Cours de physique générale Tome 3 Electricité

Table of contents :
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AVANT-PROPOS
INTRODUCTION
§ 1. Action à distance et interaction des champs
§ 2. Charge électrique et intensité du champ électrique
1. LE CHAMP ÉLECTRIQUE
§ 3. La loi de Coulomb et le principe de superposition des champs électrostatiques
§ 4. Dipôle électrique
§ 5. Flux d’un vecteur. Théorème électrostatique de Gauss
§ 6. Applications du théorème de Gauss
§ 7. Forme différentielle du théorème électrostatique de Gauss
§ 8. Complément mathématique. Formule de Gauss-Ostrogradsky
§ 9. Théorème de Earenshaw
§ 10. Champ électrique dans les substances
§11. Comportement des conducteurs dans un champ électrique
§ 12. Polarisation des diélectriques
§ 13. Application du théorème de Gauss aux diélectriques
§ 14. Conditions aux limites
§ 15. Polarisabilité et permittivité diélectrique
§ 16. Champ électrique d’une sphère uniformément polarisée
§ 17. Caractère potentiel du champ électrostatique
§ 18. Le potentiel électrique
§ 19. Calcul du potentiel connaissant l’intensité du champ électrique
§20. Mesure à l’électromètre des différences de potentiel. Sonde électrique
§ 21. Champ électrique de la Terre
§ 22. Problème mathématique général de Télectrostatique
§ 23. Méthode des images électriques
§ 24. Charge ponctuelle placée au-dessus de la surface plane d’un diélectrique
§ 25. Champ électrique d’un ellipsoïde conducteur chargé
§ 26. Capacité des conducteurs et des condensateurs
§ 27. Coefficients de potentiel et de capacité
§ 28. L’énergie électrique
§ 29. Localisation spatiale de l'énergie électrique
§ 30. Energie mutuelle des charges ponctuelles
§ 31. Thermodynamique des diélectriques
§ 32. L’énergie libre et les forces pondéromotrices
§ 33. Tensions et pressions maxwelliennes
§ 34. Procédé général de calcul des forces pondéromotrices
§ 35. Théorie électronique de la polarisation des diélectriques non polaires
§ 36. Théorie électronique de la polarisation des diélectriques gazeux polaires
§37. Piézoélectricité
§38. Pyroélectricité
§ 39. Ferroélectricité
2. LE COURANT ÉLECTRIQUE
§ 40. La densité de courant et la loi de la conservation des charges électriques
§41. La loi d’Ohm
§ 42. Démonstration des lois d’Ohm et de Joule-Lenz
§ 43. Forces non électriques. Pile de concentration
§ 44. Lois de Joule-Lenz sous forme intégrale
§ 45. Les lois de Kirchhoff
§ 46. Courants stationnaires dans les conducteurs massifs
§ 47. La cuve électrolytique
§ 48. Processus d’établissement du courant pendant la charge et la décharge d’un condensateur
3. LE CHAMP MAGNÉTIQUE
§ 49. Forces s'exerçant dans un champ magnétique sur les charges et les courants en mouvement
§ 50. Champ magnétique d'une charge animée d'un mouvement uniforme. Loi de Biot et Savart
§ 51. Application de la loi de Biot et Savart au calcul des champs magnétiques .Les systèmes d’unités de mesure
§52. Moment des forces s’exerçant dans un champ magnétique sur une spire parcourue par un courant
§ 53. Théorème de Gauss pour les champs magnétiques
§ 54. Compléments concernant les angles solides
§ 55. Théorème sur la circulation du champ magnétique dans le vide
§ 56. Forme différentielle du théorème sur la circulation
§ 57. Equivalence des champs magnétiques des courants, et d’un feuillet magnétique
§ 58. Champ magnétique dans les substances
§ 59. Théorème sur la circulation du vecteur champ magnétique dans les substances
§ 60. Conditions aux limites pour les vecteurs B et H
§61. Susceptibilité et perméabilité magnétiques
§62. Travail de déplacement dans un champ magnétique permanent d’une spire parcourue par un courant
§ 63. Procédé de Gauss pour la mesure des champs magnétiques
§ 64. L'induction électromagnétique
§ 65. La règle de Lenz
§ 66. Conception maxweliienne de l'induction électromagnétique
§ 67. Le fluxmètre et la bande de Rogowski
§ 68. Inductance des fils électriques. Effets accompagnant l'application et lac oupure d'un courant
§ 69. Energie magnétique des courants
§ 70. Localisation spatiale de l’énergie magnétique
§71. Théorème de la conservation du flux magnétique
§ 72. L’énergie et les forces
§ 73. Thermodynamique des substances magnétiques
§ 74. Le ferromagnétisme
§ 75. Propriétés magnétiques des atomes
§ 76. Le diamagnétisme
§ 77. Le paramagnétisme
§ 78. Les effets gyromagnétiques
§79. Théorie du ferromagnétisme
§ 80. Les supraconducteurs et leurs propriétés magnétiques
4. LES ÉQUATIONS DE MAXWELL
§81. Le courant de déplacement
§ 82. Le système d’équations de Maxwell
§ 83. Vitesse de propagation des perturbations élèctromagnétiques
§ 84. Energie et flux d’énergie
§ 85. Le système international d'unités de mesure (SI)
5. MOUVEMENT DES PARTICULES CHARGEES DANS LES CHAMPS ELECTROMAGNETIQUES
§ 86. Mouvement dans les champs continus et uniformes
§ 87. Dérive d’une particule chargée dans un champ magnétique non uniforme en présence d’un champ électrique faible
§ 88. L’invariant adiabatique
§ 89. Détermination de la charge spécifique d'une particule
§ 90. Mesure de la charge élémentaire par la méthode des gouttes d’huile
§ 91. La masse électromagnétique
6. LES ÉLECTROLYTES
§ 92. Eiectrolyse et dissociation électrolytique
§ 93. Exemples d’électrolyse
§ 94. Les lois d’électrolyse de Faraday et la charge élémentaire
§ 95. Vitesses des ions et conductibilité électrique des électrolytes
§ 96. Piles galvaniques et accumulateurs
7 ICOURANTS ÉLECTRIQUES DANS LES MÉTAUX, LES SEMICONDUCTEURS ET DANS LE VIDE
§ 97. Inertie des électrons dans les métaux
§ 98. L’effet Hall
§ 99. Application aux métaux de la statistique de Fermi-Dir
§ 100. Métaux et semiconducteurs
§ 101. L'émission thermolonique
§ 102. Les tubes électroniques et leurs applications
§ 103. Emission secondaire et auto-émission
8. LES EFFETS ÉLECTRIQUES AUX CONTACTS
§ 104. Différence de potentiel de contact
§ 105.- Le courant thermoélectrique
§ 106. L’effet Peltier
§ 107. Etude thermodynamique des effets thermoelectriques. Effet Thomson
§ 108. Redressement du courant par les contacts de semiconducteurs
9. COURANTS ÉLECTRIQUES DANS LES GAZ
§ 109. Ionisation et recombinaison
§ 110. Mesure des potentiels d’ionisation par la méthode du choc électronique
§ 111. Mesure des courants faibles
§ 112. Conductibilité extrinsèque des gaz
§ 113. Mesure des coefficients de recombinaison
§ 114. Méthodes de mesure de la mobilité des ions
§ 115. Théorie de Townsend
§ 116. Loi de Paschen
§ 117. Décharge lumineuse
§ 118. La décharge à étincelle
§ 119. La décharge en couronne
•§ 120. La décharge en arc
§ 121. Le plasma
10. OSCILLATIONS ET ONDES
§ 122. Equation du circuit oscillant
§ 123. Oscillations libres de l'oscillateur harmonique
§ 124. Oscillations amorties
§ 125. Le galvanomètre balistique
§ 126. Diagrammes vectoriels et notations complexes
§ 127. Oscillations forcées d’un oscillateur amorti soumis à l’action d’une force sinusoïdale
§ 128. Oscillations forcées excitées par une force non sinusoïdale. Théorème de Fourier
§ 129. La loi d’Ohm en courant alternatif (variant dans le temps suivant une loi sinusoïdale)
§ 130. Lois de Kirchhoff en courant alternatif
§ 131. Tensions et courants efficaces
§ 132. Processus d’établissement des oscillations
§ 133. Oscillations auto-excitées. Générateurs à tubes électroniques
§ 135. Excitation paramétrique des oscillations
§ 136. Théorie du transformateur
§ 137. Oscillations à deux degrés de liberté
§ 138. L’équation d’onde
§ 139. Ondes électromagnétiques planes
§ 140. Ondes stationnaires
§141. Champ de rayonnement du dipôle de Hertz
§ 142. Expériences de démonstration des ondes électromagnétiques
§ 143. Ondes dans les fils de Lecher
§ 144. Propriétés des courants rapidement variables. Effet de peau
§ 145. Pression et impulsion des ondes électromagnétiques
§ 146. Principes des transmissions radioélectriques
ANNEXES
PRINCIPALES FORMULES D’ELECTRODYNAMIQUEÉCRITES DANS LE SYSTÈME SI
VALEURS DE QUELQUES CONSTANTES PHYSIQUES
INDEX DES NOMS
INDEX DES MATIERES
TABLE DES MATIÈRES

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III

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COURS DE PHYSIQUE GÉNÉRALE T o m e II I

ÉLECTRICITÉ

EDITIONS MIR • MOSCOU

Traduit du russe par SERGUEl MEDVËDEV

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© Haa&TejiBCTBO tHayica». RiaBHan peaaioiHft $ h3HkoMaTeMaTinecKOu JiHTepaTypu, 1977 © Traduction Française Editions Mir, 1983

AVANT-PROPOS

L’étudefde l'électricité comporte trois groupes de questions. Le premier concerne les notions fondamentales et les principes géné­ raux qui sont à la base des phénomènes électriques et magnétiques; le deuxième concerne les propriétés électriques et magnétiques des substances, et enfin les questions du troisième groupe embrassent les applications de l’électricité. Dans ce cours ce sont surtout les questions du premier groupe qui seront traitées avec toute l’ampleur nécessaire. Nous adoptons pour cela la méthode d’induction ; les notions et les principes de base sont établis par généralisation des données expérimentales qui ne pré­ sentent elles-mêmes qu’un domaine de validité limité. Une succes­ sion continue de généralisations nous conduira petit à petit aux équations de Maxwell que nous utiliserons largement dans la deuxiè­ me partie de ce volume. Il est bien naturel que dans un cours de Physique générale on ne saurait traiter avec une ampleur égale les propriétés électriques et magnétiques des substances. D’ailleurs une étude approfondie de ces propriétés doit se fonder sur la mécanique quantique et par consé­ quent faire l’objet de cours spéciaux. Néanmoins nous nous sommes efforcés de traiter ces questions aussi largement qu’on peut le faire dans un cours destiné aux étudiants des premières années d’étude. Nous faisons largement appel à la thermodynamique, sans laquelle on ne peut donner un exposé clair et complet ni des questions parti­ culières, ni des concepts généraux de l’électrodynamique macrosco­ pique.

6

AVANT-PROPOS

Nous avons accordé aux applications de l’électricité beaucoup moins d’attention que ne le méritent ces questions. Quelques ques­ tions seulement ont été retenues et encore ne les traitons-nous que du point de vue des principes de calcul. Nous avons adopté dans notre cours le système gaussien d’unités de mesure. Nous avons évoqué dans la préface au tome I les raisons qui nous ont incité à rejeter le Système International. Nous reve­ nons encore une fois sur cette question au § 85 de ce tome. Nous ne pouvons cependant oublier qu’à l’école secondaire et dans les écoles d’ingénieurs l’enseignement de la physique se fonde sur le système SI. Ce même système est de plus en plus largement utilisé dans les publications périodiques, notamment celles traitant des applications techniques. Aussi avons-nous jugé utile d’exposer au § 85 les prin­ cipes d’établissement de ce système d’unités pour l’électrodynamique ainsi que ses rapports avec le système gaussien. Un tableau, fondé sur une règle générale, aidera à transformer les formules écrites dans un système d’unités en formules fondées sur l’autre système. En outre nous donnons en appendice la liste des principales for­ mules de l’électrodynamique écrites dans le système SI. Le lecteur retrouvera dans cet appendice sous le même numéro les formules figurant dans le cours en système gaussien. Au cas où une formule manquerait, la reconversion s’effectue aisément à l’aide du tableau 1 dont il a été question ci-dessus. Enfin, dans le tableau 2, sont consi­ gnées les formules de conversion des unités SI en unités gaussiennes. Tout comme les deux premiers, ce troisième tome est fondé sur les cours que nous avons faits depuis 1957 aux étudiants de deuxième année de l’Institut de Physique technique de Moscou. Aussi tout ce qui a été dit dans les préfaces aux premiers tomes sur les objectifs et la méthode d’enseignement de la physique s’applique à ce troi­ sième tome. Nombre de problèmes donnés dans ce tome avaient figurés aux examens écrits et dans les compositions. Les énoncés de ces problè­ mes ont été élaborés par les collaborateurs de la chaire de Physique générale. Les expériences de démonstration qui accompagnaient les cours ont été utiles non seulement aux étudiants, mais à nous-mêmes. Nous voulons remercier ici les assistants qui les ont élaborées et réalisées.

Je suis heureux de pouvoir exprimer toute ma gratitude au pro­ fesseur I. S. Gorbagne et aux collaborateurs de la chaire de Physique expérimentale de l’Université d’Etat de Kiev, ainsi qu’au profes­ seur S. S. Guerstein, qui ont bien voulu se donner la peine de se pencher sur le manuscrit de cet ouvrage. Leurs conseils et leurs remarques bienveillantes ont largement contribué à l’amélioration de notre cours d’Electricité. L'auteur

INTRODUCTION

§ 1. Action à distance et interaction des champs

1. L’expérience montre qu’entre les corps aimantés ou les corps portant des charges électriques, ainsi qu’entre les corps parcourus par des courants électriques s’exercent des forces que l’on appelle forces électrodynamiques ou électromagnétiques. Notons que la question de la nature de ces forces a donné lieu à des controverses scientifi­ ques. Le point de vue le plus ancien se fondait sur la conception de Y action directe à distance des corps en présence, sans aucun agent matériel intermédiaire. D’après l’autre conception admise à l ’heure actuelle, les interactions font intervenir un milieu intermédiaire matériel appelé champ électromagnétique. 2. En théorie des phénomènes électriques et magnétiques le concept de l’action à distance a prévalu jusqu’aux dernières décen­ nies du XIX e siècle. L’idée maîtresse de cette théorie avait été empruntée à la théorie de la gravitation universelle. Les succès éclatants de la mécanique céleste fondée sur la loi de la gravitation universelle de Newton (1642-1727) et la faillite de toutes les autres interprétations de la gravitation, conduisirent de nombreux savants à admettre que ni la gravitation ni les forces électriques et magné­ tiques ne nécessitaient aucune explication, étant des propriétés inhérentes à la matière. De l ’avis de ces savants, la théorie de l’élec­ tricité ne pouvait avoir d’autre objet que d’établir les lois élémentai­ res des forces électriques et magnétiques et d’expliquer tous les phé­ nomènes électriques et magnétiques en termes de ces lois. On enten­ dait par lois élémentaires les lois permettant de calculer les forces d’interaction à distance s’exerçant entre des charges ponc­ tuelles électriques, des pôles magnétiques ponctuels et entre des éléments de courant, i.e. entre des segments infiniment courts de fils infiniment fins parcourus par des courants électriques. De par leur contenu et leur forme ces lois rappelaient et parfois reproduisaient la loi de la gravitation universelle de Newton. Telles sont, par exemple, les lois de Coulomb (1736-1806) sur l ’interaction des charges électriques et des pôles magnétiques. L’appareil mathématique de la théorie de l ’action à distance a été porté à un niveau élevé grâce aux travaux de Laplace (1749-

ACTION A DISTANCE ET INTERACTION DES CHAMPS

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1827), (TAmpère (1775-1836), de Poisson (1781-1840), de Gauss (1777-1855), d’Ostrogradski (1801-1861), de Green (1793-1841), de Franz Neumann (1798-1895), de Cari Neumann (1832-1925), de Wilhelm Weber (1804-1891), de Kirchhoff (1824-1887) et de nombreux autres mathématiciens et physiciens. Cette théorie for­ mellement simple qui reposait sur des bases mathématiques claires était mathématiquement rigoureuse et concrète. Elle ne faisait intervenir aucune hypothèse douteuse sur la nature physique des forces électriques et magnétiques et se fondait sur des faits empiri­ ques indubitables et sur leurs généralisations. Les conséquences quantitatives de la théorie étaient solidement justifiées et dignes de foi (bien entendu dans les limites où les lois élémentaires étaient confirmées par l’expérience). Il n’est donc pas étonnant que la majorité des physiciens restèrent fidèles à cette théorie jusqu’au dernier quart du XIXe siècle. Néanmoins un accord quantitatif entre théorie et expérience dans le domaine des phénomènes étudiés ne peut constituer une preuve suffisante de la justesse du concept de l’action à distance. 3. Parmi les rares physiciens du XIXe siècle qui réfutaient la théorie de l’action à distance, on doit citer en premier lieu le grand physicien Faraday (1791-1867), fondateur de la théorie physique du champ électromagnétique. Ce physicien ne pouvait être captivé par les conceptions formelles des mathématiciens. Son esprit libre ne pouvait subir le joug des conceptions admises et ne pouvait admettre l’idée qu’un corps pourrait exercer son action en un endroit où non seulement il ne se trouve pas, mais s’en trouve séparé par un espace absolument vide. Faraday affirmait qu’un corps ne pouvait agir sur un autre corps que par contact direct ou par l’intervention d’un certain milieu. Dans le cas d’interactions électromagnétiques, le rôle de milieu intermédiaire était attribué à l’éther universel, milieu hypothétique remplissant tout l’espace compris entre les corps et les ultimes particules composant les corps. Selon Faraday, chaque fois qu’un corps était électrisé ou aimanté, l’éther environnant devait subir des altérations rappelant les déformations élastiques et les tensions et les pressions qui y sont liées. C’est en termes de telles tensions et pressions que Faraday cherchait à expliquer les interactions électromagnétiques des corps. Tandis que dans la théorie de Faction à distance c’était l’étude des charges et des courants en tant que centres des forces qui importait, dans la théorie de Faraday c’était l ’étude du milieu ambiant qui devait prédominer. Cet espace où s’exercent les forces à l’étude s’appelle le champ électromagné­ tique. C’est Heinrich Hertz (1857-1894) qui donna une brillante appré-* dation des conceptions de Faraday. Dans un discours prononcé à Heidelberg en 1889, il dit notamment :

10

INTRODUCTION

« On disait à Faraday que lorsqu'on électrisait un corps, on y introduisait quelque chose, mais il voyait bien que les changements qui en résultaient ne se manifestaient qu'en dehors du corps et non en son intérieur. On enseignait à Faraday que les forces ne faisaient qu'un saut à travers l'espace, mais il voyait bien que ces forces exerçaient une grande influence sur la substance remplissant l'espace qui était soi-disant franchi d'un saut. Faraday lisait dans des publica­ tions que l'électricité existait sûrement, mais que les forces électriques étaient sujettes à controverse. Or il voyait que l'action de ces forces était on ne peut plus tangible, mais il n’arrivait pas à déceler l ’électricité. Et c'est alors qu une révolution se fit dans son esprit. Les forces électriques et magnétiques devinrent pour lui des faits réels, tangibles, tandis que l'électricité et le magnétisme de­ vinrent des choses dont l'existence était discutable. Il imaginait, voyait pres­ que dans l'espace les lignes de force oui symbolisaient pour lui les forces au'il pensait comme des tensions, des tourbillons, des courants et toute autre chose encore indéfinie ; mais elles étaient là, ces lignes de force, agissant les unes sur les autres, déplaçant et poussant les corps dans tous les sens, se propageant dans l'espace et communiquant l'excitation d'un point à un autre >.

4. Appliquant ces conceptions à des cas concrets, Faraday se contentait en général de descriptions qualitatives des phénomènes qu'il étudiait. Comme il n'usait jamais de formules mathématiques exactes, les développements et les démonstrations de Faraday étaient parfois réfutés par ses contemporains. Mais parmi les partisans des idées de Faraday se trouvait Maxwell (1831-1879), savant génial qui connaissait à fond les méthodes mathématiques de son temps. C’est Maxwell qui mit les conceptions de Faraday en équations. Il généralisa les données expérimentales existantes et en ajouta d'autres. En procédant ainsi il réussit, au début des années soixante du X IX e siècle, à établir un système d'équations résumant sous forme compacte et exacte toutes les lois quantitatives du champ électromagnétique. On serait tenté de dire que c'est l'établissement de ces équations qui constitua la plus importante découverte de la Physique au X IX e siècle. 5. Tout d'abord la théorie de Maxwell ne trouva pas grande audience. La principale cause de cette situation résidait en ce que jusqu’à la fin du XIX e siècle l 'électrodynamique ne s'occupait que de champs électriques et magnétiques continus ou presque continus. Or dans le cas de tels champs les équations de Maxwell se ramènent aux équations de l'action à distance et les deux théories conduisent aux mêmes conclusions. Avec des champs électromagnétiques con­ tinus aucune expérience ne permet de décider laquelle des deux conceptions sur la nature des forces d’interaction est correcte et laquelle est sûrement fausse. Il faut pour cela étudier les champs alternatifs. Maxwell montra que ses équations impliquent l'existence d'ondes électromagnétiques et il en calcula leur vitesse de propagation. Ce calcul montra que dans le vide la vitesse de propagation de ces ondes coïncidait avec celle de la lumière (300 000 km/s). Un très grand nombre de phénomènes sont ressentis comme si cette vitesse de propagation était infinie, autrement dit comme si la théorie de l'action à distance était vraie. Des ondes électromagnétiques

*1]

ACTION A DISTANCE ET INTERACTION DES CHAMPS

11

furent produites et étudiées pour la première fois par Hertz en 18871888. On constata que leurs propriétés étaient en tout point confor­ mes aux prévisions de la théorie de Maxwell. Pour la théorie de l’action à distance l’existence des ondes électromagnétiques était inexplicable. Aussitôt après publication des résultats de Hertz la question de la nature des interactions électrodynamiques fut tranchée une fois pour toutes et c’est la théorie du champ qui en sortait vic­ torieuse. Un rôle fort important dans le développement de la théo­ rie de Maxwell revient à l’invention de la radio par A. S. Popov (1859-1906) ; cette nouvelle technique des télécommunications devait plus tard transformer la science, les techniques et la vie de l’homme. 6. Les physiciens du XIXe siècle étaient persuadés que les phé­ nomènes électriques et magnétiques ne sauraient être expliqués que lorsqu’on sera en mesure de les ramener à des causes mécaniques, par exemple à des tensions élastiques, à des pressions ou à d’autres changements mécaniques du milieu ambiant. Dans la théorie de Faraday-Maxwell ce rôle mécanique était attribué à Yéther universel et on déploya beaucoup d’ingéniosité pour bâtir une théorie méca­ nique des phénomènes électriques et magnétiques. Maxwell luimême était à l’origine de ces travaux, puisque dans ses premières recherches sur la théorie de l’électricité il utilisait des modèles mécaniques du champ électromagnétique. Or pour représenter les différentes propriétés du champ électromagnétique, il fallait recourir à des modèles différents qui se contredisaient mutuellement. Pour la théorie de Maxwell ces modèles mécaniques jouaient le même rôle que jouent les échafaudages dans le bâtiment ; une fois que celuici est achevé, on enlève les échafaudages. De même dans la dernière variante de la théorie de Maxwell, exposée dans son « Traité d’élec­ tricité et de magnétisme » publié en 1873, les modèles mécaniques ne figurent plus. Tous les efforts déployés pour construire une théorie mécanique non contradictoire des phénomènes électriques et magné­ tiques ont été vains, si ce n’est d’avoir démontré qu’il était par principe impossible d’élaborer une représentation mécanique de l’Univers. La théorie atomique et moléculaire démontra que les forces élastiques résultaient elles-mêmes d’interactions électriques entre des particules constituant les corps et portant des charges électriques. Après que l’élasticité fut ramenée à l’électricité, il devint évident qu’il était absurde de vouloir ramener les forces électriques aux forces élastiques. Les forces électriques apparaissaient comme plus = (En) dS = g d S /r\ et le flux à travers toute la surface est O == qS!r2. Comme la sur­ face S de la sphère vaut 4jir2, on a O = 4jtg. (5.3)

LE CHAMP ÉLECTRIQUE

30

[CH. I

Nous allons montrer maintenant que la formule (5.3) ne dépend pas de la forme de la surface S entourant la charge q. Soit un élément de sur­ face dS quelconque et soit n sa normale positive (fig. 14). Le flux du vecteur E à travers cet élément de surface est dO = (En) dS = E dS cos a = E d S r, où dS r est la projection de l’élément dS sur un plan orthogonal au rayon r. A l’aide de (5.2) nous obte­ nons dO = q dSr!r\ Or la quantité d S ^ n est l’angle solide dQ sous lequel on voit la surface dSr (et donc la surface dS) du point où se trouve la charge q. Convenons de con­ sidérer l’angle solide dQ comme posi­ tif si la surface dS est tournée vers q par sa face intérieure et comme néga­ tif dans le cas contraire. On a alors dO = q dQ. Fig. 14

Le flux O à travers une surface finie arbtiraire S (dans le cas général à tra­ vers une surface non fermée) s’obtient en intégrant l’expression ci-dessus par rapport à dQ. Comme la charge q ne peut dépendre de la position de l’élément de surface dS, on a (l> = q j dQ, soit O = ?Q,

(5.4)

où Q est l'angle solide issu de q et embrassant la surface S. Si la surface S est fermée on doit distinguer deux cas différents. P r e m i e r c a s . La charge q se trouve à l’intérieur du volume délimité par la surface S (fig. 15, a). L’angle solide Q embrasse alors toutes les directions spatiales et vaut 4ji. Par suite la formule (5.4) se trouve ramenée a la formule (5.3) même si une droite issue de q coupe plusieurs fois la surface *S, trois fois par exemple (fig. 15,6). Les valeurs absolues des angles solides limités par les éléments de surface dSly dS2, d £ 3 sont égales. Mais comme la surface dS3 est tournée vers q par sa face intérieure et la surface dS2 par sa face extérieure, la somme des angles solides correspondants est nulle. Il ne subsiste ainsi que l’angle solide dQ limité par la surface dSt. Il en sera toujours ainsi lorsque le nombre d'intersections est impair, ce qui se produit toujours lorsque la surface 5 entoure de tous côtés la charge q. Un nombre impair d’intersections se réduit ainsi à une seule intersection.

§ 5]

THÉORÈME ÉLECTROSTATIQUE DE GAUSS

3t

D e u x i è m e c a s. La charge q se trouve en dehors du volume délimité par la surface 5 (fig. 16). Dans ce cas une droite issue de la charge q ou bien ne coupe pas la surface fermée S, ou bien la coupe

Fig. 15 un nombre pair de fois. Par suite aussi bien l’angle solide total Q que le flux total sont nuis. Le cas où la charge ponctuelle q se trouve sur la surface S ellemême n’a pas de sens physique puisque la notion de charge ponctuelle est une idéalisation qui n’est valable que dans le cas où les dimensions linéai­ res du corps chargé sont -petites par rap­ port aux distances où on mesure le champ créé par ce corps. Si on dit que la charge se trouve sur la surface, les points de cette surface se trouvant au voisinage de la charge ne satisfont pas a la con­ dition que nous venons d’énoncer. Supposons maintenant que le champ E résulte de la superposition des champs Ex, E 2, .. . créés par les charges ponctuel­ les 7,, . . . D’après le théorème que nous avons démontré plus haut, le flux du vecteur E est égal a la somme des flux des vecteurs E x, E.2, . . . Si la charge qt est entourée d'une surface fermée 5, son flux à travers celle-ci sera égal à 4ngf. Si la charge qt se trouve en dehors du volume délimité par la surface S, son flux est nul. On arrive ainsi à la relation fondamentale O = ^ (E dS) — 4ji7,

(5.5)

qui exprime le théorème électrostatique de Gauss. Dans cette formule q représente la somme algébrique de toutes les charges embrassées

32

LE CHAMP ELECTRIQUE

[CH. I

par la surface fermée S. Les charges se trouvant en dehors de la région délimitée par S ne contribuent pas au flux résultant. Nous avons établi cette formule en supposant que toutes les charges étaient ponctuelles ; mais il est facile de lever cette restriction puisque toute charge réelle peut être décomposée en pensée en parties suffisamment petites pour pouvoir être assimilées à des charges ponctuelles. 3. Prenons un contour fermé L et faisons passer par chacun de ses points une ligne de force électrique (fig. 17). Toutes ces lignes de force forment une surface tubulaire appelée tube de force. Considé­ rons une section transversale d’un tube de force par la surface S.

Fig. 17

Orientons la normale positive à S dans le sens des lignes de force. Soit O le flux du vecteur E à travers la section S. Nous affirmons que s’il n’y a aucune charge électrique à l’intérieur du tube, le flux O sera le même sur toute la longueur du tube. Pour le démontrer considérons une autre section S ' du même tube et appliquons le théo­ rème de Gauss à la surface fermée constituée par les sections S et S ' et la surface latérale du tube de force. Le flux à travers la surface latérale est nul puisque le vecteur E est partout orthogonal à cette surface. Le flux à travers S est numériquement égal à CD mais de signe opposé puisque la normale extérieure à la surface fermée considérée est orientée en sens inverse par rapport à n. Le flux à tra­ vers la base S ' est égal à +cD\ Le flux total à travers la surface fermée est égal à cD' — O. En vertu du théorème de Gauss le flux total doit être nul puisqu’à l’intérieur du tube de force il n’y a aucune charge électrique. Par conséquent CD' = cD. Dans le cas particulier où le tube est infiniment mince et où les sections S et S ' sont nor­ males, on aura ES = E'S'. Il y a donc analogie complète avec l’écoulement d’un fluide incom­ pressible. Là où le tube se rétrécit, le champ E doit être plus intense, et là où le tube s’évase, le champ E doit être plus faible. De ce fait la densité des lignes de force caractérise l’intensité du champ élec­ trique (cf. § 3, pt. 4). 4. Le théorème de Gauss est un corollaire de la loi de Coulomb dont la forme est semblable à celle de la loi de gravitation univer­ selle de Newton. Dans les deux cas la force d’interaction varie en

APPLICATIONS DU THÉORÈME DE GAUSS

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raison inverse du carré de la distance. Par conséquent, le théorème de Gauss doit également être vérifié pour les champs gravitationnels. Dans ce cas le rôle de la charge est assumé par la masse grave (mul­ tipliée par la constante gravitationnelle). La seule différence est que les charges électriques peuvent être positives et négatives, tandis que la masse gravitationnelle est toujours positive. § 6. Applications du théorème de Gauss

Le théorème de Gauss ne saurait suffire au calcul des champs électriques créés par un système arbitraire de charges électriques, ne serait-ce que du fait que ce théorème s’exprime par une relation scalaire. Or une seule équation scalaire ne peut suffir au calcul de trois incon­ nues — les composantes E x, E in E z du vecteur E , à moins que la symé­ trie du problème ne permette de le résoudre à l’aide de cette équation sca­ laire. Dans ce dernier cas le théorème de Gauss permet de calculer le vecteur E (mais pas toujours). Donnons-en quel­ ques exemples. 1. Champ électrostatique d'un plan infini portant des charges uniformé­ ment réparties. La densité superficielle d’électricité a sur le plnn chargé étant par hypothèse constante et le système étant symétrique, le vecteur E doit être normal au plan chargé. Si celuici porte des charges positives, le vecteur E est orienté hors du plan et s’il porte des charges négatives, le vecteur E pointe vers le plan. Par raison de symétrie la longueur du vecteur E ne peut dépendre que de la distance jusqu’au plan chargé, que ce soit d’un côté ou de l'autre de ce plan. Construisons un cylindre dont les bases sont symétriques par rapport au plan chargé et dont les génératrices lui sont orthogonales (fig. 18). En notant S l’aire de chacune des bases du cylindre, le flux du vecteur E à travers une des bases est égal à ES et à travers les deux bases à 2ES. Le flux à travers la surface latérale du cylindre est nul puisque les vecteurs E et n y sont rec­ tangulaires. Le flux à travers la surface totale du cylindre est par suite égal à O = 2ES. D’après le théorème de Gauss ce même flux peut être représenté par G> = 4jiq = 4jtaS. En comparant ces deuxexpressions on obtient E = 2jigf. (6.1) Nous avons déjà obtenu ce résultat, en appliquant directement la loi de Coulomb (cf. problèmfe û° 2 au § 3). 3-0469

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L'intensité du champ électrique créé par un plan chargé infini ne dépend donc pas de la distance à ce plan. Un plan chargé peut être considéré comme infini si la distance à ce plan est négligeable par rapport à ses dimensions. Ce n’est qu’alors que la valeur de E est indépendante de la distance au plan chargé. Aux plus grandes distances la formule (6.1) n’est plus vérifiée et l’intensité du champ décroît avec la distance. Dans le cas où la distance au plan est comparable à ses dimensions, la variation spa­ tiale du module et de la direction de l’intensité du champ présente une allure très compliquée. Aux distances de beaucoup supérieures aux dimen­ sions du plan celui-ci se comporte comme une charge ponctuelle et le champ varie en raison inverse du carré de la distance. Notons encore que des deux cô­ tés du plan les vecteurs E sont égaux en module mais de sens opposés. De ce fait à chaque traversée d’un plan chargé l ’intensité du champ électrique varie par saut de 4jio. 2. Champ créé par une plaque infinie uniformément chargée à faces parallèles. Notons 2a l ’épaisseur de la plaque et p la densité d’électricité spatiale à l ’intérieur de la plaque. Par hypothèse p est constante. Plaçons l’origine des coordonnées O dans le plan mé­ dian de la plaque et dirigeons l’axe X perpendiculairement à ce plan (fig. 19). En raisonnant comme ci-dessus, nous trouverons Anpx à l ’intérieur de la plaque, ( 6 . 2) 4jipa en dehors de la plaque.

{

Diminuons indéfiniment l’épaisseur de la plaque en augmentant simultanément la densité d’électricité p afin que le produit pa reste constant. A la limite on aboutit à un plan infini uniformément chargé ayant une densité d’électricité surfacique égale à a = pa, de sorte que la formule (6.2) se ramène à la formule (6.1). ~ 3. Champ créé par une sphère portant des charges spatiales et super­ ficielles uniformes. Par raison de symétrie sphérique le vecteur E doit être parallèle ou antiparallèle au rayon vecteur r mené du centre de la sphère au point d’observation ; son module E ne peut dépendre que de la distance r. Traçons une sphère concentrique S de rayon r (fig. 20, a). Le flux 4n r E du vecteur E à travers cette sphère est égal à 4jiq (théorème de Gauss), de sorte que l’intensité du champ en dehors de la sphère chargée sera égale à E - g/r2, (6.3)

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que la charge de la sphère soit répartie en volume ou en surfaceAinsi une sphère portant une charge électrique uniforme crée dans Ves­ pace environnant un champ dont V intensité est la même que si toute la charge était concentrée au centre de la sphère. Ce résultat reste valable chaque fois que dans un corps sphérique la répartition des charges en volume présente une symétrie sphérique. Il s’applique naturelle­ ment au champ de gravitation. Lorsque le rayon de la sphère est négligeable par rapport à la distance r, on retrouve le champ électrostatique d’une charge ponc­ tuelle. On ne peut cependant en inférer que la loi de Coulomb est

Fig. 20

un corollaire de la loi de Gauss puisque cette loi n ’en découle qu’en admettant que le champ d’une charge ponctuelle fixe est radial et présente une symétrie sphérique. On calcule exactement de la même façon le champ à l’intérieur d’une sphère chargée (fig. 20, b). Il est donné par la formule E = q'/r*

(6.4)

où q est la charge comprise dans une sphère de rayon r. Si la répartition de la charge en volume est uniforme, on a q = q (r/a)3 et E = qr/az = (4ji/3) pr.

(6.5)

Dans le cas où la charge est uniformément répartie sur la surface de la sphère on a q' = 0 et par suite E = 0. Ainsi le champ électrique est nul à Vintérieur d'une cavité sphérique portant sur sa surface une charge uniforme. Ce résultat reste valable lorsqu’il n’y a aucune charge à l ’intérieur d’une cavité sphérique, la répartition des charges exté­ rieures présentant une symétrie sphérique. 4. Confirmons ce dernier résultat à l’aide de la loi de Coulomb. Supposons que la surface d’une sphère porte une charge électrique uniforme. Menons par un point A de la cavité que délimite l'enve­ loppe sphérique un faisceau de rayons découpant sur la surface de 3*

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la sphère des éléments de surface infiniment petits sx et s2 (fi?- 21). Les projections s[ et de ces éléments de surface sur le plan perpen­ diculaire à Taxe du faisceau sont proportionnelles aux carrés des distances r1 et r2. Cette affirmation s'applique aussi aux surfaces s1 et s2 et aux charges q1 et q2 qu'elles portent. En effet si on mène par l'axe du faisceau un plan contenant le centre O de la sphère (c’est le plan de la figure) les angles a x et a 2 seront égaux et s' = = sx sin a ly s ' = s2 sin a 2. Il en découle la proposition ci-dessus ainsi que l'égalité qx!r\ = q2lr\. On en conclut que les champs cou­ lombiens créés au point A par les char­ ges qx et q2 sont égaux en module et de sens opposés. Ce résultat concerne toutes les paires de charges qx et q2 résultant d'une subdivision en pensée de la charge superficielle de la sphère. De ce fait le champ électrique total doit s’annuler en tout point de la cavité sphérique. Nous voyons ainsi que le théorè­ me affirmant qu'il n’y a pas de champ électrique à l’intérieur d’une cavité sphérique dont la surface porte une charge électrique uniforme résulte directement de la loi de Coulomb. Si le champ variait non pas en raison inverse du carré de la distance mais selon une loi différente, ce théorème aurait été en défaut. Priestley (1733-1804) remarqua à ce propos que la vérification expérimentale de ce théorème apporte une confirmation de la validité de la loi de Coulomb. Une telle vérification indirecte de la loi de Coulomb peut être réalisée avec une précision beaucoup plus grande que celle que l’on peut atteindre dans la mesure directe des forces d’interaction de charges ponctuelles. Cette expérience fut réalisée pour la première fois en 1774 par Cavendish et répétée avec une plus grande précision par Maxwell en 1879. Cavendish et Maxwell présentèrent leurs résultats expérimentaux sous la forme suivante. En admettant que la force d’interaction des charges ponc­ tuelles satisfait à une loi telle que F ~ l/r n, n ne peut différer de la valeur 2 que de 1/50 selon les mesures de Cavendish et de 1/20 000 d’après celles de Maxwell. L’expérience fut reprise en 1936 avec des moyens expérimentaux modernes par Plimpton et Lawton qui trou­ vèrent que la différence entre 2 et n ne peut être supérieure à 10“9. Il est évident que la loi F ~ 1lrn peut être en défaut et le problème consiste alors à déterminer à partir de quelles valeurs de la distance r la loi de Coulomb cesse d’être valable, ainsi qu’à trouver la loi 'exacte qui se substitue à ces distances à la loi de Coulomb. Actuelle­ ment la loi de Coulomb est vérifiée pour des distances de l’ordre

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d’un centimètre ou de plusieurs dizaines de centimètres avec une précision relative de 10”fl environ. On peut se demander si pour arriver à une telle précision des mesures il ne serait pas indispensable que le rayon de la sphère étu­ diée soit maintenu en tous les points avec la même précision relative (10"9). Pour une sphère de rayon de 10 cm, cela exigerait qu’elle soit travaillée à 10“8 cm près, donc à un atome près. On pourrait penser également que la répartition superficielle des charges devrait être constante à 10“® près, ce qui impliquerait que la sphère devrait être soustraite à toute action électrique de la part des corps environ­ nants. Il est clair qu’aucune de ces conditions ne saurait être remplie. Heureusement qu’il ne faut pas s’en soucier car ni la forme de la cavité ni celle de la surface extérieure ne jouent aucun rôle. Nous montrerons aux §§11 et 22 qu’à l’intérieur de toute cavité entourée d’une enveloppe conductrice de forme arbitraire le champ est rigou­ reusement nul, à moins que la cavité ne contienne des charges élec­ triques. Il n’en serait pas ainsi si la loi de Coulomb était en défaut. Il existe deux gammes de distances pour lesquelles on peut s’at­ tendre à priori à des écarts par rapport à la loi de Coulomb. C’est d’abord la gamme des très courtes distances, inférieures à 10~14 cm, où on ne saurait affirmer que la théorie électromagnétique reste valable. Deuxièmement, c’est la gamme des grandes distances supé­ rieures aux distances géographiques. Dans cette gamme nous ne disposons pas de confirmations expérimentales directes de la loi de Coulomb. On remarquera cependant que si la loi de Coulomb était en défaut aux grandes distances, selon l’électrodynamique quantique la masse au repos du quantum de lumière (le photon) ne serait pas nulle. Or cela impliquerait que la vitesse des ondes élec­ tromagnétiques dans le vide devrait dépendre de la longueur d’onde. Comme on n’a pas réussi à déceler une telle dépendance, on peut en conclure que la loi de Coulomb doit être vérifiée à ~ 1 0 “6 près pour des distances d’au moins égales à plusieurs kilomètres. 5. Champ d'une droite infinie et d'un cylindre droit de longueur infinie. Le champ créé par une répartition uniforme de charges élec­ triques le long d’une droite infinie est radial et son sens dépend du signe des charges électriques. L’intensité E du champ à une distance r de la ligne est donnée par la formule E = 2v.tr,

(6.6)

où x est la densité linéique des charges, i.e. la charge par unité dé longueur. La même formule donne l'intensité du champ créé par un cylindre circulaire de longueur infinie à répartition uniforme des charges à son intérieur et à sa surface, en dehors du cylindre. Si le cylindre est creux et que les charges soient uniformément réparties sur sa surface, le champ intérieur est nul. Si la répartition spatiale

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des charges dans un cylindre massif est uniforme, le champ qu'il crée est donné par la formule E = 2jipr.

(6.7)

6. Considérons une surface quelconque S portant des charges électriques (fig. 22). Notons par l'indice 1 la région de l’espace se trouvant d’un côté de cette surface et par l’indice 2 la région de l’es­ pace se trouvant de l’autre côté de cette même surface. La densité superficielle électrique a sur la surface S peut être quelconque.

Construisons un cylindre infiniment petit dont les bases se trouvent de part et d’autre de la surface S et dont la hauteur est infiniment petite par rapport aux dimensions linéaires de ses bases. En notant AS l ’aire d’une base on trouve à l’intérieur du cylindre une charge q — a A S. La somme des flux du vecteur E à travers les bases du cylindre est égale à (E n + E„ ) A S , le flux à travers sa surface latérale est supposé négligeable. En égalant cette somme à la quan­ tité AicoAS on obtient Enx+ Ent = 4j k t , ( 6 . 8) où nx désigne la normale extérieure à la surface S pointant dans la région 1 de l’espace et n 2 la normale extérieure pointant dans la région 2 de l’espace. Si nous menons à la surface S une normale commune n y la formule (6.8) prend une forme différente. Si nous orientons la normale n dans le sens allant de la région 1 vers la ré­ gion 2, nous aurons E tn — Eln = Ana. (6.9) Ainsi lorsqu'on traverse une surface chargée, la composante nor-, male du vecteur E subit une discontinuité égale à Ana. Il est instructif de considérer l’origine de cette discontinuité en se plaçant à un autre point de vue. En tout point de l’espace le champ électrique total se compose du champ intérieur E int, créé par les charges de la surface AS, et du champ extérieur E txi créé par toutes les autres charges. Lors de la traversée de la surface AS le champ extérieur varie de façon continue. Quant à la surface char­ gée AS, elle se comporte comme un plan chargé infini pour tous les points qui en sont infiniment proches. Le champ E lnt créé par AS

§ 6]

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est orthogonal à AS et vaut 2ji