témoignages il y a peu à tirer : le plus souvent, Euclide est simplement cité comme philosophe originaire de Mégare et fondateur de l'école du même nom (cf. fr. 33-44 ); sur sa vie ne nous sont livrés que des traits isolés d'origine incertaine (cf. les indications des Lettres des Socratiques, fr. 4 C -E , ou celles des florilèges et recueils de sentences, fr. 10 -14 ) et de caractère vaguement légendaire (telle cette anecdote que Taurus racontait à ses élèves afin de réchauffer leur zèle pour la philosophie : les Athéniens ayant interdit leur terri toire aux Mégariens, Euclide se serait travesti en femme et rendu de nuit chez

Socrate pour écouter ses leçons; voir fr. 1).

Datation. On s 'accorde aujourd 'hui, à quelques réserves près, à penser que le prologue du Théétète (fr. 5 : Euclide accompagnant Théétète blessé jusqu 'à Éri néos) fournit un point de repère comme terminus post quem pour la mort

d'Euclide, en considérant qu 'en l'occurrence Platon rapporte un fait réel et que la bataille où Théétète a été blessé est celle de 369a (Döring 1, p . 73-74 ; 5 A . Diès, notice du Théétète, CUF, Paris 1926 ; rééd. 1963, p. 119 -123 ; 6 J. Humbert, Socrate et les Petits Socratiques, Paris 1967, p. 272 -274 ; 7 K . von Fritz , c.r. de Döring 1, dans Schriften zur griechischen Logik, Stuttgart/Bad Cannstatt 1978, t. II, p. 94 ); une deuxième donnée est fournie par le rapproche ment du fr. 6 (voir ci-dessus : « Sourcesbiographiques» ) et d 'un passage de Dio dore de Sicile (XV 76 : Euclide n 'est plus nommé parmiles élèves de Socrate

vivant en 366 ") ; on peut en déduire avec quelque vraisemblance qu 'Euclide est mort entre 369a et 3669. En ce qui concerne sa naissance, cependant, les opinions divergent : sur la foi de l'anecdote rapportée par Aulu -Gelle (fr. 1, cf. ci-dessus « Sources biogr.» ; le décret athénien peut être daté de 432a, et Euclide doit avoir au moins une vingtaine d'années pour que le fait soit plausible ), on admettait traditionnellement qu'il était né vers 450a ;mais Döring 1, p. 74 (à la suite d'O . Gigon cité ibid.), refuse d'accorder la moindre valeur historique à ce genre d'histoires édifiantes, dont il cite d'autres exemples, et préfère la date de 435a pour éviter de faire mourir Euclide à un âge trop avancé en 3690- 366a; pour sa part, von Fritz 7 , p. 94, juge cet argument assez faible, avec raison nous semble t -il, en rappelant notamment le grand âge atteint par Platon, Démocrite ou Iso

crate ; sans accorder une grande valeur à l'anecdote d ' Aulu -Gelle, l'auteur estime que plusieurs indices concordants tendent à accréditer l'idée qu'Euclide a bien été un des plus anciens élèves de Socrate (cf. aussi 8 K . von Fritz , art.

« Megariker » , RESuppl. V , 1931, spéc . col. 707-715 ; art. repris dans von Fritz 7,

EUCLIDE DE MÉGARE

274

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p . 75 -92) ; on peut remarquer aussi que l'école fondée à Mégare paraît être assez ancienne, antérieure en tout cas à celle de Platon (cf. fr. 4 A -B ) ; dès lors, la nais sance d 'Euclide vers 450a n 'a rien d 'invraisemblable . Euvres. Deux listes d'ouvrages d 'Euclide (tous perdus) nous ont été trans mises, l'une par Diogène Laërce (fr. 15 ) et l'autre par la Souda ( fr. 16 ) ; elles

contiennent les mêmes titres, au nombre de six , d 'œuvres qualifiées de dia logues , à savoir : (1 ) Aaunpias, Lamprias;

(2 ) Aloxívns, Eschine; (3) POTVLĘ, Phénix ; (4 ) Kpítwv, Criton ;

(5) ’Anxibiáðns, Alcibiade ; (6 ) 'Epwtixós, Sur l'amour. Seules différences : l'ordre des titres, ainsi que la mention « et d'autres ouvrages » (xai ära tivá ) de la Souda. Nous ne savonsmalheureusement pas

d 'où ces listes ont été tirées, d 'autant plus que l'authenticité des écrits d 'Euclide

étaitmise en doute par Panétius de Rhodes (fr. 18 ). En faveur de l' authenticité on peut néanmoins invoquer: d 'abord l' inscription du fr. 17 (un catalogue de

livres, Athènes, autour de 1004) qui mentionne un Eschine d 'Euclide, soit l'un

des six dialogues de nos listes; ensuite plusieurs références textuelles à des æuvres anonymes d 'Euclide (un unique extrait, de cinq lignes environ , conservé

par Stobée, voir fr. 19 ; des mots isolés chez Hesychius et Pollux, fr. 21-23) ; enfin un passage de Censorinus (fr. 20) qui emprunte à un auteur du 11 s. av. J. C ., Lucilius, une affirmation d'Euclide dont le contenu ressemble fort à celui de l'extrait de Stobée (cf. 9 U . von Wilamowitz -Moellendorff, Platon , Berlin 1920 , t. II, p. 23 n. 2 ). 10 L . Rossetti, « Tracce di un royos Ewrpatixós alternativo al

Critone e al Fedone platonici» , A & R 20 , 1975, p . 34-43, a tenté de reconstituer le contenu de l'Eschine. A signaler enfin que le même auteur voit dans le fr. 14 la trace d'un écrit d 'Euclide plutôt qu'une simple donnée biographique : 11 Id ., « Ricerche sui “Dialoghi Socratici” di Fedone e di Euclide », Hermes 108, 1980 , p . 183-198 . On nementionnera que pour mémoire l'hypothèse hardie de 12 D .

Henne, L 'École de Mégare, Paris 1843, p . 47-52, qui, prenant le prologue du Théétète à la lettre, attribue à Euclide le dialogue entier. Formation philosophique. Un des lieux communs les plus constants des historiens de la philosophie consistait à affirmer qu ’Euclide avait d 'abord été le

disciple de Parménide, ou du moins été fortement influencé par sa doctrine, avant de se rallier à Socrate (cf. Henne 12, p . 20 ; 13 E . Zeller, Die Philosophie der Griechen, II 1, 4e éd., Leipzig 1889, n . 3 de la p. 245 ; Humbert 6 , p. 275 ).

Cette opinion s'appuie d 'une part sur une courte phrase de Diogène Laërce (oúros xai tà napuevíoela Mereyalpí eto, fr. 31, li. 2 - 3), et d' autre part sur

diverses doxographies anciennes qui rapprochent, voire confondent, les deux écoles quant à la doctrine (voir par exemple Cicéron, fr. 26 A , et Aristoclès, fr.

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EUCLIDE DE MÉGARE

275

27), sans parler de l'interprétation proprement philosophique qu'on croit pouvoir

faire de ce que l'on considère comme le « dogme central» de la pensée d'Euclide (fr. 24 ). Depuis von Fritz 8, qui a été le premier à réagir contre cette tradition , il

est difficile de nier le caractère profondément socratique d 'Euclide: d 'un côté, il est manifeste que les textes invoqués précédemment sont ou déformés (la phrase de Diogène Laërce signifiant tout au plus qu'Euclide a aussi étudié attentivement la doctrine de Parménide, mais non nécessairement dans sa jeunesse) ou sans autorité véritable (Cicéron et Aristoclès ne faisant qu 'exposer des interprétations ou des traditions tardives, non des faits); d'un autre côté , les liens avec Socrate apparaissent clairementdans le peu qui nous est livré de la vie du mégarique (cf. ci-dessus « Sources biogr.» et « Datation » ; on songe plus particulièrement au rôle que Platon lui donne dans le Théétète : vrai ou faux, il implique à tout le moins, pour être vraisemblable, une longue familiarité avec Socrate ) ; la nature et le style des écrits d'Euclide vont dans le même sens, tout comme le contenu de ses thèses fondamentales (cf. l'analyse que fait von Fritz 8, col. 708 -709 du fr. 24 ). Il va de soi,néanmoins, que faire d'Euclide un des tout premiers disciples de Socrate n 'implique en rien que l'on nie l' intérêt qu 'a pu porter (ultérieu rement ?) le mégarique à la pensée de Parménide, ni qu ’on refuse par avance d 'éventuelles convergences entre les deux doctrines ou les deux écoles (mais,

ajoute von Fritz 8, on peut en dire autant de Platon ).

École et influence. Qu 'Euclide ait eu assez de personnalité pour être un phi

losophe original et le fondateur d'une école a été nié par 14 É . Dupréel, La légende socratique et les sources de Platon , Bruxelles 1922, p . 365-367 (il ne s'agirait que d'une invention de biographes hardis destinée à rattacher le méga risme à Socrate , la doctrine de cet Euclide n 'étant de toute manière qu 'un syncrétisme peu vraisemblable ), mais il n 'a guère été suivi. Il nous semble que les travaux plus récents (auxquels il serait juste de joindre, spécialement sur cet

aspect du problème, la belle analyse de Hegel, Leçons sur l'histoire de la philo sophie, Paris 1971, t. II, p. 339-359) ont mieux discerné l'unité et l'intérêt des positions d'Euclide, ainsi que leur solidarité avec les développements ultérieurs de la pensée mégarique, si bien qu 'il reste peu de raisons de douter qu 'il ait effectivement créé à Mégare un cercle philosophique. Les historiens sont en

général d'accord pour situer cette fondation un peu avant ou un peu après la mort de Socrate (15 J. Brun , « Les Mégariques» , dans Histoire de la philosophie, coll.

« Encyclopédie de la Pléiade», Paris, t. I, 1969, p .692, propose « vers 405a » ), notamment pour expliquer le refuge que Platon et d'autres socratiques sont allés chercher à Mégare après la mort du maître (cf. les fr. 4 A -E ). Certains veulent

que le séjour de Platon ait duré assez longtemps, suffisamment en tout cas pour que sa pensée et notamment ses premiers dialogues en aient été marqués ( 16 M .

Croiset, Introd. au tome I des (Euvres de Platon , CUF, Paris 1920 ; rééd. 1966 , p. 4 -5 ) ; la plupart soulignent les bonnes relations qui devaient exister dès cette époque entre lui et les philosophes deMégare, et dont on peut retrouver diverses traces dans les dialogues de l'Athénien .

276

EUCLIDE DEMÉGARE

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Pour qualifier ce groupe de Mégare on hésite à parler d’école, les liens qui pouvaient unir ses membres paraissant assez lâches (voir Döring 1 , p . 94- 96 ; von Fritz 8 , col. 718 -719 ; 17 K . Döring, « Gab es eine dialektische Schule ? » ,

Phronesis 34, 1989, p. 293-310 (sur la notion d ' école” appliquée aux méga riques) ; 18 G . Cambiano , « Il problema dell'esistenza di una scuola Megarica » , dans G . Giannantoni ( édit.), Scuole socratiche minori e filosofia ellenistica, Bologna 1977, p. 25-53). Pas plus que les autres « Petits » socratiques, lesméga riques n 'avaient d'institutions comparables à l'Académie ou au Lycée ; il est dif ficile aussi de parler de « système» , et même de mettre en évidence une doctrine commune clairement établie autour de quelques principes ou dogmes fondamen

taux. Mais il est abusif de prétendre , à l'inverse , que l'école de Mégare s 'est

contentée d 'une critique purementnégative et stérile, sans aucune thèse positive, voire d 'évoquer à son propos une tendance au scepticisme: on pourrait montrer que sur deux points au moins (une certaine primauté de la morale, et l'impor tance accordée à la dialectique et au logos, aboutissant finalement à l'élaboration d 'une authentique théorie logique) elle est restée fidèle à l' inspiration et aux

visées de son fondateur. Il est très vraisemblable enfin que l'unité de l' école était due, en partie , à l'ascendant que pouvaient exercer sur leurs auditeurs quelques personnages prestigieux (Euclide, Stilpon ; certains témoignages parlent ainsi de

« chefs » d'école : fr. 33, 35 , 148 A ). Sur les débuts de l'école et plus précisément sur les disciples immédiats

d 'Euclide, peu de choses sont assurées. Diogène Laërce cite Eubulide (PE 71) comme « successeur» d 'Euclide (fr . 50) , Ichthyas (24I 12), Cleinomachos ( * C 146 ) et Stilpon comme philosophes « issus d 'Euclide » (fr . 32 A ): aucune de ces formules n ' implique une relation directe (exclue de toute façon pour Stilpon ). La Souda indique plus clairement qu' Ichthyas a succédé à Euclide (fr. 33) et que Cleinomachos a été son élève (fr. 34, li. 2- 3 ), de même que Diocléidès de Mégare (2D 109 ] ( fr. 148 A , si ó dè, à la ligne 3 , désigne bien Diocléidès) et Bryson d 'Héraclée ( B 68] (fr. 34 , li. 5 -6 ; mais la liste des maîtres de ce der nier est assez peu cohérente , cf. ibid ., li. 3 -4 , et fr. 203 A et B , et Döring 1, p . 157- 163). On relève enfin que l' école est désignée de trois façons différentes :

outre le nom qui lui vient de la patrie de son fondateur ( spéc. fr. 43-44 ), elle a porté aussi ceux d' École éristique et d' École dialectique (fr. 31 et 34-35 , ces

deux fragments rattachant le dernier nom à la présence à la tête de l'école de Cleinomachos, soit – si ce quiprécède est exact – peu de temps après Euclide).

L 'École mégarique (d 'après les sources antiques ). On trouvera un tableau des relations entre maîtres et disciples de l'école mégarique dans 19 R . Muller , Introduction à la pensée desMégariques, Paris 1989, p .67, et dansMontoneri 4 .

Études d 'orientation, bibliographies. Parmi les travaux cités ci-dessus, on distinguera tout particulièrement l'article de von Fritz 8, ainsi que les commen

taires et la bibliographie de Döring 1 ; la brève étude de Humbert 6 , p. 272- 277, peut aussi rendre service. L 'article de 20 P . Natorp, « Eukleides» 5 , RE VI 1, 1907, col. 1000 - 1003, est une bonne illustration de l'information et de l' interpré

tation traditionnelles. Étude d 'ensemble , commentaire des fragments et biblio

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277

EUCRATÈS

graphie dans Muller 2. Rappelons que Giannantoni 3, notes 3 -5, vol. IV , p. 33 60 , comprend plusieurs études sur Euclide et l'École de Mégare (avec bibliogra

phie dans le vol. III). Toute la première partie de Montoneri 4, p . 13-226 , est une étude générale où ce qui concerne Euclide proprement dit et son école couvre les pages 39 -91 (la bibliographie est dispersée dans les notes de bas de page). Voir récemment 21 K . Döring, « Sokrates, dis Sokratiker und die von ihnen

begründeten Traditionen » , GGP, Antike 2/1, p . 208-212, avec bibliographie p . 349. ROBERTMULLER .

Iconographie. Si la tradition littéraire ne nous fait pas connaître de statue antique d 'Euclide, elle mentionne néanmoins un trait important pour son iden tification éventuelle : d'après Aulu -Gelle VII 10, il s'habillait en femme, « tunica longa muliebri indutus et pallio versicolore amictus, et caput rica velatus e domo sua Megaris Athenas ad Socratem commeabat» . D 'où l'idée très tôt émise, et

reprise par Richter, Portraits, t. I, p. 120 et fig . 576 , de le reconnaître sur des monnaies deMégare du jer siècle av. J.-C ., où l'on voit une tête barbue, voilée et portant une boucle d'oreille . Comme aucune divinité n 'est concernée par ces

détails , l'hypothèse mérite d ' être retenue, et montrerait une fois de plus l'impor tance d 'un philosophe comme image de marque de sa ville d 'origine. MARIE -CHRISTINE HELLMANN . ја 83 EUCLIDE DE NICOMÉDIE Académicien, disciple de Carnéade (2- C 42),mentionné dans l'Academico

rum historia de Philodème, col. 23, 40 = 32, 34 (= Carnéade T 3b 11 Mette ).

TIZIANO DORANDI.

84 EUCRATÈS , fils deDeinon MII Personnage fictif du dialogue satirique de Lucien , Philopseudès. Agé de soixante ans, porteur d 'une longue barbe, il est dévoué à la philosophie (s 5 ). Dans le dialogue de Lucien , Tychiadès raconte à Philoclès les propos tenus par plusieurs philosophes venus rendre visite à Eucratès malade : Cléodème le péri

patéticien (P + C 159), Deinomachos le stoïcien (2D 32 ), Ion le platonicien

(2 -I 18 ), puis, arrivé plus tard au cours de la discussion, Arignotos le pytha goricien (2 A 332). Se trouvait également auprès d 'Eucratès le médecin Anti gonus, qui se révèle aussi crédule que les philosophes ( 21). De sa femme Dèmainétè,maintenant décédée, Eucratès a eu deux fils, dont l'un , de quinze ans, s'appelle Eucratidès.Le second est plus âgé (§ 27). On apprend également qu ’Eucratès a étudié en Égypte dans sa jeunesse (§ 33) auprès d'un scribe égyp tien , apparemment prêtre d 'Isis, Pancratès, qui a vécu vingt-trois ans dans le

sanctuaire et fut également le maître du pythagoricien Arignotos (§ 34). Épicratès a obtenu de la statue de Memnon sept vers oraculaires et a consulté le héros Amphilochus à Mallos en Cilicie ( 8 38 ). Toutes les interventions d ' Eu

cratès, comme celles des philosophes venus le visiter, concernent des histoires

EUCRATÈS

278

E 84

d 'apparitions de revenants, de démons, de statues miraculeuses, de philtres

magiques et autres prodiges incroyables. RICHARD GOULET.

85 EUCRATIDAS DE RHODES

II/Ia ?

L'épitaphe bilingue de l'épicurien Eucratidas, fils de Peisidamos , de Rhodes , enterré à Brindisi (IG XIV 674 = CIL IX 48) ne contient aucun indice chronolo gique , d 'autant moins que les trois copies du Xviie siècle qui l'ont conservée ne se souciaient pas de reproduire la forme des lettres. L 'époque la plus probable

est néanmoins celle où les écoles de Rhodes connurent leur plus grand rayonne ment, entre la fin du IIe siècle avant J.- C . et le début de notre ère. BERNADETTE PUECH. 86

EUDAIMON

DM II

Dans ses Pensées (VIII 25, 2 ), vers 176 ,Marc-Aurèle évoque divers person nagesmorts depuis longtemps et oubliés, notamment un certain Eudaimon , cité

avec d 'autres esprits “pénétrants” (Opquets), Charax, certainement le consulaire historien , philosophe et prêtre de Pergame ( - C 94), et Démétrios “ le Platoni cien " , certainement Aelius Demetrius (PD 62 ; voir surtout C . P . Jones, « A

Friend ofGalen » , CQ 17, 1967, p. 311-312),disciple de Favorinus. Cet Eudaimon peut être identique à l'homonyme d'Hadrianoi, père du sophiste Aelius Aristide (voir A 349 et la notice suivante) plutôt qu ' à Valerius

Eudaimon , directeur des bibliothèques grecque et latine, ab epistulis Graecis et procurateur de Lycie sous Hadrien, préfet d'Égypte sous Antonin , de 142 à 144 environ (voir 1 H . G . Pflaum , Les carrières procuratoriennes équestres sous le

Haut-Empire, Paris 1960, t. I,nº 110 , p. 264- 271 ; 2 P . Bureth (et G . Bastianini), ANRW II 10 , 1, 1988 , p. 485 et 508 ).

L 'Eudaimon de la Vita Hadriani, XV 3, conscius imperii puis réduit par Hadrien à la misère, n 'est pas sûrement identifié .

Cf. 3 Ch. Habicht, «Zwei neue Inschriften aus Pergamon », MDAI(I) 9 - 10 , 1959- 1960, p . 109- 125 ; 4 0 . Andrei, A . Claudius Charax di Pergamo. Interessi

antiquari e antichità cittadine nell'età degli Antonini, Bologna 1984 , p. 9-22 ; 5 S . A . Stertz , « Semper in omnibus varius : The Emperor Hadrian and Intel lectuals » , ANRW II 34 , 1, 1993, p . 620 -621.

Omis dans RE, KP. SIMONE FOLLET. Orhaneli ,Mysie ) 87 EUDAIMON (P. Aelius – ?) D 'HADRIANOI (=- Orhaneli,Mysie

D II

Philosophe. Père d'Aelius Aristide. Trois sources (Philostrate , V . Soph . II 9 (581), Sopater d 'Apamée, Prolégo

mènes à Aristide, 3-4 , Souda, s.v. 'Aploteíông A 3902, t. I, p . 353 Adler ) attestent que le père d' Aelius Aristide (» * A 349) s 'appelait très vraisemblable

ment Eudaimon . Selon Philostrate , Eudaimon aurait été soit le nom du père d ' Aristide, soit le nom du sophiste lui-même. Sopater précise qu ’Aristide a étu

E 87

EUDAIMON D 'HADRIANOI

279

dié la philosophie à Athènes en plus de la rhétorique, ce que semblent confirmer les nombreuses références à Platon ou aux æuvres de ce philosophe éparses dans ses discours. Selon la Souda , Eudaimon , le père d 'Aristide, était philosophe et prêtre d 'un sanctuaire de Zeus situé dans sa patrie. Aristide lui-même ne donne pas le nom de son père dans le seul récit de rêve où il évoque son existence (Or. XLVIII 40 Keil). L 'étude conjointe de différents passages des Discours sacrés (Or. XLVII 43

45 , XLIX 13, 16 ,41, L 1, 21, 48 -49, 71, 105 ;LI 10, 47 Keil) laisse entendre que le « foyer ancestral» de la famille paternelle du sophiste était situé dans l'Olym péné au voisinage d 'un sanctuaire de Zeus – qu ' Aristide qualifie toujours de « Zeus Olympios ancestral» – et qu 'il faut désormais localiser à proximité d 'Hadrianoi de l'Olympe en Haute Mysie (sinon très précisément dans le Kélès), sans que l'on sache pour autant quelle dénomination ancienne du dieu a pu, si elle a existé , être recouverte par l'épiclèse d'Olympios (voir 1 E . Schwertheim ,

Die Inschriften von Hadrianoiund Hadrianeia , coll. IK 33, Bonn , 1987, p . 86 et 155- 156 ). On ne saurait confondre, d 'autre part, le « foyer ancestral » quijouxtait le sanctuaire de ce Zeus Olympios local avec le domaine acheté en 141/2 , durant

le voyage d'Aristide en Égypte, par des membres de sa famille (Or. L 105 Keil), le Laneion , lequel se trouvait dans le voisinage d'Hadrianoutherai (Balıkesir :

Or. XVII 51-52 Keil) et devint par la suite la demeure d 'élection du sophiste (voir, sur tout cela, 2 M .-H . Quet, « Trophé » et destinée. L' itinéraire d 'Aelius Aristide, sophiste hellène et mystique païen , au siècle des Antonins, thèse d'État,

Université de Paris X -Nanterre, 1995, chapitres I et II). Eudaimon mourut très vraisemblablement alors que son fils était encore jeune, sans doute avant le début de la grave maladie qui affecta celui-ci à partir

de 143, à tout le moins avant l' épisode qui l'immobilisa au « foyer ancestral» dans l'hiver 147 /8 , puisque sa mère était alors seule présente avec le nourricier

dans la vaste demeure familiale (Or. XLIX 16 Keil). Aucune indication particu lière ne permet de préciser si Eudaimon mourut durant l'enfance ou l'ado lescence de son fils , ou bien pendant les séjours que celui-ci effectua à Athènes et en Égypte. En revanche, les réactions d ’Aristide à l'égard de Zeus Olympios et nombre de ses récits de rêves donnent à penser qu 'il fut orphelin de père avant

d'avoir atteint l'âge adulte et dansdes circonstances traumatisantes. Le sophiste portait le prénom et le gentilice d'Hadrien (OGI 709). Comme il n 'avait que vingt ans et demi à la mort de l'empereur et que la fondation

d'Hadrianoi, en 131, est l'æuvre d'Hadrien , c'est probablement Eudaimon qui obtint, le premier de sa famille , la citoyenneté romaine, peut-être par l'intermé diaire des Polyaenoi, qui comptèrent parmi eux l'un des premiers magistrats d 'Hadrianoi et qui détenaient une énorme influence dans l'Olympéné et à Pruse de l'Olympe. La remarque de Sopater sur l'obscurité de la famille maternelle du sophiste, ainsi que plusieurs observations d 'Aristide sur les obligations particu

lières des fils de pères illustres (Or. II 93- 96 , III 149 Lenz-Behr, XIX 5, XLII 3, XLVIII 42 Keil), laissent supposer qu 'Eudaimon a joui, en son temps, d'une

certaine notoriété. Il était en tout cas citoyen de Smyrne (Or. L 72-73 Keil). On

E 87 EUDAIMON D 'HADRIANOI ne peut donc totalement exclure la possibilité que le père d' Aristide ait été l'Eu daimon cité par Marc-Aurèle dans les Pensées VIII 25, 2, parmidivers person 280

nages du passé proche ayant sombré dans l'oubli, que l'empereur qualifie de « génies pénétrants » et entre lesquels il retient les noms d' A . Claudius Charax, l'historien , antiquaire et philosophe, fondateur des Propylées de l'Asklépieion de

Pergame (B +C 94 ) et de Démétrios le Platonicien (2D 62). On ne saurait pour autantconfondre le père d'Aristide avec l'Eudaimon conscius imperii qui fut réduit à la pauvreté par Hadrien, selon le témoignage de la Vita Hadriani XV 3, si du moins, comme l'a pensé 3 H .G . Pflaum (voir Les carrières procuratoriennes équestres sous le

Haut- Empire, Paris, 1960, t. I, nº 110, p . 264 -271), celui-ci doit être reconnu dans l'ab epistulis Graecis qui occupa trois emplois créés par Hadrien , avant d 'accéder, entre février et

juillet 142, à la préfecture de l'Égypte (voir, pour l'établisseementde cette date, 4 G . Bastia nini, « Lista dei prefetti d 'Egitto » ,ZPE 17, 1975, p . 263-328 (288-289 ) et 5 Id ., « Aggiunte et correzioni» , ZPE 38, 1980, p. 75 -89 [81-82 ]), où il succéda au brillant orateur ab epistulis Graecis, de descendance royale , C . Avidius Heliodorus, dont rien ne prouve - comme on avait pu le croire jusqu 'ici – qu 'il ait été philosophe, et que 6 S . Follet, « Lettres d 'Hadrien aux Épi curiens d 'Athènes (14 .2 . - 14 .3 .125) : SEG III 226 + IG II ? 1097 » , REG 107, 1994 , p. 158

171, distingue du philosophe Heliodorus (MH 28 ), ami intime d 'Hadrien mentionné dans l' Histoire Auguste (Vita Hadriani XV 5 et 10 ), en lequel elle reconnaît Héliodore, le

scholarque des épicuriens d ' Athènes, destinataire d 'une lettre d'Hadrien datée de 125. Sur le second Eudaimon , voir la notice précédente.

MARIE-HENRIETTE QUET. 88 EUDAMOS (Eudèmos) RE 16 DIV Dans Aristophane, Ploutos, v. 884, un personnage rapporte avoir acheté à

Eudamos pour une drachme un anneau censé le protéger contre les morsures des

vipères et des scorpions,mais non pas contre celles des sycophantes. Le Scho liaste commente : o d' EÚdauos papuaxonuing Ô Xovoothans, tatele OUÉ

νους δακτυλίους πωλών. φιλόσοφος δε ήν ούτος ο Εύδαμος φυσικούς δακτυλίους ποιών πρός δαίμονα και όφεις και τα τοιαύτα. « Eudamos était

un marchand de remèdes ou un vendeur d 'or qui vendait des anneaux enchantés. Cet Eudamos était un philosophe qui faisait des anneaux magiques contre le démon, les serpents et les dangers semblables» .

Théophraste, Hist. plant. IX 17, 2-3, parle de deux personnages homonymes qui correspondent à ce portrait: Eudèmos ó papuaxonoins et Eudèmos de Chios. Voir aussi Apollonius, Historiae mirabiles, 50 (ed. A . Giannini, Para doxographorum Graecorum reliquiae,Milano 1965), quireprend l'anecdote de

Théophraste à propos du premier Eudemos en donnant à ce dernier le nom d ' Eunomos.

Cf. M .Wellmann , art. « Eudemos» 16 , RE VI 1 , 1907 , col. 903-904. RICHARD GOULET. ІІІa 89 EUDAMOS RE 1 (“ Eugamos”) Académicien, disciple d'Arcésilas (M+ A 302). Arcésilas composa une épi

taphe pour Ménodore de Thyatire, qui futle bien-aimé d'Eudamos (D .L . IV 30 31 = F 122 Suppl. Hell.). Cf. H . von Arnim , art. « Eugamos » , RE VI 1, 1907, col. 984. TIZIANO DORANDI.

E91

EUDÈME DE CHYPRE

281

Iva

90 EUDÈME

Épicurien , par ailleurs inconnu,mentionné par Épicure dansune lettre conser

vée par Philodème, Pragmateiai, col.XV 5 et 15 Militello . Cf. W . Liebich , Aufbau, Absicht und Form der Pragmateiai Philodems,

Berlin 1960, p. 60, et C . Militello , CronErc 22, 1992, p. 157- 161; Ead ., Filo demo, Memorie epicuree (PHerc. 1418 e 310 ), coll. « La Scuola di Epicuro » 16 ,

Napoli 1977 .

TIZIANO DORANDI. 91 EUDÈME DE CHYPRE RE 10

DM IV

Membre du cercle platonicien de l'Académie et ami d'Aristote . Études d 'orientation. 1 E . Martini, art. « Eudemos» 10 , RE VI, 1909, col. 895 ; 2 W . Spoerri, art. « Eudemos» 2 , KP, col. 404 -405 ; 3 W . Spoerri, « Pro

sopographica » , MH 23, 1966 , p . 44-57 (avec une abondante bibliographie dans les notes) ; 4 A . H . Chroust, Aristotle. New light on his life and on some of his lost works, vol. II : « Observations on some of Aristotle 's lost works » , London 1973, p . 43-45 et n . 14 , p . 308 ; 5 K . Gaiser, « Die Elegie des Aristoteles an Eu demos » , MH 23 , 1966 , p . 84- 106 ; 6 W . Theiler, « Plato und Eudem » , MH 23 ,

1966 , p. 192- 193. Vie. Grâce à Cicéron (De divinatione I 53), nous possédons un témoignage important sur Eudème de Chypre , emprunté au dialogue d 'Aristote intitulé Econuoc ñ lepi puxñs (nous savons par Plutarque, Vie de Dion 22, 5 , que cet écrit de jeunesse du Stagirite fut écrit en l'honneur du philosophe Eudème de Chypre , après la mort au combat de ce dernier). Cicéron rapporte que, lors d'un voyage d 'Eudème en Macédoine, celui-ci tomba grièvementmalade à Phères en Thessalie . Il eut un songe : un jeune homme de belle apparence lui dit qu' il allait guérir sous peu, que le cruel tyran de Phères, Alexandre , allait être assassiné et

que cinq ans plus tard lui-même retournerait chez lui (quinquennio post domum esse rediturum ). La prédiction , nous dit Cicéron, se réalisa , mais Eudème ne revit pas son île , puisque, les cinq ans écoulés, il mourut devant Syracuse ; son âme était ainsi retournée dans sa vraie patrie (domum ). Or Alexandre de Phères fut assassiné, semble-t-il, vers la fin de 358 (ou au début de 357), ce qui nous

donne, comme date de la mort d'Eudème, fin 353 (ou début 352), une année en tout cas après l'assassinat de Dion de Syracuse (été 354 ), quand les partisans de

ce dernier tentèrent de reprendre la ville aux côtés du neveu de Dion, Hipparinos (sur les détails de la chronologie , cf. Spoerri 3 ).

On a souventadmis depuis J. Bernays (Die Dialoge des Aristoteles in ihrem Verhältnis zu seinen übrigen Werken, Berlin 1863, p. 21 et 143 sqq.) qu 'Eudème

avait été exilé de Chypre; Spoerri 3, p . 46, pense plutôt que les motifs qui rete naient Eudème loin de Chypre sont à chercher dans la propagandemenée par l'ami d 'Aristote en faveur de Dion de Syracuse .

Sur l'identité du destinataire de l'élégie d ' Aristote adressée à Eudème (npòs Eüánuov) conservée par Olympiodore dans son Commentaire sur le Gorgias

(41, 9, p . 215 , 2-11 Westerink = fr. 1, p. 146 Ross = M . Plezia, Aristotelis priva

282

EUDÈME DE CHYPRE

E91

torum scriptorum fragmenta, coll. BT, Leipzig 1977, « Carmina » T3 et F3

[bibliographie dans l'apparat]),cf.Martini 1 (Eudème de Rhodes), F. Wehrli,art. « Eudemos» 11, RESuppl. XI, 1968, col. 653 (Eudème de Rhodes), Gaiser 5, p . 92 sqq. (Eudème de Chypre ); Theiler 6 (Eudème de Rhodes). L 'Eudème auquel renvoie le titre du traité de morale aristotélicien 'HOixà Eủónula a parfois été considéré comme étant le Chypriote et non le Rhodien (cf.

V . Décarie , Aristote , Ethique à Eudème, Paris Montréal 1978 , p. 30 ; sur cette

question,cf.aussi DPhA Suppl. I, et » E 93 sub fine). JEAN-PIERRE SCHNEIDER .

92 EUDÈME DE PERGAME RE 12 et RESuppl. III:12 Philosophe péripatéticien du IIe siècle de notre ère .

DM II

A . Sources .Notre source sur ce philosophe est Galien , qui le cite en plusieurs endroits. Le médecin de Pergame cependant mentionne dans ses ouvrages plu sieurs personnages du nom d 'Eudème. Il convient donc de soigneusement distin

guer le philosophe péripatéticien Eudème quinous intéresse ici de ses nombreux homonymes. Galien cite en effet dans ses écrits, outre Eudème de Pergame,

quatre autres Eudème: (1) Eudème de Rhodes ( E93), auteur d 'un traité sur le

style bien connu de Galien (De sophismatis, t.XIV , p . 593, 9 Kühn ; De libris propriis, t. XIX , p . 47 K .), ( 2) un médecin (RE 17), contemporain d 'Hérophile et Érasistrate , auteur d 'une ávatouń (De uteri dissectione, t. II, p . 890 K . ; De usu

partium t. III, p . 203 K .; De semine, t. IV , p. 646 K . ; De locis affectis, t. VIII, p . 212 K . ; In Hippocratis De natura hominis, t. XV, p . 134 K . ; In Hippocratis Aphorismi, t. XVIII A , p. 7 K .), ( 3 ) un élève de Thémison , disciple de l'école

méthodiste au fer siècle de notre ère (RE 18), auteur d 'un ouvrage de pharmaco logie écrit en vers (Demethodo medendi, t. X , p . 53 K . ; De antidotis, t. XIV ,

p . 185 et 201 K .) et enfin (4) un chirurgien originaire de Pergame (RE 19), spé cialisé dans les trépanations, inventeur d'un emplâtre dit d ’Isis, et dont Galien eut l'occasion, bien que rarement, d 'écouter les leçons (De methodo medendi,

t. X , p. 454 K . ; De compositione medicamentorum secundum locos, t. XIII , p. 291 K .). Le philosophe péripatéticien a parfois été confondu avec ce dernier chirurgien , originaire comme lui de Pergame. C ' est le cas dans l'index de l'édi tion Kühn qui confond les deux personnages, ainsi d 'ailleurs que l'anatomiste alexandrin du même nom . A . Stein , dans la Prosopographia Imperii Romani II, Berlin , 1897 , p. 41, nº 81, identifie de même le philosophe avec le chirurgien originaire de Pergame qui inventa l’ emplâtre d'Isis . J. Ilberg cependant, dans

« Aus Galens Praxis. Ein Kulturbild aus der römischen Kaiserzeit» , JKPh 15, 1905, p . 286 (= Antike Medizin , hrsg. von H . Flashar, Darmstadt 1971, p . 376 ) émet des doutes sur cette identification à laquelle, à ses yeux, il convient de

renoncer. M . Wellmann et E. Martini enfin , dans la RE VI 1, 1907, col. 902 et 905, s. v. Eudemos 12 et 19, distinguent respectivement le chirurgien et le philo sophe. Et Martini dans la RESuppl. III, 1918, col. 445 -446 , rédige la première

notice consacrée au seulphilosophe Eudème de Pergame.

E 92

EUDÈME DE PERGAME

283

Comme l'avait déjà bien vu J. Ilberg , il convient donc de distinguer un Eudème philosophe qualifié par Galien de piłócopos (De temperamentis II 6, t. I, p. 631, 5 Kühn = éd . G .Helmreich,coll. BT, Leipzig 1904, p. 76 ; In Hippo cratis De victu acutorum II 29, t. XV, p. 565, 11 K . = éd. G . Helmreich , coll. CMG V 9, 1, Berlin 1914, p. 187, 16 ; In Hippocratis Epidemiarum librum I, III 17 , t. XVII A , p . 250, 6 - 7 K . = éd . E . Wenkebach et F . Pfaff, coll. CMG V 10 , 1 ,

Berlin 1934, p. 125, 19-20) et de trepitaTntixós (De anatomicis administratio nibus I 2 , t. II, p. 218 K . = éd. I. Garofalo, Napoli 1986 , p. 5, 1-2 ; De prae notione 2, t. XIV , p. 605 -606 K . = éd. V . Nutton , coll. CMG V 8, 1, Berlin 1979 ,

p . 74) d'un Eudème chirurgien qui ne semble pas avoir jamais longtemps quitté Pergame et que Galien ne paraît avoir connu que lorsque celui-ci avait déjà atteint un âge avancé, d'où les épithètesde tpeobúrns (Demethodo medendi VI 6 , t. X , p. 454 K .) etopeobúrepoç (De comp. med. sec. loc. IX 5, t. XIII, p. 291

K .) attachées à ce personnage. B. Biographie : Repères chronologiques. Le philosophe péripatéticien Eudème vivait à

Rome au cours de l'hiver 162/3 lorsque Galien fut amené à le soigner pour la première fois. Galien mentionne en effet longuement Eudème dans le Pronostic à l'occasion des accès de fièvre dont souffrait le philosophe et dontses médecins

habituels étaient impuissants à le soulager (De praenotione, t. XIV, p. 605 sqq. K . = p. 74 sqq. Nutton ). Originaire de Pergame (voir une allusion de Galien à leur patrie commune dans t. XIV , p . 620 -621 K . = p. 90 , 8 -9 Nutton ), le philo

sophe péripatéticien avait connu le père de Galien (t. XIV, p .608 K. = p. 76 , 29 Nutton ) avant de venir s' installer à Rome, où il vivait depuis déjà une dizaine d 'années (voir la mention par Eudème d 'un événement remontant à une dizaine

d'années de là dans t. XIV , p. 608 et 623 K . = p. 92, 23-24 Nutton :npò étőv US déxa ). Il était dans sa soixante -troisièmeannée quand il fut atteint d 'un accès de fièvre quarte (fièvre paludique ): Enxootov xai tpitov ērog ayovta (t. XIV ,

p .614 K . = p. 82, 20 -21 Nutton ), ce qui permet de situer sa date de naissance vers 100 de notre ère. Lamaladie d 'Eudème. Cet épisode de la vie d 'Eudème nous est bien connu grâce en par

ticulier au témoignage de Galien dans le Pronostic (t. XIV , p. 605 sqq. K . = p . 74 sqq. Nutton ). Eudème était lié au médecin de Pergame et lui rendaitmême visite chez lui (ovveyé Veto uÈV

ÉDos nuīv , t. XIV , p . 606 K . = p . 74 , 22 - 23 Nutton ), mais Galien , arrivé de

fraîche date dans la capitale, n 'était pas spécialement attaché à son service et Eudème restait suivi par ses médecins habituels (tois ouvñdeolv latpots , t. XIV , p. 608 K . = p. 76 , 22

Nutton ). Un jour le philosophe péripatéticien fut pris de frissons, puis ne remarqua plus rien d'inquiétantpendant les deux jours suivants. Amené à prendre le pouls du philosophe au début de sa maladie ,Galien soupçonne un début de fièvre quarte, mais ignorant le rythme exact des

pulsations d 'Eudème à l'état normal, il hésite encore par prudence à se prononcer . Lors d 'une poussée de fièvre ultérieure, Galien osera cependant s'opposer à la prescription d'une thé

riaque par les autres médecins.Mais Eudème, tout d'abord assez enclin à suivre l'avis de Galien , n 'ose finalement pas s'opposer à ses propres médecins et suit leurs recommandations. Le résultat est celui prévu parGalien : la fièvre redouble d 'intensité. Les médecins augmentent alors les doses et l'accès de fièvre s ' en trouve proportionnellement accru . Questionné par Eudème sur l' évolution de sa maladie , Galien demande alors à pouvoir examiner les urines du

matin avant de se prononcer. Il prédit à Eudème un troisième accès sévère de fièvre quarte à

EUDÈME DE PERGAME

284

E92

peu près à la mêmeheure que les précédents puis prend congé. Cependant, épuisé par ces trois accès de fièvre successifs, Eudème est donné comme mort par ses médecins au milieu de l'hiver. Etabli dans une maison proche de celle d 'Eudème, Galien visite régulièrement le phi

losophe et se rend à ses appels deux fois par jour. Finalement, devant tous les médecins réunis, il prédit le moment exact où le troisième accès prendra fin et où Eudème recouvrera la santé, remportant ainsi la victoire sur tous ses rivaux . Nul doute que cette cure réussie d 'un grand

personnage bien connu de la haute société romaine apporta à Galien une renommée enviée et lui assura le succès pour la suite de sa carrière. Aussi Galien ne se prive-t-il pas de citer le nom d 'Eudème et de faire plusieurs fois allusion dans ses écrits à cet épisode pour lui si glo

rieux (voir De temperamentis II 6 ,t. I, p .631-632 K . = p. 76 -77 Helmreich ; In Hippocratis De victu acutorum II 29, 1. XV, p. 565-567 K . = p. 187-188 Helmreich , et In Hippocratis De humoribus II 20 , 1. XVI, p. 276 K ., même si ce dernier passage est à considérer avec prudence

puisque le traité est un faux de la Renaissance qui repose sur l' arrangement de textes en grande partie authentiques).

La société romaine fréquentée par le philosophe. A l'époque de la maladie d 'Eudème, au cours de cet hiver 162/3, font partie des familiers d'Eudème les membres les plus influents de la société romaine. Le matin même où Galien vient examiner les urines d'Eudème, arrivent chez le philosophe L . Sergius

Paulus, qui à l'époque des faits avait déjà été consul sous Antonin le Pieux et qui, peu après, selon Galien , devait devenir préfet de la ville , avant semble -t- il

d'exercer un second consulat, ainsi que Flavius Boethus (- B 49), qui avait, lui aussi, déjà exercé le consulat et devait dans la suite être nommé gouverneur de Syrie -Palestine. Ces deux personnages, nous dit Galien , étaient très férus de la philosophie d'Aristote (Oráblos < Bondóc> , ... xai ajtós ÉOTEUXUS SÈ nepi

Tņu 'Aplototénous plooopiav conep xai ó laŭmoç, t. XIV , p. 612 K . = p . 80 , 17- 19 Nutton ). Ils sont témoins du troisième accès de fièvre qui frappe

Eudème etadmirentsans réserve lemédecin de Pergame pour sa science du pro nostic . Ils le prient même d'organiser à leur intention quelque démonstration d'anatomie, alors fort en vogue dans les milieux romains. Galien mentionne

encore commeappartenant au même cercle un certain Severus, consul lui aussi, et également feru de la philosophie d' Aristote (ύστερον δε και Σεβήρος

ύπατος μεν ών, εσπουδακώς δε περί την Αριστοτέλους φιλοσοφίαν, t. XIV , p .613 K . = p. 82, 6 -7 Nutton ). Sur Claudius Severus, consul ordinaire en 146, qui épousa la fille aînée de Marc -Aurèle , voir P. Hadot, Marc Aurèle, Écrits pour lui-même, CUF , t. I, Paris 1998, Introduction géné rale, p. CXIV-CXV .

L 'activité philosophique d 'Eudème. On ne sait rien de la formation philo

sophique d'Eudème. Peut-être a -t-il été l'élève du philosophe péripatéticien Aspasios ( A 461), commentateur d'Aristote . En fait on sait seulement que Galien eut pour maître à Pergame un élève d'Aspasios de retour dans sa patrie

apres un long voyage a l' étranger (εν τούτω δε τις και άλλος ήκε πολίτης ημέτερος εξ αποδημίας μακράς, 'Ασπασίου του Περιπατητικου μαθητής,

De propriorum animi cujuslibet affectuum dignotione et curatione 8, t. V, p.41 42 K . = éd. W . de Boer, coll. CMG V 4, 1.1, Berlin 1937, p. 28),mais on ignore qui se cache sous les traits de cet inconnu : Eudème de Pergamemais peut-être

aussiHerminos (» H 83, le maître d'Alexandre d’Aphrodise (> A 112] (voir P.

E93

EUDÈME DE RHODES

285

Moraux, Galien de Pergame, Paris 1985, p. 42 n. 3, et V. Nutton, commentaire au Pronostic, p. 157). Sur l'identification de ce philosophe, voir DPHA I, A 461, et P. Moraux, Aristotelismus II, p . 226 .

Il ne fait en tout cas aucun doute qu 'Eudème enseigna la philosophie. Peut être fut- il même le maître de Galien, si on prend au sens propre le titre de Olôáoxaros dont le médecin de Pergame le gratifie à deux reprises dans le Pro nostic . Galien déclare en effet se rendre auprès de lui pour le soigner comme auprès d 'un maître (oła Oldaoxány , t. XIV , p. 613 K . = p. 82, 12 Nutton ) et

l'appelle « son très cher maître » au moment où le philosophe le met en garde contre les haines que ses récents succès ne manqueront pas de lui attirer

(piatate Oldáoxare, t. XIV, p. 624 K . = p . 92, 26 Nutton ). Il est vrai que dans toute cette discussion, au cours de laquelle Eudèmemet en garde le jeune pro vincial contre les dangers de la capitale, le ton est bien celui d'un maître à son disciple . Mais peut-être aussi Galien veut- il simplement, par ce titre de

Olbáoxaros, remercier en Eudème celui qui lui dévoile les secrets de la capitale et lui enseigne les pièges à éviter. En dehors d'autres renseignements plus expli cites sur ce point, la question reste ouverte . C . L 'æuvre philosophique d 'Eudème. Aucun ouvrage ne nous a été trans mis sous le nom d 'Eudème de Pergame. E .Martini, art. « Eudemos» 12, RE VI 1 , 1907, col. 902 , en fait un peu imprudemment l'auteur d 'un Pronostic, mais

abandonne cette affirmation dans RESuppl. III, 1918 , col. 445-446 . Il ne reste pas davantage de témoignage sur son activité littéraire et scientifique. Tout au plus sa présence aux démonstrations anatomiques de Galien est-elle notée dans les Administrations anatomiques I 2 (napovtwv aŭtats del mèv Eủonuou te TOŨ TIEPITIATNTIXOŨ xai ..., t. II, p . 218 K . = éd . I. Garofalo ,Napoli 1986 , p . 5 ), mais c 'est tout. Pour le reste , il faudra se contenter de supposer que, comme les principaux philosophes péripatéticiens contemporains, il dut s'occuper d'ensei gner et de commenter les cuvres d 'Aristote. VÉRONIQUE BOUDON .

93

EUDÈME DE RHODES RESuppl. XI: 11

MF IV

Péripatéticien ,disciple direct d 'Aristote. Fragments et témoignages . 1 F . Wehrli, Eudemos von Rhodos, coll. « Die

Schule des Aristoteles» 8 , Basel/Stuttgart 19692 (textes, p. 9 -72 (151 « frag

ments » ]; commentaire, p. 77- 123) ; 2 L . Spengel, Eudemii Rhodii Peripatetici fragmenta quae supersunt, Berlin 1867 (1870 ed. altera stereotype iterata). Études d 'orientation . 3 E . Martini, art. « Eudemos» 11, RE VI, 1909, col. 895 -901 ; 4 F. Wehrli, art. « Eudemos» 11, RESuppl. XI, 1968, col. 652 -658 ; 5 U . Schöbe, Quaestiones Eudemeae. De primo Physicorum libro , Diss. Halle

1931, 92 p .; 6 W . Spoerri, art. « Eudemos » 1, KP, col. 403-404 (avec une impor

tante bibliographie ); 7 F . Wehrli, « Der Peripatos bis zum Beginn der römischen

Kaiserzeit» , GGP, Antike 3, 1983, p. 530 -531 ; 8 W . Burkert, Lore and science in ancient Pythagoreanism ,CambridgeMass. 1972 (trad. revue de Weisheit und

EUDÈME DE RHODES

286

E 93

Wissenschaft : Studien zu Pythagoras, Philolaos und Platon , Nürnberg 1962) ;

9 F. Dirlmeier, Aristoteles. Eudemische Ethik , übersetzt und kommentiert von F . D ., « Aristoteles, Werke in deutscher Übersetzung » , Berlin (1962), 19793, p . 109- 111 et p . 127- 143 ; 10 K . Gaiser, « Die Elegie des Aristoteles an Eude mos» , MH 23, 1966 , p . 84-106 ; 11 W . Theiler, « Plato und Eudem » , MH 23, 1966 , p . 192-193. Vie. On n 'a conservé aucune vie antique d 'Eudème de Rhodes (Diogène Laërce ne mentionne notre philosophe qu 'à deux reprises: en I 9, à propos des

Mages, et en I 23, à propos de Thalès). On sait seulement qu 'un certain Damas ( D 2a ), inconnu par ailleurs, en avait écrit une (fr. 1 Wehrli et commentaire p . 77). On peut supposer avec Wehrli 7 , p . 530, qu 'Eudème est né avant 350a: en

effet, il était pressenti comme successeur d ' Aristote à la tête du Lycée , ce qui laisse supposer qu'en 322 il devait avoir au moins une trentaine d' années. Une

fois que le choix se fut porté sur Théophraste (Aristote avait finalement exprimé discrètement sa préférence pour l'Érésien , comme l'indique une anecdote rap

portée par Aulu -Gelle, Nuits attiques XIII 5 = fr. 5 Wehrli), Eudème retourna à Rhodes où il ouvrit sans doute une école (inférence tirée du fr. 6 Wehrli) et y

établit une tradition péripatéticienne ; cela permet d 'expliquer l'existence d 'un certain nombre de jeunes péripatéticiens formés apparemment sur l' île : Praxi phane de Mytilène ( ?) , Hieronymus de Rhodes (» H 129) et Andronicus ( P A 181] (fr. 2 Wehrli ; cf. Wehrli 1 , p. 78 ). Il resta cependant en contact

épistolaire avec Théophraste (fr. 6 Wehrli). Eudème passait dans l'Antiquité pour le plus aristotélicien parmi les disciples

d'Aristote (Simplicius, In Phys., p. 133, 21 et 411, 16 Diels). Sur l'identité du destinataire de l' élégie adressée par Aristote à Eudème

(Ipós Eydnuov, fr. 673 Rose ), cf. Wehrli 4 , col. 653, et la notice consacrée à Eudème de Chypre (» E 91). Euvres. On ne possède pas de catalogue des æuvres d 'Eudème. Ses recherches semblent avoir porté principalement, d'un côté, sur la logique et la physique – où il suit de près, sans doute dans des cours, Aristote -, de l'autre , sur l'histoire des sciences . Les auteurs anciens, principalement les commentateurs

tardifs d 'Aristote,mentionnent lesouvrages suivants : ( 1) Kamyopiar, Catégories (fr. 7 -8 Wehrli). Seuls trois témoignages tardifs

parlent de Catégories écrites par Eudème (Philopon, In Cat., p. 7, 16 Busse ; David , In Porph. Isag., p . 102, 4 Busse , auxquels il faut ajouter Olympiodore , Proleg., 13, 24-25 Busse); il est étrange que Simplicius,dans la partie doxogra phique de son commentaire sur les Catégories, ne mentionne pas Eudème. (2 ) Tepi Nétews, Sur l'expression (fr. 25 -29 Wehrli) ; au moins 2 livres ( cf. fr.

26 ; 27). Il est vraisemblable que le témoignage isolé de Philopon (In Cat., p . 7 , 16 sqq. Busse), selon lequel Eudème aurait écrit un lepi Épunveias, concerne en fait le NepiNétews. Galien (2 + G 3 ) avait donné de ce texte un commentaire en 3 livres aujourd 'hui perdu (Wehrli 1 , p . 85 ; cf. 12 R . B . Edlow , Galen on lan

guage and ambiguity,coll.« Philosophia antiqua » 31,Leiden 1977, p.54-55).

E93

EUDÈME DE RHODES

287

( 3 ) 'Avautixá , Analytiques (fr. 9 -24 Wehrli) ; au moins 2 livres (fr. 9 Wehrli) .

(4 ) QUOLXá, Physique (fr. 31-123 Wehrli); au moins 4 livres (cf. fr. 105 Wehrli). La plupart des fragments proviennent du commentaire de Simplicius sur la Physique. Pour l'examen des textes, il est encore utile de se reporter à Schöbe 5.

(5 ) Lepi ywvías, Sur l'angle (fr. 30 Wehrli). (6 ) CewuetPix iotopia ,Histoire de la géométrie (fr. 133-141 Wehrli); au moins 2 livres (fr. 140 Wehrli) ; 4 livres, à supposer que le titre analogue [ 'lotoplőv yEWLETPLXőv a '- 8 '] figurant dans le catalogue des æuvres de Théo

phraste (D .L . V 48) désigne l'ouvrage d'Eudème (cf. Wehrli 7 , p. 530, et Théo phraste, fr. 264, 3 Fortenbaugh et alii). Dans les témoignages, le titre apparaît

sous les deux formes suivantes : ai rewuetplxai iotopíal (fr. 134 Wehrli (Proclus]), º yewMETPLX ) Lotopía (fr. 139 (Eutocius); fr. 140 (Simplicius)). Sur

les témoignages relatifs à des pythagoriciens, cf. Burkert 8, p . 402,449-451. Sur le catalogue des géomètres anciens fourni par Proclus dans le prologue de son commentaire sur le premier livre des Éléments d 'Euclide (Proclus, In Eucl.

p . 64, 16 - 68,6 Friedlein = fr. 133 Wehrli), la littératuremoderne est abondante il faut dire que le nom d 'Eudème qu 'on a souvent considéré comme la source principale n 'y figure pas -, cf. Wehrli 1 , p. 114 -115 , et 13 C . Eggers Lan ,

« Eudemo y el “ catálogo de geómetras” de Proclo » , Emerita 53, 1985, p . 127 157 (le « catalogue » est sans valeur pour l'histoire de la géométrie pré-eucli dienne et sa source n 'est pas Eudème).

( 7) ’Api untixn iotopía , Histoire de l' arithmétique (fr. 142 Wehrli); au

moins 2 livres; l'hypothèse de l'identité de cet ouvrage avec le 'Apcountix@ v ιστοριών περί αυξήσεως α' de Théophraste ne peut des lors etre correcte que si on corrige le titre, par exemple en considérant que les lettres désignant le nombre

de livres sonttombées apres ιστοριών et que le Περί αυξήσεως α ' est un ouvrage différent (D .L . V 50 ; pour la forme du titre , cf. fr. 1 et l'apparat critique ad loc. de l' éd. Fortenbaugh et alii; cf.Wehrli 7, p. 530 ).

(8 ) ’Aotpooyixen iotopía , Histoire de l'astronomie (fr. 143- 149Wehrli) ;au moins 2 livres (cf. fr. 149 Wehrli), 6 livres, si on admet l' identité de cet ouvrage

avec l’’Aotpooyixñs iotopías a '- s' de Théophraste (fr. 137, 43 Fortenbaugh et alii). Notons que la forme du titre, tel qu 'il apparaît dans les fragments, est variable : ai đotporoyixai iotopía . (fr. 143 Wehrli (Clément d 'Alexandrie ]), º

TIEUì cũo đợtootoroducv0v iotopia (tr. 144 [ Diogène Laärce]), ai đợtoo royiai (fr. 145 [Théon de Smyrne]), ń dotporoyıxn iotopía (fr. 148 (Simpli cius)). Sur les témoignages concernant le pythagorisme, cf. Burkert 8 , p . 308 310 . Pour l'exposé du système des sphères homocentriques d'Eudoxe de Cnide, cf. 14 F . Lasserre, Die Fragmente des Eudoxos von Knidos, hrsg., übersetzt und

kommentiert von F. L ., coll. « Texte und Kommentare» 4 , Berlin 1966 , F 122 125 et p. 199.

EUDÈME DE RHODES

288

E 93

Grâce à un long passage du Traité des premiers principes du philosophe néoplatonicien Damascius, rapportant les considérations du « péripatéticien Eu

dème» sur les premiers principes dans les théologies d 'Orphée, d'Homère, d 'Hésiode etc., on a pu supposer qu'Eudème avait aussi composé une histoire de la théologie (Damascius, De principiis 124 -125, vol. I, p . 319 sqq . Ruelle

[Damascius, Traité des premiers principes, texte établi par L .G .Westerink et traduit par J. Combès, CUF , t. III, Paris 1991, p . 162- 167, et notes 1 et 2 ad locum avec bibliographie ) = fr. 150 Wehrli, sous la rubrique « Geschichte der Theologie ?» ). A propos de la conception attribuée aux Máyou du fr. 150 (p . 71,

13-18) Wehrli, cf. 15 G .Gnoli, « A note on the Magi and Eudemus of Rhodes» , Acta Iranica 28, 1988, p. 283-288 (l'auteur voit en Eudème de Rhodes la source

de ce passage). A côté de ces ouvrages, Wehrli 1 rassemble sous une même rubrique les

divers témoignages sur les animaux (« Tiergeschichten ? », fr. 125 -132). L 'euvre zoologique d 'Eudème (de Rhodes ?), à laquelle se réfèrent Apulée (Apologia 36 = fr. 125 Wehrli) et surtout Élien en plusieurs endroits de son ouvrage Sur la nature des animaux (De natura animalium III 20 , 21; IV 8 , 45.53.56 ; V 7 =

fr. 126 -132 Wehrli), comportait des anecdotes sur la psychologie animale, en particulier sur l'intelligence et le sens moral des animaux . De par le caractère

non « scientifique» de ces anecdotes , on a contesté l' attribution de ces témoi gnages à notre philosophe (Martini 3 , col. 901 [l'auteur propose d 'attribuer ces anecdotes à un paradoxographe homonyme du début de l'époque impériale ] ;

contra , Wehrli 7 , p . 531). Le témoignage d 'Apulée (fr. 125 Wehrli), qui men tionne, comme auteurs d' écrits zoologiques, un Eudème aux côtés d 'Aristote , de Théophraste et de Lycon , semble confirmer l'attribution d 'une æuvre de ce type

au Rhodien (paceMartini 3 , col. 901). Sur le rôle joué par Eudème dans la publication de la Métaphysique d' Aristote , selon un témoignage d 'Asclépius (In Metaph ., p. 4 , 4 - 16 Hayduck =

fr. 3 Wehrli ; cf. aussi Ps.-Alexandre ( =Michel d'Éphèse ?], In Metaph., p . 515, 3-11 Hayduck = fr. 124 Wehrli), cf. P . Moraux, Les listes anciennes des ouvrages d 'Aristote, Louvain 1951, p . 319 : de cette anecdote , invraisemblable sur plus d 'un point,Moraux estime qu 'on peut retenir le fait qu 'Eudème s ' était occupé de la mise au point de la Métaphysique, après la mort d 'Aristote (cf.

W . D . Ross, Aristotle 'sMetaphysics, Oxford 1924 , t. I, p . XXXI-XXXII). L 'hypo thèse de l'existence d'une Métaphysique d'Eudèmemanque d'indices solides. Le fr. 124 Wehrli (Ps.-Alexandre, In Metaph ., p. 515, 3- 11 Hayduck ) ne permet pas de supposer qu ’Eudème soit l'auteur de Tà uetà tà quoixá (Wehrli 1, p . 51,

avec un point d 'interrogation , supprimé dans Wehrli 7 , p . 530) ; il faut plutôt rapprocher ce témoignage du rôle qu 'a pu jouer Eudème dans la publication de

la Métaphysique d'Aristote (cf.Wehrli 1, p . 111).

On ne sait ni si l'Éthique eudémienne attribuée aujourd 'hui généralement à Aristote fait référence à notre philosopheni quel rapport existe précisément entre cet Eudème, quel qu 'il soit par ailleurs, et l'ouvrage d 'Aristote (cf. Dirlmeier 9 ,

p . 109 sqq. (pour l'exposé des hypothèses ];Gaiser 10 [l' épithète renvoie à Eu

E96

EUDOCIA

289

dème de Chypre) ; Theiler 11 (critique du précédent) ; 16 I. Düring, art.

« Aristoteles» , RESuppl. XI, 1968 , col. 159-336 (col. 282-283) ; Spoerri 6 , col. 404 (pour la bibliographie )). JEAN -PIERRE SCHNEIDER .

4 EUDICOS PA 5422, absent de la RE

F va

Eudicos , fils d 'Apémantos (PA 1347), était connu à Athènes comme l'un des

admirateurs d'Hippias d'Élis ( + H 145] (Petit Hippias 373 a ; Grand Hippias 286 b ) . Au tout début du Petit Hippias (363 a-b ), c'est lui qu'interpelle Socrate pour lui demander ce qu ' il pense de l'exposé que vient de faire Hippias sur

Homère. La réponse de Socrate laisse entendre qu'Apémantos était un commen tateur accrédité d'Homère . LUC BRISSON.

15 EUDICOS DE LOCRES

Pythagoricien ancien dont le nom figure dans le catalogue de Jamblique, V . pyth . 36 , 267, p . 145, 7 Deubner. BRUNO CENTRONE. XI 46 EUDOCIA et PSEUDO -EUDOCIA RE 3 L 'impératrice Eudocia Macrembolitissa (morte après 1078), épouse de l'Em

pereur Constantin X Ducas, puis de l'Empereur Romanos IV Diogène, est pré

sentée comme l'auteur d 'une vaste compilation mythologique, archéologique et biographique, intitulée 'Iwviá (Violarium ), conservée dans les Paris. gr. 3057 et

Paris. suppl. gr. 42. Édition : 1 I. Flach (édit.), Eudociae Augustae Violarium , Lipsiae 1880, X 782 p .

Études d 'orientation : 2 K . Krumbacher, Geschichte der byzantinischen Lit teratur von Justinian bis zum Ende des oströmischen Reiches (527- 1453), coll. « Handbuch der klassischen Altertumswissenschaft » IX 1, 2e éd., München

1897, p. 578 -579 ; 3 L . Cohn, art. « Eudokia Makrembolitissa » 3, RE VI 1, 1909, col. 912-913 ; 4 W . Schmid et O . Stählin , Geschichte der griechischen Litteratur 2 , 2 , coll. « Handbuch der Altertumswissenschaft » VII 2 , 2 , 6e éd ., München 1924 , p . 1092 - 1093. Bibliographie : Krumbacher 2, p . 579.

Le Violarium d 'Eudocia est utilisé depuis longtemps comme un recueil de matériaux d ' érudition et continue d 'être cité de nos jours, bien qu'il ait été établi

de façon probante qu'il s'agit d' une compilation récente (XVI° siècle ), fausse ment attribuée à l'impératrice Eudocia . L ' auteur en est le célèbre écrivain et faussaire Constantin Palaeocappa, et l'ouvrage doit avoir été composé dans les

années 1540. Le compilateur se fonde sur des matériaux connus qui, pour la plu part, avaient déjà été publiés, par exemple la Souda (imprimée en 1514 ), le lexique de l'humaniste Varinus Phavorinus Camers (imprimé en 1538), Cornutus

290

EUDOCIA

E 96

et Palaephatos (imprimés en 1543). L 'ouvrage n 'a donc pas de valeur indépen

dante. Sur l'ouvrage en tant que faux, voir 5 P. Pulch, De Eudociae quod fertur Violario , Diss . Strassburg 1880, 44 p .; 6 Id., « Zu Eudocia . Constantinus Palaeo

cappa, der Verfasser des Violarium » , Hermes 17, 1882, p. 177 -192. Sur

Constantin Palaeocappa, voir aussi 7 L . Cohn, « Konstantin Palaeokappa und Jakob Diassorinos » , dans Philologische Abhandlungen Martin Hertz zum siebzigsten Geburtstage von ehemaligen Schülern dargebracht, Berlin 1888, p. 123 -143 ; 8 H . Brown Wicher, « Constantinus Palaeocappa », dans F. E. Cranz et P. O . Kristeller (édit.), Catalogus Translationum et Commentariorum : Mediaeval and Renaissance Latin Translations and Commentaries : Annotated Lists and Guides 5 ,Washington, D . C . 1984, p . 136 -139. JAN FREDRIK KINDSTRAND .

97 EUDORE D 'ALEXANDRIE RE 10

fl. ca 40a

Philosophe académicien marqué par le courant néopythagoricien . Il est pré senté par Strabon (648-19P ), Geogr. XVII, 790 C ., comme un contemporain d 'une génération antérieure. Strabon rapporte une discussion sur les causes de la

crue du Nil qu 'il aurait eue avec Ariston d'Alexandrie (24 A 393), disciple d'An tiochus d' Ascalon ( + A 200 ). Eudore aurait accusé Ariston de l'avoir plagié , mais Strabon considérait que le style était d'avantage celui d 'Ariston que celui

d'Eudore. Arius Didyme( A 324), philosophe de cour de l'empereur Auguste , fait également référence à un ouvrage d'Eudore (ap. Stobée, Ecl. II 42 , 7 sqq.

Wachsmuth ) qu'il auraitmis à contribution pour composer son propre résumé des doctrines éthiques.

Il est difficile d'établir où Eudore a étudié la philosophie platonicienne. Il n 'était sans doute pas un élève d' Antiochus, mais il a pu être en contact avec

Dion d 'Alexandrie (3 - D 162), un élève d ' Antiochus, qui vint enseigner à Alexandrie vers 60 av. J.- C . Son platonisme est cependant très différent de celui d 'Antiochus : il réintroduit apparemment une part de transcendantalisme qui

marque une rupture avec la position fortement stoïcisante d 'Antiochus. Il est remarquable qu 'Eudore ne soit jamais désigné dans les sources commenatw VIXÓS, terme généralement employé pour les platoniciens tardifs ,mais qu'il soit

plutôt qualifié d'àxadnuaïxós, terme utilisé pour les membres de la Nouvelle Académie ( sceptique). Sur la distinction entre ces deux appellations, voir 1 J. Glucker, Antiochus and the Late Academy, Göttingen 1978, p. 206 -225. Cette

désignation comme académicien a conduit 2 H . Tarrant, Scepticism or Plato

nism ? The Philosophy of the Fourth Academy, Cambridge 1985, à faire d 'Eudore un membre de la “ Quatrième Académie” fondée par Philon de Larisse, mais il y a fort peu d' éléments dans sa doctrine, telle que nous la connaissons, qui puissent suggérer un tel rattachement. Cette désignation constitue toutefois

un problème.

Sa position philosophique cependant, pour autant que nous puissions l'analy ser, n 'est en rien sceptique. Il présente plutôt ses principes métaphysiques comme étant plutôt ceux de Pythagore et de Platon. Il concilie des informations

EUDORE D ' ALEXANDRIE

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291

divergentes sur les premiers principes de l'ancien pythagorisme (un ou deux principes) et les associe à une doctrine dérivée du Philèbe de Platon : dans son système on reconnaît un principe suprême, l'Un, qui est à l'origine de tout, y compris de la matière, suivi d 'un couple de principes, la Monade et la Dyade indéfinie , qui expliquent les côtés " positif” et “ négatif” de la Table pythagori cienne des Opposés. Dans le domaine éthique, il suit une tendance anti-péripaté ticienne plus austère que celle d'Antiochus d'Ascalon : il exclut les biens du corps et du monde extérieur des éléments constitutifs du bonheur et il redéfinit la “ fin de la vie” (Témoc) comme la « ressemblance à Dieu », une formule emprun tée au fameux passage du Théétète de Platon (176 a). Dans le domaine de la logique, il est l' inspirateur d'une critique des Catégories d' Aristote qui a perduré au cours des siècles suivants dans les cercles platoniciens et stoïciens. La ten dance antipéripatéticienne de sa pensée n 'est peut-être pas sans rapport avec la rivalité qui opposait Eudore et son contemporain Ariston (M + A 393), un disciple

d 'Antiochus qui était passé au Péripatos. Euvres attestées.

(1) Alaipeolç TOŨ xatà pilooopiav hóyou (Division du discours philoso phique). Ce précis de philosophie est l'ouvrage “méritant d'être acheté” que mentionne Arius Didyme et dont il extrait une division des parties principales de

l' éthique. Selon Arius, Eudore parcourait son sujet apobanuatixős, ce qui peut vouloir dire qu 'il traitait les différents domaines de la philosophie comme une série de npobrnuata , ou de questions. Il est possible qu 'un résumé de la doc trine éthique rapporté par Sénèque, Epist. 89, 14 sq., provienne de cet ouvrage, dans la mesure où Sénèque fait une place à l’opun, l'impulsion , comme un troi

sième thème à côté de Dewpía et de npãţiç. C' était là apparemment une position philosophique originale d 'Eudore. (2) Commentaire sur le “ Timée " de Platon. On peut déduire de façon assez certaine du De procreatione animae in Timaeo de Plutarque (1013 b ) qu 'Eudore avait commenté d 'une façon ou d 'une autre le Timée. Plutarque rapporte en effet qu 'Eudore cherchait à concilier les vues de Xénocrate et de Crantor ( 195)

sur l'identification des deux composantes de l'âme décrites dans Tim . 35 a

(Plutarque, De procr. 1019 e-f).On rencontre dans ce passage la méthode suivie par Eudore pour trouver les différentes moyennes entre les nombres de l'âme. En 1020 c, Plutarque rapporte qu 'Eudore suivait Crantor lorsqu 'il prenait 384 comme nombre de base pour calculer les proportions dans l'âme. Il est même possible que Plutarque ait emprunté à Eudore la connaissance des vues des phi

losophes plus anciens sur ces problèmes. (3) Commentaire sur les “ Catégories” d 'Aristote. Selon Simplicius, In Cat.,

où il est cité huit fois, Eudore aurait adressé aux Catégories une série d 'objec tions détaillées, probablement dans le cadre d'un commentaire du traité d 'Aristote. En vérité , on peut voir en Eudore l'instigateur d'une tradition hostile de critique des Catégories, qui fut reprise par de nombreux philosophes platoni ciens ou stoïciens, jusqu'à Plotin .

292

EUDORE D ' ALEXANDRIE

E 97

(4 ) Un ouvrage sur les premiers principes (?). Deux témoignages, l' un de Simplicius, In Phys., p . 181, 7 sqq. Diels, sur l’Un comme premier principe au

dessus du couple de la Monade et de la Dyade indéfinie , et l'autre d 'Alexandre d 'Aphrodise, In Metaph., p . 58 , 25 sqq. Hayduck , qui cite son prédécesseur

Aspasius (> A 461), concernant une correction assez aventureuse proposée par Eudore pour le texte de la Métaphysique (I 6 , 988 a 7), semblent suggérer l'existence d 'un ouvrage sur les premiers principes où les vues antérieures de Platon et Pythagore étaient discutées et probablementmises l'une en dépendance de l'autre . Dans ce contexte , on peut raisonnablement supposer qu'Eudore présentait également sa propre position, qui dépendait de l'interprétation qu 'il donnait de ces deux auteurs. (5 ) Un livre sur l'Univers ou sur les Cieux ( ?). Un tel ouvrage semble être une

des sources principales de l' Introduction aux " Phénomènes " d 'Aratos d'Achille ( A 8 ), laquelle contient plusieurs références à Eudore (Isag., 2, p . 30, 20 sqq. ; 13, p . 40, 25 Maass). La nature de ces références suggère que l'utilisation de cet

auteur pourrait être beaucoup plus étendue que ne le laisserait croire le contenu

des détails pour lesquels Eudore est cité. Eudore lui-même semble avoir utilisé un ouvrage de Diodore d ' Alexandrie (MD 127) , un disciple de Posidonius, si

bien que les références à Diodore chez Achille (Isag. 5, p. 35, 29 sqq.; 10, p . 39, 6 sqq .; 14 , p . 41, 13 sqq. Maass ) pourraient également être connues à travers Eudore.

(6) Un livre sur le Nil,dans lequel devait prendre place le passage sur la cause de la crue du Nil signalé plus haut. Ce passage aurait fourni à Eudore l'occasion d'accuser Ariston d 'Alexandrie de plagiat. (7 ) Il est également possible qu ’un fragment papyrologique concernant l'optique (POxy 1609), qui fait référence au commentaire du même auteur sur le

Timée, puisse être attribué à Eudore . Le passage porte sur la réfraction des images dans les miroirs. Cette liste d 'ouvrages montre que les centres d 'intérêt philosophique d'Eu

dore étaient très variés: ils concernent la métaphysique, l' éthique et la logique, et prennent en compte plusieurs domaines relevant des sciences naturelles comme la géographie et l'astronomie.

Éditions des fragments. 3 A . N . Zoubos, « EŰowpoç ó 'AlečavopeúÇ» , Athena 62, 1958, p. 194 -203 (avec un commentaire en grec moderne) ; 4 C . Mazzarelli, « Raccolta e interpretazione delle testimonianze e dei frammenti del medioplatonico Eudoro di Alessandria » , REN 77, 1985 : Parte prima : Testo e

traduzione delle testimonianze e dei frammenti sicuri, 197-209 ; Parte seconda : Testo e traduzione delle testimonianze non sicure, 535 -555 (texte de 22 frag ments certains et de 31 fragments douteux, avec traduction italienne ; pas de commentaire).

Cf. 5 P . Boyancé, « Études philoniennes» ,REG 76 , 1963, p . 64-110 ; 6 G . Calvetti, « Eudoro di Alessandria: medioplatonismo e neo -pytagorismo nel I secolo a . C . » , RFN 69, 1977, p. 3-19 ; 7 J. M . Dillon , The Middle Platonists, London /Ithaca 1977, 2e éd . 1996 , chap . 3 , p. 114 - 135 ( et “ Afterword” , 1996 ,

E 98

EUDOXE DE CNIDE

293

p . 436 -438) ; 8 Id., « Eudoros und die Anfänge des Mittelplatonismus », dans C .

Zintzen (édit.), Der Mittelplatonismus, Darmstadt 1981 (version allemande légè rement corrigée de Dillon 7) ; 9 H . Dörrie , « Der Platoniker Eudoros von

Alexandreia» , Hermes 79, 1944, p . 25 -39 ; repris dans Platonica Minora, München 1976 , p. 279-309; 10 Id ., « Die Erneuerung des Platonismus im ersten Jahrhundert vor Christen » , dans Le Néoplatonisme. Colloque international du C .N . R. S., Paris 1971, p . 17 -33 ; réimpr. dans Platonica minora, München 1976 ; 11 M . Giusta , I Dossografi di etica, 2 vol., Torino 1964 et 1967 (voit en Eudore

la source de toutes les doxographies éthiques ultérieures) ; 12 Id ., « Ario Didimo e la diairesis dell' etica di Eudoro » , AAT 120, 1986 , p. 97-132 ; 13 G . Iaksetich, « Eudoro e la Metafisica di Aristotele » , QFC 4 , 1983, p. 25 -30 ; 14 E . Martini,

art. « Eudoros » 10 , RE VI 1, 1907, col. 915 -916 ; 15 P .Moraux, « Eine Korrektur des Mittelplatonikers Eudoros zum Text der Metaphysik des Aristoteles » , dans R . Stiehl et H . E . Stier (edit.), Beiträge zur Alten Geschichte und deren Nach

leben, Festschrift Franz Altheim , Berlin 1969, t. I, p . 492-504 ; 16 Id ., Der Aristotelismus beiden Griechen von Andronikos bis Alexander von Aphrodisias,

t. II, Berlin 1984, p. 505-527 ; 17 L .N . Napolitano, « Il platonismo di Eudoro. Tradizione protoaccademica e medioplatonismo alessandrino », MusPat 3, 1985 , p. 27-49 ; 18 Ead., « Eudoro di Alessandria : monismo, dualismo, assiologia dei

principi nella tradizione platonica » ,MusPat 3, 1985, p . 289-313 ; 19 W . Theiler, « Philo von Alexandria und der Beginn des kaiserzeitlichen Platonismus» , dans K . Flasch (édit.), Parousia. Studien zur Philosophie Platons und zur Problem

geschichte des Platonismus, Festgabe J. Hirschberger, Frankfurtam Main 1965, p . 199-218 ; repris dans Untersuchungen zur antiken Literatur, Berlin 1970 , p. 484 - 501.

JOHN DILLON. 98 EUDOXE DE CNIDE RE 8 ca 395-ca 342 Astronome, mathématicien, géographe, mais aussi philosophe, médecin et législateur, contemporain des élèves de Platon . Fragments et témoignages. 1 F. Lasserre (édit.), Die Fragmente des Eudoxos von Knidos, herausgegeben , übersetzt und kommentiert von F .L ., coll. « Texte und Kommentare » 4 , Berlin 1966 (T = Testimonia (témoignages sur la vie d' Eudoxe) ; D = Doctrina (témoignages sur la doctrine en général) ; F = Fragmenta (témoignages et fragments attribuables à des ouvrages particuliers ]) ; cf. le compte rendu (très critique ) de l'ouvrage par 2 G . J. Toomer, Gnomon 40,

1968, p . 334-337 ; l'auteur met sévèrement en garde contre les erreurs figurant en particulier dans les commentaires de la partie astronomique .

Pour D 23 Lasserre (Ind. Acad., p. 126 -127 Dorandi), cf. 3 F . Lasserre (édit.), De Léodamas de Thasos à Philippe d 'Oponte. Témoignages et Fragments, édi tés, traduits et commentés par F . L ., coll. « La Scuola di Platone» 2 , Napoli 1987, p . 220 -221 (texte ), 428 -429 (trad.), 675-676 (comm .), et 4 T . Dorandi ( édit.),

Filodemo, Storia dei filosofi (.) : Platone e l'Academia (PHerc. 1021 e 164 ),

294

EUDOXE DE CNIDE

E 98

edizione, traduzione e commento a cura di T. D ., coll. « La Scuola di Epicuro >>

12 , Napoli 1991, p . 126 -127 (texte), p. 185 (trad.), p . 207-209 (comment.). Études d'orientation . 5 F. Hultsch, art. « Eudoxos» 8, RE VI 1, 1907, col. 930 -950 ; 6 K . von Fritz, « Die Lebenszeit des Eudoxos von Knidos» , Philologus

85 (N .F. 39), 1929/30, p. 478-481 ; 7 J.Mau, art. « Eudoxos » 1,KP II, col. 408 410 ; 8 K . von Fritz , art. « Eudoxos von Knidos», LAW , col. 908-909 ; 9 H . Karpp , Untersuchungen zur Philosophie des Eudoxos von Knidos, Diss . Marburg, Würzburg 1933, 57 p.; 10 G . de Santillana, « Eudoxus and Plato . A

Study in Chronology » , Isis 32, 1940 (publié en 1949), p. 248- 262 ; 11 F . W . von Bissing, « Eudoxos von Knidos Aufenthalt in Ägypten und seine Übertragung ägyptischer Tierfabeln » , F & F 25, 1949, p. 225- 230 ; 12 W . Schadewaldt, « Eudoxos von Knidos und die Lehre vom unbewegten Beweger », dans Satura. Früchte aus der antiken Welt, O . Weinreich zum 13. März 1951 dargebracht, Baden -Baden 1952 , p . 103- 129 ; repris dans Hellas und Hesperien. Gesammelte Schriften zur Antike und zur neueren Literatur, Zürich 1970 ?, t. I, p. 635 -655 ; 13 Ph. Merlan , Studies in Epicurus and Aristotle , coll. « Klass.-philologische

Studien » 22, Wiesbaden 1960, p . 98-104 (" The Life of Eudoxus"); 14 W . Burkert, Lore and Science, p. 329-331 ; 15 0 . Gigon , Vita Aristotelis Marciana,

herausgegeben und kommentiert von 0 .G ., coll. « Kleine Texte für Vorlesungen und Übungen » 181, Berlin 1962, p . 49-50 ; 16 W . K . C . Guthrie, A History of Greek Philosophy, t. V , 1978 , p. 447-457 ; 17 H .J. Krämer , « Die Ältere Aka demie » , GGP , Antike 3, p. 73 -87 (bibliographie , p. 82 -87) ; 18 F . Wehrli, Sotion ,

coll. « Die Schule des Aristoteles » , Supplementband II, Basel/Stuttgart 1978 (F 16 (Eudoxe), comm . p. 48 -49) ; 19 F. Lasserre, La naissance des mathéma tiques à l'époque de Platon , coll. « Vestigia » 7 , Fribourg/Paris 1990 ( surtout p. 127 -235 , avec une bibliographie due aux éditeurs , p . 263-268). Il s'agit de

l' édition posthume du texte original, The Birth of Mathematics in the Age of Plato, London 1964, remanié par l'auteur. Pour la discussion critique des inter

prétations modernes, il faut toujours consulter les commentaires donnés par l'auteur dans 1.

Chronologie.Dans la littératuremoderne, il y a concurrence entre deux chro nologies, l'une dite haute, l'autre basse , chacune admettant des degrés . La pre mière se fonde sur le témoignage d'Apollodore (D . L . VIII 90 ) qui, dans ses Chroniques, fixait l'acmé d' Eudoxe au cours de la 103e Olympiade (368 - 365). En tenant compte qu 'un homme atteint son acmé à quarante ans et en adoptant le calcul inclusif, on placera la naissance d'Eudoxe entre 407 et 404. La date de sa mort se compte aisément à partir de l'affirmation selon laquelle il serait mort dans sa 53e année (D .L . ibid .; l'information provient sans doute encore d'Apol lodore ), c 'est-à -dire entre 355 et 352. Mais , dans un passage de sa Iñs nepíodos (Tour de la terre), Eudoxe, semble -t-il, faisait allusion à la mort de Platon , ce qui signifie qu 'il vivait encore en 347 (Plin., Nat. Hist. XXX 3 = F 342 Lasserre : Zoroastren hunc sex milibus annorum ante Platonis mortem fuisse prodidit (Eudoxus 7). Selon Lasserre (1, p. 254 -255 ), il n 'y a pas de raison de contester cette dernière indication et il faut donc accepter une datation plus basse qui fait

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naître Eudoxe vers 391/90 et le fait mourir vers 339/8 (cf. Lasserre 19, p . 128 ). Suivant la même logique, von Fritz 6 , p . 479, propose 400 -347, Merlan 13,

p . 98- 100 ( suivi par Guthrie 16 , p . 447), 395 - ca 342/1 ; Krämer, 17, p . 74 , pro

pose, pour la naissance d'Eudoxe, une date située entre 400 et ca 395 (le Cnidien meurt donc entre 347 et ca 342). Les tenants de la datation basse montrent de façon convaincante que l'acmé indiquée par Apollodore ne doit pas être prise à la lettre ; elle est déduite du synchronisme entre l'entrée d 'Aristote à l'Académie et la présence d'Eudoxe en son sein (v. Fritz 6 , p . 479 et n . 6 , p . 478 ; Merlan 13, p. 100 et n . 15 ) ou elle correspond à la fiction imaginée par Ératosthène dans son

[Dialogue ) platonicien (MatwvLXÓS, vers 320): le cyrénaïque y faisait discuter ensemble Platon, Archytas, Eudoxe et leurs élèves sur le problème délien (dupli cation du cube) en l'année 368/7 (Gigon 15 , p . 50 ; Lasserre 1 , p . 163- 166 et Lasserre 19, p. 166 - 168 ; cf. sur ce dialogue 20 E . P. Wolfer, Eratosthenes von Kyrene alsMathematiker und Philosoph , Diss. Zürich 1954, p . 4 - 19). Par contre ,

le témoignage de Pline l'Ancien n 'est pas incontestable, comme l'a montré 21 W . Spoerri (« Encore Platon et l'Orient» , RPh 31, 1957, p . 209-233 ; cf. la critique de Lasserre 1, p. 254-255 ).

Finalement, nous retiendrons pour la naissance d'Eudoxe une date indétermi née située entre 400 et 390 et acceptons comme hautement probable que le

Cnidien a survécu quelque temps à Platon (il meurt dans sa 53e année ). Malgré sa grande subtilité , la démonstration de Lasserre ne nous semble pas entièrement convaincante ; en effet, il appert que l'auteur est constamment guidé par la volonté de réduire au minimum l' influence d 'Eudoxe sur Platon (cf. Lasserre 19,

p. 128 ; Krämer 17, p . 74).

Vie. Les témoignages sur la vie d'Eudoxe sont peu nombreux et souvent dif

ficiles à concilier ( T 1- 30 Lasserre). Les témoignages principaux sont: la vie d 'Eudoxe de Diogène Laërce (VIII 86 -91; Eudoxe y est traité dans le chapitre consacré aux pythagoriciens ; cf. Jamblique, In Nicom . arithm . p . 10 , 17 Pistelli : Eudotos ó Mudayópelos), une notice de la Souda (s. v. EŰdotos, E 3429, vol. II,

p . 445 Adler ; cf. aussi s.v. Aloxívns,Al 349, vol. II, p. 184 ; s.v. Kpitwv, K 2454, vol. III, p. 191 (on lit la forme Eůdocíov ) et un passage de la Vita Aristote lis Marciana (Gigon 15 , ligne 58-60 ). D 'autre part, on connaît directement

l'existence d'un ouvrage sur Eudoxe par Phanocrite – inconnu par ailleurs -, citée par Athénée ( T 27 Lasserre : PavóxplTOS Év TQ Ilepi EudoEou ) ; la plus an

cienne biographie est peut-être due au péripatéticien Hermippe (mais voir D .L . VIII 88 qui renvoie au quatrième livre Sur les sept sages (év terápin lepi tây Éntà cob @ v ]; cf. 22 F . Wehrli, Hermippos der Kallimacheer, coll. « Die Schule des Aristoteles» , Supplementband I, Basel/Stuttgart 1974 [fr. 16 ; sur le titre de l'ouvrage mentionné par Diogène, cf. commentaire, p . 54]). Eudoxe, fils d 'un certain Eschine, est né dans la cité dorienne de Cnide en Asie Mineure, célèbre dès le ve s. pour son école de médecine, rivale de celle de Cos. Il aurait étudié la géométrie avec Archytas de Tarente (> + A 322), la méde cine avec Philistion de Locres ( D . L . VIII 86 , d 'après les Hivaxes de Calli

maque) ; si le témoignage est exact (ce que nie Lasserre 1 , p . 146 ), il est difficile

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de l'insérer dans la chronologie d'Eudoxe, car il implique, du moins pour ce qui

concerne Archytas, un voyage d' études en Italie (cf. pourtant F 143 (Ptolémée) Lasserre ; sur un hypothétique voyage en Sicile aux côtés de Platon , dont seuls

Élien et Ptolémée fontmention ( T 25 et F 143 Lasserre), cf. Lasserre 1, p . 146 ; Merlan 13, p . 100). Rappelons que ces deux personnages de premier plan jouent aussi un rôle dans la biographie de Platon (pour Philistion qui se serait peut-être rendu à l'Académie , cf. (Plat. ), Epist. II, 314 e ; 23 A . E . Taylor, A Commentary

on Plato 's Timaeus, Oxford 1928, p . 504; cf. aussi 24 G .E .R .Lloyd , « Plato as a natural Scientist » , JHS 88 , 1968, p . 78 -92, surtout p . 84 et 88 ). Vers (nov ) l'âge de 23 ans, Eudoxe se rend à Athènes avec le médecin Théomédon - inconnu par

ailleurs -, attiré par la réputation des " socratiques” (oi Ewxpatixoí, D . L VIII 86 ).On peut supposer qu'il y rencontre alors Platon (d' après le témoignage de Sotion cité par D .L . ibid. ; cf. Wehrli 18, p. 48-49 ; cf. la critique de Lasserre 1 , p . 139 ; cf. ibid. p . 138 [le voyage a lieu en 368/7 ), Lasserre 19 , p . 128 (en 368]; en Lasserre 3 , p . 434, le voyage est placé en 366 ; Platon est alors absent et

l'École est sous la direction de Socrate le Jeune (sur ce point, cf. Lasserre 3, p .503-505]). Ce premier séjour athénien ne dure que deux mois (D . L . VIII 87). Eudoxe retourne ensuite à Cnide, puis part en Égypte accompagné de son com patriote , le médecin Chrysippe (PC 119) , avec une lettre de recommandation du roi de Sparte Agesilas (†360 ) pour le Pharaon Nectanébo (= Nectanébo fer, qui

règne de 380 à 363). Ce dernier lemet en rapport avec des prêtres; selon Favori nus (D .L . VIII 90 ; cf. T 17 et 18), il aurait fréquenté en particulier Chonouphis d'Héliopolis (MC 112 Chonuphis de Memphis ). Son séjour dure seize mois

(D . L . VIII 87). De retour d'Égypte, il se rend à Cyzique (sur la côte asiatique de la Propontide) et (xal !) en Propontide pour y enseigner (Ooploteúwv, dit D . L .

VIII 87). Après une visite auprès de Mausole - qui règne de 377 à 353 -, il se rend de nouveau à Athènes, cette fois -ci " avec un très grand nombre de ses

élèves” (D . L. VIII 87) – dont Ménechme et Dinostrate [PD 33] (D 22 Lasserre ) - et, sans doute, pour un séjour plus long (“ aux alentours de 350” , Lasserre 3, p . 545 ; “ entre 355 et 350” , Lasserre 3, p . 573). Son contact avec l'Académie est alors, semble -t-il, plus étroit (mais Lasserre 1, p. 141, prenant au sérieux l'anec

dote selon laquelle Eudoxe serait revenu avec nombre d'élèves pour narguer Platon (D . L . VIII 77 ), pense qu 'il n 'est pas entré à l'Académie et qu 'il n ' a donc

pu y enseigner). Dans le passage de la Vita Marciana déjà mentionné, on apprend qu ’Aristoxène de Tarente aurait affirmé, sans doute dans sa Vie de Platon (le passage dépend certainement d ' Aristoxène, mais ne figure pas dans les frag

ments d 'Aristoxène de Wehrli, cf. - A 417), qu 'Aristote serait entré à l' Acadé mie “ sous Eudoxe” ([éni Eů8 ]óЕov = tempore Eudoxi dans la Versio Latina = T 6 Lasserre). Depuis l'ouvrage de Jacoby sur Apollodore (25 F . Jacoby, Apol

lodors Chronik. Eine Sammlung der Fragmente , coll. « Philologische Unter suchungen » 16 , Berlin 1902, p . 324 n . 18 ), on a généralement compris ce texte comme signifiant qu' Eudoxe était à la tête de l'Académie pendant le deuxième

voyage de Platon en Sicile ( 367- 365; Merlan 13, p. 99 et n. 14 (Eudoxe n 'avait

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alors que 28 ans d ' après la reconstruction de Merlan ) ; cf. la discussion sur cette question dans Lasserre 1, p . 138 (pour l'auteur, il est exclu qu'Eudoxe,âgé de 23 ans selon ses hypothèses et présent à Athènes pour deux mois seulement, ait

dirigé l'Académie ) et les hypothèses avancées par Gigon (15, p. 49 (mais, en dernière analyse, le problème demeure insoluble , p . 50 ]).

Eudoxe retourne ensuite dans sa ville natale où il se fait construire un obser vatoire ( T 21 Lasserre ). Il rédige des lois pour Cnide (Hermippe dans le livre IV du Sur les sept sages, D .L . VIII 88 ; sur les circonstances historiques, cf. Lasserre 1, p . 142, qu'il faut corriger avec 26 W . Blümel (édit.), Die Inschriften

von Knidos 1, coll. IK 41, Bonn 1992, p . 1 -2 ) et reçoit des honneurs publics (mention d'un décret en son honneur [fugloua ) chez D . L. VIII 88). Parmi les élèves d 'Eudoxe, on peutmentionner, outre le médecin Chrysippe de Cnide, les mathématiciens Ménechme, son frère Dinostrate (= D 33) et peut

être Athénée de Cyzique (D 22 Lasserre ; » A 481) etHélicon de Cyzique ( T 24 et D 26 Lasserre ; » H 25) ; les astronomes de Cyzique, Polémarque sûrement et

peut- être Callippe, ontsuivi les cours d ' Eudoxe à Cyzique (Lasserre 1 , p . 141 ; pour Callippe, notre source, Simplicius, in De caelo, p . 493, 6 Heiberg = F 124

Lasserre (p . 68), n 'est ni explicite ni claire ;MC33 ( A . Segonds; l'auteur, qui

adopte une date haute pour Eudoxe et ca 360 pour la naissance de Callippe, a tort d 'en faire le maître de Callippe , p . 180]). Sur Ménechme, Dinostrate , Athé née et Hélicon , cf. Lasserre 3 , n°S 12, 13, 15 et 16 . Jusqu 'à l'édition des fragments par F . Lasserre ( 1), on a considéré générale ment que la relation du Cnidien avec Platon avait été étroite . La plupart des

témoignages anciens en font un proche de Platon : il figurait dans les Successions de Sotion comme élève ou auditeur de Platon (Mátwvos ... åxoữoal, D . L . VIII 86 ) ; Strabon le range parmi les amis de Platon ( tūv MátwVOG Étaipwv, T9 Lasserre ) et Plutarque le comprend, avec Aristote , parmiles familiers de Platon

(Mátwvos ouvÚDeLç , D 70 Lasserre). Pour d 'autres témoignages anciens pré sentant Eudoxe comme amide Platon ou comme platonicien, cf. 27 W . D . Ross,

Aristotle 's Metaphysics, Oxford 1924 , t. I, p . 198. Notons toutefois que, chez

Diogène, ilne figure pas dans la liste des disciples de Platon ( D . L. III 46) et que sa biographie, comme nous l'avons déjà mentionné, figure dans le chapitre consacré aux pythagoriciens. Les modernes ont en général suivi les témoignages anciens. L 'opinion contraire , qui minimise l'influence d 'Eudoxe sur Platon, est

représentée principalement par l'éditeur des fragments.

Euvres. C' est surtout à son æuvre scientifique qu ’Eudoxe doit sa célébrité dans l' Antiquité. Sa contribution au débat proprement philosophique est plutôt mince (dans les sources antiques, il reçoit rarement le qualificatif de " philo

sophe” , cf. T 8, 10 , 14 et Lasserre 1, p . 144 et 148).Nous diviserons la présente rubrique en trois parties : I. “ Euvres scientifiques” (géométrie , astronomie, géo

graphie ; nous ne savons rien sur le contenu de son enseignement médical), II. “ Philosophie”, III. “ Autre” . Pour l'æuvre scientifique,nous renvoyons d'une façon générale le lecteur aux bibliographies spécifiques de Lasserre (1966 )

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1 ( celles -ci sont indiquées chacune à sa place dans le commentaire ) et Krämer

( 1983) 17, p. 85-86 ; on ne trouvera ici qu'un choix et quelques compléments. I. EUVRES SCIENTIFIQUES

Cf. 28 T . L . Heath , Aristarchus of Samos, the Ancient Copernicus. A History of Greek Astronomy to Aristarchus together with Aristarchus's Treatise “ On the

Size and Distances of the Sun and Moon”, Oxford 1913 (surtout p. 190-224 : “ The theory of concentric spheres. Eudoxus, Callippus and Aristotle” ) ; 29 T . L .

Heath ( édit.), Euclid , The Thirteen Books of “ The Elements”, Translated with introduction and commentary , 3 vol., Cambridge 19262, vol. 2 , p . 112- 113

(introd. au livre V des Eléments d 'Euclide) ; 30 Id ., A History of Greek Mathe matics, Oxford 1921, vol. I, p . 249-251 (duplication du cube) ; p . 322-335 (théo rie des proportions; méthode d ' exhaustion ; théorie des sphères homocentri ques) ; 31 M . Clagett, Greek Science in Antiquity , London (1957) 19632, p . 110

113 (sur la théorie des sphères homocentriques) ; 32 D . R . Dicks, Early Greek Astronomy to Aristotle, London /New York 1970 (sur Eudoxe, p . 151- 189) ; 33 E . Maula, Studies in Eudoxus' Homocentric Spheres, coll. « Commentationes Humanarum Litterarum » 50, Helsinki 1974 ; 34 B . L . Van der Waerden , Science Awakening, I : Egyptian, Babylonian and Greek Mathematics, Dordrecht (1954 ) 19744 (surtout p . 179- 190) ; 35 G . E . R . Lloyd , Early Greek Science. Thales to Aristotle, New York 1970 ; trad. française : Les débuts de la science grecque,

trad. J. Brunschwig, Paris 1974, p. 106 -113 (sur les sphères homocentriques) ; 36 N . R . Hanson, Constellations and Conjectures, ed. by W . C . Humphreys Jr.,

Dordrecht/Boston 1973, p. 43-60 ; 37 W . R . Knorr, The Evolution of the Eucli dean Elements. A Study of the Theory of Incommensurable Magnitudes and its Significance for Early Greek Geometry , coll. « Synthese historical library » 15 , Dordrecht/Boston 1975 (ch. VIII : “ The geometry of incommensurability : Theaetetus and Eudoxus" ) ; 38 A . Szabó et E .Maula , Enklima. Untersuchungen

zur Frühgeschichte der griechischen Astronomie , Geographie und der Sehnen tafeln , Athènes 1982 (cf. en particulier p . 170 -173 : " Der Begriff uniua bei

Eudoxos” ; 182- 187 : “ Eudoxos zwischen Oinopides und Pytheas” ) ; 39 J.-L .

Gardies, Pascal entre Eudoxe et Cantor, Paris 1984 ; 40 Id ., L'héritage épisté mologique d ' Eudoxe de Cnide. Un essai de reconstitution, Paris 1988 ; 41 G . Aujac, La Sphère, instrument au service de la découverte du monde. D ' Auto

lycos de Pitanè à Jean de Sacrobosco, Caen 1993 (recueil d 'articles parus de 1970 à 1990) ; 42 B . Vitrac, Euclide d 'Alexandrie , Les Éléments, trad. et com

ment. par B . V.,t. II, Paris 1994 (surtout p. 508-510); 43 A. Szabó, Entfaltung der griechischen Mathematik , coll. « Lehrbücher und Monographien zur Didak

tik derMathematik » 26 ,Mannheim /Leipzig /Wien /Zürich 1994. Avant d ' énumérer les titres d 'ouvrages mentionnés par les auteurs anciens, il faut préciser que toute une partie de la production scientifique d'Eudoxe - celle

consacrée à la géométrie – nous est connue sans référence à aucun titre d 'ou vrage. Ce fait peut s'expliquer par plusieurs hypothèses : ou bien on a perdu le (s ) titre(s ) de monographies existant sur ces questions, ou bien l'auteur en traitait

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dans tel chapitre de ses ouvrages d 'astronomie, ou bien cette matière n 'a jamais fait l'objet de publication et les témoignages qui nous sont parvenus ne sont que

les traces d'un enseignement transmis par les élèves d'Eudoxe (cf. Lasserre 19 , p . 131- 132). Pour l'exposé des découvertes fondamentales d'Eudoxe dans le domaine de la géométrie et de l'arithmétique, on renverra le lecteur aux pages

qu 'y a consacrées Lasserre dans 19 (p . 131-177 ( p . 133 sqq.: “ Théorie des pro portions” ; 150 sqq .: "La section d 'or” ; 158 sqq. : " Volumes proportionnels” ; 166 sqq. : “ Le problème de Délos" ) et p . 74 -79 ( sur les médiétés]) ainsi qu' à la

bibliographie figurant en tête de la section intitulée “ Geometrie" dans Lasserre 1, p . 160- 161 (les témoignages intitulés Tewhetpoúueva portent les numéros D 18 66 ). Suivant des témoignages anciens (D 32 et 33 Lasserre), la critique moderne

reconnaît en Eudoxe l'auteur de la théorie générale des proportions exposée dans le livre V des Éléments d 'Euclide (cf. Heath 30 , p . 384 ; pour une reconstruction de cette théorie , cf. en particulier l'ouvrage de Gardies 40).

(1) Palvóueva . "Evontpov (“ Phénomènes” ; “Miroir" ; F 1- 120 Lasserre ; Lasserre 1, p . 181-197 (bibliographie , p. 183); Lasserre 19, p. 183- 197). L 'ou vrage comportait 3 livres (I: description du ciel, des constellations les unes par

rapport aux autres; II: description des constellations par rapport aux principaux cercles de la sphère , cercle polaire , tropiques, équateur, cercle austral; III : cata logue des levers et des couchers des étoiles). Le second titre (Miroir ) est celui d 'une réédition modifiée. L 'ouvrage a été utilisé par Aratus (*** A 298) dans la

première partie de son poème intitulé également Palvóueva (vv. 19 -732); il a été commenté, en même temps que les Phénomènes d ' Aratus (vv. 19-732 préci

sément), par l'astronomeHipparque de Nicée (cf. K .Manitius ( édit.], In Aratiet Eudoxi Phaenomena commentariorum libri tres, Leipzig 1894 [avec trad. alle mande et commentaires) ; cf. Aujac 41, p . 199 -214 : « Hipparque et les levers simultanés d'après le Commentaire aux Phénomènes d ' Eudoxe et d 'Aratos » ,

dans L 'Astronomie dans l'Antiquité classique, Actes du colloque de Toulouse, 1977, Paris 1979, p . 107-122). (2 ) Tepi taxőv (“ Des vitesses” ; F 121-126 Lasserre; Lasserre 1, p . 198-212 [bibliographie , p . 198 ) ; Lasserre 19, p . 204 -231). Dans cet ouvrage fondamental,

Eudoxe rendait compte du mouvements apparent des planètes au moyen d'un agencement complexe de sphères homocentriques (la terre, immobile , occupant

le centre du système). Dans le livre A de la Métaphysique ( 1073 b 17 sqq. = D 6 Lasserre), Aristote donne un bref exposé du système et desmodifications appor tées par Callippe (MC 33), avant de proposer ses propres corrections. On a sou vent considéré la théorie eudoxienne comme présentant un modèle purement

mathématique indifférent aux problèmes physiques qu'il posait (cf. sur cette question la bonne mise au point de 44 L . Wright, « The Astronomy of Eudoxus:

Geometry or Physics ? » , StudHistPhilSc 4 , 1973, p . 165-172). (3 ) Tepi åpaviou @ w nalaxūv (“ Sur l'extinction des étoiles par le soleil” ; F 127-128 Lasserre ; Lasserre 1 , p . 212-213 ; Lasserre 19 , p . 190 -191 et 194

195). Eudoxe exposait dans ce traité la méthode à utiliser pour calculer le

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moment du lever ou du coucher d'un astre, quand la présence de la lumière

solaire empêche une observation précise. (4 ) 'Oxtaktnpís (“ Période de huit années” ou “Octaétéride” ; F 129- 269 Lasserre ; Lasserre 1, p. 213-234 [bibliographie , p. 213-214 ); cf. aussi l'annexe p . 128- 134 donnantune liste d'épisémasies égyptiennes tirées pour l'essentiel de Ptolémée, ainsi que le tableau synoptique des dates astronomiques attribuées à Eudoxe, comparées avec celles figurant dans PHibeh I 27 (références dans Krämer 17, p. 83, n° 35 ), p. 275-278 ; sur l'Octaétéride, cf. aussi Lasserre 19, p. 197 -201). Il s'agit de la description d'un calendrier astronomique établi sur une période de huit ans. D 'après certains (xatá tivac), Eudoxe aurait composé

cet ouvrage durant son séjour en Égypte (D .L . VIII 87 ; mais Lasserre, 19, p . 197, y voit un ouvrage de la dernière période cnidienne d'Eudoxe). L'in fluence de cet ouvrage a été immense. Il semble que ce soit le premier à porter ce

titre (mais, sur les questions d'authenticité , cf. les remarques de Lasserre 1, p . 214 -215 , et Lasserre 19, p. 129). Comme le constate Toomer (2 , p . 334 ), il est

regrettable que Lasserre 1 n 'ait publié que quelques courts extraits, principale ment dans le commentaire, du texte connu sous le titre Ars Eudoxi (= Eudósou

Téxvn , titre tiré de l'acrostiche introduisant l'opuscule = Leptines, Oủpávios Oldaoxaría (“ Enseignement sur le ciel" ); cf. F. Blass, Eudoxi Ars astronomica qualis in charta aegyptiaca superest denuo edita a F. B ., Kiel, 1887) ; précisons

toutefois que ce texte n'est pas une simple reprise d'Eudoxe.

(5 ) Iepi åpáxins ? (" Toile d 'araignée " ; cf. D 17 (Vitruve] Lasserre ; Lasserre 1, p. 158 -160 ; Lasserre 19 , p . 201-204 ). Selon l'éditeur des fragments

d 'Eudoxe, la “ toile d' araignée” (et non pas “ l'araignée”) dont Eudoxe aurait été l'inventeur désignerait un astrolabe plan doté d'un mécanisme permettant de compter les heures nocturnes. Aucune source ancienne n 'indique qu 'Eudoxe a consacré un traité à la construction de cet astrolabe (pour la bibliographie concernant cet astrolabe, cf. Krämer 17, p . 86 , n°S 220 -222). (6 ) ’Aotpovouía (“ Calendrier astronomique" ( en vers épiques 8L’ ÉTTWv, év Métpos] ; T 8 (Souda ); F 271 (Plutarque) Lasserre). Il devait s'agir d'un calen drier astronomique accompagné de légendes relatives aux astres (" catasté rismes” ; cf.Lasserre 1, p. 235 -236 ).

(7) rñs neplodos (“ Tour de la terre ” en 7 livres; F 272-373 Lasserre [biblio graphie , p. 236 ]) ; cf. aussi l'édition de 45 F. Gisinger, Die Erdbeschreibung des

Eudoxos von Knidos, coll. « ETOIXEIA » VI, Leipzig /Berlin 1921. Le genre comprenait des considérations géographiques, ethnologiques, historiques. Par conformité au genre, on y trouvait aussimention de mirabilia (par ex . F 338 ; 340 Lasserre ) ; il ne faut sans doute pas voir là une contradiction avec l'esprit

scientifique d 'Eudoxe (mais, quand l'ethnique n 'est pas précisé, le risque de confusion est grand avec Eudoxe de Rhodes, auteur d''lotopía . (cf. Lasserre 1, p . 127 et 237-239 )). Par ailleurs, Dicks (32, p. 189) pense qu 'Eudoxe fut le pre mier géographe ancien à appliquer des principesmathématiques à la géographie . Sur l'authenticité de l'ouvrage, aujourd 'hui généralement acceptée, cf. Gisinger

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E 98

301

45, p . 2 - 12 . Sur l'existence d 'une carte du monde habité, cf. F 276 Lasserre et Lasserre 1, p. 239.

Plutôt que d'ouvrages publiés, les trois " titres” suivants indiquent la matière de trois cours d 'Eudoxe suivis par son compatriote , le médecin Chrysippe (D . L . VIII 89). (8 ) Hepi DeWv ? (" Sur les dieux " ; D 67 Lasserre); cf. 46 R . Philippson , « Aka demische Verhandlungen über die Lustlehre » , Hermes 60 , 1925, p . 444 -481

(l'auteur croit avoir trouvé des traces de ce traité dans trois textes de Philodème; mais voir la critique de Lasserre 1, p . 156 -157) .

(9) Hepi xóquou ? (" Sur le monde” ; D 68 Lasserre ).

(10) Hepi tõv Metewpooyouuévwv ? (“ Sur les phénomènes météorologi ques” ; D 69 Lasserre). II. PHILOSOPHIE

Cf. 47 K . von Fritz, « Die Ideenlehre des Eudoxos von Knidos und ihr Ver hältnis zur platonischen Ideenlehre » , Philologus 82, 1926 /27, p . 1- 26 ; 48 A . J.

Festugière, Aristote . Le Plaisir (Eth . Nic, VII 11-14, X 1- 5), Introduction, traduction et notes par A. J. F ., Paris 1946 ; 49 G . Lieberg, Die Lehre von der Lust in den Ethiken des Aristoteles, coll. « Zetemata » 49,München 1958 ( surtout p . 49 -59 : “Eudoxos von Knidos und Speusipp” ) ; 50 G . Giannantoni, I Cirenaici,

Firenze 1958 , p. 145 -165 ; 51 R . A . Gauthier et J. Y. Jolif, Aristote . L' Éthique à

Nicomaque, t. II, 2, Louvain /Paris 19702, p. 774 (" Eudoxe et le plaisir-idée"); p . 819 -824 (“Le plaisir et le souverain bien : Les arguments d'Eudoxe (p . 819

821); Critique des arguments d ’Eudoxe (p . 821-8241" ); 52 W . Leszi, Il “De Ideis " di Aristotele e la teoria platonica delle idee, Firenze 1975 (surtout p. 331 348) ; 53 F . Dirlmeier, Aristoteles. Nikomachische Ethik , übersetzt und kom mentiert von F. D ., coll. « Aristoteles, Werke in deutscher Übersetzung » 6 , Berlin (1956 ) 1976 , p. 564 -604 (commentaire sur E. N . X 1172 b 9-35) ; 54 M . Isnardi Parente , Studi sull'Accademia Platonica antica , coll. « Saggi filosofici»

1, Firenze 1979, p. 132 -141 (sur la théorie des Idées d'Eudoxe) ; 55 J.C . B . Gosling et C . C . W . Taylor, The Greeks on Pleasure , Oxford 1982 ( surtout, ch . 14, p. 255- 283 : “ Aristotle and Eudoxus” ); 56 G . Fine, On Ideas. Aristotle's Cri

ticism ofPlato 's Theory of Forms, Oxford 1993, p. 256 -257. Les témoignages concernant l'activité philosophique d'Eudoxe portent les

numéros D 1-5 Lasserre (bibliographie, Lasserre 1, p. 148 et Krämer 17, p . 84 85 et 86 -87).

Aucun témoignage ancien ne laisse entendre qu’Eudoxe ait publié des ouvra ges proprement philosophiques. Aussi peut-on penser que les témoignages anciens relatifs à l'activité philosophique d'Eudoxe reposent sur les traces lais sées par des discussions entre philosophes ou sur un enseignementoral. Pour nous, les recherches d'Eudoxe sur des questions philosophiques se

réduisent à deux thèses, l'une sur le Bien suprême (D 3- 5 Lasserre), la seconde sur la théorie des Idées (D 1 -2 Lasserre). La première, qui présente le plaisir

302

E 98

EUDOXE DE CNIDE

(ndovń) comme la fin dernière , est exposée succinctement et discutée par Aristote dans l'Éthique à Nicomaque (VII et surtout X ; cf. Festugière 48 ;

Dirlmeier 53, Lieberg 49,Gosling et Taylor 55). On a aussi recherché dans le Philèbe de Platon une influence eudoxienne,mais une démonstration précise est problématique. La thèse d 'Eudoxe n'a peut-être été que l'occasion pour Platon de reprendre la question du plaisir (cf.Lasserre 1, p . 151- 156 ; Krämer 17, p. 81 ;

57 D . Frede, Plato, Philebus, transl. with introduction and notes by D .F., Indianapolis/Cambridge 1993, p. LXXI-LXXV ; Gosling et Taylor 55 , p. 4 -5 et 131). On a aussi voulu établir un lien entre cette doctrine du plaisir et la théorie

aristotélicienne du premier moteur immobile (cf. Schadewaldt 12 et la critique de Lasserre 1, p. 155).

La seconde thèse , rapportée par Aristote dans la Métaphysique ( A 9, 991 a 14 sqq. et M 5 , 1079 b 18 sqq.), affirme que l'idée est immanente aux êtres sen sibles et forme avec eux un mélange (uitis). Grâce à Alexandre d'Aphrodise (In Met. p . 97, 17 - 8 , 24 Hayduck = D 2 Lasserre), nous connaissons dix arguments

avancés par Aristote dans son ſlepi ideāv contre cette thèse (pour la discussion , cf. Lasserre 1, p . 149- 151). Sur une prétendue théorie des couleurs attribuée à Eudoxe d 'après Aristote , Metaph . A9, 991 a 14 - 16 , cf. Lasserre 1, p. 270 (addendum à la p. 151), et

Krämer 17, p . 75 . III.AUTRE

Kuvāv diároyol, Dialogues de chiens (F 374 Lasserre ; Lasserre 1, p. 268 269). Le titre nous est conservé par Diogène Laërce qui cite Ératosthène. D 'autres auteurs (oi dė) ajoutaient que ces dialogues étaient des traductions faites par Eudoxe sur un original en langue égyptienne (D .L . VIII 89). S'agis sait- il de fables égyptiennes (von Bissing 11, p. 227), plus précisément de dia logues de dieux sous forme de chiens (58 J.G . Griffiths, « A Translation from the

Egyptian by Eudoxus» , CQ 59, 1965, p. 75-78 ), ou de dialogues philosophiques , comme le suggère Lasserre 1, p. 269 ? Lasserre ne prend pas ici au sérieux

l' information selon laquelle il s'agirait d'une traduction de l'égyptien. Mais, pour Lasserre 19, p . 131, l'ouvrage aurait contenu "des contes égyptiens”. Sur les nombreuses propositions visant à corriger le titre , cf.Griffiths 58 , p. 75-76 . Iconographie . 59 G . M . A . Richter, The Portraits of the Greeks, London

1965, vol. 2, p. 244 (avec bibliographie ), fig . 1679 (sculpture acéphale ). JEAN -PIERRE SCHNEIDER .

99

EUDOXIUS

MF IV

Publiée d'abord par M . Chéhab et R . Mouterde,Mosaïques du Liban , Bull. du Musée de Beyrouth 14 - 15 , 1957, p. 43-46 et pl. 21, l'une des mosaïques de la

villa de Soueidié, près de Baalbek, comporte dans un cartouche l'épigramme I.Syrie VI 2886 , qui présente le propriétaire de la maison, Patricius. Les correc

tions proposées par W . Peek, « Mosaik-Inschrift aus Heliopolis » , ZPE 21, 1976, p . 188, ne sont pas toutes convaincantes et il faut sans doute en rester, pour l'es

E 101

EUDOXIUS

303

sentiel, au texte des éditions précédentes, quidonne le sens suivant : « la demeure

que voici, c'est le fils d 'Olympios qui l'a bâtie, Patricius, digne en sa sagesse d' Eudoxios, le sage descendant de Platon ; et lui, à son tour, est digne des

Ancienspar la piété de son esprit» . Le bâtiment construit par Patricius doit dater de la seconde moitié du Ive siècle ; il empiétait en partie sur l'emplacement d 'une construction antérieure (ca

F III), dont le triclinium était ornée d'unemosaïque figurant Calliope entourée de Socrate et des Sept Sages. Lui-même se caractérisait par les dimensions imposantes de ses pièces (celle de l'inscription était longue de 14, 5 m ) : plutôt

que d'une résidence privée, il pourrait s'agir, comme l'a suggéré M . Chéhab, p. 31, du lieu de réunion d'une communauté philosophique. Tous les éditeurs ont interprété le génitif Eůdočiov commeune déformation d'Eůdótov et compris que le modèle auquel se référait le maître demaison était Eudoxe de Cnide (» E 98). Ce n 'est pourtant pas l'interprétation la plus natu relle : dans une province où le néoplatonisme a compté, au lire et au IVe siècle, plusieurs représentants illustres, on concevrait plus aisément que Patricius se soit

réclamé d'un maître contemporain , peut-être de l' école d' Apamée , relativement proche. S. Roda, « Supplementi e correzioni alla PLRE, Vol. I », Historia 29, 1980 , p . 105, a suggéré, non sans vraisemblance, un rapprochement avec l'homo nyme à qui Symmaque adresse sa Lettre VIII 3 et qu 'il présente comme familia

ris noster cunctis probatus Eudoxius diligens iudex bonorum dans la lettre IX 2, adressée à Jamblique d'Apamée ( I 2) dans les années 380. BERNADETTE PUECH .

F III 100 EUDOXIUS absentde la PLRE Dédicataire du Commentaire de Porphyre sur les “Harmoniques" de Ptolé mée. Voir l'édition de I. Düring, Porphyrios. Kommentar zur Harmonielehre des

Ptolemaios,Göteborg 1932, p. 3 , 1. RICHARD GOULET.

FV ? 101 EUDOXIUS “ Philosophe", commentateur du livre de Daniel, dont plusieurs fragments

exégétiques sont conservés dans la Chaîne sur Daniel I-XII. Sur cette chaîne,

voir CPG IV C 75 ( 3). L ' édition de A . Mai, Scriptorum ueterum noua collectio e Vaticanis codicibus edita I 2, Roma 1825 , p . 161-221 (ed. 29, pars 3, p . 27-56 ), serait incomplète . La CPG II 3410 range ces fragments parmi les Dubia d'Eu

doxius de Constantinople (mort en 370 ). Mais il s'agit sans doute d'un exégète beaucoup plus tardif. Voir A . von Harnack , Porphyrius, Gegen die Christen 15

Bücher. Zeugnisse, Fragmente und Referate, dans Abhandlungen der königlich preussischen Akademie der Wissenschaften , Jahrgang 1916 , Philosophisch -histo rische Klasse, Nr 1, Berlin 1916 , p. 34 : « Cet exégète à ma connaissance par ail leurs inconnu , qui a écrit après Polychronius (d 'Apamée, mort vers 430 ), a

constaté la chute de l'Empire romain (p. 175 (Mai] : n tūv 'Pwuaiwv Baoileia

EUDOXIUS

304

E 101

κατά την αρχήν εκράτησε πασών, τα δε τέλη ταύτης υπολήγοντα... όσο τοίνυν οράς την αρχήν εξασθενούσαν, τοσούτω καραδοκεϊ επί θύραις το Téños ), voit le déclin de la novosta (p. 188 ) et prend encore en compte tous

ŽEwoev iotoploypapous comme Symmaque (p. 196 ). Il est le seul auteur dans toute cette branche de littérature à mentionner le nom de Porphyre comme com

mentateur de Daniel. Le caténiste fait remarquer à propos de l'identification de la " petite corne" (Dan . VII 8 ) avec Antiochus (Épiphane ) proposée par Poly

chronius: αλλά και Ευδόξιος την υπό σου ρηθείσαν ερμηνείαν, Πολυχρόνιε, Iloppupiov čonoev Elval toŨ Mataló povoç. Qu 'Eudoxius ait pu encore lire

l'ouvrage de Porphyre (le traité Contre les Chrétiens) est pratiquement exclu. Il le connaissait certainement à travers (la réfutation qu'en avait donnée) Apolli naire (de Laodicée (** A 239)]. S 'il faut en croire une Scholie (p . 201), on retrouvait chez Eudoxius des passages d'Apollinaire littéralement reproduits ». RICHARD GOULET. V

102 EUDOXIUS (MACROBIUS PLOTINUS -) PLRE II:7

D 'après la souscription de certains manuscrit du livre I du Commentaire sur le Songe de Scipion de Macrobe (p . 94 , 1 -5 Willis ), Macrobius Plotinus Eudoxius, vir egregius, aurait collaboré avec Q . AureliusMemmius Symmachus Junior (PLRE II : 9) à l'édition de l'ouvrage de Macrobe . Le nom suggère qu 'il

étaitun parent de Macrobe. STEPHEN GERSH .

D II ? 103 EUDROMOS RE 2 Philosophe stoïcien. Il est mentionné après Zénon, Chrysippe (MC 121) et

Apollodore de Séleucie (2 * A 250), avant Diogène de Babylone (* * D 146 ) et Posidonius, parmiles auteurs qui divisaient le logos philosophique en trois par ties: physique, éthique et logique ( D . L . VII 39, qui cite sur ce point son ’HOLX

otoLXELWOLS). Au paragraphe suivant, on apprend qu 'il appelait ces parties des eion comme Chrysippe, alors que d'autres stoïciens parlaient de tónol ou de

yévn (D . L . VII 40). Quant à l'ordre de cesparties, ilmettait la logique en tête, ensuite la physique, puis l' éthique, rejoignant sur ce point Zénon, Chrysippe et Archédème ( > A 307) . Selon H . von Arnim , art. « Eudromos », RE VI 1 , 1907, col. 950, cette dernière opinion serait prêtée à Eudemos par les manuscrits (ainsi Cobet) et Eudromos serait une correction d 'Étienne,mais l'apparat critique de Long ne semble pas connaître cette leçon . T. Dorandi a vérifié que les trois manuscrits BPF qui peuvent servir à constituer le texte de Diogène Laërce

ont bien, tous les trois, dans les deux passages,“ Eudromos”. Les témoignages de Diogène Laërce sont rassemblés dans SVF III, sect. VII

Appendix, p. 268, 11- 18 .

RICHARD GOULET. 104 EUELTHÔN D ’ARGOS

Pythagoricien ancien dont le nom figure dans le catalogue de Jamblique, V. pyth . 36 , 267, p. 145, 14 Deubner.

BRUNO CENTRONE.

E 108 105 EUÉNIOS

EUGATHÈS DE LAPITHÉ

305

Un fragment d 'Aétius (III 17) conservé par Stobée, Anthol. I 38, 2, attribue une explication des marées par l'action du soleil à un auteur dont le nom est mal conservé. Se fondant sur une liste d'auteurs cités par Stobée conservée par Pho tius, Bibl. cod. 167 (t. II, p. 155 Henry ), où est enregistrée la forme Euénios (EÚnviou ), Wachsmuth a édité : nvios (Mɛonvios), le deuxième mot étant considéré comme une tentative de correction du mot incomplet qui précède.

Mais d'autres savants, dontMeineke, suivi par H . Diels, DDG , p. 382-383, et H . Kirchner, « Dikaiarchos über Anziehung » , Philologus 79, 1923, p . 322, ont pré féré reconnaître dans cet auteur, qui apparaît après Aristote dans le passage

d' Aétius, < Alxalapxoc> Ó Meoonvios (~ D 98 ] (fr. 114 Wehrli). Traduction du passage doxographique dans L . Torraca, I dossografi greci, Padova 1961, p . 152. RICHARD GOULET.

106 EUÉTÈRIUS PLREI:

MIV

« Il vivait sous l'empereur Jovien. Par sa culture et la supériorité de ses dons naturels il n 'était inférieur à aucun des anciens ;mais à cause de la faiblesse et de la simplicité de son âme il fit traîner en justice bien des gens qui n 'étaient pas

responsables» (Souda, s.v. EvetńPloç, E 3448 ; t. II, p . 447, 16 - 19 Adler ). Le passage de la Souda a parfois été attribué à la Chronique d'Eunape (Bernhardy). Le contexte semble être le procès d 'Antioche en 371, où plusieurs philosophes ou intellectuels furent accusés de trahison . Le passage n 'est pas inclus dans l'édition Müller des fragments de la Chronique d'Eunape, mais on peut le rapprocher des textes qui constituent les fr. 40 et 45. Il n 'est pas dit qu 'Éuété rius était philosophe, mais la PLRE envisage cette possibilité , car de nombreux philosophes

furent associés à cette affaire.

RICHARD GOULET.

107

EUÉTÈS DE LOCRES Pythagoricien ancien dont le nom figure dans le catalogue de Jamblique,

V. pyth . 36 , 267, p. 145, 7 Deubner. BRUNO CENTRONE.

108 EUGATHÈS DE LAPITHÉ

M IIIa ?

L ' Anth . Pal. VI 307 a conservé l'épigramme du grammairien Phanias (postérieur à Léonidas de Tarente , ca 2504) sur ce barbier converti à l'épicu risme: « Eugathès de Lapithé ( en Thessalie ) a jeté avec mépris le miroir , la ser viette accueillante aux boucles coupées , le morceau de feutre à repasser les rasoirs, l'étrille de roseau, les lames sansmanche, les canifs à rogner les ongles ;

il a tout rejeté, ciseaux, rasoirs,fauteuil et, abandonnant sa boutique debarbier, il a sauté d'un bond dans le Jardin où pérorent les disciples d'Épicure (εis 8 ' ’Erixoúpou , I soupelov tpointáv, ärato unnobyos). Là, il écoutait comme un âne qui entend jouer de la lyre ; mais il serait mort de faim s'il ne s'était rési gné à revenir sur ses pas» (trad . P .Waltz ).

306

EUGATHÈS DE LAPITHÉ E 108 Sur cette épigramme, voir W . Peek , art. « Phanias» 4 , RE XIX 2 , 1938 , col.

1774 .

RICHARD GOULET. FII

109 EUGÉNÈS (GAIUS VALERIUS - ) DE SELGÈ

Plusieurs inscriptions de Selge en Pisidie, à la fin du lie siècle de notre ère, honorent, pour leur participation aux cultes et aux concours de la Cité, divers membres de la famille de Poplius Plancius Magnianus Xénôn : sa femme Aurelia

Xenonianè Maidatè Arsa (nº 15), son fils Poplius Plancius Magnianus Aelianus

Arrius Périclès (nº 20a) et son épouse Aurelia Valoussia Cyrinia Atossa (n° 20b ), sa fille Poplia Plancia Aurelia MagnianèMotoxaris (nº 17) (son nom n ' est pas conservé dans l'inscription , mais son identité est établie par l'inscrip

tion n° 15 qui en fait la seur de Périclès) et sans doute d 'autres descendants

encore. La dernière mentionnée était l'épouse de Gaius Valerius Eugénès, qui avait, entre autres mérites, celui d' être « philosophe » (n° 17 , li. 10 ) et fut lui

aussi l'objet de la considération du Sénat et du Peuple de Selgè (nº 19).

RICHARD GOULET. 110

avant 290 – avant 355 EUGÉNIOS RE 2 PLREI:2 -3 Philosophe néoplatonicien, père de Thémistios. Sources anciennes. ( 1) Les discours de Thémistios, en particulier Or. XX

('Eritádloç Énì tớ natpi) et Or. XXVII. Themistii Orationes, rec. †H . Schenkl, ed . G . Downey et A . F. Norman , coll. BT,Leipzig 1965 - 1974, 3 vol., le ze vol. donnant, p . 121- 128, la (2 ) Anunyopía Kwvotavtſov aútorpáropos

προς την σύγκλητον υπέρ Θεμιστίου, seule source qui précise le nom du pere de Thémistios. (3) Pseudo-Julien,Lettre 18 Evyeviw bloodw . (4 ) L 'Eugénios à qui est adressée la Lettre 1192 de Libanios ne peut être le père de Thémistios, contrairement à ce que dit 1 0 . Seeck , Die Briefe des

Libaniuszeitlich geordnet, Leipzig 1906 , p. 134. Cf. 2 O . Ballériaux , « Eugénios, père de Thémistios et philosophe néoplato nicien » , AC 65, 1996 , p. 135 - 160.

On s'accorde à faire naître Thémistios en 317. Il avait des frères (Or. XX 3, 5 ) ,mais nous ignorons s'il était ou non l'aîné. Pour la naissance d 'Eugénios, on

avancera donc avec prudence la date de 290 comme terminus ante quem . La Anunyopía Kwvotavtíou (1er septembre 355) et l'Or. II de Thémistios (mi

novembre 355) semblent indiquer qu ’Eugénios n 'était plus du nombre des vivants à cette date (mauvaise analyse des sources et conclusions erronées dans Seeck 1).

Le père d 'Eugénios, philosophe à Byzance , était bien en cour sous Dioclétien (Or. V 93, 6 -8 et XI 220, 9 -10 ). Peut- être faut-il l' identifier (cf. Ballériaux 2, et

déjà 3 F . Schemmel, « Die Hochschule von Konstantinopel im IV . Jahrhundert

p . C. n .» , JKPh 22, 1908, p. 153) au philosophe païen dont parle Lactance , Inst. div. V 2 , 3 - 11 ? Ce philosophe avait, vers 303, publié une apologie de la religion

E111

EU ( H )ARMOSTOS

307

païenne en trois livres et célébré , dansun panegyrique, les mérites des empereurs Dioclétien etGalère. De la Lettre 18 attribuée à Julien (la lettre n 'est pas éditée par Bidez dans l'édition de la CUF ; c'est la lettre 60 dans l'édition de W .C . Wright), mais dont l'auteur est un ancien élève de Jamblique (cf. 4 F . Cumont, Sur l'authenticité de quelques lettres de Julien , Gand 1899, p . 13 ; 5 J. Bidez, « Le philosophe Jam

blique et son école » ,REG 31, 1919, p. 29-40 ; 6 T. D . Barnes, « A correspondent of lamblichus» , GRBS 19, 1978, p. 99- 105 ), on peut déduire qu 'Eugénios a, vers

310, fréquenté l'école de Jamblique à Apamée et qu 'il est resté en relations épistolaires avec certains de ses condisciples. Parmi ses enfants, Thémistios fut

le seul qui, comme lui, s' adonna à la philosophie (Or. XX 3, 5). Eugénios possédait en Paphlagonie – probablement à Abonotique (cf. 7 F.

Wilhelm , « Zu Themistios Or. 27» , Byz] 6, 1929, p . 451) - un domaine assez vaste . Il ne dédaignait pas, surtout en ses vieux jours, de s' en occuper personnel lement. Il y avait aménagé une agréable résidence, grâce à la présence de sources qu 'il avait lui-même découvertes. Ces activités rustiques n 'étaient toutefois pour lui qu 'une simple détente , car, toute sa vie , il s'était, dans sa modeste cité paphlagonienne, consacré à l'enseignement de la philosophie . Devant quelques disciples choisis , il expliquait Aristote et dissipait l'obscurité dont le Stagirite a enveloppé ses æuvres. S'il abordait aussi Platon , c' était surtout, semble -t-il, pour montrer qu 'Aristote ne s' était jamais trouvé en désaccord avec son maître . Il fai

sait intervenir dans son exégèse Ménandre, Sophocle et Euripide, Pindare et Sappho . Mais , lorsqu 'il faisait appel aux poètes, c 'est surtout vers le divin

Homère qu 'il se tournait, car il retrouvait dans l’Iliade et dans l'Odyssée toute la philosophie de Platon et d 'Aristote , sans doute à la manière du Pseudo -Plutarque dans le De vita et poesi Homeri. Selon toute probabilité , il n ' a rien publié.

OMER BALLÉRIAUX (+). I ?

111 EU (H )ARMOSTOS

Alexandre d’Aphrodise, In Metaph., p . 59, 8 Hayduck, rapporte , à propos de Metaph. A 988 a 10 -11 ( td ydp eion toữ tí čotiv aitia tots ärros, tots 8 ' Elbeolv TÒ Év), une correction qu 'Aspasius (* * A 461) attribuait à Eudore d' Alexandrie (» E 97) et Euharmostos, qui lisaient, à la fin du passage: tots 8'

EĽdeoLV TÒ Êv xai tỉ űan . Voir C . de Vogel,Greek philosophy, t. III, nº 1285b (p. 350 - 351), et E .R . Dodds, « The Parmenides of Plato and the origin of the Neoplatonic " One” » , CQ 1928, p. 129- 142 , lequel considère qu 'il n 'y a pas dans

ce passage une lacune dans lesmanuscrits,mais qu'Eudore avait modifié le texte d' Aristote dans le sens du monisme néopythagoricien , qui faisait dériver l’äntel pov directement de l'Un . RICHARD GOULET. EULALIOS EULAMIOS

308

EULAMIOS DE PHRYGIE

112 EULAMIOS DE PHRYGIE RESuppl. III :

E112

DVI

Avec Damascius de Syrie (2D 3), Simplicius de Cilicie , Priscianus de Lydie , Hermeias de Phénicie (» H 81), Diogène de Phénicie ( D 143) et Isidore de Gaza ( + 1 32), ce philosophe païen quitta l'empire byzantin après 529 (date à

laquelle Justinien interdit l'enseignement aux païens et ferma l'école néoplatoni cienne d' Athènes ) pour se rendre en Perse , qu 'il croyait être le pays du roi-philo sophe de Platon. Déçus par la conduite des Perses, ces philosophes obtinrent de rentrer chez eux ,malgré le désir de Chosroès (* C 113) de se les attacher . Ce dernier obtint toutefois de Justinien qu'ils ne soient pas inquiétés pour leur reli

gion (Agathias, Hist. II, 10 , 3 - 31, 4 ; voir aussi Souda, s.v. tpéObELS, I 2251 , et

s.v. Aquáoxos , A 39, où certains manuscrits fournissent la forme Eulalios et non Eulamios). Sur cet exil collectif des philosophes et le témoignage d’Aga thias, voir Ph. Hoffmann , art. « Damascius» D3, DPLA II, p. 559-563. PIERRE MARAVAL , MF V 113 EULOGIUS PLRE II:5 Philosophe auquel l'empereur Léon Ier (457-474) fit verser des fournitures ( sitèrèsion ); critiqué pour ce geste , Léon émit le veu que vienne le temps où la solde des soldats serait versée à des didaskaloi (Souda A 267 = Malchus fr. 3 Blockley : la partie de texte de la Souda qui concerne Eulogius ne vientpeut-être

pas deMalchus). PIERRE MARAVAL. EULOGIUS — FAVONIUS EULOGIUS

114 EUMARÈS DE PHLIONTE

FV

Mentionné dans une liste de disciples de Socrate par la Souda, s.v. Ewxpárns, £ 829, t. IV , p. 404 , 21-23 Adler: 'Anxißládnv ( A 86 ), Koltó

Boulov (2- C 217), Eevounonv, 'Anowodwpov ’Anvalous (2- A 249). Éti OÈ Kpituva (3 C 220 ) xai Eiuwva , Etuápn Oriáolov , Eluuiav Onßacov , Teppiwva Meyapixóv, Xalpep @ uta (* C 109). Plusieurs de ces noms sont des

figures bien connues de l'entourage de Socrate tel qu'il est dépeint par Platon et Xénophon. Eumarès n 'est pas par ailleurs attesté,mais il est possible que le pas sage de la Souda dépende d'autres sourcesperdues relatives à Socrate . Comme Eumarès est suivi par Simmias de Thèbes (Cébès apparaissait lui aussi plus haut, p . 404 , 14 Adler), on pourrait envisager une confusion avec Echécratès de Phlionte ( E5), l' interlocuteur pythagoricien de Phédon dans le Phédon de Platon , bien que ce philosophe ne soit pas comme tel un disciple de Socrate. D 'autres personnages de la liste sont mentionnés

par Phédon parmiles amis présents à la mort de Socrate (59 b ): Apollodore , Critobule "et son père", c 'est-à-dire Criton , et enfin Terpsion de Mégare .Mais la liste de la Souda comprend au moins un autre nom inattendu, celui de Xénomède. Nouvelle confusion pourMénexène, lui aussimentionné dans le même passage ?

RICHARD GOULET.

E 117

EUMÉNÈS D 'ASPENDOS

309

115 EUMÉLOS RE 13 (pour B) A . « Péripatéticien », de date inconnue, auteur d'un traité Sur l'ancienne comédie en au moins trois livres (Scholie sur Eschine, in Tim . I 39, n° 83, dans M . R . Dilts, Scholia in Aeschinem , coll. BT, Stuttgart/Leipzig 1992, p. 23, li. 280-284). Dans son troisième livre , il rapportait qu'un certain Nicoménès (RE 2 )

avait fait voter un décret stipulant qu'à partir de l' archontat d 'Euclide (403/2 )

nul ne devait avoir part aux droits civiques s'il ne pouvait démontrer que ses deux parents étaient citoyens; ceux qui étaientnés avant l'archontat d 'Euclide ne

devaient pas être soumis à cette enquête . H . Schaefer, art. « Nikomenes» , RE XVII 1, 1936 , col. 504 , voit dans cette mesure un adoucissement de la loi d ' Aristophon votée en cette année 403 /2 : les enfants nés avant cette date ne

devaient pas être soumis à la loi. B . C 'est peut-être le même auteur (FGrHist 77 F 1) qui, selon Diogène Laërce V 6 , rapportait, au cinquième livre de sesHistoires, qu 'Aristote étaitmort

à Chalcis après avoir bu de l'aconit,âgé de soixante-dix ans, et que le philosophe avait rencontré Platon à l'âge de trente ans. Cette version de la mort d'Aristote

contredit d 'autres témoignages. Voir M . Narcy, note à sa traduction du passage dans Diogène Laërce, Vies et doctrinesdes philosophes illustres. Trad . franç. sous la direction de M .- O . Goulet-Cazé, coll. « La Pocho

thèque - Classiques Modernes» , Paris 1999, p . 561 n . 1 : « Cet Eumèle est peut-être le philo sophe péripatéticien connu sous ce nom (... ), qui aurait voulu auréoler le fondateur de son école d 'une gloire supplémentaire en le faisantmourir, non seulement à l'âge de Socrate, mais de la même façon , par l'absorption d 'un poison analogue à la ciguë. D . L . ne relève que l'erreur relative à l'âge auquel Aristote rencontra Platon ,mais il rapporte plus loin (V 10) la version de la mort d ' Aristote due à Apollodore, qui dément celle d 'Eumele. »

RICHARD GOULET.

116 EUMÉLOS (M . IULIUS)

II ? Le « philosophe » Marcus Iulius Eumélos, inconnu par ailleurs, fut honoré par

ses enfants sur un monument funéraire à Alaca au nord -est d ' Ancyre (RECAM

II,nº519). BERNADETTE PUECH .

117 EUMÉNÈS D'ASPENDOS RE 11

IIIa

Académicien , disciple de Crantor de Soles (B+ C 195) et non de Cratès d'Athènes (2C 206 ), mentionné dans l'Academicorum historia de Philodème, col. S 32 -33 (cf. K . Gaiser, Philodems Academica , Stuttgart/Bad Cannstatt 1988,

p . 529,531). Philodème affirme qu'ilavait écrit un ouvrage sur la comédie (ſlepi xwuwdías ). On ne peut partager l'hypothèse qu’Eumène aurait publié les Bibaia tepi xwuwdíaç de Cratès (D .L . IV 23. Cf. Th . Gomperz , Die herkulanische

Biographie des Polemon , in Philosophische Aufsätze , E. Zeller ... gewidmet, Leipzig 1887 , p . 149 = Eine Auswahl herkulanischer kleiner Schriften , hrsg . v. T. Dorandi, Leiden 1993, p. 161; L . Cohn, art. « Eumenes » 11, RE VI 1, 1907 , 1105 ). Wilamowitz , Euripides Herakles. I = Einleitung in die griechische Tra gödie , Berlin 1889 , p . 134 n . 21, a suggéré d 'identifier Eumène, auteur de livres

310

EUMÉNÈS D 'ASPENDOS E 119 sur la comédie , avec l'Euclide dont parle Tzetzes XIa I, p. 28, 111 Koster; Xla II, p. 35, 53 et XXIc , p . 106 , 47. Cf. H .-G . Nesselrath , Die attische Mittlere

Komödie ,Berlin/New York 1990, p. 176 n. 74. TIZIANO DORANDI.

118 EUMÉNÈS DE PHOCÉE (L . VIBIUS -)

II ?

Le philosophe L . Vibius Euménès exerça à Phocée, sous le Haut-Empire , de nombreuses fonctions publiques : voir BE 1971, nº 553 et EA 18, 1991, p. 81

n° 4. Peut-être appartenait-il à la même famille de Vibii que la femme du philo sophe Hermocratès de Phocée ( H 87). BERNADETTE PUECH .

119 EUMÉNIUS PLREI:2

MF IV

Compagnon d'études de l'empereur Julien en Asie ou à Athènes. Julien lui écrit de Gaule (avant 360) en faisant l'éloge de la vie contemplative et en

l'exhortant à acquérir la science d'Aristote et de Platon (Julien , Ep. 8 , 441 a-d ). La lettre est adressée aussi à Pharianos. PIERRE MARAVAL .

120 EUMOIROS DE PAROS

Pythagoricien ancien dont le nom figure dans le catalogue de Jamblique, V. pyth . 36 , 267, p . 145 , 5 Deubner .

BRUNO CENTRONE. 121 EUNAPE DE SARDES RE 2 PLREI:2

349-après 414

Sophiste païen , formé à Athènes, initié au néoplatonisme de la tradition de Jamblique, auteur de Vies de philosophes et de sophistes conservées et d'une Histoire dont il reste de larges fragments. Biographie. Les rares informations biographiques dont nous disposions sur

Eunape sont tirées de l'analyse de ses œuvres. Une reconstitution de la chrono logie de la vie d 'Eunape a été tentée dans un article dont les conclusions sont résumées ici: 1 R . Goulet, « Sur la chronologie de la vie et des æuvres d 'Eunape de Sardes » , JHS 100 , 1980 , p . 60 -72 . Les chiffres entre parenthèses renvoient à

la page et à la ligne de l' édition Giangrande des Vies signalée plus bas sous le n° 10 .

Cette chronologie a été acceptée par certains spécialistes comme 2 F. Paschoud, « Euna piana » , dans Bonner Historia -Augusta -Colloquium 1982/1983, p . 239- 304, notamment p . 262 n. 42, ou Blockley 38 (cité plus loin ), p . I, IX (addendum ), mais rejetée par d'autres, notam ment 3 Th. M . Banchich , « On Goulet 's Chronology of Eunapius' Life and Works » , JHS 107 ,

1987, p. 164- 167 (reprend l'Appendice 2 de sa thèse de 1985). Les objections soulevées sont examinées dans « Prohérésius le païen » , à paraître dans AntTard 8 , 2000. Si l'on refuse cette

interprétation des données chronologiques, on pourra soustraire deux ou trois ans aux dates indiquées.

Eunape est né à Sardes, capitale de la province de Lydie en Asie Mineure, en

349 ap. J.-C . A l'entendre, il serait issu d'une famille peu fortunée, à comparer

E 121

EUNAPE DE SARDES

311

du moins avec ses condisciples chez le sophiste Prohérésius à Athènes: « les uns se faisaient remarquer par leur robustesse corporelle , les autres, s'ils n 'avaient

qu'une forme moyenne, détenaient quelque supériorité du fait de leur richesse ; quant à l'auteur, qui se trouvait dans une condition physique lamentable , pour tout bien , il avait dans sa mémoire la plupart des ouvrages des auteurs anciens

(åpxaiwv) » (64,24 -65, 1 Giangrande). Eunape exagère sans doute . Il veut montrer qu 'à la différence de ses condisciples, son excellence ne doit rien à la nature et à la fortune.Mais les cinq années d ' études à Athènes qu 'il put se per mettre n ' étaient pas à la portée de toutes les bourses.

La parenté et l' entourage d 'Eunape permettent de préciser ses origines socia les. Il est sans doute parent du rhéteur Eunape que les Lydiens envoyèrent en

ambassade auprès du nouvel empereur Julien en 362 (Histoire, fr. 15 = fr. 24 Blockley ; voir aussi fr. 45 = fr. 29 Blockley). Il est parent par alliance avec le

philosophe Chrysanthe de Sardes (2+ C 116 ) - dont l'épouse , Mélité , était la cousine d 'Eunape (49, 10 -11) -, qui fut, sousJulien , grand-prêtre de Lydie (50, 7 - 8 ; 93, 20-21) et qui appartenait à la plus haute aristocratie de Sardes (91, 1 - 2) . Il est l' ami personnel d'Oribase de Pergame, qui « tenait sa noblesse du côté

maternel et du côté paternel» (87, 20 ) et qui fut le médecin de l'empereur Julien (88, 4 -5 ). Oribase a d' ailleurs dédié à Eunape des ouvragesmédicaux conservés

(cf. J. Raeder, CMG VI 3, 1926) et c' est lui qui incita'Eunape à écrire son Histoire ( cf. fr. 8 ). Enfin , on retrouve Eunape au banquet de l'ancien proconsul de la province d 'Asie , Festus, qui avait invité « les hauts dignitaires et l'aristo

cratie » (56 , 3-4 ). « Dès son enfance » , c'est-à-dire jusqu 'à quinze ans, il fut à Sardes l'élève du philosophe Chrysanthe (18 , 10 - 11 ; 90 , 22 ; 96 , 16 - 17) qui semble s'être chargé, peut- être à titre purement privé, de la formation que dispensait habituellement le

grammatikos aux enfants de cet âge. C 'est auprès de lui qu'il dut étudier et mémoriser les textes essentiels des poètes et des autres auteurs classiques

(64, 27 -65, 1). Dans sa seizième année (63, 24-25 ; 79, 14-15), donc à quinze ans, à la fin de septembre 364 , Eunape fut envoyé par sa famille , qui voulait sans doute faire de luiun sophiste (79, 19-20 ), à Athènes où il futenrôlé dans l'école de Prohérésius

(64, 9 -65, 11), alors âgé de quatre-vingt-six ans (63,25 -64 , 1). Le capitaine du navire athénien sur lequel Eunape avait fait la traversée était un amidu célèbre

sophiste et, arrivé de nuit au Pirée, il emmena les nouveaux étudiants chez Prohérésius avant qu 'ils ne fussent racolés par les disciples des autres maîtres. Le jeune Lydien était en piteux état: une fièvre s' était déclarée durant la traver

sée (64, 9 - 10 ) et, pendant quelque temps, on crut son état désespéré.Non seule ment ses compatriotes (65, 14) et les membres de sa famille venus étudier en mêmetemps que lui (64, 10 - 11) étaientaccablés par ce malheur, mais la cité tout

entière , à en croire Eunape, était plongée dans le deuil (65, 17 -18), par anticipa tion. Heureusement, il fut sauvé par un certain Eschine de Chios,médecin dont

personne n 'attendait pareil exploit: « il avait achevé non seulement des patients

312

EUNAPE DE SARDES

E 121

qu'il avait entrepris de soigner,mais même ceux qu'il s'était borné à examiner »

(65, 20 -21). En ce qui concerne la date proposée pour l'arrivée à Athènes, que je déplaçais de 361/ 2 à 364, G . Fatouros m 'a signalé que 4 G . R . Sievers , Studien zur Geschichte der römischen Kaiser, Berlin 1870, p . 235-236 , avait déjà conclu des passages d'Eunape qu 'il était arrivé à

Athènes peu après le règne de Julien . Sur la date de l' arrivée à Athènes, voir 5 A . D . Booth , « On the date of Eunapius' coming to Athens » , AHB 1, 1987, p. 14 -15 (au plus tôt à l'automne 363) .

Chez Prohérésius, Eunape étudia cinq ans, c'est-à-dire qu'il fut de ses élèves pendant cinq années scolaires successives et non pendant cinq années complètes,

car nous verrons qu 'il était déjà rentré à Sardes dans le cours de sa vingtième année (18, 11). Envers son jeune disciple , Prohérésius se montra plus qu 'un maître : il lui témoigna une affection paternelle qui marqua la mémoire d 'Eunape

(63, 20-23 ; 66 , 7 -17 ; 79 , 16 -17). Cf.6 D. F. Buck,« Prohaeresius' recruitment of students », LCM 12, 1987, p. 77-78. Durant ce séjour d'étude dans la grande capitale intellectuelle de l'hellénisme, Eunape put entendre et connaître quelques-uns des plus grands rhéteurs de l'épo que : Diophante l'Arabe (80 , 11- 13), Sopolis (80 , 22-23); il ne rencontra ni Liba

nius (85, 5-7, passage qui pourrait être une interpolation tardive, cf.Giangrande 10 , Introduction , p . XVI-XIX ), ni Himérius (75 , 1-3 ; 81, 3-4), ni Épiphane de

Syrie ,mort longtemps avant qu'Eunape ne séjournât à Athènes (80 , 5 -6 ). C 'est sans doute à Athènes que le jeune étudiant fréquenta Tuscianus de Phrygie (Histoire , fr. 25 ) ou de Lydie (69, 20), un condisciple de Prohérésius, chez leur

maître commun , Julien de Cappadoce : Tuscianus lui procura des informations détaillées sur le milieu des rhéteurs athéniens de la génération précédente (59, 18 -21 ; 62, 8-10 ;69, 20 -21 ; 70, 1). Au cours de ces années à Athènes, Eunape fut initié aux mystères d'Éleusis, par le même hiérophante qui avait initié l'empereur Julien (45 , 8- 10). Ce hiéro phante qui connaissait personnellement Prohérésius (79, 5 -13) semble avoir reçu le fervent hellène qu 'était le jeune Eunape dans son intimité et c'est en sa pré sence qu'il prophétisa la destruction des temples de la Grèce (45, 10 - 12). Blockley 38 , 1. I, p . 4 , et Paschoud 56, p. 151, ont voulu identifier l'hiérophante d'Éleusis dont Eunape tait le nom avec l'hiérophante Nestorius dont parle Zosime (IV 18 , 2- 4 ). Cette identification est très fragile , car ce Nestorius ne semble pas rattaché au culte des deux déesses à Éleusis , mais à celui d' Athéna à l'Acropole . A cette époque, tous les cultes avaient leurs hié rophantes. CommeNestorius était " très âgé” en 375 , on peut se demander s 'il a pu être témoin

d ' événements survenus vingt ans plus tard , comme le rapporte Eunape (45, 18 -23). En 368/9, au cours de la cinquième année scolaire d' Eunape à Athènes, son

maître Prohérésius, alors âgé de quatre -vingt-dix ou quatre -vingt-onze ans, tom ba gravement malade et dut mettre un terme à son enseignement. C 'est en tout cas « après une cinquièmeannée » (79, 17) qu ’Eunape décida de quitter Athènes. Le séjour de cinq ans a été contesté par 7 Ch . W . Fornara, « Eunapius' Epidemia in Athens » , CQ 39, 1989, p. 517 -523, qui propose de lire en 79 , 17 MetánEUntoç (« appelé » ) au lieu de uetà néuntov Étos . Cette correction a été rejetée par 8 Th . M . Banchich ,

« Eunapius in Athens » , Phoenix 50, 1996 , p . 304-311. Le mot apparaît en effet ailleurs chez

Eunape (49, 4 ; 76 , 14 ),mais, en 79, 17 (únelyeto uÈN LETáneunToc eis tnvAyuntov, oi

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313 EUNAPE DE SARDES OÈ Tatépeç xaroŪVTEÇ ÉTÈ Audiac étebiáoavto), il ne serait pas bien à sa place, car si Eunape était appelé ou rappelé quelque part ce n 'était certainement pas en Égypte, mais bien à

Sardes...

En 79, 5 , il faut lire vóuw (TÓNW A ) TOŨ TALDEVELV Ételpróuevos, comme l'a proposé 9 A . Guida, « La rimozione di Proeresio dall'insegnamento e i meschini interessi di Costanzo : due note a Eunapio (VS 10, 8 , 1 ; Hist. fr. 14 Bl.) », dans E. Gabba, P . Desideri et S . Roda (édit.), Italia sul Baetis : studidi storia romana in memoria di Fernando Gascó , coll. « I flori

legi » 7 , Torino 1996 , p. 153- 158 , notamment p . 156 , avec d 'excellents parallèles cités n. 14 . J'avais envisagé la même correction à partir d 'un passage du cinquième livre du Contre Eunome transmis sous le nom de Basile. Il s' inscrit dans une critique de la conception arienne des relations entre le Père et le Fils : vouw dúoews (l 'expression est empruntée à l'adversaire

tñs ouvapeias tñs após aŭtov É FELpyouevos... (PG 29, col. 641, li. 28 ). Pour l'attribution

de l'ouvrage, voir CPG nº 2837 et l'Introduction de B . Sesboué à Basile de Césarée, Contre

Eunome, coll. SC 299, Paris 1982,t.I, p. 61-64.

Eunape espérait alors aller en Égypte , peut-être pour y étudier la médecine dans l'école publique (didaoxaletov...ZOLVÓv ) du médecin Magnus de Nisibe à Alexandrie : « vers lui faisaient voile tous les jeunes gens, afin d' étudier chez lui» (87, 10 -11). Ce projet fut cependant contrecarré par les parents d 'Eunape qui le rappelèrent en Lydie , pour qu 'il vînt occuper la chaire de sophiste à laquelle ses études athéniennes l'avaient préparé : « la sophistique l'attendait et tous l'appelaient à exercer cette fonction » (79 , 17 -20). Il dut quitter Athènes avec la reprise de la navigation au printemps de 369. Quelques jours plus tard, Prohérésiusmourut (79, 20 -21) . Rentré à Sardes, Eunape retrouva son premier maître, le philosophe Chry santhe ( 96 , 14), et, bien qu 'il eût à enseigner la rhétorique à ses propres élèves durant la matinée, il se précipitait dès le début de l'après-midi chez Chrysanthe

pour y apprendre « les discours plus divins de la philosophie » (96, 11-15 ). Comme tous les philosophes de l' école de Jamblique, Chrysanthe respectait à l'égard des doctrines du maître « un silence mystérique et un arcane hiérophan tique » (18, 8-9). Aussi ne jugea-t-il Eunape, qu'il connaissait pourtant depuis

longtemps, digne des « vérités supérieures» que lorsque le jeunehomme fut dans sa vingtième année, à son retour d' Athènes (18, 10 - 12). Eunape évoque les pro menades que le vieux maître faisait avec ses disciples dans les rues de Sardes

après la classe. Ses propos étaient si captivants, raconte-t-il, qu'on en oubliait les ampoules aux pieds et la fatigue (95,26 - 96 ,3). C 'est à cette époque, lorsqu 'il était neos, qu'il rencontra et écouta Maxime d 'Éphèse (40, 21-22) . Il était également présent à Sardes lorsque Musonius sortit de la ville à cheval (Histoire, fr. 45 Müller), peut-être pour aller affronter les rebelles Isauriens dans un combat où il perdit la vie comme Vicarius Asiae. Cet événement a été daté en 368 d'après le contexte général du paralelle chez Ammien Marcellin (XXVII 9 , 6 ) et pourrait donc être allégué contre

un retour d' Eunape à Sardes en 369 seulement, mais la succession des chapitres chez Ammien

est trop imprécise pour fournir une datation assurée . Dans cet ensemble désordonné d'infor dans une embuscade avec la préfecture urbaine de Praetextatus n 'est assuré que par un « haec

mations que constitue le livre XXVII d'Ammien , le synchronisme entre la mort de Musonius

inter » quine garantit pas une grande précision chronologique. D 'après les Fastesde PLRE, le Vicarius Asiae qui remplaça Musonius, Euserius, exécuté vers 371/2 , venait à l'époque de sa

condamnation de tenir ces fonctionspaulo ante (Ammien Marcellin XXIX 1, 9), ce qui permet de penser que la mort de Musonius a pu survenir un peu plus tard qu ' en 368 . Voir Goulet 1,

p. 66 n . 39.

314

EUNAPE DE SARDES

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Eunape resta aux côtés de Chrysanthe jusqu 'à la mort de ce dernier. Il lui sauva même la vie, un an avant sa mort, en ordonnant d 'arrêter une saignée

prescrite au vieillard par des médecins imprudents ( 100 , 7 -12). Eunape explique à cette occasion qu'il n 'était pas « un profane dans les choses de la médecine »

(100, 12 -13). C 'est sans doute pourquoi Chrysanthe avait exigé qu'il fût présent (100 , 9). Un an plus tard , au début de l'été,malgré les ordres qu ’Eunape avait donnés au médecin qui devait l'attendre , « comme à l'habitude » , avant de faire quoi que ce fût, on imposa à Chrysanthe une nouvelle saignée qui fut cette fois

fatale ( 101, 3-9). Dans son récit, Eunape nemanque pas d'évaluer d'un pointde

vuemédical le traitement que prescrivit alors Oribase , appelé en catastrophe au chevet du mourant( 101, 9- 15 ). Banchich 45, p . 117, a signaléune inscription de Beni-Hasan en Égypte quimentionne un Eunape qui pourrait être le sophiste de Sardes. Le texte est incertain . J. Letronne (Recueil des inscriptions grecques et latines de l'Égypte , Paris 1848, 1. II, p . 459, n° 523) avait édité le texte suivant: Tò npooxúvnua : Mpaoiwv (xai) Eúvários latpós, A . Boeck (CIG III (1853] n° 4076 , p . 1191) a lu : Tº npooxúvnua: [ [ Jaoiwv EÚva [n ]io [ v] latpóç. L 'intérêt de l'au

teur pour la médecine, son projet ancien d 'aller étudier en Égypte et la rareté du nom per mettent de penser qu'un fils d 'Eunape est l'auteurde cette dédicace. Si l'on excepte la composition des deux ouvrages connus d'Eunape, voilà à

peu près tout ce que nous savons de sa vie. La date de sa mort nous est inconnue. Nous constatons toutefois qu 'il fait allusion dans son Histoire ( fr. 87 ) à l'impéra

trice Pulchérie (414 -416 ) : il avait sous son règne environ soixante-cinq ans. Euvres littéraires. (1) Vies de philosophes et de sophistes (Bíou pilooooww vai ooplotāv); (2 ) Histoire en quatorze livres.

I. VIES DE PHILOSOPHES ETDE SOPHISTES (Blol Quooopwv xalooplotāv) Édition critique. 10 Giuseppe Giangrande (édit.), Eunapii Vitae Sophista rum . Ioseph Giangrande recensuit, coll. « Scriptores Graeci et Latini consilio Academiae Lynceorum editi », Roma 1956 , XLVIII-111 p . Praefatio : VII-XXXV; Testimonia Veterum Auctorum (Oribasius, Suidas, Photius): XXXVII-XLI; codices : XLIII ; Disputationes criticae : XLIV-XLV ; Index philosophorum atque sophistarum quorum vitas Eunapius conscripsit: p. 103 ; Index verborum notabiliorum : 105 106 ; Index nominum : 107- 111.

C 'est la seule édition qui soit fondée sur le Laurentianus Mediceus graecus plut.LXXXVI 7 (XI s.), dont 11 A . Jordan , De Eunapii codice Laurentiano, Progr.Gymn. Lemgo 1888 , a montré qu'il est l'ancêtre de tous les manuscrits d'Eunape connus. A la suite de plusieurs auteurs , Giangrande a consacré à l'éta blissement du texte divers articles qu'on trouvera signalés, avec les références des études plus anciennes, dans la bibliographie de son édition (p. XLIV ). Ajouter : 12 G . Giangrande, « Vermutungen und Bemerkungen zum Text der Vitae Sophistarum des Eunapios » , RHM 99, 1956 , p . 133- 153 ; 13 Id ., « Lesefrüchte » , RHM 101, 1958, p . 57 ; 14 B . Baldwin , « An emendation in Eunapius » , SIFC 48, 1976 , p . 263- 264 (sur

XXI 3 Giangrande ; Vit. sophist. 498 Boiss.) ; 15 A . Guida, « Tre note a Eunapio » , SIFC 49, 1977, p. 283-284 (Vit. sophist. 454, 498, 505 Boiss.) ; 16 R .J. Penella, « Eunapius, Vitae Phil.

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EUNAPE DE SARDES

315

XXIII 3 .15 (Giangrande) », RhM 129, 1986 , p. 363. On tiendra compte également des recen sions de l'édition , notamment celles de 17 H . Gerstinger,Gnomon 30, 1958, p. 105 -108, et de 18 R . Keydell, BZ 53, 1960 , p. 119- 123.

Traductions. Latine: dans l'édition de 19 J. F . Boissonade, Eunapii Sardiani Vitae Sophistarum (avec Philostrate et Himérius), Paris 1849 (réimprimée en

1878), p. 449-505, qui reprend l' édition qu'il avait déjà donnée (avec des notes de D . Wyttenbach ), Amsterdam 1822 , en y ajoutant une version corrigée de la traduction latine de H . Junius (editio princeps des Vies, Anvers 1568). Fran çaise : 20 Eunape de Sardes, Vies des philosophes et des sophistes, traduites en français par Stéphane de Rouville, Paris 1876 , 214 p. (5e éd . en 1879). Anglaise : 21 Philostratus and Eunapius, The Lives of the sophists with an English transla

tion by Wilmer Cave Wright, coll. LCL 134, London 1921, p. 317-565, avec un Index des noms propres, p. 588 -596 ( souvent réimprimée ; l'édition de 1961, réimprimée en 1968 , tient compte , en notes, quand la mise en page le permet, des apports de l'édition Giangrande).

Index grec. 22 Robert Robinson, Indices tres vocum fere omnium quae occurrunt in ... Longini..., Eunapii Libello de Vitis Philosophorum et Sophista

rum , in Hieroclis..., Oxford 1772 ( suit la pagination et la linéation de l' édition H . Commelinus, Cologne 1616 ); 23 I. et M .M . Avotins, Index in Eunapii vitae sophistarum , coll. « Alpha-Omega » Reihe A ,Lexika, Indizes, Konkordanzen zur

klass. Philol.,62, Hildesheim 1983, X -257 p. Datation. L 'ouvrage fut composé après 396, puisqu'Eunape y mentionne l'invasion d ’Alaric et la destruction du sanctuaire d 'Éleusis (45, 10 - 46, 11). Ce sont là les derniers événements évoqués, mais ils ne sont pas présentés comme récents. Lorsqu 'Eunape parle des païens qui év tõde tô xpova (58 , 14 ) ont été exécutés par les barbares ou se sont eux -mêmes donné la mort, il pense certai nement à une époque qui n 'est plus toute récente . Demême, quand il rapporte la prédiction de l'hiérophante d' Éleusis concernant son successeur, dont la venue allait entraîner la destruction des temples de la Grèce et la fin du culte à Éleusis, il considère qu 'un des points de la prédiction qui s'est réalisé est qu 'après avoir

été témoin de ces malheurs le nouveau hiérophante ne connaîtrait pas la vieil lesse (45, 22-23). Cela nous amène encore une fois quelques années au moins après la destruction du sanctuaire d 'Éleusis et l' invasion d ’ Alaric . Aussi est-il

préférable de dater la composition des Vies du début du ve siècle. 24 Th.M . Banchich, « The date of Eunapius' Vitae sophistarum » , GRBS 25, 1984, p. 183 192.

Style. 25 G . Giangrande, « Caratteri stilistici delle Vitae Sophistarum di Eunapio . Contributi allo studio del più tardo atticismo» , BPEC 4 , 1956 , p. 59

70 ; 26 Id ., « Herodianismen bei Eunapios. Ein Beitrag zur Beleuchtung des imitatio in der späteren Gräzitat», Hermes 84 , 1956 , p. 320 -321.

Contenu . Les Vies brossent successivement le portrait de neuf philosophes (Plotin, Porphyre , Jamblique, Aidésius, Maxime, Priscus, Chrysanthe, Épigonus et Béronicianus), dix sophistes (Julien de Cappadoce, Prohérésius, Épiphane, Diophante, Sopolis, Himérius, Parnasius, Libanius, Acace et Nymphidianus) et

EUNAPE DE SARDES

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cinq médecins (Zénon, Magnus, Oribase, Ionicus et Théon ). Mais à ces figures de premier plan s'ajoutent les nombreux personnages que nous font connaître des excursus importants , sans parler de plusieurs païens qui ont joué un rôle dans la vie de ces intellectuels, tout en exerçant d'autres fonctions. Philosophes, so

phistes etmédecins forment dans l'esprit d'Eunape un groupe social organisé que rapprochent des traits caractéristiques : ce sont tous des Grecs, orientaux, païens ; un riche tissu de relations humaines, académiques, professionnelles, poli tiques, mais aussi familiales, font de cette micro -société d'intellectuels une

famille homogène. Après avoir distingué dans son prologue (1, 3 - 5, 17) trois périodes dans

l'histoire ancienne de la philosophie (et de la rhétorique) en fonction de la qua lité de la documentation accessible sur chacune, après avoir rappelé l'existence, pour l'histoire des philosophes, des ouvrages de Porphyre (“ Historia philoso phos", 2, 14 -17) (première période qui va jusqu'à Platon , 2, 16 ; 5 , 5 -6 ] et de

Sotion (“Diadochai”, 2, 14 - 18 ) (deuxième période, jusqu 'à l'époque de Sotion qu ’Eunape semble situer sous Claude ou Néron , 5, 5-7 ), pour l'histoire des sophistes, des Vies des sophistes de Philostrate de Lemnos (2, 20 -22), ainsi que de biographies individuelles de philosophes comme la Vie d 'Apollonius de Tya

ne par Philostrate (3, 4 -9) ou la Vie de Démonar par Lucien de Samosate (4, 5 8 ), et avoir souligné l'intérêt biographique ou même autobiographique des écrits de Plutarque (3, 20 -4 , 5) (troisième période ou période “intermédiaire", pour laquelle il n 'y a donc pas d 'histoire générale des philosophes, 2, 18 -23 ; 5, 5- 12 ], Eunape aborde ses biographies avec le règne de Sévère < Alexandre > (5, 12), car

il savait, par la Vie de Plotin 2 , 36 -37, que la treizième année de son règne correspondait à la naissance de Plotin . Les passages (obscurs et partiellement corrompus) du Prologue sur les périodes de l'histoire de la philosophie sont étudiés dans 27 G . Nenci, « Eunapio , Vitae Sophist. II 2 , 6 -8 e la periodizzazione della dióoopoc iotopia » , ASNP 3, 1973, p . 95 -102 ; 28 R . Goulet, « Eunape et ses devanciers : A propos de Vitae Sophistarum p. 6 .4 - 17 G .» , GRBS 20 , 1979,

p . 161-172 ; 29 J. Hahn, « Quellen und Konzeption Eunaps im Prooemium der Vitae sophistarum » , Hermes 118 , 1990 , p .476 -497. Hahn 29, p. 481-482 me reproche d'avoir supposé qu 'un Sotion , distinct de l'auteur des Successions des philosophes (fin du le siècle av. J.- C .), aurait composé, au début de l' époque impériale une Histoire de la philosophie qui aurait amené Eunape à faire cesser la deuxième période de l'histoire de la philosophie sous Claude et Néron. Je n' ai jamais pensé à une telle hypothèse. Selon moi, Eunape, qui ne connaissait Sotion qu 'à travers Porphyre, a pu, tout sim

plement, confondre l'auteur des Successions avec un de ses homonymes d' époque impériale . Si l'on n 'accepte pas cette hypothèse, il faut supposer que, selon Eunape, il y eut entre Sotion

et le premier siècle denotre ère une période totalementdépourvue de philosophes. Je crois que

les deux développements d'Eunape suggèrent plutôtdes périodes successives et contiguës.

Si la section consacrée à Plotin ne compte que quelques lignes (5 , 18 -6, 8), le chapitre sur son disciple Porphyre est beaucoup plus long (6 , 9 - 10, 10) et offre des informations dont la valeur historique demande à être étudiée de près,

notamment sur la crise suicidaire qui aurait amené Porphyre à partir en Sicile (7 ,2 -8, 9). Sur le récit que donne Eunape de cet événement, rapporté par Por

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EUNAPE DE SARDES

317

phyre lui-même dans sa Vie de Plotin 11, 11-19, voir 30 R . Goulet, « Variations romanesques sur la mélancolie de Porphyre» , Hermes 110 , 1982, p . 443-457. Suit un chapitre sur Jamblique (10, 18 - 15, 2), présenté comme disciple de Porphyre (10 ,23 - 11, 1). Des récits attestant des pouvoirs surnaturels de Jam blique sont dits empruntés aux souvenirs de son disciple Aidésius, maître de Chrysanthe de Sardes, lui-mêmemaître d'Eunape (12, 9- 13 ; 15, 1-2) et inspira

teur de l'ouvrage ( 90 , 21-22). Jamblique avait écrit une Vie d'Alypius (16 , 7) que connaissait Eunape (16 , 8), lequel consacre à ce philosophe alexandrin contem

porain et amide Jamblique ( A 129) quelques développements (15, 3 - 17, 7). Eunape passe ensuite aux deux principaux disciples de Jamblique : Aidésius (MA 56 ) et Eustathe (WE 161), de Cappadoce l'un et l'autre. Mais ilmentionne

égalementdeux autres disciples, originaires de Grèce: Théodore (= d 'Asiné ?) et

Euphrasius (2 + E 131), ainsi que Sopatros de Syrie que l'on retrouvera plus loin (11, 13 -15). Aidésius est le successeur de Jamblique. Sa vie (17, 8 - 25 ,4 ) est

entrecoupée par un long excursus (18, 14 -23, 14 ) sur Sopatros, conseiller malheureux de l'empereur Constantin , excursus qui s'étend jusqu 'au récit du

châtiment providentiel d'Ablabius (21, 1- 23, 14 ), qui avait fait exécuter Sopatros .

Quant à Eustathe (25, 5 ; 28, 3), qui fut ambassadeur de Constance chez les Perses, il épousa une certaine Sosipatra, dont on nous raconte en détail l' initia tion reçue auprès de deux étrangers professant la sagesse chaldaïque (28, 4

32,13). Cf. 31 R . Pack, « A romantic narrative in Eunapius» , TAPHA 83, 1952, p . 198 -204. Après la mort d'Eustathe qu 'elle avait prédite (32, 14 - 33, 7) – cf. 32 G . Giangrande, « La profezia di Sosipatra in Eunapio » , SCO 5, 1955 , p. 111 116 -, elle enseigna elle -même à Pergame, auprès d'Aidésius (33, 8 -17). Eunape raconte également comment elle dut faire appel au savoir divinatoire de son parent, le philosopheMaximed 'Éphèse, pour se libérer des philtres amoureux de

son cousin Philométor (33, 18 -36 , 13). Un des fils d 'Eustathe et de Sosipatra , Antonin (2 A 221), se réfugia dans un temple à Canope où il enseignait la philo

sophie de Platon et où il prédit la destruction , après sa mort, du Sérapéion et des autres temples d'Alexandrie (36 , 14 - 40, 19). Cf. 33 K . Latte , « Eine Doppel fassung in den Sophistenbiographien des Eunapios » , Hermes 58, 1923, p . 441 448 .

La génération suivante est celle des disciples d 'Aidésius. La vie de Maxime

d 'Éphèse est assez longue (40, 20 - 56 , 19 ),parce qu 'elle comporte de longs déve loppements sur Julien (* I 46 ), dont Maxime fut le maître et le conseiller. La formation néoplatonicienne de Julien chez Aidésius à Pergame, qui le confia à ses disciples Eusebe de Myndos ( E 156 ) et Chrysanthe de Sardes, puis chez

Maxime à Éphèse , qu'on avait présenté à Julien comme plus ouvert aux pra tiques théurgiques, puis son initiation à Éleusis, son accession à l'empire et ses efforts pour obtenir la collaboration de ses anciens maîtres, tout cela est raconté avec beaucoup de pittoresque (41, 13 -48, 16 ). Vient ensuite le récit de l'ascen sion de Maxime, sa chute sous Valentinien et Valens, sa réhabilitation grâce au

préfet d 'Asie Cléarque et sa condamnation à mort en 371 pour avoir apporté le

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concours de ses connaissances divinatoires aux conjurés du complot d'Antioche (48 , 17 - 56 , 19 ).

La section des Vies consacrée aux philosophes s'achève avec le portrait de Priscus, autre disciple d 'Aidésius (56 , 20 - 59,4). Eunape passe alors aux so phistes, puis aux médecins et ce n 'est qu 'à la fin de son ouvrage - sans doute par marque de reconnaissance - qu' il raconte la vie de son maître vénéré, Chry santhe (90 , 20 - 101, 16 ), auquel succédèrent (101, 17 -21) Epigonos de Sparte (» E 41) et Béronicianus de Sardes ( B 25).

Ces biographies, ou plutôt ces portraits dont nous venons de dégager le cadre général, du moins pour la section consacrée aux philosophes , doivent être lus en tenant compte de l'histoire du genre littéraire des Vies de philosophes. Sur cette

question , voir une étude où Eunape tient une grande place : 34 R . Goulet, « Les Vies de philosophes dans l'antiquité tardive et leur portée mystérique» , dans F. Bovon et alii, Les Actes apocryphes des Apôtres. Christianisme etmonde païen , Genève 1981, p. 161-208, et 35 Id ., « Histoire etmystère . Les Vies de philoso phes de l'Antiquité tardive » , dans La Biographie antique, coll. « Entretiens sur l'Antiquité classique » 44, Vandæuvres-Genève 1988, p . 217 -265. La micro

société décrite par Eunape a fait l'objet d'une série de conférences à l'ÉPHÉ : 36 R . Goulet, « Les Intellectuels païens dans l'Empire chrétien selon Eunape de Sardes » , AEHE, Ve sect. 86 , 1977- 1978, p. 297 -303 [biographie , chronologie,

sources, perspectives historiques d'Eunape) ; 87, 1978-1979, p. 289-293 [description de la micro- société des intellectuels païens; l'univers géographique des intellectuels d'Eunape) ; 88, 1979- 1980 , p. 313- 316 [attitude des intellectuels

d'Eunape face à la société chrétienne du IVe siècle); 89, 1980-1981, p. 411-414 (croyances et pratiques religieuses; vision théologique du travail biographique).

Voir aussi 37 R . J. Penella , Greek philosophers and sophists in the Fourth century A. D . Studies in Eunapius of Sardis, coll. ARCA, 28 , (Leeds) 1990, X 165 p .

Bibliographies. Wright 21, p . 340-341; Giangrande 10 , p. XLIV -XLV ; Penella 37 , p. 153-159. II. HISTOIRE

Cet ouvrage perdu , qui comptait quatorze livres, nous est connu par (a ) dix

sept renvois dans les Vies, (b) une notice de la Bibliothèque de Photius (cod. 77), (c) des fragments conservés dans la Souda et dans les Excerpta de Sententiis et

De Legationibus rassemblés pour l'empereur Constantin Porphyrogénète (944 959). L 'ensemble représente 110 fragments dans l' édition deMüller citée plus bas. Pour une liste des références à l'Histoire dans les Vies, voir Goulet 1, p. 65 67 ; Paschoud 2, p . 254 -256 ; Ochoa 42 (cité plus loin ), p . 29 -37. Signalons qu ’une référence importante en 66 , 16 - 17 , est omise par Müller dans le fr. 25 de son recueil. Eunape y promet de donner un récit plus détaillé de son arrivée à Athènes (automne 364 ), lorsqu 'il exposera les événements du temps de Prohérésius (mort en 369). Cf. Goulet 1 , p . 66 et n . 42.

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Éditions. 38 R . C . Blockley, The Fragmentary classicising Historians of the Later Roman Empire. Eunapius, Olympiodorus, Priscus and Malchus, coll. « ARCA » 6 et 10, Liverpool 1981 et 1983, XII- 196 p . & X -515 p . (t. II : Text,

translation and historiographicalnotes). On a cité dans la présente notice celle de 39 C .Müller ,FHG IV , 1851, réimpr. 1868, p . 7 - 56 , qui comporte une traduc tion latine (empruntée à des éditions plus anciennes). Voir aussi 40 B . G . Niebuhr, CSHB I, 1829, et 41 L . Dindorf, Hist. Gr. Min . I, 1870 . Pour l'histoire

des éditions diverses de ces fragments , voir Paschoud 2 , p . 239-244 ; 42 J. A . Ochoa, « Sobre las ultimas monografias y ediciones de los fragmentos historicos de Eunapio de Sardes» , Erytheia 9, 1988 , p . 211-220. Pour le texte des frag ments , il faut évidemment tenir compte des éditions plus récentes des Vies ( cf. Giangrande 10), de la Souda (ed. A . Adler) et des Excerpta . Pour ces citations,

voir 43 Excerpta historica iussu Imp. Constantini Porphyrogeniti confecta edi derunt U . Ph . Boissevain , C . de Boor, Th . Büttner -Wobst, vol. IV : Excerpta de Sententiis, edidit U .Ph . Boissevain , Berlin 1906 , p. 71-103 ; vol. I: Excerpta de

Legationibus Romanorum ad Gentes, edidit C . de Boor, Pars I, Berlin 1903. Les Excerpta de Sententiis contiennent un passage, qu'on a attribué à Aréthas de Césarée, qui montrerait que les compilateurs byzantins de Constantin Porphyrogénète avaient mis à profit une édition ou plus probablement un abrégé préparé par Aréthas au début du Xe siècle. Voir Banchich 45, p. 7- 9.

Traduction anglaise. Blockley 38 .

Études d'ensemble. 44 A . Baldini, Ricerche sulla Storia di Eunapio di Sardi. Problemidi storiografia tardopagana, coll. « Studi di storia antica» 10 , Bologna 1984, 253 p . (c .r. F . Paschoud , REG , 98, 1985 , p . 395- 398); 45 Th .M . Banchich , The Historical fragments of Eunapius of Sardis, Ph. D . State University of New

York at Buffalo , 1985, 230 p. (microfilm ); 46 A . E . Baker, Eunapius and Zosi mus. Problems of chronology and composition , Ph . D . Brown University, 1986 , 130 p . (microfilm ); 47 José A . Ochoa, La transmisión de la Historia de Eunapio , coll. « Erytheia » 1, Madrid 1990 , XII-312 p. (bibliographie : p . 291-302).

Titre. L 'ouvrage est présenté de diverses façons par les différents témoins. Photius parle d'une Xpovixñs 'lotopías tñsMetà AÉElinov véac éxdboewÇ εν βιβλίοις τεσσαρεσκαίδεκα. Les extraits de Sententiis sont introduits par le

lemme: έκ της Ιστορίας Ευναπίου Σαρδιανού της μετά Δέξιππον νέας Éxoóoews (p . 71 Boissevain ) ; les extraits de Legationibus par: Éx tñs ' loto piac Eủvanlov EapolavoŨ (p. 591 de Boor). On voit donc que l'Histoire d 'Eu

nape prolongeait celle de l'historien Dexippe et qu'elle avait connu deux édi tions. 48 R . C . Blockley, « Dexippus of Athens and Eunapius of Sardis » , Lato

mus 30 , 1971, p. 710 -715; 49 D .F . Buck,« Dexippus, Eunapius,Olympiodorus. Continuation and imitation » , AHB 1, 1987, p. 48-50 .

La Souda, s.v . 'Povoīvos, P 230 ; t. IV , p . 301, 14 -15 Adler, cite la Xpovo

ypadia d'Eunape de Sardes. Quant à Eunape lui-même, il emploie différentes designations: εν τοίς καθολικούς της ιστορίας συγγράμμασιν ( «les ouvrages universels consacrés à l'histoire» ), 39, 20 -21; év tomç iotopixolç xatà Inv εξήγησιν υπομνήμασι ( « dans les mémoires historiques rediges selon un expose

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suivi » ), 63, 16 -17; ¿v TOTS OLEFOOLXOīç tñs iotopías, 46, 24; £v TOTG OLEFOOL xois , 50 , 15 - 16 ; 55 ,5 -6; 59, 1; 59, 20 -21; 79 , 1-2. Il s'agissait d'une histoire

générale qui exposait les événements de façon continue, du point de vue uni versel, par opposition aux Vies qui n 'évoquent des faits historiques qu 'à propos

de tel ou tel personnage. On sait d'autre part que cette Histoire suivait grossiè rement la chronologie, c'est-à-dire la suite des règnes impériaux, ce qui permet à Eunape de renvoyer son lecteur, pour de nombreux événements, aux livres rela

tant l' époque historique correspondante , notamment les règnes de Constantin (22, 14) ou de Julien (22, 18 -19 ;41, 16 -17 ; 46 , 25 ; 47, 5-6 ; 50, 15 - 16 ; 59, 20 21 ; 82, 26 -27 ; 88 , 6 -7); à propos de Jamblique (40 , 9) ou de Prohérésius (66 , 16 - 17) , il signale les sectionsde son Histoire relatives à l'époque de ces person nages. Les fréquents renvois qu'Eunape, dans ses Vies, fait à son Histoire témoignent de la com plémentarité des deux ouvrages et de l'unité de son projet littéraire. Dans l'Histoire, Eunape visait tò Xolvov (59, 1) , il racontait őoa npós tò xolvov ánávrwv åv pátwy ålboya (Histoire, fr. 1 = Exc. de Sent. 1 , p . 72 , 13 - 14 Boissevain ), tò xolvà Tây Épywv (ibid ., p . 74 ,

18). Les Vies au contraire prennent en considération to xao' Éxaotov (59, 1 ; 82, 26 -27). Si, pour plusieurs événements de l'histoire générale , Eunape croit pouvoir renvoyer au récit plus

détaillé (áxpißotepov, 22, 19 ; 41, 16 ; 47, 5 ; 66 , 17 ; 88, 7) qu 'il en avait donné ou allait en donner dans l'Histoire , c 'est pourtant dans les vies qu 'il faut chercher le récit axpißéotepov de la vie d' un Prohérésius (66 , 17 ). Après avoir brièvement signalé le massacre de Protérius et d 'Hilarius par les barbares d 'Alaric , Eunape conclut : « Ces événements, si cela convient à la

Divinité, serontrelatés dans les livres détaillés ; on en traitera plus clairement en cet endroit, non pas en rapport avec l'individuel, mais en rapport avec le général. Présentement, ces évé

nements ont été intégrés à notre narration de façon suffisante, pour autant qu'ils concernent l'aspect individuel» (59, 1-4 ).

Extension . « Eunape commence son récit au règne de Claude < II ( 268-270) >, là où s'arrête celui de Dexippe, et il le termine au règne d'Honorius et d'Arca dius, les fils de Théodose. L 'époque qu'il assigne comme termeà son histoire est

celle où Arsace, après la déposition de Jean la Bouche d'Or de l'Église (= Jean Chrysostome), fut élevé au trône épiscopal, tandis que la femme de l'empereur Arcadius, qui était enceinte, mourut d'une fausse couche » (Photius, cod. 77 ; trad. Henry), c'est-à-dire l'année 404 . Après la mort de Fravitus en 401 (fr. 85)

et la rébellion des Isauriens à partir de 404 ( fr. 86 ), les Excerpta de Sententiis (qui suivent l'ordre d'exposition d'Eunape) racontentdes événements survenus sous Pulchérie en 414 (fr. 87), mais c'est certainement par anticipation , car l' ex

trait suivant (fr. 88) concerne Stilichon,mort en 408. 50 R . C . Blockley, « The ending of Eunapius' history » , Antichthon 14, 1980, p. 170 -176 , suivi par Banchich 45, p. 2- 3, a supposé que le nom de Pulchérie aurait étémis par erreur à la place de celui d'Eudoxie, l'épouse d 'Arcadius. C 'est possible, mais il est plus sain d 'essayer

d 'expliquer les témoignages, fussent-ils embarrassants, que de les récuser gratuitement.

Il ne faudrait cependant pas croire que les règnes successifs que couvre cette longue période étaient également distribués entre les quatorze livres de l'Histoi

re. Le fragment 8 (Exc. de Sent. 5), qui est emprunté au prologue du second livre, introduit déjà au récit de la vie de Julien , ce qui montre que l'histoire des 90 années précédentes avait déjà trouvé place dans le premier des quatorze

livres. Ce n 'était, de l'aveu même d 'Eunape, qu'un survol des faits indispensa

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bles (8à tõv åvayxaiwv ÉTILTPÉXovolv, Exc. de Sent. 5 ; p . 76 , 15- 16 Boisse vain ) et l'auteur reconnaît que c'est vers Julien que se portait depuis le début son

discours (dépetal... Ó Móyos ép ' ovntep ÉDÉpero ég ápxñs, ibid ., p. 76 , 17). En fait, si le règne de Constance et donc les rapports de l'Empereur avec son César avaient déjà été racontés dans le premier livre – ainsi le fr. 7 a = Exc. de Sent. 3 et 4 -, au livre II, Eunape exposait la vie de Julien depuis sa naissance jusqu'à son accession au trône comme César (fr. 14 = Exc. de Sent. 11; p. 78 Boisse

vain ), puis ses exploits comme César (ibid . p . 78), et se devait donc de revenir en détail sur les rapports entre Julien et Constance. 51 R . C . Blockley, « Eunapius fr. XIV ,7 . Julian as an Homeric hero ? » , LCM 6 , 1981, p. 213-214.

Depuis une quarantaine d'années, un certain nombre de problèmes ont été soulevés à propos de l'Histoire d' Eunape. On ne peut guère ici que les énumérer,

après avoir présenté quelques-unes des principales références bibliographiques.

Cf. 52 W .R . Chalmers, « The véa Éxdools of Eunapius' Histories » , CQ 47, 1953, p . 165- 170 ; 53 Id ., « Eunapius, Ammianus Marcellinus and Zosimus on

Julian 's Persian expedition », CQ (n .s.) 10 , 1960, p . 152 -160 ; 54 T. D . Barnes, « The Epitome de Caesaribus and its sources » (c. r. de J. Schlumberger, Die

Epitomede Caesaribus, München 1974 ), CPh 71, 1976, p . 258- 268 ; 55 Id ., The Sources of the Historia Augusta , Bruxelles 1978, p . 114 -123 et 125 ; 56 F. Paschoud, « Quand parut la première édition de l'Histoire d'Eunape ?», Bonner Historia -Augusta -Colloquium 1977-1978, coll. « Antiquitas » Reihe 4 : « Beiträge zur Historia-Augusta -Forschung» 14, Bonn 1980 , p. 149 -162; 57 A . B . Bree baart, « Eunapius of Sardis and the writing of History » ,Mnemosyne 32, 1979, p. 360 -375 ; Goulet 1, p. 64 -72 ; Paschoud 2, p. 239 -303 ; 58 Th .M . Banchich , « Eunapius and Arethas» ,GRBS 24, 1983, p . 181-184 ; 59 F. Paschoud, « Zosime et la fin de l'ouvrage historique d'Eunape » , Orpheus 6 , 1985, p . 44 -61 (sur les

fr. 82-88 Müller); 60 Th.M . Banchich , « Eunapius and Jerome », GRBS 27, 1986 , p . 319-324 ;61 A . Baldini, « Le due edizioni della Storia di Eunapio e le fonti della Storia nuova di Zosimo » , AFLM 19, 1986 , p. 45- 109 (la première version de l'Histoire s'achevait en 378 ) ; 62 K . S. Sacks, « The meaning of

Eunapius' history» , H & T 25, 1986 , p . 52-67 ;63 V .Neri, « Le fonti della vita di Costantino nell'Epitome de Caesaribus» , RSA 17- 18 , 1987- 1988, p. 249-280

(une source “proche” d’Eunape) ; 64 Th. M . Banchich, « Vit. Sophist. X 2 , 3 and the terminus of the first edition of Eunapius' History » , RHM 131, 1988, p. 375 380 (rejet de la pertinence de ce passage); 65 A . Baker, « Eunapius' Néa čxdo ols and Photius » , GRBS 29, 1988 , p. 389 -402 ; 66 F. Paschoud, « Les fragments de l'ouvrage historique d'Eunape correspondant aux deux premiers livres de

l'Histoire nouvelle de Zosime» , dans De Tertullien auxMozarabes, Mélanges J. Fontaine, Paris 1992, t. I, p. 613-625 (fr. 2 -4 ; 89 ; 5 ; 7 et 7a Müller).

Lors de la composition des Vies, Eunape avait déjà écrit et probablement publié une première partie de son Histoire. Jusqu 'à quelle époque s' étendait cette première publication ? Jusqu 'aux règnes de Julien et de Jovien (cf. 66 , 16

17), c'est-à-dire jusqu'à la fin de 364, des événements postérieurs (jusqu 'en 396 )

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étant racontés par anticipation (Goulet 1) ? Jusqu' à la mort de Valens en 378 (Barnes 54, Baldini61, Banchich 64) ? Jusqu 'en 383 (67 T . D . Barnes, Constan

tine and Eusebius, Cambridge Mass./London 1981, p. 403-404)? Jusqu 'à la mort de Théodose ler en 395 (Müller 39, Paschoud 2) ? Jusqu 'à l' invasion d ’Alaric en 396 , dernier événement pour lequel Eunape, dans ses Vies, renvoie à l'Histoire

(Baker 46 , p . 39 ) ? Ou bien y a -t-il eu plusieurs étapes dans la rédaction de l'Histoire, une première s'achevant en 364, une seconde en 378 et une troisième

en 404 (Blockley 38) ? En quelle année cette première partie a -t-elle été publiée ? En 378 (Barnes

54 ) ? Après 395 (Paschoud 2) ? Après 396 (Goulet 1) ? Photius prétend que Zosime n 'a guère fait que transcrire Eunape. Cette dépendance est au moins partiellement reconnue par les historiens. Mais Eunape a -t- il été utilisé, au moins pour le récit de l'expédition de Julien contre les

Perses , par Ammien Marcellin (Chalmers 53, Thompson (OCD2, 1972, p . 52),

Barnes 54) ? Par l' auteur de l'Histoire Auguste (Barnes 55 ) ? Par aucun de ces auteurs latins, vu l'impossibilité chronologique (Goulet 1) ?

Photius connaît deux éditions de l' Histoire . Faut-il en conclure que la deuxiè me partie de l'Histoire était également une seconde édition modifiant substan tiellement la première publication (Chalmers 52 ) ? Faut-il croire (ainsi Goulet 1)

au contraire Photius, quand il prétend que les deux éditions qu'il a pu comparer en des manuscrits distincts (idiwç Éxatépq év ÉTÉPW teúxel xai ÉTÉOW OUV

TETAYLévn , cf. Goulet 1, p . 68 et n . 47), avaient la même extension chronologi

que ? Dans ce cas, la seconde édition qui avait été expurgée des passages trop violemment antichrétiens, au risque d' altérer la continuité du récit, ne serait-elle pas une version édulcorée par un chrétien (Niebuhr,Müller , Dindorf, de Boer,

Goulet 1, p. 69, Baker 46, p . 50-51) ? Ou faut-il admettre à la fois une seconde édition par Eunape et des coupures chrétiennes ultérieures (Paschoud 2 , p. 290 291) ?

Eunape a -t-il donné deux éditions de son Histoire ? Nous n 'avons pas de preuve décisive que la seconde édition – attestée par les fragments de Constantin

Porphyrogénète et par Photius – était d'Eunape lui-même (voir Goulet 1, p. 68 71). On m 'a objecté que je négligeais le témoignage de Photius (cod. 77) qui les présente comme l'ouvre d'Eunape. En vérité, Photius dit que la seule différence entre la version antichrétienne et la version édulcorée tient en la disparition d 'attaques virulentes dont la suppression semble avoir ici et là obscurci l' enchaî nement du discours, malgré des tentatives de raccordement. Après d 'autres, j'ai considéré que c 'était là typiquement le signe d'une intervention chrétienne et

non la preuve formelle d 'une nouvelle édition par l'auteur païen lui-même. Pho tius n'a pas conservé de déclaration d'Eunape sur une éventuelle réédition , il n 'a perçu à la comparaison des deux éditions aucune différence dans l'extension

chronologique ou dans le contenu historique essentiel. Je maintiens donc que Photius n' apporte aucune preuve d'une seconde édition eunapienne de l'Histoire. Baldini44, rejette le témoignage de Photius sur l'extension chronologique des deux édi tions et Paschoud 2, p. 289-290, se déclare sceptique (« ilmeparaît douteux que Photios ait ici

EUNAPE DE SARDES 323 E 121 raison » ). Mais Photius est le seul témoin qui ait eu devant les yeux les deux éditions. Il les a

comparées, a vu de ses yeux des attaques antichrétiennes qui avaientdisparu de l'une à l'autre, il a bien précisé le début et la fin de la période traitée par l'historien et a conclu que les deux

éditions couvraient la même période. Si on ne le croit pas sur ce point, il vaudraitmieux ran

ger toute la question surle rayon des énigmes désespérées de l'histoire.

J'aurais également négligé le témoignage d'Eunape lui-même en traduisant de façon incorrecte le fragment41 de l'Histoire, dans lequel Eunape fait référence à tà npőta tñs ourypapñs. Dans le fragment41, il faudrait comprendre non pas, comme je l'ai fait, « les premiers livres de (notre) histoire» (traduction acceptée par Baker 46 , p. 37),mais, comme le proposait Chalmers par exemple, « la première édition de notre histoire » ... C 'est évidemment supposer le pro

blème résolu . Or, dans ce passage, Eunape dit, à propos des Huns, qu 'il a maintenant à fournir à son lecteur des informations plus sérieuses que celles qu 'il avait déjà publiées. Mais, ajoute -t-il, il va laisser les anciennes et ajouter les nouvelles .

Pourquoi cette solution ? Est-ce l'attitude d'un auteur assurant une nouvelle édi tion de son ouvrage et pouvant dès lors réécrire sur nouveaux frais les passages désuets ? N 'est-ce pas plutôt l'avertissement qu 'il faut maintenant corriger et compléter les informations données dans les livres antérieurement publiés par celles qui vontmaintenant être fournies ? C 'est en tout cas ainsi que j'ai compris le texte et, puisque cette interprétation est au moins aussi acceptable que l'autre, je ne vois pas en quoi ce texte peut servir à prouver qu ’Eunape a fait personnel lement référence à une seconde édition de son Histoire. Il suffit à F. Paschoud dedéclarer ma traduction fausse, puis de renvoyer à celle qu'il pro pose en appendice, pour affirmer ensuite comme une « certitude bien acquise » le fait qu '« Eu nape a parlé lui-même de ses deux éditions » (p . 287 et 288 ). La traduction proposée par F .

Paschoud souligne sans doute avec raison que la particularité de la nouvelle publication (tà dé ... : nouveau livre ou nouvelle édition ) est de tabler sur des renseignements oraux plutôt que

sur les sources historiques anciennes (commeHérodote). Mais je ne vois pas en quoi cette interprétation prouve qu 'il s 'agit d 'une nouvelle édition et non , comme en plusieurs autres

fragments, d'un nouveau livre ou d'une nouvelle section de l'Histoire. Voir également le

commentaire de ce passage dans Paschoud 56 , p . 152- 155. C'est à tort que F. Paschoud 2, p. 287, prétend que selon moi le fragment41 « se trouvait déjà tel quel dans la partie de l'ouvrage historique publiée avant la rédaction des Vies » . Il figurait selon moi dans l'édition originale de l'Histoire, la seule peut-être qu 'Eunape ait pu bliée, mais je crois avoir dit que ce fragment devait prendre place dans le cadre du règne de Valens, qui n 'était pas paru, selon mon interprétation , au moment de la publication des Vies. Qu 'Eunape ait pu parler des Huns dans des livres antérieurs peut paraître incroyable, puisque « commeon le sait, les Huns ont été des inconnus pour les Romains jusqu 'en 376 » (Paschoud 2, p. 287 ), mais c 'est Eunape qui a écrit l'Histoire, longtemps après les événements en cause,

et on ne peutpas établir dogmatiquement ce qu'un livre pouvait comporter ou non.

On m 'a finalement reproché la traduction que j'avais proposée d'une partie du témoignage de Photius (cod. 77). Je ne voyais pas grand sens à la traduction proposée par R . Henry ( Photius, Bibliothèque, « Collection Byzantine», Paris

1959,t. I, p. 159- 160 ): « Nous avons trouvé (ou “ lu” : évetúyouev] ces deux édi tions dans de vieux exemplaires ; dans l'un, chacune des deux était à part ; dans l'autre , elles étaient combinées. C 'est d'après ces éditions mêmes que nous avons, à la lecture, constaté la différence entre elles » ('Aupolv de tais éxoboe

E 121 EUNAPE DE SARDES 324 σιν εν παλαιούς ενετύχομεν βιβλίοις, ιδίως εκατέραν εν ετέρω τεύχει και

ÉTÉOW Oulteta Yuévny). J'ai proposé de traduire la partie finale de la façon suivante : « chaque édition étant disposée à part en deux tomes distincts » (tra duction acceptée par par Baker 46 , p. 28 n. 37). J'aurais fait dire à Photius une banalité , ou une tautologie . Ainsi F . Paschoud 2 , p . 285, qui préfère traduire, dans la ligne de R . Henry : « Nous sommes tombés sur les deux éditions dans de vieux exemplaires, séparées l'une de l'autre dans l'un des volumes et dans l'autre formant un tout» . Je n 'arrive pas à me représenter ce volumeoù les deux éditions ne sont pas séparées et forment un tout. F . Paschoud trouve lui

même la fin de la phrase, sinon sa traduction, « pour le moins bizarre dans sa formulation » et il évoque par la suite « un volume où elles étaient bizarrement combinées » (p . 286 ) , « la bizar

rerie des exemplaires» et « les accidents insolites » qu'ils ont pu subir (p . 289).

Ilme semble que Photius veut dire que sa comparaison a été facilitée par le fait qu' il a pu ouvrir l'une et l'autre édition devant lui et s'assurer ainsi de la teneur des modifications apportées. J'avoue ne pas voir ce que ce passage a d 'obscur. On remarquera que Photius montre bien que c'est la comparaison sur pièces des deux éditions qui lui a permis de se faire une idée du caractère de

chacune et non quelque préface de la seconde où l'auteur aurait exposé ses intentions. Je crois donc légitime de réaffirmer qu 'il ne faut pas confondre ce problème des deux éditions de l'Histoire - qui ne concerne peut-être que la tradition manuscrite du texte à l'époque byzantine - avec le phénomène, bien attesté par les références des Vies et par les fragments tirés du début de certains livres de la Chronique, de la publication progressive de ses différentes sections. C 'est sans doute cette confusion qui amène quelques spécialistes à remettre en cause le

témoignage formel de Photius, selon lequel les deux éditions couvraient la même période historique. RICHARD GOULET. IV 122 EUNOME Si l'on n 'en jugeait que par les rares écrits de lui qui nous sont conservés et par la controverse où on le voit engagé, Eunome serait essentiellement un théo logien , etmême un théologien au sens ancien du terme (soit celui qui s'occupe

du mystère interne de Dieu dans un contexte chrétien). Et la seule æuvre de lui qui soit mentionnée par l'historien de l'Église Socrate (H . E. IV 7), puis à sa

suite par la Souda ( s.v.) est un Commentaire en septlivres sur un texte canonique chrétien , l'Epître aux Romains (dont cependant Socrate proteste qu 'il a tout à fait manqué le skopos, terme qui vient de la tradition d'exégèse philosophique

sans doute inaugurée par Jamblique !). A considérer sa carrière et certains traits de son caractère, cependant, on peut essayer de promouvoir une idée un peu dif férente du personnage.

Cf. 1 L . Abramowski, art. « Eunomios»,RAC VI, 1966, col. 936- 947. L'au teur cite le Contre Eunome de Grégoire de Nysse dans la 1re édition de W . Jaeger

(Berlin 1923); mais H . C . Brennecke a donné une concordance avec la seconde édition de Leiden 1960, plus accessible, dans le JAC 18 , 1975, p. 202-205 ;

325 2 M . Albertz, « Zur Geschichte der jung- arianischen Kirchengemeinschaft» ,

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ThStKr 82, 1909, p . 205 -278 ; 3 M . R . Barnes, « The Background and Use of Eunomius' Causal Language » , dans Arianism after Arius, Essays on the Deve lopment of the Fourth Century Trinitarian Conflicts, Edinburgh 1993, p. 217 236 ; 4 J. Daniélou, « Eunome l’arien et l'exégèse néoplatonicienne du Cratyle » , REG 69, 1956 , p. 412 -432 ; 5 Thomas A . Kopecek , A History of Neo -Arianism , coll. « Patristic Monograph Series » 8, Cambridge (MA), The Philadelphia

Patristic Foundation, 1979, 2 vol.; 6 B . Pottier, Dieu et le Christ selon Grégoire de Nysse, Étude systématique du « Contre Eunome» , avec traduction inédite des extraits d 'Eunome, Namur 1994 ; 7 B . Sesboüé, Dieu peut- il avoir un Fils ? Le débat trinitaire du IVe siècle, Paris 1993, (après une première partie consacrée à Arius et Athanase d' Alexandrie , une seconde décrit le conflit entre Basile et Eunome; les p. 147- 161 reprennent les $$ 7 à 25 d'une traduction de l'Apologie donnée intégralement dans le volume nº 305 des « Sources Chrétiennes » ); 8 R . P . Vaggione (édit.), Eunomius. The Extant Works. Text and translation by

R . P. V ., coll. « Oxford Early Christian Texts » , Oxford 1987 ; 9 E . Vanden

bussche, « La part de la dialectique dans la théologie d'Eunomius le “ techno logue” , RHE 40, 1944 -1945 , p. 47-72 ; 10 L . R . Wickham , « The Syntagmation of Aetius the Anomoean » , IThS 19, 1968, p . 532-568 ; 11 Id., « The Date of Eunomius' Apology : A Reconsideration » . JTHS 20 , 1969, p . 231-240.

Biographie. Né sans doute vers 330 dans une bourgade de Cappadoce, mais située aux confins de la Galatie, Oltiséris, Eunome était issu d'une famille au

bord de l'indigence (à l'opposite de ses futurs adversaires « les trois grands Cap padociens », qui ne se feront pas faute , par réflexe de polémistes plutôt que de chrétiens, de le lui reprocher avec hauteur). Il gagna sa vie d'abord par l'exercice du métier de tachygraphe et cette profession l'amena, après un séjour à Constan tinople , à devenir à Alexandrie, puis à Antioche le secrétaire d 'Aèce, le premier tenant du néo -arianisme. Il en défendit et développa les idées avec une telle maîtrise que la doctrine dite , à tort ou à raison , anoméenne (cf. infra ) reçut de pair le nom d 'eunomianisme. Lui-même cependant garda toujours vis -à -vis de son initiateur ès spéculations théologiques un loyalisme en contraste édifiant avec les prévarications de tant de membres du personnel ecclésiastique de la même époque. La similitude du profil de carrière entre le maître et le disciple, débuts dans l'extrême pauvreté, formation de raccroc, en marge des filières traditionnelles, manque d'intérêt pour les charges ou prébendes ecclésiastiques, ne pouvait d'ailleurs que renforcer leur sympathie mutuelle. S 'ils ontassurément compensé leur handicap en matière d 'habileté dialectique, des carences ont peut être persisté dans leur culture rhétorique. Au sujet du style d'Eunome Photius

porte un jugement impitoyable : « construction forcée, serrée à l' excès et heur tée... assemblage rugueux, ramassé, comprimé, mélangé et tronqué» (codex 138 , 97 b , trad . R . Henry). Vu le professionalisme du critique, on n 'est guère

tenté d'expliquer ce verdict simplementpar son hostilité envers un penseur très

déviant. E .Norden , Die antike Kunstprosa (t. II, p. 561) cependant a lancé cette accusation contre Photius et émis personnellement une opinion nettementplus

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favorable : « un exemple non sans importance d' imitation évidente du style iso cratique » (Grégoire de Nysse , C . Eunome III 5 , $ 24 t. II, p. 268, avait déjà fait

le rapprochement avec Isocrate ,en même temps qu'avec Philon,mais en le pre nant en mauvaise part). L . R . Wickham également (10 , p .537 n . 3) est plutôt indulgent : « Et surtout il est concis » , déclare-t-il avec soulagement (ce qui n 'est pas tellement isocratique).

Encore à Antioche, en 358, Eunome fut ordonné diacre par l'évêque arien du lieu, Eudoxe. En 359- 360 il prend la relève d'Aèce, trop compromis, dans la défense de la doctrine anoméenne à un concile tenu à Constantinople et une alliance avec la variété d 'arianisme (« homéisme» ) que favorisait alors l'empe reur Constance lui permet d'être promu évêque de Cyzique (sur la rive asiatique de la Mer deMarmara). Mais il effarouche bien vite ses ouailles et surtout son clergé par la franchise sans compromis avec laquelle il propage ses idées. Au bout de quelques mois à peine il est obligé d 'aller se défendre auprès d'Eudoxe, devenu évêque de la capitale , tentant également de faire réhabiliter son maître Aèce, déjà condamné.Mais il aggrave encore son fait par un sermon d' Épipha

nie scandaleux (Philostorge, H . E. VI 2) et par son refus d 'obtempérer aux conseils de prudence donnés par Eudoxe, rendant ainsi définitive la rupture entre les anoméens et la faction beaucoup plus modérée et incolore à laquelle s' était

rallié ce même Eudoxe ; celui- ci, bien contre son gré, est obligé de « lâcher >> l'extrémiste . Eunome ne retourna plus sur le siège de Cyzique ; son épiscopat d'un an à peine (pour lequel nous suivons les données chronologiques fournies

par son admirateur enthousiaste , l'historien de l'Église Philostorge, de préfé rence à celles qu 'on trouverait chez les confrères plus « orthodoxes» de celui-ci,

en particulier Socrate, H . E. IV 7 , qui place l'épisode sous l'autre empereur arien , Valens, soit vers 367) ne semble lui avoir laissé aucune nostalgie. Il devait

avoir de fait la mentalité d'un chef d'école philosophique plutôt que d'un pasteur.Ne protestait-il pas en effet : « Ce qui donne sa vraie sanction au mystère de la piété , ce n'est nila sainteté des noms, ni la propriété des rites et des sym boles mystiques,mais l'exactitude de la doctrine » cité par Grégoire de Nysse

(Contre Eunome III 9, $ 54, t. II, p. 284). Après son expulsion de Cyzique, nous dit Philostorge (H . E. IX 4), il ne célébra plus jamais l'Eucharistie. On notera toutefois que les communautés eunomiennes pratiquaient un rite baptismal par ticulier, avec une seule immersion ; mais ce n 'est pas forcément Eunome qui l'a inauguré (Sozomène, H . E . VI 26 , propose deux versions, dont une seulement rend l'ex -évêque de Cyzi que responsable du changement; dans l'autre ce seraient deux disciples en dissidence ). Ou peut-être s 'agissait -il de débiliter l' argument que ses adversaires tiraient de l' invocation trini

taire attachée à l'administration de ce sacrement et repassait-on ainsi du domaine du rite à

celuidu dogme ? Au service exclusif donc de ses idées, Eunome se retira d'abord en Cappa doce ; convoqué à un synode à Antioche en 361, sous la pression de Constance, il s'en tira plutôt bien , échappant à toute nouvelle condamnation . A la fin de la

mêmeannée, le parti anoméen put concevoir de nouveaux espoirs avec l'avène ment de Julien , qui était de longue date en rapports amicaux avec Aèce.Mais

plutôt que de tenter une mainmise sur l'ensemble de l'Église orientale, Aèce et

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Eunome (retournés tous deux à Constantinople ) profitèrent du règne de Julien et

de l'intermède de Jovien (décembre 361-février 364) pour mettre sur pied une organisation ecclésiastique indépendante. La rupture avec les occupants des grands sièges (Antioche, Constantinople ) auxquels les Anoméens suscitaient ainsi des rivaux en devint plus profonde. Aussi quand Eudoxe, toujours évêque

de la capitale, eut pris un ascendant irrésistible sur le nouvel empereur, Valens, Aèce et Eunome préférèrent se retirer dans leurs domaines ruraux, l'un dans l'île de Lesbos, l'autre sur la rive asiatique du Bosphore , se contentant de téléguider

(surtout Eunome) leurs partisans. Ils purent nourrir un bref espoir de revanche durant l'occupation de Constantinople par Procope, cousin de Julien et préten

dant à l' empire , de septembre 365 à mai 366 , et retournèrent alors dans la capi tale . Après l'échec de Procope, ils portèrent les conséquences de leur compro

mission , mais de façon somme toute bénigne, puisqu 'ils ne furent qu'exilés tour à tour ; d' abord Aèce, mais il mourut dès 367, puis Eunome, qui devait initiale

ment être envoyé jusqu 'en Mauretanie , mais réussit en fin de compte (au moins à partir de 370) à se faire reléguer simplement dans sa province d'origine. Il pro

fita encore de l'interrègne après la mort de Valens (378) et avant l'installation de Théodose , le nouvel empereur arrivant d'Occident, pour faire de nouvelles incursions à Constantinople et à Antioche et un séjour dans son domaine de

Chalcédoine.Mais l'orthodoxie nicénienne, dans la ligne de Rome et d 'Alexan drie , se met graduellement en place à partir de 381, où les Eunomiens sont placés

en premier dans la liste d'hérétiques dressée par ce qui deviendra le second concile ecuménique. Bientôt ils seront privés par décret impérial (19 juillet 381)

du droit de posséder des lieux de réunion publics même en banlieue. Devant la difficulté d'imposer une théologie nicénienne si longtemps suspecte , voire odieuse, à la majorité des évêques orientaux, Théodose songea d 'abord, il est vrai, à susciter l'adhésion grâce à une conférence contradictoire ;mais il se replia

bientôt vers la solution moins dangereuse d 'un examen de mémoires écrits pré sentés par les représentants des diverses tendances dogmatiques. C'est ainsi qu 'en 383 Eunome fut invité comme les autres à donner un exposé de ses thèses

(Socrate, H . E . V 10 ). Mais sa profession de foi n 'obtenant bien sûr pas l'adhé sion d'un espagnol, baptisé (« prématurément» , au cours d'une maladie qui paraissait mortelle ) dans l' Église nicénienne, Eunome est banni en Mésie, dans

les Balkans, puis à Césarée de Cappadoce et finalement assigné à résidence dans la propriété qu 'il possédait à Dacora, dans sa province natale. Il y meurt aux environs de 394 . Ses restes seront transférés à Tyane. Sans parler d 'une loi de

mai 426 , où ils sontmentionnés pêle -mêle avec toutes les autres sectes dont le pouvoir impérial a pu avoir connaissance, les Eunomiens figurent encore, le 8 août 423, comme objet d 'une mesure spécifique dans le Codex Theodosianus

(XVI 5,61). Ils ont donc dû pouvoir semaintenir jusque là ,au moins à Constan tinople , malgré des divisions sur un point authentiquement théologique, dont nous entretient Socrate (H . E . V 23 -24 ) et malgré la disparition d 'un maître à la personnalité incontestablement très puissante .

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Ouvrages. Les deux œuvres de lui que nous possédons intégralement sont

liées à ses confrontations avec les tenants d'autres théologies: (a) l'Apologie ou « Livre apologétique » constitue sans doute (L .R. Wickham paraît l'avoir définitivement établi) sa défense du point de vue anoméen à Con stantinople en 360 (défense qui aura suffisamment impressionné ses auditeurs et

juges pour qu'il reçoive l'évêché de Cyzique). Le chapitre 28 et dernier est une confession de foi, certainement eunomienne, mais qui n 'est raccrochée au reste que par un hasard de la tradition manuscrite; Kopecek 5, t. II, p . 402 405 , propose d' y voir la profession de foi soumise par Eunome à son clergé contestataire de Cyzique. Vaggione 8, p. 16 , doute qu 'on puisse l'attribuer catégoriquement à Eunome lui

même. Barnes 3, p. 223, renforce ces doutes en montrant que les trois usages du couple dunamis -energeia dans ce chapitre ne coïncident pas avec ceux des euvres certaines d' Eunome.

(b ) l'Exposition de (sa ) foi est le documentqu'Eunome soumit à l'empereur Théodose lors de la conférence de 383, et que celui-ci rejeta. Nous avons en

outre des fragments d'uneœuvre encore plus volumineuse, l'Apologie de l'Apo logie . C 'était une réplique à la réponse de Basile de Césarée à l’Apologie (réponse que nous possédons encore sous le titre de « Contre Eunome» ) ; Basile

avait pris la mesure des problèmes posés par Eunome au concile de Constanti

nople de 360 ; sur le moment ils l'avaient laissé coi, puis amené à s' éclipser. Il lança sa contre- attaque par écrit et à loisir. Mais il était déjà mort (le 1er janvier

379 est la date traditionnelle, mais on est remonté récemment jusqu'à l' automne 378, voire 377) quand Eunome reprit l'offensive, de sorte que ce fut son frère cadet, Grégoire de Nysse, qui à son tour répliqua à l'anoméen (à son grand dépit,

Cappadocien comme lui). Il inséra dans son ouvrage de multiples citations des trois premiers livres de celui d 'Eunome, mais n 'eut pas le loisir, ou l'envie , d 'appliquer la mêmeméthode aux deux derniers, de sorte qu 'ils sont perdus sans

autre trace que l'attestation de leur existence par Philostorge ( H . E. VIII 12). Il préféra réfuter la Confession de foi de 383, dans un écrit adjoint aux trois livres de son Contre Eunome et longtemps tenu pour son second livre, tandis que le véritable était relégué in fine, comme Livre XIIb ou XIII. La Confession ,nous

est donc transmise à la fois par une tradition manuscrite indépendante et presque en entier dans le texte de Grégoire. R . P. Vaggione, qui a donné une édition et une traduction des deux textes complets, n 'a pas reproduit ces fragments, se contentant de les analyser ; il traite de même les extraits four

nis par le Thesaurus de Sancta Trinitate, de Cyrille d 'Alexandrie ; en revanche il cite in extenso quatre fragments, tous assez brefs et de peu de portée, sauf le premier. B . Pottier a courageusement tenté (6 , p . 463-498) de traduire en français l'Apologie de l'Apologie, ou

plutôt ses débris, qui sont parfois si brefs qu 'ils gardent à peine un sens en dehorsde leur con texte de critique grégorienne.

L ’Apologie de l'Apologie est le seul des écrits d'Eunome qui ne présente plus une structure tripartite ; peut-être d 'ailleurs parce que nous ne savons rien des deux derniers livres, où la question du Saint-Esprit pourrait avoir été abordée, et

parce que Grégoire de Nysse a accordé une place disproportionnée – tout un livre sur trois qu 'il a rédigés – à la discussion de la doctrine eunomienne sur l'origine des noms. L 'Apologie, en revanche présentait encore, comme les deux

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confessions de foi, une telle structure ,même si la Trinité chrétienne est totale ment désagrégée dans le système d 'Eunome. Doctrine. L'intuition de base, qui fait impression même sur les analystes les plus critiques (cf. Sesboüé 7 , p. 142, et aussi Wickham 10 , p . 540), est l'insis tance sur l'existence d'un principe « inengendré » , non par privation d'une fécon dité quelconque, mais par identité avec la transcendance absolue. Cette intuition

est si souveraine qu' elle conduit Eunome à affirmer que l’Inengendré se résume totalement en cette caractéristique, qui est donc saisissable et perceptible pour tout intellect, y compris l'intellect humain . C 'est l'un des deux points (l'autre

relevant de la christologie) sur lesquels l' anoméisme se sépare totalement du premier arianisme, qui voyait plutôt le Principe suprême perdu dans les brumes

de l'inconnaissable . Il semble qu 'il se sépare aussi de tous les systèmes néopla

toniciens dont on a voulu le rapprocher. Et du coup la théologie négative devient plutôt l'apanage du camp « orthodoxe » , cappadocien . Albertz 2 a cependant suggéré que l'aspect rationaliste outrancier n 'ait pas été primitif dans l'anoméisme. En effet la deuxième formule de Sirmium , qui donne carte blanche aux Néo -Ariens, contient encore une référence au mystère (cf. A . Hahn, Bibliothek der Symbole.. .

der alten Kirche, p. 200, $ 161, la référence à Is. 53, 8 LXX ) ; et l'écrit homéousien reproduit

par Épiphane (Panarion , Hér.73) ne formule à cet égard aucun reproche contre les anoméens qu 'il vise (Cf. Albertz 2, p . 214 n . 1 ).

Deux aspects de la pensée d'Eunome ont poussé malgré tout les chercheurs, (surtout depuis les travaux de Vandenbussche 9 et de Daniélou 4 ) à insister sur ses antécédents néoplatoniciens, spécialement dans la lignée de Jamblique.

D 'abord l'étagement de trois ousiai (Sesboüé traduit « substances» , tandis que Vandenbussche et Vaggione choisissent « essences » ), mais réalisé de telle façon que l'Inengendré est tout de même nettement détaché des deux ousiai infé

rieures. Toutes les ousiai sont d 'ailleurs absolument fermées et isolées les unes

des autres, à l'horizontale chacune sur leur plan ; elles ne communiquent que par

des energeiai (« activités», Sesboüé; « activities, actions» Vaggione) multiples pour chaque ousia et qui ne traduisent jamais intégralement la nature de l'ousia (y compris la création -génération du Fils : elle correspond à une energeia , une opération que l'on peut si l'on veut appeler Père ,mais qui n 'est nullement adé quate à l'ousia de l’Inengendré ; si bien qu' il y a une similitude entre « le Père» –

mais ce nom n 'est que celui d'une energeia - et le Fils, produit de cette ener geia , alors qu 'il n 'y en a point entre l’ Inengendré et celui qui est engendré ou créé ). Cela permet à Aèce et Eunome de repousser le sobriquet d '« anoméens» sans insincérité de leur part, mais à la grande indignation de tel de leurs antagonistes, ainsi Constance en 360

(cf. Philostorge IV 12).

Certains (notamment Kopecek 5 , t. I, p. 259) pensent cependant que cette exaltation de l'unique Inengendré s'inscrit dans la droite ligne de la théologie

anténicénienne (Justin , Athénagore, Clément), de sorte qu’Eunomene serait pas si malvenu de se réclamer de la tradition. Si l'on veut en revanche vraiment recourir à la filiation néoplatonicienne, il semble qu’Eunome soit particulière ment proche de Jamblique, qui assure la transcendance absolue du Principe,

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excluant, à la différence de Porphyre , toute coordination entre ce Principe et la

triade (cf. P. Hadot, Porphyre et Victorinus, Paris 1968, t. I, p . 95-98).Même ainsi aura -t-on tenu assez compte de l'affirmation très explicite: « L 'ousie du Fils .. . n ' est pas émise par extension , ni arrachée à sa croissance avec celui qui

l'engendre par écoulement ou division ni accomplie par augmentation ni mode lée par transformation ; l'être lui échoit de la seule volonté de celui qui l'en

gendre . » (Grégoire de Nysse, C . Eun. III 2, § 28, t. II, p .61) ?

D 'autre part la théorie eunomienne du langage assume l'existence de noms naturels imposés par Dieu et strictement correspondants à l'être profond des réalités ainsi désignées. Or cette théorie semble à première vue contredire for mellement l'indication contenue dans Genèse 2, 19-20 (mentionnée par Grégoire

de Nysse, C . Eun . II, § 402 ; t. I, p. 343 ; cf aussi l'allusion du $ 547, ibid . p. 386 ) ; car selon ce passage, c'est bel et bien l'homme qui est appelé à donner leurs nomsaux créatures. En fait Eunome jouerait plutôt du premier récit de la création , où Dieu mentionne déjà les réalités en les créant, dès avant que vienne le tour de l'homme, contre le second, de sorte que lui aussi peut invoquer des textes de la Genèse (1, 3 sq. cf. Grégoire de Nysse, C . Eun . § 205 ; t. I, p. 284 285). Il paraît avoir recouru aussi à Ps. 147, 4 , où Dieu est présenté comme appe lant chaque étoile par son nom . Est-ce bien là néanmoins sa source d 'inspiration première ? Depuis J. Daniélou on la cherche plutôt dans « l'exégèse néoplatoni

cienne du Cratyle » , et cette filiation paraît pouvoir s'appuyer sur un passage de Grégoire de Nysse : C . Eun. II, $ 404 ; t. I, p . 344, qui prétend en effet découvrir une influence du Cratyle sur Eunome. Mais ce dialogue n 'a pour objet que de renvoyer dos à dos les deux théories courantes à l'époque de Platon , celle d'une origine naturelle et celle d'une institution conventionnelle des noms. Eunome, d 'après Grégoire , aurait tenu la première thèse , celle de Cratyle (* * C 210), tandis que lui-même et son frère Basile en admettaient une qui ne s'identifiait pas vraiment avec celle de l'autre partie , Hermogène ( H 94 ), car pour eux lesmots

sont inventés par l'homme, mais en relation avec la nature des objets. Le pro blème posé dans les commentaires néoplatoniciens (nous n 'avons conservé que de larges extraits de celui de Proclus, postérieur, bien sûr, à Eunome;mais on fait remonter cette théorie linguistique à Jamblique et on suppose un contact entre les disciples de celui-ci et le maître d'Eunome, Aèce) est différent. Pour tant les néoplatoniciens visent-ils vraiment à établir une « conception mystique et surnaturelle » de l'origine du langage globalement pris , en vertu de laquelle celui-ci ne devrait rien à l' invention humaine ? En fait ils semblent en être restés à ce quipréoccupait déjà la pensée religieuse et philosophique au temps de Clé ment et d 'Origène : quelle est la capacité des noms divins, grecs ou barbares, à permettre une communication réelle avec les dieux ? Proclus soutient bien en effet que certains de ces noms sont d'origine révélée, conformes à la nature des dieux.Mais il admet aussi que certains dieux sont trop élevés pour être nommés d 'un nom quelconque (cf. Scholie LXXI, p. 32, li. 18 -20 Pasquali) et même que

certains techniciens ou poètes ont pu forger des noms valables parce que conformes à la nature (ibid. p . 34 , 19- 18 ). Or Eunome refuse explicitement ce

E 122

EUNOME

331

pouvoir aux poètes, à cause de leurs erreurs (C . Eun. II, $ 414 ; t. I, p . 347), et même aux saints inspirés, vu que pareille création n 'estnulle part attestée dans

l'Écriture (ibid. $415). Pour lui, tout ce que les hommes sont capables de pro duire, ce sont des figments mi-intellectuels mi-imaginatifs (epinoiai) qui s'éva nouissent dès qu'on n 'y pense plus. Pour Eunome, ces epinoiai sont trop dérisoires pour qu'on puisse attribuer à une activité humaine « l'homonymie par analogie » . C 'est Dieu encore qui « har monise les appellations selon les mesures, les lois et les analogies ». Ces deux emplois du terme et du concept d 'analogie,Grégoire deNysse, C . Eun. II, § 306 et 335, 1. I, p. 316 et p . 324 , plus un presque identique $ 363, p. 332, rendent peu probable qu 'Eunome n 'ait pas pris l'analogie au sérieux et ne l'ait utilisée que comme un subterfuge, « pratiquement réductible à l'équivoque » , comme le suggère B . Sesboué dans son édition du

Contre Eunome de Basile, p . 269 n . 1, quand l'Apologie, $ 17, invoque l' analogon pour distin guer la production du Fils de toutes les autres.

Il ne s'agit donc pas du tout pour lui d'admettre l'origine divine seulement

du nom unique qui exprime exhaustivement la nature de l'Inengendré, rétablis sant par là bien imparfaitement une transcendance menacée par la trop grande accessibilité de son Dieu à l'intelligence humaine ; ce faisant, il resterait de toute

façon à distance des néoplatoniciens qui attribuent à certains dieux un caractère

ineffable. Il éprouve au contraire le besoin de généraliser ce privilège à tous les noms, du moins ceux qui sont plus que des flatus vocis. L 'importance du nom dans la pensée biblique ne pourrait-elle expliquer, mieux que tout emprunt néo platonicien (dontGrégoire ne souffle mot), qu’Eunome ait tenu à réserver à son Inengendré le privilège de les imposer tous ? Etmême le Fils , pour lequel cepen

dant existe une pluralité de noms, est-il encore trop grand pour être nommé par les hommes ? Wickham ( 10 , p. 428) n ' a sans doute pas tort d ’exhorter à ne pas

accepter d'enthousiasme la thèse d'un article « brillant et persuasif » .

De toute façon , il subsiste apparemment une divergence de taille entre le sys tème d 'Eunome et celui de tous les néoplatoniciens, soit le rôle attribué à la volonté souveraine et inévitablement arbitraire du principe divin dans la création . Cette insistance sur la volonté ressort déjà des chapitres 23 et 24 de l'Apologie

(l'action la plus importante de Dieu est sa volonté , et son action, à la différence de son ousia , a un commencement et une fin ); elle transparaît plus encore dans le fragment 1 : les actes de la volonté de Dieu (thelêseis ) sontmultiples, et non seulementmultiples,mais divers (p. 176 , li. 12 -13 Vaggione). (Dans l’Apologie, boulêsis est seul employé, dans le fragment thelêsis apparaît plus fréquent.) Ne

doit-on pas se demander si l'inspiration judéo-chrétienne ne prend point ici déci dément le pas sur la vision grecque, néoplatonicienne, des premiers principes ? Deux indications supplémentaires sur la pensée d 'Eunome, qui n 'ont que peu

ou point été prises en compte, semble-t-il, peuvent être trouvées dans le Traité sur la nature de l'homme de Némésius d' Émèse (datant sans doute du tournant Ive-ve siècle ), la première , au chapitre 2 (p. 30 , li. 18 sq. Morani), la deuxième

au chapitre 3 (p. 43, li. 17 sq.). D 'après le premier passage, Eunome aurait défini l'âme humaine « substance incorporelle créée dans un corps » . Sans donner au

332

EUNOME

E 122

cune indication sur le contexte de cette affirmation , Némésius se lance dans une réfutation ; tout en qualifiant Eunome d'esprit « pénétrant» (oxus), il lui reproche

à deux reprises de s'être laissé influencer par Aristote . Cette accusation est tradi tionnelle dans la polémique anti-eunomienne. On la trouve mêmedans un recoin d 'une Conférence de Cassien XV 3 , où l'eunomien se sert des « artifices de la dialectique » pour entraîner l'orthodoxe Macaire dans « le maquis aristotélicien » ; où trouverait- on en revanche dans les textes antiques des reproches de com

promissions avec Porphyre ou Jamblique ? Mais elle paraît ici injustifiée . Car Eunome ne doit pas viser à poser une enté

léchie , une forme qui vient organiser un corps, mais qui n 'a plus de sens ni d'existence quand ce corps se désintègre. Il affirme bel et bien une création en vertu d'une intervention divine. Et vu le rôle dans son système d'une volonté divine intervenant à n 'importe quel moment, il n 'y a rien d' impossible à ce que soient créés au coup par coup des êtres désormais immortels . Némésius lui oppose l'objection qui venait naturellement à un Grec devant l'idée d'une

immortalité qui a eu un commencement: ce qui a eu ainsi un début ne saurait être exempt de trouver une fin . Mais Eunome a justement affirmé cela au sujet

du cosmos dans son Apologie 22 : « Rien ne saurait se terminer à une fin sans partir d'un commencement.» Et il semble que dans l'Apologie de l'Apologie, sous la poussée des critiques de Basile , il ait admis que le nom d' Incorruptible, qui indiquait que Dieu n 'avait pas plus de fin que de commencement, pouvait Lui être appliqué aussi bien que celui d'Inengendré, mais que vu la corrélation étroite des deux noms, leur coexistence dans les noms de Dieu n ' était pas incom patible avec l'absolue simplicité divine : cf. C . Eun . II, § 471, t. I, p . 364 ; $ 526 , p . 380 et

$ 554, p. 388.o D 'après Némésius, Eunome aurait réaffirmé dans le contexte de la création des âmes cette corrélation entre commencement et fin : Dieu a fixé (par décret

arbitraire !) le nombre total des âmes; elles viennent à l'être au rythme de cin quante mille par jour et, quand le total sera atteint, le monde, aussitôt qu' il sera

complété, n 'aura plus qu'à se dissoudre (p . 31, li. 10 - 14 Morani). Peut-être en outre est-on en droit de percevoir un rapport avec deux affirmations transmises par Grégoire de Nysse. L 'une dans un long passage qui, selon L . Abramowski (1, col. 945), résume tout le système: l'opération par laquelle ont été faits les

anges n 'est pas identique à celle par laquelle les hommes ont été faits ; elle lui est supérieure , puisque le résultat est supérieur (C. Eun. I, § 153 t. I, p. 72, li. 22-23). L 'autre quand Grégoire mentionne, sans s'arrêter à reproduire la démonstration donnée par Eunome, que celui-ci, par des procédés de « technologue » , a voulu montrer que l'immortalité des anges n 'est pas la même que celle des hommes (C .

Eun . II, § 590 ; t. I, p. 398, li. 25-26 ). Cela se rattacherait bien à la représentation eunomienne d 'une série d 'ousiai strictement étagées et imperméables les unes aux autres.

Le deuxième passage est à la fois un peu plus imprécis, en tant qu'il parle des « Eunomiens» , non d 'Eunome en personne, et plus proche du contexte théo logique habituel de la pensée d'Eunome, plus facile par conséquent à rattacher à d 'autres thèmes de cette pensée. Il n 'y aurait entre Dieu le Verbe et le corps

E 122

EUNOME

333

(dans l’Incarnation ) aucune union selon la substance; seules les « puissances >> seraient unies ; puissances qui, enchaîne aussitôt Némésius, sont à identifier , conformément à la doctrine d 'Aristote, avec la sensibilité que possède un corps organisé. Il semble bien , en effet, qu ’Eunome et ses disciples aient exclu (comme Eudoxe, un moment très proche d'eux : cf. Doctrina Patrum , chap. 9, fr. XIV ), la présence dans le Christ de toutpsychismehumain supérieur: à leurs yeux cette présence serait incompatible avec une réelle unité de ce Christ, unité

qu’Eunome (d'après le livre III du Contre Eunome de Grégoirede Nysse ) accuse sans trêve Basile d 'avoir détruite. On retrouve là évidemment la thèse euno mienne de l'incommunicabilité des substances, le terme « puissance » (dynamis ) étant peut-être importé d'un vocabulaire traditionnel en psychologie depuis Aristote , mais non eunomien . Eunome en effetmet presque partout l'accent sur l'energeia, employant dynamis surtout pour signifier la « portée»,la « valeur» desmots (cf. Apologie 18 , li. 4 ; 19 ,li.4 et 17; Apol. Apol. dans C . Eun. I, § 552 ; t. I, p . 186 ) ou alors la « puissance » divine, parfois en couple avec energeia (Apol. 26 , li. 9 ; cf. déjà 24, li. 15 et 18 ; Expos. 3 , li. 32) ; on peut sans doute accepter en ce cas la suggestion de B . Sesboüé (7 ), prolongée par B . Pottier (6 , p . 113), selon laquelle il s 'agirait d 'une qualité intérieure à l'ousie, la substance divine, donc plus proche de celle-ci

que l'energeia et sans rapport nécessaire avec cette dernière. Mais, dans le prolongementde cette définition , on peut comprendre les constatations de M . R . Barnes ( 3 , surtout p. 224 et

235-236 ) : Eunome use avec prédilection d 'une séquence causale à trois termes ousia , ener geia , ergon (« essence, activity , product» ), car l'energeia , identifiée couramment à la boule et toujours insérée dans le temps n 'a aucun lien nécessaire avec l'ousia et ne permet donc pas, commele ferait la dynamis, un mouvement de connaissance ascensionnel vers cette ousia . Ce télescopage de la dynamis constitue un contraste de plus avec les païens dont on avait voulu

rapprocher Eunome, et notamment Julien .

Il se pourrait qu'en définitive nous soyons ramenés à notre pointde départ. Malgré la sécheresse de ses exposés (moindre toutefois que celle de l'unique texte que nous ayons conservé d 'Aèce et tout de même animée par une convic tion etune volonté de convaincre aussi profondes l'une que l'autre) et même si son ardeur paraît s'être un peu aisément transportée du plan apostolique et pasto

ral à l'intellectuel, Eunome est bien un théologien, au service de ce qu 'il tient pour la foi chrétienne. Les analogies découvertes entre sa doctrine et la pensée

néoplatonicienne mâtinée de logique aristotélicienne sont superficielles. Son refus catégorique de tout émanatisme au profit d 'une activité volontaire divine

encadrée dans le temps est beaucoup plus conciliable avec la pensée biblique qu'avec n'importe quelle formede doctrine hellénique et surtout celles sous les quelles les idées de Platon et Plotin ont jeté leur dernier feu , en sorte que le Néo

arianisme (cette appellation est peut-être la plus satisfaisante ,même s 'il n 'est pas du tout sûr qu 'Aèce ait puisé sa doctrine chez Arius: cf. Wickham , 10, p. 568 , n . 1) est bien une formulation , passablement aberrante à nos yeux , du dogme

chrétien ,plutôt qu'une philosophie . A moins qu 'on ne donne de ce dernier terme une définition différente de celle qui a généralement cours aujourd'hui, mais peut-être acceptable aux ive- ve siècles de notre ère ? GEORGESMATTHIEU DE DURAND (+).

334

EUPEITHÈS DE PAPHOS

123 EUPEITHÈS DE PAPHOS

E 123 IIa

Académicien , disciple de Carnéade (2°C 42),mentionné dans l'Academi corum historia de Philodème, col. 23, 44 = 32, 37 (= Carnéade T 3b 13 Mette). TIZIANO DORANDI. FV 124 EUPEITHIOS D 'ATHÈNES PLRE II : Fils d 'Hégias et frère d 'Archiadas (II). Voir l'arbre généalogique de cette famille dans la notice consacrée à Hiérios (

H 122).

Eupeithios est connu par quelques fragments de la Vie d 'Isidore de Damascius (fr. 352- 355 et 358 ; Epit. Phot. 223 ; trad. anglaise par P . Athanas siadi, Damascius, p . 321-323). Naturellement doué pour la philosophie , plus que

son frère Archiadas (> A 315 ), il semble avoir gâché cesbonnes dispositions. RICHARD GOULET. 125 EUPHANTE D 'OLYNTHE RE < 1> MIV - D IIIa

Philosophe mégarique, élève d'Euboulidès de Milet (» E 71). Connu plutôt pour son activité d'historien et d'auteur de tragédies. Témoignages. 1 K . Döring, Die Megariker, fr. 68 -72 et 164 A . Traduction française dans 2 R .Muller, Les Mégariques, p. 32. 3 G . Giannantoni, SSR, fr. II D F 1 - 2 . Commentaire et bibliographie : Döring 1, p . 114 - 115 et p . 144- 145 ; Muller 2 , p . 119- 120 .

Datation. Si, comme son nom paraît l'indiquer, il est bien né à Olynthe, il faut que ce soit avant 3489, date à laquelle Philippe détruisit la ville; par suite, le

roi Antigone dont il aurait été le maître (fr. 68 ) est probablement Antigone per Gonatas (* * A 194), né vers 320a; enfin l'ambassade dont il est question dans le fr . 71 se situant autour de 2929, il faut qu'Euphante ait vécu au moins jusque là ( le fr. 70 mentionne à tort Ptolémée III, qui n ' a régné qu 'après 246a).

(Euvres. Sont connues: ( 1) Tepi Baoireias, Sur la royauté , discours adressé au roi Antigone (fr. 68) ; (2) ‘lotopíal, Histoires, au moins quatre livres (fr. 70 , 71) ; (3 ) un assez grand nombre de tragédies (fr. 68 ).

Influence. Cette production semble faire d'Euphante un auteur en marge de la tradition proprementphilosophique de Mégare (encore qu’Eubulide (2 - E 71) et Alexinos ( A 125 ) aient eux aussi laissé des æuvres « littéraires » , cf. fr. 57, 90 , 91). Mais la présence de son nom aux côtés de ceux d' Alexinos et d'Eubulide

dans le fr. 69 (morceau qui appartiendrait à un écrit polémique épicurien , d 'après 4 W . Crönert, Kolotes und Menedemos, p . 16 - 26 ) laisse entendre qu'il était considéré comme un philosophe, solidaire des positions des autres représentants

de l'École (Crönert 4, p. 26 , estime en outre que le ooŨ de la ligne 2 désigne Stilpon ). Noter que le fr. 164 A (Diogène Laërce II 113) semble indiquer qu 'un

certain Diphilos du Bosphore (> * D 213) fut enlevé à Euphante par Stilpon, ce Diphilos étant soit un fils d 'Euphante (cf. les traductions courantes de Genaille , Hicks, Apelt) soit simplement un élève (5 P . Natorp , art. « Diphilos » 13, REV 1 ,

E 128

EUPHRAIOS D 'ORÉOS

335

1903, col. 1155 ; 6 K . von Fritz , art. « Megariker » , RESuppl. V , 1931, col. 719 ) ;

Döring 1, p. 145, a sans doute raison de décelerune lacune avant Eủpávrov, ce qui conduit à comprendre que Stilpon a enlevé Diphilos à un maître inconnu, et

que c'est un disciple anonyme qu'il a pris à Euphante. Mentionné à trois reprises par Diogène Laërce (dont une après une citation textuelle de Philippe de Mégare), son nom figure aussi deux fois dans les papyri d 'Herculanum ; Athénée se réfère une fois à lui comme source. ROBERTMULLER .

126 EUPHÉMOS DE MÉTAPONTE Pythagoricien ancien dont le nom figure dans le catalogue de Jamblique,

V . pyth. 36, 267, p. 144 , 6 Deubner.

BRUNO CENTRONE. 127 EUPHORION DE CHALCIS RE 4

fl. 276 -272 ?

Poète alexandrin , disciple du philosophe académicien Lacydès et du péripaté

ticien Prytanis (cf. Souda E 3801 (vol. II, 478 sq. Adler) = Lacydès T 2b1Mette , et peut-être Philodème, Acad. hist., col. M 20 sq. = Lacydès T 2b , 15 Mette : Eủoopí]lwva ). Le témoignage de la Souda est en général accepté (cf. Dorandi [édit.), Filodemo : Platone e l'Academia , p . 68 n . 231 (Lacydès), et R . Kassel,

Kleine Schriften , Berlin New York 1991, p. 352 [Prytanis]). Le fait qu 'il fut disciple de Lacydès, scholarque à partir de 241/0 , ne fournit

pas de datation précise, car le poète a pu avoir écouté les leçons du philosophe académicien avant que ce dernier ne fût scholarque . Cf. L . A . de Cuenca, Eufo rion de Calcís , Madrid 1976 , p . 6 -8 . L 'enseignement philosophique n ' a pas

laissé de traces dans les fragments conservés du poète. TIZIANO DORANDI.

128 EUPHRAIOS D 'ORÉOS RE 2

? -342a

Académicien , disciple de Platon , né à Oréos en Eubée.

Selon la Lettre V attribuée à Platon, Euphraios se serait rendu chez Perdiccas III de Macédoine muni d'une recommandation du philosophe (cf. G . Pasquali, Lettere di Platone, Firenze 1938, 2e éd . 1967, p . 226 - 233). Euphraios aurait alors

convaincu par ses conseils le roi Perdiccas de donner une terre au futur roi Phi lippe II deMacédoine (cf. Carystios de Pergame, FHG IV 357 Müller ap. Athen .

XI, 506 e, et Speusippe F 156 Isnardi = Ep. Socr.XXVIII). Revenu de Macédoine en Eubée, Euphraios milita en faveur du parti antima cédonien et futassassiné en prison par des membres de l'opposition en 342 (cf. U . Kahrstedt, Forschungen zur Geschichte des ausgehenden fünften und vierten

Jahrhunderts, Berlin 1910, p . 72 sqq.).Démosthène (Phil. III 33, 59-63) l'exalte comme un Athénien mort pour la liberté. On doit rejeter le renseignement de Carystios de Pergame (FHG IV 357 ap. Athen . XI, 508 e ) selon lequel Euphraios

aurait été assassiné en Macédoine par Parménion.

EUPHRAIOS D 'ORÉOS

336

E 128

Études d 'orientation . P . Natorp , art. « Euphraios» 2 , RE VI 1, 1907, col.

1190 ; M . Isnardi Parente, Filosofia e politica nelle Lettere di Platone, Napoli 1970, p . 41 sq., et Ead., Studi sull'Accademia platonica antica, coll. « Saggi filo sofici» 1, Firenze 1979, p . 258 sq., 284 -285 ; A . Wörle , Die politische Tätigkeit

der Schüler Platons, Darmstadt 1981, p. 115- 120 ; F .Lasserre, De Léodamas de Thasos à Philippe d 'Oponte. Témoignages et fragments, Napoli 1987, p . 234 (trad .) .

TIZIANO DORANDI. 129 EUPHRANOR RE 5

Jamblique, In Nicom ., p . 116 , 1 -8 Pistelli (DK 56 , 3 ), attribue à Euphranor et

à Myonidès, présentés comme des pythagoriciens d' époque plus récente, la découverte de quatre nouvelles médiétés venant s'ajouter à celles qu 'avaient

découvertes Hippasos ( +H 144) et Archytas (3+ A 322). Un traité lepi aủa @ v (Sur les flûtes) est attribué à Euphranor le Pythagoricien par Athénée IV , 182 c ;

184 e. En XIV ,634 d , le titre de l'ouvrage quilui est attribué est lepi aŭantőv (Sur les flûtistes ). BRUNO CENTRONE .

130

EUPHRANOR DE SÉLEUCIE RE 6 F III - D Ira ? Philosophe sceptique pyrrhonien,mentionné deux fois dans la section IX 115 116 qui termine la Vie de Timon dans Diogène Laërce ( sur cette section , cf.

quelques indications d'ensemble dans les notices consacrées à Dioscouridès de Chypre (2D 203] et à Eubule d'Alexandrie (- E 75 ).

En IX 115 ,Diogène Laërce s'appuie sur Hippobote (fr. 22 Gigante) et Sotion (fr. 33 Wehrli) pour dire qu 'Euphranor de Séleucie a été l' un des “ auditeurs” (dinxovoav) de Timon , ainsi que trois autres philosophes: Dioscouridès de

Chypre, Nicoloque de Rhodes et Praýlus de Troade (c 'est par l'effet d 'une construction grammaticale erronée que ces quatre personnages sont présentés

comme des disciples de Ptolémée de Cyrène par G . Reale , Storia della filosofia antica, Milano 1980 , t. V , p . 452 – erreur corrigée tacitement p . 529). Diogène Laërce semble opposer ce témoignage à celui deMénodote , cité immédiatement auparavant, d 'après lequel Timon n 'aurait eu aucun “ successeur” (dládoxos).

Mais il n ' y a pas nécessairement de contradiction : Timon peut avoir eu des " auditeurs" sans avoir été pour autant un chef d ' école, et donc sans avoir trans

mis cette école à un “ successeur" officiel. Euphranor est de nouveau mentionné (sans son ethnique), en IX 116 , au pre mier rang d'une liste de philosophes sceptiques et de médecins de l'école empi rique, qui est censée constituer une “ succession ” ininterrompue de maîtres et d '“ auditeurs ” , partant de lui et allant jusqu 'à Sextus Empiricus et à son “ audi teur" Saturninus. D 'après cette liste , d 'origine nécessairement tardive et sans doute artificielle, il aurait eu pour " auditeur" Eubule d 'Alexandrie . L 'organisa

tion du texte de Diogène Laërce et la chronologie d'Hippobote et de Sotion ne

EUPHRATÈS (MESTRIUS)

E 132

337

permettent pas de penser que cette information puisse bénéficier de l'autorité de ces derniers (cf. la notice consacrée à Eubule d'Alexandrie (» E 75 ). JACQUES BRUNSCHWIG . EUPHRASIOS

EUPHRONIOS (E 135)

131 EUPHRASIUS RE 2 PLREI: 1

F III-D IV

Philosophe, un des principaux disciples de Jamblique (Eunape , Vies des phi losophes et des sophistes V 1, 5 ; p . 11, 15 - 16 Giangrande). Il est associé à Théo dore (d'Asiné ?), comme étant originaire de Grèce lui aussi et caractérisé par un

niveau de vertu exceptionnel, ou peut-être par une compétence exceptionnelle (ol xat' đpetnu ÚTTEPÉXOVTEC). G . Fowden, « The Pagan Holy man in late antique society » , JHS 102, 1982, p . 33-59, notamment p . 44 n . 92, a proposé de l'identifier à un philosophe anonymementionné par Thé mistius, Disc. XXIII, 295 b . Disciple du « vieillard de Chalcis » (Jamblique ?), il avait préféré

suivre l'antique chant ancestral de l'Académie et du Lycée. Selon J. Vanderspoel, « The mistios and a philosopher at Sikyon » , Historia 36 , 1987, p . 383-384, ce philosophe anonyme

était plutôt Hiérios (» H 120). C 'est sans doute cet Euphrasius qu ’ A . von Harnack a cru retrouver sous l' Euphronios mentionné dans un traité de Diodore de Tarse. Voir notice E 135 .

RICHARD GOULET.

132 EUPHRATÈS (MESTRIUS) RE 4 PIR? E 121

mort en 119 ou 121

Philosophe stoïcien célèbre qui mourut à un âge avancé sous Hadrien. Cf. 1 P. Grimal, « Deux figures de la Correspondance de Pline : le philosophe Euphratès et le rhéteur Isée » , Latomus 14, 1955, p. 370 -383 ; 2 A .Mantello ,

« Un illustre sconosciuto tra filosofia e prassi giuridica, Eufrate d'Epifania » , dans Sodalitas, Scritti in onore di Antonio Guarino , Napoli 1984, t. II, p . 963 995 ; ces deux articles présentent Euphratès essentiellement à travers le témoi gnage de Pline le Jeune, et le second discute les thèses du premier. En revanche, 3 F . Grosso, « La Vita di Apollonio Tianeo come fonte storica » , Acme 7, 1954 ,

p. 333-532, et 4 E .L . Bowie, « Apollonius of Tyana: Tradition and Reality » , ANRW II 16 , 2, 1978, p. 1652- 1699, présentent surtout le philosophe dans ses rapports avec Apollonios de Tyane (à la différence du premier, le dernier savant, hypercritique, n 'admet pas l'authenticité des lettres adressées par Apollonios à

Euphratès, et doute de la réalité de la querelle entre les deux hommes, que les philologues, dans leur majorité, admettent; on peut néanmoins trouver aventu

reuses les hypothèses de Grosso 3, p. 521-533, quant au point de départ et à l'histoire de cette rivalité). Origine. Les sources divergent sur l'origine d 'Euphratès. Philostrate , V. soph.

17 ; 25, le dit « Tyrien » . Étienne de Byzance, s. v. 'Erldávela , lui donne com me patrie Épiphanie de Syrie. Enfin, Eunape, Vies des sophistes II 1, 3, p. 3, 2- 3

Giangrande, évoque « Euphratès d 'Égypte » . L 'hypothèse avancée par Grimal 1 , p . 371 n. 5, pour surmonter ces divergences semble satisfaisante: « Né à Épipha nie , Euphratès peut s'être installé à Tyr après son mariage. L 'épithète d 'Égyptien

qui lui est parfois attribuée s'explique par son voyage d'Égypte » .

338

EUPHRATÈS (MESTRIUS )

E 132

Sources biographiques. Parmi les éléments biographiques conservés, les uns

sont nettement favorables à Euphratès, les autres nettement défavorables. Les premiers sont constitués par une lettre de Pline le Jeune (I 10) adressée à un cer tain Attius Clemens ( C 153) qu' il exhorte à écouter le philosophe, deux pas sages d'Épictète (III 15 , 8 ; IV 8, 17 -20 ), quelques lignes chez Fronton (p. 133 Van den Hout) et des mentions dans le Contre Hiéroclès d 'Eusébe de Césarée (voir surtout 30 , 15 -18 ; 33,41-50 des Places (coll. SC 333, Paris 1986 ]). Les seconds sont constitués par la Vie d 'Apollonios de Tyane de Philostrate et dix neuf lettres d 'Apollonios de Tyane, dont l'authenticité est discutée : dix -sept ont

été transmises par la tradition indépendante (1-8 ; 14-18 ; 50-52 ; 60 ) et deux par Stobée (79 -80 ) dans l'édition de 5 R .J. Penella, The Letters of Apollonius of

Tyana, coll. « Mnemosyne » Suppl. 56 , Leiden 1979. Ils présentent Euphratès comme le type même du faux philosophe. Ajoutons qu 'Origène, C. Cels. VI 41, rapporte qu 'Euphratès et un épicurien furent trompés par les pouvoirs magiques d'Apollonios, et que Dion Cassiusmentionne sa mort (LXIX 8, 3 Foster). Quant

à l'allusion de Marc -Aurèle X 31 à Euphratès, il n'est pas certain qu 'elle vise notre philosophe (cf. PIR - E 122).

Biographie. La lettre de Pline, qui fut peut- être écrite en 96 /7 (cf.Grimal 1, p. 378) et qui décrit le philosophe comme un homme vénérable portant barbe et cheveux longs, invite à placer sa date de naissance dans la première moitié du

siècle (6 H . von Arnim , art. « Euphrates von Tyrus» 4 , RE VI 1, 1907, col. 1216 , la situe prudemment « vers la fin des années 30 » ). Il est sans doute issu d'un

milieu modeste (cf. Pline I 10 , 8). Le premier repère biographique se place en 69 ( faut- il ajouter foi à Eusèbe, Contre Hiéroclès 30, 15- 18 des Places, lorsqu 'il prétend qu 'Euphratès était à Rome lorsqu'Apollonios, V . Apoll. IV 45, ramena une jeune fille à la vie – « miracle» qui eut lieu sous Néron, en 66 d 'après Grosso 3, p . 419 - ?). En 69 donc, Euphratès se trouve à Alexandrie, en compagnie de Dion de Pruse , et, avant l'arrivée du futur empereur Vespasien dans cette ville , ils encouragent la population à lui faire bon accueil (V . Apoll. V 27). Apollonios de Tyane est là aussi (est-ce à cette période qu 'il faut

placer l'épisode rapporté par Origène d’un Apollonios trompant d'illustres philosophes, dont Euphratès ?) et il les présente d'ailleurs tous deux à Vespasien comme des philosophes et de bons conseillers (V. Apoll. V 28 et 31); Philostrate dit ailleurs (V. soph. I 7) que Dion était l'ami d 'Euphratès comme d'Apollonios. D 'après Philostrate toujours, Euphratès aurait proclamé, devant Vespasien , un idéal républicain , tandis qu'Apollonios plaidait en faveur de la monarchie , Dion tenant une position médiane (V. Apoll. V 32 -39). L 'authenticité de la rencontre entre Vespasien et les trois philosophes a souvent été contestée (on trouvera dans

Mantello 2, p . 965 n. 7 , une rapide mise au point). Quoi qu 'il en soit, ces prises de position antagonistes expliqueraient partiellement la brouille entre les deux philosophes. Mais celle -ci a peut-être des raisons plus profondes, d'ordre philosophique, sur lesquelles nous reviendrons, ou plus triviales : Apollonios et son biographe présentent en effet systématiquement Euphratès non comme un

philosophe,mais comme un sophiste cupide, prêt à tout pour le gain. Cependant,

E 132

EUPHRATÈS (MESTRIUS)

339

d' après Philostrate, Vespasien ne le renvoie pas (V . Apoll. V 37). Il semblerait que la rivalité entre les deux intellectuels se soit ensuite exacerbée et que chacun ait utilisé des disciples pour s'imposer : Euphratès aurait dépêché un certain Thrasybule de Naucratis auprès des gymnosophistes éthiopiens pour calomnier Apollonios (V. Apoll. VI 7) et, partant pour l'Éthiopie , Apollonios aurait laissé à Alexandrie un dénomméMénippe pour contrôler Euphratès ( V . Apoll. V 43). A son retour, alors que la querelle s'envenime, il lui aurait adjoint un nouveau disciple , Nilos, lui-même restant en retrait (V. Apoll. VI 28). Philostrate signale la violence d'Euphratès, quise serait manifestée dans le langage et dans les actes (V . Apoll. V 39). On ne sait pas quand Euphratès quitta Alexandrie . On retrouve sa trace en 81-82 (pour la date, voir Grimal 1, p . 371 n . 1) en Syrie , où Pline dit l'avoir rencontré (I 10 , 2 ). C ' est sans doute entre temps que le philosophe a fait

un beau mariage en devenant le gendre de Pompeius Julianus, «magnus et cla rus... provinciae princeps» (Pline I 10 , 8 ). De ce mariage naquirentune fille et deux garçons (ibid .). Vers 96 -97 Euphratès aurait séjourné à Rome où Pline le fréquente ; il s'y serait même trouvé, d'après Grimal 1, p. 376 - 378, au moment du procès d 'Apollonios, mais le texte de Philostrate (V . Apoll. VIII 3) semble infirmer cette thèse, puisqu 'il mentionne la présence au procès d 'un affranchi d' Euphratès envoyé par son patron pour rapporter les propos tenus par Apol

lonios à Smyrne (V . Apoll. VII 9 ). En tout cas, Apollonios rend Euphratès responsable , à cause de ses calomnies et de ses dénonciations (accusations de pratiques magiques et de menées politiques) de l'action en justice qui lui est intentée (V. Apoll. VII 17 et 36 ). Dion Cassius LXIX 8 , 3 nous apprend qu 'Eu

phratès, accablé par l'âge et par la maladie ,obtint d ’Hadrien l'autorisation de se donner la mort en buvant la ciguë. Il est impossible d ' établir si la mort eut lieu à Rome ou en Syrie (cf. Grimal 1, p. 379), et la date est discutée : en effet, la chronologie de Dion Cassius, qui la fixe en 118 ou 119 (cf. Bowie 4,

p. 1678 n . 96 ), peut être remise en cause par celle d 'Eusébe- Jérôme et des

indices épigraphiques, ce quila placerait en 121 (voir 7 S . Follet, Athènes au Ile et au IIIe siècle Études chronologiques et prosopographiques, « Collection d'Études anciennes» , Paris 1976, p. 123-124. École philosophique. Le rattachement à l'école stoïcienne est implicite dans les Lettres d ' Apollonios, notamment Ep. 3 ; 5 ; 74, et chez Épictète ; il est expli cite chez Étienne de Byzance: Eú párns ó otwixóc. On admet généralement que Musonius fut le maître d'Euphratès, comme il le fut de Dion , d'Athénodote ( A 499) et de Timocrate (parmi les derniers défenseurs de cette thèse, cf. Bowie 4 , p. 1657 , 8 S. Follet, art. « Athénodote » A 499, DPhA I, p . 660, 9 P . Desideri, art. « Dion Cocceianus de Pruse dit Chrysostome» , D 166 , DPhA II, p. 843).Mais Grimal 1, p. 373 n. 2, arguant que la lettre de Fronton (p. 133 Van den Hout) d'où est tirée cette information estmutilée, rejette cette hypo thèse. On doit toutefois remarquer que, si le passage est mutilé et rend difficile

une interprétation d 'ensemble, la phrase concernant Euphratès est intacte: « Quid nostra memoria Euphrates, Dio , Timocrates, Athenodotus ? Quid horum magister

340

EUPHRATÈS (MESTRIUS)

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Musonius ? Nonne summa facundia praediti neque minus sapientiae quam elo quentiae gloria inclyti extiterunt ? » Disciples . Philostrate , V. soph. I 25, rapporte que Timocrate d'Héraclée- sur le -Pont nxovoEv Eů pátou TOŨ Tuplov. D 'autre part, il mentionne dans la Vie d 'Apollonios (VI 7 ) un certain Thrasybule . Enfin , Bassus de Corinthe ( >^ B 20 ), philosophe impliqué dans une tentative de meurtre contre Apollonios de Tyane,

fut peut-être un élève d 'Euphratès, tout comme Lysias et Praxitèle de Chalcis, ses sbires (Apollonius, Ep. 36 ; 74 ; 77). Euvres.Malgré la célébrité dont le philosophe paraît avoir joui de son vivant et après sa mort (cf. sur ce point le témoignage d 'Eusébe de Césarée, C . Hier. 33, 40 -50 des Places), aucun titre d 'ouvrage ne nous a été conservé. Seul Philostrate mentionne de façon vague des « écrits mensongers » dirigés contre Apollonios de Tyane quinemettaientpas en cause la continence du sage

(V. Apoll. I 13). A ce propos, von Arnim 6 , col. 1216 , est dans l'erreur lorsqu 'il évoque l'« écrit diffamatoire d'Euphratès contre Apollonios dans lequel il lui reprochait des excès sexuels » . De même,Grosso 3 , p . 522, se trompe quand il

voit dans V . Apoll. VI 7 mention d'une cuvre (ëpyov ne désigne pas une auvre , mais un acte d'Euphratès). Sauf chez Épictète IV 8 , 17-20, où le discours direct vaudrait citation, aucun fragment du philosophe ne nous est parvenu. Dans ce passage, Euphratès déve loppe l'idée que ce ne sont pas les signes extérieurs , tel le manteau ,mais les actes, qui font le philosophe; il souligne les avantages que le philosophe gagne, pour lui et la philosophie , à ne pas se déclarer. Il est cependant possible de préci ser, par les témoignages indirects, l'orientation de la pensée d'Euphratès. Philosophie. Son stoïcisme est profondément lié à la vie politique. Dans le discours que lui prête Philostrate (V. Apoll. V 33), il demande à Vespasien d 'abolir la monarchie (uovapxiav) et de rétablir la démocratie (TÒ TOŨ onuou upátos) ; et devant Domitien (V. Apoll. VIII 7, 16 ), il sera accusé par Apollonios de considérer l'empereur comme un « maître» , deonórns. Aussi certains ont-ils vu en lui un opposant au régime des Flaviens. 10 J.Gagé, « La propagande séra piste et la lutte des empereurs flaviens avec les philosophes (Stoïciens et Cy niques)» , RPhilos 1959, I, p . 92, pense qu'Euphratès fut, comme les stoïciens et les cyniques, engagé contre le régime des Flaviens soutenu par la propagande du Sérapéum et d'Apollonios de Tyane ; 11 M .Mazza, « L 'intellettuale come ideo logo : Flavio Filostrato ed uno “ speculum principis ” del III secolo d. C .» , dans P .

Brown, L. Cracco-Ruggini et M . Mazza (édit.), Governanti e intellettuali, popolo di Roma e popolo di Dio (I-VI), Torino 1982, p. 107 n . 102, cite G . S. Knabe, qui voit même en Euphratès le porte -parole du parti conservateur sénato

rial; lire aussi Grimal 1, p. 381, et avant tout Mantello 2 , p. 976 : l'auteur montre comment la pensée d'Euphratès, centrée sur l'action , répondait aux aspirations

de l'aristocratie . Il faut toutefois noter que, d'après Philostrate, Vespasien n'est pas dupe de l'attitude d'Euphratès, qu'il juge dictée par le désir de contrecarrer Apollonios (V. Apoll. V 37). La prise de position d 'Euphratès serait alors davan

tage motivée par l'opportunisme que par la conviction. D 'autre part, le discours

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EUPHRATÈS (MESTRIUS)

341

qu'il tient à Alexandrie se distingue aussi par un ton très violemment antisémite :

Euphratès voit dans le juif le barbare par excellence, l'individu inassimilable. Son stoïcisme est sans doute très marqué par le rationalisme; cela explique, selon Grosso 3 , p . 429, qu' il recommande à Vespasien de soutenir la philosophie

« selon la nature» , tnv Mèv xarà púoiv , et de combattre « celle qui prétend avoir l'inspiration divine » , tnv dè DEOXAUTETV báoxovoAV (V . Apoll. V 37).

Faut-il suivre 12 M . Pohlenz, Die Stoa, t. II, p. 188, et faire de deoxdutelv une citation de l'écrit d' Euphratès mentionné en V. Apoll. I 13 et une allusion à la pensée hermétique ? Pline confirme (I 10, 10) l' intérêt qu 'Euphratès porte aux valeurs sociales et politiques: « adfirmat etiam esse hanc philosophiae et quidem pulcherrimam

partem , agere negotium publicum , cognoscere, judicare , promere et exercere

justitiam , quaeque ipsi doceant, in usu habere» . Toujours selon Pline (I 10, 7), la morale semble avoir tenu une place importante dans l'activité philosophique d 'Euphratès : « insectatur vitia , non homines, nec castigat errantes, sed emen

dat » . Au contraire, l'Euphratès de la Vie d 'Apollonios est dépeint comme un être immoral, incapable de dominer ses passions (cf. V. Apoll. V 39). D 'aprèsMante

nello 2 , p . 968 - 969, cette pensée philosophique se caractérise essentiellementpar

l'individualisme, la modération , et favorise un conservatisme social ; contraire ment à la thèse de Grimal 1, p. 380 , qui affirme que la doctrine du philosophe se situe dans la lignée de celle de Panétius et d'Athénodore, notamment par l'atten tion portée à la justice, et « ne témoigne donc pas d 'une très grande originalité » , il pense qu 'Euphratès, plaçant la philosophie dans la pratique juridique, innove : « Se Panezio faceva dipendere l'agire concreto dal momento speculativo ; se

Atenodoro scindeva i due aspetti con un'indubbia preferenza per il secondo ; Eufrate ridiscute ora i termini del problema: assume l'agire concreto ad ele mento centrale della philosophia e pone in subordine la riflessione teorica » (p. 973). Cette volonté d'insertion dans le siècle, dont Épictète IV 8, 17-20 se

fait aussi l' écho, est violemment dénoncée par Apollonios qui voit là , précisé ment, l'image de la fausse philosophie , uniquement guidée par la cupidité et l'arrivisme (cf.,V . Apoll. V 38 ; VI 13 ; VIII 7 (11)). Et l'on sait d 'après la lettre de Pline (I 10 , 11) qu 'Euphratès jouait le rôle d'un directeur de conscience auprès des notables : « Euphratès était moins préoccupé de s 'avancer dans les voies de la Sagesse que dans celles du Monde » selon la formule de Grimal 1 , p . 372 .

Il est avéré qu'Euphratès a été servi dans son enseignement par une éloquence remarquable, propre à convertir à la philosophie , ce dont témoignent Pline

I 10 , 5, Épictète III 15, 8, et Fronton , Lettre à Marc Aurèle I 4 , p. 133 Van den Hout. Cela est confirméindirectement par Philostrate qui le présente comme un sophiste habile à prononcer unemélétè ( V . Apoll. V 27) et rappelle qu 'Apollo

nios laisse à Alexandrie, pour surveiller Euphratès,Ménippe qui se distingue par ses dons pour la dialectique et sa liberté de parole ( V . Apoll. V 43). Euphratès d 'après les Lettres d 'Apollonios. Bien que Philostrate , V. Apoll.

V 39,mentionne des lettres d'Apollonios à Euphratès, dont il reste peut-être un

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exemplaire (voir Penella 5, Appendix 4 = V. Apoll. II 26 ), la tradition hypercri tique considère celles quinous ont été transmises comme très largement ou tota lement apocryphes: cf. 13 E . Meyer, « Apollonios von Tyana und die Biographie des Philostratos» , Hermes 52, 1917, p . 371-424 (repris dans Kleine Schriften , t. II, Berlin 1924 , p. 131 sq.), à la p. 412, et, plus radical encore, Bowie 4 , p . 1691.Mais il faut noter que les deux derniers éditeurs des Lettres, Penella 5 et

14 F . Lo Cascio , Apollonio Tianeo, Epistole e frammenti, coll. « Quaderni dell'Istituto Siciliano di Studi bizantini e neoellenici» 12, Palermo 1984, sont, surtout en ce qui concerne celles adressées à Euphratès, favorables à l'authenti

cité. Pour chaque lettre, on a chez 15 F. Lo Cascio , Sulla autenticità delle epistole di Apollonio Tianeo , coll. « Quaderni dell' Istituto Siciliano di Studi bizantini e neoellenici » 10, Palermo 1978, un rappel des thèses défendues par les philologues. Quoi qu 'il en soit, dans la mesure où elle est riche de précisions, cette correspondance permet de compléter, avec toutes les précautions qui s'im posent, le portrait d 'Euphratès. La rivalité entre les deux philosophes est donnée comme une rivalité entre deux écoles, le stoïcisme et le pythagorisme: d 'après Ep. 50, Euphratès aurait attaqué Pythagore et les pythagoriciens ; il aurait même accusé Apollonios d 'être un sorcier, magos (Ep. 16 ), ce à quoi Apollonios réplique en qualifiant son

adversaire d’ãocos (Ep. 17). Apollonios lui refuse le titre de philosophe (Ep. 1)

et le considère comme un sophiste (Ep. 2 ) dont il critique l' éloquence (Ep. 94 ). Les Lettres confirment les attaches d 'Euphratès en Italie et en Asie mineure , Syrie (Ep. 3) ou Égées de Cilicie (Ep. 7), ville qui fut le lieu de résidence

d'Apollonios dans sa jeunesse (cf. V : Apoll. I 7). Euphratès est un « nouveau-riche» (Ep. 6 ), qui fait montre de sa richesse et exhibe ses vêtements : il a renoncé au tribôn qu 'il portait à ses débuts, reniant

ainsi l'idéal de Zénon (Ep. 3 ). Il est aussi un redoutable captateur d 'héritages (Ep. 7 ) et il est bien connu d 'un empereur pour ses sollicitations financières (Ep. 4 ; cf. aussi Ep. 51).

Euphratès, enfin , paraît impliqué dans deux sordides affaires d' assassinat visantApollonios (cf. Ep. 60 ; 74 ; 77). PATRICK ROBIANO. 133 EUPHRONIOS

entre D III et D IIIP

Épicurien athée et intempérant,dont Élien , fr. 89 Hercher (reconstitué à partir de plusieurs gloses de la Souda : K 156 , T 680, K 1511, I1 2653, A 4173, H 558, B 278 , E 3116 , K 518, A 1851, K 520, £ 1104, O 274, E 1143 Adler ), raconte la guérison et la conversion après une nuit d 'incubation à l'Asclepieion (d 'Athè

nes ?), alors qu'une pneumonie l'avait amené aux portes de la mort. Lorsque, sur l'ordre du dieu, il eut brûlé les livres d 'Épicure, ses disciples purent le suivre dans la voie du bien (eic TÒ eù xai xanās). SIMONE FOLLET.

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EURÉMÔN

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III 134 EUPHRONIOS RE 6 Témoin du testamentde Lycon ( D .L . V 74). E .Martini, art. « Euphronios» 7 ,

RE VI 1, 1907, col. 1220, le qualifie de “ péripatéticien” .Mais, à la différence des deux autres témoins, Callinos d 'Hermione (

C 27) et Ariston de Céos

( A 396 ), Euphronios n 'apparaît pas dans la liste des familiers ou des disciples auxquels est légué le " péripatos” (V 70 ). Il pouvait figurer comme témoin dans le testament du philosophe à d'autres titres. RICHARD GOULET. 135 EUPHRONIOS IV ? Dans une liste d'ouvrages de Diodore de Tarse (mort avant 394) conservée

par la Souda (s.v. Albowpos, A 1149 ; t. II, p . 103, 19 Adler), figure un Ilpos

Eů póvlov Dióoopov xarà neīOLV vai åróxplolv (A ou Contre Euphronios le philosophe, par questions et réponses). Le début de la notice de la Souda fait référence à Théodore le Lecteur (historien de la fin du ve s . et du début du Viº), mais le dernier éditeur de l'Historia tripartita , G . Ch . Hansen , Theodoros Anagnostes Kirchengeschichte, 2e éd ., GCS N . F. 3, Berlin 1995, p . XVII, estime que le long catalogue des æuvres de Diodore est emprunté à une autre source.

A. von Harnack (T.U. N .F.6, 4, 41 et 42, 3) a proposé de lire : npòs Eůspaolov. Il pen sait sans doute à Euphrasius ( » E 131), le disciple de Jamblique.

RICHARD GOULET.

136 EUPHROSYNÈ Philosophe dont l'épitaphe célèbre aussi la piété et la culture étendue (docta novem musis),morte à Rome à vingt ans (CIL VI 33898). BERNADETTE PUECH.

137 EUPOL Péripatéticien (?) dont le nom a été restitué par Crönert, Kolotes und Mene

demos, p. 92, dans un passage des plus incertains d 'un ouvrage de Philodème contenu en PHerc. 1746 pz. I 2 ,4 : Eủno [a -. TIZIANO DORANDI.

EUPYRIDÈS Le renvoi à Eupyridès indiqué dans DPHA I, p . 687 pour AURELIANUS, doit être corrigé ainsi : AURELIANUS→ HÉRACLIDÈS (AURELIANUS - )

138 EURÉMÔN

Iva ?

Eurémôn est le familier d'un certain Charmidès (2°C 103), destinataire d 'une lettre pseudépigraphe de Diogène le Chien (Lettre 50, p. 76 -79 Müseler; p. 180 181 Malherbe). Dans cette lettre, Diogène explique qu ' il n 'approuve ni les

sophismes ni les énigmes d'Eurémon ; il lui reproche également de s' être , par amour pour l'argent, battu avec son père à propos de l'héritage laissé par sa

mère, et de n'avoir pas réussi à se libérer des passions grâce à la philosophie .

EURÉMÔN

344

E 138

La lettre est éditée et traduite en allemand par Eike Müseler, Die Kynikerbriefe, coll. « Studien zur Geschichte und Kultur des Altertums» , Neue Folge, erste Reihe, Bd . 7 ,

Paderborn 1994, p . 76 -79 ; trad. anglaise par B . Fiore , dans A .J.Malherbe (édit.), The Cynic epistles, coll. « Society of Biblical Literature - Sources for Biblical Study » 12 , Missoula

(Montana) 1977, p. 180 -181.

139 EURIPIDE RE 4 etRESuppl.XI

MARIE -ODILE GOULET-CAZÉ. ca 480 -406

Dramaturge athénien, auteur de 92 pièces, dont dix-huit ou dix -neuf sont conservées. Il est désigné dans de nombreux textes antiques, comme oxnvixos piñóoopos (« philosophe de la scène » ). Voici la liste des références que donne de ces textes 1 W . Schmidt-Stählin , Geschichte der griechischen Litteratur I 3 ,

318 n . 5 : - Dióooooc ap. schol. à Hipp. 408,601,616 . - Oxnvixòç biógodoç : Athénée IV , 158 e et XIII, 561 a ; Vitruve VIII, Praef. 1 (philosophum scaenicum ); Quintilien, Inst. X 1, 67 ; Sextus, Adv.math. I 288 .

- Ó ènì tñs oxnvñs dióoodos : Clément d'Alexandrie, Strom . V 70 , 2 ; Eusébe, P. E . X 14, 13 : Euripide est donné pour l'un des trois rápluol d 'Anaxagore ; passé à la poésie , il fut appelé par certains oxnvixóc dióoodoc. L 'appellation oxnvixòç Dióoopoc s 'explique par deux sortes de raisons. (A ) D 'une part, lesæuvres intégralement conservées et les fragments d'Euri pide abondent en maximes dans lesquelles divers interprètes, de l'antiquité à nos

jours, ont voulu voir le reflet, direct ou indirect,de doctrines se rattachant soit à l' enseignement de philosophes présocratiques (Anaxagore en particulier), soit à l' enseignement des sophistes. Outre ces maximes, plusieurs pièces contiennent aussi des débats dont l'intérêt a pu sembler plus philosophique que dramatique, ce qui a conduit certains interprètes à voir dans le théâtre d'Euripide un « théâtre d'idées» . En tout cas, c'est aujourd'hui une vue largement admise que le drama turge s'est montré fortement hostile à bien des idées traditionnelles, notamment en matière religieuse , et que sa Weltanschauung est révélatrice des conceptions

qui apparaissaient commenouvelles dans les cadres culturels du Ve siècle athé nien . Sur tout cela , cf. 2 P . Decharme, Euripide et l'esprit de son théâtre, Paris 1893 (IV -568 p.) ( en particulier p . 25 -58 , chap . 1 : « Rapports d 'Euripide avec les

philosophes et les sophistes ») ; 3 A . W . Verrall, Euripides the rationalist, Cam bridge 1895 (IX -264 p.); 4 W . Nestle , Euripides, der Dichter der griechischen Aufklärung, Stuttgart 1901 (XII-594 p.); 5 id., « Über die philosophischen Quel

len des Euripides» , Philologus Suppl.-Bd 8 , 1902, p . 559-656 ; 6 A . Dieterich, art. « Euripides 4 » , RE VI 1, 1907, col. 1242 -1281, en partic. col. 1278- 1280 ;

7 E . R . Dodds, « Euripides the irrationalist» , CR 43, 1929, p . 97- 104 ; 8 K . Reinhardt, « Die Sinneskrise bei Euripides » , Eranos- Jb 26 , 1957, p . 279 -317

(repr. dans 8a Tradition und Geist:Gesammelte Essays zur Dichtung, hrsg. von C . Becker,Göttingen 1960, et dans 8b Euripides [recueil de 21 articles d'auteurs divers), hrsg. von E .-R . Schwinge, coll. « Wege der Forschung» 89, Darmstadt

1968, p. 507 -542); trad. en français par Emm . Martineau : 8c id ., Eschyle. Euri

E 139

EURIPIDE

345

pide, Paris, 1972, p . 293-328 (réimpr. éd. Gallimard , coll. « Tel » , 1991) ; 9 D . F. W . Van Lennep , Euripides, noint 's oopós, diss. Amsterdam , 1935 [262 p .; en néerlandais ); 10 R . P. Winnington - Ingram , « Euripides poietes sophos» , Arethusa 2, 1969, p . 127-142 ; 11 A . Rivier, Essai sur le tragique d'Euripide, 2e éd. revue, Paris 1975 (envisage Euripidemoins comme un témoin des idées et des tendances de son époque que comme poète dramatique et comme artiste ); 12 W . Sale , Existentialism and Euripides, coll. « Ramus mono graph » , Berwick Victoria (Australia ), 1977 ; 13 Id ., « 'Si credere dignum est' :

some expressions of disbelief in Euripides and others » , PCPhS 22, 1976, p .60 89, repris dans 13a T .C . W . Stinton , Collected papers on Greek tragedy, Oxford 1990 , p. 236 -264 ) ; 14 J. de Romilly, La modernité d ' Euripide, Paris 1986 .

[Cette liste sélective et raisonnée comporte inévitablement de l'arbitraire.) (B ) D 'autre part, les sources biographiques antiques sur la vie d'Euripide soulignent le rôle important que philosophes et sophistes auraient joué tant dans sa formation que dans les relations qu' il aurait entretenues avec eux, sa vie

durant.Mais il faut toujours se rappeler que les biographies des poètes antiques comportent une part importante de fiction, ce quirend impossible toute interpré tation directement « réaliste » des témoignages biographiques, même – et sur tout - s'il s'agit des plus anciens (v. infra, sub fine). On trouvera, commodément regroupé sous le titre Testimonia vitae et artis selecta , l' ensemble le plus com plet à ce jour des testimonia relatifs à la vie d' Euripide, dans la première partie de l'ouvrage de 15 D . Kovacs, Euripidea, coll. « Mnemosyne Suppl. » 132,

Leiden 1994, p. 1- 141: textes et traduction en anglais ; apparat critique et notes réduits (cet ouvrage est un complément à la nouvelle édition bilingue d 'Euripide publiée dans la Loeb Classical Library, par les soins de D . Kovacs, depuis 1994 . Sur la vie d'Euripide, voir précisément 16 D . Kovacs, Introduction à Euripides :

Cyclops, Alcestis, Medea , coll. LCL 12, Harvard 1994, p. 1-21). Le recueil de Kovacs 15 regroupe cent témoignages (T 1 à T 100), allant des sources biogra phiques traditionnelles jusqu'aux allusions les moins connues (épigrammes de

l’Anthologie Palatine), et comprend même les passages des comiques tournés contre le dramaturge, et les cinq lettres fictives attribuées à Euripide. Les diffé rentes sources biographiques traditionnellement connues sont le Γένος Ευρι Tídov (= T 1 dans Kovacs 15) transmis par de nombreux manuscrits; le chap . XV 20 d 'Aulu -Gelle (= T 5 dans Kovacs 15 ), une notice de la Souda (t. II, p . 468

Adler = T 2 dans Kovacs 15) et une autre de ThomasMagister (auteur du XIIe XIVe s., t. I, p. 11-13 Dindorf = T3 dans Kovacs 15). A cela est venu s'ajouter en 1912 un document nouveau : le P . Oxy. IX 1176 (aujourd 'hui conservé au British

Museum sous le n° 2070), dont les débris, retrouvés au début du XXe s., contiennent d 'importants fragments du sixième livre des Vies de Satyros ; ce

sixième livre était consacré à la Vie d 'Euripide (= T 4 dans Kovacs 15 ). Il s'agit

d'une biographie dialoguée, écrite vers 200 av. J.-C ., qui repose sur la compi lation de plusieurs biographes antérieurs , parmi lesquels Eratosthène, Hermippe, et surtout Philochore . De ce papyrus très mutilé du II s., l'édition princeps, avec

transcription diplomatique et notes, a été donnée par le grand papyrologue

EURIPIDE

346

E 139

britannique Arthur S. Hunt: 17 The Oxyrhynchus Papyri, IX , London 1912 , p. 124 -182 (nº 1176 ) ; une nouvelle éd ., avec trad . en italien et commentaire , a été procurée par G . Arrighetti (édit.), 18 Satiro : Vita di Euripide, a cura di G . A ., coll. « Studi classici e orientali » 13, Pisa 1964 (avec le c.r. de S .West, Gnomon 38 , 1966 , p. 546 -550 , et l' étude de 19 I.Gallo , « La Vita di Euripide di Satiro e gli studi sulla biografia antica » , PP 22 , 1967 , p . 134 - 160) . L 'intérêt de l'éd .

Arrighetti tient à la qualité du texte édité (qui ne parvient cependant pas à surpasser le texte de l' éd . princeps de Hunt), mais aussi à sa commodité et à la richesse de ses notes: elle comporte une traduction en italien , du moins pour les fragments qui ne sont pas trop mutilés, suivie d 'annotations, et donne en appendice (p. 91-98) le texte des principales sources antiques relatives à la bio graphie d'Euripide (révoç Eúplnídov , chap . XV 20 d'Aulu -Gelle , notices de Suidas-Moschopoulos et de Thomas Magister). La Vie de Satyros témoigne effectivement du rôle joué par la philosophie dans la formation d'Euripide, mais

l'interprétation des informations qu'elle donne requiert la plus grande prudence. Pour une analyse des rapports existant entre toutes ces biographies anciennes, voir 20 M . Delcourt, « Biographies anciennes d'Euripide » , AC 2, 1933, p. 271 290 .

- Rapports d 'Euripide avec les présocratiques.

Diogène Laërce II 10 présente Euripide comme le « disciple » (uaOntńs) d'Anaxagore de Clazomènes (* A 158 ), personnage qui a longuement vécu à Athènes avant d'être accusé d'impiété par Cléon et réduit à se réfugier finale ment à Lampsaque. Euripide est aussi donné comme l' élève du « physicien >> Archélaos (*+ A 308) (= T 1 § 33 dans Kovacs 15), qui fut aussi le maître de Socrate , ce qui pose des problèmes de chronologie : si Archélaos et Euripide ont été tous deux disciples d'Anaxagore , il est difficile d'admettre qu ’Euripide ait pu

être l'élève d'Archélaos. C 'est pour Anaxagore que les témoignages sont parti culièrement nombreux (voir notamment T 1, 2, 3, 4, 5 dans Kovacs 15 ) : citons

Aulu -Gelle XV 20 : auditor fuit physiciAnaxagorae (qui rapporte le témoignage le plus ancien, celui du poète alexandrin Alexandre d'Étolie : ’Avatarópov

Tpódquoc); ajouter Strabon XIV 1, 36 (p .645 C .); Diodore de Sicile I 7 , 7 : Eủpinions ... Maonths Öv ’Avatarópou toŨ QUOLXOŨ . Voir aussi Arrighetti 18 Satiro fr. 37.1-38.I (commentaire p . 105- 108) avec la discussion critique de Gallo 19 (sur Anaxagore, p. 141-142). Avant la découverte de la biographie de Saty ros, le problème des relations entre Euripide et Anaxagore avait été étudié par Decharme 21, « Euripide et Anaxagore » , REG 2, 1889, p. 234 -244, qui se montre sceptique sur la réalité d 'une relation demaître à disciple ; article repris et modifié en un sens légèrementmoins sceptique - dans Decharme 2, p . 30 -42 ; voir aussi 22 L . Parmentier, Euripide et Anaxagore, coll. « Acad. royale des sciences, des lettres et des beaux -arts de Belgique,Mémoires couronnés et autres

mémoires » XLVII 8 , Bruxelles 1892 [115 p.). L 'enquête de W .Nestle a, de la façon la plus systématique, cherché à retrouver non pas dans des témoignages antiques extérieurs , mais dans l'euvre même du dramaturge, les traces de l'in

fluence de nombreux philosophes présocratiques: persuadé qu 'on avait surestimé

E 139

EURIPIDE

347

l'influence d ' Anaxagore sur Euripide, Nestle accorde une place importante à Xénophane (Nestle 5 , p. 560 -563), à Héraclite (p . 563-576 ), à Diogène d'Apol lonie (p . 578-586 ); une place moindre à Empédocle , à Archélaos, à Démocrite ; sont aussi traités Hippocrate , les Orphiques et les Pythagoriciens, de nombreux poètes (d'Homère à Sophocle), les Sept Sages, les Sophistes et Socrate , et enfin Hérodote . On constate que les études les plus anciennes sont les seules à avoir ainsi abordé, dans une perspective globale , le problème des rapports d 'Euripide avec tel ou tel présocratique, ou même avec l'ensemble (Nestle 4 et 5 ). A date

récente n'ont été examinés que des points particuliers : voir par exemple 23 J. Diggle , Studies on the text of Euripides, Oxford 1981, p. 94, qui commente les

mots arupi tõid ' aidépoç (lon 84-85), dans lesquels certains critiquesmodernes ont vu un écho des cosmologies présocratiques; et 23 Id ., Euripidea, Oxford

1994,p . 278. - Rapports d 'Euripide avec Socrate : voir Kovacs 15 (T 1, 2, 4 , 5, 21, 77). Il est difficile d'établir de façon claire quels rapports Euripide a effectivement

entretenus avec Socrate, qu'il s'agisse d 'interpréter les anecdotes des biographes anciens ou d 'évaluer les idées exprimées dans l’æuvre. Les biographies anciennes rapportent des anecdotes invérifiables : Socrate ne serait allé que rarement au théâtre, mais se serait déplacé pour les représentations d'Euripide

(Élien, Hist. var. V 2 , 13 ; Cic., Tuscul. IV 63) ; il auraitmême collaboré avec lui pour écrire certaines pièces.Mais, selon Diogène Laërce II 33, il aurait quitté le théâtre en pleine représentation , indigné d'avoir entendu un vers d 'Auge (il

s'agit en réalité d' Électre, v. 379) affirmant qu'il était inutile de poursuivre la vertu . Sur le premier point (anecdotes biographiques), voir Decharme 2 , p. 42 47 ; pour les idées, cf.Nestle 5, p. 651, et surtout Dodds 7, qui a cherché à mon

trer que d'importantes divergences de doctrine opposent Socrate et Euripide dans la conception de la vertu. Mais contre cette « interprétation polémique » s'est

élevé 24 J. Moline, « Euripides, Socrates and virtue » , Hermes 103, 1975, p . 45 67; voir aussi 25 T. H . Irwin , « Euripides and Socrates » , CPh 83, 1978, p. 183 197.

— Rapports d'Euripide avec Platon : selon Diogène Laërce III 6 (T 20 dans Kovacs 15), Euripide aurait accompagné Platon lors d'un voyage en Égypte . Sur cette anecdote purement fantaisiste , cf. 26 L . Brisson, « Diogène Laërce, “ Vies et doctrines des philosophes illustres” , Livre III : Structure et contenu » , ANRW II

36 , 5, 1992, p. 3642. On doit rappeler aussi l'éloge ironique d 'Euripide que fait Platon , Rép . VIII, 568 a. — Rapports d'Euripide avec les sophistes: Nestle 5 traite successivement de Gorgias (26 27), Protagoras, Prodicos, Thrasymaque, Calliclès (B+ C 17), Diagoras ( * D 91), Critias (B+ C 216 ), Hippias (MH 145), Alcidamas (> A 88), Antiphon (> A 209), Hippodamos de Milet ( H 153), Phaléas de Chalcédoine. Voir aussi l'analyse de 27 N . Petruzzellis, « Euripide e la sofistica » , Dioniso 39, 1965, p . 356 - 379. Selon Aulu -Gelle, Euripide aurait été l'« auditeur» de Prodicos (auditor Prodici rhetoris : T5, 4 dans Kovacs 15), de Prodicos et de

Protagoras d'après le révos (axovotńs: T 1, 4 dans Kovacs 15 ). Il semble que

348

EURIPIDE

E 139

ce soit surtout avec Protagoras , qui avait à peu près le même âge que lui, qu 'Euripide a pu entretenir des relations amicales: cf. Decharme 2 , p . 47-58 .

D ' après Diogène Laërce IX 54 ( T 15 dans Kovacs 15 ), c'est dans la maison d 'Euripide que Protagoras aurait, pour la première fois, lu en public un de ses ouvrages, le traité lepi Deõv (mais deux autres endroits sont donnés comme possibles). En tout cas, ce sont les relations d 'Euripide avec Socrate et avec les sophistes qui lui ont valu , de son vivant comme après sa mort, les calomnies et

les railleries des poètes comiques, en particulier d 'Aristophane : sur l'image d 'Euripide dans la comédie ancienne, voir Kovacs 16 , p . 22-32 , et 28 C . Prato , Euripide nella critica di Aristofane, Galatina 1946 .

Il faut noter enfin que, d 'après Satyros, Vie d 'Eur. fr. 39,col. X 15,un procès pour impiété aurait été intenté par le démagogue Cléon à Euripide. Ilest vrai que de nombreux passages de son æuvre pouvaient prêter le flanc à l'accusation d 'impiété . Un texte d 'Aëtius, cité par le ps.-Plutarque, de placitis philosophorum 17 (880 d - e ) (= Aetius Plac. I 7 ,1 , et Diels , Dox. gr., p . 297), dans un chap. inti

tulé Tiç ó Deós, mentionne le nom d 'Euripide à la suite de celui de plusieurs « athées » notoires (Diagoras de Mélos (2D 91), Théodore de Cyrène, Évhémère de Tégée (» E 187) : cf. 29 G . Lachenaud (édit.), Plutarque , Opinions des philo

sophes, CUF, Paris, 1993 p. 85 et n . 1 (reportée p. 220 ), qui renvoie , parmi les nombreux passages d 'Euripide pouvant être exploités pour des procès d 'impiété, à Heracles 1341 sqq., Bellerophon fr. 286 ,Melanippe fr. 480. Inversement, la critique par Euripide des traditions polythéistes a pu être exploitée afin demieux établir l' idée d 'une divinité unique : voir Athénagoras, Supplique au sujet des chrétiens V 1 . Sur la critique des traditions religieuses par Euripide, cf .

Decharme 2 , p . 59-103; Dodds 7 ; Stinton 13, surtout p . 254-264. Le cas d'Euri pide n 'est pas examiné dans le livre de 29 E . Derenne, Les procès d 'impiété intentés aux philosophes à Athènes au Ve et au IVe siècles avant J.- C ., coll. « Bibl. de la Fac. de Ph . et Lettres de l'Université de Liège » 45, Liège/Paris

1930 , qui se limite aux philosophes proprement dits et aux sophistes (Prota goras). La question mérite d 'être examinée dans un cadre plus vaste , comme le fait 30 K . J. Dover, « The freedom of the intellectual in Greek society » , Talanta

7 , 1975, p. 24-54 (= The Greeks and their legacy, Oxford 1988, p . 135- 158). La bibliographie de 31 M . Winiarczyk, « Bibliographie zum antiken Atheismus» , Elenchos 10, 1989, p . 102-192, signale, p. 144 - 145, 25 titres d ' études relatives à

Euripide (publiées entre 1826 et 1989) - dont plusieurs sont aussi signalées dans la présente notice.

La réflexion historiographique récente a mis en relief le rôle en quelque sorte constitutif joué par la fiction dans les biographies antiques des poètes,mais aussi des philosophes: à ce sujet, lire les réflexions de 32 J. Fairweather, « Fiction in the biographies of ancient writers » , AncSoc 5, 1974, p . 231- 275 ; prendre des leçons de scepticisme auprès de 33 M . R . Lefkowitz , The lives of the Greek

poets, Baltimore 1981 (XI-187 p .); et 34 Ead., « Satyrus the historian » , Atti del XVIII Congresso internazionale di papirologia,Napoli 1984, p . 339-343. JEAN -MARIE FLAMAND.

E 143

349

EURYLOQUE

140 EUJRYBOU [LOS

Épicurien (?) dont le nom a été restitué par Crönert, Kolotes und Menedemos, p. 21 n . 114 , dans un passage des plus incertains d'un ouvrage anonyme contenu

en PHerc. 176 , fr. 3, 1 (= fr. 2 col. IV Vogliano) : Eů]\púßov [hoç. A . Vogliano, Epicuri et Epicureorum scripta in Herculanensibus papyris servata , Berlin 1928, p . 25, et R . Philippson, NGG 1930 , p. 16 (= Studien zu Epikur und den Epiku

reern, Hildesheim 1983, p. 207), doutent, à juste titre , de la restitution de Crönert.

TIZIANO DORANDI. 141 EURYCRATÈS DE SPARTE Pythagoricien ancien dont le nom figure dans le catalogue de Jamblique , V. pyth . 36 , 267, p . 145, 16 Deubner. BRUNO CENTRONE.

142 EURYDICE (MEMMIA -)

I/II

Issue de l'une des familles les plus influentes de Delphes, honorée elle-même d 'une statue dans le sanctuaire à l'époque d'Antonin (Klio 17, 1921, p. 169), Eurydice avait été, commeson mari Pollianos, l'élève de Plutarque de Chéronée : c'est au jeune couple que l'écrivain dédia les Préceptes Conjugaux. Elle était la

fille de Cléa (MC 134 ), dédicataire de deux autres traités de Plutarque. BERNADETTE PUECH .

143 EURYLOQUE (EÚpúroxoc) RE 9

FIV - D IIIa

A . Diogène Laërce, dans sa Vie de Pyrrhon, mentionne Euryloque parmi les " disciples célèbres” de Pyrrhon d'Élis (IX 68-69) . Il rapporte deux anecdotes,

dont la première est censée illustrer les “manquements” (êakoowua ) qu'il lui arrivait de commettre envers l'idéal d ' indifférence” de son maître : « on dit

qu ’un jour il se mit dans une telle colère que, brandissant la broche avec le rôti, il poursuivit le cuisinier jusque sur la grand'place » . La seconde anecdote semble montrer la vigueur de son hostilité envers les vaines subtilités de la dialectique : « une autre fois , à Élis, harcelé par les questions de ses interlocuteurs, il jeta son manteau à bas et traversa l’Alphée à la nage. Il était donc extrêmement hostile aux sophistes (roheliáTATOS TOTS OOplotaīs), comme le dit Timon » . Timon utilise le mot de “ sophiste " pour désigner péjorativement les philosophes qu'il brocarde, c'est-à -dire les philosophes dogmatiques (cf. le début des Silles, cité par Diogène Laërce IX 112); dans l'anecdote concernant Euryloque, le contexte semble montrer que le mot désigne plutôt les dialecticiens. Il se peut que Dio gène Laërce, ou sa source, ait détourné, volontairement ou non , le sens que Timon donnait à ce mot. Euryloque paraît en tout cas reprendre, en les exagérant, certains des traits de son maître Pyrrhon lui-même: ses manquements occasionnels à l' idéal de l'indifférence (IX 66 ) et son tempérament insociable et, au moins initialement,

" agité” (IX 63). Dans le texte de Diogène Laërce, la silhouette pittoresque d 'Eu

350

EURYLOQUE

E 143

ryloque est juxtaposée, par un contraste qui semble voulu, à celle d 'un autre disciple de Pyrrhon , Philon d'Athènes, qui en imitait au contraire, avec excès, les comportements parfois extravagants : il arrivait par exemple à Pyrrhon de parler tout seul (cf. IX 64 , où l'on remarquera l'adverbe roté); chez Philon , c 'était devenu une habitude (cf. IX 69, où on lit au contraire tà Thełota ). Dans cette biographie stylisée, les deux disciples semblent personnifier deux aspects anti

thétiques du caractère de leur maître: d'un côté , la fidélité pratique à l'idéal d '" insensibilité " (ånádela ) et l'ambition de " dépouiller l'homme de fond en

comble ” (IX 66); de l'autre , les manquements occasionnels à cet idéal et les concessions faites à la condition humaine ordinaire (cf. le désaccord sur le témoc des sceptiques, “ insensibilité” ou “ douceur”, dont on trouve l'écho dans Diogène

Laërce IX 108). Cette mise en scène symétrique provient peut-être de Timon , qui est cité par Diogène Laërce à propos de chacun de ces deux disciples de Pyrrhon .

1 C . Wachsmuth , Sillographorum Graecorum reliquiae, Leipzig 1885, ad loc., suppose qu 'après " comme le dit Timon" est tombée une citation littérale de Timon , qui aurait illustré le portrait d'Euryloque commecelle du fr. 50 illustre

celui de Philon. L 'hypothèse ne paraît pas entièrement convaincante à 2 M . Di Marco , Timone di Fliunte - Silli, Roma 1989, p. 224 , qui remarque cependant

que, dans l'extrait de cette section de la Vie de Pyrrhon qui figure dans l'Excerp tum Vaticanum (connu aussi sous le nom de " grand extrait 0 " ), on trouve une phrase (oyoiva de Xevindeis anédavev, « ilmourut piqué par un jonc » ) qui ne se trouve pas dans les manuscrits complets de Diogène Laërce ; ce qui autorise l'hypothèse d'une lacune.Mais il faut noter, au reste , que l'on ne peut détermi ner si cette phrase concerne la mort de Pyrrhon ou celle d 'Euryloque (cf. 3 A . Biedl, Das grosse Exzerpt 0 , Città del Vaticano 1965, p . 116 ).

B . On retrouve le nom d 'Euryloque dans un autre contexte, le contexte épicu rien. D 'après Diogène Laërce, X 13, Épicure (2E 36 ) aurait écrit une « Lettre à Euryloque » , dans laquelle , contredisant (à l'avance ) une affirmation d'Apollo dore (= A 244 ) dans ses Chroniques, il niait avoir été l'auditeur de Nausiphane

et de Praxiphane, et affirmait qu'il avait été son propre élève, autrement dit son propre maître. En outre, un ouvrage intitulé Euryloque et dédié à Métrodore

figure dans la liste des “meilleurs” livres d 'Épicure (DiogèneLaërce X 28). Cet Euryloque correspondant d' Épicure est-il identique à l'élève de Pyrrhon ? 4 H . Usener, dans l' index de ses Epicurea, Leipzig 1887, p . 407, avait soutenu

l'identité sine dubio (ce qui signifie probablement “sans aucun doute” ). M . Gigante , tout en laissant subsister une distinction entre le disciple de Pyrrhon et le correspondant d 'Épicure dans les éditions successives de sa traduction de Diogène Laërce (5 Diogene Laerzio - Vite dei filosofi, Roma/Bari 1983, t. II, p . 606 ), les identifie dans le chapitre VIII, « Epicuro e il pirroniano Euriloco », de

son livre 6 Scetticismo e Epicureismo, Napoli 1981, p . 79 -82. L'identité lui paraît justifiée, précisément, parce qu 'Euryloque était un élève de Pyrrhon , commeNausiphane lui-même l'avait été dès sa jeunesse (cf. Sextus Empiricus, A . M . I 2 ; Diogène Laërce IX 64, 69, 102; en IX 64, on apprend que Nausiphane « disait souvent qu 'Épicure , émerveillé par le “ style de vie ” [åvaotpooń ) de

E 145

EURYPHAMOS DE SYRACUSE

351

Pyrrhon, lui demandait continuellementdes informations à son sujet » ). On sait que les relations entre Épicure et Nausiphane avaient été plus qu ’orageuses (Cicéron , N . D . I 26 , 73 ; Diogène Laërce X 7 -8 ; Sextus Empiricus, A . M . I 2 - 4 ) ;

Épicure ne niait sans doute pas avoir fréquenté Nausiphane (suffisamment, en tout cas, pour pouvoir le traiter de tous les noms); mais il refusait énergiquement de s' avouer comme son disciple. Dès lors, « à qui mieux qu'à un élève de Pyrrhon Épicure aurait-il pu écrire qu 'il n 'avait pas été le disciple d 'un autre

élève de Pyrrhon ? » (Gigante 6 , p . 80). On peut rappeler aussi que le pyrrho

nisme et l'épicurisme partagent une commune hostilité envers lesuaońuata et l'éyxúxhlog Taldela , même si c'est pour des raisons différentes (Sextus Empi

ricus, A . M . I 1- 7 ), et que l'intérêt passionné d 'Épicurepour Pyrrhon et son “ style de vie” pouvait s'expliquer non seulement par son imperturbabilité, mais aussi par son dédain des connaissances superflues et des raffinements de la dialectique (cf. les fragments 48 et 67 de Timon , cités par Diogène Laërce IX 65). Certes,

d 'après Diogène Laërce X 8 , Épicure traitait Pyrrhon d'auaońs et d'anal DEUTOS, mais 7 D . Sedley , « Epicurus and his Professional Rivals » , Cahiers de Philologie 1 , 1976 , p . 136 -137, a soutenu de façon convaincante que ce sont là , en l'espèce, non des termes injurieux, mais des termes d ' éloge. Compte tenu de

tout cela , on peut comprendre qu'Épicure ait pu éprouver une véritable amitié envers un pyrrhonien aussi “hostile aux sophistes” (dans le sens signalé ci-des sus) que l' était Euryloque. Pour accepter l'identité de l'Euryloque pyrrhonien et

de l’Euryloque ami et correspondant d'Épicure , on sera donc un peu moins pré cautionneux que ne l'est 8 W . Görler, « Älterer Pyrrhonismus – Jüngere Aka demie – Antiochos aus Askalon » , dans H . Flashar GGP 4 , Basel 1994 , p. 770 ,

qui, tout en reconnaissant la " force" des arguments de Gigante , déclare que la

question " doit rester ouverte” . JACQUES BRUNSCHWIG . 144 EURYMÉDON DE TARENTE Pythagoricien ancien dont le nom figure dans le catalogue de Jamblique ,

V . pyth. 36 , 267,p . 144, 13 Deubner. BRUNO CENTRONE. ya 145 EURYPHAMOS DE SYRACUSE Pythagoricien ancien figurant dans une anecdote de Jamblique, V. pyth . 30,

185 , p . 102,24 - 103, 16 Deubner, illustrant la fidélité au pacte contracté entre les membres de la confrérie pythagoricienne. Ayant rencontré Lysis qui sortait du

temple d'Héra , Euryphamos lui demanda de l'attendre pendant qu'il ferait lui aussi ses dévotions, mais, après avoir prié, il oublia ce rendez -vous et sortit par une autre porte ; Lysis resta sur place à l' attendre jusqu'au lendemain , lorsqu'Eu ryphamos se souvint de son engagement et revint le chercher, affirmant que

l'oubli avait été causé par un dieu pour mettre à l'épreuve la fermeté de Lysis dans l'observance des pactes.

Dans le catalogue de Jamblique, V. pyth. 36 , 267, p. 144, 3 Deubner, figure un Euryphémos parmi les pythagoriciens de Métaponte . Sur la forme du nom ,

EURYPHAMOS DE SYRACUSE

352

E 145

voir L . Deubner, « Bemerkungen zum Text der Vita Pythagorae des lambli

chos » , SPAW 1935, p.689 ; 826. BRUNO CENTRONE.

146 PSEUDO -EURYPHAMOS Sous le nom d'Euryphamos a été transmis par Stobée IV 39, 27 un fragment d'environ 75 lignes en dialecte dorien tiré d'un traité Tepi Biov (Sur le mode de

vie). Éditions. 1 H . Thesleff, The Pythagorean texts of the Hellenistic period, Åbo 1961, p. 85, 13-87, 19 ; 2 B . Centrone, Pseudopythagorica ethica. I trattati morali di Archita , Metopo, Teage, Eurifamo. Introduzione, edizione, traduzione e commento a cura di B . C ., Napoli 1990 ; comprend l'édition (p. 103- 106 ), la traduction italienne (p. 131- 133), un commentaire (p. 231-242). Une traduction anglaise due à K . S. Guthrie (1920) a été reprise dans 3 R . Navon, The Pythago rean Writings, p . 76 -78, et dans 4 D . R . Fideler, The Pythagorean Sourcebook

and Library, p. 245-246 .

Datation. IIa selon 5 H . Thesleff, An Introduction to the Pythagorean Wri tings of the Hellenistic Period, Åbo 1961, p. 110 ; 115 ; IP selon 6 W . Burkert, « Zur geistesgeschichtlichen Einordnung einiger Pseudopythagorica » , dans

Pseudepigrapha I, Vandæuvres-Genève 1971, p. 25-55,cf. p. 38-41, et Centrone 2 , p .41-44. BRUNO CENTRONE.

147 EURYPHON Personnage inconnu dont le nom a été lu par Crönert, Kolotes und Menede

mos, p . 131, dans un passage des plus incertains d 'un ouvrage de Philodème ( ?) contenu en PHerc. 1508 pz. IV 3, 30 : Eủpubőv. Crönert a suggéré de l'iden tifier avec le médecin Euryphon de Cnide. TIZIANO DORANDI. III 148 EURYPYLOS DE COS RE 15 ien émic ple tor s Acad , disci de Cran de Sole (MC 195) et non de Cratès d'Athènes (B + C 206 ), mentionné dans l'Academicorum historia de Philodème,

col. S 33 -34 (cf. K . Gaiser, Philodems Academica , Stuttgart/Bad Cannstatt 1988, p. 530-531). Selon Démocharès dans son plaidoyer pour l'interdiction des écoles de philosophie (fr . 1 Marasco ap. Ath . XI, 508 f), il aurait écrit sur Euaion de Lampsaque (» E 61). Cf. F. Jacoby , art. « Eurypylos » 15, RE VI 1, 1909, col. 1351.

TIZIANO DORANDI.

149 EURYSTRATOS “ Philosophe" cité par Stobée (sans doute dans une section perdue du recueil), selon Photius, Bibl., cod. 167 (t. II, p . 155, 35 Henry ). RICHARD GOULET.

E 150

353

EURYTOS DE TARENTE

150 EURYTOS DE TARENTE RE 10

V -IV

Pythagoricien ancien dont le nom figure dans le catalogue de Jamblique,

V . pyth . 36 , 267, une fois parmi les philosophes originaires de Métaponte (p. 144 , 5 Deubner , cf. aussi 36 , 266 , p. 143, 9), une autre fois parmi ceux origi

naires de Tarente (p . 144, 11). Voir Aristoxène, fr. 19 Wehrli = D . L . VIII 46, où il est dit que les derniers pythagoriciens, connus par Aristoxène, avaient été des auditeurs de Philolaos et d 'Eurytos, tous deux originaires de Tarente . Chez Jam blique, V . pyth . 28, 148, p . 83, 24 -25, il est dit de Crotone et présenté commeun disciple de Philolaos. Dans ce passage, on raconte qu' à un berger qui rapportait avoir entendu la voix de Philolaos, mort depuis plusieurs années, chanter dans sa tombe, il demanda : « Dans quelle harmonie ? » Voir une autre version de l'anec

dote dans V . pyth . 28, 139, p . 78, 20 -23 (le berger était pythagoricien lui aussi). [L' anecdote entend illustrer la disposition pythagoricienne à croire spontanémenten toutes les manifestations du divin . R . G .) Il figure parmi les disciples immédiats du vieux Pythagore en V . pyth. 23,

104, p .60, 3-4. Selon Diogène Laërce III 6, Platon en Italie aurait rencontré Phi lolaos et Eurytos. Voir aussi Apulée, De Plat. I 3, 186 : Euryſtaltum Tarenti num ... sectatus est.

Témoignages. 1 DK 45 (33), t. 18, p . 419-420 ; 2 M . Timpanaro Cardini, Pita gorici. Testimonianze e frammenti, fasc . II, Firenze 1962, 19 (45), p . 250 -257 ; 3 H . A . Brown, Philosophorum Pythagoreorum collectionis specimen , Diss . Chi

cago 1941, p. 49-57. A Eurytos est attribuée une méthode consistant à donner une définition numé

rique des choses en disposant des cailloux (psephoi) dans un ordre donné. Voir Aristote ,Métaphysique 1092 b ( et le commentaire d 'Alexandre ad loc. ) ; Théo phraste ,Métaphysique 6 a 19-22 ; selon ce témoignage de Théophraste , Archytas lui-même avait mentionné Eurytos à ce propos. Sur cette arithmétique des

psephoi, voir 4. W . Burkert, Lore and Science, p . 41 et 463. PSEUDO -EURYTOS OU EURYSOS: Stobée, I 6 , 19, a transmis un fragment d 'une quinzaine de lignes en dialecte dorien dont l'auteur est un Eurysos qu 'il

faut très probablementidentifier à Eurytos. Édition. 1. H . Thesleff, The Pythagorean Texts, p . 88, 4 -19. Contenu : la Fortune (tychè) relève de la nature irrationnelle et désordonnée qui constitue l'un

des deux principes de la réalité. Datation. Ira selon 2. H . Thesleff , An Introduction to the Pythagorean

writings ofthe Hellenistic period, Åbo 1961, p. 115. Un fragment attribué à Eurytos par Clément, Strom . V 29, 2 , p . 344, 21-23 Stählin, est tiré en réalité du ſepi Baolheias du pseudo-Ecphante (» E 9 ). Voir Thesleff 2, p.69 et n. 4 ; p . 121- 122. BRUNO CENTRONE.

EUSÈBE

354

151 EUSÈBE cf.RE 35 in fine

E 151

F III ?

Sous le nom d 'Eusebios ont été conservés par Stobée de nombreux fragments rédigés en dialecte ionien . L 'auteur est également mentionné par Photius, Bibl. cod. 167, 114 a . On ignore à quelle époque il vécut et aucun détail ne permet de le rattacher à une école philosophique déterminée. Une partie des extraits conservés par Stobée a été reprise dans des recueils plus récents, par exemple Corpus Parisinum (cod. Par. gr. 1168) fol. 116 " (Stobée III 4, 104) et, parmi les

extraits de Stobée, fol. 132v (Stobée III 27 , 13) et fol. 1371 (Stobée IV 5, 36 ). Certains frag ments se retrouvent également dans les recueils sacro -profanes : Stobée III 4 , 104 , dans Maxime le Confesseur, Loci communes 12 , PG 91, col. 800 A - B , Maxime le Confesseur 12 ,

80 Phillips, Antonius Melissa, Loci communes I 31, PG 136 , 884 D , Gnomica Basileensia 384 Kindstrand ; Stobée III 13, 60 , dansMaxime le Confesseur, Loci communes 31, PG 91, col. 889 A ,Maxime le Confesseur 31, 23 Phillips ; Stobée III 27, 13 dansMaxime le Confesseur,

Loci communes 33, PG 91, 893 A , Maxime le Confesseur 33, 16 Phillips, Antonius Melissa, Loci communes II 63, PG 136 , col. 1156 D . Apostolius le Paroemiographe a repris au total sept sentences d' Eusebios (voir Index, p. 846 ). Aucune de ces sources toutefois ne contient de

matériaux autres que ceux de Stobée .

Collection de fragments. 1 F. W . A .Mullach, FPMG , t. III, p. 5- 19 (Stobée II 1, 25 fait défaut). Ce recueil reposant sur des éditions désuètes de Stobée, il faut recourir, pour le texte, à l'édition de C . Wachsmuth et O . Hense, t. I-IV , Berlin

1884 -1912 (réimpr. Zürich 1958 ). Datation . Deux éléments pourraient contribuer à situer Eusebios dans le temps: (1) le nom d 'Eusebios commença à être employé au IIIe siècle ap. J.-C . et il était particulièrement populaire au IVe s. ap . J.-C . Voir 2 PLRE, t. I, s.v.

“ Eusebius”, p. 301-309. (2) Eusebios écrit en dialecte ionien . Or, la littérature néo-ionienne connut une renaissance au 11° siècle ap . J.-C . et subsistait au IIIe s. Pour un aperçu d'ensemble des textes issus de ce courant littéraire , voir 3 H . W .

Smyth , The Sounds and Inflections of the Greek dialects : Ionic, Oxford 1894, p . 110 - 120 . Ces données permettent donc de dater Eusebios avec une certaine

vraisemblance de la seconde moitié du IIIe siècle ap. J.-C . Identité. 4 D . Wyttenbach, dans Eunapii Sardiani vitas sophistarum et frag menta historiarum rec. Io. Fr. Boissonade, t. II, Amsterdam 1822, p. 171, sou

haitait identifier cet Eusebios avec le néoplatonicien Eusébe de Myndos ( E 156 ; RE 35 ),mentionné par Eunape, Vies des sophistes VII 1, 10, p. 42, 11

12 Giangrande. L 'identification a été acceptée parMullach 1, p. 5 n. 1, qui ren voie aux fragments chez Stobée, II 9, 6 et IV 5, 32. Elle ne repose cependant sur aucun argument de poids et elle a été réfutée notamment par 5 E . Zeller, Die Philosophie der Griechen in ihrer geschichtlichen Entwicklung, t. III, 2, 4e éd ., Leipzig 1903, p. 788 n . 5, qui considère ce nom comme fictif; 6 W . Schmid et

0 . Stählin ,Geschichte der griechischen Litteratur, coll. « Handbuch der Alter tumswissenschaft » VII 2, 1-2, 6e éd.,München 1920 - 1924 , t. II, 1, p. 378 n . 5, t. II, 2, p. 802 n . 6 , et p. 1055 n . 7 ; 7 W . Kroll, art. « Eusebios» 35, RE VI 1, 1909, col. 1445. Il y a lieu de signaler qu 'il existe un historien du nom d' Euse bios qui écrivait en dialecte ionien et vécut au Ilie s ap. J.-C . (FGrHist 101). Il

pouvait donc être contemporain du philosophe Eusebios, mais il n 'existe pas d 'argument permettant d'identifier ces deux auteurs.

E 152

EUSÈBE

355

Langage et contenu des fragments. Les fragments d'Eusebios n 'ont été étudiés ni du point de vue de leur forme linguistique et littéraire ni du point de vue de leur contenu. En ce qui concerne le caractère ionien, Hérodote semble constituer une source importante. Stylistiquement, les sentences se caractérisent

par une nette tendance à la verbosité : cf. 8 O . Hense, art. « loannes Stobaios >>

18, RE IX 2 , 1916 , col. 2575, et les notes du mêmeauteur sur Stobée III 6, 32 et IV 5, 32.Comme les fragments présentent une grande diversité formelle, il n'est guère possible de se prononcer sur la forme littéraire de l'ouvrage ou des

ouvrages auxquels ils sont empruntés. En ce qui concerne le contenu, la plupart des fragments reflètent une attitude moraliste très générale qui ne se laisserait guère ramener à une doctrine philosophique déterminée. Il semble toutefois que

Démocrite (r + D 70) ait servi de source d'inspiration : cf. par exemple Stobée III 29, 59, et Démocrite, DK 68 B 240 . Voir sur ce point 9 F. Lortzing, Über die ethischen Fragmente Demokrits, Sophien -Gymnasium in Berlin, VIII. Jahres bericht, Berlin 1873, p . 5. JAN FREDRIK KINDSTRAND.

152 EUSÈBE RE 31 PLRE II:13

DM V

Maître de rhétorique et de philosophie. Il eut pour disciples,sans doute (intra Eusebianos lares) Sidoine Apollinaire (né vers 431) et Probus (RE 11; PLRE II: ). Dans une lettre adressée à Probus (IV 1), datée de 470 -471 par J. Loyen , Sidoine rappelle à son ancien condisciple , qui fut pour lui « le véritable maître » (§ 2) et qui servait peut-être d 'assistant à Eusébe , l'atmosphère de la classe : Probus y traitait notamment, avec l'approbation du maître , des Catégories d'Aristote . A cette époque, le père de Sidoine était préfet du prétoire des Gaules (en 448 )

en Arles et Sidoine était là en janvier 449 (Epist. VIII 6, 5). On peut donc esti mer que c'est en Arles qu ’Eusébe enseignait vers 450 et non dans la ville natale de Sidoine, à Lyon. Rien ne s'oppose dès lors à le reconnaître parmiles écrivains

admirateurs d'Hilaire d'Arles (mort en 449) que mentionne un passage de la Vie de ce dernier : « ejusdem praeclari auctores temporis , qui suis scriptis merito cla ruerunt Silvius, Eusebius (PLRE II :12 ], Domnulus (2D 220 )» (Vie de Saint Hilaire d 'Arles 14, PL 50 , 1859, col. 1231 C - 1232 A ).

Il est moins facile de l'identifier avec l'auteur d'ouvrages comme le De cru cis Dominimysterio mentionné par Gennade, De vir. ill. 34 , car cet auteur est placé par Gennade avant Vigilantius, qui vécut au tout début du Ve siècle. Voir A . Jülicher, art. « Eusebius » 31, RE VI 1, 1907 , col. 1444 . On aura remarqué dans le témoignage de Sidoine la mention des Catégories d'Aristote . Il faut rappeler que, dans ses Confessions IV 16 , 28, c'est chez le maître de rhétorique à Carthage qu'Augustin dit avoir lu , vers l'âge de vingt ans, l'ouvrage d ' Aristote , avec d 'autres livres consacrés aux arts libéraux ($ 30 ). RICHARD GOULET.

EUSÈBE

356

153 EUSÈBE dit « Pittacas» RE 37 PLREI:10

E 153

MIV

Orateur d' Émèse (etnon d' Édesse, comme le traduit J. C . Rolfe , qui édite « ab

Emissa» ), surnommé Pittakâs (Ammien Marcellin , Res gestae XIV 7 , 18 ). Il est présenté comme « orateur véhément (concitatus orator)» (Ammien ). Arrêté sur l'ordre de Gallus en 354 et conduit à Antioche (avec Épigonos de Cilicie ) après l'exécution du questeurMontius, sous prétexte que celui-ci l'aurait accusé (en réalité on le confondit avec un homonyme). Cruellement supplicié, il fit preuve de fermeté (constantia ): « Implorant la justice céleste, avec un sourire de défi ( il)

demeura inébranlable (immobilis ) dans la fermeté de son cæur» et refusa d 'avouer un complot ou d'accuser quelqu 'un d'autre ; « il marcha au supplice sans trembler (intrepidus) » (Ammien, XIV 9 , 4 -6 ) .

On l'a identifié avec celui que la Souda (E 3738) appelle ’Apáblog oodlotńs, rival d 'un certain Ulpien qui pourrait être le sophiste Ulpien (RE 3 ), mort vers

330 , qui fut le maître de Libanios et de Prohérésius. Cet Ulpien enseigna à

Émèse et à Antioche.Un sophiste du nom d'Eusébe est également connu comme fils de Casilon et frère du sophiste Alexandre d ’Aigée , disciple de Julien (de Cappadoce) (cf. Souda, sous « Alexandros Aigaios» , A 1128 ). Photius, Bibl. cod. 134, mentionne des Exercices (uerétal) d’un Eusébe sophiste : W . Schmid , art. « Eusebios» 37,RE VI, 1445, l'identifie à cet Eusébe.

Quoi qu'il en soit des ces identifications fragiles, qui mettent en cause un nom des plus fréquents au IVe siècle , la notice de la RE, en présentant Eusébe comme disciple d 'Aidésius et maître de l'empereur Julien , le confond

manifestement avec le philosophe Eusébe deMyndos (RE 35) connu par Eunape (BE 157). En vérité, rien ne permet de faire de l'orateur Eusébe d'Émèse un philosophe. Ni Eusébe d 'Émèse ni les orateurs signalés par la Souda (E 3738 et

A 1128 ) ne sont répertoriés par . K . Gerth , art. « Zweite Sophistik » , RESuppl. VIII, 1956 , col. 748. Comme l'orateur Eusébe a été exécuté par Gallus, il peut difficilement être le philosophe Eusébe d 'Émèse ( E 155 ) qui enseigna à Jean Chrysostome à Antioche, car ce dernier est né vers 349.

PIERREMARAVAL et RICHARD GOULET.

154 EUSÈBE D 'ALEXANDRIE ? Sous le nom d'un certain Eusébe d'Alexandrie ,nous est conservé en syriaque un bref « commentaire» aux Catégories d 'Aristote , dont le premier signalement précis a été donné par 1 G . Furlani, « Uno scolio d 'Eusebio d'Alessandria alle Categorie d' Aristotele » , RTSFR 3, 1922, p . 1- 14 . no que par haanuscrit ddee Berlin erliconnu Berlin , Sacmanuscrit de C.E. 1. Abt.,B'hui Ce commentaire est aujourd un seul Königliche Bibliothek , n° 88 du catalogue de C . E . Sachau , Verzeichnis der syrischen Handschriften , 1. Abt., Berlin 1899, p. 326 -327 (souvent cité sous la cote : Petermann 9, par référence à son ancienne collection d'appartenance ). Un autre manuscrit contenant ce commentaire , qui était en possession de Paul Bedjan (1838 - 1920 , lazariste , qui cuvra pour le renouveau de la littérature syriaque en faveur des « chaldéens catholiques » ; voir DHGE VII, col.410 -412 ),

au début du siècle (Furlani 1, p . 1), a disparu depuis lors.

E 154

EUSÈBE D ' ALEXANDRIE

357

Le commentaire fait partie, dans le manuscrit de Berlin (fol. 80'-83 ), d'une

suite de textes de logique (traductions ou commentaires se rapportant aux Caté gories, au Peri Hermeneias, aux Premiers Analytiques d'Aristote ), dont la copie date du milieu du XIIIe siècle . Il a pour intitulé: « Scholie d' Eusebe (‘wsbys) de

Césarée (qesariyā), philosophe alexandrin , sur les Catégories d 'Aristote le phi losophe » , et pour souscription : « Est finie la scholie d'Eusébe de Césarée sur les Catégories d' Aristote le philosophe » . Selon Furlani (p. 9), le mot qesariyā, dans l'intitulé, porte des marques d'annulation : le copiste se serait laissé entraîné à ajouter « de Césarée » (» E 156 ) au nom « Eusébe » , qui aurait appelé de lui même ce qualificatif, en raison de la célébrité du grand historien et théologien ,

qui fut évêque de Césarée († 340 ). Il faudrait donc rejeter cette identification , et attribuer la scholie à un Eusébe d 'Alexandrie. Deux identifications sont propo

sées par Furlani:il pourrait s'agir d 'un Eusèbe, rhéteur du IVe siècle et élève de Prohéresius,mentionné par Eunape de Sardes dans ses Vies des philosophes et

sophistes (éd . J. Giangrande, Roma 1956 , p. 78) ou bien du mystérieux Eusébe, évêque d 'Alexandrie , dont une biographie légendaire et une collection d'homé lies ont été éditées dans PG , t. 86 , col. 287-462 (sur cet Eusèbe, qui serait un personnage inventé par l'auteur de la biographie, un certain Jean le Notaire , pour mettre sous un nom déjà célèbre par ailleurs ses propres ouvrages, voir F . Nau ,

« Eusébe d 'Alexandrie », DTC V , 1913, col. 1526 -1527, et le status quaestionis

de M .Geerard, CPG III, p .68-75). Avec raison, Furlani renonce à ces deux identifications, soulignant que les doctrines exposées dans la scholie témoignent de l'existence d 'une littérature scholastique développée, qui repousse la compo

sition de l'æuvre au-delà du IVe siècle. Le même argument pourrait être utilisé contre d'autres personnages portant le nom d'Eusèbe, qui ne paraissent pas être des candidats sérieux à l'attribution de la scholie, comme Eusèbe, disciple d'Eu sebe de Césarée et évêque d'Émèse , mort à Antioche vers 359, ou le néoplatoni

cien Eusébe, originaire de Myndos en Carie, élève d'Aidésius à Pergame (voir Eunape, V. Soph., p. 42 Giangrande), pour ne rien dire d'autres Eusébe qui sont connus pour leur activité politique ou polémique plutôt que pour une cuvre phi losophique ou théologique (Eusébe de Nicomédie, † vers 342 ; Eusébe de Samo sate , † 380). La scholie reste donc, à ce jour, d'auteur inconnu. Le texte syriaque, inédit, a été traduit en italien par Furlani 1, qui a donné une brève description de son contenu , suivie d'un petit lexique proposant la rétro version grecque de termes techniques syriaques. Il ne paraît pas faire de doute , en effet, que la scholie soit la traduction en syriaque d'un texte originellement écrit en grec, comme le suggèrent divers mots grecs translittérés en syriaque, ainsi que certaines tournures syntaxiques habituelles dans les versions syriaques de textes grecs. On peut se demander, toutefois, si le texte actuellement conser vé, dont la cohérence interne n 'est pas toujours sans faille, représente l'intégra

lité de la scholie originale. Par son contenu , la scholie se rattache indubitablement à la tradition alexan

drine tardivedes commentateurs d'Aristote.Mais elle offre de cette tradition une image assez pauvre. Il s'agit, pour l'essentiel, d 'une suite de divisions brèves se

358

EUSÈBE D 'ALEXANDRIE

E 154

rapportant à des notions présentes dans le texte d 'Aristote, ou introduisant à ces notions. Sur divers points, pourtant, ces divisions s'écartent des interprétations canoniques associées au texte aristotélicien . Ainsi, le scholiaste ne divise pas le livre des Catégories selon les trois parties habituelles (ce qui est avant les caté

gories, les catégories, ce qui suit les catégories), mais en quatre parties : « com ment sont dites les choses quisont dites» ; « les catégories elles-mêmes » ; « com bien de choses il faut examiner à propos des catégories» ; « les accidents qui

s 'associent à la substance première » . Autre exemple : « les choses qui sont dites» se divisent en choses dites « semblablement, non semblablement, simple ment, non simplement» ; les choses dites semblablement étant dites « de manière

homonymique, ou synonymique, ou paronymique » , etc . De façon générale , le scholiaste manifeste une tendance à multiplier les divisions au -delà de ce que l'on trouve dans les commentaires d 'Olympiodore et de David . S 'il est vrai que pareille tendance est signe d 'une composition tardive, il faudrait peut- être placer

la scholie vers la fin du vie ou le début du vile siècle. Dans l' état actuel des études, cependant, les sources de ce texte , le milieu où il a été écrit et les

circonstances de sa traduction en syriaque restent inconnus. HENRIHUGONNARD -ROCHE.

155 EUSÈBE D 'ÉMÈSE PLRE I:18

MIV « Philosophe» qui enseigna à Antioche et dont Jean Chrysostome (né vers

349) fut l'auditeur (axónovdoc), d'après la Souda, s.v. 'Iwávuns, I 463; t. II,

p. 647, 22 Adler. Il peut difficilement s'agir de l'orateur Eusébe d 'Émèse dit Pittacas ( E 153), exécuté en 354. Une identification avec l'évêque Eusébe d'Émèse, mort avant 359 est pareillement exclue.

PIERRE MARAVAL et RICHARD GOULET. 156 EUSÈBE DE CÉSARÉE RE 24

ca 265-339

Eusébe est né vers 265, probablement à Césarée de Palestine, ville à laquelle il est resté fidèle jusqu 'à sa mort, d 'abord comme collaborateur du prêtre Pam

phile qui avait recueilli et enrichi la bibliothèque léguée par Origène à Césarée, puis comme évêque de cette ville après la persécution déclenchée par Dioclétien

(303-313). D 'origine modeste, Eusébe doit à son immense érudition le succès d 'une carrière qui l' a conduit à l'épiscopat et qui a fait de lui le panégyriste offi

ciel de l'empereur Constantin , Cf. 1 J. B . Lightfoot, art. « Eusebius of Caesarea > , DCB II, 1880, col. 308

348 ; 2 E . Schwartz , art. « Eusebios» 24 , RE VI 1 , 1907, col. 1370- 1439 ; 3 G . Bardy, Introduction à la trad. française de l'Histoire ecclésiastique, coll. SC 73, Paris 1960, p . 9 -74 (chap. I: « La vie et l'œuvre d 'Eusébe » ) ; 4 D . S. Wallace Hadrill, Eusebius of Caesarea, London 1960, 224 p .; 5 J. Moreau , art. « Eusébe de Césarée » , DHGE XV , 1963, col. 1437- 1460 ; 6 Id ., art. « Eusebius von

Caesarea » , RAC VI, 1966, col. 1052-1088; 7 Ed. des Places, Eusébe de Césarée commentateur. Platonisme et Écriture sainte, coll. « Théologie historique » 63, Paris 1982 , 194 p .

E 156

EUSÈBE DE CÉSARÉE

359

La première partie de sa vie se passe aux côtés de Pamphile qu 'il appelle son

« maître » (GEOTÓTng) et dontil prend le nom comme patronyme. Assistés d'une équipe de copistes, ils révisent ensemble et éditent les Livres Saints et les autres textes de la bibliothèque. Eusébe lit toutes les euvres de la littérature profane ou

chrétienne qui lui sont accessibles et se constitue des recueils qui lui serviront plus tard pour la composition de ses propres ouvrages historiques, apologétiques

et exégétiques. Pendant les premières années de la persécution (303-307), Eu

sèbe et Pamphile ne sont pas inquiétés,mais, à la fin de 307, Pamphile est em prisonné. Les conditions de la détention sont assez souples et permettent à Eusébe de commencer avec son amiune Apologie pour Origène et ses doctrines

qu'il achèvera seul. Mais la situation s 'aggrave, Pamphile est exécuté (310 ) et Eusèbe s'enfuit en Phénicie, puis en Égypte , où il est arrêté et incarcéré. Avec la paix , Eusébe, dont on ne connaît pas la date d'ordination à la prêtrise, rentre à Césarée et succède à Agapius sur le trône épiscopal entre 313 et 315. Il

semble qu 'il faille dater de la dizaine d'années qui suivent, jusqu'au Concile de Nicée, la production littéraire la plus intense d 'Eusébe. Il rédige une première

version de son Histoire ecclésiastique, une Vie de Pamphile et un récit Sur les Martyrs de Palestine dont une recension brève a pris place dans l'Histoire

ecclésiastique. C 'est de cette période que datentégalement la Préparation évan gélique, la Démonstration évangélique et un écrit par questions et réponses sur les Désaccords dans les Évangiles. Rapidement Eusébe est impliqué dans la querelle théologique soulevée par Arius pour qui il prend parti, ce qui lui vaut une excommunication au Concile d 'Antioche en 325. La même année, à Nicée, il signe pourtant la formule de

l'homoousios, mais se rétracte peu après, préférant définir la divinité du Christ dans les termes mêmes des Écritures plutôt qu 'en des formules comme l' homo ousios qui pouvaient conduire, selon lui, au sabellianisme. Il prononça également à la fin du Concile le panégyrique de Constantin qui fêtait la vingtième année de son règne. En 330, il participa au Concile d ' Antioche, qui condamna et fit exiler l' évêque du lieu Eustathe (» E 160 ), un défenseur de Nicée qu 'on accusa de

sabellianisme. On offrit par la suite à Eusébe le siège d 'Antioche,mais il refusa . Eusébe reprit alors ses travaux. Il composa un grand ouvrage sur la géogra

phie biblique et deux Commentaires sur les Psaumes et sur le prophète Isaïe. En 335, il joua un rôle important au Synode de Tyr qui déposa Athanase et il pro nonça devant le synode transporté à Jérusalem le discours d 'apparat pour la Dédicace de l'église du Saint-Sépulcre. Les Pères du concile se rendirent ensuite

à Constantinople pour fêter les trente ans de règne de l'empereur et, encore une fois , Eusébe fut chargé du discours de circonstance. Après la déposition de Marcel d ’Ancyre , Eusèbe presenta une réfutation en règle de sa doctrine, consi dérée comme sabellianiste, dans son Contra Marcellum et un second traité inti

tulé Sur la théologie ecclésiastique. Lorsque Constantin mourut en 337, Eusébe

se mit à écrire un éloge enthousiaste du prince (De Vita Constantini) quivenait d 'inscrire dans l'histoire le triomphe longuement préparé de l'Église. On ignore la date de samort, antérieure à 341.

360

EUSÈBE DE CÉSARÉE

E 156

« Le père de l'histoire ecclésiastique » (Mgr Duchesne). Eusébe est l'auteur de la première histoire de l'Église et il en a bien conscience : « Aucun des écri

vains ecclésiastiques n 'a eu, que je sache, le souci d' entreprendre une æuvre de ce genre » (I 1, 5). Il avait préparé ce travail en dressant les tableaux synoptiques

de ses Chronikoi Kanones qui, par le rapprochement de diverses chronologies anciennes, prouvaient que la religion juive était la plus ancienne et la plus véné rable. Pour l'ère chrétienne, Eusébe avait rapproché différentes listes de succes

sions épiscopales dont la plus importante, celle de Rome, établissait le synchro nisme des épiscopats et des règnes impériaux , et une autre, celle d' Alexandrie , donnait la durée des épiscopats. C 'est dans ce cadre chronologique préétabli qu 'Eusébe, en composant l'Histoire ecclésiastique, a inséré « les passages utiles cueillis chez les écrivains anciens » (I 1, 4). Car la documentation qu'il met en æuvre est limitée à un certain nombre de points d'intérêt qu 'il énumère dès sa préface (I 1, 1- 2). Il se propose d 'abord de montrer la continuité de la tradition apostolique en présentant la « succession » des évêques pour les Églises les plus importantes (Rome, Alexandrie, Antioche et Jérusalem ), puis de situer les faits les plus notables, de présenter les figures ecclésiastiques qui ont illustré l'Église ,

principalement les évêques et les docteurs, ainsi que les hérésiarques et ceux qui les ont combattus. Il s'intéresse également à la destinée du peuple juif, dont la

ruine accomplit les Écritures, au conflit entre le paganisme et le christianisme, ainsi qu 'aux persécutions. Cette énumération serait complète si nous ajoutions le Canon des Écritures (III 3, 3) et les coutumes relatives à la fête de Pâques (V 24, 12- 13 et passim ). L 'Histoire n 'a pas été publiée en une seule fois et a donné lieu à des remaniements importants en fonction des événements qui ont modifié la

situation de l'Église dans l’Empire durant cette période (312 -325). En fait,

Eusébe voyait l'histoire confirmer la thèse sous-jacente à son entreprise litté raire : la victoire progressive de l'Église fondée par Dieu. Ce sont les étapes de ce triomphe qu ’Eusébe voyait inscrites dans l'histoire.

L 'anti-Porphyre. La ferveur apologétique d'Eusébe est claire dès ses pre miers ouvrages. Il a réfuté vers le début de la persécution le Philalèthès du gou verneur Hiéroclès (» H 125), centré sur une comparaison entre Jésus et Apollo nius de Tyane (> A 284).Mais la lecture du traité en quinze livres du philosophe néoplatonicien Porphyre Contre les chrétiens (écrit en 271 ou plus tard ) semble

avoir été l'événement qui a le plus influencé l'orientation de son activité litté raire. Très tôt, Eusébe a ressenti le besoin d'en donner une réfutation en 25 livres qui est malheureusement perdue. Mais c'est l'ensemble de ses æuvres qui se veut une réfutation du philosophe. En Porphyre , c'était toute la civilisation anti que qui, à grand renfort d 'érudition, rejetait le christianisme comme un refus irrationnel des valeurs de l'hellénisme et comme un phénomène marginal sans signification . Eusébe releva le gant et consacra le meilleur de lui-même à mon

trer,avec une égale érudition, que le christianisme était le phénomène historique décisif préparé depuis des siècles et que le triomphe de l'Église ne faisait que manifester une nécessité de l'histoire .

E 156

EUSÈBE DE CÉSARÉE

361 La Préparation évangélique et la Démonstration évangélique constituent les

deux pièces d'une même entreprise apologétique visant à justifier les Chrétiens que Porphyre accusait d 'être passés du paganisme au judaïsme, puis de s 'être singularisés en rejetant la Loi juive. La Préparation essaie de fonder le rejet du polythéisme et des croyances païennes en démontrant, grâce à d 'innombrables citations d'auteurs profanes qui constituent les trois quarts de l'ouvrage, d'une part l'erreur des mythes et de la théologie païenne, d 'autre part la supériorité de la tradition juive que les Chrétiens – rattachés à Abraham par le lien de la foi –

revendiquent comme leur bien propre . Dans un deuxième temps, la Démonstra

tion (dont dix livres sur vingt sont conservés)montrait que la religion juive trou vait son accomplissement dans le Christ et l'Église en qui se réalisent les pro messes de l'Ancien Testament, qu'Eusebe prend comme source documentaire de

cette deuxième partie de son Apologie. Dans la Théophanie (composée vers 333), qui reprend de longs passages des précédents ouvrages, Eusèbe célèbre avec des accents triomphalistes la mission providentielle de l'Empire romain et voit en particulier dans le règne de Constantin le signe de l'action divine assurant la victoire de la foi chrétienne.

Pour avoir essayé d'enraciner dans l'histoire et la raison humaine la vérité du christianisme contestée par Porphyre , Eusèbe en est venu à penser que l'Église et l'Empire étaient inséparables. C 'est sans aucune réticence qu 'il a célébré en

Constantin , dont la conduite ne s 'est pas toujours inspirée des plus hauts senti ments chrétiens, le Prince amide Dieu . Théologie. En théologie et en politique ecclésiastique, des tendances subor dinationistes, héritées d'Origène, ont amené Eusébe à soutenir Arius. Les histo riens postérieurs ont sévèrement critiqué l'attitude d 'Eusébe dans toutes ces querelles et les manigances auxquelles il s'est prêté. Mais les manæuvres plus ou moins nobles de politique ecclésiastique n ' étaient pas restreintes au clan arien . On ne prête pas à Eusébe une intelligence très approfondie de l'enjeu de la querelle théologique à laquelle il a été mêlé , ni un sens critique très aiguisé à l'égard d'un empereur qui trouvait en lui un appui inconditionnel. Mais son

engagement politique est au fond accidentel dans une vie qui s' écoula pour la

plus grande partie parmi les manuscrits d 'une bibliothèque. Quand il visite Jérusalem ou Tyr, cet amour des livres le pousse encore à compulser les archives locales et à relever les titres d'ouvrages qui lui étaient inconnus. Son æuvre entière porte la marque de cet attachement: son érudition est peu critique et

accumule à souhait les textes qui illustrent les quelques idées élémentaires qu'il a élaborées ; sa pensée, pour peu qu 'elle quitte ses sources, s'entortille et vacille ; sa rhétorique est lourde, entasse les périphrases et se complaît dans des recher ches d'effets que l'on sentméditées sur papier et empruntées aux auteurs qu'il a pratiqués. Si Eusébe avait été soutenu par un milieu intellectuel dynamique, certains de ces traits auraient sans doute été corrigés.Mais, dans le désert de ce

début de siècle, un homme d'origine modeste ayant connu la terreur des persé cutions, un intellectuel insulté dans sa foi par le représentant admiré d'une tra dition culturelle qu 'il croyait être aussi la sienne, un éditeur et un bibliophile jeté

362

EUSÈBE DE CÉSARÉE

E 156

à l'avant-plan de la scène ecclésiastique, était bien mal équipé pour interpréter le

sens des événements imprévus qui bouleversaient l'Empire .

Les textes philosophiques cités par Eusébe. Pour l'historien de la philo sophie antique, la Préparation évangélique est une source appréciée de frag ments d'ouvrages perdus : Alexandre d ’Aphrodise (MA 112), Sur le destin : VI 9 , 1 -30 .

Alexandre Polyhistor (P - A 118 ), Sur les Juifs : IX 17 ,2 -20, 1 ; IX 21,1 - 37,3 ; (IX 39, 2 - 5) . A travers Alexandre, Eusèbe cite de nombreuses sources pseu

dépigraphes. Amélius (le Platonicien , (* * A 126 ]) : XI 19, 1.

Apolloniusde Tyane (2* A 284), Sur les sacrifices: IV 13, 1. < Areius (cf. XV 15 , 1 et 9 ; 20 , 8) > Didyme (2 A 324 ), lepi tõv

åpeoxovtwv Tátovi: XI 23, 3 -6 ; Epitome : XV 15 , 1- 8 ; 18, 1 -20, 7 . Aristée, Lettre à Philocrate : VIII 2 , 1 - 5 , 10 ; 9 , 1-37 ; Sur l'interprétation de la Loides Juifs : IX 38, 2 - 3 (toujours la même lettre en réalité ).

Aristobule (aristotélicien selon VIII 9 , 38, identifié par Eusébe, à cause de VII 14, 1, au personnage mentionné en II Macc. 1, 10), Exégèse des Lois sacrées dédiées à Ptolémée VI < Philométor> : VII 14, 1 ; VIII 10 , 1-17 ; IX 6 , 6 -8 ; £x

Tõv ’Aplotoſoúhov Baochet Iltorɛualq tpoodwinuévwv: XIII 12, 1-16 Aristoclès < de Messine > (P -A 369) le Péripatéticien , Sur la philosophie, livre VII : XI 3 , 1- 9 ; XV 2 , 1 -15 ; 14, 1 -2 ; livre VIII : XIV 17, 1-9 ; XIV 18, 1 - 19 , 7 ; 20, 1- 12 ; 21, 1-6 . 8 A . J. Carriker, « Some uses of Aristocles and Numenius in Eusebius' Praeparatio Evangelica » , JTHS 47, 1996 , p . 543-549.

Atticus le Platonicien (2 - A 507), Ipós toùç did tõv ’AplotoTÉROUç tà

Mátwvog ÚTLOXVouuévouç: XI 2, 1-5 ; XV 4, 1 - 9, 14; 12 , 1 - 13,5 . Bardesane le Syrien (AB 11), < Ėv tots npòs toùs étaipouç olaróyouç>

(= Liber Legum regionum ) : VI, 10 , 1-48. Cléarque le Péripatéticien (PC 141), lepi ünvov , livre I : IX 5 , 2 -7 . Denys (d ' Alexandrie ) ( - D 81), Contre Sabellius (ŠMeyxoş xaì årología contre l' éternité de la matière ), livre I : VII 19, 1 -8 ; Hepi púoewÇ : XIV 23, 1 27 , 12 .

Diogénianus “ le Péripatéticien ” (VI 8, 1 titre), en réalité un épicurien (BD 152), contre le traité de Chrysippe Sur le Destin : IV 3, 1- 13; VI 8 , 1-38.

Hécatée d'Abdère (2H 12 ] (åvno Qiaooooos), Sur les Juifs (pseudépi graphe): IX 4 , 2 - 9 . Jules l'Africain , Chronographie, livre III : X 10 , 1- 23.

Longin, Mpòs tnv tūv Erwixőv nepì quxñs dótav åvtippnois: XV 21, 1 Maximos (cf. H . E . V 27), lepi tñs úrns: VII 22, 1-64. Un chrétien selon VII 21, 5 .

363 EUSÈBE DE CÉSARÉE Numénius (le philosophe pythagoricien : IX 6, 9; platonicien selon XI 17, 11 :

E 156

tà Mátwvogneobeúwv) : IX 6 , 9 ; Sur le bien, livre I: IX 7, 1 ; XV 17, 1-8 ;

livre II : XI 10 , 1-13; livre III: IX 8 , 1- 2 ; livre VI: XI 18, 22-24; sans indication de livre : XI 18 , 1- 10 et 14 -21 ; 22, 1-10 (livres I, V , VI) ; Hepi tõv napà

Tátwvl únoppńtwv : XIII 5, 1; ſlepi tñs tõv ’Axaðnuaïx V npòc Miátwva OLAOTÁcewG: XIV 5, 1 - 9, 3. 9 H . D . Saffrey, « Un lecteur antique des æuvres deNuménius, Eusébe de Césarée » , dans Forma futuri. Studi in onore di Michele Pellegrino, Torino 1975, p. 145- 153 ; 10 Id ., « Les extraits du Ilepi rayadov de Numénius dans le livre XI de la Préparation évangélique

d'Eusébe de Césarée » , dans E . A . Livingstone (édit.), Studia Patristica, XIII 2 (Conférence patristique de 1971), coll. TU 116 , Berlin 1975 , p . 46 -51 ; 11 Ed. des Places, « Numénius et Eusébe de Césarée » , dans E . A . Livingstone (édit.), Studia Patristica, XIII 2 , p . 19 -28 .

Oinomaos (deGadara ), Fontwv púpa : V 19 , 1- 36 ,4 ; VI 7, 1-42. Origène, Commentaire sur la Genèse (III): VI 11, 1-81 ; VII 20, 1-9. Philon de Byblos, Théologie phénicienne, livre I (à travers Porphyre, Contra Christianos IV ) : I 9 , 5 .21. 24 - 29 ; 10 , 1 -41.43-53 ; IV 16 , 11. Désigné comme

Tepi ’lovdaiwv (I 10 ,42). Philon , Apologie pour les Juifs (extrait conservé uniquement par Eusébe) : VIII 11, 1 - 19 ; : III 7, 1-4 ; 9, 1-5 ; 11, 1 - 13,3 ; De absti nentia : 19, 7 -11 ( = Théophraste ) ; III 4 , 6 -14 ; IV 11, 1 ; 12 , 1 ; 14 , 1 - 9 (= Théo phraste) ; IV 15 , 1-2 ; 16 , 1- 10 ; 18 , 1 ; 19, 1-2 ; 22, 1-12 ; IX 2, 1 (= Théo

phraste) ; IX 3 , 1-21 ; La philosophie tirée des Oracles : III 14, 4 -8 ; 15 , 3 (citation d'un oracle d'Apollon); (III 16 , 1-3); IV 7, 1 - 9, 7 ; 20, 1 ; 23, 1 -7 ; V 6 , 1 ; 7, 1-5 ; 8, 1- 12 ; 9, 1-9 ; 11, 1 ; 12 , 1-2 ; 13, 1-4 ; 14 , 1-2 ; 15 , 1-2 ; 16 , 1; VI 1,

E 156 EUSÈBE DE CÉSARÉE 1-5 ; 2, 1 ; 3, 1; 4, 1 ; 5, 1-4 ; IX 10, 2 -5 ; XIV 10, 5 ; Lettre à Anébon : III 4 , 1-2 ;

364

V 10 , 1- 11 ; XIV 10 , 1-2 ; Philologos acroasis, livre I: X 3, 1-25 ; Ilpos Bóndov Hepi Quyñs, livre I: XI 28 , 1- 16 ; XIV 10 , 3 ; XV 11, 1-4 ; 16 , 1-2 ; Contre les Chrétiens : V 1, 10 ; livre IV : 19, 21 ; X 9, 12 (voir aussi Hist. eccl. VI 19, 2 $99.).

12 U . von Wilamowitz-Moellendorf, « Ein Bruchstück aus der Schrift des Porphyrius gegen die Christen » , ZNW 1, 1900, p . 101- 105 ( sur 1 2 , 1 -4 ). Selon 13 M . Smith , « A hidden use of Porphyry's History of philosophy in Eusebius's Pre paratio evangelica » , JThS 39, 1988, p . 494 - 504 , il faudrait ajouter des extraits de l' Histoire philosophique de Porphyre, cités sans indication de sources en XIV 3, 7 ; 19, 10 ; 19, 9 ; X 14 ,

12 ; XIV 14 , 9 et 4 , 16 (arguments toutefois peu convaincants). Sévère le Platonicien , Sur l'âme: XIII 17, 1-6 .

Tatien , Contre les Grecs: X 11, 1-35. Xénophon ,Mémorables: 18, 15 - 16 ; XIV 11, 1-7 ; XV 62, 1 -6. Xénophon (Pseudo -), Lettre à Eschine : XIV 12 , 1 Pour ne pas alourdir ce tableau, sont omis les innombrables rapprochements offerts par Eusébe entre les doctrines de l'Écriture et des passages de Platon... Signalons en revanche qu 'on n ' y rencontre aucune citation directe d 'Aristote. Sont omises également d 'autres cita

tions d'un intérêt philosophique moins immédiat ou qui sont intégrées dans une source inter médiaire , comme Abydénos, Apion , Bérose, Chérémon, Choirilos, Chrysippe, Démétrius de Phalère, Denys d 'Halicarnasse, Diodore de Sicile, Évhémère, Flavius Josèphe, Hiéronymos l'Égyptien ,Manéthon, Mégasthène, Nicolas de Damas, Numa (le Pythagoricien IX 6 , 3 ), Théophraste , etc .

Bibliographie. 14 J. Quasten , Initiation aux Pères de l'Église, t. III, Paris

1963, p. 439-487 ; 15 H . Paulsen, « Bibliographie zur neueren Eusebiuslitera tur» , dans H . Kraft (édit.), Eusebius von Caesarea. Kirchengeschichte, hrsg. und einleitet von H . K .,München 1967, p. 445-454 .

Sauf pour quelques études importantes, les références bibliographiques four nies plus bas sont limitées aux publications des récentes années.

Euvres. Pour une description desœuvres et des éditions, on se reportera à la notice de la CPG II, 1974, n° 3465-3505, qui omet de signaler parmiles Apolo getica le Contra Porphyrium , une réfutation , en 25 livres (selon Jérôme, De vir.

inl. 81, et Epist. 70 ad Magnum 3), du traité de Porphyre Contre les Chrétiens.

Voir 16 A . von Harnack , Porphyrius,Gegen die Christen 15 Bücher. Zeugnisse, Fragmente und Referate, dans APAW , Jahrgang 1916 , Nr 1, Berlin 1916 , p. 30 31. Chronique. A part plusieurs fragments grecs, la Chronique n 'est connue que dans la version latine, adaptée et augmentée, de Jérôme et dans une version

arménienne. Édition de la version latine par 17 R . Helm (seconde édition de

1956 ), revue par U . Treu , coll.GCS 47 (Eusebius Werke VII), troisième édition, Berlin 1984, LII-455 p. Édition de la version arménienne par 18 J. Karst, Die Chronik des Eusebius aus dem armenischen übersetzt, coll. GCS 20 (Eusebius Werke V ), Leipzig 1911 (traduction allemande seulement). Cf. 19 R . Helm , « Eusebius' Chronik und ihre Tabellenform » , AAB Berlin 1924 ; 20 Id ., « De Eusebii in Chronicorum libro auctoribus » , Eranos 1924 , p . 1

40 ; 21 Id ., « Die Liste der Thalassokratien in der Chronik des Eusebius» ,

365 EUSÈBE DE CÉSARÉE Hermes 1926 , p . 241-263 ; 22 Id., « Hieronymus' Zusätze in Eusebius' Chronik E 156

und ihr Wert für die Literaturgeschichte », Philologus Suppl. 21, 2, Leipzig 1929 ; 23 Id., « Die neuesten Hypothesen zu Eusebius' Chronik » , SAB 1929, p . 371-408 ; 24 H . J. Lawlor, « The Chronology of Eusebius» , CQ 19 , 1925, p . 94- 101; 25 D . S . Wallace-Hadrill, « The Eusebian Chronicle . The extant and

date of composition of its early editions », JThS 6 , 1955, p . 248-253 ; 26 A . A . Mosshammer, The “ Chronicle " of Eusebius and Greek chronographic tradition, Lewisburg/London 1979, 366 p . ; 27 B . Croke, « The originality of Eusebius'

Chronicle » , AJPh 103, 1982, p. 195-200 ; 28 G . L . Huxley, « Problems in the

Chronography of Eusebius» , PRIA 81, 1982, p. 183C - 196C ; 29 Id., « The ori gins of the Christian world chronicle » , dans B . Croke et A . Emmett A . (édit.), History and historians in late antiquity, Sydney 1983, p . 116 - 131; 30 G . L .

Huxley, « Textual topics in the Chronicle of Eusebios» , ByzZ 77, 1984, p . 257 260; 31 R . W . Burgess, « The dates and editions of Eusebius' Chronici Canones

and Historia Ecclesiastica » , JThS 1997 48, 1997, p. 471-504. Préparation évangélique. Édition par 32 K . Mras ( 1954 -1956 ) , revue par Ed.

des Places, coll.GCS 43, 1 -2 (Eusebius Werke VIII], Berlin 1982- 1983, LX -623 et 596 p . Stellenregister: II, p. 435 -469; Namen - und Sachregister : p . 470 -546 ; Wortregister: p. 547-579 ;Grammatisches: p . 580 -588 ; Stylistik : p. 588 -589.

Une traduction française a été publiée dans la collection des Sources chré tiennes sous la direction de 33 Ed. des Places : Introduction générale et livre I par J. Sirinelli et Ed. des Places, SC 206 ( 1974 ) ; livres II- III par Ed . des Places, SC 228 (1976 ) ; livres IV - V , 1- 17 par Odile Zink , SC 262 (1979 ); livre V 18 -36 et

VIpar Ed. des Places, SC 266 (1980) ; livre VII par G . Schroeder, rev. par Ed. des Places, SC 215 (1975); livres VIII-IX -X par G . Schroeder et Ed. des Places, SC 369 (1991) ; livre XI par G . Favrelle, rev. par Ed. des Places, SC 292 (1982) ;

livres XII-XIII par Ed. des Places, SC 307 (1983) ; livres XIV -XV par Ed. des Places, SC 338 (1987) .

Cf. 34 J. Coman , « Utilisation des Stromates de Clément d'Alexandrie par Eusébe de Césarée dans la Préparation Évangélique » , dans F . Paschke ( édit.), Überlieferungsgeschichtliche Untersuchungen, coll. TU 125, Berlin 1981,

p. 115- 134 ; 35 Ed. des Places, « La Préparation évangélique d ’Eusébe de Césa rée a-t-elle eu deux éditions ? Rédactions longues et rédactions courtes» , Orpheus 4 , 1983, p. 108-112 . Contre Hiéroclès. Édition récente par 36 Ed. des Places, avec une traduction française par Marguerite Forrat, coll. SC 333, Paris 1987, 244 p. Cf. 37 M . Kertsch , « Traditionelle Rhetorik und Philosophie in Eusebius'

Antirrhetikos gegen Hierokles » , VChr 34, 1980, p . 145- 171; 38 Ed. des Places, « La seconde sophistique au service de l'apologétique chrétienne. Le Contre Hiéroclès d 'Eusébe de Césarée» , CRAI 1985, p. 423-427 ; 39 É . Junod, « Polé mique chrétienne contre Apollonius de Tyane» , RThPh 120 , 1988, p. 475-482 ; 40 S . Campanini, « Un cristiano e l'irrazionale : il Contra Hieroclem di Eusebio

diCesarea » , GFRF 1 , 1991, p . 17-25.

366

E 156 EUSÈBE DE CÉSARÉE Eusébe comme historien . 41 J. Sirinelli, Les vues historiques d 'Eusébe de

Césarée durant la période prénicéenne, Dakar 1961; 42 D . Koenig -Ockenfels, « Christliche Deutung der Weltgeschichte bei Euseb von Cäsarea > , Saeculum 27 ,

1976, p . 348- 365 ;43 S . Calderone, « QuestioniEusebiane» ,dans La storiografia ecclesiastica nella tarda antichità. Atti del Convegno tenuto in Erice (3 -8 XII 1978 ),Messina 1980 , p . 135- 157 ; 44 R . M . Grant, Eusebius as Church historian ,

Oxford 1980, VIII-184 p .; 45 T . D . Barnes, « The editions of Eusebius' Eccle siastical History » , GRBS 21, 1980, p. 191-201; 46 Id ., Constantine and Euse

bius, Cambridge (Mass.) 1981, VI-458 p . ; 47 Averil Cameron, « Eusebius of Caesarea and the rethinking of history » , dans E . Gabba (édit.), Tria corda. Scritti in onore di Arnaldo Momigliano , coll. « Bibl. di Athenaeum > 1, Como

1983, p . 71-88 ; 48 Monica Goedecke, Geschichte als Mythos. Eusebs Kirchen geschichte, coll. « Europäische Hochschulschriften » R . 23 Theol., 307, Frankfurt 1987, 305 p. ; 49 B . Gustafsson, « Eusebius' principles in handling his sources,

as found in his Church History, Books I-VII » , dans F .L . Cross (édit.), Studia Patristica IV , coll. TU 79, Berlin 1981, p . 429-441; 50 F . Winkelmann, Euseb von Kaisareia . Der Vater der Kirchengeschichte, Berlin 1991, 196 p.

Eusébe et l'Empire constantinien. 51 G .Ruhbach, « Die politische Theolo gie des Eusebius von Caesarea » , dans G . Ruhbach (édit.), Die Kirche angesichts

der konstantinischen Wende, coll. « Wege der Forschung » 306 , Darmstadt 1976 ,

p. 236 -258 ; 52 S. Calderone, « Eusebio e l'ideologia imperiale» , dans Le trasformazioni della cultura nella tarda antichità . Atti del convegno tenuto a Catania , Università degli Studi, 27 sett. 2 ott. 1982, coll. « Storia » 19, Roma

1985, t. I, p. 1-26 ; 53 Id., « Il pensiero politico di Eusebio di Cesarea » , dans G . Bonamente et N . Nestori ( édit.), I cristiani e l'impero nel IV secolo . Colloquio

sul cristianesimo nelmondo antico. Atti del convegno (Macerata 17 - 18 dicembre 1987). Univ . degli studi di Macerata, coll. « Pubbl. della Fac. di lettere & filos.» 47 ; Atti di convegni, 9 ,Macerata 1988, p . 45 -54 ; 54 R . Farina, L 'impero e l'im

peratore cristiano in Eusebio di Cesarea. La prima teologia politica del cristia nesimo, coll. « Bibliotheca Theologica Salesiana » , Ser. I, Fontes, nº 2 , Zürich 1966 , 381 p.

La théologie d ’ Eusébe. 55 H . von Campenhausen ,« Das Bekenntnis Eusebs von Caesarea (Nicaea 325) » , ZNTW 67, 1976 , p . 123 - 139 ; 56 C . Luibhéid , Eusebius of Caesarea and the Arian crisis, Dublin 1978, VIII- 128 p .; 57 T . E .

Pollard, « Eusebius of Caesarea and the Synod of Antioch (324/25)» , dans F . Paschke ( édit.), Überlieferungsgeschichtliche Untersuchungen, coll. TU 125, Berlin 1981, p. 459-464 ; 58 M . Simonetti, « Eusebio e Origene. Per una storia dell'origenismo » , Augustinianum 26 , 1986 , p. 323-334 .

Eusébe et la philosophie. 59 A . Dempf, Der Platonismus des Eusebius, Victorinus und Pseudo-Dionysius, München 1962 ; 60 F . Ricken, « Die Logos lehre des Eusebios von Caesarea und der Mittelplatonismus » , Th & Ph 1967,

p . 341-358 ;61 F . Ricken , « Zur Rezeption der platonischen Ontologie bei Euse bios von Kaisareia, Areios und Athanasios » , Th & Ph 53, 1978, p. 321-352 ; 62 H . Dörrie , « Die Andere Theologie . Wie stellten die frühchristlichen Theolo

EUSTACHIUS

367 gen des 2.-4 . Jahrhunderts ihren Lesern die griechische Weisheit (= den Plato nismus) dar ?» , Th & Ph 56 , 1981, p. 1-46 ;63 G . Lieberg, « Die theologia triper tita als Formprinzip antiken Denkens » , RHM 125, 1982, p. 25 -53 ;64 E . dal Covolo , « La filosofia tripartita nella Praeparatio Evangelica di Eusebio di Cesa E 158

rea », RSLR 24, 1988, p. 515-523 ; 65 G . F. Chesnut (Jr.), « Fate, fortune, free will and nature in Eusebius of Cesarea », Church History 42, 1973, p. 165- 182, repris

dans The First Christian Histories, Paris 1977, p. 61-90. RICHARD GOULET.

157 EUSÈBE DE MYNDOS (en Carie) RE 35 PLREI:13

DIV

Un des principaux disciples du philosophe néoplatonicien Aidésius (P - A 56 )

à Pergame (Eunape, Vies des philosophes etdes sophistes VII 1, 10; p. 42, 11- 12 Giangrande). Il fut avec Chrysanthe de Sardes ( * C 116 ), dans l'école d 'Aide sius et, alors que leurs collègues Maxime et Priscus étaientpartis l'un à Éphèse , l'autre en Grèce, le maître du futur empereur Julien (2+ I 46 ] (VII 1, 14 et 2, 1). Par rapport à Maxime et même à Chrysanthe, Eusébe semble avoir privilégié la réflexion philosophique au détriment des pratiques théurgiques et magiques aux quelles s'adonnaient volontiers ses collègues. L 'objet premier de sa recherche

était « la purification obtenue par la raison » (VII 2 , 11; p . 44, 25). Mais, en dénonçant auprès du jeune Julien les travers de Maxime, Eusébe n 'obtint pas le

succès escompté . Julien s'exclama: « Tu m 'as montré l'homme que je cher chais » (VII 2 , 12 ; p . 44, 26 -27 ; comp. Porphyre, Vie de Plotin 3, 13) et partit rejoindre Maxime à Éphèse. La scène est racontée par J. Bidez, La Vie de l'em pereur Julien , Paris 1930 (réimpr. 1965), p. 70-71, qui commente : « Eusébe

enseignait un platonisme archaïque. Au lieu de chercher à sauver les âmes par la théurgie desmystères, il recommandait la libération spirituelle qui s'obtient par le raisonnementphilosophique » . PLRE I :13 qualifie Eusébe de “rhetor" et P. Chuvin , Chronique des derniers païens, Paris 1990 , p . 165 , de “professeur de rhétorique" . Il y a, chez Eunape, un autre Eusebe, disciple du

sophiste Prohérésius (X 7 , 10 ),mais le disciple d'Aidésius est bien un philosophe. W . Schmid , art. « Eusebios vom Emesa » 37, RE VI 1, 1907, col. 1445, confond le philosophe avec l'ora teur Eusébe d ' Émèse ( E 153).

RICHARD GOULET.

DV Fils de Macrobe (Ambrosius Theodosius Macrobius) et dédicataire des Satur

158 EUSTACHIUS RE

nales. L 'ouvrage fut apparemment composé en vue de son éducation . Voir Macrobe , Saturnalia I, pr. Dans les manuscrits, on trouve également l'orthographe Eustathius. Voir A . Cameron , « The date and identity ofMacrobius» , JRS 56 , 1966 , p . 25-38, notamment p . 37. Mais il ne faut pas confondre le fils de Macrobe avec le philosophe d 'origine grecque Eustathius (voir notice suivante ).

STEPHEN GERSH .

368

EUSTATHE

E 159

159 EUSTATHE RE2 PLREI:5

IV

Philosophe d'origine grecque mentionnédans les Saturnales deMacrobe (I 1, 4 ; I 5, 13; I 24 , 18 ; II 8, 5 ; V 2, 3 sq.). On peut dater son activité vers 384, date à laquelle est censé se dérouler l'entretien . Dans les Saturnales, Symmaque fait l' éloge d 'Eustathius, invité au banquet : « Symmaque assure (...) qu 'il unit en lui la sagesse de l'Académicien Carnéade, du stoïcien Diogène et du péripatéticien Critolaüs » (Sat. I 5 , 14 - 16 ). Cette indication est sans aucune valeur pour carac

tériser sa philosophie, car Macrobe ne fait ici que plagier Aulu-Gelle (Noct. Att. VI 14, 8 ]: il ne cherche, par cette formule , qu'à faire valoir la science grecque et latine d'Eustathe ; non seulement il a étudié toutes les sectes des philosophes et a choisi la meilleure,mais il est supé rieur à ces trois philosophes anciens, qui eurent besoin d 'un interprète à Rome, car il s 'ex prime avec autant d 'aisance en latin qu 'en grec (Sat. I 5 , 16 ). Eustathe en effet est grec de

naissance ; il n 'en est pas peu fier: fort de sa culture grecque très étendue (Sat. V 18, 1 et V 22, 15 ), il charge contre l'ignorance des commentateurs latins de Virgile , qui, faute de lectures grecques, sont incapables de le comprendre et de l'expliquer (Sat. V 19 , 31 ) : il s 'est

convaincu par l' étude que Virgile emprunte beaucoup aux auteurs grecs, notamment sa philo sophie et ses connaissances astrologiques (Sar. 1 24 , 18 et V 2 , 2 )» (P . Courcelle, Les lettres

grecques en Occident, p. 6 -7 ).

On l'a rapproché du disciple de Jamblique mentionné par Eunape (Vies des sophistes V 1, 5 , et passim ) et d 'autres sources, ainsi que de l'auteur d 'un Commentaire sur les Catégories d'Aristote cité par Elias, In Categ., p . 129, 10 et 156 , 32 Busse. Voir la notice « Eustathe de Cappadoce » ( E 161). Mais la date de 384 est très tardive pour Eustathe de Cappadoce, qui était déjà un veillard sous Julien .

L'identification avec le disciple de Jamblique, proposée par L. von Jan ,Macrobii Ambrosii Theodosii opera quae supersunt (1848- 1852), t. I, p. XXX, est refusée par R . J. Penella, Greek philosophers and sophists in the fourth century A . D . Studies in Eunapius of Sardis, coll. ARCA 28, [Leeds) 1990 , p . 56 n . 41, qui renvoie à 18 Alan Cameron, « The date and identity

of Macrobius», JRS 56 , 1966, p. 25-38, à la p. 31 ; 19 J. Flamant,Macrobe et le néo-plato nisme latin à la fin du IVe siècle, Leiden 1977, p.69.

STEPHEN GERSH .

160 EUSTATHE D ’ANTIOCHE RE 9

DIV

Évêque chrétien , né à Sidé en Pamphylie , confesseur sous Dioclétien ou Licinius, évêque de Bérée en Syrie (auj. Alep ), puis métropolite d' Antioche (en

324), figure depremier plan du Concile de Nicée (325), ultérieurement considéré commehérétique et déposé lors d'un synode arien tenu à Antioche vers 330 et

exilé par l'empereur. Il serait mort en Thrace avant 337 au cours de son exil,

mais certains historiensconsidèrent qu'il serait mortbeaucoup plustard. Cf. 1 A . Jülicher, art. « Eustathios» 9, RE VI 1, 1907, col. 1448- 1449 ; 2 M . Spanneut, Recherches surles écrits d 'Eustathe d 'Antioche avec une édition nou velle des fragments dogmatiques et exégétiques, coll. « Mélanges et travaux des

Facultés catholiques de Lille» 55, Lille 1948, 154 p .; 3 Id., art. « Eustathe d’An tioche » , DHGE XVI, 1967, col. 13-23.Nomenclature des cuvres dans 4 CPG II 3350 -3398.

Eustathe fut l' auteur d'un traité Sur l'âme contre les philosophes (CPG 3351), sans doute composé avant les querelles théologiques qui suivirent le Concile de Nicée. Six fragments de caractère nettement philosophique ont été conservés dans les Sacra Parallela de Jean Damascène. Ils ont été édités par

E 161

369

EUSTATHE DE CAPPADOCE

Spanneut 2, p. 95 - 96 (fragments 1-6 ) ; voir aussi p . 62 -64 , où ce traité est distin

gué d'un ouvrage intitulé Sur l'âme contre les Ariens. Quelques corrections aux fragments 3 et 4 ont été proposées par 5 F. Scheidweiler, « Die Fragmente des

Eustathios von Antiocheia », ByzZ 48, 1955, p. 73-85.

RICHARD GOULET. 161 EUSTATHE DE CAPPADOCE RE 16 PLREI: 1

MIV

A .Un des principaux disciples de Jamblique (Eunape, Vies des philosophes et des sophistes V 1, 5 ; p. 11, 9 Giangrande).

Il était parent d 'Aidésius de Cappadoce ( A 56 ) quilui confia ses propriétés lorsqu'il partit s'installer à Pergame en Asie (VI 4, 6 ; p. 25, 1-4). Eunape ne dit pas qu'Aidésius le chargea « de continuer son enseignement en Cappadoce » , comme l'écrit 1 J. Bidez (édit.), L 'Empereur Julien, Euvres complètes, t. I, 2e partie , 2e éd ., CUF, Paris 1960 , p . 37 ; voir aussi 2 W . Schmid , art. « Eustathios» 16 , RE VI 1, 1907, col. 1451 (« Nachfolger des Aidesios in Kappadokien » ) , et 3 O . Seeck, Die Briefe des Libanius,

coll. TU , Leipzig 1906 , réimpr. Hildesheim 1966, p. 147 : « Verwandter des Aedesius, der ihm seinen Lehrstuhl in Cappadocien übertrug, als er selbst nach Asien übersiedelte ...»

Il jouissait de talents oratoires réputés magiques (p. 25 , 7 -13). Bien qu 'il ne fût pas chrétien ni issu de l'armée ou de l'administration , il fut envoyé par l'em

pereur (Constance) en ambassade auprès du Roides Perses Sapor (p. 25, 13-24 ; 26 , 13). Son charme et son talentauraientpresque convaincu le roi, qui avait une inclination naturelle à la vertu (p. 26 , 23), à renoncer à la tiare pour revêtir le tribôn des philosophes (26 , 26 - 27, 2 ). Malheureusement l' ambassade tourna court à cause des machinations de certains mages qui calomnièrent le philo sophe . A tort, Eunape rapporte comme occasion de cette ambassade une attaque subite des Perses

contre Antioche (p. 25, 17 -21), incident survenu beaucoup plus tôt sous le règne de Gallien (253-268).

Cette ambassade est également évoquée par Ammien Marcellin XVII 5 . Elle aurait été envoyée à Ctésiphon, capitale du royaume des Parthes, en 358

(Datiano et Cereali consulibus). Eustathe, qui avait été recommandé par Muso nianus (XVII 5, 15 ), préfet du prétoire d'Orient (XV 13, 1), aurait été accom

pagné par le comte (comes) Prosper et le tribun (tribunus et notarius) Spectatus. Ammien confirme l'échec de cette ambassade (XVII 14, 1-2). Selon Eunape, la Grèce entière souhaitait la visite d'Eustathe (p. 27, 11-13). Malgré les signes divinatoires qui annonçaient sa venue, Eustathe ne se rendit jamais en Grèce. LesGrecs lui envoyèrent alors une délégation formée de sages

de renom afin de lui demander pourquoi les faits avaientpu contredire les signes divinatoires. Après avoir longtemps analysé les signes rapportés, Eustathe en

conclut que les signes ne pouvaient se rapporter qu'à quelqu'un demoins impor tant que lui... (p . 27, 13- 28, 3). Eustathe fut l' époux de Sosipatra, une femme philosophe initiée à la sagesse par deux vieillards “Chaldéens”, qui fait l'objet d'un long récit romancé dans les

Vies d'Eunape (VI6 , 5-9, 14 ).Avant son mariage, elle prédisit à son futur époux qu'ils auraient trois enfants et qu 'il ne vivrait plus que cinq ans avant d'aller

370

EUSTATHE DE CAPPADOCE

E 161

prendre sa place dans la région de la lune (p. 32, 17 - 33, 4). A la mort d'Eustathe, qui arriva commeprévu, Sosipatra se rendit à Pergameavec ses enfants et ensei gna la philosophie chez elle , près d'Aidésius (p . 33, 9 -17). Un de ses fils fut

Antoninus, qui se retira à Canope en Égypte (* A 221). Cf. 4 R . J. Penella , Greek philosophers and sophists in the fourth century A . D . Studies in Eunapius of Sardis, coll. ARCA 28, (Leeds) 1990, p . 53-59 ; 5 Ariel Lewin , « Il filosofo Eustazio nelle Vitae Sophistarum di Eunapio di Sardi» , SCI7, 1983- 1984 , p . 92 -100. Le témoignage d'Eunape soulève un problème chronologique peut-être inso luble . (1) Le fils d'Eustathe et de Sosipatra, Antoninus, aurait prédit à Canope la destruction du Sérapeum et il serait mort, à un âge avancé, avant la réalisation de cette prophétie en 391 (p . 40, 17-18 Giangrande). Il faut donc situer la nais sance d'Antoninus et le mariage de ses parents assez tôtdans la première moitié du IVe siècle . Seeck 3, p. 78 (Antoninus IV ) et 147), suppose qu 'il est né au plus tard en 320 , ce qui lui donnerait 70 ans en 390. (2 ) Après la mort d'Eustathe (uetà tắv ånoxúpnouv Eủotadiov : selon Penella, il faudrait lire: après (la fin de) la retraite (temporaire ) d' Aidésius), Sosipatra se retira à Pergame en Asie et

elle enseigna près d 'Aidésius, qui se chargea de la formation des trois enfants (p . 32, 18 ; p. 35, 24). (3) Selon Eunape, Aidésius était déjà mort lorsque Constance fit proclamer Julien César en 355 (p. 46 , 15 -16 ). (4 ) Au moment de leur mariage, Sosipatra aurait prédit à Eustathe qu 'ils auraient trois fils et que

lui-même ne vivrait plus que cinq ans (p . 32, 17-23 Giangrande). Le texte n 'est cependantpas très sûr. (5) Les témoignages d 'Ammien , de Basile, de Libanius et de Julien (voir plus bas) attestent qu 'Eustathe était encore en activité en 355 et 358, qu'il vivait encore en 362.

Le mariage de Sosipatra et d'Eustathe doit donc se situer cinq ans avant la mort d 'Eustathe. Sosipatra s'installe ensuite à Pergame près d' Aidésius. Celui-ci estmort avant 355 . Eustathe serait donc mort au plus tard vers 350 et Antoninus né au plus tôt en 345 . Il avait donc au maximum 45 ans en 390. Plus grave : cette chronologie contredit les autres témoignages historiques qui évoquent des voyages d'Eustathe en 355 (Basile ), une ambassade en 358 (Ammien ), une visite à Julien en 362... Si, à l'inverse , on suppose qu’Eustathe est mort après 362 ( Julien ), il n 'a pu épouser Sosipatra que cinq ans auparavant: en conséquence Sosipatra n'a pas pu enseigner en même temps qu 'Aidésius à Pergame et Anto ninus n 'avait qu 'une trentaine d'années au maximum en 390 . Il n 'avait donc pas atteint un âge avancé à sa mort. Si d 'autre part Eustathe était un condisciple d'Aidésius chez Jamblique, il devait avoir une vingtaine d'années au moins à la mort de Jamblique, que l'on situe vers 320 , et un mariage vers le milieu du siècle

paraît alors peu vraisemblable. Finalement, la donnée la moins sûre est la période de cinq ans qui aurait séparé le mariage et la mort d'Eustathe. Mais elle semble solidaire du témoi gnage d' Eunape sur l'enseignement de Sosipatra à Pergame. On ne voit pas

pourquoi Sosipatra aurait choisi de se rendre chez Aidésius si Eustathe était alors encore vivant.

E 161

EUSTATHE DE CAPPADOCE

371

En ce qui concerne la conjecture de Penella, elle ne manque pas d'intérêt, car Eunape a effectivement évoqué une retraite temporaire d 'Aidésius. Lewin 5 , p . 97 , pour sa part imagine

qu 'Eunape évoque ici une " retraite " spirituelle d 'Eustathe lui-même. Mais , s' il est vrai qu 'árovúpnous ne signifie jamais “mort” ou “ trépas" , comme on l'a parfois traduit, il ne veut

pas dire non plus " retraite ” (comme ávaxúpnoi ), mais plutôt “ retrait”. Dans un contexte platonicien , il n 'est pas impossible que l' expression veuille dire : " après qu 'Eustathe se fut retiré” là d ' où il était venu , c ' est- à -dire dans le monde intelligible . En tout cas, pour expliquer

le départ de Sosipatra pour Pergame, il était nécessaire d 'évoquer un événement de la vie d'Eustathe et non d 'Aidésius, comme le voudrait Penella . Si le départ de Sosipatra n ' impli quait pas la mort de son époux, apparemment annoncée quelques lignes plus haut, on se serait attendu à ce qu 'Eunape nous expliquât la raison de cette retraite d'Eustathe et pourquoi Aidésius fut amené à prendre en charge l' éducation des enfants de Sosipatra. La prophétie de Sosipatra est obscure et le texte qui la transmet est à plusieurs endroits cor rompu et reconstitue. « Sosipatra dit a Eustathe (corriger προς Ευστάθιος en προς Ευστά Olov dans l' édition Giangrande, p . 32, 16 ) et à ceux qui étaient présents : “ Ecoute, Eustathe, et que ceux qui sont présents soient témoins. J'enfanterai de toi trois enfants. Tous, d 'après les apparences humaines, ne réussiront pas à atteindre le bien , mais , du point de vue divin , (pas) un seul. Toi aussi tu mourras avantmoi, obtenant en partage une belle destinée conforme à tes

mérites, mais moi peut-être une meilleure. Car pour toi la danse se fera dans la région de la lune et tu n 'adoreras plus ni ne philosopheras la cinquième année (je lis Tó réuntov , comp. 79, 17 et 29, 10 et 12 pour des formules semblables),- voilà en effet ce que me dit ton image - etmême tu dépasseras le lieu situé sous la lune dans une course bonne et

bien guidée. Pour ma part, je voudrais bien dire ce qui m 'adviendra...” Après avoir gardé un

long silence , elle prononça cesmots : “mais mon dieu me l'interdit.” » (p. 32, 16 - 33,4 Gian grande). Selon Lewin 5 , p . 96 -97, la prophétie n 'annoncerait pas la mort du philosophe, mais

un dépassement de sa condition humaine aumoyen de pratiques ascétiques.

Si l'on veut redonner une certaine cohérence à cette chronologie , le plus simple est de rejeter le témoignage d'Eunape sur la prédiction de Sosipatra et le lien qu 'il établit entre l'installation de Sosipatra à Pergame auprès d' Aidésius et la mort d 'Eustathe. Le mariage d'Eustathe et de Sosipatra, tout comme la nais

sance d' Antoninus, pourraient être situés plus tôt dans la première moitié du Ive siècle, et la mort d 'Eustathe quelque temps après la mort de Julien . L 'épisode de la prophétie serait un apport romanesque tiré peut-être d'un toutautre contexte . Sur le caractère romanesque de ce passage, voir 6 R . Pack , « A romantic narrative in Euna pius », TAPHA 83, 1952, p . 198 -204. Selon Seeck, 3 , p . 78 (s.v. Antoninus IV ), Antoninus peut difficilement être né après 320 et le mariage d 'Eustathe et de Sosipatra doit encore être

antérieur (ibid., p. 147).

Le récit d'Eunape peut être complété par plusieurs autres témoignages que l'on peutavec plus oumoins de certitude rattacher au disciple de Jamblique.

B. Un Eustathe était le dédicataire d'un ouvrage de Jamblique, Sur la musique (Ilepì uovolxñs), dont Stobée a conservé un extrait (Anth. II 31, 117) : « ...sachant cette seule chose que les grandes natures engendrent les grands maux lorsqu 'elles ont été corrompues et que nécessairement lesmeilleures acti vités sont les plus nuisibles lorsqu'elles se sont tournées vers le mal» (... < £> v

εκείνο ειδότας, ως αί τε μεγάλαι φύσεις τα μεγάλα κακά γεννώσι δια φθαρείσαι και τα κράτιστα επιτηδεύματα πάντως έστι βλαβερώτατα επί το

xaxòv péPavta ). C . Bien qu'il ne l'eût jamais rencontré, Julien adressa à Eustathe le philo sophe, en 362, une invitation à venir à Constantinople rejoindre le cercle de phi

372

EUSTATHE DE CAPPADOCE

E 161

losophes dont il avait décidé de s'entourer (Lettre 34 , à Eustathe, philosophe ). L 'empereurmit à sa disposition une voiture de la poste publique et deux chevaux supplémentaires de renfort. Eustathe dut rapidement évoquer des problèmes de santé pour demander à quitter la cour. La lettre suivante de Julien (Lettre 35)

autorise Eustathe à retourner dans sa patrie en ayant recours à une voiture de la poste publique. Ce permis arriva trop tard et Eustathe fit à pied le voyage de retour, comme il le raconte dans une courte lettre conservée dans la correspon

dance de l'empereur (Lettre 36 : A Julien – Eustathe, philosophe). Elle mérite d'être citée :

« Quelle chance pour nous que le permis (oúvonua ) soit arrivé trop tard ! Au lieu de trembler de peur, juché sur un chariot de la poste , au lieu de tomber sur des muletiers ivres et des mules “ saoules d 'orge" , comme dit Homère (Iliade 2 506 et 0 263), pour être restées à ne

rien faire et à se gorger, au lieu d 'avoir à souffrir de la poussière dans le tapage des cris discordants mêlés au claquement des fouets , j'ai eu l'agrément de cheminer à mon aise le long

d'une route couverte et ombreuse, pourvue de fontaines et de stations faites pour l'heure où le repos doit succéder à la fatigue. J'y pouvais faire halte dans la fraîcheur de la brise et sous

l'épais feuillage des platanes ou des cyprès, en tenant en main le Phèdre de Myrrhinonte ou quelque autre dialogue de Platon . Pendant que je jouis ainsi de ce libre voyage, ô tête divine et

sacrée, j'ai pensé qu 'il convenait de t'écrire pour t' en faire part.» (trad. J. Bidez)

D . C 'est sans doute à ce philosophe qu 'est adressée la Lettre 123 de Libanius

(Eủotadiw ), datée par Seeck 3, p . 364, de l’hiver 359-360 (t. X , p . 124-125 Förster). Libanius se console des attaques dont il fait l'objet en rappelant celles qui furent adressées à Eustathe, loué comme étant oiioooowv ó doxiuótatos (§ 4 ), au maître d'Eustathe, au maître de ce dernier et au maître de celui-là

encore ( goi xaì rõ số 8 Baoxảo xaì rõ xe-ooo xaì T YE Lộ'xíuoc, 8 3). Libanius semble donc rattacher Eustathe à une tradition scolaire impliquant trois maîtres successifs. Peut-être faut- il reconnaître en eux : Jamblique, Porphyre et Plotin .

Eustathe est également mentionné dans la Lettre 463 de Libanius, adressée à Thémistius à Constantinople au cours de l'hiver 355 -356 (t. X , p. 447 Förster).

Elle atteste la présence récente d'Eustathe à Antioche dans l'entourage de Liba nius.

D ' autres Eustathe apparaissent dans la correspondance et les discours de Libanius,mais ilne s'agit plus de lamêmepersonne. E . Un Eustathe est connu par Élias, In Categ., p. 156, 34-35 Busse (CAG XVIII 1), comme commentateur des Catégories d'Aristote (üç onoLv Eủotálog

• Diócopos únouvnuatioaç tàç Kamyopías). Le passage rapporte son inter prétation de Cat. 3, 1 b 21 (ibid ., p . 156 , 34 - 157, 17 ). Comme Alexandre

d'Aphrodise , il aurait considéré , à propos du skopos des Catégories, que les catégories portaient sur les ouvai, alors que d'autres interprètes les rapportaient

aux vonuara (Porphyre) ou aux npáruata (Herminos) (ibid., p. 129, 10 -11 Busse ). On retrouve la même définition du skopos, rapportée à Alexandre et à Eustathe, dans les scholies sur les Catégories attribuées à Aréthas et éditées par

M . Share, Arethas of Caesarea 's Scholia on Porphyry 's Isagoge and Aristotle 's Categories (Codex Vaticanus Urbinas graecus 35). A critical edition , coll .

« Corpus philosophorum Medii Aevi/Commentaria in Aristotelem Byzantina » 1,

E 161

EUSTATHE DE CAPPADOCE

373

Athènes/Bruxelles/Paris 1994, schol. 214, p . 133, 12-13 Share (= 31 b 14 -15 Brandis). Dans l'introduction de son propre commentaire sur les Catégories, Simplicius mentionne les commentaires de plusieurs devanciers dont « Maxime, élève d 'Aidésios le Jambliquéen » (p . 1, 15 Kalbfleisch ), dont il constate l' accord avec Alexandre sur presque tous les points ,

mais il ne parle pas du commentaire d 'Eustathe qui suivait, selon Élias, lui aussi l'interpré tation d 'Alexandre, au moins en ce qui concerne le skopos des Catégories.

Fort curieusement, Jean Philopon (in Categ., p. 8,33 -9,2 Busse (CAG XIII 1]) semble ranger Eustathe parmi les commentateurs qui rattachaient les catégo ries aux pragmata et non aux phénai: οι δε περί πραγμάτων μόνων οιηθέντες

είναι τον σκοπόν, οίος εγένετο ο Ευστάθιος, φασίν ότι περί πραγμάτων ποιείται την διαίρεσιν ο φιλόσοφος... Sur ces témoignages contradictoires, y compris pour Alexandre et Herminos,

voir 7 Ph. Hoffmann, « Catégories et langage selon Simplicius. La question du “ skopos” du traité aristotélicien des "Catégories" » , dans I. Hadot ( édit.), Simpli cius, sa vie , son cuvre, sa survie . Actes du Colloque international de Paris (28 sept. - Jer oct. 1985), coll. « Peripatoi» 15 , Berlin 1987, p.61- 90, notamment p. 68 -71. . Ces différents témoignages sont commentés plus amplement dans une longue étude, encore inédite , de 8 Ph. Hoffmann , intitulée Les principes de l'interprétation néoplatonicienne

des Catégories d 'Aristote de Porphyre au Pseudo-Aréthas (1998 ), destinée à paraître comme deuxième fascicule de la traduction commentée du Commentaire de Simplicius aux Catégo ries d'Aristote dirigée par Ilsetraut Hadot. Voir chap. I, I, 2 , n .62 et 69 ; chap. I, II, 9 ; chap . I, V, 2.

La tradition consistant à rassembler les trois skopoi proposés dans une même définition remonterait en fait, selon Simplicius (in Categ., p. 10, 8- 19), à Alexandre lui-même et aurait été partagée par Porphyre et Jamblique. Mais , il est possible, selon Ph . Hoffmann, que Simplicius ait prêté à Alexandre et Porphyre

la définition du but enseignée par Jamblique. Dans ces conditions, Eustathius, en considérant que les catégories portaient sur lesmots (htepi bwvõv ) ou les choses ( htepi npaquátwv), ne se serait pas rangé à l'interprétation de son maître Jam

blique. Il est égalementpossible que ce commentateurdes Catégories ne soit pas

l'Eustathius disciple de Jamblique. Sur ce ou ces Eustathius, voir aussi 9 St. Ebbesen, Commentators and Com

mentaries on Aristotle 's Sophistici Elenchi. A Study of Post-Aristotelian Ancient and Medieval Writings on fallacies, coll. « Corpus Latinum Commentariorum in Aristotelem Graecorum - De Wulf-Mansion Centre » VII 2, Leiden 1981, t. I:

The Greek tradition, p. 248-249 etnotes 4 et 5 , p. 249. F .Une scholie (récente ) sur les Réfutations sophistiques 164 a 24 (publiée par Ebbesen 9, t. II, p . 322 , schol. 6 ), malheureusement corrompue, associe les noms

de Michel d'Éphèse et d'“ Eustathe de Laodicée le philosophe”. Il y avait dans l' Antiquité au moins huit ou neuf villes de ce nom en Asie mineure, dont deux

étaient situées sur le Pont (RE 8 et 9). Une identification avec Eustathe de Cap padoce n 'est donc pas inimaginable. Mais il pourrait tout aussi bien s'agir,

comme c'est le cas pour Michel d 'Éphèse , d'un commentateur byzantin .

374

EUSTATHE DE CAPPADOCE

E 161

Ebbesen 9 , t. II, p. 248, signale un évêque de Laodicée en Phrygie à la fin du Vilje siècle . En revanche, il ne semble pas que cette formule puisse désigner

Eustathe (RE 18 ) de Thessalonique (né à Contantinople ).

G . La Lettre 1 de Basile de Césarée est adressée à " Eustathe le philosophe". Comme Basile semble voir dans son destinataire un compatriote , une iden tification avec le philosophe Eustathe de Cappadoce peut être légitimement envisagée . La lettre a été récemmenttraduite et annotée par 10 W .- D . Hauschild (édit.), Basilius von Caesarea, Briefe, Erster Teil. Eingeleitet, übersetzt und erläutert von W .- D . H ., coll. « Biblio thek der griechischen Literatur» 32, Stuttgart 1990, p . 33-34 (qui la date de l'automne 357).

En réponse apparemment à une lettre d'Eustathe, Basile explique dans cette lettre comment le Destin (eipuapuévn ), la Nécessité (åváyxn ) ou la Fortune (túyn ) se sont acharnés à mettre des obstacles sur sa route pour l'empêcher de le rencontrer. Attiré par la renommée de la « philosophie » d 'Eustathe, Basile quitta Athènes où il étudiait, sans doute pour retrouver ce nouveau maître. Les étapes du voyage vers la Cappadoce sont évoquées de façon tellement rhétorique qu 'il

est difficile de les identifier. Il passa en courant (Trapé pauov) à côté de “ la ville sur l'Hellespont" en ne se laissant pas plus attirer par les charmes de l'endroit qu ’Ulysse par les chants des Sirènes (Od. XII 158 -200 ). Il traversa l'Asie et atteignit enfin « la Patrie » , entendons apparemment la patrie commune de Basile et d'Eustathe, sans doute Césarée de Cappadoce. Comme le philosophe n 'y était pas, il se rendit non sans peine en Syrie (à Antioche sans doute ) pour apprendre

qu ’Eustathe était parti en Égypte. Il suivitdonc sa trace jusqu'à Alexandrie ,où il découvrit que le philosophe était parti chez les Perses. Il décida alors de ne pas aller plus loin , par crainte de devoir le poursuivre jusqu'en Inde... Il semble que Basile et Eustathe, au moment de la lettre, habitent la même région (Éni tñs aútñs xúpac), mais des ennuis de santé font craindre à Basile de ne pouvoir encore rencontrer au cours de l'hiver « l'Éloquence » de son correspondant (tñ hoylórntí oov ). Pour loyiórs employé comme formule épistolaire , voir Lettre 7 à Grégoire (ligne 1) ; Lettre 77 à un destinataire inconnu (ligne 2) ; Lettre 150 à Amphiloque 1, 29 ; 3 , 6 ; Lettre 212 à Hilarios 1 , 4 ; etc.

Voilà donc la série de contre-temps qui ont pu apparaître aux yeux de Basile comme les auvres du Destin ou de la Nécessité, dépassant en cruauté les mythiques supplices de Tantale (Od. XI 582-592).Mais grâce aux lettres – celle qu ' il est en train d 'écrire ? une lettre reçue d 'Eustathe ? – il a changé d ' idée et a

compris qu 'il fallait voir dans ces événements la trace de la Providence qui administre toutes choses mieux que nous pourrions le faire.

Tout comme chez Libanius, on trouve dans la correspondance de Basile plu sieurs Eustathe. On a souvent identifié le destinataire au philosophe Eustathe de Cappadoce. Quelques détails du texte de Basile suggèrent en effet qu 'il écrivait à

un païen et qu'il avait la courtoisie d'éviter toute allusion chrétienne. La lettre regorge d 'allusionsmythologiques (Ulysse , Tantale ), de réminiscences classi ques et de termes philosophiques. Elle présente le destinataire comme un compa

EUSTATHE DE CAPPADOCE 375 triote (cappadocien ?), évoque son passage à Antioche (où Eustathe a séjourné, E 161

comme Libanius en témoigne), et un voyage en Perse (où Eustathe fut envoyé en ambassade,comme on l'a vu). 11 J. Gribomont, « Eustathe le philosophe et les voyages du jeune Basile de Césarée » , RHE 54, 1959, p. 115 - 124, a cependant remis en cause cette identifi cation et proposé de reconnaître dans le destinataire un autre cappadocien , Eustathe de Sébaste, qui fut longtemps un ami de Basile et l'un de ses corres pondants.

Sur Eustathe de Sébaste, voir encore 12 J. Gribomont, DSp IV , 1960, col. 1708 -1712, et DHGE XVI, 1967, col. 26 - 33, et 13 W . D . Hauschild, art. « Eustathius von Sebate » , TRE X , 1982, p . 547 -550 . Cette identification a été apparemment acceptée par tous les spécialistes de Basile . Voir Penella 4 , p . 55 n . 38, qui renvoie à 14 G . Lazzati, « Basilio di Cesarea insegnò

retorica ?» , Studi emateriali di storia delle religioni 38, 1967, p. 284 -292 ; 15 Y . Courtonne, « Réflexions critiques sur une lettre de saint Basile » , BAGB 33, 1974, p. 85 -89 ; 16 Marcella Forlin Patrucco , « Vocazione ascetica e paideia greca ( A proposito di Bas., Ep. 1) » , RSLR 15, 1979, p . 54 -62. 17 Dom Robert Pouchet, Basile le Grand et son univers d 'amis d 'après sa

correspondance. Une stratégie de communion , coll. « Studia Ephemeridis “ Augustianum " »

36, Roma 1992, p. 88-93, accepte également les conclusions de Dom Gribomont. Hauschild 10, p. 33- 34 , accepte cette identification au point de supprimer les mots « le philosophe » dans l'intitulé de la lettre . Ils auraient été ajoutés parce que la « philosophie » du destinataire est évoquée dans le contenu de la lettre. Il supprime de même les mots « le philo

sophe» dans le titre de la lettre 9 « à Maxime le philosophe » (p. 56 ). La thèse de Gribomont

est également acceptée par Lewin 5, p. 93. Cette identification avec Eustathe de Sébaste mérite considération , mais ne peut pas être tenue comme établie. Pour commencer, toutes les lettres de Basile à Eustathe de Sébaste sont intitulées « A Eustathe de Sébaste » . La première apparition sûre d 'Eustathe de Sébaste dans la

correspondance de Basile est la Lettre 79, que l'on date de 371, alors que Basile était déjà évêque. Basile évoque ailleurs les visites que lui avait faites Eustathe, lorsque, avec Grégoire de Nazianze, ils pratiquaient la vie monastique dans le nord de la Cappadoce.Mais la Lettre 1

futmanifestement écrite bien avant. On la date de 357. D 'autres lettres sont adressées à « Eustathe l'archiâtre » ou à « Eustathe d'Himmeria, évêque» . L ' intitulé de la Lettre 1 (« A Eustathe le Philosophe» ) suggère donc qu 'on souhaitait bien identifier le destinataire parmi les divers homonymes. Julien désignait lui aussi Eustathe de la même façon . En revanche, la désignation d 'Eustathe de Sébaste comme " philosophe" serait des plus étranges. " Philosophe" n 'est en tout cas jamais employé ailleurs par Basile à

propos d 'Eustathe de Sébaste. (Lorsque Socrate , H . E . II 43 (PG 67, col. 352 -353), écrit qu 'Eustathe de Sébaste portait l'habit des philosophes, il faut comprendre qu 'il portait l'habit monastique.) Il faudrait ou bien supposer que le mot a été tiré par la tradition manuscrite du contenu de la lettre où la " philosophie " du destinataire est évoquée (c ' est l'interprétation de

Hauschild ), ou bien interpréter lemot dans le sens très étroit qu'il a eu dans les milieux chré tiens, où il peut évoquer la vie monastique - bien que ce sens n 'apparaisse pas dans la corres

pondance de Basile (dans la Lettre VIII, 1, d 'authenticité douteuse, « philosophie » semble désigner le dogme chrétien ). Ces solutions sont possibles, mais elles ne s'imposent pas. Enfin , si l' on peut expliquer le caractère classique, pour ne pas dire " païen " , de la lettre de Basile par l'influence des récentes études athéniennes sur le jeune homme, il existe au moins une phrase que Basile pouvait difficilement adresser à un chrétien imprégné d 'idéal monastique comme Eustathe de Sébaste. Evoquant tous les obstacles qui l'ont empêché de rencontrer le destina taire , Basile écrit : « Ne sont-ce pas là les ouvrages du destin , comme tu dirais toi-même ? »

(trad. Courtonne ). Dom Gribomont cite cette phrase, dans la traduction de Courtonne à la p. 118 de son article , sans aucun commentaire . A la page suivante, il cite apparemment la même phrase – en tout cas, il donne en note la même référence (“ lignes 38 - 39" ) – dans une

376

EUSTATHE DE CAPPADOCE

E 161

traduction toute différente : « N 'es-tu pas obligé d 'avouer toi-même qu 'il y a là une vraie

fatalité ?» Sans ce coup de pouce, la phrase (Taŭta o x eiuapuévns Épya , wc âv autos einous;) confirmerait ce que toute la lettre suggère : la lettre est adressée à un philosophe païen . Que Basile ait pu tenir un tel langage à l'ascète qu 'était l'évêque de Sébaste semble des plus improbables. En cela, cette lettre se distingue des lettres où des réminiscences profanes sont employées : ce n 'est pas la présence de ces traits de culture inévitables qui est

significative,mais l' absence de traits chrétiens.

Pourquoi Eustathe de Sébaste serait-il allé en Perse ? Pourquoi en tout cas serait-il allé en Inde où Basile feint de craindre de devoir le suivre ? A l'époque de la lettre (357 ?) Eustathe de Sébaste était déjà installé surle trône épiscopal de Sébaste.

Comment expliquer, dans l'évolution spirituelle de Basile , ce départ d'Athè nes pour revenir étudier la philosophie auprès d'un compatriote, ce voyage de l'Hellespont (au large de Constantinople, Nicomédie ou Lampsaque ?) en Cap padoce en passant par l' Asie et samétropole, puis cette course-poursuite sur les traces du philosophe en Syrie (Antioche), puis en Égypte (Alexandrie ) ? C 'est là une autre question qu 'il faut abandonner aux spécialistes de Basile . On sait, par

son propre témoignage (Lettre 223 adressée à Eustathe de Sébaste cette fois en 375), qu 'il regretta d'avoir passé toute sa jeunesse dans les études profanes... « Oui, j' ai dépensé beaucoup de temps pour la vanité, et j'ai perdu presque toute ma jeu nesse dans le vain travail auquel je m 'appliquais pour acquérir les enseignements de la sagesse

qui a été déclarée folle par Dieu (I Cor. 1, 20 ). Enfin , un jour, je m 'éveillai comme d 'un pro fond sommeil, je tournai les yeux vers l'admirable lumière de la vérité évangélique et je vis l'inutilité de la sagesse des princes de ce siècle, ceux qui sontmarqués pour la déchéance (I Cor. 2, 6 ), Alors je pleurai beaucoup surmamisérable vie , et je souhaitai qu 'on me donnât des directives pour m 'introduire dans les dogmes de la piété. Avant tout j'avais à cæur d'opérer un redressement de mes meurs longtemps perverties par la fréquentation des gens demauvaise

vie... » (PG 32, 823 A ; trad. Courtonne) Basile chercha alors des hommes qui vivaient la vie décrite dans l'Évangile . « Je découvris beaucoup de ces hommes à Alexandrie , beaucoup dans

le reste de l'Égypte , d'autres en Palestine, en Cælésyrie , en Mésopotamie ...» Finalement, il en trouva dans sa propre patrie ( $ 3).

Il est remarquable que les lieux évoqués dans la lettre correspondent en quelque sorte au voyage de retour de celui que fit Basile pour retrouver Eustathe. Il est difficile d'assigner une date précise et un lieu précis à cette « conversion » de Basile à la vie évangélique. Si on met cependant les deux lettres en rapport, on ne peutmanquer de constater que la première décrit

un voyage vers le Sud, de la Cappadoce en Égypte, à la recherche d'un philosophe, alors que l'autre décrit un voyage vers le Nord , de l'Égypte en Cappadoce, à la recherche de témoins de

la vie monastique. Tout se passe comme si, parti à la recherche d'un philosophe, Basile avait attrapé en Égypte le virus de la vie monastique et en avait recherché les traces à travers l'Orient dans son voyage de retour vers sa patrie . On comprend dès lors le ton de sa lettre à Eustathe le philosophe : ce qui pouvait apparaître comme les embûches du Destin s 'est révélé la manifestation d 'une sollicitude providentielle. Basile qui habite la même région qu 'Eustathe qu 'il a pourchassé si loin ne montre plus aucun empressement à lui rendre visite : « Je dis qu 'il faut en savoir gré à Dieu s' il donne ses biens, et ne pas se fâcher s'il les tient en réserve. Donc

nous aussi, s'il nous accorde de nous réunir avec toi, nous regarderons cela comme le bien suprême en même temps que le plus doux plaisir (nouvelles allusions philosophiques ?) ; mais s 'il diffère notre réunion , nous supporterons cette peine avec douceur, car, de toute façon , mieux sans doute que nous puissions y pourvoir nous-même, Dieu dirige nos affaires » (trad. Courtonne).

Selon Courtonne (p. 4 n. 2), « le vrai motif de tous ces voyages était le désir qu'avait Basile d 'étudier la viemonastique. C 'est par une aimable fiction littéraire que Basile se donne ici comme lancé à la poursuite d'Eustathe » . Dans sa lettre 1 , en tout cas, Basile ne dit rien de tel.

E 161

EUSTATHE DE CAPPADOCE

377

Sur la tradition manuscrite des lettres de Basile, voir l'imposante étude de 18 P . J. Fedwick, Bibliotheca Basiliana Universalis. A Study of the Manuscript Tradition of the Works of Basil of Caesarea , t. I : The Letters, coll. « Corpus Christianorum » , Turnhout 1993, XL11 -755 p.,

notamment, sur la Lettre 1, p. 432-434.

Parmi les homonymes d'Eustathe liés à Basile de Césarée, signalons le traducteur des Homélies sur l'Hexaméron de Basile de Césarée. Voir 19 H . Marti, « Das Übersetzen philoso phischer Texte gegen Ende des 4 . Jahrhunderts » , dans J. Hamesse et M . Fattori (édit.), Ren

contres de cultures dans la philosophie médiévale. Traductions et traducteurs de l'antiquité tardive au XIVe siècle. Actes du Colloque international de Cassino , 15- 17 juin 1989, Louvain

la -Neuve/Cassino 1990 , p. 23-45 ; 20 B . Altaner, « Eustathius, der lateinische Übersetzer der Hexameron -Homilien Basilius des Großen » , ZNTW 39, 1940, p. 161-170, repris dans Kleine patristische Studien , coll. TU 83, Berlin 1967, p. 437-447. Édition par 21 E. Amand de Mendieta et S . Y . Rudberg, Eustathe. Ancienne version latine des neuf homélies sur l'Hexaé méron de Basile de Césarée. Édition critique avec prolégomènes et tables, coll. TU 66 , Berlin 1958, notamment p. XI-LXIII.

H . Un rapprochement a déjà été envisagé entre Eustathe de Cappadoce et un rhéteur Eustathe (RE 17) connu commecommentateur des Staseis d'Hermogène (ÉEnyolc eic tàç otábelG: Doxopatres, Rhet. Graec. II 545 Walz ) et peut-être

aussi comme auteur d 'un llepi €úpéoewÇ (Anonym . VII 704 Walz ). Il n 'y aurait rien d'étonnant à ce qu'un néoplatonicien, commentateur des Catégories, ait aussi commenté Hermogène.

22 I. Hadot, « La vie et l'æuvre de Simplicius d'après des sources grecques et arabes», dans I. Hadot (édit.), Simplicius, sa vie, son ouvre, sa survie. Actes du Colloque international de Paris (28 sept. - Jer oct. 1985), coll. « Peripatoi» 15 , Berlin 1987, p . 3- 39, notamment p . 34 et 35 , voit dans les fragments d' Eustathe sur la rhétorique d 'Hermogène l'euvre du néoplato

nicien, disciple de Jamblique. Elle associe Eustathe aux autres commentateurs néoplatoniciens Marcellinus, Sopatros et Syrianus, ainsi qu 'à Porphyre. Elle renvoie sur Eustathe et les autres

commentateurs à 23 G . A . Kennedy, A History of Rhetoric, t. III : Greek Rhetoric under Christian Emperors, Princeton (N . J.) 1983, XVIII -333 p . Mais Kennedy évoque seulement

l'ambassade d 'Eustathe chez Sapor ( p . 21-22), puis nomme (p . 115) “ Eustathios” parmi les auteurs cités dansles commentaires tardifs d 'Hermogène, sans se prononcer sur leur identité.

La datation de cet auteur dont des fragments nombreux sont conservés est malheureusement fort incertaine. Il est postérieur à Minucianus qu 'il suivait sur

certains points, et sans doute aussi au Commentaire de Porphyre sur Minucianus. Il est d'autre part déjà cité par des commentateurs d'Hermogène à partir du ve

siècle. En revanche, il n 'est pas cité par Syrianus et c 'est ce qui a amené les spécialistes à le dater plutôt du Ve siècle. Ce silence de Syrianus n 'ayant pas un poids déterminant (on a vu que Simplicius ne citait pas le commentaire

d'Eustathe sur les Catégories, connu par Élias et Philopon), faire remonter la date de ces fragments au IVe siècle n 'est peut- être pas une affaire impossible. Rien n 'impose cependant l'identification avec Eustathe de Cappadoce, car le nom étaitmanifestement très répandu.

Cf. 24 J. Brzoska, art. « Eustathios » 17 , RE VI 1, 1907, col. 1451- 1452 ;

25 St. Glöckner, Quaestiones rhetoricae. Historiae artis rhetoricae qualis fuerit aevo Imperatorio capita selecta , coll. « Breslauer Philol. Abhandlungen » VIII 2 , Breslau 1901, p. 78 -88 ; 26 L . Schilling, « Quaestiones rhetoricae selectae » ,

JKPh Suppl. 28, 1903, p. 663-692, notamment, pour les fragments d'Eustathe, p. 715-733 ; les fragments tirés du Messanensis S. Salv. 119 (fin du XIII s.)

378

E 161 EUSTATHE DE CAPPADOCE avaient déjà été publiés par 27 H . Rabe, « De Christophori commentario

Hermogenis librum Iepi otágewv» , RhM 50, 1895, p. 242-249. I. C 'est à tort que 28 L . von Jan, Macrobii Ambrosii Theodosii opera quae supersunt (1848- 1852), t. I, p. XXX, a identifié Eustathe de Cappadoce avec le philosophe grec des Saturnales de Macrobe (2 E 159), loué pour son éloquence (Saturn . I 5, 13 -16 ). La situation dramatique des Saturnalia est généralement datée des années 384 (cf. 29 Alan Cameron , « The date and identity of Macro

bius» , JRS 56 , 1966, p. 25- 38 , à la p . 31). 30 J. Flamant,Macrobe et le néo -pla tonisme latin à la fin du IVe siècle, Leiden 1977, p. 67-69, se prononce contre l' identification . Un tel voyage d 'Eustathe en Occident alors qu 'il avait au moins 80 ans, puisqu'il avait été disciple de Jamblique avant 320 , est des plus impro bables .

RICHARD GOULET. 162 EUSTOCHIUS D 'ALEXANDRIE RE 3

M III

Eustochius d'Alexandrie (Porphyre , Vita Plotini 7, 8) « se consacra au seul enseignement de Plotin et revêtit les dispositions d 'un authentique philosophe. »

(V . Plot. 7, 10 - 12). Ce médecin que Plotin connut vers la fin de sa vie , resta auprès de lui et le soigna jusqu 'à sa mort (V. Plot. 2, 22). Lorsque Plotin , qui se trouvait sur le domaine de Zéthus en Campanie , fut sur le point de mourir,

Eustochius ( V. Plot. 2 , 23) arriva sur le tard auprès de lui, parce qu'il habitait à Pouzzoles , à six bornes milliaires de là ; ce fut le seul de ses disciples présent lors de son décès. C 'est sur le seul témoignage d'Eustochius que se fonde

Porphyre , qui se trouvait alors à Lilybée en Sicile, pour nous décrire la maladie qui emporta Plotin , pour citer ses dernières paroles (V . Plot. 2, 24 et 2, 34 ) et même estimer son âge ( V. Plot. 2 , 29). Une scholie à Enn. IV 4, 29, 55 distingue entre lesmanuscrits d' Eustochius et ceux de Porphyre. Sur la question de savoir s' il existait une édition des traités de

Plotin due à Eustochius, et à quoi, si tel était le cas, elle pouvait correspondre, voir les avis opposés de Marie -Odile Goulet-Cazé, dans Porphyre, La Vie de Plotin , t. I, Paris 1982, p . 287-294 ( « L 'édition porphyrienne des Ennéades. État de la question » ), et de Luc Brisson , ibid , t. II, Paris 1992, p .68 -69 (« Une édition

d 'Eustochius ? » ), avec la réponse de M .-O .Goulet-Cazé, p. 71-76 (« Remarques sur l'édition d’Eustochius» ). LUC BRISSON .

ca 1050 - ca 1120 163 EUSTRATE DE NICÉE RE 2 Métropolite de Nicée, auteur d'ouvrages théologiques et de commentaires

d'Aristote. I. LA VIE

Eustrate de Nicée vécut, selon toute probabilité , de 1050 à 1120 environ . Cette datation repose sur 1 J. Dräseke, « Zu Eustratios von Nikäa » dans BZ 5 , 1896 , p . 319-336 , et, en particulier, p. 336 ; 2 E.Martini, art. « Eustratios Metropolit von Nikaia » ,

EUSTRATE DE NICÉE 379 E 163 RE 6 , 1, col. 1490-1491, reporte la date de sa naissance à 1050/ 1055 ; R . Browning signale à propos des deux dates : « We do not know when he died . The date cited in the handbooks,

c . 1120 , is the result of a somewhat labile construction by Draeseke. The date of his birth is

equally unknown ; it could be as late as 1060 » (3 R . Browning, « An unpublished funeral oration on Anna Comnena» , PCPhS 188, n .s. 8, 1962, p . 1 -12, et, en particulier, p. 6- 7, cet article ayant été repris, avec quelques modifications, dans 4 R . Sorabji (édit.), Aristotle Transformed . The Ancient Commentators and Their Influence, London 1990 , p . 393-406 , en

particulier p . 399 ; l'ensemble du texte dont Browning 3, p. 11-12, a donné des extraits a été publié par 5 J. Darrouzès (édit.), Georges ei Dèmètrios Tornikès, Lettres et Discours, intro duction , texte , analyse, traduction et notes par ..., coll. « Le monde byzantin » , Paris 1970 ,

« Éloge d'Anne Comnène. Discours sur la mort de la Porphyrogénète Kyra Anne la Kaisa rissa » (« Wóyos Éni tą Davára tñs nopoupoyevvŕtou xupās " Aving tñs xaloapioonç» ), aux p. 220 -323. H . P. F . Mercken admet, sans discussion , la datation de J. Dräseke comme définitive (6 H . P .F. Mercken , « The Greek commentators on Aristotle 's Ethics » dans Sorabji

4 , p . 407-443 et, en particulier, p. 410 ; même avis dans 7 -8 H . P. F. Mercken (édit.), The Greek Commentaries on the Nicomachean Ethics of Aristotle in the Latin Translation of Robert Grosseteste, Bishop of Lincoln ( † 1253), t. 1 : Eustratius on Book I and the Anony

mous Scholia on Books II, III and IV . Critical edition with an introductory study, coll.

« Corpus Latinum commentariorum in Aristotelem graecorum » VI, 1, Leiden 1973 ; t. 3: The Anonymous Commentary on Book VII, Aspasius on Book VIII and Michael of Ephesus on Books IX and X . Critical edition with an introductory study, coll. « Corpus Latinum commen

tariorum in Aristotelem graecorum » VI, 3, Leuven 1991, t. 1, p. 6 * (voir aussi bibliographie sommaire in p . 6 * n . 2 ). 9 Th. N . Zèsès (édit.), Nixnta Eeídov Móyos xarà Eủotpatiov

Νικαίας, Αριστοτέλειου Πανεπιστήμιον Θεσσαλονίκης. Επιστημονική Επετηρίς Okoloyixñs Exorñs. Mapápenua 21 toũ TO ' Tópov, Thessalonique 1976, p. 7-8, en se fondant sur le fait qu 'Eustrate avait le même âge que Nicètas Séïdès, son adversaire, déduit, lui aussi, que les dates avancées par Dräseke sont bonnes.

Dans sa carrière ecclésiastique,Eustrate a tout d 'abord été diacre et repúcquos à l'école qui était abritée à l'église de Saint- Théodore dans le quartier dit tà

Eowpaxlov. Ce renseignement biographique est conservé dans 10 J. Gouillard, « Le procès officiel de Jean l’Italien . Les actes et leurs sous-entendus» , TM 9,

1985, p . 133-174 , et, plus précisément, p. 159, 1. 434 : Eủotpátios yeyovuç Tp6Equos tñs oxorñs toũ åylov Okodópou tõv Eowpaxlov (« Eustrate, qui avait dirigé l'école de Saint-Théodore à Sphôrakiou »). Sur l'école de l'église de Saint- Théodore située dans le quartier dit tà Epwpaxlov, voir 11 Fr. Fuchs, Die höheren Schulen von Konstantinopel im Mittelalter, coll. « Byzantinisches Archiv » , Leipzig/Berlin 1926 , p.49-50 ; également, 12 R . Janin, La géographie ecclésiastique de l'Empire byzantin , 1re partie :Le Siège de Constantinople et le Patriarcat Ecuménique, III : Les églises et les monastères, coll. « Publications de l'Institut français d'Études byzantines » , Paris , 2e éd . 1969, p . 154 ; 13 R . Browning, « The Patriarchal School at Constantinople in the Twelfth Century » , Byzantion 32, 1962, p . 167-202, et 33, 1963, p . 11-40 , en particulier 32,

1962, p. 173 = 14 R . Browning, Studies on Byzantine History, Literature and Education , coll.

« Collected Studies» 59, London 1977, nº X , 1re partie (même pagination que l'original), avec référence, précisément, à Eustratios et au documentmentionné plus haut; 15 P. Lemerle, « Le gouvernement des philosophes», dans Cinq études sur le XIe siècle byzantin , coll. « Lemonde byzantin » , Paris 1977, p. 228 -229. Sur l'emplacement de ce quartier et de l'église de Saint Théodore, voir: 16 R . Janin , Constantinople byzantine. Développementurbain et répertoire topographique, coll. « Archives de l'Orient chrétien » 10, Paris, Institut français d' études byzantines, 2e éd., 1964, p. 428-429, et Janin 12, Les églises etlesmonastères, p. 152-153.

C 'est pendant cette période qu 'Eustrate a suivi les cours de Jean Italos, qui était alors consul des philosophes (Unatog Tõv Qlaooopwv, voir, entre autres, le

témoignage de 17 Nicétas Choniatès (ca 1155-1215/1216 ), Ex libro XXIII The

EUSTRATE DE NICÉE E 163 sauri Orthodoxae fidei, PG 140 , col. 135 - 138, et, en particulier, col. 135 - 136 :

380

TOÚTOV (’Iwávvov toŨ ’Italoī ) uaOnts Eủotpátios (« celui-ci, c 'est-à -dire Jean Italos, eut comme élève Eustrate » ). Ayant été mis en examen avec d'autres disciples d'Italos, Eustrate se désolidarisa de son maître et put ainsi échapper à la

chute de ce dernier, condamné pour hérésie en 1082 (voir Gouillard 10 , texte du procès et traduction , p. 158- 161).Manifestement, pendant le procès, Eustrate ne dirigeait plus l' école de Saint- Théodore, ainsi que l'atteste l'expression o

yeyovuç np6quos, « celui qui dirigea » (voir texte supra ; cf. remarques de Gouillard 10, p. 206 -207). Sur la condamnation d'Italos, voir Gouillard 10 , remarques p. 133-135, texte p . 136 -169, index p . 170 - 174 . Le dossier de la condamnation d 'Italos est conservé dans un unique témoin , le Dionysiou 120 , manuscrit du XIVe siècle de contenu canonique , ff. 711-718 . Déjà, avant la

découverte du manuscrit par P . Uspenskij, on connaissait, grâce au synodikon de l'Ortho doxie, compris dans le Kutlumus 42 (du XIIe s.), l'existence de dix articles introduits par Michel VII Doukas à propos d ' Italos et, également, d 'un article par Alexis Ter Comnène ( 1081

1118 ). En fait, une première série de thèses, sous Michel VII Doukas Parapinakès (1071 1078 ), avait été censurée, sans nom d'auteur, en 1076 - 1077, par un synode sur lequel on ne

dispose que d'informations indirectes. Ces propositions n'engagaient pas la responsabilité de Jean Italos. En revanche, l' anathème final renvoie à un procés personnel dont les pièces ont été pour la plupart conservées dans le Dionysiou . En fait, on y trouve deux actes impériaux (sèmeiosis + pittakion ) et trois des quatre actions synodales, tenues contre Italos les 20 mars, 21

mars et 11 avril 1082.Malheureusement, la sèmeiôsis synodale prévue par Alexis en guise d 'arrêté d'application de son jugementmanque dans le Dionysiou ; de cet acte a survécu uni quement l'anathématisme qu 'il avait mission d' établir, conservé dans le Synodikon de

l’Orthodoxie, voir 18 J. Gouillard (édit.), « Le Synodikon de l’Orthodoxie . Édition et com mentaire » , TM 2 , 1967, p. 1-316 (texte et trad . aux p . 44 - 107 , appendices au texte donnés aux p. 108 - 118 ), texte aux p. 56 -61 et analyse aux p . 188 - 202 . Nulle trace non plus dans le Diony siou des deux pièces à conviction versées au procès, à savoir l'exposé de foi de Jean donné in

extenso et le mémoire insidieux de Michel Kaspakès. Enfin , font défaut dans le Dionysiou les

actes du premier des deux synodes tenus peu avant l'intervention du Palais.

Devenu oikoumenikosdidaskalos (?), il est promumétropolite de Nicée, déjà avant 1112 (lors des pourparlers avec les Latins, voir plus loin , il l' était déjà ). Théologien de la cour, il jouit de l'estime de l'empereur et expose le point de vue byzantin sur les azymes et la procession du Saint-Esprit dans un débat avec

Pierre Grossolanus tenu en 1112 ; voir 19 V. Grumel, « Autour du voyage de Pierre Grossolanus archevêque de Milan, à Constantinople, en 1112. Notes d 'histoire et de littérature» , EO 32,1933, p. 22-33 et, en particulier, p. 26 -27. La postérité byzantine, influencée par l'anathème qui a ultérieurement frappé Eustrate (voir plus loin ), a émis des doutes sur le caractère doctrinal des affirma tions qu 'a tenues Eustrate lors de cette rencontre (et qu 'il a, pas la suite , mises par écrit), voir Nicétas Choniatès 17, col. 136 : oủx ảoparāç oủOÈ ÉTALVETÕS

Toùç nepi toữ liveúuatoç Móyouç eEnveyze (« il a prononcé, au sujet du Saint Esprit, des affirmations qui n 'étaientnisûres ni louables» ). Afin de secourir l'empereurdans sa lutte contre l'hérésie, Eustrate participe vers 1114 à un débat sur les deux natures du Christ avec un représentant arménien (Sergius ou Tigrane ; voir discussion in Zèsès 9 , p . 14 - 17 et 19 - 20 , qui se fonde sur le témoignage de Séïdès pour mon trer que l'interlocuteur d 'Eustrate était Sergius et non pas Tigrane ). Dans ce débat, qui eut lieu

à Philippopolis en présence de l'empereur Alexis Ter Comnène, Eustrate choqua son interlocu teur, qui refusa de continuer les pourparlers, à cause de la témérité des expressions employées

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(« il a parlé sans vergogne » , åvaidős époéytato, « cette expression blâmable » , tnv éxéol

μον ταύτην την φωνήν, « ces paroles déplacées et tout a fait inaccoutumées», την άτοπον taúrnv, xai navTÁTOLV Gouvon pñolv, selon les termes de Nicétas Choniatès 17, col.

136 - 137 ).

Suite à cet entretien, Eustrate a ébauché deux textes dont la doctrine n 'était pas orthodoxe. Ces traités ayant été dérobés et diffusés par ses adversaires, ils provoquèrent la réaction du clergé, comme en témoigne le discours que Séïdès adressa à l'empereur en 1116 (édité dans sa totalité par Zèsès 9). Pour éviter que les rumeurs ne se propagent, le patriarche Jean IX Agapètos (1111- 1134) convo qua le Synode. Celui-ci se réunit le 27 avril 1117 en présence de l'empereur, « siégeant au Philopation avec le patriarche Jean » , qui présenta alors une apolo

gie rédigée par Eustrate lui-même. Dans ce texte, Eustrate abjurait les erreurs contenues dans les deux traités incriminés.

Dernière édition de l'apologie d'Eustrate , suivie de la minute de la première séance du pro Semeioma gegen Eustratios von Nikaia (1117)», BZ 47, 1954, p. 369-378 ; présentation , cès, par 20 P . Joannou , « Der Nominalismus und die menschliche Psychologie Christi. Das

commentaire et bibliographie de cet examen synodal par 21 V. Grumel et J. Darrouzès, Les

Regestes des Actes du patriarcat de Constantinople , vol. I : Les Actesdes patriarches, fasc. II et III: Les Regestes de 715 à 1206 , éd . par V . Grumel et deuxième éd. revue par J. Darrouzès,

coll. « Le patriarcatbyzantin », Série I, Paris, Institut français d 'Études byzantines, 2e éd . 1989, n° 1003 aux p. 460-461,la citation supra provenant de la p.460). Le vote a eu lieu plus tard , lors d'une session synodale probablement effec tuée en été 1117 (l'empereur n 'a pas pu y assister). Durant celle -ci, le patriarche

appela les métropolites à la clémence et proposa de laisser à Eustrate son rang. La demande du patriarche n 'a pas été prise en considération car la plupart des prélats se prononcèrent, dans le vote effectué, contre Eustrate. Voir 22 P . Joannou , « Eustrate de Nicée. Trois pièces inédites de son procès (1117 ) » ,

REByz 10 , 1952, p. 24-34, et, en particulier, p . 27-29 gnômé du patriarche avec appel à la clémence, et p . 29 - 31 vote des membres du synode. Voir aussi Grumel et Darrouzès 21,

nº 1003a aux p. 461-462 avec précisions sur le vote et, également, 23 J. Darrouzès, Docu

ments inédits d'ecclésiologie byzantine. Textes édités, traduits et annotés, coll. « Archives de

l'Orient chrétien » 10, Paris, Institut français d'Études byzantines, 1966, p. 59, précisions sur le même vote , qui n ' était probablement pasle vote définitif.

Dans une dernière session , tenue sous la présidence de l' empereur Alexis jer Comnène et du patriarche Jean IX Agapetos, Nicétas d 'Héraclée, neveu du mé tropolite de Serres, se prononça sur les raisons qui, allant à l'encontre de la volonté de l'empereur, rendaient obligatoire la déposition d 'Eustrate . Eustrate fut finalement condamné à la suspense à vie. Sur demande du Synode, la condamna tion , dont témoigne Choniatès 17 , a été enregistrée dans le Synodikon de l'Or thodoxie. Discours de Nicétas édité par 24 P . Joannou , « Le sort des évêques hérétiques réconciliés. Un discours de Nicétas de Serres contre Eustrate de Nicée » , Byz 28 , 1958, p . 1- 30 , texte aux p . 8 - 30 = Darrouzès 23 , commentaire du texte de Nicétas d 'Héraclée , Sur les Hérésiarques,

aux p . 54 -62 , avec corrections proposées pour Joannou 24 , texte et traduction aux p. 276 - 305 avec Appendice comprenant des extraits du discours de Séïdès (édité , comme il a été signalé, dans sa totalité par Zèsès 9), aux p. 306 - 309 ; commentaire dans Grumel et Darrouzès 21,

n° 1003b aux p. 462 -463). Sur l'inscription d 'Eustrate dans le Synodikon de l'Orthodoxie , voir Gouillard 18 , p . 68 -71 pour le texte et la traduction correspondants du Synodikon, p . 206

210 pour le commentaire. Bibliographie sur Eustrate convenablement réunie par 25 B . Skoulatos, Les personnages byzantins de l'Alexiade. Analyse prosopographique et synthèse ,

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coll. « Recueil de travaux d'histoire et de philologie de l'Université de Louvain » 6e série, fasc . 20, Louvain -la-Neuve et Louvain 1980, nº 59 « Eustratios, évêque de Nicée » , p. 89-91.

II.EUSTRATE COMMENTATEUR Eustrate a fréquenté le cercle d' Anne Comnène, fille d'Alexis jer Comnène (1081- 1118), qui avait sans succès essayé, après la mort de son père en août 1118, d'usurper le trône impérial en faveur de son mari, Nicéphore Bryennios.

Anne Comnène porte dans l'Alexiadeun jugement particulièrement favorable sur Eustrate, qu' elle qualifie d' « homme savant dans les sciences sacrées et profa nes, plus fort en dialectique que ceux qui fréquentaient le Portique ou l'Acadé mie » (26 Anne Comnène, Alexiade. Règne de l'empereur Alexis I Comnène (1081- 1118 ), t. III, livres XI-XV , « Coll. byzantine», Paris 1945, p. 182, VIII, 9 , 3 -6 ). C 'est probablement à l'instigation de la princesse porphyrogénète

qu’Eustrate composa , après sa déposition en 1117, ses commentaires d 'Aristote. Le commentaire sur le livre VI de l'Éthique à Nicomaque est dédié à une princesse cultivée : Baoliç Deooeßńs, Baolis piónoye, Baoinis plnárade

xai Piłóxare (p. 256, 3 -4 Hayduck ), qui est très probablement Anne Comnène. Cette thèse a été soutenue en premier lieu par 3 Browning, p . 6 -8 , et a été reprise par 27 A . C . Lloyd, « The Aristotelianism of Eustratios of Nicaea » , dans J. Wiesner (édit.), Aristo telis Werk und Wirkung, Mélanges P . Moraux , t. II, Berlin 1987 , p . 341- 351, et, en particulier,

p . 341 -342. Mercken 6 , p . 414 et 8 , p . 6 , admet que cette conjecture est la meilleure . Voir

aussi Darrouzès 5 , p . 20- 24 et p. 278- 289.Mercken 8 , p . 23* - 26 * , considère que le renouveau philosophique que Browning prête à Anne Comnène n 'a pas dû dépasser les efforts exégéti

ques d 'Eustrate et de Michel. Mais il faut savoir qu 'en matière d ' enseignement à Byzance, les

documents institutionnels font souvent défaut.

S 'il faut ainsi rattacher Eustrate au cercle intellectuel d 'Anne Comnène, la composition des commentaires doit se situer , de façon approximative, après sa condamnation en 1117 et avantsa mort, survenue peut-être en 1120 .

Michel d'Éphèse appartenait, lui aussi, au même cercle ; voir Darrouzès 5 , comm . à la p. 23, texte grec et trad. aux p. 282- 283 : « J'ai entendu moi-même le savant originaire d 'Éphèse rejeter sur cette basilissa la cause de la privation de ses yeux, parce qu'il avait travaillé des nuits entières sans sommeil aux commen taires des æuvres d 'Aristote commandées par elle ; de là des dommages aux yeux

que provoquent les chandelles par assèchement». Pendant cette période, Eustrate a commenté Aristote et, plus précisément, les

Seconds Analytiques, livre II, et l'Éthique à Nicomaque, livres I et VI. Ces commentaires sont extrêmement développés, et appartiennent « to the most interesting category of Aristotelian commentary, in which ideas and notmerely

expressions are explained and discussed » (Lloyd 27, p . 342). A la production philosophique d 'Eustrate se rattache également un opuscule (que l'on oublie

fréquemment lorsqu'on énumère ses æuvres philosophiques), intitulé : " Opos xadoxos biooopias Maatwvos, édité par 28 P. Joannou, « Die Definition

des Seins bei Eustratios von Nikaia. Die Universalienlehre in der byzantinischen Theologie im XI. Jh.» , BZ 47, 1954 , p. 358 - 368 et, en particulier, p. 365- 368,

d 'après quatre manuscrits, dont le principal est le Paris. gr. 2138. La présence de ce texte avait été signalée dans Joannou 20 , p. 24 n . 10 . Ce texte peut être

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rapproché, du point de vue de la date de composition, d 'un opuscule météoro logique probablement composé par Eustrate . Cet opuscule météorologique, dont

la tradition manuscrite est faible et problématique, est dédié à Marie d'Alanie, épouse de Michel VII Doukas (1071- 1078 ) et de Nicéphore Botaneiatès (1078

1081); 29 P. Polesso Schiavon , « Un trattato inedito demeteorologia di Eustra zio di Nicea » , RSBN n . s . 2 -3, 1965- 1966 , p . 285-304, texte aux p . 290 - 304 ;

voir 30 H .Hunger, Die hochsprachliche profane Literatur der Byzantiner, coll. « Handbuch der Altertumswissenschaft » XII et « Byzantinisches Handbuch

im Rahmen des Handbuchs der Altertumswissenschaft » 5 , München 1978, vol. I, p. 34 n . 122 (avec réf. biblio .), etMercken 8, p. 5 *-6 *. Sur la philosophie d'Eustrate et, notamment, sur les rapports de sa pensée avec celle d 'Aristote, voir

Joannou 28, p. 358-365 ; Lloyd 27, p. 341-351 ; Mercken 7, p. 12* - 14 *, et 8, p . 6 * -7 * ; 31K . Giocarinis, « Eustratius of Nicaea's Defense of the Doctrine of

Ideas» , FranciscStud 24, 1964, p. 158- 204. Bibliographie sur Eustrate commentateur d 'Aristote réunie par 32 M . Cacouros,art, sur la Philosophie byzantine, dans Encyclopédie Philosophique Universelle, publiée sous la dir, d ' A . Jacob , vol. IV : Le Discours Philosophique, sous la direction de J.-F. Mattei, Paris 1998 ,

contribution nº 77, p . 1362-1384, et, en particulier, p . 1371.

A . Le commentaire aux Seconds Analytiques, livre II : 33 M . Hayduck (édit.), Eustratii in Analyticorum posteriorum librum II comm ., CAG XXI 1 , Berlin

1907, ce commentaire est extrêmement développé. Comme le signale 34 P.

Moraux (édit.), Le commentaire d'Alexandre d 'Aphrodise aux “ Seconds Ana lytiques" d'Aristote, coll. « Peripatoi» 13, Berlin 1979, p. 6 : « Fatigant à force d'être prolixe et de se répéter inlassablement, l'auteur risque de décourager après quelques pages. Et pourtant, son commentaire mérite qu 'on s'y arrête ...» . Les

sources employées par Eustrate sont variées: Alexandre d’Aphrodise (Moraux 34, p . 81- 129 pour le livre II), Thémistius (voir 35 M . Wallies (édit.), Themistii in Analytica Posteriora paraphrasis, CAG V 1, Berlin 1900 ) et Jean Philopon (voir 36 M .Wallies (édit.), In Analytica Posteriora cum Anonymo in lib . II, CAG XIII 3 , Berlin 1909), ou au moins une source dont dérive aussi le commentaire

de Philopon . Voir aperçu sur les sources d'Eustrate dans 37 M . Cacouros, Théo

dore Prodrome, Le commentaire au second livre des Analytiques postérieurs d 'Aristote. Editio princeps du texte , étude de la tradition manuscrite et des sour

ces de Prodrome, Thèse Université Paris IV -Sorbonne, Paris 1992, p.491-494. Plus précisément, Eustrate a employé des extraits étendus du commentaire d'Alexandre d 'Aphrodise, aujourd 'hui perdu, qu 'il cite parfois nommément. En

fait, il est le seul, avec l'auteur anonyme (Wallies 36 , p. 547-603) et quelques scholies (Moraux 34 , p. 83 sq.), à nous transmettre des extraits provenant de ce

commentaire .Lemétropolite de Nicée a également employé, à plusieurs reprises, la paraphrase de Thémistius (voir une liste des passages employés par Eustrate dans Cacouros 37, p. 494 n. 27), qu'il cite une seule fois (Hayduck 33, p. 11, 5 6 ). Pareillement, Eustrate emploie soit le commentaire philoponien , soit une

source dont dériverait aussi le commentaire de Philopon . Pour donner un exem ple de cette liaison étroite , signalons que l'introduction d'Eustrate comprend une

multitude des passages qu'on rencontre , sous une forme identique ou presque,

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dans le commentaire philoponien : voir, par exemple, Eustrate dans Hayduck 33 ,

p . 3, 7 - 10 ; et Philopon dans Wallies 36 , p. 335, 32-34. Sur les endroits parallèles dans les Préfaces d'Eustrate et de Philopon , voir, en particulier, la question du titre attribué aux Seconds Analytiques, étudiée dans 38 M . Cacouros, « Les préfa ces des commentaires grecs antiques et byzantins aux SecondsAnalytiques, livre II. Notes sur la tradition exégétique des Seconds Analytiques d'Aristote » , dans J.-D . Dubois et B . Roussel (édit.), Entrer en matière. Les prologues, coll. « Patri

moines.Religions du Livre », Paris 1998, p. 247-269 et, en particulier, p . 256 sq. Il est encore tôt pour mesurer l'étendue exacte de l'influence du commentaire d' Eustrate sur la postérité byzantine. On peut toutefois signaler que Théodore Prodrome, érudit byzantin du XIIe siècle, l'a utilisé dans son commentaire aux Seconds Analytiques, livre II (voir Cacouros 37 , édition du texte de Prodrome aux p. 168 - 373, apparats aux p. 379-476 et étude des sources aux p . 481-827, en

particulier p. 503 -507). En revanche, Jean Chortasménos (ca 1370 -1431), qui a

largement employé le commentaire de Prodrome dans sa métaphrase au livre II des Seconds Analytiques, ne semble pas avoir utilisé directement Eustrate (voir étude des sources dans 37 M . Cacouros, « Un commentaire byzantin (inédit) au deuxième livre des Seconds Analytiques d 'Aristote , attribuable à Jean Chortasménos » , RHT 24, 1994, p. 149 -198 et, en particulier, p. 185 - 197). Tout récemment, il a été signalé qu'une innovation exégétique qui, au sein de la tradition grecque, se rencontre uniquement dans le commentaire d 'Eustrate se retrouve dans le com mentaire moyen d ' Averroès aux Seconds Analytiques (Talhis kitab al-Burhān ), composé à

Séville vers 1170 ; voir 39 M . Cacouros, «Eustrate employé dans le commentaire moyen d 'Averroès aux Seconds Analytiques d 'Aristote ?» , Actes du Congrès International « Averroè commentatore di Aristotele, 800mo anniversario di Averroè (1198 -1998) », organisé par l'Istituto Universitario Orientale et l'Istituto Italiano per gli studi filosofici (Naples, 14 - 16

janvier 1999), sous la direction de C . Baffioni, à paraître.

B . Le commentaire à l'Éthique à Nicomaque. L' Éthique à Nicomaque a été commentée dans le milieu d' Anne Comnène par deux érudits : Eustrate et Michel d'Éphèse , les deux commentaires ayant été édités dans la collection Commenta ria in Aristotelem graeca : 40 G . Heylbut (édit.), Eustratii et Michaelis et Ano nyma in Ethica Nicomachea commentaria , CAG XX , Berlin 1892 ; 41 M .

Hayduck (édit.),Michaelis Ephesii in Ethic. libr. V comm ., CAG XXII 3, Berlin 1901.

En fait, Eustrate s'est chargé des livres I et VI, et ses commentaires, comme celui aux Seconds Analytiques, livre II, « are commentaries in the fullest sense of

the word . They are not primarily concerned with explaining particular passages, phrases, or words in the text, but with interpreting the very scope, design and impact of Aristotle's Ethics» (Mercken 7 , p. 12* pour la citation, aperçu aux p . 6 * - 14 * et 8, p. 13 *- 21* ). Michel d'Éphèse a commenté les livres V , IX et X

(aperçu in Mercken 7, p . 22*-28* ; les dates concernant la vie deMichel, p. 22* . 24 * ont été revues dansMercken 6 , p. 430 et 8, p . 4 *, 13* sq., suivant Darrouzès 5 ,mentionné supra), et, dans son exégèse, « he explains both the letter and the spirit of Aristotle 's text, concerns himself with textual criticism , points out the connection between various passages, spells out arguments..., advances parallel

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texts, makes cross references... and refers also to other philosophers, especially

to Plato » (Mercken 7, p .24* -25*). Le commentaire d 'Eustrate à l'Éthique à Nicomaque, livres I et VI, a été tra duit en latin , vers 1240 - 1243, par Robert Grosseteste (ca 1168-1253). Plus préci

sément, l'évêque de Lincoln traduisit du grec une compilation , probablement réalisée vers la fin du XIIe siècle, qui comprenait: – le commentaire d 'Eustrate pour les livres I et VI (voir supra) ; - des scholies anonymes, portant sur les livres II, III, IV et V , qui semblent, d'après Mercken 7 , p. 14 * -15 * , avoir été compilées par une seule personne « or at least in one school notmuch later than the end of the second century of our era » (voir aperçu dansMercken 7, p . 14 * . 22 * ) et, mieux , du dernier quart de ce siècle , voir Mercken 8 , p . 3* ; - le com mentaire de Michel pour les livres V , IX et X (voir supra); – un commentaire anonyme du livre VII, peut-être de la fin du XIIe siècle (aperçu dans Mercken 7, p. 28 * et dans 8, p. 26 * ) ; – le commentaire d’Aspasius sur le livre VIII (édité par 42 G . Heylbut, Aspasii in Ethica Nicomachea quae supersunt commentaria , CAG XIX 1, Berlin 1889, p . 158 - 186 , aperçu in Mercken 7, p. 28 *-29 * ). Les commentaires traduits en latin accompagnaient la traduction du texte d 'Aristote

divisée en sections.Mercken 7, p. 38* (aperçu sur la compilation et sa traduction in p. 38 * sq ., traduction éditée ibidem et dans Mercken 8 ) semble suggérer que la présentation du corpus: « texte d'Aristote séparé en sections + commentaires qui l'accompagnent» (laissons de côté les notulae) est due à Grosseteste . Or, cela semble assez improbable , étant donné que cette mise en page se rencontre dans

les manuscrits grecs du XIIIe siècle , qui n'étaient pas inconnus de Grosseteste . Rappelons, à cet égard, que Grosseteste semble avoir eu connaissance, égale ment, du commentaire de Prodrome aux Seconds Analytiques, livre II (43 M .

Cacouros, « Théodore Prodrome, Robert Grosseteste , Jacques de Venise et l'histoire d'une erreur interprétative dans l'exégèse des Seconds Analytiques II, 1-2 » , Actes du Symposium de Philosophie byzantine et latine, Athènes, 11-14

novembre 1993, Cahiers de l'Institut du Moyen -Âge grec et latin 66 , 1996 , p . 135- 155). Cette dernière remarque nous donne l'occasion de combiner les données existantes et de constater la présence des milieux en contact qui, dans la période qui va de ca 1130 à ca 1250 , ont commenté Aristote , tout en permettant la

transmission en Occident des textes élaborés. Les données sont les suivantes: (a ) Jacques de Venise , commentateur d 'Aristote , a très probablement été en contact avec le cercle d 'Anne Comnène, notamment avec Michel d' Éphèse (et non pas, dirions-nous, vu les dates, avec Eustrate ); voir Browning 3, p. 6 , repris dans Mercken 8 , p . 22 ; bibliographie sur Jacques de Venise réunie dans Cacouros 43, p . 150- 151). Il connaissait donc l'activité exégétique de ces érudits. Ces rapports doiventse situer à Constantinople au deuxième quart du XIIe siècle ;

(b ) RobertGrosseteste a eu en mains, entre autres commentaires de l'Éthique à Nicomaque, ceux qui avaient été composésdans le cercle d 'Anne Comnène, et il les traduisit en latin ; ( c ) Théodore Prodrome ( la date de sa vie ne peut pas être

fixée avec précision , mais elle se situe probablement entre 1100 et 1160 ou 1180 ,

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voir références dans Cacouros 39, p. 149 n. 1), a peut-être connu Eustrate (décé dé en 1120 suivant Dräseke 1). Prodrome, dans son commentaire aux Seconds Analytiques, livre II, a utilisé celui d'Eustrate (Cacouros 37 , p. 495, 503 -507) ; (d ) Théodore Prodrome et Jacques de Venise ont vécu à Constantinople durant la même période (Cacouros 43, p . 150 ) ; (e) Une erreur interprétative, que réfute Prodrome, se trouve reproduite dans le commentaire de Grosseteste. On sait par

ailleurs que l'évêque de Lincoln avait probablement consulté le commentaire de Jacques de Venise . Nous avions donc émis l'hypothèse que cette erreur figurait dans le commentaire perdu de Jacques aux Seconds Analytiques (hypothèse développée dans Cacouros 43). A travers ces remarques, on voit s'esquisser les différents cercles d 'érudits byzantins et occidentaux , qui ont travaillé à l'exégèse des Analytiques et de l' Éthique à Nicomaque et qui ont, directement ou indirectement, cuvré à son

passage en Occident: Eustrate et Michel d 'Éphèse;Michel d 'Éphèse , Prodrome, et Jacques de Venise ; Robert Grosseteste . Si donc, comme nous l'avons suggéré

plus haut, la mise en page du corpus ethicum (texte d’Aristote fragmenté en sections + commentaires l'encadrant) est antérieure à la traduction faite par

Grosseteste , cette mise en page a été très probablement effectuée soit dans la

génération « Eustrate » soit dans la génération suivante , qui est la génération « Prodrome» . Deux étapes supplémentaires dans la transmission du comm . d ' Eustrate à Byzance. Les manuscrits du commentaire d'Eustrate à l'Éthique à Nicomaque nous permettent d'esquisser brièvement deux étapes supplémentaires dans la

transmission de ce texte à Byzance. (a ) Le comm . d 'Eustrate dans la Constantinople reconquise en 1261. Le

Laur. 85, 1 est un manuscrit sur papier (480/485 x 300/305 mm ., (III)+ 762+[ III ] ff.), copié par plusieurs scribes et surnommé « l'Océan » . Il comprend plusieurs

commentaires d'Aristote. Parmiceux-ci on trouve, suivantMercken 8, p. 4 *, une compilation des commentaires à l'Éthique dont la forme diffère un peu de celle employée par Grosseteste. En fait, les témoins de cette classe « omit the anony mous scholia on II- V , but contain most or all of the remaining commentary of Aspasius» ( ibidem ). Pour les livres I et VI, on a employé le commentaire d'Eustrate . Or, le Laurentianus est un manuscrit exceptionnel. Car ce manuscrit, avions-nous suggéré, « était manifestement destiné à former un texte " canoni que " qu 'il faudrait garder comme témoignage, une collection de l'æuvre aristo télicienne destinée à l'éternité et non pas nécessairement à être consultée ». Ce document date probablement des années 1265- 1270 et semble donc contem porain des premières années du règne deMichel VIII Paléologue (1261- 1282)

ou , moins probablement, des dernières années de l'Empire de Nicée (1204 1261). Il est le résultat de l'initiative ambitieuse d'un érudit qui connaît bien

Aristote et qui aurait occupé une charge d 'enseignement importante dans l'Uni versité impériale ou à l'École patriarcale de Constantinople (voir 44 M . Cacouros « Le Laur. 85, 1 témoin de l'activité conjointe d'un groupe de copistes travaillantdans la secondemoitié du XIIIe siècle » , dans G . Prato (édit.), Actes du

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Ve Congrès International de Paléographie grecque, Crémone, 5 -11 octobre 1998, sous presse). Ainsi, ce manuscrit constitue un témoin précieux du renou

veau quimarque le début du règne de Michel VIII. Ces remarques concernant le Laurentianus nous obligent à considérer différemment la version du corpus comm . ethicorum compris dans le volume et rendent nécessaire la réévaluation du rôle de ce témoin dans la transmission du corpus. Elles permettent également

de constater que, depuis l'activité d'Eustrate , de Michel d'Éphèse, de Prodrome et de Jacques de Venise, les changements survenus dans la composition du corpus ethicum n 'avaient pas modifié la place et l'importance du commentaire d ' Eustrate.

(b ) Le comm . d 'Eustrate à Constantinople dans les années 1350. Le Coislin . 161, manuscrit sur papier (300 x 224 mm ., 458 ff.) comprend plusieurs commen

taires d'Aristote , dont la compilation éthique que « Grosseteste had before him except for the anonymous scholia on Book V » (Mercken 8 , p . 4 * , voir aussi 7 ,

p. 4 *).Or, ce témoin fait partie d'un groupe de manuscrits datant tous des années 1350-1375 et comprenant, d'une part, une édition complète du corpus aristo

telicum , d'autre part plusieurs textes du Quadrivium (= arithmétique, géométrie, astronomie, la musique ayant été omise ). Chaque texte d 'Aristote ou du Quadri vium est encadré d'extraits numérotés provenant d'un ou de plusieurs commen

taires. On avait proposé Nicéphore Grégoras (1290 /1291- 1359/1360 ) comme

maître d'ouvre de cet ensemble, en considérant que lesmanuscrits existants sont des copies d 'un original qui, lui, aurait été perdu. Or, grâce à la comparaison

paléographique et codicologique que nous avons récemment effectuée (papier, mise en page, systèmes de renvoi employés, décoration, écriture), il a été possi ble de démontrer que: ( 1) les manuscrits ont été écrits par Néophytos Prodro

mènos, moine au monastère de Prodromou à Pétra (Constantinople ), dont nous éditons actuellement les auvres philosophiques et théologiques; (2) Néophytos est, en plus, le responsable , au moins en partie, de l' édition constantinopolitaine d 'Aristote commenté. Si donc il est vrai que, pour ce qui concerne le corpus ethicum , la version du Coislin . 161 correspond , plus ou moins (voir supra ), à celle qu 'a eue Grosseteste , reste à savoir si Néophytos est à l'origine de la modi fication apportée et, notamment, d 'autres modifications, ou si, contre ses habi

tudes (il n 'hésite pas à intervenir pour enrichir ou compléter les textes copiés), il se serait contenté de copier le texte transmis. Dans tous les cas, on peut retenir que le commentaire d 'Eustrate aux livres I et VI a été conservé dans cette vaste

compilation . Voir 45 M . Cacouros, « Néophytos Prodromènos copiste et responsable (?) de l'édition Quadrivium - Corpus aristotelicum du 14° siècle » , REByz 56 , 1998 ,

p. 193 -212, et, en particulier, p. 193-198, 201-204, 210-212. Sur le monastère de Prodromou , voir Janin 12, p . 421-429 ; sur les dépendances de ce monastère qui servirent à l' enseignement et à la copie des manuscrits, voir bibliographie dans

Cacouros 45 , p . 199 n. 27 et 30 et, plus récemment, 46 M . Cacouros, « Deux épi sodes inconnus dans la réception de Proclus à Byzance aux XIII -XIVe siècles» , C . Steel et d ' A . Segonds (édit.), Actes du Colloque international organisé pour

EUSTRATE DE NICÉE

388

E 163

célébrer l'achèvement de l'édition de la Theologia Platonica de Proclus, en l'honneur de ses éditeurs H . D . Saffrey et L. G . Westerink, Louvain (Hoger Insti

tuut voor Wijsbegeerte, De Wulf-Mansion Centrum ), 13-17 mai 1998, sous presse.

La postérité latine de la traduction de Grosseteste. Comme le signale

Mercken 8 , p . 46 * -52* , la traduction deGrosseteste (comprenant, comme il a été signalé , le commentaire d'Eustrate pour les livres I et VI) a été largement utilisée au Moyen Âge. Par exemple, Albert le Grand par exemple a emprunté à cette compilation des extraits étendus dans ses deux commentaires à l' Éthique à Nicomaque. Henry Bate de Malines, Jean Buridan et d 'autres auteurs médiévaux

en firent autant. Eustrate s'est donc trouvé fréquemment employé et cité. MICHEL CACOUROS. Eustrate avait donc commenté les livres I et VI, tandis que Michel d'Éphèse

avait commenté les livres V , IX et X de l'Éthique à Nicomaque. Les commen taires qui, au XIIe siècle , étaient attribués à l'Anonymeancien pour les livres II V , à l'Anonyme tardif pour le livre VII et à Aspasius (* A 461, nº 7) pour le

livre VIII, correspondent, sauf pour le livre V , aux livres de l'Éthique que Michel et Eustrate n 'ont pas commentés et pourraient s'inscrire dans le même projet exégétique d'ensemble . La compilation du XIIe siècle des commentaires

de l'Éthique à Nicomaque est la suivante : I (Eustrate ), II-IV (Scholies anonymes anciennes), V (Scholies anonymes anciennes et Michel), VI (Eustrate), VII (Commentaire anonyme tardif), VIII (Aspasius), IX -X (Michel). Cette liste igno re les commentaires d 'Aspasius aux livres I- IV et VII qui ne seront redécouverts que plus tard ( à la fin du XIIIe siècle selon 47 P . Moraux , Der Aristotelismus, II,

p . 252). On pourrait donc envisager l'hypothèse qu' Anne Comnène aurait demandé à Michel et à Eustrate de combler les lacunes des commentaires des Anonymes et d' Aspasius : livres I, VI, IX et X . Cette hypothèse n 'expliquerait pas pourquoi le livre V a donné lieu à un nouveau commentaire. En guise d 'explication , Mercken 8 , p . 24 * et 25 * , avance une deuxième hypothèse : l'intention de Michel était de fondre dans un nouveau commentaire les scholies

de l'Anonyme sur les livres II à V . Il n'aurait atteint son objectif que pour le livre V . HÉLÈNE LONGPRÉ.

164 EUSTROPHOS D 'ATHÈNES

FI

Cet Athénien avait été, en même temps que Plutarque de Chéronée , l'élève d'Ammonios d'Athènes (24A 138 ). Il était l'adepte d'un platonisme pythagori sant, à en juger par sa défense de la mystique des nombres dans le dialogue Sur l' E de Delphes (387 d - e ). Il intervient également dans les Propos de Table (VII 4 ) , comme invité deMestrius Florus, vers la fin du jer siècle. BERNADETTE PUECH .

E 169

EUTHYDÈME

389

165 EUTH [ Épicurien (?) dont le nom a été restitué par Crönert, Kolotes und Menedemos, p . 82, dans un passage des plus incertains d'un ouvrage de Philodème contenu en

PHerc. 1780 pz. VI13: EůOl[. TIZIANO DORANDI.

166 EUTHOSIÓN DE RHÉGIUM Pythagoricien ancien dont le nom figure dans le catalogue de Jamblique, V. pyth . 36 , 267, p. 145 , 19 Deubner .

BRUNO CENTRONE. II 167 EUTHYCLÈS Stoïcien fictif, invité avec d 'autres philosophes à l'anniversaire de la fille

d'un certain Scamônidès à Athènes (Alciphron , Lettre d'Autoclètos à Hétoima ristos III 55 (notée par erreur 65 ), p . 86 -87 Hercher ). La lettre, qui reprend le thème du Banquet de Lucien , entend ridiculiser le comportement des philo sophes. Sur l'onomastique de ces personnages fictifs, voir J. Schwartz, « Ono

mastique des philosophes chez Lucien de Samosate et Alciphron », AC 51, 1982, p . 259- 264. RICHARD GOULET.

168 EUTHYCLÈS DE RHÉGIUM

Pythagoricien ancien dont le nom figure dans le catalogue de Jamblique, V . pyth . 36 , 267, p. 145, 20 Deubner. BRUNO CENTRONE .

169 EUTHYDÈME RE 12 PA 5520

va

Identification . Vers la fin de son discours dans le Banquet de Platon (222 b), Alcibiade mentionne, parmi ceux dont Socrate a su se faire aimer, « Euthydème,

le fils de Dioclès ». On tient généralement cet Euthydème pour identique à celui dont Xénophon (Mem . I 2 , 29-30) rapporte qu'il était l'objet des assiduités de

Critias et avec celui qu 'il appelle plus loin « le beau » (Mem . IV 2, 1), avec lequel Socrate a ensuite plusieurs entretiens (Mem . IV 2. 3. 5. 6, 2- 11); cette double identification exclut que l'Euthydème de Xénophon soit le fils de Céphale (Rép. I, 328b ). Enfin , c 'est encore du même Euthydème, pense-t-on généralement, qu 'il est question comme d 'un familier de Socrate dans une anecdote sur le com

portement de ce dernier face aux colères de Xanthippe rapportée par Plutarque (de cohib . ira 13, 461d). En revanche, on le distingue le plus souvent d 'Euthydème de Chios ( E 172), interlocuteur de Socrate dans le dialogue de Platon qui porte son nom .

1 K . Joël, Der echte und der xenophontische Sokrates I, Berlin 1893, p. 370-377, a fait cependant l'hypothèse que le nom d'Euthydème, tant chez Xénophon que

dans le dialogue de Platon , pourrait n 'être qu 'un masque d'Antisthène qui se serait représenté lui-même sous ce nom dans l'un de ses dialogues. Cette hypo

EUTHYDÈME

390

E 169

thèse, de toute façon incontrôlable , se heurte aux différences, à la fois d'âge, d'origine (les ambitions politiques de l'Euthydème de Xénophon impliquent qu'il est citoyen d'Athènes) et d'activité entre le jeune homme que s'attache

Socrate et le sophiste déjà vieux avec qui il débat. Par ailleurs, dans une des lettres pseudosocratiques (Socr. Ep. XIII = SSR IV A 224, 7-8 ), il est question d'un Euthydème fils de Glaucon (Ejdúonuov tov raúxwvoc) : 2 U . von

Wilamowitz-Moellendorff, « Phaidon von Elis » , Hermes 14 , 1879, p .187-193, notamment p. 191 = Kleine Schriften III, Berlin 1969, p .41-48, notamment p .45, a conjecturé une lacune apres τον, ου auraient disparu les mots Διοκλέους και Χαρμίδην τον, ΓΕuthydeme dont il s 'agit étant donc explicitement dans ce cas celui du Banquet. Ignorant cette correction, 3 L . Köhler, Die Briefe des Sokrates und der Sokratiker, coll. « Philologus Suppl.Bd. » 20 , 2 ,

Berlin 1928, p . 104 , semble penser plutôt qu 'il s'agit du sophiste Euthydème de Chios puisque, renvoyant à l' Euthydème de Platon (271 c), elle argumente que, si l'Euthydème dont parle l' auteur de la lettre a réellement vécu , il devait être plus âgé que Socrate . La référence

qu ' elle ajoute auxMémorables I 2, 29, semble indiquer que pour elle l'aimé de Critias serait ce même Euthydème de Chios. 4 L . Rossetti , pour sa part ( « 'Socratica ' in Fedone di Elide » ,

StudUrb (Ser. B ) 47, 1973, p . 364 -381, notamment p. 373 n. 34), souligne que le fils de Glaucon ne peut être que Charmide, ce qui va dans le sens de la correction de Wilamowitz 2 ,

mais pense qu'il s'agit cette fois du fils de Céphale (Rép. I, 328b ) plutôt que du fils de Dioclès.

Personnalité. S'il doit être compté parmi les membres du cercle socratique, aucune doctrine, ni aucune activité philosophique ultérieure, ne semble devoir être attribuée à Euthydème. C 'est seulement dans les Mémorables de Xénophon que la mention du personnage dépasse l'anecdote . Comme le remarque 5 Leo Strauss, Xenophon 's Socrates, Ithaca/London 1972, p. 101, les entretiens de

Socrate avec Euthydème, une fois ce dernier convaincu de ses insuffisances et de la nécessité d 'apprendre auprès de Socrate (Mem . IV 2 ), composent, sous la

forme d'un enseignement exempt d'elenchos, une sorte de compendium de la doctrine socratique : enseignement sur la providence divine et la nécessité d 'ho norer les dieux (Mem . IV 3) ; sur la tempérance (Mem . IV 5) ; exemples de

définitions dialectiques : la piété , la justice , la sagesse , le bien , le beau, le coura ge (Mem . IV 6 ). MICHEL NARCY.

170 EUTHYDÈME Personnage fictif mentionné dans une lettre d 'Alciphron I 34 (la courtisane Thaïs) (p. 55 -56 Hercher). Il serait devenu prétentieux depuis qu'il s'adonne à la

philosophie . Il fréquente l'Académie avec le vêtement approprié et un petit livre. RICHARD GOULET.

171 EUTHYDÈME Péripatéticien fictif du dialogue satirique de Lucien , Hermotime 11. RICHARD GOULET.

172 EUTHYDÈME DE CHIOS RE 13

va

Sophiste , interlocuteur de Socrate, en compagnie de son frère Dionysodore , dans l’ Euthydème de Platon . Sur les détails biographiques donnés par Platon

391 EUTHYDÈME DE CHIOS concernant les deux frères, voir 1 M . Narcy, art. « Dionysodoros de Chios» , E 172

DPLA II, 1994, D 192, p . 875-877, et 2 M . Canto , Platon. Euthydème, Tra duction nouvelle, introduction et notes, coll. GF 492, Paris 1989, p. 27-28, p. 179 n. 6 . Euthydème étant le protagoniste du dialogue, c'est sur lui que s'est concentrée la discussion concernant l'historicité de ces deux personnages. Platon leur fait soutenir les paradoxes selon lesquels il n 'est possible de rien dire de

faux (283e- 284c) ni de contredire (285d- 286b): ces deux thèses étant attri buées par Aristote à Antisthène (Metaph. A 29, 1024 b 33 -34 ), 3 H . Bonitz , Platonische Studien, Berlin 1886 ( réimpr. Hildesheim 1968), p . 137, en a conclu que les deux frères ne sont que des représentants fictifs d'Antisthène. Cette opi nion a fait autorité (cf. 4 Th .Gomperz , Griechische Denker II, Leipzig 1902, 40

édition 1925, p . 423-425 ; 5 H . Raeder, Platons philosophische Entwicklung, Leipzig 1905, 2e édition 1920, réimpression 1973, p. 139 599.; 6 P . Natorp ,

Platos Ideenlehre, 2e édition Leipzig 1922 (réimpression Darmstadt 1975), p . 120 , 124 ) jusqu 'à l'article de 7 K . Praechter, « Platon und Euthydemos » ,

Philologus 87, 1932, p. 121-135 (= Kleine Schriften, Hildesheim /New York 1973, p. 14 -28 ). Praechter tire argument de la thèse attribuée dans le Cratyle de Platon (386d) à Euthydème: « toutes choses sontpareillement à tous, à la fois et toujours » . A la différence de l'Euthydème, où les deux paradoxes précités (Euthd. 283e - 284c, 285 d - 286 b ) étaient aussitôt attribués à Protagoras (Euthd. 286c), les deux frères se voyantainsi refuser une quelconque originalité , ici cette

thèse est dite propre à Euthydème, par différence justement avec le principe

protagoréen de l'homme-mesure. Aristote cite également par deux fois ( S. E . 20, 1776 12 ; cf. Rh. II 24, 1401 a 27) Euthydème comme l'auteur d 'un sophisme qui ne figure 'pas dans l'Euthydème de Platon (même si, comme l'observe Canto 2 , p. 28, on en trouve dans ce dialogue qui procèdent du même principe): Aristote aurait donc disposé à propos d'Euthydème d'une source indépendante de Platon ,

ce qui non seulement plaide en faveur de l'existence réelle d 'un sophiste de ce nom ,mais permet de lui attribuer un recueil d'arguments qui a pu être la source commune de Platon et d'Aristote. A l'appui de cette hypothèse, on peut citer l'observation de 8 M . A . Stewart, « Plato' s Sophistry» , PAS Suppl. vol. 51, 1977 (21-44 ), p. 33- 35, selon qui on peut reconnaître dans l’Euthydème une répartition

en trois groupes des sophismes rapportés par Platon : ambiguïtés sémantiques (portant sur des termes : 275d- 277 c ), ambiguïtés syntaxiques (283b - 288b), emploi de termes ou d'expressions dont le sens varie selon qu' ils sont pris absolument ou de façon relative, avec ou sans restriction (293 a - 304 b). Si les

sophismes de l'Euthydème sont empruntés à un «manuel» préexistant, ils y étaientpeut-être déjà groupés ainsi. 9 L .- A . Dorion, Aristote. Les Réfutations sophistiques, Introduction, traduction et com mentaire, coll. « Histoire des doctrines de l'Antiquité classique» 18, Paris 1995, p . 36 , se fondant sur le fait qu'Euthydème « n 'est pas à proprement parler un sophiste ,mais plutôt un éristique » , le rattache (« de près ou de loin » ) auxMégariques.

Traduction. 6 The Older Sophists, edited by R. K . Sprague, University of South Carolina Press , Columbia (South Carolina) 1972, Appendix : “ Euthy demus of Chios” , p. 294 - 301.

EUTHYDÈME DE CHIOS

392

E 172

Études. Praechter 7. Une liste des sophismes prêtés par Platon à Euthydème et à son frère a été dressée par 11 F . Decleva Caizzi (édit.), Platone. Eutidemo, Traduzione, coll. « Classici della filosofia » , Milano 1996 , p. 165. Pour l'analyse de ces sophismes, on peut se reporter, outre à Stewart 8 , aux commentaires de l' Euthydème de Platon : 12 R . K . Sprague, Plato 's Use of Fallacy. A Study of the

« Euthydemus» and some other Dialogues, London 1962; 13 R . S. W . Hawtrey, Commentary on Plato 's « Euthydemus » , coll. « Memoirs of the American Philo

sophical Society » 147, Philadelphia 1981 ; 14 M . Narcy, Le Philosophe et son double , Un commentaire de l'« Euthydème» de Platon, coll. « Histoire des doc trines de l'Antiquité classique » 8 , Paris 1984 ; 15 M . Canto , L 'Intrigue philoso phique. Essai sur l'Euthydème de Platon , Paris 1987. (Pour ceux des sophismes

de l’Euthydème de Platon qui se retrouvent dans les Réfutations sophistiques d'Aristote, ainsi que pour celui qu 'Aristote est seul à mentionner , on peut voir également Dorion 9.) MICHEL NARCY.

173 EUTHYNOS DE TARENTE

Pythagoricien ancien dont le nom figure dans le catalogue de Jamblique , V. pyth. 36 , 267, p. 144, 14 Deubner. BRUNO CENTRONE.

174 EUTHYNOUS DE LOCRES RESuppl. X :8

Pythagoricien ancien dont le nom figure dans le catalogue de Jamblique, V. pyth . 36 , 267, p. 145 , 8 Deubner. BRUNO CENTRONE.

175 EUTOCIUS D 'ALEXANDRIE RE PLRE II : DM VI A . Auteur de plusieurs commentaires conservés sur des traités géométriques d' Archimède et d' Apollonius de Pergé. Euvres.

(1) Commentaire sur les quatre premiers livres des Conica d'Apollonius de Pergé. L 'ouvrage était dédié à l'architecte Anthemius de Tralles (cf. PLRE III :

2] (mort en 534) et comprenait une nouvelle édition du texte d'Apollonius. Mis en présence de plusieurs manuscrits comportant des variantes, Eutocius explique avoir inséré la version qui lui semblait la plus claire dans le texte , et les autres en marge. Au ix® siècle, un des frères Banu Musa, qui avait donné une traduction arabe du texte d'Apollonius, a comparé l'édition d' Eutocius à une version pré-eutocienne de ce texte , dans laquelle il trouva plus de fautes que dans l'édition d 'Eutocius. En conséquence, il traduisit les quatre premiers

livres d 'après l'édition d'Eutocius et les trois autres livres d 'après le manuscrit pré-eutocien.

1 Commentarii in Conica. J.L . Heiberg ( édit.), Apollonii Pergaei quae Grae cae exstant, coll. BT, t. II, Leipzig 1893 (réimpr. Stuttgart 1974 ), p . 168 -360. Voir également 2 E . S. Stamatis, Al104AQNIOY KONIKA, Athènes 1975- 1976 ,

t. IV , p. 209-383, avec traduction en grec moderne. Cf. 3 Micheline Decorps-Foulquier, « Eutocius d'Ascalon éditeur du traité des

Coniques d'Apollonios de Pergé et l'exigence de “ clarté” .Un exemple des pra

E 175

EUTOCIUS D 'ALEXANDRIE

393

tiques exégétiques et critiques des héritiers de la science alexandrine» , dans G . Argoud et J.- Y . Guillaumin (édit.), Sciences exactes et sciences appliquées à Alexandrie ( 11Pe siècle av. J.-C . - per siècle ap. J.-C .). Actes du Colloque interna tional de Saint- Étienne (6 -8 juin 1996 ), coll. « Centre Jean Palerne,Mémoires»

16 , Saint-Étienne 1998, p. 87- 101. (2 ) Commentaire sur le traité d'Archimède Sur la sphère et le cylindre. Com mentarii in libros De sphaera et cylindro . 4 J.L . Heiberg (édit.), Archimedis opera omnia cum commentariis Eutocii, coll. BT, t. III, 2° éd., Leipzig 1915 (éd .

revue par E . Stamatis, Stuttgart 1972), p . 2 -224. Le premier livre est dédié à Ammonius (rpátiote bihoooowv 'Auuøvle , p . 12 , 19 Mugler), sans doute le philosophe néoplatonicien d'Alexandrie

(> A 141), mort après 517, dont l'intérêt pour la géométrie et l'astronomie est bien attesté (voir Damascius, V. Isid . $ 79). (3) Commentaire sur le traité d'Archimède Sur la mesure du cercle. Commen tarius in Dimensionem circuli. Ibid ., p. 228 - 260.

(4 ) Commentaire sur le traité d' Archimède Sur l'équilibre des plans. Com mentarii in libros De planorum aequilibriis. Ibid., p . 264 - 318 . L 'ouvrage est

dédié à un certain Métpos (p. 166 , 3 Mugler), qu' il n 'est pas possible d'identi fier. Les traités (2 ) et (3 ) se terminent par une formule rappelant l'auteur et le titre de l'ouvrage, suivie, dans tous les cas, par l'indication suivante : éxoógewg napavayuwodeions to Muan

olw ungavixa ' loidópw nuetépW Bidaoxárw . Voir in De sphaera, p . 40, 24 -27 Mugler; p. 140 , 22-25 ; in Dim ., p. 163, 14 - 16 . On a souvent compris qu ' Eutocius aurait mis à profit une édition du texte d 'Archimède établie par son maître l'ingénieur (mechanikos) Isidore de Milet (PLRE III : 4 ). Comme cet Isidore a collaboré avec Anthemius de Tralles (dédicataire du

commentaire sur Apollonius) à la reconstruction de Sainte -Sophie dans les années 530 , le floruit d'Eutocius devrait être situé au milieu du vie siècle.Mais si Eutocius a dédié un traité à Ammonius d 'Alexandrie , mort sans doute avant 520, il est peu vraisemblable qu 'il ait été

disciple d'Isidore une vingtaine d'années plus tard . D 'autres ont donc compris que ces éditions collationnées ( ?) par Isidore n 'étaient pas celles d 'Archimède, mais celles des commentaires d 'Eutocius. Les indications devraient, dans cette perspective, être portées au compte d 'un élève d 'Isidore et être retranchées du texte comme des interpolations. Il serait étonnant que si Eutocius était l'auteur de ces « colophons» ,

il ait parlé de lui-même à la troisièmepersonne (« D 'Eutocius d'Ascalon, commentaire , etc. » ), puis ait évoqué « son maître » dans la phrase suivante. Cela dit, selon Heiberg, p. 359, « die

Éxoools ist jedenfalls eine Ausgabe des Archimedes, nicht des Commentars des Eutokios ; sonst würde der Artikel tñs nicht fehlen dürfen » . Dans sa seconde édition des traités d 'Ar

chimède, Heiberg n ' en a pasmoins imprimé ces lignes entre crochets droits . Selon 5 T. L . Heath , History of Greek mathematics, Oxford 1921, t. II, p. 540, les allusions

à Isidore l'architecte (PLRE III) devraient être considérées comme des interpolations. Voir de

même 6 E.J. Dijksterhuis, Archimedes, Copenhague 1956 , p. 35 n.6.

On connaît par la Souda (E 3770) un autre Eutocius d 'Ascalon avec lequel le mathématicien a parfois été confondu. A la suite de Tannery, Ch .Mugler (p. 1), écrit par exemple : « Né en 480, à peu près, à Ascalon , d 'une famille riche d 'ori

gine thrace ». En vérité , le passage de la Souda, où l'on a parfois reconnu un fragment de la Chronique d'Eunape (p. 273, 18 - 274, 7 Müller ), présente cet Eutocius comme un soldat d'origine thrace ayant déserté en Palestine avec de

EUTOCIUS D 'ALEXANDRIE

394

E 175

l'argent de sa compagnie ; il aurait tenté en vain d'acheter la citoyenneté à Éleu théropolis, puis aurait obtenu le droit de cité à Ascalon en achetant les complai sances d 'un certain Cratéros .

Traductions. Les éditions d'Apollonius et d 'Archimède publiées par Heiberg comportent une traduction latine. Traduction française par 7 Ch . Mugler (édit.),

Archimède, t. IV : Commentaires d'Eutocius et fragments, coll. CUF, Paris 1972 . Voir également, 8 P. Ver Eecke, Les æuvres complètes d 'Archimède suivies des commentaires d 'Eutocius d 'Ascalon, Paris , 2e éd., 1960 .

(5 ) Eutocius fait également allusion à des scholies qu'il aurait données sur le premier livre de la Syntaxis de Ptolémée . Voir son Commentaire sur les coniques I 11, p. 256 , 15- 16 Stamatis (év tomç oyoríoLg Tpátou Birziou tñs Itone

ualov ouVtáčewG). 9 J. Mogenet, L 'Introduction à l’Almageste, coll. «Mé moires de la Classe des Lettres et des sciences morales et politiques de l'Aca démie Royale de Belgique » 51, fasc . 2 , Bruxelles 1956 , 50 p., a cru reconnaître ce commentaire d ’Eutocius dans les Prolegomena anonymes à l'Almageste de Ptolémée. Il s'agit de quinze chapitres sur des thèmesmathématiques importants pour l' étude du livre I de l’Almageste de Ptolémée. « Tous les éléments (du contenu de l'Introduction ) trouvent leur unité dans le premier livre de l' Alma

geste de Ptolémée, dont ils constituent une sorte de commentaire » (Mogenet 9, p . 4 ). Cette attribution est toutefois contestée par Knorr 16 (cité plus loin ) qui

envisage un auteur antérieur à Eutocius, et cité par lui, du nom d 'Arcadius (p. 166). Cf. 10 P. Tannery , « Eutocius et ses contemporains» , Bull Sc. Math ., 2e sér.,

8, 1884, p. 315-329, repris dans ses Mémoires scientifiques, t. II, Toulouse/Paris 1912 , p. 118 - 136 ; 11 J. L . Heiberg, « Philologische Studien zu griechischen Ma

thematikern, I:Über Eutokios» , JKPh Suppl. 11, 1880, p. 357- 384 (voir notam ment p . 364-371 sur les sources philosophiques etmathématiques d'Eutocius); 12 Fr. Hultsch , art. « Eutokios » RE VI 1 , 1907, col. 1518 ; 13 I. Bulmer - Thomas, art. « Eutocius» , DSB IV , 1971, p . 488-491 ; 13 A . Cameron , « Isidore of Miletus

and Hypatia. On the editing ofmathematical texts » ,GRBS 30 , 1990 , p. 103- 127 ; 15 I. Hadot, « Les aspects sociaux et institutionnels des sciences et de la méde cine dans l'Antiquité tardive » , AnTard 6 , 1998, p . 233-250 , notamment p. 240 241. Plusieurs chapitres sont consacrés à Eutocius dans 16 W . R . Knorr, Textual studies in Ancient and Medieval Geometry , Boston 1989, XVIII-852 p. Voir

notamment: Part I, chap . 5 : « Eutocius' Anthology of Cube duplication » , p. 77 129 ; chap . 6 : « Eutocius' Text of Eratosthenes: A thesis of U . von Wilamo

witz », p 131-153 ; chap. 7: « On Eutocius: A Thesis of J. Mogenet», p. 155 211 ; chap. 9 : « The Ancient Commentators and their methods : Pappus and

Eutocius» , p. 225- 245; Part III, chap. 6 : « Eutocius' text of Dimension of the Circle » , p. 513-534. La survie des commentaires d'Eutocius est intimement liée à celle de l'æuvre d'Archimède et d 'Apollonius de Pergé. Voir 17 M . Clagett, Archimedes in the

Middle Ages, I: The Arabo-Latin tradition,Madison 1964, XXX-720 p.; 18 C .

E 175

EUTOCIUS D 'ALEXANDRIE

395

Dollo (édit.), Archimede. Mito , tradizione, scienza (Colloque de Catane 1989), coll. « Biblioteca di Nuncius - Studi e testi » 4, Firenze (1992), VIII-486 p.

B. Ce mathématicien doit sansdoute être identifié avec un philosophe néopla tonicien qui dispensa des cours sur l’ Isagogè de Porphyre (cf. 19 L .G . Weste rink , « Elias on the Prior Analytics» , Mnemosyne 14, 1961, p . 134, 4 -6 , repris dans Texts and Studies in neoplatonism and byzantine literature. Collected

papers, Amsterdam 1980, p. 67, 4-6, et I. Hadot 15, p. 240-241). A la différence d 'Alexandre et de Thémistius, Eutocius examinait la question " la logique est-elle un instrument ou une partie de la philosophie ?” dès le début de son commentaire de

l'Isagogè de Porphyre et non pas au début de l' étude du syllogisme. Le témoignage ne permet pas d ' établir si Elias fait allusion à l'enseignement qu 'il aurait suivi ou à des commentaires

écrits , comme c 'est certainement le cas pour Alexandre et Thémistius. L 'emploi du présent (Intel) à propos d 'Eutocius qui est, de toutes façons, antérieur à Élias d' au moins une généra

tion, pourrait suggérer que c'est par un commentaire écrit que sa pratique était connue.

Eutocius aurait enseigné, comme Olympiodore, au néoplatonicien chrétien David, sans doute à Alexandrie (David , Commentaire des Analytiques d 'Aristo

te, conservé seulement en traduction arménienne : voir l'édition de 20 S. Arevšatyan , Érévan 1967, p. 54 ).Westerink a envisagé qu' il ait été le successeur

direct d' Ammonius. Selon Westerink 19 , p. 131 (=64), Eutociusaurait pu ensei gner à Alexandrie entre Ammonius,mort vers 520, et Olympiodore,mort après 565, ce dernier ayant eu pour successeurs Élias, David et Étienne d' Alexandrie (Stéphanos). Voir également, sur les différents maîtres de l'école d'Alexandrie après Hermias, 21 L . G . Westerink et alii, Prolégomènes à la philosophie de

Platon, coll. CUF, Paris 1990, p . XVI-LXII, reconstruction qui reste cependant pour une large part hypothétique .

Un extrait du commentaire d'Eutocius sur l’Isagogè a été conservé dans les scholies sur ce traité de Porphyre attribuées à Aréthas et éditées par 22 M . Share , Arethas of Caesarea 's Scholia on Porphyry 's Isagoge and Aristotle 's Categories (Codex Vaticanus Urbinas graecus 35 ). A critical edition , coll. « Corpus philo sophorum Medii Aevi/Commentaria in Aristotelem Byzantina » 1, Athènes/ Bruxelles/Paris 1994, schol. 36 , p. 20 , 29 sqq. (f. 4 ', sur les mots lowç et boxet

dans Isag., 2, 10-13), avec les remarques de Share, p. XIII-XIV. C . C 'est peut-être le même philosophe qu 'il faut reconnaître sous le nom d'Atocius qui figure comme celui d 'un commentateur d'Aristote dans une liste énumérant comme les plus utiles les noms suivants : Top úplog BOTULĘ,

’ANÉFavopos ’Appodloleús, 'Audúvios, ’Applavós, Eűxalpos, ’ATÓXLOS, Zaxapiaç xal TpiboŰVOÇ * * * đô£após (23 O .Kroehnert,Canonesne poetarum scriptorum artificium per antiquitatem fuerunt ? Diss. Königsberg 1897, p . 8 = 24 P. de Lagarde, Symmikta , Göttingen 1877 , p. 175). Cf. 25 H . Dörrie et M .

Baltes, Der Platonismus in der Antike , t. III : Der Platonismus im 2 . und 3. Jahr hundert nach Christus. Bausteine 73- 100, Stuttgart/Bad Cannstatt 1993, n° 76 .5 , p . 20 -21 et commentaire , p . 153 -155 . « Völlig unbekannt sind die angeblichen Aristoteleskommentatoren Arrianos, Atokios, Eukairos, Zacharias und Tribu

nos » (Baltes, p. 154).

396

EUTOCIUS D ' ALEXANDRIE

E 175

Cette liste n 'est pas d'une solidité à toute épreuve,mais les noms qui y figurent ne sem blent pas y avoir été introduits de façon tout à fait gratuite. Pour Arrianos, on pourrait envisa ger de l' identifier à l'auteur du Nepi Metebpwv cité par Jean Philopon , In Meteor., p . 138

Ideler (cf. DPhA , t. I, p . 597), lequel Philopon est mentionné immédiatementauparavant dans la liste comme commentateur de Platon . On aurait pu voir dans ce traité un commentaire des

Météorologiques. Un Eucairos (ME 79), auditeur d'Aristote, est mentionné dans la liste des ouvrages d' Aristote conservée par Hésychius, n° 168 (cf. DPha , t. I, p. 431) : Evpuixtwy Intuárwv oß ', üç onolv Eűxalpos ó ảxovoms aútoŨ . Baltes (p . 154 n . 6 ) signale aussi

Élias, in Categ. p . 144, 12 - 14 Busse (sous la forme Eůxalploc), à propos de la division des écrits d' Aristote: từ 6k Toux(Aa C Tooc EỦxaístov của YeYouuukva 63ồoukova βιβλία περί συμμίκτων ζητημάτων χωρίς προοιμίων και επιλόγου και της διαιρέσεως. La Souda, s.v. Tp16Oūvos, T 952, 1. IV , p . 587, 15 - 27 Adler, connaît de son côté un médecin

Tribunus (RE 18), d'origine palestinienne, de l'époque de Chosroès ( cf. Baltes 25, p. 154 155). La source de la Souda est apparemment inconnue,mais le rôle prêté à ce médecin à la

cour de Chosroès (vie s.) rappelle inévitablement le séjour des philosophes néoplatoniciens chez ce roi ; ce médecin savant ou éloquent (abyloc) et religieux (äxwc dè ou pwv te xai

Oeoplans xai tñs érlelxelaç és āxpov nxwv) – du pointde vue chrétien ou païen ? (cf. pour chacun de ces termes l'Index verborum de l' édition Zintzen des fragments de la Vie d ' Isidore

de Damascius) - pourrait avoir été lié à ces philosophes. (Pour le terme ÉRLELXńs, voir 26 P. Athanassiadi, Damascius, p . 147, 120 ; « The word ÉTTLElxns is one of the favourite Damascian terms occuring over twenty times in the surviving fragments ; its basic meaning seems to be

not just fair , educated and upper class, but also traditionally pious, i. e. " good pagan " » . ] Zacharias pourrait être Zacharie le Scholastique, auteur de l'Ammonius, un dialogue dirigé contre l'éternité du monde qui aurait pu, on ne sait en quel contexte , suggérer que l'auteur avait commenté Aristote. Remarquons que l'épisode du médecin Tribunus est raconté dans l'Histoire ecclésiastique de Zacharias (XII 7 , p . 256 , 9 Ahrens- Krüger ) où il est cependant

appelé Tribonianus.

D . Sous le nom d'Eutocius est conservé un horoscope, confectionné à Alexandrie et partiellement publié par 27 A . Olivieri, CCAG I, 1898 , p. 170-171, qui a pu être daté du 28 octobre 497 par 28 O . Neugebauer et H . B . Van Hoesen ,

Greek Horoscopes, coll. « Memoirs of the American Philological Society » 48, Philadelphia 1959, p . 152-157 (voir aussi p. 188-189 sur la transmission du texte ). Cf. 29 W . Gundel et H .G . Gundel, Astrologumena. Die astrologische Literatur in der Antike und ihre Geschichte, coll. « Sudhoffs Archiv » , Beiheft 6 , Wiesbaden 1966 , p. 247. RICHARD GOULET.

176 EUTRAPELUS (P. VOLUMNIUS -) RE 11

fa

A . Ami de Cicéron (1 H .Gundel, art. « (P.) Volumnius Eutrapelus», RE IX A 1, 1961, col. 878 -879), chevalier romain (cf. 2 C . Nicolet, L 'ordre équestre à l'époque républicaine (312-43 av. J.-C .), t. II : Prosopographie des chevaliers

romains, Paris 1974 , n° 401), P. Volumnius Eutrapelus est partisan d'Antoine après la mort de César et praefectus fabrum en 44a (Cornelius Nepos, Att. 12 , 4 ). Il fut également le patron de l'affranchie Volumnia appelée Cytheris, la maî

tresse d 'Antoine. Selon Macrobe (Sat. III 3, 11), il fit partie des pontifes. Son cognomen vient de son goût pour la plaisanterie (EÚtpanenía ) largement souli gné par Cicéron dans les deux lettres qu'il lui adresse (Fam . VII 32 et 33)

Peut-on rattacher P. Volumnius Eutrapelus à une école philosophique ? Dans son étude prosopographique (3 Prosopography of Roman Epicurean, p. 89) C.J.

E 178

EUXÈNE D 'HÉRACLÉE

397

Castner le classe parmiles Epicurei incerti. Une lettre de Cicéron (Fam . VII 33, 2 ) indique des liens avec C . Cassius Longinus dont les affinités épicuriennes sont

connues ; il paraît également avoir eu des relations avec Atticus (P - A 505) (Cornelius Nepos, Att. 9 ). Il est cité par Horace dans les Épîtres (I 18 , 31- 36 ), comme celui « qui voulant nuire à quelqu'un lui donne des vêtements de prix » , car la richesse lui fera oublier ses devoirs et perdre sa place dans la société en devenant gladiateur. P . Volumnius Eutrapelus semble dans ces conditions proche de l'épicurisme;

il est d 'ailleurs considéré comme un épicurien par 4 A . Momigliano (JRS 31, 1941, p .152- 157).

B . Castner 3, p . 90, semble attacher quelque importance à un passage de Plu tarque (Brutus 48, 2- 4 ) où estmentionné un Publius Volumnius, « philosophe et compagnon de Brutus dans toutes ses campagnes» , qui cite différents prodiges précédant la bataille de Philippes ; il faudrait, selon elle , considérer que les deux

hommes sont identiques. Aucun élémentne justifie pourtant cette conclusion .

MICHÈLE DUCOS. 177 EUTROPIUS RE 8 PLRE II :3

fl. 470 Ami de Sidoine Apollinaire. Son attachement aux doctrines de Plotin et à la

« palestre des platoniciens» (Epist. III 6 , 2 ) l'avait poussé vers l'otium et le renoncement aux charges du service impérial que son rang sénatorial et la tradi tion familiale – il comptait parmi ses ancêtres Sabinus, consul en 316 - lui

faisaientun devoir de briguer. Une lettre (I 6 ), datée probablementde 467, dans laquelle Sidoine lui reproche de manifester, en ne s' intéressant qu 'à l'admi nistration de son domaine (S $ 3- 4), un attachement aux « dogmes d 'Épicure qui

admet que la vertu soit sacrifiée et définit le souverain bien par le seul plaisir corporel» (8 5), est suivie , en 470, d 'une lettre de félicitation pour sa nomination comme préfet des Gaules (fonctions qu' il exerça en 470). Dans cette lettre,

Sidoine fait également allusion à un service public qu'ils auraient antérieurement exercé en commun (III 6 , 1) . P . Henry, Plotin et l'Occident, Louvain 1934, p . 199-202, voit dans le témoi gnage de la lettre III 6 , 2 d 'Apollinaire « le dernier écho de la grande voix

profonde de Plotin » . Voir aussi P. Courcelle , Les lettres grecques en Occident, p . 243. RICHARD GOULET.

178 EUXÈNE D 'HÉRACLÉE RE 5 fl.DI D 'après Philostrate, Vie d 'Apollonius de Tyane I 7 , Euxène d 'Héraclée-sur-le Pont, établi à Égées de Cilicie , fut le maître d ' Apollonios de Tyane, durant un an

ou deux, jusqu 'à ce que celui-ci atteignît sa seizième année ; il lui enseigna la

doctrine de Pythagore qu'il connaissait parfaitement, sans la pratiquer, vivant en épicurien dévoyé. Il apparaît qu'Euxène reconnut très vite la valeur de son élève ( V . Apoll. I 8 ; I 14 ) et que ce dernier lui témoigna en retour affection et recon

398

E 178 EUXÈNE D 'HÉRACLÉE naissance (V. Apoll. I 7). La très brève mention de la Souda, s. v. Ejdúonuoc, E 3504, n'est qu 'une reprise de Philostrate. Ce nom a été omis dans la Prosopographia Heracleotica publiée par W .

Ameling en appendice à Lloyd Jones, The Inscriptions of Heraclea Pontica, coll. IK 47, Bonn 1994. PATRICK ROBIANO .

179 EUXÉNÔN RE

mort ca 352

Tyrannicide et sans doute disciple de Platon .

D 'après le témoignage de Memnon, historien d 'Héraclée -sur-le-Pont, livre IX (Photius, cod. 224 , t. IV p. 49-50 Henry = FGrHist III B n° 434, p. 337- 338 , avec commentaire, p . 267-272), Euxénôn , cité avec un certain Léon , nous est présenté comme un des conjurés qui assassinèrent en 353/2 Cléarque (MC 140 ), tyran d 'Héraclée-sur- le -Pont et ancien disciple de Platon et d' Isocrate. Il fut tué,

comme ses complices, soit immédiatement par les gardes du corps de Cléarque, soit un peu plus tard ,de façon fort cruelle. Comme le chef de la conspiration , Chion d 'Héraclée (* C 110 ), était un disciple de Platon , on peut supposer qu 'Euxénôn l’était aussi. D 'ailleurs d'autres sources nous ont donné deux noms de conjurés : Antithéos (> A 219 ) et Léoni

dès ; or, ce dernier est explicitement désigné par Trogue-Pompée, Épitomè de Justin XVI5 , 12 -13, comme un disciple de Platon . Voir la Prosopographia Heracleotica publiée par W . Ameling en appendice à Lloyd Jones, The Inscriptions of Heraclea Pontica, coll. IK 47 , Bonn 1994 , p. 137 . PATRICK ROBIANO .

180 EUXITHÉOS RE 5 Dans le second livre de ses Vies (fr. 38 Wehrli = Athénée IV, 157c, Philolaos, DK 44 b 14 ), le péripatéticien Cléarque de Soles ( C140 ), rapporte une doctrine enseignée par le pythagoricien Euxithéos : les âmes sont liées au corps pour expier une faute et des châtiments encore plus graves sont réservés aux

hommes qui n 'attendent pas le consentement de dieu pour rompre ce lien avec le corps. Euxithéos est presque certainementun personnage fictif. Voir W . Burkert, Lore and Science, p . 124 n . 21. Dans le catalogue de Jamblique, V. pyth . 36 , 267, p . 145, 4 Deubner, estmentionné un Accideoç (2 - D 89) parmi les pythagoriciens de Paros.

BRUNO CENTRONE.

181 EUXITHÉOS

Fiva

Ce disciple d'Aristote , probablement athénien, semble avoir été connu surtout

commeorateur politique : selon Plutarque, Praec. ger. reip . 803 c, ses discours

se caractérisaient par un goût de la dérision provocatrice qui annonçait ceux de Caton l'Ancien et de Cicéron . BERNADETTE PUECH .

E 184

ÉVAGRE LE PONTIQUE

399

182 EUXITHÉOS D 'ATHÈNES Stobée, Anthologie II 15, 38, cite une sentence de ce personnage par ailleurs inconnu : « < Eu> xithéos l’Athénien a dit que ceux qui sont bons < en paroles> , mais ne sont pas bons dans leur vie sont semblables aux bonnes choses (que l'on voit) en rêve » . Le nom est d 'ailleurs corrigé : < Eu > xithéos, à la fois dans le

lemme et dans l'introduction de la sentence. D 'autres reconstitutions, comme

Dexithéos, seraient possibles. RICHARD GOULET. IV 183 ÉVAGRE PLREI: 1 Le philosophe Evagrius est attesté , à Rome, dans le fragment de liste CIL VI 2153, en même temps qu 'un autre philosophe, Sébasmius, et que cinq prêtres de rang consulaire ; le document date des années 320. BERNADETTE PUECH .

184 ÉVAGRE LE PONTIQUE

ca 345-399

Moine grec, disciple de Basile de Césarée et de Grégoire de Nazianze , condamné au Vie s . pour origénisme en même temps qu' Origène et Didyme

l'Aveugle .

Les rares informations biographiques dontnous disposons viennent de sour ces monastiques (principalement du ch . 38 de l'Histoire Lausiaque de Pallade) ou d 'historiens ecclésiastiques du ve s. (Socrate , H . E . IV 23, et Sozomène, H . E . VI 30). Né vers 345 à Ibora, dans la province du Pont, il s 'attacha à Basile, puis

à Grégoire de Nazianze qui le nomma diacre . En 380 , il suivit ce dernier à Constantinople et se distingua dans la lutte contre les hérétiques. A la suite d 'une aventure sentimentale avec la femme d 'un haut fonctionnaire, il quitta précipi tamment la capitale et se rendit à Jérusalem . De là , vers 383, sur les conseils de Mélanie l' Ancienne et de Rufin d'Aquilée, il gagna l'Égypte pour y mener la vie monastique (deux ans à Nitrie et quatorze aux Kellia ). Ilmourut au début de 399 .

C 'est dans les conditions précaires du désert égyptien qu'il composa la quasi totalité de son æuvre . Voir d'une part les notices de A . et C .Guillaumont, 1 DSP IV , 1961, col. 1731- 1744 ; 2 RAC VI, 1966 , col. 1088 -1107 ; 3 TRE X , 1982 , p . 565-570 , et d 'autre part 4 A . Guillaumont, Les Képhalaia Gnostica ’ d ’Évagre

le Pontique et l'histoire de l'origénisme chez lesGrecs et chez les Syriens, coll. « Patristica Sorbonensia » 5, Paris 1962.

Nous savons peu de choses sur la formation littéraire et philosophique reçue par Évagre . L 'historien Sozomène nous dit qu' il fut instruit dans la philosophie

et les sciences sacrées par Grégoire de Nazianze lui-même, et Pallade nous le présente comme « un fin dialecticien contre toutes les hérésies» . Pour une éva luation de cette formation , voir 5 W . Lackner, « Zur profanen Bildung des Eua

grios Pontikos» , Hans Gerstinger-Festgabe, Graz 1967, p . 17 -29, qui relève et commente les textes dans lesquels Évagre montre une certaine connaissance de

l'Isagogè de Porphyre et de l'Organon aristotélicien.

400

E 184 ÉVAGRE LE PONTIQUE L 'œuvre d'Évagre est actuellement d'un accès difficile : elle se trouve disper

sée dans des publications variées et le travail de reconstitution et d' édition cri tique n 'en est qu' à ses débuts. A la suite de la damnatio memoriae qui l'a frap

pée pour cause d 'origenisme, une partie a en outre disparu dans sa langue origi nelle et n 'est plus conservée que dans des versions orientales (syriaques et arméniennes principalement). Voir liste (comportant de nombreuses inexacti tudes et quelques textes étrangers ) dans CPG t. II et Supplementum , nºs 2430 2483.

Évagre exprime de préférence sa pensée sous la forme de courts chapitres (képhalaia ) dont l'obscurité voulue est destinée à écarter les lecteurs profanes et à exercer la sagacité de ceux qui sont en mesure de comprendre. Ses traités sont

toujours adaptés au degré spirituel des destinataires, principalement des moines. Nous ne retiendrons ici que lesœuvres de caractère plus spéculatif ayant quelque rapport avec la philosophie . Le cæur de l'euvre est constitué par une trilogie comprenant le Traité pratique (éd . A . et C . Guillaumont, SC 170 et 171, Paris

1971), le Gnostique (iidem , SC 356 , Paris 1989 ; texte partiellement perdu en grec) et les Képhalaia Gnostica (six centuries tronquées, de 90 chapitres cha cune , qui ne sont conservées dans leur intégralité qu'en syriaque à travers deux versions: éd. A . Guillaumont, Les six Centuries des « Képhalaia gnostica »

d 'Évagre le Pontique, PO 28, 1, Paris 1958 ; seul un quart de l'æuvre a été retrouvé en grec ). Le premier ouvrage analyse les passions regroupées sous huit

pensées (Roylouoi) génériques et indique les moyens de les combattre et de par venir à l'impassibilité (apatheia ); le second détermine les devoirs de celui qui a atteint un haut degré spirituel, le gnostique ; le troisième expose les grandes

lignes du systèmemétaphysique (cosmologie, eschatologie, christologie et théo logie ).

A ces trois æuvres fondamentales on peut joindre les trois suivantes: le traité Sur les pensées ( éd . P .Gehin, A . et C .Guillaumont, SC 438, Paris 1998), qui est

consacré à l'analyse des logismoi et présente une théorie originale des noêmata ; une collection de Skemmata (CPG 2433), dontles 39 premiers chapitres forment une sorte de petit traité sur l'activité de l'intellect et les 23 derniers un abrégé de la doctrine sur les logismoi, et les Chapitres sur la prière (CPG 2452), qui préci

sent les conditions d 'accès à la prière pure, considérée par l'auteur comme la plus haute activité mentale de l'homme ici-bas (traduits et commentés par I.

Hausherr, Les leçons d'un contemplatif, Paris 1960 ). Évagre est aussi l'auteur d 'une correspondance comprenant 64 lettres, dont deux au moins ont un réel intérêt philosophique: la Lettre sur la Trinité (CPG 2439 ; en syriaque Lettre sur

la foi), entièrement conservée en grec parmi la correspondance de saint Basile ( éd . J.Gribomont dans M . Forlin Patrucco, Basilio di Cesarea . Le Lettere, I, Torino 1983, p. 84 -113) , et la Grande lettre à Mélanie l'Ancienne (CPG 2438 ; conservée uniquement en syriaque; trad. anglaise et comm . par M . Parmentier,

« Evagrius of Pontus' " Letter to Melania” », Bijdragen , tijdschrift voor filosofie en theologie 46, 1985, p . 2-38). On pourra prendre une vue d 'ensemble sur la correspondance à travers la traduction allemande donnée par G . Bunge, Evagrios

E 184

ÉVAGRE LE PONTIQUE

401

Pontikos, Briefe aus der Wüste , Trier 1986 . Évagre a enfin commenté sous forme

de scholies quatre livres de l'Ancien Testament: Proverbes (éd . P . Gehin, SC 340, Paris 1987) ; Ecclésiaste (iidem , SC 397, Paris 1993) ; Job (quelques frag ments conservés dans les chaînes exégétiques) et Psaumes ( éd . préparée par M .

J. Rondeau ; se reporter au tableau des textes déjà édités établi par la même,dans OCP 26 , 1960, p. 328-348). Le total des scholies conservées dépasse les 1800 . Évagre est un adepte de l' exégèse allégorique issue de la tradition alexandrine, telle qu 'elle a été pratiquée par Philon d ' Alexandrie et Origène, à condition que

celle- ci reste dans les limites du bon sens (refus d ' allégoriser à tout prix tous les détails d 'un texte ). Le genre littéraire des textes commentés, qui sont des textes sapientiaux, fait que cette exégèse est discontinue etmorcelée et qu ' elle s'inté

resse peu à l'enchaînement des idées ou au skopos du livre (sur ce point Évagre est plus proche de Porphyre que de Jamblique). Plusieurs scholies de caractère philosophique se présentent comme des « notes de lecture» , citant des philo sophes comme Aristote (seulphilosophe à être nommé deux fois) et Porphyre ou

des auteurs patristiques comme Clément d'Alexandrie et Origène.

L'æuvre d ’Évagre révèle une pensée rigoureuse et audacieuse , et une certaine aisance dans le maniement de la logique aristotélicienne (goût pour les distinc tions et les définitions, recours fréquent aux syllogismes). Un certain nombre de

notions philosophiques communes se trouvent remployées et réinterprétées de façon originale. Ainsi en est-il de la trichotomie « éthique, physique et théolo gie» , issue d 'une des divisions de la philosophie qui avaient cours alors, à laquelle Évagre donne un contenu entièrement nouveau, et dont il fait un usage étendu, puisqu'elle exprime tout à la fois les diverses étapes du progrès spirituel et les divers niveaux de compréhension de l'Écriture . Pour sa conception de la yu @ ols, notion centrale de son æuvre, Évagre est tributaire de Clément

d'Alexandrie. Comme ce dernier, il forme le projet d 'une vraie gnose , distincte de la pseudo- gnose des sectes philosophico-religieuses. Fondée sur l'interpréta

tion allégorique des écritures et la recherche des principes explicatifs (logoi) de tous les êtres créés, corporels et incorporels, elle culmine dans la connaissance de Dieu lui-même, qui est « connaissance essentielle » . Les niveaux de connais sance sont toujours liés à la plus ou moins grande pureté de l'intellect, appelé à

retrouver sa « nudité » originelle . Un dernier trait remarquable de l'euvre

d 'Évagre, c 'est la finesse des analyses psychologiques, résultat d 'une attention permanente à soi et de l'expérience accumulée par plusieurs générations de Pères; cette psychologie est très marquée par les représentations cosmologiques de l' époque, qui placent l'homme au point de rencontre d'influences contraires, hostiles ou favorables (d 'où l'importance de la démonologie et de l' angélologie). Présentation synthétique de la doctrine d'Évagre dans Guillaumont 4, p . 102

123, et 6 Id., « Un philosophe au désert: Évagre le Pontique» , Aux origines du monachisme chrétien, coll. « Spiritualité Orientale » 30, Abbaye de Bellefontaine

1979, p. 185-212. Concernant les sources philosophiques et patristiques d 'Évagre, on trouvera

des éléments épars dans les introductions et les commentaires des éditions cri

E 184 ÉVAGRE LE PONTIQUE tiques récentes (SC 170-171, 340, 356 , 397 et 438 ). Si, du côté chrétien , on peut

402

aisément distinguer trois sortes d'influences (alexandrine, cappadocienne et monastique égyptienne), il est plus difficile de situer la pensée d 'Évagre face à la philosophie païenne et de faire la part entre ce qui relève de conceptions commu nément répandues et ce qui vient d'une fréquentation directe des auteurs. La part stoïcienne est importante dans le domaine éthique et dans la théorie de la connaissance. L 'æuvre reflète l' intérêt porté à Aristote à l'occasion des contro

verses théologiques suscitées par l'arianisme dialectique d 'Aèce et d 'Eunome

( E 122),mais il faudrait surtout la confronter avec le néoplatonisme: des rap prochements ont déjà été établis avec Plotin et Porphyre (à noter, dans ce dernier cas, la parenté des képhalaia évagriens avec les Sentences pour conduire aux intelligibles et le même accentmis sur la vie selon l'intellect). Brèves indications

sur les sources philosophiques dans A . et C . Guillaumont 2, col. 1103-1105 . Quelques études particulières : sur le problème du nombre dans la Trinité, 7 R . Arnou, « Unité numérique et unité de nature chez les Pères, après le Concile de Nicée » , Gregorianum 15, 1934, p . 242-254 ; sur l'intellect, 8 K . Ware, « Nous

and noesis in Plato , Aristotle and Evagrius of Pontus» , Diotima 13, 1985 , p . 158- 163, et 9 A . Guillaumont, « La vision de l'intellect par lui-même dans la mystique évagrienne» , dans Études sur la spiritualité de l'Orient chrétien, coll.

« Spiritualité Orientale » 66, Abbaye de Bellefontaine 1996 , p . 144- 150 (parenté avec l'expérience mystique plotinienne); sur les devoirs du gnostique comme maître spirituel et interprète de l'Écriture , 10 A . Guillaumont, « Le Gnostique

chez Clément d 'Alexandrie et chez Évagre le Pontique », Ibidem , p. 151-160. L ' influence d 'Évagre sur les auteurs spirituels a été considérable dans le monde byzantin (par ex. sur Maxime le Confesseur) et dans le monde syriaque, où ses euvres ont été traduites dès la fin du ve siècle (voir Guillaumont 4 ,

p . 171-332) ; dans le monde occidental latin , cette influence s'est surtout exercée par l'intermédiaire de Cassien de Marseille .

PAUL GÉHIN .

185 ÉVARESTOS DE CRÈTE

MII

Aelius Aristide ( + A 349) avait fait la connaissance de ce philosophe au cours

de son séjour en Égypte, donc vers 140. Évarestos séjourna un peu plus tard à l'Asclépieion de Pergame, « pour s'informer à propos du dieu » (Discours Sacrés IV 23 ). Rien n 'autorise l'hypothèse de C . A . Behr, Aelius Aristides and the

Sacred Tales, Amsterdam 1968, p . 54, qui songeait (« possibly » ) à rattacher Évarestos à l'école de Gaius, que cet auteur situe à Pergame. BERNADETTE PUECH .

186

EVARETUS ( Q . AELIUS EGRILIUS - ) PIR2 A 171, RE Aelius 52

MII

Ami de Salvius Iulianus, ce philosophe accompagna le jurisconsulte lors de son gouvernement en Germanie inférieure, sous Antonin , commeen témoigne la statue que sa femme et ses enfants lui élevèrent à Wesseling (CIL XIII 8159 =

ILS 7776 ). Son cognomen indique une origine grecque ; peut-être tenait-il sa

403 ÉVHÉMÈRE DE MESSINE citoyenneté romaine d 'Egrilius Plarianus, ami de Fronton (Ad am . I 4 ), comme

E 187

l'a supposé G . Hensen , Volumen tertium collectionis Orellianae supplementa exhibens, Zurich 1856 , n° 5600.

BERNADETTE PUECH .

187 ÉVHÉMÈRE DE MESSINE (ou deMessène) RE 3 ca 340 - ca 260 Auteur d'un récit de voyage autopiste ” intitulé ' Iepà åvaypaoń (« Récit sacré» ou « Inscription sacrée » ?), qui servait de cadre à l'exposé d 'idées philo sophiques sur l'origine des dieux. Cet ouvrage (dont au moins un troisième livre est cité par Athénée XIV , 658 f) a fait l'objet d 'une traduction ou d 'une adapta

tion en latin par le poète Ennius ( E 25) : Euhemerus – Sacra Scriptio ou Sacra Historia , dont les principaux vestiges se lisent chez Lactance.

Fragments et témoignages. 1 F. Jacoby, FGrHist 63, t. I, 1923, p. 300-313 (pas de commentaire) ; 2 Giovanna Vallauri (édit.), Evemero diMessene. Testi monianze e frammenti con introduzione e commento, coll. « Pubbl. della Facoltà

di Lettere e Filosofia dell'Univ. di Torino » VIII 3, Torino 1956 ; 3 M . Wyniarczyk (édit.), Euhemeri Messenii reliquiae, coll. BT, Stuttgart/Leipzig

1991, XXXVII-76 p., avec bibliographie, p.XVIII-XXXI. Pour les fragments d ' Ennius, voir 4 G . Garbarino , Roma e la filosofia greca dalle origini

alla fine del II secolo A . C ., Torino 1973, t. I, fr. 49-54, p. 72-73 ; t. II, p . 289- 308 ( commen taire ) ; 5 M . Winiarczyk , « Ennius' Euhemerus sive Sacra historia » , RAM 137, 1994 , p . 274 .

291. Trad. angl. par 6 E . H . Warmington, Remains of Old Latin, coll. LCL 294, Cambridge (Mass .)/London 1935 , vol. I : Ennius and Caecilius, p . 414 -431.

Bibliographie . 7 M . Winiarczyk, « Bibliographie zum antiken Atheismus» , Elenchos 10 , 1989, p. 126 -144 , qui rassemble 291 références sur Évhémère . Cf. 8 F . Jacoby, art. « Euemeros» 3, RE VI 1, 1907, col. 952-972 ; 9 A . Polet,

Deux utopies hellénistiques. La Panchaïe d 'Évhémère et la Cité du Soleil de Jambule, coll. BFAC IX 1, Le Caire 1947 ; 10 H . F . Van der Meer, Euhemerus van Messene, Diss. Amsterdam 1949 ; 11 G . Vallauri, Origine e diffusione dell Evemerismo nel pensiero classico, coll. « Pubbl. della Facoltà di Lettere e Filo sofia dell'Università di Torino » XII 5, Torino 1960 ; 12 K . Thraede, art. « Euhe

merismus» , RAC VI, 1966, col. 877-890 ; 13 J. Pépin, Mythe et allégorie. Les origines grecques et les contestations judéo-chrétiennes,Nouvelle édition, revue et augmentée, Paris 1976 , p. 147-149 ; 14 R . Bichler, « Zur historischen Beur teilung der griechischen Staatsutopie »,GB 11, 1984, p. 179-206 ; 15 V . Domín guez García , Los dioses de la ruta del incienso . Un estudio sobre Evémero de Mesene, Oviedo 1994 , 211 p., texte grec et traduction espagnole des passages conservés par Diodore et Eusébe; p. 157- 171, bibliographie, p. 173-190. Informations biographiques. Le seul renseignement biographique que nous

possédions est fourni par Diodore VI 1, 4 (test. 3 Wyniarczyk), qui présente Évhémère comme un amidu roi Cassandre de Macédoine (316 -297), à l'instiga tion duquel il aurait entrepris de grands voyages. Le renseignement était sans

doute tiré du prologue du roman, qui pouvait cependant situer les voyages d 'Évhémère dans un cadre historique fictif. Les dates généralement retenues (ca 340 - ca 260) sontdonc très approximatives.

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ÉVHÉMÈRE DE MESSINE

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Cette datation peut être confirmée parune allusion à Évhémère chez Callimaque (lambes): « Venez, rassemblez-vous dans le sanctuaire devant lesmurs, I là où l'inventeur de l'antique Zeus Panchaios, I ce vieillard hâbleur, griffonne des livres impies » ( trad. Lachenaud). Voir 16 R . Pfeiffer (édit.), Callimachus, t. I, Oxford 1949, p . 162 (sur lambes 1 , fr. 191, 9- 11). Les

vers sont cités par le Pseudo -Plutarque, Opinions des philosophes I 7 , qui y reconnaît une allusion à Évhémère . Voir aussi Sextus, Adv. Math . IX 51. Selon 17 Dee L . Clayman , Calli machus' lambi, coll. « Mnemosyne. Suppl.» 59, Leiden 1980, p. 11-12, qui reprend une hypo thèse de 18 B . R . Rees, « Callimachus, lambus I. 9- 10 » , CR 11, 1961, p . 287 -289, les vers que

Callimaque mettait dans la bouche du fantôme d'Hipponax feraient allusion à une statue

d 'Évhémère située dans le Sérapéion de Parménion à Alexandrie. La forme grecque de l'ethnique ne permet pas de savoir s'il était originaire de Messine en Sicile ou de Messène dans le Péloponnèse . On penche généralement pour la première hypo thèse. D 'autres sources font venir Évhémère de Tégée (Théodoret, Thérapeutique II 112 et III

4 ; voir aussi (Galien ), Hist. Philos. 35), d 'Agrigente (Clément, Protreptique II 24 , 2 ) ou de Cos (Athénée XIV , 658 f).

Le voyage à Panchaïa. Le fragment le plus important est un extrait du livre VI de Diodore de Sicile conservé par Eusébe de Césarée, Praep. Evang. II 2, 52

62, qui doit être lu en parallèle avec la description de l'île de Panchaïa au livre V de Diodore (chapitres 42 -46 ).

Sur l'île d'Évhémère et la signification de son nom , voir 19 K . Ziegler, art. « Panchāïa», RE XVIII 3 , 1949, col. 493-495.Certains auteurs antiques (comme Ératosthène, Polybe, Posi donius ou Strabon ) ont critiqué les informations géographiques fournies par Évhémère , comme s'ils avaient ignoré le caractère fictif de son récit.

Le point central du récit consistait dans la description de l'île de Panchaïa, à plusieurs jours de navigation de l'Arabie heureuse dans l'Océan Indien , et de sa société divisée en (a ) prêtres et artisans, (b ) cultivateurs et (c) soldats et pasteurs

(V 45 3 ; cf. Hippodamos de Milet apud Aristote, Polit. II 8, 1267 b ).Les prêtres de Panchaïa se présentaient comme des Crétois installés dans l'île par Zeus,

quand il était roi du monde habité, et ils fondaient cette origine sur le grand nom bre de termes crétois que véhiculait leur langue (V 46 , 3). C 'est dans le cadre de

ce récit qu 'Évhémère introduisait son enseignement philosophique fondé sur une inscription (avaypaoń , V 46 , 3) gravée sur une stèle d'or par Zeus dans un temple (Zeus Triphylios) qu 'il avait érigé sur l' île quand il était encore un hom me régnant sur toute la terre habitée (V 46, 3 ; voir aussi Lactance, Inst. I 11, 33

34). L 'inscription , en caractères panchéens (ou en hiéroglyphes égyptiens selon Diodore V 46 , 7), racontait en résumé les hauts -faits d'Ouranos, Cronos et Zeus,

conçus commedes rois orientaux,mais aussi, selon Diodore V 46, 7, ceux d 'Ar témis et d' Apollon , tels que les avait consignés Hermès. Évhémère s'intéressait non seulement aux dieux mentionnés (dont la généalogie est exposée par Dio dore VI 1 , 8 - 10 ), mais aussiaux héros et à d 'autres divinités qui n 'appartenaient pas au Panthéon grec (Ammon ?). Ainsi, pour lui, Cadmos aurait été le cuisinier d 'un roi et il se serait enfui avec Harmonia, une joueuse de flûte (Athénée XIV ,

658 f = test. 77 W .). D 'après la version d 'Ennius, Vénus (Aphrodite) aurait de même été la première prostituée et aurait institué cet art parmi les femmes de

Chypre (apud Lactance , Div. Inst. I 17 , 9- 10 = test. 75 A W .).

On peut résumer les généalogies divines qui servaient à démontrer la théorie au moyen de deux stemmas.

ÉVHÉMÈRE DE MESSINE

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Version de Diodore (Eusèbe): Ouranos - Hestia

Titan Cronos oo Rhéa Démèter Zeus Héra

Poseidon

Courètes (Héra ) Perséphone (Déméter) Athéna (Thémis )

Version de Lactance : (frères?)

Ouranos/Uranus - Hestia /Vesta

Titan Cronos/Saturne - Rhéa/Ops Démèter/Cérès

Titans Zeus/Jupiter Héra/Junon Poséidon/Neptune Plouton/Dis Pater/Orcus Glauca L ' évhémérisme” . Toute cette mise en scène ethnologique servait, croit-on, à justifier par des documents historiques en principe incontestables, bien que difficilement vérifiables , une doctrine philosophique concernant l'origine des croyances religieuses. Pour Évhémère , les dieux traditionnels de la religion populaire étaient à l'origine des hommes puissants (Sextus, Adv. Math . IX 17 ;

voir aussi IX 34 et 51), « généraux, amiraux et rois » (Plutarque, De Iside et Osi ride 23, 360 a ), qui s'attribuèrentdes prérogatives divines pour assurer leur pou voir, ou bien des bienfaiteurs de l'humanité qui furent divinisés en reconnais sance de leur évergétisme. Un des éléments de la méthode d' Évhémère était d' indiquer comment chacun de ces dieux

était mort et à quel endroit il avait été enseveli (Cicéron, De nat. deor. I 119 , et les passages d 'Ennius cités à ce propos par A . S. Pease, M . Tulli Ciceronis De natura deorum libri III,

Cambridge (Mass.) 1955 , réimpr. Darmstadt 1968, t. I, p . 519). Selon Lactance (Instit. I 11, 8), Évhémère exposait en effet leur naissance, leurs mariages, leurs enfants , leur carrière poli tique, leurs exploits, leur mort et leur sépulture .

Cette définition de l'évhémérisme, qui a valu à son auteur, dès l'antiquité ,

d' être considéré comme athée , laisse ouvertes de nombreuses questions qui ne trouvent pas dans les fragments de réponse incontestable . (1) Quel rapport entre tenait le récit de voyage à Panchaïa avec l'explication théologique ? (2) En four nissantune explication rationaliste de l'origine des dieux, Évhémère entendait-il détruire les croyances religieuses ? ( 3) Cette dénonciation de l'origine humaine des dieux terrestres (du panthéon hellénique ) était-elle compatible avec une

vénération des dieux célestes ? (4) Les deux modes de divinisation attestés par les fragments (auto -consécration des rois primitifs et divinisation des bienfai teurs de l'humanité) sont-ils équivalents ? Le premier n 'implique-t- il pas une

critique plus poussée de la religion que le second ? On ne peut ici qu'aborder rapidement ces différents points afin d' illustrer les tendances de la recherche.

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ÉVHÉMÈRE DEMESSINE

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Panchaïa , une utopie ? On a assez souvent rattaché la description de l'île de Panchaïa à la tradition utopique de l'époque hellénistique. Voir encore récem ment 20 L . Giangrande, « Les utopies hellénistiques », CEA 5, 1976 , p. 17-33 (surtout p. 22 -25), repris sans grands changements sous le titre « Les utopies

grecques» ,REA 78-79, 1976-1977, p. 120-128 (surtout p. 123-124), qui établit un rapprochement avec la fondation d 'Ouranopolis sur le mont Athos par

Alexarque, le frère de Cassandre (Athénée III, 98 d -f ; Strabon VII, fr. 35). La fondation d'Ouranopolis semble inspirée par l'idéaluniversaliste d 'Alexandre le Grand. Les citoyens de cette cité s 'appelaient les Ouranides, leur caractéristique commune n 'était

donc pas d'habiter un pays déterminé,mais bien d 'être des fils du Ciel. Une langue originale, dont Athénée a préservéun échantillon,avait été créée à leur intention.

Il est certain que le récit d'Évhémère ressemble à d'autres récits utopistes de l' époque hellénistique, comme ceux d 'Hécatée d 'Abdère ( H 12) ou de lamboulos ( I 5).Mais 21Marianne Zumschlinge, Euhemeros. Staatstheore tische und staatsutopische Motive, Diss. Bonn 1976 , 247 p., notamment p. 240 , et, à sa suite, 22 R .J. Müller, « Überlegungen zur ' lepà 'Avaypaoń des Euhe meros von Messene» , Hermes 121, 1993, p. 276 -300, notamment p. 292, consi dèrent que le récit ne présente pas les caractéristiques de l'utopie au sens strict : les institutions et les conditions de vie sur l'île ne sont pas présentées commeun idéal plus ou moins réalisable conçu en opposition avec la situation présente . Ces auteurs considèrent que le voyage fictif servait essentiellement à fonder l'expli cation evhémériste de l'origine de la religion sur l'existence de documents conservés, fût-ce dans un pays difficile d'accès. Déjà Jacoby 8, col. 961- 962, avait montré que l'utopie d' Évhémère fait l'économie de tous les détails mer veilleux et incroyables qui caractérisaient ce genre littéraire, sans doute pour ne pas compromettre la confiance que le lecteur devait accorder à l'enseignement théologique essentiel. Il constatait de même (col. 962) que les informations

fournies sur l'organisation sociale de Panchaïa ne semblent pas inspirées par un projet de réformepolitique. Selon Müller 22, p . 298-299, le récit de voyage était entièrement subordonné à l' enseigne ment philosophique. Pour prouver que les dieux étaient primitivement des rois humains, il suffisait de trouver des documents anciens racontant leurs exploits et, si possible, écrits de la main même de ces rois. Il ne fallait pas situer un tel document en Grèce, dont on savait les

traditions écrites trop récentes et surtout où il était trop facile de vérifier l'existence ou l'absence d ' un tel document, ni même en Egypte, car l'Egypte était trop bien connue des

Grecs et les documents égyptiens n 'auraient pas expliqué l'origine des dieux grecs. L 'île de Panchaïa offrait l'avantage de l'éloignement, mais surtout elle était en rapport avec la Crète. Ses institutions n 'ayant pas été soumises à des bouleversements, elle répondait parfaitementau

projet d'Évhémère. Son clergé traditionaliste, puissant, riche et coupé du reste de la population ( interdiction de quitter le sanctuaire ), pouvait garantir la conservation de l'inscription de Zeus. Selon Jacoby 8 , col. 963, l'enseignement d 'Evhémère n ' était donc pas le fruit de réflexions

personnelles, ni le souvenir d'entretiens avec des prêtres ou de lectures savantes,mais bien le dévoilement d 'un document conservé écrit de la main même de Zeus (Diodore V 46 , 3 ) et d'Hermès ( V 46 , 7) .

Une religion sécularisée ? L 'île de Panchaïa est donc une sorte de sanctuaire ancestral, lointain et inaccessible, susceptible de fournir une information pré

cieuse sur les origines des cultes grecs. Mais c 'est aussi une société sacrale,

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dominée par son clergé et rassemblée autour de son temple. Comment Évhémère

ableau ididyllique : !12, religieuse 55 )21 -il avec au chalec ttableau . mettait- il en rapport sa critique de cette

société religieuse ? Quel rôle attribuait-il au clergé de la pieuse Panchaïa (Diodore apud Eusèbe, P . E . II 2 , 55) ? Ces prêtres étaient-ils présentés comme les divulgateurs de l'explication evhémériste ou bien comme des représentants

typiques de l'obscurantisme religieux ? Les fragments ne conservent en vérité aucun jugement de valeur sur Panchaïa. On signale sa richesse et son ancienneté (Diodore apud Eusébe, P. E . II 2, 56 , cf.

Diodore V 42, 5 ). La piété des habitants de Panchaïa est également mentionnée

(Diodore apud Eusèbe, P . E. II 2 , 55), sans que cela fasse l'objet ni de louanges, ni d'aucune forme d' ironie . Il semble pourtant que ces prêtres soient conscients de l'origine humaine de leurs dieux, puisqu 'ils se représentaient eux-mêmes comme les descendants d'anciens Crétois amenés par Zeus à Panchaïa « lorsqu' il régnait chez les hommes sur toute la terre habitée » (Diodore V 46 , 3). Ils n 'hési taient pas à montrer les inscriptions gravées par Zeus « à l'époque où, vivant encore parmi les hommes, il fonda le sanctuaire » (Diodore V 46 , 3). Il faut donc penser que la doctrine d 'Évhémère sur l'origine des dieux était déjà celle du clergé de Panchaïa .Mais alors , le culte rendu à ces dieux ne devait être conçu , dans l'esprit d 'Évhémère, ni comme une supercherie ni comme une illusion . Peut-on concevoir que l'explication rationaliste ait été compatible avec une reconnaissance de la légitimité du culte rendu ?

L 'athéisme d'Évhémère. Si on ne lit dans les fragments aucune condamna tion de la religion de Panchaïa et de ses prêtres, alors même que ces derniers semblent parfaitement conscients de l'origine humaine de leurs dieux, on peut se demander si Évhémère se proposait vraiment d'“'écraser l'infâme" et s'il méritait

bien l'accusation d'athéisme que l'antiquité a attachée à son nom . Évhémère ("de Tégée" ) est associé aux athées célèbres Diagoras " de Milet” ou Théodore de Cyrène par Théodoret, Thérapeutique II 112 et III 4 . Eustathe, In Od., I, p . 134 , ajoute “ Diogène le Phrygien " (= Diogène d'Apollonie ), Hippon , “ Sosias” et Épicure. Ces divers noms sont empruntés par Eustathe à Élien , Hist. var. II 31, qui oppose tous ces athées chez les Grecs à la sagesse des barbares qui n 'ont jamais douté de l'existence et de la providence des

dieux. Clément, Protreprique II 24, associe Évhémère “ d'Agrigente " à Nicagoras de Chypre , Diagoras de Milet, Hippon deMilet et Théodore de Cyrène. Voir aussi Sextus, Adv. Math . IX 17 : Eůňuepos de Ó Érixindeic čokos (associé à Prodicos de Céos) et IX 51 ; Théophile d ' Antioche, Ad Autolycum III 7 . La critique evhémériste des dieux de la religion populaire a évidemment fourni de l'eau au moulin des apologètes chrétiens. Voir surtout 23 F . Zucker,

« Euhemeros und seine ‘lepà ávaypapń bei den christlichen Schriftstellern » , Philologus64, 1905, p .465-472.

On a également contesté l' athéisme d'Évhémère à cause d'un passage qui présente le roi Ouranos comme un homme bon, bienfaisant et savant astronome,

qui « fut le premier à honorer par des sacrifices les dieux célestes» (Diodore VI 1, 8), « éternels et incorruptibles» (VI 1, 2). L 'explication de l'origine humaine

des dieux terrestres ne remettrait pas en cause la vénération due aux dieux célestes comme le soleil ou la lune. Ces deux catégories sont nettement distin guées dans le fragment conservé par Eusebe (P. E. II 2, 52-54). Selon Jacoby 8,

col. 964, il serait donc excessif de faire d'Évhémère un athée, comme on l'a fait

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déjà dans l'antiquité. Sa théologie ne portait que sur la seconde classe de dieux ,

les dieux terrestres (Éniyeloi Qeol). 24 A .J. Festugière, La Révélation d'Hermès Trismégiste, t. II : Le Dieu cosmique, Paris 1949, p . 192- 193, rattache lui aussi Évhémère à un courant intellectuel (illustré notamment par Théophraste) qui, à

côté d'une « attitude sceptique et rationaliste à l'égard des dieux traditionnels » , essayait de promouvoir comme vrais dieux les dieux célestes, le Ciel lui-même et les astres.

Il importe cependant de bien circonscrire les fragments pour ne pas prêter à Évhémère des idées que Diodore pouvait emprunter à d'autres sources. Selon 25 W . Spoerri (Späthellenistische Berichte über Welt, Kultur und Götter, coll. « Schweizerische Beiträge zur Altertumswissenschaft >> 9, Basel 1959, p. 189

195), la distinction entre dieux célestes ou éternels (åíòloi) et dieux terrestres que l'on trouve dans le fragment conservé par Eusebe (P. E. II 2 , 52-62 = Dio dore VI 1, 1-2 = test. 25 W .) ne devrait pas être attribuée à Évhémère. Ce dernier

en toutcas ne traitait que des dieux terrestres. D 'autre part, dans le passage cité plus haut (Diodore VI 1, 8), le portrait d 'Ouranos comme initiateur du culte aux dieux célestes contredit d 'autres

témoignages qui présentent Zeus comme l'initiateur d'un culte rendu à son grand-père Ouranos. Dans le fragment conservé par Eusébe, on peut voir que les extraits d'Évhémère étaient rapportés au style indirect par Diodore et entrecou pés d'interventions de Diodore lui-même. Les mots " dans le livre précédent" dans le fragment cité par Eusebe (P . E. II 2, 57) renvoient ainsi au livre V de Diodore, où l'historien avait déjà parlé de l'île de Panchaïa . Par conséquent, le passage sur Ouranos (apud Eusébe, P . E . II 2 , 58 = Diodore VI 1 , 8 ) pourrait ne pas être un compte rendu littéral du point de vue d'Évhémère et avoir été conta

miné par d'autres conceptions chères à Diodore. Les variantes que l'on relève entre l'extrait du livre VI et la description de Panchaïa au livre V invitent égale

ment à envisager la possibilité que Diodore ait utilisé dans son livre VI une

source intermédiaire où le récit d'Évhémère avait déjà été résumé et peut-être réinterprété . Chez Diodore V 44 , 6 , le roiOuranos est dit avoir habité les hau teurs de l'île de Panchaïa , où il s'adonnait à l'observation (et non au culte ) des

astres (ενδιατρίβειν εν τώδε τω τόπω, και από του ύψους έφοράν τόν τε ουρανόν και τα κατ' αυτόν άστρα). Un point de vue évhémériste plus cohérent sur Ouranos, divinisé parce qu'il avaitmis ses connaissances astronomiques au service de son peuple, peut être lu chez Diodore III 56 , 3-5,

dans un passage emprunté à Dionysios Scytobrachion. Voir FGrHist 32 F 7 (et commentaire ), et 26 J. S. Rusten, Dionysius Skytobrachion, coll. « Abhandlungen der Rheinisch -West fälischen Akademie der Wissenschaften , Sonderreihe : Papyrologica Coloniensia » 10 , Opladen 1982, fr. 6 . Selon la mythologie des Atlantes, Ouranos était un roi qui avait rassemblé dans l' enceinte d 'une ville les hommes qui habitaient ici et là. Il imposa à ses sujets de mettre un terme à leur mode de vie anarchique et bestial après avoir découvert l'utilisation et la conservation des produits de la culture et plusieurs autres choses utiles. Il s'empara de la plus grande partie de

la terre habitée et principalement des régions occidentales etnordiques. Comme il était devenu un observateur attentif des astres, il prédit de nombreux faits qui devaient se produire dans le

monde. Il introduisit pour les multitudes l'année à partir du mouvement du soleil, lesmois à partir du cours de la lune, demême qu'il enseigna les saisons pour chaque année . C 'est pour

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quoi les gens, qui ignoraient l'ordre éternel des astres, émerveillés de voir ce qui arrivait conformément aux prédictions, supposèrent que l' initiateur de ces innovations avait part à une nature divine. Après qu 'il eut quitté le monde des hommes, ils lui rendirent des honneurs immortels à cause de ses bienfaits et de sa connaissance des astres. Ils transférèrent son propre nom au monde entier, considérant à la fois que ce nom (ouranos) était approprié aux levers et aux couchers des astres, ainsi qu 'à tout ce qui arrive dans le monde, et que par la grandeur des

honneurs rendus il continuerait à accorder des bienfaits. Et à tout jamais ils l'appelèrent roi de l' univers .

On voit donc que, contrairement au passage conservé par Eusébe, c 'est Ouranos quidonna son nom au ciel (voir égalementLactance, Inst. I 11, 63), ce qui est une façon de réduire la divinité du ciel à son " ordre éternel" immanent.

Enfin , si les hommes d'autrefois eurent l'idée de considérer certains de leurs

contemporains commedes dieux, c 'est manifestement parce qu'ils croyaient en l'existence des dieux ou en avaient une quelconque notion . Il est intéressant de

remarquer à ce propos que 27 F . Susemihl (GGLA , t. I, Leipzig 1891, p. 321

322) a supposé que c'est justement pour cette raison qu'Évhémère aurait pré senté Ouranos comme un adorateur des dieux célestes : par la suite, c 'est à des hommes que l'on aurait octroyé le statut divin qu 'on avait dans un premier temps réservé au Ciel et aux astres. Loin de limiter l'athéisme d 'Évhémère, l'exemple d'Ouranos ne serait qu 'une astuce pour désamorcer une possible objection . Deux modes de divinisation . Pour déterminer la finalité de la critique reli gieuse d 'Évhémère , on peut également mettre à profit la nature des explications

qu'il fournit de l'origine des dieux. On distingue dans les fragments au moins deux explications qui, sans être incompatibles entre elles, n 'accordent pas la même légitimité aux dieux. D 'après Sextus, Adv.Math . IX 17 (test. 27 W .), qui

se présente comme une citation littérale et pourrait dépendre directement du prologue de l'ouvrage, à une époque où la vie humaine était encore “ désordon

née”, des hommes puissants, pour asservir leurs congénères, se seraient revêtus eux -mêmes d'une puissance divine supérieure et auraient en conséquence été

tenus pour dieux par le peuple . Face à cette auto - consécration , Évhémère envisa geait également une divinisation , avant ou après leur mort, des hommes qui apportèrent un concours inestimable à l'avancée de la civilisation (cf. Eusébe,

P . E. II 2 , 53, etaussi Diodore III 56 , 3 -5 (Denys Scytobrachion), si l'inspiration de ce dernier texte estbien évhémériste).

Les querelles dynastiques racontées par Lactance et plusbrièvement évoquées par Diodore suggèrent plutôt le mode de divinisation décrit par Sextus. De même, les fragments concernant Cadmos ou Aphrodite semblent comporter une pointe de dépréciation qui suggère chez Évhémère une attitude critique.Mais le

thème de l'évergétisme n'est pas absent de ces fragments. On y apprend par exemple qu 'Ouranos était un homme bon , bienfaisant et expert dans la connais sance du mouvement des astres (apud Eusébe, P. E. II 2, 58 ). Lorsqu 'il habitait

sur l'Olympe, Zeus exerçait un pouvoir judiciaire et c 'est à lui que l'on venait montrer les découvertes utiles au genre humain (Lactance, Instit. I 11, 32, fr. 70 W .). Comme premier législateur, il aurait prohibé l'anthropophagie ( ibid . I 13, 2 ) .

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Évergétisme royal et divinisation. On pourrait imaginer que ces deux expli cations, dont aucune ne peut apparemmentêtre rejetée, puissent toutes deux ser vir un même projet de démystification ,mettant en cause à la fois la naïveté des

peuples et le cynisme politique de leurs dirigeants. Il est plus difficile de les inté grer toutes deux dans une perspective qui ne serait pas athée, mais, si l'on veut, simplement politique. On peut en effet concevoir un évhémérisme radicalorienté vers la dénonciation de la religion traditionnelle , se proposant de montrer dans les dieux non seulement des bienfaiteurs de l'humanité, mais des despotes

machiavéliques. Face à cette interprétation, on peut imaginer une approche plus neutre, expliquant l'origine des dieux sans remettre fondamentalement en cause le droit de ces bienfaiteurs de l'humanité à la reconnaissance des peuples. La

religion recevrait une explication rationnelle, mais ne serait pas nécessairement condamnée. C 'est dans cette perspective que 28 H . Dörrie , art. « Euhemeros » , KP II, 1967, col. 414 -415 , reprenant un point de vue déjà exprimé par 29 P .J. M .

Van Gils, Quaestiones Euhemereae, Diss. Univ. Amsterdam , Kerkrade 1902, a

vu dans l'ouvrage d'Évhémère une exhortation adressée aux princes hellénisti ques comme Cassandre à pratiquer un évergétisme susceptible de leur assurer la

même divinisation que celle dontont joui les rois primitifs que furent Ouranos, Cronos et Zeus. Dans le même sens, V . Domínguez García ( 15 , p . 156 ) voit dans l' entreprise d 'Évhémère un essai de « fondation cosmico-politique de la divinité des epigeioi theoi que furent Ouranos, Zeus, Héraclès, Dionysos et les

Ptolémées » .

Inversement certains historiens (par exemple 30 E . Schwartz , Fünf Vorträge über den griechischen Roman, Das Romanhafte in der erzählenden Literaturder Griechen, Berlin 1896 , p . 106 ), ont vu dans les généalogies divines d 'Évhémère une sorte demiroir parodique des querelles dynastiques et des entreprises d 'auto déification de l'époque d 'Alexandre et des diadoques, notamment dans le royaume des Ptolémée. Voir aussi 31 R . Hirzel, Der Dialog, Ein literarhisto rischer Versuch, I, Leipzig 1895, réimpr. Hildesheim , p. 390 -398.

Ces deux points de vue sont rejetés par Jacoby 8 , col. 967. Il semble impos sible en effet de trouver des indices en leur faveur dans les fragments conservés.

Sources.On peut déjà trouver chez les historiens et les philosophes grecs les principales idées d'Évhémère. Jacoby 8, col. 968 -969, signale de nombreux rap prochements avec les Aigyptiaka d'Hécatée d 'Abdère (2H 12). Conclusion sur le caractère du récit. On voit donc que la théologie évhé

mériste ne s 'identifie peut-être pas à la pensée originale d 'Évhémère et que plu sieurs traits littéraires et doctrinaux que l'on relève dans les fragments s 'accom

modent mal de l'athéisme radical que lui ont prêté des auteurs antiques qui n'avaient probablement plus de contact direct avec la ' lepà åvaypapń .Mais l' athéisme d 'Évhémère, déjà affirmé par son contemporain Callimaque, est diffi cile à nier .

Toutes les interprétations signalées plus haut présupposent que le propos

essentiel d 'Évhémère est d'ordre philosophique et que le cadre narratif du voyage à Panchaïa ne servait qu' à fournir un fondement historique à la doctrine

E 187

ÉVHÉMÈRE DE MESSINE 411 de l'auteur sur l'origine des dieux. On pourrait envisager, au moins à titre d 'hy pothèse , que dans cet ouvrage la perspective romanesque soit première et les doctrines philosophiques secondaires. Tout d' abord on a vu que la société

sacrale de Panchaïa , qui n 'est jamais critiquée dans nos fragments, servait très

mal un projet athéiste radical. Ensuite, on sait que l'explication rationaliste des mythes n ' était pas une innovation d 'Évhémère et qu 'elle ne devait plus choquer

grandmonde à une époque où la foi dans les dieux de la religion populaire avait été depuis longtemps ébranlée par les philosophes. Enfin , le recours à la stèle d ' or gravée par Zeus dans une île inaccessible était un procédé tellement grossier qu 'on peut douter qu 'il ait pu convaincre un lecteur cultivé de l'époque hellé nistique. C 'est à la littérature de voyages fantastiques qu 'il faudrait alors ratta cher la ‘ lepà avaypaoń d 'Évhémère . Les idées “ évhéméristes” n 'auraient servi

qu'à enrichir de points de vue originaux la doctrine des prêtres de Panchaïa et à divertir les lecteurs. Il faudrait alors renoncer à y chercher une cohérence philo

sophique irréprochable. Voir aussi l'étude récente de 32 C . Colpe, « Utopie und Atheismus in der

Euhemeros-Tradition » , dans M .Wacht (édit.), Panchaia. Festschrift K . Thraede, coll. JAC - Ergänzungsband 22,Münster, 1995, p. 32-44. RICHARD GOULET. 188

EXUPERANTIA (CONCORDIA -)

F III/D IV

Philosophe d 'Hadrumète, épicurienne si l'on en juge par la teneur des précep tes que son mari, M . Eustorgius Héraclamon Léonidès ( H 42), fit graver sur le

tombeau familial (BACTH 1955/6 , p . 40-46 ; cf. J. Ferguson , « Epicureanism under the Roman Empire » , ANRW II 36 , 4 , 1990, p . 2320). BERNADETTE PUECH .

1 FABIANUS (PAPIRIUS -) RE P 54

Fja Né sans doute vers 35a, Papirius Fabianus vécut sous le règne d' Auguste et

une partie du règne de Tibère. Il se forma auprès des rhéteurs Arellius Fuscus et Rubellius Blandus et s' acquit d 'ailleursune réputation notable (Sénèque, Contr.

II, pr. 1). Mais après avoir rencontré et entendu le philosophe Sextius, il se tourna vers la philosophie, tout en continuant un certain temps à pratiquer la rhé torique (Sénèque, Contr. II, pr. 4 ) avec Rubellius Blandus. On ne sait quand eut lieu la rencontre avec Sextius, peut- être vers 10a ( 1 M .

Griffin , Seneca. A philosopher in Politics, Oxford , 2e éd ., 1991, p . 40 ). Dans l'évocation tracée par Sénèque le rhéteur, plusieurs passages (II, pr. 2 ) suggèrent

un intérêt pour la philosophie, voire la diatribe, permettant une vive critique de l'époque. Mais c 'est aussi « une âme se préparant par des préceptes purs et vigoureux » . Sénèque souligne également sa sérénité . Dans le De breuitae uitae (10, 1), Sénèque le philosophe insiste sur la vivacité avec laquelle il exhortait à

la lutte contre les passions: « car il ne fallait pas combattre avec finesse, ni avec de minuscules blessures, mais défaire la ligne de bataille par une attaque » . Papirius Fabianus se présente ainsi comme l'adepte d 'une philosophie pratique

proche du stoïcisme,mais qui ne se confond pas avec elle ; c'est la philosophie de Sextius (voir les études de 2 Italo Lana, « Sextiorum nova et Romani roboris

secta » , RFIC 81, 1953, p. 209-215 , et 3 Id ., « La scuola dei Sesti» , dans Le latin , langue de la philosophie , Rome 1992, p . 109- 124). Papirius Fabianus écrivit de nombreux livres de philosophie, autant que Cicé

ron selon Sénèque (epist. 100, 1) : des libri ciuiles, qui semblent avoir été un traité de politique, des libri causarum naturalium , fréquemment cités par Pline

l'Ancien dans l'index de ses sources (voir le détail dans 4 W . Kroll,art. « Papi rius Fabianus» , RE XVIII 3 , 1949, col. 1056 - 1059) et mentionnés également par

Charisius, et un traité De animalibus. L ' intérêt de Papirius Fabianus pour les questions naturelles est indéniable. Pline l’Ancien se réfère souvent à lui et le proclame rerum naturae peritissimus. Sénèque le cite dans les Questions Natu relles (III 27, 3 ) et lui doit sans doute son intérêtmanifeste pour les sciences de la nature . L ' influence de Papirius Fabianus sur le philosophe fut certaine et c 'est

sans doute à travers lui qu'il a connu Sextius le père. MICHÈLE DUCOS. 2 FABIUS

V -VI

Ami et interlocuteur de Boèce dans le Commentaire de ce dernier sur l'Isa gogè de Porphyre (première édition ). Le commentaire se présente comme un

dialogue, faisant alterner les questionsde Fabius et les réponses de Boèce. Voir

FABIUS

414

F2

Boèce, In Isag. ed . pr., ed . G . Schepps et S. Brandt, CSEL 48, Wien/Leipzig 1906 ,p . 3 sq. STEPHEN GERSH . FABIUS + FULGENTIUS (FABIUS PLANCIADES)

FABIUS GALLUS (M . - ) RE 6 Il est désormais admis que ce personnage portait en fait le nom de M . Fabius

Gallus, comme l'indiquent les manuscrits, et non Fadius qui est une correction de I. C . Orelli ; il faut donc distinguer deux tribuns en 579, M . Fabius Gallus et T . Fadius, comme l'a suggéré 1 D . R . Shackleton Bailey, « Two Tribunes 57

B .C .» , CR 12 , 1962, p. 195-197, puis indiqué dans son édition de la correspon dance de Cicéron (voir également 2 M . Dondin -Payre, « Homo nouus, un slogan

de Cicéron à César» , Historia 30 , 1981, p . 22- 80 , notamment, pour les Fadii, p . 76 -80 , et 3 E . Deniaux, Clientèles et pouvoir à l' époque de Cicéron ,

« Collection de l'École française de Rome» 182, Rome 1993, p .497-498). M . Fabius Gallus était le voisin de Cicéron en Campanie, d'où leur relation d 'amitié ancienne, accentuée par leur goût commun pour les études. Cicéron lui adresse plusieurs lettres et le mentionne dans d'autres pour le recommander à des amis. Les sympathies épicuriennes de M . FabiusGallus paraissent certaines : outre ses liens avec C . Cassius Longinus, le témoignage de Cicéron est très clair dans deux lettres. L 'une adressée à Papirius Paetus ( sans doute , lui aussi épicu

rien )mentionne Fabius Gallus dans.« le groupe de biberons épicuriens que tu fréquentes » (tuis combibonibus Epicureis, Fam . IX , 5 , 2 , trad . L . A . Constans et

J. Bayet, CUF , t. IV , Lettre CCLXII). Dans une autre lettre (Fam . VII 26 , 1) Cicéron se moque du cher Épicure (Epicurus tuus) de Fabius Gallus et de ses affirmations sur les maladies. Ce personnage doit donc être classé parmiles épi

curiens (Cf. 4 C .J. Castner, ProsopographyofRomans Epicureans, p. 34 - 35 ). En 45a, Fabius Gallus avait composé un « Caton » , en hommage à Caton d'Utique (Cicéron, Fam . VII 24),ce quimontre l'importance de ce personnage et la valeur de la liberté pour les épicuriens. Mais Fabius Gallus semble avoir marqué ailleurs son mépris pour l'activité politique (5 J. Beaujeu , Cicéron , Correspon dance, t. VIII, CUF, Paris 1983, p . 233 , note à Fam . VII 25 ). MICHÈLE DUCOS.

4 FABIUS MAXIMUS RE 100 Les indications concernant ce personnage mentionné dans les Satires d'Ho race (I 113 ; I 2 , 134 paraît plus douteux ) se réduisent à celles que donne le scho liaste Porphyrion (Ad Horat. Sat. I 113). « Fabius Maximus de Narbonne, né de famille équestre, suivit le parti pompéien et écrivit quelques livres portant sur la

philosophie stoïcienne » . Seule l'appartenance de Fabius Maximus au stoïcisme nous est donc connue, sans autres précisions. En ce qui concerne ses origines familiales, C . Nicolet, L 'ordre équestre à l'époque républicaine (312-43 av. J.

C.), t. II : Prosopographie des chevaliers romains, Paris 1974, p. 871, indique

415 FANNIUS (C. -) que ce personnage serait un descendant d 'un indigène qui aurait reçu la citoyen neté romaine de FabiusMaximus Allobrogicus, consul en 121 av. J.- C . Cf. F .Münzer, art. « FabiusMaximus » 100 , RE VI 2, 1909, col. 1776 . MICHÈLE DUCOS.

F6

FI 5 FANNIA RE 22 PIR2 F 118 Fille du sénateur P . Clodius Thrasea Paetus (PIR2 C 1187), chef de l'oppo

sition stoïcienne à l'empereur Néron à Rome,mort en 66 , et d' Arria minor ( A 422), petite -fille d'Aulus Caecina Paetus (PIR ? C 103) et d' Arria maior (» A

421), Fannia devint, avant 56 , la seconde épouse d'Helvidius Priscus ( H 39). Elle était la belle -mère (nouerca, Pline, Lettres IX 13, 3) d 'Helvidius Priscus fils ( H 40). Elle partagea à deux reprises l'exil de ce dernier, d'abord à Apollonie en 66 sousNéron (Schol. Iuv. V 36 ), puis sous Vespasien .Elle fut de plus, en 93 , reléguée avec sa mère Arria et vit ses biens confisqués pour avoir encouragé et

aidé Herennius Senecion à écrire une biographie de son mari (cf. Pline, Lettres VII 19 , 5 ; Tacite , Agricola 2 ; Dion Cassius, LXVII 13 Epit.), condamné à mort sous Vespasien (en 74 , selon R . Syme, Tacitus, Oxford 1958 , p. 212). Pline le Jeune, qui était proche de cette famille , ne tarit pas d'éloges sur les vertus de

cette femme courageuse (Lettres III 11, 3 ; III 16 , 2; VII 19 ; IX 13, 3).Revenues à Rome sous Nerva, Fannia et Arria appuyèrent Pline lorsqu 'il décida (en 96 /97) de venger Helvidius Priscus fils en attaquant courageusement devant le Sénat

Publicius Certus ( IX 13 ; cf. RE Publicius 32), délateur sous Domitien. Pline qui raconte les détails de la séance dans sa lettre IX 13, avait également publié un ouvrage sur la question $ $ 1 , 14 et 24 .

Fannia fut victime d'une contagion en soignant chez elle la vestale Junia et ne semble pas y avoir survécu (ibid ., VII 19 , 1- 3). Aulus Caecina Paetus Arria maior P. Clodius Thrasea Paetus Arria minor

X Helvidius Priscus Fannia Helvidius Priscus fils Anteia

Cf. A . Kappelmacher, art. « Fannia » 22, RE VI 2 , 1909, col. 1995 ; J.

Melmoux, « C . Helvidius Priscus, disciple et héritier de Thrasea » , PP 30, 1975, p. 23 -40 ; J. Malitz , « Helvidius Priscus und Vespasian . Zur Geschichte der

“ stoischen ” Senatsopposition » ,Hermes 113, 1985, p. 231-246 ; A .N . Sherwin White , The Letters of Pliny. A Historical and Social Commentary, Oxford 1966,

p. 243, 424 sq., 492, 496 et 747. RICHARD GOULET.

6 FANNIUS (C . -) RE 7

Fja

Dans le Brutus 26 , 99, Cicéron distingue deux personnages portant ce nom ; l’un C . Fannius C .f. consul en 1224, tribun de la plebe en 1424, et auteur d'un

FANNIUS

416

F6

discours contre la proposition de C . Gracchus concernant les alliés et le nom latin , l'autre, C . Fannius M . f., gendre de Laelius, disciple de Panétius et auteur

d'une æuvre historique. Plus tard dans deux lettres à Atticus (12 , 5 , b et 16 , 13 c, 2), l'une écrite en 45 et l'autre en 44 , l'écrivain demande à son amides préci sions sur la date du tribunat de Fannius. Ces hésitations répétées conduisent les savants contemporains à considérer que Cicéron a commis une erreur et confondu deux personnages (voir G . V . Sumner, The Orators in Cicero 's Brutus.

Prosopography and Chronology, coll. « Phoenix – Suppl.» 11, Toronto 1973, p. 53 et p. 170-175). En fait, c 'est C . Fannius, M . f., qui a été tribun militaire en 141, tribun de la plèbe entre 139 et 134, préteur vers 126 et consulen 122, ce qui constitue une carrière plus conforme aux pratiques habituelles. En tant que consul, il prononce le discours cité plus haut contre C . Gracchus. Il est égale ment le gendre de Laelius, membre du « cercle des Scipions » (Cf. De republica I 18) et aussi le disciple de Panétius. Il n 'est pas sûr qu 'il ait été aussi l'historien .

Cf. F. Münzer, art. « C . Fannius » 7 , RE VI 2, 1909, col. 1987-1992 ; F . Càssola , « I Fanni in età repubblicana », Vichiana 12 , 1983, p. 84-112. MICHÈLE DUCOS . 7 FAUSTINUS

Destinataire, vraisemblablement fictif, du De Platone d’ Apulée ( A 294).

On notera que son nom n 'apparaît pas au début du livre I,mais seulement à la première ligne du livre II ($ 219 : Faustine fili), consacré à l'exposé de la partie morale de la philosophie de Platon . Comparant l'exposé de la doctrine platonicienne que donne le De Platone avec celui qu 'on trouve dans l' Epitome d ’Albinus, J. Beaujeu (édit.), Apulée :

Opuscules philosophiques et fragments, CUF, Paris 1973, Introd., p. 53,montre que ce qui était chez Albinus un exposé dogmatique se transforme chez Apulée en « sermon parénétique » : l'apostrophe à Faustinus, au début du livre II, « appa rente le texte à une épître de direction de conscience, comme celles que Sénèque adressait à Lucilius » .

C 'est à ce même Faustinus qu'Apulée a également dédié sa traduction du Iepi xóquou pseudo-aristotélicien , employant à la deuxième ligne du Demundo la même expression Faustine fili: Apulée a substitué, cette fois, le nom de Faustinus à celui d ' Alexandre le Grand , qui du reste n 'était dans le Nepì xóquou

qu’un dédicataire lui aussi fictif (c'est afin de se faire passer pour Aristote que l'auteur du lepì xóquou lui avait dédié son traité). Comme le note encore J. Beaujeu (op. cit., p . 310 n. 2 , relative au $ 285), le cognomen Faustinus était très courant à l'époque impériale.

JEAN -MARIE FLAMAND. 8 FAVONIUS (M . - ) RE 1

Homme politique au caractère violent et prompt, qui fut tribun de la plèbe en 60, édile en 52 et préteur en 49 ; c' était un disciple fougueux de Caton d 'Utique,

dont il imitait la parrhèsia ( Plutarque, César 41, 3 ; Pompée 60, 7-8 ; Brutus 12 ,

F9

FAVONIUS EULOGIUS

417

3 ; Caton le Jeune 46, 1 ; Dion Cassius XXXVIII 7 , 1 ; Suétone, Auguste 13). Plutarque explique qu '« il ne tenait aucun compte de sa dignité de sénateur romain et que, grâce au côté cynique de sa franchise (TQ OÈ HUVLXD tñs

tappnoiac), il émoussait souvent la dureté de ses propos» (Brutus 34, 5 ). Un jour que Brutus et Cassius se rencontrèrent à Sardes et se disputèrent, Marcus Favonius voulut intervenir. Bien que les serviteurs eussent reçu l'ordre de ne laisser entrer personne, il força la porte et se mit à déclamer des vers d'Homère . Si Cassius se mit à rire, Brutus en revanche le chassa, en le traitant d'haplokuna (surnom qui était déjà celui d 'Antisthène; cf. Diogène Laërce VI 13) et de pseudokuna. Par ces termes Brutus voulait certainement dire que Favonius était

un vrai chien , mais un faux Cynique (Brutus, 34, 1-7). Sur la biographie du personnage, voir F.Münzer , RE VI 2 , 1909, col. 2074-2077. MARIE -ODILE GOULET-CAZÉ.

9 FAVONIUS EULOGIUS RE 2

DV

Rhéteur plus ou moins officiel de Carthage , qui fut l'élève d'Augustin d'Hip pone (** A 508 ) ; celui-ci en témoigne lui-même incidemment dans le De cura pro mortuis gerenda 11, 13, éd . Zycha (CSEL 41), p. 642, 12 - 643,4 . Auteur d 'une Disputatio de Somnio Scipionis, de date inconnue ; comme le commentaire

deMacrobe sur le même texte cicéronien n 'est pas davantage daté, on pouvait penser que le problème de la priorité entre les deux commentateurs ne manque rait pas d'être agité ; faute d'arguments, on semble s'être rangé à une solution de

convenance : eu égard à sa brièveté et à son niveau modeste , la Disputatio de Favonius Eulogius peut difficilement avoir suivi une æuvre aussi riche que le commentaire de Macrobe , fruit de multiples lectures entrecroisées, d 'autant plus que Favonius semble avoir reçu commande du dédicataire Superius, consulaire

de Byzacène (cf. 1, 3 : iubere dignaris ; 28 : studio tuo paruisse). Toutefois,mal gré leur différence de qualité , il est important de noter entre les deux ouvrages un certain nombre d'analogies dans la démarche et dans le choix des thèmes.

Éditions et travaux. Il existe trois éditionsmodernes: 1 A . Holder, coll. BT,

Leipzig 1901 (avec index de la latinité) ; 2 R .- E . Van Weddingen, coll. « Lato mus » 27, Bruxelles 1957 (avec trad. française ); 3 L . Scarpa, Padova 1974 (avec trad. ital.). Importantes observations textuelles et doctrinales de 4 M . Sicherl,

Beiträge zur Kritik und Erklärung des Favonius Eulogius, coll. AAWM /GS 1959, 10 ,Wiesbaden , p. 667-709. La Disputatio obéit à un plan très clair. L 'auteur choisit dans le texte de Cicé ron deux éléments, auxquels il bornera son commentaire: ( 1) l'annonce faite par

Scipion l'Africain à son petit-fils qu'il décédera à cinquante -six ans (56 = 7 x 8 , qui sont deux numeri pleni) ; (2) la musique des sphères. Le premier thème occupe chez Favonius la première partie du commentaire (1, 2 - 20), le second la seconde partie (20 -27).

La théorie des nombres. Favonius traite desnombres 1 à 10 (à ceci près que la monade n 'est pas un nombre) dans une perspective qu 'il rattache à Pythagore ; après avoir parlé du 7 et du 8, il revient au texte de Cicéron pour établir que leur

418

FAVONIUS EULOGIUS

F9

produit, 56 , est également numerus plenissimus, numerus perfectus (18). Cette

partie arithmologique a fait l'objet d'un article éclairant de 5 E . Martinelli, « Considerazioni sulla monade in Favonio Eulogio » , ScrPhil 2 , 1980, p . 175 186 ; prolongeant certains travaux de F . E . Robbins, l' auteurmet en regard de la

Disputatio différents extraits grecs (Anatolius, Théon, Lydus) et latins (Censo rinus,Martianus Capella , Calcidius, Macrobe) qui en montrent bien l'environne ment.

La musique des sphères. Sans coïncider avec le commentaire deMacrobe, la Disputatio confirme la vogue du thème à la fin du IVe s., cf. J. Pépin , art.

« Harmonie der Sphären », RAC XIII, 1985, col. 593-618 . JEAN PÉPIN .

10 FAVORINUS D 'ARLES RE + RESuppl. VI:

I- II

Sophiste et philosophe.

Cf. 1 W . Schmid , art. « Favorinus aus Arelate » , RE VI 2, 1909, col. 2078-2084 ; 2 Id ., art. « Favorinus» , RESuppl. VI, 1935, col. 65-70 ; 3 K .Gerth , art. « Zweite Sophistik » , RESuppl. VIII, 1956 , n° 102, col. 749- 752 ; 4 A . Stein ,

PIR ? III, 1943, F 123, p . 119- 120.

Étude d 'introduction . 5 A . Barigazzi,« Favorino di Arelate » , ANRW II 34, 1 , 1993, p . 556 -581, avec complément bibliographique depuis 1965, p. 580 -581; 6 L . Holford -Strevens, « Favorinus. Theman of paradoxes » , dans J. Barnes et

M . Griffin (édit.), Philosophia togata , II : Plato and Aristotle at Rome, Oxford 1997, p . 188 -217.

Témoignages et fragments.

Édition de base: 7 A . Barigazzi ( édit.), Favorino di Arelate ,Opere. Introdu zione, testo critico e commento , Firenze 1966 (vie, æuvres, philosophie , style , portrait ; bibliographie ; témoignages, fragments, discours, avec commentaire détaillé ; concordance avec éditions antérieures; index complet). Il est utile de consulter aussi 8 E . Mensching (édit.), Favorin von Arelate. Der erste Teil der Fragmente : Memorabilien und Omnigena historia , coll. « Texte und Kommen tare » 3, Berlin 1963, et l'editio princeps du papyrus du De exilio par 9 M . Norsa

et G . Vitelli, Il papiro Vaticano greco 11.1 . Dabwpivov lepi purñs, coll. « Studi e testi» 53, Roma 1931, avec introduction , traduction , commentaire et photographie du papyrus. Les testimonia sont regroupés dans Barigazzi 7 et Mensching 8 . Les princi

pales sources anciennes sont Aulu -Gelle , Philostrate, Stobée et la Souda. Biographie . Né à Arles, en Narbonnaise , sans doute autour de 80. Chevalier

romain , d'origine ou par adlectio . Eunuque de naissance. Il étudia peut-être à Marseille, puis à Rome, en Grèce et en Asie Mineure. Au cours de nombreux voyages, il séjourna notamment à Corinthe, à Athènes, peut-être à Delphes et à Nicopolis, et il fut très admiré à Éphèse . Un des lettrés les plus illustres réunis autour d'Hadrien , il fut honoré de statues de bronze à Corinthe et Athènes et se vit offrir à Arles la charge d'apxiepeúc. Mais il encourut la disgrâce de l'empe

F10

FAVORINUS D 'ARLES

419 reur, ses statues furent abattues et il fut relégué à Chios, en partie à la suite des intrigues de son rival Polémon. Rentré à Rome sans doute dès le début du règne

d'Antonin (138), il fréquenta la meilleure société , à Rome et dans les villas d 'Ostie ou d'Antium (consulaires Fronton et Quadratus, jurisconsulte Sextus Caecilius, hommes de lettres Hérode Atticus et Aulu -Gelle ). Sophiste et brillant causeur, féru d'atticisme, d'une grande érudition en langue grecque et latine, il

résumait ainsi les trois paradoxes de sa vie : Tarátns Öv érnví[elv, Eůvoûyos @ v uolyelaç zpíveodal,Baoilet Olabépeodal xai (ñv (Philostrate, V. Soph . I 8). Il mourut assez âgé, entre 143 (consulat de Fronton ) et 177 (mort d'Hérode

Atticus).Lucien le tient pour un contemporain ayant été célèbre en Grèce quel que temps avant lui (Eunuque 7). Son infirmité est étudiée précisément par 10 H . J.Mason , « Favorinus' disor der. Reifenstein 's syndrome in Antiquity », Janus66 , 1979, p. 1- 13.

Maîtres et disciples, amis et ennemis. Il eutpour maîtres Dion Chrysostome (2 - D 166 ), qu' il dut entendre à Rome au début du liº siècle et qui le présenta peut-être à la cour impériale ; il lui ressemblait peu, dit Philostrate. Il cite souvent dans ses æuvres Démétrius le cynique (» D 43] (Philostrate , V. Apoll. IV 25). Il

entendit peut-être Épictète à Nicopolis. Il fut ami de Plutarque, qui lui dédia son traité De primo frigido (peut-être après 107) et une lettre (perdue) Sur l'amitié , mentionnée dans le catalogue de Lamprias, et le mit en scène dans ses Propos de

table (VIII, 734 d-f); il dédia lui-même à Plutarque un livre de son traité lepi tñs xarainntixñs davtaoías, donna son nom au traité Młoúrapxos ñ nepi tñs ’Axaonuaïxñs diadéoews etmit en scène, dans son Mpòç 'Enixtntov, un

esclave philosophe de Plutarque, Onésimos. Le sophiste Aelius Dionysius, de Milet, connut comme lui la faveur puis la disgrâce d 'Hadrien. Hérode Atticus,

qui le tenait pour « son maître et son père », hérita , à sa mort, de sa bibliothèque, d 'unemaison à Rome et de l'esclave indien Autolékythos. Le sophiste Antonius Polémon le desservit auprès d'Hadrien et traça un portrait féroce de l'“ eunuque celte" dans son traité de physiognomonie ; à Smyrne, le philosophe Timocrate prit le parti de Polémon contre Favorinus. Favorinus fut raillé aussi par les cyniques, Lucius, Démonax ( D 74) et Lucien. Il eut pour disciples Alexandre Péloplaton ( * A 121), sophiste de Séleucie , Quadration , sans doute identique au

consul de 142 L . Statius Quadratus, Démétrius d 'Alexandrie , conférencier sous Marc -Aurèle selon Galien (3G 3) et qui, selon Philostrate , imitait le style de

Favorinus ; et surtout Aulu -Gelle (2 - A 509), qui a recueilli dans ses Nuits attiques beaucoup de ses thèmes et arguments (voir, à ce sujet, 11 M . Pezzati, « Gellio e la scuola di Favorino » , ANSP, Ser. III 3, 1973, p . 837 -860 , et 12 L . Holford -Strevens, Aulus Gellius, London 1988, chap . VI, p . 72- 92). Sur Favorinus et Plutarque , voir aussi 13 C . P. Jones, Plutarch and Rome, Oxford 1971,

p . 35- 36 et 60 -61.Le De primo frigido est daté à partir d'une allusion à une guerre dacique de Trajan , qu 'on suppose être la seconde, mais aussi d 'après l'âge présumé de Favorinus : voir

aussi, 14 Id., « Towards a Chronology of Plutarch 's Works» , JRS 56 , 1966 , p. 72 -73. 15 Sur Favorinus et Dion Chrysostome, voir P. Desideri, Dione di Prusa . Un intellettuale greco nell'impero romano, coll. « Bibl. di cultura contempor.» 135,Messina 1978, p. 5 -6 . Sur ses rapports avec Hadrien , voir 16 S . Swain , « Favorinus and Hadrian » , ZPÉ 79, 1989,

p. 150- 158.

420

FAVORINUS D 'ARLES

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École philosophique. Présenté dans les sources antiques comme sophiste et philosophe, il paraît aux modernes, au mieux, un “demi-philosophe” . Il connais sait bien Aristote , il avait peut-être entendu Épictète , il aimait, comme les scep tiques, paradoxes et antithèses et pratiquait comme eux la suspension du juge ment. Mais c'est des positions de la Nouvelle Académie qu'il est le plus proche : voir la discussion approfondie de 17 J. Glucker, Antiochus and the Late Aca demy, coll. « Hypomnemata » 56 , Göttingen 1978, p. 280 -293, et Barigazzi 7 , p . 21-26 . L 'hypothèse d'une évolution de la rhétorique à la philosophie, proposée par 18 Th . Colardeau , De Favorini Arelatensis studiis et scriptis, Thèse, Gratia nopoli, Allier, 1903, est infirmée par ce que nous savons de la date et du contenu de ses æuvres. Sur ses conceptions cosmologiques, théologiques et éthiques, voir aussi 19 P . Geigen muller, « Harmonien und Dissonanzen bei Dio, Plutarch und Favorin » , JKPh 51, 1923, p . 209 -229, et, sur sa morale pratique, 20 T . Antonini, « Le fonti del MEPI OYTHE di Favo

rino » , RAL Ser. VI, 10 , 1934, p . 174 -256 . Sur ses prescriptions pour l'éducation du jeune enfant, remontant en partie à Chrysippe, mais aussi aux péripatéticiens et aux médecins, voir

surtout Aulu -Gelle XII 1, et la dissertation de 21 W . Schick , Favorin lepi naidwv und die antike Erziehungslehre, Leipzig 1911.

Euvres. Polygraphe fécond, Favorinus aurait voulu , selon la Souda , rivaliser par le nombre de titres avec son maître et ami Plutarque. Nous avons conservé trois discours à peu près complets et des fragments , qu 'il est parfois difficile de distribuer entre la vingtaine d 'œuvres dontnous connaissons les titres. Nous cite

rons ces derniers dans l'ordre de l'édition Barigazzi.

(1) < 'Eyxbulov Oepoitou >, Éloge de Thersite (voir l'appréciation d'Aulu -Gelle XVII 12 , 1-2).

(2) < 'Eyxbulov tñs tetaptalaç> , Éloge de la fièvre quarte (voir Aulu -Gelle XVII 12, 1-5 ).

(3) Mpòs toûç Xardalous, Contre les Chaldéens (résumé par Aulu -Gelle XIV 1, 1- 36 ). (4 ) ‘ Ynèp tővMovouáxwv, Pour les gladiateurs (titre cité par Philostrate , V .

Soph. I 8 ). (5) 'Ynèp tõv Baraveíwv, Pour les bains publics (ibid .). (6 ) 'Eni tõv añowv, Bagatelles, corrigé parfois à tort. Une citation d'Euri pide (Bacch. 386 -388) est attribuée avec vraisemblance à cette æuvre par A . Barigazzi.

(7) Tepi tñs onuódous ou (Anuádous) owopooúvns, titre conservé par Phrynichos, Eclogè, s.v.tóxlov .

(8 ) Hepàeuxñs, Sur la prière (Id., s.v. OLDOVOLV), dont faisait partie peut-être

le fragment 97 sur la prière de Socrate. (9 ) Lepimpws, Sur la vieillesse : le titre et les fragments 9-17 Barigazzi sont cités par Stobée.

( 10 ) Tepi Ewrpátouç xai tñs xat' aŭtóv épwtixñs téxins, Socrate et son art d 'aimer : titre conservé par la Souda ; les fragments 18 -21 Barigazzi en pro viennentpeut-être . Le thème est emprunté au Banquet de Platon . L 'ouvrage était

FAVORINUS D 'ARLES

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421

sans doute réfuté par Galien dans son écritMpós tóv Dabwpivov xatà Ewrpá TOUC. Plusieurs traités de Galien visaient Favorinus: Sur le meilleur enseignement contre Favo

rinus, Pour Épictète contre Favorinus, Contre Favorinus sur Socrate. Voir la notice consacrée à Galien (

G 3) .

(11) Hepì tñs 'Ouńpov blooopias, De la philosophie d'Homère (Souda ). (12) Tepi tñs Olaims tõu piooópwv, Du régimedes philosophes (Souda ).

(13) NepiNátwvos, Sur Platon (Souda). (14) llepi idɛwv, Des formes (Phrynichos, Eclogè, s.v. ovuntwua), traité

philosophique sans doute plutôt que rhétorique. (15) Iluppwvelwv Tpónwv Bubnía í', Des tropes pyrrhoniens en dix livres (Aulu -Gelle XI 5, 5 ; Diogène Laërce IX 87 ; Philostrate, V. Soph . I 8), peut-être paraphrasé par Aulu -Gelle (fr. 26 ), admiré par Philostrate . Favorinus admet que

les sceptiques puissent être juges,malgré leur tendance à suspendre leur juge ment.

( 16 ) Troútapxoc Ô nepi tñs ' Axaðnuaïxñs diabéoews, Plutarque ou l'académisme, dédié à Plutarque, critiqué par Galien , De optimo genere docendi,

40-52. Il traitait de l'énoxń de l'Académie, ancienne et nouvelle , et des critères de vérité.

(17) Nepi tñs xatainntixñs pavtaoias, De l'imagination cataleptique (De la représentation compréhensive ?), trois livres,dédiés respectivement à Hadrien (l'Empereur ou le sophiste Hadrien de Tyr ?), Dryson et Aristarque. Favorinus attaquait la théorie stoïcienne de la représentation .

(18) Ilpos 'Enixtntov, Contre Epictète, dialogue entre Épictète et un esclave de Plutarque, refuté par Galien dans son “Υπέρ Επικτήτου πρός Φαβωρύνον év, Défense d 'Épictète contre Favorinus, un livre. L 'ouvragemarquait les diffé rences entre académiciens et stoïciens quantaux critères de vérité . (19) ' Anxibiáons, Alcibiade, cité par Galien , De optimo genere docendi 1. Le nom pourrait être celui d'un contemporain , garde d 'Hadrien (Photios, Bibl.

cod. 83 b 25 ), plutôt que celui du général athénien contemporain de Socrate. Favorinus montrait, selon Galien,undèv elval xatarnntov (rien n 'est connais

sable de façon sure) ou meme μηδε τον ήλιον είναι καταληπτόν ( meme le soleil n 'est pas connaissable). (20 ) ’Anouvnuoveúuata ,Mémorables, au moins cinq livres, utilisés par Diogène Laërce, Élien, Athénée, Clément d'Alexandrie . L 'ouvrage contenait

beaucoup d'anecdotes sur des philosophes du VIe au IVe siècle. Il avait également publié un Abrégé des Hypomnemata de Pamphilè d 'Épidaure , attesté par Étienne de Byzance , Ethnica (Epit.), p. 547, 14, s.v. 'Ponteīc . Hérodien, Mepi napwvúuwv III

2, p. 891, 3, et Étienne de Byzance, Ethnica , p. 72, 7, signalent pour leur part un ouvrage de Favorinus intituléNepiKupnvaïxñs Tónews.

(21) Mavrodann iotopía , Histoire variée (Omnigena historia ), en vingt quatre livres désignés par les lettres de l'alphabet, traitantnotamment de person nages ou de lieux célèbres, utilisé par les mêmes auteurs que l'ouvrage précé dent. Sôpatros d ’Apamée, selon Photios, Bibl. 161 ( 103 b ) , avait tiré le livre III

S FAVORINU D 'ARLES

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de ses 'Exroyal du livre v et des livres &àw (t excepté) de l’Omnigena histo ria .

(22) Nepi Túxns, De Fortuna, discours conservé parmiles æuvres de Dion Chrysostome (Discours 64) et aujourd 'hui unanimement attribué à Favorinus. Des développements sur les attributs et la toute-puissance de la Fortune enca

drent un éloge de Naples et de son origine. (23) Kop volaxós, Corinthiaca (Pseudo-Dion Chrysostome, Discours 37) . Date : ca 130 . Favorinus plaide pour défendre la statue de bronze que les Corin

thiens lui ont dressée dix ans plus tôt près de leur bibliothèque mais qu'ils ont abattue quand le bruit de sa disgrâce leur est parvenu . Sur ces deux discours (35 et 64 du corpus de Dion Chrysostome), voir 22 A . Amato, Studi su Favorino . Le Orazioni pseudo -crisostomiche, Salerno 1993, 165 p . (étude de la tradition

manuscrite , traduction italienne des deux discours et version latine de Thomas Naogeorgius. L 'auteur prépare une édition avec traduction française pour la CUF).

(24 ) < Īlepi puyñs, De exilio > , texte mutilé au début et à la fin , publié d'après le papyrus grec nº 11 du Vatican . C 'est une consolation pour tous les exilés futurs , écrite pendant l'exil à Chio (vers 132- 138 ), un des nombreux opuscules

sur ce thème écrits dans l'Antiquité ( Télès, Sénèque, Dion Chrysostome, Muso nius Rufus, Plutarque...). ([25]) Philostrate , loc. cit., rejette commeapocryphe un eic Ilpotevov parfois

attribué à Favorinus. ([26 ]) Les Tvwuoroyluá cités par la Souda, les yvõual conservées par Sto bée, dans un papyrus du IIIe siècle et plusieurs manuscrits, sont sans doute des extraits des æuvres mentionnées ci-dessus,non un recueil portant ce titre consti tué par Favorinus lui-même. Voir , sur ce point, 23 J. Freudenthal, « Zu Phavo

rinus und der mittelalterlichen Florilegienlitteratur » , RAM 25, 1880, p . 408 -430 ; 24 C . K . Callanan et A . Bertini Malgarini, « Übersehene Favorin -Fragmente aus

einer Oxforder Handschrift », RAM 129, 1986 , p . 170 -184. Photios atteste que Sôpatros d 'Apamée avait constitué un livre d'excerpta de Favorinus (voir ci-dessus nº 21).

Ce que nous connaissons de la philosophie de Favorinus ressortit donc surtout à la théorie de la connaissance et à la morale pratique. SIMONE FOLLET.

FELIX→MINUCIUS FELIX

FIGULUS→ NIGIDIUS FIGULUS 11 FIRMIANUS

“ Prêtre du Capitole", érudit (noruuaońs) et “ philosophe digne d'admiration” (oủx đOatuaotoç biógodoc). Il estmentionné dans la Théosophie de Tübin gen , 74, p. 188 , 4 -5 Erbse, comme interprète des Oracles sibyllins. Voir la nouvelle édition procurée par H . Erbse : Theosophorum Graecorum Fragmenta ,

iterum recensuit H . E ., coll. BT, Stuttgart/Leipzig 1995, « Textus genuinus Theosophiae Sibyl larum », § 3, p .63, li. 71 - 66 , li. 100 .

RICHARD GOULET.

F 12

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FIRMICUSMATERNUS

12 FIRMICUSMATERNUS ( IULIUS -) RE 11

DM IV

La date exacte de la naissance de Iulius Firmicus Maternus est inconnue. De

certains passages de ses ouvrages, on peut déduire qu'il était originaire de Syra cuse et qu 'il fut un homme de loi au début de sa carrière. Les souscriptions de

manuscrits anciens font état de son rang sénatorial. Il était apparemment encore païen lorsqu 'il écrivit un ouvrage sur l'astrologie , intitulé Mathesis. L 'ouvrage

comportait huit livres et était dédié à Lollianus (RE 10)Mavortius, gouverneur de Campanie. Des allusions à une éclipse solaire récente et à Constantin comme

empereur régnant permettent de dater l'ouvrage entre 334 et 337. Après s'être converti au christianisme, FirmicusMaternus écrivit un second ouvrage dirigé contre le paganisme et dédié aux empereurs Constance II et Constant : le De Errore profanarum religionum . Comme l'ouvrage évoque l'expédition de

Constant dans les îles britanniques et le présente comme régnant en Occident, il faut le dater entre 343 et 350 . La contradiction doctrinale qui oppose l'ouvrage astrologique et l'écrit contre le paga nisme a conduit certains savants à les attribuer à deux auteurs différents. Cette hypothèse est inutile si l'on tient compte de la chronologie présentée plus haut, de la fréquence des conver sions, authentiques ou “ politiques", de ce genre et de la mention , dans l'un et l'autre ouvrage,

de l'origine sicilienne de leur auteur. De plus, l'hypothèse a été réfutée de façon décisive par 1C . H . Moore, Julius Firmicus, der Heide und der Christ, Diss. München 1897 , qui a rassem

blé une imposante collection de parallèles linguistiques entre la Mathesis et le De Errore. EUVRES 1.Mathesis

Selon Firmicus Maternus lui-même (Math . VIII 33, 1), l'ouvrage se divise en une introduction générale (livre I) et un examen technique détaillé de l'astrologie (livres II -VIII). Dans son introduction , l'auteur défend l'astrologie contre ses détracteurs , qui considèrent qu'on ne peut se fier à ses méthodes de prédiction et

que le déterminisme qu 'elle suppose limiterait la responsabilité morale . Firmicus Maternus s'appuie ici sur une argumentation traditionnelle qui remonte à

l' époque de Carnéade.La réponse met à contribution certaines doctrines médio ou néoplatoniciennes pour montrer (a) que les prédictions ne sont pas toujours fiables parce que l'âmehumaine est affaiblie du fait de son entrée dans le corps et (b ) que l'âme humaine, en se dégageant du corps et en retrouvant son énergie

originelle, peut échapper au déterminisme et aux entraves qu 'il représente pour la liberté morale . Dans la partie technique - dont les sept parties sontmises en parallèle avec les sept planètes (voir Math. VIII 33, 1) – l'auteur aborde les questions suivantes: les éléments de l'astrologie (livre II) ; l'influence exercée par les sept planètes dans chacun des douze signes du zodiaque, le thema mundi (c'est-à -dire l'horoscope du monde lui-même), la corrélation entre les cinq âges

du monde et les mouvements des planètes (livre III) ; la relation entre la lune et les autres planètes, le dominus geniturae, les décans (livre IV ) ; les quatre car dines du ciel, l'influence des planètes selon les signes du zodiaque, l'établisse ment des horoscopes, le chronocrator (livre VI); l'établissement des horoscopes

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FIRMICUS MATERNUS

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(livre VII), la sphaera barbarica, c 'est-à -dire les constellations autres que celles qui fontpartie du zodiaque (livre VIII).

Éditions. 2 W . Kroll, F. Skutsch et K . Ziegler (édit.), Matheseos libri VIII, coll. BT, Stuttgart 1897-1913 ; 3 P .Monat (édit.), Firmicus Maternus, Mathesis, CUF, Paris 1992-1997. Traductions. Anglaise : 4 J. R . Bram , Ancient Astrology : Theory and prac

tice. Matheseos libri VIII, Park Ridge (NJ) 1975 (peu fiable ). Française : Monat 3.

2 .De Errore profanarum religionum L'ouvrage comprend une première partie (chap. 1-17), de portée générale , dirigée contre les religions païennes et les cultes à mystères. On peut établir une subdivision entre une première section (chap . 1-8 ) traitant de la divinisation d 'entités du monde physique – par exemple identification de Mithra, d' Anahita ou de Liber Pater, avec le soleil ou la lune - , une seconde section ( chap . 9- 12 ) consacrée à la divinisation des passions humaines – identifiées par exemple à

Adonis, Cinyras et Sabazios -, et une troisièmesection (chap . 13-17) consacrée à

la divinisation des activités humaines – identifiées par exemple à Sarapis, Cérès etMars. La seconde partie de l'ouvrage ( chap. 18 -27) est de portée plus particu

lière et tente d 'expliquer comment les paroles et les gestes des cultes mystériques ont été empruntés à la Bible selon un plan du Diable pour tromper l'humanité .

Le De Errore s'achève (chap. 28-29) par une exhortation adressée aux empe reurs, les invitant à supprimer les religions païennes dans l’Empire romain . Éditions. 5 R . Turcan (édit.), Firmicus Maternus, L 'Erreur des religions païennes, CUF, Paris 1982. Traductions. Anglaise : 6 C . A . Forbes, New York 1970. Française : Turcan 5 . Italienne : 7 A . Pastorino, Firenze 1956 . FIRMICUSMATERNUS ET LA PHILOSOPHIE

Les œuvres de FirmicusMaternus, même si elles ne sont pas explicitement des traités philosophiques, font appel à un grand nombre d 'idées philosophiques.

Ces idées relèvent principalement de ce qu 'on pourrait appeler un “ syncrétisme stoïco -platonicien ” . Elles sont empruntées aux sources avouées ou tacites de

l'auteur: Cicéron, divers écrits “hermétiques" et Porphyre . (1) Trois premiers principes métaphysiques ou physiques sont enseignés: (i) un Dieu – un être inconnaissable et éternel défini comme substance, puissance

et activité – qui produit le monde, les corps célestes et l'homme; (ii) une Pensée - un être éternel et igné défini commepuissance et activité – qui introduit dans le cosmos la vie et la nécessité ; (iii) un Esprit qui produit et maintient le monde, les

corps célestes et l'homme. Parmi ces principes, la Pensée est moins nettement distinguée de Dieu que ne l'est l'Esprit. (2 ) Firmicus Maternus suppose entre Dieu et l'homme une relation causale ,

conçue comme un rapport entre macrocosme et microcosme, impliquant la médiation des corps célestes. Dans cette perspective, les corps célestes, notam

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FIRMUS CASTRICIUS

ment le soleil, sont décrits commesoutenus par la pensée divine et comme étant

eux-mêmes pensée(s) et dispensateurs des pensées humaines. ( 3 ) L 'âme humaine est conçue comme transcendante, immortelle et éthérée.

Dans le processus cyclique qui sous-tend toute existence humaine, elle descend vers la terre en passant à travers les corps célestes et en particulier le soleil. Ce faisant, elle devient sujette aux vices. Elle remonte ensuite au ciel en passant à travers les corps célestes et en particulier la lune, où elle se débarrasse de ces mêmes vices. STEPHEN GERSH . M III 13 FIRMUS CASTRICIUS RE (Castricius) 8 Porphyre rapporte qu'à la fin de sa vie, Plotin se retira sur des terres,

« qu'avaient possédées Castricius, appelé Firmus; ce dernier, des hommes de notre temps le plus cultivé (ploxaráratoc), vénérait Plotin , secondait Amélius en toutes choses tel un bon serviteur et à moi-même Porphyre demeura attaché en toutes choses comme à un véritable frère » (Porphyre, Vita Plotini 7 , 24 -28).

Castricius possédait alors des propriétés situées près de Minturnes; c'est de là qu' était envoyé à Plotin , qui s' était retiré en Campanie , ce qui lui était nécessaire

(Vita Plot. 2 , 20 -23). Parmi les disciples de Plotin , Castricius n ' était pas un disciple de stricte

observance. Il appartenait à un groupe qui refusait de se désintéresser des affaires publiques, et c'est peut- être pour cela que, à la mort de Plotin , il se trou vait à Rome (Vita Plot. 2 , 33). Par ailleurs , Castricius, de même que plusieurs autres membres de l'École, avait renoncé au végétarisme. Il devait le trouver

injustifiable en théorie et inconciliable avec le respect du culte établi, ainsi qu 'avec les exigences de la vie publique. Il semble même qu 'il donna des confé

rences publiques pour expliquer son attitude (Porphyre, De abstinentia I 3). C 'est pour ramener Castricius à toute la rigueur de l'ascétisme que Porphyre

composa le traité Deabstinentia (I 1; II 1 ; III 1 ; IV 1). Il est possible que ce soit ce Castricius qui a composé un commentaire sur le Parménide de Platon attesté par Damascius (Vita Isidori, chez Photius, Bibl., ). " zon ). cod. 242, fr. 244, p. 201, 1 Zintzen Enfin , il faut signaler un Kaotpixlog Ó Nexacús dont on a retrouvé un frag

mentconservé dans une Vie d 'Homère , peut-être par l'intermédiaire de Porphyre (cf. Homeri opera V , rec. T. W . Allen (1912 ), Oxford 1959, p. 256 sq. = Souda ,

s.v. "Ounpos). Mais Castricius est un nom largement répandu en toutes les régions et à toutes les époques, si bien qu 'on se gardera de proposer une identifi cation hâtive, d 'autant plus que l'ethnique ne semble pas correspondre au pro

priétaire terrien de la Vita Plotini. Sur l'identification proposée par P. Calligas avec le premier des minusculos tyrannos (Firmus, Saturninus, Proclus et Bonosus) qu 'évoque l'Historia Augusta, voir la note de L .

Brisson , dans Porphyre, La Vie de Plotin , t. II, p. 233. LUC BRISSON.

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FLAVIANUS SULPICIUS

F14

FLACCUS (Q .HORATIUS -) → HORACE FLAVIANUS NICOMACHUS FLAVIANUS

14 FLAVIANUS SULPICIUS (G .AELIUS -) Ce notable d'Ancyre, deux fois galatarque, est connu par les inscriptions de plusieurs statues élevées par des particuliers qu'il avait obligés : IGR III 196 et 197 ; Mordtmann ,Marmora Ancyrana , Berlin 1874, p. 21,n° 8 ; JHS 44 , 1924,

p. 42-43. Dans cette dernière, parmises autres titres qui se réfèrent aux fonctions exercées dans la cité et dans la province, figure celui de novotépavos φιλόσοφος. BERNADETTE PUECH . 15 FLAVIUS - - -

IV ?

Une inscription très mutilée, IG XIV 278 (IGR I 500), était gravée sur la base de la statue élevée par la cité de Lilybée à un philosophe , Flavius, dont le cognomen n 'est pas conservé. Si la cité dont il était originaire, une colonie romaine, s 'appelait bien Flavia ... Constantia , son activité doit se placer au IVe siècle au plus tôt. BERNADETTE PUECH .

FLAVIUS FLAVIUS + FLAVIUS + FLAVIUS

ARCHIPPUS (FLAVIUS -) ATTICUS (FLAVIUS -) BOETHUS (FLAVIUS -) DIONYSODORUS (F. M . S. -)

FLAVIUS

EUTROPIUS (FLAVIUS -)

FLAVIUS + GLAUCUS (T. FLAVIUS -) FLAVIUS HERMOCRATES FLAVIUS + HIERAX (FLAVIUS -) FLAVIUS IULIANUS (F . CLAUDIUS --) FLAVIUS MAXIMUS ( T. F. -) FLAVIUS → MENANDER (FLAVIUS -)

FLAVIUS + POSIDONIUS (FLAVIUS -) FLAVIUS → POUSAIOS (F . ILLUSTR . -) FLAVIUS THEODORUS (F.MANLIUS -)

FLAVIUS — THEODORUS (FLAVIUS -) I/II 16 FLORUS (L .MESTRIUS -) PIR2 M 531 Consul sous Vespasien , dont il se permettait de corriger les fautes de pronon

ciation (Suétone, Vesp . 22, 3), proconsul d’Asie en 88/9 (cf. W . Eck, « Prokon suln von Asia in der flavisch-trajanischen Zeit» , ZPE 45, 1982, p . 149),Mestrius

F 18

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FRONTON

Florus semble ensuite s'être retiré en Grèce, ou du moins y avoir séjourné très régulièrement: dans les propos de Table , Plutarque, qui le classe au nombre des

tempéraments philosophiques (piógopou púoes, 734 d ), le met en scène à plusieurs reprises (I 9 ; III 3 -5 ; V 7 et 10 ; VII 1, 2, 4 , 6 ; VIII 1 , 2 et 10), le plus souvent dans sa résidence des Thermopyles, où il s'entourait d'hommes de lettres et de philosophes; la présence chez lui d 'Autoboulos (2 + A 511), fils de Plutarque, et de Favorinus (MF 10 ) implique qu 'il résidait en Grèce vers 110 ; voir C . P . Jones, Plutarch and Rome, Oxford 1971, p . 48 -49. On rencontre égale ment dans son entourage un stoïcien athénien , Thémistoclès. Lui-même ne paraît s ' être attaché à aucune école précise, même si on le trouve à l'occasion plongé

dans la lecture d'Aristote (734 d). C 'est certainement son intervention qui valut leur qualité de citoyens romains à Plutarque et à Euphratès de Tyr (» - E 132) . Peut- être est-il identique au sénateur Florus qui aurait envisagé, selon Épictète I 2 , 12 -15 , de jouer son rôle dans un spectacle donné par Néron , de peur de s'ex

poser à sa colère: voir F . Millar, « Epictetus and the imperial court» , JRS 55, 1965 , p . 141. Il avait en tout cas atteint l'âge adulte avant la fin du règne de

Néron, car il fut l'un des officiers d 'Othon à la bataille de Bédriac (Plutarque, Othon 14 , 2). BERNADETTE PUECH . 17

FORTUNATIANUS (QovprouvaTLavóc) RE 4 PLREI:1

MIV

Ami et correspondant de Libanius, haut fonctionnaire sous les empereurs Constance II, Julien , Jovien et Valens . Il était païen et apparemment originaire d'Antioche . Libanius le présente comme philosophe (Lettre 644, 3 ; 294 , 9) et comme poète (Lettre 1373 ; 1425, 2 ). Il le dépeintaussi comme « un homme qui vivait dans les livres » (Discours XIV 9). Il est le dédicataire des lettres 565 (avant que Libanius quitte Contantinople pour s'installer à Antioche en 354 ), 644, 650 , 661, 1144, 1157, 1262, 1373, 1425 , 1436 , 1515. Il est encore men

tionné dans les lettres 364, 4 ; 716 , 1 et 694, 9 . Cf. O . Seeck, art. « Fortunatianus» 4,RE VII 1, 1910 , col. 44 ; Id ., Die Briefe

des Libanius, Leipzig 1906, p. 159- 160 (Fortunatianus I) ; A . Lippold , art. « Fortunatianus» 1, KP II, 1967, col.600 . RICHARD GOULET.

18 FRONTON RE 8 MI « Stoïcien », mentionné par Martial, Epigr. XIV (Apophoreta) 106 : « On te donne cette aiguière rouge à l'anse cintrée. I Le stoïcien Fronton s'en servait pour prendre de l'eau fraîche» (trad . Izaac). « Les Apophoreta étaient joints comme des étiquettes à des objets divers tirés au sort entre les invités à la table du maître du logis , qui, dans les grandes occasions, instituait une vraie loterie . C 'était là un genre de réjouissances qui pouvait appartenir à tous lesmoments de l'année,mais qui était particulièrement propre aux Saturnales, dont il ne se sépa

rait pour ainsi dire pas. (...) Les livres XIII-XIV (...) furent publiés aux Satur

nales de 84 ou 85 » (Izaac, tome II 2 , p. 193).

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FRONTON

F18

Il faut signaler que le père de Martial s'appelait < Valerius (RE 191]> Fronton (V 34) et que l'Epigr. I 55 évoque une gloire éclatante de l'armée et du barreau du nom de Marcus

Fronton [RE 9 ], qui se plaisait à vivre sur son petit domaine, loin des devoirs de société qu'impose la ville. Mais toute identification serait gratuite.

RICHARD GOULET.

19 FRONTON (M . CORNELIUS -) RE Cornelius 157 PIR C 1364 100 - ca 167 Rhéteur d 'origine africaine, né à Cirta (Constantine) en Numidie, ayant

exercé principalement à Rome, où il fut le maître de Lucius Verus et de Marc Aurèle, jusqu 'à ce que ce dernier rejette la rhétorique au profit de la philosophie

(vers 147). Une grande partie de sa correspondance a été retrouvée dans des palimpsestes deMilan et du Vatican .Loin d'être philosophe, Fronton reléguait la philosophie à un rôle fort subalterne par rapport à la rhétorique. Il fut l'élève du philosophe Athénodote (HA 499). Il fut consul suffect en 143 sous Antonin le

Pieux. Au momentde partir exercer son proconsulat en Asie (charge qu 'il ne put exercer pour des raisons de santé), il écrivit à d'anciens amis d 'Alexandrie de venir le rejoindre à Athènes (ad Antoninum Pium 8), ce qui suggère qu 'il avait sans doute effectué un voyage d'étude à Alexandrie dans sa jeunesse. Il eut à Rome de nombreux disciples, dont C . Aufidius Victorinus (Script. Hist. Aug., Marc. Anton. III 8), qui devint son gendre, et sa maison était le lieu de conver sations savantes auxquelles assista le jeune Aulu -Gelle (Nuits attiques XIX 8, 1),

parfois en compagnie de Favorinus ou d'autres savants (II 26 ; XIII 28 ; XIX 10). Stemma de la famille de Fronton. Titus Quadratus Cornelius Fronton - Gratia

5 filles

Gratia - C . Aufidius Victorinus

mortes

en bas âge un fils mort à 3 ans

M . Aufidius Victorinus Fronto (consul en 199)

(Decimanus ?)

Il ne faut pas confondre Cornelius Fronton avec le rhéteur Fronton d'Émèse (absent de la RE), qui, selon la Souda (s.v. “ Fronton ” , 0735 ), vécut sous l'empereur Sévère (193-211) à Rome et fut le rival des rhéteurs Philostrate l'Ancien et Apsinès de Gadara à Athènes. Cet homonyme de la fin du 11° siècle et du début du lire siècle mourut à Athènes à l'âge de 60 ans.

Cet auteur prolifique eut comme héritier le critique Longin, qui était le fils de sa seur Fron

tonis. Voir 1 K . Gerth , art. « Zweite Sophistik » , RESuppl. VIII, 1956 , col. 752, nº 104 ; 2 L . Brisson et M . Patillon , « Longinus Platonicus Philosophus et Philologus. I. Longinus Philo sophus » , ANRW II 37 , 7 , 1994, p . 5217 et fr. 1 b , p. 5231-5232. Cornelius Fronton était d 'ori

gine africaine et non syrienne et ne vécut jamais, semble-t-il, en Orient, n 'ayant pu, pour des

raisons de santé, assumer le proconsulat en Asie. Ilmourut d'ailleurs vers 167. Éditions. 3 Michael P. J. Van den Hout (édit.), M . Cornelii Frontonis Epistu

lae, Leiden 1954 ; 4 Id . (édit.), Fronto, Epistulae, schedis tam editis quam inedi tis Edm . Hauleri usus, iterum ed. M . P.J. Van d . H ., coll. BT, Leipzig 1988 , XCVI-296 p .

F19

FRONTON (M . CORNELIUS - )

429

Traductions. Anglaise: 5 C . R . Haines ( édit.), The Correspondence of Mar cus Cornelius Fronto with Marcus Aurelius Antoninus, Lucius Verus, Antoninus Pius, and Various friends, coll. LCL 112 -113, London /Cambridge (Mass.) ( 1919 ), “ revised and reprinted ” 1982, 2 vol. ; bibliographie , p . XLIV -LII ; ita lienne : 6 Frontone. Opere, trad . F . Portalupi, coll. « Classici latini» 29, Torino

1974, 544 p . 7 pl. 2 indices; espagnole : 7 A . Palacios Martín , Frontón, Epistola rio , introd., trad . y notas, coll. « Biblioteca clásica Gredos » 161, Madrid 1992, 422 p . index. Bibliographie. 8 P . V . Cova, « Marco Cornelio Frontone» , ANRW II 34, 2 ,

1994, p . 873-918 ; 9 Id ., « Marco Cornelio Frontone. Rassegna bibliografica 1989-1995» , BStudLat 27, 1997, p. 591-618. Lexique. 10 A . Pennacini, Lessico del De orationibus e del De eloquentia di

M . C. Frontone con rilevazioni statistiche, coll. « Alpha-Omega , Reihe A : Lexika, Indizes, Konkordanzen zur klass . Philol.» 32, Hildesheim 1976 , XI- 390 p . ; 11 R . Fontanella , M . Olivetti et M . Ramella Votta ( édit.), Index verborum mit

statistischen Aufstellungen zu De nepote amisso, De feriis Alsiensibus, Arion, Laudes fumi et pulveris, Laudes neglegentiae von M . C . Fronto , coll. « Alpha

Omega Reihe A , Lexika, Indizes, Konkordanzen zur klass . Philol.» 58 , Hil desheim 1981, XI-377 p . Voir aussi 12 M . Mattea, « Statistical researches in the verbum lexical field on (lire “ of” ? ) the Frontonian rhetorical works, De oratio

nibus and De eloquentia » , RELO 3 , 1975, p . 35 -55. Études d 'orientation . 13 J. Brzoska, art. « Cornelius... Fronto (M .) » 157, RE IV 1 , 1900 , col. 1312-1340 ; 14 E . Champlin , Fronto and Antonine Rome, Cambridge (Mass.) 1980, XII-185 p . ; 15 M . A . Attilio , « Ricerche su Frontone » , MAL, Serie IX , 4, 4, Roma 1994 , p. 240-312.

Chronologie. 16 E . Champlin , « The Chronology of Fronto » , JRS 64, 1974 , p . 136 - 159, situe la mort de Fronton vers 167. Voir cependant 17 M . L . Astarita, « Questioni di cronologia frontoniana » , Koinonia 2 , 1978 , p . 7 -42 , selon laquelle

Fronton a dû vivre jusqu'en 175 au moins. Voir dans le même sens : 18 M . C . Cristofori, « L 'Oratio di Frontone contro i cristiani e la persecuzione di Marco Aurelio » , RSCI 32, 1978 , p . 130- 139, qui considère que l'Oratio de Fronton contre les chrétiens semble avoir comporté le motif de la recherche d 'office des

chrétiens, qui ne fut appliquée qu'entre 175 et 177 par Marc-Aurèle. 19 J. E. G . Whitehorne, « Ad amicos I 5 and 6 and the date of Fronto 's death », dans C .

Deroux C . ( édit.), Studies in Latin literature and Roman history, coll. « Lato mus» 164, Bruxelles 1979, t. I, p. 475-482. Sur Fronton et Marc- Aurèle . Un document important relatif à la “ conver

sion” de Marc-Aurèle à la philosophie est la lettre à Fronton, dans laquelle le jeune César marque sa préférence pour la lecture d '" Ariston ” (Ariston de Chios (

A 397 ] ?), plutôt que pour les exercices rhétoriques que lui impose son maître

(Ad M . Caes. IV 13). 20 H . Gärtner, « Ein Kronprinz und sein Lehrer. Marc Aurel in seiner Korrespondenz mit Fronto » , dans P. Neukam (édit.), Struktur und Gehalt, coll. « Dialog Schule -Wissenschaft, Klass. Sprachen & Lit.» 17 , München 1983, p . 25 -49 ; 21 F . Della Corte , « Un precettore diMarco Aurelio ,

430

FRONTON (M . CORNELIUS -)

F19

Frontone » , C & S 95 , 1985, p . 68-74 . Sur la “ lettre de conversion” de Marc

Aurèle, voir 22 H . Görgemanns, « Der Bekehrungsbrief Marc Aurels, RhM 134 , 1991, p . 96 - 109 ; 23 P . Hadot, La Citadelle intérieure . Introduction aux Pensées de Marc Aurèle, Paris 1992, passim , notamment sur la lettre à Fronton , p. 24-27 . Sur le discours contre les Chrétiens mentionné par Minucius Felix , Octa vius 9, 6 -7 et 31, 2 (et peut-être utilisé ailleurs dans l'ouvrage ), voir 24 P. Frassi

netti,« L 'orazione di Frontone contro i Cristiani» ,GIF 3, 1949, p. 238 sq.; 25 B . Balwin, « Fronto on the Christians » , ICS 15, 1990 , p . 177- 181; 26 C . P. H . Bammel, « Die erste lateinische Rede gegen die Christen » , ZKG 104 , 1993 , p . 311.

Sur la “ philosophie” de Fronton , voir 27 P . Grimal, « La philosophie de M . Cornelius Fronton » , dans Au miroir de la culture antique. Mélanges R . Marache, Rennes 1992, p . 251- 257 ; 28 P. V . Cova, « La filostorghia di Fron tone » , dans Id ., Lo stoico imperfetto . Un 'immagine minore dell'uomo nella lette

ratura latina del principato , coll. « Studi e testi dell'antichità » 10 ,Napoli 1978 , p. 114 -131. Sur l'influence rhétorique durable de Fronton surMarc- Aurèle phi losophe, voir 29 M . Alexandre, « Le travail de la sentence chez Marc Aurèle.

Philosophie et rhétorique », dans Formes brèves. De la yvóun à la pointe, mé tamorphoses de la sententia = La Licorne 3, 1979, p. 125-158 ; 30 A . Michel, « Rhétorique et philosophie au second siècle après J.-C . », ANRW II 34 , 1 , Berlin

1993, p . 3-78; 31 J.-M . André ,« Les Écoles philosophiques aux deux premiers siècles de l'Empire » , ANRW II 36 , 1, 1987, p. 37-39. Parmi les textes qui dévoi lent les réserves que Fronton manifestait à l'égard de la philosophie , on peut citer la lettre (écrite en grec) à Appius Apollonides (Ad amicos I 2 ), dans laquelle il recommande Sulpicius Cornelianus parce qu 'il est un bon rhéteur, un ami et qu 'il n 'est pas philosophe... Il sait en revanche apprécier les qualités de philo sophe de Julius Aquilinus (» A 296 ), lorsqu 'il le recommande à Aegrilius Pla

rianus (Ad amicos I 4). A Marc -Aurèle quimarquait finalement son mépris pour la rhétorique, Fronton adresse une longue lettre (De Eloquentia I) où il dénonce comme tout aussi futiles les exercices dialectiques de Diodore (MD 124) ou d' Alexinus (P- A 125) et montre que l'éloquence, de toutes façons indispensable à l'empereur, peut au moins être une servante de la philosophie ( comitem philo

sophiae), comme elle l'a été pour Platon, Xénophon , Antisthène, Chrysippe. Iconographie. Marc -Aurèle aurait demandé au sénat d' élever une statue en l'honneur de Fronton (Script. Hist. Aug., Marc. Anton. II 5). 32 J.- C. Balty ,« Un

nouveau portrait de rhéteur aux Musées royaux d 'Art et d'Histoire» , BMAH 55, 1984 , p. 53-62, croit reconnaître un portrait de M . Cornelius Fronto dans un fragment d 'un buste de marbre blanc (inv. A 3917) remontant au milieu de

l'époque antonine. RICHARD GOULET.

20 FRONTON II/III ? Le nom de Fronton , pensionnaire du Musée d'Alexandrie, apparaît sur une

base de statue trouvée en Lydie (TAM V 498,région de Maionia ). Il paraît être

F23

FULGENTIUS

431

celui du personnage représenté par la statue, qui doit avoir été élevée, comme l'ont supposé J. Keil et A . von Premerstein (Bericht über eine zweite Reise in Lydien II,Wien 1911, p. 107 - 108 n° 210), dans une demeure privée, car l'ortho graphe peu conventionnelle, l'emploi du nominatif pour le nom du personnage honoré, l'absence de patronyme et d' ethnique se démarquent des usages offi ciels. Selon toute vraisemblance, Fronton était donc un proche, parent ou ami, du propriétaire de ce domaine de Méonie . Aussi est-il très douteux (malgré P . Lemerle , « Inscriptions latines et grecques de Philippes » , BCH 59, 1935, p. 134)

qu' il soit identique au rhéteur Fronton d'Émèse connu par la Souda (Q 735) ou au philosophe Domitius Fronton d’Hippone (» F 21). [Il serait également imprudent d 'y reconnaître un portrait du rhéteur M . Cornelius Fronton ( F 19), mais on ne peut toutefois ignorer que le célèbre rhéteur d 'origine africaine avait fort probablement étudié à Alexandrie avant de s'installer à Rome (ad Antoninum Pium 8), qu 'il avait toute sa vie défendu à Rome les intérêts publics et privés des habitants de Cilicie (ibid .) et que seule la maladie l'empêcha d 'aller exercer son proconsulat en Asie. Qu'un tel person

nage, maître de l'empereurMarc-Aurèle , ait pu être honoré à Alexandrie et en Lydie par une statue portant son simple nom n 'est pas inimaginable .

R . G .)

BERNADETTE PUECH . 21 FRONTON (DOMITIUS -) Un philosophe stoïcien Domitius Fronton fut honoré d 'une statue par la ville

d'Hippone, à une date qu'il n 'est pas possible de préciser: BACTH 1954, p. 188 189. L 'inscription est reproduite dans P . Grimal, La civilisation romaine, coll. « Les grandes civilisations» 1, Paris 1960, entre les pages 184 et 185 (pl. 75). BERNADETTE PUECH . 22 FUFFICIUS ( L . IUNIUS -) RESuppl. V :75 a

L 'inscription CIL V 2135, mentionnant un philosophe L . Iunius Fufficius - dans lequel on a cherché à reconnaître le stoïcien Iunius Rusticus, ou son parent Iunius Arulenus Rusticus, maître de Marc-Aurèle – est en réalité une

création du faussaire Ligorio : voir Ch. Hülsen , « Eine Ligorische Porträt fälschung» ,MDAI(R ) 17, 1902, p. 317-321.

BERNADETTE PUECH. V -VI 23 FULGENTIUS (FABIUS PLANCIADES - ) RE 13 Les problèmes historiques et littéraires soulevés par la vie et l'æuvre du

mythographe Fulgence sont considérables. Il est en particulier difficile d'établir

(1) l'identité de l'auteur, ( 2) l' étendue de ses euvres authentiques, (3) le lieu et la date de son activité . (1) On se demande encore s'il convient d 'identifier Fabius Planciades Fulgen tius (RE 3), auquel on rapporte au moins trois ouvrages de caractère mythogra phique, avec Claudius Gordianus Fulgentius qui écrivit des ouvrages de théolo gie et devint peut-être évêque de Ruspe (RE 2). Pour un examen de la bibliogra

phie et des arguments contraires à l'identification , voir 1 G . Pennisi, Fulgenzio e

432

FULGENTIUS

F 23

la Expositio Sermonum Antiquorum , Firenze 1963, p. 15- 19 ; pour un examen de

la bibliographie et des arguments favorables à l'identification, voir 2 P . Langlois , « Les æuvres de Fulgence le Mythographe et le problème des deux Fulgence » ,

JAC 7, 1964, p . 94- 105. La suite de la présente notice considère que la nécessité d'identifier les deux personnages n 'est pas encore établie. (2 ) Deux ouvrages : Mitologiae et Expositio Virgilianae Continentiae sont

rapportés uniquement au nom de Fabius Planciades Fulgentius dans la tradition

manuscrite. Un troisième ouvrage, intitulé Expositio Sermonum Antiquorum , est associé ou bien à Fabius Planciades Fulgentius ou bien à un “ Fulgentius Episco

pus” . Dans certains manuscrits des XII° ou XIIe siècles, un ouvrage intitulé De Aetatibus mundi et hominis est rattaché à Claudius Gordianus Fulgentius. Dans un manuscrit du XIIe siècle , un écrit intitulé Super Thebaiden est associé à

" Fulgentius Episcopus”. Puisque l'Expos. Virg. Cont. se réfère apparemment aux Mitol. en plusieurs passages, il est certain que ces deux ouvrages sontdu même auteur. Ces écrits peuvent être rapprochés également par des caractéristiques stylistiques remarquables qui leur sont communes: l'association de l'allégorie et

de l' étymologie , le recours à des citations impressionnantes mais inexactes et un ensemble d 'expressions et de tournures caractéristiques . ( 3) Un terminus post quem pour l'æuvre de Fulgence est fourni par les sources les plus récentes que l'on peut identifier de façon certaine à l' arrière

plan de son ouvrage : Martianus Capella et Orose. Il serait donc postérieur aux années 430. L 'auteur était vraisemblablement originaire d 'Afrique du Nord :

c 'est ce qu'on peut déduire du fait qu'il présente le libyen comme sa langue native, qu 'il connaît en détail la géographie de l'Égypte (Alexandrie, Méroé, etc .), et qu 'il emploie un latin très coloré caractéristique de cette région. Qu'il fut chrétien est également facile à conclure de sa connaissance manifeste de la Bible, du fait qu 'il a dédié son commentaire de Virgile à un " lévite ”, c'est-à -dire

à un diacre, et de son recours à Tertullien comme autorité pour expliquer des mots latins obscurs. En revanche un terminus post quem plus tardif (532-533) ne

peut être accepté que si l'on identifie le mythographe et l'évêque.

Éditions. Les trois æuvres qui peuvent être attribuées de façon certaine à Fabius Planciades Fulgentius peuvent être rapidement résumées. Les Mitologiae consistent en trois livres comprenant chacun un prologue et une interprétation allégorique de différents mythes classiques. Le prologue au livre I définit le

décor de l'ouvrage : l'auteurbénéficie d'une vision de la muse Calliope dans un endroit ombragé. Il discute avec elle , déclarant qu 'il souhaite exposer la véritable signification des mythes dans le cadre d 'une sorte de jeu poétique. Calliope

répond qu'une telle entreprise nécessiterait non seulement sa présence , mais

celle de Philosophia, d ’Urania et de Satira . Fulgence rejette la troisième comme étant inappropriée à son projet. Le prologue introduit alors un changement de décor : l'auteur est maintenant décrit comme bénéficiant d 'une vision de la muse

Calliope alors qu 'il reste couché. Cette fois , elle explique qu 'elle va parler de la nature des dieux, dans la mesure où l'on rencontre sur ce point beaucoup d 'in compréhension, liée à la superstition . A la suite du prologue vient la série d 'in

F 23

433

FULGENTIUS

terprétation des mythes, chaque mythe étant d' abord exposé, puis interprété de façon allégorique.

L' Expositio Virgilianae Continentiae commence aussi par une description de l'auteur recevant une vision. Cette fois, c'est le poète Virgile qui apparaît et pro pose d 'expliquer les secreta physicae, c'est-à-dire la signification allégorique de l' Enéide conforme à la Physique. Virgile explique comment les livres I -XII

décrivent le status humanae vitae: le livre I raconte le naufrage qui signifie allé goriquement la naissance humaine ; les livres II- III les errances qui représentent l'enfance ; le livre IV la concupiscence qui correspond à l'adolescence ; le livre V les jeux qui représentent la maturité et la responsabilité, tandis que le livre VI

raconte la descente aux Enfers qui signifie allégoriquement la maturité et l'édu cation. Les livres VII-XII sont interprétés de façon plus sommaire: chaque fois

le récit est censé représenter une nouvelle étape dans la maturation psycholo gique.

L ' Expositio Sermonum Antiquorum commence sans aucune évocation du décor. L 'auteur affirme simplement qu 'il donne satisfaction à une demande qui

lui a été faite de fournir un traité sur des mots obscurs. Suit l'explication de 62 termes dans laquelle l'auteurmet à contribution des citations d 'auteurs latins. Édition . 3 R . Helm , Fabii Planciades Fulgentii Opera , Leipzig 1898 . Traduction anglaise : 4 L .G . Whitbread , Fulgentius the Mythographer,

Colombus (Ohio ) 1971. Cf. 5 0 . Skutsch, art. « Fulgentius » 3 (der Grammatiker und Mythograph ], RE VII 1, 1910, col. 215-227 ; 6 P . Courcelle, Les Lettres grecques en Occident, p. 206 -209. FULGENCE ET LA PHILOSOPHIE

Les vues philosophiques de Fulgence sont uniquement celles qui apparaissent à l'occasion dans le cadre de ses interprétations allégoriques . Ces interprétations

peuvent être classées sous quatre chapitres : (i) métaphysiques, par exemple l'explication de Saturne comme sacrum nun (nus = voũs), ou celle de Promé thée comme pronianteu , quod nos latine praevidentiam dei dicimus; (ii) physi ques - qui regroupe peut-être le plus grand nombre d 'interprétations de Ful gence -, par exemple l' explication de Jupiter, Junon , Neptune et Pluton comme

étant les éléments du monde physique , feu, air, eau et terre (car Junon = Héra / aer, Neptune = Poseidon/poiein idean, c' est- à-dire faire des formes dans l'eau) ;

(iii) astronomiques – égalementune catégorie d'interprétations fort employée par Fulgence -, par exemple l'explication d'Apollon comme étant le soleil (Apollon/ apollusthai, c 'est-à -dire le dessèchement de la végétation) ; (iv)morales, par

exemple l'explication d 'Hercule et d 'Antée comme étantrespectivement la vertu et la concupiscence. L 'association de l' étymologie et de l'allégorie est relative ment fréquente chez les auteurs latins de la fin de l' Antiquité commeMacrobe et Martianus Capella . L ' originalité de Fulgence réside dans le caractère condensé

de son exposé et dans l'élaboration d 'une allégorie systématique de l' Énéide.

STEPHEN GERSH.

FULVIUSNOBILIOR 24 FULVIUS NOBILIOR (M . - ) REF 91 434

F 24

DIIa

M . Fulvius Nobilior fut édile curule en 196a (Tite-Live XXXIII 42, 8 ), préteur en 193a (XXXIV 54, 2), propréteur d 'Espagne et obtint ensuite les honneurs de l’Ovatio . Consul en 189a avec Cn .Manlius Vulso , il mène la guerre contre les Étoliens et remporte sur la ligue étolienne la victoire d 'Ambracie à laquelle Ennius (BE 25 ) consacra un poème. A son retour à Rome, en 186 , il célèbre un triomphe dont Tite -Live souligne l'importance (XXXIX 22, 1- 2). Il donne alors des jeux votifs auxquels participent des athlètes et des artifices (sans doute des technites dionysiaques, selon 1 J. Ferrary , Philhellénisme et impérialisme, p . 519 n . 15). Censeur en 180 - 179, il fait alors construire la basilique Aemilia et Fulvia .

Outre les jeux de 186 , l'intérêt pour la Grèce et la culture grecque que mani feste Fulvius Nobilior, se révèle d' abord dans la protection accordée à Ennius. Il apparaît surtout dans le temple d 'Hercules Musarum qui fut construit avec le butin pris aux Étoliens et qu 'il consacra comme censeur en 180 -179. Par là, les Muses figurent à Rome sous leur nom grec, comme c'est aussi le cas dans les Annales d' Ennius, car les premiers écrivains romains les nommaient Camènes.

En outre 2 P. Boyancé (« Fulvius Nobilior et le dieu ineffable» , RPh 1955, p . 172 - 192, repris dans Études sur la religion romaine, Rome 1972, p. 227-252) a rappelé l'importance des Muses chez les pythagoriciens, car elles sont les déesses de l'accord musical et de la concorde en politique. L 'association des Muses avec Hercule semble ancienne dans le pythagorisme; peut-être mêmeest elle apparue à Crotone et dans le Sud de l'Italie . Ainsi s'affirme l'influence du pythagorisme sur Fulvius Nobilior. Elle semble confirmée par d 'autres indices : selon Macrobe (Saturnales I 2, 16 ) Fulvius Nobilior était l'auteur d 'un ouvrage sur les Fastes, qu' il avait déposé dans le temple d 'Hercules Musarum . Il y avait insisté sur l'astronomie et, surtout, sur le rôle de Numa dans la création du

calendrier, et ces explications montrent encore l'influence du pythagorisme (Boyancé 2). Enfin , un fragment de J. Lydus (De ostentis 16 ) insiste sur la présence d 'un « dieu ineffable, père de toutes choses» et la possibilité d 'accéder à sa connaissance par l'étude des astres; cette conception semble également proche du pythagorisme et du Timée de Platon.

Cf. 3 [F. Münzer), art. « M . Fulvius Nobilior» 91, RE VII 1, 1910, col. 265 268 ; 4 K . Rosen , « Die falschen Numabücher. Politik , Religion und Literatur in Rom 181 v. Chr.» , Chiron 15, 1985, p. 65 -90 ; 5 M . T. MarabiniMoevs, « Le Muse di Ambracia » , BA 66 .12, 1981, p. 1-58 ["'Il est vraisemblable que Cerdo nous a laissé, sur un vase arétin de 30 av. J.-C . env., la représentation du groupe

de quatre Muses accompagnées d 'Héraclès que M . Fulvius Nobilior avait rapporté d'Ambracie et qu 'il avait placé au temple d 'Hercule devenu aedes Herculis Musarum , près du Circus Flaminius. Ce groupe, euvre du cercle de Lysippe, était sans doute à l'origine un don d'un acteur tragique en commé moration d'une victoire.” (rés. APh )] ; 6 M . Martina, « Aedes Herculis Musa rum » , DArch N .S. 3, 1981, p. 49 -68; 7 L . Richardson , « Hercules Musarum and

the Porticus Philippi in Rome» , AJA 81, 1977, p. 355- 361. MICHÈLE DUCOS.

F 26

FURIUS PHILUS

435

III

25 FUNDANUS (G .MINICIUS - ) REM 13

Originaire de Ticinum , Minicius Fundanus, dont Plutarque évoque le carac tère irascible dans le De cohibenda ira (passim ) et le De tranquillitate animi,

464 e , semble avoir été un élève de Musonius. Il cite en effet l'une de ses maximes (De cohib. ira, 453 e), en des termes qui suggèrent qu 'il avait entendu

personnellement le philosophe, probablement à Rome, à son retour d' exil; voir D . Babut, Plutarque et le stoïcisme, Paris 1969, p. 185 et 240, et C . P . Jones, Plutarch and Rome, Oxford 1971, p. 58 . Fundanus était par ailleurs l'ami de Tacite et de Pline le Jeune : voir R . Syme, Tacitus, Oxford 1958, p.650 et 801, et A . N . Sherwin -White , The Letters of Pliny, Oxford 1966 , p. 291. Pline réclame à l'occasion pour tel ou tel de ses amis (Ep. IV 15 et VI 6 ) l'appui de ce sénateur très actif (I 9), protégé par la faveur de l'empereur (IV 15 ); il soumet l'un de ses

ouvrages à la critique de son purisme exigeant (VII 12 ); il présente Fundanus comme un sage, adonné à la philosophie dès son jeune âge, dont la force d'âme stoïcienne fut néanmoins profondément ébranlée par la mort de sa fille (V 16 ): l'urne funéraire de la petite Marcella a d 'ailleurs été conservée, ainsi que celle de

sa mère (CIL VI 16631 et 16632). Fundanus fut consul suffect en 107 (ILS 2002

et 3541 ; CIL XIV 2242), légat de Dalmatie (Gnomon 31, 1959, p. 515 -516 ), puis proconsul d 'Asie en 122/3 (voir W . Eck, Senatoren von Vespasian bis Hadrian , München 1970, p . 193, 218 et 223) : c'est à lui qu 'est adressé le célèbre rescrit d'Hadrien en faveur des chrétiens (Eusèbe, Hist. Eccl. IV 8 et 9). BERNADETTE PUECH .

МІІa 26 FURIUS PHILUS (L . -) REF 77 La carrière politique de L . Furius Philus nous échappe presque totalement : elle se réduit à la mention de son consulat en 136a avec Sex . Atilius Serranus (Cicéron , Off. III 109). Il fut alors conduit à mener au sénat le débat sur l'affaire

de Numance et le traité de C .Mancinus (Ibid.). Philus semble avoir été un orateur cultivé (Brutus 108 ), connaissant Térence, proche de Scipion Émilien . Cicéron le mentionne à plusieurs reprises parmiles amis de ce dernier (De oratore II 37, 54 ; Lael. 19, 69 ; 27 , 101). Il en partage sans doute les choix philosophiques. Dans le Pro Murena (31, 66 ) il figure parmi ceux qui ont été influencés par Panétius; cette affirmation paraît avoir peu de

poids selon G . Garbarino, Roma e la filosofia greca, p . 423, mais reste vraisem

blable.Dans le livre III du De republica, Furius se fait à contre-cæur, semble-t-il (5, 8 ), le défenseur des thèses soutenues par Carnéade (=+C42) en 155a en s'inspirant, selon ce qui est affirmé dans le dialogue, d 'une conférence de Car néade. Il s'oppose ainsi à l'idée d 'une justice fondée sur la nature défendue par Laelius. Selon J.-L . Ferrary, « Le discours de Philus (Cicéron , De re publica III , 8-31) et la philosophie de Carnéade » , REL 55 , 1977, p. 128 - 156 , ce discours reproduit plutôt un écrit de Clitomaque (cf. Id ., Philhellénisme et Impérialisme,

p. 360 ) auquel Cicéron ajoute des données romaines. L . Furius Philus semble

également avoir été l'auteur d' un traité sur le droit pontifical.

436

FURIUS PHILUS

F 26

Cf. F . Münzer, art. « L . Furius Philus » 77, RE VII 1, 1910 , col. 360.

MICHÈLE DUCOS. 27 FUSCUS ( M . ARISTIUS - ) RE 2

Amiintime du poète Horace (2H 167), mentionné dans plusieurs poèmes (Sat. 1 9,61; I 10 , 83 ; Carm . I 22 ; Ep. I 10 ). Porphyrion (Ad Horat. Sat. I 9, 60 ) le qualifie de praestantissimus grammaticus et indique qu' il écrivit des comé dies ; peut-être faut-il ajouter à ces cuvres des tragédies en se fondant sur un

passage du Ps. Acron (Ad Horat. Ep. I 20, 1). Les liens qu ’Aristius Fuscus entretientavec la philosophie sont certains,mais complexes dans leur interprétation . Dans les Épîtres (I 10 ), l'accentest mis surla nécessité d'être satisfait de son sort (« Sois satisfait de ton sort et tu vivras selon la sagesse » , I 10 , 45) et sur une vie conforme à la nature (I 10, 12 ), thèmes qui

renvoient sans aucun doute à la philosophie ,mais restent fort peu précis. Dans l'Ode I 22 se trouve évoqué dans les deux premières strophes l'homme irrépro

chable en sa vie et innocentde tout crime, qui n 'a pas besoin d 'armes même dans les régions les plus dangereuses. Il s'agit également dans ces vers d'un thèmementionné par bien des philosophes comme Sénèque ou Épicure. Dans leur commentaire, R . G . M . Nisbet et M . Hubbard (Horace, Odes, Book I, Oxford 1970 , ad loc., p . 264) suggèrent néanmoins que la maxime initiale de l'ode (Integer uitae scelerisque purus) contientune certaine coloration stoïcienne : non eget (V 2) peut évoquer l'autarcie du sage. De la même façon , le vers 12 de l'épître I 10 (uiuere naturae si conuenienter oportet) peut évoquer la maxime stoïcienne : vivre conformément à la nature ,même si Horace joue avec elle. De

telles considérations ont conduit à suggérer que Aristius Fuscus pouvait être un stoïcien . Mais, en l'absence d'indications plus précises, il semble difficile de formuler cette conclusion avec fermeté . Cf. K . Gantar, « Horazens Freund Aristius Fuscus » , dans P . Haendel et W .

Meid (édit.), Festschrift für Robert Muth zum 65.Geburtstag am 1. Januar 1981 dargebracht von Freunden und Kollegen , coll. « Innsbrucker Beiträge zur Kulturwissenschaft » , Innsbruck 1983, p. 129-134 ; S. J. Harrison , « Fuscus the

Stoic.Horace Odes 1. 22 and Epistles 1. 10» ,CQ 42, 1992, p. 543-547. MICHÈLE DUCOS.

GAIUS → AMAFINIUS GAIUS

GAIUS AMYNIAS DE SAMOS (C . IULIUS -) GAIUS + APOLLONIUS DE PERGE GAIUS BLOSSIUS DE CUMES (C. -) GAIUS + COTTA (C .AURELIUS -) GAIUS — FLAVIANUS SULPICIUS (C .AELIUS -) GAIUS HAURANUS (C . STALLIUS -) GAIUS HELVIDIUS PRISCUS (C. -) GAIUS► HEMINA (C. CASSIUS-) GAIUS HERAS (GAIUS -) GAIUS → LONGINUS (C . CASSIUS -) GAIUS + LUCILLUS (C :-) GAIUS + MACEDO (C . CALPURNIUS COLLEGA - )

GAIUS PETRONIUSARBITER (C. -) GAIUS

SABINUS (C . IULIUS -)

GAIUS — SELLIUS (C .-) GAIUS→ TELESINUS (C . LUCIUS - ) GAIUS + VELLEIUS (C . -)

1 GAIUS RE 93

ja

Dédicataire supposé du livre IV de la Rhétorique de Philodème (PHerc. 1007/ 1673, XLII 5, vol. I, p. 223 Sudhaus). Sur le papyrus, on lit, en réalité : 6

Tate Návoa. Voir T.Dorandi, « Gaio bambino », ZPE 111, 1996 ,p. 41-42. TIZIANO DORANDI.

2 GAIUS RESuppl. III

DM II

Moyen -platonicien d'une certaine envergure dont la réputation s'estmain tenue jusqu 'à la fin de l'antiquité. On ne connaît la date ni de sa naissance ni de sa mort, pas plus que l'endroit ou les endroits où s'est déroulée sa carrière. On peut penser, avec 1 W . Theiler, « Tacitus und die antike Schicksalslehre » , dans Phyllobolia für Peter von der Mühll, Basel 1945 , p. 70 , repris dans ses Forschungen zum Neuplatonismus, Berlin 1966 , p. 83, qu'il est né vers 75 après

J.-C .Le fait que son éditeur Albinus (voir ci-dessous) enseignait à Smyrne à une certaine époque n 'implique pas que Gaius, lui aussi, ait tenu école dans cette

438

GAIUS

G2

cité. 2 Th . Sinko , « De Apulei et Albini doctrinae Platonicae adumbratione » , Dissertationes phil. cl. Acad. litt. Cracoviensis 41, 1905 , p. 129-178, a essayé de reconstruire les doctrines d'une « école de Gaius » à partir de la thèse de 3 J. Freudenthal, Hellenistische Studien, Heft III : « Der Platoniker Albinos und der falsche Alkinoos » , Berlin 1879, soutenant que l'auteur du Aldaoxarixòç r v Tátovog doyuárwv, transmis sous le nom d' Alcinoos (* A 92), était en réa lité le moyen -platonicien Albinos (** A 78 ), élève de Gaius. Sur la base des similitudes entre le Aldaoxarıxós et le De Platone et eius dogmate d ’Apulée (MA 294 ), Sinko a conclu que les deux auteurs ont puisé leurs doctrines dans la

mêmesource, qui serait les leçons de Gaius. En dépit deshésitations exprimées par 4 K . Praechter, « Zum Platoniker Gaios » , Hermes 51, 1916 , p. 510 n. 1, repris dans ses Kleine Schriften , hrsg. von H . Dörrie , coll. « Collectanea » 7, Hildesheim 1973 , p. 81 n. 1, et dans le recueil publié par Cl. Zintzen (édit.), Der Mittelplatonismus, Darmstadt 1981, p . 82 n . 1, « l'école de Gaius» postulée par Sinko a connu un succès immédiat. H . Diels, par exemple , a cru pouvoir attri buer à cette école hypothétique le commentaire anonyme sur le Théétète de Pla ton conservé dans P . Berol. 9782 ; cf. 5 H . Diels et W . Schubart, Anonymer Kommentar zu Platons Theaetet, coll. « Berliner Klassiker Texte» 2 , Berlin

1905, p . XXIV -XXXVII. (Voir maintenant6 G . Bastianini et A . A . Long, CPF I 1 * * (1992), n° 60, 1 , p . 268-451). Dans les dernières décennies cependant, une attitude plus critique s'est développée à l'égard des hypothèses de Sinko et de

Freudenthal. Que les divergences entre le Aldaoxalixóc et le De Platone et eius dogmate sont aussi importantes que les similitudes a été souligné par 7 J. H .

Loenen , « Albinus'Metaphysics. An attempt at reconciliation » ,Mnemosyne 10 , 1957, p . 36 -40,et, de façon plusdétaillée ,par 8 J. Dillon, The Middle Platonists, London 1977, p. 266 -338. En mêmetemps, 9 M .Giusta,« ’ Albívou 'Enitouno 'Arxivóou Aldaoxarıxós ? » , AAT 95, 1960- 1961, p . 167- 194 , et 10 J.

Whittaker , « Parisinus graecus 1962 and the writings of Albinus. Part 2 » , Phoenix 28 , 1974 , p. 450 -456 , repris dans Studies in Platonism and Patristic Thought, coll. « Collected studies series» 201, London 1984 , nº XXI, et surtout 11 id ., « Platonic philosophy in the early centuries of the Empire » , dans ANRW II

36 , 1, 1987, p. 81-123, ont démontré que les arguments de Freudenthal sur l'identité de l'auteur du Aldaoraixós reposaient sur des bases fausses ou insuffisantes. Ces conclusions, généralement acceptées, rendent très hasardeuse la reconstitution , à partir des affinités entre Alcinoos et Apulée, d'une hypo

thétique « école de Gaius» qui aurait exercé une influence prépondérante et identifiable sur le platonisme du lle siècle de notre ère.

Témoignages. ( 1) Une inscription de Delphes (FD III 4 , 1033 ; sur la date , voir 12 B . Puech , « Soclaros de Tithorée », REG 94, 1981, p. 190 -191), datant des années 120 /130 ap . J.-C ., atteste que le droit de cité a été décerné par les Delphiens à un philosophe Gaius, fils de Xénon , qui pourrait bien être identique

au moyen -platonicien . Vers le milieu du II° siècle, la cité de Delphes a honoré du même droit de cité un groupe de quatre philosophes platoniciens, dont l'un était Bacchios de Paphos ( 3 + B 2 ), fils adoptif de Gaius (FD III 4 , 94 ). Il est bien ten

GAIUS

G 2

439

tant de reconnaître en ce père adoptif le platonicien du mêmenom . Selon 13 K . Praechter, « Nikostratos der Platoniker » , Hermes 57, 1922, p . 483-484, repris

dans ses Kleine Schriften , hrsg. von H . Dörrie , coll. « Collectanea» 7 , Hil desheim 1973, p. 103- 104, et d 'autres érudits, il s'agit du Bacchios qui était le premiermaître en philosophie du futur empereur Marc -Aurèle (cf.Méd . I 6 ). Pour l'archontat de Flavius Sôclaros, qui permet de dater l'inscription, 14 B . Puech, « Prosopographie et chronologie delphique sous le Haut-Empire. L ' apport de Plutarque et de

l'histoire littéraire » , Topoi 8, 1998 , p. 261-262, se prononce pour l'année 130 environ.

(2) Selon le pinax du Parisinus graecus 1962, fol. 146 ', Albinus a édité les σχολαί de Gaius en onze livres ('Αλβίνου των Γαίου σχολών υποτυπώσεων πλατωνικών δογμάτων). Cet ouvrage, perdu depuis le XIVe siecle , est men tionné au VIe siècle par le néoplatonicien Priscianus dans ses Solutiones eorum

de quibus dubitavit Chosroes Persarum rex (Supplementum Aristotelicum I 2 , p . 42, 8 -10 Bywater) : usi quoque sumus utilibus quae sunt... Albini (codd. Lavini) quoque ex Gaii scholis exemplaribus Platonicorum dogmatum . Cf. 15 J. Whittaker, « Parisinus graecus 1962 and the writings of Albinus. Part I» , Phoenix 28, 1974 , p . 325- 332 et pl. 2 , repris dans Studies in Platonism and

Patristic Thought, coll. « Collected studies series» 201, London 1984, nº XX . Il est donc probable qu'Albinus fut l' élève de Gaius. ( 3 ) Selon Porphyre, Vita Plotini 14, 10 - 14 Henry -Schwyzer, on lisait les

commentaires de Gaius dans les réunions de l'école de Plotin . (4 ) Lemédecin Galien ( > G 3) a été formédans la philosophie de Platon par deux élèves de Gaius, d' abord à Pergame (vers 143 ap. J.-C .) par un concitoyen

anonyme ( De an. morb. Ι 8, p. 32, 1-3 Marguardt: βραχύν δέ τινα χρόνον και Πλατωνικού μαθητού Γαίου [scil. ήκουον], διά το μή σχολάζειν αυτόν εις

πολιτικής ασχολίαν ελκόμενον υπό των πολιτών), et plus tard (vers 150 ap. J.- C .) a Smyrne par Albinos ( De propr. libr. II, p. 97, 8-11 Müller: τρία δέ μοι βιβλία παρά τινων εδόθη γεγραμμένα, πρίν εις Σμύρναν εκ Περγάμου

μεταβήναι Πέλοπός τε του ιατρού και 'Αλβίνου του Πλατωνικού χάριν). ( 5) Proclus, In Tim., I, p. 340, 24 Diehl ( οι περί 'Αλβίνον και Γάιον Πλατω νικοί).

( 6) Proclus, In Remp. II , p . 96, 11-13 Kroll (των Πλατωνικών οι κορυφαίοι,

Νουμήνιος, 'Αλβίνος, Γάιος, Μάξιμος ο Νικαεύς, Αρποκρατίων, Ευκλεί δης, και επί πάσιν Πορφύριος). (7 ) Parisinus Coislinianus 387, fol. 154" , et Bodleianus Auct. T. 2 . 11, fol.

359' (έν δε τη φιλοσοφία διέπρεψαν Πλάτων και Αριστοτέλης ο τούτου μαθητής: ών τον μεν Πλάτωνα υπομνηματίζουσι πλείστοι χρησιμώτεροι δε Γάιος, ' Αλβίνος, Πρισκιανός, Ταύρος, Πρόκλος, Δαμάσκιος, Ιωάννης ο

Φιλόπονος, όστις και κατά Πρισκιανού [= Πρόκλου ?] ηγωνίσατο, πολλάκις δε και κατά 'Αριστοτέλους).

Études d 'orientation. Praechter 4 , p . 510 -529 (= Kl. Schriften, p. 81-100 = Mittelplatonismus p . 67-88] ; 16 K . Praechter, art. « Gaios» , RESuppl. III, 1918, col. 535-537 ; Dillon 8 , p . 266 -267 et 340 ; 17 C . Mazzarelli, « Bibliografia

GAIUS

440

G 2

Medioplatonica. Parte prima: Gaio , Albino e Anonimo Commentatore del Tee teto » ,RFN 72, 1980, p. 111 ; Whittaker 10 , p . 102-110 . Bibliographies. Mazzarelli 18, p . 112-114 ; 19 L . Deitz , « Bibliographie du platonisme impérial antérieur à Plotin : 1926 -1986 » , dans ANRW II 36 , 1, 1987, p . 149 . JOHN WHITTAKER (+).

3 GALIEN DE PERGAME RE 2

129 -après 210

Médecin grec . Le nomen Claudios n 'est pas attesté par la tradition manuscrite, il n 'apparaît qu 'à la Renaissance et provient sans doute d'une mauvaise transcription de l'ab

bréviation Cl. (Clarissimus) accolée au cognomen Galenos. A. BIOGRAPHIE DEGALIEN Sources. On estassez bien renseigné sur les principaux événements de la vie de Galien grâce aux récits d'inspiration autobiographique et aux nombreuses anecdotes qui émaillent son æuvre par ailleurs considérable (voir en particulier les traités Sur ses propres livres, Sur l'ordre de ses propres livres, De l'utilité des parties, Procédures anatomiques, Thérapeutique à Glaucon, Des facultés naturelles et le Pronostic ). Les principaux passages ont été rassemblés et traduits par 1 P. Moraux , Galien de Pergame. Souvenirs d'un médecin , Paris 1985. En revanche, les contemporains du médecin de Pergame, tout comme les auteurs immédiatement postérieurs sontrestés étonnamment discrets sur sa personnalité

et il faudra attendre 160 ans après la date présumée de sa mort pour que son nom soit enfin cité commemédecin chez Oribase (vers 320-vers 400 ), Collection mé dicale, passim (voir en particulier l'éloge de Galien , livre I, Préface, dans l'édi tion de Ch. Daremberg, Paris 1876 ) ; voir 2 J. Scarborough , « The Galenic Ques tion », AGM 65 , 1981, p. 1-31. Au VIe siècle , Aétius d 'Amida et Alexandre de Tralles citent à leur tour Galien dans leurs propres æuvres, mais de façon en

grande partie dépendante d 'Oribase. Le nom de Galien apparaît il est vrai chez Athénée, Deipnosophistes I, le (vers 200),mais dans un passage qui a toutes les chances d'être une interpolation byzantine des X -XIe siècles. Galien y est pré senté comme ayant composé plus d'ouvrages sur la philosophie et la médecine que tous ses prédécesseurs. Dans son Histoire ecclésiastique V 28 , 13 - 14 , Eu

sèbe de Césarée (vers 265-vers 340) voit de même en Galien non pas tant un

médecin qu’un philosophe et un disciple d 'Aristote, auteur de nombreux com mentaires portant sur différents problèmes philosophiques. La notice de la Souda (vers 1000 ) s'en tient quant à elle à la célébrité désormais universellement

reconnue de Galien et renonce à faire l'inventaire de ses innombrables traités non seulementmédicaux, mais , là aussi, philosophiques et rhétoriques (voir Sui dae Lexicon , t. I, p . 506 , 32 Adler), célébrité dont Tzetzes, Historiarum variarum

Chiliades II 16 -25 ; VI 279 -282 et 300 -302 ; XII 397 (éd . P. A .M . Leone (Napoli 1968]), continue de se faire l'écho au XIIe siècle. Si cependant Galien fut très tôt reconnu non seulement comme médecin , mais aussi comme philosophe, ses trai

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GALIEN DE PERGAME

441

tés philosophiques ne nous ontpas été transmis aussi fidèlement que ses traités médicaux et la majeure partie d ' entre eux sont aujourd 'hui irrémédiablement perdus. Les faits biographiques retenus ici sont fondés pour l'essentiel sur le témoignage personnel de Galien auquel on confrontera, dans la mesure du pos sible , celui de la tradition byzantine et arabe. Il sera fait référence pour l'œuvre de Galien à l'édition de Ch . G . Kühn , Leipzig 1821- 1833 (réimpr. Hildesheim 1965) , 21 volumes (= K .), pour certains traités à celle des Scripta Minora, Leipzig 1884 -1893 , trois tomes ( = SM ), ou encore , quand elles existent, aux édi

tions récentes du Corpus Medicorum Graecorum publiées à Berlin (= CMG ). Date de naissance . Plusieurs dates ont été soutenues pour la naissance de Galien. Les indications fournies sur ce point par lemédecin de Pergame dans ses propres æuvres sont en effet contradictoires et autorisent aussi bien la date de 129 que celle de 130 . La solution dépend en fait de la date du premier séjour

romain de Galien. J. Ilberg, le premier, après avoir noté que 3 E . Klebs dans la

Prosopographia Imperii Romani saec. I-II-III, Berlin 1897, pars I, p. 374, n° 701, hésitait sur la date de naissance exacte de Galien (« Natus est anno fere 128/129 » ), démontra dans 4 « Aus Galens Praxis. Ein Kulturbild aus der

römischen Kaiserzeit» , JKPh 15 , 1905 (repris dans H . Flashar [édit.), Antike Medizin , Darmstadt 1971, p. 361-416 ), p . 277 n. 1, que la date de 128 était impossible à soutenir et que seule celle de 129 méritait d' être retenue. Dans un

passage du Sur ses propres livres 2, Galien déclare en effet être revenu de Rome dans sa patrie (au terme de son premier séjour dans la capitale ) à l'âge de 37 ans révolus ('Enavñadov uÈv oův Šx 'Póuns eic tnv natpida , nennpwuévwV UOL TÕU Èx yevetñc étāv ' xai x', t.XIX , p . 16 , 6 - 8 K . = SM II, p . 97, 6 -8 ). Il nous apprend en outre dans le Pronostic 9 (t. XIV , p. 649, 12 K . = p . 118 éd . V . Nutton (CMG V 8 , 1]) que, peu après son départ de Rome, Lucius Verus, alors associé à Marc-Aurèle à la tête de l'empire , et au retour de sa campagne contre

les Parthes, fit son entrée dans la ville . Ces événements se situent pour Ilberg en 166 (cf. Historia Augusta, Vita Marci 12, 13) et, pour 5 V . Nutton , « The Chro nology ofGalen 's Early Career » , CQ 23, 1973 , p . 158, le retour de L . Verus à

Rome n 'a pu de toute façon intervenir après la fin août 166 , puisque l'on sait que les deux empereurs ont célébré leur triomphe contre les Parthes en octobre de

cette même année. Ilberg conclut donc du témoignage de Galien que le médecin de Pergame parvint au terme de sa trente -septième année au cours de l'été 166 . Le premier séjour de Galien à Rome ayant duré trois années à compter de son

premier succès public (la cure réussie du philosophe Eudème ( E 92), qui eut lieu vraisemblablement au cours de l'hiver 162/63), sa date de naissance se situerait donc en 129. Mais 6 J. Walsh , « Date of Galen 's Birth » , AnnMedHist ( n .s.] 1, 1929, p . 378-382, en s' appuyant sur un passage peu sûrdu Commentaire

à Hippocrate sur les articulations I prol. (t. XVIII A , p. 347, 14 -16 K .), où Galien fait allusion à sa première arrivée à Rome à l'âge de 32 ans (uetà to

tplaxootov xai dettepov Étoc év ‘Póun OLÉTplPa ,mais les mots xai deúte pov, omis en grec, sont restitués sur la seule foi de la traduction latine), en

conclut qu'il convient de fixer la date de naissance de Galien en 130. Cette

GALIEN DE PERGAME

442

G3

seconde hypothèse oblige cependantWalsh à ne pas tenir compte du témoignage de Galien quand il nous dit avoir rejoint sa patrie à l'âge de 37 ans révolus (t. XIX , p. 16 , 6 -8 K . = SM II, p . 97, 6 -8) et à l'imputer aux erreurs de mémoire d 'un médecin déjà vieillissant. La date de 129, corroborée par le témoignage du Pronostic et du Sur ses propres livres, est cependant la plus fréquemment rete nue et c'est à partir de celle -ci que nous établirons désormais toutes les autres dates.

Mois de naissance. Les hypothèses relatives au mois de naissance de Galien reposent sur une allusion du Sur lesmédicaments composés selon les genres III 2 (t. XIII, p. 599, 10 - 14 K .). L 'auteurmentionne en effet à cet endroit son entrée en charge à Pergame comme médecin des gladiateurs, peu après son retour d'Alexandrie , alors qu'il venait juste d ' entrer dans sa vingt-neuvième année (TOŨ

yàp Évátov xai eixootoŰ ÉTouç nexóunv). Cette responsabilité lui fut confiée par le grand -prêtre alors que celui-ci venait de prendre ses fonctions, événement qui avait habituellement lieu à l'équinoxe d'automne. On en a déduit que Galien était né fin août-début septembre (voir 7 W . A . Greenhill, dans Smith 's Dictio nary of Greek and Roman Biography, London 1854, vol. II, p. 207-217, et Nutton 5, p . 159, qui reprend les conclusions de Walsh 6 , p . 378 sq., en repous sant les objections de 8 J. Ilberg, « Wann istGalenos geboren ?» , AGM 23, 1930 ,

p. 289-292). Enfance à Pergame. Les écrits deGalien font assez rarement allusion à ses

toutes premières années passées dans sa patrie, Pergame. Ils font en revanche une large place au portrait de ses parents. Le souvenir de sa mère, acariâtre et

irascible au point d 'être comparée à une nouvelle Xanthippe, n'est évoqué qu'une seule fois (Du diagnostic et du traitement des passions de l'âme 8 : t. V ,

p. 40, 17 -41, 2 K . = p . 27-28 éd. W . de Boer (CMG V 4 , 1.1]).Le portrait de son père, en revanche, beaucoup plus flatteur, reflète l'influence qu'eut sur son fils cet homme décrit comme le moins irascible, le plus juste, le plus honnête et le

plus humain qui soit (t. V , p. 40, 15 -17 K . = p. 27 de Boer). Galien nementionne nulle part le nom de ses parents, mais, si l'on en croit deux témoignages tardifs (Souda, s. v. "Galenos” et Tzetzès, Chiliades XII 8 ), son père se serait nommé Nicon . Sa formation était très solide, puisque Galien nous le décrit comme parti culièrement exercé en géométrie , arithmétique, architecture , calcul, astronomie et grammaire (t. V , p. 42, 4 -6 K . = p . 28 de Boer; Sur les bons et les mauvais sucs des aliments 1 : t. VI, p. 755, 12-17 K . = p. 392, 21 sqq. Helmreich (CMG V 4 , 2 ]). Il joua manifestement un grand rôle dans l'éducation de son fils, « l'éle

vant au milieu de ces disciplines et de toutes les autres connaissances qui font partie de l'éducation » (Sur l'ordre de ses propres livres 4 : t. XIX , p . 59, 5-7 K . = SM II, p . 88, 9 - 12 ) .

Premières années de formation. Galien nous apprend que, lorsqu'il eut atteint l'âge de quatorze ans, son père décida de le confier à différents maîtres qui enseignaient la philosophie à Pergame. Sont cités un stoïcien élève de Philo

pator,un platonicien élève de Gaios (2 +G 2), un péripatéticien , élève d 'Aspasios (> A 461), et un épicurien originaire d 'Athènes (Du diagnostic et du traitement

G3

EN E ERGAME D P

GALI

443

des passions de l'âme 8 : t. V , p . 41, 10 - 42, 2 K .= p . 28 de Boer). Galien ne commença donc pas directement des études de médecine,mais reçut d 'abord une formation philosophique. Il se souviendra de ces premières années, prolégo mènes nécessaires à la formation du médecin accompli, lorsqu'il affirmera dans le titre d’un de ses traités que « Le meilleur médecin est aussi philosophe» . L 'idéal de Galien est d'ailleurs de pratiquer conjointement médecine et philo

sophie (principalement la logique), afin d 'être capable de mener à bien toutes les démonstrationsnécessaires. Différentes études ont été consacrées à l'influence marquante de la philoso phie sur la pensée médicale de Galien ; voir en particulier 9 P .Moraux, « Galien comme philosophe : la philosophie de la nature » , dans Nutton 26 (cité plus loin ), p. 87 - 116 ; 10 P. L . Donini, « Motivi filosofici in Galeno », PP 35 , 1980 , p. 333 370 ; 11 Id ., « Galeno e la filosofia », ANRW II 36 , 5, p. 3484- 3504 , et 12 R . J.

Hankinson , « Galen 's Philosophical Eclecticism » , ANRW II 36 , 5, p. 3505-3522. Cependant Galien apparaît tout d'abord grandement déçu par l'enseignement de ses maîtres, dont il s'aperçoit bien vite qu '« ils se trouvent en désaccord entre eux et que certaines de leurs théories contredisentmême les lois de la physique >>

(Sur ses propres livres 11: t. XIX , p. 40 K . = SM II, p. 116). Son père déjà l'avait mis en garde contre les différentes écoles, en lui recommandant de n 'être

membre d 'aucune,mais de se montrer également critique à l'égard de toutes (Du diagnostic et du traitement des passions de l'âme 8 : t. V , p . 42 K . = p. 29 de Boer). C 'est finalement la pratique de la géométrie , de l'arithmétique et du cal cul qui lui permit d'échapper au « scepticisme pyrrhonien » qui le guettait en se

consacrant aux démonstrations de type géométrique (Pronostic 9 : t. XIV , p .651 K . = p . 116 - 117 Nutton ). Deux ans plus tard , à l'âge de seize ans, il entreprend conjointement des études de médecine et de philosophie (Sur l'ordre de ses propres livres 4 : t. XIX , p. 59 K . = SM II, p. 88 ). Il a alors pourmaître Aischrion ( A 73 ), adepte de la secte des empiristes (De la faculté des médicaments simples XI 24 : t. XII, p. 356 K .), Stratonicos, élève lui-même de Sabinus, parti san d ’un hippocratismepur (Sur la bile noire 4 : t. V , p . 119 K . = p . 78 de Boer ), et Satyros, disciple d'un certain Quintos (Procédures anatomiques I 1: t. II, p . 217 , 13- 16 K . et I 2 : p. 224, 12 - 225, 10 K . = p. 3 et 11 éd. I.Garofalo (Napoli 1986 ); Sur l'ordre de ses propres livres 3 : t. XIX , p. 57 K . = SM II, p. 87). L ' influence de Satyros devait être la plus décisive. A ces trois noms, on peut peut-être ajouter celui d ' Aificianos (3DPha Suppl. I), que Galien mentionne à trois reprises et toujours en même temps que Satyros (Commentaire aux Epidé mies III I 40 : t. XVII A , p . 575 K . = p . 59 éd . E . Wenkebach (CMG V 10, 2 .1 ) ;

Sur l'ordre de ses propres livres 3 : t. XIX , p . 57-58 K . = SM II, p. 87 ; Commen taire à l'Officine du médecin I : t. XVIII B , p. 654 K .). Sur ce personnage mysté rieux , voir 13 P. Moraux , « Ein unbekannter Lehrer Galens » , ZPE 53, 1983 , p . 85 -88. Galien a vingt ans et se trouve encore à Pergame quand son père meurt en 148/149 (Sur les bons et lesmauvais sucs des aliments 1 : t. VI, p . 755, 11-14 K . = p. 393, 12 Helmreich ). Désormais le choix de sesmaîtres ne doit plus rien à son père. Désireux de puiser le savoir à sa source et de suivre l'enseignement des

444

GALIEN DE PERGAME

G3

professeurs les plus réputés, il entreprend une longue série de voyages d' études

qui dureront près de dix ans. Lesmaîtres de Galien .Galien se rend d 'abord à Smyrne en 149 pour suivre les cours de Pélops (Sur ses propres livres 2 : t. XIX , p. 16 K . = SM II, p. 97 ),

qu'il considère comme son « second maître » après Satyros. Pélops enseignait à la manière de Quintus, ayant été élève de Numisianus. Sur Quintus (mort vers 145 ) et Numisianus (mort vers 151), dont les doctrines ne furent connues de

Galien que par l'intermédiaire de leurs disciples, Satyros et Aificianos pour Quintus, Pélops et Héracleianos pourNumisianus, voir 14 V . Nutton , « Numisia nus and Galen », AGM 71, 1987, p. 235 -239, ainsi que 15 M . D . Grmek et D .

Gourévitch, « L 'école médicale de Quintus et de Numisianus» ,Mémoires du centre Jean Palerne 8, 1988 , p. 43-60 , et desmêmes auteurs, 16 « Aux sources de la doctrinemédicale de Galien : l'enseignement deMarinus, Quintus et Numi sianus », ANRW II 37, 2 , p . 1491-1528. Après un séjour d'au moins deux ans à Smyrne, Galien se rend à Corinthe, vers 151, dans l'intention de suivre l'ensei gnement de Numisianus. On ne sait s 'il le trouva effectivement ou si Numisianus

était déjà reparti dans sa patrie à Alexandrie (Procédures anatomiques I 1 : t. II,

p. 217 K . = p. 3 Garofalo ). Bien que presque tous les biographes modernes de Galien laissent entendre qu'il a connu personnellement Numisianus, rien dans les sources ne permet de l'affirmer (cf. 17 J. Walsh , « Galen 's studies at the Alexan

drian school» , AnnMedHist n .s. 9 , 1927, p. 138). Et la majeure partie du séjour de Galien à Alexandrie se situe en réalité après la mort de Numisianus. Sur

place, il assiste aux leçons du médecin méthodiste Julianus (Contre Julianus : t. XVIII A , p . 246 -299 K . = p. 33-70 Wenkebach (CMG V 10 , 3); De la méthode thérapeutique 17: t. X , p. 51-57 K .) qu 'il ne considéra cependant jamais comme son maître. Galien réside alors chez le fils de Numisianus, Heracleianus (Procédures anatomiques I 1 : t. II, p . 218 K . = p. 3-5 Garofalo ; Sur les médica ments composés selon les lieux I 2 : t. XII, p . 177 K . ; Commentaire à la Nature

de l'homme II 6 : t. XV, p . 136 K . = p . 70 Mewaldt (CMG V 9, 1]), qui détient jalousement les papiers de son père. Malgré tous ses efforts , Galien ne pourra

jamais avoir accès aux ouvrages anatomiques de Numisianus que son fils semble avoir brûlés juste avant sa propre mort (Procédures anatomiques XIV 1: t. I, p. 231, et t. II , p . 167 Simon (Leipzig 1906 ); p. 183 Duckworth (Cambridge 1962]). La date exacte de l'arrivée de Galien à Alexandrie n 'est pas connue (la

date traditionnelle de 152, défendue par 18 G . Sarton , Galen of Pergamum , Lawrence 1954, p . 18, a été avancée à 151 par Grmek et Gourévitch 15 , p. 50 52), mais se situe au plus tard à l'automne 153 ( 19 V . Nutton , « Galen and Egypt» , dans J. Kollesch et D . Nickel (édit.], Galen und das hellenistische Erbe, Stuttgart 1993, p . 12). On sait en revanche qu 'il quitta l'Égypte en 157 pour

rejoindre Pergame où il avait sans doute continué à entretenir de nombreux contacts avec des membres influents. Médecin des gladiateurs. Peu après son retour d 'Alexandrie, Galien est

nommémédecin des gladiateurs , à l'âge de vingt-huit ans (Sur les médicaments

composés selon les genres III 2 : t. XIII, p. 599, 10 - 14 K .). Sa surprise à l'an

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GALIEN DE PERGAME

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nonce de cette nomination semble indiquer que d'habitude le poste était confié à des médecins plus âgés et plus expérimentés. Cette période de la vie de Galien pose cependant trois problèmes: ni la date d'entrée en charge de Galien comme médecin des gladiateurs , ni la durée de son mandat, ni les raisons qui l'amene rent à l'interrompre ne sont exactement connues. Le plus probable est que Galien

prit ses fonctions à l'automne 157 (Nutton 5 , p . 162- 163), sans attendre avril/mai 158, c'est-à-dire la veille des spectacles de gladiateurs qui chaque été avaient lieu à Pergame (cette dernière opinion a été défendue par Ilberg 4 , p. 283). Nous

savons par ailleurs que Galien fut en charge de la santé des gladiateurs sous cinq grands-prêtres (Sur les médicaments composés selon les genres III 2: t. XIII, p . 600 K .) et que s'écoulèrent seulement septmois avant que le deuxième grand prêtre succédât au premier. Il s'agit vraisemblablement là d 'un intervalle inhabi tuel, dû peut-être au décès du premier grand -prêtre (voir 20 L . Robert, Les gla diateurs dans l'Orient grec, Paris 1940, p. 256 sqq.; 283-285 ). Walsh 6 , p. 378 ,

en conclut cependant queGalien n 'occupa sa charge que pendant 35 mois (5 fois septmois). De façon plus vraisemblable , Nutton 5, p. 163- 164, pense qu 'en rai son de circonstances exceptionnelles, Galien fut amené à servir sous cinq grands

prêtres pendant quatre ans ( et non cing) de l'automne 157 à l'automne 161. Cette expérience est couronnée de succès si l'on en croit Galien , qui affirme avec fierté avoir considérablement réduit le nombre de décès parmi les gladiateurs blessés par rapport à ses prédécesseurs. Galien reste alors encore un an dans sa

ville natale avantde se rendre à Rome. Peut-être profita-t-il de cette période pour entreprendre quelques-uns des nombreux voyages scientifiques auxquels il fait allusion dans ses écrits et qu 'il est souvent difficile, pour ne pas dire impossible,

de situer précisément. Quoi qu'il en soit, son départ pour Rome intervient au cours de l'été ou de l'automne 162. On a souvent essayé de justifier le départ de Galien pour Rome, à l'issue de cette période, par l'existence d'une stasis qui l'aurait chassé de sa ville natale. Il est vrai qu 'une fois à Rome Galien se déclare prêt à rentrer dans sa patrie dès que la stasis aura pris fin (Pronostic 4 : t. XIV , p .622 K . = p. 92 Nutton ; ibid . 9 : t. XIV , p.648 K . = p. 116 Nutton ), mais rien ne permet d'affirmer qu'elle sévissait déjà lors de son départ et qu 'elle n 'a pas plutôt éclaté en son absence, alors qu'il séjournait déjà à Rome (voir Nutton 5 ,

p. 164- 165).Galien n 'eut sans doute pas besoin d 'événements aussi graves pour se décider au départ : un voyage à Rome s'imposait de toute façon dans sa carrière .

Voyages scientifiques. Nous savons que Galien visita la côte lycienne, vrai semblablement lors de son voyage de retour d 'Alexandrie à Pergame en 166 /7 . Il

se rendit également en Palestine, sur la rive orientale de la Mer morte. Un autre voyage le conduisit à Chypre, d'où il rapporte du minerai de cadmie . Galien précise d'ailleurs à ce sujet qu 'il a rapporté le minerai en Asie mineure avant de le transporter plus tard à Rome (Sur la faculté des médicaments simples IX 3 : t. XII, p . 220 et 227 K .). Une trentaine d'années, précise Galien dans ce traité qu 'il est censé avoir rédigé dans les années 190 , se sont écoulées depuis lors. Le

voyage à Chypre apparaît en outre fréquemment associé à celui de Syrie Pales

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tine (ibid ., t. XII, p. 171 et 216 K .). Si les deux voyages ont bien eu lieu en

même temps, ils doivent se situer peu avant le premier départ de Galien pour Rome en 162. S 'ils sont indépendants, celui pour Chypre peut aisémentavoir eu

lieu entre 166 et 167 (voir Nutton 5, p. 170). La visite en Palestine se situe, quant à elle, impérativement avant 166 , soit en 157, soit en 161/2. Galien se rendit éga lement plusieurs fois à Lemnos, à la recherche de la fameuse « terre lemnienne » .

Ilnous apprend qu'une première tentative échoua, lors de son second voyage à Rome (Sur la faculté des médicaments simples IX 1 : t. XII, p . 171 K .) . Alors qu 'il faisait en bateau la traversée d 'Alexandrie de Troade à Thessalonique, Galien pria le capitaine de faire escale à Lemnos, mais la région qui l'intéressait était éloignée du lieu où il débarqua et, le capitaine n 'ayant pas le temps d'at tendre le retour de Galien , celui-ci dut renoncer. Plus tard , revenant de Rome à Pergame par la route (ibid ., t. XII, p. 172 K .), il s'arrêta à Philippes, prit un

bateau pour Thasos, puis de là pour Lemnos.Greenhill 7, p. 208, fait intervenir cette seconde visite à Lemnos au cours du second séjour de Galien à Rome, dans les années 190 , à un moment où il éprouva le désir de revoir sa patrie . L 'hypo thèse la plus vraisemblable autorisée par le témoignage de Galien est cependant qu 'il s'arrêta pour la première fois à Lemnos lors de son second voyage à Rome après s'être embarqué à Alexandrie de Troade et avant de poursuivre par voie de

terre à travers la Thrace et la Macédoine. Il y a cependant une objection à cette interprétation et elle est d'ordre géographique : si Galien s'est rendu par mer d 'Alexandrie de Troade à Thessalonique, il n 'a pas eu ensuite à traverser la

Thrace. Pour Nutton 5, p. 167- 168 , Galien aurait donc effectué deux voyages : l'un en passant effectivement par la Thrace et la Macédoine, l'autre , le premier, en débarquant à Thessalonique. Dans cette hypothèse, la première visite de Galien à Lemnos se situerait lors de son second voyage pour Rome, en 168. La seconde visite à Lemnos, elle , ne peut être précisément datée, elle interviendrait

assez tard, dans les dernières années du second siècle. Cela pourrait expliquer le délai imposé à la publication des livres IX et suivants du Sur la faculté desmédi caments simples. Galien aurait attendu d'être en possession de toutes les infor

mations pour les publier (Nutton 5, p. 169). Les autres voyages sont,eux, impos sibles à dater, mais, sur la foi de Sur la faculté des médicaments simples IX 1 :

t. XII, p. 171 K ., ils se situentavant 168. C 'est le cas des voyages à Chypre (Sur les facultés des aliments I 11 : t. VI, p. 507 K .), en Syrie-Palestine (Sur les

facultés des médicaments simples IX 1 : t. XII, p . 171 K .; ibid ., IX 3 : t. XII, p. 203 et 216 K .), et peut- être aussi en Lycie (ibid., t. XII, p . 203 K .). Walsh 6 ,

p . 379, cependant, les place en 167/8 , et Ilberg 4, p . 291, en 161/2. Fidèle à la tradition du médecin itinérant,Galien a également à plusieurs reprises visité la Grèce et l'Italie . Si les dates et l'itinéraire exacts de tous ces voyages ne peuvent

toujours être précisés, le but commun de tous ces déplacements,en revanche, est fort clair. Galien voulait sans nul doute pouvoir examiner et se procurer sur place des ingrédients rares, des herbes médicamenteuses, mais surtout des produits d'origine minérale, entrant dans la composition de diverses préparations pharma

ceutiques, dont la célèbre thériaque.

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Premier séjour à Rome. Quand Galien arrive à Rome, en 162, il est tout

juste âgé de 33 ans (voir t.XVIII A , p. 347 K . et t. XIX , p. 15 K . déjà cités). Les principaux événements relatifs à ce premier séjour romain , ainsi que les premiers succès de Galien , sont en grande partie relatés dans le Pronostic, composé en 178. Au cours de ce premier hiver 162/3 , alors qu 'il est encore peu connu des principaux cercles romains, il est amené à soigner le philosophe Eudeme

(YE92) (Pronostic 3: t. XIV ,p .613 K . = p . 82 Nutton ). Originaire de Pergame, Eudème était installé à Rome depuis une dizaine d'années et Galien avait peut être été son élève à Pergame.Lesmédecins convoqués par Eudème étant impuis sants à le guérir d 'un accès de fièvre quarte, le philosophe fait appel à Galien , qui formule un brillant diagnostic , doublé d'un excellent pronostic . L 'éclatant succès alors remporté par Galien marque l'origine de sa gloire naissante et

contribue à lui assurer une solide réputation (Ilberg 4 , p . 377) auprès des membres les plus éminents de la société romaine fréquentés par Eudème, comme

Sergius Paulus et Flavius Boéthus (2- B 49) l'ex -consul (Pronostic 2 : t. XIV , p. 605 K . = p. 74-82 Nutton ). Dans le même temps, la maladie du médecin de

Sicile, ami du philosophe Glaucon (3- G 20), est l'occasion pourGalien de susci ter l'admiration de tous par son pronostic,même si pour cela le spectaculaire le

dispute quelque peu à la probité intellectuelle (Des lieux affectés V 8 : t. VIII, p. 361 K .). Fort de ses succès, Galien compte dès lors dans sa clientèle de nom breux patients (Ilberg 4 , p. 379). Certains nomssortentmême de l'anonymat, tels ceux de l'esclave de Charilampès, du rhéteur Diomède, de la femme de Justus

(Pronostic 5 : t. XIV , p . 624 sqq. K . = p . 94 Nutton ) ou de celle de Boéthus (ibid . 8 : t. XIV , p.641 sqq . K . = p. 110 -116 Nutton ). Parallèlement Galien multiplie

les conférences publiques, au cours desquelles il se livre principalement à des démonstrations anatomiques qui sont pour lui l'occasion là encore de démontrer

sa supériorité surses collègues (Sur les facultés naturelles I 13: t. II, p. 34- 38 K . = SM III, p. 122 sqq.). Le célèbre débat avec Alexandre de Damas (2 A 114 ) a lieu au milieu de l' année 163 (Pronostic 5 : t. XIV , p. 627 sqq. K . = p . 97-99 Nutton) quand Galien est invité par Flavius Boéthus à mettre en lumière le

mécanisme de la respiration et de la voix chez les êtres vivants. A en croire Galien, ces conférences publiques, ainsi que les immenses succès qu'il remporte alors , lui valent bientôt la haine féroce de ses collègues. Raillerie et ironie (Sur les facultés naturelles I 13 : t. II, p. 34- 35 K .) se muent bientôt en attaques de plus en plus virulentes (Sur les différences du pouls II 3 : t. VIII, p. 571-572 K .). Le principal reproche fait à Galien par ses adversaires est, semble -t-il, de recourir à la divination pour établir ses pronostics (Pronostic 4 : t. XIV , p. 620

sqq. K . = p. 88-90 Nutton, et Commentaire au Pronostic III 37 : t. XVIII B , p. 300 K .). Les menaces cependant se font de plus en plus précises et Galien

commence à craindre pour sa vie. Son ami Eudème le metmême en garde contre une tentative d'empoisonnement (Pronostic 4 : t. XIV , p.623 sqq. K . = p. 92

Nutton ). Ses honoraires assurant à Galien une aisance qui dépasse ses veux (Boéthus lui a envoyé 400 pièces d 'or pour avoir guéri sa femme), un an après

son arrivée à Rome, à l'âge de 34 ans, en 163, il déclare renoncer à son ensei

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gnement public et à ses démonstrations anatomiques pour ne pas exaspérer

davantage la haine de ses adversaires (Sur ses propres livres 2 : t. XIX , p . 19 K . = SM II, p . 99). A l' été 166 enfin , avant le retour de campagne de Lucius Verus et après presque quatre années passées à Rome, Galien exécute un projet,

semble -t-il, longuementmûri : le retour dans sa patrie. En effet, dès les premiers mois de sa présence dans la capitale ,Galien avait déjà confié à Eudème son désir

de regagner Pergame au plus tôt,mentionnant comme seul obstacle à son projet la guerre civile qui sévissait alors dans sa patrie (Pronostic 4 : t.XIV , p .622 K . = p . 92 Nutton ). Alors que les détails et l'itinéraire de ce départ précipité qui prend toutes les allures d 'une fuite nous sontassez bien connus, en revanche lesmotifs en restent assez hypothétiques. Galien en effet quitte Rome en feignant de partir visiter la Campanie , après avoir chargé un serviteur laissé sur place de vendre ses biens (Pronostic 9 : t. XIV , p.648 K . = p . 116 - 118 Nutton ). De là il gagne Brindisi, bien décidé à embarquer sur le premier bateau qui lèverait l'ancre. Il

fait bientôt voile pour Cassiopé, au nord- est de Corcyre (ibid . 9 ), avant d 'arriver à Corinthe où il décide, avec un ami crétois, d'envoyer ses bagages par bateau à

Athènes et de poursuivre lui-même par voie de terre en passant par Mégare (Sur le diagnostic et le traitement des passions de l'âme 4 : t. V , p . 18 = p. 13- 14 De Boer). On peut supposer qu 'il regagna ensuite l'Asie mineure par mer au départ

d' Athènes. Galien quitte donc Rome en véritable criminel, en proie à la crainte que sa fuite ne soit découverte et qu 'il ne soit rattrapé par les soldats de l'empe reur (Pronostic 9 : t. XIV , p. 648 K . = p. 118 Nutton ). Plusieurs hypothèses ont été émises pour expliquer ce curieux épisode : peut-être Galien craignait- il un assassinat, peut-être voulait-il, pour un motif que nous ignorons, se soustraire à la justice, ou peut-être encore désirait-il échapper à la grande épidémie de peste ramenée par les armées d'Orient et quimenaçait Rome. Cette dernière hypothèse ne peut être prouvée , mais est rendue assez vraisemblable par le rapprochement de deux passages où Galien , d'une part, reconnaît avoir craint que des person nages influents, en parlant de ses intentions de départ à l'empereur, n 'aient pu

empêcher son départ à temps (ibid. 9: t. XIV , p . 648 K . = p . 116 Nutton) et où , d 'autre part, il reconnaît, cette fois explicitement, avoir quitté Rome dès que la peste se mit à sévir (Sur ses propres livres 1 : t. XIX , p. 15 K . = SM II, p. 96 ). Il est alors possible queGalien ait préféré taire dans un premier temps cemotif peu glorieux pour un médecin en l'entourant d'un certain mystère ( Ilberg 4 , p. 389).

Retour à Pergame. Galien rejoint Pergame, vraisemblablement entre sep tembre 166 et début 167, âgé de 37 ans (Sur ses propres livres 2 : t. XIX , p. 16 K . = SM II, p . 97). On ignore à peu près tout de la nouvelle existence de Galien dans sa patrie , car il nous dit seulement s'être alors livré à « ses occupations habituelles » (Ibid . 2 : t. XIX , p. 17 K . = SM II, p. 98), sans que cette expression fort vague doive faire supposer qu 'il reprit à cette époque ses anciennes fonc tions demédecin des gladiateurs. Quoi qu'il en soit, il ne jouit pas fort longtemps de son séjour à Pergame, puisqu 'au cours de l'hiver 168 / 169 les deux empereurs, Marc-Aurèle et Lucius Verus, basés à Aquilée, où ils prenaient leurs quartiers

d'hiver et veillaient aux préparatifs de la future expédition contre les Germains,

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lui font bientôt parvenir un billet le rappelant auprès d 'eux (Pronostic 9 : t. XIV , p . 650 K . = p. 118 Nutton ; Sur ses propres livres 2 : t. XIX , p . 17-18 K . = SM II,

p . 98). Il ne semble pas, avant cette date, que Galien ait été en contact direct avec la cour ou l'un des deux empereurs. En réalité, c 'est seulement sur proposition d 'un des membres de leur entourage que ceux -ci semblent avoir songé à Galien

pour les accompagner en campagne en tant que médecin militaire (ibid . 2). Ce dernier se montre de toute façon fort peu empressé d 'occuper ces nouvelles

fonctions qui, tout en l'exposant à de nombreux dangers, risquent de l' éloigner assez longuementde ses chères études. Second séjour à Rome. Galien se met cependant en route et parvient à Aquilée au cours de ce même hiver 168/ 9 après avoir fait route par Alexandrie

de Troade, Lemnos et Thessalonique.Mais, sur place, l'épidémie de peste redou ble, contraignant bientôt les deux empereurs à regagner Rome. L . Verusmeurt en chemin d 'une attaque d 'apoplexie (début 169). Galien quitte à son tour Aqui

lée, où la situation est devenue effroyable, pour rejoindre Marc -Aurèle à Rome. Il entreprend alors de dissuader l'empereurde l' emmener en expédition. Cet épi sode est brièvementmentionné dans deux textes (Pronostic 9 : t. XIV , p. 650 K .

= p. 118 Nutton ; Des antidotes I 1 : t. XIV , p . 4 K .), mais un troisième nous

fournit davantage de détails. Galien n 'a en effet pas hésité à invoquer un rêve envoyé par Asclépios et lui interdisant de participer à l'expédition (Sur ses propres livres 2 : t. XIX , p . 18 -19 K . = SM II, p . 99). Les traités galéniques

témoignent, il est vrai, en plusieurs endroits de la dévotion toute particulière entretenue par Galien à l'égard d'Asclépios (voir en particulier ibid . 2 ; Sur la

méthode thérapeutique I 4 : t. X , p. 609 K .). Si le lecteur moderne peut cepen dant, dans ce cas précis, être tenté de penser à un stratagème, cette pensée ne semble manifestement pas avoir effleuré l'empereur, qui se résout finalement à

laisser Galien à Rome,mais en l'investissant de la charge de médecin officiel attaché au service de son fils, le jeune Commode, alors âgé de huit ans et destiné à lui succéder sur le trône (Pronostic 9 : t. XIV , p .650 K . = p. 118 Nutton ). Tou jours soucieux de se soustraire à la haine et à l'envie de ses collègues, Galien décide de se tenir le plus éloigné possible de Rome, séjournant tantôt ici, tantôt

là où se trouverait le fils de l'empereur, et consacrant presque tout son temps à la rédaction de nombreux traités philosophiques et médicaux (ibid . 9 ; Sur ses propres livres 2 : t. XIX , p . 19 K . = SM II, p . 99). Lemédecin de Pergame aborde alors une période particulièrement féconde pour son activité d 'écrivain et la plus grande partie des traités qui nous sont parvenus ont été composés à cette époque.

Le signe que Galien mène alors une vie plus retirée, davantage tournée vers l'étude et presque tout entière consacrée à l'écriture , transparaît dans le silence qu 'il entretient désormais sur les détails de son existence. Ces dernières années contrastent en effet fortement avec les premières, pour lesquelles nous dispo sions d 'un abondant matériau autobiographique. Galien se limite désormais à quelques allusions, laissant dans l'ombre des pans entiers de ses trente ou qua rante dernières années. Plusieurs allusions nous permettent cependant de déduire

qu 'il ne semble pas avoir durablement quitté Rome dans cette dernière partie de

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son existence. Galien nous apprend seulement que Marc-Aurèle , encore en cam

pagne contre les Germains (il ne rentra à Rome qu 'en 176 ), demanda à son

intendant général Euphratès, après la mort de son médecin personnel Démétrios, de lui désigner une personne capable de lui préparer sa thériaque quotidienne et qu 'Euphratès proposa le nom de Galien , qui fut accepté (Sur les antidotes I 1 : t. XIV , p. 4 -5 K .). Nous savons également que vraisemblablement dans cette même période, antérieure à 176 , Galien soigna le jeune Commode atteint d'une

amygdalite (Pronostic 12 : t. XIV , p .662 K . = p. 130 -134 Nutton ). Marc -Aurèle lui-même, de retour à Rome (si l'on admet que cet épisode se situe bien en 176 /7 et non au cours de l' été 169; voir sur ce point l' édition du Pronostic de V . Nutton , CMG , p . 217 -218 ), devait l'appeler en consultation et proclamer sa supériorité sur les autres médecins (Pronostic 11 : t. XIV , p .658 K . = p . 126 -128

Nutton ). A Rome, Galien s'était installé sur la Voie Sacrée , où il possédait, non loin du forum de Vespasien et à proximité du Temple de la Paix , un cabinet de travail où il déposait ses biens les plus précieux, aussi bien les manuscrits origi naux de ses ouvrages que les ingrédients les plus rares nécessaires à la réalisation de nombreuses préparations pharmaceutiques (Sur les médicaments composés selon les genres I 1 : t. XIII, p. 362 K . ; Sur les antidotes I 13 : t. XIV , p .65-66

K .). Ce cabinet fut détruit par le feu en 192, au cours du terrible incendie qui ravagea égalementle Temple de la Paix et une partie du Palatin . Galien y perdit une grande partie de ses ouvrages, dont, pour certains, il ne possédait pas de copies (Sur les médicaments composés selon les genres, ibid . ; Des antidotes, ibid .; Sur ses propres livres 2 : t. XIX , p. 19 K . = SM II, p . 99). Il s'emploie

alors , dans ses dernières années, à réécrire certains ouvrages, comme les deux

derniers livres de son vaste traité sur les Médicaments composés selon les genres. On sait enfin que Galien séjourna encore à Rome plusieurs années après l'incendie de 192 grâce à une allusion conjointe aux règnes de Commode (180 192) et de Septime Sévère (193-211). En effet, ce dernier devait remettre à l'honneur la pratique abandonnée par Commode de prendre régulièrement une

thériaque et c'est à Galien qu' échut à nouveau le soin de la préparer (Sur les antidotes I 13 : 1. XIV , p. 65 K .).

Lieu et date de la mortdeGalien . S 'il est certain que Galien était encore à Rome en 193, date de l'avènement de Septime Sévère, on chercherait en vain dans ses écrits, dumoins ceux que nous avons conservés, une allusion aux toutes dernières années de son existence, qui restent de ce fait entourées d 'un assez pro

fond mystère. Nous ignorons s'il est mort à Rome ou si, comme on l'a supposé, il est retournémourir dans sa patrie, à Pergame. Il est également difficile d 'avan cer une date précise pour sa mort. La date traditionnellement adoptée de 199 repose en réalité sur la foi d'un témoignage tardif, celui de la Souda, qui indique

dans la notice consacrée à Galien que celui-ci mourut à l'âge de 70 ans. Un simple calcul établi à partir de 129 pris comme date de naissance aboutit donc à 199 . Cependant la tradition arabe (Işhāq ibn Hunayn au IXe siècle , Al-Mubaššir au XIe siècle, Ibn Abi Uşaybi'a au XIIIe siècle ) précise que Galien vécut quatre vingt-sept ans, dix- sept ans en tant qu 'enfant et étudiant et soixante -dix en tant

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que savant et professeur, ce qui situerait sa mort autour de 216 . Sans peut-être aller aussi loin , 21 V . Nutton, « Galen in the eyes of his contemporaries » , BHM

58, 1984, p. 324, est en tout cas partisan, sur la foi d'une citation d' Alexandre d'Aphrodise (2 + A 112) rapportée par l'écrivain arabe Al-Siġistāni (Xe s.), de situer la mort de Galien après 210, et plus vraisemblablement entre 210 et 213,

un an après l'achèvement de La thériaque à Pison, si du moins cet ouvrage est bien authentique. En outre , le nombre non négligeable de traités qui, selon les spécialistes de la chronologie du corpus galénique, ne peuvent avoir été rédigés que sous le règne de Septime Sévère , impose de toute façon un report de quel

ques années de la date traditionnelle (voir 22 J. Ilberg, « Über die Schriftstellerei des Klaudios Galenos » , RAM 44, 1889, p. 207 -239 ; 47, 1892, p. 489-514 ; 51,

1896 , p. 165- 196 ; 52, 1897, p. 591-623; 23 K . Bardong, « Beiträge zur Hippo krates- und Galenforschung» , NAWG 7, 1942, p. 577 -640 ; 24 D . W . Peterson ,

« Observations on the chronology of the Galenic corpus» , BHM 51, 1977, p. 484-495). La tradition occidentale et byzantine (Tzetzes, Chiliades XII 397) va d 'ailleurs elle aussi dans le sens d 'un abaissement de la date traditionnelle en faisant vivre Galien jusque sous Caracalla (211-217).

B. LE CORPUSGALÉNIQUE L 'activité littéraire de Galien . Les dimensions du corpus galénique l'attes

tent suffisamment, Galien était un travailleur infatigable, un écrivain exception nellement prolifique, qui réalisa la performance remarquable d'avoir composé en moyenne cinq cents pages par an pendant les cinquante années de son activité littéraire (Moraux 1, p. 29 ). Il composa ses premiers ouvrages médicaux avant l'âge de vingt ans, alors qu ' il était encore étudiant (Sur ses propres livres 1 :

t. XIX , p. 12 K . = SM II, p . 93 -94 ) mais ses débuts dans la carrière littéraire datent réellement de son premier séjour à Rome. Il s'agit alors bien souvent de notes ou d 'aide-mémoire destinés à des amis ou d'anciens disciples et dont Galien ne prend pas toujours la précaution de conserver une copie . A la mort de leurs propriétaires, certains de ces écrits que Galien ne destinait pas à la publi cation furentperdus ou usurpés par des médecins peu scrupuleux qui se les attri buèrent (ibid . prol. : t. XIX , p. 12 K . = SM II, p. 94). D 'autres encore ont été composés par Galien à l'occasion de telle ou telle polémique soulevée par les

représentants des différentes écoles médicales alors présentes à Rome, les Méthodistes, les Empiristes et les Dogmatistes. Galien reconnaît d 'ailleurs volontiers que ces premiers écrits ont été composés par gloriole et dans un esprit

essentiellement partisan (ibid . 1: t. XIX , p. 14 K . = SM II, p. 95). Plus tard , sen sible au fait que l'opposition entre les écoles se situe davantage sur le plan des

principes et de la méthode que sur celui de la pratique médicale , Galien multi pliera dans ses ouvrages les remarques d 'ordre épistémologique destinées à

démontrer l'importance des observations scientifiques bien menées et des raison nements fondés sur la démonstration . Parvenu à l'âge de la maturité , Galien déclare écrire non pas pour devenir célèbre, mais seulement pour accéder au

désir de ses amis qui lui en font la demande et, plus généralement, pour se

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constituer à lui-même une réserve d 'aide-mémoire en vue de la « vieillesse oublieuse » (Sur la méthode thérapeutique VII 1: t. X , p . 456 K .). Ce dédain pour la célébrité le conduit même dans un premier temps à ne plus mentionner son nom sur ses œuvres (ibid.). Cependant, apprenant que des faux circulent sous son nom , que ses propres traités sont remaniés à son insu , Galien décide dans les

dernières années de sa vie d 'indiquer le contenu de tous les traités dont il est l'auteur (Sur ses propres livres, prol.: t. XIX , p. 10 K . = SM II, p . 92). Il s'em

ploie également, au cours de son second séjour à Rome, à récupérer auprès d 'amis les écrits dont il n'avait pas conservé de copie, pour les corriger. C 'est le cas notamment des ouvrages destinés à ses élèves et qu'il intitula « Aux

débutants » .Demême, après l'incendie du Temple de la Paix (192), il fut amené à réécrire certains de ses ouvrages dans leur intégralité . Ses dernières années sont

également consacrées à la poursuite d'un vaste projet qu 'il ne pourra complè tementmener à bien : la rédaction de commentaires aux plus importants traités d 'Hippocrate (Sur l'ordre de ses propres livres 3 : t. XIX , p . 57-58 K . = SM II, p . 86 -87). Au total, à une activité exceptionnellement féconde de médecin et

d ' auteur médical,Galien a su allier un talent non moins productif d 'auteur philo sophique, de la rédaction de son important traité Sur la démonstration , dès 162, à

celle du Sur ses propres opinions, dans les dernières années de son existence. Présentation d 'ensemble . A la différence de ce que l'on observe pour le cor pus hippocratique ( * + H 152), le corpus galénique est l'æuvre d' un seul auteur,

même si l'authenticité de certaines æuvres a pu êtremise en question. Le corpus galénique frappe d 'abord par son étendue, puisqu'il représente ,à lui seul,près du dixième de la littérature grecque conservée. Toutes les disciplines de l'artmédi cal sont abordées: anatomie , physiologie , embryologie , hygiène, diététique ,

pathologie , thérapeutique, pharmacologie , mais aussi philosophie, grammaire ,

éthique... Nous sommes loin cependant de posséder l'intégralité de cette æuvre immense. Nous ne connaissons de certains traités que le titre , et pour d'autres, dont l'original grec est perdu, nous ne possédons plus que des traductions arabes

ou latines. Il se pourrait bien en effet que Galien n 'ait pas écrit moins de cing cents traités. Le naufrage est particulièrement important pour les æuvres philo sophiques,morales et rhétoriques, dont fort peu nous sont parvenues. LeMoyen Age grec et latin s 'intéressa en effet davantage aux traités médicaux que philo sophiques. Et nombreux sont les ouvrages qui ne nous sont connus que par des traductions ou des citations chez des auteurs syriaques (voir 25 R . Degen , « Galen im Syrischen : Eine Übersicht über die syrische Überlieferung der Werke

Galens » , dans 26 V . Nutton [édit.), Galen : Problemsand Prospects, Oxford 1981), arabes (voir 27 G . Bergsträsser, Hunain ibn Ishaq. Über die syrischen und arabischen Galen-Übersetzungen , Leipzig 1925, et 28 M . Steinschneider, Die arabischen Übersetzungen aus dem Griechischen, Graz 1960 (réimpr. de

quatre articles parus en 1889- 1896 ]) et dans unemoindre mesure hébreux (voir 29 M . Steinschneider, Die hebräischen Übersetzungen des Mittelalters und die

Juden als Dolmetscher, Graz 1956 (Berlin 1893) ; E . Lieber, « Galen in Hebrew : The transmission of Galen ' s works in the mediaeval Islamic world » , dans

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Nutton 26 , p. 167-186 , et 30 M . Zonta , Un interprete ebreo della filosofia di Galeno, coll. « Eurasiatica » ( Quaderni del Dipartimento di Studi Eurasiatici,

Università degli Studi di Venezia ) 39, Torino 1995) . Voir également 31 G . p . 1987-2017 . Pour tenter de reconstituer cet imposant corpus philosophique,

nous possédons encore aujourd 'hui la liste de ses propres livres que Galien rédi gea à la fin de sa vie (Surses propres livres ),ainsi qu'un autre traité où il donne des indications sur l'ordre dans lequel ses æuvres doivent être lues (Sur l'ordre de ses propres livres). Le traducteur arabe Hunayn ibn Işhāq nous a également

conservé dans sa Risala (IXe s.) une liste des ouvrages de Galien qu' il était

encore possible de lire à son époque, ainsi que, pour chaque traité, l'indication des différents traducteurs syriaques ou arabes (Bergsträsser 27 ). Hunayn a en outre consacré un court traité aux cuvres de Galien non mentionnées dans ses

ouvrages bibliographiques (voir 32 M . Meyerhof, « Über echte und unechte Schriften Galens nach arabischen Quellen » , SPAW 20, 1928, p . 533-548) . On

dispose également, au Xe siècle, de la liste des ouvrages de Galien établie par le libraire musulman Al-Nadim dans son Fihrist (voir la traduction de 33 B . Dodge, The Fihrist of Al-Nadim ,New York London , 1970 , vol. II, p.680-686 ), à

laquelle il convient d 'ajouter, au XIIIe siècle , les titres cités par Ibn Abi Uşaybi'a à l'intérieur de son importante notice consacrée à Galien ( voir l'édition de 34 A . Müller, Ibn Abi Osaibia , Sources de renseignements sur les classes des méde cins, Le Caire/Königsberg 1882- 1884, vol. I, p. 30 sqq. et celle de 35 Sumaih az

Zain , Bérouth 1956 -1957, t. I et II) Bibliographies . La première bibliographie à consulter est celle qui fut dres sée par Galien lui-même dans son traité intitulé Sur ses propres livres, où le médecin de Pergame, soucieux de faire échec aux faussaires et de mettre en

garde son lecteur contre les faux ouvrages circulant sous son nom , entreprend de dresser la liste de ses principaux traités et d 'indiquer pour chacun la date et le lieu de sa rédaction . On le complétera par le Sur l'ordre de ses propres livres où , en réponse à la demande de son ami Eugénianos, Galien entreprend d 'indiquer à

son lecteur dans quel ordre il doit lire ses différents ouvrages pour en retirer le meilleur enseignement possible. Outre la série d ' articles de Ilberg 22 sur la chro

nologie du corpus galénique, à compléter par Bardong 23 et Peterson 24, on citera la bibliographie régulièrement mise à jour (à partir de février 1988) de 36 G . Fichtner, Verzeichnis der galenischen und pseudogalenischen Schriften, Tübingen , Institut für Geschichte der Medizin , à laquelle il faut ajouter l'impor tante contribution de 37 J. Kollesch et D . Nickel, « Bibliographia Galeniana 1900 - 1993 » , ANRW II 37, 2, 1994, p . 1351-1420.

Éditions. Sur la tradition manuscrite, outre le répertoire déjà ancien des

manuscrits médicaux de 38 H . Diels, Die Handschriften der antiken Ärzte, APAW 1905, et en dehors de quelques éditions critiques ou de quelques articles

sur la tradition de tel ou tel traité particulier , on ne dispose que d'une seule étude

d 'ensemble récente, celle de 39 N . G . Wilson, « Aspects of the transmission of Galen » , dans Le strade del testo , a cura di G . Cavallo , coll. « Studi e commenti»

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5, Bari 1987, p. 45-64. Depuis l'édition princeps des æuvres de Galien (Editio Aldina parue à Venise en 1525), la seule édition à peu près complète dont nous disposions aujourd 'hui est l'édition de K . G . Kühn , parue à Leipzig de 1821 à

1833 (réimpr. Hildesheim 1965) (K ). Plusieurs traités ont également été édités dans la collection des Scripta Minora (SM ), Leipzig 1884 -1893 : tome I, éd. J. Marquardt, 1884 ; tome II, éd. I.Müller, 1891 ; tome III, éd. G . Helmreich , 1893 , auxquels il faut ajouter les titres parus dans le Corpus Medicorum Graecorum (CMG ) édité à Berlin.

Traductions. Outre les traductions du Corpus Medicorum Graecorum déjà cité, on dispose en italien des traductions de 40 Ivan Garofalo et Mario Vegetti ,

Opere scelte di Galeno, Torino 1978 , en espagnol de celles de 41 J. B . Lafont et

A . R . Moreno, Obras de Galeno, La Plata 1947, et 42 J. A . Ochoa et L . Sanz Mingote, Madrid 1986 , en anglais de 43 P. N . Singer, Selected Works, Oxford 1997, et en français de celles de 44 Ch . Daremberg, Euvres anatomiques, phy

siologiques etmédicales de Galien , Paris 1854, pour les traités suivants : tome I: Quod optimus medicus sit quoque philosophus, Adhortatio ad artes addiscendas, Quod animimores corporis temperamenta sequantur, De consuetudinibus, De usu partium I-XII; tome II : De usu partium XIII-XVII, De naturalibus faculta tibus, Demotu musculorum , De sectis ad tirones, De optima secta ad Thrasybu lum , Ad Glauconem de medendimethodo . A ces traductions françaises déjà anciennes, on peut ajouter, pour les œuvres philosophiques et rhétoriques, les traductions plus récentes de 45 R . Van Der Elst, Galien , Traité des passions de l'âme et de ses erreurs, Paris 1914 , 46 J.-P. Levet, « L ’Institutio Logica de Galien : la syllogistique, traduction accompagnée de notes » , dans L 'Antiquité classique d'Hippocrate à Alcuin , coll. « TRAMES » , Université de Limoges, 1985, p. 57-80, et 47 P . Pellegrin, C . Dalimier et J.-P . Levet, Galien. Traités philosophiques et logiques, coll. GF, Paris 1998, pour les traités suivants : Des sectes pour les débutants, Esquisse empirique, De l'expérience médicale, Des sophismes verbaux, Institution logique. Il faut encore signaler, pour les deux traités Les Passions et les erreurs de l'âme et Les facultés de l'âme suivent les tempéraments du corps, les traductions de 48 V . Barras, T. Birchler et A .- F .

Morand récemment parues dans la collection « La Roue à Livres » , Paris 1995. Euvres philosophiques, morales et rhétoriques. Il convient d ' être averti du fait que la pensée philosophique de Galien est loin de trouver sa seule expression dans les traités particuliers consacrés à ce thème. Médecine et philosophie sont

en effet à ce point liées dans le corpus galénique que presque tous les traités , à un degré plus ou moins prononcé, abordent par un biais ou un autre les questions philosophiques. On se limitera cependant, dans la présentation qui suit, aux trai tés explicitement consacrés à ces questions, ou dont le titre – pour les traités per dus – offre une indication suffisamment explicite du contenu philosophique.

L 'ampleur même de l'œuvre galénique imposait ce choix qui, en tant que tel, n 'échappe peut- être pas totalement à un certain arbitraire. Les éditions autres que

les éditions Kühn (K ) et Scripta minora (SM ) sont signalées par le sigle (E ), les traductions par le sigle (trad .), les références à Degen 25, Bergsträsser 27 et

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Meyerhof 32 sont respectivement données sous les formes abrégées (Deg.), (Berg.) et (Mey.).

A. Euvres conservées en grec : (1) Protreptique à l'étude de la médecine (TlpotpenTIXÒÇ Én ' latpixv): t. I, p. 1- 39 K .; titolo del Protrettico diGaleno » , Prometheus 2, 1979, p. 157- 163. Aucun manuscrit grec de ce

SM I, 103-129 ; Deg.n° 1 ; Berg. n° 110. Sur le titre de ce traité , voir 49 A . Barigazzi, « Sul

traité n 'est conservé (celui qui a servi de modèle à l'édition princeps est perdu) et la traduction

arabe de Hunayn n ' a pas été conservée. Seul reste un sommaire arabe qui a été édité par 50 A .

Badawi, Dirasat wa-nusus fi l-falsafa wa-l-'ulum 'inda l-'Arab, Beirut 1981, p. 187 -189, et des citations en hébreu (voir Zonta 30 , p. 81-93 ). Une traduction française a été établie par

Daremberg 44 , Euvres I. Voir 51 G . Kaibel, Berlin 1894 (réimpr. 1963) (E ); 52 J. Walsch, « Galen 's Exhortation to the Study of the Arts, especially Medicine» , MedLife 37, 1930, p . 507-529 (T) ; 53 E .Wenkebach , « Galens Protreptikosfragment», QSGN 6 , 1935, p.88 -121

(E et trad. all.) ; 54 W . John, Galens Protrepticus ad medicinam , Göttingen 1936 (E et trad . all.) ; 55 P . Lüth et W . Knapp, « Galen von Pergamon : Ermunterung zu Kunst und Wissenschaft», Hippokrates 34 , 1963, p. 665 -669 (trad. all.) ; 56 I.G . Galli Calderini, Nobiltà delle arti, Napoli 1986 (E et trad. ital.) ; Ochoa et Sanz Mingote 42 (trad. esp .) et 57 A .

Barigazzi,Galeno, Esortazione alla medicina, coll. CMG V 1, 1, Berlin 1992 (E ettrad. ital.). (2) Sur le meilleur enseignement contre Favorinus (ſlepi tñs áporng didaoxanlaç apos Pabwpivov) : t. I, p. 40-52 K .; SM I, 82-92. Sur Favorinus d'Arles (MF 10 ), voir 58 A . Bari gazzi, Favorino di Arelate, Opere, Firenze 1966 . Barigazzi estime que ce philosophe et érudit, qui fut l' élève de Dion de Pruse ( D 166 ) et l' ami de Plutarque , vécut entre les années 80 et

160. Outre le présent ouvrage, Galien avait consacré deux autres traités à la réfutation des thèses de Favorinus, voir infra nº 57 et 72. 59 C . L . Kayser, Galeni Mepi ápíorns Oldaoxa

nías, in Philostrati Vitae Sophistarum , Heidelberg 1838 ; réimpr. Hildesheim 1964 (E ) ; 60 A .

Brinkmann, Galeni De optimo docendi genere libellus, Univ. Progr., Bonn 1914 (E ) ; Ochoa et Sanz Mingote 42 (trad. esp.); Barigazzi 57, Galeno, Sull'ottima maniera d 'insegnare, coll. CMG V 1, 1 , Berlin 1991 (E et trad . ital.).

(3) Que le meilleur médecin est aussi philosophe ("Oti o aplotos latpòs xai pióoo poç): 1. I, p. 53 -63 K . ; SM II, 1-8 ; Deg. n° 2 ; Berg. n° 103. Daremberg 44 , Euvres I (trad. fr.) ; 61 I.Müller, Galeni Quod optimus medicus sit quoque philosophus, Erlangen 1875 (E ) ; 62 G . Bilancioni, « Galeno , Come l'ottimomedico sia anche filosofo » , RCCM 1914, p . 481 sq. (E et trad. ital.) ;63 E . Wenkebach , « Der hippokratische Arzt als das Ideal Galens» , OSGN 3 -4 , 1932 - 1933 , p . 155 -175 (E ) ; 64 P . Bachmann , « Galens Abhandlung darüber, dass der vorzügliche Arzt Philosoph sein muss » , NAWG 1965, p. 1 -67 (texte arabe et trad . all.) ;

65 P . Lüth et W . Knapp, « Der beste Arzt ist Wissenschaftler », MedWelt 33, 1965, p. 2185 2187 (trad. all.); 66 P. Brain, « Galen on the ideal of the physician », SAfrMedJ 52, 1977, p. 936 -938 (trad . angl.) ; Garofalo et Vegetti 40 (trad. ital.); Ochoa et Sanz Mingote 42 (trad. esp .).

(4) Sur les écoles pour les débutants ( ſlepi aipédeWV tolç eloayouévoiç ): t. I, p.64-105 K . ; SM III, 1- 32 ; Deg. n° 3 ; Berg. n° 3. Daremberg 44, Euvres II (trad. fr.); 67 G . Helm

reich,Galeni libellus lepi aipéoewV tots eloayouévols, ActSemPhilolErl 2, 1881, p. 239 310 (E ). Sur la traduction arabe, voir 68 M .S. Salim , Kitab Galinus fi Firaq at-tibb li-l muta 'allimin , Caire 1977 (texte arabe seul), et 69 J.S . Wilkie et G . E .R . Lloyd , « The Arabic version of Galen ' s De sectis ad eos qui introducuntur » , JHS 98 , 1978 , p. 167 -169. Sur la tra duction latine ancienne et le commentaire ravennate, voir 70 L . G . Westerink (et alii), Agnellus of Ravenna : Lectures on Galen 's De sectis, Latin text and translation by Seminar Classics, coll. « Arethusa Monographs» 8, Buffalo 1981, et 71 O . Temkin, « Studies on Late Alexan drian Medicine. I. Alexandrian Commentaries on Galen 's De sectis ad introducendos » , BHM

3, 1935 , p . 405 -430, et 72 N . Palmieri, L 'antica versione del “ De sectis" di Galeno, Pisa 1990. Pour les traductions en langue moderne, voir Garofalo et Vegetti 40 (trad . ital.); 73 R .

Walzer et M . Frede, Three treatises on the nature of science (On the sects for beginners, An

GALIEN DE PERGAME 456 G3 outline of empiricism , On medical experience), Indianapolis 1985 (trad. angl.); Ochoa et Sanz

Mingote 42 (trad. esp.);Pellegrin et alii 47 (trad. fr.). (5) De la constitution de l'art médical à Patrophile (Mpòs Matpósinov trepi ovotáoews latpixñs): t. I, p. 224 -304 K .; Berg.nº 117. Sur la tradition manuscrite de ce traité initiale ment composé de deux livres, l'un sur les arts en général, l'autre sur la médecine en particu lier,mais qui est perdu, voir 74 S. Fortuna, « La tradizione del De constitutione artismedicae di Galeno » , BollClass, serie terza, fasc. 11, 1990, p. 48 -77, et 75 Id ., « Galen 's De constitu tione artismedicae in the Renaissance » , CQ43, 1993, p . 302-319, et 76 Id ., Galeno, A Patro

filo sulla costituzionedella medicina, coll. CMG V 1, 3, Berlin 1997 (E et trad.ital.).

(6 ) Sur les doctrines d'Hippocrate et Platon en 9 livres (ſlepi tõv 'Intoxpátouç xal ' Innoxpátous doyuátwv): t. V , p. 181-805 K .; Deg. n° 28 ; Berg.n° 46. 77 I. v.Müller, Cl.

Galeni De placitis Hipp. etPl. libri IX , Leipzig 1874 (E), et 78 Ph. DeLacy,Galeni De placi tis Hippocratis etPlatonis, I- III, coll. CMG V 4, 1, 2, Berlin 1978-1984 (E et trad . angl.). (7) Que les facultés de l'âmesuivent les tempéraments du corps ("Oti tals toŨ owuatos

xpáoeoi ai tñs yuxñs ouvá Eiç ÉTOVTAL): t. IV , p. 767-822 K .; SM II, 32-79 ; Deg. n° 23 ; Berg. n° 123. Daremberg 44, (Euvres I (trad. fr.); texte reproduit avec une préface de J. Pigeaud, Clichy, G .R .E.C ., 1993 ; 79 E . Haucke, Galen : Dass die Vermögen der Seele eine

Folge der Mischungen des Körpers sind, coll. « Abhandl. zur Gesch . der Medizin und Natur wissenschaften » 21, Berlin 1937 (trad . all.); 80 L . Garcia Ballester, Alma y enfermedad en la obra de Galeno , Granada 1972 (trad. esp .) ; 81 H . H . Biesterfeldt, Galens Traktat, dass die

Kräfte der Seele den Mischungen des Körpers folgen , Leipzig 1973 (texte arabe et trad . all.); Garofalo et Vegetti 40 (trad. ital.); Barras, Birchler et Morand 48 (trad. fr.). (8) Sur le diagnostic des passions et des erreurs propres à chacun (ſlepi tõv idlwv Éxáorw naObvxai auaprnuárwv tñs olayúnews): Deg. n° 24 et 25 ; Berg. n° 118. Ce titre générique, cité in SM II, 121, regroupe deux livres consacrés l'un aux passions, l'autre

aux erreurs de l'âme et généralement édités de façon séparée: - Sur le diagnostic et le traitement des passions propres de l'âme de chacun (ſlepi StarV0S60C xai HoaTeac rõv v v txeotoo porõ 8í V Tae5v): t. V , p. 1-57 K .; SM I, 1 -44. 82 W . de Boer, Galeni De propriorum animi cujuslibet affectuum dignotione et cura tione, coll. CMG V 4 , 1, 1, Berlin 1937 (E ) ; 83 P . W . Harkins et W . Riese , Galen On the pas

sions and errors of the soul, Columbus (Ohio) 1963 (trad. angl. d'après l' éd. dDe Boer); 84 M . Menghi, Galeno : Le passioni e gli errori dell'anima (M . Menghi et M . Vegetti édit.), Venezia 1984 (trad. ital.); Van Der Elst 45 (trad. fr.); Barras, Birchler et Morand 48 (trad. fr.). - Sur le diagnostic et le traitement des erreurs de l'âme de chacun (ſlepi dlayvágewS xai Depanelaç tõv Év tñ éxáotou quxñ auapruárwv) : t. V , p. 58 - 103 K . ; SM I, 45 -81. W . de Boer, Galeni De animi cujuslibet peccatorum dignotione et curatione, CMG V 4, 1, 1 ,

Berlin 1937 (E ) ; Van Der Elst 45 (trad. fr.); Harkins et Riese 83 (trad . angl.) ; 85 C .Mancini G . Fravega, In qual modo si possono conoscere e curare le infermità dell'animo, coll.

« Scientia veterum » 40, Genova 1963 (trad. ital.);Menghi 84 (trad. ital.); Barras, Birchler et Morand 48 (trad . fr.).

(9) Sur les habitudes (ſlepiéo @ v) : SM II, 9-31 ; Deg. n° 87 ; Berg. n° 45. Conservé dans un seul manuscrit grec , le traité fut édité pour la première fois par 86 F. R . Dietz, Galeni De consuetudinibus, Leipzig 1832 (E ). Voir, pour la traduction française, Daremberg 44, CEuvres I. Sont également conservées une traduction latine de Nicolas de Reggio et une traduction arabe de Hubayš, voir 87 J.M . Schmutte, Galeni De consuetudinibus cum Nicolai versione. Versionem Arabicam ab Hunaino confectam in linguam Germanicam vertit F . Pfaff, coll. CMG Suppl. III, Leipzig/Berlin 1941, et 88 F. Klein -Franke, « The Arabic Version ofGalen 's

Iepi łoőv » , JSAI 1, 1979, p. 125- 150 (E ). Sur les citations de ce traité en hébreu, voir Zonta 30 , p. 95-97.

(10) Introduction à la dialectique (Eloarum dlałextixń ): Deg. n° 93 ; Berg . n° 126. 89 M . Mynas, Eloaywyn ôla extixń. Mpõrov dlopowdeioa xai onuooLEVOEToa uerà

podewplaç xai napexboWv, Paris 1844 (E ) ; 90 K . Kalbfleisch, Galeni Institutio Logica,

Leipzig 1896 (E); 91 E. Orth, Galen , Einführung in die Logik, Roma 1938 (trad . all.); 92 J.

G3

457 GALIEN DE PERGAME Mau , Galen , Einführung in die Logik, Berlin 1960 (trad. all.); 93 J.S.Kieffer, Galen's Institu

tio Logica, Baltimore 1964 (trad. angl.) ; Garofalo et Vegetti 40 (trad. ital.) ; A . Ramirez Trejo, Galeno : Iniciación a la Dialéctica, Mexico 1982 (E . et trad . esp .) ; Levet 46 (trad . fr. par tielle ) ; 94 M . Baldassarri, Galeno Dalla Introduzione alla dialettica, Como 1986 ( E et trad.

ital.); Pellegrin et alii 47 (trad. fr.).

(11) Des sophismes liés à l'expression (ſlepi tõv trapà tnv NÉELV Oodlouátwv): 1.XIV , p . 582-598 K . Ce traité est le premier commentaire conservé des Réfutations sophistiques d ' Aristote. C . G . Gabler a été le premier à l' éditer avec des commentaires en latin en 1903.

Voir, plus récemment, 95 R . B . Edlow , Galen On language and ambiguity : An English trans lation ofDe captionibus, coll. « Philosophia antiqua » 31, Leiden 1977 (E ettrad. angl.); 96 S. Ebbesen , Commentators and Commentaries on Aristotle 's Sofistici Elenchi, Leiden 1981, 3 vol.; II, p. 1- 16 pourle texte de Galien ; traduction partielle de 97 M . Baratin et F. Desbordes dans L 'Analyse linguistique dans l'Antiquité classique,Paris 1981, 1: Les théories, p. 133 140 ; traduction intégrale dans 98 B . Cassin , L 'effet sophistique, Paris 1995 , p. 519 -533, et

Pellegrin et alii 47 (trad. fr.). (12) Sur les éléments selon Hippocrate en 2 livres (ſlepi tõv xal' ' Intoxpámuotol xeiwv) :t. I, p. 413-508 K .; Deg. n° 6 ; Berg .n° 11. 99 G . Helmreich ,Galeni De elementis ex Hippocratis sententia libri II, Erlangen 1878 (E ) ; sur la traduction arabe, voir 100 J. S. Wilkie et G . E. R . Lloyd, « The Arabic version of Galen 's De elementis secundum Hippocratem » , JHS 102, 1982, p. 232 sq.

(13) Glossaire hippocratique (Twv ' Innoxpátous riwoo věEnmouc ): t. XIX , p. 62 157 K .; Berg . n° 107. 101 F. Perazzi, « Il glossario ippocratico di Galeno : traduzione del proemio, commento e considerazioni» , RivStorMed 12, 1968, p. 28 -44 ; 102 Id ., « Esame comparativo dei glossari di Eroziano e di G . per una impostazione critica attuale degli studi ippocratici» , Annali dell' Ospedale Maria Vittoria ( Torino) 14 , 1971. ( 14 ) Sur les écrits authentiques et inauthentiques d'Hippocrate (ſlepi tõv runoiwv te xai voowv 'Intoxpátouc OvYypaupátwv) : Deg. n° 90 ; Berg. n° 104. 103 J.Mewaldt, « Galen Uber echte und unechte Hippokratika » , Hermes 44 , 1909, p . 111-134 , a retrouvé un fragment

grec qui, selon lui, pourrait bien appartenir à ce traité. B . Euvres conservées en latin :

(15) Sur les causes synectiques ( ſlepi ouvextiXāv aitlõv): Deg. n° 85 ; Berg. n° 59. 104 K . Kalbfleisch , Galeni De causis continentibus libellus a Nicolao Regino in sermonem

Latinum translatus, Marburg 1904 (E ) ; 105 M . Lyons, On cohesive causes (texte arabe et

trad. angl.) et K . Kalbfleisch, De causis contentivis (version latine), coll. CMG Suppl. Or. II, Berlin 1969.

( 16 ) Sur les causes procatarctiques (ſlepi npoxatapxtixõv altıőv): Deg. n° 86 ; Berg. n° 58. Seule est conservée la traduction latine de Nicolas de Reggio , voir 106 K . Bardong, Galeni De causis procatarcticis libellus a Nicolao Regino in sermonem Latinum translatus ad codicum fidem recensuit in Graecum sermonem retro vertit, coll. CMG Suppl. II,

Leipzig /Berlin 1937, et 107 R . J. Hankinson, Galen On antecedent causes, coll. « Cambridge Texts and Commentaries » 35 , Cambridge 1998 .

(17) Esquisse empirique (“ YTOTúnWOLÇ ŠunTelpixń): Berg. n° 111. 108 M . Bonnet,De Cl. Galeni subfiguratione empirica, Diss. phil., Bonn 1872 (E ); 109 K . Deichgräber, Die griechische Empirikerschule . Sammlung der Fragmente und Darstellung der Lehre, Berlin 1930 , p . 42- 90 (réimpr. Berlin /Zurich 1965) (trad. latine et rétroversion en grec) ; 110 J. Atzpodien , Galens Subfiguratio empirica , coll. « Abh.ndlungen zur Geschichte der Medizin

und der Naturwissenschaften » 52,Husum 1986 (trad . all.); Walzer et Frede 73 (trad . angl.); Pellegrin et alii 47 (trad. fr.). (18 ) Des passions et de leur traitement en trois livres (De passionibus et cura libri III). Traité seulement conservé dans trois manuscrits latins et une traduction anonyme en hébreu . Voir Fichtner 36 , n° 310 .

458

GALIEN DE PERGAME

G3

C . @ uvres conservées en arabe : (19) Sur l'expériencemédicale (Ilepi tñs iatpixñs Éuttelpiac): Deg. n° 89;Berg. n° 109.

Seuls des fragments sont conservés en grec. Voir 111 H . Schöne, « Die Streitschrift Galens gegen die empirischen Ärzte », SPAW 1901, p. 1255-1263 (E ). Pour la traduction arabe, voir 112 R . Walzer, Galen . On medical experience, Oxford 1944 (texte arabe et trad . angl.). Voir

aussi Walzer et Frede 73 (trad. angl.), Pellegrin et alii 47 (trad. fr.) et 113 I. Garofalo, « Due

passidel De experientia medica diGaleno » ,ASNP 5, 1975, p. 1305-1306 . (20 ) Comment l'homme découvre ses vices et ses fautes: Berg. n° 118. L 'original grec de ce traité estperdu , seule est conservée une traduction arabe, voir 114 G .C . Anawati, « Homo islamicus», dans Images ofMan in Ancient and Medieval Thought, Louvain 1976 , p. 242. (21) Que les meilleurs des hommes tirent profitmême de leurs ennemis : Deg. n° 125 ; Berg. n° 121;Mey. n° 26 . L 'original grec de ce traité est perdu, voir Anawati 114, p. 242. Seul est conservé un fragment dans une citation de Ibn Abi Uşaybi'a (Xille s.). Pour la traduc tion allemande de ce fragment, voir 115 M . Meyerhof, « Autobiographische Bruchstücke Galens aus arabischen Quellen » , AGM 22 , 1929, p . 72 -86 .

D . Euvres conservées à l'état de fragments ou dont ilne reste que des cita tions :

(22) Sur la démonstration en 15 livres ( Ilepi årrodeleewç: SM II, 117 ; Deg. n° 88 ; Berg .

nº 115. Il s'agit là de l'æuvremajeure de Galien consacrée à la logique. On la date des années 158 -162. Le texte grec était déjà mutilé du temps de Hunayn, au IXe siècle. Les seuls témoi gnages aujourd'hui conservés en grec, en dehors des passages cités par Jean Philopon , sont les autocitations de Galien dans ses écrits postérieurs (voir la reconstruction de 116 I. von Müller,

« Über Galens Werk vom wissenschaftlichen Beweis », ABAW 20 , 1895, p. 403-478 ). La ver sion arabe n ' a pas non plus été conservée. Mais on dispose des nombreuses citations et cri tiques de Abū Bakr al-Rāzi dans ses Dubitationes in Galenum (voir 117 S . Pines, « Razi cri tique de Galien » , Actes du 7e Congrès Internat. d 'Histoire des Sciences ( Jérusalem 1953),

p. 480 -487, repris dans 118 S . Pines, Studies in Arabic versions ofGreek texts and in mediae val science, Leiden 1986 (= The collected works of S. Pines, vol. II) , p . 256 - 263. Voir aussi 119 G . Strohmaier, « Zitate in den Zweifeln an Galen des Rhazes » , dans K . D . Fischer, D .

Nickel et P. Potter ( édit.), Text and Tradition. Studies presented to J. Kollesch , Leiden 1998, p . 263 -287. Le De demonstratione a également été cité par Maimonide et Averroès ( voir

Zonta 30, p. 17 n. 82). (23) Sur mes propres opinions en 3 livres (ſlepi tõv Eaurą doxoúvtwv ou Nepi tūv idiwv dobávrwv): SM II, 122 ; Deg. n° 98 ; Berg. n° 113. Ce traité fut composé par Galien

dans les dernières années de sa vie . Il y avait rassemblé, sous une forme volontairement syn thétique, ses opinions philosophiques les plus marquantes déjà soutenues dans ses précédents

traités. L 'intérêt d'un tel ouvrage résidait donc moins dans la matière elle -même que dans son traitement systématique. Il ne subsiste en grec qu 'un important fragment correspondant aux chapitres 13 à 15 (voir 120 G . Helmreich , « Galeni lepi tõv éauto doxoúvtwv fragmenta inedita » , Philologus 52 , 1893, p . 432 -434 ; 59, 1900 , p . 316 -317). Il faut également noter que le fragment conservé dans l'édition de Kühn sous le titre De la substance des facultés natu

relles (ſlepi oủoias tõv puolxõv duváuewv ) appartient en réalité au Surmes propres opi. nions (t. IV , p. 757-766 K .). On possède en outre une traduction latine partielle (chapitres 14 et 15) datée de la première moitié du XIVe siècle. Hunayn (Berg . n° 113) nous apprend que le traité a été traduit deux fois en syriaque etdeux fois en arabe. Toutes ces traductions sont per dues,mais l'une des traductions arabes a servi de base à une traduction latine du début du XIIe siècle . Une partie du chapitre 1 de cette traduction arabo-latine a été éditée par 121 K . Kalbfleisch , « Parthenios bei Galen » , Hermes 77 , 1942, p . 376 -379. La conclusion du traité a

été publiée par 122 B . Einarson , « A Note on the Latin Translation of Galen De propriis placitis » , CPh 54 , 1959, p. 258-259. Enfin un passage du chapitre 2 a été édité par 123 V . Nutton , « Galen 's philosophical testament : On my own opinions » , dans J. Wiesner (édit.),

Aristoteles. Werk und Wirkung, P.Moraux gewidmet, t. II : Kommentierung, Überlieferung,

G3

GALIEN DE PERGAME

459

Nachleben, Berlin 1987, p. 27-51. V.Nutton annonce une édition complète du traité: CMG V

3, 2 (sous presse ). Sur l'importance des citations en hébreu : Zonta 30, p. 102-108. (24 ) Sur le vocabulairemédicalen 5 livres (ſlepi tõv latpixõ v óvouátwv): Deg. n° 94 ; Berg. n° 114 ;Mey. n° 25. Ce traité est perdu en grec et seule la première partie est conservée dans la traduction de Hubayš, voir 124 M .Meyerhof, « La version arabe d 'un traité perdu de Galien » , Byzantion 3 , 1926 , p . 413-442, et 125 Id . « Über das Leidener arabische Fragment

von Galens Schrift Über die medizinischen Namen », SPAW 1928 , p. 296 -319 ; 126 M . Meyerhof et J. Schacht, « Galen . Über die medizinischen Namen (Arabic and German ) » ,

APAW 1931, 3 (E . et trad.).

(25) Desmeurs en 4 livres (ſlepinowv) : Deg. n° 116 ; Berg .n° 119. Composé après 185. Il ne subsiste de ce traité qu 'une autocitation de Galien dans le Sur le diagnostic et le traite

mentdes passions de l'âme (chapitre 6 ). La traduction arabe de Hunayn ibn Işhāq est égale ment perdue. Seulun sommaire arabe a été conservé et publié pour la première fois par 127 P . Kraus, « G . Ethica » , BFAUE 5, 1937 , p . 1-51 (texte arabe seul), puis plus récemment par 128 A . Badawi, La transmission de la philosophie grecque au monde arabe, 2e éd ., Paris, 1987 . Il existe une traduction allemande de ce sommaire , mais limitée au livre I, par 129 F . Rosenthal, Das Fortleben der Antike im Islam , Zürich 1968, p . 120 -133 (= en traduction

anglaise, The Classical Heritage in Islam , London 1975 , p . 85 -94 ). Il existe en outre une traduction intégrale en anglais établie par 130 J. N . Mattock , « A translation of the Arabic epitome of G .' s book Mepi nowv » , dans Festschrift R . Walzer, coll. « Oriental Studies » 5 , Oxford 1972, p . 235 -260, et depuis peu une traduction italienne (voir Zonta 30 , p . 125 -145 ).

Voir aussi 131 R . Walzer, « New Light on Galen 'sMoral Philosophy » , CQ 43, 1949, p. 82

96 , et 132 Id., « A Diatribe of Galen », HTAR 47, 1954, p. 243-254 ; 133 S.M . Stern , « Some fragments of Galen 's On dispositions (ſlepi nowv) in Arabic» , CQ n.s. 6, 1956 , p. 91- 101, repris dans S . M . Stern ,Medieval Arabic and Hebrew Thought, hrsg. von F . W . Zimmermann ,

London 1983, Nr. III. Sur l'importance des citations conservées en hébreu pour la reconstruction du texte original, voir Zonta 30, p. 29-80. (26 ) Sur la matière médicale dans le Timée de Platon en quatre livres (Ilepi tõv Év TQ

Nátwvos Tyuaiw latpixūs eipnuévwv ), plus connu sous le titre Commentaire au Timée de Platon en 4 livres : SM II, 122 ; Deg. n° 97 ; Berg. n° 122. Seuls ont été conservés un long fragment grec et quelques extraits d'auteurs arabes et juifs. Du fragment grec est d'abord

parue une traduction latine deGadaldinus (Agostino Gadaldini) chez les Juntes (Venise 1550). Le texte grec fut publié pour la première fois par 134 Ch . Daremberg, Fragments du commen

taire de Galien sur le Timée de Platon, Paris 1848, qui semble avoir redécouvert à la Biblio thèque nationale le manuscrit dont s'était servi Gadaldinus (Parisinus gr. 2383). Ce même

texte, joint à quelques extraits de Rāzi etMaïmonide, a été réédité par 135 O . Schröder,Galeni In Platonis Timaeum commentarii fragmenta . Appendicem Arabicam addidit P . Kahle, coll.

CMG Suppl. I, Leipzig/Berlin , 1934 (E ). Voir aussi 136 C .J. Larrain, « Ein unbekanntes Exzerpt aus Galens Timaioskommentar » , ZPE 85, 1991, p . 9- 30 , et 137 Id ., Galens Kommen

tar zu Platons Timaios,Stuttgart 1992 (E ). (27) Sommaire du Timée de Platon (Compendium Timaei Platonis ). Ce sommaire fait par tie d'une série plus vaste en huit livres intitulée Synopsis des dialogues platoniciens(Tia TWVIXāv Olaróywv OÚVOQis , mentionné dans SM II, 122 ), dont il occupait le livre III (voir

nº 95). Ont été conservés de ce sommaire quelques fragments en arabe édités par 138 P. Kraus et R . Walzer, Galeni Compendium Timaei Platonis aliorumque dialogorum synopsis quae

extant fragmenta , coll. « Corpus Platonicum medii Aevi » - Plato Arabus 1,London 1951 (E ). Voir aussi 139 A .J. Festugière et R .M . Tonneau, « Le Compendium Timaei deGalien »,REG

65, 1952, p. 97-118 , repris dans A.J. Festugière, Études de philosophie grecque, coll. « Biblio thèque d'Histoire de la philosophie » ,Paris 1971, p. 487-506 .

(28) Sommaire de la République de Platon (Compendium Rei publicae Platonis): SM II, 122 ; Deg. n° 96 ; Berg. n° 124. Ce sommaire fait partie , comme le précédent, de la somme intitulée Synopsis des dialogues platoniciens. On sait par Hunayn (Berg . n° 124 ) que Galien avait consacré au sommaire des quatre premiers livres de la République le livre II de sa Synop sis, et aux livres cinq à dix le début du livre III. Le texte original de ce sommaire est perdu et

G3 460 GALIEN DE PERGAME sa traduction arabe l'est aussi presque totalement. Seules sont conservées quelques citations chez les auteurs arabes. Ces fragments ont été édités par Kraus et Walzer 138 . Voir aussi

140 R .Walzer, Galen on Jews and Christians, Oxford 1949, 141 G . Levi della Vida, « Two fragments of Galen in Arabic translation » , JAOS 70, 1950, p. 182 -187, et 142 R . Köbert, « Das nur in arabischer Uberlieferung erhaltene Urteil Galens über die Christen » , Orientalia

25, 1956 , p. 404-409. (29) Sommaire des Lois de Platon. Seule est conservée une citation de ce sommaire dans le Commentaire de Maïmonide aux Aphorismes d'Hippocrate, voir Kraus et Walzer 138, p. 39

(texte arabe), p. 100 -101 (traduction latine). ( 30 ) Sommaire du Phédon de Platon (Compendium Phaedonis Platonis). Sur les fragments arabes seuls conservés, voir Levidella Vida 141. (31) Sur les plaisirs de l'amour (ſlepi áopodioiwv): t. V, p. 911-914 K . Seul un fragment grec est conservé chez Oribase , Collectiones mediceae VI 37 , mais peut-être n ' est-il pas

authentique, voir 143 J. Raeder, Oribasii Collectionum medicarum reliquiae, coll. CMG VI, 1.

1, Leipzig 1928, p. 187-189 (E ), et 144 G . B. Scarano, « Il De venereis di Galeno » , PagStorMed 10, 1966, n.6 , p. 85- 90 . (32) Sur l'absence de chagrin (ſlepi áruniac): SM II, 121; Deg. n° 117 ;Berg . n° 120 . Le texte grec est entièrement perdu. Hunayn nous apprend qu 'il aurait été traduit par Hubayš sous

le titre Sur la façon d'écarter les soucis et aurait été composé par Galien à la demande d'un de ses amis qui s' était étonné de ne jamais l'avoir vu chagriné par aucune difficulté. Seules sont conservées quelques citations, en particulier dans Ibn Abi Uşaybi' a (voir Meyerhof 115 , p. 72

86 , en particulier p. 85). Sur les citations conservées en hébreu, voirZonta 30, p. 113- 123. (33) Commentaire au Que le premiermoteur est immobile (Eiç tò npūTOV XLVOŪV áxívntov < ajtó > ): SM II, 123 ; Deg. n° 118 ; Berg.n° 125. Ce traité consacré à l'examen d 'un des thèmes centraux de la Métaphysique d 'Aristote est complètement perdu en grec. De

la traduction de Hunayn n 'ont été conservées que quelques citations chez les bibliographes arabes. On peut cependant avoir une idée du contenu du traité grâce à la critique qu ' en a faite

Alexandre d'Aphrodise ( A 112 , nº 25) dansune de ses æuvres elle-même conservée seule ment en arabe (voir 145 N . Rescher et M . E . Marmura , The Refutation by Alexander of

Aphrodisias of Galen 's Treatise on the Theory of Motion , Islamabad 1965 , et 146 S . Pines, « Omne quod movetur necesse est ab aliquo moveri. A refutation of Galen by Alexander of Aphrodisias and the theory ofmotion » , Isis 52, 1961, p . 21-54 = Pines 118 , vol. II, p . 218 251).

(34) Sur la providence (ſlepi npovolas). Seules sont conservées des citations en arabe chezMaimonide dans ses Aphorismes. (35 ) Sur les éléments (ſlepiotoixelwv). Seul est conservé un fragment en grec dans le Parisinusgr. 1883, fol. 354.

E. Euvres qui semblent totalementperdues: L 'ordre de présentation retenu ici est celui suivi parGalien dans le Sur ses propres livres. Sauf avis contraire, les références à ce traité, ainsi que les titres adoptés pour les différents

ouvrages cités, sont donnés d 'après l' édition d’I.Müller dans Scripta Minora , vol. II, Leipzig, 1891 (= SM II). Sur Asclepiade :

(36 ) Sur l'essence de l'âme selon Asclépiade (Tepi oủolaç tñs quxñs xar' 'Aoxin triádnv ): SM II, 115 ; Deg. n° 124 ; Berg. n° 108 . Ce traité était, semble-t-il, consacré à l'exa

men des théories d'Asclépiade de Pruse (" A 450 ) sur la nature de l'âme. Cemédecin vécut à Rome au début du jer siècle . La tradition lui attribue dix -sept euvres, mais aucune de celles-ci

ne paraît avoir traité de l'âme en particulier.

Traités de logique: (37) Sur les principes nécessaires aux démonstrations (ſlepi tõv åvayxaiwv eis tás åtodelĘELÇ) : SM II, 119.

G3

GALIEN DE PERGAME

461

(38 ) Sur les prémisses omises dans la formulation des démonstrations ( ſlepi tõv napa heltouÉVWV npotáoeWV Év tñ NÉEEL TŰv ånodeigewv): SM II, 119.

(39) Sur les prémisses de même signification (ſlepi tõv looduvauovoőv napotáoewv): SM II, 119.

(40) Sur les démonstrations relatives au pourquoi (ſlepi tõv xatà TÒ SLóti áhodeltewv): SM II, 119 et 123 .

(41) Sur le nombre des syllogismes (ſlepi toŨ TÕV Oumoylouõv đpiOuoő): SM II, 119 ; Deg.n° 115 ; Berg. n° 127.

(42) Sur l'exemple en 2 livres (ſlepi napadeiyuaroc): SM II, 119 .

(43) Sur l'induction (ſlepi łnaywrñs): SM II, 119. (44) Sur la ressemblance ( ſlepi eixóvos): SM II, 119 (ou Sur le vraisemblable, lepi eixótos, correction proposée par K . Kalbfleisch, Über Galens Einleitung in die Logik, Leipzig 1897, p. 683 sq.)

(45) Sur la similitude en 3 livres (ſlepiouocórntoç): SM II, 119. (46 ) Sur les principes hypothétiques (Ilepì < tőv> ÉĘ Únoéoewv åpxūv): SM II, 119 ; Berg.n° 116 .

(47) Sur la signification de « selon le genre» et « selon l'espèce » et leurs conjonctions dans notre langage spontané (ſlepi xarà rò révoç xal to eldoç xai râu ouçuyoúvtwv aŭrots onvalvouévwv nuiv xarà tnv aŭtouatov owvýv) : SM II, 119 et 120.

(48) Sur le possible (ſlepi toŨ duvatoũ): SM II, 119. Ce traité a inspiré à Alexandre d 'Aphrodise une Réfutation de la thèse de Galien sur le possible, voir 147 J. C . Bürgel ( édit.), Averroes « Contra Galenum » . Das Kapitel von der Atmung im Colliget des Averroes als ein

Zeugnis mittelalterlich - islamischer Kritik an Galen , NAWG , 1967, p. 283 n . 1.

(49) Sur les acceptionsmultiples en 3 livres (ſlepi tõv noraxõç neyouévwv): SM II, 119 . Un peu plus loin (SM II, 121), ce traité est de nouveau cité comme comportant cette fois deux livres seulement. L 'éditeur des Scripta Minora , I. Müller, est cependant d 'avis que ce

deuxièmepassage est une interpolation . (50 ) Sur les caractères communs etparticuliers à l'intérieur des arts ( ſlepi tõv év tais Téxvalg XOLVõv xai idiwv) : SM II, 119.

(51) Sur lesdiscours qui se contredisenteux-mêmes (Ilepi tõv ÈAUTOÙS nepitpenóvtWV Móywv ): SM II, 119.

(52) Sur les prémisses admises (ſlepi tõv Év exouévwv apotáoewv): SM II, 119. (53) Sur les syllogismes issus de prémisses mixtes (ſlepi tõv Èx MLXTÛV npotáoewV omoylouwv): SMII, 120 et 123. (54 ) Comment il faut distinguer la recherche portant sur la chose de celle portant sur le nom et sa signification ("Onwç xeń dlaxpivelv thu npayuatixnv Sýtnou tñs xat' ovoua

xai onua vóuevov): SM II, 120. (55) Sur Clitomaque et ses solutions de la démonstration (ſlepiKeltouáxov xai tūv tñs åndeleewç aŭtoŨ Núoewv) : SM II, 120. Ce Clitomaque (* C 149) est le philosophe originaire de Carthage et disciple de Carnéade auquel il succéda à la tête de l'Académie (IIe s.

av. J.- C .). Voir Diogène Laërce, Viesdesphilosophes IV 67.

(56 ) Sur la raison commune en 2 livres (ſlepi toŨ XOLVOũ Nóyou): SM II, 120. (57) Pour Épictète contre Favorinus ('Yntèp 'Emixtútov npòs Dabwpivov ): SM II, 120 . Sur Favorinus ( F 10 ), voir supra nº 2. Si l'on en croit une allusion de Galien dans le Sur le meilleur enseignement contre Favorinus (éd. Barigazzi 57 , p. 92, 13- 14 ), le Pour Épictète contre Favorinus semble être la réplique au Contre Épictète (Ipós 'Enixtntov ) dans lequel Favorinus faisait converser le philosophe stoïcien avec Onésime, l'esclave de Plutarque. Un esclave de Plutarque, forméà la philosophie , est égalementmis en scène par Aulu-Gelle, Nuits Attiques I 26 , 5.

462

GALIEN DE PERGAME

G3

(58) Sur l'utilité des syllogismes (ſlepi xpelaç ourdoylouwv): SM II, 120 .

(59) Sur le bon usage en 3 livres (ſlepi óvouátwv opdómtoç): SM II, 90 et 120 . (60) Sur le fait que chaque être est à la fois un etmultiple ( ſlepi toŨ TÔV OUTWV Éxaotov

Év r'Elvai xainožá): SM II, 120. (61) Sur le fait qu 'il est impossible qu 'une chose et la même chose s 'accordent nécessaire ment avec des opposés (Ilepi toŨ oti toic ảvtixEVUÉVOLÇ Êv xai taútov ŠE aváyung åxonovDelv ådúvatóv £otiv ) : SM II, 120.

(62) Sur la découverte par voie de démonstration (ſlepi tñs åntogelxtixñS EÚPÉOEWG): SM II, 120. (63) Dialogues contre le philosophe en particulier sur l'art de philosopher sur les notions communes ( ? ) (Alároyol noos olhooooov † idiws < tepi> TOŪ xarà ras xolvas

évvolaç < pioOODETU > ). Le texte du De libris propriis est ici peu sûr. SM II, 120. (64 ) Contre ceux qui entendent les mots à fin de chicane (Ilpoç tous Énnpeaotix @ c åxoúovtaç tõv óvouátwv): SM II, 120. (65) Sur la signification des expressions « selon l'espèce » et « selon le genre» etde celles qui leur sontproches (ſlepi tõv onuarvouévwv éx tñs C 18) est refusée par

Deichgräber , p. 353), Diodore (non mentionné dans DPHA II), Héraclide, Lycos.

Mais cette liste sert d 'exemple dans la discussion d 'un problème de logique ; elle n'a certainementpas de prétentions chronologiques. (5 ) Galien , Subfiguratio empirica XI (= fr. 10b Deichgräber, p . 83, 23 , qui

édite la version latine médiévale , seule conservée , et sa propre rétroversion en grec ; traduction anglaise dans 2 R . Walzer et M . Frede, Galen - Three Treatises on the Nature of Science, Indianapolis 1985, p. 43), estime que les médecins

empiriques auraient dû imiter l' attitude modeste et pragmatique de Pyrrhon,

méfiant à l'égard des arguments dialectiques, et se contenter,commeHippocrate ( » H 152 ), demanifester leurs talents thérapeutiques par des actes et par l'obser

vation des signes dans le diagnostic et le pronostic . « C 'est en faisant tout cela , ajoute Galien, qu'Hippocrate acquit parmi tous ses contemporains la réputation d'un Asclépius, et non, par Zeus, en élaborant le discours Par trois

(per tria sermo, ó Alà tplőv Nóyos), comme Sérapion, ni le Trépied (tripos, ó Tpinous ), comme Glaucias, ni en écrivant des livres de dizaines de milliers de

mots, que l'on divise encore soi-même en deux parties de façon que chacune se suffise à elle -même, comme Ménodote » .

La date de Glaucias a été fixée par Deichgräber (p. 168) vers 1754, à partir de celles d'Apollonius le père (» A 270 ), son contemporain , de Sérapion (vers

2259) qui le précède, et d 'Héraclide de Tarente (situé par Deichgräber vers 75a, mais cette date est discutée, cf. la notice qui lui est consacrée [ H 58), ainsi que celle sur Héraclide maître d'Énésidème (» H 54]) qui le suit. Cf. aussi 3 H . Gossen , art. «Glaukias» ,RESuppl. III, 1918 ,col. 785. Deichgräber (1 , p. 168) appelle Glaucias " Glaucias de Tarente” , comme à sa suite beaucoup d'auteurs postérieurs; mais aucun des documents qu 'il cite dans son livre , sauf erreur, ne faitmention d 'une telle origine. Il s'agit peut-être d'une confusion avec le grand médecin empirique Héraclide de Tarente ( souvent dési gné par les sources du seul nom de " Tarentin ”, cf. Deichgräber 1, p. 356 ), ou d 'une extrapolation à partir du cas d 'Héraclide . Euvres. Glaucias est l'un des plus anciens auteurs qui se soient préoccupés d'expliquer les mots et les expressions d'Hippocrate : il en avait composé un volumineux glossaire, disposé par ordre alphabétique etdonnant les contextes et les références (Érotien p . 4 , 21 et 8 , 5 = fr. 311 et 311a Deichgräber; Galien, Sur les Épidémies d 'Hippocrate II 2 , 20 = fr. 337 B Deichgräber). Quelques échan

tillons de ses gloses ont été préservés ( fr. 313, 318, 324, 326 , 333, 349, 364 Deichgräber). Cf. 4 M . Wellmann, Hippokratesglossare , Berlin 1931, p . 10 et 14 -17.

GLAUCIAS

480

G 18

Glaucias avait été aussi l'un des plus anciens commentateurs du Livre VI des Épidémies d 'Hippocrate (Galien , Sur les Épidémies d 'Hippocrate VI,t.XVII A , p . 793, 4 K . = fr. 350 Deichgräber) ; nous avons gardé quelques échantillons de son commentaire (fr. 354, 356 , 361 Deichgräber). On lui attribue des inventions pour le pansement de la tête (fr. 155 -156

Deichgräber), des recherches sur les plantes médicinales et des préceptes diété tiques (fr. 157 - 163 Deichgräber; le fr. 163 se réfère à un certain Glaucidès,mais

celui-ci, de l'avis de tous les spécialistes,n 'est autre queGlaucias ). L ' ouvrage de Glaucias dont la perte est la plus regrettable, du point de vue philosophique, est certainement le Trépied, que le contexte de sa mention chez Galien ( ci -dessus, n° 5) incite à considérer comme un livre de caractère théo

rique etméthodologique. Deux points sont à considérer ici séparément: le titre lui-même et le contenu probable de l'ouvrage.

Avec ses connotations delphiques, le symbole du trépied se prêtait aisément à illustrer le thème de l'accès à la sagesse et à la vérité ( cf. Diogène Laërce I 27 28 ) ; ce symbolisme a perduré jusqu 'au Tripos de l'Université de Cambridge .

Bien antérieurement à Glaucias, nous savons (cf. Diogène Laërce X 14 ) qu'un ouvrage portant le même titre avait été composé par Nausiphane de Téos, philo

sophe démocritéen qui avait été l' élève de Pyrrhon, et dont Épicure (» E 36 ) fut l'auditeur avantde lui vouer une haine violente (témoignages et fragments dans

DK II 75, p. 246 -250). Plus généralement, le nombre 3 (dont la “ perfection" était exaltée par la tradition pythagoricienne et platonicienne, cf. le Tplayuós d ’lon de Chio ,DK 36 A 1, A6, B 1 ; Platon Timée 31 b -c ; Aristote Du Ciel 268 a 6 sq.) semble avoir servi d 'emblème, dans la tradition démocritéenne, à des écrits et à des doctrines de caractère méthodologique (" canonique" ), comme on va le voir .

Le symbole du trépied pouvait cependant illustrer les contenus les plus divers, comme le montre un passage de Plutarque, De E ap. Delph., 387 b-c, où le syl logisme (en fait, le " premier indémontrable” stoïcien , modus ponendo ponens,

avec ses deux prémisses et sa conclusion ) est appelé " le trépied de la vérité ” . En

ce qui concerne le Trépied de Glaucias, il est hautement vraisemblable que les trois jambes en étaient les trois sources de l' expérience médicale selon les empi

riques , à savoir l'observation personnelle ou de propre vue (aŭtovía ), l'étude critique des témoignages (iotopla ) et le "passage du semblable ” ( ń toũ óuolov Metábaolc ), qui autorise à effectuer des inférences d 'un cas

observé à un cas semblable (cf. 5 V . Brochard , Les sceptiques grecs, Paris 1887, 2e éd., Paris 1923, p . 369 ; Gossen 3, col. 785 ; Deichgräber 1, p . 258 ; 6 M . Dal Pra , Lo scetticismo greco, 2e éd. revue, Roma/Bari 1975, vol. II, p . 438-439 ;

7 Ph. Mudry, La Préface du DeMedicina de Celse, Rome 1982, p. 113). S 'il est vraisemblable que la systématisation la plus rigoureuse de cette méthodologie

soit due à Ménodote de Nicomédie (vers 125), elle avait sans doute été mise en place, antérieurement à Glaucias lui-même, par Sérapion (donné par Celse comme le premier théoricien de l' empirisme médical, cf. ci- dessus nº 1) dans son discours Par trois , peut-être ainsi nommé d 'après ses premiers

G 18

GLAUCIAS

481

mots ; ce qui n 'exclut pas l'hypothèse (Deichgräber 1, p. 258 n . 2) d'un clin d 'ail à l'aphorisme d'Hippocrate (Epid . I 11): « l'art passe par trois

(ń téxin ôlà tpc@ v): lamaladie , lemalade et lemédecin » . La similitude de titre entre l'ouvrage de Glaucias et celui de Nausiphane a incité quelques interprètes à croire que la méthodologie tripartite des empiriques était déjà l'objet du Trépied de Nausiphane (cf. Brochard 5 , p. 370 -371, qui

relève jusque chez Aristote des prodromes de cette méthode ; 8 Ph. et E . De Lacy (édit.), Philodemus – On Methods of Inference, Napoli 1978, p . 174) ; cet ouvra ge serait ainsi la source commune de la méthode des empiriques et de celle , à certains égards très voisine, d'un épicurien comme Zénon de Sidon (mais Brochard ne remarque pas que ce dernier, né vers 150a, étant postérieur à Glau cias, pourrait avoir été influencé par lui, ou encore par Sérapion ).

Sans entrer ici dans le détail d'une question controversée, on peut noter que la principale hypothèse concurrente (« au moins aussi vraisemblable » que la précé dente selon 9 E . Asmis, Epicurus' Scientific Method , Ithaca 1984, p. 338 n . 4) est que le Trépied de Nausiphane ait exposé une théorie pré -épicurienne des trois critères de vérité (sensation , prénotion , affect), théorie dont les trois éléments ne se superposent nullement, nidans leur nature ni dans leur fonction , à ceux du tri nôme des empiristes. Selon Diogène Laërce X 14, Ariston (de Céos ? » A 396 ) aurait dit, dans sa Vie d 'Epicure , que ce dernier avait écrit son Canon à partir

( ěx ) du Trépied de Nausiphane; il est vrai que la phrase de Diogène est lourde ment corrigée par diverses conjectures, cf. la discussion dans 10 A . Laks, « Édition critique et commentée de la “ Vie d 'Épicure" dans Diogène Laërce (X , 1-34) » , Cahiers de Philologie 1, 1976 , p. 16 et 75 -76 . De plus, si l'on en croyait l'information hautement suspecte du démocritéen Diotime (de Tyr, » D 208 ), transmise par Sextus Empiricus, A . M . VII 140 , Démocrite aurait déjà professé une théorie des trois critères qui coïncide en substance avec celle du Canon d'Épicure (cf. la discussion de ce passage par 11 G . Striker, « Kputplov tñs

åandeias » , NAWG 2 , 1974, p. 58, et en traduction anglaise dans Essays on Hellenistic Epistemology and Ethics, Cambridge 1996 , p. 28 -29). Si l'on ajoute à cela que parmi les ouvrages de Démocrite figurait (Diogène Laërce IX 47) un traité en trois livres intitulé Sur les questions logiques < ou > Canon , traité cité deux fois par Sextus Empiricus (A . M . VII 138-139 et VIII 327) , on peut être

tenté de supposer que le Canon d 'Épicure descendait en droite ligne, via Nausi phane, de Démocrite lui-même. Mais il faut reconnaître que cette hypothèse repose sur une accumulation d ' indices très faibles. Si l'on considère, par exem ple , les extraits de la Rhétorique de Philodème portant sur la polémique menée

contre Nausiphane par Métrodore de Lampsaque, l'ami d'Épicure (DK 75 B 1 2 ), on constate d'abord que rien n 'indique explicitement que les renseignements concernant la pensée de Nausiphane proviennent de son Trépied (Diels et Kranz n 'expliquentnulle part, sauf erreur, pourquoi ils les classent comme des “ frag ments” tirés de cet ouvrage) ; on constate ensuite que, dans le cas où ces frag

ments en proviendraient, ils inviteraient plutôt à voir dans le titre du Trépied une allusion à trois compétences (la science de la nature, la politique et la rhétorique)

GLAUCIAS

482

G 18

que Nausiphane recommandait d 'acquérir solidairement (comme le suggèrent au

moins implicitement 12 F . Longo Auricchio et A . Tepedino Guerra, « Per un rie same della polemica epicurea contro Nausifane» , dans F .Romano (édit.],Demo crito e l'atomismo antico, Catania 1980, p. 470). On notera que 13 K . von Fritz, art. « Nausiphanes» , RE XVI 2 , 1935, col. 2021-2027, ne tentait pas de donner

un contenu précis au Trépied et ne semblait pas considérer que cet ouvrage fût la

source des informations données par Philodème. Si d 'aussi grandes incertitudes entourent le Trépied de Nausiphane, il semble , à plus forte raison , qu'il convienne d 'être extrêmement prudent à l'égard de l'ouvrage homonyme de Glaucias. On peut être raisonnablement certain que la méthodologie tripartite desmédecins empiriques y était exposée , sous une forme plus ou moins élaborée ;mais,même en admettant que cette méthodologie ne

soit pas née de rien, on se gardera d'affirmer qu' elle avait eu des précédents systématiques chez les philosophes, et on hésitera à rattacher le médecin Glau cias lui-même à une filiation philosophique déterminée, qu'elle ait été démocri téenne, épicurienne ou pyrrhonienne.

JACQUES BRUNSCHWIG . 19 GLAUCIAS Personnage fictif, fils d 'un certain Alexiclès et disciple du péripatéticien

Cléodème (2°C 159), dans le dialogue satirique de Lucien, Philopseudès 14 . A sa demande, un mage hyperboréen lui aurait livré pour une nuit Chrysis, femme de Dèméas. Selon Cléodème qui lui servait de Oldaoxaroc tpos toùc nóyous, sans cette aventure amoureuse , qui le détourna des études,Glaucias aurait connu

toutes les doctines du Péripatos, car à dix-huit ans il avait déjà achevé la Phy sique ( Duolxnv åxpóaoiv ). RICHARD GOULET.

20 GLAUCON

DM II

Médecin et philosophe contemporain de Galien de Pergame ( G 3) .

Ce personnage est apparemment absent de la RE. A . Sources. Ce personnage ne nous est connu que par le témoignage de Galien , qui lui a dédicacé un de ses ouvrages, le Ad Glauconem de methodo medendi (t. XI, p . 1- 146 Kühn). Galien désigne en plusieurs endroits Glaucon comme philosophe (Tm raúxwvl TÕ ploooow , De libris propriis 4 : t. XIX , p . 31, 12 -13 K .; únóraúxwvOS TOŨ Olooódov, De locis affectis V 8 : t. VIII,

p. 361, 13 K .),mais en réalité, tout comme Galien lui-même, Glaucon était à la

foismédecin et philosophe. Pline l'Ancien, dans son Histoire naturelle XXII 57, cite à côté d'Hippocrate (2H 152) et de Nicandre un troisième médecin du nom de Glaucon (RE 9 ). Ce Glaucon est seulement

connu de Pline pour avoir loué les vertus nutritives du bupleuron (Boúnavpov). Rien donc ne permet d 'affirmer, en l'absence d 'autre précision , qu 'il s'agit dans les deux cas du même

personnage. (La chronologie l'interdit même, puisque Pline est mort en 79 et que Galien a

rencontré Glaucon à Rome en 162. S. F.)

G 20

GLAUCON

483

B. Biographie. Le médecin de Pergame semble avoir fait la connaissance de Glaucon lors de son premier séjour à Rome. Dans le De locis affectis V 8 (t. VIII, p . 361-366 K .), Galien raconte en effet comment il fut amené, à la

demandemême de Glaucon, à soigner un de ses malades, un médecin sicilien . Ayant rencontré Galien dans la rue, Glaucon l'arrêta pour lui faire part de son admiration. Il avait entendu parler des diagnostics et des prévisions auxquels

Galien excellait tout particulièrement, et non pas pour le mettre à l'épreuve, mais pour bénéficier de la démonstration d 'un tel savoir- faire, il invita Galien à

l'accompagner chez lemédecin sicilien. Arrivé sur place,Galien observe tous les détails de la vie quotidienne et de l'activité de la maison susceptibles d 'orienter et étayer son diagnostic . Et sans informer Glaucon sur les indices ainsi rassem

blés, sans s'interdire au besoin de recourir à quelque stratagème, il n 'hésite pas à présenter son diagnostic comme issu de sa seule réflexion personnelle, suscitant de la part de Glaucon la plus vive admiration . Après cet épisode, Glaucon

semble manifestement être resté lié à Galien , et mêmeavoir suivi ses cours et ses conférences, si l'on en croit certaines allusions dans le Ad Glauconem de methodo medendi.

Lors du second séjour de Galien à Rome, sous le règne de Marc -Aurèle , et alors que le médecin de Pergame travaillait à son grand traité en quatorze livres

sur la méthode thérapeutique, le De methodo medendi(t. X , p. 1- 1021 K .), Glau con , qui se préparait à partir pour un long voyage à l' étranger , le pria de rédiger à son intention un aperçu de sa méthode thérapeutique. Galien composa alors un

plus court traité en deux livres qu 'il dédicaça à son amiGlaucon et intitula Ad Glauconem de methodo medendi (t. XI, p. 1-146 K .). Le premier livre de cet ouvrage, consacré à l' exposé des aspects fondamentaux de la méthode thérapeu tique , porte principalement sur le diagnostic et le traitement des fièvres, tandis

que le second traite des inflammations et des humeurs. Galien se réfère à plu sieurs reprises dans ses autres écrits à cet abrégé de sa méthode thérapeutique (voir De crisibus II 13 : t. IX , p . 696 K ., et De libris propriis 4 : t. XIX , p . 31, 1 et 15 K .; il convient de rejeter comme suspects les passages empruntés au De

remediis parabilibus I 16 et 17 du Pseudo-Galien : t. XIV , p . 384 , 13 et 389, 3 K .) .

Le philosophe platonicien . Les seuls renseignements un peu précis dont nous puissions disposer à propos de Glaucon nous sont fournis par le Ad Glau conem et consistent en quelques allusions plus ou moins développées. On

apprend ainsi à la lecture de ce traité que Glaucon était formé à l' étude de la phi losophie platonicienne. Exposant en effet ce qu'il faut entendre par « méthode analytique» , Galien s'interrompt pour adresser ces mots à Glaucon : « Cela me suffit pour te faire comprendre, en peu de mots, ce que je veux démontrer. Il serait ridicule de prétendre t' enseigner ce que tu sais depuis si longtemps, pour l' avoir appris de Platon » (napà Giátwvos aútà nárai ueuaOnxóta, A d Glauconem de methodo medendi I 1 : t. XI, p . 4 K .).

Le médecin disciple de Galien . Glaucon paraît surtout avoir assidûment suivi l'enseignement de Galien. C 'est du moins ce que l'on peut conclure d'une

484

G 20

GLAUCON

allusion au traitement des ædèmes que Glaucon est supposé bien connaître pour en avoir entendu exposer les principes de la bouche même de Galien (nxovoas

nuõv deyóvtwv, Ibid . II 4 : t. XI, p . 101 K .).Le médecin de Pergame prend éga lement la peine de rappeler à Glaucon le contenu de certains entretiens qu 'il eut

en sa présence avec certains de ses collègues rassemblés au chevet d 'un malade commun ( διό νύν αναμνήσαι σε προσήκει των ρηθέντων ημίν προς αλλή

houç, Ibid . II 6 : t. XI, p. 105 K .). Cela laisse supposer que Glaucon accompagna également Galien au cours de ses visites, comme c'était l'usage pour les disci ples d 'un médecin . Il put donc observer son maître dans la pratique de son art et eutmême à maintes reprises l'occasion de le voir procéder à certains traitements

delicats comme celui des ulceres fistuleux (της τούτου θεραπείας ην εθεάσω Me toráxis eni torby troinoQuevov, Ibid . II 10 : t. XI, p. 125 K .; voir aussi

t. XI, p . 128 K .). Glaucon suivit également l'enseignement de Galien sur les médicaments (Ibid . II 9 : t. XI, p. 124 K .) et devait quitter Romemuni des remè des que Galien lui avait remis et dont la liste est dressée à la fin du traité (Ibid . II

13 : t. XI, p. 144-145 K .). Le domaine de la thérapeutique paraît être celui qui retint le plus l' attention de Glaucon, puisque Galien lui fit la promesse, lorsqu 'il les aurait achevés, de lui remettre un exemplaire de ses ouvrages Sur les médicaments selon les genres et Sur les lieux affectés. Pour finir Galien se décla re même prêt , au cas où Glaucon se trouverait retenu au dehors plus longtemps, à

lui envoyer sans tarder, comme au plus fidèle de ses disciples, chacun de ses écrits (Ibid . II 13 :t. XI, p . 146 K .).

VÉRONIQUE BOUDON. 21 GLAUCON D ’ATHÈNES RE7

fya

Glaucon , du dème de Collytos, était le fils d 'Ariston et de Périctioné . Il avait pour frères Adimante (* A 23) et Platon (Apol. 33 e -34 a ), pour sæur Potonè , et pour demi- frère Antiphon , le fils de Pyrilampès (Parménide 126 a - 127 a), le

second époux de Périctionè (cf. l'arbre généalogique, s. v. « Adimante d 'Athè

nes » , DPhA I, p . 55). S 'il est réel, le combat évoqué en République II, 368 a pourrait être celui livré à Nisaia contre les Mégariens (Diodore XIII 65) ; et

l'amoureux quiaurait composé l' élégie célébrant ce haut-fait pourrait être Critias

(B + C 216 ). Glaucon doit avoir dans les vingt ans, lorsque Socrate (Xénophon , Mémorables III 6) tente de le dissuader de se consacrer aux affaires publiques.

Pour une description de la répartition et de la nature des interventions d’Adi mante et de Glaucon dans la République, voir A . Diès (édit.), Platon , Répu

blique, texte établi et traduit par É. Chambry, CUF, Paris 1932, Introduction p . XXII sq. Glaucon est présent lors du procès de Socrate (Apol. 33 e -34 a ). Le caractère de Glaucon apparaît à travers ses interventions dans la République. Il

est moins pénétrant qu'Adimante, il voitmoins bien les lacunes du raisonnement et il fait des objectionsmoins graves. Glaucon est hardi et combatif (III, 357 a), il s'intéresse à la musique (III, 398 e), c 'est un amateur de chiens de chasse et

d 'oiseaux de race (V , 459 a ), il est porté à l'amour ( V , 474 d ), ambitieux, mais de façon noble, et c 'est un amidu bien dire (VIII, 548 e ).

G 25

GNAEUS

485

Au début du Parménide, Adimante et Glaucon amènent Céphale de Clazo mènes ( C 78) chez leur demi- frère Antiphon ( A 210 ) pour qu 'il lui relate l'entretien , connu grâce à Pythodoros, qui avait réuni Socrate , Zénon et Parmé nide (Parm . 126 a -127 d). C 'est à ce Glaucon que Diogène Laërce ( II 124 ) attribue plusieurs titres de dialogues ; il considère que 9 sont authentiques et que 32 ne le sont pas. Il cite :

Pheidylos, Euripide, Amyntichos, Euthias, Lysitheidès, Aristophane, Céphalos, Anaxiphème,Ménéxène.

Cf. (P.Natorp ), art. «Glaucon » 7,RE VII 1, 1910 , col. 1402- 1403. LUC BRISSON .

VII 22 GLAUCOS En réaction contre la tendance dominante à son époque, le médecin Glaucos estimait que dans la pratique de son art il n 'y avait pas de place pour la philoso phie . L 'agressivité avec laquelle il soutient sa position donne lieu à une rapide

caricature dans le De tuenda sanitate de Plutarque (122 b -c). BERNADETTE PUECH .

23 GLAUCOS ( T . FLAVIUS -) DE MARATHON PIR ? F 281

II/III

Arrière -petit- fils du stoïcien Statius Sarapion et fils de Glaucos de Marathon , hiérophante , le poète , rhéteur et philosophe Titus Flavius Glaucos, de Marathon

(IG II2 3704), était peut-être lui-même platonicien, comme son oncle le sophiste T. Flavius Callaischros ( C 13). Les quelques épigrammes de sa composition conservées par les inscriptions ( IG II² 3632, 3661, 3662, 3709, (3811 ?) ; 1.Olym

pia 457) et l'Anthologie Palatine (IX 774, 775 ; App. 111) ne permettent guère d' en décider. Sur ces poèmes, voir E . Bowie, « Greek Sophists and Greek Poetry in the Second Sophistic » , ANRW II 33, 1, 1989, p . 236 -244 . Voir aussi J. H .

Oliver, « Two Athenian poets » , Hesperia Suppl. 8, 1949, p. 243-258.

BERNADETTE PUECH.

24 GLYCINOS DE MÉTAPONTE Pythagoricien ancien dont le nom figure dans le catalogue de Jamblique,

V. pyth . 36 , 267, p . 144, 8 Deubner. BRUNO CENTRONE.

GLYCON LYCON 25 GNAEUS RE 95

ja

Dédicataire au moins du livre IV de la Poétique de Philodème (PHerc. 207 , fr. 8a 8 , p . 315 Sbordone : Tvate ). Il était membre probablement de la famille des

Pisones. F . Sbordone, Il quarto libro del nepi noinuárwv di Filodemo, Napoli 1969, p . 345, a proposé de l'identifier avec Cn. Calpurnius Piso, Cn . f. Cn. n . (cf.

F. Münzer, art. « Calpurnius» 95, RE III 1, 1897, col. 1391-1392) . TIZIANO DORANDI.

GORGIADAS

486

G 26

GONIOPOUS → ZEUXIS 26 GORGIADAS

Claudien Mamert, De statu an. II 7, mentionne un Gorgiadès parmi les pytha goriciens qui auraient soutenu par écrit la doctrine de l' incorporéité de l'âme. Il

n 'y a pas de raison de penser qu'il existait un écrit pseudépigraphe portant le nom de Gorgiadès selon 1 H . Thesleff, An Introduction to the Pythagorean wri tings of the Hellenistic period, Åbo 1961, p. 120-121; il s'agirait plutôt d 'une

généralisation opérée par Claudien à partir d 'une liste de pythagoriciens. Boeckh a proposé de lire Copyládav chez Jamblique, V. pyth. 36 , 265, p . 142, 21, là où Deubner et Klein ont raptúdav. Voir l' apparat critique de l' édition Deubner -Klein . 2 P . Corssen , « Die Sprengung des pythagoreischen

Bundes» , Philologus 71, 1912, p. 332-352, notamment p . 349, propose en fait de lire Gartydas (MG 7 ) chez Jamblique et Gorgiadès dans le passage de Claudien . BRUNO CENTRONE.

27 GORGIAS

Dans deux vers anonymes de l'Anthologie Palatine VII 134, on peut lire : « C 'est ici que je repose, moi la tête de Gorgias le cynique ; pour toujours j'ai

cessé ... de cracher et de me moucher» (trad. S. Follet). Cf. S . Follet, « Les Cyniques dans la poésie épigrammatique à l' époque impériale » , dans M .- 0 .

Goulet-Cazé et R . Goulet (édit.), Le cynisme ancien et ses prolongements, Paris, 1993, p . 372. MARIE -ODILE GOULET-CAZÉ.

28 GORGIAS DE LEONTINOI RE 8

V - IV

Désigné par Philostrate comme le « père » de la sophistique (V . Soph. I 9 , 1) , Gorgias est d'après la Souda un orateur. On trouve déjà la même ambiguïté chez

Platon , qui, dans l'Hippias Majeur (282 b ), le désigne comme « le sophiste de

Léontini» mais, dans le Gorgias (449 a), lui fait revendiquer l'appellation d 'ora teur .

Gorgias est absent de la réunion des sophistes qui sert de cadre au Protago ras ; d 'une réponse de Ménon dans le dialogue du même nom (Men . 95 c ), il res sort que Gorgias tournait en dérision les sophistes qui se donnaient pourmaîtres

de vertu , lui-mêmene se proposant que de rendre les gens « habiles » (PELVOÚc). Il ne faut cependant pas en conclure trop vite que Platon ne comptait pas Gorgias parmi les sophistes, car non seulement dans le Gorgias Socrate lui fait admettre

l'impossibilité d ' être orateur sans connaître la justice et donc sans être juste , et par conséquent la nécessité que les deux s'enseignent ensemble (Grg. 460 a 461 a), mais il conteste aussi par deux fois qu 'il y ait une différence entre

sophistes et rhéteurs (Grg . 465 c, 520 a ).

De la biographie de Gorgias, une date est connue avec certitude : en 427a, il conduisit l'ambassade de sa cité venue demander contre sa voisine Syracuse

l'appui d 'Athènes. Unemission de cette importance ne pouvant, semble-t-il, être confiée qu 'à un homme d 'âge mûr, on suppose que Gorgias avait à ce moment

G 28

GORGIAS DE LEONTINOI

487

atteint la quarantaine, ce qui situe sa naissance vers 480 . Comme d 'autre part les

témoignages s'accordent à dire qu 'il vécut centenaire ou davantage, on date sa mort des environs de 380a: contemporain de Socrate, il lui aurait survécu et

aurait donc également connu les débuts de Platon ; il aurait en particulier , selon Athénée (Deipn. 505 d ), lu le Gorgias. Ce dernier dialogue, quimet en scène une

rencontre de Gorgias avec Socrate , suppose un séjour de Gorgias à Athènes postérieur à son ambassade, tout comme celui qu'évoque le début du Ménon (71 c ). Même si l'on ne peut accorder que peu de crédit à ces indications, quine

reposent que sur les dates dramatiques des dialogues platoniciens, il est certain

que Gorgias circula en Grèce continentale : Philostrate (V . Soph. I 9, 4 ) men tionne un Discours pythique (= prononcé à Delphes) et un Discours olympique

(= prononcé à Olympie ). Il rapporte également (Ep. 73 = DK 82 A 35 ) que Gor gias eut un succès tel auprès des Thessaliens que parler en public (ontopeúeLV) se disait chez eux ropyláÇelv (« gorgianiser» ). Le début du Ménon (70 a-b) fait également état d 'un séjour de Gorgias en Thessalie et du succès qu 'il y connut ;

là encore, les données chronologiques implicites dans ce passage placent ce séjour en Thessalie à une date tardive dans la carrière de Gorgias, ce que confir merait une tradition rapportée par Pausanias (VI 17, 9) selon laquelle Gorgias fut

en faveur auprès de Jason , tyran de Phères , dont le règne se situe approximati vement de 380 à 370a : si cette tradition est exacte, elle confirme la longévité de Gorgias et fait en même temps supposer qu 'il serait mort en Thessalie . Plusieurs sources (Souda, ibid . et s. v. 'Euntedoxñs ; Diogène Laërce VIII 58 ; Olympiodore, in Gorg. p. 8, 2 - 3 Westerink ; Scholia in Plat. Gorg. 465 d = p. 140 Greene) font de Gorgias, qui était le frère d 'un médecin (Souda s. v.

Copyíac ; cf. Platon, Grg. 448 b), un élève d'Empédocle ( E 19). Son influence sur l'éloquence et la prose attiques est attestée par de nombreuses sources: la Souda ( s. v. Copylac) lui attribue pour disciples non seulement Isocrate (» I 38 ] (cf. Cicéron , Caton 5 , 12 ; Quintilien , III 1 , 13) et Alcidamas (* * A 88) qui lui aurait succédé en tant que chef d ' école (cf. DPHA I, p . 101), mais Périclès lui même.

Si l'on tient 427a, date de l'ambassade de Gorgias à Athènes, pour celle de sa première venue en Grèce continentale, cette dernière information, pourtant transmise égalementpar Philostrate ( V. Soph . 19, 3) est nécessairement inexacte ,

Périclès étant déjà mort à cette date. Philostrate lui-même, cependant, précise ailleurs (Ep. 73) que c 'est par l' intermédiaire d ’Aspasie de Milet (MA 460) que

Périclès aurait reçu l'influence du style de Gorgias. Or, sur la base de l'indica tion donnée par lemême Philostrate (V . Soph . I 1), selon laquelle c'est en Thes

salie que Gorgias inaugura l'ancienne sophistique, on peut supposer que la car rière continentale de Gorgias, dès avant son ambassade à Athènes, avait com

mencé en Thessalie, où Aspasie, comme Isocrate (cf. Cicéron, Orat. 52, 176 ), aurait pu recevoir son enseignement avant de le transmettre à Périclès. Philostrate indique ( V. Soph. I 9, 3) qu ' à Athènes l' influence de Gorgias s'exerça, en même temps que sur Périclès, sur Thucydide, tous deux étant déjà

vieux, mais aussi sur Critias (* C 216 ) et Alcibiade (2- A 86 ), qui étaient des

488

GORGIAS DE LEONTINOI

G 28

jeunes gens; Philostrate déclare également qu'Agathon le poète tragique « gor gianise » souvent dans ses iambes (cf. Platon, Banquet 198 c). Antisthène ( * A 211) (Diogène Laërce VI 1 = SSR V A 11, cf. Nota 22) et Eschine le Socratique ( A 71] (Philostrate , Ep . 73), Apollodore de Phalère ( » A 249]

(Platon, Banquet 185 c ), Protarque (Platon, Phil. 58 a; Aristote, Phys. II 6 , 197 b 10) et peut- être Lycophron (cf. Aristote , Rhet. III 3 , 1405 a 34 ) auraient été aussi les élèves de Gorgias.

Jusqu'à la découverte des fragments papyrologiques d'Antiphon (> A 209] (cf. DPHA I, p . 233-243), Gorgias était le seul représentant de l'ancienne sophis

tique dont des œuvres nous aient été transmises par tradition directe: l'Éloge d 'Hélène et la Défense de Palamède. Dans le premier,Gorgias innocente Hélène de la guerre de Troie causée par son infidélité , en montrant qu 'aucune explica

tion de sa conduite n'implique sa responsabilité : elle a été victime soit de la

volonté des dieux, soit de la force de son ravisseur, soit de son éloquence , soit enfin du désir, c' est-à-dire de l'effet psychologique d'impressions visuelles indé pendantes de sa volonté. « Parmon discours, peut alors conclure Gorgias, j'ai effacé la mauvaise réputation d 'une femme» , faisant ainsi l' éloge, en même temps que d 'Hélène, de son propre métier de rhéteur. Dans la Défense de Pala mède, l'intéressé plaide l'innocence face à l'accusation de trahison lancée contre lui par Ulysse. Après avoir appliqué le procédé de la reductio ad absurdum à

chacune des conditions requises pour accomplir le crime donton l'accuse, puis à

chacun des motifs qu 'il aurait pu avoir de le commettre, il invoque l'impossibi lité pour son accusateur, puis de façon générale pour la parole , de mettre qui les écoute au contact des faits. Non seulement on trouve dans cet exercice rhétorique

un certain nombre d'arguments, y compris le principe de non -contradiction (25),

quideviendront classiques,mais le thème de l'impossibilité pour le discours de communiquer les faits, ainsi que le raisonnement consistant à montrer l'absur

dité d 'une hypothèse puis à l'accorder pour montrer l'absurdité de la suivante, rapprochent le Palamède de la réfutation de l'éléatisme contenue dans un écrit

attribué à Gorgias et intitulé Sur le non -être ou Dela nature , dont il existe deux versions, transmises l'une par Sextus Empiricus (A. M . VII 65-87), l'autre dans le traité pseudo -aristotélicien DeMelisso Xenophane Gorgia (cf. DPHA I, p .534 -537), 979 a 12 - 980 b 21. L 'argumentation en est la suivante : rien n 'est ; s'il y avait quelque chose, ce ne serait pas connaissable ; si c' était connaissable , ce ne serait pas communicable . L ' attribution de cet écrit à Gorgias a été contestée ; on lui a opposé le silence observé par Platon et Aristote à son sujet: toutes leurs mentions et citations de Gorgias se réfèrent à son activité et à ses æuvres de rhéteur. Si la doctrine de

Calliclès ( 2 + C 17) dans le Gorgias, par exemple, peut être rattachée à l'excuse de la force invoquée dans l'Éloge d 'Hélène, rien ne la rattache à l'écrit sur le

non -être . La parenté de l'argumentation de cet écrit philosophique avec celle du Palamède plaide au contraire pour son attribution à Gorgias, qui est aujourd 'hui universellement admise. Cette parenté ouvre cependant la voie à deux interpréta

tions opposées qui continuent de partager les interprètes. Pour les uns, dont le

G 28

GORGIAS DE LEONTINOI

489

chef de file reste 1 H . Gomperz , Sophistik und Rhetorik , Leipzig/Berlin 1912 (réimpr. Darmstadt 1965), p . 1- 35, Gorgias est un rhéteur et n 'a aucune place dans l'histoire de la philosophie : l’écrit sur le non -être est un exercice rhétorique au même titre que l'Hélène et le Palamède, un « jeu » (nalyulov), selon le

propre terme appliqué par Gorgias à l'Éloge d'Hélène (21). Pour les autres (2 W . Nestle, « Die Schrift des Gorgias “ Über die Natur oder über das Nichtseiende” » ,

Hermes 57, 1922, p. 551- 562 = Griechische Studien, Stuttgart 1948, p. 240-252, 3 G . Calogero, Studi sull'eleatismo, Roma 1932, trad . allem . Studien über den

Eleatismus, Darmstadt 1970, notamment p. 171-242), il s'agit d'une polémique sérieuse dirigée contre l'éléatisme, l'Hélène et le Palamède ne faisant qu'exploi

ter à des fins rhétoriques la logique élaborée sur le terrain proprement philoso phique. A cette alternative on peut échapper de deux façons : en adoptant soit

l'interprétation génétique de 4 H . Diels, « Gorgias und Empedokles» , SPAW 1884 , p . 343- 368 (= Sophistik , hrsg. von C . J. Classen , coll. « Wege der

Forschung » 187, Darmstadt 1976 , p. 351- 383), selon laquelle, d'abord physicien de l' école d 'Empédocle , Gorgias, au contact de la dialectique éléatique, serait devenu un sceptique éristique, ce qui l' aurait conduit à perdre tout intérêt pour la

théorie et à se consacrer exclusivement à la pratique de la rhétorique: ainsi s 'ex pliqueraient sa postérité uniquement rhétorique et l'oubli de son écrit sur le non

être par les contemporains de ses élèves ; soit celle de 5 E . Dupréel Les Sophistes, Neuchâtel 1948, p. 59-113, pour qui l'écrit sur le non -être est une introduction philosophique à la rhétorique, substituant l'art du discours à la

science de la nature en éliminant celle -ci par les moyens de celle - là . Dans la même ligne, il fautmentionner l'interprétation plus récente de 6 M . Untersteiner , I Sofisti, Milano 19672 (réimpr. Milano 1996 , trad . fr. par A . Tordesillas, Les Sophistes, Paris 1993), ch . IV -IX , qui attribue à Gorgias un “ irrationalisme tra gique” aux termes duquel le discours et l'art oratoire sont respectivement l'unique lieu et le seul moyen de la décision éthique qui en chaque occasion

incombe au sujet de l'action face aux contradictions du réel. Éditions. - Les témoignages et fragments, l'Hélène et le Palamède ainsi que la version de Sextus Empiricus de l' écrit sur le non -être sont rassemblés dans 7 DK II, p . 271- 307 (n° 82), 8 M . Untersteiner, Sofisti. Testimonianze e fram menti. Fascicolo secondo, Firenze 19612, p . 2 -149 (qui donne les deux versions de l' écrit sur le non - être ), texte et traduction italienne. 9 Th . Buchheim (édit.), Gorgias. Reden, Fragmente und Testimonien , coll. « Philosophische Bibliothek » 404, Hamburg 1989, texte et traduction allemande.

- Hélène et Palamède: 10 F. Blass (édit.), Antiphontis orationes et fragmenta adiunctis Gorgiae Antisthenis Alcidamantis quae feruntur declamationibus, Leipzig 18812, p . 150 - 174 . 11 L . Radermacher ( édit.), Artium Scriptores (Reste der voraristotelischen Rhetorik ), SAWW 227, 3 , Wien 1951, p . 42 -66 . 12 L .

Càffaro (édit.), Gorgia . Encomio di Elena, Apologia di Palamede, Firenze 1997, texte et traduction italienne.

- Hélène : 13 O . Immisch (édit.),Gorgiae Helena, Berlin 1927, texte et tra duction allemande. 14 F .Donadi ( édit.),Gorgia, Encomio di Elena, Roma 1982.

G 28 GORGIAS DE LEONTINOI 15 D . M .McDowell, Gorgias. Encomium of Helen, Bristol 1982, texte et traduc

490

tion anglaise. - Ps.- Aristote , De Melisso XenophaneGorgia : 16 O . Apelt ( édit.), Aristotelis

quae feruntur De Plantis... DeMelisso Xenophane Gorgia , « Bibliotheca Scrip torum Graecorum et Romanorum Teubneriana » , Leipzig 1888, p . 165-194 ; 17 H . Diels (édit.), « Aristotelis qui fertur de Melisso Xenophane Gorgia » ,

APAW 1900, I, p. 3-40 ; 18 B . Cassin , Si Parménide. Le traité anonyme De Melisso Xenophane Gorgia. Édition critique et commentaire , Lille 1980, texte, commentaire et traduction française. Le texte et la traduction de la version de l' écrit sur le non - être contenue dans ce traité (p . 429- 565) ont été reproduits, avec quelques modifications, dans Ead ., Parménide. Sur la Nature ou sur l'étant.

La langue de l'être ?, Paris 1998, p . 252- 267. Traductions seules. La totalité du matériel rassemblé dans DK 7 a été tra duite en anglais par 19 G . Kennedy, dans R . K . Sprague (édit.), The Older

Sophists, Columbia (South Carolina) 1972, p . 30-67, en français par 20 J.-P . Dumont, Les Sophistes. Fragments et témoignages, Paris 1969, p . 55-110 , puis par 21 J.- L . Poirier, dans Dumont, Présocratiques, p . 1009 -1050. On trouve une

traduction des deux versions de l'écrit sur le non -être et de l' Éloge d'Hélène dans 22 B . Cassin , L'Effet sophistique, Paris 1995, p . 128-148.

Études d 'orientation . Diels 4 ; 23 O . Apelt, «Gorgias bei Pseudo-Aristoteles und bei Sextus Empiricus » , RHM 44 , 1888, p . 203-219 ; Gomperz 1 ; Nestle 2 ; Calogero 3 ; Dupréel 5 ; 24 G . Calogero, « Gorgias and the Socratic Principle Nemo Sua Sponte Peccat», JHS 77, 1957 , p . 12 -17 = Essays in AncientGreek

Philosophy, ed. by J. P . Anton et G . L . Kustas, Albany 1971, p . 176 - 186 = Sophistik, hrsg. von C . J. Classen, coll. « Wege der Forschung » 187, Darmstadt

1976 , p . 408-421; 25 C . M . J. Sicking, « Gorgias und die Philosophen » ,Mnemo syne, 4° s., 17, 1964 , p. 225 -247 = Sophistik , hrsg. von C .J. Classen , coll. « Wege der Forschung» 187, Darmstadt 1976 , p . 384 -407; 26 M .Migliori, La Filosofia

di Gorgia. Contributi per una riscoperta del sofista di Lentini,Milano 1973 ; 27 H .J. Newiger, Untersuchungen zu Gorgias' Schrift über das Nichtseiende,

Berlin 1973 ; 28 W . J. Verdenius, « Gorgias' Doctrine of Deception » , dans G . B . Kerferd (édit.), The Sophists and their Legacy, coll. « Hermes Einzelschriften >>

44, Wiesbaden 1981, p . 116 -128 ; 29 A . A . Long, « Methodsof argument in Gor gias' Palamedes» , dans K . Boudouris (édit.), H APXAIA EODIETIKH. The Sophistic Movement, Athens 1984, p . 233 -241; 30 L . Montoneri et F . Romano

(édit.), Gorgia e la sofistica. Atti del Convegno Internazionale (Lentini-Catania 12 - 15 dic . 1983), Catania 1985 (= Siculorum Gymnasium 38 , 1985 ), 2 vol. ; 31 T . Cole , « Le origini della retorica » , QUCC, n . s. 23, 1986 , p . 7-21; 32 A . Tordesillas, « Palamède contre toutes raisons » , dans J.- F . Mattei (édit.), La Nais

sance de la raison en Grèce, Paris 1990, p. 241-255 ; 33 E . Berti, «Gorgia e la dialettica antica » , Sei lezioni sulla sofistica, a cura di C . Natali, Roma 1992,

p. 11-26 . 34 G . Mazzara, Gorgia . La Retorica del verosimile , Sankt Augustin

1999, avec en appendice, p . 199- 241, le texte grec avec traduction italienne des

G 29

GORGIPPIDÈS

491

deux versions de l' écrit sur le non-être , de l' Éloge d'Hélène, de la Défense de Palamède et de quelques fragments. Bibliographie . 35 C .J. Classen, « Bibliographie zur Sophistik », Elenchos 6, 1985, p . 75 -140 (Gorgias: p . 114- 120 ) = mise à jour de la bibliographie parue

dans Sophistik, hrsg . von C .J. Classen, coll. « Wege der Forschung » 187, Darm stadt 1976 (Gorgias, p . 683-689) ; Untersteiner 6 (mise à jour dans la traduction

française, t. II, p. 269-314 ) ; 36 Centro di Studio del Pensiero Antico, « Biblio grafia sui Filosofi della Magna Grecia e della Sicilia antica » , a cura di C . Cunsolo ,Roma 1997 (URL = http ://cisadu2.let.uniroma1.it/cspa). MICHEL NARCY.

Iconographie. Les statues antiques de Gorgias n 'ont pas dû manquer, à en juger d 'après sa solide renommée . Lui-même y pourvut, puisqu 'il trouva bon d' élever sa propre statue en bronze doré à Delphes,moyen original d'assurer sa publicité : « hominum primus et auream statuam et solidam LXXXX circiter Olympiade Gorgias Leontinus Delphis in templo posuit sibi; tantus erat docen dae artis oratoriae quaestus» , écrit Pline, H . N . XXXIII 83. Cette statue est éga

lement mentionnée par Pausanias X 18 , 7 : Énixovoos dè eixūv åváОnua rop yiov toŰ Éx Aeovtivwv, aútoc ropylac éotiv . Elle était située près de celle de

Phryné et, comme elle , placée sur une colonne, disposition fréquente : nou ye και Φρύνην την θεσπιακήν έστιν ιδείν, επί κίονος κακείνην ως Γοργίαν (Pseudo-Dion Chrysostome, Orat. XXXVII 28). Enfin , d 'après Plutarque, Decem Orat. vita 838 d ), il se trouvait aussi sur le monument funéraire d'Iso crate ( * I 38), érigé vers 338 av. J.-C . près du Cynosarge: Copriav eię opaſpav αστρολογικήν βλέποντα, αυτόν τε τον Ισόκρατην παρεστώτα.

De toutes ces statues il ne reste rien . En revanche, nous possédons la dédicace sur marbre de la statue qu 'Eumolpos, un membre de sa famille , lui fit élever à

Olympie , comme le rapporte Pausanias VI 17 , 7 ; voir M . Fraenkel, Archäolo gische Zeitung 35, 1877 , p.43, n° 54 (DK 82 A 8): Χαρμαντίδου Γοργίας Λεοντίνος.

Tημ μεν αδελφών Δηϊκράτης τηγ Γοργίου έσχεν,

Γοργίου ασκήσαι ψυχήν αρετής ες αγώνας

Éx taúrns 8 ' aútą (t) yiyveral ' Innoxpams,

ουδείς πω θνητών καλλίον' ηύρε τέχνην,

“Ιπποκράτους δ' Εύμολπος, δς εικόνα τήνδ' ανέθηκεν, ού και Απόλλωνος γυάλοις είκών ανάκειται, @ loowv, narociaç xai piías, évexa . ου πλούτου παράδειγμ',ευσεβείας δε τρόπων.

Cette manière de se mettre en avant, ou d 'y veiller par l'intermédiaire de proches, n 'est évidemment pas imputable aux prétentions philosophiques de

Gorgias – aucun véritable philosophe n 'a d 'ailleurs eu cette attitude -,mais plu

tôt à sa volonté d ' apparaître comme un grand orateur; c 'est d 'ailleurs ce trait que la postérité a davantage reconnu. MARIE -CHRISTINE HELLMANN .

29 GORGIPPIDÈS

MF IIIa Dédicataire de plusieurs ouvrages de Chrysippe concernant la logique. Voir

les traités 17 , 18, 19 , 20 (?), 21, 118 et 132 dans la liste commentée par P . Hadot,

GORGIPPIDÈS

492

G 29

art. « Chrysippe de Soles» (B+ C 124), DPLA II, p. 340, 351 et 353. De tels ouvra ges ne pouvaient guère être dédiés qu’ à des disciples ou à des collègues au sein de l'école stoïcienne. Cléanthe avait écrit un ouvrage Sur Gorgippe (D . L . VII 175). Mais il ne doit pas s'agir du même personnage .

RICHARD GOULET. MF II

30 GORGOS DE SPARTE RE 14

Stoïcien, mentionné commedisciple de Panétius de Rhodes (mort vers 1104) dans l’Index Stoicorum de Philodème, col. LXXVI 5-6 (p. 124 Dorandi):Cópyos axedallu [6 ]YLỌS. Gorgos est également cité, en compagnie d 'autres stoïciens, dont Panétius, parmi les hiéropes des Ptolemaia dans IG II 1938, li.62-63. L 'inscription se situe vers le milieu du II s. av. J.-C ., sous l’archontat de Lysiadès, entre 152/1 et 148 /7 (cf. B . D .Meritt, Hesperia 33, 1964, p. 207 ; Id ., « Athenian Archons 34776 – 48 /7 B . C .» , Historia 26 , 1977, p. 161- 191; C . Habicht, « The Eponymous

Archons of Athens from 159/8 to 141/0 », Hesperia 57, 1988, p . 237-247; T . Dorandi, Ricerche sulla cronologia dei filosofi ellenistici, p. 35 -38 ). L 'inscrip tion a été étudiée par W . Crönert, « Eine attische Stoikerinschrift » , SPAW 1904, I, p. 471-483. Sur ce document, où figurent plusieurs nomsde l' école stoïcienne, voir aussi la notice « Antipatros de Tarse » 205, DPLA I, p. 221-222.

BERNADETTE PUECH et RICHARD GOULET.

31 GORGYLOS RE 2

M III

Ce nom figure parmi les neuf exécuteurs testamentaires (épimélètes) du testa ment de Straton de Lampsaque (mort vers 268%), cité par Diogène Laërce V 62.

Il n'est pas dit expressément qu'il s'agit de disciples au sein de l'école péripaté ticienne,mais la phrase qui suit stipule que la diatribè est léguée à Lycon (hui tième exécuteurtestamentaire dans la liste ) parce que les autres sont trop âgés ou trop occupés (aoxooi). RICHARD GOULET. 164- 153 32 GRACCHUS ( TIBERIUS SEMPRONIUS -) RES 54 Fils de Ti. Sempronius Gracchus et de Cornelia , Ti.Gracchus est tribun mili

taire en Afrique, questeur du consul Mancinus en Espagne, puis tribun de la plèbe en 1330. Il est l'auteur d 'un projet de loi agraire prévoyant de limiter les possessions de l'ager publicus et sa répartition en lots inaliénables de 30 jugères, attribués aux plus pauvres par une commission de triumvirs . Ces réformes ren

contrent l'hostilité de la plèbe et du sénat. Tiberius semble avoir voulu briguer un second mandat,mais il est assassiné au cours d 'émeutes. Nos principales sources biographiques sont (a) Plutarque, Vie de Tib . Grac chus, et (b ) Appien, B. C., I 7- 18. Sur Appien , voir J.H . Fortlage, « Die Quelle zu

Appians Darstellung der politischen Ziele des Tiberius Sempronius Gracchus », Helikon 11- 12, 1971- 1972, p . 166 - 191.

G 33

GRAECINUS (IULIUS - )

493

La culture littéraire et philosophique de Ti. Gracchus ne fait aucun doute . Les auteurs anciens sont nombreux à mentionner la présence à ses côtés du rhéteur

Diophane de Mitylène et du philosophe Blossius de Cumes ( - B 40) (Plutarque, Tib . Gracchus 8, 6 ; 20, 5 ; Cicéron, Lael. 11, 37). Ce stoïcien, disciple d' Antipa tros de Tarse (» A 205 ), est considéré par Plutarque commeun inspirateur et un guide (20 , 5 ). Exerça- t-il une influence sur les projets politiques de Tiberius

Gracchus ? La question est discutée . Mais les savants contemporains tendent à la souligner en insistant sur l'exigence de justice sociale qui fonde ces projets.

Outre 1 G . Garbarino, Roma e la filosofia greca, p .450-455, on se reportera sur tout à 2 C . Nicolet, « L 'inspiration de C . Gracchus» , REA 67, 1965, p . 142- 158 ;

3 Id ., Les Gracques, Paris 1967 ; 4 I. Hadot, « Tradition stoïcienne et idées poli

tiques au temps desGracques»,REL 48, 1970, p. 133-175. Cf. 5 F .Münzer, art. « Ti. Sempronius Gracchus» 54, RE II A 2, 1923, col. 1409- 1426 . La bibliographie sur la question étant immense, nous nous bornons

ici à donner quelques brèves indications: 6 J. Carcopino, Autour des Gracques, Paris 1928 ; 7 D . C . Earl, Tiberius Gracchus. A study on Politics, Bruxelles

1963; 8 A . H . Bernstein , Tiberius Gracchus: Tradition and Apostasy, Ithaca, Cornell University Press 1978 , XII-303 p.; 9 D . Stockton , The Gracchi, Oxford 1979. Pour des indications plus récentes, on se reportera à la 10 CAH , t. IX , 2° éd., Cambridge 1994 . MICHÈLE DUCOS.

33 GRAECINUS ( IULIUS -) REI63 PIR ? I 344 Père de Cn. Iulius Agricola, le beau-père de l'historien Tacite . Originaire de Fréjus, fils d'un procurateur de César (Tacite, Agricola 4 , 1), il fut lui-même de rang sénatorial et atteignit la préture (voir l'inscription trouvée à Rome,

AnnÉpigr, 1946, n° 94). Intéressé par l'agriculture , il écrivit un traité de viticul ture que cite Columelle (I 1, 14 ) . Il fut mis à mort par Caligula vers la fin de

l'année 39 parce qu 'il encourut la colère de l'empereur en refusant d'accuser M . Silanus (Tacite, Ibid .).

Dans le même passage, Tacite insiste sur son « goût pour l'éloquence et la

sagesse » ; il faut entendre par là un intérêt manifeste pour la philosophie. Les qualités humaines de IuliusGraecinus sont également soulignées par Sénèque ; il le qualifie de uir egregius (homme éminent, Epist. XXIX 6 ). Lamême expres

sion se retrouve dans le De beneficiis (II 21, 5) où sont rappelées les cir constances de sa mort: « ... Julius Graecinus, une âme d' élite que C. César mit à mort pour la seule raison que ses qualités étaient supérieures au degré qui est avantageux à un tyran. » Sénèque mentionne aussi le désintéressementde ce per sonnage et son souci de la moralité : au moment où il organise des jeux, il refuse les sommes que lui proposent des sénateurs qu 'il juge peu estimables morale ment (De ben. II 21, 5 -6 ).

Peu d'indices toutefois permettent de préciser quelle école philosophique sut retenir l'attention de Iulius Graecinus,mais son souci d 'une morale exigeante , ainsi que l'intérêt que lui porte Sénèque, peuvent le rapprocher du stoïcisme. MICHÈLE DUCOS.

GRÉGOIRE D 'ALEXANDRIE

494

G 34

34 GRÉGOIRE D 'ALEXANDRIE PLRE II :1

MV

Frère du philosophe néoplatonicien Hermeias d 'Alexandrie (2 * H 78), connu par la Vie d ’Isidore de Damascius (fr. 123 ). Il était « d 'un esprit extrêmement vif,

prompt à la recherche et à l'étude; par ailleurs, il n'était jamais en repos, il n 'ap portait aucun calme dans ses habitudes,mais il était toujours quelque peu agité ;

lorsque les deux frères revinrent d'Athènes à Alexandrie (sansdoute après avoir étudié chez Syrianus), Grégoire tomba gravement malade et à un tel point que son cerveau garda peu la capacité de raisonner et se trouva fort diminué » (Epit.

Phot. 75 ; p. 104, 5-10 Zintzen ; trad . Henry; passage également conservé par la Souda, s.v. Fonyóploc, r 453 = fr. 123 Zintzen ).

Ce nom est absent de la RE. Voir le stemma de cette famille dans la notice consacrée à Hermeias d 'Alexandrie (

H 78 ).

RICHARD GOULET.

35 GYMNOSOPHISTES Littéralement: « les sages nus » . Ce terme, attesté pour la première fois dans P .Berol. 13044 du jer siècle av. J.

C ., désigne des sages le plus souvent indiens, parfois éthiopiens, qui se caracté risent par une nudité complète ou partielle .

Les gymnosophistes indiens. Porphyre, dans son traité De abstinentia , affirme en citant Bardesane de Syrie (= ^ B 11) que la classe des gymnosophistes

est divisée en deux sectes, les Brahmanes, prêtres de père en fils, et les Sar manes, qui ont choisi leur existence de renonçants. Il reprend là une distinction que faisaitMégasthène (FGrHist 715 ), ambassadeur de Séleucos Nicator auprès

du roi indien Candragupta dans les années 304- 297 (cf. 1 A . Zambrini, « Gli ’ Ivôixá diMegastene » , ASNP 12 , 1982, p . 71-149 ), qui n 'utilisait pas le terme de gymnosophistes, mais distinguait les Brahmanes des Garmanes (cf. Strabon ,

XV 1, 58-60).Néarque (FGrHist 133), historien compagnon d'Alexandre, avait quant à lui différencié les Brahmanes, conseillers du roi, des autres sophistes,

spécialisés dans les sciences de la nature (cf. Strabon , XV 1,66). Le P .Berol. 13044 (édité et commenté par 2 U . Wilcken, « Alexander der

Große und die indischen Gymnosophisten » , SPAW 1923, p . 150- 183) rapporte un entretien entre Alexandre et dix gymnosophistes. Les neuf premiers sages doivent répondre chacun à l'une desneuf questions qu'Alexandre leur pose sur la physique et la métaphysique, le dixième sage devant juger de la qualité des réponses (cf. 3 G . Chr. Hansen , « Alexander und die Brahmanen » , Klio 43-45, 1964, p . 351- 380 ; 4 G . Dumézil, « Alexandre et les sages de l' Inde » , étude n° 31 de La courtisane et les seigneurs colorés, Paris 1983, p . 66 - 74 ; 5 A . J. Festu gière, « Trois rencontres entre la Grèce et l'Inde » , RHR 125 , 1943, p. 32 -57,

repris dans Études de philosophie grecque, Paris 1971, p . 157-182; 6 G . Zuntz , « Zu Alexanders Gespräch mit den Gymnosophisten », Hermes 87, 1959, p . 436 440 ; 7 H . Van Thiel, « Alexandersgespräch mit den Gymnosophisten » ,Hermes 100, 1972, p . 343- 358 ; 8 C . Muckensturm , « Alexandre à la rencontre des gymnosophistes » , Actes des Xire Metageitnia ,Mulhouse 1991, p. 47-59).

G 35

GYMNOSOPHISTES

495

Le récit de cet entretien a connu une grande fortune, par la suite , puisqu 'on le retrouve chez Plutarque (Vita Alexandri 64 -65, 1) à propos de la répression par

Alexandre de la révolte de Sabbas, chez Clément d'Alexandrie (Strom . VI 4, 38) et dans le Roman d 'Alexandre (III 5 -7) du Pseudo -Callisthène (cf. version A , éditée par 9 W . Kroll, Historiae Alexandri Magni recensio vetusta , Berlin 1926 ;

version B, éditée par 10 L . Bergson, Der griechische Alexanderroman, Rezen sion B , Uppsala 1965 ; voir aussi 11 H . Van Thiel, Leben und Taten Alexanders von Makedonien , Darmstadt 1974 (édition et traduction ), et 12 G . Bounoure et B . Serret, Le Roman d 'Alexandre , Paris 1992, (traduction et commentaire ); voir aussi les versions latines du Roman d 'Alexandre : Julius Valerius, Res gestae Alexandri Macedonis III 10 -12 ; Incerti auctoris epitoma rerum gestarum

Alexandri Magni, $ $ 79-84, éditée par 13 P .H . Thomas, Leipzig 1966 ; cf. d'autre part le CGL III 385, 58 -386 ). On rapporte aussi un autre entretien entre Onésicrite , compagnon d 'Alexan dre, et les sophistes indiens de Taxila, Calanos ( C 14) et Dandamis ( D 20 ).

Plutarque, Vita Alexandri 65, résume cet entretien en précisant qu'Onésicrite est un ancien élève de Diogène le Cynique ( D 147). Au second siècle de notre ère, le Pap. Genev. inv. 251 (publié par 14 V .Martin , « Un recueil de diatribes cyni

ques, Pap.Genev. inv. 271», MH 16 , 1959, p. 77-115, ainsi que par 15 W . H . Willis et K . Maresch , « The encounter of Alexander with the Brahmans. New

fragments of the Cynic Diatribe P. Genev. inv. 271 », ZPE 74, 1988, p . 59-83) combine l'entretien d' Alexandre et celui d'Onésicrite. Ce texte a servi de source à la seconde partie du Récit sur la vie des Brahmanes composé par Palladios dans les années 408 -410 (cf. 16 J. D . M . Derrett, « The history of Palladius on the

races of India and the Brahmans » , C & M 21, 1960 , p. 64 -135 , et 17 W . Berghoff [édit.), Palladius. De gentibus Indiae et Bragmanibus, Meisenheim am Glan

1967, p. 1-55). La tradition rapporte qu 'un certain nombre de sages grecs aurait, bien avant Alexandre, conversé avec les gymnosophistes indiens. C 'est notamment le cas de Lycurgue (Plutarque, Vit. Lycurg. 4 , 8 ), de Pythagore (Clément d 'Alexandrie,

Strom . I 15, 70, 1, et Eusébe de Césarée, Praep. evang. X 4 ), de Démocrite (Diogène Laërce IX 35, et Élien, V. H . IV 20), de Socrate (Eusébe de Césarée, Praep. evang. XI 6 - 8), de Platon , qui aurait reçu des sages indiens la croyance en

l'immortalité de l'âme (Pausanias IV 32 , 4). D 'autres sages grecs, après Alexandre, ont voulu connaître les gymno

sophistes indiens, en particulier Pyrrhon (Diogène Laërce IX 61 et 63) et Plotin (Porphyre, Vita Plotini 3 ). Philostrate consacre une section de la Vie d 'Apollo

nios de Tyane (III 14 -51) au récit du séjour d'Apollonios dans la citadelle des Brahmanes.

La diversité des sources ne permet pas d'apprécier dans sa globalité la pensée des gymnosophistes. Quelques thèmes cependant sont récurrents: leur proximité avec la nature, leur croyance en l'immortalité et leur conception cyclique du temps. Les sources parlent essentiellement de leurmode de vie , généralement

ascétique et parfois surprenant. Il se caractérise par un respect total de la nature

496

GYMNOSOPHISTES

G 35

et souvent par le refus des acquis de la civilisation.Mais ilest malaisé de distin guer dans leur conduite ce qui relève de l'obéissance à une règle personnelle, de rites religieux ou d'une philosophie proprement dite . Leur pensée est d'autant plus difficile à cerner qu 'ils se méfient du langage et observent de longues périodes de silence (cf. Athénée le Poliorcète , De machinis V 7 ). Les sources décrivent les gymnosophistes plus qu 'elles ne leur donnent la parole. A cela s 'ajoute le filtrage de leur pensée par la pensée grecque, en particulier

par la pensée cynique (cf. 18 Claire Muckensturm , « Les gymnosophistes étaient ils des cyniques modèles ?» , dans Le cynisme ancien et ses prolongements, Paris

1993, p . 225-239). On peut parler d 'une légende des gymnosophistes, en parti culier dans les textes où ils n 'apparaissent qu' allusivement, comme des modèles ou des exemples. Ils sont cités pour leur courage devant la mort (cf. Philon d ' Alexandrie , De Abrahamo 182 ; Flavius Josèphe, B. J . VII 8 ; Clément

d'Alexandrie, Strom . II 20, 125 ; Lucien , De morte Peregrini 25). Ils sontaussi cités comme des modèles de piété (Proclus, In Tim ., Prologue du livre II), de longévité (Paseudo -Lucien,Macr. 4 ) et de simplicité (voir Philon , De somniis II

56 , et Jean Chrysostome, In epist. ad Cor. II 15, 3 ). Plus brièvement encore, ils apparaissent dans les listes stéréotypées de sages barbares, quand il est débattu

de l'origine grecque ou barbare de la philosophie (voir par ex . Clément

d 'Alexandrie , Strom . VI 7, 57 ; Diogène Laërce I 1; ou Théodoret de Cyr, Grae carum affectionum curatio 1 25 et V 58). Les gymnosophistes éthiopiens sont plusmarginaux dans les sources que les sages indiens. Dans la Vie d 'Apollonios de Tyane (VI 5-23), Apollonios ren

contre les gymnosophistes éthiopiens et les considère comme apparentés aux sages indiens, mais inférieurs à eux (voir 19 P. Robiano, « Les gymnosophistes

éthiopiens chez Philostrate et chez Héliodore» , REA, 94, 1992, p . 413-428).

Dans les Éthiopiques d 'Héliodore , le roiHydaspe invite « les sages qu'on appelle gymnosophistes » à assister au sacrifice célébrant sa victoire sur les Perses ( X 6 ). Le chef des gymnosophistes, Sisimithrès, intervient à plusieurs reprises pour s 'opposer au sacrifice de Chariclée (X 9 -15 ), conseiller Hydaspe et participer au

cortège des noces de Théagène et Chariclée ( X 41). CLAIRE MUCKENSTURM -POULLE.

36 GYTHIOS DE LOCRES RE

Pythagoricien ancien dont le nom figure dans le catalogue de Jamblique, V. pyth. 36 , 267, p. 145, 7 Deubner.

BRUNO CENTRONE.

1 HABROTÉLEIA Pythagoricienne, fille d 'Habrotélès (3 + H 2) de Tarente, dont le nom figure dans le catalogue de Jamblique, V. pyth . 36 , 267, p . 147, 2 -3 Deubner. BRUNO CENTRONE .

2 HABROTÉLÈS DE TARENTE

Pythagoricien ancien dont le nom figure dans le catalogue de Jamblique, V. pyth . 36 , 267, p . 144, 17 Deubner. Il était le père de la pythagoricienne Habro

téleia ( H 1). BRUNO CENTRONE. ЛІ 3 HAGIAS Ce jeune homme était étudiant auprès de Plutarque à Chéronée dans le dernier

quart du jer siècle (Propos de Table III 7 -9). BERNADETTE PUECH . IIa 4 HAGNON RE 4 Académicien , disciple de Carnéade (MC 42), dont il avait transcrit les cours

(Philod., Acad. hist., col. 23, 4-6 = Carnéade T 3b 7 sq.Mette ). Cicéron , Luc. 16 ,

loue son intelligence par rapport à Clitomaque (2°C 149). Quintilien (II 17 , 15 ) rapporte qu'il écrivit un traité contre la rhétorique. Selon Plutarque (De soll. anim . 12 , 968 d ), il aurait discuté de la ruse des éléphants (cf. C . W .Müller, Die Kurzdialoge der Appendix Platonica. Philologische Beiträge zur nachplato

nischen Sokratik, München 1975, p. 309 sq.). Très incertains sont les témoi gnages d 'Athénée (XIII, 602 d -e : à propos des coutumes sexuelles des Spar tiates) et des scholies à Homère ( II. IV 101, vol. I, p. 173, 23 -25 Dindorf: avec une explication allégorique). Cf. H . von Arnim , art. « Hagnon » 4 , RE VII 2, 1912, col. 2209; H . Dörrie , art. « Hagnon » 3, KP II, 1975, col.917; W .Görler , GGP, Antike 4 , p. 909.

TIZIANO DORANDI. 5 HAIMÔN DE CROTONE Pythagoricien ancien dont le nom figure dans le catalogue de Jamblique, V . pyth. 36 , 267, p . 143, 19 Deubner . BRUNO CENTRONE.

6 HANIOCHOS DE MÉTAPONTE Pythagoricien ancien dont le nom figure dans le catalogue de Jamblique, V. pyth. 36 , 267, p . 144 , 8 Deubner. BRUNO CENTRONE .

HARPOCRATION

498

H7

III

7 HARPOCRATION RE 7

Un certain Harpocration, que son épigramme funéraire (IG I12 10826 ; W . Peek, GVI 588) définit comme ontwp Mèv Elnett, Dióoogos 8' à xpñ voetv,

était établi à Athènes au IIIe siècle. Rien ne permet d 'établir un rapprochement avec les deux sophistes homonymes connus par la Souda ( A 4013 et 4014). Voir cependant la notice consacrée à Harpocration d'Argos ( H 9). BERNADETTE PUECH.

8 HARPOCRATION D 'ALEXANDRIE RE 10 | ép.imp. Le nom d 'Harpocration apparaît lié à deux écrits de la tradition hermétique de science naturelle , ayant une orientation magico -astrologique. Cf. 1 H . Gossen , art. « Harpokration » 10, RE VII 2, 1912 , col. 2416 -2417 ;

2 M . Stephan , suppl. à l'art. « Harpokration » 10, RESuppl. VI, 1935, col. 102 103 ; 3 F. Kudlien, art. « Harpokration » 3, KP II, 1967, col. 944. A . Harpocration d 'Alexandrie est rattaché tout d 'abord à l'histoire complexe

de l'écrit hermétique intitulé Kupavídes, consacré à l'établissement des corres pondances (ovunádelal) entre les éléments divers des trois règnes de la nature (animaux, plantes et pierres), qui sont associés dans un usage médico-magique par leurs propriétés occultes. Cet écrit est divisé en 24 chapitres qui correspon dent aux lettres de l'alphabet grec. Chaque chapitre s'occupe d 'une plante, un

oiseau, un poisson et une pierre, dont les lettres initiales correspondent à la lettre en question . Pour les traits généraux de la littérature lapidaire, nous renvoyons à 4 R . Halleux et J. Schamp, « Origines et typologie de la littérature lapidaire » , dans Les lapidaires grecs: Lapi daire orphique, Kérygmes lapidaires d 'Orphée, Socrate et Denys, Lapidaire nautique, Dami géron- Évax (traduction latine), texte établi ettraduit, CUF, Paris 1985, p. XIII-XXXIV (« Intro duction » ).

Texte. 5 Ch . E . Ruelle dans F. de Mély, Les lapidaires de l'Antiquité et du Moyen Age, t. II, III : Lapidaires grecs, Paris 1898 , 1902 (texte grec, très défi cient, de Ruelle et traduction par de Mély ) ; 6 D . Kaimakis, Die Kyraniden, coll. « Beiträge zur klassichen Philologie » 76 ,Meisenheim am Glan 1976 . Nous sui vons cette édition , qui marque un progrès considérable par rapport aux éditions

antérieures. Nous avons ici pour la première fois le texte grec complet des Cyranides, qui inclut les parties conservées des livres V et VI jusqu'alors iné

dites. Enfin , on peut lire une traduction latine de 1169 dans 7 L . Delatte , Textes latins et vieux français relatifs aux Cyranides, Liège/Paris 1942 , p . 11-206 .

Études d 'orientation. 8 P . Tannery, « Les Cyranides» , REG 17, 1904,

p . 335-349 ; 9 R . Gauszyniec , « Studien zu den Kyraniden » , ByzJ 1, 1920, p. 353- 367 ; 10 M . Wellmann , Markellus von Side als Arzt und die Koiraniden des Hermes Trismegistos, coll. « Philologus Suppl.» XXVII 2 , Leipzig 1934 ; 11 A . J. Festugière, La révélation d 'Hermès Trismégiste, t. I: L 'astrologie et les

sciences occultes, Paris 19502, réimpr. 1989, p. 201-216 ; 12 G . Fowden, The Egyptian Hermes. A historical approach to the pagan mind , Cambridge/London 1986 , p .87-91 et 161-165 .

H8

HARPOCRATION D 'ALEXANDRIE

499

Le premier livre des Cyranides constituait à l'origine un traité autonome inti tulé Kupavís, d'après le nom d 'un pseudo- roi perse Kupavós. Festugière 11, p. 205 , affirme que ce livre remonte au moins au IIIP. Il a été joint aux autres

livres des Cyranides sous la forme que nous connaissons aujourd 'hui à une date

antérieure au VIII° siècle , étant donné que le premier témoignage que nousavons de cette fusion est dû à Georges le Syncelle, Chronique, p. 36 , 14 sq. (cf. p. 57, 16 sq.) Mosshammer (écrit après 806 ). D 'après le prologue, le livre I des Cyra nides est la synthèse de deux ouvrages de contenu presque identique : l'ouvrage

« authentique » (hermétique) de Cyranos roi des Perses, et celui d'Harpocration d 'Alexandrie. Le rédacteur byzantin a reproduit assez fidèlement (bien que tou jours de façon résumée) les prologues des deux auteurs qui racontaient l'un et

l'autre en des termes très semblables que le texte du traité provenait d 'une inscription enterrée. L 'un et l'autre auteur font référence dans ce récit sur l'ori gine du traité à un ouvrage antérieur intitulé ’Apxaïxn bißhoc. Harpocration , qui se présente comme un Alexandrin , intitulait sa rédaction

Bißłoç ånò Eupiac DepaneutIX

et il la dédiait à sa fille (li. 30 Kaimakis).

Cf. le ms. Marc. class. V cod. 13 : éx tőv toŨ ' Aproxpatiwvoc toŨ 'Adetav péwÇ περί φυσικών δυνάμεων ζώων τε φυτών και λίθων, και έγραψε προς την ιδίαν θυγατέρα, et Coislin . 158 : Bubalov ' Aproxpatiwvoç, oúvoeolç TOŨ Kupavoở Baouléwç nepì xo λίθων πετεινών τε και ιχθύων και βοτανών κατ' αλφαβήτου.

Dans le prologue qu 'il ajouta au traité, Harpocration racontait comment, au cours d'un voyage en Asie , lorsqu' il séjournait dans la ville de Séleucie , il ren

contra un vieillard connaissant la langue grecque qui luimontra entre autres un écrit magique qui se trouvait dans un lieu voisin , gravé en caractères syriaques sur une stèle , écrit dont il reproduit le texte à partir de la traduction que le vieil lard lui fournit. Sur le prologue, voir Gauszyniec 9 , p . 361- 367; sur le rôle que le motif littéraire de la découverte d'un écrit joue dans la tradition hermétique, voir Festugière 11, p. 319-324, no tamment 322 sq . La fiction littéraire de la découverte d ' un écrit ancien vénéré indique dans cette tradition un travail de refonte et d ' interprétation de textes prestigieux (cf. Wellmann 10 , p . 12 - 13 ) . Enfin , d 'après Festugière 11, p . 201, la rédaction d 'Harpocration aurait été faite sur

la rédaction précédente (celle de Cyranos) dans le dessein apparemment de la rendre plus claire .

Lerédacteur byzantin remarque ici etlà tout au long du livre les passages sur lesquels les deux rédactions varient (chap. 1, li. 77 sq., p. 25 ; li. 130 -138, p. 28 ; chap . 7, li. 86 sq., p . 54 ; chap . 10 , li. 8, p . 62 ; chap . 11, li. 7, p.68; chap . 21, li.

93, p . 98 ; li. 132 sq., p. 100 ; chap. 22, li. 58, p. 108). Wellmann 10 , p. 12- 13, ainsi que plus tard Festugière 11, p. 204, croient reconnaître le texte authentique

d'Harpocration dans le manuscrit D , Parisinus graecus 2256 , fol. 546 -562, bien que sous la forme d'extraits . En revanche, Kaimakis 6 , p .6 sq., rejette cette hypothèse, tout en démontrant que le fait que ce manuscrit ne contienne pas cer

taines parties n 'implique pas que son texte est plus originel ; il croit plutôt que ces parties ont été supprimées dans un souci de piété par le rédacteur byzantin . Les Cyranides présentent une série de passages en vers où on reconstitue par fois, non sans difficulté , des séries d'acrostiches où on peut lire les noms

MAINOE (chap. 1, li. 130- 138, p .28 sq. ; chap.4 , li. 55-63, p. 42 sq. ;chap. 7, li.

500

HARPOCRATION D 'ALEXANDRIE

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22-44, p . 50-52 ; chap. 8 , li. 8 - 12 , p . 58 sq.) ou MAENOE MAPKEMAYNS (chap. 21, li. 70-85, p. 96 sq.). Ces acrostiches ont été édités par 13 M .L . West, « Magnus and Marcellinus : Unnoticed acrostics in the Cyranides», CQ 32, 1982, p . 480 -481, qui suggère d'identifier ce Magnus, sinon avec Harpocration lui

même, du moins avec un personnage originaire de Nisibe qui exerça comme médecin à Alexandrie au IVP (le iatrosophiste dont parle Eunape, vit. Soph. 20), tandis que le personnage appelé Marcellinus pourrait être l'historien Ammien

Marcellin (cf. 14 R . Führer, « Noch ein Akrostichon in den Kyraniden », ZPE 58 ,

1985, p. 270). Fowden 12, p. 87 sq. n. 57, reconnaît dans les acrostiches en question les noms de deux représentants de l' école pneumatique qui semblent avoir vécu ca 100P : Magnus d 'Éphèse (cf. 15 W . Kroll, art. « Magnus » 28 , RE XIV 1, 1928 , col. 494 ; 16 Fr. Kudlien , art. « Pneumatische Ärzte » 51, RESuppl.

XI, 1968, col. 1097-1108, notamment col. 1098) ; et Marcellinus (cf. 17 W . Kroll, art. « Marcellinus» 51, RE XIV 2 , 1930 , col. 1488- 1489). En ce sens, il

attire l'attention sur les portraits de deux médecins que l'on trouve ensemble dans un manuscrit de la Bibliothèque de l'Université de Bologne,ms. 3632,Xve S., fol. 17-26 (cf. 18 A . Olivieri et N . Festa, « Indice dei codici greci delle biblio tece Universitaria e Comunale di Bologna », RFIC 3, 1895, p . 385 -495, notam ment p . 454 ). Les acrostiches seraient l’quvre de ces auteurs et se seraient retrouvés dans le texte hermétique à travers la rédaction d'Harpocration , étant

donné que le premier fragment en vers acrostiches est introduit par une indica tion du rédacteur byzantin où il affirme qu'il suit sur ce point le texte d'Harpo cration (chap. 1, li. 127- 129, p. 28).

B. Dans un des manuscrits des Cyranides, I, le Matritensis Graecus 4631 (olim N - 110 ), daté de 1474 (cf. 19 G . de Andrés , Catálogo de los códices grie

gos de la Biblioteca Nacional, Madrid 1987, p . 158 sq.), le texte hermétique est suivi (fol. 75-77) par une lettre d'Harpocration adressée à un empereur et servant .

d'introduction à un opuscule de botaniquemédico -astrologique dont le manus crit en question fournit seulementles premières pages. L 'auteur raconte comment, après s'être formé dans la grammaire en Asie, il est parti à Alexandrie pour exercer sa profession . Dans cette ville il se consacra passionnément à l'étude

de la médecine, en suivant les enseignements des écoles médicales en vogue. L 'ample recherche qu'il entreprit pour améliorer ses connaissances l'amena à un livre de Néchepso sur

la médecine astrologique, Néchepso étant le roi fabuleux de l'Égypte qui (avec Pétosiris ) représente une figure emblématique de la sagesse astrologique de ce pays (cf. 20 F. Cumont, L 'Égypte des astrologues, Bruxelles 1937, p . 128 sq., 171 sq. ; 21 W . Kroll, art. « Nechepso » ,

RE XVI, 1933, col. 2160 -2167). L 'échec de la mise en pratique des recettes contenues dans ce livre l'amena à nouveau à une pénible pérégrination à Thèbes, où il fit la connaissance des prêtres. L 'un d 'eux, pour lequel il se prit en particulier d 'amitié, lui révéla les secrets ignorés

par Néchepso , attribuant le peu d 'efficacité des recettes de Néchepso à son ignorance du lieu

et du moment précis où les plantes doivent être cueillies. Sur ce point, le prêtre lui donne quelques exemples. Lorsque Gossen 1, col. 2416 , fait référence à un traité « inédit» intitulé lepi puolxūv duválewv, transmis dans le manuscrit Matritensis et traitant des correspondances entre des plantes, des animaux et des pierres, il confond l'ouvrage d'Harpocration remodelé dans les Cyranides (prologue, li. 1 - 5 , p . 14 ) avec le traité qui est placé après la lettre en question et qui

est consacré exclusivement à la botanique astrologique. Pour la place de ce traité dans l'en semble complexe d'écrits hermétiques sur l'astrologie , voir 22 F . Pfister , art. « Pflanzenaber

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HARPOCRATION D 'ALEXANDRIE

501

glaube », RE XIX , 1937-1938, col. 1446 -1456, notamment col. 1451 ; Festugière 11, p. 137 186, notamment p . 143- 160.

La lettre fut éditée par 23 Ch. Graux, « Lettre inédite d'Harpocration à un

empereur, publiée d'après un manuscrit de la Biblioteca Nacional de Madrid» , RPh 2 , 1878 , p. 65-77, notamment p . 70-77, qui identifia son auteur avec l’Har pocration cité dans le prologue des Cyranides. Plus tard, 24 P . Boudreaux,

CCAG , t. VIII 3, 1912, p. 139- 141, édita l'opuscule astrologique à partir d'un grand nombre de manuscrits grecs qui en présentent, sous des versions diffé rentes, le texte complet, bien que sans le titre et sans le début de la lettre , qui apparaît en outre résumée. Boudreaux reprend l' identification (proposée par

Graux) de l'auteur de la lettre avec l'Harpocration des Cyranides, malgré la dif ficulté posée par l'origine alexandrine de celui-ci, car cette origine semble s'ac

corder difficilement avec les renseignements autobiographiques que l'on peut tirer de la lettre . Dans un recueil byzantin , Boudreaux 24 , p. 134 , découvrit un fragment d 'un astrologue du nom de Thessalos qui coïncidait avec un passage de la lettre . Par ailleurs, dans un manuscrit latin de l'École de Médecine de Montpellier (Mon tepessulanus, cod. 277, XIV°/xve s.) contenant des ouvrages de médecine de caractère magique, alchimique et astrologique (parmi lesquels les Cyranides), on trouva une traduction latine de la lettre ainsi que le traité complet sur les plantes

zodiacales, l'une et l'autre sous le nom de Thessalos (Thessalus philosophus de virtutibus herbarum : fol. 31-35). Le texte se termine par la phrase : explicit liber Thessali philosophi. Également, au début de la traduction latine des Cyranides, on fait allusion au liber qui dicitur Thessalimysterium ad Hermetem , id estMer curium de XII herbis XII signis attributis et de VII aliis stellis per VII alias stel las (cf. 25 F. Boll, CCAG , t. VIII 4, 1912 , p. 253 -262 ; 26 H . Diels, Die Hand

schriften der antiken Ärzte. Griechische Abteilung, II. Teil : Die übrigen grie chischen Ärzte ausser Hippokrates und Galenos, Berlin 1906 , p. 107). A partir de ces deux témoignages, 27 F . Cumont, « Écrits hermétiques. II. Le médecin Thessalus et les plantes astrales d'Hermès Trismégiste » , RPh 42, 1918, p. 85 108 , tente de démontrer que la mention d'Harpocration dans le titre de la lettre du Matritensis n 'est pas authentique. D 'après lui, c'est le nom de Thessalos (reconstitué dans un passage douteux du texte à partir de la version latine ) qui

était celui de l'auteur véritable de la lettre. Cette conclusion a été acceptée par 28 A .-J Festugière , « L 'expérience religieuse du médecin Thessalos» , RBi 48, 1939, p. 45 -77 (cf. Id . 11, p . 56 -59), et récemment par Fowden 12 , p. 162- 165

(cf. en revanche 29 F .Kudlien, art. « Thessalos » 6 , KP V , 1975, col. 763-764). Le fait que la lettre est dédiée de façon imprécise à Katoap Ekbaotós rend difficile l'identification du destinataire et donc l'utilisation de la dédicace pour la

datation de la lettre . Pfister 22, col. 1451, songe à Auguste ; Cumont 27, p. 98 sq., sur la base des versions latines, à Claude ou Néron ;Graux 23, p. 65, enfin , à Julien .

Identité de l'auteur et localisation chronologique. Les critiques ont for mulé des hypothèses diverses (dont aucune n 'est soutenue par des preuves

502

HARPOCRATION D 'ALEXANDRIE

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concluantes) identifiantnotre Harpocration avec l'un ou l'autre des Harpocration connus, datés (souvent seulement de façon très conjecturale ) entre II et IVP. Ces

hypothèses dépendent fondamentalement de l'acceptation ou du refus de l' iden tité de l'Harpocration de la lettre avec celle du rédacteur des Cyranides. (a ) Valerius Harpocration . Il s'agit du célèbre rhéteur dont il nous est par venu un Lexique des dix orateurs (cf. 30 H . Schultz , art. « Harpokration » 5, RE VII, 1912, col. 2412-2416 ; 31 H . Gärtner, art. « Harpokration » 2, KP II, col. 944 ). 32 R . J. Iriarte, Regiae Bibliothecae Matritensis Codices Graeci Manu scripti, t. I, Madrid 1769, cod. Matrit. Graec. 432, fut le premier à faire cette identification sur la base de la lettre qui vient d'être citée (dont il avait aussi le

premier signalé l'existence), du fait qu 'Harpocration y dit qu 'il a appris la gram maire en Asie avant son départ à Alexandrie , où il éclipsa les philologues les plus réputés. Cette identification est contestée par Gossen 1, col. 2417 , quiconsi

dère qu'il vaudrait mieux songer à une interpolation dans la lettre qu'attribuer au célèbre grammarien Valerius Harpocration un écrit d'une telle « charlatanerie ». Graux 23, p. 65, qui incline pour identifier l'Harpocration de la lettre avec l'ami de Libanios (cf. infra , b ), ne tient pas l'hypothèse pour invraisemblable ,mais reconnaît qu 'elle ne repose sur aucune preuve proprement dite. Kaimakis 6 , p . 3 , s 'est prononcé dans le même sens. En revanche, Tannery 8 , p . 158, reprend l'hypothèse selon laquelle l'auteur de notre texte hermétique serait le même que celui du lexique des dix orateurs, et sont du même avis 33 D . Serruys, « Kolpa

víðeç» , RPh 32 , 1908, p. 158 - 160, notamment p. 158 ; 34 Fr. Cumont,« La plus ancienne géographie astrologique » , Klio 9 , 1909 , p. 263- 273, p. 267 note 4 ;

Wellmann 10 , p . 9 ; et Kudlien 3 , col. 944.

35 F. Boll, « Das Eingangsstück der Ps.-Klementinen » , ZNTW 17, 1916 , p. 139 -148 , notamment p. 139, en partant de la lettre du manuscrit Matritensis, place notre Harpocration à l'époque de Lucien , du fait qu 'Harpocration affirme dans son prologue avoir visité la ville de Séleucie , qui fut complètementdétruite lors de l'expédition de Lucius Verus (165P), et que Septime Sévère trouva

déserte. Si on accepte cette hypothèse , la dernière chronologie proposée pour Valerius Harpocration le place au ITP ou plutôt au IIP (cf. 36 B. Hemmerdinger, « Deux notes papyrologiques» , REG 72, 1959, p. 106 - 109, notamment p. 107 109 (« Les papyrus et la datation de Harpocration » ), et 37 J.J. Keaney, Harpo kration . Lexeis of the ten orators, Amsterdam , 1991, p. IX -XI). Cela dit, aucun de ces deux travaux ne met en relation cet Harpocration avec l'auteur de notre texte .

(b) Le correspondant de Libanios. Cet Harpocration était originaire d'Égypte (Libanios, Lettres 371) et il était poète (Lettres 367, 727, 728) et pro fesseur de grammaire (doué d 'un grand talent pour la parole) à Antioche, où il

vivait dans l'intimité de Libanios, et après 358, à Constantinople, où il fut appelé par Thémistios (Lettres 367, 371, 729 ; cf. 38 O . Seeck , art. « Harpokration » 1 , RE VII, 1912, col. 2410 ) . C 'est de Mély 5 , t. II 1, préf. p. IX , qui, le premier, suggéra que « l'Harpocration qui figure dans les Cyranides est selon toute vrai semblance l'ami et le correspondant de Libanius ». Dans un autre travail, 39 F . de Mély , « Les Cyranides» , RPh 24 , 1900, p. 119- 131, reprend cette hypothèse :

H9

ION

HARPOCRAT

D 'ARGOS

503

il soutient que l'auteur des Cyranides a été Harpocration d'Alexandrie (ca 350 360 ). Par ailleurs, les critiques ont eu tendance à confondre deux personnages homonymes, le lexicographe et l'ami de Libanios : cette confusion fut déjà reje tée par 40 C . Boysen , De Harpocrationis lexici fontibus quaestiones selectae. Accedunt fragmenta lexicorum rhetoricorum ex codd. Coisl. n . 347 et Paris. n . 2635 nunc primum excerpta , Diss. Kiliae 1876 , chap . I, § 2, mais elle semble suggérée par Gossen 1, col. 2417, et Kaimakis 6 , p . 3. Pour sa part, Graux 23, p . 65, qui identifie aussi l'auteur de la lettre hermétique avec l'ami de Libanios, pense que Julien est l'empereur auquel cette lettre est adressée, et il fixe en conséquence la date de sa composition entre les mois de décembre 361 et de juillet 363 (cf. ibid . n . 1) . Cette identification de notre Harpocration avec le

grammarien mentionné dans les lettres de Libanios a été reçue favorablementpar Festugière 11, p. 204 . (c) Gossen 1, col. 2417, pense que le caractère de la lettre s 'harmonise bien avec l'Harpocration dont Tertullien , De corona 7, décrit les idées pédagogiques.

Festugière 11, p . 205 n. 5, semble hésiter entre cette identification et la précé dente (b). (d ) Boudreaux 24, p. 133 et n . 1 , place chronologiquement Harpocration au IIP, en suggérant qu 'il peut très plausiblement s'identifier soit avec le grammai rien Aelius Harpocration cité par la Souda, s.v. ' Aproxpatiwv, A 4013, t. I, p. 367, 1-4 Adler (cf. 41 L . Radermacher, art. « Harpokration » 3, RE VII 1912,

col. 1411 sq.), soit avec Harpocration d'Argos (» H 9), platonicien , disciple d'Atticus (d 'après Proclus, In Platonis Timaeum comm . 28 c, t. I, p . 305 , 6 sq.

Diehl), appartenant au temps de Marc -Aurèle . La Souda, s.v. 'Aproxpatiwv, A 4011, t. I, p. 366 , 38 sq. Adler, attribue à cet Harpocration un lexique de Platon (cf. 42 H . Dietrich , art. « Harpokration » 1, KP II, 1967, col. 944 ).

PEDRO PABLO FUENTES GONZÁLEZ et JAVIER CAMPOS DAROCA .

9 HARPOCRATION D 'ARGOS RE 2

FII

Moyen -platonicien, élève d'Atticus (** A 507) selon Proclus, In Tim . I, p. 305 , 6 -7 Diehl. Il est mentionné avec Atticus par le scholiaste du Vaticanus graecus 2197, fol. 34 ' (cf. Proclus, In Remp. II, p. 377 , 15 -17 Kroll), avec Cro nius 2 ( 223) et Numénius par Jamblique, De an . cité par Stobée, Anthol. I, p. 380, 17- 19 Wachsmuth = Numénius, fr. 48 des Places (oi nepi Kpoviów te xai Novuńvlov xai 'Aproxpatiwva ), et ibid., I, p. 375, 14 - 16 W . = Numénius,

fr. 43 des Places, et avec Plotin , Boéthos (~ B 44 ?) et Numénius par Énée de Gaza, Theophr., p. 12, 5 -6 Colonna = Numénius, fr. 49 des Places. Son impor tance parmi les commentateurs de Platon à l'époque pré-porphyrienne est signalée par Proclus, In Remp. II, p. 96 , 11- 13 Kroll (tõv IłatwVLXÕV o xopu

φαίοι, Νουμήνιος, ' Αλβίνος, Γάϊος, Μάξιμος ο Νικαεύς, “Αρποκρατίων, Eůxhelons, xai énì não v loppúplos). Bien qu'il soit qualifié de ovubiwing Kaloapos dans la Souda, s.v. ' Aproxpatiwv, 'Aprelos ( A 4011, t. I, p. 366 ,

27-29 Adler), on a hésité, pour des raisons chronologiques, à l'identifier avec le grammaticus Harpocration nommé par l'Histoire Auguste (SHA, Verus 2, 5)

504

HARPOCRATION D ' ARGOS

H9

parmi les maîtres de Lucius Verus ; cf. 1 J. Dillon , The Middle Platonists, Lon don 1977, p . 258-259.

Harpocration fut l'auteur, selon la Souda (loc. cit.), de deux ouvrages perdus: Υπόμνημα είς Πλάτωνα ένα βιβλίοις κδ', et Λέξεις Πλάτωνος έν βιβλίοις B '. C 'est au premier de ces ouvrages qu 'on peut attribuer les observations sur les dialogues de Platon (Alcibiade 1, Phédon, Phèdre, République, Timée) rapportées par Jamblique, Proclus, Hermias, Énée de Gaza, Damascius, Olympiodore, le scholiaste du Vaticanus graecus 2197 (voir plus haut) et l'Anonyme du Parisi

nus graecus 1918 (voir 5 ci-dessous). On ne connaît ni la date de sa naissance ni celle de sa mort. Il faut peut-être l'identifier avec le Harpocration (2 - H 7 ), commémoré dansune inscription funé

raire d 'Athènes datant du 1e siècle (IG II 10826): quelxpós oủ qulupov xarúntw I túuboç ävop' Énei oop@ v 18őpa Movośwv Mérlota , tõv 1 68' έξοχον λαχών | “ Αρποκρατίων πρός αστών τρίς μάκαρ κληίζεται Γούνεκ' ñv ontwp uèv eineīv , I dióoogos 8 ' à xeñ voetv . C 'est en tout cas la seule attestation du nom d 'Harpocration dans la prosopographie attique ( comme me l'a confirmé le professeur John Traill de l'Université de Toronto ). Si cette identi

fication est fondée, on pourrait en conclure qu 'Harpocration a passé à Athènes la dernière partie , peut-être la partie la plus glorieuse , de sa carrière.

Témoignages. Voir 2 J. Dillon, « Harpocration's Commentary on Plato : Fragments of a Middle Platonic Commentary », CSCA 4, 1971, p. 125-146; 3 L . G . Westerink, The Greek Commentaries on Plato ' s Phaedo, t. I: Olympio

dorus, Amsterdam 1976, Index I, s.n ., et 4 t. II :Damascius, Amsterdam 1977, Index I, s.n .; 5 J. Whittaker, « Harpocration and Serenus in a Paris manuscript» , Scriptorium 33, 1979, p . 59-62, repris dans Studies in Platonism and Patristic

Thought, coll. « Collected studies series » 201, London 1984, n° XXIV .

École. Harpocration est resté fidèle à l'enseignement de son maître Atticus en soutenant que le monde est engendré selon le temps,mais qu 'il reste impéris sable de par le vouloir de Dieu . Sur d 'autres points considérés comme fondamen

taux à l'époque (rôle du Démiurge ,métempsycose , origine du mal), Harpocra tion a cependant abandonné ou modifié les doctrines de son maître, sous l'in fluence de Numénius et de Cronius.

Études d 'orientation. 6 H . von Arnim , art. « Harpokration » 2 , RE VII 2 ,

1912, col. 2411;Westerink 3, p. 12 - 13;"Dillon 1, p .258- 262. Bibliographie. 7 L . Deitz , « Bibliographie du platonismeimpérial antérieur à Plotin : 1926 - 1986 » , dans ANRW II 36, 1, 1987, p. 151.

JOHN WHITTAKER (†). HASDRUBAL + CLE ( I ) TOMAQUE DE CARTHAGE

HÉCATÉE D'ABDÈRE 10 HAURANUS (C .STALLIUS -) RE Stallius 3 H 12

505

MF Ia ?

Stallius Hauranus , connu par l'inscription de Naples CIL X 2971 comme appartenant au « cheur des Épicuriens, quimène joyeuse vie » , est situé par J.

Ferguson , « Epicureanism under the Roman Empire » , ANRW II 36, 4 , 1990 ,

p . 2262, vers la fin de la République. Une date légèrement postérieure n 'est pas non plus exclue ; la définition implique en tout cas que l'épicurisme populaire était déjà largement diffusé à son époque. BERNADETTE PUECH .

11 HÉCATÉE Personnage inconnu,mentionné dans la Stoicorum historia de Philodème, col. 12 , 1 - 3 (= SVF I 39 et FDS 131) en relation avec Athénodore de Soles ( * * A 496 ). Susemihl, GGLA, I, p . 73 n . 292, pense à un disciple de Zénon de

Cittium ; Crönert, Kolotes und Menedemos, p. 141 n . 550 , a proposé de l'identifier avec Hécaton de Rhodes (» H 13) . Cf. T . Dorandi (édit.), Filodemo :

La Stoa da Zenone a Panezio , p. 10 et 145. TIZIANO DORANDI.

12 HÉCATÉE D 'ABDÈRE RE 4 PP 16915 FIV / D IIIa Écrivain du début de l'époque hellénistique, présenté comme disciple de Pyrrhon (Diogène Laërce IX 69), auteur de monographies historico -ethnogra phiques de tendance philosophique, qui ont eu une influence remarquable sur la littérature utopique ainsi que sur la littérature apologétique juive de la fin de

l'époque hellénistique. Cf. 1 E . Schwartz, « Hekataios von Teios» , RAM 40 , 1885, p. 223- 262; 2 F . Susemihl, GGLA, Leipzig 1891, t. I, p . 310 -314 ; 3 F. Jacoby, art. « Hekataios >>

4, RE VII 2, 1912, col. 2750-2769, repris dans Griechische Geschichtschreiber, Stuttgart 1956 , p . 227-237 ; 4 W . Spoerri, art. « Hekataios von Abdera» , RAC XIV , 1988, col. 276 -310 ; 5 Id ., art. « Hekataios » 4 , KP II, 1967, col. 980-982 ; 6 B . Z . Wacholder, art. « Hecataeus of Abdera» , EncJud VIII, 1971, p . 237.

Éditions d 'ensemble des fragments. Cf. 7 C .Müller, FHG , t. II,p . 384-396 , t. IV , p .675 ; 8 DK 73, t. II, p. 240 -245. Nous suivons la numérotation et la distribution des fragments (et des témoignages ) de l' édition de 9 F . Jacoby, FGrHist 264, t. III A , Leiden 1940, réimpr. 1964, p. 11-64 (Kommentar : t. III a, Leiden 1943, réimpr. 1964, p . 29-87), qui est la plus complète (ajouter 10 J.

Mette , « Die “ Kleinen ” griechischen Historiker heute » , Lustrum 27, 1985, p. 33 38, notamment p . 37) . Cela dit, il faut reconnaître que les opinions sur l'authen

ticité et l'attribution des fragments varientconsidérablement parmi les critiques. La suggestion de 11 R . Merkelbach, « Literarische Texte unter Ausschluß der christli chen » , APF 16 , 1956 (1958 ), p . 82 - 129, notamment p . 112 - 114 , n° 1117 , qui attribue un fragment de papyrus (PMichael. 4 = Pack2 2271) aux Aigyptiaka d 'Hécatée, fut déjà mise en question par 12 P . M . Fraser, Ptolemaic Alexandria, t. II, Oxford , 1972, p . 772 sq . n . 40, et

plus récemment par 13 S.West,« P.Michael. 4 : Factor fiction ?», ZPE 10, 1973,p. 75-77.

L ' étude de la personnalité littéraire et philosophique d'Hécatée d 'Abdère se heurte à deux difficultés qui compliquent considérablement la recherche. La

HÉCATÉE D 'ABDÈRE H 12 première difficulté est due à la confusion fréquente de cet Hécatée avec Hécatée de Milet (FGrHist 1), auteur qui a joui d'une plus grande renommée. La pratique habituelle de ne pas citer le nom de la patrie a contribué largement à cette confu 506

sion .

Le recueil de Jacobymet en évidence cette difficulté . En effet, on peut constater les chan gements d 'attribution que l'éditeur a faits entre la première édition du tome 1 A des FGrHist

(Berlin 1922) et la deuxième, qui inclut un appendice d 'Addenda (und delenda ) (Leiden 1957, réimpr. 1968, p. * 1 -* 5) . Les témoignages et fragments d'Hécatée de Milet rassemblés comme

FGrHist 1, test. 5 bis (Plutarque, Vie de Lycurgue 20, 3 = Apoth. Lac. 218 b ), test. 13 = fr. 194 (Strabon VII 3 , 6 , 299 ), test. 14 (Agatharchidès de Cnide, De la Mer Rouge, ap. Photius, Bibl.,

cod . 250 , 454 b , p . 172 -173 Henry ; GGM , t. I, p . 156 , 12 Müller), fr. 195 (Périple Anonyme du Pont- Euxin 49, 6 , GGM , t. I, p . 413, 37 sq. Müller = Pseudo -Scymnos, v. 869, GGM , 1. I, p . 232 Müller), fr. 370 (Pline, Histoire Naturelle IV 94 = Solin 19, 2 ) et fr. 373 (Diodore de Sicile XL 3, 8 , ap . Photius, Bibliothèque, cod . 244 , 381 ą, p. 379 - 381 Henry ) sont attribués

plus tard à Hécatée d 'Abdère comme test. 5 , fr. 8 , test. 9 , tesi. 2 b = fr. 13, fr. 14 el fr. 6 respectivement. En revanche, les fragments 15 (Aétius, Placita II 20, 16 , p. 351 b , 9 - 11 Diels ) et 18 (Érotien , p . 55 , 7 Nachmanson ) d 'Hécatée d 'Abdère sont rassemblés dans les Addenda à Hécatée de Milet (FGrHist 1, t. I, p . 4 ) avec les numéros 302 bis et 284 bis. Enfin , 14 G .

Nenci, Hecataei Milesii Fragmenta , Firenze 1954 , p. 113, revendique en outre pour Hécatée de Milet les fragments 3 (= 386 Nenci, D . L . I 9 ) et 5 ( = 338 Nenci, Plutarque, De Iside et

Osiride, 353 b ).

La deuxième difficulté concerne la prolifération à l'époque hellénistique

d'écrits pseudépigraphes juifs sous le nom d 'Hécatée d'Abdère. Les fragments concernant les Juifs ont bénéficié d'une attention particulière de la part des spécialistes des écrits intertestamentaires ainsi qu 'en général de la part des chercheurs du peuple juif, dans la mesure où Hécatée d' Abdère fournit le premier témoignage païen un peu développé qui nous soit parvenu sur ce peuple. Cependant, les critiques ne s'accordent aucunement sur l'authenticité de

la plupart de ces fragments ni sur leur datation . Éditions des fragments concernant les Juifs. 15 Th. Reinach, Textes d'au teurs grecs et romains relatifs au Judaïsme, réunis, traduits et annotés, Paris 1895, réimpr. Hildesheim 1963, p . 227 -236 ; 16 A .- M . Denis, Fragmenta pseu doepigraphorum quae supersunt Graeca una cum historicorum et auctorum

Judaeorum hellenistarum fragmentis, dans A .-M . Denis et M . de Jonge, Pseudo epigrapha Veteris Testamenti Graece, t. III, Leiden 1970, p . 199-202 (texte grec) ; 17 M . Stern, Greek and Latin authors on Jews and Judaism , t. I, Jeru salem 1974, p. 20 -44 (texte grec avec traduction anglaise et notes) ; 18 C . R . Holladay, Fragments from Hellenistic Jewish authors, t. I : Historians, coll. « Society of Biblical Literature. Texts and Translations» 20 , « Pseudoepigrapha Series» 10, Chico 1983, p. 277-335 (texte grec avec une traduction anglaise et des notes). Il y a deux traductions remarquables des fragments: cf. 19 R . Doran,

dans J.H . Charlesworth (édit.), The Old Testament pseudoepigrapha, t. II : Expansions of the Old Testament and legends, wisdom and philosophical litera ture, prayers, psalms and odes fragments of the lost Judaeo-Hellenistic works, New York 1985, p. 905- 919 ; et 20 N . Walter, « Pseudo -Hekataios I und II. Die Fragmente jüdisch -hellenistischen Historiker» , dans W .G . Kummel et C .

H 12

HÉCATÉE D'ABDÈRE

507

Habicht (édit.), Jüdische Schriften aus hellenistisch -römischer Zeit, Band I,

Lieferung 2,Gütersloh 1974, p. 144-160 .

Lieu d 'origine. La plupart des témoignages et des fragments contenant des renseignements sur ce sujet (test. 1, 3, 7 a, fr. 4, 17, 23) s'accordent pour fixer la ville d 'Abdère comme la patrie de notre Hécatée. Cependant, Strabon XIV 1 , 20 ,

644 C . (= test. 2 a ), lorsqu 'il parle de Téos, mentionne parmi les citoyens illustres de cette ville un Hécatée qui ne peut être que le nôtre . En outre, 21 G . Roeper, Über einige Schriftsteller mit Namen Hekataios, Danzig 1877, t. I, p. 1 sqq., conjecture l'ethnique « Thuoc» dans un passage douteux du Périple Ano nyme du Pont-Euxin 49, 6 , GGM , t. I, p. 413, 37 sq.Müller (= test. 2 b et fr. 13).

Cette conjecture est acceptée par Jacoby 3, col. 2750, parmi celles qui ont été proposées, pour lesquelles nous renvoyons à 22 A . Diller, « Fragmenta periege seos ad Nicomeden Regem (Pseudo -Scymni]» , dans The Tradition of minor Greek geographers, Amsterdam 1952, réimpr, dans la coll. « PhilologicalMono graphs published by the APhA » 14, 1986 , p . 165 sq. A son tour, Schwartz 1 , p . 234 , incline aussi pour cette deuxième origine. Il suppose, en effet, que les autres sources ont remplacé le nom de la métropole par celui de la colonie (cf. 23 P. Herrmann , « Teos und Abdera im 5. Jahrhundert v. Chr. Ein neues Frag

ment der Teiorum Dirae », Chiron 11, 1981, p. 1- 30 , notamment p. 27- 30 ), dans le dessein de rattacher plus étroitement la personnalité d'Hécatée à l'école philo

sophique d'Abdère (cf. infra ). En revanche, Jacoby 3, col. 2751 ( cf. Id . 9 , t. III a p . 31), suggère la possibilité que le nom « de Téos » réponde à une convention

littéraire : Hécatée se présenterait dans son livre Sur les Hyperboréens, le seul connu par Strabon , comme originaire de Téos pour rendre les renseignements concernant son voyage plus dignes de foi. En tout cas, on peut rappeler des cas parallèles d 'une double origine (cf. Roeper 21, p. 22 sq .), comme c'est le cas de

Protagoras d'Abdère ,considéré par Eupolis commeoriginaire de Téos (DK 80 A 1 = D . L . IX 50).

Chronologie et données biographiques. Diodore I 46, 8 (= test. 4 ) parle

d 'un séjour d'Hécatée en Égypte à l' époque de Ptolémée ler. Le rapport avec ce roi constitue un point fondamental dans la reconstitution de la biographie d'Hé catée par les auteurs anciens etmodernes. A propos du problème de la datation de l'écrit d'Hécatée sur les Égyptiens, 24 J. O . Murray, « Hecataeus of Abdera and pharaonic kingship » , JEA 6 , 1970, p . 141-171, notamment p . 144, place ce séjour dans les premières années du gouvernement de Ptolémée, établi en Égypte en 3234. A ce sujet, Murray, qui présuppose que le livre I de Diodore suit pour

l'essentiel l'écrit d'Hécatée, relève une série d'indices permettant une datation haute, à savoir : (a) la mort du bæuf Apis (Diodore I 84), qui fixerait 300a comme terminus ante quem ;

(b ) le fait que Ptolémée ne reçoit pas dans ce livre le titre de roi, qu 'il ne

prend qu 'à partir de 3054 (contra Fraser 12, t. II, n . 6 , p. 719) ;

(c) le peu d 'importance reconnu à Alexandrie par rapport à Memphis ;

HÉCATÉE D'ABDÈRE

508

H 12

(d) le fait que le Pseudo-Aristéas considère Hécatée comme antérieur à Démé trios de Phalère (cf. infra ). Flavius-Josèphe, Contre Apion I 183 (= test. 7 a ), lorsqu'il introduit l' épitomé

de l'écrit Sur les Juifs du Pseudo-Hécatée, affirme que son auteur accompagna Ptolémée jer dans sa campagne de Syrie (320 -3184), en faisant référence concrè tement à la bataille de Gaza contre Démétrios Poliorcète ; en outre, il présente

Hécatée comme contemporain (ouvaxuáoas) d'Alexandre le Grand. Jacoby 9 , t. III a, p. 33, sur la base du fragment 5, où il identifie l'Archidamidas cité avec Archidamos IV (roi de Sparte en 294 "), suggère qu 'Hécatée a accompli une mission diplomatique à Sparte sur l'ordre de ce roi. Étant donné qu'Hécatée n 'est pas cité à propos de la traduction de La Septante , les critiques sont arrivés à la conclusion qu 'il ne vivait plus à l'époque de Ptolémée II, associé au trône en

285a et roi depuis 282a (cf. Jacoby 9 ,t. III 2, p. 32). Contre cette reconstitution, 25 F.H . Diamond, Hecataeus of Abdera . A new historical approach , Diss. University of California, Los Angeles 1974, p . 136 144, n'envisage pas de raison pour limiter la vie d 'Hécatée au temps de Ptolé mée ler ni pour supposer une liaison particulière de l'historien avec la cour de ce roi. D 'après lui, on peut prolonger la durée de la vie d'Hécatée jusqu 'au règne de

Ptolémée III. En ce qui concerne Flavius-Josèphe, Diamond 25, p. 140 - 142,met en relief l'intérêt apologétique qui préside à son témoignage, étant donné que cet auteur essaye d'accorder le plus possible d'ancienneté au peuple juif.

On ne peut pas vérifier le renseignement selon lequel Hécatée futdisciple de Pyrrhon d' Élis, le fondateur de la philosophie sceptique (test. 3 = D .L . IX 69 =

Pyrrhon , test. 39 Decleva Caizzi). La chronologie de Pyrrhon se fonde sur le témoignage de la Souda, s.v. Núppwv, II 3238, t. IV , p . 278, 6 Adler, qui, à la suite probablement d'Apollodore d 'Athènes (FGrHist 244, fr. 39 = D .L . IX 61),

fixe le floruit du philosophe dans la 111° Olympiade (336 -333 ). Par ailleurs, les critiques ont fixé sa mort ca 275a (cf. 26 F . Decleva Caizzi, Pirrone. Testimo nianze , coll. « Elenchos» 5, Napoli 1981, p. 283-285 ; 27 K . von Fritz , art. « Pyr rhon » 1, RE XXIV 2 , 1963, col. 89 -106 , notamment col. 90, qui suggère 270a). Pyrrhon a été disciple du philosophe démocritéen Anaxarque d 'Abdère (DK 69 A 1 ; DK 70 A 1 ; cf. » A 160), qu 'il accompagna pendant l'expédition d'Alexandre , d'après D . L . IX 61. Müller 7, t. II, p . 384 , conjecture qu 'il faut lire dans ce passage de Diogène Laërce le nom « Hécatée d 'Abdère » au lieu de la leçon des manuscrits, qui donne le nom d 'un personnage obscur: « Ascanios d ’ Abdère » (

A 436 ), qui affirmait , d 'après D . L ., que Pyrrhon avait em

prunté aux sages d 'Orient son idéal d'áxataingia et d'énoyń. Par conséquent, Müller attri bue à Hécatée un écrit sur la vie de Pyrrhon , et cette hypothèse a été reprise par 28 E . Rohde,

Der griechische Roman und seine Vorläufer, Leipzig 19143, réimpr. Hildesheim /New York

1974, p. 225-226 n . 1 (cf. Susemihl 2 , t. I, p . 310 -311 n . 10 , et avec des réserves Jacoby 3, col. 2751). Decleva Caizzi 26 , p . 135 sq., a rejeté cette hypothèse à partir du vocabulaire du texte, qui présuppose un développement de la philosophie très improbable pour un auteur de l'époque d 'Hécatée. On pourrait placer ce développement au plus tôt au IIa.

Les données biographiques dont on dispose sur Hécatée ne permettent pas de fixer lemoment de son rapport avec Pyrrhon . A côté d 'Hécatée, Diogène Laërce cite Timon de Phlionte , dont la vie est placée entre 325 et 235a (cf. 29 M . di Marco, Timone di Fliunte . Silli. Introduzione, edizione critica, traduzione e

H12

HÉCATÉE D 'ABDÈRE

509

commento , coll. « Testi e commenti» 40, Roma 1989, p . 1-5 ) et Nausiphanès, le maître d 'Épicure (DK 75 A 3) .

Euvre. Bien qu'Hécatée ait été rattaché à plusieurs tendances de la pensée philosophique de son époque, on ne connaît pas l'existence d 'un ouvrage de caractère strictement philosophique sous son nom . La production d 'Hécatée appartientau domaine de l'historiographie et peut-être à celui de l' érudition phi

lologique et littéraire. (1) Hepi tñs noiňoews 'Ouńpou xai 'Holódov. On ne possède aucun frag mentde cet écrit Sur la poésie d 'Homère et Hésiode, que nous connaissons seu lement par la Souda, s.v. “ ExataTOS, E 359 , t. II, p. 213, 22 sq. Adler (= test. 1). Jacoby 9 , t. III a, p. 60, nie la possibilité d 'attribuer à cet écrit ou à un autre écrit philologique similaire le fragment 18 (= Érotien , p . 55, 7 Nachmanson ; cf. Suse

mihl 2 ,t. I, p. 311 n . 14), qu 'il accorde à Hécatée de Milet. C 'est sans doute à un

tel écrit qu'Hécatée doit le titre de xpitixòç xai ypapuatıxós, qui coïncide avec celui donné à Philétas de Cos (IV -1114). D 'après la Souda, Hécatée a reçu ce titre (outre celui de Diaboodos) ola ypauuatixnv Éxwv napaoxeuńv. Enfin , on ne peut pas exclure la possibilité que l'ouvrage en question ait eu un caractère philosophique. Ainsi, Jacoby 9 , t. III a, p . 32, suggère qu’Hécatée y comparait les idéaux de vie et l'utilité pédagogique des poètes Homère et Hésiode (cf. Dion Chrysostome II 2 ; Thémistios XV 184 c -d ). Par ailleurs, on connaît bien l'atti

tude critique adoptée par l' école sceptique à l'égard des grammairiens et des philologues (cf. Pyrrhon , fr. 21 Decleva Caizzi; Timon de Phlionte, fr. 12 et 61 diMarco ).

(2) Hepi ‘ Ynepßopéwu (test. 6 ; fr. 7 - 14). L'authenticité de ce titre est assurée par l'unanimité de nos témoignages (cf. scholies sur Apollonios de Rhodes II 675 = test. 6 a et Pline, Histoire Naturelle VI 55 = test. 6 b ). A la suite d'Éra

tosthène, Strabon VII 3, 6, 299 C . (= test. 2 a et fr. 8 ) place cet ouvrage Sur les Hyperboréens à côté de la fabulation de Théopompe de Chios sur la terre des Méropes et de celle d'Évhémère de Messine ( E 187) sur l'île Panchaïe. Les critiques ont interprété cette localisation d 'Hécatée entre Théopompe et Évhé

mère commeun indice de son antériorité par rapport à Évhémère. Hécatée poursuit une longue tradition d 'idéalisation des peuples septentrio

naux (cf. 30 R . Dion, Aspects politiques de la géographie antique, Paris 1977, p . 260-270 ) et reprend le modèle littéraire du récit de voyage, dans lequel le

détail géographique et le témoignage direct jouent un rôle très important (cf. Rohde 28, p . 226 -231 ; Jacoby 9, t. III a, p. 52-54 ; Id . 3, col. 2755 -2756 ; 31 J. D . P . Bolton, Aristeas of Proconnesus, Oxford 1962, p . 24; 32 S. Mangani,

« Una geografia fantastica ? : Pitea diMassalia e l'immaginario greco» , RSA 22 23, 1992-1993, p . 25 -42). (3 ) Tepi Aiyuntiwv. L ' écrit d 'Hécatée sur l'histoire et la civilisation d 'Égyp te est connu d'ordinaire sous le nom générique d 'Aigyptiaka, bien que ce titre ne

soit pas attesté. D . L . I 10 (= fr. 1) cite l'ouvrage avec le titre lepi tñs tõv Ayuntiw piooopias (Sur la philosophie des Égyptiens), repris par DK . Mais

ce titre semble indiquer plutôt une section de la première partie de l'ouvrage.

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Diodore de Sicile I 46, 8 (= FGrHist. 264, Anhang, t. III A , p. 33), la source principale pour sa reconstitution , ne précise pas le titre ,mais il fait seulement référence à Hécatée comme à un des nombreux auteurs grecs à avoir composé

des histoires sur l'Égypte (Alyurtlaxai iotopía.). Les critiques ont essayé de dater les Aigyptiaka, d'une part d'après le témoi gnage cité plus haut concernant le séjour d 'Hécatée en Égypte, d'autre part d'a près la chronologie relative fournie par des auteurs qui ont vraisemblablement utilisé l'ouvrage, notamment Théophraste (ca 370 -288 /5 , scholarque du Lycée depuis 3224). Théophraste fait référence à deux reprises aux listes royales égyptiennes (åvaypapai Úntèp Baotwv $8 24 et 55 ; FGrHist 665, fr. 36 ) dans son ouvrage De lapidibus, dont la date de composition semble postérieure à 315/4a. 33 W . Jaeger, Diokles von Karystos. Die grie chischeMedizin und die Schule des Aristoteles, Berlin 1938, 2 . Aufl. 1963, p . 213 sq., tout en rattachant cette référence à Hécatée d 'Abdère , en tant que source autorisée pour les sujets égyptiens, propose une chronologie relative de l'un et de l'autre écrit : 300 /298a pour celui de Théophraste (cf. p . 119) ; 305 /300a pour celui d 'Hécatée (cf. p . 132). Toutefois, aussi bien la datation tardive de l'écrit de Théophraste que sa dépendance par rapport à celui d 'Hécatée ont

été rejetées par 34 D . E . Eichholz , Theophrastus De Lapidibus, Oxford 1965, p . 9 -12.

Nous avons déjà rapporté l'avis de Murray 24, qui suggère une datation haute pour le séjour d 'Hécatée en Égypte ainsi que pour la composition de son ouvrage (cf. aussi 35 Id .,

« The date of Hecataeus' work on Egypt» , JEA 59, 1973, p . 163-168 ). D 'après Murray 24, l'écrit d'Hécatée, marqué par une tendance nette pour l'idéalisation de l'histoire et des institu tions égyptiennes, doit être interprété dans le cadre de la politique des premières années du gouvernement de Ptolémée ſer, lorsque celui-ci cherchait la collaboration de la population indigène , notamment des très influents cercles sacerdotaux .

Jaeger 33, p. 134- 153 (cf. 36 Id ., « Greeks and Jews. The firstGreek records of Jewish religion and civilization » , JR 18 , 1938, p . 123 - 153, repris dans Scripta Minora , t. II, Roma 1960, p. 169-183), pense de même que Théophraste doit à Hécatée la connaissance des Juifs qu 'il démontre dans son écrit De pietate (apud Porphyre, De abstinentia II 26 = FGrHist 737, fr. 6 = Stern nº 4 = Théophraste, fr. 584 a, t. II, p. 422 sq. Fortenbaugh ), qui peut être daté en 320 - 315a (cf. 37 J. Bernays, Theophrasts Schrift über die Frömmigkeit, Berlin 1886 , p . 109

sq.; 38 W . Pötscher, Theophrastos Peri eusebeias, Leiden 1964, p. 122 -125 ; 39 O . Regen bogen , art. « Theophrastos » 3, RESuppl. VII, 1940 , col. 1354 - 1562 , col. 1515 ). Contre cette

hypothèse de Jaeger sur l' antériorité d 'Hécatée par rapport à Théophraste , voir 40 M . Stern , « The chronological sequence of the first references to Jews in Greek literature » , JEA 59,

1963, p. 159-163.

Les fragments proprement dits qui nous sontparvenus de cet ouvrage d'Héca tée sont très pauvres. Toute reconstitution dépend de l'hypothèse selon laquelle Diodore en a tiré (avec plus ou moins de fidélité) le matériel pour le livre I de sa

Bibliothèque historique. Hécatée n'y est cependant cité qu'une fois (I 46, 8 = test. 4 = fr. 2), parmi les « nombreux Grecs qui ont visité Thèbes au temps de Ptolémée Lagos et qui ont écrit des histoires sur l'Égypte » , comme source pour

la description de la tombe d'Ossymandias. Cependant, la cohérence interne du texte de Diodore, ainsi que la coïncidence entre certains fragments tirés d'autres auteurs et certains passages de la Bibliothèque, suggèrent Hécatée comme la

source de l'ensemble du livre en question.

C'est l'hypothèse défendue par les critiques, depuis 41 E. Schwartz, art. « Diodoros» 38 , RE V I 1903, col. 663-704 , notamment col. 669-672, jusqu'à

Jacoby 9,t. III a, p. 75-85; et Murray 24 , p. 144-150 . Cela dit,le commentaire

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de 42 A . Burton , Diodorus Siculus. Book I. A commentary, coll. EPRO 29,

Leiden 1972, présente un résultat moins net en ce qui concerne la question complexe des sources du livre I de la Bibliothèque de Diodore. Le livre fonda mental sur cette question reste celui de 43 W . Spoerri, Späthellenistische Berichte über Welt, Kultur und Götter. Untersuchungen zu Diodor von Sizilien , coll. « Schweizerische Beiträge zur Altertumswissenschaft » 9 , Basel 1959. La doxographie rapportée par D .L . I 10 (= fr. 1) sous le titre « philosophie des Égyptiens sur les dieux et la justice » inclut une série de sujets qui correspondent assez exactement à des

parties importantes du livre I de Diodore , notamment aux chapitres 7 et 8, d'où on a voulu

tirer davantage dematériel pour l'æuvre d 'Hécatée (cf. infra ). Cette doxographie fait partie d'une section plus ample (1 6 -10 ), analysée en détail par Spoerri 43, p . 53-67, que Diogène Laërce attribue à « ceux qui affirment que la philosophie est née parmi les barbares » (1 6 ) .

Dans cette section , on présente les représentants les plus éminents de cette philosophie bar bare : Gymnosophistes, Druides, Chaldéens, Mages (pour lesquels on cite Hécatée, fr. 3) et

prêtres égyptiens. Diogène Laërce y suit le procédé de présenter les opinions bien connues avec l'expression générale « dit-on » , et il ne cite des auteurs précis que pour certains détails ou des points discutés. Ce procédé nous empêche donc de déterminer exactement les limites

du texte correspondant à Hécatée. Chez DK 8 , 73 B 6 , D . L . I 9 -11 est recensé comme un fragment d'Hécatée.Mais cet avis a

été contesté par Jacoby 9, t. III a, p. 38 -41, qui affirme la nécessité d'une comparaison détail lée des sources avant de prolonger le fragment au -delà de ce que le texte définit de façon objective. Hécatée apparaît cité deux fois, chaque fois à côté d'un autre auteur d 'un écrit sur l'Égypte :

(a) à côté deManéthon , auteur d'un Épitomé de la physique (FGrHist 609, fr. 17 ), sur les dieux égyptiens et leur représentation symbolique ; (b) à côté d'Aristagoras (connu comme auteur d'Aigyptiaka, FGrHist 608 a, fr. 5), sur l'activité scientifiquedes prêtres égyptiens. Ce n 'est que dans le premier cas que l'on trouve une correspondance nette avec Diodore I 11, 1, et cette correspondance se borne, comme le remarque Jacoby, à l'identification Osiris = Soleil, Isis = Lune . Cependant, il ne faut pas oublier que Manéthon apparaît comme source alternative et que l'idée attribuée à Hécatée et à Manéthon n 'est pas l'identification citée mais l'idée que les Égyptiens utilisaient symboliquement certains animaux (scarabée, serpent et faucon entre autres) pour représenter les dieux (cf. Spoerri 43, p . 55 et n . 10 ), idée qui ne

trouve pas de correspondance chez Diodore.

Le fragment 4,transmis par Plutarque, Isis et Osiris 9, 354 c-d, fournit une interprétation du dieu Ammon que l'on peut rattacher aussi à un passage de Diodore I 13 , 2 . En réalité , la

seule correspondance d'Hécatée avec Diodore est dans ce passage l' identification Zeus = Ammon , qui n 'est nullement originelle, comme le remarque Plutarque lui-même. Par ailleurs,

encore une fois, Manéthon y est cité à côté d'Hécatée.

Le fragment 5, concernant la réglementation de l'usage du vin dans le régimede vie du roi selon les lois écrites, est tiré aussi de Plutarque, Isis et Osiris 6 , 353 b . Ce fragment corres pond assez bien à un passage de la section de Diodore consacrée à la constitution égyptienne (1 70, 11).

Les fragments 19 a (= Porphyre, Quaestiones Homericae (1383),1.I, p. 136 , 18 Schrader) et 19 b (= Étienne de Byzance, Ethnica, s.v. Albonohis, p. 234 Meineke; cf. aussi les passages rassemblés parMette 10) sontdavantage problématiques, car le nom d'Hécatée n 'y est qu'une conjecture (cf. Jacoby 3, col. 2752, pour les diverses corrections proposées). En tout cas, les renseignements qu ' on y trouve s'accordent avec Diodore I 15 , 1 -2 ; 1 31,7 ; 1 45, 4 -7 .

C 'est 44 K . Reinhardt, « Hekataios von Abdera und Demokrit» , Hermes 47,

1912, p. 492-512 (repris dans Vermächtnis der Antike. Gesammelte Essays zur Philosophie und Geschichtsschreibung,Göttingen 19662, p. 114 -132), qui a dé

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fendu de façon la plus radicale l'influence d'Hécatée sur le livre I de Diodore. En effet, à partir non seulement des chapitres 7 et 8 de ce livre mais d 'autres cha pitres, notamment le chapitre 10 , Reinhardtrevendique pour Hécatée l'ensemble de la cosmogonie , de la zoogonie et de l'histoire de la culture que Diodore met

au début de sa Bibliothèque. D 'après lui, Hécatée a adapté à ses Aigyptiaka une série d 'idées remontant finalement à Démocrite d' Abdère ( D 70 ) et en général à l'école atomiste . Reinhardt modifie ainsi la tendance des critiques à attribuer à

l'école d 'Épicure ( »- E 36 ) les chapitres en question de Diodore (cf. 45 E .Norden , Beiträge zur Geschichte der griechischen Philosophie, coll. JKPh Suppl. 19, 1893, p . 364-462,notamment p .413 sq.; Spoerri 43, p . 1-5); il expli que les coïncidences entre Diodore et Epicure par l'existence d 'une source commune : Démocrite . Sur la base des dialogues de Platon, où il reconnaît une réélaboration des idées exprimées par Démocrite dans le Mixpós Oláxoguos , Reinhardt reconstitue l' ensemble complexe d' idées du philosophe atomiste sur les origines de la société humaine, sur la culture et sur le langage. Bien que cette reconstitution ne soit pas acceptée par Jacoby 9, t. III a, p. 39 , elle

permet de mettre à contribution les chapitres de Diodore pour la reconstitution de l'æuvre per due de Démocrite (DK 68 B 5 ; t. II p.135-6 ; D 70, p. 691 sq.). Enfin , la reconstitution de Reinhardt a été contestée aussi par Spoerri 43, p. 132- 163. D 'autres auteurs ont essayé de développer l'hypothèse de Reinhardt: cf. 46 Th. Cole, Democritus and the sources of Greek

anthropology, coll. « PhilologicalMonographs published by the APHA » 25, Cleveland, 1967, réimpr. 1990 ; Murray 24, p . 169-70 ; 47 G . Vlastos, « On prehistory in Diodorus» , AJPh 67,

1946 , p. 51-59.

Hécatée incluait dans ses Aigyptiaka une digression sur les Juifs (fr. 6 ), que

Diodore réserve pour le livre XL et dernier de sa Bibliothèque, livre transmis de façon fragmentaire par Photius, Bibl., cod. 244, 379 a -381 b , p. 134-137 Henry. La place de cette digression dans l'ouvrage originaire n 'est pas claire . Jacoby 9 , t. III a, p. 49 sq ., suggère de la placer dans la section concernant les migrations

égyptiennes, correspondant à Diodore I 28 -29. Cependant, il décèle une certaine contradiction entre le fragment 6 , où les Juifs sont considérés comme des étran gers chassés de l'Égypte , et Diodore I 28-29, où ils sont considérés comme des Égyptiens d 'origine qui ont émigré en raison de l'excès de la population au pays du Nil. Jacoby résout cette difficulté en considérant le fragment 6 comme une variante du récit sur les migrations. D 'après lui, c'est ainsi qu'il faut interpréter

l'expression üç tivés paolv du texte (cf.Diamond 25, p . 26 sq.). En réalité, c 'est le nom d 'Hécatée de Milet qui apparaît dans le texte. Cependant, depuis 48 J. P . Wesseling (édit. de Diodore, Amsterdam 1746 ), avec des rares exceptions (cf. 49 F . Dornseiff, Echtheitsfragen antik -griechischer Literatur. Rettungen des Theognis, Phokylides, Hekataios, Choirilos, Berlin 1939, p . 54 -56 ) , on reconnaît ici une erreur de Photius (cf. Dia

mond 25 , p . 129 - 130 ) ou de Diodore lui-même (cf. Jacoby 9 , t. III a, p . 46 ). Enfin , Nenci 14 ,

p . 113, cite Petrus Zornius, auteur du premier recueil des fragments d'Hécatée d 'Abdère (Hecataei Abderitae philosophi ethistorici bis mille abhinc annos longe celeberrimi Eglogae sive Fragmenta integri olim libri de historia et antiquitatibus aeviveterum Ebraeorum , graece et latine, cum notis Josephi Scaligeri et commentario perpetuo Petri Zornii. Praeter prolego

mena, figuras aeneas etinsigne quoddam ảnoonappátlov HecataeiMilesii quod haud dis similis argumenti est, Altonae 1730), qui reconnaît dans cet Hécatée de Milet un contemporain d'Hécatée d 'Abdère, différent du logographe.

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La digression sur les Juifs sert à Diodore pour introduire l'activité de Pompée

en Judée en 638. Il est intéressant de constater que Diodore a recours à Hécatée comme source alors qu 'il aurait pu faire appel à des auteurs plus récents, comme

Posidonios, qu 'il suit en d'autres passages de son œuvre touchantaussi le peuple juif (par exemple, XXXIVN 1 = FGrHist 87, fr. 109). Cela peut s 'expliquer par l'attitude « classiciste » de Diodore dans la sélection de ses sources.Mais on peut

alléguer aussi d 'autres raisons, comme sa volonté de tracer un portrait plus « positif » du peuple juif à une époque où les positions anti-juives étaientdeve nues de plus en plus radicales. Finalement, il ne faut pas oublier que le fragment qui nous occupe est le résul tat d'une double abréviation : celle de Diodore, qui a changé l'original sur des

aspects essentiels (cf. Jaeger 33, p. 150 sq .; Jacoby 9 ,t. III a, p . 48 ; Diamond 25 , p. 5- 134 ); et celle de Photius, qui a fait un travail assez sommaire (cf. Diamond 25, p. 5-12). Les critiques ne se sont pas mis d ' accord sur l'attribution de la dernière section du fragment (8 b ), où l'auteur fait référence à la décadence

desmæurs motivée par la domination étrangère du peuple juif. Jacoby 9, t. III a, p. 52, incline pour Diodore ( cf.Murray 24, p. 149 n . 1), en alléguant la coïnci

dence avec Diodore I 95, 6 , passage où on formule un jugement similaire sur la décadence des meurs égyptiennes. Ce jugement est placé à la fin de la liste de législateurs qui a été attribuée aussi à Hécatée (cf. 50 J. Bidez et F . Cumont, Les Mages hellénisés, t. I, Paris 1938 , réimpr. Paris 1973, p . 20

sq.),mais Jacoby ne l'inclut pas dans son fragment 25 (cf. infra ). En revanche, 51 K . Rein hardt, Poseidonios über Ursprung und Entartung. Interpretation zweier kulturgeschichtlicher

Fragmente , coll. « Orient und Antike » 6 , Heidelberg 1928, repris dans Vermächtnis der An

tike. Gesammelte Essays zur Philosophie und Geschichtsschreibung, Göttingen 19662, p . 402 460, notamment p . 413, fait référence au passage cité pour caractériser l'avis d'Hécatée face à celui de Posidonius. A son tour, Diamond 25, p . 118 - 128 , considère que la critique s 'adresse aux Juifs eux -mêmes qui ont abandonné leursmeurs ancestrales, et que les circonstances poli tiques de la domination étrangère ne seraient qu 'un élément secondaire. D 'après lui, cette cri tique provient de certains cercles piétistes et nationalistes, d 'où l'aurait tirée Hécatée.

Sur l'histoire de l'Égypte composée par Hécatée, voir récemment 52 M .S . Burstein , « Hecataeus of Abdera's history of Egypt» , dans J. H . Johnson (édit.), Life in a multi-cultural society. Egypt from Cambyses to Constantine and beyond, Fourth International Congress of

Demotics, The Oriental Institute , The University of Chicago, September 4 -8 , 1990 , coll. « Studies in ancient oriental civilization » 51, Chicago 1992, p. 45-49.

Portée philosophique de l'euvre d'Hécatée. Les témoignages et les frag ments présententHécatée commeun philosophe aux intérêts larges (cf. la Souda, s.v. ' Exatatos = test. 1) et le rangent dans deux courants de pensée : dans la tra dition des Abdéritains, c'est -à-dire celle des adeptes de Démocrite, et dans la tradition sceptique que Pyrrhon d'Elis inaugure . Cependant, Hécatée n 'apparaît

pas dans les oladoxalde ces écoles (cf. Clément d'Alexandrie , Stromates I 64, 2-4 , et Eusébe, P. É. XIV 17,19 et XIV 18, 27-29). Clément d'Alexandrie le

place dans le groupe des philosophes d ’Abdère, à la tête duquel se trouvait Démocrite (test. 31; cf. 53 V. E . Alfieri, « Per la cronologia della scuola di Abde

ra » , dans Estudios de historia de la filosofía en homenaje a R. Mondolfo, t. I, Tucumán 1957 , p . 149- 157), et où il inclut, en outre, Apollodore de Cyzique

( +*+ A 247; DK 76 A 1) et Nausiphane (DK 75 A 1; cf.54 H . Dörrie,art. « Nausi

H 12 HÉCATÉE D 'ABDÈRE phanes », KP IV , 1975, col 16 - 17), qui fut le maître d'Épicure ; il distingue Héca

514

tée de ceux -ci en ce qu 'il a proposé l'autarcie (aŭtápxela ) comme fin (téhoc ).

Cette tradition démocritéenne a été le point de référence fondamental pour la caractérisation d 'Hécatée dans les travaux de Reinhardt 44 , et de Bidez et Cumont 50, t. I, p . 240 , et t. II, p. 31 n . 3 . Le lien d 'Hécatée avec le scepticisme attesté par D . L . IX 69 (= test. 3 a ), qui le mentionne comme disciple de Pyrrhon d 'Élis (360-275/ 70 ) et compagnon de Timon de Phlionte et de Nausiphane,

s'explique bien par le rapport étroit de Pyrrhon avec la tradition démocritéenne, malgré les différences relevées déjà par Sextus Empiricus, H . P . I 213 (cf. 55 D . Seadley, « Sextus Empiricus and the atomist criteria of truth » , dans Sesto Empi rico e il pensiero antico = Elenchos 13, Napoli 1992, p . 19-56 ). Rohde 28 , p . 224

et 229, et Diamond 25, p. 91, 235-245, ont insisté sur ce lien philosophique pour expliquer l'intérêt et l'attitude favorable d 'Hécatée envers les idées et les pra

tiques religieuses des différents peuples barbares. Schwartz 1, p . 242-250, iden tifie des influences des diverses écoles, reconnaissant des positions stoïciennes et cyniques, en plus des influences démocritéennes et sceptiques (cf. 56 E . Zeller,

Die Philosophie der Griechen in ihrer geschichtlichen Entwicklung dargestellt, t. I : Allgemeine Einleitung. Vorsokratische Philosophie. Siebente Auflage (Obraldruck der sechsten Auflage 1920 ). Mit Unterstützung von F. Lortzing,

hrsg. von W . Nestle, Leipzig 1923, p. 1193 sq.). Jacoby 3 , col. 2754 (cf. Id . 9, t. III a , p . 33), minimise ces coïncidences et les explique par une dépendance commune par rapport à la Sophistique du IVe siècle av. J.-C . En fait, Plutarque,

Vie de Lycurgue 20 , 3 (= test. 5 ) se réfère à Hécatée (à propos d 'un séjour de celui-ci à Sparte ) comme à un « sophiste » , ce qui semble indiquer une activité itinérante comme celle de Timon de Phlionte (cf. Diogène Laërce IX 110 = test.

1 DiMarco) ou celle de Bion de Borysthène (cf. test. 12 sq . Kindstrand). La mention d 'Hécatée dans le témoignage 5 est faite dans le cadre d 'une série d 'anecdotes sur le « laconisme» proverbial des Spartiates: le silence d 'Hécatée à un banquet provoque la critique des assistants, mais aussi l' éloge d ' Archidami

das par la maxime suivante: ο ειδώς λόγον και καιρόν οίδεν. Εtant donné que dans l'un des deux seuls fragments d' Anaxarque (

A 148) que nous connais

sons celui-ci aborde la question du moment opportun pour parler, Diels soup çonne que cette anecdote se rapportait originellement à Anaxarque, maître de Pyrrhon , à qui on n ' a attribué qu 'un ouvrage Sur la royauté (cf. DK 8 , 72 B 1,

t. II, p. 241, app. crit.). Le fragment 15 (= Aétius, Placita II 20, 16 , p . 351 b , 9- 11 Diels) attribue à Hécatée une doxa concernant la physique (ävapua (Heeren : avarua A ) voepov το εκ θαλάττης είναι τον ήλιον), gue Diels a incluse parmi les fragments de

l'histoire égyptienne (DK 73 B 9 ) et qu'il a associée à la crue du Nil (cf. Héro dote II 25) . Jacoby 9 , t. III a , p . 60 sq., objecte que l' interprétation physique du

soleil ne s'accorde pas avec ce qu'on lit dans la théologie égyptienne transmise

par Diodore, qui y voit un dieu éternel et premier. D 'après la suggestion de Diels, il pense qu 'il serait peut-être plus approprié d'attribuer cette interprétation

à Hécatée de Milet (FGrHist 1, fr. 302 bis, t. I A , p. * 4 n . 5). Le nom d 'Hécatée

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suit celui d'Héraclite (DK 22 A 12) et nous connaissons de nombreuses versions

de la même doxa attribuées à Zénon (SVF I 120), Cléanthe (cf. SVF II655 A ) et aux stoïciens en général (cf. Plutarque, Placita II 20 ), où on l'associe à la théorie de l'avaduuiaois, dont l'origine remonte à Diogène d 'Apollonie ( D 139 ; cf. DK 64 A 17). Sur l'élaboration stoïcienne du texte d 'Héraclite , cf. 57 M .L .

West, Early Greek philosophy and the Orient, Oxford 1971, p. 129 sq.Les inté rêts scientifiques s'accordent bien avec ce qu 'on lit dans le fragment 1, mais ne

s'accordent pas avec la tradition pyrrhonienne (cf. D .L . IX 64 ). La possibilité d'attribuer à Hécatée les Theologumena diodoréens, avec toute la spéculation physique qu 'ils contiennent, a été rejetée par Spoerri 43, p. 164 -211, notamment p . 205.

Le témoignage 3 b, concernant l' idéal éthique d'Hécatée , l'aútápxela , ne fournit pas une information significative, car l'idéal d'« autarcie » constitue un principe largement accepté dans les différents courants de pensée éthique d'épo que hellénistique. Son premier développement est dû à quelques disciples de Socrate ,notamment Antisthène (2A 211) et Aristippe (* A 356 ), qui voyaient chez le maître le modèle d 'une vie fondée sur le contrôle de soi et l'indépendance à l'égard des choses externes (cf. 58 H . North , Sophrosyne. Self-knowledge and self-restraint in Greek literature, Ithaca/New York 1966 , p. 125 -127). L 'autarcie est, également, un concept lié à la tradition démocritéenne (cf. DK 8 ,

68 B 176 et 246 ; 59 G . Vlastos, « Ethics and physics in Democritus » , PhR 54, 1945, p. 578 592 ; 55, 1946, p . 53-64, repris dans R . E. Allen et D .J. Furley (édit.), Studies in Presocratic Philosophy, t. II : The Eleatics and Pluralists, coll. « International Library of Philosophy and

Scientific Method », London , 1970, p. 381-408 ; et North 58 , p. 118 -120 ). Il s'agit d 'une fin voisine d 'autres fins (Téan ) proposées par des représentants de cette tradition (cf. Jacoby 3,

col. 2754).Néanmoins, tout au long du Iva l'autarcie a subi d 'importants développements grâ ce aux différentes écoles philosophiques héritières du socratisme, notamment la cynique;

cf.60 A . N . M . Rich , « The Cynic conception of aútápxela » , Mnemosyne 9, 1956, p. 23-29 (repris dans M . Billerberck ( édit.), Die Kyniker in der modernen Forschung. Aufsätze mit Einführung und Bibliographie, coll. « Bochumer Studien zur Philosophie » 15 , Amsterdam 1991, p. 233- 239). Plus tard le stoïcisme fera du caractère autosuffisant de la vertu pour le bonheur un trait qui le différenciera d'autres écoles (cf. 61 J.M . Rist, Stoic philosophy,

Cambridge 1969, p. 54-80 ; et 62 M . Forschner, Die stoische Ethik. Über den Zusammenhang von Natur -, Sprach - und Moralphilosophie im altstoischen System , Stuttgart 1981, p . 212

226 ). Selon Jacoby 9, t. III a, p . 33, l'autarcie ne doit pas être utilisée pour rattacher les idées

d 'Hécatée à une école spécifique.

Hécatée se distingue comme divulgateur d'idées et de thèmes de la pensée politique grecque à travers la forme littéraire de la monographie ethnographique,

dans laquelle il applique les catégories de la réflexion philosophique sur la société idéale à la description des peuples barbares et il adapte les formes éta

blies de la tradition historiographique (cf. Jacoby 9,t. III a, p. 34 sq., p. 79, et 63 R . Drews, The Greek accounts of Eastern history, Cambridge (Mass.) 1973, p. 123- 130). Il crée ainsi des images idéalisées qui tranchent sur l'état de déca

dence institutionnelle du monde grec. Jacoby 3 , col. 2755, a forgé pour ce genre littéraire le titre bien trouvé d'« utopie ethnographique », qui aurait l'attrait de présenter l'état idéal comme quelque chose de réel. Ce genre réalise donc le desideratum platonicien , exprimé dans Timée 19 b -c, à propos de l'État idéal projeté dans La République, de contempler les idées en mouvement comme

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quelque chose de vivant. Profiter des formes de la tradition historiographique hérodotéenne est un trait qui remonte également à Platon (cf. 64 P. Vidal Naquet, « Athènes et l'Atlantide » , REG 77 , 1964, p. 420 -444, repris dans le Chasseur noir. Formes de pensée et formes de société dans le monde grec, coll.

« La Découverte/Fondations» , Paris 19832, p. 335- 360). Par ailleurs, depuis le début de l' époque hellénistique, l'ethnographie reçoit et assimile les concepts élaborés à l'intérieur des écoles philosophiques et les applique à l'interprétation de la diversité ethnique et culturelle à laquelle elle s'oppose (cf.65 K . Trüdinger, Studien zur Geschichte der griechisch -römischen Ethnographie, Basel 1918 ,

p. 50, 138 ; et 66 A. Dihle, « Hellenistische Ethnographie » , dans Grecs et barba res, coll. « Entretiens sur l'Antiquité Classique » 8, Vandæuvres/Genève 1962,

p . 207-232, repris dans Id., Antike und Orient.Gesammelte Aufsätze, Heidelberg 1984, p . 21-46 ).

On a essayé de voir dans les fragments ethnographiques, dans ceux qui sont certains aussi bien que dans les douteux, l'application de l'idéal éthique de l' au tarcie . Jacoby 3 , col. 2757, considérait que les Hyperboréens, qui remplacent les

Scythes comme communauté idéale gouvernée par la simplicité et par l'autarcie (cf. Trüdinger 65, p . 48-59, 135), étaient présentés par Hécatée comme la réali sation de cette vertu (cf.67 J. Haussleiter, Der Vegetarismus in der Antike, coll.

« Religionsgeschichtliche Versuche und Vorarbeiten » 24, Berlin 1935, p . 30). Dans ces fragments, on ne trouve cependant pas de passage relié à l’autarcie ou à des idées voisines, mais les renseignements tournent autour des pratiques reli

gieuses. Bien plus intéressant est le cas du livre sur l'Égypte, qui supposa un point d'inflexion important dans l'historiographie en général et dans le thème égyptien en particulier (cf. 68 F . Froidefond , Le mirage égyptien dans la littéra ture grecque d 'Homère à Aristote, Aix-en -Provence 1971, p. 356 sq.). L 'idéal de

vie simple s'exprimedans les meurs millénaires du peuple égyptien tout au long du livre de Diodore, où l'on a vu une dépendance à l'égard d 'Hécatée. Diodore I 54, 1, et Plutarque, Isis et Osiris 354 a, racontentl'un et l'autre une histoire édi fiante sur le premier pharaon qui introduisit en Égypte la vie molle et luxueuse , et son succes seur, qui réinstaura la vie simple etmaudit la mémoire du premier. Chez Athénée X , 418 e , on

trouve une anecdote semblable attribuée au traité lepi aŭtapxelaç d 'un certain Alexis, dont Meineke corrigea le nom en proposant Alexi< no > s , c'est- à -dire Alexinos d ' Élis ( * A 125 ; SR , fr. II C 19 ), dernier représentant de l'école mégarique, que l'on peut placer dans le premier

tiers du Mia (cf. contra Susemihl 2 , t. II, p . 19 sq. n . 596; et 69 K . Döring, Die Megariker. Kommentierte Sammlung der Testimonien , coll. « Studien zur antiken Philosophie » 2, Amster dam 1972, p . 122). Jacoby 3 , col. 2754, remarque que le tableau de la vie des pharaons égyp tiens chez Diodore I 70 sq., exalte aussi le contrôle absolu des appétits et des passions des monarques d'Égypte et la régulation stricte de leur régime (fr. 5 ). La continence les libère des misères de la Fortune (túxn ). C 'est cette opposition aŭrápxelA /Túxn que nous trouvons juste

ment chez Démocrite (cf. North 58, p. 119 ). Le régime alimentaire du peuple égyptien est égalementmarqué par la simplicité (1 89 4), étant donné que, malgré la fertilité du pays, à chaque endroit ils s ' abstiennent d ' une série d 'aliments , et leurs pratiques médicales sont fon

dées sur l'épuration de l'excédent de nourriture (T ) Teputtóv) qui n 'a pas été absorbé par le corps (cf. Diodore I 82 , 1 sq.). L 'autarcie est donc un idéal social, qui se reconnaît même dans

la situation géographique du pays (cf. Murray 24, p. 148) et qui dépend de l'implantation d ' une série de lois et non d'une position personnelle qui rend sage l'individu, comme dans la pensée éthique et gnoséologique de l'Hellénisme. C 'est dans ce sens-là que Plutarque décrit le

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517

comportement de Lycurgue et de Numa comme un modèle pour leurs sociétés respectives (cf. Plutarque, Vie de Numa 24, 75 f) . Murray 24 a remarqué le rôle que le tableau de la

monarchie pharaonique tracé par Hécatée a joué dans la tradition des traités sur la royauté, qui fleurit dès la seconde moitié du iva (cf. 70 P. Hadot, art. « Fürstenspiegel » , RAC 8, 1972 , col. 555 -632, notamment col. 561 sq .). L 'autarcie comme une vertu du roi joue un rôle impor tant dans le traité d 'Ecphantos ( E9) Sur la royauté, ap. Stobée IV 7 , 66 , t. IV , p . 278 Hense (cf. 71 L . Delatte , Les traités de la royauté d 'Ecphante, Diotogène et Sthénidas, Liège 1942 ;

72 E . R . Goodenaugh, « The Political thought of Hellenistic kingship » , YCIS 1, 1928, p. 55 102).

L 'ensemble des fragments ethnographiques fait ressortir l'intérêt constant d 'Hécatée pour la question des croyances et des pratiques religieuses des diffé rents peuples, et en particulier pour la question de la nature des dieux et de la représentation de ceux-ci, aussi bien linguistique que figurative, qui découle de ces croyances (cf. 73 P . Wendland, La cultura ellenistico-romana nei suoi rap porti con giudaismo e cristianesimo, trad . italienne, avec appendice bibliogra phique par L . Firpo, de la quatrième édition allemande due à H . Dörrie (Die hel lenistisch -römische Kultur in ihren Beziehungen zum Judentum und Christen tum , coll. « Handbuch zum Neuen Testament» I 2, Tübingen 1972 ), Brescia

1986 , p. 160 -163). La description de la vie des Hyperboréens est dominée par l' épiphanie annuelle du dieu qui les transforme en prêtres d'Apollon (fr. 7). Le fragment 1, dans les termes délimités plus haut, évoque la pratique de la repré sentation zoomorphique des dieux égyptiens, et explique par la suite la construc tion de temples et de statues à partir du fait que les Égyptiensne connaissentpas la forme de ces divinités (xataoxEVáÇELV OÈ áráruata xai teuévn tồ un

Eldéval TņV TOŨ DECŨ Mopońv). Le fragment 4 offre une interprétation du nom d'Ammon dérivée de la nature « occulte » de ce dieu . Jacoby 9, t. III a, p .43-45 , conclut à propos de ce fragment que c'était justement dans le matériel « égypto logique » , notamment dans les données linguistiques, que Diodore avait simplifié

l'original. Plutarque, Isis et Osiris 355 a, et Diodore I 11,1, interprètent l'un et l'autre le nom d'Osiris comme « celui qui a beaucoup d'yeux (roavósoar Moc) »,mais Plutarque est le seul à inclure une analyse étymologique qui semble avoir un certain fondement dans la langue originale (cf. Burton 42, p . 64 -66 ). Le traité de Plutarque contient d'autres passages de ce genre (cf. Isis et Osiris 372

d) quipourraient revenir à Hécatée, cité deux fois dans le traité , bien que cela ne soit pas sûr (cf. Jacoby 9, t. III a, p .43). La pratique de rassembler des rensei

gnements sur les coutumes religieuses, en prêtant attention surtout aux dieux et à leur nom , est généralement typique de l'ethnographie ancienne et se trouve largement attestée chez Hérodote . Ainsi, Hérodote II 42 identifiait déjà Zeus à Ammon (cf. 74 W . Burkert, « Herodot über die Namen der Götter: Polytheismus als historisches Problem » ,MH 42, 1985 , p. 121- 132). Le caractère central des croyances religieuses dans la vie sociale d’un peuple met au premier plan les sociétés théocratiques et hiérocratiques, que l'on suppose spécialement excel

lentes et stables (cf. 75 Id .,Greek Religion, Cambridge (Mass.) 1985, p. 332 337). D 'un autre côté , la recherche d 'un sens propre des noms divins, situés par

leur importance au même niveau que leur représentation visuelle , renvoie à la définition démocritéenne de ces nomscomme des åráruata bwvnevta (DK 68

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B 142): cf. 76 P .M . Gentinetta , Zur Sprachbetrachtung bei den Sophisten und in

der stoisch-hellenistischen Zeit, Winterthur 1961, p. 29- 35 ; 77 D . di Cesare, La semantica nella filosofia greca , Roma 1980 , p. 33-49, notamment p . 45 sq., qui

considère comme d'origine démocritéenne le passage de Diodore I 8 . Le fragment 6, malgré toutes les difficultés de sa transmission complexe, constitue le premier témoignage remarquable du contact de la culture grecque avec le monde juif (cf. 78 A .Momigliano, Alien wisdom . The limits of Helleni zation, Cambridge/London New York 1975 , réimpr. 1978, p. 74 -96 ; trad . franç.: Sagesses barbares. Les limites de l'hellénisation , coll. « Textes à l'appui. His

toire classique » , Paris 1980). C 'est grâce à lui que nous pouvons accéder à l'image qu ’un intellectuel grec comme Hécatée se faisait d'une culture jus qu 'alors « inconnue » dans les termes de la double tradition dont il est l'héritier:

l'ethnographie et la philosophie. Un élément fondamental pour l'interprétation de ce fragment est celui de la description de la nohtela particulière juive comme le résultat de la prévision du législateurMoïse. La bibliographie sur ce sujet est abondante : cf. 79 F . H . Diamond , « Hecataeus of Abdera and the Mosaic constitution » , dans S . M . Bur stein et L . A . Okin (édit.), Panhellenica. Essays in ancient history and historio graphy in honor of T. S. Brown, Stanley (Kansas) 1980 , p . 77 -95 ; 80 H . Gon

zelman, Heiden-Juden -Christen. Auseinandersetzung in der Literatur der helle nistisch-römischen Zeit, coll. « Beiträge zur historischen Theologie » 62, Tübin gen 1981, p. 56 -58 ; 81 M . Hengel, Judentum und Hellenismus. Studien zur ihrer

Begegnung unter besonderer Berücksichtigung Palästinasbis zurMitte des 2. Jh . v. Chr., coll. « Wissenschaftliche Untersuchungen zum Neuen Testament» 10 , Tübingen 1988', p. 161-176 ; 82 E . Will et C . Orrieux, loudaïsmos-Helle nismos. Essai sur le judaïsme judéen à l'époque hellénistique, Nancy 1986 ,

p.67- 96 , notamment p. 83-93 (traduction et commentaire du fragment). La figure deMoïse comme fondateur et législateur constitue un des éléments clés dans la littérature judéo-hellénistique, qui est en cela l'héritière d'Hécatée d 'Abdère (cf. 83 I. Heinimann , art. « Moses » 1, RE XVI 1, 1933, col. 359 -375; 84 J. G . Gager, Moses in Greco -Roman paganism , coll. « JBL . Monograph Series » 16 , Nashville /New York 1972, p . 26 - 37 ; 85 Z . B . Wacholder , Eupo

lemus. A study of Judaeo-Greek Literature, coll. « Monographs of the Hebrew Union College » 3 , CincinnatiNew York /Los Angeles/Jerusalem 1974, p . 71- 96 ; 86 D . Timpe, « Moses als Gesetzgeber » , Saeculum 31, 1980, p. 66 -77). Wacholder 85, p . 85- 96 , a remarqué l'importance que la figure d 'Hermès dans les Aigyp tiaka d 'Hécatée, telle que nous la connaissons par Diodore ( 1 16 , 1 , et I 94 , 2 ), a eue, dans l' in

terprétation de Moïse comme« héros culturel» clé pour la diffusion de la culture juive à l' épo que hellénistique . Entre autres exploits civilisateurs, on attribue à Hermès, identifié tradition

nellement avec le dieu égyptien Thot, l'invention du langage et de l'écriture, les premières observations des astres et la législation juive, révélée au pharaon Mneves. Cela fait partie

d'une tendance générale à considérer l'Égypte comme le lieu d 'origine de toute la culture. C 'est à partir de l'euvre d 'Hécatée d ' Abdère, le représentant le plus important de cette ten dance philo -égyptienne, que des auteurs judéo -hellénistiques comme Eupolémos (FGrHist 723) et Artapanos ( FGrHist 726 ) auraient appliqué ce modèle égyptien au monde juif, en pré

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sentant les patriarches, notamment Abraham et Moïse , comme des « héros civilisateurs » (cf.

Hengel 81, p. 161-176 ).

Moïse , auquel on attribue les vertus de opóvnouc et d 'avopeia (cf. Bidez et Cumont 50 , t. I, p. 240 sq.), représente la figure centrale du fragment. Les Juifs sont chassés de l'Égypte à la suite d'une épidémie qui s'abat sur le pays et qui est attribuée à la présence d'étrangers et à leurs traditions religieuses particu lières. Guidé par Moïse, un groupe de Juifs chassés s'installe en Judée, oùMoïse fonde la ville de Jérusalem et organise son peuple en accord avec des principes

où l'on a reconnu les traces de la réflexion politique du IVe siècle av. J.-C . (cf. Jaeger 36 , p . 136 - 143; Id . 33 , p. 144 - 153 ; et Hengel 81 p. 465 sq.). Cependant,

un bon nombre d 'éléments appartient aussi à la tradition juive, ce qui a amené certains auteurs à postuler et à fixer une source indigène pour la plus grande par

tie du matériel utilisé par Hécatée (cf. Diamond 25 , p. 205 -288 ; et 87 D . Mendels, « Hecataeus of Abdera and a Jewish “ patrios politeia ” of the Persian

period » ,ZATW 95, 1983, p. 96 -110 ). Les dispositions sur la division sociale du travail dans la société juive, qui

assignent le contrôle à une caste sacerdotale soigneusement choisie, sont particu lièrement remarquables. En outre, elles prêtent une attention spéciale à la distri bution des terres et aux garanties de leur inaliénabilité, ainsi qu'à la régulation de

l'éducation, des mariages, de la descendance et des pratiques funéraires. Tout cela trouve des parallélismes significatifs dans les propositions platoniciennes de la République et des Lois . Diamond 79 , p. 83-92, voit comme source d'inspira tion les formulations aristotéliciennes sur l'État et la société, appliquées à un matériel qui provient essentiellement d'une source juive. Un des éléments les

plus débattus de la description d 'Hécatée est la conception de la divinité attri buée à Moïse, idée qui joue un rôle prépondérant dans le cadre de l'activité législatrice du personnage.Moïse rejette radicalement la représentation anthro pomorphique de la divinité, ce qui est une position fondamentale pour recon naître le judaïsme comme une « philosophie » . Hengel71 p. 466 , p. 482 , rattache

cette image de la divinité à la tradition grecque de critique du polythéisme qui commence avec Xénophane. En revanche, Diamond 79, p. 76 sq., insiste sur le caractère irréductible à la pensée grecque de l'idée de divinité dans le monde juif et affirme qu'Hécatée a su saisir l'innovation radicale que représentait dans le domaine des idées religieuses la figure de Moïse (cf. Will et Orrieux 82, p . 84 85). Le dieu unique est défini (4 ) comme « le ciel qui entoure la terre » et le

« mattre de toutes les choses » (τον περιέχοντα την γήν ουρανόν μόνον είναι Dedv xai tõvowv xúplov ). On y reconnaît d'ordinaire l'effet d'une interpre tatio graeca (cf. Hengel 81, p. 266 , p . 545 -546 , p. 555), mais cela rentre aussi dans la tradition juive (cf. Diamond 79, p. 76 -99 ; Stern 17, p. 30). Dans la partie consacrée à la description de la classe sacerdotale ($$ 4-6 ), Hécatée remar quait la dévotion extraordinaire du peuple à la parole du souverain prêtre, qui était présenté comme « messager» du dieu (ayyenog toŨ DeoŨ ; cf. 88 F . R . Walton , « The messenger of God in Hecateus of Abdera » , HTMR 48, 1955 , p . 255 -257 ) . Cette partie se terminait par une

référence à la Torah qui répond à une connaissance plus ou moins directe des textes juifs, bien qu 'elle ne soit pas une citation littérale et n 'implique pas l'existence d 'une traduction anté

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rieure à La Septante. Il faut attendre l'æuvre du Pseudo-Longin (1 ), De Sublimitate IX 9 , pour trouver une référence similaire dans la littérature païenne (cf. Stern 17 , p . 32). La valorisation de la politeia de Moïse de la part d 'Hécatée ne manque pas

d 'ambiguïté. D 'un côté, la présentation des Juifs traduit un modèle, dans la mesure où ils réalisent l'idéal de société qui dans le monde grec ne peut guère être aperçu que dans les fabulations et les traités des philosophes. Cette vision essentiellement favorable des Juifs est peut-être la plus ancienne représentation de ce peuple commeun « peuple de philosophes » qui a été l' image dominante au

cours du Ilie siècle av. J.-C . (cf. 89 H . Lewy, « Aristotle and the Jewish Sage according to Clearchus of Soli» , HTHR 31, 1938 , p . 205-235 ; Momigliano 78 , p . 86 ; et Hengel 81, p. 466-469). D 'un autre côté , certains points de la description d'Hécatée ne permettent pas de parler tout simplement d' idéalisation . Jacoby 9,t. III a, p. 48, rejette les inter prétations idéalisantes du fragment, qui présente à ses yeux une froide objecti

vité, visant avant tout à présenter le caractère juif comme différent du commun des hommes. C 'est ce sens qui se détache de l'affirmation d'Hécatée selon laquelle Moïse implanta un régime inhumain (antávopwToL) « à cause de leur

expulsion » (Old Tv idlav Čavnaaoiav ; pourdes interprétations de cette expres sion , voir Diamond 25 , p. 144- 153, p. 205-234 ). Bien qu'il soit difficile de reconnaître chez Hécatée une attitude anti- juive (cf. 90 I. Heinimann , art. « Anti semitismus » , RESuppl. V , 1931, col. 3-34, notamment col. 25 sq.), les argu ments de ségrégation et de différence radicale par rapport à d 'autres peuples ser viront de point de départ pour les écrivains anti-juifs à partir de la deuxième par

tie du 11° siècle av. J.- C . (cf.Gonzelman 80, p. 43-120 ; 91 Z . Yavetz , « Judeo

phobia in Classical Antiquity », JJS 44, 1993, p . 1-22 ; et 92 M . Bohrmann, « Amixia, atheia . Une approche du monothéisme juif» , DHA 20, 1994, p. 171

196 , notamment p. 180- 182). Pseudoepigrapha. Étant donné que les Juifs étaient présentés sous un angle favorable dans les Aigyptiaka, les écrits d'Hécatée ont bénéficié d'un grand retentissement dans le milieu intellectuel de ce peuple , qui, depuis le tire siècle av. J.- C ., commença à faire connaître sa culture au monde hellénistique sous des

formes qui associaient les genres caractéristiques de la littérature biblique (cf. 93 A .-M . Denis, « Les genres littéraires dans les pseudépigraphes d'Ancien Testament» , JSJ 13, 1982, p. 1-5) avec les motifs et les idées de la littérature historique et philosophique grecque. C 'est dans ce milieu intellectuel qu 'il faut placer une série d 'écrits attribués à Hécatée que nous connaissons pour l'essen tiel grâce aux amples citations de Flavius-Josèphe et aux références plus conci ses des Pères de l'Église.

L'authenticité d'un écrit attribué à Hécatée Sur les Juifs, dont nous sont par

venus quelques fragments (cf. infra ), fut déjà mise en doute au jer siècle ap. J.-C . par Herennius Philon de Byblos (test. 7 c = ap. Origène, Contre Celse I 15 ; FGrHist 790, fr. 9 ; cf. 94 A . I. Baumgarten , The Phoenician history of Philo of Byblos. A commentary, coll. EPRO 89, Leiden 1981). Cependant, le témoignage de cet auteur n 'est pas considéré aujourd 'hui comme probant (cf. 95 J. D .

521 HÉCATÉE D 'ABDÈRE Gauger, « Zitate in der jüdischen Apologetik und die Authentizität der Heka H 12

taiospassagen bei Flavius Josephus und im Ps.Aristeas-Brief» , JSJ 13, 1982 , p. 6 -46 , notamment p. 19). Cf. 96 H . Willrich , « Hekataios von Abdera und die jüdischen Literaten » , dans A . Schalit (édit.), Zur Josephus-Forschung, coll. WdF 84 , Darmstadt 1973, p. 1-26 (= H . Willrich , Judaica. Forschungen zur hellenistisch -jüdischen Geschichte und Litteratur, Göttingen 1900, chapitre 3 , p . 86 - 111) ; Jacoby 9, t. III a, p .61-66 ; 97 A .-M . Denis , Introduction aux pseudépi

graphes grecs de l'Ancien Testament, coll. « Studia in Vetera Testamenti pseudepigrapha » 1, Leiden 1970, p . 262-267 ; 98 M . Hengel, « Anonymität, Pseudoepigraphie und " literarische

Fälschung " in der jüdisch -hellenistischen Literatur » , dans Pseudepigrapha I. Pseudopytha gorica, Lettres de Platon, Littérature pseudépigraphique juive , coll. « Entretiens sur l' anti quité classique» 18, Vandæuvres /Genève 1972, p . 231-329, notamment p. 301-303 ; 99 L . H . Feldman, Josephus and modern scholarship (1937- 1980), Berlin /New York 1980, p . 396 -400 ; 100 M . Goodman , « Pseudo -Hecataeus », dans E . Schürer, The history of Jewish people in the age of Jesus Christ, III 1 (édit. G . Vermes, F . Millar et M . Goodman ), Edinburgh 1986 ,

p . 272-275 ;Gonzelman 80, p . 164-170 ; Spoerri 4 , col. 289- 303 ; 101 R . Doran, « The Jewish Hellenistic historians before Josephus» , dans ANRW II 20, 1 , 1987, p . 246- 297 ; 102 H . W . Attridge, « Pseudo -Hecataeus » , dans M .E . Stone (édit.), Jewish writings of the Second Temple

period : Apocrypha, pseudepigrapha, Qumran sectarian writings, Philo, Josephus, coll. « Compendia Rerum Judaicarum ad Novum Testamentum » sect. II, t. II, Amsterdam 1989, p.626 -627. Jacoby reconnaît dans son édition l'existence d 'au moins deux écrits pseu

dépigraphiques transmis sous le nom d 'Hécatée: ( a) epi 'lovôaiwv (fr. 21 = Flavius-Josèphe, Contre Apion I 186 -205 = Stern nº 12 ; fr. 22 = Flavius-Josèphe, Contre Apion II 42-47 = Stern nº 13 ; fr.

23 = Aristeas, Ad Aristoc. Ep. 31). Le fragment 21 est un long passage où Fla vius-Josèphe cite sommairement (xepaalwoốc (Contre Apion I 184 ]) l’écrit

dans lequel Hécatée racontait à la première personne son contact avec le monde juif à l'occasion d 'une des campagnes en Syrie de Ptolémée fer, qu ' il accompa

gnait. D 'après Hécatée ,un grand nombre de Juifs sont partis en Égypte à la suite de la bataille de Gaza , et se sont installés à Alexandrie grâce à la bienveillance de Ptolémée. Parmi ces Juifs , Hécatée fit connaissance d 'un prêtre souverain appelé Exéchias qui était le chef des émigrés et qui leur lisait leurs lois. On lit

ensuite une description des traits particuliers des Juifs (notamment l'obéissance à la loi) ainsi qu'une description des caractéristiques du territoire que ce peuple occupe et de sa capitale Jérusalem , notamment du temple . Le fragment se ter

mine par une anecdote ayant comme protagoniste un Juif du nom de Mosollamos quiréfute la superstition des soldats grecs. L 'authenticité des fragments 22 et 23 est plus discutée. La citation d'Hécatée dans la Lettre d 'Aristée à Philocrate (fr. 23) peut servir à dater l' écrit d 'Hécatée, bien que la date de la lettre , qu ' on fixe d 'ordinaire au IIe siècle av. J.-C ., n 'aille pas sans discussion (cf. Hengel 98, p. 298 -301 ; Spoerri 4 , col. 294 ). L 'extension de la citation n 'est pas claire non

plus. Dans le passage en question , Démétrios de Phalère explique au roi Ptolé mée pourquoi les écrivains grecs n 'ontpas cité les textes juifs ,malgré leur excel lence : « C 'est que la doctrine qu'ils contiennent est “ auguste et sainte” (dlà tò

áyvňu tiva xai geuunn Elval tnv Év aŭtots dewplav) selon l'expression d'Hécatée d 'Abdère » (cf. 103 A . Pelletier, Lettre d 'Aristée à Philocrate, intro

522

HÉCATÉE D 'ABDÈRE

H 12

duction, texte critique, traduction et notes, coll. SC 89, Paris 1962, p . 120 sq. et

n . 2). Pelletier limite la citation à la caractérisation de la loi (cf. 104 J.Geffcken, Zwei griechische Apologeten, coll.« Sammlung wissenschaftlicher Kommentare zu griechischen und römischen Schriftstellern » , Leipzig 1907, p .XII ;Gauger 95,

p . 36 -38 ; Doran 19 , p. 912 ), tandis que d 'autres critiques (cf. déjà Willrich 96 , p . 13) attribuentaussi à Hécatée l'argument dans lequel cette caractérisation est

insérée . Enfin , Jacoby 9 , t. III a, p . 61, 74, considère que la citation est une invention qui ne peut être attribuée à aucun écrit.

(b ) Kat' " Aßpauov xai toùs Aiyuntious (test. 8 a = Flavius- Josèphe, A .J. I

158-159 ; fr. 24 = Clément d'Alexandrie , Stromates V 113, 1 qui fournit le titre ). Dans cet écrit sur Abraham , que Clément d 'Alexandrie mentionne de façon obscure comme xat' " Aſpauov xai tous Alyuntious, le protagoniste pro nonce des vers attribués à Sophocle exaltant, face à l'ignorance des idolâtres, un dieu unique et créateur (TGrF II, fr. 618 ; cf. Denis 16 , p . 162 sq.). Remarquons

que le rôle principal y est joué par Abraham , tandis que dans le fragment 6 d'Hécatée ce rôle est joué par Moïse . Cela rattache cet écrit aux nombreux ouvrages sur Abraham dans la littérature judéo-hellénistique culminant par ceux

de Flavius-Josèphe et de Philon d 'Alexandrie (cf. Spoerri 4 , col. 297). La tendance apologétique que présentent ces deux écrits, face au ton plus objectif qu'on trouve dans le fragment6 , a été considérée comme un indice clair de leur caractère pseudépigraphique (cf. Jacoby 9, t. III a, p. 62). D 'ailleurs, les particularités du genre et du ton ont amené les critiques à les attribuer à deux

auteurs et à deux époques différents. La tendance la plus répandue est de distin guer un Pseudo-Hécatée I, plus ancien , antérieur à ou contemporain du Pseudo Aristée ( cf. Spoerri 4, col. 295 ), qui serait l'auteur de l'ouvrage sur les Juifs; et un Pseudo-Hécatée II, plus tardif, qui serait l'auteur de l'ouvrage sur Abraham et les Égyptiens (cf. 105 W . Speyer, Die literarische Fälschung in heidnischen und

christlichen Literatur, coll. « Handbuch der Altertumswissenschaft » I 2 , Mün chen 1971, p . 160 - 161). Wacholder 85, p. 263- 266 , propose de distinguer trois

Pseudo-Hécatée, tandis que Willrich 96 , p . 9 sq., ne distingue pas entre les deux Pseudo -Hécatée distingués d 'ordinaire, et il cite Flavius-Josèphe, AJ I 159, pour démontrer que le Pseudo-Hécatée incluait l'histoire sur les patriarches. Enfin ,

Geffcken 104, p . XII, veut reconstituer au moins quatre Pseudo-Hécatée. Pour les hypothèses différentes concernant la distribution des fragments, nous renvoyons à Holladay 18 , p . 283-287, et Gauger 95, 41-42. Pour les problèmes concernant leur authenticité ainsi que leur attribution à des auteurs différents et la chronologie de ceux-ci, voir Stern 17, p. 20 -25 ; Holladay 18 , p . 277 -300 ;

Doran 19, p . 905-908 ; et Gauger 95, p . 6 -25, qui établit une série de critères pour l' attribution des fragments. Les critiques s'accordent en général à reconnaître le caractère pseudépigraphique de l'écrit sur Abraham qui contient la citation du fragment de tragédie attribué à Sophocle (cf. Spoerri 4 , col. 296 -299 et 301- 303, pour les falsifications des poètes). Cette citation rend difficile une datation haute de l'écrit. En revanche, les critiques ne s 'accordent aucunement sur l'authenti

cité de l'autre écrit, transmis essentiellement par Flavius-Josèphe. A la suite de Willrich 96 ,

p . 1- 10 , et Jacoby 9 , t. III a, p.61 sq., l'authenticité a éte mise en cause par 106 B . Schaller,

HÉCATÉE D 'ABDÈRE

523 « Hekataios von Abdera Über die Juden . Zur Frage der Echtheit und der Datierung »,ZNW 54 , 1963, p. 15 -31 ; Walter 20, p . 144-146 ; et Murray 24, p . 144, 163- 165. Elle a été acceptée par

H12

107 H . Lewy, « Hekataios von Abdera lepi ' lovdalwy » , ZNW 31, 1932, p. 117- 132, dont

l'avis a obtenu de plus en plus l'appui des spécialistes : cf. 108 M . Engers, « De Hecataei Abderitae fragmentis » , Mnemosyne 21, 1953, p . 229-241; 109 J. D . Gager, « Pseudo-Heca taeus again » , ZNW 60 , 1969, 130 - 139 ; 110 M . Stern , « The Jews in Greek and Latin Litera

ture », dans S . Safrai et M . Stern (édit.), The Jewish people in the first century : Historical

geography, politicalhistory, social, cultural and religious life and institutions, coll. « Com pendia Rerum Judaicarum ad Novum Testamentum » sect. I, t. II, Philadelphia, 1976 , p. 1101 1159, notamment p . 1108 -1109 ; Doran 19, p . 907 ; Gauger 95 , p . 17 -40 ; 111 J. J. Collins,

Between Athens and Jerusalem . Jewish identity in the Hellenistic diaspora, Crossroad/New York 1983, p . 43 et 138 - 141 ; 112 A . Kasher, The Jews in Hellenistic and Roman Egypt. The

struggle for equal rights, Tübingen 1985, p . 39-41 ; 113 E . Gabba, « La Palestina e gli Ebrei negli storici classici fra il V e il III sec. a . C .» , RivBibl 34 , 1986 , p. 130 - 137 ; 114 Id., « The

growth of antijudaism or the Greek attitude towards Jews » , dans Cambridge History of Judaism , t. II, Cambridge/New York/Sydney 1989 , p. 626 -627. Cf. notamment 115 M . Pucci

Ben Zeev, « The reliability of Josephus Flavius: the case of Hecataeus' and Manetho ' s accounts of Jews and Judaism : Fifteen years of contemporary research » , JSJ 24 , 1993 , p . 215 234 .

Postérité . Cf. Jacoby 3 , col. 2765-2768 ; Id . 9 , t. III a, p. 37 sq.; Murray 24, p . 166 - 169 ; Spoerri 4 , col. 286 -288 . Si on laisse de côté la réception d'Hécatée

par la littérature juive et chrétienne (pour laquelle voir Spoerri 4 , col. 308 -310), son influence immédiate la plus significative est celle qu 'il a exercée sur l'histo

riographie hellénistique. Le rapport d'Hécatée avec l'æuvre de Manéthon est complexe. On a vu plus

haut que les deux historiens apparaissent deux fois cités ensemble pour un même renseignement. Par ailleurs, Diodore présente des coïncidences significatives avec les fragments deManéthon (cf. Spoerri 43, p. 195 , 205 n . 19).Murray 24, p. 167-168 , en accord avec la chronologie qu 'il propose, considère que Mané

thon s'est servi du livre d ’Hécatée. A son tour, Burton 42, p. 28 sq., allègue cette dépendance en appui de l'idée que le livre I de Diodore ne suit pas exclusive ment Hécatée. D 'ordinaire, les critiques actuels s'accordent pour indiquer comme le trait essentiel et propre deManéthon le fait qu 'il offrait une histoire de

l'Égypte en suivant des sources et des formes littéraires indigènes, tout en connaissant la littérature grecque sur le sujet (cf. 116 D .Mendels, « The Polemi cal Character of Manetho 's Aegyptiaca » , dans H . Verdin , G . Schepens et E . de

Keyser (édit.), Purposes of history. Studies in Greek historiography from the 4th to the 2nd centuries B. C ., coll. « Studia Hellenistica » 30 , Louvain 1990 , p. 91 109 ). Manéthon incluait aussi dans son histoire au moins deux récits sur

l'« expulsion » des Juifs, épisode dont la liaison avec celui de l'exode est peu claire. En effet, il traitait de la domination impie des « bergers » et de leur expul sion par le roi légitime (cf. Flavius-Josèphe, Contre Apion I 73-91 = FGrHist 609, fr. 8, 9 a = Stern nº 19). Ces bergers (qu'on a mis en rapport avec l'invasion des Hyksos pendant la XVe dynastie ) s'installèrent en Judée et construisirentla

ville de Jérusalem . Dans un autre fragment, transmis aussi par Flavius-Josèphe, Contre Apion I 227 -251 (= FGrHist 609, fr. 10 a = Stern nº 21), Manéthon racontait comment des « lépreux et d'autres gens impurs» sortirent d'Égypte , car

leur présence dans le pays avait entraîné la colère divine, et comment ils furent

524

HÉCATÉE D 'ABDÈRE

H12

guidés par un prêtre d'Héliopolis du nom d 'Osarseph, qui est identifié à la fin du fragment avec Moïse . Fraser 12, t. I, p . 508 sq., trouve aussi chez Hécatée une attestation antérieure de cette histoire, qu 'aussi bien Hécatée que Manéthon auraient trouvée dans les écrits des prêtres égyptiens (cf. 117 L . Troiani, « Sui frammenti diManetone nel primo libro del Contra Apionem di Flavio Josefo » , SCO 24, 1975, 97 -126 ; Spoerri 4, col. 283-284 ; Stern 110, p. 1111-1114 ; Pucci

Ben Zeev 115 , p. 224-234). A son tour, 118 A . Zambrini, « Gli Indiká di Megastene I », ANSP 30 s., 12, 1982, p. 71- 149, notamment p. 97- 101 et 140- 148, reconnaît l'empreinte litté raire et philosophique d'Hécatée sur l'écrit de Mégasthène, dans lequel l'histo rien mettait en parallèle la sagesse des Brahmanes et celle des Juifs (cf. FGrHist

715, fr. 3). Murray 24, p . 152- 157, remarque aussi que la description qu'Aga tharchidès (3- A 32) fait de la monarchie des Éthiopiens, telle que nous la connaissons par Diodore III 5 -7, présente des parallélismes remarquables avec la

présentation qu 'Hécatée fait de la monarchie égyptienne comme subordonnée complètement aux lois.

Un fragment de Posidonius transmis par Strabon XVI 2, 34-45, concernant l'origine du peuple juif et de la législation mosaïque (= FGrHist 87, fr. 70), offre aussides coïncidences remarquables avec le fragment 6 d'Hécatée si discuté. Le passage a été étudié en détail par Reinhardt 51, p. 402-425, 441-445. Reinhardt remarque que Posidonius développe lesmotifs de la description d 'Hécatée selon ses propres idées sur la divinité (cf. Hengel 81, p. 469-473) et sur l'origine et la décadence des sociétés. A partir de ce passage, Reinhardt songe à l'existence d'un ouvrage spécial de Posidonius sur Pompée, tandis que la plupart des auteurs

placent le fragment en question dans les Histoires (cf. 119 J.Malitz, Die Histo rien des Poseidonios, München 1993, p. 316 -319). En tout cas, il faut préciser que l'attribution de ce passage à Posidonius n 'est pas reconnue par tous les cri

tiques: cf. 120 J. D . Gauger, « Eine missverstandene Strabonstelle (zum Juden berichtXVI 2, 37)» ,Historia 28, 1979, p. 211-224 ; 121 I.G . Kidd, Posidonius, t. II : The Commentary : (ii) fragments 150 -293, coll. « Cambridge Classical Texts andMonographs» 14 b , Cambridge 1988, p. 951 sq. Chez Strabon XVI 2, 38 -39, on trouve une liste de législateurs qui ont reçu chacun , de la part des dieux nationaux, les lois pour leur peuple . Ce catalogue présente un parallèle signi

ficatif chez Diodore I 94, 1 -2 (= Stern nº 58 ), où commence une section sur les législateurs égyptiens ( 1 94 -95 ; cf. aussi Plutarque, Vie de Numa IV 7- 8, où Moïse fait défaut, et Flavius Josèphe, Contre Apion II 151- 165 ). Cette section a été attribuée aussi à Hécatée d'Abdère par Bidez et Cumont, t. I, p . 20 sq., mais Jacoby 9, t. III a, p . 78, à la suite de Schwartz 41, col.670 (cf.Murray 24 , p . 149 n . 1), ne l' inclut pas dans son fragment 25. Parmiles person nages cités apparaît Moïse , qui aurait reçu les lois de laô . Ce serait la première mention du

dieu des Juifs par un auteur païen (cf. Stern 17, p. 172 ; Spoerri 4 , col. 288 ; Will et Orrieux 82, p . 42 sq.). Reinhardt 51, p . 441-445, combine les fragments de Diodore et Strabon pour reconstituer la pensée de Posidonius sur Moïse , pensée nourrie par une comparaison entre différentes cultures. Diamond 25 , p . 58 , 65, a remarqué la différence fondamentale entre le

Moïse de Strabon , homme inspiré par la divinité, représentation revenant à Posidonius, et le

Moïse homme politique habile qui apparaît chez Diodore. La question posée par Jacoby du rapport entre les idées théologiques d'Hé catée et celles d 'Évhémère ( » E 187) présente un intérêt particulier. En effet,

HÉCATÉE D'ABDÈRE 525 Jacoby 9 ,t. III a, p. 2758 sq. (cf. 122 Id., art. « Euemeros» 3, RE VI 1, 1907, col.

H 12

952-972 notamment col. 969),met en parallèle certains passages des Theologu mena de Diodore, dans lesquels est faite une distinction entre des dieux « éter nels » (aídlot: Bibliothèque I 11,1) et des dieux « terrestres» (éniyelol: ibid., I

13, 1), et un fragment d 'Évhémère transmis également par Diodore VI 1, 1-2 , ainsi que par Eusèbe, P . E . II 2 , 52-53 (= test. 53 Winiarczyk ), dans lequel on

trouve la même distinction. A partir de ce parallèle, il suggère qu'Hécatée a été la source dont Évhémère a tiré ses idées révolutionnaires sur les dieux (cf. 123 M .P . Nilsson, Geschichte der griechischen Religion, t. II, coll. « Hand

buch der Altertumswissenschaft» V 2 , 1, München 19612, p. 285 -286 ). Cette hypothèse a été contestée par Spoerri 43, p. 189- 195, qui observe que dans le fragment d'Évhémère l'indication sur les deux genres de dieux appartient plutôt à Diodore, tandis que la citation d 'Évhémère proprement dite commence plus loin , à partir du paragraphe 4 (cf. Fraser 12 , t. I, p. 289-298, t. II, n . 115, p. 450 451, et n . 828, p. 454 ). L ' interprétation de Spoerri semble avoir été acceptée généralement par les critiques (cf. 124 R . J. Müller, « Überlegungen zur IEPA

ANASPAOH des Euhemeros von Messene» , Hermes 121, 1993, p. 277-300, notamment p . 283-287). Diodore et Plutarque sont les derniers auteurs païens qui ont usé largement de l'ouvrage d 'Hécatée sur l'Égypte. Cependant, on a remarqué que la figure de Táavtos dans l'euvre de Philon de Byblos (FGrHist 790 , fr. 1 = Eusébe, P. E. I 9, 24 ) se fonde sur la figure d'Hermès- Thot dans l'euvre d'Hécatée (cf. 125 L .

Troiani, L 'opera storiografica di Filone di Biblos, Pisa 1974, p.63-64), et Wacholder 85 , p. 81, a placé aussi chez Hécatée l'origine d'Hermès Trismégistr

(cf. 126 A . J. Festugière, La révélation d'Hermès Trismégiste, t. I: L'astrologie et les sciences occultes, Paris 19502, réimpr. 1989, p.67-88, notamment p. 70 sq., 88). A son tour, le récit sur les Hyperboréens a bénéficié d'une plus grande

fortune, si bien que le nom d 'Hécatée est devenu une autorité sur ce peuple mythique jusqu 'à l'époque de la Renaissance, grâce notamment à la réception de ce récit par des auteurs comme Pline. Citons, par exemple , 127 Natale Conti, Mythologiae sive explicationum fabularum libri decem in quibus omnia prope naturalis et moralis philosophiae dogmata contenta fuisse demonstratur, Venetiae (édit. Alde Manuce ) 1551 (1567 , réimpr. New York 1976 ); édition

augmentée: nuper ab ipso auctore pluribus sexcentis locis aucti et locupletati, ut patebit cum antiquis conferentibus, Venetiae 1581 (Patavii 1616 , réimpr.New York 1979) . Cet ouvrage de Conti, qui fut très influent, contient, outre les références qu 'on peut contrôler (IX 6 = Diodore

II 47 = FGrHist 264, fr. 7), des falsifications d'Hécatée , comme celle de IX 15 (= FGrHist 264, fr. 20), déjà reconnue par Rohde 28, p . 229 n. 3.

Dans le domaine de la philosophie, nous nous sommes déjà demandé si les courts renseignements que l'on trouve chez Théophraste sur l'Égypte et sur les Juifs proviennnent d 'Hécatée. Enfin , d 'autres auteurs moins importants qu 'Hé catée semble avoir influencés sont Crantor (** C 195), le premier commentateur de l'Atlantide de Platon (FGrHist 665 , fr. 31; cf. Jaeger 33, p. 129 et 132), et Alexinos (cf. supra ).

JAVIER CAMPOS DAROCA et PEDRO PABLO FUENTES GONZÁLEZ.

HÉCATON DE RHODES

526

13 HÉCATON DE RHODES RE 1

H 13 Dja

Philosophe stoïcien , disciple de Panétius de Rhodes (Cicéron, De officiis III 15 ,63 = Panétius, fr.41 Alesse). Fragments et témoignages. 1 H .N . Fowler, Panaetii et Hecatonis librorum

fragmenta , Diss. Bonn 1885; 2 H . Gomoll, Der stoische Philosoph Hekaton. Seine Begriffswelt und Nachwirkung unter Beigabe seiner Fragmente, Bonn /

Leipzig 1933. Cf. 3 H . von Arnim , art. « Hekaton » , RE VII 2, 1912, col. 2797; 4 A . Schmekel, Die Philosophie der mittleren Stoa in ihrem geschichtlichen Zusammenhange dargestellt, Berlin 1892, p . 290 -296 ; 5 M . Pohlenz, Die Stoa,

t. I, p. 240-241; t. II, p . 123-124 ; 6 Francesca Alesse , Panezio di Rodi. Testimo nianze. Edizione, traduzione e commento , coll. « Elenchos» 27 , Napoli 1997, p . 176 - 177.

Euvres. Plusieurs de ses ouvrages sont cités par Diogène Laërce dans des

passages biographiques aussi bien que doxographiques. (1 ) Xpemai, Chries en au moins deux livres (D . L . VI 4 = fr. 21 Gomoll; VII 172 = fr. 25 ; D . L . VI 32 = fr. 22 ; VI 95 = fr. 23): dits d' Antisthène, de Diogène, de Métroclès, de Cléanthe. Le livre I est cité en VI 32 = fr. 22. Dans le deuxième

livre, il parlait de Zénon de Citium ( D . L . VII 26 = fr. 24 ). (2) Hepi terõv, Sur les fins ou lepi ténous, Sur la fin , en au moins sept livres ( TlogeidúVloç xai 'Exátwv év toīç Hepi ten @ v , D . L . VII 87 = fr. 1 : définition de la fin selon les Stoïciens). Un septième livre du lepi ténous est cité en D .L . VII 102 (fr. 2). ( 3) Ilepi đpetõv, Sur les vertus, en au moins trois livres (premier livre : D .L . VII 90 = fr. 6 ; livre III: D . L . VII 125 = fr. 7) .

(4 ) Lepi ayaObv, Sur les biens, en au moins neuf livres (livre II: D . L . VII 127 = fr. 3 ; livre III D . L . VII 101 = fr. 4 ). Le neuvième livre est cité en D . L . VII 103 ( fr. 5 ).

(5 ) lepinadwv, Sur les passions, en au moins deux livres (livre II : D . L . VII

110 = fr. 9). (6 ) Tepi napadó£wv, Sur les paradoxes, en trois livres (Év toitu (Long qui suit co et t] Iepi napadówv, D . L . VII 124 = fr. 20 ). Les manuscrits B et P ont

ici yi'. Von Arnim retient“ 13 Bücher" . (7 ) Sur le (s ) devoir (s ) (De officio ou De officiis : Nepì saońxovtos?).

D 'après Cicéron , De officiis III 15 , 63, ces livres étaient dédiés à Q . Tubero ( = Quintus Aelius Tubero, RE 155 ), ce qui a conduit à penser qu 'Hécaton avait

fréquenté quelque temps à Rome le cercle des Scipions. Cicéron cite en III 23, 89-90 le sixième livre de ce De officiis. Hécaton est cité à plusieurs reprises dans le De beneficiis de Sénèque: I 3 , 9 ; II 18, 2 ; II 21, 4 ; III 18, 1 ; VI 37, 1. Outre

les emprunts possibles d 'anecdotes grecques aux Chries, le Nepi zaońxovtos constituerait, selon F . Préchac (CUF), la source principale du traité de Sénèque (p . XXXI-XXXIII). Pohlenz 5 , t. II, p . 123, croit que Sénèque utilisait plutôt une

monographie d 'Hécaton ſepi yapítwv (Sur les bienfaits).

H 16

HÉGÉSIANAX

527

Comparetti et Gomoll ont voulu identifier à Hécaton un philosophe, disciple de Panétius, mentionné dans l' Index Stoicorum , col. 72 (p . 122 Dorandi), « mort à Rome du vivant de

Panétius» . L 'hypothèse est indémontable.

Hécaton est cité également dans trois des premières lettres à Lucilius (Epist.

5, 7 ; 6 , 7 et 9, 6). En D . L. VII 2, “Hécaton" est cité sans autre précision en conjonction avec Apollonius de Tyr (MA 286 ), à propos de la conversion à la philosophie de Zénon de Citium . De même, il est cité en VII 181 (= fr. 27) à propos de la conversion de Chrysippe. Son nom seul apparaît encore dans une liste où figu

rent d 'abord Chrysippe, Cléanthe et Posidonius en VII 91. Hécaton faisait l'objet d'une section biographique dans la partie finale perdue du livre VII de Diogène Laërce, entre Panétius et Posidonius, commel'atteste un index ancien conservé dans le Parisinus graecus 1759 (cf. éd. Long, p. 392 ). Sur cette liste, voir 7 T . Dorandi, « Considerazioni sull' index locupletior di Diogene

Laerzio » , Prometheus 18 , 1992, p . 121-126 . RICHARD GOULET. 14 HÉDÉIA

FIV – D III

Avec Mammarion, Érotion (» E 55) etNicidion , l'une des courtisanes du Jar din d'Épicure à Athènes (D .L . X 7).

Cf. K . Schneider, art. « Hetairai» , RE VIII 2, 1913, col. 1331-1372, notam ment col. 1365 .

RICHARD GOULET. avant F IIIa

15 HÉDYLOS La liste des æuvres de Chrysippe conservée par Diogène Laërce signale,

parmi les écrits logiques : ( 1) Avoiç tõv ‘Høúzov Únodetixőv B ' (« Solution des arguments hypothétiques d 'Hédylos» ), (2 ) Aúouç tov ' Hoúhov ÚnoDeti xőv tpos ’Aplotoxpéovta xai 'Anorāv a ' (« Solution des arguments hypo

thétiques d'Hédylos, à Aristocréon et Apollas»). D ' après P . Hadot (DPhA II, p . 348), « ces arguments hypothétiques devaient avoir un rapport avec le sophis me du Menteur» , car le second ouvrage est inséré dans un ensemble de traités relatifs à ce sophisme.

On ignore à quelle époque vivait ce logicien, dans quel contexte il avait formulé ses arguments et à quelle école il appartenait. RICHARD GOULET.

16 HÉGÉSIANAX RE 3 Est cité comme cynique par Photius, Bibl., cod. 167, p. 114 b 24 Bekker , quand celui-ci donne la liste des philosophes auxquels Stobée a emprunté des

citations et des mots célèbres . Cette liste se clôt par dix nomsde cyniques, pré sentés comme tels, donc mis à part, puisque l'appartenance des autres philo sophes cités n 'est pas indiquée . Nous ne savons rien par ailleurs de cet Hégésia nax .

MARIE -ODILE GOULET-CAZÉ.

HÉGÉSIANAX

528

H17

D III

17 HÉGÉSIANAX (DE COLOPHON )

A l'occasion de la mort de ce jeune homme, une lettre d'Épicure (» E 36 ) fut adressée à Dosithéos (MD 224 ), son père, et Pyrson, son frère (Plutarque, Non

posse suaviter vivi secundum Epicurum 20, 1101 a-b (fr. 46 Arrighetti?, fr. 167, p. 120 Usener). Sur cette lettre , dont on a retrouvé récemment un fragment (fr.

128 Smith ) gravé sur la stoa de Diogène d 'Oinoanda (~ D 141), voir DPhA II 898 -899. RICHARD GOULET.

FIV - D IIIa 18 HÉGÉSIAS DE CYRÈNE RE 12 Philosophe cyrénaïque, surnommé « Peisithanatos» , c 'est-à -dire « celui qui persuade de mourir ». Il était le chef d'une des trois tendances distinguées à l'in térieur de l'école par Diogène Laërce II 85 : l'école des Hégésiaques. La succes

sion des premiers scholarques cyrénaïques est présentée par Diogène Laërce II 86 de la manière suivante :

Aristippe de Cyrène Arétè (fille d' Aristippe ) AristippeMétrodidacte (fils d'Arétè ) Théodore l' Athée

Aithiops de Ptolémaïs

Antipatros de Cyrène Épitimidès de Cyrène Paraibatès

Hégésias Peisithanatos

Annicéris

Selon la Souda s.v. ’AplotiinOS, A 3908, tome I, p. 354, 22 - 355,2 Adler , Annicéris serait le disciple d'Hégésias et non son condisciple ,mais cette section de la notice est empruntée à Diogène Laërce et n 'a donc pas de valeur indépen dante.

Les témoignages anciens sur Hégésias (sans traduction ) ont été rassemblés

par G . Giannantoni, SSR , t. II, 1990, nº IV F , p. 113- 115 ; t. III, ‘nota 20', p. 189 n. 1 (bibliographie ). Sur Hégésias en particulier , voir J. C .Murray, « An Ancient Pessimist » , PhR 2, 1893, p. 24 - 34. E . Spinelli, « P.Köln 205 : Il “ Socrate " di

Egesia ?» ,ZPE 91, 1992, p. 10 - 14 . La doxographie de l'école d 'Hégésiasest ensuite présentée par Diogène en II 93-96 . Voir M .-O . Goulet- Cazé, dans Diogène Laërce. Vies et doctrines des philosophes illustres. Traduction française sous la direction de M .-O . Goulet Cazé, coll. « La Pochotèque », Paris 1999, Introduction au livre II, p. 178- 198, et

notamment pour les hégésiaques p. 194-196 . Selon Cicéron , Tusculanes I 83-84,

Hégésias enseignait que la mort nous arrache à desmaux, non à des biens. La force de son argumentation était telle que le roi Ptolémée (Soter ?) < à Alexan drie > l'empêcha d'enseigner sa doctrine, parce que nombre de gens, après l'avoir entendu , se donnaient la mort (Valère Maxime VIII 9 ext. 3 = fr. 5 Giannantoni).

H21

HÉGÉSINOS

529

Dans son ’Anoxaptepôv, « Celui qui se laisse mourir de faim » , le héros exposait à ses amis, qui voulaient le convaincre de renoncer au suicide, tous les maux de l'existence humaine. Plutarque, De amore prolis 5, 497 d, confirme

qu 'Hégésias avait convaincu plusieurs de ses auditeurs de se laisser mourir de faim . Une maxime a été conservée par Épiphane, Adv. haer. III 2 , 9 (fr. 2

Giannantoni) : « il est profitable au méchant de vivre, au sage demourir» . Contrairement à ce que suppose Long dans son index, l'Hégésias (» H 19 ) mentionné dans une anecdote relative à Diogène le Cynique (D . L . VI 48 = fr. 7

Giannantoni) n 'est sans doute pas Hégésias de Cyrène, mais Hégésias de Sinope ( + H 19).

Cf. K . Döring, dans GGP, Antike 2 /1, p. 257-258 et bibliographie p . 355. RICHARD GOULET.

FIV 19 HÉGÉSIAS DE SINOPE RE 11 Ce philosophe , surnommé Cloios, « Collier de Chien » , est mentionné par

Diogène Laërce VI 84 , parmi les disciples du philosophe cynique Diogène de Sinope (* D 147) . Son surnom , comme le suggère P . Natorp, RE VII, 1912,

col. 2607, pourrait s'expliquer à partir de son dévouement à Diogène le Chien .

C 'est certainement à cet Hégésias, compatriote de Diogène , que se rapporte l'anecdote mentionnée en Diogène Laërce VI 48, contrairement à ce que laisse

entendre l'index de l' édition Long de Diogène Laërce, qui attribue le passage au cyrénaïque Hégésias o teloldávatos ( H 18) : « A Hégésias qui le priait de lui prêter un de ses ouvrages , Diogène répondit : “ Pauvre sot que tu es, Hégésias !

Les figues sèches, tu n ' en prendspas des peintes,mais des vraies, alors que pour l'ascèse , tu négliges la vraie et tu te précipites sur celle qu 'on trouve dans les livres” ».

MARIE -ODILE GOULET-CAZÉ. va 20 HÉGÉSIDAMOS Mentionné par la Souda (s.v. ' Innias, I 543, p.659 Adler) comme le maître

du « sophiste et philosophe » Hippias d 'Élis. Aucune autre mention de cet Hégé sidamos ne nous étant parvenue par ailleurs , O . Apelt, Beiträge zur Geschichte der griechischen Philosophie, Leipzig 1891, p. 382 -385, a fait l'hypothèse d' une

déformation par un copiste du nom d 'Hippodamos ; hypothèse à l'appui de

laquelle il présente un certain nombre de rapprochements entre Hippodamos de Milet (2H 153) et Hippias (2- H 145), qui rendraient vraisemblable que le

second ait pu être présenté comme l' élève du premier . MICHEL NARCY .

HÉGÉSILAOS → HÉGÉSINOS 21 HÉGÉSINOS III/ IIa Philosophe académicien , scholarque à la suite d'Évandre (» E 65) et de Téléclès.

HÉGÉSINOS

530

H21

Aux fragments recueillis par H .J. Mette, « Weitere Akademiker heute. Von Lakydes bis zu Kleitomachos» , Lustrum 27, 1985, p. 52, on peut adjouter (ps.

Gal.), Hist. phil. 3 (= Carn . T 6b Mette) et Souda II 1707 (vol. IV , p . 140 sq. Adler ) = Carn . T 6dMette ). Clément d' Alexandrie (Strom . I 14, p. 40, 16 , 17 Stählin = Carn. T 6a Mette ) mentionne un philosophe Hégésilaos,maître de Carnéade et son prédécesseur à la tête de l'Académie . On ne peut pas décider si Hégésilaos est une faute de Clément pour Hégésinos ou si le philosophe avait changé son nom en Hégésinos (cf. H . Daebritz , art. « Hegesilaos », RE VII 2 , 1912, col. 2609).

U . Köhler (IG II 385) a proposé d' identifier avec Hégésinos le personnage honoré dans une inscription de 193/29 (IG 112 886 ). Cf. Chr. Habicht, Hellenistic Athens and her philosophers, Princeton 1988, p . 13 = Athen in hellenistischer

Zeit,München 1994, p. 241. Cf. H . von Arnim , art. « Hegesinos» RE VII 2, 1912, col. 2610 ; W . Görler,

GGP, Antike 4, p . 835 sq .

TIZIANO DORANDI. HÉGÉSIPOLIS MÉNÉDÈME D'ÉRÉTRIE

22 HÉGIAS D 'ATHÈNES RE 5 PLRE II: FV Philosophe néoplatonicien , disciple de Proclus et d' Isidore . Il était fils de Théagénès, qui fut archonte athénien , petit-fils d’Archiadas 1 (MA 314), lui même petit-fils de Plutarque d 'Athènes, fondateur de l'École néoplatonicienne d' Athènes (voir les essais d'arbres généalogiques dans H . D . Saffrey et L .G .

Westerink [édit.), Proclus, Théologie platonicienne, CUF, vol. I, Paris 1968, p. XXXV, et dans PLRE, vol. II, Cambridge 1980 , p. 1329). Tout ce que nous savons de ce philosophe nous vient du Proclus de Marinus (éd . Boissonade ,

Leipzig 1814) et de la Vie d 'Isidore par Damascius, elle -même connue à travers les citations de Photius dans sa Bibliothèque et la notice de la Souda (éd. C . Zintzen , Hildesheim

1967 ; trad. anglaise par P . Athanassiadi, Damascius,

p. 319-321). Il est né probablement vers la fin des années soixante du ve siècle, et a été élevé dans l'ambiance de l' École de philosophie de Proclus, qui avait d 'abord mis en lui tous ses espoirs. Marinus, dans son Proclus, chap. 26 , raconte que pendant les cinq dernières années de sa vie , entre 480 et 485, Proclus avait une activité très diminuée , son état de santé étant devenu précaire. Il dit: « Bien qu 'il fût dans cet état de faiblesse, ce qui incitait Proclus à donner encore quelques cours d 'exégèse , c'était Hégias qui, dès l'adolescence, donnait des preuves évi

dentes de toutes les vertus de ses ancêtres et montrait qu'il appartenait à la chaîne véritablement d'or de la race issue de Solon . Hégias donc suivait attenti vement les cours de Proclus sur les écrits de Platon et sur les autres théologies.

En outre , le vieillard lui donnait des devoirs de géométrie et se réjouissait gran dement à voir l'enfant progresser petit à petit dans chacune des disciplines ma thématiques » . Hégias devait avoir entre dix et quinze ans, et Proclus qui avait

H 24

HÉLICAON DE RHÉGIUM

531

décelé que l'âme de Solon revivait en lui, veillait à sa première éducation . Encore tout jeune Hégias avait donc été formé à la théologie platonicienne et aux théologies orphique et chaldaïque. On croyait alors qu' il ne serait pas inférieur à son aïeul, le Grand Plutarque (V. Isid ., fr. 351). Il semble qu 'il se soit lancé à fond dans la mystique chaldaïque, puisque son maître Isidore, le chef de l'École

après Proclus et Marinus, devait le reprendre et lui dire: « Hégias, si, comme tu le dis et je le dis moi aussi, la théurgie est une chose très divine, il faut néan

moins que ceux qui doivent devenir des dieux (= les théurges) soient d ' abord des hommes. C 'est la raison pour laquelle Platon aussi disait qu 'il n 'est pas donné aux hommes un plus grand bien que la philosophie (Tim . 47 b 1-2 ), eh bien , aujourd 'hui, ce don de la philosophie n 'est plus sur le tranchant du rasoir (c'est à -dire au moment critique de son apogée ),mais pour sûr dans son extrême vieil lesse » (V. Isid . 227). On peut douter qu 'Hégias ait tenu compte des avertisse ments d'Isidore, puisque Damascius devait porter sur la réputation d 'Hégias à Athènes le jugement sans appel que voici: « Aussi loin que remontent nos sou venirs, nous n 'avons jamais vu mépriser la philosophie à Athènes, comme nous l'avons vu faire sous Hégias » ( V . Isid . fr. 221). K . Praechter, art. « Hegias» 5 ,

RE VII 2, 1912, col. 2615, a tiré de ce texte qu'Hégias aurait pu être un temps chef de l'École philosophique,mais aucune autre source ne vient confirmer cette hypothèse douteuse et aucune place ne peut lui être attribuée dans la succession des chefs de l'École . Hégias était un païen fanatique et il se fit des ennemis parmi ceux qui se servaient du régime en place pour machiner des complots, comprenez les Chrétiens. Il mettait un zèle outrancier à conserver les cultes tra ditionnels de l'Attique. Damascius note encore qu 'Hégias a été meilleur que son

père Théagénès pour ses qualités morales et son talent oratoire (V. Isid., fr. 351). Aucun écrit de lui n 'a été conservé. En bref, Hégias semble avoir été un aristo crate athénien, philosophe médiocre et théurge militant dans la période intermé diaire entre la mort de Proclus (485) et l'arrivée de Damascius à la tête de

l'École (vers 515). HENRI DOMINIQUE SAFFREY .

23 HÉLANDROS DE TARENTE Pythagoricien ancien dont le nom figure dans le catalogue de Jamblique, V . pyth . 36 , 267, p. 144 , 18 Deubner . BRUNO CENTRONE.

24 HÉLICAON DE RHÉGIUM RE 4 Pythagoricien,mentionné par Jamblique, V.pyth. 27 , 130 ,p .73,25- 74,3 ; 30, 172 , p. 96 , 24 - 97, 3 Deubner, parmi les auteurs des constitutions de Rhégium , lesquels se seraient distingués par leurs activités et leurs mæurs ; leurs conci toyens leur auraient accordé des honneurs divins. Il figure dans le catalogue de

Jamblique, V. pyth . 36 , 267, p. 145, 19. BRUNO CENTRONE.

HÉLICON DE CYZIQUE

532

25 HÉLICON DE CYZIQUE RE 3

H 25 IV /IIIa

Astronome, disciple d 'Eudoxe de Cnide (» -E 98). Témoignages. 1. F . Lasserre (édit.), De Léodamas de Thasos à Philippe

d 'Oponte. Témoignages et fragments, Napoli 1987, p. 139- 143, 349-352, 575 576 . On ne peut pas le considérer comme un académicien au sens propre du terme.

Selon le témoignage de la Lettre XIII pseudo-platonicienne, Hélicon aurait été disciple d 'Eudoxe ( T 24 Lasserre) et aurait suivi les leçons de l'un des élèves d ' Isocrate (2 + 1 38 ), ainsi que celles de Polyxenos, l'un des élèves de Bryson ( » B 68).

Dans cette lettre, Platon le recommande au tyran de Syracuse , Denys, parce qu'il pense qu 'il pourra lui être utile , mais la lettre est fictive et son témoignage doit être récusé (cf. G . Pasquali, Le lettere di Platone, Firenze 1938, 2e éd. 1967,

p . 186 -188, et K . Gaiser, Sandalion 4, 1981, p. 80 sq.). Selon Plutarque (Vita Dion. 19 = T 3 Lasserre ), Hélicon aurait prédit à Denys, pendant son séjour à Syracuse , une éclipse de soleil et il aurait gagné ainsi l'admiration du tyran, qui lui aurait donné en cadeau un talent d'argent. L 'éclipse est celle du 12 mai 361. On doit, toutefois, suspecter ce renseignement, parce que la date de 361 s'ac corde difficilement avec les données relatives aux carrières d 'Hélicon ( T 1) et

d'Eudoxe (D .L . VIII 86 -87 = T 7). Hélicon s'installa à Syracuse plutôt entre 355 et 350 , après la fermeture de l'école d 'Eudoxe à Cyzique (cf. Lasserre 1, p. 576 ).

Cf. F . Boll, art. « Helikon » 3, RE VIII 1, 1912 , col. 7 sq.; J. Mau, art. « Helikon » 2 , KP II, 1975, col. 994 sq. TIZIANO DORANDI.

26 HÉLIODORE

Ira (?) Personnage cité deux fois dans la Vita Philonidis, PHerc. 1044, fr. 21, 1-4 et 28, Gallo .

L 'hypothèse de Wilamowitz (signalée par W . Crönert, « Die Epikureer in Syrien » , JEAI 10 , 1907, p . 148 s. v.) qui supposait que les deux occurrences visaient le même Héliodore et suggérait de l'identifier avec Héliodore d ' Antio che, ministre de Séleucos IV Philopator est convaincante (voir D . Gera, « Philo nides the Epicurean at court : early connections» , ZPE 125, 1999, p . 77-83). TIZIANO DORANDI.

27 HÉLIODORE Le scholiaste de Juvénal mentionne un Héliodore, philosophe stoïcien, qui

aurait été l'accusateur de L . Iunius Silanus. Juvénal ferait allusion à ce person

nage dans la satire I, 34. Voir J. Ferguson, A Prosopography to the poems of Juvenal, Bruxelles 1987, p. 112.

MICHÈLE DUCOS.

H 29

HÉLIODORE D 'ALEXANDRIE

28 HÉLIODORE

533 DII

A . Diadoque de l'école épicurienne d'Athènes – mais non nécessairement athénien d'origine -, successeur de Popillios Théotimos , attesté encore en 121 (IG II? 1099), destinataire d'une lettre d'Hadrien datée entre le 14 février et le 14

mars 125, il semble avoir adressé une demande excessive à Hadrien et avoir essuyé un refus, au moins partiel : voir S . Follet, « Lettres d 'Hadrien aux épicu riens d' Athènes (14 .2- 14.3.125): SEG III 226 + IG 112 1097 », REG 107, 1994 , p. 158- 171. Il doit s'agir du philosophe ami d'Hadrien puis déchiré par lui dans

une lettre célèbre mentionné par l'Histoire Auguste , V. Hadr. XV 5 et XVI 10 ,

en même temps qu'Épictète (3-E 33). B . L 'identification souvent proposée de ce scholarque à C . Avidius Heliodo rus (PIR A 1405 et H 51) n 'est appuyée ni par la lecture de la ligne 8 de

l'inscription ci-dessus, ni par la vraisemblance, puisqu' en vertu des décisions prises en 121 le diadoque devait plutôt être un pérégrin , ni par ce qui est connu

de la carrière de C . Avidius Heliodorus, nommépréfet d'Égypte à la fin du règne d 'Hadrien et maintenu dans ce poste par Antonin (voir , en dernier lieu , S . A . Stertz, « Semper in omnibus varius: The Emperor Hadrian and Intellectuals» , (Directeur de la chancellerie grecque d 'Hadrien, puis préfet d 'Égypte de 137 à 142 (voir G . Bastianini, « Il Prefetto d 'Egitto » , ANRW II 10 , 1, 1988, p. 508 ), C . Avidius Héliodôros devait

cette promotion, selon Dion Cassius abrégé par Xiphilin (72, 22, 2), à ses talents de rhéteur. Aucune source ne permet de supposer qu 'il ait été philosophe. L 'hypothèse d' A . Stein , PIR2 A 1405 et H 51, selon laquelle le préfet d 'Égypte serait identique au philosophe Héliodore, ami d 'Hadrien et scholarque de l'école épicurienne d'Athènes, est donc peu plausible, bien qu 'elle ait été reprise par H . G . Pflaum , « La valeur de la source inspiratrice de la Vita Hadriani» , Bonn. Hist. Aug. Colloquium 1968/ 9, coll. « Antiquitas » 4, 7 , Bonn 1970 , p. 181, et R . Syme, « Hadrian as Philhellene. Neglected Aspects » , ibid . 1982/3 , coll. « Antiquitas» 4 , 17, Bonn B .P .) 1985, p. 341- 345.

SIMONE FOLLET.

29 HÉLIODORE D 'ALEXANDRIE RESuppl. XV:12a

M III

Aristotélicien du IIIe siècle ap. J.-C . que le philosophe Longin , dans la pré face de son livre Sur la fin (Porphyre, Vita Plotini 20 , 35 -36 ), associe à Annius

( 24A 187),Médius et Phoebion ; dans leurs écrits , ils n 'ont retenu des anciens que des éléments mineurs (V. Plot. 20 , 60 -65 ). Longin ajoute : « on pourrait leur

adjoindre aussi Héliodore, parce que luinon plus, au regard de ce que ses prédé cesseurs ont dit dans leurs leçons, n 'a rien apporté de plus à l'articulation du rai sonnement» (V . Plot. 20 ,65-68 ). Sous le nom d'Héliodore, on possède un commentaire sur l'Éthique à Nicomaque (édité

par G . Heylbut dans CAG XIX 2 , 1889), dont on a reconnu depuis longtemps qu 'il s'agissait d'une fausse attribution due à Constantin Paléocappa : voir P .Moraux , Der Aristotelismus bei den Griechen , coll. « Peripatoi> 5 , t. I, Berlin 1975, p. 137 -138. Voir la note d ' A . -Ph .

Segonds, dans Porphyre, La Vie de Plotin , t. II, p . 287. Paléocappa a pu s'inspirer de la Vie de Plotin, mais le commentaire est attribué à un Héliodore de Pruse (MH 34 ) et non d 'Alexan drie.

LUC BRISSON.

HÉLIODORE D 'ALEXANDRIE

H 30

30 HÉLIODORE D'ALEXANDRIE RE 13 PLRE II:6

MF V

534

Philosophe et astronome néoplatonicien, disciple de Proclus. Syrianus, le deuxième chef de l'École néoplatonicienne d' Athènes, avait marié l'une de ses

parentes, Aidésia (P + A 55), à l'un de ses disciples, Hermias d 'Alexandrie (» H 78 ). (Hermias enseigna à Alexandrie, où il introduisit les doctrines de l' École d'Athènes, cf. L . G . Westerink (édit.), Prolégomènes à la philosophie de

Platon , CUF, Paris 1990 , p. X -XI). Ils eurent trois fils: le fils aînémourut jeune, les deux autres étaient Ammonius (* A 141) et Héliodore. Ils durent naître à Alexandrie dans la décennie 440 -450 . Hermias mourut peu après, laissant ses deux enfants à la charge de leurmère. Nous savons par la Souda (t. II, p. 162, 13 -21 Adler = Damascius, Vita Isidori, fr. 127) qu 'Aidésia, soucieuse de leur bonne formation philosophique, les emmena à Athènes pour qu 'ils deviennent

tous deux élèves de Proclus, le successeur de Syrianus à la direction de l'École de philosophie . Ils suivirent vraisemblablement le cursus complet des études

philosophiques et théologiques sur cinq ou six années, puis, une fois le cycle achevé, revinrent à Alexandrie où Ammonius devint professeur de philosophie . Son frère, Héliodore, bien qu 'il porte aussi le titre de diaboodoç, n 'est en fait

connu que par des observations astronomiques ,et l'on ne sait rien de son activité de philosophe. Dans plusieursmanuscrits de l' Almageste de Ptolémée, on trouve une note liminaire qui a sûrement été recopiée du propre exemplaire de ce texte appartenant à Héliodore. Cette note , découverte et publiée pour la première fois

par Ismaël Boulliau (Astronomia Philolaica, Paris 1645, t. I, p. 246 , 278 , 326 327, 346 , t. II, p . 172) et republiée par J. L . Heiberg au tome II des Claudii Ptole maei Opera quae exstant omnia , Lipsiae 1907, p. XXXV- XXXVII, enregistre des observations astronomiques faites par Héliodore (l'une d'elles avec son frère Ammonius, une autre , celle de 475 , avec un Delos, qui peut désigner soit le < divin » Proclus soit plus probablement son “ oncle ", Grégoire, le frère d 'Her

mias), entre les années 475 et 510 . Elles sont au nombre de sept et concernent des occultations ou des conjonctions de planètes. Les dates exactes sont: 18 nov. 475, 1er mai 498, 21 fév. 503, 27 sept. 508, 11 mars et 13 juin 509, 21 août 510 .

Seule la première observation a été faite à Athènes, toutes les autres, à Alexan drie . Par conséquent, on peut raisonnablement penser que la date de la première observation en 475 tombe dans les années où Ammonius et Héliodore étaient ensemble à Athènes, étudiants dans l'école de Proclus, les autres dates s 'échelon nent sur la durée de leur activité à Alexandrie . Ces observations astronomiques ont été étudiées en grand détail et parfaitement vérifiées par O . Neugebauer, A History of AncientMathematical Astronomy, Part II, Berlin /Heidelberg , 1975 , p . 1038 - 1041. Damascius, qui a été élève d'Ammonius, dit qu 'Ammonius était plus doué et plus avide d'apprendre que son frère (V. Isid., fr. 127). On peut faire l'hypothèse que, dans le temps où Ammonius était le grand professeur de philo sophie à Alexandrie , dans la secondemoitié du Ve siècle , Héliodore était pour lui une sorte d'assistantspécialisé dans les sciencesmathématiques. Il faut toutefois retirer à Héliodore la paternité d'un commentaire sur Paul d' Alexandrie qui lui est attribué dans le manuscrit Vindob . phil. gr. 115, cf. J. Warnon , « Le commen

535 HÉLIODORE D ' ÉMÈSE taire attribué à Héliodore sur les ElfararikA de Paul d ' Alexandrie » , dans H 31

Recherches de Philologie et de Linguistique, Louvain 1969, p. 197-217 ,et L . G . Westerink, « Ein astrologisches Kolleg aus dem Jahre 564» , dans ByzZ 64 , 1971, p . 6 -21, reproduit dans Texts and Studies in Neoplatonism and Byzantine litera

ture , Amsterdam 1980, p . 279-294. Le texte en a été édité sous le titre :Heliodori ut dicitur in Paulum Alexandrinum commentarium , edd. Boer-Pingree, Leipzig

1962. Aucun écrit de la plume d'Héliodore ne nous est donc parvenu. HENRI DOMINIQUE SAFFREY.

31 HÉLIODORE D 'ÉMÈSE RE 15

III ?

Romancier dont l'æuvre a suscité des interprétations philosophiques.

Héliodore est l'auteur du plus célèbre roman grec , en dix livres, qui nous est parvenu intégralement sous différents titres, l'Éthiopique, ALOLOTTLXÒV (Bíbalov), les Éthiopiques, tà ALOlorixá (sans doute le titre courant), Chariclée , º Xapi xhela (titre byzantin ) ou l'Histoire éthiopique de Théagène et Chariclée, td

trepi Oeayévnv xai Xapixdelav. Voir 1 R . M . Rattenbury, T . W . Lumb, J.Maillon (édit.) , Héliodore, Les Éthiopiques ( Théagène et Chariclée), texte établi par R . M . R . et T. W .L . et traduit par J. M ., CUF, Paris 1935 - 1943, 24

éd. 1960, p . VII n . 1 et p. 2,pour tous les titresdonnés par lesmanuscrits.

Éditions. L'édition de Rattenbury et Lumb 1 s'est imposée comme l' édition de référence, mais il ne faut pas négliger celle de 2 A . Colonna, Heliodori Aethiopica , Roma 1938 ; cette dernière regroupe en outre l'essentiel des testimo

nia sur la réception de l'æuvre à l' époque byzantine. Le même savant a récem ment donné une nouvelle édition : 3 A . Colonna, Le Etiopiche di Eliodoro, testo , introd., nota biograf., nota bibliograf., nota crit. a cura di C . A ., trad. e comm . a cura di Bevilacqua J., coll. « Classici greci» , Torino 1987. Toutes deux ont été

vivement critiquées (cf. Rattenbury et Lumb 1, t. III, p. V -VII pour Colonna 2, et 4 E . V .Maltese ,Maia 40, 1988, p . 192-196 pour Colonna 3). Études d 'ensemble. Parmi la masse croissante de publications consacrées aux Éthiopiques, on retiendra pour une première approche la synthèse très dense

de 5 A . Billault, « Présentation des Éthiopiques» , IL 39, 1987, p . 25-30, et l'ex cellente monographie de 6 G . N . Sandy, Heliodorus, Boston 1982 . On lira aussi 7 E . Feuillâtre, Études sur les Éthiopiques d 'Héliodore , coll. « Publications de la Faculté des Lettres et Sciences humaines de Poitiers » 2 , Paris 1966 , 8 B . P .

Reardon , Courants littéraires grecs des Ile et Ille siècles après J. C ., coll. « Annales littéraires de l'Université de Nantes» 3 , Paris 1971, p . 381-392, et

9 A . Billault, La Création romanesque dans la littérature grecque à l'époque impériale, Paris 1991. L 'ouvrage de Colonna 3, p. 27-32, donne, jusqu'en 1982, une bibliographie essentielle en ce qui concerne les éditions, les traductions et

les études portant sur les Éthiopiques. Les travaux postérieurs les plus importants seront cités dans cette notice. Le roman ayant eu à Byzance, puis en Occident, une fortune extraordinaire qui lui a souvent valu des lectures à tendances philosophiques etmorales, il peut être intéressant de lire les témoignages critiques recueillis dans Colonna 2 , aux

536

HÉLIODORE D 'ÉMÈSE

H31

quels il faut ajouter les éditions de 10 H . Gärtner, « Johannes Eugenikos, Pro theoria zu Heliodors Aithiopika » , ByzZ 64, 1971, p. 322- 325, et de 11 A . R .

Dyck, Psellus, The Essays on Euripides and George of Pisidia and on Heliodo rus and Achilles Tatius, coll. « Byzantina Vindobonensia » 16 , Wien 1986 . L 'ar ticle de 12 H . Gärtner, « Charikleia in Byzanz » , A & A 15, 1969, p. 47-69 est

utile . Enfin, on trouvera dans 13 T.Hägg, The Novel in Antiquity , Oxford 1983,

p . 73-80, 192-210, mention , avec iconographie, des æuvres inspirées par les Éthiopiques à Byzance et dans l'Europe moderne. L'auteur. Sur l'existence du romancier,nous n 'avons que deux témoignages. Le premier est fourni par l'euvre elle -même (Éthiopiques X 41, 4) : « Ainsi finit l'histoire éthiopique de Théagène et Chariclée. L 'auteur en est un Phénicien d' Émèse, de la race d'Hélios, Héliodore, fils de Théodose » (trad. Maillon ). Le second est une information de l'écrivain Socrate (Hist. Eccl. V 22 = PG 67, col.639) qui, à propos du célibat des prêtres, relate qu '« en Thessalie cette cou tume fut introduite par Héliodore, lorsqu 'il devint évêque de Trikka ; on attribue à ce même Héliodore (où déYetal) une histoire d'amour qu' il écrivit dans sa jeunesse et intitula les Éthiopiques» (trad.Maillon ). Il semble (cf. Rattenbury 1, P. VII- VIII) que le texte de Socrate ait inspiré Photius (cod. 73) et Nicéphore Callistus (Hist. Eccles. XII 34 = PG 146 , col. 860 ). Ces minces renseignements,

surtout ceux donnés par Socrate, ont été interprétés dans des sens très différents par les philologues. En effet, comme on trouve dans la Souda qu ’un autre romancier, Achille Tatius ( > A 8 ), aurait été évêque, certains spécialistes, au premier rang desquels 14 E .Rohde, Der griechische Roman und seine Vorläufer, Leipzig 3e éd . 1914, p. 472-473, ont rejeté comme suspecte l'information de l' écrivain ecclésiastique. Mais ses défenseurs font valoir que ce dernier n 'affirme pas qu 'Héliodore était chrétien quand il composa son roman ,mais qu 'il le devint, par la suite . Cette thèse, bien défendue par Rattenbury 1, p. VII-XI, a été reprise récemment par Colonna 3, p . 11-12, et surtout par 15 P . Chuvin, Chronique des derniers païens.

La disparition du paganisme dans l'Empire romain , du règne de Constantin à celui de Justinien, coll. « Histoire » , Paris 1990 , p. 321-322. De plus, détail trou blant, des savants ont constaté que le texte d'Héliodore paraît précis et exact à propos des réalités thessaliennes (cf. notamment 16 L . Robert, « Deux épigram mes de Philippe de Thessalonique », JS 1982 , p. 139 -162, et 17 J. Pouilloux ,

« Delphes dans les Éthiopiques d'Héliodore » , IS 1983, p . 259-286 ), ce qui confirmerait partiellement l'information de Socrate .

D 'autre part, certains, et déjà Amyot, ont voulu identifier le romancier avec le sophiste Héliodore l'Arabe, contemporain de Caracalla , mentionné par Philo strate dans ses Vies de sophistes II 32 . Mais l'hypothèse est rejetée par Rattenbury 1, p. XV n . 2, et jugée « très peu plausible » par Maillon 1, p. LXXXIII n. 1, même s'il la trouve séduisante pour expliquer les similitudes que l'on a

relevées entre Philostrate et Héliodore (même prudence chez 18 R.Merkelbach , Roman und Mysterium in der Antike, München/Berlin 1962, p. 234, et rejet plus

537 HÉLIODORE D'ÉMÈSE brutal de la thèse, reprise dernièrement par R .L . Fox, Pagans and Christians, H 31

New York 1987, chez Chuvin 15 , p . 324 n . 5). Quant à la souscription , elle a, elle aussi, donné lieu à des interprétations divergentes. Rohde 14 , p .471 n. 3 et p. 498 n . 1 (« 'Halódwpoc ein Pseudo

nym ? So nennt sich Aristides Ocódwpoc » ), suivi par Maillon 1, p. LXXXIV , a posé la question : faut- il entendre que le romancier se prétend descendant d'Hé

lios, par jeu de mots, ou bien qu'il se réclame de la famille des prêtres d 'Hélios ? Pour Rattenbury 1, p. XII, il ne s'agirait pas d'un pseudonyme. D 'autre part, 19 O . Dilke, « Heliodorus and the Colour Problem », PP 193, 1980, a souligné, p. 269-270, que rien n'autorise à reconnaître en Héliodore un Noir, un Éthiopien, mais que la signature de son auvre, qui pourrait être un poème de sa composi tion en trimètres iambiques, fait apparaître le mot helios comme le cinquième

mot avant la fin , comme il était le cinquième mot du début; il accepte l'idée, communément admise , qu 'Héliodore était prêtre du Soleil, le dieu d'Émèse. En revanche, il se pourrait que l'appellation de « phénicien » , POTVLE, joue sur la polysémie du mot, renvoyant à la « palme » et à « phénicien » (cf. 20 M . Laplace, « Les Ethiopiques d'Héliodore, ou la genèse d'un panégyrique de l'amour» , REA

94, 1992, p. 225) aussi bien qu'au « phénix » , oiseau solaire par excellence (voir

Chuvin 15 , p. 200). Enfin, si le romancier peut se déclarer « phénicien », cela s'expliquerait par le

fait que la ville d'Émèse a été intégrée à la province de Syrie -Phénicie à partir du règne d' Élagabal, voire de Caracalla (cf., pour une intégration sous Élagabal,

Rattenbury 1, p. XI n . 2, qui cite le témoignage ambigu d'Ulpien, Digeste L XV 1, 4 ; l'hypothèse est reprise par Colonna 3, p. 23. En revanche, Billault 6, p. 25 n . 11, penche pour Caracalla , comme Sandy 6 , p. 2 n . 1).Mais peut- être faut-il

voir là, selon 21 A .R . Birley, The African Emperor Septimius Severus, London 1988, p. 71, un terme générique : « By extension Arab Emesa considered itself, or was considered to be, a Phoenician city » . Datation . Vu le peu que nous savons de l'auteur, la datation de l'æuvre suscite évidemment des controverses, et il n 'est pas question de reprendre ici toutes les hypothèses qui ont été avancées. Reardon 8 , p . 334 n. 57, offre une bonne synthèse sur la question . Il est acquis que le passage de Socrate constitue un terminus ante quem , c 'est-à -dire avant le ve s. ; en revanche, le terminus post quem n 'est pas établi. Le rattachement d 'Émèse à la

province de Syrie -Phénicie , qui justifierait l'appellation de « Phénicien » et interdirait toute datation antérieure au IIIe s ., n ' a pas retenu l'attention des spécialistes (à l' exception notable

de Colonna 3 , p. 11). Certains d'entre eux proposent donc une date plus haute. Ainsi Pouilloux 17 , p . 286 , se fondant sur les réalités delphiques telles qu ' elles apparaissent dans le roman ,

pense au lle s., ou au débutdu lie. De même Feuillâtre 7, p . 147- 148, souhaite placer le roman dans la première moitié du Ile s., sous le règne d 'Hadrien , en s'appuyant notamment sur la place importante que Delphes occupe dans le récit ; il rejette l'hypothèse d 'une cuvre exaltant

Hélios ( « Nous ne trouvons aucune trace d'un culte du Soleil analogue à celui qui était prati qué au temps des Sévère » ), alors que c 'est précisément cette hypothèse que retiennent nombre de chercheurs voulant faire d'Héliodore un contemporain des empereurs Élagabal et

Alexandre Sévère , tous deux natifs d'Émèse, apparentés aux grands prêtres etpropagateurs du culte solaire.

538

HÉLIODORE D 'ÉMÈSE

H 31

Par exemple, Rattenbury 1, p . XIII-XIV , contestant la thèse de Rohde qui propose le règne d 'Aurélien (270-275), estime qu '« Héliodore a dû écrire quelque temps après 220 environ » . Quant à 22 F. Altheim , Literatur und Gesellschaft im ausgehenden Altertum , Halle/Saale

1948, t. I, p . 93-124 , il conclut, au terme d'une longue démonstration, p. 120, qu 'Héliodore souhaite faire oublier l'image négative qu 'Élagabal a donnée du culte solaire ; il situe donc le romancier entre les règnes d 'Elagabal et d 'Aurélien .

Mais un article a bouleversé les données du problème, sans toutefois convaincre totale ment. 23 M . H . A . L . H . Van der Valk , « Remarques sur la date des “ Éthiopiques " d 'Hélio

dore » , Mnemosyne 9, 1941, p . 97-100, a établi un parallèle entre le siège de Syénédécrit par

Héliodore (IX 2 -8 ) et celui de Nisibemené par Chapour II en 350 et décrit par l'empereur Julien (Orat. I 22-23 ; Orat. III 11- 16 ). Cette thèse a reçu un accueil généralement favorable. Citons parmi ses plus récents partisans Chuvin 15 , p . 321 - 325 , et notamment p. 324 : « Si on se refuse à torturer les témoignages d 'Ephraïm , de Julien et de Socrate , tous les trois auteurs sûrs et bien informés. .. ils concordent à placer l'activité d 'Héliodore dans la seconde moitié du Ive

siècle » , c 'est- à -dire au temps de Théodose, et Colonna 3 , p . 23-25 , qui va plus loin en fixant la date de naissance d'Héliodore autour de 320 - 340 , la rédaction de son roman autour de 370

380, et son épiscopat après 380. Sandy 6, p. 4 -5 , aboutit à la même conclusion.

Néanmoins,la thèse de Van der Valk 23 a été réfutée , entre autres par 24 T. Szepessy, « Le siège de Nisibe et la chronologie d 'Héliodore » , AAntHung 24 , 1976 , p . 247-276 : ce serait Julien qui serait lecteur d 'Héliodore (cf. aussi les réfutations de Feuillâtre 7, p . 148, et p. 139 : le modèle d 'Héliodore serait la Cyropédie relatant le siège de Babylone par Cyrus ; d'autre part, p. 135 , l'auteur affirme qu ' « il paraît vraisemblable , mais non certain qu 'Héliodore ait été

l'objetdesmoqueries de Lucien » , l'Histoire vraie parodiant le livre IX des Éthiopiques). Enfin , la datation des Éthiopiques est liée souvent à la Vie d 'Apollonios de Tyane de Philo strate, publiée vraisemblablement après 217 .Mais, là encore, des divergences apparaissent: certains reconnaissentune parenté qui reposerait essentiellement sur les deux figures de sages

que sont Calasiris et Apollonios, et sur la mention , propre aux deux æuvres, de l'existence de gymnosophistes ( ~ 6 35) éthiopiens (cf., entre autres, Rohde 14, p . 462-471, repris par

Maillon 1 , p . LXXXVI-LXXXVII, Merkelbach 18, p. 243 n . 2 , Reardon 8 , p. 390 n . 192, 25 T . Szepessy, « Die Aithiopika des Heliodoros und der griechische sophistische Liebesroman », AAntHung 5, 1957, p. 246 , Chuvin 15, p . 322, Colonna 3 , p . 13 : « Da Filostrato ... egli ha preso qualcosa in ogni pagina del romanzo » ), tandis que d'autres la nient (cf. Feuillâtre 7 ,

p . 128-132) ou s'interrogent (cf. Billault 5 , p . 28 n . 20).

Interprétation de l'æuvre. Du statut que l' on accorde à l'ouvre dépend en très grande partie la lecture qui en est faite. Comme tout roman , ce roman relève d 'une critique littéraire, fondée sur des critères esthétiques. A ce titre , les Éthio piques seraient la plus brillante des productions de la Seconde Sophistique ( selon Rattenbury 1, p. XVIII, « c'est la structure qui constitue le principal mérite des

Éthiopiques » ): la virtuosité de la construction – début in medias res, qui fait que l'æuvre commence par ce qui est le milieu de l'histoire, l'emboîtement de récits, surtout dans le fort long discours rétrospectif de Calasiris (II 24 - V 33), plaide raient en ce sens. Pour une étude sur la construction de l'euvre, on se reportera

au travail de 26 M . Pulquério Futre Pinheiro, Estruturas técnico -narrativas nas Etiopicas de Heliodoro, Lisboa 1987. Dès l'époque byzantine, les qualités

d'écriture de l’æuvre ont été relevées; Psellos 24-28 Dyck ,dans une comparai son restée célèbre, a évoqué un serpent qui se déroule. Les chercheurs contempo

rains ontmontré tout ce que la structure de l'æuvre doit à Homère et ce qu 'elle

possède d'original (voir le brillant 27 M . Fusillo , Naissance du roman, traduc tion française par M . Abrioux de Il Romanzo greco. Polifonia ed Eros, coll.

« Poétique », Paris 1991, p. 131-134 ; 147- 165); s'appuyant sur les travaux et la

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HÉLIODORE D 'ÉMÈSE

539

réflexion de la critique d'aujourd 'hui, ils se sont plu à rappeler qu'il s'agit avant tout d'un jeu. Cette tendance est représentée essentiellement,mais non exclusi vement, par l'école anglo-saxonne, qui souligne avec force que les Éthiopiques sont d'abord, voire exclusivement, une æuvre littéraire qui se donne à voir ; ce qui pourrait paraître message philosophique ou religieux ne sert que les fins litté raires (cf. le titre significatif de l'article de 28 G .N . Sandy, « Characterization and philosophical decor in Heliodorus' Aithiopica » , TAPHA 112 , 1982, p. 141 167 ; l'auteur y affirme (p. 165) : « I see the philosophical component as literary embellishment» ; on citera aussi le bel article de 29 J.J. Winkler, « The menda city of Kalasiris and the narrative strategy of Heliodoros' " Aithiopika" » , dans J. J. Winkler et G . Williams (édit.), Later Greek Literature, coll. « Yale Classical

Studies » 27, Cambridge 1982, p. 93-158, dans lequel on lit (p . 122) : « These references are not meant philosophically or religiously but rather as reflexive allusions to the novel's own structure of progressive and problematic intelligi bility » . Il y aurait lieu de citer encore 30 G . Anderson, Eros sophistes. Ancient

novelists at play, Chico 1982, p. 33-40, et 31 Id ., Ancient Fiction. The novel in the graeco -roman world , Beckenham 1984, p. 83-85 .

Mais on a peut-être oublié que la construction du texte, si remarquable par sa complexité , s'apparente à celle d'un autre roman , d' inspiration clairement pytha goricienne, qui ne nous est pratiquement connu que par un résumé de Photius, les Merveilles au -delà de Thulé d'Antonius Diogène (2D 137). Fusillo 27 , p. 160 , parle d 'une « influence » .

Dans ces conditions, résumer en quelques lignes ce roman, en respectant sa structure narrative et ses effets (Photius, Bibl. cod . 73 recompose l’æuvre de

façon linéaire pouren rendre compte ), est une gageure : Une scène de carnage sur un rivage : nous voyonsdes piratesmorts, et un couple debeaux jeunes gens, qu 'observe, avant de l'enlever , une troupe de brigands, les Pâtres du delta du Nil, conduits par leur chef. Puis, nous apprenons que le jeune homme se nomme Théagène, la

jeune fille Chariclée, et qu 'ils ont pour compagnon d' infortune un prisonnier grec, Cnémon , lequel raconte comment, pour fuir l'amour d 'une marâtre, il a été contraint de quitter Athènes.

Quant au chef des brigands, Thyamis, il s'avère le fils d'un prêtre deMemphis, dépossédé par son frère de la fonction sacerdotale transmise par leur père. Thyamis veut épouser Chariclée, qui fait passer Théagène pour son frère.Mais une attaque de brigands, suscitée par le frère de Thyamis , Pétosiris, survient: les jeunes gens sont séparés, et Chariclée, confiée à la garde de Cnémon , est transférée dans une grotte. C ' est là que se rend Thyamis, dans un accès de jalou sie , pour tuer Chariclée. Au cours de la bataille , il est fait prisonnier ; Théagène et Cnémon ont réussi à se cacher. (Livre I). Or, il se révèle que Chariclée est vivante et que Thyamis abusé a

tué à sa place une certaine Thisbé... ancienne servante de la belle -mère de Cnémon devenue maîtresse d'un marchand de Naucratis, Nausiclès, que lui a enlevée, avant de la cacher dans la grotte , Thermoutis, l'écuyer de Thyamis ! Tous quittent le repaire des Pâtres séparément. Aux abords du bourg de Chemmis, Cnémon rencontre un vieillard égyptien qui lui promet de lui faire le récit de ses malheurs et l'invite dans la maison de son hôte, qui n ' est autre que Nausi

clès. Comme le vieil homme se lamente sur Théagène et Chariclée, Cnémon , bouleversé par cette coïncidence, lui apprend qu 'ils sont en vie et demande en échange des informations sur eux . Commence alors, de la part de celui qui se nomme Calasiris, un long récit rétrospectif. Prêtre à Memphis, Calasiris a quitté sa ville pour ne pas succomber aux charmes de la courti sane Rhodopis et pour éviter de voir ce que les dieux lui ont fait pressentir, la lutte de ses deux

fils, dont l'aîné s'appelle ... Thyamis. Il a donc voyagé jusqu'à Delphes où, dès son arrivée, un

H 31 540 HÉLIODORE D 'ÉMÈSE oracle lui annonce son retour en Égypte . Il fait connaissance du prêtre d'Apollon, Chariclès, qui lui relate comment, parti en Egypte pour oublier des malheurs domestiques, il a recueilli

d'un gymnosophiste éthiopien une fillette d'une merveilleuse beauté que sa mère avait fait exposer. De retour à Delphes, Chariclès a donné à la jeune fille une excellente éducation, mais se désespère de la voir rebelle au mariage; aussi sollicite-t-il Calasiris afin que celui-ci use des charmes égyptiens pour la rendre amoureuse. Avant une cérémonie religieuse à laquelle doi

vent participer le Thessalien Théagène et la zacore d'Artémis, Chariclée, la Pythie fait

entendre un nouvel oracle laissant entendre que « celle qui est d'abord Grâce (záplv ) et enfin Gloire (whéos) » , ainsi que le « fils d 'une déesse (O£ãs yavérny )» vont bientôt quitter son temple « pour atteindre la terre sombre brûlée par le soleil où ils trouveront récompense de leur vertu et blanche couronne » . (Livre II). Calasiris rapporte ensuite le coup de foudre réci proque de Théagène et Chariclée, survenu au cours des festivités religieuses, et la double vision d 'Apollon et d 'Artémis qui le somme d'emmener en Égypte les jeunes gens. (Livre III). Alors, grâce à la bandelette exposée avec Chariclée, il découvre qu 'elle est fille de Persinna , reine d' Éthiopie : elle est née blanche de parents noirs parce que sa mère , au moment de la conception , contemplait un tableau reproduisant Andromède ! Calasiris révèle sa naissance à Chariclée, lui déclare que Persinna l'a chargé de lui ramener sa fille et, pour tromper Chari clès, feint un enlèvement de l'héroïne par Théagène. Tous les trois embarquent sur un bateau phénicien à destination de Carthage. (Livre IV ). Alors que Calasiris commence à raconter le voyage, survient Nausiclès annonçant avoir « trouvé Thisbé,mais en mieux » , et le sommeil

interrompt là Calasiris. Le lendemain, il s'avère que cette Thisbé est en fait Chariclée , que Nausiclès, dans son expédition punitive appuyée par les Perses, a sauvée en la faisant passer

pour Thisbé; quant à Théagène, il est envoyé à Memphis au satrape du Grand Roi. Le lecteur assiste aux retrouvailles de Chariclée, Cnémon etCalasiris, avant que ce dernier ne reprenne le

fil de son histoire : en mer, le marchand phénicien, propriétaire du bateau, demande Chariclée en mariage ; des pirates guettent le navire, pour s'emparer de ses richesses ... et de Chariclée, dont leur chef est amoureux ,mais, après un abordage réussi, ils ne peuvent empêcher un nau

frage sur la côte égyptienne. C 'est au moment où le chef des pirates va épouser Chariclée que

Calasiris dresse contre lui un rival.Il s'ensuitunemêlée générale et fortmeurtrière à l'issue de laquelle, sous les yeux de Calasiris impuissant, les Pâtres enlèvent Théagène et Chariclée . Calasiris a terminé son récit avec l'épisode qui ouvre le roman . (Livre V ). Les hommes partent à la recherche de Théagène. En chemin , Cnémon raconte à Nausiclès comment il a connu

Thisbé, et un amide Nausiclès leur apprend que Thyamis a intercepté Théagène qu 'il tient pri sonnier. Cnémon renonce à poursuivre son séjour en Égypte et décide de repartir pour la Grèce avec Nausiclès, lequellui avoue être le marchand amant de Thisbé, et lui donne sa fille en mariage ! (Livre VI) Pendant ce temps, arrivé à Memphis pour recouvrer sa fonction sacer dotale , Thyamis affronte son frère Pétosiris dans un combat singulier qu'interrompt l'arrivée providentielle de leur père , Calasiris. Chariclée , elle , retrouve Théagène qui a accompagné

Thyamis. Calasiris peut alors mourir en paix . Mais sa mort livre nos héros à Arsacé, femmedu satrape. Profitant de ce que son mari est parti guerroyer contre les Éthiopiens, elle emprisonne Chariclée , et Théagène dont elle est amoureuse. (Livre VII) Informé, le satrape exige que les

prisonniers lui soient envoyés, et à Memphis, Chariclée, accusée d'empoisonnement par Arsacé, échappe miraculeusement au bûcher. Mais, alors qu 'ils sont conduits vers le satrape, les héros, qui ont appris en route le suicide de leur persécutrice, sont capturés par des Éthio piens décidés à les offrir à leur roi. (Livre VIII). Celui-ci accueille volontiers ces prisonniers

qu'il se promet de sacrifier à son retour en Éthiopie, et il attaque Syéné, en détournant le Nil. Puis, fort de sa victoire sur les Perses, le roi Hydaspe, auquel un songe a annoncé une fille , quitte l'Egypte . (Livre IX ). Le dernier livre, qui se situe à Méroé, capitale de l'Ethiopie, mul

tiplie les scènes de reconnaissance : Sisimithrès, le gymnosophiste quiavait confié Chariclée à Chariclès, reconnaît la jeune fille, et Persinna identifie en elle sa fille. Les Éthiopiens renon cent à leurs cruels sacrifices. Enfin , ultime coup de théâtre, Chariclès, parti à la poursuite du ravisseur de Chariclée, arrive à temps pour assister au mariage des héros, qui deviennent, cou ronnés de blanc , prêtres du Soleil et de la Lune. L 'oracle delphique s'est réalisé.

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A l'opposé de cette lecture exclusivement littéraire, certains spécialistes ont voulu voir dans les Éthiopiques un manifeste politique et religieux. L 'ouvrage de Merkelbach 18, très controversé au moment de sa publication , développe systé matiquement, p. 234 -298 , la thèse selon laquelle le roman est, comme tous les autres, un Mysterientext, en l'occurrence une euvre à la gloire du dieu Soleil. Quoi qu 'il pense de cette démonstration , le lecteur trouvera dans ce travail de grande érudition des parallèles éclairants avec des textes néoplatoniciens ou néopythagoriciens; il trouvera aussi, relevés par l'auteur, à la suite de K . Kerenyi, Die griechisch-orientalische Romanliteratur in religionsgeschichtlicher Beleuchtung, Tübingen 1927, les éléments isiaques qui se liraient dans le roman . Quelques années auparavant, Altheim 22, p. 95- 96 , 115-120, avait voulu montrer que le roman était un texte de propagande destiné à asseoir l'autorité du dieu solaire originaire d'Émèse , patrie des empereurs syriens . Cette interprétation est acceptée tantôt sans réserve ( cf. 32 J. Hani, « Le personnage de Charikleia dans

les Éthiopiques. Incarnation de l'idéalmoral et religieux d 'une époque» , BAGB 1978, p . 271: « hymne à la gloire du Soleil-Dieu » ; Szepessy 25, p. 243-251), tantôt avec prudence (cf. Chuvin 15 , p. 200 ; Billault 5, p. 28), voire rejetée (cf.

Feuillâtre 7 , p . 130). Ceux qui tiennent à une lecture littéraire de l'æuvre condamnent évidemment

l'interprétation religieuse, même s'ils reconnaissent la présence importante de la religion (cf., par exemple , Rattenbury 1, p. XX -XXI; Anderson 31, p . 81-85 ; 33 J.R .Morgan , introduction aux Éthiopiques, dans B . P. Reardon [édit.], Col lected ancient Greek novels, Berkeley /Los Angeles/London 1989, p . 350 : « a very religious, or rather religiose , text ». Reardon 8, p. 385 -386 , réévalue cette

dimension de l'æuvre qui lui donne son sens et son originalité sur le plan litté raire, avantde souligner, p. 390, combien , dans ce roman ,« ilmanque singulière ment ce que de nos jours on appellerait une vraie doctrine religieuse » ). Certains

distinguent néanmoins dans les Éthiopiques un souci, comme l' écritMaillon 1, p .LXXXVI, de « concilier la tradition philosophique et le sens du divin et du mystère » . Quant à Fusillo 27 , p . 140 - 141, il montre parfaitement comment la complexité de la structure narrative répond à une Weltanschauung fondée sur la religion : « Cette organisation complexe, qui permet de présenter les événements sous différents angles et de les dévoiler peu à peu a une valeur sémantique : elle exprime le caractère nécessairement ambigu de l'interprétation de la réalité (...) Tel est bien le présupposé théologique sur lequel repose le système d 'Héliodore : le monde divin communique à l'homme des signes et des indices, à partir des quels il doit construire, par hypothèses successives, une vision cohérente » . En revanche, la thèse de Coray, exprimée dans son édition des Éthiopiques, 'Halo dupov Alolonixá , Paris 1804, selon laquelle le christianisme imprégnerait le roman , a été contestée très tôt (cf. les critiques de Rohde 14 , p. 462 ; 472) et a

fait long feu. Orientations philosophiques des Éthiopiques. Les Éthiopiques, dès l'épo que byzantine, ont suscité des interprétations philosophiques, grâce, notamment,

à la lecture allégorique d' inspiration néoplatonicienne. Mentionnons pour mé

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moire Philippe le Philosophe, Της Χαρικλείας ερμήνευμα της σώφρονος (ed. Colonna 2, p . 365), qui voit dans Chariclée et ses tribulations l'image de l'âme et de son destin (sa chute dans le corps et le monde avant sa réintégration dans sa patrie ) et Jean Eugenikos qui, dans sa Ilpodewpía toŨ Nouopúraxos, li. 36 -39

Gärtner, reconnaît dans le roman l’illustration des quatre vertus cardinales (åvopeia , OLXALOOÚvn , owopooúvn , opóvnouc ) et une élévation de ton qui la rapproche du « sage Salomon » (li. 44 ). Psellos et Photius quant à eux font une lecture essentiellementmorale qui ne retient que l'éloge de la virginité . Sur le commentaire de Philippe le philosophe, voir maintenant L. Tarán, « The authorship of an allegorical interpretation of Heliodorus' Aethiopica » , dans EOQIHE MAIHTOPEX . Cher cheurs de Sagesse. Hommage à Jean Pépin , publié sous la direction de M . -O . Goulet-Cazé,

Goulven Madec et Denis O 'Brien, « Collection des Études Augustiniennes» - Série Antiquité 131, Paris 1992, p . 203-230 .

Depuis, les philologues n 'ont pas cessé de chercher dans ce roman d'aven tures et d 'amour une coloration philosophique en raison de la personnalité et de l'idéal de l'héroïne (« Hypatie que l'amour dérobe à la science et à la philoso phie » selon Maillon 1, p .LXXXV ; d'ailleurs, à la suite de Geffcken , Sandy 28, p. 166 , remarque que les femmes ont été fréquemment introduites dans les cercles pythagoriciens, puis néoplatoniciens) et surtout du personnage de Cala

siris, prêtre d 'Isis et figure de sage pratiquant la continence et un régime stricte ment végétarien . Pour les uns, c'est le pythagorisme, ou le néo-pythagorisme, plus ou moins associé au platonisme, qui est prégnant. C 'est la thèse, entre autres, de Rohde 14 , p . 467, de Maillon 1, p. LXXXVI-LXXXVII (« Calasiris,

comme Apollonios de Tyane, est un modèle d'ascétismepythagoricien » ) et de Szepessy 25, p. 243 ; elle repose essentiellement sur l'idée que Calasiris est un double d 'Apollonios de Tyane, et donc, comme lui, un adepte de Pythagore . Cette adhésion au pythagorisme se manifesterait par l'aspect extérieur de Cala

siris ( cheveux longs : cf. II 21, 2 ; VII 7 , 2 ; vêtement de lin , « calasiris» dési gnant une tunique de lin ), son régime alimentaire, végétarien et abstinent (cf. II

23, 5 ). L 'interdiction des sacrifices sanglants à l'initiative des gymnosophistes éthiopiens est également invoquée. D 'autre part, la fréquente dénomination des dieux sous la forme o zpeittoveç serait un indice pythagoricien (cf. Maillon 1,

p . LXXXV ;mais 34 Ch. Lacombrade, « Sur l'auteur et la date des Éthiopiques» , REG 83, 1970, p. 75, fait un rapprochement avec Jamblique). Enfin , le passage II 24, 6 (« abandonnant son corps dissous pour une autre destinée» ) est compris par Maillon 1 , note ad loc., comme une allusion aux théories pythagoricienne et orphique de la métempsychose. On trouvera dans Feuillâtre 7, p. 128 - 132, une réfutation de la lecture pythagoricienne du roman . Et il est vrai que les mêmes

faits, vu le syncrétisme philosophique de l' époque, peuvent être interprétés de façon différente . Ainsi, pour 35 J.R .Morgan , « History, romance and realism in the “ Aithiopika" of Heliodorus » , CIAnt 1 , 1982, p . 250 , le végétarisme est un signe néoplatonicien au même titre, sans doute, que le vêtement et les cheveux. De la même façon , les endroits où il est question de l'âme ont reçu des interpré

tations néopythagoriciennes ou néoplatoniciennes : ainsi pour II 31, 1 (« je ne

voulais pas commettre la faute de laisser en péril une âme revêtue de la forme

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humaine, quxdu änat évav pornoaoav » ) ;Colonna 3, p . 12, signale mêmeun

rapprochement possible avec la pensée chrétienne. L 'expression tò voepòv tñs quxñs (II 15 , 2 ) est relevée par 36 M . P . Nilsson, Geschichte der griechischen

Religion II,München 2e éd. 1961, p. 542 n . 5 , comme un indice néoplatonicien plutôt que néopythagoricien . Pour d'autres, en effet, le platonisme, ou le néoplatonisme (cf., par exemple , Feuillâtre 7, p. 125-127 ; Billault 5, p. 28 ; Laplace 20 ,passim ), serait la marque du roman. La théorie de l'amour développée au moment du coup de foudre (III 5 , 4 -6 ) unissant les héros est souvent invoquée.Mais Fusillo 27, p . 215, insiste sur la modification apportée à la doctrine platonicienne (« réinterprétation philo sophique de genre romanesque » ), à la suite de Plutarque Dialogue sur l'amour,

766 e -f : la beauté féminine est prise en compte . D 'autres critères sont également retenus pour étayer la thèse du platonisme. Ainsi Lacombrade 34, p. 75, rattache les épithètes désignant la virginité au néoplatonisme et Sandy 28, p. 154 - 164 , relève l'interprétation d'Homère et l'allégorie , ainsi que le recours par Calasiris au pieux mensonge tel qu'il est défini dans la République III, 414 -415 . La struc ture de l'æuvre qui reposerait sur une construction tout entière fondée sur les nombres rappellerait, selon 37 C .Meillier, « Note sur l'arithmologie des Éthio

piques d'Héliodore» , Kentron 2 , 1986 , p . 113, que le « beau qui vientde la pro portion est inséparable du divin , dans la tradition platonicienne » . Enfin , il n 'est pas jusqu 'au stoïcisme qui ne soit sollicité. Hani 32 , p. 270, évoque le stoïcisme, pour le dépasser aussitôt: « Charicleia est, sans aucun doute , une héroïne selon le cœur des Stoïciens.Mais c'est plus encore , peut-être, dans l'ambiance du platonisme qu 'elle trouve sa respiration profonde ». C 'est aussi la conclusion de Fusillo 27 , p . 250 : « L 'éros est subsumédans une dimension reli gieuse cathartique, où se fondent l' idéal stoïcien du mariage et le néoplatonisme du culte d'Hélios » ; il s'appuie , note 92, sur 38 D . Kövendi, « Heliodors Aithio pika. Eine literarische Würdigung » , dans F . Altheim et R . Stiehl, Die Araber in der alten Welt, Berlin 1966 , t. III, p . 168 -171 : « le finale unirait à la théorie stoï cienne, qui voit dans le Soleil l'origine de la vie et de la raison, l'exaltation pla tonicienne de l'amour en relation avec la nature » . D 'autre part, un passage qui

fait intervenir la Providence divine à propos de l’isthme du Péloponnèse (V 17, 1- 3) a été interprété comme d'inspiration stoïcienne (cf. 39 P . Grimal,

Romans grecs et latins, coll. « Bibliothèque de la Pléiade» , Paris 1958, note ad loc., repris par Billault 9, p. 279). De plus, s'il s'avérait que le passage I 14, où il est question de la justice, soit un écho des Phénomènes d 'Aratos (vers 96 -136 ),

comme le suggère Morgan 33, note ad loc., nous aurions un indice stoïcien sup plémentaire.

Les réalités philosophiques dans les Éthiopiques. Elles sont rares, et leur intérêt est variable. On peut noter comme particulièrement précieuse la locali sation du Jardin d ' Épicure par rapport à l' Académie , c 'est- à -dire en dehors de la

ville, en dépassant le jardin d 'Académos (I 16 , 5 ; I 17, 5 ), que le texte d'Hélio dore permet de déterminer (cf. 40 M . L . Clarke « The Garden of Epicurus » ,

HÉLIODORE D 'ÉMÈSE

544

H31

Phoenix 27, 1973, p. 386 - 387). Mais cela n 'interdit pas de constater que l'ana chronisme est considérable (cf.Morgan 33, p. 367 n. 20 ).

Les philosophes n 'apparaissent en tant que tels qu’à propos de la ville de Delphes, qualifiée de « musée » , c 'est- à -dire de centre intellectuel (II 27, 2 ) . Héliodore mentionne en effet ( II 27, 3 ; II 28 , 1-5) leur présence dans la ville et évoque les thèmes de discussion, bien conventionnels, que Calasiris engage avec

eux : ils concernent la religion égyptienne et les crues du Nil. La thèse de Calasi ris selon laquelle la crue du Nil s'explique par l'évaporation est fort proche de celle de Démocrite cité par Diodore I 39, comme le relèvent Rohde 14, p . 486 n . 2 ; Maillon 1 , p . 84 n . 2 ; Fusillo 27 , p . 71. L 'atmosphère intellectuelle corres

pondrait, d'après Billault 9, p. 29, et Feuillâtre 7, p. 147, à la réalité du Haut Empire. Il faut noter aussi (IV 12, 1) que la reine d'Éthiopie a autour d 'elle un cercle

de « sages» ou de « savants », cop @ v, et que la cour respecte la hiérarchie tradi tionnelle entre sagesse éthiopienne et sagesse égyptienne, la première l'empor tant sur la seconde.

Citons pour terminer des développements sur la vraie sagesse et la fausse sagesse, l'une représentée par l'astrologie, l'autre par la nécromancie ( III 16 , 3

5), et l'affirmation que le sage n' a besoin de rien : « Le sage nemanque jamais de rien, car il n 'a que des désirs à la mesure de ses moyens, et n 'attend des dieux

que ce qu'il sait convenable de leur demander » (V 12 , 1, trad.Maillon). PATRICK ROBIANO.

32 HÉLIODORE DE LARISSA V ? VI ? Ce personnage n 'est connu que par la mention qui est faite de son nom dans

les deux titres suivants : AqulavoŨ toũ ‘Halodópou Raplooalov xepárala tõv Óntixõv ÚTOOéoewv. Sur cet ouvrage, ses éditions et commentaires, ainsi

que sur sa datation probable au Ve ou Vie siècle de notre ère, voir 1 R .B . Todd , art. « Damianos» D 6 , DPhA II, p. 594- 597. La plus récente édition est celle de 2 R . Schöne, Damianos Schrift über Optik , Berlin 1897. L 'ouvrage fut attribué à

Héliodore au début de l'époque moderne uniquement parce que le nom de Damianus faisait défaut dans le manuscrit utilisé pour l'editio princeps de 3 E . Danti, Heliodori Larissaei Capita Opticorum , Firenze 1573. Todd 1 a également

suggéré de mettre le caractère élémentaire de ce traité en rapport avec son contenu philosophique, manifestement inspiré par un point de vue platonicien . Son cadre d'origine était donc probablement celui d'un enseignement philoso phique dans lequel pouvait prendre place, à titre de complément, une telle intro duction élémentaire , pour ne pas dire simpliste, à l'optique. La présente notice se propose d'élargir et de réviser de manière significative

les brèves explications précédemment fournies dans la section “ Damien et Héliodore” de la notice consacrée à Damien (Todd 1) : quel rôle pouvait jouer

Héliodore par rapport à Damien , l'auteur du traité conservé ? Si 'Halodúpou n 'était qu'un patronyme, il n 'y aurait aucune raison de mettre

Héliodore en rapport avec l'ouvrage de Damianus. Mais l'ajout d'indications

H 32

HÉLIODORE DE LARISSA

545

patronymiques (fournies communément comme simples génitifs) n ' est pas habi tuel dans l'intitulé des traités antiques à côté du nom de leur auteur. Une excep tion bien connue – la mention du nom d 'Hermias d 'Alexandrie (2H 78) dans le titre des ouvrages écrits par son fils Ammonius d'Alexandrie (2A 141) ou com posés d'après son enseignement – tendrait à suggérer qu 'un patronyme n ' était ajouté que si des rapports professionnels ou intellectuels, et non seulement fami liaux , étaient impliqués. Hermias était un philosophe de plein droit et la présence de son nom dans le titre entendait probablement rappeler qu 'Ammonius n ' était pas seulement son fils, mais aussi son héritier intellectuel. Similairement, dans le

cas de Damianus, la mention d 'Héliodore suggère , pour le moins, que ce dernier était engagé dans la même sphère d'activité que son fils. Un tel rapport n 'implique cependant pas qu 'Héliodore ait nécessairement exercé une influence particulière sur le traité d'optique, pas plus qu 'on ne consi dère qu 'Hermias ait pu influencer de façon décisive le travail d 'Ammonius com

me commentateur d 'Aristote. Pouvons-nous donc supposer que l'ouvrage de Damianus fut composé sans rapport de dépendance à l'égard de son père , si ce n 'est que ce dernier s'intéressait à la philosophie platonicienne, l'enseignait

peut- être , et pouvait s'occuper de mathématiques ? La réponse dépend du sens que nous donnons aux mots xepárala tõy ÓTTIXWV ÚTORÉDewv. Kepárala

désigne des sommaires composés à partir d'exposés plus développés.Dans le cas de Damianus, on imagine mal que ces résumés se rapportent à quelque ouvrage identifié de façon imprécise comme des ontıxai ÚnoDÉOELS (l'Optique d'Eu

clide par exemple). Il est plus vraisemblable qu 'il a résumé l’quvre d'Héliodore de Larissa, que ce soient des cours ou un traité écrit aujourd 'hui disparu . Dans cette perspective, le nom d'Héliodore aurait été signalé dans le titre afin de rap peler qu'il était la source de ce résumé. (En ce sens, voir 4 A . Segonds, art.

« Domninus de Larissa» D 219, DPLA II, p. 894.)Mais puisque le nom apparaît sous la forme d 'un patronyme, Héliodore devait alors être aussi bien le père de

Damianus que son maître. Cette hypothèse expliquerait pourquoi les mots ånò buvñs ne figurent pas devant le nom d 'Héliodore. Cette formule était fréquem

ment utilisée aux Ve et vie siècles pour indiquer qu'un ouvrage reposait sur l'en seignement oral d'un philosophe ou d'un homme de science. Voir l'étude cé

lèbre de 5 M . Richard , « ANO ONNHE » , Byzantion 20 , 1950, p. 191-222 (reprise dans ses Opera Minora, Turnhout/Leuven , t. III, 1977 , nº 60 ), notamment p . 192-201. Si Damianus était le fils d 'Héliodore, il était sans doute préférable de

ne pas avoir recours à une telle expression qui eût seulement suggéré qu'il était

son disciple . On peut donc considérer, de façon vraisemblable , qu 'Héliodore de Larissa

était (a) le père de Damianus ; (b ) qu'il s'adonnait d'une façon ou d'une autre à

quelque activité philosophique ou scientifique ; (c) qu 'il écrivit un ouvrage élé mentaire d'optique, composé dans une perspective platonicienne, ou du moins qu 'il dispensa un enseignement en cette matière ; enfin (d) que son fils abrégea ce traité ou cet enseignement dans l'ouvrage transmis sous son nom . Il n 'est pas possible d 'établir dans quelle mesure le résumé conservé abrège fidèlement

546

HÉLIODORE DE LARISSA

H 32

l'original ni dans quelle proportion l'original a été abrégé. On peut seulement estimer possible qu 'Héliodore ait développé un enseignement un peu moins

simpliste que celui que son fils a conservé. ROBERT B . TODD.

33 HÉLIODORE DE MALLOS RE 12 Académicien disciple de Charmadas (2 + C 100 ), mentionné dans l'Academi corum historia de Philodème, col. 36 , 2. Cf. H . von Arnim , art. « Heliodoros>> 12 , RE VIII 1 , 1912, col. 8 . TIZIANO DORANDI. 34 HÉLIODORE DE PRUSE

A ce philosophe inconnu a été attribuée une paraphrase grecque de l'Éthique

à Nicomaque, éditée par G . Heylbut dans le CAG XIX 2 , 1889. Cette attribution

ne repose que sur le témoignage du Parisinus gr. 1870 , copié par Constantin Paléocappa au XVe siècle . Elle est vraisemblablement une invention de ce copiste , comme l'a montré L . Cohn , « Heliodor von Prusa , eine Erfindung Paläo

kappas » , BPhW 9, 1889 [n° 45 ), col. 1419- 1420. D 'autres manuscrits l'attribuent au néoplatonicien Olympiodore . Au début du XVIe siècle, dans la seconde édition qu ' il donna de ce texte ( 1617), Daniel Heinse avait présenté comme l'æuvre d' Andronicos de Rhodes (HA 181) cette ouvre , anonyme dans le plus ancien

manuscrit et dans l'editio princeps procurée par le même savant (1607). Voir P. Moraux, Der Aristotelismus bei den Griechen von Andronikos bis Alexander von Aphrodisias, t. I: Die Renaissance des Aristotelismus im I. Jh. v .

Chr., coll. « Peripatoi» 5 , Berlin 1973, p . 136 - 138. Le nom a pu être inspiré par la lettre de Longin citée par Porphyre , V. Plot. 20, 36 et66, qui mentionne un péripatéticien Héliodore (milieu du 11 s.). Ce dernier était cependant originaire d'Alexandrie (> H 29). RICHARD GOULET.

MF IV 35 HELLESPONTIUS DE GALATIE RE PLREI: Disciple de Chrysanthe de Sardes (2°C 116 ) à Sardes etmaître de Procopius

(Eunape, Vies des philosophes et des sophistes XXIII 4 , 11- 12 et 6 , 2 -7 ; p . 98 , 11-22 et p. 99, 25- 101, 2 Giangrande ).

Il n 'y a aucune raison d'en faire un sophiste plutôt qu 'un philosophe, comme le voudrait la PLRE. Hellespontius apparaît, dans les Vies d ’Eunape, dans la vie

de Chrysanthe et ce ne peut être que la philosophie qu 'à un âge avancé il est venu étudier chez Chrysanthe. Il jouissait d 'une grande réputation pour sa sa gesse (TÕVÉnì oogia nepißontwv, p . 98, 12) et aurait pu être le premier de tous

s'il n 'avait compté Chrysanthe parmi ses contemporains. Épris de sagesse (oopiac... épaotńs, p . 98, 17 ), il voyagea jusqu'aux confins du monde habité pour voir s 'il y avait quelque part quelqu 'un qui en sût plus que lui-même (p . 98 ,

18 -19). C 'est ce désir d'apprendre qui le conduisit à Sardes alors qu'il était déjà âgé. Pour un motif un peu obscur dans le récit d'Eunape, Hellespontius se retira

H 39

HELVIDIUS PRISCUS

547

à Apamée de Bithynie , où ilmourut après avoir enjoint à son disciple Procopius

(PLRE I: 10 ) d 'aller étudier auprès de Chrysanthe (p. 100, 13 - 101, 2 ). Chrysanthe mourutl'année suivante (p . 101, 3). Hellespontius est vraisemblablement le destinataire d 'une lettre de Libanius

(Epist. 461 = V 78, n° 1259) datée de l'hiver 355-356 par 0 . Seeck, Die Briefe des Libanius, coll. TU 15 , 1-2 , Leipzig 1906 , réimpr. 1966 , p . 168, et P . Petit, Les Étudiants de Libanius. Un professeur de faculté et ses élèves au Bas Empire, coll. « Études prosopographiques» 1 , Paris ( 1957), p. 48-49. La lettre montre qu 'il avait envoyé son fils étudier chez Libanius : le maître s'étonne, plusieurs

semaines après le début de l'année scolaire, de n 'avoir toujours pas vu apparaître cet élève annoncé... C 'est sans doute une simple coquille qui amène Petit, op. cit., p . 130, à mentionner « les fils d 'Hellespontius » .

Cf. R . J. Penella,Greek philosophers and sophists in the fourth century A . D . Studies in Eunapius of Sardis, coll. ARCA 28 , (Leeds] 1990, p . 78. RICHARD GOULET.

36

HÉLÔRIPPOS DE SAMOS

Pythagoricien ancien dont le nom figure dans le catalogue de Jamblique, V. pyth. 36 , 267, p. 146 , 2 Deubner. BRUNO CENTRONE.

37 HÉLÔRIS DE SAMOS Pythagoricien ancien dont le nom figure dans le catalogue de Jamblique,

V. pyth . 36 , 267, p. 146, 3 Deubner. BRUNO CENTRONE. MIV 38 HELPIDIUS PLREI:5 “ Philosophe" , destinataire d 'une lettre faussement attribuée à l'Empereur

Julien (Epist. 195). RICHARD GOULET.

MI 39 HELVIDIUS PRISCUS (C . -) RE H 3 PIR2 H 59 Originaire du municipe de Cluviae dans le Samnium (Tacite, Hist. IV 5) ,

Helvidius est légat d'une légion en Arménie en 51 (Ann. XII 49); il a exercé également les fonctions de quaestor Achaiae, bien que nous ne connaissions pas

la date exacte de cette charge. Avant 56, il épouse Fannia (2- F 5), la fille du sénateur stoïcien Thraséa Paetus. En 56 , sous le règne de Néron, Helvidius est

tribun de la plèbe et accuse le questeur du trésor Obultronius Sabinus (Ann. XIII 28). Il n 'exerce plus d 'autre fonction sous Néron. Après le procès et la condam nation à mort de son beau-père Thraséa , il est exilé (Ann. XVI 33 ; Hist IV 6 ) ou encore il semble avoir été relégué à Apollonie (Schol. luv. V 36 ). Réhabilité par Galba (Hist. IV 6 ), il attaque aussitôt Eprius Marcellus, délateur qui avait provo qué l'accusation et entraîné la condamnation à mort de Thraséa , puis , au début

du règne de Vespasien , il s'oppose à nouveau à Eprius Marcellus en demandant

548

H 39

HELVIDIUS PRISCUS

que les membres de la délégation sénatoriale envoyée à Vespasien ne soient pas tirés au sortmais choisis par les magistrats ; mais cette demande n 'aboutit pas. En 70 , Helvidius devient préteur (Hist. IV 53). S 'il est sensible aux intérêts de l'État, il évite l'adulation envers le prince. Mais cet excès d'indépendance entraî

ne son exil (Suétone, Vespasien 15), puis sa mort en 71 ou 74 (74, selon R . Syme, Tacitus, Oxford 1958, p.212). Les attaches d'Helvidius Priscus avec le stoïcismene font aucun doute; outre des liens familiaux, il y a également une adhésion indéniable aux thèses du Por tique. Elle est manifeste dans le jugement que Tacite porte sur lui: « (Helvidius) eut pour maîtres les philosophes qui estiment qu'il n' est d'autre bien que ce qui est moralement beau, d 'autre mal que ce qui est moralement laid et ne comptent

ni parmi les biens ni parmiles maux le pouvoir, la noblesse et tout ce qui exté

rieur à l'âme... Il puisa surtout dans le caractère de son beau -père l'esprit d 'indé pendance » (Hist. IV 5. Cf. P . A . Brunt, « Stoicism and Principat » , PBSR 1975,

p. 7-34). Cette conviction stoïcienne est encore illustrée par Épictète (I 2 , 19 22) : Helvidius Priscus est l'homme qui a su être fidèle à son rôle et à sa dignité personnelle . Iunius Rusticus prononça un éloge de lui (Suétone, Domitien 10) et sa biogra

phie fut écrite par Hérennius Sénecion (Tacite , Agr. 2 ; Pline le Jeune, Ep. VII 19 , 5). Cf. A .Gaheis, art. « C . Helvidius Priscus » 3, RE VIII 1 , 1912, col. 216 - 221 ; J . Melmoux, « C . Helvidius Priscus, disciple et héritier de Thrasea » , PP 30, 1975, p . 23-40 ; J. Malitz , « Helvidius Priscus und Vespasian . ZurGeschichte der

“ stoischen” Senatsopposition » ,Hermes 113, 1985, p . 231-246. MICHÈLE DUCOS. FI 40 HELVIDIUS PRISCUS RE 4 PIR ? H 60 Fils de C . Helvidius Priscus ( H 39 ), né avant 56 , date à laquelle son père

épouse Fannia ( F5), il est sénateur et consulaire (Pline le Jeune, Ep. IX 13, 3) ;

il semble avoir exercé le consulat avant 87 , selon R . Syme (Tacitus, Oxford

1958, p. 83 n . 3 ). Par la suite, il n 'exerce plus aucune fonction officielle et choi sit la tranquillité et la retraite (Pline le Jeune, Ibid .). Toutefois , il encourt la colère de Domitien sous le prétexte d'avoir dans un exordium critiqué, sous les noms de Paris et d ' Enone, le divorce du prince avec Domitia (Suétone, Dom . 10, 6 ; Pline III 11, 3) et est condamné à mort avec bien d 'autres sénateurs

( Tacite , Agr. 45 ; Pline III 11). Helvidius Priscus paraît, commeson père , avoir appartenu à l'opposition stoï cienne. Il faut également mentionner ses liens avec Pline le Jeune ; ce dernier semble avoir été très lié avec lui et le présente à plusieurs reprises comme son ami (IV 13, 3 ; IX 13, 4 ). L ' écrivain ne se borne pas à déplorer la mort de ses deux filles (IV 13) . Après la mort de Domitien , il avait voulu poursuivre les cou pables et les accuser au sénat. Cette tentative n 'aboutit pas,mais le discours Sur

la vengeance d'Helvidius fut ensuite publié par Pline (IX 13, 24).

H 42

HÉRACLAMON LÉONIDÈS

549

Cf. A .Gaheis,art.« Helvidius (Priscus)» 4, RE VIII 1, 1912 , col. 221. MICHÈLE DUCOS. IIa 41 HEMINA (L . CASSIUS -) REC 47 Nous savons peu de choses sur cet historien romain du second siècle av. J.- C . Il est mentionné commeauteur d 'Annales; 40 fragments subsistent portant sur

les origines de l' Italie ou la naissance de Rome et ses débuts. C 'est également Cassius Hemina qui avait rapporté la découverte des livres attribués à Numa en 181 avant J.-C . (Pline l'Ancien , H . N . XIII 84 = fr. 37 Peter ; cf. Tite -Live XL 29), livres que cet historien affirmait être véritablement l'æuvre de Numa et d'un

contenu explicitement pythagoricien , si l'on en croit Pline. Cette affirmation a conduit à conclure que Cassius Hemina, lui aussi, était un pythagoricien . C 'est ce qu 'écrit 1 S . Mazzarino (Il pensiero storico classico , Bari 1973, t. I, p. 114 ). Il s'appuie sur le fragment 24 : « tout ce qui naît, on dit

qu 'il meurt tout entier» ; car cette théorie « cyclique » prouverait l'appartenance de Cassius Hemina à la philosophie pythagoricienne ; cette interprétation est discutée par 2 E . Rawson, « The First Latin Annalists » , Latomus, 35, 1976 , p . 689-717, qui voit dans ce fragment un lieu commun ; elle reste toutefois une

affirmation de caractère philosophique, pour 3 G .Garbarino (Roma e la filosofia , p. 252). Mazzarino 1, p. 106 , insiste également sur l'attention portée au suicide et sa condamnation (fr. 15). Il faudrait surtoutmettre l'accent sur la place attri buée à la religion dansnombre de fragments (6 , 11, 15 ) ou encore l'importance

reconnue à Numa (fr. 12, 13). Garbarino 3 s'attache au fragment 1 qui porte sur Saturne et le présente comme un homme ayant voyagé en Italie ; cette inter prétation évhémériste semble l'écho d 'un thème traité par Ennius ( » E 25 ) dans son Euhemerus. Ce type d' interprétation figure également dans les fragments 4

et 7, concernant Faunus et Évandre. Il semble donc possible de conclure à une influence pythagoricienne sur Cassius Hemina.

Les fragments ont été rassemblés par 4 H . Peter HRR, 2e éd ., coll. BT, Leipzig, rééd . 1967, et plus récemment par 5 C . Santini, I frammenti di L. Cassio Emina, Pisa 1995. Cf. 6 C . Cichorius, art. « L . Cassius Hemina » 47, RE III 2, 1899, coll. 1723

1725 ; 7 Udo W . Scholz , « Zu L. Cassius Hemina », Hermes 117 , 1989, p. 167 181.

MICHÈLE DUCOS .

42 HÉRACLAMON LÉONIDÈS (M . EUSTORGIUS - )

III/IV

Les maximes que fit graver sur le tombeau familial, vers le début du Ive siècle , ce Grec d'Hadrumète (BACTH 1955- 1956 , p. 40 -46 ) sont manifestement

inspirées par l'épicurisme populaire, même si par ailleurs le dieu qu'elles évo quent est certainement celui des chrétiens, comme le montrent la formule in pace

ainsi quecertains motifs des mosaïques quirecouvraient les tombes. J. Ferguson , « Epicureanism under the Roman Empire » , ANRW II 36 , 4 , 1990 , p . 2320 , sup

H 42 550 HÉRACLAMON LÉONIDÈS pose qu 'Héraclamon avait pu se convertir au christianisme après la mort de sa femme, Concordia Exuperantia ( E 188). BERNADETTE PUECH. M III 43 HÉRACLAS RE 2 Disciple et collaborateur d'Origène à Alexandrie , puis évêque de la ville de

231 à 246 . Cf. 1 H . Lietzmann , art. « Heraklas » , RE VIII 1 , 1907, col. 423 ; 2 P . Nautin ,

Lettres et écrivains chrétiens des 11° et lire siècles, coll. « Patristica » 2 , Paris

1961, chap. IV : « Alexandre de Jérusalem et ses correspondants » , p. 105- 137 ; 3 Id ., Origène, t. I: « Sa vie et son æuvre » , coll. « Christianisme antique» 1,

Paris 1977, p . 166 - 168, 173, 386 -387 et passim ; 4 H . Crouzel, art. « Héraclas» , DHGE 23, 1990, col. 1302-1303. Eusébe, Hist. eccl. VI 15, raconte comment Origène, à quiavait été confié par l'évêque Démétrius l'enseignement de la catéchèse à Alexandrie (VI 3, 3 et 8 ; 8, 1 et 3 ; 14 , 11), dut laisser à son disciple Héraclas les nombreux catéchumènes qui se présentaient afin de se réserver l'instruction des plus avancés. Eusebe pré sente cet Héraclas comme « zélé dans les choses divines et d'ailleurs homme très disert et non dépourvu de philosophie » (VI 15). Comme l'a montré P. Nautin , la source de son information est une lettre auto biographique d'Origène adressée depuis Athènes à Alexandre de Jérusalem . Un extrait en est cité en VI 19, 12-14 . Origène y justifiait l'intérêt qu 'il avait lui

même porté à la culture hellénique, en se recommandant de l'exemple de Pan tène et du prêtre Héraclas, qu 'il avait trouvé « chez le maître des disciplines phi losophiques où il se fortifiait déjà depuis cinq ans» lorsque lui-même arriva dans cette école . « Sous l'influence de ce maître, alors qu'auparavant il portait le vêtementcommun, il le quitta et prit le manteau des philosophes qu 'il garde jus qu'à présent, et il ne cesse pas d'étudier les livres des Grecs autant qu 'il le peut» (trad. Bardy). Dans cette même lettre sans doute , Origène présentait Héraclas et son frère Plutarque, qui allait subir le martyre (VI 4, 1), comme deux des pre miers convertis du paganisme venus auprès de lui entendre la parole de Dieu (VI 3, 1- 2). Selon Eusébe, Héraclas avait donné « un très grand exemple de vie phi losophique et ascétique » (ibid .).

Lorsqu’Origène fut contraint d' émigrer d 'Alexandrie à Césarée (en 232), il laissa à Héraclas la responsabilité de la catéchèse à Alexandrie (VI 26 ). Peu après, l'évêque Démétriusmourut et Héraclas lui succéda au patriarcat. Héraclas était égalementmentionné par Jules l’Africain dans ses Chronogra phies. Il racontait qu'il avait entrepris un voyage à Alexandrie à cause de la grande réputation d'Héraclas, « dont nous avons dit, précise Eusébe, qu 'il était très versé dans les études philosophiques et les autres disciplines » (VI31, 2).

Héraclas mourut en 246 et c'est Denys d 'Alexandrie qui lui succéda sur le trône épiscopal (VI 35).

Comme Eusébe cite ailleurs (VI 19 , 6 ) le témoignage de Porphyre (Contra Christianos fr. 39 Harnack ) qui faisait d'Origène l'auditeur d'Ammonius (maître

551 HÉRACLEIOS de Plotin ), on a identifié à ce philosophe le « maître des disciplines philoso phiques » dontparlait Origène.Mais il est possible que Porphyre ait confondu ici H 46

Origène le Chrétien et Origène le Platonicien . Voir 5 R . Goulet, art. « Ammonios dit Saccas» A 140, DPhA I, p. 165- 168, et 6 Id ., « Porphyre , Ammonius, les deux Origène et les autres », RHPR 57, 1977, p . 471-496 .

Le ton d'hostilité qu'on relève dans le témoignage d 'Origène à l'égard d'Hé raclas s'explique sans doute par le fait que son disciple s'était rangé du côté de Démétrius d'Alexandrie dans la querelle qui entraîna le départ d'Origène. Des témoignages tardifs confirment l'hostilité de Démétrius et d 'Héraclas à l'égard d 'Origène: ACO III 197, 30 (Synode de Constantinople et Jérusalem en 536 ); III

202, 24 ; voir encore Photius, Interrog. decem 9 (PG 104, 1229) : « Héraclas, devenu évêque d 'Alexandrie , chercha à déposer l'évêque Ammonius de Thmouis , coupable à ses yeux d 'avoir donné l'hospitalité à Origène » (Nautin 2,

p. 129 n. 1). Voir aussi Nautin 2, p. 246 n. 4.

RICHARD GOULET. III 44 HÉRACLÉIA (AURELIA -) L 'épithète pilooopwtárn apparaît comme un héritage familial dans le cas

d'Aurelia Héracléia , de Sparte, « nouvelle Pénélope » , honorée à sa mort d 'une statue par la cité (IG V 1, 599 ): le même superlatif est en effet appliqué à sa mère, Aurelia Oppia , et à son grand-père maternel Aurelius Calliſcratès) (IG V 1, 598). Outre les qualités traditionnellement célébrées chez les femmes, l'épi gramme funéraire gravée à la suite du décret vante sa mèris et la sagesse de son esprit. BERNADETTE PUECH.

45 HÉRACL (E) IOS

F III

Péripatéticien ,un des dix yvápluoi auxquels Lycon (mort vers 2254) lègue le Péripatos dans son testament en leur confiant la charge de choisir un nouveau scholarque (Diogène Laërce V 70 ). RICHARD GOULET.

46 HÉRACLEIOS RE 12 et 16 (doublets ) PLREI: 4

IV

Ce cynique vécut au temps de l'empereur Julien . Quelques mois après être monté sur le trône, Julien avait été invité à écouter une conférence du philo sophe, dont le ton et le contenu allaient tout à fait à l' encontre de la politique de rénovation de l'hellénisme qu'il menait dans l'Empire ; les propos d 'Héracleios avaient tellement scandalisé l'empereur qu 'au début de l'année 362 celui-ci écrivit contre lui son septième discours : Ilpos ' Hpáxhelov Kuvixòv nepi toŨ TÕÇ XUVLOTÉOv xai ei npÉTEL TÕ xuvi uudouç náTTELV, Contre Héracleios le

Cynique sur la question de savoir s'il faut pratiquer la vie cynique et s 'il convient au Cynique de composer des mythes. Eunape, Chronique, fr. 18, 3 Müller (= FHG IV 22), fait allusion au discours d'Héracleios et à la réponse de

Julien ; il rapporte en outre les paroles qu’Héracleios adressa à Procope, un

HÉRACLEIOS

552

H 46

parent de Julien qui voulait usurper le titre d 'empereur (ibid ., fr. 31 Müller = FHG IV 26 ). Libanios, Discours XVIII, p . 157 (voir aussi XVII 16 - 17), et Socrate , Histoire ecclésiastique III 23, 34 , parlent aussi du discours de Julien . Ce texte permet de se faire une idée assez précise d'Héracleios : équipé du bâton , cheveux longs, le philosophe parcourt les cités et les camps, en pratiquant le

franc-parler des cyniques,mais aux yeux de l'Empereur il ne mérite pas de se réclamer de Diogène (18, 223 c ) qui, lui, respectait les dieux (25, 238 a -d) ; Julien lui reproche de se prétendre philosophe alors qu 'il est sans culture (23 ,

235 a ), d'avoir tout fait pour être introduit auprès de l' empereur alors que celui ci n 'avait aucune envie de le voir, lui et les autres cyniques qui l'accom pagnaient, et d'avoir diffusé en guise de publicité ses écrits subversifs un peu partout, non seulement dans les cités et les camps (18 , 223 d ), mais même au

Palais (18, 224 d). A partir du Discours de Julien , on peut reconstituer les grandes idées qu 'Héracleios développait dans sa conférence qui était censée , selon ce que dit Eunape, aider Julien à gouverner : il bafouait les dieux, notam ment Hélios qu ' il couvrait de blasphèmes ( 1 , 205 a , et 4 , 208 b ) ; il prétendait

justifier l'emploi qu 'il faisait d'un mythe en arguant que la loi lui interdisait d'user de la franchise et il n 'hésitait pas, dans ce récit à clefs (4, 208 b, et 23, 234 c-d), à se comparer lui-même à Zeus et à comparer Julien à Pan. L 'empereur ne ménage pas ses sarcasmes contre ce « chien qui aboyait sans clarté ni noblesse , mais qui comme les nourrices débitait des contes qu 'il ne savait même pas composer de façon sensée » (204 a). Voir J. Bidez, Vie de l'Empereur Julien,

« Collection d'Études Anciennes », Paris 1930, p. 248-252 ; l'introduction de G . Rochefort à son édition des Discours de Julien, t. II 1, CUF, Paris 1963, p. 34

42; J.M . Alonso -Nuñez, « L 'Empereur Julien et les Cyniques», LEC 52, 1984, p. 254 -259 ; J. Bouffartigue, « Le cynisme dans le cursus philosophique au Ive siècle. Le témoignage de l'Empereur Julien » , dans M .-O . Goulet-Cazé et R .

Goulet ( édit.), Le cynisme ancien et ses prolongements, p. 339-358 ; Id ., L'Empe reur Julien et la culture de son temps, coll. « Études Augustiniennes» , Série Antiquité 133, Paris 1992, passim ; K . Döring, « Kaiser Julians Plädoyer für den Kynismus » , RhM 140, 1997 , p. 386 -400 .

MARIE -ODILE GOULET-CAZÉ.

47 HÉRACLÉODOROS

Iva

Disciple de Platon , connu seulement par la Lettre V attribuée à Démosthène. Le jeune Démosthène demande à Héracléodoros d' épargner son protégé Épi timos poursuivi en justice par un certain Aratos, secondé par Héracléodoros. Les

renseignements de la lettre sont très vagues et toutes les personnes sont incon nues. On a douté , peut-être à juste titre, de l'authenticité même de la lettre et de

son attribution à Démosthène. Cf. J. A . Goldstein , The letters of Demosthenes, New York /London 1968, p. 261 sq.; R . Clavaud (édit.), Démosthène, Lettres et

fragments, CUF, Paris 1987, p.64-68, 122- 123, 180 . TIZIANO DORANDI.

H49

HÉRACLÉODOROS

553

48 HÉRACLÉODOROS RE 4 ja ? Adversaire de Philodème, qu 'on a, d 'une manière convaincante , reconnu

comme représentant desupitixoi (1 W . Kroll, art. « Herakleodoros» 4, RESuppl. III, 1918, col. 909, pense plutôt à un « Epikureer strengerer Richtung » . Cf. 2 N . A . Greenberg, The poetic theory of Philodemus, New York London 1990 ,

p . 165 sq., et 3 J. Porter, « Oiupitixoi: A reassessment» , dans J. G . J. Abbenes , S . R . Slings et I. Sluiter, Greek literary theory after Aristotle, Amsterdam 1995 ,

p . 83- 109). Il est nommé seulement dans la Poétique de Philodème. Dans le livre V (PHerc. 1425, col. 24 , 27-32), Philodème confronte sa pensée avec celle de Cratès de Mallos ( C 203) ; en PHerc. 1676 , fr. 3 (= Tract. C col. III Sbor

done), Philodème rappelle le nom Héracléodoros dans un débat sur l'acapela ; en PHerc. 1081, fr. 23 (= Tract. Cfr. n Sbordone), Héracléodoros paraît scep tique au sujet de l'efficacité du vonua (les deux papyri transmettent probable ment le livre III de la Poétique de Philodème. Pour un essai de reconstruction du traité de Philodème, cf. 4 T. Dorandi, ZPE 91, 1992, p. 29 -46 ; 5 Id., ZPE 97, 1993, p. 81-86 ; 6 C . Romeo, dans M . Capasso (édit.), Il rotolo librario, Galatina

1994 , p . 105-123, et 7 R . Janko dans D . Obbink [édit.], Philodemus and poetry, Oxford 1995 , p.69-96 ). Le témoignage du PHerc. 1081, fr. 26 , 21 (= Tract. D , fr. 24 Nardelli) , est très douteux à cause de l' état fragmentaire du contexte . On a également repéré des traces de la pensée d 'Héracléodoros en maints passages du

PHerc. 1676 (cf. 8 M . L . Nardelli, in Proceed. XVI Intern . Congr. Papyrology, Chico 1981, p. 163- 171). Selon Philodème, Héracléodoros, à la différence de Cratès de Mallos, qui fai sait reposer la valeur et la spécificité de la poésie sur la pwvń (entendue comme kubwvía ) qui se manifeste dans la oúvonois, les faisait résider dans la seule oúvonoic. En réalité , il ne semble pas qu 'Héracléodoros ait donné moins d'im portance à l'eủowvía et il est probable que Philodème a accentué intentionnelle ment la distinction entre ευφωνία et σύνθησις dans le but de montrer que Crates

était en contradiction avec lui même (cf. 9 J. Porter, CronErc 19, 1989, p. 174

Héracléow Poe sq. et Porter 3). ula a tété ica ,rassemblée N cu La bibliographie sur Héracléodoros par 10 C . Mangoni (édit.), Filodemo. Il quinto libro della Poetica , Napoli 1993 , pp . 275 -276 ; voir

O

bbin [édit.), Philode aussi Janko 7, p . 89-92, ainsi que 11 E . Asmis , dans DD ..Obbink mus and poetry, Oxford 1995, p. 167- 168 . TIZIANO DORANDI. 49 HÉRACLÉODOROS

Clément d'Alexandrie (Strom . V 5 , 31, 2 ) cite un extrait d'un certain Aristo

critos (P - A 376) intitulé Mpòs 'Hpaxleódwpov å tidooóueva. Le passage concerne l'ultimatum lancé en langage figuré par le Scythe Atoeas aux Byzan tins. A . Le Boulluec, dans son commentaire au passage de Clément (SC 279, p . 133), propose d ' identifier cet Héracléodore au philosophe, peut-être épicurien ,

attaqué par Philodème (**H 48). RICHARD GOULET.

N HÉRACLÉO DE MÉGARE

554

H 50

FI Ce jeune homme intervient dans le De defectu oraculorum et le De sollertia

50 HÉRACLÉON DE MÉGARE

animalium de Plutarque, deux dialogues dont la date dramatique doit se situer dans les années 80 (cf. B . Puech , « Prosopographie des amis de Plutarque » , ANRW II 33, 6 , 1992 , p. 4837 et 4842) . Il était donc probablement l'élève de

Plutarque à cette époque. BERNADETTE PUECH .

51 HÉRACLIDE “ le philosophe"

II

Destinataire d 'une lettre d 'un certain Théon conservée dans PMilVogliano 11 (du 11 s. de notre ère ). Cette lettre de Théon à son ami (étaipw ) Héraclide “ le

philosophe" commence par la formule de salutation platonicienne eń npÁTTELV (cf. D . L . III61; Lucien , Laps. 4 ). La lettre est éditée , traduite et commentée par

A . Linguiti, dans CPF I 1* , nº 6 , p . 110- 114. La lettre signale plusieurs traités stoïciens de Boéthos de Sidon, Diogène de Babylonie , Antipatros de Tarse et Posidonius d' Apamée. RICHARD GOULET. 52 HÉRACLIDE

fl. D II

A la suite de la σχολή dont fut tire l'Adversus Colotem, οι περί “ Ηρακλεί önv, sur la route du gymnase, auraienttrouvé que les attaques de Plutarque et de ses amis contre Épicure etMétrodore n ' étaient pas fondées et étaient trop véhé mentes. Zeuxippe qui rapporte leurs propos avait pour sa part trouvé ces propos

encore trop délayés. Cet Héraclide est inconnu. Apparemment, il aurait soutenu que les épicuriens n 'avaient jamais manifesté à l'égard des autres philosophes l'agressivité que leur avait prêtée la discussion contre Colotès...

Héraclide est présenté comme grammatikos en 1086 f. Plutarque souligne ironiquement qu 'un grammatikos aurait dû être plus sévère à l' égard d'Épicure etMétrodore, lesquels n 'ont pasménagé les poètes.

RICHARD GOULET .

53 HÉRACLIDE

fl. F III

Philosophe stoïcien ,mentionné comme disciple de Chrysippe de Soles dans

l'Index Stoicorum de Philodème(col. XLVII 5-6 ; p . 98 Dorandi) : ‘Hpalxacions. Il est également connu comme dédicataire, avec un certain Pollis, du traité Tepi Tõv ooolouátwv, en deux livres, de Chrysippe (Diogène Laërce VII 198, p . 389, 6 Long). H . von Arnim , art. « Herakleides » 40, RE VIII 1 , 1912, col.469, le confond à tort avec Héraclide de Tarse (» H 59) , stoïcien de la fin du 11 s . av. J. -C .,

disciple d’Antipatros de Tarse ( 2 + A 205), dont un point de vue doctrinal est évo quépar D . L . VII 121. CHRISTIAN GUÉRARD (+ ).

H 54

HÉRACLIDE

54 HÉRACLIDE RE 41

555 DIA

Un philosophe portant ce nom est mentionné, sans patronyme ni ethnique, dans le passage célèbre (IX 116 ) où Diogène Laërce présente une " succession” des représentants du scepticisme "pyrrhonien” depuis Euphranor, élève de Timon , jusqu 'à Saturninus, élève de Sextus Empiricus (sur cette " succession ", voir quelques références bibliographiques et indications d' ensemble dans les notices consacrées à Dioscouridès de Chypre ( D 203) et à Eubule d 'Alexan drie (» E 75 ]). Selon ce document fort discuté , cet Héraclide aurait été l'auditeur

de Ptolémée, le condisciple de Sarpédon et le maître d'Énésidème.

(1) L 'auditeur de Ptolémée. Originaire de Cyrène (cf. Diogène Laërce IX 115 ), ce Ptolémée fut, d 'après Ménodote de Nicomédie ( ibid .), le promoteur de

la résurrection du pyrrhonisme, qui était tombé dans une longue éclipse après la

mort de Timon de Phlionte (vers 225a). Il était aussi un médecin , très vraisem blablement de l' école empirique, dont il reste quelques maigres fragments de caractère pharmaceutique, cf. 1 K . Deichgräber, Die griechische Empiriker schule, Berlin 1930 ; réimpr. augmentée, Berlin /Zürich 1965, p. 20 et fr. 166 167, p . 172.

(2 ) Le condisciple de Sarpédon. Ce personnage est totalement inconnu par ailleurs (cf. von Arnim , RE 3). Une confusion avec Sérapion d ' Alexandrie (par fois appelé Sarapion ) serait certainement en conflit avec la chronologie , puisque

Sérapion,médecin empirique, doit avoir été actif au milieu du II° siècle av . J.- C ., alors qu 'Énésidème l' a été au jer siècle av. J.- C .; mais comme Sérapion était

célèbre , au point d ' être parfois tenu pour le fondateur de l' école empirique (cf.

Celse, Prohoem . 10 = fr.4 Deichgräber), et commela “succession ” sceptique est très vraisemblablement une fabrication artificielle , faite sans doute avec des nomsde personnages réels, mais destinée à établir une continuité fictive dans la

tradition pyrrhonienne (cf. 2 J. Glucker, Antiochus and the Late Academy, coll. « Hypomnemata » 56 , Göttingen 1978, p . 351-354 ), il n 'est pas impossible que

derrière le nom de Sarpédon se cache celui de Sérapion . (3 ) Lemaître d 'Énésidème (Alveoíonuoc) (» E 24 ). Ce dernier est présenté dans le texte de Diogène Laërce comme originaire de Cnossos, et aussi comme

« l' auteur de huit livres de Discours pyrrhoniens» (ſluppuveiwv Tóywv óxtù Biblia ). Ces informations recoupent,à quelques légères différences près, celles que donne Photius dans sa Bibl., cod. 212 (le nom du philosophe y est orthogra

phié Aivnoidnuos; il est dit qu'« il vient d 'Aegae» ; le titre de son livre est libellé « Huit livres de ſuppúvia » , ſuppwviwv Móyou n ') ; 3 F. Decleva Caizzi, « Ainesidemus and the Academy» , CQ 42, 1992, p. 176 -189, a montré que ces différences ne rendent pas les deux témoignages incompatibles. C 'est Énési dème, et non Ptolémée, qui était considéré par Aristoclès de Messine ( > A 369), cité par Eusébe, P. E. XIV 18, 29 , comme le responsable de la résurrection

« récente, à Alexandrie d 'Égypte , de ces balivernes (pyrrhoniennes]» . Les histo riens modernes, qui ne sont pas dépourvus de documentation sur la pensée d ' Énésidème, alors qu ' ils ne savent à peu près rien de celle de Ptolémée, ont

unanimement suivi Aristoclès sur ce point. Ils ont certainement raison, et l'on

HÉRACLIDE

556

H 54

peutmême se demander si la position deMénodote ,médecin empirique, n' était pas dictée par le souci de donner le beau rôle à un autremédecin , Ptolémée de Cyrène, plutôt qu 'à Énésidème, qui n 'est présenté nulle part commeayant exercé

la médecine.

Élève d 'un médecin empirique, maître de l'un des plus grands représentants antiques de la philosophie sceptique, Héraclide se trouve ainsi placé à un carre four stratégique de l'histoire de la pensée ancienne, et sa personnalité a tout naturellement excité la curiosité des historiens modernes. Ceux -ci ont souvent

tenté d'identifier notre Héraclide avec tel ou tel de ses homonymes ou quasi homonymes. Trois candidatures principales ont été avancées pour cette identifi cation : Héraclide de Tarente (RE 54), Héraclide d 'Érythrées (RE 55) et Héraclite

( sic) de Tyr (RE 11).

(1) Héraclide de Tarente (» H 58). Il serait agréable de penser que le maître d'Énésidème a été ce grand médecin empirique, très souvent cité et approuvé par

Galien,auteur en particulier d 'un ouvrage Iepi tñs èuttelpixñs aipéoewç dont Galien avait composé une synopsis en sept ou huit livres (Libr. propr. p. 115 , 14 Müller). D 'assez nombreux fragments subsistent de son æuvre (cf. Deichgräber, fr. 1 , 4, 7c, 168-246 ). Formé par le médecin hérophiléen Mantias (fr. 193 Deichgräber), il passa à l'empirisme, peut-être sous l'influence de Ptolémée de

Cyrène, s'il est bien identique à notre Héraclide. Les principaux partisans de cette identification , acceptée sans discussion par 4 F. Caujolle -Zaslawsky, DPA II, p. 883, sont 5 P . L . Haas, De Philosophorum Scepticorum Successionibus

eorumque usque ad Sextum Empiricum Scriptis, Würzburg 1875 ; 6 M . Wellmann , art. « Empirische Schule », RE V 2 , 1905, col. 2517 , et surtout K .

Deichgräber 1, p. 172- 173 et 258-259.

Contre cette identification, on a fait cependant valoir des objections, surtout chronologiques, encore que la chronologie d 'Héraclide de Tarente soit loin d 'être fixée avec précision . Le choix est entre une datation haute (début 114), qui exclurait qu 'il ait pu être le maître d 'Énésidème, et une datation basse (début I ),

qui ne l’exclurait pas. Les principales difficultés de la datation basse ont été relevées par 7 E . Zeller, Die Philosophie der Griechen “, III. 2 .2 , Leipzig 1903 ,

p . 3-4 n. 1, et par 8 V . Brochard, Les sceptiques grecs, Paris 1887, 2e éd., Paris 1923, p . 232 -233. Elles s 'appuient essentiellement sur le témoignage de Celse (Prohoem . 10, partiellement reproduit comme fr. 4 dans Deichgräber ), qui incite à situer Héraclide de Tarente « peu après Apollonius ( le père, HA 270 ) et Glau cias » (eux -mêmes situés vers le débutdu 1 “), mais avantAsclépiade de Bithynie ou de Pruse ( > A 450 ). La date de ce dernier, à vrai dire , est également discutée,

mais il pourrait être né vers 170a ( cf. 9 E .Rawson, « The life and death of Ascle piades of Bithynia », CQ 32 , 1982, p. 358-370 ; 10 R . Goulet, art. « Asclépiadès de Pruse » , DPhA I, p . 624 -625 ). L 'activité d'Héraclide de Tarente se situerait

ainsi vers le milieu du II° siècle av. J.-C . (comme l'accepte aussi 11 Ph.Mudry ,

La Préface du De Medicina de Celse, Rome 1982, p. 72-73), c'est-à-dire trop tôt pour qu 'il ait pu être le maître d 'Énésidème.

H 54

HÉRACLIDE

557

Il est à noter, cependant, que, dès 1912, 12 H . Gossen , art. « Herakleides von

Tarent» , RE VIII 1, col. 493, considérait que le problème de la datation d'Héra clide de Tarente avait été définitivement réglé en faveur d 'une datation basse (« vers 754» ), depuis la découverte d'un papyrus du chirurgien Héliodore (MFI; le papyrus lui-même est de III), où le nom d'Héraclide se trouve plusieurs fois cité . Ce papyrus a été publié par 13 J. Nicole, APF 4 , 1908 , p. 269-271, et com menté dans les pages qui suivent par J. Ilberg (cf. en particulier p . 279). Il sem ble, malheureusement, que Gossen ait mal interprété l'argumentation d ' Ilberg :

loin de justifier la datation basse d'Héraclide à l'aide du papyrus, celui-ci tenait pour acquise cette datation, qu'il avait peut- être tirée de Wellmann 6 , col. 2517, tout en atténuant sa précision (Wellmann disait « vers 90 ^»>; Ilberg dit, plus pru demment, « première moitié de la » ). Ilberg se servait alors de la datation d 'Hé

raclide comme d'une donnée quilui permettait de fixer la date d'un autre méde cin cité dans le contexte du papyrus, Philoxénos. Il n 'empêche que l'erreur de

Gossen , si c'en est bien une, a eu pour résultat de conférer à la datation de 75a ( fixée sans doute par dimidiation de l'estimation d 'Ilberg) le prestige de la RE . C 'est peut-être là que Deichgräber a trouvé l'autorisation d'adopter sans autre discussion cette même date de 750 (1, p. 172), ce qui lui permettait d' identifier

Héraclide de Tarente avec le maître d'Énésidème (1, p. 259). On ne compren drait guère, autrement, comment Deichgräber aurait pu négliger les objections chronologiques élevées auparavant par Zeller 7 et par Brochard 8, s' attirant ainsi

les reproches justifiés de Glucker 2, p . 109 n . 38. Ces objections gardent ainsi toute leur force, et c'est à très juste titre qu 'elles sont considérées comme déci sives par 14 W . Görler,« Älterer Pyrrhonismus – Jüngere Akademie - Antiochos

aus Askalon » , dans GGP, Antike 4 , p. 986. Il est vrai que l'identification du maître d 'Énésidème avec Héraclide de Tarente garde quelque attrait même pour les érudits qui n 'en ignorent pas les difficultés chronologiques (ainsi Decleva

Caizzi 3 , p . 178 et n. 7, qui rappelle à ce propos que les deux seuls fragments conservés de Ptolémée de Cyrène, fr. 166 et 167 Deichgräber, sont cités par Celse et Galien comme « provenant d 'Héraclide » ) ; mais il semble tout de même préférable de ne pas faire comme si ces difficultés n'existaient pas.

(2) Héraclide d'Érythrées. Second candidat à l'identification avec le maître d'Énésidème, ce médecin hérophiléen originaire d'Érythrées ( et non d' Érétrie , pace 15 M . Dal Pra , Lo scetticismo greco, 2e éd., Roma/Bari 1975, t. II, p. 350 )

est cité par Strabon (XIV , p . 645 C .) commeayant été son contemporain (donc au 14), ce qui conviendrait à l'hypothèse ; Zeller 7, p. 4, n . (O ), est tenté par cette identification , sans toutefois être affirmatif.Mais ici encore, des difficultés chro nologiques apparaissent; Brochard 8, p . 233-236 , les discute longuement. Contre le témoignage de Strabon , plusieurs historiens de la médecine situent Héraclide d'Érythrées entre F Ilia etMira , en s'appuyant sur le fait que Galien (In Hippocr.

Epid. VI, t. XVII A , p . 793, 4 Kühn = fr. 350 Deichgräber) le fait figurer parmi les plus anciens commentateurs de ce livre des Épidémies d 'Hippocrate, entre

Zeuxis de Tarente (ou Zeuxis < et Héraclide> de Tarente ?) d 'une part, Baccheios et Glaucias de l'autre. De plus, toujours selon Galien (De diff. puls. IV 10),

558

HÉRACLIDE

H 54

Héraclide d'Érythrées a été l' élève de Chryserme, que l'on place généralement au IIa. Pour concilier ces données avec le témoignage de Strabon , 16 Ch .

Daremberg, Histoire des sciencesmédicales, Paris 1870, p. 167, avait supposé qu'il y avait eu deux Héraclide d'Érythrées, tous deuxmédecinshérophiléens, le contemporain de Strabon pouvant seul avoir été le maître d 'Énésidème.

Brochard (8, p. 234) déclare qu'« il ne reste plus qu'à se rallier à l'hypothèse de

Daremberg, si invraisemblable qu 'elle paraisse d'abord » ;mais, comme on va le voir, ce ralliement n ' est que provisoire . (3) Héraclite de Tyr. Reste à considérer la candidature de cet académicien, élève de Clitomaque ( C 149) et de Philon de Larisse , ami d'Antiochos d'Asca lon (» A 200), mais en discussion avec lui à propos de Philon ; il nous est princi palement connu par Cicéron , Lucullus 11- 12. Cette candidature a été proposée par 17 E . Pappenheim , « Der Sitz der Schule der pyrrhonischen Skeptiker» ,

AGPh 1, 1888, p. 41, puis par 18 R . Philippson , « Diogene di Enoanda e Aristote le », RFIC 66 , 1938, p. 249 ; elle reste considérée commeune « suggestion sédui

sante » par Glucker 2, p. 109 n. 38. Son principal attrait est de mettre Énésidème en relations étroites avec un académicien témoin des discussions et des disputes intérieures à l'école , ce qui s'harmoniserait au mieux avec la communis opinio

(fondée sur un passage célèbre de Photius, Bibl., cod. 212, 169 b 30-35) selon laquelle Énésidème aurait appartenu à l'Académie avant de reprendre le flam beau “pyrrhonien ” du scepticisme radical.Mais cette communis opinio a été ré voquée en doute par F . Decleva Caizzi (3 , p. 189 n . 57), qui n 'a pas manqué d 'en tirer aussitôt les conséquences contre la candidature d 'Héraclite de Tyr. De plus,

si Ptolémée de Cyrène est bien un médecin empirique, on ne voit guère pourquoi un académicien commeHéraclite de Tyr aurait bien pu être son élève (rappelons

cependant que, d'après le résumé fourni par Stobée, Anthol. II 40, son maître Philon de Larisse avait écrit un ouvrage de morale dans lequel il construisait,

bien qu 'en termes très généraux, un parallèle soutenu entre la tâche du philoso phe et celle du médecin ; cf. Brochard 8, p. 205 -206 , et Görler 14 , p. 926 -927). Que conclure de toutes ces discussions ? Aucune des identifications avancées ne paraît véritablement s'imposer. Beaucoup d 'historiens sont visiblement dans

l'embarras ; ainsi 19 L .Robin , Pyrrhon et le scepticisme grec, Paris 1944 , p. 138 , déclare -t-il d'un côté que « la question semble être pratiquement insoluble » , mais aussi, de l'autre , qu'« il n 'est pas impossible que déjà existât chez lui (Héraclide de Tarente ) l' idéal pyrrhonien » (p . 188 ). Plus explicitement " pyrrho nien" est le verdict final de Brochard (8 , p. 236 ): « Aussi conclurions-nous

volontiers qu'Héraclide le sceptique n'estni de Tarente ni d'Érythrées. C 'est un personnage dont on ne sait que le nom , à la manière de Sarpédon et de Zeuxippe ; et tous nos efforts pour le tirer de son obscurité sont parfaitement vains » . Tout au plus peut-on accepter, commeGörler (14, p. 986 ), l'hypothèse qu'il ait été lui aussi un médecin empirique déjà quelque peu imbibé de pyrrho nisme, s'il est vrai qu 'il a été l'élève de Ptolémée de Cyrène, et si l'on tient

compte des objectifs généraux de la “succession” présentée par Diogène Laërce. JACQUES BRUNSCHWIG .

H 57

HÉRACLIDE DE BARGYLIA

55 HÉRACLIDE D 'AINOS RE 2

559 Iva

Académicien , disciple de Platon (D . L. III46).Avec son frère Python, il tua le tyran thrace Kotys (automne 360a: U . Kahrstedt, Forschungen zur Geschichte

des ausgehenden fünften und des vierten Jahrhunderts, Berlin 1910 , p. 70). Après le meurtre de Kotys, Héraclide et Python quittèrent la Thrace et se rendi rent à Athènes, où les deux frères furent honorés d 'une couronne d 'or (Philod .,

Acad. hist. col. 6 , 15-20 ; Plut.,De laude ips., 542 e-f ; Praec. Reip . ger., 816 e ). Aucun témoignage ne suggère que les deux platoniciens avaient tué Kotys pour changer le régime politique de la Thrace. Aristote (Pol. V , 1313 b 20 ) dit qu'ils tuèrent le tyran pour venger la mort de leur père qui avait été assassiné par Kotys. Pour Philostrate (V . Apoll. VII 2) les deux jeunes furent inspirés par leur

formation philosophique et par l'amourde la liberté. Plutarque (Adv. Col., 1126

c )mentionne Héraclide et Python comme exemples positifs de la pensée politi que de Platon.

Démétrios de Magnésie (2+ D 52) confond Héraclide d 'Ainos avec son homo nyme du Pont (F 18 Mejer ap. D .L . V 89). Cf. F.Wehrli, Herakleides Pontikos, coll. « Die Schule des Aristoteles » VII, Basel/Stuttgart, 2e éd. 1969, p.62.

Cf. F . Stählin , art. « Herakleides » 2, RE VIII 1, 1912 , col. 458 ; M . Isnardi Parente, Studi sull'Accademia platonica antica, coll. « Saggi filosofici» 1, Firenze 1979, p . 292 ; A . Wörle, Die politische Tätigkeit der Schüler Platons, Darmstadt 1981, p . 155- 159 . TIZIANO DORANDI.

56

HÉRACLIDE D 'ATHÈNES (AURELIUS - )

II

A . L 'inscription d'un hermès érigé au pied de l'Acropole (IG 112 3801) indique qu ’Aurelius Héracleidès, du dème des Eupyrides, fut titulaire d'une chaire de philosophie stoïcienne (Sládoxo < > TÕV áno Zńvwvog Mórwv), sous Marc -Aurèle au plus tôt, comme le prouve son gentilice : voir S. Follet, Athènes au Ifème et au Illème siècle, Paris 1976 , p. 91. Ce pourrait être sous ce règne préci

sément qu 'avait eu lieu sa nomination, si le disciple qui a fait élever le monu ment, Symmachos de Phlya, est bien , comme le supposait J. Kirchner, le père de

deux éphèbes de 185/6 . B . Le maître athénien est donc très probablement identique, comme l' a signalé R . W . Sharples, « The School of Alexander ?» , dans R . Sorabji (édit.),

Aristotle transformed,London 1990, p. 92-94, au stoïcien Héracleidès, réfuté par

Alexandre d 'Aphrodisias (** A 112) dans son commentaire du De Caelo (fr. 2 Vitelli). BERNADETTE PUECH .

57 HERACLIDE DE BARGYLIA RE 39

Dialecticien, auteur d 'un ouvrage contre Épicure (D . L . V 94). Cf. P .Natorp, art. « Herackleides» 39, RE VIII 1, 1929, col. 469 .

TIZIANO DORANDI.

560

HÉRACLIDE DE TARENTE

58 HÉRACLIDE DE TARENTE

H 58

II - I

Médecin empiriste . Il reste de l'æuvre d'Héraclide de Tarente une centaine de fragments emprun tés à une dizaine de traités et aujourd'hui disponibles dans la récente édition de

1 Alessia Guardasole, Eraclide di Taranto, Frammenti, Napoli 1997. La figure de ce médecin , sans doute le plus grand parmi lesmédecins empiristes (cf. 2 P . Diebgen, Geschichte der Medizin . Die historische Entwicklung der Heilkunde und des ärztlichen Lebens, I, Berlin 1949- 1955 , p. 100 ), se dessine également à travers les témoignages deGalien (De diebus decretoriis I 2 = Kühn IX , 775, et De compositione medicamentorum secundum locos VI 9 = Kühn XII, 989 ),

Célius Aurélien (Demorbis acutis (= Celeres passiones] I 17, 166) et Celse (De medicina VIII 20, 4 ). Biographie. La chronologie d 'Héraclide de Tarente est loin d'être fixée. Les avis divergent entre partisans d'une datation basse (début du jer siècle av. J.-C .), représentés par 3 M . Wellmann , « Zur Geschichte der Medizin im Alterthume (I) » , Hermes 23 , 1888, p . 556 -566 , et 4 Id ., art. « Empirische Schule » ,RE V 2 , 1905, col. 2517, 5 H .Gossen, art. « Herakeides von Tarent» , RE VIII 1, col. 493, et 6 K . Deichgräber, Die griechische Empirikerschule, Berlin 1930 ; réimpr.

augmentée , Berlin /Zürich 1965, p. 172-173 et 258 -259, auxquels s'opposent les partisans d ’une datation haute (milieu du IIe siècle av. J.-C .) essentiellement défendue par 7 E . Zeller, Die Philosophie der Griechen “, III 2, 2, Leipzig 1903, p . 3-4 n. 1, et 8 V . Brochard , Les sceptiques grecs, Paris 1887, 2e éd ., Paris 1923,

p. 232-233. Sur les difficultés soulevées par la datation basse et sur les principaux arguments avancés en faveur de la datation haute , voir pour plus de détails la mise au point de J. Brunschwig (3H 54 ). La dernière éditrice des fragments d'Héraclide, Guardasole 1, p . 23, se range, quant à elle , à l'avis de M . Wellmann en situant le floruit du médecin aux environs de 75 av. J.-C . Quoi qu 'il en soit, il semble établi qu 'Héraclide est né à Tarente et a été l'élève de l'hérophiléen Mantias (Galien , De compositione medicamentorum secundum

locos VI 9 = Kühn XII, 989, 2 = test. 14 Guardasole ), semble -t-il à Alexandrie,

centre historique de l' école hérophiléenne. Il n 'est pas pour autant nécessaire de supposer, à la suite de Wellmann 9 , ap. F . Susemihl, GGLA, II, 1891- 1892, p . 419, qu'Héraclide a disséqué des cadavres. Guardasole 1, p . 232, fr. 54, a en effet noté , à propos du passage de Célius Aurélien (Demorbis acutis III 17, 142) sur lequel s'appuie Wellmann et où il est question des intestins, qu 'Héraclide a très bien pu les observer lors d 'un examen externe, grâce à la forte tension de la

peau. Héraclide devait ensuite rejoindre l'école empiriste, vraisemblablement sous l'influence de Ptolémée de Cyrène dont il fut l' élève (Diogène Laërce IX

116). Galien tenait Héraclide en haute estime (De compositione medicamento rum secundum locos VI 9 = Kühn XII, 989) et prisait tout particulièrement son

amour de la vérité (= In Hipp. De articulis comm . IV 40 = Kühn XVIII A , 735, 10 ).

Euvres. Héraclide passe pour s'être affranchi de la tradition empiriste en

introduisant de nombreux éléments rationnels, réalisant ainsi une sorte de média

H 58

HÉRACLIDE DE TARENTE

561

tion entre les deux écoles empiriste et dogmatiste (voir 10 M . Frede, « The Em

pirist attitude towards reason and theory » , dans R . J. Hankinson ( édit.),Method, medicine and metaphysics. Studies in the philosophy of ancient science, Edmon

ton 1988, p. 89-92). L 'importance assignée par Héraclide au Nóros conçu com meprincipe de connaissance ne devait cependant jamais l' amener à négliger le rôle premier de l'expérience à l'intérieur de son activité médicale. Il apparaît

donc bien souvent comme le précurseur de la nouvelle orientation que devait prendre après lui l'école empiriste . Et le rapprochement opéré par Diogène

Laërce (IX 116 ) entre Héraclide et Énésidème (2E 24) ne pourrait bien être , selon Guardasole 1, p . 26 , qu 'une preuve supplémentaire de la notoriété atteinte par le médecin empiriste : le philosophe sceptique et le médecin empiriste seraient l'illustration , chacun dans leur école , de leur capacité à innover. Sur les difficultés soulevées par l'identification d 'Héraclide de Tarente avec le maître d 'Énésidème, voir la mise au pointde J. Brunschwig ( » H 54 ).

Les principaux pharmacologistes de l'antiquité, Asclépiade le Jeune, Andro maque, Éra , Criton , Musa et Ménécrate , ainsi que des médecins pneumatistes comme Archigène ou éclectiques comme Rufus d 'Éphèse, ont largement puisé,

pour élaborer leurs propres théories, dans le vaste matériel rassemblé par Héra clide de Tarente. Sur ce point, voir 11 A . Guardasole , « Per la positione di Era clide de Taranto nella storia del pensiero medico » , Koinonia 19, 1995, p. 64-67.

Héraclide de Tarente a en effet abordé dans son æuvre aussi bien la patholo gie et la pharmacologie que la sphygmologie et l'exégèse hippocratique. Les tentatives respectives de 12 V . Tavone Passalacqua, Eraclide di Taranto . Noti zie, citazioni e frammenti tratti dagli Autori dell'antichità classica, Roma 1958 ,

p . 11 sqq., et Frede 10, p . 89, pour classer chronologiquement les æuvres d 'Hé raclide de Tarente ayant abouti à des résultats assez divergents , la prudence re

commande, eu égard à l' état extrêmement fragmentaire de nos sources, d 'adop ter un ordre thématique pour la présentation des cuvres du médecin empiriste :

A. Pharmacologie (cf. éd . Guardasole 1, test. 14-26 ; fr. 1- 38 a ): (1) Ad Antiochida (fr. 1-5 ; 7), (2) Ad Astydamanta (fr. 6 et 7), (3) Etpatiórns (fr. 7), (4 ) Theriaca ou lepi Onpiwv npayuateía (test. 26 ; fr. 37-38 a), auxquels il faut ajouter un Nicolaus (cf. Célius Aurélien , De morbis acutis I

17, 166 ) et peut- être un lepi oxevaoíaç xai doxiuaoías papuáxwv (cf. Galien , De simplicium medicamentorum temperamentis et facultatibus 6

prooem . = Kühn XI, 794, 16 = test. 20), appellation vraisemblablement géné rique sous laquelle le médecin de Pergame désigne, plutôt qu 'un traité précis ,

une ou plusieurs des euvres pharmacologiques d'Héraclide. B . Sphygmologie (cf. test. 27 ; fr. 39-42) :

Héraclide aurait composé, selon le témoignage de Galien (De pulsuum diffe rentia IV 4 = Kühn VIII, 726, 12 = fr. 39 , 13) un traité en plusieurs livres intitulé

562

HÉRACLIDE DE TARENTE

H 58

Ilpos tò nepi opuyuwv ' Hpopírov et dirigé contre les théories du médecin

alexandrin Hérophile sur le pouls. Il n' en reste aucun fragment assuré. C. Thérapeutique (cf. test. 28 ; fr. 43-64): (1) Curationes de externis passionibus (test. 28 ; fr. 43) qui comptait au moins

quatre livres. (2) Curationes de internis passionibus (fr. 48-56 ) en quatre livres au moins également et quifutlargement utilisé par Célius Aurélien. D . Diététique (cf. fr.65-72a) : Héraclide a abordé la diététique dans de nombreux ouvrages de pharmacolo gie ou de thérapeutique, et lui a consacré un traité à part entière , qui comptait au moins trois livres, connu sous le titre de Symposium et abondamment utilisé par Athénée dans ses Deipnosophistes.

E . Commentaires hippocratiques (cf. test. 29-32 ; fr. 73-97) : Selon Galien (In Hipp. De officina medici comm . I prooem . = Kühn XVIII B ,

631, 15 - 16 = test. 30 ),Héraclide aurait été, avec l'hérophiléen Zeuxis, le premier à avoir commenté l' intégralité du corpus hippocratique ou du moins ce qu 'il en considérait comme authentique. Les fragments conservés portent sur les ouvra ges suivants d 'Hippocrate : De l'art (fr. 73) ; Des lieux dans l'homme (fr. 74 ) ; De

l'officine du médecin (fr. 75) ; Des articulations (fr. 76) ;Mochlique (fr. 77) ; Maladie sacrée (fr. 78); Épidémies II, III, IV et VI (fr. 79-94) ; Aphorismes (fr. 95) ; et probablement Des humeurs (fr. 96 ) et Sur l'aliment (fr. 97) auxquels il convient d'ajouter une sorte de glossaire, peut- être en trois livres, et intitulé Ilpos BaxxETOV Tepi tūv ‘ IntoxpátoUS RÉEEWV (test. 29 et fr. 90 ) dans lequel

Héraclide polémiquait avec le commentateur alexandrin Bacchios de Tanagra sur le sens de certainsmots rares ou difficiles d 'Hippocrate .

F . L 'empirisme: Le lepì rñs éu Telpixñs aipéoewç, en plusieurs livres, vaste somme consa crée à la théorie empirique eut sans aucun doute une audience importante . Elle

inspira a Galien une Synopsis en sept livres intitulée Σύνοψις των Ηρακλείδου nepi tñs čuttelpluns aipéoews (cf.Gal., De libris propriis 38 = éd . I.Müller, Scripta minora II, 1891, p . 115 ). L 'ouvrage d 'Héraclide, comme celui de Galien,

sontmalheureusementperdus. Sur Héraclide, voir également 13 A . Guardasole , « Elementi di fisiologia e metodologia di ricerca empirica in un frammento di Eraclide di Taranto » , AAP 45, 1996 , p . 315 -325. VÉRONIQUE BOUDON .

59 HÉRACLIDE DE TARSE RE 40 FIIa Philosophe stoïcien, disciple d 'Antipatros de Tarse (- + A 205). Avec Athéno dore (de Tarse ( * * A 497) ), il soutenait, contre la théorie stoïcienne orthodoxe,

H 60

HÉRACLIDE LE PONTIQUE

563

que « toutes les fautes ne sont pas égales» (ävioá baol tà Quaprnuara , Dio gène Laërce VII 121 = SVF , t. III, p. 258 , li. 16 - 17).

Héraclide faisait l' objet d'une section biographique dans la partie finale per due du livre VII de Diogène Laërce, comme l'atteste un index ancien conservé

dans le Parisinus graecus 1759 (cf. éd. Long, p. 392). Sur cette liste, voir

T. Dorandi, « Considerazioni sull' index locupletior diDiogene Laerzio » , Prome theus 18, 1992, p. 121-126 .

H . von Arnim , art. « Herakleides » 40, RE VIII 1, 1912, col. 469, le confond à tort avec un disciple homonyme (» H 53) de Chrysippe de Soles.

RICHARD GOULET. 60 HÉRACLIDE LE PONTIQUE RE 45 + RESuppl. XI

Iva

Disciple de Platon , membre actif de l'Académie jusqu 'à la mort de Speu sippe. Par son œuvre , Héraclide relève aussi bien de l'Académie que du Péripa

tos, dont il préfigure souvent les développements ultérieurs (cf. Chamailéon (PC 93 ), Cléarque (MC 140 ], Dicéarque (2D 98 ), Aristoxène ( A 417]). Dans la littérature critique , Héraclide le Pontique est étudié aussi bien comme repré sentant de l'Ancienne Académie que du Péripatos (cf infra 4 et 5).

Il faut prendre garde à ne pas confondre notre philosophe avec le grammai rien Héraclide le Pontique dit le Jeune (actif sous Claude et Néron ; cf. Gottschalk 2, p. 129 sqq. (cf. infra ); 1 A . R . Dyck , « New lighton Greek authors from grammatical texts » ,MH 46 , 1989, p . 1- 8 (p . 5 -6 sur les fr. 118 -119

Wehrli]); le risque de confusion concerne surtout l' attribution de fragments ou témoignages relatifs à des sujets littéraires. La présente notice n 'est pas proportionnelle à l'importance de ce philosophe ; on renvoie le lecteur en particulier à l'excellente monographie récente de H . B . Gottschalk et aux deux articles de la nouvelle édition de « l'Überweg-Praechter» (cf. infra, 2, 5 , 6 ). Études d 'orientation. L ' étude critique la plus complète sur la pensée d 'Héra clide est celle de 2 H . B . Gottschalk , Heraclides of Pontus, Oxford 1980, 178 p .

(importante bibliographie, p. 163- 170 ); c.r. par A . A . Long,CR 32, 1982, p. 200 202 , et J.Mansfeld , Mnemosyne 38, 1985, p. 202-208 ; 3 R . Daebritz , art. « Hera kleides » 45 , RE VIII 1, 1913, col. 472-484 ; 4 F. Wehrli, art. « Herakleides (45 ) der Pontiker » , RESuppl. XI, 1968, col. 675 -686 ; 5 H . J. Krämer, « Die Ältere Akademie » $ 5 : Herakleides Pontikos, GGP, Antike 3, 1983, p . 88 - 102 (biblio graphie , p . 98 -102) ; 6 F .Wehrli, « Der Peripatos bis zum Beginn der römischen Kaiserzeit » $ 18 : Herakleides Pontikos, GGP, Antike 3, 1983, p. 523 -529

(bibliographie, p . 528-529) ; 7 A . J. Podlecki, « The Peripatetics as literary cri tics» , Phoenix 23, 1969, p. 114- 137 (surtout p. 115- 117) ; 8 W . Burkert, Lore and science in ancient Pythagoreanism , Cambridge Mass. 1972 (trad . revue de Weisheit und Wissenschaft: Studien zu Pythagoras, Philolaos und Platon , Nürnberg 1962).

HÉRACLIDE LE PONTIQUE

564

H60

Pour la prosopographie d 'Héraclée , voir 9 W . Ameling, « Prosopographia

Heracleotica » dans Lloyd Jones, The Inscriptions of Heraclea Pontica, coll. IK , 47, Bonn, 1994, n° 140. Témoignages et fragments. 10 F. Wehrli, Herakleides Pontikos, coll. « Die Schule des Aristoteles » 7, Basel/Stuttgart 19692 (Wehrli retient 181 fragments, avec bibliographie , p . 57) ; il faut aussi consulter les deux appendices de Gottschalk 2, p. 148 -162: 1. « Addenda and corrigenda to the fragments» ,

2. « Texts wrongly attributed to Heraclides» . 11 K . Gaiser, Philodems Acade mica , p . 119 - 123 ; 208 -216 (texte ) ; 483-493 (comment.). 12 CPF I 1 * * , p . 199 220 .

Vie. Commebiographes anciens d 'Héraclide le Pontique, en dehors de D .L . V 86 -94, on connaît Hermippe de Smyrne (fr. 14a Wehrli), Sotion d 'Alexandrie (fr. 3 Wehrli), Hippobote ( fr. 16 Wehrli) et Démétrios de Magnésie (fr. 16 Wehrli).

Héraclide, fils d'Euthyphron (nº 136 Ameling), est né à Héraclée du Pont (côte sud de la Mer Noire) dans une ancienne famille aisée de la cité. Jeune homme, sans doute , il se rend à Athènes où il entre à l'Académie pour suivre les

leçons de Platon. La date de ce voyage doit se situer quelques années avant 361/0 où Héraclide remplace le maître lorsde son troisième voyage en Sicile. On peut raisonnablement penser qu 'en 361/0 Héraclide n 'avait en tout cas pasmoins

de 25 ans, ce qui placerait la date de sa naissance entre 390 et 380 (Gottschalk 1, p. 4 (vers 385 ); Krämer 5 , p. 88 (vers 390 ); Wehrli 4, col. 675, fournit une date trop basse : « au plus tard en 380 » ). Il restera à l'Académie pendant le reste de la vie de Platon et jusqu'à la mort de Speusippe (339) ; en effet, pour la succession de Speusippe, on lui préféra , de peu , Xénocrate. De retour à Héraclée, il semble avoir eu quelques élèves dont Denys d'Héraclée ( D 82) dit « le Renégat» (o Metadéuevos, fr. 12 Wehrli) et peut- être Chamailéon d 'Héraclée (2 C 93]

(Gottschalk 2, p. 4 ; cf. fr. 176 Wehrli). On n 'a cependant aucune preuve qu 'ilait

fondé une véritable école à Héraclée. Il semble qu'Héraclide ait encore vécu un certain temps après la mort d 'Alexandre le Grand (cf. Gottschalk 2, p . 5 et n . 15 ; Krämer 5 , p. 88 (H .meurt vers 310 ]). D 'après Sotion (D .L . V 86 = fr. 3 Wehrli), Héraclide aurait été l' élève de pythagoriciens, ce qui n 'est pas impossible (cf. Wehrli 4, col.676 ), et d'Aristote , ce qui est exclu , à moins de considérer que cette relation ait eu lieu au sein de

l'Académie ,avant 347 (sur cette question, cf.Gottschalk 2 , p. 3). Euvres. Diogène Laërce (V 86 -88 ) nous a conservé une liste des æuvres d'Héraclide le Pontique, mais celle -ci est lacunaire et présente une certaine confusion dans le classement des titres sous les rubriques retenues (éthique, phy sique, grammaire, « musique » (= musicologie et critique littéraire ), rhétorique, histoire) ; par ailleurs, les ouvrages mentionnés par Diogène sont tous présentés comme des dialogues, ce qui ne vaut que pour certains d'entre eux seulement

(sur le caractère propre du dialogue héraclidéen, cf. Gottschalk 1, p. 9- 12 ; Wehrli 4 , col. 678 -679). On trouvera la liste des ouvrages d'Héraclide ci-des

sous, telle qu'elle figure chez Wehrli 6 , p . 523-524 ;nous avons souligné pardes

H60

HÉRACLIDE LE PONTIQUE

565

astérisques les titres ne figurant pas dans le catalogue de Diogène et indiqué les

références aux fragments de Wehrli seulement là où ceux -ci s'ajoutent à la seule mention du catalogue.

I. Logique et ontologie (1 ) Oewpnuatixòv a', Théorématique, en un livre.

(2) Hepikidāv a', Sur les idées, en un livre . (3 ) ’Atiwua a', Axiome, en un livre .

(4) Lepì tåyadoŨ a ' (fr. 7 -8 Wehrli), Sur le bien, en un livre . (5 ) Tlepi voŨ, Sur l'intellect.

(6) lepi otoxaquoŨ a ', Sur la conjecture, en un livre . ( 7) AúcewV ŠPLOTIXőv ' B ', Solutions éristiques, livres I et II. II. Écrits polémiques et exégétiques (8 ) Moos tà Zúvwvos a ', Contre les doctrines de Zénon (d 'Élée ), en un livre.

(9) Mpòs tà Mýtpwvog a', Contre les doctrines de Métron (Métrodore de Chios ?), en un livre. (10) Mpós Anuóxpitov (Ilepi Anuóxpitov H . S . Long), Contre (ou Sur)

Démocrite.

(11) Ipoc tòv Anuóxputov: ¿ Enyńoeis a '(peut-être identique au précédent), Contre Démocrite, exégèses, en un livre .

(12) Tipos Alovúolov a ', Contre (ou à) Denys, en un livre (il s'agit plutôtde Denys d 'Héraclée 2 [ D 82], disciple un temps d 'Héraclide, que de Denys II de Syracuse).

( 13) 'Hoaxeitou & Enyńoelg Ó ' ( fr. 39 Wehrli), Exégèses d 'Héraclite, en quatre livres. ( 14) Tepi tūv Iudayopelwv (fr. 40 -41 Wehrli), Sur les pythagoriciens. III. Physique et cosmologie

( 15) Hepi púoewÇ (fr. 118- 123 Wehrli),Surla nature. (16) * QUOIXūs åttopoúueva (fr. 118-123 Wehrli), Apories relevant de la physique.

(17) Aúoeic a'(fr. 118-123 Wehrli), Solutions, en un livre.

( 18 )Iepi kidówv (fr. 118- 123 Wehrli), Sur les images (au sens démocritéen ). (19) Nepi tõv év oúpava a ' (Steph. : Nepi Tūv oúpavõu a ' codd., Long) ( fr. 104- 117 Wehrli), Sur les (phénomènes) célestes, en un livre.

IV . Psychologie (20) IlpoonTIXÒv (-Wv ? Wehrli 6 ) a ', Prévision(s ), en un livre .

(21) Hepìquxñs (fr. 90- 103 Wehrli), Sur l'âme.

566

HÉRACLIDE LE PONTIQUE

1 60

(22) Kat' islav nepi buxñs (fr. 90- 109 Wehrli), Un livre particulier Sur l'âme.

(23) * llepi tñs önvou ñ lepi vóowv (= Airíainepi vóowv a ' ?) (fr. 76-89 Wehrli), Sur la femme sans souffle ( = en transe) ou Sur les maladies. (24) Nepi tūv év " Aldov (= Iepi tõv xad' " Alônv D . L . V 88 ; fr. 71-72 Wehrli), Sur les choses de l'Hadès. (25) * ” Aßapıs (fr. 73-75 Wehrli), Abaris, cf. Burkert 8 , p . 103, n . 32 et P . Boyancé . « Sur l'“ Abaris” d'Héraclide le Pontique » , REA 36, 1934, p . 321-352.

V . Éthique et politique (26 ) ſepì cúdaquovias a ' (fr. 44 Wehrli), Sur le bonheur, en un livre. (27) TepiBiwv a 'B ' (fr. 45 Wehrli), Sur les genres de vie , livres I et II. (28 ) Mɛpi eủoeſelaç e ' (a ' Long) (fr. 46 -47 Wehrli), Sur la piété, en cing livres.

(29) Ilepi OlxalOOÚvns r ' (fr. 48-51 Wehrli), Sur la justice, en trois livres.

(30 ) Ilɛpi owoposúvns a ', Sur la modération, en un livre. (31) Hepi åvopeias a ', Sur le courage, en un livre . (32) Tepi đpetñs a ', Sur la vertu, en un livre . (33) * Lepi dovñs (mentionné par D . L . V 88 en dehors du catalogue ; fr. 55 61 Wehrli), Sur le plaisir. Cf. 13 K . Brinkmann, « Platons Philebos und Herakleides Pontikos' Dialog Tepi ndovñs» , Hermes 100 , 1972, p . 523-530 . Voir aussi 14 A . Brancacci, « Le Iepi nòovñs d 'Héraclide du Pont (Fr. 55

Wehrli) » , dans La fêlure du plaisir. Études sur le Philèbe de Platon , t. II : Contextes, sous la direction de Monique Dixsaut, avec la collaboration de F .

Teisserenc, coll. « Tradition de la pensée classique» , Paris 1999 , p. 99- 125. ( 34 ) Kleiviac a ', Clinias,en un livre. (35) * Tepi écovoias (mentionné par D . L . V 88 en dehors du catalogue), Sur le pouvoir.

(36 ) ’Axoúolos a ', L'involontaire, en un livre. Wehrli 10, p. 81, propose de corriger le titre en Nepi árovolov. (37) 'Epwtixós ( fr. 64 -66 Wehrli), Érotique. Peut-être identique au Clinias,

cf. 15 M . Gigante, Diogene Laerzio, Vite dei filosofi, Roma/Bari 1962 [19833 ), n . 188 ad D .L . V 87.

(38) 'Ynoðñxal a ', Sentences,un livre. (39) * Zwpokotons (fr.68- 70 Wehrli), Zoroastre. (40 ) Tepi tñs åpxñs a ' (fr. 144- 145 Wehrli), Sur l'autorité, en un livre. (41) Tepi vouwv a ' (fr. 146 -150 Wehrli), Sur les lois, en un livre. (42) Evvóñual a ', Conventions, en un livre.

H 60

HÉRACLIDE LE PONTIQUE

567

VI. Rhétorique et poétique (43) Tepi óvouátwv a ', Sur les noms, en un livre (Gottschalk 2 , p . 160- 162). Ce titre et le suivant sont rangés à tort dans la rubrique précédente dans Wehrli

6, p. 524. (44) Xapaxtñpes a ', Caractères (du style ), en un livre. (45) Hepi tointixñs xai tây trointāv a ', Sur la poésie et sur les poètes, en un livre.

(46 ) Hepi toũ Öntopeúelv ñ Mowtayópas ( fr. 33 Wehrli), Sur la pratique de

la rhétorique ou Protagoras.

(47) * lepì 'Ouńpou (fr. 169-170 Wehrli), Sur Homère. (48 ) Aúoewv 'Ounpixőv a ' B ' (fr. 171-175 Wehrli), Solutions de (questions ] homériques, livres I et II. (49) ɛpi tñs 'Ouńpov xai 'Holódou naixías a ' B ' (fr. 176 -177 Wehrli), Sur l'époque d 'Homère et d 'Hésiode, livres I et II.

(50) Nepì ’Apxlóxov xai 'Ouńpou a ' B ', Sur Archiloque et Homère, livres I et II.

(51) Tepi tõv TPL@ tpaywdontolőv a ', Sur les trois auteurs tragiques, en un livre.

(52) Tepi tōv nap ' Eủpinión xai Eodoxiei a ' B ' r'. lQuestions ) euripi

diennes et sophocléennes, livres I, II et III. (53) Lepi uovoixñS a ' B ', Sur la “musique ” , livres I et II (fr. 157- 163 Wehrli). En fait au moins trois livres (cf. fr. 161 et 163 Wehrli).

(54) * Euvaywyn TÔV ÉV MOVOLYñ (fr. 157- 163 Wehrli), Répertoire des artistes qui se sont illustrés dans le domaine de la musique ;

formepeut-être une partie du précédent (Wehrli 6 , p .527). VII. Recueils (55) * [lepì xenouõv (fr. 130 - 141 Wehrli), Sur les oracles. (56 ) * llepi xonompiwv (fr. 130 -141 Wehrli), Sur les sites oraculaires ou Sur les oracles; peut-être identique au précédent (Wehrli 6 , p. 527). (57) Tepikúpnuátwv (fr. 152 Wehrli), Sur les inventions.

(58) * Krioeic iepūv (fr. 153- 155 Wehrli), Fondations de sanctuaires. (59) * llepi vñowv (fr. 124- 127 Wehrli), Sur les îles; cf. 16 P. Ceccarelli, « I

Nesiotika» ,ASNP 19 , 1989, p . 903-935. Diogène Laërce ( V 89) mentionne encore des ouvrages de géométrie (Yew

MetPixá ) et de dialectique (PlaNextixá; s'agit-il des ouvrages classés ci-dessus dans la catégorie « logique et ontologie » ?) .

On trouvera dans Gottschalk 1, p. 13- 36 , une bonne étude sur le dialogue inti tulé lepi tñs árvou ñ Hepi vóowv (« Sur la femme sans souffle ( = en transe) ou Sur lesmaladies» ); l'auteur traite en particulier de deux anecdotes appartenant à

cet ouvrage : l'une relative à l'apothéose d'Empédocle (fr. 83 Wehrli), l'autre

HÉRACLIDE LE PONTIQUE

568

H 60

relative à l'invention du terme « philosophie » par Pythagore (fr. 87-88 Wehrli). Le même auteur discute longuementde deux théories « scientifiques» attribuées à Héraclide, souvent considérées comme anticipatrices, sur la matière considérée comme composée de particules microscopiques (chap. 3 : « The theory of avap

uol oyxol ( = « particles which are ‘unarticulated in the sense of uninterrupted » , p . 42 » ; cf. 17 C . Eucken , « Zur Frage einer Molekulartheorie bei Herakleides

und Asklepiades (= Asclépiade de Pruse ou de Bithynie , » A 450) » MH 40, 1983, p . 119- 122) et sur le mouvement circulaire de la terre (chap. 4 : « The astronomical fragments » ; cf. aussi 18 P . Moraux , Aristotelismus, t. II, p . 311

n . 75 ; 19 E. Syska, Studien zur Theologie des Macrobius, coll. « Beiträge zur Altertumskunde» 44 , Stuttgart 1993, p. 223-224 ; 20 L . Tarán, « Proclus and the old Academy» , dans J. Pépin et H . D . Saffrey ( édit.), Proclus lecteur et inter

prète des anciens, Paris 1987, p . 227-276 (p . 263- 266 ) ; 21 B . S . Eastwood, « Heraclides and heliocentrism : texts, diagrams and interpretations», JHA 23, 1992, p. 233- 260).Notons qu'il ne fautpas exagérer le caractère scientifique de l’æuvre astronomique d 'Héraclide (cf. Gottschalk 1 , p . 58 n . 1, pour la biblio

graphie ; Wehrli 10, p. 94-95 : « H . war schwerlich wissenschaftlicher Astro nom » , p. 95). On voit par ailleurs,à propos du raz de marée qui détruisit la cité d'Hélikè en 373, qu 'Héraclide adopte une explication résolument religieuse du phénomène – il y voit une manifestation de la justice divine -, contrairement à Callisthène ( >* C 36 ) (Sénèque, N . Q . VII 16 ) ( fr. 46 Wehrli ; cf. Gottschalk 2 ,

p . 94 -95 ; cf. 22 L . Prandi, « La rifondazione del « Panionion » e la catastrofe di

Elice (373 a . C .) » , dans M . Sordi [édit.), Fenomeni naturali e avvenimenti storici nell'antichità , coll. « Contributi dell' Istituto di storia antica » 15 , Milano 1989, p . 43-59). JEAN -PIERRE SCHNEIDER .

61 HÉRACLIDE LEMBOS RE 51 (cf. 47 et 49) DM II Auteur de recherches historico -littéraires et érudites, connu surtout comme compilateur et abréviateur. Chez les critiques modernes , Héraclide Lembos est souvent présenté comme péripatéticien , eu égard aux genres littéraires auxquels

il s'est consacré et aux auteurs qu 'il a abrégés (Hermippe »» H 86 ), Satyros , qualifiés parfois de péripatéticiens dans la littérature ancienne). Héraclide Lembos remplit sans doute aussi des fonctions officielles en Égypte , sous Ptolémée VI Philométor (180 - 145) .

Études d 'orientation . 1 R . Daebritz , art. « Herakleides» 51, RE VIII 1, 1912, col. 488 -491 ; 2 F . Wehrli, « Der Peripatos bis zum Beginn der römischen

Kaiserzeit» , GGP, Antike 3, 1983, p. 459-599 (sur Héraclide Lembos, p . 584 585) ; 3 H . Lucas, « Zu Herakleides Lembos» , Hermes 75, 1940, p . 234-237; 4 P . M . Fraser, Ptolemaic Alexandria , Oxford 1972 , t. I, p . 514-515 ; 5 A . Lamedica, « Il POxy 1800 e le forme della biografia greca » , SIFC 78, 1985,

p . 55-75 (p. 74-75 sur POxy 1367) ; 6 J.-L . Ferrary , Philhellénisme et impéria lisme, p . 225 (addendum , p . 662).

H61

HÉRACLIDE LEMBOS

569

Fragments et témoignages. Il n 'existe aucune édition intégrale des frag ments des æuvres d 'Héraclide Lembos. On utilisera les éditions partielles sui

vantes: 7 FHG III, p. 167-171 ;on trouvera les extraits conservés de son Epitomé des Constitutions d' Aristote dans 8 M .R . Dilts, Heraclidis Lembi Excerpta Poli tiarum , coll. « Greek , Roman and Byzantine Monographs » 5, Durham N .C . 1971, et dans 9 0 . Gigon , Aristotelis Opera III, Librorum deperditorum Frag menta , Berlin New York 1987, p. 564 -571. 10 I. Gallo , CPF I 1* *, p. 249-257 : grâce à POxy 1367, on conserve un fragment de la fin du livre I et du début du

livre II de son Epitomé du lepi vouodetőv (Sur les législateurs ) d 'Hermippe de Smyrne, ainsi que la mention d'un abrégé du Sur les sept sages et du Pythagore du même auteur (» H 86 ) ; cf. sur le même texte 11 I.Gallo , Frammenti biogra fici da papiri, vol. I, Roma 1975 , p . 13-55 (texte et commentaire ), p . 215 (addendum ). Certains fragments attribués généralement à Héraclide le Pontique (» H 60 ) l'ont aussi été à Héraclide Lembos : cf. 12 G . F. Unger, « Herakleides Pontikos der Kritiker » , RHM 38, 1883, p. 481-506 (cf. p. 493 n . 2), et 13 H . B . Gottschalk , Heraclides of Pontus, Oxford 1980, p . 128 n . 2 et 129 n . 3, p . 131 n. 10 et 15 ,

p. 157.

Vie. Selon la Souda (H 462, p. 581 Adler), Héraclide Lembos a vécu (yeyovác) sous Ptolémée VI (180- 145). Il était le fils d'un certain Sarapion (Souda, loc. cit.; D .L . VIII 7, 44 et 58 ). Le passage cité de la Souda le donne comme citoyen d'Oxyrhynque ('Ocupuyximns), tandis que Diogène Laërce (V 94) le mentionne, dans son catalogue des homonymes d 'Héraclide, comme citoyen de Callatis (côte ouest de la Mer Noire, auj.Mangalia) ou d'Alexandrie

(Karłatiavos Ñ 'Arecav peúc). Après des tentatives visant à exclure l'un ou l'autre de ces trois témoignages (cf. Lucas 3, p. 234 : Héraclide est originaire d'Oxyrhynque ; il est dit Callatien en tant qu 'abréviateur des Vies de Satyros de Callatis et Alexandrin en tant qu 'abréviateur des Successions de Sotion d 'Alexandrie ; 14 J . Mejer, Diogenes Laertius and his Hellenistic Background , coll. « Hermes

Einzelschriften >> 40 , Wiesbaden 1978, p . 63 n . 11 : l'origine d 'Héraclide est Alexandrie ou Oxyrhynque, tandis que la cité de Callatis lui a été attribuée à cause de sa relation littéraire à Satyros), on a cherché, avec vraisemblance, à concilier ces données de la tradition en le faisant

originaire de Callatis, citoyen d'Alexandrie et d 'Oxyrhynque, où il a peut- être rempli un rôle officiel (cf. Fraser 4 , t. II, p . 741n . 172 (avec bibliographie critique sur la question ) ; FHG 7 , p. 167 : H . est né à Callatis, étudie et remplit des charges officielles à Alexandrie et se retire vivre à Oxyrhynque ; Daebritz 1, col. 488 : H . estné à Callatis, remplit des charges administra tives à Oxyrhynque et finit sa vie à Alexandrie ; cf. aussi 15 F . Wehrli, Sotion , coll. « Die

Schule des Aristoteles » , Supplementband II, Basel/Stuttgart 1978, p. 7). Rappelons que W . Crönert (Kolotes und Menedemos, p . 136 -137) distinguait deux auteurs, l'un surnommé Lembos, homme d 'État et historien , originaire d 'Oxyrhynque, l'autre fils de Sarapion , de Callatis ou d 'Alexandrie, qui se serait illustré comme abréviateur. La signification du surnom Méußoc n ' est pas claire . Deux témoignages ont laissé penser (Daebritz 1 , col. 489) qu 'Héraclide reprenait, étrangement (mais voir Apollonius Molon NA 267), le surnom de son père : Photius (Bibl. cod. 213 Ó toŰ Abuşov (Diels : mss. Réußpou ] 'Hoaxhelons; mais voir une autre explication dans W . Crönert, Kolotes und Mene

demos, p. 136 ) et la Souda (loc. cit.), où la relative og énexañon Aéußog pourrait renvoyer au nom du père. Un unique témoignage ancien (D .L . V 94 ) tente d 'expliquer l'origine de ce sur

nom : Héraclide serait l'auteur d'un

außeutiXÒÇ Nóyoç dont par ailleurs on ignore tout. 'O

570

HÉRACLIDE LEMBOS

H61

réußoc est le nom d 'un petit bateau, canot ou chaloupe (cf. L . Casson, Ships and Seamanship in the Ancient World , Princeton N .J. 1971, p . 125- 127 (petit bateau de guerre rapide et maneuvrable ) et 162- 163 (chaloupe de transport en Égypte )) ; on a noté qu'un de ses contem porains, le capitaine d 'Antiochus, Théodote , était surnommé ó 'Hulóhos ( = bateau rapide de

pirate) (cf. FHG 7 , p . 167 ; Daebritz 1, col. 489).Mais, dans les deux cas, on ignore ce qui leur

aurait valu ce surnom . En fait, aucune des hypothèses émises sur cette question ne s'impose

(cf. encore Lucas 3,p. 235). Héraclide avait à son service , en tant que scribe (unoypapeús) et lecteur (åvayuwoths), l'historien et géographe Agatharchidès de Cnide (Photius, Bibl.

cod. 213 MA 32 ( corriger : Photius présente Agatharchidès comme un ypauma Tixóc et non comme un ypafuatiotńs]). Euvres.

1. 'lotopíal,Histoires: au moins 37 livres (mélange de mythologie et d 'histoire ) ; seuls 5 fragments sont conservés. FHG 7, p. 168 - 169. Le seul frag ment qui ne soit pas conservé par Athénée (fr. 1 FHG : Festus, p . 269 (Müller ),

rapportant une version particulière de l'origine du nom Roma; cf. FGrHist III C , 840 F , 13 b ; Ferrary 6 ), trouve un parallèle dans une anecdote remontant aux Nóuqua Bapßapixá d 'Aristote (cf. Gigon 9, fr. 700 -702). Héraclide avait intro duit des passages du même ouvrage d ’Aristote dans ses extraits de certaines des politeiai aristotéliciennes (Dilts 8, p. 7 n . 2 [passages contenus dans les $ $ 43,

44, 48, 58 ]). Cet ouvrage a peut-être été abrégé par un certain Héron d 'Athènes

(Souda, H 552, t. II, p . 590 Adler). 2 .AußeutixÒÇ Tóyoç (D . L . V 94) ; Daebritz 1 , col. 489-490, émet l'hypo thèse qu 'Héraclide y traitait de questions homériques, hypothèse qui se trou verait renforcée si l'Héraclide d 'Alexandrie que cite Eustathe (ad Iliadem 1 (XI] 639, t. III, p. 288 Van der Valk ; cf. encore O (VIII) 448, vol. II, p.614 Van der Valk (d 'après l'éditeur, il s'agit du grammairien Héraclide de Milet ]) était iden tique au Lembos ; autre hypothèse, Lucas 3, p . 236 : il s'agirait d'une encyclo pédie de poche sur toutce qu 'il est utile de savoir .

3. Abrégé de certaines Vies d'Hermippe de Smyrne : 'Enitoun tõv 'Epuin TOV Tepi vouooetőv xal Entà Oopov xai Mudayópov, 16 CPF I 1* * , p. 249

257, avec bibliographie (= POxy 1367 ; publié en 1915, ce fragment ne figure évidemment pas dans FHG 7 ; non mentionné par Wehrli 2 ). Cf. 17 F .

Montanari, « Un passo corrotto in Eraclide Lembo, Epitome di Ermippo (P . Oxy. 1367, fr. 1, col. I, 12-15) » dans Studi di filologia classica in onore di Giusto Monaco, Palermo 1991, vol. I (Letteratura Greca), p. 415-419. Voir aussi 18 I. Gallo, Frammenti biografici da papiri, I 1, p. 15 -55 ; CPF II 1* *, 59 (Gallo ) et pl. I. 4. Abrégé des Vies de Satyros de Callatis (tāv Eatúpou Biwy Étltouń, cf.

D . L . VIII 40 ; VIII 53 et IX 26 ). A la lecture de D . L . VIII 53, on a l'impression qu 'Héraclide a corrigé le texte de Satyros qu 'il abrégeait. 5 . Abrégé des Successions (des philosophes) de Sotion d ' Alexandrie , en 6

livres (D .L . V 94 : yeypapuç thu Aladoxnv ÉV EE Bißaious ) ( tūv Ewtiwvog Aladox@ V ŠTlTouń , cf. D .L . V 79; X 1).

H62

HÉRACLITE

571

On a peut- être conservé les têtes de chapitres de l'abrégé dans la liste des sectes transmise par un certain Joseppus (Josephus Christianus, Xe s. ap. J.- C .) et attribuée à un Héraclide pythagoricien (Hypomnesticon 143, PG 106 , col. 160

Migne (cf. 19 H . Diels, Doxographi Graeci, p . 148 -153, cf. 20 R . Daebritz, art. « Herakleides » 47, RE VIII 1, 1913, col. 487) ; cf. 21 W . von Kienle , Die

Berichte über die Sukzessionen der Philosophen in der hellenistischen und spätantiken Literatur, Berlin 1961, p . 93-95 .

6 . Extraits des Politeiai d'Aristote. Plusieurs manuscrits nous ont conservé des extraits de ces extraits sous le titre 'Ex Twv 'Hoaxhaidov nepi TrollTELõv; cf.

22 H . Bloch, Heracleides Lembos and his Epitome of Aristotle 's Politeiai, TAPHA 71, 1940, p . 27-39 (l'auteur démontre avec de bons arguments que cet Héraclide est le Lembos). Ces extraits sont particulièrement importants, parce qu 'ils nous ont conservé le contenu du début de la Constitution d 'Athènes.

Édition par Dilts 8. 7 . Il est très hasardeux d'attribuer à Héraclide Lembos la Vie d 'Archimède d 'Héraclide mentionnée par Eutocius ( In Archimedem De circuli dimensione, éd .

Ch. Mugler (CUF, Archimède t. IV , 1972, p . 142] = FHG III, p . 171).

L'importance d 'Héraclide Lembos ne tient pas dans les quelques fragments et témoignages qui ont survécu – l'auteur y apparaît comme un amateur d 'anec

dotes et de récitsmerveilleux -,mais dans la place qu 'il occupe comme intermé diaire dans la tradition de l'histoire de la philosophie . Diogène Laërce l'a utilisé,

sans doute plus largement que les références explicites ne le laissent entendre. Il faut toutefois nuancer certaines affirmations comme celles de Wilamowitz , qui

voyait dans la Vie de Ménédème d 'Érétrie de Diogène un simple démarquage de

celle d'Héraclide Lembos (cf. 22 U . von Wilamowitz -Moellendorff, Antigonos von Karystos, coll. « Philologische Untersuchungen » 4 , Berlin 1881, p . 89 ;

Mejer 14, p . 40 et 67 ; 23 D . Knoepfler, La Vie de Ménédème d 'Érétrie de Diogène Laërce. Contribution à l'histoire et à la critique du texte des “ Vies des philosophes” , coll. « Schweizerische Beiträge zur Altertumswissenschaft » 21,

Basel 1991, p. 13-14). JEAN -PIERRE SCHNEIDER .

62 HÉRACLITE

FI- D II ?

Ami d'Épictète. Ce dernier le donne comme exemple d 'une provocation mal habile : « C 'est comme mon amiHéraclite dans une petite affaire qu'il eut à

Rhodes pour un bout de champ. Il venait de prouver aux juges que sa cause était juste. Arrivant à la péroraison , il leur dit : " Je ne vous adresserai pas de supplica tions, et je me soucie peu également du verdict que vous allez prononcer ; c 'est

vous, bien plus que moi, qui êtes mis en jugement” . Il gâta ainsi toute son affaire » (Entretiens II 2 , 17 ; trad. J. Souilhé). Le ton semble être celui d 'un

philosophe et Épictète y voit une imitation critiquable du discours de Socrate à son procès. RICHARD GOULET.

HÉRACLITE

572

63 HÉRACLITE RE 12

H 63

I?

Commentateur d'Homère. Éditions et traductions. On dispose de deux bonnes éditions modernes de cet auteur: 1 Heracliti Quaestiones Homericae, par lesmembres de la Société philologique de Bonn , notamment Fr. (Elmann , coll. BT, Leipzig 1910 (riche index verborum ); 2 Héraclite , Allégories d 'Homère, par F . Buffière , CUF, Paris 1962. Importante trad . espagnole (sans texte ) : 3 Heráclito , Alegorías de Homero, introd. par E . Calderón Dorda, trad . et notes par M . A . Ozaeta Gálvez, coll. « Biblioteca Clásica Gredos » 125 ,Madrid 1989, 314 p. Bien qu'il semble se pré senter ainsi sous d'heureux auspices, ce texte pose bien des problèmes.

Seule réalité objective : l'existence d'un recueil de brèves exégèses allégo riques d'Homère ( Iliade, puis Odyssée, chap. 60 sqq.). Pour le reste , le ms. M porte in fine « D 'Héraclite , Problèmes homériques sur ce qu 'Homère a formulé

en allégorie sur les dieux » . Rien que de très banal dans ce nom d'auteur et ce

titre . La date reste très vague. Les auteurs cités les plus récents (Apollodore [** A 244), Cratès [PMC 203], Hérodicos de Babylonie (» H 100 )) sont du II s. av. J.-C . (Buffière 2 ; en fait, un autre de ces auteurs est du jer s.: Alexandre “Lychnos” d 'Éphèse (PA 113] cité en 12, 8, cf. Calderón Dorda 3). Quant au terminus ante quem , on indique l'æuvre de Plutarque, au motif qu 'elle marque le début de l'exégèse mystique d 'Homère par les pythagoriciens, qu 'Héraclite , tellement avide d 'exalter le poète, n 'aurait pu taire , ce qui est le cas (Buffière 2 ). Cela dit, un consensus s'est imposé pour situer Héraclite au jer siècle de notre ère, et faire de lui le contemporain de Cornutus (MC 190 ), les deux auteurs ayant subi l'influence du lepi Okõv d’Apollodore, cf. 4 C . Reinhardt, DeGraecorum theologia capita duo, Berlin 1910 . C 'est aussi pour des problèmes de chrono logie et pour ses rapports avec un autre homérisant plus ancien (Hécatée d ' Ab dère (2- H 12 ]) que s'est intéressé à la cosmogonie d'Héraclite (chap. 43 sq . et 64 sq.) 5 W . Spoerri, Späthellenistische Berichte über Welt, Kultur und Götter, coll. « Schweiz. Beitr . zur Altertumswiss.» 9, Basel 1959, p.69-74 et 105 - 107.

Un recueil représentatif. Beaucoup d 'interrogations subsistent donc. Elles ne doivent pas empêcher de lire ce texte très intéressant. Se rattache -t-il à une

école philosophique ? Les attaques assez virulentes qui y sont portées contre Pla ton ( 76 , 6 - 79, 1) et contre Épicure (79, 2 -11) orientent vers le stoïcisme, auquel se rattachait également Cornutus. Voir, dans ce sens, 6 A . A . Long, « Stoic rea dings of Homer» , dans R . Lamberton et J.J. Keaney, Homer 's ancient readers. The hermeneutics ofGreek epic 's earliest exegetes, Princeton University Press,

1992, p . 41-66 . L'appartenance stoïcienne d'Héraclite a été confirmée assez récemment par une tout autre méthode, celle de l'esthétique littéraire , cf. 7 W . Bernard , Spätantike Dichtungstheorien . Untersuchungen zu Proklos, Herakleitos

und Plutarch, coll. « Beiträge zur Altertumskunde » 3, Stuttgart 1990 . La thèse de cet ouvrage est que l'Antiquité a pratiqué l'allégorèse, en gros, de deux façons. L 'une est celle des platoniciens ; elle est marquée par deux caractères: la

personnalité propre des intervenants divins subsiste sans se dissoudre dans leur signification ; d'autre part, cette signification , élaborée d 'après des critères

573 HÉRACLITE D 'ÉPHÈSE objectifs, est au service de la dialectique. L 'autre allégorèse consiste à prendre des êtres personnels insérés dans une histoire (Héra , Aphrodite , etc.) pour leur H 64

substituer des abstractions (l'air, la volupté , etc.): ce serait celle des préso cratiques, et des stoïciens leurs descendants . Bernard parle dans le premier cas d'allégorie " diérétique” (dihairetisch ), dans le second d'allégorie “ substitutive" : c'est pour la dernière qu 'il invoque l’Héraclite homériste comme un exemple

privilégié. On s'est intéressé aussi chez ce dernier à sa façon de citer Homère : 8 Chr. D . Stanley, « Paul and Homer: Greco-Roman Citation Practice in the First Century CE » , NT 32, 1990 , p . 48 -78 , partant de la liberté prise par Paul dans ses citations

de la Bible hébraïque (suppression de mots et de phrases, substitutions, combi naison de textes d'origine différente dans une citation unique, etc.), la rapproche de la pratique de certains auteurs grecs à peu près contemporains : Strabon, ps.

Longin , Héraclite , Plutarque, dans leur utilisation du texte d'Homère. Voir encore, sur le même thème, 9 J. Whittaker, « The Value of indirect tradition in the establishment of Greek philosophical texts, or the art of misquotation » , dans

J. N . Grant ( édit.), Editing Greek and Latin Texts,New York 1989, p. 63-95. JEAN PÉPIN .

64 HÉRACLITE D 'ÉPHÈSE RE 10 (+ Suppl. X)

ca 520 - ca 460 Philosophe présocratique. Le premier penseur grec dont nous possédions un

nombre relativement important de citations et de témoignages doctrinaux. PLAN DE LA NOTICE Outils principaux. Éditions. Bibliographies. I. L 'HOMME

1. État civil et chronologie .Nom . Patronyme. Ville d'origine. Dates. 2 . Biographie politique. Abdication . Rôle dans la levée du siège d'Éphèse par les Perses. Destitution d 'un tyran. Échec politique. Opinions politiques. Rapports avec Darius. Retrait de la vie publique. 3. Biographie philosophique. Isolement et autodidaxie. Culture. Maîtres ? Rapports avec

les philosophes contemporains. Disciples ?Récapitulation chronologique. 4 . Biographie légendaire. Ignorance et omniscience. Arrogance et orgueil. Apophtegmes et anecdotes.Misanthropie . Le philosophe larmoyant. La mort d'Héraclite .

5 . Iconographie. II . LE LIVRE

1.Histoire. Existence . Diffusion. 2 . Forme et contenu du livre. Titres. Articulations. Dimensions. Contenu du livre selon les Anciens. Localisation de certains fragments.

3. Style et obscurité du livre selon les Anciens. 4. État actuel du corpus. Les éditions.

574

HÉRACLITE D 'ÉPHÈSE

H 64

III. LA DOCTRINE ?

1. La crise actuelle des études héraclitéennes. 2 . Principaux axes de la recherche.Méthode et déontologie . Étude systématique de la tradition . Recension des informations pertinentes .

3.La poétique des fragments. 4. Vers la reconstruction du livre et de la doctrine.

Outils principaux. Éditions. Il n 'existe toujours pas d' édition exhaustive des textes anciens relatifs à Héraclite , mais seulement de multiples éditions de

ses « fragments » , accompagnés parfois des témoignages bio - et doxographiques les plus importants. Les éditions les plus complètes actuellement existantes sont : 1 M .Marcovich (édit.), Heraclitus. Editio Maior, with a short commentary , Mérida 1967, et 2 Id ., Eraclito , Frammenti, Firenze 1978 (version italienne légè

rement corrigée et augmentée de 1) (citées infra, quand il s'agit de textes, sous la forme Mch lc = Marcovich 1 ou 2 , fragment 1, texte (c)], ainsi que 3 R .Mondolfo et L . Tarán (édit.), Eraclito. Testimonianze e imitazioni, Firenze 1971. 1 et 2 ne contiennent que les fragments, paraphrases et réminiscences (avec leurs contextes immédiats ), 3 seulement les témoignages bio - et doxogra phiques essentiels , ainsi que divers « échos » et imitations. Bien que, prises en

semble , ces éditions recouvrent la totalité des textes de 4 H . Diels et W . Kranz (édit.), Die Fragmente der Vorsokratiker, 6e éd. (et sqq.), 1951 (et sqq.), vol. I,

p 139- 190 (+ Nachtrag, p. 491-495), vol. III, p . 659 (Epilogus 1952), cette col lection classique demeure utile tant en raison de sa présentation condensée des textes fondamentaux et de sa numérotation devenue standard (nous l'utiliserons nous-même ci-dessous) qu 'en raison , surtout, de l'influence énorme qu 'elle a exercée tout au long du XXe siècle sur les études héraclitéennes (citée sous la

forme standard DK A 12 (témoignages), DK B 36 (fragments) ou DK C 5 (imi tations)]. Outre ces éditions, signalons les récentes publications commentées de

deux sources papyrologiques nouvelles sur Héraclite : une citation conjointe de B 3 et B 94 dans le papyrus de Derveni – 5 K . Tsantsanoglou et G .M . Paras soglou , « Heraclitus in the Derveni papyrus » , Aristoxenica, Menandrea, Frag

menta philosophica, coll. « Studi e testi per il CPF » 3, Firenze 1988, p . 125-133 (cf. encore version italienne abrégée ,mais remise à jour : 6 Id . « Heraclitus, 57 IT » , dans CPF 1/1 * * , Firenze 1992, p . 221-226 ; et nouvelle édition et discus sion du texte dans 7 K . Tsantsanoglou , « The First columns of the Derveni Papy rus and their religious significance » dans A . Laks and G . W . Most (édit.), Stu dies on the Derveni Papyrus, Oxford 1997, p. 94 , 96 -97, 106 -110 ) (= 18 (infra ),

texte T 87) – et un fragment astronomique absolument nouveau composé de 2 ou 3 citations connexes dans le papyrus d 'Oxyrhynque 3310 – 8 S. N .Mouraviev,

« Heraclitus 57 4T» , dans CPF 1/1* * , Firenze 1992, p. 229-242. (Pour les édi tions antérieures ou postérieures de Henri Estienne, Schleiermacher, Lassalle ,

Mullach , Schuster, Bywater , Diels, Snell, Walzer, Mazzantini, Bollack et Wismann , Kahn , Diano -Serra, Colli, Conche, cf. infra 125 -144.) L 'ensemble des sources relatives à la vie et au livre (opinions et citations

exclues) d 'Héraclite (textes originaux et traduction en russe ) a été pour la pre

H 64

HÉRACLITE D 'ÉPHÈSE

575

mière fois réuni et publié dans 9 C .H . Mypabbe, = Mouraviev (édit.), « Testi

monia de uita et scripto Heracliti Ephesii» , VDI 1974, n° 4/130 , p. 195-218 ; 1975, n° 1/ 131, p . 229- 244 (textes cités infra sous la forme M 16a = Memoria, texte XVI a ). Ces textes sont commentés dans: 10 Id ., « Kushi repakinta pecckoro » (La vie d ' H . d ' É .), VDI 1974 , n° 4 /130 , p . 3 - 23 ; 11 Id ., « Tepakjut: COBPEMEHHUKU, jerenja, Ukohorpaduv » ( H . : ses contemporains,

sa légende, son iconographie ), VDI 1975, n° 1/131, p . 27 -48 ; 12 Id ., « Khura Tepakjuta 3 pecckoro » (Le livre d ' H . d ' É .), VDI 1976 , n° 2 /136 , 47 -72 (où les p . 68-71 contiennent des additions et des corrections à 9, 10 et 11). (Une édition

revue, augmentée et corrigée de 9 à 12 avec traduction et commentaire en fran çais figurera dans 16 (cf. infra ), vol. III. 1, en préparation ). La littérature essen tielle antérieure à 1974 est citée dans 9 , n° 4 /130, p . 215-218 et n° 1/131, p . 241

et utilisée dans 10 à 12 ; pour les travaux plus récents, cf. infra . Une des sources biographiques principales étant Diogène Laërce IX 1- 17 =

DK A 1, il est important de reconnaître les diverses strates amalgamées dans ce chapitre . Nous y distinguons : 1° un texte de base à deux éléments – une biogra phie caractérologique d 'Héraclite remontant sans doute au Nepi toŨ xovOÍČELV

Únepndavíac d 'Ariston de Céos (ou de son homonyme de Chios: cf. 13 G . Ranocchia, Aristone di Ceo o Aristone di Chio ? Studio sull'autore del Peri tou kouphizein hyperephanias, Thèse, Perugia, 1997-1998, 239 p .) (et peut- être

empruntée par lui à une comédie intitulée Karaxouußntńs) et un pinax de bibliothèque -, 2° des textes complémentaires (la doxographie théophrastienne, les lettres , les épigrammes...) et 3° une vingtaine d'additions ponctuelles au texte de base et aux compléments ; cf. 14 S . N . Mouraviev, « La Vie d'Héraclite de Diogène Laërce » [I et II), Phronesis 32, 1987, p . 1-33, et 33, 1988, p . 117, et dans 15 'Oooi dičñolog. Le vie della ricerca. Studi in onore di F . Adorno,

Firenze , 1996 , p . 371-383. En 1991, l'auteur de ces lignes a amorcé la publication de 16 S. N . Mouraviev (édit.), Heraclitea. Édition critique complète des témoignages sur la vie et læuvre d'Héraclite d ' Éphèse et des vestiges de son livre, Moscou /Paris ( en cing parties : I. Prolegomena, II. Traditio Heraclitea, III. Recensio Heraclitea , IV .

Refectio libriHeracliti, V . Indices). Actuellement sont parus les volumes 17 Id ., Heraclitea IV , Héraclite d 'Éphèse, Les Muses ou De la Nature , A . Texte et tra duction, 1991, et 18 Id ., Heraclitea II. A . 1, Héraclite d ' Éphèse, La Tradition

antique et médiévale, A . Témoignages et citations, 1. D 'Épicharme à Platon et Héraclide le Pontique, 1993 (textes cités infra sous la forme T 12 = Traditio , texte n° 12 ]. Une réédition de 18 prolongée jusqu' à Philon d' Alexandrie est parue en 1999 : S . N . Mouraviev (édit.) , Heraclitea , II.A .1, Héraclite d 'Éphèse , Tradition antique et médiévale, A . Témoignages et citations, textes et traduc tions, 1. D 'Épicharme à Philon d 'Alexandrie, Sankt Augustin 1993, XXVI- 170 p. Dans la même série paraîtront, en 2000 -2005, les autres volumes de 16 .

Bibliographies. Il existe deux bibliographies spécialement consacrées aux études héraclitéennes couvrant la période de 1499 à 1984 : 19 E . N . Roussos,

Heraklit-Bibliographie, Darmstadt 1971, et 20 F. De Martino, L . Rossetti, P .

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H 64 HÉRACLITE D 'ÉPHÈSE Rosati, Eraclito. Bibliografia 1970- 1984 e complementi 1621- 1969, Napoli 1986 . Cf. encore 21 L . Paquet, M . Roussel et Y . Lafrance, Les Présocratiques. Bibliographie analytique (1879 -1980 ), t. 1,Montréal/Paris 1988 , p. 444 -555 , et

22 L . Paquet et Y . Lafrance, Les Présocratiques. Bibliographie analytique ( 1450 -1879), t. 3, Supplément, (Montréal), 1995 (cf. index ). Pour la période

après 1984, on consultera utilement les rubriques « Heraclitus Ephesius» et « Philosophica » de la partie Auteurs et Textes et la section « Philosophie » de 23 L 'Année philologique, t. LV et sqq., Paris 1986 et sqq., 24 International phi losophical bibliography, t. XXVII et sqq., Louvain - la -Neuve 1985 et sqq., ainsi

que 25 le supplément bibliographique de la revue Gnomon (München ). 26 M . Marcovich , art. « Herakleitos » , RESuppl. X , 1965 , col. 246 -320 , contient une mine de références systématiques (jusqu 'en 1964 ) à laquelle nous renvoyons im

plicitement. Une bibliographie héraclitéenne systématique détaillée figurera dans Mouraviev 16 , vol. I. I. L 'HOMME

1 . État civil et chronologie. Nom . Pas de variantes (cf. 10 , p . 3),mais par fois confondu dans les mss . ( et même dans certains ouvrages périphériques de ces derniers siècles) avec Herakleides, Heraclidus, Héraclide. Cf. Marcovich 1,

p. 602-604 ;Marcovich 2, p. 409-411;Mouraviev 18, p. 105 (littérature ancienne citée dans Bywater 130 [infra ), p . VIII et n . 6).

Rajouter Cyrill., C . Iulian. I 13 (p. 134, 16 Burguière-Évieux) à la liste c en 18 , ibid .

Patronyme. Toutes les 14 formes manuscrites de nos sources sont paléo graphiquement réductibles à trois formes initiales : ( 1 ) BAOENNOE, (2 ) BAY

ENNOE (cf.Marcovich 26 , col. 246 sq.; 9, textes M jab) - qui ne sont peut-être que deux variantes orthographiques d 'un mêmenom prononcé (blusõn ] (Moura viev 10, p. 5 ; cf. 27 W . Crönert, Kolotes und Menedemos, 1906 , p . 184 et n . 4 ;

28 O .Masson, « A propos de Błóowv, nom du père d 'Héraclite » , RPh 60 , 1986 , p . 279 -281, qui croient plutôt à une contamination de Błóowv par Baú(w ) - et

(3) HPAKSN ( T)OE (?; npaxlovtoç Diog. F ,npaxwvtoç Diog. BP ,npaxivos Souda). Les hypothèses émises sur l'identité du porteur du nom d'HPAKIN , ou

HPAKIE ( ?), (le père (autre nom ), le grand-père ou le frère - et héritier du « trône» – d'Héraclite ) ou l'origine de l'erreur (confusion avec un autre Héra clite , corruption HPAK [Neltog Ó Broo ]SNOE + HPAKSNOE) n ' ont qu 'un défaut: leur gratuité .

Ville d ' origine. Tout semble confirmer qu'Héraclite était originaire et citoyen d'Éphèse en Asie Mineure et rien n 'indique qu'il ait jamais quitté cette cité. Cf. Démétrius de Magnésie et Démétrius de Phalère ap. D . L . IX 15 = M

186 sur son refus de se rendre à Athènes. [Justin .) Coh. ad. gent. 3 est bien sûr corrompu ; lire 'Hpáxhelt < oç vai " Initiao > OÇ Ó MetanoVTĪVOS. — 29 H . Gomperz, Philosophical Studies, Boston 1953, p . 89, il est vrai, discerne dans le fr. B 121 « a certain flavor of the refugee

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HÉRACLITE D 'ÉPHÈSE

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or emigrant mentality » (écrit à la fin des années 30, quand Gomperz s'était lui même retrouvé en émigration ).

Dates. Selon Apollodore ( ?), FGrHist 244 F 340 chez Diog. L . IX 1 (DK A 1, 1 = M 2a) et dans la Souda , s.v. 'Hpáxeltog (DK A la = M 26), le floruit

d'Héraclite coïncide avec Ol. 69 (504-501), selon Eusébe = Jérôme, Chron. p. 107 , 14 Helm ? (M 29) avec Ol. 70 (500 -497) ( idem chez Cyrill., C. Iul. I 13 (M 20 = DK 59 A 4, 68 A 4 ); les autres chroniques dépendant d'Eusebe (M 30) présentent divers écarts plus ou moins grands par rapport à cette date , quand ces écarts ne dégénèrentpas en confusion totale ,mais sont toutes également inaccep tables). Le même Eusèbe, p. 111, 22 , signale un second floruit de l'Éphésien sous Ol. 80 , 1 (460 ) [M 4 ] et un troisième sous Ol. 81, 1 (456 ) (M 3b). Enfin , Aristote , fr. 71 Rose ap. Apollod ., FGrHist 244 F 32a (ap. Diog. L. VIII 52 = M 5a) et Diog. L . IX 3 (DK A 1 = M 56), indiquent qu 'Héraclite estmort à l'âge de 60 ans.

De tout cela l'on déduit généralement, tout en soulignant la précarité de cette déduction , qu'Héraclite devait avoir dans les 40 ans (âge de l'åruń ) vers 500 et serait né vers 540. Cf. 30 H . Diels, « Chronologische Untersuchungen über Apollodors Chronik » , RHM 31, 1876 , p. 33-34 ; 31 F. Jacoby, Apollodors Chro nik, coll. « Philologische Untersuchungen » 16 , Berlin 1902 , p. 227 -230 , etc . Quant à la date de sa mort, elle est tenue pour incertaine, l'information d'Aristote (ou d 'Apollodore) étant depuis Sturz (32 H . F. Sturz , Empedocles Agrigentinus. De vita et philosophia eius..., Lipsiae 1805, p. XXI-XXII) considé

rée (à tort) comme fruit d'une corruption ('Hpáxeitov pour 'Hpaxeions). [Cf. 33 S. Mouraviev, « Aristote fr. 71 Rose ou A quel âge estmort Héraclite ?» ,

REG 93, 1980, p. 511-515, où cette opinion est réfutée.) Si les données ne sont pas corrompues, Héraclite serait donc mort vers 480. Toutefois, une analyse des contextes des trois floruit signalés par Eusébe exige une révision de cette conclu sion .

En effet: ( 1) Dans M 2° (p . 107, 14 ) (cf. DK 59 A 4 = 68 A 4 ) sontaffirmés sous Ol. 70 (500 -497 ), outre celui d'Héraclite , les floruit d'Hellanicus (né en 497 -496 [Pamphila ap. Gell. XV 23 ) ou en 480 (V. Eur. p . 2, 5 Schw .)), de

Démocrite (né en 494 (floruit en 454,Diod. XIV 11, 5 ), en 470 [Thrasyll. ap. Diog. L . IX 41] ou en 460 ( floruit en 420, Apollod . ap . Diog. L . ibid.); cf. D . O ' Brien > D 70, p. 655 -677) et d'Anaxagore (né en 500 (floruit en 460 , Apollod. ap . Diog. L . ibid .); cf. R . Goulet PA 158, p. 184 - 186 , et D . O 'Brien, ibid.). Nous avons donc là , comme l'a déjà remarqué Jacoby 31, p. 229 n. 4, deux cas évidents de confusion entre date de naissance et date d 'épanouissement.

(2) Dans M 3b (p. 111, 21) sont affirmés d'abord, sous Ol. 81 (456 -453), les flo ruit d'Empédocle et Parménide (= DK 28 A 11 a), puis, sous Ol. 81, 1 (456 ), ceux de Zénon (d 'Élée) et Héraclite (= DK 29 A 3); compte tenu de ces dates, de Plat., Parm . 127 a, voire de la tradition rapprochant chronologiquement Héra

clite d 'Empédocle , reflétée par exemple par Eus., P .E . X 14 , 15 (M 3a), c'est son « père adoptif» Parménide que Zénon aurait dû avoir eu pour partenaire, et c 'est Empédocle qu 'aurait dû avoir eu pour partenaire Héraclite, et non l' inverse.

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HÉRACLITE D 'ÉPHÈSE

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Nous avons donc là aussi un quiproquo évident. (3) Dans le contexte de M 4 (p . 111, 10), nous lisons sous Ol. 80 , 1 (460 ) : Anaxagoras moritur (= DK 59 A 4 , cf. A 18 ). Heraclitus clarus habetur; or, né en 500, Anaxagore avait 40 ans en 460 (cf. supra) et est mort à 72 ans (Diog. L . II 7) en 428. Donc nouvelle confu sion du même genre : il faut lire Heraclitus moritur. Anaxagoras cla

rus habetur. (Cf. 34 Vallarsius (éd.), Sancti Hieronymi interpretatio Chronicae Eusebii Pamphili, ap. Migne, PL 27, 1846 , p. 251 note c ; 35 K .F . Hermann , Disputatio de philosophorum Ionicorum aetate, Gottingae 1849, p . 10, 22 ; Mou raviev 10 , p. 5- 12). En dépit du verdict de Diels 30 , p. 36 (« ...so ist dabei ein für alle Mal von den Benutzung solcher Spätlinge abzusehen » ), ces sources tardives et fautives nous ont appris l'existence dans la tradition d'une date de la mort du

philosophe, la seule dontnous disposions: 460. Mort à l'âge de 60 ans vers 460 , Héraclite serait donc né vers 520 , son (premier) floruit apollodorien (eusébien ) se situerait entre 504 et 494, quand il devait avoir entre 16 et 26 ans, et correspondrait à quelque événementmarquant de sa « carrière » , et non à l'âge de 40 ans, comme le veut le dogme acméiste . Le second floruit eusébien , celui de 460 , correspond à la date de sa mort, et le troi sième, celui de 456 , doit sans doute se rattacher à quelque date empédocléenne et

peut s'expliquer par le (faux) synchronisme Héraclite-Empédocle (cf. supra et infra). Pour une autre explication du troisième floruit, cf. l'art. « Hermodore » (2H 90 ). Cette chronologie, prise en bloc, serait apollodorienne,mais certains de ses éléments (longévité – et date de la mort?) remontent ou peuvent remonter à Aristote , par exemple à sa Constitution d 'Éphèse ou à ses Victoires olympiques.

C 'est sans doute là aussi que figuraient les originaux des informations relatives à la biographie politique du philosophe. Quant au rapprochement chronologique avec Empédocle , attribué par certains modernes à Héraclide Lembus et reflété par Eusébe, P. E . X 14 , 15 , Hermias, Irris. gr. phil. 8 et 13, Hippol., Ref. I 3 -4 , il serait le fruit d 'une interprétation abusive de Plat., Soph . 242 d -e , Arist., De cael.

279 b 14 (et fr. 71) et de textes similaires rapprochant les doctrines des deux penseurs. (Par contrecoup, elle a peut- être engendré une théorie de leur double succession à Pythagore apparemment impliquée par Eusébe et Hippolyte , Il. cc.).

Cf. Jacoby 31, p . 230 ; 36 G . S. Kirk, Heraclitus. The cosmic fragments, Cam bridge 1954 ; réimpr. « with corrections » 1962, p . 25.

Outre la chronologie traditionnelle et la nôtre (supra ), signalons encore celle de Reinhardt 61 et Hölscher 62 (cf. infra , Rapports avec les philosophes contemporains), à savoir vers 530 -470 , qui tend à justifier l'antériorité du livre de Parménide, et celle , non argumentée, de Colli 143 ( infra ), p . 171, à savoir vers 510 -450.

2 . Biographie politique. Abdication. Selon les Successions d'Antisthè ne (de Rhodes ?], FGrHist 508 F 10 = fr. 10 Giannattasio Andria , ap. Diog. L .

IX 6 (DK A 1 = M 64),Héraclite aurait cédé sa royauté à son frère. S'il ne s'agit pas d'une affabulation caractérologique (onuetov 8 ' aŭtoŨ tñs ueyaro

Ppooúvns...) suggérée par le fr. B 52 (TTALDÓS ń Baoianin), le philosophe aurait

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HÉRACLITE D 'ÉPHÈSE

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appartenu à la famille des descendants du fondateur légendaire d 'Éphèse Androclès, fils de Codros, les Androclides (ou Basilides), dont Strabon XIV 3

[632 C.) (DK A 2 = M 6b) nous apprend que ses membres continuaient encore, un demi-millénaire plus tard , à présider les assemblées et à officier aux rites de Démèter d' Éleusis . Cette origine, qui en fait un parent de Solon , expliquerait la grande estime que lui portaient les Athéniens (Schuster 129 (infra ), p . 363, 388 ;

37 A . Chiapelli, « Sopra alcuni frammenti delle XII tavole nelle loro relazioni con Eraclito e Pitagora » , ArchGiurid 35, 1885, p. 116 ). Cf. Mouraviev 10 , p . 12-14, où nous avons supposé que l'abdication avait pour motif de permettre à Héraclite de se libérer de ces charges honorifiques et

de participer activement à la vie politique de la cité. 38 A . Capizzi, Eraclito e la sua leggenda, Roma 1979, p. 81, situe, lui, l'abdication à la fin de la carrière

politique d 'Héraclite. Rôle dans la levée du siège d ' Éphèse par les Per

ses. A en croire une anecdote rapportée par Thémistius, De uirt. p. 40 (DK A 3b = M 7a , 20c ( traduction allemande de J. Gildemeister: on trouvera la version originale syriaque, seule préservée, et une traduction latine nouvelle par R .Mach

dans 39 Themistii Orationes, III, edd. Schenkl, Downey et Norman , Leipzig 1974, p . 56 -59 ]), Héraclite aurait contribué à la résistance des Éphésiens, assié gés par les Perses, en leur conseillant par le geste (la préparation silencieuse d' un

gruau d 'orge à l'eau froide) de modérer leur train de vie , conseil qui aurait été

suivi et aurait eu pour effet de décourager les assiégeants. Cf. Plut., De garr. 511 b = DK A 3b = M 206, et schol. BT in Il. X , 149 = M

200 (Mch 31d), où l'épisode illustre aussi l'éloquence du geste silencieux , mais dans un contexte politique soit non précisé, soit différent. L ' anecdote elle-même

a sans doute été suggérée par le fragment B 125 (quinous parle du cycéon, breu vage à base de farine d'orge), le fr. B 125A (contre le luxe des Éphésiens ; cf. B 29) et le caractère taciturne que la tradition prêtait au philosophe (cf. Diog. L . IX 12 = M 20a). Nous ne savons rien d 'un siège d 'Éphèse par les Perses – la cité semble avoir opté pour la neutralité –, mais nous savons que les Ephésiens ont soutenu les forces ioniennes et athéniennes lors de leur débarquement près de la ville en 498 , ce qui permit à celles- ci de prendre et incendier Sardes. Les forces

ioniennes ayant été battues à (sous les murs d ' ?) Éphèse (Hérodote V 100, 1 ; 102 , 1- 2) et des représailles perses étant plus que méritées, il n 'est pas impro

bable qu'il y ait effectivement eu un siège et il est possible qu’une intervention du jeune philosophe ait persuadé les assiégeants , « victorieux par les armes » , à

renoncer à leur projet. Cf 10 , p. 14 - 15 ; Capizzi 38, p .57-59. Destitution d ’ un tyran. Autre exploit diplomatique d 'Héraclite, il aurait persuadé le tyran d ' Éphèse Mélancomas à renoncer au pouvoir (Clément, Strom . I 65, 4 = DK A 3 = M 84).

Ce tyran est autrement inconnu, et on ignore par qui la cité était gouvernée pendant et après l'insurrection ionienne et la guerre gréco-persane, mais on

notera qu'il y avait déjà eu peu auparavantà Éphèse un tyran Kwuāç (cf. Souda, s. v. ' Intővas) et encore plus tôt un tyran Ménac (Élien, V . H . III 26 ; Polyen VI

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580

H 64

50 ; cf. Hérodote I 26 et 92 ; cf. L. Bürchner, art. « Ephesos» 1, RE V 1, 1905, col. 2788 ). Toutefois le nom « hybride » Merayxóuas est lui aussi attesté à

Éphèse (Polybe VIII 15 sqq.) bien qu 'à propos d 'événements datant de 214 (Marcovich 26 , col. 251). Si on ajoute à cela que la tyrannie en Ionie avait été « abolie » par Aristagore en 499 (Hérodote V 36 -37) et de nouveau par Mardo

nius en 492 (VI43, 3-4 ), on aura épuisé toute l'information disponible. Conclu sion : il a pu y avoir à Éphèse un tyran de ce nom et il est possible qu'Héraclite l' ait convaincu de se laisser destituer sans résistance. (Peut- être était-ce le prix de la levée du siège ?) Cf. 10, p . 15- 18. Selon Capizzi 38 , p . 47, 60 , la destitution daterait de 499 et le tyran serait revenu à Éphèse en 496 . Échec politique. Enfin , Héraclite lui-même nous apprend (ap. Strab . XIV 24 (642 C .), Diog. L . IX 2 , Cic ., Tusc . disp. V 105 = DK B 121 = Mch 105 = M 9a-d) la défaite politique qu 'il a essuyée en la personne d 'Hermodore,banni

par les Éphésiens (PH 90). Selon les lettres pseudo-héraclitéennes, l'expulsion d 'Hermodore avait eu pour cause son activité de législateur, dans laquelle il aurait été secondé par Héraclite ([Heraclit.] Ep. VII 1 OUVTEXVLTEÚOAVTá gol

tous vóuous ). Cet événement n 'a pu se produire qu 'après la restauration de la démocratie à

Éphèse , c 'est-à-dire soit en 499, soit en ou après 492 (opinions s'appuyant sur Hérodote, Il. cc.), soit en ou après 478 (année de la libération de l'Ionie ). Tel est

aussi le terminus post quem de la « publication » du livre d'Héraclite. Cf. 10, p . 21-22.

Selon (Heraclit.], Ep. VII 1 = M 9f, et Athénag., Suppl. pro Chr. 31 (où nhaúveto est un inchoatif), Héraclite aurait lui-même été menacé d 'expulsion . Opinions politiques. Elles ont donné lieu aux reconstructions les plus divergentes. Bornons-nous à citer les principaux travaux qui leur sont consacrés (pour d 'autres titres, cf. Roussos 19, p . 70 -74 ; DeMartino et al. 20, p . 173, index s.v. “ Politiche” ): 40 P. Bise , La politique d 'Héraclite d 'Éphèse,

Paris 1925 ; 41 S. Mazzarino, Fra Oriente e Occidente, Firenze 1947, p. 215 218 ; 42 A .Zoubos, Heraklit von Ephesos als Staatsmann und Gesetzgeber, Athènes 1956 ; 43 H . Blass, Gott und Gesetze. Ein Beitrag zur Frage des Natur rechts bei Heraklit, Bonn 1958 ; 44 B . Helm , « Social roots of the Heraclitean metaphysics » , JHI 25, 1964 , p . 565-571 ; 45 R . Schottlaender, « Heraklits ange

blicher Aristokratismus», Klio 43-45, 1965, p. 23-29; Marcovich 26 , col. 251 252 ; 46 B. Wisniewski, « Héraclite sur la meilleure forme de gouvernement» , RSC 21, 1973, p . 177-180 ; Mouraviev 10, p . 18-22; Capizzi 38, p . 15 -63 ; 47 S . Tondo, « Ermodoro e Eraclito » , SIFC 49, 1977 , p . 37-67 (56 sqq.); 48 L .

Rossetti, « Eraclito (e Solone) sulla stasis » , dans 49 Id . (édit.) Atti del Sympo sium Heracliteum 1981, Roma 1983, t. I, p . 347-359; 50 S. Jedynak, « Heraklit i

Demokryt. Początki greckiejmysli społecznej (Les origines de la pensée sociale grecque ) » , Meander 39, 1984, p . 201-206 ; 51 K . Boudouris, « Heraclitus and the dialectical conception of politics » , dans 52 Id . (édit.), Ionian philosophy,

Athènes 1989, p . 58-79 ; 53 M . V . García Quintela, El rey melancolico, Antropo logía de los fragmentos de Heráclito , Madrid 1992, p . 13-67 ; 54 J. Frère, « Les

H 64

HÉRACLITE D 'ÉPHÈSE

581

idées politiques d'Héraclite d'Éphèse » , Ktema nº 19, 1994, 231-238, et 55 Id .

« Politique et religion à Éphèse entre 550 et450 » , Kernos 9, 1996 , 87-94. Si personne ne doute de l'appartenance d'Héraclite à la descendance d 'An

droclès, c'est-à -dire à la crème de la noblesse ionienne, lesmodernes divergent sur sa position vis -à -vis de l' aristocratie, de la tyrannie et de la démocratie en

tant que modes de gouvernement. Ces divergences sont encore aggravées par le problème brûlant de son attitude à l'égard de la domination perse et par les incertitudes chronologiques. Le point de vue traditionnel, qui remonte à 56 J. Bernays, Die heraklitischen Briefe, Berlin 1869, p . 19 -21 (cf. Zoubos 42, Helm

44), en fait un partisan de l'aristocratie (B 104, B 49), ennemidu parti démocra tique ( B 121, cf. Timon ap . D . L . IX 6 óxronoídopos), parti représenté par le tyran qu 'il contribue à destituer ( A 3 = M 8 ). Plus récemment, l'idée a été soute

nue au contraire que les tyrans ioniens représentaient l' élément conservateur et persophile et qu 'Héraclite appartenait donc à l'opposition démocratique anti

tyrannique et antiperse exigeant l'institution de lois écrites (cf. B 44, B 114 ) pour mettre fin à l’åßpooúvn des classes possédantes (B 29, B 125A , B 9, etc.); cf. Mazzarino 41, Schottlaender 45 , Capizzi 38, p. 15-63. Mais le rôle de la tyrannie était en réalité quelque chose de fluctuant et les tyrans eux-mêmes, des girouet

tes. Si en 499 la plupart des tyrans ioniens, destitués par Aristagore et Hystias (tyrans eux aussi, mais antiperses), étaient évidemment persophiles, il devait en

être autrement en 492 quand les Perses se sont eux-mêmes mis à destituer les tyrans (revenus entre temps au pouvoir ?) et à restaurer la démocratie (à quoi une telle restauration aurait-elle rimé si elle favorisait l'opposition antiperse ?). Et la

situation devait avoir changé encore une fois après 478. Il est donc hasardeux, faute d ' en connaître les circonstances exactes, de tirer argument de l'unique mention du tyran Melancomas que nous connaissions pour prêter telle ou telle

doctrine politique à Héraclite . Restent les divers fragments politiques que nous possédons. La meilleure façon de les concilier semble être celle proposée par Marcovich 26 , col. 251-252 (et développée par nous dans 10, p. 18 -22), c 'est-à dire d ' interpréter l'idéal héraclitéen comme celui d 'une aisymnétie, espèce de régime présidentiel consistant à accorder démocratiquement un pouvoir considé rable, mais limité par une constitution écrite , à un citoyen particulièrement

valeureux et compétent, capable de garantir l'homonoia et de modérer les appé tits excessifs . Pareille position – somptuaire et favorable à une législation écrite - cadre bien avec l'image d 'une aristocratie guerrière appauvrie , privée de ses

privilèges et de son pouvoir traditionnel (cf. Théognis) par une nouvelle classe de démagogues (dont faisaient partie les tyrans) plus habiles au négoce, aux intrigues et aux coups bas qu 'à la guerre, et idéalisant avec d 'autant plus de

conviction ses valeurs ancestrales qu 'elle n 'a rien à perdre et peut s'offrir le luxe de mettre sa culture au service de la cause publique : légiférer et gouverner au nom de la concorde (cf. Solon ). - Quant à la problématique soulevée - à

l'instar de Bise 40 – par Rossetti 48 (qui a relevé de nombreuses contradictions entre divers fragments « politiques» et « politico » -philosophiques héraclitéens), elle est sans doute l'effet inévitable de la condition humaine en vertu de laquelle

582

HÉRACLITE D'ÉPHÈSE

H 64

tout penseur, aussi indépendant soit-il, est quand même condamné à osciller

entre l'objectif et le subjectif, l'idéal et le réel, la théorie et la pratique, le désin téressement et l' intérêt, l'impassibilité et la passion...

Rapports avec Darius. Selon la correspondance apocryphe d 'Hé raclite ([Héraclite), Lettres I et II = D . L . IX 13- 14, et cf. Souda, s.v. 'Hpá XELTOS = DK A la, Cedren . 157 C , Clément, Strom . I65, 4 = DK A 3, voire

Épict., Enchir. 21 ; M 11a-d), le philosophe aurait eu, à propos de son ouvrage, des rapports épistolaires avec Darius. (En outre, selon la Lettre III, Darius se

serait indigné du bannissement d 'Hermodore .) Comme le monarque perse est mort en 486 , cela nous fournirait un terminus ante quem (du bannissement et) de la publication du livre et confirmerait une date reculée (499 ou 492 ) du terminus

post quem . Mais l'historicité des rapports Héraclite-Darius, quoique possible, n 'en reste pasmoins on ne peut plus douteuse. (Cf. > Héraclite (Pseudo - ), H 64 )

Cf. 10, p . 22 et infra . Retrait de la vie publique. Là s' arrête la partie politique de la

biographie d'Héraclite et commence la partie philosophique. Déçu sans doute par l'échec de ses projets politiques, Héraclite aurait quitté la vie publique et

écrit l'ouvrage qui l'a rendu célèbre. La légende (cf. infra), en tout cas, nous le dépeindra comme une espèce d 'ermite, vivant extra muros,méprisant ses conci toyens et refusant de légiférer pour eux. 3. Biographie philosophique. Le problème crucial est celui des rapports avec

les philosophes antérieurs et contemporains. Isolement et autodidaxie. Malgré les « témoignages» – fort imprécis au demeurant - d'un Platon (Soph. 242 d = DK A 10 = T 124 'ládes MoÕoal, où la référence est plutôt géographique ou dialectale ) et d 'un Aristote (Metaph . 983b6 - 984 a 7 , où il est classé parmi lesfeiotol qui rác év űans

είδει μόνας διήθησαν αρχάς είναι πάντων, a la suite des Ioniens Thales, Hip pon, Anaximène, Diogène d'Apollonie et de l' Italique Hippase de Métaponte, mais avant l' Italique Empédocle et l' Ionien Anaxagore, en vertu d' une classifi

cation fondée sur la nature et le nombre du/des principe( s) choisiſs ) par chacun ), les Successions de philosophes dont nous possédons des vestiges en font un isolé , sans l'inclure ni dans la lignée ionienne, ni ( a fortiori) dans l'italique. Cf.

D .L . VIII 91, IX 20 = M 12ab, où il figure avec Xénophane parmioi onopádnu (dans D .L . I 13-15, tout comme chez Clément, Strom . I 62, 1 -64,4 , il brille par son absence) ; Hippolyte I 4 , qui le place après Empédocle mais avant Anaxi

mandre ; Épiphane III 2, 9 (ap. Diels 131 (cf. infra ), p . 591 (cf. p. 176 ]) = M 12°, qui le range, avec Empédocle et Prodicos, dans un groupe à part différant des

autres lignées, y compris l'ionienne et l'italique ; et Héraclide le Pythagoricien ( ?) – ou Lembus (?) – ap. Josippe (cf. Diels, ibid . p . 149) où la « secte héracli téenne» est précédée des sectes pythagoricienne et « empédocléenne » et suivie

des sectes éléate , « protagoricienne » et démocritéenne. (Aucune de ces lignées ne figure, hélas, dans 57 R . Giannattasio Andria, I frammenti delle " Successioni

dei filosofi” , Napoli 1989.] Cf.Mouraviev 11 , p.27-28 .

H 64

HÉRACLITE D 'ÉPHÈSE

583

Il n 'est donc pas étonnant que Diog. Laer. IX 5 et quatre autres auteurs (la Souda, Tatien , Dion Chrysostome, Olympiodore = Plutarque ; cf.Mch 15d2-6 =

M 136-8), dont les informations remontent clairement à une même source , le déclarent autodidacte . Leur source commune s’inspirait indéniablement du fr. B 101 édi noaunv &uewuTÓv « J'ai cherché moi-même» (aussi ambigu en grec qu'en français ,mais se prêtant aussi à cette interprétation), quoique le fr. B 108

óxóowv Móyouç nxovoa oủoeis à LXVETTAL ÉS TOÛTO... eût aussi bien fait l'af faire – et montré par la même occasion qu '« autodidacte » ne signifie pas

« ignorant de ce que les autres ont dit». Mais nxovoa n 'implique naturellement rien de plus qu'une familiarité indirecte avec les doctrines diffusées soit orale

ment, soit par écrit, autrement dit une bonne culture . Culture. Héraclite nous en fournit lui-même la preuve, en évoquant un nombre assez impressionnant de grandes figures de l'époque archaïque et de prédécesseurs immédiats dont il devait avoir entendu interpréter, lu ou étudié les æuvres et les doctrines: Homère (B 56 , B 42, A 22, cf. B 105), Hésiode (B 57 , B 106 , B 40 = M 14a), Archiloque (B 42), Thalès (B 38), Bias (B 39, cf. B 104), Pythagore ( B 129, B 81, B 40 = M

14a ; cf. Clément, Strom . I 129, 4 ) , Xéno

phane (B 40 = M 14a ; cf. Sotion ap . D .L . IX 5 = fr. 30 Wehrli) et Hécatée (B 40 = M 14a). Tous ces personnages ont vécu avant Héraclite ou été, comme c 'est

certainement le cas pour les trois derniers nommés, ses contemporains aînés. Cf. 11, p . 29.

La structure du fr. B 40 = M 14a, où deux couples de noms sont clairement distingués : Hesiode et Pythagore d 'abord , Xénophane et Hécatée de Milet ensuite, et où tous les noms sont disposés dans un ordre d' aînesse , a depuis long temps été interprétée (58 E .Zeller, De Hermodoro Ephesio et Hermodoro Plato nico, Marburg 1859, p. 13-14 ; 59 H . Gomperz, « Über die ursprüngliche Reihen folge einiger Bruchstücke Heraklits » , Hermes 58, 1923, p. 36 n . 1 ; 60 W . Kranz,

« Vorsokratisches» ,Hermes 69, 1934, p. 115; Marcovich 26 , col. 248) comme indiquant que les deux premiers personnages nommés étaient déjà morts , au moment de l'écriture, et les deux autres vivants. Sachant que Pythagore est mort en 497 au plus tard (Eus., Chron .), que Xénophane était encore en vie et âgé de 92 ans en 479 /8 (cf. DK 21 B 8 , B 22 ) etmourut sans doute en 477 /6 (en lisant

2A 94 ' au lieu de A 91' dans la source de Timée, FHG I 215 = FGrH 566 F 133, ap . Clément, Strom . I 64, 2) et enfin qu 'Hécatée estmort vers 480 -478

(Jacoby, FGrH 4 T 1 = Souda, s.v. 'EXávixos), cette hypothèse semble pro bable et impliquerait qu'Héraclite a écrit son traité avant478 et, par conséquent, que le bannissement d 'Hermodore aurait été antérieur à la victoire sur les Perses.

Ce terminus ante quem ,moins précis que celui que suggère la date de la mort de Darius, ne le contredit pas non plus et présente l'avantage d' être plus fiable . Le livre aurait donc certainement été écrit entre 499 (date la plus reculée possible du bannissement d 'Hermodore ) et 480 -478 (date de la mort d 'Hécatée), peut-être avant 486 (date de la mort de Darius). Nous retombons donc sur la même

conclusion que supra. Cf. 11, p . 29 -30.

584

HÉRACLITE D'ÉPHÈSE

H 64

Maîtres ? Deux sources (« certains» chez Sotion dans D . L . IX 5 (DK A

1, 5 = M 14d) et la Souda (DK A la = M 14e]) affirment tout demême qu'Héra clite aurait « écouté » Xénophane, ce qui est parfaitement possible (Xéno phane était un rhapsode itinérant) - à condition de ne pas en déduire un rapport

(exclu par le fr. B 40 ) de maître à disciple . La seconde de ces sources indique qu 'Héraclite aurait également « écouté » Hippase de Métaponte (» H 144 ). En effet, depuis Aristote (e.g . Metaph. 984 a 7 , etc .), ce dernier est parfois cité

en compagnie d 'Héraclite, et avant lui ( sauf dans la doxographie d'« Aétius» ), en tant qu 'autre adepte du feu comme principe de toutes les choses. Mais , sachant que c 'est le seul point commun qu ' on leur reconnaisse et vu la distance considérable qui sépare Métaponte d 'Éphèse et l'unicité de ce témoignage très tardif, il est encore plus sujet à caution que le précédent.

Clément d 'Alexandrie ( Strom . VI 2 , 27 ) fait d 'Héraclite un plagiaire d 'Or phée , opinion peut-être fondée sur des textes orphiques tardifs (cf. ibid . VI 17, 1). Quant à l' affirmation de Philopon, In Categ. p. 2 Busse, faisant d'Héraclite

un disciple de Pyrrhon (et non son maître, comme traduit F .Decleva Caizzi dans son Pirrone), elle se passe de commentaire.

Rapports avec les philosophes contemporains. Bien qu'en vertu de la chronologie nouvelle proposée ci-dessus Héraclite et Par ménide aient appartenu à la même génération, et contrairement à l'opinion jadis soutenue par 61 K . Reinhardt, Parmenides und die Geschichte der grie

chischen Philosophie, Bonn 1916 , réimpr. Frankfurt am Main 1959 , p. 157, et reprise par 62 U . Hölscher, Anfängliches Fragen, Studien zur frühen grie chischen Philosophie, Göttingen 1968, p . 163- 165 (cf. 63, Id ., « Heraklit

zwischen Tradition und Aufklärung » , A & A 31, 1985, p . 4 -6 ), rien ne nous per

met d 'affirmer que le premier a connu l'ouvrage philosophique du second (l'inverse semble plus probable ). L'argumentation chronologique est ici, à notre avis, inopérante . L ' argumentation philosophique implique une pétition de prin cipe : elle suppose connue la doctrine dontelle est censée expliquer, ne serait-ce que partiellement, la genèse . Seuls restentvalables les arguments philologiques, c 'est-à -dire les rencontres formelles entre les deux textes. Or, jusqu' ici les arguments de part et d 'autre ont justement été avant tout

chronologiques et philosophiques : lequel des deux ouvrages, à en juger par des critères extrinsèques, a le plus de chances d 'avoir été antérieur, et laquelle des

deux doctrines, à en juger par des critères intrinsèques, a besoin de l'autre pour que sa genèse ou sa teneur soient compréhensibles.Malheureusement, les argu

ments de la première espèce comportent trop d'incertitudes et se fondent sur un

faux postulat (la diffusion d 'un ouvrage philosophique exigerait des années, alors qu 'en réalité une doctrine enseignée ou un ouvrage rendu public à Éphèse ou à Élée pouvait atteindre l' autre bout du monde hellénique en quelques semai

nes, pourvu que son sujet suscite suffisamment d' intérêt dans un cercle déter miné de personnes jouissant d'influence). Et les arguments de la seconde espèce sont lourdement teintés de subjectivisme. En revanche, les arguments fondés sur la forme (correspondances verbales, emprunts, échos, etc .) peuvent s 'avérer être

H64

HÉRACLITE D 'ÉPHÈSE

585

décisifs pour peu qu 'ils soient asymétriques. Faute de place, nous laissons la

question ouverte , tout en notant que les partisans de l' antériorité d'Héraclite citent un certain nombre de textes parménidéens à l'appui de leur thèse (DK 28 B 6 , 4 - 9, B 8 , 55 sqq., B 5 , B 7 , 1-2 ), alors qu 'aucun texte héraclitéen n 'a jamais

été cité à l'appuide la thèse inverse , seulement des doctrines.Cf. (la liste qui suit

est très sélective) 64 J. Bernays,« Heraklitische Studien », RHM 7, 1850, p. 1146 115 ) n . 2 = Id ., Gesammelte Abhandlungen I, Berlin 1885, p .62(-63) n . 1 ; 65 A .

Patin , « Parmenides im Kampf gegen Heraklit » , JKPh Suppl. 25 , 1899, p . 489 560 ; 66 W . Kranz, « Heraklit, frg. 120 » , SPAW 1916 , p . 1175 ; id . 60 , p. 117

sqq. ; 67 G . Calogero , Studi sull'eleatismo, Roma 1932, p. 35 ,41; Kirk 36 , p. 2 3 ; 68 M . Untersteiner , Parmenide, Firenze 1958, p . CXIIsqq.; 69 L . Tarán , Par menides, Princeton 1965 , ad fr. B 6 ; 70 R . Mondolfo, « Heráclito y Parmé

nides », Cuadernos filosóficos 2, 1961, p. 5-16 ; 71 Id ., « Testimonianze su Era

clito anteriori a Platone », RSF 16 , 1961, p . 399-424 = 3, p. XLVI-LXIV (et cf. p. 185 -189) ; Kahn 141 (cf. infra ) p. 317 n . 160 ; etc . Parmi les adversaires de la présence d 'allusions à Héraclite chez Parménide, citons, outre Reinhardt 61 et

Hölscher 62 (cf. supra ): 72 0 . Gigon , Untersuchungen zu Heraklit, Leipzig 1935, et 73 W . Jaeger , The Theology of the early Greek philosophers, Oxford 1947, selon lesquels Héraclite et Parménide auraient chacun ignoré l'existence de l'autre; et Marcovich 26 , col. 249 et 312 . En revanche, nous savons – fait négligé par la totalité des études héracli

téennes modernes – qu'un autre philosophe de l' école éléate ,Mélissos de Samos, a rencontré Héraclite et s' est entretenu avec lui (eis nóyous nadev (la

traduction fréquenta ses conférences (J.- P . Dumont) trahit l'original]) (D . L . IX 24 = 18 , texte T 7 = DK 30 A 1). Les obstacles chronologiques pouvant être invoqués contre la réalité d 'une

telle rencontre sont levés par la date de naissance nouvelle que nous avons sug gérée pour Héraclite (vers 520 ) et celle que G . Reale a défendue avec de bons arguments pour Mélissos (autour de 500 ), cf. 74 G . Reale , Melisso, testimo

nianze e frammenti, Firenze 1970, p . 7- 10 ; l' entrevue a pu avoir lieu entre 480 et

460 , et cela d 'autant plus aisément qu'Éphèse est à quelques heures de naviga tion de l'île de Samos. En revanche, il est douteux queMélissos ait réellement « fait connaître» (ouvéornoev) Héraclite aux Éphésiens comme (plus tard) Hip pocrate l'aurait fait vis -à -vis de Démocrite et des Abdéritains (allusion aux

Lettres pseudo-hippocratiques). Cf. 11, p . 30 -32. Disciples ? La tradition ne lui connaît pas non plus de disciples directs: Mélissos s 'exclut lui-même (sa doctrine est à l'opposé de l'héraclitéenne ), les

Héraclitéens ne seraientapparus que grâce à la diffusion du livre (D . L . IX 6 = T

16 ) et Cratyle ne pouvait avoir personnellement connu Héraclite pour être né trop tard (vers 450,cf. ? »-C 210 , p. 504-505). Pour les textes relatifs aux Héraclitéens, cf. 18, chap. 5 (Héraclitéens

anonymes ), 6 (Antisthène l'Héraclitéen ; » A 218, cf. A 214 ), 7-9 (Pausanias, Nicomède et Dionysios, cf. » D 169), 10 (Scythinos de Téos) et 11 (Cratyle , cf.

» C 210 ). — A en juger par les sources, le terme Héraclitéens et les appella

H64 HÉRACLITE D 'ÉPHÈSE tions analogues désignaient plusieurs catégories de partisans réels ou prétendus 586

d'Héraclite : les imitateurs éphésiens d'Héraclite (Diog. L . l. c.; Plat., Theaet. 179 d 4 et Schol.; Procl., in Crat. 22 = T 16 à T 19), les partisans de « l'opinion la plus extrême» relative au flux universel mentionnés dans la Métaphysique d 'Aristote (1010 a 7 , 987 a 32 et 1078 b 13, cf. Syrian , et Alex. Aphr. in hh. II. et

Procl., in Crat. 14 = T 20 à T 26A), les philosophes « héraclitisants », partisans de la théorie des exhalaisons macro- et microcosmiques, mentionnés dans les Problèmes pseudo-aristotéliciens (934 b 23, 908 a 28 = T 27, T 28 ), et enfin les

« coulants» critiqués dans le Théétète de Platon. Excepté ces derniers, qui n 'étaient pas de véritables sectataires d'Héraclite (Platon (152 d) énumère Épi charme, Empédocle , Protagoras, et fait ultérieurement allusion à Démocrite ; tous

ces penseurs n'avaient en commun avec l'Éphésien que le fait d'admettre le mouvement), il s'agit sans doute : dans le premier cas, d'Éphésiens ou pseudo tels dont nous ignorons tout; dans le second , de Cratyle l'Athénien , voire d'au

tres penseurs que préoccupaient les problèmes de l'écoulement des choses et de la justesse des noms; et dans le troisième, de physiciens ou de médecins se récla mant d'Héraclite et soutenant des thèses que les stoïciens ou certains auteurs

hippocratiques n 'auraient peut-être pas reniées. Rien (sauf la distance chronolo gique pouvant séparer les deux groupes extrêmes) n 'interdit,mais rien non plus n 'autorise ni ne suggère, l'identification des premiers aux seconds ou des seconds aux troisièmes, pas plus que l'appartenance des Héraclitéens connus de nom (supra ) à l'un ou l'autre de ces groupes. En tout état de cause donc, l' impor

tance et l' influence de ces Héraclitéens ( sauf celle de Cratyle sur Platon ) a été minime.

Voilà toute l'information plus ou moins plausible dont nous disposons sur la biographie politique et philosophique d 'Héraclite . Tout le reste relève apparem ment de la fiction .

Récapitulation chronologique. Le tableau ci-dessous rassemble les résultats signalés ci-dessus relatifs à la chronologie héraclitéenne (en espacé)

en les insérant dans leur contexte historique (en romains) et philosophico-litté raire ( en italiques). Les dates entre parenthèses suscitentdes doutes sérieux. débutdu VIe s.

Renversement de la monarchie des Androclides. Tyrannie de

fre 1/2 du Vies.

Tyrannie deMélas

Pythagore

Tyrannie de Pindare, fils deMélas 571/0 vers 560

Naissance de Xénophane à Colophon Prise d' Éphèse et conquête de l'Ionie par Crésus, roi de Lydie. Éviction de Pindare par Crésus

entre 560 et 546(?) Aisymnétie quinquennale d'Aristarqued'Athènes 546

Conquête de la Lydie et de l’ lonie (Éphèse incluse) par Cyrus II. [Restauration de la tyrannie à Éphèse ?]

546 / 5

Xénophane s'expatrie de Colophon

après 546 ?

Tyrannie d 'Athénagoras (et de Comas ?)

587

HÉRACLITE D ' ÉPHÈSE

H 64

(Premier?]bannissement d'Hipponax 541/37 529 529-523

523-522

522 521 521- ? (?) vers 520

506 -501 (?) autour de 501 vers 500 (?)

Floruit d 'Hipponax (selon la Chronique de Paros et Pline)

Mort de CyrusII Règnede Cambyse Règne de pseudo-Bardias lemage Gaumata .Indépendance de facto d'Éphèse ? (démocratie ? retour d 'Hipponax? ] Accession au trône de Darius ſer

Floruit d'Hipponax(selon Proclus)(= son second bannissement?] (Tyrannie de Comas?] Naissance d'Héraclite (etdeParménide?) “ Périégèse" et "Généalogie " d'Hécatée ?

Floruit d 'Héraclite (= son abdication ?) Naissance de Mélissos de Samos Début de l'insurrection ionienne contre la Perse. Déposition des 499 tyrans ioniens par Aristagore 498 (printemps-été) Débarquement des loniens-Athéniens à Éphèse,incendie par eux de Sardes, leur défaite devant Éphèse (siège d'Éphèse par les

Perses? Participation d 'Héraclite aux pour . parlers pour la levée du siège ?] avant ou en 497 494

Mort de Pythagore de Samos Destruction de Milet par les Perses. Un détachement d'hommes de Chios est massacré par les Éphésiens

492

(499 ?) 492

Réforme démocratique de Mardonios en lonie [Renoncement au pouvoir du tyran Melancomas (Mélas, fils de

Comas ?) sous l ' influence d 'Héraclite ? )

(499 ?) 492 ou après Expulsion d ' Éphèse d ' Hermodore, d ' Héraclite entre (499 ?) 492 et

l ' ami

Écriture par Héraclite de son livre

485778

entre (499 ?) 492 et Déposition par Héraclite de son livre au temple d'Artémis (? ) 460 486

Mort de Darius. Accession au trône de Xerxès fer.

480 -479

Batailles des Thermopyles, de Platées,deMycale

480 /78 (?)

entre 480/70 et 460 478 -467

47716 (?) 465 vers 460 (?)

456

Mort d 'Hécatée deMilet Rencontre d 'Héraclite avec Mélissos

Tyrannie de Hiéron à Syracuse Mort de Xénophanelà Syracuse ?) Mort deXerxès jer. Accession au trône d 'Artaxerxes Mort d 'Héraclite (Floruit d 'Hermodore ?)

588

452-450

E H 64 HÉRACLIT D 'ÉPHÈSE Rédaction des XII Tables par les décemvirs à Rome (avec la parti cipation d'Hermodore ?)

356

Destruction du temple d'Artémis d'Éphèse incendié parHérostrate

4. Biographie légendaire. Elle se subdivise en trois composantes: les anec dotes et apophtegmes (biographiques et philosophiques), les récits de la mort et

le topos caractérologique du philosophe quipleure . Les anecdotes biographiques sont, elles aussi, essentiellement caractérolo giques et soit se ramènent à des lieux communs vrais de la plupart des philo sophes, soit ont été déduites du livre d'Héraclite. Ignorance et omniscience. Selon un groupe de textes remontant à une source commune (M 16 = Aristonym ., ap. Stob . III 21, 7 ; Gnomol. Vat. 743 n° 310 Sternbach ; D . L . IX 5 ; Hippol., Ref. I 4 , 1 ; Procl., in Tim . I, p. 351, 5 Diehl), jeune, Héraclite aurait affirméne rien savoir (cf. Démocr. DK 68 B 304 , Métrodore 70 B 1, Socrate , ap. D .L . II 32, etc.), et vieux, prétendu tout savoir et taxé tous les hommes d 'ignorance (cf. fr. B 1, B 34 , B 5, B 17 ,

B 19, B 56 , B 15, B 72, etc.). Cf. 11, p. 33. Arrogance et orgueil. Les traits les plus marquants de son caractère étaient : l'orgueil (ueyaroqpooúvn ) et l'arrogance (únepovía ) (M 17 = D . L . IX 1 ; 6 ; Schol. in Pl. Rep . VI, 498 a, et in Pl. Theaet. 179 e ; D . L . IX 28 ) et Diogène Laërce cite en exemple des fragments (B 40 à B 44 et B 121) dont une partie figurait déjà dans le texte de base de son

chapitre héraclitéen, et d'autres ont été ajoutés par lui. Suit dans le texte de base de Diogène

(IX 2- 3 = M 18a, M 21a) le récit du refus d 'Héraclite de légiférer pour les Éphésiens (cf. fr. B 121, B 125A ) et de la vie d'anachorète qu 'il adopte , préférant jouer aux osselets avec des

enfants (cf. fr. B 52, ainsi que B 121, B 56, B 117) plutôt que faire de la politique avec les adultes ; dans une addition ponctuelle remontant en dernière instance à l'Apologie de Socrate

de Démétrius de Phalère (fr. 91 Wehrli),Diogène (IX 15 = M 186) ajoute qu'Héraclite, admiré par les Athéniens (et invité à Athènes ? pour écrire des lois ?), aurait préféré vivre à Ephèse.

Comme l'Apologie mentionnait également les relations tendues de Socrate, Démocrite , Anaxagore, Diogène d 'Apollonie, voire Protagoras, avec les Athéniens, cette dernière infor mation peut fort bien être véridique ; cf. 75 S .Mouraviev, « Marginalia Heraclitea » , REG , 93, 1985, p . 131- 132 . Le reste a sans doute été (1 ) suggéré par l'échec politique réel d'Héraclite à

Éphèse et (2) déduit du contenu de son ouvrage. Cf. 11, p. 33-34. Apophtegmes et anecdotes. Les anecdotes à apophtegmes philo sophiques sont rares: nous n 'en connaissons que trois. Celle relatée par Aristote, De part. anim . 645 a 17 (M 199 = DK A 9), malgré sa probable intention

comique originelle (préaristotélienne, cf. infra), nemanque pas de pertinence : il y a des dieux partout,mêmedans les choses apparemment les plus répugnantes. Pour l'interprétation correcte de ce passage (invós = “ fosse d' aisance") et un amendement du texte (Opeóuevos pour Depóuevos), cf.: 76 D .S.Robertson , « On the story of Heraclitus told by Aristotle ...» , PCPHS 169-171, 1938, p. 10 ; Mouraviev 78, p . 129-130 ; 77 D . Koestler , REG 98, 1985, p. 440 ; 78 S .Mouraviev, REG 99, 1986 , p . 400-401 (ainsi que 79 D . Gallop, « The riddles of Heraclitus » , dans Boudouris [édit.) 52 , p. 133 n . 36 , qui ignore 75 , 77 et 78 ) .

Cette interprétation réintègre l'anecdote dans un contexte coprologique typique de la comédie, qui n'est pas sans rappeler non plus les circonstances légendaires de la mort du philosophe (cf. infra ).

La deuxième anecdote , citée seulement par Lassalle 127 (infra), t. II, p. 270 (= M 196 ), mérite d 'être reproduite in extenso : Joh. Sicul., in Hermog. De ideis (VI, p. 95 Walz) Glò xal “ Ηράκλειτος ο φυσικός το διά τί Θερών ανατέμνει κατά μέλος το ζώον έρωτώμενος, « Énei žyw tòv Oldáoxovtá ue tnv DÚOlv tõv ovTwV» nexpivato . Bien que Lassalle y ait

vu un développement de B I et une preuve de ce qu 'Héraclite avait pratiqué l'anatomie , il s'agit plutôtdu fruit d'une confusion entre l'anecdote précédente et son contexte aristotélicien .

589 H 64 HÉRACLITE D 'ÉPHÈSE Quant à la troisième anecdote , à « apophtegme» mimique (la préparation silencieuse d 'un gruau d 'orge), nous avons déjà mentionné supra , à propos du rôle d'Héraclite dans la levée d'un siège d 'Ephèse, ce qu 'elle pouvait comporter d 'historique (M 78 = M 200 ; cf. M 206, M . 20d). A part cela, elle se rattache au thème de la brachylogie du philosophe : cf. encore la boutade rapportée par Diogène Laërce : « Pourquoi je me tais ? Pour vous faire jaser » (IX 12 =

M 20 ). Cf. 80 A . M . Battegazzore, Gestualità e oracolarità in Eraclito , Genova 1979,

passim . Cf. 11, p. 36.

Misanthropie. Le philosophe larmoy ant. La biographie caractérologique d'Héraclite trouve son couronnement dans les références à sa misanthropie , qui fera de lui, quatre siècles plus tard, le philosophe larmoyant. « Complètement dégoûté des hommes (uloavopwrnoac), il s'en alla vivre dans la montagne...» (D . L . IX 3 = M 21"); cf. Plin ., H . N . VII 79 sq., (Heraclit.] Ep. VII 1 ; 4 = M 21bc. Dans les deux derniers textes cités Héraclite ne pleure pas encore ; tout comme la Sibylle de son fr. B 92 il s'abstient seulement de rire (cf. les lemmes d 'Anth . gr. VII 79 et 479 els

'Hpáxheltov... tòv åyéhaotov). Mais à partir du ſer s. av. J.-C., en milieu romain , par contraste sans doute avec l'image légendaire de Démocrite le philosophe-qui-rit, Héraclite devient le philosophe-qui-pleure. Bornons-nous à indiquer ici les principaux textes et les

travaux récents : Sotion, De ira ap. Stob . III 20, 53 ; Sénèque, De ira II 10, 5 , De tranqu. an. XV 2 ; Juvénal, X 28 - 32 ; Lucien , Vit, auct. 14 ; Anth. gr. IX 148 ; Hippol., Ref. I 4 , 1 ; Her mias, Irris. gent. philos. 13 ( = M 21Aa- h ) . Cf. 81 C . E . Lutz, « Democritus and Heraclitus » , CJ

49, 1953- 1954, p . 309 - 314 ; 82 W . Trillitzsch , « Heraklit, der weinende Philosoph » , WZLeipzig 11, 1962, p . 573-575 ; 83 A . Buck, « Democritus ridens et Heraclitus flens » , Wort und Text. Festschrift für F . Schalk , Frankfurt a. M ., 1963, p. 167 - 187 (sur la fortune de l' image à l'époque humaniste ); 84 S . J. Luria , « Heraklit und Demokrit » , Altertum 9 , 1963, p . 310 - 315 ; Mouraviev 11, p . 37 ; 85 V . Bécares, « Heráclito lloraba y Demócrito reía : fortuna

literaria y origines de un tópico antiguo » , SPS5 , 1980, p . 37-49 (la fortune de l'image sur tout dans la littérature hispanophone et son origine en tant qu 'amalgame de pratiques médi

cales hippocratiques et de la caractérologie péripatéticienne).

La mort d ' Héraclite. Les divers détails et les nombreuses versions de la légende se prêtent à une présentation tabulaire qui en montre à la fois les points communs, les divergences et les sources d 'inspiration héraclitéennes les

plus probables (M 22a-k: Abréviations – TB = texte de base de Diogène Laërce [ IX 3] remontant probablement ici à Ariston de Céos ou de Chios, voire via cet Ariston au Karaxorvußntńs, une comédie (?) de « Croton » (cf.Mouraviev 14 ,

1987, p. 17- 26 et 1988, p. 117 ); Épigr. = épigramme de D . L . (ibid . 4 ]; Plut. = Plut., De tuenda san. 136 B ; Phil. = Philostr., Vit. Apoll. I 9 ; (Heracl.] = (Hera clit.] Ep. VI 1 ; 3 ; M .Aur. = Marc. Aurel. III 3, 4 ; Tat. = Tatian , Or. ad Gr. 3 ;

Herm . = Hermippe, ap. D.L .IX 4 ;Nean. = Néanthe, ibid.; Arist. = Aristo C. ap. Sotion , ap. D . L . IX 5 ; Hippob . = Hippobote, ibid .; Souda 1, 2 = Souda, s.v.

'Hpáxheltoc). 1. H. se nourrit d'herbes et de plantes. 2. Il tombe malade d'hydropisie.

ТВ Toutes les sources

3. Il consulte lesmédecins.

(certaines implicitement) B 36 , B 126 TB, Plut., (Heracl.] B 58

4 . Il leur demande de « transformer le déluge en sécheresse » .

TB, Plut., Phil.,

B 29 , B 4 ,B9 B 118, B 117 , B 77,

Allusion à son

(Heracl.); cf. Emped. 31 obscurité; cf. B 126, B 111

B 65 ?

590

HÉRACLITE D 'ÉPHÈSE

H64

4A. Il leur demande de vider ses entrailles Herm . en chassant l'humidité.

5 . Les médecins ne comprennentpas.

TB , Phil., (Heracl.]

Obscurité

5A. Lesmédecins refusent. 5B. H. interdit auxmédecins de le soigner. Souda,cf. (Heracl.)

Arrogance

6. H . décide de se soigner lui-même (au

Autodidaxie

Herm .

(Heracl.), Tat.

moyen de la philosophie).

7. H . s'enfouit dans de la bouse devache, TB , M .Aur., Tat.,

B 96 , cf. A 9

Herm ., Souda 1

8. aidé par des enfants,

Herm .

9 . dans une étable,

TB Herm ., Souda 1

B 121, B 56, B 117, B 52

9A. au soleil,

10. pour s 'y sécher,

TB , Souda 1

11.mais sans résultat. TIA. La bouse durcit 12. H .meurt d 'hydropisie.

TB

Tat.,Nean. (impl.) TB (impl.), Epigr., Herm . (impl.)

12A. H.meurt broyé par la bouse durcie. | Tat. 12B. Incapable de se libérer et défiguré

Nean ., Souda 1

B 84 , B 97 , cf. B 96

et Hérod. I 140

par le changement, H . meurt dévoré par

des chiens quine le reconnaissent pas. 13. H . guérit de l'hydropisie etmeurt Arist., Hippob. d 'une autre maladie 14. H .meurt enfoui sous du sable 15. H . est enterré sur l'agora

Souda 2 Herm .

Il s'agit clairement d'une seule etmême narration sur laquelle, suite à des lacunes ou déforma version 2 de la Souda, elle n'est peut-être que le fruit d'une simple corruption : cf. Ariston ap. D .L . IX 5 = fr. 28 Wehrli áno aveTV 8' ärini vóowl (AMA[nivoo ](21) et Souda auw (AMSI)... únodaveīv. Les circonstances légendaires de la mort d'Héraclite ont été abordées dans de nombreuses études qu 'il n 'y a pas lieu de résumer ici (elles relèvent surtout de tions apparues en cours de transmission , certains ont brodé de nouveaux détails . Quant à la

l'histoire littéraire et un peu de l'histoire des idées – par le biais des leçons morales qu ' en ont tirées péripatéticiens, cyniques et stoïciens de basse époque -,

mais n 'ont pratiquement rien à voir avec le philosophe lui-même et sa doctrine véritable ). Citons (ordre chronologique) les travaux spéciaux les plus intéres sants en indiquant parfois entre parenthèses certaines des thèses défendues (pour

une discussion plus détaillée et d'abondantes références bibliographiques, cf. Marcovich 26 , col.250 -255). Lassalle 127 (infra), I, p. 42-44, n . 1 (collection intéressante de textes contenant l'expres sion enoußpiac aúxuóv qui remonteraii à un original héraclitéen ); 86 H . Fränkel, « A thought pattern in Heraclitus » , AJPh 59, 1938 , p. 309 -311 = « Eine heraklitische Denkform » dans 87 Id ., Wege und Formen des frühgriechischen Denkens, München, 1955 (3e éd. 1968), p . 253- 255 (nombreuses observations sur les fragments ayant servi de base à la légende);

88 R .Muth , « Heraklits Tod », AA 7, 1954 , p. 250 -253 (parallèles dans lamédecine ancienne); 89 Id., « Nochmal Heraklits Tod » , AA 8 , 1955, p . 251-252 ; 90 J. Haussleiter, « Zum Tode

591 HÉRACLITE D 'ÉPHÈSE Heraklits v . Ephesos» , Altertum 10, 1964, p . 9 -13 ; 91 M . L . West, Early Greek philosophy and the Orieni, Oxford , 1971, p . 165 -202 (parallèles avestiques parfois très curieux) ; H 64

v 11,p.39242of Heraclitus », CRBS dles avestiques parlo Greek philosophy

92 J . Fairweather, « The death of Heraclitus » , GRBS 14 , 1973, p . 233 -239 (motifs parallèles

grecs) ;Mouraviev 11, p. 37-42 (récapitulation de la bibliographie antérieure ).

5. Iconographie . Quoique les considérations ci-dessous soient encore hypo thétiques, elles reposent sur des coïncidences troublantes, incontournables et excluant toute falsification délibérée, et suggèrent que nous disposons d'au

moins trois portraits d'Héraclite , remontant tous à un même original du ve s. av. J.-C . Les monuments existants ou attestés qui le représent(ai)ent ou peuvent le représenter se subdivisenten trois catégories distinctes: les monnaies, les hermès

etmonuments connexes et la statue de Gortyne. (Cf.Mouraviev 9 , 1974, p . 214 215, items M 23-M 25 ; id . 11, p. 43-46 .) 1) Des monnaies d 'Éphèse émises entre les règnes d'Antonin le Pieux (138 161) et Gallien (254 -268 ), portent le nom du philosophe HPAKAE(I) TOE EOE EISN et le représentent debout, torse nu sauf un pan de son vêtement jeté par dessus l'épaule gauche et tenant de la main gauche une espèce de massue

noueuse appuyée un peu à la manière d 'un fusil sur l'épaule ou l'avant-bras gauche (cf. 11, p. 44, fig . 1 = M 23a). Il en existe plusieurs variantes se distin guant par la légende, l'inclinaison du bras droit et du gourdin Cf. 93 Bürchner dans ZN 9 , 1882, p. 123-124 , pl. IV , 21 ; 94 H . von Fritze dans H . Diels 132 (cf. infra), 1re éd. p. XI-XII (avec description de huit émissions différentes) ; cf. Id. ap. DK 4, vol. I, p . 144 ; II, p. 3 ; 95 J.J. Bernoulli, Griechische Ikonographie,t. I, München 1901, p. 84, n° 341, pl. II 4 ; 96 R . Delbrück, Antike Porträts, pl. 16 ; 97 K . Schefold, Die Bildnisse der antike Dichter, Redner und Denker, Basel 1943, p . 172 - 173 n° 16 ; p . 220 n° 16 ;

98 British Museum Catalogue, lonia , p. 98 n° 341, pl. XIV 12 ; 99 G . Richter, The Portraits of the Greeks, London 1965, t. I , p . 80 et n° 313. Diels, I. c., émet trois hypothèses sur la signifi

cation du gourdin : moyen de persuasion d 'Héraclès symbolisant le logos d 'Héraclite (cf. Héracl., Homer. Alleg. 34 ) , simple exploitation de la similitude des noms du héros et du philo

sophe ou représentation fidèle du oxinwv åvri oxuntpov mentionné par Strab . XIV 3 = DK A 2 = M 6b (cf. encore infra ).

2 ) Un hermès acéphale portant l'inscription en lettres carrées sur trois lignes HPAKAEITOE BAYENNOE (avec un petit omicron au -dessus du Y ) EOEXIOE ( IG XIV n° 1159), qui se trouvait originellement avec d'autres hermès acéphales dans la Villa dei Pisoni – souvent confondue avec la villa d'Hadrien – à Tivoli (vue avant 1488 par Fra Giocondo et en 1503 par Martin Sieder); grâce à Pighius, il fut transporté entre 1550 et 1555 à Rome et installé dans la pergola du jardin de la villa du pape Jules III (pontificat 1550- 1555) – devenu plus tard jardin des Médicis -, où il fut doté d'une tête ; il fut transféré un siècle plus tard, après 1640, à Florence et on ne retrouva plus sa trace en 1727 ; - cet hermès a été des siné ou gravé au moins six fois alors qu 'il se trouvait encore à Tivoli et à Rome : (a ) dessin fait entre 1547 et 1555 par St. W . Pighius, dans le codex Pighianus Berolinensis, actuellement à Tübingen , f. 142v, reprod. dans 100 E .Mandowsky et Ch .Mitchell, Pirro Ligorio 's Roman antiquities, London 1963, pl. 39a, her

mès acéphale inscrit;

(b ) dessin fait vers 1550-1553 par Pirro Ligorio, dans le cod. XIII.B.7 , Biblio thèque nationale de Naples, p. 415, reprod. dans Mandowsky-Mitchell 100, pl. 38b ,hermès inscrit avec un contour- silhouette en guise de tête ;

592

H 64 HÉRACLITE D'ÉPHÈSE (c) dessin fait vers 1559 par J.-J. Boissard, dans le codex S 68, Bibliothèque

royale de Stockholm , f. 78 ', reprod . dans Mandowsky-Mitchell 100 , pl. 42a,

hermès inscrit avec tête barbue « abstraite » ;

(d ) gravure du Portugais Achilles Statius (Estaço) qui édita en 1569 un recueil

de reproductions de portraits antiques sculptés dans le marbre : 101 Inlustrium virorum ut extant in Urbe expressi vultus, Romae 1569, pl. VIII ; reprod . dans 102 J. Frel, Contributions à l'iconographie grecque, Praha 1969, tab . V 5 ; 11,

p. 45 fig. 4 = M 23c ; l'hermès est réduit à un simple buste avec l'inscription originale et possède une tête à traits très individualisés; cf. 103 Illustrium ima gines ex antiquis marmoribus, nomismatibus et gemmis expressae quae extant Romae... Theodorus Gallaeus delineabat. Editio altera, aliquot imaginibus et J.

Fabri (Jean Le Febvre] ad singulas commentario auctior atque illustrior, Antwerpiae 1606 , pl. 65 ; 104 Jacobus Gronovius, Thesaurus Graecarum anti

quitatum , II, Lugdun. Batav. 1698,pl. 56. (e) gravure de Fulvius Ursinus (Orsini), qui édita en 1570 un nouveau recueil

de reproductions de portraits antiques sur divers supports : 105 Imagines et elo gia virorum illustrium et eruditorum ex antiquis lapidibus et numismatibus

expressa, cum annotationibus ex bibliotheca Fulvi Ursini, p. 63, hermès acé phale inscrit (cf. p. 6 et 109) ;

(f) dessin fait par Pirro Ligorio après 1570, dans le cod. a.II.10.J.23, Turin , Archivio di Stato , p. 42 ; reprod. partielle dans Mandowsky -Mitchell 100, pl. 46d ; buste (ou hermès ?) inscrit avec tête assez individualisée, mais différente de celle de Statius, malgré des affinités évidentes de la présentation. A ces monuments iconographiques se rattachent trois témoignages de Ligorio et d 'Orsini: A . Su la montagna di Tivoli... furono cavati termini ( = hermès) con diverse effigie... et essendo spicate le teste dalli suoi termini furono portate quelle a Roma in casa di Picchi (= Pighius)... dove essendo per varii casi trasportate ... (Ligorio , cod . XIII.B .7 , Bibliothèque nationale de Naples, p . 405 ; cité d 'après Mandowsky-Mitchell 100, p . 127 doc. 1) ; autrement

dit, on avait également ramené de Tivoli des têtes sans hermès qui se seraient ensuite disper sées ; B . .. .quae ( sc . hermae ) dum reponere aliqui suis truncis non satis diligenter curant, aliena capita non suis pectoribus, ut in Aristophane, Heraclito , Carneade, et Isocrate factum est, im

posuerunt (Orsini 105 , p . 6 ) ; Oltre a ciò l'hanno posta le (sic ap . Mandowsky-Mitchell, erra

tim pro la ?] effigie falsamenta applicata, non è la sua vera effigie, mais Ligorio ajoute : C . L 'effigie addunque del termino l'habbiamo veduta dimarmo nelle antichità del cardi nal pio di Carpi senza nome et col nome scritto in uno ametisto antico che havea Fabritio Romano Anticario di Trastevere (Ligorio, cod . a . 11.10 . J.23, Turin , Archivio di Stato, p. 42 ;

cité d'après Mandowsky-Mitchell 100, p . 93-94). Il y aurait donc eu confusion dans la restitu tion des têtes aux poitrines, celle attribuée notamment à l'hermès d 'Héraclite l'aurait été de

façon erronée, mais Ligorio aurait vu la tête originale sansnom dans la collection du cardinal Carpi et une gemme de la même tête avec le nom d 'Héraclite (cf. infra, 4 ).

De tout cela les modernes ont (1) conclu que les images à tête silhouette ou

abstraite , de même que les témoignages B de Ligorio et Orsini, signalaient qu 'une tête antique étrangère avait été ajoutée vers 1550 à l'hermès acéphale d'Héraclite , et (2) supposé que cette tête était celle que reproduit Statius pl. VIII,

alors que la tête reproduite (de mémoire ?) par Ligorio correspondrait à celle , anonyme, qu 'il affirme avoir vue dans la collection du cardinal de Carpi et que

593 HÉRACLITE D 'ÉPHÈSE Statius semble avoir représentée sur sa pl.XXXVIII. Commenous allons le voir , H 64

il existe de bonnes raisons pour mettre en doute le bien - fondé de cette conclu sion . L 'ouvrage de référence sur l'histoire des hermès de Tivoli est 106 Ch . Huelsen, « Die Hermeninschriften berühmter Griechen und die ikonographischen Sammlungen des XVI. Jahrhunderts » , MDAI( R ) 1901, p . 123 - 154, 159 n° 13 : voir encore : Mandowsky-Mitchell

100, p. 93-94 nº 79, p. 127 -128 (doc. 2 , 3 , 5) et pl. h.-t. 38 , 39, 42 , 46 ; Richter 99, p . 22, 80 ;

cf. Bernoulli 95 , t. I, p . 85 ; Frel 102, p. 17.

3) En 1885, à quelques pas du bâtiment circulaire où avait été trouvé le célèbre code de Gortyne (Crète ), fut découverte une statue de marbre de deux mètres de haut, actuellement conservée au Musée d'Héraclion . Dans un article publié 25 ans après, 107 G . Lippold , « Das Bildnis des Heraklit» ,MDAI(A ) 36 ,

1911, p. 153 démontre que, à en juger par la pose générale, les vêtements, le geste du bras droit, le gourdin noueux, cette statue ressemble de façon frappante à l'Héraclite des monnaies, à cette différence près qu 'il tient le gourdin à la manière d'une crosse de pâtre, son extrémité libre prenant appui sur le sol. Datée de l'époque des Sévères par le premier éditeur, 108 L .Mariani, « Statue of an asclepiad from Gortyna » , AJA 1, 1897, p. 280 (« etwa um 200 n. Chr.», Lippold

107, p. 155), c'est probablement une copie – modifiée sans doute, ajouterons nous, plutôt pour des raisons techniques (changement de matériau ) qu'en raison de l'incompétence du copiste - d’un original antique de bronze semblable à celui qui est représenté sur les monnaies (cf. le support du bras droit et la position nouvelle de la massue). Lippold semble tout ignorer au sujet de l'hermès. Mariani 108, p . 279-285, y voyait le portrait d 'un asclépiade, copie d 'un original archaïque du ve s . av . J. - C . ; Lippold 107 , p . 156 , date l' original du milieu du ve s . av . J.- C . ; cf. Schefold

97 , p . 160, n° 4 ; Richter 99, p . 80, nos 306 , 307, 310 ; cf. 109 Dontas, « Kopf eines Neuplato nikers», MDAI(A )69-70, 1954- 1955, p . 147-152 et pl. XIV ; 110 D .Metzler, Untersuchungen zu den griechischen Porträts des 5. Jahrhunderts, Thèse , Münster 1966 , p. 72 (pour qui,

comme apparemment pour Dontas 109, il s'agirait du portrait d 'un néoplatonicien du ve s. ap . J.-C .).

4) La dernière découverte iconographique héraclitéenne est une gemme du Musée national numismatique d' Athènes provenant de la collection de K . Kara panos, portant en bas l'inscription HPAKAEITOE (la seule reproduction où on la

devine est dans Richter 99, n° 312, et la seule où on la voit clairement figure sous le même numéro ibid . (99 ), Supplement, London 1972) et publiée par 111 I.

Svoronos, Journal international d 'archéologie numismatique, 1913, p . 163, pl. V , n° 357 (cf. Frel 102, pl. V 3-4 ; Mouraviev 11, p. 45 fig . 4). C 'est sans doute elle quementionne Pirro Ligorio dans le texte C , cité supra. Cf. aussi 112 Por traits d 'hommes et de femmes illustres... avec l'explication de Jean Le Febvre (= 103 sans les illustrations), traduit par C. C. B * * * (Charles-César Baudelot de

Dairval), Paris 1710 , p. 65 : « On le voit ( sc. Héraclite ) encore sur un Diaspro , comme portent les Italiens; son portrait est parfaitement bien gravé dans le Cabinet de Fulvius Ursinus...» Selon Frel 102, ce pourrait être une imitation

moderne d'après une gravure de Statius. Nous avonsmaintenant réuni les éléments essentiels de notre démonstration. Il ne reste plus qu 'à préciser que, d'une part, la tête sur la gemme (4 ) ressemble

H 64 HÉRACLITE D 'ÉPHÈSE fort à celle de l'hermès-buste représenté par Statius- Estaço (2d ) lequel aurait fort

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bien pu, mais sans que cela fût une nécessité, lui avoir servi de modèle (l' in verse , en revanche, est improbable vu la pauvreté de la gemme en détails), et que, d'autre part, la tête du buste gravé par Estaço présente une ressemblance physionomique absolument frappante avec la tête de la statue de Gortyne: confi

gurations caractéristiques identiques du système barbe-lèvres-moustache, du profil du nez, des yeux à orbites peu profondes et à arcade sourcilière légèrement protubérante ; seule différence marquée : le front de la statue est caché par une

frange de cheveux, celui du buste est découvert,mais même là la bombure fron tale reste la même. Comme il ne pouvait pas y avoir eu double accointance entre le renaissant Estaço et le moderne Lippold , d 'un côté, et entre ce dernier et les

poinçonneurs des monnaies d'Éphèse du 11e siècle, de l'autre, et comme une double coïncidence de cette sorte serait d'une improbabilité quasi absolue, force

est de conclure qu 'Estaço a bel et bien, et fort consciencieusement, reproduit la bonne tête avec la bonne inscription , soit que, contrairement à l'opinion de Ligo rio et d'Orsini, elle eût été correctement identifiée dès le début, soit qu' il se fût agi d 'une reconstruction correcte sur le papier effectuée par Estaço à partir de la

vraie tête conservée chez le cardinal di Carpi et identifiée grâce à la gemme de l' antiquaire Fabrizio Romano (témoignage C ), qui, en ce cas, est authentique. Peut-on considérer la statue de Gortyne, la gemme et l'original de la gravure comme des copies remontant à un portrait véritable ? Cela ne semble pas impos sible : la fameuse tête de Thémistocle (ca 528 -462 ) trouvée à Ostia en 1938 le confirme. Signalons en outre (après Frel 102) la tête sans hermès déterrée avec d'autres têtes en 1779, toujours à Tivoli, par le chevalier Azara, ambassadeur du roi d'Espagne auprès du Vati can , et dotée d 'un nouvel hermès portant le nom d 'Héraclite , conservée à Aranjuez (Richter 99, n° 366 , en tant que Pittacos ) ; une statue décapitée du Sérapeion de Memphis représentant un homme drapé assis, auprès de qui est posé un bâton noueux : identifiée en 1917 par von

Wilcken à partir d'un dessin de Mariette, elle fut republiée par Picard en 1955 (cf. 113 J. P. Lauer et Ch. Picard , Les statues ptolémaïques du Sérapeion de Memphis, Paris 1955 , p . 137 143) ; ainsi que la série d 'hermès, la plupart fort endommagés et dont certains avaient été ori ginellement doubles (Héraclite -Démocrite ? ), que Frel 102, p . 21- 24 , tab . IV et VI (Budapest),

V I et VII (Aix -en -Provence ), V 2 ( Thermes de Rome) = M 24ab estime avoir identifiés. Richter 99 , p . 80 -81, considère en outre comme « évidente » l' appartenance à une statue per due du philosophe d 'un bloc de pierre inscrit HPAKA en caractères du Ilia trouvé à Paphos

(Chypre) et publié en 1888 (mais n 'aurait-il pas aussi bien pu provenir d 'un Héraclès, d'un Héraclide... ?) [signalé par T . Mitford , ABSA 56 , 1961, p. 7, n° 11, il voisinait dans le sanctuaire d 'Aphrodite avec les représentations d 'Épicure et de Zénon ) et, à l'instar de Bernoulli 95 , I 85, signale quelques autres identifications plus que douteuses.

< Il faut encore ajouter à la liste de Richter 99 et de Frel 102 la figure – un relief - d'un sarcophage de Muses du lle siècle , conservé à Malibu : J. Frel, Portraits Getty Museum , nº 48 (Héraclès/Héraclite ?) Il montre un homme barbu, tenant à la fois la massue et le volumen ,

donc Héraclès en philosophe,d 'où l'hypothèse « Héraclite » de J. Frel. Les témoignages littéraires et épigraphiques ne nous renseignent guère sur les traits attri bués au philosophe. Tout au plus peut-on lui supposer une expression fermée et peu enga geante, puisque Diogène Laërce IX 1 le dit hautain et méprisant; il passait pour pessimiste et misanthrope, ce qui coïncide avec la manière dont Sidoine Apollinaire l'oppose à l'aimable Démocrite ( D 70 ), par sa morosité : « fletu oculis clausis » (Epist. IX 9, 14 ). En parlant de sa

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statue dans le Zeuxippe (un gymnase ) de Constantinople , Christodore de Thèbes, dit Coptos, (** C 115 ), Anth . gr. II 354 -356 (M 25), le décrit aussi « pleurant». M .-C. HELLMANN> La lettre IV de pseudo-Héraclite ([Heracl.), Ep. IV , 1 -2 ) fait état d'un autel (Bwuós) qu'Héraclite aurait consacré à Héraclès avec l'inscription équivoque HPAKAEITNIEOELINI, anecdote qui pourrait avoir eu pour origine, outre l'ambiguïté légendaire du philosophe (cf. infra ) et la quasi-identité étymologique de son nom et de celui d 'Héraclès, l'existence à Éphèse d 'une statue d 'Héraclite (armé du oxinwv ?) ressemblant à Héraclès: l'original de la copie de Gortyne représenté sur les monnaies ?

II.LE LIVRE

1. Histoire. Existence. Depuis Aristote , Rhet. 1407 b 16 (DK A 4 ), et au moins jusqu'aux pères de l'Église du lie s., Hippolyte de Rome et Clément d'Alexandrie (la plupart des auteurs postérieurs citent de seconde main ), les

Anciens sont unanimes à attribuer un livre à Héraclite . Cf. Mouraviev 9, textes M 262-f; Mouraviev 12, p. 47-48 ; 114 Id ., « Titres, sous-titres et articulations du livre d'Héraclite d' Éphèse » , dans J.-C . Fredouille et al. (édit.), Titres et articula tions du texte dans les cuvres antiques. Actes du Colloque International de

Chantilly . 13-15 décembre 1994, Paris 1997, p. 35-53 ( 35 -37). Ces témoignages sont contestés par certains modernes. Ainsi G . S. Kirk 36 , p . 7, écrit : « It is possible that Heraclitus wrote no book ... The fragments... have the appearance ofbeing iso lated statements, or yvõual... In or perhaps shortly after Heraclitus' lifetime a collection of these sayings was made, conceivably by a pupil... » Cette opinion n ' a guère remporté l'adhé sion des chercheurs . En revanche, l'idée que le livre n 'était qu 'un recueil d ’aphorismes, émise par Diels 132 (infra ), 1re éd. p . VIII = 2e éd . p . XIII, jouit d 'une popularité d 'autant plus grande qu 'elle aussi dispense de la nécessité de reconstituer la structure tant du texte que du système. (Cf. e. g. Bollack -Wismann 139 (infra ), p . 49, 27 ; autres références dansMouraviev 114, p . 36

n. 6 ; cf. infra, III.3 La poétique des fragments ). — Une autre forme de contestation du livre consiste à affirmer que loin d'être un ouvrage de philosophie , il ne traitait que de politique (cf.

infra, II.2 Contenu selon les Anciens).

Diffusion. Nous ne disposons que de trois témoignages directs : (1) le

philosophe dédia (ůvéonxe) son livre au temple d'Artémis d'Éphèse (Diog. L. IX 6 , Tatien , Or. ad Gr. 3 = M 39ab ); (2) celui- ci eutun tel succès que se consti tua une secte d'Héraclitéens (Diog. L . IX 6 = M 40a, cf. Plat., Theaet. 179d

180c = M 406 et supra, I.3 Disciples ?); (3) Euripide fit le voyage d'Éphèse , se rendit au temple d'Artémis, apprit par cæur le livre d'Héraclite et en communi qua le texte à Socrate (Tatien, Or. ad Gr. 3, Diog. L . IX 6 et II 22 = M 41a-C). La plausibilité de la déposition au temple d'Artémis a été mise en doute, mais cf., e.g., Certam . Hom . et Hes. 1, 1. 320 Allen (à propos de l'Hymne à Apollon ) ; Gorgon, FGrHist515

F 18 (à propos de la VIIe Ode olympique de Pindare, en 464a) ; Diog. L . IV 25 (à propos de Crantor) ; Apollonius rex Tyri 51, p . 116 Riese2. Voir 115 W . H . D . Rouse, Greek votive offe rings, 1902 , p . 64 -65 ; West 91, p . 5 ; et surtout 116 D . Young (édit.), Theognis, 2e éd ., Leipzig, 1971, p. X . Nous ignorons si c 'était la seule forme de publication ou un moyen sup

plémentaire de préserver l'ouvrage contre les vicissitudes du temps. Dans la première éventua lité, elle n 'a pas empêché la diffusion du livre ni à Éphèse (les Héraclitéens), ni en Sicile (cf. infra ), ni à Athènes. Dans la seconde, elle n ' a pas sauvé l'exemplaire déposé au temple de

l'autodafé d'Hérostrate (toutefois, ce que 117 J. Brun, Héraclite ou le Philosophe de l'éternel retour, Paris 1963, p . 39, écrit à ce sujet relève du roman - feuilleton ). Selon une autre version , également rapportée par Diogène Laërce (IX 12 = M 410) et

remontant, par le grammairien Séleucos interposé, à un inconnu du nom de Croton (?), auteur d ' un Plongeur abyssal, c' est un certain Cratès (cf. ~ C 199) qui aurait introduit l' ouvrage

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héraclitéen à Athènes. Mais KPATHE est une corruption facile de ES2-KPATHE et le Kata xolvußnts de ce Croton a tout l'air d 'avoir été une comédie (cf. aussi le mètre iambique, noté déjà par Kirk 36 , p . 10 , de la réaction de Socrate). De là à supposer que toute l'histoire de

l'introduction du livre à Athènes par le tandem Socrate -Euripide (deux cibles de prédilection des auteurs de comédies) serait une affabulation pure et simple de comédiographe, il n ' y a qu 'un pas que nous ne franchirons pourtant pas, car l'épisode en lui-même n 'est niimpossible ni improbable, surtout si l'on tient compte de la bibliophilie notoire d 'Euripide (cf. Aristoph ., Ran . 943) – et des réminiscences héraclitéennes qu 'on trouve dans ses æuvres - ainsi que de l'intérêt du Socrate historique pour les ouvrages des sages anciens (cf. Xén.,Mem . I 6 , 14 ). On ne peut naturellement pas être aussi affirmatif, faute de témoignages corroborants , quant à la

plausibilité du voyage à Éphèse et de la mémorisation de son livre par cœur (qui cadre

pourtant très bien avec lemétier d 'acteur d'Euripide). Et il existe un assez grand nombre d'indices indirects (la plupart, il est vrai, contestés) – sous forme de réminiscenceshéraclitéennes possibles chez Parmé

nide, Épicharme, Simonide, Pindare, Eschyle, auteurs dontnous savons perti

nemment que tous,sauf, peut-être, le premier,faisaient (et que le premier pouvait fort bien faire) partie du cercle d'hommes de lettres qui s'était constitué autour

d'Hiéron – pourestimer que le livre d'Héraclite était connu dès 478-467 à Syra cuse .

En ce qui concerne le destin ultérieur de l'ouvrage, l'état de la tradition permet d 'affirmer qu 'il circulait encore au début du IIIe s. ap. J.-C . (cf. les nombreuses citations chez Plutarque, Clément d 'Alexandrie , Hippolyte de Rome, etc .), mais devint fort rare à partir du IVe. Ce fait est probablement à mettre en rapport avec le passage du rouleau de papyrus à un support plus parfait, le codex de velin , et à la propagation du christianisme: on ne recopiait que les philo sophes païens les plus demandés (Platon, Aristote, Lucrèce ).

2 . Forme et contenu du livre. Titres. Le locus classicus, contenant tous

les titres que nous connaissions, est Diog. Laert. IX 12 = M 28, passage qui remonte à la seconde source du texte de base de la Vie d 'Héraclite , un pinax de bibliothèque (cf. Mouraviev 14, 1987, p. 18- 19). Nous y trouvons les intitulés

Μούσαι, Περί φύσεως, 'Ακριβές ολάκισμα προς στάθμην βίου (vers attribue à un Diodote ; " D 135), trváun nowv Tpónov xóquoc Évos tūv Euuntáv

twuf. Seul le second est corroboré par d'autres sources: nous en avons dénom bré huit mentions dans cinq sources indépendantes : chez (Héracl.) Ep., Cicéron , Diogène Laërce, Clément et Sextus. — Les Muses ne réapparaît nulle part ailleurs en tant que titre,mais cemot est appliqué à Héraclite , qualifié lesMuses

ioniennes, et à Empédocle , qualifié les Muses siciliennes, dans un passage célèbre du Sophiste de Platon (242 D = T 124 ), et ce surnom est imité par Clé ment d'Alexandrie (Strom . V , 59, 4), voire, peut-être, par Lucrèce (1 657). Cf. aussi Thémist., Or. 26 , 318 d. — Les deux (ou trois) autres « titres » ne sont attestés qu'ici (et dans la Souda , s.v. Anaíov zovußntńs, où ce passage de

Diogène a été recopié ). ( Textes réunis ou cités dans 9 , ad M 28.) Nepi púoewç était un titre standard appliqué aux ouvrages de nombreux présocratiques qui devait avoir d 'abord été une brève description de leur contenu principal,mais a peu à peu

été perçu comme un nom de genre littéraire (traité de philosophie de la nature ). Pareille description n 'est d'ailleurs vraiment nécessaire que lorsqu 'un même écrivain est auteur de plusieurs ouvrages et que son nom seul ne suffit pas pour identifier l'euvre. Chez les préso

cratiques, le cas se présente pour la première fois chez Xénophane et Empédocle , dont la tradi tion nous dit qu' ils composèrent chacun plus d'un poème. Mais le premier ouvrage de philo

sophie dont nous puissions affirmer avec certitude que son titre lui a été donné sinon par son

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auteur lui-même, dumoins du vivantde celui- ci, est le lepi qúoewÇ Ô Tepi toũ óvtos, De la nature ou de l'étant de Mélissos (Simpl., Phys. 70 , 16 ; De caelo 577 , 10 = 30 A 4 DK ). La preuve nous en est fournie par le titre parodique que Gorgias donna à son propre traité anti éléen : ſlepi toū un outoç ñ nepi Quoews, Du non -étant ou de la nature (Sext., A . M . VII 65 = 82 B 3 DK ). Littérature récente sur la question : 118 E . Schmalzriedt, Peri physeos. Zur Frühgeschichte der Buchtitel, München 1970 ; 119 G . Naddaf, L 'origine et l'évolution du

concept grec de phusis, Lewiston 1993, p. 9-58. Moõoal demeure un titre mystérieux. La plupart des modernes ne voient dans ces Muses qu 'une réinterprétation du passage du Sophiste . Sans contester la probabilité assez grande de cette explication , il conviendrait de s ' interroger toutefois sur ce que Platon lui-même entendait

par Mo✓odi, voire sur la possibilité d'inverser le raisonnement et de chercher dans le passage platonicien une référence sinon au titre, en tout cas à quelque désignation antérieure du livre

qui en aurait souligné le caractère spécifique, un caractère partagé par le poème d'Empédocle

(cf. peut-être < tñs púoewÇ> Movotov = ó puolxòç < óvoc> = Nepi ' Ouńpov d ’Alcida mas (Arist., Rhet. 1406 a 24 ; Certamen Hom . et Hes.73-74 (Allen ); Stob. IV 52, 22 ; Diog. L .

VIII 56 ; PMich . 2754 (fin ); et M . Narcy, notice « Alcidamas d'Élée », A 88, DPHA I, p. 105 108 ), les Movoeta Nóywv de Polos d’Agrigente (Plat., Phaedr. 267 b 10 = DK 80 A 26 ), 1' etymologie platonicienne de Μούσαι dans Plat., Crat. 406 a: τάς δε Μούσας... από του μώσθαι... της ζητήσεώς τε και φιλοσοφίας το όνομα τούτο επωνόμασε [scil. ο νομο Oérns] « [le législateur) a donné aux Muses... ce nom appartenant à la fois à la recherche et à la philosophie ... en partant de uñodal " chercher”...» etc . (cf. Épicharmefr. 117 ; 288 K .). Il nous semble probable que Platon a joué sur deux sens de uovoal: celui de = quaestiones (" re

cherches" , " interrogations" , " énigmes") et celui de “Muses" , ce qui rend possible l'hypothèse que le premier de ces sens ait pu avoir déjà été utilisé avant Platon pour désigner le livre d 'Hé raclite. (Notez que tous les auteurs cités ci-dessus ont des rapports directs avec des cités de

Grande Grèce : Élée , Agrigente, Syracuse ...) Le « titre » proposé par Diodote est clairement une catchphrase de son propre cru (cf. id.

ap. D .L . IX 15). Quant au dernier – ou aux deux derniers – titre(s) avec son (leur) indéniable Heraklitstil (Kranz, DK ad loc.), il(s) pose(nt) trop de problèmes de lecture et d'interprétation pour qu 'il soit possible de l(es) examiner ici. Qu 'il suffise de formuler l'hypothèse qui nous semble la plus plausible : il s 'agirait du début défiguré de l'entrée en matière du livre, intercalé

entre la sphragis (perdue) etle début proprement dit (fr. B 1).

Nous ne pensons pas qu'Héraclite ait jamais éprouvé le besoin d' intituler son livre ,mais il est tout à fait possible que celui-ci ait circulé déjà très tôt en tant

que tò 'Hoaxeitou nepi púoews, même si son sujet ne se limitait pas à la « physique » au sens aristotélicien . N 'oublions pas qu 'Héraclite avait affirmé lui

même au début du livre que ses explications étaient les fruits d'une analyse « selon nature » (B 1 ływ dinyeõual dialpéwv xarà púolv ). (Cf. 12 , p . 49 -53; 114 , p. 37 -41.)

Articulations.Nousne disposonsà ce sujet que d'une seule information ancienne : l'inventaire (remontant lui aussi au pinax de bibliothèque du texte de

base ) des parties du livre qu'on trouve chez Diogène Laërce IX 5 : TÒ dè φερόμενον αυτού (scil. Ηρακλείτου) βιβλίον εστί μέν από του συνέχοντος περί φύσεως, διήρηται δε εις τρείς λόγους, είς τε τον περί του παντός και noaltixòv xai Deoloyixóv, « Le livre de lui qui circule est, de par son contenu général, sur la nature, mais il se divise en trois logoi: le logos sur le tout, le logos

politique et le logos théologique.» De l'avis quasi unanime des modernes, cette subdivision ne tient pas debout. Pour citer Diels (DK ad loc.) : « 3 Bücher gab es zu Heraklits Zeit nicht... Ein alexandrinischer Auszug kann so geordnet gewesen sein » . Mais nous ne savons rien de l'existence de ce genre

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d 'Auszüge et rien d'autre dans notre pinax ne suggère qu 'il y fût question d'un recueil d' ex traits. 120 K . Deichgräber, « Bemerkungen zu Diogenes' Bericht über Heraklit » , Philologus,

93, 1938, p . 19-20, s'appuyant sur 121 R . Hirzel, Untersuchungen zu Cicerosphilosophischen Schriften , t. II/ 1, Leipzig 1882, réimpr. Hildesheim 1964, p . 177 -179, et suivi par Kirk 36 ,

p . 7 , propose une origine stoïcienne à cette division. Selon Cléanthe, la philosophie se divisait en six parties : dialectique, rhétorique, éthique, politique, physique et théologie (Diog. L . VII 41) et le même Cléanthe aurait établi que le livre d 'Héraclite, auquel il a consacré un commen taire , ne traitait que des trois dernières disciplines, sans que cela implique aucune division du

livre en parties. Mais alors que faire de Oinpntai ? Cette hypothèse pose aussi un autre pro blème: pourquoi la partie physique est-elle appelée o nepi toŨ navtocóyoc et non puOLXÓC hoyos et pourquoi est-elle quand même séparée de la théologie ? Sans doute parce que puol κός ne faisait pas l' affaire. Or, pour un stoicien, το πάν = το όλον και το άπειρον κενόν et le

divin est le principemoteur de la matière inerte (Sext., A. M . IX 332 ; Diog. L . VII 134 ). Est-ce à dire que, selon Cléanthe, Héraclite, d 'une part, ne traitait pas de la physique et, d 'autre part,

distinguait l'univers entouré de vide de l'univers en tant que terrain d 'action du divin ?

Mais la division en trois logoi admet une explication plus simple. A une épo que où il était devenu courant de subdiviser (d'« aérer» ) les textes difficiles,

quelque éditeur aurait plus ou moins arbitrairement scindé celui d'Héraclite en plusieurs blocs et leur aurait donné des sous-titres qui reflétaient grosso modo le contenu essentiel de chaque partie. Iepi toŨ NAVTóc signifierait alors plutôt A propos de tout que A propos du Tout ou que, à plus forte raison , A propos de

l 'univers. Si l'explication est correcte , cela nous suggère de façon très vague, mais quand même intéressante, l'ordre original de certains des thèmes

abordés. Il était question d'abord de « tout» (= « n'importe quoi » ?), puis de politique, puis de théologie . Avec la physique comme fond commun ? (Cf. 12 , p. 53-57 ; 114,p .41-42). Voir encore infra , III.4 (fin ). Dimensions. Aucune de nos sources (cf. 9, textes M 26a-f, M 27a-f) ne mentionne de second , troisième... « livre » du traité d'Héraclite et presque toutes

le désignent au singulier. Il est vrai que certaines (notamment Aristote , Rhet. 1407 b 14 ,mais à côté de oúrypajua au singulier !) parlent de tà 'Hpaxeitou ou tà 'Hpaxheitela , mais le substantif ellipse s'y déchiffre facilement comme " phrases” , “ paroles”, “ opinions” . (Toutes les exceptions indubitables (citées ad M 27°) datentau plus tôt de la Basse Antiquité et appartiennent à des auteurs qui n 'ont jamais lu Héraclite et dont certains croyaientmême qu 'Héraclite écrivait

en vers.] Cela implique que le livre d'Héraclite entrait dans un seul rouleau de papyrus, permet d'en évaluer les dimensions originelles comme égales ou infé rieures à un volumen archaïque (un chant homérique) et de tenter une comparai son avec ce qui nous en reste . A notre connaissance, il n 'existe qu 'une tentative sérieuse d 'évaluer la fraction du livre qui nous est parvenue: celle de Gomperz 59, p . 27 -31. Il utilise trois critères indépendants : la lon gueur originale la plus probable des poèmes d 'Empédocle et Parménide, le rapport entre le nombre d'informations doxographiques héraclitéennes dont nous possédons les originaux et celui des informations dont les originaux sont perdus, le rapport entre le nombre de fragments cités une fois et celui des fragments cités plus d 'une fois. Conclusion : nous possédons un peu

moins de la moitié du livre. Marcovich 26 , col. 269, partantde l'observation (relativement cor

recte) qu'une grande partie de la doxographie héraclitéenne peut être déduite des fragments transmis, en a conclu qu 'on pouvait supposer « daß uns vom Büchlein H .' nicht zuviel fehlt (schlimmstenfalls, daß wir nur ein Hälfte vor uns haben ) » , — Nous avons nous-même tenté

une supputation provisoire partiellement reproduite dans VDI, 1970, nº 113 (dans un premier

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article que par ailleurs nous aurions préféré ne pas avoir publié), partiellement inédite, en par tant, d 'une part, du maximum sus-indiqué (un « livre » ) et des dimensions approximatives d 'ouvrages analogues de la même époque et, d'autre part, du rapport mathématique entre le nombre de fragments cités et le nombre total de citations de fragments (à supposer que toutes les citations avaient une probabilité plus ou moins identique d'être citées). Il en a résulté que la partie conservée devait représenter près des deux tiers de l' original. Ces calculs seront à

refaire et à parfaire quand nous aurons achevé la publication de 16 , vol. II, et disposerons d 'un inventaire complet des citations et textes cités (leur justification théorique et leur résultat devront paraître dans 16 , vol. IV .B = commentaire de 17 ). Cf. encore les remarques provi soires de 17 , p . XVII-XX . — Curieusement, Marcovich a entre temps changé d 'avis : « the extant 110 or so genuine sayings do not exceed say 20 % of the original collection of Heracli

tus» , cf. 122 M .Marcovich , compte rendu deKahn 141 (infra ), Gnomon, 54, 1982, p. 418 .

Contenu du livre selon les Anciens. Outre la division sus mentionnée en trois logoi, nous disposons d ’encore trois témoignages. Selon

l'auteur anonyme de la pseudo-lettre de Darius à Héraclite ((Heraclit.), Ep . I = M

295) : « par endroits, à interpréter littéralement ce que tu dis, il (le livre ) semble énoncer une sorte de conception de l'ordre du monde tout entier ( ewplaç

xóduOU TOŨ oóuntavtos) et de ce qui s'y passe en vertu de cet ordre et est sou mis à un mouvement des plus divins.Mais il semble suspendre son jugement en ce qui concerne l'étude et la connaissance de la plupart des choses...» (cf. Sext., A. M . VII 133 = DK A 16 Eńynols toŨ Tpónov tñS TOŐ TAVTÓS OLOLX “ dewç et le dernier « titre » du livre cité supra). Théophraste aussi, dans son exposé de la physique héraclitéenne, se plaint de l'omission de certains sujets qui lui parais sent importants (D . L . IX 8.9.11 = M 36 "). Cette interprétation philosophique du

livre est présupposée par la quasi-totalité de nos sources. Toutefois, selon Dio

dote (l'auteur du troisième « titre» ; ap. D .L . IX 15 = M 304), « l'ouvrage d'Hé raclite n 'est pas sur la nature ,mais sur l'État; ce qui y est dit sur la nature est fourni à titre d'illustration » . Et selon Sextus (A. M . VII 7 = M 306), « on s'est posé la question de savoir, à propos d 'Héraclite , s' il était seulement philosophe

de la nature ou encore philosophe moraliste ». A en juger par les vestiges et notamment par le nombre de fragments éthiques, physiques et politiques resca

pés, la question reproduite par Sextus est parfaitement légitime; les reproches de

[Darius] et Théophraste, qui confirment l'existence d'une partie physique, sem blent eux aussi justifiés; et la présence de thèmes politiques est indéniable. Si donc nous combinons ces témoignages avec la division en logoi, nous obtenons

les cinq thèmes suivants: nepi toŨ TAUTÓS, physique, théologie (également confirmée par des citations), éthique et politique. Il n'y a que l'absolutisation du

dernier sujet au détriment du reste qui suscite desdoutes sérieux. L ' opinion singulière de Diodote n 'en a pasmoins trouvé un adepte moderne: Capizzi 38, qui accuse toute la tradition héraclitéenne - de Platon à Hegel et Zeller – de mystification

involontaire et tente – pour vérifier cette « hypothèse de travail » – une réinterprétation totale des fragments en tant que vestiges d' un commentaire à contenu strictement politique en rap

port avec l'actualité éphésienne de l'époque des guerres médiques : l'exégèse de la législation écrite (aóyoc ) introduite en 499 par Hermodore pour galvaniser la résistance antiperse des

Éphésiens.Malgré son incontestable ingéniosité et de nombreuses suggestions intéressantes (surtout s'agissant des opinions politiques d 'Héraclite ), cette « vérification » astucieuse est rendue caduque par le nombre impressionnant d 'hypothèses gratuites et de conjectures indé

montrables et/ou improbables qu 'elle est obligée d 'intégrer (sans parler de la difficulté chro

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nologique suscitée par l'intervalle de 47 ans qu'elle implique entre les deux périodes d 'activité du législateur).

Localisation de certains fragments.Nous ne sommes rensei gnés par nos sources que sur celle de B 1 et de B 2 : au début du livre pour le premier (Aristote et Sextus = DK A 4 et A 16 , 132 = Mch ld et la), près du

début pour le second (Sextus = DK A 16 = Mch 23a). Comme, toutefois, B 1 commence avec une particule dè et ne comporte pas de sphragide, et comme en outre les mots ò óyoc ode semblent exiger quelque introduction définitoire

préalable de ce terme, les modernes divergent fort sur la façon de comprendre év tñu åpxñí: " toutau début” ou “ quelque part au début". Et les évaluations de la distance entre B 1 et B 2 sont encore plus discordantes. Cf. 12 , p. 60 -61. Signalons encore deux hypothèses modernesdont la première est à rejeter, alors que l'autre semble être quasi indubitable. 123 V . Macchioro, Eraclito. Nuovi studi sull'orfismo, Bari

1922, p. 24, 26 n . 1, tire argument des mots d 'Hippolyte, Ref. omn. haer. IX M ( 31) év BÈ TOÚTwl tõl xeparaíwi návra duoŨ tov idlov voŰV ÉÉDero (scil. 'Hpáxheltos) pour pré

tendre qu'Hippolyte se serait servi d 'un chapitre particulier du livre d 'Héraclite et qu'il serait possible d 'utiliser les citations hippolytiennes (à savoir B 50, B 51, B1, et de B 52 à B 67 )

« per tentar di ricostruire questo capitolo » . D 'autresmodernes ontcru qu'Hippolyte parlait ici de son propre chapitre héraclitéen . En fait év OÈ TOÚTUL TÕI xeparaiwi signifie tout bonne

ment " sur ce chapitre” = “sur cette question” (celle de l'identité du Père et du Fils ). Cf. Mouraviev 12 , p. 58 -60 ; 124 Id., « Hippolyte, Héraclite et Noët (commentaire d 'Hippol., Ref. omn. Haer. IX 8 -10) » , ANRW II 36 , 6 , 1992, p . 4398 n . 30 . En revanche,Marcovich 26 , col.

258, doit avoir raison de supposer que le fr. B 30 xóquov tóvde... servait de début à la partie physique du livre .

3. Style et obscuritédu livre selon les Anciens. Il y a plusde vingt ans,nous avions réuni dans 9, 1975, p. 233-239 (plus addenda dans 12, p . 68-71), une trentaine de textes anciens et à peu près autant de références au surnom de

OXOTELVÓS, bref tout ce que nous avions pu répertorier alors sur la légendaire obscurité d'Héraclite et plus généralement sur son style . Depuis, cette collection de textes a grandi et nous en proposons ci-dessous une liste (moins les simples

mentions du surnom ) dans l'ordre et sous les numéros sous lesquels ils figure ront dans le vol. III.A de 16 (sauf indication contraire , numérotation inchangée

par rapport à 9). M 33-37 Obscurité – M 33 (explications linguistiques): (a ) Arist.,

Rhet. r 5, 1407 b 11 ; (al) Anonym ., Comm . in Arist. Rhet. r 5 , 1407 b 11 (CAG XXI/2, p. 183, 5 Rabe); (b ) Démétr., De elocut. 191-192 ; (c) Théon, Progymn. 4, 19 (I, p. 187, 13 Walz , Rhet. Gr.) ; (d ) loan . Doxapatr., Homiliae in Aphthoni Progymn. ( II, p. 226 , 2 Walz , Rhet. Gr.) – M 34 (exemples de citations obscures) : (a ) Héraclit., Homer. alleg . 24, 3 -5 ; (b ) Lucien , Vit. auct. 14 ; ( c) Asclép., in Arist. Metaph . r 3 , 1005 b 23, p . 251,

20 ; 32 ; 258, 36 (Hayduck); (d) Apul., Demundo 20 ; (e) Simpl., in Arist. De caelo p. 294, 13 (CAG VII, Heiberg) ; (f) Simpl., in Arist. Phys. p. 77, 30 (CAG IX , Diels); (g ) Plotin IV 8 [6 ] 1, 11 (II, p . 224 , 226 Henry et Schwyzer) ; (h ) Tzetz., Schol, ad exeg. in Iliad. p . 126 (Hermann ) ; (i) lolim ( d ) ] Sén ., Epist. XII 7 ; (k ) Eustath ., in Il. I 49 - M 35 (profondeur) :

(a ) Ariston de Céos, fr. 30 (Wehrli VI) ap. Diog. L . II 22 ; (b ) Souda s. v. Analov xouußntoù (II, p . 37, 20 ; 24 ; 29 Adler) ; ( c ) David , in Porph . Isag. 4 (CAG XVIII/ 2 , p . 105, 10 Busse )

Graece; (c2) Idem Armeniace (p. 34, 19 = 121 Arevšatyan (Erevan , 1976 ; 1980 ]) ; (d) Élias, in Porph. Isagog. 16 (CAG XVIIVI, p . 41, 30 Busse) — M 35A (in adéquation calé .

gorielle): (a) Plat., Sympos. 186 E 4 — 187 C 2 ; (b) Simpl., in Arist. Phys. p.50, 23 (CAG IX , Diels); (c ) (Élias/David ), in Porph. Isagog. 28, 26 -28 (p. 61-62 Westerink ) ; (d ) loan . Sicul., Schol. in Hermog. De ideis. I 4 , 66 (VI, p. 197, 13 Walz, Rhet. Gr.) – M 36

HÉRACLITE D' ÉPHÈSE

601 (incohérence et impulsivité) : (a ) Anonymi (= Ariston de Céos ?), Timon de Phlionte et Théophraste ap. Diogène Laërce IX 6 ; (b ) Diog. L . IX 8 ; 9 ; 11 (e Theophrasto ) ;

H64

(c) (Darius), Ep . ad Heraclit. (p. 305 Tarán ), cf. Diog. L . IX 13 - M 37 (le cliché

tardif) : (a ) Poeta quidam ap. Cicer. (cf. d infra) ; (b ) Tit. Liv . XXIII 39, 3 ; (c ) Lucr. I635 644 ; (d ) Cicér., De fin . II 5 , 15 ; (e ) Id ., De diuin . II64, 132 sq. ; ( f) Id ., De nat. deor. I 26 , 74 ;

(g ) Id., Denat. deor. III 14 , 35 ; (h) Clém ., Strom . V 50, 2 ; (i) Anth. Gr. VII 128 = Diog. L . IX 16 — M 37A (le surnom ) 33 références que nousomettons.

M 38 Clarté :(a) Diog. L. IX 7 ;(b) Anth. Gr. IX 540 = Diog. L. IX 16 ; (c) Sext., A.M . I 301; (d ) Aetna 537 sqq. — M 38A Poésie ? : (a) Plat., Soph . 242 D 6 [T 124 ] (cf. Clém .,

Strom . V , 59, 4 ) ; (b ) Souda, s.v. 'HpáxaelToC ; (c ) Tatien , Or. ad Gr. 3 ; (d ) Plut., De def. orac. 12, 415 f ; (e ) Cf. M 37C, vers 644 -645 ; (f) Ficin , De immort, animorum XV 4 .

Les premiers témoins que nous connaissions de cette obscurité proverbiale d 'Héraclite s'appelaient donc Socrate (M 35 ") – si l'anecdote contient ne fût-ce qu 'une parcelle de vérité -, Platon - qui y fait clairementallusion dans

sa description caricaturale des Héraclitéens (T 17 = Theaet. 180 a 3-7 : Dès qu 'on leur demande quelque chose, ils sortentde leurs carquois des formu lettes énigmatiques ſónuatioxla aiviyuatúồn] dont ils vous arrosent comme si c 'étaient des flèches. Et si on cherche à comprendre le sens de l'une

d 'elles, ils vous clouent d'une autre flèche reformulée à neuf...) et surtout, par la bouche d'Éryximaque, dans le Banquet (M 35A9) – etAristote , qui signale des difficultés concrètes qu 'on trouve dans son livre ( M 33a ). Un siècle plus tard , à la fin du IIIe s. av. J.-C ., un Macédonien aurait même été surnommé l'Obscur parce qu 'il s'appelait Héraclite (M 37c). A dater du jer s. av. J.-C ., le surnom

l'Obscur était devenu un attribut quasi obligatoire du nom du philosophe, et même douze siècles plus tard, Eustathe (in Od. IV 450 = M 37Ab) éprouve le besoin de préciser, en parlant d'un Héraclite, que ce n 'est pas de l'Obscur qu'il s'agit. Toutes nos sources sont d'accord pour affirmer que le livre d'Héraclite n 'était

pas facile à comprendre. Certains auteurs précisent toutefois que l'ouvrage de l'Éphésien n'était obscur que partiellement. Le plus catégorique est Diogène Laërce (M 38 ), mais Socrate (M 35a), si c 'est lui, et l'auteur anonyme de la lettre attribuée à Darius (M 36 ") sont également convaincus d'avoir partiellement

compris le livre. Il est vrai que l'Héraclite , auteur des Allégories Homériques (M 34a), et Clément d 'Alexandrie (M 37h) parlent de l'obscurité du livre en tant que tel, mais c 'est plutôt là un manque de nuances qu ’une affirmation catégorique. Clément, en tout cas, ne cache pas ailleurs son admiration pour l'Éphésien qu 'il cite abondamment: il est notre source la plus riche en

citationshéraclitéennes.

En revanche, les anciens sont loin d 'être unanimes sur les causes et les motifs de l'obscurité d'Héraclite. Toutes leurs explications peuvent être réduites à trois : le livre était obscur (1) par la faute d'Héraclite lui-même, ou (2) en raison de la

complexité (profondeur) de son objet (despensées exprimées), ou (3) à cause de l'incompréhension de ses lecteurs. La « faute » d 'Héraclite pouvait avoir été intentionnelle ou involontaire . Platon (M 35Aa), Aristote et Démétrius (M 33ab ; cf. M 33d ) penchaient apparemment pour la seconde explica

tion : si Héraclite est obscur, c 'est à cause de la maladresse de son style. [ Théon, par contre , n 'exclut pas une « maladresse » intentionnelle : « soit exprès, soit par ignorance » ( M 33c ; cf.

H 64 HÉRACLITE D 'ÉPHÈSE M 34C).] Théophraste estime lui aussi que l'obscurité de l'Éphésien était involontaire et lui

602

trouve une explication psychologique ou , plutôt, physiologique : Héraclite souffrait de bile noire, c ' était un impulsif, et c'est cela qui l'empêchait demener ses thèses à terme et d 'épuiser

ses sujets (M 36ab; cf. M 346 fin ). Mais l'explication opposée est de beaucoup la plus populaire : c'est en connaissance de cause, par mépris pour la foule qu 'Héraclite s'exprimait de façon incompréhensible : pour que seuls les « capables» le comprennent (certains et Timon chez Diog. L . (M 36a), Cicéron (M

370, M 37f; cf. M 378), Clément (M 37h), Anth. Gr. VII 129 (M 37i), pseudo -Darius (M 36C); cf. Théon (M 33 ), M 348, M 34k, etc.) ; ou pour inciter les lecteurs à la réflexion (Plotin (M 348 ]) ; ou à titre de gymnastique intellectuelle (Asclepius [ M 34°)).

A la version d'un ésotérisme délibéré (destiné à effaroucher une partie des lecteurs poten tiels et à donner matière à réflexion aux autres) s'oppose celle d 'un « ésotérismemalgré lui» :

ce n 'est pas Héraclite qui est obscur, ce sont les pensées qu 'il expose (ou les phénomènes qu 'il décrit) qui le sont en raison de leur profondeur, de leur complexité, de leur nature occulte . Les comprendre exige un énorme effort intellectuel, - ce qui avait aussi pour effet d 'éliminer une partie des lecteurs. Telle est l'opinion des néoplatoniciens David et Élias (M 35€, M 350) :

mais la même idée est déjà impliquée par la deuxièmepartie de la réponse de Socrate (M 35a) : les plongeurs de Délos étaient des pêcheurs de perles ; et c'est là le fondement de la théorie qui ne voit chez Héraclite que symboles et allégories (Héraclite l'Homérique (M 34a), Asclépius

(M 34c]). C 'est sans doute ici qu'il faut également ranger l'épigramme anonymeAnth . Gr. IX 540 (M 38b), bien qu 'elle puisse être aussi interprétée comme impliquant un ésotérisme déli

béré (selon qu'on prend l'initiation au sens propre ou en un sens métaphorique). Une réciproque de cette explication fait retomber la faute sur la stupidité des lecteurs : ce n 'est pas Héraclite qui est obscur, c'est le lecteur qui est incapable de comprendre les choses qu 'il décrit fidèlement. L 'auteur de l'Etna l'affirmede tout lecteur (M 380), Sextus seulement

des grammairiens sourcilleux ( M 38°).

Il n'y a que Lucrèce, emporté par le feu de la polémique, pour accuser Héra clite de ne « briller par son obscurité» qu'aux yeux des sots, d'écrire pour séduire et détourner de la vérité. En revanche, Lucrèce, poète lui-même, est pra

tiquement le seul auteur antique à témoigner de la beauté (trompeuse , il est vrai) du style d'Héraclite « qui flatte les oreilles et est fardé de sons agréables » (M 37'). Hormis ce vers , il n 'y a, sur le caractère poétique de la prose d 'Héra

clite, que les témoignages fort imprécis ou douteux que nous avons réunis sous M 38A et dont seul celui de Platon possède un certain poids (à défaut de netteté ). Il est intéressant de confronter ces opinions subjectives des anciens avec les exemples d ' obscurité héraclitéenne qu 'ils citent, c 'est-à - dire avec les difficultés objectives auxquelles ils

se sontheurtés. Commençons par celles qui relèventde l'expression. Aristote (M 33a) signale deux causes concrètes de difficulté : l'absence d'un nombre suffi sant (1) de oúvoequoi, de connectifs (conjonctions et particules), et (2 ) de marques de ponc

tuation .Malheureusement, l'exemple fourni par Aristote n 'illustre que le second reproche: la difficulté y est due non à l'absence de connectifs, mais à l'ordre des mots en tant que marque

des relations syntaxiques (il eût suffi de placer alel soit avant łóvros, soit au contraire plus

prèsde vívovrai pour qu'il n'y ait aucun problème). C' est un cas typique d 'amphibolie, selon la terminologie grecque, d 'homonymie syntaxique comme nous dirions, nous. (C 'est aussi d'amphibolie qu 'il est question ,mais sans exemples héraclitéens, chez Théon et Jean Doxo patre ( M 33cd ] et chez le commentateur anonyme d'Aristote (M 33al). Par contre, les « rencontres de consonnes » dont fait état ce dernier semblent ne rien devoir à l'Éphésien .)

Les autres reproches relevant de l'expression - l'emploide locutions étranges, c'est-à-dire de termes impropres (M 35Ab Eévolç tloi... onuaoiv, cf. M 336 év tolç xupious ),le recours à

un langage symbolique ou allégorique (M 349, M 34C), ou poétique (M 37€) etc. – en eux mêmes trop vagues, sont illustrés plus concrètement, comme nous verrons, par des exemples relevant plutôt du contenu .

H 64

HÉRACLITE D'ÉPHÈSE

603

En effet, l' obscurité des fragments B 49A et B 62 cités par Héraclite l'Homérique (M 34a) (cf. Lucien (M 34b)] n 'a rien à voir avec la syntaxe ou l' insuffisance de connectifs. Ces asser tions syntaxiquement transparentes sont « obscures » parce qu 'elles violent la loi de la contra diction. Pour un Grec post-aristotélicien , on ne peut pas affirmer en même temps A et non - A

sans soit dire des stupidités ou des contre-vérités (cf. M 37 '), soit utiliser un langage symbo lique (allégorique). Cette dernière approche suppose que soient trouvées pour A et non - A des interprétations telles que la contradiction disparaisse. Aristote, lui,hésitait à être aussi catégo

rique : « Il est impossible que quelqu 'un admette que la même chose est et n 'est pas, comme l'affirmait, selon certains, Héraclite ... » (T 138 = Metaph. 1005 b 23). Et c'est peut-être pour cela que son commentateur Asclépius ( M 34c) pour qui dire que la même chose est et n 'est pas revient à prétendre que toutes les choses admettent la même définition - fait lui aussi appel

à la nécessité d'une interprétation symbolique. Simplicius et Jean de Sicile (M 35A6, M 35Ad) - inspirés sans doute par Platon (M 35Aa), chez qui le reproche est implicite - mettent le doigt sur une autre difficulté logique du même

genre inhérente à Héraclite et difficile à « digérer» d'un point de vue aristotélicien . Parlant de la citation platonicienne d 'Héraclite dans le Sophiste (242 d ), Olapepóuevov åki ovudépetal

(T 124 ), Simplicius y voit un exemple de la paradoxologie dénoncée par Aristote : « comme si quelqu 'un appelait l'être " un homme" » (Phys. 185 a 7 = T 137). L 'exemple aristotélicien est

un cas typique d'inadéquation catégorielle et c'est une inadéquation de ce genre que perçoit Simplicius dans la citation du Sophiste et que nous trouvons nous-mêmes là où Platon cite un

texte presque identique d 'Héraclite : l'Un, l'harmonie ne peut « différer » , sinon il y aurait multiplicité, disharmonie, contradiction interne, car harmonie implique accord , c 'est-à - dire

dépassement des différences (Banquet 186 e - 187c = M 35Aa = T 123). Jean de Sicile (M 35Ad) semble d'ailleurs énoncer toute une théorie, apparemment empruntée à Hermogène, de ce genre d 'obscurité, mais s'exprime assez obscurément lui-même et ne mentionne Héraclite

qu 'au passage. Il est possible que ce soit aussi une inadéquation de ce genre (plutôt que l'archaïsme du

langage de l'Éphésien ) que « pseudo-David/pseudo-Elias» (M 35AC) interprète comme obscurité issue de la qualité des mots, de leur singularité ou étrangeté. D 'ailleurs ce passage semble effectivement s'inspirer du texte du Banquet de Platon (cf. EÉVOLG... onugolv et M

35Aa[187 a 4 ] tots ye øńugolv oủ xarūs). Beaucoup plus terre à terre est la difficulté enregistrée par Théophraste : Héraclite ne dit pas tout ce qu 'il conviendrait de dire sur les sujets qu ' il aborde, il s 'interrompt ou se tait au moment où l' on attend de lui une réponse : il n 'explique pas clairement comment le Tout se

constitue à partir du feu, ilne dit rien de l'« ambiant» , il ne se prononce pas sur la nature de la terre et des « bols » des astres (M 36ab ). La « suspension de jugement» (ÉTTOYn ) dont parle

pseudo-Darius (M 36C) reflète sans doute une constatation du même genre. Enfin, Sénèque (M 340) nous fournit involontairement un exemple de la façon dont l'« obscurité » pouvait n ' être qu 'un simple effet de l'absence de contexte : grâce à Plutarque

qui nous a conservé le mêmetexte (Cam . 19 = B 106 ), nous savons que celui-ci visait Hésiode et sa division des jours en fastes et néfastes (Travaux et jours 765 sqq.). Sénèque nous démontre ainsi qu 'au moment où il écrivit ce passage, lui, ou sa source, n 'avait pas lu Héra clite (ou avait oublié le contexte pertinent) et se croyait autorisé à proposer (ou à reproduire ) des interprétations contradictoires du fragment cité.

Ainsi, (1) l'obscurité du livre d'Héraclite pour les Anciens ne fait pas l'ombre d 'un doute , mais elle n ' était pas totale et donnait lieu à des attitudes et des inter

prétations très diverses. Les difficultés éprouvées par les modernes ne sontdonc pas le fait exclusif de la fragmentation et de la corruption du texte originel, de la perte du contexte . (2) Abstraction faite de leurs opinions subjectives sur les rai sons et les mobiles de cette obscurité , nous avons pu en dégager un certain

nombre de causes objectives concrètes, probables ou certaines, à savoir (de l'ex pression au contenu) :

HÉRACLITE D ' ÉPHÈSE

604

H 64

a . les effets sonores ;

b.lemanque de connectifs (et l'ambiguïté syntaxique quien découle);

c. l'ambiguïté syntaxique créée par l'ordre desmots ; d. les thèses enfreignant la loi dela contradiction ; e. les thèses combinant des catégories incompatibles ; f. le non-épuisement, et l'incohérence du traitement,de certains sujets ; g. l' absence du contexte . Trois de ces causes (de a à c) relèvent de la forme linguistique de l'expression

(dans deux cas source d'ambiguïté ), deux autres (d et e) de la forme logique du contenu (source de contradiction) et lesdeux dernières de la formeimparfaite ou incomplète soit du texte original, soit du texte transmis. Bref, l'obscurité héracli téenne est avant tout tributaire de la formede son texte et mérite donc d ' être ana

lysée sous cet angle. Platon, Lucrèce et quelques autres auteurs (M 370, M 38A ) nous suggèrent en outre qu'en un certain sens cette formeétait poétique, ce qui expliquerait nombre

de particularités tant phoniques que grammaticales, syntaxiques et logiques du langage héraclitéen ; cf. infra, III.3.

4. État actuel du corpus.Les éditions. Comme ceux de tous les préso cratiques, le livre d 'Héraclite ne s'est pas conservé, mais nous disposons d'un

corpus assez vaste de citations qui en proviennent (les fragments) et de témoi gnages sur les opinions que l'Éphésien y professait. Nous avons déjà dit qu'il n 'existe pas encore d ' édition exhaustive de ce corpus des vestiges du livre et de la doctrine. Il est donc encore très difficile de les chiffrer. Si le nombre des

fragments peut encore être approximativement indiqué – entre 110 et 140, de une à une dizaine de lignes chacun , pouvant être considérés comme textuels (selon

l'idée qu 'on se fait de leur textualité et de leur authenticité ), et jusqu'à 180 , si on y inclut les témoignages relatifs à des opinions ponctuelles, c'est-à-dire ceux qui,

sans être textuels, se rapportent à un passage déterminé du livre (exemple : DK A 22 ) -, le nombre des témoignages et a fortiori celui des opinions prêtées à Héra clite par les Anciens demeurent indéterminés. L 'historien est donc obligé de

faire flèche de tout bois et de rechercher les textes qui lui manquent (et leurs contextes) là où ils se trouvent: dans les éditions des sources antiques, dans les

études consacrées à ces sources et à Héraclite et aussi dans les diverses éditions critiques des vestiges d'Héraclite . Pour lui faciliter la tâche, nous répertorions ces dernières ci-dessous, avec de brèves annotations. Il n 'est pas inutile de savoir que certains textes (réputés secondaires) connus des modernes au xixe s., mais omis ou négligés par Bywater 130 et Diels 132- 133, ont été complètement per dus de vue au XXe s. 125 H . Stephanus (H . Estienne), Moinois pilóoopoc. Poesis philosophica. Vel saltem Re liquiae poesis philosophicae Empedoclis, Parmenidis, Xenophanis, Cleanthis, Timonis, Epi

charmi. Adiuncta sunt Orphei illius Carmina qui a suis appellatus fuit ó Deódoyoc. Item Heracliti et Democriti loci quidam et eorum epistolae. Excudebat H . S ., s.l., 1573; p . 129- 155.

— Une quarantaine de fragments, certains avec les contextes des sources, disposés par cita

H 64

HÉRACLITE D 'ÉPHÈSE

605

teurs, dans un ordre apparemment arbitraire de ceux -ci, et huit des neuf lettres pseudo -héracli

téennes (IV à VIII, I à III). Sans numérotation , commentaire ou apparat.

126 F. Schleiermacher, « Heraklit der Dunkle von Ephesos dargestellt aus den Trümmern seines Werkes und den Zeugnissen der Alten > , Museum der Altertumswissenschaft 1, 1808 , p . 313 -533 = Id ., Sämmtliche Werke, t. III/2, Berlin 1838, 146 p. - 75 fragments, numérotés de 1 à 73 (les numéros 37 et 38 sont attribués deux fois ), disposés dans l'ordre d 'exposition de

la doctrine, avec commentaire critique et philosophique incluant de nombreux témoignages. 127 F . Lassalle , Die Philosophie Herakleitos des Dunklen von Ephesos. Nach einer neuen Sammlung seiner Bruchstücke und der Zeugnisse der Alten dargestellt, t. I-II, Berlin 1858 ; réimpr. en 1 vol. Hildesheim 1970 , XV + 379 (+ ) V + 479 p . — Monographie philosophique d' inspiration hégélienne incorporant unemine de textes fondamentaux et secondaires dont bon

nombre ont depuis été oubliés (cf. index). Pas de numérotation ,philologie parfois défectueuse. 128 F. W . A . Mullach, Fragmenta Philosophorum Graecorum . Collegit, recensuit, vertit, annotationibus et prolegomenis illustravit, indicibus instruxit F . W . A . M ., t. I, Paris 1860

(réimpr. Aalen 1960 ), p. 310 -329. — 96 itemsnumérotés de 1 à 96 incluant les 75 fragments

de Schleiermacher (même ordre de succession, numéros différents), les citations hippoly tiennes d 'Héraclite (editio princeps 1851) et des extraits du De uictu pseudo-hippocratique,

avec citation des contextes etde textes parallèles et traduction latine en bas de page. 129 P . Schuster, « Heraklit von Ephesus. Ein Versuch dessen Fragmente in ihrer ursprüng lichen Ordnung wiederherzustellen » , dans Acta Societatis philologicae Lipsiensis 3, 1873, p . IX -XVIII, 3 -398 . - Reconstruction commentée incorporant 145 items, y compris des extraits

du De uictu pseudo-hippocratique, numérotés de 1 à 140. Philologiquement et philosophique ment faible,maismérite d'être consulté compte tenu des bonnes idées épisodiques de l'auteur. 130 I. Bywater, Heracliti Ephesii reliquiae. Rec. I. B ., Oxford 1877 ; réimpr. London

1970, XVI + 90 p . — 138 fragments (les huit derniers spuria ) disposés dans l'ordre supposé de l'original avec, en bas de page , leurs divers contextes chez les citateurs, leurs paraphrases et réminiscences, et un apparat critique succinct, plus, en appendice, des éditions critiques de

(1) Diog. Laërce IX 1-17, (II) Hippocr. De uictu I 3 -24, (III) 2 fragments de Scythinos de Téos, (IV ) Lucien , Vit. auct. 14 , (V ) (Héraclit.), Lettres I-IX , et un epimetrum avec un extrait de Zosimus, De la vertu et de la composition des eaux. 131 H . Diels, Doxographi Graeci, Berlin 1879 ; 4e réimpr. 1965, X + 854 p. Ouvrage capi tal réunissant pratiquement toutes les sources doxographiques au sens strict (c'est-à -dire remontant à Théophraste et à la tradition des Placita et des Successiones) relatives (entre

autres) à Héraclite: “ Aétius” (c'est-à-dire (Plutarque), Placita et Stobée, Ecl. I en parallèle), Arius Didyme, Théophraste, Physic. Opin . et De sens. fragmenta, Cicéron , De deor, nai. I et Philodème, De piet. I (extraits en parallèle), Hippolyte , Philosophum . (= Ref. omn. haer. I) ,

Plut., Strom . fr., Épiphane, var. excerpta , (Galien ), Hist. philos., Hermias, Irris. gent. philos. Noter toutefois que pour nombre de ces textes il existe des éditions plus récentes et de qualité supérieure .

132 H . Diels, Herakleitos von Ephesos, griechisch und deutsch, Berlin 1901, XII + 56 p .; 2e éd . 1909, XVI + 83 p . et 133 Id., Die Fragmente der Vorsokratiker, griechisch und deutsch, Berlin 1903, p . 58 -89 (sans apparat) ; 2e éd., t. I, 1906 , p . 54 -87 (textes) ; t. II/1, 1907, p . VI,

VIII, 660 -667 (apparat); t. II/2, 1910, p. VII-VIII (iconogr.) ; 3e éd., 1912, t. I, p. 67- 113 ; t. II, P . IV (iconogr.) ; 4e éd ., 1922, t. I = 3e éd. plus p . XXIII-XXVI (suppléments ) ; 5e et 6e éd . cf.

supra Diels -Kranz 4 . Disposées dans l'ordre chronologique, ces éditions reflètent l'évolution du corpus réuni par Diels et complété ensuite par Kranz. Sauf celle de 1901 où les fragments (138 au total, numérotés de 1 à 137) viennent au début, sans sigle, et les témoignages consti tuent un supplément divisé en trois groupes : A (vie ), B (doctrine), C (imitations), l'ordon nance et la composition sont grosso modo celles que nous retouvons dans DK (où il y a 12

fragments et 14 témoignages et imitations de plus qu 'en 1901). Les éditions héraclitéennes séparées ont toutefois une Introduction intéressante (agrandie dans la deuxième) et des notes plus fournies (et non nécessairement identiques dans les deux éditions).

134 B. Snell, Heraklit. Fragmente, griechisch und deutsch, München 1926 , 40 p.; 2e éd. améliorée, 1940, 54 p. (nombreuses rééditions / réimpressionssans changements). Texte criti

HÉRACLITE D 'ÉPHÈSE

606

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que sans apparat et traduction originale de tous les fragments considérés comme authentiques (ordonnance et numérotation de Diels) et de quelques textes doxographiques etbiographiques, avec un Nachwort. Très commode à consulter en raison de son format réduit.

135 R. Walzer , Eraclito. Raccolta dei frammenti, Firenze 1939 ; réimpr.Hildesheim , 1964, VIII + 157 p . Espèce de croisement des éditions de Diels et de Bywater. Tous les textes A et B

du premier (sauf B 126A- B 128 et B 130 -B 139) sont reproduits et traduits avec, au -dessous, bref apparat, notes, contextes des citateurs, textes parallèles et renvois bibliographiques.

Ordonnance et numérotation de Diels (mais A 22 et B 129 sont devenus respectivement B 9A et B 127) . Demeure utile. 136 C . Mazzantini, Eraclito. I frammenti e le testimonianze. Testo e traduzione, Torino

1945, 312 p. Introduction monographique, texte critique des fragments estimés authentiques (sans contexte ) et des témoignages, avec traduction en regard et notes en bas de page, appen dices critico -exégétiques, notes bibliographiques, index des sources, des fragments, des noms.

Ordonnance et numérotation de Diels (mais B 129 est devenu B 127). Honnête et sérieux. Kirk 36 . Édition commentée de près d 'une cinquantaine de fragments supposés cosmo logiques. Les textes critiques, avec apparat et traduction , y occupent une place très modeste, en revanche le commentaire philologique et philosophique est pléthorique . Consciencieux , très érudit et bien informé sur la problématique et les travaux antérieurs, il est hypercritique, mé fiant, subjectif, raisonneur et plat dans son argumentation et ses conclusions. Vu son influence

exceptionnelle,mérite d'être attentivementétudié et critiqué. Marcovich 1 et 2. Fruit d'un prodigieux travail de collecte , sélection , critique et classement des textes pertinents, cette édition consiste en 124 fragments (dont 3 douteux et 10 inauthen tiques) présentés avec tous les contextes immédiats dans lesquels ils sont cités, ainsi que les

paraphrases et les réminiscences identifiables. N 'est traduit que le texte adopté du fragment. Sont omis les témoignages sur la vie et le livre et les témoignages sur la doctrine n 'ayant de

rapport avec aucun fragment - à l'exception de DK A 1 (9 -12), A 13, A 16 , A 18 - 19, eux

mêmes érigés au rang de fragments. L 'ordonnance et la numérotation sontnouvelles, fondées sur un classement thématique (25 groupes distribués entre trois parties : doctrine du logos, doctrine du feu, éthique-politique et divers). Le commentaire philologique et exégétique est

sommaire , peu original et plutôt dogmatique et tributaire du mainstream Reinhardt-Kirk

Guthrie. Cf. compte rendu de 1 dans 137 Mypabbel, VDI 1970, n° 4/114 , p. 162- 171.

Mondolfo-Tarán 3. Fait pendantà Marcovich 2 et ne contient que lestémoignages et imita tions : les textes A 1 à A 23 de DK (avec de nombreux compléments) et un chapitre refondu

d'imitations C 1 à C 16 (incorporantDK C 18 C 5), édités par Mondolfo, plus une édition nouvelle complète des Lettres pseudohéraclitéennes,préparée par Tarán. Tous les textes sont traduits et abondamment commentés. Une introduction longue de près de 200 p. reproduit

quatre articles de Mondolfo sur les témoignages antérieurs à Platon et ceux de Platon et Aristote. La documentation est riche, la philologie hésitante (excepté pour les Lettres), l'exé gèse généreuse et confiante . Cf. compte rendu dans 138 Mypabbeb, VDI 1974, n° 2/128, p. 194 -203.

139 J. Bollack et H . Wismann, Héraclite ou la séparation , Paris 1972, 407 p . Édition très peu canonique, réfléchie mais fort sujette à caution , des fragments sans contextes, avec intro duction, traduction et commentaire critique, linguistique et exégétique. Numérotation et

ordonnance selon DK (mais 34 fragments astérisqués en tant qu 'inauthentiques et 8 amputés d 'une partie de leur texte ) ; cf. compte rendu détaillé dans 140 Mouraviev , « Comprendre

Héraclite » , L 'Age de la science, 3, La philosophie et son histoire, Paris 1990, p. 184 -211.

141 Ch. H .Kahn, The art and thought of Heraclitus, Cambridge 1979, XIV + 354 p. Édi tion critique et traduction avec commentaire philosophique détaillé des seuls fragments, sans les contextes, disposés dans un ordre nouveau reproduisant l'ordre supposé de l'original.

Numérotation nouvelle des 125 fragments considérés comme authentiques (10 autres frag ments douteux ou inauthentiques figurent en anglais dans un appendice). Texte critique selon Marcovich 1 = 2, avec écarts occasionnels par rapport à lui et à DK signalés dans un apparat

succinct. L 'intérêt principalde cette édition est dans les deux caractéristiques essentielles de

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son commentaire : (1) la grande importance prêtée dans le titre du livre et dans un chapitre

spécial, contrastant malheureusementavec le peu de place qui luiest réservé dansle commen taire proprement dit, à la forme littéraire condensée et intentionnellement ambiguë du livre

d'Héraclite , et (2) le traditionnalismemodéré etgénéralement justifié des interprétations phi losophiques .

142 C . Diano et G . Serra , Eraclito . I frammenti e le testimonianze, (Milano ) 1980, XX + 214 p . (Euvre posthume inachevée du premier des deux auteurs ,mort en 1974, – le second a complété le commentaire, rédigé l'apparat critique et dressé les tables de concordance et l'index des mots -, c 'est une édition critique avec traduction de 126 fragments considérés

comme authentiques (sans contextes) et une traduction (sans texte grec) de 61 témoignages bio- et doxographiques (dont 16 absents dans DK ). L 'ordre et la numérotation des textes (fragments et témoignages) sont nouveaux et la disposition des fragments se rapproche fort d'une reconstruction ,malheureusement inexplicite et non argumentée, du livre. Le commen

taire de Diano (textes 1 à 14 ) etde Serra présente un intérêt philologique et exégétique certain . 143 G . Colli, La sapienza greca , t. III , Eraclito , Milano 1980 , 216 p. Euvre posthume in achevée, elle aussi, cette édition reproduit pratiquement, grâce aux soins de D . Del Corno , l'état du travail au moment où il fut interrompu par la mort de l'auteur, survenue en 1979. Elle se compose de : 121 fragments textuels (parfois avec contexte minimal) numérotés A 1 -A 121

dans l'ordre nouveau (en fait, un mélange savant) où Colli les avait disposés, 18 témoignages

doxographiques les plus anciens numérotés A ' 122-A ' 139, dans l'ordre non -définitif où ils étaient disposés à sa mort, et de 8 textes numérotés BI- B 8 présentés comme postérieurs ou

de tradition incertaine, dans un ordre définitif. Chaque texte est traduit et doté d 'un apparat avec renvois à des textes parallèles, variantes manuscrites les plus importantes et nomsdes auteurs des amendements acceptés, et d 'une bibliographie. Le commentaire se compose des

ébauches laissées par Colli et d 'extraits pertinents de ses écrits antérieurs.Malheureusement, ce travail est philologiquement faible et subjectif, comporte des erreursmatérielles et se fonde sur une bibliographie très insuffisante. Il n ' en présente pasmoins, vu la personnalité de l'au

teur et à condition d 'en vérifier les données de base, un intérêt incontestable en tant que source d' idées et d 'approches originales. 144 M . Conche, Héraclite . Fragments, Paris 1986 , 496 p . Édition critique commentée de 149 fragments sans contextes dont 136 considérés comme authentiques, numérotés de 1 à 136 et disposés dans « l'ordre même de la recherche» . Commentaire philologique aléatoire, com mentaire philosophique intéressant, mais souvent hypothéqué par les insuffisances de la philo

logie. Pour un compte rendu détaillé, cf. 140, p. 212-232. Mouraviev 16 est un projet ambitieux et de longue haleine appelé à combler les lacunes dont il a été question supra, mais dont les deux volumes parus (17 , 18 ) ne donnent encore

qu'une idée très incomplète.

III.LA DOCTRINE ?

1. La crise actuelle des études héraclitéennes. Au début de ce siècle, 145 O . Spengler, Heraklit. Eine Studie über den energetischen Grundgedanken seiner Philosophie , Halle 1904 , réimpr. dans 146 Id ., Reden und Aufsätzen, München

1961, p. 2-4, déplorait que les interprétations antérieures erronées d'Héraclite ,au nombre de neuf, eussent quasiment épuisé toutes les possibilités et qu 'il n 'en restât plus qu 'une: la bonne, qu 'il allait justement énoncer. Au milieu de ce siècle , dans son Prólogo à la traduction espagnole de cette thèse, 147 Id ., Herá clito, Buenos Aires 1947, p . 13 -84 , R .Mondolfo ne put s'empêcher de réfuter

cette opinion , en résumant onze interprétations plus récentes que celle de Spen gler. Et cette prolifération d'interprétations différentes, souvent mutuellement irréductibles et inconciliables, s'est tant et si bien poursuivie jusqu 'à nos jours

que serait bien téméraire celui qui voudrait, aujourd 'hui, en dresser un inventaire

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tant soit peu complet. Chose plus grave, les divergences, loin de diminuer, se multiplient, s'approfondissent et portent non seulement sur la doctrine propre

ment dite ,mais aussi et toujours davantage sur le texte , sur des questions de philologie telles que l'existence et la philosophicité du livre, l'existence d'un

texte continu et d'un système cohérent, l'authenticité de nombreux fragments,

leur degré de littéralité, leur leçon correcte , leur structure syntaxique, la signifi cation des mots, etc., si bien qu 'il n 'existe actuellement pratiquement aucun fragment, aucun témoignage, aucun point de doctrine sur lequel il y ait un

consensus réel, dont la leçon , le sens et la portée ne fassent pas problème et soient solidement établis. Si, au XIXe siècle , l'objet des débats était le sens philo sophique à prêter à un corpus de textes relativement stable et fixe, aujourd 'hui ils portent avant tout sur la composition et le contenu matériel de ce corpus, qui

deviennentde plus en plus tributaires du « sens» qu 'on souhaite y trouver. Bref, il est grand temps de dresser un constat d'échec : 190 années après

Schleiermacher,malgré des acquis indubitables,les études héraclitéennes en sont toujours au stade des tâtonnements , des piétinements, du guesswork . D 'abord

purement exégétique, celui-ci a peu à peu gagné les fondements philologiques de l'interprétation, si bien qu 'on ne sait même plus ce qu'au juste on interprète.

Tout cela ne peut signifier qu'une chose, que l'« héraclitologie » n 'a toujours pas débouché sur une méthode tant soit peu adaptée à ce qui fait l'originalité des

vestiges de la pensée d'Héraclite et, faute d'une telle méthode adéquate à son objet, elle en arrive parfois à enfreindre les règles de toute philologie . Outre deux articles que nous avons nous-même consacrés à ce sujet (148 Mouraviev, « Comment interpréter Héraclite : vers une méthodologie scientifique des études héracli téennes » , dans Boudouris (édit.) 52 , p . 270 -279, et Id . 140 , passim ) nous ne pouvions, avani

1998 , n 'en signaler qu 'un seul autre : 149 T .M . Robinson, « Methodology in the reading of Heraclitus » , dans Boudouris (édit .) 52, p . 344 - 352 . La parution toute récente de la volumi neuse monographie de 150 G . L . J. Schönbeck , Sunbowl or symbol : Models for the interpre tation of Heraclitus ' sun notion , Amsterdam 1998 , XLVIII & 436 p ., où le problème du soleil

d'Héraclite sert demotif à une vaste enquête épistémologique etméthodologique sur les multi ples procédures cognitives et domaines du savoir (et de l'ignorance)moderne auxquels l'histo

rien de la philosophie archaïque antique devrait faire – mais ne fait pas – appel pour atteindre son but, rétablit quelque peu l'équilibre et suggérera inconstablement des approches nouvelles prometteuses aux chercheurs de demain , mais les formidables exigences qu 'elle formule vis -à vis de cette recherche et les conclusions extrêment pessimistes auxquelles elle aboutit malgré

elle s'agissant de la faisabilité desmodèles proposés, risquentde décourager plus d'une voca tion « héraclitologique » .

Aussi brûlant qu'il soit, il ne saurait être question de traiter , dans un article de

dictionnaire , un problème aussi difficile et encore si peu élaboré.Mais nous croyons utile de définir ici quelques axes importants de la recherche qui sont

encore soit négligés, soit presque totalement inexplorés. Ce sont, primo, la mise au point graduelle d 'une méthode spécialement adaptée au cas Héraclite ; secundo, l'édition et l' étude systématique de la tradition ; tertio, l'extraction de

toute l' information pertinente que cette tradition renferme; quarto , l'analyse et la synthèse de la forme poétique des fragments du livre et, quinto, la reconstruc tion du livre et de la doctrine .

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2. Principaux axes de la recherche. Méthode et déontologie. Abstraction faite de règles déontologiques universelles absolument évidentes, mais nonobstant à tout bout de champ enfreintes (comme: a . la nécessité de connaître non seulement la littérature germanophone ou anglophone des trente

dernières années,mais encore toute la littérature moderne et ancienne pertinente , quelle qu 'en soit la langue ; b. l'obligation de juger les résultats d'autrui, et les siens, à la qualité des procédures suivies et des arguments avancés, et non en fonction du prestige de leur auteur ou de leur convenance subjective ; c. le devoir

d 'éviter les formules floues du genre likely-unlikely et d'argumenter explicite ment et par le menu toute solution adoptée, défendue, etc .), les études héracli téennes doivent se plier à toute une série d'exigences découlant de la nature même de leur objet. Cet objet se compose de textes, ce qui implique une certaine déontologie philologique. Ces textes relèvent de la philosophie , d'où s'ensuit le besoin d 'une déontologie et d 'une méthodo

logie herméneutiques. La philosophie en question est on ne peut plus archaïque, fait qui ne peutmanquer de susciter des interrogations quant aux formes de sa philosophicité et se réper

cuter sur le choix des moyens pour la dégager. Cette philosophie s'exprime de surcroît dans une langue morte, constatation qui nous ramène dans la sphère philologique et pose le pro

blème de la récupération du sens linguistique immédiat, sans lequel il serait vain de vouloir comprendre le sens profond. Enfin , elle nous est parvenue dans un état fragmentaire, lacuneux,

parfois déformé ou corrompu , toujours privé de contexte, et cela nous place devant la néces

sité de débarrasser d 'abord les débris archéologiques rescapés de la gangue qui les recouvre , puis de reconstituer l' ouvrage à partir de ces débris . Il suffit de garder cette situation en tête pour comprendre qu 'ignorer toutes ces distinctions et utiliser en vrac une partie (aussi impor tante soit-elle) des sources à l' état vierge, avec ce qu 'elles semblent vouloir dire ( et ce à un niveau sémantique indéterminé) dans le contexte du citateur, ou au contraire abstraction faite

de ce contexte, et reconstruire la doctrine du philosophe à partir de là , en s'aidant de son « bon sens» , de son « bon goût» , de son Sprachgefühl (concept vide de sens s'agissant d'une

langue morte) et de l'autorité de ses prédécesseurs (qui se servaient des mêmes « critères » ),

relève de la plus pure utopie .

Il est donc indispensable d' élaborer une méthode, c'est-à-dire d’établir d'abord, et de proclamer, les rapports de valeur, d 'importance et de préséance méthodologique et logique qui conditionnent et justifient toutes les procédures pertinentes afin de pouvoir, ensuite , s'y conformer légitimement et en tirer argument en faveur des résultats obtenus. Les paragraphes suivants ne font que

décrire certaines pratiques quidécoulentde la méthode dont nous nous sommes nous-même doté.

Cette méthode est fondamentalement philologique, elle accorde la priorité à la lettre du texte par rapport à son contenu, et ceci de propos délibéré : mieux la lettre sera établie et plus se rétrécira la liberté d'interprétation du contenu , moins l'on sera tenté par les mirages post modernistes et destructivistes. Ce n 'est qu 'ensuite qu 'entreront en jeu les critères des contenus locaux (les divers thèmes), de la cohérence interne (la structure du livre ), du contenu global (le

« système» ), du contexte noologique (mythologique, scientifique, philosophique) antérieur et contemporain , etc . Prendre pour point de départ un thèmeparticulier (e.g. le soleil d'Héraclite ) en le détachant du reste, et vouloir l'analyser, en renonçant consciemment à tout établissement préalable du matériel textuel, comme le fait Schönbeck 150 passim , revient, nous semble -t-il, à élargir inutilement et au -delà de toute mesure l' éventail des approches et des interprétations possibles, à engendrer d 'innombrables interférences et réverbérations fortuites et non avérées

quine font qu 'accroître le bruit,et finalement à noyer dans ce bruit le contenu original recher ché. Plutôt que et avant de multiplier les approches analytiques etles distinctions sémantiques

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subtiles et de faire appel aux lumières de diverses autres sciences modernes, il convient d 'écarter ou de valider d 'abord tout ce qui peut l'être philologiquement au niveau de l' écriture

(graphie, « orthographie » , paléographie , codicologie ), de la transmission et de la critique du texte (élimination des erreurs de copiste, comblement des lacunes, analyse du contexte du cita teur ), de la langue (identification des critères de littéralité , des structures linguistiques et supralinguistiques, établissement du sens superficiel) , de la tradition prophorique et doxogra

phique (comparaison des variantes d 'un même fragment, évolution d 'une information sur la

doctrine), etc . Ce qui suit ne concerne que ces priorités-là.

Étude systématique de la tradition. Avant d'utiliser les sour ces, il faut, d'abord, les avoir toutes réunies, et ensuite les avoir toutes comprises

(et, si nécessaire et possible, établies) en tant que sources. Autrement dit, il faut savoir tout ce qui a été dit d'Héraclite , tout ce qu 'on lui a prêté comme citations et opinions, sans préjuger aucunement de la valeur historique et de la signifi cation originelle de ces informations. C 'est le stade de la critique des sources et des citations. Il suppose la préparation d'une édition complète et un travail d'interprétation systématique de la tradition héraclitéenne en tant que tradition . Tel est l'objectif de la deuxième partie, Traditio Heraclitea, de Mouraviev 16, dont un premier fascicule (cf. id . 18 ) est déjà paru et qui contiendra , outre une édition de tous les

textesde la tradition, un commentaire philologique et « pégologique » .

Recension des informations pertinentes. Une fois les sour ces réunies et interprétées pour elles-mêmes, il faut en extraire tout le métal pré cieux. Celui-ci se subdivise assez naturellement en trois catégories : les témoi gnages historiques sur la vie et le livre d'Héraclite ; les opinions qui lui sont prêtées ; les citations de son livre. Si ces dernières, commenous l'avons vu , ont eu droit à d ' innombrables éditions, les secondes et les premières ont été fort

négligées. Hormis la section A de Diels 132- 133 = Diels-Kranz 4 (et ses multiples reproductions), il n ' existe que Mondolfo - Tarán 3 et, pour les témoignages sur la vie et le livre , Mouraviev 9

(près de 150 items contre 12 dans DK et 13 dansMondolfo) avec les commentaires de 10 - 12 . La troisième partie de Id . 16 , Recensio Heraclitea, s'ouvrira par une nouvelle édition augmen

tée de 9 -12,Memoria, qui sera suivie par une édition systématique des témoignages sur la doctrine, les Placita .

Mais même les éditions existantes des fragments, malgré leur nombre, ne répondent pas à des critères méthodologiques sains. En fait, elles sont souvent,

chacune, la combinaison contre nature d 'une édition de certaines sources (les citations prises dans leurs contextes), d'une édition des fragments que ces sources renferment (les citations abstraction faite de leurs contextes) et d'une exégèse des contenus doctrinaux des fragments replacés en quelque sorte dans

leur contexte originel supposé (l'ordonnance, les traductions, le commentaire). C 'est ainsi que le texte n° la de Marcovich, 1 ou 2 , est à la fois une édition de Sextus, Adu. math. VII 132 (contexte), du fr. B 1 (la citation y est « corrigée » compte tenu de trois autres sources : Hippolyte, Clément, Aristote ) et de l' interprétation de ce dernier par Marcovich

(traduction et commentaire).

Une véritable édition des fragments ne peut résulter que de la confrontation (après établissement, dans l'édition des sources, de leur lettre et de leur sens pour les citateurs) (1) des diverses versions d'un même fragment, en vue d'en établir le texte le meilleur, et (2) de tous les fragments entre eux , en vue d 'en établir ,

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dans le commentaire, les paramètres linguistiques et stylistiques. Elle doit éviter deux choses : faire double emploi avec l'édition des sources (ce qui n 'exclut pas

des retours à celles- ci dans le commentaire) et prétendre à un contenu philoso phique définitif. C 'est le stade de la critique externe et interne des fragments en

tant que fragments du livre perdu. L'édition commentée des fragments constituera le troisième élément, Fragmenta Heracliti, de la troisième partie deMouraviev 16 et sera peut-être suivie d 'un quatrième élément, Fontes Heracliti, réunissant les textes, d'Homère à Simonide, dont Héraclite a pu lui-même s'inspirer.

3. La poétique des fragments. L 'établissementdes paramètres linguistiques et stylistiques des fragments (en réalité , il s'agit ni plus nimoins de la poétique héraclitéenne en tant que principalmoyen d 'expression de sa doctrine) est une

tâche d'autant plus brûlante qu 'elle a été complètement négligée par lemain stream des études héraclitéennes avant Kahn 141, et cela malgré son rôle abso

lument crucialpour les recherches futures, et demeure toujours une terra inco gnita pour la plupart des chercheurs. On trouvera donc ci-dessous, d'abord une bibliographie assez complète des travaux existants (mais ignorés par la grande

majorité des modernes) où ce sujet est abordé, et ensuite, une brève caracté ristique du phénomène lui-même. 151 E . Warmbier, Studia Heraclitea, Thèse, Berolini 1891, passim (figures de rhétorique); 152 E . Norden , Die antike Kunstprosa. Vom VI. Jahrhundert v. Chr. bis in die Zeit der Renais sance, t. I, Leipzig 1898 ; 5e éd . Hildesheim 1958, p. 18 -44 (antithèses, jeux de mots, mètre) ; 153 W . A . Heidel, « On certain fragments of the Presocratics » , PAAAS 48 , 1913, p . 708 -713

(mètre); 154 A . W . De Groot, Der antike Prosarhythmus, t. I, Groningen -Haag 1921), p. 29 30 (mètre ) ; 155 B . Snell, « Die Sprache Heraklits » , Hermes61, 1926 , p . 353- 381 = 156 Id .,

Gesammelte Schriften, Göttingen 1966 , p. 129-151 (nature poétique) ; 157 J. Haberle , Unter suchungen über den ionischen Prosastil, Inaug.-Dissert., München 1938 , passim (poétismes,

néologismes, images, parataxe, expressions polaires, antithèses); 158 G . Rudberg, « Heraklei tos und Gorgias » , dans Serta Eitremiana. Opuscula philologica S. Eitrem septuagenario

oblata , Osloae 1942, p . 128 -140 (figures gorgiennes); 159 J.D . Denniston , Greek prose style, Oxford 1952 ; 1965, p . 2 - 3, 74 , 103, 127, 136 - 137 (allitérations, jeux de mots, répétition ,

chiasme, asyndète, consonance); 160 U . Hölscher, « Der Logos bei Heraklit », dans Varia Variorum . Festgabe für Karl Reinhardt, Münster-Köln 1952, p . 72 -75 Id . 61, p. 136 - 141

(paradoxe, énigme, comparaison) ; 161 C . Schick, « Studi sui primordi della prosa greca »,

ArchGlottltal40, 1955 , p . 111-121 (antithèses, archaïsmes, déverbatifs, phrases nominales, images, ordre des mots, participes, répétitions, consonances, composition en anneau, etc.); 162 K . Deichgräber, « Rhythmische Elemente im Logos des Heraklit » , AAWMIGS 1962,

p. 477-552 = Rhythmische Elemente im Logos des Heraklit, Wiesbaden 1963, 76 p. (mètre); 163 G . S . Kirk , « Heraclitus's contribution to the development of a language for philosophy » ,

ABG 9, 1964, p. 73-77 ; 164 E . A . Havelock, « Pre- literacy and the Pre-Socratics », BICS 13, 1966 , p . 54- 58 (tradition orale et novation écrite ) ; 165 S . Lilja , On the style of the earliest

Greek prose, coll. « Commentationes Humanarum Litterarum » 41/3, Helsinki 1968, passim (poétismes,mètre, alliterations, répétitions, paronomases, chiasmes, hypotaxe, etc.) ; Hölscher 62, p . 144 - 149 (comparaisons et style gnomique) ; 166 M . Schavernoch , Studien zur Sprache

Heraklits. Thèse, Wien 1968 , 75 p. (antithèses, expressions polaires, participes, ordre des mots , chiasmes, parallélismes, compositions en anneau, paronomases) ; 167 G . Romeyer Dherbey, « Le discours et le contraire. Notes sur le débat entre Aristote et Héraclite au livrer de la Métaphysique » , EPh 1970, p . 475 -497 (rapport entre forme linguistique et doctrine) ; Bollack -Wismann 139 (cf. index Formes de langue ) ; 168 Mypabbel, «Cuina6OTOHNYHOCT PUTMUYECKoń mposh ſepakjuta 30ecckoro [Le syllabotonisme de la prose rythmique d'Héraclite d 'Ephèse ) » , AHMU4Hocmo u coopeMeHHOCMb. K 80 - nemulo Dedopa

AnekcaHôpobura ſlemposckozo ,Mockba 1972, p. 236 -251; Kahn 141, p. 87 -95 (densité lin

Η 64 HÉRACLITE D 'ÉPHÈSE 612 guistique, résonance) et cf. index ; 169 E . Tagliaferro, « Tipologia del paragone eracliteo » dans Rossetti (édit.) 49, t. I, p . 169- 180 ; 170 E . A . Havelock, « The linguistic task of the Pre

socratics », dans 171 K . Robb (édit.), Language and thought in early Greek philosophy, La Salle 1983, p. 33-36 et passim ; 172 K . Robb, « Preliterate age and the linguistic art of Heracli tus » , dans Id . ( édit.) 171, p. 153 -206 ; 173 Mouraviev, « Crux eruditorum : le dossier du fr. B 26 DK d 'Héraclite » , dans La philosophie grecque et sa portée culturelle et historique, Moscou 1985 , p. 85 -89, 99- 114 ; 174 MypaBBeB, « CκpHTav rapMOHMν . ΠοπΓοTOBYTenbHKe MaTepaΠΗ κ οπMcaΗΜΟ ΠΟ3ΤΜκM ΓepaκπMTa Ha ypoBHe φοHeM [ L ' harmonie cachée. Mate riaux préparatoires pour la description de la poétique d 'Héraclite au niveau des phonèmes » ,

dans Παλeoβαλκακucmuκα μ ακmu Hormo, MocKBa 1989, p. 145-164 ; 175 Mouraviev, « Le

dossier du fr. B 21 Diels -Kranz d'Héraclite d'Éphèse » , REG 104, 1991, p. 70-75, 80 -82 ;

176 V. Tejera, « Listening to Heraclitus », Monist 74, 1991, p. 491-516; 177 Ε . Ε. Pels, Vormen van opspraak – taal- en denkstructuren bij Herakleitos (thèse ), Amsterdam 1992, 280

p.; 178 A . Chitwood, « Heraclitus αινικτής. Ηeraclitus and the riddle », SCO 43, 1993, p. 49 61 (philologie nulle ) ; 179 A . Iannucci, « La obscuritas della prosa eraclitea » , Lexis 12 , 1994 ,

p . 47-66 ; 180 R . Dilcher, Studies in Heraclitus, Hildesheim 1995, p. 99- 139 ; 181 C .J. Classen, « Beobachtungen zur Sprache Heraclits» , Philologus 140, 1996 , p. 191-200 . Cette liste est loin d 'être exhaustive,mais contient le plus important de ce que nous avons trouvé sur le sujet.

Malgré le nombre impressionnant de ces travaux et la reconnaissance crois sante, ces quinze dernières années, du rôle que la poétique héraclitéenne est appelée à jouer dans l'exégèse de sa doctrine, son étude n 'en est qu 'à ses pre miers balbutiements. Pour le démontrer, nous allons citer ci-dessous quelques exemples (un par figure ), la plupart inédits avant nous, de certaines des nom breuses configurations poético -rhétoriques dont son texte est saturé.Nous sui vrons grosso modo l'ordre phonétique → morphologie → sémantique. Faute de place, nous ne précisons pas les effets des structures dégagées sur le contenu final total des textes concernés,mais tenons à en souligner la réalité et l'impor tance herméneutique.

Tout d'abord, au niveau prosodique, les fragments textuels héraclitéens se distin guent par la cohabitation en eux de deux rythmes, l'un syllabotonique (ex . 1 ) , s 'étendant à la

totalité du texte , l'autre quantitatif (métrique) se manifestant sous forme d 'incrustations dac tylo -spondaïques (ex. 2 ) ou jambo -trochaïques occasionnelles (ex . 3 ) – nous en avons dénom bré près de 70 .

Ex. 1 (B 1), rythmesyllabotonique etcôlométrie: του δε λόγου τούδ(ε) εόντος | αιεί

Ο ο ΧοOoXolo X

αξύνετοι γίνονται άνθρωποι και πρόσθεν ή ακούσαι

οΧοοΧοοΧοο ο ΧοΟο Χο

κ( αι) ακούσαντες το πρώτον

οΧο Ο ο Χο

γινομένων γάρ πάντων κατά τον λόγον τόνδε απείροισιν εοίκασι πειρώμενοι κ αι) επέων και έργων τοιούτων όχοίων εγώ διηγεύμαι διαιρέων κατά φύσιν και φράζων όπως έχει τους δ(ε) άλλους ανθρώπους λανθάνει οχόσ( α) εγερθέντες ποιούσιν όκωσπερ

ο ο ΧοοΧο

ο Ο ο ΧοΧο

ο ΧοοοΧοο ο Χοο οΧοοΧοοΧο

ο ΧοοΧοοΧο οοΧοοΧο ο Χο Ο ο Χο οΧοοΧοοΧο

οΧοο Χο ο Χο Χοο

HÉRACLITE D'ÉPHÈSE

Η 64 15

όχόσα εύδοντες

16

επιλανθάνονται

Cola isosyllabiques:

613 ο ΧοΧοο

ο Ο ο Χοο 1 = 2 (10 syllabes), 8 = 9 = 12 = 13 = [14 + 15] (9 syllabes), 3 = 4 = 5 = 6 = 10 = 11 (7 syllabes), 15 = 16 ( 6 syllabes).

Cola isorythmiques: 3 = 4 ; 5 = 10 ; 6 = 11 ; 8 = 9 = 12 = 13 ; 15 = 16. Syncola isosyllabiques: 3 + 4 = 5 + 6 = 10 + 11 (14 syllabes), 8 + 9 = 12 + 13 (18 syllabes).

Syncôla isorythmiques: 5 + 6 = 10 + 11.

Ex.2 (B 26 )mètre dactylo -spondaïque: άνθρωπος εν ευφροσύνηι φάος άπτεται έαυτώι

(- 1- cc 1 - ccI- CI – cc |- -)

Ex. 3 (B 91, Plat. Crat.402A)mètre iambique: δις ες τον αυτόν ποταμόν ουκ αν έμβαίης

( c - c - | - cc c - Tc - c -)

Ensuite , au niveau phonique, les fragments héraclitéens affichentnon seulement des allitérations (ex. 4 ) – on en a répertorié dans une cinquantaine de fragments - et des homéoté leutes (ex. 5 ) - leur nombre n 'est que de peu inférieur à celuides alliterations -,mais aussi de fréquentes consonances phoniques mixtes et complexes (ex. 6 et 7), voire des structures pho niques aussi recherchées que les consonances palindromiques (ex. 8 ) dont nous avons identi

fié près d 'une dizaine.

Ex.4 (B 21)système allitératif : θάνατός εστιν οκόσα εγερθέντες ορέομεν (1) h- e- h- e- h h - he- h όχόσα δε εύδοντες ύπνος Ex. 5 (B 22) systèmede rimes internes: χρυσόν γάρ οι διζήμενοι γην πολλήν ορύσσουσι και ευρίσκουσιν ολίγον

-on 1 -oj-oj 1-ên -ên 1 -usi -usi-| -on Ex.6 (B 1) consonancemixte : κατά φύσιν και φράζων

ka- ph -n I ka - ph- n

Ex. 7 (B 23) consonance complexe :

δίκης άνομοι ούκ άν έδησαν d -kês an - omo - -k an - dêsan

(legon demontrée dans 182 Mouraviev, Hermes 101, 1973, p. 114-117, cf.Ιd. 140, p. 204 -205, 225).

Ex. 8 (B 9) consonance palindromique:

όνοι σύρματ’ αν έλoιντο μάλλον ή χρυσόν onoj syrmat ' an helojnto mâllon ê khryson

HÉRACLITE D'ÉPHÈSE

614

Η 64

Quelque part à la charnière entre le niveau phonique et tous les autres, on trouve l'ana gramme (ex. 9 ).

Ex. 9 ( Β 22): kaj hewriskouşin oligon KH RYSON

Il s'agitnaturellement de la solution de l'énigme oriyov ti; Si nous passonsmaintenant dans le domaine morphologique, nous y trouvons d’innom brables répétitions : de morphèmes (morphophones et morphosèmes) grammaticaux, de

thèmes et de radicaux, de vocables-types, de vocables-formes, de lexèmes. Ces répétitions s'articulent sur l'axe syntagmatique pour constituer des figures telles que le parallélisme (ex.

10), le chiasme (ex. 11), l'anneau ( ex . 12) et diverses configurations doubles (ex. 13) ou mixtes (ex. 14 ).

Ex. 10 (B 61) parallélisme(morphémique, grammatical et sémique — syntaxique) : θάλασσα I ύδωρ ( καθαρώτατον Ι και Ι μιαρώτατον ιχθύσι

|

ανθρώποις

μεν Ι

δε

πότιμον άποτον

Ι και Ι σωτήριον Τ και Τ ολέθριον

Ex. 11 (B 21) chiasme (morphémique, grammatical et sémique) : θάνατός έστιν οκόσα δρέομεν όχόσα δε εγερθέντες

ύπνος

εύδοντες

Ex. 12 (B 79) anneau (lexical) :

ανήρ νήπιος ήκουσε πρός δαίμονος όκωσπερ παίς πρός άνδρός Ex. 13 (B 90) parallélismelexical doublé d'un chiasmegrammatical : πυρός

ανταμείβεται

και πυρ

πάντα απάντων

Génitif Verbe Nominatif conj.Nominatif (Verbe)Génitif

Dans la seconde partie du fragment la situation est inverse: chiasme lexical et parallélisme grammatical :

όκωσπερ χρυσού χρήματα καιχρημάτωνχρυσός Nominatif

Conjonction

Génitif T

Conjonction

Génitif T Nominatif

HÉRACLITE D 'ÉPHÈSE

Η 64

615

Ex. 14 (B 36 ) double parallélisme grammatical et, partiellement, lexical doublé d'une ordonnance palindromique et d 'un anneau lexicaux (rhizomiques) :

ψυχήισι

γάρ

ύδατι

δε

εκ

γής

εξ

| ύδατος

Ι

θάνατος I

ύδωρ

γενέσθαι

θάνατος

γήν

γενέσθαι

δε

ύδωρ

δε

ψυχή

γίνεται (γίνεται)

ψυχ γάρ θάνατ

ύδ-(τ) γιν- γεν ύδ- τ

δε θάνατ

γή

γιν- γεν εκ

γή

ύδ-(τ)

γινεξ γεν ύδ-( τ) δε

- ψυχ Le niveau syntaxique héraclitéen se distingue avant tout par ses « ambiguïtés» (polypho nies seraitun terme plus approprié), autrementdit par la coexistence simultanée dans un même texte de deux ou plusieurs structures syntaxiques homonymes alternatives. Mais comme les « ambiguïtés » héraclitéennes ne sont pas toutes syntaxiques, nous allons en donner d 'abord

des exemples relevant de la prosodie (ex. 15, 16 ), de la graphie (ex. 16 , 17), de la morphologie (ex. 18) et du lexique (ex. 19).

Ex. 15 ( Β 81): Γ'occurrence κοπίδων correspond a deux vocables-types κοπις accentués différemment et signifiant l'un 'menteur' et l'autre 'poignard à immoler'.

Ex. 16 ( Β 48):la graphie ΒΙΟΣ , νu son contexte, designe a la fois βίος et βιός et est ora lement imprononçable .

Ex. 17 (B 67): la graphie AMOIOYTAI se prête à deux lectures contradictoires : άλλοιούται “change ” et αλλ' οιούται “ mais demeure un ”.

Ex. 18 (Β 108): OTI correspond a la conjunction ότι et au relatif ό τι. Ex. 19 (B 25): les valeurs (opposées) de uópoi etuoipaç peuvent être permutées. Les «ambiguités » Syntaxiques sont également de plusieurs sortes. Il yales από κοινού, quand un même mot se rapporte à la fois au membre antérieur et au membre postérieur de la phrase (ex. 20 ), les propositions où sujet et attribut, sujet et objet sont intervertibles (ex . 21) , les propositions à ellipses admettant plus d 'une lecture (ex . 22 ) et enfin les propositions indé

terminées, qui sont de deux espèces: indétermination due à la possibilité d'un grand nombre de structures alternatives (ex . 23) et indétermination due à l'absence de toute structure syn

taxique identifiable (ex . 24 ).

616

HÉRACLITE D' ÉPHÈSE

H 64 Ex. 20 (Β 112): double rattachement possible de και σοφίη et και ποιείν, ce qui permet

quatre syntaxes différentes.

Ex. 21 ( Β 35): les groupes πολλώνίστορας et φιλοσόφους άνδρας peuvent etre interpre tés comme sujet et attributou attribut et sujet. Cf.Mouraviev 140, p . 208 .

Ex. 22 (B 1, dernière phrase ): la comparaison peut être traduite comme ils oublient tout ce qu 'ils font en dormant ou comme leur échappe tout ce qu 'ils oublient en dormant. Cf.Moura

viev 140, p . 208. Ex. 24 ( Β 32) : έν το σοφόν μούνον λέγεσθαι ουκ εθέλει και εθέλει Ζηνός oύνομα. (1) λέγεσθαι peut etre regi par les deux verbes ούκ έθέλει και εθέλει ou seulement par ουκ éénel et régir à son tour un des nominatifs/accusatifs du début, (2 ) Znvós ouvoua peut être non un accusatif interne, ou de spécification , dépendant de Néyeolat, mais l'objet direct du second ééel, (3) les deux verbes régissant des éléments nominaux différents peuvent aussi avoir des sujets différents : un des nominatifs/accusatifs neutres du début pour le premier et

Znvós oůvoua pour le second ; (4 ) en outre, dans chacun de ces trois cas : a . le sujet et le régime/attribut peuvent être intervertis ; b . Hoővov peut aller soit avec to 000ov , soit avec

Néyeobal et être interprété soit comme un adjectif (substantivé ou non : " seul” , “ le seul" , " l'unique" ), soit comme un adverbe (“ seulement" , " uniquement " ) ; c . les trois ou quatre pre miers mots peuvent constituer une attributive indépendante signifiant Le sage est (seulement) un . Il en résulte la possibilité théorique de 18 interprétations syntaxiques différentes du frag ment et d'un nombre important de lectures différentes de son contenu. Cf. Mouraviev 140 ,

p . 209-210 et n . 41, id . 17 , p . 16 n . 1 , id . 184 (infra) p. 155- 164, 174, id. 183 (infra ) p . 370 385. Ex . 24 ( B 26 ) absence de toutmarqueur du découpage syntaxique, excepté un dé ayant pour effet d 'éclipser le parallélisme grammatical et sémique du texte qui se substitue à la syn

taxe (cf. id. 173, p. 99-107) :

άνθρωπος | εν ευφροσύνηι

Ι φάος | άπτεταιΙ εαυτώι αποθανών | αποσβεσθείς όψεις | ζών δε Ι . άπτεται τεθνεώτος εύδων

| αποσβεσθείς όψεις | εγρηρορώς | άπτεται

εύδοντος

Pour que ce catalogue soit complet et instructif, il faudrait ajouter les divers

types de jeux de mots et de sens, les images, les comparaisons, les exemples, les antithèses, les oxymores etc. et surtoutmesurer cas par cas l'impact des produits

sémantiquesde ces diverses configurations - polyphonie , paradoxie, perplexité, hésitation, ironie, etc . – sur le conditionnement psychologique et esthétique du lecteur et, partant, sur la perception du contenu de son message recherchée par le philosophe et sur ce message lui-même. Cet impact peut être de minime à fon damental,mais, vu la façon systématique dont Héraclite a recours à de tels pro cédés, et sauf accident dans la transmission des textes, il est toujours intention

nel. Cf. 183 Mouraviev, Poétique et philosophie chez Héraclite . Introduction à la problématique (thèse ), Paris-Sorbonne, 1996 , XX + 516 p.; 184 Id., « The hid den patterns of the logos (Poetic form and philosophical content in Heraclitus) » ,

dans 185 K . Boudouris (édit.), The Philosophy of Logos, Athens 1996 , vol. I, p. 148 -168.

4. Vers la reconstruction du livre et de la doctrine. Compte tenu de la pau vreté relative de notre documentation doxographique et de la richesse relative des fragments (citations et témoignages ponctuels) qui nous sont parvenus - cf.

H 64

HÉRACLITE D'ÉPHÈSE

617

supra, II.2 Dimensions -, et aussi de l'importance de la dimension poétique des fragments textuels (totalement ignorée par la doxographie), il semble méthodo logiquement plus raisonnable de reconstruire la doctrine du philosophe par le

biais d'une reconstruction préalable, et aussi philologique (aphilosophique) que possible , de son texte . Les tentatives de reconstituer l'ordre initial des fragments n 'ont pasmanqué: citonscelles, explicites, de Schuster 129, Bywater 130, Kahn 141, et celle, non explicitée, de Diano dans Diano-Serra 142. D 'autres modernes ont préféré le principe du classement thématique : Kirk 36 , Marcovich 1 = 2 . Enfin , il y a eu les tentatives de reconstruction partielle du début du

livre : 186 A . Patin , Heraklits Einheitslehre, die Grundlage seines Systems und der Anfang seines Buches. Programm des Ludwigs-Gymnasiums für das Schuljahr 1884-1885, München 1885 = Leipzig 1886 , 100 p . ; Gomperz 59, p. 20 -56 ; 187 Id., « " Heraklits Einheitslehre" von

Alois Patin als Ausgangspunkt zum Verständnis Heraklits » , WS43, 1924, p. 115 -135 ; West 91, p. 113-123 ; 188 D . Holwerda, Sprünge in die Tiefen Heraklits, Groningen 1978, p . 36 -63, 122 ; Hölscher 63, p . 1-24. Le défaut des reconstitutions de l'ordre est que leurs auteurs, découragés par la conviction (erronée) que nous ne posséderions qu 'une petite fraction de l'original, s'abstiennent de toute tentative de reconstruire un texte continu , de raccorder les

fragments bout à bout. Le défaut des reconstructions partielles, dont les auteurs tentent préci sément de reconstruire un texte continu , est en revanche d ' être partielles, c 'est- à - dire de résul -

ter d'un choix d 'entre tous les fragments disponibles sans qu 'il soit nécessaire de les localiser

tous quelque part. Or il n 'y a que cette dernière contrainte – trouver une case , et seulement une,

pour chaque fragment (et chaque témoignage ponctuel original) - qui permette,

de concert avec les affinités (ou incompatibilités) réciproques, notamment poé tiques, des textes et les traces des articulations internes du livre qui subsistent dans les fragments (cf. à ce sujet Mouraviev 114 ), de restreindre au maximum l'arbitraire du « reconstructeur» . Malheureusement, nous ne connaissons à ce

jour que deux tentatives – toutes deux on ne peut plus préalables (mais c 'est le premier pas qui compte ) -, et qui toutes deux nous appartiennent, d 'une telle

reconstruction : 189 Mypabbeb, «Iepaksut Jpecckué . OparmeHTH COYWHEHOV, 43BecThoro non HaBaHvem „Mysu ” ynu „ O npupone” » dans Jykpeyuŭ , O npupode beuyeu , Mockba 1983, p. 237-268 , cf. p . 361-371, et Id . 17 où l'on trou vera, p. XV-XXII, quelques indications supplémentaires et provisoires sur cette étape du travail. Soit dit en passant, la seconde reconstruction , où nous avons renoncé à notre tentative anté rieure, suggérée par Móyos nepì toŨ TAVTÓS (Diog. L . IX 5 ), de localiser la physique-astro météorologie dans la partie initiale du livre, s'accorde quand même bien avec la division en

trois logoi à condition, primo, d' y voir plutôtune énumération des thèmes principaux du livre

et, secundo, d 'admettre l'existence d 'un quatrième logos, le puolxós, omis de la liste en tant que coïncidant avec le Ouvéywu nóyoc de l'ouvrage . SERGE MOURAVIEV .

HÉRACLITE (PSEUDO -)

618

H 64a

IP ? 64a HÉRACLITE (PSEUDO -) RESuppl. X : D 'époque incertaine, auteur (ou auteurs) de sept Lettres faussement attribuées

à Héraclite etde deux autres attribuées au roi Darius, inspirées pour l'essentiel de ce qu 'on appelle la « philosophie populaire cynico -stoïcienne» . Éditions et traductions. 1 M . Musurus, Epistolae diversorum philosopho rum , oratorum , rhetorum sex et viginti, Venetiis 1499 (editio princeps ; il y man que la lettre IX ) ; 2 E . Lubinus, Epistolae Hippocratis, Democriti, Heracliti, Diogenis nunc primum editae Graece simul ac Latine, Heidelbergae 1601 ; 3 A .

Westermann, Heracliti Epistolae quae feruntur, denuo recensitas edidit A . W ., Lipsiae 1856 -1857 ; 4 J. Bernays, Die heraklitischen Briefe . Ein Beitrag zur phi losophischen und religionsgeschichtlichen Literatur, hrsg. und übers., Berlin 1869; 5 R . Hercher, « Heracliti Ephesii Epistolae », dans Epistolographi Graeci,

(graece et latine) recensuit, recognovit, adnotatione critica et indicibus instruxit R . H ., Parisiis 1873, p . 280-288 (cf. p . LXI-LXII) ; 6 I. Bywater, Heracliti Ephesii Reliquiae, Oxonii 1877 (texte grec de Bernays 4 légèrement corrigé) ; 7 E . Bordero, Eraclito , Torino 1910 (trad . ital.); 8 V . Martin , « Un recueil de diatribes

cyniques. Pap. Genev. inv. 271» ,MH 16 , 1959, p. 77-115 , notamment p. 80 -83, 96 -106 (lettre VII et sa « continuation » ); 9 A .J. Cappelletti, Epístolas Pseudo Heraclíteas, Introducción , traducción y notas, Rosario 1960 ; 10 A .- M . Denis ,

Fragmenta pseudoepigraphorum quae supersunt Graeca una cum historicorum et auctorum Judaeorum Hellenistarum fragmentis, dans A .- M . Denis et M . de

Jonge, Pseudoepigrapha Veteris Testamenti Graece, t. III, Leiden 1970, p. 157 160 ; 11 L . Tarán , Lettere Pseudo-Eraclitee, dans R .Mondolfo et L . Tarán , Era clito . Testimonianze e imitazioni, Introduzione, traduzione e commento, coll.

« Biblioteca di studi superiori» 59, Firenze 1972, p. 279-359, notamment p. 305 359 ; 12 H . W . Attridge, First- century cynicism in the epistles of Heraclitus,

Introduction, Greek text and translation, coll. « Harvard Theological Studies »

29, Missoula (Mont.) 1976 ; 13 R . Kassel, « Der siebente pseudoheraklitische Brief auf Pergament und Papyrus» , ZPE 14, 1974, p . 128 -132 ; 14 J. Diggle, « Pseudo-Heraclitus. Pap. Genev. inv. 271, XIV 40 , 2 » , ZPE 20 , 1976, p . 299 ( lettre VII) ; 15 A . J.Malherbe, The Cynic Epistles. A study edition, coll. « So

ciety of Biblical Literature. Sources for Biblical Study » 12, Missoula (Mont.) 1977, p. 22 -23 (introduction ) et p. 185 -215 (texte grec et traduction anglaise par

D .R . Worley). Sur la tradition manuscrite, voir notamment Attridge 12, p . 41-51 ; 16 M . Sicherl, « An hang : Das Briefcorpus 12 » , dans E .Müseler, Die Kynikerbriefe, t. I : Die Überlieferung, coll. « Studien zur Geschichte und Kultur des Altertums» N .F ., 1 . Reihe : « Monographien » 6 . Paderborn /München /Wien /Zürich 1994 , p. 105 - 162, notamment p . 138 - 140 .

Études d 'orientation . 17 F. Susemihl, GGLA, t. II, p .600 n . 96 ; 18 0 .

Stählin , dans W . Schmid , Wilhelm von Christ's Geschichte der griechischen Literatur, Zweiter Teil : Die nachklassische Periode der griechischen Literatur,

Erste Hälfte : Von 320 vor Christus bis 100 nach Christus, coll. « Handbuch der Altertumswissenschaft » VII 2, 1, Sechste Auflage unter Mitwirkung von 0 . Stählin , München 1920 , réimpr. 1959, p.624 ; 19 W . Schmid , Geschichte der

griechischen Literatur, Erster Teil : Die klassische Periode der griechischen

H 64a

HÉRACLITE (PSEUDO -)

619

Literatur, Erster Band: Die griechische Literatur vor der attischen Hegemonie, coll. « Handbuch der Altertumswissenschaft» VII 1, 1 ,München 1929, p. 755 ; 20 1. Heinemann , art. « Herakleitos (Briefe des]» , RESuppl. V , 1931, col. 228 232 ; 21 A .N .Zoubos, Bemerkungen über die pseudoheraklitischen Briefe ,Mün chen 1954 ; 22 M . Marcovich , art. « Herakleitos » 10 , RESuppl. X , 1965, col.

246 -320 ; 23 H . Dörrie , « Herakleitos» 1, KP II, 1967, col. 1046 -1048, notam ment col. 1048 ; 24 G . O 'Daly, art. « Heraklit. Die pseudoheraklitischen Briefe »,

RAC XIV , 1988,col. 592. Analyse et interprétation . On connaît comme lettres du Pseudo-Héraclite neuf écrits du corpus épistolaire grec qui nous est parvenu. En réalité, l'auteur imaginaire des lettres I et III n 'est pas Héraclite (ca 540 -480 "), mais son contem

porain le roi perse Darius, qui s'adresse à lui dans l'une, aux habitants d'Éphèse dans l'autre . La lettre II contient la réponse d'Héraclite à Darius ; les lettres IV , VII, VIII et IX sont adressées par le philosophe à son ami Hermodore ; enfin , les lettres V et VI sont adressées par lui à un certain Amphidamas. Pour l'analyse et l'interprétation de ces lettres, nous suivons notamment Tarán 11, p . 285 -302. Dans la lettre I, Darius propose à Héraclite de devenir son hôte à la cour afin de lui expliquer de vive voix son livre (llepi qúoews, Sur la nature), dont cer taines parties lui semblent très difficiles à comprendre,même pour les connais

seurs de la philosophie et de la littérature grecques. Par ailleurs, il allègue que les Grecs, tout en étant d 'ordinaire incapables de distinguer ceux qui, parmi eux,

sont sages,méprisent les enseignements touchant la droite conduite et le droit régimede vie que ces hommes enseignent, tandis que, chez lui, Héraclite jouira de tous les privilèges et pourra mener une vie conforme à ses exigences. Tarán 11, p. 286 , trouve dans cette lettre des échos de la doctrine d'Héraclite :

une allusion à DK 22 B 30, ainsi qu 'une référence à la doctrine du flux universel (cf. p . 308). Il y trouve aussi des échos de la tradition biographique concernant

Héraclite : le titre de son livre , l'allusion traditionnelle à la difficulté et à l'obscu rité du philosophe (interprétées comme unemarque de scepticisme), ainsi qu 'une

allusion possible à son style oraculaire ou prophétique (interprété cependant en un sens cynico -stoïcien ; cf. p. 309 sq.).

La lettre II, très brève, contient la réponse d 'Héraclite. Elle est écrite dans un style qui veut être poétique, et entièrement en dialecte ionien , tandis que les autres sont plutôt atticisantes. Héraclite refuse l'invitation de Darius, en allé guant que les hommes, à cause de leur ignorance, sont à la recherche de la

richesse, sont en proie au désir insatiable et à la renommée, et s'attirent l'envie de tous (topos bien connu des vie et ve siècles av. J.-C .). Lui, en revanche, il se contente de peu, conformément à sa pensée. Dans la lettre III,Darius s'adresse aux Éphésiens, les réprimandant pouravoir banni son ami Hermodore (PH 90), qui était le meilleur homme non seulement d 'Éphèse, mais de toute l' Ionie, capable de rendre vertueux les hommes par ses discours et par ses lois . Il les menace de lancer contre eux une armée, s 'ils ne l'admettent pas à nouveau dans sa patrie et ne lui restituent pas son patrimoine. Il

leur rappelle les avantages qu 'il leur a accordés en raison de son amitié pour leur

H64a 620 HÉRACLITE (PSEUDO -) concitoyen . Il s'offre enfin comme arbitre pour déterminer le caractère juste ou

injuste de leurs accusations contre Hermodore. Héraclite n 'est nullement mentionné dans cette lettre, mais le bannissement

d 'Hermodore est un motif qui revientdans les lettres VII, VIII et IX attribuées à ce philosophe (cf. aussi la lettre IV ). Par ailleurs, selon Tarán 11, p. 312 n . aux li. 3 -5 , la terminologie utilisée au début de la lettre indiquerait que l'auteur connais sait les paroles par lesquellesHéraclite attaqua les habitants d 'Éphèse pour avoir

chassé son amiHermodore (cf.DK 22 B 121).

Dans la lettre IV , l'une des plus développées,Héraclite commence par exhor ter Hermodore à ne pas se lamenter sur ses malheurs (sans doute une allusion à son bannissement), car lui, qui se trouve dans sa patrie, connaît également des

problèmes. En effet, il lui raconte comment Euthyclès l'a accusé injustement d ' impiété, au motif qu 'il aurait inscrit son nom sur un autel qu ' il a fait

construire, alors qu 'en fait, il n' y a pas fait inscrire le nom « Héraclite » mais « Héraclès» . Qui plus est, le fait que les habitants d'Éphèse l'accusentde vouloir devenir un dieu parce qu 'il possède un autel révèle la corruption de leurs croyances, puisqu'ils identifient la divinité avec des pierres (autels et temples), quand la vraie divinité n 'est pas faite par les mains humaines et n 'habite pas

dans les temples des hommes ; au contraire l'univers entier est son temple. Enfin , il affirme que la prétention de devenir un dieu n 'est pas signe d'impiété, car Héraclès lui-même, tout en naissanthomme, est devenu dieu. La lettre a été définie comme une « diatribe » contre les Éphésiens ignorants ,

qui ne savent même pas lire, et qui méconnaissent surtout la vraie divinité. Qui plus est, elle a été décrite comme une « diatribe » contre les croyances et les cultes dominants .

Considérant que cette lettre est animée par une tendance iconoclaste qui ne peut s'expliquer dans le cadre d 'aucune des écoles philosophiques grecques, Bernays 4, p. 26 sqq., veut y trouver (de même que dans les lettres VII et IX ) une influence de la littérature biblique. Or, il trouve dans la mêmelettre IV d'autres éléments (par exemple , la référence à la divinisation d 'Héraclès et à son mariage avec Hébé) qui ne lui semblent pas pouvoir être l'euvre d'un auteur juif ou chrétien , mais d'un auteur païen , qui serait aussi le responsable de l'accentmis sur la notion de nalosía . Par conséquent, il émet l'hypothèse selon laquelle un auteur juif (il ne trouve pas dans la lettre d 'élément spécifiquement chrétien ) a

interpolé une lettre écrite par un auteur païen , qui voulait attaquer la religion de l'État, en usurpant le nom d 'Héraclite. 25 J. Geffcken , Zwei griechische Apologeten , coll. « Sammlung wissenschaftlicher Kom mentare zu griechischen und römischen Schriftstellern» , Leipzig 1907, p. XXII, se montre sceptique à propos de l'hypothèse de Bernays, laquelle a été contestée par 26 I. Heinemann ,

Poseidonios' metaphysische Schriften , Breslau 1921, t. I, p . 124. Cependant, l'influence bibli que a été entièrement acceptée par 27 W . Bousset et H . Gressman , Die Religion des Juden tums im späthellenistischen Zeitalter, coll. « Handbuch zum Neuen Testament» 21, Tübingen

19263, p . 30 ; et par 28 P. Riessler, Altjüdisches Schriftum ausserhalb der Bibel, Augsburg 1928 , p . 307 (cf. aussi 29 J. Schneider, art. « Brief » , RAC II, 1954, col. 564-585, notamment col. 574 ). Elle a été développée par 30 E. Pfleiderer, Die Philosophie des Heraklit von Ephe

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621

sus im Lichte der Mysterienidee, Berlin 1886, p. 327 -348 et 356 -365 ; 31 Id ., « Die pseudohe

raklitischen Briefe und ihr Verfasser », RHM N .F. 42, 1887, p . 153- 163 (cf. aussi 32 Id., « Zur Identität des Verfassers von Sapientia Salomonis und pseudo -heraklitischen Briefen » , JbPTh

15, 1889, p . 319-320). D 'après lui, l'ensemble des lettres du Pseudo -Héraclite aurait été l'euvre de l'auteur de la Sagesse de Salomon. En revanche, cet avis a été rejeté à juste titre

par 33 H . Diels, « Bericht über die deutsche Literatur der Vorsokratiker i. J. 1886 » , AGPh 1, 1887, p . 95 - 110 , notamment p. 109 - 110 . A son tour, 34 E . Norden , « Der vierte heraklitische

Brief » , dans Beiträge zur Geschichte der griechischen Philosophie , coll. JKPh Suppl. 19, 1893, p . 364 -462,notamment p . 386 -392, accepte l'hypothèse d'une influence biblique dans la lettre IV , bien qu'il ne croie pas nécessaire de supposer un interpolateur, car les passages que Bernays 4 considère comme purement païens peuvent, à ses yeux, être l'æuvre d 'un juif de l'époque hellénistique ou d'un chrétien. Enfin, 35 E . Schürer,Geschichte des jüdischen Volkes im Zeitalter Jesu Christi, Leipzig 19074, t. III, p. 624 sq., interprète l'ensemble des lettres

commelittérature juive,bien qu'il formule quelques réserves.

D 'un autre point de vue, 36 P. Wendland, « Philo und die kynisch -stoische Diatribe », dans P. Wendland et 0 . Kern, Beiträge zur Geschichte der griechi

schen Philosophie und Religion, Berlin 1895, p. 1-75, notamment p. 39 sq., montre que les éléments de la lettre VII interprétés par Bernays 4, p. 72 sqq., comme le résultat d'une influence biblique sont plutôt des lieux communs de ce

qu ’on a appelé la « diatribe» cynico-stoïcienne. Plus tard , Stählin 18, t. II 1, p. 624, applique également cet avis aux lettres VII et IX , où Bernays 4 croyait voir aussi une influence biblique. Pour la notion de « diatribe » « cynique » ( époque hellénistique) ou « cynico-stoïcienne » (époque impériale ), notion très confusément définie comme genre littéraire par les philologues

modernes, voir la bibliographie citée dans la notice Épictète (2 E 33, section C ). Les thèmes que l'on attribue à cette littérature sont en réalité ceux de la « philosophie populaire» (non moins confusément définie), qui dépasse sans doute la notion de « diatribe » , si on essaie de

définir celle -ciavec plus de précision.

L 'hypothèse de Wendland-Stählin reconnaissant l'influence cynico- stoïcienne

sur le Pseudo-Héraclite a été reprise par la plupart des critiques: Cf. 37 E . Norden, Agnostos Theos. Untersuchungen zur Formengeschichte religiöser (cf. Id . 34 ]); Heinemann 20, col. 229-231 ; Cappelletti 9, p.8 sqq. Rede, Leipzig/Berlin 1913, p. 389 sq. (cf. p . 31 sqq. ; Norden révise ici son avis antérieur

D 'après 38 J. Strugnell et H . Attridge, « The Epistles of Heraclitus and the Jewish pseude pigrapha . A warning» , HTAR 64 , 1971, p . 411-413, la recension de la lettre VII découverte à côté d'autres « diatribes cyniques » dans le papyrus publié par Martin 8 (cf. infra ) confirme que les lettres IV et VII sont cyniques, et non pas une partie d 'un pseudépigraphe juif (cf.

Tarán 11, p. 288 n. 18 ). Attridge 12 , p . 13 sqq., rejette l'influence juive sur les lettres IV , VII et IX , montrant que les thèmes revendiqués pour celle-ci (par exemple , l'intolérance religieuse, le pessimisme, la

morale sexuelle rigide, l'influence des préceptes noachiques, le végétarisme) sont cyniques autant que juifs. 39 Pascale Derron , Pseudo - Phocylide. Sentences, texte établi, traduit et com menté, CUF, Paris 1986 , p . LXII, accepte l'hypothèse de l' influence cynico - stoïcienne. Elle ne se prononce pas sur le point controversé de l' influence juive,mais se borne à invoquer les tra vaux de Wendland : « ...P . Wendland a depuis longtemps relevé chez le Juif Philon la pré sence de cesmêmes thèmes, établissant l'existence d'un fonds de philosophie populaire com mun entre Philon ,Musonius Rufus, le Pseudo -Héraclite , Sénèque, Épictète, constitué déjà au jer siècle av. J.- C . » .

Ceux qui ont rejeté l'influence juive ou chrétienne ont songé souvent à une influence stoïcienne sur la lettre IV , étant donné que son auteur défend la « reli

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gion cosmique » . Tarán 11, p. 291, reconnaît que le point de départ de l'attaque du Pseudo-Héraclite contre la religion commune peut se trouver dans un frag ment d'Héraclite (DK B 5). En tout cas, il pense que l'idée selon laquelle aucun temple n 'est divin , sauf le cosmos, c'est-à-dire l' idée de la religion cosmique, qui était un topos de l'époque hellénistique (cf. 40 A .J. Festugière , La Révéla tion d 'Hermès Trismégiste, t. II : Le dieu cosmique, Paris 1949, réimpr. 1986 ),

fait songer surtout à une influence des stoïciens, qui sont les grands promoteurs de la religion cosmique. Tarán 11 pense par exemple à Zénon , SVF I 264, p.61. D 'après lui (p. 291), la divinisation dont parle le Pseudo-Héraclite n'est pas autre chose que l'aútápxela du sage cynico -stoïcien . Tarán remarque en outre

(p. 292) que l'interprétation idéalisée que le Pseudo-Héraclite fait de la légende d'Héraclès coïncide avec l' interprétation cynico -stoïcienne : Héraclès est le héros

qui se sauve par sa propre vertu ; Hébé (= la jeunesse ) est l'immortalité que la renommée procure et qui dépend de la vertu . Rien dans la lettre n 'indique une croyance dans l’immortalité de l'âme. Enfin , d 'après Tarán , l'idée que le sage

survit dans sa renommée semble se fonder sur des motifs héraclitéens (cf. DK 22 B 29), mais cela n 'empêche pas à ses yeux que la source directe de la lettre ait été un auteur cynico -stoïcien . 41 A . J.Malherbe, « Pseudo -Heraclitus, Epistle 4 : The Divinization of the wise man », JAC 21, 1978, p . 42-64 (cf. 42 Id ., Socialaspects of early Christianity, Philadelphia 19832, p . 116 n . 130 ), soutient que la structure logique de la lettre IV a une unité qui s'oppose à l'idée d ' in

terpolations juives ou chrétiennes.Mais l'écrit ne se révèle pas non plus à son avis spécifi

quement stoïcien. Malherbe voit plutôt dans cet écrit la propagande philosophique d ' un cynique. Sur les cyniques et la figure d 'Héraclite , voir en général 43 J. F . Kindstrand, « The Cynics and Heraclitus » , Eranos 82 , 1984, p. 149- 178 , notamment p . 164- 166 (« The Letters of Hera

clitus» , dans « Cynic influence on the characterization of Heraclitus », p. 153-166 ). D 'après Kindstrand, bien que les cyniques n ' aient jamais essayé de récupérerHéraclite pour leur philo sophie, la tradition biographique tardive présente ces derniers et Héraclite sous des traits sem

blables : agressivité, mépris de la foule, etc. Kindstrand estime difficile, en l' état actuel de nos connaissances, d 'aller au -delà de cette constatation d 'affinités générales. En effet, si les cyni

ques considéraient le philosophe d 'Éphèse comme une sorte de précurseur, Kindstrand affirme qu ' ils ne semblent pas pour autant s ' inspirer directement de ses paroles, sauf en ce qui

concerne la critique de la religion populaire .

Les lettres V et VI d 'Héraclite à Amphidamas forment une unité sur la pré tendue hydropisie d'Héraclite : la première parle de la maladie en général ; la

deuxièmea été décrite comme une « diatribe» contre lesmédecins quiignorent la cause de la maladie et donc son traitement.

Comme le remarque Tarán 11, p. 292 sq., la légende de la maladie d 'Héraclite se trouve aussi dans la tradition biographique du philosophe, qui est antérieure au moins en partie aux lettres, car des variantes de cette légende étaient déjà connues d'Hermippe au III et de Néanthe de Cyzique au 11a (cf. DK 22 A 1, t. I,

p. 140 = D . L. IX 3-4 ). Étant donné que le Pseudo-Héraclite semble se fonder sur une version un peu plus développée que celle que rapporte Diogène Laërce, qui d'ailleurs présente des détails qui n 'apparaissent pas dans les lettres, Tarán

considère comme probable que cette légende s'est formée à partir de certains

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mots d'Héraclite . Il rappelle en particulier DK 22 B 36 : quxſolv Oávatoç údwp Yevéolai (cf. B 118, B 126 , et Pseudo-Héraclite V 2).

Selon la lettre V, Héraclite , en partant de sa doctrine physique selon laquelle ce qui est humide devient sec (changement vers le haut par le pouvoir du soleil) et ce qui est sec devienthumide (changement vers le bas), et en partant de l'idée

que la santé consiste en un équilibre des éléments opposés, aurait essayé de vaincre sa maladie (l'excès d'humidité) en imitant la nature (= dieu ). On ne trouve pas dans cette lettre ni dans la lettre VI d'allusion au remède inutile tenté

par le philosophe, selon la tradition biographique, pour se guérir, à savoir se

couvrir de fumier dans la pensée que la chaleur de celui-ci ferait évaporer l'humidité qui l'affligeait. En revanche, la lettre V (cf. aussi la lettre VII) partage avec la tradition biographique l' idée de la mélancolie et celle de la misanthropie d' Héraclite . Si dans la lettre IV l'immortalité dépendait de la renommée de la vertu (cf. supra ), dans la lettre V ( 2 ) on affirme ouvertement l' immortalité de l'âme face à la mortalité du corps : l'âme du sage Héraclite s 'élèvera jusqu 'au ciel et y habitera comme un citoyen parmi les dieux

(cf. Tarán 11, p. 327, n . aux li. 14 -17).

Dans la lettre VI, Héraclite attaque lesmédecins et leur reproche d'ignorer les doctrines qu 'il a exposées dans la lettre précédente. Cela rappelle la tradition

biographique, selon laquelle Héraclite aurait demandé aux médecins la façon de se guérir, et les médecins ne l'auraientmême pas compris . La polémique contre les médecins ignorants semble donc trouver aussi son origine dans la tradition

biographique, bien que dans celle- ci on ne trouve pas de référence à la doctrine selon laquelle la santé consiste dans un équilibre . D 'après Tarán 11, p . 295, cette

polémique se fonde sur l'interprétation de DK 22 B 58 comme une attaque contre les médecins, bien qu'il soit probable que ce fragment doive être inter prété autrement (cf. n. 295).

En tout cas, Tarán 11, p . 296 , affirme que cette interprétation a donné lieu à une « diatribe » contre les médecins qui semble d 'origine cynique. Le rôle accor

dé dans les lettres V et VI à la connaissance de la nature (púous) est bien pour

Tarán d 'origine cynico-stoïcienne. En ce qui concerne d ' autres éléments (la diffi culté de la connaissance de la nature, l'ignorance des hommes ou la divinité du

sage), il suggère qu'ils ont été inspirés à l'auteur de la lettre ou à sa source par le mot énigmatique d 'Héraclite : qúolç xpúnteodal DieT (DK 22 B 123). Par

conséquent, les lettres V et VIont été formées d'après Tarán par un amalgame de trois sources: des mots authentiques d'Héraclite , des anecdotes pseudo-bio graphiques formées à partir de certains mots du philosophe, et la « diatribe

cynico-stoïcienne » . La lettre VII, adressée par Héraclite à Hermodore, reprend le sujet de la persé cution d 'Héraclite par leshabitants d 'Éphèse , thème traité aussi dans la lettre IV . Comme dans cette lettre , le bannissement d'Hermodore joue dans la lettre VII un rôle secondaire, bien que la raison alléguée maintenant pour la persécution soit le fait qu 'Héraclite a collaboré avec son ami (exilé ) dans la création de lois . D 'après Tarán 11, p . 296 sq ., cette mention explicite du rôle d 'Hermodore

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comme législateur distingue les trois dernières lettres (VII, VIII et IX ) de la tra dition biographique. En effet, d 'après D . L . IX 2, c'est Héraclite et non Hermo dore qui a été invité à faire des lois et qui a refusé parce que la ville était déjà

dominée par une constitution perverse. Tarán 11, p. 297, suggère que l'auteur de la lettre VII (ainsi que celui de la lettre VIII : cf. p. 299) peut avoir connu la

légende d'Hermodore comme législateur en Italie , collaborant aux lois des XII tables (cf. DK 22 A 3 a ).

En tout cas, dans la lettre qui nous occupe, Hermodore a été chassé pour avoir rédigé des lois, qu 'on ne précise pas.Les Éphésiens, dans le but de chasser aussi

son collaborateur Héraclite, adoptent une loi (de toute évidence créée ad homi nem ), qui punit d 'exil immédiat « tout homme qui ne rit pas et quihait tout ce qui

est humain » (1). Cette référence à la misanthropie et à la mélancolie d'Héraclite ,

que nous avonsdéjà trouvées dans la lettre V (3 ), représente un topos bien connu dans la tradition biographique du philosophe (cf. Tarán 11, p. 344 , n. ad loc.). Héraclite reproche tout d 'abord aux habitants d 'Éphèse de ne pas distinguer entre une loi et un jugement, car la loi qu ' ils viennent d 'adopter vise en réalité seulement Héraclite , tandis qu 'une loi doit être générale. Tarán 11, p . 341 n ., suggère que l'auteur a pu avoir à l'esprit DK

22 B 114 : { ov vũ kéYourác ioxoot Eo ai xem rõ { ovỡ návov, jx0OT£o vouỤ TóÀc. Mais il considère qu 'on peut voir aussi dans cette affirmation sur le caractère général de la loi une influence stoïcienne, notamment dans la mesure où l'auteur fait référence par la suite à l'idée que le sage représente la loi pour les autres hommes et que tous les hommes doivent

obéir à la loide la nature. Ensuite, le sage assure qu 'il quittera la cité immédiatement, si ses concitoyens rédigent la loi en question de façon plus conforme à la réalité , en disant qu 'il faut chasser de la cité « tout homme qui hait le mal » (xaxía ). Le reste de la lettre est interprété comme une « diatribe »

contre les habitants d' Éphèse (l'humanité en général) pour leur débauche et leur démence :

l'auteur censure les habitudes des hommes aussi bien dans la paix que dans la guerre, et il propose les animaux commemodèles d 'une vie conforme à la nature.

D 'après Tarán 11, p . 297 sq ., et Attridge 12 , p. 25- 39, toutcela rentre bien dans le domaine de la « diatribe cynico -stoïcienne » sans qu 'il soit nécessaire d' invoquer, comme le faisait

Bernays 4,l'influence biblique. Le texte de cette lettre VII nous est parvenu aussi dans le Pap. Genev. inv. 271 du IIe siècle de notre ère , publié par Martin 8 en 1959, à côté d ' autres écrits

quiont été définis par les critiques commedes « diatribes cyniques» . Cf. 44 P . Photiadès, « Les diatribes cyniques du papyrus de Genève 271, leurs traductions et élaborations successives » , MH 16 , 1959, p . 116 - 139, notamment p . 136 - 139 ( « La septième lettre de ps.Héraclite, et sa continuation » ) ; 45 J. T . Kakridis, « Zum Kynikerpapyrus Pap. Genev, inv. 271 » , MH 17 , 1960 , p . 34 - 36 (notes critiques à l' appendice de la lettre VII) ;

46 Id ., « Weiteres zum Kynikerpapyrus (Pap. Genev. inv. 271) », PP 16 , 1961, p. 383-386 ;

47 Id ., « A Cynic Homeromastix » , dans J. L . Heller ( édit.), Serta Turyniana. Studies in Greek Literature and Palaeography in honor of Alexander Turyn , Urbana /Chicago/London 1974 ,

p . 361- 373 ; 48 U . Criscuolo, « Per la fortuna della diatriba cinica (Pap. Genevensis inv.

271) » , AFLM 3-4 , 1970 -1971, p . 455 -467, notamment p . 458 -464 ; 49 I. M . Nachov, « Trois

diatribes cyniques» ( en russe), dans M . J. Grabar-Passek , M . L . Gasparov et T . I. Kuznecova (édit.), Antiquité et temps modernes, pour le 80e anniversaire de Fédor Aleksandrović

Petrocskij,Moscou 1972, p. 164-175.

En fait le papyrus a été considéré comme un recueil de « diatribes» cyniques, dans lequel on distingue les parties suivantes :

H64a

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625

- Col. I-VIII : une « diatribe » entre Alexandre et le sage indien Dandamis ( D 20) ; - Col. IX -XII : lettre VII du Pseudo-Héraclite à Hermodore, interprétée à nouveau comme une « diatribe » ;

- Col. XIII-XV : partie, très voisine de la précédente, peut-être un appendice ou une conti nuation de la lettre citée, contenant un éloge de la vie dans la nature ainsi qu'une « diatribe >>

contre Homère et les poètes en général.

La lettre se termine dans la col. XII li. 31 du papyrus par le mot ratéxeode

(le texte des manuscrits se termine par κατέχεσθε εις πάσαν αδικίαν), mais dans la même ligne 31, après une lacune, le texte continue jusqu 'à la col. XV. D 'après Martin 8, p. 81 (cf. Photiadès 44, p. 136 , et Kakridis 47, p. 361), cela veut dire que le papyrus fournit un texte plus complet que la tradition manus

crite. En revanche, Tarán 11, p . 298, n 'est pas convaincu par cette interprétation , étant donné que les lignes 31-38 du papyrus présentent des lacunes importantes, et il est donc impossible de déterminer si la lettre finissait dans l'une de ces lignes. Par ailleurs , le fait que le reste du papyrus traite de thèmes qui se trouvent déjà dans la lettre et qui sont en réalité des lieux communs amène Tarán à suggé

rer qu 'un copiste est responsable de ce développement, qu'il l'ait ajouté de son propre cru ou l'ait tiré d 'autres sources. Cf. aussi 50 B .Galerkina, « La lettre VII du Pseudo-Héraclite à la lumière des dernières trouvailles » (en russe , avec résumé en anglais), VLU 1974 n° 20 , p . 107 - 114 , pour qui le sup

plément de texte qu'on trouve dans le papyrus serait une addition due à un auteur différent.

En tout cas, les similitudes du texte inconnu dans la tradition manuscrite avec le texte de la lettre VII connu par ailleurs sont tout à fait remarquables (cf. la tra duction française deMartin 8, p. 81-83 ; le texte grec et son commentaire chez

Kakridis 47, p . 362 sqq.). La lettre VIII se place dans le cadre du départ d'Hermodore pour l'Italie (en

exil, bien que cela ne soit pas précisé ).Héraclite fustige la cécité des Éphésiens, qui ne se rendent pas compte qu 'ils méprisent un homme sage qui sera sans

doute accueilli en Italie avec les plus grands honneurs etdont les lois seront sans doute adoptées par tous les peuples, tandis que les Éphésiens resteront dans

l'esclavage,même au milieu des plus grandes richesses (cf. DK 22 B 125 a et 121. Comme le remarque Tarán 11, p. 299, dans cette lettre l'amitié entre Héra

clite et Hermodore joue un rôle plus important que dans les autres lettres: Héraclite insiste pour connaître la date du départ de son ami, il veut dialoguer

avec lui de vive voix sur les sujets les plus divers (les lois entre autres) au lieu de lui écrire sur ces sujets, car il préfère en garder le secret. A ce propos, il censure l'homme commun pour ne pas savoir garder un secret; il donne une interpréta

tion allégorique de la légende des Athéniens considérés comme le peuple autochtone de l' Attique : les Athéniens ont compris que leshommes, étant donné qu 'ils sont nés de la terre, ont l'esprit crevassé , ce pourquoi ils ne retiennent rien , mais déversent tout par leur loquacité , sauf s'ils ont été éduqués dans les mys tères.

Enfin , dans la lettre IX , adressée encore une fois à Hermodore, Héraclite

continue à censurer les Éphésiens pour avoir chassé le meilleur des hommes. L 'auteur révèle maintenant de façon explicite la raison du bannissement d ’Her

626

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modore , à savoir qu 'il a rédigé des lois révolutionnaires promulguant l'égalité de droits pour les affranchis ainsi que la possibilité de suivre le cursus honorum pour leurs fils. D 'après Tarán 11, p . 299 sq., ce renseignement, qui indiquerait une certaine connaissance de la situation des affranchis à Rome, différente de leur situation dans les cités grecques (cf. p . 356 , note à IX 4 -6 ), ouvre la voie à une « diatribe » contre les Éphésiens, fondée sur le cosmopolitisme, sur l'égalité

des hommes par nature , sur l'idée que les animaux vivent conformément à la nature tandis que les hommes vivent contre la nature, sur la divinité de l'homme sage, sur le paradoxe que seul le sage (vertueux) est un homme libre et un citoyen tandis que l'homme pervers (vicieux) est un homme esclave et sans patrie . Tarán remarque que tous ces thèmes se trouvent chez les auteurs cynico

stoïciens depuis le jer siècle av. J.-C . Le Pseudo -Héraclite qualifie Hésiode de menteur (cf.Homère dans la lettre IV ) pour avoir dit que les Érinyes de la Justice sont trente mille, quand en réalité ce nombre ne suffit pas pour couvrir la perver sité du monde. Tarán 11, p . 300 , reconnaît dans la mention des Erinyes de la

Justice une référence à DK 22 B 94 . Par ailleurs, il rappelle qu 'Héraclite avait critiqué aussi bien Hésiode qu'Homère (cf. DK 22 B 40, B 42, A 22).Cependant, il estime que la critique des poètes, de même que la critique de la mythologie populaire dans la lettre VII et la critique du culte traditionneldans les lettres IV

et IX , suggèrent une origine stoïcienne ou cynique plutôt qu ’une origine héracli téenne, dans la mesure notamment où ces critiques se rattachent à la propagande pour la religion cosmique.

La question de l'auteur et la date de composition . Tarán 11, p . 300,consta te qu 'il y a une différence marquée de style entre les trois premières lettres et les six autres : « Tandis que ces dernières sont en réalité des diatribes contre les Éphésiens et contre les médecins, les trois premières lettresne sont pas à propre ment parler des diatribes et semblent témoigner plutôt d'un intérêt biographique pour Héraclite. » Étant donné que celui-ci a vécu en ca 540-480a, il a été associé à Darius, personnage qui apparaît dans les trois premières lettres. Les lettres I et II sont citées par Diogène Laërce IX 12- 14 (DK 22 A 1, t. I, p. 142), ce qui constitue un terminus ante quem . Tarán considère comme probable qu 'elles sont l'euvre d 'un même auteur et ont été composées à une date indéterminée entre le Ille siècle av. J.- C . et le 1er siècle de notre ère, car la source de Diogène Laërce ne semble pas postérieure au jer siècle. A l'encontre de Bernays 4, Tarán 11, p. 301, n 'écarte pas la possibilité que la lettre III soit l'æuvre du même auteur que celui des lettres I et II.

Quant à la lettre IV , Tarán, s'appuyant sur les différences de style, suggère qu'elle appartient à un autre auteur et à une autre école. Par ailleurs , à la suite de Bernays 4 , il met à contribution un passage ( 4 ) qui lui semble contenir un vatici

nium post eventum (cf. aussi Heinemann 20 , col. 228) : « si tu pouvais par résur

rection revenir en vie après cinq cents ans, tu trouverais Héraclite encore vivant.» En effet, en supposant que l'auteur de la lettre connaissait, au moins de

façon approximative , l'époque où Héraclite a vécu (ca 500“), Tarán suggère le jer siècle de notre ère commedate de composition de cette lettre.

H65

627 HÉRACLITE DE RHODIAPOLIS D 'après Attridge 12, p . 5 sq., cette datation semble confirmée par la vision qu'Héraclite

raconte dans la lettre VIII, vision selon laquelle Éphèse serait soumise aux lois italiennes d 'Hermodore. En effet, la domination de l'Asie par Rome a commencé vers 133a. En ce qui concerne la lettre VII, sa composition ne peut pas être postérieure à IP ou au

début de lIP , étant donné que le papyrus de Genève inv. 271 qui la contient n 'est pas postérieur à cette date .

De l'avis de Tarán 11, p. 301, l'auteur des lettres V et VI (qui forment un groupe) peut être le même que celuide la lettre IV , étant donné que l'accusation

d'Euthyclès contre Héraclite mentionnée dans cette dernière lettre (cf. supra ) reparaît dans la lettre V (2). Tarán reconnaît que dans celle -ci on affirme l'im mortalité de l'âme, tandis que dans la lettre IV on ne parle que de l'immortalité procurée par la renommée. Cependant, il ne considère pas comme impossible pour autant que l'une et l'autre lettres appartiennent au même auteur ou à la

même école rhétorique. Enfin , Tarán 11, p. 302, remarque que l'auteur des lettres IV -IX , à la différence de celui des trois premières, cherche à imiter le style d 'Héraclite , caractérisé par l'asyndète, le ton arrogant, la concision et l'obscurité . En résumé, Tarán 11, ibid ., reconnaît dans les lettres I- III et dans les lettres

IV - IX deux écoles différentes, dont la deuxième serait dominée par la « diatribe cynico- stoïcienne » . Il considère que les lettres I et II appartiennent à un même

auteur, tandis qu 'il laisse en suspens la question de savoir si la lettre III appar tient aussi à ce même auteur. Tarán n 'estime pas impossible que les lettres IV -V ( formant un groupe) et les lettres VII-IX (formant un autre groupe ) soient l'œuvre d 'un même auteur, différent de l'auteur des lettres I- II (et peut-être III). Il y voit en tout cas l'empreinte d 'une même école. Quant à la date de composi

tion , il place les lettres IV -IX vers le 1er siècle de notre ère, c'est-à -dire à l'épo que post-alexandrine (cf. Bernays 4, p . 9 ; Susemihl 17 , t. II, p.600 n . 96 ), tout en considérant comme probable que les lettres I- III sont antérieures.

PEDRO PABLO FUENTES GONZÁLEZ et JUAN LUIS LÓPEZ CRUCES.

65 HÉRACLITE DE RHODIAPOLIS RESuppl. IV :8b Médecin , poète et philosophe épicurien.

Prêtre d’Asclépios dans sa cité natale de Rhodiapolis, ce médecin avait acquis une vaste célébrité : l'inscription de sa statue dans sa patrie (TAM II 910 ; voir L . Robert, « Deux poètes grecs à l'époque impériale », dans Stèlè [Mélanges Kon

doléon ), Athènes 1977, p . 14 = Opera Minora VII, p. 582) précise qu 'il avait été pareillementhonoré à Rhodes (dont il avait été fait citoyen ), à Alexandrie et à Athènes. C 'est qu'il avait rédigé, et adressé aux bibliothèques de ces cités, plu sieurs ouvrages, consacrés bien sûr à la médecine – entre autres, des poèmes qui lui avaient valu le titre d'« Homère des poèmes médicaux » – mais aussi à la phi losophie . L 'orientation de ces derniers ne fait guère de doute , car l'auteur avait

été honoré à Athènes par les philosophes épicuriens. Il n 'y a donc probablement pas lieu d'établir un rapprochement avec son homonyme, également citoyen de Rhodes, qui était l'ami d'Épictète (» H 62] (II 2 , 17). BERNADETTE PUECH .

HÉRACLITE DE TYR

628

H 66

66 HÉRACLITE DE TYR RE 11

ca 135-55a Académicien , disciple de Clitomaque de Carthage (MC 149) et de Philon de

Larisse, dont il était, probablement, contemporain . La chronologie d 'Héraclite (ca 135 -55) a été établie par 1 J. Glucker, Antiochus and the late Academy, coll.

« Hypomnemata » 56 , Göttingen 1978 , p. 100 n. 11. Héraclite est connu seule ment par Cicéron , Lucul. 11- 12 (= Antioch . F 5 Mette . Cf. Philod., Acad . hist.

col. 34, 16 ). Selon le témoignage de Cicéron , il était à Alexandrie en 87 quand Antiochus ( A 200 ) reçut les deux livres de Philon qui excitèrent sa colère. An tiochus ne croyait pas qu 'ils étaient de son maître Philon ; Héraclite , disciple lui même de Philon , confirma leur authenticité , mais il ajouta, toutefois, qu ' il n 'avait jamais lu quelque chose de semblable ni chez Philon ni chez les autres académiciens. P . et C . Sellius et Tertilius Rogus admirent que Philon avait discu té sur ce sujet aussi à Rome. Antiochus écrivit alors un livre contre Philon inti tulé Sosus, où il rapportait les discussions qu 'il avait eues – en présence de

Lucullus – avec Héraclite pour défendre l'Académie traditionnelle contre l'Aca démie sceptique de Philon (cf. Glucker 1, p. 13- 14 , 18 , 92 sq., et 2 T. Dorandi, « Gli Academica quale fonte per la storia dell'Academia » , dans B . Inwood et J. Mansfeld (édit.), Assent and argument. Studies in Cicero 's "Academic books " , Leiden 1997, p. 89- 106 ) . Peut-être Héraclite était-il lui-même un personnage du dialogue Sosus (cf. Glucker 1, p .417 -419). On peut supposer qu 'Héraclite avait étudié à Athènes avant de se rendre à Alexandrie . Il ne retourna probablement pas à Athènes et ne fut pas scholarque après Philon. L 'hypothèse de 3 E . Pappenheim , « Der Sitz der pyrrhoneischen Skeptiker» AGPh 1, 1888, p. 41-42, qui fait d'Héraclite le maître d 'Énésidème (» E 24) en se fondant sur son identification avec l'Héraclide mentionné par D . L . IX 116 , est sans fondement (cf. 4 J. Barnes, Antiochus of Ascalon , dans M . Griffin et J.

Barnes ( édit.), Philosophia Togata , Oxford 1989, p. 59 n. 37. Pour la chrono logie d'Énésidème, cf. 5 F . Decleva Caizzi, CQ42, 1992, p. 176 - 189, et 6 J.

Mansfeld , dans L . Ayres [ édit.), The passionate intellect. Essays on the transfor mation of classical traditions, presented to Professeur I.G . Kidd, coll. « Rutgers University studies in classical humanities » 7, New Brunswick , N .J., 1995 , p . 235 -248).

Études d 'orientation . 7 H . von Arnim , art. « Herakleitos » 11, RE VIII 1, 1912, col. 508 ; Glucker 1, p . 13-14, 18 , 92 sq., 100 n. 11, 109 n. 38 , 118 n . 69,

119 n . 73 ; 8 H . Tarrant, Scepticism or Platonism ?, Cambridge 1985, p . 151 n. 39 ; Barnes 4, p. 59-60,64. TIZIANO DORANDI.

67 HÉRAÏSCUS RE

MF V

Philosophe néoplatonicien d'Alexandrie , auteur, selon Damascius, d'un ouvrage « sur la philosophie générale des Égyptiens» , dédié à Proclus.

Il était frère d 'Asclépiadès (2+ A 446 ), et, comme lui,maître d 'Isidore (» I 31] (Damascius, Vie d 'Isidore, fr. * 160, si le fragment concerne bien Isidore et si les

H 67

HÉRAÏSCUS

629

" frères” évoqués par le fragment sont bien Asclépiadès et Héraïscus). Asclépia dès est l'aîné, Héraïscus le cadet d 'après le témoignage de Damascius, Traité des

premiers principes, p. 324, 3 et 6 Ruelle = t. III, p . 167, 7 et 12 Westerink Combès. Héraïscus avait une nature plus “ divine” que son frère, mais possédait moins à fond que ce dernier la sagesse égyptienne ( fr. 161), du fait qu 'il avait vécu à l'étranger et était ouvert aux rites étrangers (fr. 163). Héraïscus, semble -t il, surpassait son frère par les dons naturels et la science (fr. 161). Un rêve lui

avait révélé qu'il était une réincarnation de Bacchus (fr. 172). 1 J.Maspéro , « Horapollon et la fin du paganisme égyptien » , BIAO 11, 1914 , p . 187, com prend : « Un songe révéla (à quelqu'un) qu 'il était devenu Bakkhos-Osiris ». Ce passage ferait suite à un autre fragment portant sur la momification d 'Héraïscus. Maspéro commente : « Les

gens de ce temps-là savaient-ils encore que le mort s'identifiait à Osiris, qu'il “devenait Osiris " , selon la très ancienne croyance pharaonique ? » .

Il était doux et bon et manifestait un emportement viril à contrer la méchan ceté et les complots des hommes (peut-être plus concrètement des chrétiens), sans excéder la mesure de la justice (fr. 173). Il pouvait distinguer les statues

sacrées animées des inanimées, du fait que les premières provoquaient chez lui une commotion divinatoire (Delaguós ) qu 'il ne ressentait pas en présence des secondes (fr. 174 ). Il éprouvait également des migraines soudaines lorsqu 'il se trouvait en contact avec des femmes indisposées (fr. 174 et Epit. Phot. 107) .

Lorsqu' il mourut, son frère Asclépiadès le fit momifier à la manière des prêtres

égyptiens, ce qui fut l'occasion de signes merveilleux (ibid.). Sa naissance déjà fut marquée d 'un caractère sacré : il naquit avec un doigt posé sur les lèvres prescrivant le silence, de la mêmemanière que l'on se représentait la naissance

du Soleil et d 'Horus (ibid.). Il fallut une intervention chirurgicale pour décoller le doigt de ses lèvres.

Il avait peut- être séjourné à Athènes: « Proclus reconnaissait (...) que Héraïs cus lui était supérieur, car ce qu'il savait lui-même, Héraïscus le savait aussi, mais ce que l'autre savait, Proclus l'ignorait » (Epit. Phot. 107 ; trad. Henry).

Sous le règne de Zénon (474 -491) et sans doute , d'après l'ordre des extraits conservés par Photius, avant le départ d'Isidore à Athènes en 485 , Héraïscus fut arrêté avec Horapollon (HH 165) et refusa , malgré les mauvais traitements

qu'on leur fit subir, de révéler l'endroit où se cachaient le philosophe Isidore et le grammairien Harpocras (Damascius, Vie d ' Isidore, fr. * 314 et * 315 ). Héraïscus avait prédit qu ’Horapollon serait infidèle aux lois ancestrales, c'est-à dire qu 'il se convertirait spontanément au christianisme, sans la pression d'au

cune nécessité (fr. * 317). Surcet épisode, qui rappelle un conflit semblable avec les Chrétiens, rapporté par Zacharie le Scholastique, mais s'en distingue probablement, voir 2 P . Chuvin , Chronique des derniers

païens, Paris 1990, p. 113-114. Voir aussi 3 M . Tardieu , Les paysages reliques. Routes et haltes syriennes d 'Isidore à Simplicius, Louvain /Paris (1990), p . 20 n . 4 .

Ilmourut de maladie dans la maison du médecin Gésios (Gessius, MG 16 ) alors qu 'il était recherché par les hommes de l'empereur Zénon (fr. 334 ). Il est

présenté comme déjà décédé dans PCairo III 67295, qui reproduit une requête que l'on peut dater de 493 environ.

630

H 67 HÉRAÏSCUS Selon Tardieu 3 , p . 19 n . 3, il faudrait situer sa mort vers 488, « peu de temps avant le

départ d'Isidore et de Damascius » d ' Alexandrie.

Sa fille épousa Horapollon, le fils d 'Asclépiadès,mais quitta la maison avec

un étranger. Voir PCairo III 67295 et les notices « Asclépiadès» ( A 446 ) et « Horapollon » (MH 165). Son père était peut-être Horapollon 2 (" H 164). Voir Zacharie le Scholastique, Vie de Sévère, p. 16 et 22 Kugener, où Héraïs cus estmentionné avec les philosophes alexandrins Horapollon , Asclépiodote , Ammonius et Isidore . Voir Tardieu 3, p. 19-20 et n . 3.

Sur les positions métaphysiques d'Héraïscus et son activité littéraire, il faut lire un important passage de Damascius, Traité des premiers principes, I, p. 323, 16 - 324, 6 Ruelle = t. III, p. 167, 1-24 [avec commentaire p. 239-241] Westerink -Combès (= Asclépiadès, FGrHist624 B 1) : « Quant aux Égyptiens, Eudème (» E 93) ne rapporte rien de précis, mais les philosophes égyptiens qui sont nos contemporains nous ont fait connaître leur vraie doctrine cachée ,

l'ayant trouvée justement dans certaines formules égyptiennes (ou : certains traités, logoi], à

savoir que, d 'après elles, il y aurait (d 'abord ) le principe unique du tout, célébré sous le nom de Ténèbre inconnaissable et celle-ci est invoquée trois fois sous ce nom ; puis, viendraient les deux principes, l' Eau et le Sable, d 'après Héraïscus, et d 'après son [frère) aîné, Asclépiadès, le Sable et l'Eau , à partir desquels a été engendré le premier Kmèphis, qui a engendré ensuite le

deuxième, lequel a engendré à son tour le troisième; ces derniers remplissent le diacosme intelligible tout entier. C 'estainsi que l'entend Asclépiadès, tandis qu 'Héraïscus, son cadet, dit

que le troisième, qui a été appelé Kmèphis du nom de son père et de son grand-père, est le Soleil ; c 'est lui, je pense , qui est l'intellect intelligible .

Mais si l'on doit parvenir à l' exactitude sur ce sujet à partir de ces auteurs, il faut savoir cependant que les Égyptiens sont souvent enclins à diviser ce qui subsiste dans l'union ; en effet, ils divisent l'intelligible en de nombreuses propriétés divines, comme peuvent s'en

rendre compte tous ceux qui le veulent, en lisant leurs écrits, je veux dire l'exposé d 'Héraïscus sur la philosophie générale des Egyptiens, dédié à Proclus le Philosophe, et celui qu 'Asclépia

dès avait commencé à écrire sur l'accord des Égyptiens avec les autres théologies, » (trad. Combès).

Sur Kmèphis, voir les témoignages rassemblés par 4 H .J. Thissen, « KMHQ - Ein verkannter Gott » , ZPE 112 , 1996 , p. 153- 160.

Cf. 5 K . Praechter, art. « Heraiskos» , RE VIII 1, 1912, col. 421-422. RICHARD GOULET.

68 HÉRAS RE 3 PIR2 H 91

FI

Philosophe cynique. Après 75, sous l'empereur Vespasien, Héras pénétra , avec Diogène (P + D 151), un autre cynique, dans le théâtre à Rome. Les deux

philosophes voulaient critiquer publiquement Bérénice qui espérait le mariage avec Titus. Tandis que Diogène, après avoir longuement injurié le couple, fut seulement fouetté , Héras, convaincu de ne pas subir une punition plus sévère, émit des vociférations inconvenantes, mais il eut, lui, la tête coupée (Dion CassiusLXVI 15, 5).

MARIE -ODILE GOULET-CAZÉ. DII 69 HÉRAS (C . CINATUS -) Peut-être était -ce parce qu'il était lui-même philosophe , comme l'a supposé

A. Calderini, « Arti liberali in documenti dell'Egitto romano », dans Scritti in

H72

HÉRILLOS

631

onore di U . E . Paoli, Firenze 1956 , p . 155, que Gaius Cinatus Héras, intervenant comme témoin en 130 dans un testament d 'Oxyrrynchos (P .Oxy. III 492),avait fait représenter sur son sceau une figure de philosophe. BERNADETTE PUECH.

70 HERCULIANOS RE FIV - D V Élève d 'Hypatie à Alexandrie en même temps que Synésius de Cyrène, qui

lui adresse plusieurs lettres, toutes à dater de 398 et 399 (Ep. 137- 146 ; sur la datation, cf. D . Roques, Études sur la correspondance de Synésios de Cyrène, Bruxelles 1989, p . 96 -99). Celui-ci lui rappelle leurs entretiens, l'exhorte à la vie philosophique (« la vie selon l'esprit est la fin de l'homme» , Ep. 137, 7 , p . 240, 7 Garzya), la voie qui conduit à Dieu (Ep . 142, p. 24), lui citant tantôt Plotin (Ep.

139, p. 243, 15- 16 ), tantôt Platon (Ep. 140, p. 244, 8) ou Porphyre (Id ., p. 245,21 - 246 , 2 ). C ' était un personnage influent en Égypte , puisque Synésius lui recom

mande les porteurs de deux lettres et sollicite son aide dans l'affaire qui motive leur déplacement et dans une autre qui concerne ses amis (Ep . 144 et 145). PIERRE MARAVAL .

71 HÉRÉAS

MF III

Stoïcien ,mentionné comme disciple de Chrysippe de Soles, dans l’Index

Stoicorum de Philodème,col. XLVII 9-10 (p .98 Dorandi): 'Hlpłac. RICHARD GOULET.

HERENNIUS — SENECIO (HERENNIUS -) HERENNIUS ERENNIUS

72 HÉRILLOS RE

fl. M III

Philosophe stoïcien hétérodoxe, disciple de Zénon de Citium . Fragments et témoignages. SVF I409-421, t. I, p. 91,2 - 93, 5. Ajouter SVF I 363 (Cicéron ) ; SVF I 481, p . 107 , 3 (Diogène Laërce VII 174 ) ; Diogène Laërce VII 37 ; Plutarque, De comm . not. 25, 1070 d (= SVF I 410 ). En revanche, supprimer Ind. Stoic . Herc., col. XXXVII (= SVF I410, où la colonne est notée XXXVI), qui, dans le texte restitué par Traversa et Dorandi, fait référence à

Apollonius ( de Tyr (2 - A 286 )] etne concerne pas Hérillos. Traduction italienne : 1 N . Festa , I frammenti degli stoichi antichi, Bari

1935, t. II, p . 37-43.

Cf. 2 H . von Arnim , art. « Herillos» , RE VIII 1 , 1912, col. 683-684 ; 3 G . Rodier, Études de philosophie grecque, Paris 1926 , p . 290 -291 ; 4 N . Festa , « Il

filosofo Erillo e la sua produzione letteraria » , RAL, ser. VI, 9, 1933, p. 220-226 ; 5 P . Von der Mühll, « Zwei alte Stoiker. Zunameund Herkunft » , MH 20 , 1963,

p . 1- 9 ; 6 A . N . Zoubos, « Zu den Alptoelç 'Hoidreiwv » , Platon 16 , 1964, p . 23- 324 ; 7 M . Pohlenz, Die Stoa ’, Göttingen 1964, t. II, p . 70 ; 8 A . M . Ioppolo , « Lo stoicismo di Erillo » , Phronesis 30 , 1985, p. 58 - 78.

632

HÉRILLOS

H72

P . Von der Mühll 5 a montré qu 'Hérillos n 'était sans doute pas originaire de Carthage, comme le rapporte Diogène Laërce VII 37 (Kapxndóvlog),mais de Chalcédoine, ainsi que l'attestent les meilleurs manuscrits en VII 165 (Xarxn Cóvios). Très jeune, il aurait été confié à Zénon de Citium . Il était probablement

très beau , puisque beaucoup de gens s' éprirent de lui, à tel point que, pour les écarter ,Zénon fit tondre ses cheveux ( D . L . VII 166 ).

Au bout d 'un certain temps,Hérillos se montra en désaccord avec son maître. Il afficha certaines positions platonisantes, déclarant en particulier que l'ÉTL ornun (la science) était le souverain bien . C 'est cette thèse qui devait lui assurer

une certaine postérité ( D . L . VII 165). Il distingua également entre la fin (princi

pale) et la fin subordonnée (únoteniç ): « la dernière est visée en même temps par ceux qui ne sont pas sages , alors que la première ne l' est que par le sage » ( D . L . VII 165) .

Il écrivit de courts ouvrages, « pleins de vigueur» , opposés à Zénon ; Cléanthe écrivit tout un traité contre lui (D . L . VII 174 = SVF 1 481, p . 107, 3 ). Il se rap

procha d'Ariston de Chios, en reprenant la doctrine des ådlápopa (cf. Cicéron, SVF I 412-418 ; voir Zoubos 6 ). Hérillos aurait été combattu par Chrysippe (cf.

Pohlenz 6), au troisième livre du lepi åyaoWv (SVF III 25, p . 9, 3). Diogène Laërce (VII 166 = SVF I 409) nous livre une liste de douze titres des æuvres d 'Hérillos (voir Festa 3) :

(1) Hepi đoxńoews, Sur l'entraînement, (2) Hepi nabőv, Sur les passions, (3) Tepi útonńqews, Sur la précompréhension, (4 ) Nouodérns, Le Législateur,

(5 ) MALEUTIXÓS,Maïeutique, (6 ) ’Avrloépwv, L 'Adversaire, (7) Albáoxaros, Le Maître, (8 ) Algoxevá (wv, Le Réviseur,

(9 ) Eúdúvwv, Le Correcteur, ( 10 ) 'Epuñs, Hermès, (11) Mńdela , Médée, desdialogues, enfin , un dernier ouvrage dont le nombre de livres n 'est pas indiqué: (12) Oéoewv ňocx v , Thèses éthiques.

CHRISTIAN GUÉRARD (+). 73 HERMAGORAS D 'AMPHIPOLIS RE 4

fl. M III

Philosophe stoïcien , originaire d 'Amphipolis en Thrace, disciple de Persaios de Citium , selon la Souda , s. v. ' Epuayópas, E 3023, t. II, p. 411, 26 -28 Adler

(= SVF I 462, p . 102, 32 - 34 ). Il aurait écrit les « dialogues» suivants:

H75

HERMARQUE DE MYTILÈNE

633

(1) Mlooxówv, a', L ' ennemidu chien , en un livre ; (2 ) Iepi átuxnuátwv, Sur les infortunes; Von Arnim (SVF I 462) comprend : Miooxówv ñ nepì åtuxnuárwv. Il pourrait s'agir,

selon von Arnim , d'un ouvrage dirigé contre le cynisme.

(3) " Exxutov: Čoti dè ♡ooxonia , L'effusion, " qui concerne la divination par les aufs”; (4) Hepi ooploteíac npòs toùs ’Axaðnuaïxoús, Sur la sophistique, contre les Académiciens. « Offenbar ist es die durch Arkesilaos in die Akademie eingeführte Lehrmethode, die H ., im Gegensatz zu dem dogmatischen Unterricht seiner eigenen Schule , als ooploteía bezeich net und bekampft » (von Arnim ).

Cf. F . Susemihl,GGLA I, p . 74; R . Hirzel, Der Dialog, Leipzig 1895, p . 402 ; H . von Arnim , art. « Hermagoras » 4, RE VIII 1, 1912, col.692.

CHRISTIAN GUÉRARD (1). ІІја

74 HERMAÏSCUS

Destinataire d'une lettre pseudépigraphe de Cratès de Thèbes (Lettre 4), dans laquelle le philosophe cynique souligne à son interlocuteur le rôle positif de l'entraînement à la souffrance : « Que l'on doive choisir la souffrance ou que l'on doive la fuir, souffre afin de ne pas souffrir. Car en ne souffrant pas, on ne fuit

pas la souffrance,mais par son contraire on la recherchemême» . La lettre est éditée et traduite en allemand par Eike Müseler, Die Kynikerbriefe , coll. « Studien zurGeschichte und Kultur des Altertums» , Neue Folge, erste Reihe, Bd. 7, Pader born 1994, p . 84 ; trad. anglaise par R . F . Hock, dans A .J. Malherbe (édit.), The Cynic epistles, coll. « Society of Biblical Literature - Sources for Biblical Study » 12, Missoula (Montana )

1977, p . 57. On peut se demander s 'il faut identifier cet Hermaïscus avec le personnage d 'une comédie

d 'Alexis, Kpátela ñ papuaxonáins (fr. 120 Kassel- Austin ), dont Athénée, Deipnosoph. XI, 473 d , rapporte l'extrait suivant, en précisant que la conversation porte sur quelqu'un qui boit dans une taverne : « Ensuite je vois Hermaïscus qui vide une de ces grandes coupes, avec

à côté de lui sa couverture et son havresac » .

MARIE -ODILE GOULET-CAZÉ. IV /IIa 75 HERMARQUE DE MYTILÈNE RE 1 Philosophe épicurien , premier scholarque du Jardin à la suite d' Épicure .

Témoignages et fragments. 1 K .Krohn, Der Epikureer Hermarchos, Berlin 1921 ; 2 F . Longo Auricchio , Ermarco. Frammenti, Edizione, traduzione e

commento , coll. « La Scuola di Epicuro» 6 ,Napoli 1988. Bibliographies. 3 H . von Arnim , art. « Hermarchos» 1, RE VIII 1, 1913, col. 721-722 ; 4 R . Philippson , PhW 43, 1923, col. 1- 10 (C.-r, de Krohn 1) ; 5 E . Bignone, L 'Aristotele perduto e la formazione filosofica di Epicuro, Firenze

1936 , 2e éd. 1973 ; 6 I. Gallo, Ermarco e la polemica epicurea contro Ermarco , dans l'ouvrage collectif, Esistenza e destino nel pensiero greco arcaico, Napoli 1985 , p . 33-50 ; 7 D . Obbink , « Hermarchos, Against Empedocles », CQ 38 , 1988 , p. 428 -435 ; 8 P. A . Vander Waerdt, « Hermarchus and the Epicurean

634

HERMARQUE DE MYTILÈNE

H75

Genealogy of morals » , TAPA 118, 1988, p . 87 -106 ; 9 F . Longo Auricchio , Bilancio su Ermarco, dans l'ouvrage collectif, Ercolano 1738 -1988 : 250 anni di

ricerca archeologica, Roma 1993, p. 273-276 ; 10 M . Erler, GGP, Antike 4, p. 227 -234. Biographie . Hermarque (sur la graphie du nom , cf. 11 F . Longo Auricchio ,

dans Studi Gigante, Napoli 1994 , p . 384 sq. n . 12) est souvent mentionné dans les sources anciennes, avec Épicure, Métrodore et Polyen , comme l'un des quatre ‘guides' (waonyeuóveç ou čvopec) du Jardin . Hermarque naquit à Mytilène, sur l'île de Lesbos, à une date non précisée (12 A . Angeli, CronErc 11 , 1981, p. 91 n. 533, propose ca 3254). Il était, de toute façon , plus ou moins contemporain d 'Épicure. Son père s 'appelait Agémor

tos (D . L . X 24 = F 1 et D .L . X 14 -15 = F 8). Dans sa jeunesse, Hermarque avait étudié la rhétorique. Il rencontra Épicure àMytilène vers 310, pendant son séjour dans l' île de Lesbos, mais il n 'adhéra probablement pas tout de suite à sa philosophie et il ne suivit Épicure que lorque ce dernier retourna à Athènes : c' est

ce que l'on peut déduire du fait qu'Épicure lui écrivit encore pour le détourner de la rhétorique et l' inviter à se vouer définitivement à la philosophie (F 53 =

Diog . Oen. F 127 Smith . Cf. 13 M . F . Smith , Diogenes of Oenoanda. The Epicu rean Inscription , Napoli 1993 , p . 559 sq .). Peut-être n 'a -t-il rejoint Épicure à

Athènes qu'après la fondation du Jardin (306 ). Une révision du papyrus original très fragmentaire du PHerc . 1040 a permis à Longo 2 (p . 48 -55) de refuser de façon décisive l'interprétation de Bignone

5 (p . 481-484), selon lequel le papyrus contenait une Vie d 'Hermarque ; Bignone a essayé de reconstruire quelques épisodes de la jeunesse du philosophe avec de

nouveaux renseignements au sujet de sa rencontre avec Épicure à Mytilène. Entre 290 et 270 peut-être, Hermarque se rendit à Lampsaque avec Pythocles et Ctésippe (* C 226 ) afin de visiter l' école épicurienne locale ( F 2 . Cf. 14 D .

Sedley, CronErc 6 , 1976 , p . 46 sq.). Ce ne fut pas la seule fois qu'Hermarque quitta Athènes, comme le montre un passage d' Athénée (Deipnosophistes XIII, 588 b = F 41), qui permet de supposer l'existence d 'un échange épistolaire entre

Épicure et Hermarque (Philippson 4 , col. 3 , a cherché à démontrer que les lettres remontent à 277-270 ,mais ses résultats sont fort incertains, cf. Longo 2, p. 26 et 163) . Philodème (Ad contub., col. 6 , 17 -18 = F 3) rappelle qu'Hermarque était

épris de l’hétaïre Démétria (3D 38).

Cicéron (De fin . II 30, 96 = F 5) rapporte qu'Épicure près de mourir avait adressé à Hermarque une lettre exposant son testament spirituel (l'epistula

supremorum dierum ). Avec plus de vraisemblance, d'autres sources considèrent, au contraire, que la lettre était adressée à Idoménée (* * I 14 . Cf. F 23 Angeli et Longo 2 , p . 27 et 114 ). Au moment de la mort d'Épicure (270 ), Hermarque était,

en effet, à Athènes tout près de son maître (F 4 ). Épicure lui confia la direction du Jardin (F 6 - 10), malgré sa condition de métèque (cf. 15 T . Dorandi, Labeo 38, 1992, p. 57-62). Ilmourut de paralysie à un âge avancé. Il eutcomme successeur à la tête du Jardin Polystrate (D . L . X 25 = T 11- 12).

H75

HERMARQUE DE MYTILÈNE

635

Lamort d 'Hermarque représenta une ligne de partage des eaux dans l'histoire du Jardin , entre la première génération d 'épicuriens, qui avaient écouté directe

ment la parole du maître, et les suivants, y compris, peut-être, Polystrate lui même (cf. T . Dorandi, Ricerche sulla cronologia dei filosofi ellenistici, p . 49. Sur la position d'Hermarque à l' intérieur du Jardin , cf. Longo 2 , p . 27-32).

Titres attestés. Diogène Laërce ( X 25 = F 25) nous transmet quelques titres des ouvrages d 'Hermarque, qu'ildéclare “ très beaux" : (1) 'Enotoxá, Recueils épistolaires, (2 ) lepi 'Eunedoxéos, eíxoolxai dúo, Sur Empédocle, en 22 livres. Sur le titre de ces deux premiers écrits , voir plus bas.

(3) ɛpi uaOnuárov, Sur les sciences, ( 4 ) TlpósMátwva, Contre Platon,

(5) Ipòç ’AplotovéAnv, Contre Aristote. Outre ces ouvrages, nous connaissons deux sentences attribuées à Hermarque ( F 23- 24 ), des Lettres (F 40 -42) et quelques témoignages, de Philodème ou d 'au

teurs tardifs, relatifs à des sujets éthiques plus généraux (F 43-48). On possède des fragments seulement des 'Eniotonixá et du lepi 'Eunedo xéoç. On avait cru généralement qu'Hermarque avait écrit un seul ouvrage inti tulé 'Eniotohıxd trepi 'Eunte oxhéoç : Épîtres sur Empédocle . De façon indé

pendante , Longo 2 , p . 33 (cf. Longo 9 , p . 275) et Obbink 7 , p . 428-435, ont démontré qu 'il s 'agit de deux ouvrages distincts et que le titre du deuxième est

Ilpos 'Eunedoxnéa et non lepi 'Eunedoxhéous. Cela a été rendu possible par la publication de POxy. 3318 (= F 28), le réexamen de quelques passages du De pietate de Philodème (F 27, 29- 30 ) et une inspection du Cod. Neap. Burb. III B 29 de Diogène Laërce. Ces recherches ont confirmé l'intuition déjà formulée par

J. Bernays (Theophrastos' Schrift über Frömmigkeit, Berlin 1866 , p . 139) et Th . Gomperz (Eine Auswahl herkulanischer kleiner Schriften , hrsg. v. T . Dorandi,

Leiden 1993, p . 23 n . 11), autrefois critiquée par Usener (Epicurea, Lipsiae 1887, p. 369),mais défendue par Philippson 4, col. 3 . Mpòs 'Euntedoxhéa : Contre Empédocle (F 27-34). La datation de l'ouvrage

est incertaine. On a déduit de Philodème (De piet., PHerc. 1077,col. 18, 23- 30 = F 29) que le dernier livre du Προς Εμπεδοκλέα précédait le livre XII du De natura d 'Épicure, antérieur à 301 (cf. Longo 2 , p . 126 sq.). Gallo 6 , p . 42 sqq., a

supposé que l'ouvrage était dirigé contre les Kadapuoi d 'Empédocle (2 E 19). Le fragment le plus étendu, transmis par Porphyre (De abst. I 7 -12 , 26 , 4 = F 34 ), est relatif à l'origine du droit dans la société primitive (Longo 2 , p . 137

150 , et Vander Waerdt 8, p. 87- 106 ). Dans les autres fragments, Hermarque discutait aussi de questions théologiques (F 27, 29-31), de l' anthropomorphisme divin (F 32 : les dieux respirent et parlent). Il n 'est pas exclu qu 'au même ouvra

ge appartiennent quelques fragments où l'on discute des Oaiuw veç (F 50) et des tépata ( F 51) d 'Empédocle et de la transmigration des âmes (F 52). La sugges

tion de Krohn 1 (p . 9 et F 28) de rapporter au Mpòs 'Eunedoxréa les Maximes capitales 31-40 d 'Épicure fut déjà réfutée, à juste titre , par Philippson 4 , col. 4 -8 .

636

HERMARQUE DE MYTILÈNE

H 75

'Entotoixá : Traités sous la forme de lettre (ou Recueils épistolaires). Un ÉTLOTOAixóv , adressé à un Théopheidès inconnu et daté précisément de 267/6 , est transmis dans la Rhétorique de Philodème ( F 35 - 36 . Cf. F 37-39) . Il contient

une polémique d'Hermarque contre le philosophe mégarique Alexinos d'Élis ( * A 125) : Hermarque, comme Épicure et Métrodore, soutient que seule la

rhétorique sophistique jouit du statut de technè, bien qu 'elle ne soit pas douée, elle-même, d 'efficacité dans le domaine politique et judiciaire (Longo 2 , p . 35 sq., 150 - 160 ). Du même ouvrage dérive, peut-être , un autre fragment très

lacunaire transmis par la Rhétorique de Philodème (PHerc. 1646, fr. 4 . Cf. T . Dorandi,ZPE 82, 1990 , p . 81). MpósTátwva : Contre Platon. Déjà Krohn 1, p. 10 (cf. Philippson 4 , col. 9 , et Longo 2 , p . 171- 173) a rattaché à cet ouvrage un passage de Proclus (In Plat.

Tim . II,66 d -e, p . 216 Diehl = F 48),où l'on discute de l'opportunité de la prière. Des autres titres nous ne possédons aucun vestige. Nous lisons, toutefois, dans les sources anciennes des témoignages sur la pensée d'Hermarque au sujet

de la colère (F 43),de la flatterie (F 44), de l'amitié ( F 45),de la nécessité d 'une vie frugale (F 47) . Cf. Longo 2 , p . 164 - 171. L 'existence d 'une correspondance d 'Hermarque est attestée par la Vie ano

nymede Philonidès, Athénée et Diogène Laërce (F 40-42). Sans grande impor

tance sont deux apophtegmes concernantla mort et la vie (F 23-24). TIZIANO DORANDI. Iconographie. La tradition littéraire ne mentionne pas de portrait d 'Her

marque,mais les représentations conservées sont nombreuses. Cf. 10 G . Richter, Portraits, II, 1965, p. 203- 206 ; 11 V . Kruse-Berdoldt, Kopienkritische Untersuchungen zu den Porträts des Epikur, Metrodor und Hermarch, Diss. Göttingen 1975 ; 12 H .Wrede, « Bildnisse epikureischer Philo

sophen » , AM 97, 1982, p . 235-249, pl. 48-50 ; 13 K . Morgenthaler, dans

Gesichter2, 1983, p. 42-43, n° 13. Dix -neuf répliques de la tête subsistent: Richter 10, p . 203-205, nos 1-20 [la tête qui porte le n° 20 est étudiée de nouveau par K . Morgenthaler 13 ), sauf le nº 19 , buste du Musée Rockefeller à Jérusalem (inv. 35.3449), de Samarie , où je

reconnaisMétrodore. Un hermès acéphale inscrit est perdu : Richter 10, p . 205, n° 21. Une statue assise conserve sa tête : Richter 10 , p. 205, n° 1. Une statuette acéphale reproduit le corps : Richter 10, p . 205 , n° 2 . Un petit buste inscrit en bronze, trouvé dans la « Villa des Pisons» à Hercula num (Richter 10, p. 204, n° 10), assure l'identification de copies du même type . Le dessin des mèches de cheveux, le rendu de la moustache et le visage placide sont caractéristiques. La bouche petite s'entrouvre comme pour parler. La pléni tude des traits se retrouve sur les portraits de Métrodore et contraste avec l'ex

pression plus vigoureuse d 'Épicure ; le visage est cependant plus individualisé que celui de Métrodore et se rapproche en cela de celui du Maître. Les copies reproduisent l'image d 'un Hermarque plus ou moins âgé,mais il est excessif de

H 76

HERMEIAS

637

distinguer deux types bien définis, l'un du philosophe à la quarantaine, l'autre du vieillard , comme le fait 14 W . Gauer , JdI 83, 1968, p . 167- 169.

Le soin apporté aux cheveux et à la barbe caractérisait, en pleine époque im périale , les épicuriens, selon Alciphron III 19 (55 ), 3, et, du vivant d 'Hermarque, rompait avec la mode des chevelures désordonnées. Ce trait rapproche la figure

d'une série de représentations de la fin du IVe siècle av. J.- C . (cf. Gauer 14 , p. 168 ); le portrait d'Hermarque ressemble donc au type de l' élégant athénien de

la fin de l' époque classique, en réaction contre des tendances de la mode

contemporaine, commele suppose Wrede 12 . Le type statuaire est identifié sûrement grâce à une petite statue de Florence (Richter 10 , p. 205 , n° 1), qui a conservé sa tête. Il est très proche de celui que

l'on attribue au maître du Jardin . Le philosophe, assis sur un banc, appuie la tête sur sa main gauche. Le modèle de ce type était sans doute exposé dans le Kèpos athénien, dans le groupe d ' Épicure , deMétrodore et d 'Hermarque, qui fut, selon Kruse- Berdoldt 11, érigé en bronze après la mort du fondateur de l'École . La formemême du siège signalait la place d 'Hermarque dans la hiérarchie épicu

rienne : dans ce groupe original, Épicure seultrônait sur un siège à têtes de lion , Métrodore étant assis sur un klismos avec un petit coussin et Hermarque sur un simple banc. Cette hiérarchie fut quelquefois oubliée à l'époque impériale : Her marque a droit au trône du maître sur une statuette acéphale d ' Ostie (Richter 10 , p . 205 , n° 2 ). Ces différences dans la forme des sièges font peut-être allusion , selon Wrede 12, à un dit d 'Épicure rapporté par Sénèque, Epist. 5 , 11 (52), 3- 4) :

le maître se range lui-même dans la catégorie des hommes capables de trouver seuls la vérité ;Métrodore a besoin d' aide pour l'atteindre ; quant à Hermarque, il

est de ceux qu'il faut contraindre à la trouver. Deux bustes miniatures en bronze de la « Villa des Pisons » à Herculanum sont les plus anciennes copies qui subsistent, vers la fin du jer siècle av. J.-C .: l'un, inscrit, a été trouvé avec ceux de Démosthène, d 'Épicure et de Zénon (Richter 10 , p . 204, n° 10 ; cf. 15 Lorenz, Galerien, 1965, p . 12, p . VI, 3) ; l'autre est semblable pour la forme du buste à ceux de Démosthène et d ' Épicure d 'une

autre série (Richter 10, p . 204 , n° 12). La petite statue assise qui a conservé sa tête faisait pendant à une statue acéphale où l'on reconnaît Épicure (Richter 10 , p . 205, n° 1 ; cf. Lorenz 15, p . 16 ).

FRANÇOIS QUEYREL. 76

FII e t Apologist chrétien , connu uniquemen en tant qu'auteur du Alaoupuós tõv ŠEw piogópwv (Irrisio gentilium philosophorum ), probablement écrit vers la HERMEIAS RE 15

fin du II° s. ap . J.-C . Éditions. 1 J. C . T . von Otto (édit.), Corpus Apologetarum Christianorum saeculi secundi edidit I. C . T. de O ., t. IX , Jenae 1872, p . XL-LI et 1-31 ; 2 H .

Diels (édit.), Doxographi Graeci. Collegit, recensuit prolegomenis indicibusque instruxit H . D ., Berolini 1879 (editio iterata Berolini et Lipsiae 1929 ; réimpr.

638

HERMEIAS

H 76

Berlin 1965 et 1976). Pour le manuscrit le plus ancien , non utilisé par les édi teurs, le codex Patmiacus 202, voir 3 R . Knopf, « Über eine neu untersuchte Handschrift zum Alaoupuós tõvětw blooóbwv des Hermias» , ZWT 43 (NF

8), 1900, p. 626 -638. Il existe maintenant une nouvelle édition : 4 R . P . C . Hanson (édit.), Hermias. Satire des philosophes païens. Introduction , texte cri tique, notes, appendices et index par R . P .C .H ., coll. « Sources chrétiennes » 388,

Paris 1993, 149 p . Commentaire. 5 G . A . Rizzo , Ermia filosofo. Lo scherno dei filosofi gentili con introduzione e commento a cura di G . A. R ., coll. « Biblioteca di classici greci commentati per le scuole » , Livorno 1931, XXXII-45 p . Traduction - française : D . Joussot, dans Hanson 4 ; - allemande: 6 A . Di Pauli, Hermias' des Philosophen Verspottung der nichtchristlichen Philosophen , coll. « Bibliothek der Kirchenväter: Frühchristliche Apologeten und Märtyrer

akten aus dem Griechischen und Lateinischen übersetzt» , t. II, Kempten/ München 1913, p . 113-122 ; - italiennes : 7 E . Buonaiuti, « I filosofi pagani alla

sbarra » , RicRel 5, 1929, p. 251-258 ; 8 G .A . Rizzo, Lo scherno di Ermia , coll. « I Classici Christiani» 9, Siena 1929, XIII- 16 p. ; 9 L . Torraca, Dossografi greci tradotti da L . T ., coll. « Pubblicazioni dell'Istituto Universitario diMagistero di Catania , Serie filosofica - Testi e documenti » 5, Padova 1961, p .429-437 et

480-482 (notes). Études d 'orientation . 10 A . von Di Pauli, Die Irrisio des Hermias, coll. « Forschungen zur Christlichen Literatur- und Dogmengeschichte » VII 2, Pader born 1907, 53 p . ; 11 G . Loeschcke, art. « Hermias » 15, RE VIII 2 , 1913, col. 832-833 ; 12 L . Alfonsi, Ermia filosofo, Brescia 1947, 129 p . ; 13 J. H . Waszink ,

art.« Hermias», RAC XIV , 1988, col. 808-815. Bibliographies. 14 W . Totok, Handbuch der Geschichte der Philosophie, t. II :Mittelalter, Frankfurt am Main 1973, p. 58 ; 15 B . Altaner et A . Stuiber, Patrologie. Leben , Schriften und Lehre der Kirchenväter, ge éd ., Freiburg/

Basel/Wien 1978, p. 78 ; 16 Corpus Christianorum . Clavis patrum Graecorum , t. I : Patres Antenicaeni, cura et studio M . Geerard , Brepols/Turnhout 1983, p . 56 ; Hanson 4 , p . 91-94.

Hermeias n 'estmentionné que dans le titre de l'ouvrage et, en tant que per

sonne, il reste parfaitement inconnu. Datation . La date de cet écrit a été très débattue, les datations ayant varié entre les II et III s. ap. J.- C . d 'une part, et les ve et ve s. ap. J.- C . d 'autre part ;

pour un aperçu sur les recherches antérieures, voir von Di Pauli 10 , p . 2 -4 ; Alfonsi 12, p . 18-40 ; Hanson 4 , p . 12 -18. Le langage employé dans l' Irrisio ainsi que des ressemblances avec Lucien , Maxime de Tyr et Tatien sont des arguments qui invitent à situer cet écrit dans la seconde moitié du ile s. ap . J.- C . Voir 17 J. F. Kindstrand, « The Date and Character of Hermias' Irrisio » , VChr 34, 1980 , p . 341-350 ; 18 R . Bauckham , « The Fall of the Angels as the Source of

Philosophy in Hermias and Clement of Alexandria » , VChr 39, 1985, p . 313

330 ; Waszink 13, col. 810 -815; Hanson 4 , p. 66 -67.

H 78

639

HERMEIAS D 'ALEXANDRIE

École. L' Irrisio est une satire humoristique qui vise à dénoncer la futilité de

la philosophie grecque en attirant l'attention du lecteur sur le désaccord des phi losophes concernant des problèmes essentiels. L 'auteur, Hermeias, est inclus traditionnellement parmi les apologistes chrétiens, bien que très peu du contenu de cet écrit, sauf le titre et l'introduction , soit d 'origine chrétienne. Voir Hanson

4, p. 20-23 et 37-47, pour ce qui est du rattachement de l' écrit à la Bible et à la doctrine chrétienne. L 'auteur présente des traits qui l'assimilent incontestable

ment à un rhéteur, influencé par des idées cyniques et sceptiques. Voir Kindstrand 17, p . 350 -353. JAN FREDRIK KINDSTRAND .

77 HERMEIAS RE 12

FI

Géomètre, l'un des invités d 'Ammonios (P - A 138) au banquet du livre IX des Propos de Table de Plutarque .La scène est censée se placer une année où le phi

losophe était stratège des hoplites , donc sous les Flaviens. Hermeias s'y montre obsédé par la symbolique des nombres, au point que les autres convives doivent le faire taire pour pouvoir orienter la conversation vers d'autres sujets,mais cette manie ne constitue probablement pas une raison suffisante pour le classer sans hésitation au nombre des pythagoriciens ; J.P . Hershbell , « Plutarch 's Pythago

rean Friends» , CB 60, 1984, p. 73-78, estime que l'on ne peut pas se prononcer sur ce point.

BERNADETTE PUECH . MV 78 HERMEIAS D ’ALEXANDRIE RE 13 Philosophe néoplatonicien , condisciple à Athènes de Proclus chez Syrianus (mort en 437) (Damascius, Vie d 'Isidore, fr. 120 et Epit. Phot. 74 ), puis profes

seur à Alexandrie. Il était le frère de Grégoire d' Alexandrie (2+ G 34 ) (Ibid., fr. 123 et Epit. Phot. 75 ). Il fut l'époux d'Aidésia (> A 55), parente de Syrianus, et le père des philosophes Ammonius (* * A 141) et Héliodore (2H 30 ), lesquels furent les maîtres de Damascius (fr. 119). Un premier fils d'Hermeias et d' Ai désia étaitmort à l'âge de sept ans (Epit. Phot. 76 ). A la mort d 'Hermeias, Aidé sia dut veiller à la formation philosophique des deux enfants et leur assura, jus qu 'à ce qu' ils s'adonnent à la philosophie , la pension alimentaire qui avait été

accordée à leur père (fr. * 124). Elle se rendit avec eux à Athènes pour qu'ils

étudient auprès de Proclus (fr. * 127). Grégoire

Hermeias - Aidésia x

Ammonius Héliodore

A son habitude, Damascius exprime sur son compte un jugement mitigé: « Comme travailleur, nul ne le surpassait, mais il n 'était pas très intelligent ni

HERMEIAS D'ALEXANDRIE

640

H 78 très habile à découvrir des raisonnements probants, il n ' était donc pas davantage un remarquable chercheur de vérité ; aussi était- il incapable de discuter avec

vigueur contre ceux qui élevaient des objections, alors qu 'il se rappelait à peu près tout ce qu 'il avait entendu expliquer par son maître ſi.e. Syrianus) et tout ce qu 'il avait trouvé écrit dans les livres. Mais la spontanéité d'esprit ne fleurissait

pas sur son érudition » (Epit. Phot. 74 ; p . 100, 10 - 102, 1 Zintzen ; trad. Henry ; voir aussi fr. 120 et 121). Damascius admire cependant sans réserve sa rectitude

morale quil'amenait à donner pour un livre davantage que le prix qui lui en était demandé lorsque le vendeur en ignorait la valeur véritable (Epit. Phot. 74 ; p . 102, 2 - 104, 4 Zintzen ; voir aussi fr. 122).

Il était l' ami d'Égyptos, le frère de Théodotè,mère d'Isidore (fr. 119), et, à la mort de cet Égyptos (ou lorsque lui-même était à l'article de la mort, comme l'entend P . Athanassiadi, Damascius, p . 155 n . 129), il l'assura sous serment que

l'âmeest immortelle et indestructible (fr. 120). Hermeias d'Alexandrie, le rhéteur, mentionné dans le fr. 289, n'est sans doute qu'un homonyme(PLRE 11:4 ).

Son commentaire du Phèdre de Platon , fondé sur l'enseignement de Syrianus, est conservé. Il s'agit en réalité des notes prises par Hermeias au cours de

Syrianus. Y sont mentionnées des objections soulevées par « notre compagnon Proclus» (p . 92, 6 ; 154, 28 ) ou par l'auteur lui-même (p. 24, 5 ; 154, 21) et la réponse du « philosophe» . L 'auteur cite Plotin , Porphyre, Jamblique, Harpocra tion et Posidonius. Bien que l'expression ne soit pas utilisée dans le titre, ce serait là un exemple d'un commentaire composé áno owvñs. Voir 1 M . Richard ,

« ANO OSNHE» , Byzantion 20, 1950, p. 191-222 ; repris dans Opera Minora, t. III, Turnhout/Louvain 1977, nº60. Le commentaire est profondémentmarqué par la méthode exégétique de Jamblique ( I 3). Sur ce commentaire, voir aussi 2 L . G . Westerink, « The Alexandrian commentators and the introductions to their commentaries » , dans R . Sorabji (édit.) , Aristotle transformed. The

Ancient commentators and their influence, Ithaca (NY), Cornell Univ . Pr., 1990, p. 325- 348,

qui y voit « a set of unrevised notes of Syrianus' lectures on the dialogue » (p . 325).

C 'est le seul commentaire sur le Phèdre qui soit conservé.Des commentaires perdus de Jamblique, de Syrianus et de Proclus sont cependant attestés, ainsi que des scholies de Michel Psellos. Selon 3 A . Bielmeier, Die neuplatonische Phaidrosinterpretation . Ihr Werde gang und ihre Eigenart, coll. « Rhetorische Studien » 16 , Paderborn 1930 , p. 33

35, le commentaire permettrait de retrouver des extraits du commentaire de Jamblique.

Édition . 4 P . Couvreur (édit.), Hermiae Alexandrini in Platonis Phaedrum Scholia , coll. « Bibliothèque de l’ÉPHÉ », fasc . 133, Paris 1901, XXIV-272 p. ; réimpr. sous les soins de C . Zintzen , Hildesheim 1971, avec un index verborum

dactylographié, p . 273-297, et un Nachwort, p. 298-300. Une traduction roumaine est parue en accompagnement d 'une traduction du

Phédon et du Phèdre dans 5 G . Lijceanu, A . Cornea et R . Bercea ( édit.), Plato Philosophus. Opere complete, t. IV : Phédon ; Phèdre; Commentaire d'Hermias

H 79

HERMETICA

641

sur le Phèdre, trad. P . Creţia et M . Tecuşan , « Clas. filos. univ.» , Bucureşti

1983. Traduction allemande récente par 6 Hildegund Bernard, Hermeias von Alexandrien. Kommentar zu Platons “ Phaidros", übersetzt und eingeleitet von H . B ., coll. « Philosophische Untersuchungen » 1, Tübingen 1997 , VIII-442 p.

Voir le compte rendu donné par G . Bendinelli, Adamantius 4 , 1999, p. 288 -291. Traduction allemande récente par 7 H . Bernard, Hermeias von Alexandrien. Kommentar zu Platons Phaidros, coll. « Philosophische Untersuchungen » 1, Tübingen 1997, VIII-442 p.

C 'est le seul ouvrage connu d'Hermeias, mais son fils Ammonius fait réfé rence à son interprétation des Premiers Analytiques d 'Aristote sur les syllo

gismes de la deuxième et troisième figure (in Anal. Pr., p. 31, 24-25 Wallies), en l'associant à Proclus et au maître de ce dernier, c'est-à-dire Syrianus.

Cf. 8 K . Praechter, art. « Hermeias» 13, RE VIII 1, 1912, col. 732-735 ; 9 Id ., « Richtungen und Schulen im Neuplatonismus» , dans Genethliakon für Carl Robert, Berlin 1910, p. 150 n . 2, repris dans Kleine Schriften, hrsg. von H . Dörrie, coll. « Collectanea » 7, p. 210 n . 2 ; 10 Id., c.r. de la collection Die griechischen Aristoteles-Kommentare dans ByzZ 18 , 1909, p. 524 = Kleine Schriften, p. 290 n . 4 ; 11 M .Minniti Colonna, « I codici napoletani degli Scholia in Platonis Phaedrum di Ermia Alessandrino » , Vichiana 7, 1978, p. 193- 201; 12 M .B . J. Allen , « Two commentaries on the Phaedrus. Ficino 's indebtedness to

Hermias» , JWI42, 1980, p . 110 -129 ; 13 C. Moreschini, « Alcuni aspetti degli Scholia in Phaedrum di Ermia Alessandrino » , dans M .-O . Goulet-Cazé, G .

Madec et D . O 'Brien (édit.), EOQIHE MAIHTOPEE, " Chercheurs de sagesse", Hommage à Jean Pépin , Paris 1992, p. 451-460 ; 14 Id., « La " Teologia” e l'esegesi del “ Fedro" di Platone secondo Ermia Alessandrino » , dans M . Serena Funghi (édit.), 040I AIZHEIO2. Le Vie della ricerca. Studi in onore di F . Adorno, Firenze 1996 , p. 361-369 ; 15 Id ., « Motivi esegetici e filosofici negli “ Scholia in Phaedrum ” di Ermia Alessandrino » , Cassiodorus 2, 1996 , p. 99- 117. Un manuscrit de l'Escorial, disparu dans l'incendie de 1579, signale des

Mathematica du médecin Hermeias, mais il n 'est pas sûr qu 'il s 'agisse du philosophe, lequel n 'est jamais désigné comme médecin . Voir Couvreur 4 , p . VIII .

RICHARD GOULET. 79 HERMETICA

Les textes philosophiques du Corpus Hermeticum comprennent dix -sept trai tés (numérotés traditionnellement I-XIV et XVI-XVIII). La notice « Asclepius » renvoyait à « Corpus Hermeticum » et cette dernière notice ren voyait à « Hermetica » . Il serait inconvenant de retarder davantage la publication de la notice ainsi annoncée. Nous avons dû cependant nous borner à présenter les principales publications

classiques ou récentes en nous limitant d 'ailleurs aux textes proprement philosophiques de la période gréco -romaine et en laissant de côté toute la littérature astrologique, alchimique et

magique transmise sous l'autorité d'Hermès. Les textes hermétiques se présentent comme des livres exposant, de diverses

manières (traités, dialogues ), les révélations du dieu égyptien Thoth , identifié à

HERMETICA

642

H 79

Hermès. Les plus anciens documents, de caractère astrologique, peuvent remon ter au début du 11e siècle av. J.-C . Les textes philosophiques du Corpus Hermeti

cum sont plus tardifs et ont été écrits entre 100 et 300 de notre ère. Ils mettent en scène, souventdans le cadre de dialogues, diverses divinités comme Hermès, Tat

(= Thoth), Asclépius, Ammôn, Agathos Daimon, Isis et Horus. La séparation entre l'hermétismedes sciences occultes et l'hermétisme philosophique, rappelée par Festugière 46 , p . 28 , n 'est pas tranchée,mais incorporer dans la présente notice les textes astrologiques, alchimiques et magiques, qui font l'objet du pre

mier tome de La Révélation d 'Hermès Trismégiste (Festugière 1),nous entraîne rait loin de la philosophie . Sur les points communs entre ces deux composantes des écrits hermétiques, voir Festu gière 1 , t. I, p . 87 - 88 .

Sur le dieu égyptien Thoth et son assimilation à Hermès, voir Festugière 1 ,

t. I, p . 67-74. On a beaucoup discuté de l'origine grecque ou orientale de cette littérature . A . D . Nock écrit : « Sauf le cadre , ils contiennent extrêmement peu d'éléments

égyptiens. Les idées sont celles de la pensée philosophique grecque populaire, sous une forme très éclectique, avec ce mélange de platonisme, d 'aristotélisme et de stoïcisme qui était alors si répandu ; çà et là paraissent des traces de judaïsme

et, probablement aussi, d'une littérature religieuse dont la source utlime est l'Iran : par contre, nulle marque évidente ni de christianisme ni de néoplato nisme » (4, p. V). On a également tenté de déterminer le Sitz -im -Leben de cette production litté raire : conventicules hermétiques, religion constituée , courant spirituel informel ? Le statut du discours philosophique dans les textes hermétiques a été bien décrit

par Festugière 46 , p . 37 : « Tout se passe comme si l'on se trouvait en présence non pas d'une école philosophique en possession d'un système,mais d'une école

de piété qui, prenant pour point de départ n 'importe quel problème scolaire et sans s'arrêter à la discussion de ce problème pour lui-même, chercherait le pre mier prétexte pour s'évader dans le domaine de l'homélie dévote et de la direc

tion spirituelle » . La présence de points de vue irréconciliables sur le monde (tantôt pénétré par la divinité et point de départ de la contemplation divine, tantôt mauvais et constituant un obstacle à la découverte du dieu caché) ont amené la

plupart des spécialistes à rejeter l'idée que l'hermétisme ait pu être issu « d'une confrérie religieuse au sens propre , d'une Église avec ses dogmes, ses rites, sa liturgie , une Église dont le Corpus Hermeticum aurait constitué la Bible >>

(Festugière 46, p . 38). Contre les reconstitutions de confréries hermétiques pro posées par Reitzenstein 42, notamment p . 248, Festugière 1 , t. I, p. 81-87, fait valoir toute une série d'arguments qui invitent à voir dans l'hermétisme un phé

nomène essentiellement littéraire : « Diversité de la littérature hermétique ; ana logie avec les autres branches similaires du genre prophétique ; emploi universel, dans ces sortes d 'ouvrages, d'un cadre et d 'expressions empruntés aux mystères ; absence de toute indication permettant de conclure, dans l'hermétisme, à une hiérarchie sacrée et à des sacrements ; répugnance à l' égard de toutacte de culte

H 79

HERMETICA

643

autre que la seule prière ; divergences doctrinales aboutissant à deux façons de vivre exactement opposées : tous ces faits obligent à tenir les écrits hermétiques pour un phénomène purement littéraire , et non pour les " liturgies” d 'une confré

rie demystes» (1,t. I, p . 84). Les testimonia anciens relatifs à l'hermétisme grec sont rassemblés par Festugière 1 , p . 76 -81.

Études générales. 1 A .J. Festugière , La Révélation d'Hermès Trismégiste, t. I : L 'astrologie et les sciences occultes, avec un appendice sur l'Hermétisme

arabe de L .Massignon , coll. « Études bibliques », Paris 1944, XIV-425 p .; t. II : Le Dieu cosmique, 1949, XVIII-610 p . ; t. III : Les doctrines de l'âme, suivi de Jamblique , Traité de l'âme, traduction et commentaire ; Porphyre, De

l'animation de l' embryon, 1953, XIV -314 p . ; t. IV : Le Dieu inconnu et la Gnose, XII-315 p . (Réédité aux Belles Lettres dans la « Collection d 'Études

Anciennes » en 1981). L' appendice du t. I a été repris dans 2 L . Massignon , Inventaire de la littérature hermétique arabe, dans Opera Minora, t. I, Paris 1969, p .650 -666 .

Éditions d'ensemble. 3 W . Scott, Hermetica . The Ancient Greek and Latin writings which contain religious or philosophic teachings ascribed to Hermes

Trismegistus. Edited with English translation , Oxford 1924-1936 , 4 vol. ;

réimpr. Boston 1983-1985 ; 4 A . D . Nock et A . J. Festugière (édit.), Corpus Hermeticum , CUF, 4 vol., Paris 1945- 1954. Dans sa Préface au premier tome, Nock annonçait pour le troisième volume un essai sur

l'évolution générale de la littérature hermétique. Dans son introduction aux fragments divers

publiés dans le vol. IV , p. 103, Nock déclare renoncer à ce projet et renvoie aux études publiées par le Père Festugière entre temps.

Traductions d ' ensemble. Française :Nock et Festugière 4 (qu'il faut parfois mettre à jour grâce aux corrections apportées par Festugière 1). Anglaise : 5 B . P. Copenhaver (édit.), Hermetica. The Greek Corpus Hermeticum and the Latin

Asclepius in a new English translation, ed.with notes and an introduction by B . P. C ., Cambridge 1992, LXXXII -320 p. index. Allemand : 6 Das Corpus Her meticum deutsch : Übersetzung, Darstellung und Kommentierung in drei Teilen

im Auftrag der Heidelberger Akademie der Wissenschaften bearb . und hrsg. von C . Colpe und J. Holzhausen , coll. « Clavis pansophiae » 7 , 1 - 2 Stuttgart/Bad Cannstatt 1997, t. I: Die griechischen Traktate und der lateinische « Asclepius » , übers. und eingel. von J. Holzhausen , XIII- 316 p. ; t. II : Exzerpte , Nag-Ham

madi-Texte, Testimonien, übers. und eingel. von J. Holzhausen, VIII- p. 319-665. Espagnol : 7 Tratados del Corpus Hermeticum . Introd ., versión y notas de J. García Font, coll. « Aurum » , Barcelona 1997, 266 p.

Bibliographie . 8 A . González Blanco, « Hermetism . A bibliographical approach » , ANRW II 17, 4 , 1984, p . 2240 -2281 ; 9 K .H . Dannenfeldt, « Herme tica philosophica » , Catalogus translationum I, 1960, p. 137- 156. Index. 10 L . Delatte, S. Govaerts et J. Denooz, Index du Corpus Hermeticum , coll. « Lessico intell. europeo » 13,Roma 1977, XXIV - 360 p .

HERMETICA

644

H79

ASCLÉPIUS ( D 'Hermès Trismégiste : Livre sacré dédié à Asclépius). Lambeaux ( « une mosaïque de petits logoi distincts dont chacun a pour objet un problème particu lier » , Festugière 1, t. II, p . 18 ), traduits du grec, d'un Discours parfait (Abyos TÉNELOS) et d 'autres ouvrages disparus. Analyse du traité dans Festugière 1 , t. II,

p. 18 -27 . Fragments de l'original grec chez Lactance et dans le papyrus Mimaut, qui intègre la prière finale dans une pratique de magie . Cette traduction latine, déjà citée par Augustin (Cité de Dieu ), est attribuée, à partir du XIe siècle à Apu

lée par la tradition directe (voir la notice de J.-M . Flamand, DPA, A 294, t. I, p . 312 -313). Une version copte du Discours parfait a été retrouvée à Nag Ham

madi en Haute-Égypte .

Études. 11 P . Siniscalco , « Ermete Trismegisto , profeta pagano della rivela zione cristiana. La fortuna di un passo ermetico (Asclepius 8 ( ?)) nell'interpre tazione di scrittori cristiani» , AAT 101, 1966 - 1967, p. 83- 113 ; 12 A . J. Festu

gière, « Les dieux ousiarques de l'“ Asclépius” » (1938), repris dans son recueil de travaux Hermétisme et mystique païenne, Paris 1967, p. 121- 130 ; 13 J. Schwartz , « Note sur la Petite Apocalypse de l'Asclepius » , RHPUR 62, 1982, p . 165- 169 ; 14 D . N . Wigtil, « Incorrect apocalyptic . The Hermetic " Asclepius"

as an improvement on theGreek original» , ANRW II 17, 4, 1984 , p. 2282 -2297 ; 15 C . Moreschini, Dall'Asclepius al Crater Hermetis. Studi sull'ermetismo latino tardo -antico e rinascimentale , coll. « Bibl. di studi antichi » 47, Pisa 1985 ,

293 p. ; 16 M . Bertolini, « Sul lessico filosofico dell'Asclepius» , ASNP 15, 1985, p . 1151-1209 ; 17 S . Gersh , Middle Platonism and Neoplatonism . The Latin tradition , coll. « Publications in Medieval Studies » 23, Notre Dame

(Indiana) 1986 , t. I, p. 329-387 (comparaison entre l'Asclépius et les doctrines anthropologiques médio -platoniciennes) ; 18 A . Camplani, « Alcune note sul

testo del VI codice di Nag Hammadi. La predizione di Hermes ad Asclepius » ,

Augustinianum 26 , 1986, p . 349- 368 ; 19 M . Van Esbroeck, « L 'apport des versions orientales pour la compréhension de l' Asclepius dans les Philosophica d ’Apulée » , dans M . Pavan et U . Cozzoli (édit.), L 'eredità classica nelle lingue

orientali, coll. « Acta encyclopaedica» 5 , Roma 1986, p . 27-35 ; 20 J.-P.Mahé, « Remarques d 'un latiniste sur l'Asclepius copte de Nag Hammadi» , RSR 48,

1974, p. 136 -155 ; 21 Id., « Le fragment du Discours parfait dans la bibliothèque de Nag Hammadi» dans B . Barc (édit.), Colloque international sur les textes de Nag Hammadi (Québec, 22 -25 août 1978 ), coll. « Bibl. copte de Nag Hammadi »

Sect. Études, 1, Québec 1981, p . 304-327 ; 22 Id., « Le Discours parfait d 'après l'Asclépius latin . Utilisation des sources et cohérence rédactionnelle » , ibid ., p . 405-434. CORPUS HERMETICUM

Les dix -sept traités de ce corpus (numérotés de 1 à 14 et de 17 à 18, par suite

de l'insertion par Turnèbe d'un quinzièmetraité formé de trois extraits de Sto bée ) « diffèrent et par le titre ou l'adresse, et par la forme (monologue ou dia

logue) et le genre littéraire, et, ce qui est plus essentiel, par la doctrine »

645 (Festugière 46 p . 33). Le corpus a été constitué entre le vie et le xie siècle et H 79

HERMETICA

n 'est attesté qu'à partir de Psellos. Au vie siècle Stobée ne connaissait encore que diverses collections de logoi (voir Festugière 1, t. II, p . 2 -5). Typologie sommaire des traités dans Festugière 46 , p . 34- 38. Sur la tradition manuscrite (une vingtaine de manuscrits des XIV -XVI° siècles remontant à un même arché

type), voir Nock 4 , t. I, p. XI-LIV . Sur la forme littéraire de chaque traité, voir Festugière 1, t. II, p. 9- 18 . TRAITÉ I : POIMANDRÈS.

Ce premier traité « est une arétalogie, c'est-à-dire le récit d'unemanifestation soudaine et miraculeuse (arétè ) de la divinité, ici le Noûs divin ou Intellect Suprême. Au cours d'un songe ou d 'une extase, le Noûs apparaît au disciple qui, cette fois, est Hermès lui-même, et il lui fait voir la genèse du monde spirituel et

du monde sensible, l' émanation , à partir du Dieu suprême, de ses fils divins, le Logos ou Verbe, le Noûs ou Intellect, l' Anthropos ou “ Premier Homme” céleste ; puis la chute de ce Premier Homme et la création des sept premiers hommes terrestres, d 'où est issue l'humanité ; enfin la remontée des âmes et leur

sort posthume. A la fin , le disciple se met à prêcher aux hommes la révélation du salut et il chante un hymne à Dieu » (Festugière 46 , p . 34). Le Poimandrès offre

l'exposé le plus complet de « doctrine hermétique du salut», systématisée par Festugière 46 , p . 50 -69 . L' identité du disciple (Hermès) est établie par une référence à la révélation du Poimandrès contenue dans le traité XIII 15 , qui est un discours d'Hermès à son fils Tat. La révélation d 'Hermès remonte donc à celle que lui a faite Poimandrès.

Traductions. Italienne : 23 P. Scarpi, Ermete Trismegisto , Poimandres, ( trad.) a cura di P. S., « Collana Il Convivio » , Venezia 1987, 105 p. Allemande : Hermes Trismegistos, Poemander oder Von der göttlichen Macht und Weisheit,

in der Übers. und den Anm . von D . Tiedemann ,mit einer Einl. von M . Vollmer, coll. « Ergebnisse Philos.» , Hamburg 1990 , XXXVII-121 p .

Index. 24 D . Georgi et J. Strugnell (édit.), Concordance to the Corpus Hermeticum . Tractate one. The Poimandres, coll. « Concordances to Patristic and late classical texts » , Cambridge,MA, 1971, IV -26 p.

Études. 25 'R . Reitzenstein , Poimandres. Studien zur griechisch-ägyptischen und frühchristlichen Literatur, Leipzig 1904 ; 26 B . A . Pearson , « Jewish ele ments in Corpus Hermeticum I (Poimandres) » , dans R . van den Broek et M .J. Vermaseren (édit.), Studies in gnosticism and Hellenistic religions presented to

Gilles Quispel on the occasion of his 65th birthday, coll. EPRO 91, Leiden 1981, p . 336 - 348 ; 27 R . A . Segal, The Poimandres as myth . Scholarly theory and

gnostic meaning, coll. « Rel. & reason » 33, Amsterdam /Berlin 1986 , VIII 214 p . ; 28 J. Buechli, Der Poimandres, ein paganisiertes Evangelium . Sprachliche und begriffliche Untersuchungen zum 1. Traktat des Corpus Her meticum , coll. « Wiss. Unters. zum N . T.» R . 2, 27, Tübingen 1987, XI-232 p. ;

29 J. Holzhausen , « Natur und Gottes Wille im hermetischen Traktat Poiman dres » , Hermes 120 , 1992, p. 483-489.

HERMETICA AUTRES TRAITÉS

646

H79

Traité II A : D 'Hermès à Tat : Discours universel (noroE KAOOAIKOE). Traité II B

Dialogue perdu. (titre perdu).

Traité III :

D 'Hermès : Discours sacré (IEPOE AOTO )

Traité IV :

D ’Hermès à Tat : Le Cratère ou la Monade (O KPATHP, H MONAE)

Traité V :

Traité VI: Traité VII :

D 'Hermès à son fils Tat : Que Dieu est à la fois inapparent et le plus apparent. (Que le Bien n 'existe qu 'en Dieu seul et nulle part ailleurs.) (Que le plus grand des maux parmiles hommes, c'est l'ignorance touchant Dieu.)

Traité VIII : (Qu'aucun des êtres ne périt et que c 'est à tort qu'on nomme les changements destructions et morts.]

Traité IX :

(Sur l'intellection et la sensation.]

Suite d'un “ Discours parfait” (Nóyos TÉRELOC) prononcé la veille. On a pensé qu'il pour rait s'agir de l' original grec perdu de l'Asclépius.

Traité X : D ’Hermès Trismégiste : La Clef. Suite des Leçonsgénérales (YeVixoi Nóyou) prononcées devant Tat. Traité XI: Nous à Hermès.

Traité XII : Traité XIII :

D 'Hermès Trismégiste : Sur l'intellect commun, à Tat. D ’Hermès Trismégiste à son fils Tat: Discours secret sur la mon tagne concernantla regénération et la règle du silence.

Mentionne les Leçons générales et renvoie au Poimandrès. Études. 30 W . C . Grese , Corpus Hermeticum XIII and early Christian literature, coll. « Studia ad Corpus Hellenisticum Novi Testamenti » 5, Leiden 1979, XU1-229 p. ; 31 K .- W . Tröger, Mysterienglaube und Gnosis in CorpusHermeticum XIII, Berlin 1971.

Traité XIV : D ’Hermès Trismégiste à Asclépios : Santé de l'âme. [Lettre) Traité XVI : D 'Asclépios au roi Ammon : Définitions. Sur Dieu , sur la matière, sur le mal, sur la fatalité, sur le soleil, sur la substance

intelligible, sur l'essence divine, sur l'homme, sur la disposition du plérôme, sur les sept astres, sur l'homme selon l' image. (Lettre)

Traité XVII : (fragment d 'un dialogue entre Tat et un roi...) Traité XVIII : [Des entraves qu'apporte à l'âme ce qui arrive au corps.) EXTRAITS DIVERS Extraits conservés par l'Anthologie de Stobée (29 fragments tirés de quatre cycles de traités), « les uns ne comportant que quelques lignes, les autres consti tuant un logos complet, ou presque complet, quelques-uns remarquables et par la doctrine et par la forme (ainsi surtout les extraits des logoi d'Isis à Horus, et, parmi ces derniers, la Koré Kosmou ) » (Festugière 46 p. 33). On les range selon

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HERMETICA

647

le personnage auquel ils sont adressés : logoi d 'Hermès à Tat, d 'Hermès à

Ammon , d'Isis à Horus. Fragments divers empruntés à Tertullien, Lactance , Jamblique, Zosime l'alchimiste, etc . Quelques autres fragments tirés du Contre lulianum de Cyrille d 'Alexandrie .

Les extraits XXIII-XXIV sont tirés de la Korè Kosmou (Fille ou pupille du monde).

Études sur la Korè Kosmou. 32 A . J. Festugière, « La création des âmes dans la Korè Kosmou » (1939 ), repris dans son recueil de travaux Hermétisme et

mystique païenne, Paris 1967, p. 230-248 ; 33 P. A . Carozzi, « Gnose et sotério logie dans la Korè Kosmou hermétique » , dans J . Ries, Y . Janssens et J. M . Sevrin (édit.), Gnosticisme et monde hellénistique, Actes du Colloque de Louvain -la -Neuve (11- 14 mars 1980 ), coll. « Publ. de l'Inst. Orientaliste de Louvain » 27 ,Leuven 1982, p.61-78 ; 34 H . Jackson , « Kópn xóquov . Isis, pupil of the eye of the world », CE 61, 1986 (121), p. 116 - 135 ; 35 H . D . Betz , « Schöpfung und Erlösung im hermetischen Fragment Kore Kosmou » , article de 1966 repris avec des compléments bibliographiques dans ses Gesammelte Aufsätze, I : Hellenismus und Urchristentum , Tübingen 1990 , p. 22 -51. NOUVEAUX TEXTES Découverts entre autres dans la bibliothèque gnostique de Nag Hammadi et dans desmanuscrits arméniens. 36 J.-P. Mahé, « Les Définitions d'Hermès Trismégiste à Asclepius (Traduc tion de l'arménien ) » , RSR 50 , 1976 , p. 193-214 ; 37 M . G . de Durand, « Un traité hermétique conservé en arménien », RHR 190, 1976 , p . 55-72 ; 38 J.-P. Mahé, Hermès en Haute- Égypte , t. I: Les textes hermétiques de Nag Hammadi et leurs parallèles grecs et latins, coll. « Bibl. copte de Nag Hammadi» 3, Québec 1978 , XIX -171 p . ; t. II : Les fragments du " Discours parfait" et les “ Défini

tions” hermétiques arméniennes (NH VI, 8, 8a), coll. « Bibl. copte de Nag Ham madi» Section Textes 7, Québec 1982, L -565 p. ; 39 J.-P .Mahé, « Fragments hermétiques dans les Papyri Vindobonenses Graecae 29456 rº et 29828 rº » ,

dans E . Lucchesi et H . D . Saffrey (édit.),MémorialAndré- Jean Festugière. Anti quité païenne et chrétienne. Vingt-cinq études réunies et présentées, coll. « Cahiers d'orientalisme» 10 , Genève 1984 , p . 51-64 ; 40 J. Paramelle et J.-P. Mahé, « Extraits hermétiques inédits dans un manuscrit d ' Oxford » , REG 104 , 1991, p. 109- 139 ; 41 J.-P. Mahé, « Preliminary remarks on the demotic Book of Thoth and the Greek Hermetica » , VChr 50, 1996 , p. 353-363. ÉTUDES SUR LE CORPUS HERMETICUM

42 R . Reitzenstein , Poimandres, Leipzig 1904 ; 43 W . Kroll, art. « Hermes Trismegistos » , RE VIII 1, 1912 , col. 792-823 ; 44 J. Kroll, Die Lehren des Hermes Trismegistos, Münster 1914 , réimpr. 1928, VII -44 p. ; 45 G . van

Moorsel, The Mysteries of Hermes Trismegistus, Utrecht 1955 ; 46 A .J. Festu gière, « L 'Hermétisme» , dans son recueil de travaux Hermétisme et mystique

648

HERMETICA

H 79

païenne, Paris 1967, p. 28 -87 (version revue d'une étude parue dans le Bull. de la société royale de Lund en 1947- 1948, p. 1-59) ; 47 A .J. Festugière, « Hermé tisme et gnose païenne » , dans son recueil de travaux Hermétisme et mystique païenne, Paris 1967, p. 88 -99 (précédemment paru dans l'Histoire générale des

religions, Paris 1945, t. III, p.61-65) ; 48 A . J. Festugière, « Hermetica » (1938), dans son recueil de travaux Hermétisme etmystique païenne, Paris 1967, p . 100 120 (1 : Le baptême dans le cratère ; II : Le corps exécré par le soleil) ; 49 Jean Doresse, « L 'Hermétisme égyptianisant» , dans Histoire des Religions, t. II (publié sous la direction de H .-Ch . Puech ) : La formation des religions univer selles et des religions du salut dans le monde méditerranéen et le Proche-Orient. Les religions constituées en Occident et leurs contre -courants, coll. « Encyclo pédie de la Pléiade» , 34 , Paris 1972, p. 430 -497 (bibliographie : p. 493-497) ; 50 J.-P . Mahé, « Le sens et la composition du traité hermétique L 'ogdoade et l'ennéade, conservé dans le codex VI de Nag Hammadi» , RSR 48, 1974 , p . 54 65 ; 51 J.- P . Mahé, « Stobaei Hermetica XIX , 1 et les Définitions hermétiques

arméniennes » , REG 94 , 1981, p. 523 -525 ; 52 J. F. Horman, The text of the

Hermetic literature and the tendencies of itsmajor collections, Diss.,McMaster Univ . Hammond, Ont., 1974 (microfiches) ; 53 H . Hornik , « The philosophical Hermetica. Their history and meaning» , AAT 109, 1975, p . 343-392 ; 54 J. P .

Ponsing, « L 'origine égyptienne de la formule un -et-seul» , RHPHR 60, 1980, p. 29-34 ; 55 F. di Carlo, Letteratura e ideologia dell'ermetismo, Foggia 1981, 214 p. ; 56 G . Filoramo, Le religioni di salvezza del mondo antico, II : L 'erme tismo filosofico, Torino 1979, 134 p . ; 57 G . Sfameni Gasparro , Gnostica et hermetica. Saggi sullo gnosticismo e sull’ermetismo, coll. « Nuovi Saggi » 82, Roma 1982, 336 p. ; 58 F . Daumas, « Le fonds égyptien de l'hermétisme» , dans J. Ries, Y . Janssens et J. M . Sevrin (édit.),Gnosticisme etmonde hellénistique, Actes du Colloque de Louvain -la -Neuve (11-14 mars 1980 ), coll. « Publ. de l'Inst. Orientaliste de Louvain » 27, Leuven 1982, p. 3-25 ; 59 E . Iversen ,

Egyptian and hermetic doctrine, coll. « Opuscula Graecolatina» 27, København 1984 , 71 p. ;60 F . Bonardel, « L'hermétisme» , coll. « Que sais -je ? », Paris

1985, 128 p . ; 61 J.- P . Mahé, « La création dans les Hermetica » , RecAug 21, 1986 , p. 3-53 ; 62 C .Moreschini, « Per una storia dell'ermetismo latino » , dans Le trasformazioni della cultura nella tarda antichità , coll. « Storia » 19, Roma 1985 , t. II, p . 529-543 ; 63 D . J. M . Whitehouse, The hymns of the Corpus Her meticum . Forms with a diverse functional history, Diss., Harvard University Cambridge,MA, 1985 , 458 p. ; 64 G . Fowden , The Egyptian Hermes. A histori cal approach to late paganism , Cambridge 1986 , 244 p . ; 65 N . Makris, « Hermès Trismégiste et l'Égypte » , EPh 1987, p. 169- 178 ; 66 H .J. Sheppard ,

A . Kehl et Robert McL . Wilson, art. « Hermetik » , RLAC XIV , 1988, col. 780 807 (Pagane Hermetik , Vulgär-Hermetik , Gelehrte Hermetik ; Hermetik und Judentum , Hermetik und Christentum ) ; 67 G . Luck , « The doctrine of salvation in the Hermetic writings » , SCent 8, 1991, p . 31-41 ;68 J.-P .Mahé, « La voie d 'immortalité à la lumière des Hermetica de Nag Hammadi et de découvertes

plus récentes », VChr 40, 1991, p. 347-375 ; 69 Th .McAllister Scott, Egyptian

H 79

HERMETICA

649

elements in Hermetic literature, Diss. Harvard Univ., Cambridge, MA, 1991, 277 p. (microfilm ) ; 70 J.-P. Mahé, « Le rôle de l' élément astrologique dans les

écrits philosophiques d 'Hermès Trismégiste » , dans J.-J. Abry (édit.), Les tablettes astrologiques de Grand (Vosges) et l'astrologie en Gaule romaine, « Coll. du Centre d ' études romaines et gallo romaines » N . S . 12 , Lyon /Paris

1993, p. 161- 167 ; 71 G . Quispel, « Hermes Trismegistus and the origins of Gnosticism », VChr 46 , 1991, p . 1-19.

INFLUENCE ET RÉCEPTION 72 J. Pépin , « Grégoire de Nazianze, lecteur de la littérature hermétique » , VChr 36 , 1982 , p . 251-260 ; 73 S . Giversen , « Hermetic communities ? » dans

S. J. Podemann (édit.), Rethinking religion. Studies in the Hellenistic process, coll. « Opusc. Graecolatina Suppl. Musei Tusculani » 30 , København 1989 ,

p. 49- 54 ; 74 Hermes Trismegistus, pater philosophorum . Tektsgeschiedenis van het Corpus Hermeticum . Tentoonstelling in de Bibliotheca Philosophica Herme tica, Amsterdam 1990, Amsterdam 1991,XX -152 p . ill.

SURVIE MÉDIÉVALE ET ORIENTALE Pour l'hermétisme arabe, voir Massignon 2 .

75 L . Sturlese, « Saints et magiciens. Albert le Grand en face d'Hermès

Trismégiste » , ArchPhilos 43, 1980, p.615-634 ; 76 A. Bausani, « Il Kitab 'Ard Miftāh an -Nujām attribuito a Hermes. Prima traduzione araba di un testo astro

logico ? » ,MAL 27, 1983, p . 81-141 ; 77 I. Merkel et A . G . Debus ( édit.), Herme

ticism and the Renaissance. Intellectual history and the occult in early modern Europe, coll. « Folger Institute symposia », Washington 1988, 438 p. Contient (notamment) les études suivantes : 78 B . Copenhaver, « Hermes Trismegistus, Proclus and the question of a philosophy of magic in the Renaissance » , p. 79 110 ; 79 W . C .Grese, « Magic in Hellenistic hermeticism » , p. 45-58 ; 80 M . Idel, « Hermeticism and judaism » , p . 59- 76 ; 81 J. Scarborough, « Hermetic and rela

ted texts in classical antiquity » , p. 19 -44 ; 82 P . Zambelli, « Scholastic and humanist views of hermeticism and witchcraft » , p. 125 - 153 ; 83 Présence de l'hermétisme = Cahiers de l'hermétisme, Paris 1988, 239 p . Contient les études suivantes : 84 M .J. Allen , « Marsile Ficin , Hermès et le Corpus Hermeticum » , p . 110 -119 ; 85 A . Faivre, « La postérité de l’hermétisme alexandrin (repères historiques et bibliographiques) » , p. 13-23 ; 86 A . Faivre , « D 'Hermès-Mercure à Hermès Trismégiste . Au confluent du mythe et du mythique » , p. 24 -48 ; 87 I. Pantin , « Les commentaires de Lefèvre d'Étaples au Corpus Hermeticum , p . 167 183 ; 88 A . Grafton , « Higher criticism ancient and modern . The lamentable deaths of Hermes and the Sibyls », dans A . C . Dionisotti, A . Grafton et J. Kraye (édit.), The uses of Greek and Latin . Historical essays, coll. « Warburg Inst. Surveys and Texts » 16 , London 1988 , p . 155- 170 (Isaac Casaubon et le Corpus Hermeticum ) ; 89 P . Lucentini, « L 'Asclepius ermetico nel secolo XII » , dans H . J. Westra (édit.), From Athens to Chartres. Neoplatonism and medieval

thought. Studies in honour of Édouard Jeauneau, coll. « Studien und Texte zur

HERMETICA

650

H79

Geistesgeschichte des Mittelalters » 35, Leiden 1992, p . 397-420 ; 90 Id., « Il commento all’Asclepius del Vaticano Ottoboniano lat. 811 » , dans M . Ciliberto e

C . Varoli (édit.), Filosofia e cultura. Per Eugenio Garin , « Collana Accademia» , Roma 1991, t. I, p. 39-59 (édition du commentaire ) ; 91 Id . « Glosae super Trismegistum : un commento medievale all' Asclepius ermetico » , AHMA 62,

1995, p. 189-293 (rés, en angl. & en ital.] ; 92 F.A . Yates, Giordano Bruno and the Hermetic tradition , London 1964.

RICHARD GOULET. 80 HERMIAS D 'ATARNÉE RE 11 ?-3419 Tyran d 'Atarnée (en Mysie, face à Lesbos). Cf. 1 P . Natorp, art. « Hermias » 11, RE VIII 1, 1912, col. 831-832 ; 2 P. Von der Mühll, art. « Hermias » 11, RESuppl. III, 1918, col. 1126 - 1130 ; 3 D . E . W .

Wormell, « The literary tradition concerning Hermias of Atarneus» , YCIS 5 ,

1935, p. 59-92 ; 4 G . Pasquali, Le lettere di Platone, Firenze 1938, 2e éd. 1967, p . 210 -225 ; 5 I. Düring, Aristotle in the ancient biographicaltradition ,Göteborg 1957, p. 272-279 ; 6 H . Berve, Die Tyrannis bei den Griechen, München 1967,

t. I, p . 332-335 ; 7 M . Isnardi Parente, Studi sull'Accademia platonica antica, coll. « Saggi filosofici» 1, Firenze 1979, p. 293 -294 ; 8 A . Wörle, Die politische Tätigkeit der Schüler Platons, Darmstadt 1981, p . 128 -139 ; 9 T . Dorandi (édit.),

Filodemo : Platone e l'Academia, p. 32 ; 10 R . D .Milns, « Hermias of Atarneus

and the fourth Philippic speech » , dans Studi F . della Corte , I, Urbino 1987, p. 287 - 302 ; 11 B . Meißner, Historiker zwischen Polis und Königshof,Göttingen 1992 , p. 377 -383. La tradition ancienne sur Hermias est controversée car elle est fondée sur deux types de sources, les unes favorables, les autres défavorables, entrelacées entre elles. La source principale est le commentaire de Didyme sur les Philip

piques de Démosthène conservé dans PBerol. inv. 9780 (II-III s.: col. 4 ,59 6 ,62, p . 11-22 Pearson-Stephens). Didyme rapporte les deux traditions: selon la tradition défavorable (Théopompe de Chios), Hermias était eunuque, natif de

Bithynie et esclave d'Eubule, qui l' affranchit et, après sa mort, le laissa tyran d' Atarnée et d'Assos ; selon la tradition favorable (Callisthène et Aristote ), Hermias représente l'idéal du roi-philosophe, qui avait organisé un État gou verné de manière modérée (npaotépa duvaoteta ). Les deux traditions se trou vaient déjà mêlées dans la Vie d 'Aristote d 'Hermippe (cf. H . Diels , dans H . Diels

et W . Schubert ( édit.], De Demosthene commenta, Berlin 1904, p .XXXIII-XLIII; Wormell 3, p. 81 sq.; Milns 10 , p. 295 n . 33, 302 n. 52 ; contra F . Wehrli,

Hermippos der Kallimacheer , coll. « Die Schule des Aristoteles » Suppl. I, Basel/Stuttgart 1974, p . 76).

Voici ce que nous pouvons dire de façon à peu près certaine sur Hermias :

peut-être entre 360- 350 Hermias vécut à Athènes, où il fréquenta l'Académie , mais il ne rencontra pas Platon , s'il faut en croire la Lettre VI de Platon (322 e. Cf.Wörle 8, p. 129 sq.). En revanche, à Athènes Hermias avait connu Aristote

H 81

HERMIAS DE PHÉNICIE

651

(cf. Strabo XIII 1, 54). Revenu à Atarnée, après la mort d 'Eubule (ca 350 ), Her mias devint tyran de la ville (Wörle 8 , p . 131 n . 1). A la mort de Platon (348/7 ),

Aristote et Théophraste (?) se rendirent chez Hermias et se joignirent à Érastos

( - E 49) et à Coriscos (3-C 187), qui étaient déjà à Atarnée depuis quelques an nées. Hermias leur aurait donné la ville d 'Assos pour qu 'ils y habitent: ils y vécurent et pratiquèrent la philosophie dans une vie communautaire (cf. Dorandi

9, p . 32 n . 22). Pendant ces années Hermias et ses compagnons (' Epuías xai oi ÉTATOOL) signèrent une alliance avec la cité d 'Érythrées en lonie (SIG 229 ; cf. M .N . Tod, A Selection of Greek Historical Inscriptions, t. II, Oxford 1948,

nº 165 ; H . Bengston, Die Verträge der griechisch-römischen Welt von 700 bis 338 v. Chr. München 1962, n° 322) : on a supposé, peut- être avec raison, que oi Étaīpoi étaient Érastos et Coriscos. Par la suite , Hermias entra en contact avec Philippe II de Macédonie et soutint son projet de rendre aux Grecs l' Asie Mineure. Le roi de Perse, Artaxerxès III Ochos, en apprenant le fait, ordonna au satrape Mentor de Rhodes de capturer Hermias. Hermias ne céda pas, même

sous la torture, et il fut finalement exécuté (en 341: la proposition de 11 M . Sordi, Kokalos 5 , 1959, p . 107-118, d'avancer cette date à 345 /4 n 'est pas convaincante ). Aristote et Théophraste avaient déjà quitté Atarnée pour Lesbos

en 345 /4 ; après la mort d 'Hermias, Érastos et Coriscos retournèrent à Scepsis . Aristote épousa Pythias, nièce et fille adoptive d 'Hermias.

Callisthène exalta la mort d 'Hermias par un éloge en prose (FGrHist 124 F 2 3 ), tandis qu'Aristote composa pour lui une épigramme et un hymne intitulé A la vertu (F 1- 3 Plezia . Cf. 12 A . Santoni, « L 'inno di Aristotele per Ermia di Atar

neo » , dans G . Arrighetti et F . Montanari (édit.), La componente autobiografica nella poesia greca e latina fra realtà e artificio letterario , Pisa 1993, p . 179 195 ).

Selon le témoignage de la Souda, E 3040 (vol. II, p . 414, 16 - 17 Adler),Her mias aurait écrit un livre sur l'immortalité de l'âme, IepiPuxñs, óri á ávatos, sous l'influence d 'Aristote .

TIZIANO DORANDI. 81 HERMIAS DE PHÉNICIE RE 14

DVI

Avec Damascius de Syrie (2 + D 3 ), Simplicius de Cilicie , Eulamius (ou Eula

lius (2E 112 ]) de Phrygie , Priscianus de Lydie, Diogène de Phénicie (2 + D 143) et Isidore de Gaza (» I 31), ce philosophe païen quitta l'empire byzantin après 529 (date à laquelle Justinien interdit l' enseignement aux païens et ferma l'école néoplatonicienne d 'Athènes) pour se rendre en Perse , qu 'il croyait être le pays du roi-philosophe de Platon . Déçus par la conduite des Perses, ces philosophes obtinrent de rentrer chez eux , malgré le désir de Chosroès ( P + C 113) de se les attacher. Ce dernier obtint toutefois de Justinien qu' ils ne soient pas inquiétés pour leur religion (Agathias, Hist. II 10 , 3 - 31, 4 ; voir aussi Souda, s. v. apÉOCELS,

11 2251). Sur cet exil collectif des philosophes et le témoignage d 'Agathias, voir Ph. Hoffmann, art. « Damascius» D 3 , DPLA II, p . 559- 563.

652

HERMIAS DE PHÉNICIE H 81 (Sa qualité de philosophe ne peut être déduite que de l'expression utilisée collectivement

par Agathias pour qualifier le groupe des exilés païens: ... Oůtou on oův änavTES TÒ öxpov & Tov, xacờ

Toánơio, CŨy ẻo lộ cao huýt xoÓvụ btAooo0ngayTot, « tous ceux-là

donc, la fleur la plus noble, pour parler en poète, des philosophes de notre temps » (II 30 ; trad. I. Hadot (19961). Ailleurs, Agathias (II 30 -31) les qualifie encore de « philosophes » .

Damascius, Simplicius et Priscianus le Lydien sont les seuls qui sont clairement connus

comme philosophes, c'est-à -dire professeurs de philosophie néoplatonicienne et écrivains. Pour les quatre autres, on ne peut exclure une « idéalisation » du récit d 'Agathias (le chiffre 7,

déjà , suscite des soupçons): ils pourraient être des « intellectuels païens» d 'obédience néopla tonicienne, ou même des professeurs de rhétorique. Voir DPhA II, p . 560 .

PH .HOFFMANN )

PIERRE MARAVAL . HERMIAS DE SAMOS RE 5

Fils d ’Hermodore , de Samos. Il raconta qu’une oie était éprise du philosophe académicien Lacydès de Cyrène (Athénée , Deipnosoph. XIII, 606 c = Lacyd. F

10c Mette. Cf. F 10 ab). On a supposé ,mais sans preuves concrètes, que son ouvrage était un 'Epwtixós philosophique. Hermeias fut, peut- être , disciple de Lacydès. Cf. F. Jacoby, art. « Hermeias » 5, RE VIII 1, 1912, col. 731. TIZIANO DORANDI.

83 HERMINUS RE 2 Péripatéticien , commentateur d'Aristote , peut- être originaire de Pergame.

II

Édition des témoignages et des fragments. 1 H . Schmidt, DeHermino Peri patetico , Diss .,Marburg 1907, 45 p . Études. 2 H . von Arnim , art. « Herminos » 2, RE VIII 1, 1913, col. 835 (11

lignes !) ; 3 P. Moraux, Der Aristotelismus bei der Griechen , t. II, p. 361-398 ; 4 H . B . Gottschalk , « Aristotelian philosophy in the Roman world from the time of Cicero to the end of the second century AD » , ANRW II 36 , 2 ,1987, p . 1158 1159 ; 5 P . Courcelle , Les Lettres grecques en Occident de Macrobe à Cassiodore , Paris 19482, p. 266 et n . 2 (sur Boèce et Herminus). Vie. La présente notice se fonde essentiellement sur l'excellent chapitre

consacré à Herminus par P .Moraux 3. Les renseignements biographiques sur Herminus sont rares et parfois ambigus. Alexandre d 'Aphrodise présente Hermi nus comme l'un de ses maîtres (ap. Simplicius, in De caelo , p. 430 , 32 -33 Heiberg ; cf.* A 112 ). Il fut peut-être disciple du commentateur d 'Aristote, Aspasius (P A 461), à Pergame; dans sa discussion des témoignages grecs, Moraux 3 , p. 361-362, laisse la question ouverte (p . 362, n . 7) ; il s'agit de

(a ) Simpl. in De caelo, p .430 , 32-33 et 431, 10 -11 Heiberg (ces deux passages indiquent seulement, sur un point particulier, une identité de doctrine entre les deux commentateurs) et de (b) Galien , De propriorum animi cuiuslibet affec

tuum dignotione et curatione 8 de Boer (= De cognoscendis curandisque animi morbis 8, p . 32 , 5 - 7 Marquardt ; trad . fr. dans 6 Galien , L 'âme et ses passions, introd., trad. et notes par V . Barras, T . Birchler et A .-N . Morand, coll. « La roue à livres » , Paris 1995, p . 31) ; dans ce passage, Galien (129 - après 200 ) nous

apprend que lui-même avait suivi entre autres les leçons, après sa 14e année

H 83

HERMINUS

653

(donc vers 144/5), d 'un concitoyen « disciple du péripatéticien Aspasios» qui revenait d'un long voyage à l'étranger (ě ånodnuias Maxpãs ; il devait avoir au moins 30 ans ( au moins 25 ans pourMoraux 3 , p . 362]). Or, la tradition arabe nous a conservé en traduction un traité d 'Alexandre d 'Aphrodise (cf. 7 R .

Rescher et M .E . Marmura , The refutation by Alexander of Aphrodisias of Galen 's treatise of the theory ofmotion , Islamabad 1965 (texte et trad. anglaise]) où on apprend que Galien avait adressé à Herminus une lettre dans laquelle il critiquait la thèse aristotélicienne selon laquelle « toutmû est mû par un moteur» (le nom d'Herminus se lit au prix d'une infime correction, cf. Moraux 3, p. 362 n . 6 ; mais « le texte est ambigu » comme le souligne 8 P . Thillet, Alexandre

d 'Aphrodise, Traité du destin , CUF, Paris 1984, p . XVlII n . 1). En révélant l'existence d 'une relation personnelle entre Galien et Herminus, ce témoignage viendrait renforcer l'hypothèse selon laquelle le « disciple du péripatéticien Aspasius » dont Galien fut l'élève pourrait être Herminus (Moraux 3 , p . 362 n . 7, envisage aussi comme possible l'identification de ce personnage anonyme avec le péripatéticien Eudème de Pergame (PE 92 ) ; cette dernière hypothèse est la

seule retenue dans le chapitre du même ouvrage consacré à Galien , p . 687 n . 1 ; cf. encore Ibid ., p . 226 , n. 3 ; contra , Gottschalk 4 , p. 1158 ). Si on accepte ce

raisonnement, on conclura qu'Herminus était originaire de Pergame. Par ailleurs, on peutpenser qu'il était à peu près contemporain du philosophe cynique Démonax de Chypre ( D 74 : ca 70 -170 ; Moraux 3 , p . 361: ca 80

175/180) dont Lucien (Demonax 56) nous a conservé une pointe lancée contre Herminus (repòs Epuīvov Tòv ’Aplototełıxóv). Alexandre d'Aphrodise (né au début de la seconde moitié du 11 s ., * A 112) aurait suivi, on ne sait dans

quelle cité, les cours d 'Herminus entre, disons, 175 et 185. Pour les dates, Moraux 3, p. 363, propose ca 120 à 180 /190 (notons toutefois

que, dans son raisonnement, Moraux s 'appuie sur l'identification d'Herminus avec le « disciple du péripatéticien Aspasios» , dontGalien aurait suivi les cours « vers 145 » ; pour la raison indiquée ci-dessus [le maître anonyme de Galien devait avoir au moins 30 ans en 144/5 ), nous conclurions à une date de naissance légèrement plus haute , ca 115 [sous l'hypothèse bien entendu de l' identité

d'Herminus et du « disciple du péripatéticien Aspasius» ]).

Il faut se garder de confondre notre auteur avec le stoïcien homonyme (» H 84 ) que Longin a entendu dans sa jeunesse, vers 220 (Porphyre, Vita Plotini20, 47). Euvres. D 'après nos sources, Herminus a commenté principalement l' Orga non d' Aristote. Il ne subsiste de ces commentaires que de maigres fragments et

témoignages, commentésavec détails parMoraux 3. (1) Commentaire sur les Catégories (Schmidt 1 , p . 11-21;Moraux 3, p . 363 374). On trouve dans le Commentaire de Simplicius sur les Catégories d 'Aristote (CAG VIII) la plupart des fragments du commentaire d 'Herminus. D 'après Simplicius (in Cat., p . 13, 11 sqq. Kalbfleisch ) et Porphyre (in Cat., p . 59, 15- 19 Busse ), Herminus avait compris correctement l'intention d ' Aristote :

les Catégories traitent des sons vocaux (ouvai) en tant qu'ils signifient des réali

654

HERMINUS

H 83

tés (ntpáyuara ). A partir d 'Olympiodore (Proleg ., p . 18, 23-32 Busse), Hermi nus passe , on ne saitau juste pourquoi,pour avoir défendu la thèse selon laquelle les Catégories traitaient des seules réalités (htepi Móvwv npayuátwv) ; cf. Schmidt 1, p. 12. (2 ) Commentaire sur le De interpretatione (Schmidt 1, p. 21- 32 ;Moraux 3, p . 374 - 382). SurHerminus et Boèce (» B 41), cf. 9 J.Magee, Boethius on signi

fication and mind, coll. « Philosophia antiqua » , Leiden 1989, p . 9 - 14 (à propos de De int. 16a6 -8) et 93-95 (critique d 'Herminus). (3 ) Commentaire sur les Premiers analytiques (Schmidt 1, p . 32-39 ;Moraux 3, p. 382-394). (4 ) Commentaire sur les Topiques (Schmidt 1, p . 39-41 ; Moraux 3, p . 394

396 ). (5 ) Commentaire sur le De caelo (?) (Schmidt 1 , p . 42-44 ;Moraux 3, p . 396

398). Il s'agit en fait d'une conférence à laquelle a assisté Alexandre (Alex . ap. Simpl., in De caelo , p. 380 , 3-5 Heiberg); la thèse défendue par Herminus était la suivante : la cause de l'éternité du mouvement céleste est due à la présence, immanente au ciel, de l'âme céleste et non pas, semble-t- il, à l'existence d 'un

premier moteur transcendant. Les jugements que porte Moraux 3 sur Herminus comme commentateur sont

plutôt mitigés : Herminus ne se montre pas comme un maître particulièrement

doué (p. 394) et, quand il soulève de vrais problèmes, il se contente trop souvent d 'une interprétation superficielle (p . 396 ). JEAN -PIERRE SCHNEIDER .

84 HERMINUS RE 1

M III

Stoïcien du IIIe siècle. Dans la préface de son livre Sur la fin , le philosophe Longin le range parmiceux qui se sont contentés d 'enseigner sans vouloir écrire (Porphyre, Vita Plotini 20, 47). LUC BRISSON. 85 HERMINUS PLRE II :2

DM V D 'abord curiale à Péluse, il devint par la suite gouverneur d'une province

voisine (Augustamnique II ?). Converti au christianisme par Isidore de Péluse, qui lui adressa plusieurs lettres d'explication de ses rites et de ses doctrines (Ep . 18 , 43, 126 , 136 , 229, 230 , 242-247, 287, 288 , 317 , 334, 537, 637, 719, 735 , 736 , 995, 1053, 1055 , 1170, 1175 , 1176 , 1372 , 1373, 1551, 1584 , 1590, 1591,

1596 , 1628, 1629, 1679, 1770 , 1771, 1867, 1946 ; les Ep. 1174 , 1701, 1702, 1725 sont adressées à Herminus et d 'autres correspondants : cf. P. Évieux, Isi dore de Péluse , Paris 1995 , p . 117 n . 131). Alors qu 'il est gouverneur, Isidore

l'invite à rester fidèle à la philosophie qui est la sienne, malgré l'élévation à laquelle il est parvenu . PIERRE MARAVAL.

H 86

HERMIPPE DE SMYRNE

86 HERMIPPE DE SMYRNE RE 6

655 MF III

“ Péripatéticien ” , auteur de nombreuses biographies . Éditions. Témoignages et fragments ont été réunis par 1 F. Wehrli, Hermip pos der Kallimacheer, coll. « Die Schule des Aristoteles» , Supplementband I, Basel/Stuttgart 1974 , et, plus récemment, par 2 F. Jacoby, “Die Fragmente der griechischen Historiker” Continued, part IV : Biography and Antiquarian Litera ture edited by G . Schepens, t. IV A : Biography, Fascicle 3 : Hermippos of Smyrna by J. Bollansée, Leiden 1999, XXXII-631 p. On trouvera les témoignages papyrologiques, accompagnés d 'une abondante bibliographie , dans 3 CPF I 1 * *

n° 59, p. 249- 267 (cf. aussi CPFI1*, p. 50-51). Études d 'orientation . 4 St. Heibges, art. « Hermippos » 6 , RE VIII, 1913, col. 845 -852 ; 5 F . Wehrli, « Der Peripatos bis zum Beginn der römischen Kai serzeit » , GGP, Antike 3, 1983, p . 583-584 ; 6 R . Pfeiffer, History of classical scholarship , t. I: From the beginnings to the end of the Hellenistic Age, Oxford 1968 , p. 150 -151 ; 7 P. M . Fraser, Ptolemaic Alexandria , Oxford 1972 , t. I, p. 780 -781 ; t. II, p . 656 n. 52 ; 8 A . J. Podlecki, « The Peripatetics as literary cri

tics » , Phoenix 23, 1969, p. 114 -137 (surtout p. 127- 128). Sur Hermippe commebiographe, cf. 9 F . Leo, Die griechisch -römische Bio

graphie nach ihrer literarischen Form , Leipzig 1901, p . 124-128 ; 10 O . Gigon, art. « Biographie . A . Griechische Biographie » , LAW , col. 469-471 ; 11 A . Dihle, Studien zur griechischen Biographie, Göttingen 1956 ; 12 A . Momigliano, The

Development of Greek biography, Cambridge, Mass. 1971 (trad. fr., Naissance de la biographie en Grèce ancienne, Strasbourg 1991); 13 Id ., « Second thoughts on Greek biography » , dans Quinto contributo alla storia degli studi classici e delmondo antico , Roma 1975, p . 33 -47 (trad. fr. dans Id ., Problèmes d 'historio

graphie ancienne et moderne , coll. « Bibliothèque des Histoires» , Paris 1983, p . 104 - 119 ; 14 F . Wehrli, « Von der antiken Biographie » , dans H . Haffter und

Th . Szlesak (édit.), Theoria und humanitas. Gesammelte Schriften zur antiken Gedankenwelt (Zum 70. Geburtstag von F. Wehrli), Zürich München 1972,

p. 237-241 ; 15 G . Arrighetti, « Riflessione sulla letteratura e biografia presso i Greci» , dans La philologie grecque à l'époque hellénistique et romaine, coll. « Entretiens sur l' Antiquité Classique » 40 , Vandæuvres/Genève 1994 , p . 212

249. Vie. Connu principalement comme biographe, Hermippe est par deux fois qualifié de « péripatéticien » chez les auteurs anciens quilementionnent (fr. 1 et

96 Wehrli), ce qui se justifie par le genre littéraire adopté, mais n 'indique pas une formation effective au sein du Péripatos (Wehrli 1, p. 7 ; Pfeiffer 6 , p. 150 ; cf aussi 16 J. P. Lynch, Aristotle 's school. A study of a Greek educational insti tution , Berkeley 1972, p. 136 sqq.). Il reçoit aussi l'épithète de « callimaquéen » (Karipaxelos), sans doute en tant que disciple de Callimaque de Cyrène (PC 22), dont il prolonge l’æuvre érudite en la popularisant.

Il serait originaire de Smyrne selon un unique témoignage (fr. 93 Wehrli

[Athénée VII, 327 b ), auquel il faut peut-être ajouter POxy 2176 fr. 12 , 3 (CPF I 1* *, p . 267]). Il exerce sans doute son activité à Alexandrie où il doit avoir pro

656

HERMIPPE DE SMYRNE

H 86

fité de la fameuse bibliothèque (Pfeiffer 6 , p . 129). Sa relation avec Callimaque

(ca 310-240) – vers la fin de la vie de ce dernier ( R . Pfeiffer , Callimachus, Oxford, vol. I, 1949, p . 780 ) - , et la mention qu'il fait de la mort de Chrysippe [MC 119 ] (entre 208/7 et 205/4 ( ?) ; fr. 59 Wehrli) permettent de placer son activité dans la seconde moitié du III° s. av. J.-C .

Euvres. D 'après les témoignages conservés, son æuvre se divise en deux catégories.

I. Des vies (Bio ) de philosophes, de législateurs, de poètes, d 'orateurs et

d 'historiens (fr. 1-94 Wehrli ; jugement d'ensemble de l'activité biographique d 'Hermippe : Wehrli 1 , p . 102 -106 ). A côté de la référence générale év tois Blouc (fr. 11, 30 , 45 Wehrli (trois passages tirés de D .L .) ; sur le sens de cette

dénomination, cf. Wehrli 1, p. 102 ), les auteurs anciens mentionnent les œuvres particulières suivantes : (1 ) HepiMáywv, Sur les mages (au moins deux livres, cf. fr. 3 Wehrli). Fr. 2 4 Wehrli.

(2) Hepi tõv Entà oop @ v , Sur les sept sages ou Tepì tớv gobūv, Sur les sages ( au moins quatre livres, cf. fr. 16 Wehrli). Fr. 5- 16 Wehrli. On a reconnu en Hermippe la source principale de la Vie de Solon de Plutarque (17 P. Von der Mühll, « Antiker Historismus in Plutarchs Biographie des Solon » , Klio 35, 1942, p . 89- 102 ;Momigliano 13, p . 41 ; 18 A .Martina, « Plutarco, vita di Solone 2 , 1 » ,

RIL 113, 1979, p. 88- 98 ). (3) Tepi Iudayópov, Sur Pythagore (au moins deux livres, cf. fr. 22 et 23

Wehrli). Fr. 18-24 Wehrli. Cf. 19 W . Burkert, Lore and science, passim . (4) Tepi ’AplotoTÉROUS, Sur Aristote (au moins deux livres, cf. fr. 46, 47a, 48, 49 Wehrli). Fr. 44-49 Wehrli. Sur l'hypothèse de l' existence d 'un catalogue des ouvrages d 'Aristote semblable à celui attesté pour Théophraste (fr. 54 et 55

Wehrli), qui aurait pu faire partie de la biographie d 'Aristote et que Diogène Laërce (V 22-27 ) aurait utilisé dans sa vie d 'Aristote, cf. 20 P . Moraux, Les

listes anciennes des ouvrages d'Aristote, coll. « Aristote - Traductions et Études » 4 , Louvain 1951, p. 221-233 (la source ultime de Diogène n 'est pas

Hermippe, mais Ariston de Céos [ A 396 ]), 21 I. Düring, Aristotle in ancientbiographical tradition , coll. « Acta Universitatis Gothoburgensis» Göteborg 1957, p. 79 (Hermippe est la source principale de toute la d 'Aristote de Diogène), 22 I. Düring, « Ariston or Hermippus ?» , C & M

the 68, vie 17,

1956 , p . 11-21 (critique de la thèse de Moraux 20), 23 A . H . Chroust, « A brief account of the traditional vitae Aristotelis » , REG 77 , 1964, p . 50-69 ; cf. encore 24 J.Mejer, Diogenes Laertius and his Hellenistic background, coll. « Hermes Einzelschriften » 40, Wiesbaden 1978 , p . 33 n . 68. Sur la place de ce catalogue dans la tradition , voir la notice « Aristote de Stagire » A 414 , DPLA I, 1989 ,

p .424, et 25 P.Moraux, Aristotelismus,t. I, p .4 n. 2. (5) Tepi Oeoppáotov, Sur Théophraste. Fr. 51-55 Wehrli. On apprend par une scholie figurant à la fin de certains manuscrits de la Métaphysique de Théo phraste qu 'Hermippe avait dressé un catalogue des æuvres de l'Érésien , d 'où,

H 86

HERMIPPE DE SMYRNE

657

comme chez Andronicus, la Métaphysique était absente (fr. 54 Wehrli) ; sur cette

question, cf. 26 Théophraste,Métaphysique, texte édité, traduit et annoté par A . Laks et G . W . Most, CUF, Paris 1993, p . XI-XVIII. Parmi les élèves de Théo phraste, qui étaientpeut- être traités dans cette monographie, figuraient Lysima

que (fr.56), Lycon (fr. 57), Démétrius de Phalère (fr. 58). (6 ) Ilɛpi Copyíou, Sur Gorgias. Fr. 63 Wehrli. (7 ) Tepi( ToŨ) ’looxpátous, Sur Isocrate. Fr. 64-66 Wehrli. (8 ) Nepi tõv 'looupátoug Maontāv, Sur les disciples d 'Isocrate (au moins trois livres, cf. fr. 68 a II Wehrli). Fr.67-78 Wehrli. (9 ) lepi (tūv) vouodetāv, Sur les législateurs (au moins six livres, cf. fr. 88 Wehrli). Fr. 80 -88 Wehrli. Pour le fr. 82 Wehrli, cf. CPF I 1* * , p . 249-257 (I.

Gallo ) ; le fragment conservé appartient à la fin du livre I et au début du livre II de l'Epitomé du ſlepi vouobetwv rédigé par Héraclide Lembos ( * H 61). (10) ɛ [pi t ]āv årò pilooopias eis (åp ]vo ! [Elíaç xai duvaotellas uedeo ]mxótwv, Sur ceux qui sont passés de la philosophie à la réalisation d 'exploits et à l'exercice du pouvoir ; cf. fr. 89 Wehrli, qui adopte la lecture eis (Tupavvídjas (Acad. Philos. Ind. Herc., col. XI 4 - 7 Mekler, qui lisait eis

(åp ]ıoğ[ɛ]ļas); la lecture adoptée ici est celle de T . Dorandi, Filodemo, Storia dei filosofi [.] Platone e l'Academia (PHerc. 1021 e 164 ), edizione, traduzione e commento a cura di T . D ., coll. « La Scuola di Epicuro » 12,Napoli 1991, p . 142

(cf. p. 91 n . 350). Le même ouvrage est cité sous une formelégèrement différen te et abrégée dans l' Ind. Stoic. Herc., col. XVI 3 -6 : Hepi tõv å [tò piroloogias siç duva (otellas ueſtaJOTÁVW ( V , Sur ceux qui passèrent de la philosophie à l'exercice du pouvoir ; cf. fr. 90 Wehrli ; la lecture adoptée ici est celle de T .

Dorandi, Filodemo, Storia dei filosofi. La Stoà da Zenone a Panezio (PHerc. 1018), edizione, traduzione e commento a cura di T . D ., coll. « Philosophia Anti

qua » 60, Leiden 1994,p .68. (11) Euvaywyn tõv xarőç åvaowvNÉVTWV ŠE 'Ouńpov, Recueil d 'ensei gnements moraux tirés d 'Homère. Fr. 92 Wehrli. (12 ) Tepi 'Innovaxtos, Sur Hipponax. Fr. 93 Wehrli. En outre, les philosophes dont on sait qu 'Hermippe avait parlé – ce qui ne veut pas dire qu 'il avait consacré une monographie à chacun – sont les suivants

(avec mention des fragments de l' édition Wehrli 1) : Phérécyde de Syros (fr. 17), Empédocle (fr. 25 -27), Zénon d 'Elée ( fr. 28), Héraclite (fr. 29), Anaxagore (fr . 30) , Démocrite ( fr. 31), Socrate ( fr. 32 ), Eschine le Socratique ? ( fr. 33),

Antisthène (fr. 34), Stilpon (fr. 35 ), Alexinos (fr. 36 ), Philiscos (fr. 37),Méné dème d ' Érétrie (fr. 38 ), Ménippe (fr. 39), Platon (fr. 40 -41), Héraclide le Pon tique (fr. 42), Arcésilas (fr. 43), Callisthène (fr. 50 ), Lysimaque (fr. 56 ), Lycon ( fr. 57), Démétrius de Phalère (fr. 58 ), Chrysippe (fr. 59), Épicure (fr. 60 -61) . II. Des considérations mythologiques sur les astres et sur les constellations

(fr. 95-102 Wehrli (« Sternsagen » ]). Aucun titre ne nous est conservé. Wehrli ( 1 , p . 38) suggère Dalvóueva ? (cf.

fr. 95 ), Kataomplouoi [sic ] ?). Le fr. 99 Wehrli (Hygin , De astronomia II 4 ,

658

HERMIPPE DE SMYRNE

H 86

p . 25 Viré) comporte l'expression « Hermippus qui de sideribus ( < htepi tõv đotépwv> ) scripsit»,mais l'auteur renvoie au contenu de l'ouvrage plutôt qu 'il n 'en donne le titre . Dans le fr. 102 Wehrli (Athénée XI, 478 a), Hermippe est

qualifié d'åotporoyıxós (= auteurde recherches sur les astres). Plus d'un tiers des témoignages sur les biographies d 'Hermippe provient de Diogène Laërce, ce qui laisse penser que notre biographe a été utilisé, directe ment ou indirectement, par Diogène (sur cette question , cf. la bibliographie de

Wehrli 1 , p. 107 - 108, et Mejer 24, p. 32-34 ; cf. aussi le compte rendu de 27 M . Gigante, Gnomon 55 , 1983, p. 9- 14. On peut supposer qu 'une partie plus ou moins importante ( en tout cas fr. 5 ;

18 ; 82 Wehrli) des témoignages sur les Vies a été empruntée à un abrégé; sans doute celui d'Héraclide Lembos (2+ H 61). JEAN -PIERRE SCHNEIDER .

MII 87 HERMOCRATÈS DE PHOCÉE (FLAVIUS -) Ce philosophe fut honoré à Phocée de trois statues. L'une (IGR IV 1324) fut

élevée par un donateur inconnu alors qu 'il était stéphanéphore . Une autre, dont l'inscription ne mentionne pas sa qualité de philosophe, fut offerte par un parent de sa femme (connue par une copie de Cyriaque d’ Ancône, elle a été éditée par E . Ziebarth , Wiss. Beiläge zum Jahresber. Wilhelms-Gymnasiums Hamburg 1903, p . 10 ). La troisième, dont l'inscription , transmise par trois copies très divergentes, présente quelques difficultés (plutôt que IGR IV 1326 , voir CIG Add. 3414 et Mouseion II 2, 1, 1875 /76 , p. 11, avec la correction d'H . Engel

mann, ZPE 42, 1981, p. 202-208), fut élevée par sa femme, Vibia Polla . Le nom de cette dernière assure que le philosophe Hermocratès ne peut être identique, comme l'admettait Stein (PIR2 F 285), à l'asiarque T. Flavius Varus Calvisianus

Hermocratès, qui appartient à une génération antérieure (F I ou D II) de la même famille . Il suggère également un lien de parenté étroit entre le philosophe et le sophiste homonyme (RE 12), dont la seur porte le même cognomen que Vibia

Polla : selon toute vraisemblance, le premier était le grand -père du second . BERNADETTE PUECH .

VII - VIa 88 HERMODAMAS DE SAMOS RE: Hermodamas, descendant de Créophyle, le poète épique rival d'Homère, aurait été le maître de Pythagore selon Jamblique (V . pyth. 2 , 11, p. 9, 5-18 Deubner), Porphyre (V . Pyth. 1), Diogène Laërce (VIII 2), Hesychius (cf. Souda II 3120, s.v. Ivoayópas, t. IV , p. 262 , 17- 18 Adler). Selon le récit de Jam

blique, Pythagore, âgé de dix-huit ans, s'enfuit nuitammentavec Hermodamas juste avant que Polycrate n 'impose sa tyrannie à Samos (5324), et alla trouver Phérécyde, puis Anaximandre et enfin Thalès . Selon Porphyre, dont la source est Néanthe (FGrHist 84 F 29), les études de Pythagore auprès d'Hermodamas déjà âgé se situeraientaprès un séjour à Tyr auprès des Chaldéens et les contacts avec

Phérécyde auraient précédé ceux qu'il eut avec Hermodamas. La version de

H 90

HERMODORE D ' ÉPHÈSE

659

Diogène, quidépend probablement lui aussi de Néanthe, concorde avec celle de

Porphyre. Chez Apulée , Flor. 15 , on cite Leodamantem Creophyli discipulum . BRUNO CENTRONE. 89 HERMODORE RE 6

IIIa

Épicurien sans doute fictif.

Dans le dialogue de Lucien, Icaroménippe 15 , dans lequel Ménippe raconte à un ami le voyage céleste qu'il vient d 'effectuer, sontmentionnés quelques per sonnages historiques du IVe ou du IIIe siècle av. J.-C . dont Ménippe put voir, depuis la lune, certaines actions caractéristiques. On relève les nomsde Ptolé mée, Lysimaque, Séleucus, Alexandre de Thessalie (tyran de Phères), Antigone. D 'autres noms sont pour nous inconnus ou difficiles à identifier avec précision : Attale, Arsacès, Spatinos, etc. Après les rois grecs et barbares, Ménippe évoque

quelques actions ridicules de personnagesmoins illustres: « Hermodore l'Épicu rien qui se parjure pour mille drachmes, Agathoclès le stoïcien (2 A 38) qui traîne son disciple en justice pour une question de salaire, le rhéteur Cleinias qui vole une coupe au temple d'Asclépios, et le cynique Hérophile (» H 108 ) qui dort au bordel» (§ 16 ). Comme l'ensemble du développement entend dévoiler

les vices des grands et des humbles, il est possible que les exemples historiques (dont certainsne nous sont connus que par Lucien ) ne soient choisis que pour leur caractère typique et que les personnages nommés ensuite n 'aient reçu des noms propres que pour rendre plus concrets les exemples évoqués. Ces philo sophes sont en tout cas inconnus par ailleurs. D 'un autre côté, comme les faits signalés ne réapparaissent pas chez Lucien et que les noms choisis – sauf Aga thoclès – ne sont pas utilisés pour d 'autres personnages, il n 'est pas impossible que ces exemples soient empruntés à un ouvrage de Ménippe. Cf. R . Helm , Lukian und Menipp, Leipzig/Berlin 1906 , p . 77 -78. Hermodore réapparaît au § 26 .

RICHARD GOULET.

90 HERMODORE D 'ÉPHÈSE RE 3

FVI - M Va Législateur éphésien, hetairos (? cf. D . L . IX 3 = M 9c) d 'Héraclite (» H 64 ),

banni d 'Éphèse par ses concitoyens à cause de sa valeur, comme nous l' apprend le philosophe indigné (Heracl. DK 22 B 121 = fr. 105 Marcovich = M 9a). Son expulsion sert en outre de thème à une lettre pseudépigraphe de Darius aux Éphésiens, et il est lui-même le destinataire de quatre des sept lettres pseudépi graphes attribuées à Héraclite (cf. (Heracl.] Ep . III, IV , VII-IX , cf. M ge; MH 64 ). Probablement identique à (1) l’Hermodore auteur d'une loi, citée par Polémon (fr. 96 ap. Hesych., s.v. OXUỒixaí = FHG III, p . 147 = M 109) sur la façon dont doivent se chausser les femmes libres, et presque certainement iden tique à (2) l'Hermodore ayant pris part, voire ayantdonné l'impulsion initiale , en 453/2, à la rédaction des dix premières des Douze Tables romaines et dont une statue se dressait à Rome in comitio (Pompon. ap . Digest. I 2 , 2, 4 = M 10 "; Plin .

Hist. nat. XXXIV 21 = DK 22 A 3a = M 10 “). Cette dernière identification

HERMODORE D 'ÉPHÈSE

660

H 90

remonte en tout cas au moins à la fin du premier siècle av. J.- C . ( cf. Strab. XIV

25 [642 C.) = M 96 ; (Heracl.] Ep. VIII 1-2; Pompon. I.c.). Les témoignages pertinents sont réunis avec traduction en russe dans 1 S . N . Mouraviev (édit.), « Testimonia de uita et scripto Heracliti Ephesii » , VDI 1974, n° 4/130, p. 202-204 (cf. textes IXa-f et Xa- c, pour lesquels nous utilisons supra et infra la notation M 9a-f et 10a-C) et commentés dans 2 id., « % u3Hb ſepakjuta 3pecckoro » (La vie d 'H . d’É .), ibid ., p. 18-22 (une réédition revue et augmentée avec traduction et commentaire en français, est en prépara tion dans le vol. III. A Memoria de 3 id., (édit.), Heraclitea. Edition critique complète des

témoignages sur la vie et l'quvre d 'Héraclite d 'Éphèse et des vestiges de son livre, Moscou/ Paris ). — Les travaux les plus importants à leur sujet sont: 4 E . Zeller, De Hermodoro Ephe sio et Hermodoro Platonico, Marburg 1859, p . 7 -26 ; 5 J. Bernays, Die heraklitischen Briefe.

Ein Beitrag zur philosophischen und religionsgeschichtlichen Literatur, Berlin 1869, 17 -21, 81- 90 , 129-131 ; 6 A . Chiapelli, « Sopra alcuni frammenti delle XII tavole nelle loro relazioni

con Eraclito e Pitagora » : Archivio Giuridico 35 , Pisa 1885, 113-120 ; 7 F. Boesch, De XII tabularum legi a Graecis petita , Thèse, Göttingen , 1893, p . 58 sqq. ; 8 U . v . Wilamowitz

Moellendorff, « Nordionische Steine » , APAW , 1909, p. 71, n. 1; 9 Münzer, art. « Hermo doros» , RE VIII, 1913, col. 859-861; 10 S. Mazzarino, Fra Oriente e Occidente, Firenze 1947, p. 215 -218 ; 11 M .Marcovich , art. « Herakleitos » , RESuppl. X , 1965, col. 251-252 ; 12 R . Schottlaender, « Heraklits angeblicher Aristokratismus » , Klio , 1965 , p. 23 -29 ; 13 R .

Mondolfo ap. R . Monfolfo et L . Tarán, Eraclito . Testimonianze e imitazioni, Firenze 1972 , p. 13-14 (n. 3); 17 (n . 6 ) ; 14 L . Tarán , ibid., p. 296 -300, 312-315, 318- 319, 349-350; 15 S. Tondo, « Ermodoro ed Eraclito », SIFC 49, 1977, p. 37-67 ; 16 A . Capizzi, Eraclito e la sua leggenda, Roma, 1979, p. 40 -45 et passim (cf. index ) ; 17 Ch. H . Kahn , The art and thought of Heraclitus. An edition of the fragments with translation and commentary, Cambridge 1979,

p. 59 note , p. 178 -179.

Les sources relatives à Hermodore relèvent de trois problématiques diffé rentes quoique interconnectées : (1) la datation du bannissement d'Hermodore et ses implications tant pour la chronologie héraclitéenne (en tant que terminus ante

quem de l'écriture de son livre ) que pour la reconstitution de la doctrine politique des deux hommes ; (2 ) l'identification de l'Hermodore héraclitéen à l'auteur de la loi citée par Polémon ; (3) l'identification de l'Hermodore héraclitéen (et de l'auteur de la loi) au collaborateur des décemvirs, avec évaluation de l'historicité et du caractère de cette coopération , reconstitution des circonstances biogra phiques et historiques qui ont pu y aboutir et recherche des traces éventuelles d'une influence héraclitéenne sur le contenu des Dix tables. — L 'approche qu 'on trouvera ci-dessous est conforme au principe de la présomption d 'exacti tude et/ou de bonne foi que nous estimons nécessaire d'appliquer à toutes les sources antiques pour peu qu 'il n 'ait pas été pertinemment prouvé qu 'elles sont

erronées ou mensongères. 1. Pour ce qui est de la date la plus plausible de l'ostracisme (entre 492 et 486 ) et des opinions politiques probables des deux Éphésiens, nous renvoyons à l'article « Héraclite d'Éphèse » (» H 64, § 1.2) Indiquons toutefois que cette datation de l'expulsion n' est pas sans importance pour le problème de l'identification des deux Hermodore, celui d 'Éphèse et celui de Rome. Ceux qui, implicitement, commeMazzarino 10 , p . 217 , ou explicitement, comme Capizzi 16 , p. 49, 59,

situent le bannissement en 499-498 , sont obligés de nier (cf. Mazzarino 10, ibid . « si favo leggiava » ] ou d'ignorer (cf. Capizzi 16 , p. 41 « a torto o a ragione» ] la tradition romaine,

tandis que ceux qui, comme 18 U . Hölscher, Anfängliches Fragen, Göttingen 1968, p. 164, le situententre 478 et 470, considèrent cette datation comme « in hohem Gradewahrscheinlich » . D 'autre part,même s'il ne s'agissait pas formellement d 'un ostracisme, cette datation présente

H90

HERMODORE D'ÉPHÈSE

661

un intérêt incontestable pour l'histoire de cette institution (rappelons que la loi athénienne correspondante date de 505 /4 , mais n ' a été appliquée effectivement qu 'à partir de 488 /7 ) . Retenons enfin que, selon la tradition , l'Hermodore expulsé d ' Éphèse était effectivement un législateur (Lettres III ; IX I et 6 ; VII I et 9 = M Jel) et un « amidu roi » Darius (Lettre III =

M 9e), qui avait participé au gouvernement de la cité (Cicéron , Tusc. V 105 = M 9d, l'appelle princeps Ephesiorum ).

2. Le texte cité par Polémon I. c. (M 104), qu 'on attribuait antérieurement au

disciple de Platon (cf. 19 E. Preller, Polemonis Periegetae fragmenta, Leipzig 1838, p . 148 ) et en lequel Wilamowitz 8, 1.c., a reconnu un fragment de la législation de l'ami d'Héraclite , est pratiquement le seul texte à recueillir l'una nimité des suffrages (cf. e. g. Münzer 9, col. 860, « das passe gut für einen

Gesetzgeber aus der Zeit von den Perserkriegen » ; Mazzarino 10 , p . 217 ;

Marcovich 11, col. 252 ; Capizzi 16 , p. 41) en tant que témoignage confirmant sa qualité de législateur : loéuwv napà ' Epuodupwl yeypápeal onoi: « ÚTO

δήματα δε φορείς την ελευθέρην σκυδικάς λευκές και μασθλητίνας ». L ' ionisme čreveépnv (dont l'authenticité semble garantie parHesychius qui cite

le fragment comme exemple d'une autre forme pour luiinsolite , oxudlxal) et le contenu de cette norme, sans doute appelée à exclure le port, par les femmes libres, de chaussures plus luxueuses et plus vives en couleurs que les sandales scythes de cuir blanc, cadrent bien et avec le dialecte d' Éphèse , et avec les

attaques d'Héraclite contre le luxe de ses concitoyens (cf. DK 22 B 29, B 125A ,

B 9, B 4 ). Tondo 15 , p . 56 -57, y reconnaît lui aussi une norme somptuaire. Il est vrai qu 'en revanche le 8 de oxuôixòç n 'a toujours pas reçu d 'explication satisfai sante : il s 'agirait soit d 'un macédonisme dont on ne voit pas bien ce qu 'il pourrait faire ici (cf.

20 M . Schmidt, Hesychii Alexandrini Lexicon , t. III, 1861, p .51; Tondo 15 p. 57, y soupçonne la trace d'une médiation macédonienne dans l'importation de ces sandales,mais oxvoixaí:-xá avec le normal est aussi, et bien mieux, attesté, cf. Hesych ., s.v. oxudixá únodńuata nola , Harpocrat., s.v. oxvoixai: Eldóc tl Únodńuatos), soit d 'une source épigraphique d 'Asie Mineure avec confusion du type Oapynila - Tapmaca (Mazzarino 10, p . 217 et 388 n . 623,

mais l' analogie est trop faible et linguistiquement vulnérable ).

3. L ' étude la plus importante sur l’Hermodore collaborateur des décemvirs et son identification avec le compagnon d'Héraclite est incontestablement celle de S . Tondo 15, dont nous nous inspirerons amplement ci-dessous (en revanche,

nous ne sommes pas convaincus par ses considérations sur la chronologie d'Hé raclite et celle des Lettres pseudo-héraclitéennes). Mais revenons d 'abord aux

sources. Après avoir cité le fr. B 121 d'Héraclite, Strabon , 1.c. (M 9b), ajoute :

doxet d ' oúros ó åvặp vóuouç tivàs 'Pwualous ourypápai. Un demi- siècle plus tard, Pline, l.c. (M 10b), dans son histoire des arts figuratifs, signale la pré sence au Comitium (c'est-à-dire à l' endroit même où étaient exposées les XII tables de la loi) d'une statue publice dicata en l'honneur d'Hermodore d'Éphèse, legum quas decemuiri scribebant interpres. Enfin , Pomponius, l'historien du droit romain , dans un ouvrage intitulé Liber singularis enchiridii rédigé sous le

principat d'Hadrien, parle (I. c. = M 105) des lois des XII tables quarum ferenda rum auctorem fuisse decemuiris Hermodorum quendam Ephesium exulatem in

Italiam quidam rettulerunt. Autrement dit, les trois sources confirment toutes l'existence d 'un Hermodore d 'Éphèse collaborateur des législateurs romains, deux d 'entre elles indiquent qu 'il fut exilé de sa cité

HERMODORE D 'ÉPHÈSE

662

H 90 d 'origine, et une l'identifie directement à l'Hermodore héraclitéen. Selon Bernays 5, p. 85 , la

chose est « so gut wie wenig anderes aus der älteren Geschichte Roms bezeugt » . Pourtant, c'est le point de vue sceptique qui a prévalu (partiellement à cause du doxet de Strabon et du quidam rettulerunt de Pomponius). Mais si Zeller 1, p . 15, se bornait à émettre des doutes (cf. ibid. p. 16 ), Münzer 9, col. 860 -861, échafaude toute une théorie , en vertu de laquelle il s'agi rait d'une légende, fruit d'une Verbreitung de la tradition reflétée par Polémon ; Varron , la source de Pline, serait le Umheber der ganzen Erfindung et aurait interprété de la sorte une statue qui par pur accident portait le nom d 'un Hermodore d 'Éphèse autrement inconnu. Cf.

encore Boesch 7 , p. 62 ; 21 F. Jacoby, Apollodors Chronik, Berlin 1902, p . 229-230 (« die Fabel von Hermodoros... Gesetzgeber der Römer» ) ;Marcovich 11, col. 252 (« diese Tradi

tion... ist hochwahrscheinlich falsch » ). Acceptés littéralement et réintégrés dans leurs contextes historique, juridique et artistique, ces témoignages permettent pourtant de construire un tableau par

faitement cohérent des événements et du rôle d'Hermodore.

Premier élément du tableau. De très nombreuses sources confirment qu'avant

de rédiger leur texte définitif les décemvirs avaient commencé par récolter une vaste documentation juridique d'origine essentiellement grecque (ils envoyèrent une délégation en Grèce, à Athènes,mais aussi en Grande Grèce, étudièrent les systèmes normatifs grecs, avant tout le système athénien de Solon , etc.; cf. réfé

rences détaillées dans Tondo 15, p. 37 n . 1) et par publier sur dix tables une édi tion provisoire de leurs propositions (Dion . Halic ., Ant. Rom . X 57, 5). Ils ont

donc inévitablement eu besoin de l'aide d'experts compétents en jurisprudence

grecque.Hermodore d 'Éphèse est le seul candidat que nous connaissions pour ce rôle.

Deuxième élément. L 'Hermodore d 'Éphèse de Strabon a écrit des lois (= cer taines lois ) pour les Romains (vóuouç tivàs ' Pwuaíonc ovYypápai). Celui de

Pline a travaillé en qualité d' interpres des lois qu'écrivaient les décemvirs , autrement dit, sans doute , de traducteur et de commentateur des sources grecques

qu'ils utilisaient (« un 'opera dimediazione culturale» , selon Tondo 15 , p. 39). Enfin , celui de Pomponius – lequel, comme le démontre Tondo, p. 40 , parlait sans doute , dans son contexte , de la rédaction des dix premières tables ex acci denti appellatae... leges duodecim tabularum - a été l'auctor de leur publication , et auctor signifie ici, comme souvent, la même chose que suasor, impulsor

( Tondo, ibid .). Commeces dix tables se composaientde deux éléments essentiels – les coutumes non écrites romaines et le droit écrit grec - et comme les pre

mières exigeaient beaucoup plus de travail que les secondes,ilest logique que la seconde partie du travail ait été terminée avant. Ainsi, Hermodore aurait joué un

rôle non seulement de médiateur et d 'auteur,mais encore de pionnier. Quant aux expressions dubitatives, elles n 'ont pas beaucoup de poids : le doxei de Strabon

signale seulement qu'il répète une information qu'il n'a pas vérifiée personnellement; le qui dam rettulerunt de Pomponius signifie exactement ce qu'il dit : « certains ont indiqué » certains,mais non pas tous. Troisième élément: dans un assez long paragraphe ( Tondo 15 , p . 41 -48 )

consacré à l'histoire de la statuaire romaine, un paragraphe d'une érudition parti culièrement impressionnante , mais dont, faute de compétence suffisante , nous sommes mauvais juge, Tondo démontre : (1) que l'opinion faisant de la statue d'Hermodore une évocation posthume érigée longtemps après la mort du per

H91

HERMODORE DE SYRACUSE

663

sonnage ne repose pas sur grand- chose: pareille évocation suppose une célébrité bien plus grande que celle d 'Hermodore (cf. quidam rettulerunt) ; (2) que la sta

tue d'Hermodore est mentionnée non comme une rareté , mais comme la pre mière d'une série de statues érigées en un laps de temps relativement court en l'honneur de divers personnages en rapport avec des événements isolés d 'impor

tance secondaire , ce qui prouve qu 'elles l'ont été juste après les événements en question ; (3) que le piédestal devait porter une inscription indiquant le nom du

personnage, le fait que la statue avait été érigée par l'État (publice dicata ), voire le service concret rendu par lui à la cité. D 'où cette conclusion : l'information fournie par Pline est digne de confiance et confirme les autres témoignages. ( Tondo 15, p. 47-48). En ce qui concerne la vie et l' activité d'Hermodore entre les deux événements les plus marquants de sa vie, force est d 'avouer notre ignorance. Il pouvait être allé d'abord à Athènes (ce qui expliquerait la réputation d'Héraclite auprès des Athéniens: D . L . IX 15), ou en Crète , et avoir participé à l'élaboration du fameux code de Gortyne ( c 'est juste à côté de ce monu

ment épigraphique que fut trouvée la copie romaine tardive d 'une statue archaïque représen tant sans doute Héraclite , cf. la notice « Héraclite d' Éphèse » , H 64, $ 1.5 , ou en Grande Grèce

(où Héraclite sera connu dès les années 470 et où, deux décennies plus tard, les décemvirs enverront une ambassade), ou directement à Rome (comme le suggère la Lettre VIII et l'estime Tondo 15, p. 49-53, en arguantde l'introduction à Rome du culte de Diane-Artémis, de la présence dans la Ville d'une colonie ionienne - phocéenne – etdes rapports privilégiés que Rome entretenait avec Massalia ). Il n 'est pas exclu , en outre , que le troisième floruit d 'Héraclite (O1, 81, 1 = 456 / 5 ; notice H 64, § 1. 1 Dates ) ait été à l'origine un floruit de l' ami

d 'Héraclite Hermodore et qu'il ait figuré sous Ol. 81, 4 = 453/2.

Signalons pour conclure la seule analogie concrète entre la législation des XII tables et la doctrine d'Héraclite qui ait été trouvée jusqu'ici: le fr. 5a (Bruns) de

la table X Homine mortuo ne ossa legito quo post funus faciat a été comparé par Chiapelli 6 , p . 116 -117, au fr. B 96 d 'Héraclite vÉXVEÇ xonpiwv éxßantótepol. Les deux textes ont en commun « in quanto poco conto fossero tenuti i cada veri » . Mention doit également être faite, pour conlure, de la riche étude de V . Placella « Vico, Eraclito ed Ermodoro » dans L . Rossetti (édit.), Atti del Symposium Heracliteum 1981, vol. II: La “ Fortuna " di Eraclito nel pensiero moderno, Roma 1983, p . 39-76 (cf. p. 54 -73),

consacrée à l'épisode peut-être le plus remarquable du Nachleben de toute cette probléma tique : la façon dont l'interprétait le grand penseur italien Giambattista Vico et le rôle capital

qu'il lui assignait dans sa philosophie de l'histoire. SERGEMOURAVIEV .

Iva 91 HERMODORE DE SYRACUSE RE 5 Académicien, qui rencontra Platon en Sicile au cours de la visite de ce dernier

à Syracuse. Témoignages et fragments. 1 M . Isnardi Parente , Senocrate -Ermodoro.

Frammenti, Napoli 1981, p . 155 - 160 , 259- 263, 437-444 ; 2 FGrHist 1008 (p. 192 -211: J. Bollansée).

Cf. 3 P . Natorp , art. « Hermodoros » 5, RE VIII 1, 1912, col. 861; 4 H .J. Krämer, « Ältere Akademie» , dans GGP Antike 3, p. 121 sq., 128 sq., 148 ; 5 H .

Dörrie, Der Platonismus in der Antike, Stuttgart/Bad Cannstatt 1987, p. 80 -89,

664

HERMODORE DE SYRACUSE

H91

294- 308 ; 6 M . Isnardi Parente, Studi sull'Accademia platonica antica , coll. « Saggi filosofici » 1, Firenze 1979, p. 123-132 ; 7 F. Lasserre, De Léodamas de Thasos à Philippe d 'Oponte . Témoignages et fragments, Napoli 1987, p . 215

223, 425-430, 667-680 ; 8 M . Isnardi Parente, « Supplementum Academicum », MAL , Serie IX , vol. VI 2, Roma 1995 , p. 254 sq., 259, 272-273.

Hermodore fut célèbre dans l' antiquité à cause de l'histoire du commerce des livres de Platon (Philod., Acad. hist., col. 6 , 6 - 10 ; Cic ., Ad Att. XIII 21, 4 ; Souda, A 661 (vol. III, p . 281 Adler );Zénob. V 6 = F 1-3 = FGrHist 1008 T 2), un renseignement dénué de fondement qui remonte probablement à une source anti-académicienne (une comédie ? cf.Adesp. 937 Kassel-Austin ).

Deux titres sont connus de cet auteur: lepipadnuátwv et lepilátwvoc. L'ouvrage Nepi padnuárwv contenait, peut- être, une tentative d'histoire des mathématiques (ou des sciences) à partir de Zoroastre. Les trois fragments conservés (D . L . I 2 = F 6 ; 1 8 = F 6A (M . Isnardi Parente, PP 42, 1987, p. 292

294) et Plut., De Is. et Osir. 46, 369 e ) concernent Zoroastre et pourraient être interprétés en relation avec la croyance répandue que Platon était Zoroastre res suscité. Isnardi 1 , p . 437 sq., avance l'hypothèse que l'ouvrage serait une des

Énlyelpňoelc écrites sur Platon et sa doctrine au cours de son séjour à Syracuse,

mais rejetées par le philosophe (cf. Plat., Epist. VII, 341 b-c). Le lepi Gaátwvos contenait une section biographique et une section doctri nale. De la première dérivent les deux fragments (D .L . II 106 et III 6 = F 4 -5 = FGrHist 1008 F 1) où on lit que Platon s'enfuit à Mégare chez Euclide (» E 82) après la mort de Socrate. De la section doctrinale parvinrent à Simplicius (in Arist. Phys., p . 247 , 30 sqq. Diels = F 7 et p . 256 , 31 sqq. = F 8 = FGrHist 1008

F2), par l'intermédiaire de Dercyllide (2D 87) et Porphyre (F 146 Smith ), deux fragments qui contiennent une intéressante théorie des catégories . Hermodore déplace le næud de la pensée platonicienne de la doctrine des idées à celle des principes et de la division catégorielle de l'être. La réalité toute entière se partage en réalités en soi (xao' aútá ) et réalités relatives (npós ÉTepa ), lesquelles, à leur tour, se partagent en contraires (xat ’ évavría ) et en

relatives pures (rtpós tl), à leur tour divisées en définies (úplouéva ) et indé

finies (åópiota ). Il s'agit d 'une doctrine analogue à la division proposée par Xénocrate (F 95 Isnardi), avec cependant une plus grande complexité . Hermo

dore nie à l'indéfini la qualité de véritable principe, qu'il reconnaît seulement à l’un (év ). Isnardi 6 , p. 123- 132, et Isnardi 1, p. 440 -444 , doute qu 'on puisse

étudier cette doctrine en rapport avec Sextus Empiricus, Adv. phys. (= Adv. math. X ) II 269 .

Lasserre 7 (cf. Id., CronErc 13, 1983, p.63-74, etMH 40, 1983, p. 169-177) a supposé que, dans les colonnes initiales de l'Academicorum historia (col. XIZ ,

3/5, Y, 1* , 1-2, 5), Philodème a emprunté au livre lepi naátwvoç d'Hermo dore les renseignements sur les voyages de Platon en Sicile , sur sa mort, ainsi que l'histoire du développement desmathématiques à l'Académie sous la direc

tion du philosophe et le jugement sur la succession de Platon . J' ai déjà exprimé

H93

665 HERMOGÈNE les motifs qui m 'amènent à rejeter cette hypothèse (Prometheus 15, 1989,

p. 191-192. Cf. 8 Isnardi,p . 254 sq. et 2 FGrHist 1008, p. 202). Du témoignage très incertain du pseudo -Plutarque, Pro nobilitate 7 (vol. VII, p . 218 -220 Bernardakis = F * 9), on a déduit qu 'Hermodore avait écrit un livre

Περί ευγενείας. TIZIANO DORANDI.

92 HERMODOTE RESuppl. XII Cynique sans doute fictif mentionné dans une épigramme de Lucillius

(Anthologie Palatine XI 154 ): « Quiconque est pauvre et illettré ne tourne plus la meule 1 Comme jadis, il ne porte plus de fardeaux pour un maigre salaire ; 1 Il laisse pousser sa barbe et, dès le carrefour, en levant son bâton , I affirme qu 'il

est, lui, le premier chien de la vertu . I Voici le décret très sage d 'Hermodotos: quiconque est sans le sou I n 'a qu ' à déposer sa misérable tunique (c 'est-à -dire

mourir selon Gigante ), et il n 'aura plus faim » [trad . S . Follet). Voir M . Gigante, « Il decreto di Ermodoto » ,Maia 22 , 1970, p. 48-50 ; S. Follet, « Les Cyniques dans la poésie épigrammatique à l' époque impériale » , dans M .- O . Goulet-Cazé et R . Goulet (édit.), Le cynisme ancien et ses prolongements , p. 371-372. MARIE -ODILE GOULET-CAZÉ

93 HERMOGÈNE RE 26

II-III

Chrétien platonicien gnosticisant. Sources biographiques anciennes. On le rencontre d'abord en Syrie, puisque Théophile , évêque d 'Antioche, aurait écrit, selon Eusébe de Césarée,

Hist. eccl. IV 24, un ouvrage intitulé Ipoç thu aipeolv 'Epuoyévous, aujour d'hui perdu. Tertullien lui consacre ensuite deux traités, l’Aduersus Hermoge nem ( cf. éd . 1 E . Kroymann , CSEL XLVII, Wien /Leipzig 1906 , reproduit dans

2 CCL I, Turnhout 1954, p . 395-435, et 3 J.- H . Waszink, « Stromata patristica et mediaevalia » 5 , Utrecht 1956 , puis une traduction avec commentaire , 4 Id., Tertullian . The Treatise Against Hermogenes, coll. « Ancient Christian Writers »

24, London 1956 ; éd.,trad . et commentaire par 5 F. Chapot, souspresse dans la collection « Sources chrétiennes» ) et le De censu animae, qui a disparu mais

dont les grandes lignes de l'argumentation sont connues par certains passages du De anima (cf. 6 J.- H . Waszink, Q. S. F . Tertulliani de anima, edited with intro duction and commentary, Amsterdam 1947, p . 7 - 14). Tertullien le présente comme un peintre (Adu. Hermogenem 1 , 2 ; De monogamia 16 , 1) contemporain

(Adu. Hermogenem 1, 2 : ad hodiernum homo in saeculo ). On pense générale ment qu 'il vécut entre 180 et 205 (7 J. Kraus, LTK , Freiburg 1960, t. V , p. 261) et arriva en Afrique autour de 200 ( 8 G . May, « Hermogenes - ein früh

christlicher Theologe zwischen Platonismus und Gnosis » , dans Studia Patristica XV , 1984, p . 461-476 , notamment p . 462). Il a pu venir à Carthage pour pour

suivre sa carrière de peintre, 9 A . Quacquarelli, « L 'Aduersus Hermogenem di Tertulliano » , RSCF 4 , 1951, p. 61-69, notamment p. 65, ou plutôt à la suite de la

réfutation de Théophile , 10 T. D . Barnes, Tertullian, a historical and literary study, Oxford 1971, p . 80 .

HERMOGÈNE

666

H 93

Témoignages et fragments. Rassemblés, traduits et commentés par 11 F . Chapot, « L 'hérésie d 'Hermogène. Fragments et commentaire » , Recherches

Augustiniennes 30 , 1997, p . 3- 111.

École. Hermogène dut écrire un ouvrage sur la matière, peut-être rédigé en grec, puis traduit en latin , que Tertullien connaissait, cf. Chapot 11, p. 6 -13. Il est surtout connu pour avoir défendu, contre le dogme naissant de la création ex nihilo , l' idée de la formation du monde à partir d 'une matière éternelle et pré existante . Sur l'interprétation de sa théorie de la matière et du mal, cf. 12 G .

Uhlhorn, « Hermogenes» , R ( E )PTHK VII, 1899, p . 756 -758 ; 13 J. C . M . Van Winden , « St Ambrose's interpretation of the concept of matter» , VChr 16 , 1962, p . 205 -215 ; 14 Id ., « Some additional observations on St Ambrose's concept of matter » , VChr 18 , 1964, p. 144- 145 ; 15 J. Pépin , « Écho de théories gnostiques de la matière au début de l'Examéron de saint Ambroise» , Romanitas et

Christianitas (= Mélanges Waszink), Amsterdam 1973, p . 259-273. Sa concep tion de la matière dépend des sources médio -platoniciennes, cf, 16 J. H .

Waszink, « Observations on Tertullian's treatise against Hermogenes» , VChr 9 , 1955, p. 129- 147 ; 17 G .May, Schöpfung aus dem Nichts, Stuttgart 1978, p. 142 150 . La thèse de 18 E . Heintzel, Hermogenes, der Hauptvertreter des philo sophischen Dualismus in der alten Kirche, Berlin 1902, selon laquelle Hermo

gène serait aristotélicien , est aujourd 'hui périmée . On décèle également chez lui des traits de polémique antistoïcienne, cf. Chapot 11, p. 55 , 59,62-63.Mais on

ne peut nier qu'il ait aussi subi l'influence de la gnose, particulièrement sensible dans son insatisfaction devant le monde créé. Ainsi ses théories sur l'origine matérielle de l'âme humaine, la perte de l'Esprit divin , la présence, tapie sous le cosmos, de la matière désordonnée qui ébranle l'ordre, la venue d 'un Sauveur détaché de la création qui vient nous arracher à un monde plongé dans la

matière, font d 'Hermogène un chrétien gnosticisant. Cf. 19 M . Tardieu, « La gnose manichéenne et les oracles chaldaïques» , dans The Rediscovery of

Gnosticism , II,Leiden 1980, p. 194 -237, notamment p. 226 ;May 8, p. 463-464, 473 ; Chapot 11, p . 103- 107.

L'enseignement d'Hermogène dut avoir un certain rayonnement. Tertullien

fait allusion à ses élèves (Adu. Herm . 38 , 3 : Et si qui discipulorum tuorum uoluerit argumentari),mais dans une formule dont on peut penser qu 'elle est surtout oratoire. Pourtant Filastre, Diuersarum hereseon liber 54 (26 ) (cf. aussi Augustin , De haeresibus 41, 31-53, CCL XLVI, p . 309) évoque, à côté des Sabelliens et des Praxiens, les Hermogéniens, que 20 G . Bareille , DTC VI, col.

2130, suivi par Quacquarelli 9 , p .63 sq., pense reconnaître dans les deux Galates, Séleucos et Hermias, qui occupent la notice suivante du Diuersarum

hereseon liber 55 (27). Des rapprochements sont en effetpossibles et, ajoutés à l'origine géographique commune, permettent de reconnaître, sinon l' enseigne

ment d 'Hermogène lui-même, du moins l'influence de sa pensée dans les milieux chrétiens d'Asie Mineure . FRÉDÉRIC CHAPOT.

H 96

HERMON 94 HERMOGÈNE D 'ATHÈNES absent de la RE

667 F va

Le père d 'Hermogène, Hipponicos (cf. Cratyle 384 a ; Xénophon,Mémo rables I 2 , 48 ), fils de Callias (cf. L . Brisson , art. « Callias d'Alopéké » C 16 ,

DPhA , t. II, p . 163- 167), exerça durant l' été 422a la fonction de stratège. Hippo nicos appartenait donc à l'une des familles d' Athènes les plus riches et les plus en vue ; sa fille Hipparété épousa Alcibiade (Plutarque, Vie d 'Alcibiade 8). Par

ailleurs, Hermogène fut un fidèle disciple de Socrate. Dans le Phédon (59 b ), il est cité parmi ceux qui assistent aux derniers moments de Socrate. Du Cratyle où il est mis en scène comme soutenant la thèse suivant laquelle la rectitude de la dénomination dépend d'une convention et d 'un accord , il ressort qu'Hermogène connaît les théories de Protagoras et qu' il est très lié avec Cratyle , avec qui il

s 'entretient souvent et qu 'il accompagne, à la fin du dialogue, lorsque ce dernier part pour la campagne (Cratyle 440 e ). Rien toutefois ne laisse supposer qu ’Hermogène ait adopté les doctrines de Parménide, commele prétend Diogène

Laërce (III 6 ), qui en fait l'un des maîtres de Platon après la mort de Socrate .

Toujours selon Diogène Laërce ( III 21), Hermogène était le fils de Criton (* C 220) et le frère de Critobule ( C 217). Cette information est évidemment fausse , car elle est contredite par tout ce qu 'on lit chez Platon et chez Xénophon . LUC BRISSON.

95 HERMOGÈNE DU PONT RE 16 PLRE 1:3

DM IV

Juriste païen ,mais qui avait étudié la philosophie , d'un caractère doux , et « plus soumis à la raison qu 'à la passion » (Libanius, Or. I 115 ; qualités confir

mées par Ammien Marcellin , Res gestae, XIX 12, 6). Il servit dans sa jeunesse à la cour d'un empereur tyrannique, sans doute Licinius, en tant que conseiller

juridique, puis revint à la vie privée, s'adonna à la philosophie , voyagea. A la cour de Constantin , sans doute quaestor sacri palatii. Proconsul d 'Asie (c 'est en tant que tel qu 'Himérius lui consacre son Or. XIV 18 - 30 ). Finit Préfet du pré

toire d'Orient (Libanius, loc. cit., Sozomène, Hist. eccl. IV 24, 5, Cod . Theod. I

7 , 1). Échangea de nombreuses lettres avec Libanius, qui le couvre d' éloges (Ep.

40, 44, 49, 55, 95, 109, 127, 138 , 173, 353).Mort en 361 (Ammien Marcellin XXI 6 , 9 ) .

PIERRE MARAVAL .

96 HERMON RE 8

MII

Personnage fictif, philosophe épicurien invité au banquet donné par Aristé nète à l'occasion du mariage de sa fille Cléanthis dans le dialogue satirique de Lucien Le banquet ou Les lapithes 9. Sa présence entraîne des problèmes de pré

séance avec le stoïcien plusâgé Zénothémis, hostile par principe aux épicuriens. Il appartenait à la famille la plus noble de sa cité et était prêtre du temple des Dioscures ($ 7 ; voir aussi $ 9). Zénothémis le stoïcien l'accuse plus loin d'avoir coupé les boucles de la chevelure des Dioscures parce qu 'elles étaient en or ( $ 32 ). RICHARD GOULET.

668 97 HERMON

HERMON

H 97

Épicurien (?) dont le nom a été lu par Crönert, Kolotes und Menedemos,

p. 83, dans un passage des plus incertains d 'un ouvrage de Philodème contenu en PHerc. 1780 pz. VIII fr. 1 :" Epuwv. Peut-être faut-il l'identifier avec l'homo

nyme dont le nom a été lu par Crönert, Kolotes und Menedemos, p. 73, dans un passage du PHerc. 1041, col. 6b : " Epuw [v. TIZIANO DORANDI.

98 HERMOTIME Stoïcien fictif du dialogue satirique de Lucien quiporte son nom . Ce dialogue

présente une confrontation entre les principales sectes philosophiques du 11° siècle ap. J.-C . Hermotime est finalement convaincu par son ami Lycinus d 'abandonner ses études philosophiques et de mener la vie d'un homme ordi naire. RICHARD GOULET.

99 HERMOTIME DE CLAZOMÈNES RE 2 Figure légendaire de thaumaturge. Selon le témoignage d 'Héraclide le Pontique (apud D .L . VIII 4 -5 = Héraclide

le Pontique, fr. 89 Wehrli), une des incarnations antérieures de l'âme de Pytha gore se réalisa dans un certain Hermotime (Aithalidès, Euphorbe, Hermotime, puis Pyrrhos de Délos et enfin Pythagore ; voir aussi Porphyre, V. Pyth. 45 ; Hip polyte , Refut. haer., p . 7 Miller (Oxford 1851) = p . 60, 46 Marcovich (Berlin

1986 ] = DDG 557, 5- 8 ). Hermotime, pour prouver qu'il avait été autrefois Euphorbe (à l'époque de la Guerre de Troie), aurait reconnu , dans le temple d 'Apollon du sanctuaire des Branchides, le bouclier dédié par Ménélas à Apollon lors de son voyage de retour de Troie ; ce bouclier était réduit en pièces

et il n 'en restait que la décoration en ivoire . Selon de nombreux témoignages, l'âme d 'Hermotime pouvait abandonner son corps et partir en voyage, revenant ensuite dans son corps; ses ennemis, grâce à la trahison de sa femme, avaient jeté son corps sans âme dans les flammes ; les citoyens de Clazomènes auraient dédommagé Hermotime en lui élevant un temple. Voir Pline, Nat. Hist. VII 174 ; Plutarque, De gen . Socr. 22, p. 592c (où

le personnage est appelé Hermodore de Clazomènes); Lucien, Encomium mus cae 7 ; Tertullien , De an . II 44 , 1; Origène, Contra Celsum III 3, 32 ; Hippolyte , Ref. haer. p. 7 M .

Selon Aristote,Métaph. 984 b 18- 20 , Hermotime aurait anticipé la doctrine du voûç proposée par son compatriote Anaxagore ; cf. Aristote, fr. 61 Rose ' = Jamblique, Protr. 8 (p . 48, 9-21 Pistelli), où il est dit que la thèse selon laquelle “ le nous est le dieu en nous” remonte à Hermotime ou à Anaxagore ; voir sur ce thème 1 M . Detienne, « Les origines religieuses de la notion de l'intellect: Her

motime et Anaxagore », RPhilos 89, 1964, p. 167-178. Il est possible qu'Aristote fasse allusion à Hermotime dans De an. 404 a 25 - 26 . Selon 2 A . H . Chroust,

« Who is Al-Kindi's "Greek King” (Frag. 11,Ross) of Aristotle's Eudemus ? »,

669 HÉRODICOS DE BABYLONIE The Modern Schoolman 1972-1973, p . 379-381, à propos d'un témoignage d ’Al Kindi, God. Taimuriyye Falsafa 55 = Arist. fr. 11 Ross (Eudemus), remontant

H 100

probablement à Aristote , il faudrait reconnaître Hermotime dans le grand roi

dont l'âmeentra en extase et qui prophétisait de façon infaillible les événements à venir en se détachant des liens avec le corps. BRUNO CENTRONE.

99a HERMOTIME DE COLOPHON RE 3

FIV

Mathématicien , peut-être membre de l'Ancienne Académie ,mentionné dans le répertoire desmathématiciens utilisé par Proclus, Commentaire sur le Premier

livre des Éléments d 'Euclide, p . 67, 20 Hertlein : « Hermotimos de Colophon fit progresser les théories élaborées avant lui par Eudoxe ( E 98 ) et par Théétète .

Il découvrit plusieurs propositions des éléments et énonça quelques-uns des lieux » (trad . Lasserre ). Cette mention d 'Hermotime vient après une phrase où Proclus déclare, à propos d 'autres mathématiciens : « Ces mathématiciens , donc, séjournaient ensemble à l'Académie et y poursuivaient en commun leurs recherches » . Cf. 1 C . R . Tittel, art. « Hermotimos aus Colophon » 3, RE VIII 1, 1912 , col. 905 ; 2 F . Lasserre (édit.), De Léodamas de Thasos à Philippe d 'Oponte . Témoi gnages et Fragments, édités, traduits et commentés par F . L ., coll. « La Scuola di

Platone» 2 ,Napoli 1987,n° 17 , p. 145-148 (textes ), 351- 358 (traduction ), 577 582 (commentaire ). Le passage de Proclus est également traduit par 3 P . Ver

Eecke, Proclus de Lycie. Les commentaires sur le premier livre des Éléments d 'Euclide, « Collection de travaux de l'Académie Internationale d 'Histoire des

Sciences» 1, Bruges 1948, p. 60-61, et par 4 G . R .Morrow , Proclus. A commen tary on the First Book of Euclid ' s Elements. Translated with Introduction and

Notes by G . R . M ., Princeton Univ . Press 1970, trad. p . 56 . Selon Lasserre 1, p. 435, la mention d'Hermotime chez Proclus à la suite des

mathématiciens académiciens, impliquerait qu'il n 'a pas séjourné lui-même à l'Académie ou qu'il y a travaillé à une époque plus tardive que celle d 'Amyclas ( A 149) et de ses condisciples. « Mais il a développé les théories d ’ Eudoxe et

de Théétète , et c 'est ce qui lui vaut d 'avoir été rattaché néanmoins à l' école de Platon par Philippe ». Lasserre rapproche du témoignage unique de Proclus quelques passages

d 'Aristote, d’Euclide et d 'Apollonius de Pergé qui font mention de découvertes mathématiques qui pourraient dater de l' époque d'Hermotime. RICHARD GOULET. MII 100 HÉRODICOS DE BABYLONIE RE 1 Philologue de l'École de Pergame, originaire de la province de Babylone (Baburuvios : Athénée V , 222 a ), i.e. de Séleucie sur le Tigre . Disciple de Cratès deMallos (* C 202), il voit, à l'instar de son maître, en Homère la source de toute connaissance : astronomie , mathématiques, géogra phie , médecine. S ' il peut intéresser l'histoire de la philosophie , ce n 'est pas par

670

HÉRODICOS DE BABYLONIE

H 100

le contenu de ses æuvres, qui n 'a rien de proprement philosophique,mais parce qu 'il est l'adversaire déclaré de Socrate et de Platon : effectivement, la véritable « homérolâtrie» propre à l' École de Pergame (cf. la formule caractéristique de cette École : 018áoxel " Ounpos) a conduit Hérodicos à un antiplatonisme systé

matique, qui outrepasse largement les positions de Cratès. Ce qu 'Hérodicos ne peut pardonner à Platon , c'est évidemment d'avoir banni Homère, comme tous

les poètes, de sa cité idéale (Rep. X ,606e-607 a). Les témoignages anciens sur la vie et l'æuvre d'Hérodicos ont été examinés par 1 K . Schmidt, De Herodico Crateteo, (Progr.) Elbing 1886 , étude dont l'es

sentiel a été repris par 2 W . Gudeman , art. « Herodikos» 1, RE VIII 1, 1912, col. 973 -978 . Édition commentée des fragments et analyse du contexte histo rique par 3 I. Düring, Herodicus the Cratetean , Stockholm 1941, 172 p . Il est difficile de dire si Hérodicos fut un disciple direct ou indirect de Cratès, faute d'une chronologie assez fine; sur les Kpatńteloi, voir 4 C . Wachsmuth , De

Cratete Mallota , diss. Leipzig 1860, p. 6 -7 . Athénée, qui nous a transmis presque tous les fragments qui restent de l'æuvre d'Hérodicos, l'appelle toujours ó Kpartelos (v. gr.219 c, 234 d ). On trouve en outre trois citations de cet auteur dans les Scholies à l' lliade, une dans celles d 'Aristophane, et une chez Héraclite, Allégories homériques. L 'æuvre principale d'Hérodicos est connue sous le titre de Eóquixta Úno uvňuata : à l'intérieur de ce recueil d 'écrits divers, on a pu distinguer deux trai

tés dont Athénée a préservé des extraits assez étendus, l'un intitulé Ilpos tov Dihoowzpárny, l'autre lepi ouunrooiwv. Le premier est un ouvrage composite , qui consiste en une série de critiques tournées contre Socrate et ses élèves, et en particulier contre Platon . Cet aspect polémique, qui, dans un même rejet, amal game de façon assez indistincte Socrate et Platon , a longtemps été mal compris : ainsi, Casaubon avait commis un véritable contresens dans son interprétation d 'Athénée 215 f, et ce contresens est encore présent dans l'étude de 5 C . F .

Wegener, De aula attalica litterarum artiumque fautrice, Diss . Copenhagen 1836 , p. 156 . C 'est seulement avec les recherches de Schmidt 1 que l'intention violemment polémique d'Hérodicos contre Socrate a été pleinement perçue. En exploitant systématiquement les citations d 'Athénée, Düring 3, p. 12-89, a ras semblé et commenté avec soin ces textes polémiques, et tenté de donner une certaine cohérence à un ensemble qui n 'a jamais dû être très construit. Düring a

réparti le contenu de l'ouvrage sous cinq rubriques principales: ( 1) la vie mili taire de Socrate ; (2 ) les anachronismes qui déparent les dialogues de Platon ; (3) la jalousie entre Platon et Xénophon ; (4 ) la médisance des philosophes ; (5) les écrits et les disciples de Platon .Mais la transmission de ces fragments s'est faite de façon très indirecte : Athénée cite cet ouvrage sans l'avoir eu sous les yeux, il a pu trouver les passages qu 'il cite déjà cités par Favorinus dans la Mavrodann iotopia , et Favorinus lui-même les a sans doute tirés de recueils de citations antérieurs. Dans le second traité d'Hérodicos, intitulé ſlepi ouurooiwv (Sur les ban

quets), était proposée une comparaison entre les diverses coutumes de banquet.

H101

HÉRODORE D 'HÉRACLÉE

671

Hérodicos est aussi l'auteur d'une prosopographie des personnages persiflés dans la comédie attique, intitulée Kwuwdoúuevol: l'ouvrage comportait au moins six livres, il n 'en reste que de misérables fragments. A quoi s'ajoute l'épi gramme joyeusement féroce par laquelle Hérodicos s'adresse aux ’Aplotáp

XELOL, les disciples d'Aristarque qu 'avait bannis d' Alexandrie , en septembre 146 , la décision brutale de Ptolémée VII Physcon : texte rapporté par Athénée V , 222 a (édité et commenté par Düring 3, p. 6 -7 ; voir aussi 6 P. M . Fraser, Ptolemaic

Alexandria , Oxford 1972, t. I, p. 468 et la riche note nº 193, t. II, p.676 -677). JEAN -MARIE FLAMAND.

101 HÉRODORE D'HÉRACLÉE RE 4

première moitié Iva Mythographe grec de tendance rationaliste dont l'æuvre ne nous est connue que par des fragments.

Éditions des fragments. 1 F. Jacoby, FGrHist 31 (Texte : t. I A , p. 215-228 ; Kommentar : t. I a, p. 502-509 ; Addenda : t. I A , p. * 12-* 13) ; fr. 4 = Épiménide,

DK 3 B 2, t. I p . 33 ; fr. 39 = Épiménide, DK 3 B 12 , t. I, p . 35 ; fr. 12 = Orphée,

DK 1 A 13 a , t. I, p. 5 ; cf. 2 R. A . Pack, The Greek and Latin literary texts from Greco-Roman Egypt, Second revised and enlarged edition , Ann Arbor 1965, n° 1209, indiquant une référence douteuse à Hérodore dans un papyrus égyptien ,

PSI 10, 1173 (ed. G . Coppola ), à propos du fr. 65 Jacoby (cf. G . Arrighetti, « Hypomnemata e Scholia ; alcuni problemi» , MPGL 2, 1977, p . 49-67 ; W . Luppe, « Nachlese und Überlegungen zum Mythographus-Homericus-Codex

P.S.I. 1173 » , ZPE 116 , 1997, p. 13-18, notamment p. 14 sq.; M . van Rossum Steenbeek , Greek readers' digests ? Studies on a selection of subliterary papyri, Leiden , coll. « Mnemosyne » , Suppl. 175, Leiden 1998 , p. 301-308 nº 56 ). L 'établissement des fragments d'Hérodore se heurte à cette difficulté que le nom d'Héro dote ('Hpódotoc) apparaît souvent dans la tradition manuscrite comme variante de son nom ('Hpóówpoç) : cf. par exemple test. I et fr. 1, 2, 4 , 11, 14 , 16 , 18, 19, 22 a , 25 b, 28 , 33, 34 a

et b , 36 , 37, 41 a, 44, 53, 61, 63. Dans les fragments 64-67 de Jacoby, le nom d 'Hérodore apparaît comme une variante ou une correction proposée par les éditeurs des textes correspon dants. Quelques passages d'attribution douteuse ont été discutés par 3 E . Orth , « Ein Fragment des Herodoros » , BPhW 1925, col. 778 -783 ; et 4 Id. , « Curae criticae » , Emerita 26 , 1958,

p . 201-213, notamment p . 202.

Cf. 5 F . Jacoby, art. « Herodoros » 4, RE VIII 1, 1912 , col. 980 -987; 6 W . Spoerri, art. « Herodoros », KP II, 1965, col. 1098- 1099 ; 7 P . Desideri, « Cultura eracleota : da Herodoro a Heraclide Pontico » , dans B . Rémy (édit.), Pontica, t. I : Recherches sur l'histoire du Pont dans l'antiquité , coll. « Varia Anatolica » 5 ,

« Mémoires du Centre Jean Palerne » 9, «Mémoires du CERA » 1, Istanbul 1991, p. 7-24 , notamment, p. 8- 13 ; 8 W . Schmid , Geschichte der griechischen Litera tur. Erster Teil: Die klassische Periode der griechischen Literatur in der Zeit der attischen Hegemonie vor dem Eingreifen der Sophistik, coll. « Handbuch der

Altertumswissenschaft» VII 1, 3 ,München, 1934, p.697-700 . Datation et données biographiques. Hérodore représente pour nous le pre mier écrivain de la culture d'Héraclée. On peut placer son activité dans la pre

mière moitié du IVe siècle av. J.-C . sur la base du fait qu 'Aristote,Histoire des

672

HÉRODORE D 'HÉRACLÉE

H 101

animaux VI 5, 563 a 7, et IX 11,615 a 10 (= fr. 3), le présente comme le père du sophiste Bryson ( d 'Héraclée, MB 68). Jacoby 1, t. I a , p . 502 (cf. Spoerri 6 , col. 1098) , affirme qu 'il a écrit vers 4009, en tout cas après Phérécyde d 'Athènes et

Hellanicos de Lesbos, des auteurs de généalogies qu'il a sans doute utilisés pour

ses ouvrages mythologiques (cf. fr. 16 , 23, 25 a, etc .; voir Jacoby 3 , col. 981).

Hérodore est né à Héraclée -du-Pont (il est surnommé d'ordinaire ó 'Hpaxieu mns, mais Plutarque l'appelle ó lovtixóc). Bien qu 'on ne connaisse rien sur sa vie , Desideri 7, p. 9, suggère que le fait que son fils Bryson (qu' il ait été ou non disciple de Socrate ) a agi dans le milieu des écoles philosophiques socratiques dans l'Athènes du IVe siècle av. J.- C . semble suggérer l'existence de contacts

culturels étroits entre Athènes et Héraclée dans les dernières décennies du ve siècle. D 'après Desideri 7 , p. 11, certains indices attestent le « philo -socratisme» des habitants d 'Héraclée et en général suggèrent une influence de la culture athénienne contemporaine sur cette ville. Enfin , Desideri 7, p . 10 sq., envisage l'activité littéraire d 'Hérodore sur la légende d 'Héraclès et des Argonautes

comme un témoignage sur l'entrée d'Héraclée dans la culture « nationale » grec que de son temps.

Pour la prosopographie d'Héraclée , voir W . Ameling, « Prosopographia Hera cleotica» dans Lloyd Jones, The Inscriptions of Heraclea Pontica, coll. IK , 47, Bonn , 1994 , n° 141.

Euvre. L 'ouvrage principal d'Hérodore était une histoire monumentale d'Héraclès (o xao ' 'Hpaxnéa óyos), composée en dialecte ionien. Compre nant au moins 17 livres, cet écrit rassemblait l'abondante tradition sur ce héros qui, en tant qu'élément clé de l'idée panhellénique, est devenu l'objet d 'une activité mythographique importante à l'époque classique. Outre Hécatée de Milet, FGrHist 1 , ce domaine est représenté par Phérécyde d ' Athènes, FGrHist

3 , et Hellanicos de Lesbos, FGrHist 4 , en compagnie desquels Hérodore apparaît souvent dans l'appareil de références mythographiques de scholiastes et d ' éru dits de basse époque (cf. Jacoby 3, col. 981). Cependant, l'originalité d'Hérodore ne se limite pas à avoir fourni une ver

sion propre des épisodes de la vie d'Héraclès. En effet, son originalité sur ce point semble s' être bornée à avoir renforcé la liaison de sa patrie Héraclée avec les exploits du grand héros panhellénique. La nouveauté principale d'Hérodore

est d 'avoir donné à la légende d'Héraclès un sens encyclopédique. En effet, d'après Jacoby 3, col. 982 , Hérodore use de l'histoire d'Héraclès comme d'un cadre (« Rahmen » ) pour introduire une série complexe de renseignements concernant la géographie , l' ethnographie et, en général, l'histoire naturelle . L 'auteur s'inscrit donc dans la tendance du sophiste Hippias [MH 145) (DK 86 A 9, B 5), qui usait de la matière mythographique dans un dessein encyclopé

dique semblable dans son dialogue Tpwixóç.Les fragments qui nous sontpar venus permettent difficilement de reconstituer la structure interne et la succes sion narrative des épisodes de l'histoire d 'Héraclès composée par Hérodore . Dans son article de la RE, Jacoby 3, col. 985, mettait en doute l'existence indépendante d'autres ouvrages d'Hérodore, comme les Argonautiques ('Apro

H 101

HÉRODORE D 'HÉRACLÉE

673

VAŬTAL L’ Aprovautixá]), que nous connaissons seulement par les scholies sur Apollonios de Rhodes (fr. 5- 10, 38 -55, peut-être 51 et 65), ou la Légende de Pélops (év leoneią ), mentionnée seulement une fois dans les scholies sur

Pindare , Pythiques XI 25 b (= fr. 11). Il y suggérait que ces titres pouvaient dési gner simplement des digressions dans l'ouvrage sur Héraclès.Mais plus tard ,

dans son commentaire, Jacoby 1, t. I a, p. 503-504, reconnaît qu'il s'agissait bien de deux ouvrages indépendants. C 'est à tort, en tout cas, comme le remarque Schmidt 8, t. I, p. 697 n . 9, que 9 A . Gudeman , art. « Herodoros» 5, RE VIII 1, 1912 , col. 988, attribuait les fragments des Argonautiques à un autre Hérodore. Cet ouvrage, commecelui d 'autres historiens d'Héraclée, a été une des sources d'Apollo nios de Rhodes, notamment en ce qui concerne les épisodes du voyage sur les bords du Pont :

cf. 10 E . R . Knorr, De Apollonii Rhodii Argonauticorum fontibus quaestiones selectae, Diss. Inaug. Lipsiae 1902 ; 11 G . Knaack , « De fabulis nonnullis Cyzicenis » , dans Commentationes philologae in honorem sodalitii philologorum gryphiswaldensis, coll. « Philologische Untersu

chungen » 8 , Berolini 1887 ; 12 Id ., « Encheirogastores» , Hermes 37, 1902, p. 292-297, no

tamment p. 293; 13 F. Vian (édit.), Apollonios de Rhodes. Argonautiques, texte et notes, tra duction par É . Delage, t. I : Chants I-II, CUF, Paris 1976, p . 156 - 163.

Les critiques n 'ont pas douté de l'existence d'un ouvrage d'Hérodore intitulé

Histoire d 'Orphée et de Musée ('Oppéwç xai Movoalov iotopía ), que nous connaissons grâce à Olympiodore, ap. Photius, Bibl. cod. 80 , 61 a 31 sq., (= fr.

12 = DK 1 A 13 a = test. 230 Kern ). En revanche, Jacoby 1, t. I a, p .505 sq., suit la correction proposée par C .Müller dans les scholies de Pindare, Isthmiques IV 87 (= fr. 19): 'Hpóowpos yoŨv Évi trodi au lieu de 'Hpódwpos yoŨv év Oidi tw, niant donc l'existence d 'un ouvrage d 'Hérodore sur Edipe. Par ailleurs, le

prétendu titre Oidinous ne pourrait pas répondre, d 'après Jacoby, à un ouvrage narratifmais seulement à une tragédie. Intérêtphilosophique. Hérodore est importantdans l'histoire de la pensée en raison de deux caractéristiques de son euvre :

(A ) L 'activité mythographique d'Hérodore s'inscrit dans une tendance de rationalisation des légendes qui remonte à Hécatée de Milet et triomphe de plus

en plus tout au long du ve siècle, dans le cadre d'un vaste processus de renouvel lement culturel qui a son point culminant dans la sophistique. C 'est dans ce

cadre que Jacoby veut insérer la personnalité d 'Hérodore (cf. 14 W .Nestle, Von Mythos zum Logos. Die Selbstentfaltung des griechischen Denkens von Homer bis auf die Sophistik und Sokrates, Stuttgart 19422, p . 147; 15 F. M . Wipprecht, Die Entwicklung der rationalistischen Mythendeutung bei den Griechen ,

Donaueschingen 1902, t. I,p . 38 . La même ligne sera suivie plus tard par Palai phatos etÉvhémère (2 E 187). L ’æuvre d 'Hérodore a été fréquemment caractérisée comme « roman prag matique» destiné à la formation d 'un vaste public (cf. 16 E . Schwartz, art.

« Apollodoros » 61, RE I, 2 1894, col. 2855 -2886 , notamment col. 2880 ; et 17 Id ., Fünf Vorträge über den griechischen Roman . Das Romanhafte in der erzählenden Literatur der Griechen, Berlin 19452, p. 50 sq. ( 1896 ' p. 34 sq.);

18 U . von Wilamowitz-Moellendorff, Euripides, Herakles, Zweite Bearbeitung, Berlin 1895,t. I, p . 100).

H 101 HÉRODORE D 'HÉRACLÉE Certains fragments suggèrentmême une interprétation allégorique. A ce sujet, le développement le plus intéressant se trouve dans la transformation de l'his

674

toire et de la figure d'Héraclès selon un idéalmoral et philosophique. On peut citer en particulier le fragment 13 (= Clément d'Alexandrie , Stromates I 73 ,

p. 47, 3 Stählin ) où on interprète l'épisode du soutien de la voûte céleste par Héraclès comme l'acquisition des savoirs concernant les astres sous le magistère d'Atlas. Le fragment 14 (Georges Cédrénos, Chronique, t. I, p . 33 Bekker ; Anec dota Graeca, t. II, p . 380 , 22 Cramer ; Eclog. Hist. Cod. Paris. gr. 1630) présente Héraclès transformé en philosophe : ses attributs mythologiques sont des sym boles de sa condition morale ; son voyage en Occident a commemission d'intro

duire la philosophie dans cette partie dumonde. Par conséquent, l'activité d'Hérodore s'inscrit dans la tendance qui va de l' élaboration sophistique de la figure d'Héraclès (cf. Prodicos, DK 84 B 2) jus qu 'à la conversion d'Héraclès en emblème d'un idéal éthique que l'on trouve

chez Antisthène (SSR, fr. 92-99 Giannantoni) et dans la secte cynique ( cf. infra).

Cela dit, c'est la tendance rationaliste qui prédomine chez Hérodore, commele met en évidence Jacoby 1,t. I a, p. 506, à propos du fragment 30 , où on voit bien l'opposition entre Hérodore et Antisthène sur le sens de la légende de Promé thée. Sur la représentation cynique d 'Héraclès comme héros de l'énergie morale , de l'effort et de l'ascèse, voir 19 R . Höistad , Cynic hero and cynic king. Studies in the cynic conception of man , Diss. Lund, Uppsala 1948, p. 33-50 ; 20 L . Gil, « El cinismo y la remodelación de los arquetipos culturales griegos » , RevUnivComplut 28, 1980 - 1981, p . 43-78 , notamment p . 47 53 ; 21 M .-O . Goulet-Cazé, L 'ascèse cynique. Un commentaire de Diogène Laërce VI 70-71, coll. « Histoire des doctrines de l'Antiquité Classique » 10 , Paris 1986 , p . 32 sq ., 208-210 ;

22 G . Giannantoni, SSR, t. IV , p . 309-317, 518 sq.

(B ) Certains fragments d'Hérodore fournissent des renseignements très inté

ressants pour l' étude de l'origine et la divulgation de quelques idées rattachées au pythagorisme ancien (cf. Schmid 8, p.699) .

Il faut remarquer tout d 'abord la coïncidence entre le renseignement fourni par le fragment 21 (= Athénée II, 57 e-f), à propos des habitants de la lune, et nos renseignements sur les idées de Philolaos à ce sujet (Aétius II 30, 1, p. 361

Diels = DK 44 B 20). La coïncidence a été remarquée par 23 Th .-M .Martin , « Hypothèse astronomique de Philolaus », Bollettino di bibliografia e di storia delle scienze matematiche e fisiche 5, 1972, p. 127-257, notamment p. 144 (cf. déjà 24 H . Diels, DK , t. I, p . 404 n . ad loc.).

D 'après le fragment 4, rapporté par Tatien, Discours auxGrecs 27, Hérodore présentait le lion de Némée tué par Héraclès comme originaire de la lune, point sur lequel il était en accord avec Épiménide (DK 3 B 2 ). La question concernant le caractère habitable de la lune fut déjà abordée par Anaxagore de Clazomènes

(DK 59 A 77 ; YA 158). Cependant, comme le remarque 25 W . Burkert, Weisheit und Wissenschaft. Studien zu Pythagoras, Philolaos und Platon , coll.

« Erlanger Beiträge zur Sprach - und Kunstwissenschaft » 10 , Nürnberg, 1961, p. 323 -325, les corps célestes ontjoué un rôle important dans l'établissement des

idées pythagoriciennes sur l'au -delà et sur les îles des Bienheureux (cf. aussi

H 102

HÉRODOTE

675

26 E . Rohde, Der griechische Roman und seine Vorläufer, 19143, réimpr. Hil

desheim /New York 1960, 1974 , p. 288 sq. n . 2 ). Le fragment précédent se rattache au fragment 22 rapporté par Aristote , Histoire des animaux VI, 563 a 7 (= (Pseudo -] Antigone de Carystos, Mirabilia 42) et par Plutarque, Vie de Romulus 9 (= Questions romaines 93, 286 b ) . D 'après ce fragment, Hérodore affirmait que les vautours proviendraient d'une terre différente de la nôtre et qui n 'est pas visible pour nous (ảd ' Étépaç yñs

åońãou nuīv ). Jacoby 1 , t. I a, p. 506 , identifie cette terre avec la lune, tandis que Burkert 25 , p . 325, l' identifie avec l'åvtiyowv pythagoricienne (cf. Philo laos, DK 44 A 17).

Le fragment 1 (= Proclus, Scholies sur Hésiode, Travaux41) atteste qu'Héro dore mentionnait la nourriture magique appelée örupov dans le récit des aven

tures d 'Héraclès. Jacoby complète ce renseignement avec Porphyre , Vie de Pythagore 34 sq. (cf. Rohde 26 , p . 275 n . 2). Jacoby 1 , t. I a , p . 506 , trouvait aussi un sens pythagoricien dans le fragment 19 ( selon la correction déjà men tionnée de Müller), selon lequel la taille d 'Héraclès mesurait quatre coudées et

un pied. Ces coïncidences ne permettent cependant pas d ' établir de façon sûre un rap

port entre Hérodore et les auteurs pythagoriciens, notamment Philolaos. En fait, on ne peut pas écarter la possibilité que les renseignements fournis par Hérodore soient indépendants du pythagorisme, car on pourrait expliquer les coïncidences

si on pense qu 'Hérodore a pu avoir une connaissance directe des pratiques « chamaniques » qui se trouveraient aussi à l'origine des idées pythagoriciennes sur l'immortalité de l'âme et son séjour dans l'au -delà (cf. Burkert 25 , p . 323) . PEDRO PABLO FUENTES GONZÁLEZ et JAVIER CAMPOS DAROCA.

102 HÉRODOTE RE 10 DII Disciple d 'Épicure (» - E 36) (mort en 271/0 ) et destinataire d'une de ses lettres, sur les points principaux de la physique, conservée par Diogène Laërce

(X 29 -83). Dans sa lettre à Pythoclès (X 85), Épicure fait référence à ce " petit

résumé” adressé à Hérodote (év tñ ulupõ énitoun após 'Hpódotov). Un pas sage doxographique sur la mantique y fait également référence, sans mentionner le nom d'Hérodote (X 135). La lettre à Hérodote est transmise pour sa part avec des scholies qui font référence à une Meyáan énitouń (X 39,40, 73).

A l'intérieur d 'un développement reprenantdes critiques dirigées contre Épi cure, Diogène rapporte une attaque présentée par « Timocratès et Hérodote Év TQ

llepi 'Enixoúpou éonbelaç» (X 4 ). Dans cet ouvrage, qu 'il faut sans doute attribuer à Hérodote et non aux deux épicuriens ensemble, était soutenue l'idée qu ’Épicure n 'était pas un authentique citoyen (d 'Athènes) (un Elvai te punoiws đotov ). Il est possible que, tout comme Timocratès de Lampsaque, le frère de

Métrodore, Hérodote ait quitté le Jardin ( X 6 ) et s'en soit pris à son ancien maître.

HÉRODOTE

676

H 102

Selon H . Steckel, art. « Epikuros », RESuppl. XI, 1968, col. 581, il est possible que l'ou vrage d 'Hérodote ait été en fait une réponse aux attaques de Timocrate contre lemaître.

Un autre reproche que l'on adressait à Épicure était « d 'avoir fait l'éloge

d' Idoménée, d'Hérodote et de Timocrate – sans doute avant l'apostasie de ces derniers – pour avoir publié ou rendu publics les matériaux secrets qui le concer

naient (τους έκπυστα αυτού τα κρύφια ποιήσαντας) et de les avoir flattes pour cette raison même » ( X 5 ). Le passage est d' interprétation difficile. On a pensé qu'il s 'agissait de la publication de doctrines ésotériques (ainsi Gigante dans sa traduction : « Né lesinò lodi e adulazioni a Idome neo, Erodoto e Timocrate , che avevano divulgato le sue dottrine esoteriche » , et Usener, dans son index, s.v . xpúola ). H . von Arnim , art. « Herodotos » 10 , RE VIII 1 , 1912, col. 990 , croit plutôt à des « zur Publikation ungeeignete Vorkommisse aus Epikurs Privatleben » ,

RICHARD GOULET.

103 HÉRODOTE DE NICOMÉDIE Académicien , disciple de Carnéade ( C 42), mentionné dans l'Academico rum historia de Philodème, col. 23, 42 = 32, 34 (= Carnéade T 3b 12 Mette).

TIZIANO DORANDI. 107 HÉRONAS RE Auteur d 'un commentaire de l’ ApiОuntixn cioaywyň de Nicomaque de Gérasa, signalé par Eutocius d'Ascalon ( E 175 ) dans son Commentaire sur le livre II du De sphaera et cylindro d 'Archimède, t. III, p . 120, 22-23 Heiberg

( 1915) = t. IV , p .82, 25-26 Mugler. RICHARD GOULET. 108 HÉROPHILE RE 3

IIIa

Cynique sans doute fictif. Ménippe, dans le dialogue de Lucien, Icaroménippe 15, raconte à un ami le

voyage céleste qu 'il vient d'effectuer. Il mentionne quelques personnages histo riques des Ive ou IIIe siècles av. J.- C . dont il put voir, depuis la lune, certaines actions caractéristiques. Après quelques noms illustres,Ménippe cite quelques philosophes par ailleurs inconnus, comme Hermodore l'Épicurien ( » H 89),

Agathoclès le Stoïcien (> A 38) ou le cynique Hérophile « qui dort au bordel» (§ 16 ). Sur l'historicité de ces différentes figures, on se reportera à la notice

« Hermodore » . H . von Arnim , art. « Herophilos» 3 , RE VIII 1, 1912, col. 1104, rappelle que Zeller IV3

p. 769 ,le range à tort parmi les cyniques d 'époque impériale. RICHARD GOULET. I-II ? 109 HÉROPHILE RE 2 Auteur d'un lexique philosophique stoïcien (Iεpi otwixñs óvouárov χρήσεως) , auguel Origene emprunte plusieurs definitions de τέλος et de θεός.

Voir (Dub.), Selecta in Psalmos, PG XII, col. 1053 a-b = Hülser , FDS 241. G . Rietz, De Origenis prologis in Psalterium quaestiones selectae, lena 1914 .

HESTIAIOS DE TARENTE

H112

677

Cf. H . von Arnim , art. « Herophilos» 2, RE VIII 1, 1912, col. 1104. RICHARD GOULET.

HÉROPHILE

HIÉROPHILE

110 HESTIAIOS DEMILET

IIIa ?

L 'épigramme funéraire d'Hestiaios, fils de Ménandros (W . Peek, GVI 2018 ), proclame hautement son attachement au platonisme, sur un ton résolument polémique, assez peu habituel dans les épitaphes. Les épicuriens y sont en effet directement pris à partie : « ce n'est pas selon de vaines doctrines qu 'il amené sa vie , celui qu'a accueilli ce tombeau ancestral, mais selon celles qui procèdent de la sagesse, les doctrines hautement inspirées reçues de Socrate et de Platon , et non l'hédonisme impie des épicuriens » . BERNADETTE PUECH .

111 HESTIAIOS DE PÉRINTHE RE 7

Iva

Académicien , disciple de Platon . Témoignages et fragments. 1 F . Lasserre, De Léodamas de Thasos à Phi lippe d 'Oponte. Témoignages et fragments, Napoli 1987, p. 97-102, 311-316 , 531-538.

Hestiaios aurait assisté aux leçons de Platon Sur le bien et recueilli par écrit les thèmes sous forme énigmatique (Porph . F 174 Smith ap . Simpl., in Phys., p. 453, 13-19 Diels = F 1, et Théophr.,Metaph. 6 a 23-b 17 Laks-Most = F 2. Cf.

2 M . Isnardi Parente,MH 46 , 1989, p . 144- 146, et 3 M . Van Raalte, Theophras tus. Metaphysics : Introduction, translation and commentary, Leiden 1993,

p . 257-277, notamment 270 sq.). Aétios, Plac. I 22, 1-3 (= F 3), rapporte la définition de la nature du temps, entendu comme le déplacement des astres les

uns par rapport aux autres et, en Plac. IV 13, 4 -5 (= F 4 ), l'explication de la vision : Hestiaios unit les rayons aux images et appelle ce qui se produit un rayon -image. Galien (F 5a-c ) rappelle une discussion d'Hestiaios sur l' inter prétation d 'un passage du Timée de Platon à propos de la respiration (79 a-e).

Lasserre 1 , p . 532, a suggéré que toutes ces opinions provenaientdu compte rendu de la leçon Tepi rayadoň de Platon donné par Hestiaios. Cf. 4 P. Natorp , art. « Hestiaios » 7, RE VIII 2 , 1913, col. 1314 ; 5 H . J. Krämer, « Ältere Akademie » , dans GGP, Antike 3, p. 121 sq., 128 sq., 148. TIZIANO DORANDI. 112 HESTIAIOS DE TARENTE Un pythagoricien du nom d 'Hestiaios figure dans le catalogue de Jamblique,

V. pyth. 36 , 267 ; p. 144, 12 Deubner. Il était le père d 'Archytas ( A 322), selon Aristoxène (fr. 47 Wehrli = D . L . VIII 79) ; Souda A 4121, s.v. 'Apyútaç; t. I,

p . 377-378 Adler. BRUNO CENTRONE.

HÉSYCHIUS DE MILET

678

H113

VI 113 HÉSYCHIUS “ ILLUSTRIUS” DE MILET RE 10 PLRE II:14 Auteur d 'une chronique universelle et d 'un répertoire onomastique des

hommes de lettres célèbres de l'antiquité.

Cf. 1 H . Schultz , art. « Hesychios» 10, RE VIII 2 , 1913, col. 1322-1327 ;

2 W . Spoerri, art. « Hesychios» 4 , KP II, 1975, col. 1121-1122 ; 3 W . Christ et W . Schmid, Geschichte der griechischen Litteratur II 2, München 19246, p . 1039 sq. ; 4 G . Wentzel, «Hesychiana » , Hermes 33, 1898 , p . 275-312 ; 5 A . Biedl, Zur Textgeschichte des Laertios Diogenes. Das grosse Exzerpt 0 , coll. « Studi e Testi » 184 , Città del Vaticano 1955, p . 47-50 ; 6 W . T. Treadgold , The

nature of the “ Bibliotheca ” of Photios, Washington 1980, p . 31-32 ; 7 J. Schamp, Photios historien des lettres, Paris 1987, p . 53-67; 8 D . Knoepfler, La

Vie de Ménédème de Diogène Laërce, Basel 1991, p. 53-55. Biographie . On ne sait presque rien de la vie d 'Hésychius. Le peu d'informa tions dont nous disposons provient de la Souda ( s. v. 'Hoúyloc Miańolos, H 611,

t. II, p. 594 Adler) et de Photius (Bibliothèque, cod. 69 : vol. I, p . 101-102 Henry). Ses parents s 'appelaient Hesychius (PLRE II :13) et Philosophia (cf. Schultz 1 , col. 1322) ; il vécut, fort probablement, entre le règne de l' empereur

Anastase ler (491-518 ) et celui de Justinien (527-565). Les sources le désignent comme è imoúotplos, c 'est- à -dire commeuir illustris, qui est probablement un

titre honorifique. Euvres.Hesychius futl'auteur d’æuvres relevant de l'histoire et de l'histoire littéraire. On connaît les titres d' au moins deux de ses ouvrages : l’'lotopia

“Ρωμαϊκή τε και παντοδαπή et l' Όνοματολόγος ή Πίναξ των έν παιδεία óvouaotāv. (1 ) L ''lotopia 'Pwuaïxń te xai navtodanń (Photius), ou - titremoins vrai semblable – Xpoveun 'lotopia (Souda ), était une chronique universelle qui commençait avec le roi assyrien Bélos et s'achevait avec la mort de l'empereur Anastase ler (on en trouve un résumédans le cod. 69 de la Bibliothèque de Pho

tius). Elle comprenait six parties: la première racontait les événements antérieurs à la guerre de Troie , la seconde ceux qui sont compris entre la chute de Troie et la fondation de Rome, la troisième les événements s' étendant jusqu' à la fin de la royauté et l'institution du consulat, la quatrième couvrait l'époque de la répu blique jusqu 'à Jules César, la cinquième s ' étendait de l'empereur Auguste à la fondation de Constantinople , la sixième enfin allait de Constantin à la mort

d 'Anastase rer. Peu de fragments de cet ouvrage ont été conservés, hormis une section (du livre VI) reprise dans l'ouvrage plus tardif intitulé Nátpia Kwv OTAVTLVOUTÓNews (conservé dans lemanuscrit Palat. Heidelb . 398 ) etmention

née également dans les llátpia de l'auteur appelé Codinos et dans l'ouvrage anonyme Vita Constantini Magni (conservé dans le manuscrit Angelicus gr. 22). Cf. 9 Th. Preger, Scriptores originum Constantinopolitanarum , I, Lipsiae 1901,

p . 1-18 (les $8 3-38 sont repris dans F . Jacoby, FGrHist 390 ; cf. aussi FGrHist III b , p . 184 ).

H113

HÉSYCHIUS DEMILET

679

Dans un autre ouvrage, également perdu , Hesychius traitait de l'histoire contemporaine, racontant les événements survenus entre le règne de Justin (518

527) et les premières années du règne de Justinien (527- 565).

Il faut attribuer à un auteur homonyme de la même époque l'ouvrage sur la naissance du Christ dont un fragment (“Hovyiov eis mu yévvnoLv) est transmis par le Chronicon Paschale (vol. II, p . 116 Dindorf = PG 92, col. 1057- 1058. Cf.

Schultz 1, col. 1322- 1323).

(2 ) L ' OvouatoróYoç ñ Tívač tūv Šv Taldelạ óvouaotāv était une histoire de la littérature classique limitée, à ce qu 'il semble , aux auteurs païens. L 'ou

vrage était divisé en six sections: poètes, philosophes, historiens, orateurs et sophistes, grammairiens etmédecins, auteurs techniques. On a supposé que tou

tes les biographies étaient structurées selon le schéma suivant: lemma ; patrie ; genre littéraire ; nom des parents, des enfants , des maîtres et des disciples ; lieu et date de son activité littéraire et de samort ; liste des ouvrages (cf. 10 G . Wentzel,

Die griechische Übersetzung der viri inlustres des Hieronymus, Leipzig 1895, p . 57 -63, Wentzel 4 , p . 275 sq ., et 11 F . Leo , Die griechisch -römische Biogra

phie nach ihrer literarischen Form , Leipzig 1901, p. 30 sq .). Wentzel 10 , p. 3 (voir aussi Treadgold 6 , p. 31-32), a soutenu que, entre 829 et 857, quelqu 'un avait composé un abrégé de l' Ovouatoróyoç. Dans cet

ouvrage les six sections originales disparurent, tous les auteurs furent classés dans l'ordre alphabétique et leur nombre s' accrut par l'addition des auteurs chrétiens et des personnalités littéraires postérieures à Hésychius. L ' abréviateur ne se borna pas à introduire un ordre alphabétique et à augmenter le nombre de

notices,mais il en abrégea également certaines. Cette hypothèse a été récemment remise en cause par Schamp 7, p. 53-67, qui a démontré qu 'il n 'a jamais existé un " abrégé” de l’ ’Ovouatoróyos d 'Hesychius. La phrase où éttitouń ŁOTI

TOŨTO TÒ Bißríov (“ dont le présent livre est un “ abrégé” ) qu'on lit dans l' article Ησύχιος Μιλήσιος de la Souda (έγραψεν Όνοματολόγον ή Πίνακα των εν Taldeia óvouaotāv, oŰ ÉTitouń łoti TOŨTO TÒ Bißríov) fait allusion au travail

d 'un des compilateurs du lexique ; elle ne doit pas être lue comme une déclara tion de l'auteur anonyme de la Souda révélant que son lexique est un résumé de l 'Ovouatoróyoç d'Hesychius.

On a repéré des vestiges de l'ouvrage dans les Scholies sur Platon (cf.

Wentzel 4, p. 275-276 , et 12 W . Ch . Greene, Scholia platonica, Haverfordiae 1938, p. XXXI). Il est plus difficile , en revanche, de définir les rapports entre

l' 'Ovouatołóyoc et les Ethnica d 'Étienne de Byzance, du fait qu’on ignore lequel des deux auteurs est le plus ancien (cf. 13 E .Honigmann, art. « Stephanos (Byzantios) » , RE III A 2 , 1929, col. 2394). On peut se faire une vague idée de l'ouvrage d 'Hésychius grâce à ce qu 'on appelle la Vita Menagiana (ou la Vita Hesychii) d 'Aristote (14 I. Düring,

Aristotle in the ancient biographical Tradition, Göteborg 1957, p . 80 -92) et aux

fragments conservés principalement dans la Souda. L 'édition de l' 'Ovouatoróyos procurée par Flach est inutilisable, parce

qu 'elle est fondée sur des présupposés erronés (15 HesychiiMilesii Onomatologi

680

HÉSYCHIUS DE MILET

H113

quae supersunt cum prolegomenis ed . Io . Flach, Lipsiae 1882, et 16 Biographi graeci qui ab Hesychio pendent rec . Io. Flach , Berolini 1883). Pour reconstituer l'ouvrage, Flach se fondait non seulement sur la Souda,mais aussi sur le Viola

rium de la pseudo-Eudocie ( - E 96 ),Quvre que l'éditeur s 'obstinait à considérer comme authentique et qu 'il croyait dépendre , de façon indépendante, de l''Ovo uatoróyoc d'Hesychius. Mais le Violarium de la pseudo-Eudocie est un faux notoire fabriqué par Constantin Paléocappa (cf. 17 P . Pulch , De Eudociae quod fertur Violario , Argentorati 1880, et 18 Id ., « Zu Eudocia . Constantinus Paleo cappa, der Verfasser des Violariums» , Hermes 17 , 1882, p. 177- 192 ); il fut compilé au XVIe siècle à partir de sources pour la plupart déjà imprimées : la Souda, le lexique de l'humaniste Varinus Phavorinus Camers, les Scholia de Nonnus sur Grégoire de Nazianze, les æuvres de Cornutus et de Palaephatus (cf.

19 L . Cohn, art.« Eudokia » 3,RE VI1, 1907, col. 912-913). Pseudo-Hesychius. Le petit ouvrage intitulé ‘Hovyiov Mianolov trepì tūv

Év Taldeia diadau ávtwv est un faux. Il s'agit en vérité d'une compilation effectuée à partir des æuvres de Diogène Laërce et de la Souda par un auteur

anonyme (cf. 20 K . Lehrs, RhM 17, 1862, p. 453-457 = Die Pindarscholien. Eine

kritische Untersuchung zur philologische Quellenkunde, Leipzig 1873, p . 159

164) sans doute au XIe siècle. La plus récente édition, 21 Hesychii Milesii qui fertur de uiris illustribus librum , ed . Io. Flach , Lipsiae 1880 , est fondée sur des manuscrits récents . La découverte de l'archétype (cod. Vat. gr. 96 , du début du XIIe siècle = 0 ) a rendu cette édition définitivement dépassée (22 E .Martini, LS 20, 1902, p . 154- 166 . Cf. Biedl 5 , p . 47-51, et Knoepfler 8 , p . 53-55 ). On ne peut pas dire si l'auteur anonyme de cette compilation est le même qui avait réuni les extraits de Diogène Laërce conservés eux aussi dans le cod . Vat. gr. 96 (cf. 23 L .

Tartaglia, RAAN 49, 1979, p . 158-159). TIZIANO DORANDI.

HÉSYCHIUS + HOSTILIANUS HÉSYCHIUS D 'APAMÉE 114 HÉTOIMOCLÈS

MII

Personnage fictif, grave stoïcien dont une lettre est lue au banquetdonné par

Aristainétos ( + A 339) à l'occasion du mariage de sa fille Cléanthis avec Chai réas (P - C 87) dans le dialogue satirique de Lucien Le banquetou Les lapithes 22. Dans sa lettre ($ $ 22 -27), Hétoimoclès, qui avait refusé une invitation à dîner de son riche disciple Pamménès dans l'attente de l'invitation d'Aristainétos, reproche à ce dernier ne pas lui avoir fait une place dans l'assemblée des philo sophes convoqués, de lui avoir préféré comme maître pour son fils Zénon son collègue stoïcien Diphilos (MD 212 ), qui lui avait volé deux disciples et qu 'il accuse à mots couverts d ' être l'amant de Zénon. La lettre affiche, comme il se doit, le plus grand mépris pour les plaisirs de la table . Et c'est, selon le narrateur

Lycinus, justement parce qu'il le croyait dédaigneux de telles manifestations qu 'Aristainétos n 'avait pas jugé bon de l'inviter, convaincu qu 'il refuserait... ( § 28 ). Hétoimoclès reproche à Aristainétos de ne pas savoir distinguer le

meilleur et le pire et de ne pas avoir la καταληπτική φαντασία stoicienne

681 HICÉTAS DE SYRACUSE (§ 23). Il critique ses collègues Zénothémis et Diphilos, qu'il s'engage à faire

H 115

taire d'un simple syllogisme, et recommande au maître du banquet de leur

demander « ce qu 'est la philosophie» ou « ce qui différencie oxéois et ÉELç » (§ 23). Il évoque également comme raisonnements où il saurait manifester sa supériorité " le cornu” , “ le sorite" et " le moissonneur". Vexé par les attaques d'Hétoimoclès, Zénothémis parle de lui comme d'un charlatan (yóns, $ 32).

RICHARD GOULET. 115

HICÉTAS DE SYRACUSE RE 4

V -Iva ?

Pythagoricien mentionné par Aétius III 9 ,1.2 (DDG 376 , 10 - 11) ; son nom figure également dans le catalogue de Jamblique, V. pyth . 36 , 267, p . 143, 19 147, 6 Deubner.

Témoignages. 1 DK 50 (37) ; t. I, p. 441-442 ; 2 M . Timpanaro Cardini, Pita gorici. Testimonianze e frammenti, fasc. II, Firenze 1962, 24 (50), p . 414 -415.

Selon Théophraste (test. 240 Fortenbaugh = Cicéron, Acad. pr. II 39, 123), Hicétas aurait soutenu la thèse de l'immobilité de tous les astres sauf la terre,

laquelle tournerait circum axem . Selon Diogène Laërce VIII 85, certains attri buaient à Philolaos, d 'autres à Hicétas, l'invention de la thèse selon laquelle le mouvement de la terre s'effectuerait en cercle . Dans ce cas, Hicétas serait anté

rieur à Philolaos ou tout au plus son contemporain . Le témoignage d'Aétius (mentionné plus haut) attribue à Hicétas l'hypothèse de l'existence d 'une anti terre (åvtiyowv), également défendue par Philolaos. Selon une thèse déjà

ancienne de 3 P. Tannery , « Pseudonymes antiques », dans Mémoires scienti fiques IX , Paris 1897, p . 232, et « Ecphante de Syracuse» , dansMémoires scien tifiques VII, Paris 1898, p. 249, bien que l'existence historique d'Hicétas ne soit pas contestable , les témoignages doctrinaux le concernant dériveraient d'un dia logue d'Héraclide le Pontique (» H 60 ) dont Hicétas et Ecphante (» E 8)

auraient été les protagonistes ; d 'autres savants ont rejeté cette hypothèse ; sur cette question et sur les problèmes relatifs au système astronomique d 'Hicétas,

on consultera 4 E .Zeller et R .Mondolfo, La filosofia deiGreci nel suo sviluppo storico , I 2 , Firenze 19502, p. 349 ; 5 W . K . C . Guthrie, A History of Greek Philosophy, t. I : The earlier Presocratics and the Pythagoreans, Cambridge 1962, p. 323-327 ;6 F .Wehrli, Die Schule des Aristoteles, Heft VII :Herakleides Pontikos, Basel/Stuttgart, 1953, 19692, p . 95 - 96 ; 7 W . Burkert, Lore and Science in Ancient Pythagoreanism , p . 341 et n . 17- 19 ; 8 B . L . Van der Waerden , Die

Pythagoreer. Religiöse Bruderschaft und Schule der Wissenschaft, Zürich/ München 1979, p. 462 -464.

Selon 9 T. L . Heath , Aristarchus of Samos, the Ancient Copernicus: A History of Greek Astronomy to Aristarchus, Oxford 1949, p. 189, Hicétas devrait être identifié avec Hicétas de Syracuse (RE 2,mort en 339a), le tyran de Léontinoi, ami de Dion et rival de Denys II. BRUNO CENTRONE.

HIÉRAX

682

116 HIÉRAX RE 9

H 116

II ?

Auteur d 'un traité Sur la justice (ſlepi OixaLOOÚvns),dont huit fragments ont été cités dans l'Anthologie de Stobée . Références des fragments: (1) III 4, 121; t. III, p. 251, 4 - 252,9 Hense ; (2) III 5 , 44 ; p. 269, 10 - 270, 9 ; (3) III 8 , 19 ; p. 344,20 - 345 , 9 ; (4) III 9, 53 ; p . 364 ,8 - 365, 17 ; (5) III 9, 54 ; p. 365 , 18 - 368, 9 ; (6 ) III 9, 55 ; p. 368, 10 -14 ; (7) III 10, 77 ; p. 428 , 1 - 429,8 ; (8) IV 31, 92 ; t. V , p. 767, 5- 15.

Le nom apparaît également dans la liste des philosophes cités par Stobée qu'a rapportée Photius, Bibl. cod . 167 (t. II, p. 156 , 4 Henry). A cet auteur, par ailleurs inconnu, une étude minutieuse a été consacrée par

K . Praechter, « Hierax der Platoniker » , Hermes 41, 1906, p . 593-618, reprise dans ses Kleine Schriften , hrsg. von H . Dörrie, coll. « Collectanea» 7 , Hil desheim 1973, p . 55 -80 .

Selon Praechter, Hiérax est un platonicien qui se rattache au moyen-plato nisme illustré par Alcinoos (= A 92), Apulée ( A 294) etMaxime de Tyr, et il devrait être daté du second siècle de notre ère. On le voit critiquer les définitions

aristotéliciennes et stoïciennes de la justice (fr. 5 : p. 365, 19 - 366 , 1) avant de proposer sa propre définition (fr . 6 ), malheureusement coupée de son commen

taire. Les réminiscences platoniciennes sont nombreuses. On relève également quelques références littéraires à Nicandre de Colophon et Archélaos ( A 308 ) le Physicien (fr. 7 ; p. 428 ,22 -429, 1), ainsi qu 'au Pseudo -Phocylide (fr. 5 ;

p. 367, 22 - 368, 1). Ce platonisme incontestable est toutefois tempéré par de nombreux traits

doctrinaux aristotéliciens ou stoïciens, que Praechter considère commedéjà inté grés au platonisme de l'époque. Le manque de rigueur dans l'argumentation ne semble pas s'expliquer seule ment par le caractère fragmentaire du texte transmis ,mais aussi par le contexte scolaire de sa production . Sans être de simples notes de cours , l'ouvrage emprun terait beaucoup de ses caractéristiques à l'enseignement oral.

Sur l'auteur, on ne peut rien dire. Hiérax est un nom fréquent en Égypte ,mais on le rencontre également ailleurs. On pourrait citer un très grand nombre d 'oc currences dans les inscriptions de diverses régions pour compléter les quelques exemples donnés par Praechter. Rien ne permet de l' identifier avec l'un ou

l'autre des philosophes de ce nom que nous avons répertoriés. Après avoir nettement rejeté l'identification de ce philosophe avec Hiérax le néoplatonicien ( H 119 ), disciple de Proclus au Ve siècle, parce que les frag ments ne contiennent aucun trait néoplatonicien (cf. GGA 1909, p. 544 n . 1),

Praechter est partiellement revenu sur cette prise de position en soulignant le fait

que les particularités spécifiquement néoplatoniciennes ont marqué un certain retrait dans le néoplatonisme alexandrin . Voir son article « Hierax » 9, RE VIII 2, 1912, col. 1410 - 1411. Il ne considère pas pour autant l'identification comme probable .

H 119

HIÉRAX D 'ALEXANDRIE

683

Si l'on excepte la traduction latine de Stobée par G . Frölich (Bâle 1551), ces

fragments n 'ont jamais été traduits et ils sont rarement cités ou commentés.

RICHARD GOULET. 117 HIÉRAX ( FLAVIUS -)

MII

Membre du Musée d 'Alexandrie , Flavius Hiérax avait fait exécuter la statue offerte par les « philosophes » du Musée au rhéteur Aelius Démétrios (F . Kayser,

Recueil des inscriptions grecques et latines d 'Alexandrie impériale, Le Caire

1994, n° 98 ; voir APF 2 , 1902/1905, n° 127).Même si la rédaction de l'inscrip tion peut paraître quelque peu ambiguë , il n 'y a certainement pas lieu de com

prendre, avec C . P. Jones, « A Friend of Galen » , CQ 17 , 1967, p. 311-312, que Démétrios était le maître des philosophes du Musée dans leur ensemble (« a rhe tor who taught philosophers » ) : la formule finale de « maître et père » doit s'ap pliquer uniquement à la relation entre Démétrios et Hiérax (« les philosophes ont

honoré le rhéteur Aelius Démétrios, leur commensal Flavius Hiérax ayant fait élever la statue de son maître et père » ). Comme l'a indiqué C . P. Jones, Démé trios est très vraisemblablement l'ami de Favorinus (B + F 10 ) mentionné par

Galien (t. XIV , p. 627 Kühn ). En revanche , l'identification proposée par le même auteur entre l'élève de Démétrios et l'Éphésien T. Flavius Lucius Hiérax est peu convaincante , pour les raisons indiquées dans BE 1968, 173 et parce que

le nom Hiérax est très commun en Égypte. BERNADETTE PUECH .

118 HIÉRAX (SILVANUS DOROTHÉOS -)

MF IV

Cherchant sans doute à faire admettre qu'il n 'était pas astreint aux liturgies, Silvanus Dorothéos Hiérax , dit aussi Eusébios , obtint en 372 un certificat attes

tant qu'il avait fourni, avec le témoignage de sa fille adoptive, la preuve qu'il était bien un philosophe (P.Leipzig 48). BERNADETTE PUECH . 119 HIÉRAX D 'ALEXANDRIE RE 10

MV

Frère d 'un certain Synésius (PLRE II :3) qui n 'est pas l'évêque chrétien. Il accompagna Ammonius ( A 141) et Héliodore (2 H 30), les fils d'Hermeias (PH 78), lorsqu 'ils vinrentavec leurmère, Aidésia (PA 55), étudier la philoso phie chez Proclus (mort en 485) à Athènes (Damascius, Vie d ' Isidore, fr. * 127) . « Hiérax d'Alexandrie, le contemporain d'Ammonius, dit avoir vu une "bête de Pan ” qu'on apportait d' Éthiopie à Byzance ; elle ressemblait exactement aux images qu 'on en peint et qu'on en sculpte ; il dit avoir entendu son cri comme on la portait à travers Alexandrie ; on

aurait dit celui d'un oiseau » (Epit. Phot., 78 ; p. 108, 11- 14 Zintzen ; trad. Henry ).

Cf. K . Praechter, art.« Hierax » ,RE VIII 2, 1913, col. 1411. L 'auteur des fragments sur la justice ( H 116) conservés par Stobée (2+J 2) doit être un homonymeplus ancien .

RICHARD GOULET.

HIÉRIOS

684

H 120

120 HIÉRIOS RE 8 PLRE 1:2

MIV

Philosophe du temps de Julien , frère de Diogène (Ep . 198 de Libanius : cf.

DPHA II, D 140 B ) et oncle d'Aristophane de Corinthe (fils de sa sœur,mariée à Ménandre de Corinthe ), pour lequel intercède Libanius Or. XIV ( à Julien ).Mort

à l' époque de ce discours (362). Sa philosophie ne doit pas avoir été opposée à celle de Julien etde son entourage néoplatonicien (Or. XIV 7 , 32, 34), car Liba nius pense que Julien . aurait été heureux de l'avoir près de lui. Cf. O . Seeck , Die

Briefe des Libanios, Leipzig 1906 , p. 175 (voir aussi p . 88 ). PIERRE MARAVAL .

121 HIÉRIOS RE 9 PLREI:1

DM IV

Philosophe néoplatonicien, disciple de Jamblique. Ammonius d 'Alexandrie , dans son Commentaire sur les Premiers Analytiques (CAG VI 6 , p . 31, 16

Wallies),mentionne une opinion tenue par Porphyre, Jamblique et aussiMaxime d 'Éphèse, dont il dit qu' il fut l' élève de Hiérios, lui-même élève de Jamblique : • Máquos, < c> åxpoatsnv ‘ Ieplov toŨ ’laußniyov åxpoatoŨ . Il faut donc compter ce Hiérius lui aussi parmi les disciples de Jamblique. Eunape, dans ses Vies des Philosophes et des Sophistes (V 1, 4 -7, p. 11, 7-27 Giangrande ), a un

chapitre surJamblique dans lequelilmentionne le succès remporté par le profes seur de philosophie à Apamée pour attirer des disciples en grand nombre . Il en

nomme plusieurs parmilesquels ne figure pas notre Hiérius. C 'est tout ce que nous pouvons en dire dans l'état actuel de notre documentation. HENRIDOMINIQUE SAFFREY. 122 HIÉRIOS D 'ATHÈNES RE 10 PLRE II :5

MV

Fils de Plutarque, Hiérios « philosopha sous l'autorité de Proclus» (mort en 485). La RE et Zintzen (p. 122 sur Epit. Phot. 88 ) pensent que son père , Plutar que, était le philosophe néoplatonicien, maître de Syrianus et, à la fin de sa vie , du jeune Proclus, mais la PLRE considère que le fondateur de l' école néoplato nicienne d 'Athènes (mort en 432 ) pouvait difficilement avoir un fils élève de Proclus et envisage un personnage différent (PLRE II:2 ). On connaît un petit-fils du philosophe néoplatonicien Plutarque d 'Athènes

nommé Archiadas (2 + A 314), qui était un contemporain de Proclus. SiHiérios est le fils du Plutarque, grand-père d'Archiadas, il devait être plus vieux que Proclus d'environ une génération . (On peut cependant estimer que Damascius aurait précisé davantage l'identité de ce Plutarque s'il n 'avait été le philosophe célèbre qui apparaît à plusieurs reprises ailleurs dans les fragments.) Saffrey et Westerink (introduction à la Théologie platonicienne de Proclus, t. I, p. XXX) considèrent que Hiérios fut bien le frère d'Asclépigéneia I ( A 451) et le père d'Archiadas I. Comme Hiérios était, ainsi que l'avons vu, plus âgé que Proclus, ces deux auteurs supposent que l'expression employée par Damascius: úno Ipóxiw blooogoŨvta , ne signifie pas que Hiérios avait étu

dié la philosophie sous la direction de Proclus, mais bien qu'il avait enseigné

comme l'un de ses assistants. [Pour la formule, voir cependant Damascius, Vie

HIÉRIOS D 'ATHÈNES

H 122

685

d 'Isidore, fr. * 160 et fr. 120 , passages qui suggèrent plutôt un rapport de maître à élève.) Hiérios, ou plutôt, s'il faut suivre les manuscrits , " Plutarque, athénien, fils de Hiérios” (PLRE II :4 ), est mentionné dans un autre passage de la Souda (s.v. HautpétLOS ; Damascius, Vie d 'Isidore, fr. 289), avec Hermeias d'Alexandrie

“ le rhéteur” ([PLRE II :4 ), qu'il ne faut sans doute pas confondre avec le philo sophe néoplatonicien , H 78) comme les deux hommes les plus savants de leur époque, dépassés seulement en polymathie par Pamprépios. En combinant le stemma de Marinus et celui de Damascius, ce Plutarque, fils de Hiérios, devien drait le frère d 'Archiadas I. Asmus et, à sa suite, Zintzen (p . 235 , 4 ), corrigent ici, sansdoute à tort, en “ Hiérios fils de Plutarque”.

La PLRE suppose que le fils de Hiérios enseigna à Pamprépius vers 473/476 .

Damascius ne le ditpas nettement. Que Hiérios, disciple (ou assistant) de Proclus, ait pu avoir un fils qui ensei gnait à Athènes une dizaine d 'années avant la mort de Proclus pose à nouveau

problème. Il est vrai que la carrière de Proclus fut très longue, puisqu 'ilsuccéda à Syrianus vers 437, quand il avait 25 ans (voir Saffrey et Westerink, introduc

tion à la Théologie platonicienne de Proclus, t.I, p . XIX ). Un arbre généalogique, emprunté à Saffrey et Westerink , t. I, p . XXXV, per mettra de se représenter l'histoire de cette famille . Les données relatives au fils

de Plutarque d'Athènes et au fils de Hiérios, empruntées à la Vie d 'Isidore de Damascius, apparaissent en italiques. Plutarque Nestorios Plutarque d' Athènes (+432)

Timocrate

Asclépigéneia 1 00 (?) Hégias l'archonte

Hiérios

(IG II/III 2, nº 3692

Archiadas 1 - Ploutarchè

Plutarque

Sironen nº 11, p. 26 -27)

Asclépigéneia II - Théagénès Hégias

Eupeithios

Archiadas II

Qu 'Asclépigéneia I ait été l'épouse d'Hégias l'archonte a été proposé par P. Athanassiadi, Damascius, p. 253 (n. 277).

Damascius rapporte que Hiérios aurait vu dans la maison de Kyrinos (Quiri nus) une petite tête humaine de la taille d'un pois chiche, parfaitement consti tuée, dont la bouche laissait sortir une voix aussi forte que celle de milliers

d'hommes (Epit. Phot. 88 ; p. 122, 8-16 Zintzen). Voir H . Janssens, « A propos de la Casa Romuli » , MusB 28, 1924, p . 59 sqq ., qui identifiait cette maison à une des huttes de paille et de bois situées à Rome. Contre cette

HIÉRIOS D 'ATHÈNES

686

H 122

interprétation, voir A . Brouwers, « Casa Romuli ou maison de Kyrinos ? (Damascius, Vie d 'Isidore, 88) » , dans Hommages à Léon Herrmann, coll. « Latomus » 44, Bruxelles-Berchem

1960, p. 215-218, qui considère que Hiérios n'a pu voir cette maison qu 'à Athènes ou à Alexandrie .

Cf. K . Praechter, art. « Hierios » 10, RE VIII 2, 1913, col. 1459. RICHARD GOULET.

123 HIÉRIOS DE PHÉNICIE RE 2 PLREI:4

MIV

Originaire de Damas, païen et frotté de philosophie ; revient dans sa patrie en

360 après avoir administré une province consulaire (Libanius, Ep. 195). Prae fectus Aegypti en 364 (Libanius, Ep . 1183). Son influence sur Valens eut pour

conséquence, en 366 , l'exécution d’Andronicos, un ancien élève de Libanius (qui le traite à cette occasion de « renard » : Or. I, 171). PIERREMARAVAL .

124 HIÉROCLÈS RE 17

DM II ?

Philosophe stoïcien .

A . Calvisius Taurus aimait citer, à propos d'Épicure , le mot du stoïcien Hié roclès (viri sancti et gravis ) qu 'Aulu -Gelle (Aulu -Gelle IX 5, 8) rapporte en

grec : « Le plaisir est la fin, doctrine de courtisane ! Il n'y pas de providence, doctrine quemême une courtisane ne partagerait pas...» (noovn téros,nópvns

dóyua: oủx fotiv TPóvola , oủ è trópung Bóyua ). Les épithètes qu 'Aulu -Gelle attribue à ce philosophe donnent à entendre qu 'il s'agissait d'un contemporain , peut-être connu personnellement. Cf. 1 K . Praechter, « Hierokles der Stoiker» , Leipzig 1901, VII- 159 p ., repris dans Kleine Schriften , hrsg. von H . Dörrie , coll.

« Collectanea » 7 , Hildesheim 1973, p. 314 -468, notamment p .420 . B. Plusieurs extraitsmoraux de ce philosophe ont été conservés par Stobée I 3, 53 et 54 et II 9, 7 (Tíva tpónov Deots xenotéov ); III 39, 34 - 36 ( Ilūs natpidl xenotkov ); IV 22a, 21-24 (Ilepi yánov ) et IV 24a, 14 (Ilepi yauov ?) ; IV 25, 53 ( Il @ s xpnotkov tots yoveŨOLV) ; IV 27, 20 (ſlepi biaðendíac ); IV 27, 23 (Ilūç ovYyEvéol xpnotkov) ; IV 28, 21 (Oixovoulxóc). Selon Praechter 1, p. 321, ces divers extraits proviendraient d'un même ouvrage et pouvaient s'enchaîner les uns les autres dans l'ordre présenté par Stobée, peut- être séparés par des développements disparus attestés par des références internes dans les extraits.

Texte et traduction des extraits sur le mariage dans 2 E . Eyben, « De latere Stoa over het huvelijk » , Hermeneus 50, 1978, p. 15 -32 ; 71-94 ; 337-358. C . La Souda , s.v. 'Eunodúv, E 1032 , t. II, p. 262, 2-5 Adler , cite un extrait

des Philosophoumena d'un certain Hierocles (εν β' φιλοσοφουμένων περί των pihooópwv), que le contenu invite à rapprocher de l'auteur de Stobée : « Lequel d 'entre eux (scil. des philosophes) ne s'est pas marié, n 'a pas élevé des enfants

ou ne s'est pas soucié de sa richesse, quand aucun obstacle ne l'en empêchait ?» Le terme éunodúv apparaît dans un contexte semblable dans un des extraits de

Stobée (cf. IV 22a, 22, li. 7): il nous faut, comme le sage, nous marier si une cir

constance particulière ne fait pas obstacle.Une autre lexis du même auteur, em

H 124

HIÉROCLÈS

687

pruntée cette fois au livre I des Philosophoumena, est citée s.v. Néoyn (1 309, t. III, p. 252 , 26 -28). Trois autres, sans indication de l'ouvrage, ss. vv . Ola éYOLUTO Yuvaltív (A 626 , t. II, p.62, 14 -15), OLÓti (4 1214 , t. II, p . 114, 22

23) et Téuvovou pápuaxov (T 301, t. IV , p . 522, 9 - 10 ). Voir Michel Apostolios, Cent. 8 prov. 20 . Certaines de ces citations se retrouvent chez d 'autres lexicographes, notamment chez Photius. Elles pourraient provenir d 'un recueil

atticiste . Cf. Praechter 1, p. 320 .

D . PBerol inv. 9780' [Pack2 536 ) (un papyrus que l'on a daté de la fin du 11€ siècle de notre ère, probablement découvert à Hermoupolis en Égypte ) a conservé toute la première partie de l’’HOLXn Otolyeiwolc (Introduction élémen

taire à l' éthique) d 'un certain Hiéroclès .

Édition . 3 H . von Arnim (édit.), Hierokles. Ethische Elementarlehre (Papyrus 9780 ). Nebst den bei Stobäus erhaltenen ethischen Exzerpten aus Hierokles, unter Mitwirkung von W . Schubart, coll. « Berliner Klassiker Texte » 4, Berlin

1906 (comprend en appendice les fragments de B. conservés par Stobée).Nou velle édition par 4 G . Bastianini et A . A . Long, CPF I 1* * , 1992, nº 60, 1, p . 268 -451 (introduction : p. 268-295, avec bibliographie, p. 268-270 ; édition critique et traduction italienne : p . 296 - 367 ; commentaire : p. 368-451). A la suite de la publication d 'un article de 5 V . Delle Donne , « Per una nuova edi

zione dei “ Principi di etica” di lerocle Stoico (P . Berol. 9780 ) », AIIS 10, 1987 1988 (paru en novembre 1991), p . 113- 144 , les deux mêmes auteurs ont apporté des compléments et des corrections à leur édition dans 6 « Dopo la nuova edi zione degli Elementi di etica di lerocle stoico (PBerol 97804) » , dans Studi su

codici e papiri filosofici. Platone, Aristotele, lerocle, coll. « Accademia Toscana di Scienze e Lettere “ La Colombaria ” – Studi» 129, Firenze 1992, p. 221-249. Voir également 7 V . Delle Donne, « Sulla nuova edizione della ’HOXN OTOL xeiwolç di lerocle Stoico » , SIFC 13, 1995, p . 29-99 (notes critiques et exé gétiques).

Traductions : – italienne : 8 U . Moricca, « Un trattato di etica stoica poco conosciuto » , Bilychnis 34, 1930, p . 77- 100 ; Bastianini et Long 4 , p. 296 -367. Voir aussi une mention (possible ) dans PVars. 5 : CPF I 1 *, nº 4, où un Hiéroclès est pré senté comme l'auteur de neuf rouleaux dans un catalogue de livres où figurent des auteurs stoïciens.

Le texte a été copié sur le verso du papyrus qui a conservé le commentaire de

Didyme sur les Philippiques de Démosthène (Pack? 339). L 'ouvrage se distingue de la littérature stoïcienne d 'époque impériale (Musonius Rufus, Épictète

(PE 33] ou Marc-Aurèle) par son approche purement scientifique et scolaire, dépourvue de toute parénèse ou de diatribe, sinon de recherche stylistique (Bastianini et Long 4, p. 282). « Nous devons probablement considérer l'æuvre de Hiéroclès comme un manuel attrayant, se proposant d'éviter l' aridité caracté ristique d'ouvrages comme ceux de Chrysippe et de rendre l'éthique stoïcienne accessible et surtout lisible » ( 4 , p . 283).

L 'identification de cet auteur stoïcien avec le stoïcien homonyme connu par Aulu -Gelle et Stobée est généralement acceptée depuis von Arnim (3 , p. VIII-XI). Avec Hiéroclès d 'Hyllarima en Carie ( H 127), notre auteur n 'a de commun

HIÉROCLÈS

688

H 124

que le nom , nom par ailleurs fort répandu. Voir Praechter 1, qui, avantmême la découverte du papyrus, avait montré que les fragments conservés par Stobée ne pouvaient être attribués au néoplatonicien (MH 126 ) de la première moitié du ve

siècle, commentateur des Vers d'Or et auteur d'un traité Sur la providence cité

par Photius, comme le pensaient encore Mullach (I 408 a) et Zeller (III 2 ,p . 753 n . 4 ).

Il n 'estpas sûr que les fragments conservés par Stobée (qui se rattachent pour le fond a un traité sur les καθήκοντα) aient fait partie de l' Ηθική στοιχείωσις, comme le suggérait von Arnim (cf. 3, p. 284-286 ). En tout cas, aucun indice n ’invite à attribuer à Hiéroclès une origine alexan drine, comme le fait 9 O . Gigon , art. « Hierokles von Alexandria » , LAW , col.

1296 . Cf. 10 H . von Arnim , art. « Hierokles » 17 , RE VIII 2 , 1913, col. 1479 ; 11 P. W . Van der Horst, « Hierocles the Stoic and the New Testament. A contri bution to the Corpus Hellenisticum », NT 17 , 1975, p . 156 -160 ; 12 B . Inwood ,

« Hierocles. Theory and argument in the second century A .D .» , OSAPh 2 , 1984, p. 151- 183 ; 13 G . Badalamenti, « lerocle stoico e il concetto di ouvaioOnouc » , ADFF 3 , 1987, p. 53-97 ; 14 M . Isnardi Parente, « lerocle stoico. Oikeiosis e

doveri sociali » , ANRW II 36 , 3, 1989, p. 2201-2226 ; 15 A .A . Long, « Notes on Hierocles Stoicus apud Stobaeum », dans M . Serena Funghi (édit.), 0401 AIZHEIOE. Le Vie della ricerca. Studi in onore di F . Adorno, Firenze 1996 , p. 299-309. RICHARD GOULET.

125 HIÉROCLÈS (SOSSIANUS -) RE 13 PLREI: 4

D III

Lactance, Div. Inst. V 2, 12 (CSEL XIX 1, p. 405, 22 sq.),mentionne un juge de Bithynie qui joua un rôle prépondérant dans la persécution des chrétiens sous

Dioclétien et qui composa deux livres intitulés Philalèthès dans lesquels il atta quait le christianisme tout en se donnant le rôle d 'un conseiller humain et bien veillant. Avec beaucoup d 'érudition , il s'efforçait de débusquer lesmensonges et les contradictions des Saintes Écritures. Il s' en prenait également à Paul, à Pierre et aux autres apôtres, les présentant comme des pêcheurs grossiers et ignorants . « Cet auteur, rapporte Lactance, affirmait que le Christ lui-même, chassé par

les Juifs, avait groupé neuf cents hommes et exercé le brigandage. (...) Il essayait d 'affaiblir l'importance des miracles du Christ sans toutefois les nier , et voulait démontrer qu 'Apollonius (de Tyane) (PA 284 ) en avait fait de pareils et même de plus grands. (...) Si le Christ était un magicien , parce qu'il a accompli des prodiges, Apollonius s'est montré plus habile encore , puisque, à t'en croire ,

au moment où Domitien se disposait à le punir, il disparut soudain de son tribu nal, - tandis que le Christ, lui, se laissa prendre et attacher à la croix ! Ce polé miste a peut-être voulu incriminer l'orgueil du Christ pour s'être donné comme

un dieu , afin de faire ressortir la modestie d' Apollonius qui, plus grand thauma turge, n 'a nullementréclamé sa déification ...» (trad . P. de Labriolle, La réaction païenne, Paris 1934 , p . 308 ).

689 HIÉROCLÈS (SOSSIANUS -) A la fin de son ouvrage, l'auteur entonnait les louanges du Dieu suprême, le

H 125

proclamant roi, très grand , créateur de l'univers, Source du Bien , père de toutes

choses, qui a forméet qui conserve les vivants ! Le nom de ce juge nous est connu, car, dans le De mortibus persecutorum XVI 4 (SC 39, t. I, p . 94 Moreau ), Lactance semble faire allusion au même per sonnage quand il parle de Hieroclem ex vicario praesidem , qui auctor et consi liarius ad faciendam persecutionem . Hiéroclès, comme Lactance, exerçait alors

son activité à Nicomédie , lieu de la résidence impériale. Le Philalethès de Hiéroclès nous est également connu par Eusébe, qui en

donna, vers 311-313, une réfutation qui est conservée. Sa réfutation se limite à vrai dire à la critique de la comparaison dressée par Hiéroclès entre Jésus et

Apollonios de Tyane. Pour le reste , nous dit Eusebe (chap. 1), Hiéroclès a emprunté sa critique, «mot pourmot et syllabe par syllabe », à d'autres écrits, ce qui lui permetde renvoyer le lecteur aux apologies plus anciennes, comme « les huit livres du Contre Celse d'Origène» , où les objections de Hiéroclès ou leurs

sources ontdéjà reçu leur réponse. L 'ouvrage est signalé par Photius, Bibl. cod. 39 : « Lu d 'Eusébe, fils de Pamphile , un petit livre de réfutation des écrits consa crés par Hiéroclès à la défense d'Apollonius de Tyane » (trad. Henry).

Édition critique du traité d'Eusèbe par 1 C .L . Kayser, Flavii Philostrati opera

auctiora . Accedunt Apollonii epistolae. Eusebius aduersus Hieroclem ..., coll. BT, Leipzig 1870,réimpr. 1964, t. I, p. 369-413. Texte et traduction anglaise par 2 F . C . Conybeare , à la suite de la Vie d 'Apollonius de Tyane de Philostrate , coll.

LCL ,London 1912, t. II, p. 483-605. Édition récente par 3 Ed. des Places, avec une traduction française par Marguerite Forrat,coll. SC 333, Paris 1987, 244 p .

On a proposé de retrouver le texte de l'ouvrage de Hiéroclès que résume Lactance dans les objections du Monogénès de Macarios de Magnésie. Cette identification fut proposée dans la préface de P . Foucart à l' édition de Ch . Blondel, soutenue par Louis Duchesne et reprise par 4 T . W . Crafer , « MacariusMagnesius, a neglected

Apologist », JThS 8 , 1906 - 1907, p . 401-423 ; 546 -571. Crafer notamment a supposé que le Philalèthès était la relation écrite d’un débat public réel ayant opposé le Gouverneur Hiéroclès et Macarios, dans la région d ' Édesse, avant la persécution et avant que Hiéroclès n 'eût été nommé en Bithynie vers 303. Devant les difficultés chronologiques rappelées par ses cri tiques, Crafer a renoncé par la suite à soutenir la réalité historique du débat présenté dans le Monogénès. Il n 'en a pas moins continué à soutenir que les objections de l'adversaire de

Macarios provenaient du Philalèthès de Hiéroclès, auquel répondrait le titre Monogénès. Voir 5 T. W . Crafer, « The Work of Porphyry against the Christians and its reconstruction » , JTHS

15, 1914, p. 360 -395 ; 481-512 , et 6 Id ., The Apocriticus of Macarius Magnes, coll. « Transla

tions of Christian Literature » , Series I, Greek Texts, Londres 1919. Pour la carrière de ce personnage qui nous est connue par plusieurs autres

sources littéraires, épigraphiques et papyrologiques, on se reportera à l'introduc tion de Marguerite Forrat 3, p. 11-18, et à la notice de la PLRE .

M . Forrat (3) distingue quatre étapes importantes dans la carrière de Hiéro clès :

– vers 297, gouverneur de la province où Palmyre était située (Phénicie libanaise ?) ; il était membre de l'ordre équestre ;

HIÉROCLÈS (SOSSIANUS -)

690

H 125

- avant 303, vicaire < d'Orient> ; c'est l'époque probable de la rédaction du Philalethès ;

- en 303, au début de la persécution de Dioclétien, gouverneurde Bithynie ;

- en 310-311 environ, préfet d'Égypte . Voir aussi : T . D . Barnes, « Sossianus Hierocles and the antecedents of the “Great Persecution" » , HSCPh 80, 1976, p . 239 -252.

Cf. 7 T . D . Barnes, « The New Empire of Diocletian and Constantine, Cambridge/London 1982 ; 8 W . Speyer, art. « Hierokles 1 (Sossianus Hiero

cles) » , RAC XV , 1989, p. 103- 109; 9 Th. Hägg, « Hierocles the lover of truth and Eusebius the sophist », SO 57, 1992, p . 138 -150 ; 10 S. Campani, « Un cristiano e l' irrazionale : il Contra Hieroclem di Eusebio di Cesarea » , GFRF 1 ,

1991, p. 17-25. RICHARD GOULET.

126 HIÉROCLÈS D 'ALEXANDRIE RE 18

DM V

Philosophe néoplatonicien , disciple de Plutarque d'Athènes. Biographie . Nous ne possédons que peu de détails sur la vie du philosophe néoplatonicien Hiéroclès. Il se présente lui-même, dans son traité Sur la Provi dence et l'Heimarménè (Photius, Bibl. cod . 214, t. III, p. 130 Henry ), comme

disciple fidèle de Plutarque d' Athènes (sur ce dernier, cf. 1 D . P. Taormina, Plu tarco di Atene ; l'Uno, l'Anima, le Forme, Catania 1989), qui était diadoque de Platon , c'est-à-dire chef de l'école néoplatonicienne privée d 'Athènes, et qui est mort en 432 de notre ère, à peu près deux ans après l'arrivée du jeune Proclus

dans son école (Marinus, Vita Procli 12). Cette date nous fournit un terminus ante quem pour la datation des études d'Hiéroclès chez Plutarque. D 'autre part, le dialogue Théophraste d' Énée de Gaza, dont A . Segonds (2 art. « Ainéas de

Gaza » A 64 , DPhA I, 1989, p. 82-87) date avec de bonnes raisons la compo sition entre 485 et 490, parle d 'Hiéroclès comme étantmort. Nous pouvons donc

considérer comme sûr le fait qu'Hiéroclès a étudié chez Plutarque d'Athènes avant 432 et qu 'il était mort avant 490 . En dehors de cela , toutes les autres dates

que l'on a proposées concernant la vie d 'Hiéroclès, et dont on parlera plus loin , sont de pures hypothèses. Nous pouvons glaner quelques traits de la personnalité d'Hiéroclès ainsi que

de rares détails de sa vie dans les fragments de la Vie d'Isidore de Damascius, qui parle de lui comme de quelqu 'un qui estmort,mais ces fragments ne nous apportent pas plus de précision en ce qui concerne les dates de la naissance et de la mort d'Hiéroclés : par une remarque de Damascius (Vita Isidori 64 , p . 94, 10 11 Zintzen ), nous savons seulement qu 'il composait cette æuvre au temps du règne de Théodoric le Grand, donc entre 497 et 526 . Damascius dit d ' Hiéroclès qu 'il possédait une maîtrise étonnante du langage et " une extrême abondance de

la pensée” et qu 'il avait enseigné à Alexandrie , où il avait comme élève entre autres Théosebius (Vita Isidori 54, p . 80, 1- 11 Zintzen ), dont Damascius parle encore à d 'autres endroits (Vita Isidori 106 , p. 83 1-4 et 56 -59, p . 82 et 84

Zintzen). Son enseignement à Alexandrie fut interrompu par un séjour à

H 126

HIÉROCLÈS D 'ALEXANDRIE

691

Byzance, où il futmalmené, c'est-à-dire mis en prison et battu , par les Chrétiens, mais il montra à cette occasion un courage extraordinaire. Il fut condamné à l'exil,mais revint plus tard à Alexandrie, où il continua à enseigner (Vita Isidori 106 , p . 83, 5 - 11).

Orientation philosophique Dans sa Vie d ' Isidore ($ 106 , p . 83, 12-15 Zintzen ), Damascius énumère comme æuvres écrites d'Hiéroclès les deux traités que nous connaissons encore aujourd 'hui: le commentaire sur le Carmen aureum que nous possédons en entier, et le traité Sur la providence et l'Heimarménè (Vita Isidori 106 , p. 83, 12

15 Zintzen ) dont il nous reste quelques traces dans deux résumés de Photius (Bibl., cod. 214 , t. III, p. 125 -130 Henry et cod. 251, t. VII, p. 189-206 Henry ). Dans le mêmepassage, Damascius dit d ’Hiéroclès qu 'il est “ sans précision quant aux notions philosophiques”. Ce jugementnégatif, après tant d'éloges dispensés à l'égard d 'Hiéroclès, pourrait surprendre , si l'on ne savait pas que Damascius,

tout au long de sa vie d ' Isidore, a l'habitude, à propos de presque chaque per sonnage traité , et aussi à propos de son maître Isidore dont il veut honorer la mémoire , de distribuer à côté des louanges une bonne dose de critique, parfois

difficilement conciliable avec les louanges. Ce que la critique de Damascius doit viser ici, c 'est le fait que le système philosophique d 'Hiéroclès, qui se situe dans le courant néoplatonicien entre Jamblique et Syrianus-Proclus (cf. 3 I. Hadot, Le problème du néoplatonisme alexandrin : Hiéroclès et Simplicius, coll. « Études Augustiniennes» , Paris 1978 ; 4 Eadem , « Le démiurge comme principe dérivé

dans le système ontologique d'Hiéroclès. A propos du livre de N . Aujoulat “Le néoplatonisme alexandrin : Hiéroclès d'Alexandrie" » , REG 103, 1990 , p. 241 262; 5 Eadem , « A propos de la place ontologique du démiurge dans le système philosophique d ’Hiéroclès le néoplatonicien . Dernière réponse à M . Aujoulat» , REG 106 , 1993, p . 430 -459 ), ne connaît pas encore tous les raffinements du

système auxquels le néoplatonisme aboutit précisément sous Proclus et encore ultérieurementsous Damascius.

Comparant le commentaire de Simplicius sur le Manuel d'Épictète avec celui d'Hiéroclès sur le Carmen aureum , 6 K . Praechter, art. « Hierokles» 18, RE VIII 2 , 1913, col. 1479 - 1487, et 7 Id ., art. « Simplikios » , RE III A , 1 1927, col. 204

213, croyait pouvoir déceler, dans ces deux commentaires, une forme plus simple du néoplatonisme, forme qui serait propre à l'école d 'Alexandrie, ne comporterait pas les complications hiérarchiques de l'école d 'Athènes et se rattacherait plutôt à la tradition du moyen -platonisme sous l'influence du christianisme. Le point de différence le plus important serait constitué par l'identification entre le “ principe des principes" et le Démiurge qui crée et régit l'univers. L ’Un absolu , comme principe élevé au -dessus de l'Intelligible et de l'Intellect, viendrait donc à disparaître. Or cette doctrine de l'Un absolu caractérisait Plotin et ses successeurs . Cette thèse de Praechter, dans ses grands

traits, a été suivie par 8 Theo Kobusch, Studien zur Philosophie des Hierokles von Alexandrien . Untersuchungen zum christlichen Neuplatonismus, coll.

« Epimeleia » 27, München 1976 , et par 9 N . Aujoulat, Le néoplatonisme

HIÉROCLÈS D 'ALEXANDRIE H 126 alexandrin : Hiéroclès d 'Alexandrie , Leiden 1986 ). Mais en fait (cf. I. Hadot 3, 4 , 5 ) le système philosophique d'Hiéroclès, dans les doctrines concernant la

692

création du Monde, le démiurge, la matière, la providence et les classes d'âmes, ne s'écarte pas du courantnéoplatonicien de son temps. Hiéroclès n 'a pas fait un retour au moyen -platonisme, et spécialement à Origène le païen , et il n 'a pas été

contaminé par le christianisme,mais son système philosophique se situe, comme les dates approximatives de sa vie le laissent déjà supposer , entre les systèmes de Jamblique et de Proclus. A propos de l'influence de Jamblique sur l’æuvre d 'Hiéroclès, cf. aussi 10 D . J. O 'Meara, Pythagoras revived, Oxford 1989,

p. 109-118. Euvres. Il s'agit du traité Sur la Providence et l'Heimarménè et du commen taire sur le Carmen aureum . Contrairement à ce que soutient 11 N . Aujoulat, « Sur la vie et les æuvres de Hiéroclès : problèmes de chronologie » , Pallas 23 , Annales Publiées par l'Université de Toulouse - Le Mirail, Nouvelle Série , XII, fasc. 3, 1976 , p . 19, on ne saurait déceler des différences de doctrine entre ces deux euvres.

12 R .Henry , Photius, Bibliothèque, l. III, Paris 1962, p . 125, note 1, attribue par erreur en outre à Hiéroclès un écrit sur Apollonius de Tyane, mais l'auteur en question est un autre Hiéroclès ( » H 125) , païen lui aussi, qui vécut deux siècles plus tôt sous le règne de Dioclé

tien et dont l'œuvre nous est connue à travers la polémique d ' Eusébe de Césarée. Il ne faudrait pas non plus confondre, avec N . Aujoulat ( 9 , p . 2 ) , Hiéroclès le néoplatonicien avec le stoïcien du même nom ( H 124 ), qui vivait au 11° siècle de notre ère et avait écrit une "HOix OTOL

xelwoic.

(1) Ilepi nepovolaç xal cipuapuévns, Sur la Providence et l'Heimarménè Nous ne connaissons ce traité en sept livres que par les deux brefs résumés qu 'en donne Photius dans les codd: 214 et 251 de sa Bibliothèque (édition et tra duction française : Photius, Bibliothèque, t. III et t. VII, texte établi et traduit par R . Henry, Paris 1962 et 1974 ).

Dédicace : Selon Photius (cod. 214 , 171b 22 sqq., t. III, p. 125 Henry), qui tire ses renseignements de toute évidence de la dédicace même d 'Hiéroclès, cette @ uvre a été adressée à un certain Olympiodore, homme épris de philosophie et instigateur du traité d 'Hiéroclès, qui s'était distingué dans les ambassades ro maines et “ avait amené dans l'obédience des Romains beaucoup de très grandes

nations barbares, ce qui lui valut auprès d'eux les plus grands honneurs” . Aujoulat 11, qui suit 13 A . Elter, « Zu Hierokles dem Neuplatoniker », RhM 65, 1910, p. 175- 199, et également 14 Alan Cameron ,« Wandering Poets : a Literary Movement in Byzantine Egypt», Historia , 14, 1965, p . 476 n . 37 (où il faudrait lire " cod. 214” au lieu de " cod. 314”), ainsi que 15 L . Török , « A contribution to post-meroitic chronology : The Blemmyes in Lower Nubia » , dans RSO 58 , 1984 , p. 224 , et 16 P. Chuvin , Chronique des derniers païens, Paris 1990, p. 98 , identi fient, sans laisser planer l'ombre d ’un doute , cet Olympiodore avec Olympiodore de Thèbes en Égypte . Sur ce dernier, auteur d'un recueil de matériel historique

pour les années 407-425 et très probablementaussi d 'une Blemyomachia ( éd. E . Livrea), cf. 17 W . Haedicke, « Olympiodoros» 11, RE XVIII 1, 1942, col. 201

207, 18 E .A . Thompson, « Olympiodorus of Thebes » , CQ 38, 1944, p . 43-52 ,

H 126

HIÉROCLÈS D 'ALEXANDRIE

693

ainsi que 19 J. F. Matthews, « Olympiodorus of Thebes and the History of the

West», JRS 60, 1970 , p. 79-97, et 20 R .Maisano, Olimpiodoro Tebano, Fram menti Storici, Introduzione, traduzione e note con in appendice il testo greco,

Napoli 1979, qui tous les quatre ne traitent pas du problème de l'identification. De ce recueil historique, qui a été utilisé par Zosime et Sozomène, Photius (Bibl., cod. 80, t. I, p. 166 -187 Henry) donne également un résumé. Concernant l'iden

tification des deux Olympiodore, 21 The Prosopography of the Later Roman Empire , t. II, Cambridge 1980, p . 798 -799, s'exprime à propos d 'Olympiodore de Thèbes avec plus de circonspection en disant que celui-ci “ is presumably identical” avec le dédicataire d 'Hiéroclès, tandis que s.v “Hierocles" la même prosopographie (p. 560 ) identifie les deux . 22 B . Baldwin , « Olympiodorus of Thebes» , AC 49, 1980, p . 219 conserve un doute . Le résumé de Photius (cod . 80 , 58b37, t. I, p. 173 Henry) mentionne une ambassade d 'Olympiodore de Thèbes auprès des Huns qui a eu lieu, comme nous le savons par ailleurs, en 412. Selon N . Aujoulat (9, p . 2 ; 11, p . 20 et 28), qui suit Elter 13, la date de la publication du traité Sur la Providence et l'Hei

marménè peut en conséquence être fixée autour de 415. Cette datation est tout à fait hasardeuse. Même si nous supposions que l'identification des deux Olym piodore est sûre , ce qui est pourtant loin d 'être le cas, il reste que Photius parle d'ambassades au pluriel à propos d 'Olympiodore, le dédicataire d'Hiéroclès. Il

n 'y a aucune raison sérieuse permettant de mettre la seule ambassade (ca 412) d'Olympiodore de Thèbesmentionnée par Photius en rapport avec la publication du traité Sur la Providence et l'Heimarménè. Etmême si l'on supposait en plus

qu'Hiéroclès avait parlé d'une seule ambassade en utilisant, par un procédérhé torique, le pluriel au lieu du singulier, cela ne signifierait pas non plus que le traité Sur la Providence et l'Heimarménè ait été écrit peu de temps après cette

ambassade, donc vers 415. La seule chose que l'on puisse affirmer, c' est que le traité en question s 'adresse forcément à un Olympiodore vivant. Or, on ne connaît pas la date de la mort d'Olympiodore de Thèbes. Le dernier événement

raconté dans son recueil historique est l'avènement de Valentinien III en 425 , mais il n 'y a pas de raisons valables pour mettre cette date en rapport avec la mort d 'Olympiodore de Thèbes (cf. Haedicke 17, col. 201), car l'avènement de Valentinien peut bien être considéré comme le point final voulu par Olympio dore pour son histoire. Comme l'œuvre a été dédiée à Théodose II, la date de sa publication se situe entre 425 et la mort de Théodose en 450. Cet intervalle considérable peut être diminué de quelques années en s'appuyant sur la date vraisemblable de la publication de l’æuvre historique de Sozomène, qui avait utilisé Olympiodore. En effet, Sozomène mentionne dans sa dédicace au même Théodose II un événement de 443 qu 'il qualifie comme récent (cf.Matthews 19, p .81 n . 20 ). On arrive donc aux dates 425 -ca 440 pour la publication de l'æuvre d'Olympiodore de Thèbes, sans que tout cela puisse donner le moindre indice pour la date de publication du traité d'Hiéroclès.

P. Chuvin 16 , p. 98 , identifie en plus " les nombreuses et très grandes nations barbares” amenées dans l'obédience des Romains, par lesquelles, selon Photius

H 126 HIÉROCLÈS D 'ALEXANDRIE (qui puise dans la dédicace d 'Hiéroclès), Olympiodore fut hautement honoré

694

(Photius, Bibl., cod. 214, 171 b 26 sqq., t. III, p. 125 Henry), avec la seule nation des Blemmyes, peuplade vivant aux confins de la frontière sud de l' Égypte , dont

parle Photius à propos d 'Olympiodore l'historien (Bibl., cod. 80 , 62 a 9 sqq., t. I, p . 182 Henry) dans les termes suivants : " L 'historien (c'est-à -dire Olympiodore de Thèbes) dit que, lors de son voyage d 'exploration aux environs de Thèbes et de Soènè, les chefs et devins des Barbares voisins de Talmis, les Blemmyes,

manifestèrent le désir de le rencontrer ; c 'était sa réputation qui les attirait.” Cette

phrase, P. Chuvin 16, p. 98, semble l'attribuer par erreur non pas à Photius écri vant sur l'historien Olympiodore , mais à son "biographe" Hiéroclès, épithète que rien ne justifie : une dédicace n 'équivaut pas à une biographie . Cette identifica tion n 'est pas plus fondée que la supposition de Török 15, p . 224, selon laquelle

le voyage d'Olympiodore auprès des Blemmyes aurait été non un voyage d 'ex ploration, commeOlympiodore le dit lui-même,mais une ambassade. Ce qui devrait étonner, si l'on croit à l' identité des deux Olympiodore, c'est le fait qu'Hiéroclès ne semble pas avoir mentionné, dans sa préface, les intérêts d'Olympiodore pour l'histoire et sa profession de poète (mentionnée par Photius résumant l'historien Olympiodore dans Bibl., cod . 80 , 56b 13- 14 , t. I, p. 166 Henry) ; autrement Photius aurait très probablement noté ces traits en lisant

Hiéroclès, et il aurait lui-même fait le rapprochement entre les deux Olympio dore. Même si l'euvre historique d 'Olympiodore n 'avait pas encore paru au moment où Hiéroclès lui adressait son traité Sur la Providence et l'Heimarménè,

ilaurait dû parler de son intérêt pour l'histoire et surtout de son activité de poète , au lieu de mentionner seulement ses connaissances en philosophie et ses exploits diplomatiques et guerriers. Car si on lit sans idées préconçues la remarque de Photius d 'après Hiéroclès, disant qu 'Olympiodore " s' était distingué dans les

ambassades romaines et avait amené dans l'obédience des Romainsbeaucoup de très grandes nationsbarbares” , on pense, en ce qui concerne la dernière partie de

la phrase, plutôt à des faits d 'armes. Il est donc prudent, à propos de l'iden tification d 'Olympiodore de Thèbes en Égypte, poète et historien, et d 'Olym piodore , dédicataire du traité d 'Hiéroclès, de se prononcer pour un non liquet. Sur le résumé du cod. 251 de Photius, voir 23 N . Aujoulat, « Sur le début du De providen

tia d ’Hiéroclès d'Alexandrie. Photius, Bibliothèque, cod. 251, 460 b 24 - 461 a 22» , ByzS57, 1996 , p . 217-228 .

Le plan du traité (cf. I. Hadot 3 , p . 67-143).

jer livre : D 'après Photius, Bibl., cod. 214 , 173 a 5 -9 , t. III, p . 128 Henry , " le premier livre consistait dans l' exposé des exercices et recherches qu'il a faits sur la providence, la justice et le jugement qui va fondre sur nous selon le mérite de

nos actions”.On ne peut pas décider d 'une façon sûre si cette phrase doit être comprise comme signifiant que le premier livre contenait un exposé complet des doctrines d 'Hiéroclès ou seulement une " prothéorie” , c 'est-à -dire un conspectus

préliminaire du contenu de tout le traité, ce qui semble plus probable. 2° livre : “Le second, en regroupant les opinions platoniciennes, procure leur

confirmation sur la base des écrits même de Platon ” (cod. 214 , 173 a 9- 10 ,t. III,

H 126

HIÉROCLÈS D 'ALEXANDRIE

695

p . 129 Henry). En fonction des deux possibilités d 'interprétation de la phrase de Photius résumant le 1er livre , on peut imaginer ou bien que le deuxième livre exposait d 'unemanière détaillée les doctrines platoniciennes, ou bien qu'il fai sait seulement la démonstration de la justesse des doctrines rapportées dans le 1er livre . De toute évidence, il faut entendre par “ doctrines platoniciennes” les thèses élaborées par l'école platonicienne dans son effort ininterrompu d'exégèse des écrits de Platon . Plus précisément encore, grâce à ce que nous dit Photius du septième livre du traité Sur la Providence et l'Heimarménè (voir plus bas), on

peut affirmer que ces "doctrines platoniciennes” correspondaientchez Hiéroclès à l'actualité représentée pour lui par Plutarque d' Athènes. C 'étaient ces thèses-là qu ’Hiéroclès cherchait à corroborer par des citations des écrits de Platon .

3° livre : “Le troisième présente les objections dont on pourrait user pour contester ses opinions et s'évertue à en réduire le danger” (ibid., 173 a 11-13). Il s 'agit donc d 'une réfutation des opinions opposées aux propres thèses d 'Hiéro clès. Le résumé contenu dans le codex 251 nous a conservé des extraits de la

réponse d 'Hiéroclès à ceux quinient l'existence du libre arbitre de l'homme. 4e livre: " Le quatrième veut concilier avec les doctrines de Platon ce qu'on appelle les Oracles et les institutions sacrées de l'hiératique” (ibid., 173 a 13-15 ). Nous rencontrons ici un élément doctrinal d'une grande importance.En effet, ce que Photius nomme tà deyóueva Rória n 'est rien d'autre que les fameux Oracles Chaldaïques, écriture sainte des néoplatoniciens qui joue un grand rôle dans le néoplatonismeà partir de Porphyre et surtout de Jamblique, et qui aurait été révélée dans la seconde moitié du 11e siècle de notre ère. Le terme " hiéra

tique" a été introduit dans le néoplatonisme par Jamblique, qui l'empruntait pro bablement à l'hermétisme ( cf. 24 H . Lewy, Chaldaean Oracles and Theurgy, Nouvelle édition par M . Tardieu, coll. « Études Augustiniennes » , Paris 1978, p. 464 ) et, dans le Demysteriis de Jamblique, il embrasse, comme d 'ailleurs le terme souvent équivalent “ théurgie ”, toutes les formes de rites religieux tradi tionnels ainsi que la théurgie au sens propre des Oracles Chaldaïques (cf. sur ce point la thèse encore inédite de 25 J. Carlier, Recherches sur la Lettre à Anébon

de Porphyre , Paris 1995 , le chapitre “Conclusions B : Théurgies” : “ ...dans l'en

semble, la théurgie du Demysteriis, c'est la religion de la fin de l'Antiquité dans ses aspects les plus divers , théorisée et justifiée à l'aide de concepts empruntés pour l'essentiel aux Oracles Chaldaïques, qui fournissent à Jamblique une grille

de déchiffrement universelle , applicable à tous les rituels qu 'il choisira d'inté grer." Voir aussi 26 F . W . Cremer, Die Chaldäischen Orakel und Jamblich " de

mysteriis ", Meisenheim am Glan 1969, p . 24 -25 et 148 -149). Dans le commen taire sur le Carmen aureum , la technique hiératique est pour Hiéroclès un des deux moyens de purification du véhicule lumineux de l'âme rationnelle , qui est

congénital avec la dernière et immatériel et immortel comme elle . Il met en parallèle les deux formes de la purification de l'âme raisonnable humaine, les sciences mathématiques et la contemplation dialectique des étants, avec les deux

formes de la purification du corps lumineux (In Carm . aur. XXVI, 21-22, p. 116 sq . Köhler). Le premier degré de cette purification, mis en parallèle avec les

H 126 HIÉROCLÈS D 'ALEXANDRIE sciences mathématiques, est la télestique, qui comprend tous les rites liés aux

696

différents cultes des Cités (In Carm . aur. XXVI, 26 , p. 118, 10 - 11 Köhler ). Le deuxième degré, mis en parallèlle avec la contemplation dialectique des étants, peut, dans ce contexte, difficilement désigner autre chose que la théurgie au sens propre. De toute manière, ni la contemplation dialectique des étants ni ce genre de théurgie ne sont accessibles aux débutants et elles ne sont donc pas traitées

dans le commentaire. (Ce fait ne s'explique nullement par une influence chré tienne, comme le croit 27 H . S. Schibli, « Hierocles of Alexandria and the vehicle of the soul», Hermes 121, 1993, p. 109- 117, notamment p . 114 , en se fiant im prudemment aux arguments infondés de Aujoulat 9.) L 'usage que fait Hiéroclès des termes “ hiératique" et " télestique" dans son commentaire sur le Carmen au reum ne prouve pas que, dans un autre contexte , il n 'ait pu employer le terme

"hiératique” également dans un sens plus vaste, comme le fait Jamblique dans le Demysteriis, ou qu 'il n' ait pu, par exemple en faisant un cours sur le Phèdre de Platon , éventuellement distinguer deux formes de la télestique ( comme Hermias Syrianus le font dans le commentaire sur le Phèdre ), dont l'une serait telle qu 'il l'a décrite dans le commentaire sur le Carmen aureum , et dont l'autre serait pla cée plus haut que la philosophie (cf. 28 O . Ballériaux, « Qloooowç tà Deovp ylxà EETÁČELV . Syrianus et la télestique » , Kernos 2, 1989, p. 13-25). A propos du sens de “ télestique" dans le Phèdre de Platon, cf. 29 Id ., « Mantique et télesti

que dans le Phèdre de Platon » , Kernos 3, 1990, p. 35 -43). Mais une chose est sûre : si Hiéroclès s'emploie à prouver l'accord de Platon avec les Oracles Chal daïques et la pratique hiératique qui, dans le commentaire sur le Carmen aureum , est pour lui la théurgie, il se range parmi les adhérents de Jamblique et

utilise un procédé qu'il ne peut pas avoir trouvé chez les auteurs du moyen platonisme. Enfin , il cite très souvent, dans son commentaire sur le Carmen

aureum , les Oracles Chaldaïques. 5e livre: “Le cinquième fait remonter à Orphée , à Homère et à tous ceux qui étaient célèbres avant l'apparition de Platon la philosophie de Platon sur ces sujets” (ibid ., 173 a 15 -18 ). Nous retrouvons cet effort systématique d'assimila tion dans les commentaires de Proclus, mais aussi déjà chez son maître Syrianus, qui lui aussi avait été le disciple de Plutarque d' Athènes. La Souda, s.v. “Syria nos” , t. IV , p . 479, 1 Adler , nous dit qu'il avait écrit dix livres sur l'accord doctrinal entre Orphée, Pythagore, Platon et les Oracles Chaldaïques.Mais la

conception d'une transmission supposée des révélations philosophiques par la lignée Orphée – Pythagore - Platon et l'incorporation des Oracles Chaldaïques était déjà l'æuvre de Jamblique (cf. O 'Meara 10, p . 114 - 118 , sur l'influence du syncrétisme jambliquéen sur Hiéroclès). Dans le résumé de Photius, le nom , entre autres, de Pythagore se cache certainement dans la tournure “tous ceux qui étaient célèbres avant l'apparition de Platon ”. Comme l'exemple de l’Alexandrin

Hiéroclès le prouve, ce syncrétisme n 'est pas un signe distinctif du néoplato nisme enseigné à Athènes.

6° livre : “ Le sixième prend tous les philosophes postérieurs à Platon, avec Aristote lui-même comme le plus important, jusqu 'à Ammonius d 'Alexandrie

H 126

697 HIÉROCLÈS D 'ALEXANDRIE (> A 140 ), dont les disciples les plus remarquables furent Plotin et Origène (scil. Origène le païen) ; il prend donc, après Platon et jusqu'aux hommes que l'on vient de mentionner, tous ceux qui se sont fait un nom en philosophie et il prou

ve qu'ils sont tous d'accord avec les vues doctrinales de Platon ; tous ceux qui ont tenté de rompre l'unité de vue entre Platon et Aristote, il les range parmiles mauvais, dont il faut se détourner avec horreur; ils ont altéré beaucoup de don nées de l'æuvre de Platon tout en le proclamant leurmaître et il en va de même pour les écrits d 'Aristote de la part de ceux qui se réclament de son école . Et toutes leurs machinations n 'ont pas eu d 'autre but que de trouver les moyens de

mettre en conflit le Stagirite et le fils d' Ariston” (ibid ., 173a18-31). Il fautmettre

ce texte en rapport avec un passage parallèle du début (cod. 214 , 171633 172 a 8, t. III, p . 125): “Le but déclaré de la présente enquête , c'est de traiter de la Providence en mettant ensemble la doctrine de Platon et celle d 'Aristote ; l'auteur veut, en effet, rapprocher les deux penseurs non seulement dans leurs

théories sur la Providence,mais aussi sur tous les points où ils conçoivent l'âme comme immortelle et où ils ont philosophé sur le ciel et sur le monde. Quant à tous ceux qui ontmis ces auteurs en désaccord, il explique longuement qu'ils se

sont gravement trompés... Il ajoute que ces derniers ont formé un cheur imposant jusqu 'au moment où a brillé la sagesse d 'Ammonius, dont il rappelle

avec emphase qu'il fut surnommé " l' élève des dieux” . C ' est lui, dit-il, qui a ramené à leur pureté les doctrines de ces deux anciens philosophes, enlevé les sottises qui s' étaient développées des deux côtés et montré l'accord entre la

pensée de Platon et celle d 'Aristote sur les questions de doctrine importantes et les plus nécessaires."

Le sixième livre fait donc l'histoire du platonisme en soulignant fortement l' accord des philosophies de Platon et d'Aristote. Cette tendance à l'harmonisa tion a ses racines déjà dans le moyen-platonisme, où cependant elle était encore largement combattue, et c'est seulement avec Porphyre et Jamblique qu 'elle s'est imposée à des degrés variables à l'ensemble des néoplatoniciens (cf. à ce propos 30 I. Hadot, « Aristote dans l'enseignement philosophique néoplatonicien » , dans

RThPh 124, 1992, p. 407-425, notamment p . 418-425). Hiéroclès cependant attribue ce rôle à Ammonius Saccas (MA 140 ), le maître de Plotin . On a proposé

comme source de cette histoire de la philosophie ou Porphyre (I.Hadot 3 , p . 75 76 ) ou Jamblique (O 'Meara 10, p. 113). Cela n'est pas nécessairement une alter native : Jamblique, comme il le fait souvent, a bien pu prendre comme base de son propre travail une cuvre de Porphyre .

7e livre : “Le septièmelivre prend un nouveau départ en traitant de la doctrine de cet Ammonius, dont on vient de parler. Plotin et Origène et assurément aussi Porphyre et Jamblique ainsi que leurs successeurs, selon son propos, sont nés de souche divine, jusqu 'à l' Athénien Plutarque, dont il dit qu 'il a été le maître qui lui a enseigné leurs doctrines ; tous ceux -là sont en accord avec la philosophie de

Platon ramenée à son état de pureté” (ibid., 173a 32-40, t. II, p. 129-130 Henry ; cf. ibid ., cod. 251, 461a 24 sqq., t. VII, p . 191 Henry) .

HIÉROCLÈS D 'ALEXANDRIE

698

H 126

Le septième livre a donc pour but de prouver que depuis Ammonius Saccas

jusqu 'à Plutarque d 'Athènes les doctrines sur la Providence et l'Heimarméné sont restées les mêmes – ce qui, du point de vue historique, est vrai dans les grandes lignes -, et qu 'elles sont conformes à la philosophie de Platon, ce quiest moins vrai, quand on pense au caractère typiquement néoplatonicien de ces doc trines. Quant à la désignation d 'Ammonius Saccas comme celui qui aurait dura

blement rétabli dans sa pureté la vraie doctrine de Platon , entendons la doctrine néoplatonicienne, pour les générations des néoplatoniciens après lui, il semble qu 'il ait été réellement le véritable inventeur de l'exégèse fondamentalement néoplatonicienne du Parménide de Platon en interprétant les hypothèses comme se rapportant à des hypostases réelles, interprétation dont résultait la conception d'un Un au-delà de l' étant ou de l'intellect (cf. 31 H .- D . Saffrey, « La Théologie platonicienne de Proclus et l'histoire du néoplatonisme », dans 32 G . Boss et G .

Seel (édit.), Proclus et son influence. Actes du Colloque de Neuchâtel, juin 1985, Zürich 1987, p. 32). Son élève Origène pourtant, après avoir adhéré aux doc trines de son maître, s'en était éloigné plus tard (cf. 33 H .-R . Schwyzer, « Pro

klos über den Platoniker Origenes» , dans 32, p. 45-59), fait qu 'Hiéroclès ne mentionne pas, probablement parce qu 'il ne l'avait pas trouvé dans sa source,

qui a peut-être été écrite avant la volte-face d 'Origène. Dans les quelques paragraphes que Photius emploie à résumer les doctrines d'Hiéroclès concernant la matière engendrée hors du temps, le démiurge qui crée, sans matière préexistante, de toute éternité etpar son seulêtre , la structure ternaire du démiurge qui se reflète dans les trois classes d'âmes, le véhicule de l'âme, on ne saurait rien trouver qui permette de distinguer ces doctrines du néo platonisme ambiant. Au contraire, dans tout ce que nous dit Hiéroclès sur ces

thèmes, on trouve des détails précis, caractéristiques, structurés, qui correspon

dent exactement au néoplatonisme de son temps et sont très proches de Jambli que.

(2 ) Le commentaire sur le Carmen aureum Édition critique. F. W . Köhler, Hieroclis in Aureum Pythagoreorum Carmen commentarius, coll. BT, Stuttgart 1974, XXX -135 p. On peut regretter que l'ap paratus fontium de cette édition soit si succinct. Son auteur, qui n 'est visible ment pas un spécialiste du néoplatonisme, ne relève pas par exemple les nom

breuses citations et allusions d 'Hiéroclès aux Oracles Chaldaïques. 34 Pascale Derron , « Inventaire des manuscrits des Vers d 'or pythagoriciens» , RHT 22, 1992, p . 1- 17 , recense 200 manuscrits, dont quelques-uns conservent le commentaire de Hié roclès.

Traduction. De toutes les traductions, la seule à laquelle on peut attribuer une certaine valeur, parce qu'elle s'appuie sur un texte bien établi, mais qui ne reflète pas encore avec assez de précision le contenu doctrinal, est celle de F .W . Köhler, Hierokles, Kommentar zum pythagoreischen Goldenen Gedicht, coll.

« Griech. u . Lat. Schriftst.» , Stuttgart 1983, 102 p . Au sujet du Carmen aureum lui-même, cf. 35 J. C . Thom , The Pythagorean Golden Verses, with Introduction and Commentary , Leiden /New York /Köln

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HIÉROCLÈS D 'ALEXANDRIE

699

1995, qui, avant de proposer sa datation propre, 350 -300 avant notre ère (p . 57 sq.), résume les recherches antérieures aux siennes quant à la date de sa compo sition et son présumé auteur. J. C . Thom est d 'avis que le Carmen aureum servait

à un groupe pythagoricien de texte fondamental pour l'instruction des jeunes (p . 80 ). Aux yeux des néoplatoniciens, le caractère gnomique du Carmen aureum le rendait, comme le Manuel d'Épictète, éminemment apte à une introduction à la

philosophie néoplatonicienne (cf.I. Hadot 3 , p . 160-164). De son côté, Hiéroclès le constate dans la préface à son commentaire: " Il est donc nécessaire pour acquérir cette science (c'est-à -dire la philosophie) ... de posséder certaines

règles (xavovec) rédigées d 'une manière concise , comme des aphorismes scien tifiques, afin que, selon un ordre précis et une bonne méthode, nous parvenions au but de la viemorale . Parmi ces règles ... les poèmes pythagoriciens qu 'à juste

titre on appelle Vers d 'Or sont à placer parmiles premiers (p. 5 , 7 sqq.Köhler).” Il déclare ensuite (p . 6 , 26 - 7, 1) que le poème a pour but de procurer aux lecteurs une empreinte philosophique (xapaxtñpa Olóoopov ) avant les autres lectures, c'est-à-dire avant de commencer le cursus néoplatonicien d'études qui consistait dans la lecture d'un choix défini d'æuvres d 'abord d 'Aristote et ensuite de Platon . Une telle æuvre , destinée aux débutants, comme d'ailleurs le commentaire lui-même, ne permet guère de développer in extenso le système

philosophique néoplatonicien, comme le dit Hiéroclès lui-même à la fin de son commentaire : " Telle a été notre exégèse des Vers d 'Or. Elle contient un aperçu sommaire et modeste sur l'enseignement des pythagoriciens. En effet, il n 'a pas semblé qu 'il fût permis de garder à mes explications la concision des Vers d 'Or eux -mêmes ... ni de les étendre à toute l'ampleur de la philosophie tout entière ... Bien plutôt, il m 'a semblé souhaitable d' imposer à mes explications une mesure telle qu 'elle soit apte à donner le sens des Vers et, à propos de leur inter prétation , à ne développer, des dogmes généraux, que ce qui convient à une exé gèse de ces Vers.” (XXVII 1, p . 121, 19 sqq. Köhler). Hiéroclès a donc très clai rement fait comprendre que son commentaire ne développait pas tous les détails de son système philosophique. Puisque le texte à commenter ne parle que des dieux du culte et de Zeus comme du plus éminent de ceux-ci, il n 'aurait pas été surprenant qu 'Hiéroclès ne fasse jamais allusion à une hypostase supérieure au

démiurge qu'il identifie à Zeus (cf. XXV 1, p. 105, 4-5 ; XXV 4, p. 106 , 8- 9 Köhler) et à l’Intellect (cf. Photius, Bibl., cod. 251, t. VII, p. 194 Henry, et In Carm . aur., XX 19, p. 89, 19 -20 Köhler: le démiurge = Deos vontóc). Mais il existe quand même un endroit du commentaire qui montre qu 'Hiéroclès ne considérait pas le démiurge comme la plus haute entité ontologique, contraire ment à ce que pensent Praechter 6 , Kobusch 8 et Aujoulat 9. Il s'agit du déve

loppement arithmologique des pages 87, 16 -89, 18 Köhler, où la tétractys men tionnée dans le Carmen aureum est assimilée par Hiéroclès au démiurge, et celui-ci au nombre quatre parmi les dix premiers nombres (= Idées-Nombres) qui

sont pourvus, selon une tradition pythagorico-platonicienne plusieurs fois sécu laire, de hautes fonctions causales et créatrices. Dans ce texte , la situation subor

700

HIÉROCLÈS D ' ALEXANDRIE

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donnée et causalement dépendante du démiurge, identifié au nombre quatre (= tétrade), par rapport aux nombres deux (= dyade) et un (= monade), ressort

très clairement (cf. I.Hadot 4 etsurtout 5). Comme par ailleurs le démiurge avait été identifié par Hiéroclès avec l'Intellect, le nombre un , la monade, ne peut se situer qu 'au -delà de l'Être ou Intellect, ce qui prouve encore une fois le caractère

purement néoplatonicien de la philosophie d'Hiéroclès. Le commentaire sur le Carmen aureum démontre clairement que, pour Hiéro clès, à la suite de Jamblique, le pythagorisme contenait toutes les vérités fonda mentales de la philosophie de Platon (cf. O 'Meara 10, p . 115 sqq.). O 'Meara

remarque que le commentaire (XXVI 2, p. 111, 13- 14 Köhler) évoque Platon comme interprète , dans le Phèdre, de la doctrine pythagoricienne et décrit le per sonnage de Timée dans le Timée de Platon comme enseignant avec exactitude les dogmes pythagoriciens (Préface, 5, p. 6 , 2 Köhler). Enfin , demême que chez

Jamblique, Empédocle (* + E 19) est désigné comme pythagoricien (XXIV 2, p . 98, 10 Köhler ). Cette doctrine de Jamblique, selon laquelle la philosophie de Pythagore est la source de celle de Platon , remonte très probablement aux moyen-platoniciens que nous appelons “néopythagoriciens” , qui se distinguent des autres moyen -platoniciens essentiellement par le fait qu 'ils étudient les

æuvres de Platon comme témoignage de la philosophie de Pythagore et non pas commeeuvres contenant une doctrine originale.

S 'il existe, dans l'æuvre d 'Hiéroclès, un certain nombre de traits doctrinaux qui se fondent sur la philosophie de Jamblique et ne se trouvent pas à une date antérieure à celui-ci (cf. I. Hadot 3, p. 71, 1er paragraphe ; 93-97 ; 98 -110 ; 112 113), cela ne veut pas dire que le système philosophique d'Hiéroclès ne s'écarte

pas occasionnellement de celui de Jamblique. Voici un exemple. En XXVI 4 , p. 112, 5 - 17 Köhler, Hiéroclès explique, en citant les Oracles Chaldaïques, que l'âme raisonnable humaine possède un véhicule, le corps lumineux , qui lui est congénital et qui est, comme elle , immatériel et l'æuvre du démiurge. Ce corps lumineux ou pneumatique immatériel, qui est une espèce de vie, assure la jonc tion de l'âme raisonnable humaine avec son corpsmatériel. Le corps lumineux se place, lors de l'incorporation de l'âme raisonnable, dans le corps mortel et encore inanimé et lui insuffle la vie . Or, il n 'y a pas de doute que l’immortalité de l'âmeraisonnable humaine et de son corps lumineux ait été affirmée égale ment par Jamblique.Mais ce dernier a-t-il admis aussi que le corps lumineux est, comme l'âme raisonnable , l’æuvre du démiurge ? 36 J. F. Finamore, lamblichus and the Theory of the Vehicle of the Soul, Chico , California 1985 , p. 11 et

ailleurs , répond affirmativement à cette question , tandis que 37 W . Deuse, dans son compte rendu du livre de Finamore (Gnomon 59, 1987, p. 409), s'élève

contre cette affirmation. Par contre il semble être sûr que Jamblique tenait pour immortelle l'âme irrationnelle (cf. Finamore 36 , p. 15 sqq.) qui, pour Hiéroclès comme pour les néoplatoniciens postérieurs , était mortelle .Mais contrairement aux néoplatoniciens postérieurs , qui attribuent à l'âme humaine deux véhicules différents, Hiéroclès n 'en connaît, commeJamblique et les Oracles Chaldaïques,

qu 'un seul. Cet exemple éclaire bien la position intermédiaire d'Hiéroclès entre

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HIÉRONYMOS DE RHODES

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Jamblique et les néoplatoniciens postérieurs. Nous connaissonsmalheureuse

ment trop peu de choses de la philosophie du maître d 'Hiéroclès, Plutarque d' Athènes, pour pouvoir nous rendre compte de l' étendue de son influence per sonnelle sur son élève.

ILSETRAUT HADOT.

127 HIÉROCLÈS D 'HYLLARIMA (Carie) RE 17(b ) Selon Étienne de Byzance, Ethnica (epitome), p. 647, 18 , d 'Hyllarima en

Carie, ville voisine de Stratonicée, était originaire Hiéroclès, célèbre pour être passé des exercices athlétiques à la vie philosophique (odev pu ‘ lepoxins, ó årò đoảnoewv Šnioooopiav åyOeíc ). Cf. K . Praechter,« Hierokles der Stoi ker » ,Leipzig 1901, VII-159 p., repris dans Kleine Schriften hrsg. von H . Dörrie,

coll. « Collectanea » 7, Hildesheim /New York 1973, p . 314-468, notamment p. 421-422, quiréserve son jugement sur une identification avec le stoïcien du 11° siècle de notre ère (MH 124 ). Un terminus ante quem pourrait être fourni par la source d 'Étienne de Byzance : on pense généralement à l'ouvrage du gram

mairien du lie siècle de notre ère Philon de Byblos, llepi nónewv xai ous εκάστη αυτών ενδόξους ήνεγκε. RICHARD GOULET.

128 HIERONYMOS RE 13 Damascius est le seulnéoplatonicien à faire état d'une théogonie ſorphique ?] qu 'il attribue, non sans quelque hésitation, à deux personnages énigmatiques :

« La théologie rapportée d'après Hiéronymos et Hellanikos, si toutefois il ne s'agit pas du même personnage, est la suivante » (De princ. par. 123 bis, Ruelle I, p. 317, 5-6 = Combès-Westerink III, p. 160 , 17 -18 ). Les fragments qui sub sistent de cette théogonie sont réunis dans les Orphicorum fragmenta d ' O . Kern

(Berlin 1922) aux numéros 54 à 59. Cf. A . Gudeman , art. « Hieronymos » 3, RE VIII 2, 1913, col. 1564. Voir aussi M .L . West, « Graeco -Oriental orphism in the third century B . C .» , dans D . M . Pippidi (édit.), Assimilation et résistance à la culture gréco -romaine dans

le monde ancien, Paris/Bucarest 1976 , p. 221-226 . LUC BRISSON .

129 HIÉRONYMOS DE RHODES RE 12

IIIa

Philosophe péripatéticien.

Fragments et témoignages. 1 F. Wehrli, Hieronymos von Rhodos; Kritolaos und seine Schüler ; Rückblick : Der Peripatos in vorchristlicher Zeit ; Register,

coll. « Die Schule des Aristoteles » 10 , Basel/Stuttgart 19692. p. 9 -23 (frag ments) ; p . 29 -44 (commentaire). A cette collection il faut ajouter un fragment

papyrologique, POxy. 3656 : 2 P. J. Parsons, dans H .M . Cockle , The Oxy rhynchus Papyri, vol. LII, coll. « Greco-Roman Memoirs » 72 , London 1984, p. 47 -50, repris dans 3 CPF I 1* * (1992), p. 452-453 (F .Montanari).

702

HIERONYMOS DE RHODES

H 129

Études. 4 R . Daebritz , art. « Hieronymos» 12 , RE VIII 2 , 1913, col. 1561 1564; 5 G . Arrighetti, « leronimo di Rodi» , SCO 3 (noté 2 ), 1955, p. 111- 128 ; 6 F . Wehrli « Der Peripatos bis zum Beginn der römischen Kaiserzeit » , GGP,

Antike 3, 1983, p. 575-576 ; 7 A . J. Podlecki, « The Peripatetics as literary cri

tics» , Phoenix 23, 1969, p. 114-137 (surtout p . 125-126 ); 8 M .C . Dalfino, « Ieronimo di Rodi: la dottrina della vacuitas doloris » , Elenchos 14 , 1993,

p . 277- 304 ; 9 T. Dorandi, « Varietà ercolanesi,6 - 10 », CronErc 21, 1991, p . 105 109.

Vie . Les renseignements sur sa vie sont maigres. Son origine rhodienne est bien attestée (fr. 1 ; 8a ; 9d ; 27 ; 28 ; 35 ; 39 ; 43; 44 ; 45 Wehrli), ainsi que son appartenance au Péripatos (fr. 2 ; 3 ; 4 ; (6 ); 7 ; 8c ; 9c ; 13 ; 28 ; 34 ; 51 Wehrli). Hiéronymos a pu être introduit à la philosophie péripatéticienne par Praxiphane à Rhodes même, où une tradition aristotélicienne semble s'être développée après 322/1 sous l'impulsion de son compatriote Eudème ( E93) (Wehrli 6 , p . 575 ; cf. R . Pfeiffer, History of classical scholarship , p . 266 ). Pour la chronologie , on

se fonde principalement sur trois témoignages: ( 1) Ses relations avec Arcésilas de Pitane (> A 302 ] (fr. 4 et 6 Wehrli); (2) Sa responsabilité dans l'organisation

(avec Arcésilas (?), cf.Wehrli 1, p. 29 ;mais les liens d 'Arcésilas avec la cour de Pergame rendent sa participation active à l'organisation de ces festivités peu probable (PA 302, p . 329 Dorandi]) des fêtes annuelles organisées à Athènes à la mémoire d 'Halcyoneus, fils d ’Antigone Gonatas, mort vraisemblablement en Attique au cours de la guerre de Chrémonidès (26776 -262 ?) ; sur cette question , cf. 10 Chr. Habicht, Untersuchungen zur politischen Geschichte Athens im 3 .

Jahrhundert v. Chr., coll. « Vestigia , Beiträge zur alten Geschichte » 30 ,

München 1979, p. 72-73 ; Id ., « Hellenistic Athens and her philosophers» , dans

C . Habicht (édit.), Athen in hellenistischer Zeit, München 1994, p . 231-247 (p. 235) ; (3) Ses relations (conflictuelles) avec le scholarque du Lycée,Lycon de Troade (fr. 3 et 4 Wehrli). On peut ajouter le témoignage de Diogène Laërce (IV 41), selon lequel il aurait rencontré Aridicas de Rhodes ('Aploeixnv est une cor rection , fr. 4 Wehrli ; cf. » A 330). On en déduit qu 'il a dû vivre dans les deux premiers tiers du IIIe s (Wehrli 1, p . 29, et Wehrli 6 , p . 575). Aucun indice ne permet de préciser la date de sa mort. Daebritz 4, col. 1561, propose ca 290 -230 . Ce qui précède laisse entendre qu' il a vécu à Athènes. Qu 'il ait été scholarque du

Lycée, comme est seule à l'indiquer la Vita Hesychiana dans une liste désordon née de scholarques péripatéticiens (fr. 2 Wehrli), paraît peu vraisemblable : l'école péripatéticienne semble bien avoir été dirigée à l'époque par son adver saire Lycon (scholarque de 268 à 224 ; cf. 11 J. P . Lynch, Aristotle 's school. A study of a Greek educational institution , Berkeley/Los Angeles/London 1972, p. 141 et n . 12 ). D 'après le fr. 6 Wehrli, Hiéronymos tenait « école » à Athènes. Ses bonnes relations avec Antigone ont fait penser qu 'il était le destinataire des lettres (?) envoyées par le roi macédonien mentionnées dans la Vita Arati (fr. 5a et 5b Wehrli), mais il doit plutôt s'agir de l'historien des Diadoques et des Épi gones, Hiéronymos de Cardie (voir la notice « Antigone Gonatas » A 194 , DPhA I, 1989, p . 213 [R . Goulet ), et 12 J. Hornblower, Hieronymus of Cardia, coll.

H 129

HIÉRONYMOS DE RHODES

703

« Oxford Classical and PhilosophicalMonographs » , Oxford 1981, p . 15). Pour

d'autres confusions possibles avec des homonymes, cf.Wehrli 1, p . 44 .

Euvres. Les titres d 'ouvrages de Hiéronymos mentionnés par les anciens sont peu nombreux . Je les donne en suivant l'ordre des fragments publiés par

Wehrli 1, en indiquant entre crochets droits les témoignages ou fragments rangés par Wehrli sous le mêmetitre : (1) Tepì łnoxñs, Sur la suspension ( du jugement] (fr. 24 Wehrli). Si le titre est exact (cf. infra , nº 9 ), il pouvait s 'agir d ' un ouvrage traitant sur le mode

historico -biographique (Wehrli 1, p . 35) d 'une notion fondamentale de la philo sophie de l'académicien Arcésilas (» A 302) avec qui Hieronymos avait été en relation (cf. fr. 4 et 6 Wehrli (tirés de la vie d 'Arcesilas de D . L .)). D 'autre part,

le seul témoignage sur ce titre, conservé par Diogène Laërce (II 105 ), rapporte une anecdote concernant Phédon d 'Élis. Il se pourrait alors que Hiéronymos ait

traité de Phédon comme d 'un tenant de la thèse sceptique. On sait en effet que

l'héritier de l'École d'Élis,Ménédème d'Érétrie , a défendu une thèse semblable (cf. 13 D . Knoepfler, La vie de Ménédème d'Érétrie de Diogène Laërce. Contri bution à l'histoire et à la critique du texte des Vies des philosophes, coll. « Schweizerische Beiträge zur Altertumswissenschaft » 21, Basel 1991, p . 189

n . 51; cf. encore 14 F . Decleva Caizzi, « Prolegomeni ad una raccolta delle fonti relative a Pirrone di Elide » , dans G . Giannantoni (édit.), Lo scetticismo antico, Napoli 1981, t. I, p . 118 - 119 ). Que Hiéronymos ait lui-même défendu une forme de suspension de jugement, rien ne permet de l'affirmer (contra , cf. Wehrli 1,

p . 15 ). Sur cet ouvrage, voir encore F . Decleva Caizzi, « Pirroniani ed Accade mici nel III secolo A . C .» , dans Aspects de la philosophie hellénistique, coll.

« Entretiens sur l'Antiquité classique» 32, Vandæuvres-Genève 1986 , p. 165 166 .

(2) Lepì uéons, Sur l'ivresse (fr. 27 et 28 Wehrli [fr. 25-28 ]). Une æuvre portant le même titre est attribuée à Aristote (fr. 666 -677 Gigon ), à Théophraste

(D . L . V 44 = fr.436 n°31Fortenbaugh et alii) et à Chamailéon (* * C 93). (3) Hepì noint@ v , Sur les poètes (fr. 33 Wehrli (fr. 29-33 Wehrli]). (4 ) Tepi tpayWOLONTOLWV (Souda, s.v. 'Avayupaolos, t. I, 1, n° 1841 Adler ; (- 80noc@ v , Wehrli 1, p . 16 ]), Sur les poètes tragiques (fr. 32 Wehrli) .

(5) Iepi xldapwdāv, Sur les citharèdes (= le 5€ livre Sur les poètes, fr. 33 Wehrli) .

(6 ) ' Iotopixà únouvňuata ,Mémoires historiques (fr. 35 et 36 Wehrli). Ce titre et le suivant sont compris dans une même section intitulée par Wehrli « Histoire culturelle et éléments biographiques de diverses provenances » (fr. 34

49 Wehrli).

(7) Enopádnu únou vňuata ,Mémoires variés (fr. 39 et 41 Wehrli). (8) 'Eniotomaí (?), Lettres (fr. 38 Wehrli). A cette liste il faut ajouter un nouveau titre, conservé dans un papyrus d 'Oxy

rhynchus (POxy 3656 , II-III s.) :

704

HIÉRONYMOS DE RHODES

H 129

(9) Tepi ouvoxñs (Parsons 2, p. 47-50 ; CPF 3 ). Le fragment de papyrus qui nous a conservé ce titre doit appartenir à une histoire anecdotique des vies de philosophes. Le texte parle d 'une jeune fille (mvpipaxa (= ukipaxa ) lignes 15

16 : on a pensé à Axiothéa de Phlionte (2 + A 517 ]) qui aurait suivi les leçons de Platon ( ?), de Speusippe puis de Ménédème d ' Érétrie (confusion avec l'Acadé micien homonyme,Ménédème de Pyrrha ; le témoignage est rapporté à tort à Ménédème d 'Érétrie par les éditeurs modernes (CPF I 1 * * , p . 472 )) et ajoute :

« Hiéronymos de Rhodes, lui aussi, a parlé d 'elle dans son traité Sur la synochè» (ěv Tŷ Nepi ouvoxñs ouvypáupati, lignes 7 -11) . S'agit-il du même ouvrage

que le premier de la liste , comme on en a fait l'hypothèse (cf. CPF 3 , p . 453) ? Mais alors quel en était le titre original ? La signification du terme ouvoxń n 'est d 'ailleurs pas claire (cf. CPF 3, p. 453 : " On coherence ?” [Parsons) ; “ Dell'im pedimento " (Gigante ]). Cf. en dernier lieu M . Gigante , « Quando interloquisce un papiro » , dans M . Capasso (édit.), Papiri letterari greci e latini, coll. « Papy

rologica Lupiensia » 1, Galatina 1992, p . 7 -11 (l'auteur considère que POxy 3656

nous donne le titre original de l'ouvrage transmis par les manuscrits de Diogène Laërce sous le nom de Mepi énoxñs). Cette liste, qui n 'embrasse certainement pas la totalité de la production de

Hiéronymos, comme on le verra, doit encore être réduite. En effet, le fr. 33 Wehrli nous apprend que le llepixdapwd @ u formait le cinquième livre du lepi ποιητών et il est probable que le Περί τραγωδ(ι)οποιών faisait lui aussi partie du même ouvrage. D 'autre part, les deux Mémoires mentionnés (fr. 34 -49 Wehrli) peuvent renvoyer à un seul ouvrage. Quant aux Lettres, l'expression uti

lisée par Athénée (X , 435 a : 'Iepúvupós te ¿v Talc ÉALOTOMATç oeó paotów onol őti XTĖ.) est ambiguë : il peut s 'agir aussi bien de lettres de Hiéronymos que de Théophraste , pour qui un corpus de lettres est bien attesté (fr. 727, nº 15 et 16 Fortenbaugh et alii) .

A côté des témoignages que l'on peut attribuer raisonnablement – mais sans certitude – aux ouvrages mentionnés, il subsiste des groupes de témoignages

suffisamment homogènes pour que Wehrli ait pu les rapporter à d' autres æuvres dont lestitres ne sont pas attestés. (a ) Sur le telos. Un groupe important de témoignages traite de la question tra ditionnelle à l'époque hellénistique de la fin dernière des biens (summum bonum ; finis (bonorum ) ; ultimum bonorum ; extremum ; tò aipetov, Téos; fr. 8- 18 Wehrli) ; les témoignages les plus significatifs viennent de Cicéron, en par

ticulier du De finibus. Les expressions, verbales et nominales, désignant la fin dernière dans la philosophie morale de Hiéronymos sont, d 'après les témoi

gnages conservés: nihil dolere, non dolere, dolore vacare, vacare omnimolestia , sine ulla molestia vivere, vacuitas doloris, indolentia (Cicéron ) ; indolentia = årtovía (Porphyrion, II-IIIe s.); đoxantwç ñv (Clément d 'Alexandrie ); koyan

oia (Jamblique) [Sur ce terme d 'origine sans doute speusippéenne, cf. M . Isnardi Parente , Speusippo, Frammenti, edizione, traduzione e commento a cura di M . I. P ., coll. « La scuola di Platone » 1, Napoli 1980 , p . 350 ). Sur la différence

H 130

HIÉROPHILE

705

entre cette conception du telos et celle , proche dans sa formulation , d'Épicure , cf. Arrighetti 5, p. 120- 121. (b ) Sur l'éducation . Deux témoignages (fr. 19 -20 Wehrli) pourraient appar tenir à un ouvrage sur l'éducation (cf. par ex. Théophraste , llepi naidwv åyw yñs a ', fr.436 , n° 10 Fortenbaugh et alii).

(c) Sur la colère (fr. 21-23 Wehrli); cf. Arrighetti 5, p. 112-116 et n. 4, p. 112. ( d ) Critique littéraire. Comme la plupart des péripatéticiens, Hiéronymos

s'est aussi intéressé aux questions de critique littéraire et en particulier aux rythmes des textes des orateurs (fr. 50 -52 Wehrli ; les fr. 51 et 52 mentionnent

ses critiques sur la prose d'Isocrate ).

(e) Sur la perception. Un témoignage isolé pourrait renvoyer à une théorie de la perception visuelle et olfactive (Plut. Quaest. conv. I,626 a ; fr. 53 Wehrli) ;

malheureusement le texte de Plutarque est lacunaire ; on a pu faire l'hypothèse que la lacune était importante et que la théorie rapportée par l'un des convives du banquet n ' était pas celle de Hiéronymos (cf. F . Fuhrmann, Plutarque, Euvres

morales, CUF, t. IX , 1, Paris 1972, p . 165 n. 1 ad p . 45),mais d 'un autre philo sophe, sans doute un épicurien , dont le nom a disparu . En fait, la théorie corpus

culaire de la vision qui y est développée,malgré son caractère épicurien , pourrait bien être celle de Hiéronymos (Wehrli 1, p . 43-44). Les jugements portés sur l'euvre de Hiéronymos – en fait 53 fragments –

sont généralement très critiques (« fu un ardente polemista , nulla di piú » , Arrighetti 5, p. 128). Témoignage archéologique. On a parfois identifié à notre philosophe le Hié ronymos de l'inscription figurant sur le linteau d'un monument funéraire rhodien dont le relief sculpté représente une scène d 'école (philosophique ?) et une repré

sentation peut- être platonicienne de l'au-delà . L'inscription se lit 'Iepwvúhov TOŨ Eluulivou Tablov' « Hiéronymos, fils de Simylinos, du dème Tloïen » . Cf. 15 F . Hiller v . Gaertringen und C . Robert, « Relief von dem Grabmal eines rho dischen Schulmeister », Hermes 37, 1902, p . 121- 146 (avec une planche et un

appendice sur le patronyme et le démotique de Hiéronymos) ; Arrighetti 5 ,

p. 123-127 (l'auteur ne tranche pas, mais insiste sur les difficultés de la thèse défendue par ceux qui identifient les deux personnages); 16 P . M . Fraser, Rho dian funerary monuments , Oxford 1977, p. 34 -36 (bibliographie, p. 129, n . 197)

etplanche 97 (selon l'auteur, l'attribution au philosophe de Rhodes est possible). JEAN -PIERRE SCHNEIDER .

130 HIÉROPHILE “ le philosophe" Auteur d 'un traité sur les aliments attribué dans d 'autres manuscrits à Hippo crate . Le préambule présente la philosophie et la médecine comme deux sciences indispensables données aux hommes par la nature divine, l'une pour l'âme,

l'autre pour le corps. Voir A . Delatte, Anecdota Atheniensia , t. II : Textes grecs

relatifs à l'histoire des sciences, coll. « Bibliothèque de la Faculté de philosophie

706

HIÉROPHILE

H 130

et lettres de l'Université de Liège» 88 , 1939, p. 456 , qui date l'ouvrage de l'épo que impériale. A .J. Festugière , dans son édition du Corpus Hermeticum , t. IV ,

Extrait XXIII tiré de Stobée, n . 248 (à la p. 49), envisage de lire "Hérophile” . RICHARD GOULET. MF IV 131 HILARIUS D 'ACHAÏE RE 5 PRLE 1:7 Philosophe d 'Achaïe, visite Antioche en 388 (Libanius, Ep. 863), revient dans

sa patrie en 390 (Ibid ., 947, 950 ). Peut-être père d 'Hilarius d' Antioche (RE 7

PLRE 1 :8), que Libanius déclare descendant d'un philosophe (Or. XXXI47) et qui fut son élève en 360- 361 (Ep. 286 , 1053) . PIERRE MARAVAL .

132 HILARIUS D 'ANTIOCHE RE (Hilarios) 2 PLRE II:5

MF V Philosophe néoplatonicien connu par la Souda, s.v. ' Ináploc (= Damascius,

Vie d’Isidore, fr. * 222 ; p . 187, 1 - 189,7 Zintzen ; traduction anglaise dans P . Athanassiadi, Damascius, p . 227-229, § 91). Il était un des principaux décurions d'Antioche en Syrie . [ Il pouvait être un descendant d 'Hilarius d ' Antioche (RE 7 , PLRE 1:8 ), lui-même descen

dant d 'un philosophe anonyme. Cet Hilarius, membre du conseil d 'Antioche, fut envoyé à Théodose après la révolte de 387 (Zosime, Hist. IV 41, 2 - 3 , Libanius, Ep . 973, 987) et devint PIERREMARAVAL .)

proconsul de Palestine en 392-393 (Id.).

Naturellement doué d'un esprit curieux et perspicace, il possédait une riche bibliothèque. Il était cependant venu tardivement à la philosophie, parce qu 'il

avait été contraint d 'exercer des responsabilités publiques. Dans sa jeunesse, un caractère un peu intempérant ne l' avait pas porté non plus vers de telles études. Il

eut cependant la chance, comme le dit Damascius, que son épouse se laisse séduire par un rhéteur du nom deMoschos, un de ses familiers. Comme le cou ple était sans enfant, Hilarios en profita pour léguer sa femme et tous ses biens à son rival, se débarrassant du même coup sur Moschos des obligations liées à sa

condition de décurion d' Antioche, et partit en Carie et en Lydie, puis à Athènes

où s'illustrait alors Proclus, afin de suivre un enseignement philosophique .Mais Proclus, qui n 'appréciait pas sa mollesse (tpuoń ) et avait appris qu 'il était venu

avec sesmaîtresses, refusa de le prendre comme élève et Hilarios dut quitter

Athènes. Proclus mentionne dans ses Hypotyposes astronomiques 73, p. 76, 23 Manitius,un Hilarios d’Antioche dont ilappréciaitun exposé astronomique. S 'il s'agit du même personnage, ce passage révèle tout un aspect scientifique de

l'activité d'Hilarios qui n 'apparaît pas chez Damascius. Hilarios le philosophe (mais les manuscrits ont Hilapios) était, avec Maras et Domninos (2D 219) , l'un des seuls hommes raisonnables (uéTPLOl) que préten dait avoir rencontrés le philosophe Asclépiodote d' Alexandrie ( * A 453) au

cours d 'un voyage de troismois (Damascius, Vie d 'Isidore, fr. *221). Cf. K . Praechter, art. « Hilarios » 2 , RE VIII 2, 1913, col. 1600 .

RICHARD GOULET.

HILDEBALD H 135 133 HILARIUS DE BITHYNIE RE 6 PLREI:9

707

mort en 395 Peintre et portraitiste de talentdécapité, avec ses serviteurs, près de Corinthe

par les Goths en 395. Eunape (Vies des philosophes et des sophistes VIII 2, 1-3),

qui le connaissait personnellement, le considérait comme l'égal d'Euphranor (RE 8). Il se proposait de raconter plus longuement les événements dans le récit de l'invasion barbare qu'il destinait à sa Chronique (cf. fr. 65 Müller). RE et PLRE présentent Hilarios comme un philosophe, sans doute parce qu 'Eunape, après avoir loué la pureté de sa paideia , emploie pour décrire sa maîtrise de la peinture l'expression xatè ypapexnv OÚtw pioooooavta ... RICHARD GOULET. mort en 371 134 HILARIUS DE PHRYGIE RE 2 PLREI:7 Avec Simonide, Patricius de Lydie et Andronicus de Carie (2 - A 180), l'un

des accusés du complot d 'Antioche sous Valens. Selon Zosime IV 14- 15 , ces conjures faisaient partie du groupe des intellectuels (τους επί φιλοσοφία δια bońtous ñ áraws nóyolc évteOpauuévous...) qui avaient suscité la méfiance

de l' empereur.

D 'après la Souda (s. v. ' Ináploc, I 292; t. II, p.630, 15 - 17 Adler = Eunape, Chronique, fr. 40 Müller), Hilarius de Phrygie , qui vivait à l'époque de l'empe reur Jovien, n 'était pas un homme connu xatà taldelav , mais « un dieu sem blait partager avec lui la connaissance de l'avenir, de sorte qu 'il était un devin excellent» . Les circonstances du complot sont longuement rapportées par Ammien Mar cellin : voir notamment XXIX 1 , 7 .28 -33.35. 38 ; XXXI 14 , 8 . La condamnation à

mort d'Hilarius est impliquée par XXIX 1 , 38. Selon Ammien XXIX 1, 7, Hilarius avait auparavant exercé des fonctions au sein des services impériaux (militaverat in palatio ). Ce détail amène Stein à

l'identifier à un légat de Constance à Alexandrie en 356 qui organisa la fuite d 'Athanase. Cf. K . Praechter (?), art. « Hilarios » 1, RE VIII 2, 1913, col. 1599- 1600 , et A .

Stein , art. « Hilarius» 2, ibid., col. 1600- 1601 (doublet!). Sur les procès relatifs à la divination politique, cf. H . Funke, «Majestäts- und Magieprozesse bei Am mianus Marcellinus » , JbAC 10 , 1967, p. 145 -175. RICHARD GOULET.

135 HILDEBALD

VII ?

Comme Athanarit (2 + A 470) et Marcomir, « philosophe Goth » mentionné parmi ses sources par le Géographe anonyme de Ravenne . L 'existence et la

datation de ces personnages ont été contestées. Cf. par exemple W . Wattenbach et W . Levison , Deutschlands Geschichtsquellen im Mittelalter, Vorzeit und Karolinger, t. I, Weimar 1952 , p.69 (bibliographie , p.69 n . 113). En faveur de l'historicité de ces noms et de ces sources, voir J. Schnetz , Untersuchungen über

die Quellen der Kosmographie des anonymen Geographen von Ravenna , SBAW 1942, Heft 7, p. 75-76 . P. Riché, Éducation et culture dans l'Occident barbare .

708

HILDEBALD

H 135

Vr -vif siècles, coll. « Patristica Sorboniensia » 4 , Paris 1962, p. 97 n . 42, consi dère que le terme “philosophe” peut qualifier ici des géographes. RICHARD GOULET.

136 HIMÉRIUS DE PROUSIAS RE 1 et RESuppl. III: 1 Orateur de tendance asianiste .

IV

Éditions. 1 A . Colonna (édit.), Himerii declamationes et orationes cum de

perditarum fragmentis, Academia Lynceorum , Roma 1951 (histoire des éditions, P . VII-IX ; index nominum , p . 255- 267 ; index verborum notabilium , p . 269-271 ;

Himerii editionum congruentiae, p . 272 : porte sur 2 G .Wernsdorf ( édit.),Hime rii sophistae quae reperiri potuerunt...,Göttingen 1790, et 3 Fr. Dübner ( édit.), Himerii sophistae declamationes dans A . Westermann, Philostratorum et Calli strati opera, Paris, Didot, 1849 ; rerum index quae in hoc volumine continentur, p . 273-275 ). 4 . H . Schenkl, « Neue Bruchstücke des Himerios» , Hermes 46 ,

1911, p . 414 -430 ; 5 S . Eitrem et L. Amundsen , « Fragments from the Speeches of Himerios. P .Osl. inv. no. 1478 » , C & M 17, 1956 , p . 23-30 (pap. du Vie s., premier découvert d 'Himérius; p . 24-29 corrections importantes à Colonna 1 ] ; p . 29- 30 les fr . e- f proviennent de parties de discours ou de discours inconnus

jusqu'ici]. 6 A .Guida, « Frammenti inediti di Eupoli, Teleclide, Teognide,Giu liano e Imerio da un nuovo codice del Lexicon Vindobonense» , Prometheus 5 ,

1979, p . 193 -216 (particulièrement p . 210-214). 7 R . Henry (édit.), Photius. Bibliothèque VI (" codices” 242-245). Texte établi et traduit par R . H ., « Collec tion byzantine » , Paris 1971 (or. I-XXXVI, p . 56 -126 doubles). Il est à noter que R . Henry 7bis (édit.), Photius. Bibliothèque I- VIII. Texte établi et traduit par

R . H . a été voici peu réimprimé dans la CUF (Paris 1991). L ' introduction , la tra duction et les notes deWernsdorf 2 peuvent encore être utiles.

Traductions. Latine, au moins pour les textes connus à son époque, Wernsdorf 2, p .21-889; française (partielle)Henry 7 . Indices. Voir Colonna 1. Tradition manuscrite . Colonna 1, p. XXVII-XXXIII.

Tradition indirecte . Colonna 1 , p . IX -XXVII (le témoignage de Photius) ; p. XXXIII-XXXVII (le Neapolitanus bibl. nat. gr. II C 32, papier du début du XIV S. et sa double série d 'extraits d 'Himérius); p. XXXVIII-XLI (le Lexique d 'André

Lopadiotès du début du XIVe s. conservé dans Vindobonensis hist. gr. s. XIV , Vaticanus gr. 22 de 1343 et Vaticanus gr. 12 s. XIV ). Guida 6 (à propos du codex II D 29 de la Bibliothèque Nationale de Naples, nouveau témoin de la se

conde moitié du XVe s. du Lexique de Lopadiotès: deux brefs fragments inédits et un complément avec des corrections au fr. XII Colonna). Henry 7, p. 56 - 126 .

8 E . Berti, « L 'esemplare di Imerio letto da Fozio » , SCO 22 , 1973, p . 111-114

[ analyse grammaticale serrée de la formule d'introduction du cod. 243 de Pho tius: le Byzantin avait à sa disposition une anthologie fondée sur la première

moitié des discours ). Études d 'orientation. 9 H . Schenkl, art. « Himerios » 1, RE VIII 2 , 1913, col. 1622- 1635 ; 10 Id ., art. « Himerios» 1, RESuppl. III, 1918, col. 1151-1153;

H 136

HIMÉRIUS DE PROUSIAS

709 11 Id ., « Zur Biographie des Rhetors Himerios » , RHM 72, 1917-1918, p. 34-40 ; 12 A . H .M . Jones, J. R . Martindale et J. Morris, PLRE I, 1971, p.436 (Himerius 2 ) (cité dorénavant Jones 12 ); 13 H . Gärtner, art. « Himerios » , KP 2, 1975 , col. 1149- 1150 ; 14 Id ., art. « Himerios » , RAC 15 , 1989, col. 167-173. La plupart des études ont trait à Himérius utilisateur des poètes lyriques : 15 I. Maehly,

« Sappho bei Himerius», RhM 21, 1866 , p. 301- 308 ; 16 I.Mesk , « Sappho und Theokrit in der ersten Rede des Himerios », WS 44, 1925, p. 160- 170 ; 17 J. D . Meerwaldt, « Epithalamica I : de Himerio Sapphus imitatore » , Mnemosyne 7, 1954, p. 19-38 ; 18 C . Gallavotti, « Echi di Alceo » , RFIC 93, 1965, p. 135- 146 ; 19 Giuseppa Cuffari, I riferimenti poetici di Imerio , coll. « Università di Palermo. Istituto di Filologia Greca Quaderni» 12, Palermo 1983, p. 23- 119 (index). 20 T .D . Barnes, « Himerius and the Fourth Century » , CPh 82, 1987, p . 206 -225 , donne la première étude prosopographique de l'æuvre ; elle conduit à une mise en cause radicale de la chronologie reçue qu 'il faudra examiner de près. La philosophie n 'a été abordée que par un seul érudit : 21 E . Richtsteig, « Das Platonstudium des Rhetors Himerius» , Jahresber. der Schles. Gesellschaft

für vaterl. Kultur 4 , 1918 , p . 1- 10 (non vidi), et surtout 22 Id ., « Himerius und Platon » , Byz ) 2 , 1921, p . 1-32 (donne aussi un panorama général précieux ).

État du texte . Fruit d 'un travail de quelque quarante ans, l'édition de Wernsdorf 2 fut publiée, posthume, par son frère, I. Ch., en 1790. Depuis long temps, les discours d 'Himérius n 'étaient plus connus qu 'à travers les extraits conservés dans la Bibliothèque de Photius (Henry 7). H . Estienne avait eu le mérite d 'attirer l'attention sur lui en publiant, en 1567, ses Declamationes, en même temps, notamment, que celles de Polémon . L ' invention des rares manuscrits disponibles fut très lente . Au milieu du XVII s.,Léon Allatius (1630

1650 ) avait cherché de son côté à exhumer les restes de l'orateur, sans toutefois procurer d ' édition . Les restes de son travail consistent dans un manuscrit de

miscellanea, V (Romanus Vallicellianus gr. 173, s.XVII in .), copié en partie de sa main . Le document contient Or. 40 -41, 44 -48, 54, 59 -60,62-66 , 68 -69, 61, 8, 74, et, d 'une autre main , Or. 9 et 6 . Allatius avait pu s'appuyer sur R (BN Suppl. gr. 352, olim Vatican . gr. 997 , ss. XIII et XV). Dans sa célèbre Bibliotheca graeca (t. IX , p . 426 -429) , J. A . Fabricius publia le n°47 sur la base de B

(Oxoniensis Baroccianus gr. 131, ss. XIV -XV), qui contient Or. 38-41, 44 -45 et 59 -61. A peu près à la même époque, I. H . Mai publia les n° 9, 6 et 47 qu 'il tirait de A (Monacensis gr. 564 , s. XIV ). Wernsdorf 2 n 'avait pu mettre la main sur l'ouvrage d'Allatius, découvert par Colonna 1, mais son édition est fondée sur les autres témoins. Dübner 3 s'était contenté d'ajouter à Wernsdorf 2 quelques leçons tirées de R et de corriger la traduction . Schenkl 4 compléta les textes

connus à l'aide des trois séries d 'extraits donnés dans le Neapolitanus bibl.nat.gr. II 6 , 32 (s. XIV in .). Colonna 1 exploita en outre les données fournies par le Lexique d'André Lopadiotès. La seule édition scientifique à laquelle il faut

recourir aujourd 'hui est celle qu'il a publiée en 1951 (Colonna 1). Elle offre aussi une fort intéressante histoire du texte.

710

HIMÉRIUS DE PROUSIAS

H 136

Les témoignages les plus importants figurent dans la Bibliothèque, où Photius traite d 'Himérius à deux reprises. Le cod. 165 de Photius (voir Henry 7bis, t. II,

Paris 1960, p. 136 -140) donne l'équivalent d'un pinax pour une édition de soixante-douze discours. Il est peu probable qu'elle ait été préparée par Himérius lui-mêmeparce que les titres y ont un aspect impersonnel (Schenkl 9, col. 1631). La série d'extraits du cod. 243 reflète à peu près la même disposition, encore que des titres diffèrent de part et d'autre. Pourtant, le n° 14 (sans doute tombé par homoioteleuton ) et les nºs 1-32 Colonna n 'ont pas trouvé place dans le pinax, alors que Photius en propose des extraits au cod . 243. Par suite , les codd. 165 et

243 dépendraient de deux éditions légèrement différentes. Celle quiavait été dé

pouillée pour le cod. 165 avait peut-être perdu les folios ou le cahier correspon dant à Or. 31-32. Photius ne donne aucune précision sur la présentation du livre . Pour Barnes 20 , p. 207, elle avait été réalisée par un élève d'Himérius peu après sa mort. Quant à la seconde, elle devait avoir comporté deux volumes (23 Th .

Hägg, Photios als Vermittler antiker Literatur. Untersuchungen zur Technik des Referierens und Exzerpierens in der Bibliotheke, Uppsala 1975 , p. 157 et 159;

voir déjà Colonna 1, p. XIV). En effet, la série des extraits fournis au cod. 243 s'arrête au n° 36 . Au total, le nombre de discours pour lesquels nous avons des titres ou des fragments s'élève à soixante -quinze. Photius écrivait, s'adressant à

son frère Tarasios, le dédicataire de la Bibliothèque (t. II, p. 139,28 -140,30 Henry ): " ce sont là , je pense, les seuls discours du sophiste Himérius, soit envi ron soixante-dix , que ton amour du travail t'a fait lire en notre présence” . Colonna 1, p . XV, croyait pouvoir en déduire que Photius avait pu lire d 'autres produc tions, mais qu ' il avait renoncé à en donner une recension . Je n 'en crois rien . L 'érudit byzantin donne une critique de style détaillée et très flatteuse, qu 'il répartit sur deux passages [ p . 136 , 27 - 137, 3 ; p . 140, 30 -42 ; voir, tout récemment, 24 G .M . Greco, « Fozio e Imerio » , CCC 14 , 1993, p. 389 - 390 ). Le fait est exceptionnel. Dans la suite, on lit des indications biographiques où ne sont pas celées les relations étroites d'Himérius avec Julien l'Apostat (p. 140, 42 -44). Photius ne s 'est pas autocensuré, comme le suggérait Colonna : il exprime le regret, vu les qualités de l'écrivain , de n 'avoir pu trouver davantage de productions de l'orateur. Je ne suis pas sûr qu 'il ait existé un discours complémentaire , comme semblait le croire Colonna 1, p . XV. Au début de Or. 68 (p. 238 C ), le manuscrit R porte : taúrny διείλεκται προ του λόγου, δς έχει την επιγραφήν: Περί του σκώμματος: έστι δε προ τρεπτικός προς το χρήναι την ποικιλίαν τήν εν τοις λόγοις ασπάζεσθαι. « On a procede

à cette discussion (oratoire) avant le discours intitulé “ De la facétie ” . C 'est un protreplique montrant qu 'il faut rechercher la variété dans les discours. » Le copiste ou sa source, qui donne

des parties de Or. 23-27, 29- 30 , 33-35 , 38-41, 4-48,54-59,62-66 ,68-69,61, 8 et 74, connais sait un état du texte où figurait un titre Nepi oxúuuaroc ; la préposition npó marque une

inversion par rapport à l'ordre naturel: l'édition eût dû suivre la chronologie réelle. Le sujet ne correspond pas à Or.69. En revanche, les discours précédents dans l'ordre de Photius el de R

(65-67) indiquent des situations conflictuelles, réelles ou imaginées pour les besoins de la

rhétorique. Les titres forment visiblement une série, dans laquelle la chronologie n 'a pas été respectée, mais l'exigence du classement thématique. On serait donc assez tenté d'identifier le llepi oxuuuaroc avec Or. 67, soit In Quintiliani asseclas, qui tumultuose audiebant (p . 237

C ) “ aux amis de Cytianos (sic ) quiavaient écouté dans le désordre quand il avait prononcé une

improvisation" (cod. 165, II, p . 139, 18 -19). L 'aspect du cod. 243 invite à d 'autres considérations importantes. Tel qu 'il est transmis dans les manuscrits, le texte conserve la trace d 'altérations, qui prennent la forme de gloses

intruses. Les unes sont purement explicatives (9, 175 = p. 96 , 34 ; 1,62 = p. 59, 7-8); d'autres

HIMÉRIUS DE PROUSIAS 711 tiennent à la nécessité de rendre intelligibles des morceaux tirés de leur contexte (8, 30-32 = H 136

p . 92, 23 -24 ; 9, 63-68 = p . 95, 32 -36 ) ou d'abréger sans compromettre l'intelligence du texte (6 , 338 -342 = p . 90 , 10 -12). Autant d' indices qui trahissent la main d 'un excerpteur conscient de sa responsabilité. Entre 11 et 12 se loge un extrait qui a comme titre : " Tiré des autres discours qui sont différents et qui ont des sujets divers" . C 'est là une indication isolée. L 'un des passages (p . 102 , 29 - 103, 40 ) se rapporte visiblement à Gallus et à Julien (25 J. Bidez, La Vie de l'empereur Julien, Paris 1930 , p. 95), associés dans un panegyrique de Constance II,

donné comme un petit-fils du Soleil. La texture des autres phrases, qui ne permet pas de resti tuer une continuité, donne à supposer qu ' il s 'agissait en effet d 'un choix . La forme, pas plus

que l'irruption , de l'extrait ne doit rien à Photius, qui l'a trouvé comme tel dans l'ouvrage qu ' il reproduisait. Manifestement, il s 'est produit, au cours de la tradition antérieure , un dépla

cement de texte au sein de l'ensemble. On peut d'ailleurs supposer que, s'il avait été en mesu re de le faire , l'excerpteur eût cherché à nous éclairer , comme il l' a fait ailleurs, sur l' identité

du personnage important qui a quitté une haute charge (p. 102, 21-23). Rien n 'oblige donc à supposer que Photius ait quelque part dans l' introduction des gloses explicatives défigurant

l'original ou, de façon plus générale, qu 'il ait décidé des extraits qu 'il convenait de prélever ou non , comme le croit Hägg 23 , p . 158 . Que le cod. 243 forme les restes d 'une anthologie est

hors de doute , comme l' a montré Colonna 1, p . XV ; c'est elle qui est parvenue à Photius (Colonna 1, p . XVI), qui s'est contenté d 'y prélever un choix plus réduit encore . C 'est ce que confirme l'excellente analyse textuelle de Berti 8 . Autre chose est de prouver qu 'Himérius lui

même fut l'auteurdu premier choix .

Les discours attestés sont les suivants : (1) Declamatio Hyperidis pro Demosthene

(2) Declamatio Demosthenis pro Aeschine (3) Declamatio contra Epicurum (4 ) Declamatio contra divitem

(5) Declamatio Themistoclis contra Persarum regem (6 ) Polemarchica (7) Areopagitica

(8 ) Lamentatio in filium Rufinum defunctum (9 ) Epithalamia in Severum (10) Diogenes, sive in abitum amici (11) Ad amicos, cum ipse abiret Corinthum

(12) In Flaviani discessum (13) In Pisonis domus advenas

(14) In Aegyptium advenam (15) In discessum amici (16 ) Extemporalis, ob tumultum in schola coortum

(17) In adventum Cypriorum civium (18) In civem Cappadocem auditorem

(19) Quia pulchra sunt rara (20) In Musonium proconsulem

(21) In Severum advenam (22) Declamatio

712

HIMÉRIUS DE PROUSIAS

(23) In Ursacium comitem

(24) In Severum amicum (25) In Scylacium Graeciae proconsulem ( 26 ) In advenas Ephesios, Mysos, etc . (27) In discipulos e patria sua advectos

(28) In Athenaeum comitem (29) In Privatum Romanum (30) Ad familiares, postquam ipse Corintho reverterat

(31) Hortativa in Ampelium

(32) In Anatolium praefectum praetorii (33) In Phoebum Alexandriproconsulis filium (34 ) In Arcadium comitem etmedicum

(35) In accessum discipulorum ( 36 ) In abitum Flaviani (37) Epithalamia in Panathenaeum

(38) (39) (40) (41) (42) (43)

Declamatio in Cerbonium proconsulem Declamatio in lulianum et Musonium Oratio Philippis habita In urbem Constantinopolim In Sallustium praesidem In Flavianum proconsulem

(44) In diem natalem amici (45) Declamatio in sanitatem amici reciperatam

(46 ) In insidiatores et in Basilium proconsulem (47) Altera in Basilium proconsulem

(48) (49) (50) (51)

In Hermogenem Graeciae proconsulem In Plotianum proconsulem In Ampelium proconsulem In Praetextatum Graeciae proconsulem etin familiares

(52) In lulianum imperatorem

(53) Declamatio habita Nicomediae (54) In advenas (55) In advenam

(56 ) In Zenonem familiarem (57) In Aphobium advenam

(58) In quemdam discipulum factum propter Neptuni oraculum

(59) In cives ex lonia peregrinos

H 136

H 136

HIMÉRIUS DE PROUSIAS

713

(60) In hospites lones (61) In auditores

(62) In honorem amici Constantinopolitani (63) Oratio habita postquam ipse a patria reverterat (64 ) Oratio extemporalis in auditorium suum (65 ) Contra eos qui segniter orationes audiebant

(66 ) In discipulos qui contumaces videbantur (67) In Quintilianiasseclas, qui tumultuose audiebant

(68) Ad persequendam in dicendo varietatem

(69) Oratio habita postquam ipse a volnere sanatus erat (70 ) Oratio habita postquam ipse Corintho reverterat

(71) In stilum et in discipulos (72) In Lacedaemonum urbem

(73) Quia minime deceat auditiones esse publicas (74) Quia semper exercitationibus vacandum sit (75 ) Declamatio Corinthi habita . On voudrait connaître le principe d'ordonnance de la collection que Photius avait eue entre lesmains. On a tôt fait de s'apercevoir qu'elle n 'a rien de chrono logique (voir Schenkl 9, col. 1626 ). La suite des discours 1- 10 conserve les traces d ’une organisation par genre . Les nº 1-5 relèvent de la déclamation (uerétn ). Les deux premiers appartiennent au type délibératif (ovubOUREUTL xos), les trois autres, au type judiciaire (OlxaVixós), et ils étaient tous précédés d'une apodewpía , voir le témoignage de Photius, cod . 165 (II, p. 136 , 15- 17) et cod. 243 (VI, p. 56 , 26 ; p. 64, 33). Toutefois, le titre et la npodewpla de 4 ont disparu. C 'est par erreur que Schenkl 9 , col. 1626 , étend les déclamations jus qu'au nº 11. Le n° 6 est un éloge (éyxbulov) ; 7-9 sont donnés comme “ non fic tifs” (où araouatixoi) par Photius (cod. 165 , II, p. 137, 18 ; 11) ; 10 est un discours d 'adieu (nponteunTixóc) , comme 11; 9-10 étaient aussi munis d 'un préambule . La disposition correspond à la hiérarchie des genres qu'avait établie Aristote (Rhétorique I 3, 1358 b 7 -8 ; voir 26 J.Martin , Antike Rhetorik. Technik

und Methode dans le Handbuch II 3 de H . Bengtson ,München 1974, p . 10 ). A partir de Or. 12 , toutefois, il n 'y a plus de principe clairement décelable , sauf

que surnagent des blocs homogènes à distribution chronologique (39-41), per sonnelle (46 -47) ou thématique (54-55 ; 59-60 ). La présentation syntaxique de Or. 6 dans le cod. 165 (II, p. 137, 4 ) suggère à Schenkl 9, col. 1631, que l'ordon nance de la première partie serait, aux yeux de Photius, d 'Himérius lui-même. Les autres discours auraient été disposés vaille que vaille par un éditeur soucieux de faire reproduire toutes les pièces qu 'il avait en mains. Forme et style . L 'art d'Himérius relève de la prose d'apparat (voir déjà 27 Schmid -Stählin , Geschichte der griechischen Literatur II 2, dans le Hand buch d ' I. von Müller,München 1913, p . 811). Seuls les nº 1 - 7 , rédigés, excep

714

HIMÉRIUS DE PROUSIAS

H 136

tionnellement, au moins par rapport à la production conservée, en style politique, constituent des uerétal. Pour une analyse du n° 4, voir 28 D . A . Russell, Greek

Declamation, Cambridge 1983, p. 29-30, qui suggère un rapprochement avec Edipe. Conservé intégralement, le n° 6 appartient au même genre que les entitá blolNóyou prononcés par l' archonte notuapxoç . Voir les précédents, pastiches ou réalité – les cas ont soulevé d 'épineuses discussions -, de Gorgias (82 B 5-6

D .- K .'),de Périclès chez Thucydide (II 35 -46 ), de Lysias (2), d'Aspasie dans le Ménexène de Platon (236 d 4 - 249 c 8 ), d 'Hypéride (6 , p. 291-305 Colin ) et de Démosthène (60). Sauf les nºs 39 -41, composés à l' occasion de l'invitation à le rejoindre lancée par Julien , tous les discours sont le fruit de l'activité d 'Himérius comme chef d 'école . Toutefois, le n° 8 est une monodie en l'honneur de son fils

Rufin mort prématurément (29 H . Hunger, Die hochsprachliche profane Litera tur der Byzantiner I, dans le Handbuch de H . Bengtson XII 5, 1, München 1978 ,

p . 133). Les nºs 41 et 48 relèvent de l'éyxáulov (Hunger 29, p. 120- 121). Les nºs 10 , 12 , 15 et 36 saluent le départ d 'amis ; Himérius a prononcé un discours du même style (nº 11) pour célébrer son propre départ. Il s'agit de nponteuntixoi ou de Ouvraxtixol Tóyol (Hunger 29, p. 148). Le sophiste a composé aussi des discours demariage (épithalames), des Étlaráulol nóyou, nº 9 et 37 (Hunger 29, p . 150 ). L ' ecphrasis a aussi (n° 41 et62) sa place dans l'euvre (Hunger 29 , p . 172 ), même si le n° 41 est aussi un éyxbulov. Sur le moment où étaient pro

noncés les discours relevant proprement des activités de l' école , voir 30 G . A . Kennedy, Greek Rhetoric under Christian Emperors, Princeton 1983, p. 143. A titre d 'exemple, Kennedy 30 , p . 144 -146 , offre une analyse précise du discours

48, le plus long de ceux qui ont été conservés. En tant que discours de salutation ,

il répond aux règles du npoodwintixós,mais, dans la première partie (1 - 16 ), il intègre un apoyúuvagua sous la forme d 'un mythe, mais aussi d 'autres élé ments qui font de l' ensemble une æuvre parfaitement réussie . Le § 12 est un

excursus néo-platonicien à propos de l'âme, qui charrie des réminiscences du Phèdre.

L ' influence des orateurs anciens ne se traduit chez Himérius que de façon sporadique et en fonction du type d'éloquence choisi. Ainsi, pour Démosthène,

dans les nº 1- 3 ; 4-5 ; Aelius Aristide, le n° 6 ,mais surtout, Polémon. Voir, pour la bibliographie sur le sujet,Gärtner 14, col. 168. Bien que justifiées, les recher ches visant à montrer l'influence de Polémon via Himérius sur la prose de Basile de Césarée et deGrégoire de Nazianze n ' ont pas conduit jusqu'ici à des résultats assurés, voir Gärtner 14 , col. 171-172 (avec la bibliographie topique ). A juste titre, 31 E . Norden , Die antike Kunstprosa, vom VI. Jahrhundert v. Chr. bis in

die Zeit der Renaissance, I, 5e éd ., Darmstadt 1958 (Leipzig-Berlin 1916 ),

p . 428 -431, faisait déjà observer que, pour caractériser sa propre manière, Himérius use de mots comme çuvos, uéros, non , doua (cf. Gärtner 14, col.

169) ; à l'occasion , ilmentionne (48, 2 ) sa pópulyĚ et il parle de ses auditeurs comme de xopeutaí auxquels il se donne comme un autre Apollon Musagète .

Alors que Libanius est un des derniers à avoir usé des clausules fondées sur la quantité des syllabes, Himérius recourt à un système reposant sur l'accent

715 HIMÉRIUS DE PROUSIAS tonique (Kennedy 30, p. 49). La recherche fondamentale sur la question demeure

H 136

celle de 32 Daniel Serruys, « Les procédés toniques d'Himérius et les origines du

" cursus” byzantin » , dans Philologie et linguistique. Mélanges offerts à Louis Havet, Paris 1909, p. 475-499. Parmi les procédés toniques d'Himérius, un seul survivra de façon rigoureuse chez les stylistes byzantins, la recherche d'un nom

bre pair d' atones pénultièmes. Par exemple , le proparoxyton pénultième n ' est admis que si lemot final est accentué sur la syllabe initiale . Pour d'autres détails et justifications, on lira les conclusions de Serruys 32, p . 495-496 .

La vie de l'auteur. Les témoignages sur la vie d 'Himérius ne sont pasnom breux. Ils sont commodément réunis dans Colonna 1, p. XLIX -LII. Le plus riche en données factuelles est celui de la Souda (I 348 , s.v. fluéploc), qui donne le nom de son père, le rhéteur Ameinias, inconnu par ailleurs, et sa ville d 'origine,

Prusias, sur les bords du fleuve Kieros, en Bithynie (Wernsdorf 2, p. XL ; Schenkl 10, col. 1151 ; voir aussi Eunape de Sardes, Vies des sophistes XIV 1, 1 Giangrande).

1. Chronologie Les textes connus ne permettent pas, en tout cas, de préciser sa date de nais

sance , pour laquelle on est réduit aux conjectures : 300-304 (33 B . Keil, « Zwei Identificationen » , Hermes 42, 1907, p. 550 -553) ; 308-310 (34 F. Schemmel, « Die Hochschule von Athen im IV . und V . Jahrhundert p . Ch .n .» , JKPh 22 ,

1908, p . 499) ; avant 310 (35 L . Petit de Julleville, L ' école d 'Athènes au 4e

siècle, Paris 1868) ; vers 310 (Kennedy 30,p. 141, sansargument); sansdoute en 315 (Wernsdorf 2 , p . XLIII) ; vers 320 (Barnes 20, p. 223). Voir déjà , sur tout cela , le résuméde Schenkl 9, col. 1622 .

Himérius était dans sa première barbe, quand il vint étudier à Constantinople (Or. 41, 2). Il avait abandonné sa patrie pour suivre un ami infidèle (Or. 12, 15). La question est évidemment de fixer la date où apparut cet appendice pileux. Keil 33 s'y est efforcé à partir d 'un passage de Or. 74 , 4 , où il est question d 'un sophiste anonyme tirant de l'adage éx toũ Raleiv đei tò NareTv napayévetai un enseignement sur les vertus de l'improvisation en rhétorique. Colonna 1 (p . 248 n .) voyait dans l'expression un trimètre iambique " ignoti cuiusdam poetae" . Cuffari 19, p . 109, n . 93, ne connaît pas davan

tage l'identification de Keil. Keil 33 (p. 548-550) a identifié le personnage avec un rhéteur nommé Phrynichos, qu 'il ne faudrait surtout pas confondre avec Phrynichos Arabios dit “ l'Arabe" . Lemot est cité trois fois , et la source est Évagoras et Aquila , c 'est-à-dire la téyvn d 'Aquila reprenant le témoignage d'Évagoras. Pour tout cela, le document de base est le

Commentaire au traité sur les états de cause d 'Hermogène par Syrianus, le néo-platonicien.

Phrynichos aurait eu un vif succès à Athènes, couronné par la présence assidue de quelque trois cents élèves. Keil 33 a tenté de dater Évagoras et Aquila , qu 'il situe respectivement à la fin du premier et à la fin du deuxième tiers du IVe s . L ' enchaînement et l' identification des textes est au -dessus de toute contestation ; ce qui l' est moins, c 'est la réalité du contact entre Phrynichos et Himérius : nxovoá TOTE pourrait signifier aussi " j 'ai entendu dire" , voire " j 'ai

lu ” (cf. 36 L . Pernot, art. « Aquila » A 295, DPA I, p . 319 ). On trouvera d 'autres données intéressantes dans 37 D . M . Schenkeveld , « The Philosopher Aquila (Charisius, Ars gramm . p . 251. 22ff. Barw .) » , CQ 41, 1991, p . 493-494. Le savant hollandais fait remarquer à juste titre que Julien (Or. 8 Sur la mère des dieux 3, 162 c, p. 107-108 Rochefort) use d'une expression identique à propos de Xénarque, un contemporain d 'Auguste . D ' autre part ,Ménan

dre le Rhéteur (Division des discours d 'exhibition II 4 , p . 116 , 4 -13 Russell-Wilson , voir 38 D . A . Russell et N .G . Wilson ,Menander Rhetor, edit.with translation and commentary by

H 136 HIMÉRIUS DE PROUSIAS D . A . R . and N .G . W ., Oxford 1981) recommandait aux auteurs de Nariai de glisser au fil du discours récits de rêves et historiettes. Telle est la portée de Or. 74, 4. Sans doute était-ce le

716

même procédé qu 'avait utilisé Himérius pour son n° 72 (voir infra ). L 'usage d'Himérius confirme le scepticisme de Schenkeveld 37. Or. 45, 1 (nxovou sans troté ) renvoie à Hésiode,

fr. 240 Rzach et Or. 48 , 21 (åxoúw ) rappelle que Platon fut le disciple de Socrate et pratiqua les exercices athlétiques durant sa jeunesse (voir infra ). Pour Phrynichos, le trait ne peut pro

venir que d 'une lecture, peut-être de la téxin d 'Évagoras. Quoi qu 'il en soit des dates respec tives de Phrynichos, Evagoras et Aquila , il estdangereux de fonder sur elles seules un système

chronologique faisant remonter vers le haut l'arrivée d 'Himérius à Athènes et, partant, sa date

de naissance. On pouvaitmonter en épingle d 'autres rapprochements, déjà suggérés par Keil 33 (p . 552

553). Or. 41, 2 oppose le destin d'Himérius à celui d'autres, conduits sur le Rhin ou sur les bords légendaires de l'Océan . La question est de savoir si le passage est utilisable à des fins

chronologiques. On a essayé depuis longtemps. Déjà , Wernsdorf 2, p. 575, avait fait observer que Prohérésius avait été invité à la cour de Constant à Trèves en 343 ou peu après (la confu

sion Rhin -Moselle n 'est pas si rare, voir Jean le Lydien , Des magistratures I 50 ). Voir aussi

39 K . Münscher, « Bericht über die Literatur der zweiten Sophistik ( rednerische Epideiktik

und Belletristik ) aus den Jahren 1905-1909» , JAW 149, 1910, p. 157. L 'argument est repris par Barnes 20 , p . 208 -209, qui ajoute que la mention de l'Océan serait une référence à l'expé

dition de Constant en Bretagne durant l'hiver 342/3. Ce serait là un moyen commode de flatter Constant. Ce que l'on voit moinsbien , c 'est l'intérêt que pourrait avoir eu Himérius à flatter Constant plus de dix ans après sa mort (350). Au demeurant, l'orateur risquait de multiplier ainsi les références à des faits depuis longtemps oubliés, si même, aumoins pour le voyage de

Prohérésius, ils avaientjamais été connusdeses auditeurs constantinopolitains. L'argumentation est donc loin d'emporter la conviction. Pourquoi la phrase d 'Himérius n 'aurait- elle pas une portée générale, en d 'autres termes viserait de jeunes rhéteurs ou gram

matici hellénophones allant tenter leur chance à l'Ouest ? On peut trouver dans le livre clas sique de 40 H .- I. Marrou, Histoire de l'éducation dans l'Antiquité, 2e éd ., Paris 1965, p . 428

429,avec les notes), une liste sommaire de références. Elle omet, par exemple , l'enseignement que Lucien fut amené à prodiguer en Gaule au milieu du lle s. (Double accusation 27 ; Apolo gie 15 ). Certes, on ne peut, faute de documents, retracer l'histoire de l' enseignement du grec en Gaule, bien attesté pourtant. Ainsi, dans le célèbre Discours pour la restauration de l' école

d 'Autun , daté du printemps de 298 (41 Ed. Galletier (édit.), Panegyriques latins I (I- V), CUF, Paris 1949, p . 108 ), Eumène, l'auteur, évoque son grand-père qu 'il ne paraît pas avoir connu . Originaire d'Athènes, celui-ci avait gagné la célébrité à Rome avant de terminer sa carrière en

enseignant, jusqu'à plus de quatre-vingts ans, aux écoles Méniennes d'Autun (5, 17, 2-4 Gal letier), soit vraisemblablement jusqu 'aux années 250 -260 . Or, les écoles avaient été fermées

avant qu 'Eumène entrât dans l'enfance : allusion au sac de la ville en 269 (Galletier, p . 103 et p. 135 n. 2 ). Eumène naquit sans doute au début des années 260. Qu'enseignait son aïeul ? Hellénophone, il a dû enseigner le grec, voire aussile latin . Rhéteur lui-mêmeou grammaticus

à ses débuts, mais dans d'autres cités qu 'Autun, Eumène fut choisi commemagistermemoriae [Galletier 41, p. 104 -105, cf. P.L . Schmidt dans 42 R . Herzog (édit.), Nouvelle histoire de la

par Constance Chlore (ca 293). Après quoi, le César lui confia la direction de l' école en 297

littérature latine, V : Restauration et renouveau . La littérature latine de 284 à 374 après J. C .,

(trad . fr. G . Nauroy), Turnhout 1993, p . 192- 193). On peut se demander si le bilinguismene

justifia point la décision du César. Toujours est- il qu'Eumène s'adresse à un certain Glaucos, hellène lui aussi,mais non d 'origine attique, un noble vieillard à qui il attribue la résurrection

de l'école (5, 17, 4 Cujus... locum ... ab isto venerabili sene... recoli ornarique ): peut- être le premier professeur, de grec sans doute , à y avoir repris des leçons (Galletier 41, p. 113 n . 3, mais voir p. 135 n . 4, où l'éditeur confesse son embarras). Au demeurant, Eumène se donne comme succédant à son grand-père (5, 17, 4 ) : continuité dans la mission et l'enseignement. On notera que des découvertes récentes à Autun ontpermis d'enrichir quelque peu le dos sier. La découverte en avril 1965 d 'une mosaïque portant la figure d' Anacréon a été signalée par 43 R . Martin , « Informations archéologiques» ,Gallia , 24 , 1966 , p.408 -409. Le portrait est

H 136

HIMÉRIUS DE PROUSIAS

717

entouré de vers, formant une sorte de petite anthologie scolaire, où l'on reconnaît successive peut-être, deux vers refaits sur un anacréontique (45, 8 -12 Bergk). L 'écriture paraît remonter

ment le fr. 38 Gentili = 396 Page (4 premiers vers) et le fr. 49 G . = 429 P . (2 suivants) avec,

au lle s., peut-être à la fin . Il n ' est pas impossible que le propriétaire de la maison ait été un des

rhéteurs enseignant la culture grecque dans les écolesMéniennes. On lira la démonstration de 44 Michèle et A . Blanchard, « Lamosaïque d 'Anacréon à Autun » , REA, 75, 1973, p . 268 - 279,

qui donnent toute la bibliographie antérieure et les planches nécessaires. Entreprises en 1990 dans le jardin contigu , de nouvelles fouilles ont permis de mettre au jour des fragments de

tableau figurant l'un un vieil auteur (Homère ?), l'autre, le philosophe épicurien Métrodore panneau après restauration ; fig. 2 : détail du personnage). Assis à méditer un papyrus à la

(voir 45 Musée Rolin (édit.), Métrodore : un philosophe, unemosaïque, s.d . ( 1992 ) : fig. 1 :

main , ce dernier est entouré par le texte d 'une sentence bien connue du Gnomologium Vatica

num (6 , 14 Arrighetti), citée également par Plutarque (Contra Ep. Beat., 1104 e et 1106 e) et Stobée (XVI 29), voir A . Blanchard , « Métrodore » 45 , p. 49 -54 (voir déjà 46 Id., « Épicure, “ Sentence Vaticane” 14 : Épicure ou Métrodore ?», REG 54, 1991, p. 394 -409 ) offre une bonne étude du texte, avec apparat critique. La découverte ouvre à nouveau la question de l'attribution de la sentence à Métrodore, déjà indiquée, à vrai dire , par le Vat. gr. 743. La gra

phie de l'inscription pourrait être de la fin du 11e ou du début du me s.

De l'efficacité des enseignements de l'école, on a quelques preuves. L'évêque Réticius, qui joua un rôle important aux conciles de Rome (313) et d 'Arles (314 ), était capable de lire Origène. Écrites à Autun entre 316 et 323, les Laudes Romani (148 hexamètres ) étaient l'æuvre d'un poète qui connaissait le grec (sur tout ceci, voir 47 G . Bardy, La question des langues dans l'Église ancienne, t. I, Paris 1948, p. 178 ). Mais Autun n 'est proche ni du Rhin

nide l'Océan. A Bordeaux aussi, quoique plusieurs décennies plus tard, l' enseignement du grec était assez florissant. Parmi les rhéteurs ou grammatici que l'on peut prendre en compte pour des raisons chronologiques, Citarius, Crispus,Mnestheus et Urbicus (voir 48 R . A . Kaster, Guar

dians of Language: the Grammarian and Society in Late Antiquity, Berkeley /Los Angeles/ London 1988 , respectivement p . 253-254 ; 263-264 ; 312 ; 375 avec Ausone, 11 ( Professeurs) respectivement 13 ; 21 tit. et 1-6 ; 8, 3 ; 21 tit. et 10 -24 ), les deuxième et quatrième ensei

gnaient les deux langues (encore que le grec de ce dernier fût remarquable). C 'est normal dans la mesure où l'onomastique dénonce en eux des non -hellénophones. Aussi n 'enseignèrent-ils que les rudiments. Tous deux avaient des affranchis pour pères. Citarius était originaire d 'une

ville de Sicile ; quant à Mnestheus, il n 'avait pas fait cours à Ausone, à la différence de son père Spercheus. Nous ne savons rien de leur origine. Or, selon W . L . Liebermann, dans Herzog 42, p. 318, né vers 310 , Ausone avait reçu sa première formation en grec et en latin auprès de

grammairiens de Bordeaux, avant 320 . Spercheus fut peut-être l'un d'entre eux. S' il fut un

On a dit qu 'Eumène avait officié en qualité de magistermemoriae, vraisemblablement à la enseigné grec et latin dans la ville (Kaster 48, p. 288).La présence de grammatici graeci y est

cour de Constance à Trèves (Galletier 41, p. 105 ). Nous savons qu 'en 376 Harmonius avait attestée par un édit du 23 mai 376 (CTh XIII 3 , 11), c'est-à-dire la loi scolaire de Gratien qui fixe les salaires officiels à verser à chacun des enseignants en fonction de leur grade (Kaster 48, p. 116 - 117). Cela ne signifie pas pour autant qu 'il y aurait eu une création d'école : un enseignement du grec a dû exister bien avant cela, même s'il a pu être interrompu durant les périodes de grands troubles ou d 'anarchie . Certes, Prohérésius avait été un de ces hommes qui

se laissèrent, pour un temps ou définitivement, séduire par les Sirènes de l'Occident,mais il ne fut ni le premier ni le dernier. De toute évidence, les conclusions que l'on prétend tirer du pas

sage d'Himérius dépassent les prémisses. Aux yeux de Keil 33, p. 552-553, la phrase d'Himérius fait allusion à un moment où l'Em pire était toujours unitaire , c 'est-à -dire le temps de Constantin . La capitale en cause serait

donc Arles, bien que Constantin n 'eût plus mis les pieds en Gaule depuis novembre 316 . Il jusqu'en 323 et à la victoire de Constantin, les ambitieux de tout poil auraient continué à y

resterait que l'absence de l'empereur n 'aurait rien changé à l' attrait de la ville, en sorte que

HIMÉRIUS DE PROUSIAS H 136 accourir. Contemporain , Himérius aurait eu sa première barbe avant 323, c' est-à-dire qu'il

718

serait né avec le siècle ou presque . Durant la deuxième décennie, Constantin y fit faire de nombreux embellissements, qui ont dû donner l'occasion d' inaugurations accompagnées de force déploiements de rhétorique, propres à tenter maints jeunes gens assoiffés de gloire. Voilà qui mène avant 324 , durant les intervalles où la tension politique entre Constantin et Licinius

n 'était point trop vive, soit entre les batailles de Cibalae et de Chrysopolis (8 octobre 314 - 18 septembre 324). On peut, en outre, rappeler qu 'Hermogène (48, 34 ) prédisait déjà à l'élo quence d'Himérius un grand avenir. Quand le fit-il ? Lorsque les discours d'Himérius étaient encore en pleine jeunesse (TOÚTOUS nb @ vrac). Ce sont lesmots mêmeutilisés pour caractéri

ser l' arrivée d 'Himérius à Constantinople, la future nouvelle capitale. On est tenté, par consé quent, de la fixer sous le règne de Licinius. On le voit, un des éléments décisifs tient à la représentation que l'on se fait de la carrière d'Hermogène (ⓇH 95 ), dont Himérius évoque la studieuse jeunesse (48, voir infra ). Pour cou ronner sa formation , le jeune homme s'attacha même à devenir bilingue (28). La question de

chronologie est capitale, car de la réponse dépend un écart de trois décennies. Dans sa prime

jeunesse , Hermogène servit à la cour d'un tyran, comparé à Phalaris (48, 18-19). D 'habitude, on identifie le souverain en cause avec l'Auguste Licinius (Barnes 20, p . 219 n . 61, qui donne toute la bibliographie antérieure). Selon Barnes, au contraire, la comparaison conviendrait mieux à Gallus qu 'à Licinius. Dans la bibliographie antérieure , on se contente de citer le nom

de ce dernier sans justifier l'identification .Malgré les apparences, Barnes n 'est pasbeaucoup plus précis sur ce point. Les méfaits de Gallus sont notoires. Encore conviendrait -il de voir

s'ils méritent la comparaison avec ceux que la légende prête à Phalaris. En 352, la sédition de Juifs, menée par leur " rex " Patricius, fut punie par la destruction complète de Diocésarée (Socrate II 33 ; Sozomène IV 7, 5 ; l'historiographe Arien dans Philostorge, p . 222 Bidez =

Théophane, Chronographie, p. 40, 20-23 de Boor, qui ajoute, à propos des Juifs et des Sama 11, indique le nom du “ rex ”, mais non la destruction de villes). Y a-t-il donc quelque exagé

ritains, qu 'ils furent exterminés par l'armée romaine Tayyever , Aurelius Victor, Césars 42, ration , au moins au regard des sources, à parler de l'" extermination de villes entières" (49 E . Stein , Histoire du Bas-Empire, I: De l' État Romain à l' État Byzantin (284 -476 ), 1 (texte ), s.l.

[Bruges) 1959, p . 141). Il n 'est guère que la Chronique d'Eusebe (a. 2368 ), non citée par Stein , pour évoquer la destruction d 'une pluralité de cités, Diocésarée, Tibériade et Diospolis (voir aussi Agapius deMenbidg, Histoire universelle dans PO VII 4, p. 571-572 Vasilief: “Gallus qui les (sc. les Juifs) détruisit et démolit leurs villes et leurs demeures" ). Pour une étude détaillée, avec références aux études en hébreu sur le sujet, voir 50 A .M . Rabello, Giustiniano, Ebrei e Samaritani. Alla luce delle fonti storico -letterarie, ecclesiastiche e giuri

diche I, Milano 1987, p. 32-33 et 338-339 (avec , ici, une erreur de date et la reproduction en grec et en latin des sources principales). Ammien Marcellin (XIV 1, 3) rapporte une variante de l'épisode de Phèdre,dont fut victime un noble Alexandrin, Clématius ; XIV 7, 1-7 décrit les persécutions d 'anciensmagistrats, de notables, de plébéiens en Orient (sans autre précision ), puis la mise à mort des chefs du sénat d ' Antioche ; il livra à la foule Théophilos, gouverneur

de Syrie en 354 (XIV 7, 5 et XV 13, 2, avec Libanios 1, 103). Sur ce dernier point, la présen tation d 'Ammien , compagnon de Julien , est très défavorable à Gallus ; Libanius décrit la chose

comme entendue depuis son bureau , sans incriminer quiconque. Réduit aux abois , le prince fit exécuter le préfet du Prétoire Domitien , envoyé de Constance II avec mission de lui remettre

une convocation à Milan , et le questeur Montius (Ammien XIV 7, 9- 17 ). Les torts ne furent pas uniquement dans le camp du prince (7 , 10 ), car le curateur Luscus n 'avait pas manqué

d'exciter la fureur des soldats (7, 17). On observera que, pour le détail,nous sommes tribu taires du seul Ammien . Licinius n 'a pas meilleure réputation . Toutefois, les traits sont ici plus appuyés. Licinius s'en prenait aux philosophes,même innocents, à qui il infligeait des tortures servili more (Aurelius Victor, Césars 41, 5 ). Dans un chapitre très rhétorique, Eusébe évoque les exactions perpétrées par Licinius : suppression desmesures de pitié à l'avantage des pri

sonniers ( H .E . X 8, 11), viols (13), persécution d 'évêques (14-15 ), dépeçage (17 ; on ne sait si le fait fut isolé ou fréquent). On peut se contenter de souligner deux constantes : mesures

contre les intellectuels (philosophes et évêques), cruautésmonstrueuses. On le voit, quoi qu 'en

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HIMÉRIUS DE PROUSIAS

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ait écrit Barnes, Hermogène avait davantage de raisons de chercher à protéger d 'éventuelles

victimes sous Licinius que sousGallus et, aux yeux de la propagande post-constantinienne, le premier se retrouve mieux dans la physionomie de Phalaris . D 'autre part , Hermogène avait

officié toïc Deolc (Himérius48, 18 ), expression dans laquelle on doit reconnaître un empereur à la fois mort et divinisé (Barnes 20 , p. 219, avec la n. 62: le pluriel est généralisant). Pour le

savant historien , ce pourrait être aussi bien Constance Il que Constantin . Logique étrange : totc Deots désigne le personnage qualifié de Phalaris, c 'est-à- dire le tyran , soit Licinius (vue

traditionnelle) ou plutôt, comme le soutient Barnes 20, Gallus. Pour ce dernier, qui n 'avait pas la dignité d 'Auguste , il est douteux que l'on procédât jamais à une déification : convoqué à

Milan par l'Auguste Constance II, il fut arrêté avant d'avoir posé le pied en Italie, jugé et exé cuté à Fianone en Istrie , à la fin de 354. La répression qui suivit valutmêmede gros ennuis à son demi-frère Julien (Stein 49, I 1, p. 142 et 2 (notes), p.491, n. 66 -68, qui énumère toutes les sources). Même si l'on ne veut voir ici que rhétorique , viser Gallus en usant pour lui des

circonlocutions officiellesusuelles pour un Auguste eût été la dernière des maladresses,

On voudrait savoir quelle fonction occupa Hermogène. La jeunesse et le renoncement du personnage à la carrière plaident pour un emploimodeste à la cour. Dans l'expression grecque qui fait de lui un “ gardien des secrets " (búrať rõv å oppntwv), on se gardera de chercher des secrets importants, par exemple, des secrets d 'État. Hermogène en était le dépositaire au service des dieux ; par la suite, il transmettait à son mandant les "oracles" (onun) de ceux -ci, c 'est- à-dire les mesures à prendre. Ces derniers sont évidemment les Augustes en place, Constantin le Grand et Licinius probablement. Wernsdorf (2 , p. 641) voit en Hermogène un àyyehladópos ou un agens in rebus chargé de porter aux gouverneurs de province des lettres

de l'empereur et de lui transmettre des rapports sur les événements locaux. Il aurait donc été sous les ordres du magister officiorum . Jones 12 , s.v. « Flavius Hermogenes» 9 (p . 424 ), prend les données au pied de la lettre : " (the tyrant) used him as his messenger when he wanted to take the advise of oracles". On ne savait pas Licinius si épris des meurs antiques ! On ne peut

fixer autrementune date entre 314 et 324 , encore que l'on soit tenté, en raison de ce que l'on

entrevoit de la chronologie d'Himérius, d'opter pour les dernières années. Les phrases chantournées d'Himériusdessinent en filigrane certains des heurs etmalheurs d 'Hermogène, plus clairement, en tout cas, qu 'on ne l'a dit. Jones 12, p . 422-424 , répertorie neuf Hermogène, en indiquant que les nº 2, 3 et 9 sont peut-être les mêmes personnages. Il y manque Hermogène d 'Amasée, un des visiteurs de la tombe dite " de Memnon " , au côté de Nicagoras II (Dittenberger, OGIS 694 ;51 J. Baillet, Inscriptions grecques et latines des tom beaux des rois ou Syringes, à Thèbes, fasc . 2, Le Caire 1923, n° 1261 et 1283 gravés ; voir, du même, 52 « Constantin et le dadouque d 'Eleusis » , CRAI 1922 , p. 291). Amasée se trouve dans

le Pont, d 'où était originaire le n° 3 de la PLRE . Baillet 51, p . 304, assimile le pèlerin à notre Hermogène, dont il retrace brièvement la biographie. Le groupe des signataires de la tombe

appartenait au milieu platonicien . Himérius (48, 2) reproche aux Athéniens d'avoir laissé Hermogène (PLRE 9 ) accorder sa sollicitude à Corinthe d'abord (en fait, les Éphyréens, d 'après le nom originel de Corinthe ). Il s'agit donc bien dumême fonctionnaire qui fit réaliser d ' importants travaux de restauration dans le port de Corinthe (IG IV 209) ; voir 53 Alison

Frantz , The Athenian Agora , XXIV : Late Antiquity, Princeton 1988, p. 22 ; 54 E . Groag, Die Reichsbeamten von Achaia in spätrömischer Zeit, Budapest 1946 , p. 36 -38 ; Jones 12, p. 424. Le discours 48 n 'est donc pas contemporain de l'entrée en fonction du proconsul d 'Achaïe . Avant son accueil à Athènes, une saison au moins paraît s' être écoulée dans la cité portuaire : le thème de l'hiver est récurrent dans le discours pour déplorer l'absence du proconsul. Les

préoccupations platoniciennes du personnage étaient patentes. 55 H .D . Saffrey et L . G .

Westerink (édit.), Proclus. Théologie platonicienne. Livre I, CUF, Paris 1968 , p. XL , rappro chent, à juste titre, les activités philosophiques d'Hermogène (PLRE 9 ] d 'une Épître (21, 1 ) de

Libanius; elle atteste l'admiration pour le souci dont faisait preuve le préfet du Prétoire Hermogène (PLRE 3] à l'endroit de la philosophie. Ces personnages sont en effet les seuls à avoirmanifesté de l'intérêt pour la discipline. On possède donc d'assez solides raisons pour établir l'équation PLRE 3 = 9. Sans argumenter, ils situent le proconsulat entre ca 353- 358.

On peut dater la lettre avec une précision relativement grande. Le destinataire était un

720

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Bithynien nommé Aristainétos, qui entra en relation avec Hermogène, tout juste nommé préfet du Prétoire, à l' été de 358. Il mourut à Nicomédie, victime du tremblement de terre du 24 août 358 (56 O . Seeck, Die Briefe des Libanius, Leipzig 1906 (réimpr. Hildesheim 1966 ), p. 85). Le prédécesseur d 'Hermogène, StrategiusMusonianus, est donné à ce rang pour la dernière

fois le 7 juin 358 (Cod. Theod. I 5, 6 ). Hermogène semble donc être entré en fonction peu après cette date. Précédemment, en qualité de proconsul d'Achaïe, il a dû séjourner à Corinthe durant l'hiver 357 -358 au plus tard . Richtsteig 22, p. 10, a marqué l'importance des emprunts au mythe de l'attelage ailé dans le Phèdre (246 b -c ; 248 a-b ) de Platon , en soulignant les récurrences verbales. Le passage du présent discours (48 , 12) est celui quimet le plus longuement en æuvre un morceau du dia logue. Il n 'appartenait pas, naturellement, à Richtsteig d 'en dégager la signification sur le plan

biographique. L 'orateur vient de s'engager à offrir le miroir d 'une âme, en d 'autres termes d 'une vie (48, 12 ) : elle aspire toujours aux occupations les plus belles et les plus hautes ;

compagne de Dieu, pour avoir vu souvent, au cours de sa révolution , la plaine de vérité et s 'être gorgée de la contemplation des spectacles de là -haut, lorsque, par l'effet d 'une

conjoncture, après la chute de ses ailes, elle a revêtu un corps et a reçu pour y habiter le séjour d ' ici-bas et que, tombée dans le destin contraire, elle s 'est, ne fût-ce que pour peu de temps, remplie de l'oubli des spectacles de là -haut, il ne lui arrive point jusqu 'au bout de demeurer sans ailes et de gaspiller sa vie dans l'ignorance.Mais lorsqu 'elle voit quelqu 'une

des beautés d 'ici-bas, elle se réveille et se laisse porter par samémoire vers ce qu 'elle avait vu autrefois, quand , en compagnie des dieux, elle tournait autour du ciel même ; dans son mouvement, elle a des préoccupationscélestes, recherche le séjour d 'en haut et ouvre à l'en tour du champ des réalités. Certes, le moyen est ingénieux pour marquer les convictions inti

mes de l'intéressé. La métaphore surtout fait découvrir les aléas d 'une trajectoire que n 'avaient pas épargnée les vicissitudes ou les disgrâces. La vêture philosophique indique

qu 'Hermogène avait servi plusieurs Augustes, et pas nécessairement des Césars seulement.

Voilà qui suggère une carrière longue traversée probablement par des souverains comme Licinius, Constantin et Constance II.

Liée à la carrière d'Hermogène, la date la plus ancienne que l' on puisse atteindre pour Himérius paraît donc renvoyer au règne de Licinius, c'est-à-dire avant 324 .

2. Le milieu Par mariage, Himérius se trouva lié à une des familles les plus illustres d'Athènes. Le lignage a été élucidé par 57 O . Schissel, « Die Familie des Minu

kianos. Ein Beitrag zur Personenkunde der neuplatonischen Athen » , Klio 21, 1927, p. 361-373. Dans deux passages, Apulée (Métamorphoses I 2, 1 et II 2, 8– 3, 3) rappelle qu 'originaire de Thessalie, Lucius descendait par sa mère Salvia du philosophe stoïcien Sextus, neveu de Plutarque et maître de Marc-Aurèle . Elle eut de son mari, Minucianus rer, contemporain d'Antonin le Pieux , un fils, Mnésaios (= Lucius d ’Apulée), père de Nicagoras jer. Ce dernier eut lui aussi un

fils, Minucianus II, qui engendra à son tour Nicagoras II, dont la fille épousa

Himérius (voir l'arbre généalogique de Schissel 57, p. 371).

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HIMÉRIUS DE PROUSIAS

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Plutarque deChéronée Sextus (maître deMarc Aurèle)

Salvia - Minucianus I (sous Antonin le Pieux) Lucius/Mnésaios

Nicagoras I

Minucianus II Nicagoras II fille oo Himérius Rufin

fille

Avocat, Minucianus fer (Souda, M 1087, s.v. Mivouxlavós) avait rédigé des Nóyou diápopor. C' est ce qui avait permis à Himérius de soutenir que sa voix avait souvent permis des libérations (Or. 7 , 4 , voir Schissel 57, p . 364). Tout en donnant des éléments biogra

phiques propres à Minucianus II, l'article de la Souda luiprête la rédaction d 'æuvres qui sorti rent de la plume de son bisaïeul : une téyin önroplyn en deux livres, des commentaires à

Démosthène (le fait ressort d'Hermogène, Des formes, p . 267, 3 sq., avec les scholies de Jean Doxopatros VI 111, 15 - 17 Walz , et Syrianos I 13 , 1 - 10 Rabe ; Hermogène, o.l., 384, 4 , avec

Jean Doxopatros VI435 , 17 - 19 Walz, voir 58 St. Glöckner, Quaestiones rhetoricae. Historiae artis rhetoricae qualis fuerit aevo imperatorio capita selecta , Breslau 1901, p . 25 ; Schissel

57, p. 366) et des Progymnasmata (Souda, M 590, s.v.Mévav poc) expliqués par Ménandre de Laodicée du Lycos. Une querelle d 'école l'opposa à Hermogène. Ses progymnasmata se présentaient armés de tous les outils de la logique (Schissel 57, p . 366 ). La téyun fut attaquée par Hermogène et défendue par Porphyre. Le travail de ce dernier fut vraisemblablement exé cuté avant 262/3 , durant son séjour à Athènes, à un moment où il suivait les cours de Longin , qui fut probablement un élève de Minucianus (Bidez 25 , p . 30 ; Schissel 57, p . 365). Mnésaios

est donné comme orateur par la Souda (N 373, s.v . Nixayópac ). Nicagoras ſer adressa un Ilocobavtixóc à Philippe l'Arabe (Souda N 373, s.v. Nixayopac) ; il écrivit comme Plu

targue des Vies des hommes illustres et un Περί Κλεοπάτρας της εν Τρωάδι. Lie d'amitie avec Longin, il fut invité par lui à un banquet pour l'anniversaire de Platon (Eusébe, Prépara

tion évangélique X 3, 9- 11 ; Schissel57, p. 367 -368 ).Même s'il n 'est pas donné explicitement comme platonicien , la présence d 'un représentant d 'une famille fière de remonter à Plutarque suffisait à donner à Nicagoras ſer la couleur idéologique idoine (Schissel 57, p . 364 ; 368). On

s'explique donc bien qu 'en Or. 7 , 4, Himérius rapproche le meilleur orateur de la lignée ,

Minucianus ler, du plus grand philosophe, Nicagoras Jer. Dans le chef du collaborateur de la Souda, la confusion de Minucianus (er avec son arrière-petit- fils et homonymeMinucianus II

se conçoit aisément. Lui aussi avait composé des ouvrages de rhétorique, dont nous avons conservé un lepi étriyelpnuárwv (Hammer, dans Rhetores graeci I, p. 340- 351 Spengel). La présentation des arguments repose sur les définitions et la division , bref, on retrouve ici le type d'armature aristotélico - platonicienne mis en æuvre par Minucianus (er (Schissel 57, p. 369).

Une des constantes de la famille fut l'attachement aux cultes traditionnels,notamment aux mystères d 'Eleusis. Nicagoras Jer (Marcos lounios) occupa le grade de hiérokéryce, le troi

sième de la hiérarchie (Philostrate, Vie des sophistes II 33, 4 ; IG 112 3814 (Éleusis]). Son fils, Minucianus II, fut le dédicant de deux statues en l'honneur du proconsul Claudios Illyrios ; les

bases inscrites furent trouvées sur l'Acropole (IG 112 3689 -3690 ). D 'après 59 Simone Follet,

Athènes au 11e et au IIIe siècle. Études chronologiques et prosopographiques, Paris 1976 , p. 142-143, la dédicace daterait de la période entre le 10 et le 31 décembre 265. Nicagoras II

HIMÉRIUS DE PROUSIAS H 136 722 (PLRE Nicagoras 1 ), qui fut dadouque, soit le deuxième grade de la hiérarchie, des mystères d 'Éleusis, se rendit, sous Constantin Jer, dans les Syringes, en d'autres termes, les tombes des pharaons thébains, comme nous l'apprennent deux graffiti exhumés dans la tombe du Pharaon Ramsès VI (Dittenberger, OGIS 720 -721) et datés de 326 . De rédaction maladroite, le premier

graffito mentionne Platon , qui serait venu sur les lieux longtemps avant le visiteur athénien . Boniment du cicerone, qui avait sans doute prêté sa plume et son style . Sur la paroi opposée figurait un texte tout semblable, mais d'une élégance plus sobre, sans doute de la main de l'Athénien. Le caractère officiel de la visite ne saurait guère faire de doute : on peut lire aussi

dans le voisinage de l'inscription le nom de personnages en fonction, sans compter celui d 'autres revendiquant le patronage platonicien (Baillet 52, p . 287 ; 290 -295 ; Schissel 57 , p. 370). L 'appartenance de Nicagoras II à l' école platonicienne n 'est donc point douteuse. On s'est efforcé d 'expliquer le voyage. Baillet 52 (p . 286 -289) y voyait les suites d 'une mission

d' inspection et d 'enquête sur l' état des temples ou la désaffection des esprits. Pour 60 G . Fowden, « Nicagoras of Athens and the Lateran Obelisk » , JHS 107 , 1987, p. 51-57, le voyage s'inscrivait dans le cadre du projet, non réalisé, de Constantin d 'offrir, pour ses Vicennalia, en 327 , à sa nouvelle capitale, l'obélisque dit “ du Latran ” (il se dresse, depuis Sixte V , en 1588, Place Saint-Jean -de -Latran ). L 'æuvre d 'art eut bien la destination prévue, mais en 357, à Rome l'Ancienne, grâce à Constance II. Le discours 8, 21 mentionne en outre Musonius

comme olhoooootepov. Il s 'agit de C . M . Rufus Musonius, le philosophe stoïcien , maître

d'Épictète et de Dion de Pruse . Tout souvenir du personnage n'était pas perdu à l'époque de Julien , qui le cite, en le comparant à Socrate (Lettres, 30 ; voir aussi Souda M 1305, s.v. Movo ÁviOS, avec une erreur de texte : Bápwv pour [ vápwv, voir aussi B 114 s.v . Bápeus ),

pourmontrer combien il avait pris à cæur les intérêts des gens de l'île de Gyare où il avait été exilé sous Néron en 65 -66 . Voir, à ce propos, 61 J. Bouffartigue, L 'Empereur Julien et la culture de son temps, Paris 1992 , p . 94 ; on trouve plusieurs allusions au personnage chez

Thémistius, à propos de l'exil sous Néron [6 (Oládendol ñ nepi Olhadenoías), 107

Schenkl-Downey ; 7 (ſlepi tõv ňtuxnxótwv éni Oủárevtoc), 141; 34 (Ilepi tñs åpxñs), 223 Schenkl-Downey-Norman) et de son retour en faveur sous Titus (13 ('Epwtixòç ñ nepi xárlous Baolixoũ ), 248 Schenkl-Downey).

Sous le nom de Sopatros court un traité intitulé Division des recherches

(Alaipeous Sntnuárwv) qui contient des exemples, avec indications pédago giques, de 81 thèmes de déclamation arrangés par stasis. Or, l'auteur se donne pour un étudiant du sophiste Himérius (62 Ch . Walz, Rhetores graeci, VIII,

p. 318, 29). Dans un autre traité, les Prolégomènes à Aristide (III, p. 757, 24-27 Dinforf), l'auteur affirme qu 'il transmet l'enseignement de ses maîtres d' Athènes et le fruit de ses lectures et recherches en commun avec d'autres. La terminolo gie utilisée n 'est pas exactement celle d'Hermogène, dont le nom n 'apparaît pas dans la collection de traités. Il est assez probable que le tout résulte de l'activité

d'un rhéteur de la fin du IVe s. travaillanten milieu néo -platonicien . Peut-être le

personnage est-il le petit-fils du philosophe Sopatros, non dépourvu d' éloquence lui-même, quidétint un poste à la cour de Constantin Ier avant d' être mis à mort.

Voir Kennedy 30, p. 104- 105. Dans ce cas, on comprendrait la vigueur avec laquelle Himérius souligne les attaches platoniciennes de la famille de sa femme.

Toutefois, le faisceau de données mériterait d'être enrichi. Dans l’Anthologie de Stobée (IV 5,51 -60, 1) est conservée une série d'extraits de Sopatros a son frère Hémérios ( Ημερίω) sur le theme πώς δεί πράττειν την εγκεχειρισμένην αυτό nyeuoviav. On a corrigé à juste titre (Schmid -Stählin 27, II 2 , p . 890 n . 2 ) en luepiw .

L 'échange eut lieu entre les deux fils de Sopatros,Sopatros 2, un philosophe du milieu du Ive S., et Himérius 3 (voir PLRE I, p. 846 ).

Malheureusement, on ne peut dater le mariage d'Himérius avec précision .

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HIMÉRIUS DE PROUSIAS

723

Il aurait eu un fils appelé Jamblique, d 'après Colonna 1, p. L , qui cite Libanjos (Lettres, 571 Förster) comme testimonium III b. Il s'agit en réalité de Jamblique 2 , originaire d 'Apamée (PLRE I lamblichus 2 ), fils d 'un autre Himérius, haut fonctionnaire (PLRE I Himerius 3 ).

Son fils Rufin lui avait donné de grandes espérances. Né à Athènes (Or. 7, 3 ;

entre 341-346 , selon Schenkl 9 , col. 1623 ; dans le discours, le père plaidait pour la naturalisation de son fils ; lui-même avait déjà obtenu la sienne), Rufin était mort à l'adolescence (Or. 8 , 21, entre 357 et 362, d 'après Schenkl 9 ). Il venait de

prononcer son premier discours public (8 , 4 ). Le père avait déjà atteint son rñpaç. Par suite, son mariage doit dater luiaussi du début des années 340.

Tout autre est le systèmede Barnes 20, p . 222-223, d 'après qui la nouvelle du malheur pourrait avoir touché le père durant la période où il s'efforçait de rejoindre Julien, par exemple en mai 362. Le fleuveMélas (Or. 8, 22) serait donc cappadocien. Le mariage d 'Himérius aurait seulement été célébré durant les années 350. Subrepticement, il donne un coup de pouce aux données généalo giques en faisant de l'épouse d'Himérius la petite - fille de Nicagoras II, et non sa

fille, comme dans le tableau de Schissel 57, p . 371 (cité cependant p . 222 n . 74).

Himérius avait eu aussi une fille (Or. 8, 12: voir infra ). 3. La carrière Il fit une carrière de sophiste à Athènes, interrompue, il est vrai, parmaints

voyages sur lesquels nous renseignent les fragments de ses discours: à Corinthe (Or. 11 ; 30, 75, mais l' époque est impossible à préciser) ; à Nicomédie (53) et à

Sparte (72). L ' article de la Souda souligne (åvtitaidetoaç Ipoatpeoiw év 'AOńvais) que Prohérésius et lui étaient rivaux à Athènes. Le tournantde sa vie

fut l'avènement de Julien l’Apostat. D ' après Photius (cod. 165, II, p. 140, 2 -3), “ le sommet de sa carrière se situe sous Constance et sous l'impie des impies,

Julien ” . Indication désespérément vague, car elle couvre une période allant de 337 à 363. En fait, on chercherait en vain dans la longue énumération de Photius le titre d 'une æuvre adressée à Constance II, encore que ne manquèrent pas les

discours prononcés en l'honneur de dignitaires du régime. Les règles propres à la rhétorique rendent l'identification et la datation des événements difficiles. (63 J .

Schamp, Photios historien des lettres. La Bibliothèque et ses notices biogra phiques, Paris 1987, p . 202-203) . a. Sous Constantin ( ?) Il est malaisé de situer avec précision le proconsulat de Basilius, fils d 'un consul païen et d 'origine occidentale (Or. 46, 8). Barnes 20, p . 217-218 , a tenté

d 'apporter des précisions. Il distingue quatre personnages qu 'il essaye de situer

les unspar rapport aux autres. On connaît en effet notammentun ValeriusMaxi mus signo Basilius qui fut praefectus Urbi entre 319 et 323 (Jones 12 , s.v.

Maximus 48, p. 590) et Valerius Maximus, qui fut consul en 327 puis préfet du prétoire entre 327 et 337 ( Jones 12, s.v .Maximus 49, p . 590). Le premier pour

rait être un parent du second, “possibly father or uncle” . L 'adresse de Or. 46, 8 plaide dans ce sens ( natpós Únátov Báornua ). Au contraire, selon Barnes 20, p . 217, qui ne fournit aucun argument ni référence, le texte pourrait être

interprété comme suggérant l'identification du praefectus Urbi de 319-323 avec

724

HIMÉRIUS DE PROUSIAS

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le consul de 327, là où la PLRE distingue deux fonctionnaires. A ses yeux, le personnage visé par Himérius serait PLRE Basilius 3 , le petit-fils de PLRE Maximus 48. Préfet de la ville de Rome en mars 395 (CTH VII 24, 1) , il serait le fils de PLRE Maximus 17, préfet de la ville de Rome sous Julien en 361- 362. Par suite , le Basilius d 'Himérius aurait occupé le proconsulat dans les années 370 .

La supposition ne tient qu'au prix d'une correction en Or. 46, 8, où únápxou prendrait la place d 'únátov. L 'exposé repose sur une argumentation si elliptique qu 'elle n 'emporte pas la conviction. Rien n ' empêche de supposer que le person nage d'Himérius soit Maximus 49, fils de Maximus 48. Or. 46 , 11 donne à sup

poser qu’Himérius parla en Achaïe , ce qui pourrait désigner Corinthe. Le fait qu 'Himérius ne put entrer en lice qu 'après tous les autres sophistes appelés à participer au concours dont le sujet avait été proposé par le proconsul tend à

montrer qu'il était tout jeune et avait encore à se faire un nom en Achaïe. Selon Schenkl 9 , col. 1624 , Or. 46 serait au nombre des derniers discours. L ' Or. 38 , adressé au proconsul (d 'Achaïe ) Cerbonius, fait allusion à l'activité de construc

teur de ce dernier (1-2), qui rend à Athènes le même service qu 'Apollon faisant sortir Délos des ondes ; voir Frantz 53, p . 20 -24 ; 64 E . Sironen, « Life and Ad ministration of Late Roman Attica in the Light of Public Inscriptions » , dans

Paavo Castrén (édit.), Post-Herulian Athens, coll. « Papers and Monographs of the Finnish Institute at Athens » 1, Helsinki 1994, p . 37 et p . 45 n. 166 . Plus pré cisément, ce fut lui qui rétablit le service des eaux, car désormais les nymphes jouent de nouveau dans les rues ($ 9, p. 158, 80 -82, cf. Frantz 53, p. 21). Selon Jones 12, s. v. Cervonius, il était en exercice avant Scylacius. On considère que Cerbonius avait exercé sa fonction au cours de la seconde partie du règne de Constantin (Frantz 53, p. 20, qui cite Groag 54, p. 27 -28). Toutefois, Barnes 20 , p . 216 , fixe son proconsulat d 'Achaïe en 353/4 “ on the chronology argued here for Himerius' career” , sans autre justification , non plus qu'à la p . 324. L 'inscrip

tion de Thespies SEG XV 323, datée par l'éditeur " ca 325:337 ?” , le donne comme proconsul. Il n ' y a pas de relation chronologique clairement décelable entre les deux faits . D 'après le titulus qui se lit dans les manuscrits, cette rahlá

fut la première à avoir été prononcée par Himérius à Athènes év TV Apaltwpiw .

b. Sous Constance Or. 33 fut prononcé devant Phoibos, le fils du proconsul Alexandre (PLRE I Alexander 3), qui fut en charge à Constantinople en 342. Obligé de quitter la

capitale à la suite d ' émeutes (Libanius, Or. 1 (Autobiographie ), 44 -45), provo

quées surtout pardes rivalités entre évêques chrétiens: 65 P. Petit dans J.Martin et P. Petit (édit.), Libanios. Discours 1 (Autobiographie), CUF, Paris 1979,

p. 217 (n . complémentaire au § 44)], Alexandre trouva refuge à Périnthe; à peine revenu pourmettre de l' ordre , il fut, en une nuit, remplacé par Liménius (PLRE I

Limenius 2 ), qui força Libanios à quitter la cité, quelques mois plus tard. La titu lature définit l'occasion du discours : après un premier cycle d'études à Corinthe,

le jeune homme avait continué à étudier sous la direction d'Himérius (aúto

napà toŨ natpos metà tà év Kopívow Oldaoxadema). Les fragments laissent entrevoir une métaphore filée où l'on décèle les équivalences suivantes: Évago

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725 ras = Alexandre 3 ; Nicoclès = Phoibos; Isocrate = Himérius. Par suite , le HIMÉRIUS DE PROUSIAS

discours aurait été prononcé vers 342. Le début du discours mentionne un

sophiste demoindre renom : celui dont Phoebus avait suivi les leçons à Corinthe avant de se rendre à Athènes auprès d 'Himérius. La comparaison montre ce der nier déjà bien en place à ce moment, à la tête d 'une école en pleine gloire . Natu rellement, les mots peuvent avoir eu aussi une portée publicitaire. Himérius se

serait rendu à Constantinople pour la circonstance, selon Barnes 20, p . 214 . C 'est reconnaître qu 'Himérius officiait déjà alors à Athènes, contrairement à ce qu 'af firme Barnes 20, p. 224. Le n° 32 est adressé eic 'AvatórLOV Ünapxov, c'est-à

dire à un préfet du prétoire, conformément au sens usuel du vocable unapxoc. Barnes renvoie à l'article de 66 A . F . Norman , « The Illyrian Prefecture of Ana

tolius», RHM 100, 1957, p. 253-259, qui souligne la nécessité de distinguer deux homonymes de Béryte , Anatolius , qui visita Athènes peu après 343 en qualité de

préfet du prétoire d 'Illyricum , et un autre , qui exerça lesmêmes fonctions de 357 à 360 (année de sa mort). Le nom est d ' ailleurs relativement fréquent. La vue traditionnelle consiste à identifier les deux hauts fonctionnaires, comme le fait

encore Jones 12 , s.v. Anatolius 3, p. 59 ; voir Norman 66, p. 253, pour la présen tation du problème. Il reste que 67 V . Neri, « Le prefetture del pretorio nel perio do 346-350 d . C . » , RSA 4 , 1974, p . 91-99, a essayé de ruiner l'argumentation de Norman en faisant valoir des rapprochements entre les données offertes par

Eunape pour l'Anatolius préfet sous Constant et celles qui se trouvent dans les lettres de Libanius pour l'Anatolius des années 357 -360 . Contrairement à ce

qu 'il affirme, l'indication chronologique d'Eunape n 'a rien d'approximatif, car les événements sont étroitement liés. Après le concours ridicule, ce fut à Anato

lius que s'adressa Prohérésius pour obtenir l'exécution de la faveur promise par Constant (Eunape X 7 , 6 Giangrande), à savoir le droit pour Athènes de prélever l'impôt sur plusieurs îles afin de soulager ses finances. On imagine mal que l'orateur ait attendu dix ans pour faire monnayer ses talents au bénéfice de sa cité. Cela n 'empêche pas Barnes 20 , p . 216 , de conclure , sans argumenter, que le personnage d 'Himérius est celui qui exerça ses fonctions de 357 à 360 . Eunape ( X 6 , 6 ) mentionne explicitement la présence d'Himérius et sa participation au concours gagné par Prohérésius (6 , 10). Or, les faits se déroulèrent peu après que

Prohérésius eut remporté des succès fracassants à la cour de Constant à Trèves,

soit en 343 ou plutôt peu après (Eunape X 7 , 1). D 'autre part, on peut esquisser les débuts de la carrière d' Anatolius. Il fut vicaire d 'Asie (CTh XI 30 , 19 ; XII 1,

28 ) en 339 avant d 'arriver à la préfecture, mentionnée par des textes législatifs

de 346 (CTh XII 1 , 38) et de 349 (CTh XII 1 , 39); pour des raisons qu'il expose

p. 258-259, Norman 66 , p. 253, indique que cette dernière date est “ notoriously doubtful of acceptance” . Si, commele suggère Norman 66, p. 258, le séjour de Prohérésius à l'Ouest eut pour motif le panégyrique de Constant pour l'expédi tion en Bretagne, il ne peut guère avoir eu lieu qu 'au printemps 344. Vinrent ensuite le voyage à Rome et le retour à Athènes: on peut donc fixer raisonna blement le passage d ' Anatolius à Athènes en 345 au plus tard. Que le discours 32 ait été prononcé dans la circonstance n 'est pas douteux. Païen dévot, juriste

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HIMÉRIUS DE PROUSIAS

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expert et fin lettré, Anatolius avait aussi, semble-t-il, l'esprit sarcastique. Le sujet qu 'il avait mis au concours avait été choisi de façon à tourner en ridicule la gent universitaire d 'Athènes (Eunape X 6 , 5 ; 10) : seul Prohérésius réussit à tirer

honorablement son épingle du jeu . Un passage du discours (3) paraît faire allu sion aux modalités d'organisation : Il y eut une chasse à notre art (menée par) le

grand préfet (Ońpa yéyove tñs nuetépaç téxins ópéyaç únapxos). Invité par le gouverneur Pompeianus (gouverneur de Bithynie entre 343/348, voir PLRE I, s.v. Pompeianus 2), Himérius y avait livré une joute oratoire contre

Libanios (voir Lettres 742, 1 Foerster et Déclamation 46, intitulée oxbuua ô IouiniavÒç npoubarev, d'après Colonna 1, p. XLIX n.). L 'événement eut lieu durant le séjour de ce dernier à Nicomédie (de 344 à 349, voir Petit 65, p. 8 -9, et le § 51 de l’Autobiographie). Apparemment, Pompeianus avait tourné en déri sion “ l'homme d' Athènes, en vêtements resplendissants ” . Bien que son nom ne fût pas prononcé dans la lettre de Libanius, il s 'agirait bien d 'Himérius (Schmid

Stählin 27, p . 812). L 'identification est donnée formellement par Wernsdorf 2 , p. XLV ; Petit de Julleville 35 , p. 70 ; Seeck 56 , p . 242 ; Schemmel 34 , p . 498 ;

Schenkl 9, col. 1623 ; 67 R. Förster et K . Münscher, art. « Libanios», RE XII 2, 1925, col. 2490 ; Barnes 20, p. 212,mais, après réflexion , rejetée comme mal assurée par Schenkl 10 , col. 1152 ; 11, p. 39-40. La difficulté viendrait d'une ap parente contradiction. La lettre 742 , 1, adressée en 362 à Celsus (BC 72), un de

ses anciens étudiants de Nicomédie, où Libanius adopte un ton sarcastique, ne permettrait pas de croire que durant l'hiver 355 /6 il envoie à Gorgonios, asses seur du gouverneur d'Arménie , une lettre de recommandation en faveur d 'Hi mérius (Lettre 469). Par suite , les relations entre Himérius et Libanius auraient

connu des alternances difficilement explicables. L'argument ne tient pas. On n 'écrit pas à un ancien élève avec qui on évoque de bons souvenirs communs sur le ton donton use pour une lettre, presque officielle , de recommandation . D 'ail leurs , pour justifier son appel à l'aide, Libanius fait appel à la solidarité indis pensable entre païens. Qu 'il y ait eu rivalité ou non , l'intérêt supérieur réclamait l' oubli des sentiments étroitement personnels. Le voyage aurait donc eu lieu

avant le changement de gouverneur en Bithynie , soit au plus tard avant la fin de 348. Libanios confesse d 'ailleurs qu 'il était plus riche de loisirs à consacrer à l' éloquence que d'argent. Voilà qui encouragerait encore à remonter plus haut la date de l'événement. Gärtner 13, col. 1149, donne la date de " gegen 350” .

Scylacius, proconsul d'Achaïe, à qui est adressé le discours n° 25, fut vicaire

d 'Asie, après un poste à la cour impossible à préciser (25, 32-33). Publiée par 68 L . Robert (dans J. des Gagnières, P. Devambez, Lilly Kahil et R . Ginouvès, Laodicée du Lycos. Le nymphée. Campagnes 1961- 1963, Québec/Paris 1969, p. 339 -351), une épigramme de Laodicée rappelle l'activité de constructeur qui avait été la sienne à Milet. Les p. 346 - 351 offrent une excellente élucidation de Or. 25, 72- 94. Himérius fait allusion à ses exploits en Ionie (li. 33-34 ), contre les pirates pisidiens (li.67-68 ; 95 -99) et dans la région proche du Méandre (li. 73

79). Or, une loi du 24 février 343 est adressée à Scylacius, pp. Cyzico (CTh XI

30, 22). Ce dernier avait donc occupé plus tard son poste à Athènes, et le

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discours date de cette époque, voir Barnes 20 , p. 215 . Toutefois, comme

Constantcontinua à porter la responsabilité de l'Achaře jusqu'à sa mort en 350, il est peu probable que le proconsulat d ' Achaïe de Scylacius puisse être situé

avant cette date : Groag 54, p. 34 ;Robert68, p. 345 ; Barnes 20, p. 215.

Or.62 a été prononcé à Constantinople, en l'honneur d 'un personnage dont le nom évoquait celui des Muses, c'est-à-dire Flavius Strategius Musonianus (Strategius Musonianus PLREI - à moins que ce ne soit Musonius 1). Il était

alors proconsulde Constantinople (Or. 52, 6 ). Le discours a donc été prononcé avant 353, année durant laquelle il devint proconsul d'Achaïe (PLRE I Strategius Musonianus).

Au temps de leur jeunesse , vers 355, Basile de Césarée et Grégoire de Nazianze avaient fréquenté Himérius (Socrate IV 26 ; Sozomène VI 17). 69 J. Bernardi, « Un regard sur la vie étudiante à Athènes au milieu du IVe s. après J.

C . », REG 103, 1990, p . 80 -94, voit dans le premier étudiant cappadocien du discours 18 le futur Basile le Grand. Pour affirmer que Basile et Grégoire de Nazianze avaient subi l'influence d'Himérius, il se fonde sur des récurrences verbales indiquées dans 70 J. Bernardi (édit.), Grégoire de Nazianze. Discours 42-43. Introduction , texte critique, traduction et notes par J. B ., SC 384, Paris 1992, p. 38- 39. Par suite , Or. 18 (Bernardi 70, p. 40 ) aurait été prononcé en 358 à l'occasion du départ de Basile .

Les nº 29, 31 et 50 mettent en cause, à différents titres, la personne d'Ampé lius. Celui-ci est bien connu pour avoir été proconsul d'Achaïe en 359 -360

(Barnes 20 , p. 215). Son activité de constructeur est attestée par plusieurs inscriptions, reproduites par Groag 54, p . 42. L 'une a trait à la restauration de monuments du sanctuaire d ' Amyclées non loin de Sparte ( IG V 1, 455, voir

aussi 71 A . M . Woodward , « Sparta. The Inscriptions» ,ABSA, 26 , 1923-1925, p . 229). On peut se demander s'il n 'y a pas lieu d ' en rapprocher le n° 72 . La description de Photius indique qu 'Himérius s'était décidé au voyage après un songe qui lui avait enjoint d'aller prier le dieu d'Amyclées. Ce rêve pourrait avoir été une présentation rhétorique propre à louer l'action du fonctionnaire. Dans ce cas, il faudrait situer le discours durant ces années 359 - 360. Le n° 50 donne le titre d'Ampelius, à la différence du n° 31, 11 qui fait explicitement référence aux constructions de Sparte. Les discours 31, 50 et 72 pourraient donc avoir été prononcés durant les mêmes mois, comme le n° 29, adressé au Romain

Privatus, précepteurdu fils d'Ampelius, désigné cette fois encore avec son titre . Il n 'est pas impossible qu 'Himérius ait pris alors une sorte de retraite : c'est ce que donnent à entendre les premières lignes conservées du n° 20 (1, 1-3), adressé à Musonius, proconsul d'Achaïe (Musonius 1 PLRE I). Malheureusement, entre le proconsulat de Strategius Musonianus en 353 et la seule apparition de Muso nius en 362, en plein règne de Julien , comme ancien proconsul, il subsiste un

gros trou dans notre documentation. Il faut tenir compte encore du fait que le même fut aussi Magister officiorum en 356 /7. Il ne reste donc que le créneau chronologique des années 357/8 - 361/2 . Est-ce le moment où Himérius perdit son fils Rufin ? Il était alors loin d 'Athènes, où il avait abandonné sa chaire. Je ne

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crois pas qu'il soit possible d' être beaucoup plus précis. Dans le Mélas, sur les

bords duquel il séjournait quand il apprit le décès de son fils (Or. 8, 22), Schenkl 9, col. 1624, voit le fleuve qui arrose Orchomène de Béotie : car c 'est là, dans une des propriétés apportées en dot par sa femme, une descendante de Plutarque

de Chéronée, qu'il avait fait bâtir thermes et maisons pour Rufin (8, 3). Schemmel 34 , p.499 , y voyait le Mélas sur lequel se trouvait Césarée de Cappa doce. La supposition de Schenkl est plus vraisemblable .Wernsdorf 2, p. L, a ras semblé quantité de passages d 'où il ressortirait qu'Himérius s 'était plaint des at taques adressées à son enseignement: Or. 38, 4 -7 (Socrate contre les sophistes Calliclès et Thrasymaque) ; 45 , 4 (Dionysos enfant en butte à la haine des Titans) ; 69 ( sans doute à la suite d'un bizutage ou d 'une échauffourée entre étudiants qui avait mal tourné) ; 46 , 6 (malheurs d 'Orphée chez les Lébèthres et d'Ésope chez les Delphiens). Les deux premiers exemples sont donnés comme des Oinynuata de façon attique ; le dernier tient, à mon sens, au dispositif du

concours où Himérius fut amené à parler en dernier lieu . Il n 'y a pas là matière à expliquer un renoncement d 'Himérius à la fin des années 350, qu'un deuil expli querait plus aisément. c. Sous Julien

La place du n° 51 suggère qu'il fut prononcé avant le départ pour l'Orient (Schenkl 9 , col. 1624 ). Vettius Agorius Praetextatus fut proconsul d ’Achaïe de 362 à 364 (PLRE I), voire 365 (Barnes 20 , p. 220 ); sur la carrière de Praetex tatus, la meilleure étude reste celle de 72 O . Seeck , Q . Aurelii Symmachi quae supersunt, Berlin 1883 (réimpr. 1961), dans M . G . H . Auctores antiquissimi VI 1, p . LXIII-XC ; le titre est indiqué p . LXXXVII n . 399. Venu à Athènes en 362/3 ,

Eunape (XIV 1, 1) n 'y rencontra point Himérius, qui avait obéi à l'appel de Julien l’Apostat, dont il espérait un retour en grâce à cause de son hostilité vis-à vis de Prohérésius. Le voyage vers l'Orient lui fournit l'occasion de nouveaux discours , Or. 52 , pour lequel la notice de Photius (cod. 165, II, p. 139, 5-6 ) donne clairement à entendre qu'il s'agissait du départ de l'orateur; 39 (à Thessa lonique), 40 (à Philippes), 41 (à Constantinople , où il venait, juste avant la céré monie, d'être initié au culte de Mithra ). Le titre du discours 39 dans les manuscrits indique les fonctionnaires présents: outre Julien , Himérius avait devant lui le vicaire Musonius, ancien sophiste, Calliopius, le consularis de Macédoine et le préfet d'Achaïe Musonius. L 'importance du deuxième est confirmée par une inscription relative à la dédicace d'un autel à Thessalonique

(73 D . Feissel, « Recueil des inscriptions chrétiennes deMacédoine du IIIe au vie

siècle » , BCH Suppl. 8 , Paris 1983, n° 86 bis, p . 247). Après le voyage de sa jeu nesse, où Himérius avait montré une éloquence encore verte , il avait désormais

les cheveux blancs (Or.41, 2). Himérius n 'eut apparemment pas le succès escompté. Toujours est-il qu'il demeura longtemps absent d 'Athènes, réfugié on ne sait où . Il n 'y revint qu 'après la mort de Prohérésius, en 369. Barnes 20 , p. 222 -223, fait voyager Himérius en compagnie de Julien. LeMélas aurait été la rivière qui coule non loin de Césarée en Cappadoce, où , au cours de l'expédition ,

au début de l' été 362, il aurait été cruellement frappé par la nouvelle de la mort

H 136

HIMÉRIUS DE PROUSIAS

729

de son fils. Voyagea-t-il en Égypte durant le séjour de l'empereur à Antioche ? C 'est ce que suppose Barnes 20 , p. 223, sur la base de rapprochements dont il reconnaît le caractère assez aventureux .

d. Après Julien

Les nº 9 et 24 roulent sur un certain Severus, dont Barnes 20, p. 212-213, a retracé la carrière avec brio . Gouverneur de Galatie puis consularis de Bithynie (Or. 24, 37), il fut ensuite comes de l'empereur (li. 32-33), avant de devenir pré fet du prétoire (li. 27 -29). Comme Himérius fait référence à la Bithynie , son poste ne devait pas être éloigné sur le plan géographique. Par rapport à la capi

tale, apparemment: autant suggérer la préfecture du Prétoire à Constantinople . Le premier porteur du titre, nomméle 11 décembre 359 (Chron. min . 1, p . 239 ; Jérôme, Chronique, 241 e Helm ; Socrate II 41, 1), s'appelait Honoratus. Or, les Fastes de la préfecture n 'ont pas de vide substantiel avant 366 . Par conséquent, le discours est postérieur à la préfecture de Severus, dont le titre n 'est pas indi qué, soit entre 366 et 372. On peut être un peu plus précis. Nous savons par Eunape (XIV 1, 1) qu ’Himérius ne revint pas à Athènes avant la mort de Prohé

résius. 74 R . Goulet, « Sur la chronologie de la vie et des æuvres d 'Eunape de Sardes» , JHS 100, 1980, p . 60-64 et p. 67-68, a montré que la mort de Prohéré sius a dû se produire en 369, au printemps ou au début de l' été. Pour la préfec ture en cause, il faut donc resserrer la fourchette chronologique aux années 369 372.

Le n° 12 est un discours d' adieu adressé à Flavianus, tout juste nommé pro consul d ' Asie . On connaît effectivement (Barnes 20 , p . 214 ) un Nicomachus

Flavianus (PLRE Nicomachus Flavianus 14 ), qui occupa ce poste en 383/4 (CTh VII 18, 8 ; IX 29, 2 ; XII 6 , 18 , avec Symmaque, Lettres II 24). Il s'agissait du gendre de l'orateur (pour un arbre généalogique, voir Seeck 72 , p. XL). Ce n ' était pas son premier commandement (Or. 12, 16 ): il avait été avant 382 consularis de Campanie . Ce qui est curieux , c'est qu'Himérius ait éprouvé le besoin de consacrer trois discours d 'adieu à Flavianus. Il faudrait imaginer alors trois départs, dont l'un pour gagner le poste de proconsul d 'Asie . Si l'identifica

tion de Barnes 20, p. 224 -225, est correcte, on devrait rapprocher le discours 12 d'un groupe de statues érigées à Gortyne entre 379 et 383 par le consularis de Crète , Oecumenius Dositheus Asclepiodotus. Toutes honorent des aristocrates romains dont les titres sont corrects pour 382 -383. Les dirigeants de Gortyne

ressentirent-ils alors le besoin du patronage de hauts fonctionnaires païens ? En 384, Cynégius, le préfet du Prétoire d'Orient, commençait une campagne de mise à sac de temples et de sanctuaires païens ; sur ce point, voir Zosime, Histoire nouvelle IV 37, 3, avec la note très détaillée de 75 Fr. Paschoud (édit.), Zosime. Histoire nouvelle, II, 2° partie (livre IV ), CUF, Paris 1979 , p . 424 -426 ; Jones 12 (s.v. Maternus Cynegius 12), p. 235-236 , et, très récemment, 76 F . R . Trombley, Hellenic Religion and Christianization c. 370 -529, t. I, Leiden 1993, p . 123 (destruction du temple de Zeus à Apamée), p . 145 -146 (du temple d 'Allat-Athéna à Palmyre).

HIMÉRIUS DE PROUSIAS

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On peut résumer le trop maigre bilan sous la forme d'un tableau : CONSTANTIN Or. 46

( ?)

Or. 38

(?) CONSTANCE

Or. 33

ca 342

Or. 32

ca 345 avant fin 348 après la mort de Constant (350)

à Nicomédie Or. 25

Or. 62 Or. 18 Or. 29, 31, 50

avant 353

Or. 72

peut- être 359/60 357/8 - 361/2

Or. 8

sans doute en 358 359/60

JULIEN

Or. 51, 52, 39 , 40, 41

avantl'été 362 APRÈS JULIEN

Or. 9,24

369-372

Or. 12

383 - 384

Himérius était propriétaire de biens considérables. Il énumère (Or. 8, 3) richesses, maisons et thermes ; certains se situaient en Arménie (Libanius, Let tres 469, 1) ; d'autres, non loin du fleuve Mélas, où il prétend avoir composé l'oraison funèbre de son fils (Or. 8, 22). En Or. 54, 1, Himérius proclame sa joie

de se retrouver à nouveau face à son Oéatpov. Wernsdorf 2 , p. XLVII et Schemmel 34, p.499, prennent le terme littéralementau sens d'auditorium . Dans ce cas, l'orateur aurait été en mesure de s'acheter ou de louer un édifice où il

aurait pu dispenser son enseignement. C 'est possible, encore que le mot puisse, depuis l'époque classique (LS) s.v. 2), revêtir le sens de Deataí, “ spectateurs " ou " auditeurs" , ce qui paraît plus vraisemblable. Libanius (Lettres 838, 10 ) fait encore allusion à Himérius, sans que l'on sache très bien de quoi il est question .

Voir la discussion de Colonna 1, p.LI, n. (test. IV ). Il mourut chez sa fille, fort âgé, atteint d'épilepsie (Eunape XIV 2 , 1) ou d 'une grave affection aux yeux ( impós tnv est impossible à déterminer .

LV : cécité ? Souda, l.l. ). La date

Himérius et la philosophie. Toutes les références sont commodément réu nies par Richtsteig 22. On distinguera trois parties : les discours relatifs à un philosophe ; les mentions destinées à soutenir une propagande et les allusions à

portée purement littéraire .

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HIMÉRIUS DE PROUSIAS

731

(a) Discours relatifs à un philosophe

Le discours 3 est dirigé Contre Épicure et il n'est connu que par un extrait de Photius. Himérius a imaginé qu 'on lui intentait un procès public . Rien de telne figure ailleurs dans la littérature grecque, au moins à cette date . Le seul rappro chement que l'on puisse établir,mais il se pourrait qu 'Himérius eût donné l'im

pulsion , est un cas de figure dans lequel Épicure était examiné pour son admis sibilité en qualité de Oqdoữxos lors des Mystères (Syrianus, Scholies à Hermo

gène, Sur les états de cause IV , p. 719 Walz). Il est évident que de tels procès imaginaires recouvrent des thèses philosophiques, comme l'indique, fort à pro

pos, Russell 28 , p. 107. Il n 'existe pas dans le texte de Photius de séparation entre Or. 3 et 4. Le titre de Or. 4 ou l'équivalent est fourni dans le cod. 165, II, p. 136, 22- 23 : ο δε κατά πλουσίου πένητος ανδρός οικίαν όλην μυσαρούς

zevúoavtos Opáuaoi. Or. 3, dont le titre complet était “ Épicure qui nie l'existence de la Providence est l'objet d'une accusation d 'impiété ” était une déclamation relevant du genre judiciaire. De la ripodewpía , une seule phrase est

conservée. Elle affirme que la philosophie peut être aussimatière à rhétorique. Les restes du discours conservé sont donnés comme tirés de l'exorde. La conjonction des atomes et du vide, comparée au chaos (14 ), conduit à la négation

de la Providence. Du reste , cette dernière ne répartit pas la justice selon les mérites (19). Ériger le plaisir en souverain bien équivaut à faire disparaître la vertu , les tribunaux, les jugements, les récompenses et les châtiments (4). Barnes 20, p. 224 n . 80, rapproche, ingénieusement, la critique d'Epicure pour son refus de la Providence des condamnations passées par Julien , par exemple dans la Lettre 89 (Au grand-prêtre Théodore, 301 c, p. 169 Bidez), écrite en janvier 363. Il s'agit d'un projet d'encyclique rappelant leurs devoirs aux prêtres du paga nisme. Le document prône l'interdiction des livres d 'Épicure et de Pyrrhon , encore que, ajoute

Julien, un sort favorable ait déjà fait disparaître la plupart d 'entre eux. On ne peut parler de condamnation formelle dans le discours 6 de Julien (Lettre à Thémistius), 2, 255 b : 5 , 259 b .

daté des semaines entre la mi-novembre et le 11 décembre 361 (77 G . Rochefort, L 'empereur Julien . Euvres complètes II. 1re partie , CUF, Paris 1963, p. 10 ). Or, Julien entretenait une cor respondance avec Thémistius depuis cinq ans aumoins (Rochefort 77, p . 3 ) : il n 'est donc pas

surprenant que le premier passage évoque les nodopíal de Thémistius contre Épicure . Par ail leurs, dans ses discours , Thémistius excluait Épicure des philosophes à lire, à deux reprises, 20

(Epitaphios), p . 7, 6 -11 et 26 (Apologie de l'éloquence), p. 139, 10 - 15 Schenkl-Downey Norman , où chaque fois apparaît le terme xatároyoç. Dans le premier cas, il est vrai, il s'agissait du message intellectuel de son père, Eugénius. Le discours 20 est de peu postérieur au début d 'octobre 355, date de la mort d 'Eugénius (78 W . Stegemann, art. « Themistios » 2, RE V 2, 1934, col. 1662) ; Or. 26 est de date incertaine, mais postérieur à la fin de 355 et à la désignation de Thémistius comme membre du sénat de Constantinople (Stegemann 78 , col.

1664). Certes, les épicuriens firent l'objet de poursuites avérées. Au lle s. av. J.- C ., Alc(a )ios et Philiscos furent expulsés de Rome sous le consulat de L . Postumius (Athénée XII 547 a ;

Élien , Histoires variées IX 12 ; Souda, E 2405 , s.v. 'Enixovpos ), voir Michèle Ducos, art. « Alc (a )ios » A 84 , DPha I, p . 99 - 100 ; ils subirent un traitement analogue chez les Messéniens

(Athénée, l.l. ; Élien, fr. 39 = Souda,l.l, beaucoup plus détaillé); chez les Lyktiens en Crète (Élien , I.I. = Souda, I. I., avec , d ' ailleurs, des prescriptions atroces). Rien n ' interdit, toutefois ,

de considérer que l'hostilité à Épicure était un trait caractéristique du platonisme à la fin du IVe s. Le problème n 'est pas abordé par 79 J. Ferguson, « Epicureanism under the Roman

732

HIMÉRIUS DE PROUSIAS

H 136

Empire » (revised and supplemented by J.P. Hershbell), ANRW II 36, 4, 1990 , p. 2318 . De façon générale, pour ce qui est de Thémistius et de Julien , les indications de cet auteur sont

peu intéressantes. Himérius n 'a pas droit à la moindre mention . C 'est en qualité de néo -plato nicien que, d 'après le discours 20 (p. 7, 10 ), Eugénius exclut Epicure du programme de lecture

de ses disciples: il lui verse du parfum sur la tête (uúpov xarà tñs xeparñs xataxéac). Tel est aussi - et la citation n 'est guère mentionnée que dans le livre de 80 Br. Colpi, Die Taldea des Themistios. Ein Beitrag zurGeschichte der Bildung im vierten Jahrhundert nach Christus, Berne/Francfort/New York Paris 1987, p. 87 (suite de la n . 133, p . 85 ) où elle ne fait l'objet

d'aucune exploitation – le traitement qu 'inflige Platon (République III, 398 a 7-8) à Homère en l' excluant de sa cité (uúpov xaTd tñs xeparñs xatayÉCVTEC ). Les rapprochements d 'Hi mérius avec les positions de Thémistius en la matière ne sont pas faits par Bouffartigue 61, p . 120 et 136 . On notera que , dans Or. 8 (Sur la mère des dieux), 162 a, Julien critique Epicure parce qu 'il n 'admet pas le principe premier : ce doit aussi avoir été la raison profonde de la damnatio prononcée par Eugénius. Le prince rejoint ainsi Himérius, mais la similitude entre les textes est trop ténue pour que l'on puisse établir entre eux une relation chronologique et

par conséquent des liens de dépendance. La date de 362/3 pour le discours 3 d'Himérius, pro posée par Barnes 20 , qui ne cite pas le discours 8 de Julien , seul texte à alléguer pour la cir

constance, est donc fragile . Pour la date de Julien, Or. 8, voir Rochefort 77, p. 102.

Pour illustrer l'idée que le sage renonce aux biens illusoires pour se consacrer à la recherche de la vertu , le discours introduit deux anecdotes relatives à Anaxagore et à Démocrite (18). Voir déjà Wernsdorf 2 , p . 85- 86 . Pour Anaxa gore, il s'agit d 'une variante de 59 A 13 D .-K . (non mentionnée ): " Anaxagore laissa toutes ses terres aux moutons; il enseignait par le fait même quel genre

d 'exploitation agricole convient aux sages”. Libanius utilise l'historiette à son tour, le 1er janvier 363 (pour la date, voir Schmid -Stählin 27, p. 802) :“mais (Julien),louant chez Anaxagore l'abandon de la terre paternelle sans l'avoir ensemencée et la préparation de son âme pour en tirer des revenus” (...). Il est ici question du

zèle déployé par l'empereur pour accumuler des livres : 12 (A l'empereur Julien ), 32 (variante non mentionnée ). On ajoutera le passage au dossier de la bibliothèque de Julien , dans 81 P . Lemerle , Le premier humanisme byzantin . Notes et remarques sur culture et enseignement à

Byzance des origines au Xe siècle, Paris 1971, p . 60-61, avec les références à Julien , Lettres 106 (A Porphyre directeur général des finances), 107 ( A Ecdicius, préfet d 'Egypte), qui rou lent sur la bibliothèque de Georges de Cappadoce, un de ses maîtres pour l'éducation chré

tienne, assassiné à Alexandrie le 24 décembre 361, Discours 2 (Eloge d 'Eusébie), 15. Le trait est assez répandu et a son origine chez Platon (Hippias majeur, 283 a 3-6 ), où il s'agit d 'un

gros héritage négligé par le philosophe. La phrase de Socrate est sarcastique (voir Diogène

Laërce II 6-7). Le trait figure aussi dans la bouche d'Apollonios de Tyane (Philostrate, Vie d 'Apollonius I 13), qui a laissé pratiquement tous les biens qui lui revenaient à son frère, un

individu peu recommandable, et à ses parents besogneux. Le philosophe justifie ainsi son geste : en laissant ses biens à des troupeaux de beufs et de moutons , Anaxagore de Clazo

mènes s'estmontré philosophe à l'endroit des animaux plus que des hommes. Pourtant, il est

fort probable que la source d 'Himérius soit Plutarque, chez qui l'anecdote figure deux fois (Périclès 16 , 7 : Anaxagore laissa toutes ses terres en friche et en pâture aux moutons ; Il ne

faut pas s'endetter 8 (= Mor. 831 f) : Anaxagore abandonna ses terres aux moutons). Lemot unióboroc d 'Himérius apparaissait déjà dans Maxime de Tyr (16 , 1 c), pour illustrer l' idée

que la vie contemplative l'emporte sur la vie pratique. La leçon finale est denotre orateur.

D 'après Himérius (= 68 A 25 D .-K .),“Démocrite restait volontiers malade de corps pour avoir la santé dans la meilleure partie de lui-même” . La traduction de 82 J.-P. Dumont (édit.), Les Présocratiques, Paris 1988 , p. 760 , procède d'une tentative pour situer le passage au sein d'une série de témoignages : “ Démocrite

rendit volontairement son corps malade (...)".

733 HIMÉRIUS DE PROUSIAS H 136 On peut distinguer trois types de données, selon qu 'elles visent la cécité, le suicide ou la maladie de Démocrite. Pour les premières, la source la plus ancienne (83 O . Ribbeck , Comico

rum Romanorum fragmenta ? , Leipzig 1873 (réimpr. Hildesheim 1962), p. 291 = Aulu-Gelle X 17 , 2 ) est un mime de Laberius ( 1er s. av. J.- C .), le Restio (Le Cordier). Démocrite aurait placé devant ses yeux un bouclier d 'argent face au soleil levant. Le fait est confirmé par Tertullien (Apologétique 46 , 11 = 68 A 26 ),mais nié par Plutarque (De la curiosité 12 (= Mor. 521 c-d )]. Cicéron évoque aussi (Tusculanes V 114 = 68 A 22) l' infirmité qui affligea le philosophe, mais la présente comme naturelle . Avant Homère, il allègue les précédents des philosophes Diodote le Stoïcien ( D111) et Asclépiade de Phlionte ( A 449) pour montrer que la cécité n ' empêche en rien , bien au contraire , la pratique de la philosophie. Un second courant se rap

porte à un suicide par privation de nourriture . Le texte de base est fourni par Lucrèce (III 1039 -1041 = 68 A 24 ), d 'après qui Démocrite " alla de lui-même au -devant de la mort pour lui offrir sa tête” . La décision du vieillard aurait eu pourmotif la diminution de ses facultés intel

lectuelles : pendant quatre jours, il se serait abstenu de nourriture, puis, vu la proximité des Thesmophories, aurait retardé quelque peu l'échéance fatale par des artifices (Anonyme de

Londres 37, 34 ; Caelius Aurelianus, Des maladies aiguës II 37 ; Athénée II, 46 e = 68 A 28 29). La maladie de Démocrite n 'est attestée que dans deux passages, dont le nôtre. Selon Marc-Aurèle (III 3, 5 = 68 A 30 ), qui compare son cas à celui de Socrate, il seraitmort de maladie pédiculaire. La confusion avec Phérécyde est patente (84 J. Schamp, « La mort en fleurs. Considérations sur la maladie “ pédiculaire" de Sylla » , AC 60, 1991, p . 155 ), et la phrase est interpolée (85 A . I. Trannoy [édit.),Marc-Aurèle. Pensées, CUF, Paris 1925, p. 20

n . 1). Du reste , il faudrait se demander pourquoiDémocrite aurait mérité d' être répertorié au nombre de ceux qui avaient attenté à la majesté divine. C 'est la justification seule qui permet de rapprocher la donnée d' Himérius de celles de Cicéron , de Plutarque et de Tertullien . D .

O 'Brien , art. « Démocrite » D 70,DPA II, p.677-680,n'accorde aucune place à ces passages dans la section IV Anecdotes biographiques.

(b) Mentions destinées à soutenir une propagande

(1) Or. 40 exalte le double avantage qui fut celuide la ville de Philippes: avoir hérité de la sagesse athénienne et de l'autorité de Philippe. Derrière ces mots, il faut déceler respectivement Himérius et Julien . Le précédent d 'Ulysse, orateur en Sicile et chez Alcinoos, forme la part de la poésie , avant d'introduire

l'exemple de Gorgias ( G 28) qui sert à illustrer une première partie du point initial (5 ). Himérius retrace donc l'itinéraire de ce dernier : de Sicile à Athènes,

puis en Béotie, à Platées, “avant de s'adresser à une antique cité” (npiv nóv αρχαίαν προσφθέγξασθαι). Lalocution revient plus haut deux fois a propos de la cité de Philippes (2). On est tenté de supposer un voyage de Gorgias à Philippes, ce qui n' est pas possible pour dans le temps et l'espace les pérégrinations de Gorgias dont on connaît les étapes suivantes: Athènes, Olympie , Delphes, la Thessalie avec Larissa en particulier. Les leçons dispensées à Proxène de Béotie (Xénophon, Anabase II 6 , 16 = 82 A 5) donnent à supposer queGorgias s'était quelque peu attardé dans la région. Il est impossible, évidemment, que Gorgias ait parlé

des raisons chronologiques (voir plus bas). Certes, il est impossible de dessiner avec précision

à Platées : la cité avait été rasée durant l' été de 427 (Thucydide III 68, 3, voir déjà Wernsdorf 2, p. 501).Mais le toponymePlatées peutavoir servi à désigner la Béotie dans son ensemble , par synecdoque. Que Philippes fût appelée un “ dème attique " ne doit pas surprendre, voir 86 P . Collart, Philippes ville de Macédoine depuis ses origines jusqu 'à la fin de la conquête romaine, Paris 1937, p . 313 (voir déjà p. 135 n . 1) . Daton en Thrace avait été fondée en 360/59 , au cours de son exil, par Callistratos d'Aphidna, fils de Callicratès, le célèbre orateur et homme politique admiré par Démosthène (Scylax 67, p. 54 Müller ; Zénobius IV 34, s.v. Oágos áraObv (CPG I, p. 94 )). Pour " avoir mal conseillé le peuple ", il avait été condamné à mort une première fois en 361 (Démosthène 50 (Contre Polyclès), 48 ; Hypéride 3 (Pour

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HIMÉRIUS DE PROUSIAS

H 136

Euxénippos), 1, p . 165 Colin ; Lycurgue 93) et il avait trouvé un salut provisoire en fuyant chez son beau -frère Timomachos qui commandait une flotte à Thasos. A son instigation , les

Thasiensmenèrent une expédition coloniale sur le continent, dont le résultat fut la fondation d 'une cité nommée tantôt Krénides, tantôt Daton (ou Datos, dans les textes : Collart 86 ,

p . 133-136 ). D 'après Hérodote (IX 75) cependant, ce fut à Daton que mourut au combat en 465 Sophanès en quête de mines d'or pour Athènes. En fait, le nom même recouvrait un site notablement plus vaste qu ' une simple cité, soit à peu près le district de Philippes à l'époque romaine , c ' est-à -dire un territoire qui renfermait des zones côtières etmontagneuses cachant des gisements d ' or (Collart 86 , p . 41-46 , où figurent dans les notes tous les textes anciens

disponibles ). Callistrate donna le nom de la région à la ville qu 'il créait, durant les derniers

mois du règne de Perdiccas, juste avant l'accession au trône de Philippe II, en 359. En 356 , Philippe avait soumis Amphipolis, quand les habitants de Daton firent appel à lui pour faire face à la menace des Thraces (Étienne de Byzance, s. v. Qalanol). L 'occupation permit l'arri vée de nouveaux colons : Philippe rebaptisa Daton en lui donnant son propre nom . Le fait est attesté par des historiens du IVe s., Éphore et Philochore (cités par Harpocration , s.v. Aarós ;

voir aussi Diodore de Sicile XVI 8, 6 ; Appien , Guerres civiles IV 105). Philippe trouvait ainsi le métal indispensable à sa politique d'expansion .

Parlant devant les notables qui l'accueillaient, Himérius ne pouvait risquer des assimilations erronées, Gorgias est ici un prête-nom flatteur autant pour l'hôte de Philippes que pour Himérius lui-même. Le rôle du philosophe sera tenu

par Aristote (* A 414 ) (6 - 7) à un triple titre , celui d 'éducateur, de héraut et d'admirateur. Il convenait d'ajouter au dessin des traits de couleur. C 'est le sens de l'épisode d'Hermias (» H 80 ) introduit ici par Himérius. Or. 40 , 6 est donné

comme fr.674 dans 87 V . Rose, Aristotelis qui ferebantur librorum fragmenta , Leipzig 1886 , à la suite de Diogène Laërce V 6 : « Devenu très proche du Stagi rite , Hermias, en raison de toute sa vertu , sut rendre, jusqu'au plus profond du cæur, le maître fou de sa personne. Des désirs qu 'il nourrissait pour lui, Aristote , comme on peut l'entendre dire , donna, parmi tous ceux que l'on peutmonter en

épingle , les indices suivants : il entraîna à fond son éloquence, lui inculqua la vertu et offrit à son lit de mort la parure de la seule élégie qu'il eût dédiée à ses proches ». Les images doucement érotiques parcourant le texte sont les échos assourdis d'une tradi tion défavorable aux protagonistes qui se lit chez Diogène Laërce ( V 3 ). Elle a sans doute pour

point de départ le traite 'Αρίστιππος < > περί παλαιάς τρυφής, qui prétait des relations pédérastiques à nombre de grands personnages comme Empédocle, Socrate, Xénophon , Pla ton , Théophraste et Aristote . Voir 88 A .- H . Chroust, « The Vita Aristotelis of Diogenes Laer

tius » , dans son recueil d 'études Aristotle . New light on his life and on some of his lost works,

I : Some novel interpretations of the man and his life, London 1973, p. 42. Si l'on comprend bien , le passage fait allusion à l' épigramme gravée sur la statue élevée en l'honneur d'Hermias à Delphes (voir Anth. Pal. III 48 ).

Himérius a tout à fait disparu comme témoin de la biographie d'Aristote dans 89 O . Gigon , Aristotelis opera, III : Librorum deperditorum fragmenta, Berlin 1987, p . 19-22, qui reproduit D .L . V 1- 35 comme T 1. La suite du discours (7

C .) constitue le fr. 675 de Rose 87, donné à la suite de D .L . V 7 : « Mais voici

encore une preuve non moins considérable de la sollicitude que lui montra le Stagirite . Il se trouva qu ’Alexandre l'appelait en Asie , afin qu 'il y fût à la fois le héraut et le témoin de ses victoires sur la Perse. Comme sa route l'avait mené à

Atarnée, voyant la petite cité tout altérée de vertu et de sagesse, il n'y passa point en gardant le silence,mais ce fut par un bref ouvrage qu 'il prit congé d 'elle ainsi

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que d'Hermias » . La tirade vise le célèbre hymne à la vertu , dont la nature était déjà discutée par les Anciens, péan ou scolion (voir Athénée XV ,696 a ). C 'est sans doute la ville elle -même qui est saluée à travers les derniers vers . Entre Aristote et Himérius, la similitude des situations est patente. Les deux para graphes forment le fr. 23 de 88 I. Düring, Aristotle in the Ancient Biographical

Tradition, Göteborg 1957, p. 282, qui y voit “ not so much a romanticising of history as sheer fiction ”. En fait, la version, légendaire (voir, par exemple, Vita Vulgata 23 et Vita Marciana 23 dans Düring 88, respectivement p. 135 et 100 ), du voyage d' Aristote pour rejoindre Alexandre a été amalgamée avec l'affaire de l'hymne, dont la date de composition , pour ne rien dire de l'authenticité, demeure ignorée.Modifiée de la sorte, l'historiette suggérait à l'hôte d'Himérius à Philippes de se voir sous les traits d'Hermias ; semblablement, Julien devenait ainsi un nouvel Alexandre, vainqueur des Perses (Wernsdorf 2, p. 506 ). La com paraison sert donc admirablement la propagande impériale . Il est intéressant de noter qu ’Himérius n 'utilise pas la tradition qui fait d 'Aristote le professeur d 'Alexandre.

(2) Or. 48 est consacré pour une bonne part à un éloge de la carrière d'Her mogène (2 - H 95). Les étapes caractéristiques de la vie de Platon ont servi à établir le schéma de cette partie : jeunesse vouée à diverses activités, conversion à la philosophie , voyages d'exploration et de vérification . Platon aussi s'était adonné à la lutte et aux exercices physiques (21), tradition qui remonte à Dicéarque (BD 98) : voir Apulée, De Platone eteius dogmate I 2, 184 ; Diogène

Laërce III 4 (avec mention du gymnaste Ariston d'Argos). Dans le même sens, Hermogène servit durant sa jeunesse , probablementsous Licinius (18 ); pour tout ceci, voir supra La vie de l'auteur, Chronologie. Auprès de lui, il joua un rôle analogue à celui de Pythagore au côté de Phalaris, soit Licinius le tyran . La rencontre entre Pythagore et Phalaris n'est narrée que dans de rares æuvres. Wernsdorf 2 , p. 642, donne d 'utiles données, où l'on corrigera toutefois la référence aux deux Phalaris de Lucien , où il n 'est pas question de la rencontre entre le tyran et le philosophe. En revanche, on la trouve dans le ps.- Phalaris (Lettres, 74 (à Orsilochos) , p . 428 Hercher ), qui fait allusion à un séjour de quatre mois . La lettre n° 23 ( p . 413 -414 Hercher) est une invitation pressante à

Pythagore, à qui il ne cèle rien de la tyrannie. Isidore de Péluse (Lettres IV 205 dans PG 78 , col. 1297 A ) fait, lui aussi, allusion à l' échec de Pythagore après le retour de Phalaris à la tyrannie. Mort vers 435, Isidore est largement postérieur à Himérius, tandis que la correspon dance prêtée à Phalaris date du IVe s. ap. J.-C . (Schmid -Stählin 26 , II, p . 483 avec la n. 8 ; toutefois , 90 Serena Bianchetti, Falaride e pseudofalaride. Storia e leggenda, Roma 1987, p. 148- 152, rapproche les correspondances de Pythagore et de Phalaris, notamment sur la base de la Lettre 74 de ce dernier ; aucune des deux correspondances n 'offre de trame romanesque, si bien que, peut-on considérer, la rédaction de celle de Phalaris a dû s'opérer au cours d'un processus de compilation pluriséculaire ). Les indices sont trop ténus pour que l'on puisse établir une relation entre les textes. Ce qui est le plus remarquable, c 'est le regain d 'intérêt que suscita la légende aux Ive et ve siècles. Le seul texte à mentionner Abaris (> A 3 ) est La vie pythagoricienne de Jamblique. Chez Jamblique (§ 215), Pythagore était retenu à la cour du tyran, chez qui le rejoignit Abaris, l'Hyperboréen , dontHimérius ne pipe mot ici. Il souhaitait améliorer le sort des Siciliens. C 'est là un provignement ultérieur de la légende, d'après

91 H . B . Gottschalk ,Heraclides of Pontus, Oxford 1980, p. 125, qui rappelle toute la biblio graphie antérieure . Au contraire , chez le rhéteur, Pythagore avait répondu à un appelde Phala ris, quiavait exprimé le désir de le connaître (19). Les pressions du philosophe furent vouées à

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l'échec (20 ). Jamblique ( V. P. 217-219) rapporte longuement les propos tenus devant le tyran . Le jour où il comptait faire exécuter Pythagore et Abaris, Phalaris succomba au cours d 'un

soulèvement (V. P. 221). Chez Isidore de Péluse, Pythagore aurait refusé de reprendre des relations avec Phalaris en raison du retour de celui-ci à la tyrannie.

Himérius termine le développementpar la proposition : Pythagore se retirait aussitôt de la Sicile. Il a sûrement utilisé une version voisine de la légende,mais il l'a adaptée aux nécessités de l'éloge qu'il composait. Loin de manquer son entreprise comme Pythagore (19), Hermogène multiplia au profit de son maître les rappels de mythes anciens et les récits tirés de la poésie ou de l'histoire (V. P .

227-228), parce qu'avant celui de la sagesse, il avait déjà aussi le goût du savoir. Après son renoncement aux honneurs et au pouvoir, la conversion d'Hermogène à la philosophie fut aussi radicale que celle de Platon après la ren

contre avec Socrate (21). En outre, il s'attacha à devenir un excellent orateur et un poète inspiré (22). Bref, il n 'y eut point d 'instrument intellectuel qu'il négli geât: donc, il s'attache d 'abord aux instruments avec la plus grande attention ,

πρώτον μεν δή των οργάνων πλείστην ποιείται την επιμέλειαν. Le mot όργανον ένοque Aristote. Himérius les cite à mots couverts en 22 : il apprend la démonstration (ánódELELV (...)uav Oável). Les termes semblent viser un enseignement analogue à celui qu 'avait dispensé Aristote dans ses Analytiques (An . Pr. I 1, 24 a 11- 12). Les locutions ooplotác édelv etTV adoleo yoÚVtWV xpareiv rappellent le titre et le contenu des Sophistici Elenchi (voir 164 a 20 - 22). En somme, Hermogène a appris la logique aristotélicienne comme une propedeutique,

c'est là un préambule indispensable chez les néo-platoniciens depuis Porphyre au moins :

92 P. Hadot, « La division des parties de la philosophie dans l'Antiquité »,MH 36 , 1979, p. 220. Ainsi armé de tous les outils indispensables, le jeune homme pouvait aborder avec compétence la philosophie. C 'était le moment de rappeler la division de la philosophie en

trois, pratique (tñs uèv siç tàç apátels = la morale ), physique ( tñs 8è nepi mupúolv = la physique) etmétaphysique (tà únièp oúpavov, 23), encore que la désignation de la dernière soit surprenante . L 'ordre est probablement significatif : c 'est celui qui respecte le cursus sco

laire et par conséquent la progression spirituelle de l'étudiant, Hadot 92, p . 213-221 (éthique,

physique et époptique, c'est-à-dire métaphysique et théologie ).

La suite décrit le parcours philosophique d 'Hermogène: vénération pour la gloire de Platon et d'Aristote , avec étude approfondie de leur système et lecture de leurs æuvres (23). Il connaissait aussi le stoïcisme de Zénon , Cléanthe et Chrysippe (23), les xolvai obal d'Épicure et de Démocrite (24), y compris leurs thèses en matière de physique.On ne sait ce que sont ces xolvai dótal. On pense, naturellement, à un recueil scolaire, qu 'il serait intéressant de mettre en

évidence. Au menu d 'Hermogène figurèrent aussi toutes les Académies, ancien ne, moyenne et nouvelle probablement (24), et la sagesse partie du Lycée jus

qu'en Libye et à Cyrène ( 24 ). Il est malaisé d 'épingler un nom sur les æuvres ainsi visées, d 'autant plus que les éditeurs divergent sur la lecture du passage correspondant du manuscrit R . Wernsdorf (2 , p . 652) a Méxol Auxins, dont il n 'y a pas trace dans l'apparat de Colonna 1 . Toutefois, après réflexion sur les données, il se demande s 'il ne faut pas corriger en Albuns, texte même de Colonna 1 .

La leçon Auxins suggère à Wernsdorf 2 le scholarque péripatéticien d'Athènes Critolaos de Phasélis, au 11e s. av. J.-C . ( » -C219), cité par Plutarque [De l'exil 14 (= Mor., 605 b )], à moins qu 'il ne s 'agisse d 'un certain Épigonus (de Cilicie ? » € 40 ), inconnu par ailleurs (Ammien Marcellin XIV 7, 18 ; voir 93 Éd. Galletier et J. Fontaine (édit.), Ammien Marcellin . Histoire

(livres XIV -XVI), CUF, Paris 1968, p. 213 (n. complém . à la p. 84)] ou du célèbre Maxime

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d 'Éphèse , l'amide Julien,un néo - platonicien notoire (Éphèse n 'est d 'ailleurs pas en Lycie ). Si l'on adopte Albúns, il faut, dit-il, penser à l'académicien Clitomaque de Carthage (MC 149).

Pour Cyrène, il s'agirait de l'école d'Aristippe (WA 356 );au demeurant, Wernsdorf 2, p.652, cite d'autres noms (Apollonios Cronos [ⓇA 276 ), Carnéade [~

42] et Lacydès). Plus loin ,

l'orateur mentionne la compétence acquise par Hermogène en matière de géographie et d ' astronomie. S 'agit-il de Ptolémée ? Suivre le cycle des quatre écoles philosophiques tradi tionnelles revenait à accomplir un cycle académique normal, comme l'affirme, à ce propos, 94 J. Glucker, Antiochus and the Late Academy, Göttingen 1978 , p . 148. Himérius mentionne enfin les tropes de Pyrrhon (24 ), qu 'Hermogène tenait pour un tapównua (le manuscrit R donne le mot παρέψημα , corrigé par Duebner et retenu par Colonna) της άλλης φιλοσοφίας, bien qu 'il eût parcouru la doctrine. Il ne dit rien du nombre de ces tropes, que la tradition fixe à dix , sans toutefois les attribuer formellement à Pyrrhon mais bien à Énésidème [RE 24 ]

(Diogène Laërce IX 87, qui cite aussi comme source Sextus Empiricus; ils sont neuf, d'après le livre VIII de l'histoire de la philosophie d' Aristoclès de Messine (2 A 369), cité par Eusébe, P . E . XIV 18, 11 ; Sextus Empiricus, A . M . VII 345 ). Voir, à ce sujet, le livre classique de 95 V . Brochard, Les sceptiques grecs, 2e éd ., Paris 1959, p . 57. On notera, toutefois , que Favorinus d'Arles avait écrit des MuppoVeLoL tpótol en dix livres (Aulu -Gelle XI 5 , 5, où le

titre est reproduit en grec ; le passage n'est pas relevé dans les testimonia de 96 E.Mensching (édit.), Favorin von Arelate . Der erste Teil der Fragmente. Memorabilia und omnigena histo ria , Berlin 1963, p . 3 -7 ),mais par 97 A . Barigazzi, Favorino di Arelate. Opere, introduzione, testo critico e commento, Firenze 1966 , p . 172 - 175 (= nº 26 ). Favorinus ne comptait que neuf tropes, selon 98 L . Robin , Pyrrhon et le scepticisme grec , Paris 1944, p. 154. Le n° 158 du Catalogue de Lamprias des euvres de Ρlutarque est un Περί των Πύρρωνος δέκα τρόπων.

Désormais, on consultera principalement le chapitre “ The Ten Modes" dans 99 Julia Annas et J. Barnes, The Modes of Scepticism , Cambridge/London 1985, p . 19- 30 , où l'examen de la tradition ne joue pas un rôle essentiel. On trouvera toutefois p . 21 une mention d'Hermogène , avec une traduction du passage d 'Himérius. Le livre de 100 J. Barnes, The Toils of Scepticism ,

Cambridge/London 1990, ne revient pas sur la formation d ’Hermogène.

Imitateur de Platon en cela encore, Hermogène se mit à voyager, en Égypte,

pour en rencontrer les prophètes (li. 284 toùç Éxeĩ Tpoońtas ; D .L ., III 4 a

aussi napà tous npoońtas, voir Richtsteig 22, p. 6),en Sicile ,sur les traces de la philosophie pythagoricienne (25). Reprenant du service , il fut accueilli par son maître comme Socrate le fut par Alcibiade (29). La comparaison termine une série où Himérius énumère auparavant Thésée pour Héraclès, Cléarque pour

Cyrus et Simonide pour Hiéron. Autant de personnages dont la valeur s'était marquée aussi bien dans les conseils que sur le champ de bataille. L 'allusion à Socrate doit viser la bataille de Potidée (431), d'après le Banquet, 221 a, et sur tout Plutarque, Alcibiade 7, 4-5 . (3) L 'activité de constructeur du proconsul Cerbonius (n° 38) lui vaut d'être

comparé à Socrate , une des gloires d' Athènes. Himérius en profite pour offrir à

ses auditeurs un åttixòv dinynua sur la sophistique (Or. 38, 4-7). Trois sophistes sont ici présentés, Gorgias, Prodicos et Hippias. Comme l' indique

Richtsteig 22, p . 4 , c' est l'ordre de Platon, Apologie 19 e 3-4, à la différence de

Thémistius qui omet Hippias et mentionne plus souvent Protagoras en même temps que les autres grands sophistes. Himérius caractérise la polymathie d'Hip pias (2 H 145) par les adjectifs rohútponóv tiva xai noveldñ. Socrate de vient leur grand rival, ce dont profitent certains disciples de Gorgias, comme Calliclès et Thrasymaque, pour le railler. Thrasymaque est cité en même temps

que Gorgias en 85 A 12 = Cicéron , L 'orateur 39, où il ne s'agit que d'une simili

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H 136 HIMÉRIUS DE PROUSIAS tude de style . Calliclès ( C 17) avait été l'hôte de Gorgias [> G 28] (Platon , Gorgias, 447 b 9 ). Nulle part les sarcasmes contre la laideur et le nez camard de

Socrate (6 ) ne sontmis dans la bouche des deux sophistes. En revanche, Théo dore les évoque dans Platon , Théétète, 143 e 4. Par ailleurs, Thrasymaque est donné comme insulteur de Socrate par Thémistius (Or. 26 Sur l'art de parler, 138 ). Himérius rappelle aussi la fameuse réponse de l'oracle de Delphes (7) sur la sagesse de Socrate au début de l'Apologie (21 a 4 -7), sans donner le nom de Chéréphon ( C 109). Ces témoignages ne sont pas cités dans 101 G . Giannan

toni, Socratis et Socraticorum reliquiae I, s.l.[Napoli) 1990 . (4) Dans Or. 46, 2, Himérius reconnaît avoir affaire à des trublions. Il ne connaît pas le motif de l'opposition , mais l'explique au cours d'une pirouette oratoire : ses adversaires ont entendu dire qu'il voulait danser pour les Muses. Prétexte excellent pour introduire le thème d 'Orphée, auquel Himérius se com

pare implicitement. Les Libéthriens proches du Pangée appréciaient la compa gnie d'Orphée avant qu 'il ne répandît parmi eux le chant qu 'il tenait de sa mère.

Dès qu'il eut touché sa lyre et entonné un chant inspiré, les malheureux qui, sous l' effet de la jalousie , livrèrent Orphée et ses chants à une violence toute féminine devinrent eux-mêmes des femmes par la grâce des mythes (3 -4 ). L 'allusion est claire : il s'agit de la légende du démembrement par les femmes déchaînées. Himérius offre une explication d'allure rationaliste , ce qui lui permet de glisser dans une phrase ambiguë un sous-entendu insultant. Pour diverses explications, voir Eschyle, fr. 83 a (Bassarae) = T 46 Kern = ps.-Éra tosthène, Catastérismes 24 , p. 29, 66 Olivieri ; 83 b = scholies à Germanicus, Aratos. Phéno . mènes, p. 84 , 8 et p . 151, 10 et 19 Breysig ; Phanoclès, fr. 1 = 1 77 K .; Virgile , Géorgiques IV 516 (avec Mythographe du Vatican I 75 ; Ovide, Métamorphoses X 78 ; Hygin, Astronomie II 7, 1 et Platon , République X ,620 a ) = 1 76 K . ; voir aussi Hygin , o.l., II 6 , 3, Virgile , o .l., 521

527, et Ovide, o.l., XI 1-19, paraissent avoir suivi la version des Bassarae d'Eschyle, selon 102 O . Kern , Orphicorum fragmenta , Berlin 1922, p. 33.

L 'injustice dont il fut la victime est ensuite comparée au destin infligé par les

Delphiens à Ésope (4). La lyre ne fut point négligée pour autant par la mère d 'Orphée (5) : en échange, les Lébèthres reçurent la folie, l'inculture et le silence, et son chant revint aux chênes, aux rochers, aux oiseaux des champs et

aux bêtes qu’Orphée préférait à la voix des Lébèthres.

(5 ) Or. 68, 10 offre une variante de la version du mythe de Prométhée rappor tée dans le Protagoras de Platon (320 c 8 –322 d 5). Le pastiche est franchement souligné (10, 11-12) : n + óơi ºne too ảo ooTov xì gàđalõa vioragamo

(...). On notera cependant que les dieux ne sont ici pour aucune part dans cette création , dont la nature seule est la cause. L 'action divine consista seulement à envoyer les " démons” Prométhée et Épiméthée pour aider la nature, qui n 'avait réussi qu'à donner à toutes les créatures un aspect identique. Prométhée avait

reçu en apanage intelligence et sensibilité, Épiméthée force et vitesse. Ce fut ainsi qu 'ils furent en mesure de modifier la création de la nature en y introdui

sant la variété: pour l'homme, le abyos, pour les autres, les virtualités restantes, à la mesure de ce qui leur convenait. Le but était évidemment de donner une justification mythique à l'exigence de troixixía propre à la rhétorique. Pour cette

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raison, il n 'y avait aucune utilité à souligner l' imprévoyance d'Épiméthée. Le

passage n 'est pas répertorié dans80 C 1-5 et 84 A 4 b D .-K .O. Au demeurant, le mythe a eu un certain succès à l'époque. Le progymnasma 12 (Promé thée) de Libanius est une ecphrasis qui paraît correspondre à une æuvre d 'art. Les deux héros

reparaissent chez Thémistius, 27 (htepi toŨ un detv), p . 162, 13 - 163, 24 Schenkl-Downey Norman , où le mythe n 'est pas destiné à justifier un procédé oratoire, mais sert à introduire

une leçon de morale etun éloge de l'éloquence. Dans la fameuse jarre, ou plutôt un cratère, se trouvaient raison (voûç) et intelligence (dpovnouc) : c 'est la part réservée aux hommes chez

qui ces qualités s 'expriment à travers l' éloquence .

(c) Allusions à portée purement littéraire.

(1 ) Himérius mentionne à deux reprises le personnage mythique d ' Abaris (FA 3). Il le présente comme un sage parfaitement hellénophone. Sa langue était la pure expression “ du cœur de l'Académie et du Lycée même” (Or. 23, 4 ) ,

c 'est-à-dire du pur attique, bien que son habit et son attitude fussent tout à fait scythes. Sur l'origine scythe d ’Abaris, voir Jamblique (De vita pythag. 90), Eusèbe, Chron., Pro cope de Gaza , Lettres 96 ( p . 569 -570 Hercher), Souda, A 18 s. v. " Abapıç. Sa maîtrise de la

langue grecque s 'explique par une tradition rapportée par Diodore de Sicile (II 47, 4 = Héca tée, 264 F 7 Jacoby), qui souligne l' étroitesse des relations des Hyperboréens avec l'Hellade, en particulier avec l' Attique et Délos. Pourtant, Himérius est seul à marquer nettement l'iden

tité de langue, demême qu'à décrire le costumebarbare dans lequel il se présenta à Athènes (23, 7 ) : la douceur du regard et la beauté du visage trahissaient lesmeurs grecques qu 'il avait

adoptées. Plusieurs textes font allusion au séjour d 'Abaris à Athènes : d 'après Harpocration , s.v. " Abapis , Souda, l.l., à la suite d'une épidémie frappant tous les peuples, l'oracle d 'Apol lon avait répondu que les Athéniens devraient prier pour le salut de tous. Dès lors, les ambas

sadeurs se pressèrent à Athènes, y compris Abaris pour les Hyperboréens. L 'épidémie aurait cessé après l' institution des Mponpóola , selon les Scholies VEGQ à Aristophane, Cavaliers

729 a et Lh à 729 d , qui rapportent aussi la venue d’Abaris commethéore .

(2) Anacharsis (P - A 155 ) apparaît dans deux discours distincts : Or. 29, 2-3,

17, 20 et 32, 9. Il fut le premier Scythe à être venu en Hellade (32, 9), le désir de connaître le feu d 'Éleusis l'amena aux mystères ; voir Lucien, Scythe 8, d'après qui il fut le seul barbare à recevoir l' initiation, et aussi Hérodote IV 77, d 'après

qui il aurait été envoyé en Hellade pour se mettre à son école . D 'après Or. 29, 5 6 , il ne connaissait pas le grec avant d'arriver en Hellade; voir 103 J.F . Kindstrand , Anacharsis. The Legend and the Apophthegmata , Uppsala 1981, p . 7, qui cite Lucien , Scythe 7, et Lactance, Institutions divines III 25, 18 . Il entra en relations avec Solon (29, 14 -21) ; voir Kindstrand 103, p . 40, avec la n . 24. Le destinataire du discours , Ursacius, était un comes originaire d 'Illyrie (23, 5 ; Barnes 20 , p. 214 ). Il s'agissait peut-être du même personnage qui futmagister officiorum en 364-365, appelé par Ammien Marcellin (XXVI 4, 4 ; 5, 7) Delmata crudus. D 'après Or. 23, 4, il aurait réussi à bien apprendre le grec,mais n 'avait

pas changé sa tenue. (3) Périclès ne devint orateur qu'après avoir reçu l'enseignement d'Anaxa gore ( -A 158): Or. 8, 4. Voir 59 A 1 = Diogène Laërce II 12- 13 ; A 15 = Platon, Phèdre , 269 e-270 a ; Alcibiade.

118 c ; Isocrate 15 (Sur l' échange), 235 ; Plutarque, Périclès 4 , 6 ; Cicéron, De l'orateur III 138 ; A 17 = Diodore de Sicile XII 39, 2 ; A 19 = Olympiodore , Commentaires aux Météoro logiques, p. 17 , 19 Stüve. Le témoignage d 'Himériusmanque dans D .-K .6.

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(4 ) Himérius rappelle l'efficacité des discours de Cinéas le Thessalien (* * C 127) pour la réussite des opérationsmilitaires de Pyrrhus : Or. 10, 19.

(5 ) Le mérite de Gorgias (* * G 28) en matière d'éloquence n 'est pas inférieur à celuide Corax et de Tisias: Or. 24, 17 -19. Sa pratique de la rhétorique lui valut l'érection de statues d 'or: Or. 32, 11. Voir 82 A 1 D .-K .$ = Philostrate , Vie des sophistes I 9, 4 (une seule statue, à Delphes, dans le sanctuaire d'Apollon

Pythien ). Le témoignage manque dans D .-K . et 104 M . Untersteiner, I Sofisti. Testimonianze e frammenti II, Firenze 1949, p. 4 . (6 ) La philosophie d 'Héraclite d 'Éphèse (MH 64 ) a inspiré les spéculations

métaphysiques de Platon : Or.60, 2. Le témoignage manque dans D .- K.O. Himé rius vient d 'évoquer la lyre, la médecine et la poésie ioniennes. Platon (Sophiste, 242 d 7-8 ) fait allusion aux Muses d ’ lonie (etde Sicile) qui prétendent que l' être est à la fois un et plusieurs, avec, en e 2-3, la phrase diapepóuevov ràp åki ovu e petal. La phrase rappelle 22 B 51 = Hippolyte , Réfutation de toutes les hérésies IX 9. C 'est probablement le passage que vise l'orateur. L 'accord de Platon avec Héraclite est mentionné par Diogène Laërce (III 8 ), au moins pour ce qui est du sensible, voir Wernsdorf 2 , p . 575.

(7) Le personnage d'Orphée ne joue guère qu'un rôle symbolique, sa lyre: Or. 24, 39 ; endormant les bêtes en jouant: li. 40-44 ; sa lyre remplissant Lesbos de musique au point qu 'elle se répandit à travers l'univers entier : Or. 26 , 34 -38 . Cf. Or. 27 , 5 ; 35 , 34- 35 ; 38, 9. Himérius critique les Thraces d'avoir privé Athènes d'Orphée : Or. 39, 5 ; Orphée victime de la folie : Or.69, 3.

(8) Dans un passage très mutilé (Or. 35, 25-27), quelqu 'un “ apprenait aussi à Philolaos, qui était un amant authentique dans les propos de Socrate , à aimer des amours justement” (?putas épãv Olxaiws). Ces lignes ne se laissentillustrer, à

la rigueur, que par un passage d'Aristote (Politique II 12 , 1274 a 32-b 5 ). Le per sonnage n 'a rien à voir avec le pythagoricien du même nom : il s'agit du législa teur de Thèbes, originaire de Corinthe. Il abandonna sa famille , les Bacchiades, et la ville où elle détenait le pouvoir, pour suivre son éromène, Dioclès, le vain queur aux Jeux Olympiques (13° olympiade, en 728 av. J.-C .), qui fuyait l'amour que lui vouait sa mère Alcyoné. Il est l'auteur de lois sur la procréation, dites

“ lois d'adoption” . (9) La carrière de Pythagore se déroula, non pas à Samos, mais en Italie : Or. 27 , 46 -47 ; célébrité de sa sagesse : Or. 32, 11 ; maître du médecin Démocédès de

Crotone (2D 64): Or. 34, li. 33-37 ; ce dernier, après avoir connu le luxe de la Perse, avait préféré le régime de Crotone: Or. 64, 2 (on lira ses aventures en Perse et à Crotone entre autres dans Hérodote III 129- 138, résumé par Athénée

XII, 522 a -c ; Élien, H . V. VIII 17 ; Souda, A 442 s.v. Anuoxńons); la musique de Pythagore : Or. 35 ,67; Pythagore faisant de l' Italie la rivale d' Athènes : Or.

41, 12 ; les loniens colonisateurs de l'Italie de Pythagore : Or. 60 , 1. (10) Les références à Socrate sont nombreuses: Or. 3, 66 ; 10 ,62 ; 16, 23 ; 27, 41 ; 35, 9 ; 12, 16 , 26 -27, 66 , 70 ; 64, 36 , et sont dépourvues d'intérêt. Il est donné comme le maître du fils de Clinias, c' est-à -dire Alcibiade (** A 86 ), dont

Xénophon n 'avait pas embrassé le parti: Or. 44, 54 ; comme priant les dieux pour avoir la beauté intérieure : Or. 38 , 51. Philolaos était un amant authentique

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dans les propos de Socrate : Or. 35, 26. On montrait toujours la maison de ce

dernier aux touristes, ainsi que celle de Démosthène (64, 3) ; voir Bouffartigue 61, p . 247. (11) Le personnage de Solon symbolise l' Athènes légendaire : Or. 1, 58 [ici, avec Dracon ) ; 2, 25 ; 129; 24, 58 ; 29, 14- 15 ( sa gloire ); 36 , 27 [ses lois ). Un

passage important, qui ne figure dans aucun des recueils de fragments,est relatif aux origines de la tragédie : Or. 34, 21- 33 ; voir 105 A .Martina, Solon . Testimo nia veterum , Roma 1968 , n° 713, p. 319. Amoureux du savoir, il voyagea en Lydie , en Ionie et en Égypte . Le voyage en Égypte est bien connu, voir les témoignages réunis par Martina 105, n° 33 ; pour la Lydie , voir nº 70 -99 ; pour l'Ionie (il s 'agit de la rencontre avec Thalès de Milet), voir nº 121- 123 ; pour les deux derniers voyages , le témoignage d 'Himérius n 'est pas rappelé ; à son retour, Solon trouva Eschyle qui, après les inventeurs de la tragédie, Thespis et ses pré décesseurs, voulutmettre la poésie sur un piedestal en imaginant le logeion . Il éprouva de l'admiration pour les tragédies d' Eschyle et se mit à les expliquer afin que l'on tirât de ses poèmes des livrets pour la tragédie (la rencontre est évi demment impossible , pour des raisons chronologiques). (12) Thalès de Milet aurait fait l'objet d'un éloge dans la bouche d'Alcée, un jour où Lesbos célébrait une panegyrie : Or. 28, 2 = 11 A 11 a. Toutefois , le texte n 'offre pas toute garantie , notamment pour l'identification du philosophe. Voir les notes de 106 H . Diels et W . Kranz, Die Fragmente der Vorsokratiker I, 6e

éd., 1951, p. 76 , et Colonna 1, p. 128. Le passage constitue le fr. 24 d' Alcman dans 107 D . L . Page, Poetae melicigraeci, Oxford 1962, p. 40, avec la note .

Cuffaro 19 , p . 106 ,avec la n . 90, lit de même Alcée et considère qu'il s'agissait probablement du philosophe deMilet. (13) Himérius rappelle que Xénophon, après Socrate, eut à porter les armes: Or. 16 , 6 ; pour illustrer le thème de la satiété de la présence, il rapporte une anecdote d 'après laquelle , après ses exploits en Asie Mineure contre Artaxerxes II, Xénophon se serait absenté une année entière de Byzance. Une fois passés les vivats de la foule au moment où la ville était prise, son retour au terme d 'une longue disparition aurait été un stratagèmehabile pour reconquérir la popularité ; voir Or. 30 , 25- 33 et la parabase de Xénophon , Anabase VII (début). L 'anec dote n 'est pas mentionnée dans 108 Ed . Delebecque, Essai sur la vie de Xéno

phon , Paris 1957. Voilà qui répond tout à fait à la situation d 'Himérius, à son

retour de Corinthe. La donnée permet de conclure le discours sur une pirouette amusante . L 'ensemble de ces épisodes historiques dura non pas une année,mais environ six mois, d 'octobre 400 à mars 399, d'après le tableau chronologique de Delebecque 108 , p. 506 -507. On peut chercher là un indice chronologique : Or. 30 a dû suivre une année de congé " universitaire” qu’Himérius a passée à Corinthe. Mais le discours ne se laisse pas dater, en sorte que le rapprochement

n 'est utilisable que pour un essai de chronologie interne. Si Or. 30 et Or. 70 res sortissent au même genre oratoire, on peut supposer qu 'il y eut deux voyages à Corinthe. Ce fut au cours de l'un d 'entre eux que fut prononcé Or. 75 . L 'orateur

compare le style de Xénophon à du miel: Or. 44, 6 , etmentionne la Cyropédie

742

H 136 HIMÉRIUS DE PROUSIAS (6 -7). Xénophon n 'avait aucune sympathie pour Platon (Or. 16 , 6 ) ; voir Aulu Gelle XIV 3 , 1 ; Diogène Laërce II 57 ; III 34 ; Athénée XI, 504 e , etMarcellinus, Vie de Thucydide 27.

C'est là une tradition bien attestée, qui aurait pour origine une littérature antisocratique et un écrit Contre le philosocrate d 'Hérodicos de Babylonie (pH 100), de date incertaine, mais vraisemblablement du milieu du ile s. av. J.- C . ( 109 J. Geffcken , « Antiplatonika » , Hermes 64, 1939 , p . 98 -101). Le traité serait la source d 'Athénée aux livres V et XI (voir 110 K . Münscher, « Xenophon in der griechisch -römischen Literatur » , Philologus Supplbd . 13 , 2 ,

1920, p . 64 sq .). Il est vrai que l'on peutdéceler les traces d ' un débat entre Platon et Xéno phon (Delebecque 108 , p . 388 -394 ) ; pour tout cela , voir l'excellent commentaire de 111 R .

Marache (édit.), Aulu -Gelle. Les Nuits attiques III (livres XI-XV ), CUF, Paris 1989, p . 133, n . 1.

JACQUES SCHAMP. 137 HIPP

Épicurien dont le nom avait été restitué par W . Crönert, RhMus 56 , 1901, p.615 (= Studi ercolanesi,Napoli 1975, p. 111), dans un passage des plus incer tains d'un ouvrage anonyme contenu en PHerc. 118 , fr. 29 : 'Innoxions

( * H 149), mais Crönert par la suite rejeta cette restitution dans Kolotes und Menedemos, p . 191. Cf. M . Capasso, CronErc 12, 1982, p. 6 n. 12. TIZIANO DORANDI.

138 HIPPARCHIA DE MARONÉE RE 1 fl. ca 336a Philosophe cynique, sæur de Métroclès et épouse de Cratès de Thèbes, avec lequel elle a vécu son union , y inclus les rapports sexuels, selon les principes de lamorale cynique. Témoignages. Les témoignages relatifs à Hipparchia sont rassemblés chez 1 G . Giannantoni, SSR , t. II, p. 577-579 (= V I). Il faut ajouter les références sui vantes, qui se trouvent toutes aussi dans le recueil de Giannantoni: IV H 2 ( Théodore de Cyrène), V B 139, 164, 533, 573 (Diogène de Sinope ), V H 19-26 , 30, 88, 115 - 120 (Cratès de Thèbes) et VL I (Métroclès de Maronée ). En re vanche, nous ne trouvons pas chez Giannantoni une mention d 'Hipparchia faite par Plutarque, Non posse suaviter vivi secundum Epicurum , 1086 e, ni l'opinion

d'Augustin, Cité de Dieu XIV 20 (« De vanissima turpitudine Cynicorum » ),

pour qui la consommation publique du mariage d'Hipparchia et de Cratès n'a pas eu lieu en réalité parce qu 'il serait impossible d 'éprouver le désir sexuel sous les regards d 'autrui. Par ailleurs, il faut écarter la dédicace à Hipparchia que 2 E .

Zeller, Die Philosophie der Griechen in ihrer geschichtlichen Entwicklung, t. II 1 : Sokrates und die Sokratiker. Plato und die alte Akademie, Fünfte Auflage (Obraldruck).Mit einem Anhang von E. Hoffmann : Der gegenwärtige Stand der

Platon -Forschung, Leipzig 1922, p . 304 sq. n . 4, croyait voir dans les trois pre miers vers du fragment 5 Diels de Cratès (= V H 71 Giannantoni; cf. Giannan toni 1, t. IV p. 565 n. 13 et p . 575 -576 ) ; de même, il faut écarter la référence au

mariage de Cratès et Hipparchia que 3 G . A . Gerhard, Phoinix von Kolophon. Texte und Untersuchungen, Leipzig/Berlin 1909, p. 209, croyait voir à son tour dans le fragment 58 Livrea de Cercidas de Mégalopolis (cf. 4 J.L .López Cruces,

H 138

HIPPARCHIA DEMARONÉE

743

Les méliambes de Cercidas deMégalopolis. Politique et tradition littéraire, coll. « Classical and Byzantine Monographs» 32, Amsterdam 1995, p . 243-246). Biographie . Le témoignage le plus développé sur la vie d'Hipparchia est fourni par D .L . VI 96 - 98 (= VII Giannantoni), qui n'est en réalité qu 'un déve

loppement inséré dans la vie de Cratès ( * C 205), comme l'a montré 5 M .-O . Goulet-Cazé, « Une liste de disciples de Cratès le cynique en Diogène Laërce 6 ,

95» ,Hermes 114 , 1986 , p . 247-252, notamment p. 248. D ' après ce récit, Hip parchia, dont le nom suggère l'appartenance à un lignage noble , était née à Maronée (en Thrace) et elle était seur de Métroclès. Celui-ci, qui fut d'abord disciple de Théophraste, quitta l'école péripatéticienne à la suite d'un incident

fortuit incompatible avec le raffinementde cette école qui lui fit éprouver un tel malaise , un tel accablement qu 'il se serait laissé mourir si le cynique Cratès n ' était pas intervenu pour luimontrer dans la pratique que naturalia non sunt turpia ( D . L . VI 94 = Cratès VL I Giannantoni). A partir de ce moment, il

devint l' élève de Cratès. C 'est par l'intermédiaire de son frère qu ’Hipparchia a fait la connaissance du philosophe, dont elle s'est éprise d 'un tel amour que, tout en rejetant des prétendants nobles et riches, elle menaçait de se donner la mort si on l'empêchait de l'épouser. Ses parents , alarmés par l'attitude de leur fille , firent venir le cynique, qui, incapable de la persuader avec d'autres raisons, se dépouilla devant elle de ses vêtements (il était petit et laid, si bien qu 'on se

moquait de lui lorsqu'il s 'entraînait au gymnase : cf. D . L. VI91 = V H 40 Ģian nantoni) et lui dit : « Voilà ton fiancé et tout son avoir , décide -toi en consé

quence, car tu ne saurais être ma compagne à moins d 'adopter aussi mes habi tudes de vie » (trad . L . Paquet légèrementmodifiée ). Hipparchia n 'hésita pas à

choisir Cratès et tout ce qu'il impliquait. Depuis ce jour, ils furent unis par ce que Cratès lui-même appela un « mariage de chien » (xuvoyaulav ; cf. la Souda, s.v. Kpárns, K 2341, t. III, p. 182 , 15 Adler = V H 19 Giannantoni). Hipparchia

suivait partout son époux (cf.Ménandre chez D . L . VI 93 = fr. 117, 118 Kock = fr. 104 Koerte = V H 26 Giannantoni) et ils avaient l'habitude de consommer publiquement leur union ,même, dit-on , devant le regard stupéfait de Zénon de Citium (Apulée, Florides 14 = V H 24 Giannantoni), qui était trop timide pour

adhérer à l'impudence des cyniques (cf. D .L . VII 3 = V H 38). Rejetant les activités traditionnelles de la femme grecque,Hipparchia accom pagna partout son mari. C 'est dans un banquet chez Lysimachos (le diadoque) qu 'elle rencontra Théodore l'Athée et le confondit au moyen d'un sophisme,

comme le raconte D. L . VI 97 (= VI 1, 12 - 24 Giannantoni; cf. V I 2). D 'après Diogène Laërce, pour toute réponse Théodore tenta de la ridiculiser en lui soule vant son vêtement,mais Hipparchia ne se laissa nullement troubler, comme l'au rait fait une femme quelconque. Alors , en reprenant le vers qu’Euripide, Bac chantes 1236 , met dans la bouche d'Agavé, Théodore lui dit ironiquement:

« Est-ce bien celle-là quia laissé sur lemétier la navette ? ». Hipparchia répondit hardiment à ce défi: « C 'est bien moi, Théodore. Est-ce que tu penses que j' ai mal décidé sur moi-même si je consacre à mon éducation tout le temps que j'al lais perdre au métier ? » .

744

H 138 HIPPARCHIA DE MARONÉE A en croire le témoignage de Ménandre cité plus haut, Hipparchia eut une fille que Cratès donna en mariage après l'avoir offerte à l'essai trente jours. Cela

rappelle le principe de Diogene selon lequel τον πείσαντα τη πεισθείση OUVEīval (cf. D .L . VI 72 = V B 353 Giannantoni). Par ailleurs, D .L . VI 88 (= V

H 19, 4-9 Giannantoni) emprunte à Ératosthène de Cyrène (= FGrHist 241 F 21 ; " E 52) un renseignement selon lequel Hipparchia et Cratès eurent un fils du nom de Pasiclès, homonyme du frère de Cratès qui semble avoir étudié auprès d 'Euclide deMégare (PE 82] (cf. Giannantoni 1, SSR, II A 25 et t. IV , 95-97).

D 'après le témoignage d'Ératosthène, Cratès, lorsque son fils fut sorti de l'éphébie, le mena dans un bordel afin de lui montrer le mariage que lui pro

posait son père . Dans la biographie laërtienne de Cratès, il y a un témoignage provenant de Dioclès de Magnésie selon lequel la maison de Cratès aurait eu un certain rapport avec Alexandre , tandis que celle d 'Hipparchia en aurait eu un autre avec Philippe (D . L . VI 88 = V H 30 Giannan toni). Le passage en question semble contenir une lacune, restituée différemment par les cri tiques, et il reste peu précis . En tout cas, on s' accorde aujourd 'hui pour dénier toute vraisem

blance à une rencontre d'Alexandre avec Cratès (cf.Giannantoni 1, t. IV , p. 564 sq.). D 'après 6 J. M . García González, « Hipparchia de Maronea , filósofo cínico » , dans J . M . García

González et A . Pociña Pérez (édit.), Studia Graecolatina Carmen Sanmillan in memoriam dicata , Granada 1988 , p. 179 - 187, notamment p . 180 n . 5, le témoignage peut faire référence à la destruction de Thèbes par Alexandre en 335a (cf. V H 31 Giannantoni) ; cette circonstance a peut-être été la cause de l'arrivée de Cratès à Athènes dans une situation économique difficile,

et a pu donner lieu à la tradition cynique selon laquelle Cratès a renoncé volontairement à ses possessions. En revanche, la relation de Philippe avec la maison d 'Hipparchia peut répondre à une vérité historique. A ce sujet, García González 6 , ibid ., a émis l'hypothèse selon laquelle

Hipparchia et sa famille ont dû quitter le territoire de la Thrace à la suite de la conquête de Maronée par Philippe à l' été 3554, et se sont installés à Athènes, où Hipparchia a fait la

connaissance de Cratès.García González pense qu'Hipparchia s'est unie à Cratès et à sa façon de vivre itinérante sans la médiation de l'histoire du mariage, du moins telle que Diogène Laërce la raconte . Il reconnaît le caractère purement spéculatif de cette hypothèse, mais il

trouve ainsi un trait d 'union entre Cratès et Hipparchia , à savoir : le fait que l'un comme l'au tre étaient, en tant que représentants du premier cynisme, des personnages déracinés ; ce fait, qui se trouve sans doute rattaché à l'origine du mouvement cynique, leur aurait permis de

prendre suffisamment de distance à l'égard des normes et des institutions de la cité pour les critiquer et les rejeter. Enfin , tout en rappelant que Diogène fut un exilé de Sinope et Monime de Syracuse un esclave , García González suggère que la destruction de Thèbes a dû jouer

aussi un rôle important dans la vie de Cratès, indépendamment de l'épisode relatif au dépouil lement volontaire de ses biens.

Une épigramme d'Antipater de Sidon (fl. 120a; Anth. Pal. VII 413 = V I3 Giannantoni) met dans la bouche d'Hipparchia son renoncement aux signes exté rieurs de la condition féminine conventionnelle et son acceptation volontaire de

la vie forte des Cyniques. D 'après cette épigramme,Hipparchia se prétendait pour cela supérieure à la Ménalienne Atalante « autant que la sagesse l'emporte

sur les courses dans la montagne » (trad. Éd. des Places; cf. 7 G . Giangrande,

« Beiträge zur Anthologie », Hermes 96 , 1968, p. 167- 177, notamment p. 170 sq.). Parmi les lettres attribuées aux cyniques, on en trouve huit adressées à Hipparchia, dont sept sont attribuées à Cratès etune à Diogène, à qui en outre on attribue une autre lettre adres

sée aux citoyens de Maronée, pour les féliciter d'avoir changé le nom de leur ville en celui

d 'Hipparchia. Bien que toutes ces lettres soient apocryphes et de basse époque (cf.Giannan

H 138

HIPPARCHIA DEMARONÉE

745

toni 1, t. IV , p. 578 -579, avec des références bibliographiques), il est intéressant de réfléchir un peu sur leur contenu . Dans les lettres de Diogène (lettre 43, aux habitants de Maronée, et 3, à Hipparchia = V B 532 et 573 Giannantoni), on trouve un mêmemotif répété : il est important

qu 'Hipparchia se soit adonnée à la philosophie, quoiqu 'elle soit femme. Les lettres de Cratès à

Hipparchia traitent aussi la question de la femme,mais leur teneur est différente : les femmes ne sont pas par nature différentes des hommes (lettre 28 = VH 115 Giannantoni) ; Hipparchia n 'est pas inférieure aux hommes, de même que les chiennes ne sont pas inférieures aux chiens

(lettre 29 = V H 116 Giannantoni). Par ailleurs, si on fait exception de la lettre 1, qui est une lettre de circonstance (Diogène est en train de mourir et Cratès appelle Hipparchia pour

qu 'elle apprenne à affronter la mort comme un philosophe), dans les lettres 28 et 29 Cratès exhorte Hipparchia à persévérer dans la philosophie en prenant comme point de départ l'idée que les femmes et les hommes sont égaux par nature, comme le démontrèrent les Amazones

(exemple de femmes placées aux marges de la civilisation ; cf. déjà Hérodote IV 114 , 3) et

comme on le voit chez les chiens (exemple animal). Les lettres 30 et 32 (= V H 117 et 119 Giannantoni) traduisent aussi une exhortation à la philosophie , mais on y envisage le motif de

l'abandon du métier du point de vue opposé : Cratès reproche à Hipparchia d'avoir tissé une tunique pour lui et il l'incite à s'éloigner de ces travaux et à se consacrer à la pratique de ce qu 'elle a appris de lui et de Diogène. La lettre 32 contenant le même motif est beaucoup plus dure : « Je regrette que tu continues à te comporter vulgairement et que tu ne te consacres pas à

la philosophie, à laquelle je t'ai encouragée... Que les autres femmes, qui ne recherchent aucun de tes travaux , réalisent les travaux du métier !» . La question controversée concernant le fils de Cratès et d'Hipparchia apparaît dans la lettre 33 (= VH 120 Giannantoni) : Cratès félicite Hipparchia pour la naissance de son fils, notamment parce que l'accouchement s' est bien

passé grâce au fait qu 'Hipparchia, à la différence des autres femmes, avait pratiqué l'exercice physique comme les athlètes. Cratès conclut la lettre avec des conseils sur l'éducation de l'enfant qui présentent un caractère cynico - stoïcien évident (cf. sur le motif des bains froids 8 M . Vegetti, « Passioni e bagni caldi. Il problema del bambino cattivo nell'antropologia stoi-

ca », dans Tra Edipo e Euclide. Forme del sapere antico, Milano 1983, p. 71-90).

Chronologie. Le seultémoignage qui fournit une date sur la vie d'Hipparchia est la notice de la Souda, s.v. 'Innapxia , I 517, t. II, p. 657, 17 Adler (= VI2

Giannantoni), qui fixe son floruit dans la 111° Olympiade (336 /333a). On peut tenter d'établir la date de sa rencontre avec Cratès, dont le floruit se place dans la

113e Olympiade (328 /3254), en prenant commeréférence le séjour de son frère Métroclès au Lycée auprès de Théophraste : à ce sujet, les dates marquantes de la vie de Théophraste sont 3550, année de son arrivée à Athènes, et 322a, année où

il devient le chef de l'école. Ce n 'est probablementpas beaucoup avant ni beau

coup après cette date qu'il faut placer les études de Métroclès au Lycée. Par conséquent, si on accepte l' interprétation la plus commune selon laquelle c'est par l'intermédiaire de Métroclès qu 'Hipparchia a fait connaissance de Cratès, elle devait avoir à cette époque environ cinquante -quatre ans, presque une dizaine d 'années de plus que Cratès, à en croire la chronologie de la Souda .Mais

ces conclusions semblentpeu vraisemblables.

Euvre. Diogène Laërce ne dit rien sur les ouvrages qu 'aurait composés Hip parchia . En revanche, la Souda, s.v. ' Innapxia , affirme qu 'elle a écrit des Hypo thèses philosophiques, des Épichérèmes et des Questions adressées à Théodore dit l'Athée.

Unc

Traductions des témoignages. Une partie des témoignages ont été traduits nouvelle édition revue, corrigée et augmentée , coll. « Philosophica » 35, Ottawa

en français par 9 L . Paquet, Les Cyniques grecs. Fragments et témoignages,

H 138 HIPPARCHIA DEMARONÉE 1988 (1975 ', coll.« Philosophica» 4). Les lettres de Cratès à Hipparchia ont été

746

éditées récemment (avec traduction allemande) par Eike Müseler, Die Kyniker

briefe, coll. « Studien zur Geschichte und Kultur des Altertums», Neue Folge, erste Reihe, Bd. 7, Paderborn 1994, p. 82-113, et traduites en anglais par 10 R. F. Hock dans A . J. Malherbe, The Cynic Epistles, coll. « Society of Biblical Lite

rature . Sources for Biblical Study » 12,Missoula (Montana) 1977,p.53-89. Voir également les lettres 3 et 43 de Diogène (p. 94 et 172 Malherbe ; p. 4 et 72 Müseler) Bibliographie. Les travaux consacrés spécialement à Hipparchia sont peu

nombreux : cf. 11 H . von Arnim , art. « Hipparchia» ,RE VIII 2, 1913, col. 1662 ; García González 6 , p. 179 -187 ; 12 T. Dorandi, « Figure femminili della filosofia

antica» , dans F. de Martino (édit.), Rose di Pieria , Bari 1991, p. 263 -278 , notamment p . 268-273. En revanche, les références à Hipparchia contenues dans les ouvrages sur le cynisme sontbeaucoup plus nombreuses : Cf. 13 K . W . Goettling, « Diogenes der Cyniker oder die Philosophie des griechischen Pro letariats. Ein Vortrag » , dans Gesammelte Abhandlungen aus dem classichen Alterthume, t. I,

Halle 1851, p . 251-277, notamment p. 269 (repris dans 14 M . Billerbeck, Die Kyniker in der modernen Forschung. Aufsätze mit Einführung und Bibliographie, coll. « Bochumer Studien

zur Philosophie » 15, Amsterdam 1991, p. 31-57, notamment p.49) ; E. Zeller 2, 1. II 1, p. 245 n . 3, 275 n . 1 et 279 n . 3 ; 15 F . Susemihl, GGLA , t. I, p. 29 ; Gerhard 3 , p. 122 n . 2 , 134, 209

n . 4 et 277 n . 5 ; 16 R . Asmus, « Der Kyniker Sallustius bei Damascius » , JKPh 25, 1910, p. 504 -522 , notamment p . 513 ; 17 G . A . Gerhard, « Zur Legende vom Kyniker Diogenes » ,

ARW 15, 1912, p. 388 -408, notamment. p. 405 sq. (repris dans Billerbeck 14, p.89-106 , notamment p. 102 sq.) ; 18 E . Schwartz , « Diogenes der Hund und Krates der Kyniker» , dans Charakterköpfe aus der Antike,hrsg. von J. Stroux, 3. Auflage der Neuausgabe, Leipzig 1950 (1943 ), p. 121- 141 (= Charak. VI), notamment p. 137 sq . ; 19 D . R . Dudley, A History of cynicism . From Diogenes to the bih century A . D ., London 1937, réimpr. Hildesheim 1967, p . 49 -52 et 221 ; 20 V . E . Emeljanov, The Letters of Diogenes, Ann Arbor 1968, p . 92 -94 et 216 ; 21 J. M . Rist, Stoic Philosophy, Cambridge 1969, p . 61 ; 22 J. Roca Ferrer, « Kynikos

trópos. Cinismo y subversión literaria en la antigüedad » (= BIEH 8 ), Thèse Barcelona 1974 ,

p . 27, 39, 44 et 121 ; 23 A . J. Festugière , La vie spirituelle en Grèce à l'époque hellénistique ou les besoins de l'esprit dans un monde raffiné, coll. « Empreinte » 1 , Paris 1977, p . 140 ;

24 H . Niehues-Pröbsting, Der Kynismus des Diogenes und der Begriff des Zynismus, coll. « Humanistische Bibliothek . Abhandlungen >> 40, München 1979, p . 52 n . 20 , p . 158 et 241 ;

25 M . Billerbeck, « Greek cynicism in imperial Rome », dans Billerbeck 14, p. 147 -166 , notamment p . 164 (paru d 'abord en trad. franç. ; « La réception du cynisme à Rome » , AC 51,

1982, p. 151-173); 26 M . Daraki, « La sagesse des Cyniques grecs», dans C .Mossé (prés.), La Grèce ancienne, coll. «Points. Histoire », Paris 1986 , p. 92- 108, notamment p. 105 (= L 'histoire 3 , 1978, p. 5 -13) ; 27 M .Onfray, Cynismes. Portraitdu philosophe en chien, coll. « Figures », Paris 1990 , p. 21, 68, 81-82 et 153-157 ; 28 G . Dorival, « L ' image des cyniques chez les Pères Grecs » , dans M .-O . Goulet-Cazé et R . Goulet (édit.), Le cynisme ancien, p . 418 -443, notamment p . 428 ; 29 M . Billerbeck , « Le cynisme idéalisé d ' Épictète à Julien » ,

dans Le cynisme ancien , p . 319-338, notamment p . 326 ; 30 J. Moles, « Le cosmopolitisme cynique » , dans Le cynisme ancien, p. 259 -280 , notamment p. 269.

Si on laisse de côté l'ouvrage de 31 G .Ménage, Historia Mulierum Philosopharum , Lug duni 1690 (vu dans 32 H .G . Huebner, Commentarii in Diogenem Laertium , editionem curavit H .G . H ., t. II : Isaaci Casauboninotae atque AegidiMenagii observationes et emendationes in Diogenem Laertium . Addita est Historia Mulierum Philosophorum ab eodem Menagio scripta, Lipsiae 1833, p .615 (n° 7 : « Cynicae >>), dont il y a maintenant une traduction anglaise de

B . H . Zedler (The history ofwomen philosophers, Lanham 1984 ), c 'est récemment que la per sonnalité d 'Hipparchia a suscité un intérêt spécial dans les études sur l'activité intellectuelle

H 138

HIPPARCHIA DEMARONÉE

747

des femmes dans l' Antiquité : cf. 33 E . Cantarella, L 'ambiguo malanno. Condizione e imma gine della donna nell'antichità greca e romana , Roma 1986, p . 96 -97 ; 34 M . E . Waithe, « Arete, Asclepigenia , Axiothea, Cleobulina, Hipparchia and Lasthenia », dans Ead. (édit.), A history of women philosophers, t. I: Ancient women philosophers 600 B. C .-500 A . D .,

Dordrecht/Boston/Lancaster 1987, p . 197 -209 ; 35 J.McIntosh Snyder, The woman and the lyre. Women writers in classicalGreece and Rome, Southern Illinois University 1989, p . 105

108 ; 36 M . Le Doeuff, L ' étude et le rouet. Des femmes, de la philosophie, etc., Paris 1989 (passim ).

Le choix d'Hipparchia . L 'approche critique la plus courante, qui remonte à la tradition doxographique ancienne, envisage la personnalité et l'attitude d 'Hip parchia en référence à Cratès. Elle se centre sur le thème du mariage, dans la

mesure où il devientun argument contre le cynisme ou en faveur d'un adoucis sement du rigorisme de Diogène. Cette interprétation a été dépassée récemment par des contributions nouvelles provenant du domaine de la recherche sur la condition de la femme et provenantnotamment d'un projet méthodologique qui cherche à « rendre la voix aux femmes. .. reléguées à l'oubli par une conception masculine de la société et de l'histoire » (cf. 37 A . López López, No solo hilaron

lana. Escritoras romanas en prosa y verso, Madrid 1994, p. IX ). En tout cas, le choix d'Hipparchia se comprend dans le contexte de l' attitude du cynisme des premiers temps à l'égard de trois aspects concrets de la société : le mariage, la sexualité et la condition de la femme. L ' institution du mariage établit dans la cité un cadre de relations sociales qui

fixe les limites entre la sauvagerie et la civilisation en matière de rapport sexuel. Dans ce cadre, la femme joue un rôle très déterminé et restreint. On peut parler de l'existence de toute une idéologie de la puun oixovóuoc et de toute une " normative” réglant le comportement de la ruun eyrunt dans la cité construite selon les valeurs de Prométhée (cf. 38 I. Savalli, La donna nella società della Grecia antica, Bologna 1983, p. 96 - 132). Il n 'est donc pas étonnant que le cynisme des premiers temps, dans sa critique du vóuoc et de la dóca et dans sa défense de la púols , se soit occupé d'une façon particulière de la question du

mariage, car le mariage se trouve au fondement de la cité civilisée de Prométhée (cf. 39 J.- P. Vernant, « A la table des hommes. Mythe de fondation du sacrifice chez Hésiode » , dans La cuisine du sacrifice en pays grec, coll. « Bibl. des hist. » ,

Paris 1979, p. 37-132). En fait, c'est dans la question de la morale sexuelle que le cynisme contemporain de Diogène manifeste son rejet le plus radical de la cité. L 'institution du mariage accorde à la sexualité un lieu privé rattaché à une fonction sociale : l'éducation d'enfants légitimes destinés à assurer la continuité de la maison et de la cité . Avant d'être domestiquée par le mariage, la femme

avait été selon les Grecs un être sauvage (cf. 40 C . Bérard, « L 'ordre des fem

mes» , dans l'ouvrage collectif La cité des images. Religion et société en Grèce antique, Lausanne /Paris 1984 , p . 85 sqq.). L 'état antérieur au mariage rattache la

femme à Artémis, la divinité chasseresse , et la place aux confins du monde sau vage, tandis que le mariage (comme l'agriculture) l' établit dans le domaine du monde civilisé et la fixe dans un territoire, celui de la maison (olxos), dont elle ne doit pas franchir le seuil, car ce serait « propre aux chiens » ( cf.Ménandre, fr. 529 Koerte = Stobée IV 23, 11 Hense). De la sorte , la femme est mise à l'écart

748

HIPPARCHIA DEMARONÉE

H 138

du domaine politique et se maintient enfermée dans le domaine de la maison, où elle s'occupe du métier, ce qu 'elle fait en silence, car le silence (ou le peu de parole ) est un ornement chez la femme, dont le discours ne doit jamais être un discours public (cf. Plutarque, Praec, coniug., 142 c). Lemétier et le silence se trouvent normalement rattachés l'un à l'autre dans l' imaginaire de la féminité. De toute évidence, le mariage, en tant qu'institution fondamentale de la cité, a eu

pour les cyniques un intérêt quiest allé au delà de la question pure et simple de savoir s'il est avantageux ou désavantageux pour le sage d 'être marié. En fait, dans la doxographie relative à Diogène, on trouve un espace nouveau pour la sexualité év qúoel, un espace gagné à force d 'éliminer chez l'homme la condi

tion humaine et de le rendre à l'état originaire de l'animal, voire de la bête sau vage. De ce point de vue, le mariage d'Hipparchia avec l'un des plus illustres parti sans de Diogène a été mis à contribution pour soutenir l'hypothèse que le

cynisme a connu un certain relâchement avec Cratès et les cyniques postérieurs. En effet, la plupart des critiques ont interprété ce mariage comme un fait réel, bien que surprenant, qui atteste un changement d'attitude dans la teneur de la doctrine cynique : cf. Zeller 2, t. II 1, p. 275 n . 1 ; Gerhard 3, p. 277 (qui décrit

Hipparchia comme « weibliche kynische Heilige» ); Festugière 23, p. 139 -144 ; Emeljanov 20, p. 69-70. Indépendammentdes circonstances qui ontdéterminé ce point de vue, l'union de Cratès et Hipparchia présente certains traits particuliers

qui apparaissent invariablement dans la tradition : le fait que cette union est consommée en public et le fait que l'activité d 'Hipparchia est orientée vers l'ex

térieur de lamaison (qu'elle n 'avait même pas). La morale grecque est très explicite sur certains sujets : c'est le cas des rapports sexuels . Nos témoignages sont unanimes dans la présentation de l'hy ménée cynique comme réalisé en public . Ce comportement rappelle bien le principe de Diogène selon lequel tout doit être réalisé en public (návra toLETU

Év TÕ ułow : cf. D . L . VI69 = V B 147 Giannantoni), un principe qui traduit la subversion préconisée par le cynisme à travers l'invasion de la vie publique par

la vie privée. En général, ce genre de rapport sexuel suscite toujours dans la litté rature grecque une condamnation explicite, soit parce qu'on le présente comme faisant partie des habitudes (vóuoi) de certains peuples éloignés de la civilisa

tion, soit parce qu'on affirme qu 'il rend l'homme égal à l'animal. La comparaison avec Atalante, Agavé ou les Amazones place Hipparchia dans le domaine des femmes que 41 C . Arrigoni, Camilla, amazzone e sacerdotessa di Diana , coll. « Testi e documenti per lo studio dell' Antichità » 69, Milano 1982, p. 25 n. 26 , appelle « spéciales » , du

fait qu ' elles se trouvent en dehors de la norme: « In generale caccia femminile e lavoro della lana sono incompatibili perché espressione di status ed ethos antitetici, essenzialmente un' op

posizione fra natura e cultura. » Hipparchia est comparée de même aux prostituées, qui sont aussi des femmes spéciales, réunissant dans leur comportement sexuel tout ce qu'il a de sau vage. La tentative de Diogène consistant à rendre sauvage la vie (cf. Plutarque, De esu carn., 995 C - d = V B 93 Giannantoni) présente l'animal comme un modèle, la nature comme une

vérité, la vie comme un but dans la lutte inflexible contre le vouos et contre la dóba . En accord avec cela , le portrait d 'Hipparchia que l'on peut reconstituer représente la partie sau vage de la femme, la décrivant comme ménade, amazone, chasseresse, prostituée. Tout en

H 138

HIPPARCHIA DE MARONÉE

749

étant incorporée dans la cité à travers la parodie de l'institution du mariage (xuvoyauía ), Hipparchia introduit au sein de cette institution (de l'intérieur même de la société) tous les éléments sauvages qui font partie de la critique généralisée de l' état civilisé que préconise le

cynismede l'époque de Diogène (cf. 42 M . Detienne, « Entre bêtes et dieux » , dans Destins du cannibalisme = Nouvelle Revue de Psychanalyse 6 , 1972, p. 231-246 , notamment p . 243).

Nos sources présentent aussi un autre aspectdu comportement d 'Hipparchia, celui qui fait référence à son activité à côté de son compagnon Cratès. De ce point de vue, Hipparchia s'oppose radicalement à l'image sociale de la femme

athénienne, dont l'activité est restreinte à la maison et marquée par le silence. L 'anecdote décrivant sa rencontre avec Théodore (cf. supra) semble confirmer

l'idée que pour les cyniques la femme joue le même rôle que l'homme et pos sède donc lesmêmes droits (cf.43 L . Henrion , La conception de la nature et du

rôle de la femme chez les philosophes cyniques et stoïciens, Thèse Liège 1942 1943). La thèse de l'identité de l'homme et de la femme est exprimée assez nettement par Dio gène dans la Politeia (cf. V B 125 -126 Giannantoni) et n 'a rien d 'étonnant, si on pense que les

cyniques défendent la vie avev vóuov , äveu TÓNews, év QUOel. Cependant, cette idée semble s'opposer à la misogynie de Diogène attestée par tant d'anecdotes. En réalité, on peut essayer d'harmoniser ces deux aspects apparemment opposés si on pense que les insultes de Diogène contre les femmes s'adressent aux femmes xarà dóEav, c'est- à-dire à celles qui agissent selon l' image commune de la femme dans la cité. Dans la Politeia , Diogène s 'oppose à la condition

féminine, qu ' il envisage comme un fait imposé par la société, en faveur de la femme comme un simple fait biologique . En ce sens, on peut affirmer qu 'Hipparchia s 'est libérée de la condition féminine imposée, et qu ' elle a réalisé cette libération (dans le système social lui

même qui la produit) comme faisant partie d 'un programme théorique « d 'évacuation de la spécificité humaine » (cf. Daraki 26 , p . 103). La rencontre avec Théodore met en relief cet

aspect du comportement d 'Hipparchia : Théodore essaie de blesser Hipparchia dans sa pudeur,

mais Hipparchia n 'est nullementtroublée, comme le serait une femmenormale. Elle n 'agit pas devant Théodore comme une femme, parce qu 'elle a transgressé la seule condition féminine possible dans la cité civilisée, à savoir la condition que lui fixait l'idéologie de la yuvn

oixovóuos ; mais le fait biologique inévitable reste inaltéré avec toutes ses conséquences dans le domaine de la búouc. Ainsi, on peut interpréter le sens ultime du passage d 'Épictète ,

Entretiens III 22, 76 (= V H 20 , 8 -10 Giannantoni) comme suit : Hipparchia , libérée de sa condition sociale de femme, est du point de vue biologique « une femme » , mais du point de vue sociologique elle est « un autre Cratès » . La « femmemasculinisée » dont parle Daraki 26 ,

p. 104- 105 , est un fait social,non pas une altération de la nature.

. Iconographie. H . Fuhrmann,« GesprächeüberLiebe und Ehe aufBildern des Altertums» ,MDAI(R ) 55, 1940, p. 86 -91 (« II. Krates und Hipparchia »), fig . 9, a reconnu avec vraisemblance le portrait d'Hipparchia sur une fresque des Jardins de la Farnésine conservée dans le Museo delle Terme à Rome (cf. aussi G . M . A . Richter, The Portraits of the Greeks, London 1965 , t. II, p . 186 ; I. Bragantini et M . de Vos, Le decorazioni della villa romana della Farnesina, II 1: Le pitture,

Roma 1982 ; L . A . Scatozza Höricht, Il volto dei filosofi antichi, Napoli 1986 , p. 129, 131). La jeune femme, convenablement habillée, porte sur la tête un coffre et tend la main droite vers un personnage hirsute, qui serait, selon cette

interprétation , Cratès (MC 205, p. 500 ). Celui-ci, qui semble interrompu dans sa marche, apparaît vêtu d'un manteau court, s'appuyant sur un bâton et portant un

balluchon sur les épaules, ainsi qu'une espèce de sac rectangulaire , dont il accro che avec samain gauche la courroie qui s'appuie sur l' épaule droite, au dessus

750

HIPPARCHIA DEMARONÉE

H 138

d 'une peau. Le coffre que porte Hipparchia semble confirmer que celle- ci s'adresse à Cratès en tant que sa fiancée , car ce type de coffre, où la fiancée porterait ses possessions, apparaît dans une série de vases représentant des processions de noces ( cf. D . Clay, « Picturing Diogenes » , dans R . B . Branham et M .- O . Goulet-Cazé (édit. ), The Cynics. The Cynic Movement in Antiquity and Its

Legacy, coll. « Hellenistic Culture and Society » 23, p . 366 - 387, notamment p . 372 sq. ). La scène a été rattachée au récit de D .L . VI 96 -97 , ainsi qu ' à D . L . VI 93. Hipparchia est aussi vraisemblablement représentée à côté de Cratès sur une

médaille (moderne ?) conservée au Cabinet des Médailles de la Bibliothèque Nationale de Paris (cf. Richter, fig . 1081- 1082).

JESÚSMARÍA GARCÍA GONZÁLEZ et PEDRO PABLO FUENTES GONZÁLEZ. 139 HIPPARCHIDÈS DE RHÉGIUM

Pythagoricien dont le nom figure dans le catalogue de Jamblique (V. pyth. 36 , 267, p . 145, 19 Deubner ). F . Jacoby, art. « Hippys von Rhegion » , RE VIII 2 ,

1913, col. 1927-1930 , voir col. 1929, a émis l'hypothèse que l'Hippys ( H 159) de Rhégium mentionné par Phanias d'Érèse (fr. 12 Wehrli) chez Plutarque serait en réalité Hipparchidès; il est cité comme autorité à propos de doctrines du pythagoricien Pétron d’Himère. BRUNO CENTRONE.

140 HIPPARCHOS RE 14 Témoignages. 1 H . A . Brown, Philosophorum Pythagoreorum collectionis specimen , Diss . Chicago 1941, p . 58-69.

Pythagoricien , destinataire d 'une lettre du pseudo-Lysis conservée en deux versions différentes : (a ) Jamblique, V . pyth. 17 , 75-78, p . 42,23 - 45, 16 Deubner ;

(b ) Hercher, Epistolographi graeci, Paris 1873, p. 601-603; édition avec traduc tion allemande en regard et commentaire dans 2 A . Städele , Die Briefe des Pythagoras und der Pythagoreer, coll. « Beiträge zur klassischen Philologie » 115, Meisenheim am Glan 1980 p . 154 -159 ; 203-251 ; sur cette lettre , voir égale

ment 3 W . Burkert, « Hellenistische Pseudopythagorica» , Philologus 105, 1961, p . 16 -43, en part. p. 17 -28. Dans la version abrégée conservée par Diogène Laërce VIII 42, le destinataire est Hippasos (2H 144). Dans cette lettre , il est reproché à Hipparque d 'avoir divulgué les doctrines pythagoriciennes à des non initiés après avoir expérimenté les raffinements de la vie sicilienne ; il est invité à changer d 'attitude, sous peine d 'être considéré commemort. Cf. Clément, Strom .

V 57, 3, p . 364 , 27-29 Stählin (et les remarques d ’A . Le Boulluec , dans son édi tion de Stromates II, coll. SC 278-279, t. II, Paris 1981, p . 210 -211) ; Synésius, Epist. 143 ; la lettre est datée du IIIe s. av. J.-C . par Burkert 3, du fer-11° s. de notre

ère par Städele 2.

L'existence historique d’Hipparque pose problème et on a à plusieurs reprises émis l'hypothèse d 'une confusion avec Archippos ( + + A 321) et avec Hippasos ( » H 144 ). Selon 4 E . Rohde, « Zu Iamblichus De vita Pythagorica » , RAM 34,

H 141

751

HIPPARCHOS D ' ILION

1879, p. 260-271, voir p . 262, Hipparque ne serait autre qu'Archippos. Selon Olympiodore, in Plat. Phaed. 610, 9 Norvin (cf. L . G . Westerink , The Greek commentaries on Plato 's Phaedo, 1: Olympiodorus, Amsterdam 1976 , 1, 13, 20 , p . 57), cf. Schol. in Plat Phaed . 61d, p . 9 Greene, Hipparque aurait été , avec Philolaos, un des rescapés de l'incendie de l'école pythagoricienne (allumé par “Gylon ” (= Cylon ? C 229 ), puni pour avoir révélé un secret). Dans cette perspective, la confusion avec Archippos serait assez probable (cf. Jamblique, V .

pyth. 35 , 249, p. 134, 8 Deubner ; Porphyre, V. Pyth . 55, où les rescapés sont Archippe et Lysis ; chez Diogène Laërce VIII 39, il s'agit d'Archytas et Lysis ); Olympiodore amalgame les témoignages de Platon , Plutarque (dans le De gen . Socr., 583 a , les rescapés sontLysis et Philolaos), la lettre de Lysis et Aristoxène, voir 5 W . Burkert, Lore and Science, p. 228 n . 48 . Selon Städele 2, p. 213 n . 28 , il est possible que le « faible » Hipparque de la lettre provienne d'une déforma tion du nom du pythagoricien Archippos. Selon 6 H . Thesleff, The Pythagorean Texts , p . 88 -89, Hipparque est peut- être un amalgame des noms d 'Archippos et

d 'Hippasos. Comme Jamblique ne mentionne qu'une seule fois Hipparque , tandis qu 'Hippasos est cité plusieurs fois en rapport avec la divulgation du secret pythagoricien , dont il est également question dans la lettre, nous sommes probablement en présence d'une confusion entre Hippasos et Hipparchos. Voir 7 Jamblique, Vie de Pythagore. Introduction , traduction et notes par L . Brisson et

A .-Ph. Segonds, Paris 1996 , p. 171 n . 2. Chez Macrobe, In somn. Scip. I 14, 19,

et Tertullien , De an. 5, 2, est attribuée à Hipparque une conception de l'âme comme étant ignée ; dans ces passages une confusion avec Hippasos est presque certaine, cf. Aétius IV 3 , 4 = DDG 388, 3-4 . Hipparque ne figure pas cependant

dans le catalogue de Jamblique, V. pyth . 36 , 267, p. 143, 19 - 147, 6. Sous le nom d 'Hipparque a été conservé chez Stobée IV 44, 81 un llepi

eủovuíaç d'environ 65 lignes en dialecte dorien. Contenu : nécessité pour l'homme d 'affronter l'adversité et les maux de l'existence avec tranquillité

d'âme. Édition dans Brown 1, p . 64 -69; Thesleff 6 , p. 89, 6 -91, 16 ; dans DK 68 [55 ] c7, t. II, p . 228 , 21 - 230 ,7 parmi les imitations de Démocrite . Traduction anglaise dans 8 R . Navon , The Pythagorean Writings, p . 79-81, et dans 9 D . R . Fideler , The Pythagorean Sourcebook and Library, p . 247 -248 . Traduction ita

lienne de V .E . Alfieri dans 10 I Presocratici. Testimonianze e Frammenti, vol. II,Roma/Bari 1981, p . 826 -829. Datation : 11° s. av. J.- C . selon 11 H . Thesleff,

An Introduction to the Pythagorean writings of the Hellenistic period, Åbo 1961, p . 115. BRUNO CENTRONE .

141 HIPPARCHOS D ' ILION

Académicien , disciple de Carnéade ( C42), mentionné dans l'Academico rum historia de Philodème, col. 23, 10 (= Carnéade T 3b 9 Mette ). TIZIANO DORANDI.

HIPPARCHOS DE SOLES

752

H 142

la 142 HIPPARCHOS DE SOLES Académicien, disciple de Carnéade ( C42), mentionné dans l'Academico

rum historia de Philodème, col. 23, 10 (= Carnéade T 3b 10 Mette). Cf. H . von Arnim , art. « Hipparchos» 16 , RE VIII 2, 1913,col. 1665.

TIZIANO DORANDI. 143 HIPPARCHOS DE STAGIRE RE 17

Туа

A . Dans le testament d 'Aristote cité par Diogène Laërce V 11 - 16 , Hipparque est mentionné, avec Aristoménès, Timarque, Diotélès et Théophraste , comme l'un des exécuteurs testamentaires (épimélètes). En attendant l'arrivée d ’Antipa tros qui est désigné comme épitropos universel, ces épimélètes devront veiller sur Herpyllis et les enfants, de même que sur tous les biens laissés par le philo

sophe ( V 11-12). B . La Souda consacre une notice à ce personnage (s. v. "Innapxos, I 520 ; t. II, p. 657 , 22-24 Adler) : « Hipparque, Stagirite , philosophe, disciple d 'Aristote et son parent. (Il écrivit) Qu 'est-ce qui estmâle et qu 'est-ce qui est femelle chez les dieux ? ( Tí to appev xai Onau tapà Deoīc), Qu'est-ce que le mariage ? ( Tis ó yáuoc) et d'autres traités » . Il s'agissait, selon H . Daebritz , art. « Hipparchos >>

17 , RE VIII 2, 1913, col. 1666 , de « philosophische Auseinandersetzungen mit der Mythologie, also über Stoffe, die der Meister selbst wissenschaftlicher Untersuchung nicht wert hielt (Metaph . II 4 , 1000 a 19 : " les subtilités de la Fable ne valent pas la peine qu 'on les soumette à un examen sérieux ” (trad. Tricot]) » , mais qui pouvaient trouver dans des réflexions comme celles de

Metaph. XII 8, 1074 b 3, leur point de départ. C . Un Hipparque apparaît également dans le testamentde Théophraste (mort vers 286 ), cité par Diogène Laërce V 51-57. La chronologie n 'interdit pas d 'identifier le disciple d'Aristote et l'ami de Théophraste ,mais, comme l'a fait

remarquer Daebritz, l'Hipparque du testament de Théophraste apparaît davan tage comme un homme d 'affaires que comme un philosophe. Il n ' en reste pas moins qu 'il était le premier des dix héritiers solidaires du « jardin, du péripatos

et de toutes les maisons attenantes au jardin » : Théophraste laissait ces biens à ses amis pour qu 'ils pussent y étudier et y philosopher en commun (ovoxo ná (elv xai ovuoooodeīv, V 52-53). Hipparque était le dépositaire de fonds qui devaient servir à l'exécution d 'un certain nombre de dispositions testamen taires, notamment à la restauration du Musée détérioré pendant la révolte anti macédonienne à Athènes (289-287). Il devra également verser 2000 drachmes aux affranchis Pompylos et Threpta (V 54 ) et 3000 drachmes à Callinos (> C 26 ] (V 55 ). Hipparque venait apparemment de subir un “ naufrage” dans ses affaires personnelles, ce qui incita peut-être Théophraste à ne pas l'associer à Mélantès et Pancréon comme héritier . Après avoir versé à Mélantès et Pancréon un talent chacun et avoir déboursé les sommes nécessaires à l'exécution des diverses dispositions du testament, Hipparque pourrait se tenir pour quitte des sommes

que Théophraste avait déposées chez lui.Hipparque est encore nommé en tête de

H 144

753 HIPPASOSDE MÉTAPONTE la liste des épimélètes du testament ( V 56 ). Il avait un fils, nomméHégésias,

chez qui une copie du testamentavait été déposée . RICHARD GOULET.

144 HIPPASOS DE MÉTAPONTE RE 15

ya

Pythagoricien ancien . Témoignages. 1 DK 18 ( 8 ) ; t. I, p. 107 - 110 ; 2 M . Timpanaro Cardini, Pita gorici. Testimonianze e frammenti, fasc . I, Firenze 1958 , 5 (18), p. 84 -105. Dio gène Laërce VIII 84 lui accorde une place dans la section des Vies consacrée à

Pythagore et aux pythagoriciens. Il le qualifie de nudayop .xós. Il était origi naire deMétaponte selon Aristote,Métaph. 984 a 7, et Diogène Laërce. Un Hip pasos figure parmiles pythagoriciens de Sybaris dans le catalogue de Jamblique,

V. pyth. 36 , 267, p. 144, 20 Deubner; d 'après V . pyth . 18 , 81, p. 81, 3 -4, certains le disaient de Crotone, d'autres de Métaponte . Il fut le maître d 'Héraclite (» H 64) selon la Souda H 471 s.v. 'HpáxNELTOS, t. II, p . 583, 32-584, 1 Adler; celui d 'Empédocle (B - E 19) selon une lettre du pseudo- Télaugès citée par Diogène Laërce VIII 55 (= Néanthe, FGrHist 84F 26 ). Un Hippasos de Phlionte est cité par Pausanias II 13, 2, comme arrière -grand

père de Pythagore (cf. D .L . VIII 1).

Dans le récit des émeutes antipythagoriciennes de Crotone transmis par Apol lonius chez Jamblique, V. pyth . 35, 254 -264 , p . 136 , 14 - 142, 9 Deubner, cf. 257,

p . 138, 23, un Hippasos, responsable de réformes démocratiques, figure parmi les adversaires des pythagoriciens avec Ninon, auteur d 'un faux hieros logos destiné à dénigrer la secte . De là vient peut-être l'attribution à Hippasos d 'un

mystikos logos (voir plus bas).

Hippasos est principalement mentionné en rapport avec (a ) la distinction parmi les pythagoriciens entre acousmatiques et mathématiques, et (b ) la divul

gation de doctrines secrètes pythagoriciennes. (a ) En ce qui concerne la distinction entre " acousmatiques” et “mathéma tiques”, Jamblique la présente sous deux versions contradictoires. Selon V. pyth . 17, 81, p. 46 ,24 - 47, 3 Deubner, les "mathématiques” étaient reconnus par les

autres comme pythagoriciens, mais eux-mêmes ne reconnaissaient pas comme tels les "acousmatiques” , considérant que la doctrine de ces derniers n 'était pas celle de Pythagore, mais celle d'Hippasos. Chez Jamblique, De comm . math . scient., p . 76, 19 - 77, 2 Klein , on dit au contraire que les “ acousmatiques” étaient reconnus comme pythagoriciens par les autres, mais qu'eux-mêmes ne recon naissaient pas les “mathématiques” , considérant que la doctrine de ces derniers

n 'était pas celle de Pythagore, mais celle d 'Hippasos. 3 W . Burkert, Lore and Science, p. 192- 208 , a montré que la version originelle était la seconde et que par conséquent Hippasos était à l'origine de la tendance mathématique, donnant

naissance à un groupe qui se distingua de l'orientation acousmatique, sans pour autant renier la foi pythagoricienne. Jamblique aurait altéré cette version en faisantainsi d 'Hippasos un pythagoricien « acousmatique » (in Nicom ., p . 10, 20

754

HIPPASOS DE MÉTAPONTE

H 144

Pistelli ; de anima chez Stobée I 49, 32, à sa suite, Syrianus, in Ar. Metaph. 1080b 16 , p. 123, 7 Kroll). (b) Selon Jamblique, V. pyth . 18, 88, p. 52, 2-8, Hippasos aurait divulgué par écrit la construction de la sphère au moyen des douze pentagones (opaipav tņu

εκ των δώδεκα πενταγώνων) et pour cette raison il aurait peri en mer comme impie ; selon une autre version, la doctrine divulguée aurait été celle des nombres irrationnels et des grandeurs incommensurables (cf. V. pyth . 34, 247, p . 132, 17

23). La légende de la divulgation du secret pourrait remonter à la tradition des “mathématiques" eux-mêmes : ces derniers, dont l'activité représentait aux yeux des acousmatiques un enseignement nouveau et subversif qui ne pouvait être reconnu comme authentiquement pythagoricien , jugeaient nécessaire de faire remonter ces doctrines scientifiques jusqu 'à Pythagore lui-même afin de leur conférer l'autorité du maître ; en conséquence, Hippasos futpar la suite réduit au

rang de plagiaire et de divulgateur des secrets (cf. Burkert 3 , p . 207). Le témoi gnage de Clément, Strom . V 57, 3 , selon lequel un " Innapxos fut exclu de la communauté pour avoir publié les doctrines pythagoriciennes, est inséré parmi

les témoignages relatifs à Hippasos dans DK ; sur les confusions entre Hippasos et Hipparchos, voir la notice consacrée à ce dernier.

Euvres. Selon Démétrius deMagnésie, dans ses Homonymes, cité par D .L . VIII 84, Hippasos n 'aurait laissé aucun écrit ; Héraclide Lembos (114), chez D .L . VIII 7, cite un Muotixòç Nóyos qui aurait été écrit par Hippasos pour diffamer Pythagore ; il faut sans doute mettre ce témoignage en rapport avec le hieros logos qu' aurait composé Ninon pour diffamer les pythagoriciens, selon le récit

des émeutes antipythagoriciennes transmis par Apollonius (supra) ; on a pu éga lement attribuer ultérieurement à Hippasos un matériel qui circulait sous le nom

de Pythagore et que l'on jugeait ennuyeux (cf. Burkert 3, p . 207 n . 78 ). Il est donc assez probable que sous le nom d 'Hippasos circulaient déjà au III s . av. J.- C . des écrits pseudépigraphes (cf. 4 H . Thesleff, An Introduction to the

Pythagorean writings of the Hellenistic period, Åbo 1961, p. 106). Un Iepi tõv åróywv ypauuátwv (?) apocryphe, cité chez Élias, p . 125, 12-13 Busse (CAG XVIII 1 = 93, 5 - 9 Thesleff), et dont l'auteur aurait péri dans un naufrage (cf.

Jamblique, V. pyth. 34, 247), était peut- être attribué à Hippasos (cf. Thesleff 4 , p . 14 ).

Un fragment d'un écrit sur l'âme est cité sous le nom d'Hippon de Métaponte par Claudien Mamert, De anima II 7 ; il est inclus parmi les témoignages sur

Hippasos dans DK ; il est probable cependant qu 'il s'agit d 'un passage d'Hippon de Rhégium (» H 157) (cf. 5 H . Thesleff, The Pythagorean texts of the Helle

nistic period, Åbo 1965, p. 93). A Hippasos sont attribuées diverses expériences mettant à profit des vases remplis d'eau ou des disques de bronze de même diamètre mais de différente épaisseur pour établir les rapports numériques qui présidentaux harmoniesmusi cales (Schol. in Plat. Phaed. 108 d, p . 15 Greene = Aristoxène fr. 90 Wehrli).

Hippasos aurait le premier (de même qu’ Archytas par la suite) désigné comme " harmonique" la proportion du type (a -b ) : (b -c ) = a : c , jusqu 'alors appelée “ sub

755 HIPPIAS D 'ÉLIS contraria ” (hypenantia ). Aristote cite Hippasos avec Héraclite comme philo H 145

sophes ayant posé que le principe de la réalité est le feu. Dans les témoignages doxographiques, qui remontent en dernière analyse à Théophraste , est attribuée à Hippasos une doctrine selon laquelle le tout est un et limité, en mouvement

continu ; le principe serait le feu, à partir duquel les choses se formeraient par condensation et raréfaction ; on trouve également des allusions (D .L . VIII 84) à une théorie du changement périodique dans l'univers . BRUNO CENTRONE. va 145 HIPPIAS D 'ÉLIS RE 13 DK 86 Sophiste , originaire d'Élis (Ouest du Péloponnèse ). Interlocuteur de Socrate

dans deux dialogues de Platon qui portent son nom , Hippias mineur et Hippias majeur (l'authenticité de ce dernier dialogue étant parfois contestée) et dans les Mémorables de Xénophon (IV 4 , 5 -25, cf. DK 86 A 14), il est aussi l'un des per sonnages du Protagoras, où notamment il fait avec succès office de médiateur entre Protagoras et Socrate au moment où ce dernier menace de mettre un terme

à la discussion (Prt. 337c - 338 b = DK 86 C 1). Au témoignage de Platon (Hp. Ma. 281 a-c, cf. DK 86 A 6 ), il conjuguait, comme Gorgias de Léontini ( G 28 ) et Prodicos de Céos (ibid ., 282b ), le rôle public d'ambassadeur de sa cité , notamment auprès de Sparte , et l'activité privée d 'un sophiste donnant des leçons payantes.

Datation. Présenté par Platon comme« beaucoup plus jeune » que Protagoras

(Hp. Ma. 282e = DK 86 A 7), on déduit en général de sa mention dans l’Apolo gie de Socrate du même auteur (19 e = DK 86 A 4 ) qu 'il était actif en 399a et qu'il survécut à Socrate ; Philostrate (V. Soph. I 11, 1, cf. DK A 2) parle de son âge avancé, ce qui fait penser qu 'il fut actif jusque dans les premières décennies du IVe siècle . Du Pseudo-Plutarque (Vitae decem oratorum , V . Isocr. 838a, 839 b ) et de Zosime ( V . Isocr. 253, 4 ), on peut conclure qu 'Isocrate (» I 38 ), lui

même âgé, épousa la fille d'Hippias, Plathané, déjà mère de trois fils dont il adopta le plus jeune, Apharée ; si, comme le dit Harpocration, cet Apharée était en réalité le fils d 'Hippias, c 'est la veuve de ce dernier, non sa fille , qu 'épousa

Isocrate , ce qui réduit l'écart entre eux (cf. DK 86 A 3 ). (Voir cependant la notice « Isocrate » .]

Euvres.Lamaigreur de notre documentation contraste avec la réputation qui est la sienne d'avoir beaucoup écrit (DK 86 A 1), et dans les domaines les plus

divers. Sous l'apparence des railleries dont il fait à ce propos l'objet de la part de Socrate , Platon atteste la diversité de ses compétences. Critiqué par Protagoras pour enseigner ce que ce dernier appelle des téXVal (calcul, astronomie, géomé trie , musique : cf. Prt. 318e), Hippias allait jusqu'à pratiquer lui-même les métiersmanuels, s' il est vrai, comme le rapporte également Platon , qu 'il vint une fois à Olympie n 'ayant rien sur sa personne (anneau , chaussures, tunique...) qui ne fût son æuvre (Hp. Mi. 368 b ). Platon le fait se déclarer excellent à la fois dans l'éloquence épidictique et dans l'art de l'improvisation en réponse à une question quelconque (Hp. Mi. 363d); au début de l'Hippias Mineur, Hippias

756

HIPPIAS D ' ÉLIS

H 145

vient ainsi de disserter sur Homère , et se déclare prêt à répondre aux questions

de Socrate. Dans l'Hippias Majeur, Hippias fait état de son savoir en matière d '« archéologie » , c'est-à-dire de généalogie des héros et des dieux et de fonda tion des cités, qui ont fait son succès à Sparte (Hp. Ma. 285d), ainsi que d'un discours sur l'éducation , également destiné au public lacédémonien , composé

sous la forme d'un dialogue entre Néoptolème et Nestor; Philostrate (V . Soph. I 11, 4) mentionne ce discours sous le nom de Dialogue troyen, sans qu 'il soit possible évidemment de savoir s'il s'agit du titre original; même chose pour les

diarétenç mentionnées par le même auteur (V . Soph. I 11, 1), où Hippias aurait traité de géométrie , d'astronomie et de musique. Des témoins plus tardifs confir

ment le témoignage de Platon sur les recherches historiques d'Hippias : on lui attribue des Nomsdes peuples (DK 86 B 2 ),une liste des vainqueurs olympiques (DK 86 B 3), des considérations d 'ordre philologique (DK 86 B 9) et un Recueil (Euvaywyn ) qui, d'après la citation qui en est faite par Athénée (Deipnosoph .

XIII, 608 f = DK 86 B 4 ), rassemblait probablement des informations diverses d 'ordre historique. Enfin , Aristote mentionne Hippias pour la résolution de questions de prosodie dans Homère (Polit. 25 , 1461a 21 ; cf. S. E. 4 , 166b 1 sqq.

= DK 86 B 20) et, d'après Pausanias (V 25, 4 = DK 86 B 1), il aurait lui-même composé des vers. A tout cela Platon ajoute , dans l'Hippias Mineur (368 d), la mnémotechnie où , dit-il, Hippias pensait être le plus brillant. Proclus (in Euclid ., p. 272 , 3 Friedlein = DK 86 B 21) donne le nom d'Hip pias comme celui de l'un des inventeurs de lignes qu 'il appelle « quadratrices» ;

ce nom implique que les lignes ou courbes en question étaient utilisées dans les tentatives de quadrature du cercle, mais Proclus en parle seulement comme d'un procédé permettant de diviser un angle droit en trois parties égales. Contestée par

un certain nombre d'historiens de la pensée antique, l'identification de cet Hip piasmathématicien avec le sophiste Hippias d'Élis est majoritairement acceptée depuis 1 A . A . Björnbo, art. « Hippias» 13, RE VIII 2 , 1913, col. 1707 -1711.

Selon 2 W . Schmid , Geschichte der griechischen Literatur, 1. Teil, Bd. 3, München 1940 , p. 50, nous n 'avons pas de preuve que Hippias se soit appliqué comme les Ioniens à la philosophie naturelle . Diogène Laërce (I 24 = DK 86 B

7) cite pourtant Hippias en même temps qu 'Aristote pour avoir rapporté que Thalès attribuait une âme aux objets inanimés. Rapprochant ce témoignage de

l'unique citation textuelle d'Hippias qui nous ait été transmise (Clément d 'Alexandrie , Strom . VI 15 = DK 86 B 6 ), où celui-ci semble invoquer comme autorités Orphée,Musée, Hesiode et Homère , 3 B . Snell, « Die Nachrichten über die Lehren des Thales und die Anfänge der griechischen Philosophie - und Litera turgeschichte » , Philologus 96 , 1944 , p. 170 -182 (= Id ., Gesammelte Schriften , Göttingen 1966 , p. 119- 128 = Sophistik, hrsg. von C .J. Classen, coll. « Wege der

Forschung » 187, Darmstadt 1976 , p. 478-490 ) a fait l'hypothèse que l'informa tion transmise par Diogène Laërce provenait d'un ouvrage où Hippias, avant Platon (Cra . 402 b , Tht. 175e, 180c-d), aurait fait remonter à Homère faisant naître toutes choses d'Océan et Téthys la généalogie de la physique de Thalès faisant de l'eau le principe universel. Source commune de Platon et d 'Aristote

H 145

HIPPIAS D ' ÉLIS

757

(Metaph . A 3, 983b21 sqq.), Hippias, s'il ne fut pas physicien , aurait donc en tout cas été le premier historien de la philosophie et l'inventeur de la doxogra phie . (Pour des prolongements de l'étude de Snell 3 , voir 4 C .J. Classen , « Bemerkungen zu zwei griechischen “ Philosophiehistorikern” » , Philologus 109, 1965, p. 175- 178 ; 5 J.Mansfeld , « Cratylus 402 a-c : Plato or Hippias ?» , dans L . Rossetti (édit.), Atti del Symposium Heracliteum 1981, t. I, Roma 1983, p. 43 55.)

Doctrine. En se fondant surtout sur le passage du Protagoras de Platon où Hippias déclare que « par nature le semblable est apparenté au semblable » et que « la loi est le tyran des hommes » (Prt. 337c-d), et sur sa discussion avec Socrate dans les Mémorables de Xénophon (IV 4 ), où il conteste l'autorité du droit positif au profit des lois non écrites, dont le critère est qu 'elles sont universelle ment respectées, on a vu en Hippias le premier théoricien du droit naturel et du

cosmopolitisme. C 'est ainsi que 6 H . Diels, « Ein antikes System des Natur rechts » , Internationale Monatsschrift für Wissenschaft, Kunst und Technik 11,

1917, col. 81- 102 (trad. fr.: « Une doctrine du droit naturel dans l’Antiquité » , Revue française d 'histoire des idées politiques 3, 1996 , p . 161- 173), n 'a voulu

voir dans la théorie du droit naturel qu 'il attribuait à « Antiphon le sophiste » qu ’un emprunt à Hippias. Hippias s'est vu sous cet aspect conférer une impor tance primordiale dans l'histoire de la pensée grecque et de la pensée politique en général, importance qui contraste avec le traitement que lui réserve celui qui en est pour nous le principal témoin , Platon . Hippias a donc fait l'objet de plu sieurs « réhabilitations» , dontles plus notoires furent celles de 7 E . Dupréel, Les Sophistes, Neuchâtel 1948, p. 185 -393, qui, non content de retrouver dans les

témoignages relatifs à Hippias « les traces d'une philosophie » , prétendit déchif frer dans le texte platonicien lui-même les traces d 'emprunts multiples au

sophiste d'Élis ; de 8 M . Untersteiner, I Sofisti, Torino 1949 ' (trad. angl. par K . Freeman , The Sophists, Oxford 1954), Milano 19672 (réimpr.Milano 1996 ; trad . franç. par A . Tordesillas, Les Sophistes, coll. « Bibliothèque d 'Histoire de la

Philosophie » , Paris 1993), ch . XV, qui en fait le théoricien de « la 'physis' abso lue» , c'est-à -dire d'un naturalisme non seulement politique ou juridique,mais éthique et gnoséologique. L 'interprétation de M . Untersteiner se signale en outre par l'attribution à Hippias, via son identification avec l'Anonyme de Jamblique

( * I 4), du chapitre III 84 de Thucydide, ainsi que du prologue des Caractères de Théophraste. Selon Untersteiner 8, les Dissoi Logoi (2 + D 214 ) trahissent éga

lement l'influence d ’Hippias, et la « digression philosophique» de la Lettre VII de Platon est une polémique contre lui, ce qui permet de reconstituer a contrario les traits de sa doctrine.

Sila prédominance a souvent été donnée aux aspects éthiques et politiques de la pensée d'Hippias, quelques auteurs ont cherché à ordonner la diversité de ses activités et des domaines auxquels il a touché autour d'un principe qui en assu rerait la cohérence. Parmiles « profils » ainsi esquissés, citons 9 A . Momigliano ,

« Ideali di vita nella sofistica : Ippia e Crizia » , La Cultura, n.s. 9, 1930, p. 321 330 = Quarto Contributo alla Storia degli Studi Classici e del Mondo Antico,

HIPPIAS D 'ÉLIS

758

H 145

Roma 1969,p . 145- 154 (trad.allem .dans Sophistik, hrsg. von C .J. Classen, coll. « Wege der Forschung» 187, Darmstadt 1976 , p . 465 -477), pour qui l'ampleur

même des activités d 'Hippias et les positions théoriques qui sont les siennes s'expliquent par la volonté d 'autarcie ; 10 J. Brunschwig, « Hippias d' Élis, philo

sophe-ambassadeur» , dans K . Boudouris (édit.), The Sophistic Movement, Athènes 1984, p. 269-276 , pour qui, selon une démarche analogue, il est possible de donner une cohérence à la figure d'Hippias à partir de son métier d'ambassa deur, c 'est-à -dire de médiateur, de pacificateur, attaché dans tous les domaines à « rapprocher les parties en conflit et là ) rétablir des continuités là où il y a des coupures » .

Éditions. Témoignages et fragments : 11 DK II, p . 326 -334 (n° 86) ; 12 Sofisti. Testimonianze e frammenti, fascicolo terzo . Introduzione, traduzione e commento a cura di M . Untersteiner, Firenze 1954, p . 38 -109 (aux fragments B de Diels, M . Untersteiner ajoute le prologue des Caractères de Théophraste ; dans la rubrique C (Imitation ), où Diels ne fait figurer que Platon, Protagoras 337c - 338 b , il ajoute Hippias majeur 301b et une scholie au Gorgias 497c [ p . 160 Greene )).

Traductions seules. Traduction anglaise par 13 D . Gallop, The Older Sophists edited by R .K . Sprague, University of South Carolina Press, Columbia (South Carolina) 1972, p . 94-105. Traduction française par 14 J.- P . Dumont, Les Sophistes. Fragments et témoignages, Paris 1969, p . 141-156 ; 15 Id ., Présocra tiques, p. 1078- 1090. Bibliographie. 16 C . J. Classen, « Bibliographie zur Sophistik » , Elenchos 6 ,

1985 (Hippias, p . 120-122) = mise à jour de la bibliographie parue dans Sophistik, hrsg . von C . J. Classen , coll. « Wege der Forschung » 187, Darmstadt 1976 (Hippias, p . 689-691).

Études d 'orientation . 17 H . Gomperz , Sophistik und Rhetorik , Leipzig

Berlin 1912 (réimpr. Darmstadt 1965), p .68-79 ; 18 W . Schmid ,Geschichte der griechischen Literatur, 1. Teil, Bd. 3,München 1940 , p . 49-57 ; 19 W . Nestle , Vom Mythos zum Logos. Die Selbstentfaltung des griechischen Denkens von

Homer bis auf die Sophistik und Sokrates, 2e éd ., Stuttgart 1942, réimpr. 1975, p . 360-371 ; 20 W . K . C . Guthrie , HGP I 3 = The Sophists, Cambridge 1971, p . 280 -285.

Sur la mnémotechnie : 21 H . Blum , Die antike Mnemotechnik , coll. « Spu dasmata » 15 , Hildesheim New York 1969, p .48-55.

Sur la quadratrice : Björnbo 1 ; 22 Th . Heath , A History of Greek Mathema tics, Oxford 1921, t. I, p . 182, 226 -230 ; 23 K . Freeman, The Pre-Socratic Philo

sophers. A Companion to Diels' " Fragmente der Vorsokratiker", Oxford , « Second Edition » , 1966 , p . 385-388. MICHEL NARCY.

H 148

759

HIPPOBOTOS

146 HIPPIAS DE PTOLÉMAÏS IV ? Ce platonicien a laissé sa signature dans les Tombeaux des Rois à Thèbes (J. Baillet, Inscriptions grecques et latines des tombeaux des rois ou Syringes, Le

Caire 1923, n° 1984). Une datation précise est impossible,mais c'est surtout au IVe siècle que le pèlerinage de Thèbes semble avoir été de tradition dans les milieux platoniciens (voir B . Puech , art. « Bèsas de Panopolis » , B 29, DPKA II , p . 106 - 107). BERNADETTE PUECH .

147 HIPPOL Épicurien (?) dont le nom a été lu par Crönert, Kolotes und Menedemos, p. 98 , dans un passage des plus incertains d'un ouvrage anonyme contenu en PHerc . 1040 pz. III 1, 3 : tÕL ' Inno [ et 5 : ‘I]nto -. Cf. M . Capasso , CronErc 12,

1982, p .6 n . 12. Pour le nom , voir l' épicurien Hippocléidès, » H 149. TIZIANO DORANDI.

148 HIPPOBOTOS RE

fl. DM II ou Fra ?

Historien de la philosophie et biographe. Le nom est rare, mais attesté pour un vainqueur de la course à pied à Olympie en 456 . (cf. FGrHist 415 F 2 = P. Oxy. 222 (col. II ol. 81 ; 456 )). Voir aussi les noms ' Innoßáraç et

' Ingroßoris dans LGPN , t. II,p. 237 et t. III/A , p. 222.

Fragments et témoignages. 1 M .Gigante , « Frammenti di Ippoboto . Contri buto alla storia della storiografia filosofica » , dans Omaggio a Piero Treves, Padova 1983, p. 151-193 (« Hippoboti fragmenta nunc primum collegit Marcel lus Gigante » , p . 179-193, avec traduction italienne). Hippobote est également

nomméavec Hiéronymos de Rhodes (PH 129] (Év tớ lepi ouvoxñs) et un certain Aristophane le péripatéticien (mA 404 ) (ÉV to ſlepi árunias) dans un fragmentbiographique contenu dans POxy. 3656 , publié par P . J. Parsons, dans 2 Helen M . Cockle (édit.), The Oxyrhynchus Papyri, t. 52 , coll. « Greco -Roman

Memoirs » 72,London 1984, p. 47-50. Voir 3 M .Gigante, « Accessione Ippobo tea » , PP 220, 1985, p . 69 ; 4 Id., « Biografia e dossografia in Diogene Laerzio » ,

Elenchos 7, 1987, p. 59-62. Euvres. Diogène cite deux titres apparemment distincts d 'Hippobote : (1) Tepi aipédeWV, Sur les écoles de pensée (I 19 et II 88).

(2 ) ’Avaypad tõv olhoooowv, Répertoire desphilosophes (I 42). « Il concetto di aipeous privilegia un sistema, il concetto di åvaypaoń privilegia l'indivi duo,il Dióoopoç» (Gigante 1, p . 154).

Cf. 5 H . von Arnim , art. « Hippobotos» , RE VIII 2 , 1913, col. 1722- 1723 ; 6 U . von Wilamowitz -Mællendorff, Antigonos von Karystos, coll. « Philolo gische Untersuchungen >> 4, Berlin 1881 ; réimpr. Berlin 1965 ; 7 J . Bidez, La

biographie d 'Empédocle, Gand 1894, p . 6 -10, considérait que la Vie d'Empé docle (VIII 51-77) chez Diogène Laërce dépendait d'Hippobote ; 8 A . Gercke, De quibusdam Laertii Diogenis auctoribus, Greiswald 1899, voyait en Hippo bote la source unique de Diogène... ; 9 Giuseppina Donzelli, « Il NEPI AIPEEESN

HIPPOBOTOS

760

H 148

di Ippoboto e il KYNIEMOE » ,RFIC 37, 1959, p. 24-39; 10 W . von Kienle , Die Berichte über die Sukzessionen der Philosophen in der hellenistischen und spät

antiken Literatur, Berlin 1961, p . 77 sqq.; 11 J. Mejer, Diogenes Laertius and his Hellenistic Background, coll. « Hermes - Einzelschriften » 40 , Wiesbaden 1978, p. 45, 69 -72 et 77 sq.; 12 J. Glucker, Antiochus and the Late Academy,

coll. « Hypomnemata » 56 ,Göttingen 1978, p. 176 - 180 ; 13 M .- O .Goulet-Cazé, « Le livre VI de Diogène Laërce : Analyse de sa structure et réflexions méthodo logiques» , ANRW II 36 , 6 , 1992, p. 3880 -4048, notamment p . 3923- 3927.

Datation . La citation la plus ancienne a été retrouvée chez Philodème(milieu du jer siècle av. J.-C .), De Stoicis = PHerc 339/155, col. XII 20 - XIII 12 Dorandi (vai Letà I TOÚtwv ó 'Ilinoporos, à la suite d'une suggestion de A . Koerte ).

Hippobote y est associé à Apollodore d 'Athènes, dontla Chronique date de 144a. Dans les témoignages antiques (Philodème, Diogène Laërce, Clément, Anato lius, Porphyre et Jamblique), Hippobote est souvent associé à d'autres sources

d ' époque hellénistique: Hermippe (fr. 6 : simple succession de deux listes de sages en fait : fr : 16 : succession de deux anecdotes), Démétrius de Magnésie (fr. 7 : après avoir cité son témoignage sur Héraclide le Pontique et avoir reproduit

l'épigramme qu'il en avait tirée , D . L . ajoute qu 'Hippobote dit la même chose ; même utilisation des sources dans le fr. 21 à propos de Démocrite ), Androcyde (fr. 13), Euboulidès le Pythagoricien (fr. 13), Aristoxène (fr. 13) et Néanthe de Cyzique (fr. 13, 17, 18, 19 ), Apollodore d' Athènes (fr. 5 ), Ariston de Chios (fr. 20) et Sotion (fr. 20 ). Il faut maintenant ajouter Hiéronymos de Rhodes et Aristophane le Péripatéticien (Aristoxène ?] dans le fragment biographique de POxy. En aucun de ces passages n 'est précisé le rapport d 'une source à l'autre. Que la plus ancienne ait été connue à travers la plus récente est dans chaque cas une simple possibilité, généralement invérifiable , qu 'il est téméraire de transfor mer en preuve d'une hypothèse chronologique. Qu'Apollodore d'Athènes ait suivi Hippobote et que ce dernier doive en conséquence être daté de la première moitié du lle siècle est une déduction fondée sur ce type d 'argumentation . De façon certaine on peut donc le situer entre les successeurs de Timon de Phlionte (fr. 22) et Philodème ( fr. 5 ), à supposer que la reconstitution de Koerte et

Dorandi soit la bonne.

L 'utilisation de la liste des neuf « écoles de pensée et de vie » (aipłoelç xai àywyás) du fr. 1 est délicate. « Hippobote ,dans son traité Sur les écolesdepensée, dit qu 'il y a neuf écoles de pensée ou mouvements : 1° l' école mégarique, 2° l'érétri(a )que, 3° la cyrénaïque, 4° l'épicurienne, 5° l'annicérienne, 6° la théodoréenne, 7° la zénonienne, également (appelée) stoïcienne, 8° l'académicienne antique, 9° la péripatéticienne ; mais ni la cynique, ni l'éliaque, ni la dia lectique. »

Von Arnim considérait que la désignation de l'école stoïcienne comme « zénonienne » et le fait que seule « l' Ancienne Académie » soit mentionnée prou vaient que la liste ne reconnaissait pas encore le rôle fondamental de Chrysippe

(mort à la fin du IIIe siècle av. J.-C .) dans l'école et ignorait la nouveauté doctri nale introduite par la Nouvelle Académie de Carnéade. Mais on ignore dans quelle perspective a été dressée cette liste et à quelles fins elle devait servir. Hip

H 150

HIPPOCRATE

761

pobote n 'incluait pas dans cette liste les écoles cynique, éliaque et dialectique, mais , puisqu 'il connaissait une Ancienne Académie, que faisait-il de la ou des

Académies plus récentes ? Selon Glucker 12, p. 178, au contraire , si Hippobote ne mentionne que l'Ancienne Académie, c 'est parce qu 'il se situe lui-même après la fin de l'Académie sceptique et après Antiochus d 'Ascalon au jer siècle av. J.- C .

La Souda (1 554), qui désigne Hippobote comme " philosophe",ne semble le connaître que par ce passage de Diogène Laërce cité sous aipeous ( A 286 ).

La liste des (douze) Sages retenue par Hippobote est conservée par Diogène Laërce I 42, dans son Introduction générale sur les Sept Sages qui suit la Vie de Thalès : « Hippobote dans son Registre des philosophes (donne les noms suivants) : Orphée, Linos, Solon , Périandre , Anacharsis, Cléobule , Myson , Thalès, Bias, Pittacos, Épicharme, Pytha gore. »

RICHARD GOULET.

149 HIPPOCLÉIDÈS RE 2

D III

Épicurien , contemporain et amide Polystrate (RE 7 : troisième scholarque du Jardin et successeur d'Hermarque (2H 75 ), D . L . X 25), il serait né et mort le même jour que lui selon Valère Maxime, I 8, ext. 17 : « A ce point de notre

exposé trouvent place naturellement les philosophes Polystrate et Hippocléidès, nés le même jour, formés ensemble à la doctrine de leur maître Épicure , associés également dans la possession desmêmes biens et dans le développement de leur école, morts au mêmemoment dans une vieillesse avancée . Le partage si total et si constant d 'un même sort comme d 'une amitié , qui refuserait de la considérer

comme l'æuvre de la divine Concorde elle -même, qui en a assumé la naissance , l'extension et la fin ? » (trad. R . Combès , Valère Maxime. Faits et dits mémo rables, t. I, CUF, Paris 1995 , p. 153).

Un Hippocléidès apparaît dans PHerc 1418, col. XVIII (cf. W . Liebich , Aufbau, Absicht und Form der Pragmateiai Philodems, Berlin 1960 , 11- 125 p .,

notamment p . 19 -25 ; Cesira Militello , Filodemo,Memorie Epicuree (PHerc . 1418 e 310 ). Edizione, traduzione e commento a cura di C .M ., coll. « La Scuola

di Epicuro » 16 ,Napoli 1997, p . 128) et peut-être dans d'autres passages encore. Voir aussi l'épicurien Hippo [-, » H 147. RICHARD GOULET.

150 HIPPOCRATE RE 13 MIII Quatrième des neuf exécuteurs testamentaires (épimélètes) du testament de Straton de Lampsaque, mort vers 268a (Diogène Laërce V 62-63). Il n 'est pas dit

expressément qu'il s'agit de disciples au sein de l'école péripatéticienne,mais la

phrase qui suit stipule que la diatribè est léguée à Lycon (huitième nom dans la liste ) parce que les autres sont trop âgés ou trop occupés (őoxonol). RICHARD GOULET.

762

HIPPOCRATE DE CHIOS

151 HIPPOCRATE DE CHIOS RE 14

H 151

fl. M va

Mathématicien (géomètre ) et astronome « para -pythagoricien », dont l'œuvre ne nous est pas parvenue .

On ne peut pas parler de fragments proprement dits. Les témoignages ont été

rassemblés dans 1 DK 42 ( 30 ), t. I, 42 (3), p. 395-397 (très incomplet), et 2 M . Timpanaro Cardini, Pitagorici. Testimonianze e frammenti, fasc . II : Ippo

crate di Chio , Filolao, Archita e pitagorici minori, coll. « Biblioteca di studi

superiori» 41, Firenze 1962 (19692), 16 (42), p. 28-73 (introduction : p . 28 -37 ; traduction italienne et commentaire : p. 38-73). Cf. 3 P. Tannery , « Hippocrate de Chios » , La géométrie grecque, comment son histoire nous est parvenue et ce que nous en savons. Essai critique, Paris 1887, réimpr. 1988 , coll. « Les grands classiques Gauthier- Villars » , p . 108 -120

(publié d 'abord dans BullScMath , 2e sér. 10 , 1886 , p. 213-226 ); 4 G . J. Allman, «Greek geometry from Thales to Euclid III» , Hermathena 4 , 1883, p. 180 -228 , notamment p. 185 -206 (repris dans Greek geometry from Thales to Euclid , coll.

« Dublin University Press series» , Dublin /London 1889, p. 52- 101, chap. III: « The geometers of the fifth century B .C . : Hippocrates of Chios, Democritus » , notamment p . 57-79) ; 5 E . Hoppe, Mathematik und Astronomie im klassichen Altertum , coll. « Bibliothek der klassischen Altertumswissenschaft » 1, Heidel berg 1911, p . 105- 116 ; 6 A . A . Björnbo , art. « Hippokrates » 14 , RE VIII 2 , 1913, col. 1780 -1801 ; 7 Th . Heath , A history ofGreek mathematics, t. I : From Thales to Euclid , Oxford 1921, p. 182-202 (cf. 8 Id ., A Manual of Greek mathematics,

New York 1963); 9 O . Becker et J.E . Hofmann , Geschichte der Mathematik, Bonn 1951, p . 53 sq. (cf. 10 O . Becker, Grundlagen der Mathematik in geschichtlicher Entwicklung, coll. « Orbis Academicus. Problemgeschichten der

Wissenschaft in Dokumenten und Darstellungen » II 6 , Zweite erweiterte Auflage, Freiburg im Breisgau /München 1964, p . 29-33, 79, 87, 91 ; 11 Id ., Das

mathematische Denken der Antike, coll. « Studienhefte zur Altertumswissen schaft » 3, Göttingen 1957, 19662 (mit einem Nachtrag von G . Patzig ), p . 58-60) ; 12 B . L . van der Waerden , Erwachende Wissenschaft. Ägyptische, babylonische

und griechischeMathematik , aus dem Holländischen übersetzt von H . Habicht mit Zusätzen des Verfassers, Zweite, ergänzte Auflage, coll. « Wissenschaft und Kultur » 8 , Basel/Stuttgart 1966 , p . 216 -224 ; 13 F . Lasserre , La naissance des

mathématiques à l'époque de Platon, coll. « Vestigia » 7, Fribourg Suisse/Paris 1990, p. 166 - 177 (paru d 'abord en version anglaise : The birth ofmathematics in the age of Plato , London 1964) ; 14 Á . Szabó , Les débuts des mathématiques

grecques, traduit de l' allemand [ = Anfänge der griechischen Mathematik, Budapest 1969) par M . Federspiel, coll. « L 'histoire des sciences. Textes et études » , Paris 1977, p . 22 sqq., 46 sqq., 93 sq., 106 - 108, 190 sqq., 269 sqq., 362 s99.; 15 J.Mau , art. « Hippokrates » 7, KP II, 1967, col. 1165- 1168 ;

16 I. Blumer-Thomas, « Hippocrates of Chios », DSB VI, 1972, p. 410-418 ; 17 M .Conche, art. « Hippocrate de Chios» , dans Les Euvres philosophiques. Dictionnaire, volume dirigé par J.- F. Mattéi, t. I: Philosophie occidentale : ure millénaire av. J.- C . - 1889, Paris 1992, p . 175- 176 .

H 151

HIPPOCRATE DE CHIOS

763

Biographie et chronologie. Lorsqu'il parle des doctrines mathématiques des pythagoriciens, Jamblique, De communimathematica scientia 25, p. 77, 24 - 78, 1 Festa (= test. 2 , li. 15- 19 Timpanaro ), mentionne Hippocrate de Chios et Théo

dore de Cyrène comme les mathématiciens les plus importants de leur temps et

comme les diffuseurs et les continuateurs de ces doctrines, après leur publica tion. Ce témoignage est complété par celui de Proclus, In primum Euclidis elementorum librum comm ., Prol. II, p . 66 , 4 -7 Friedlein (= test. 1 Timpanaro ), dans son résumé de l'histoire de la géométrie , tiré d'Eudème de Rhodes ( E 93]

(= fr. 140 Wehrli2) selon la plupart des critiques (cf. en revanche Lasserre 13 , p . 7 sq., pour qui ce résumé a été tiré en réalité de Philippe d'Oponte, disciple de Platon ). En effet, Proclus affirme qu 'après Anaxagore de Clazomènes ( + A 158 ) et Enopide de Chios (qui était un peu plus jeune qu ' Anaxagore), c'est Hippo crate de Chios (« le découvreur de la quadrature de la lunule » ) et Théodore de

Cyrène qui brillèrent en géométrie . Proclus cite ensuite Platon comme venant après eux (p. 66 , 8 sqq. Friedlein ). Étant donné qu 'Anaxagore estné vers 500a et

que Platon est allé à Cyrène entendre Théodore après la mort de Socrate en 399a (cf. D . L . III 6 ), on peut situer le floruit d'Hippocrate vers la moitié du ve siècle

av. J.- C . Simplicius, in Phys. I 2, p .69, 22 Diels, présente bien Hippocrate commeayant vécu avant Aristote . Björnbo 6 , col. 1871, place la vie d 'Hippocrate ca 470 -400”, de sorte que celui-ci serait contemporain de Socrate et de Démocrite . Il le situe au plus tôt en 450 -4004. D 'après lui, Hippocrate aurait pu ainsi trouver la première solution de la duplication du cube, problème qui fut traité aussi par Platon (cf. infra, B ).

Cette imprécision chronologique se rattache à la pauvreté des renseignements biographiques qui nous sont parvenus. L 'indication de la patrie d 'Hippocrate , l'île de Chios, dans la plupart de nos sources, répond peut-être à l'homonymie de notre auteur avec le célèbre médecin Hippocrate de Cos (PH 152 ] (cf. Olym piodore, in Meteor. I 5, 342 a 34, p. 45 , 24 sq. Stüve = test. 5, li. 254 sq. Timpa naro). Par ailleurs , en dehors du fait qu 'il estné à Chios (y fut-il l'élève d' Eno pide ?), on ne connaît qu ’un détail de sa biographie, selon lequel il aurait prati qué le commerce maritime (cf. Plutarque, Vie de Solon II 8 = test. 2, li. 12 sq.

Timpanaro ; Olympiodore, loc. cit.). Jean Philopon , in Phys. I 2, p. 31, 3-7 Vitelli (= test. 2, li. 20 -25 Timpanaro ), rattache à cette première profession une anecdote qui a pour nous surtout l'intérêt de mettre en contact Hippocrate avec la philo

sophie athénienne. En effet, il raconte qu 'Hippocrate, ayant été attaqué par un navire pirate et ayant perdu tous ses biens, est allé à Athènes requérir contre les

« pirates» : comme il a dû attendre longtemps pour son procès, il y a fréquenté les philosophes et il est devenu tellement fort en géométrie qu 'il a entrepris de résoudre la quadrature du cercle . Pour sa part, Aristote , Éthique à Nicomaque

VIII 14 , 1247 a 17 (= test. 2, li. 7-11 Timpanaro ), avait déjà rappelé l'anecdote (d 'une façon quelque peu différente ) pour en tirer une conclusion négative sur la personnalité d'Hippocrate. D 'après lui, au cours d'une navigation, celui-ci aurait

perdu une grande somme d' argent à cause de l'intervention des « percepteurs du droit du cinquantième» placés à Byzance, du fait que ceux-ci l'avaient jugéniais

(OL' EÚńDelav). Aristote présente cet exemple pourmontrer que l'on peutman

764

HIPPOCRATE DE CHIOS

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quer complètement de sagesse pratique tout en n 'étant pas un ignorant, car

« Hippocrate était un géomètre, mais il semblait un lâche et un insensé » (Bag xaiäopwv) dans les autres affaires. En un essai pour harmoniser les récits de Philopon et d 'Aristote , on a supposé que le navire d 'Hippocrate fut capturé par des pirates athéniens pendant la guerre de Samos en 4404,

à laquelle Byzance avait participé (cf. Björnbo 6 , col. 1781 ; Blumer -Thomas 16 , p. 410 ).Mais les rapports commerciaux entre Athènes et Chios étaient très fréquents à l' époque, et on peut

comprendre qu'Hippocrate soit allé à Athènes demander justice puisque les Athéniens déte naient alors l'hégémonie sur la mer (cf. Timpanaro Cardini 2 , p . 40 n .). D 'ailleurs, il est aussi vraisemblable que les percepteurs dont parle Philopon aient été des Athéniens exerçant le

contrôle sur l'entrée du Pont- Euxin . Enfin , il ne faut peut-être pas négliger les différences entre les récits d 'Aristote et de Philopon, notamment le fait que les percepteurs dont parle le

premier deviennent des pirates chez Philopon . Si on considère l'incise ws Néyovoiv d 'Aris tote, on peut penser que l'historiette n 'était déjà pas très sûre à son époque.

Quant à sa filiation philosophique, Tannery 3, p. 109, défend l'hypothèse qu 'Hippocrate, loin d'avoir appris la géométrie à Athènes, a été l'un des pre miers à y enseigner cette science, qu 'il aurait apprise dans sa patrie auprès

d'Enopide, car la renommée de celui-ci suggère qu 'il y avait à Chios une école importante de mathématiques. Tannery remarque aussi qu'on ne possède aucune preuve du fait qu 'Hippocrate a eu des maîtres pythagoriciens, bien qu 'il connût

la géométrie pythagoricienne qui venait d' être publiée (cf. supra). Timpanaro Cardini 2, p. 29 sq., s'accorde avec Tannery sur l'idée qu'Hippocrate avait déjà une formation lorsqu 'il est arrivé à Athènes. Elle reconnaît aussi qu 'on ne peut

pas le considérer comme pythagoricien au sens strict de disciple de l'école ,mais elle insiste sur l'importance de l'influence pythagoricienne sur le philosophe. En

effet,même siHippocrate n'apparaît pas dans la liste despythagoriciens rappor tée par Jamblique, De vita Pythagorica 36 , p. 143, 19 - 146 , 16 Deubner , Timpa naro Cardini 2, p . 28, affirme que lorsque cet auteur l'introduit dans l'ouvrage

cité plus haut à côté de Théodore de Cyrène, qui apparaît bien dans la liste, il veut le rapprocher de Pythagore . A ce sujet, Timpanaro Cardini 2 remarque la proximité de Chios par rapport à Samos, la patrie de Pythagore (p. 28 sq.), et le fait qu 'Hippocrate défend aussi des idées pythagoriciennes en tant qu 'astronome.

Par conséquent, elle propose de le qualifier de « para-pythagoricien » (p . 31). Tout en reprenant ce qualificatif, Blumer- Thomas 16 , p. 410 , décrit Hippocrate

comme un « compagnon de route » des pythagoriciens. Le premier à avoir rangé Hippocrate directement parmiles pythagoriciens est 18 J. A .Fa bricius, Bibliotheca Graeca sive Notitia scriptorum veterum Graecorum , quorumcumque

monumenta integra aut fragmenta edita extant, editio quarta variorum curis emendatior atque auctior curante Gottlieb Christophoro Harles, accedunt I. A . Fabricii et Christoph . Augusti Heumanni supplementa inedita, Hamburgi 1790, t. I, p. 848 .Mais Fabricius se fondait sur une conjecture erronée (cf. Björnbo 6 , col. 1783), car il lisait Hippocrate au lieu d 'Hippasos dans

Jamblique, De communimathematica scientia 25, p. 77, 18 Festa. Allman 4, p. 188 = p .60, analyse le passage de Jamblique qui suit la mention d 'Hippocrate et Théodore (p . 78, 1 sqq. Festa), où l'auteur raconte comment les mathématiques se sont pro pagées par l'æuvre des pythagoriciens, lorsqu 'un de leurs membres, ayant perdu sa fortune et vivant dans la nécessité, a obtenu l' autorisation de gagner sa vie en enseignant la géométrie

Sur la base de l'anecdote maritime racontée plus haut, Allmann suggère que ce pythagoricien anonyme a pu être Hippocrate. Blumer-Thomas 16 , ibid., se montre favorable à cette sugges

HIPPOCRATE DE CHIOS

765 tion , tandis que Björnbo 6, col. 1782, s'était déjà opposé à elle sur la base d'un autre passage H 151

de Jamblique, De vita Pythagorica 31, p. 109, 10 sqq. Deubner, selon lequel le pythagoricien en question fut Philolaos (cf. 19 L . Brisson et A . Segonds, Jamblique, Vie de Pythagore, Intro duction , traduction etnotes, coll. «La roue à livres» , Paris 1996 , p . 108 ).

On connaît le nom d 'un des disciples d 'Hippocrate grâce à Aristote,Météoro logiques I 6 , 342 b 29 - 343 a 1 (= test. 5, li. 225 -252 Timpanaro ) : il s'agit d 'un certain Eschyle (Aischylos, * A 74 ] (autrement inconnu ) qui aurait collaboré avec luidans ses recherches astronomiques. Blumer- Thomas 16 , p. 417 n . 40 , considère que l'expression oi tepi 'Intoxpárnu em ployée par Aristote, loc. cit., implique qu 'Hippocrate tenait école. En réalité cette formule peut faire référence à Hippocrate seulement (cf. la traduction de Timpanaro Cardini 2, p. 67).

(Euvre. On ne connaît qu 'un titre de l’æuvre d 'Hippocrate , celui de Erol xeta . En effet, Proclus, loc. cit., p. 66 , 7 sq. Friedlein , affirme qu'Hippocrate a été le premier à composer des Éléments . D 'après Timpanaro Cardini 2, p. 35, il n 'y a pas de raison de douter de l'authenticité de ce titre en supposant que Pro

clus l'a tiré d’Euclide ( E 80 ) pour l'appliquer au recueil d'Hippocrate. Timpa naro Cardini 2 , ibid ., allègue que le terme otoixetov désigne de longue date les particules élémentaires de l'univers, unies par un lien d 'interdépendance: « Niente di strano quindi, se s' intendono questi primiElementi come serie ordi

nata di conoscenzematematiche per via logico -deduttiva ; esigenza naturalissima in un geometra, che sapeva applicare ilmetodo analitico e fare uso di tanti teo

remi e problemi come appare dal frammento delle lunole ». Pour le contenu du recueil, voir infra, C . Nous offrons ici un sommaire des contributions d'Hippocrate dans le domai

ne des mathématiques, théoriques ou appliquées, selon ce que l'on peut reconsti tuer à travers nos sources.

A. LA MÉTHODE D 'ANALYSE D 'après Proclus, op. cit., Prop. I, probl. I, p. 213, 7-11 Friedlein (= test. 4 a Timpanaro), Hippocrate a été le premier à appliquer la réduction de problèmes

difficiles de la géométrie. Par réduction (ånaywyń ) Proclus entend « le passage (metáßaois ) d'un problème ou théorème à un autre qui, tout en étant déjà connu ou déjà résolu , rend évident aussi celui qui a été proposé » . Blumer- Thomas 16 ,

p. 411, rappelle qu 'on a supposé parfois, sur la base de Platon, République VI,

5106 -511c, ainsi que de D . L . III 24 et de Proclus lui-même, ibid., p . 211, 18 -20 Friedlein, que c 'est Platon qui a été l'inventeur de cette méthode. Or, comme le remarque Blumer- Thomas 16 , ibid ., d'un côté , Platon fait référence à l'analyse philosophique ; de l'autre, Diogène Laërce et Proclus affirment seulement que

Platon a communiqué ou expliqué à Léodamas de Thasos la méthode de recher che par analyse (åvávols) - ici géométrique -. On n'en déduit donc pas que Platon a inventé la méthode de « réduction » ou « analyse » (le sens de ces mots semble ici le même). Cela dit, il est difficile d 'accepter que la méthode en elle même n 'ait pas été utilisée avant Hippocrate par les pythagoriciens : cf. 20 G .

Loria, Le scienze essatte nell'antica Grecia ,Milano 19142, p. 75, 77 sq.; Timpa naro Cardini 2, p. 62 sq.; Blumer- Thomas 16 , p. 411; Conche 17 , p. 176 (cf. infra, B ).

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HIPPOCRATE DE CHIOS

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B . LE PROBLÈME DE LA DUPLICATION DU CUBE

Cf. 21 A . Sturm , « Das Delische Problem I: Behandlung des Problems in der platonischen Zeit» , dans XXIX. Programm des K . K . Ober-Gymnasiums der Benedictiner zu Seitenstetten. Veröffentlicht am Schlusse des Schuljahres 1895 , Linz 1895 , p. 3-56 , notamment p. 17-22 ; 22 P. Tannery, « Sur les solutions du Problème de Délos par Archytas et par Eudoxe. Divination d'une solution per due » ,MemSocScBord, 2° sér., 2, 1878 , p. 277 -283 (repris dans Mémoires scien tifiques, t. I: Sciences exactes dans l'Antiquité 1876 - 1883, 1, Toulouse/Paris

1912, réimpr. 1995, coll. « Les grands classiques Gauthier-Villars » , p. 53-61) ; Björnbo 6 , col. 1785 sq.; Heath 7, t. I, p. 200 -201; Becker 11, p. 75, 82, 86 , 89 ; Blumer- Thomas 16 , p. 411; 23 P. Cosenza, « Una tecnica di trasformazione nella

sillogistica di Aristote », AAN 85, 1974, p. 60-91; 24 S. Maracchia, « La ridu zione di Ippocrate di Chio » , C & S 1975 n° 56 , p. 174 - 182 ; 25 H . J. Krämer,

GGP, Antike 3, p . 77 sq., 132. Hippocrate s'est occupé d 'un des problèmes classiques des mathématiques anciennes, le problème dit “ de Délos ” ou de la duplication du cube. Comme le remarque 26 L . Brisson , Platon . Timée, Critias, coll.GF 618, Paris 1992, p. 46 , 232 n. 136 , le fait qu'on ne savait pas extraire la racine cubique à l'époque de Platon rendait toute solution à ce problème impossible. Proclus, op. cit., Prop. I,

probl. I, p. 213, 2 -7 Friedlein , présente comme un exemple de la méthode de réduction la réduction du problème de la duplication du cube à celui de trouver deux moyennes proportionnelles entre deux segments de droite donnés a et b (dans le cas particulier, le côté du cube donné et son double ). Il n 'attribue pas

cette réduction à Hippocrate ,mais d 'après la lettre (inauthentique) d 'Ératosthène de Cyrène (PE 52 ) à Ptolémée Évergète conservée par Eutocios, Comm . in libros de sphaera et cylindro II, p . 104, 12 Heiberg (= test. 4, li. 207 -213 Timpa naro ), c'est Hippocrate qui aurait contribué à la solution du problème grâce à cette réduction , qui impliquait toutefois – comme remarque le Pseudo -Erato sthène – un problème non moins difficile (cf. Timpanaro Cardini 2, p.63 n . ad

loc.). En effet,même si on connaissait déjà dans le milieu pythagoricien la façon de trouver une moyenne proportionnelle entre deux droites (donc la façon de doubler le carré : cf. Platon ,Ménon 81 e - 84b), on ne connaissait pas la façon d'en trouver deux. D 'après Loria 20, Timpanaro Cardini 2 ou Blumer- Thomas 16 (cf. supra, A ), l'originalité d 'Hippocrate a été de comprendre (par analogie ) que la duplication du cube impliquait de trouver deux moyennes proportion

nelles. A son tour, Heath 7 , t. I, p . 201, a suggéré la possibilité que cette idée ait été empruntée par Hippocrate à la théorie des nombres. En effet, Platon affirme dans le Timée 32 a-b, qu 'il y a un nombre moyen proportionnel entre deux nom

bres carrés,mais qu'il en faut deux entre deux nombres cubiques (cf. Brisson 26 , p .46). En notation moderne, la réduction d'Hippocrate se présente de la sorte : si a : x = x : y = y : b , alors a' : x3 = a : b ; et si b = 2a, il s'ensuit qu 'un cube de côté x est le double d'un cube de côté a . Autrement dit, le problème de trouver un cube

767 HIPPOCRATE DE CHIOS qui soit le double d 'un cube ayant le côté a se réduit à trouver deux moyennes proportionnelles, x et y , entre a et 2b .

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D 'après Eutocios ( E 175), loc. cit., Ménèchme de Proconnèse (IVa), le disciple d 'Eu doxe de Cnide ( E 98 ), aurait repris la proposition d 'Hippocrate selon laquelle la racine cubi que de a est égale à la première des deux moyennes proportionnelles entre a et b , et aurait résolu les équations dérivant de a : x = x : y = y : b , à savoir: y = r2 et y = b : x (cf. Sturm 21, p . 37 -48 ; Becker 11, p . 82 -85). Or, comme le remarque 27 J.Mau , art. « Menaichmos » 3 , KP III, 1969, col. 1196 , l'attribution de cette solution à Ménèchme est irréelle , parce qu 'elle pré

suppose des propositions de la théorie des sections coniques (ellipse, parabole et hyperbole ) d 'Apollonios de Pergé (IIIa; cf. 28 A . Sturm , « Das Delische Problem II (Fortsetzung] : Behandlung des Problems in der alexandrinischen Zeit » , dans XXX. Programm des K . K . Ober-Gymnasiumsder Benedictiner zu Seitenstetten. Veröffentlicht am Schlusse des Schul

jahres 1896 , Linz 1896 , p . 57- 97 , notamment p .66 -74 ). On peut dire en tout cas que la réduc tion d 'Hippocrate a contribué au développement de cette théorie et donc à la solution du problème.

C . LA QUADRATURE DES LUNULES

Cf. 29 P. Tannery, « Hippocrate de Chios et la quadrature des lunules» ,

MemSocScBord, 2° sér.,2 , 1878, p . 179- 184 (repris dansMémoires scientifiques, t. I, Toulouse/ Paris 1912, réimpr. 1995, p. 46 -52); 30 Id ., « Le fragment d'Eu dème sur la quadrature des lunules » ,MemSocScBord, 2° sér., 5 , 1883, p. 217 237 (repris dans Mémoires scientifiques, t. I, Toulouse /Paris 1912, réimpr. 1995 , p . 339 -370 ); 31 Id ., « Simplicius et la quadrature du cercle » , BiblMath , 3° sér.,

3, 1902, p. 342-349 (repris dans Mémoires scientifiques, t. III: Sciences exactes dans l'Antiquité 1899 -1913, III, Toulouse /Paris 1915, réimpr. 1995, p. 119- 130 ) ;

32 J.L . Heiberg, «Griechische und römische Mathematik. Jahresberichte » , Phi lologus 43, 1884, p. 321-346 , 467-522, notamment p . 336 -344 ; 33 H . Usener et

P . Tannery, « II Appendix Hippocratea» , dans H . Diels, Simplicii in Aristotelis physicorum libros quattuor priores commentaria , coll. CAG 9, Berolini 1882, p. XXIII-XXVI (= « H . Usener Bonnensis de supplendis Hippocratis quas omisit

Eudemus constructionibus » ), p. XXVI-XXXI (« Paulus Tannery Haurensis in Simplicii de Antiphonte et Hippocrate excerpta p. 54 -69 » ); 34 F. Rudio , « Der Bericht des Simplicius über die Quadraturen des Antiphon und des Hippo

krates» , BiblMath, ze sér., 3, 1902, p.7-62 ; 35 Id., « Zur Rehabilitation des Simplicius », BiblMath 4 , 1903, p. 13- 18 ; 36 Id ., « Die Möndchen des Hippo krates» , VNGZ 50 , 1905, p . 177 -200 (« Nachtrag » , ibid., p . 224 ) ; 37 Id ., « Noti zen zu dem Berichte des Simplicius » , ibid ., p. 213-223 ; 38 Id., Der Bericht des Simplicius über die Quadraturen des Antiphon und des Hippokrates, griechisch und deutsch . Mit einem historischen Erläuterungsbericht als Einleitung. Im Anhangen ergänzende Urkunden , verbunden durch eine Übersicht über die

Geschichte des Problemes von der Kreisquadratur von Euklid , coll. « Urkunden zur Geschichte der Mathematik im Altertume» 1. Heft, Leipzig 1907 (cf. Heath 7 , t. I, p . 187- 190 ) ; 39 W . Schmidt, « Zu dem Berichte des Simplicius über die

Möndchen des Hippokrates » , BiblMath, ze sér., 4, 1903, p. 118- 126 ; Heath 7, t. I, p. 183- 200 ; 40 O . Becker, « Zur Textgestaltung des Eudemischen Berichts

über die Quadratur der Möndchen durch Hippokrates von Chios» , QStGM , Abt. B , 3 , 1936 , p . 411-418 ; 41 Id., « Zum Text eines mathematischen Beweises in

768

HIPPOCRATE DE CHIOS

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eudemischen Bericht über die Quadraturen der “ Möndchen ” durch Hippokrates von Chios bei Simplicius », Philologus 99, 1954- 1955 , p . 313 -316 ; 42 F. Wehrli,

Eudemos von Rhodos, coll. « Die Schule des Aristoteles» , t. VIII, Basel 19692, p . 59, 28 -66 ,6 ; 43 G . Lloyd , « The alleged fallacy of Hippocrates of Chios» , Apeiron 20, 1987, p. 103-128 ; 44 M . Federspiel, « Sur la locution ép ' oŬ / $ '

servant à désigner des êtres géométriques par des lettres.Avec des remarques sur l'art de traduire et sur la langue mathématique d'Hippocrate de Chio » , dans J.- Y . Guillaumin (édit.),Mathématiques dans l'antiquité, coll. « Mémoires du Centre Jean Palerne» 11 , Saint-Étienne 1992, p. 9 -25. Hippocrate s’est occupé en particulier de la géométrie du cercle , dont il peut être considéré comme le fondateur (cf. Conche 17, p. 176 ). Il se rendit surtout célèbre par la quadrature des lunules, figures planes formées par l'intersection de deux arcs de cercle dont la concavité est tournée dans le même sens. En effet, la quadrature du cercle entier étant impossible, on a trouvé celle de quelques-unes de ses parties, et la première et la plus célèbre est celle des lunules due à Hippo crate. Ce travail nous est connu par Simplicius, in Phys. I 2, 185 a 14 , p. 53, 28 69, 34 Diels (= test. 3 , li. 34 -206 Timpanaro ), qui reconnaît avoir tiré son récit de l'Histoire de la Géométrie d 'Eudème de Rhodes (» E 93] ( fr. 140 Wehrli?). D 'après Björnbo 6 , col. 1790, l'argument d'Hippocrate représente pour nous le fragment le plus ancien des mathématiques grecques qui nous soit parvenu . On comprend bien en tout cas pourquoi, depuis Rudio jusqu 'à Becker ou Wehrli, les critiques ont tenté de reconstituer cet argument en séparant lesmots d'Eudèmeet de Simplicius,mais cette tentative se révèle plutôt vaine (cf. les notes de Timpa naro Cardini 2, p . 44 sq .; et Blumer- Thomas 16 , p.411).

Pour les démonstrations complexes de la quadrature des lunules selon Hippo crate et les détails du texte de Simplicius, nous renvoyons encore à Timpanaro Cardini 2 , p .42-60 (avec de riches notes) et à Blumer-Thomas 16 , p. 411-414 (cf. aussi Björnbo 6 , col. 1787 sqq.; etMau 15, col. 1166 - 1168). Rappelons ici seulement qu 'Aristote, Sophistici Elenchi 11, 171 b 12- 16 (cf. Id ., Physica I 2,

185 a, 16 sqq. = test. 3, li. 26 -33 Timpanaro ), accusa Hippocrate comme géomè tre d 'avoir créé un paralogisme avec ses lunules. On peut mieux comprendre cette accusation grâce à Simplicius, loc. cit., p . 56 sq. Diels, où Alexandre d'Aphrodisias attribue à Hippocrate l'erreur d'avoir appliqué à la lunule

construite sur le côté de l'hexagone inscrit dans le cercle, la quadrature propre de la lunule construite sur le côté du carré inscrit dans le cercle , comme si les deux

lunules étaient identiques. En réalité cette erreur ne se trouvait pas dans la démonstration d'Hippocrate telle que Simplicius la présente selon Eudème. Hip pocrate était conscient qu 'on ne pouvait carrer que trois lunules : la lunule (construite sur un triangle isocèle composé de deux triangles isocèles rectangles) ayant un arc extérieur égal à un demi-cercle ; la lunule (construite sur un trapèze) ayant un arc extérieur plus grand qu 'un demi-cercle ; et celle (construite sur une figure plus compliquée décrite comme veŰOLç) ayant un arc extérieur moins grand qu 'un demi-cercle. Cependant, il ajoutait une autre quadrature, celle d'une lunule et d 'un cercle ensemble , qui produit un cercle divisé en six sections. C 'est

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HIPPOCRATE DE CHIOS

769

probablement à partir d 'ici qu ' Aristote a envisagé une tromperie dans la

démonstration d'Hippocrate , dans la pensée que celui-ci prétendait avoir trouvé la quadrature du cercle à travers celle des lunules, une idée qui est passée aux commentateurs d 'Aristote , comme Olympiodore, loc. cit., p. 45, 25 sq. Stüve (cf. Timpanaro Cardini 2, p . 33 sq.; Blumer - Thomas 16 , p.413): de toute évi dence, comme l'affirme Blumer- Thomas 16 , p. 414, la prétendue tromperie rési

derait, d 'un côté, dans le fait que la lunule carrée avec le cercle ne s'identifie pas avec aucune des lunules préalablement carrées par Hippocrate ; de l'autre, dans le fait qu 'Hippocrate a carré des lunules ayant un arc extérieur égal, plus grand

ou moins grand qu ’un demi-cercle,mais qu'au lieu de carrer toutes les lunules, il en a carré seulement une de chaque classe. En réalité , l'æuvre d'Hippocrate ne contenait pas cette tromperie (cf. récemment Lloyd 43). Il ne pensait nullement

avoir trouvé la quadrature du cercle. Cela n 'empêche cependant pas de penser qu ’Hippocrate s'est intéressé à ce problème (cf. Philopon, loc. cit.), qui était l'un des problèmes classiques des mathématiques de son temps. Dans ce sens, Blumer- Thomas 16 , p . 412, suggère qu'Hippocrate a pu caresser l'espoir que les

quadratures des lunules, développées de façon appropriée, pouvaient conduire à la quadrature du cercle . A son tour, Timpanaro Cardini 2, p. 34, considère que la

quatrième quadrature d 'Hippocrate montre que celui-ci était attiré par la nature irrationnelle de l' aire du cercle : « Egli certamente mirò a ottenere la rigorosa equivalenza delle figure more geometrico, mentre le considerazioni paradossali

di Zenone sull'infinito e l'infinitesimo suggeriscono piuttosto la quadratura “ sofistica " di Antifonte ; è pur vero però che, enunciando nella quadratura delle

lunole il teorema che i cerchi stanno fra loro comei quadrati dei loro diametri, già implicitamente assumeva l'approssimazione all'infinito del quadrato al

cerchio e preludeva a quel metodo di “ esaustione” che, secondo Archimede, fu per la prima volta formulato da Eudosso di Cnido » (cf. Krämer 25 , p . 77) . Notons que dans certains manuscrits latins du Moyen Age on trouve une quadrature du

cercle per lunulas : cf. 45 M . Clagett, « The Quadatura circuli per lunulas » , Appendix II, dans Archimedes in the Middle Ages, Madison 1964 , t. I, p .610 -626 , qui présente deux versions

médiévalesdes quadratures d 'Hippocrate .

Enfin , les critiques ne se sont pas accordés sur la question de savoir si la qua

drature des lunules faisait partie des Éléments d 'Hippocrate ou constituait un

livre à part. L ' origine de cette dernière hypothèse, formulée pourla première fois par Tannery 30,Mémoires scientifiques, t. I, p. 354-358 , se trouve dans le fait que les Éléments d’Euclide ne parlent nullement des lunules . Loria 20 , p .91, a

tendance à se ranger à cet avis (cf. aussi Blumer-Thomas 16 , p . 416), tandis que Timpanaro Cardini 2, p. 37, ne se montre pas très convaincue. D . LES ÉLÉMENTS DE GÉOMÉTRIE Cf. Björnbo 6 , col. 1783- 1785 ; Heath 7, t. I, p. 201-202; Lasserre 13, p . 9 -11; Timpanaro Cardini 2, p. 35-37 ; Blumer- Thomas 16 , p. 414-416 ; 46 B . L . van der Waerden, « Über das erste Buch der Elemente Euklids. Zusammenfassung » , AIHS 26 , 1976 , 295 -296 ; 47 Id., « Die Postulate und Konstruktionen in der frühgriechischen Geometrie » , AHES 18 , 1977 -1978, p. 343-357 ; Krämer 25, p. 134.

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HIPPOCRATE DE CHIOS

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Proclus, comme nous l'avons dit plus haut,affirme dans son résumé de l'his toire de la géométrie (tiré vraisemblablement d 'Eudème) qu'Hippocrate a été l'auteur du premier recueil d' Éléments . Parmi les géomètres postérieurs que Proclus cite , il en mentionne deux qui ont composé aussi des Éléments : Léon

(p . 66 , 20 sq . Friedlein) et Theudios de Magnésie (p. 67, 14- 16 Friedlein ). Mais seuls les Éléments d'Euclide (ca 3009) nous sontparvenus. Cependant, les critiques ont considéré qu 'il est possible de se faire une idée

du contenu du recueil d'Hippocrate. En général, ils estiment à peu près établi, comme Lasserre 13, p. 11, qu ’Hippocrate « exposait déjà par une succession de

théorèmes la matière des quatre premiers livres d'Euclide, c'est-à-dire des constructions des figures élémentaires et de certains polygones réguliers, les égalités et les similitudes de ces figures, quelques problèmes de partage et quel

ques problèmes relatifs au cercle» . Dans le même sens, Timpanaro Cardini 2,

p . 36 sq., suppose qu 'Hippocrate a éprouvé la nécessité de rassembler d 'une façon systématique des connaissances qui se trouvaient alors sans doute disper sées et désordonnées, celles qu 'il a acquises dans sa patrie et celles qu'il a trou vées dans le milieu athénien : « Si può ritenere che tra la fine del VI secolo e il

principio del v venisse elaborata la materia che costituisce la sostanza dei due primi libri di Euclide, e che nella la metà del sec. V prendesse sviluppo la geo metria del cerchio , che occupa i libri III e IV di Euclide, a cui certamente Ippo crate dette un contributo decisivo. » Pour un essai de reconstitution plus précis, nous renvoyons notamment à Blumer- Thomas

16 , p. 414 -416 . Pour la question de savoir si la quadrature des lunules faisait partie des Éléments, voir supra, B .

D. L'ASTRONOMIE Grâce aux Météorologiques d'Aristote, on connaît certaines opinions d 'Hip pocrate (et de son disciple Eschyle) dans le domaine de l'astronomie : des opi nions, d 'un côté, sur les comètes, notamment l'idée qu'elles sont des planètes dont la queue est due à un effet de réflexion (I 6 , 342 b 29 - 343 a 20 = test. 5,

225-252 Timpanaro ; cf. Olympiodore, loc. cit., p. 45, 29 sqq. Stüve) ; de l'autre , sur la Voie lactée, qui serait aussi un phénomène de réflexion de nos rayons visuels vers le soleil (I 8, 345 b 9 -12 = test. 5, 264- 267 Timpanaro). Aristote formule ses objections aussi bien dans un cas que dans l'autre (cf. Alexandre d'Aphrodisias, in Meteor. I 8, 345 a 11, p. 38, 28 -32 Wendland = test. 6 , 268 274 Timpanaro ).

L'astronomie d'Hippocrate semble avoir subi notamment l'influence des py thagoriciens, comme on le constate en ce qui concerne la question des comètes, ainsi que le remarque Timpanaro Cardini 2 , p. 29 (cf. aussi Blumer -Thomas 16 , p .416 ): « In un 'epoca di intense ricerche astronomiche come fu il sec. V, in cui i Pitagorici andarono variamente elaborando le loro dottrine dal sistema geocen

trico a quello pirocentrico diFilolao , troviamo Ippocrate sostenere in accordo coi Pitagorici che la cometa è un astro errante , come i cinque pianeti, e solo discu

tere e dissentire sulla costituzione della chioma, non sulla natura del nucleo.» PEDRO PABLO FUENTESGONZÁLEZ .

H 152

HIPPOCRATE DE COS

152 HIPPOCRATE DE COS RE 16 +RESuppl. VI

771

ca 460 - ca 360a

Médecin grec, le plus célèbre de l'Antiquité classique, sous le nom duquel est transmis l'essentiel de la production médicale des ve-ive siècles av. J.-C ., le

Corpushippocratique. Sources biographiques anciennes. Les sources les plus anciennes appartien nent au Corpus hippocratique lui-même. Bien que souventméprisés et relégués dans le domaine de la légende, les traités pseudépigraphiques, le Discours d 'am bassade (Presbeutikos, IVa ou III“), le Discours à l'autel (Epibomios, IVa ou

époque hellénistique), le Décret des Athéniens (époque hellénistique) offrent des informations confirmées depuis par les découvertes épigraphiques,tandis que les Lettres (19- IP ) mêlent tradition ancienne et éléments romancés. Les biographies sont au nombre de trois : (1) Vie d 'Hippocrate selon Soranos, rédigée entre le fie et le vie s. ap . J.-C ., mais citantparmi ses sources Eratosthène de Cyrène (IIIa) et Soranos de Cos (cf. J. Ilberg (édit.), Sorani Gynaeciorum Libri IV, CMG IV , Leipzig/Berlin 1927, p . 175 - 178 ). (2 ) Souda, I 564, t. II, p. 662-663 Adler. (3) Tzetzès, Chiliades VII, nº 155, vers 944 -989, p. 276 -277 Kiessling = vers 931- 981, p. 292-294 Leone. Il faut ajouter une vie anonyme en latin , la Vie de Bruxelles, remontant sans doute à un original grec, découverte dans un manuscrit de Bruxelles du XII° s. de notre ère (cf. H . Schöne [édit.), « Bruchstücke einer neuen Hippokratesvita » , RAM 58, 1903, p. 56 -66 ). Textes réunis et étudiés par

1 J. Rubin Pinault, Hippocratic Lives and Legends, coll. « Studies in Ancient Medicine » 4 , Leiden 1992. Enfin sont conservées plusieurs vies arabes (liste donnée par Rubin Pinault 1 , p . 95 n . 1 , avec étude des plus importantes, p. 95

124, et leur traduction anglaise, p. 135- 144). Informations biographiques. Pour une synthèse récente , voir 2 J. Jouanna, Hippocrate , Paris 1992, p. 13-84 . (a ) Datation . D 'après la Vie selon Soranos, qui cite les recherches de Soranos de Cos dans les archives même de l'île, Hip pocrate est né le 27 du mois dorien Agrianos, la première année de la quatre vingtième olympiade, c'est-à-dire en 460 av. J.-C ., et connaît son floruit durant

la guerre du Péloponnèse (cf.aussi Discours d'ambassade 8, où Hippocrate, lors

de l'expédition de Sicile, envoie son fils Thessalos,médecin lui aussi, accompa gner les troupes). (b ) Origine. Hippocrate estné dans l'île dorienne de Cos et

appartient aux Asclepiades de Cos (cf. Platon, Protagoras 311 b ), famille de médecins prétendant descendre de Podalire et de son père Asclépios. Certaines biographies donnent des généalogies complètes depuis ces ancêtres mythiques, Hippocrate étant le dix -septième (Tzetzès), le dix-huitième (Lettre 2) ou le dix neuvième ( Vie selon Soranos) descendant d'Asclépios. Son père est le médecin Héracléidas, sa mère Phénarète , ou Praxithéa fille de Phénarète , une Héraclide. Hippocrate est donc à la fois Asclépiade et Héraclide (cf. Discours d 'ambassade 9 ; voir aussi la Vie de Bruxelles, d'après laquelle Machaon et Podalire, les fils

d'Asclépios, ont pour mère Épiona, fille d 'Héraclès). Voir 3 M . Gamberale,

« Ricerche sul genos degli Asclepiadi», RAL 33, 1978, p . 83-95, et 4 Id., « La genealogia di Ippocrate di Cos e gli Asclepiadi di Rodi» , RAL 35, 1980 , p . 109 116 . (c) Formation. La transmission du savoir médical s'effectuant chez les

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HIPPOCRATE DE COS

H152

Asclépiades de père en fils, c'est auprès de son père Héracléidas qu 'Hippocrate

reçut sa première formation,avant de transmettre lui-mêmeson savoir à ses deux fils, Thessalos et Dracon , et à son disciple et gendre, Polybe. Les biographies

anciennes citent également d'autres maîtres, médecin , sophiste ou philosophes, dont le choix s' explique sans doute par la volonté de faire coïncider des écrits du Corpus avec des contemporains plausibles: commemédecin , la Vie selon Sora nos, la Souda, Tzetzès et la scholie W à la République III, 406 a mentionnent

Hérodicos ( sans doute de Sélymbrie), attaqué pour ses prescriptions diététiques par Platon, Rép. III, 406a -407c, et probablement visé par les critiques de l'au

teur hippocratique d 'Épidémies VI 3, 18 ; comme maître de rhétorique et sophiste , Gorgias de Léontini [ > G 28 ] (dont le style présente des parentés avec

la prose d 'art de plusieurs traités, en particulier Vents ou Art) ; comme philo sophe, Démocrite d 'Abdère [» D 70] (cf. aussi Celse, DeMedicina, Proem . 8 ).

La Souda mentionne également Prodicos (cf. aussi Pline, Hist. Nat. XXIX 4), corruption probable d 'Hérodicos, tandis qu'un texte conservé dans une traduc tion latine, l'Ars Medicinae (Paris. lat. 7028, fol. 3 ' ; voir 5 R . Laux (édit.), Kyklos 3, 1930 , p . 417-434 ), cite Mélissos, nommé dans Nature de l'homme. Par ailleurs, d 'après une tradition déjà attestée par Strabon, XIV 2, 19 , Hippocrate

aurait également exploité les récits de guérisons miraculeuses inscrites sur les stèles du sanctuaire d ' Asclépios à Cos (cf. 6 F . Robert, « Hippocrate et le clergé

d'Asclépios à Cos », CRAI 1939, p . 91-99, qui y voit une manæuvre du clergé pour s'approprier la gloire d'Hippocrate ). Enfin , on rapporte une tradition hostile

à Hippocrate , lequel aurait incendié le temple après avoir relevé les inscriptions pour se poser ainsi en découvreur de l'artmédical (cf. Pline, Hist. Nat. XXIX 2,

qui l'emprunte à Varron). (d ) Carrière . Elle se déroule , dans un premier temps, à Cos, mais la renommée d 'Hippocrate dépasse vite ce cadre . Si l'on en croit les Lettres 10 -21, la ville d' Abdère fait appel à lui pour guérir Démocrite de

sa folie (voir 7 Th. Rütten , Demokrit lachender Philosoph und sanguinischer Melancholiker. Eine pseudohippokratische Geschichte, Leiden 1992) ; Arta xerxes Ier, roi de Perse de 464 à 424, souhaite s'attacher ses services contre d' im

menses richesses que le médecin refuse par désintéressement et patriotisme (cf. Lettres 1 - 9, ainsi que Galien , Que l' excellentmédecin est aussi philosophe 3, et Plutarque, Vie de Caton l'Ancien 23, 3 -4 , 350c). Voir, pour le développement

légendaire de cet épisode, Rubin Pinault 1, p. 79-93. Parvenu à l'âge mûr, après la mort de ses parents (Vie selon Soranos), Hippocrate quitte Cos avec ses deux fils, à la suite d 'un rêve d 'après Soranos de Cos, ou bien à la suite de l'incendie

des archives de Cnide d'après la Vie selon Soranos, qui cite le Tepi tñs latpl xñs yevearoylas d 'Andréas (III“), disciple d 'Hérophile (voir 8 H . von Staden ,

Herophilus, The Art ofMedicine in Early Alexandria , Cambridge 1989, p . 472 477), ou encore de celui des archives de l'école médicale de Cos d 'après

Tzetzès, ou enfin , plus vraisemblablement, par simple désir d 'élargir son expé rience, d 'après Galien , Que l'excellentmédecin est aussi philosophe 3. Il laisse

son école médicale entre les mains de son gendre Polybe (voir 9 H . Grensemann , art. « Polybos» 8 , RESuppl. XIV , 1974 , p . 428-436 ) et part pour la Thessalie et la

773 HIPPOCRATE DE COS Grèce du Nord. Il s'installe à Larissa etmène probablement avec ses disciples la H 152

vie de médecin itinérant passant de cité en cité, dont les traités des Épidémies pourraient garder le souvenir. Deux épisodes marquentcette période : Hippocrate guérit le roi deMacédoine Perdiccas de la maladie d 'amour qui le rongeait (Vie selon Soranos, Souda , Tzetzès,Galien, Que l'excellent médecin est aussi philo sophe 3 ; voir Rubin Pinault 1, p.61-77) ; appelé par les Barbares en proie à une

pestilence (distincte de la « peste d'Athènes» et datable des années 419-416 d'après le Discours d 'ambassade), Hippocrate leur refuse son aide,mais prédit la marche de la maladie en Grèce et se déplace lui-même pourmettre en garde

les cités grecques. L 'épigraphie confirme son passage à Delphes,mentionné dans le Discours d'Ambassade et rapporté par Pausanias X 2, 6 (voir 10 H . Pomtow , « Delphische Neufunde III. Hippokrates und die Asklepiaden in Delphi» , Klio 15, 1918 , p. 308 ; 11 J. Bousquet, « Inscriptions de Delphes » [7. Delphes et les Asclépiades), BCH 80, 1956 , p. 579 -591; 12 G . Rougemont, Corpus des inscriptions de Delphes, I. Lois sacrées et règlements religieux, Paris 1977 , p. 122 -124 ). En remerciement pour son aide, plusieurs villes lui décernent des honneurs, notamment Athènes (cf. Décret des Athéniens). Sur cet épisode, voir Rubin Pinault 1, p. 35 -60 . La célébrité d'Hippocrate croît rapidement: Platon , Prot. 311 b- c, en fait le représentant paradigmatique de l' artmédical, au même

titre que Polyclète ou Phidias pour la sculpture ; un passage du Phèdre 270c (souvent évoqué à propos de la question hippocratique, cf. infra ) fait allusion à la méthode d 'Hippocrate , preuve qu'on avait à Athènes une connaissance précise de son enseignement. Il semble avoir mis son renom au service de sa patrie en intervenant en sa faveur lors d 'un différend entre Cos, qui appartenait à l'empire

athénien , et Athènes, à la fin de la guerre du Péloponnèse, sans doute en 411 408: il prône la modération à la puissance athénienne et envoie son fils Thes

salos plaider la cause de l'île auprès des Athéniens (cf. Discours d 'ambassade, Discours à l'autel et Vie selon Soranos). Il meurt à Larissa, en Thessalie , entre 375 et 350 , à un âge très avancé (85, 90 , 104 ou même 109 ans selon les sources, 104 ans étantle chiffre le plus souvent cité ). Il est enterré entre Larissa et Gyrton

et fait à Cos l'objet d 'un culte héroïque public (d'après les recherches de Soranos de Cos dans les archives de l'île ). (e ) Légendes hippocratiques. A partir des épisodes les plus marquants rapportés par les textes pseudépigraphiques ou les biographies (Démocrite , Artaxerxès, Perdiccas, la pestilence), des légendes continuent à se développer autour de la figure d'Hippocrate jusqu 'à une époque

tardive. Voir 13 Th. Meyer -Steineg, « Hippokrates-Erzählungen », AGM 6, 1912, p. 1- 11 ; 14 E . Wickersheimer, « Légendes hippocratiques du Moyen -Âge » , AGM 45, 1961, p . 164-175. Iconographie. Si l'on interprète correctement Aristote , Polit. VII, 1326a 15 , Hippocrate devait être de petite taille . Les biographes s'accordent sur sa calvitie et insistent sur son habitude d'avoir la tête couverte d'un pilos ou d'un pan de son himation. L 'iconographie , très riche, ne donne que des représentations d 'Hippocrate tête nue. Voir, pour une mise au point récente des représentations

d 'Hippocrate, 15 A . Hillert, Antike Ärztedarstellungen,MSMG 25, 1990, p . 24

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HIPPOCRATE DE COS

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40 (avec la bibliographie ) ; cf. aussi 16 G . M . A . Richter, The Portraits of the Greeks, London 1965, I, p. 152 - 153; pour les bustes, M . V . Barrow , « Portraits of

Hippocrates » , MedHist 16 , 1972, p. 85-88 ; pour les monnaies, qui associent souvent Hippocrate à Héraclès ou au culte d 'Asclépios, voir, outre Richter 16 , 17 K . Shefold , Die Bildnisse der antiken Dichter, Redner und Denker, Basel

1943, p. 173, n° 24 -25, et p. 217, ainsi que 18 M . Putscher, « Das Bildnis des Hippokrates und das Kultbild des Asklepios in Kos » ,MSB 87, 1966 , p . 17 -40 . LE CORPUS HIPPOCRATIQUE L ’euvre attribuée à Hippocrate, appelée Corpus ou Collection hippocratique, compte une soixantaine de traités , rédigés en ionien, dont le noyau le plus ancien date de la seconde moitié du ve s. av. J.-C . et de la première moitié du IVe s.

Éditions. Opera omnia . L 'édition de référence reste à ce jour 19 É. Littré, Euvres complètes d'Hippocrate, 10 vol., Paris 1839-1861, réimpr. Amsterdam 1961 (texte grec avec traduction française ; édition la plus complète , qui n 'est

toujours pas remplacée, bien que de nombreux traités aient été réédités depuis sur des basesmanuscrites plus saines).

Opera selecta . 20 H . Kühlewein , Hippocratis opera quae feruntur omnia , 2 vol., coll. BT, Leipzig 1894 - 1902 (deux premiers volumes, seuls parus, d'une

édition devant donner l'intégralité du Corpus en sept volumes); 21 W . H .S. Jones (vol. I, II, IV ), E . T. Withington (vol. III), P . Potter (vol. V, VI et VIII) et W . D . Smith (vol. VII), Hippocrates with an English translation , coll. LCL, London /Cambridge (Mass.), 1923- 1931 (vol. I-IV ), 1988 (vol. V -VI), 1994 (vol. VII) et 1995 (vol. VIII) ; 22 J.L . Heiberg , Hippocratis Indices librorum . lus iurandum . Lex. De arte . De medico. De decente habitu . Praeceptiones. De prisca medicina. De aere locis aquis. De alimento . De liquidorum usu. De flati bus, coll. CMG I 1, Leipzig/Berlin , 1927 (texte grec seul) ; 23 J. E . Pétrequin , Chirurgie d 'Hippocrate , 2 vol., Paris 1877 -1878 (édition , avec traduction fran çaise et commentaire , des textes chirurgicaux du Corpus). Éditions intégrales en cours dans le CMG et dans la CUF, voir la liste des traités pour les volumes parus.

Liste des traités avec indication des principales éditions. Contrairement à d'autres corpus, il n 'existe pas, pour la Collection hippocratique, d'ordre « cano nique » des traités sur lequel s'accordent les témoins manuscrits . Il apparaît même clairement que l'ordre dans lequel les textes nous sont transmis dans les manuscrits résulte de bouleversements disloquant parfois des ensembles (ainsi le groupe Épidémies 1 à VII, constitué en réalité de trois blocs distincts) ou , à l'in verse, associant des ouvrages indépendants à l'origine (Maladies I- IV ) ; certains de ces accidents remontent à l'Antiquité et s'expliquent par le mode de transmis sion des æuvres sur rouleau de papyrus. Voir, sur cette question , 24 J. Jouanna,

« Remarques sur les réclames dans la tradition hippocratique. Analyse archéolo gique du texte des manuscrits » , Ktéma 2, 1977, p. 381-396 . Nous adoptons ici un classement traditionnel par « genres » , hérité pour l'essentiel de la liste que

donne Érotien (IP) au début de son glossaire hippocratique (voir 25 E .

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HIPPOCRATE DE COS

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Nachmanson, Erotiani vocum Hippocraticarum Collectio cum fragmentis, Uppsala 1918 ). Pour un résumé succinct de chacun de ces ouvrages avec indica tion de leur date probable , voir Jouanna 2 , p. 527-563, ainsi que 26 P. Potter,

Short handbook of Hippocratic medicine, Québec 1988, p . 11-33 (« The Hippo cratic writings » ). A . Déontologie et réflexion sur l'artmédical:

(1) Serment (" Opxoc): Littré 19, IV , p . 610-633 ; Pétrequin 23, 1; Jones 21, I; Heiberg 22 ; 27 L . Edelstein , Der hippokratische Eid , Zürich 1969; 28 K . Deichgräber, Der hippokratische Eid , 4e éd., Stuttgart 1983; 29 D . Lipourlis, 'Innoxpatiun latpixń, Thessalonique 1983 ; 30 Ch. Lichtenthaeler, Der hippo

kratische Eid ,Köln 1984. Version chrétienne du Serment et version en vers édi tées dans Heiberg 22 et dans 31 W . H . S. Jones, The Doctor's Oath , Cambridge 1924 .

(2) Loi (Nóuoc): Littré 19, IV , p.634 -670 ; Jones 21, II ;Heiberg 22. (3 ) Art (ſlepi téyuns) : Littré 19 , VI, p . 1-28 ; Jones 21 , II; Heiberg 22 ; 32 J.

Jouanna, coll. CUF V 1, 1988. (4 ) Ancienne médecine ( Ilepì ápxains intpixñs) : Littré 19 , I, p . 570-637 ; Kühlewein 20, I; Jones 21, I; Heiberg 22 ; 33 W . H . S. Jones, Philosophy and Medicine in AncientGreece. With an edition of ſlepi ápxains iatpixñs, Balti

more 1946 ; 34 A . J. Festugière, Hippocrate, L'ancienne médecine, Paris 1948 ; 35 J. Jouanna, coll. CUF II 1, 1990. (5 ) Médecin (Ilepi intpoũ): Littré 19 , IX , p . 198-223 ; Pétrequin 23, 1 ; Jones 21, II ( chap. 1 seul) ; Heiberg 22 ; Potter 21, VIII. (6 ) Bienséance (Ilepi eủoynuogúvns) : Littré 19, IX , p . 222-245 ; Jones 21,

II ; Heiberg 22. (7) Préceptes ( Tlapayyería ) : Littré 19 , IX , p . 246 -273 ; Jones 21, I; Heiberg 22.

(8 ) Quel doit être celui qui apprend l'art médical ? (Ilodanóv det εlvai Tòv uavěávovta ) ou Testament d 'Hippocrate (AlaOnun ) : 36 K . Deichgräber,Medi cus gratiosus. Untersuchungen zu einem griechischen Arztbild , AAWMIGS 1970, 3 (version courte en grec et en arabe, version longue en grec et en latin ) .

B. Sémiologie : ( 9) Pronostic (Ilpoyvuotixóv ) : Littré 19 , II, p . 110- 191; Kühlewein 20, I;

Jones 21, II ; 37 B . Alexanderson, Die hippokratische Schrift Prognostikon. Überlieferung und Text, Göteborg 1963 ; Lipourlis 29.

(10 ) Épidémies I et III ('Enionulõv tÒ TPĒTOV - Tò tpítov): Littré 19 , II, p . 553-717 et III, p . 1- 149 ; Kühlewein 20 , I ; Jones 21, I.

(11) Épidémies II, IV et VI (’Enlônueñv tÒ Deútepov - TÒ tétaptov - tò EXTOV) : Littré 19, V , p . 3 - 197 et 260-357 ; Smith 21, VII ; pour Epid. IV (et par tiellement pour Epid . II et VI), 38 V . Langholf, Syntaktische Untersuchungen zu

Hippokrates-Texten , AAMW /GS, 1977 ; pour Epid. VI, 39 D .Manetti- A . Roselli, Ippocrate . Epidemie libro sesto , Firenze 1982.

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( 12) Épidémies V et VII ('EnconucÕU TÒ TÉUATOV - TÒ 680uov ): Littré 18 , V , p . 198 -259 et 358 -469 ; Smith 21, VII. ( 13) Aphorismes (’Apoplouoi) : Littré 19 , IV , p . 396 -609 ; Jones 21, IV ; 40 C .Magdelaine, Histoire du texte et édition critique, traduite et commentée

des Aphorismes d 'Hippocrate, Thèse Paris IV , 1994 (à paraître dans la CUF). (14) Humeurs (Ilepi you @ v ): Littré 19 , V , p . 470-503 ; Jones 21, IV . ( 15) Crises (Ilepi xploiwv): Littré 19 , IX , p. 274 -295 ; 41 G . Preiser, Die hippokratische Schrift De judicationibus und De diebus judicatoriis, Diss ., Kiel 1957 .

(16 ) Jours critiques (ſlepixploiuwv): Littré 19 , IX , p . 296 -307 ; Preiser 41.

(17) Prorrhétique I (Ilpoppntixòv a'): Littré 19 , V , p. 504-573; 42 H . Polack, Textkritische Untersuchungen zu der hippokratischen Schrift Prorrhe ticos 1, Hamburg 1976 (rédigé en 1954 ) ; Potter 21, VIII.

(18) Prorrhétique II (IIpoppntixòv B ') : Littré 19, IX , p . 1-75 ; 43 B . Mondrain , Édition critique, traduite et commentée d 'un traité hippocratique,

Prorrhétique II, Thèse Paris IV , 1984 (à paraître dans la CUF) ; Potter 21, VIII. ( 19) Prénotions coaques (Kwarai Tpoyvúgels): Littré 19 , V , p. 574-733. C . Ériologie au sens large: (20)Nature de l'homme (Ilepi púolos åvopúnou): Littré 19, VI, p . 29-69; Jones 21, IV ; 44 J. Jouanna, Hippocrate. La nature de l'homme, coll. CMG I 1 , 3, Berlin 1975 .

(21) Génération /Nature de l' enfant ( ſlepi yovñs/ lepi púolos taldíov) : Littré 19, VII, p . 470 -542 ; 45 R . Joly, coll. CUF XI, 1970 ; trad. et comm . : 46 I. M . Lonie , The Hippocratic treatises On Generation, On the Nature of the Child , Diseases IV , coll. « Ars Medica » 7 , Berlin /New York 1981.

(22) Chairs (ſlepi oapx @ v): Littré 19 , VIII, p. 576 -615 ; 47 K . Deichgräber, Hippokrates Über Entstehung und Aufbau des menschlichen Körpers ( Ilɛpi

oapx@ v), Leipzig/Berlin 1935; 48 R. Joly ,CUF XIII, 1978 ; Potter 21, VIII. (23) Fætus de huit mois comprenant Foetus de sept mois (Ilɛpi óxta uńvou/ſlepi entauńvou ) :Littré 19 , VII, p. 432 -461; 49 H . Grensemann , Hippo

krates Über Achtmonatskinder. Über das Siebenmonatskind (unecht), coll. CMG I 2 , 1, Berlin 1968 (incluant le traité récent Fætus de sept mois donné par le

Vatic. gr. 276 ); Joly 45. (24 ) Semaines (Ilepi ébouádwv) : Littré 19, VIII, p .616 -673 (texte perdu en

grec ; traduction latine d 'après le Paris. lat. 7027) et IX , p. 430- 466 (addition de Ch . Daremberg, qui édite une traduction latine supérieure qu'il a découverte à Milan dans l'Ambros. G 108 , pars inf.) ; 50 W . H . Roscher, Die hippokratische

Schrift von der Siebenzahl, Paderborn 1913, réimpr. New York 1967 (édition des versions grecque, latine et arabe) ; 51 M .L . West, « The Cosmology of 'Hippo

crates ' Dehebdomadibus» , CQ 21, 1971, p . 365-388 (édition des chap. 1- 12 ).

(25) Dentition (Ilɛpì ôdovropuins) :Littré 19, VIII, p. 542-549; Jones 21, II ; Joly 48.

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( 26 ) Caur ( ſlepi xapoins) : Littré 19 , IX , p. 76 -93 ; 52 F . K . Unger, lepi xapding, Liber Hippocraticus De Corde, Leiden 1923 (= Mnemosyne 51, 1923, p. 1- 101) ; 53 J. Bidez et G . Leboucq, « Une anatomie antique du caur humain . Philistion de Locres et le Timée de Platon » , REG 57, 1944 , 7 -40 ; 54 P . Manuli et M . Vegetti, Cuore, sangue e cervello . Biologia e antropologia nel pensiero antico,Milano 1977 (texte de Littré, avec comm .) ; 55 M .- P . Duminil, CUF VIII, 1998.

(27) Glandes (Ilepi ádévwv) : Littré 19 , VIII, p . 550-575 ; Joly 48 ; Potter 21, VIII.

(28) Nature des os (ſlepi dotéwv púolos): Littré 19 , IX , p. 162- 197 ; Duminil 55. (29) Airs, eaux, lieux (Ilepi képwv, údátwv, Tónov) : Littré 19 , II, p . 1-93 ;

Kühlewein 20 , I ; Jones 21, I; Heiberg 22 ; 56 H . Diller, Hippokrates Über die Umwelt, coll. CMGI1, 2 , Berlin 1970 ; Lipourlis 29 ; 57J. Jouanna, coll. CUF, II 2 , 1996 .

(30) Vents (ſlepi Quoőv) : Littré 19, VI, p . 88 -117 ; Jones 21, II ; Heiberg 22 ; Jouanna 32. (31) Maladie sacrée ( ſlepi inpñs vouoov) : Littré 19, VI, p . 350 -397 ; Jones 21, II ; 58 H . Grensemann, Die hippokratische Schrift Über die heilige Krank

heit,coll. « Ars Medica» II 1, Berlin 1968 ; Lipourlis 29. D . Diététique:

(32) Régime (Ilepi dialmns): Littré 19 , VI, p .462-663 ; Jones 21, IV ; 59 R . Joly, CUF VI 1, 1967; 60 R . Joly (avec la collaboration de S . Byl),Hippocrate . Du régime, CMG I 2 , 4 , Berlin 1984.

(33) Régime dans les maladies aiguës (ſlepi dialing océwv) : Littré 19, II, p . 192-377 ; Kühlewein 20, I; Jones 21, II ; 61 R . Joly, CUF VI2 , 1972 . (34) Régime dans les maladies aiguës, appendice (Ilepi Stalins Etwv,

voda ): Littré 19, II,p. 378-529 ;Kühlewein 20, 1; Joly 61 ; Potter 21, VI. (35) Aliment (ſlepi tpoons) : Littré 19 , IX , p . 94-121 ; Jones 21, 1; Joly 61 ; 62 K . Deichgräber, Pseudhippokrates Überdie Nahrung. Eine stoisch -herakliti

sierende Schrift aus der Zeit um Christi Geburt, AAWMIGS 1973, 3. E . Nosologie et thérapeutique : (36 )Maladies I (Ilɛpi voúowv a '): Littré 19 , VI, p . 138-205 ; 63 R . Wittern , Die hippokratische Schrift De morbis I. Ausgabe, Übersetzung und Erläute

rungen , Hildesheim 1974 ; Potter 21, V . (37) Maladies II (1 ) et ( 2), incluant Régime salutaire ( ſlepi voúowv B '- lepi blairns úyle vñS) : Littré 19, VII, p . 1- 115 ; 64 J. Jouanna, CUF X 2 , 1983;

Potter 21, V .

(38 ) Maladies III (ſlepi voúowv y ') : Littré 19, VII, p. 116 -162 ;65 P . Potter, Hippokrates Über die Krankheiten III, coll. CMG I 2 , 3, Berlin 1980 ; Potter 21, VI.

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(39) Maladies IV (Ilepà votowv 8') : Littré 19 , VII,p . 542-615; Joly 45 ; trad. et comm .: Lonie 46. (40) Affections (ſlepi nao @ v ) : Littré 19, VI, p . 206 -272 ; Potter 21, VI. (41) Affections internes (Ilepi tõv ÉVTÒç nadwv): Littré 19, VII, p . 166 - 303; Potter 21, VI.

(42) Remèdes (ſlepi Dapuáxwv) : 66 H . Schöne, « Hippokrates Iepi pap Máxwv » , Rhm 73, 1920 -24, p . 434 -448 : extrait d 'un traité se rapprochant d 'Af fections 36 et attribué au livre des Remèdes que cite souvent Affections.

(43) Lieux dans l'homme (ſlepi tónwv tõv xatà ăvopwnov): Littré 19 , VI, p . 273-349 ; Joly 48 ; Potter 21, VIII. (44 ) Usage des liquides (ſlepi úypôv xpňoloc) : Littré 19, VI, p . 116 - 137 ;

Heiberg 22 ; Joly 61 ; Potter 21, VIII. (45) Vision (Ilepi oqloc): Littré 19, IX , p . 122- 161 (édition de l'ophtalmo

logue J. Sichel) ; Joly 48.

F .Gynécologie: (46) Maladies des femmes 1- 11 et Femmes stériles = Maladies des femmes III

(ruvaixeiwv a ' xai B '-Nepi ábópwv) : Littré 19, VIII, p. 1-463 ;67 H .Grense mann, Hippokratische Gynäkologie , Wiesbaden 1982 (couche C , restes d ' un traité écrit par l'auteur de Génération, Nature de l'enfant, Maladies IV intégrés

dans l'ensemble);68 N . Countouris, Hippokratische Gynäkologie. Die Gynäko logischen Texte des Autors B nach den pseudohippokratischen Schriften De Mulieribus I und II, Diss ., Hamburg 1985 (couche B , réécriture des fiches sur les maladies de la couche A ) .

(47) Maladies des jeunes filles (Ilepi napoɛvíwv): Littré 19, VIII, p . 464 471.

(48) Nature de la femme ( ſlepi dúolos YUVAlXEins) : Littré 19 , VII, p . 310

431; 69 H . Trapp, Die hippokratische Schrift De natura muliebri. Ausgabe und textkritischer Kommentar, Diss.,Hamburg 1967. (49) Superfétation (ſlepi ÉtixUKOLos) : Littré 19 , VIII, p . 472-509 ; 70 C . Lienau , Hippokrates Über Nachempfängnis, Geburtshilfe und Schwanger

schaftsleiden , Berlin 1973. (50) Excision du fætus (Ilepi éyxatatouñs éubpúov) : Littré 19, VIII, p . 510-517. G . Chirurgie :

(51) Officine du médecin (Kat' intpelov) : Littré 19, III, p. 262-337 ; Pétrequin 23, II; Kühlewein 20, II; Withington 21, III. (52) Fractures/Articulations (Ilepi äyuwu - lepi äppwv): Littré 19, III,

p . 337-563 et IV, p. 1-327; Pétrequin 23, II ;Kühlewein 20, II; Withington 21, III.

(53) Mochlique (Moxaixóc): Littré 19, IV , p . 328 -397 ; Pétrequin 23, II ; Kühlewein 20, II ; Withington 21, III.

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(54) Plaies (Ilepi €2xõv): Littré 19 , VI, p . 398-433 ; Pétrequin 23, 1; Potter 21, VIII ; Duminil 55. (55) Fistules (Ilepi ovpiyywv) : Littré 19, VI, p . 446 - 561; Pétrequin 23, I ;

Joly 48 ; Potter 21, VIII. (56 ) Hémorroïdes (ſlepi aiuoppoíowv): Littré 19 , VI, p. 434 - 445; Pétrequin 23, 1 ; Joly 48 ; Potter 21 , VIII. ( 57) Plaies de la tête (Ilepi tõv év tñ xebarñ tpwuátwv) : Littré 19, III,

p . 150- 261 ; Pétrequin 23, 1; Kühlewein 20, II; Withington 21, III. (58 ) Anatomie (Iεpi ávatouñs): Littré 19, VIII, p. 536 -541 ; Duminil 55 .

H . Lettres et écrits biographiques : (59) Décret des Athéniens (Abyua 'Aonvaíwv): Littré 19, IX , p. 400 -402 ; 71 W . D . Smith , Hippocrates Pseudepigraphic Writings, Leiden 1990 .

(60) Discours à l'autel ('Etibbulos) : Littré 19 , IX , p . 402-404 ; Smith 69. (61) Discours d 'ambassade (Ilpeobeutixóc) : Littré 19, IX , p . 404 -428 ;

Smith 71. (62) Lettres (’Eniotolaí, corpus de 24 lettres) : Littré 19 , IX , p . 308 -400 ;

72 D . Sakalis, 'Intoxpátous 'Emotoraí, Ioannina 1989; Smith 71 ; Voir aussi, pour deux lettres célèbres absentes de ces éditions, 73 F . Z . Ermerins, Anecdota Medica Graeca , Leiden 1840, p. 278 -297 (Lettre au roi Ptolémée sur la consti tution de l'homme) ; 74 J. F . Boissonade, Anecdota Graeca, III, Paris 1831,

p .422-428 (Lettre au roi Ptolémée sur la santé). 1. Autres.

Outre ces œuvres traditionnellement admises dans les éditions « complètes» du Corpus (à l'exception du n° 8 , qui ne figure pas dans lesmanuscrits grecs à

l'origine des éditions, et du n° 42), de nombreux autres opuscules – près d 'une centaine -, parfois conservés en latin ou en arabe seulement, sont également attribués à Hippocrate . En voir la liste dans 75 R . Gossen , art. « Hippokrates >> 16 , RE VIII 2 , 1913, col. 1847-1850 (nº 57- 158 ), ainsi que, pour les manuscrits qui les transmettent, 76 H . Diels, Die Handschriften der antiken Ärzte , dans APAW , 1905, réimpr. Leipzig 1970, p. 39-57.

Traductions et anthologies. 77 Ch. Adams, The Genuine Works of Hippo crates, 2 vol., London 1849; 78 Ch. Daremberg, Euvres choisies d 'Hippocrate ,

2e éd., Paris 1855 ; 79 R . Fuchs, Hippokrates. Sämmtliche Werke , 3 vol., München 1895- 1900 ; 80 R . Kapferer et G . Sticker, Die Werke des Hippokrates. Die hippokratische Schriftensammlung in neuer deutscher Übersetzung , 5 vol., Stuttgart 1933- 1940 ; 81 J. Chadwick et W . N . Mann , The Medical Works of

Hippocrates, Oxford 1950 ; 82 W . Capelle , Hippokrates. Fünf auserlesene Schriften , Zürich 1955 ; 83 H . Diller , Hippokrates. Schriften . Die Anfänge der

abendländischen Medizin , Hamburg 1962 ; 84 R . Joly, Hippocrate, Médecine grecque, Paris 1964 ; 85 M . Vegetti, Opere di Ippocrate , Torino 1965 ; G . E . R . Lloyd, Hippocratic Writings, coll. « Pelican Classics » , Harmondsworth 1978 ;

86 A . Debru , Hippocrate, La consultation , Paris 1985 (trad. de Littré); 87 A .

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Pecker (édit.), Hippocrate, Euvres complètes, 4 vol., Paris 1979- 1990 (trad. de Littré publiée séparément, avec introduction et commentaires de P. Theil et Th .

Vetter) ; 88 C .Garcia Gual, M . Lara Nava , J. A . Lopez Ferez, L . Sanz Lingote , A . Esteban et alii, Tratados hipocráticos I- VI,Madrid 1983- 1990 (en cours) ; 89 D . Gourevitch , M . Grmek et P. Pellegrin , Hippocrate, De l'Art médical, Paris 1994 (trad. de Littré) ; 89bis Hippocrate, L 'art de la médecine. Traduction et pré

sentation par J. Jouanna et C .Magdelaine, coll.GF, Paris, 1999. Instrumenta studiorum . Concordance et index : 90 J. H . Kühn et U .

Fleischer, Index Hippocraticus, 4 vol., Göttingen 1986 -1989 (reposant,bien que l'ensemble des références soit donné d'après l' édition Littré , sur une collation de première main des principaux manuscrits , avec indication des variantes, et sur l'utilisation des éditions critiques les plus récentes) ; 91 G . Maloney et W . Frohn ,

Concordance des æuvres hippocratiques, 5 vol., Québec 1984, réimpr. Hil desheim 1986 (essentiellement faite à partir du texte de Littré); 92 G . Maloney, Indexes inverses du vocabulaire hippocratique, Québec 1987. Bibliographies : 93 G . Maloney et R . Savoie , Cinq cents ans de biblio

graphie hippocratique (1473-1982 ), Québec 1982 ; à compléter pour 1983 -1992 par 94 S. Byl, « Les dix dernières années (1983- 1992) de la recherche hippocra tique » , Centre Jean -Palerne, Lettre d 'informations 22,mai 1993, p . 1-39; 95 B . Bruni Celli, Bibliografía hipocrática , Caracas 1984 ; 96 M . D . Grmek , « Un

siècle d ' études hippocratiques. Bibliographie critique » , dans Pecker 87, t. IV ,

Paris 1990 , p .431-442. Pour les éditions : voir 97 H . Leitner, Bibliography to the Ancient Medical Authors, Bern /Stuttgart/Wien 1973; 98 G . Fichtner, Corpus Hippocrati cum . Verzeichnis der hippokratischen und pseudohippokratischen Schriften , Tübingen Institut für Geschichte der Medizin , 1992 (sur demande, constamment réactualisé).

Pour la transmission du Corpus: pour les manuscrits de chaque traité , en grec, et éventuellement en latin , syriaque, arabe et hébreu , voir Diels 30, p . 3 -57, qui, bien que vieilli, demeure le point de départ indispensable de toute recherche; pour les papyrus, voir 99 M .- H . Marganne et P. Mertens, « Medici et Medica. Catalogue des Papyrus littéraires grecs et latins (=Mertens

Pack ”)» , dans B . Mandilaras, Proceedings of the International Congress of Papyrology, Athènes 1988, vol. 1, p . 105- 146 ; pour la tradition latine, voir 100 G . Sabbah (édit.), Bibliographie des textesmédicaux latins. Antiquité et haut

Moyen -Âge, coll. « Mémoires du Centre Jean Palerne» 6 , Saint-Étienne 1988, p. 94 -107 ; pour la tradition arabe, voir 101 F. Sezgin , Geschichte des arabischen Schrifttums, t. III. Medizin , Pharmacie , Zoologie, Tierheilkunde, Leiden 1970, p . 23 -48 ; 102 M . Ullmann , Die Medizin im Islam = Handbuch der Orientalistik

VI 1, Leiden /Köln 1970, p . 25 -35 ; pour la tradition hébraïque, voir 103 M . Steinschneider, Die hebräischen Übersetzungen des Mittelalters und die Juden als Dolmetscher, Graz 1956 (Berlin 1893) ; pour l'histoire du texte , voir les

synthèses de 104 J. Irigoin , « Hippocrate et la Collection hippocratique », ACF 1987 -1988, p . 629-647, et 105 Id ., « Hippocrate , Galien et quelques autres méde

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cins grecs» ,ACF 1988-1989, p. 585-603, et de 106 G . Strohmaier, « La tradition

hippocratique en latin et en arabe» , dans G . Sabbah ( édit.), Le latin médical, coll. « Mémoires du Centre Jean Palerne » 10 , Saint-Étienne 1991, p. 27-39. Études d'ensemble. Gossen 75 ; 107 L. Edelstein , lepi đépwv und die Sammlung der hippokratischen Schriften , Berlin 1931 ; 108 K . Deichgräber, Die

Epidemien und das Corpus Hippocraticum . Voruntersuchungen zu einer Geschichte der koischen Ärzteschule , coll. « APAW » 3, Berlin 1933 (2e éd ., avec « Nachwort und Nachträge» , en 1971) ; 109 L . Edelstein , art. « Hippokra tes », RESuppl. VI, 1935, col. 1290- 1345 ; 110 M . Pohlenz, Hippokrates und die Begründung der wissenschaftlichen Medizin , Berlin 1938 ; 111 L . Bourgey, Observation et expérience chez les médecins de la Collection hippocratique,

Paris 1953 ; 112 N . Van Brock , Recherches sur le vocabulaire médical du grec ancien, soins et guérison , Paris 1961 ; 113 W . Müri, Der Arzt im Altertum , 3e éd., München 1962; 114 R . Joly , Le niveau de la science hippocratique. Contribu tion à la psychologie de l'histoire des sciences, Paris 1966 ; 115 F . Kudlien , Der Beginn des medizinischen Denkens bei den Griechen von Homer bis Hippo krates, Zürich /Stuttgart 1967 ; 116 P. Lain Entralgo, La Medicina hipocratica, Madrid 1970 ; 117 H . Flashar (édit.), Antike Medizin, coll. « Wege der Forschung» 221, Darmstadt 1971 ; 118 E . Vintro, Hipocrates y la nosologia hipocratica, Barcelona 1972 ; 119 H . Diller, Kleine Schriften zur antiken Medi zin , Berlin 1973 ; 120 J. Jouanna , Hippocrate. Pour une archéologie de l'école de Cnide, Paris 1974 ; 121 A . Roselli, La chirurgia ippocratica , Firenze 1975 ;

122 J. Ducatillon, Polémiques dans la Collection Hippocratique, Lille 1977 ; 123 W . D . Smith , The Hippocratic Tradition, Ithaca/London 1979 ; 124 J. Pigeaud , La maladie de l'âme. Étude sur la relation de l'âme et du corps dans la tradition médico -philosophique antique, Paris 1981 ; 125 A . Thivel, Cnide et Cos ? Essai sur les doctrines médicales dans la Collection Hippocratique, coll. « Publications de la Faculté des lettres et des sciences humaines de Nice » 21,

Paris 1981 ; 126 M .-P. Duminil, Le sang, les vaisseaux, le cæur dans la Collec

tion Hippocratique. Anatomie et physiologie, Paris 1983 ; 127 M . D .Grmek, Les maladies à l'aube de la civilisation occidentale , Paris 1983; 128 D . Gourevitch , Le triangle hippocratique dans le monde gréco- romain : le malade, sa maladie et son médecin , coll. BEFAR 251, Rome 1984 ; 129 V . Di Benedetto , Il medico e la malattia . La scienza di Ippocrate, Torino 1986 ; 130 J. Pigeaud, Folie et cure de la folie chez les médecins de l'antiquité gréco -romaine : la manie , Paris 1987 ;

131 V . Langholf,Medical Theories in Hippocrates. Early Texts and the 'Epide mics ', coll. « Untersuchungen zur antiken Literatur und Geschichte » 34, Berlin / New York 1990 ; 132 L . Ayache, Hippocrate, Paris 1992 ; Jouanna 2 ; 133 J. Jouanna, « La naissance de l'art médical occidental» , dans M . D . Grmek (édit.), Histoire de la pensée médicale en Occident, 1. Antiquité etMoyen -Âge, Paris

1995, p. 25 -66. Il faut ajouter à ces ouvrages la série des Colloques internationaux qui se tiennent tous les trois ans depuis 1972 et reflètent l'essor et le dynamisme des

études hippocratiques depuis une vingtaine d 'années: 134 L . Bourgey et J.

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Jouanna (édit.), La Collection hippocratique et son rôle dans l'histoire de la médecine. Colloque de Strasbourg (23-27 octobre 1972), coll. « Trav. du Centre de Recherche sur le Proche-Orient et la Grèce antiques » 10 , Leiden 1975 ; 135 R . Joly (édit.), Corpus Hippocraticum , Actes du Colloque hippocratique de

Mons (22- 26 sept. 1975), Mons 1977 ; 136 M . D . Grmek et F . Robert ( édit.), Hippocratica, Actes du colloque hippocratique de Paris (4 - 9 septembre 1978 ), Paris 1980 ; 137 Fr. Lasserre et Ph. Mudry (édit.), Formes de pensée dans la Collection hippocratique, Actes du IVe Colloque International Hippocratique (Lausanne, 21- 26 septembre 1981), Genève 1983; 138 G . Baader et R . Winau (édit.), Epidemien - Theorie - Praxis- Tradition . Verhandlungen des Ve Colloque international hippocratique, Berlin , 10 .-15. 9. 1984, coll. « Sudhoffs Archiv Beihefte » 27, Stuttgart 1989 ; 139 P . Potter, G . Maloney et J. Desautels (édit.), La maladie et lesmaladies dans la Collection Hippocratique : Actes du Vre Col

loque internationalhippocratique (Québec, du 28 septembre au 3 octobre 1987), Québec 1990 ; 140 J. A . Lopez-Ferez (édit.), Tratados Hipocráticos. Actas del Vire Colloque International Hippocratique (Madrid , 24 -29 de Septiembre de

1990), Madrid 1992 ; 141 R . Wittern et P. Pellegrin (édit.), Hippokratische Medizin und antike Philosophie. Verhandlungen des VIII. Internationalen Hip pokrates-Kolloquium (Kloster Banz, Staffelstein, 23-28. Sept. 1993), Hildesheim /

Zürich/New York 1996 ; 141bis Aspetti della Terapia nel « Corpus hippocra ticum ». Atti del « IXe colloque International Hippocratique» (Pisa 25 -29 settem bre 1996 ), a cura di I. Garofalo, A . Lami, D .Manetti, A . Roselli, coll. « Accade

mia toscana di Scienze e Lettere “ La Columbaria" » , 183, Firenze 1999. Présentation du Corpus hippocratique. La soixantaine d'ouvrages tradi tionnellement inclus dans le Corpus forme un ensemble disparate tant par les sujets abordés, les styles, les dates de rédaction (du ve s. av. J.-C jusqu'au début de notre ère pour Dentition ou Bienséance) que par les doctrinesexprimées, dont les contradictions s'opposent à l'unité d'auteur.

(a) La question hippocratique. Les seuls témoignages anciens incontestables que l'on possède prouvent que deux au moins des traités appartenant au Corpus ne sont pas de la main d'Hippocrate, ainsi Nature de l'homme, dû à son disciple

Polybe (cf. Aristote, H .A . III 3, 512b 12 - 513 a 7 ), ou encore Nature des Os, dont un chapitre au moins est de la main de Syennésis de Chypre, un autre de ses

disciples (cf. Aristote , H . A. III 2, 511b23- 30 ). La « question hippocratique » s'est très vite posée, puisque déjà Érotien, au jer s. de notre ère , dressait la liste des écrits hippocratiques jugés authentiques, tandis que Galien , au siècle suivant, lui consacrait un ouvrage, aujourd 'hui perdu (Sur les écrits authentiques et bâtards d 'Hippocrate ). Elle a longtemps animé les recherches, et les modernes ont cru pouvoir déterminer quel(s) traité(s) revenai( en )t à Hippocrate en exploi tant deux témoignages: (1) le célèbre passage du Phèdre, 270c sq., qui évoque la méthode hippocratique selon laquelle une connaissance du corps est impossible sans celle du tout (ToŰ Őhou ); selon l'interprétation qu 'on fait de ce témoignage, on a cru retrouver l'application de cette méthode dans divers traités, entre autres Nature de l'homme, AncienneMédecine, Airs, eaux, lieux ou Régime,mais sans

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véritable certitude (très riche bibliographie sur cette question , reflétant la diver sité des interprétations : cf., pour ne citer que les études les plus significatives, 142 W . Capelle , « Zur hippokratischen Frage », Hermes 57, 1922, p. 247-265 ;

143 P . Kucharski,« Laméthode d'Hippocrate dans le Phèdre », REG 52, 1939, p. 301-357 ; 144 R . Joly , « La question hippocratique et le témoignage du Phèdre », REG 74, 1961, p .69-92; 145 H .Herter, « The problematic mention of Hippocrates in Plato 's Phaedrus» , ICS 1, 1976 , p. 22-42 ; 146 J. Jouanna, « La

Collection hippocratique et Platon » , REG 90, 1977, p. 15 - 28 ; 147 R . Joly , « Pla ton , Phèdre et Hippocrate : vingt ans après» , dans Lasserre etMudry 43, p . 407 422 ; 148 J.Mansfeld, « Plato and the method of Hippocrates », GRBS 21, 1980 ,

p. 341- 362); (2 ) le papyrus deMénon, ou Anonyme de Londres (IIP ; édité par 149 H . Diels, Anonymi Londinensis ex Aristotelis latricis Menoniis et aliis medicis eclogae, Berlin 1893 ; 150 W . H .S . Jones, The MedicalWritings of Ano nymous Londinensis, Cambridge 1947), doxographie médicale liée au cercle aristotélicien , dont une partie (col. V 35- VII 40), consacrée à Hippocrate, insiste sur la primauté de l'air dans la production des maladies, idée qu 'on retrouve

dans le traité des Vents. Mais la critique moderne n ’ attribue pas cet ouvrage à Hippocrate même (pour les rapports entre Vents et l’Anonymede Londres, voir Jouanna 32 , p . 39 -47) . On se heurte à des difficultés analogues si l'on tente d 'ex ploiter les témoignages quasi contemporains: Ctésias (cf. Galien , Comm . aux Articulations, IV 40) et Dioclès (frg. 187 Wellmann = Galien , Comm . aux Arti

culations III 23) critiquent en les attribuant nommément à Hippocrate certaines pratiques ou conceptions médicales qu 'on trouve dans Articulations ou Épidé mies l; de même, on sait que l'alexandrin Hérophile a contesté le Pronostic ( fragment 33 et 261 von Staden 8 ).Mais l'analyse terminologique montre entre

ces traités, que les témoignages anciens inciteraient à attribuer à Hippocrate, des divergences telles qu'elles rendent peu probable l'unité d 'auteur. L 'absence de résultats concrets s'est traduite par un scepticisme grandissant, jusqu'aux posi tions extrêmes d ’Edelstein , selon qui Hippocrate n 'est qu 'un nom sans réalité tangible (cf. Edelstein 107 et surtout 27) ; avant lui, doutes émis aussi par 151 U . von Wilamowitz , « Die hippokratische Schrift ſlepi ipñs vouoou », SPAW 1901, p . 2 -23 ; 152 O . Regenbogen, « Hippokrates und die hippokratische Sammlung » , JKPh 47 , 1921, p . 185 - 197 ; à l' inverse ,mise en évidence des liens entre certains traités et la personne même d 'Hippocrate, ou du moins de son école, par Deichgräber 108, p . 162-172 ; pour un passage en revue des diverses opinions sur la question, cf. 153 L . Edelstein , « The genuine works of Hippocrates» , BHM

7, 1939, p . 236 -248 = Ancient Medicine, p. 133- 144, ainsi que, pour une biblio graphie récente sur ce point, 154 G . E . R . Lloyd, « The Hippocratic Question » , dans Methods and Problems in Greek Science , Cambridge 1991, p . 194 - 223

(reprise avec additions etmise à jour bibliographique de l' article de 1975).

(b) Les « écoles» médicales. A défaut de pouvoir attribuer des traités à Hip pocrate lui-même, on a tenté de les rattacher à son école , celle de Cos, par oppo

sition à l' école rivale de Cnide, en s'appuyant sur la critique de l'ouvrage fonda mental de l'école de Cnide, Sentences cnidiennes, qu 'on lit dans le Régime des

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maladies aiguës, chap. 1 : l'auteur reproche aux Cnidiens leur thérapeutique sommaire et une trop grande subdivision des maladies, caractéristiques qu 'on retrouve dans certains traités nosologiques (Maladies II et III, Affections inter

nes) et gynécologiques (Maladies des femmes I-III, Nature de la femme). Voir, pour les premiers , Jouanna 120 , et, pour les seconds, 155 H . Grensemann , Kni dische Medizin , I, Berlin 1975 , et II, Stuttgart 1987. Sont rattachés à l'école

coaque, pourne citer que les principaux traités, le groupe des Épidémies, Airs, eaux, lieux, Pronostic, Aphorismes,Maladie sacrée, Humeurs, Prénotions coa ques, Prorrhétique I et II, ainsi que les traités chirurgicaux. Voir Deichgräber

108, p. 9- 127. Cependant cette distinction entre les écoles, qui ne peut rendre compte de l'intégralité du Corpus et qui est parfois trop systématique, est elle

même contestée et relativisée. Voir la remise en question de 156 W .D . Smith , « Galen on Coans versus Cnidians » , BHM 47, 1973, p . 569-585, et également

Thivel 125, avec la mise au point et les réserves de Jouanna 64 , p. 31-32, n. 3. LA PENSÉE HIPPOCRATIQUE ET LA PHILOSOPHIE

1. De la pratiquemédicale à la réflexion sur la médecine Il s'agit ici non de donner une description exhaustive de la pensée hippocra tique, mais d 'insister simplement sur quelques points qui peuvent intéresser

l'histoire des idées. Indépendamment des divergences théoriques et de l'hétéro généité du Corpus, un même fonds commun et une unité de pensée se dégagent. (a) Primauté de l'observation : priorité est donnée à l' observation débouchant, chez les médecins cnidiens, sur une typologie nosologique très détaillée et l'expression d 'un diagnostic (voir Maladies II, Affections internes), tandis que

l’école coaque tire de l'observation concrète (voir par exemple Épidémies, réu

nissant les « fiches cliniques » de plusieurs dizaines de malades) des règles géné rales régissant le cours des maladies permettant la formulation d 'un pronostic

(cf. en particulier Pronostic, Épidémies, Prénotions coaques, Prorrhétique 1 et II). Bien des observations sontrestées célèbres, comme le faciès hippocratique (Pronostic 2), la carphologie (Pronostic 4 ), l'hippocratisme digital (Pronostic 17), tout comme la pratique de l'auscultation immédiate (Maladies II 47b , 59,

61 entre autres). Voir Grmek 127, surtout p . 409-436 (« Pronostic, diagnostic et conceptualisation des maladies chez Hippocrate » ). (b) Anatomie et physiologie . En l'absence de dissection , les connaissances anatomiques et physiologiques restent très limitées et presque exclusivement dépendantes de reconstructions intellectuelles. Voir 157 C . R . S . Harris, The Heart and the Vascular System in Ancient Greek Medicine, Oxford 1973 ;

Vegetti etManuli 54; Duminil 126 ; pour la théorie des humeurs (sang, phlegme, bile noire, bile jaune ), énoncée pour la première fois dans Nature de l'homme, voir 158 E . Schöner, Das Viererschema in der antiken Humoralpathologie , Wiesbaden 1964. Pour la méthode de reconstruction de l'invisible à partir du

visible, par analogie (cf. Anaxagore, DK 59 B 21 a), voir 159 H . Diller, « "OUIS đônAoV và balo uela » , Hermes 67, 1932, p. 14-42.

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(c) Approche rationnelle de la maladie : sont prônés le refus d'une causalité

divine ou magique dans l'origine des maladies et la recherche d 'une causalité rationnelle. Cf. en particulier Maladie Sacrée , à propos de l'épilepsie, ou Airs, eaux, lieux, à propos de la maladie des Scythes (à comparer avec Hérodote I 105

et IV 67, qui ne retient que l'explication religieuse ). Voir entre autres sur ce point 160 G . E. R . Lloyd, Magic, reason and experience. Studies in the origins and development of Greek science, Cambridge 1979 , p . 10 -58 (« the criticism of magic and the inquiry concerning nature » ) et la synthèse de Jouanna 2, p. 259 297 (« le rationalismehippocratique et le divin »). Decette approche découle une nouvelle conception de la santé et de la maladie. D 'après Ancienne médecine et Nature de l'homme, la santé se définit par le mélange harmonieux (notions de upãous et de lletplórns ) des éléments constitutifs du corps et l'équilibre de leur force respective (dúvaques, notion étudiée par 161 G . Plamböck , « "Dynamis” im Corpus Hippocraticum » , AAWMIGS 1964, 2 , p . 63- 110 ), la maladie étant la

domination d'un élément sur les autres. Pour les rapprochements possibles avec la définition donnée par Alcméon de Crotone ( A 98 ] (santé/isonomie , maladiel

monarchie ), voir 162 L . MacKinney, « The concept of isonomia in Greek Medi cine» , dans J. Mau et E . G . Schmidt ( édit.), Isonomia , Berlin 1964, p. 79-88 ;

163 G . Cambiano, « Patologia e metafora politica. Alcmeone, Platone e Corpus Hippocraticum », Elenchos 3, 1982 , p. 219-236 . Pour les différentes phases distinguées dans le cours de la maladie (crise, paroxysme, coction , dépôt, réci dive, métastase, jours critiques), voir Bourgey 111, p. 236 -251 ; Langholf 131, p. 73-134 . Si la santé est équilibre entre les constituants internes de l'individu , elle est aussi équilibre entre l'homme et son milieu naturel (cf. surtout, pour l'illustration de cette médecinemétéorologique, Airs, eaux, lieux : influence sur la santé de l'orientation aux vents et au soleil, de l'eau, du climat, de la nature du sol), point de départ d'une réflexion ethnographique approfondie sur les relations

entre climat, physique et moral (comparaison des peuples de l'Europe et de l' Asie) et sur les notions de púous et vouoc. Voir 164 H . Diller, Wanderarzt und Aitiologe, Leipzig 1934 (qui voit sur le traité l'influence marquée de Démocrite , mais n 'a pas été suivi sur ce point, cf. 165 A . Stückelberger , Vestigia Democri tea , Basel 1984 , p . 80 sq.) ; 166 F . Heinimann , Nomos und Physis. Herkunft und Bedeutung einer Antithese im griechischen Denken des 5. Jahrhunderts , coll.

« Schweizer. Beitr. zur Altertumswiss.» 1, Basel, 2e éd., 1965; 167 M . Pohlenz, .« Nomos und Physis», Hermes 81, 1953, p . 418 -438 ; 168 J. Desautels, L 'image du monde selon Hippocrate , Québec 1982 ; 169 M . Pinna, « Ippocrate fondatore della teoria dei climi» , RGI 95, 1988, p. 3-19 ; 170 J.-F . Staszak , La géographie

d 'avant la géographie. Le climat chez Aristote et Hippocrate, Paris 1995, p. 125 207. Pour la thérapeutique, d'où les procédés magiques sont presque totalement

absents, voir 171 J.H . Dierbach, Die Arzneimittel des Hippokrates, Heidelberg 1924 ; 172 J. Stannard , « Hippocratic Pharmacology » , BHM 35, 1961, p. 497 518 ; Aspetti della Terapia 141bis; pour allopathie et homéopathie , voir 173 J. Scarborough , « Theoretical assomptions in Hippocratic pharmacology » , dans

Lasserre et Mudry 137, p. 307-325 ; 174 C . W .Müller , Gleiches zu Gleichem ,

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coll. « Klassisch -philologische Studien » 31, Wiesbaden 1965 ; pour les traités

chirurgicaux, voir Roselli 121. (d ) Réflexion sur l' art médical. Deux traités, Ancienne médecine et surtout Art, offrent des discussions épistémologiques développées sur la nature de l'art, son origine et sa méthode, s 'inscrivant, avec Ancienne médecine, dans une réflexion plus large sur l'histoire humaine et le passage de la vie sauvage à la

civilisation (voir 175 H . Herter, « Die kulturhistorische Theorie der hippokra tischen Schrift « Von der alten Medizin » » ,Maia 15, 1963, p. 464-483; pour le rapprochement courant avec le Mixpós Oláxoguos de Démocrite , voir la mise au point de Stückelberger 165, p . 82-85, et Jouanna 35 , p . 46 -48). Pour la

réflexion sur l'art chez les médecins hippocratiques (antithèse téxvn/ túyn! återvin et nécessité d 'un savoir causal), voir 176 F . Heinimann, « Eine vorpla

tonische Theorie der téxun » ,MH 18, 1961, p. 105-130, avec bibliographie p. 106 n . 9 ; 177 P . Joos, « Zufall, Kunst und Natur bei den Hippokratikern », Janus 46, 1957, p. 238-252, Jouanna 31, p. 183- 190, et Jouanna 35 , p. 34-49; pour la notion de cause , cause déclenchante et cause profonde (npopaois et

aitiov), voir en dernier lieu 178 R . Rechenauer, Thukydides und die hippokra tische Medizin . Naturwissenschaftliche Methodik als Modell für Geschichts

deutung, Hildesheim 1991.

2. Le Corpus hippocratique et la philosophie Peu de domaines reflètent aussi nettement la diversité d'auteurs et de pensées dans le Corpus que l'étude des relations entre médecine et philosophie, depuis les traités qui rejettent l' intrusion de la philosophie en médecine, comme Ancienne médecine ou Nature de l'homme, jusqu' à Bienséance, qui proclame

que « lemédecin philosophe est égal aux dieux » (chap . 5). (a ) Pensée présocratique et médecine philosophique. Entre les philosophes presocratiques, traitant de problèmes biologiques, et les médecins hippocra tiques, les intérêts communs et par conséquent les points de rencontre – n 'impli quant pas nécessairement une influence des uns sur les autres – sont nombreux .

Le dépistage des doctrines présocratiques dans le Corpus et de leur influence , en particulier dans le domaine de l'embryologie , a été l'une des principales voies de

recherche jusqu 'à ce jour. Voir sur cette question le relevé bibliographique de

179 M . Roussel, « Corpus hippocratique et pensée présocratique », dans L . Paquet, M . Roussel et L . Lafrance, Les Présocratiques. Bibliographie analytique (1879- 1980 ),Montréal/Paris, t. II, 1989, p . 386 -425 (175 titres retenus), auquel

il faut ajouter 180 J.Longrigg, « Presocratic Philosophy and Hippocratic Medi cine » , HistSc 27 , 1989, p. 1- 39, et son ouvrage 181 Greek rational medicine. Philosophy and medicine from Alcmaeon to the Alexandrians, London New

York 1993 (chap. 4 , « Presocratic philosophy and the Hippocratic Corpus) ; 182 B . Vitrac,Médecine et philosophie au temps d 'Hippocrate , Paris 1989, ainsi que les actes du huitième colloque hippocratique (141). Toutefois , bien que la tendance dominante des études ait été de supposer une relation de dépendance des médecins par rapport aux philosophes (ou plus rarement l'inverse), il faut

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sans doute rectifier cette optique et plutôt envisager une relation de concurrence

entre médecins et philosophes, dans une égalité de compétence (voir 183 J. Jouanna, « La naissance de la science de l'homme chez les médecins et les savants à l'époque d'Hippocrate : problèmes de méthode », dans Lopez Ferez 140 , p . 91-111 ).

A côté de réminiscences ou de rencontres de détail, souvent trop peu précises

ou trop peu significatives pour être interprétées comme la trace d'une influence indéniable des penseurs présocratiques, certains traités relèvent d 'une véritable médecine philosophique. Malgré leurs divergences profondes et les opinions variées qu 'ils reflètent (monisme, dualisme, théorie septénaire...), tous affirment comme préalable à l'art médical la nécessité d'une connaissance des éléments constitutifs de l'homme, associant ainsimédecine et cosmologie . Parmi les trai tés se rattachant à cette tendance, les plus significatifs sont les suivants : - Régime (traité n° 32). Fin va ou première moitié IVa. Un exposé sur le régime nécessitant une connaissance préalable de la nature humaine, l'ensemble du livre I (chap . 1-36 ) est consacré à l'anthropologie : anthropogénèse à partir de deux substances primordiales, eau et feu , cosmobiologie (avec l'une des plus anciennes formulations conservées de la théorie micro -macrocosmique) et embryogénèse à l' imitation de l'univers. Voir Joly 51, p. 25 -33, et 184 Id .,

Recherches sur le traité pseudo-hippocratique du Régime, Paris 1960 , p . 20 -91, qui minimise l'influence d'Héraclite , jugée jusqu 'alors prépondérante , mais en

réalité surtout stylistique, et relève les points de contact avec le pythagorisme, Anaxagore ( A 158 ) (panspermatisme et embryologie), Hippon (2H 157) et Empédocle (2E 19) . Pour les divers types d ' intelligence, selon la variété du

mélange eau/feu , voir aussi 185 J. Jouanna, « La théorie de l'intelligence et de l'âme dans le traité hippocratique du Régime; ses rapports avec Empédocle et le

Timée de Platon », REG 79, 1966 , p. XV -XVIII. - Vents (traité nº 30). Fin Va. Exposé sur le rôle primordial de l'air dans les processus vitaux, les maladies et la santé , où est réhabilitée, contre le pluralisme

empédocléen, la théorie d'Anaximène (» A 168) sur la primauté de l'air dans l'univers , reprise par Diogène d'Apollonie (2D 139). On remarque, toutefois, l'originalité de l'auteur, qui voit la source de la pensée non dans l'air, mais dans le sang, se rapprochant ainsi d 'Empédocle. Pour une synthèse récente, voir

Jouanna 32, p. 25-29 (« Les Vents et la philosophie présocratique» , avec relevé des points de rencontre entre Vents etDiogène). - Chairs (traité n° 22). Fin Va-début IV . Étude du corps humain rattachée à une cosmologie à trois éléments, éther, air et terre, et anthropogénèse à partir du mélange et de la transformation des éléments premiers , avec insistance sur les notions de gras (alttapóv) et de glutineux (xorādes), et affirmation d'une théorie septénaire. Voir surtout Deichgräber 47 , en particulier p. 24-61 (« Der Autor und sein Werk » ), repris et résumé par Joly 48, p. 181-185, qui relève les analogies avec Empédocle, Archélaos (P + A 308) et surtout Diogène d'Apollonie .

- Semaines (traité n° 24). Traité presque entièrement perdu en grec, conservé en latin et partiellement en arabe, qui établit une correspondance entre l'homme

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microcosme et l'univers -macrocosme, dans une cosmologie et une anthropologie

entièrement fondées sur le nombre sept (phases de la lune, saisons, vents, parties du corps, jours critiques...). Voir les nombreuses études de W . Roscher (pour qui le traité, lié à Anaximandre et Anaximène, est antérieur aux théories pytha

goriciennes et daterait des vie-ve siècles ), en particulier 186 Die Hebdomaden lehre der griechischen Philosophen und Ärzte . Ein Beitrag zur Geschichte der griechischen Philosophie und Medizin , Leipzig 1906 ; 187 J. Mansfeld , The pseudo-Hippocratic tract NEPI EBAOMAAN ch. 1-11 and Greek philosophy, Assen 1971, qui note l'influence prépondérante des stoïciens et surtout de Posi donius, et date en conséquence le traité du jer s. de notre ère, ainsi que West 51, p. 365- 388, qui fait la synthèse des travaux précédents. . - Aliment (traité n° 35). Imitation d 'aphorismes héraclitéens. Voir 188 H . Diller, « Eine stoisch -pneumatische Schrift im Corpus Hippocraticum » , AGM

29, 1936 , p . 178-195 (qui souligne l'influence du milieu stoïcien et de l'école pneumatique, et date le traité du jer s. de notre ère, conclusion contestée toutefois par Joly 61, p. 133-135, qui note l'absence d 'éléments spécifiques de l'école pneumatique et penche pour l' époque hellénistique) et Deichgräber 62. (b ) La médecine contre la philosophie . A l'inverse, deux traités s'élèvent contre la médecine philosophique et l' intrusion de postulats philosophiques en médecine, dans une démarche parallèle et comparable aux efforts d 'autresméde cins pour distinguer la médecine de la magie. Cette polémique, plus largement, pose aussi le problème épistémologique de la méthode à adopter en médecine (sur cette question , voir 189 J. H . Kühn , System - und Methodenprobleme im Corpus Hippocraticum , coll. « Hermes Einzelschriften » 11, Wiesbaden 1956 ). Bien que cette attitude d'opposition entre médecine et philosophie ne rende compte que partiellement du Corpus, c'est généralement celle qui a retenu l'attention et caractérisé l'esprit hippocratique : cf. déjà Celse, De Medicina , Proem ., selon qui, dans un premier temps, la médecine n 'était qu 'une part de la philosophie, avant qu 'Hippocrate ne l'en détache et n ' en fasse un art indépen

dant. Ces deux traités sont les suivants : - Ancienne médecine (traité n° 4). Fin Va. Critique des médecins novateurs qui partent d 'un postulat (úntódols; sur ce mot, voir Jones 33, p. 26 -32, et Jouanna 34, p . 155 n. 2) pour réduire les causes des maladies à un ou deux prin

cipes (le chaud, le froid, etc .) et définir une thérapeutique, alors que la médecine possède déjà , selon l'auteur, sa propre méthode, fondée sur l'observation empi rique. Pour l'identification des adversaires ici visés, voir 190 G . E .R . Lloyd , « Who is attacked in On Ancient Medicine ?» , Phronesis 8 , 1963, p. 108- 126

(Alcméon, ou plus probablement Philolaos) ; Jouanna 34 , p. 22-34 (« la critique d'une médecine philosophique » : Philolaos, Pétron d'Égine, et surtout Hippon de

Crotone (2 - H 157]). Élargissement de la polémique à tous ceux qui adoptent une attitude philosophique en médecine et prônent une connaissance de l'homme antérieure à la médecine, comme Empédocle ( » E 19 ), nommément cité (chap .

20) ; à l'inverse, c 'est par la médecine qu'on pourra parvenir à une réelle connaissance de l'homme. Pour les rapports entre Ancienne Médecine et les

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traités philosophiques du Corpus, en particulier Régime, voir Jouanna 34 , p . 29 32, avec bibliographie p . 31 n . 1- 2 ; pour les rapports avec Platon , voir la thèse

originale - et très contestée - de 191 H . Diller, « Hippokratische Medizin und attische Philosophie» , Hermes 80 , 1952, p . 385-409 (= Diller 119, p. 46 -70 ), selon qui le traité estpostérieur à Platon . - Nature de l'homme (traité nº 20 ). Seul traité dont on connaisse avec certi

tude l'auteur, Polybe, disciple d'Hippocrate (cf. Aristote , H . A. III 3, 512 b 12 513 a 7 , et Anonyme de Londres XIX 1- 18 ), daté des années 410 -400. Polémique virulente (chap . 1- 2 ) contre les philosophes, plus particulièrement contre les monistes, ioniens (Diogène d' Apollonie ( D 139 ), Philolaos de Crotone, Hippon (» H 157 ]) aussi bien qu 'éléates (Mélissos de Samos, nommément cité, dont les thèses sont habilement reprises par l'auteur pour réfuter celles de Dio

gène). Voir 192 A . Thivel, « ¿ Quiénes son los adversarios de Pólibo en los dos primeros capitulos del tratado De la naturaleza del hombre ? » , dans Lopez-Ferez 140, p . 145 - 155 ; 193 J. Jouanna, « Rapports entre Mélissos de Samos et Diogène d' Apollonie , à la lumière du traité hippocratique De Natura Hominis », REA 67, 1965, p . 306 - 323, ainsi que Jouanna 44, p . 39-43. Comme dans Ancienne Méde cine, l' auteur affirme l'autonomie de la médecine, en tant que domaine de l'ob

servable, du visible (pavepóv), par opposition à la cosmologie, terrain du spécu latif.

Malgré le rejetdes spéculations philosophiques, l'attitude des deux traités ne laisse pas d'être ambiguë : les théoriesmédicales d 'Ancienne Médecine, en parti culier la conception de la santé comme équilibre et mélange harmonieux des

duváuels du corps et de la maladie comme suprématie et isolement de l'un d ' entre eux , témoignent de l'influence d ’Alcméon de Crotone et offrent des

rapprochements possibles avec Anaxagore ( voir sur ce point Jouanna 35 , p . 57 60 ); Nature de l'homme rejette le monisme, mais pour défendre les thèses du philosophe dont il s' inspire, Empédocle , dont la théorie des quatre éléments trouve une transposition médicale dans celle des quatre humeurs . Ainsi, même chez des adversaires déclarés de la philosophie , la tentation d' énoncer des théo

ries aussi systématiques que le schéma quaternaire des humeurs n 'est jamais

loin , tout comme le passage permanent du descriptif à l'interprétatif. Sur cette ambiguïté constante des relations entre médecine et philosophie, voir 194 G . E .R . Lloyd, « Aspects of the interrelations ofmedicine, magic and philo sophy in ancientGreece », Apeiron 9, 1, 1975, p . 1-17 ; 195 J. Longrigg, « Philo

sophy and medicine. Some early interactions» , HSPh 67, 1963, p . 147-175, et Longrigg 181, p . 100 - 103 ; Jouanna 2, p. 409-452 (« De l'observation du visible à la reconstruction de l'invisible » ).

3. Éthique. La déontologie hippocratique est résumée essentiellement dans Serment et des

ouvrages postérieurs à Hippocrate, Loi,Médecin , Préceptes, Bienséance, Quel doit être celui qui apprend l'artmédical: retenue et discrétion du médecin, préfi gurant le secretmédical; volonté de préserver avant toutla vie (refus de fournir du poison , d 'aider à des suicides ou des avortements) ; souci permanent de la

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réputation de l'art. Voir 196 U . Fleischer, Untersuchungen zu den pseudohippo kratischen Schriften laparyeniai ſlepi intpoŨ und lepi eủoynuooúvns, Ber

lin 1939. Sur la figure du médecin hippocratique et ses relations avec son patient, dominées par le principe énoncé en Épidémies I, « être utile ou ne pas nuire » , voir 197 W .Müri, Arzt und Patient bei Hippokrates, Bern 1936 ; Deichgräber 36

(analyse en particulier des « grâcieusetés » du médecin pour le malade et des efforts pour adoucir le traitement); Gourevitch 128 (en particulier les chap . II 1 4 ) ; 198 H . Flashar et J. Jouanna (édit.),Médecine et morale dans l'Antiquité ,

coll. « Entretiens sur l'Antiquité classique» 43, Vandæuvres-Genève 1997.

JACQUES JOUANNA et CAROLINE MAGDELAINE. 153 PSEUDO -HIPPODAMOS DE MILET A . La tradition tardive qui fait du célèbre architecte et urbaniste de Milet (va) un pythagoricien ( en DK 39 ( 27 ) ; t. I, p . 389 - 391, Hippodamos est inclus parmi les penseurs " proches du pythagorisme"), au demeurantmal attestée (Stobée IV 34, 71 ; IV 1, 93, infra ), ne repose sur aucun fondement sûr; selon une hypothèse

ancienne de Fabricius, elle pourrait être due au fait qu 'Hippodamos aurait des siné les plans de Thurium pour Périclès, ce qui incitait à l'associer avec la

Grande Grèce, et par là avec les pythagoriciens (cf. 1 H . Thesleff, An Introduc tion to the Pythagorean writings of the Hellenistic period, Åbo 1961, p . 111-112, n . 5 ). Dans Schol, in Aristoph. Equ. 327, il est dit que certains le rattachaient à

Thurium , d'autres à Samos. B . Sous le nom d 'Hippodamos de Thurium a été transmis par Stobée IV 39, 26 un nepi kúbaluovías (Sur le bonheur) d ' environ 95 lignes en dialecte dorien . Contenu : le bonheur, qui représente la perfection de la vie et de l'activité humaines, dépend de la possession et de l'usage de la vertu et de la bonne for

tune ; il n 'est possible que dans un État régi par de bonnes lois. Édition dans 2 H . Thesleff, The Pythagorean texts, p . 94, 7 - 97, 15. Thesleff rattache à cette æuvre un fragment de deux lignes cité par Clément, Strom . II 102, 1 , sur les trois espèces de philia . Traduction anglaise dans 3 D . R . Fideler, The Pythagorean

Sourcebook and Library, p . 215-217. Datation : 119 selon Thesleff 1, p . 115 ; 1a selon 4 W . Burkert, « Zur geistesgeschichtlichen Einordnung einiger Pseudo

pythagorica » , dans Pseudepigrapha I, Vandeuvres/Genève 1971, p . 25-55, en part. p . 38 -41; 5 B . Centrone, Pseudopythagorica ethica. I trattati morali di Archita , Metopo, Teage, Eurifamo. Introduzione, edizione, traduzione e com

mento a cura di B . C ., Napoli 1990, p . 15 n . 7 ; 41-44. Dans la Souda © 83, s. v. Osavó 1, t. II, p . 688, 16 Adler, Hippodamos de Thurium figure comme dédicataire d 'un lepi đperñs (Sur la vertu ) de la

pseudo-Théano. C . Sous le lemme Hippodamos le Pythagoricien ont été transmis par Stobée IV 34, 71 ; IV 1, 93 ; 94 ; 95, 4 , des fragments d'un ſepi nollteias (Sur la constitution de l'État) en dialecte dorien (en tout environ 140 lignes). Contenu : division de l'État en trois classes, avec des subdivisions ultérieures; la meilleure constitution est une synthèse des formes naturelles de gouvernement, en premier

791 lieu la monarchie et l'aristocratie. Traduction anglaise de K . S. Guthrie (1920 ) dans 6 R .Navon, The Pythagorean writings, p. 91-95, et dans Fideler 3, p. 217 220. Traduction italienne dans 7 I. Lana, « L 'utopia di Ippodamo di Mileto », RF H 154

HIPPOLYTE DE ROME

40, 1949, cf. I frammenti, p . 315-331. Traduction française incorporée dans le texte de l'étude de 8 A . Delatte , Essai sur la politique pythagoricienne,

Liège/Paris 1922,cf. p . 125-176 : le chapitre intitulé « Le Tepi noliteiac attri bué à Hippodamos et quelques ouvrages d'inspiration analogue» . Datation : 111a selon Thesleff 1, p. 110 ; 115 ; 9 G . J. D . Aalders, Political thought in Hellenistic

times, Amsterdam 1975, p. 27- 38. BRUNO CENTRONE .

154 HIPPOLYTE DE ROME

DM III

Évêque schismatique et polygraphe romain . INDICATIONS BIBLIOGRAPHIQUES Identité de l'auteur et corpus littéraire. 1 P. Nautin , Hippolyte et Josipe, Contribution à l'histoire de la littérature chrétienne du troisième siècle , Paris

1947 ; 2 M . Richard , « Hippolyte de Rome (Saint)» , dans DSp VII, 1, 1969, col. 531-571 = Opera minora, vol. 1, Turnhout/Louvain 1976 , n° 10 ; 3 V . Loi, « La problematica storico -letteraria su Ippolito di Roma» , dans Ricerche su Ippolito , coll. « Studia ephemeridis Augustinianum » 13, Roma 1977, p . 9 -16 ; 4 V . Loi,

« L' identità letteraria di Ippolito diRoma» , ibid., p. 67-88 ; 5 M .Geerard, CPG I, 1983, p. 256 -278 ; 6 P. Nautin , « Ippolito » , dans Dizionario patristico e di antichità cristiane, t. II, Roma 1983, col. 1791-1798 ; 7 M .Marcovich , « Hippo lyt von Rom » , dans TRE XV , 1986 , p. 381-387 ; 8 J. Frickel, Das Dunkel um Hippolyt von Rom , Ein Lösungsversuch : die Schriften Elenchos und Contra Noetum , Graz 1988 ; 9 M . Simonetti, « Aggiornamento su Ippolito » , dans Nuove ricerche su Ippolito, coll. « Studia ephemeridis Augustinianum » 30, Roma 1989,

p . 75-130 ; 10 C . Scholten , « Hippolytos II ( von Rom )» , dans RAC XV, 1991, col. 492 -551 ; 11 A . Brent, Hippolytus and the Roman Church in the third cen tury, Communities in tension before the emergence of a monarch -bishop, coll. « Supplements to Vigiliae Christianae » 31, Leiden 1995 ; 12 A . Brent, « Was Hippolytus a schismatic ?» , VChr 49, 1995, p. 215 -244 ; 13 M . Simonetti, « Una nuova proposta su Ippolito » , Augustinianum 36 , 1996 , p. 13-46 (étude critique de Brent 11).

Statue et témoignages. 14 H . Leclercq, « Hippolyte (Statue et cimetière de

saint) », dans DACL VI, 2, Paris 1925 , col. 2419 -2483; 15 M .Guarducci, « La statua di “ sant'Ippolito ” » , dans Ricerche su Ippolito , coll. « Studia ephemeridis Augustinianum » 13, Roma 1977, p . 17-30 ; 16 P . Testini, « Di alcune testimo nianze relative a Ippolito » , ibid ., p . 45-65 ; 17 M . Guarducci, « La “ statua di sant' Ippolito " e la sua provenienza » , dans Nuove ricerche su Ippolito , coll.

« Studia ephemeridis Augustinianum » 30 , Roma 1989, p. 61-74 ; 18 E . dal Covolo , « Ancora sulla “ statua di sant'Ippolito ", Per una messa a punto dei rap porti tra i Severi e il cristianesimo » , Augustinianum 32 , 1992, p . 51- 59 = Studia

patristica, t. 24 ,Louvain 1993 , p.62-69; Brent 11, pl. 1- 24 et p. 3-367.

HIPPOLYTE DE ROME

792

H 154

Réfutation , éditions. 19 P . Wendland (édit.), Hippolytus Werke, 3 , Refutatio

omnium haeresium , coll. GCS 26 , Leipzig 1916 , réimpr. Hildesheim /New York 1977 ; 20 M . Marcovich ( édit.), Hippolytus, Refutatio omnium haeresium , coll. « Patristische Texte und Studien » 25 , Berlin /New York 1986 [hypercritique, utile pour son apparat philosophique). - , traductions. 21 J. H . Macmahon , The Refutation of all heresies by Hippo lytus.. ., coll. « Ante -Nicene Christian library » 6 , 1 , Edinburgh 1868 = The Ante

Nicene Fathers..., 5, Hippolytus..., Buffalo (New York ) 1888, réimpr. Grand Rapids (Michigan ) 1965, p . 9 - 162 ; 22 F . Legge, Philosophumena or the Refuta tion of all heresies formerly attributed to Origen , but now to Hippolytus..., 2 vol., London 1921; 23 G . K . Preysing, Des heiligen Hippolytus von Rom Wider

legung aller Häresien (Philosophumena ), coll. « Bibliothek der Kirchenväter»

40, München 1922 ; 24 A . Siouville , Hippolyte de Rome, Philosophumena ou Réfutation de toutes les hérésies, 2 vol., Paris 1928 (partielle , sans les notices philosophiques du livre 1 ]; 25 J.- P . Dumont, Les Présocratiques, « Bibliothèque

de la Pléiade » , Paris 1988, passim (pour les notices incluses dans le Diels Kranz ).

- , études. 26 K . Koschorke, Hippolyt's Ketzerbekämpfung und Polemik

gegen die Gnostiker. Eine tendenzkritische Untersuchung seiner Refutatio omnium haeresium , Wiesbaden 1975 ; 27 G . Vallée, A study in anti-Gnostic

polemics, Irenaeus, Hippolytus and Epiphanius, Waterloo (Ontario ) 1981. Sur l'univers, éditions. 28 K . Holl, Fragmente vornicänischer Kirchenväter

aus den Sacra parallela , coll. TU 20 , 2, Leipzig 1899, p . 137- 143 (fragment de Jean Damascène ); 29 R . Henry, Photius, Bibliothèque, 1, Codices 1- 84, « Col lection byzantine » , Paris 1959 , p. 33-35 (fragment de Photius) ; 30 W .J.Malley,

« Four unedited fragments of the De universo of the Pseudo- Josephus found in the Chronicon of George Hamartolus (Coislin 305) » , JThS 16 , 1965, p . 13 -25, voir p . 15- 16 (fragments de Georges Hamartolos). - , traductions.Nautin 1, p . 71-72 (fragment de Photius) et 74 -78 (fragment de Jean Damascène) ; Henry 29 (fragment de Photius) ; Malley 30 , p. 16 -17

[fragments de Georges Hamartolos). - , études. 31 M . Van Esbroeck, « Le passage d 'Eznik (p . 241) dans le De universo d 'Hippolyte » , Muséon 87, 1974, p . 441-444 ; 32 E . Prinzivalli, « Due

passi escatologici del Peri pantos di Ippolito » , VetChr 16, 1979, p. 63-75 ; 33 Ch. E . Hill, « Hades ofHippolytus or Tartarus of Tertullian ? The authorship of the fragment De universo » , VChr 43, 1989, p. 105- 126 ; 34 A . Whealey, « Hippolytus' lost De universo and De resurrectione : some new hypotheses» , VChr 50, 1996 , p . 244 -256 .

Doxographie et philosophie . 35 H . Diels, Doxographi Graeci, Berlin 1879, réimpr. Berlin 1958, p . 144 - 156 ; 36 R . Ganschinietz , Hippolytos' Capitel gegen

die Magier, Refut. haer. IV 28-42, coll. TU 39, 2 , Leipzig 1913 ; 37 J. Filliozat, « La doctrine des brâhmanes d 'après saint Hippolyte » , RHR 130, 1945, p. 59-91 ; 38 K . Jañaček , « Hippolytus and Sextus Empiricus» , Eunomia 3, 1959, p . 19 -21 ;

39 N . Brox , « Kelsos und Hippolytos, Zur frühchristlichen Geschichtspolemik » ,

H 154

HIPPOLYTE DE ROME

793

VChr 20, 1966 , p . 150 - 158 ; 40 J. Pépin , Idées grecques sur l'homme et sur Dieu , Paris 1971, p. 34-51 (Héraclite et Noët) ;41 C .Moreschini, « La doxa di Platone

nella Refutatio di Ippolito (I 19) », SCO 21, 1972, p. 254-260; 42 J.P. Hershbell, « Hippolytus' Elenchos as a source for Empedocles re-examined », Phronesis 18 , 1973, p. 97- 114 et 187 -203 ; 43 J. Mansfeld , « Heraclitus fr. B 63 D .-K .» ,

Elenchos 4, 1983, p. 197-205 = Studies in later Greek philosophy and gnosti cism , London 1989, n° 8 ; 44 J.Mansfeld , « Resurrection added : the interpretatio Christiana of a Stoic doctrine » , VChr 37, 1983, p. 218 -233, voir p . 218 -225 =

Studies in later Greek philosophy and gnosticism , London 1989, n° 2; 45 M . Marcovich, « Plato and Stoa in Hippolytus' theology » , ICS 11, 1986 , p. 265

269 ; 46 C . Osborne, Rethinking early Greek philosophy,Hippolytus of Rome and the Presocratics, London 1987 ; 47 I.Mueller, « Hippolytus retractatus : a discussion of Catherine Osborne, Rethinking early Greek philosophy » , OSAPh 7, 1989, p . 233-251 ; 48 M .J. Edwards, « Hippolytus of Rome on Aristotle» ,

Eranos 88, 1990, p. 25-29 ; 49 J. Mansfeld , Heresiography in context, Hippo lytus' Elenchos as a source for Greek philosophy, coll. « Philosophia antiqua » 56 , Leiden 1992 ; 50 S.N . Mouraviev, « Hippolyte , Héraclite et Noët (Commen

taire d'Hippolyte, Refut. omn. haer. IX 8-10)» , dans ANRW II 36, 6 , 1992, p. 4375 -4402 ; 51 I. Mueller, « Heterodoxy and doxography in Hippolytus' Refutation of all heresies » , ibid., p. 4309 -4374 ; 52 J. Mansfeld et D . T. Runia, Aëtiana, The method and intellectual context of a doxographer, 1, The sources, coll. « Philosophia antiqua » 73,Leiden 1997. IDENTITÉ DE L'AUTEUR ET CORPUS LITTÉRAIRE Le personnage auquel est consacrée cette notice est extrêmement controversé (Loi 3). Aucun accord général ne s'est encore fait sur sa vie ni sur son œuvre , ni même sur son nom . Il s'agit, par définition , de l'auteur d 'une Réfutation de toutes les hérésies, ouvrage que sesmanuscrits attribuent à Origène,mais dont la

teneur montre qu'il ne peut être de l'Alexandrin. De toute évidence, l' écrivain est l'un des protagonistes de l'église romaine de la première moitié du IIIe s.,

méconnu par les Anciens etdécouvert en 1851 lors de la réapparition de l'essen tiel du texte : contemporain et concitoyen de l'évêque Calliste (217-222), il raconte comment il s'est opposé à lui et l'a accusé d'hérésie jusqu'à devenir le chef d 'une communauté schismatique, « le premier antipape » comme on le dit

par anachronisme (conflit minimisé, voire nié par Brent 11, p. 368-457, et 12). L 'auteur de la Réfutation fait allusion à trois de ses compositions antérieures, un

autre traité hérésiologique perdu (I, préface, 1), un ouvrage historique identifia ble à une Chronique conservée sans nom d'auteur (X 30 , 1.5.7) et un écrit philo sophique Sur l'univers subsistant dans divers fragments sous le nom de 'Ivonnos (X 32, 4). On a conclu de cette dernière indication que les trois æuvres

sont d'un certain Josipe jusqu'alors inconnu (Nautin 1, p. 63-88 ). Ceux qui veu lent échapper à cette déduction sont contraints de soutenir que, bien qu 'il soit visiblement chrétien , le Sur l'univers a été faussement attribué à l'historien juif

homonyme Josèphe (par exemple Brent 11, p . 346 -350). D 'autres solutions,

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HIPPOLYTE DE ROME

H 154

comme l'identification de cet écrit au Sur le paradis de Tertullien (Hill 33), sont invraisemblables. Il se trouve de plus que la Chronique et le Sur l'univers figurent dans un cata logue d'ouvrages inscrit sur la base d'une statue, retrouvée à Rome en 1551 et aujourd'hui à la Bibliothèque vaticane, qui représente un personnage assis dans une chaire (Leclercq 14 , col. 2419-2435). Si l'on rapporte le monument à l'au teur de ces deux écrits, comme cela a toujours été fait (sauf par Brent 11, voir ci après), son corpus littéraire s'enrichit d 'une dizaine de titres. Voici la liste com plète : Sur les Psaumes, Sur la pythonisse, Défense de l'Évangile de Jean et de

l'Apocalypse, Sur les charismes, La tradition apostolique, Chroniques, Contre les Grecs et contre Platon ou Sur l'univers, Protreptique à Sévérina , Démon stration des dates de Pâques, Odes sur toutes les Écritures, Sur Dieu et la résur rection de la chair, Sur le bien et d 'où vient le mal. Toutes ces æuvres, hormis les deux précitées, sont entièrement perdues ou , comme la Tradition apostolique, n 'existent plus que sous des formes très remaniées. Mais l'extrême variété des

genres auxquels elles ressortissent suffit à montrer que leur auteur était un exceptionnel polygraphe et qu 'il ambitionnait de s'illustrer dans tous les domaines pouvant relever du magistère d 'un évêque : l'exégèse, le canon , la

liturgie, l'histoire, la philosophie, l'apologétique, le comput, la poésie et, si l'on joint la Réfutation , l'hérésiologie .

Un dernier ouvrage, attribué au même auteur par une indication complémen taire du catalogue, est constitué par un calendrier prévisionnel des lunes et des

Pâques de 222 à 333 gravé sur les deux côtés de la chaire de la statue. Depuis l'exhumation de celle -ci, on a remarqué que ce cycle pascal est identique à celui qu ’Eusébe rattache à un responsable ecclésiastique de localisation indéterminée qu 'il appelle Hippolyte (Hist. eccl. VI 22 ; cf. VI 20 , 2). De nombreux historiens ont donc identifié les deux computistes, ce qui a des conséquences plus ou moins

acceptables. D 'une part, la dénomination d'Hippolyte se trouve transférée à l'écrivain romain . Cela peut effectivement permettre de mieux rendre compte des traditions hagiographiques et des données archéologiques qui témoignent de l'existence à Rome d 'un martyr et d 'un cimetière portant ce nom (Leclercq 14 , col. 2435-2483 ; Testini 16 ). La biographie du personnage serait alors un peu plus complète : il aurait été déporté en Sardaigne avec l'évêque légitime Pontien

en 235 (Catalogue libérien ), lors de la persécution de Maximin ; ses reliques auraient été ensevelies sur la voie Tiburtine (Déposition des martyrs), près de l'endroit présumé de la découverte de la statue. D 'autre part, le corpus défini jusqu' ici se grossit encore de la quinzaine de titres - surtout des commentaires

bibliques, en grande partie conservés - qui apparaissent dans les notices hippo lytiennes d 'Eusebe (Hist. eccl. VI 22 ), de Jérôme (Hommes ill.61) et de Photius ( Bibl. codd. 121 et 202) . On y inclut notamment deux ouvrages exégétiques,

l'Antichrist et le Sur Daniel, et un second traité hérésiologique, le Syntagma ou Contre Noët.Mais la cohérence d'un si vaste ensemble littéraire est loin d'être assurée, car d' importantes contradictions entre ces nouveaux écrits et ceux rete

nus auparavant surgissent. Plutôt donc que d'adopter la thèse encore prédomi

HIPPOLYTE DE ROME 795 nante qui voit dans toutes ces æuvres ou presque des productions d'Hippolyte (Richard 2 ;Marcovich 7 ; Frickel 8 ; Scholten 10 ),mieux vaut en rester à la divi sion du corpus en deux parties dues respectivement à l'hérésiologue romain et à H 154

l'exégète non localisé, qu'on les appelle Josipe et Hippolyte (Nautin 1 et 6 ) ou qu 'on préfère deux Hippolyte distincts (Loi 4 ; Simonetti 9). Il suffit pour cela de

postuler qu 'Eusébe reproduit une fausse attribution du comput ou qu'il confond deux homonymes en une même personne. Une troisième voie a été récemment explorée par le biais d'une réinterpréta tion de la statue. Quand celle - ci a été retrouvée, elle était mutilée et a été restau rée comme si elle était celle de l'écrivain . Or on a montré depuis qu 'elle remon tait au Ir s. et représentait à l'origine une autre personne, féminine, sans doute la

philosophe épicurienne Thémista de Lampsaque (Guarducci 15 et 17).Lemarbre aurait été remployé au III° s. par les disciples de l'évêque dissident pour servir de support au catalogue de ses euvres et à son calendrier pascal sous le couvert d'une allégorie de quelque vertu ; il aurait pu être placé dans la bibliothèque du Panthéon (dal Covolo 18 ).Mais dernièrement, on a proposé que le monument, érigé plutôt dans un lieu de culte , soit celui de la communauté en tant que telle ,

dont il aurait symbolisé l'unité (Brent 11, p. 3-114). Les ouvrages qui y sont catalogués seraient ceux de l'« école hippolytienne » et non ceux d'un individu particulier, si bien que l'ensemble du corpus devrait être partagé entre au moins trois personnes (ibid ., p. 115 - 367). Toutefois cette nouvelle vue implique la coexistence de partis ennemis au sein de l'église romaine, autrement dit un épiscopat prémonarchique (ibid ., p . 368 -540 ); un état aussi archaïque de l' insti tution à l'époque et au lieu considérés semble difficile à admettre (Simonetti 13). On notera pour finir que la solution adoptée quant à l'identité de l'auteur importe assez peu à l'historien de la philosophie , puisqu 'en toute hypothèse les æuvres en cause , à commencer par la Réfutation et le Sur l'univers, sont du même écri vain , l'adversairemalheureux de Calliste . Cette observation renforce d'ailleurs la théorie selon laquelle l'hérésiologue est un personnage distinct, caractérisé par une « physionomie intellectuelle » tournée vers la spéculation (Nautin 1 , p . 79 82 ; Prinzivalli 32 ).

EUVRES TOTALEMENT OU PARTIELLEMENT PHILOSOPHIQUES (1) Réfutation de toutes les hérésies (Katà naowv aipéoewv ŠMeyxos:

Geerard 5 ,n° 1899). L'æuvre, conservée aux quatre cinquièmes environ, compte quelque 7350 lignes (Wendland 19 ou Marcovich 20). Elle comporte trois par ties, l'exposé des doctrines païennes (livres 1-4 ), celui des doctrines hérétiques (livres 5-9) et celui de la vérité chrétienne (livre 10 ). Le début de la première

partie , précisément le livre 1, consacré aux systèmes philosophiques grecs, est appelé Philosophoumena (IX 8, 2); l'intitulé a été parfois étendu à l'ensemble de l'ouvrage. Cette introduction doxographique passe en revue divers représentants des trois parties traditionnelles de la philosophie , à savoir, selon le classement de l'auteur, Thalès, Pythagore, Empédocle , Héraclite , Anaximandre , Anaximène, Anaxagore, Archélaos, Parménide, Leucippe, Démocrite , Xénophane, Ecphante

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HIPPOLYTE DE ROME

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et Hippon pour la physique, Socrate et Platon pour l' éthique et enfin Aristote et les stoïciens pour la dialectique ; elle leur adjoint quelques figures ou écoles jugées inclassables dans les catégories précédentes, Epicure, les académiciens, les brahmanes, les druides et Hésiode. D 'autres noms sont cités incidemment, dans ce livre ou dans les suivants, Aristoxène le Musicien ( A 417), Diodore

d'Érétrie (2D 130 ), Aratos de Soles (** A 298), Andronicos le Péripatéticien (> A 181), etc . Demême, de substantiels compléments aux notices du livre 1 apparaissent çà et là dans le corps de l'ouvrage pour certains philosophes, spécia lement Empédocle (VII 29, 4 -26 ) et Héraclite (IX 9, 1 - 10,8 ). Les Philoso phoumena ont été souvent détachés par la tradition manuscrite du reste de la Réfutation , pour servir d 'abrégé philosophique, indépendamment de l'argumen tation hérésiologique ; c'est ainsi qu 'ils ont été utilisés, dans le monde arabe, par

le Pseudo-Ammonius (2 - A 142). (2 ) Sur l'univers (Ilepi toŨ tartós : Geerard 5 , n° 1898), intitulé aussi Contre les Grecs et contre Platon par le catalogue de la statue et ailleurs Sur la cause de l'univers (Ilepì tñs ToŨ Tavtos aitiac) ou Sur l'essence de l'univers

(Ilepi tñs toŨ Tavtos ojoias) - c 'est cette dernière formulation , attestée par (A ) la Réfutation X 32, 4 , qui semble la plus exacte. L 'æuvre ne subsiste que dans trois séries de fragments, d'un total d'environ 200 lignes, transmis par (B ) Georges Hamartolos, Chronique 2 (Malley 30 ), (C ) Photius, Bibl. cod. 48

(Henry 29) et (D ) Jean Damascène, Sacra parallela 2 , 801 (Holl 28 ), à quoi on peut ajouter une allusion chez (E ) Jean Philopon , La création du monde 3, 16 (Nautin 1, p. 73) et une paraphrase chez (F ) Eznik de Kolb , Sur Dieu 356 -357 (Van Esbroeck 31). Selon Photius, l'auteur combattait un certain Alcinous (* * A 94 ), identifiable, sans que cela soit aucunement nécessaire , à l’Alcinoos

médioplatonicien auteur du Didaskalikos (7 + A 92) plutôt qu'à leur homonyme stoïcien ( + A 93) cité par Philostrate. Le plan général de l'écrit peut être reconstitué avec une certaine vraisemblance d'après les indications des différents

fragments (Malley 30, p. 18-22). Une première partie traitait des doctrines grec ques: contradictions des poètes et de Platon (B , C et F), thèses d'Alcinous sur

l'âme, la matière et la résurrection (C ), priorité du judaïsme sur l'hellénisme (C ); une seconde partie exposait la doctrine chrétienne : théorie des essences (A ),

création du monde (E ), anthropologie et christologie (C ), démonologie et escha tologie (D ). D 'après le contexte du passage concerné de la Réfutation , l'univers est constitué de quatre essences – les quatre éléments, avec une variante pour

l'air : le feu, l'esprit, l'eau et la terre ; tous les êtres sont faits d 'une ou de

plusieurs d 'entre elles, l'homme est la synthèse des quatre (X 32, 1-4 ; 33, 3-7). (3) Sur Dieu et la résurrection de la chair (Ilepi DeoŰ xai oapxòs åvaotá DEWC). L 'euvre est entièrement perdue et seul son titre est conservé sur le cata logue de la statue (en rejetant une hypothèse de Whealey 34, p. 250 -254, qui la retrouve dans le Sur la résurrection du Pseudo - Justin ). Il s'agit bien d 'un

ouvrage philosophique, où , commedans le traité précédent, la réalité de la résur rection était sans doute prouvée par une théorie des essences.

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(4) Sur le bien et l'origine du mal (Ilepì tåyadoũ xai nodev tÒ xaxóv). L 'æuvre est aussi totalementperdue et seul son titre est conservé sur le catalogue

de la statue (en rejetant une autre hypothèse de Whealey 34, p. 244-250, qui la retrouve dans le fragment damascénien du Sur l'univers ). L 'ouvrage visait sans doute les gnostiques, comme le traité perdu d' Irénée Sur la monarchie ou Que Dieu n 'est pas l'auteur des maux (Eusébe, Hist. eccl. V 20 , 1). Le sujet est évo qué ainsi dans la conclusion de la Réfutation : « Dieu , qui a créé lemonde, ne l'a

fait ni ne le fait mauvais, mais beau et bon, car celui qui fait est bon ... C'est l'homme, parce qu 'il est doué du libre arbitre, qui engendre le mal» ( X 33, 8 -9 ).

HÉRÉSIOLOGIE ET PHILOSOPHIE

A la différence des hérésiologues qui l'ont le plus directement précédé ou suivi, Irénée, Hippolyte (celui du Syntagma) et Épiphane, l'auteur de la Réfuta

tion réserve une place primordiale à la description des doctrines non chrétiennes et ne procède à aucune réfutation à proprement parler (en dépit de la traduction

consacrée du titre). Sa thèse est que les hérétiquesont frauduleusement emprunté leurs théories aux divers systèmes des peuples païens, avant tout la philosophie desGrecs, mais aussi lesmystères des Égyptiens, la divination des Chaldéens et la magie des Babyloniens. C 'est la simple mise en évidence d 'une similitude quelconque d'une secte avec l'un de ces systèmes – la ressemblance étant inter prétée comme une dépendance – qui suffit à la disqualifier. La démonstration repose donc essentiellement sur le concept de plagiat, exprimé par les vocables xheployéw ou xhepinoyos (références dansMarcovich 20 , p. 476 , s.v.). Voici quelques-unes de ces prétendues relations: Empédocle et Marcion, Héraclite et

Noët, Aristote et Basilide, lesmystagogues et les naassènes, les astrologues et les pérates, les magiciens et les marcosiens. On a noté à ce propos, sans vraiment l’expliquer, que plusieurs philosophies sont exposées pour elles-mêmes, sans être mises en corrélation avec aucune hérésie , et inversement, ce qui va à l'encontre de la thèse (Mansfeld 49, p. 44-56 ). Il faut en chercher la raison dans une prétention encyclopédique de l'écrivain , qui veut faire de sa Réfutation un

système doxographique universel, comme il a voulu faire de sa Chronique un

système chronologique universel. La thèse du plagiat n 'est pas sans rapport avec le jugement relativementfavo rable que l'auteur porte sur la philosophie . A tout prendre, les philosophes sont préférables aux hérétiques : les premiers sont certes dans l'erreur, mais les seconds sont à la fois dans l'erreur et menteurs . Les doctrines des Grecs sont même en un sens « dignes de foi» , car elles permettent de comprendre les héré sies (I, préface, 1); sur le sujet du divin , elles sont « plus anciennes et plus respectables» que celles des sectaires (ibid . 8). L 'hérésiologue n 'hésite donc pas à conclure son ouvrage majeur sur des considérations très philosophiques : les idées platoniciennes lui servent à fonder l'æuvre créatrice du Logos (X 33, 2) et le « connais-toi toi-même» socratique à élaborer une doctrine de la divinisation de l'homme (X 34, 4). Quantau courant où il se situe, c'est celui du médioplato nisme de son époque (Moreschini 41 ;Marcovich 45 ;Mueller 47), un platonisme

798

HIPPOLYTE DE ROME

H 154

marqué par le néopythagorisme (Mansfeld 49, p . 243-316). Qu'il s'attaque en priorité à Platon dans le Sur l'univers ne signifie pas que sa préférence aille à un autre ; au contraire, c'est qu'il voit en lui le penseur le plus accompli : en le réfu tant, il réfute du même coup tous ses rivaux . Son admiration pour les Grecs se révèle enfin dans le choix de leur langue, qui ne s'imposait plus à un Romain de

ce temps – le cas rappelle celui d'Élien ( A 62). Poussé par l'ampleur de son dessein , l'auteur de la Réfutation a utilisé de

multiples sources (tableau, contestable , dansMarcovich 20, p. 18 -31). En raison de leur transmission séparée, on s'est longtemps concentré sur les seuls Philo sophoumena, qui auraient été composés à partir de deux documents principaux , exemplaires de l'histoire antique de la philosophie, l'un de genre biographique,

l'autre de genre doctrinal (Diels 35 ). Il apparaîtmaintenant que les données y sont plus nombreuses etmoins différenciées (Mansfeld 49, p . 1-19); le texte est proche de celui, perdu , d'Aétios (ibid ., p . 20 -26 ), sans être l'une des bases de sa reconstitution (Mansfeld et Runia 52, p . 107).Mais surtout, l’æuvre est à consi

dérer dans sa totalité, ses dix livres étant liés les uns aux autres (Mueller 51, avec réticence ; Mansfeld 49, plus radicalement). L 'écrivain ne travaille généralement que de seconde main , et l' identification de ses informateurs reste souvent incer taine : ici, on renonce à lui reconnaître un contact avec le Celse de Lucien (> C 68 : Ganschinietz 36 ) ou avec celui d 'Origène (B + C 70 : Brox 39 ) ; là , on s 'interroge sur ses moyens d 'accès à Aristote (Edwards 48 ) ou à Sextus Empi

ricus (Janáček 38). En outre , ilréarrange pour son propos l'ordre et les opinions des philosophes comme il le fait pour la succession et les doctrines des héré iarques (Mansfeld 49, p. 27 -43). L 'étude des fragments qu'il produit doit être

faite en fonction de l'interprétation qu'il en donne (Osborne 46, p . 1-32). Quant à sa méthode rédactionnelle , elle est variable : il cite , compile , paraphrase et résume tour à tour, explicitement ou sans le dire (vue d'ensemble dansMansfeld 49, p . 317 -325), avec une prédilection marquée pour le commentaire de centons (ibid ., p . 153-242). On a d ' abord apprécié l'hérésiologue pour les morceaux inconnus par ailleurs qu' il transmet en assez grand nombre - en particulier des fragments présocra tiques, d'Empédocle et d 'Héraclite principalement (références dans Marcovich 20, p. 426 , s. v.). Personne ne nie plus l'intérêt de ses notices pour l'histoire de la philosophie, une fois admis qu' il soumet sa documentation à sa visée polémique (pour Empédocle, Hershbell 42 ; Osborne 46 , p. 87- 131 ; pour Héraclite, Osborne

46 , p . 132-182 ; Mouraviev 50). De fait, beaucoup d'inexactitudes de sa Réfuta tion ne sont que le reflet de l'évolution des doctrines, par exemple quand il prête à Platon un troisième principe, la matière (I 19, 1 : Moreschini 41) ; plusieurs paradoxes s'expliquent demême, ainsi quand il rapporte l'idée de résurrection à la pensée héraclitéenne (IX 10, 6 :Mansfeld 43) ou stoïcienne ( 21, 5 :Mansfeld 44). Quelques-unes des informations dont il dispose sont d 'une qualité inatten due, comme celles sur la philosophie indienne (Filliozat 37 ). Quant aux corres pondances longtemps décriées qu 'il établit entre les hérétiques et les philosophes pour sa thèse du plagiat, elles sont aujourd'hui mieux considérées : elles peuvent

H 157

799

HIPPON DE SAMOS

en effet faire écho à des influences réelles (pour l'association de Basilide avec Aristote , voir M . Tardieu, art. « Basilide » B 13, DPLA II, p. 87), ou du moins, en

l'absence de fondement historique, avoir une certaine pertinence (pour le paral lèle entre Noët et Héraclite, voir Pépin 40). DANIEL A . BERTRAND .

155 HIPPOMÉDON D 'ARGOS RE 10 Pythagoricien figurant parmi les Argiens dans le catalogue de Jamblique, V. pyth. 36 , 267; p . 145, 14 Deubner. Dans V. pyth . 87, il est dit qu 'Hippomédon d 'Argos ou d 'Asiné (voir l'apparat critique de l'édition Deubner) appartenait à la secte des “ acousmatiques” ; selon Hippomédon , Pythagore aurait fourni les

explications et les démonstrations de tous les akousmata ; celles-ci auraient été par la suite perdues et seuls les problèmes auraient été conservés. BRUNO CENTRONE.

156 HIPPON FIva ? Destinataire d'une lettre pseudépigraphe de Diogène de Sinope (Lettre 25). Conscient que, pour devenir un philosophe accompli, il lui fallait apprendre de Diogène ce quiconcernait les choses au -delà de la vie (tà Metà tò (nv ),Hippon avait demandé au philosophe son avis sur la mort et la sépulture. La lettre est éditée et traduite en allemand par Eike Müseler, Die Kynikerbriefe, coll.

« Studien zur Geschichte und Kultur des Altertums» , Neue Folge, erste Reihe, Bd. 7, Pader born 1994 , p . 28 - 29 ; trad. anglaise par B . Fiore, dans A . J. Malherbe (édit.), The Cynic

epistles, coll. « Society of Biblical Literature - Sources for Biblical Study » 12 , Missoula (Montana) 1977, p. 116 - 117.

MARIE-ODILE GOULET-CAZÉ. 157 HIPPON DE SAMOS RE 6

va

Philosophe etmédecin . Origine. Trois, voire quatre origines différentes sont attribuées à Hippon : Samos, par Jamblique et, d'après Censorinus ( C 74), par Aristoxène (»- A 417)

(DK 38 A 1) ; Métaponte , par Censorinus lui-même (DK 38 A 1. 16 ); Rhegium , par Sextus Empiricus et par Hippolyte (DK 38 A 1. 3. 5) ; enfin Crotone si,

comme on le pense depuis Diels, c 'est bien de lui qu'il est question dans les extraits des ’latpixá de Ménon transcrits par l' Anonyme de Londres (DK 38 A 11). Retenant, sur la foi d 'Aristoxène, Samos pour son lieu de naissance, on explique en général ces localisations diverses par les voyages qu'il aurait faits en Italie méridionale , ce qui s'accorderait avec sa présence dans le catalogue des pythagoriciens de Jamblique : Métaponte, Rhegium et naturellement Crotone

étaient des foyers importants du pythagorisme. Datation . Une indication approximative pour sa datation est donnée par les témoignages (DK 38 A 2) selon lesquels il aurait été l'objet, comme Socrate dans les Nuées d 'Aristophane, des railleries du comique Cratinos dans une pièce

intitulée Ceux qui voient tout (Ilavóntal). L 'auteur de ce témoignage, un scho liaste d’Aristophane, semblant indiquer que cette pièce était antérieure aux

800

HIPPON DE SAMOS

H 157

Nuées (423a), et Cratinos n 'ayant, semble -t-il, atteint la notoriété que vers 450º,

on peut en déduire qu'Hippon était actif dans la période ainsi délimitée et même, à un moment donné, présent à Athènes.

Doctrine. Une assez grande incertitude semble avoir régné sur la teneur exacte de ses doctrines, comme l'a montré 1 A . Maddalena, Ionici. Testimo nianze e frammenti, coll. « La Nuova Italia » , Firenze 1963, p. 214-224. Des reconstructions plus positives de la pensée d'Hippon ont été tentées par 2 R . Laurenti, « Gli epigoni della scuola milesia . Ippone e Diogene d 'Apollonia » ,

Sophia 39, 1971, p. 67-89, notamment p. 68-77; 3 A . J. Cappelletti, « Los epígo nos de la Filosofía Jónica » , RVF 3, 1975, p . 7 -31, notamment p . 8 - 16 . Voici un inventaire succinct des données de la tradition . La mention (d 'ail leurs méprisante ) d 'Hippon par Aristote à la suite de Thalès (Metaph . A 3 ,

984 a 3 = DK 38 A 7), chronologiquement incongrue, s'expliquerait si, comme Thalès, il avait professé que le principe de toutes choses est l'eau : c 'est ce qu 'affirment Aristote lui-même (de An. I 2 , 405b2 = DK 31 A 4 ), Simplicius (DK 38 A 4) et Jean Philopon (DK 38 A 8 . 10 ). Mais selon Alexandre d ’Aphro

dise , Hippon parlait seulement de « l'humide » , sans préciser s'il s'agissait de l'eau comme chez Thalès ou de l'air comme chez Anaximène. Sextus Empiricus,

de son côté , lui attribue deux principes opposés, le feu et l'eau (DK 38 A 5), mais Hippolyte, tout en donnant le même témoignage, résout peut-être l'énigme en attribuant à Hippon la doctrine d ’une génération de l'un de ces principes (le

feu ) par l'autre (l'eau) (DK 38 A 3). Une scholie au Protreptique de Clément d 'Alexandrie (2C 154) indique qu 'il était traité d 'impie dans une comédie de Cratinos (DK 38 A 2 ) ; Simplicius

fait état de sa réputation d' athée (DK 38 A 4 ), et Jean Philopon rapporte même

qu'il était ainsi surnommé (DK 38 A 8 ; cf. DK 38 A 6 . 9 ), ce qu'il explique, comme Simplicius, par le fait qu'il ne reconnaissait que l' eau pour principe unique de toutes choses, le Pseudo -Alexandre (DK 38 A 9 ) se limitant pour sa part à donner pour explication qu 'il ne reconnaissait rien en dehors des choses sensibles. Sans faire allusion à ce matérialisme, Clément d 'Alexandrie proteste

contre l'accusation d' athéismeportée à l' encontre d 'Hippon , qu'il place dans la

lignée d 'Évhémère « d 'Agrigente » (= de Messine, » E 187) parmiles sages dont il loue la clairvoyance à l'égard des dieux païens (DK 38 A 8 ). Selon les témoignages déjà cités d ' Aristote (de An. I 2 , 405 b 2 = DK 31 A 4 )

et d'Hippolyte (DK 38 A 3), la cosmologie d 'Hippon trouvait une application dans sa conception de l'âme, qu 'il jugeait faite d 'eau ; selon Jean Philopon , c'est

la même doctrine qu 'évoque Aristote, sans nommer Hippon , à la fin du chapitre I 2 du De anima (cf. DK 38 A 10 ). Cette conception de l'âme, selon Aristote et

Hippolyte , s'appuyait sur la constatation de l'humidité de la semence chez les animaux, ce qui signifie que l'âme était pour Hippon le principe de la génération

et qui explique que, plus généralement, l'humide était pour lui le principe phy siologique fondamental.Ménon lui attribue une explication des maladies par altération de l'humidité propre au corps, sous l'effet du froid aussi bien que du

chaud (DK 38 A 11). L'abondance et surtout la précision des témoignages rela

H 159

HIPPYS DE RHÉGIUM

801

tifs aux conceptionsbiologiques, et en particulier embryologiques, d'Hippon , ont

conduit 4 A . Capizzi, « Il Principio delle cose. Storia di una falsificazione» , Contributo 5 , 1981, nº 2, p . 5 -18, à formuler l'hypothèse que nous n 'aurions pas affaire avec Hippon à des applications biologiques, embryologiques et médicales de la cosmologie de Thalès (l'eau principe de toutes choses), mais au contraire à une extrapolation à l'ensemble du cosmos de théories nées de l'observation ; le rapprochement avec Thalès ne serait pas dans ce cas le fait d'Aristote , mais d'Hippon lui-même, désireux de conférer ainsi à sa doctrine plus d'ancienneté qu 'elle n 'en avait en réalité . L 'unique fragment conservé (DK 38 B 1), cité dans une scholie à l'Iliade, où Hippon argumente en faveur de l'idée que toutes les eaux ont leur source dans la mer, ne plaide cependant pas en faveur d 'une telle

hypothèse.

Éditions des témoignages et fragments. 5 DK 38 (traduction française par 6 J.- P . Dumont, Présocratiques, p . 461- 469) ; 7 lonici. Testimonianze e fram

menti, a cura di A . Maddalena, « La Nuova Italia », Firenze, 1963, p. 226 -243 (avec traduction italienne).

Études d'orientation .Outre Laurenti 2 et Cappelletti 3 , on peut renvoyer aux notices consacrées à Hippon par 8 J. Burnet, Early Greek Philosophy, London

1892, 19082, § 185 (= L'Aurore de la philosophie grecque, trad. fr. par A . Reymond, Paris (1919'] 1970, p . 405-406 ); 9 K . Freeman, The Pre -Socratic Philosophers, 19662, p. 209-211. Voir également 10 H . Diels, « Über die Genfer

Fragmente des Xenophanes und Hippon » , SPAW 31, 1891, p. 575-583, notam ment p. 578 -583 ; 11 Id., « Über die Excerpte von Menons latrika in dem Lon doner Papyrus 137 » , Hermes 28, 1893, p . 407-434, notamment p. 420 -421;

12 A . Olivieri, « L 'Italiota Hippon » , La Civiltà greca in Italia meridionale, Napoli 1931, p. 149- 160 ; 13 E . Lesky, « Die Zeugungs- und Vererbungslehren der Antike und ihr Nachwirken » , AAWM /GS 19, 1950 (1951), p. 1251- 1253 ; 14 J. B .McDiarmid , « Theophrastus on the Presocratic Causes» , HSPh 61, 1953, p. 85 -156 , notamment p . 88 -93 ; 15 M . Timpanaro Cardini (édit.), Pitagorici. Testimonianze e frammenti. Terzo fascicolo : Pitagorici anonimi e risonanze

pitagoriche, coll. « La Nuova Italia », Firenze 1964, 19732, p . 366 -369. MICHEL NARCY.

158 HIPPOTHALÈS D 'ATHÈNES RE : PA 7613

MIV

Disciple de Platon mentionné dans une liste conservée par Diogène Laërce III

47. Il ne peut que difficilement être identique au jeune Hippothalès, fils de Hié

ronymos, rencontré par Socrate (Platon, Lysis 203 a et 204 b ). RICHARD GOULET. ya ? 159 HIPPYS DE RHÉGIUM RE 10 On a envisagé de rattacher l'historien Hippys de Rhégium , de date imprécise, au mouvement pythagoricien. Selon Plutarque, De defect. or. 22,422b -e, Hippys de Rhégium , cité par Phanias d' Érèse (fr. 12 Wehrli), aurait attribué à Pétron d 'Himère (en Sicile ) une doctrine selon laquelle il y aurait 183 mondes diffé

802

HIPPYS DE RHÉGIUM

H 159

rents, disposés en triangle, soixante sur chaque côté et trois aux angles, chacun étant disposé à côté de l'autre xarà otocyklov. Le caractère géométrique de

cette cosmologie a conduit à considérer Pétron comme un pythagoricien et le qualificatif a été appliqué par voie de conséquence à Hippys lui-même, sur des bases assez fragiles (Mueller: imbutus doctrinis pythagoricorum ). En sens contraire s'est exprimé 1 U . von Wilamowitz , « Hippys von Rhegion » , Hermes 19, 1884, p . 442 -452, qui a envisagé une confusion de nom avec Hippasos (2H 144 ). 2 F. Jacoby, art. « Hippys von Rhegion », RE VIII 2 , 1913, col, 1927 1930 , voir col. 1929, en revanche, arguant du fait qu 'il est difficile d 'expliquer l'adjectif ‘ Pnyivos que fournit Plutarque en l'attribuant à Hippasos, a pensé à un Hipparchidès de Rhégium (2 - H 139) qui figure dans le catalogue de Jamblique (V. pyth . 36 , 267, p . 145, 19 Deubner). Or, dans la Souda, I 591, s.v. "Intus, il est dit qu 'Hippys futle premier à écrire les Elxeaixai apátels, ouvrage qui fut par

la suite abrégé par un certain Myès (Múns), et ce dernier nom figure dans le catalogue des pythagoriciens de Paestum chez Jamblique, V. pyth . 36 , 267, p . 145 , 10. Jacoby a donc émis l'hypothèse que les Eixeacxai nepáčels et le

présumé Hipparchidès constitueraient une fiction littéraire du pythagoricien Myès, conçue afin de pourvoir son ouvrage d'une garantie d 'antiquité ; en sens contraire , 3 W . Schmid , Geschichte der griechischen Literatur,München 1934 ,

réimpr. 1959, p . 701-703. BRUNO CENTRONE. ja 160 HIRTIUS (AULUS – ) RE H2 Bien qu'il ne soit pas cité dans les sept premiers livres de la Guerre des

Gaules, Hirtius était aux côtés de César (2°C 8) où il fit office, probablement à partir de 54, de secrétaire de l'imperator. Homme de confiance de César, Hirtius participa aux ultimes négociations avant le déclenchement de la guerre civile , et

il est vraisemblable qu'il prit part aux campagnes espagnole et grecque. Bien qu'il entretînt des relations amicales avec Cicéron , qui fut certainement son maître de rhétorique, Hirtius se vit cependant confier par César la tâche

d 'écrire, après le suicide héroïque de Caton (B+C 59), un pamphlet contre ce der nier pour répliquer à l' éloge funèbre composé par Cicéron , et au Caton rédigé par Brutus, où Caton était représenté comme l'authentique personnification de la

uirtus romaine, avant que le dictateur ne rédige lui-même les deux livres de son Anticaton (45). Il serait cependant excessif de faire de ce pamphlet la preuve qu 'Hirtius était

un épicurien résolu ; on sait par exemple que M . Fabius Gallus (2°F 3), pourtant connu comme épicurien , a écrit un panegyrique de Caton . D 'autre part, dans son De Fato , Cicéron met en scène un Hirtius qui, s 'il n 'est évidemment pas un

disciple de l' école académicienne, ne marque aucune obédience à quelque école philosophique. De même, sa gourmandise , souvent citée par Cicéron (par exemple , Ad fam ., IX 16 , 7),ne saurait suffire à faire d'Hirtius un épicurien .

Nommépréteur en 46, puis propréteur en Gaule Chevelue et Narbonnaise en 45, sa fidélité envers César conduisit ce dernier à le désigner consul, avec Vibius

803 HIRTIUS (AULUS -) Pansa , pour l'année 43 (Cicéron, Ad Att. XIV 9 , 2). Aussi, après les Ides de mars H 160

44, gagner le soutien du futur consul fut l'objectif des différentes factions, en particulier desRépublicainsmeurtriers de César ainsi que d 'Octave.

Modéré, attaché à la paix publique, Hirtius tenta la conciliation avant de finir par s 'opposer aux menées d 'Antoine en Cisalpine, si bien que,malgré sa volonté d'empêcher la guerre, Hirtius fut contraint d 'ouvrir son consulat sur des opéra tions militaires contre l'ancien lieutenant de César. En liaison avec les troupes

d 'Octave, il contraignit Antoine à quitter Bologne. Son courage près deModène, où il sauva son collègue Pansa , lui valut le titre d 'imperator. Mais, quelques

jours après, sous les murs de Modène, où Antoine subit une nouvelle défaite , Hirtius trouva la mort.

Parallèlement à ce rôle politique, la fin de la vie d 'Hirtius futmarquée par une activité littéraire. Ayant en effet établi une deuxième édition de la Guerre des

Gaules, il entreprit de la lier à l'autre ouvrage de César , la Guerre civile, et ajouta dans ce but un huitième livre à la Guerre des Gaules, où il racontait les

dernières opérations de 50-51. Son intention est de se situer dans une stricte obedience à César dont, dans la lettre à Balbus qui constitue la préface de ce livre VIII, il célèbre les qualités littéraires ; il s'efforce de justifier les actes du conquérant, et insiste également sur la clémence de César, en utilisant le terme

de la propagande officielle clementia , termerarement employé par César. Hirtius fit, d 'autre part, le projet de poursuivre le récit des campagnes de César ; il com posa probablement lui-même la Guerre d 'Alexandrie , mais c 'est à d 'autres géné raux qu 'il commanda la Guerre d 'Afrique et la Guerre d 'Espagne, dont le style

est trop éloigné pour suggérer qu 'ils soient de la main d'Hirtius. Bien que sa mort prématurée l'empêchât de voir l'accomplissement de ce

Corpus césarien ,dont la publication fut vraisemblablement due à Balbus, Hirtius restera comme l'ami et fidèle homme de plume de César. Si rien ne le lie avec évidence à une école philosophique, il semble en revanche être un bon exemple

de ces nombreux aristocrates partisans de César qui, s'ils affichèrent des sympa thies pour l'épicurisme, se distinguèrent avant tout par leur souci demodération ,

souci qui trouva son expression privilégiée dans la clémence dont sut faire preuve le dictateur. Édition . La Guerre des Gaules, livre VIII. Texte établi et traduit par L . A .

Constans, CUF, Paris 1926 ; La Guerre d 'Alexandrie. Texte établi et traduit par J. Andrieu, CUF, Paris 1954. Cf. P . Von der Mühll, art. « Hirtius» 2 , RE VIII 2 , 1913, col. 1956 -1962 ; O . Seel, Hirtius, Leipzig 1935 ; K . Barwick, « Problemen zu den Commentarii

Caesars und seiner Fortsetzer » , Forschungen und Forschritte 1939, p . 130 -181 ; R . Syme, La Révolution romaine, Oxford 1939, 2e éd. revue 1952 ; A . Momi

gliano,compte rendu de B . Farrington, Science and politics in the AncientWorld (1939), JRS 31, 1941, p . 149-157 ; L . W . Daly , « Aulus Hirtius and the Corpus Caesarianum » , CW 44, 1951, p. 113-117 ; A . Haury , « Autour d ’Hirtius, littéra ture et politique » , REA 61, 1959, p . 84 -95 ; J. Kerschensteiner, « Cicero und Hir tius» , dans Studien zur alten Geschichte , S. Lauffer zum 70. Geburtstag, Roma

H 160 HIRTIUS (AULUS -) 1986 , p. 559 -575 ; C . Castner, Prosopography of Roman Epicureans, Frankfurt am Main 1988, p. 82-83.

804

FABRICE EMPLI.

161 HODIOS DE CARTHAGE

Pythagoricien ancien dont le nom figure dans le catalogue de Jamblique, V. pyth. 36 , 267,p. 145, 3 Deubner. [ Selon O . Masson, « Sur quelques noms de philosophes grecs. A propos du “Dictionnaire des philosophes antiques”, vol. II», RPh 1994, p. 231-237, et Id ., « Des philosophes " cartha ginois" chez Jamblique ? » , en appendice à un article intitulé « La patrie de Diogène Laërce est-elle inconnue ? » , MH 52, 1995, p . 229 -230 , « il est bien peu plausible qu 'un groupe de pythagoriciens aux noms grecs (Anthès – mais il faudrait conserver pour ce nom " de type corintho -mégarien " le nominatif rare en -ñv transmis par le ms. F : Anthen -, Miltiadès,

Hodios et Léocritos) ait existé à Carthage à cette époque.» Il faudrait envisager une confusion entre KapxndóvLOS (carthaginois ) et Xarxndóvlog (chalcédonien ). La confusion est attestée pour le nom du stoïcien Hérillos de Carthage ( H 72 ). La liste de Jamblique mentionne effec tivement des pythagoriciens dans la région de Chalcédoine : on y trouve un Dardanien , un

" Pontique" , des Cyzicéniens... Mais en ce qui concerne Miltiadès, il était déjà présenté comme carthaginois en V. pyth. 27, 128 , dans un contexte narratif où l'on parle expressément de Carthage (l'épisode concerne les îles Lipari au nord de la Sicile , selon Diodore de Sicile, V

11). Avant de la corriger, il faudrait en fait mieux connaître l'origine et la date de cette liste transmise par Jamblique, ainsi que sa finalité littéraire et sa valeur historique. L . Brisson et A .

Ph . Segonds, Jamblique, Vie de Pythagore. Introduction , traduction etnotes, coll. « La Roue à

Livres», Paris 1996 , p. 220 n. 33 etn. 34 , se refusent eux aussi à corriger le texte . R.G .) BRUNO CENTRONE. II 162 HONORATUS RE 10 PIR? H 195. Le cynique Honoratus philosophait enveloppé d'une peau d'ours (arktos).

C 'est pourquoi Démonax (Lucien, Démonax 19) par raillerie l'appelait non pas Honoratus,mais Arcesilas (Arkesilaos).

MARIE -ODILE GOULET-CAZÉ. 163 HORAPOLLON RE

Auteur d'un traité conservé sur les Hiéroglyphes égyptiens. Il est possible qu 'il faille l'identifier avec l'un des deux Horapollon de Phainébytis (» H 164 et

165) connus,mais le nom était trop fréquent en Égypte pour qu 'une telle iden tification soit assurée. Selon 1 J. Maspéro, « Horapollon et la fin du paganisme égyptien » , BIAO 11, 1914, p . 191, et 2 O . Masson , « A propos d 'Horapollon, l'auteur des Hieroglyphica » , REG 105 , 1992 , p . 231- 235, avec un appendice sur le nom d ’’Appodirns xóun par J.-L . Fournet, p . 235 -236 , il faudrait l'identifier avec Horapollon 2 (MH 164 ). 3 P. Athanassasiadi,

Damascius, p. 21, présente cette attribution comme un fait établi. Selon Maspéro etMasson, il faudrait comprendre Nelýov, transmis par certains manuscrits, comme signifiant: " du pays du Nil" et donc simplement“ Égyptien". Il ne faudrait donc pas désigner cet auteur comme

originaire de Nilopolis (Nelontonimns) comme on l'a fait parfois.

Les Hieroglyphika en deux livres avaient été écrits en “ langue égyptienne”, probablement en démotique, et furent traduits en grec par un certain Philippos dans un grec parfois inattendu. Le livre I expose en 70 chapitres “ comment ils désignent l'éternité” , le monde, l' année, le mois , etc ., ou bien " que veulent-ils

H 163

HORAPOLLON

805

signifier lorsqu 'ils dessinent un épervier”, etc . Un second livre donne un titre plus développé : Interprétation des caractères hiéroglyphiques chez les Égyp tiens. Il comprend 119 chapitres similaires à ceux du premier livre. Ce livre, publié pour la première fois en 1515 , a connu un grand succès et a longtemps

contribué à orienter le déchiffrement des hiéroglyphes sur une fausse piste par une approche trop naïve présupposant pour chaque signe une correspondance idéogrammatique avec des réalités ou des concepts . C 'est la conception expri mée par Plotin V 8 , 6 , 6 -8 (ÊV ÉxaotOV EXGOTOV nepáyuatos árarua ÉVTU TWOAVTEC ), bien que Plotin ait pu penser dans le contexte aux idéogrammes des bâtiments religieux et non aux hiéroglyphes des textes, dontcertains comportent une valeur consonantique. On a cru reconnaître dans le traducteur Philippe le philosophe, auteur d'un commentaire allégorique partiellement conservé des Éthiopiques d 'Héliodore. Cette identification est refu sée par 4 L . Tarán , « The authorship of an allegorical interpretation of Heliodorus' Aethio pica » , dans M .- O . Goulet-Cazé, G . Madec et D . O 'Brien (édit.), EOQIHEMAIHTOPEL, " Cher

cheursde sagesse ", Hommage à Jean Pépin , Paris 1992, p. 203-230, notamment p. 204 .

Édition . 5 F . Sbordone (édit.), Hori Apollinis Hieroglyphica, Napoli 1940 .

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1993, XXIV- 120 p. ; 7 H .- J. Thissen , « Horapollinis Hieroglyphika. Prolego mena » , dans M .Minas, J. Zeidler et alii (edit.), Aspekte spätägyptischer Kultur. Festschrift für Erich Winter, coll. « Aegyptiaca Treverensia » 7 , Mainz 1994, p. 255-263, annonce une nouvelle traduction allemande commentée. Cf. 8 G . Roeder, art. « Horapollon » , RE VIII 2 , 1913, col. 2313-2319 ; 9 B . Van de Walle , « Informations complémentaires au sujet des Hieroglyphica d 'Horapollon » , OLP 6 -7, 1975 -1976 , p. 543-554 ; 10 Sandra Sider (édit.), « Horapollo » , dans F .E . Cranz, V . Brown et P. O . Kristeller (édit.), Catalogus translationum et commentariorum . Mediaeval and Renaissance Latin transla tions and commentaries, VI: Annotated lists and guides, Washington 1986 , p. 15- 29 ; 11 Ead., « Horapollo . Addenda et corrigenda» , dans V . Brown (édit.),

Catalogus translationum et commentariorum . Mediaeval and Renaissance Latin translations and commentaries, VII: Annotated lists and guides, Washington 1992, p . 325.

Études récentes. 12 C .Miralles, « Carmina popularia fr. 35 Page» , Faventia 3, 1981, p . 89- 96 ; 13 G . Lambin , « Trois refrains nuptiaux et le fragment 124 Mette d'Eschyle, AC 55, 1986 , p. 66 -85 ; 14 P . W . Van der Horst, « The secret hieroglyphs in classical literature » , dans J. den Boeft et A . H . M . Kessels (édit.), Actus. Studies in honour of H . L. W . Nelson , Utrecht 1982, p. 115 - 123 ; 15 L .

Motte, « L 'hiéroglyphe, d'Esna à l'Évangile de Vérité » , dans Deuxièmes jour nées d' études coptes, Strasbourg, 25 mai 1984, « Cahiers de la Bibliothèque copte » 3, Louvain /Paris 1986 , p. 111- 116 ; 16 H .-J. Thissen , « Vom Bild zur

Buchstaben – vom Buchstaben zum Bild : von der Arbeit an Horapollons Hieroglyphica » , coll. AAWM /GS, Stuttgart 1998. 28 p .; 17 Claude- Françoise

Brunon , « Le ciel d'Horapollon » , dans B . Bakhouche, A .Moreau et J.-C . Turpin

806

H 163

HORAPOLLON

(édit.), Les astres. Actes du colloque international de Montpellier, 23-25 mars 1995, t. II : Les correspondances entre le ciel, la terre et l'homme, Les « survi

vances» de l'astrologie antique,Montpellier 1996 , p . 153-168. RICHARD GOULET. DV 164 HORAPOLLON DE PHÉNÉBYTHIS PLRE I et II: 1 « Grammairien de Phénébythis, village du nome Panopolite (en Thébaïde), ayant enseigné à Alexandrie et en Égypte , puis à Constantinople sous Théodose » < II le Jeune (408 -450 ) ?> (Souda, s.v. 'Spanówv, 12 159). La Souda lui attri

bue plusieurs ouvrages : des Temenika (sur les villes sacrées ?), un commentaire de Sophocle , d'Alcée, un autre Sur Homère. Le reste de la notice de la Souda semble concerner son petit-fils ( A 165 ). 1 P . Athanassiadi, Damascius, p . 282 n . 330, à la suggestion de Stéphane Diebler, a retenu cette notice de la Souda comme un nouveau fragment de la Vie d 'Isidore de Damascius.

Il était sans doute le père d' Asclépiadès d'Alexandrie (> A 446 ) et d'Hé raïscus ( » H 67), tous deux philosophes néoplatoniciens, et le grand -père du

philosophe Flavius Horapollon (9H 165). Ce dernier présente son grand-père comme professeur de philosophie à Alexandrie (PCairo III 67295). Voir le

stemma 31 dans PLRE II, p . 1326 . C'est sans doute lui qui est mentionné comme “ philosophe" par Étienne de Byzance, Ethnica, p . 662 Meineke, dans sa notice sur Phénébythis. Photius (Bibl., cod . 279, 536 a) a pour sa part rencontré dans un manuscrit contenant la

Chrestomathie d'Helladius d'Antinoupolis un écrit du grammairien Horapollon

sur les antiquités d 'Alexandrie (htepi tõv natpiwv 'Arečavopeias). La phrase qui suit chez Photius (« il a aussi composé des drames dans la même forme » ) peut se rapporter à Horapollon ou à un des auteurs cités dans les lignes qui précèdent.

Selon 2 J. Maspéro , « Horapollon et la fin du paganisme égyptien » , BIAO 11, 1914, p. 163-195, notamment p . 190, les Antiquités d 'Alexandrie seraient plutôt l'œuvre d'Hora pollon 2 (voir la notice suivante ) et s'inscriraient dans le contexte d'une défense nationaliste

de la religion égyptienne ancestrale. A la page suivante (p . 191), l'hypothèse est présentée comme une certitude.

Eustathe, Comm . sur l'Iliade, t. I, p . 689, 16 - 17 Van der Valk, explique la formation du nom Horapollon : • 'Spanóniwv ('Spanówv ?), ávnp Nóyloc, oŬ ñ ouveous Éx toŨ * . pop ( ook ?) xai Amoov, 4 vai Zub kneers clot Poison.

RICHARD GOULET. 165 HORAPOLLON (FIAVIUS -) DE PHÉNÉBYTHIS PLRE II:2

FV

Fils d 'Asclépiadès d 'Alexandrie (* * A 446 ) et neveu d'Héraïscus (= + H 67), professeur de philosophie à Alexandrie sous l'empereur Zénon (474-491). Selon Damascius, Vie d' Isidore, fr. *317, p. 253, 1-8 Zintzen (Souda, s.v. 'Spanón awv, 12 159 ), Horapollon n 'avait pas le caractère d’un (véritable ) philosophe. Son oncle Héraïscus avait prédit qu 'il serait infidèle aux lois ancestrales, c 'est- à dire qu 'il se convertirait spontanément au christianisme, sans être sous la pres sion d 'aucune nécessité. En vérité, sous le règne de Zénon , il fut arrêté avec

H 165

HORAPOLLON DE PHÉNÉBYTHIS

807

Héraïscus et refusa,malgré lesmauvais traitements qu' on leur fit subir, de révé ler l'endroit où se cachaient le philosophe Isidore (* * I 31) et le grammairien Harpocras (Damascius, Vie d ' Isidore , fr. * 314 et * 315).

Les passages sonttraduits en anglais dans 1 P. Athanassiadi, Damascius, p. 281 et285. PCairo III 67295, édité, traduit et commenté par 2 J. Maspéro, « Horapollon et la fin du paganisme égyptien » , BIAO 11, 1914, p . 163- 195, a conservé la

copie (exécutée par Dioscoros d 'Aphroditô , 540-585) d' une pétition adressée (vers 493) aux autorités par le “ clarissime” philosophe Flavius Horapollon , fils

d 'Asclépiadès, propriétaire à Phénébythis, afin d 'obtenir la restitution des biens emportés en son absence par son épouse infidèle , qui était la fille d 'Héraïscus et donc sa cousine.

Dans cette lettre (citée dans DPHA I, p. 621), on apprend qu 'après avoir fré quenté les Académies d 'Alexandrie , Horapollon exerça ses dons naturels pour les

belles lettres (ou " pour la discussion philosophique” ) en offrant à qui le cherchait l' enseignement philosophique, comme l'avaient fait avant lui son grand -père et

son père Asclépiadès, qui l' avait formé dans cette discipline. La lettre nous apprend également qu 'Asclépiadès et son frère (Héraïscus) habitaient la même maison et que leurs enfants (Horapollon et la fille d 'Héraïscus qu 'il allait épou ser) furent élevés ensemble (I 18- 19). La maison qu 'il possédait à Phainébytis

(Kūm Išgāw : ' A podítns xúun ) fut léguée à Horapollon qui y habita avec sa femme jusqu 'à ce que cette dernière, profitant du fait que son époux enseignait à Alexandrie , partît avec un étranger en emportant le mobilier et non sans avoir

tenté de retrouver à coups de pic les réserves cachées par son mari (1 26 ). Le nom du grand -père d ’Horapollon n 'est pas indiqué dans le papyrus,mais il

pourrait s 'agir d 'Horapollon , grammairien et philosophe ( H 162) ou de

l'auteur des Hieroglyphika (3 + H 163), à supposer qu'il ne s'agisse pas d 'une seule etmême personne. Cf. 3 R . Rémondon , « L 'Égypte et la suprême résistance au christianisme (ve_

Viie siècles) » , BIAO 51, 1952, p .63-78, en particulier p . 64-65 ; 4 P . Athanas siadi, « Persecution and response in late paganism : the evidence of Damascius» ,

JHS 113, 1993, p. 1-29.

Horapollon est également mentionné dans la Vie de Sévère de Zacharias le Scholastique. Voir l' édition de 5 M .- A . Kugener dans PO II 1, Paris 1904 ; réimpr. 1971, p . 1-115, avec traduction française ; le commentaire annoncé n 'est jamais paru . Traduction moins fidèle par

6 F .Nau dans la ROC 4 , 1899, p. 343-353 ; 543- 571; 5 , 1900, p . 75-98.

Horapollon y est présenté comme un grammairien païen d'Alexandrie (p. 15 Kugener; voir aussi 20, 11- 12), à l'époque du Patriarche Pierre d'Alexandrie (482 -489), maître notamment de Paralios d' Aphrodisias, alors païen , qui soumit

des questions concernant la religion à « Horapollon , Héraïskos, Asklépiodotos, Ammonios, Isidore , et aux autres philosophes qui étaient auprès d 'eux. » (p. 16 , 9 -12 ; voir aussi p . 22 , 14 -15 ). Paralios, converti par son frère Athanase au

monastère de Salomon , fut battu par les autres élèves païens d ’Horapollon, appa remment en l'absence du maître (p . 23, 5 - 11). Par la suite , dans le cadre d 'une

HORAPOLLON DE PHÉNÉBYTHIS H 165 campagne contre le culte des idoles, Horapollon dut s' enfuir d 'Alexandrie (p . 27,

808

1 -2). L 'ensemble de l'épisode est résuméetcommenté par Athanassiadi 1, p . 27 29 . Selon Athanassiadi 1, p. 21, Horapollon futresponsable de la conversion au paganisme de plusieurs de ses élèves, ce qui lui valut le surnom de " Psychapollo " , destructeur des âmes ( Vie de Sévère 32). Il aurait été le maître de Damascius (p . 20 -21) au début des années 480 . Signalons toutefois que dans le passage que Photius (Bibl., cod. 181) consacre aux maîtres de Damascius dans les diverses disciplines, le nom d'Horapollon n 'est pas mentionné. Voir Ph .

Hoffmann , art. « Damascius» D 3 , DPLA II, p . 543-544. Mme Athanassiadi propose égale ment de rattacher la composition de l'Histoire nouvelle de Zosime au cercle intellectuel

d 'Horapollon à Alexandrie (Appendice III, p . 350 -357). Horapollon fut le maître du grammairien Timothée de Gaza (PLRE II:3) qui vécut sous Anastase (491-516 ), d'après une scholie tardive sur le glossaire de

Cyrillus signalée par 7 R . Reitzenstein , Geschichte der griechischen Etymo logika. Ein Beitrag zur Geschichte der Philologie in Alexandria und Byzanz, Leipzig 1847, p . 296 . RICHARD GOULET. 166 HORARIUS A . S. Benjamin , « The altars ofHadrian in Athens» , Hesperia 32 , 1963, p. 65 , restitue le titre de < i o6$ > w dans la dédicace au datif pour un certain Hora rius, honoré par l'un de ses parents. La restitution s'appuie sur le fait que, dans le nombre assez restreint de documents analogues pour de simples particuliers , on relève la présence de plusieurs professeurs et philosophes ; elle est néanmoins

très hypothétique. Le cognomen pourrait être Festianus, plusieurs fois attesté à Athènes. BERNADETTE PUECH . 167 HORATIUS FLACCUS (Q . -) RE 10

69a-8a Horace est l'un des poètes latins dont la vie nous est le mieux connue grâce

aux vies antiques, comme celle de Suétone (Cf. 1 F. Villeneuve (édit.], Horace,

Odes et Epodes, CUF, Paris 1929, p. LXXXV-VIII), et surtout grâce aux nom breuses indications qu'il a données dans son œuvre . Né à Venouse en 69a, il est le fils d'un affranchi, ancien coactor argentarius. Ses études se font à Rome, puis à Athènes, aux environs de 44a, aumoment de la mort de César et de la lutte contre Brutus et Cassius. Cf. 2 B . Stenuit, « Le séjour

d'Horace à Athènes» , LEC 47, 1979, p. 249-255 . Horace s'engage même dans l'armée de Brutus et participe à la bataille de Philippes en 429. S'il perd alors tous ses biens, il peut rapidement revenir à Rome et achète une charge de scriba quaestorius (3 D . Armstrong, « Horatius

eques et scriba : satires 1.6 and 2.7 » , TAPhA 116 , 1986, p. 255-258). C 'est alors qu 'il écrit ses premiers poèmes: les Épodes, dont la rédaction semble commen

cer en 41a et 38a (bien que les dernières soient postérieures), les Satires, dont le premier livre fut achevé et publié en 349. Les Satires le fontconnaître. Présenté à Mécène par Virgile et Plotius, il reçoit la protection deMécène. Et ce dernier lui

H 167

HORATIUS FLACCUS

809

fit don d'une propriété en Sabine, à une date qui nous échappe. La publication du second livre des Satires fut légèrement postérieure, vers 304. Par ses relations

avec Mécène, Horace semble proche du pouvoir. Il célèbre d'ailleurs les bien faits du régime augustéen dans les Odes civiques du livre III, écrites sans doute entre 240 et 23a . Les autres Odes sont d'un style différent, inspiré de la poésie lyrique grecque. Les trois premiers livres semblent avoir été publiés vers 23a. C 'est à peu près à cette date qu 'Auguste propose à Horace de devenir son secré

taire,mais le poète refuse manifestant ainsi son indépendance d'esprit, tout en restant cependant proche des dirigeants et du pouvoir. Il écrit alors les Épîtres dont le premier livre est publié vers 194. Un second livre traitant de questions littéraires et du rôle du poète dans la cité est publié sans doute vers 13a ou peu après. Il comprend en particulier le long poème, adressé aux Pisons, que l'on

nomme souvent Art Poétique. L 'æuvre littéraire du poète s'arrête là , Horace meurt en 8 av. J.-C . La référence à la philosophie est indéniable dans l’quvre d'Horace,mais les choix du poète restent des plus difficiles à déterminer, tant les æuvres paraissent

se contredire et permettre des interprétations opposées. Dans les Épîtres (II 2 , 42-45), Horace déclare avoir « cherché le vrai dans les bosquets d'Académos» .

Cette déclaration semble indiquer qu 'il se veut alors proche de l'Académie et insiste sur la quête du vrai et du bien qui est la sienne. Mais les Satires contredi sent cette affiration , car la présence de l'épicurisme est manifeste . Philodème est mentionné dans ce recueil (I 2, 120 ). La satire I peut paraître générale dans sa

volonté de critiquer et de restreindre l'avidité humaine, mais elle se réfère à l'homme satisfait de son sort, qui « quitte la vie comme un convive rassasié » ; cette formule fait manifestement écho à Lucrèce ( III 935 ). En outre d 'autres thèmes se réfèrent clairement aux thèses épicuriennes ; dans la satire V (100 104) le poète fait allusion à la représentation épicurienne des dieux en déclarant: « j'ai appris que les dieux menaient une vie dépourvue de soucis et que si la nature crée des phénomènes extraordinaires, ce ne sont pas les dieux malheureux

qui les envoient du haut du ciel» ; en outre dans la satire III (100 -119), la nais

sance de la société et du droit comme le développement du langage sont présen tés d'une façon analogue à celle de Lucrèce. Dans la satire II 6 , la recherche d'un bonheur simple, proche de la nature et le sens de l'amitié , ainsi que la descrip

tion d 'une vie urbaine pleine d'agitation , peuvent conduire aux mêmes conclu sions. Horace s'affirme ainsi comme un proche de l'épicurisme avec une connaissance précise de Lucrèce, même s'il n 'est pas assuré qu 'il appartenait

aux cercles épicuriens de Campanie . Les choix d'Horace paraisssent évoluer dans les æuvres ultérieures. Cette affirmation s'appuie sur l'ode I 34 souvent citée : « Adorateur réservé des dieux et peu assidu , tandis que j'errais professant une sagesse folle , je suis contraint de

partir en arrière avec mes voiles et de suivre à nouveau l'itinéraire délaissé car

Diespiter divisant les nuages de son feu fulgurant a mené au milieu d'un ciel serein ses chevaux tonnant et son char rapide » . A la suite de ce prodige, Horace aurait renoncé à l'épicurismepour se tourner vers une autre école philosophique ,

810

HORATIUS FLACCUS

H 167

peut-être le stoïcisme. La constance des choix épicuriens a pourtant été souli gnée ; ce poème peut être interprété de façon opposée et avoir une portée poli

tique en se référant à l'apparition d'Auguste et à la bataille d 'Actium . La pré sence des dieux dans le reste du poème peut relever d 'une tradition poétique qui n 'engage pas profondément Horace. Mais l'invitation à profiter du temps pré sent, la célèbre formule du carpe diem , se fonde sur une autre sagesse. Et l'on

souligne la constance de l'adhésion épicurienne chez le poète (cf. 4 R . Ferri, I

dispiaceri di un Epicureo . Uno studio sulla poetica oraziana delle Epistole, Pisa 1993). La place qu'il fait à Auguste peut aller dans le même sens, car les épicu

riens acceptaient le souverain qui assure la tranquillité à ses sujets. L ' interprétation des Épîtres est tout aussimalaisée. Dans le livre II l'esthé tique du poème montre des choix qui peuvent renvoyer à l'épicurisme (avec les notions d'usus ou de dulcis), mais il existe des donnés empruntées à l'aristoté lisme, comme 5 P . Grimal l'a montré dans son étude sur l’Art Poétique (Paris 1962) ; et la notion de decorum n 'est pas épicurienne. Le livre I paraît également complexe. Une importante place est faite aux questions philosophiques ; leur importance est constamment répétée. Horace critique à plusieurs reprises un stoïcisme trop dogmatique ; il se qualifie (IV 15 - 16 ) de « porc du troupeau d 'Épi

cure» , mais cette affirmation lancée comme une plaisanterie n 'est peut-être pas à prendre à la lettre . Pourtant, elle est précédée par une invitation à profiter de l' instant, à regarder chacun des jours comme le dernier ; c 'est un thème épicurien qui apparaît fréquemment chez Horace. L 'aspiration à un bonheur simple, la recherche de l'otium et la réserve envers la politique vont dans le même sens, ainsi que la recherche de la tranquillité (euthymia ). Mais l'influence de Panétius

a été soulignée et se manifeste dans la notion de decorum (6 M .J.MacGann ,

Studies in Horace's first Book of Epistles , Bruxelles 1969). Il semble donc que la philosophie d'Horace soit proche de l'épicurisme, mais sans se tenir exclusive

ment à cette école ( 7 C . Castner, A prosopography of the Roman Epicureans, p. 92 -95, le classe parmiles Epicurei incerti). 8 A . Traglia , « L 'epicureismo di Orazio », dans Atti del III convegno di studio (10 -12 Ottobre 1970), coll. « Horatianum », Roma 1971, p . 41-54.

Horace combine cette influence avec d'autres écoles, cherchant les données les plus proches de sa morale , en gardant sa liberté d'esprit : nullius addictus iurare in uerba magistri (Epist. I 1, 14). Cette volonté d'éclectisme, cette distan ce par rapport aux écoles conduisent à le rapprocher de la philosophie académi que dont l'influence paraît décisive sur sa pensée (9 K . Gantar, « Horaz zwischen Akademie und Epikur» , ZAnt 22, 1972 , p. 5- 24 ; cf. 10 C . Lévy, Cicero Acade

micus,Rome 1992, p .92-93). Éditions. 11 A . Kiessling et R . Heinze (édit.), Q. Horatius Flaccus, t. I: Oden , 11e éd., Hildesheim /Zürich 1984, t. II : Satiren, 10e éd., Hildesheim 1968, t. III : Episteln, 11e éd . 1984 ; 12 S . Borzsák (édit.), Horatius. Opera, coll. BT, Leipzig 1984, XII- 362 p .; 13 J.K . Schoenberger et 0 . Schoenberger (édit.), Horatius. Satiren und Episteln , coll. « Schr. & Quellen der Alten Welt » 33, Ber

lin 1976 , 349 p. ; 14 C .F . K . Herzlieb, J. P .Uz, W . Killy et E. A . Schmidt( édit.),

H 167

HORATIUS FLACCUS

811

Horatius. Oden und Epoden , coll. « Bibl. der alten Welt», Zürich 1981, 557 p. ; 15 K . Quinn (édit.), Horatius. The Odes, coll. « Class. Ser.», New York 1980, XVIII-333 p . ; 16 C . O . Brink (édit.), Horatius. Horace on poetry, t. I: Prolego mena to the literary Epistles, Cambridge 1963; t. II : The Ars poetica, Cam bridge 1971 ; t. III: Epistles, Book 11: The letters to Augustus and to Florus,

Cambridge 1982 ; 17 D . R . Shackleton Bailey (édit.),Horatius. Opera, coll. BT, Stuttgart 19912 , X -372 p.; 18 N . Rudd (édit.), Horatius. Epistles, Book ii and Epistle to the Pisones (Ars Poetica). ed .,with a comm ., coll. « Cambridge Greek & Latin Class.» , Cambridge Univ . Pr., 1989, X -244 p .; 19 R . Mayer (édit.), Horace Epistles Book I, coll. « Cambridge Greek and Latin Classics» , Cam bridge Univ . Press 1994, VIII-291 p. ; 20 D .Mankin (édit.), Horace Epodes, coll. « Greek and Latin Classics » , Cambridge Univ . Press, VII-321 p .

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Forschung » 279, Darmstadt 1992, XIII-205 p. Études récentes sur Horace et la philosophie . 24 P . Grimal, « La philoso

phie d 'Horace au premier livre des Épîtres», Vita Latina (Avignon ) 72 , 1978, p . 2 -10 ; 25 W . D . Lebek , « Horaz und die Philosophie . Die Oden » , ANRW II 31, 3 , 1981, p . 2031- 2092 ; 26 W . S . Andersen , « The Roman Socrates : Horace and

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Mayer,« Horace's Epistles I and philosophy» , AJPh 107, 1986 , p. 55 -73 ; 28 J. Moles, « Cynicism in Epistles I » , dans F. Cairns et alii ( édit.), Papers of the Liverpool Latin Seminar, V , 1985, coll.« ARCA Class. & Mediev. Texts, Papers & Monogr. » 19, Liverpool 1986 . p . 33-60 ; 29 A . Grilli, « Orazio e le filosofie minori» , A & R 32, 1987, p . 8 - 18 ; 30 Caterina Dominici, Epicureismo e stoicismo

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HORATIUS FLACCUS

812

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curisme d'Horace » , REL 71, 1993 , p. 154 - 160 ; 41 W . Ludwig (édit.), Horace.

L'æuvre et les imitations. Un siècle d'interprétation, coll.« Entretiens sur l'An tiquité classique » 39, Vandæuvres/Genève 1993, 439 p.; 42 M .Maróth , « Epiku reische Elemente in der Dichtkunst des Horaz » ,ACD 29, 1993, p. 99- 109 ; 43 G . Milanese, « Aspetti del lessico filosofico di Orazio » ,ACD 29, 1993, p. 111- 122 ; 44 R . Müller, « Horaz und die Philosophie als Lebenskunst» , ACD 29, 1993, p . 123 -137 ; 45 N . Rudd , « Horace as a moralist » , dans N . Rudd ( édit.), Horace

2000. A celebration . Essays for the bimillenium edited by N . R ., London 1993, p.64-88 ; 46 C . Szekeres, « Stoische philosophische Termini bei Horaz » , ACD 29, 1993, p. 181- 189 ; 47 A . Traina, « Orazio e Aristippo. le Epistole e l'arte di convivere » , dans R . Uglione (édit.), Atti del convegno nazionale di studi su Orazio : Torino, 13 -14 -15 aprile 1992, Torino 1993, p. 193-204. MICHÈLE DUCOS. II ? 168 HORTENSINUS Le médecin Hortensinus,mort à Rome à 52 ans, avait dû donner des confé

rences sur des sujets touchant aussi bien à la philosophie qu'à la médecine: son epitaphe le présente comme εν λόγοις φιλοσόφους και ηθει θαυμαστός (IGUR 835 ).

BERNADETTE PUECH .

169 HORUS RE PLREI:

IV

L'Égyptien Horus, fils d'un certain Valens et frère d 'un certain Phanès, était pugiliste et avait remporté les jeux olympiques de 364 à Antioche. Comme son frère , il honorait Hermès non seulement par ses exploits à la palestre , mais aussi par son appétit de savoir (Énlovuía óywv, Libanios, Lettres 1278 et 1279) .

C 'est ce même Horus que l'on retrouve comme interlocuteur des Saturnales de Macrobe. Il arrive en compagnie d ' un homme effronté, Évangelus, et de

Disarius, le meilleur médecin de Rome (I 7, 3) et il fait une intervention à propos du culte de Saturne (I 7, 14 - 16 ).On apprend dans cet ouvrage (cf. 17, 3.14 ; I 15, 3; VII 7 , 8 ; VII 13, 10; VII 17, 14 ) qu 'après une carrière de boxeur profession

nel riche en succès, il se mit aux philosophiae studia et qu 'il acquit une solide réputation dans le milieu cynique. Comme Diogène, il se faisait un point d'hon neur de n 'avoir aucun esclave et de ne rien posséder en dehors du vêtement

cynique.

Symmaque, dans une lettre qu'il adresse à son frère Flavien (Lettre II 39), fait l'éloge du personnage qu 'il présente comme un ami qui lui est cher et qu 'il

recommande à son frère . MARIE -ODILE GOULET-CAZÉ .

170 HOSIUS (ou OSIUS) Patron du philosophe platonicien Calcidius (* * C 12 ) et dédicataire de la tra duction et du commentaire du Timée de Platon rédigés par cet auteur. A la suite d 'une note contenue dans certains manuscrits , on l' a identifié traditionnellement

H 171

HOSTILIANUS

813

à l'évêque Osius (ou Ossius) de Cordoue (ca 246 -347/8 ap. J.-C .), conseiller ecclésiastique de Constantin et l'une des figuresmarquantes du Concile de Nicée ( 325) .

Mais J. H . Waszink (Timaeus a Calcidio translatus, p . IX ) considérait que les dates de l' évêque de Cordoue ne correspondaient pas à l' état de la langue de Calcidius (qu 'il faudrait dater plutôt du ve siècle que du Ive) ni à sa position

philosophique (dont ce savant considère , mais sans raisons déterminantes, qu 'elle est marquée par l' influence de Porphyre ).

En guise d 'alternative, Waszink a proposé un rapprochement avec un Hosius de Milan (RE 1, PLRE II :2). Cet Osius est connu par une inscription sur son tombeau à Milan (CIL V 6253) comme l'arrière-petit- fils d ’un consularis de Vénétie et d ' Istrie . Il était le mari d 'une certaine Domnica ensevelie dans le

même tombeau . L 'inscription lui attribue les titres de comes rerum privatarum , comes sacrarum largitionum et patricius. Il s'agissait manifestement d 'un per

sonnage de haut rang dans l'administration impériale. Un comes sacrarum largitionum portant ce nom est mentionné dans le Code théodosien (VI 30 , 13) : il était présent à la cour d 'Orient le 25 novembre 395. Il s'agit probablement de la

même personne. Cet Osius peut raisonnablement être également identifié avec l'Espagnol (RE

2 ), d'origine servile (Claudien , In Eutrop. II 345-353, 446, 559), à qui est attribuée la position de magister officiorum , toujours à la cour d ' Orient, du 18 janvier 396 et 15 décembre 398

(Cod. Theod. VI 26 , 6 ; 27, 8 -9 ; 30, 13).

Rien cependant ne permet de penser que ce haut fonctionnaire était chrétien (ce qu' il pouvait bien être en vérité), ni qu 'il ait porté intérêt à la philosophie .

Waszink n 'a indiqué son nom qu'à titre de suggestion , pour montrer que d'autres Osii, en plus de l'évêque,méritaient d' être pris en considération. Il importe en tout cas de remarquer que Calcidius présente son patron comme une autorité en matière de doctrine chrétienne (Comm . chap . 133) et, dans sa Préface ( p . 6 , 5 ), il déclare qu ’Osius lui a confié cette tâche non sine diuino

instinctu , ce qui semble impliquer , puisque Calcidius est chrétien , un rapport particulier entre Osius et le Tout-Puissant. Ce sont là , semble -t-il, des indications

suggérant qu 'Osius était un ecclésiastique éminent. Cf. O . Seeck, art. « Hosius », RE VIII 2, 1913, col. 2493 ; J. Sundwall, Abhandlungen zur Geschichte des ausgehenden Römertums, Helsingfors 1929, p. 144- 145 ; J.H . Waszink (édit.), Timaeus a Calcidio translatus commentario que instructus, coll. « Plato Latinus» 4, London /Leiden 1962, p. XI. JOHN DILLON . 171 HOSTILIANUS RE 1 PIR² H 222

Il fait partie des philosophes expulsés de Rome par Vespasien en 74. Il fut envoyé en même temps que Démétrios le Cynique dans les îles (Dion Cassius LXVI 13, 2). Mais est-ce un cynique ou un stoïcien ? Et dans cette dernière

hypothèse, faut-il l'identifier au philosophe stoïcien C . Tutilius Hostilianus (BH 172) ?

MARIE -ODILE GOULET-CAZÉ.

814

H 172

HOSTILIANUS DE CORTONE

172 HOSTILIANUS DE CORTONE ( C. TUTILIUS -) PIR2 H 222

MFI

Ce stoïcien , connu par un cippe des environs de Rome (CIL VI9785), est très vraisemblablementidentique, comme l'avait indiqué F. Bücheler, RhM 63, 1908 ,

p . 194, au philosophe homonyme (» H 171) exilé par Vespasien en raison des positions qu'il avait exprimées sur le pouvoirmonarchique (Dion Cassius LXVI 13, 2, résumé par Xiphilin LXV 11, 2) ; que ce dernier ait été exilé en même

temps que le cynique Démétrios (OD 43) n 'implique en effet nullement qu 'il ait été lui-même un cynique, comme l'admet J. Hahn , Der Philosoph und die

Gesellschaft, Stuttgart 1989, p . 189. BERNADETTE PUECH .

MIII 173 HOSTILIANUS HÉSYCHIUS D ’APAMÉE absent de la RE Amélius, disciple de Plotin , donna à son fils adoptif Hostilianus Hesychius

(Porphyre , Vita Plotini 3, 46 -48) d' Apamée les 100 livres de scholies qu'il avait rédigés à partir des cours de Plotin . C 'estprobablementauprès de lui qu 'Amélius se trouve à la mort de Plotin en 270 (V. Plot. 2, 33). Sur la formeOustillianos, retenue par les éditeurs et attestée à Herculanum , voir la note de L . Brisson et A .-Ph . Segonds, dans Porphyre, La Vie de Plotin , t. II, p . 220 .

LUC BRISSON . MF IIIa

174 HYLLOS DE SOLES Stoïcien ,disciple de Sphaïros du Bosphore, puis de Chrysippe de Soles. Il est mentionné dans l'Index Stoicorum de Philodème, col. XLVI 1-5 (p. 96 Dorandi), où sont cités les Xpvolnnou tapai d'Aristocréon (» A 374 ), neveu de Chry

sippe : "Y oç Eoreùs i öv xai Epaipwi nipoeoxonaxéval onoliv ’ Aploto lxpéWV év tałç Xpuoinlttov ) tapais . RICHARD GOULET. 175 HYPATIE D 'ALEXANDRIE RE PLRE II :1 ca 355 - 415 Femme philosophe néoplatonicienne, disciple et collaboratrice de son père, Théon . 1 D . Roques, « La famille d'Hypatie» , REG 108, 1995, p. 128- 149, vou drait que le vrai nom du père d'Hypatie soit Théotecnos pour la raison que Synésius dans deux de ses lettres, Ep. 5, p. 26 , 2 Garzya, et Ep. 16 , p . 37, 4, em ploie l'expression tòv tatépa Ocótextov,mais dans la lettre 5, ce personnage

est désigné comme faisant partie du cheur des disciples d 'Hypatie et dans la lettre 16 , comme un étaipos de Synésius; il est douteux que ces qualifications

conviennent au père de la philosophe, et d'autre part on ne comprend pas bien pourquoi Théon n 'aurait pas signé ses propres æuvres de son vrai nom . 0 . Masson, « Deótexvoç “ fils de Dieu ” », REG 110 , 1997, p.618 -619, a montré que le nom de Théotecnos est rare et d 'origine chrétienne.

Ce que nous savons au sujet d'Hypatie nous vient de trois sources: l'Histoire ecclésiastique de Socrate (PG 67, VII 13- 15), la Vie d 'Isidore par Damascius (éd . Zintzen , Hildesheim 1967, fr. 102 - 105 ) et la Chronique de Jean de Nikiu ( trad . R . H . Charles, Oxford 1916 , p . 100 - 102). Elle est probablement née autour

de l'année 355 (cf. 2 R . J. Penella , « When was Hypatia born ?», Historia 33,

H 175

HYPATIE D 'ALEXANDRIE

815

1984, p. 126 -128 ), puisqu 'elle pouvait être âgée d'environ 60 ans au moment de

sa mort en 415 , selon la Chronique de Malalas (p. 359 Dindorf = PG 97, 536 A : nu dè nanaià yuvń ).Synésius de Cyrène fut son élève dans la dernière décennie du IVe siècle . Elle travailla avec son père Théon au Commentaire sur l'Alma geste . Dans le manuscrit Laur. 28, 18 , le troisième livre du commentaire de

Theon porte la mention : ' Exôóơ£C TapatarVoWeing rõ bàooooo Ouyatpiuou ‘Ynatią , que l'on doit traduire : « Édition revue et corrigée parma fille, la philosophe Hypatie » (cf. 3 A . Rome [édit.), Commentaires de Pappus et de Théon d 'Alexandrie sur l’Almageste , coll. « Studi e Testi» 106 , t. III,Città del Vaticano 1943, p . 807). Nous sommes donc en présence d'une note ajoutée par Théon lui-même pour signaler la collaboration de sa fille à son travail. D 'après 4 A . Cameron, « Isidore of Miletus and Hypatia : On editing ofMathematical

Texts »,GRBS 31, 1990, p. 103-127, cette collaboration aurait consisté dans le fait qu'Hypatie aurait établi un bon texte de l'Almageste de Ptolémée à l'usage de son père pour le commenter (il faut remarquer que 5 G . J. Toomer, Ptolemy's Almagest, London 1984 , p. 5, a observé des interpolations anciennes dans le texte de l’Almageste, mais en général ces interpolations sontmalheureuses; doit on cependant les attribuer à Hypatie , comme le voudrait Cameron ?). Dans une étude approfondie, W . R . Knorr, Textual studies in Ancient and MedievalGeo metry, Boston /Basel/Berlin 1989, p. 753 -804, a réussi à retrouver des interven tions, aussi bien dans le commentaire de Théon que dans celui d'Eutocius d 'Ascalon (2E 175), qui prouvent qu 'Hypatie a vraiment collaboré au travail de son père et que ses corrections ont été reprises par son successeur. D 'autre part, en étudiant d 'une manière approfondie la tradition textuelle d 'un écrit d ’Archi

mède intitulé De la dimension du cercle, Knorr est amené à l'hypothèse d'un état du texte antérieur à celui qui est encore conservé, et à en placer la rédaction au

tout débutdu IVe siècle, ce qui le conduit à l'attribuer à Hypatie. De plus, nous sommes autorisés à croire qu’Hypatie n ' était pas non plus médiocre dans les connaissances astronomiques puisque nous savons par la Souda qu 'elle avait composé des commentaires sur Diophante , Apollonius de Pergé et les Tables Faciles de Ptolémée. Cependant dire qu 'Hypatie était « philosophe » signifie qu 'elle enseignait la philosophie à Alexandrie . Cela est d'ailleurs dit explicite ment par Damascius dans la Vie d 'Isidore , fr. 102 : « Bien qu ' étant une femme, elle portait le manteau des philosophes, et même, dans ses déplacements dans la

ville , elle enseignait d'une manière publique à qui voulait l' entendre ou bien Platon , ou bien Aristote, ou bien n 'importe quel autre philosophe » . Il n 'est pas

sûr que cela veuille dire qu'Hypatie était titulaire d'une chaire officielle de phi losophie à Alexandrie , ni qu 'elle y enseignait en pleine rue, comme le voudrait

7 Ét. Évrard, « À quel titre Hypatie enseigna-t-elle la philosophie ?», REG 90 ,

1977, p .69-74. C' est plus probablement une critique de Damascius qui veut pré senter l'enseignement d 'Hypatie comme ayant le caractère de celui des philo sophes cyniques, par opposition aux philosophes sérieux qui doivent enseigner à une élite dans un cercle fermé comme on le faisait à Athènes. La remarque qu’Hypatie portait le toíbwv des cyniques va dans le même sens, c 'est une cari

816

HYPATIE D 'ALEXANDRIE

H 175

cature (cf. 8 A . Cameron et J. Long, Barbarians and Politics at the Court of

Arcadius, Berkeley 1993, p. 41-44).Nous n 'avons conservé aucun écrit philoso phique d'Hypatie, s'il en a même existé , et nous n 'avons aucun témoignage explicite sur la doctrine qu'elle enseignait. Pour essayer d'en retrouver quelque

chose , 9 J. M . Rist, « Hypatia », Phoenix 19 , 1965, p . 214-225, a pensé chercher dans l'œuvre de celui que l'on peut considérer comme un successeur immédiat d'Hypatie à Alexandrie , Hiéroclès (2- H 126 ), où il a cru déceler un type de phi losophie antérieure au néoplatonisme.Mais 10 I. Hadot, Le problème du néopla tonisme alexandrin : Hiéroclès et Simplicius, Paris 1978, p. 67-143, et 11 Ead., « Le démiurge comme principe dérivé dans le système ontologique de Hiéro clès» , REG 103, 1990, p. 241- 262), a montré qu'il n 'en est rien. On peutdonc se demander auprès de qui Hypatie a pu trouver sa formation philosophique. En

examinant complètement les Vies des philosophes et des sophistes par Eunape, 12 R . J. Penella , Greek Philosophers and Sophists in the Fourth Century A . D ., Leeds 1990, a montré que, au IVe siècle , tout l'enseignementphilosophique, au moins en Orient, a été assuré par les successeurs de Jamblique. Plus précisément, on connaît par Eunape un fils de la philosophe Sosipatra , Antoninus (BA 221), qui s'était installé en Égypte , à Alexandrie , puis à Canope, où il enseignait les

rites religieux locaux et la philosophie platonicienne (Eunape, Vitae Sophista rum , VI 6 , p . 37 , 8 - 16 Giangrande). Avant sa mort, il avait prédit la destruction

du Sérapeum d 'Alexandrie , qui eut lieu en 391 : « Ce qu 'il y avait de divin en lui fut révélé sans tarder , car il n 'avait pas plus tôt quitté lemonde des hommes que les cultes d'Alexandrie , en particulier celui de Sérapis, furent balayés » (13 P. Chuvin , Chronique des derniers païens, Paris 1990 , p . 110 et 168). Il est évi demment tentant de faire d'Hypatie une disciple de cet Antoninus. C 'est l'hypo thèse que font Cameron et Long 8, p. 50 -51. Or Eunape (VI 11, 11, p. 40, 8- 17 Giangrande) lui-même compare Antoninus à Jamblique. On voit donc que le néoplatonisme jamblichéen a pu très vraisemblablement parvenir par Antoninus jusqu 'à Hypatie. C 'est ce que confirme une autre piste que l'on peut suivre pour remonter jusqu 'à l'enseignement d'Hypatie à travers les œuvres de son élève si

admiratif, Synésius. Or les thèmes classiques du néoplatonisme se retrouvent chez Synésius, en particulier dans son De providentia (Cameron and Long, 8, p . 281-290 ). Et depuis longtemps, 14 W . Theiler ( « Die chaldäischen Orakel und

die Hymnen des Synesios », Schriften der Königsberger Gelehrten Gesellschaft, Geistesw . Kl. 18 , 1942,reproduit dans Forschungen zum Neuplatonismus, Berlin 1966 , p . 252- 301) a montré tout ce que les hymnes de Synésius doivent aux Oracles Chaldaïques. Cette connaissance des Oracles ne peut venir que du fameux commentaire de Jamblique, à travers Sosipatra , Antoninus et Hypatie.

Ainsi le platonisme d 'Hypatie apparaît comme un sous-produit de celui de Jam blique, il suivait certainement les exégèses platoniciennes de Jamblique, qui les avait illustrées par des citations des Oracles Chaldaïques.Mais dans l'absence totale de tout document sorti de la main même de la philosophe, cette conclusion doit rester une inférence plausible . [Il faut renoncer à attribuer à Palladas une épigramme de l'Anthologie Palatine IX 400 , qui célèbre une Hypatie , homo

H 175

HYPATIE D 'ALEXANDRIE

817

nyme de la nôtre, cf. 15 A . Cameron, The Greek Anthology from Meleager to Planudes, Oxford 1993, p. 323-324; voir cependant 16 E. Livrea, « A. P. 9. 400 : iscrizione funeraria di Ipazia ?» , ZPE n° 117, 1997, p. 99- 102.] Comme le platonisme d'Hypatie, sa mort elle aussi a prêté à des présentations variées. On a cherché à en faire unemartyre païenne. En fait, si l'on s' en remet au récit de l'historien Socrate, Histoire ecclésiastique VII 13-15 , elle aurait été la victime d'un conflit purement politique entre le patriarche Cyrille et le préfet Oreste. En tant que professeur de philosophie à Alexandrie , Hypatie tenait dans la ville un rang social élevé, qui la mettait naturellement en rapport avec les autorités politiques et administratives. Lorsque le préfet Oreste sollicitait ses avis , elle entrait aussitôt en conflit avec l'autorité rivale, celle du patriarche, cf. 17 J. Rougé, « La politique de Cyrille d 'Alexandrie et le meurtre d'Hypatie » ,

CristStor 11, 1990 , p. 485 -504 ; 18 P. Évieux, dans Cyrille d 'Alexandrie, Lettres festales I- VI, coll. SC 372, Paris 1991, p . 50 -56 ; 19 P . Brown, Power and Per

suasion in Late Antiquity,Madison (Wisconsin ) 1992, p . 115-117 ; 20 Chr. Haas, Alexandria in Late Antiquity. Topography and Social Conflict, Baltimore/ London 1997, p. 312- 313. Un tel conflit se produisit dans l'année 415 ou 416 . Il se déroule en trois épisodes. Au cours d 'un rassemblement au théâtre , une bagar

re entre Juifs et Chrétiens dégénère en guerre ouverte ; il y a desmorts ; l'évêque Cyrille fait envahir les synagogues et chasse les Juifs de la ville . L 'autorité du préfet est ainsi affaiblie et Cyrille en profite , en faisant venir une troupe de cinq

centsmoines ,pour fomenter une atmosphère de révolte contre Oreste. Ce dernier est injurié, traité de païen et blessé au visage par une pierre lancée par un moine

excité. Le préfet fait mettre à la torture lemoine qui en meurt. L 'évêque veut en faire un martyr,mais, pour une fois, les chrétiens ne suivent pas leur évêque. Cyrille donc ne pouvant atteindre directement son adversaire , ses partisans diri gèrent leur hostilité sur un personnage de l' entourage du préfet, ce fut Hypatie . En 415 ou 416 , elle fut assassinée par les moines fanatiques, sans doute à l'instigation du patriarche qui rétablit du coup son autorité, cf. Chuvin 13, p. 91 94, et Haas 20, p. 313-316 . La conclusion est tirée par Jean de Nikiu : le peuple d'Alexandrie acclamait son patriarche et le célébrait comme « un nouveau Théo phile » , son prédécesseur qui avait fait démolir le Sérapéum (cf. Cameron et Long, 8 , p . 61-62). Pour une biographie bien informée, voir 21 Maria Dzielska,

Hypatia of Alexandria , coll. « Revealing Antiquity » 8 , Cambridge (Mass.) 1995, qui présente aussi d'une manière détaillée la « légende littéraire d'Hypatie » , p . 1-26 , et pour une présentation générale , voir Chr. Lacombrade, art. « Hypa tia » , RAC XVI, 1994, col. 956 - 967. Voir également 22 Gemma Beretta , Ipazia d 'Alessandria, coll. « Gli Studi» 70, Roma 1993, XII-298 p .

Penella 12 , p.61-62, a suggéré que, si Eunape a tellementdéveloppé la vie de la philosophe Sosipatra, ce fut pour traiter cette dernière comme le pendant asia tique de la philosophe alexandrine Hypatie . Eunape a composé ses Vies dans les années où Hypatie enseignait à Alexandrie . C 'est une hypothèse intéressante et même vraisemblable . HENRIDOMINIQUE SAFFREY .

HYPÉRIDE

H 177

176 HYPÉRIDE D 'ATHÈNES RE : PA 13912

ca 390-322

818

Orateur et homme politique athénien, fils de Glaucippe, du dème de Collytos. Chaméléon d 'Héraclée (fr. 45 Wehrli), un péripatéticien du IIIe siècle av. J.- C ., en faisait un auditeur de Platon (Diogène Laërce III 46) , comme Lycurgue l'ora teur.

Il faut corriger “ 2.46” en “ 3.46 " dans l'index de Long,p. 595. Les Vies des dix orateurs du pseudo-Plutarque contiennent une Vie d 'Hy péride (IX ) qui rapporte de même qu'Hypéride fut acroatès de Platon en même

temps que Lycurgue (848 d ). Ce témoignage est invérifiable et généralement

tenu pour douteux. Voir G . Colin , Hypéride, Discours, coll. CUF, Paris 1946, p . 8 - 9 : « S 'il a suivi l'enseignement de Platon , ce dut être de sa part affaire de

mode plus que d 'affinité intellectuelle . (...) Au reste , à toutes sortes d'égards, son genre de vie n 'avait rien de la sévérité philosophique » .

Cf. T. Thalheim ,art. « Hypereides » , RE IX 1, 1914 , col. 281-285 ; J. H . Kühn, art. « Hypereides» , LAW , col. 1347 -1348 ; G . Bartolini, Iperide. Rassegna di problemi e di studi ( 1912- 1970 ), coll. « Proagones Studi» 13, Padua 1977, 160

P. ; J. Engels, Studien zur politischen Biographie des Hypereides. Athen in der

Epoche der lykurgischen Reformen und des makedonischen Universalreiches, coll. « Quellen und Forschungen zur antiken Welt» 2,München 1989,483 p. Iconographie. F . Poulsen, « Ein Porträt des Redners Hypereides», dans K . Fittschen (édit.),Griechische Porträts, Darmstadt 1988, p. 176 - 184. RICHARD GOULET.

177 HYPÉRIDE Démonax, dans le dialogue de Lucien qui porte son nom ( $ 48), dit à un

cynique équipé d'une massue (Űnepov) et qui se prétend disciple d' Antisthène (2 * A 211), de Cratès (2 - C 205) et de Diogène ( D 147), qu'il est plutôt disciple d'Hypéride. On ne sait si ce nom a été inventé pour la plaisanterie ou s'il corres

pond à un personnage réel. MARIE -ODILE GOULET-CAZÉ. 178 HYPSAIOS « Philosophe » de doctrine et d 'époque inconnues , connu seulement par huit

sentences conservées par Stobée et par deuxmentions qu'en fait Photius, d 'une part en tant que philosophe (Bibl., cod. 167, 114 b ) et d 'autre part en tant que poète (Bibl., cod. 167, 115 a). Il n 'y a pas lieu de douter de l'exactitude du nom , même s'il a été considéré comme une forme corrompue d'Épictète : voir 1 V . Rose, Aristoteles Pseudepigraphus, Leipzig 1863, p .612. L 'extrait conservé par Stobée IV 32, 20 se retrouve également chez Apostolius Paroemio graphus, Cent. 8 , 89h, où il est sansdoute emprunté à Stobée .

Stobée se réfère à l'æuvre d 'Hypsaios de deux manières : nous lisons en II 31, 53 le lemme Anubvaxtos, ‘ Ypalov xai Ewxpátous, et en II 46 , 18 la réfé

rence suivante : Éx tõv ‘ Ypalov únoOnx@ v nepi toũ củepyeteīv. L 'explica tion la plus plausible semble être que nous sommes en présence de fragments

d'un grand ouvrage de caractère gnomologique, regroupant desmatériaux éma

H 178

HYPSAIOS

819

nant de plusieurs auteurs et qui avait été divisé en chapitres en fonction des sujets traités (cf. aussi Stobée II 4, 14 , avec la note de C . Wachsmuth ). L 'analo gue le plus proche pourrait être le Gnomologium Byzantinum édité par Wachsmuth , qui renferme des matériaux de Démocrite, d'Épictète et d 'Isocrate, entre autres, et qui est également divisé en chapitres en fonction des sujets trai tés. Voir 2 H . Schenkl, « loannis Stobaei Anthologium rec. C . Wachsmuth et 0 . Hense . Volumen tertium Anthologii librum tertium ab O . Hense editum conti

nens. Berolini 1894 » , GGA 157, 1895, p. 489; 3 A . Elter, ſvofixà duolbuata des Socrates Plutarch Demophilus Demonax Aristonymus u. a ., Univ .- Progr.

Bonn 1900 , col. 33-35 et col. 46. Certaines des sentences conservées ont le caractère d 'ouoiwua: II 31, 53, qui se retrouve également dans Gnomologium

Byzantinum 18 Wachsmuth et dans Ivwmixà duobuata 34 Elter, les deux édi

teurs donnant plusieurs références, et IV 31, 45. En outre, il y a un certain lien thématique entre cette dernière sentence et II 46, 18 , 18a et 19 , IV 32, 20 et IV

33, 30 , en ce qu'elles abordent des sujets comme la charité, la richesse et la pau vreté. IV 33 , 30 se retrouve égalementdans les Epicteti et Moschionis sententiae

25 Elter (= 17 Schenkl).Reste finalement IV 52, 33, qui constitue une paraphrase d' un fragment de Ménandre (Stobée IV 52, 27 , etc . = fr. 111 Körte 2 ). Bien que

Photius ait conclu à l'existence d 'un poète Hypsaios , compte tenu de cette sen

tence poétique, il est plus vraisemblable qu'il s'agit d 'une citation utilisée par le « philosophe» Hypsaios; voir 4 A. Meineke, Ioannis Stobaei Florilegium , t. IV , Leipzig 1857, p. XX. JAN FREDRIK KINDSTRAND .

1 IACOB (Jacques) dit “ Psychristus” RE 3 PLRE II :3

MF V

Cemédecin alexandrin , fils d 'Hesychius < de Damas ?> (PLRE II :8 ), comes et

archiâtre à Constantinople sous le règne de Léon jer (457-474 ), connu par plu sieurs sources anciennes , est appelé " philosophe” par Jean Malalas, Chronogra

phia, p . 370 , 8- 9 (ús äplotov iatpov xai Diaboodov) et Chron. Pasch., s.a. 467. La Souda consacre pour sa part deux notices à Jacques (I 12 et 13), toutes

deux puisées dans la Vie d 'Isidore de Damascius. Sa pratique médicale semble avoir été marquée par une grande philanthropie et comporter des traits pythagoriciens (que souligne Zintzen dans les notes de son édition des fragments de la Vie d 'Isidore par Damascius). Il persuadait les riches d 'aider les pauvres qui avaient besoin de traitement médical; lui-même

exerçait à titre gratuit, se contentant de la pension qui lui était versée sur les fonds publics (Damascius, Vita Isidori, Epit. Phot. 123 ; p . 168 , 7 -8 Zintzen ). Il

privilégiait les traitements à base de purgatifs et de bains, plutôt que les cautéri sations et la chirurgie ; il combattait les ulcères les plus graves par un régime et

ne pratiquait pas la phlébotomie (ibid. 122 ; p . 168,4 -6 Zintzen). Le nom de Jacques est mentionné dans quelques textes médicaux antiques comme l'inventeur de certaines médications (voir les références chez Alexandre de Tralles ou Aétius d 'Amida dans l'article de Gossen ). On célébrait en lui non

seulement le talent clinique, mais le savoir médical, ainsi que la sûreté du dia gnostic , qui lui firent tenir le premier rang parmi les médecins de son temps et être comparé aux plus grands noms de l'histoire de la profession (Souda, s.v.

’láxwßos, t. II, p. 601, 24 sqq. Adler ; 163,15- 167,8 Zintzen ). On luireconnais sait une puissance divine, on le tenait pour un “ Sauveur” , possédant l'âme d'As clépius, et ses collègues se moquaient de lui en le présentant non comme un mé decin ,mais comme un ami des dieux et un être sacré (Souda, s.v. ’láxwßos, t. II, p . 601, 24 sqq. Adler ; 165, 18 Zintzen ). Il soigna un jour Proclus (mort en 485) à Athènes, lui prescrivant de s'abstenir de chou et de se rassasier de mauve

(Zintzen suit ici un autremanuscrit qui a “ de légumes"). Mais Proclus, fidèle à la

règle pythagoricienne, refusa de prendre de la mauve (Epit. Phot. 125 ; p . 168, 11-13 Zintzen). Damascius avait vu à Athènes une statue de Jacques. Il ne le trouva pas beau

(eúpuńs), mais lui reconnut dignité et gravité (Epit. Phot. 124 ; p . 168, 9- 10 Zintzen ). Le Sénat de Constantinople avait également élevé une statue du méde cin aux thermes de Zeuxippe (Jean Malalas, Chronographia, p . 370 , 9 ). Gossen confond les deux témoignages. Cette statue du Zeuxippe ne figure pas parmiles

quatre-vingt statues de cet édifice décrites par Christodoros de Coptos ( C 115) vers 500 (Anth . Pal., livre II). Jacques soigna également dans la capitale l'empe

reur Léon (Marcell. com . s.a. 462) et prit la défense du sophiste et “ philosophe"

ІАСОВ

822

11

païen Isocasius de Cilicie (2 +1 37) en 467 et obtint que ce dernier, alors questeur, fût jugé à Constantinople devant le Préfet du prétoire Pousaios et le Sénat et non devant le gouverneur de Bithynie Théophile. Le surnom de Psychristos ou Psychrestos est expliqué par Alexandre de

Tralles, Therapeutica, t. II, p. 163 Puschmann : il viendrait de ce que ce médecin

usait d 'une alimentation humidifiante (úypalvoúon tpoon), « parce qu'il voyait que les hommes sont affaires et cupides et qu 'ils passent la totalité de leur existence dans les peines et les soucis » . Alexandre fournit d 'autres recettes mé

dicales, incomplètement conservées, de cemédecin (II, p. 565 et 571). Jacques est également cité dans le commentaire d'Olympiodore sur le Gorgias, 40 , 5 ; p. 204, 14 - 16 Westerink : selon Ammonius, le maître d'Olympiodore , Jacques déclarait que le médecin ne devait pas être malade et qu 'il devait d 'abord se soi gner, puis ensuite aller soigner les autres.

Bien qu'il soit dit alexandrin ,mais d 'origine damascénienne (par son père), Jacques serait né (vers 410 selon Gossen ) à Drépane en Argolide, où son père Hesychius avait pris épouse . Jacques reçut sa formation médicale de son père à Byzance. Il était venu l'y retrouver après avoir appris qu'il s 'y était installé après

une errance de dix -neuf ans dans le monde entier pour l' étude et la pratique de son art (Souda, s.v. ’láxwßos, t. II, p . 601, 14 sqq. Adler; 163, 5 -14 Zintzen ). Dans un autre fragment, Damascius semble dire qu'Hesychius avait erré 40 ans et qu 'il enseigna la médecine à son fils pendant le même nombre d'années

(Damascius, Vita Isidori, Epit. Phot. 120 ; p. 162, 1-5 Zintzen). Gossen en conclut à tort que le fils avait accompagné son père au cours de tous ces voyages, à Alexandrie, puis en Italie. La Souda (fr. 190 Zintzen) précise bien qu'Hésy chius avait abandonné son fils et son épouse, qui se remaria d'ailleurs et eutdeux autres fils et une fille .

Jacques était le seulmédecin “moderne" auquel le philosophe Asclépiodote (2A 453) reconnaissait de la valeur, ce qui le rapprochait de sommités comme

Hippocrate ou Soranus (Souda, s.v. Ewpavós, E 852 ; voir aussi Epit. Phot. 129; et le dépassa même en retrouvant les vertus de l'ellébore blanc, qui lui permit de guérir contre toute attente (itapadów ) des maladies réputées incurables (Damascius, Vita Isidori, Epit. Phot. 128 ; p . 174, 1-4 Zintzen ). Jacques lui même ne le cédait pas en prouesses aussi merveilleuses, puisqu'en apprenant qu 'une femmeavait perdu toutes ses dents parce qu'elle éternuait trop souvent, il en aurait déduit « son allure , son teint, la taille de son corps et toutes les caracté ristiques naturelles de son âme» (Damascius, Epit. Phot. 120 , p . 162, 6 - 10 Zintzen , trad. Henry).

Cf. H . Gossen , art. « Iakobos » , 3, RE IX 1, 1914 , col. 622-623 ( comporte plusieurs inexactitudes) ; PLRE II :3 , p . 581-582. Pour les fragments de la Vie d' Isidore , voir Cl. Zintzen (édit.), Damascii Vitae Isidori reliquiae edidit adno tationibusque instruxit C .Z ., coll. « Bibliotheca Graeca et Latina Suppletoria » 1, Hildesheim 1967, XIV -376 p . ; R . Asmus, Das Leben des Philosophen Isidoros

12

IAMBLICHOS D'APAMÉE

823

von Damaskios aus Damaskos, Leipzig 1913. Traduction anglaise dans P . Athanassiadi, Damascius, p . 207 -213 (ß 84). RICHARD GOULET.

2 IAMBLICHOS D ’APAMÉE RE 4, PLRE 1:2

MF IV

A . Cet homonyme de Jamblique de Chalcis était peut-être philosophe lui même.

Fils d 'un certain Himérius (PLRE 1:3), il était le petit-fils du philosophe Sopatros d' Apamée (RE 11 ; PLREI:1) et le neveu du fils de ce dernier, Sopa tros (RE 12 ; PLREI:2), correspondantde Libanios. Il était également parent du rhéteur Libanios (Libanios, Ep. 571, 1 ;576 , 1 ; 801, 3). Contemporain de ce der nier, qui lui écrivit plusieurs lettres et le recommanda à un certain nombre de ses

correspondants, il était encore vivant en 391 (Libanios, Ep. 1007, datée de 391 par O . Seeck, Die Briefe des Libanius zeitlich geordnet,Leipzig 1906 ). Une par tie de sa vie s'est certainement déroulée à Antioche, où il fut en relation étroite avec Libanios : la séparation évoquée par les lettres de Libanios à partir du mo ment où Jamblique se met à voyager le laisse en tout cas penser. Ses voyages le

conduisirent à Athènes, où il finit par s'installer pour un long séjour (Libanios, Ep. 801, datée de 362/3).

Arbre généalogique de Jamblique d 'Apamée. Sopatros 1 d' Apamée (disciple de Jamblique de Chalcis) Sopatros 2 (tav. 365) Himérios 3

Achaeus200 fille

Jamblique 2 d'Apamée (disciple et parentde Libanios)

plusieurs fils Il était païen (Libanios, Ep. 571, 2 ; 801, 2 ; 984 , 2 ) . Était- il philosophe ?

Libanios lui reconnaît la qualité de sophos (Ep. 982, 2 ). Ilmentionne son ascen dance philosophique (Ep. 475, 3 ; 593, 1). Certaines formules du rhéteur sont peu compatibles avec un éventuel statut de philosophe : le jeune Jamblique aurait eu l' étoffe d 'un philosophe et aurait souhaité faire des études de philosophie , mais, orphelin et donc privé de moyens, il n 'aurait pu réaliser ce projet (Ep. 575, 4). Dans une autre lettre , Libanios le définit comme rhéteur (Ep. 573, 2). Toutefois, ces témoignages négatifs datent d 'une époque où Jamblique n 'était pas encore installé durablement à Athènes. Avant de s'y fixer, il a apparemment nourri le projet d 'aller apprendre la philosophie en Égypte (Libanios, Ep. 385, 2 ,

datée de 358 ). Dans une autre de ses lettres (Ep. 1466 , 1, lettre datée de 365), Libanios emploie l'expression « vous autres les philosophes» , et le déclare fami

lier de Pythagore, Platon , Aristote, ainsi que de « son homonyme» (ibid ., 4). C 'est probablement le même Jamblique que deux épigrammes retrouvées à

Athènes et datant de la fin du IVe siècle célèbrent pour avoir généreusement

824

IAMBLICHOS D ' APAMÉE

12

contribué à la reconstruction des remparts,mais aussi pour avoir orné la cité de sa sophia (A . E . Raubitschek , « lamblichos at Athens» , Hesperia 33, 1964, p .63

68), et le même également que Symmaque, dans une de ses lettres, range parmi les studiosos sapientiae viros (Ep. IX 2 ). B . En revanche, le personnage évoqué sous le nom de Jamblique par Cédré

nos, Synopsis Historiôn 313 B - C , et par Zonaras, Epitome Historiôn XIII 16 , 37 45 , ne saurait être confondu avec le précédent. Ce Jamblique,maître d 'un certain

Proclos, aurait été inquiété , en mêmetemps que Libanios , pour avoir cherché à connaître le nom du successeur de l' empereur Valens, et se serait donné la mort.

Or Valens est mort en 378, alors que Jamblique est encore vivant en 391. Le Jamblique évoqué par les deux chroniqueurs byzantins est manifestement un produit de la légende. Les événements réels qui fondent cette légende sont bien connus : Libanios y fait plusieurs allusions (Autob. 171- 177), et ils sont racontés

en détail par Ammien Marcellin (XXIX 1, 6 -39). Ni Libanios ni Ammien ne mentionnent à ce propos de personnage nommé Jamblique, et l'on ne sait pour quoi la légende s' est emparée de ce nom . Il n 'est pas non plus question de Pro clos chez le rhéteur ni chez l'historien. On note toutefois que Libanios et Jam blique connaissaient tous deux un Proclos (Libanios, Ep. 360, 1). JEAN BOUFFARTIGUE .

3 IAMBLICHOS DE CHALCIS RE 3 ca 345 - ca 320 Philosophe néoplatonicien. Études d 'orientation et recueils. 1 K . Praechter, « Richtungen und Schulen im Neuplatonismus» , dans Genethliakon für Karl Robert, Berlin 1910 , p. 105 156 ; 2 J. Bidez, « Le philosophe Jamblique et son école » , REG 32 , 1919, p . 29 40 ; 3 De Jamblique à Proclus, coll. « Entretiens de la Fondation Hardt» 21, Vandæuvres/Genève 1975, 300 p . ; 4 J. Dillon , « lamblichus of Chalcis (c . 240 325 A . D .) » , ANRW II 36 , 2, 1987, p . 862-909 ; 5 D .J. O 'Meara, Pythagoras revived . Mathematics and philosophy in Late Antiquity, Oxford 1989; 6 H .J.

Blumenthal et E .G . Clark (édit.), The Divine lamblichus, Philosopher and Man ofGods, Bristol 1993, VIII-215 p . (études de P .M . Huby, C . Steel, D .P. Taor mina, J. Dillon , J.F . Finamore , D . O 'Meara, A . Smith , F . Romano, A . Charles

Saget, G . Shaw , A . Sheppard , H .D . Saffrey, M .J. Edwards, L. Cardullo ). . Études récentes sur la philosophie de Jamblique. 7 E . des Places, « La religion de Jamblique » , dans 3 , p. 69- 101; 8 B .D . Larsen , « La place de Jam

blique dans la philosophie antique tardive» ,dans 3 , p. 1-34 ; 9 R . E .Witt, « lam blichus as a forerunner of Julian » , dans 3 , p . 35 -67 ; 10 W . Deuse, « Der Demiurg bei Porphyrios und Jamblich » , dans C . Zintzen ( édit.), Die Philosophie des Neuplatonismus, coll. « Wege der Forschung» 436 , Darmstadt 1977, p . 238

278 ; 12 C .G . Steel, The Changing Self. A Study of the soul in Later Neoplato nism : lamblichus, Damascius, Priscianus, coll. « Verhandl. Acad . Wetensch . Lett. & schone Kunsten Kl. Lett. » XL 85 , Bruxelles 1978, 186 p. ; 13 S . Gersh ,

From lamblichus to Eriugena, An investigation of the prehistory and evolution of the Pseudo-Dionysian tradition, coll. « Stud. zur Problemgesch.der antike und

13

IAMBLICHOS DE CHALCIS

825

mittelalterl. Philos.» 7, Leiden 1978, XII-365 p. ; 14 Ph.Hoffmann, « Jamblique exégète du pythagoricien Archytas: trois originalités d' une doctrine du temps», EPh, 1980, p . 307-323 ; 15 J. Finamore , lamblichus and the theory of the vehicle of the soul, coll. « American Class. Stud. » 14 , Chico 1985 , IX - 173 p . ; 16 G .

Shaw , « Theurgy. Rituals of unification in the Neoplatonism of lamblichus» , Traditio 41, 1985, p. 1-28 ; 17 Id., « Theurgy as demiurgy. Iamblichus' solution to the problem of embodiment» , Dionysius 12, 1988, p . 37-59 ; 18 J. Dillon, « Porphyry and lamblichus in Proclus' Commentary on the Parmenides» , dans J.

Duffy et J. Perdotto ( édit.), Gonimos.Neoplatonic and Byzantine Studies presen ted to L .G . Westerink, Buffalo 1988, p . 21-48 ; 19 G . Shaw , Theurgy and the soul. The Neoplatonism of lamblichus, University Park (PA ) 1995 , X - 268 p .;

20 D .P . Taormina, Jamblique, critique de Plotin et de Porphyre . Quatre études,

coll. « Tradition de la pensée classique », Paris 1999, 191 p. Fragments exégétiques. 21 B . D . Larsen, Jamblique de Chalcis, exégète et philosophe, 2 vol., Arhus 1972, 510 et 137 p . (Append. : Testimonia et fragmenta

exegetica. Longue introduction,mais sans traduction ); 22 J.M . Dillon, lamblichi in Platonis dialogos commentariorum fragmenta . Edited with translation and commentary by J.M .D ., coll. « Philosophia Antiqua » 23, Leiden 1973, VIII 450 p . Lexique. 23 D .P . Taormina, Il lessico delle potenze dell'anima in Giamblico, coll. « Symbolon » 10, Firenze 1990 .

Biographie et chronologie. Nous disposons de peu d'informations biogra phiques sur Jamblique. Nous dépendons essentiellement des Vies des philoso phes et des sophistes d 'Eunape de Sardes ( sect. V , p . 10, 17 - 17, 7 Giangrande), une cuvre dont on ne peut extraire beaucoup de renseignements sûrs. Il est tou

tefois possible, avec un peu d 'efforts, de reconstruire quelques éléments de la biographie du philosophe.

Sur le témoignage d'Eunape, voir 24 R .J. Penella ,Greek philosophers and sophists in the Fourth century A . D . Studies in Eunapius of Sardis, coll. « ARCA » 18, (Leeds) 1990 , notam

ment p. 43-48.

D 'après Eunape, Jamblique naquit à Chalcis, « ville située dans cette partie de la Syrie que l'on appelle Coelé (“Creuse") » (p. 10 , 20 Giangrande). Même ce détail apparemment objectif soulève des problèmes, dans la mesure où le nom de « Coelé-Syrie » a été donné à des régions différentes selon les époques et que

dans chacune de ces régions se trouvait une ville nommée Chalcis. A l' origine le nom se rapportait à la Syrie méridionale, comprenant le Liban actuel, mais lorsque Septime-Sévère divisa l'administration de la Syrie en 194 de notre ère , il appela la province qui se trouvait au Nord “ Coelé” . Pour un auteur écrivant à la

fin du IVe siècle comme Eunape, “Coelé” ne pouvait faire référence qu'à la par tie nord de la Syrie . Jamblique serait donc originaire de Chalcis ad Belum , l'ac

tuelle Qinnesrin , un point stratégique important à l'est de la vallée de l'Oronte , sur la route menant de Béroé (Alep) à Apamée et d' Antioche à l'Orient.

25 J. Vanderspoel, « Themistios and the origin of lamblichos », Hermes 116 , 1988,p. 125 128, conclut d'un passage de Thémistius (Or. 24 , 301b ) que Jamblique était originaire de Chalcis ad Libanum , l' actuelle 'Anjar.

826

IAMBLICHOS DE CHALCIS

13

Eunape nous dit, dans le mêmepassage, que Jamblique était « le descendant d 'ancêtres célèbres et qu 'il grandit dans le luxe et le bien -être » ( v xai xarà

Yévos uèv Šnipavns xai tūv åbpőv xai evdaluóvwv, p . 10, 18-19 G .). Avec plus de précision, Photius (Bibl., cod. 181), qui cite la Vie d 'Isidore de Da mascius (p . 2 , 1 sqq. Zintzen), rapporte que Jamblique était un descendant de Sampsigéramos, fondateur de la lignée des prêtres-rois d 'Émèse (cf. Strabon , Geogr. XVI 2, 10 ), lequel vivait vers 70 -60 av. J.-C ., époque où il mit à profit

l'effondrement de l'empire séleucidepour assurer l'indépendance de son peuple . Il avait un fils du nom de Jamblique et ses descendants restèrent au pouvoir à Édesse jusqu 'au règne de Domitien , lorsqu 'ils furent déposés, et même alors ils restèrent influents dans la région . Damascius rapporte également que Jamblique descendait d'un certain Monimos, qui pourrait avoir été le fondateur (xtíorns) de Chalcis, à condition que l'on corrige, dans une notice d'Étienne de Byzance consacrée à Xarxis, “Monikos” en “Monimos”. Un tel lignage, s'agissant de philosophes, ne devrait pas recevoir une trop grande importance,mais, dans le cas de Jamblique, il pourrait expliquer l'intérêt qu 'il portait aux religions orien tales et le respect qu 'il professait, dans son De anima et ailleurs , pour la sagesse « des prêtres les plus anciens » . Il est difficile de savoir quel lien d 'hérédité le rattachait à chacun de ces ancêtres célèbres,mais il était peut-être le produit d'un

mariage dynastique entre les plus importantes familles d'Émèse et de Chalcis. La date de naissance de Jamblique n'a pas été transmise par nos sources et on a beaucoup de peine à la déterminer de façon précise. La Souda situe son floruit sous le règne de Constantin (306 -337), ce qui inviterait à placer sa naissance au plus tôt en 265, à condition de supposer que la source de cette information situait, de façon traditionnelle, le floruit à 40 ans. On a eu tendance toutefois à faire remonter sa date de naissance plus haut, vers 242, pour tenir compte d'une

indication étrange de la Vie de Plotin parPorphyre (chap. 9 , 3-5), quimentionne qu ’un certain Ariston ( A 391), “ le fils de Jamblique” , épousa l'une des élèves de Plotin , Amphicléia (» A 144), présentée comme l'une des “ femmes fort atta chées à la philosophie ” qui fréquentaient cette école .Mais, même en reculant ainsi la naissance de Jamblique jusqu 'à la limite de la vraisemblance, il faut sup poser que le fils de Jamblique, né par exemple vers 265, aura épousé une ving taine d'années plus tard une ancienne élève de Plotin (mort en 270 ), elle-même par conséquent âgée d'une quarantaine d'années (à moins qu 'elle n 'ait été une des pupilles de Plotin ,mentionnées en Vita Plotini 9, 7-9, auquel cas elle pouvait être un peu plus jeune). Dans ces conditions, il serait tentant d 'intervertir les noms et de suggérer que c'est en réalité Jamblique, fils d' Ariston , qui épousa Amphicléia,mais rien dans la tradition manuscrite n 'appuierait cette conjecture . D 'un autre côté, la possibilité que le père d 'Ariston soit un autre Jamblique , distinct du philosophe, est, à mon avis, difficile à retenir : Porphyre présente

Jamblique comme une personne connue de son lecteur et il ne pouvait penser qu'au Jamblique qui avait été son disciple . 26 A . Cameron, « The date of lamblichus' birth »,Hermes 96 , 1969, p. 374-376.

13

IAMBLICHOS DE CHALCIS

827

Quoi qu'il en soit, Eunape poursuit (p. 10, 21-22 G .) en disant que Jamblique avait étudié avec un certain Anatolius, qu 'il présente comme" détenant le second rôle après Porphyre” (si tel est le sens de la formule tõ uetà Moppúplov tà

Oettepa depouévw ). On ne nous dit pas en quel endroit ontpu se dérouler ces études, mais l'hypothèse la plus naturelle serait de les situer à Rome. Dans Dillon 22, p . 8-9 (et dans Dillon 5, p. 866 -867), j'avais tenté d'identifier ce per

sonnage avec Anatolius (2* A 157), l'aristotélicien chrétien qui fut évêque de Laodicée (et dont l'ouvrage Sur la décade est utilisé dans les Theologoumena arithmetikès faussement attribués à Jamblique),mais j'en suis maintenant beau

coup moins persuadé. On peut à tout le moins l'identifier à l'Anatolius auquel Porphyre a dédié ses Homerica Zetemata et auquel Jamblique adressa une lettre

sur la justice dontdeux extraits ont été conservés par Stobée (III 9, 35 -36 ). On peut supposer, comme l'a suggéré 27 Zeller (Phil. d. Gr. III”, p.612-613), que Jamblique vint à Romeet fréquenta l’école (vers le milieu des années 270 ?) quand Porphyre était encore en Sicile, où il semble être resté assez longtemps après la mort de Plotin ; puis, au retour de Porphyre, qu' il fréquenta ce dernier

personnellement. C 'est en tout cas ainsi qu 'Eunape présente les choses (elta HET' 'Avatólov loppupiw npoodeis ÉQUTÓv, p. 10,23 - 11, 1 G .) et cette

reconstitution paraît assez vraisemblable . Elle éclaire quelque peu la continuité entre l'école de Plotin et celle de Porphyre. Le témoignage d 'Eunape sur des études de Jamblique auprès de Porphyre est confirmépar la Souda (ss.vv. Mawtīvos, t. IV , p. 151, 25 Adler ; Mopoúploc, t. IV , p. 178, 16 ; 'láubaixos, 1. II, p. 603, 22 -24) et la Théosophie de Tübingen 66 , p . 183, 27. On n' a cependant pas de témoignage direct, sinon un passage du De anima de Jamblique (apud Stobée I 49, 37 ; 1. I, p . 375, 25 Wachsmuth ), où l'auteur déclare avoir un jour “ entendu ” Porphyre et d 'autres pla toniciens soutenir un argument qu 'il critique.Mais on sait que le mot åxovelv peut dans un tel contexte signifier « lire » et non « entendre de vive voix » . Voir Dillon 22 , p . 10 n . 4 ; 28 R . Goulet, « L 'Oracle d'Apollon dans la Vie de Plotin » , dans Porphyre, La Vie de Plotin , t. I : Travaux préliminaires et index grec complet, coll. « Histoire des doctrines de l' Antiquité clas

sique » 6 , Paris 1982, p . 407 n . 6 , et 29 D .M . Schenkeveld, « Prose usage of AKOYEIN “ To Read ” » , CQ42, 1992, p . 129- 141. Selon 30 H .D . Saffrey, « Pourquoi Porphyre a-t-il édité Plotin ? Réponse provisoire » , dans Porphyre, La Vie de Plotin , t. II, coll. « Histoire des doc trines de l'Antiquité classique » 16 , Paris 1992 , p . 40 -42 , le lien réel qui rattacha Jamblique à

Porphyre et qui est attesté par exemple par le fait que le traité Sur le Connais-toi toi-même de Porphyre était dédié à Jamblique, n 'autoriserait pas à présenter Jamblique comme un élève de

Porphyre dansune école qu'il aurait tenue à Rome ou ailleurs.

Ce scénario n ’exclut pas cependant une période d 'études plus ancienne à Alexandrie , comme l'a suggéré Larsen 21, I, p . 38 -39 , mais rien non plus ne le

suggère, surtout si l'on ne retientpas comme établie l'identification d'Anatolius avec l' aristotélicien chrétien (acceptée par Larsen ). En tout cas, après son séjour à Rome, sans doute au plus tard en 290, Jamblique revint dans sa Syrie natale

pour ouvrir sa propre école. Il semble que ses rapports avec son maître Porphyre se soient progressivement détériorés, si l'on en juge d 'après les témoignages dontnous disposons (bien que ces témoignages ne doiventpas nous faire oublier

que dans une très large mesure Jamblique est resté dépendant de son ancien maître). Il est certain cependant que sur des questions comme l'efficacité des

828

IAMBLICHOS DE CHALCIS

13

rites théurgiques, la nature de l'âme ou le premier principe, les idées de Jambli que divergèrent fortementpar rapport à celles de Porphyre (et aussi de Plotin ).

En Syrie, Jamblique a pu séjourner quelque temps à Daphné,la banlieue élé gante d ’Antioche - s'il faut en croire Jean Malalas, Chron. XII, p . 312 , 11-12 ,

qui le situe à cet endroit sous les règnes de Maxence et de Gaudence (305-312 ap. J.-C .) -,mais de meilleurs témoins (Libanius, Or. 18, 187 ; 52, 21; Ep. 1389 Foerster) le présentent comme établi à Apamée . En tout cas, nous savons qu'il fut dans les années 310 le correspondant d 'un de ses admirateurs, le Pseudo

Julien, qui dans une lettre (Julien, Epist. 184 Bidez -Cumont) laisse clairement entendre qu 'il lui écrit à Apamée. L ' analyse des lettres 181 et 183- 187, que l'on peut dater des années 314-319 , montre, selon 31 T. D . Barnes, « A correspondent of lamblichus » , GRBS 19, 1978 , p . 99 - 106 , que ce Pseudo -Julien , qui était attaché à la cour de Licinius, écrivait à Jamblique alors qu 'il vivait à

Apamée. On ne disposerait d 'aucun témoignage sur Jamblique postérieur à 319. 32 J. Vanderspoel, « lamblichus at Daphne » , GRBS 29, 1988, p . 83- 86 , envisage que Daphné ne soit pas la banlieue célèbre d 'Antioche, mais plutôt une localité moins importante située près de Césarée de Philippe. Jamblique aurait pu enseigner à Daphné sous le règne de

Galère plutôt qu 'à la fin des années 310. Le choix d 'Apamée n ' était peut- être pas fortuit. Sans remonter jusqu' à Numénius d 'Apa mée, on se rappellera qu 'Amélius, qui était resté 24 ans chez Plotin à Rome, était établi à Apamée à la mort de son maître en 270 (Vita Plotini 2 , 32- 33). Dans cette ville , il s'illustra suffisamment pour qu 'on lui applique plus tard comme gentilice, à lui qui venait de Toscane (7 , 2 -3), le qualificatif " Apameus” (Souda , s.v. 'Auéios, t. I, p . 138, 16 - 17 Adler). Il y adopta un fils, né sans doute dans cette ville, du nom d 'Hostilianus Hesychius d ' Apamée

12H 173 ] (3, 47 -48 ), à qui il légua la centaine de livres de scholies qu' il avait tirées des cours de Plotin ( 3. 46 -47). Sur l' intérêt que portait Amélius à la philosophie de Numénius et sur cette école philosophique d'Apamée, dont on a peut-être retrouvé des vestiges archéologiques, voir R . Goulet 28 , p. 405 -408 . 33 H . D . Saffrey et L .G . Westerink , dans l' introduction à leur édition de la Théologie platonicienne de Proclus, CUF, t. I, p . XLIV, écrivent: « Il semble donc que Porphyre à Rome, puis Amélius à Apamée furent les maîtres de Jamblique et que ce

dernier succéda à Amélius dans l'école fondée par lui.»

A Apamée, son patron , et aussi son disciple de prédilection , était un aristo crate de l'endroit nommé Sopatros, qui semble lui avoir fourni une villa où

dispenser son enseignement (p. 12 , 16 -17 G .). Ce Sopatros est présenté par Sozomène (Hist. eccl. I 5, 1) comme " présidant à la succession de Plotin ”. De nombreux disciples fréquentaient cette école , notamment, comme le dit Eunape (p. 11, 11- 15 G .), Aidésius ( A 56 ) et Eustathe (HE 161) de Cappadoce, Eu phrasios et un certain Théodore de Grèce, que l'on peut vraisemblablementiden tifier avec Théodore d'Asiné, qui s'éloigna par la suite de l'orientation philo

sophique de Jamblique. D 'autres disciples, non mentionnés par Eunape, sont connus, comme Dexippe (* D 88), auteur d'un court commentaire conservé sur les Catégories d'Aristote, et Hiérius (MH 121),maître de Maxime d'Éphèse, qui enseigna à l'empereur Julien (Ammonius, In Anal. pr., p . 31, 16 ). Sur la diado

chè de Jamblique selon Eunape, voir DPHA I, p. 77. On croit avoir retrouvé sous une cathédrale à Apamée le siège de cette école néoplatoni cienne, qui fut orné de plusieurs mosaïques sans doute à l'époque de Julien et peut- être grâce au zèle de Sopatros le jeune, fils ou plutôt gendre du philosophe Sopatros (voir Goulet 28 ,

p. 408 n. 2). 34 J.-Ch. Balty, « Nouvelles mosaïques païennes et groupe épiscopal dit " Cathé

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IAMBLICHOS DE CHALCIS

829

drale de l'est" à Apamée de Syrie » , CRAI 1972, p. 103-127 ; 35 J. et J.-Ch. Balty , « Julien et

Apamée. Aspects de la restauration de l'hellénisme et de la politique anti-chrétienne de l'empereur » , DHA 1, 1974 , p. 267-304 . L 'analyse de l'ensemble de mosaïques du IVe s. retrouvé sous la cathédrale de l'est permet de supposer que là se trouvait le siège de l'école de Jamblique. Le décor en est inspiré de la pensée de Julien et suggère un programme didactique empreint demodération et de sagesse antique, mais où pointe déjà l'hostilité au christianisme.

Voir également 36 J. et J.-Ch. Balty , « Apamée de Syrie , archéologie et histoire. I : Des ori gines à la tétrarchie » , ANRW II 8, 1978, p. 103- 134 , et 37 J. et J.- Ch. Balty, « Un programme

philosophique sous la cathédrale d 'Apamée : l' ensemble néo-platonicien de l'empereur Julien » , dans Texte et image. Actes du Colloque international de Chantilly (1982), Paris 1984, p. 167- 176.

Il semble qu 'en 325 Jamblique était déjà mort, car nous apprenons que son principal disciple , Sopatros, était déjà à la cour impériale de Constantinople en 326 /7, où il futcondamné à mort par suite des machinations du préfet du prétoire

Ablabius (p . 18 , 16 - 20 ,27 G .). Après la mort de Jamblique, nous dit Eunape (p. 18 , 14 -15 G .), ses disciples se dispersèrent, à cause du climat religieux et politique défavorable aux païens qui prévalait en Syrie . Par la suite, Aidésius

refonda l'école à Pergame (p. 25, 2-3 G .). En ce qui concerne la nature et le contenu de l'instruction qui était dispensée

dans l'école de Jamblique, elle avait une coloration pythagoricienne nettement marquée. On commençait probablementavec la philosophe pythagoricienne, en

s'aidant d 'une série de dix ouvrages que Jamblique avait lui-même composés sur Pythagore et le pythagorisme. Ces ouvrages, dont quatre sont conservés, com prenaient une vie de Pythagore, une exhortation générale à la philosophie , puis des introductions à la théorie mathématique, la physique, l' éthique, la musique,

la géométrie et l'astronomie. On devait continuer avec l' étude des ouvrages d ' Aristote (en commençant par les Catégories) et de Platon . Dans l'œuvre de ce dernier Jamblique avait défini un canon de dialogues à étudier successivement

qui reprenait des listes plus anciennes d'époque médio -platonicienne. Cette liste est conservée dans les Prolégomènes anonymes à la philosophie de Platon, chap . 26 . Elle comprenait (a) un ensemble de cours portant sur 10 dialogues, définis

sant un progrès de la connaissance de soi à la connaissance de la cause finale, le Bien : Premier Alcibiade, Gorgias, Phédon, Cratyle, Théétète, Sophiste , Politi que, Phèdre , Banquet et Philèbe ; (b ) un cours de plus haut niveau commentant

seulement les deux dialogues qui exposent le sommet de la philosophie platoni cienne : le Timée consacré à la théorie physique, et le Parménide, qui traitait de la métaphysique ou des premiers principes. On peut donc supposer que le commentaire des textes jouait un rôle signifi catif dans le curriculum des études dans l'école de Jamblique. Eunape fait éga

lement allusion (p . 15, 13 - 16 ,4 G .) à des sessions publiques de questions et réponses, dont l'une opposa Jamblique à un philosophe rival, Alypius (* A 129), ainsi qu 'à des excursions des membres de l'école , dont l’une avait pour but les

sources chaudes de Gadara (p. 13 , 13- 16 G .). Il faut également prendre en compte la réputation qui resta attachée à Jamblique dans le domaine des pra

tiquesmagiques. Il était très certainement partisan de cette magie supérieure qui était appelée " théurgie ” et l'un de ses principaux traités conservés est une

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IAMBLICHOS DE CHALCIS

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défense de la théurgie contre les objections sceptiques de Porphyre .Cet ouvrage est habituellement connu , depuis Marsile Ficin , sous le titre Sur lesmystères des Égyptiens, mais son titre original était : Réponse de maître Abammon (* A 1) à la lettre de Porphyre à Anébon (2- A 183). Jamblique assumait le rôle d'un grand

prêtre égyptien pour répondre aux objections que Porphyre avaitfeint d'adresser à un prêtre égyptien imaginaire . Pour illustrer les pouvoirs magiques de Jam blique,Eunape rapporte quelques anecdotes pieusement transmises par son maî tre Chrysanthe (2°C 116 ), disciple lui-même d 'Aidésius (458 -459).

Euvres. Il n ' est pas possible d' établir un ordre chronologique des différents ouvrages conservés ou seulement attestés de Jamblique. On s'en tiendra donc à un ordre purement logique. 38 0 . Ballériaux, « A la recherche du Jamblique perdu... » , dans Serta Leodiensia secunda . Mélanges publiés par les Classiques de Liège à l'occasion du 175e anniversaire de

l'Université, Liège 1992, p. 1-12.

(1)On a déjà signalé plus haut une série de dix ouvrages d'introduction sur Pythagore et le pythagorisme (Συναγωγή των Πυθαγορείων δογμάτων). Une table des matières conservée dans le manuscrit de Florence Laurentianus 86 .3

(XIVe siècle ) donne lesneuf premiers de ces dix titres. Cette collection , qui com prenait une bonne quantité de citations inavouées d 'auteurs plus anciens (dont certaines de grande valeur), était constituée par les traités suivants : (a ) Sur la Vie de Pythagore ou Sur la vie pythagoricienne (Bloc Iuda yopixóc): une présentation de la vie de Pythagore et de la vie conforme aux

principes pythagoriciens, qui pouvait être en rapport avec le mode de vie suivi dans l'école de Jamblique lui-même; 39 De Vita Pythagorica , ed. L.Deubner, coll. BT, Leipzig 1937; réimpr.avec corrections par U . Klein , Stuttgart 1975 , XLIV - 1.58 p . Traductions anglaises : 40 T .M . Johnson (1907) ,

réimpr. Grand Rapids (Mich .) 1988 ; 41 lamblichus on the Pythagorean Life, translated with notes and introduction by G . Clark , coll. « Transl. texts for historians » 8 , Liverpool 1989, XXI 122 p . ; 42 lamblichus, On the pythagorean way of life, text, translation and notes by J. Dillon et J. Hershbell, coll. « Society of Biblical Literature. Texts and translations » 29 ; « Graeco

Roman religion series » 11, Atlanta 1991, X1- 285 p . Texte grec et traduction allemande : 43 lamblichi, De Vita Pythagorica liber, hrsg. von M . von Albrecht, Stuttgart/Zürich 1963. Traduction française : 44 Jamblique, Vie de Pythagore, Introduction , traduction et notes par L . Brisson et A . Segonds, coll. « La Roue à Livres » , Paris 1996 , C -240 p . Traduction italienne :

45 Giamblico, La vita pitagorica, a cura di L . Montoneri, Bari 1973 ; 2e éd. 1984. Traduction espagnole : 46 Jámblico, Vida pitagórica, trad., introd . y notas de E . A . Ramos Jurado,Madrid

1991, 169 p . Étude capitale : 47 L . Deubner, « Bemerkungen zum Text der Vita Pythagorae des lambli chos » , SPAW XIX , 1935, p .612-690, 824 -827, repris dans Kleine Schriften zur klassischen Philologie, coll. « Beiträge zur klass. Phil.» 140, Königstein 1982, p. 471-555. Voir égale ment: 48 E . Rohde, « Die Quellen des lamblichus in seiner Biographie des Pythagoras », RhM 26 , 1871, p . 554-576 ; 27, 1872, p. 23-61, repris dans Kleine Schriften, t. II, Tübingen 1901, p . 102- 172 .

(b) Exhortation à la philosophie (IIpotpentixóc); 49 Protrepticus, ed . H . Pistelli, coll. BT, Leipzig 1888 ; 50 Jamblique, Protreptique. Texte établi et traduit par E . des Places, CUF, Paris 1989, 172 p. en partie doubles (avec traduction française). Trad . allemande par 51 O . Schoenberger : lamblichos, Aufruf zur Philosophie ,

Würzburg 1984, 110 p . Traduction anglaise : 52 lamblichus, The Exhortation to philosophy :

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831 IAMBLICHO DE CHALCIS S including the Letters of lamblichus and Proclus' Commentary on the Chaldean oracles, transl. by T.M . Johnson, with a foreword by J. Godwin , ed . by S. Neuville, Grand Rapids, Mich ., 1988, 128 p .

(c) Sur les principes généraux des mathématiques; 53 De communi mathematica scientia , ad fidem cod. Florentini ed. N . Festa , coll. BT, Leipzig 1891; réimpr.avec corrections par U . Klein, Stuttgart 1975, XXV-152 p.

(d ) un commentaire sur l' Introduction à l'arithmétique de Nicomaque de Gérasa. 54 In Nicomachi Arithmeticam Introductionem , ad fidem cod. Florentini ed. H . Pistelli,

coll. BT, Leipzig 1894 ; réimpr. avec corrections par U .Klein , Stuttgart 1975, XXIII- 195 p. Ces traités sont les seuls qui aient survécu , mais O 'Meara 6 a récemment

retrouvé le plan d 'ensemble des livres V ( Sur l'arithmétique dans le domaine de la physique), VI (Sur l'arithmétique dans le domaine de l'éthique ) et VII (Sur

l'arithmétique dans le domaine de la théologie ) dans une série de petits ouvrages deMichel Psellus portant les mêmes titres et plagiant manifestement Jamblique.

55 D .J. O'Meara, « New fragments from lamblichus' collection of Pythagorean doctri nes», AJPh 102, 1981, p . 26 -40. On ne sait presque rien des livres VIII- X : ils devaient comprendre des intro ductions à la géométrie , la musique et l'astronomie . L 'ensemble constituait une

introduction exhaustive à la sagesse pythagoricienne. Le dernier traité (Sur l'astronomie chez Pythagore), absent de la table des matières du

Laurentianus, est signalé dans la préface du quatrièmetraité .

(2) Les mystères des Égyptiens, ou La réponse de maître Abammon à la Lettre de Porphyre à Anébon, et les Solutions aux problèmes qui y sont posés. Ce traité a été divisé par Nicolas Scutelli, son second éditeur (Rome 1556 ), en

dix livres de très inégale longueur, une division qui ne rend pas toujours parfai tement justice à son contenu exact. L 'ouvrage est construit autour d'une série de réponses à des problèmes soulevés par Porphyre, à propos de notre connaissance des dieux , des distinctions qu 'il faut établir entre les différents niveaux d' êtres divins, la nature de la prophétie , la possibilité d'imposer sa volonté aux dieux, la

théorie du sacrifice, le symbolisme de la théologie égyptienne (thème qui a donné son titre à l'ensemble de l'ouvrage à la Renaissance), la nature du démon personnel et la nature du bonheur. L 'ensemble donne une impression de désor

dre , mais il ne manque pas de cohérence si on le considère comme la réponse à une série de questions. Il fait appel à une argumentation solide et à une rhéto

rique efficace, pour peu que l'on se situe à l'intérieur d'un univers de pensée qui accepte la validité des pratiques théurgiques. Édition critique et traduction française: 56 Jamblique, Les Mystères d 'Égypte . Texte établi et traduit par E . des Places, CUF, Paris 1966 , 225 p . en partie doubles. Réédition corrigée en

1989 et 1996 . Traduction italienne par 57 A .R . Sodano, Giamblico. I misteri egiziani. Abammone. Lettera a Porfirio, coll. « I classici del pensiero » , Sez. 1º Filos. class. e tardo -ant.,

Milano 1984, 484 p . Traduction espagnole : 58 E . Á . Ramos Jurado (édit.), Jámblico . Sobre los misterios egipcios. Introd ., trad. y notas, coll. « Biblioteca clásica Gredos » 242,Madrid 1997 ,

236 p. Études : 59 M . Sicherl, Die Handschriften, Ausgaben und Übersetzungen von lamblichos De Mysteriis, Berlin 1957 ; 60 F.W . Cremer, Die Chaldäischen Orakel und Jamblich De

13 832 IAMBLICHOS DE CHALCIS Mysteriis, coll. « Beitr, zur klass. Philol.» 26 , Meisenheim am Glan 1969, 165 p .; 61 H . D . Saffrey, « Abammon , pseudonyme de Jamblique » , dans Philomathes. Studies and Essays in

the Humanities in memory of Philip Merlan, The Hague 1971, p. 227-239, repris dans 62 Recherches sur le néoplatonisme après Plotin , coll. « Histoire des doctrines de l'Antiquité classique» 14 , Paris 1990 , p . 95 - 107 ; 63 Id., « Plan des livres I et II du De mysteriis de Jam

blique » , dans Zetesis (Mélanges E. de Strycker), Antwerpen/Utrecht 1973, p. 281-295 ; repris dans62 p . 109- 123 ; 64 C . Zintzen , « Bemerkungen zum Aufstiegsweg der Seele in Jamblichs De mysteriis » , dans H . Blume et F. Mann (édit. ), Platonismus und Christentum . Festschrift

für Heinrich Doerrie, coll. JbAC Erg.-Bd. 10 ,Münster 1983, p. 312 -328 ;65 A .H . Armstrong, « Jamblique et l'Égypte », EPh 1987, p. 521-532 ;66 B . Nasemann, Theurgie und Philosophie in Jamblichs De Mysteriis, coll. « Beitr. zur Altertumskunde» 11, Stuttgart 1991, 320 p. 67 H . D . Saffrey, « Les livres IV à VII du De Mysteriis de Jamblique relus avec la Lettre de Porphyre à Anébon » , dans Blumenthal et Clark 6 , p . 144 - 158 ; 68 Id., « Relecture de Jamblique , Demysteriis VIII, chap . 1 - 5 , dans S . Gersh et Ch. Kannengiesser (édit.), Platonism

in Late Antiquity (Mélanges Éd . des Places), Notre Dame 1992 , p. 157- 171; 69 Id ., « Réflexions sur la pseudonymie Abammon -Jamblique » , dans J. J . Cleary (édit.), Traditions of Platonism . Essays in honour of John Dillon , Aldershot 1999, p. 307 -318 (sur les passages montrant que Jamblique oublie qu 'il a revêtu le rôle d'un prêtre égyptien ) ; 70 Id ., « Enuelov / Signum dans la littérature néoplatonicienne et la théurgie » , dans M . L . Bianchi (édit.), Signum (Colloquio Internazionale, Roma, 8 - 10 gennaio 1998 ), Firenze 1999, p . 23 -38 ; 71 C . Van

Liefferinge, La Théurgie, des Oracles Chaldaïques à Proclus, coll. « Kernos- Supplément » 9, Liège 1999, 319 p ., notamment chap . 1 ; « La théurgie selon le De mysteriis de Jamblique» ,

p . 23-126 , où l'auteur s'attache à démontrer que la théurgie n 'a pour Jamblique rien à voir avec la magie et que son Demysteriis est une entreprise de réhabilitation philosophique de la religion païenne. Voir déjà 72 Ead., « Jamblique, lecteur de Plutarque ?» , RPHA 16 , 1998 , p . 37-53. 73 Th. Stäcker, Die Stellung der Theurgie in der Lehre Jamblichs, coll. « Studien zur

klassischen Philologie » 92, Bern/Frankfurt am Main 1995 , 293 p.

(3 ) Sur l'âme. De larges extraits de ce traité principalement doxographique ont été conservés dans l'Anthologie de Stobée . Dans son Commentaire sur le De anima (attribué de façon erronée à Simplicius) et sa Metaphrasis in Theo

phrastum , Priscianus Lydus reconnaît sa dette à l'égard de cet ouvrage. L 'inten tion de Jamblique était apparemment de marquer son dissentiment par rapport aux doctrines sur l'âme de ses prédécesseurs immédiats , Plotin , Amélius et

Porphyre. Traduction française par 74 A .J. Festugière, La Révélation d 'Hermès Trismégiste, t. III :

Les doctrines de l'âme, Paris 1953, Appendice I, p. 177- 264. Voir 75 Annick Charles-Saget, « Jamblique, doxographie et philosophie dans le traité De l'âme», SyllClass 8, 1997, p . 121 128.

(4) Sur la descente de l'âme. Cet ouvrage, mentionné par Jean Lydus, De

mensibus, p. 167, 23, devait être différent du précédent, car Lydus fait référence à un premier livre .

(5) Commentaires sur Platon . Des commentaires de Jamblique sont attestés pour les dialogues suivants, qui appartenaient au premier cycle de son enseigne ment: (a ) Premier Alcibiade (cité dans les commentaires de Proclus et d'Olym piodore ); (b ) Phédon (cité dans le commentaire de Damascius) ; (c ) Sophiste (des scholies sur ce dialogue ont conservé les vues de Jamblique sur le sujet ou

le skopos du dialogue) ; (d) Phèdre (cité dans le commentaire d'Hermias d 'Alexandrie (= H 78 ) et dans la Théologie platonicienne de Proclus) ; (e) Philèbe (cité dans le commentaire de Damascius ( + D 3]). Sont également attestés des commentaires surle (f) Timée (mentionné plusieurs fois dans le com

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IAMBLICHOS DE CHALCIS

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mentaire de Proclus, avec quelques citations textuelles dans le commentaire de Simplicius sur la Physique d'Aristote ) et (g ) sur le Parménide (quelques réfé

rences anonymes,mais identifiables, dans le commentaire de Proclus, et quel ques autres explicites dans le commentaire de Damascius, ainsi que dans le commentaire de Syrianus sur la Métaphysique). Les fragments des commentaires sur Platon et sur Aristote ont été rassemblés par Larsen

21. Texte, traduction anglaise et commentaire des fragments des commentaires sur Platon dans Dillon 22. Voir 76 H . J. Blumenthal, « lamblichus as a commentator.» , SyllClass 8 , 1997, p . 1 13 ; 77 G . Van Riel, « The transcendent cause : lamblichus and the Philebus of Plato » , SyllClass 8 , 1997 , p . 31 -46 ; 78 C .G . Steel, « lamblichus and the theological interpretation of the Parmenides » , SyllClass 8 , 1997 , p. 15 - 30 ; 79 G . Van Riel, « Le Philèbe dans l' interpréta

tion de Jamblique », dans La fêlure du plaisir. Études sur le Philèbe de Platon, t. II: Contextes, sous la direction de Monique Dixsaut, avec la collaboration de F . Teisserenc, coll. « Tradition de la pensée classique » , Paris 1999, p . 169- 190.

(6 ) Commentaires sur Aristote . (a) Le commentaire de Simplicius sur les

Catégories se réfère à plusieurs reprises au commentaire de Jamblique sur le même traité et rejoint parfois mot pour mot le bref commentaire de Dexippe, disciple de Jamblique ; (b) Ammonius et Philopon signalent également dansleurs

propres commentaires un commentaire de Jamblique sur les Premiers analy tiques. En ce qui concerne le De interpretatione et le De caelo , les témoignages sontmoins nets , bien que Jamblique soit cité sur différents points de détail dans les commentaires d 'Ammonius et d 'Étienne sur le De interpretatione, et que

Simplicius ait transmis les vues de Jamblique sur le skopos du De caelo . Voir Larsen 21 et 80 J. Pinborg, « Jamblichos som Aristoteleskommentator » , MT 21- 22,

1973, p . 21-22, 93-105 ; 81 R . Chiaradonna, « Porfirio e Giamblico critici di Plotino nei com menti alle Categorie di Dexippo e Simplicio » , Florllib 7, 1996 , p . 77-91 ; 82 R . L . Cardullo , « La Noepà dewpia diGiamblico, come chiave di lettura della Categorie di Aristotele : alcuni esempi » , SyllClass 8, 1997 , p . 79 - 94 ; 83 J. M . Dillon « lamblichus ' voepà Dewpia of

Aristotle 's Categories » , SyllClass 8 , 1997, p .65-77. Il ne semble pas que Jamblique ait commenté expressément le De anima d'Aristote : 84 H .J. Blumenthal, « Did lamblichus write a commentary on the De anima ?» , Hermes 102 ,

1974, p . 540 -556 . (7) Un commentaire en au moins 28 livres des Oracles chaldaïques est attesté par des références dans le De principiis de Damascius (I, p. 86 , 5 Ruelle ), par

Marinus (Proclus 26 ) et Jean Lydus (Demens. IV 159). (8) Une Théologie platonicienne (Proclus, Théologie platonicienne III 11). (9) Sur les dieux (Proclus, Théologie platonicienne, et Damascius, De prin cipiis).Cet ouvrage a pu inspirer les Discours IV et V de l' empereur Julien , ainsi que le De Diis et Mundo de Salloustios.

( 10 ) Sur les statues. Photius, Bibl., cod. 215, résume une réfutation de cet ouvrage par Jean Philopon. Il traitait de la façon de construire les statues et pro bablement de les animer, ainsi que des prières que l'on pouvait leur adresser . Il s'en prenait peut-être aux idées que Porphyre avait exposées dans un ouvrage

portant le même titre . Plusieurs des citations de Jamblique que l'on rencontre dans le De Mensibus de Lydus pourraient provenir de cet ouvrage ou du traité Sur les dieux.

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(11) Un traité Sur les vertus est cité par Damascius, In Phaed. B § 143, p . 112, 21 Norvin , comme source pour la doctrine de Jamblique sur les sept niveaux de vertus.

(12) Sur la providence et le destin. Cité par Proclus, De prov., p. 5 , 2- 3 Boese .

(13) Sur les symboles (pythagoriciens). Jamblique y fait allusion dans son Protreptique (p. 112, 2). L 'ouvrage devait traiter ce sujet de la même manière

que le faitJamblique dans la partie finale de son Protreptique. (14) Némésius d'Émèse (De nat. hom . 51) mentionne un traité de Jamblique sur le sujet suivant : « la métempsychose (ai Metevowuatuoelc) ne s'effectue

pas des hommes vers les animaux irrationnels, nides animaux irrationnels vers les hommes ,mais seulementdes animaux vers d'autres animaux et des hommes vers d'autres hommes» . Il est difficile de trouver un titre plus explicite . Il est

cependant possible qu'il s'agisse d'une référence à un chapitre du De anima, où le sujet était certainement traité. (15) Un traité Sur la discrimination du meilleur discours (ſlepi xpioewÇ åplotou nóyou), ouvrage de caractère sans doute purement rhétorique, est cité par Syrianus, In Hermogenem , I, p. 9 , 11 Rabe. Dans un petit traité sur les Idées, Athanase le Rhéteur (1571- 1663) déclare se fonder sur ce qu 'a écrit Jamblique, sans faire à celui- ci de références précises : 85 B . D . Larsen , « Un témoi

gnage grec tardif sur Jamblique et la tradition platonicienne. Athanase le Rhéteur» , CIMA 20, 1977, p . 1 -37.

(16 ) Un commentaire sur les Vers d 'or de Pythagore est mentionné par Jérôme (Contra Rufinum III 39, col. 507 A ). Unmanuscrit arabe inédit conservé à Princeton (ms Garrett 308 , ff. 303b - 308b ) est attribué sous ce titre à Jam

blique. Il a été récemment édité par 86 H . Daiber ( édit.), Neuplatonische Pythagorica in arabischem Gewande : der Kommentar des lamblichus zu den Carmina aurea : ein verlorener griechischer Text in arabischer Überlieferung, coll. « Verhandelingen . Afd. Letterkunde. Nieuwe Reeks » N . R ., 161, Amster

dam ,Koninklijke Nederlandse Akademie van Wetenschappen 1995, 139 p. (17) Stobée a conservé des extraits de 19 lettres de Jamblique adressées à des correspondants divers : Sopatros, Dexippe (** D 88), Eustathe (» E 161] (tous

des disciples connus), Anatolius ( A 157] (sans doute son maître),Macédonius, Poemenius, Agrippa ( A 51), Dyscolius (> D 231] (peut-être identique à un préfet du prétoire d'Orient en activité dans les années 320 : la lettre porte sur l'exercice du gouvernement), Olympius, Asphalius ( * A 462) et une femme du nom d'Arétè (> A 327). Le nom du destinataire de la lettre Sur le mariage n 'a

pas été conservé.De toutes ces lettres, celle adressée à Macédonius Sur le destin est peut-être celle qui présente la plus grande importance philosophique. Trad. Johnson 52.

(18 ) Eunape (p. 16 , 7 G .) prétend avoir lu une Vie d 'Alypius que Jamblique

aurait composée après la mort de ce philosophe à partir d'un long texte autobio graphique d ’Alypius. Il formule sur cet ouvrage un jugement assez sévère (p . 16 , 8 - 17 , 1 G .).

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(19) L 'attribution à Jamblique des Theologoumena Arithmeticae est mainte nant rejetée. 87 Theologoumena Arithmeticae, ed . V . de Falco, Leipzig 1922 ; réimpr. avec corrections par U . Klein , Stuttgart 1975, XXXVI-90 p .; trad. angl. par 88 R . Waterfield, The Theology of arithmetic, Grand Rapids,Mich., 1988.

Études : 89 R.A .H . Waterfield , « Emendations of Theologoumena Arithmeticae (De Falco )», CQ 38, 1988, p . 215-227 ; 90 S.J. Bucking, « Onmeasuring the range of Anatolian text in the ( lamblichean ] Theologoumena Arithmeticae » , GB 18 , 1992, p . 127 -148 ; 91 Id .,

« The excerpt format of the (lamblichean) Theologoumena Arithmeticae and its impact upon the range of Anatolian text»,GB 19 , 1993, p. 157-172. Style et vocabulaire. Malgré la haute opinion qu 'il avait de Jamblique , Eunape lui reproche ouvertement d’user d'un style qui laisse à désirer. « Il n 'était en rien, dit-il, inférieur à Porphyre , si ce n 'est en ce qui concerne la composition et la force du style (ntanu ooov xatà tņu ouvonxnv xai dúvaulv toŨ Nóyou). Car ses affirmationsne sont empreintes ni de charme ni de grâce, elles ne sont pas limpides et elles n 'offrentpas la beauté de la simplicité. Elles ne sont cepen dant pas tout à fait obscures et elles ne présentent pas d'erreurs de diction . Sim

plement, Jamblique, comme Platon le disait de Xénocrate, “ n'avait pas sacrifié aux Grâces” d'Hermès (Taīs 'Epuaïxais où réoutal Xáplolv ). C ' est pourquoi il ne retient pas et n 'enchante pas le lecteur au point de le garder à sa lecture,

mais il est plutôt de nature à le repousser et à irriter ses oreilles » (p. 11, 1- 9 G .). Quiconque a peiné sur le De mysteriis par exemple ou sur les fragments tex tuels du Commentaire sur les Catégories pourra confirmer la valeur de ce juge ment. Jamblique avait la malheureuse habitude d'accumuler des séries d'adjectifs ou de phrases adjectivales, et d 'enfiler des suites de propositions coordonnées pour construire des phrases excessivement longues qui découragent le lecteur. Dans deux cas Simplicius a conservé des extraits du Commentaire de Jamblique sur le Timée (In Phys., I, p. 793, 23 sqq. = fr.63 Dillon ; In Phys., I, p. 794 , 26 sqq. = fr.68 Dillon ) qui sont également cités par Proclus (In Tim . III, p. 30, 30 sqq.; III 51, 21 sqq .). Or, Proclus (qui peut lui-même être fort prolixe) a coupé un ou plusieurs adjectifs, voire une ou plusieurs phrases, dans la citation .

En ce qui concerne le vocabulaire , Jamblique est probablement responsable d 'une grande partie du vocabulaire technique caractéristique de l'école néopla tonicienne d 'Athènes.Malheureusement, dans le Commentaire de Proclus sur le Timée (et encore moins dans son Commentaire sur le Parménide), on ne trouve aucune citation textuelle de Jamblique, si bien qu 'on ne peut jamais être tout à fait sûr de l'origine d'un terme technique. Mais l'étude des passages où Jam blique est mis à profit par Proclusmontre que plusieurs des termes techniques de la métaphysique néoplatonicienne ultérieure , par exemple auédextos, ãoyeros,

διαστηματικώς, το εν της ψυχής, ενεξουσιάζω, ενιαίος, εξηρημένος (και υπερκόσμιος και απόλυτος), ηνωμένως, πρωτουργός/ δευτερουργός (bien

que ces termes apparaissent dans les Lois de Platon), ouvovolhoual (qui appa raît toutefois chez Alexandre d' Aphrodise), ont été utilisés déjà par Jamblique, de même que des concepts comme hénades, le domaine intelligible -intellectuel,

et le systèmedes trois niveaux de chaque hypostase : non participé (Québextos),

836

IAMBLICHOS DE CHALCIS

13

participé (uetexóuevos) et “ par participation, ou relation” (xatà MÉDEELV, év oxéoel). C 'est à lui, de façon générale, plutôt qu'à Plotin ou Porphyre , qu 'est due la complexe hiérarchisation des niveaux de l'être qui caractérise le néopla

tonisme tardif.

Influence. Comme nous l'avons suggéré dans la section précédente, l'in fluence exercée par Jamblique sur la métaphysique de l'école d'Athènes fut considérable, à commencer par Plutarque d 'Athènes, mais aussi, en passant par Syrianus et Proclus, jusqu'à Damascius, qui adoptait les positions de Jamblique de préférence à celles de Syrianus et de Proclus sur plusieurs points doctrinaux comme la nature du premier principe ou la nature de l'âme.

Il semble que la connaissance de ses commentaires sur Platon et Aristote n ' ait pas longtemps survécu à la fermeture de l'école platonicienne à Athènes en 529

ap. J.- C . Damascius semble avoir une connaissance personnelle de son Commen taire sur le Parménide, et Olympiodore cite , sans dépendre de Proclus, son Com

mentaire sur le Premier Alcibiade. Simplicius a conservé quelques précieux extraits de son Commentaire sur le Timée et plusieurs de son Commentaire sur les Catégories d 'Aristote . Jean Philopon s'en prit à son traité Sur les statues, Jean Lydus semble utiliser directement ses ouvrages Sur les dieux et Sur la

descente de l'âme, de même que son Commentaire sur les Oracles chaldaïques, et Jean Stobée cite son traité Sur l'âme et plusieurs de ses Lettres ; mais par la suite ne survivront que les traités de la série pythagoricienne et le Demysteriis.

Dans le premier cas, comme nous l'avons vu, seuls les quatre premiers ouvrages

ont été conservés,mais Michel Psellus, au Xe siècle , pouvait encore lire les trai tés 5 - 7 . Dans l'ensemble, les aspects les plus techniques de la philosophie de Jamblique furent absorbés par ses successeurs et les écrits de ces derniers éclip

sèrent les siens, ne laissant que les æuvres plus " exotériques" et son manifeste sur la théurgie , le De mysteriis, ce qui eut pour conséquence de transmettre à la

Renaissance et aux siècles ultérieurs une image trompeuse de l'apport de Jam blique à la tradition philosophique. JOHN DILLON.

4 IAMBLICHOS (Anonymede Jamblique) RESuppl. “ Iamblichos" 3.

va ?

1 F . Blass, Commentatio de Antiphonte sophista lamblichi auctore, Kiel 1889, a le premier affirmé que Jamblique, dans le chapitre 20 de son Protrep tique, pratiquant la mêmeméthode de composition que dans le reste de l'ouvra ge, reproduit des passages d 'un écrit dont l'auteur serait cette fois un sophiste du ve siècle av. J.-C ., à savoir Antiphon « le sophiste » (2 + A 209 Antiphon d 'Athè nes). L 'argumentation de Blass était la suivante : ( 1) Après la découverte par I. Bywater (« On a Lost Dialogue of Aristotle » , JP 2 , 1869, p. 55 -69) de fragments

du Protreptique perdu d'Aristote dans les chapitres 5- 12 de celui de Jamblique, il était logique de penser que le chapitre 20, comme tous les autres (abstraction faite naturellement des chapitres 1 et 21, introduction et conclusion dues à Jam

blique lui-même), était composé d 'extraits d' un ouvrage utilisé par Jamblique. ( 2 ) Guidé par cette hypothèse , Blass isolait dans le chapitre 20 sept fragments

14

ANONYME DE JAMBLIQUE

837

(qu 'il désignait par les six premières lettres seulementde l' alphabet, mais il divi sait en deux le fragment D ) qui, à la différence des extraits identifiés dans les chapitres précédents , ne pouvaient être attribués ni à Platon ni à Aristote (et encore moins à Jamblique ): Blass les jugeait étrangers à « la manière de philoso pher qui provient de Platon et d 'Aristote » ; autrement dit, il s 'agissait d 'extraits d 'un ouvrage antérieur à Platon , remontant donc au Ve siècle . ( 3 ) Les particulari

tés de la langue dans laquelle sont écrits ces passages - de l'attique mêlé d ' io nismes – ne laissent, selon Blass , le choix qu ' entre trois auteurs : Gorgias, Anti phon et Thucydide. Ces extraits ne se trouvant pas dans l'ouvrage de Thucydide, étant par ailleurs exempts de gorgianismes, on est conduit par élimination à les attribuer à Antiphon – un « Antiphon le sophiste » que Blass tenait pour distinct de l'orateur et, sur la base d 'un passage desMémorables de Xénophon (I 6 , 13), pour un étranger, dont il était bien naturel qu 'il ne s'exprimât pas en bon attique.

Avant même que la découverte des fragments papyrologiques du Sur la Vérité aient révélé en Antiphon l'auteur d'une critique de la loi incompatible avec l'éloge qui en est fait par celui qu'on appelle désormais l'Anonyme de Jambli que, l'attribution proposée par Blass 1 fut rejetée par 2 U . von Wilamowitz Moellendorff, Aristoteles und Athen , Berlin 1893 , t. I, p . 174 n . 77, qui décelait une étroite parenté entre le fragment i de l' Anonyme (nécessité, pour l'acquisi

tion de la vertu , de conjuguer dons naturels, exercice, et un apprentissage com mencé de bonne heure ) et le fragment B 3 DK de Protagoras. 3 K . Töpfer, Die sogenannten Fragmente des Sophisten Antiphon bei lamblichos, Arnau 1902 , qui avait d 'abord rejeté l'attribution à Antiphon pour des raisons stylistiques, attri bua lui aussi les fragments à Protagoras dans 4 Zu der Frage über die Autor schaft des 20. Kap. im lamblicheischen Protreptikos, Gmunden 1907.

Si la proximité de certaines des idées exprimées par l'Anonyme (principale ment sa défense de la loi) avec la doctrine de Protagoras a été par la suite tenue pour acquise, il est cependant apparu difficile d' identifier purement et simple ment à Protagoras l'auteur des fragments, dans la mesure où l'analyse de leur contenu rendait tout aussi légitimes d 'autres rapprochements. Ainsi 5 H .

Gomperz, Sophistik und Rhetorik, Leipzig/Berlin 1912 (réimpr. Darmstadt 1965), p. 89-90 , tout en admettant que le contenu des fragments était pour la plus

grande part emprunté à Protagoras, insistait sur la proximité avec Hippias ( H 145 ), ce qui, aux yeux de 6 K . Bitterauf,RESuppl. III, 1918, col. 116 -118, revenait à faire comme lui de l’Anonyme un éclectique. Opinion partagée alors par 7 W . Nestle, « Spuren der Sophistik bei Isokrates » , Philologus 70 , 1911, p . 1-51, notamment p.47-48 = Griechische Studien , Stuttgart 1948 , p . 451-501, notamment p. 497-498. Abandonnant l'identification à Protagoras, 8 A . Levi, « L 'anonimo diGiamblico » , Sophia 9, 1941, p . 235 -246 = Storia della Sofistica, a cura di D . Pesce, Napoli 1966 , p. 177 -191 (trad . all. dans Sophistik , hrsg. von C .J. Classen , coll. « Wege der Forschung » 187 , Darmstadt 1976 , p .612 -626 ), maintenait cependant l'appartenance de l'auteur à « l' école de Protagoras » , ce

pendant que 9 M .Untersteiner,« Un nuovo frammento dell'Anonymus lamblichi. Identificazione dell’Anonimo con Ippia » , RIL 77, 1943-1944, p. 442 -458 (= Id.,

838

ANONYME DE JAMBLIQUE

14

Scritti Minori, Brescia 1971, p. 422 -439 ; trad . all. dans Sophistik , hrsg. von C . J.

Classen , coll. « Wege der Forschung » 187, Darmstadt 1976 , p. 591-611), allant

plus loin que Gomperz 5 ,adoptait résolument la thèse de l'identification à Hip pias. Presque au mêmemoment 10 W . Nestle, Vom Mythos zum Logos. Die Selbstentfaltung des griechischen Denkens von Homer bis auf die Sophistik und Sokrates, 2e éd., Stuttgart 1942, réimpr. 1975, p . 424 -433, proposait pour son « éclectique » le nom d'Antiphon de Rhamnonte (« l'orateur » ). Plus récemment, 11 J.-P. Dumont, « Jamblique, lecteur des sophistes. Problème du Protreptique » , dans Le Néoplatonisme, Royaumont 9-13 juin 1969, Paris 1971, p. 203-212, tout en déclarant ne pas vouloir « se livrer au jeu de la recherche des sources » , s'est toutefois déclaré pour « un disciple de Prodicos » (p. 211). Bien que, dans les histoires de la philosophie comme dans les recueils de fragments, l' Anonyme soit toujours rangé parmiles sophistes, son appartenance au mouvement sophistique est rien moins que certaine. Comme le fait observer

Nestle 10 , p. 424 , son peu d'estime pour la rhétorique, qui constituait pourtant

« le cæur de l' enseignement sophistique » , suffit à faire douter qu'il soit lui même un sophiste professionnel (l'auteur le compare à ce titre à Critias [2C 216 ]). Tout en maintenant une datation au Ve siècle , certains ont proposé des identifications qui placent l’Anonyme en dehors de la sophistique : Démo crite (>+ D 70 ] (12 Q . Cataudella , « L ’Anonymus lamblichi e Democrito » , SIFC

60, 1932, p . 5 -22 ; 13 Id., « Nuove ricerche sull’Anonimo di Giamblico e sulla composizione del Protrettico » , RAL , serie 6 , 13, 1937, p. 182 -210 ; 14 Id ., « Chi è l'anonimo diGiamblico ? », REG 63, 1950 , p. 74 - 106 ) ou l'un de ses élèves (15 A . T. Cole , « The Anonymus lamblichi and his place in Greek political thought» , HSPh 65, 1961, p . 127- 163) ; Théramène ( 16 W . Schmid , Geschichte

der griechischen Literatur, 1. Teil, Bd. 3,München 1940, p. 203).Mais d 'autres, récusant le jugement de Blass 1 selon lequel la pensée de l'Anonyme est prépla

tonicienne, en ont fait un contemporain , voire un épigone de Platon. Ainsi 17 K . Joël, Der echte und der xenophontische Sokrates II 2, Berlin 1901, p.678 sqq., faisait de l'Anonyme, en qui il proposait de reconnaître Antisthène (> A 211), un socratique (position réitérée dans 18 Id., Geschichte der antiken Philosophie I, Tübingen 1921, p. 684 -686 ). Sans proposer d 'identification, 19 M . Gigante , NOMOE BALIAEYE, Napoli 1956 (19932), p. 177- 186 , tient luiaussi l'Anonyme pour un socratique, sur la base de rapprochements avec les Mémorables de

Xénophon (éloge de l'éyxpátela ) ou avec le Gorgias de Platon (critique du droit du plus fort). Entre temps, 20 R . Cadiou, « A travers le Protreptique de Jamblique » , REG 63, 1950 , p. 58 -73, est revenu à des considérations stylistiques pour rapprocher l'Anonyme d'Isocrate (2 +I38 ) ou de son école .Mais déjà bien avant eux, 21 P . Shorey, « QUOIS , Menérn , 'Enlotnun » , TAPHA 40, 1909, p. 192 n. 1, avait fait observer qu 'une bonne part des « fragments » délimités par Blass 1 pouvait passer pour des emprunts à Platon et à Isocrate. Mêmeen admet tant, concluait-il, qu 'une partie du chapitre , bien moindre d'ailleurs que ce que pensait Blass , remontât au Ve siècle, il était probable qu 'elle n 'avait dû parvenir

à Jamblique que par un intermédiaire platonisant. Peut-on encore, à partir de là ,

14

ANONYME DE JAMBLIQUE

839

dater l'ouvrage utilisé par Jamblique ? Un « intermédiaire platonisant» peut se situer à peu près n'importe où entre Platon et Jamblique. En multipliant les rapprochements possibles et en soulignant ses ressemblan ces avec d 'autres écrivains supposés être ses contemporains ou ses prédéces

seurs , la recherche des sources a abouti à dénier à l'Anonyme, ou du moins à passer sous silence, l'originalité qui peut être la sienne. Aussi n 'est-ce pas un hasard si les études qui ont le mieux fait ressortir cette originalité sont celles qui ont accordé le moins d 'importance à la recherche des sources : Dumont 11, et

surtout 22 R . Roller,Untersuchungen zum Anonymus lamblichi, Tübingen 1931. Ce dernier est le premier à avoir mis l'accent sur la dimension politique des pas sages sélectionnés par Blass 1 : il s'agit, selon lui, d'une réflexion non sur l'État idéal, mais sur les avantages pratiques de la démocratie comme forme la plus adaptée à l'activité des citoyens. Comme le remarque à son tour Dumont 11,

cette insistance sur l'heureuse incidence économique de l'obéissance aux lois est une véritable originalité de l'Anonyme, qui rend difficile de l'identifier à aucun auteur connu des Ve-ive siècles . En particulier, la prééminence affirmée des « activités vitales» , c'est-à-dire économiques privées, sur les « affaires», c'est-à dire la vie politique (p . 102, 1 -7 Pistelli = DK 89 , § 7 , 3-4 et 8 ), est une idée étrangère aussi bien à Protagoras qu 'à Aristote , et on devrait s'étonner de la ren contrer chez un auteur censé appartenir à la même période.

Éditions. 23 H . Pistelli (édit.), lamblichi Protrepticus, Leipzig 1888 (réimpr. 1967) ; 24 Éd. des Places (édit.), Jamblique, Protreptique, CUF , Paris 1989 ;

25 DK II, p. 400-404 (n° 89) ; 26 M . Untersteiner ( édit.), Sofisti. Testimonianze e frammenti, fascicolo terzo. Introduzione, traduzione e commento , Firenze 1954 , p . 111- 147 (M . Untersteiner ajoute quelques lignes, p . 104, 14 -20 Pistelli, au

fragment 7 DK [F Blass), et surtout attribue en outre à l’Anonyme le chapitre 84 du livre III de Thucydide).

Traductions seules. Une traduction allemande des fragments édités par Diels figure dans Töpfer 3 et dans Roller 22 ( p . 6 -58 ); 27 O . Schönberger (édit.), lamblichos. Aufruf zur Philosophie . Erste deutsche Gesamtübersetzung, Würz burg 1984. Traduction anglaise par 28 M . E . Reesor, The Older Sophists edited

by R . K . Sprague, University of South Carolina Press, Columbia (South Caro lina) 1972 , p . 271-278. Traduction française par 29 J.- P . Dumont, Les Sophistes.

Fragments et témoignages, Paris 1969, p. 224-231; 30 Dumont, Présocratiques, p . 1160 - 1166 .

Bibliographie . 31 C .J. Classen, « Bibliographie zur Sophistik » , Elenchos 6 ,

1985 (Anonymus lamblichi, p. 107-108) = mise à jour de la bibliographie parue dans Sophistik, hrsg . von C . J. Classen , coll. « Wege der Forschung » 187, Darmstadt 1976 (Anonymus lamblichi, p. 676 -677) .

Études d'orientation. Bitterauf 6 ; Gomperz 5 , p. 79-90 ; Schmid 16 , p. 198 203 ; Nestle 10, p . 424-433 ; 32 W . K . C . Guthrie , History of Greek Philosophy,

t. III = The Sophists, Cambridge 1971, p . 314-315. MICHEL NARCY.

IAMBOULOS

840

5 IAMBOULOS RE

15 IIIa ?

Auteur d 'un récit utopique où il évoquait son séjour de sept années chez un peuple merveilleux, censé vivre sous l'Équateur, dans sept îles consacrées au Soleil , ainsi que les caractéristiques d 'une de ces îles et de leurs habitants.

Cf. 1 F. Susemihl,GGLA, t. I, p. 324 -325 ; 2 W .Kroll, art. « Iambulos» , RE IX 1, 1916 , col. 681-683 (cf. 3 W . Röllig, art. « Iambulos », KP II, 1967, col. 1308 - 1309 ); 4 E. Rohde, Der griechische Roman und seine Vorläufer, Leipzig 19143, réimpr. Hildesheim /New York 1960, 1974, p. 241-260 ; 5 R . von Pöhlmann , Geschichte der sozialen Frage und des Sozialismus in der antiken Welt, durchges. von F. Oertel,München 19253 (réimpr., avec une Introd . de K .

Christ, coll. « Wissenschaftliche Buchgesellschaft» , Darmstadt 1984), t. II, p . 305 -324 ; 6 E . Salin , Platon und die griechische Utopie, München /Leipzig 1921, p. 235 -241 (« Jambulos' Sonneninsel» ), p. 280 (notes); 7 L . Gernet, « La

cité future et le pays des morts » , REG 46, 1933, p. 293-310 (repris dans Anthro

pologie de la Grèce antique, coll. « Textes à l'appui» , Paris 1968, p . 139-153; et coll. « Champs. Champ historique » 105, Paris 1982 , p. 181-200) ; 8 J. Bidez,

« La Cité du Monde et la Cité du Soleil chez les Stoïciens» , BAB, 5e sér., 18, 1932, p. 244-291 ; 9 W . W . Tarn , « Alexander the Great and the unity of man kind » , PBA 19, 1933, p. 123 - 166 , notamment p . 129- 131 (cf. aussi 10 Id ., Alexander the Great, Cambridge 1948, t. II, p. 399 -449, notamment p. 411-413); 11 E . Visser, lamboulos en de Eilanden van de Zon, Groningen (cf. le c.r. de 12 F . Charlier, dans LEC 11, 1948 , p. 418 -419) ; 13 A . Polet, Deux utopies hel lénistiques. La Panchaïe d 'Évhémère et la Cité du Soleil de Jambule , coll. BFAC

IX 1, Le Caire 1947 ; 14 D . Winston, lambulus. A literary study in Greek utopia nism , Diss . Columbia 1956 (139 p., microfilm ; résumé dans DA XVI, 1956 , p . 2154-2155) ; 15 T . Szepessy, « lambule et son utopie » ( en hongrois), AntikTanulm 3, 1956 , p. 235 -240 (résumé dans BCO 4, 1959, col. 343); 16 C . Mossé, « Les utopies égalitaires à l'époque hellénistique » , RH 24 , 1969, p. 297 308 ; 17 H . Braunert, Utopia . Antworten griechischen Denkens auf die Heraus forderung durch soziale Verhältnisse, coll. « Veröffentlichungen der Schleswig Holsteinischen Universitätsgesellschaft » N .F. 51, Kiel 1969, p. 15 -17, et p. 25 26 (notes) ; 18 M . Baldassari, « Intorno all'utopia di Giambulo I, II» , RFN 65 , 1973, p. 303-333, 471-487 (I: traduction italienne de l'utopie (avec des notes); II : traitement des principales questions autour du texte); 19 J. Ferguson , Utopias of the ancient World , London 1975 , p. 124 - 129 et 209 (notes); 20 L .Giangrande,

« Les utopies grecques» , REA 79, 1976 - 1977, p. 120 -128, notamment p . 124 sqq. ; 21 O . Žunec, « L 'utopie de lamboulos » (en serbo-croate ), L & G 6 , 1980, p. 75 -94 (introduction, texte et traduction du texte ) ; 22 L . Bertelli, « L 'utopia greca » , dans L . Firpo (édit.), Storia delle idee politiche, economiche e sociali, t. I: L 'antichità classica, Torino 1982, p . 463-581, notamment p. 561-563; 23 F .F. Schwarz, « The itinerary of lambulus. Utopianism and history » , dans

Indology and law . Studies in honour of J. Duncan M . Derret, Wiesbaden 1983,

p. 18 -55 ; 24 M .K . Trofimova, « Interprétation de l'utopie de Iamboulos chez Diodore » (en russe), dans Histoire des doctrines socialistes (en russe),Moskva

15

TAMBOULOS

841

Institut vseobščej istorii 1982, p. 236 -251; 25 B . Kytzler, « Nacherzählungen und Einzelszenen . Auszüge aus utopischen Romanen » , dans Id . (édit.), Im

Reiche des Eros. Sämtliche Liebes- und Abenteuerromane der Antike, mit einer Einl. u . Anm . hrsg . von B . K ., coll. « Winkler-Weltlit.-Dünndr.-Ausg. » , Mün

chen 1983, p . 667-714 (traduction de l'utopie de lamboulos entre autres ); 26 L . di Capua, « L 'utopia di Giambulo tra filosofia e politica » ,AAN 100 , 1989, p. 223-240 ; 27 M . Casevitz , Diodore de Sicile . Naissance des dieux et des hommes. Bibliothèque Historique, Livres I et II, Introduction, traduction et notes, coll. « La roue à livres» , Paris 1991, p . 180 - 185 (traduction ) ; p . 226 (notes) ;

28 J. Lens Tuero , dans ld . (édit.), Diodoro de Sicilia. Biblioteca histórica, Intro ducción general, libros 7- 11, coll. « Autores griegos » , Madrid 1995, p .415-430 (traduction avec des notes de l'utopie de lamboulos) ; 29 M . Winiarczyk, « Das

Werk des Jambulos: Forschungsgeschichte (1550-1988) und Interpretations versuch » , RHM 140 , 1997, p. 128 -153.

. .

Le récit de Iamboulos est résumé à la fin du livre II de la Bibliothèque histo

rique de Diodore de Sicile (II 55 -60 ). Il a été lu très souvent comme un ouvrage autonome depuis la Renaissance (cf. Bidez 8, p. 280 ; 30 B . Farrington , « Diodo rus Siculus. Universal historian » , dans Head and hand in ancientGreece. Four studies in the social relations of thought, coll. « The thinkers's Library » 121,

London 1947, p. 55-87 (= chap. III: publié auparavant de façon séparée : Swan sea 1937), notamment p. 76 . En fait, il représente l'un des récits utopiques les

plus développés quinous soient parvenus en grec , tout en étant le plus complet de ceux de l'époque hellénistique, ce qui le rend extrêmement intéressant. Biographie. Iamboulos semble avoir été un personnage réel. Diodore le pré sente du moins comme tel: d'après lui, lamboulos eut depuis son enfance le souci de se procurer une éducation ; après la mort de son père, qui avait été

commerçant, il s'occupa lui aussi de commerce; lorsqu'ilmarchait vers l'inté rieur de l'Arabie à la recherche de la région des épices, il fut capturé avec ses compagnons par des brigands ; plus tard il fut capturé à nouveau avec l'un de ses compagnons par des Éthiopiens, qui, dans le dessein de purifier leur pays, leur ordonnèrent de naviguer vers le sud jusqu'à une île où ils devraient vivre dans le bonheur, en rapportant aussi le bonheur aux Éthiopiens (55, 2-4). Pour sa part, Lucien , Histoire vraie I 3, rattache le nom de lamboulos à celui de Ctésias, dont le caractère historique est incontestable . Iamboulos semble donc avoir été un

commerçant qui réalisa de longs voyages et qui eut vraisemblablementdes rap ports avec d 'autres commerçants qui avaient voyagé davantage encore que lui

(cf. Ferguson 19, p . 125). Qui plus est, 31 W . W . Ehlers, «Mit dem Südwestmon sun nach Ceylon . Eine Interpretation der Iambul-Exzerpte Diodors », WJA 11, 1985, p. 73 -84 , interprète lamboulos comme un géographe (le premier voyageur en Inde connu par son nom , le découvreur de Ceylan, et le premier homme du monde grec qui y a vécu). Cependant, certains critiques ont défendu l' idée que

lamboulos n 'était qu 'un personnage de fiction (cf. Bertelli 22, p. 561). Sur le problème de l'identification de l'île de lamboulos (Sumatra, Ceylan , Bali, Sukutra,Madagascar ?), voir Winiarczyk 29 p . 139 -141.

842

TAMBOULOS

15

Chronologie . On affirme d 'ordinaire que l'expédition d 'Alexandre en Inde en 3274, dans la mesure où elle a pu attirer à nouveau l'attention des Grecs sur l' Inde, fournit un terminus post quem probable pour la composition de l'utopie

de lamboulos. En effet, celui-ci raconte qu 'il est arrivé justementdans ce pays après avoir été chassé des îles du Soleil (où il avait passé sept années) avec son compagnon (qui est mort durant le voyage). Un autre terminus post quem plus précis est fixé probablement par l'euvre deMégasthène sur l' Inde, que l'on peut dater vers 2900. En effet, la région de l'Inde où lamboulos est arrivé est une région sablonneuse et marécageuse , identifiée d 'ordinaire avec la bouche du Gange, que l'on connaissait par Mégasthène. De son côté, 32 H .J. Rose, « The date of lambulos » , CQ 33, 1939, p . 9- 10, soutient que le récit de lamboulos montre l'influence de l'æuvre de Posidonius, dont la date représenterait ainsi le terminus post quem . En effet, Rose considère que la déclaration de lamboulos selon laquelle le climat dans les îles du soleil est tempéré parce qu'il est situé

sous l' équateur (Diodore II 56 , 7) a été empruntée à Posidonius (FGrHist 87, fr. 78). D 'après lui, enfin , la rédaction du roman philosophique de lamboulos se placerait à peu près du vivantde Diodore , au jer siècle av. J.-C . Cependant, cette interprétation a été contestée par 33 W .W . Tarn , « The date of lambulus. A note » , CQ 33, 1939, p. 193, pour qui lamboulos n 'a pas cité Posidonius, car

longtemps avant celui-ci Ératosthène de Cyrène (P- E 52) avait émis le même jugement sur la zone équatoriale (Strabon II 3 , 2 = II A 5 Berger). D 'après lui, Iamboulos appartient sans nul doute au IIIe siècle av. J.-C .

Quant au terminus ante quem , il est encore plus difficile de le fixer. Certains critiques, comme Ferguson 19, p. 126 , insistent sur le fait que la connaissance

peu précise de certaines plantes, devenue plus exacte dans le courant de l'époque hellénistique, fait songer au III° siècle av. J.-C . Cet argument, bien qu'il ne soit pas négligeable , est loin d 'être déterminant. On a essayé aussi de trouver un terminus ante quem dans la révolte qui a eu lieu à Pergame sous Aristonicos au

nie siècle av. J.-C . (cf. Strabon XIV 1, 38), car Aristonicos donnait à ses partisans le nom d '« habitants de la cité du Soleil » (Héliopolitai), et on y a vu une influence de la cité du Soleil de lamboulos (cf. Kroll 2 , col. 683 ; Bidez 8 ,

p . 249). Mais cette hypothèse n 'est pas convaincante , comme l' a remarqué 34 M . Rostovtzeff, The social and economic history of the Hellenistic World ,

Oxford 1941, (t. II) p . 808 n . 81 (p . 1523 sq.), p . 1132 (trad . franç. par 0 . Demange : Histoire économique et sociale du monde hellénistique, coll. « Bou

quins », Paris 1989, p. 570 sq. n. 81 (p . 1139), 808).Nous nous rangeons à l'avis de 35 M .I. Finley, « Utopianism ancient and modern » , dans The Critical spirit.

Essays in honor of H .Marcuse, Boston 1967, p . 11, selon lequel le récit de lam boulos n 'a pas exercé une influence directe sur l'activité d'Aristonicos (cf.Gian grande 20 , p. 127). D 'après Finley, il faut supposer l'influence d 'un troisième élément aussi bien sur lamboulos que sur Aristonicos, la tradition religieuse du

Proche-Orient identifiant le soleil avec la justice. Cependant, il n 'est pas néces saire de renvoyer directement aux traditions religieuses orientales pour justifier

cette identification (bien qu'on ne puisse pas exclure la possibilité qu' elles aient

TAMBOULOS

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joué un rôle secondaire ). En effet , l'identification en question se trouve claire

ment dans la tradition intellectuelle grecque (cf.Gernet 7, p. 294 sqq., 309). En outre, comme l'a remarqué à juste titre Tarn 9 , p . 142 (cf. aussi Id. 10, t. II, p . 431), il ne faut pas oublier les liens existant entre la figure du roi et le culte solaire. Cet aspect du pro blème a été souligné par Mossé 16 , p . 300. Il ne faut pas négliger non plus l'influence du

stoïcisme sur le mouvement d 'Aristonicos. Comme on sait, aux côtés d' Aristonicos se trouvait un philosophe stoïcien, Blossius de Cumes (- B 40 ), qui prit part aussi à l'activité politique

des Gracques (cf. 36 H .C . Baldry, Ancient Utopias, Southampton 1956 , p. 21 sq .; et 37 A . Erskine, The Hellenistic Stoa. Political thought and action , London 1990, p. 161 sqq.). Pour un aperçu sur les différentes chronologies qui ont été proposées pour l'æuvre de lam boulos, voir Winiarczyk 29, p. 146 sq .

Analyse du récit. Diodore a inséré le récit de lamboulos dans le contexte du livre II consacré à l'Asie , dans lequel il ne s'est pas borné à juxtaposer les cha pitres ethnographiques consacrés aux divers peuples,mais il a cherché un critère

pour disposer son matériel, à savoir le pouvoir créateur du soleil dans les diffé rents domaines de la nature . Il n 'est pas fortuit que Diodore consacre les cha pitres 51-53 de son livre à un long développement doctrinal qui remonte très

probablement à Posidonius.Mais il faut souligner que le schème conceptuel selon lequel l'excellence despays dépend de l'exposition au soleil ne s'applique pas seulement à ce passage du livre II que la plupart des spécialistes considèrent comme d 'origine posidonienne (cf. 38 K . Reinhardt, Kosmos und Sympathie . Neue Untersuchungen über Poseidonios, München 1926 , réimpr. Hildesheim /

New York 1976 , p. 372). En effet, ce scheme s'applique aussi à l'ensemble des chapitres ethnographiques du livre II et touche le récit utopique final, car Dio dore ne distingue pas les îles du Soleil dont parle lamboulos des territoires préa lablementdécrits. Cette indifférenciation peut être rendue manifeste par le fait suivant : lorsque Diodore, au début du livre III, fait un résumédu contenu du livre II, il mentionne les divers peuples décrits

dans ce livre, même ceux qui, commeles Scythes, les Amazones et les Hyperboréens, occu pent très peu de chapitres, mais il ne mentionne pas les Mèdes, les Indiens ni les habitants des îles du Soleil. La suppression des Mèdes peut répondre au fait qu 'on les considère comme inclus dans le résumé sur les Assyriens ; celle des Indiens se justifie peut-être par la mention de l'expédition que Sémiramis lança contre eux , et où l'on parle d 'une grande armée, qui fait référence sans doute à l'énorme extension de l' Inde. Quant à la suppression des îles du Soleil, qui occupent une partie très considérable du livre, on peut l'expliquer à partir de la phrase qui

suit la mention de l'Arabie : ...et desmerveilles qu 'il y a. En effet, il est possible que pour son résuméDiodore ait considéré les îles du Soleil comme susceptibles d 'êtres englobées avec les

merveilles de l'Arabie .

S'il est vrai que presque toute la partie ethnographique du livre II estmarquée par l'exaltation des territoires soumis de façon particulière à l'influence solaire ,

cette exaltation parvient à son point culminant dans le cas des îles du Soleil. Tout ce qui se trouve dans ces îles présente une qualité exceptionnelle . De la sorte , le récit de Iamboulos constitue une des représentations les plus complètes du

monde paradisiaque dans la littérature classique. Les critiques qui se sont occupés du récit de lamboulos se sont intéressés notamment à la dimension sociale de l'utopie égalitaire ,mais il faut déceler aussi d 'autres aspects. Nous commençons par ceux qui rattachent notre texte au reste

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du livre II, tout d'abord par la catégorie de la noixiía . Cette notion, que nous traduisons par diversité, représente l'une des manifestations de l'excellence des terres soumises de façon particulière à l'influence solaire : elle s'exprime en 49,

2 dans le domaine des parfums, en 51, 3 dans celuides animaux doubles, en 52, 6 sqq. dans celuides couleurs ;mais elle se trouve de façon dominante dans les îles du Soleil, par exemple dans leurs sources abondantes, les unes d 'eau chaude, appropriées pour le bain et pour le repos, les autres d 'eau froide, d'une douceur extraordinaire et très bonnes pour la santé (57, 3 ; cf. 59, 8). Rappelons à ce sujet

que dans l'Atlantide de Platon il y avait aussi des sources de deux types, les unes d 'eau froide (cf. Critias 113 e) et les autres d'eau chaude (ibid . 117 a), en opposition nette avec la représentation de l'Athènes primordiale. Le vêtement des habitants des îles du Soleil, enfin , tout en se caractérisant par l'austérité, était digne d'admiration (59, 4). En dépit de son importance, la catégorie de la noixinía , à ce que nous connaissons, n' a pas été l'objet d 'une étude approfondie. En tout cas, cette catégorie n 'est pas banale. D 'un côté, elle appartient au domaine de la sociologie , exprimant la variété multiforme qui s'oppose à la simplicité (actórns). Elle apparaît ainsi comme une notion fondamentale dans la République

de Platon , qui oppose la cité de l'abondance à celle de l'austérité (cf. 372 sqq .), cités représen tées en dernière analyse respectivement par la cité ionienne et la cité dorienne, c 'est - à - dire par

Athènes et par Sparte. Il n 'est pas difficile de trouver des visions opposées à celle de Platon et rattachées à la pensée démocratique, dans lesquelles la troixinía est exaltée commemanifes

tation des avantages dontbénéficiait l'impérialiste Athènes démocratique (cf. la bibliographie chez 39 M . Lombardo, « Habrosyne e habrá nelmondo greco arcaico » , dans l'ouvrage collec tifModes de contacts et processus de transformation dans les sociétés antiques. Actes du col loque de Cortone (24 - 30 mai 1981) organisé par la Scuola Normale Superiore et l'École fran

çaise de Rome, avec la collaboration du Centre de recherches d 'histoire ancienne de l'Univer sité de Besançon , « Coll. de l'École française de Rome» 67, Pisa Roma 1983, p . 1077 - 1103). D 'un autre côté, la noixinia représente aussi une catégorie culturelle, qui caractérise les

expressions artistiques variées et qui a été rejetée également par Platon dans sa République, comme on peut le constater notamment dans la discussion concernant les rythmesmusicaux en 399 e sqq. Dans le cas des habitants des îles du Soleil, cette catégorie se manifeste par leur

capacité exceptionnelle d'articulation, qui leur permet d 'émettre la plus grande variété de sons, imitant non seulement tous les langages articulés des hommes mais aussi les sons diffé rents des oiseaux , et en général tout genre de bruits et de sons. A ce sujet, on peut rappelerune

série de textes (depuis l'Hymne à Apollon d 'Homère ), où l'on exprimeune conception de la finalité de l'art opposée à la conception éthico -pédagogique de Platon , et où l'on valorise par conséquent la richesse des manifestations de l'art. De ce point de vue, le terme opposé à la TOLXIXía est l’ånóms.

Le passage de lamboulos (56), dans lequel on raconte que les habitants des îles du Soleil, grâce à leur langue bifide, possédaient la capacité de prononcer la

plus grande variété de sons, ne répond pas uniquement à une tradition paradoxo graphique, comme on le soutient d'ordinaire . En fait, l'utopie de lamboulos

s'inscrit dans une riche tradition culturelle d'exaltation ou de rejet de la ToLXL aia .Le passage en question trouve encore une fois son pendant (et son opposé) dans plusieurs textes de Platon : ainsi République 379 a, où l'on critique dure ment la capacité du poète qui imite tout genre de voix , aussi bien humaines

qu'animales, et de bruits ; ou Lois 669 c-d . Antérieurement à Platon (dont la profession de dorisme culturel est évidente dans la Répu blique), le poète Pratinas de Phlionte (Vi/va) avait déjà manifesté sa conviction anti-mimé.

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tique, notamment dans un texte composé sur un ton nettement polémique (fr. 1 Page, PMG , p . 708 ) où on lit : frappe l'homme qui a la voix.. . de crapaud ( v . 10 ). Il est significatif que

dans ce passage l'auteur qualifie son art de dorien ( v. 16 ). Dans le pôle opposé à cette capacité linguistique extraordinaire des habitants de l' île du Soleil, Diodore (qui emprunte ses rensei

gnements à Agatharchidès de Cnide [* A 21]) rapporte la situation demi-sauvage des peuples dans lesquels la communication linguistique se trouve encore dans un état primitif (cf. 40 J.

Lens Tuero , « Lenguaje y representación paradisiaca en la primera Péntada de la Biblioteca histórica de Diodoro de Sicilia » , dans In Memoriam J . Cabrera Moreno , Granada 1992 ,

p . 215 -218 ; 41 J. Campos Daroca, Experiencias del lenguaje en las « Historias» de Heródoto ,

coll. « Humanidades» 7 , Almería 1992, p. 167 sqq.). Bien entendu, la noixinia, opposée de nouveau à l'anórns, représente aussi une catégo rie psychologique qui joue un rôle important dans la culture grecque depuis Homère. A ce sujet, il est possible aussi d'envisager une association entre noixinia ionienne et ånórns

dorienne dans la littérature ancienne, encore une fois chez Platon, Lois 679 a - 680 d. Un autre aspect intéressant qui permet de constater la continuité entre le récit

de lamboulos et le reste du livre II de la Bibliothèque est représenté par le fait

que les nombreux peuples qui y sont décrits ne sont pas d'ordinaire appelés bar bares, ce qui tranche sur la fréquence avec laquelle cette dénomination est utili sée dans certaines parties du livre III. Dans le livre II, les différents peuples sont désignés normalementpar leurs noms ethniques : ainsi lesMèdes, les Indiens, les

Scythes. Quant à la partie initiale consacrée à l’Assyrie, le nom de ce peuple n 'apparaît que très rarement, étant donné que le récit est tout à fait concentré

autour des figures de Ninos et de Sémiramis. Parallèlement, les habitants des îles auxquelles est consacrée la dernière partie du récit sont appelés tout simplement les habitants de l'île . L 'expression « barbare » est donc notablement absente du

livre II en tant que dénomination ethnique, bien qu'elle apparaisse dans un nombre réduit de passages.

Mais, comme nous l'avons dit plus haut, l'aspect du récit de Iamboulos qui a suscité le plus grand intérêt est celui de sa dimension sociale. Cela dit, sa com préhension a été très entravée , notamment par le caractère dispersé et désor

donné du récit produit par l'abréviation de Diodore (ou d 'un auteur intermé diaire), lequel s 'intéresse surtout aux aspects paradoxographiques. A leur tour, les critiques modernes n 'ont pas toujours essayé de dépasser ce niveau d' inter

prétation paradoxographique. L 'un des traits qui attire immédiatement notre attention est l'extrême égalita risme qui prévaut dans les îles du Soleil. Cet égalitarisme caractérise l'organisa tion sociale ,mais s'applique aussi à d'autres traits, comme la forme des îles et l'aspect de leurs habitants. Ceux-ci sont extraordinairement grands et beaux, et

ils le sont de la même façon (cf. Rohde 4 , p. 247 n . 1 ; 42 B .Gatz , Weltalter, goldene Zeit und sinnverwandte Vorstellungen , Hildesheim 1967, p . 39 ; et Ferguson 19, p. 128). D 'un point de vue économique, les îles du Soleil, notam ment celle qui est la plus importante d'entre elles, dans laquelle lamboulos et son compagnon habitent pendant sept ans, se caractérisent par la fertilité extraordi naire de leur terre. Grâce à cette qualité , leurs habitants bienheureux sont libérés de la pratique de l'agriculture (57, 1) et, comme la terre et la mer leur procurent

aussi une alimentation carnée (59, 1-3), ils jouissent d'un loisir presque absolu .

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TAMBOULOS

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Comme le remarque 43 L . Bertelli, « Il modello della società rurale nell'utopia greca » ,

PPol 9 , 1976 , p. 183-208, les modèles de sociétés idéales proposés par les Grecs présentent

l'aspect mythique de la terre fertile et généreuse, qui offre à l'homme ses fruits en même temps qu'un cadre favorable .

Du point de vue de l'organisation politico -sociale , assez développé dans le texte , il convient de remarquer le régime politique, décrit par Diodore comme fondé sur des associations de parenté , chaque unité étant formée par un nombre de parents ne dépassant pas les quatre cents (57, 1). La souveraineté dans chaque

association est détenue par lemembre le plus âgé,auqueltous obéissent ; lorsque l'un d'eux, après avoir eu cent cinquante ans révolus, quitte la vie volontaire

ment conformément à la loi, celui qui le suit en âge reçoit en succession la sou veraineté (58, 6 ). L 'organisation sociale fondamentale est donc formée par de petites unités, appelées en grec ovothuata, nom qui fait référence (quoique de façon peu claire ) à une structure tribale . En rassemblantles différentes données, qui se trouventtrès dispersées chez Diodore, on lit en 58, 5 que chacune de ces unités élève un oiseau particulier, au moyen duquel on soumet les nouveau -nés à une épreuve du caractère . Dans la mention de cet animal, on a envisagé l' écho de la présence dans l'exposé originaire d 'animaux totémiques pour les différentes tribus. Le plus ancien de chaque tribu détient un pouvoir quasi-monarchique. Après sa mort, comme nous l'avons dit, il était remplacé par le membre le plus âgé. Iamboulos n ' a pas décrit l'orga nisation sociale des îles comme un ensemble unifié, mais comme une série dispersée de petites communautés tribales. Dans son résumé, Diodore présente les traits sociaux et culturels parta gés par les tribus, et il ne mentionne que l'animal totémique comme trait particulier de cha cune d 'elles. On peut se demander si dans le récit originaire cette diversité tribale impliquait aussi une diversité de langues, ce qui s 'accorderait avec la capacité d 'imiter tous les langages attribuée aux habitants des îles. En tout cas, l'écriture semble avoir été la même dans toutes les îles. Il est aussi intéressant de remarquer que la dispersion de la population des îles du Soleil en diverses communautés, chacune possédant un chef et un animal emblématique propres , présente un parallèle très étroit avec le portrait de l'Égypte pharaonique que Diodore fait dans le livre I. Rappelons, par exemple, I 89, 5 , où on allègue une finalité politique de cette disper sion , à savoir que les Égyptiensne puissent jamais se mettre d 'accord entre eux (cf. Plutarque, Isis et Osiris, 380 a ). 44 A . Burton , Diodorus Siculus. Book I. A Commentary, coll. EPRO 29.

Leiden 1972 , p. 261, cite à ce sujet l'écrivain juif Artapanos, FGrHist. 726 , selon lequel Moïse avait établi les différents cultes d 'animaux pour se conformer à l'ordre du roi Xéne phres.

Les femmes et les enfants sont communs (58, 1). Lorsque les enfants sont petits, ils sont fréquemment changés par ceux qui les élèvent afin qu'ils ne puis sent pas être reconnus, fût-ce par leurs propresmères. Cela traduit une obsession

pour la communauté des enfants, comparable à celle de Platon, République 457 d et460 с (cf. 45 G .J.D . Aalders, Political thought in Hellenistic times, Amster dam 1975, p. 71). En revanche, Aristote, Politique 1262 a 14 sqq., affirme que la ressemblance physique rend facilement évidente la relation de parenté, et il cri

tique nettement Platon (cf.46 W .L . Newman , The Politics of Aristotle, Oxford 1887, t. II, p . 239 ; 47 J. Aubonnet, Aristote. Politique, CUF, Paris 1960, t. I, p. 137) sur le témoignage des auteurs de récits géographiques où on décrit cer tains habitants de la Libye supérieure qui possèdent en commun les femmes et répartissent les nouveau-nés selon la ressemblance (cf. Hérodote IV 180 ). Cette

façon d 'argumenter montre l'interdépendance entre le récit ethnographique et la réflexion philosophique, etmet aussi en relief le caractère particulier des points

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15

de vue sur lesquels, au sujet de la communauté des femmes et des enfants, se rejoignent Platon et Iamboulos. On pourrait objecter à ce rapprochement entre le texte de la République de Platon et le récit de lamboulos que la coïncidence pourrait être purement fortuite , étant donné que toute construction comportant la communauté de femmes et d 'enfants doit se demander s ' il faut

appliquer le postulat communiste jusqu'à ses conséquences les plus extrêmes. Mais le point de

rapprochement le plus significatif n'est pas la communauté radicale d'enfants (qu'on retrouve aussi par exemple dans la description que Théopompe fait de la société étrusque : cf. FGrHist 115 , fr. 204 ), mais l'accent que les deux textes mettent sur l'occultation systématique des signes d'identité . En tout cas, la connexion suggérée est renforcée par d 'autres que l'on peut constater.

D 'ailleurs, la vie dans les îles du Soleil se caractérise par un principe strict de

rotation périodique dans la réalisation des différentes activités (59,6 ). A ce sujet, l'utopie de lamboulos se distingue aussi bien de celle de Platon que des représen tations ethnographiques idéalisées, qui comportaient normalement comme trait

positif la fixation permanente de chaque individu en une seule activité. Sur le plan psychologique, il est significatif aussi qu 'on préconise un rapprochement

avec la nature , qui fait partie d'une renaissance spirituelle plus ample (cf. 48 L.Giangrande, « Les utopies hellénistiques» , CEA 5, 1976 , p . 17-33, notam ment p. 29). En général, tout est rigoureusement ordonné dans la vie sociale , y compris le régime (59, 5 ). Les habitants des îles du Soleil parviennent à une extrême longé

vité et la plupart d 'entre eux ne tombent jamais malades (57, 4 ). Le sang d'un petit animalpossède des qualités extraordinaires, en particulier celle de ressou der tout membre vivant qui a été coupé. Cet animal prodigieux a été probable ment emprunté par lamboulos à Ctésias (cf. FGrHist 688, fr. 51 b ).Malgré cela , tout homme restant mutilé ou souffrant d 'une incapacité physique est obligé de

quitter la vie conformément à une loi inexorable. Ils avaient en tout cas pour norme de quitter la vie après avoir vécu un nombre déterminé d' années, et ils le faisaient à l' aide de la « plante de la douce mort» , qui semble un nouvel écho de Ctésias (FGrHist 688 , fr. 45 , 34 ; et fr. 45 m ). En général, pour ce topos, nous

renvoyons à 49 H . Reynen, « Klima und Krankheit auf den Inseln der Seligen » ,

Gymnasium 71, 1964,p. 77- 104, notamment p. 97- 98 et 100. Par conséquent, « puisque les individus n'éprouvaient pas de rivalité entre eux , ils passaient leur vie libres de luttes internes, valorisant la concorde par des sus toute autre chose » (58, 1). Même si dans l' état actuel du texte nous lisons

cette phrase immédiatement après l'exposé de la communauté des femmes et des

enfants, elle caractérise l'ensemble du système politico -social: puisque l'ambi tion (piaotluía ) n' existe pas entre les individus, ils passent leur vie libres de

guerres civiles (otádels), en appréciant énormément la concorde (duóvola ). Il s'agit d'un système conceptuel et lexical qui se répète dans la plupart des repré sentations paradisiaques et qui estparticulièrement voisin de celui qui expliquait la dégradation de l'Atlantide dans le Critias. En effet, on trouve un corrélat presque parfait entre l'ambition du récit de Iamboulos et la cupidité (Theovetia )

du Critias, de même qu'il existe un autre corrélat entre la concorde (duóvola ) du premier et l'amitié commune (piaía ń zouvň ) du second. Enfin , la condition

848

15 IAMBOULOS psycho -sociale des habitants des îles du Soleil est le bonheur, qui fut promis à Iamboulos et à son compagnon par les Éthiopiens (cf. supra).

Chez eux il existait aussi un grand intérêt pour toutes les formes de l'éduca tion, notamment pour l'astronomie (57, 3). L 'intérêt pour l'astrologie s'explique bien dans le contexte du culte astral pratiqué de préférence par ces peuples,mais

l'intérêt pour toutes les disciplines de l'éducation est d'ordinaire absent dans les représentations paradisiaques (cf. Baldassari 18, p. 312 sq., qui remarque à juste titre que le récit de lamboulos accorde une grande importance à ces disciplines). On peut faire ici encore une fois une référence à la doctrine platonicienne, en

particulier à la doctrine sur la vie des hommes durant l'âge de Cronos dévelop pée dans le Politique, constituant l'une des représentations par excellence du monde paradisiaque chez les Grecs. La situation décrite est la même dans le Politique 272 a-c et dans les Lois 713c -714, mais le commentaire de Platon change. En effet, dans le Politique, on se demande si l'humanité de l'âge de Cronos était plus heureuse que celle de l'époque contemporaine, car on soutient

que les habitants d'autrefois étaient infiniment plus heureux à condition qu'ils profitassent de leurs avantages pour pratiquer la philosophie et la sagesse (cf. 50 A . Diès, Platon. Euvres complètes, CUF, Paris 1935, t. IX 1, p. XXXIX ),

tandis que cet intérêt pour la sagesse est significativement absent de la représen tation décrite dans les Lois. En général, on peut voir une contradiction interne dans les représentations paradisiaques qui comportent les traits de l' abondance de biens naturels et la facilité de la vie : le fait que cette facilité peut se transformer en une espèce de maladresse intellectuelle (ainsi chez Virgile, Géorgiques I 124 ). C 'est là l'ambiguïté fondamentale dans les Lois, qui s'exprimenotamment en 678 b : « Pensons-nous, homme étonnant, que dans leur ignorance de beaucoup de choses belles qui ornent les villes, de beaucoup de choses aussi qui les déparent, ces gens- là aient atteint le comble de la vertu ou du vice ? » ; et ibid . 678 a : « Mais n 'est- ce pas de ces condi tions qu 'est sorti notre système actuel, cités, constitutions, métiers et lois, avec abondance de vice, abondance aussi de vertu ? » (trad. E . des Places ; cf. 51 P . Vidal-Naquet, « Le mythe

platonicien du Politique, les ambiguïtés de l'âge d 'or et de l'histoire » , JHS 98 , 1978 , p . 132 141, notamment p. 141 = Langue, discours, société. Pour Émile Benveniste, Paris 1975, p . 374 -391, notamment p . 391). Dans le pays de Musicanos décrit par Onésicrite avec des traits paradisiaques, la seule science pratiquée de façon sérieuse est la médecine (cf. FGrHist

134 , fr. 24 ).

On peut constater que l'introduction de la paideia dans le monde paradisiaque n'est pas sans créer une certaine contradiction . Les habitants des îles du Soleil passaient leur vie dans

les prairies, car la terre procurait en abondance des produits pour leur subsistance (57, 1). La vie oisive en plein air en tant que catégorie ethnographique s 'accordemal avec le fait qu 'il existe chez ces hommes un grand intérêt pour toutes les disciplines de l' éducation (57, 3 ) ; la

prairie représente le lieu par excellence du loisir relâché. Enfin , le grand intérêt attaché à l'éducation par les habitants des îles du Soleil exprime nettement les inquiétudes philo

sophiquesde l'auteur du récit, qui s'accorde à ce sujet avec Platon . Depuis Pindare, la prairie (nequóv) est rattachée aux activités propres aux Bienheureux : l' équitation , les exercices de gymnastique, le jeu et la musique (cf. 52 A . Motte, Prairies et Jardins de la Grèce antique, Bruxelles 1973, p . 261) . On possède des représentations des Champs Élysées dans lesquelles l'exercice physique trouve une place à côté du chant et de la danse, ainsi dans un fragment d 'un thrène de Pindare (fr. 129 Snell/Maehler ) et dans la célèbre description du chant VI de l' Énéide (vv. 644 -645 : pars in gramineis exercentmembra

palaestris, / contendunt ludo et fulva luctantur harena ). Peut- être par conséquent les habitants

849 IAMBOULOS de l'île du Soleil pratiquaient- ils des exercices de gymnastique dans les prairies. La supposi 15

tion que l'on fait souvent, selon laquelle le stoïcisme a exercé une influence sur le récit de lamboulos, n 'empêche pas cette interprétation . En effet, on peut accepter que Zénon partageait le mépris des cyniques à l'égard de l'athlétisme professionnel,mais il n 'y a pas de raison de supposer qu ' il a répudié complètement l'éducation physique (cf. 53 D . Dawson , Cities of the

Gods. Communist utopias in Greek thought,New York/ Oxford 1992, p . 180). Tamboulos dans la tradition des utopies grecques. Du point de vue formel, lamboulos construit son récit à la première personne, à la différence par exemple de Platon. En ce qui concerne le contenu, on constate sans difficulté une coïnci

dence remarquable de la cité de lamboulos avec la cité luxueuse de Platon, ainsi que son opposition à la cité primordiale de Platon, caractérisée par l'ånórns. Le monde de la cité du Soleil est un univers de noixinía, trait qui se manifeste notamment dans l'extraordinaire capacité linguistique de ses habitants, et qui

rappelle de près le rôle important joué dans la cité luxueuse de Platon par le poète capable d'imiter tout genre de voix et de bruits, rôle contesté âprement par le philosophe (cf. République, 397 a ). On peut donc affirmer que l'utopie de

Iamboulos se place nettement du côté de la représentation du monde paradisiaque caractérisée par l'abondance, et non du côté de celle caractérisée par l'austérité . Cela dit, il faut reconnaître que la richesse, l'abondance et la diversité dans les

îles du Soleil présentent quelques restrictions. La restriction la plus importante concerne l' alimentation . En effet, les habitants de ces îles, bien qu'ils disposent spontanément de provisions de tout genre, ne les utilisent pas sans restriction , mais pratiquent la frugalité (59, 1). L ' introduction dans l'univers de la noxıría de la catégorie de la frugalité (altótns) est à première vue étonnante , étant donné que celle -ci appartient à l'univers de l'ånórns, non à celui de la troLXL

ría . Un autre aspect où l'utopie de lamboulos est originale par rapport aux autres récits utopiques grecs est l'utilisation , dans une activité de paideia , du grand loisir dont jouissent les habitants . Comme nous l'avons dit plus haut, ils ont un grand intérêt pour toutes les disciplines de l' éducation , notamment pour l'astronomie (57, 3). A ce sujet, les îles du Soleil ne correspondent pas exacte ment à la cité simple de Platon ni à sa cité luxueuse.

En revanche, certains traits de la vie de l'île du Soleil s'accordent bien avec des traits attribués par Platon à sa cité idéale, des traits qui s'accordent aussi avec ceux que le philosophe attribue dans le Critias à l' Athènes primordiale , notam ment la communauté des femmes et des enfants, et en général de tous les biens,

ainsi que la restriction alimentaire et l'intérêt pour l'éducation (cf. Critias, 110 d).

On peut donc affirmer que la référence à Platon a été décisive dans le récit de

Iamboulos. La représentation utopique qu'on y trouve présente de nombreux parallèles avec la cité idéale de la République, ainsi qu 'avec l' Athènes primor diale du Critias en ce qui concerne la restriction dans la satisfaction des désirs , l'éducation , et en général l'ordre qui préside à tous les aspects de la vie , notam

ment à l'alimentation. Ainsi, le régime de vie des habitants des îles du Soleil peut être décrit avec les mots employés par Platon pour caractériser celui de l'Athènes primordiale : un régime intermédiaire (Médov) entre la somptuosité et

850

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15 la parcimonie. Cependant, ces îles s'approchent plus de la cité luxueuse de la

République et de l' Atlantide du Critias en ce qui concerne d 'autres aspects , comme la diversité d'eaux chaudes et froides. Pour l'importance philosophique et politique du récit concernant l' Atlantide, voir 54 P .

Vidal-Naquet, « Athènes et l'Atlantide. Structure et signification d'un mythe platonicien » , REG 77, 1964 , p . 420-444 (repris dans Le Chasseur noir. Formes de pensée et formes de société dans le monde grec, coll. « La Découverte /Fondations » , Paris 19832 , p . 335 -360 ; et 55 L . Brisson, « De la philosophie politique à l'épopée : le “ Critias " de Platon » , RMM 75, 1970, p . 402-438.

Par ailleurs, les îles du Soleil présentent quelques aspects plus orientaux que

l'Atlantide platonicienne (et que la Panchaïe d'Évhémère (» E 187]). C'est dans le cas des animaux qu 'on peut constater notamment ces aspects, qui répondent à un développement excessif de la noixinía . La richesse de l'Athènes primordiale

du Critias, notamment agricole, était suffisante pour assurer l'alimentation et

l' éducation d'un corpsmilitaire fort et ample . Celle de l'Atlantide était tellement extraordinaire qu'elle pouvait en outre nourrir des éléphants (l'animal qui a le plus besoin d'aliments ), comme la Panchaïe d'Évhémère . Mais dans les îles du Soleil il y avait davantage d'animaux singuliers et même merveilleux. Cela répond au fait que le récit de Iamboulos n ' a pas subi seulement l' influence des

représentations utopiques que nous avons citées jusqu 'ici mais aussi celle de la

représentation traditionnelle de l' Inde, qui remonte à la période archaïque et fut

revitalisée par l'expédition d'Alexandre. D 'ordinaire, ces représentations paradi siaques comportaient un état de grande abondance naturelle de biens, qui devrait

conduire (selon les conceptions anthropologiques le plus répandues) au luxe, à la dissipation . Étant donné que cette catégorie s'oppose à celle qui caractérise nor

malement la psychologie des habitants des sociétés paradisiaques, c'est-à -dire à la simplicité , un problèmedifficile se pose aux constructeurs d 'utopies. En effet,

le corrélat sociologique de l'ånórns est d'ordinaire la actórns ou parcimonie. Or, peut-on s 'attendre à cette parcimonie au milieu de la plus grande abondance naturelle ? La seule solution possible de cette difficulté est celle que Platon pro pose dans le cas des habitants de l'Atlantide (Critias 121 a ; cf. 56 K . Kubusch ,

Aurea saecula. Mythos und Geschichte, Frankfurt 1986 , p . 41, avec d'autres références du Critias) et qu 'Onésicrite propose aussi pour la terre de Musicanos

en Inde : bien que le pays possède une richesse extraordinaire en tout, ses habi tants pratiquent un régimede vie austère et sain (cf. 57 R . Vischer, Das einfache Leben .Wort- und motivgeschichtliche Untersuchungen zu einem Wertbegriff der

antiken Literatur, coll. « Studienhefte zur Altertumswissenschaft» 11,Göttingen 1965, p. 107). Cette solution (qu'on trouve aussi chez Mégasthène (cf. Vischer 57, p. 108 sq. ]) est justement celle que Diodore présente pour le cas des habitants des îles du Soleil. Onésicrite , le philosophe cynique qui prit part à l'expédition d ' Alexandre en Orient, racon

te dans un passage (FGrHist 134, fr. 24 Jacoby) que, bien que le pays de Musicanos ait procu ré abondamment des biens, ses habitants pratiquaient l'austérité. En outre , le passage en question (résumé par Strabon ) présente les caractéristiques de longévité et d'absence de mala die comme si elles étaient la conséquence de l'austérité. Ces traits étaient depuis Hériode

caractéristiques du récit paradisiaque,mais ils n 'étaient pas le résultat de l'austérité ; ils étaient compatibles avec l' abondance.

15

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De toute évidence, à l'arrière-plan des textes d'Onésicrite et de lamboulos se

trouve une réflexion médicale complexe: d'un côté, on y explique la grandeur et la beauté des habitants de l'Asie par la riche alimentation que le pays leur pro

cure (cf. 56 , 2-3 ), selon la doctrine exposée dans le traité d 'Hippocrate, Sur les Airs, les Eaux et les Lieux ; de l'autre , on y explique le manque demaladies et la longévité qui s'en suit pour les habitants grâce à un régime de vie réglé et plus ou moins austère. De ce point de vue, les catégories de l'ordre (tátis , 59, 5 ) et de la mesure (cf. Platon, Critias 112 b ) se révèlent très importantes (cf. 58 J. Lens Tuero, « The influence of someHippocratic passages upon Hellenistic uto pias » , dans R . Wittern et P . Pellegrin (édit.), Hippokratische Medizin und antike

Philosophie. Verhandlungen des VIII. Internationalen Hippokrates-Kolloquiums

in Kloster Banz/Staffelstein vom 23. bis 28. September 1993, coll. « Medizin der Antike » 1, Hildesheim 1996 , p.259-271,notamment p. 265 sqq.). On voit donc comment le récit de lamboulos, si on dépasse le niveau d'une lecture anecdotique centrée uniquement sur les éléments paradoxographiques,

présente une grande richesse conceptuelle, faisant partie de la tradition culturelle grecque, notamment de la tradition concernant la réflexion ethnographique,

médicale et utopique (très liées entre elles). Filiation philosophique. Certains critiques ont soutenu que les utopies hel lénistiques en général n 'ont qu 'un caractère purement fantaisiste , qu'elles sont des descriptions de peuples lointains et étranges (exotiques), non des créations

philosophiques (cf. 59 W .E. Brown, « Some Hellenistic utopias» , CW 48, 1955,

p. 57-62 ; Giangrande 48 ). Pour notre part, nous considérons que l'utopie de lamboulos, comme les utopies grecques en général, possède une finalité philoso phique ou politique plus ou moins nette (cf. di Capua 26 ; 60 V . Domínguez García , Los dioses de la ruta del incienso. Un estudio sobre Evémero de Mesene, Oviedo 1994, notamment p. 91-92 ; 61 R . Bichler, « Zur historischen Beurteilung

der griechischen Staatsutopie » ,GB 11, 1984, p . 179-206 ). On voudrait définir la filiation philosophique concrète de lamboulos, bien que notre connaissance de la personnalité de cet auteur soit très pauvre. A ce sujet, il

faut tout d 'abord insérer lamboulos fondamentalement dans la tradition uto pique, qui était déjà très développée à son époque (cf. Gernet 7). Le fait que Cléanthe d'Assos (MC 138 ) avait considéré le Soleil comme l'intelligence

directrice ( tò nyeuovixóv) et le cæur du monde (cf. SVF I 499) fait songer au stoïcisme (cf. Bidez 8, p. 274 ); d'autres aspects , comme le régime de vie simple pratiqué par les habitants des îles du Soleil, font songer au cynisme. Par consé quent, certains auteurs affirment une influence cynico -stoïcienne sur lamboulos : cf. Susemihl 1, t. I, p. 324 ; Kroll 2 , col. 682 sq. ; Bertelli 22 , p. 562 ; et62 Id., « Itinerari dell'utopia greca : dalla città ideale alle isole felici» , dans R . Uglione

(édit.), Atti del Convegno nazionale di studi su la città ideale nella tradizione classica e biblico -cristiana (Torino 2 -3 - 4 Maggio 1985), Torino 1987, p . 35- 56 , notamment p. 53. De son côté , Rohde 4 , p . 260 n., va jusqu 'à dire que l'on peut ranger lamboulos parmi les partisans de la doctrine stoïcienne ou de la doctrine

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15

cynique (cf. Winiarczyk 29, p. 137 sq ., sur l'influence stoïcienne dans le récit de lamboulos, et p. 134 -137, sur ses sources en général).

Or, l'importance que le récit de Iamboulos accorde à l'éducation (57, 3) ne s'harmonise pas avec une influence du cynisme ou de la Molteia de Zénon, qui contestaient l'utilité de l'éyxúxalog Taldeía . En ce qui concerne l'influence stoïcienne, il faut tenir compte en outre de l'hypothèse de Tarn 9 , 10 , selon laquelle l' idéal de l'unité et de la fraternité humaines doit se placer déjà dans le cadre de l'activité d 'Alexandre le Grand, avant la Politeia de Zénon , le fondateur du stoïcisme. On sait que les idées de Tarn ont été reçues en général avec beau coup de scepticisme, et cela à juste titre , notammenten ce qui concerne la carac térisation d 'Alexandre. Cependant, nous retiendrions certains points où Tarn

semble avoir raison, par exemple , lorsqu'il affirme que l'Ouranopolis d'Alexar

que et la Panchaïe d 'Évhémère accordent un rôle important dans le système religieux aux divinités astrales. Dans les récits de ces deux auteurs, comme c'est

l'habitude en général dans les récits qui font référence à des divinités pré-olym piennes ou « para-olympiennes» , on exprime des idéaux égalitaristes et com

munistes. Donc, lamboulos peut aussi bien faire partie de cette tradition qui ne dépend pas du stoïcisme (cf. Gernet 7, p. 294 sqq., 309). Pour l'Ouranopolis d 'Alexarque, nous renvoyons à Tarn 9 , p. 141 sqq., Tarn 10 , 1. II, p . 426 sqq . (cf. aussi 63 M . García Teijeiro , « Una lengua artificial en la Grecia helenística » ,

RSEL 11, 1981, p .69-82). A une date qu 'on ne peut pas préciser mais qu 'on peut placer très probablement peu après 3164, Alexarque, le frère de Cassandre, a reçu le commandement sur un vaste territoire situé dans l' isthme de l'Athos (appendice oriental de la Chalcidique), auquel il donna le nom d 'Ouranopolis . Les sources littéraires relatives à l'organisation politique de ce territoire sont Athénée et Clément d 'Alexandrie , qui citent nommément des autorités du 11a , le premier Héraclide Lembos, le second Aristos de Salamine. En outre, une partie de ces rensei gnements a été confirmée par la numismatique. Il convient ici de remarquer que la tradition

littéraire et la numismatique coïncident sur le rôle important joué dans l'organisation reli gieuse de cette Ouranopolis par les divinités pré- olympiennes et « para-olympiennes » , en par

ticulier par Ouranos (quidonne le nom à la cité , dont les citoyens s'appellent significativement non pas Ouranopolites mais Ouranides), ainsi qu 'Hélios et Aphrodite Ourania. Quant à la

célèbre Panchaïe d'Évhémère, le récit le plus complet se trouve chez Diodore de Sicile V 42, 4 -46 , 7. On y trouve Ouranos (D .S . V 44 , 6 , etc.) comme une divinité vénérée de façon particulière et, à ce qu 'il semble , Aphrodite n 'était pas absente non plus, de l'æuvre d ' Évhé

mère (cf. 64 M . Winiarczyk, Euhemeri Messenii Reliquiae, coll. BT, Stuttgart/Leipzig 1991,

p. 51). Par ailleurs, le fleuve appelé « eau d'Hélios» (qui possédait des propriétés thérapeu tiques) baignait la plaine dans laquelle se trouvait le temple de Zeus Triphylios.

A ces deux récits, il faut ajouter celui de lamboulos. Pendant les fêtes et les banquets, les habitants des îles du Soleil chantent des hymnes et des louanges en l'honneur des dieux, notamment en l'honneur du Soleil, qui donne son nom aux

îles et à leurs habitants (59, 7) ; ils adorent comme des divinités celui qui em brasse tout, le soleil, ainsi que tous les objets célestes (59, 2). Le sens profond de

ces trois utopies, qui a amené leurs auteurs à les placer sous l'invocation de divi

nités astrales pré -olympiennes, est la promotion d'un idéal de concorde sociale fondée sur l'égalitarisme communiste . Le récit de l'utopie de lamboulos mani feste le sens politique profond qui préside à ces constructions utopiques, qui nous sont parvenues souvent en des versions dégradées mettant en relief tout d'abord les éléments fantastiques ou pittoresques. C 'est en raison de cette

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dimension politique fondamentale que le récit de Iamboulos coïncide sur certains

points avec l'utopie d'idéal dorien (cf.notammentla République de Platon),bien qu 'elle représente surtout le genre d 'utopie orientalisante , dans laquelle la jouis

sance de la diversité joue légitimement un rôle important. Influence. L 'influence du récit de lamboulos a été remarquable dans toute la tradition de l'utopie ( cf. Farrington 30, p. 75 sq.; Bidez 8, p. 280 ; et 65 H . Flashar, Formen utopischen Denken bei den Griechen, coll. « Innsbrucker Bei träge zur Kulturwissenschaft » 3, Innsbruck 1974, p. 14 ). L 'exemple le plus celè

bre est celui de la Civitas Solis de Th .Campanella (1623). Comme exemple de l'influence du récit de lamboulos à l'époque de la Renaissance, on peut citer le fait qu 'une version latine apparaît dans l'ouvrage de 66 J. Boemus (H . Böhm , Jean de Boëme, dit Teutonic ), Omnium gentium mores, leges et ritus, ex multis clarissimis rerum scriptoribus, a Joanne Boëmo, ..., nuper collecti et novissime recogniti..., Lugduni 1536 , p . 296 -297 (réimpr. Antuerpiae 1571, p .473 -481). Cet ouvrage fut traduit en français en 1540 , sous le titre : Recueil de diverses histories touchant les situations de toutes regions et pays contenuz es trois parties du monde... Nouvellement traduict de Latin en François..., Anvers 1540 . Le récit de lamboulos s 'y trouve au livre III, ch . 26 , fos 265 b - 268 b , où

Boemus n 'indique pas que la source en est Diodore. Plus tard , Boemus semble avoir été utilisé, directement ou indirectement, par 67 Ambroise Paré, auteur de l'ouvrage Des monstres et prodiges, dont la première édition sort à Paris en 1573 ( suite du livre intitulé De la genera tion de l'homme, aux pages 365 -580) . En effet, 68 J. Céard (édit .), Ambroise Paré, Des

monstres et prodiges, édition critique et commentée, coll. « Travaux d 'Humanisme et Renais

sance » 115, Genève 1971, p . 199 (n . 311), considère que l'animal prodigieux dont parle Paré dans le chapitre 36 , li. 59-75, p. 138 sq. Céard , provient en réalité du récit de lamboulos rap porté par Boemus, peut-être par l'intermédiaire de 69 Fr. de Belleforest, auteur d 'une Histoire universelle du monde..., Paris 1570, partiellement traduite de Boemus.

D 'autre part, le livre de Boemus fut traduit en espagnol par 70 F. Thamara, sous le titre El libro de las Gentes del Mundo y de las Indias, Amberes 1556 . Le récit en espagnol de Iam boulos fut repris par 71 A . de Torquemada, Jardín de Flores curiosas, Salamanca 1570 ; édi

tion fac-similé de l'édition Lérida 1573,Madrid 1955, p. 17b - 31 a ; édition de 72 G . Allegra , coll. « Clásicos Castalia » 129, Madrid 1982, p . 141-147 (cf. 73 G . Cabello Porras et J. Campos Daroca, « Relatos utópicos en el Jardín de Torquemada » , AMal, 1996 , à paraître pro chainement) . Il est intéressant de remarquer que Torquemada considère lamboulos comme un contemporain de Boemus. Cela montre l' existence d ' une coïncidence de base entre l’ima

ginaire utopique grec et celui de la Renaissance, et explique aussi le fait que le récit ait été

souvent réimpriméà cette époque. On peut indiquer enfin que 74 D .Mendels, « Hellenistic utopia and the Essenes » , HTAR 72, 1979 , p . 207 -222, défend la possibilité que certains modes de vie à Qumran aient été conçus sous l' influence des utopieshellénistiques, en particulier de lamboulos.

JESÚS LENS TUERO (†) et PEDRO PABLO FUENTES GONZÁLEZ . 6

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Brahmane avec lequel Apollonios de Tyane se serait entretenu lors de son séjour en Inde. larchas apparaît en effet dans la Vie d 'Apollonios de Tyane III 16 de

Philostrate comme le chefdes Brahmanes - Philostrate refuse l'appellation tradi tionnelle de « gymnosophistes» -, non pas de ceux qu ’Alexandre rencontra,mais

des « vrais sages» qui habitent entre l'Hyphase et le Gange (V. Apoll. II 33).On peut penser qu 'il s'agit d'un personnage de fiction . Certes, le nom d' larchas se

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retrouverait dans des textes sanskrits sous la formeAyārcyā ; toutefois, il faudrait prouver qu 'il n 'y a pas dépendance par rapport à la tradition philostratéenne (cf. 1 D . Del Corno (édit.), Vita di Apollonio di Tiana, coll. « Biblioteca Adelphi»

82,Milano 1978, p. 30 n. 24 ). Quoique 2 T. Hopfner,« Die Brachmanen Indiens und die Gymnosophisten des Philostrats », ArchOrient 6 , 1934 , p . 64 , n 'hésite pas à dater d'août à novembre 45 le contact entre larchas et Apollonios, beau coup de philologues doutent de la réalité de ce voyage en Inde. On trouvera

cependant dans 3 G . Anderson , Philostratus. Biography and belles lettres in the third century A. D ., London 1986 , p . 206 -215, une analyse de l' épisode indien

qui ne remet pas fondamentalement en cause le texte de Philostrate. larchas aurait été le maître du roi indien de Taxila Phraotès (V. Apoll. II 41). D 'ailleurs, comme tout brahmane, il est conseiller du roi, mais à la différence de

ce qu 'affirmeNéarque = Strabon XV 1, 66 à propos des brahmanes, il ne suit pas le roi, c'est le roi qui vient consulter (V. Apoll. III 27-33). Il est présenté par Apollonios comme le sage par excellence, voire comme un dieu (V. Apoll. VII 32). En revanche, pour Eusébe de Césarée, Contre Hiéroclès 18 , 19- 31 des Places, il n 'est qu 'un magicien, un satrape, un tyran (on trouvera dans Eusébe de

Césarée, Contre Hiéroclès, introduction, traduction et notes par M . Forrat, texte

grec établi par E . des Places, coll. SC 333, Paris 1986, p. 234, s.v. “ larchas”, les passages d'Eusebe, tous défavorables, concernant le personnage).

D 'après Philostrate, V. Apoll. III 41, il aurait inspiré au sage de Tyane une æuvre en quatre livres sur la divination par les astres, mentionnée par Moira génès, un des biographes d 'Apollonios, et un traité sur les sacrifices. Il semble

rait que cette fréquentation des brahmanes ait valu à Apollonios l'accusation de sorcellerie (cf. V. Apoll. I 2 ). De plus, larchas, comme les brahmanes, est exor ciste et bon médecin ( V . Apoll. III 38 -40) ; il lie d 'ailleurs divination et médecine

(V. Apoll. III 44). Enfin , il pratique le culte brahmanique, qui est surtout un culte solaire célébré par des hymnes et culminant dans la lévitation ( V . Apoll. III 15 17).

A travers larchas, c'est la « philosophie » des Brahmanes, sagesse originelle et insurpassable (V. Apoll. VI 11 ; 16 ) qu'expose Philostrate , selon les normes de la tradition grecque qui veut que la sagesse indienne se manifeste notamment par

des réponses à des questions difficiles (la question sur la grandeur comparée de la terre et de la mer, posée en V . Apoll. III 37 , se retrouve par exemple dans d'autres textes, comme le remarque 4 A . J. Festugière, « Trois rencontres entre la

Grèce et Rome» , RHR 125 , 1942/1943, repris dans Études de philosophie grec que, Paris 1971, p. 179 -181). La difficulté d'interprétation du livre III de la Vie d 'Apollonios, comme chaque fois que les Grecs évoquent la pensée indienne, tient au fait que nous ne sommes pas en mesure de discerner à coup sûr le noyau

authentique qui se cacherait dans l' interpretatio graeca. Festugière 4, p. 179, souhaitait un commentaire réalisé par « un indianiste qui aurait connaissance aussi des philosophies hellénistiques » . Sans être indianiste , Anderson 3, p. 210

215, a relevé le défi et comparé les informations fournies par Philostrate aux textes indiens et au bouddhisme.

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Voiciles aspects essentiels de la doctrine prêtée à larchas et à ses congénères: elle est systématiquement présentée comme l' inspiratrice de la doctrine pythago

ricienne,par exemple sur le chapitre de l'âme (cf. V. Apoll. III 19 -21, où se trou ve définie et illustrée la théorie de la métensomatose , laquelle , depuis Alexandre Polyhistor [* A 118 ] = Clément d 'Alexandrie , Stromates III 8, 60, est rattachée aux sages indiens) ; des croyances sur l'âme dérive l'exigence d 'un régime

végétarien, transmis aux gymnosophistes éthiopiens et par eux à Pythagore (V . Apoll. III 26 ; VI 11 ; VIII 7, 4 ). Peuvent être également apparentés à la philo sophie pythagoricienne le culte de la mémoire et la physiognomonie , V. Apoll. II 30 (cf. Jamblique, V. Pyth . 97 ; 164 pour la mémoire et V. Pyth . 71 pour la physiognomonie), demême que la prescience et l'omniscience qui se fondent sur la connaissance de soi (V. Apoll. III 16 ; III 18 ). Ces références, explicites ou implicites, au pythagorisme sont intéressantes dans la mesure où toute une tradi

tion grecque postérieure à Alexandre aurait eu plutôt tendance à présenter les gymnosophistes indiens sous les couleurs du cynisme: la rencontre d'Alexandre avec le chef des brahmanes, Dandamis (ou Mandamis), avait été relatée initiale

ment par le philosophe cynique Onésicrite ; et le Pap. Genev. 271, daté du 11° siècle de notre ère , donne de cette rencontre une version influencée par le cynisme (voir 5 C .Muckensturm , art. « Dandamis» D 20 , DPhA II p.610 -612 , et

6 Ead. , « Les Gymnosophistes étaient-ils des Cyniques modèles ? » , dans M . 0 . Goulet-Cazé et R .Goulet (édit.], Le Cynisme ancien et ses prolongements, Paris 1993, p . 225 -239). Cette insistance sur la référence au pythagorisme a

conduit 7 R . Reitzenstein, Hellenistische Wundererzählungen, 2e éd ., Leipzig 1906 , p . 42-45 , à voir dans les sages indiens une exaltation de Pythagore et de sa philosophie contre le cynisme, incarné dans le récit de Philostrate par les

Gymnosophistes éthiopiens. Cette thèse, qui impliquerait un schéma remontant à Moiragénès, a été examinée par 8 E .L .Bowie , « Apollonius of Tyana : Tradition and reality » , ANRW II 16 , 2, 1978, p. 1674 - 1675. D 'autre part, on peut relever, à la suite de Hopfner 2 , p. 62, que la critique de la théorie des nombres (V. Apoll.

III 30 ) est une critique de la théorie pythagoricienne qui vientnon d’Apollonios, mais de Philostrate .

Si les considérations sur la connaissance de soi, la connaissance du monde, la

connaissance de dieu et les rapports nécessaires qu'elles entretiennent ( V. Apoll. III 18) peuvent être rapprochées du pythagorisme (cf. 9 A . Delatte , Études sur la

littérature pythagoricienne, coll. « Bibliothèque de l'école des Hautes Études » – Sciences historiques et philologiques, 217e fascicule, Paris 1915, qui offre [p.69] une excellente mise au point sur le « connais-toi toi-même» pythagori cien ), elles ont suscité des interprétations diverses et stimulantes. 10 P. Cour celle , Connais -toi toi-même de Socrate à saint Bernard , coll. « Études augusti niennes » , Paris 1974 - 1975, p.64-67, examine l' importance de cette exigence d' larchas dans l'æuvre de Philostrate : en se reconnaissant d'origine divine, l'homme embrasse et possède toute science ; il note (p. 66 ) que « cet exotisme indien remonte à une tradition littéraire qui se trouve déjà dans tel fragment

d'Aristoxène. Mais l'on n 'oserait plus exclure absolument qu'il y ait quelque

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rapport avec l'avancée grecque vers l'Inde, puisque des fouilles très récentes ont mis à jour au bord de l'Oxus, en Afghanistan , un temple d'Apollon et une inscription comportant une longue liste de préceptes delphiques ». Quant à

Festugière 4, p. 192- 194, qui déclare n'avoir pas eu connaissance de 11 E . Bréhier, La Philosophie de Plotin , coll. « Bibliothèque d'histoire de la philoso phie », Paris 1968, p . 132 -133 (lequel conclut: « Ainsi l'on retrouve dans la bouche de ces Hindous de fantaisie la doctrine de l'identité du moi avec l' être universel et avec Dieu, la connaissance de soi, science de sa propre divinité , si distincte de la connaissance de soi telle que l'entendaient les moralistes grecs » ), il confronte ce passage avec un fragment d'Aristoxène de Tarente (" A 417)

transmis par Eusébe, P. E. XI 38, et avec le per Alcibiade pour souligner leur unité de pensée.

D 'autre part, le discours d 'Iarchas sur l'univers ( V. Apoll. III 34-35) a parti culièrement retenu l'attention : le sage affirme que le monde est composé de cinq éléments , le cinquième étant l' éther, et qu'il est un être vivant dirigé par le dieu

créateur. DepuisMégasthène (= Strabon XV 1, 59), la théorie des cinq éléments est attribuée aux Indiens, ce qui semble correspondre à la pensée indienne (sur la théorie indienne des cinq éléments, voir 12 J. André et J. Filliozat, L 'Inde vue de Rome, Textes latins de l'Antiquité relatifs à l'Inde, « Collection d' Études ancien nes » , Paris 1986 , p. 381 n . 284 ). On peut déceler aussi, à cause de l'éther, une influence aristotélicienne (lire Hopfner 2, p.63, où se trouvent relevées d 'autres références possibles à propos de ce système cosmologique), sans oublier que Platon , Epinomis 981 c, mentionne également l'éther ; l'influence de cette @ uvre sur la V. Apoll. III 34 peut se percevoir encore dans l'usage du substantif rare (woyovía présent en V . Apoll. III 34 et en Epinomis 980 с. Enfin , Del

Corno 1, p . 168 n. 35, évoque, à cause de la théorie de la sympathie, le système

de Posidonius. Quant à la comparaison du dieu suprême avec un pilote, elle peut rappeler, entre autres, un passage du Politique 272 e,mais aussi, comme l'a sou ligné 13 J. Rougé, « Trois textes d'époque impériale sur le navire» , Latomus 50 , 1991, p.673, le fragment 18 deNuménius (éd. des Places).

Par ailleurs, plus isolé, et traité sur un ton polémique, le thème de la justice est un thème, semble -t-il, important: être juste ne consiste pas seulement à s'abstenir de l'injustice, contrairement à ce que professerait, d'après larchas, la

philosophie grecque (cf. V. Apoll. III 25 ; VI 3 ). Stobée I 3 , 56 (= Ep. 78 dans 14 R.J. Penella , The Letters of Apollonius of Tyana , coll. « Mnemosyne » Supplementum 56 ,Leiden 1979) nous a conservé un passage du De Styge de Porphyre contenant un fragment d'une lettre d'Apollo nios à Iarchas. Le corpus des Lettres d'Apollonios contient une lettre du roi

Phraotès à Iarchas (Ep. 77 b Penella = V. Apoll. II 41 ) et une lettre d'Apollonios aux Brahmanes (Ep. 77 c Penella = V. Apoll. III 51). Philostrate (V. Apoll. I 2 ;

V 2) mentionne des lettres aux Indiens qui sont vraisemblablement des lettres aux brahmanes. PATRICK ROBIANO .

857

ICCIUS

19

Пала

7 IASON (Jason) D 'ATHÈNES

Académicien , disciple de Carnéade ( + C 42),mentionné dans l'Academi corum historia de Philodème, col. 23, 13, p. 160 Dorandi (= Carnéade T 3b 11 Mette). TIZIANO DORANDI.

8 IASON (Jason) DE NYSA RE 11

ма Philosophe stoïcien , disciple et successeur de Posidonius (mort vers 509) dans son école de Rhodes. Il était également, par sa mère, petit-fils du philosophe

(Ouyatplooûç). Il était de Nysa par son père Ménécrate et Rhodien par sa mère

(Souda, s.v. ’láowv, I 52 ; t. II, p. 605, 7- 11 = Posidonius T 40 Edelstein -Kidd). « Il écrivit des Vies d 'hommes illustres (Bíol évbówv), des Successions des phi

losophes (Olooóbwv Qladoxal), une Vie de la Grèce (Bíoç 'EMádoc) en qua tre livres – selon certains. Il écrivit également sur Rhodes ». Un ou plusieurs Jason , fils de Ménécrate, sont attestés dans une inscription de Rhodes du jer siècle av. J. -C . (IG XII 1, nº 46 ).

On considère généralement que son père était Ménécrate de Nysa (RE 27), disciple d 'Aristarque, présenté commeune célébrité de Nysa par Strabon XIV 1, 48 , 650. Mais il est à

remarquer que Strabon connaissait deux fils deMénécrate, Aristodèmede Nysa auprès duquel il avait étudié à Nysa même, quand le maître était déjà très âgé (xai 'Aplotóồnuos éxeivou viós, ou Oinxouoajev nuet. Égyaróynpw VÉOL TavtElās Év m Núon ) et Sostrate son frère,

sans compter un cousin, égalementnommé Aristodème, qui avait été le maître de Pompée le Grand . A cette famille de ypauuatixol Strabon ne rattache pas Jason . L ' intérêt qu ' il portait à Posidonius ne l'aurait-il pas amené à citer dans ce contexte son disciple et diadoque s'il avait

appartenu à cette famille ? A . Gercke, « War der Schwiegersohn des Poseidonios ein Schüler Aristarchs ? » , RhM 62, 1907, p . 116 -122 (arbre généalogique, p. 122) considère que le père de Jason appartenait à la famille du grammairien , mais qu ' il dut vivre une ou deux générations après lui.

Fragments et témoignages. C .Müller, Scriptorum de rebus AlexandriMagni

fragmenta, Paris 1846, p . 159- 161. Cf. F . Jacoby, art. « Iason » 11, RE IX 1 , 1914 , col. 780 -781 ; Rosa Giannatta

sio Andria , I frammenti delle “ Successioni dei filosofi", coll. « Università degli studi di Salerno - Quaderni del dipartimento di scienze dell'antichità » 5, Napoli

1989, p. 161- 162. RICHARD GOULET. ja 9 IASON (Jason ) DE [P ]AR [OS] Académicien , disciple de Carneade ( + C 42), mentionné dans l'Academico

rum historia de Philodème, col. 23, 14, p. 160 Dorandi (= Carnéade T 3b 11 Mette ). TIZIANO DORANDI.

10

Fja ICCIUS RE 2 Intendant (procurator) administrant les biens d'Agrippa en Sicile . On peut

hésiter sur son statut: homme libre ou affranchi (G . Fabre et J.M . Roddaz,

« Recherches sur la “ familia de M . Agrippa », Athenaeum 60, 1982, p. 84-112).

858

ICCIUS

110

Horace lui dédie l'ode I 29 à un moment où lccius semble se décider à partir en campagne contre les Arabes en 24 av. J.-C ., ainsi que l'épître I 12 . L ' intérêt d'Iccius pour la philosophie est mentionné clairement dans ces deux poèmes.

Dans l'épître I 12 se trouve indiquée une curiosité générale pour les études scientifiques et philosophiques: « ...au milieu de cette lèpre et de cette contagion générale du gain , tu n'as pas une seule pensée petite et t’occupes encore des plus hautes recherches: quelles causes retiennent la mer dans ses limites, ce qui règle le cours de l'année, si les planètes dans leur marche errante vont d 'un mouve ment spontané ou obéissent à des lois, ce qui obscurcit et fait disparaître le disque de la lune et ce qui le découvre de nouveau , quels sont la signification et le pouvoir de l'harmonie dissonante des choses, si c'est Empédocle ( E 19) qui délire ou bien l'esprit subtil de Stertinius » (I 12 , 14 -20 ). La mention d'Empé docle et du stoïcien Stertinius ne permet pas d'indiquer vraiment les choix d 'Iccius et les vers suivants ne sont pas plus précis : « ...que tu immoles des poissons ou bien des poireaux et des oignons. .. » (21-22 ). Les commentateurs ont souvent souligné ici des échos d'Empédocle (cf . Diogène Laerce VIII 77 ) et de Pythagore. Mais ces vers ne permettent pas de conclusions nettes. Faut- il donc voir dans ce personnage un amateur de philosophie aux goûts mal détermi

nés ( cf. D . West, Horace Odes I, Oxford University Press 1995, p. 139) ? Mais les Odes semblent un peu plus précises. Le poète exprime son étonnement devant la conduite d' Iccius: « Qui nierait que les ruisseaux au cours rapide puis sent remonter vers les montagnes abruptes et le Tibre refluer puisque toi, tu aspires à échanger les livres du célèbre Panétius achetés dans le monde entier et

toute la famille socratique contre une cuirasse ibérique, toi qui promettais

mieux » (I 29, 10- 16 ). Les deux références philosophiques montrent clairement l'intérêt d 'Iccius pour le domaine de la philosophie ; si l'allusion à la « famille

socratique » semble peu précise parce que Socrate passe pour le père des écoles philosophiques venues après lui, la mention de Panétius laisse ici penser qu ' Iccius est proche du stoïcisme. Ce point de vue se trouve confirmé par cer tains vers de l'épître I 12 : pour reprocher à Iccius son désir excessif de s'enri chir, qui ne s'accorde pas avec son intérêt pour la philosophie , Horace use mani festement de maximes philosophiques. Les unes ont un caractère très général: « il n 'est pas pauvre celui qui a à sa disposition l'usage d'un bien » (1 12, 4 ); d 'autres semblent plus proches du stoïcisme : « tu considères que tout est infé rieur à la seule vertu » . L ' importance attachée à la uirtus, supérieure à tout le

reste , évoque nettement la philosophie du Portique et laisse penser qu 'Iccius est un adepte de cette philosophie .

Cf. J.R .G . Wright, « Iccius' change of character, Horace, Odes I 29» ,Mne mosyne 27 , 1974, p. 44 -52 ; J.- Y . Maleuvre, « Iccius et Pompéius ou Horace a-t- il vraiment jeté son bouclier à Philippes ? (Odes I, 29, II, 7 et 16 , Epist. 1, 12 ) » , RBPH 70 , 1992 , p. 93- 108 : Elisa Romano , « La metamorfosi di un filosofo (Hor.

Carm . 1, 29) », dans C . Curti et C . Crimi( édit.), Scritti classici e cristiani offerti a Francesco Corsaro, Catania 1994, t. II, p. 583-594 . MICHÈLE DUCOS .

I 13

IDAIOS D ’HIMÈRE

859

11 ICCOS DE TARENTE RE + RESuppl. VII: Témoignages.DK 25 (15), t. I, p . 216 -217. Athlète et entraîneur, fils de Nicolaïdès de Tarente , vainqueur au pentathlon aux Jeux Olympiques (cf. Pausanias VI, 10, 5 ). Un Iccos figure parmi les Taran

tins dans le catalogue des pythagoriciens de Jamblique, V. pyth. 36 , 267, p. 144 , 16 Deubner. Iccos est mentionné par Platon dans le Protagoras 316d, quand Protagoras affirme que l'art sophistique a été exercé par les Anciens, lesquels cependant le dissimulaient sous d'autres arts à cause de l'aversion que celui-ci

suscitait. Dans les Lois, 840 a, Iccos de Tarente est mentionné non seulement pour sa technique,mais aussi pour sa modération alliée à son courage ; il se serait abstenu, au cours de sa préparation athlétique, de toutcommerce sexuel.

BRUNO CENTRONE. 12 ICHTHYAS LE MÉGARIQUE

D - M IV

Philosophe mégarique , fils d 'un certain Métallos (s'il faut en croire les manuscrits de Diogène Laërce en II 112), élève d 'Euclide de Mégare (» E 82) et son successeur présumé à la tête de l'École,maître de Thrasymaque de Corinthe

(qui eut lui-même l'honneur de compter Stilpon comme auditeur).Un dialogue de Diogène le Cynique lui est adressé (D .L . II 112 ; voir VI 80 où un dialogue intitulé 'Ixovac est en effet signalé ). Il aurait péri de mort violente après avoir comploté contre sa patrie (Mégare ?). Les rares témoignages subsistants sont dus à Diogène Laërce (trois mentions, dont une empruntée à Héraclide (Lembos ]), Athénée et Tertullien , ainsi qu 'à l'article “ Euclide" de la Souda, le tout réuni dans 1 K . Döring, Die Megariker, fr. 32 A -B , 33, 47, 48 , 147. Traduction fran çaise dans 2 R . Muller, p . 25, 28 et 54 . Commentaire et bibliographie chez Döring 1, p. 100 -101 (cf. aussi p . 91-97) et Muller 2, p. 108 - 109. 3 G . Giannan toni, SSR , fr. II H 1-3 . ROBERTMULLER . va 13 IDAIOS D ’HIMÈRE DK 63 abs. de la RE Physicien , mentionné seulement par Sextus Empiricus ( A.M . IX 360) avec

Anaximène (> A 168 ), Diogène d'Apollonie ( D 139) et Archélaos d' Athènes (* * A 308 ) comme l'un de ceux qui ont fait de l'air le principe et l'élément de toutes choses. Comme pour Diogène d 'Apollonie , sa proximité avec Anaximène dans les témoignages tient à l'identité de la thèse qui leur est attribuée , sans considération de chronologie. Bien que seuls Anaximène et Diogène (scil. d 'Apollonie ) soient mentionnés à ce titre par Simplicius (in Phys., p . 149, 5 Diels), les passages d 'Aristote où il est question de ceux qui ont fait de l'air la cause ou le principe unique de toutes choses sont retenus comme témoignages à son sujet.

Éditions. DK 63.

Bibliographie. 1 A . Cappelletti, Diogenes de Apolonia y la segunda filosofía jónica. coll. « Biblioteca de textos filosoficos », Macaraibo , Universidad del

860

IDAIOS D 'HIMÈRE

113

Zulia 1974 ; 2 Id ., « Los epígonos de la filosofía jónica » , RVF 3, 1975, p . 7 -31, notamment p . 16 -18.

MICHEL NARCY. 14 IDOMÉNÉE DE LAMPSAQUE RE 5

IV - III

Philosophe épicurien. Témoignages et fragments. 1 A . Angeli, « I frammenti di Idomeneo di

Lampsaco » , CronErc 11, 1981, p. 41- 101 ; 2 Ead., « Accessione a Idomeneo » , CronErc 14, 1984 , p . 147 ; 3 Ead., « La scuola epicurea di Lampsaco nelPHerc. 176 (fr. 5 coll. I, IV , VIII-XXIII) » , CronErc 18, 1988 , p. 38-45. Cf. 4 H . Sauppe, « Idomeneus » , RhM 2 , 1843, p . 450 -452, repris dans Aus

gewählte Schriften , Berlin 1896 , p. 194 sq.; 5 F. Jacoby, art. « Idomeneus» 5,RE IX 1 , 1914, col. 910 -912 ; 6 A . Vogliano , « Nuove lettere di Epicuro e dei suoi

scolari tratte dal papiro ercolanese n. 176 » ,AFLC 1-2 , 1926 -1927, p. 385-444; 7 R . Philippson , « Neues über Epikur und seine Schule » , NGG 1930 , p . 1- 32, repris dans ses Studien zu Epikur und den Epikureern , hrsg. von C .J. Classen , Hildesheim /Zürich /New York 1986 , p . 192-223 ; 8 A . Momigliano, « Su alcuni

dati della vita di Epicuro » , RFIC 63, 1935, p . 302-316, repris dans Quinto contributo alla storia degli studi classici e del mondo antico, Roma 1975 ,

p . 545-560 ; 9 E . Bignone, L 'Aristotele perduto e la formazione filosofica di Epi curo, Firenze 1936 (réimpr. 1973) , t. I, p. 443, 446 , 493 ; 10 R . Philippson , art. « Timokrates » 11, RE VI A 1, 1936 , col. 1266 -1269 ; 11 C . Diano, Lettere di

Epicuro e dei suoi nuovamente o per la prima volta edite, Firenze 1946 ; 12 A . Vogliano , « Dall'epistolario di Epicuro e dei primi suoi scolari (papiro ercola nese Nr. 176 ) », Prolegomena 1, 1952, p. 43-60 ; 13 R .Westman , Plutarch gegen Kolotes. Sein Schrift " Adversus Colotem " als philosophiegeschichtliche Quelle,

coll. « Acta Philosophica Fennica » 7 , Helsinki 1955, p. 189-192 , 225-227 ; 14 F . Jacoby, FGrHist, t. III B , Leiden 1955 , p. 189 - 195 , t. III b , p . 57-61; 15 M . Isnardi Parente , Opere di Epicuro, Torino 1974 ( réimpr. 1983 ) ; 16 A . Momi gliano, Lo sviluppo della biografia greca, Torino 1974, p . 75 , 125 ; 17 D . Sedley , « Epicurus and the mathematicians of Cyzicus» , CronErc 6 , 1976 , p . 26 - 28 ; 18 A . Angeli, « L 'opera “ SuiDemagoghi in Atene" di Idomeneo », Vichiana 10 ,

1981, p . 5 - 16 ; 19 D .P . Fowler, « Lucretius and Politics» , dans M . Griffin and J.

Barnes (édit.), Philosophia Togata. Essays on Philosophy and Roman Society, Oxford 1989, p . 123 sq . ; 20 A . Tepedino Guerra , « Filosofia e società a Roma» , CronErc 21, 1981, p . 129 sq.; 21 E . Acosta Méndez et A . Angeli, Filodemo.

Testimonianze su Socrate, coll. « La Scuola di Epicuro » 13,Napoli 1992, p . 46 52 ; 22 A . Angeli, « Frammenti di lettere di Epicuro nei papiri d 'Ercolano » , CronErc 23, 1993, p . 11-27. Biographie. Idoménée naquit à Lampsaque, sur la côte septentrionale de l'Asie mineure, probablement vers 325 av. J. -C . (cf. Angeli 1, p. 43). Il était issu

d'une riche famille de la noblesse (Strabon XIII 589-590 C . = F 1). Vers l'âge de quinze ans, il rencontra pour la première fois Épicure à Lampsaque, où le philo

sophe s'était établi après son départ de Mitylène en 310/309 (Philodème, De

IDOMÉNÉE DE LAMPSAQUE 861 rhet., PHerc. 463, col. IX = F 6 ; Théon, Progymn. 168 - 169 = F 12 ; Diogène

I 14

Laërce X 22 = F 23). Dans l'entourage d'Épicure vivaient alors ses premiers disciples : Léonteus, Métrodore, son frère Timocrate , Colotès et, peut-être, Thémista et Batis , seur de Métrodore, laquelle allait par la suite devenir l'épouse d' Idoménée (Diogène Laërce X 25 = F2; X 23 = F 3 ).Lorsqu 'en 307/6 (D .L . X 2, en 305 /4 selon la Chronologie d'Apollodore : cf. 23 T. Dorandi, Ricerche sulla cronologia dei filosofi ellenistici, coll. « Beiträge zur Alter tumskunde » 19, Stuttgart 1991, p. 46 sq.), Épicure rentra à Athènes en ramenant

avec lui Métrodore, Idoménée se soucia de propager à Lampsaque la doctrine d 'Épicure (D .L . X 4-5 = F 5), dont il s'éloigna cependant quelque temps pour s'adonner à la politique. Les sources font allusion en termes généraux à un titre décerné par un souverain , sans toutefois donner aucune indication sur la chrono logie ou la carrière suivie par Idoménée, ni sur le nom du monarque (Sénèque,

Epist. XXI 3- 4, 5 = F 13 ; XXII 5 -6 = F 14). Les critiques ont proposé des inter

prétations opposées. La majorité suppose qu'Idoménée fut ministre de Lysi maque, soit en 310 (Bignone 9 , t. I, p . 473 -501), soit entre 299 et 294 (24 H .

Steckel, art. « Epikuros» ,RESuppl. XI, 1968 , col. 586 ), soit après 285 (Isnardi Parente 15 , p . 76 ). On évoque tantôt un pouvoir politique indéterminé (25 G . Arrighetti, Epicuro , Opere, Torino 1960 , 2e éd. 1973, p.673), tantôtune tyrannie instaurée par Idoménée (Jacoby 14, t. III b , Komm ., p. 84 n . 4 ; 26 A . Vogliano,

RFIC 1926, p. 319; 27 C . Jensen , AGWG 5 , 1933, p. 37 sq. ; Philippson 10 , col. 1266 ). De son côté,Momigliano 8 , p. 306 , parle d'Antigone le Borgne, en se fondant sur un passage de Plutarque (Adv. Col., 1126 c ) qui évoque la défense de l'école épicurienne contre les accusations de l'apostat Timocrate qu 'aurait pré sentée un représentant du Jardin d'Athènes auprès d'une Baoihan ajan, quine serait pas celle de Lysimaque, mais celle d ’Antigone et de son fils Démétrius, lesquels assumèrent le titre royal en 306 en fixant leur résidence en Asie . Cette chronologie concorde avec certains extraits de lettres (Scriptor Epicureus incer tus, PHerc 176 , fr. 5, col. IX 1- 14 , dans Angeli 3 , p. 33, 36 sq., et Angeli 22, p. 15), dont on peut déduire que la démission d'Idoménée aurait précédé l'apo stasie de Timocrate survenue au plus tard en 301 av. J.-C . (cf. Angeli 1, p . 44 46 ; Angeli 3, p . 36 sq., Angeli 22, p. 12 sq.). Grâce à une correspondance épisto laire intense (cf. F 13, 14 , Plut., Adv. Col., 1127 d = F 15 ; Philodème, Tract.

PHerc. 1418, col. XXXII 1-8 = F 16 ; Didyme l'Aveugle, In Eccl. 1, 13 b -c, PTura, p . 24, 8 -11 Binder -Liesenborghs, p. 104-107 = F 16 b dans Angeli 2, p . 147), Epicure persuada son jeune disciple de se consacrer entièrement à la vie spéculative et lui confia, ainsi qu 'à Léonteus, la direction du centre épicurien de

Lampsaque (cf. Philodème, Epic. II, PHerc 1289, fr. 6 , col. III = F 9). Au len demain du schisme de Timocrate (cf. Angeli 22, p . 13- 17), Épicure écrivit à Idoménée afin qu 'il explique à ses amis politiques déjà touchés par Timocrate combien les accusations dirigées contre l'école épicurienne étaientmalveillantes et tendancieuses (Scr. Ep. inc., PHerc 176 , fr. 5, col. XV 1-15 dans Angeli 3, p . 39). L 'expérience politique antérieure d'Idoménée a dû certainement détermi

ner la décision d'Épicure de lui confier, dans son Symposium , l'apologie de la

862

IDOMÉNÉE DE LAMPSAQUE

I 14

rhétorique technique et de l'investigation scientifique de la nature (Philodème,

De rhet., PHerc 1672, col. X 21- XI 13 = F7; col. XIV 10 -19 = F 8 ; cf. Angeli 1, p . 74 -77 , et 28 D . Sedley, « Philosophical allegiance in the Greco -Roman world » , dans Philosophia Togata (cf. 19 ), p . 114 n . 40 ). Idoménée dirigea savamment le centre épicurien de Lampsaque, en intervenant avec ses compa

gnons en philosophie dans les polémiques menées par Épicure contre les écoles rivales. Il était prompt à accueillir les conseils et les admonestations du Maître , qui d' Athènes contrôlait et suivait ses disciples lointains grâce à une correspon

dance assidue (cf. Angeli 1 , p .64-68) afin qu'ils ne dévient pas de ses enseigne ments . C 'est dans cette optique qu 'il faut lire un fragment papyrologique (Philodème, Epic. II, PHerc 1289, fr. 6 , col. III = F9) qui atteste , plutôt qu 'une simple hétérodoxie à Lampsaque, la tendance du centre dirigé par Idoménée et Léonteus – tendance immédiatement redtifiée par Épicure - à exacerber les théories épicuriennes sous la pression de la polémique contre l'école d'Eudoxe à Cyzique (cf. Angeli 1, p . 48 -55 , 29 Ead., « Eterodossia a Lampsaco ?» , dans Atti Conv. Intern.: La regione sotterrata dal Vesuvio . Studi e prospettive, Napoli 1982, p. 415-426 ; 30 A . Tepedino Guerra et L . Torraca, « Etica e Astronomia nella polemica epicurea contro i Ciziceni», dans G . Giannantoni et M . Gigante (édit.), Epicureismo greco e romano. Atti del Congresso internazionale , Napoli

19-26 Maggio 1993, coll. « Elenchos» 25*,Napoli 1996 , t. I, p. 127- 154). Dans le Bloc d'Idoménée, conservé de façon fragmentaire dans les colonnes

XIV -XVIII de PHerc 176 , ont été préservés des extraits de cinq lettres. La pre mière fut envoyée par Idoménée à Épicure à l'occasion de la mort deMétrodore (fr. 5, col. XIV ) ; la seconde par Épicure à Idoménée ( fr. 5, col. XIV inf.-XV) ; la troisième par Idoménée à un amimalade à propos de la fonction cathartique de la philosophie (fr. 5 , col. XV inf.-XVI); la quatrième par Idoménée à Léonteus ou à Polyen à propos d 'Apollodore, son disciple (fr. 5, col. XVII ); la cinquième par Idoménée à Épicure sur les funérailles du jeune Apollodore ( fr. 5, col. XVII inf.-XVIII ). Ces extraits confirment le portrait moral d'Idoménée transmis par les autres sources : la fidélité à l'enseignement du Maître, que célèbre également l’Epistula supremarum dierum d ' Épicure (D .L . X 22 : F 23 ; voir encore F 12 ,

ainsi que Philodème, Lib . dic., PHerc. 1471, tab . II, fr. 6, 1- 10 = F 11), sa bien veillante attention à l'endroit des amis de l'école, générosité manifestée par ses dons en argent destinés à aider les épicuriens d' Athènes à faire face aux difficul tés financières (Athénée VII, 279 f = F4 ; D .L . X 4 -5 = F 5 ; Plutarque, Adv. Col. 1117 d -e = F 17), enfin la sollicitude affectueuse avec laquelle il suivait les pro

grès de ses propres élèves dans l'apprentissage de la doctrine. (Euvres. Outre les quatre extraits de lettres conservés en PHerc 176 , on connaît, grâce à Diogène Laërce (F 24 -27) et Athénée (F 28), cinq fragments

d'un ouvrage biographique Sur les socratiques en un seul livre. L ' épicurien ten tait de critiquer la dialectique et l'ironie de Socrate , tout en discréditant les suc

cesseurs du philosophe au moyen d'informations qui circulaient dans les milieux socratiques (cf. Angeli 1, p . 56 -61, 92 sq., Acosta et Angeli 21).

IOLAOSDE BITHYNIE

I 16

863

A Idoménée sont enfin attribués par la critique un ouvrage Sur Samothrace (Souda, s.v. 'I& Queveúc = FGrHist 547 T 1, cf. Angeli 18 , p. 8 et n . 32), ainsi qu 'un ensemble de 17 fragments (FGrHist 338 F 1-15 , auxquels il faut ajouter une Scholie sur Lucien, Tim . 30 ) qui seraient empruntés ou bien au traité Sur les Socratiques, ou bien à un ouvrage Sur les démagogues à Athènes, à rattacher, selon certains, au modèle biographique péripatéticien , selon d'autres à un type pré-aristotélicien de biographie (cf. Angeli 18 , p . 5-8). Si la paternité idomé néenne du premier traité fut rejetée par Jacoby à cause de sa thématique qui est étrangère aux sphères d'intérêt des épicuriens, d'un autre côté l'incompatibilité de contenu de certains fragments avec les perspectives épicuriennes sur la valeur des personnages les plus illustres de l'histoire athénienne, sur l'art rhétorique et

sur le style d'Eschine, dévalorisé au profit de celui de Platon ,montre que l'Ido ménée auteur de l'ouvrage Sur les démagogues ne saurait être identifié avec l'Idoménée disciple d'Épicure et auteur du traité Sur les socratiques (cf. Angeli

18 , p . 5 - 16 , avec les réserves de Fowler 19, p. 123 sq.; mais voir Tepedino Guerra 20 , p . 129 sq.). Voir également l'étude récente de 31 C . Cooper, « Idome neus of Lampsacus on the Athenian demagogues » , EMC 16 , 1997, p . 455-482. ANNA ANGELI. ILLUSTRIUS→ POUSAIOS (FL . I. -)

IOANNES + PHILOPONUS (IOANNES -) IOANNES → LYDUS (IOANNES -) 15 IOBATÈS

Roi de Libye, d' époque inconnue, grand amateur d' écrits pythagoriciens. Cette passion amena des faussaires à porter les titres appropriés sur des ouvrages

quelconques et à les vieillir artificiellement pour les vendre au souverain comme des documents précieux. Voir Olympiodore , Prolegomena, p. 13, 13 Busse, et Élias, in Categ., p . 128 , 3-5 Busse, qui donnent cet exemple comme une des

multiples raisons qui expliquent la production d ’écrits pseudépigraphes. RICHARD GOULET.

16

IOLAOS DE BITHYNIE

ІІa

Épicurien (?), contemporain de Philonidès de Laodicée. Il est mentionné dans la Vie anonyme de Philonidès (PHerc. 1044), fr. 11, 5 -8 (p. 65 Gallo ):

E [UVÉT]UXEv ( scil. Philonidès) dè | xai 'Iodáwi (uéxpı kils nooov 1 [xpó]vov xai (nowoł]s amous [Q1JOoodouc. Très incertaine est la conjecture d'Usener,

RhM 56, 1901, p . 145 = Kleine Schriften , III, Leipzig/Berlin 1914, p . 188, qui restitua son nom dans un passage lacunaire du même ouvrage (fr. 24 , 10 , p. 81 Gallo ) et supposa qu 'il était le grand-père du philosophe épicurien Antiphanès ( * * A 207). W . Crönert, « Der Epikureer Philonides» , SPAW , 1900, 2 , p . 957 sq . = Studi Ercolanesi, Napoli 1975 , p. 59 , proposa de l' identifier avec le médecin Iolaos ou lollas de Bithynie (RE 2) .

IOLAOS DE BITHYNIE

864

1 16

Cf. I. Gallo , Frammenti biografici da papiri, II : La biografia dei filosofi,

Roma 1980, p. 121 sq., 147- 149. TIZIANO DORANDI. 17 IOLLAS DE SARDES Académicien , disciple d'un philosophe inconnu (Antiochos d' Ascalon ?), mentionné dans l'Academicorum historia de Philodème, col. 34, 7, p. 171 :

’lónias [ò ] Capolavó[s). Il faut l'identifier avec le personnage homonyme honoré dans une inscription de Sardes ( ISardis 27). Cf. Chr. Habicht, « Der Akademiker lollas von Sardis » , ZPE 74 , 1988 , p . 215 -218 , et T. Dorandi (édit.), Filodemo : Platone e l'Academia , p . 80 n . 296 . TIZIANO DORANDI.

18

MII ION RE 14 e de e en e ue ici oph riqu nag log s ton los if sati , dan le dia pla fict , phi Person

Lucien, Philopseudès 6 . Il se donnait comme le seul interprète à avoir compris exactement la pensée de Platon et à pouvoir l'expliquer aux autres. Comme les autres philosophes rassemblés auprès d'Eucratès malade, il prête foi aux récits de miracles les plus incroyables et raconte comment un Syrien de Palestine exor

cise les démons et libère les lunatiques (§ 16 ). RICHARD GOULET.

19 ION , surnommé" la Règle” (d xavÚv)

MII

Personnage fictif, philosophe platonicien invité au banquet nuptialdonné par Aristainétos (2A 339) à l'occasion du mariage de sa fille avec Chairéas, dans le dialogue satirique de Lucien , Le Banquet ou Les lapithes 7. Chairéas était son disciple. Pour relever le niveau du débat entre les philosophes présents, Ion fait un éloge, assezmal venu en la circonstance, de la communauté platonicienne des femmes ($ 39). Son surnom (o zaváv) était dû à la rectitude de sa pensée

(yvóun, $ 7). Son arrivée au banquet estperçue comme une manifestation divine ($ 7).

RICHARD GOULET.

20 ION DE CHIOS RE 11

va

Poète tragique et lyrique, mais aussi “philosophe” selon la Souda (s.v. " Iwv Xios = DK A 3 ). Originaire de Chios, une île de la mer Égée occupée d' abord par des colons ioniens, lon, fils d 'Orthoménès, aurait reçu le surnom de Xouthos, qui était aussi un nom qu 'avait porté Hélénos , le père d'Achaios et d'Ion , l'an cêtre éponyme de l'Ionie ( sur tout cela, cf. Harpocration , Lexique , s.v. " Iwv =

DK 36 A 1) ; peut-être le pythagoricien Xouthos (DK 33) doit-il être identifié à Ion de Chios.

Ion de Chios, qui a pratiqué plusieurs genres poétiques (scholie à Aristo phane, Paix, v. 832 sq. = DK A 2 ) aurait fait représenter ses premières tragédies, selon la Souda (s. v. " Iwv Xioç = DK A 3 ), pendant la 82 olympiade (soit entre

I 20

ION DE CHIOS

865

452 et 449 av. J.-C .). On comprend dès lors que dans La Paix (v. 832-839), représentée en 421, Aristophane y fasse référence. L 'esclave demande à Trygée, qui revient du ciel, s'il est vrai que les personnes décédées deviennentdes étoiles, comme on le prétend. Trygée répond que c 'est bien vrai, et que lon de Chios, qui a composé un poème sur l' étoile du matin , est, après sa mort, devenu l'« étoile du matin (àotoç đome) » , Cette remarque amusante n 'implique pas forcément qu 'lon de Chios

croyait en une destinée astrale de l'âme, commecela aurait été le cas chez les pythagoriciens.

Il aurait vécu de 490 à 422 environ (Diehl), à Chios, mais aussi à Athènes. Outre sa production poétique, dont il reste de nombreux fragments, on attri buait à Ion de Chios un traité , en prose, intitulé Tplayuós (au singulier) ou Tplayuoi (au pluriel, comme le voulaientDémétrius de Scepsis et Apollonidès

de Nicée), qu'Harpocration présente comme dióoopov tl púyypauua. Cet ouvrage, dont on n 'a pu expliquer le titre aussi bien dans l'Antiquité qu'à l'épo

quemoderne, aurait commencé ainsi: « Voici le commencementdemon traité: toutes choses sont trois et rien n 'est ni plus nimoins que ces trois. Ce qui fait la valeur de chaque être particulier, c'est la triade formée par l'intelligence (oúve OLC), la force (upátoc) et la chance (tuxn )» (Harpocration , s.v. " Iwv; DK B 1).

Le témoignage de Plutarque va dans le même sens : « Ainsi, dans la partie de son cuvre écrite en prose, le poète Ion affirme que la chance (Túxn ) a beau être ce qu 'il y a de plus opposé au savoir (oopía ), elle est pourtant à l'origine d'effets très voisins des siens.» (Plutarque, Fortune des Romains, 1, 316 d = DK B 3a ;

cf. aussi Propos de table VII 1, 1, 717 b = DK B 3b ). Pour sa part, Isocrate nous orienterait vers un contexte plus cosmologique en évoquant « ... les traités des Sages de jadis , dont l'un a affirmé que le nombre des êtres est infini; Empédocle

(PE 19 ), qu 'il est de quatre , auxquels s'ajoutent la Haine et l' Amour; et Ion , qu 'il est limité à trois» (Sur l'échange (XV ] 268 = DK A 6a). Plusieurs siècles plus tard, Jean Philopon donnait ces précisions: « Pour Parménide, les éléments

étaient le feu et la terre ; Ion de Chios, l'auteur de tragédies, leur ajoutait l'air, tandis qu 'Empédocle posait les quatre éléments» ( in De gen. et corr ., p. 107, 18 Vitelli = DK A 6a ). Ces témoignages ne sont pas forcément contradictoires ; les

trois principes mis en avant peuvent être à la fois d 'ordre physique (feu, terre et air) et éthique (intelligence, force et chance) suivant le contexte . C 'est peut-être au même ouvrage que fait référence cette remarque d'Aétius (II 25, 11, p. 356

Diels = DK A 7) concernant la substance de la lune : « Pour Ion, c'est un corps en partie transparent et translucide, et en partie opaque.» C 'est sans doute le

même ouvrage qui est désigné comme Koouooyixós par la Scholie sur la Paix d'Aristophane (DK A 2). Selon la Souda, Ion aurait écrit nepiMeteúpwv, mais ce témoignage dépend manifestementde la scholie mentionnée, qui fait état d'un poème d' Ion sur l' étoile du matin . L 'authenticité de l'ouvrage semble avoir très tôt soulevé la suspicion. En effet, on lit dans le Lexique d'Harpocration : Éypade ... Olóoopov ti oúyypaupa tov Tplayuòv énıypadó uevov, onep Kaminaxos áutiéyeolai onow wÇ 'Enlyévous. La fin de cette phrase est incompréhensible . Voilà pourquoi Bergk a corrigé en ÚTÒ 'EntlyÉVous signifiant par là que Callimaque estimait qu'Épigène était le véritable auteur du Triagmos. En revanche Diels pro pose ώς και Έπιγένης et Jacoby και Έπιγένης. Pfeiffer et Burkert optent pour l' une ou l'autre de ces deux dernières solutions. Si on accepte cette leçon , Épigène pensait, comme le

ION DE CHIOS I 20 fera Callimaque après lui, que lon de Chios n 'était pas le véritable auteur du Triagmos. L 'ou

866

vrage s 'inscrit par ailleurs dans un contexte qui est celui du plagiat et de la pseudépigraphie .

En effet, on lit chez Diogène Laërce (VIII 8 = DK B 2a) : « Au dire d’ lon de Chios dans ses Triagmoi, Pythagore a fait passer certains de ses poèmes pour des æuvres d'Orphée .» Clé ment d 'Alexandrie (Stromates I 131 = DK B 2b ) écrit demême: « lon de Chios consigne dans

ses Triagmoi que Pythagore a fait passer certains de ses poèmes pour des æuvres d'Orphée. » Ce témoignage ne laisse pas de surprendre. Même s 'il est vrai que, pour un Grec cultivé contemporain des sophistes, il devait sembler peu vraisemblable que les poèmes conservés sous le nom d 'Orphée datent de deux générations avant la guerre de Troie , il est encore plus surprenant que l'attribution de ces poèmes soit rapportée à Pythagore, qui est censé n 'avoir

rien écrit. A la limite , lon de Chios ou un autre auteur aurait pu dans ses Triagmoimettre en doute l'authenticité de poèmes circulant sous le nom d 'Orphée en y décelant des traits pytha goriciens. Beaucoup plus tard , les polémiques autour du plagiat auraient fait de Pythagore un

plagiaire d'Orphée. Et dans la Souda , on trouve une Notice qui va jusqu' à faire d 'Orphée l'auteur des Triagmoi: « Orphée : auteur de Triagmoi que la tradition attribue à lon le tra gique ; c 'est là que se trouve ce qu 'on désigne sous le nom de Hiérostoliques » ( s .v . 'Opbeuc).

Il s'agit là d'une synthèse particulièrementmaladroite de plusieurs des traditions évoquées

jusqu'ici. Ion écrivit aussi une histoire de la fondation de Chios (Pausanias VII 4, 8) et des mémoires (υπομνήματα), probablement identiques aux επιδημίαι [le meme

ouvrage que le ouveronuntixóç mentionné par Pollux II 88), où il racontait les visites effectuées à Chios par des personnages célèbres, dont Sophocle (Athénée , 605 e); c'est probablement dans cet ouvrage qu 'il aurait aussi raconté que, dans

sa jeunesse, Socrate était venu à Samos en compagnie d'Archélaos (> A 308] (D . L . VIII 8).

Le dialogue platonicien lon (cf. 530 a) met en scène non le poète de Chios, mais un rhapsode d'Éphèse (RE 13). Cf. DK 36 (uniquement les fragments " philosophiques”); FGrHist 392 ; (E . Diehl], art. « Ion von Chios » 11, RE IX 2, 1916 , col. 1861-1868; A . von Blumenthal, Ion von Chios. Die Reste seiner Werke, Stuttgart 1939 ; A . Leurini

(édit.), Ionis Chii. Testimonia et Fragmenta , collegit, disposuit, adnotatione critica instruxit A .L ., coll. « Classical and Byzantinemonographs » 23, Amster dam 1992 , XXXII-270 p . LUC BRISSON

21 IONICUS DE SARDES RE

MF IV Médecin , philosophe, rhéteur et poète, fils d 'un médecin célèbre, disciple de

Zénon de Chypre (RE 15). Il était admiré par Oribase de Pergame. Ionicusne nous est connu que par son concitoyen Eunape de Sardes (Vies des philosophes et des sophistes XXII 1, 1-2, 2 ; p . 89, 18 -90 , 17 Giangrande). Outre ses connais

sances médicales, à la fois théoriques et pratiques, il jouissait d'une formation complète dans toutes les branches de la philosophie et avait des talents divina

toires (Delaguós), qui se manifestaient non seulement dans le diagnostic médi cal, mais dans ce type de divination philosophique qui était apprécié dans les

conventicules néoplatoniciens que fréquentait Eunape (p. 90 , 9-13). Lors qu 'Eunape composa son ouvrage à la toute fin du IVe siècle, lonicus venait de mourir, laissant deux fils .

I 25

867

ISAGORAS DE THESSALIE

Cf. W . Kroll, art. « Ionikos» ,RE IX 2, 1916 , col. 1895. RICHARD GOULET.

22 IOVIANUS (Jovien )

| ép.imp.

On reconnaît ce nom dans une liste de commentateurs (grecs) des écrits lo giques d'Aristote dans le Fihrist d 'Ibn Al-Nadim (t. I, 255 Fluegel) : Théo phraste, Eudème, Herminus, lovianus, Jamblique, Alexandre, Thémistius, Por

phyre (fr. 3h T Smith ), Simplicius, Syrianus, Maxime, Aidésius, Lycus (Lu cius ?), Nicostratus et Plotin . Tous les autres noms apparaissentdans la tradition

des commentateurs d 'Aristote. Voir par exemple Simplicius, In Categ., p. 1-2 Kalbfleisch , ou Philopon, In Categ., p. 7, 20 -21 Busse.Mais on ne voit pas à quel commentateur ancien ce nom , peut-être déformé, se rapporte . RICHARD GOULET. IPHICIANUS-> AIPHICIANUS

FIV 23 IOVIUS Parentde Paulin de Nole , qui lui adresse sa lettre XVI (lovio fratri) sur divers problèmes philosophiques, ainsi qu 'un de ses poèmes protreptici. Il lui reproche

de trouver du temps pour être philosophe et de n 'en pas trouver pour être chré tien , lui conseille d' être dei philosophus et dei vates (6 ; CSEL 29, 120 - 121) , Peripateticus Deo, Pythagoreusmundo (7, 121).

PIERREMARAVAL. 24

IPHICLÈS D 'ÉPIRE RE 2 et 3 (doublets) PLREI:

IV

Compagnon de l'Empereur Julien, au temps où celui-ci était éduqué par Mar

donios. Julien rappelle qu'Iphiclès avait les cheveux sales, la poitrine débraillée et qu' en plein hiver il portait un méchant manteau (Discours IX 16 , 198 A ). Il faut probablement identifier ce personnage avec l'Iphiclès mentionné par Liba nios dans une lettre adressée à Thémistius en 356 /7 (Lettre 508 ) et avec l' Iphi clès que les Épirotes, à la demande du préfet du prétoire Probus, envoyèrent

contre son gré, en 375, à l'Empereur Valentinien à Carnuntum . Au lieu de remercier l'Empereur pour les mérites de Probus, Iphiclès, qui était réputé pour sa force d'âme, parla en toute vérité et dénonça les méfaits du personnage à l'Empereur, qui s'emporta alors violemment contre Probus (Ammien Marcellin XXX 5 , 8 -10 ).

MARIE -ODILE GOULET-CAZÉ.

25 ISAGORAS DE THESSALIE D 'après Philostrate , V. Apoll. VIII 8 , Apollonios de Tyane aurait eu, à Olym pie , des discussions sur la nature des panégyries avec un certain Isagoras de

Thessalie, devenu son disciple dans cette ville . Cette rencontre est postérieure à la comparution du sage devant Domitien , qui a sans doute eu lieu en 96 . PATRICK ROBIANO.

ISCHOMACHOS

868

I 26

Fya 26 ISCHOMACHOS absent de la RE A . Voici ce qu 'on lit chez Plutarque : « Et Aristippe ( * A 356 ) rencontrant Ischomaque aux jeux Olympiques lui demandait ce que leur disait Socrate pour s'attacher à ce point les jeunes gens. Il fut si vivement ému des bribes de

discours etdes exemples qu'il avait glanés, qu 'il eut un éblouissement et devint tout pâle, et pour finir il fit voile vers Athènes et étancha sa soif ardente à la source en s'enquérant de l'homme, de ses paroles et de sa philosophie . Celle -ci avait pour fin de connaître ses propres défauts et de s'en corriger» (De curiosi tate 2 ,Moralia 516 c, texte établi et traduit par Jean Dumortier, avec la collabo

ration de Jean Defradas). LUC BRISSON .

B . Ischomachos, modèle de xaroxảyadía , est l'interlocuteurde Socrate dans le long entretien sur l' éducation des femmes et l'économie domestique qui est

rapporté dans l'Économique de Xénophon (chap. 7-21). Sur l'historicité du per

sonnage, voir M . Treu , art. « Xenophon von Athen » 6 ,RE IX A 2 , 1983, sect. II C 3, col. 1848- 1849, et, sur l'entretien dans son ensemble , col. 1849- 1871. Cf. J. Kirchner, Prosopographia Attica, nºs 7725 -7727 .

RICHARD GOULET. 27

ISÉE L ’ASSYRIEN RE 9 PIR I 52 KP 2

FI- D II

Sophiste originaire de Syrie du Nord , il vint à Rome à plus de soixante ans. Vers 97-100, Pline le Jeune (Ep. II 3) recommande à son amiNepos d' aller l'entendre. Juvénal (Sat. III 74 ) fait allusion à son éloquence torrentielle . Philostrate , dans la biographie qu 'il lui consacre ( V . soph. I 20, 2 ; voir aussi I 22, 1), loue son talent d' improvisateur et son art de concentrer une argumentation en une brève formule. Il eut pour disciples Denys deMilet ( D 182) , Lollianus d 'Éphèse (Philostrate , V. soph . I 23, 2 ; Souda I620 ), Marc de Byzance ( V . soph . I 24 , 1) et l'empereur Hadrien ( IG I12 3632, 5 - 9 ). Philostrate le met aussi en rela

tion avec le rhéteur Ardys. Plusieurs épigrammes d'Éleusis permettent de suivre

ses descendants , dont deux hiérophantides, sur cinq générations (IG II 3709, 3632, 3662); son arrière-petite - fille Eunice épousa le frère du philosophe Fl. Callaischros ( C 13). On ne sait s'il faut identifier le sophiste ou son fils homo nyme à l'archonte -roi Lu( cius) Volusius Isaios, de Mélitè, auteur d 'une dédicace

à Apollon Ún ' "Aupaig ( IG II? 2897) ; le gentilice conviendrait peut-être mieux à un Syrien qu 'à un Athénien . Isée mérite une place parmiles philosophes,malgré une vie consacrée surtout aux belles-lettres, en raison de sa conversion à l'ascétisme après une jeunesse

vouée aux plaisirs (Philostrate, loc. cit., d'où Souda I 620) ; son allusion aux " jardins de Tantale”, ses formules "j'ai cessé d'avoir les yeux malades” (TTÉNOU

uai opoarulõv) et “ tous les plaisirs ne sont qu'ombres et songes” (oxid xai óveipata ai ń dovai nãoal) paraissent avoir été célèbres. Sa “ sagesse" est confirmée par une épigramme d'Éleusis, le qualifiant de copiarç únáTOV (IG 112

3632, 7 ) et une remarque de Pline, qui le présente comme un homme d 'école

ISIDORE

I 30

869

(scholasticus), mais ajoute : quo genere hominum nihil aut sincerius aut simpli cius aut melius (Ep. II 3, 5).

Cf. A .N . Sherwin -White , The Letters of Pliny. A historical and social com mentary, Oxford 1966 , p. 147 -148 ; P . Grimal, « Deux figures de la Correspon

dance de Pline : le philosophe Euphratès et le rhéteur Isée » , Latomus 14, 1955 , p . 381-383, repris dans Rome, la littérature et l'histoire, « Collection de l'École française de Rome» 93, Rome 1986 , t. I, p . 399 -401; J. Ferguson , A Prosopo

graphy to the Poems of Juvenal, coll. « Latomus» 200, Bruxelles 1987, p . 121 122 ; G . Anderson , Philostratus. Biography and Belles Lettres in the Third Cen tury A . D ., London/Sydney/Dover 1986 , passim (voir l'index ). Sur les inscrip

tions d 'Éleusis, voir P. Graindor, Chronologie des archontes athéniens sous

l'Empire, Gand 1922, p . 229-235 ; Id ., Marbres et textes antiques d 'époque impériale , coll. « Université de Gand. Recueil de travaux publiés par la Faculté de Philosophie et Lettres» 50, Gand 1992, p .69-72 ; J.H . Oliver, « Two Athenian Poets » , Hesperia Suppl. 8, 1949, p. 243-258 ; K . Clinton , The Sacred Officials of the Eleusinian Mysteries, coll. « Transactions of the American Philosophical

Society » 64, 3, Philadelphia 1974, p. 88 ; S. Follet, Athènes au frème et au 11ème siècle. Études chronologiques et prosopographiques, « Collection d'études anciennes » , Paris 1976 , p. 262-267. SIMONE FOLLET.

28 ISIDORE RE 9 PIR2 I 55

I

Ce cynique se moqua publiquement de Néron , lui reprochant « de bien chan ter les malheurs de Nauplius (probablement le père de Palamède), mais de mal administrer ses propres biens » . L 'empereur se contenta de le punir en le

bannissant de Rome et d'Italie (Suétone,Néron 39, 5).

MARIE -ODILE GOULET-CAZÉ. 29 ISIDORE RE 22

II

Gnostique , fils et disciple de Basilide (2 B 13). On se reportera à la notice de

M . Tardieu , « Basilide le gnostique », DPLA II, 1994, p. 87-88, pour l' énuméra tion des æuvres qui lui sont attribuées . RICHARD GOULET. IV - V ? Dans la notice, exceptionnellement longue, qu 'elle consacre à Hypatie

30 ISIDORE PLRE II:1

d'Alexandrie (2- H 175 ), la Souda Y 166 présente la philosophe (ca 355-415) comme l'épouse du philosophe Isidore. Ce renseignement est des plus douteux. Selon la même notice en effet, Hypatie serait restée vierge (OLETÉRal napoévos).

Ilne pourrait en tout cas s'agir du philosophe Isidore d'Alexandrie (~ I 31), qui est né seulement vers le milieu du ve siècle et qui était lui-mêmemarié à une femme du nom de Domna (Damascius, Vita Isidori, fr. 339). Une confusion avec une autre Hypatie est possible. Maria Dzielska, Hypatia of Alexandria , coll. « Revealing Antiquity » 8 , Cambridge (Mass.) 1995, p. 119, qui n 'examine pas ce témoi

ISIDORE

870

I 30

gnage de la Souda, signale une Hypatie d'Alexandrie, veuve mentionnée dans un décret de 455. Elle rappelle d 'autre part que la comtesse Diodata Saluzzo -Roero di Revello (1775

1840 ), dans Ippazia ovvero della Filosofie (1827), a mis en scène Hypatie , disciple de Plotin au “Lycée" d'Alexandrie et amoureuse du prince égyptien Isidore, qui luttait contre la domi nation romaine... RICHARD GOULET.

31 ISIDORE D 'ALEXANDRIE RE 17 PLRE II:5

FV

Philosophe néoplatonicien qui enseigna à Alexandrie et à Athènes . Ilnous est connu par les fragments de la Vie d 'Isidore écrite par son disciple Damascius

(2D 3),ainsi que par la Vie de Sévère de Zacharie le Scholastique. Sources.

( a) Les fragments de la Vie d 'Isidore, conservés dans la Bibliothèque du patriarche Photius et par la Souda, ont été édités par Cl. Zintzen (édit.), Damascii Vitae Isidori reliquiae edidit adnotationibusque instruxit C .Z ., coll. « Bibliotheca

Graeca et Latina Suppletoria » 1,Hildesheim 1967, XIV -376 p .; il en existe une reconstitution plus ancienne avec une traduction allemande par R . Asmus, Das Leben des Philosophen Isidoros von Damaskios aus Damaskos, Leipzig 1913 ;

voir aussi Id ., « Zur Rekonstruktion von Damascius' Leben des Isidorus » , ByzZ 18, 1909, p. 424-480 ; 19 , 1910 , p. 265-284 . Nouvelle reconstitution, avec tra duction anglaise et commentaire, par P . Athanassiadi, Damascius. The Philoso

phical History. Text with translation and notes, Apameia 1999, 403 p., qui rap pelle (p . 43) que la Souda cite l'ouvrage sous le titre d'Histoire philosophique

(Olóoopos ' lotopía ), déjà employé par Porphyre. Les passages de la notice 242 de la Bibliothèque de Photius seront cités comme des para

graphes de l' Epit. ; les fragments tirés de la Souda seront cités comme " fr." , l'intitulé de la notice n'étant cité qu 'exceptionnellement. Les fragments précédés d 'un astérisque sont attri

bués à Damascius par Zintzen de façon conjecturale .

Sur l' auteur et l'æuvre, voir Ph. Hoffmann, art. « Damascius» D 3, DPLA II, 1994, p. 566 -570 , où l'on trouvera toutes les références utiles. Voir aussi M .

Tardieu, Les paysages reliques. Routes et haltes syriennes d 'Isidore à Simpli cius, coll. « Bibliothèque de l'École des Hautes Études - Sciences religieuses >>

94, Louvain /Paris (1990 ), 211 p .,notamment p . 19 -21. (b) La Vie de Sévère a été éditée par M .-A . Kugener dans la PO II 1, Paris 1904 ; réimpr. 1971, p. 1- 115, avec traduction française ; le commentaire annon cé n ' est jamais paru. Zintzen ne semble connaître que la traduction moins fidèle de F. Nau dans la ROC 4, 1899, p. 343- 353 ; 543-571 ; 5, 1900 , p. 74- 98. Zacharie le Scholastique mentionne Isidore dans un groupe de philosophes alexandrins où figurent Horapollon , Héraïscus, Asclépiodote et Ammonios ( p. 16 , 9- 12 et 22 , 14 -15 Kugener). Selon lui, Isidore aurait été reconnu comme « un magicien manifeste et un perturba

teur» (p. 22, 15 ). Cf. R . Herzog, dans Pisciculi für F . Dölger, Münster 1939, p. 121, 17.

Cf. [W . Kroll], art. « Isidorus» 17 , RE IX 2 , 1916 , col. 2062-2064 ; P . Atha nassiadi, Damascius, p. 32-36 ; 43-44. La Vie d 'Isidore par Damascius. La Vie d 'Isidore, écrite sous le règne de Théodoric en Italie (493-526 ) et donc avant 526 (Epit. 64 ), est dédiée à une cer

taine Théodora, fille de Cyrina et de Diogène. Elle s'intéressait à la philosophie

131

ISIDORE D 'ALEXANDRIE

871

et aux mathématiques. Comme ses sæurs , elle avait été formée par Damascius et

Isidore (Photius, Bibl., cod. 181) . Selon Photius, Damascius, dans les soixante

chapitres de sa biographie, ne racontait pas que la vie d'Isidore. Il décrivait éga lement celle « de nombreux personnages contemporains de ce philosophe ou plus anciens que lui; il réunit leurs actes, des récits qui les concernent, et il use de la digression en abondance etmême à satiété » (Ibid., trad. Henry). Le lecteur des fragments retient en effet l'impression qu 'ils nous en apprennent beaucoup moins sur Isidore que sur tous les intellectuels de son temps ou de son entourage.

En plus de son ton antichrétien , Photius relève dans l'ouvrage de Damascius une tendance à dévaloriser ses héros: « Pour tous ceux qu'il exalte dans ses écrits

et qu'il proclame supérieurs à la condition humaine pour l'excellence de leurs conceptions dans le savoir et l'agilité de leur pensée, il s'érige lui-même en juge de chacun et il n 'en est pas un de tous ceux qu 'il admire à qui il ne reproche quelque insuffisance : celui qu 'il exalte pour son intelligence n'est pas intelligent en tout point, celui qui est incomparable pour sa science ne sait pas tout, celui que sa vertu place près de la divinité a beaucoup de défauts . Ainsi, chacun de

ceux qu'il exaltait est persiflé et ravalé ; de cette manière il s' arroge, par des moyens détournés, le pouvoir sur eux tous et à tout propos. Aussi poursuit-il sa vie d ' Isidore en le louant et en l'accablant tout autant de blâmes. » (Ibid ., trad .

Henry). Voir ce qu 'il dit à propos de Saloustius ( fr. 138 ): « Et s'il y a une vie

qu'il importe de critiquer, c' est assurément celle-ci» . Sur ce point de vue cri tique de Damascius, voir P . Athanassiadi, Damascius, p . 26 -27.

La reconstitution des fragments s'appuie sur le lien qui est fourni par la suc cession des extraits 1-230 de Photius qui semblent suivre l'ordre du récit biogra phique.Mais l'ordre du récit n 'est pas nécessairement l'ordre des événements . Plusieurs fragments attestent explicitement l'usage de la digression (Epit. 159 et

175) et de l'anticipation (Ibid. 306 : une anticipation dans l'exposé concernant les successeurs de Proclus à Athènes). On n 'est pas toujours sûr non plus qu' en tre deux extraits ne se soient pas trouvés plusieurs paragraphes ou plusieurs pages, de sorte qu 'en l'absence de parallèles ou de détails caractéristiques, on n 'est pas toujours assuré que les passages concernaient bien Isidore ou tel autre personnage du contexte voisin . Pour ne prendre qu'un exemple, selon le fr. 84, « Il était contraint de s'occuper de la bonne éducation de ses enfants.» Il pourrait s'agir d 'Isidore .Mais on n 'entend parler à son propos que d'un mariage et d 'un

fils, nommé Proclus. Datation. De cette masse de fragments si brillamment rassemblés et ordon nés, on a peine à dégager des données biographiques nettes. Les dates de nais sance et de mort sont fort imprécises. La donnée sans doute la plus ferme est la venue d 'Isidore à Athènes, à une époque où on souhaitait lui confier la succes sion de Proclus. Il semble être arrivé peu après la mort du philosophe, survenue le 17 avril 485 (Marinus, Proclus 36 ). Auparavant, Isidore avait étudié chez Proclus, puis avait déjà acquis une grande réputation à Alexandrie . En supposant qu 'il avait entre 35 et 40 ans à la mort de Proclus, il faudrait situer sa naissance vers 445 -450. On sait d 'autre part qu 'il enseigna à Damascius ( > D 3 ), né vers

ISIDORE D 'ALEXANDRIE

872

131

462, après que ce dernier eut enseigné la rhétorique à Alexandrie pendant neuf ans. Isidore devait donc être encore en pleine activité au début des années 490 . Comme la Vie d 'Isidore a été écrite par Damascius avant 526 , et sans doute après la mort d' Ammonius (mort après 517, date à laquelle Jean Philopon a édité ses leçons sur la Physique d'Aristote (CAG XVI, p. 703 ]), on peut supposer qu’Isidore mourut dans la deuxième décennie du Vie siècle .

Famille et relations. On ignore le nom de son père, mais sa mère s'appelait Théodotè (fr. 119 ). Elle était la seur d'un certain Égyptos, ami d'Hermeias d'Alexandrie (2H 78). Isidore eut un frère du nom d 'Ulpien (PLRE II : 4 ), qui fut un grand mathématicien etmourut jeune sans s' être marié (fr. 324 et Epit.

296 ), et une sæur aînée dont le fils, âgé alors de 18 ans comme Isidore lui-même,

mourut en tombant d 'un toit (fr.7 ). Père o Théodotè Ulpien

sæur

fils

Égyptos

Isidore oo Domna

Proclus II

Il épousa Domna et eut d' elle un fils qu'il appela Proclus, du nom de son

propre maître . Son épouse mourut cinq jours après la naissance de l'enfant et débarrassa ainsi son époux d 'une « bête méchante et d 'une détestable com

pagne » (Epit. 301). Le cercle des amis d 'Isidore éclaire le climat spirituel dans lequel il évoluait. Ainsi ce Sarapion , philosophe pieux et chaste qui pratiquait le “Vivons cachés" seuldans une petite maison en ne fréquentant que quelques voisins (fr. * 34) et en pratiquant la prière et la méditation silencieuse (fr. * 39). N 'ayant pas de famille, il légua à Isidore ce qu'il possédait, c'est-à -dire deux ou trois livres, dont la poé sie d 'Orphée (fr. 287). Maîtres et disciples. Parmi tous les intellectuels et philosophes mentionnés dans la Vie d ' Isidore, il n 'est pas facile de distinguer les simples amis ou contemporains de ceux qui étaient présentés comme desmaîtres ou des disciples du philosophe. Il est possible que plusieurs des noms qui apparaissent chez Da mascius (notamment dans les pages 68- 110 du recueil de Zintzen ) aient figuré

dans la biographie à titre de maîtres d'Isidore dans les différentes disciplines. On pense à Léontios, à Olympos, à Théosebius, élève de Hiéroclès ( H 126 ), au grammairien Ammonianus, au rhéteur Théon d'Alexandrie (qui enseigna en tout cas à Damascius). Hermeias d' Alexandrie (» H 78 ), élève de Syrianus à Athènes

avant 437 et dont les fils Ammonius (** A 141) et Héliodore (~ * H 30), après sa mort, purent étudier chez Proclus à Athènes grâce au courage de leurmère Aide sia ( A 55) , n'a sans doute pas pu enseigner à Isidore.

Photius évoque une fois un maître d'Isidore sans le nommer (Epit. 37) et le présente mêmecomme « son unique maître » . On a pensé à Héraïscus (Zintzen ) ou à Sarapion (Athanassidi). La Souda rapporte qu 'il pratiqua la philosophie

873 ISIDORE D 'ALEXANDRIE sous la direction « des deux frères » (fr. * 160 ). On y reconnaît habituellement Asclépiadès ( A 446 ) et Héraïscus (MH 67) d'Alexandrie, plutôt qu 'Ammonius et Héliodore les fils d'Hermeias, comme l'avait cru P. Tannery (Mémoires, I,

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Toulouse 1911, p. 114 sqq). Voir aussi Epit. 243 sur la philosophie égyptienne que deux compagnons d' Isidore , en quête de l'antique sagesse, pratiquaientavec

ce dernier. On ne sait pas en quelles circonstances Isidore fit en compagnie d'Asclépiadès « la traversée de la Mer Égée» (Epit. 93). Il fut peut-être aussi l'élève d 'Asclépiodote d'Alexandrie (> A 453), car ce dernier sauva des eaux du Méandre un compagnon de voyage dont il avait été autrefois le pédagogue (Epit.

116 ). Ce pourrait être Isidore . Par la suite , Isidore étudia avec Marinus la philosophie d 'Aristote (Epit. 42 et fr. 90 ), sans doute dès son premier séjour à

Athènes et non après que Marinus eut succédé à Proclus. Dans le fr. 90, l'allusion au “deuxième voyage d'Isidore à Athènes" (p .67, 165 Zintzen ) ne se rapporte pas à l'enseignement aristotélicien donné par Marinus à Isidore, mais à la mort

de Proclus mentionnée après.

Lors de ce premier séjour à Athènes, il ne fait pas de doute qu' Isidore fut l' élève de Proclus. Le fragment 90 évoque Proclus comme « le maître commun » de Marinus et d 'Isidore (p . 67, 17 Zintzen). Dans le même fragment, parlant à Marinus, Isidore désigne Proclus comme « le maître » (p . 67 , 21 Zintzen ) et

considère que le commentaire qu'il avait donné du Philèbe rendait inutile celui qu'avait rédigé son condisciple (fr. 90). « Proclus admirait dans le visage d'Isi dore l'inspiration divine et la plénitude de la vie philosophique intérieure » (Epit.

80 ; trad. Henry). Apparemment dès leur première rencontre , Proclus accueillit Isidore comme disciple (fr. 133). « Proclus prescrivit à Isidore de se transformer en vue de la vie la meilleure et de revêtir le tribôn ;mais luine le supporta pas et

cela bien qu'il portât à Proclus la vénération qui est due à un dieu » (fr. * 135). Dès ce premier séjour athénien , Isidore aurait été pressenti comme futur scho

larque par Proclus qui craignait que le platonisme et en particulier la tradition exégétique de Jamblique et de Plutarque d 'Athènes ne soient abandonnés à

Athènes. Mais Isidore trouva cette succession trop lourde à porter (Epit. 150 151; fr. 252-253). Faut-il mettre ce passage en rapport avec le fr. * 245 ? On y apprend qu'Isidore etMarinus ne partageaient pas le même pointde vue sur l'interprétation du Parménide. PourMarinus, les « hypothèses dialectiques » du dialogue ne portaient pas sur les dieux , mais sur les Formes (Idées). Isidore lui démontra, par des preuves innombrables, que « l'exégèse théologique du

dialogue » était la plus conforme à la vérité. Sur ce point, Isidore suivait Proclus : « Marinus, avec son naturel sans vigueur, ne put suivre l' élévation de pensée de son maître (i.e . Proclus) qui commentait le Parménide et, des unités surnaturelles, il rabaissa son attention aux Formes

en se laissant entraîner plus souvent par les idées de Firmus (Firmus Castricius, le disciple de Plotin ? + F 13) et de Galien ( G 3) que par les pures conceptions des hommes bienheureux» ( Epit. 275 ; trad. Henry). Le jugement de Damascius sur Marinus, qui lui avait enseigné la géométrie, l'arithmétique et les autres disciplines à Athènes (Photius, Bibliothèque, cod . 181), était de même assez sévère : « Marinus, d'après ses entretiens et d 'après ses écrits – lesquels

sont peu nombreux -, montrait qu 'il ne moissonnait pas au sillon profond d 'où germent les vues savantes sur la nature des êtres » (Epit. 144 ; trad. Henry). Quoi qu'il en soit des diver gences philosophiques, la santé de Marinus à elle seule donnait du souci à Proclus (Epit. 152)

et Isidore lui-mêmeprotégeaitMarinus (Epit. 143). C 'est peut- être au cours de son scholarchat

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ISIDORE D 'ALEXANDRIE

I 31

ultérieur que Marinus fut contraint, au cours d'une stasis à Athènes, de se retirer à Épidaure « parce qu 'il craignait des attentats contre sa vie » (Epit. 277 ; trad. Henry ).

D 'autres noms mentionnés dans la Vie étaient plutôt ceux des condisciples

d' Isidore, ou de maîtres de ses condisciples, par exemple son confrère Saloustius qui revint d 'Athènes avec Isidore (fr. 138). C 'est peut-être aussi le cas de Supé rianus,Métrophane et Odainathus, disciple de Plutarque, Hiérius, Zénon de Per game, disciple de Proclus. Doros l'Arabe (BD 221) pratiquait surtout Aristote,

mais Isidore le fit évoluer vers “ l'océan de la vérité” qu 'était à ses yeux la pen sée de Platon (fr. 338). P. Athaniassiadi, Damascius, p. 22, inclut Isidore parmi les disciples d'Horapollon ( H 165).

Carrière. Ce premier séjour athénien d 'Isidore fut sans doute suivi d 'une période alexandrine, dont la durée n 'est pas précisée. Dans la première série des

fragments de Photius, on trouve plus loin une autre étape importante dans la car rière d'Isidore : son départ d'Alexandrie (Epit. 297) et son arrivée à Athènes au

momentmême où Proclus venait de décéder (Epit. 188). C 'était peut- être déjà à ce voyage que se rapportait une phrase antérieure : « Un véritable amour de la philosophie s'implante en lui ; il rompt tout lien terrestre, foule aux pieds toute espérance d 'honneurs aussi bien que de richesse et il arrive à Athènes » ( Epit.

153 ; trad . Henry ; le parallèle , fr. 255, remplace « à Athènes» par « chez Pro clus » ).

Selon P . Athanassiadi, Damacius, p . 243 n . 265, ce passage pourrait cependant se rapporter non pas à Isidore, mais à Asclépiodote (qui fut appelé par Proclus à Athènes pour lui succé der). Damascius était déjà un familier d'Isidore à cette époque et ce dernier lui demanda de le

cacher chez lui (Epit. 310 ). Selon Michel Tardieu, l'événement se situerait plus tard à Alexan drie , mais en Epit. 187 et 188 , c'est le mêmemot qui est employé pour l'arrivée d 'Isidore chez

Damascius et l'arrivée d'Isidore à Athènes au momentde la mort de Proclus.

Il n 'est pas dit qu 'Isidore ait alors joué un rôle particulier dans l’ école, en tout cas pas celui de scholarque, car c 'est Marinus qui assuma ces fonctions et, après

luiou sous lui (Photius, Bibl., cod. 181 : Tà Deútepa Mapívov pépwv), un cer tain Zénodote . Il n 'est pas dit non plus qu 'Isidore se soit alors définitivement installé à Athènes. C 'est apparemment par écrit que Marinus demanda à Isidore son avis sur le commentaire du Parménide qu 'il avait composé (fr. 245) et cet événement est postérieur à un événement semblable où Marinus avait montré à Isidore son commentaire du Philèbe et l'avait brûlé (90 ) en constatant le peu d'enthousiasme de son compagnon. Or ce premier épisode semble déjà se situer après la mort de Proclus.

Le second voyage à Athènes se situe dans les fragments de Photius après une série d 'extraits concernant une persécution des philosophes survenue à Alexan drie . Il semble qu 'Isidore ait été dénoncé par le porteur d'une lettre qui prévenait

des compagnons demouvements policiers imminents (fr. * 314) et que recherché il ait alors dû s'enfuir d' Alexandrie (Epit. 181).Michel Tardieu situe ces événe

ments après 488, mais la mention du conflit entre l'empereur Zénon et Illos ( Epit. 160), de même que l'allusion à une rencontre entre Pamprépius et Isidore à

Alexandrie (Epit. 172) suggèrent plutôtcomme date les années 482-484.

131

ISIDORE D 'ALEXANDRIE

875

C 'est en 481-482 que Pamprépius vint à Alexandrie (PLRE II, p . 827, d 'après l’horoscope transmis par Rhétorius) et en 484 qu ' il fut exécuté par Illos dans une forteresse d ' Isaurie où

les rebelles s' étaient réfugiés. Sur cette période, voir Assunta Nagl, art. « Illos » , RE IX 2,

1916 , Nachträge, col. 2532-2541, et PLRE II, s.v. « Illus» 1, p . 586 -590.

Plus loin , on apprend que Marinus,cette fois, proposa à Isidore la succession et que ce dernier fut élu (éungioon) « plus pour l'honneur que pour le fait d'expliquer Platon » (Epit. 226 ). P . Athanassiasi, Damascius, p . 325, construisant différemment, comprend : « he was elec ted a diadochus of the Platonic School (ÉEnonoewc) in honorary rather than in real terms» .

A la mort de Marinus, Isidore envisagea de quitter Athènes (Epit. 229), si bien qu'on ne sait pas s'il resta à Athènes ou s'il revint à Alexandrie . La vie phi

losophique athénienne se déroulait sous le patronnage d'Hégias (* H 22), fils de Théagène et petit-fils d’Archiadas ( A 314 ) (Epit. 221), que Proclus avait tenu

en haute estime (Marinus, Proclus 26 ). Damascius semble rapporter le jugement d'Isidore lorsqu 'il écrit : « aussi loin que remontentnos souvenirs, nous n 'avons jamais vu mépriser la philosophie à Athènes comme nous l'avons vu déshonorer sous Hégias» (Epit. 221 ; trad. Henry). « Isidore fortifiait Syrianus (non pas le maître de Proclus,mort vers 437,mais un autre philosophe égalementmentionné dans le fr. 324) et Hégias dans l'idée qu 'il était urgent de restaurer la philosophie en décadence » (Epit. 230 ; trad. Henry), ce qui pourrait montrer qu 'Hégias n 'était pas forcément responsable de la décadence constatée .

Isidore avait également été le maître de Damascius, notamment en “ dialec tique" (Photius, Bibliothèque, cod. 181) ; on pense à Athènes où enseignèrent

deux autres maîtres dont parle Damascius, Marinus et Zénodote, mais un troi sième maître , Ammonius, enseignait à Alexandrie et c 'est à Alexandrie que Damascius exerçait alors le métier de rhéteur ; dans ce cas il faudrait supposer

qu ’Isidore y enseignait encore ou à nouveau au début des années 490, car Damascius n'aurait guère pu suivre un tel enseignement philosophique aupara vant.

On devine donc une carrière divisée par au moins deux séjours à Athènes ou

peut- être trois si Isidore n 'était pas resté à Athènes entre la mort de Proclus et la fin de la vie de Marinus.

Par rapport à ce cadre général, on aimerait situer différentes séries de frag ments . Avant le deuxième voyage à Athènes, et donc avant 485, figurent plu sieurs fragments relatifs à des persécutions subies par les philosophes alexan drins. Nous avons vu que ces extraits font allusion à des événements que l'on

peut dater des années 482-484.Mais d'autres détails concernant ces persécutions apparaissent dans la Vie après la seconde venue d'Isidore à Athènes et ils sont

suivis par plusieurs fragments racontant un voyage en Orient fait par Isidore et Damascius. D 'après l'ordre des fragments, le voyage semble s' être effectué du sud au nord et donc peut-être au départ d' Alexandrie . On distingue comme lieux géographiques: Gaza (où il rencontra Antonius d'Alexandrie: » A 224 ), l'Ara

bie, Bostra (rencontre de Dorus: » D 221), Damas,Héliopolis (Baalbek , où les deux philosophes dénoncèrent les prétentions philosophiques d'Acamatios » A 4 ), plus loin Beyrouth et enfin une traversée vers Samos. L 'un de ces extraits fait

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ISIDORE D 'ALEXANDRIE

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allusion aux espérances qui portaient Isidore vers la Carie (Aphrodisias ?) et Athènes, ce qui montre que le terme ultime de ce voyage (de huit mois ? Epit. 202) devait être un nouveau séjour à Athènes.Michel Tardieu a supposé que ce départ – selon lui définitif - d' Alexandrie était lié aux persécutions subies par les philosophes et que le voyage n 'avait pas pour but de conduire directement Isi dore à Athènes,mais plutôt, sur le modèle d'une éclipse semblable de Proclus (Marinus, Proclus 15), de soustraire les philosophes aux dangers qui les mena çaient à Alexandrie . Tardieu date ce périple des années postérieures à 488. Il

faudrait supposer une nouvelle (et dernière ?) période alexandrine postérieure au séjour de 485 à Athènes. P . Athanassiadi, Damascius, p. 34 n . 47, distingue les étapes suivantes: premier séjour d ' études d 'Isidore à Athènes dans les années 470 , retour à Alexandrie avec Saloustios ; ensei

gnement à Alexandrie jusque vers 488/9, avec une brève visite à Athènes lors de la mort de Proclus (485 ) ; séjour à Athènes de 489 /90 jusqu 'à la mort de Marinus, puis départ d 'Athènes.

Orientations philosophiques. Isidore apparaît chez Damascius comme une

âme divine descendue dans le monde de la génération (Epit. 5 et 8) et le « flux engloutissant du devenir » (Epit. 15 ). Il jouit de dons surnaturels qui n 'apparais

saient pas à l' état de veille, mais se déployaient lorsque son âme s' éloignait du monde sensible au cours du sommeil (Epit. 13- 14 ). Son physique lui-même révé

lait cette nature divine : « Isidore avait l'aspect d 'un homme sage et âgé, grave aussi, et ferme de caractère. Son visage était un peu carré, sainte image de l'Hermès éloquent; quant à ses yeux , comment dire la grâce véritable d ' Aphro dite qui était en eux et comment faire sentir la souveraine sagesse d'Athéna

qu'ils contenaient ? (...) Pour le dire en un mot, ces yeux-là reflétaient fidèle ment son âme et non pas elle seule , mais aussi l'influx divin qui l'habitait » (Epit. 16 ; trad. Henry). Ces qualités surnaturelles n 'avaient pas de répercussion

sur les facultés sensibles ou la mémoire du philosophe qui étaient normales et

nullement exceptionnelles (Epit. 17). Contrairement à trop de philosophes qui montrent mémoire, habileté dans l'argumentation , sensibilité, mais sont dénués

dans leur âme du vrai savoir, Isidore n 'avait de remarquable que son âme en tant que telle (Ibid.). Pour Isidore , l'intelligence n'était pas affaire d' imagination ou d'habileté dans le maniement des concepts, mais procédait d 'une possession divine « qui ouvre et purifie doucement les yeux de l'âme et les éclaire de la lumière intelli gible pour les mener à la contemplation et à la connaissance du vrai et du faux » (Epit. 32). Autrement dit, sa philosophie n 'était pas tournée vers les choses d 'ici bas, mais visait « les contemplations les plus vénérables ». (Voir aussi Epit. 239.] « Après Platon, c'est aux subtilités étonnantes de Jamblique (21 3) qu'il s' inté

ressait » (Epit. 33; trad. Henry). En cela il s'opposait à de nombreux philosophes qui trouvaient « que Jamblique est inaccessible ou qu'il s'exalte par une grandi loquence pleine de suffisance plutôt qu 'il ne s'élève vers la vérité des choses » (Epit. 34 ; trad . Henry ). Il fut un temps attaché à la plus divine philosophie d 'Aristote (la “ philosophie première ” sans doute ) - que lui enseigna Marinus (Epit. 42 ) -, puis, « voyant que celle -ci s'appuyait sur la contrainte de la logique plutôt que sur l'esprit proprement dit, et qu'elle s'efforçait d 'être assez pratique

1 31

ISIDORE D 'ALEXANDRIE

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sans trop se donner comme objectifs le divin ou l'intelligence, Isidore fit assez peu de cas d'elle aussi », et se tourna finalement vers « les mystères de la pensée platonicienne » (Epit. 35 ; trad. Henry). [Sur la philosophie d'Aristote , voir encore le jugement d'Isidore sur Dorus l’Arabe (BD 221), fr. 338.) Les philo sophes susceptibles de conduire à cette sagesse transcendante étaient, à ses yeux , Pythagore et Platon , qu ’Isidore divinisait, et, parmi les penseurs d' époque récente , Porphyre, Jamblique, Syrianus et Proclus ( Ibid . et fr. 77). « Il appliquait son esprit au plus haut point après Platon à Jamblique et aux amis de Jamblique

et aux philosophes qui le suivaient. Parmi eux ilassurait que le meilleur était son concitoyen Syrianus, le maître de Proclus» (fr. 77). En revanche, toute l'érudi

tion d ’Aristote etde Chrysippe ne permet pas d'atteindre à cette sagesse . « Parmi les philosophes récents, Hiéroclès (MH 126 ) et ceux qui lui ressemblent, qui n 'avaient pas de lacune dans leur formation humaine, ont été, dit-il, fort défi

cients sur de nombreux points dans le domaine des divines idées» (Epit. 36 ; trad. Henry ). C 'est à l'exemple de son “ unique” maître (Héraïscus selon Zintzen , Sarapion selon Athanassiadi) qu 'il concentrait ainsi son énergie sur un contact direct, sans la médiation sensible de statues, avec les dieux invisibles « dans le secret du mystère absolu » (Epit. 37-38 ; trad. Henry). « Il rejetait l'abondance des livres » (Epit. 37 ; voir aussi 243) et ne semble pas en avoir produit lui

même. Damascius connaissait cependantdes hymnes d'Isidore dont il appréciait l'élévation d'esprit sinon la qualité des vers (Epit. 61). C 'est d'ailleurs à Damascius qu 'Isidore confiait le soin de les corriger (fr. 113). On a retrouvé des hymnes d 'un certain Isidore,mais ils sont d'une époque plus ancienne. Voir V .F. Vanderlip , The four Greek hymns of Isidorus and the cult of Isis, coll. « American Studies in Papyrology » 12 , Toronto 1972, XVI-108 p. 15 pl.

Par ailleurs, il s'intéressait peu à la poésie et à la rhétorique (Epit. 61 et fr.

114). Il se méfiait de la contrainte de la dialectique et préférait purifier les yeux de l'âme de ses disciples pour qu 'ils distinguent spontanément la vérité (Epit. 43). « Il mettait tous ses soins à la poursuite de la clarté et, laissant à d'autres les heureux agencements de mots, il s'attachait à mettre les faits en relief et, le plus souvent, ce n ' étaient pas des phrases qu 'il faisait entendre mais des pensées et même encore moins des pensées que les essences mêmes des choses qu 'il mettait

en lumière » (Epit. 246 ; trad. Henry ). Cette conception de la philosophie, orien tée vers la “ théologie” (fr. 124), Isidore l'avait acquise auprès de Proclus à Athènes : « Il éprouvait de la joie à regarder Proclus (...); il croyait voir vraiment en lui le visage de la philosophie » (Epit. 248 ; trad. Henry ), tout comme « Pro clus admirait le visage d'Isidore quiavait un air inspiré et qui resplendissait de la

sagesse qui vivait en lui» (Epit. 249 ; trad .Henry ; voir aussi 80 et fr. 131). « Pro clus plaçait la théologie devant la philosophie tout entière » (fr. 134 ). Isidore était un adepte des pratiques chaldaïques et savait imiter les voix des oiseaux pour établir la communication avec les dieux (fr. * 200 ). En revanche, on

l'entend reprocher à Hégias un enthousiasme excessif pour la théurgie : « Si c'est, comme tu l'affirmes, Hégias, disait Isidore, une chose divine que la pra tique de la théurgie, je le dis, moi aussi ; mais il faut que ceux qui seront des dieux soient d'abord des hommes. C 'est pourquoi Platon disait, lui aussi, que,

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ISIDORE D 'ALEXANDRIE

131

chez les hommes, il n 'était pas advenu de bien plus grand que la philosophie » (Epit. 227; trad.Henry ). RICHARD GOULET. DVI 32 ISIDORE DE GAZA Un des philosophes qui avaient fui l'empire byzantin après 529 pour chercher refuge à la cour du roi perse Chosroès (ⓇC 113) en qui ils croyaient voir le roi philosophe de Platon (Agathias, Hist. II 30, 3 - 31, 4). Les autres philosophes mentionnés étaient "Damascius le Syrien (2D 3), Simplicius le Cilicien , Eula

mius (ou Eulalius) le Phrygien (ME 112), Priscianus le Lydien , Hermias (» H 81) et Diogène (MD 143), tous deux de Phénicie. Déçus par la conduite des Perses, ces philosophes obtinrent de rentrer chez eux en 532, malgré le désir de Chosroès de se les attacher. Ce dernier obtint toutefois de Justinien qu 'ils ne

soient pas inquiétés pour leur religion (Agathias, Hist. II, 10 , 3 - 31,4 ; voir aussi Souda, s.v. nPÉOBELS, II 2251). Sur cet exil collectif des philosophes et le témoignage d 'Agathias , voir Ph. Hoffmann, art. « Damascius» D 3 , DPLA II, p. 559 -563. Le passage d'Agathias est traduit et commenté dans I. Hadot, Le

problème du néoplatonisme alexandrin : Hiéroclès et Simplicius, coll. « Études augustiniennes» , Paris 1978 , p. 21-27 ; voir également Ead., « La vie et l'euvre de Simplicius d 'après des sources grecques et arabes » , dans I. Hadot (édit.), Simplicius. Sa vie, son æuvre, sa survie, Berlin 1987, p . 7 -9 . P. Athanassiadi, Damascius, p. 297 n. 348, établit un lien entre cet Isidore et Isidore d 'Alexandrie (» I 31) : « It is tempting to see a connection between Isidore of Gaza and our Isidore (celui de la Vie d 'Isidore de Damascius) who may have been responsible for the for

mer 's philosophical conversion during his stay in Gaza in 498 -90 ; in recognition of his debt, Isidore of Gaza would have assumed the name of his spiritual father either then or later when he was summoned by Damascius to come and teach as one of the leading minds " from all over the domain of Hellenism ” (Agathias II.30.3 ).»

Ce nom manque dans la RE et dans PLRE II. PIERRE MARAVAL . 33 ISIDORE DE PÉLUSE RE 23 350- 360 /435-440 L 'existence même d' Isidore , auteur d'un vaste corpus d ' environ 2000 lettres,

a été mise en doute , mais la récente étude de P. Évieux sur ce personnage

(Isidorede Péluse, coll. « Théologie Historique», 99, Paris 1995) ne permet plus de soutenir cette thèse . Originaire de Péluse , chrétien , Isidore suit le cycle com plet de la paideia grecque, à Péluse puis à Alexandrie (un contact avec Hypatie est possible, mais non certain ), avant de devenir sophiste dans sa ville natale,

puis un temps moine à Nitrie ; il est ensuite clerc de l'Église de Péluse, avant de revenir à la vie monastique dans les environs de cette ville. L 'ensemble de sa

correspondance date de la dernière époque de sa vie ; c'est parmi elle qu'il faut chercher les « traités» d'Isidore Contre les Grecs et Sur la non -existence du destin (637 et 1053).

Isidore n 'est pas un philosophe au sens strict, bien que la Souda le désigne sous ce titre, mais il a une réelle culture philosophique. Platon , le « chef des phi

ISIDORE DE SÉVILLE

I 34

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losophes» (Ep. 1322 et 1355), occupe une grande place : il cite son nom , ses æuvres ou ses idées dans 70 lettres. Il utilise aussi l'Éthique à Nicomaque, mais le plus souvent ses connaissances reposent sur les doxographies ou les manuels

d 'école néoplatoniciens. Très critique vis-à-vis des procédés de la rhétorique

lorsque celle-ci n 'est que recherche de la forme, ou lorsque son art de la persua sion fait violence à la vérité , il l'accepte si elle est convertie au service de la

vérité chrétienne. C 'est de lamêmefaçon qu'il utilise la philosophie païenne: les philosophes ont souvent prôné la vertu ( Ep. 861), émis de justes hypothèses sur l'au -delà et le jugement (837, 954, 1213), sur l'âme et son immortalité (756 ,

1791). Ainsi la sagesse divine et la sagesse humaine des philosophes se mêlent pour ne former qu'un même breuvage (503). PIERRE MARAVAL .

34 ISIDORE DE SÉVILLE (Hispalis) RE 27

560 ?-636

Évêque de Séville . Bio -bibliographie . On eût bien étonné Isidore de Séville en lui prédisant qu'il figurerait un jour dans un who 's who des philosophes antiques. Car cet évêque n 'écrivit aucune cuvre proprement philosophique. Probablement né dans les années 560, il a dû venir au monde dans la décennie où la disparition de l'empereur Justinien marque pour nous le terme de l'« Antiquité tardive » occi dentale : voir p. ex . 1 R .Martin , « Qu'est-ce que l'Antiquité tardive ? Réflexions

sur un problème de périodisation », dans Aiôn (= Caesarodunum X bis) 1976 , p . 261-304 . Et pourtant, cet évêque a encore possédé, assimilé , exposé une cer taine connaissance des philosophies antiques; on en trouve une bonne part étu diée et mise en ordre dans 2 J. Fontaine, Isidore de Séville et la culture classique dans l'Espagne wisigothique (1959 ), 2e éd . en 3 volumes, Paris 1983 : voir sur tout la cinquième partie, consacrée aux « Vestiges de la philosophie antique >>

dans les æuvres du Sévillan , p. 593-734. A complétermaintenant par les travaux, souvent très neufs, de B . Ribémont sur la genèse et l'évolution des genres ency clopédiques dans l'Occidentmédiéval latin (vaste travail d'habilitation , soutenu

avec succès en novembre 1995 : les 200 pages de la seconde partie apportent bien des vues personnelles sur « Isidore de Séville, le fondateur de l'encyclopé dismemédiéval» ; en particulier les quelque 100 pages du chap. 2 sur l'encyclo pédisme isidorien , la philosophie et les sciences). 3 J. Fontaine, Isidore de

Séville. Genèse et originalité de la culture hispanique au temps des Wisigots, Turnhout (à paraître ). Non seulement, dans le sillage d 'Ambroise et d'Augustin , qui sontavec Gré goire le Grand ses auteurs patristiques majeurs, il y a aussi chez Isidore (comme l'a dit G .Madec, art. « Augustin » A 508, DPha I, 1989, p.671) des « aspects philosophiques dans les œuvres du pasteur d'âmes » . Mais Isidore a plus ou moins explicitement consacré nombre de pages, dans son encyclopédie des Éty

mologies, à des doctrines philosophiques, en matière de logique et de dialecti que, sur la nature et l'homme, la morale et les devoirs, – y compris un abrégé

d'histoire de la philosophie . Et surtout, la visée et lesméthodes de cette encyclo

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pédie ne sont pas sans affinités avec certaines réflexions des philosophes anti ques sur le langage, et sur son rôle en toute connaissance. Ces réflexions lui sont généralement parvenues à travers le double écran de la tradition scolaire et encyclopédique antique, mais aussi des grands écrivains chrétiens latins, surtout du IVe siècle (il ne sait plus le grec ). A l'articulation

chronologique entre l'Antiquité et le hautMoyen Age, sa situation historique explique la riche ambiguïté de sa position intellectuelle entre « culture païenne et culture chrétienne » (Fontaine 2, p. 785-806 ), et la difficulté que l'on éprouve à discerner si sa culture est « antique ou médiévale » (Fontaine 2, p. 807 -830 ). Dans cette génération pour ainsi dire à cheval sur les vie et viie siècles, 4 M . Banniard, Le haut Moyen Age occidental, coll. Que sais -je ?, nº 1807 , Paris

1980 , p. 113,a pu juger « plutôt antiques» Fortunat et Isidore, tandis qu'il disait « plutôt médiévaux » Grégoire de Tours et même Grégoire le Grand - l'ami intimede Léandre de Séville, moine et évêque, frère aîné d'Isidore, et son prédé

cesseur sur la chaire épiscopale de Séville . A l' envisager « sub specie philosophiae antiquae » , la biographie d' Isidore

apparaît encore plus obscure et incertaine. Partir de son « curriculum » sobre et prudent par 5 L .A . García Moreno, Prosopografía del reino visigodo de Toledo,

Universidad de Salamanca 1974, p. 91- 94 sur Leander et Isidorus. Comme son frère aîné Léandre, Isidore est « né d 'un père (appelé ) Sévérien , appartenant à la province de Carthagène» (Isid., uir. ill. 28 ), et d 'unemère peut-être nommée Turtura , tous deux « personnes déplacées» de Carthagène à Séville (voir 6 J. Fontaine et P . Cazier, « Qui a chassé de Carthaginoise Sévérien et les siens ? Observations sur l'histoire familiale d 'Isidore de Séville » , dans Estudios en homenaje a Claudio Sánchez Albornoz, Buenos Aires 1983, p. 349 -400 (réimpri mé dans 7 J. Fontaine, Tradition et actualité chez Isidore de Séville, coll. « Col

lected studies series » 281, London 1988, nº I). Il était probablement issu d'une famille de grands propriétaires hispano -romains, et appartenait donc à l'élite sociale de la Carthaginoise et de la Bétique. Cette famille a dû s'exiler, ou être expulsée , de la première de ces provinces dans la seconde (au temps de l'enfance d'Isidore ? mais il a pu naître ensuite en Bétique) : très vraisemblablementau cours ou à la suite des grands bouleverse ments provoqués dans toutes ces régions par la tentative byzantine de reconqué rir l'Espagne du Levant et du Sud, à partir du milieu du vie siècle . Qui a été

responsable de ce « déplacement» de la famille d 'Isidore ? Nous avions plaidé (sup . 6 ) pour la responsabilité des Visigots ,mais il semble plus probable de pen ser à celle des Byzantins (cf. p . ex. 8 M . Vallejo Girvés, Bizancio y la España

tardoantigua ..., Univ . de Alcalá de Henares 1993, p .437 ). En fait, on ne doit plus réduire le problème des motivations de ce « déplacement » à une telle alter native. Car plus important est l'accent que l'historiographie actuelle met sur l'attentisme, envers les Visigots comme envers les Byzantins, des élites hispano romaines du Sud : elles craignaient d'abord de voir frustrée une tendance à l'au tonomie que le déclin et la chute de l'Empire avaient contribué à renforcer. Les origines sociales d ' Isidore et son souci de maintenir la culture latine en même

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temps que la foi catholique romaine, face aux Orientaux comme aux Visigots – les uns et les autres considérés comme des hérétiques par les nicéens occiden

taux, au moins jusqu' en 589 pour les Visigots ariens – s'inscrivent dans cette conjoncture historique et géographique complexe de l'Espagne du sud et du sud est dans la seconde moitié du VIe siècle. Léandre a pris un soin particulier de l'éducation de ses frères et sæur, Ful gence, Florentine et le benjamin Isidore , devenus très tôtorphelins. La formation d 'Isidore ne nous est connue que très indirectement : soit qu 'on l'induise des

inscriptions en vers de la bibliothèque sévillane qui nous ont été conservées (ed. Beeson 1911 = PL 83, 1107), soit qu 'on la déduise du bilan des sources antiques et chrétiennes de sa culture classique (Fontaine 2 passim ). La langue et le style des rares æuvres de Léandre conservées (voir par exemple 9 J. Fontaine, « La homilía de San Leandro ante el Concilio III de Toledo : temática y forma» , dans Concilio III de Toledo, XIV Centenario 589 -1989, Toledo 1991, p. 249-270) gageaient déjà le haut niveau de culture de ce frère aîné, qui joua un rôle certai

nement décisif dans l'éducation de son plus jeune frère. C 'est à ses côtés qu 'à peine adulte , Isidore put assister à la conversion au catholicisme du roiRecca

rède, puis de tous les Visigots d'Espagne - jusqu'alors ariens.Cette conversion, dont Léandre avait été le principal artisan , fut scellée et célébrée par lui au cours

du lile Concile national de Tolède, en 589. Dans le royaume unifié sous le double

pouvoir des rois visigots de Tolède et d'une hiérarchie catholique encore recru tée, à ce moment, parmi les seuls Hispanoromains, Isidore a poursuivi l'æuvre à la fois politique et religieuse de son frère ; mais il a mis personnellement l'accent sur une reconstruction intellectuelle et morale , religieuse et institutionnelle , de l'Église et de la culture , comme en témoignent l'ampleur et la diversité de ses ouvrages. Amiet parfois mentor d ’un prince visigot lettré comme le roi Sisebut, c'est pour répondre à une demande expresse de celui-ci qu'il met en chantier sa

vaste encyclopédie des Étymologies (voir Isid ., Epist. 2 , « Domino et filio Sise buto » ).

Son idéal politique d 'un partage du pouvoir entre princes et évêques, nobles

se gothique et élites hispano-romaines, a inspiré les canons du Ive Concile de Tolède qu 'il présida en 633 (et que des historiens appellent aujourd 'hui le « concile constitutionnel» ), trois ans avant sa mort le 4 avril 636 - qui demeure le jour de sa fête dans le calendrier liturgique romain . L ’édition des æuvres d' Isidore publiée par Faustino Arévalo en 1803 reste actuellement la seule où l'on trouve commodément réunie , en particulier dans sa réédition par Migne, PL 81 à 83, la totalité des æuvres d ' Isidore ; mais son texte est encore assis sur une base manuscrite insuffisante, et souvent récrit en un latin

plus classique que ne fut en réalité celui de l'auteur, tributaire de ses sources patristiques, et déjà contaminé par l'évolution du latin « préroman » dont témoi

gnent les « ardoises visigotiques» inscrites (bon nombre sont contemporaines d 'Isidore ).

Des éditions critiques modernes ont commencé d'être publiées il y a un

siècle: celles de la Chronique et de l'Histoire des Goths dans les MGH , AA 11

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en 1894 , par Mommsen, des Étymologies en 1911 par Lindsay, des 27 Carmina

en 1913 par Beeson. Il faut ensuite attendre la seconde partie du XXe siècle, et une meilleure connaissance de la littérature patristique et des traits originaux du « latin tardif » – en particulier celui d'Espagne -, pour que paraissent les éditions du Traité de la nature par J. Fontaine en 1961 (contenant la première étude

approfondie de la langue d' Isidore), du Traité des hommes illustres par C . Codoñer en 1964, du traité De l'origine des offices ecclésiastiques par C . Lawson en 1989 (CCSL 113). D 'autres éditionscritiques annotées ontparu dans la collection des Auteurs latins du Moyen Age (ALMA, Paris, Les Belles Lettres) : Sur la naissance et le décès des Pères en 1985 par C . Chaparro , les

Différences, livre I, en 1992 par C . Codoñer, enfin livre par livre les Étymo logies: livres XVII en 1981 par J. André ; II en 1983 par P .K .Marshall ; IX en 1984 par M . Reydellet; XII en 1986 par J. André ; XIX en 1995 par M . Rodrí guez Pantoja Marquez ; sous presse, XIII par G . Gasparotto , XX par A . Baloira , XI par F. Gasti et XVIII par J. Canto Llorca.La liste détaillée des éditions dispo

nibles, précise et presque à jour (avec la distinction entre ouvrages authentiques d'Isidore, et apocryphes pseudo-isidoriens), se trouve aujourd'hui dans 10 H .J. Frede, Kirchenschriftsteller, Verzeichnis und Sigel..., 4te, aktualisierte Auflage,

Freiburg 1995, p. 574-583, et 11 CPL’, 1186 -1229. Le renouveau des études isidoriennes aurait pu commencer plus tôt, après la publication du recueil collectif des 12 Miscellanea Isidoriana , Roma 1936 , si ce XIIIe centenaire de la mort d' Isidore (636 - 1936 ) n 'avait tragiquement coïncidé avec l'éclatement de la guerre civile espagnole . La paix revenue en Europe, la reprise de ces études est marquée par la réunion , en 1960 – anniversaire possible

et symbolique de la naissance d ’Isidore en 560 ( ?) – du colloque international isidorien de León ; ses Actes sont publiés sous le titre 13 Isidoriana, León 1961. Jocelyn Hillgarth y donne sa première bibliographie : 14 The position of Isido rian Studies, A critical study of the Literature since 1935 , dans 13, p. 11-71 ; une seconde 15, sur les travaux de la période 1951- 1975, paraît dans les StudiMedie vali 24, 1983, p. 817-905. On complétera ces instruments spécialisés par les bibliographies incluses dans notre thèse de 1959 (Fontaine 2), puis dans son

supplément, publié sous la forme d'un tome III de la seconde édition en 1983. Voir aussi, maintenant, la chronique quinquennale sur l'Hispanie chrétienne et visigotique qui paraît depuis 1975 dans la Revue des Études Anciennes ; les qua

tre premières ont été réunies en un volume: 16 Histoire et archéologie de la péninsule ibérique : vingt années de recherches (1968 -1987), Paris 1993. La chronique des années 1988- 1992 a paru dans la REA 97, 1995, p. 385-443. Les affinités philosophiques des euvres d 'Isidore. Il convient donc de situer les auvres de l' évêque de Séville dans les perspectives de restauration

d'une Espagne à la fois ancienne et nouvelle , fidèle aux traditions romaines et chrétiennes de la culture tardive occidentale, mais d'une culture actualisée, adap tée aux capacités et aux besoins de la nouvelle société hispano -visigotique (voir

Fontaine 2 , p. 863 sq. : « la Renaissance isidorienne » ). Ainsi seulement pourra -t on percevoir trois traits singuliers de ces æuvres: leur intention de susciter un

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883 ISIDORE DE SÉVILLE renouveau intellectuel et pour ainsi dire de réaliser un « pèlerinage aux sources» ;

leur visée sociale et politique, en et pour un royaume récemment unifié dans sa

religion et son Église, sa monarchie et sa nouvelle capitale centrale de Tolède, son territoire péninsulaire (que les Byzantins achèvent d'évacuer en 621); enfin leur surprenant et durable succès ultérieur, dans la civilisation carolingienne et l'Europemédiévale : elles ont puissamment contribué à en forger la mentalité, et d'abord les outils intellectuels, en particulier encyclopédiques (voir B . Ribémont,

travaux annoncés supra). On regroupera ici ces æuvres en quatre groupes, d'autant plus librement que leur chronologie est encore incertaine: elle n 'a guère progressé depuis la tenta tive de 17 J. A . de Aldama, « Indicaciones sobre la cronología de las obras de S . Isidoro » , dans Miscellanea Isidoriana 12, p. 57-89 (étude fondamentale ,mais encore loin d 'être définitive). On tentera de présenter ici cesæuvres en marquant leurs affinités avec des formes anciennes de la culture, sinon mêmedes philoso

phies antiques. a) La série « grammaticale » comporte trois titres transparents à la tradition culturelle romaine dans laquelle ils s'insèrent. Jusque dans leurs titres, Différen

ces, Synonymes, Étymologies se rattachent respectivement à : un genre littéraire technique de la grammaire ancienne; un exercice de la pédagogie rhétorique destiné à enrichir le vocabulaire du futur orateur en pratiquant la uersio d 'un

texte (de latin en latin ) par la synonymie ; enfin un principe philosophique d'or ganisation de tous les savoirs , appliqué par les encyclopédistes romains depuis Varron . Ce ne sont encore là que les premières bases d'une formation de l'esprit et de l'expression orale et écrite. Mais leur cohérence tient à une visée unitaire sous l'égide de la grammaire , conçue implicitement, selon la formule heureuse – même si elle date aujourd 'hui quelque peu – d 'E . Elorduy (Miscellanea Isido

riana 12, p . 293 sq.), comme une « science totalitaire». Cette didactique suppose certaine croyance en la vertu cognitive des mots , et dans leur emprise sur les réalités qu 'ils désignent: par les uerba et leur origo vers les res, une telle démar

che est bien orientée, par la science vers la sagesse ; elle est, comme telle, d 'affi nités encore et déjà philosophiques.

b ) C 'est une formation proprement religieuse , symétrique et complémen taire de la précédente , que vise une série demanuels destinés à être des sortes de

companions to biblical studies pour moines et clercs du royaume visigotique. Mais là aussi, les résonances des titres n 'annoncent pas exclusivement une doc

trina christiana. De fait, dans l'arithmologie symbolique du Liber numerorum , à l'héritage numérologique antique est juxtaposée une symbolique des nombres « qui se rencontrent dans l'Écriture» (ainsi se termine le titre de l'opuscule ). Le titre hellénisantdes Préludes (prooemia) aux différents livres de la Bible renvoie à la paideia hellénistique, à travers l'ascendance des emplois rhétoriques et poé

tiques de ce mot. Celui des Allégories se réfère à l'emploi exégétique du mot par saint Paul,mais sans qu 'on puisse oublier sa longue utilisation dans l'exégèse philosophique des mythes d'Homère (voir p. ex. l'art. « Allegorese » du RAC I, 1950 , col. 283 sq.). Le traité De la naissance et du décès des Pères offre une

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série de notices biographiquesminiaturisées sur des personnages bibliques, héri tant ainsi, encore , des origines sophistiques du genre de la biographie (voir p . ex . ibid ., col. 386 ). Enfin , les Expositions, ou Questions sur divers livres de l'Écri ture, évoquent, au -delà d 'Augustin , le genre philosophique antique des Zètè mata . Ainsi, à travers la culture chrétienne, subsiste plus que la trace formelle d'une culture philosophique : une trame de catégories de pensée d'où n 'est pas absente une sorte de reflet lointain d'un héritage philosophique de l'Antiquité.

Sur cet ensemble demanuels, voir 18 J. Fontaine, « Grammaire sacrée et gram maire profane : Isidore de Séville devant l'exégèse biblique » , dans Los Visi godos. Historia y civilización , coll. « Antiguedad y cristianismo » 3, Universidad de Murcia 1986 , p. 311- 329, et aussi 19 Id ., « Isidore de Séville pédagogue et théoricien de l'exégèse » , dans Stimuli. Exegese und ihre Hermeneutik in Antike und Christentum , Festschrift für E . Dassmann,Münster 1996 , p . 423 -434.

c) Au service de cette Église qu’Augustin avait appelée la ciuitas Dei pere grinans, Isidore pratique plus explicitement un pèlerinage aux sources, en s'ef forçant de restaurer une nouvelle culture chrétienne par un retour aux ori gines. Cette reformatio (on emploie ici à dessein ce mot en son sens carolingien )

concerne au premier chef les fonctions et les devoirs de ses membres. Le traité traditionnellementappelé De ecclesiasticis officiis n 'est pas un simple remanie ment du traité d' Ambroise - qui lui-mêmene remontait point par son seul titre au De officiis de Cicéron . Le titre authentique de ce traité d'Isidore , retrouvé dans ses manuscrits par Chr. Lawson , était : De origine officiorum . Il exprimait ainsi, d'emblée, l'intention déclarée d 'un retour à la pureté des origines, et comme la variante chrétienne de cette reformatio in melius qui avait déjà été un mot d'ordre de l'Antiquité tardive. C 'est avec la même intention qu ’Isidore

rédige une nouvelle Règle monastique, tandis que les traditions des débats doctri naux entre les écoles philosophiques de l'Antiquité se perpétuent dans les contestations judéo -chrétiennes, de Tertullien au traité d'Isidore De fide catho

lica contra ludaeos. Il n 'est pas jusqu'au genre des collections de Sentences des philosophes (du type des Sententiae Sexti) qui ne se perpétue dans le titre, la forme, le contenu des trois livres des Sentences ; ils apparaissent comme le testa

ment dogmatique (I), spirituel (II) et moral (III) d'Isidore (ce livre III offre une morale « en situation » de divers états de vie , qui poursuit une tradition antique précise – on pourrait même dire stoïcienne, en pensant aux Lettres à Lucilius de Sénèque ). C 'est probablement sa dernière æuvre, sensiblement contemporaine

du IVe Concile de Tolède (633). d) On peut enfin regrouper dans une commune perspective historique, avec le traité Des hommes illustres (titre et genre d'abord passés de Suétone à Jérôme, puis à Gennade), trois ouvrages qui font explicitement référence à la recherche des origines : auprès du De origine officiorum , l'« Histoire des Visigots » (ainsi

appelée depuis ses premiers éditeurs) avait pour titre ancien De origine Gotho rum ; enfin le dessein des Étymologies est explicité par Isidore lui-même, dans sa lettre de dédicace au roi Sisebut, commecelui d'un traité « de origine quarundam

rerum » . Toutes les æuvres d' Isidore convergent ainsi vers cette restauration des

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origines, celles des mots comme celles des choses, dans l'Église catholique aussi bien que dans le royaume visigot, dans sa culture et dans sa langue. Cet idéal s'inspire encore de la conviction antique que l'effort de la raison est

capable de réparer l'entropie du temps, et d 'atteindre une authenticité première que ce temps avait comme effacée, dans la nature et la civilisation aussi bien que

dans l'évolution des mots et du langage. Dans son contenu comme dans son dynamisme, ce mouvement de restauration fait doublement appel à la philoso phie (autant qu 'à l'exégèse et à la théologie ). D 'une part, la philosophie est pour ainsi dire au cœur de l'héritage à restaurer: les Étymologies contiennent des vestiges importants de doctrines philosophiques, en particulier – sous le chef de l'art dialectique – dans le chapitre II 24 « De definitione philosophiae ». Mais , d'autre part, l'idéal de la recherche de l'origo plonge ses racines dans des

doctrines philosophiques précises sur la valeur du langage, et non pas seulement dans des idées tirées de la Bible , telles que la valeur primordiale de la Création divine des res et l'imposition des uerba aux res par l'hommecréé. cc .

Les « membres dispersés» de la philosophie. D 'une manière que nous dirions plus « dialectique » (au sens actuel de ce mot) que contradictoire, Isidore

reflète une double tradition chrétienne : défiance et hostilité envers les philo sophes, mais aussi ouverture à la philosophie , dont Augustin fut pour lui le prin cipal garant et médiateur - en particulier pour la philosophie de Varron . Etle fait

de « décadrer » de leur contexte patristique un certain nombre d ' emprunts des

écrivains du IVe siècle à des philosophes romains classiques leur restitue para doxalement la fraîcheur immédiate de leur valeur originelle ; une sorte d 'antho

logie doxographique constelle ainsi de souvenirs précis de la philosophie antique

ces 20 livres des Étymologies, dont le projet encyclopédique est encore si romain, si proche de la tradition varronienne médiatisée par Augustin et Cassio dore .

La sédimentation scolaire de la paideia hellénistique, de la pensée romaine classique, de leur remploi par le « bon usage » qu 'en avaient fait tour à tour

Ambroise, Augustin , et même parfois Jérôme, se manifeste dès les définitions isidoriennes de la philosophie . Elles ont été directement transcrites de Cassio dore, dans le chapitre d ' Etym . II 24 intitulé « Définition de la philosophie » (voir

Fontaine 2, p . 604 sq., et 20 P. Courcelle, Les lettres grecques..., Paris 1948, p . 324 sq., qui montre leur emprunt dernier à Ammonius d 'Alexandrie

[2A 141]). On trouve aussi dans ce chapitre la tripartition ancienne de la philo

sophie en physique, éthique, logique, dont Isidore (qui les cite le plus souvent dans cet ordre) attribue un peu simplement l'invention respective à Thalès , Socrate et Platon (Etym . II 24 , 4 -5 , à la suite de la Cité de Dieu VIII 2 sq.). L ' érudition doxographique conflue avec celle des commentaires chrétiens sur

la Genèse, pour définir et exposer la « physique » isidorienne. Cette philosophie de la nature ne se borne pas à neutraliser l'atomisme épicurien et à autoriser la doctrine stoïcienne des éléments. Elle n 'est pas seulement répartie entre les livres XI et XIII des Étymologies, sur l'homme et le monde. Le nom et le

contenu antiques des « traités de la nature » et l'allégorisation exégétique chré

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tienne de l'univers et de ses parties se juxtaposent dans le traité isidorien De

natura rerum (titre inverse - intentionnellement ? – de celui du poème de Lucrèce, poète pourtant fort cité dans les Étymologies), alors que le contenu de l'astronomie , dans le quadruuium qui occupe le livre III de l'encyclopédie , est ,

lui, strictement antique. Mais deux textes relient cet ensemble aux traditions bibliques et philoso phiques. La connaissance de la nature à travers les arts de la paideia hellé nistique est justifiée comme un don divin par une parole (qu ’ Isidore croit de Salomon ) dans le Livre de la Sagesse 7 , 17 (en tête du De natura rerum ). Mais la

conclusion du quadruuium (Etym . III 71, 41) - et donc de son astronomie – récrit de manière originale un emprunt à Cassiodore : « Cette série des sept disciplines

profanes a été élevée jusqu'aux astres par les philosophes, à seule fin de dégager des réalités terrestres les esprits embarrassés dans la sagesse profane, et de les

fixer dans la contemplation d 'En -haut» . La suite des sept « arts» serait ainsi ordonnée en une progression contemplative qui élève l'esprit de la terre au ciel. Voir 21 J. Fontaine, « Une relecture isidorienne de Cassiodore : la conclusion des

sept arts dans les Institutions et les Étymologies» , dans Polyanthema (Mélanges S . Costanza = Studi tardo antichi 7 ),Messina 1989, p . 95 -109 .

Cette visée contemplative, qui oriente et spiritualise la connaissance des artes libero dignae, n 'empêche pas Isidore de se soucier aussi des préceptes d'une morale pratique fondée sur la raison. La philosophie reste pour lui (Etym . III 24, 1 et VIII 6 , 1) « une connaissance des choses divines et humaines, associée au zèle pour une bonne conduite » (studium bene uiuendi). Sur les traces des anciens, les définitions de sa psychologie sont liées, à la fois, à la spiritualité chrétienne, mais aussi à une éthique élémentaire où se perpétuent des traditions stoïciennes vulgarisées – et dès longtemps christianisées : telle la doctrine des quatre vertus, dont il attribue la paternité à Socrate (Etym . II 24 , 6 ), et qu 'avait

résumée , à la génération précédente, l'évêque Martin de Braga dans sa Formula

uitae honestae.Mais on retiendra surtout la fin des Synonyma, un ouvrage dont pourtant l'inspiration est quasi totalement biblique et chrétienne. Cette fin du livre II adresse en effet à la raison l'éloge quasi hymnique de la philosophie que Cicéron avait placé au début de sa cinquième Tusculane (Syn. II 102 = Tusc. V

2, 5 ; commentaire en Fontaine 2, p. 703 sq.). La philosophie « logique » est exposée par Isidore dans le cadre de la rhéto

rique, qui en tire les procédés de son argumentation (ibid ., 255-276 ). Une partie de ces pages est empruntée aux Institutions de Cassiodore ; y figurent encore des emprunts aux Catégories d'Aristote , aux topiques de la tradition scolaire latine, à l’ Isagoge de Porphyre, à la doctrine deMarius Victorinus sur les syllogismes. En

dépit des critiques acides de Tertullien contre la dialectique (voir Fontaine 2, p .616 sq.), Isidore garde pour cette réduction scolaire de l'antique dialectique

platonicienne, puis aristotélicienne, la même estime positive que son maître Augustin . Elle reste pour lui une discipline propre à former l'esprit, et une méthode de découverte du vrai. En cela, il demeure fidèle à la tradition philoso

phique grecque (mais non point tempérée comme chez Cicéron, quine voyait en

887 ISIDORE DE SÉVILLE elle qu ’un instrument au service de la démonstration oratoire - c'est-à-dire du vraisemblable ).

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La philosophie reparaît dans une présentation plus réticente, au cours du livre VIII consacré à l'Église et aux « sectes» (haereses). Les sages de l'Antiquité y comparaissent donc, à la suite des hérétiques juifs et chrétiens, dans une histoire simplifiée des « philosophes païens» (Etym . VIII 6 « De philosophis pagano rum » ). Des présocratiques aux platoniciens, Isidore expose l'étymologie des appellations de leurs sectes, « dont les noms sont tirés de leurs fondateurs (aucto res)» , ou « des emplacements de leurs communautés (conuenticuli) et des lieux où ils se tenaient (stationes)» ( ibid ., VIII 6 , 6 : emprunt à Tertullien , Apol. 3, 6 ) ,

sans oublier les gymnosophistes et les « théologiens » . Enfin , une doxographie en

miniature regroupe, de Thalès et Pythagore à Cicéron et Varron , les idées de dif férents philosophes et écoles sur Dieu, puis sur le monde. Elle s'achève par une reprise de l'idée de Tertullien sur « les philosophes patriarches des hérétiques» (Adu. Herm . 8, 2 ), dans l'affirmation insistante d' Etym . VIII 6 , 21 : « Les erreurs

des philosophes ont induit également des hérésies jusqu'à l'intérieur de l'Égli se » . Tant il est vrai que, par une sorte de choc en retour de la signification chré tienne du mot, le sens défavorable du mot haeresis a entaché d'une suspicion implicite l'emploi qui en est fait ici pour désigner les « sectes» des philosophes antiques.Mais on remarque l'absence de mention , en ce chapitre, de tout repré

sentant, grec ou latin , des philosophes de l'Antiquité tardive,même des philo sophes chrétiens qu 'Isidore a certainement lus et utilisés (comme Lactance ou

Marius Victorinus) Fondements philosophiques de l' encyclopédie isidorienne. Le projet et la méthode des Étymologies ne sont pas réductibles à une sorte de cancérisation des savoirs antiques par la grammaire. Dès l'abord , la « commande » royale de

l’æuvre à l' évêque de Séville, dans les années615 , invite à ne pas en réduire l'horizon à celui d'un projet étroitement pédagogique, enfermé dans les bornes d'une mythique « école de Séville » – du moins au sens scolaire du mot. La part de Varron , parmi les auctores lointains de cette encyclopédie , décèle à la fois son ambition linguistique et politique, et donc philosophique à ces deux titres.

Car il faut comprendre et juger cette entreprise en référence au double propos de la philosophie : l'auteur des Étymologies, lui aussi,« s'attache à connaître le sens, la nature et les causes des choses divines et humaines» , comme celui des Sen

tences s'attachera à faire « retenir et mettre en pratique toutes les règles du bien vivre » (omnem bene uiuendi rationem ). Il paraît d'autant plus indiqué d'appli quer ainsi à Isidore la définition classique du philosophe remontant à Cicéron

(De oratore I 212), dont les Étymologies II 24 , 1 commencent par reprendre la formule .

Grâce à Augustin , et en particulier à la Cité de Dieu , Isidore s'est fait encore

une idée assez précise de Varron , de son savoir, de sa pensée. Il n'en cite pas moins de 23 fragments, appartenant à ses ouvrages les plus divers : voir 22 J. Fontaine, Isidorus Varro christianus ?, dans Bivium (Mélanges M .C . Díaz y Díaz), Madrid 1983, p . 89- 106 (= Fontaine 6 , n° III). Mais il faut aussi rappeler

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qu 'au livre VI des Étymologies « Sur les livres et offices ecclésiastiques» , Var

ron occupe une place de choix dans la filière où Isidore lui-même prend place à

son tour: celle des polygraphes, qui ont tenté de saisir et exposer la totalité des connaissances. La polygraphie est donc liée au projet encyclopédique, qui fut aristotélicien avant d' être au cœur de l'enkyklios paideia hellénistique (si divers qu 'apparaissent aujourd'hui les sens de cette expression ). Après les sept arts (I III), la médecine et le droit (IV - V ) , les « choses divines» occupent dans l' ency clopédie isidorienne les livres VI à VIII, avant les « choses humaines » : la pré sentation de celles-ci part des langues et des groupes sociaux (IX ); elle passe par

la nature humaine et animale (XI-XII), le cosmos et la géographie (XIII-XV ) , cités et champs (XV), pierres et métaux (XVI); elle s'achève enfin dans les acti vités collectives (agricoles en XVII,militaires, civiques, ludiques en XVIII) et ce

que nous appelons la culture matérielle (XIX et XX ). Telle est d'abord l'« héré dité » antique de l'encyclopédie isidorienne, hérédité inscrite dans la répartition et l'ordre de ses livres tout autant que dans les chapitres techniques du livre VI consacrés aux bibliothèques, aux livres, aux polygraphes. Les modalités et la mesure du rattachement (direct ou indirect) d'une partie de cettematière (surtout dans la seconde moitié) aux Prata disparus (et à d 'autres ouvrages perdus) de

Suétone sont encore loin d ' être claires.

L'originalité de la méthode repose sur les quatre catégoriesde l' entendement isidorien (différence, étymologie, analogie et glose ), et surtout sur la seconde : de

sorte que l'on peut parler d 'une « méthode étymologique » destinée à la fois à établir et transmettre tous les savoirs. Ces catégories grammaticales sont logi quement définies d'abord comme telles, dans le cadre du livre I consacré à la grammaire ; mais la suite de l'ouvrage montre qu 'au -delà de la classe du gram maticus antique, il s'agit bien d'une grammaire de l'entendement, applicable à tout objet de science. Aussi le chapitre I 29 De etymologia mérite -t-il d 'être minutieusement analysé, si l'on veut comprendre que l'etymologia est une démarche de l'esprit dont la portée est philosophique (voir 23 J. Fontaine , « Cohérence et originalité de l' étymologie isidorienne» , dans Mélanges E. Elorduy, Bilbao 1978, p. 113- 144 = Fontaine 7, nº X ). Le dynamisme de cette

opération cognitive apparaît dans le vocabulaire de la définition initiale : « L ' éty mologie est l'origine des vocables, quand on saisit la valeur essentielle d'un

mot... par l'intermédiaire d 'une interprétation ». Il y va donc de la valeur des mots, dans le sillage lointain du Cratyle de Platon , à la problématique duquel fait encore clairement écho le § 3 : « Certaines réalités n 'ont pas été appelées conformément à leur qualité innée, mais selon l'arbitraire de la volonté humai ne». Dans la première catégorie , lesmots sont donc susceptibles de révéler les choses. Et parmi les nombreuses filières dontpeutse réclamer la pratique étymo logique d'Isidore, il en est de proprement stoïciennes, voire varroniennes (celles du « quatrième degré » de l' étymologie – sur la valeur de révélation duquel l'accord des spécialistes modernes de Varron ne s'est point encore fait).

Il faudrait souligner les affinités philosophiques de la notion isidorienne

d 'origine, en rappelant que l'étymologiste a pu connaître les titres des livres de

ISIDORE DE SÉVILLE

I 34

889

Varron De origine linguae latinae et De originibus scaenicis. Il conviendrait même de réfléchir sur les analogies perceptibles entre les situations historiques dans lesquelles Varron et Isidore se sont sentis respectivement appelés à une reconstruction intellectuelle etmorale de leur temps sous une monarchie nou

velle : celle d'Auguste après un siècle de guerres civiles à Rome, celle de Sisebut au terme de plus d 'un siècle de désordres divers et de destructions dans l'Espa gne romaine. Dans les deux cas, il s'agissait de renouer une tradition romaine rompue, d 'actualiser unemémoire, de raffermir une langue. C 'est en ce sens que les Antiquités divines et humaines de Varron mais aussi son De origine linguae latinae ont assumé des fonctions auxquelles il n 'est pas hors de propos de com parer celles qu ’Isidore – Varro christianus – a confiées à ses Etymologies. Quelques observations finales. Bien des thèmes philosophiques, souvent liés à un vocabulaire et une formulation antiques, sont encore à découvrir dans les

@ uvres religieuses d'Isidore : il nous manque un second volet (conçu comme Fontaine 2) sur « Isidore de Séville et la culture théologique dans l'Espagne visi gotique » . En attendant, on peut voir l'excellente préface (à soi seule une mono graphie) qu 'a donnée à une traduction espagnole des Étymologies 24 M .C . Díaz y Díaz, San Isidoro, Etimologías..., coll. BAC 433,Madrid 1983, Introducción

general, p . 7 -257 ; et, sur les Sentences, 25 P . Cazier, Isidore de Séville et la naissance de l'Espagne catholique, coll. « Théologie catholique » 96 , Paris 1994 (en attendant leur édition critique, à paraître dans le CCSL).

Si la philosophie est encore, pour nous, une recherche critique du sens, fondée sur une connaissance et ordonnée à une action , on doit convenir qu 'Isidore a laissé une euvre écrite dont l'ensemble est plus cohérent et mieux ordonné que les juxtapositions et les contradictions du détail ne le laisseraient croire trop hâti

vement (voir 26 J. Fontaine, « Isidore philosophe ?», dansMélanges H . Otero, à paraître ).Mais , à bien réfléchir , ces défauts ne sont encore que l'aggravation de ceux de la « civilisation de la paideia » , dans laquelle une sorte de démo cratisation des savoirs leur a fait perdre en compréhension ce qu 'ils gagnaient en extension et en diffusion - y compris en matière de philosophie : d 'où cette

rétraction de toute la culture, qui va s'accentuant dans le cours de l'Antiquité tardive.

Engagée et dégagée par rapport aux besoins pastoraux de son temps, cette Quvre d'un évêque encore érudit de l'Espagne du Sud a connu un succès durable dans la péninsule et surtout au-delà des Pyrénées, au cours des siècles suivants . A ce titre, elle est, pour une bonne part, responsable de l'idée que purent encore se faire de la philosophie antique, et surtout du genre littéraire de l'encyclopédie , ses lecteurs du Moyen Age chrétien. Cette idée est simplifiée,mais néanmoins

encore assez juste, au niveau premier des définitions et classifications, pour avoir pris valeur de modèle. Et l'on doit prendre garde aussi au fait que le ferment de la philosophie a pénétré jusque dans les catégories et les méthodes de la culture isidorienne, dans son orientation générale , et surtout dans ce que nous avons

appelé son projet encyclopédique: là est le moins apparent,mais le plus profond, le plus vivant aussi, en cet héritage préservé dans l'esprit de l'éclectismehellé

890

ISIDORE DE SÉVILLE

I 34

nistique et romain . On le verra dans la très lente évolution des genres encyclopé diques médiévaux : de plus ou moins près, ils s' inspireront tous du modèle isi dorien , et de toutes les implications de sa méthode étymologique. Ce fait interdit désormais de traiter Isidore, avec une érudition qui fut trop expéditive, de simple

« agent de transmission » de la culture antique. Tout en reconnaissant une primauté de la sagesse chrétienne (celle des aspi rants à la perfection d 'un style de vie évangélique, qu'Augustin avait appelés « les amants de la beauté spirituelle » ), Isidore de Séville n 'a pas perdu l' enthou siasme des plus anciens philosophes pour la connaissance désintéressée, pour une intelligence globale du monde et de l'homme, pour un cycle cohérent de tous les savoirs. D 'où son attachement au legs intellectuel et spirituel de ce qu 'on pourrait appeler le courant libéral de la philosophie chrétienne : ce courant que lui ont transmis Augustin , dans les opuscules philosophiques de sa jeunesse, et Lactance aussi, bien plus tôt. De là vient l'adhésion d'Isidore à un certain

nombre de valeurs positives de la tradition antique – religieuse autant que philo sophique –,mais peut-on séparer nettement les deux domainesdans la culture de l'Antiquité, surtout tardive ? On le voit clairement au livre VIII des Étymologies : le respect avec lequel l'évêque de Séville y évoque la sacralité païenne, dans une étonnante fidélité au libéralisme de Lactance, y compense de manière heureuse et paradoxale , à propos des poètes et des sibylles, de la mythologie etmême des pagani, sa défiance immédiatement précédente face aux haereses des philo sophes: voir 27 J. Fontaine, « Le « sacré » antique vu par un homme du vile siè cle : le livre 8 des Étymologies d'Isidore de Séville » , dans BAGB 1989, p. 394 405 .

JACQUES FONTAINE. 35 ISIDORE DE THMOUIS

II ou III Comme de nombreux autres platoniciens, Isidore de Thmouis reçut le droit de cité à Delphes.Le décret qui le lui conférait (FD III 2 , 116 ) fut gravé sur l'un des

blocs d'architrave du Trésor des Athéniens; vu l'époque des textes analogues qui l'entourent, il pourrait se placer à la fin du II° ou au début du 111° siècle . BERNADETTE PUECH .

36 ISIDORUS (IULIUS -)

I?

Le philosophe égyptien Iulius Isidoros est connu par l' étiquette de la momie

d'un de ses esclaves (Sammelbuch 1206 ).Un rapport avec le cynique homonyme exilé de Rome par Néron (» I 28 ) n 'est pas exclu mais ne peut être, vu la bana

lité du nom , que très hypothétique. BERNADETTE PUECH .

138

ISOCRATE D 'ATHÈNES

891

37 ISOCASIUS D 'ÉGÉE (en Cilicie) RE PLRE II:

ca 465

Grammairien , sophiste et haut fonctionnaire impérial païen, converti par la suite au christianisme. Jean Malalas, Chronographia , p. 369-371, le qualifie de philosophe ,mais c'est un titre qu 'il décerne volontiers , y compris à des figures

mythologiques . Il aurait été défendu auprès de l'Empereur Léon jer (457-474), dans un procès à Constantinople , par un autre "philosophe ", le médecin Jacob ( I 1). Sur sa carrière , on consultera la notice de la PLRE II, s.v. “ Isocasius” , p .633-634. RICHARD GOULET.

38 ISOCRATE D 'ATHÈNES RE 2

4362-338a

Maître d'éloquence politique et penseur. Cf. 1 F . Blass, Die attische Beredsamkeit,t. II, 2e édit., Berlin 1892, réimpr. Hildesheim 1962, p . 1 sqq. ; 2 R . C . Jebb , The Attic Orators from Antiphon to Isaeos, t. II, réimpr.New York 1962, p. 1-260 ; 3 K .Münscher, art. « Isokrates » 2, RE IX 2 , 1916 , col. 2146 -2227 ; 4 A . Burk , Die Pädagogik des Isokrates als Grundlegung des humanistischen Bildungsideals, im Vergleich mit den zeit genössischen und den modernen Theorien dargestellt, Würzburg 1923 ; 5 G .

Mathieu et É. Brémond (édit.), Isocrate. Discours, CUF, 4 vol., Paris 1929- 1962 (« Introduction » par Mathieu, t. I, p . I-XXV) ; 6 G . Norlin et L . van Hook (édit.),

Isocrates, coll. LCL, 3 vol., 1928- 1929 et 1945, réimpr. 1980, 1982 et 1968 ( « General Introduction » , par Norlin , t. I, p . IX -LI) ; 7 E . Mikkola , Isokrates. Seine Anschauungen im Lichte seiner Schriften, coll. « Annales Academiae Scientiarum Fennicae » série B , t. 89, Helsinki 1954 ; 8 W . Jaeger, Paideia . Die

Formung des griechischen Menschen , 3 vol., Berlin 1934 - 1947, t. III, p. 105

225 ; 9 G . A . Kennedy, The Art of Persuasion in Greece, Princeton Univ ., New Jersey 1963, p . 174 -203 ; 10 P . Cloché, Isocrate et son temps, coll. « Annales lit téraires de l'Université de Besançon » 54 , Paris 1964 ; 11 H .- I. Marrou , Histoire

de l'éducation dans l'Antiquité , 6e édit., Paris 1965, p. 131- 147 ; 12 G . L .

Cawkwell, art. « Isocrates» , OCD2, p . 554 sq.; 13 A . Lesky, Geschichte der griechischen Literatur, 3e édit., Bern /München 1971, p. 653-664; 14 H . Gärtner,

art. « Isokrates» 2 , KP II, 1967, col. 1467- 1472 ; 15 F. Seck (édit.), Isokrates, coll. « Wege der Forschung» 351, Darmstadt 1976 ; 16 M . A . Levi, art. « Isocra

te » , dans F.Della Corte ( édit.), Dizionario degli scrittori greci e latini,Milano 1988, t. II, p. 1161- 1168 ; 17 L . Canfora, « La democrazia restaurata : Isocrate » , dans Storia della letteratura greca, Roma/Bari 19882, p . 355 -373 ; 18 J. Lombard, Isocrate. Rhétorique et éducation , Paris 1990 ; 19 Y . L . Too, The Rhetoric of Identity in Isocrates. Text, Power, Ideology, Cambridge 1995 ; 20 A . Masaracchia , Isocrate. Retorica e politica, Roma 1995. Sources biographiques anciennes. Cf. 21 A . Westermann, BIOTPADOI: Vitarum scriptores Graeci minores, Brunswick 1845, réimpr. Amsterdam 1964, p . 245-259 ; Blass 1 , t. II, p. 8 sqq. ;Münscher 3 , col. 2146 2149 ; Mathieu 5, t. I, p . I ; Norlin 6 , t. I, p . XI sq. ; Gärtner 14, col. 1467 sq.

892

ISOCRATE D 'ATHÈNES

I 38

A . Sources conservées:

( 1) Denys d'Halicarnasse, Les orateurs antiques , III : Isocrate , chap. 1 . (2 ) (Pseudo -)Plutarque, Vies des dix orateurs (= uvres morales 836e 839 d ), d'époque impériale tardive. Dans cette Vie on peut détecter des traces du travail de Caecilius de Calè -Actè, contemporain de Denys ( cf. la notice de l'édi tion de 22 M . Cuvigny (édit.], Plutarque. Quvres morales, CUF, t. XII', Paris

1981, p. 25 -43). (3) Philostrate , Vies des sophistes I 17. (4 ) On lit une Vie anonyme au début de certains manuscrits contenant les discours d ' Isocrate , notamment dans le Laurentianus LIX 37, le Laurentianus

LVIII 5 et le Parisinus gr. 2932 (cf. Mathieu 5 , t. I, p. I n. 1). Édition récente dansMathieu et Brémond 5 , t. I, p . XXXIII-XXXVIII. Westermann 21 crut pouvoir attribuer cette Vie à Zosimos d’Ascalon , grammairien grec qui vécut entre le VP et le VIP d 'après la Souda, s.v. Zuoquos, Z 168, t. II, p. 515 Adler ; voir

23 H . Gärtner, art. « Zosimos >> nº 7 , REX A , 1972, col. 790 -795, notamment col. 793. Selon Westernann , la vie serait l'introduction à un commentaire sur l'orateur, dont on ne conserve que les únoDÉOeiS de douze discours. La proposition a reçu l'appui, entre autres, de Münscher 3 , col. 2146 sq., de 24 G .Mathieu , Les idées politiques d 'Isocrate, 2e édit., Paris 1966 ( 1ère

édit. 1925), p. 176 , de Gärtner 23, ibid ., et de Canfora 17 , p . 357.

(5) Photius, Bibliothèque, cod. 260 (t. VIII, p . 147 Henry), qui dérive directement de (Pseudo-)Plutarque.

(6 ) La Souda, s.v. 'looxpárns, I652,t. II, p. 670, 12-19 Adler. B . Sources perdues: (1) Démétrios de Phalère , qui écrivit un traité sur le style et la technique de

l'orateur, sur l'authenticité de ses discours , ainsi que sur sa vie et ses rapports scolaires.

(2) Hermippe de Smyrne, Sur Isocrate (fr. 64 -66 Wehrli), où il joindrait les informations concises qu 'il trouva dans les nívaxes de Callimaque à un autre matériel anecdotique et suspect, comme l'épisode de la mort de l'orateur

(cf. infra ) et les railleries sur le métier de son père provenant des auteurs de comédies Aristophane et Strattis (IV ). Ce dernier lui attribuait aussi un rapport avec la prostituée Lagiske dans son Atalante (fr. 3, t. I, p. 712 Kock = 3 Kassel

& Austin ; cf. aussi (Pseudo-]Plutarque, 836 d). C 'est à Hermippe que reviennent également d'importants renseignements recueillis dans les résumés des discours transmis dans nos manuscrits , où il est cité à deux reprises.

· (3) Caecilius de Calè- Actè, rhéteur grec du la et contemporain de Denys d 'Halicarnasse (cf. 25 W . Kroll, art. « Rhetorik » , RESuppl. VII, 1940 , col. 1039

1138, notamment col. 1105 sqq. ; 26 M . Fuhrmann, art. « Caecilius» III 2 , KPI,

1964, col. 988 sq.), qui écrivit un traité intitulé ſlepi toŨ yapaxtñpoç tõv déxa øntópwy (cf. la Souda, s.v. Kexíacos, K 1165, t. III, p. 83, 8 sq. Adler). Il y joi

gnait la critique du style et le débat sur l'authenticité des æuvres d'Isocrate avec des données sur sa vie . Sa source principale est Hermippe, bien que, selon l'hy pothèse suivie par Münscher 3 , col.2148 , il ait pu emprunter à Héliodore, périé gète du 1114 , l'information sur les monuments qu 'on lit dans (Pseudo -)Plutarque

838 b sqq.

I 38

893 ISOCRATE D 'ATHÈNES A partir du tableau tracé par Münscher 3, col. 2146 sq., qui contient la

bibliographie ancienne à ce sujet, nous pouvons supposer qu 'aussi bien Denys

d'Halicarnasse que Caecilius de Calè -Actè, à partir desquels la tradition est assez

homogène, puisent leurs données en dernier ressort dans la biographie d'Her mippe. Dans la transmission de certains renseignements la médiation de l'épicu

rien Philodèmeest importante (cf. infra). Denys d 'Halicarnasse s 'en serait tenu aux données vérifiées; Caecilius, au contraire , aurait aussi laissé entrer dans son euvre les données incertaines et pittoresques qui, à travers lui se retrouvent, entre autres, chez (Pseudo-)Plutarque, dans la Vie anonyme et chez Photius. Cemélange d'éléments vérifiés et douteux est un rappel à la prudence au moment d'accep ter les renseignements que fournit cette tradition biographique. Le plus prudent est de les confronter à ceux que nous fournissent les propres discours d ' Isocrate, qui sont la source

principale dont disposaient les philologues alexandrins pour l' élaboration des biographies de

l'orateur (cf.Norlin 6 , p. XI). Vie .

Cf. Blass 1, t. II, p . 9 sqq.; Jebb 2 , t. II, p. 1-35 ; Münscher 3, col. 2149-2156 ,

2168-2171, 2220 sq.; Mathieu 5 ,t. I, p. I sqq.; Norlin 6, t. I, p . XI sqq.; Cloché 10 , p. 5- 8 ; Cawkwell 12, p. 554 ; Lesky 13, p. 654 sq. ; Levi 16 , p. 1161 sq.;

Lombard 18 , p. 22 sqq. Chronologie. Isocrate est né dans la première année de la 86€ Olympiade, sous l'archontat de Lysimachos, quatre ans avant la guerre du Péloponnèse,

c'est-à -dire en 436a (cf. Denys, Isocrate 1, 1 ; (Pseudo-]Plutarque 836 d ). Il est mort dans la troisième année de la 110e Olympiade, quelques jours après la

défaite de Chéronée, lors des funérailles des morts de la bataille, en octobre 338a,

à l'âge de 98 ans (cf. [Pseudo- ]Plutarque 838 b ;Mathieu 5, t. I,p . III). Provenance , famille et jeunesse. L 'orateur est né dans le dème d 'Erchia, en Attique, comme Xénophon . Son père qui s'appelait Théodoros, était un citoyen de la classe moyenne qui possédait une manufacture de flûtes (cf. Denys, Iso

crate 1, 1). (Pseudo-)Plutarque, 836 e, fournit plusieurs données concernant sa famille : sa mère s'appelait Hédyto ; il avait une seur et trois frères : Télésippos,

Diomnestos et Théodoros, ce dernier cité dans une section (838 c) qui peut remonter au périégète Héliodore.

Isocrate s'estmarié à un âge avancé avec Plathané, veuve d 'un certain Hip pias qui, pour des raisons chronologiques, ne peut être identifié au sophiste ( H 145), comme le prétend (Pseudo-)Plutarque 839 b (cf. Münscher 3, col.

2154). Elle avait de son premier mariage un fils du nom d 'Aphareus qu'Isocrate adopta (cf. [Pseudo-]Plutarque 839 b ; Harpocration , s.v. 'Apapeús ; la Souda, s.v. ’Apapeús, A 4556 , t. I, p. 425 Adler).

(Pseudo-)Plutarque 838 c-d, à la suite d 'Héliodore d'après Münscher 3, col. 2220 , énumère les parents d' Isocrate enterrés avec lui près du Cynosarges. A partir notamment de ce passage, complété avec 839 d, 27 J. Kirchner, Prosopo graphia Attica , Berlin 1901, nº 10518, et 28 J. K . Davies, Athenian Propertied Families, Oxford 1971, p. 248, offrent l'arbre généalogique d ’Isocrate .Le passa

ge, cependant, est très corrompu en ce qui concerne les enfants d 'Aphareus et

ISOCRATE D 'ATHÈNES

894

1 38

exige quelques corrections (cf. 29 C . Tuplin , « Some Emendations to the Family

Tree of Isokrates», CQ 30 , 1980,p.299-305). (Pseudo-)Plutarque 839 b nous informe qu 'étant enfant, Isocrate participa à une course de chevaux (qu 'il a vraisemblablement gagnée ). Il est donc possible qu'il ait fait son service mili taire pendant les années de la guerre du Péloponnèse dans la cavalerie athénienne, comme

Xénophon , et qu 'il ait été repinoroc dans les années qui ont précédé l'expédition de Sicile

(4189/416a; cf.Münscher 3, col. 2150 sq.).

Formation intellectuelle. Le métier du père a permis que ses enfants reçoi vent une éducation spécialement soignée, comme le proclame Isocrate dans Sur l'échange 161, source à ce sujet de la tradition biographique. Outre la formation traditionnelle de la jeunesse athénienne, il a reçu l'éducation des sophistes (cf.

Quintilien III 1, 13 ; Blass 1, t. II, p. 11; Jebb 2, t. II, p. 4 ; Burk 4, p. 24 sqq.). Denys d 'Halicarnasse, Isocrate 1 et (Pseudo -)Plutarque 836 f, reconnaissent comme sesmaîtres les sophistes Prodicos de Céos, Tisias de Syracuse et Gorgias

de Leontinoi (2 + 6 28 ), ainsi que l'homme d'État et orateur Théramène ; la Vie

anonyme nomme ces deux derniers en y ajoutant Socrate. Sur Prodicos, voir 30 A . Kyprianos, Tà ánóponta ToŨ 'looxpárn ñ nepi Tóywv éoxnuatiqué vwv, Athènes 1871, p. 17 sqq.; Münscher 3, col. 2151 et 2152, et Burk 4, p. 26 ; sur Tisias, Münscher 3, ibid .; Burk 4, ibid .; sur Gorgias et Théramène, voir

infra . Il semble difficile d'admettre qu 'il a assisté aux cours de tous ces maîtres, mais il a pu connaître et méditer leurs doctrines (cf.Norlin 6, t. I, p. XII). (Pseudo-)Plutarque, 836 f - 837 a, raconte deux anecdotes qui renforcent le

lien entre Isocrate et Théramène. L 'une se rapporte à l'arrestation de Théramène par les Trente ; l'autre à une collaboration entre eux dans la rédaction de certai

nes téxvalde Théramène composées quand celui-ci fut accusé devant les tribu naux .

Les deux notices sont suspectes. Tout d'abord, si nous acceptons la formation que l'orateur aurait reçue auprès de Gorgias en Thessalie (cf. infra ), il est difficile d 'admettre qu'il ait pu connaître Théramène durant son emprisonnement et assister à sa mort à Athènes (cf.Mathieu 5 , t. I, p. II n . 2). Il est donc égalementdouteux qu 'il ait été élève de Théramène ; on sait en tout cas que celui-ci avait vraiment ouvert une école. Quant aux téxval ( B 54 ), que l'on devrait considérer non pas comme des traités rhétoriques, mais comme des discours-modèles (cf. 31 T. Cole , The Origins of Rhetoric in Ancient Greece, Baltimore /London 1991, p. 71 sqq.), si elles ont existé, elles se seront perdues déjà au 11a. Au 1a, Cicéron ne les connaît pas (cf. 32 U . von Wilamowitz -Moellendorff, Aristoteles und Athen, Berlin 1893, réimpr.

Hildesheim 1985 , t. I, p . 167 et n. 69 ; Canfora 17 , p . 360). Le rapport affectif et professionnel que révèlent ces anecdotes cache une affinité politique manifeste, que Wilamowitz-Moellen dorff 32, ibid ., élève au rang demilitantisme dans le parti de Théramène (cf. infra).

On ne peut pas non plus considérer Isocrate comme un disciple de Socrate, bien qu'il l'ait certainement connu directement. A ce philosophe il a emprunté quelques principes. Par ailleurs, il a façonné son apologie personnelle dans Sur l'échange sur le modèle de l' Apologie de Socrate platonicienne (cf. infra). Quant à Gorgias, on accepte généralement qu 'Isocrate serait parti en Thes

salie pour assister à ses cours (cf. Cicéron, Orator 176 ; Quintilien III 1, 13). A son tour, (Pseudo -)Plutarque, 838 c, nous informe que sur le tombeau d'Isocrate , parmi les différentes représentations des poètes et de ses maîtres, se trouvait

celle de Gorgias, contemplant une sphère astronomique avec Isocrate à ses côtés.

ISOCRATE D 'ATHÈNES

I 38

895

On a proposé des dates diverses pour ce séjour: Blass 1, t. II, p. 14 , l'a placé après la guerre décéliaque ; Jebb 2, t. II, p. 5, vers 390a ; Jaeger 8, t. III, p. 396 n. 10, peu avant410 ou dans la dernière décennie du va ; Mathieu 5 , t. I, p . Il n . 1, avant cette guerre, notamment en 413a : les honoraires de Gorgias étaient si élevés qu 'Isocrate n'aurait pu les payer qu 'avantla fin de la guerre,moment où l'orateur a perdu tout son patrimoine (cf. Sur l'échange 161). Ce séjour se serait prolongé, ce qui expliquerait que les allusions de l'orateur à la fin de la guerre du Péloponnèse et à la domination des Trente soient complètement dépourvues de données

précises et personnelles. Mais il est possible aussi que ce séjour n 'ait jamais eu lieu , comme

l'a récemment défendu Too 19 , p. 235-239. Ses arguments sontles suivants : (1) Dès l'époque hellénistique, « entendre quelqu'un dire quelque chose » ne signifie sou

vent que « lire quelque chose dans l'euvre de quelqu'un » ; de même, « entendre quelqu'un » signifie fréquemment « lire les æuvres de quelqu 'un » , comme le montre le matériel rassemblé par 33 D . M . Schenkeveld , « Prose usages of AKOYEIN ‘ To Read '» , CQ42, 1992, p . 129 141.

(2) Quintilien admet que les sources ne sont pas d 'accord en ce qui concerne le maître d' Isocrate .

( 3) Les auteurs qui nous informent sur l'instruction d'Isocrate ont écrit dans la période romaine, plus de 400 ans après l' orateur et le sophiste, et ne sont pas impartiaux dans la mesure où ils tracent des " généalogies" qui justifient leurs propres æuvres. De plus, outre les

mentions de Gorgias de la part d'Isocrate , qui contiennent toujours quelque critique (cf.infra), tous les autres rapports entre les deux penseurs peuvent être des déductions des discours d ' Isocrate , sans qu 'aucune tradition biographique n 'intervienne.

La Souda, s.v. Ilowtayópas, II 2958, t. IV , p. 247, 6 Adler, fait d'Isocrate un disciple de ce sophiste, mais il s'agit d'une extension erronée de la liste demaî tres offerte par Denys (cf. infra). La Souda, s.v. 'looxpárns,mentionne aussi

parmi ses maîtres un certain 'Epyivos, une mauvaise transmission peut-être d'Archinos, nom de l'homme d'Etat, connu probablement d'Isocrate , qui lors de

la restauration de 403a collabora comme démocrate et introduisit l'alphabet ionien en Attique; en fait, on a vu des rapports entre le Panégyrique d' Isocrate et l' Épitaphe d 'Archinos (cf. Blass 1, t. II, p. 13, et Münscher 3, col. 2152 sq.). Activité logographique. Après la défaite d 'Athènes lors de la guerre du

Péloponnèse en 404a, la tyrannie des Trente et la réimplantation du régime démocratique en 403a, Isocrate perd son patrimoine (cf. Sur l'échange 161). La

solidité de l'éducation qu'il a reçue le rend capable de s'adonner au métier de logographe. Cette période est passée sous silence dans le récit de la vie offert dans le Sur l'échange

($ 2, 36 , 41 et surtout 161 sq.) et dans le Panégyrique 11 (cf. Jebb 2, t. II, p . 7 sq.). Par consé quent ses adversaires se sont plu à le lui rappeler (cf. infra ): Antisthène ( » A 211) et Speusippe ont consacré plusieurs traités à répondre au Contre Euthynous ; Platon fera allusion à son activité comme logographe dans Euthydème 304 c sqq., et dans Phèdre 278 e sqq. ; Aristote soutient (ap . Cicéron , Brutus 48 ) qu ' Isocrate est intervenu dans plusieurs procès en

tant que gestionnaire de biens. Denys d'Halicarnasse , Isocrate 18, atteste la polémique ancienne sur l'authenticité des plaidoyers judiciaires d 'Isocrate : Aphareusnie que son père se soit occupé de cette activité, tandis qu 'Aristote affirme qu 'on trouvait chez les marchands de livres des ballots entiers de ses plaidoyers. Denys considère comme tendancieux les propos

d'Aristote ; en accord avec Céphisodôros (~ C 80 ), un disciple d'Isocrate, il accepte de consi dérer que celui-cine composa qu'un petit nombre de plaidoyers (cf. infra).

Dans son corpus on conserve six plaidoyers judiciaires : Contre Euthynous,

Contre Callimachos, Contre Lochitès, Sur l'attelage, L'affaire de banque et l’Éginétique, tous datables entre 403a et 3909. Étant donné l'intérêt d'Isocrate à

896

ISOCRATE D 'ATHÈNES

I 38

faire oublier la période où il fut logographe, il est raisonnable de penser qu'il s'agit ou bien de nouvelles rédactions de discours à grand succès dont la pater nité , à cause de l'agitation qu 'ils produisirent, est indéniable (ce semblerait être le cas du Contre Euthynous), ou bien de discours-modèles conçus pour un usage scolaire, comme l'ont défendu 34 U . von Wilamowitz-Moellendorff, Platon , 2e

édit., Berlin 1920, t. II, p. 107 n. 1; Mathieu 5, t. I, p. VI; 35 F. Cortés Gabaudan, « La oratoria judicial en la escuela de Isocrates» , AEFUE 6 , 1983, p . 57-62,notamment p .60 sq. Le contenu de ces discours se trouve résuméchez Münscher 3, col. 2155 sqq.;Mathieu 5, t. I, p. IV -VIII ; Cloché 10, p . 9 -14. Il n 'est pas possible de préciser s'ils répondent à une vraie présentation devant les tribunaux ou si Isocrate a révisé ultérieurement ces ouvrages en vue de les publier (Aristote, Rhétorique 1392 b 11 sq ., mentionne une réflexion d ' Isocrate sur Eu

thynous qui ne figure pas dans le discours qui nous a été transmis). On ne sait pas non plus si

ce sontlà les seuls discours qu'il a composés. On peut supposer que pendant les dix ans envi ron où il s 'est adonné à cette activité, il a dû en composer davantage, mais on ne peut pas pré

ciser leur nombre, s'agissant d 'euvres anonymes qui deviennent la propriété du plaideur (cf. Mathieu 5 , t. I, p . V ). Dans Contre Euthynous, Sur l'attelage et L 'affaire de banque, Isocrate tint tête à Lysias, ce qui révèle une profonde inimitié qui se manifesta lors de la défense de positions politiques opposées (cf. Vie anonyme chez Mathieu et Brémond 5 , t. I, p. XXXVI, 131

sqq.; Münscher 3, col. 2156 et 2160 et 2162, et 36 J.C. Trevett, « P. Oxy. 2357 and Isocrates' Trapeziticus » , ZPE 81, 1990, p . 22- 26 ). Ayant été conçus pour être prononcés par différents plaideurs, il existe des différences remarquables de composition et de style entre ces discours (cf. Mathieu 5 , t. I, p . V sq .). Au

sujet de la dimension orale de ces discours, cf. 37 A . P . Dorjahn et W . D . Fairchild, « Isocrates and Improvisation » , CB 44, 1967, p . 6 - 10 , et 38 S. Usener (= S . Friemann ), Isokrates, Platon und ihr Publikum . Hörer und Leser von Literatur im 4 . Jahrhundert v. Chr., coll.

« ScriptOralia » 63, sér. A 14 , Tübingen 1994, p. 22 sqq. L'utilisation de lieux communs que l'on trouve chez d'autres logographes est caractéristique de cette production (cf., à propos de

l'ånpayuooúvn , 39 D . Lateiner, « An Analysis of Lysias' Political Defense Speeches» , RSA

11, 1981, p. 147- 160,notamment p. 155 sq.).

L'école d'Isocrate.Les années consacrées à la logographie ont permis à Isocrate de connaître à fond le monde judiciaire et politique d'Athènes. Son rejet de l'Athènes du discours , dominée par des dirigeants démagogiques et ambi

tieux, a été le facteur décisif qui l' a amené, en raison de la faiblesse de sa voix

(ouvň ) et de sonmanque de hardiesse pour affronter un vaste public (tórua ),à se retirer de la vie publique (cf. Sur l'échange 4 et 151 sq.) et à se livrer à la

culture de la parole écrite commemoyen de communication. Isocrate avoue ses limitations physiques et psychiques dans Philippe 81; Panathénaïque 9 sq . ; Epître aux magistrats de Mytilène 7 (cf. aussi sur l' échange 189 sqq .). C 'est de là que les

tire la tradition biographique : cf.Denys d'Halicarnasse, Isocrate 1 ; Vie anonyme (Mathieu et Brémond 5 , t. I, p. XXXIV , 35 sqq.) ; (Pseudo-)Plutarque 837 a, qui rassemble quelques exagé rations à ce sujet dans836 f sq. et 838 a, e-f; Philostrate, Vies des sophistes I 17 . Philodème, Rhétorique IV (p. 196 Sudhaus) élargit remarquablementla liste des carences d'Isocrate : cf. 40 G . Indelli, « References to Isocrates in PHerc. 1007 (Philodemus, Rhetorica IV ) » , dans A .

Bülow -Jacobsen (édit.), Proceedings of the 20th International Congress of papyrology (Copenhagen , August, 1992), Copenhagen 1994 , p . 361-366, en particulier p. 361 sq. Plu sieurs critiques ont soutenu qu'Isocrate a intégré ces difficultés dans une stratégie d 'auto -pré sentation : cf. 41 S. Gastaldi, « La retorica del IV secolo tra oralità e scrittura : “ Sugli scrittori di discorsi ” di Alcidamante » , OS 13- 14, 1981, p. 189-225 , notamment p . 199 ; 42 G . Heil brunn, « Isocrates on Rhetoric and Power» , Hermes 103, 1975, p . 154 - 178, en particulier p. 157 sqq . ; et surtout Too 19 , p . 74 - 111 (cf. aussi 43 M . Cahn , « Reading Rhetoric Rhetori

897 ISOCRATE D 'ATHÈNES 1 38 cally : Isocrates and the Marketing of Insight» , Rhetorica 7.2, 1989, p . 121-144, notamment

p. 130 n. 21, et infra ). Sur l'éloignement des intellectuels de la politique du Iva, cf. 44 B .

Campbell,« Thought and Political Action in Athenian Tradition », HPTh 5, 1984, p. 17-59. Donc, comme le raconte la Vie anonyme (cf.Mathieu et Brémond 5 , t. I,

p. XXXVI, 116 sq.), Isocrate ouvrit une école de rhétorique près du Lycée afin d'enseigner sa « philosophie » , un art oratoire qui permet de dominer les situa

tions changeantes de la vie communautaire à l'aide du langage. (Pseudo-)Plutarque, 837 b , rapporte qu 'Isocrate fonda d 'abord une école à Chios et qu ' il y

établit des magistratures et la même constitution que dans sa patrie . 45 C . F . Seeliger, De Dio nysio Halicarnassensi Plutarchi qui vulgo fertur in Vitis Decem Oratorum auctore, Budissae 1874 , p . 36 sq., a considéré ce renseignement comme une fabulation . Blass 1, t. II, p . 16 sq . et

n. 2 ; Jebb 2, t. II, p . 6 ; et Münscher 3, col. 2170 sq., ont défendu la véracité de ce renseigne ment, en situant le séjour à Chios en 4040/403a (Jebb ) ou entre 395a et 3904, notamment en 394a, après la libération de Cnide par Conon , père de son disciple Timothée (Blass,

Münscher). Mikkola 7 , p. 293, admet la possibilité qu 'il ait ouvert son école sur cette île en 393a. Mathieu 5 , t. I, p. II, estime prudent de douter de l' information faute d'autres témoi gnages. La date d' ouverture de l'école à Athènes a fait l'objet d 'un débat. Jebb 2 , t. II, p . 8, et

Münscher 3, col. 2172, soutiennent la date de 392a; Mathieu 5, t. I, p. II, incline pour 393a, de même que, plus tard , Mikkola 7, p. 293, qui suggère la possibilité qu'il l'ait fondée à Chios (cf. supra ) ; Jaeger 8 , t. III, p . 115 , rabaisse la date jusqu 'à la décennie de 380a. Le problème

principal est d 'accepter l'image, renforcée par Isocrate lui-même, d 'un abandon radicaldes plaidoyers judiciaires au moment d 'ouvrir son école. Il est possible cependant qu 'il ait com

posé son dernier plaidoyer, l’Eginétique, après l'ouverture de l'école ( cf. Cortés Gabaudan 35 , p. 61 ; 46 Chr. Eucken , Isokrates. Seine Positionen in der Auseinandersetzung mit den zeit

genössischen Philosophen, coll.« Untersuchungen zur antiken Literatur und Geschichte » 19, Berlin/New York 1983, p. 5 ; Too 19 , p. 154). Sur les aspects techniques de l'activité pédago gique d'Isocrate, cf. infra. Les honoraires étaient de mille drachmes, pas très élevés si on les compare à ceux des sophistes. On connaît le montant grâce à l'anecdote sur l'apprentissage de Démosthène auprès d ' Isocrate rapportée par (Pseudo- )Plutarque, 837 d . Cette anecdote contredirait l'affirmation d 'Isocrate lui-même dans Sur l'échange 39, selon laquelle toute sa fortune provient de l'étran ger, laissant entendre ainsi qu ' il n ' a jamais rien perçu des élèves athéniens ; cf. aussi (Pseudo - ) Plutarque 838 e, et Vie anonyme, chez Mathieu et Brémond 5 , t. I, p . XXXIV , 40 sqq. ; Blass 1,

1. II, p . 22 ; Münscher 3, col. 2171 ; Burk 4 , p . 44 sqq., et Mathieu 5 ,t. I, p. XI.

A partir de la fondation de son école, comme le remarque Mathieu 5 , t. I, p. III, « l'histoire de sa vie ne fut plus guère que celle de son activité littéraire» .

C 'est dans cette période que l'on doit placer tous ses écrits, en y incluant peut être les six plaidoyers judiciaires (cf. supra ). Isocrate veut exercer son influence

par ses écrits sur la vie communautaire , qui est orale par excellence. C 'est pour

quoi ilassigne aux discours des contextes fictifs quiles relient à l'Athènes de la parole (cf. p. ex. Norlin 6, t. II, p. 192 n .; Too 19, p . 29 ; contra, 47 H .LI. Hudson -Williams, « Isocrates and Recitations », CQ 43, 1949, p. 65-69, qui sou tient que les discours furent réellement prononcés). Le sujet a été récemment étudié à fond par Usener 38, p. 13- 137, pour qui les ouvrages d' Isocrate n 'ont pas été conçus exclusivement pour l'écriture ni pour la récitation ,mais visaient les deux modes de présentation de manière indistincte . Le problème de la présentation des ouvrages doit être rattaché à celui des divers publics pour les

quels le penseur les a conçus : destinataire concret de l'æuvre, auditeurs d'une

ISOCRATE D 'ATHÈNES

898

138

récitation orale, lecteurs potentiels . Lecteur et auditeur apparaissent dans les écrits d’Isocrate comme deux figures différentes (cf. Usener 38, p. 47 sqq.). Voir aussi 48 A . Jähne, « Kommunikative Umsetzung gesellschaftlicher Problematik bei Isokrates » , Philologus 135, 1991, p. 131- 139, et 49 J. A . E . Bons, « AMOI

BOAIA : Isocrates and Written Composition »,Mnemosyne 46 , 1993, p. 160- 171. Le caractère fictif des discours d'Isocrate est appuyé par le témoignage d 'Aristote, Rhéto rique III 17, 1418 6 26 sq., sur l'utilisation de porte -parole occasionnels. Ainsi, dans le Nico

clès, c 'est le roi chypriote qui parle ; dans l'Archidamos, le roi spartiate , et dans le Plataïque, un citoyen de Platées devant l'Assemblée d ' Athènes (cf. Usener 38 , p. 31 sqq .). Too 19, p. 65

sqq., suggère que les contradictions idéologiques que l'on observe entre le Sur la paix, l'Ar chidamos, le Panégyrique et le Panathénaïque, peuvent s'expliquer en attribuant les points de vue que l'on y défend à différents porte -parole : le premier discours serait prononcé par un membre anonyme du parti pacifiste d 'Eubule, dont la caractérisation est proche de celle d'Iso crate , le deuxième par le roi spartiate , les deux autres par Isocrate lui-même. Sur l'utilisation isocratique de discours antilogiques, cf. 50 P. Harding, « The Purpose of Isokrates' Archi

damos and On the Peace » , CSCA 6 , 1973, p . 137-149.

Outre son activité scolaire et littéraire,nous connaissons quelques épisodes de sa vie (cf. Blass 1, t. II, p. 72 sqq.). D 'après (Pseudo-)Plutarque 837 c, il accom pagna son disciple , l'homme d'État Timothée, lors d'une de ses expéditions dans les premières années de la seconde Confédération athénienne. Sur la date précise

de ce voyage, cf.Münscher 3, col. 2189 (3764/3754),Mathieu 24, p. 84 sq., et Id . 5 , t. I, p. III (3769/374a). La même source ajoute qu ’Isocrate s'occupait de la rédaction des lettres que son disciple envoyait aux Athéniens, ce qui doit signi

fier, d 'après Mathieu 24, p . 85, que l'orateur les rédigea pour qu ' elles fussent publiées à Athènes et qu'elles servissent de propagande à la politique de son disciple . Vers 356a,un certain Mégacleidès entama contre Isocrate un procès en échan ge de biens (ůvtidools) au sujet d'une triérarchie. L 'orateur ne put y comparaî

tre pour des raisons de santé et envoya son beau-fils Aphareus, qui perdit le pro cès. Isocrate aurait vengé cette défaite en composant le discours fictif Sur

l'échange, où son adversaire s'appelle Lysimachos (cf. (Pseudo -]Plutarque 839 c, qui fait, à tort, référence à deux procès, et Photius, Bibl., cod . 260 , 487 b, t. VIII, p. 47 Henry). La véracité du renseignement, acceptée par tous les spécia

listes, a été récemment mise en cause par Too 19, p. 80 : la donnée provient

d 'une remarque du discours Sur l' échange (§ 4 ),qui peut être aussi fictive que le reste du discours.

La mort d’ Isocrate. Des renseignements sur la mort de l'orateur ont été fournis par Denys, Isocrate 1, 6 ; (Pseudo -)Plutarque, 838 a-b ; Philostrate, Vies des sophistes I 17 ; et la Vie anonyme (Mathieu et Brémond 5 , t. I, p. XXXVII,

153 sqq.). Isocrate estmort à l'âge de 98 ans, fin octobre 338a, au moment des funérailles des morts de Chéronée. Il mourut d ’inanition , après être resté plu

sieurs jours sans manger, quatre d'après quelques-uns, neuf d'après Démétrios de Phalère , quatorze d'après Aphareus (cf.Mathieu 24, p. 172 sq.). La tradition biographique transforma une mort survenue probablement par maladie (cf. Mathieu 5, t. I, p. IV ) en un geste patriotique : apprenant la défaite, il se serait laissé mourir. Avant de mourir, il aurait prononcé des vers d' Euripide, notam

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ment le premier vers de l'Archélaos, de l'Iphigénie en Tauride et du Phrixos, laissant entendre que, après Danaos, Cadmos et Pélops, un quatrièmemaître bar bare, Philippe, s' était emparé de la Grèce (cf. Éloge d 'Hélène 68 , et Panathé

naïque 80 ; 51 Th . S . Tzannetatos , « Le problème concernant la mort d ' Isocrate » (en grec moderne ), Athena 61, 1957, p . 289- 322) . Jebb 2 , t. II, p . 31 sq., et 52 P . Brind ’ Amour, « Les dernières paroles d' Isocrate », REA 69, 1967, p. 59-61,

ont essayé de montrer qu 'Isocrate se réjouissait de la victoire de Philippe, condition indispensable pour la concorde desGrecs, si désirée, et pour l'expédi

tion contre la Perse (cf.infra). Euvres. Du vivant d ' Isocrate il n 'a pas existé d ' édition complète de ses écrits, comme le prouve la dispute entre Céphisodôros et Aristote au sujet de

l' existence de plaidoyers judiciaires écrits par Isocrate et de leur nombre. Dans l'antiquité on connut jusqu 'à soixante discours sous son nom ; la Vie anonyme

(Mathieu et Brémond 5 , t. I, p. XXXVI, 136 sqq.) donne une liste de discours apocryphes. Un nombre si élevé s 'explique par la confusion des écrits de l'ora teur avec ceux d'un disciple homonyme, originaire d 'Apollonie (cf. la Souda, s. v. ’looxpárns) . Des soixante ouvrages, Denys d 'Halicarnasse en accepte vingt-cinq comme authentiques, et Caecilius de Calè -Actè vingt-huit (cf.

(Pseudo-]Plutarque, 838 d ). La Souda, s. v. 'loozpárns, lui en attribue trente deux. Le recueil d ’æuvres d 'Isocrate qui nous est parvenu, composé de vingt-et un discours et neuf épîtres, est très ancien (cf.Mathieu 5 , t. I, p . XX), et on peut

considérer que nous conservons la plus grande partie de sa production ,dont il ne manquerait que quatre discours, si nous acceptons l'avis de Denys, ou sept, si nous acceptons celui de Caecilius.

Les ouvrages conservés d’Isocrate contiennent un bon nombre de références internes et externes qui permettent d 'établir une chronologie relative et un ordre de lecture ( cf. Mikkola 7 , p . 292 sqq. ; Eucken 46 , p . 284 ; Too 19, p . 41 sqq.). Saufmention explicite , la datation est celle qu 'ontproposée Mathieu et Brémond 5 (entre parenthèses figure la numérotation des écrits canonique depuis l' édition

de Wolf 70) :

(1) Mpòs Eůdúvouv duáprupos (XXI): 4034/402a. (2 ) Tapaypaoń npòc Karrinagov (XVIII) : 4029/4019.

( 3) Katà Aoxítov aixelas éniaoyos (XX): entre 4009 et 396a. (4) Tepi toũ (eúyouç (XVI): 3969/395a. (5) TPane( itIXÓS (XVII): entre 393a et 3919.

(6 ) Aiyiuntixóc (XIX ) : 3914/3904. (7 ) Kard TõU OODLOTĀV (XIII) : 391 /3909. (8 ) 'Eréung éyxbulov (X ) : entre 390a et 3809, plus probablement 385a (cf.

Eucken 46, p. 44). (9 ) Havnrupuxós (IV ) : 380a. (10) Bovolpis (XI) : 3754 (cf. Eucken 46, p . 173- 183). (11) IłataixóÇ (XIV ) : début de 371a.

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(12) (Ipòs AnuóVixov ] (I) : avant370a (cf.Münscher 3, col. 2196 ).

(13) Mpòç NixoxNéa (II): ca 370a. ( 14 ) Nixoxañs ñ Kúmploi (III) : 3684. (15) ’looxpárns Alovuoiw yaipeiv (epist. I): 367a. ( 16 ) Eủayópas (IX ): 367a (cf. Eucken 46, p . 277 sq.).

(17) ’Apxidapoç (VI) : 366a.

( 18 ) Toīç ’lágovog nalolv (epist. VI) : 3599/3589. (19) ’Apxidáuw ( epist. IX ): 3564.

(20 )Tepi tñs eipńvns (VIII): 356a. (21) ’Apeonayıtıxóç (VII) : 354a. (22) ſepì ávtidógewÇ (XV ): 3544/353a. (23) Toîç Mutianvalwv õpxovoru (epist. VIII) : 3534/352a siue 3499/3484.

(24) Tquodów (epist. VII) : 3469/345a. (25) Qiaintog (V ) : 346a. (26 ) Ølinnw (epist. II) : 3449.

(27) ’Aletávopw (epist. V) : 3429/341a.

(28) NavaOnvaluÓS (XII) : 3422-3399. (29) 'AVTitátow (epist. IV ) : 340*/339a (cf. Münscher 3, col. 2216 ).

(30) Dininnu (epist. III): automne 3384. Quant à l'Areopagitique,53 W . Jaeger, « The Date of Isocrates' Areopagiticus and the Athenian Opposition » , Athenian Studies presented to W . Scoti Ferguson (= HSPh Suppl. 1) , Cambridge 1941, p. 409-450 (trad . allemande dans Seck 15 , p . 139 -188 ), l'a situé en 357a au tout début de la Guerre Sociale, c 'est- à-dire avant le discours Sur la paix . Cette datation a été appuyée par 54 O . S . Due , « The Date of Isocrates' Areopagiticus » , dans Studies in Ancient

History and Numismatics presented to R. Thomsen , Aarhus Univ . 1988, p. 84 - 90 . Quant au Panathénaïque, sa composition a été interrompue entre 342a et 339a à cause des ennuis de santé que connut l' auteur (cf. § 267, et Masaracchia 20 , p . 81- 149). Les problèmes de cette

datation fournie par Isocrate lui-mêmeont été exposés par Mathieu 5 , t. IV , p.63 sgg. Contra , 55 A . F . Natoli, « Isocrates, XII, 266 -272 : A Note on the Composition of the Panathenaicus » ,

MH 48, 1991, p. 146 -150, qui soutient une composition ininterrompue.

Outre ces écrits, on a attribué d'autres ouvrages à Isocrate dans l'antiquité : - Un Éloge de Gryllos, en l'honneur du fils de Xénophon qui est mort dans un engagement qui précéda la bataille de Mantinée. L 'information apparaissait

dans un traité Sur Théophraste d'Hermippe (apud D .L . II 55 = fr. 52 Wehrli). L 'attribution à Isocrate a été refusée par Jebb 2 , t. II, p. 80 n. 2, qui pense que c'est à Isocrate d'Apollonie qu'Hermippe fait allusion .Münscher 3, col. 2193 et

2202,etMathieu 5 ,t. IV , p. 228 , ont appuyé la paternité isocratique. - Une téxvn Ontopixń ; cf. la documentation rapportée dans Radermacher 84 (B XXIV ), notamment Cicéron , De inuentione 2, 7 (= B XXIV 7) ; Quintilien,

Inst. Orat. II 15 ,4 (= B XXIV 18), qui met en cause son authenticité, et la Vie anonyme (Mathieu et Brémond 5 , p . XXXVII, 148 sqq .= B XXIV 11).

1 38

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L'existence d'un tel traité a été acceptée par 56 L. Spengel, Evvaywy texvớv, Stuttgart 1828, p . 154- 172 (cf. Kennedy 9 , p . 70 -74 , et 57 Id ., A New History of Classical Rhetoric,

Princeton Univ ., New Jersey 1994 , p. 48 sq.). Néanmoins, cela suppose un refus radical des principes énoncés par Isocrate lui-même dans Contre les sophistes 12 sq. et 19 sq. (cf. infra ). Par conséquent, la recherche moderne a généralement tendance à nier son existence (cf. 58 I. G . Pfund, De Isocratis vita et scriptis , Progr. Berlin 1833, p. 21 sq. ; Blass 1 , t. II, p . 104

sqq. et 585 ; Münscher 3, col. 2224 ;Mathieu 5, t. IV , p. 228 sqq.; Kroll 25, col. 1052 ; 59 W . Steidle, « Redekunst und Bildung bei Isokrates» , Hermes 80, 1952, 259-296 , notamment p . 266 sq. ; 60 V . Buchheit, Untersuchungen zur Theorie des Genos Epideiktikon von Gorgias bis Aristoteles,München 1960 , p . 38 sqq. et 76 sq.; 61 K . Barwick , « Das Problem der isokra

teischen Techne» , Philologus 107, 1963, p . 43-60, repris dans Seck 15 , p . 275-295 ; Lesky 13, p. 659 ; Gärtner 14 , col. 1468 ; Cahn 43, p . 127-137 ; Cole 31, p . 81 et 135 sq. ; Too 19, p . 164 sqq . ).

- (Pseudo-)Plutarque, 837 c, lui attribue la composition d 'une série d'épîtres que Timothée aurait adressées aux Athéniens lors de l'expédition de 3764/375a (cf. supra ).

- Un Éloge funèbre de Mausole , composé à l'occasion du concours institué par Artémise en l'honneur de son mari,mort en 3539 . L 'information est fournie

par Aulu -Gelle X 18,avec des doutes, et aussi par (Pseudo-) Plutarque, 838 b . Il doit s'agir à nouveau d'une confusion avec Isocrate d'Apollonie ; c'est à lui que la Souda l'attribue (cf. Jebb 2 ,t. II, p. 80 n. 2 ; Mathieu 5, t. IV , p. 227).

- Les anciens ont conservé sur Isocrate un bon nombre d'anecdotes et d'apophtegmes, comme ceux qu 'on lit dans la Vie du (Pseudo-)Plutarque et dans la Vie anonyme. Plusieurs ont été compilés dans l'anthologie de Maxime le Confesseur vers650P, et plus tard vers XIP dans une autre anthologie que les phi lologues modernes ont rattachée à Antonius surnommé Melissa ( > A 226 ; cf.

Jebb 2, t. II, p. 259 sq .; Mathieu 5 , t. IV , p. 234 sqq.). Il n 'est pas prouvé que certains d' entre eux remontent à des écrits d 'Isocrate aujourd'huiperdus.

Transmission. Cf. Drerup 79, p . IV -CXIV ; 62 F. Seck, Untersuchungen zum Isokratestextmit einer Ausgabe der Rede an Nikokles, Thèse , Hamburg 1965 ;

Id. 15, p. 371 sq.; Mikkola 7, p. 274-292 ; aussi Münscher 3, col. 2224 sqq.; Mathieu 5 , t. I, p . XX -XXV, et la section finale de la notice de chaque euvre ; Norlin 6, t. I, p. XLVIsqq. Les jugements de Denys et de Caecilius sur l'authenticité des écrits transmis sous le nom d 'Isocrate ont donné lieu à une sélection dans la tradition ultérieure,

devenue très homogène, et à la perte de tous les apocryphes, de sorte que, dès le TIP, au temps du rhéteur Hermogène, l'édition qu 'on pouvait lire était plus ou moins semblable à la nôtre (cf.Münscher 3, col. 2224, et63 W . Speyer, Die lite rarische Fälschung in heidnischen und christlichen Literatur. Ein Versuch ihrer Deutung, München 1971, p. 128 ). Le texte des æuvres d' Isocrate nous est parvenu à travers deux familles de manuscrits :

- La famille dite de la vulgate , composée de plus de centmanuscrits. Elle est divisée à son tour en deux branches : l’une est constituée par le Laurentianus LXXXVII 14 (O ), du XIIIP, sans descendance ; l'autre est formée par tout le reste, qui, face à O , présente unanimement une lacune dans le discours Sur

902

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138

l'échange du § 72 au $ 310.Lemeilleur d'entre eux est le Vaticanus 65 (1 ), qui contienttous les discours mais non les lettres. - La famille de l’Urbinas 111 (I ), du IXP-XP, qui est le meilleur manuscrit d' Isocrate (cf. Drerup 79 , p. LXV). Il a été découvert par Bekker dans la Bibliothèque Vaticane et a servi de base à toutes les éditions depuis celle de Bekker lui-même en 1823 (74 ). Le Vaticanus 936 ( A ), du XIVP, ainsi que l'Am brosianus 0 144 (E ), du XVP, en dérivent. Dans ce dernier, Moustoxydis 80 trouva la version complète du discours Sur l'échange. Les trois manuscrits pré sentent la caractéristique commune de ne pas inclure le Contre Euthynous ni le Contre Callimachos.

Pour les papyrus, voir 64 J. Lenaerts et P.Mertens, « Les papyrus d 'Isocrate » , CE 64, 1989, p . 216 -230 : inventaire et description de soixante - six papyrus, avec bibliographie détaillée. Il faut y ajouter le P . Alex. inv. 613, édité par 65 C . Gallazzi, « P . Alex. inv. 613 : frammento non riconosciuto di Isocrate, Paneg .

139 », RFIC 120, 1992, p. 5-9, les P. Vindob. G 31662 (= A Nicoclès 33 ; 35 sq.) et G 39879 (= A Démonicos 45-48 ), édités par 66 H . Harrauer, « Zwei Isokra

tespapyri» , dans M .Capasso ( édit.), Papiri letterari greci e latini, coll. « Papyro logica Lupiensia » 1, Galatina 1992 , p . 109 -115 , et le P. Laur. inv. II/25 (= A Nicoclès 4 -5, 6 -7), édité par 67 W . Luppe et R . Pintaudi, « Frammenti letterari

laurenziani» , dans Miscellanea papyrologica in occasione del bicentenario dell' edizione della Charta Borgiana, coll. « Papyrologica Florentina » 19 , Firenze

1990, t. II, p. 367-374. Cela fait un ensemble de soixante -dix papyrus, qui nous transmettent des fragments de quatorze seulementdes vingt -et-un discours d' Iso crate , les papyri le plus souvent cités étant l’A Démonicos (18), le Panegyrique ( 15 ) et l' A Nicoclès (11). Certaines æuvres semblent avoir subi une mauvaise transmission et être mutilées. Le dis cours Contre les sophistes (XIII) et les épîtres I, VI et IX s ' interrompent à la fin , et il manque

aussi le début du Sur l'attelage (XVI) et du Contre Lochitès (XX). Benseler 77 et Blass 78 ont

signalé l'existence de lacunes à tous ces endroits ; il semble malgré tout plus probable qu' Iso crate lui-même ait choisi pour la publication la partie intéressante des deux discours judiciaires

(cf. Mathieu 5 , t. I, p. 37 sq . et 49 ) et qu 'il n 'ait jamais rien manqué à la fin du Contre les sophistes et des épîtres I, VI et IX (cf. Too 19 , p . 164 sqq.). Il faut souligner aussi la présence d ' interpolations dans A Nicoclès. Mikkola 7 , p . 285 sqq ., se demande si l 'auteur de ces addi

tionsest le même que celui des additionsde l'A Démonicos (cf. contra , Lesky 13 , p. 659).

Éditions. Editio princeps des discours: 68 Démétrius Chalcondyle , 'looupá τους Λόγοι, διορθωθέντες υπό Δημητρίου του Χαλκονδύλου, Εν Μεδιολά vw (Milan ) 1493 ; des épîtres : 69 Aldus Manutius, Venise 1499 (il manque l'épître IX ), qui publia aussi les discours à Venise en 1513. Éditions d 'ensemble :

70 H . Wolf, Orationes et Epistolae... de graeco in latinum pridem conversae..., Lutetiae 1553, et In omnia Isocratis opera et vitam eiusdem a diversis autoribus descriptam annotationes, quibus et res et verba et series, in universum dilucide, breviter ac ingeniose explicantur..., Basileae 1570 ; 71 H . Stephanus, Paris 1593 ;

72 A . Auger, Isocrates. Opera omnia , graece et latine, 3 vol. Parisiis 1782 ;

73 A . Coraï, 'looupátous Móyoi vai ’Emiotolai, 2 vol., Paris 1807 ; 74 I. Bekker, Oratores Attici,t. II, Berlin 1823; 75 W .S. Dobson, Attic Orators, t. III, London 1828 ; 76 G . Baiter et H . Sauppe, Oratores Attici, t. II, Zürich 1839 ;

ISOCRATE D 'ATHÈNES

I 38

903

77 G . E .Benseler, Isocratis orationes, coll. BT, Leipzig 1851; 78 F . Blass, Isocratis orationes, 2e édit., coll. BT, 2 vol., Leipzig 1910 -1913 ; 79 E . Drerup, Isocratis opera omnia , t. I (seul paru ), Leipzig 1906 (discours XXI, XVIII, XX, XVII, XIX , XIII, X , XI, I, II, III et IX );Mathieu et Brémond 5 ; Norlin et van Hook 6 (le texte des t. I- II est fondé sur l'édition de Baiter et Sauppe 76 ; celuidu t. III, sur celle de Blass 78). Quelques éditions partielles : 80 A .Moustoxydis , Anti dosis, Milano 1812 (première édition complète du Sur l'échange); 81 B . G . Mandilaras, Le discours Sur la paix d 'Isocrate selon le papyrus du British

Museum (en grec moderne), Athènes 1975 ; 82 S . Usher,Greek Orators, t. III : Isocrates, Panegyricus and To Nicocles, edited with a transl. (and comm .), coll.

« Classical Texts Warminster » , Warminster 1990 (discours IV et II); 83 R . Flacelière, Isocrate. Cinq discours: Éloge d 'Hélène, Busiris, Contre les so phistes, Sur l'attelage, Contre Callimachos, édition , introduction et commen taire, coll. « Érasme. Textes grecs» 1, Paris 1961. Édition des fragments et des

résumés de son enseignement rhétorique : 84 L. Radermacher,Artium scriptores (Reste der voraristotelischen Rhetorik ), coll. « Österreichische Akad. d.

Wissenschaften . Philos.-philol. Klasse Sitzungsber.» 227, 3 , Wien 1951, p. 153 187 ( B XXIV ).

Traductions. Latine : Wolf 70 et Auger 72 ; française : Mathieu et Brémond 5 , que nous avons utilisée dans cet article ; anglaise : Norlin et van Hook 6 ; ita lienne : 85 M .Marzi, 2 vol., coll. « Classici Greci» 13, Torino 1991 ; allemande : 86 A . H . Christian , 8 vol., Stuttgart 1833- 1836 ; 87 Chr. Ley -Hutton (trad.),

Isokrates, Sämtliche Werke, t. I: Reden 1-VIII, eingel. und erl. von K . Brodersen , coll. « Bibliothek der griechischen Literatur » 36 , Stuttgart 1993 ; grecque moderne : 88 S. Papaïoannou et B . Mandilaras, 6 vol., coll. « Les Grecs» , Athènes 1993 ; espagnole : 89 J. M . Guzmán Hermida, 2 vol., coll. « Biblioteca

Clásica Gredos » ,Madrid 1979- 1980 .

Index. 90 S. Preuss, Index Isocrateus, Progr. Fürth 1904, réimpr. Hildesheim 1963. Index Nominum , chez Blass 1, t. II, p. 280 -324 , et Mathieu et Brémond 5 , 1. IV , p . 241-254. Index de termes de rhétorique, de philosophie, de politique,

chez Mathieu et Brémond 5 ,t. IV , p. 254- 268.

Problèmes d 'authenticité. Cf. Mikkola 7 ; Seck 62 ; aussi, en général, Münscher 3, col. 2223 sq., et les introductions aux éditions de Mathieu et Brémond 5 , et de Norlin et van Hook 6 . Notamment sur l'authenticité des épîtres, 91 C . Woyte , De Isocratis quae feruntur epistulis quaestiones selectae, Thèse, Leipzig 1907; 92 U . von Wilamowitz -Moellendorff, « Unechte Briefe» , Hermes 33, 1898, p. 492 -498, notamment p .492 -495, et Id. 32, t. II, p. 391 sqq. ;

93 G . Weiss, Zur Echtheit der Briefe des Isokrates : syntaktische Beiträge, Schwabach 1914 ; 94 J. Sykutris, art. « Epistolographie » , RESuppl. V , 1931, col. 185-220, en particulier col. 210 sqq.; 95 L . F. Smith , The Genuineness of the

9th and 3rd Letters of Isocrates, Thèse, Lancaster, Pennsylvania 1940, et Speyer 63, p. 140 ; 96 J. Castellanos i Vila , « Situació actual sobre l'autenticitat i crono logia de las Cartes d 'Isocrates » , dans C . Miralles (édit.), Homenatge a J. Alsina,

Barcelona 1969, p. 89-95 ;Lesky 13, p. 659 .

ISOCRATE D 'ATHÈNES

904

I 38

Plusieurs des æuvres du corpus isocratique ont été considérées comme apo

cryphes sur la base de différents arguments.On accepte généralement le carac tère apocryphe de l’ A Démonicos( cf. Blass 1, t. II, p. 278 sqq.; Drerup 79,

p. CXXXIV ; Brémond 5 , t. I, p. 111 sqq. ; Mikkola 7, p . 276 -285 ; Lesky 13, p. 659 ; contra , Norlin 6 , t. I, p. 3, et Too 19, p . 58 n. 53). L 'authenticité de l'Épître VI est contestée aussi (cf. Woyte 91, p. 41-52, etMikkola 7 , p . 290 sqq.).

Genre littéraire. La délimitation du genre littéraire va de pair avec les pro blèmes du classement et de l'authenticité des ouvrages. Ce sujet a été étudié en

détail par Too 19 , p. 10- 35, qui rapporte toutes les tentatives de classements externes (cf. aussi Usener 38 , p. 51 sqq.). Too choisit un classement fondé sur les informations tirées des discours mêmes, notamment Sur l'échange 45 sq., et

Panathénaïque 1 sq . (sur la proximité des deux classements, cf. 97 S. Wilcox, « Isocrates' Genera of Prose » , AJPh 64, 1943, p. 427-431). Il y énumère plu sieurs des nombreuses formes littéraires de prose ; elles fontmontre d 'un éventail

particulièrement ouvert face à la rigidité du schémaaristotélicien. A la fin de ces énumérations, il place la forme qu 'il cultive : il s'agit de discours « pour intéres ser les Grecs, leurs concitoyens et le public des réunions solennelles ('EXnvi xoùç vaitoltiXoùç xainavnyupixoÚC )» , doués de musicalité et de rythme (Sur l'échange 46 ), et de « ceux qui présentent des suggestions conformes aux intérets de notre ville et de tous les Grecs (τους περί των συμφερόντων τη τε

nó el xai toiç örlos " EMnol ovußovreúovrac)» (Panathénaïque 2). Autre ment dit, Isocrate réclame pour l'ensemble de son æuvre la qualification de róyos notixóc, sous laquelle s'intègrent des formes différentes de discours ; d'après l'auteur de la Rhetorica ad Alexandrum (1421 b 7 sqq.), ce logos com prend les trois genres aristotéliciens : judiciaire , délibératif et épidictique. Le discours « politique » doit être, tout d'abord, utile , idée développée en particulier

dans l'Éloge d 'Hélène et le Nicoclès (cf. aussi Denys d'Halicarnasse , Isocrate 1, 4, et infra ). Cela n 'exclut pas qu 'il soit, en deuxième lieu , agréable, par sa

proximité du langage poétique (cf. Sur l'échange 47, et Panathénaïque 2 ). De plus, il est conçu comme la suite de la poésie gnomique d'Hésiode, de Phocylide et de Théognis (cf. A Nicoclès 40 -49, et Eucken 46 , p. 231 sqq.). Dans la section finale du Panathénaïque, Isocrate nous offre une autre information peut être valable pour tous ses discours. Il y présente une discussion à l' intérieur de son école : un disciple spartiate analyse le discours que le maître vient de prononcer, comprenant qu 'il pos sède une double signification . Le fait qu 'Isocrate ne se prononce pas sur la correction ou

l'incorrection de l'analyse de son élève suggère la possibilité que tout discours isocratique puisse être envisagé à deux niveaux : dans un sens littéral ou sémantique, compréhensible par

tous, et dans un sens secondaire et dianoétique, perceptible seulement par « le raisonnement des esprits qui s' efforcent d'atteindre la vérité » ( $ 261): cf. Too 19, p. 70 sqq. ; 98 H . O . Kröner, « Dialog und Rede. Zur Deutung des Isokratischen Panathenaikos » , A & A 15 , 1969,

p. 102 -121, repris dans Seck 15, p. 29 -328, et Bons 49, p. 161 sqq., avec bibliographie sur le sujet aux n . 29 sqq. Contra, Schäublin 264, p . 172 ; 99 M . Erler, « Il Panatenaico d 'Isocrate e

la critica della scrittura nel Fedro : “ Aiuto " e " senso nascosto " » , Athenaeum 81, 1993,

p. 149- 164, notamment p. 155 sq. et 163 (trad. ital. d'Id .259). Dans notre perspective littéraire, Isocrate doit être considéré comme l' initia

teur de divers genres littéraires.

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ISOCRATE D 'ATHÈNES 905 L’Éloge d 'Hélène et le Busiris représentent la première codification et les premiers exem

ples de l' éloge en prose d'un sujet mythologique (cf. Buchheit 60, p. 45 sqq.; Gärtner 14, col. 1468 sq. ). L 'Evagoras inaugure le genre de l' éloge d 'un personnage historique (cf. 100 J.

Sykutris, « Isokrates' Evagoras », Hermes 62, 1927, p . 24 -53, repris dans Seck 15, p. 74 -105 ; 101 K . Münscher, « Isokrates' Evagoras» , PhW 47, 1927 , col. 1063- 1070 et 1098 - 1103, repris dans Seck 15 , p . 106 - 121 ; Buchheit 60, p. 64 sqq .; 102 P . Hadot, art. « Fürstenspiegel» , RAC 8 , 1972, col. 555 -632 , notamment col. 576 , et 103 T. Poulakos, « Isocrates' Use of Narrative

in the Evagoras. Epideictic Rhetoric and Moral Action », QJS 73, 1987, p . 317- 328 ). L ' impor tance de ce discours dans la configuration du genre biographique a été signalée par 104 F .

Leo, Die griechish-römische Biographie nach ihrer literarischen Form , Leipzig 1901 (réimpr.

Hildesheim 1965), p . 91 sq ., et récemmentpar 105 T . Krischer, « Die Stellung der Biographie in der griechischen Literatur » , Hermes 90 , 1982 , p . 51 -64 , notamment p . 59-63. Le discours Sur l 'échange représente le premier exemple du genre littéraire de l' autobiographie dans

l' Antiquité (cf. 106 G . Misch, Geschichte der Autobiographie , 3e édit., Bern 1949, p. 158 -180, repris dans Seck 15 , p . 189-215 , et récemment 107 M . Fuhrmann , « Rechtfertigung durch

Identität. Über eine Wurzel des Autobiographischen » , dans O .Marquard et K . Stierle [édit.), Identität, coll. « Poetik und Hermeneutik » 8, München 1979, p. 685 -690 ; 108 M . Trédé Boulmer, « La Grèce antique a -t- elle connu l'autobiographie ? » , dans M .-F . Baslez, P . Hoffmann et L . Pernot (édit.], L 'invention de l'autobiographie d'Hésiode à Saint Augustin , Actes du deuxième colloque de l'Équipe de recherche sur l'hellénisme post-classique (Paris, École normale supérieure , 14 - 16 juin 1990 ], Paris 1993, p . 13-20 , notamment p. 16 sq .). De son côté , l' A Nicoclès et l' Évagoras représentent les premiers traités en prose sur les devoirs du monarque (speculum principis ) de la littérature grecque (cf. Hadot 102 , col. 574 - 576 ).

Finalement, pour l' importance d ' Isocrate dans le genre historiographique, cf.Mathieu 24, p. 200 sqq.

La philosophie d 'Isocrate Depuis les dernières décennies, surtout depuis les années cinquante, une ana lyse intrinsèque de l'euvre d'Isocrate a permis une revalorisation de l'activité philosophique d' Isocrate. La comparaison continuelle avec Platon explique que pendant tout le xixe siècle et une partie du XXe Isocrate ait été méprisé comme un penseurmédiocre. Cf. p . ex. 109 K . O . Müller et J. W . Donaldson , A History of the Literature of Ancient Greece, t. II, London 1858 , p. 148 - 159, notamment p. 153 ( trad. fr., I. III, Paris 1883 , p . 478 498 , notamment p . 487) ;Münscher 3, col. 2151, 33 sg. ; 110 H . J. Rose, A Handbook of Greek

Literature from Homer to the Age of Lucian, London 1934, p. 285 : « He had a most unphilo sophicmind and no turn for speculation either ethical or metaphysical » .

Sur la signification du terme « philosophie » chez Isocrate, nous renvoyons à la bibliographie rassemblée par 111 D .Gillis, « The EthicalBasis of Isocratean Rhetoric » , PP 24 , 1969, p. 321-348, notamment p. 328 n . 9 (cf. aussi Burk 4 , p .65 sqq. ; 112 M . A . Levi, Isocrate. Saggio critico, coll. « Biblioteca Storica

Universitaria » , série II, t. X , Milano/Varese 1959, p. 85 sqq., et Id. 16 , p. 1163 ; 113 I.Hadot, Arts libéraux et philosophie dans la pensée antique, Paris 1984 ,

p. 16 sqq.; Eucken 46 , p. 14 sqq.; 114 M . Dixsaut, art. « Isocrate» , dans J.-F. Mattei (édit.), Les Euvres philosophiques. Dictionnaire,t. I, Paris 1992, p. 185 sq.; 115 P . Gómez, « laldeia y literatura : el discurso isocrático » , AFB 14 ,

1991, p. 53-70,notamment p. 58 sq .; Lombard 18 , p. 15 sq.). Ce n'est pas dans un sens strict qu 'Isocrate emploie le terme « philosophie » pour désigner sa propre activité en tant qu 'éducateur, mais dans un sens large couvrant toute activité rattachée au savoir, y compris celle de ses concurrents.

906

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I 38

Dans l'Éloge d'Hélène 6, il parle d'« une philosophie de la dispute (ň nepi tàç špidas plooopia ) » ; dans l' A Nicoclès 51, il distingue parmi lesmaîtres de la sagesse (oi tepi tv Olaoooplav ovTEC ) des groupes différents : les éristiques, les auteurs de discours politiques et d'autres. Même dans le Sur l'échange, sauf quelques cas (cf. § 268 sqq.), c 'est toujours dans un sens large qu 'il utilise le terme (cf. Eucken 46 , p . 7 et 14 sqq.). Ce sens est donc différent du sens platonicien ; c 'est ce dernier qui va prévaloir, à partir du moment où Platon forge pour désigner l'activité de son rival le terme « rhétorique (øntopixń ) » : cf. 116 E . Schiappa, « Did

Plato coin rhētorikë ?» , AJPh 111, 1990, p . 457-470, et Cole 31, p . 2 ; contra, 117 N . O 'Sullivan , « Plato and ñ xarovuévn øntopixn » , Mnemosyne 46 , 1993, p . 87 -89, avec la

réponse de 118 E . Schiappa, « Plato and ń zarovuévn øntopixń : A Response to O 'Sullivan » ,

Mnemosyne 47, 1994, p.512-514 . La « philosophie » d 'Isocrate enseigne à raisonner et à comprendre les rap ports qui s'établissent entre les choses, ainsi qu'à être utile à la communauté. Il s'agit donc d'une philosophie de nature sociale fondée sur les liens interperson

nels à l'intérieur de la communauté : le discours (aóyoc ) est le résultat d'un pro

cessus mental de compréhension de la réalité, et doit exprimer un jugement (86& a) en accord avec une circonstance concrète (xalpós) de la polis. Donc, Isocrate enseigne dans son école la culture et la maîtrise du Nóyos (cf. supra ). L 'emploi du nóyos, de la parole ou du discours à des fins politiques est d'abord recommandé, puis exalté dans Nicoclès 5-9, un passage que l'orateur

va répéter quelques années plus tard dans le Sur l'échange 253 sqq. Tout d'abord , le logos nous distingue des animaux, lesquels sont supérieurs à l'hom me par d 'autres aspects , et il nous permet de nous débarrasser de la vie sauvage

(§ 5 sq.). Il est donc le principe de la civilisation dans toutes sesmanifestations: étant donné que chez les hommes il est inné « de nous convaincre mutuellement et de faire apparaître clairement à nous-mêmes l'objet de nos décisions» ( $ 6 ),

c 'est lui qui rend possible la vie en communauté, qui permet l' établissement des

lois et l'invention des arts ( $ 6 ). Cf. Norlin 6 , t. I, p. XXIII sq. ; Steidle 59, p . 276 sqq. ; 119 R . Johnson, « Isocrates 'Method of Teaching » , AJPh 80 , 1959, p . 25 - 36 , notamment p. 33 sq. ; 120 S . Ijsseling , Rhetoric and

Philosophy in Conflict. An Historical Survey, The Hague 1976 , p . 18-25 ; 121 M . Dixsaut, « Isocrate contre des sophistes sans sophistique » , dans B . Cassin (édit.), Le plaisir de parler.

Études de sophistique comparée, Paris 1986 , p .63-85 ; Gómez 115, p . 56 sqq., et Usener 38, p. 67 sqq.

Sur la obča , nous renvoyons à 122 J.-P . Levet, Recherches sur dóta et les notions apparentées chez Isocrate, Paris 1975 (cf. aussi Eucken 46 , passim , notamment p . 32 sqq. et 56 sqq.; Steidle 59, p. 261). Comme on le signale dans le Contre les sophistes (cf. infra), seul un esprit apte à se faire des opinions (Quyñs... dofaotixñs) permet la connaissance pratique des procédés du logos.

Dans l'Éloge d'Hélène, Isocrate exhorte ($ 5) tous ceux qui cherchent la vérité à former leurs disciples « à la pratique de notre vie politique (tàs apátelc év als

noitevóueda )» , convaincus qu 'il vautmieux « apporter sur des sujets utiles une opinion raisonnable (ětilelxãs dočá (elv ) que sur des sujets inutiles des

connaissances exactes» . Cette estimation positive de l'opinion est tout à fait originale et suppose une prise de position face à une longue tradition où l'opi nion était confrontée et subordonnée à la vérité (cf. Parménide DK 28 B 1, 30 et

8, 51 ; Démocrite DK 68 B 7), à la science (cf. Socrate, chez Xénophon ,

I 38

ISOCRATE D 'ATHÈNES

907

Mémorables III 9 , 6 , et chez Platon, Apologie de Socrate 21 c sqq. ; quant à Antisthène, cf. infra ), ou bien à toutes les deux (cf. Gorgias, Palamède 24 [t. II,

p . 300 DK ] ; de même Hélène 8 - 14 [t. II, p. 290 sqq. DK ]). Le fait de tirer la doxa de la sphère subjective et individuelle et de la considérer comme un élé ment objectif par son application au monde de la collectivité est caractéristique aussi d'Isocrate, face à Protagoras (cf. infra). Une opinion ou un jugement seront corrects quand il s 'accorderontavec des circonstances externes (xalpoí; cf. Steidle 59 , p. 260 et n . 4 ) auxquelles les discours essaient de donner une réponse. Néanmoins, Isocrate utilise parfois le termexalpós dans un sens strictement technique, comme le fait Alcidamas (cf. infra ), c'est-à-dire comme la capacité d'ajuster le discours séance tenante aux exigences ponctuelles de l'audience (cf. Vallozza 282). La philosophie isocratique a simultanément une dimension pédagogique, une

dimension historique et une dimension rhétorique. Dimension pédagogique. Cf. Burk 4, p . 34 sqq. ; Mathieu 5, t. I, p . X ; Steidle 59 ; Johnson 119 ; 123 S. Cecchi, « La pedagogia di Isocrate » , RSC 7, 1959, p . 118-133 ; 124 F . Kühnert, « Die Bildungskonzeption des Isokrates » , dans R . Müller (édit.) , Der Mensch alsMaß der Dinge, Berlin 1976 , p . 323-336 ; 125 E .

Rummel, « The Effective Teacher and the Successful Student» , EMC 21, 1977, p . 92 - 96 ; Cahn 43 ; Lombard 18, p . 27 sqq., et Gómez 115.

Isocrate a exposé le programme de son école (dontnous pouvons imaginer le fonctionnement grâce à Panathénaïque 200 sqq.) dans le discours Contre les sophistes ($ 14 - 18). Il y assume trois conditions essentielles pour arriver à la maîtrise de la parole et de la politique : les bonnes dispositions naturelles (EÚ Quial), l' entraînement par l'expérience (tuttelpia ) et l'éducation (taídevoLG). Cette triade provient de la sophistique (cf. Protagoras DK 80 B 3). Pour le caractère traditionnel de cette triade, nous renvoyons à Steidle 59, p. 262 ;

126 L .C . Ford, The Sophistic Trichotomy of natural Ability, Practice, and Knowledge in the Educational Philosophy of Isocrates, Thèse Princeton 1984, résumée dans DA 44, 1984, p . 3375 A sq., notamment chap. IV et V ; Lombard 18, p . 38 sqq., et en général sur le débat natureléducation , nous renvoyons à 127 J. de Romilly , LesGrands Sophistes dans l'Athènes de Périclès, Paris 1988, p. 57-89. Plus loin Isocrate explique ce dont le bon orateur a besoin (§ 16 sq.): il

n 'est pas difficile d'acquérir la connaissance théorique des procédés qui servent à prononcer et à composer les discours si on trouve un savant en la matière ; en

revanche, « choisir pour chaque sujet les procédés qu 'il faut, les combiner et les ranger dans l'ordre convenable , ne pas se tromper sur le moment propre à leur

emploi, donner par les pensées l'ornement qui sied à l'ensemble du discours et employer des expressions harmonieuses et artistiques, voilà ce qui demande

beaucoup de soins et qui est la tâche d 'un esprit énergique et apte à se faire des opinions (quxñs... Dočaotixñs)» . Autrement dit, il n 'existe pas une science du

discours qui puisse s'apprendre comme l' alphabet ($ 12 ), mais seulement la possibilité d'une approche au moyen de la góta (cf. supra).

ISOCRATE D 'ATHÈNES I 38 908 Dans ce passage, le terme grec pour « procédé » est idéa . Sur sa signification , voir 128 F. W . Schlatter, « Isocrates, Against the Sophists XVI» , AJPh 93, 1972, p. 591-597 ;

129 J. B . Lidow , « The Meaning of idéa in Isocrates» , PP 38, 1983, p. 273-287 ; Eucken 46 , p . 105 sq . et 235 sqq. ; 130 H .LI. Hudson -Williams, « Isocrates and Contemporary Rivals » , c.r. de Eucken 46 , dans CR 35, 1985, p . 20 -21.

L ' élève doit apprendre ces procédés tels que lemaître les lui enseigne. Celui ci s'offre lui-même comme un modèle (napádelyua ) dont les disciples reçoi vent l'empreinte (ÉVTUTWOÉvtac), devenant ainsi des copies du maître (§ 17 sq. ;

cf. Steidle 59, p. 265 , et surtout la documentation apportée par Too 19, p. 186 sqq., et infra ). Modèle lui-même, le maître sait proposer aux élèves d'autres modèles pour qu'ils en tirent profit, à travers la lecture ou le débat. Isocrate s ' insère ainsi dans une tradition qui propose l'imitation de personnages exem

plaires (tels Thésée, Héraclès, Agamemnon, Évagoras ou Timothée), une tradi tion qui remonte à Homère et qui est très bien représentée chez Pindare ( cf. Marrou 11, p. 134 ; Lombard 18, p . 45 sqq. ; Too 19, p. 129 sqq .; 131 E .

Alexiou, Ruhm und Ehre. Studien zu Begriffen, Werten und Motivierungen bei Isokrates, coll. « Bibliothek der klassischen Altertumswissenschaften » N .F. 2, 93, Heidelberg 1995, p. 88 sqq.). L 'enseignement personnalisé permet à Isocrate

de chercher le modèle approprié à chaque élève. Ainsi s'explique que Nicoclès, en tant que roi de Salamine à Chypre, ait besoin d'une éducation différente de

celle des autres élèves: le meilleurmodèle qu'il peut imiter est celui de son père Évagoras. Sur l'éducation du monarque, cf. 132 H . Kehl, Die Monarchie im politischen Denken des Isokrates, Thèse Bonn 1962 ; 133 K . Rekucka-Bugajska, « Isocrates quid de optimo rege docuerit» (en polon ., avec rés. en lat.),Meander 35, 1980 , p . 83 -95 . Sur la tradition pinda rique de l' Evagoras, cf. 134 M . Vallozza, « Alcunimotivi del discorso di lode tra Pindaro e

Isocrate » , QUCC n .s. 35 (= 64 ), 1990 , p. 44 -58 , avec bibliographie p . 44 n . 2. Sur le caractère modèle de l'histoire , cf. 135 G . Schmitz -Kahlmann , Das Beispiel der Geschichte im poli tischen Denken des Isokrates, Leipzig 1939, et 136 M .Nouhaud, L 'utilisation de l'histoire par

les orateurs attiques, Paris 1982.

Le passage cité du Contre les sophistes suppose qu'Isocrate a dépassé le traité rhétorique des sophistes itinérants, étant donné l'impossibilité de systématiser les

principes de la persuasion (cf. Sur l'échange 184 et 271, et infra), et qu 'il l'a remplacé par un rapportmaître-élève personnalisé, prolongé sur trois ou quatre années (cf. Sur l'échange 87). Pendant ce temps le maître contrôle l'apprentis sage de l' élève. Il « adopte» symboliquement le disciple et s'engage à diriger son futur agir politique ; c'est pourquoi la condition de disciple , comme celle de fils, ne se perd jamais (cf.Rummel 125 ;Cahn 43, p. 135 sq. ; Lombard 18 , p. 48 sq.;

Too 19, p. 200 sqq.). Ce discours s'interrompt brusquement après la promesse de rendre explicites les points de

son programme (§ 22). Contrairement à Auger 72, t. III, p . 1 sq., à Blass 1, t. II, p . 240 sq., et à Drerup 79, p . CXXIX sq., qui ont pensé à une mutilation ancienne du discours, de nos jours on

considère l'ouvrage comme complet. Il s'agirait de l'introduction de son cours oralde rhéio rique (cf. Mathieu 5 , t. I, p . 141 ; Eucken 46 , p. 6 ; 137 P. Harding, « An Education to All» ,

LCM 11, 1986, p . 134 sqq.; Cahn 43, p . 136 sq.). Une interprétation différente est offerte par

Too 19 , p. 156 sqq., qui permet d'expliquer aussi la fin tronquée des épîtres 1, VI et IX (cf. supra).

I 38

909 ISOCRATE D 'ATHÈNES L 'exposition du programme contenu dans le Contre les sophistes sera reprise

plusieurs années plus tard dans le Sur l'échange, où Isocrate développe sa pai deia (§ 180 sqq.), qui concerne le soin de l'âme de la mêmemanière que l'art du

pédotribe concerne le soin du corps.Mikkola 7 , p. 196 - 201,a résumé cette phi losophie dans les intitulés suivants: (1 ) Lemaître doit apprendre à ses élèves à penser et à parler avec élégance. ( 2) La paideia sert à réfléchir (TÒ Ppoveiv ) et à bien parler (TÒ NÉVELV ). (3) L'essentiel dans la rhétorique est d 'apprendre à convaincre (TÒ TelDelv ).

(4 ) Pour arriver à maîtriser les procédés des discours on a besoin de la philosophie , enten due comme toute activité spirituelle qui aide l'homme à examiner et à juger la réalité , pour trouver le ceur des affaires, leur vérité .

(5) L 'éloquence apprise est meilleure que l'innée, dans la mesure où elle aide à com

prendre l' essence hiérarchique de la réalité. (6 ) Le bon orateur se reconnaît dans la grandeur des sujets qu'il choisit. (7) La culture du raisonnement et celle de la rhétorique sontintimement unies.

(8 ) Celui quimaîtrise l'art de convaincre doit sympathiser avec celui qu 'il va convaincre pour garantir son succès. (9 ) Le mode de vie de l'orateur, ses vertus et sa bonne réputation , décident à la fin du résultat du discours .

A des niveaux différents, son éducation est celle d ' Athènes, celle de la Grèce et celle du monde (cf. Alexiou 131, p. 154 sqq.). Ce n'est pas tant pour des rai

sons ethniques qu'une personne sera grecque, que pour avoir reçu l'éducation grecque (cf.Mathieu 22, p. 42 sq.; Levi 112, p. 64 sq .; Heilbrunn 42, p. 168,

mais aussi 138 J. Jüthner, « Isokrates und die Menschheitsidee », WS 47, 1928 , p. 26 -31, repris dans Seck 15, p. 122 -127 ;Masaracchia 20, p. 47-79). Dimension historique. Cf. Mathieu 24 ; Cloché 10 ; 139 K . Bringmann , Studien zu den politischen Ideen des Isokrates, coll. « Hypomnemata» 14, Göttingen 1965.

Face au caractère variable des circonstances externes, Isocrate offre une image fixe et immuable de lui-même ; en fait, les témoignages qu 'il allègue en sa faveur dans le Sur l'échange sont des fragments d'écrits précédents , qui mon trent la cohérence de sa pensée au cours des années. C 'est grâce à son retrait délibéré de l'arène politique athénienne et à son éloignement de la nolu

Tipayuooúvn (cf. supra ), à laquelle se sont adonnés les nouveaux politiciens formés chez les sophistes, qu 'il a acquis cette image. Aumoyen de cette présen tation cohérente de ses écrits, il réussit à créer chez le lecteur la conviction qu 'il existe une adéquation parfaite entre ce que l'orateur dit et ce qu 'il est (cf. Dixsaut

121, et Too 19, p . 5 sq.). Son éloignement volontaire des rapports de pouvoir à

Athènes lui garantit un statut de conseiller à deux niveaux : - A l'intérieur d ' Athènes, il se présente comme un citoyen anpáyuwv modèle , opposé aux sycophantes et aux nouveaux politiciens. Ses conseils sont

désintéressés et dépourvus d 'ambition personnelle. On situe généralement Isocrate dans la tradition conservatrice de Cimôn, Thucydide, Nicias et Théramène, laquelle revendique une constitution mixte et s'oppose à l' empire et à la

rolunpayuooúvn démocratique (cf. les conclusions de Bringmann 139, p. 110 sq. ; 140 J. de

910

ISOCRATE D 'ATHÈNES

I 38

Romilly , « Les modérés athéniens vers lemilieu du IVe siècle : Échos et concordances » , REG 67, 1954 , p. 327 -354 ; 141 A . Demandt, Geschichte als Argument, chap. II : « Das klassische Dekadenzmodell bei Isokrates » , Konstanz 1972, p . 18 -29 et 64 sq. ; Too 19, p . 103 sqq .). Les

réformes entamées par Théramène constituent essentiellement le retour à la TáTPLOS Tolteia qu ' Isocrate propose dans divers écrits, comme Panegyrique 76 sqq., A Nicoclès 14 sqq.,

Nicoclès 14 sq., et surtout l'Areopagitique (cf. Levi 112, p. 9 sqq. ; Id., p. 1166 sq.; Canfora 17, p. 357 sqq.; 142 Id ., « Isocrate e Teramene » , dansMélanges P. Lévêque, t. V , coll. « Anna les Litt. Univ. Besançon >> 429, Paris 1990 , p . 61-64 ; aussi 143 P . Cloché, « Isocrate et la poli

tique théraménienne » , LEC 5 , 1936 , p. 394 sqq. ; 144 C . Bearzot, « Teramene tra storia e propaganda » , RIL 113, 1979 , p . 195 -219, sur l' idéalisation de la figure de Théramène dès la fin du va). Le système politique idéal pour Isocrate est la démocratie , mais une démocratie

dans laquelle il existerait un primus inter pares. Il s'agit donc d 'une constitution mixte, à mi chemin entre démocratie et monarchie, susceptible d 'être adaptée à des contextes différents,

c'est-à-dire à l'Athènes démocratique (cf. Éloge d 'Hélène 36 ) et à la cour des diversmonar ques (cf. Nicoclès 14 - 26 ). C 'est du discours de Périclès chez Thucydide, où l'on décrit (II 65, 9 ) l’Athènes de l'époque comme une démocratie nominale,mais qui a en fait un gouverne ment unipersonnel (Royw uÈv onuoxpatía , epyw dè ÚTTO TIPATOU Ávopos ápx ), qu 'Isocrate

a tiré l'idée (cf. Eucken 46, p. 96 sqq., qui renvoie à 145 F. Pointner, Die Verfassungstheorie des Isokrates, Thèse München 1965, Augsburg 1969). Voir aussi Kehl 132, 146 I. Labriola , « Terminologia politica isocratea, I: Oligarchia, aristocrazia, democrazia » , OS 4 , 1978 ,

p. 147- 168, et 147 M . Silvestrini, « Terminologia politica isocratea, II : L 'Areopagitico o dell'

ambiguità isocratea » , QS 4, 1978, p. 169-183.

- Hors d'Athènes, comme il n'est pas un politicien actif danssa patrie, il peut s'adresser avec objectivité à tous les Grecs au moyen de ses écrits. Dans ce domaine, il défendra dès 3809 l'« idée panhellénique » : les Grecs doivent obtenir

la concorde (ouovola ) entre eux et entamer une expédition avantageuse contre l'Empire perse , c'est-à-dire contre l’Asie . Cf. 148 J. Kessler, Isokrates und die panhellenische Idee, coll. « Studia Historica » 14 , Paderborn 1911, réimpr.Roma 1965 ; Mathieu 24, p. 41 sqq., 95 sqq. et 153 sqq.; Norlin 6, t. I, p. XXXII sqq.; 149 A .Momigliano, « L 'Europa come concetto politico presso Isocrate e gli Isocratei» , RFIC n .s. 11, 1933, p . 477 -487 ; Bringmann 139 , p . 19 sqq.; Heilbrunn 42,

p. 160 sqq. ; 150 C . Bearzot, « Isocrate e il problema della democrazia » , Aevum 54, 1980, p. 113-131; 151 J. de Romilly, « Isocrates and Europe», G & R 39, 1992, p. 2- 13. L 'idée avait déjà une certaine tradition au temps d'Isocrate ; cf. Mathieu 24 , p . 17 -28 . Il l'avance dans l' Éloge d 'Hélène, selon 152 G . Kennedy, « Isocrates' Encomium of Helen : a Panhellenic Document» , TAPHA 89, 1958 , p . 77 -83, et l'exposera en détail dans le Panegyrique (380 ). Isocrate y propose qu 'Athènes et Sparte commandent l'expédition contre les Perses, conférant

à Athènes le même rang qu 'à Sparte en raison de sa trajectoire historique éblouissante (cf. Cloché 10 , p. 33 sqq., et 153 E . Buchner, Der Panegyrikos des Isokrates, coll. « Historia Einzelschriften » 2 , Wiesbaden 1958 ; contra , Drerup 158 , 154 D . Gillis , « Isocrates' Panegy ricus. The Rhetorical Texture » , WS n .s. 5, 1971, p. 52-73, Masaracchia 20 , p. 50, qui soutien

nent qu 'Isocrate ne pense qu'à une hégémonie non partagée d'Athènes). Le cours des événe ments fait qu 'Isocrate considère que l'hégémonie ne doit pas être conférée à une cité,mais à

un chef, poste pour lequel il pense successivement à Denys de Syracuse (Epître à Denys, 367a), à Archidamos de Sparte (Epître à Archidamos, 3569) et à Philippe de Macédoine

(Philippe, 346a) : cf. 155 Th.S. Tzannetatos, « L'unité politique des Grecs anciens et Isocrate» (en grec moderne), EEAth 12 , 1961-62, p. 437 -457. Sur le concept d'homonoia chez Isocrate,

cf. Levi 112, p .53 sqq., 156 J. de Romilly, « Eunoia in Isocrates or the Political Importance of Creating Good Will» , JHS 78, 1958, p. 92- 101 (trad. allemande, dans Seck 15, p. 253-274),

157 S. Perlman , « Isocrates' Philippus and Panhellenism », Historia 18 , 1969, p. 370-374. Un sujet très débattu a été l'influence que les conseils d' Isocrate ont eu sur la

politique contemporaine (cf.le résumé de Bringmann 139, p. 13 sqq.).

ISOCRATE D 'ATHÈNES

I 38

911

Les positions oscillent entre deux pôles extrêmes. D 'un côté, Mathieu 24 , en accord avec Wilamowitz -Moellendorff 32, t. II, p. 381 sq., et 158 E . Drerup , « Epikritisches zum Panegy rikos des Isokrates » , Philologus 54 , 1895, p . 636 -656 , notamment p . 639 (cf. aussi Kennedy 9 , p . 190 ), a soutenu (p . 81) que le Panegyrique a inspiré la fondation de la seconde confédé

ration athénienne. De plus, les points de vue exposés dans le Plataïque auraient été semblables à ceux défendus par Callistratos à cette époque -là (p . 92 sq.), et ceux du Sur la paix et de l' Areopagitique avancent desmesures qui caractérisent la politique d ' Eubule (p . 124 sq .). Finalement, Mathieu 24 , p. 166 sq. et 174 , estime importante l'influence isocratique sur les

monarquesmacédoniens (cf. aussi 159 C . D . Adams, « Recent Viewsof the Political Influence of Isocrates » , CPh 7, 1912, p . 343 -350 , et 160 M . L . W . Laistner, « The Influence of Isocrates'

Political Doctrines on Some Fourth -century Men of Affairs » , CW 23, 1930, p. 129-131). De

l'autre côté, Bringmann 139, et aussi Cawkwell 12, p . 555, ontminimisé l'influence politique des discours d ' Isocrate .

Dimension rhétorique. Le style. Cf. Blass 1, t. II, p. 130 sqq.; Jebb 2, t. II, p. 54 -79 ; 161 E .Norden , Die antike Kunstprosa, vom VI. Jahrhundert v. Chr. bis

in die Zeit der Renaissance, 2 vol., Leipzig 1898, réimpr. Leipzig/Berlin 1915 (t. I), 1918 (t. II), Darmstadt 19818, t. I, p. 113- 121; Burk 4, p. 124 sqq. ; Norlin 6 , t. I, p. 13 sqq.; Cawkwell 12, p. 555 ; 162 S . Usher, « The Style of Isocrates» ,

BICS 20, 1973, p. 39-67;Cole 31, p. 119 sq.; Usener 38, p. 69 sqq. L ' immutabilité de la figure d’Isocrate est renforcée par le style de ses écrits. On accepte généralement l'influence de Gorgias sur Isocrate dans ce domaine (cf. Norden 161, t. I, p . 116 sqq.). Il lui a emprunté la conception poétique du discours.Malgré tout, il est difficile d 'estimer la portée de cette influence à partir

de ce qui a été conservé du sophiste. Par rapport à Gorgias, Isocrate a homogé néisé son expression, en se bornant à utiliser un langage quotidien avec une grande précision .Même dans les plaidoyers , il a simplifié radicalement le systè

me des formules judiciaires, qui devient très uniforme après lui (cf. 163 F . Cortés Gabaudan, Fórmulas retóricas de la oratoria judicial ática, coll. « Theses et Studia Philologica Salmanticensia » 23, Salamanca 1986 , p . 279 -289 ). Il n 'est pas habituel de trouver chez lui des mots poétiques, des solécismes ou des com

posés inusités. Aussi, Isocrate s'abstient-il de l'excès dans l' emploi du langage métaphorique. Soucieux de faire parvenir parfaitement le message, il renforce les éléments rythmiques et évite le choc de consonnes discordantes, ainsi que les hiatus, c 'est-à-dire toute séquence qui entraverait la lecture . Il sait structurer les contenus en de longues périodes , constituées par desmembres étroitement liées, de façon à ne jamais perdre le lien des parties entre elles et leur rapport avec l'ensemble (cf. Usher 162, p . 41 sqq.). La clarté dans l'exposition des idées et l'homogénéité du langage employé font que le lecteur peut prévoir ce qu 'il va lire par la suite , ce quiproduit en lui une satisfaction qui rend plus facile l'accep tation des contenus présentés. Il est possible que le désir d' Isocrate d ' influencer ses lecteurs éventuels se reflète , au moins dans les éditions qu 'il a contrôlées, dans la présentation graphique des æuvres, qui a

bien pu respecter la disposition par membres caractéristique des æuvres poétiques, face à la scriptio continua habituelle : cf. 164 G . Morocho Gayo, « Prosa griega y orden de palabras :

una aproximación » , dans Id . (édit.), Estudiosde prosa griega, León 1985, p. 141- 177, notam ment p. 147 sqq.

Rapport d’ Isocrate avec d'autres penseurs. C 'est aussi par opposition aux philosophes et aux penseurs rivaux qu 'Isocrate définit sa philosophie, dont il

912

ISOCRATE D 'ATHÈNES

1 38

estompe les contours pour que les critiques adressées aux uns affectent aussi les autres. Il s 'agit d 'une conception agonique, que l'orateur décrit au début du

Panégyrique : il ne faut pas chercher l'originalité dans le choix du sujet, car tant

que les circonstances seront les mêmes, le sujet devra aussi être le même. Dans cette mesure, l'orateur doit rivaliser avec ceux qui l'ont précédé et les dépasser.

Il justifie ainsi la méthode qu'il a pratiquée depuis qu'il a ouvert son école : reprendre les conceptions et les formulations d 'autres penseurs et les corriger , de

manière à leur faire prendre une signification nouvelle et originale dans ses œuvres (cf. Eucken 46 , p . 151). Il faut admettre également qu 'Isocrate a été influencé par les critiques de ses adversaires (cf. 165 S. Wilcox , « Criticisms of Isocrates and his bihooopia » , TAPHA 74, 1943, p. 427-431).

Xénophane de Colophon : Cf. Münscher 3 , col. 2151. A deux reprises des attitudes d 'Isocrate rappellent celles de Xénophane : – Dans Panegyrique 1, il critique l'excès dans l'appréciation de l'exercice physique face à l'activité intellectuelle (cf. Xénophane, DK B 2 = 2 Gentili

Prato ; aussi Eucken 46 , p . 151). - Dans Busiris 38 , le reproche adressé à Polycratès d 'avoir suivi les traditions injurieuses des poètes sur les dieux rappelle l'attaque de Xénophane, DK B 11 =

14 Gentili-Prato (cf. aussi Eucken 46, p . 196 sqq.). Socrate : Cf. Blass 1, t. II, p . 11 ; Norlin 6 , t. I, p. XVI-XIX ; Burk 4 , p . 27-30 ; Kennedy 9 , p . 179- 185 ; Too 19, p . 192 sqq. Selon le Phèdre de Platon (278 e ),

Isocrate était un « compagnon (Étatpos) » de Socrate . Celui-ci fait l'éloge des qualités naturelles de l'orateur, ainsi que de la noblesse de son temperament moral. Il prophétise qu 'Isocrate dépassera tout le monde dans la rhétorique qu' il pratique à présent et , si cela ne le satisfait pas, qu' « une impulsion divine » le

mènera à de plus grandes choses, car il aime par nature la sagesse (279 a): cf. Jebb 2 , t. II, p . 3 ; Münscher 3, col. 2151; Burk 4 , p . 29 ; infra . L 'estime était réciproque, à en juger par l'anecdote transmise par (Pseudo-)Plutarque 838 f. L 'orateur ne fait pas souvent référence à Socrate , mais il est significatif qu'il ne

formule jamais d'attaque contre lui (cf.Kennedy 9 , p . 180 ). Des parallélismes entre les deux ont été signalés par Jebb 2 , t. II, p. 49 sq. ; Norlin 6 , t. I, p . XVII

sq .; et Kennedy 9, p. 182 sqq. Dans Contre les sophistes 8 , Isocrate estime valable comme principe de sa propre activité la « culture de l'âme (tñs quxñs étlué elav) » , formulation

socratique de l'activité philosophique (cf. Platon, Apologie de Socrate 29 e ; 30

b ; Xénophon ,Mémorables I 2 , 4), dont les socratiques se sont, à son avis, écar tés (cf.Eucken 46 , p. 23 sqq.). La figure de Socrate préside à tout le Busiris. Pour l'orateur, l'Accusation de

Socrate du sophiste Polycratès est un discours manqué ($ 4 ), tout comme son Apologie de Busiris, parce qu 'il y avait transformé Alcibiade en disciple du phi

losophe, ce qui ne constitue pas un motif de reproche mais d 'éloge ($ 5). Le traité a contribué à rendre populaires quelques idées morales de l' école de Socrate (cf. Blass 1, t. II, p . 40 sq. ;Mathieu 24, p . 176 ; Kennedy 9 , p . 180 sq .).

1 38

ISOCRATE D 'ATHÈNES

913

La meilleure preuve du respect envers le philosophe est l'effort calculé et

conscient que fait Isocrate pour se présenter soi-même dans l'apologie de sa vie, le discours Sur l'échange, à la manière dont Socrate le fait dans l'Apologie de Platon (cf. Münscher 3 , col. 2210 ; 166 R . J. Bonner, « The Legal Setting of Isocrates' Antidosis » , CPh 15 , 1920 , p. 193- 197 ;Mathieu 24 , p . 179 ; Norlin 6 ,

t. I, p . XVII, qui a signalé les principaux parallélismes entre les deux æuvres ;

Mikkola 7, p. 168 sqq.; Fuhrmann 107). Too 19 , p . 192 sqq., a expliqué cette caractérisation dans le cadre de la pédagogie imitative d ' Isocrate , pour laquelle

cf. Id . 19, p. 151 sqq., notamment p. 184 sqq. Le disciple doit imiter les discours du maître ,mais non pas les reproduire servilement. L 'identité de l'élève doit se construire sur celle du maître (cf. supra ),mais elle doit rester différente . Isocrate ressemble à Socrate , mais il garde son identité propre. Il y a donc des éléments

qui font d ’Isocrate un penseur différent de Socrate : celui-ci n 'a jamais écrit et il a sapé l' autorité du texte écrit, tandis qu 'Isocrate sera son plus grand défenseur face à l'Athènes « orale » (cf. Too 19, p . 194, et Kennedy 9, p. 182 n . 87).

Protagoras: Protagoras figure à tort parmi les maîtres d'Isocrate (cf. Münscher 3, col. 2151; supra). Isocrate accepta bien quelques-unes des théories que l'on trouve dans ses fragments , comme celle de la triade des conditions nécessaires pour la formation de l' élève (DK B 3 ; cf. Steidle 59, p . 262 ; supra ),

mais ilmodifie d 'ordinaire les enseignements du sophiste: - Tous deux ont été payés pour leurs cours, mais Protagoras pour son ensei

gnementrhétorique (cf. D . L . IX 56 ), Isocrate pour son enseignement de la vertu et la justice (cf. Eucken 46 , p. 21 sq.). - Tous deux ont considéré la doxa comme l'objet de leur recherche, mais tandis que pour Protagoras le « paraître» et l'« être» se rejoignent et la doxa est

restreinte à la sphère subjective, pour Isocrate il s'agit d'un concept collectif qui permet l'accès à la réalité (cf. Wilamowitz -Moellendorff 34 , t. II, p. 110 ; Jaeger

8, t. III, p. 116 et 118 ; Steidle 59, p. 262; Eucken 46, p. 32 sqq.). - Ils diffèrent aussi à propos de la notion de « consensus» (cf. Platon, Théé tète 166 a sqq.; Id ., Protagoras 322 b -d ; Isocrate, Éloge d'Hélène 11 sq.). Voir Eucken 46, p. 72 sq. - Dans Nicoclès 7, l'exaltation isocratique de la parole en tant qu' élément qui rend possible la vie communautaire rappelle la formulation de Protagoras, chez Platon , Protagoras 320 c sqq. (cf. 167 F . Dümmler, Chronologische Beiträge zu einigen platonischen Dialogen aus den Reden des Isokrates, Progr. Basel 1890 ,

repris dans Kleine Schriften , t. I,Leipzig 1901, p. 114 ; 168 K . Ries, Isokrates und Platon im Ringen um die Philosophia, Diss., München 1959, p. 90 ). Iso crate , malgré tout, dépasse la formulation de Protagoras puisqu 'il fait dépendre

de la parole les principes de Dikè et d 'Aidôs, qui pour Protagoras étaient la garantie ultime des lois (cf. 169 J. de Romilly,Magic and Rhetoric in Ancient

Greece, Cambridge (Mass.]/London 1975, p . 53 ; Eucken 46 , p . 253) .

Malgré ces influences, Protagoras n 'est cité que dans l'Éloge d 'Hélène (§ 2),

où ilest choisi comme représentant des sophistes anciens,auprès de Gorgias, de

914

ISOCRATE D 'ATHÈNES

I 38

Zénon et de Mélissos, et il est considéré comme prédécesseur des socratiques dans l' élaboration de paradoxes (cf. infra ).

Gorgias : Sur l'apprentissage d'Isocrate auprès de Gorgias et sur sa datation possible, ainsi que sur l'influence stylistique du sophiste sur Isocrate , cf. supra. Isocrate mentionne le sophiste à trois reprises. Dans le proème de l' Éloge d 'Hélène, il critique Gorgias ouvertement comme un des sophistes qui ont légué des écrits paradoxaux , et le place dans une tradition d'auteurs de paradoxes qui

remonte aux philosophes éléates et se poursuit jusqu 'aux socratiques. Gorgias,

nous dit-il, « ose déclarer que rien n 'existe de ce qui est» ( 3 = DK 82 B 1). Dans Sur l'échange 268 , il répète, avec certainesmodifications, cette désappro

bation des spéculations ontologiques stériles : les êtres étaient quatre selon Empédocle, trois selon Ion , deux selon Alcméon , un selon Parménide et Mélis sos, et absolument aucun d 'après Gorgias. Isocrate juge de telles spéculations comme des « inventions extraordinaires » semblables à des « tours d'adresse

(Oavuatonoliaus) qui ne servent à rien » ($ 269).Le caractère négatif du juge

ment devientmanifeste ,comme l'a montré Too 19, p.238 (cf.aussi Wilcox 97), quand on constate l' utilisation péjorative de ce même vocabulaire dans Panathé naïque 77 sq. Dans ce même discours , Isocrate cite ($ 155 sqq.) l'exemple de

Gorgias pour prouver qu' être un maître professionnel n 'implique pas amasser une grande fortune : bien qu 'il ait été le sophiste qui a gagné le plus d'argent

grâce à ses honoraires élevés et au fait de ne pas devoir entretenir une famille ni aider sa patrie, puisqu 'il menait une vie itinérante , il ne laissa que mille statères à sa mort ($ 156 = DK 82 A 18 ). En revanche, Isocrate a toujours vécu lié à sa

patrie , l' a aidée et a assuré son bien - être en dépit de ses revenus, très inférieurs à

ceux de Gorgias ($ 158). Quand Isocrate mentionne le sophiste, son jugementest manifestementnégatif. De plus, à deux reprises il fait allusion au sophiste sans le nommer en établis

sant une compétition avec lui. Dans l’Éloge d'Hélène, il loue l'auteur d'un traité sur Hélène qui,malgré tout, a commis l' erreur de prétendre qu'il écrit un éloge,

quand en réalité c'est une apologie qu 'il a faite ( 14). De nos jours on ne doute pas qu ’Isocrate fait référence à Gorgias. Cf. Gorgias, Éloge d 'Hélène 21 (1. II, p. 294 DK ) ; Blass 1, t. II, p. 72 sqq. ; Drerup 79, p . CXXXII ; Norden 161, t. I, p .64 ; 170 H . Gomperz , « Isokrates und die Sokratik » I, WS27 , 1905 , 163- 207 ; II, WS 28 , 1906 , 1-42, notamment p . 2 sqq. ; Buchheit 60 , p . 33 et 54 sqq. ;

Eucken 46, p . 75 et n . 98 ; Too 19, p . 238 . Les objectionsde Spengel 56, p . 71-75 (reprises par 171 K . Münscher, « 'looxpátous ' Elévng éyxbulov » , RAM 54 , 1899, p. 270 -276 ; Id . 3,

col. 2182 sq.; Brémond 5 , t. I, p . 158 sq.), ont été réfutées, en partant de points de vue diffé rents, par Buchheit 60, p . 57 sqq.; Eucken 46 , p. 76 sq. On peut voir des analyses compara

tives des deux éloges chez 172 L . Braun, « Die schöne Helena, wie Gorgias und Isokrates sie siehen », Hermes 90, 1982, p. 158-174 ; Eucken 46 , p. 92 sqq.; 173 J. C . Capriglione, « Elena tra Gorgia e Isocrate ovvero si l'amore diventa politica » , SicGym 38, 1985, p. 429 -443 ; et

174 K . Tuszyńska-Maciejewska, « Gorgias' and Isocrates' different Encomia of Helen » , Eos 75, 1987, p . 279-289. La compétition isocratique devient encore plus évidente si on considère les deux écrits comme des allégories de la rhétorique, suivant la proposition de 175 J. Poulakos, « Gorgias' Encomium to Helen and the Defense of Rhetoric » , Rhetorica 1.2 , 1983 , p . 1 - 16 ; et 176 Id ., « Argument, Practicality , and Eloquence in Isocrates' Helen » , Rhetorica

4 .1, 1986 , p . 1-19. D 'après l'interprétation de Kennedy 9, p . 180, et Too 19, p . 238, l' essentiel

I 38

ISOCRATE D 'ATHÈNES

915

de ce discours n 'est pas l' éloge qu'Isocrate fait de Gorgias en tant qu 'auteur de l'Éloge d 'Hélène,mais le reproche qui vient ensuite .

Le Panégyrique est conçu aussi comme une compétition intellectuelle d'Iso crate avec ses prédécesseurs dans les chants panhelléniques, notamment Gorgias et Lysias, qui avaient l'un et l'autre prononcé un discours aux Jeux Olympiques

de 392a et de 3884, respectivement (cf. Münscher 3, col. 2186 , et 177 H .-J. Newiger , c.r. de Buchner 153, dans Gnomon 33, 1961, p. 761-768 , notamment p . 765). Il est donc très probable , comme l'a suggéré Norlin 6 , p. XIII, qu ’ Iso crate doive à l'enseignement et à l'exemple de Gorgias l'idée que la rhétorique doit traiter des sujets de grande importance, panhelléniques. Il existe des ressem

blances verbales entre le début de ce discours et celui de l’Olympique de Gorgias (cf. Eucken 46 , p. 151). De même, aussi bien la pensée que l'expression du

$ 158,où Isocrate déclare que la guerre contre les barbares a inspiré des hymnes, tandis que la guerre contre les Grecs a inspiré des chants funèbres, ont été empruntées à l'Épitaphe de Gorgias (cf. Philostrate , Vies des sophistes 19 ). Sur la vision qu'Isocrate avait de la guerre comme phénomène de base de la vie sociale voir 178 M . Bettalli, « Isocrate e la guerra », Opus 11, 1992, p . 37-56 .

Gorgias est donc le modèle oratoire qu’ Isocrate cherche à dépasser (cf. 179 C . Natali, « Evitare Gorgia . La posizione di Isocrate verso il suo maestro » , SicGymn 38, 1985, p. 45-55 ). Cependant, la dette contractée par Isocrate envers lui est grande. Tout d 'abord , Isocrate, de même que Gorgias dans son Éloge

d'Hélène 13, définit sa propre activité dans Contre les sophistes comme « philo sophie » , en interprétant les discours philosophiques comme des disputes sur des questions pratiques et éthiques (cf. Eucken 46 , p. 17 sq.). C 'est à lui qu' il a emprunté l'idée du rapport entre la pensée et la communication , ainsi que l'idée du pouvoir psychologique de la parole . On a envisagé une influence des idées de Gorgias sur trois conceptions fondamentales de la pensée isocratique : - Gorgias aurait influencé la conception du royoc d 'Isocrate. Il y a cependant une différence fondamentale entre la description du logos dans l'Éloge d 'Hélène

deGorgias et son exaltation dans Nicoclès 5-9 : pour Gorgias il s'agit de quelque

chose de subjectif qui ne transcende pas les limites de l'individu, tandis que pour Isocrate c 'est quelque chose d 'objectif et d 'inter-personnel qui permet la culture (cf. Romilly 169, p . 52 sqq.; Eucken 46 , p. 254 ). Leur conception différente du

rapport entre le langage et la réalité a été analysée par 180 S. Jaekel,« Philo sophisch orientierte Ansätze einer Sprachtheorie bei Gorgias, Isokrates und

Epikur», Arctos 22, 1988, p. 43-57. - Gorgias aurait influencé aussi la conception de la boca d'Isocrate (cf.Wilamowitz -Moellendorff 34 , t. II, p. 110 ; Jaeger 8, t. III, p. 116 , 118 ; Steidle 59, p . 262). Cependant, Eucken 46 , p . 34, s'est opposé à juste titre à cette idée : Gorgias définit la doxa d'une façon négative et la considère comme un

motif d'infortune (cf. Éloge d 'Hélène 11 sqq., et Palamède 24), tandis que pour Isocrate c'est un motif de succès et de concorde et la seule chose qui permette une orientation positive vers la réalité (cf. supra). - Enfin , Gorgias aurait influencé la conception du xalpós d ' Isocrate

(cf. Contre les sophistes 16 ; aussi 181 W . Süss, Ethos. Studien zur älteren

I 38 ISOCRATE D 'ATHÈNES griechischen Rhetorik , Leipzig/Berlin 1910 , réimpr. Aalen 1975, p. 18 sqq. ; 916

182 J.Wilson , « KAIROS as “ DueMesure” », Glotta 58 , 1980, p. 199). En revan

che, Steidle 59, p. 271 sq., et Eucken 46 , p. 29, signalent qu'on ne sait rien sur le contenu du traité de Gorgias à ce sujet,mais on peut supposer qu 'il essayait d 'y

enseigner théoriquement la saisie du moment opportun , ce qui serait contraire au programme d'Isocrate (cf. aussi Cahn 43, p . 129, et supra ). L ' affirmation qu' on lit dans le Panegyrique que « la nature de la parole est telle qu' on peut (...) rendre petites les grandes choses et donner de la grandeur aux petites, exposer de façon nouvelle les idées anciennes et parler de façon classique sur les événements récents » ($ 8 ),

rappelle la formule que Platon , Phèdre 276 a -b, attribue à Tisias et à Gorgias. La ressemblance des expressions fut remarquée par Ries 168 , p. 101, et 183 G . J. de Vries, A Commentary on the Phaedrus of Plato, Amsterdam 1969, p. 222 sq. En dépit de la référence aux rhéteurs siciliens, 184 G . Teichmüller, Literarische Fehden im vierten Jahrhundert vor Chr., 2 vol., Breslau 1881 -1884 , t. I, p . 72 sq., et 185 H . Raeder, Platons philosophische Entwicklung, Leipzig 1905, p . 273 sq., ont compris cette ressemblance comme une critique adressée à la

formulation isocratique ; contra Eucken 46 , p. 270 sq. Les Socratiques : Cf. Gomperz 170 ; 186 Chr. Eucken , « Prinzipien des

Handelns bei Isokrates und den Sokratikern », ZfP 25, 1978, p . 142-153 ; Id. 46 , p. 18-25 et 45 sqq. Le Contre les sophistes commence par une attaque adressée

contre « ceux qui s 'adonnent aux discussions (TWV nepì tàç špidas Platpl Bóvtwv) ». Les éristiques ou disputeurs sont les philosophes socratiques, comme le montre le fait qu ' Isocrate , tout au long de ses écrits, associe la dispute (épis)

aux socratiques , soit à tous les socratiques en général, soit à Platon ou Aristote en particulier (cf. Éloge d'Hélène 6 , Sur l'échange 258 et 261, et Épître à Alexandre 3 ; voir Gomperz 170, p. 172 sq., et Eucken 46 , p . 8 sqq.). On a pensé que la cible de l'attaque était un groupe concret de socratiques: 187 L . Spengel, Isokrates und Platon , coll. ABAW 7 ,München 1855, p . 747, a songé aux philosophes

mégariques; d 'autres critiques ont songé à Platon (cf. 188 H . Bonitz, Platonische Studien, 3e édit., Berlin 1886 , réimpr. Hildesheim 1968, p . 136 n . 26 ; Jaeger 8 , t. III, p . 115 et 398 ;

Steidle 59, p. 259 ; Ries 168, p . 25 sqq.) ; à propos d 'Antisthène, cf. infra . Isocrate, cependant, dans le but d'atteindre le plus grand nombre d'adversaires par son attaque, semble avoir

consciemment passé sous silence les traits distinctifs des différents groupes de socratiques (cf. 189 A . Patzer, Antisthenes der Sokratiker. Das literarische Werk und die Philosophie dar gestellt am Katalog der Schriften , Diss. Heidelberg 1970 , p . 239 sqq. ; Eucken 46 , p. 19 sq. ;

Hudson -Williams 130, p . 21; 190 G . Giannantoni, SR , t. III, Roma 1985, p. 246 ; Too 19,

p. 160 sq.). Isocrate critique les principes socratiques qui s'opposent davantage à sa

propre philosophie (§ 1-8 ): les socratiques proclament qu'ils cherchent la vérité,

mais ils démentent leur programme par leurs mensonges (§ 1). Ils prétendent aussi posséder une science quimène au bonheur et pouvoir la transmettre (§ 3) ;

néanmoins, le bonheur est en rapport avec l'adéquation à des circonstances concrètes, c'est pourquoi posséder une telle science équivaut à la capacité de prévoir l'avenir. Bien que cette science soit si importante, ils ne demandent en

échange qu’un mince salaire : trois ou quatre mines seulement ($ 3). Et ils ne se fient même pas à leurs disciples, puisqu 'ils exigent en garants de ceux -ci des

gens qui n 'ont jamais été leurs élèves, ce qui est illogique (§ 4-6). Dans § 7-8 , Isocrate récapitule ses critiques et en fait l'objet du consensus général concernant les occupations des socratiques : « bavardage et petitesse d 'esprit (ådoreoxiav

1 38

917 ISOCRATE D 'ATHÈNES xai ulxponoviav) etnon pas culture de l'âme( tñs quxñséléNelav )». Mais,

même si l'enseignement des socratiques, lorsqu'il est pratiqué,produit des résul tats désastreux, il est, en tout cas, meilleur que celui des maîtres de rhétorique (§ 20 ), parce que les premiers ont au moins promis dans leur discours vertu et prudence, tandis que ceux -ci ont voulu enseigner par indiscrétion et convoitise (cf. Éloge d 'Hélène 6 ).

Dans l'Éloge d'Hélène,Isocrate considère toujours les socratiques comme des philosophes disputeurs. Isocrate les différencie des autres disputeurs (ärol dé), les rhéteurs , renforçant ainsi la distinction du Contre les sophistes (cf. Patzer 189 , p. 242 sq., Eucken 46 , p. 47 sqq., et infra ). Il divise à nouveau les socrati ques, qui se vantent de pouvoir disserter de manière appropriée sur un argument étrange et paradoxal (äronov xai napádočov), en deux groupes : les uns (notamment Antisthène; cf. infra ) ont atteint la vieillesse, en affirmant qu 'il n 'est pas possible de mentir, nide contredire , ni d'opposer deux développements sur les mêmes thèmes, tandis que les autres, expliquant que le courage, la

sagesse et la justice sont la même chose, que par nature nous ne possédons aucune de ces qualités et qu 'il n'y a qu'une science (Énlotnun) qui les concerne toutes. Isocrate disqualifie l' éthique des socratiques en les situant dans une ancienne tradition de paradoxes qui remonte à la spéculation éléatique et sophistique sur l'être( cf. § 3). Antisthène : Le représentant principal des socratiques au moment où Isocrate compose ses premiers discours est Antisthène et non pas Platon , dont l'école ne

dépassera que plus tard la renommée et le prestige de celle d 'Antisthène ( cf. néanmoins Hudson -Williams 130, p . 20 sq.). A l'époque où Isocrate ouvrait son école , Antisthène établissait la sienne. C 'est vers 392a qu 'il faut situer les pre miers traités programmatiques de son école : la Vérité ('AnńDela ), de caractère

logico -dialectique, et un Protreptique à finalité éthique (SR fr. V A 208 ; cf. 191 A . Brancacci, OIKEIOS LOGOS. La filosofia del linguaggio diAntistene, coll. « Elenchos» 20, Roma/Napoli 1990 , p . 36 et 97 sqq.). C 'est donc une opinion majoritaire que la cible principale (parfois la seule ) de l'attaque qui ouvre le discours Contre les sophistes est Antisthène.

Cf. 192 H .Usener, Quaestiones Anaximeneae, Göttingen 1856 , p. 12 (= Kleine Schriften , t. I, Leipzig /Berlin 1912, p. 10 ) ; 193 Id ., « Abfassungszeit des platonischen Phaidros» , RAM 35, 1880, p. 131- 151, notamment p. 137 (= Kleine Schriften, t. III, Leipzig /Berlin 1914 , p. 55 74 ) ; 194 F . Überweg, Untersuchungen über die Echtheit und Zeitfolge platonischer Schriften und über die Hauptmomente aus Plato 's Leben , Wien 1861, p . 257 ; 195 Id ., « Zu Isokrates» , Philologus 17 , 1868, p . 175-180, notamment p. 175 sqq. ; Teichmüller 184, t. I, p. 84 ; 196 C . Reinhardt, De Isocratis aemulis, Thèse, Bonn 1873 , p. 24 - 28 ; 197 P . Natorp, art. « An tisthenes » 10, RE I 2, 1894 , col. 2538 - 2545 , notamment col. 2540 ;Münscher 3, col. 2172 sq. ;

Wilamowitz -Moellendorff 34, t. II, p. 108 sq .; Raeder 185, p. 138 ; Burk 4, p. 33 sq. et 51; 198 W . Burkert, c .r. de Ries 168 , dans Gnomon 33 , 1961, p . 349- 354 , notamment p . 351 ;

Eucken 46 , p. 25 sq ., 45 sq. et 65 sqq. ; Giannantoni 190, p . 245 sq. ; Brancacci 191, p. 97 sqq.

Les données suivantes, exposées surtout par Überweg 195 et Eucken 46 , semblent confirmer cette opinion :

- Le fait que les Socratiques feignent de chercher la vérité (§ 1 årńDelav Inteīv), alors que dès le débutde leurprogramme (énáyyarma ) ils se mettent à

ISOCRATE D 'ATHÈNES

918

I 38

mentir (Levon Réyelv ), semble faire allusion de façon burlesque au traité Vérité (sur ce traité, cf.Giannantoni 190, p . 300 sq., et Brancacci 191, p. 25 sqq. et 97 sqq.).

- La prétention d'une science dogmatique et absolue (§ 2 sq .) n'a aucun rap port avec la maïeutique socratique ni avec les premiers dialogues aporétiques de Platon ,mais elle se rapproche des doctrines d' Antisthène ( cf. Eucken 46 , p. 20 ).

- La prévision des åyadá et xaxá futurs ($ 2) aurait été enseignée par Antisthène, de la même manière que par le Socrate du Lachès platonicien (cf.

199 K . Jöel, « Zu Platons Laches» , Hermes 41, 1906 , p. 310-318 , notamment p . 314 , 200 M . Pohlenz, Aus Platos Werdezeit, Berlin 1913, p . 29 sq.,Münscher 3, col. 2173, et récemment Brancacci 191, p. 102). - Isocrate montre l' impossibilité de prévoir l'avenir en alléguant l'autorité d'Homère (§ 2). Eucken 46 , p. 26 , suggère que l'on peut rapprocher cela du fait

qu ’Antisthène avait consacré plusieurs æuvres à l'interprétation des poèmes homériques.

- Antisthène touche des honoraires pour son enseignement ($ 3); cf. D . L . VI 9 (= SR fr. V A 172). - Antisthène soutient que la vertu peut s'enseigner (§ 4 ) ; cf. D . L . VI 10 et VI

104 sq . (= SR fr. V A 134 et 135). - Il y a des échos dans le vocabulaire: pour å avátous ( $ 4 ), cf. D . L . VI 10 ( = SR fr . V A 135 ) ; pour uegey YVOūUTAS ( 5 ) , cf. D . L . VI 9 (= SR fr. VA 172 ). - Les disputeurs affirment « qu 'ils n 'ont nul besoin de biens, qualifiant la richesse de métal vil et d'orméprisable (åpyupídlov xai xpuoídlov)» (8 5). Sur

le mépris d'Antisthène pour la richesse et sur sa vie austère, voir Xénophon, Banquet IV 34 sqq. (= SR fr. V A 82).

- La critique envers ceux qui observent les contradictions dans les mots mais n 'examinent pas celles des actions ($ 7) peut aussi faire allusion à Antisthène ; parmi ses traités (cf. D .L . VI 17), on trouve un Mepi Taldeias ñ nepi óvouá

των, et un Περί ονομάτων χρήσεως ή εριστικός egalement (sur la signification de Éplotixóc dans ce titre, voir Giannantoni 190 , p. 225 , et Brancacci 191, p. 32 et 45). Les deux traités auraient été composés peu après le traité Vérité (cf.

Brancacci 191, p. 36 sq.). Brancacci 191, p . 102 sqq., a suggéré que l'écrit d 'Antisthène qu’Isocrate a sous lesyeux en faisant ces critiques n 'est pas la Vérité, comme on le pense généralement,mais le Protrep . tique qu 'on lit chez Dion Chrysostome, Discours XIII 16 -27 ( = SR fr. V A 208 ), où la

« recherche de la vérité » s'identifiait à Diogopelv et formait un tout avec émiomun. Il a éga lement proposé (p. 38) que la réplique à ces violentes attaques serait une série de pamphlets à propos de l'activité logographique d ' Isocrate qui donnèrent lieu à la réplique tardive du pen

seur dans Panegyrique 188 sq. ( cf. infra ).

Dans le proème de l'Éloge d'Hélène (385a), Isocrate s'attaquait, entre autres, à ceux qui « ont atteint la vieillesse , en affirmant qu 'il n 'était possible ni de dire, ni de contester des erreurs , ni d'opposer deux développements sur les mêmes

thèmes » ( $ 1). Étant donné l'âge évoqué aussi bien que le contenu de cette cri tique, il se réfère exclusivement à Antisthène.

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919

Cf. Spengel 56 , p . 73 ; Id. 187, p . 755 ; Usener 192, p . 9 (= Kl. Schr., p . 8 ); Gomperz 170, p . 174 et n. 1 ; Münscher 3, col. 2181 ; Brémond 5, t. I, p. 155 ; Ries 168 , p. 50 ; Patzer 189, p . 241 sqq. et n . 138 ; Eucken 46 , p . 9 et 46 ; Giannantoni 190 , p. 246 sq. ; Brancacci 191, p. 240 sq.

Le contenu de l'attaque s'adapte parfaitement à l’’Annoela d'Antisthène, où ,

comme dans l'æuvre homonyme de Protagoras, était traitée la théorie commune de l'impossibilité de contredire (cf. Panégyrique 7-8 infra; 201 R. Hirzel, Der Dialog. Ein literarischer Versuch , Leipzig 1895, réimpr. Hildesheim 1963, t. I, p. 119, et Patzer 189, p. 115). Voir aussi 202 O . Gigon , Sokrates. Seine Bildung in Dichtung und Geschichte, Bern 1947, p . 296 , selon lequel dans ce traité Antisthène exposerait sa thèse sur le rapport de l'homme et de l’être, sous la

forme d 'un débat sur la tradition éléatico - sophistique (cf. Giannantoni 190 , p. 299 sq.). Antisthène aussi serait inclus parmi les disputeurs du deuxième

groupe de socratiques, dans la mesure où il soutenait que tous les actes du sage sont guidés par la vertu (cf. SR fr. V A 192).

On a considéré que d'autres passages du proème faisaient référence à Antisthène : dans $ 8 il rapporte que certains « osent écrire que la vie des mendiants et des exilés ( tāv ntw

YEVÓVTWv xai bevyóvrwv) est plus enviable que celle des autres hommes » (cf. Usener 192 , p . 9 = Kl. Schr., p . 8 ; 203 A .Mueller, De Antisthenis Cynici vita et scriptis , Thèse,Marburgi Cattorum 1860 , D. 18 n. 2 ; Überweg 195 , p . 179 ; Gomperz 170 , p . 175 ; Eucken 46 , p . 65 ; contra , Münscher 3 , col. 2182 ; Patzer 189, p . 244 sq. ; Giannantoni 190, p . 249). Dans le $ 12, il critique des orateurs « qui ont voulu faire l' éloge des Boußudiol, du sel ou de semblables

sujets » . Boußuriós peut signifier « bourdon » (ainsi le traduisentMathieu et Brémond 5, t. I,

p . 166 ), mais aussi une sorte de récipientpour boire, et c'est dans ce deuxième sens que l'uti lise Antisthène dans son Protreptique (SR fr. V A 64 ; cf. 204 A . W . Winckelmann, Antisthenis

fragmenta , Turici 1842, p. 21 ; Gomperz 170, p. 175 ; Eucken 46 , p. 70 sq .; Giannantoni 190, p. 249 ; contra,Münscher 3, ibid., etPatzer 189, ibid .)

L 'attaque contre les disputeurs se poursuit dans la section centrale (cf. Eucken 46 , p. 101 sqq., et Poulakos 176 ). Gomperz 170 , p. 175, avait déjà détecté dans

la comparaison entre Thésée et Héraclès (§ 23 sqq.) une critique de l'idéalisation d'Héraclès par Antisthène. Cette idée a été développée par Eucken 46 , p. 101

sqq. Isocrate s'oppose à l'idée exposée par Antisthène dans l'Héraclèsmajeur, à savoir que le tróvoç est un bien qui permet à l'homme de se suffire à lui-même (cf. SR fr. V A 97 -99 ): Héraclès effectua ses novou en tant que sujet d'Eurysthée, et donc comme un être non -autosuffisant; en outre, les dangers les

plus célèbres et les plus graves qu 'il dut affronter « étaient sans utilité pour autrui et ne comportaient de risques que pour lui seul» ($ 25). Isocrate recaractérisera plus tard le concept de novos ( 8 52 sqq.) comme utile à la communauté et

orienté vers la divinité , ce qui suppose qu 'il a essayé de dépasser la conception de l’autarcie morale proposée par Antisthène. Face à son refus de l'égalité et de

la démocratie (cf. Aristote, Politique 1284 a 15 sqq. = SR fr. V A 51), Isocrate défend dans l'excursus sur Thésée que l'homme ne peut être libre qu'à l' inté

rieur de la communauté, c'est-à-dire en étant un citoyen, et il défend le système démocratique. Eucken 46 , p. 103, a signalé une autre opposition possible à Antisthène. La figure de Thé sée et de la démocratie athénienne est construite sur le modèle du discours funèbre que Péri clès prononça chez Thucydide (cf. supra ). D 'après 205 H . Dittmar, Aischines von Sphettos.

Studien zur Literaturgeschichte der Sokratiker, coll. « Philologische Untersuchungen » 21,

920

ISOCRATE D 'ATHÈNES

1 38

Berlin 1912, p . 1 -17, l’ ’Aonaola d ' Antisthène (tome VI, nº 23 ; la numérotation suit l'édition

du catalogue tel qu'il a été édité par Patzer 189, p . 111-117, et reproduit dans DPHA A 211, t. I, p . 252 sq.) consistait en une sévère invective contre Périclès, qui avait succombé à sa pas

sion pour Aspasie (cf. SR fr. VA 142-144 ; cf. Giannantoni 190, p. 295 -297). Isocrate aurait donc réhabilité la figure de Périclès et son amour pour Aspasie à travers l'amour de Thésée, le meilleur des héros, pour Hélène.

Au fur et à mesure que Platon acquiert de la réputation, Antisthène passe au second plan dans les écrits d ’Isocrate . Dans le Panegyrique on peut encore trou

ver des allusions polémiques. En § 7 -8, Isocrate remarque qu'il n 'est pas impos sible de faire connaître un même fait autrement que par une seule expression, mais que « la nature de la parole est telle qu 'on peut s 'expliquer de bien des façons sur le mêmesujet» . C 'est justement le contraire de ce qu 'Antisthène avait soutenu dans son traité 'Aandela (cf. supra ). Vers la fin de l'æuvre, Isocrate exhorte les Grecs à chercher la réconciliation d'Athènes avec Sparte , et il invite ceux qui prétendent à l'éloquence à « cesser d'écrire contre le Dépôt (npoç tņu

napaxataOnxnv) et sur les autres sujets futiles d 'aujourd 'hui» et à rivaliser avec le discours qu'il vient de faire . On y a vu une allusion au Contre Euthynous qu 'Isocrate composa pour faire face à Lysias dans un procès qui eut lieu vers

4030/402a (qui peut coïncider ou non avec le discours qui nous est parvenu ; cf. supra ) et où il s'agissait d'un dépôt fait en l'absence de témoins ; voir, néan moins, 206 R .J. Bonner, « Note on Isocrates' Panegyricus IV 188 », CPh 15 , 1920 , p. 385- 387, qui considère le dépôt comme un lieu commun d'exercices

oratoires. Antisthène aurait composé comme réplique un Ipòs tov 'looxpá TOUS 'Auáptupov (Catalogue, tome I, n° 7 ; cf. Blass 1 , t. II, p. 219 sqq . ;

Münscher 3 , col.2157 sq.; Mathieu et Brémond 5 , t. II, p. 63 n . 4 ; Patzer 189, p . 245 sq.; Eucken 46 , p. 160 sq.). Ce traité fut publié selon toute probabilité en

riposte aux premiers traités scolaires d' Isocrate, quand celui-ci niait avoir écrit des discours judiciaires, ce qui augmenterait le mordant de l'attaque (cf. Giannantoni 190, p. 244, et Brancacci 191, p. 38 ). Outre cette cuvre, nous trou vons les titres suivants dans le catalogue d 'écrits d’Antisthène: lepi tõu dixoypáowv, 'looypáon < c> xai Aeolaç ñ 'looxpárns (tome I, nº 5 et 6 ). Il est difficile de savoir le titre précis de ces traités, de même que leur nombre. Les différentes propositions ont été examinées par Giannantoni 190, p. 239-243, qui sug gère (p. 243) l'existence d 'une seule æuvre appelée Nepi tūv Olxoypáowv: ' looypáon < c> ñ

Aeolas, avec le sous-titre 'looxpátous 'Auáprupov. Antisthène y aurait déformé les noms d 'Isocrate et de Lysias, adversaires dans ce procès-là, de la mêmemanière qu'il appela Platon « Záowy » (cf. 207 M . Pohlenz , « Antisthenicum » , Hermes 42, 1907 , p. 157- 159 ; Wilamo

witz -Moellendorff 34 , t. II, p. 113 sqq. ; Kroll 25, col. 1051 sq.; 208 F . Decleva Caizzi (édit.). Antisthenis fragmenta , Milano /Varese 1966 , p . 78 sq . ; 209 M . Tulli, « Sul rapporto di Platone

con Isocrate : Profezia e lode di un lungo impegno letterario » , Athenaeum 78, 1990, p. 403 422, notamment p . 409) .

La polémique entre Isocrate et Antisthène semble se terminer par cette réfé rence (cf. Patzer 189 , p . 246 ). A mesure que nous avançons dans le temps, les

références à Antisthène sontmoins probables (cf. Giannantoni 190, p. 249, qui a compilé les propositions d'allusions d'Isocrate à Antisthène après le Panégy rique ).

138

ISOCRATE D 'ATHÈNES

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Platon : Cf. la bibliographie ancienne chez Münscher 3 , col. 2171; Blass 1 , t. II, p. 28-41 ; 210 F. Schleiermacher, Platons Werke, Berlin 18553, t. I 1, p. 51, 279, 366 ; Spengel 187, p. 731 769 ; 211 Id ., « Isokrates und Platon », Philologus 19, 1863, p. 593-598 ; 212 L . Konvalina, Die Prophetie in Platons Phaedrus und Isokrates ' Rede gegen die Sophisten , Progr. Marburg

1866 ; 213 W . H . Thompson (édit.), Plato. Phaedrus, London 1868, p. 170- 183 ; 214 C . Huit, « Platon et Isocrate » , REG 1, 1888, p. 49-60 ; Blass 1 , t. II, p. 28 -41 ; Jebb 2, t. II, p. 3 sq. et

49-53 ;215 E. Holzner, Platon 's Phaedrus und die Sophistenrede des Isokrates, Prague 1894 ; Gomperz 170 ; Raeder 185 , p . 269 sqq. ; 216 C . Ritter, Platon , t. I, München 1910 , p . 209

215 ; Wilamowitz -Moellendorff 34, t. II, p. 106 -125 ; Burk 4, p. 29- 32 et 199 sqq. ; 217 G . Rudberg, « Isokrates und Platon » , SO 2, 1924, p . 1 -25 ; 218 M . Mühl, « Zu Isokrates und

Platon » , PhW 1926 , p. 1289 ; Mathieu 24, p. 177 sqq. ; 219 Id., « Les premiers conflits entre Platon et Isocrate et la date de l' Euthydème» , dans Mélanges Gustave Glotz, Paris 1932,

p . 555-564 ; 220 L . Robin , « Notice » , dans C .Moreschini et P. Vicaire , Platon. Phèdre, CUF, 2e édit., Paris 1985 (19331), p. VII-CCV, notamment p. XXXII-XXXV et CCI-CCV ; 221 R .

Flacelière , « L 'éloge d' Isocrate à la fin du Phèdre», REG 46, 1933, p. 224 sqq.; 222 R .L. Howland, « The Attack on Isocrates in the Phaedrus» , CO 31, 1937 , p . 151 sqq.; Mathieu 5 ,

t. III, p. 91 s99. ; 223 0 . Regenbogen , « Bemerkungen zur Deutung des platonischen Phaidros » ,Misc. Acad . Berlin 2.1, 1950, p. 189-219 (= Kleine Schriften , München 1961, p . 248- 269) ; Steidle 59, p . 288 -293 ; 224 G . J. de Vries, « Isocrates' Reaction to the Phaedrus» , Mnemosyne 6, 1953, p. 39-45 ; Jaeger 8, t. III, p. 257 sq.; Ries 168 ; Burkert 198,

p. 352 sq. ; Buchheit 60, p. 90 sqq.; 225 J.A . Coulter, « Phaedrus 279 A : The Praise of Isocrates » , GRBS 8, 1967, p. 225 -236 ; G .J. de Vries 183, p. 15 sqq et 263 sq .; 226 ld., « Isocrates in the Phaedrus. A Reply » ,Mnemosyne 24 , 1971, p. 387 -390 ; 227 Id., « Plato en de rhetorica » , Lampas 9, 1976 , p . 158 sqq. ; Romilly 169, p . 57 sq. ; Lesky 13, p. 660 sq. ;

228 H . Erbse ,« PlatonsUrteil über Isokrates», Hermes 1971, p. 183-197 (repris dans Seck 15, p. 329-348, avec addendum de 1973, p. 348 -352); 229 M . Brown et J. Coulter, « The Middle Speech of Plato 's Phaedrus » , JHPh 9, 1971, p. 405-423 ; 230 V . Tejera, « Irony and Allegory in the Phaedrus » , PhRh 8, 1975 , p. 71-87 ; 231 F . Seck , « Die Komposition des “ Panegy rikos ” » , dans Seck 15 , p . 353-370, notamment p . 364 sqq .; 232 N . Voliotis, « Isocrate et Platon . Un effort pour interpréter Phèdre 278 e-279 b » (en grec moderne ), Platon 29, 1977 , p . 145 - 151; 233 Id., « Le terme" philosophie " dans les æuvres d 'Isocrate et les aspects remar quables dans celles de Platon et d'Aristote » (en grec moderne), Platon 30 , 1978 , p . 134 - 139 ; 234 Id., « La théorie isocratique de la connaissance par rapport à Platon et à Aristote » (en grec moderne), Platon 31, 1979 , p. 252-259 ; 235 Id ., « Recherches religieuses etmétaphysiques au IVe siècle av. J.-C . La théologie de Platon et d ' Aristote en relation avec Isocrate » (en grec

moderne), Platon 32- 33, 1980 -81, p . 356 - 366 ; 236 J. Laborderie , Le dialogue platonicien de la maturité, Paris 1978, p. 436 -440 ; 237 R . Burger, Platos 's Phaedrus, Alabama 1980 , p . 115 sag .; 238 S . Dusanić, « The Political Context of Plato 's Phaedrus» , RSA 10, 1980, p . 1- 26 ;

239 R . Clavaud, Le Ménexène de Platon et la rhétorique de son temps, Paris 1980, p. 297 302 ; Eucken 46 , p. 271 sqq . ; 240 N .D . Démétriadès, Anatomie de la rhétorique. Le désac cord entre Isocrate et Platon (en grec moderne), Athènes 1983 ; 241 D . Babut, « Sur quelques énigmes du “ Phèdre " », BAGB 3, 1987 , p . 258 sq., 281 sqq.; 242 M . Laplace, « L 'hommage de Platon à Isocrate dans le Phèdre » , RPh 62, 1988, p. 273- 281 ; 243 E . Heitsch , « Tiulo tepa » , Hermes 117, 1989, p . 278 -287 ; Lombard 18 , p . 17 sq. ; 244 Th . A . Szlezák, « Zum

Kontext der platonischen Thuidtepa . Bemerkungen zu Phaidros 278b-e » ,WJA n.s. 16 , 1990 , p. 75 -85 ; Tulli 209 ; 245 T. H . Irwin , « Plato : The Intellectual Background » , dans R . Kraut ( édit.), The Cambridge Companion to Plato , Cambridge 1992, p . 51-89, notamment p . 67 ; 246 G . Mazzara, « Lysias et Isocrate : ironie et simulation dans le Phèdre » , dans L . Rossetti (édit.), Understanding the “ Phaedrus ". Proceedings of the II Symposium Platonicum , coll. « Intern. Plato Studies » 1, SanktAugustin 1992, p. 214 -217.

A la fin du Phèdre (278 e - 269 b), Socrate porte un jugement sur son « com

pagnon (Étaſpoç)», le « bel Isocrate ('looxpárnu tòv zaróv)» (278 e): ses

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922

1 38

qualités naturelles (tà tñs púoews) lui donnent trop de supériorité pour qu 'on compare son éloquence à celle de Lysias ; en outre , son temperament moral (ňoel) est plus noble (279 a). Ensuite il prophétise (279 a-b) : il n 'y aurait rien d ' étrange à ce que, avec le temps, dans ce même genre d'éloquence qu' il prati que à présent, il laissât en arrière, comme des enfants, tous ceux qui quelquefois se sont adonnés à l' éloquence ; ni non plus, si cela ne le satisfaisait pas, à ce qu 'une impulsion plus divine (tig opun Delotépa ) le menât à de plus grandes choses (éni ueícw ). « La nature (púbel), dit Socrate, a mis dans son esprit une

certaine philosophie (TLS Qlooopia )» . L 'analyse de l'éloge est compliquée : on doit situer la prophétie sur l'avenir d ' Isocrate à la fin du Va, tandis que, lorsque le Phèdre est publié, le penseur a dépassé la soixantaine; on a donc pensé que l' éloge nemanquait pas d 'une cer

taine ironie (cf. Flacelière 221 ; Voliotis 232 ; Eucken 46 , p . 271 sqq.; Laplace 242 ). L 'interprétation du passage commeune raillerie envers un jeune homme qui promettait d 'aller très loin , mais qui, finalement, n ' a pas progressé dans le sens que lui prédisait Socrate , a été souvent reprise (cf. Spengel 187, p . 19 et 39 ; Jebb 2 , t. II, p . 50 ; Raeder 185 , p . 269

sqq. ; Howland 222 ; de Vries 183 et 224 ; Coulter 225 , 226 et 227 (contestés par Erbse 228 ) ;

Burger 237, p . 115 sqq.; Heitsch 243; Irwin 245, p. 67 ; Mazzara 246, d 'après qui, derrière la figure de Lysias, Platon aurait caché celle d 'Isocrate). En revanche, d'autres critiques, ainsi que la Vie anonyme (Mathieu et Brémond 5 , p . XXXV , 93 sqq.), ont soutenu que Platon faisait

un éloge sincère d'Isocrate (cf. Schleiermacher 210 , t. I 1, p . 51 ; Blass 1, t. II, p . 28 sqq. ; Wilamowitz -Moellendorff 34 , t. II, p. 106 sqq. et 121 sq. ; Ries 168 , p . 90 - 129, et récemment

Tulli 209). D 'après Tulli 209, l'évolution que Socrate envisage pour lui est celle qui se pro duisit dans la première décennie du Iva, quand Isocrate abandonna la rhétorique judiciaire pour se consacrer à l'éloquence épidictique. La confrontation entre les discours judiciaires d'Isocrate et ceux de Lysias était devenue traditionnelle dans la première moitié du Iva :

Antisthène et Speusippe ont penché pour Lysias, Platon pour Isocrate , qui est plus ou moins un échelon intermédiaire entre Lysias et la rhétorique philosophique que le philosophe pro pose dans le Phèdre (cf. Brown et Coulter 229 ; Tejera 230 ; 247 E . Asmis, « Psychagogia in Plato 's Phaedrus » , ICS 11, 1986 , p . 153 -172 ; 248 M . Laplace, « Platon et l'art d'écrire des

discours : critique deLysias et d' Isocrate , influence sur Denys d 'Halicarnasse », Rhetorica 13, 1995, p. 1-15). Tout cela n'interdit pasde percevoir toutdemême une attaque dans l'éloge, si légère soit-elle : le passage de la logographie aux grands discours politiques présuppose qu'l socrate fut un logographe pendant quelque temps, ce qu 'il essaya de cacher depuis le début de

son activité éducatrice (cf. supra. On lit une interprétation historique de l'éloge dans Dusanić 238 ).

C 'est là l'unique mention d 'Isocrate conservée dans le corpus platonicien . Mais, aussi bien dans les écrits de l'un que de l'autre , on a détecté de nom breuses allusions réciproques, la plupart du temps polémiques. Ce rapport a été récemment étudié à fond par Eucken 46 , qui a réalisé un traitement équilibré en

évitant de subordonner un penseur à l'autre. Isocrate a adopté avec Platon la même stratégie polémique qu'avec Antisthène (cf. supra) : il évite l' affrontement ouvert et se réfère à lui au moyen d'allusions indirectes mais facilement compré hensibles par les lecteurs contemporains. Pour sa part Platon , à la différence d'Antisthène, assume dans cette polémique les armes de son adversaire, et fait référence à lui de la mêmemanière indirecte et allusive. C 'est donc une tâche

épineuse que dedécider quand les parallélismes entre les deux auteurs supposent

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un affrontementde leurs théories(cf. 249 W . Burkert, c.r. d’Eucken 46, dansMH 42, 1985, p. 355 sq., Hudson -Williams 130, p. 20 sq., et surtout 250 W . K .C . Guthrie , A History of Greek Philosophy, t. IV , Cambridge 1975, p . 308 ). Un autre problème qui rend difficile l'analyse est celui de la chronologie des dia logues de Platon , qui, bien souvent, empêche d ' établir avec certitude un rapport de cause à effet (cf. Burkert 198 , p. 350 ; 251 R . Nickel, c.r. d'Eucken 46 , dans Gymnasium 92, 1985, p . 545-547, notamment p . 545 ). Tulli 209 , p . 403 sq., est

sceptique par rapport aux résultats de cette recherche. Suivant essentiellement

Eucken 46, nous allons exposer les points principaux de cette polémique tacite. (1) Le Gorgias de Platon : L'attaque de Contre les sophistes 1-8 , à l'égard des socratiques en tant que « disputeurs» aurait trouvé en passant une réponse dans le Gorgias:

- En 463 a, Socrate définit la rhétorique comme « une pratique étrangère à l’art, qui exige une âme douée d'imagination (Quxñs otoxaotixñs), de har diesse (ůvopeiac), et naturellement apte au commerce des hommes» , dont le

nom générique est flatterie (xonaxeia ). La définition contientdes échos termi nologiques de Contre les sophistes 17 (quxñs åvopixñs xai dočaotixñs), cité supra . L 'expression otoxaotixów couvre chez Platon la même signification que doçaotixóv chez Isocrate : la capacité d 'approcher de la vérité en ayant comme

guide non la connaissance, mais l'opinion quipermet de conjecturer. Il est possible que Platon fasse allusion sur le mode parodique à Isocrate ou bien que les deux renvoient à une source commune (cf. les états de la question de 252 E . R . Dodds (édit.), Plato. Gorgias. A Revised Text with Commentary , Oxford 1959 , p . 225 , et Eucken 46 , p . 36

et n. 145). La troisième possibilité , que ce soit Isocrate qui critique Platon en employant son langage, a été récemment envisagée par Too 19, p. 154 sqq., qui soutient que la place du

Contre les sophistes dans le corpus d ' Isocrate au début de son activité pédagogique ne doit pas forcément coïncider avec sa chronologie historique ; le fait que le discours s'en prenne surtout à Antisthène et non à Platon enlève de la valeur à cette proposition. Raeder 185 , p . 124 n . 3, et Dodds 252, p. 28 et 225 , ont nié un rapport entre les deux passages.

L ' intention du commentaire de Platon sera claire quelques années plus tard, quand dans la République (V 457 b 8, c 5 et 472 a 3) il distinguera le philosophe du « philodoxe» ; c'est sous ce nom qu 'il attaquera la paideia représentée par Isocrate (cf. 253 Y . Lafrance, La théorie pla tonicienne de la Doxa , coll. « Noêsis » ,Montréal/Paris 1981, p . 120 sq.).

- En 519 c, Platon débat, de même qu ' Isocrate dans Contre les sophistes 3-6 ,

sur la rémunération de l'enseignement. Il y critique ceux qui visent à être des

maîtres de vertu ,mais accusent souvent un de leurs disciples de leur faire tort « parce qu 'il refuse de les payer et qu'il ne leur témoigne pas toute la reconnais sance due à leurs bienfaits » . Platon défend qu 'il est impossible que des hommes devenus bons et justes traitent leur maître de la sorte, d 'où il découle que ces

hommes ne sont pas devenus bons et justes, et donc que le maître a échoué dans son enseignement. Jaeger 8 , t. III, p . 117, et Ries 168, p. 28 sq ., ont insisté sur la dépendance d ’Isocrate par rapport à Platon. Dodds 252, p . 365, et Burkert 198, p. 351, préfèrentpenser à une vieille plai santerie dirigée contre les sophistes. Eucken 46 , p . 39 sq., a soutenu que Platon reprend la raillerie d'Isocrate pour différencier les authentiques maîtres de vertu, qui ne pensent pas à leur sécurité financière, des faux .

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(2 ) L ’ Euthydème de Platon : Il est possible que Platon ait tenté de dépasser la définition isocratique de l'« éristique » dans l' Euthydème en établissant une distinction entre deux formes

de discussion : la dialectique, une forme de discussion sérieuse qui aspire à la science (290 c), et l' éristique, considérée comme très peu sérieuse (272 b ; cf. Eucken 46 , p. 11 sq. et 45 sqq.). Dans ce dialogue, on a reconnu la figure d' Isocrate derrière deux allusions: - En 304 c sqq., on parle d'un auteur anonyme de plaidoyers judiciaires qui n 'agit jamais en public et qui a exprimé son mépris général à l'égard de la philo

sophie . Socrate situe ce genre de personnes, à mi-chemin entre les philosophes et les politiciens, en dessous des uns et des autres, bien qu 'ils aient tenté de se rendre célèbres en discréditant les philosophes. La caractérisation cadre bien avec Isocrate . L 'identification a été défendue par Schleiermacher 210 , t. II 1, Berlin 1856 ), p. 279 et 366 (n . à p . 317, 23), et approuvée par Spengel 187, p. 36 , Thompson 213, p. 181, Blass 1 , t. II, p. 34 sq., Jebb 2, t. II, p. 50 sq ., Norlin 6 , 1. I, p . XIX n ., Gomperz 170 , p. 29 sqq., Ries 168 ,

p . 39 sq., Guthrie 250 , t. IV , p . 282 sq., et Eucken 46 , p. 47 sqq., qui réfute les objections de Gomperz 170, p . 31 sqq., de 254 H . von Arnim , Jugenddialoge und die Entstehungszeit des Phaidros, Leipzig/Berlin 1914 , p . 129, et de Wilamowitz -Moellendorff 34, t. II, p. 166 . Dans

la question de Socrate (Euthydème 305 b ) qui demande si ce personnage anonyme agissait devant les tribunaux ou préparait seulement les discours que d 'autres « exposaient dans le combat (àywvídeolau)», Eucken 46, p . 49, a vu des échos de la distinction isocratique expo

sée dans Contre les sophistes 13 et 15 , entre Nóywu troints et åywvloths.

- En 289 c -d , Platon distingue le fabricant du discours et la personne qui agit en public (àywvlotńs). Il ne considère comme artiste que ce dernier , d'où il découle que pour lui Isocrate n 'avait pas d'art à offrir (cf. Teichmüller 184 , t. I,

p. 52,Raeder 185 , p. 144, Ries 168 , p. 45, et Eucken 46 , p. 49 sq . et n . 24 ). (3) L ' Éloge d 'Hélène d ' Isocrate :

Dans le proème de l'Éloge d 'Hélène, Isocrate maintient sa conception de la philosophie éristique : on peut y établir des groupes, parmi lesquels les socra tiques, mais ils sont tous éristiques (cf. Ries 168 , p . 35 sqq., et supra). Cette atti tude d’ Isocrate peut s'expliquer en partie par le fait que la théorie qu 'il n 'est pas possible de mentir, ni de contredire , ni d 'opposer deux discours sur le même sujet, que Platon réfute comme éristique en l'attribuant à Protagoras (cf. Euthy

dème 283 e- 284c et 285d- 286c), est chez lui associée à la figure du socratique Antisthène (cf. Eucken 46 , p. 51 sqq.). Isocrate attaque les paradoxes des éristi

ques comme des connaissances exactes qui manquent d'utilité ( $ 5 nepi tõv åxpňotwv åxpißñç éniotaobal) pour la vie communautaire, ce qui peut déjà être interprété , d'après Eucken 46 , p. 56 -63, comme une anticipation de la criti

que qu ’Isocrate fait, dans le Sur l'échange ($ 258 sqq.), des enseignements théo riques (essentiellementmathématiques, géométrie et astronomie ) et de l'onto logie qui constituaient le curriculum de l'Académie . Cette polémique continue dans la partie centrale.Dans la description de la beauté ($ 54 -60) comme « être » et comme « idée » ( $ 54) , on trouve des échos de la terminologie platonicienne

(cf. 255 F . Dümmler, Akademika ,Gießen 1889, p . 55). Isocrate redéfinit l' idée de la beauté en considérant que sa supériorité dérive de notre comportement envers elle, c 'est-à -dire de l'opi

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nion générale à son égard . Il n 'existe donc pas une science des idées,mais seulement une opi nion ou un jugement sur elles (cf. Eucken 46 , p. 105 sq .).

(4) Le Banquet de Platon : On a envisagé de voir dans le discours d 'Agathon dans le Banquet de Platon

une attaque contre l' école de Gorgias et d'Isocrate (cf. Schleiermacher 210, t. II, 2 , Berlin 1824, p. 376 sq. ; 256 K . Lüddecke, « Über Beziehungen zwischen Isokrates' Lobrede auf Helena und Platons Symposion » , RAM 52, 1987, p. 628 632 ; Buchheit 60 , p. 101 sqq.; Eucken 46 , p. 107 sqq.). De nombreux parallé lismes conceptuels entre ce discours et l'Éloge d 'Hélène ont été relevés par Eucken 46 , p. 110 sq. La conception exprimée par Agathon dans son discours est

dépassée par Socrate dans le sien . En effet, le philosophe définit l'amour par sa tendance vers le beau (199 c - 207 a ), comme Isocrate et Agathon ,mais, à la dif férence de ceux-ci, il distingue (207 a sqq.) l'amour envers les femmes de l'amour envers les hommes, qui est l'authentique stimulus de l'activité spiri

tuelle du créateur et du poète , y compris Homère. Dans son Éloge d 'Hélène, Isocrate montrait le pouvoir divin d 'Hélène par l'exemple de la cécité de Stésichore (8 64 ). Deux passages platoniciens qui font référence à cet épisode consti tuent une polémique contre Isocrate : Phèdre 242 d - 243 b (cf. Howland 222, p . 151 sqq. ; aussi Eucken 46 , p . 115 - 120 , sur la dévaluation du modèle d 'Hélène et le caractère animal de l'amour avec les femmes) et République, 586 a sqq. (cf. Teichmüller 184 , t. I, p . 113 sq.,

Dümmler 255, p. 55, et Eucken 46, p. 117 sqq.).

(5 )Le Panégyrique d ’ Isocrate et le Ménexène de Platon:

Pohlenz 200, p. 307 sq., et Buchner 153, p. 24 sq. et 45 sq., ont repéré plu sieurs références au Ménexène de Platon. Voici les plus remarquables: - à la fin du proème (§ 13 sq.), il critique ceux qui dans l'exorde d'un discours essaient d'amadouer leurs auditeurs et donnent toutes sortes de raisons pour défendre ce qu'ils vont dire ; parmi eux certains déclarent « qu 'ils se sont

subitement (ÉE ÚToyvíou ) préparés à parler» (§ 13). C ' est à Ménexène 235 c, qu’ Isocrate a emprunté le refus de cette excuse, ainsi que l'expression ÉG ÚTO ruíov. - En § 32 sq ., Isocrate reprend , avec de légères différences, l'idée du

Ménexène (237 e sq.) que la terre attique est la mère des Athéniens, étant donné qu 'elle les a alimentés avec du blé . – Il y a des ressemblances structurales entre la description des batailles de

l'Artémision et des Thermopyles chez Isocrate ($ 91) et celle de Marathon dans Ménexène 240 d (cf. Eucken 46, p. 164, qui signale des nuances qui permettent de différencier l'utilisation dumêmemotif dans les deux passages). - Isocrate s'enorgueillit au § 53 de ce que les Athéniens ont l'habitude de rendre service aux plus faibles. Certains critiquent cela comme étant peu appro

prié, dit Isocrate , « comme si de telles paroles ne fournissaient pas un appui à ceux qui veulent faire notre éloge ». On lit cette critique dansMénexène 244 e.

Le passage révèle donc le jugementméprisant d ’Isocrate à l'égard duMénexène, qu 'il considère comme une caricature burlesque d'un document patriotique (cf. Pohlenz 200, p . 307 sq., et Eucken 46, p. 164 sq.).

926

ISOCRATE D 'ATHÈNES

I 38

Une chronologie Panégyrique-Ménexène a été proposée par 257 C . W . Müller, « Platon und der Panegyrikos des Isokrates: Überlegungen zum platonischen Menexenos» , Philologus 135, 1991, p. 140-156 , qui suggère de voir dans le Ménexène une parodie du Panegyrique.

(6 ) Isocrate et Platon sur l' Égypte :

Le Busiris fut publié peu de temps avant la République et il presuppose des débats oraux préalables à la publication de cette cuvre de Platon (cf. Eucken 46 , p. 173 sqq.). Certains aspects de sa présentation de l'Égypte renvoient directe ment à la République de Platon (cf. déjà Gomperz 170 , p . 192 sqq.). La société égyptienne est divisée en trois castes : artisans, guerriers et prêtres, dans l' idée qu 'il est plus profitable de s'adonner à une seule tâche (§ 15 sq.; Platon , 374 b

sqq., et 394 e); de ces groupes , les prêtres sontmenés vers la vertu au moyen de l'étude de l'astronomie et desmathématiques, disciplines de l'Académie (§ 23 ; Platon , 522 c sqq.), et à un âge avancé ils assument la direction de l'État (§ 23 ;

Platon , 540 a-b ) ; ils se consacrent alors à la médecine, étrangère à Platon , et aussi à un genre de philosophie ( $ 22) qui correspond à la métaphysique et à la théorie platonicienne de l'État. Gomperz 170, 192 sqq. et 32 sqq., y a vu à tort une acceptation de l'importance de la doc trine de Platon , par laquelle Isocrate remercierait Platon pour l'éloge que ce dernier lui avait

adressé dans Phèdre 278 e sqq. Teichmüller 184 , t. I, p. 106 sqq., y a vu une critique du

manque d 'originalité de la théorie platonicienne de l'État.

Cette idée de Teichmüller a été développée par Eucken 46 ,p. 183 sqq., qui a perçu une critique de la République qu 'on peut résumer dans les points suivants :

- Isocrate a offert une présentation antilogique d'Athènes et de l'Égypte dans

le Panégyrique et dans le Busiris, opposition fondée sur les philosophies diffé rentes qui les structurent. L 'État égyptien est guidé par la philosophie, « quipeut à la fois fixer des lois et chercher la nature des choses» (Busiris 22); c'est une société fermée dans laquelle on respecte les lois par crainte , car même le respect envers les dieux est réglementé (Busiris 26 sq . ; cf. Eucken 46 , p . 199 sqq.). Athènes, au contraire , qui fut la première à se pourvoir de lois et d 'une constitu tion (Panégyrique 39), est une société ouverte et est fondée sur l'affrontement

agonique et l'espérance de la renommée générale (Panégyrique 44 et 50). C ' est cette culture qui permet, face à la législation égyptienne rigide, qu 'il existe des jugements corrects sur les dieux , tels ceux d ’Isocrate , ou peu appropriés , tels ceux des poètes et de ceux qui les suivent, comme c'est le cas du destinataire de ce discours, Polycratès (Busiris 38 sqq.). Un autre élément crucial de la culture athénienne est le discours , qui n'a pas de sens dans le monde égyptien . Il existe donc deux traditions pédagogiques différentes : l'athénienne, où s'insère Iso

crate , et l'égyptienne, dans laquelle l'orateur situe Platon ; il se réfère à lui dans Busiris 17, où il remarque que le succès de l'organisation politique de l'Égypte est tel « que les philosophes qui s'occupent de ces questions et y ont acquis la

plus grande réputation décidentde louer la constitution de l'Égypte » (cf. Eucken 46 , p . 179 sq .). - L ' importation de modèles égyptiens en Grèce a toujours supposé une telle altération de leur sens originaire qu 'ils sont devenus nuisibles. Ainsi, les Lace démoniens ont imité certaines de ces coutumes égyptiennes (§ 17 sq.), mais ils

ISOCRATE D 'ATHÈNES 927 les utilisentmal, car étant des soldats, ils cherchent à s'emparer par la force du bien des autres, ce qui n 'arrive pas en Égypte ($ 19 ). Chez Platon coexistent la spécialisation des citoyens dans une seule activité et les institutions importées par les Lacédémoniens (cf. République 374 d sq., 403 c sqq., 416 d sq. et420 a). Demême, l'importation que Platon fait de la division du travail n 'est pas fidèle I 38

au modèle égyptien,parce qu'il a associé cette idée à celle de la justice de l'État, inexistante aussi bien dans le modèle original que dans l'imitation spartiate .

L 'autre exemple d' altération du modèle est celui de Pythagore, quifut le premier à importer la philosophie égyptienne en Grèce : « il s'illustra ... par son intérêt pour les sacrifices et les cérémonies des sanctuaires » , dans l'idée que «même si des dieux cela ne lui faisait obtenir aucun avantage , du moins acquerrait-il une très belle réputation auprès des hommes» ($ 28) ; c'est ainsi qu 'il dénature le but originel des rituels égyptiens. - L ' imitation platonicienne n 'est même pas originale (cf. Teichmüller 184 , t. I, p . 107 sq., qui rapporte au Busiris le commentaire de Crantor, ap. Proclus, In Platonis Timaeum comm . 20 d , t. I, p . 75 , 30 - 76 , 10 Diehl (= Crantor, fr. 8 Mette), selon lequel les contemporains de Platon l'auraient critiqué pour ne pas

avoir forgé lui-même la République, pour avoir emprunté des coutumes égyp tiennes et, par surcroît, pour avoir attribué des coutumes athéniennes et atlantes aux Égyptiens). Qui plus est, comme le remarque Eucken 46 , p . 187 sqq., l'imi tation platonicienne de l'État égyptien est une imitation au deuxième degré, dans la mesure où Isocrate transforme les philosophes pythagoriciens en disciples des

Égyptiens et en même temps en maîtres de Platon. Platon donnera sa riposte au discours isocratique dans le Timée à travers le récit mythique de l' Athènes primitive et de l'Atlantide, selon lequel l'Égypte serait une cité fondée par Athènes qui conserve plusieurs traits de la constitution ancestrale de la métropole . Platon attribue donc une origine commune aux modè les athénien et égyptien , qu 'Isocrate distinguait catégoriquement, et il légitime ainsi sa proposition théorique et pédagogique dans le cadre d'Athènes (cf. Eucken 46 , p . 208 sqq., qui considère comme une contre -attaque d ' Isocrate le

§ 74 de l'Aréopagitique). (7) Rhétorique et écriture dans le Phèdre de Platon : On a repéré dans ce dialogue plusieurs allusions polémiques contre Isocrate : - En 267 a sq., Platon critique la maxime qu' il attribue à Tisias et à Gorgias

de « rendre petites les grandes choses et de donner de la grandeur aux petites», ainsi que d '« exposer de façon nouvelle les idées anciennes et de parler de façon classique sur les événements récents » . Dans Panegyrique 8, Isocrate avait expri mé la même ambition, quoique dans un contexte différent (cf. supra ). Teich müller 184, t. I, p. 72 sq., et Raeder 185 , p. 273 sq. ont songé à une attaque platonicienne (cf. aussi Ries 168 , p. 101, et de Vries 183, p. 222 sq.). - Pour Platon le bon orateur a besoin de trois conditions : talent, science et pratique (269 d). La formulation est proche de celle d 'Isocrate, telle qu'elle a été décrite ci-dessus (cf. supra ). Il est possible qu 'il y ait là une référence directe à

Isocrate ou que les deux remontent à une source sophistique commune (cf.

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I 38

Spengel 187 , p . 17 , Gomperz 170, p . 168 sqq., Raeder 185 , p. 271 sqq ., Ries 168, p. 116 sqq., avec bibliographie , et la polémique entre de Vries 183, p . 16 et

232, et Erbse 228 ; voir aussi Eucken 46, p . 271 sqq.). Le contexte immédiat éclaire ce sens polémique ; en 269 e sq., Platon déclare que la science rhétorique, comme tous les grands arts, a besoin d' ůdoneoyla xai uetewporoyía , variante de l'accusation qu 'Isocrate adressait aux socratiques dans Contre les sophistes 8 , en jugeant leur activité en tant qu 'adoneoyla xai uixpołoyla ; en 270 b sqq., il prescrit que la rhétorique, comme la médecine, peut agir avec téxvn et non avec éuntepia et toißn ; en 271 c

sqq., il redéfinit le xalpós en réduisant sa signification à l'instant qu 'on doit attendre pour

utiliser la connaissance systématique de l'âme.

- Face à Isocrate, Platon défend (275 d sqq.) la prééminence du discoursparlé

sur le discours écrit (cf. Howland 222, p. 115 sqq., et Eucken 46 , p . 130 sqq. et 272 sq.). Le philosophe a emprunté à Alcidamas (* * A 87) la comparaison des discours écrits avec des peintures ; il s'agit d'imitations que l'on doit considérer uniquement comme un jeu face à la parole du sage et à la conversation dialec

tique (cf. 258 R .J. Connors, « Greek Rhetoric and the Transition from Orality » ,

Ph & Rh 19 .1, 1986, p. 38-65, notamment p . 49 sqq., Cole 31, p. 126 sqq., et 259 M . Erler, « Hilfe und Hintersinn : Isokrates' Panathenaikos und die Schrift kritik im Phaidros » , dans L . Rossetti (édit.), Understanding the Phaedrus. Proceedings of the II Symposium Platonicum , coll. « Intern . Plato Studies » 1,

Sankt Augustin 1992, p. 122- 137 (trad . it. Id . 99) ; aussi infra, à propos d 'Alci damas .

(8 )Les discours chypriotes d ' Isocrate : Dans le proème du discours A Nicoclès, il existe plusieurs allusions polémi ques à Platon. - Face à d 'autres, quine cherchent que des intérêts commerciaux (tuntoplav TIOLOÚLevoi) et offrent au roi les présents habituels avec plus d'habileté que ceux qui se sont consacrés au trafic (xannNEÚELV) ($ 1), Isocrate offre à Nicoclès « le plusbeau , le plus utile des dons» (§ 2). Isocrate se sépare ainsi des trafiquants et des boutiquiers, avec lesquels Platon , Protagoras 313 c sqq., et Sophiste 223 c

sqq., avait comparé lesmaîtres de sagesse et les sophistes. - Aux $$ 4 -6 , il distingue entre la formation du roi et celle de l'homme cou rant. Le manque de formation appropriée chez les rois a fait que beaucoup se demandent lequel des deux genres de vie est le meilleur (§ 4 ). Teichmüller 184 , t. II, p. 19, y a vu une référence au mythe d' Er à la fin de la République de Platon

(617 d sqq.), où, à propos du choix du genre de vie, on rejette « la tyrannie et d'autres pratiques de la sorte » (619 a) avec des exemples (619 b sq. et 620 c sq.). Face à la distinction platonicienne entre la royauté , réalisable seulement dans la cité idéale (445 d ), et la tyrannie, décrite comme une domination violente et arbitraire (563 d sqq.), Isocrate présente le fait que le roi soit bon ou mauvais

comme dépendant de l'expérience concrète de son royaume.

- Au § 7 , il se demande si le cadeau qu'est son discours, une fois présenté , sera digne du thème proposé, car « de nombreux ouvrages écrits en vers ou en prose , quand ils n 'existaient encore que dans la pensée de leur auteur, ont provo

qué un vif sentiment d' attente : une fois achevés et communiqués au public , ils

929 ISOCRATE D 'ATHÈNES ont connu une réputation bien inférieure à l'espoir qu'ils avaient suscité » (7 ). I 38

D 'après Eucken 46 , p. 224, il s'agit d'une référence à Platon , dont la République, une fois publiée, est restée très en dessous des espérances qu'elle avait suscitées. Dans la suite du discours , Isocrate répond enfin à la définition méprisante de la « rhétorique » fournie par Platon dans le Gorgias comme une flatterie qui a pour objet d'atteindre le plaisir (cf. supra, et Eucken 46 , p. 237 sqq.). Au § 28, Isocrate conseille au roi de distinguer « les flatteurs habiles (tous téxvn

xonaxetovtas) des serviteurs dévoués ( ToùS MET' Eůvoias depanetovtac) pour ne pas laisser les gens malhonnêtes l'emporter (néov... EXWOLv ) sur les honnêtes gens ». Le conseil, dont la terminologie renvoie directement à la

discussion de Platon sur la rhétorique, permet à Isocrate de dépasser la définition de celui-ci, parce que le but n 'est pas le plaisir, mais , comme on le montre tout

au long du discours, l'utilité. Au § 52, il oppose encore une fois sa philosophie pratique de la doxa aux théories inutiles qui ne peuvent pas être réalisées. Il est possible que dans tout le discours il utilise les termes idéa et yiyvúoxelv en les asso ciant à des contextes divers pour les détacher de leur signification platonicienne et les redéfinir

dans le cadre de sa doctrine de la doxa (cf. Eucken 46, p . 235 sqq. et 240 sqq.).

Isocrate situe l'instruction du monarque dans la tradition de la poésie gnomi que, et distingue cette littérature, utile , de celle d'Homère et des poètes de tra gédies, qui est seulement agréable et que l'on peut caractériser comme « fabu leuse » (§ 48 sq.). Or, tandis que Platon avait banni Homère et les poètes tragi ques de sa cité idéale , parce qu 'ils n 'étaient pas capables de connaître la púols, c 'est-à-dire l'être réel (cf. 598 d sqq.), Isocrate leur réserve une place dans la cité justement parce qu 'ils ont su pénétrer la nature (Tv DúoLv) de l'homme ( $ 48 ) et représenter, l'un devant des auditeurs , les autres devant des spectateurs , les luttes (Toùs árõvac) et les guerres des demi-dieux ($ 49 ; cf. Eucken 46, p . 243 247). Dans le Nicoclès, avec le roi comme porte -parole, Isocrate s'en prend à ceux qui pensent que quand on prononce des discours on ne le fait pas par vertu ,mais par ambition (§ 1), une accusation qui apparaît déjà dans le Gorgias de Platon . Isocrate a accompli pieusement tous ses devoirs, et il l'a fait pour que sa vie s'écoule remplie des plus grands biens ( 2 ). L 'alternative entre vertu et ambi tion n 'est donc pas valable , mais les deux sont en rapport.La question qu'il faut se poser est, au contraire , de savoir si l'effort pour l'ambition se réalise par des

moyens justes ou injustes. Les Nóyou, de la même façon que la richesse , la force et le courage, sont susceptibles d 'être mal utilisés,mais le malréside à l'intérieur de l'homme et non des choses ($ 4 ). 260 S. Sudhaus, « Zur Zeitbestimmung des Euthydem , des Gorgias und der Republik » , RAM 44, 1889, p . 52 sqq., notam ment p .61, remarqua la ressemblance de cet exemple avec l'argumentation du Gorgias platonicien dans Gorgias 456 c sq.(cf. Eucken 46 , p. 249 sqq., sur le dépassement isocratique de la position de Gorgias dans ce dialogue et aussi 261 J. Macjon , « De sophisticae boni etmali rationis vestigiis apud Isocratem obviis » (en polonais ), Meander 35, 1980 , p . 97- 110 , qui a détecté dans cette argumentation des influences de Protagoras et de Prodicos). Dans l'Évagoras,

930

ISOCRATE D 'ATHÈNES

I 38

finalement, Isocrate oppose le napádelyua de feu le père de Nicoclès au caractère paradigmatique des idées platoniciennes impersonnelles (cf. Eucken 46 , p . 267 sq.). (9 ) Le Théétète et Le politique de Platon : Platon répondra aux discours chypriotes dans Théétète 172c - 177b. Dans cet excursus, il distingue l'essence de ceux qui « depuis leur jeunesse fréquentent les tribunaux ou des lieux semblables» de celle des philosophes (172 c ). Tout homme, déclare Platon, doit abandonner un genre de vie et « fuis » vers l'autre pour s' approcher de la divinité autant que possible (176 b ) et être bon et juste

avec bon sens. Le malheur de l'orateur est de ressembler par ignorance au pre

mier genre et non au deuxième (176 e ). 262 Th . Berk, Fünf Abhandlungen zur Geschichte der griechischen Philosophie und Astronomie, Leipzig 1883, p . 18 sqq., pensa à une allusion critique adressée à Isocrate , position qui a été reprise

récemment par Eucken 46, p. 275 sq. ; contra Teichmüller 184 , t. II, p. 326 , et Burkert 198 , p . 350 n . 1. En faveur d 'une telle identification, il y a le fait que, dans Théétète 174 d sqq., Platon décrit l' impassibilité du philosophe quand il

entend des éloges des tyrans, ce qui s'accorde avec une critique de l'Évagoras isocratique comme discours modèle du genre . En tout cas, comme le signala

Dümmler 167, p . 79 sqq., notamment p. 104 sq., Isocrate se sentit visé, puisque dans Sur l'échange 30, il reprit la distinction entre ceux qui fréquentent les tri bunaux et les philosophes, en se situant dans le deuxième groupe. C 'est dans Le politique que Platon donnera sa vraie riposte: quand il se demande si ce sont les hommes ou les lois qui doivent dominer , Platon se prononce pour les lois écrites, en l'absence d 'un roi qui se distingue en sagesse (301 d sqq. ; cf. Eucken 46 ,

p. 277 sq. et 282). ( 10 ) Attaques ultérieures : Dans Sur l'échange 258-269, Isocrate critique à nouveau « les princes de l' éristique et les professionnels de l'astronomie, de la géométrie et des autres

sciences du même ordre » (§ 261); on y a vu une attaque de l'Académie platoni cienne (cf. Spengel 187 , p. 747 sqq .; Gomperz 170 , p . 11 et 15 ; Münscher 3 ,

col. 2211). Malgré tout, la cible principale est Aristote, encore membre de l'Académie ( cf. infra). C 'est dans le Panathénaïque que nous trouvons l'attaque finale (cf. 263 Chr. Eucken, « Leitende Gedanken im sokratischen Panathenai kos » ,MH 39, 1982, p . 43- 70 ; 264 Chr. Schäublin , « Selbstinterpretation im

“Panathenaikos” des Isokrates ? » ,MH 39, 1982, p . 165- 178, notamment p. 174 sqq.; Erler 99 , p. 157, et supra ).

Speusippe : La polémique ne se terminera pas avec la mort de Platon. Son disciple Speu sippe écrivit, comme Antisthène, une riposte au Contre Euthynous d 'Isocrate (cf.

D .L . IV 5 et VI 15 ). Il écrira aussi, à propos du choix d 'un précepteur pour Alexandre le Grand, une lettre à Philippe de Macédoine (Lettres des socratiques XXX ) contre le Philippe d'Isocrate et en faveur d'Antipatros de Magnésie . Pour l'authenticité de la lettre, cf. Mathieu 24, p . 178 ; Id . 5 , t. IV , p. 177 n . 1, et 1. III, p. 93 n . 4 ; 265 E . Bickermann et J. Sykutris, Speusipps Brief an König Philipp, coll. « Berichte

ISOCRATE D 'ATHÈNES 931 Verh . Sächs. Ak.» , phi.-hist. Kl. 80, Leipzig 1928, p. 31 sqq. ; 266 M . M .Markle, « Support of Athenian Intellectuals for Philip . A Study of Isokrates' “ Philippus" and Speusippus' Letter to I 38

Philip » , JHS 96 , 1976 , p . 80 -99 ; 267 A . Frolíková, « Isokrates' Aufrufe an die Herrscher» (en

tchèque, rés. en all.), LF 102, 1979, p . 82- 86 ; 268 L. Tarán, Speusippus of Athens, Leiden 1981, p. 182; Usener 38, p. 38 sq. et n. 53. Contra, 269 L. Bertelli, « La lettera di Speusippo a

Filippo. Il problema dell'autenticità », AAT 111, 1977, p.75-111. Alcidamas: Cf. la bibliographie rassemblée par Gillis 111, p . 325 n . 6, par Eucken 46 , p. 28-31 et 121 140 , et surtout par 270 M . Narcy, art. « Alcidamas» A 87 , DPLA I, 1989, p. 102 sqq. Aussi

271Zs. Ritoók, « Alkidamas über die Sophisten » , Philologus 135, 1991, p. 157 - 163 ; 272 S . Friemann ( = S . Usener), « Überlegungen zu Alkidamas' Rede über die Sophisten » , dans W .

Kullmann et M . Reichel ( édit.), Der Übergang von der Mündlichkeit zur Literatur, coll.

« Scriptoralia » 30, Tübingen 1990 , p. 301-315,et Bons 49,p. 162. Alcidamas fut disciple de Gorgias et, selon la Souda, s.v. Copyiaç, r 388 , t. I,

p . 535, 25 sq. Adler, il lui succéda à la tête de son école . 273 J. Brzoska, art. « Alkidamas» 4 , RE I 2, 1894, col. 1534 , signala qu 'à la différence d'Isocrate, on ne lui connaît pas de disciple. Il fut l'auteur d'un traité Sur les auteurs de

discours écrits ou sur les Sophistes, qui visait exclusivement Isocrate, malgré la dénomination collective du titre. Les problèmes de datation de cet écrit ont été résumés par Narcy 270, p. 102 sq.: on admet de nos jours que le Contre les sophistes d'Isocrate est antérieur au traité d 'Alcidamas et aussi au Phèdre de Platon (cf. supra ), qui contient une autre attaque contre l'écriture, sans que l'on puisse préciser exactement la chronologie relative de ces deux derniers écrits (cf. 274 H . Raeder, « Alkidamas oder Plato als Gegner des Isokrates » , RHM 63, 1908, p . 495 -511).

Eucken 46 , p. 130 sqq., a soutenu la dépendance de Platon par rapport à Alcidamas, ce quine signifierait pas qu'il reprenait ses points de vue, mais seulement quelques expressions for melles pour attaquer le même rival. Récemment 275 J. Tomin, « A Preliminary Study of Plato » , SO 67 , 1992, p . 80 -88, a soutenu l'antériorité du Phèdre, dont aussi bien Alcidamas

qu 'Isocrate dépendraient. Il est très probable que la critique par Isocrate de ceux qui donnent des procé dés fixes comme exemples de l'art créateur des discours politiques (Contre les sophistes 12 sqq.), vise Alcidamas (cf.Gillis 111, p . 325 n. 6 ). Laméthode pro posée dans Sur les sophistes par Alcidamas est proche de celle que critiquait Isocrate , mais non identique, ce qui fait penser qu 'il s'agit d'une nouvelle ver

sion d'une critique antérieure et plus radicale. Il y aurait fondé la capacité d'im provisation sur la connaissance générale d 'une série de schémas rhétoriques,

dont il aurait assimilé l'apprentissage à celuide l' alphabet;Eucken 46, p. 27-31. Le discours Sur les sophistes aurait donc été la riposte d'Alcidamas. Cf. 276 J. Vahlen , « Der Rhetor Alkidamas » , SAWW 43, 1863, p . 491-528 (= Gesammelte philologische Schriften , Leipzig/Berlin 1911, p . 117 - 155 , notamment p . 144 sq.) ; Reinhardt 196 , p. 15 sq. ; 277 J. Hubík , « Alkidamas oder Isokrates ? Ein Beitrag zur Geschichte der griechischen Rhetorik » , WS 23 , 1901, p . 234 -251 ; Raeder 274 ; Süss 181, p . 34 -49 ; 278 L . R .

van Hook, « Alcidamas versus Isocrates: the Spoken versus the Written Word », CW 12, 1919, p . 89 -94 ; 279 G . Walberer, Isokrates und Alkidamas, Hamburg 1938 ; 280 H . Wersdörfer, Die

QIAOCOPIA des Isokrates im Spiegel ihrer Terminologie, Leipzig 1940 , p . 144 sq. ; 281 S .

Wilcox, « Isocrates' Fellow Rhetoricians » , AJPh 66 , 1945, p . 171- 186 ,notamment p. 179 sq. ; Gastaldi41 ; Eucken 46 , p. 122 sq. ; 282 M . Vallozza, « Kaipóç nella retorica di Alcidamante e di Isocrate, ovvero nell'oratoria orale e scritta » , QUCC 50, 1985, p. 119-123; Narcy 270, p . 104 . Des allusions à Alcidamas en tant qu 'auteur de paradoxes ont été repérées dans l' Éloge

d 'Hélène 8 par Spengel 56 , p. 174, et dans § 12 par 283 J. Zycha, Bemerkungen zu den

ISOCRATE D 'ATHÈNES

932

I 38

Anspielungen und Beziehungen in der XIII. und X . Rede des Isokrates, Progr. Wien 1880, p. 254 sqq. (cf. Münscher 171 et Id . 3, col. 2182). D 'après eux, le Sur les sophistes aurait été la

riposte à ce discours.

Il y propose une formation rhétorique fondée sur l'improvisation , car ce n 'est qu 'en improvisant que l'on peut s'adapter à l'occasion (xalpós). Cette rhéto rique orale devrait s'accompagner d'un manque d 'attention porté au style et à la beauté verbale . Il s'agit donc de l' inverse de la rhétorique isocratique, fondée sur

l'écriture et très soucieuse des problèmes stylistiques. Comme l'a indiqué Gastaldi 41, la critique d' Alcidamas court droit à l'échec, dans la mesure où les discours d ' Isocrate ne répondent qu 'en apparence à l'univers oral de la polis ;

Isocrate,bien au contraire, a nié ce modèle oraleta défendu l'écriture comme un mode de participation politique (cf. supra). Malgré tout, il faut admettre la pré sence d' éléments oraux dans la composition des discours d' Isocrate ; cf. Connors 258 , p .61 n . 23 , Bons 49, p. 165, et surtout Usener 38.

Isocrate répond à Alcidamas dans Panégyrique 11 sq., où il remarque qu 'il y a des gens qui comparent « les discours destinés à la perfection avec les plai doyers portant sur des contrats privés» comme s'ils étaient identiques. Le pro blème de l'oralité et de l'écriture sera abordé plus tard, d 'un autre point de vue, dans l'Épître à Denys 2 sq ., et dans le Philippe 25-29 (cf. Eucken 46 , p. 132- 140 ,

et Usener 38, p. 106 -119 ).

38 ; Toolkn 46,P.128 sq. ophistry. From P3

Sur la défense de l'écriture par Isocrate, cf. Reinhardt 196 , p . 16 ; Blass 1, t. II, p . 353 ; Mathieu et Brémond 5 , t. II, p . 17 n . 3 ; 284 T . M . Lentz, « Writing as Sophistry. From Pre

servation to Persuasion » , QIS 68, 1982, p . 60 -68 ; Eucken 46 , p . 125 sqq.; Gómez 115 , p. 61 sqq. ; Friemann 272 ; Cole 31, p . 74 ; Usener 38 ; Too 19, p. 113-129.

Polycratès :

Cf. Blass 1, t. II, p. 365- 372 ; Münscher 3, col. 2177 sqq.; Mathieu 5, 1. I, p. 183 sq .; Dodds 252, p. 28 sq .; 285 G . E .L . Owen , « Philosophical Invective » , OSAPh 1, 1983, p . 1-25,

notamment p . 19 ; Eucken 46, p . 195- 205.

La polémique entre les deux semble avoir commencé quand Polycratès écrivit un traité où il réfuta l' Éloge d 'Hélène (cf. 1°“ argument" d'un grammairien ano nyme pour cet ouvrage chez Mathieu et Brémond 5 , t. I, p . 163). L 'argument du

Busiris (ibid ., t. I, p. 187 , 1 sqq.) nous informe que Polycratès, Athénien de nais sance, s'était vu forcé par la pauvreté de faire le métier de sophiste , qu'il exerçait à Chypre . Cette donnée a induit Münscher 3, col. 2177, etMathieu 5, t. I, p. 184 ,

à penser que le Busiris est la conséquence d 'un affrontement personnel visant à obtenir du prestige parmi les disciples fortunés de l' île . D 'autres sources nous présentent Polycratès comme un auteur de traités paradoxaux ainsi que mytho logiques (cf.Münscher 3, col. 2177 sq.). Cela permet de comprendre qu 'il se soit senti attaqué par l'Éloge d'Hélène; Blass 1, t. II, p. 371 n . 1, et Reinhardt 196 , p. 21, ont cru voir une allusion à cet auteur dans les $$ 8 et 12 de ce discours (cf.

Münscher 3, col. 2182). Plusieurs années plus tard , Isocrate a donné au Busiris la forme d'une épître adressée à son concurrent, épître où il essaie de l' instruire et de corriger les erreurs de ses écrits précédents : s'il cherche à tirer de l'argent de

la philosophie, il doit apprendre à enseigner. Les attaques sont adressées à son Apologie de Busiris et à son Accusation de Socrate, et sont essentiellement les

933 ISOCRATE D 'ATHÈNES suivantes : méconnaître la différence entre la louange et le blâme; assumer la présentation que les poètes font des dieux, qu 'Isocrate considère comme impie ;

I 38

ne pas appliquer la « règle d'or» de ne pas faire aux autres ce qu'on ne voudrait pas souffrir d'eux(cf. Eucken 46 ,p. 195- 205). Aristote :

Cf.Münscher 3, col. 2208 sq.; Burk 4, p. 32 sq. et 202 sq.; Mathieu 24, p. 185 sqq.; 286 F. Solmsen, Entwicklung der aristotelischen Logik und Rhetorik, coll. « Neue Philolo gische Untersuchungen » 4, Berlin 1929, p. 204 sqq. et 215 sqq.; 287 B . Einarson , « Aristo tle's Protrepticus and the Structure of the Epinomis » , TAPHA 67, 1936 , p . 261-285 ; 288 E .

Bignone, L 'Aristotele perduto e la formazione di Epicuro, 2 vol., Firenze 1936 (2e édit. 1973) ; 289 P. von der Mühll, « Isokrates und der Protreptikos des Aristoteles » , Philologus 94 , 1939

1940, p. 259-265 ; 290 P . Thillet, « Note sur le Gryllos, ouvrage de jeunesse d’Aristote » , RPHA 97 , 1957, p . 352-354 ; 291 I. Düring, Aristotle and the Ancient Biographical Tradition ,

coll. « Studia Graeca et Latina Gothoburgensia » 5, Göteborg 1957, p. 299- 314 et 389 ; 292 Id., Aristotle's Protrepticus. An Attempt ofReconstruction , coll. « Studia Graeca et Latina Gotho

burgensia » 12 , Göteborg 1961, p . 20 et 33-35 ; 293 Id., Aristoteles. Darstellung und Interpre tation seines Denkens, coll. « Bibliothek der klassischen Altertumswissenschaften » N .F . 1

Reihe, Heidelberg 1966, p. 404 sqq. ; 294 E . Berti, La filosofia del primo Aristotele, Padova 1962, p . 159- 185 et 548 sqq . ; 295 A . H . Chroust, « Aristotle 's earliest " Course of Lectures on

Rhetoric" » , AC 33, 1964, p. 58 -72 (repris dans Chroust299 , t. I, p. 105-116 ); 296 Id., « Aristotle enters the Academy» , CF 19, 1965, p. 21-29 (repris dans Chroust 299, t. I, p . 92 104 ) ; 297 Id., « What prompted Aristotle to address the Protrepticus to Themison » , Hermes

94, 1966 , p. 202-207 (repris dans Chroust 299, 1. II, p. 119- 125 ) ; 298 Id., « Aristotle's first literary effort: theGryllus, a lost Dialogue on the Nature of Rhetoric » , REG 78, 1965, p . 576

591 (repris dans Chroust 299, t. II, p. 29-42); 299 Id., Aristotle. New Light on his Life and on some of his Lost Works, 2 vol., London 1973 ; 300 N . Fujisawa, « Aristotle' s Conception of Philosophy in the Protrepticus. Comparison with Isocrates, Plato , and Aristotle himself in his later Treatises » (en japon., avec rés. en angl.), JCS 21, 1973, p. 1-19 ; Voliotis 233, 234 et 235 ; 301 R . Weil, « Isocrate et le Protreptique d 'Aristote » , REG 91, 1978 , p . XVIII ; 302 Id .,

« Aristote et Isocrate. Un conflit d' influences à Chypre » , dans V. Karageorghis (édit.), Salamine de Chypre. Histoire et archéologie. États des recherches, Paris 1980 , p. 193-201 ; 303 Id., « Laisser parler Isocrate ?» , dans Energeia. Etudes aristotéliciennes offertes à A . Jannone, Paris 1986 , p . 261- 270 ; Owen 285, p . 13 sqq.; 304 A . A . Rossius, « La polémique

d'Isocrate contre l'Académie » (en russe ), VDI 181, 1987, p. 93- 102; 305 R . Laurenti, Aristotele. I frammenti dei dialoghi, Napoli 1987, p. 428 sqq.; 306 T. Dorandi, « La polemica fra Aristotele e Isocrate nella testimonianza filodemea » , dans E. Berti et L . M . Napolitano

Valditara (édit.), Etica politica retorica. Studi su Aristotele e la sua presenza nell'età moderna, L 'Aquila 1989, p. 201-205 ; 307 Id. « Epicuro contro Aristotele sulla Retorica », dans W . W . Fortenbaugh et D . C .Mirhady ( édit.), Peripatetic Rhetoric after Aristotle, coll. « Rutgers Univ. Studies in Class. Humanities» 6 , New Brunswick/London 1994, p . 111-120 ;

308 L . Pernot, art. «Céphisodôros» C 80 , DPhA II, 1994, p. 266 -269.

Dans la polémique, on peut distinguer plusieurs phases, selon la reconstruc tion de Berti 294 , secondée par Chroust et complétée par Dorandi 306 , p. 201, et 307 , p. 112 :

- Entre 360a et 3509, Aristote, encore membre de l'Académie, fâché par le genre de rhétorique flatteuse qui se prodiguait alors à cause de la mort de Gryllos, fils de Xénophon , et surtout par l' éloge d’ Isocrate (cf. supra), composa un traité intitulé ſlepi ontopixñs ñ rpūlios (Sur la rhétorique ou Gryllos ; cf. Düring 291, Chroust 298 et Thillet 290).

934

I 38 ISOCRATE D 'ATHÈNES - C 'est Céphisodôros, disciple d ’Isocrate , qui prit en charge la riposte , en

composant un traité contre Aristote en quatre livres (cf. Bignone 288, t. I, p . 58 sqq. ;Düring 291, p . 389 sqq.; Pernot 308). - Aristote continua la polémique oralement, dans les cours de rhétorique que

Platon lui demanda de donner à l'Académie (cf. Chroust 295 et Dorandi 306 ).

- Isocrate, finalement, riposta dans Sur l'échange 258- 269, où l'attaque contre l'Académie vise essentiellement Aristote (cf.Gomperz 170, p. 15 ;Norlin

6, t. II, p. 328 sq. n. b ; Rossius 304). - Pour répondre à Isocrate et peut- être à Céphisodôros, Aristote composa le Protreptique peu après 353a (cf. Einarson 287 ; Bignone 288, t. I, p . 98 sqq. et

126 sqq. ; Düring 292, p . 20 et 33; Id . 293, p. 404 sq. ; Dorandi 306, p . 203 sq.). Von der Mühll 289 a défendu une chronologie inverse de ces écrits , grâce à

laquelle le discours d 'Isocrate deviendrait la riposte au Protreptique. Düring 293, p. 406 , a expliqué le choix d 'un monarque chypriote (Thémison ) comme étant un essai délibéré de polémiquer, ici aussi, avec Isocrate , seul représentant jusqu'alors de la culture athénienne. Weil 302 a suggéré une opposition mutuelle entre le Sur l'échange d 'Iso

crate et le Protreptique d' Aristote à propos de leur influence respective à Chypre.

On peut repérer des traces de ces phases dans la Rhétorique de l'épicurien Philodème, qui oppose les idéaux pédagogiques d'Aristote et d' Isocrate pour plus tard leur opposer l' idéal de paideia épicurienne (cf. Bignone 288 , t. II, p. 92 sq.; Düring 291, p. 299 -314 , avec l'édition , la traduction et le commentaire du

témoignage (T 31); voir aussi un état de la question, ainsi que des propositions nouvelles, chez Dorandi 306 et 307). Quelques années plus tard (ca 3429/3414), Isocrate composa l' Épître à Alexandre (V ), témoignage de la polémique que suscita le choix d'un précepteur pour Alexandre le Grand . Assistèrent à ce choix deux disciples de l'orateur, Théopompe de Chios et Isocrate d'Apollonie , mais la position isocratique se heurta à l'opposition de Speusippe (cf. supra ). Dans l'épître, Isocrate s'en prend à Aristote , et conseille au jeune prince d'abandonner l'étude de l’éristique et de

la dialectique pour s'adonner à l'éloquence politique (cf.Münscher 3 , col. 2216 ; Mathieu 24 , p . 167 sq. et 185 ; Id . 5 , t. IV , p. 176 sq.; van Hook 6 , t. III, p. 425 ; Eucken 46 , p. 10 ). On lit une dernière attaque dans le Panathénaïque (cf. § 16 , 18 ), composé à la même époque (cf. Teichmüller 184 , t. I, p. 259-266 ;Mathieu

24 , p . 168, 181 et 185). Des ressemblances doctrinales entre les deux penseurs ont été signalées par Mathieu 24 , p . 185 sqq. ; 309 E . Buchner, « Zwei Gutachten für die Behandlung der Barbaren durch Alexander den Grossen ? », Hermes 82, 1954, p. 378-384 (repris dans Seck 15, p. 216-226 ); 310 A . Daskalakis , « La jeunesse d 'Alexandre et l'enseignement d 'Aristote » , StudClas 7 , 1965, p . 169-180 ; Weil 301, et Voliotis 233, 234 et 235. Les différences entre l'école d ' Iso crate et celle d ' Aristote furent résumées par 311 F . Blass , Die griechische Beredsamkeit im Zeitraum von Alexander bis aufAugustus, Berlin 1865 , réimpr. Hildesheim 1977, p . 78 sqq.

Autres adversaires: Hermippe (dans l' argument du discours A Nicoclès = fr. 64 Wehrli) rapporte une anecdote hostile à Isocrate empruntée à un certain Evandros, qui a écrit

« contre les sophistes» ; sur son identité , cf. 312 F. Wehrli,Hermippos der Kalli

I 38

ISOCRATE D 'ATHÈNES 935 macheer, coll. « Die Schule des Aristoteles» , Suppl. I, Basel/Stuttgart 1974 ,

p . 83. Zoïlos d'Amphipolis, contemporain de l'orateur et peut-être disciple de

Polycratès, écrivit aussi contre Isocrate , d'après la Souda, s.v.Zwiños, Z 130, t. II, p . 512, 18 Adler (cf. Blass 1, t. II, p . 373-378, notamment p. 373 ; 313 H . Gärtner, art. « Zoilos» 4 , KP 5, 1975 , col. 1549- 1550 ). Postérité d 'Isocrate.

Cf. Norden 161, t. II, p. 795-802 ; Burk 4 ,notamment p . 199 sqq. ; 314 H . M . Hubbell, The Influence of Isocrates on Ciceron, Dionysius and Aristides, Yale 1913 ;Mathieu 5, t. I, p . X sq .; Gärtner 14, col. 1470 ; Lombard 18, 133 sqq.

L 'école d ' Isocrate a été célèbre dans l'antiquité , et elle fut fréquentée par des personnalités du monde politique et culturel de toute la Grèce (cf. Isocrate , Sur

l' échange 224 ; Denys, Isocrate 1, 6 ; aussi Blass 1, t. II, p. 52-63; Jebb 2, t. II, p . 12 sq.; Burk 4, p . 40 sqq., et Norlin 6 , t. I, p . XXVIII sq.). Cicéron a parlé avec

admiration de ses disciples (cf. De oratore II 94: ecce tibiexortus est Isocrates... cuius e ludo tamquam ex equo Troiano meri principes exierunt; aussi Brutus 32 , et Orator 40 ). Hermippe (» H 86 ) écrivit un traité aujourd 'hui perdu sur les Disciples d 'Isocrate (cf. fr.67-78 Wehrli). (Pseudo -)Plutarque, 837 c, lui attribue environ cent élèves, un nombre confirmé par 315 R . Johnson, « A Note on the Number of Isocrates Pupils » , AJPh 78, 1957, p. 297 -300 , qui déduit une moyenne de six disciples par cours (cf. 316 P. Sanneg, De schola Isocratea, Halle 1867, p. 60 , qui réunit le nom de quarante et un d 'entre eux). Dans Sur l'échange 93 sqq., Isocrate nomme ses deux premières promotions, de trois et de cinq élèves respectivement; sur leur identification , cf. Blass 1, t. II, p. 18 sqq. ; et

Münscher 3, col. 2169 sq . Plus loin (§ 101-139), il nomme aussi son disciple le plus célèbre, l'homme d 'État Timothée, fils de Conon (cf.Münscher 3, ibid . ; Too 19 , p . 131 sq., qui remarque le parallélisme entre Isocrate et Timothée qu 'offre le Sur l'échange). Parmiceux qui ont été considérés comme ses disci ples, on peut distinguer des hommes d'État et des orateurs comme Timothée , Isée, Lycurgue, Hypéride ( » H 176 ) , Isocrate d 'Apollonie , Aphareus, le fils

adoptif d' Isocrate, et Céphisodôros (MC 180), qui défendit son maître face aux attaques d'Aristote (cf. supra ); de même que les historiens Théopompe de Chios et Éphore de Cymé, et le poète tragique Théodecte. Il est possible aussi qu 'Aristote ait fréquenté pendant trois ans (3670/364a) l'école d'Isocrate (et non celle de Socrate , comme racontent quelques-unes des Vies du philosophe) avant

d 'entrer à l'Académie (cf. Chroust 297 et 299, p. 96 sqq.). La renommée de son école lui valut, comme nous l'avons vu, de nombreux affrontements avec des membres d'autres écoles. Les péripatéticiens ont repris

les attaques d'Aristote contre le style d 'Isocrate . Démétrios de Phalère (3+ D 54) a critiqué la longueur excessive de ses périodes (fr. 169 Wehrli). Hiéronymos de Rhodes (2H 129 ; ca 290a-2309 ) a consacré un traité à son style, où il déclarait que les discours d'Isocrate étaient agréables à la lecture mais n'étaient pas aptes

à la déclamation (fr. 52 a Wehrli). Les deux critiques ont été reprises au la par l'épicurien Philodème(cf. Philodème, Rhétorique IV , p. 197 -200 Sudhaus). C 'est

936

ISOCRATE D 'ATHÈNES

I 38

à lui que Denys d 'Halicarnasse (cf. Isocrate 13, 2 -5 ) a emprunté le jugement de

Hiéronymos, commel'a suggéré 317 L . Spengel (édit.),Das IV . Buch der Rheto rik des Philodemos in den herkulanischen Rollen, coll. « Abhandl. d . bayer.

Akad. Wiss., philos.-philol. Kl.» III 1, 1837, p. 207-303, notamment p. 273, et à sa suite 318 P . Costil, L 'esthétique littéraire de Denys d 'Halicarnasse, Thèse , Paris 1949, p. 369 ; 319 G . Aujac (édit.), Denys d 'Halicarnasse, CUF, t. I, 1978 ,

p. 193 sqq.; 320 T. Dorandi, « Varietà ercolanesi» , CronErc 21, 1991, p. 105 109, notamment p. 106 ; Indelli 40 , p. 362 sqq. La critique péripatéticienne du style isocratique atteint une forme consacrée avec Denys et Caecilius; elle est

connue par (Pseudo-)Démétrios (cf. § 12, 22, 23, 25, 68 et299) et par (Pseudo -) Longin ( cf. IV 2 , XXI 1 et XXXVIII 2 ), et au IIP elle est reprise par Hermogène

(cf. infra), à travers lequel l'information de la critique parvient à Photius (cf. 321 J . J. Bateman , « The Critiques of Isocrates' Style in Photius' Bibliotheca » , ICS 6 , 1981, p. 182- 196 ). Le style d 'Isocrate a été traité aussi par le philosophe

mégarique Philonicos, apud Denys d'Halicarnasse, Isocrate, 13, 2 ; il a été criti

qué par l’orateur Cléocharès de Myrléa , apud Photius, Bibl., cod. 176 , 121 b , t. II, p . 176 Henry (cf. Münscher 3, col. 2148 sq . et 2221) et par les philosophes

épicuriens (cf. 322 H .M . Hubbell, « Isocrates and the Epicureans » , CPh 11, 1916 , p . 405-418 ; Indelli 40 ; Dorandi 306 et 307 ).

Isocrate est passé à l'histoire comme le négatif de Platon. Ils représententdes

idéaux pédagogiques opposés, dans la mesure où ils ont des orientations diffé rentes: l’un rhétorique, l'autre philosophique. Enfin , l'influence d’Isocrate a été détectée chez un bon nombre d 'auteurs tout au long des siècles. Pour les débuts

de l'Hellénisme, cf. Burk 4 , p . 202 sqq. A propos de l'influence ponctuelle exer cée par Isocrate sur Térence, voir 323 M . Pohlenz, « Der Prolog des Terenz » ,

SIFC 27 -28, 1956 , p. 434-443. L 'influence du style d' Isocrate sur Cicéron est communément reconnue (cf. Jebb 2 , t. II, p . 34 sq. et 448 ; Norlin 6 , t. I, p . XVI,

et surtout Hubbell 314, ainsi que 324 S . E. Smethurst, « Cicero and Isocrates» , TAPHA 94, 1953, p. 261-320). Que Cicéron a connu directement les æuvres d ' Isocrate a été prouvé par 325 A . Weische, Ciceros Nachahmung der attischen Rednern, coll. « Bibliothek der klassischen Altertumswissenschaften » , N . F . 2.

Reihe, 45, Heidelberg 1972, p. 135 sq., 165 sq. Le jugement de l'orateur romain sur Isocrate n 'est pas constant (cf. surtout 326 C . Natali, « L ' immagine di

Isocrate nelle opere di Cicerone », Rhetorica 3, 1985, p. 233-243 ; aussi 327 A. E . Douglas, « A Further Note on Cicero, Brutus 48 » , Latomus 16 , 1957, p. 461; 328 E . Laughton , « Cicero and the Greek Orators » , AJPh 82, 1961, p . 27-49 ;

329 D .C . Innes, « Phidias and Ciceron, Brutus 70 » , CQ 23, 1978, p .470 sq., et Too 19, p. 237). On a repéré des influences isocratiques ponctuelles dans des æuvres de Cicéron : cf. 330 W . Richter, « Einige Rekonstruktions- und Quellen

probleme in Cicero De re publica , I : Die Praefatio des 3 . Buches und die griechischen Kulturentstehungslehren » , RFIC 97, 1969, p. 55-81, et 331 E . Karamalengou , « Le discours Pro Marcello et la place de Cicéron dans la monar

chie de César» (en grec moderne), Parousia 6 , 1988, p. 79- 106 .

ISOCRATE D'ATHÈNES

I 38

937

Denys d'Halicarnasse montre un énorme intérêt à son égard (cf. Aujac 319 , p . 40 sq. et 47 sqq .; 332 S. Usher (trad.), Dionysius of Halicarnassus. The

Critical Essays (texte grec par L . Radermacher), LCL, t. I, London 1974, p. XV XX). Outre l'étude mentionnée plus haut, il a écrit un Traité critique sur Isocrate (aujourd 'hui perdu ) où il reconnaissait, comme le rapporte (Pseudo -)Plutarque, 838 d, qu 'Isocrate était l'auteur de vingt-cinq des soixante æuvres qui circulaient

sous son nom , par rapport aux vingt-huit qu'accepte Caecilius. Il défend dans un plaidoyer intitulé Pour la philosophie politique, perdu aussi,mais connu par une citation dans son Thucydide 2, l'idée isocratique du butmoral de la rhétorique, en accord avec les stoïciens et contre les épicuriens. Concernantnotre auteur il estime la solidité de ses idées et l'orientation morale qu 'il conféra à son école , tandis que son style solennel ne lui plaît pas beaucoup (cf. Hubbell 314, p. 41 53 ; Aujac 319, p. 20 sqq. et 49 sqq.; Usher 332, p. XVI sq.; Laplace 242 ; Bons

49, p . 161 sqq.). 333 M .Mühl, « Der 2 . und 9 . Anacharsisbrief und Isokrates» , AC 40, 1971, p . 111- 120, a repéré aussi des influences sur les Épîtres 2 et 9 de (Pseudo - )Anacharsis, datant probablement de l'époque hellénistique (HA 155 , p . 178 ) ; cf. aussi 334 A . Henrichs, « Isokrates-Imitation

(P . Colon. inv. 3327) » , ZPE 1, 1967, p. 75 sq .

Au jer s. de notre ère, Quintilien, dans la même ligne que Cicéron, rejoint Isocrate sur plusieurs points (cf. Burk 4 , p. 208 sqq.). Un peu avant, Philon d 'Alexandrie a imité , consciemment ou non , des modèles isocratiques (cf.

335 R . W . Smith , The Art of Rhetoric in Alexandria. Its Theory and Practice in the AncientWorld, The Hague 1974, p . 56). Au IIe siècle, la critique du style d'Isocrate est reprise par le rhéteur Hermogène de Tarse dans le lepì ideāv II 11 (p . 397 sq. Rabe ; cf.Laplace 242). L 'influence d'Isocrate sur Aelius Aristide a été étudiée par Hubbell 314 ; cf. aussi Smith 335 , p. 39 ; Romilly 169, p. 79 sqq., et récemment 336 F . Mestre , « Per una lectura de l'Egipci d 'Eli Arístides (xaiNéyelv Ó Néywv, ar ' où xpõua oủoề npãyua) » , Ítaca 2, 1986 , p . 131

142. Pour Flavius- Josèphe,cf. 337 L . H . Feldman , « Josephus' Portrait of Saul» , HebrUCA 53, 1982, p . 45-99. Au IIIe siècle , Philostrate, Vie des sophistes I 17, recueille des informations littéraires et biographiques sur notre auteur. Eusébe de Césarée reprend la caractérisation isocratique du monarque dans la Vita

Constantini et dans De laudibus Constantini 1- 10 (= Trentenaire ). Cette caracté risation accompagnera la monarchie byzantine jusqu 'à la prise de Constan

tinople ; cf. Hadot 102, et 338 H .Hunger, Die hochsprachliche profane Literatur der Byzantiner, München 1978 , t. I, p. 157 sqq. (trad. en grec moderne, t. I, Athènes 1987, p . 245 sqq.); notamment sur Agapetos, au vie siècle , cf. Hunger 338, t. I, p . 160 sq . (trad. grecque, t. I, p . 247 sqq.), et 339 D . G . Letsios, « L ' Exposition de chapitres parénétiques du Diacre Agapetos. Une synopsis de l' idéologie de l'époque de Justinien sur le rang impérial» (en grec moderne), Dodone 14.1, 1985, p. 175-210. Pour le débat au IVe siècle de notre ère entre philosophie et rhétorique, cf. 340 J.M . Candau Morón , « Retórica y filosofía en Juliano » , Emerita 55, 1987 , p. 313 -328. A la même époque, l'orateur Libanios compose son Discours I sur le modèle du Sur l'échange (cf. 341 G .A . Kennedy,

Greek Rhetoric under Christian Emperors, Princeton,New Jersey 1983, p. 34 et

ISOCRATE D 'ATHÈNES

938

I 38

152 sq.). Son influence se fait sentir aussi dans le panegyrique de Procope de

Gaza (cf. Kennedy 341, p. 174). La précision de son style est louée aux ve et vie siècles par le sophiste Romanus (ſlepi åveluÉVOU 2 ; cf. 342 W . Camphausen ,

Romani Sophistae ſlepi åveluévou, Leipzig 1922) et par Dioscorus d'Aphroditô ( cf. 343 P . van Minnen , « Isocrates and Menander in Late Antique Perspective » , GRBS 33, 1992, p. 87-98). Au IXe siècle , Photius, Bibliothèque, cod. 159 (t. II, p . 121 Henry), offre une énumération des discours et des épîtres d' Isocrate qu 'il

a lus , avec de brèves observations et un jugement esthétique dérivé des péripa

téticiens (cf. Bateman 321). Dans le cod. 260 (t. VIII, p . 147 Henry), il nous fournit des informations biographiques sur Isocrate (cf. supra). Au Xe siècle ,

Constantin Porphyrogénète est influencé aussi par son style (cf. 344 R . J. H . Jenkins, « The Classical Background of the Scriptores post Theophanem », DOP

8, 1954, p . 11-30). Norden 161, t. II, p . 795-802, a étudié la diffusion d' Isocrate dans l'huma nisme européen. 345 L . Gualdo Rosa, La fede nella 'Paideia '. Aspetti della for

tuna di Isocrate nei secoli XV e XVI, Roma 1984 (cf. aussi 346 H . W . Arndt, c.r. de Gualdo Rosa 345, dans Gnomon 58 , 1986 , p. 399-404 ), a également analysé

en détail la diffusion d 'Isocrate dans la Renaissance italienne : les traductions en latin de ses discours par les auteurs italiens, le débat sur sa conception rhéto

rique, ainsi que son extension dans toute l'Europe, surtout dans les pays de langue germanique; cf. aussi Burk 4 , p . 211 sqq. Pour les travaux dédiés à des auteurs appartenant aux siècles suivants, cf. 347 T . S. Beardsley, « Isokrates, Shakespeare, and Calderón. Advice to a young Man » , Hispanic Review 42 ,

1974, p . 185- 198, où sont commentées deux adaptations dramatiques du discours A Démonicos; 348 K .Kiniki, « Le discours à Nicoclès parMisiodax» , Hellenica 39, 1976 , p. 61- 115 ; 349 R . Maisano , « Il volgarizzamento d'Isocrate di Giacomo Leopardi» , AAP 23, 1974, p . 253 - 269 ; aussi 350 A . Dutu, « Un criti

que des normes de conduite isocratiques, Dinicu Golescu » , RESE 5, 1967, p . 475-488 .

On évoque de nos jours la nécessité de récupérer le modèle isocratique dans l'éducation (cf. Poulakos 176 , p . 17 sqq. ; Lombard 18 , p . 133 sqq. ; 351 G . B . Wittmer , Isocrates and the Rhetoric of Culture, Thèse de l'Univ . de Pittsburgh 1991, résumée dans DA 53, 1993, p . 3048 A ; Too 19 , p . 221-232).

Noticetraduite de l'espagnol et adaptée par Fedra Egea Tsibidou. JUAN LUIS LÓPEZ CRUCES et PEDRO PABLO FUENTES GONZÁLEZ .

39

ISSOS

Iva

Dansun fragment rapporté à l'Eroticos d 'Aristote (fr. 4 Ross ), tiré d 'un traité mystique sur l'amour d ' Abül- Hasan 'Ali b . Muhammad al-Daylami (fin du Xe

siècle de notre ère ] (cod. Tübingen Weisweiler, 81), un disciple du nom d 'Issos interroge Aristote sur la nature de l'amour.Le passage est traduit en anglais dans

D . Ross, The Works of Aristotle translated into English , XII: Select fragments, Oxford 1952, p . 26 . Sur ce passage, voir R . Walzer , « Aristotle , Galen , and Palla

I 40

939 ITALICUS (SILIUS -) dius on Love », JRAS 1939, p. 407 -422, repris dans Greek into Arabic. Essays on Islamic Philosophy, coll. « Oriental Studies» 1, Oxford 1962, p. 48-59. Ce nom ne semble attesté en grec que pour la ville de Cilicie, lieu de la victoire d 'Alexan

dre sur Darius en 3338. “ Isos" est cependant le nom d'un fils de Priam tué par Agamemnon (II. XI 101). Walzer ( p. 54 ) signale que cette forme est employée par Flavius Josèphe, Antiquités juives X 8 , 6 , pour un nom d'origine juive. Il apparaît également dans une inscription de l’Asclépieion d 'Épidaure (première moitié du II s. av. J.-C .) comme le nom du père de deux proxènes d ' origine crétoise (IG IV 2 , n° 96 ) . Comme l' Eroticos est un dialogue composé sans

doute alors qu 'Aristote était encore membre de l'Académie, Walzer en conclut que Is( s)os était un membre de l'Académie tardive d 'origine crétoise.

MAROUN AQUAD et RICHARD GOULET. consul en 68 40 ITALICUS (SILIUS -) RE 17 PIR S 509 Hommepolitique et poète épique romain . On connaît peu les détails de sa vie, dont témoignent principalement Plinę, Epist. III 7 , et Martial VIII 66 . Né entre 23 et 35 , Tib . Catius Asconius Silius Italicus (pour le nom complet, voir W . M . Calder, CR 49, 1935 , p. 216 -217) fut consul en 68 ; il avait auparavant exercé une activité peu honorable comme delator sous le règne de Néron. Après sa carrière politique, il s'adonna à une vie

de philosophe et de poète sur ses domaines, au sud de l' Italie. L 'appartenance aux cercles stoïciens est confirmée par Cornutus ( C 190 ), qui luidédia un livre (cf. Charisius, Gramm . I 125, 16 - 18 Keil), ainsi que par Épictète (» E 33) qui le qualifie de philosophe romain (III 8, 7). Souffrant d'un mal incurable, ilmit fin à

sa vie (vers 101) par suicide (Pline, Epist. III 7, 1-2), comme l'admet l'éthique stoïcienne si le malade craint pour sa libre volonté (EŬoyos žaywyń , cf. SVF

III 757-768 ). Sa renommée de stoïcien est due surtout à la façon dont il décrit les héros romains dans son épopée Punica. On ne doutera point du coloris stoïcien quand Scipion , à l'instar d'Hercule à la croisée des chemins (cf. Xénophon , Mem . II 1, 21-34 ; Cic ., Off. I 118), se décide pour la vertu (livre 15); il en va de même de l'épisode de Regulus, qui retourne à Carthage pour être torturé à mort (livre 6 ). L ' interpretatio Stoica de ces deux personnages, imitant leurs modèles Hercule et Caton (MC 59), a été élucidée avant tout par 1 M . von Albrecht, Silius Italicus. Freiheit und Gebundenheit römischer Epik , Amsterdam 1964, et par 2 E . L .

Basset, « Regulus and the Serpent in the Punica » , CPh 50, 1955, p. 1-20. Ils sont suivis, sans réserve, par 3 M .L . Colish , The Stoic Tradition from Antiquity to the Early Middle Ages, coll. « Studies in the History of Christian Thought» 35 , Leiden 1985, t. I, p . 281- 289. Jugement plus nuancé chez 4 M . Billerbeck, « Stoi zismus in der römischen Epik neronischer und flavischer Zeit » , ANRW II 32 , 5 , 1986 , p. 3134 -3143: bien que les Punica ne cachent pas l' influence stoïcienne, les qualités de virtus, fides et patientia ,mises en évidence par Scipion et par Regulus, sontdes valeurs profondément romaines. Orientation bibliographique. M . von Albrecht, A History of Roman Litera

ture ,coll. « Mnemosyne Supplements» 165, Leiden 1997, t. II, p . 969-971. MARGARETHE BILLERBECK .

940

IUBA DEMAURÉTANIE 41 IUBA (Juba) II DE MAURÉTANIE RE 2 PIR 165

141

ca 50a - 23/24P

Auteur polygraphe, roi numide de Mauretanie de 250 à 23/24P, plus célèbre comme érudit que comme souverain ,au dire de Pline,Histoire Naturelle V 16 . Nom .Néopun. Ywb ( )y; gr. 'loßas, ’loúſas, 'loßárns (?) ; lat. Iuba.

Témoignages et fragments. 1 A . Görlitz , lubae Il regis Mauritaniae vita et fragmentorum pars I, Breslau 1848, 2 Id ., De lubae II regis Mauritaniae frag

mentis, pars altera , Breslau 1862; 3 C. Müller, FHG , t. III, p. 465-484 ; 4 H .

Funaioli,GRF, t. I, p . 451-456 ; 5 F. Jacoby, FGrHist 275 (Text: t. III A , p. 127 155 ; Kommentar : t. III a, p. 317 -357 ; addenda et corrigenda: t. III a, p. 403 404 ).

Études d 'orientation . 6 I.G . Hulleman , De vita et scriptis lubae disputatio , Utrecht 1845 ; 7 W . Plagge, De luba II rege Mauretaniae, Münster 1849 ; 8 H . Peter, Über den Wert der historischen Schriftstellerei von König luba II von Mauretanien, Meissen 1879 ; 9 M .R . de la Blanchère , De rege luba regis lubae filio, Paris 1883 ; 10 Susemihl, GGLA, t. II, p. 402 -414 ; 11 F. Jacoby, art. « luba» 2, RE IX 2, 1916 , col. 2384 -2395 ; 12 W . Schmid ,Wilhelm von Christ's Geschichte der griechischen Literatur, Zweiter Teil : Die nachklassische Periode der griechischen Literatur, Erste Hälfte : Von 320 vor Christus bis 100 nach Christus, coll. « Handbuch der Altertumswissenschaft » VII 2, 1, Sechste Auflage unter Mitwirkung von O . Stählin , München 1920 , réimpr. 1959, p. 401-403 ; 13 S. Gsell, « Juba II, savant et écrivain » , RAF 68, 1927, p. 169- 197 (= 14 , p. 251-276 ) ; 14 Id ., Histoire ancienne de l'Afrique du Nord, t. VIII: Jules César et l'Afrique. Fin des royaumes indigènes, Paris 1929, p. 206 - 287 ; 15 J. Carco pino, Le Maroc antique, coll. « La suite des temps» 10, Paris 1943, p. 31-35 ; 16 A . Stein et L . Petersen, PIR2 IV 3, 1966 , I65 , p . 118-119 ; 17 W . Spoerri, art. « luba» 2, KP II, 1967, col. 1493- 1494. A . Biographie. Dans cette section consacrée à la biographie de Juba, nous distribuons la matière en trois parties: la première concernant les données principales sur la vie; la deuxième l'activité publique; la troisième enfin les données relatives à la divinisation du personnage.

( 1) Juba II est fils du roi Juba I de Numidie etdescendant de Massinissa : CIL II, n° 3417 : « Regi lubae regis I lubae filio regis I lempsalis n(epoti) regis Gau dae I pronepoti regis Masinissae pronepotis nepoti | II vir quinq(ennali) patrono | coloni» ; cf. 18 A . Beltrán , « Las inscripciones latinas honorarias de Carta

gena» , RABM 55, 1949, p. 523-526 . Il est né vers 50a. Son père prit une part active dans les conflits armés de la fin de la République aux côtés des partisans de Pompée. Lors de sa défaite à Thapsos en 46 , il fut contraint au suicide. Encore enfant, Juba II est conduit à Rome, où il fait partie du cortège célébrant le triomphe de César (cf. FGrHist 275 T 1, 2 a, 2 b). En Italie , il reçoit sans doute l' instruction propre à l'oligarchie romaine, car il se forme dans l'entourage

d 'Auguste , qui lui accorde la citoyenneté romaine. Il prend le prénom et le nom de son protecteur, c'est-à-dire Caius Iulius (cf. Gsell 14, p. 207 ), et fait partie de sa cohors amicorum (T 1 et T 12 c = Avienus, Ora maritima 279 : « Octaviano

principi acceptissimus... Juba» ). D 'après le témoignage de Dion Cassius (LI 15,

141

IUBA DE MAURÉTANIE

941

6 = T 3 a), il accompagne Auguste dans une de ses expéditionsmilitaires, peut être à Actium pendant la guerre contre Antoine (319) ou en Hispanie pendant la

campagne contre les Asturiens et les Cantabres en 26/25a(cf.Gsell 14, p. 208 ;

Carcopino 15 , p. 31). Grâce à un autre témoignage de Dion Cassius (LIII 26 , 2 = T 4 a), on sait que Juba, après cette guerre, qui a eu lieu en 25a, date confirmée par la numismatique (cf.Gsell 14, p . 211), reçoit d'Auguste la souveraineté sur la Maurétanie unifiée. Dans nos sources, il est appelé Maupovoiwv Baoineúc (T 12 a ), Aißúwv Baoideus ( T 7, F61), ou Aißúns xaiMaypovolac Baoideus

(T 1). Ce territoire coïncide avec l'État de Bocchus II (la Maurétanie de l'Est, entre l'embouchure de la Mulucha (Moulouya ) et celle de l'Ampsaga (Oued -el Kebir ]), l'État de Bogud (la Maurétanie de l'Ouest, de l'Océan à l'embouchure de la Mulucha), ainsi qu 'avec une partie de la Gétulie à la place du royaume

paternel (cf. 19 J. Desanges, « Les territoires gétules de Juba II », REA 66 , 1964 , p. 33-47). Dion affirme ailleurs (LI 15, 6 = T 3 a ) qu'Auguste accorde à Juba την βασιλείαν την πατρώαν, ce qui a fait croire a certains critiques que Juba est devenu roi auparavant en Numidie (cf.Müller 3, t. III, p. 465 ). Cependant, il

ne faut pas interpréter l'expression de Dion comme « le royaume de son père », mais comme « la dignité royale qu 'avait possédée son père » (cf. Desanges 19, p. 31 n . 5). Par ailleurs, Strabon XVII 3, 7 (= T 4 c) affirme que Juba a reçu les

royaumes de Bogud et de Bocchus outre les États de son père. Mais la réalité s'oppose à cette affirmation, car la Numidie apparaît parmi les provinces romai nes de 27a, comme en témoigne Dion Cassius LIII 12, 4 (cf. Desanges 19, p. 34 ). Un autre passage de Strabon (VI 4 , 2 = T 4 b ) semble s 'accorder davantage à la réalité historique : outre la Maurousie , Juba a reçu une grande partie du reste de la Libye (cf. 20 P. Romanelli, Storia delle province romane dell'Africa, Roma 1959, p. 156 -158, 166 ). A ces témoignages il faut ajouter Tacite , Annales IV 5, 2 (= T 8 a ) : « Mauros Juba rex acceperat donum populi Romani» , et Pline, Histoire Naturelle V 16 (= T 12 b ): « Juba... qui primus utrique Mauretaniae imperitavit » . L 'affirmation de Pline est erronée, car Bocchus II avait été déjà roi de Mauretanie entre 38 et 33a (cf. 21 J. Desanges [édit.), Pline l'Ancien . Histoire naturelle . Livre V , 1 -46 . Texte établi, traduit et commenté , CUF, Paris 1980 ,

p. 142 [commentaire de V 16 , 2 ]).

Les Gétules se soulevèrent contre Juba en 6P (cf.Dion Cassius LV 28 , 3-4 = T6 ). La révolte fut réprimée par Cossus Cornelius Lentulus, alors proconsul d'Afrique ( cf. Velleius Paterculus II 116 , 2 ; Florus II 31 ; Orose, Adv. Pagan . VI 21, 18 ). Juba collabora à la victoire, si bien qu 'il fut associé à celle -ci avec Cos sus, et il reçut les « triumphalia insignia » , comme l' indiquent lesmonnaies qu 'il fit frapper dans les XXXI (6 - 7P ) et XXXII (7 -8P) années de son règne (cf. 22 J. Mazard , Corpus nummorum Numidiae Mauretaniaeque, Paris 1953, nºs 193-201, 282). Il est possible que Juba ait dû faire face aussi à d'autres révoltes (cf. Desanges 19, p . 37 sq.). En tout cas, il a pris part à la guerre contre Tacfarinas (17 -24P) , car certaines des monnaies frappées entre les XLIII (18 -19P) et

XLVIII (23-24P) années de son règne attestentqu'il a été associé aussi aux pré tendues victoires remportées sur Tacfarinas par les proconsuls de ces années-là .

942

IUBA DEMAURÉTANIE

141

Juba doit à Auguste, par l'intermédiaire d'Octavia (Plutarque, Vie de Marc Antoine 87, 2 = T 3 b ) , son mariage avec Cléopâtre Sélène (PIR ? II,nº 1148 ; cf.

Dion Cassius LI 15, 6 = T 3 a ; Suétone, Vie d 'Auguste 48), la fille de Cléopâtre et Marc-Antoine ( T 1). Cléopâtre Sélène est née probablement en 40a (cf. 23 F . Stähelin , art. « Kleopatra » 23, RE XI 1, 1921, col. 784). Elle a comme pré cepteur Nicolas de Damas (FGrHist 90 T 2 ), et son expérience ressemble curieu

sement à celle de Juba : après la mort de ses parents, elle fut conduite à Rome en 294, faisant partie du triomphe d'Auguste (Dion Cassius LI 21, 8). Auguste confia son éducation à Octavia. La date de son mariage avec Juba n'est pas sûre,

mais on peut songer comme terminus ante quem à 20/ 199, date où unemonnaie avec les visages et les noms de Juba et Cléopâtre a été frappée (cf.Gsell 14,

p .218 ;Mazard 22, nº 357). Une épigramme de Crinagoras (AP IX 235) semble faire allusion à ce mariage (cf. Stähelin 23, col. 784, et plus récemment, avec des

nouveaux arguments, 24 D . Braund, « Anth. Pal. 9.235 : Juba II, Cleopatra Selene and the course of the Nile » , CQ 34, 1984, p. 175- 178 ). En revanche, Gsell 14 , p .218 , s'oppose à cette interprétation . D 'origine royale comme son époux, Cléopâtre a été peut- être rattachée officiellement à Juba: l'un et l'autre apparaissent dans les monnaies, soit les deux ensemble, soit séparés. Cléopâtre y est qualifiée souvent de Baoiloon, avec son nom et son titre toujours en grec, même lorsqu 'on trouve la légende latine « Rex luba » (cf. Gsell 14, p . 243) . Sélène a collaboré

sans doute à la diffusion de la culture hellénistico -égyptienne. En ce sens, on peut remarquer la présence demotifs égyptiens, notamment isiaques, dans les monnaies en question : d 'après Pline (Histoire Naturelle V 51 = F 38 a ), Caesarea, capitale de Juba, possédait un Iseum ; les monnaies confirment en tout cas l'existence du culte d 'Isis dans cette ville (cf. Mazard 22,

nos 222-226 [monnaies de Juba); nos 297, 298, 301-338 (monnaies de Juba et Cléopâtre avec des symboles isiaques au revers)).

Juba et Cléopâtre ont eu un fils appelé Ptolémée, en souvenir des ancêtres de

Cléopâtre (une inscription d'Athènes, IG III 555 = OGIS 197 = IG II? 3445,le décrit comme « fils du roi Juba, descendant du roi Ptolémée » ). D 'après Gsell 14 , p . 220-222, peu après la naissance de Ptolémée (6 -5a ?),Cléopâtre est morte (une épitaphe de Crinagoras, Anth . Pal. VII 633, peut avoir été écrite en son honneur).

Ptolémée devientroi de Mauretanie en 23/24P, après la mort de son père, bien qu 'il soit possible que Juba l'ait auparavant déjà associé au pouvoir , probable

ment en 20 /21, conformément aux renseignements fournis par la numismatique (cf.Gsell 14 , p . 278 -279 ). Son royaume dura jusqu 'en 40P, date à laquelle Cali gula le fit tuer (Suétone, Vie de Caligula 26 et 35 ; Dion Cassius LIX 25, 1; Pline, Histoire Naturelle V 11) . Les critiques ont donné des explications différentes sur les raisons possibles de la mort de Ptolémée : cf. 25 J. Carcopino , « Sur la mort de Ptolémée, roi deMauretanie » , dansMélanges de philologie , de littérature et d 'histoire ancienne offerts à A. Ernout, Paris 1940, p . 39-50, repris dans Id. 15 , p . 191- 199 ; 26 M . Hofmann , art. « Ptolemaios von Mauretanien » 62, RE XXIII 2 , 1959, col. 1780- 1787 ; 27 T . Kotula , « Encore sur la mort de Ptolémée, roide Mauré

tanie » , Archeologia 15, 1964, p . 76 -94 ; 28 D . Fishwick , « The annexation ofMauretania »,

Historia 20 , 1971, p . 467-487 ; 29 J.-C . Faur, « Caligula et la Maurétanie : la fin de Ptolémée» , Klio 55, 1973, p . 249-271 ; 30 D . Fishwick et B . D . Shaw , « Ptolemy ofMauretania and the

conspiracy of Gaetulicus » , Historia 25 , 1976 , p. 491-494 .

Après la mort de Ptolémée, Caligula fit de la Maurétanie une province romai ne. Elle fut divisée à l'époque de Claude (42P) en Caesariensis et Tingitana

141

IUBA DEMAURÉTANIE

943

(Dion Cassius LX 9 , 5), correspondantaux royaumes de Bocchus et de Bogud (Pline, Histoire Naturelle V 19).

Il n 'y a pas d'indice permettant de déterminer avec certitude si Juba a eu de Cléopâtre d' autres descendants.On pourrait penser à Drusilla (PIR2 III, nº 196 ), la femme d 'Antonius Félix , procurateur de Judée ,mentionnée par Tacite , Histoi res V 9, comme « Cleopatrae et Antonii neptis » (cf. 31 A . Stein , art. « Drusilla »

2, RE V 2, 1905, col. 1741). Grâce à Flavius-Josèphe (Antiquités judaïques XVII 349 ; Guerre des Juifs II

114 = T 7), on sait que Juba célébra un deuxièmemariage avec Glaphyra (PIR? IV 1, nº 176 ), fille d'Archélaos, roide Cappadoce, et veuve d'Alexandre, le fils

d'Hérode le Grand. On ne possède pas d'autre renseignement sur ce sujet (cf. cependant IG III 549 = OGIS 363 = IG II2 3437, avec des suppléments de Mommsen : Bjaoiriooav (Taapúpav] | ’A [p ]y [ɛ ]a [álov Quylatépa , 'Ióſa | yuvarxa ]). Müller 3, t. III, p. 466 (cf. aussi de la Blanchère , p. 76 -77 ; Gsell 14, p . 222 sq.), suggère que Juba a célébré ce mariage lorsqu 'il a accompagné (ou qu 'il s'est associé à) C . César, petit-fils d'Auguste , dans sa campagne en Orient ( 19 -4P). Mais cette supposition est très douteuse (cf. Jacoby 11, col. 2368 ). En tout cas, le renseignement de Flavius-Josèphe, selon lequel Glaphyra est devenue veuve de Juba avant son troisièmemariage avec Archélaos, un autre fils d 'Hé

rode, se révèle erroné.Müller 3, t. III, p . 466 , considère comme probable que Juba répudia cette femme (cf. Gsell 14, p . 222 ; 32 H . Willrich , art. « Glaphyra »

2, RE VII 1, 1910, col. 1381). (2) Juba établit sa capitale dans l'antique lol, qu'il rebaptisa Caesarea (Stra bon XVII 3, 12 = T 5 a ), l'actuelle Cherchel, en l'honneur de l'empereur Au

guste , son protecteur. En donnant ce nom à sa capitale , il adopta l'attitude politique typique des rois vassaux de Rome, qui donnaient le nom de Caesarea (ou en grec Eeßaotń) à leurs cités les plus importantes, comme l'affirme Sué tone, Auguste 60 : « reges amici atque socii et singuli in suo quisque regno Cae

sareas urbes condiderunt» (cf. aussi Eutrope, Breviarium ab Urbe condita VII 10 , 3 Santini: « tanto autem amore etiam apud barbaros fuit, ut reges populi Romani amici in honorem eius conderent civitates, quas Caesareas nominarent, sicut in Mauritania a rege luba» ). Cf. 33 Ph. Leveau, Caesarea deMauretanie, une ville romaine et ses campagnes,« Coll. de l' École Française de Rome» 70, Roma 1984, p . 16 - 19 . Sur Césarée de Mauretanie , voir aussi 34 S . Gsell, Cherchel, antique Jol- Caesarea (mis à jour par M . Le Glay et E. S. Colo zier), Alger 1952 ; 35 K . Fittschen , « Juba II. und seine Residenz lol/Caesarea (Cherchel) » ,

dans 36 H . G . Horn et C . B . Rüger (édit.), Die Numider. Reiter und Könige nördlich der

Sahara , coll. « Kunst und Altertum am Rhein » 96 , Bonn /Köln 1979, p . 227 -242 ; 37 Ph . Leveau, « Caesarea deMaurétanie », ANRW II 10 , 2, 1982, p. 683-738.

Caesarea a fait l'objet d'une véritable refondation sous Juba. Celui-ci a entre

pris des travaux pour l' embellir et il en a fait un centre de civilisation et de culture, si bien que la cité est devenue très célèbre (T 5 b = Pline, Histoire Natu

relle V 20 : « oppidum celeberrimum Caesarea » ; T 5c = Méla I 30 : « lol ad mare aliquando ignobilis , nunc quia lubae regia fuit et quod Caesarea vocitatur inlustris » ; cf. aussi Ampelius, Liber memorialis 38 , 2 : « luba .. . qui Caesaris

944

IUBA DE MAURÉTANIE

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Augusti iussu regnavit etmagnificentissimam urbem Caesaream condidit» ). Les données fournies par la numismatique et par l'archéologie (notamment la sta

tuaire ) prouvent que Caesarea a été l'une des premières cités de l'Occident à rendre un culte à Auguste etmême à la domus Augusta : l'existence de Jeux en l'honneur de l'empereur semble assurée, d'après Leveau, 33 , p. 17 , par la construction de l'amphithéâtre.Leveau considère qu 'il faut sans doute expliquer le caractère précoce de ce culte à Caesarea en le rattachantau culte qu 'on y ren dait aux rois Maures. C 'est pourquoi, d 'après lui, « sous ces rois , ce culte a pu prendre une importance croissante parallèlement au renforcement de la monar

chie et en liaison avec des influences hellénistiques et lagides , pour ne pas dire

égyptiennes » (ibid.). On ne possède pas de renseignements dignes de foi sur la possible activité de Juba dans l'urbanisation d 'autres lieux de Mauretanie , comme Tipasa (cf. 38 S. Lancel, « Tipasa de Mauretanie : histoire et archéologie, I: État des questions des

origines préromaines à la fin du IIIe siècle », ANRW II 10, 2, 1982, p. 755 -756 ). En toutcas, il faut lui attribuer la collection de bronzes réunis à Volubilis, si cette ville a été sa résidence et sa deuxième capitale dans la Maurétanie occidentale ,

conformément à la thèse de 39 J. Carcopino, « Volubilis, résidence de Juba et des gouverneurs romains» , Hespéris 17, 1935, p . 1- 24 = Id . 15 , p. 167- 190 ). Cette thèse est suivie par 40 A . Jodin , Volubilis, regia lubae. Contribution à l'étude des civilisations du Maroc antique préclaudien , « Publications du Centre Pierre

Pâris » 14, Paris 1987, p . 312-317. En fait, à ce qu 'il semble, il n 'y a pas de preuves concluantes pour soutenir cette hypothèse, comme le montrent 41 H . Ghazi et Ben Maïssa, « Volubilis et le problème de regia Jubae » , dans A . Mastino et P. Ruggeri (édit.), L 'Africa romana 10 (Atti del X convegno di studio Oristano. 11- 13 dicembre 1992, coll. « Publicazioni del Dipartimento di Storia dell'Università degli studi di Sassari» 25, Sassari 1994, p. 243-261, car si on attribue à Juba II la possession de deux capitales, ce cas serait unique en Afrique Mineure ; en outre, il n 'y a pas de témoignages littéraires ou archéologiques (de la statuaire ou des sources épigraphiques) permettant d'envisager une regia

Jubae en Volubilis. Celle -ci a été probablement une civitas foederata , statut incompatible avec celui d'une cité regia (cf. 42 M . Christol et J.Gascou , « Volu

bilis,cité fédérée ?» ,MEFRA 92, 1980-1981, p. 329- 345). En tout cas, Juba a contribué largement à l'apogée de la romanisation et à la

diffusion de la culture grecque au nord de l' Afrique,ainsi que, à une échelle plus ou moins grande, à son développement économique. En ce sens, on sait qu'il s'est efforcé de favoriser les rapports commerciaux de Caesarea (et en général de

la Maurétanie ) avec des cités de l'Hispania , l'Italie et la Gaule (cf.Gsell 14, p. 231-233). En suivant peut-être une tradition phénicienne et carthaginoise, Juba a été également le

fondateur aux « Purpurariae insulae » d 'une industrie de teinture de pourpre, la « purpura gae

tulica » , très appréciée à Rome(cf. Horace, Épîtres II 2 , 181 ;Ovide, Fastes II 319). Pour les îles Purpuraires, nous renvoyons à 43 H . Treidler, art. « Purpurariae insulae » , RE XXIII 2, 1959 , col. 2020 -2028. Ces îles ont été situées face aux Autololes (Pline, Histoire Naturelle VI 201 = F 43). Sur ce peuple , voir 44 J. Desanges, Catalogue des tribus africaines de l'Antiquité

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classique à l'ouest du Nil, Dakar 1962, p . 208 -211. Elles ont été identifiées avec l'île et les îlots deMogador (cf.Gsell 14, p. 233-234 ; 45 J . Desjacques et P . Koeberlé, « Mogador et les îles Purpuraires» , Hespéris 42, 1955, p . 193 -202), petite île située en face de l'actuelle cité de

Essaouira, sur la côte atlantique du Maroc (cf. 46 E . Lipiński, art. «Mogador», dans Diction naire de la Civilisation Phénicienne et Punique, Paris 1992, p . 296 ). Certains critiques ont soutenu aussi l'identification des Purpuraires avec une partie des îles Canaries, ou avec

Madeira et Porto Santo : cf. 47 E .H . Bunbury, A History of ancient geography, London 1879, réimpr. Amsterdam /Uithoorn 1979, t. II, p . 175- 176 , 202 - 204 ; 48 J. Álvarez Delgado , « Las

“ Islas Afortunadas " en Plinio » , Revista de Historia (Universidad de la Laguna ) 11, 1945 , p . 26 -61; 49 Id ., « Purpura gaetulica » , Emerita 14, 1946 , p . 100 - 127 ; 50 L . de Sagazan ,

« L 'exploration par Juba II des îles Purpuraires et Fortunées », Revue Maritime, fasc . 125, 1956 , p. 1113-1121 ; 51 J.Gattefossé, « La pourpre gétule, invention du roi Juba de Mauréta

nie », Hespéris 44, 1957, p. 329-334 . Cependant, ces hypothèses ne sont pas acceptées aujourd 'hui (cf. 52 A . Jodin, Les établissements du roi Juba II aux îles Purpuraires (Moga

dor), Tanger 1967, p. 8 -13).

Juba participait donc de l'évergétisme caractéristique des rois hellénistiques, commel'attestent aussi d'autres renseignements : (a)Le renseignement de Pausanias I 17, 2, selon lequel les Athéniens élevèrentune statue de Juba dans le gymnase de Ptolémée, sur l'agora, où il y avait une grande bibliothèque, peut s'expliquer par le philhellénisme de Juba et sa réputation d 'homme sage et érudit, bien qu 'il puisse s'expliquer aussi comme un geste de reconnaissance pour des faveurs reçues. En fait, comme l'affirme Suétone, Auguste 60 , les rois amici et socii de Rome « cuncti simul aedem

lovis Olympii Athenis antiquitus incohatam perficere communi sumptu destinaverunt ». (b ) Les magistratures honorifiques que Juba détint à Gades et à Carthago Nova, les plus importantes parmi les villes phéniciennes et puniques du sud de la péninsule ibérique, mon

trent qu'il a eu un rapport particulier avec l'Hispania (cf. 53 J.Mangas, « luba II de Maurita nia,magistrado y patrono de ciudades hispanas », dans Actas del Congreso Internacional « El Estrecho de Gibraltar » (Ceuta, noviembre 1987), t. I: Prehistoria e Historia de la Antigüe dad,Madrid 1988, p. 731-740). En effet, d'après Avienus, Ora maritima 275 -283 (= T 12 c ), Juba fut nomméduovir de Gadès, ancienne fondation phénicienne. En outre, par les docu ments épigraphiques (CIL II, 3417) et numismatiques (cf. 54 M . del Mar Llorens Forcada, La

ciudad romana de Carthago Nova : las emisiones romanas, Universidad de Murcia, Murcia duovir 1994 , p .65 -70 ) on sait qu ' il a été aussi patronus,magistratmunicipal avec le rang de

quinquennalis et magistrat monétaire de Carthago Nova, fondation punique des Barcides (cf. 55 F. Beltrán Lloris, « Los magistrados monetales en Hispania » , Numisma 28 , 1978 , p. 169- 211; 56 A . Beltrán , « luba II y Ptolomeo , de Mauritania , II viri quinquennales de Car thago Nova » , Caesaraugusta 51-52, 1980, p. 133- 141 ; 57 J. Mangas, « Magistrados mone

tales y patronos de ciudades »,dans Homenaje al Prof.A. Galmés,t. III,Madrid , 1987, p. 183 dit, sa nomination commepatronus etduovir de cités de l'Hispania peut répondre 190). àCela des exigences du pouvoir central de Rome ainsi qu 'aux rapports commerciaux entre

aussi ces villes et la Maurétanie (cf. Mangas 53, p . 737-739 ; 58 E . Gozalbes (González sic ) Cra

vioto, « Relaciones comerciales entre Carthago Nova y Mauritania durante el Principado de Augusto » , AUMur 40, 1983, p. 13-26 ).

(3) Son évergétisme et son désir d'apparaître comme un roi intégrateur (imposé par Rome et dévoué à la Grèce, mais non moins descendant de Massi nissa) peut expliquer en partie sa prétention à rattacher sa généalogie à Héraclès.

Cette prétention semble confirmée par des monnaies qu'il a émises, le représen tant avec la peau du lion de Némée ou avec d'autres attributs d'Héraclès,comme la massue ou le scyphos (Gsell 14 , p. 237-238 ), ainsi que par le témoignage de Plutarque, Vie de Sertorius 9 (= T 10), affirmant que son lignage était apparenté à Sophax (fils d 'Héraclès et Tingis, la femme d ' Antée) et à son fils Diodoros, fondateur de la dynastie des rois deMaurétanie. De cette volonté de se rattacher

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à Héraclès et d 'acquérir des origines divines, on a conclu à l'existence d'un culte rendu à Juba, qu' il faudrait rattacher aussi au phénomène principal de la religion indigène commune au nord de l'Afrique, à savoir le culte rendu aux rois. 59 E .Gozalbes Cravioto (Gonzalbes sic ), « El culto indígena a los reyes en Mauritania Tingitana. Surgimiento y pervivencia » ,MHA 5 , 1981, p . 153- 164 , soutient que ce culte royal

rendu à Juba est attesté par plusieurs indices ( cf. dans le même sens Gsell 14 , p. 235) : (a ) une inscription associant Juba à Jupiter et à un génie local (CIL VIII 20627) ; (b) les témoignages d 'auteurs chrétiens comme Minucius Felix (Octav. XXI 9 = T 9 : « luba Mauris volentibus deus est» ) et Lactance (Institutiones divinae I 15, 8 : « hac scilicet ratione Romani Caesares suos consecraverunt etMauri reges suos... Summa veneratione colue runt, ut... Mauri lubam » [Nous pourrions ajouter Isidore, Etymologies VIII 11, 1 : « quos pagani deos adserunt... ut... apud Mauros luba .» Il faut remarquer cependant que la divinisa

tion d'hommes est devenue un simple topos évhémériste chez ces auteurs chrétiens: cf. 60 K .

Thraede, art. « Euhemerismus » ,RAC VI, 1966, col. 877-890, notamment col. 888 sq .); (c ) le fait que Lucceius Albinus, procurateur impérial des deux Maurétanies, avait tenté de s'attirer les Mauritaniens en adoptant les insignes royaux et le nom de Juba (Tacite , Histoires II 58 ).

En revanche, 61 F. Decret et M . Fantar, L 'Afrique du Nord dans l'antiquité, Paris 1981,

p . 256 -259 (qui renvoient à 62 G . Camps, « L 'inscription de Béja et le problème des Dii Mauri » , RAF 98, 1954, p . 233- 261), remarquent comment l'onomastique libyenne permet très souvent de constater que les rois prennent des noms de divinités : ce serait le cas de Juba ſer et de son fils. Par conséquent, dans l'inscription citée, une divinité portant le nom de Juba est invoquée en même temps que Jupiter et les « dii Ingirozoglezim » (cf. 63 J. B . Keune, art.

« luba » 4 , RESuppl. III, 1918, col. 1302-1303).

B . Euvre. On peut affirmer que Juba a écrit en grec, d'après le témoignage fourni par Plutarque, Vie de César 55, 3 = T 2 a : ' Exnvwv toic roavuadeo

Tátous évapiouioc... ourypapeữOLV ; Id., Comparaison de Pélopidas et de Marcellus 1, 8 = F 25: Tőv 'Exinvixõv ’ lóßą to BaoineT TILOTEÚQUEv. Comme le remarque 64 J. Desanges, « Les sources de Pline dans sa description de la Tro glodytique et de l'Éthiopie (NH 6 , 163- 97 )» , dans J. Pigeaud et J. Oroz (édit.),

Pline l'Ancien témoin de son temps, coll. « Bibliotheca Salmanticensis» , Estu dios 87, Salamanca/Nantes 1987, p . 277 -292, notamment p . 282 sq. et n . 29 (cf. 65 J. André, « Erreurs de traduction chez Pline l' Ancien » , REL 37, 1959, p. 203

215), Juba devait connaître le grec mieux que Pline, qui le cite toujours parmi les auctores externi.Mais il maîtrisait aussi le punique (cf. Ammien Marcellin XXII

15, 8 = F 38 b = FGrHist 764 F 19 a ; Solin XXXII 2 = FGrHist 764 F 19 b) et, bien sûr, le latin . Juba n 'a pas été un philosophe proprement dit. Cependant, nos témoignages

s'entendent à le décrire comme un homme cultivé et savant: cf. Plutarque, Vie de

Sertorius 9 , 10 (= T 10 ) : 'Ióſa... TOŨ Távtwv iotopixwtátov Baolhéwv; Plu tarque, Vie de Marc-Antoine 87, 2 (= T3b): ’ióba to zapleotatu Baothéwv;

Athénée III 25, 83 b (= T 12 a ) : ävôpa novuabéotatov ; Pline, Histoire Natu relle V 16 (= T 12 b ): « studiorum claritate memorabilior etiam quam regno » ; Avienus, Ora maritima 280 (= T 12 c) :« literarum semper in studio luba» ; Am pelius, Liber memorialis 38 , 2 : « luba rex litteratissimus » . D 'après Plutarque, Vie de César 55 , 3 (= T 2 a ), Juba devait l'ampleur de sa culture à son séjour à Rome, mais cet avis doit être nuancé, car, comme le remarque à juste titre 66 J.

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Desanges, « L 'hellénismedans le royaume protégé de Maurétanie (25 av. J.-C . 40 ap. J.-C .) » , BACTH (b ) 20 -21, 1984 - 1985 , p. 53-61, la famille royale de Numidie était trèscultivée et très hellénisée depuis le début du 11° siècle av . J.-C . Juba était un auteur polygraphe ( T 1 = la Souda, s. v. « ’lóßaç » , I 399, t. II,

p. 638, 9 Adler : šypade návu norrá), si bien qu 'il a même cultivé quelquefois la poésie. En effet, Athénée VIII, 31, 343 e-f (= F 104), cite une épigramme de Juba adressée à l'acteur Leonteus à propos d 'une représentation de l'Hypsipyle ;

cf.67 A.- M . Desrousseaux, « Une épigramme du roi Juba (FHG III p. 483, fr. 83) » , dans Mélanges dédiés à la mémoire de F . Grat, t. I: Antiquité,Moyen âge, Islam , Paris 1946, p . 27 - 30 , avec texte , traduction et commentaire ).Mais celui-ci a été notamment un compilateur dans les domaines les plus divers, à la manière d'Alexandre deMilet, dit Polyhistór (cf. Jacoby 5, t. III a, p. 317 -319 ; * A 118). Cela dit,malgré son savoir encyclopédique, il a été plus crédule que critique. Les écrits de Juba devaient contenir, selon les goûts de l'époque, un grand nombre de références de tout genre et des renseignements sur des choses prodi gieuses (mirabilia ). Pour les élaborer, l'auteur a eu à sa disposition des colla

borateurs ainsi qu'une bonne bibliothèque, comprenant des manuscrits grecs, latins et puniques (cf. Gsell 14 , p. 253). Grâce aux commentateurs d 'Aristote , on sait que Juba éprouva un grand inté

rêtpour réunir des « écrits pythagoriciens» (cf. Élias, In Aristotelis Categorias comm ., p. 128, 5 sqq. Busse = T 11; Olympiodore , Prolegomena , p. 13, 13 sqq. Busse ; Schmid 12, t. II 1, p. 376 sq. n . 9, p. 403 n . 1 ; 68 P .M . Fraser, Ptolemaic Alexandria , t. II : Notes, Oxford 1972, p . 481-482, n . 151;69 C . W .Müller, « Die

neuplatonischen Aristoteleskommentatoren über Ursachen der Pseudepigra phie », RhM 112, 1969, p. 120 -126 ). D 'après 70 W . Burkert, « Zur geistes geschichtlichen Einordnung einiger Pseudopythagorica» , dans Pseudepigrapha

I: Pseudopythagorica - Lettres de Platon. Littérature pseudépigraphique juive, coll. « Entretiens sur l'Antiquité Classique » 18, Vandæuvres-Genève 1972 ,

p . 25-55, notamment p .43, l'idée que les écrits pseudo-pythagoriciens qui nous sont parvenus ont quelque rapport avec le recueil de Juba n 'est nullement démontrable . A ce qu'il semble , Juba s'est servi aussi de certains des « libri Punici » qui, d'après Salluste, Bellum Jugurthinum 17, 7 , ont appartenu à son grand -père Hiempsal et qui ont fait partie très probablement des bibliothèques de Carthage que le Sénat romain confia aux rois de Numidie (cf. Pline , Histoire Naturelle XVIII 22). A ce sujet, voir 71 V . J. Matthews, « The

Libri Punici ofKing Hiempsal » , AJPh 93, 1972, p . 330 -335.

Enfin , Juba a pu disposer aussi de renseignements de première main : par exemple , d'après nos témoignages, il organisa des expéditions pour étudier l'ori gine du Nil (F 38 a ) ou l'archipel des Canaries (F 44 ).

De cette æuvre vaste et variée, seuls environ cent fragments nous sont parve nus, possédant une valeur très diverse. A ces fragments il faut peut-être ajouter

certains passages de Pline, Plutarque ou Élien qui proviennenttrès probablement de Juba, bien que celui-ci n 'y soit pas cité nommément. Pour montrer l'ampleur des intérêts culturels de Juba, nous groupons les titres connus dans les sections suivantes :

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A . COMPILATIONS DE CARACTÈRE GÉOGRAPHICO-HISTORIQUE On ne peut pas déterminer avec certitude si Juba eut dans l'esprit un ample projet ethnographique, mais les quelques fragments conservés semblent bien l'indiquer. Il a écrit en effet des ouvrages concernant une grande partie du monde habité: Europe (Rome), Afrique et Asie . A ce que l'on peut savoir, pres que tous ces ouvrages incluaient des digressions ethnographiques contenant une

riche information sur l'histoire naturelle . (1) 'Apaßıxá (?). Le titre Arabica (cf. Pline, Histoire Naturelle IX 115 : « Juba tradit Arabicis » = F 71) semble plus approprié et plus accordé à la tradi

tion ethnographique grecque que celui de Iepi 'Apaßias (cf. aussi De expedi tione Arabica , chez Pline, Histoire Naturelle VI 141 = F 1) pour l' écrit de Juba sur l'Arabie. Auguste a probablement confié à Juba la rédaction de cet ouvrage à l'occasion de la campagne en Orient de C . César (cf. Pline, Histoire Naturelle XII 56 = F 2 ; XXXII 10 = F 3 : « Juba in iis voluminibus, quae scripsit ad C . Caesarem Augusti filium de Arabia » ), campagne à laquelle Juba lui-même a peut-être pris part (cf.Gsell 14, p . 223, 266 -267). Il ne s'agissait pas, à ce qu 'il semble , d'unemonographie historique sur cette expédition , comme on pourrait le conclure à partir du témoignage de Pline, mais plutôt d 'une compilation livresque faite dans le dessein de renseigner le prince sur la géographie , l'ethno

graphie et l'histoire de l'Arabie (cf.Desanges 63, p. 279 ; Jacoby 11, col. 2391). Les fragments conservés permettent d 'affirmer que l'æuvre couvrait un terri toire plus vaste que celui indiqué par le titre. En effet, on y décrivait les côtes qui

vont de l'Inde jusqu'au golfe Persique (F 1, 28-29) et celles qui bordent la mer Rouge (F 34 -37). On y accordait vraisemblablement une importance considé rable aux grandes voies commerciales, depuis l'Inde jusqu 'au Nil. D 'après Pline, Histoire Naturelle VI 175 (= F 35), Juba affirmait que l'océan Atlantique s'éten dait jusqu 'au promontoire Mossylique (Ras Antarah ?). Aux yeux de Desanges 63, p. 280 , cela traduit « une vision de l'Afrique particulièrement archaïque qui attribue à ce continent une forme triangulaire» . Dans ce triangle, un côté repré senterait le littoral de la Méditerranée, un autre celui de la mer Rouge et de l'océan Indien , le troisième enfin (le plus large) représenterait la côte atlantique. Malgré son archaïsme, d 'après 72 J. Desanges, Recherches sur l'activité des Méditerranéens aux confins de l'Afrique (vie siècle avant J.- C . - IVe siècle après J.-C .), coll. « École Française de Rome» 38, Roma 1978, p . 60, cette vision pré

sentait « l'avantage de prolonger idéalement “ ses Mauretanies” jusqu 'à faire face à l' Inde» .

Outre les renseignements géographiques, cet écrit contenait aussi de nom

breux renseignements zoologiques (F 3 , 40, 57,58, 70, 71), botaniques (F 2, 62 69) et minéralogiques (F 72-79). Pline a utilisé sans doute les Arabica de Juba comme la source principale pour la description de cette zone, en particulier de la côte africaine de la mer Rouge ou Troglodytique (cf. Pline, Histoire Naturelle VI 170 = F 34 ). A son tour, Juba utilisa comme source les historiens d'Alexandre , notamment Onésicrite (F 28 = FGrHist 134 F 28 ), Néarque (F 29 = FGrHist 133

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F1h = FGrHist 134 F 30 ), ainsi que, d'après Desanges 63, p. 279 sq., 283, des

auteurs alexandrins de « Traités de la mer Érythrée» . Cf. 73 J. Campos Daroca et J.L. López Cruces, « Fragmentos de historiadores griegos sobre Arabia » , dans A . Escobedo Rodríguez (édit.), Homenaje a la profesora Elena Pezzi, Granada 1992, p . 283 -298, notamment p. 291.

(2) Nepi 'Agoupiwv. Cet écrit comprenait deux livres (Tatien, Adv. Graec. 36 = F 4 = Bérose, FGrHist 680 T 2) et dérivait des Baßuwvlaxá de Bérose ( B 26 , p. 104 ; Schmid 12, t. II 1, p. 226 , 402 n. 10 ). Outre le témoignage de

Tatien , nous ne possédons peut-être qu'un fragment très court ( F 59) de cet ouvrage, qui a beaucoup contribué, avec les Xardaixá d 'Alexandre Polyhistor

(FGrHist 273 F 79-81), à la célébrité de Bérose (cf. Jacoby 11, col. 2389 ; Id. 5, t. III a, p. 328 ). (3) Aißuxá. Juba est l'auteur aussi d 'un ouvrage sur la Libye, en au moins

trois livres ( cf. le Pseudo-Plutarque, Parall.Min . 23, 311 b-c = F 5). Athénée III 25, 83 a-c (= F 6 ), prétend que le titre de cet ouvrage était lepi Aißúns (our

rpáupata ), mais nous inclinons plutôt pour le titre Libyca, que donne le Pseudo -Plutarque. Grâce au passage d' Athénée, on sait que Juba connaissait le

Périple d'Hannon (GGM I, p. XVIII-XXXIII, 1- 14), et on peut supposer qu'il a collaboré à sa popularité. En effet, Athénée fait référence à un ouvrage de Juba intitulé Errances d 'Hannon (tais " Avvwvos Távalg), ce qui suggère à Matthews 71, p . 333-334, que cet ouvrage était indépendant des Libyca et que son auteur l’a composé sur la base de la version punique originaire du Périple .

Desanges 72 , p. 60-61, déclare aussidans le même sens: « Il est vrai que le titre même choisi par Juba montre qu' il devait s'agir d'une euvre romanesque de

tradition hellénistique..., une sorte de pendant aux Errances d 'Ulysse dans la mer Extérieure imaginées par Cratès de Pergame» . C 'est peut-être dans les Lybica que les apports originaux de Juba furent les plus nombreux . Il devait y inclure une section mythologique, par exemple sur

Héraclès et Tingé (T 10 ), ou sur Diomède (F 5), bien que la géographie et l'histoire naturelle aient sans doute constitué les matières principales. En ce qui concerne les renseignements géographiques fournis par cet écrit, on peut citer la description des montagnes de l'Atlas, rapportée par Pline, Histoire

Naturelle V 16 = F 42 (cf. 74 R . Thouvenot, « La connaissance de la montagne

marocaine chez Pline l'Ancien » , Hespéris 26, 1939, p. 113- 121), la description des îles de Maurétanie, c'est-à-dire des Purpuraires (cf. Pline, Histoire Naturelle

VI 201 = F 43), celle de l'archipel des Canaries (cf. Pline, Histoire Naturelle VI 203 -205 = F 44 ) et peut- être aussi celle des côtes du continent (cf. Gsell 14 ,

p. 262). Juba plaçait les sources du Nil dans l'Atlas (cf. Pline, Histoire Naturelle V 51-54 = F 38 a ) . Les critiques ont soupçonné dans cette opinion la prétention de Juba à se rattacher cultu rellement à l'Égypte (cf. Braund 24 , p . 177), voire un intérêt politique, car son explication de l'origine du Nil semble une preuve de l'union étroite qu 'il supposait entre l'occident et l'orient de l'Afrique, union qui répondait aux désirs d 'Auguste d'assurer la cohésion de l'Empire (cf. 75 D . Bonneau, La crue du Nil, divinité épyptienne, à travers mille ans d 'histoire (332 av.-641 ap. J.- C .), d 'après les auteurs grecs et latins, et les documents des époques ptolémaïque,

romaine et byzantine, coll. « Études et Commentaires» 52, Paris 1964, p. 147- 149, avec quel

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ques graves erreurs). Juba estimait que cette origine était démontrée par la similitude de cer tains animaux (notamment le crocodile) et plantes existant sur le Nil et dans les fleuves de l'Atlas (F 38 a = Pline, Histoire Naturelle V 51: « Nilus... originem , ut Juba rex potuit exqui

rere, in monte inferioris Mauretaniae non proculoceano habet» ).Mais il est possible aussi que Juba ait fondé ses recherchesnotamment sur des sources littéraires puniques, c'est-à-dire sur les « libri punici » cités plus haut (cf. Ammien Marcellin XXII 15, 8 = F 38 b = FGrHist 764 F

19 a : « rex... Iuba, Punicorum confisus textu librorum , a monte quodam oriri eum (scil. Nilum ) exponit, qui situs in Mauritania despectat Oceanum » ; Solin XXXII 2 = FGrHist 764 F 19 b : « Originem habet a monte inferioris Mauretaniae, qui Oceano propinquat, hoc adfir

mant Punici libri, hoc lubam regem accipimus tradidisse » ). L 'hypothèse de Juba remonte à Promathos (ou Promachos ) de Samos, cité par Aristote ,Météorologiques I 13 , 350 b 10 - 15 ; et

par le Pseudo-Aristote, De inundatione Nili (fr. 248, p . 194 Rose = 695, p. 749 b Gigon = FGrHist 646 F 1, 5 ; cf. 76 D . Bonneau , « Liber Aristotelis de Inundatione Nili », Texte, Tra duction , Étude, coll. « Études de papyrologie » 9, Le Caire 1971, p . 5 , § 7), qui est une traduc

tion latine du XIIIe siècle d 'un opuscule grec perdu ( * C 36 , p . 199- 201, avec la bibliographie détaillée sur son attribution ). Aristote attribuait à ce personnage l'hypothèse selon laquelle l'origine du Nil s'expliquait par la fonte des neiges couvrant les Monts d 'Argent en Afrique

nord-occidentale (cf. 77 F. Gisinger, art. « Promathos », RE XXIII 1, 1957, col. 1285- 1286 ; 78 S .Mazzarino , Il pensiero storico classico, t. I, Bari 19744, p . 130 - 131, 196 - 199 et n . 139 [ p . 564 ), 148 [ p. 568 ), 182 ( p. 584 -586 ), 183 (p . 5861). Avec Juba donc l'hypothèse de l'origine occidentale du Nil fut renforcée. Son opinion fut reprise par Pline, qui a collaboré à

sa divulgation, ainsi que par Ammien Marcellin . On trouve aussi des réminiscences de cette opinion chez Vitruve VIII 2, 6 -7 , Pausanias I 33, 6 , Dion Cassius LXXV 13, Solin XXXII 2- 4. Enfin , les géographes romains des Ive et ve siècles, comme lulius Honorius (GLM 52, 1) et Orosius (GLM 60, 1 sqq.), ont repris aussi cet avis (cf. 79 E . Honigmann , art. « Libye » 2 , RE

XIII 1926, col. 149-202, notamment col. 162-165). En ce qui concerne l'archipel des Canaries, il faut remarquer tout d'abord qu'à la suite des

guerres puniques et de l'abandon par les Carthaginois des routes atlantiques qui en fut la conséquence , un renouveau de la légende des « Fortunatae insulae » s'est produit. Sur les aspects mythiques de ces îles, voir 80 G . Amiotti, « Le Isole Fortunate : mito, utopia, realtà geografica » , dans M . Sordi (édit.), Geografia e storiografia nel mondo classico, Milano,

1988, p. 166 - 177 ; 81 M .Martínez Hernández, « Canarias en la Antigüedad : Mito y Utopía », dans Historia de Canarias, Las Palmas 1991, p . 21-40 ; 82 Id ., Canarias en la mitología.

Historia mítica del Archipiélago, La Laguna 1992. Juba (sur l'ordre et avec le soutien d'Au guste ?) a envoyé une expédition dans l'archipel (cf. Pline, Histoire Naturelle VI 203 = F 44 :

« luba de Fortunatis ita inquisivit »). Il incorpora les résultats scientifiques de cette expédition dans ses Libyca, d ' où Pline, Histoire Naturelle VI 202 -205 (= F 44 ) les a tirés. Dès lors,

l'identification entre les « Fortunatae insulae» et les Canaries (appelées aujourd'hui « Islas afortunadas » ) est devenue commune.

Il y a une bibliographie considérable concernant les recherches de Juba sur l'archipel des Canaries et l'identification de ses îles : cf. J. Álvarez Delgado 48, p. 34 -47 ; 83 A. García Bellido , Las islas atlánticas en el mundo antiguo, Las Palmas de Gran Canaria 1967 ; 84 P . Schmitt, « Connaissance des îles Canaries dans l'Antiquité » , Latomus 27, 1968, p . 362-391 ; 85 J. M . Blázquez, « Las islas Canarias en la antigüedad » , AEAtl 23, 1977, p. 35 -50 ; 86 A . Cabrera, Las islas Canarias en elmundo clásico, Las Palmas de Gran Canaria 1988 ; 87 A . Díaz Tejera , « Las Canarias en la Antigüedad » , dans Canarias y América , Madrid 1988 , p. 13 32 ; 88 E . Gozalbes (Gonzalbes sic ) Cravioto , « Sobre la ubicación de las Islas de los Afortu

nados en la antigüedad clásica », Anuario de Estudios Atlánticos (Madrid/Las Palmas) 35, 1989, p. 17 -43.

Plusieurs fragments sur l'histoire naturelle appartiennent aussi aux Libyca, en particulier les fragments relatifs à la vie et aux habitudes des éléphants et des lions (F 47-56 ), où l'on trouve des légendes et des anecdotes curieuses. Juba traitait aussi dans son ouvrage des questions de botanique : ainsi, d'après lui (ap.

951 IUBA DEMAURÉTANIE Athénée), lesGrecs devaientla connaissance du citron à Héraclès, parce que les

141

célèbres pommes d'or, rapportées du jardin des Hespérides, n 'étaient que les fruits du citronnier .

Enfin , Pline a emprunté aux Lybica (ainsi qu'aux Arabica ) beaucoup de ren seignements sur l'histoire naturelle , bien qu 'il ne semble pas possible de déter miner le nombre et l'extension de ces emprunts , comme l'ont prétendu 89 P .

Ahlgrimm , De luba Plinii auctore in naturalis historiae de animalibus libris, Schwerin 1907, pour la zoologie , et 90 J.G . Sprengel, « Die Quellen des älteren Plinius im 12. und 13. Buch der Naturgeschichte » , RAM 46 , 1891, p. 54-70 ,

notamment p . 62 sqq., pour la botanique (cf.Gsell 14 , p . 273 n. 6 ). (4 ) 'Pwualan iotopía. Ce titre nous est connu par Étienne de Byzance, Eth

nica, s.v. ’Aßoplyīveç, p . 7 , 18 sq. Meineke (= F 9), ibid ., s.v. 'Doria , p . 712, p . 15 sq. Meineke ( = F 10 ; cf. ibid ., s. v. Nouavtia, p . 478, 1 sq. Meineke = F 12), qui cite aussi l'ouvrage, comprenant probablement deux livres, portant un autre titre : 'Pwualan ápxaloloyia . Il semble sûr qu 'il s'agissait d'un ouvrage

historique, qui fut peut-être utilisé par Plutarque (cf. 91 F.Reuss, De lubae regis historia romana a Plutarcho expressa, Wetzlar 1880 ), Appien et Dion Cassius (cf. 92 L . Keller , De luba Appiani Cassiique Dionis auctore, Diss. Marburg 1872 ; 93 H . Haupt, « König luba und Dio Cassius» , Philologus 40, 1881, p . 378 -380 ). Pour les coïncidences entre les fragments qui nous sont parvenus et certains passages de Denys d 'Halicarnasse, voir 94 A . Kiessling, « luba und

Dionysius von Halikarnass» , RhM 23, 1868, p. 672-673.

B .ÉCRITS SUR LA BOTANIQUE (5) Hepi kúpopßlov ( ?). D 'après le témoignage de Pline, Histoire Naturelle V 16 , 3 ( cf.Galien , De compositione medicamentorum secundum locos IX 4, t. XIII, p . 271 Kühn = F 8 a ), Juba consacra un traité particulier (« privatim dicato volumine » ) à la plante euphorbea que Juba lui-même aurait découverte , d 'après Pline, Histoire Naturelle XXV 78 ( = F 7), « à l'endroit même où s'arrête

la nature » (Pline, Histoire Naturelle XXVII 2 ), chez les Autololes, d'après Dioscoride,Matière médicale III 82, 1-3, t. II, p . 98 Wellmann (= F 8 b ). Juba donna à cette plante le nom de son médecin Euphorbos, le frère d'Antonius Musa (le médecin d'Auguste), à qui Pline, Histoire Naturelle V 16 (= F 42 ) attribue aussi la découverte . Juba décrivait les propriétés thérapeutiques de la plante en question (cf. Pline, Histoire Naturelle XXV 78 , 143 ; XXVI54 , 118 ; cf. Desanges 21, p . 142 - 143 [commentaire de V 16 , 3]), qui a été appelé par la suite euphorbea (euphorbia resinifera ; cf. 95 J. André, Lexique des

termes de botanique en latin , coll. « Études et commentaires» 23, Paris 1956, p. 130 ; 96 Id ., Les noms de plantes dans la Rome Antique, « Collection d'Études Anciennes» , Paris 1985, p. 99 ).

Il n 'est pas impossible que cet écrit ait fait partie des Libyca (cf. Susemihl 10 , t. II, p . 412 ; Jacoby 5, t. III a, p . 329). D 'après 97 P . Pédech , «.Un texte discuté

de Pline. Le voyage de Polybe en Afrique (N . H . V, 9- 10 ).», REL 33, 1955, p. 318 -332, notamment p. 325-327, 330, 332, la relation du voyage de Polybe en

Afrique telle que Pline la présente contient des détails qui semblent dériver du traité de Juba sur l'euphorbe.

952

IUBA DE MAURÉTANIE 141 C . ÉCRITS SUR L 'HISTOIRE DE LA CULTURE (SENSU LATO )ET DE L'ART (6 ) 'Ouocórntes ( Athénée IV 70 , 170 d -e = F 14 ) ou lepi Guolottuv (Hesychius d 'Alexandrie, Lexicon, s.v.zaprń (900), t. II, p.417 Latte = F 13 a ). Cet ouvrage, comprenant au moins quinze livres (F 13 a ), était un recueil de similitudes notamment (non exclusivement) gréco -latines : Juba y mettait en parallèle des habitudes, des institutions, ou des questions linguistiques, tout en essayant d'ordinaire de défendre leur origine hellénique. L 'écrit, dont la source principale a été probablement Varron avec des additions ou des corrections

remontant à Denys d'Halicarnasse (cf. Schmid 12, t. I 1, p. 513 n . 3 , 523) ou à Sulpicius Galba (F 24 ), a été utilisé par Plutarque (cf. 98 A . Barth , De lubae

'Ouocórnol a Plutarcho expressis in quaestionibus Romanis et in Romulo Numaque, Diss .Göttingen 1876 ), par Athénée et par les lexicographes anciens. (7 ) Oeatpixn iotopía (Athénée IV 77, 175 d = F 15 a ; T 15 ; F 19), lepi tñs Deatpixñs iotopías (scholies sur Aristophane, Thesmophories 1175 = F 18) ou Oeatpixá (Hesychius d'Alexandrie , Lexicon, s.v. xronela (3074 ),

t. II, p .492 Latte = F 17 ). Comprenant au moins 17 livres (cf. Photius, Bibl., cod. 161, 104 b, 35 sq., p. 128 Henry = T 15 ), cet ouvrage était probablement l'ouvrage de Juba le plus connu d'Athénée (cf. 99 G . Zecchini, La cultura sto rica di Ateneo , Milano 1989, p. 194, n . 185 ; p . 248 n . 38). Les fragments qui nous sont parvenus concernent notamment les instruments de musique. Juba a eu comme source un Aristocles auteur d'écrits sur la musique, peut-être Aristocles

deMessine (2 + A 369, p. 383). (8) Lepi ypapixñs (Photius, Bibl., cod. 161, 103 a , 31 sq., p. 123 sq.Henry =

T 15 ; Harpocration, s.v.Iorúyvwtoç = F 21). C 'est sans doute le même ouvrage qu 'Harpocration , s.v. Iappaolos (= F 20 ), cite aussi comme lepi (wypádwv, en au moins huit livres. Müller 3, t. III, p. 481, présente les frag

ments conservés ( concernant Polygnotos et Parrhasios) sous la rubrique llepi γραφικής και περί ζωγράφων. D . ÉCRITS GRAMMATICAUX

(9) Tepi poopāç détewÇ (cf. la Souda, s. v. Oxoußpioai, £ 652, t. IV , p. 384 , 3 Adler = F 22) en au moinsdeux livres. Il s'agissait probablement d 'un ouvrage de lexicographie où l'auteur enregistrait les changements de sens de certains mots . C 'est peut-être cet ouvrage que visent les critiques de Didyme ( D 106 ) adressées à Juba (cf. la Souda, s.v. 'Ióſas, I 399, t. II, p .638 Adler = T 1 ; cf. 100 M . Schmidt, Didymi Chalcenteri grammatici Alexandrini fragmenta quae supersunt omnia , Lipsiae 1854 , p. 15 sqq.).

E .ATTRIBUTIONS FAUSSES OU DOUTEUSES ( 10 ) QUOLOlovía (?). Le témoignage de Fulgence, Myth. II 1, 40 Helm

t. II, p. 412, n . 360 ; Jacoby 11, col. 2395 ;Gsell 14 , p . 261, n . 3 ; Jacoby 5 , t. III a, p . 357). (11 ) Sur la base de Geoponica XV 2 , 21 ( = F 61), où on cite Juba à propos de

l'apiculture ,Müller 3, t. III, p .481, suggéra que Juba écrivit aussi sur l'agri

IUBA DE MAURÉTANIE

141

953

culture . Mais cela n 'est nullement sûr (cf. Susemihl 10, t. II, p . 412 n . 360 ;

Jacoby 11, col. 2395). Cela dit, il n 'est pas impossible que l'agriculture ait fait partie des matières traitées dans les Libyca. (12) Onplaxóç. Il est difficile d ' attribuer à Juba un écrit portant ce titre, sur la base de la scholie sur Nicandre, Theriaca 715 a, p . 262, 6 sq . Crugnola

(= F 102), où le nom ’lóbaç est une conjecture .

C . Postérité. Nos renseignements sur l'influence réelle (directe ou indirecte ) de l'euvre de Juba sur la littérature postérieure (cf. Gsell 14, p. 272-276 ) se revèlent très déficients. Il n 'est pas facile d'arriver à des conclusions suffisament fondées, ce qui explique en partie la rareté des études sur cette question . Cepen dant, on peut supposer que Juba est la source d'un nombre considérable de passages où il n 'est pas cité , mais qui remontent à lui. Ces textes pourraient être

ajoutés en appendice (« Anhang » ) aux fragments conservés. En particulier, Pline et Plutarque lui doivent une grande partie de leurs références concernant la géo

graphie et l'histoire naturelle. Quant à Pline, Juba apparaît comme l'une des sources des livres V , VI, VIII, X , XII, XIII, XIV , XV , XXV , XXVI, XXVIII,

XXXI, XXXII, XXXIII, XXXVI et XXXVII de l'Histoire Naturelle . En ce qui concerne Plutarque, 101 W . C . Helmbold et E . N . O 'Neil, Plutarch 's quotations,

coll. «Philological Monographs published by the APhA » 19, Baltimore 1959, p .49 sq ., relèvent une vingtaine de citations de Juba dans ses æuvres. Il est pro bable que certains naturalistes comme Alexandros de Myndos (> A 119, p. 146 )

et, par son intermédiaire, Élien (HA 62, p . 80), se soient servis aussi de l'æuvre de Juba, en particulier des Libyca, en ce qui concerne la vie et les habitudes des éléphants et d 'autres animaux de l'Afrique du Nord (cf. 102 M . Wellmann , « Juba, eine Quelle des Aelian » , Hermes 27, 1892, p . 389-406 ; Schmid 12, t. II 2 , p . 787, 789). Il est possible aussi qu 'Alexandros de Myndos ait servi de source intermédiaire à Philostrate dans les passages de la Vie d 'Apollonios de Tyane où Juba est cité à propos des éléphants (II 13 = F 50 ; II 16 = F 52 ; cf. Gsell 14 ,

p . 275 ). Pour l' influence de Juba sur Sopatros d 'Apamée ('Exãoyai diápopol) et sur un certain Rufus (Movoixn iotopia ), voir Schmidt 12, t. II 2 , p. 1086 et p . 871 n . 3 .

D . Iconographie. On possède de nombreuses représentations de Juba, grâce à divers documents : ( 1) Monnaies: cf.Mazard 22, nºs 125- 397 ; 103 D . Salzmann , « Zur Münzprä

gung der mauretanischen Könige Juba II. und Ptolemaios» ,MDAI(M ) 15 , 1974, p . 174 -183. Sur les renseignements fournis par les monnaies de Juba, voir aussi 104 D . Fishwick , « Le culte impérial sous Juba II et Ptolémée de Maurétanie. Le témoignage des monnaies» , BACTH 19 B , 1983, p. 225-233 ; 105 M . Coltelloni Trannoy, « Le monnayage des rois Juba II et Ptolémée de Mauretanie : image d 'une adhésion réitérée à la politique romaine » , Karthago 24, 1988 - 1989, p . 45

53 ; 106 H . R . Baldus, « Eine antike Elefanten -Dressur. Zu einem Münzbild

König Jubas II » , Chiron 20, 1990 , p , 217 -220 ; 107 J. Alexandropoulos, « Note sur une monnaie à l'effigie de Juba II » , dans J. M . Blázquez et S .Moreno ( édit.),

IUBA DEMAURÉTANIE

954

141

Alimenta . Estudios en homenaje al Dr. Michel Ponsich,Gerión Anejos III,

Madrid 1991, p. 115 -118. (2) Statuaire : On trouve peut-être une représentation de Juba dans un bronze de Volubilis, ainsi que dans plusieurs bustes en marbre , conservés au Musée de Cherchel ( cf. Gsell 34, p. 47-52), au Musée du Louvre (cf. 108 E . Boucher Colozier, « Quelques marbres de Cherchel au Musée du Louvre » , Libyca 1,

1953, p. 23-28), à la glyptothèqueNy Carlsberg de Copenhague et au Musée du Prado à Madrid ( 109 A . Blanco et M .Lorente ,Museo del Prado. Catálogo de la escultura, Madrid 1969, p. 113, n° 385, lámina 13). Cependant, l'identification de ces pièces est discutée. Cf. 110 F . Poulsen , «Porträtkopf eines numidischen Königs» , SO 3 , 1925, p. 1- 12, notam ment p. 4 ; 111 R . Thouvenot, « Bronzes d 'art trouvés au Maroc » , CRAI, 1945, p . 592 -605 ; 112 R . Bloch, « Une tête de Juba II, trouvée à Tigava », CRAI, 1946 , p. 109 -112 ; 113 J. Car copino , « Notes sur les deux bustes trouvés à Volubilis » , Notices et Mémoires de la Société archéologique de Constantine 68, 1953, p. 61-85 ; 114 J. Baradez, « Un grand bronze de Juba II, témoin de l'ascendance mythique de Ptolémée de Mauretanie », BAM 4 , 1960, p . 117 -132 ; 115 G . M . A . Richter, The portraits of the Greeks, London 1965, p . 280 sq. ; 116 Ch . Boube Piccot, Les bronzes antiques du Maroc, t. I : La statuaire, Rabat 1969, p . 69 sqq. ;

117 K . Fittschen , « Bildnisse numidischer Könige» , dans H .G . Horn et C . B . Rüger 36 , p . 209 226 ; Ghazi et Ben Maïssa 41, p. 257-258 .

JOSÉ MARÍA CAMACHO ROJO et PEDRO PABLO FUENTES GONZÁLEZ .

42 JULIA DOMNA RE 56

ca 170 -217 Seconde épouse de l'empereur Septime Sévère et mère des empereurs Cara

calla et Géta , plutôt connue par les textes littéraires sous le nom de Julia, éven tuellement suivi de son titre (Augusta , AŬyovota ou Ekbaotń ), et sous le nom

de Julia Domna par les inscriptions (cf. 1 G .Herzog, art. « Iulius » 566 , RE X 1, 1917, col. 926 -927). Elle a joué dans les domaines politique et culturel un rôle de premier plan qui lui valut l'appellation, exceptionnelle pour une femme de l'Antiquité, de « philosophe» . Le gentilice Julius indique que sa famille a reçu fort tôt la citoyenneté romaine, sans doute à l' époque augustéenne (cf. 2 F.Ghedini,Giulia Domna tra Oriente ed Occidente . Le fonti archeologiche, coll. « La Fenice, collana di Sc.

dell'arte » 5, Roma 1984, XII-235 p ., 2 pl., p .4 n. 21). Quant à l' étymologie du cognomen Domna, elle reste discutée. Les Romains y ont souvent vu, à tort, la contraction de Domina ; en fait, d'après 3 A . Birley, The African emperor Sep

timius Severus,London 1988, p. 72, elle est à rattacher à l' arabe dumayna, dimi nutif archaïque de Dimna, en rapport avec la couleur noire . 4 E . Kettenhofen , « Die syrischen Augustae in der historischen Überlieferung, Ein Beitrag zum

Problem der Orientalisierung» , coll. « Antiquitas» 3 , 24, Bonn 1979, p . 76 -78, examine les différentes étymologies proposées. Études d 'orientation . La synthèse de Herzog 1 est toujours utile, mais il faut compléter avec les travaux plus récents de Birley 3, notamment p. 68 -80 , et de Kettenhofen 4 dont les pages 9- 143 sont consacrées à Julia Domna. Ce dernier ouvrage contient en outre une riche bibliographie , p. XIII-XXXIII, et, p. 299-309,

un relevé de toutes les inscriptions qui concernent le personnage. La monogra

I 42

JULIA DOMNA

955

phie de Ghedini 2 est indispensable : elle fournit les documents iconographiques et retrace ( p . 3 - 15) la vie de Julia . Les éléments biographiques qui suivent sont

empruntés à ces quatre auteurs. Les ouvrages de 5 J. Babelon , Impératrices syriennes, Paris 1957, et de 6 G . Turton, The syrian princesses. The women who

ruled Rome, A . D . 193-235, London 1974, contiennentdes pages qui présentent un portrait plus romanesque que véridique de Julia Domna. En revanche, 7 G . W . Bowersock , Greek sophists in the Roman empire, Oxford 1969, p . 101- 109

(« The circle of Julia Domna ») est une référence d 'une très grande valeur scien tifique . Biographie . Il est certain que Julia est la fille du grand-prêtre d 'Élagabal,

Julius Bassianus, le cognomen latinisé Bassianus dérivant sans doute du sémiti que basus, titre sacerdotal (cf. Birley 3, p . 72). Si Dion Cassius (LXXIX 24, 1

Foster ) lui donne une origine populaire , il faut sans doute comprendre « non sénatoriale » d 'après Birley 3, ibid.; elle est peut-être la petite-nièce d 'un certain Julius Agrippa , primipilaris (cf. Birley 3, Appendix 2 n° 38 et 43 p . 222-223). Sa sæur cadette est Julia Maesa, grand-mère de l'empereur Élagabal. Qu'elle soit originaire de Syrie (Dion Cassius LXXVIII 10 , 2 ), et plus précisément d'Émèse ,

ville sainte du dieu -Soleil Élagabal, ne fait aucun doute (cf. Dion Cassius LXXIX 30, 3; Hérodien V 3, 2). Pour un aperçu sur les liens familiaux de Julia Domna, consulter l' arbre généalogique de la famille dressé par 8 R . D . Sullivan, « The Dynasty of Emesa » ,ANRW II 8 , 1977, p. 200 .

L 'existence de Julia s'éclaire pour nous à partir de son mariage avec L . Septi mius Severus, le futur empereur, qui n 'est alors que legatus pro praetore de la Gaule Lyonnaise ; l'événement a lieu en 185, ou au plus tard en 187, la date est controversée (cf. Ghedini 2 , p . 4 n . 22). Veuf, le propréteur, versé dans l'astrolo

gie, avait décidé de prendre pour femme Julia, à qui un horoscope avait prédit qu 'elle épouserait un roi (S. H . A. Sev. 3, 9 ; Al. Sev. 5, 4 ; Get. 3, 1). Un premier enfant, L . ( ?) Septimius Bassianus, qui deviendra Marc Aurèle Antonin , surnom méCaracalla, naît le 4 avril 186 (ou 188 ; cf. Ghedini 2 , p . 5 n . 34 ; la source est

Dion Cassius LXXIX 6 , 5 ); il sera suivi de P . Septimius Geta le 27 mai 189 ( cf . Sev. 4 , 2 ; 20, 2 ; Get. 3, 1 ). Son mari devenu empereur le 9 avril 193, Julia , nouvelle Augusta , l'accom pagne dans tous ses déplacements à travers l'empire et tire un bénéfice politique évident de ses succès militaires : la guerre contre Pescennius Niger et ses alliés, en Syrie , lui vaut, le 14 avril 195 , le titre de mater castrorum ; elle devient la

même année mater Caesaris, en 197 mater imperatoris destinati,mater Augusti ou mater Augusti et Caesaris en 198, mater Augustorum en 209. Tous ces titres, dont la nature politique est claire, s 'accompagnent d 'identifications à des divini tés (cf.Herzog 1, col. 928 -929, pour un rapide résumé).

Durant les années 197-202, Julia séjourne en Orient, notamment en Égypte . C 'est l' époque où le préfet du prétoire, Plautien , prend un tel ascendant sur

l'empereur qu 'il apparaît, dit Dion Cassius, comme un « quatrième César»

(LXXVI 15, 2 ) ; fort de l'appui de Septime Sévère et du mariage de sa fille Plautilla avec le fils aîné de l'empereur (202 ?), il calomnie (l'accusation d 'adul

956

JULIA DOMNA

I 42

tère se trouve dans S. H . A. Sev. 18, 8 sans être rattachée à Plautien) et écarte du pouvoir l' impératrice, qui se plonge alors dans les activités intellectuelles et philosophiques (Dion Cassius LXXVI 15, 6 -7 ; l'épisode est jugé crucial par la Souda qui en fait l'essentiel de la notice qu 'elle consacre à l'impératrice, s. v. ’ lovnía AŰyovota ). Elle participe néanmoins à la célébration des ludi saecu lares de 204 avant que l' assassinat de Plautien, qu 'elle apprend alors qu 'elle est

à côté de Plautilla (Dion CassiusLXXVII 4 , 4 ), ne luiredonne le pouvoir. En 208, elle part de Rome pour la Bretagne avec l'empereur et ses fils (Hérodien III 14, 2 ). Dion Cassius LXXVII 16 , 5 rapporte que l' impératrice se

scandalise des mæurs des femmes autochtones et que l'épouse d'un noble calé donien nommé Argentocoxus réplique en taxant les Romaines d 'hypocrisie .

Faut-il donc ajouter foi à la S.H . A., Sev. 18, 8 qui désigne Julia comme adul tère ? ou voir dans la réaction de l'impératrice de la « pruderie » (cf. Ghedini 2, p . 12 n . 99) ? à moins, selon Herzog 1, col. 933, qu 'il ne s'agisse d'une simple curiosité d 'ethnographe. En tout cas, la mort de Septime Sévère devant York le 4

février 211 marque le début des hostilités ouvertes entre ses deux fils . D 'après Hérodien III 15, 6 , Antonin rejoint son frère et sa mère, et celle -ci, qui s 'efforce d 'obtenir une réconciliation , a bien du mal à empêcher que l'Empire ne soit par tagé en deux (Hérodien IV 3 , 8 -9 ) ; un an plus tard , fin février 212, elle verra

mourir dans ses bras Géta assassiné par son frère. Dion Cassius, LXXVIII 2, 1-6, et Hérodien, IV 4, 3 relatent l'épisode de façon pathétique, et le premier précise même qu 'il est interdit à l'impératrice de pleurer son fils. Dès lors, Julia va suivre Caracalla des frontières nord -orientales de l'Empire

jusqu 'en Asie mineure ; elle ne s'installe à Antioche qu 'en 216 . Son ascendant sur l'empereur paraît grand . Cela donne même lieu à des ragots sur leurs rap ports , qui seraient incestueux ( d' après Hérodien IV 9 , 3 , les Alexandrins avaient surnommé Julia Jocaste ; l'inceste est fréquemment évoqué par les textes posté

rieurs : cf. S.H . A ., Sev. 21, 7 ; Carac. 10 , 1 -4). Julia cumule de nombreux et nou veaux titres pia , felix, mater senatus et patriae, mater populi Romani et son fils

la charge d 'une fonction très importante, dont la nature exacte nous échappe (cf. Ghedini 2 , p . 14 n . 127), celle de la correspondance impériale ordinaire (Dion Cassius LXXVIII 18 , 2) ; l'empereur l'autorise en outre à associer son nom au sien dans les lettres officielles adressées au sénat.Mais l'assassinat de Caracalla,

dont elle apprend la nouvelle à Antioche, l'incite à mourir. Selon Hérodien IV 13, 8, elle se donne la mort, mais l'historien refuse de se prononcer sur le caractère spontané du suicide. Le récit de Dion est plus nuancé : sous l'effet de

cette annonce, l'impératrice pense se tuer, puis se ravise devant les bonnes dispositions qu 'affiche à son égard le nouvel empereur,Macrin (LXXIX 23, 1

2) ; passionnée par le pouvoir, elle complote et aspire à atteindre la puissance de Sémiramis ou de Nitocris (LXXIX 23, 3) ;mais chassée d 'Antioche par Macrin ,

informée de ce qui se dit à Rome au sujet de son fils, elle meurt en 217, épuisée par un cancer du sein et le refusde nourriture (LXXIX 23, 6 ).

Documents iconographiques. Les représentations de Julia Domna sont parti culièrementnombreuses ; elles servent avant tout à la propagande des Sévères.

I 42

957

JULIA DOMNA

On recourra en priorité à Ghedini 2 pour une approche d 'ensemble avant de consulter les études suivantes, plus spécialisées. Pour les monnaies, 9 H .Mattingly et E . A . Sydenham , The Roman imperial

Coinage, IV 1,London 1968 (références dans l'Index III, s.v. « Domna, Julia » , reste l'ouvrage de référence . 10 S . S .Lusna, « Julia Domna 's coinage and severan

dynastic propaganda », Latomus 54, 1995, p. 119-139, avec reproductions,mon tre que les représentationsmonétaires de l'impératrice se situent dans la tradition

romaine et sont proches des effigies des femmes des Antonins, notamment des deux Faustine; iln 'y a pas de tradition orientale perceptible.

.

Pour les portraits , il semble qu 'il y ait la même volonté de s'inscrire dans la lignée des Antonins, Julia étant représentée de la même façon que Faustine la Jeune, épouse deMarc -Aurèle (cf. 11 D . Baharal, « The Portraits of Julia Domna from the years 193-211 A . D . and the dynastic propaganda of L . Septimius Seve rus », Latomus 51, 1992 , p . 110 - 119). Sur la répartition des portraits de Julia Domna dans l'espace et dans le temps, voir 12 J. Fejfer, « The Portraits of the severan empress Julia Domna : A new approach » , ARID 14 , 1985, p. 129- 138. Nous n 'avons pas pu consulter les dissertations de 13 K . Buchholz , Die Bildnisse der Kaiserinnen der severischen Zeit nach ihren Frisuren , Frankfurt a. M . 1963, 14 J.Meischner, Das Frauenporträt der Severerzeit, Freie Univ. Berlin 1964, 15 R . Schlüter, Die Bildnisse der Kaiserin Julia Domna,Münster 1971.

Le cercle de Julia Domna : Julia la Philosophe. Julia Domna fut appelée ń Dióoogos (cf. Philostrate , V . Soph. II 30, ó tñs oinooooov rats ’ lovníac).

D 'autre part, on apprend de Dion Cassius (LXXVIII 18 , 3) que sous le règne de

Caracalla, à Antioche, elle recevait,au mêmetitre que l'empereur, des personna lités avec lesquelles elle s'entretenait de philosophie (Épihooodei) avec une passion croissante . Or, le mêmeDion Cassius fait remonter à l'année 200, qui voit l'ascension du préfet Plautien , l'intérêt de l'impératrice, écartée du pouvoir, pour la philosophie : « Pour cette raison , elle se mit à la philosophie (@looo DETV ... nočaro ) et passait ses journées avec des sophistes (OODLOTAT ) » (LXXVI

15, 7). Il n 'est pas sûr qu'il s'agisse d'une réelle activité philosophique ; il s'agit plutôt d 'une activité intellectuelle au sens large du terme comme semble l'attes ter la mention de « sophistes ». D 'ailleurs, Philostrate, dans la Vie d 'Apollonios de Tyane 13, écrit que Julia Domna τους ρητορικούς πάντας λόγους επήνει

xaiňonáčeto et indique qu 'elle lui demanda d' améliorer, sur le plan stylistique uniquement, les Mémoires de Damis (2- D 9), la forme lui important, apparem ment, plus que le fond. L 'impératrice serait donc davantage une adepte de la

Seconde Sophistique que de la philosophie,mais il n 'est guère facile de trancher dans lamesure où dans les Vies de sophistes II 30 sontmentionnés, dans l' entou rage de Julia , des yewuétpal et des piñóoopou. En fait, les termes de « rhéteur», « sophiste » et « philosophe » sont, à l'époque, fort difficiles à distinguer et peu

vent désigner la même personne (cf. Bowersock 7, p. 11- 15 ). Un document épi graphique, la Lettre aux Éphésiens adressée par Julia Domna (AnnEpigr 1966 , n° 430), prouve d'ailleurs l'intérêt de l'impératrice pour les activités intellec

tuelles de la ville (lire le commentaire de 16 L . Robert, « Sur les inscriptions

958

JULIA DOMNA

I 42

d 'Éphèse , fêtes, athlètes, empereurs, épigrammes» , RPh 41, 1967, p. 58 -62 ). Le

mot épraotplov, qui figure à la dernière ligne et quitroublait Robert, est com pris par 17 B . Lifshitz , « Notes d'épigraphie grecque » , ZPE 6 , 1970 , p . 60, comme « un emploi métaphorique... au sens d' établissement où l'on cultive la

rhétorique et la philosophie et on forme des rhéteurs et des philosophes » . Cette hypothèse nous semble confirmée par un passage des Éthiopiques d'Héliodore (II 26 , 1) qui définit Delphes exactement de la même façon : åvop @ v... 00p @ v

εργαστήριον. L 'impératrice a rassemblé autour d'elle un certain nombre de lettrés et de savants, au nombre desquels Philostrate , qui revendique l'appartenance à son « cercle » , TOŨ nepi aúrny xúxov (V. Apoll. I 3). A la suite notamment de V . Duruy, Histoire des Romains depuis les temps les plus reculés jusqu 'à Dio clétien , t. VI, Paris 1879, s'est développée une représentation mythique du cercle de Julia Domna, élaborée sur le modèle des cercles qui entouraient certaines princesses italiennes de la Renaissance et on s'est plu à y introduire tout ce que l'époque comptait de célébrités. Citons, parmi des auteurs plus récents , Babe lon 5 , p . 146 -149, et 18 R . Turcan , Vivre à la cour des Césars, « Collection

d'Études anciennes» 57, Paris 1987, p . 212-213, qui nomme Oppien , Sérénus Sammonicus, Galien, Diogène Laërce, Philostrate, Gordien , Aelius Maurus, Ulpien et Papinien, avant de conclure : « Comme Hadrien , “Julie la philosophe” (Philostrate ) anime une sorte d'académie æcuménique, mais où les Orientaux dominent.» . L 'auteurmentionne en note , et en passant, l'ouvrage fondamental de Bowersock 7. Or, cet historien , dans son chapitre « The circle of Julia Domna » , p . 101-109, après avoir rappelé toutes les configurations du cercle et leur origine, a définitivement ruiné l'image d'un regroupement des intellectuels les plus en vue.Même si cette révision , aussiméthodique qu 'impitoyable , de la

liste des membres du cercle de l'impératrice est parfois jugée excessive ( ainsi Ghedini 2, p . 10), elle est très souvent jugée salutaire (cf. notamment Birley 3 , p . 168, et Kettenhofen 4 , qui reprend la thèse de Bowersock 7 dans la section

qu'il consacre, p . 13 - 16 , au « cercle de Julia Domna» ). Les rares noms conser vés, à la suite de Bowersock 7 , p . 108, sont ceux de Philostrate , de Philiscos de

Thessalie , titulaire , grâce à l'impératrice, de la chaire de rhétorique à Athènes, et peut-être de Gordien (avec un doute sur l' identité de ce dernier, dédicataire des Vies de sophistes et interlocuteur de Philostrate dans le temple de Daphné, à Antioche ; cf. Bowersock 7, p. 6 -8 ; 105- 106 ). D 'après Bowersock 7, p. 108, la mention de Julia Domna au vers 1 4 des Cynégétiques du Pseudo -Oppien n 'est pas une preuve suffisante de l'appartenance du poète à ce groupe. En conclusion, autant dire que nous n 'avons aucune certitude, non pas sur l'existence, mais sur la composition de ce cercle . Bowersock 7, p. 109, affirme même que ses membres devaient être médiocres, car les plus grands sophistes « avaientmieux à faire qu 'à édifier une impératrice » ; les conditions de création du cercle disgrâce de Julia Domna – n 'avaient sans doute pas contribué à attirer les intel lectuels brillants (p . 106 ) . De plus, le travail de Bowersock 7 a permis d 'aban donner l'hypothèse, devenue un cliché, selon laquelle la cour de Julia Domna

142

JULIA DOMNA

959

était dominée par un milieu intellectuel oriental, porté sur le mysticisme (cf.

Bowersock 7, p. 101, repris par Kettenhofen 4, p. 16 ; mais Ghedini 2, p. 11, évoque encore les tendances « misticheggianti » liées peut-être à la culture orientale de l' impératrice). Philostrate reste donc pour nous le témoin privilégié du cercle de Julia

Domna, entre autres à travers la création de la Vie d 'Apollonios de Tyane, entre prise à la demande expresse de l' impératrice (V. Apoll. I 3). Comme l'æuvre n 'est pas dédiée à sa commanditaire, il est généralement admis que sa parution

est postérieure à la mort de Julia (voir en dernier lieu, contre 19 A . Calderini, « Teoria e pratica politica nella “ Vita di Apollonios Tianeo ”, RIL 74, 1940 -1941, p . 213- 241, partisan d ’une datation haute , entre 200 et 205, la réfutation de

20 M .Mazza , « L 'intellettuale come ideologo : Flavio Filostrato ed uno “specu lum principis” del III secolo d . C .» , dans P . Brown, L . Cracco -Ruggini, M . Mazza [édit.], Governanti e intellettuali, popolo di Roma e popolo di Dio (I- VI), Torino 1982, p. 102 - 104 ; on lira dans 21 E . Koskenniemi, Der philostrateische Apollonios, coll. « Commentationes Humanarum Litterarum » 94, Helsinki 1991, p . 31-44 , une rapide synthèse sur les différentes interprétations prêtant des intentions politiques à cette cuvre de Philostrate, avec leurs incidences sur sa

datation ). Il nous semble que la remarque de bon sens de 22 F. Grosso, « La vita diApollonio di Tiana come fonte storica » , Acme 7, 1954 , p. 515 n . 5, n'a pas été suffisamment prise en compte : « Se Giulia Domna fosse stata ancora viva al tempo della pubblicazione, il retore non avrebbe scritto che essa " amava e lodava” ... i discorsi retorici» . Dans quelle mesure la Vie d 'Apollonios de Tyane reflète-t-elle les préoccupa tions de son auteur, il est difficile de le dire . Certains, dont Solmsen, comme le

rappelle Kettenhofen 4, p. 16 , ont émis des réserves, et de fait aucun document ne mentionne l'intérêt de l'impératrice pour le pythagorisme ou Apollonios; seul Dion Cassius LXXVIII 18, 4 signale la vénération de Caracalla pour le thauma turge de Tyane auquel il consacre un autel.Néanmoins, l'idée d 'un cercle pytha goricien gravitant autour de Julia Domna a souvent été avancée, et 23 W .

Burkert, « Zur geistesgeschichtlichen Einordnung einiger Pseudopythagorica» , dans K . von Fritz (édit.), Pseudepigrapha, I: Pseudopythagorica – Lettres de

Platon – Littérature pseudépigraphique juive, coll. « Entretiens sur l'Antiquité

classique» 18, Vandæuvres -Genève 1972, p . 54 , remarque que la mention par Philostrate (V . soph. II 30) de « géomètres» et de « philosophes» « a une réso nance bizarrement pythagoricienne» ; qualifiant la Vie d 'Apollonios de Tyane d '« évangile pythagoricien », il affirme que le pythagorisme trouvait une « oreille attentive » à la cour de Julia, avant de se demander, en conclusion de son exposé, si le traité du pythagoricien Ecphante ( E9) Sur la Royauté ne pourrait pas être né dans ce milieu.

L' examen des liens de Julia Domna avec la philosophie ne serait pas complet sans la mention de la Lettre 73 de Philostrate.Malheureusement, les débats sur l'authenticité de cette dernière et les difficultés d'interprétation du texte sont gênants. On trouvera dans tous les travaux cités ci-dessous les corrections propo

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JULIA DOMNA

I 42

sées et les différentes traductions des passages délicats. Quel en est le contenu ? Après avoir rappelé que Platon admirait les sophistes, et notamment Gorgias, l'auteur, qui salue la « sagesse et l'intelligence » , oogía xai uñtis, de Julia

(Ghedini 2, p . 131, rappelle , citant ce passage , que Julia a été identifiée à Athé na), lui demande de persuader Plutarque de ne pas s'en prendre aux sophistes. Il apparaît aussi dans cette même lettre que l'impératrice s'était intéressée récem ment aux dialogues d ’Eschine le Socratique. Or, Bowersock 7, p . 104 -105 , à partir de données historiques et philologiques - il serait possible de retrouver des parallèles avec la vie de Gorgias telle qu 'elle se lit dans les Vies de sophistes - a voulu voir dans cette lettre l’æuvre d'un faussaire : « L 'auteur connaissait un trai té de Plutarque contre les sophistes, mais malheureusement (...) sa chronologie, faisant du sage de Chéronée un contemporain de Philostrate , était fausse.» Cette thèse est acceptée par Kettenhofen 4 , p . 15, mais elle a été contestée. 24 C .P . Jones, Plutarch and Rome, Oxford 1971, p. 131- 132, rappelle , exemples à l'appui, que « c 'est un trait courantdes écrits polémiques antiques , et notamment grecs, de traiter un adversaire mort comme s'il était encore en vie ». La thèse est

développée par 25 G . Anderson , « Putting pressure on Plutarch : Philostratus Epistle 73 » , CPh 72, 1977, p. 43-45, à partir du Phèdre de Platon et de Lucien ,

Pro imaginibus 24. Enfin, 26 R . J. Penella, « Philostratus' Letter to Julia Dom na » , Hermes 107, 1979, p. 161- 168, après une traduction commentée du texte, reprend les arguments de Jones 24 et d 'Anderson 25 ; il montre que le propos de

la Lettre 73 est celui des autres æuvres de Philostrate , les Vies de sophistes et la

Vie d 'Apollonios de Tyane : il s'agit d'affirmer que « philosophy and sophistry /

rhetoric are compatible » (p. 168). Reste à savoir, comme se le demande 27 F. Solmsen, art. « Philostratos» 10, RE XX 1, 1941, col. 165, si l'impératrice avait lu l'ouvrage de Plutarque (qui ne nous est connu que par Isidore de Péluse Ep.

2, 42 = PG 78, 484 = fr. 186 Sandbach ). PATRICK ROBIANO. IV

43 IULIANUS

Julianus faisaitpartie de ces intellectuels venus en nombre, au IVe siècle, faire le pèlerinage des Tombeaux des Rois, en souvenir de celui que la tradition prê

tait à Platon : « Tu as eu le bonheur d'admirer cela , sage Platon ; situ avais pu toi aussi, philosophe Julianus, voir le voyage du sage ! » (J. Baillet, Inscriptions grecques et latines des tombeaux des rois ou Syringes, Le Caire 1923, n° 1255 ; les signatures 902 et 1900 sont apparemment du même personnage). Sa visite pourrait être contemporaine de celle du dadouque Nicagoras, en 326 ( voir Baillet

nº 1265 et G . Fowden , « Nicagoras of Athens and the Lateran Obelisk » , JHS 107, 1987, p . 51-57 ), ce qui amenait J. Baillet à envisager une identification avec le sophiste Julien de Cappadoce (Eunape, Vies des philosophes et des sophistes IX ; p . 59, 5 -63, 15 Giangrande). Mais rien ne permet de considérer le sophiste comme un platonicien .

BERNADETTE PUECH .

44

961

IULIANUS

I 46

III ?

IULIANUS (IULIUS -)

Un distique gravé sur le monument funéraire de ce « philosophe de premier

rang » laisse comprendre qu 'il avait trouvé la mort aux portes de Rome dans un conflit au cours duquel la ville avait été sinon assiégée, du moins menacée : DMS. Tulio luliano, viro magno, philosop (h )o primo. Hic cum lauru (m ) feret Romanis iam relevatis, reclusus castris inpia morte perit (CIL VI 9783). Mommsen (loc. cit.), suivi par Dessau (ILS 7778 ), avait supposé qu 'il s'agissait du siège de Galère en 307. J. Hahn, Der Philosoph und die Gesellschaft, Stutt gart 1989, p . 171, estime que la paléographie de l'inscription exclut une date

postérieure au IIIe siècle ; selon lui, Julianus aurait été tué lors de la crise de 193 ou des émeutes de 238 . La première de ces hypothèses semble difficilement

compatible avec les termes de l'inscription, qui suggèrent que la population romaine dans son ensemble avait été impliquée dans les événements. BERNADETTE PUECH .

45 IULIANUS DE TRALLES RE 1 Selon ce philosophe que citait Alexandre d'Aphrodise – apud Simplicius, In De caelo (II 1, 284 a 14 -b 5), p . 380 , 1-3 Heiberg (CAG VII] -, le mouvement

uniforme et ordonné du ciel vers la droite était causé par l'Âme du monde : Ιουλιανού μέν, φησί, του Τραλλιανού δόξα εν της επί δεξιά κινήσεως αιτίαν aúto tnv yuxnv elval xai tñs duaroûç xal tetayuévns. Constatant qu 'Alexandre n 'avait pas critiqué la position de Julien , Simplicius croit devoir nuancer cette position : l’Ame du monde ne pourrait expliquer que le mouvement

de la sphère des fixes. Pour le mouvement des planètes, il faut supposer pour chacune une âme particulière expliquant son mouvement propre . Selon H . von Arnim , art. « Iulianos» 1, RE X 1, 1918, col. 9 , il pourrait s'agir d 'un péripatéti cien ou d'un platonicien . Dans le même passage, Alexandre citait ensuite une opinion d'Herminus (MH 83), ce qui peut donner une indication chronologique approximative : il pourrait s'agir d'un auteur de la fin du jer s. ou du début du lie siècle ap . J.-C . RICHARD GOULET.

46

IULIANUS (Julien ) l'Empereur RE (I) 26 PLREI:29

MIV

Flavius Claudius Iulianus, né en 331/2 , empereur romain du 3 novembre 361 au 26 juin 363, passionné de philosophie et auteur de plusieurs œuvres à contenu philosophique.

L 'ouvre écrite de Julien. En grande partie conservée, elle se distribue sous les titres indiqués ci-après. Pour certains d'entre eux, il est nécessaire de prendre en compte les variations dont la tradition les a affectés. L 'ordre de présentation

est celui pour lequel a opté la « Collection des Universités de France » : ilcorres pond à des hypothèses raisonnables, quoique contestables dans le détail, sur l'ordre chronologique de rédaction .

(1) 'Eyxáulov eic tòv aŭtoxpáropa Kwvorávtlov, Éloge de l'empereur

Constance = Premier Éloge de Constance = Discours ou Oratio I.

IULIANUS

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I 46

(2) Eủoebías rñs Baocidos éyxbulov, Éloge de l'impératrice Eusébie = Éloge d 'Eusébie = Discours ou Oratio II = Discours ou Oratio III. (3) Tlepi tõv toŨ aútorpáropos apáčewv Ñ nepi Baoideias, Sur les

actions de l' empereur ou Sur la royauté = Second Éloge de Constance = Discours ou Oratio III = Discours ou Oratio II.

(4) Επί τη εξόδω τού αγαθωτάτου Σαλουστίου παραμυθητικός εις ÉQUTÓV, A propos du départde l'excellent Saloustios, consolation à soi-même = Sur le départ de Salluste = Lettre à Saloustios = Discours ou Oratio IV =

Discours ou Oratio VIII. (5 ) ’Aonvaíwv tñ Bovañ xai rõ onuw, Lettre au Sénat et au peuple d'Athènes = Lettre aux Athéniens. (6 ) Oeulotiw placów, Au philosophe Thémistios = Lettre à Thémistios. (7) Προς Ηράκλειον κυνικόν περί του πώς κυνιστέον και εί πρέπει το xuvi uteous náTTELV, Contre le cynique Héracleios sur la question de savoir

s'il fautmener la vie cynique et s'il convient au cynique de composer des mythes = Contre Héracleios = Discours ou Oratio VII.

(8 ) Eis tnv Mnrépa tūv DeWv, A la Mère des Dieux = La Mère des Dieux = Discours ou Oratio VIII = Discours ou Oratio V .

(9) Eiç toùç åhaldeÚTouç xúvaç, Contre les chiens (ou les cyniques) igno rants = Discours ou Oratio IX = Discours ou Oratio VI.

(10) Evuttóolov Ñ Kpóvia , Le Banquet ou les Saturnales = Les Césars = Discours ou Oratio X .

(11) Eiç tóv Baoléa "Hilov npòs Earoúotiov, Au roi Hélios à l'intention de Saloustios = Hélios Roi = Discours ou Oratio XI = Discours ou Oratio IV . (12) ’AUTiOylXÒç ñ Mioonúywv, Le discours d'Antioche ou l'Ennemi de la

barbe = Le Misopogon = Discours ou Oratio XII. (13) Contre lesGaliléens. (14 ) Lettres.

(15) Fragments et épigrammes. ( 16) Textes législatifs. Signalisation du texte de Julien . La liste qui précède montre qu 'une même ouvre de Julien peut être désignée par des titres légèrement variants, et qu 'elle peut également être dési gnée par des indications numériques différentes. Ainsi, pour les cuvres inscrites sous les

numéros 2, 3, 4 , 8 , 9 , 11, les références numériques sont différentes selon que l'on a affaire à une étude réalisée avant ou après la publication de l'euvre correspondante dans la CUF. L 'ordre de succession des discours de Julien adopté par l' editio princeps de Petau 1 (citée plus

bas) a en effet été modifié dans l'édition de la CUF, dont le classement s'est aujourd 'hui imposé. Dans la liste ci-dessus, en cas de double numérotation , le premier des deux nombres

représente le classement de l'édition de la CUF.

Par ailleurs, les æuvres inscrites sous les lettres 1 à 12 ont été divisées en chapitres par les éditeurs de la CUF. Cette division est en général reproduite sans changement par les éditions plus récentes. Enfin , la plupart des éditions rappellent en marge la pagination de l'édition

Spanheim 2 (citée plus bas), chaque page étant divisée en quatre parts successives notées a , b . c, d.

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IULIANUS

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Pour les æuvres inscrites sous les numéros 13- 16 , les procédures de signalisation sont par tiellement ou totalement différentes : voir plus loin le détail des æuvres.

Éditions d 'ensemble. 1 D . Petau (édit.), Iuliani Imp. opera quae quidem reperiri potuerunt omnia , Paris 1630. 2 E . Spanheim (édit.), Iuliani imp. opera quae supersunt omnia et S. Cyrilli

Alexandrini archiepiscopi contra impium lulianum libri decem , Leipzig 1696 .

3 F .C . Hertlein (édit.), Juliani imperatoris quae supersuntpraeter reliquias apud Cyrillum omnia , coll. BT, 2 vol., Leipzig 1876 . 4 W . C . Wright (édit.), The Works of the Emperor Julian , coll. LCL, 3 vol.,

London/New -York 1913 , 1913, 1923, avec traduction anglaise. 5 L'Empereur Julien . Euvres complètes, CUF, Paris 1932-1964, avec tra duction française. Comprend 6 tome I 1: J. Bidez (édit.), Discours de Julien

César, 1932 ; 7 tome I 2 : J. Bidez (édit.), Lettres et Fragments, 1924 , 2e éd.

1960 ; 8 tome II 1 : G . Rochefort ( édit.), Discours de Julien empereur, 1963; 9 tome II 2 : C .Lacombrade (édit.), Discours de Julien empereur, 1964. Plusieurs æuvres ont été récemment éditées et traduites en italien dans

10 C . Prato et A .Marcone (édit.),Giuliano Imperatore, Alla Madre degli dei e altri discorsi, introd. di J . Fontaine, coll. « Scritt. greci e latini. Fondazione Lorenzo Valla » ,Milano 1987, CX -355 p .

On indiquera plus loin, lors de la présentation des différentes æuvres de Julien ,des éditions séparées récentes, dont chacune présente des progrès plus ou moins importants par rapport aux éditions précitées.

Bibliographies. 11 W . E. Kaegi, « Research on Julian the Apostate . 1945 1964 » , CW , 58, 1965,p . 229-238 ; 12 M . Caltabiano, « Un quindicennio di studi sull'imperatore Giuliano (1965-1980) », Koinonia 7 , 1983, p. 15-30 et p . 113 132 ; 8 , 1984, p . 17-31 ; 13 Id ., « Un decennio di studi sull'imperatore Giuliano

(1981-1991) » , Koinonia 17, 1993, p . 5 -34. Sur l'histoire du texte des æuvres de Julien , le livre de 14 J. Bidez, La tradi tion manuscrite et les éditions des discours de l' empereur Julien, coll. « Recueils et travaux publiés par la Faculté de philosophie et lettres de l'Université de

Gand » 61, 1929, XII-154 p ., est toujours l'ouvrage de base .

Études d'orientation . 15 J. Bidez, La Vie de l'empereur Julien , « Collection d 'Études Anciennes» ,

Paris 1930, 2e tirage 1965, X -408 p ., unifie la biographie proprement dite, la formation et l'itinéraire spirituel et idéologique de Julien . Les sources littéraires

y sont recueillies avec ampleur et précision ; les conclusions qu'en tire Bidez vont quelquefois au -delà de ce que ces sources autorisent à inférer. Mais l' en semble est généralement juste et constitue peut- être encore le meilleur instru

ment pour une approche de Julien. 16 R . Browning, The emperor Julian, London 1975, XII-256 p ., tend à insister sur les conditions concrètes dans lesquelles se sont déroulés la prise de pouvoir et le règne, aux dépens d'une attention suffisante aux conditions culturelles et

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IULIANUS

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intellectuelles. L 'auteur tend à voir dans Julien une inquiète victime de son enfance triste , et dans le paganisme et le néoplatonisme indûment confondus une

rêverie sans attaches avec le monde réel (voir le compte rendu critique de 17 P . Brown, « The Last Pagan Emperor: Robert Browning 's The Emperor Julian » , dans P. Brown, Society and the Holy in Late Antiquity, London 1982, p . 83 - 102. 18 G . W . Bowersock, Julian the Apostate , London 1978 , XII- 135 p ., présente au contraire un Julien plutôt en prise sur les affaires de son temps, et montre , non

sans parti-pris parfois, que cet homme de pouvoir a tout fait pour parvenir à l'exercer, ce qui tend à faire suspecter la sincérité de ses écrits. Une telle posi

tion , appuyée sur de fines analyses, était sans doute nécessaire et donne à ce livre, le premier qui soit relativementhostile à Julien depuis les derniers sursauts

de la polémique chrétienne au XIXe siècle, un rôle utile .

19 P. Athanassiadi-Fowden , Julian and Hellenism , an Intellectual Biography, Oxford 1981, X -245 p., développe toute l' évolution intérieure qui a accompagné etmotivé les actes de Julien, en privilégiant le domaine culturel et religieux par rapport à la formation philosophique. 20 E . Pack, Städte und Steuern in der Politik Julians. Untersuchungen zu den Quellen eines Kaiserbildes, coll. « Latomus » 194 , Bruxelles 1986 , 420 p ., est la

plusmoderne et la plus pénétrante des études consacrées spécifiquement à l'atti tude, aux convictions et aux méthodes politiques de Julien. 21 J. Bouffartigue, L 'Empereur Julien et la culture de son temps, « Collection

des Études Augustiniennes » , Série Antiquité 133, Paris 1992, 752 p . Privilégiant l'étude des rapports entre l'æuvre de Julien et sa culture, cet ouvrage aborde en particulier la question de la formation , des connaissances et des choix philoso phiques de l'empereur.

A ces monographies peuvent être ajoutés trois importants recueils. 22 R . Klein (édit.), Julian Apostata , coll. « Wege der Forschung » , Darmstadt 1978, VI-534 p .: articles publiés par divers auteurs en diverses langues et repris ici en allemand.

23 R . Braun et J. Richer (édit.), L 'Empereur Julien, I: De l'histoire à la légende (331- 1715), « Collection d ' études anciennes» , Paris 1978, 430 p., et 24 J. Richer (édit.), L ' Empereur Julien, II : De la légende au mythe (de Voltaire à nos jours), « Collection d 'études anciennes » , Paris 1981, 576 p . Ces deux recueils rassemblent des articles originaux dus à divers spécialistes.

Détail des écrits de Julien

- Le Premier Éloge de Constance. Écrit probablement en 356, ce discours suit de très près les règles de l'éloge royal telles qu 'on peut les voir codifiées par Ménandre le rhéteur (cf.Ménandre , $ $ 368-377, p . 76 - 94 Russell-Wilson ). Tou

tefois, Julien tient dans son exorde à se présenter comme philosophe et non comme rhéteur. Il apparaît en outre qu 'il a eu recours au modèle constitué par

Thémistios, philosophe auteur d'éloges royaux. Avec certains textes de Thémis tios, le débutde l'auvre constitue un des exemples du discours justifiant l'usage de l'éloge royalpar le philosophe (voir Bouffartigue 21, p. 296 -300) .

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- Éloge d 'Eusébie . Dans ce discours composé durant l'hiver 356 -357, Julien,

entre autres sujets de gratitude, remercie l'impératrice de lui avoir permis de se rendre en Grèce pour y compléter ses études. Sans dire qu'il a employé ce séjour

à des études de philosophie, Julien se félicite que la philosophie soit encore vivace à Athènes, mais aussi à Corinthe (ou plutôt Sicyone), Argos et Sparte ( 12 , 119b - c ).

- Second Éloge de Constance. Composé vraisemblablement en 357 ou 358,

ce discours est une sorte de réécriture du premier. Le même sujet est cette fois traité de façon à faire entrer l'æuvre dans la catégorie des discours philoso

phiques. A vrai dire, la couleur rhétorique y est encore très marquée : les codes du basilikos logos y sont respectés, et l'exégèse homérique y est active et menée selon les lois de la grammaire et non de l'allégorie philosophique. En fait, le

modèle qui inspire Julien est celui qui guide des auteurs comme Dion Chryso stome ou Maxime de Tyr, et son discours peut se situer également dans la lignée de ces dialexeis philosophiques et philologiques, placées sous l'autorité et la

vénération d'Homère et de Platon . L ' éloge de l'empereur y est serti dans une réflexion sur la royauté et dans un portrait idéal du bon souverain , correspondant au second titre Iepi Baoireias (De la royauté ), à l'exemple encore du discours

de Thémistios intitulé De la philanthropie ou Constance. Julien y revendique le

droit de citer et commenter Platon (15, 69b-d), ce qu'il fait à plusieurs reprises, s'inspirant de la République, duMénexène, du Timée et des Lois. - La Lettre à Saloustios. Composée en 359 à l'occasion du rappel par

Constance de Saloustios, c'est-à -dire de Secundus Saturnin (i)us Salutius (ou Salustius), jusque là présent en Gaule aux côtés de Julien , elle s'inscrit nettement dans le genre rhétorique et suit les canons du discours de consolation (cf. Ménandre le Rhéteur, $ 413, p . 128 Russell-Wilson ). On y note ( chap . 5), dans

une prosopopée de Périclès, une tentative de faire parler ce dernier en disciple d 'Anaxagore, insistant sur le rôle du nous qui rapproche l'homme de l'Être

suprême,un nous d'aspect rationalisant assez distinct du nous néoplatonicien . - La Lettre aux Athéniens. Composée en 361, elle vise à justifier la rébellion de Julien contre Constance. Le contenu philosophique en est insignifiant,mais Julien y déclare que, privé par Constance d 'une éducation normale , il a pu , grâce à la philosophie, au contraire de son frère Gallus, réparer en lui le malmoral

causé par l'absence d ' éducation (4, 272 a ). - La Lettre à Thémistios. Éditions particulières : 25 C . Prato et A . Fornaro (édit.), Giuliano Imperatore, Epistola a Temistio , edizione critica, traduzione e commento, coll. « Studi e Testi Latini e Greci» 2 , Lecce 1984 , XXII-78 p . ; 26 C . Prato et A . Marcone (édit.), dans Prato etMarcone 10, p . 10 -39 (avec texte criti que, traduction italienne et commentaire). Écrite probablement vers la fin de l'année 361, au moment où Julien accède

au pouvoir suprême (datation soutenue par plusieurs historiens, dont 27 U . Criscuolo, « Sull'epistola diGiuliano Imperatore al filosofo Temistio » , Koinonia 7, 1983, p. 89- 111, alors que 28 T. D . Barnes et J. Van der Spoel, « Julian and Themistius » , GRBS 22, 1981, p . 187- 189, et 29 S . Bradbury, « The date of

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Julian ' s Letter to Themistius » , GRBS 28 , 1987, p . 235-251, pensent qu 'elle fut

rédigée au momentde l'accession de Julien au rang de César en 355), cette lettre réfute les arguments employés par Thémistios dans une lettre (non conservée) adressée à Julien, selon lesquels il était légitime et souhaitable qu 'un philosophe

comme Julien occupât le pouvoir suprême. Julien y utilise des argumentations déjà constituées, d 'origine philosophique, sur la nature et la fonction du monar que ; il insiste sur l'inadaptation de sa formation philosophique à l'exercice du pouvoir, et retourne contre Thémistios un texte de la Politique d 'Aristote que son

correspondantavait cité à l'appui de son pointde vue. - Le Contre Héracleios. Prononcé au début de l'année 362 , ce discours contient entre autres une condamnation du cynisme tel qu 'il était conçu par Héracleios et les cyniques de son espèce, une réflexion sur le mythe et sur la question de savoir à quelles parties de la philosophie convient l'interprétation

des mythes, des définitions scolastiques de la philosophie ainsi que des parties qui la constituent, et des informations sur la nature du cynisme authentique. Voir 30 K . Döring, « Kaiser Julians Plädoyer für den Kynismus » , RhM 140 , 1997,

p. 386 -400. - La Mère des Dieux. Éditions séparées: 31 C . Prato et A . Marcone (édit.), dans Prato et Marcone 10, p . 46 -93 (avec texte critique, traduction italienne et commentaire) ; 32 V . Ugenti (édit.),Giuliano Imperatore, Alla Madre degli Dei, edizione critica, traduzione e commento a cura di V . U ., coll. « Università degli

Studi di Lecce, Dipartimento di Filologia Classica e Medioevale. Testi e Studi>> 6, Galatina 1992, XXXI-176 p. Écrit probablement en mars 362 à l'occasion de la fête de la Grande Mère, ce discours est une exégèse du mythe et du rituel métroaques. L 'interprétation pro posée est cosmologique et sotériologique; elle s'appuie en partie sur des infor mations philosophiques découlant de Jamblique, et notamment de son commen taire perdu sur les Oracles Chaldaïques. Voir 33 H . Bogner, « Kaiser Julians 5 .

Rede » , Philologus 79, 1924, p . 258 -297. - Le Contre les chiens ignorants. Édition séparée : 34 C . Prato et D . Micalella (édit.), Giuliano Imperatore , Contro i cinici ignoranti, coll. « Studi e testi latini e greci» 4 , Lecce 1988, XL- 128 p . (avec texte critique, traduction italienne et commentaire ).

Écrit au début de l'été 362, ce discours contient une histoire du cynisme, une tentative d 'exposé formel de la philosophie cynique et de ses parties, une défense de Diogène contre les accusations dont il est victime, et une description du

cynisme authentique en contraste avec l'image dégradée qu 'en répandent les

cyniques contemporains de Julien . - Les Césars. Cette revue satirique des empereurs romains, écrite sans doute en décembre 361, serait dépourvue de toute relation à la philosophie si elle ne

mettait pas en vedette l' empereurMarc- Aurèle, à qui Julien prête assez mala droitement quelques propos qu 'il juge caractéristiques du stoïcisme.

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- Hélios Roi. Édition séparée: 35 C . Prato et A .Marcone ( édit.), dans Prato et Marcone 10 , p. 100 - 169 (avec texte critique, traduction italienne et commen taire).

Conçu par Julien commeappartenant à la catégorie rhétorique de l'hymne (3,

131d ; 25, 145c; 37 , 152 a; 44, 158 a ) répertoriée, par exemple, par le rhéteur Ménandre (p. 12- 14 Russell-Wilson ), cette æuvre expose une théologie philo sophique du dieu Hélios, dont les éléments sont empruntés, selon l'affirmation

répétée de Julien (34, 150c-d ; 44, 157c-d), à un ou des écrits de Jamblique dif

ficiles à identifier et en tout cas disparus. - Le Misopogon. Éditions séparées : 36 C . Prato et D . Micalella ( édit.), Giu liano Imperatore, Misopogon , edizione critica, traduzione e commento, coll. « Testi e Commenti » 5 , Roma 1979 , XL-206 p.; 37 C . Prato et A . Marcone

( édit.), dans Prato etMarcone 10 , p. 176 -251 (texte critique, traduction italienne et commentaire).

Sous le parti-pris de l'auto -caricature, le Misopogon défend essentiellement

des valeurs morales, religieuses et culturelles, qui ne sont qu 'exceptionnellement appuyées sur des doctrines ou des formules proprement philosophiques. - Le Contre les Galiléens. Cette æuvre n 'est connue que par sa tradition indi recte, qui repose essentiellement sur les citations qu'en a faites Cyrille d' Alexan drie dans son Contre Julien. Parmiles éditions d'ensemble de Julien , seule l' édition Wright 4 (t. III) com porte les extraits du Contre les Galiléens (Spanheim 2 édite le Contre Julien de Cyrille en signalant les citations de Julien ). Le texte y est celui de la première édition critique, celle de 38 K .J. Neumann, Juliani Imperatoris librorum Contra Christianos quae supersunt, Leipzig 1880. Un bon accès à l'æuvre est fourni par 39 E .Masaracchia (édit.), Giuliano Imperatore, Contra Galilaeos, introduzione, testo critico e traduzione, coll. « Testi e commenti » 9, Roma 1990 , 395 p., indi quant un très grand nombre de parallèles scripturaires et philosophiques. Voir aussi 40 L 'Empereur Julien, Contre les Galiléens. Une imprécation contre le christianisme. Introduction , traduction et commentaire par ChristopherGérard, Bruxelles 1995 , 181 p., avec une postface de L . Couloubaritsis, « Sens philo . sophique et politique du Contre les Galiléens » . A signaler également quelques nouveaux fragments édités par 41 A . Guida, Teodoro diMopsuestia , Replica a Giuliano Imperatore. Adversus criminationes in Christianos Iuliani Imperatoris.

In Appendice : Testimonianze sulla polemica antigiulianea in altre opere di Teodoro , con nuovi frammenti del " Contro iGalilei" di Giuliano, Firenze 1994 , p . 199 -225. La signalisation du texte pourra désormais s' effectuer à partir de la numérotation des frag ments et de leurs lignes proposée par Masaracchia 39. En règle générale , les études antérieures à cette publication signalisent le texte par référence à la pagination du Contre Julien de Cyrille

d ' Alexandrie dans l'édition Spanheim 2, signalisation utilisée également par Wright 4 , Neumann 38 etMasaracchia 39, alors que Malley 43 (cité plus bas) se fonde sur la pagination de la PG LXXVI.

L'argumentation de Julien dans le Contre les Galiléens est de nature histo rique, anthropologique et philologique. Si, dans l' Antiquité, toute réfutation

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méthodique d 'une doctrine est par définition un travail philosophique, celle que

produit Julien n'est pas faite au nom des principes d'une école , et l'influence de la scolastique néoplatonicienne y est réduite . Voir 42 A .Meredith ,« Porphyry and Julian against the Christian » , ANRW II, 23, 2, 1980, p. 1119 -1149, et surtout 43 W .J.Malley, Hellenism and Christianity. The conflict between Hellenic and Christian wisdom in the Contra Galileos of Julian the Apostate and the Contra Julianum of St. Cyril of Alexandria , coll. « Analecta Gregoriana » 210, Roma 1978 , 466 p . - Les Lettres. Éditions séparées: 44 B . K . Weis (édit.), Julian . Briefe, avec

trad. allemande et commentaire (le texte grec est celui de Bidez 7), München 1973, 366 p.; 45 M . Caltabiano ( édit.), L'epistolario diGiuliano Imperatore. Saggio storico, trad., note e testo in appendice a cura di M .C ., coll. « Collana di KOINONIA » 14, Napoli 1991, 405 p. (trad. ital. et commentaire ; le texte grec est une photographie de celui de Bidez 7, sans l'apparat critique ). L ' édition Bidez 7 reste indispensable pour l'accès au texte . Une signalisation

efficace ne peut que s'appuyer sur les pages et lignes de cette édition. J. Bidez a pris le parti de faire un tri entre les lettres d'authenticité suspecte : les plus assu rément inauthentiques n 'ont pas été reproduites, mais on les trouvera dans

46 J. Bidez et F. Cumont (édit.), Juliani imperatoris epistulae leges poematia fragmenta varia , coll. « Nouvelle collection de textes et documents» , Paris/ Oxford 1922, XXVI- 332 p. (texte seul avec apparat critique). Beaucoup des lettres de Julien ont un contenu ou un intérêt philosophique. D 'autres en sont

dépourvues. Plutôt que de tenter un tri inévitablement subjectif, on se bornera à signaler ici celles qui sont adressées à des philosophes au sens large du terme: Lettres 8 (à Eumenius (ME 119 ) et Pharianos, deux anciens condisciples que Julien invite à se préparer aux études philosophiques); 11, 12, 13, adressées à Priscos d'Athènes ; 26 , adressée à Maxime d' Éphèse ; 30 et 89, adressées à Théodore , ancien élève de Maxime d 'Éphèse ; 34 et 35 , adressées à « Eustathe,

philosophe» (A+ E 161); 84, adressée à « Aristoxène, philosophe» ( ** A 415 ). L 'édition 7 comporte aussi un tout petit nombre d' épigrammes et de frag ments, dont seul le fr. 161 a un contenu philosophique.

- Textes législatifs. Extraits du Code Théodosien , et dans une moindre mesure du Code Justinien , ces textes sont rassemblés dans Bidez et Cumont 46 . Euvres philosophiques perdues ? La Souda, s.v. 'lovalavós (t. III, p . 643, 1-2 Adler), mentionne parmi les écrits de Julien les deux titres suivants: Sur l'origine des maux ( Ilboev tà xaxá) et Sur les trois figures (du syllogisme) ( Ilepi tūv Tplőv oynuárwv). Aucun autre témoignage ne vient confirmer ces

indications. L 'allusion à l'ouvrage sur les figures du syllogisme semble être l'effet de la mésinterprétation d'une tradition , rapportée par Ammonios (Com mentaire des Premiers Analytiques, p. 31, 18-22 Wallies), selon laquelle Julien aurait pris position dans un débat opposant Thémistios à Maxime d'Éphèse : voir Bouffartigue 21, p. 567-568. Indices. Index nominum et verborum général au tome II de l'édition Hertlein 4, p. 615 -641 (les verba ne représentent qu 'une sélection ) ; Index nominum et

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verborum particulier dans Prato et Fornaro 25, Ugenti 32, Prato et Micalella 34 et 36 ,Masaracchia 39 ; Index nominum particulier à chaque volume dans les trois

tomes de l' édition Wright 4 ; Index nominum des lettres, fragments, épigrammes et lois dans Bidez 46, p. 293-313. Données biographiques générales Le dossier biographique de Julien est très volumineux, mais concerne surtout l'homme d'État et l'acteur d'un drame historique, plutôt que le philosophe. On se bornera ici à rappeler les dates essentielles de sa carrière, avant de réunir les données de sa biographie philosophique. Naissance : les informations d'Ammien Marcellin XXV 3, 23 et 5, 1 selon lesquelles l'empereur est mort le 26 juin 363 dans sa 32e année, permettent de situer la naissance de Julien entre le 27 juin 331 et le 25 juin 332. D 'une façon générale, les historiens modernes de Julien ne se satisfont pas de cette fourchette

jugée trop large ; les fourchettes plus étroites qu 'ils proposent sont inégales en probabilité et en vraisemblance ; aucune ne s'appuie sur des indices ou des arguments incontestables. Voir par exemple 47 F. D . Gilliard , « The Birth Date of Julian the Apostate » , CSCA 4 , 1971, p . 147 -151 (trad . allemande dans Klein

22, p . 448-454). Élévation à la dignité de César : 6 novembre 355. « Pronunciamento » de Lutèce (Julien proclamé Auguste par ses troupes): janvier-février 360 .Mort de Constance et début du règne de Julien : 3 novembre 361. Entrée à Constantino

ple : 11 décembre 361. Arrivée à Antioche: 18 juillet 362. Départ pour l' expédi tion en Perse : 5 mars 363. Sur les détails de la biographie de Julien, voir Bidez 15 , Browning 16 ,

Bowersock 18 , Athanassiadi-Fowden 19. Sur le problème de la conversion au paganisme, voir 48 K . Rosen , « Kaiser Julian auf dem Weg vom Christentum zum Heidentum », JAC 40, 1997, p . 126 -146 .

Biographie philosophique. Sur la carrière philosophique de Julien , les sources antiques les plus intéressantes sont les suivantes : Julien , Contre Héra

cleios 23, 235 a-d ;Misopogon 24-25, 353 b - 354 b ; 30 , 359c ; Lettre 12 ; Eunape, Vie des Sophistes VII 1-2, p. 41-45 Giangrande (chapitre concernant Maxime d 'Éphèse ); Libanios, Discours XVIII 10 -30 ; Discours XIII 12 ; Lettre 694. D 'autres témoignages, très fragmentaires, seront indiqués ci-après.

Julien connut, à Nicomédie et Constantinople, un début de scolarité normal, à ceciprès qu 'il bénéficia de l'attention d'un pédagogue remarquablement cultivé, l'eunuque Mardonios (Misopogon 20 , 351 a - 22 , 352c). A une date qu' il n 'est pas possible de déterminer avec une totale certitude, il fut « retiré de l'école » (Lettre aux Athéniens 3, 271b) et placé par son oncle l' empereur Constance dans le domaine impérial de Macellum en Cappadoce, où il resta six ans (voir 49 A . J. Festugière, « Julien à Macellum » , JRS 47, 1957, p . 53-58 , trad. allemande dans

Klein 22, p . 241-255) . Les possibilités extrêmes de datation de ce séjour sont 341-347 et 345- 351, avec une probabilité plus marquée pour 342-348. Pendant

ce séjour, Julien fut « sevré de toute étude sérieuse » (Lettre aux Athéniens 3,

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271c). Toutefois, il obtintde l'évêqueGeorges, titulaire du siège de Césarée de Cappadoce, le prêt d'un certain nombre de livres, parmi lesquels « beaucoup sur la philosophie » (Lettre 107, p. 185 , 10 et 14 sq. Bidez). C 'est à cette époque que Julien situe son initiation à Platon et Aristote . Selon lui (Misopogon 30 , 359 c ), celle-ci s'est faite lorsqu 'il faisait partie des meirakia . Il est probable que Julien

fait icimoins allusion à son âge qu'à une division scolaire, celle des élèves d'âge

« secondaire» en général, ou peut-être ,plus précisément, des élèves d'un certain « cycle » de l'enseignement secondaire . Comme il est improbable qu'il ait pu recevoir un quelconque enseignement philosophique à ce niveau , c'est selon toute vraisemblance en autodidacte , au cours de sa relégation à Macellum , que Julien a abordé, à un plus jeune âge que ses contemporains, les études philoso phiques.

Diverses sources (Libanios, Disc. XV 27 ; XVIII 12-13 ; Socrate, Hist. Eccl. III, 1, 369b ; Sozomène, Hist. Eccl. V 2, 15) laissent supposer qu 'à sa sortie de Macellum Julien fréquenta d'abord , à Constantinople et Nicomédie , les classes de grammaire et de rhétorique. Désireux d'accomplir des études philosophiques, il se rendit d 'abord, selon Eunape (loc. cit.), à Pergame pour y suivre l' enseigne ment d' Aidésios (MA 56 ), disciple de Jamblique, ainsi que de Chrysanthe de Sardes (- C 116 ) et Eusébe de Myndos ( E 156 ), disciples d 'Aidésios. Il finit par savoir qu 'un autre disciple d'Aidésios,Maxime, enseignait à Éphèse, et que

dans son enseignemententrait la théurgie , condamnée par Eusébe. Il partit alors pour Éphèse et devint l'élève de Maxime. Chrysanthe vint lui aussi à Éphèse pour collaborer à l'éducation philosophique du prince. Les assertions de Socrate (ibid . 371 A ) et de Sozomène (Hist. Eccl. V 2, 16 ) selon lesquellesMaximeserait

venu lui-même chercher Julien à Nicomédie ont pour origine une interprétation abusive d’un texte de Libanios (Discours XVIII 18).

Maxime d 'Éphèse est resté pour Julien lemaître vénéré, celui par qui il devait être initié (teneo noóuevos, Contre Héracleios 23, 235 a ), le guide spirituel (ńyeu6v, xaonyeuúv, Contre Héracleios 23, 235b -c ; Lettre 89, p. 152, 3 et

156 , 7 Bidez). Il faut toutefois préciser que l'attribution de ces prédicats à Maxime ne peut que se déduire, parfois non sans hésitation , de leurs différents contextes, car pas une fois dans son ouvre conservée Julien ne cite le nom de Maxime, si ce n 'est dans l'adresse de la Lettre 26 ; les Lettres 190 et 191 Bidez Cumont (46 ), adressées à un philosophe nommé Maxime, ne sont pas de Julien.

Quoi qu 'il en soit, la vénération de Julien pourMaxime s'est manifestée publi

quement, avec des marques excessives que Libanios (Discours XVIII 155- 156 ) cherche à justifier et qu'Ammien Marcellin (XXII 7, 3) réprouve .

Il n 'est pas certain que Julien ait reçu de Maxime une initiation à caractère sacré sous la forme d'une cérémonie théurgique. Cette tradition ne peut s'ap

puyer que sur le témoignage suspect de Grégoire de Nazianze, Discours IV 55 56. On note au contraire que Julien parle de lui-mêmecomme d 'un catéchumène de la philosophie . Il a , dit-il, la réputation de philosophe sans en avoir la qualité (Éloge d 'Eusébie 13, 120b) ; il n 'est pas parvenu jusqu'à la philosophie (Lettre à Thémistios 12 , 266d). D 'une manière encore plus significative, il affirme

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(Contre Héracleios 23, 235 a) qu 'il n 'a atteint que l'antichambre (tà np Oupa) de la philosophie : il fait sûrement allusion ici à son cursus d 'études philoso phiques (cf. Proclus, Commentaire sur l'Alcibiade61, 16 -17 Segonds). Julien

n'a pas atteint, selon ses propres dires, le degré suprême de l'initiation philoso

phique. Il fut en effet obligé d'interrompre ses études lorsqu'à la fin de 354 Constance le fit placer sous surveillance avant de le convoquer à la Cour de Milan .

Julien reprit ses études l'année suivante à Athènes.Mais son séjour dans cette ville fut très bref: il n 'a pu durer plus de cinq mois. Aucune de nos sources ne

permet de dire qu 'il s'inscrivit durant cette période à un cours de philosophie . Socrate (III 1, 379C ) est le seul à parler de philosophie à propos de ce séjour, en déclarant que Julien a reçu de Constance la permission d'aller à Athènes étudier

la philosophie. En tout cas, Julien n'a pas fréquenté l'école de Priscos à Athènes puisqu 'il déclare à ce dernier, dans la Lettre 12 , p. 19 , 16 Bidez, qu 'il est son « disciple sans titre » ,

Julien et le milieu philosophique de son temps. Après ses études, Julien est resté en relation avec le milieu philosophique. Sur l'invitation de Julien (Lettre

26 ),Maxime rejoignit son ancien élève à Constantinople, probablement au début de 362 (Eunape, V . Soph. VII 4, 1, p. 48 Giangrande ; Ammien Marcellin XXII 7, 3; Libanios,Discours XVIII 155). Il ne quitta plus l'empereur, et l' accompa gna lors de son expédition en Perse (Ammien Marcellin XXV 3, 23). Un autre de ses maîtres, Chrysanthe, fut aussi appelé à faire partie de ses conseillers ; il se déroba, bien que Julien ait tout essayé pour le faire venir, y compris d'écrire à sa femmeMélitta (Eunape , V . Soph. VII 4, 4 - 8, et XXIII 2, 5- 6 Giangrande ); mais

il accepta de Julien la charge de grand -prêtre de Lydie ( ibid .). Des liens étroits se sont établis entre Julien et Priscos d'Athènes. Après un échange de lettres (voir Lettres 11, 12, 13), Priscos est sans doute venu voir

Julien en Gaule : on peut supposer que c'est de ce voyage que parle Libanios en Discours XII 55. Retourné à Athènes, Priscos fut rappelé auprès de Julien empe reur (Eunape, V. Soph. VII 4 , 7) qu 'il ne quitta plus. Comme Maxime, il accom pagna Julien en Perse , et les deux philosophes étaient à ses côtés lors de ses

derniers moments (Ammien Marcellin XXV 3, 23). Avec Thémistios Julien eut des relations plus distantes. La Lettre à Thémis tios (6 , 259d - 260 a ) évoque des lettres écrites à Thémistios par Julien en un moment où il craignait pour sa vie. Le texte est ambigu mais ne permet que deux hypothèses sur la date de ces lettres : elles ont été envoyées soit de Milan , en 355 , avant le séjour de Julien à Athènes, soit de Constantinople , quelquesmois

plus tôt, avant une étape en Grèce sur la route de Milan. Julien prend soin de souligner le ton digne et courageux de ces lettres,mais il n'est pas interdit de

penser qu'elles avaient pour objectif de persuader Thémistios d 'intervenir auprès de l'empereur en sa faveur. Plus tard , une lettre adressée par Thémistios à Julien à l'occasion de son avènement donna l'occasion au nouvel empereur de prendre dans sa réponse (la Lettre à Thémistios) l'attitude d 'un néoplatonicien rigoriste

face à un partenaire trop pragmatique. Dans cette attitude, Julien a manifeste

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ment forcé sa nature , et sa froideur affichée ressemble à une pose dictée par ses maîtres, qu 'on a toutes les raisons de supposer hostiles à Thémistios. En tout cas,

Julien affirme dans sa lettre que l'exercice du gouvernement de l'Empire ne peut s'accomplir qu'aux dépens de la vie théorétique, condition de la philosophie, et

que seul un philosophe achevé (ayant parcouru toute la discipline de l'éthique, y compris la politique) est apte à représenter sur terre le dieu roi de l'univers. Julien fut également en relations avec l'auteur du traité Des Dieux et du Monde. Pour définir la qualité de ces relations, il faudrait savoir si cet auteur est

Saturninus Secundus Salutius, avec qui Julien entretint des rapports suivis et chaleureux (il est le destinataire du texte appelé , selon la tradition , Lettre à Saloustios, ainsi que des Césars et d 'Hélios Roi), ou s' il s 'agit de Flavius Sal lustius, avec qui Julien eut des rapports moins personnels . Après des années de controverse, on ne peut encore se prononcer avec une totale certitude : voir 50 J . M . Alonso -Núñez, « El César Juliano y el filósofo Salustio » , Helmantica

29, 1978 , p. 399-402; 51 R . Étienne, « Flavius Sallustius et Secundus Salutius» ,

REA 65, 1963, p 104-108 ; 52 G . Rinaldi, « Sull'identificazione dell'autore del Ilepi Dewv xai xoouou » , Koinonia 2, 1978 , p. 117- 152 ; 53 J.L . Desnier,

« Salutius-Salustius» , REA 85, 1983, p . 53-65. Julien correspondit aussi avec les philosophes Eustathe (» E 161] (Lettres 34 , 35, 36 ) et Aristoxène (> A 415 ) (Lettre 78 , voir DPA I,415 ), ce dernier inconnu par ailleurs. Des relations avec des philosophes de la ville d' Argos nommés Dio gène ( D 140 ) et Lamprias sont attestées par la Lettre 198, qui a des chances

d' être authentique,malgré les doutes de J. Bidez. Les lettres (Lettres 192, 103, 195) aux philosophes Euclide (P + E 81), Eugène (PE 110 ) et Elpidios (2 E 17) sont certainement apocryphes. Il en est de même pour les lettres à Jamblique et à Sopatros (Lettres 181 à 187), éditées par Bidez et Cumont (46 ). On peut ajouter à la liste des philosophes destinataires des lettres de Julien le nom du grand prêtre Théodore , puisqu 'il fut apparemment élève de Maxime d'Éphèse (Lettre

89, p. 152, 2 -3 et 166 , 6-7 Bidez). Quant au Plutarque destinataire de la Lettre 153, il pourrait être un ascendant du scholarque Plutarque d'Athènes, mais ce n 'est là qu 'une possibilité parmi d 'autres. Sur Eustathe, Aristoxène, Théodore et Plutarque, voir les notices de Caltabiano 45, p . 42, 46, 52, 54 .

Enfin des relations de vive hostilité opposèrent Julien à certains philosophes cyniques de son temps, dont certains sont nommément désignés par l'empereur (Contre Héracleios 18 , 224 d) : Asclépiadès ( + A 443), Chytron (PC 122 ), Sérénianos. Le plus vivement attaqué est évidemment Héracleios (2H 46 ), éga lement connu d'Eunape (Histoires, fr. 25, 3 et 34, 2 Blockley). Le cynique mori géné dans le Contre les chiens ignorants reste anonyme. En revanche, l'attitude

de Julien est plus compréhensive envers un autre cynique nommé Iphiclès [2+ 1 24 (ibid. 16 , 198 a-b ), probablement le même que le philosophe Iphiclès

loué par Ammien Marcellin XXX 5, 8- 10 .

Iconographie philosophique. Pour d' évidentes raisons l'iconographie de Julien est plus riche que ne peutnormalement l'être celle d'un philosophe. Les spécialistes s'efforcent de dégager les convergences entre les représentations

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973

figurées de Julien et les éléments de son portrait physique fourni par Ammien Marcellin (XV 8 , 16 ; XXII 2 , 5 ; 14 , 3 ; XXIV 4 , 22) . La présence ou l'absence

de barbe est un trait intéressant, puisque à l'époque de Julien le port de la barbe était lié à la pratique de la philosophie. Julien dut attendre d'être le maître suprê me pour afficher son choix de vie. Le passage, sur les monnaies, d'un Julien imberbe à un Julien barbu se situe en 362. Les statues du Louvre le représentent

comme un intellectuel, un rouleau à la main .Mais des problèmes d 'identification

subsistent pour de nombreuses pièces de cette iconographie. Voir 54 L . Cohen , « Sur l'iconographie de Julien », dans Braun et Richer 23, p . 213-227, et 55 P. Lévêque, « De nouveaux portraits de l'empereur Julien » , Latomus 22, 1963, p . 74 -84 (trad. allemande dans Klein 22 , p. 305-317) ; 56 Helga von Heintze, « Nordsyrische Elfenbeinstatuetten . Zu den Bildnissen des Kaisers Julian » , dans O . Feld et Urs Peschlow (édit.), Studien zur spätantiken und byzantinischen Kunst, Friedrich Wilhelm Deichmann gewidmet, Bonn 1986 , t. III, p. 31-41.

Épigraphie philosophique. Une inscription grecque célèbre en Julien un empereur « dont le règne est un produit de la philosophie » (éx pilooopias Baolevouta , OGIS 520), le reconnaissant ainsi comme élève des philosophes.

Une autre, latine celle-ci, va plus loin avec la mention filosofiae magistro (CIL III, Suppl. 1, 7088 ).

Sur l'iconographie et l'épigraphie concernant Julien , voir 57 J. Arce Marti nez, Estudios sobre el Emperador Fl. Cl. Juliano. Fuentes literarias, epigrafi

cas, numismaticas, coll. « Anejos de AEA » 8,Madrid 1984, 258 p. (Les inscriptions de plusieurs de ses statues saluent également en Julien le philosophe et l'empereur : ainsi, à Éphèse, I.Ephesos II (IK 12 ) 313 A et VII (IK 17 ) 3021 : virtutum omnium

magistro , philosophiae principi, venerando et piissimo imperatori; à Pergame, Inschr. von Pergamon 633 : domino totius orbis, filosofiae magistro ; à Iasos, I.lasos I (IK 28, 1) 14 : Tòv B . PUECH . ] εκ φιλοσοφίας βασιλεύοντα.

Julien dans l'histoire de la philosophie : le témoin. Julien compte parmi les hommes qui, dans l'Antiquité tout au moins, ont le plus vivement exalté la

valeur de la philosophie. Elle est pour lui un objet de passion. « Je ne suis épris que de philosophie » , déclare -t-il (Lettre à Thémistios 2, 254 b ). Mais il ajoute aussitôt qu 'il n 'a pu assouvir cette passion . A plusieurs reprises il déclare qu'il

n 'a pu accéder à la qualité de philosophe (Éloge d ’Eusébie 13 , 120b ; Lettre à Thémistios 12, 26d; Contre Héracleios 23, 235 a et c ; Misopogon 29, 359 a). Ce sentiment est lucide. Julien n 'est jamais cité par les néoplatoniciens postérieurs.

Quoi qu'en dise l'inscription précitée, il n 'a pas été un maître . Il fut un élève, mais un élève enthousiaste , et la jubilation avec laquelle il réemploie dans ses

écrits les connaissances acquises auprès de ses maîtres fait de lui un précieux témoin de l'enseignement dispensé dans les écoles de Pergame et d'Éphèse . Certains de ses développements reproduisent manifestement des « questions

de cours », tels ceux qui concernent les définitions de la philosophie et le détail de ses subdivisions (Contre Héracleios 10, Contre les chiens ignorants 11,

190 a ): voir Bouffartigue 21, p. 554-561. Par ailleurs, au nombre de leurs men tions et de leurs citations, on voit se détacher dans les écrits de Julien les trois

sources primordiales dont l'étude était reconnue par le néoplatonisme tardif

974

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comme un accès progressif à la vérité : Aristote, Platon , et les Oracles Chaldaï ques. Julien déclare lui-même que les thèses aristotéliciennes doivent être ratta chées à celles de Platon et l'ensemble aux oracles rendus par les dieux (Mère des

Dieux 3 , 162c-d). Pourtant, la teneur des citations d'Aristote et de Platon ne reflète aucune disposition scolastique. Alors que de Porphyre aux néoplatoniciens tardifs la

tradition scolaire privilégie l'Organon , Julien semble ignorer à peu près complè tement cette partie de l'æuvre d' Aristote . Du reste, la quasi-totalité de ses cita tions d 'Aristote paraît être de secondemain , et mise à part peut-être la Politique, aucune des cuvres du Stagirite ne paraît avoir rencontré chez Julien un intérêt

privilégié. Voir 58 D .Micalella, « La Politica di Aristotele in Giuliano Impera tore » , dans Ricerche di filologia classica, t. III : Interpretazioni antiche e mo derne di testi greci, coll. « Bibl. di studi antichi» 53, Pisa 1987, p .67-81, où l'on accueillera toutefois avec circonspection l'affirmation selon laquelle Julien avait une connaissance détaillée et directe du texte de la Politique. Platon est l'auteur le plus souvent nommé par Julien , et le plus souvent cité

après Homère et la Bible. A différentes reprises, Julien fait montre d'une cer taine capacité à soumettre le texte de Platon à un commentaire exégétique : c'est probablement là un acquis de ses études philosophiques. Toutefois, le poids rela tif des divers dialogues dans l' ensemble des citations de Platon ne reflète aucun des programmes pédagogiques dont on connaît par ailleurs l'existence . Par les degrés de familiarité qu 'il manifeste vis-à-vis des divers écrits de Platon , Julien

est plutôt proche d'un Plutarque de Chéronée, c'est-à -dire qu'il se présente comme un homme cultivé qui place la philosophie au premier rang des valeurs culturelles, mais qui a construit sa connaissance de Platon hors de tout appareil scolastique connu . Dépourvu de compétence aristotélicienne et très petit lecteur d' Aristote , Julien est au contraire un vrai lecteur de Platon, mais quelques détails de ses écrits laissent penser que certains dialogues pourraient lui être inconnus et que, de certains autres, sa lecture n 'a été que partielle. Son passage par les écoles de Pergame et d 'Éphèse a suscité ou conforté chez lui un puissant intérêt pour les æuvres de Platon ; il l'a convaincu d 'autre part qu 'Aristote constituait un des fondements de la vérité philosophique, mais tout se passe comme si Julien

n 'avait pas suivi d 'enseignement sur programme consacré à Platon et Aristote , ou n'en avait reçu que des bribes. En revanche, en se montrant informé du contenu d'un commentaire sur les

Vers d 'Or pythagoriciens (Contre Héracleios 20, 225d - 226b ; Contre les chiens ignorants 15, 1950- 196 d ), et cela dans un contexte très imprégné de souvenirs scolaires, Julien témoigne de ce qu 'il a reçu un enseignement propedeutique fondé sur la lecture commentée de ce texte .

De même, il est possible de reconstituer avec une certaine probabilité les conditions dans lesquelles Julien a pu connaître les Oracles Chaldaïques com

mentés par Jamblique : il a suivi quelques cours consacrés à ce programme, qui l'ont passionné (Lettre 12, p . 19, 12-13 Bidez) ; plus tard, il a utilisé pour son compte personnel (mais avec l'aide de Maxime et de Priscos présents à ses

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côtés) le commentaire écrit de Jamblique, notamment lors de la rédaction de la

Mère des Dieux.

Bien entendu, il a acquis à Pergame et Éphèse une masse d'informations sur l'æuvre et la doctrine de Jamblique, qui l'ont enthousiasme : il se déclare « fou de Jamblique » (Lettre 12 , p. 19, 12 -13 Bidez), et le proclame égal à Platon (Hélios Roi, 26 , 146a). Il est toutefois impossible de trouver dans les écrits de Julien des citations formelles de Jamblique, soit garanties par la tradition directe ,

soit recoupées par d'autres témoins.Les euvres de Jamblique utilisées directe mentpar Julien ne sont pas parvenues jusqu 'à nous. C 'est le cas notammentpour le traité ou la partie de traité qui lui a fourni l'essentiel de la doctrine qu 'il a « mise en hymne » dans Hélios Roi. Il reste que l'on repère , essentiellement dans les æuvres écrites par Julien en 362 à Constantinople , une foule d'éléments doc

trinaux et terminologiques hérités de Jamblique. Voir 59 R . E . Witt, « Iamblichus as a forerunner of Julian », dans le recueil De Jamblique à Proclus, coll. « Entretiens de la Fondation Hardt» 21, Vandæuvres-Genève 1974, p. 35 -64 .

Dans la tradition pédagogique néoplatonicienne,Maxime d'Éphèse semble s'être singularisé en prévoyant un cycle d'études intégrant le cynisme ancien , en partie idéalisé, aux philosophies de vérité: Julien en a tiré une admiration pour le cynisme diogénien qui lui rend d'autant plus insupportables les cyniques contemporains qui trahissent le modèle. De cette initiative pédagogique Julien est pour nous un témoin précieux : voir 60 J. Bouffartigue, « Le cynisme dans le

cursus philosophique au IVe siècle : le témoignage de l'empereur Julien » , dans M .-O .Goulet-Cazé et R . Goulet ( édit.), Le cynisme ancien et ses prolongements, Paris 1993, p . 339-358. Le témoignage de Julien ne permet pas de reconstituer avec sûreté l'ensemble des programmes d'études proposés par les écoles qu' il a fréquentées,mais les indications qu' il fournit restent très utiles. Ainsi sait-on grâce à lui que ces études comportaient, à l'intérieur de la discipline de la « théologie » , une partie initiatique et mystérique » (Contre Héracleios 11, 216b ), dite encore « philoso

phie initiatique et mystagogique» (ibid. 17 , 222d). Il apparaît que Julien a été admis à suivre cet enseignement et que c'est dans ce cadre , sans doute , qu 'il a entendu une exégèse des mythes d'Héraclès et de Dionysos ( ibid . 14- 16 ). La difficulté que l'on éprouve à dresser un tableau cohérent du cursus pro posé à Pergame et Éphèse n 'est pas due seulement à la relative imprécision de Julien. Elle semble provenir également de ce que les deux écoles n 'étaient pas alignées sur un modèle unique. A travers le reflet qu 'en produit Julien , l'ensem ble formé par les proches successeurs de Jamblique que sont Eusébe, Chrysan the,Maxime et Priscos paraît dynamique, inventif, multiple . Il s'agit bien , certes, d 'une même école, qui rejette à l'extérieur les mauvais platoniciens (Contre Héracleios 24, 237b ). Ces mauvais platoniciens sont essentiellement des disci ples de Théodore d 'Asiné, auquel Julien fait une allusion dont la signification

n ' est pas claire. Dans la Lettre 12 , p . 19, 7-8 Bidez , il écrit à Priscos: « Que les disciples de Théodore ne viennent pas te ressasser que Jamblique fut un ambi

tieux », mais la phrase commence par « je t'en supplie », comme si Julien crai

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gnait une trop grande complaisance de Priscos. Que Priscos ait été ou non un élément de liaison entre la lignée de Jamblique et celle de Théodore, il apparaît

que les maîtres de Julien ne cherchaientpas à barricader leur école contre toute contestation de l'orthodoxie jamblichéenne : voir Bouffartigue 21, p . 351, 356 , 357, 359.

Julien dans l'histoire de la philosophie: le penseur. Le destin n 'a pas laissé

à Julien le temps de bâtir uneouvre philosophique. Tout porte à croire que, s'il avait vécu plus longtemps, cette æuvre eût été abondante . En un an et demi (fin

361 - début 363), il a publié six écrits auxquels peut s' appliquer l'adjectif « philosophique», à savoir la Lettre à Thémistios, le Contre Héracleios, la Mère des Dieux, le Contre les chiens ignorants, Hélios Roi et le Contre les Galiléens. A la question « pourquoi a-t-il commencé si tard ? », on peut répondre qu 'investi

de l'autorité suprême (notamment religieuse , car il se prévaut en ce sens de sa qualité de Grand Pontife : Lettres 88, p . 151, 6 ; 89, p . 166 , 14 - 15), il a songé à en tirer parti, assuré que son message aurait de l' écho ;mais il est probable aussi qu'il se sentit encouragé par la présence à ses côtés de Maxime et de Priscos

grâce à laquelle il pouvait vérifier ou compléter ses compétences philosophiques. En tout cas, c'est à des travaux de débutant que l'on a affaire. Ce qui nuit à la mémoire de Julien philosophe, c'est l'aspect doublement morcelé de sa

réflexion . D 'une part il disperse son attention sur des sujets assez divers qui ten dent à dessiner l'image d 'un polygraphe; d 'autre part, à l'intérieur de ces mono graphies, il lui est difficile de contraindre sa pensée à suivre une ligne ferme. La

philosophie de Julien est sans doute plus virtuelle qu'achevée, plus une promesse qu'une réalité ; on en perçoit néanmoins certains contours et certaines tendances :

voir 61 J. C . Foussard, « Julien philosophe» , dans Braun et Richer 24, p. 189 212.

La philosophie de Julien , pour autant que son aspect fragmentaire et inachevé permette d'en juger, est une philosophie pragmatique (la position radicale qu 'il affiche dans la Lettre à Thémistios est isolée et de circonstance). Tout travail philosophique, tout logos philosophique est chez lui subordonné à la recherche d'un résultat. La recherche pure est ce qui l'intéresse le moins. Lamission de la philosophie telle qu'il la conçoit est de fournir à ceux qui sont capables d 'en

comprendre le langage, etnotamment à une classe dirigeante formée d'Hellènes cultivés, d'une part des règles morales – c'est la fonction du cynisme dans sa

version néoplatonisée - d'autre part des certitudes sur la nature et l'origine du monde, des dieux et des hommes. Le cynisme dans sa version revue par les maîtres néoplatoniciens de Julien fournit les bases d 'une éthique privilégiant les valeurs de la raison , de la piété, de la simplicité . Les certitudes sur le réel sont fournies par la discipline que Julien appelle la mystagogie et qui consiste à tirer des écrits inspirés, philosophiques et poétiques, les révélations enseignant la hiérarchie des êtres, la nature des dieux , le destin et les pouvoirs de l'âme. Quant au savoir indispensable sur les hommes tels qu 'ils sont, il est fourni par des

études de nature encyclopédique, notamment par l'histoire, la géographie, la médecine .

I 46

IULIANUS

977

Bien qu 'il révère Pythagore, Platon et Jamblique en tant quemaîtres de vérité, et qu'il déclare sans ambiguïté qu'après Jamblique la philosophie n' a plus rien à découvrir (Hélios Roi44, 157c-d), Julien ne considère pas que la tâche de la philosophie est terminée, puisqu'il lui reste à vérifier que les textes inspirés confirment les vérités énoncées par Jamblique. La philosophie de Julien, si elle

avait pu se développer, aurait sans doute consisté pour une large part en un tra vail exégétique . L 'empereur s 'y est essayé non sans un certain succès dans la

Mère des Dieux. Dans Hélios Roi, il a tenté d'enrichir le modèle fourni par

Jamblique par quelques allégorèses de son crû.Mais de tous les domaines dans lesquels l'exégèse est susceptible de dégager des connaissances, c'est la théolo gie que Julien considère comme le plus digne d 'intérêt. On retrouve là encore son souci d'efficacité. Plus que de toute science ou technè, c'est de la religion que Julien attend le salut individuel et collectif. La philosophie instruit la théo logie qui instruit la pratique religieuse dont le bon exercice sauve chaque fidèle, mais aussi chaque cité et l'Empire romain tout entier. L 'effet le plus précieux de la philosophie consiste donc à apprendre aux hommes comment ils peuvent communiquer avec la divinité et s'unir à elle. Julien a entamé l' élaboration d'une théologie dont les traits distinctifs sont assez nets. Il reconnaît trois niveaux de divinité : au sommet l'Un/Bien , puis au -dessous les dieux intellectifs (voepoi),

enfin les dieux visibles et encosmiques, c'est-à-dire les astres.Mais il néglige manifestement les premier et troisièmeniveaux pour consacrer toute sa réflexion et toute sa dévotion au niveau intermédiaire . Les dieux qu 'il vénère et veutfaire vénérer sont des dieux incorporels, recteurs de l'univers , providentiels et intéres sés au salut de l'humanité. Le « roi» des dieux intellectifs, que Julien appelle Hélios ou parfois Zeus, tend à les subsumer tous, mais l'empereur est fermement attaché au maintien de tous les cultes existants ; en conséquence, même s' il

considère que les autres dieux du paganisme sont des expressions ou des mani festations d 'Hélios-Zeus, il juge essentiel de leur conserver une individualité irréductible. L 'entreprise théologique de Julien est restée inachevée,mais elle a commencé à définir les fonctions particulières de chacun des dieux reconnus par

les polythéismes antiques. Parmi ces fonctions, on remarque celle de sauveur des hommes assumée par Dionysos, Héraclès et Asclépios, trois dieux qui ont pris une apparence charnelle et qui ont visité l'humanité. La connaissance théologi

que, répétons-le, n 'est pas gratuite pour Julien : elle est au service de la formela plus élevée et la plus efficace de la religion , qui est la théurgie . Cette discipline est exaltée par Julien ,mais ne fait de sa part l'objet d'aucune théorie. Ce que l'on constate, c 'est que la théurgie est pour lui le couronnement de la philosophie

mais qu' elle est également accessible sans la philosophie , dont on voit bien ainsi le rôle subordonné.

Enfin , les écrits de Julien le montrent lourd de conceptions, souventimplicites ou mal conceptualisées, dans le domaine de l'anthropologie . Il est un des rares penseurs de l'Antiquité à proposer l'ébauche d'une histoire rationnelle de l'hu manité (voir 62 J. Sirinelli, « Julien et l'histoire de l'humanité » , dans Mélanges

E. Delebecque, Aix 1983, p . 363-377), ainsi qu'une tentative pour dresser de la

978

I 46

IULIANUS

diversité humaine la carte mondiale (ou plutôt æcuménique, le monde connu s'arrêtant pour lui aux frontières de l'Empire et à leur voisinage immédiat). Sa

position antichrétienne l'a mêmeamené à bâtir un modèle d'histoire de l'huma nité destiné à faire pièce au modèle proposé par Eusébe de Césarée (voir Bouf fartigue 21, p. 454-455) . Dans ces entreprises, au stade où nous les saisissons, il

fait euvre de créateur autant que de compilateur, et l'intérêt qu'il manifeste pour les natures et les cultures humaines suffit à le faire ranger dans une catégorie de

philosophes que son contemporain Thémistios représente égalementde son côté. Julien et Thémistios se veulent autre chose que des philosophes de pure

contemplation , et ont l'un comme l'autre des raisons de se poser la question du

philosophe au pouvoir. On ne s'étonnera pas de trouver chez Julien quelques pages de philosophie politique, essentiellement dans le Second Éloge de Constance et dans la Lettre à Thémistios; voir 63 J. M . Candau -Morón , « La filo

sofia politica de Juliano », Habis 17, 1986 , p. 87-96 , et 64 M . Mazza , « Filosofia religiosa ed imperium in Giuliano » , dans 65 B . Gentili (édit.), Giuliano Impera tore. Atti del Convegno della S .I.S . A . C . (Messina 3 aprile 1984 ), Urbino 1986 ,

p. 39- 108 .Là encore, on ne peut refuser à Julien une certaine marge d'autonomie et de réflexion personnelle dans la façon dont il brasse des idées dont quelques unes sont originales. En revanche, il n 'a pas pu soumettre à une véritable analyse

philosophique le problème de l' éducation , de la paideia, dont toutmontre pour tant qu 'il y voit une des clés de la conservation et de l'évolution salutaire de

l'humanité. L 'æuvre de Julien exprime seulement dans ce domaine l'intérêt et l'inquiétude d 'une conscience vivement sensible au problèmemais dont les aspi rations contradictoires sont peu favorables à la construction d'une théorie. JEAN BOUFFARTIGUE.

DM II

47 IULIANUS (Julien ) LE CHALDÉEN RE 8

" Philosophe” , père de Julien le Théurge (~ I 48). Il aurait écrit un traité Sur les démons en 4 livres. Cf. Souda I 433 ; t. II, p. 641, 32-34 Adler. RICHARD GOULET.

48 IULIANUS (Julien ) LE THÉURGE RE 9

MII

Fils de Julien le Chaldéen ( > I 47). Selon la Souda (I 434 ; t. II, p . 642, 1 - 3

Adler ), il aurait vécu sousMarc-Aurèle ( 161-180) et aurait entre autres composé ( 1) Osovprixá , (2 ) Teleotixá, ( 3) Abyla ol' énőv (Oracles en vers ), dans

lesquels il faut reconnaître les fameux Oracles chaldaïques. « C 'est celui-là qui, dit-on , un jour que les Romains mouraientde soif, subi tement fit produire des nuages, se lever une tempête, tomber une pluie violente

avec des coups de tonnerre accompagnés d'éclairs ; et cela Julien l'accomplit par

le moyen d'un certain savoir. D 'autres disent que c'est Arnouphis (2 - A 419), le

philosophe égyptien , qui a opéré ce miracle » (trad. Saffrey). 1 H . D . Saffey, « Les Néoplatoniciens et les Oracles chaldaïques» ,REAug 27, 1981, p. 209-225, a montré l'origine de cette légende. D 'autres miracles analogues du magicien

Julien sont rapportés par Anastase le Sinaïte , Quaestions et responsiones, n° 20 ,

I 48

IULIANUS LE THÉURGE

979

PG 89, col. A -B ; Sozomène, Hist. eccl., p. 40, 8-9 Bidez-Hansen (GCS 50 , 1960) ;Michel Psellus, A ceux quiavaient demandé combien il y a de genres de

discours philosophiques, passage cité par Éd. des Places, dans son édition des fragments des Oracles chaldaïques, CUF, Paris 1971, p. 222.

Plus loin (p. 218 sqq.), H .D . Saffrey traduit et commente un passage de Psellus – vraisemblablement emprunté au commentaire de Proclus sur les Ora cles -, qui raconte que le père de Julien , « au moment où il était sur le point de l'engendrer, demanda au dieu Rassembleur de l'univers une âme archangélique pour l'existence de son fils, et une fois né, il le mit au contact de tous les dieux et de l'âme de Platon , qui partage l'existence d' Apollon et d 'Hermès, et par le

moyen de l'art hiératique, il l'éleva jusqu 'à l'époptie de cette âme de Platon pour pouvoir l'interroger sur ce qu 'il voulait » (trad. Saffrey). Doué d'une âme aussi élevée, capable d 'interroger Platon dans une vision immédiate , Julien- fils pouvait ainsi servir de médium pour obtenir des révélations. « Nous tenons alors toute l'explication du caractère platonicien de certains de ces Oracles Chal

daïques » (Saffrey 1 ,p .219 ).

Cf. 2 W . Kroll, art. « Iulianus» 9 , RE X 1, 1918, col. 15 -17 ; 3 C . Van Liefferinge, La Théurgie, des Oracles Chaldaïques à Proclus, coll. « Kernos Supplément» 9, Liège 1999, p. 15 -16 . RICHARD GOULET. IULIUS CAESAR→ CAESAR IULIUS + AGRICOLA (IULIUS -) IULIUS → ALEXANDER (IULIUS -) IULIUS- AMYNIAS (C . I.) DE SAMOS

IULIUS→ AQUILINUS (IULIUS -) IULIUS→ ASCLEPIADES ( IULIUS -) IULIUS + BASSUS ( IULIUS) IULIUS CANUS ( IULIUS -)

IULIUS → EUMELUS (M . IULIUS -)

IULIUS → GRAECINUS(IULIUS -) IULIUS → IULIUS IULIUS + IULIUS

ISIDORUS (IULIUS -) IULIANUS (IULIUS -) NICETAS (IULIUS -) PHILARETIDAS (IULIUS -)

IULIUS IULIUS — IULIUS IULIUS +

POLLUX (IULIUS -) PYTHAGORAS (IULIUS -) ROGATIANUS (IULIUS -) RUFUS (T. IULIUS -)

980

JUNCUS

I 49

IULIUS SABINUS (C. IULIUS -) IULIUS + THEON ( C . IULIUS -)

IULIUS→ ZOSIMIANUS (IULIUS -)

49 IUNCUS RE 1 II ? A . Stobée, Anthologie IV , cite quatre longs fragments extraits d'un dialogue

Sur la vieillesse d ' un certain luncus: [A ] IV 50a, 27 (p . 1026 , 10 - 1031, 13 Hense) ; [B ] IV 506, 85 (p. 1049,11- 1052, 16 ) ; [C ] IV 50c, 9 < 5 > (p. 1060, 10 1065, 11) ; [D ] IV 53, 35 (p. 1107, 16 - 1109,18). Le nom apparaît également dans la liste des philosophes cités par Stobée dressée par Photius, Bibl. cod. 167 (t. II, p. 156 , 4 Henry). Cf. 1 W . Kroll, art. « luncus » 1, RE X1, 1918 , col. 953-954 ; 2 R . Hirzel, Der Dialog, t. II, Leipzig 1895, p. 252 sqq. ; 3 J. A . A . Faltin , Die luncus- Fragmente bei Stobaeus, Diss. Freiburg im Br. 1910, 64 p .; 4 F . Wilhelm , Die Schrift des luncus trepi mpws und ihr Verhältnis zu Ciceros Cato maior, Progr. Breslau 1911, 20 p. (« Beilage zum Jahresbericht des königlichen König -Wilhelms Gymnasiums zu Breslau » ); 5 A . Dyroff, « Junkos und Ariston von Keos über dasGreisenalter» , RAM 86 , 1937, p. 241-269; 6 A . Dyroff, Der Peripatos über das Greisenalter, coll. « Studien zur Geschichte und Kultur des Altertums» 21 , 3, Paderborn 1939, p. 136 sq.; 7 J. H . Oliver, « Philosophers and Procurators, relatives of the Aemilius Juncus of Vita Commodi 4, 11 » , Hesperia 36 , 1967, p . 42-56 ; 8 Id., « The Diadochê at Athens under the humanistic Emperors» , AJPh

98, 1977, p . 170-171. L 'ouvrage se présentait comme un dialogue ou plus exactement un débat oratoire (agôn : 1030, 14 ) entre deux intervenants devant un auditoire (TÕV napovtov, 1030 , 13). Il faut sans doute lire les fragments dans l'ordre suivant: [ B ] attaques contre la vieillesse adressées par le plus jeune au plus âgé (p. 1049, 12 - 1050 , 1; p. 1028, 8-9 qui renvoie à 1051, 1 sq. ; p. 1028, 19 - 1029, 1 qui renvoie à 1051, 10 ; p. 1030 , 11- 12 qui renvoie à 1050 , 8) des deux orateurs, [C ] défense de la vieillesse du point de vue de la tradition (" sages antiques” : p. 1060, 13), ( A ) opinions personnelles en faveur de la vieillesse, (D ) la vieillesse et la mort. Des passages des sections ultérieures renvoient aux objec

tions déjà formulées par l'adversaire (par exemple, p. 1027, 21-22). Les deux orateurs ne sont pas explicitement présentés comme des philosophes, mais le

second reconnaît au premier une culture philosophique (p. 1108, 11-12) et se présente lui-même comme le disciple d ’un philosophe (p . 1062, 5) dont il rap

porte l'enseignement oral sur la vieillesse (p . 1065, 10). Il évoque par ailleurs le discours philosophique comme « un guide, un gardien , une richesse et une lumière » (p . 1028, 16 -18 ). Les points de vue philosophiques exprimés en faveur

de la vieillesse ne sont pas attribués formellement à une école particulière. On devine ici une pointe anti-épicurienne (“ les plaisirs admirés par certains” ,

p . 1108, 18 ), là affleure une terminologie stoïcienne ( opuń, opetiç, p . 1027, 8 ; destructibilité du monde dans le feu et l'eau, p. 1108, 9 ),mais les allusions pla toniciennes (l' ancien qui se trouve " au soir de sa vie” , p . 1028, 12-13 (comp.

I 49

981

IUNCUS

Lois VI, 770 a) ; mythe du jugement des âmes, p . 1109, 11-18) et quelques détails doctrinaux (“ la partie irrationnelle et appétitive de l'âme” , p. 1027, 10,

par opposition à la partie rationnelle , p. 1027, 11; la mort comme séparation de l'âme et du corps, p . 1050 , 15- 16 (comp. Gorg. 524 b ; Phédon 67 d ), prédisposi

tion du vieillard à devenir "semblable à Dieu” , p . 1064 , 4 ; 1027, 1- 3 ; 1027, 20 ) permettent de rattacher le second orateur au platonisme. On ne relève pas d'in dice autorisant une datation du document, ni une localisation géographique du débat. Rien ne s'oppose à ce que l'auteur ait vécu à Athènes à l'époque d'Ha drien , comme invite à le supposer un rapprochement avec L . Aemilius Iuncus,

consul suffect en 127 et gendre de T . Varius Cailianos (24C 9 ), “ diadoque” vrai semblablementplatonicien (voir Oliver 8 ).

Des rapprochements étroits ont été repérés avec le De Senectute de Cicéron. Faltin 3, qui situait l'ouvrage de Juncus au début du IIe siècle de notre ère, a voulu les expliquer par une commune dépendance à l'égard du traité d'Ariston de Céos Sur la vieillesse ( A 396 ), connu par Cicéron , De senectute 1, 3 ( fr. 12

Wehrli). Dyroff, qui avait déjà signalé l' arrière-plan péripatéticien de l'argumen tation (Dyroff 5 ), a même envisagé (Dyroff 6 , p . 136 sqq.), de façon peu cré dible , que le nom lounkos soit une corruption de louliètos, ethnique d ’Ariston (selon Diogène Laërce VII 164). Mais le thème avait été traité par bien d'autres

auteurs, notammentpar Théophraste (D .L . V 43). Il n'existe pas de traduction moderne complète de l'ensemble des fragments. On trouvera cependant une traduction anglaise du fragment (C ) dans Oliver 8, p. 173-175 et du fragment (A ) dans Oliver 7, p. 54-56 . RICHARD GOULET.

B . Comme l'a vu Oliver 7, p . 42-56 , et Oliver 8, p . 170-171, le philosophe luncus, auteur du lepi ynows, est certainement identique au consulaire Aemi

lius Iuncus (PIR2 A 355), gendre du diadoque athénien T . Varius Cailianos (2C 9 ). Il était établi à Athènes et appartenait au dème de Gargettos ; sur l'interprétation des inscriptions athéniennes relatives à luncus et à ses proches, voir 9 L . Robert, BE 1968, 226 , et 10 D . Peppa-Delmouzou , ArchDelt 25, 1970 , p. 194. Plusieurs générations successives de la même famille furent représentées au sénat et leur distinction dans les différents catalogues prosopographiques est sujette à caution (elle est à revoir en fonction de l' élément nouveau apporté par une inscription de Tabala publiée par 11 H .Malay, « Letters of Pertinax and the Proconsul Aemilius Juncus » , EA 12 , 1988 , p. 47 -52 ). D 'après l'analyse de cer

tains passages du lepimpws, proposée par Oliver 7 et 8, le traité pourrait dater de l'époque d 'Hadrien . Il faut dans ce cas identifier le philosophe au premier en

date des sénateurs connus dans cette famille , le consul de 127, corrector en Achaïe sous Hadrien : voir 12 H . Halfmann , Die Senatoren aus dem östlichen

Teil, coll. « Hypomnemata » 58 , Göttingen 1979, nº 55 . Il devintpar la suite pro

consul d' Afrique ou d'Asie, mais ne peut être identique au proconsul d'Asie homonyme de 193/4 (cfMalay 11) : celui-ci était probablement son petit- fils . BERNADETTE PUECH.

IUNIOR PHILOSOPHUS

982

50 IUNIOR PHILOSOPHUS RE 3

I 50

MIV

Personnage inconnu , peut-être même fictif, auquel est attribué un ouvrage géographique intitulé Descriptio totius mundi, qui constitue avec l'Expositio totiusmundi (v. infra) une riche source d'informations sur la vie économique et sur l'histoire événementielle du IVe s.

En réalité , le nom de « Iunior philosophus» sert à désigner non pas l'auteur de ce bref ouvrage de géographie descriptive, mais le traducteur ou,mieux , l'adap tateur d 'un original grec perdu, qui a pu être écrit à Antioche ou à Alexandrie vers 350 . De cet original grec, æuvre d 'un auteur Oriental inconnu sans doute

d'origine mésopotamienne ou syrienne, il existe deux versions latines : une recension longue, intitulée Expositio totiusmundi et gentium , qui pourrait avoir été faite au début du Vie s., peut-être à Vivarium (cf. infra Rougé 3, p. 102 - 103 ), et une recension un peu plus récente et plus courte , la Descriptio totius mundi. Iunior serait donc responsable de la seconde recension, si l'on en croit la men tion qui figure en tête desmanuscrits: « incipit liber Iunioris philosophi in quo continetur totiusmundi descriptio » .

La recension longue ou Expositio a été publiée pour la première fois à Genève, en 1628 , par le grand érudit protestant Jacques Godefroy, qui n 'a pas fondé son édition sur un manuscrit ancien , mais sur l'apographe d 'un ms. aujourd 'hui disparu, réalisé par François Juret et communiqué à J. Godefroy par Claude Saumaise. La recension brève, longtemps oubliée, a été redécouverte au

XIXe s. (son existence avait toutefois été déjà signalée par Mabillon et par Razan ).

Éditions. 1 Angelo Mai, Classici auctores e Vaticanis codicibus editi, III, Roma 1831, p . 385-409 : éd. princeps, établie sur la base du manuscrit Cavensis 3 , fol. 391-397', datable du XIe s.; ce manuscrit, écrit en écriture bénéventine, est l'un des rares produits du scriptorium de l'abbaye bénédictine de la Sainte Trinité , à Cava dei Tirreni (Salerno ). 2 C .Müller, Geographi graeci minores, II,

Paris 1861, XLIX -LI et 513-528, qui a découvert et utilisé le manuscrit Paris. gr. 7418 , fol. 262 - 268' (XIVe s.). L 'édition de référence est aujourd 'hui celle de Jean Rougé : 3 Expositio totius mundi et gentium , Introd., texte critique, traduc tion, notes et commentaire par J.R ., coll. SC 124 (série annexe de textes non chrétiens), Paris 1966 , 382 p ., 2 index, cartes : cette édition utilise pour la première fois, outre les deux mss déjà connus, un troisièmems.,Madrid A 16 , 19 (XII° s.), fol. 1900-201. Dans ces trois manuscrits , la Descriptio figure , évidemment, parmi d'autres ouvrages dont l'ensemble constitue un florilège d'euvres antiques ou du haut Moyen Âge. Le surnom de Iunior étant fréquent

dans l'onomastique ancienne, et l'identité de l'auteur que ces manuscrits appellent Iunior restant très floue, Rougé 3, Introd. p. 127, a émis l'hypothèse suivante : « Tout comme l'Expositio , la Descriptio a de fortes chances d'être un

produit de Vivarium . Par la suite le compilateur du florilège, ayant les deux versions à sa disposition , aurait choisi la version la plus courte , peut-être parce que moins entachée de paganisme, et devant l'absence de nom d'auteur aurait

151

983

IUSTINUS

inventé le Tunior philosophus pour indiquer qu 'il choisissait le texte le plus récent. » JEAN -MARIE FLAMAND .

IUNIUS + ARULENUS RUSTICUS ( IUNIUS -)

IUNIUS — BRUTUS (IUNIUS -)

IUNIUS → FUFICIUS (IUNIUS -) IUNIUS + GALLIO ( IUNIUS -) IUNIUS + MAURICIUS (IUNIUS -)

IUNIUS → TORQUATUS (L . I. SILANUS) II 51 IUSTINUS (Justin ) RE 11 Apologiste chrétien du II° siècle . Épithètes traditionnelles: " le Philosophe” (sa profession ), “Martyr” (il a subi lemartyre, probablement en 165 ). Sa biographie

est mal connue. Il est né païen à Flavia Neapolis (Palestine). Le prologue de son Dialogue, sous la mise en forme littéraire , laisse supposer qu 'il a expérimenté dans sa jeunesse les diverses écoles philosophiques ; sa conversion au christia nismeest aussi conversion à la philosophie : il vit en philosophe itinérant. Arrivé

à Rome sous Antonin le Pieux (138- 161), il y fonde son école et se heurte à l'hostilité du philosophe cynique Crescens (RC211). Répertoires bibliographiques . 1 A . Davids, Iustinus Philosophus etMartyr.

Bibliographie 1923- 1973, Nijmegen 1983,48 p. index (535 items) ; 2 J.Morales, « La investigación sobre San Justino y sus escritos » , ScrTheol 16 , 1984, p. 869 896 .

Euvres perdues. Nombreuses, et importantes par leur influence sur la théo logie qui va suivre ( Théophile d 'Antioche, Tertullien ), elles sont attestées soit

par Justin lui-même, soit pardes auteurs postérieurs . (1) Eúvtayua xatà naoőv tõv yeyevnuévwv aipédewv, Traité contre toutes les hérésies (Justin , 1re Apol. 26 , 8 ; Eusébe, Hist. ecclés. IV 11, 10) ;

(2) Ipós Mapxiwva ouvrayua, Traité contre Marcion ( Irénée IV 6, 2 ; Eusébe, IV 11, 8 ; 18, 9) ;

(3) Aóyos npòs "Elinvas, Discours aux (contre les ?) Grecs (Eusèbe, IV 18, 3) ;

(4 )" Emerxos, Réfutation (contre lesGrecs, Eusébe,IV 18 , 4 ); (5) Hepi DeoŨ Movapxias, Sur la monarchie de Dieu (Eusèbe, ibid .); (6) Ilepi puxñs, Sur l'âme (de nature doxographique, Eusèbe, IV 18 , 5). Euvres conservées, qui sont les deux Apologies et le Dialogue avec Try phon. Parmi les éditions globales, on se bornera à mentionner celle , toujours indispensable , du 3 Corpus Apologetarum Christianorum Saeculi Secundi de I. C . Th . de Otto , t. I, Iustinus Philosophus etMartyr, pars I, Apologia I & II (Ienae

31876 , 1re éd. 1842), pars II, Dialogus cum Tryphone Iudaeo (lenae 31877). A

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151

quoi il faut toujours joindre 4 E . J. Goodspeed, Index Apologeticus, Leipzig 1912 , pour le vocabulaire de Justin (et des principaux apologistes du IIe siècle ). LES APOLOGIES

Éditions : 5 L . Pautigny, coll. « Textes et Documents pour l' étude historique du christianisme» 1 , Paris 1904 (avec trad . française ) ; 6 A . Wartelle , Paris 1987

(avec trad . française) ; 7 Ch . Munier, coll. « Paradosis » 39, Fribourg (Suisse) 1995 ; surtout 8 M . Marcovich, coll. « Patristische Texte und Studien >> 38 , Berlin /New York 1994.

Leur dualité même fait problème, et doit reposer sur une description confuse d 'Eusébe, IV 18, 2 . On pense aujourd 'hui que le texte dit 2e Apol. est seulement

un appendice ajouté à la 1re, quand on ne va pas jusqu'à rejeter l'authenticité de la 2 , cf. 9 R . Weijenborg, « Überlieferungsgeschichtliche Bemerkungen zu der

Justin dem Märtyrer zugeschriebenen Apologia Secunda» , dans Fr. Paschke (édit.), Überlieferungsgeschichtliche Untersuchungen, coll. TU 125 , Berlin

1981, p. 593-603. Quoi qu 'il en soit, cette æuvre est un document de premier ordre pour l' atti tude de l'auteur devant la culture philosophique et surtout religieuse desGrecs. Il

n 'est pas impossible d'ailleurs qu' elle ait, dans sa composition d 'ensemble et pour quelques détails, rapport au dialogue platonicien de même titre, cf. 10 J.-C . Fredouille , « De l’Apologie de Socrate aux Apologies de Justin », dans Autour de Tertullien, Hommage à R . Braun , t. II = Public. de la Fac. des L. et Sc. hum . de

Nice, 56 , 1990, p . 1-22. Pour l'attitude vis-à -vis de la culture grecque, 11 Ch. Munier, L 'Apologie de saint Justin , philosophe etmartyr, coll. « Paradosis » 38, Fribourg (Suisse) 1994 .

Une idée originale et fondamentale de l'Apologie est que le Logos chrétien était à l'æuvre avant même son incarnation , et sous une forme dite “ séminale ” (onepuatixos óyos ) inspirait non seulement les prophètes juifs, mais les sages grecs, Socrate , Platon et les autres: il y avait là , dans le sens de la profondeur et de l'universalisme, une alternative à l'argument apologétique banal du “ vol"

commis par les païens aux dépens des Écritures juives, cf. 12 J. Pépin, « Christia nisme et mythologie. Jugements chrétiens sur les analogies du paganisme et du christianisme» , dans, du mêmeauteur, De la philosophie ancienne à la théologie patristique, coll. « Collected Studies Series » , London 1986 , nº VIII ; d'autre part, Justin , ainsi, coupait court à l'argument antichrétien que Celse et Porphyre allaient tirer de l'avènement tardif de l’Incarnation. Ce thème du spermatikos lógos a fait l'objet de travaux importants : 13 R . Holte, « Logos Spermatikos.

Christianity and Ancient Philosophy according to St. Justin 's Apologies» , Studia theologica, 12, 1958, p. 109- 168 ; 14 J. H . Waszink , « Bemerkungen zu Justins

Lehre vom Logos spermatikos» , dans Mullus, Festschrift Th. Klauser = Jahrb. f. Antike und Christentum , Ergänzungsbd. 1, Münster Westfal. 1964, p . 380- 390 . Voir aussi 15 C . J. De Vogel, « Problems concerning Justin Martyr. Did Justin

find a certain continuity between Greek philosophy and christian Faith ?» ,Mne

mosyne 31, 1978, p . 360-388.

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LE DIALOGUE AVEC TRYPHON Édition : 16 G . Archambault, coll. « Textes et Documents ...» 8 et 11, Paris 1909, 2 vol. (avec trad. française). La première apologie chrétienne contre les Juifs. La mise en scène littéraire est évidente , mais il se peut qu 'elle ait pris appui sur des conversations réelle

ment tenues avec un rabbin (Rabbi Tarphon ?), et qu'Eusebe (IV 18 , 6 ) situe à Éphèse. Dans le prologue de cet ouvrage, Justin décrit, selon un procédé courant dans l’ Antiquité profane et chrétienne, sa quête de la vraie philosophie ; c' est pour lui l'occasion de présenter un panorama des différentes écoles de l' époque (cha

pitres 1 à 9 ). Ce document d'histoire de la philosophie a suscité beaucoup d'inté rêt dans les dernières décennies, comme on peut le voir dans les travaux sui vants : 16 W . Schmid, « Frühe Apologetik und Platonismus. Ein Beitrag zur

Interpretation des Proöms von Justins Dialogus» , dans EPMHNEIA . Festschrift O . Regenbogen , Heidelberg 1952 , p . 163-182 ; 17 N . Hyldahl, Philosophie und

Christentum . Eine Interpretation der Einleitung zum Dialog Justins, coll. « Acta Theologica Danica » 9 , Kopenhagen 1966 ; 18 J . C . M . Van Winden , An Early Christian Philosopher. Justin Martyr's Dialogue with Trypho, Chapters One to

Nine, coll. « Philosophia Patrum » 1, Leiden 1971 (excellent commentaire cursif du texte ) ; 19 R . Joly, Christianisme et philosophie. Études sur Justin et les Apo

logistes grecs du deuxième siècle, Bruxelles 1973, p . 9 -74 ; 20 J. Pépin , « Prière et providence au 2e siècle ( Justin , Dial. I 4 ) » , dans Images ofMan in Ancient

and Medieval Thought,Mélanges G . Verbeke, Louvain 1976, p . 111-125, repris dans De la philosophie ancienne à la théologie patristique cité plus haut, nº X ;

21 J.C . M . Van Winden, « Le portrait de la philosophie grecque dans Justin , Dialogue I 4 -5 » , VChr 31, 1977, p . 181- 190 . LE PLATONISME DE JUSTIN Bien que la thèse adverse ait ses défenseurs, il est peu probable que Justin ait

eu un accès direct et plénier aux dialogues de Platon : ce n 'était pas, sauf excep tions, l'habitude de l' époque ; la méconnaissance de ce fait de culture dévalue en

partie l'ouvrage, par ailleurs très méritant, de 22 J. M . Pfättisch , Der Einfluss Platos auf die Theologie Justins des Märtyrers. Eine dogmengeschichtliche Untersuchung, coll. « Forschungen zur christl. Literatur- und Dogmen geschichte » 10 , 1, Paderborn 1910 . De Platon , Justin connaît en fait surtout les

passages que les platoniciens de son temps (les «moyens platoniciens» ) choisis saient pour illustrer leur interprétation spécifique du platonisme; l' attention a été

attirée sur ce point notamment par l'article pionnier de 23 C . Andresen, « Justin und der mittlere Platonismus», ZNTW 44 , 1952/53, p. 157- 195. Une fois le principe acquis, on ne manqua pas d'en découvrir de nouveaux indices, et de souligner l'influence probablement exercée sur Justin par tel ou tel philosophe médio -platonicien, notamment Numénius. Ainsi 24 É . des Places, « Platonisme moyen et apologétique chrétienne au 11° siècle ap. J.-C . Numénius,

Atticus, Justin » , dans Studia Patristica XV 1,coll. TU 128, Berlin 1984, p . 432

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IUSTINUS

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441 (Numénius est alors daté de la 1re moitié de ne siècle ). Dans le même sens, 25 M .J. Edwards, « On the Platonic Schooling of Justin Martyr» , JTHS 42 , 1991, p. 17-34 .

Andresen semble avoir eu la main moins heureuse avec son ouvrage 26 Logos und Nomos. Die Polemik des Kelsos wider das Christentum , coll. « Arbeiten zur Kirchengeschichte » 30 , Berlin 1955. La thèse soutenue là était que le polémiste

antichrétien Celse eut une connaissance directe de l'œuvre de Justin , d'où la conclusion que la " philosophie de l'histoire" du premier ne provient pas du moyen platonisme, mais ne s'explique que si elle est une réponse à la théologie du Logos du second . Cette perspective, déjà refusée par 27 J. H . Waszink dans sa recension de 28 en VChr 12, 1958, p. 166 - 177, fut plus complètementrejetée par

29 G . T . Burke,« Celsus and Justin : Carl Andresen Revisited » , ZNTW 76 , 1985, p . 107- 116 ; reprenant un à un les principaux exemples de correspondance allé gués par Andresen entre les deux auteurs , Burke s 'efforça de les démonter pour

les réduire à la commune influence du moyen platonisme. LES OUVRAGESMIS SOUS LE NOM DE JUSTIN Ils sont en nombre considérable , et de nature assez différente. Un groupe important pour l'histoire de la philosophie réunit quatre recueils intitulés Quaestiones et responsiones ad orthodoxos, Quaestiones christianorum ad gen tiles, Quaestiones Graecorum ad christianos et Confutatio dogmatum quorum dam aristotelicorum (à lire dans l'édition 3 Otto, t. III, partes I et II : 30 Opera

Iustini subditicia (lenae 31880-81), ou, à défaut, en PG 6 , Appendix ); à l' évi dence, ils ne proviennent pas de Justin , mais semblent remonter tous à un même auteur, proche de la Syrie et vivant au début du Ve siècle (on a pensé, sans argu

ments suffisants, à Diodore de Tarse, à Théodoret de Cyr). Sur cet important genre littéraire, cf. 31 L . Perrone, « Il genere delle Quaestiones et responsiones

nella letteratura cristiana antica fino ad Agostino » , dans « De diversis quaestio nibus octoginta tribus » . « De diversis quaestionibus ad Simplicianum » di Agostino d 'Ippona . Commento di L . Perrone, J. Pépin , F. Cocchini, Ch. Fabrizi,

E . Kraleva e M . G . Mara , coll. « Lectio Augustini – Settimana Agostiniana Pavese » 12, Roma 1996 , p. 11-44. Du moins à première vue, le cas serait tout autre pour trois æuvres également conservées et attribuées à Justin , intitulées respectivement dans l'édition Otto 3, t. II: 32 Opera lustini addubitata (lenae 31879 ), Oratio ad gentiles (Ilpos

" Erinvac), Cohortatio ad gentiles (Abyog napalveTIXÒÇ Após " Exnvas),De monarchia (Ilepi uovapxiac); on en verra l'éd. récente par 33 M . Marcovich , coll. « Patristische Texte und Studien » 32, Berlin /New York 1990. La singularité de ces titres est qu 'ils ressemblent d'assez près à ceux de trois ouvrages perdus

de Justin , qui ont été évoqués au début de cette notice; mais l' analogie s'arrête au titre , et ce qu'Eusébe dit du contenu de ces ouvrages perdus ne s' accorde nullement à celui des trois opera addubitata que nous lisons. Une attention spéciale doit être portée au plus long et important d'entre eux ,

la Cohortatio ad gentiles ou ad Graecos. L 'auteur s'en prend aux poètes et aux

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philosophes de la Grèce classique, accusés , pour le peu qu'ils disent de vrai,

d 'avoir plagié Moïse et les prophètes juifs ; telle est la théorie célèbre du “ larcin ” (furta Graecorum ), qu'auraient commis les Grecs aux dépens des Juifs regardés comme les ancêtres légitimes des chrétiens. Le but visé par ce pseudo-Justin est de discréditer la philosophie ancienne; on a vu plus haut que le véritable Justin ,

avec son explication par le Lógos spermatikos, servait une intention tout autre . Il faut lire dans cette perspective les chap. 29 et 30 de la Cohortatio , soutenant que la doctrine platonicienne des Idées, de la création du monde et de l'homme tra

vestit, sans les comprendre, les enseignements de Moïse ; voir 34 M . Simonetti, « In margine alla polemica antiplatonica della Cohortatio ps. giustinea », dans Scritti in memoria di Angelo Brelich, coll. « Religioni e civiltà » 3 , Bari 1982,

p. 577-589. Pour artificiels que soient ces efforts réductionnistes, ils sont parfois pour l'auteur l'occasion de livrer des données doxographiques intéressantes, sur quoi cf. 35 L . Alfonsi, « Traces du jeune Aristote dans la Cohortatio ad Gentiles

faussement attribuée à Justin », VChr 2, 1948, p.65-88. Cependant, notre connaissance de cet opuscule a été totalement renouvelée il y a peu de temps avec la thèse de 36 Chr. Riedweg, Ps.- Justin (Markell von

Ankyra ?) ad Graecos De vera religione (bisher “ Cohortatio ad Graecos”), Ein leitung und Kommentar, coll. « Schweizerische Beiträge zur Altertumswissen

schaft » 25/ 1-2 , Basel 1994, 711 p. Le premier de ces deux vol. expose la perspective d 'ensemble de l'auteur, où l'on doit relever les points suivants . Riedweg ne croit pas authentique le titre traditionnel de Cohortatio ad Graecos

= en grec Aoyoç TapaLVETIXÒS após " EMnvas ; car, dans la rhétorique ancien ne, le discours parénétique s'adresse à des auditeurs dont les règlesmorales sont celles mêmes de l'auteur, qui les engage seulement à s'y perfectionner; ici au

contraire, c 'est un chrétien qui veut convertir à sa croyance un auditoire païen. D 'autre part, la formule ημίν ο περί της αληθούς θεοσεβείας πρόκειται Nóyos se lisant au début du texte , Riedweg suppose là une reprise partielle du titre , dont la totalité pouvait être Ad Graecos de uera religione.

La date de la Cohortatio avait donné lieu jusqu'ici aux hypothèses les plus divergentes, cf. p . ex. 37 R . M .Grant, « Studies in the Apologists, II : The Cohor

tatio of Pseudo-Justin », dans HTER 51, 1958, p. 128 -134 . Le principe de travail réside dans la mise en lumière des auteurs qui ont inspiré le texte ou s'en sont inspirés. Déjà Simonetti 34 avait exploité à cette fin l'influence probable de Clément d 'Alex., Strom . V 93 , 4 sur les chap . 29 et 30 de l'opuscule. Riedweg

(qui, p. 457, invoquerait dans ce dernier cas plutôt la lecture directe de Philon) resserre l' intervalle en montrant que le ps.-Justin doit avoir lu Porphyre , et

d' autre part inspiré le Contra Julianum de Cyrille d 'Alexandrie , ce qui situerait son Ad Graecos approximativement entre la période de l'activité littéraire de Porphyre (environ 250- 310) et la date de l'ouvrage polémique de Cyrille (autour

de 440). S' il faut dire un mot de la « philosophie » propre de ce ps.- Justin , c 'est-à-dire

de la nature de son platonisme, l'on découvre avec Riedweg que ce contempo rain des grands néoplatoniciens est en réalité l'adepte du platonisme scolaire du

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IUSTINUS

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itº siècle, dépassé à son époque. Ce décalage n 'est surprenant qu'en apparence ; en réalité, les innovations quimarquent la pensée de Plotin et de ses successeurs

semblent n 'avoir pas été d'emblée accessibles au public, même lettré, qui conti nua assez longtemps à puiser sa nourriture intellectuelle auprès des représentants

du moyen platonisme; tel fut le cas, on s' en aperçoit aujourd'hui, de plusieurs penseurs du IVe siècle comme le chrétien Calcidius (MC 12), commentateur du Timée, et différents Pères de l'Église. Chr. Riedweg a finalement (cf. son art.

38 « A Christian Middle -Platonic Document – Ps.-Justin' s Ad Graecos de vera religione hitherto known as Cohortatio ad Graecos », dans Studia Patristica XXVI, Leuven 1993, p . 183) mis son point d'honneur à proposer, pour assumer la paternité de l’Ad Graecos du ps.-Justin , le nom d 'un personnage connu . Il s'agit de Marcel d ’ Ancyre, l'un des protagonistes des controverses ariennes en Orient au milieu du IVe siècle ; outre une lettre au pape Jules ier, il subsiste de lui 128 fragments d'un ouvrage polémique contre l'arien Astérius ; on doit recon naître que ces textes manifestent avec l'AdGraecos des ressemblances stylisti ques véritablement impressionnantes. Cette piste très originale, aujourd 'hui un

sentier plein de promesses, est bien capable de devenir à brève échéance une voie romaine. Aussi bien l'apport irremplaçable de Riedweg n 'est-il pas dans cette identification conjecturale , réduite d'ailleurs aux dimensions d'un simple

Exkurs : il réside dans un commentaire détaillé (p . 198-530 ), éblouissant de richesse, qui ne laisse dans l'ombre aucune syllabe du texte, aucune intention de l'auteur. JEAN PÉPIN .

1 JEAN DAMASCÈNE

ca 655 - ca 745 I. PROSOPOGRAPHIE 1. LES SOURCES

A cause de la multiplicité et de la complexité des sources sur lesquelles elle se fonde, la biographie de Jean Damascène constitue à elle seule un problème philo logique, ayant donné lieu, depuis le xixe siècle , à un ardent débat impliquant des patristiciens, des byzantinistes et des orientalistes. Sur celui- ci, voir entre autres les bilans de 1 D . Fecioru , Viața sfântului Ioan Damaschin . Studiu de istorie lite

rară , cresțină, Bucarest 1935 ; 2 J. Nasrallah , Saint Jean de Damas. Son époque, sa vie, son cuvre, Harissa 1950 ; 3 J. Hoeck, « Stand und Aufgaben der Da maskenos-Forschung» , OCP 17 , 1951, p . 5 -60 ; 4 Th . Détorakès, Koguãs ó

Merwoóc. Bíoç xai Épyo, coll. « ’Aváłexta Bhatáowv » 28, Thessalonique 1979 ; 5 M .- F. Auzépy , « De la Palestine à Constantinople (VIII -IXe siècles):

Étienne le Sabaľte et Jean Damascène », TM 12 , 1994, p . 183-218 .Notre propos n ' est pas de retracer le déroulement de ce débat, mais de procéder à une réca pitulation critique de la documentation orientale et byzantine à laquelle la

recherche contemporaine se réfère pour esquisser la vie du "dernier Père de l'Église " . A . SOURCES ORIENTALES Celles-ci comprennent: a. le seul témoignage strictement contemporain de Jean Damascène que nous possédons, l'Epistula apologetica Eliae ad Leonem syncellum Harranensem (en syriaque : éd. et trad. latine de 6 A . Van Roey, coll.

CSCO 469-470, Scriptores Syri 201-202, Louvain 1985), où JD est qualifié de « egregius in parte vestra » (CSCO 470 , p . 69, li. 24) , tandis que trois de ses æuvres (Dialectica , Expositio fidei, Contra Jacobitas) sont citées onze fois : voir

CSCO 470, p. 79. La date exacte de ce témoignage est difficile à établir ; rien n ' empêche cependant de le situer , contre Van Roey, avant 743, puisque les trois ouvrages damascéniens cités étaient certainement achevés avant cette date .

b . Les Chroniques d ’Al- Tabari (IX -Xe s.), Eutychios d'Alexandrie (Xe s.) et Michel le Syrien (XII° s.), qui s'intéressent toutefois moins à JD qu 'à ses ancê

tres, Manşūr b . Sardjūn et Sardjūn b. Manşūr, chrétiens “ diphysites” et “maxi mites” , qui occupèrent la charge de percepteurs des impôts de la région de Damas, sous les basileis Maurice (582-602) et Héraclius (610 -642), puis sous les califes Mu'āwiya jer (661-680), Yazid (680 -683 ), Mu'āwiya II (683) et ' Abd al

Malik (685 -705). Sur les informations fournies par ces Chroniques, voir (avec circonspection ) Nasrallah 2 , passim , et Auzépy 5 , p . 195 - 199. c . Deux Vies

arabes, dont la première fut composée peu après 1084 par le moine Michel de Saint-Syméon près d'Antioche ( éd . 7 C . Bacha, Biographie de Jean Damascène.

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JI JEAN DAMASCÈNE Texte original arabe, Harissa 1912 ; trad. angl. London 1912 ; trad. all. de 8 G . Graf, « Das arabische Original der Vita des hl. Johannes von Damaskus» , Der Katholik 93, 1913, p. 164- 190 et 320 - 331; trad . russe de 9 A . A . Vasiljev, Arabskaga versia žitia sv. Joanna Damaskina, Saint-Petersbourg 1913; nouvelle traduction anglaise de 10 R . D . Portillo , « The Arabic Life of St. John of

Damascus» , Parole de l'Orient 21, 1996 , p. 157- 188), et la seconde en 1665 par Macaire Za'im , patriarche melkite d' Antioche (+ 1672), qui se serait fondé soit sur une ancienne Vie arabe, différente de celle de Michel, soit sur une Vie grecque (BHG3 394 ou BHG3 395 ?) : Noms et vies des Pères docteurs de l'Égli se et des Mélodes (cf. Nasrallah 2, p . 6 ). – Sur la personnalité de Macaire , voir 11 J. Nasrallah , Notes et documents pour servir à l'histoire du Patriarcat melkite

d 'Antioche, t. I, Jérusalem 1965, p. 107 sq. et J. Rassi-Rihani, « Sources arabes du “ Livre de l'Abeille" (Kitāb al-Nahlah ) de Makāriyūs ibn al-Za'im » , Parole de

l'Orient 21, 1996 , p. 215-244. d . Deux ( ?) Vies géorgiennes, l'une rédigée par Éphrem Mtsiré (ca 1027 – ca 1094) à partir d 'une traduction grecque du texte arabe de Michel de Saint-Syméon, donnée par un certain Samuel d'Adana (voir

12 G . Graf, Geschichte der christlichen arabischen Literatur, t. II, coll. ST 133,

Città del Vaticano 1947, p . 70 , et 12bis B . Flusin , « De l'arabe au grec , puis au géorgien : une Vie de saint Jean Damascène », dans G . Contamine [édit.), Tra duction et traducteurs au Moyen Age, Paris 1989, p. 51-61), l'autre traduite directement de l'arabe (éd . 13 K . Kekelidze, Hristianskij Vostok 3, 1914 , p. 119 174). e. Concernant les Vies arméniennes de JD , traduites du grec ou de l'arabe, voir 14 P. N . Akinian , dansHandes Amsorya 61, 1947, p. 193 -219. B. SOURCES GRECQUES

1. Documents de la période iconoclaste (754-842): a. En 754, le concile ico noclaste de Hiéria lance un quadruple anathème contre JD , nommé Mavooúp , qu 'il accuse non seulement d ' iconodoulie , mais aussi de falsification des textes

patristiques, de compromission avec le califat et de complot contre l'empire (cf. 15 J.-D . Mansi, Sacrorum Conciliorum Nova et Amplissima Collectio , Firenze 1767, réimpr. Graz 1960 , XIII, col. 356 D ). La phrase finale de l'anathème ń τριάς τους τρείς καθεϊλεν, designe la mort spirituelle des iconophiles Germain

jer de Constantinople,Georges de Chypre et Jean Damascène.Mais la recherche y voit également une référence à la mort physique de ces personnages, ce qui la conduit à situer le décès de JD avant 754. b . A propos de cet anathème,

l'Histoire brève , $ 72,de Nicéphore jer de Constantinople (806 -815) note que les iconoclastes ne manquaient pas de le répéter én ' áropãs, en se livrant à la destruction des icônes (éd. 16 C . Mango , coll, CFHB 13, Washington , D .C . 1990, p. 144). On peut en conclure que dans les années 754- 787 , le “mauvais nom ” de Mavooúp ne constitua pas seulement une référence pour les polé mistes, mais qu 'il s'imprima également dans l'esprit des gens simples comme synonyme de “ sarrasin ” hostile à la foi de l'empire . c . En 787, le concile de Nicée II (cf.Mansi 14, XIII , col. 357 et 400 C ) leva l'anathème de Hiéria , en

ajoutantquelques informations relativement vagues sur JD : comme l' évangéliste

Matthieu (allusion à sa fonction de percepteur des impôts ?), « Jean » (son

JEAN DAMASCÈNE

JI

991

“ surnom ” ,Mavooúp, donne lieu à une insulte conçue par les iconoclastes) abandonna les richesses « de l' Arabie » (Damas n'est pas nommée), pour suivre le Christ. Lorsque éclata la « folie » iconoclaste év årrodann , il prêcha ĆE

åvatoñs en faveur des pratiques antiques et de la paix de l'Église. d . La première tentative de réhabilitation du personnage historique de JD a lieu en Palestine, au tournant du VIIIe siècle . Elle est due à Stéphane le Sabaïte l'hymno graphe ( † 807) – considéré par certaines sources hagiographiques comme le

propre neveu de JD (BHG3 394, p. 299, li. 24-26 ; 17 H . Delehaye, Synaxarium Ecclesiae Constantinopolitanae = Propylaeum ad Acta Sanctorum Novembris, Bruxelles 1902, col. 170, li. 20-23), mais souvent confondu, dès l'époque byzantine, avec Stéphane le Sabaľte l'ascète († 794 ; cf. 18 R .-J. Lilie, I.Rochow

et alii, Prosopographie der Mittelbyzantinischer Zeit (641-867), I, Berlin /New York 1998, p. 125 - 126 ) -, qui composa notamment un Canon de JD et sainte Barbara (voir Ménées imprimés à la date du 4 décembre et 19 E . Follieri, Initia

hymnorum , t. I, coll. ST 211, Città del Vaticano, 1960, p. 433, li. 12-33). Si ce Canon est bien authentique (rien ne s 'y oppose actuellement), il faut considérer que l'essentiel de nos connaissances sur la vie de JD est déjà posé à cette date . Généralement ignoré des biographes de JD , ce Canon n 'a jamais fait l'objet d'une analyse suivie . Nous l'avons entreprise pour la première fois dans le cadre de notre article sur « Jean

Damascène » , à paraître dans 20 C . G . Conticello et V . S . Conticello , La Théologie byzantine, t. I, Turnhout. En résumé, on trouve dans ce Canon les informations suivantes : JD est de

souche royale (Ode IV , tropaire 5 et 6 ) ; il abandonna les richesses, les plaisirs, les honneurs (IV 5 ), distribua ses biens aux pauvres pour vivre dans la pauvreté (III 5 ; IV 6 ) et l'ascèse (Kontakion ), et habita le désert (Kathisma: Stéphane, lui-même sabaľte, ne parle pas expres sément d 'une entrée de JD au monastère de Saint- Sabas). Il fut un sage qui pratiqua la philoso

phie (1 6 : aplota tnv TWV ÖVTWV PÚOlv oxOTWV), se distingua dans la théologie trinitaire et christologique, qu 'il enseigna par ses écrits (IX 5 ), fixa le dogme orthodoxe (Exaposteilaire ) et la tradition hymnographique de l'Église (VI 6 ), à laquelle son apport en hymnes fut grand (IX 6 ) . Sage , il fut aussi un homme d'action qui combattit les manichéens, les nestoriens et les jacobites, puis les iconoclastes (VII 5 , 6 ; VIII 5, 6 ). – En composant un Canon commun pour JD et sainte Barbara, Stéphane voulut probablement signifier soit que JD mourut le jour de la fête de la sainte (4 décembre ), soit qu ' il voua un culte spécial à celle -ci (voir ainsi la Laudatio s. Barbarae, $ 23, éd . Kotter V , p . 277 , et le Canon de sainte Barbara composé par JD et édité

dans les Ménées à la mêmedate ). L 'hagiographie penche pour la première hypothèse , la litur gie pour la seconde.

e. A travers la Vie de Stéphane le Jeune, composée vers 809 (BHG3 1666 ;

éd . critique par 21 M .-F. Auzépy, coll. « Birmingham Byzantine and Ottoman Monographs » 3, Birmingham 1997, p. 126 , li. 4- 11), nous apprenons qu'à la

même époque, le parti iconophile de Constantinople vénérait lui aussi JD (ó παρά του τυράννου τούτου Μανσούρ επονομασθείς, παρ' ημίν δε όσιος xai Deodópos), en qui, cependant, il voyait principalement l'auteur d'un pseu dépigraphe, l'Epistula ad Constantinum Caballinum (CPG 8114 ). f. Nos

connaissances sur le personnage historique de JD et sa famille ne sont complé tées, pour cette période, que par la Chronographie de Théophane le Confesseur ( éd . 22 C . de Boor, Leipzig 1883, 2e éd . 1963; trad. angl. récente par 22bis C . Mango , R . Scott et G . Greatrex , The Chronicle of Theophanes Confessor :

Byzantine and Near Eastern History AD 284 -813, Oxford 1997), composée en

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JEAN DAMASCÈNE

J1

810 -814, source principale et incontestée des biographes de JD . Théophane parle de la famille des Manşūr, qualifiée de xPLOTLAVIXWtátn , aux années 691 , 730 ,

734 , 742 et 754. Il mentionne Manşūr b. Sardjūn , Sardjūn b .Manşūr, un certain Théodore è toŨ Mavooúp , inconnu par ailleurs , et bien évidemment JD : en 730 , « Jean le didascale , fils deManṣūr, prêtre et moine, qui brillait en Syrie , anathé matise avec les évêques orientaux l' empereur Léon III... » . g . La seconde crise iconoclaste (815 - 842) ne nous a pas laissé de documents relatifs à JD . Il est

cependant certain que le concile de Sainte-Sophie (815), qui retrouva les actes d 'Hiéria et en réactualisa les décisions, répéta le quadruple anathème, attisant ainsi dans l'esprit des gens le mauvais souvenir du sarrasin Manṣūr. Dans le même temps, Théodore Stoudite (759-826 ) utilisait certains écrits de JD , en évitant toutefois de le citer nommément: cf. Epistula 48 , li. 232 sq. (éd . 23 G . Fatouros, coll. CFHB 31/ 1, p . 137). Et, à l'extérieur des frontières de Byzance, en Palestine ou en Italie méridionale restées iconophiles, on élaborait déjà l'iconographie de JD telle que nous la connaissons aujourd'hui grâce au précieux manuscrit des Sacra Parallela , le Parisin . gr. 923, jère moitié du IXe siècle (voir

24 K . Weitzmann , The Miniatures of the Sacra Parallela. Parisinus graecus 923, Princeton , N .J., 1979 : JD , encore nommé Manşūr et présenté comme l'auteur des Sacra Parallela , porte le grand oynua monastique et, dans sa main

droite ,une plume; ilestâgé,avec unebarbe grise taillée en pointe, et nimbé). 2. Documents datantde la " Restauration de l'Orthodoxie ” (1X®-Xe siècles). a . Pour commencer, signalons que le célèbre Parisin . gr. 1476 (a . 890), notre meilleur témoin du Ménologe de Méthode de Constantinople (843-847), com posé à Rome dans les années 815 -821 (voir 25 D . Stiernon, DSp X 2, 1978 , col. 1108 ), nous livre, dans le titre et à la fin de l' Oratio in ficum arefactam (CPG 8058), une précieuse information : « De notre saint père Jean , moine et prêtre de la Sainte-Résurrection du Christ notre Dieu, c'est-à -dire de Manşūr [... ] ». Selon ce document, JD aurait donc été moine et prêtre de l'église patriar

cale de l'Anastasis à Jérusalem , une information que nous avons pu valider en recourant à son æuvre homilétique et hymnographique : voir 26 V .S . Conticello ,

La « Source de Connaissance» de Jean Damascène, Thèse dactylographiée (Université de Paris IV -Sorbonne), Paris 1996 , p. XVIII-XXXVII. On peutmain tenant y ajouter 27 M . van Esbroeck , « Le discours de Jean Damascène pour la

Dédicace de l' Anastasis » , OCP 63, 1997, p. 53- 98 , qui adopte et confirmenotre

position. b . Au milieu du IXe siècle ,à Constantinople , on assiste à la diffusion de deux pseudépigraphes placés sous l'autorité de JD . Le premier est l' Epistula ad Theophilum imperatorem (CPG 8115 ; PG 95, col. 345-385 et ci-dessous II 1) , réécriture amplifiée du Synodikon des trois patriarches orientaux (836 ). Ce texte posant d 'immenses problèmes aux philologues, nous nous bornerons à remar

quer à son propos qu 'à une date tardive, on éprouva le besoin de lier le nom de l'empereur iconoclaste Théophile ( † 842) à celui de JD . Ce rapprochement histo riquement insoutenable eut ses raisons, comme nous le verrons plus loin (I 1 B 2 c ). c. Le second pseudépigraphe est la curieuse Oratio de iis qui in fide dormie runt (CPG 8112 ; PG 95 , col. 248 -277), un des seuls textes byzantins à soutenir

JI

993 JEAN DAMASCÈNE la possibilité d'une rémission des péchés après la mort, sous l'influence probable de la littérature latine sur le Purgatoire et plus précisément des Dialogues de Grégoire le Grand, dont la première traduction grecque (= Vaticanus gr. 1666 ) fut donnée en l'an 800 (cf. également le Patmiacus 48 du ixe siècle , qui réunit les Dialogues et le Synodikon des trois patriarches orientaux). Lue à l'office du

samedi npò tñs anóxpews, cette Oratio connut une diffusion exceptionnelle : nous en possédons aujourd 'hui 148 manuscrits ,moins que ceux de l'Expositio

fidei (221 mss)mais plus que ceux du Roman de Barlaam et Joasaph (145 mss). Se fondant sur le style de ce traité, ainsi que sur les vers iambiques qu 'il contient, Hoeck 3, p. 39-40, l'attribue sans hésitation à Michel le Syncelle (761-846 ), personnalité "hors normes" du IXe siècle byzantin (voir 28 D . Stiernon , DSp X , 1979, col. 1193- 1197, auquel il faut ajou ter 29 D . Donnet, Le Traité de la construction de la phrase de Michel le Syncelle de Jérusa lem . Histoire du texte, traduction et commentaire , Bruxelles/Roma 1983), auteur, entre autres,

du célèbre Encomium b . Dionysii Areopagitae (BHG 556 ; PG 4 , col. 617-688 , et 30 R .- J. Loenertz , Byzantina et franco -graeca , I, Roma 1970, p. 149- 162, qui en situe la rédaction vers

833) et de la traduction grecque de la Confessio fidei (PG 97, col. 1504 D - 1521 C ) de Théo dore Abū Qurrā , composée vers 813 . A l'argument stylistique de Hoeck , que nous adoptons

entièrement, nous ajoutons les remarques suivantes : [1] L 'invocation en première place (PG 95 , col. 249 C - 252 B ) de l'autorité du Ps.-Denys pour soutenir la thèse centrale de l'Oratio les âmes des défunts vouées à la damnation peuvent obtenir le salut grâce aux prières réitérées des vivants – fait directement écho à la longue citation de la “ vision de Carpos” (Epistula ad Demophilum 6 , éd . 31 G . Heil et A .-M , Ritter, coll. PTS 36 , Berlin /New York 1991, p . 188

192) donnée dans l’ Encomium (PG 4, col.649 C -652 D , et la Souda, s.v. Denys l'Areopagite, éd . 32 A . Adler, Lexicographi graeci VII, Leipzig 1931, p. 106 - 109, avec citation de Michel le

Syncelle). [2 ] La mention d'un épisode de la vie de Grégoire le Grand en PG 95, col. 261 D 264 A (“ historiette" non répertoriée dans la BHG et le Novum auctarium de la BHG , Bruxelles 1984 ; voir aussi 33 F . Halkin , « Le pape S. Grégoire le Grand dans l'hagiographie

byzantine » , OCP 21, 1955, p . 109- 114 ), et une certaine familiarité avec la doctrine du

Purgatoire, témoignent d 'un intérêt particulier pour la littérature latine. Or, nous savons que Michel le Syncelle était un grand admirateur de l'Occident (cf. BHG3 1296 ) avec lequel il fut plus d 'une fois en contact (controverse de Jérusalem sur le filioque de 807 , participation à

l'ambassade de 813, collaboration étroite avec le Sicilien Méthode, qui fut entre autres un conseiller du pape Pascal jer) et dont il maîtrisait relativement bien l'historiographie (dans

l'Encomium , il procède à une intéressante " correction" de la date de la mortde Denys). Ajou tons à cela que le culte de Grégoire le Grand est clairement attesté au début du IXe siècle au monastère de Saint- Sabas en Palestine, où Michel séjourna de 798 à 813 : cf. le Canon de Grégoire " le Dialogue" composé par Stéphane le Sabaïte (éd. 34 S . Eustratiades, lointai xai

úuvoypápou tñs ópěodófov éxxinolaç. A ': Oi ' lepoooavuital trointal, Jérusalem 1940 , p . 408 -411). [3 ] Nous devons à Michel le Syncelle et à Théophane Graptos (ca 778 -845), son

disciple et compagnon d'infortune durant la persécution iconoclaste, plusieurs textes de pre mière importance relatifs à la commémoration des défunts, dans la Paraclétique, ainsi que

l'office du Samedinpò tñs ånóxpewç consacré aux âmes desdéfunts, dans le Triode. Nous rappelons enfin, à la suite de Hoeck - et Lequien (PG 95, col. 247)! -, que l'Oratio prend tout son sens dans le contexte de l'année 842-843 caractérisée par une série de pourpar lers entre l' impératrice Théodora et le parti iconophile . S 'achevant avec l'intronisation de Méthode (843) et la " Restauration de l'Orthodoxie” , ces pourparlers aboutirent également à un ánať de l'histoire ecclésiastique byzantine , l'absolution post-mortem de " l'impie " Théophile

requise par Théodora en échange d'une condamnation officielle de l'iconoclasme (voir, par exemple, BHG3 1731). L 'Oratio doit donc être perçue comme faisant partie du dossier d 'au torités patristiques que Michel et Méthode mirent en avant pour convaincre les plus intransi geants des iconophiles (sur eux, voir en dernier lieu 35 I. Doens et Ch . Hannick, « Das Peri orismos-Dekret des Patriarchen Methodios I. gegen die Studiten Naukratios und Athanasios » ,

994

JEAN DAMASCÈNE

J1

JÖB 22, 1973, p. 93-102), de l'orthodoxie ou du moins de la faisabilité xat' oixovoulav d 'une telle absolution.

Mise sous l'autorité de JD , l'Oratio acquérait pour les iconophiles un poids incontestable . Toutefois , cette fausse attribution n 'était d'aucune utilité pour convaincre les proches de Théodora , issus des rangs iconoclastes et hostiles au " comploteur" Manşūr. Il était donc urgent de réhabiliter aux yeux de la Cour le personnage historique de JD - et vice versa , on pouvait enfin prendre appui sur cette situation pour officialiser l'entrée de JD à Byzance. Ce fut le rôle principal

de la première Vie de JD , dont il sera question à présent. c. Étroitement liée à

l'Oratio de his qui in fide dormierunt, la Vie des mélodes Cosmas et Jean Damascène est le principal document de cette période (BHG3 394 ; éd. 36 A . Papadopoulos-Kerameus, 'Avárexta 'lepoooaouitiuñs Eraxvodoylas

(= AIE ), Saint-Petersbourg 1891-1898; réimpr. Bruxelles 1963, t. IV , p. 271 302, et extraits dans Détorakès 4 , p. 54-55 ; dates extrêmes de sa rédaction : 815

(reprise de l' iconoclasme) et 1156 (citation par Jean Merkouropoulos) ; BHG3 884a en serait une variante : cf. Détorakès 4 , p. 64 -70 ). Ce texte , dont l'Église

devait plus tard prohiber la lecture en public , a toujours été dédaigné par les biographes de JD à cause de ses anachronismes grossiers – JD y est présenté comme simultanément contemporain du roi de Perse Chosroès (590-628 ), des

basileis Léon III (716 -740), Constantin V (740-775) et Constantin VI (780-790), ainsi que du patriarche de Constantinople Taraise (784 -806 ) -, de ses récits

invraisemblables – résurrection d'un mort, longs périples de JD et Cosmas en Orient et Occident – et surtoutparce qu'il fait du père de JD un émir musulman - nommé lui aussi Manşūr -, et de JD un converti de fraîche date, ce qui contredit radicalement Théophane (voir ci-dessus I 1 B 1f). Nous résumons ici les raisons qui nous ont conduite , contre l'opinion commune, à le dater de

l'année 842-843 et à en attribuer également la composition à Michel le Syncelle

(pour une argumentation plus détaillée , voir Conticello 20 ). Sous une confusion apparente et peut-être délibérée, BHG3 394 nous donne des indications permettant de circonscrire le contexte historique dans lequel elle fut composée : [1 ] l'absolu tion posthume du musulman Manşūr, opérée grâce aux larmes et aux supplications de son fils

JD et de Cosmas, et accompagnée de la délivrance d'une indulgence (!) écrite de la main de Cosmas, permettant la remontée définitive de Manṣūr de l'enfer au paradis (AIE IV , p . 276

278 ). Ce récit retraçant le salut d 'un musulman prend de grandes libertés à l'égard de la doc trine de l'Église byzantine, qui exclut du paradis tous les non -baptisés (les anciens justes ont été sauvés par la descente du Christ aux enfers). Lamise en avant de celui-ci ne peut être ima ginée et n ' a de sens que dans le contexte des pourparlers relatifs à l' absolution posthume de Théophile : si un non -baptisé a pu être sauvé par l' infinie miséricorde divine, ceci devrait être

possible a fortiori pour un baptisé ayant succombé à l'hérésie. Il semble donc que BHG3 394

soit en premier lieu une pièce de “ jurisprudence hagiographique" présentée lors de l'affaire Théophile. ( 2 ) L 'auteur de BHG3 394 sait bien que son récit est incroyable ; pour l'étayer, il

introduit donc un second récit (AIE IV , p . 278) par l'expression mpos

tous ánlotoŰVTAS

iotopíav åpxaiav où napaltoqual dunyoaodai. Il s'agit de nouveau de l'épisode de la vie de Grégoire le Grand (voir ci-dessus I 1 B 2 c [2 ]), où il est question de l'absolution post mortem de l'empereur Trajan , opérée grâce aux prières du Pape. La présence - ou plutôt la reprise - de ce récit dans BHG3 394 confirme le rapport étroit de ce texte avec l'Oratio. [3] L 'ambiance dans laquelle fut composée BHG3 394 peut être cernée de façon encore plus satis faisante grâce à deux autres passages : a . le long récit d 'un fait miraculeux survenu dans

JEAN DAMASCÈNE

995 l'église du Prodrome (de Pétra ?) à Constantinople, sous Constantin VI, et à l'issue duquel

JI

deux notables iconoclastes reçoivent – de leur vivant ! – la purgation par le feu, se conver tissent, et provoquent la confession et le retour des foules restées dans l' impiété (AIE IV , p. 290 -297). Bien que l'action de ce récit se situe dans la période intermédiaire entre les deux crises iconoclastes, elle témoigne plutôt du climat qui régnait au lendemain de la mort de Théophile ; la Cour et les simples fidèles n ' avaient pas encore été officiellement contraints de

renoncer à l'hérésie et étaient donc normalement acceptés dans les lieux de culte ; cependant, le " vent tournait" et, pour éviter un choc entre les deux partis , les chefs iconophiles se devaient de rassurer le camp iconoclaste en lui promettant le pardon et le salut. b. Ce climat d 'incertitude qui caractérisa l'année 842-843 est également perceptible dans la longue dédicace de BHG3 394 , dans laquelle l'auteur s'adresse directement à Cosmas, qu 'il prie instamment d 'aider le peuple désespéré à sortir des « maux présents » et « offrir la paix à l' Église » (AIE IV , p. 302).

Une autre raison qui nous laisse croire que BHG3 394 est due à Michel le Syncelle , est qu 'elle nous est conservée en particulier dans deux manuscrits reprenant les restes d 'un méno

loge mixte (combinant vies de saints et homélies pour les mois de septembre à janvier ; BHG3

394 à la date du 15 octobre), très probablement pré-métaphrastique, qui n'est pas sans présen B 2 a), dont nous savons queMichel fut le “ bras droit” .

ter des similitudes avec ce que nous connaissons du Ménologe de Méthode (voir ci-dessus 11

Enfin , il nous semble que les anachronismes et les erreurs mis en avant par les biographes de JD témoignentmoins d'une ignorance de l'histoire que d'une volonté de donner quelques " prises” à l'imagination du lecteur. Il est impossible de passer tous ces points en revue.

Remarquons seulement, à titre d'exemple, que la confusion faisant de Sardjūn b. Manşūr, le père de JD , un émir nomméManşūr, peut être due au rapprochement entre ce personnage et un

autre Manşūr strictement contemporain de Constantin V, qui n'est autre que le puissant calife

abbasside al-Manşūr (754-775), certainementmieux connu des byzantins que son homonyme chrétien ; demême, les allusions à Taraise et au souvenir de Stéphane le Jeune ont pour butde faire comprendre au lecteur dans quel camp se situent les protagonistes de BHG

394. On

remarquera par ailleurs que certains passages renvoient directement à des thèmes chers à Michel le Syncelle : tel est le cas pour les voyages de Jean et Cosmas autour du monde ( ώσπερ ήλιος εξ Εώας πρός Δύσιν διαδραμών και όλην την Εσπέραν, μάλλον δε την

oixovuévny xúxhw uixpoŨ nepabúv, pour Cosmas, ce que l' Encomium nous dit également de Denys), l' insistance sur le retour de Cosmas, de Rome à Jérusalem , par voie maritime (Michel, qui avait entrepris d'aller de Jérusalem à Rome par voie terrestre avait amèrement regretté ce choix , puisqu 'il fut définitivement bloqué à Constantinople ), la fascination de la Perse (Michel se disait tepooyevńs ). En revanche, certaines allusions relèvent de son

expérience personnelle : connaissance exacte des Lieux saints, du parcours Jérusalem Antioche -Nicomédie -Constantinople, de la topographie de Constantinople ; contact réel avec

Stéphane le Sabaľte l'hymnographe... Quelles informations BHG3 394 nous livre-t-elle sur JD ? Sur le fond , rien de plus et rien de moins que le Canon de JD et de sainte Barbara (cf. ci-dessus, I 1 B 1 d ), le reste constituant essentiellement une interprétation romancée du

témoignage de Stéphane le Sabaľte (un exemple : l'expression Saucoas nowots i põol tñs đoxhoewÇ to owua TÒ OÓv du Kontakion du Canon donne lieu , dans BHG3 394 , AIE IV , p. 284, li. 21-25 , à l'interprétation suivante Ilow

τος δε ο γέρων ώνόμασεν αυτόν Δαμασκηνόν, είτε διά το εν τω κήπω πολύ δαμάσαι το σκηνος αυτού, είτε διά το εκ Δαμασκού προς αυτόν φοιτη oal...) et des Actes de Nicée II (voir ci-dessus I 1 B 1c; ainsi, la prédication de

JD ĆE åvarorñs donne probablement naissance au récit de son voyage et de sa prédication en Perse).BHG3 394 se réfère également à Stéphane le Sabaľte en le

qualifiant de neveu et disciple de JD et en affirmant qu'il l'accompagna dans les

JI JEAN DAMASCÈNE derniers moments de sa vie : ôc xai év tñ áoanoel toŨ [...] 'Iwávvou ouu

παρών και το μαρτυρικόν αυτού και πολύαθλον σώμα εντίμως έθαψεν εν τη των Περσών χώρα ου τον τάφον ο μέγας Κοσμάς ιδών [...] εδομήσατο vaòv én ' óvóuatI TOŨ [...] ' Iwávvov (AIE IV , p. 299, li. 26 -31).Deux éléments

sont cependanttotalement neufs et détermineront le développement de toutes les Vies postérieures : [1] dans BHG3 394 , il est pour la première fois question du précepteur de JD , Cosmas, surnommé l’Hagiopolite : il naquit et grandit en Crete, ou il devint diacre παρά του αρχιερέως της Κρήτης ; il fut melode et thaumaturge ; ailleurs, nous apprenons qu' il fut aussi évêque deMaïouma, ce qui est peut-être une interpolation tardive, l'existence d'un évêché orthodoxe de Maïouma au vije-vine s. étant elle -même douteuse. Sans nous attarder sur ce

personnage problématique (cf. Détorakès 4 , passim ), issu vraisemblablement d 'une identification d 'au moins trois homonymes – le Crétois Cosmas l'Ermite

(viº s.), Cosmas le Mélode (Vire s.) et un thaumaturge constantinopolitain ( rési dant à Pétra ?) – nous dirons ici que son introduction dans la Vie de JD révèle d 'une part la volonté d 'établir une parenté spirituelle entre les trois plus grands compositeurs " hagiopolites” – André "l'évêque" de Crète , Cosmas le Mélode , JD – et d'autre part la nécessité de faire entrer le grand compositeur dans le camp des iconophiles. De surcroît, la formation d 'un couple Cosmas-JD rappelle

certains autres couples célèbres : Cosmas et Damianos (sonorité proche de Aauaoxnvós), Cyr et Jean, Jean et Barsanuphe, ou Barlaam et Joasaph . [2] Autre élément nouveau : la dénonciation par Constantin V , auprès de Chosroès, d 'un prétendu complot de JD , suivie du miracle de la main coupée. Ce récit répond sans nul doute à un besoin de justifier à la fois l'existence de l' Epistula ad Constantinum Caballinum (cf. I 1 B 1 e ) et l'accusation de complot portée par le Concile de Hiéria contre JD . En effet, les termes mêmes de l'anathème -

Éníbovios tñs Baoideias – réapparaissent au sein de ce récit (cf. AIE IV , p . 281, li. 14 sq.). Quant au miracle de la main coupée, qui aurait donné lieu à un certain type d 'iconographie (Vierge tolyepoữoa : cf. LCI VII, 1974 , col. 104 ;

col. 102- 104 : iconographie de JD ), il a peut- être été conçu du temps du second iconoclasme: cf. BHG3 885 с, éd . 37 Th . Détorakès, « Lamain coupée de Jean Damascène » , AB 104 , 1986 , p. 371-381. - A ces deux éléments, ajoutons les informations détaillées et généralement correctes que BHG3 394 nous livre sur l’æuvre théologique et hymnographique de JD , ainsi que celle selon laquelle Jean fut moine et prêtre à Jérusalem (AIE IV , p. 279, li. 29-30 ), information qui

rejoint le témoignage du Parisin . gr. 1476 (cf. I В 2 a ). d .Retenant le strict nécessaire de BHG3 394, la Souda (2e moitié du Xe s.), éd . Adler 32, t. II, p. 649, nº 467, consacre une notice à JD , où celui-ci est qualifié, à la suite des Jean Chrysostome, Philopon , Lydos et Stobée, de ávno xai aúrós royqubtaTOS, ουδενός δεύτερος των κατ' αυτόν εν παιδεία λαμψάντων (cf. ΑΙΣ IV ,

p . 284, li. 32). L 'accent est mis sur la production littéraire de JD : Evyypáyuata αυτού πάνυ πολλά και μάλιστα φιλόσοφα: είς τε την θείαν γραφής Παράλληλοι κατ' εκλογήν, και οι ασματικοί κανόνες, ιαμβικοί και κατα

Royádnv. Cosmas le Mélode est mentionné,mais, commeBHG3 394, la Souda

-- -

996

J1

JEAN DAMASCÈNE

997

voit en lui un contemporain et un collaborateur de JD , non son frère :

Συνήκμαζε δ' αυτό και Κοσμάς ο εκ Ιεροσολύμων, ανήρ ευφυέστατος και

πνέων μουσικήν όλως την εναρμόνιον. Οι γούν ασματικοί κανόνες

Ιωάννου τε και Κοσμά σύγκρισιν ουκ εδέξαντο ουδε δέξαιντο, μέχρις αν ο xao nuặc Bios Tevatoo hotmai.

3. Documents datant du règne de Basile II (976 - 1025 ) a . En 969, sous le règne de Nicéphore Phokas, les Byzantins reprennent Antioche et installent au patriarcat une hiérarchie grecque, venue de la capitale , qui contribue à faire de ce siège un “ satellite" de Constantinople (voir 38 C . Karalevskij, DHGE III, 1924 , col. 603 sq. ; 39 V . Grumel, EO 32 , 1933, p . 279

299 , et EO 33, 1934, p. 129-147 ; 40 Ch . Papadopoulos, ' Iotopía tñs 'Exxan

oias ’Avtloxelas, Alexandrie 1951, p. 813-881). Dans ce contexte – et peut être en raison du fait que JD , syrien de naissance et grec de culture, apparaissait subitement comme une figure emblématique de la politique de " byzantinisation ” du patriarcat -, on assiste à une grande opération de traduction des euvres de JD en arabe, qui s'achève en 989/990 . Il s'agit de la traduction d ' Antoine, higoumène du monastère de Saint-Syméon , qui comprend notamment la Dialectica , l'Expositio fidei, l' Expositio et declaratio fidei ( conservée seulement en arabe : cf. ci -dessous II 3 [ 1 ]), ainsi que les traités contre les nestoriens, les

jacobites et les iconoclastes (voir Graf 11, t. II, p. 41-45 ; notons qu 'Antoine traduisit également, à partir de la version grecque du Pape Zacharie , les Dia logues deGrégoire le Grand). b . C 'est probablement de cette même période qu'il fautdater “ l' original arabe" dont se réclame BHG3 884 (voir ci-dessous I 1 B 3

c ). Cette Vie fantôme a donné lieu a une ample discussion , depuis que Bacha 7 l' identifia , à tort, avec une autre Vie arabe composée par le moine Michel de Saint-Syméon après 1084 (c 'est à cette même date que prend fin la domination

byzantine sur Antioche, raison pour laquelle Michel nous dit d'ailleurs avoir

" composé ” sa Vie de JD ). Signalons ici que cette Vie éditée par Bacha est perçue depuis quelque temps par la recherche comme la reprise, pour ne pas dire le pla giat du véritable " original” , qui serait quant à lui perdu (41 B . Hemmerdinger,

« La Vita arabe de saint Jean Damascène et BHG 884 », OCP 28, 1962 , p. 422 423) et dont elle serait en conséquence un excellent témoin . Considérant pour notre part que BHG3 884 n 'ignorait pas les informations

livrées par BHG3 394 composée un siècle plus tôt, nous n 'adoptons pas cette position et émettons la double hypothèse suivante : soit la source arabe de BHG3 884 n 'est pas une Vie , mais une simple notice historiographique sur JD mise en

avant dans une volonté de dissimuler la véritable source de ce texte , BHG3 394, dont nous avons dit que la lecture fut prohibée par l'Église, soit " l'original” arabe de BHG3 884 n 'est que la reprise ou la traduction de BHG3 394, une

traduction qui aurait pu être réalisée à Antioche à la suite du travail d 'Antoine. Concernant ce deuxième point, remarquons qu' il existe une traduction arabe d 'un texte proche de BHG3 394 (voir Nasrallah 2 , p . 6 ). Elle est mise sous le

nom d'un patriarche d 'Antioche,Macaire Za'ïm ( + 1672), un auteur dont l'acti vité consista surtout à rassembler et “ rééditer” des textes de toutes sortes (voir ci

998

JEAN DAMASCÈNE

JI

dessus I 1 A c).Macaire aurait-il retrouvé et réutilisé la Vie arabe perdue ? La réponse nous sera peut-être donnée par les orientalistes. c.Nous en arrivons ainsi

à la Vie de notre saint Père Jean Damascène (BHG3 884 ; PG 94, col. 429-489), la Vie " officielle" de JD , dans laquelle on s'est longtemps plu à voir le plus ancien témoignage complet sur cet auteur.Les deux questions qui se sont posées dès le début à propos de cette Vie sontcelle de sa date et celle de son auteur (voir Hoeck 3, p. 8-9, et Détorakès 4, p. 32-35 ).

Concernantsa date : BHG3 884 ne peut pas avoir été rédigée après la fin du Xe siècle ou le début du XIe siècle . Ses deux plus anciens manuscrits remontent en effet à cette époque : le palimpseste Vindobonensis philos. gr. 158 , dont la datation a donné lieu à une controverse

désormais achevée, et Athos, Vatopédi 497. Bien évidemment, cette datation du xe-xie siècle conditionne l'identification de son auteur. Lui-même déclare qu 'il est homonyme de JD : il s'appelle donc Jean, et, si nous examinons son style et son ton , nous reconnaissons en lui le lettré et l' ecclésiastique de haut rang. A son sujet, les colophons des manuscrits se partagent en trois groupes : ceux qui en font un

patriarche de Jérusalem , ceux qui voient en lui un patriarche d' Antioche et ceux qui laissent la Vie anonyme. Athos, Vatopédi 497, appartient au second groupe, tandis que le Vindobonensis philos. gr. 158 , semble appartenir au troisième (mais son état de conservation ne permet pas de l'affirmer). Étant donné que JD fut lui-même un membre du clergé hiérosolymitain , les pré

férences de ses biographes vont généralement à un patriarche de Jérusalem . Pour cette période, nous avons en effet deux candidats, Jean VII (964-966 ) et Jean VIII (ca 1098 - 1106 ?), parmi lesquels on opte généralement pour Jean VII, Jean VIII étant considéré comme déjà trop tardif (par ailleurs son existence, ou en tout cas sa présence au siège de Jérusalem , n 'est pas sûre ). Nous aimerions cependant faire remarquer que Jean VII (Yuhanna b . Djami') n ' a laissé

aucune cuvre et ne semble pas avoir le " profil" du lettré. Par ailleurs, son court patriarcat se solda par l' incendie et le pillage de l'église de l'Anastasis et son propre martyre (voir le récit

de Yahya-ibn-Sa'id d'Antioche, Histoire, coll. PO 18, p. 799-802). S' il était l'auteur de BHG3

884, la tradition manuscrite nese serait-elle pas empressée de le préciser ? Sans suivre l'argumentation des défenseurs d'un patriarche d'Antioche (cf. Détorakès 4, p . 35 ), nous pensons que le meilleur candidat à la paternité de BHG 884 est Jean III d ' An

tioche (996 - 1021). Nos raisons sont les suivantes : [ 1 ] Si l'auteur de BHG3 884 était un patriarche de Jérusalem , il aurait certainement fait valoir l'activité de prédication considérable menée par JD à l' église de l' Anastasis ; or celle -ci est totalement passée sous silence. En

revanche, une foule de détails nous est donnée sur la famille de JD et son activité à Damas,

métropole importante du patriarcat d'Antioche, passée également sous contrôle byzantin à partir de 974. [ 2 ] Au moment ou Jean III est installé au trône d 'Antioche (996 ), son clergé

arabophone possède déjà une excellente connaissance de JD , grâce aux traductions d'Antoine ; toutefois, sa connaissance de la personnalité historique de JD semble être celle que livre une

Vie éoxeolaguévn å ypoxlori (PG 94, col. 433 B), qu'il est urgent de corriger. [3 ] Nous savons que Jean III fut un lettré constantinopolitain : avant de recevoir l'ordination patriarcale, à Constantinople même, il était chartophylax de la Grande Église (voir Grumel 39, p. 281

284 ); son profil correspond bien à celui de l'auteur de BHG3 884 (voir, par exemple, sa pré sentation détaillée du prétendu cursus studiorum de JD , en PG 94 , col. 415 B - 448 A ). ( 4 ) A

ces raisons s'ajoute bien évidemment l'information du ms. Athos, Vatopédi497 (attribution de la Vie à « Jean patriarche d'Antioche »), que Kotter V , p . 201, date en dernier lieu du Xe siècle . Il est impossible de présenter dans le cadre de cet article tout le contenu de

BHG3 884, terreau de la plupart des biographies actuelles de JD .Nous relèverons simplement que les informations qu'elle présente sont de deux types. Première ment, celles qui émanent d 'une volonté de restructuration logique de BHG3 394 :

par exemple , la distinction d'un Cosmas précepteur de JD et d'un Cosmas frère

de JD , qui répercute une difficulté à saisir le personnage composite de BHG3

JI

NE

JEAN DAMASCÈ

999

394 ; le renversement historique qui place l'épisode de la main coupée dans la

jeunesse de JD (donc sous Léon III et non sous Constantin V ) et en fait la cause de son départ de Damas ; le long récit de l'épreuve monastique de JD (PG 94, col. 461 C - 473 C ) qui fait écho au passage de BHG3 394 , $$ 15 - 16 (AIE IV , p . 282 -286 ). Deuxièmement, celles qui concernent le rôle de la famille des Manşūr à Damas (cf. PG 94, col. 461 A -B ) et émanent, à notre sens, soit d 'une tradition régionale orale, soit de notices arabes. Enfin , il nous est impossible de dire d 'où est issue la précision selon laquelle JD aurait été moine à Saint-Sabas, précision qui apparaît pour la première fois dans BHG3 884. En effet, dans BHG3 394 , nous apprenons que seul Cosmas fut enterré dans ce monastère , tandis que

JD le fut « dans les profondeurs de la Perse» , par Stéphane le Sabaľte l'hymno graphe. Ces informations auraient-elles donné lieu à une extrapolation ? On peut

en tout cas noter qu'une autre appartenance monastique estmentionnée exacte ment à la même époque dans le Vaticanus gr. 2081 (Xe s.) dans le titre du pre mier Sermo de dormitione B . M . V. (cf. Kotter V , p .483 sq.) : 'Iwavvou , Tanel νού και αμαρτωλού μοναχού, δούλου των δούλων του κυρίου ημών Ιησού

XplotoŨ tñs taratas navpaç. En effet, la « Vieille Laure » que Kotter V, p . 463, identifie trop rapidement avec la « Grande Laure » de Saint-Sabas, dési gne habituellementle monastère de Chariton ou Souka. d. Parmi les documents datant du règne de Basile II, celui qui est le plus connu des byzantinistes est le luxueux Ménologe de Basile II (= Vaticanus gr. 1613), en fait un synaxaire. Ce document comporte , à la date du 29 novembre, une notice sur JD et Cosmas (éd . de Turin 1907, II, p. 213), quireflète aussi bien BHG3 884 que BHG3 394 : de la première il retient la noblesse et la piété de la famille de JD , ainsi que son entrée

au monastère avec son frère Cosmas ; de la seconde, la mention de l'exil et du

martyre de JD , et de son enterrement par son “disciple” (= Stéphane le Sabaïte). e. Un mélange moins élégant de BHG3 394 et BHG3 884 est opéré par une notice (= BHG3 885b ) conservée dans trois manuscrits, Sinaitic . gr. 376 (X -XI s.), Marc. gr. 363 (XII° s.) et Athen. B.N . 2108 (XII° s.), et éditée sur la base du seul Marc. par 42 M . Gordillo , « Damascenica » , Orientalia Christiana 8 /2 , 1926 ,

p .63-65 ; rec. de 43 M . Jugie, « Une nouvelle vie et un nouvel écrit de S. Jean Damascène » , EO 28 , 1929, p. 35-41. Ainsi, après avoir relaté les événements désormais classiques de la jeunesse de JD et de l'adoption de Cosmas, cette notice semble procéder à la “ correction” de l'anachronisme que constitue, dans

BHG3 394, le voyage de Cosmas à Constantinople et sa rencontre avec le patriarche Taraise, sous le règne de Constantin VI: ici, nous nous retrouvons

sous le règne de Léon III, ce qui est plus juste. Le patriarche est Germain fer, dont on sait que la déposition provoqua la rédaction de la première Oratio c.

imag. calumn. de JD . Et, ce qui est “ théologiquement” plus logique, la rencontre a lieu entre Germain et JD , que l'on fait donc aller à Constantinople. On apprend

également que JD mourut à Damas (!), un 4 décembre (= fête de sainte Barbara), après avoir passé 70 ans dans l'ascèse . Comme le remarque justement Jugie 43, p. 39, cette notice a surtout - et peut- être seulement – le mérite de nous livrer le secret des 104 ans de JD , dont parlent les synaxaires plus tardifs, que l'on obtient

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JEAN DAMASCÈNE

JI

en additionnant ces “ 70 ans d 'ascèse" aux quelque 34 ans de vie " dans le monde" que l'on peut induire de BHG3 884. f. Si l'auteur de la notice du Synaxaire de JD (BHG3 885c ; éd . Delehaye 17, col. 278 -279), procède effecti

vement à ce calcul, il se fonde pour le reste sur BHG3 884, dont il donne un résumé. g. Cette période s'achève avec les traductions orientales de BHG3 884 par Michel de Saint-Syméon et Éphrem Mtsiré, dont il a été question en I LAC et I 1 Ad. Remarquons qu 'il n 'y a pas eu de Vie métaphrastique de JD .

4. Les documents tardifs. Du Xire au XVe siècle , la documentation relative à la vie de JD s'accroît en volume, mais reste entièrement dépendante de la tradition antérieure . Les princi paux textes signalés par les biographes de Jean Damascène sont les suivants : a . Une Vie inédite conservée dans le ms. Athen . B.N . 321 du XII° s. (= BHG3 884a ; cf. Détorakès 4 , p. 64 -70), qui semble être une refonte de BHG3 394 privilégiant les récits relatifs à Cosmas. b . Une Vie de nos saints Pères théophores (...), les frères Jean Damascène et Cosmas, relatée par [... ] Jean

Merkouropoulos, patriarche de Jérusalem (= BHG3 395 ; éd. A . Papadopoulos Kerameus, AIE IV , p . 303-350), qui constitue une réfutation des principaux points de BHG3 394 , s'appuyant, souvent littéralement, sur BHG3 884. Son

intérêt réside avant tout dans sa mention détaillée des æuvres hymnographiques de Cosmas. Son auteur est Jean Merkouropoulos (fl. 1156), patriarche de Jéru salem résidant à Constantinople, le siège de Jérusalem étant occupé par un clergé

latin de 1099 à 1187. En réponse à certaines hypothèses qui confondent Merkou ropoulos et l'auteur de BHG3 884 (cf. Détorakès 4, p . 41-42), signalons que lui même se distingue de son prédécesseur par ces mots : « Car j'ai ( ré -) écrit le récit qu 'un autre avait composé à partir d 'un texte qu 'il avait trouvé [...) et qui était rédigé en arabe. Priez donc pour la rémission de mes péchés, ô Pères, vous deux

qui portez le mêmenom que moi [ = JD et Jean III, l'auteur de BHG3 884 )» . c. Un Panégyrique de Cosmas inédit, conservé dans le ms. Athos, Maupa r 44 ,

du XIIIe siècle (= BHG3 394b et Détorakès 4 ,p . 20-26 ). d . Un long Panégyrique de JD ( = BHG3 885 ; PG 140, col. 812-885) dû au grand logothète Constantin Akropolitès (†1324 ), reprise savante et enjolivée des données livrées par BHG 394 et 884 . Sur son auteur, surnommé le “ nouveau Métaphraste " , voir 44 D . M .

Nicol, « Constantine Akropolites. A Prosopographical Note » , DOP 19, 1965, p. 249-256 , et 45 E . Trapp et alii, Prosopographisches Lexikon der Palaiologen zeit, t. I, Wien 1976 , p . 49, n° 520. e. Enfin , sortant du milieu constantinopolitain dans lequel ont probablement vu le jour tous les documents mentionnés ci-dessus (I 1 B 4 a-d ), le récit intitulé Vie etmiracles de notre saint Père Cosmas le poète

(BHG3 394a; éd .46 Th.Détorakès, dans EHBS 41, 1974, p. 265-296 , à partir du Vatican . Barberin . gr. 583 du XVe s.), qui nous livre à propos de JD les deux informations suivantes : [1 ] JD fut enterré au monastère de Saint-Sabas, là même

où fut composé ce récit : Có Detoç 'Iwávuns) tnvMèv buxnu napéDeto TQ Oem , tò Bé Y£ cÃua Lõ xa

quốc drix Movẽ teensamountai (p. 293, li. 977- 979);

[2 ] sa Vie (BHG3884 - ou 395 ?) est due à Jean patriarche de Jérusalem : Érépou τετυχηκότος επαινετού και υμνητού ομωνυμούντος αυτό και τον

JI

JEAN DAMASCÈNE

1001

åpxlepatixóU TETTLOTEVUÉVOU Opovov tñs 'lepovoarnu (p . 280, li. 532 sq. ; remarquons qu’un nombre significatif de manuscrits attribuant BHG3 884 à un patriarche de Jérusalem sont d 'origine sabaïte ). Il nous semble que ces deux informations témoignent principalement de la volonté d'appropriation de la gloire de JD par le monastère de Saint-Sabas, volonté qui vit probablement le jour à la fin du Xe siècle (dans BHG3 884, JD est déjà présenté comme un moine sabaïte) et qui ne put que se renforcer lors de l'occupation latine de la Terre

sainte, période pendant laquelle l'higoumène de Saint-Sabas devint, en l'absence du patriarche, le chef des communautés grecques orthodoxes de Palestine (à ce

sujet, voir 47 Ch. Papadopoulos, lotopía tñs 'Exxinolas lepooolúuwv, Jérusalem /Alexandrie 1910, p . 387 sq.). - Sur la question de la conservation des reliques de JD à Saint-Sabas, voir Jean Phokas (XII° s.), Descriptio terrae sanctae (PG 133, col. 948 C ) et 48 I. Phokylides, 'H iepå Aaúpa Eába toŨ nylaguévov, Alexandrie 1927 ; sur leur présence à Constantinople au Xiure siècle , voir Georges Pachymérés (1242 - ca 1310), Relations historiques VII 13 (éd . 49 A . Failler, coll. CFHB 24 /3, Paris 1999, p. 51-53) et les récits des voya

geurs russes Stéphane de Novgorod (XIVe s.) et Zosime le Diacre (x ve s.), éd . 50 G . P. Majeska, Russian Travelers to Constantinople in the Fourteenth and Fifteenth centuries, coll. « Dumbarton Oaks Studies» 19, Washington, D .C . 1984, p . 42-43 et p . 186 -187.

2. BIOGRAPHIE SOMMAIRE La présentation critique des sources a montré les difficultés liées à toute ten

tative de reconstruction de la biographie de JD . Il nous semble qu 'elle a aussi permis de comprendre qu'il était abusif demener pareille reconstruction à partir de BHG3 884, comme l'ont fait, jusqu 'à présent, les biographes de JD . Nous essayerons donc maintenant de retrouver sommairement les grandes phases de la vie de JD , en nous fondant sur les sources qui nous paraissent les moins contes

tables, sur certains événements marquants de cette période et surtout sur ses propres écrits. A . LES DATES Les dates de naissance et de mort de JD restent inconnues et la durée de vie de 104 ans qui lui est attribuée ne résiste pas à la critique des sources (voir I 1 B 3 e ). a . Nous pouvons cependant retenir quelques dates sûres concernant au moins quatre générations de Manşūrides : [ 1 ] concernant Manşūr b . Sardjūn :

602 (mort de l'empereur Maurice : Manşūr est déjà en poste); 610 (première trahison de Manşūr: Damas livrée aux Perses); 635 (deuxième trahison de Manṣūr: Damas livrée aux Arabes) ; 661 (Manṣūr à la cour de Mu'āwiya Ier) ; [2] concernant Sardjūn b .Manşūr: 691 (intervention de Sardjūn auprès du calife 'Abd al-Malik pour empêcher la destruction de l'église de Gethsemani) ;

[3] concernant JD : 730 (rédaction des Orationes c. imag. calumn. I et II); post 735 (rédaction de l’Epist. de hymno Trisagio); 742 (martyre et mort de Pierre de Damas, un proche de JD ) ; (4 ) concernant Stéphane le Sabaľte l'hymnographe – distinct de Stéphane le Sabaľte l'ascète , † 794 , dont on a montré qu 'il n ' était

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JEAN DAMASCÈNE

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aucunement un parent de JD : voir 51 R . P . Blake, « Deux lacunes comblées dans

la Passio XX monachorum sabaitarum », AB 68, 1950 , p. 27-43, surtout 40 -42 qui aurait donné à son " oncle” JD une sépulture : 798 (attaque de la Laure de Saint-Sabas, dont Stéphane fit le récit ); 807 (mort de Stéphane). b . Partant de ces dates, nous pouvons avancer les estimations suivantes qui, nous le rappe

lons, ne se fondent sur aucune information historique sûre: Manşūr b . Sardjūn (ca 575 - ca 665 ) ; Sardjūn b.Manşūr (ca 610 - ca 700 ) ; Jean Damascène (ca

655 · ca 745) ; Stéphane le Sabaľte (ca 725-807). La durée de vie de JD correspond ainsi, en gros, à la présence du califat umayyade à Damas (661-750). B. LES PÉRIODES La biographie de JD doit tenir compte des quatre périodes suivantes (concer

nantles raisons qui nous ont conduit à opérer cette périodisation, voir Conticello 20) : 1. A la cour umayyade de Damas – ca 655 - ca 705 : JD passa certainement

son enfance et son adolescence à la cour umayyade, où son grand-père, puis son père, occupèrent la charge importante et fort lucrative de percepteur des impôts . Bien qu 'il évoluât dans une société dominée par l'Islam , il fut vraisembla

blement plus marqué par les milieux chrétiens chalcédoniens et hellénophones fortement représentés à Damas (Sophrone de Jérusalem , † 638 , et André de Crète , † 740 , sont eux aussi damascènes), au sein desquels il reçut sans doute son éducation . A l'âge adulte et jusqu 'à la mort de son père, vers 700 , il seconda

celui-ci dans ses activités administratives. Il resta probablement en fonction

jusqu 'à la mort du calife 'Abd al-Malik ( † 705), dont son père était très proche. 2. Prêtre de l'église de l'Anastasis, à Jérusalem , et conseiller du patriarche Jean V - ca 705 - ca 735 (cf. I В 2 a ): il nous semble que JD ne prolongea pas son séjour à Damas au -delà de l'année 705 (à ce moment, il avait 50 ans environ ). En effet, en cette année, qui vit la mort de 'Abd al-Malik , la cathédrale Saint-Jean

Baptiste de Damas, dépôt des reliques du Précurseur et haut lieu du chalcé donisme syro-palestinien , fut confisquée et finalement remplacée par la grande mosquée umayyade (voir E12, II, 1977, p . 289). En cette même année eut lieu la restauration du patriarcat de Jérusalem , vacant depuis 67 ans. Le nouveau patriarche à occuper le siège de Jérusalem fut Jean V , père spirituel et proche

ami de JD , comme ce dernier l' affirme dans l' Epist. de hymno Trisagio , 26 , 13 sq. (éd. Kotter IV , p. 329 ). Voir également la fin de la Laudatio s. Joannis Chrysostomi (Kotter V , p . 370), passée inaperçue jusqu 'à présent: ' A '

ÉMONTEÚolç nuãç tous ouwvúuous (= JD et un autre Jean, probablement le patriarche) xai avtidoins tnv nepos Tėv xtiotnv oixeiwolv ... Tout au long du patriarcat de Jean V , JD resta auprès de lui à Jérusalem en qualité de prédicateur

de l'Anastasis et conseiller théologique: ses nombreuses hymnes et homélies, composées pour les grandes fêtes de l'Anastasis , ainsi que ses traités polémiques écrits à la demande d 'évêques de la région , en témoignent. JD soutint également Jean V dans les moments difficiles de la première crise iconoclaste, en pronon

çant, en accord avec celui-ci, les Orationes c. imag. calumn. (cf. Kotter III, p. 67-69). A ce moment, il avait 75 ans environ. 3. A Jérusalem après la mort de Jean V - ca 735 - ca 742 : après la mort de son père spirituel, survenue en 735,

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JEAN DAMASCÈNE

1003

JD semble occuper encore une position au patriarcat de Jérusalem .Mais à cause de sa prise de position violente contre l' iconoclasme et le basileus byzantin d' une part (l'Oratio c. imag. calumn. II 12 : Kotter III, p. 102- 104 , contient la

plus lourde critique du pouvoir impérial formulée par un auteur byzantin ), et contre l’ Islam , d 'autre part (le De haeresibus, chap. 100 , éd. Kotter IV , p . 60 -67,

fourmille de propos insultants contre la religion du Prophète ), il tombe progressi vement en disgrâce. Ainsi, peu de temps après 735, il est victime de dures

calomnies issues de son propre camp, auxquelles ilrépond par l'Epist. de hymno Trisagio (voir Kotter IV , p. 304-306 ). En 742, Pierre de Damas, soutenu ouver tement par JD (le C . Jacob. lui est adressé ; voir aussi I 1 A a ), subit le martyre et la mort pour avoir tenu tête aux musulmans. A la suite de ces événements, ne

pouvant plus rester à Jérusalem , JD choisit vraisemblablement l'exil. Son âge est

de 87 ans environ. 4. Les dernières années – ca 742 - ca 745 : les témoignages du Canon de JD et sainte Barbara et de BHG3 394 (ainsi que du Ménologe de Basile II, qui reprend ce dernier sur ce point) confirment l'hypothèse selon laquelle JD aurait passé ses dernières années loin de Jérusalem , « dans le désert» pour le premier , « dans les profondeurs de la Perse » pour la seconde. La com

position de la Laudatio s. Barbarae, qui contient une prière personnelle au $ 23, li. 10 sq., dans laquelle l'auteur prie la sainte de lui apporter son soutien devant la gravité des événements, devrait être située dans cette période : Eűpoqui dé oe και των εμών ψυχικών και σωματικών μωλώπων προσηνη θεραπεύτριαν xai náoals TATS TEPLOTAtixaic OniqeolÉTOIuotátny npootátida (Kotter V , p . 277). Signalons à ce propos que la seule église de sainte Barbara que nous

connaissons dans la Palestine du VIIIe siècle est située dans le village de 'Abud, sur les collines de Samarie , à 30 km au nord-ouest de Jérusalem (cf. 52 A .

Ovadiah , Corpus of the Byzantine Churches in the Holy Land , coll. « Theopha neia » 22, Bonn 1970, p. 17). II . EUVRES

1. ÉDITIONS CRITIQUES Depuis les années 1950, l'æuvre de JD , qui avait déjà bénéficié, depuis le xve s., de nombreuses éditions, fut l'objet d'un intérêt scientifique considérable, qui porte aujourd 'hui ses fruits. Tout d' abord, sur la suggestion de A . Ehrhard, les quelque 2000 manuscrits connus transmettant une ou plusieurs auvres de JD ont été recensés et, dans la mesure du possible , étudiés à l' Institut byzantin de l' Abbaye bénédictine de Scheyern (Allemagne). Les principaux responsables de ce travail furent Hoeck 3 (présentation critique de 150 ouvrages attribués à JD ) et 53 B . Kotter, Die Über lieferung der Pege Gnoseos des hl. Johannes von Damaskos, coll. SPB 5, Ettal

1959 ( sur les autres écrits damascéniens, voir les introductions des vol. III- V de

l'édition critique: III, p. 1-62 ; IV, p . 70-97 ; V , p . 3 -62). Cette étude préalable à l'édition critique des Opera omnia du Damascène a également été complétée par les recherches de 54 F . Dölger, Das griechische Barlaam -Roman, ein Werk des

1004

JI JEAN DAMASCÈNE h. Johannes von Damaskos, coll. SPB 1, Ettal 1953; 55 B . Studer, Die theolo

gische Arbeitsweise des Johannes von Damaskus, coll. SPB 2, Ettal 1956 ; 56 K . Rozemond, La christologie de Saint Jean Damascène, coll. SPB 8 , Ettal 1959, et

57 G . Richter , Die Dialektik des Johannes von Damaskos. Eine Untersuchung

des Textes nach seinen Quellen und seiner Bedeutung, coll. SPB 10, Ettal 1964. En un deuxième temps, et jusqu'au décès de B. Kotter († 1987), ce travail a donné lieu à la publication de cinq volumes d'æuvres de JD (I. Philosophie ,

II. Dogmatique systématique, III. Discours anti-iconoclastes, IV . Polémique, V .

Hagiographie et homilétique) : 58 B . Kotter, Die Schriften des Johannes von Damaskos, I = coll. PTS 7 , Berlin 1969, p . 20 - 26 : Institutio elementaris (PG 95,

col. 100-112 ; CPG 8040) ; p. 51-146 : Dialectica, sive capita philosophica (PG 94, col. 521-676 ; CPG et CPGS 8041) - les versions brevior (50 chapitres) et fusior (68 chapitres) sont éditées sur deux colonnes, en regard (voir Nivas,

p . 47- 50) ; p . 151- 173: Fragmenta philosophica (CPG 8042 : textes parallèles à certains chapitres de la Dialectica , édités à partir du Oxon. Bodl. Auct. T . 1.6 , XI

s .) . II = coll. PTS 12 , Berlin /New York 1973, p . 7 -239 : Expositio fidei (PG

94, col. 789- 1228 ; CPG et CPGS 8043). III = coll.PTS 17 (Berlin /New York 1975), p. 65-200 : Contra imaginum calumniatores orationes tres (PG 94 , col.

1232- 1420 ; CPG et CPGS 8045 ; les trois discours sont présentés sur trois

colonnes, en regard : voir synopse p. 59-61). IV = coll. PTS 22 (Berlin /New York 1981), p . 19-67: Liber de haeresibus (PG 94 , col. 677-780 ; CPG et CPGS

8044) ; p. 109-153 : Contra Jacobitas (PG 94, col. 1436 -1501 ; CPG 8047) ; p. 173-231 : De duabus in Christo voluntatibus (PG 95, col. 128 - 185 , CPG

8052 ; le texte étanttransmis dans deux versions, une présentation synoptique est donnée pour les chap. 4 -9 ; concernant les modifications dans la numérotation

des chapitres, voir p. 160- 161) ; p. 238-253: De fide contra Nestorianos (CPG 8054); p. 263-288 : Contra Nestorianos (PG 95, col. 188-224 ; CPG 8053); p . 304 - 332 : Epistola de hymno Trisagio (PG 95, col. 21 -61 ; CPG 8049) ; p . 351 398 : Contra Manichaeos (PG 94, col. 1505 - 1584 ; CPG 8048) ; p . 409 -417 : De

natura composita contra Acephalos (PG 95, col. 112-125 ; CPG 8051) ; p . 427 438 : Disputatio Christiani et Saraceni ( spuria : voir p . 420 ; PG 96 , col. 1336 1348 ; CPG et CPGS 8075 ). V = coll. PTS 29 (Berlin New York 1988), p . 72- 90 :

Oratio in Palmas (spuria ; CPG et CPGS 8086 ; le texte est transmis dans deux rédactions a et z très différentes entre elles, qui sont ici éditées en parallèle , en

parties haute et basse des pages, avec deux apparats critiques distincts) ; p . 102 110 : Oratio in ficum arefactam et in parabolam vinae (PG 96 , col. 576 -588 ; CPG 8058 ); p . 121-146 : Oratio in Sabbatum sanctum (PG 96 , col. 601-644 ;

CPG 8059) ; p . 169 -182 : Oratio in Nativitatem sanctae Dei genitricis Mariae (spuria ; PG 96 , col. 661-680 ; CPG et CPGS 8060 ) ; p . 202-245 : Passio magni martyris Artemii (PG 96 , col. 1252- 1320 ; CPG et CPGS 8082); p. 256 -278 : Laudatio sanctaemartyris Barbarae (PG 96 , col. 781-813 ; CPG 8065) ; p. 289

303 : Laudatio sanctaemartyris Anastasiae (spuria ; CPG et CPGS 8068 ; editio princeps) ; p . 324 - 347: Homilia in Nativitatem Domini (CPG 8067) ; p . 359 -370 :

Laudatio sancti Johannis Chrysostomi (PG 96 , col.61-781 ; CPG 8064 ) ; p . 381

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395 : Oratio in occursum Domini ( spuria ; CPG et CPGS 8066 ) ; p. 406 -418 : Commentarius in sanctum prophetam Eliam (spurius ; CPG et CPGS 8083) ; p . 436 -459 : Homilia in Transfigurationem Salvatoris nostri Jesu Christi (PG 96 , col. 545 -576 ; CPG et CPGS 8057) ; p . 483 -500 , 516 -540, 548 -555 : In Dormi tionem sanctae Dei genitricis Mariae orationes tres (PG 96 , col. 700-721 ; 721

753 ; 753- 761 ; CPG et CPGS 8061 ; 8062 ; 8063). L 'ensemble de ces publications a été accueilli avec enthousiasme par le monde scientifique. Cependant, quelques critiques ont également été formulées. Elles concernent notamment les points suivants : t. I. L ' édition partielle des Fragmenta philosophica est déplacée et induit en erreur, car ces fragments ne

sont pas dus à JD et ne lui ont jamais été attribués (voir 59 R . Riedinger, ByzZ 63, 1970, p. 342-346 ) ; t. II. Le traité “ pseudo -cyrillien" De SS. Trinitate (PG 77,

col. 1120 -1173 ; CPG 5432) a été présenté dans l'apparat des sources comme une source principale de l'Expositio fidei, alors qu 'il n 'est qu 'une compilation tardive (XIII -XIVe s.), issue de celle -ci (voir 60 V .S . Conticello , « Pseudo Cyril's De SS. Trinitate : A Compilation of Joseph the Philosopher (†1330 )» , OCP 61, 1995, p. 116 -129) ; t. III. La présentation synoptique de trois discours relativement proches textuellement, mais rédigés par JD à trois moments distincts et dans des circonstances différentes, détruit l'unité et la cohérence de chaque discours et en rend la lecture malaisée (la preuve en est donnée par la réduction des trois discours « en un seul» (sic !) opérée dans la trad. française de Darras-Worms signalée plus loin sous le n° 70). De plus, la question de l'authen ticité du troisième discours , conservé dans un seulms., Neapolitan . 54 (II B 16 ) du XIIIe siècle (ayant déjà servi à l' édition de M . Lequien , Paris 1712), est insuf fisamment étudiée (voir 61 G . Richter, TLZ 102, 1977, p. 213-214 ;62 H .G . Thümmel,ByzS 38, 1977, p. 224-228 ); t. IV . Le stemmadu De haeresibus établi par Kotter est totalement erroné. En effet, pour constituer celui-ci, l'éditeur s'ap puie sur l'hypothèse selon laquelle JD a repris , presque intégralement, l'Anake

phalaiôsis (CPG 3765 ; PG 42, col. 833-885) du Panarion d'Épiphane. Or, il est aujourd 'hui prouvé que JD a utilisé le texte original du Panarion (PG 41, col. 156 - 1200 ; 42, col. 9-832 ; CPG 3745), devenant lui-même l'auteur d'une nou velle Anakephalaiôsis, qui n'est autre que le De haeresibus (63 O . Knorr, « Zur Überlieferungsgeschichte des “Liber de haeresibus” des Johannes von Da

maskus » , Byzz 91, 1997, p. 59-69). t. V . L 'établissement de l'authenticité ou de

l'inauthenticité des textes présentés dans cette édition sur la base de critères strictement stylistiques conduit à certaines contradictions avec les résultats de Hoeck (64 E . Lanne, Irénikon 60 , 1987, p. 579), suivis par M . Geerard , CPG III, p. 511-536 (voir cependant CPGS, p. 462-468). Ajoutons à cela que la prise de position (à la suite de Dölger 54 ) en faveur d'une attribution du Roman de Bar

laam et Joasaph à JD , rend ces critères fort discutables. L 'édition des Opera omnia de JD se poursuit actuellement à Scheyern avec la préparation d 'une nouvelle édition critique du Roman de Barlaam et Joasaph

(PG 96 , col. 860-1240 ; CPG et CPGS 8120) par les soins de R . Volk , qui a déjà publié trois importantes études à ce propos : 65 « Urtext und Modifikationen des

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griechischen Barlaam -Romans. Prolegomena zur Neuausgabe» , ByzZ 86 /87, 1993-94, p . 442-461 ; 66 « Symeon Metaphrastes. Ein Benutzer des Barlaam

Romans» ,RSBN, N . S. 33, 1996 , p .67-180 ; 67 « Neues vom Schreiber Kallistos und vom Fortwirken zweier illuminierter Handschriften des Griechischen Bar laam -Romans » , JÖB 48, 1998, p . 243-272. Le travail de 68 F . Gahbauer, « Der Osterkanon des Johannes von Damaskos. Text, Übersetzung und Kommentar » ,

SMGB 106, 1995 , p. 133-174 , s'inscrit aussi dans ce même contexte . Favorisé par l'activité éditoriale des bénédictins de Scheyern, un intérêt pour l'euvre damascénienne se manifeste depuis quelques années en France avec les

traductions des “ Écrits sur l’Islam ” par 69 R . Le Coz, coll. SC 383, Paris 1992, de la Dialectica et de l' Expositio fidei par V. S . Conticello (Thèse dactyl. citée

sous le n° 26 ; une seconde trad. franç.de l'Expositio fidei due à G . M . de Durand et P . Ledrux est en préparation ), des C . imag. calumn. orationes tres par 70 A .-L .

Darras-Worms, Le visage de l’invisible, Paris (cf. compte rendu par 71 V. S. Conticello, REAug 42, 1996 , p. 192 -194 ), et en Italie avec deux traductions italiennes de l' Ef par 72 S . Rinaldi, avec introduction de A . Siclari, Parma 1994,

et par 72bis V. Fazzo, coll. « Collana ditesti patristici » 142, Roma 1998 , et des C . imag. calumn. orationes tres par 73 V . Fazzo, coll. « Collana di testi

patristici» 36 , Roma 1983. En outre , la Dialectica a été traduite en allemand par 74 G . Richter, Johannes von Damaskos, Philosophische Kapitel, coll. « Biblio thek der Griechischen Literatur » 15 , Stuttgart 1982. - Sur les nombreuses autres traductions, anciennes etmodernes, des æuvres de JD , voir les listes complètes données par Kotter dans les introductions des cinq volumes de l' édition critique. C 'est également à la suite de l'édition Kotter qu ' ont vu le jour les éditions

critiques de trois écrits faussement attribués à JD : l’Epistula ad Theophilum imperatorem (PG 95, col. 345-385 ; CPG et CPGS8115), par 75 H . Gauer, Texte

zum byzantinischen Bilderstreit. Der Synodalbrief der drei Patriarchen des Ostens von 836 und seine Verwandlung in sieben Jahrhunderten, coll. STB 1, Frankfurt am Main 1994, p. 74 -128 (cf. compte rendu de 76 B . Flusin , REByz 53, 1995 , p. 361- 363), puis par 76bis J. A Munitiz, J. Chrysostomides, E .

Harvalia Crooke et Ch . Dendrinos (édit.), The Letter of the three Patriarchs to Emperor Theophilos and related texts, Camberley 1997; la Responsio ad Iudaeos (CPG et CPGS 8092), éd. 77 J. H . Declerck, Anonymus dialogus cum

ludaeis saeculi ut videtur sexti (CCG 30), TurnhoutLeuven 1994 ; les Opuscula islamica, dont certains circulent également sous le titre de Concertationes cum Saracenis (PG 94 , col. 1596 - 1597 ; CPG et CPGS 8076 ) , par 78 R . Glei et A .

Th. Khoury , coll. « Corpus islamo-christianum » , Series graeca 3, Würzburg 1995.

Signalons enfin que l'Homilia de encaeniis ecclesiae resurrectionis dominiet in vivificam crucem (CPG et CPGS 8095), conservée uniquement dans la tra

duction géorgienne d 'Éphrem Mtsiré , a fait l'objet d 'une édition critique par 79 N . Goguadzé, Tbilissi 1986 , aux p . 196 -220 de son édition des Anciens recueils métaphrastiques. Les lectures du mois de septembre (en géorgien , notre Homilia à la date du 13 septembre ). A ce propos, voir van Esbroeck 27 , p. 53- 98 .

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2. EUVRESNE BÉNÉFICIANT PAS D 'UNE ÉDITION CRITIQUE

A . Nous n'avons aucune information récente concernantune édition critique de ce qui reste des Hiera, florilège damascénien mieux connu à travers les nom breuses collections qui en sont issues et qui circulent sous le titre de Sacra Parallela (CPG et CPGS 8056 et ci-dessous II 4 C b ). Cette édition est attendue

depuis le XIXe siècle : voir entre autres les travaux préparatoires de 80 F . Loofs , Studien über die dem Johannes von Damaskus zugeschriebenen Parallelen , Halle 1892 ; 81 K . Holl, Die Sacra Parallela des Johannes Damascenus, coll. TU 16 , 1 ; N .F . 1, 1, Leipzig 1897 ; 82 A . Ehrhard, « Zu den Sacra Parallela des

Johannes Damascenus und dem Florilegium des Maximos » , ByzZ 10 , 1901, p. 394 -415 , et ceux plus récents de 83 O . Wahl, Die Prophetenzitate der Sacra

Parallela in ihrem Verhältnis zur Septuaginta -Textüberlieferung, coll. « Studien zum Alten und Neuen Testament » 13, München 1965 (2 vol.) ; 84 Id ., Der Sirach - Text der Sacra Parallela , coll. « Forschung zur Bibel» 16 , Würzburg

1974 ; 85 Id., Der Proverbien - und Kohelet- Text der Sacra Parallela , coll. « Forschung zur Bibel» 51, Würzburg 1985 ; voir également l'excellente présen tation d'ensemble de 86 M . Richard , « Florilèges damascéniens» , DSp V , 1962,

col. 476 -486 , repris dans Id., Opera minora I, Turnhout/Leuven 1976 , n° I. B . Pareillement, concernant l'immense æuvre hymnographique de JD , le plus souvent éditée " en vrac” au sein de publications destinées à la pratique liturgique

(Octoèque, Triode,Ménées...), il semble qu'aucune étude préparatoire à une édition critique ne soit pour l'instant envisagée. Voir cependant CPG 8070 , au quel il faut ajouter 87 G . Stathis, Lesmanuscrits de musique byzantine. Mont Athos, I-III, Athènes 1975 , 1976 et 1993 ; 88 J. Raasted, The Hagiopolites. A Byzantine Treatise on Musical Theory , coll. « Cahiers de l'Institut du Moyen âge grec et latin de l'Université de Copenhague », Copenhague 1983 ; 89 Ch . Hannick et G . Wolfram , Die Erotapokriseis des Pseudo -Johannes Damaskenos zum Kirchengesang , coll. « Monumenta Musicae Byzantinae. Corpus scriptorum

de re musica » 5, Wien 1997. C . Les autres écrits, encore attribuables à JD , qui n 'ont pas bénéficié d'une édition critique forment les groupes suivants : a. authentiques: De recta senten tia liber (PG 94, col. 1421-1432 ; CPG 8046 ); De sacris ieiuniis (PG 95, col. 64 77 ; CPG 8050). b . d 'attribution douteuse : (1) Écrits circulant sous le nom de JD : De sancta Trinitate (PG 95, col. 9- 17 ; CPG 8077) ; Commentarii in epistu

las Pauli (PG 95, col. 441-1033 ; CPG 8079) ; Deprecationes I-III (PG 96 , col. 816 -817 ; CPG 8081) ; Fragmenta (CPG 8087); Martyrium s. Petri neomartyris

Capitoliadis (en géorgien : éd . 90 K . Kékélidzé , Hristianskij Vostok 4, 1917 , p . 1-69, et CPG 8100) ; Sermo in annuntiationem B . M . V . (en arabe : éd. 91 L . Cheikho , al-Mašriq 17, 1914, p. 274 -277 ; CPG 8080 ; trad . latine dans PG 96 , col. 643 -648 ). [ 2 ] Écrits circulant sous le nom de Jean d ' Eubée : Homilia in conceptionem deiparae (PG 96 , col. 1460-1500 ; CPG et CPGS 8135) ; Homilia

in sanctos innocentes (PG 96 , col. 1501- 1508 ; CPG 8136 ); Homilia in Lazarum (CPG 8137) ; Passio s. Parasceuae (CPG 8138 ). c . inauthentiques: nous ne pouvons pas dresser ici la longue liste des écrits faussement attribués à JD (à ce

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propos, voir Hoeck 3, passim ). Nous nous contenterons donc de signaler les principaux pseudépigraphes qui n 'ont pas, à ce jour, bénéficié d 'une édition cri

tique : Oratio de iis qui in fide dormierunt (PG 95, col.248-277, CPG 8112 et ci dessus, I В 2 c ); De sacris imaginibus contra Constantinum Caballinum (PG 95, col. 309 -344 ; CPG 8114 ) ; De corpore et sanguine Christi (CPG 8117 et 92 N . Armitage, « The Theology of the Introduction and Sermon “ De corpore et San guine Christi” attributed to John Damascene» , OC 80, 1996 , p . 1- 10) .

3. INÉDITS Si l'on excepte les Hiera (voir II 2 A et II 4 Cb), très peu d' écrits damascé niens conservés dans leur original grec restent inédits. Les principaux d ' entre eux sont: une Homilia de cruce (CPG 8084) ; un Conspectus historiarum magni canonis conservé dans le Sinaiticus gr. 313 (CPG 8085 ) ; un Lexicon conservé dans le Vatican. Palat. gr. 46 du XIIe siècle (Hoeck 3, p. 48, n° 121) ; une Pro

fessio fidei contenue dans le Vindobon. phil. gr. 149 du XIVe s. (Hoeck 3, p . 20 , n° 8) . Les autres révèlent par leur titremême leur inauthenticité . En revanche, un

certain nombre d 'écrits perdus dans leur original grec , mais conservés dans des langues orientales, devraient retenir l'attention des philologues, car il est fort probable que certains d 'entre eux sont authentiques. Ce sont: [ 1] Écrits en trad . arabe : Expositio et declaratio fidei (CPG 8078 ; trad . latine dans PG 95, col. 417-438 ) ; Refutatio Saracenorum (CPG 8088 ); Tractatus de matre dei (CPG

8089); De virginitate (CPG 8090 ); Homilia in ascensionem domini (CPG 8091).

[2 ] Écrits (= fragments de l'Expositio fidei ?) en trad. arménienne: De para diso (CPG 8093) ; De providentia (CPG 8094). [3 ] Écrits en trad. géorgienne : Laudatio ss. martyrum et patrum (CPG 8096 ) ; In archangelos (CPG 8097) ;

Tractatus de theologia et de nativitate domini nostri lesu Christi (CPG 8098 );

Homilia in Iohannem Baptistam (CPG 8099). 4 . RECENSEMENT DES ŒUVRES D 'INTÉRÊT PHILOSOPHIQUE

A . Écrits de philosophie “ post-chalcédonienne” : a . Un nombre important d 'écrits damascéniens authentiques traite des principaux concepts des Catégories aristotéliciennes, ainsi que des notions de substance, nature , hypostase, en appor tant des développements nouveaux, dont le sens ne peut être entièrement perçu qu 'à la lumière des controverses christologiques post-chalcédoniennes et princi palement dans le contexte des débats entre jacobites sévériens et chalcédoniens. Ces écrits sont les suivants : Institutio elementaris (Eloaywyn doyuátov

στοιχειώδης από φωνης Ιωάννου ταπεινού μοναχού προς Ιωάννην τον Solbratov Éníoxonov Aaoðixelaç : Kotter I, p. 20 -26 ) et Dialectica (Oló ooda xebáraia / Inmn yuúoews : Kotter I, p . 47- 146 ), deux textes qui expo

sent les définitions néoplatoniciennes ou patristiques du vocabulaire philosophi que en usage dans la controverse christologique et constituent en ce sens de véritables " manuels de philosophie post-chalcédonienne" ; les traités Contra

Jacobitas (Kotter IV, p. 109-153), De natura composita contra Acephalos (Toû οσίου πατρός ημών Ιωάννου του Δαμασκηνού περί συνθέτου φύσεως xatà åxepárwv : Kotter IV , p. 409-417), De duabus in Christo voluntatibus

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( Του μακαρίου Ιωάννου μοναχού Δαμασκηνού περί των ιδιωμάτων των εν τω ενί Χριστώ τώ κυρίω ημών δύο φύσεων, εξ επιδρομής δε και περί δύο Deanuátwv xai évepyelőv xai ulāç únooTÁOews :Kotter IV , p . 173-231),De fide contra Nestorianos (CPG 8054 ; Kotter IV , p . 238 -253), dans lesquels JD procède à une réflexion philosophico -théologique menée à partir des concepts

définis dans l'Institutio elementaris et la Dialectica. La comparaison des traités De fide contra Nestorianos, qui s'appuie sur la spéculation philosophique, et Contra Nestorianos (Kotter IV , p . 263- 288 ), qui use d 'une argumentation

strictement patristique sur le même sujet, révèle la spécificité de la réflexion philosophico - théologique damascénienne qui s 'exprime dans ce groupe de textes. - Sur ce sujet, voir en dernier lieu Conticello 26 , p . CXVIII-CLXIX .

b . Écrits inauthentiques: trois textes relevant d'une réflexion similiaire ont par fois été attribués de façon erronée à JD ; en réalité, nous pouvons affirmer aujourd'hui qu 'ils ont fait partie de ses sources, notamment dans l' élaboration de

la Dialectica. Ce sont deux opuscules tirés de l'Hodegos d'Anastase le Sinaïte (CPG 7745 ; éd. 93 K .-H . Uthemann , coll. CCG 8 ,Leuven/Turnhout 1981), inti tulés Opoi dla opol (= Hodegos, chap . 2 ) et De duabus in Christo naturis (= Hodegos, chap. 1 ?) : voir Hoeck , p . 22, n° 17 , et p . 23 , nº 26 . A ceux -ci s' ajoute le florilège dogmatique connu sous le titre de Doctrina Patrum de Incarnatione Verbi ( éd . 94 F . Diekamp, Münster 1907 ; réimpr. Aschendorff

1981), et plus spécialement, pour ce qui est de la philosophie, son chapitre 6 . B . Écrits d 'intérêt cosmologique ou anthropologique : a . De nombreux chapitres de l' Expositio fidei (ToŨ dolov åbbã 'Iwávvov.TPEObutépov Aqua

oxnvoũ čxooolg åxplons tñs opodobou níotews: Kotter II) traitent de sujets

cosmologiques (chap. 19-24) ou anthropologiques (chap. 26 -39), ces derniers consistant principalement en des reprises ou des remaniements de Némésius d'Émèse, De natura hominis (PG 40, col. 504-817 ; CPG 3550). Sur l'anthro pologie de JD , voir en dernier lieu 95 F . R . Gahbauer, « Die Anthropologie des Johannes von Damaskos » , Th & Ph 69, 1994, p . 1-21. b . Ces chapitres ont parfois

connu une diffusion en tant qu'opuscules indépendants : ainsi, Quid est homo ? (Tí totiv ävopwntos; PG 95, col. 244) reprend substantiellement l'Expositio fidei, chap. 24 ; Demensibus macedonicis (PG 95, col. 236 -238 ) cite Expositio fidei, chap. 20 et 21. Il faut cependant souligner l'inauthenticité de la grande majorité des opuscules d'intérêt cosmologique mis sous le nom de JD : voir

Hoeck 3, p .51-52. c. Inauthentiques et sans intérêt philosophique sont également deux écrits astronomiques inédits transmis sous le nom de JD : voir Hoeck 3, p . 48 -49, nos 122 et 123. d. L 'opuscule pseudépigraphe De generatione hominis (CPG 8123), également transmis sous les noms de Pline, Libanios et Galien , a été édité et présenté par 96 K . Krumbacher, Studien zu den Legenden des hl. Theodosios, coll. SBAW 1892,München 1893, p . 220 -379 et 345-347. e. Contrai rement à ces opuscules, le De virtutibus et vitiis ( Ilepì đpetov xai xaxl

quyixőv xai owuatixõv : PG 95, col. 85-97 ; CPG 8111), dont le plus ancien témoin manuscrit remonte au VIIIe siècle , est présenté comme authentique par Hoeck 3, p. 28, nos 50 et 51, mais rejeté parmiles æuvres inauthentiques par M .

JI JEAN DAMASCÈNE Geerard , qui le rapproche d 'un De virtutibus et passionibus (CPG 4055) relevant de la littérature de l'« Ephraem graecus» . L 'intérêt philosophique de cet 1010

opuscule réside dans le classement systématique des cing sens " doubles" du corps et de l'âme, et des vertus et vices correspondants, qu 'il opère.

C . Écrits ayant conservé des fragments d'intérêt philosophique ou rela tifs à l'histoire de la philosophie : a. De haeresibus (Kotter IV , p. 19-67). Le $ 83 de cet ouvrage nous a conservé deux fragments du De arbitrio de Jean

Philopon (CPG 7260) : 'Iwávvov ypauuatixoŨ TOŨ Tpločitou toŨ Neyouévov Olonovou éx ToŨ ' Tóyou toŨ ALALTNTOŨ (Kotter IV , p. 50-51); 'Ex ToŨ ALALTNTOŨ xepáralov 6' (Kotter IV , p. 51-55). b . Sacra Parallela (CPG 8056 ).

Sous le titre de SP sont généralement citées des collections compilées à partir des restes du grand florilège composé par JD (ou réalisé sous son parrainage ), intitulé Hiera (“Iepá ) et divisé en trois livres : I. Dieu ; II. l'homme; III. les ver

tus et les vices, disposés quant à eux par paires ou “ parallèles” . Il semble que,

dans la forme initiale de l'ouvrage, chaque lemme ou titre rassemblait des cita tions scripturaires et patristiques présentées dans un ordre constant: 1. citations vétéro -testamentaires; 2 . citations néo -testamentaires; 3. citations patristiques, dont (a) grandes autorités : Basile de Césarée, Grégoire de Nazianze, Grégoire de Nysse , Jean Chrysostome, Cyrille d'Alexandrie ; [b ] Pères prénicéens: Clément

de Rome et Pseudo-clémentines, Ignace, Justin , Théophile d 'Antioche, Irénée, Clément d 'Alexandrie , Hippolyte, Cyprien , Denys d'Alexandrie , Grégoire le Thaumaturge, Athénodore,Méthode, Pierre d'Alexandrie , Eusébe de Césarée (et Eusébe d'Alexandrie), Doctrina Petri (éd. critique de ces fragments par 97 K . Holl, Fragmente vornicänischer Kirchenväter aus den Sacra Parallela , coll. TU 20, 2 / N .F . 5 , 2, Leipzig 1899); 4. citations de Flavius Josèphe et Philon d 'Alexandrie ( status quaestionis de l'édition de ces fragments dans Wahl 83,

p . 36 -40 , auquel on peut ajouter 98 F. Petit, « En marge de l'édition des frag ments de Philon (Questions sur la Genèse et l'Exode). Les florilèges damascé niens » , Studia Patristica 15, coll. TU 128, Berlin 1984, p . 20-25) ; 5. contrai rement à ce qui apparaît dans les collections tardives des SP, aucune citation d'auteur profane n ' était contenue dans les Hiera . – La collection de SP la plus connue, et la seule éditée, est le Florilegium vaticanum , éd . M . Lequien , Paris

1712 (2e éd., Venise 1748), II, p. 278-730, repris dans PG 95 , col. 1040 -1588 ; 96 , col. 9-442 (voir Richard 86 , col. 480 -481). Dans la première édition de sa

99 Bibliotheca graeca, VIII, p. 806 -815, J. A . Fabricius donne la liste des auteurs cités dans l'édition Lequien . Parmi eux, Épicure , Platon , Pythagore, Sextus, les Stoïciens, Théognis représentent la littérature profane. Leurs citations constituent toutefois des interpolations postérieures au IXe s. Dans la 2e édition de la Bibliotheca graeca , IX , p. 722 -732, Harles mêle à cet index celui constitué par

100 A . M . Bandini, Catalogus manuscriptorum graecorum ... Bibliothecae Mediceae Laurentianae..., I, Firenze 1764, p. 369- 370, en référence à un témoin manuscrit d'une autre collection de SP , le Laurent. plut. VIII 22 . Cet index " mixte ” (et renvoyant à deux paginations, l'une de l'éd . Lequien, l'autre du ms. de Florence) a malheureusement été reproduit dans PG 94 , col. 45 -52 , sans

JI

JEAN DAMASCÈNE

1011

avertissement. Il induit fortement en erreur, car les très nombreux noms de philosophes antiques qui y apparaissent ne correspondent pas à des citations

données dans les SP ,mais à des chapitres tirés de Jean Stobée, compilés avec une collection damascénienne dans le seul Laurent. plut. VIII 22 (voir Richard 86 , col. 480 et 495). c . Homilia in Nativitatem Jesu Christi (Kotter V , p . 324 347). Cette homélie , dont la plus grande partie doit être reconnue comme authen tique, a été l' objet - à l' instar de la seconde Oratio in dormitionem B . M . V., 18

(voir Kotter V , p . 504-505) - d 'une longue interpolation qui occupe les $$ 7- 10. L’ interpolation est tirée d 'un texte intitulé 'EEńynous TÕV npaxoévtwv év Ilepoidi, éd. 101 E. Bratke, Das sogenannte Religionsgespräch am Hof der Sasaniden , coll. TU 19 , 3 (N .F. 4, 3), Leipzig 1899, une pièce d'apologétique païenne faisant état entre autres des prédictions de la naissance du Christ par les

Oracles. Signalons que ce texte nous est transmis dans son intégralité au sein du florilège iconophile du ms. Moscou, Musée historique 265 (Vladimir 197) : cf. 102 A . Alexakis, Codex Parisinus Graecus 1115 and Its Archetype, coll. « Dum barton Oaks Studies» 34, Washington , D .C ., 1996 , Appendix III. d. Proche de

cette thématique, nous avons un texte d'attribution douteuse , mais pourtant reconnu comme authentique par Kotter , contre l'opinion de Hoeck, la Passio

magnimartyris Artemii (Kotter V, p. 202-245). Ce texte constitue, avec la Bibliotheca, cod. 40 de Photios ( éd . R. Henry , Paris 1959, 1, p . 23-25), notre principal relais pour la connaissance de l'Histoire ecclésiastique perdue de l'eunomien Philostorgios (éd. des fragments par 103 J. Bidez, Philostorgius

Kirchengeschichte, coll. GCS 21, Leipzig 1913; 2e éd. Berlin 1972 ; 3e éd. Berlin 1981). Il nous transmet notamment les fragments suivants : Philostorgios, H . E . I

6 ; II 4 , 16 ; III 1, 2 , 22- 26 , 27, 28 ; IV 1, 2 , 3 ; V 5- 7, VII 1a, 1b, 1c, 3, 4a, 4b, 4c, 8a, 9a, 15a ; VIII 1a , 6a. A ces fragments, qui relatent l'accession au trône de l'empereur Julien , il faut ajouter des passages retraçant: [1] un débat entre Julien et l'évêque Macaire (S $ 25 -34) , dans lequel ce dernier se réfère à Hermès

Trismégiste et à la Vie de Pythagore; [2 ] un second débat entre Julien et Artémios (S $ 40 -48), dans lequel l'empereur décrit sa religion astrale, en effec

tuant des parallèles avec le panthéon grec (Soleil- Apollon, Lune-Artémis ...), qu'Artémios réfute en rappelant un oracle d 'Apollon (Mỹ őpeheç núuarov ue και ύστατον εξερέεσθαι - και ο παθών θεός έστι, και ου θεότης πάθεν aútń : $$ 46, 9- 17 ) et en évoquant Anaxagore , qualifié de “père spirituel” d 'Archélaos et Périclès, Socrate et Platon . A cela s'ajoute une description détaillée de l' anéantissementpar le feu divin du sanctuaire d 'Apollon à Daphne près d 'Antioche. - Sur l'illustration byzantine des passages de la Passio Artemii et de l'Homilia in Nat. J. C . relevant de l'apologétique païenne, voir 104 D . Cacharelias, The codex Athous Esphigmenou 14 (Ph . D .), New York 1995 ; sur la

culture hellénique de JD , voir aussi van Esbroeck 27, p.62-64. e. Concernant le Roman de Barlaam et Joasaph (CPG 8120 ), souvent attribué à JD , et son utilisation de l’Apologie d 'Aristide, un texte relevant lui aussi de l'apologétique contre les païens, voir l'article de 105 T . Bräm dans DPHA II, B 12, auquel il

faut ajouter la réponse critique de Volk 66 , p . 79-80 . f. Enfin , les Aldaoxarixal

JEAN DAMASCÈNE J1 Épunvelat éditées par 106 P . Tannery , « Fragments de Jean Damascène » , REG VI, 1893, p . 85-91 et 273-277, à partir du Parisin. gr. 2531 (XVe s.) constituent

1012

une compilation de notices sur des personnages anciens ou mythiques et sur bon nombre de philosophes grecs, antérieurs ou postérieurs au Christ. Cependant, ni les informations livrées par celles-ci, ni leur attribution à JD ne devraient être prises au sérieux, comme le montre 107 K . Krumbacher, ByzZ 2 , 1893, p.637 sq., et 3, 1894, p. 193, suivi par Hoeck, p . 47, n° 120 .

Pour une présentation critique de la littérature secondaire portant sur la pen · sée philosophique de JD , voir 108 A . Siclari, « Il pensiero filosofico di Giovanni di Damasco nella critica » ,Aevum 51, 1977, p . 349 -383. VASSA S. CONTICELLO .

2

JEAN STOBÉE ou “ de Stobi” (en Macédoine yougoslave) Auteur d 'une Anthologie, intitulée Extraits, Dits et Préceptes, en quatre livres

( éxłoy v, ånopeeyuátwv, únoOnxūv Bibaía réooapa ). Édition . 1 C . Wachsmuth (édit.), loannis Stobaei Anthologii libri duo priores,

Berlin 1884, vol. I-II ; O . Hense (édit.), Ioannis Stobaei Anthologi libri duo posteriores, Berlin, vol. 1 ( III), 1894, vol. 2 (IV ), 1909, vol. 3 (V ), 1912. Réimpr. 1958. Pour la notice de Photius (cod. 167), voir l' édition de 2 R . Henry,

Photius, Bibliothèque, « Collection Byzantine» , t. II, Paris 1960, p . 149-159 (avec traduction française ). Cf. 3 O . Hense , art. « Ioannes (18] Stobaios» , RE IX 2 , 1916 , Nachträge, col. 2549-2586 , où l'on trouvera les références aux études antérieures, notamment

celles de Wachsmuth , Elter et Hense lui-même. 4 J. Mansfeld et D . Runia, Aëtiana. The method and intellectual context of a doxographer, I: The Sources, coll. « Philosophica antica » 73,Leiden 1997, p . 196 -271. On ne peut le dater que par le plus récent des auteurs qu 'il cite, c'est-à -dire le

philosophe Thémistius, mort vers 388. L 'Anthologie a donc pu être écrite au début du ve siècle . Le nom de l'auteur suggère une origine chrétienne,même si

aucun auteur chrétien n 'est cité (Mansfeld et Runia 4, p. 197). Photius, au 1xe siècle , avait encore à sa disposition un exemplaire complet en deux volumes et seule la présentation qu'il en a donnée dans le codex 167 de sa Bibliothèque nous renseigne sur la finalité de l'ouvrage, son plan et l'étendue des lacunes de sa tradition directe .

L 'ouvrage aurait été compilé par l'auteur à l'intention de son fils Septimius, " pour discipliner et améliorer chez son fils un naturel faiblement doué pour la

mémoire des lectures” .

La table des matières des 208 chapitres de l'ouvrage, conservée par Photius,

montre qu'un grand nombre de chapitres des deux premiers livres n 'ont pas été conservés par la tradition directe .

Il est possible que la table de Photius s'inspire d'une table dressée par Stobée lui-même en tête de son recueil pour en faciliter la consultation . On constate cependant dans la table de Photius des raccourcis et des regroupements de titres par rapport aux intitulés conservés par

lesmanuscrits : plusieurs chapitres sont parfois résumés par un " etc.” ajouté à un titre initial

ou bien les titres de différents chapitres sont regroupés dans un titre synthétique.

J 2

JEAN STOBÉE

1013

L 'Anthologie commençait par deux chapitres introductifs regroupant des élo ges de la philosophie et décrivant les différentes écoles philosophiques. On y

trouvait également des extraits sur la géométrie, la musique et l' arithmétique. Quelques passages, principalementnéopythagoriciens, relatifs à ce dernier thème sont conservés. Le reste du premier livre était consacré à la physique, le début du second à la logique, tout le reste à l'éthique . Les premiers chapitres du livre I se rattachent à la physique générale (pour Photius il s'agit plutôt de “métaphysique") : l'existence d'un Dieu créateur et

d 'une Providence , la justice divine, la nécessité, le destin , la fortune, le temps, puis les principes, les éléments, l'univers, la matière et la forme, les causes, etc. Suivaient de longs chapitres de science naturelle (cosmologie , météorologie , géologie , biologie , physiologie animale et humaine, psychologie ), le tout princi

palement emprunté aux Placita d'Aétius (MA 27).

Le livre II aborde en premier lieu le problème de la connaissance par l'hommedes choses divines, puis traite de la dialectique, de la rhétorique et de la poétique. Mais , à partir du chapitre 7, tout le reste du livre et les deux livres

suivants sont consacrés à l' éthique, entendue au sens large et comprenant la

politique et l'administration domestique (“ économique” ) qui constituent les thèmes principaux du dernier livre. Les différents chapitres sont de longueur fort variable, regroupant parfois plus de 200 lemmes et parfoismoins de 10 . En règle générale , les chapitres font se succéder citations poé tiques et citations de textes en prose . Certains vers attribués à des auteurs commeMétrodore

(IV 11, 3 et 5 ) ou Clitomaque (IV 41, 29 ) étaient vraisemblablement des citations poétiques trouvées dans leurs æuvres et déplacées sous leur nom dans la première partie du chapitre .

Ailleurs, Stobée n 'a pas vu la forme poétique d 'une citation (Hermoloque en IV 34 , 66 ) ou inversement a pris pour un vers une ligne en prose (Héraclite en 1 10, 7).

La notice de la Bibliothèque de Photius nous a également conservé une liste de plus de 450 noms d'auteurs ayantfourni à Stobée la matière de ses chapitres. Cette liste distingue – en les regroupant selon les lettres de l'alphabet grec -

d'abord (a ) des philosophes d'Eschine le Socratique (Aischinès) à Chilôn , avec en appendice une liste de dix " cyniques” , puis (b ) des poètes d'Athénodore à Charès, puis (c) des orateurs et des historiens d 'Aristide à Chryserme, (d ) des

rois et des généraux d'Alexandre à Charès, et enfin (e ) quelques inclassables, d'Aristophane à Speusippe, parmi lesquels figurent plusieurs médecins mais

aussi des philosophes, qui apparaissaient déjà dans la première liste. L'auteur de cet index semble avoir disposé les auteurs cités dans les lemmes dans ces cinq catégories en les regroupant selon les lettres de l'alphabet grec dans l'ordre imposé par la première occurrence du nom dans le texte . On constate ici et là des nomsdéplacés, sans doute

parce que parmanque de place ils avaient été inscrits en marge et par la suite intégrés à une mauvaise place . Sur cette liste , voir 5 A . Elter, De loannis Stobaeis codice Photiano, Bonn

1880 .

Cette liste montre l'étendue des lectures de Stobée et la grande quantité de textes qui, grâce à lui, ont été sauvés du naufrage de la littérature antique. Il est peu d'éditions des fragments perdus d'un poète , d'un dramaturge comique ou

tragique, d 'un philosophe, des présocratiques aux philosophes du IVe siècle de notre ère , qui ne puise chez Stobée quelque pièce de valeur. Il a transmis des

J2 JEAN STOBÉE pages entières d 'auteurs dont le nom même, sans lui, eût été à jamais oublié . 1014

C 'est le cas par exemple des longs extraits de Télès, un cynique du III° s. av. J.

C . Pour d'autres auteurs, comme Porphyre ou Jamblique, il révèle l'existence d'auvres par ailleurs inconnues.Même pour des auteurs bien conservés en tra dition directe comme Platon , son témoignage mérite d'être examiné, dans la

mesure où les citations qu 'il en fait reproduisent,malgré les vicissitudes de sa propre tradition , un état du texte antérieur de plusieurs siècles aux plus anciens manuscrits conservés. On constate que Stobée ne cite aucun auteur chrétien ; en

revanche, le nom de Flavius Josèphe apparaît en deux passages (III 38, 59 et III 42 , 17).

Si on laisse de côté les poètes (tragiques, comiques ou autres ), les rhéteurs “ classiques”, les historiens, les hommes politiques, quelquesmédecins (dont An tyllos, Euryphon , Galien cité une fois en IV 37, 14, et un certain “ Trophilus”, IV

38, 9, qui pourrait être Hérophile selon Roeper [6 H . von Staden , Herophilus. The Art of Medicine in early Alexandria, Cambridge 1989, fr. 51, p . 125- 126 , avec comm . p. 135, retient le fragment, non sans réserves,mais écrit “ Trophi mus" au lieu de “ Trophilus”, pourtant confirmé par la liste de Photius, p. 115 a

34 ]), pour s' en tenir aux philosophes et uniquement à ceux qui ne sont pas cités à travers des doxographies ou des recueils intermédiaires d 'une grande importance

philosophique comme les Placita d 'Aétius ( A 27 ) ou l'Epitome d'Arius Didyme (MA 324 ]), on peut dresser une liste des auteurs cités en les regroupant

par catégories: Sages: Anacharsis, Bias, Chilon, Cléoboulos, Périandre, Pittacos, Solon, Thalès. Stobée cite également un recueil d'apophtegmes des Sept Sages attribué à Démétrius de Phalère et un autre attribué à Sosiadès.

Pythagore (Vers d 'or, sentences et dits) et pythagoriciens anciens (apophtegmes et écrits pseudépigraphes édités par Thesleff et, pour certains, par Centrone) : Aisara ( A 69), Archy tas ( A 322 -323), Arimnestos ( A 333), Aristaios (" * A 341), Aristombrote (* A 383),

Aristoxène ( » A 417 ), Bouthéros ( - B 58), Bryson (> 66 ), Callicratidas ( C 19 ), Charondas ( ** C 105 ), Cleinias (* C 145), Criton ( C 221), Damippos (* D 7), Dios (2D 197), Dioto gène ( D 209), Ecphante ( E9), Euryphamos ( E 145), Eurysos ( + E 150 ?), Hipparque (* H 140), Hippodamos ( H 153), Métopos de Métaponte , Ocellos, Onatos, Pempélos,

Périctionè, Philolaos, Phyntis, Polos, Sthénidas de Locres, Théagès, Théano, Zaleukos. " Présocratiques” : Alcméon ( M+ A 98), Anaxagore (» A 158), Anaxarque (* A 160), Anaximène ( A 168), Antiphon (*** A 209), Empédocle ( » E 19), Gorgias (* * E 28 ), Héraclite (2H 64), Parménide, Prodicos, Protagoras, Xenophane, Zénon d 'Élée. Parmi les auteurs le plus souventcités, on rencontre Démocrite ( D 70 ). Socrate : sentences et apophtegmes. Socratiques et " petits socratiques” : Apollodore " le

Mégarique" (* A 253) (cité par Aristonymos), Aristippe (" A 356 ), Aristote de Cyrène ( + A 412 ), Coriscos (MC 187 ), Eschine de Sphettos (2A 71), Euclide ( E82), Ménédème, Simon, Lettre à Aristippe, Stilpon, Théodore de Cyrène. Xénophon : extraits de presque toutes ses æuvres. Platon : nombreuses et longues citations (témoignages importants pour la tradition indi recte ) de presque tous les dialogues (authentiques et inauthentiques) et des lettres.

Académiciens : Arcésilas ( A 302), Carnéade ( + C 42), Clitomaque ( C 149), Crantor

( C 195),Dion l'Académicien (= D 167 ?), Xénocrate ,Ménaichmos le géomètre , Speusippe. Aristote (et pseudo- A .) : fragments divers et citationsdes Physiognomica , des traités ſlepi

åpetñs xai xaxlaç, Tepi urhuns, Nepi evyeveias, Euvaywy úxovouátwv Davuaoiwv,

JEAN STOBÉE

J2

1015

du Demundo (= Lettre à Alexandre ), d'une Lettre à Philippe, ainsi que de nombreux bons mots tirés 'Ex tõv 'AplotoTÉÃOuç Xpelőv ou 'Ex TÕV XOLVõv ’AplototéNouç Olatpißőv. Péripatéticiens: Théophraste, notamment ſepi napoque@ v, lepi ovußoralwv, et plu sieurs fragments, Démétrius de Phalère (voir " Sages"), Hiéronymos < de Rhodes> ( » H 129 ?)

[II 31, 121 (sur l' éducation ) : référence absente de l'Index de Wachsmuth). Cyniques : bonsmots d ’Antisthène ( A 211), Bion ( B 32), Cratès ( C 205), Démonax ( - D 74), Diogène ( D 147),Monime, Métroclès, " Socraticos". On a également attribué au Démétrius ( D43) ami de Sénèque, plutôt qu 'à Démétrius de Phalère, un bref dialogue entre Courage et Lâcheté transmis sous ce nom (III 8, 20 ). Épicure (* * E 36) : quelques fragments et un extrait des Ratae Sententiae. Épicuriens: Métrodore, Hermarque (» H 75), Polyen (s 'il faut lui attribuer la sentence citée en IV 56 , 31).

Stoïciens anciens: Antipatros de Tarse ou plus probablement de Tyr [> A 206 ] (deux extraits Περί γάμου et Περί γυναικός συμβιώσεως) , Aratos (

Α 298), Chrysippe

( ~ C 121), Cléanthe ( C 138) (Hymne à Zeus), Zénon . Ariston de Chios ( + A 397) : 'Ouolbuata. Nombreuses citations que l'on rapporte géné ralement à ce philosophe stoïcien, bien que ce titre ne figure pas dans la liste des æuvres d' Ariston transmise par Diogène Laërce VII 163.

Épictète (» E 33):Manuel et Entretiens transmis par Arrien (» A 425] (avec de nombreux fragments recueillis par Schenkl). Stobée cite également d'Arrien des extraits tirés 'Ex tūv Προτρεπτικών ομιλιών. C 'est a cet Arrien de Nicomédie ou a un physicien homonyme

( A 124) que se rapportent trois longs fragments “météorologiques”.

Certains propos d'Épictète sont également connus par son disciple Musonius Rufus, dont Stobée cite de nombreuses diatribes. Musonius est lui-même cité dans un passage à travers un certain Lucius quiaurait publié les propos de son maître .

Plutarque : citations nombreuses d'ouvrages conservés et plusieurs fragments d'euvres perdues (recueillis par Sandbach ). De nombreuses autres citations d'auteurs anciens sont citées à travers Plutarque.

Néopythagoriciens:Modératos le Pythagoricien . On peutrattacher à ce courant Apollonius de Tyane (2* A 284), dont une vingtaine de lettres sont citées. Néoplatoniciens : Porphyre : longs extraits de plusieurs traités perdus comme lepi

åvaruátwv, Sur le Styx , Sententiae, Hepi tõv tñs quxñs ouváuewv,Nepi toũ éd' nuīv, Περί του γνώθι σαυτόν. Jamblique : extraits du Protreptique, longues citations du De anima (traduites par A . J. Festugière, Révélation , t. III ) et de lettres “ thématiques" adressées à de nombreux destinataires

comme Agrippa (2 -A 51), Anatolius (» A 157), Arétè (2+ A 327), Dexippe ( D 88),Dysco lios (2-D 231), Eustathe (» E 161),Macédonius, Olympios, Sopatros. Signalons égalementune citation des Hymnes orphiques etde nombreux extraits des écrits

hermétiques. Parmi les textes (plus ou moins) philosophiques d 'auteurs moins connus qui ne sont

conservés que grâce à Stobée (et ne sontparfois pas répertoriés dans la RE),mentionnons: - Anonyme,lepi ovysploewçMoútov xai 'Apetñs,

- Aristonymos (HA 403), Tomaria (Aristonymos est associé à Socrate dansun passage), - Eusebios (- E 151), une soixantaine de fragments en dialecte ionien , - Favorinus (MF 10 ), nombreux extraits dont certains tirés d'un ouvrage Tepi mhpwc.

- Hermippe (= H 86), Euvaywy tõv xarőç ávaduvnDÉVTÁV ÉĘ 'Ouńpov, - Hiérax, NepidixALOOÚvns ( H 116 ), six extraits, - Hiéroclès le Stoïcien ( H 124), six diatribes,

- Hypsaios (» H 178),Hypotheka (Hypsaios est associé à Démonax et à Socrate dans un passage),

- luncus (» I49), Nepirowç, quatre extraits,

J2 JEAN STOBÉE - Nicolas (de Damas ), 'EAWV Ouvaywrn ,nombreux fragments, - Nicostratos (cf. RE 27 : sophiste du lje s. ap. J.-C . et non le platonicien RE 26 ), Mepi

1016

γάμου,

- Rhéginus, lepi piniac,

- (Aelios) Sérénos,'Anouvnuoveúuata, - Sotion, Mepi oprns, - Télès (iile siècle av. J.- C .), sept extraits cités à travers l'abrégé d'un certain Théodore (RE 34 ),

- Théodore, ‘ Ynèp ’EATLOnpoplavñs. D 'autres auteurs semblent être plutôt des rhéteurs : - Cornelianus,Kata Bepovíxns, - Crispinus ( C213),Karà Alovvolov, - Gaius, ' Yrèp deonorðv, Kard Movoalou Moixeias, 'Ynèp louxiang, Karà OV ,

Μενάνδρας, Υπέρ Παύλου παιδός ιδίου έν μανία ανηρημένου, – Iulius, £x tūv eis tòv ALÓvvoov xaimynatpida dexOévtov, - Obrimos (RE 2, un rhéteur selon Photius, p. 115 a 33],