Conception raisonnée des aliments: Une approche multidisciplinaire de la formulation 9782759810352

Ce 16e volume des Cahiers de Formulation rassemble douze des interventions effectuées lors des 14es Journées de Formulat

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Conception raisonnée des aliments: Une approche multidisciplinaire de la formulation
 9782759810352

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CONCEPTION RAISONNEE DES ALIMENTS : UNE APPROCHE MULTIDISCIPLINAIRE DE LA FORMULATION

• formulation agroalimentaire • études produit/procédé •

Coordonnateurs : Camille MICHON et Jean Paul CANSELIER

17, avenue du Hoggar Parc d'Activités de Courtabeuf, BP 112 91944 Les Ulis Cedex A, France

ISBN : 978-2-7598-0756-7 Tous droits de traduction, d'adaptation et de reproduction par tous procédés, réservés pour tous pays. La loi du 11 mars 1957 n'autorisant, aux termes des alinéas 2 et 3 de l'article 41, d'une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l'usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective », et d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration, « toute représentation intégrale, ou partielle, faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (alinéa 1er de l'article 40). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles 425 et suivants du code pénal.

© EDP Sciences 2013

Sommaire Préface Camille MICHON……………………………………………………………………………..3 Formalisms and new dishes Hervé THIS, Jean-Michaël VAUVRE, Magali DULAUROY…………….……………….5 I : Quelles approches disciplinaires pour la formulation des aliments ? Déterminants économiques des caractéristiques nutritionnelles des aliments Louis George SOLER …………………………………………………..…………………22 Elaboration de l’aliment : approches nutritionnelle et toxicologique Gérard PASCAL…………………………………………………………………………….30 L’aliment emballé : aspects techniques, fonctionnels, organisationnels et environnementaux Laurent LE BRETON……………………………………………………………….……...40 Transferts de concepts industriels aux technologies domestiques Gilles TRYSTRAM………………………………………………………………………….51 Impact des procédés et de la formulation sur le devenir de l’aliment dans le tube digestif : vers la formulation d’aliments « intelligents » Isabelle SOUCHON, Clément de LOUBENS, Didier DUPONT………………………64 Comment prendre en compte la diversité humaine en formulation ? Jean-Marc SIEFFERMANN……………………………………………………………….80 Formuler sous contraintes à l’aide d’une cartographie des préférences Gaëlle CHANLOT..………...…………………………….…………………………………91 II : Les études intégrées produit/procédé : importance des approches multiéchelles Du nano au macro : quelles structures pour quelles fonctionnalités ? Monique AXELOS………………………………………………………….……………..102 Formulation engineering: experience from a cross-discipline Research Centre Peter FRYER, Richard GREENWOOD, Serafim BAKALIS……………………….....113

Développement de méthodes analytiques adaptées à la complexité des produits Douglas N. RUTLEDGE…………………………………………………………….……123 Pilotage de la texture du surimi par le procédé : fonctionnalisation de la mêlée par le mélange Fabrice DUCEPT, Thibault DE BROUCKER, Jean-Marie SOULIER, Gérard CUVELIER, Gilles TRYSTRAM……………………………………………………… …139 Index des sujets………………………………………………………………………… ..155 Les Cahiers de Formulation : sommaires des volumes précédents…………….......159

Préface Le but des 14es Journées de Formulation de la Société Chimique de France, organisées les 3 et 4 Décembre 2009 à Paris sur le thème « Conception raisonnée des aliments : une approche multidisciplinaire de la formulation », était de rassembler les chercheurs, industriels et étudiants intéressés par la Formulation. A travers des conférences, des ateliers et des posters scientifiques, ces Journées ont présenté les avancées et spécificités de la conception raisonnée des produits dans le domaine alimentaire. Les interventions ont été organisées autour de trois grands thèmes. Sur le premier, intitulé « Quelles approches disciplinaires pour la formulation des aliments ? », cinq conférenciers se sont appliqués à démontrer que formuler des aliments implique nécessairement de prendre en compte plusieurs approches disciplinaires. Les démarches ainsi défendues ont surpris les habitués des Journées de Formulation par leur ouverture extrêmement large mais les ont passionnés aussi. Le deuxième thème a abordé la question de la prise en compte de la diversité humaine, de la conception à la consommation des produits. De ce point de vue, le domaine de la science des aliments mais également celui des cosmétiques sont précurseurs. Enfin, l’importance des approches multi-échelles pour les études intégrées produit/procédé a été illustrée de façon argumentée et concrète, en s’appuyant sur les résultats d’études menées par les laboratoires de recherche en lien fort avec les industriels du secteur. Une conférence plénière a complété ce panorama des approches avec une touche « gastronomie moléculaire » et ses forces pour la conception et la formulation des mets. Dans un objectif résolument pédagogique, les ateliers à thème ont permis d’offrir aux participants une gamme complémentaire d’illustrations très concrètes et diversifiées d’outils ou de démarches de formulation raisonnée dans le domaine de l’alimentaire.

Ces journées ont réuni 170 personnes dont 90 étudiants, 45 universitaires et 35 industriels. Elles ont été l’occasion de nombreuses et riches discussions à la fin de chaque conférence, au pied des posters, pendant les ateliers ou tout simplement aux pauses café et déjeuner. Deux entreprises ont pu présenter leurs gammes d’appareils pendant ces deux jours : Anton Paar et Formulaction. Le bilan à chaud avec les participants mais également leur retour a posteriori indiquent que chacun a été extrêmement intéressé par les sujets abordés. Je tiens tout particulièrement à remercier le Comité Scientifique et le Comité d’Organisation AgroParisTech, ainsi que toute l’équipe « Structuration des produits par le Procédé » de l’UMR 1145 Ingénierie Procédé Aliments AgroParisTech-INRACNAM dont la majorité des membres ont été mis à contribution d’une façon ou d’une autre dans une ambiance conviviale et efficace. AgroParisTech et la SCF remercient enfin tout particulièrement l’INRA, l’ACIA, Bel, Kraft Foods, Formulaction, Anton Paar et la Région Ile-de-France (projet Astrea) pour leur soutien financier.

Camille MICHON, Professeur AgroParisTech

Formalisms and new dishes Hervé THIS1, Jean-Michaël VAUVRE2, Magali DULAUROY2 1. 2.

INRA Group of Molecular Gastronomy, UMR 1145 INRA/AgroParisTech, Laboratoire de chimie, 16 rue Claude Bernard, 75005 Paris, France ([email protected]) AgroParisTech, Centre de Massy, 1 avenue des Olympiades, 91440 Massy, France

ABSTRACT:

Innovation is a keyword in the food industry, but also for cooks. However it is a fact that changes in food are very slow, as we still eat today roast chicken or vegetable soup, as our remote ancestors did. Molecular Cuisine was introduced as a new « culinary trend » in order to promote the use of « new » tools, ingredients and methods. However, innovations are much more important when formalisms are used. In particular, the Complex Disperse System (CDS) formalism is useful to describe colloidal systems that make food and also to make novel colloidal systems useful for food, drugs and other formulated products. The « Non Periodical Organization of Space » (NPOS) formalism takes into account the spatial organization of products. Both formalisms are complementary aspects of the same kind of organization, which leads to the new comprehensive Disperse System Formalism (DSF). Using it, an infinite number of new systems can be invented and later produced. This will be particularly useful for the preparation of « note-by-note » dishes, where pure compounds are used by chefs instead of plant and animal tissues.

KEYWORDS:

Innovation, formalism, CDS formalism, NPOS formalism, DSF, « note-bynote » cuisine, molecular gastronomy

1. SCIENCE FOR FORMULATION Culinary books and cooks always hesitated between tradition and innovation. In the 1970’s, the culinary trend called « Nouvelle Cuisine » proposed to modernize culinary practices, avoiding « heavy » gravies, for example… and forgetting that the same name of « Nouvelle Cuisine » was used as early as 1642, where chefs already wanted to get rid of culinary practices of their own past. On the other hand, « innovation » is a motto for the food industry… despite the fact that most food produced by this industry today was already there centuries ago. Most industry innovations are about the production methods, packaging, or new uses (including increasing shelf life), rather than food itself. The success of « Molecular Cuisine », also called « Molecular Cookery » or « Molecular Cooking » -alas too frequently confused with Molecular Gastronomy (this will be discussed below)- shows that there are many possibilities of real innovation in food or, rather, in « dishes ». Here, we shall address the issue of food innovation, showing why the question is poorly addressed, as formalisms that will be discussed can lead to an infinite number of possibilities. Let us begin by addressing the question of « food ». As clear ideas lead to better understanding, it is probably useful to define it more clearly. Dictionaries give the definition: « Any substance that can give to living beings the elements necessary for their growth or for their preservation ». According to this definition, raw plant or animal tissues should be considered as food as well as food products obtained by using these tissues, but such a definition is confusing, as human beings very seldom

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eat non transformed tissues or natural products; raw materials are transformed, so that chemical and physical changes determine the final composition of all food as well as its bioactivity (sensory effects, nutritional value, possible toxic effects, etc.). For « food production », i.e. dishes making, plant or animal tissues are at least washed, cut, not to mention thermal processing. Generally « cooks » (even in the food industry, as the difference between home, restaurants or food factories is generally a question of scale, not of the nature of products) devote themselves to clean the food ingredients microbiologically, and change their consistence and flavor. Even for a simple carrot salad, for example, there is a big difference between the raw product in the field, and what we eat, i.e. grated carrots in a plate, because cutting the tissue triggers enzymatic reactions such as enzymatic browning due to polyphenol oxidase enzymes (EC 1.14.18.1, PPO), for example,… or because there can be exchanges between the dressing and the plant tissue. This analysis leads to a first conclusion [1]: reagents and products of « culinary transformations » should not be called « food » indistinctly. Could we call « ingredients » the reactants and « dishes » the products? If the name « dish » is indeed relevant for describing what we eat (rather than just « food »), using the word « ingredients » has no more drawbacks than « reactants », as it can change according to circumstances; just as some particular compound can be a product for one process, and a reactant for another, some foodstuff can be both an ingredient or a dish (for example, blood sausage is a product for the producer, but only a reactant for the cook who does the final thermal process, adding a garnish such as cooked apples, potato purée…). How should culinary transformations be called? As the transformations performed in factories of the food industry or in the kitchen (at home or in restaurants), it is proposed to keep the terminology « culinary transformations ». Coming now to formulation, in particular in food, it is interesting to recognize that the formulation activity should tackle both the question of the inner constitution of dishes and the processing steps leading to dishes. Indeed, the culinary trend introduced in 1992 under the name of Molecular Cuisine (given in 1998) was an improvement on both aspects, as its definition is « cooking with new ingredients, new tools, new methods ». Here « new » only means that it was not present in classical culinary practices, such as those described by the French cook Paul Bocuse (Collonges-au-Mont-d’Or, France), for example. Indeed, the use of liquid nitrogen for making sherbets or ice creams is not classic, whereas it was proposed as early as 1907 in London; vacuum distillation is only appearing in the kitchens of the most advanced chefs, whereas it is common practice in chemistry laboratories; and Asian populations use gelling agents such as carraghenans and alginates for millennia, but such products are recent in Occidental kitchens. More generally, it is a fact that such practices were not used by home or restaurant cooks until they were proposed by scientists interested in « Molecular Gastronomy ». Introduced in 1988 by the late Nicholas Kurti (1908-1998) and one of us (Hervé This), Molecular Gastronomy is no cooking, but rather a scientific discipline whose scope is to look for the mechanisms of phenomena occurring during dish preparation (« cooking ») and consumption. It has three main objectives : (1) exploring the technical component of cooking, (2) exploring scientifically its artistic component, and (3) exploring its social component. From a technical point of view, it is rational to consider that culinary transformations are dynamic processes involving systems with composition and structure, so that it is obvious to make complementary descriptions of the physical state, on the one hand, and of the chemical state, on the other. The bioactivity of such systems can be considered as the result of the two, as there can

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be interactions between the physical structure and the release of compounds, with or without modifications of the released compounds and of the physical structure of the system. As Molecular Gastronomy is not an application of sciences but rather a science itself, it has nothing to do with formulation, except that it is easy to get applications from any discovery about culinary transformation, as will be shown in the next example. 1.1 The color evolution of carrot stocks The study of an already existing process can help to understand the main parameters and how to control them in order to obtain the desired transformed product. For example, the control parameters to make an aqueous solution by thermal processing of carrot (Daucus carota L.) roots (« carrot stocks ») are the variety of carrot, pH, time and temperature of processing… However these parameters are not sufficient to control the result completely, as we discovered that the same thermal processing applied to two halves of the same carrot root led to solutions of different colors [2]. Having obsverved that the only difference between these two solutions was the exposure to light, we decided to investigate the color evolution (as measured using the CIE L*, a*, b* parameters) of carrots stocks and we processed plant tissues for up to 547 h, time after which no color evolution could be significantly observed (Figs. 1-3). A spiral shape was determined in the (a*,b*) plane. 60 48 h

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72 h

96 h

24 h

142 h

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14 d 7d

16 d

19 d

13 d 9d 9h

b*

6h 3h

12 d

30

20

1h 0.5 h

10 0h

0 -5

0

5

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20

a*

Figure 1. a* and b* variations (between 0 and 19 d of thermal processing)

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Figure 2. L* variation (between 0 and 19 d)

Figure 3. Stock color evolution (from left to right : 0, 0.5, 1, 3, 5, 7, 9, 24, 48, 72, and 142 h)

Then, a comparison of color evolution for stocks prepared with or without exposure to light was studied (Fig. 4,5).

Figure 4. a* and b* variations of stocks prepared in light (1) or dark (2) conditions (between 0 and 24 h).

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Figure 5. L* variation of stocks prepared in light (o) or dark (■ ) conditions (between 0 and 24 h).

Every other parameter was the same for both samples (temperature: 100 °C, processing time: 24h, same plant sample washed to prevent an enzymatic browning, condenser adapted to the heating vessel to prevent losses of water and other compounds, etc.). After thermal processing, the « light exposed stock » was always browner than the « light unexposed solution ». This confirmed the influence of light on the color of the solution. For all treatments, four patterns can be distinguished on these curves: - Pattern 1 (between 0 and 1 h) where a* decreases and b* increases. - Pattern 2 (between 1 and 9 h) where a* is constant and b* increases. - Pattern 3 (between 9 and 72 h), where a* and b* increase. - Pattern 4 (until the end of the thermal treatment) where a* increases and b* decreases. The parameters a* and b* evolve more significantly than the parameter L* which similarly decreases for both light exposure conditions in all four patterns. The same result was previously recorded by Loong and Goh on vegetable juice [3]. However, differences appear for the two kinds of stocks, with a faster evolution toward a brown solution in stocks exposed to light. 1.2 Models of color evolution As all experiments, with or without exposure to light, with a separation of carrots from the stock or not, at any pH, showed the same kind of « spiral shape » variation in the (a*,b*) plane, this spiral shape was chemically investigated and a mathematical model was developed. Carotenoids and other pigments from carrot tissues being poorly water soluble, we assumed that the main solutes in carrot stocks were produced by pectin modifications. Firstly, galacturonic acid ((2S,3R,4S,5R)-2,3,4,5-tetrahydroxy-6oxohexanoic acid, GalA) is created from pectins during a thermal treatment of plant tissues through a b -elimination [4]. Model solution made of GaIA dissolved in water produced a color evolution which is similar to the pattern 1 (Fig. 6).

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HO

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OH 24 O

8

HO O

HO

OH

galacturoni c acid 6 b* 4 b* = -5,1869a* + 2,4616 2

R = 0,9989

9 6

2

3 water

1 0.5

0 -1.5

-1.0

-0.5

0.0

0.5

a*

Figure 6. Variation of a* and b* parameters for thermally treated aqueous solutions of GalA.

However, such a behavior is not enough to reproduce the whole spiral shape, and it was calculated that either the compounds formed during GalA modifications are transformed into novel products, or a second compound with different color characteristics is extracted with a different time course evolution. Indeed let us first remark that, if a compound having a particular light absorption with no saturation effect (i.e. the color is proportional to the concentration) is added in a solution with kinetic v(t) = dm(t) / dt, m(t) being the mass of the compound in the solution at time t, the color of the solution at any time can be represented as a vector C(t) with coordinates (a*(t), b*(t)): C(t) = k . m(t) . c, where c is a unit vector. If m(t) is simply proportional to the time (i.e. equal to v . t, where v is a constant), the color curve would be as shown in Figure 6. In such cases, the color point is going to infinity in the c direction. However, when saturation effects occur or when a compound is not added with constant rate but instead appears in the solution with a rate decreasing with time, such as when a compound (given initial quantity) is extracted from a solid, the color curve is only a segment. In the first case, the final coordinate is that of a saturated solution, and in the second case, it is determined by the final, extracted, mass. Now, when two compounds 1 and 2 are added, the color vector is the sum of the two individual color vectors for each compound (again in the limit of no color saturation): C(t) = C1(t) + C2(t) In the particular case of equal extraction kinetics (but with different light absorptions of the two compounds), the color evolution is described by a segment in the (a*, b*) plane. However, when the appearance rates of the two compounds are different, various color curves can be obtained, some having a spiral shape. The same color

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curves are obtained when a compound 1 is introduced in the solution, this compound 1 being transformed into a compound 2 having different light absorption properties. For example, Figure 7 shows the theoretical color curve obtained when a compound 1 is introduced with a decreasing time-law (either exp(-t) or 1/t) and when a compound 2 is forming from the decomposition of compound 1, at a rate proportional to the quantity of compound 1 already in the solution. This leads to the differential system : dm1 (t ) dm2 (t ) = e- t dt dt dm 2 (t ) = a m1 (t ) dt

Solving this system in m1(t) first gives: m1 (t ) =

(- a1 + a a1 )e - a t e- t + - 1+a - 1+a ,

with a condition m1(0) = 0, i.e. a1 = -1/(-1+α). Then m2(t) can be calculated as : m 2 (t ) = -

a e - t - a1e - a t + a a1e - a t + a 2 - a a 2 - 1+a .

and spiral shapes are obtained:

Figure 7. Equation of the model and color curve obtained when a compound 1 is extracted and transformed into a 2nd compound 2, having different color properties.

If such modelling is not useful for cooks or for the food industry, the whole study is important to them, because both communities rely on adding various compounds (such as grilled onion (Allium cepa L.) bulbs) for giving the desired color to stocks. This is « costly » and useless, as we now know that the control of color could be

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obtained more easily by light during processing ; also some bitterness could be avoided. 2. APPLICATIONS TO FORMULATION: TECHNOLOGICAL TYPOLOGY In view of making technology transfers more efficient, it was proposed to recognize that there are two kind of technologies that were called « local » (when it is done directly by technicians, or without using new scientific data) and « global » (using new scientific results, as will be shown later with the example of the « pianocktail ») [5]. It is also very important to recognize that any new knowledge is worth the transfer, and only imagination is needed. In our laboratory, we followed proposals from the French philosopher Abraham Moles (« inventivity matrices »), and we introduced a table system for science/technology transfers (Table 1). Table 1. A table for promoting technology transfer.

New knowledge obtained by the scientific team (during laboratory studies)

Ideas of technology transfer (discussed during Technology Transfer Meetings)

Technology studies decided, based on column 2 (they have to be done in the industry)

Result of the technology studies

New proposals after the analysis of results

Scientists have the duty to produced new knowledge, concepts, methods…: results are introduced in the first column of the table. Then, during technology transfer meetings, scientists and technologists together can try to find uses of such ideas (column 2). Of course, experimental tests of the proposals have to be done; the results are put in column 3. Either results are in good agreement with the predictions, and the ideas can be used in practice, or the desired results are not obtained, and then either the theory should benefit from this experiment, or modifications of the technological idea should be proposed. Of course, the question of filling the second column sometimes appears difficult, and this is why general categories of technology transfers were proposed, after the analysis of ten years of innovation in the particular field of Molecular Cuisine (Table 2). However, it would be too long to consider examples of all « technology types », and we shall later consider only the (probably) most important category, i.e. using formalisms. 2.1 Algebraic notations for formulation The importance of algebraic notation (technology type 2.5, Table 2) is not new, and it was a big success of René Descartes, Wilhelm Gottfried von Leibniz or Isaac Newton

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to use it in mathematics. In a treatise of logic published in 1918, the French logician Edmond Goblot discussed how notation can lead to discovery [6]: « For the algebra of logic, its inventors probably never thought that it was only a notation of concepts, relationships and elementary operations for logicians, and they had never had any doubt on the difference between discovery of a truth and the invention of a notation for expressing it when it is discovered. Notation can lead to discovery, as it occurred frequently in algebra. To general and abstract concepts, Table 2. Technology types.

1. Without any use of novel knowledge 1.1. Local Technology 1.1.1 Using the same tools, methods and ingredients as before to make the same products as before (second order modifications) 1.1.2 Solving technical problems using the same tools, ingredients and methods

2. Using new data (concepts, information, methods): Fundamental Technology

1.2 Global Technology 1.2.1 Introducing new tools, ingredients and methods to make the same products as before 1.2.2 Introducing new tools, ingredients, methods to make new products 1.2.1 Generalisation (without science)

2.1 Using classical laws 2.2. Generalisation (with science) 2.3 Transfers between fields (with science) 2.4 Rationalisation, keeping old ideas 2.5 Using formalisms 2.6 Application of new theoretical ideas, concept creation

1.2.3 Transfers between fields (sans science) 1.2.4 Application of general ideas introduced elsewhere untractable without formula, cumbersome to use with words and common language, the algebra of logic, as ordinary algebra, substitutes concrete and regular symbols which can be organized in a wealth of combinations and reduce heavy mind operations to very simple written processes. » Goblot was indeed not the first one to propose such ideas : in the XVIIIth century, Antoine Laurent de Lavoisier (Paris, 1743 - id., 1794) introduced the formalism of chemistry in order to make chemical reasoning easier, and it was the basis of the introduction of modern chemical notation [7] : « In order to better show the state of the issue, and to present synthetically the result of what is going on during metal dissolutions, I built formulas, that could be confused with algebra, but do not derive

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from the same principles; we are very far from the time when the precision of mathematics can be introduced in chemistry, and I invite the reader to consider the formulas that I shall give only as simple annotations, whose aim is to think easier ». 2.2 Using digital notation in trees One of the simplest choices for making an « algebraic » notation is using binary trees. This was tested for products of the same kind as noodles, but the idea is very general. Any « recipe » is using several ingredients and processing steps. As ingredients can be added successively, a list of them can be established, and the decision of using them or not can be coded by a binary digit (0, 1). The same idea holds for tools, or for processing steps. For example, a whole set of food products can be made from flour and water (no choice here), using (1) or not (0) fat, yeasts, added gluten, eggs… Such products can be thermally processed in water (0) or with vapour (1)… Using such codes, a particular binary tree is leading to noodles, gnocchis, and all products of the same “technology family”. Of course, other digit systems can be chosen, as can be shown with egg processing. If egg is receiving a code number equal to 1, and parts of eggs are being numbered from 1 to 9, then a codification of the processing possibilities (Table 3) can lead to codes associated to particular results [8]. Table 3. “Algebraic” notation for 3 stages of a transformed product

Code number 1 2 3 4 5 6 7 8 9

First ingredient

egg

Process

Add

full egg shell non mixed yolk and white mixed yolk and white yolk alone white alone

Nothing Gas Water Oil Solid Ethanol Acid Alkali Heat

For example, the sequence 1.1.1. corresponds to a whole raw egg; 1.1.6. corresponds to a “baumé egg”, a product to which the name of the French chemist Antoine Baumé was given (Fig. 8a) ; 1.1.8. is a « 100-year-old egg » ; 1.1.9. is an hard-boiled egg (Fig. 8b) ; 1.3.9. is a fried egg (Fig. 8c) ; 1.4.9. corresponds to an omelette (Fig. 8d) ; 1.6.2. is a whipped egg-white ; 1.6.4. leads to a « geoffroy » (Fig. 8e) ; 1.6.6. is a « thenard » (Fig. 8f)… Such a codification is useful to describe a transformed product and to detect innovation possibilities.

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(a) “Baumé egg”

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(b) Hard-boiled egg

(c) Fried egg

(d) Omelette

(e) “Geoffroy”

(f) “Thenard”

Figure 8. Various results obtained with a codification of part of eggs and processing methods

3. THE DISPERSE SYSTEM FORMALISM The notation method can also be used to describe transformed products as food, drugs and other formulated products (cosmetics, paintings, coatings...), in order to classify them and to create new ones. As written before, Lavoisier introduced the now classical formulas of chemistry because he wanted to make easier the description of compounds and chemical processes. The same ideas can be adapted to artificial systems... [8].

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Such products are frequently colloidal systems or made of such systems [9-13]. For instance, emulsions are known since 1560, when the French surgeon Ambroise Paré (1509-1590) understood that white liquids like milk or cream were often composed of water and fat. However, complex systems such as potatoes (suspensions of starch granules dispersed in the liquid inside of cells, with cells themselves organized into a solid) or ice creams (gas bubbles, fat crystals, ice crystals dispersed in a liquid solution) are complex systems for which only descriptions at the interface were considered [14-15]. Accordingly, a CDS (« complex disperse system ») formalism was introduced at the European Congress on Interface Science (ECIS), in 2002 for the description of the « material » from which the various parts of dishes are made. Later, in 2003, another formalism called NPOS (« non periodical organization of space ») was proposed for the overall description of dishes, and relative distribution of materials described by the CDS formalism, but it was recently recognized that these two formalisms could be mixed into a more comprehensive description called « disperse system formalism » (DSF). These two formalisms can be applied for the description of other formulated products. 3.1. The Complex Disperse System (CDS) Formalism In the CDS formalism, the various phases that make up the colloidal systems are considered: symbols G, O, W, S respectively stand for « gas », « oil »” (any hydrophobic phase), « water » (any aqueous solution), « solid » ; other symbols such as E for « ethanol » could be added if necessary ; « operators » are added, to make formulas. In particular, the IUPAC symbol « @ » is used to describe an inclusion ; for example, S@W is an inclusion of a solid in an aqueous solution. The symbol « / » was proposed to describe the random dispersion, such as in emulsions, foams…. For instance, O/W is an oil-in-water emulsion. The symbol « + » is used to describe a mixture of phases that can be dispersed into another one, such as (G+O)/W for an aerated emulsion, where the water solution is the continuous phase and where gas bubbles and oil droplets are dispersed into this solution. The symbol « _ » indicates a superposition. Finally the symbol « x » is used to describe the mixing of two continuous phases, such as in gelatine gels (SxW). Up to now, these connectors could describe all food systems that were considered. Some rules are useful to give coherence to this formalism: - The components of a sum have to be written in the alphabetical order, like (G+O+S)/W. - Repetitions can be described by exponents. For example, egg yolks are made of concentric layers called light and deep yolk [16] deposited respectively during the day and the night ; their number is about 9, as shown on ultrasound scan pictures [17]. In such a case, as each layer is composed of granules (S) dispersed into a plasma (W), the full yolk could be described as (S/W)@9. - The quantity of each phase can be added as a subscript, such as O95/W 5 to describe an emulsion of 95 g oil into 5 g water. - The size of structures can be given into brackets, such as in: O200[10-6 – 10-5]/W 5 where the powers of 10 indicate the minimum and maximum radii (expressed in m) of dispersed oil droplets (SI units should be used).

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- To take into account the various scales in systems, the size of the smallest structures considered can be given in brackets, as a “reference size” at the end of formula. For example, O[10-5 – 10-4]/W [d > 10-5] indicates that the structures considered are larger than 10-5 m, i.e. smaller granules are not taken into account. - Some simplifications can be done. For instance, G/G is equal to G. Kinetic parameters such as time or energy can be added to describe the evolution of the system. The equation O/W + G → (G+O)/W can be replaced by the following formula : Gt=0…50+O30(100-t)/100)/W 70(100-t)/100, where the time t is in seconds), the gas would be introduced at regular pace and indexes give volumes instead of mass. Up to now, no food system escaped a description by this formalism. But do all formulas correspond to possible systems ? Many dispersed systems are metastable and not thermodynamically stable. Indeed, they evolve, depending on the size of their structures or on the nature or quantity of stabilizing elements like surfactants in emulsion. It is also a question of kinetics, not of thermodynamics. This CDS formalism has the advantage to clearly show the physical structure of matter described and primarily to limit the description to a pertinent order of magnitude for sizes, using the reference size. For instance, mayonnaise sauce can be represented by the formula O/W [10-6 - 10-4] and potato (Solanum tuberosum L.) tissues by (S1/W)/S2 [R < 10-6], assuming that the cytosol inside plant cells is a liquid (indeed it could be considered as a gel, but this would not change much the description (Fig 9).

(a)

(b) -6

Figure 9. (a) Optical microscopy of a mayonnaise: oil droplets with a diameter between 10 m -4 and 10 m are dispersed into an aqueous solution ; (b) Optical microscopy of a potato tissue : starch -6 granules with a diameter smaller than 10 m are dispersed in the aqueous solution (cytosol) inside cells, this solution being itself dispersed in the solid system of the potato tuber.

3.2. Using formulas for innovation The CDS formalism is an important tool for innovation. In 1995, a new dish named « Chocolate Chantilly » was based on the equation O/W + G → (G + O)W [18]. First, a chocolate dispersion ((O+S)/W) is made by heating chocolate (the formula can be written f(O,S), because it is not well known today) into water with the same final fat/water ratio as in ordinary cream. Then, this dispersion is whipped (+G) at room temperature while cooling. The very unstable hot (G+O)/W system is slowly

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transformed into a more stable « chocolate mousse » G/q(O,S,W) when part of the fat crystallizes and traps the dispersed oil and gas structures (here again we use a function q to indicate the unknown structure made of liquid fat, solids – fat and vegetable pieces – and aqueous solution). This mousse contains no eggs contrary to a traditional chocolate mousse [19] and the texture can be the same as in whipped cream. Of course, chocolate can be replaced by other food products as cheese, foie gras or even butter, leading respectively to « cheese Chantilly », « foie gras Chantilly » (Fig. 10) or « butter Chantilly ».

Figure 10. Foie gras Chantilly

The use of this CDS formalism can lead to a wealth of new systems with both scientific and culinary interests. For example, using four phases and four connectors, the number of formulas is 114,688 and more than 106 with six phases: there is plenty room for innovation. But the CDS system is also useful for the description and better understanding of existing productions. For example, it was applied to the study of French classical sauces as compiled from classical or official culinary books [20-23]. This study was based on observations using optical microscopy (reference size d > 10-5). Finally, 23 categories were found. It is surprising that simple categories are missing, such as « foamed veloutés » ((G+(W/S))/W) which are not difficult to produce practically. Finally, a microfluidic device called « Pianocktail » (Fig. 11) was set up in collaboration with a group led by Volker Hessel, in the Institut für Mikrotechnik Mainz. In the existing prototype, where pumps are driven by a computer fed by CDS formula, 5.1011 possibilities are implemented (the name was given after a tool from a novel of the French writer Boris Vian).

(a)

(b)

Figure 11. (a) Pianocktail driven by computer using a (b) Microfluidic system

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3.3. Another formalism for the description of space organization The CDS formalism describes the material of colloidal systems, but food and drugs are generally inhomogeneous. These products are often highly organized systems. In order to give a full formal description of them, the Non Periodical Space Organization (NPSO) formalism was proposed in 2003. Here the elementary objects are described according to their « dimension » : D0, D1, D2 and D3. D0 stands for zero dimensional objects (« dots »), i.e. objects whose size in the three directions of space is more than one order of magnitude lower than the « reference size » (the scale on which the full object is considered). D1 stands for lines, i.e. objects with only one macroscopic dimension. D2 stands for surfaces, i.e. objects with one dimension lower than the other two by more than one order of magnitude. D3 stands for volumes. If necessary, Dx objects could be considered, « x » being a non integer number, and these objects then being fractals [24]. For example, D1[10-5] would indicate a linear structure whose length is of the order of magnitude of 10-5 m and, accordingly, whose radius is more than one order of magnitude lower. The direction of sheets and fibres is sometimes usefully added, using the Cartesian equation in the same bracket. The various objects are included in formulas using connectors, such as: - « @ », representing inclusion, - geometrical connectors, such as σx, σy, σz representing superposition in the directions x, y and z, respectively. Any particular direction can be given by the Cartesian coordinate of vector, such as in (u, v, w), or other coordinates systems such as {r, q , f } for a spherical organisation. - « / » describing the random dispersion of objects in space, Other connectors can be added if necessary. This new formalism is used to consider the topology of formulated products and not their geometrical shape. Both formalisms can be mixed to describe formulated systems more precisely. For example, meat, being formed of aligned muscular fibres full of a liquid could be described as D1x(W)/D3(S). An O/W emulsion could be described by D0(O)/D3(W). Artificial meats such as on Fig. 12a could be described by (D1(W 1/S1)@D’1(W 2/S2))/D3(S) (Fig. 13a) and conglomeles (artificial plant tissues) could be described by D0(W 1)@D0(W 2/S1)/D2(W3/S2) (Fig. 12b).

(a)

(b)

Figure 12. (a) This artificial system has the structure of meat; (b) Conglomeles are systems with the same organization as plant tissues

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As with the CDS formalism, DSF can be used for the classification of existing dishes in view of the invention of new systems. 4. NOTE BY NOTE CUISINE A lot of tools are used in laboratories and can be used in kitchens. For example, ultrasound probes are traditionally used to make emulsions, and rotary evaporator can produce fractions from mixtures. Proposing their use in kitchens led to the culinary trend called Molecular Cuisine, but is it possible to go further? In 1994, it was theoretically proposed that dishes would be made from pure compounds [25], but no development was made. However the proposal is obvious, in a way, as most classic food ingredients are mixtures of compounds, for which the compositional control is very difficult. The idea of what has been called « note by note cuisine» is to formulate dishes with pure compounds instead of mixtures. Of course, then a structure has to be built, but specific bioactivities can be achieved. Indeed, the first « Note by Note » dish was shown by the French chef Pierre Gagnaire in Hong Kong in April 2009 (Fig 13). [26] How successful will this idea be?

Figure 13. First dish formulated “Note-by-Note”

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[accessed 09/12/2009]

Déterminants économiques des caractéristiques nutritionnelles des aliments Louis Georges SOLER INRA – UR 1303 Aliss, 65 Boulevard de Brandebourg, 94205 Ivry-sur-Seine ([email protected])

RESUME :

Les relations entre alimentation et santé sont aujourd’hui bien établies et au centre des préoccupations des pouvoirs publics et des entreprises agroalimentaires. Les réponses possibles face aux enjeux nutritionnels sont variées : (1) favoriser un changement des comportements de consommation par des campagnes d’information, d’éducation ou par le développement de l’étiquetage nutritionnel, (2) modifier les prix relatifs des aliments en instaurant des taxes ou subventions de façon à modifier les arbitrages des consommateurs, (3) améliorer la qualité nutritionnelle de l’offre alimentaire par l’innovation et la reformulation des produits. Quelle peut être la contribution de chacune de ces voies d’action pour prévenir le développement de certaines pathologies chroniques et maîtriser la croissance des coûts de santé ? L’objectif de cette communication est de contribuer à ce débat en s’appuyant sur des recherches économiques récentes et sur les travaux de l’Observatoire de la Qualité de l’Alimentation (OQALI). Ceci nous amènera à souligner, en privilégiant un point de vue économique, les difficultés mais aussi les impacts possibles d’une amélioration nutritionnelle de l’offre alimentaire.

MOTS-CLÉS :

Comportement de économiques, OQALI

consommation,

offre

alimentaire,

déterminants

1. INTRODUCTION Au cours des dernières années, des relations ont été établies entre la consommation alimentaire et certaines pathologies, telles que les maladies cardio-vasculaires, certains cancers, le diabète de type II ou encore l’obésité. Au fil du temps, les enjeux de santé sont alors devenus des préoccupations fortes pour les pouvoirs publics. En effet, dans de nombreux pays, la réglementation de l’étiquetage et des allégations nutritionnelles est débattue, la publicité est régulée et des taxes et subventions ont été mises en place pour divers produits alimentaires. En outre, la France a développé un Programme National Nutrition Santé (PNNS), qui compte à ce jour deux volets (PNNS1 et PNNS2) et dont un des objectifs est d’améliorer la consommation alimentaire de la population. Par exemple, par l’intermédiaire du slogan « Manger 5 fruits et légumes par jour », les pouvoirs publics veulent à terme accroître de 15% la consommation individuelle moyenne de fruits et légumes. De même, une réduction de 20% de la consommation de sel, et de 25% de glucides simples, est souhaitée. Cette contestation récurrente de la qualité nutritionnelle des aliments constitue un enjeu pour les entreprises agroalimentaires, pour lesquelles la santé est devenue une source de création de valeur.

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Cependant, face à ces diverses recommandations nutritionnelles, une question se pose : comment atteindre ces objectifs ? Nous allons ici principalement développer deux voies d’action possibles : faire évoluer les comportements de consommation par l’information et faire évoluer l’offre alimentaire par l’amélioration de sa qualité nutritionnelle. 2. FAIRE EVOLUER LES COMPORTEMENTS DE CONSOMMATION PAR L’INFORMATION L’information des consommateurs passe tout d’abord par l’étiquetage nutritionnel des produits. Différentes stratégies sont employées selon les pays, et l’étiquetage est ainsi soit volontaire, comme en France, s’il n’y a pas d’allégation nutritionnelle, soit obligatoire comme aux Etats-unis. Au sein de l’hexagone, cet étiquetage nutritionnel est en cours d’extension : les entreprises le modifient, et le font évoluer. Cependant, il reste très dépendant des secteurs, des gammes de prix et des types de marques des produits concernés. A titre d’exemple dans le secteur des céréales du petit déjeuner, il y a une part importante d’étiquetages détaillés de type 2 ou 2 + (c’est-à-dire les allégations nutritionnelles nécessitant au minimum un étiquetage de la valeur énergétique, et des quantités de protéines, glucides, sucres, lipides, acides gras saturés, fibres alimentaires et sodium ; le + correspond aux vitamines et minéraux). En revanche, cet étiquetage détaillé est moins étendu pour le secteur des biscuits dont la majorité de l’offre n’a pas d’étiquetage très détaillé. La figure 1 présente la diversité d’étiquetage existante au sein du secteur des céréales de petit déjeuner. L’histogramme (Fig. 1) montre que les allégations nutritionnelles de type 2 ou 2+ se retrouvent en majorité sur les marques nationales. Elles sont un peu moins présentes sur les marques de distributeurs, et encore moins sur les marques de « hard discount ». Elles ne sont par contre quasiment pas présentes sur les produits premier prix. Ceci illustre bien la variabilité qui existe dans l’évolution du niveau d’étiquetage en fonction des secteurs. Par ailleurs, l’étiquetage a deux effets principaux. D’une part, il vise les consommateurs. D’après des travaux de l’INRA en cours de réalisation, une partie des consommateurs est disposée à payer l’information nutritionnelle présente sur les emballages. Cette information joue également sur le positionnement des produits, et est alors susceptible d’induire des déplacements d’achat. Cependant, les effets restent modestes, car cela ne concerne qu’une partie de la population, et l’impact est variable selon les variables socio-économiques que sont le niveau d’éducation, les préoccupations de santé et l’âge des consommateurs. D’autre part, l’étiquetage a un effet sur l’offre. Dès lors que les variables nutritionnelles sont mises en avant, une forte concurrence s’accroît entre les entreprises, qui essaient alors d’étendre l’étiquetage, en menant des actions de reformulation et d’innovation, comme par exemple pour les céréales de petit déjeuner aux Etats-Unis [1]. Certains industriels ont notamment augmenté la teneur en fibres des céréales, ou réduit les acides gras trans des margarines, au Canada par exemple [2]. Les coûts associés à l’étiquetage étant importants, cela peut favoriser une concentration du secteur, ce qui entraînerait une baisse dans la variabilité des produits, voire des difficultés pour les plus petites entreprises qui auraient plus de mal à rester compétitives.

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Figure 1. Type d’étiquetage par type de marque pour le secteur des céréales de petit déjeuner, en %, d’après OQALI 2009

3. FAIRE EVOLUER L’OFFRE ALIMENTAIRE PAR L’AMELIORATION DE SA QUALITE NUTRITIONNELLE D’après Maillot et al. (2009) [3], à qualité constante de l’offre, plus de 60% des consommateurs ne pourraient pas mettre en œuvre les recommandations nutritionnelles sans modifier leur « répertoire » alimentaire : ils devraient diminuer la quantité d’une grande part des aliments qu’ils consomment aujourd’hui, et augmenter la consommation d’autres aliments, qui ne sont parfois pas du tout consommés. A partir de ce constat, trois points vont nous intéresser ici : les évolutions déjà engagées, leurs effets sur les consommations alimentaires, ainsi que les incitations à poursuivre l’amélioration de la qualité nutritionnelle. 3.1. Des évolutions déjà engagées Depuis plusieurs années, les entreprises ont commencé à faire évoluer leurs produits alimentaires. Par exemple, OQALI (Observatoire de la Qualité de l’Alimentation) a analysé des données concernant les céréales petit-déjeuner de 2001 à 2008 (cela représente 55% du marché en volume en 2008) et a montré que : – 41 références (25,5% du marché) présentent une diminution de teneur en sodium, et 4 une augmentation,

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– 27 références présentent une diminution de teneur en sucres (25,1% du marché) et 5 une augmentation. De même, il y a une forte réduction de l’utilisation des acides gras trans en France [4], et certains produits ont une teneur en sel réduite jusqu’à 10% entre 2003 et 2008 [5]. 3.2. Des effets potentiels non négligeables sur les consommations alimentaires Schickenberg et coll. (2009) [6] ont réalisé une simulation sur un échantillon représentatif de la population des Pays-Bas : les trois produits contribuant le plus à un apport élevé en matière grasse pour chaque individu ont été remplacés par des formes moins riches. L’objectif est alors d’observer l’impact de cette substitution au niveau d’un échantillon sur l’atteinte des objectifs fixés au niveau des recommandations à l’échelle de la population. Cette substitution d’aliment fait passer de 30 à 60% la proportion de consommateurs qui atteignent les recommandations. Des effets significatifs sont également observables avec les forts consommateurs de sel [5].

Figure 2. Variabilité de la composition intrafamille, d’après OQALI 2009

OQALI étudie actuellement les effets potentiels d’une évolution de formulation des références de différents secteurs. La figure 2 illustre à ce propos la variabilité de composition au sein d’une même famille : les céréales chocolatées (Fig.2). Il y a une forte variabilité entre produits au sein de la famille des céréales chocolatées, au niveau de la teneur en sucres, lipides, fibres, sodium, etc… .

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On pourrait alors se demander quel serait l’impact sur la consommation d’une modification de formulation du dernier quartile de ces céréales, en terme de fibres (Fig. 3). Cela reste de surcroît dans le domaine du possible du point de vue technologique, car certains produits existent déjà.

Figure 3. Simulation des effets d’une modification des formulations sur les quantités totales de fibres apportées par le secteur des céréales petit déjeuner, d’après OQALI 2009

Chaque tranche représentant un groupe de produits, une amélioration du dernier quartile en fibres entraîne 4% de hausse pour les apports totaux en fibres par le secteur considéré. Une amélioration de la moitié des références est à l’origine d’une augmentation de 40% des apports totaux en fibres. La reformulation des produits a donc bien un impact conséquent en terme de consommation. Cependant, il ne faut pas oublier de prendre en compte les interactions entre nutriments, notamment sur le plan sensoriel. 3.3. Quelles incitations pour une poursuite de l’amélioration de la qualité nutritionnelle ? Citons ici deux aspects importants dans l’incitation des entreprises à poursuivre dans le sens d’une amélioration de la qualité nutritionnelle des produits. Les produits différenciés à bénéfices nutritionnels et de santé sont des produits porteurs d’allégations. Ils seront donc valorisés par les prix, que sont prêts à payer une partie des consommateurs pour obtenir des produits à bénéfice santé. Un problème se pose néanmoins pour l’amélioration de la qualité des produits « standard », pour lesquels les efforts ne sont pas directement valorisables par un « signal de qualité » explicite au consommateur. Il n’y aura donc pas de différentiel de prix. De plus, cela comporte un certain nombre de risques commerciaux et

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concurrentiels, notamment si la reformulation n’est pas appréciée par les consommateurs sur le plan sensoriel. Il faudrait donc parvenir à rendre visible les efforts individuels et collectifs sur l’offre alimentaire, sans pour autant négliger l’importance de la démarche collective : si un industriel modifie son produit standard mais qu’il n’en est pas de même pour la concurrence, il perd des consommateurs. Les évolutions des offres sont donc confrontées à des difficultés économiques importantes. 4. OQALI, L’OBSERVATOIRE DE LA QUALITE DE L’ALIMENTATION OQALI, Observatoire de la Qualité de l’Alimentation créé début 2008, a été mis en place par l’INRA et l’AFSSA à la demande des ministères en charge de l’Agriculture, de la Consommation et de la Santé, en partenariat avec des professionnels de différents secteurs alimentaires. Il a notamment fait l’objet d’un avis du CNA (Conseil National de l'Alimentation). Ses objectifs sont divers : – Rassembler et mettre en relation les données nutritionnelles et socio-économiques relatives aux aliments, – Suivre l'évolution des caractéristiques de l'offre alimentaire et donner une vision objective de cette évolution, – Éclairer et évaluer les interventions publiques et privées en vue d’une amélioration continue de l’offre alimentaire, – Constituer une plate-forme de centralisation et d'échange des données industrielles. OQALI mène diverses études tout au long de l’année, à partir de données issues de l’étiquetage et de relevés en magasins, d’informations transmises par les fabricants, et d’analyses de la composition des produits. Ses études couvrent divers secteurs : charcuterie, biscuits, céréales pour petit déjeuner, plats cuisinés, produits laitiers frais etc… . Dans ce contexte des partenariats ont été mises en place avec des professionnels du secteur (comme Alliance 7, la fédération française des industriels charcutiers, traiteurs et transformateurs de viandes (FICT) etc…). Cela s’élargit pour couvrir une part de plus en plus importante de l’alimentation et des produits transformés. Les données collectées sont de différents types : – Produits élémentaires (niveau « référence ») présents sur le marché, – Composition nutritionnelle détaillée (type 2), – Informations liées à l'emballage : taille des portions, étiquetage nutritionnel, conseils, allégations, – Quantités, prix ou positionnement dans la gamme des prix du marché de référence. Une fois traitée, les données procurent une description fiable de l’évolution des produits, sur la base de méthodes établies et validées par l’ensemble des acteurs. Le secteur a ensuite la possibilité de communiquer sur les évolutions mises en

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évidence, et l’entreprise peut obtenir des traitements supplémentaires, notamment des cartographies lui permettant de se positionner par rapport à l’ensemble du secteur. Un exemple est donné par la figure 4 ci-dessous.

Figure 4. Simulation des effets d’une modification des formulations sur les quantités totales de fibres apportées par le secteur des céréales de petit déjeuner, d’après OQALI 2009

Cette figure (Fig.4) présente toutes les références du marché disponibles à ce jour sur un plan teneur en lipides / teneur en sucres, les couleurs correspondant aux familles de produits. Ce graphique permet alors d’objectiver l’état des caractéristiques du marché de l’alimentation et de suivre les évolutions des produits entre deux dates, et ainsi de voir par exemple comment le nuage de points se déforme. A terme, le secteur des céréales de petit déjeuner pourra alors communiquer sur la dynamique de ce nuage de points. 5. CONCLUSION L’évolution des caractéristiques des aliments a potentiellement des effets significatifs qui peuvent venir compléter les démarches visant à mieux informer les

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consommateurs. Parmi les différentes évolutions liées aux produits alimentaires, deux espaces d’innovation/reformulation des produits se distinguent. D’une part, les produits avec allégations nutritionnelles ou de santé, pour lesquels les variables nutrition/santé sont les objets même de l’innovation. L’étiquetage et les allégations sont alors le support du jeu concurrentiel, et le produit est valorisé par un différentiel de prix. D’autre part, les produits standard (non redevables des allégations), qui sont le siège d’amélioration incrémentale, et qui ne sont pas forcément valorisés par leur prix. Un grand enjeu pour ces produits est de maintenir une qualité sensorielle adéquate, dans un contexte de réduction modérée des teneurs en certains nutriments. Ces démarches peuvent supposer un engagement collectif dans les secteurs, ce qui est illustré par la charte d’engagement sectorielle en cours d’élaboration pour le secteur de la charcuterie (remontée des produits les moins bien placés en-dessous d’un seuil maximum de teneur en sel ou lipides). Il est donc préférable de modifier un peu la composition des aliments sur une large partie plutôt que de manière drastique sur une petite partie. 6. REMERCIEMENTS L’auteur remercie Mlle PAPUCCI, élève ingénieur AgroParisTech pour la retranscription de la conférence et Mlle LESDEMA, doctorante INRA pour son encadrement à la rédaction de l’article.

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Elaboration de l’aliment : approches nutritionnelle et toxicologique Gérard PASCAL

___________________________________________________________________ INRA, Direction Scientifique pour la Nutrition Humaine et la Sécurité des Aliments INRA, 147, rue de l’Université - 75338 PARIS Cedex 07, France ([email protected])

RESUME :

Avant toute chose, un aliment doit respecter la législation. Au plan européen, un texte « fondateur », le règlement CE 178/2002, a établi les principes généraux de cette législation. Il reflète le choix par la Communauté Européenne d’un niveau élevé de protection de la santé du consommateur. Ce texte a en même temps créé l’Autorité européenne de sécurité des aliments, chargée de l’évaluation des risques sanitaires et nutritionnels. A partir de ce règlement, plusieurs textes qui concernent l’hygiène des aliments (c’est le « paquet hygiène »), les contaminants, l’addition de vitamines, de minéraux et de certaines substances, les allégations nutritionnelles et de santé, la procédure d’autorisation uniforme pour les additifs, enzymes et arômes alimentaires ont été adoptés. Tout un arsenal de mesures a été harmonisé en matière d’organismes génétiquement modifiés (OGM). Une nouvelle version du règlement (CE 258/97) « nouveaux aliments, nouveaux ingrédients » est en discussion. Tout professionnel qui souhaite mettre sur le marché un nouveau produit alimentaire doit respecter toutes ces règlementations pour ne pas courir de risque en matière juridique, voire les exploiter pour faire la promotion de ses innovations. C’est lorsque l’évaluation et la gestion des risques sanitaires deviennent plus cohérentes et plus efficaces pour la protection de la santé du consommateur, que la mode du « naturel », que l’engouement pour le « sans chimie » se développent. La formulation des produits alimentaires doit-elle tomber dans ces travers ; si oui, avec quelles difficultés ? Les allégations nutritionnelles ou de santé représentent un aspect positif de la promotion des produits, mais leur utilisation ne va pas sans complications : la mise en œuvre du règlement (CE 1924/2006) illustre les difficultés rencontrées en matière d’évaluation de la véracité des allégations et de définition des « profils nutritionnels spécifiques » que les denrées alimentaires « doivent respecter avant de donner lieu à des allégations nutritionnelles ou de santé ». Cette course d’obstacles sera illustrée d’exemples, de nombreuses questions restant ouvertes à la discussion.

MOTS-CLES : sécurité sanitaire, réglementation, législation, allégation, toxicologie

1. INTRODUCTION Aujourd’hui, lorsqu’un industriel lance un produit sur le marché, trois possibilités s’offrent à lui. Il peut positionner son aliment dans la gamme des produits standard, dans la gamme des produits porteurs d’un signe de qualité (par exemple AOC, label…) ou alors dans la gamme des produits avec allégation santé ou nutritionnelle.

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Quel que soit le positionnement du produit que cet industriel souhaite développer, la réglementation s’imposera comme un élément incontournable. Plusieurs règlements ont été mis en place pour assurer la protection du consommateur : l’industriel est tenu de les respecter lorsqu’il souhaite mettre un nouveau produit sur le marché. Enfin les allégations nutritionnelles et de santé ont été conçues pour protéger les consommateurs que nous sommes, et garantir le contenu des informations que nous recevons. Nous présenterons ici les principales étapes que le professionnel aura à respecter pour développer son produit. 2. LES PRINCIPES GENERAUX Lors du lancement d’un nouveau produit, l’industriel doit avant tout se référer au règlement de base en alimentaire qui est le premier à avoir donné une définition de l’aliment : le règlement CE 178/2002 [1]. Ce texte fondateur établit les principes généraux de la législation alimentaire et fixe des procédures relatives à la sécurité des denrées alimentaires. Parmi ces principes généraux, on compte l’analyse de risques, le principe de précaution, les prescriptions relatives à la sécurité sanitaire des denrées alimentaires et la traçabilité. Le règlement CE 178/2002 [1] donne notamment une définition de l’aliment. Il le définit comme « toute substance ou produit, transformé, partiellement transformé ou non transformé, destiné à être ingéré ou raisonnablement susceptible d'être ingéré par l'être humain ». 2.1 Objectifs généraux Les objectifs généraux de ce texte sont la protection de la vie, de la santé et des intérêts des consommateurs. Il définit précisément les responsabilités des différents acteurs de la chaîne alimentaire ainsi que les exigences générales de la sécurité alimentaire. Le règlement CE 178/2002 [1] décrit aussi un système de gestion des crises alimentaires. 2.2 Analyse de risques Ces objectifs reposent sur la procédure d’analyse de risques qui permet d’atteindre un niveau élevé de protection des consommateurs. La figure ci-dessous (Fig. 1) illustre les interactions entre les différents acteurs de cette procédure. L’évaluation du risque est faite par les scientifiques qui travaillent dans des comités d’experts : au niveau national, à l’AFSSA (Agence Française de Sécurité Sanitaire des Aliments, devenue l’Agence Nationale de Sécurité Sanitaire de l’Alimentation, de l’Environnement et du Travail le 1er juillet 2010), au niveau européen, à l’AESA (Autorité Européenne de Sécurité Alimentaire) et au niveau international, au sein de l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé) et/ou de la FAO (Food and Agriculture Organization). Ces experts scientifiques émettent un avis sur le risque, ce qui permettra aux décideurs administratifs ou politiques de gérer ce dernier.

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Risk communication Risk assessment

Scientific advice

Risk management

Decisions based on scientific input, policy & values

Figure 1. Les interactions entre les différents acteurs de la procédure d’analyse de risques

2.3 Principe de précaution Des mesures de bon sens sont requises. Elles devraient être proportionnées et ne pas imposer plus de restrictions qu’il n’est nécessaire pour atteindre le niveau élevé de protection de la santé. Il s’agit du principe de précaution. 2.4 Prescriptions relatives à la sécurité sanitaire des denrées alimentaires Aucune denrée alimentaire n’est mise sur le marché si elle est dangereuse. Elle est dite dangereuse si elle est impropre à la consommation humaine ou préjudiciable à la santé. Une denrée est jugée impropre à la consommation si elle est inacceptable par rapport à l’utilisation prévue pour des raisons de contamination, de putréfaction, de détérioration ou de décomposition. Une denrée préjudiciable à la santé est plus compliquée à identifier. Dans ce jugement, il est tenu compte : • • •

De son effet probable immédiat et/ou à court terme et/ou à long terme sur la santé d’une personne, mais aussi de sa descendance (ce qui semble moins évident à prouver). De ses effets toxiques cumulables probables. Des sensibilités sanitaires particulières d’une catégorie spécifique de consommateurs lorsque la denrée alimentaire lui est destinée, par exemple dans le cas des produits diététiques.

Il est notamment difficile d’évaluer un risque à long terme sur la santé d’une personne, et de surcroît sur celle de sa descendance.

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A titre d’exemple, concernant les denrées alimentaires, aujourd’hui, après de nombreuses discussions entre les scientifiques et surtout les lobbies et les politiques au sein de l’Union Européenne, les compléments alimentaires (gélules, comprimés) sont considérés comme des aliments. 2.5 Traçabilité La traçabilité représente la possibilité de retrouver, pour un produit donné, la trace de toutes les étapes de sa fabrication et de la provenance de tous ses composants. La traçabilité est donc établie à toutes les étapes de la production, de la transformation et de la distribution au moyen d'identifications enregistrées. Elle est une obligation pour toute personne qui prépare des produits alimentaires. Ainsi, tout opérateur de la chaîne alimentaire est responsable de garantir le respect de la législation alimentaire à son stade. Une fois les principes généraux respectés, il faut assurer la sécurité sanitaire de manière plus spécifique. 3. LA SECURITE SANITAIRE 3.1 Le paquet hygiène Il existe un ensemble règlementaire très complet : les textes fondateurs du « paquet hygiène ». Il s’organise comme présenté ci-dessous en textes destinés aux professionnels et en textes destinés aux services de contrôle.

Professionnels

Services de contrôle

Règlement n°183/2005 Règles spécifiques pour l’alimentation animale

Règlement n° 882/2004 « Contrôles Officiels »

Règlement n°852/2004 Règles générales d’hygiène pour toutes les denrées alimentaires (commerce de détail inclus)

Règlement n°853/2004

Règles générales d’hygiène pour toutes les denrées alimentaires d’origine animale (hors commerce de détail*)

Règlement n° 854/2004 Règles spécifiques d’organisation des contrôles officiels

Figure 2. Principales composantes du « paquet hygiène »

Ces textes représentent une contrainte relativement lourde pour l’exploitant du secteur alimentaire qui a la totale responsabilité en termes de sécurité sanitaire. Le plus important des trois textes destinés aux professionnels est le règlement n°852 publié en 2004 [2] (Fig. 2). Il établit les règles générales d’hygiène en tenant particulièrement compte des principes suivants : •

L’exploitant du secteur alimentaire a l’entière responsabilité d’assurer l’hygiène alimentaire et la sécurité du consommateur.

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• •



La sécurité doit être garantie à toutes les étapes de la chaîne alimentaire : c’est le concept « du champ à l’assiette ». La démarche HACCP (Hazard Analysis of Critical Control Point) associée à la mise en œuvre de bonnes pratiques d’hygiène est obligatoire. Elle devrait renforcer la responsabilité des exploitants du secteur alimentaire qui seront tenus de s’interroger sur les risques potentiels et les mesures qui permettront de gérer ces risques à chacune des étapes du développement du produit. Les guides de bonnes pratiques, rédigés en liaison avec la DGCCRF (Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes) constituent des outils précieux qui aideront les exploitants du secteur alimentaire à respecter les règles d’hygiène (alimentaire) à toutes les étapes de la chaîne (alimentaire) et à appliquer les principes HACCP.

La figure ci-dessous (Fig. 3) illustre les principales règles d’hygiène.

Le paquet hygiène (178, 852, 853, 2073)

Diligence normale

La réglementation nationale

Traçabilité et gestion des non conformités

Plan HACCP

Quels

?

contrôles

Quels outils à disposition?

BPH* ou pré-requis réglementairement documentés

PMS •

BPH = Bonnes pratiques hygiéniques

Figure 3. Les principales règles d’hygiène en industrie alimentaire (Source : Karine Boquet, AgroParisTech : www.saveursparisidf.com/fileadmin/user_upload/Karinne_BOQUET-seminaire_CERVIA_AFSSA.pdf)

Outre le paquet hygiène, il existe des contraintes supplémentaires à respecter. En particulier sur les limites maximales de polluants et de contaminants qu’il est possible de tolérer et d’additifs, d’enzymes et d’arômes qu’il est possible d’incorporer dans les aliments. Ces dernières sont contenues dans les règlements spécifiques.

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3.2 Les règlements spécifiques - Règlement 1881/2006 [3] Ce texte fixe des teneurs maximales pour certains contaminants dans les denrées alimentaires tels que : • Les nitrates • Les mycotoxines • Les métaux lourds • Le 3-MCPD (3-monochloropropane-1,2-diol) • Les Dioxines et PCB (polychlorobiphényles) • Les HAP (hydrocarbures aromatiques polycycliques) Si une denrée présente une concentration en un de ces composés dépassant les limites fixées, alors elle ne sera pas mise sur le marché. - Règlements CE 396/2005 [4] et 149/2008 [5] Ces règlements concernent les limites maximales de résidus de pesticides autorisées dans ou sur les denrées alimentaires et les aliments pour animaux. - Règlement CE 1331/2008 [6] Il existe depuis longtemps une réglementation harmonisée sur les additifs alimentaires au plan européen. A présent le règlement CE 1331/2008 établit une procédure d’autorisation pour les enzymes et les arômes alimentaires en plus des additifs. Le respect des aspects sanitaires constitue une étape clé avant la mise sur le marché d’un aliment. A l’heure actuelle, il existe de plus en plus de produits à bénéfice nutritionnel ou santé présents sur le marché. Pour appuyer le fondement de ce type de message et ainsi ne pas induire le consommateur en erreur, il est important d’encadrer ces allégations. 4. LA QUALITE NUTRITIONNELLE ET LA VALEUR SANTE 4.1 L’adjonction de vitamines et de minéraux De la même manière que pour les additifs, des textes réglementaires régissent l’adjonction de vitamines et de minéraux à travers une liste positive qui énumère les vitamines et minéraux autorisés. 4.2 Allégation santé et allégation nutritionnelle Les allégations posent de nombreux problèmes aux professionnels de l’alimentation. En effet, les organisations de consommateurs ont craint dès le départ des allégations inexactes ou trompeuses rendant leurs choix plus difficiles. Ils redoutaient également une augmentation des coûts des produits du fait des ces allégations. C’est pourquoi un règlement a été mis en place, le règlement CE 1924/2006 [7], permettant d’encadrer et de structurer les allégations. Il est expliqué dans ce règlement que les allégations nutritionnelles et de santé ne doivent pas être inexactes, ambiguës ou trompeuses ; elles ne doivent pas susciter des doutes quant à la sécurité et/ou

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l’adéquation nutritionnelles des autres denrées alimentaires ; elles ne doivent pas encourager ou tolérer la consommation excessive d’une denrée alimentaire ; elles ne doivent pas mentionner des modifications des fonctions corporelles qui soient susceptibles d’inspirer des craintes au consommateur. 4.3 Programmes FUFOSE et PASSCLAIM L'abondance alimentaire permet aujourd’hui de choisir ses aliments en fonction des bénéfices attendus, au-delà des plaisirs sensoriels. Compte tenu de l'intérêt croissant porté au concept des « aliments fonctionnels », deux grands programmes européens ont été mis en place ; les programmes FUFOSE et PASSCLAIM. Le premier ; FUFOSE (Functionnal Food Science in Europe), était basé sur le concept d’aliments fonctionnels, c'est-à-dire des aliments qui ont des propriétés qui vont au-delà de leur qualité nutritionnelle. A l’issue de ce programme, il a été proposé que certains aliments puissent porter une allégation de type « réduction du risque de maladie ». Cette terminologie a été retenue pour éviter de prêter à controverse dans la mesure où elle ne doit pas laisser croire que ces produits permettraient de prévenir les maladies. Seuls les médicaments ont juridiquement cette capacité. D’autre part, certains aliments seraient porteurs d’allégation fonctionnelle. Il s’agit des aliments jouant un rôle sur une fonction biologique ou physiologique de l’organisme ou qui améliorent cette fonction. « Réduction de risque de maladie » et allégation « fonctionnelle » sont ainsi des allégations « santé ». Les principes de ces allégations seront détaillés par la suite. La démonstration scientifique du bénéfice allégué doit se faire dans un cadre scientifique défini : c’est l’objet de l’action concertée européenne PASSCLAIM. Le résultat des réflexions des programmes européens FUFOSE et PASSCLAIM sur les aliments fonctionnels est résumé sur la figure ci-dessous (Fig. 4) :

Figure 4. Schéma illustrant les résultats des réflexions des programmes européens FUFOSE et PASSCLAIM sur les aliments fonctionnels

Comme nous l’avons introduit précédemment, le règlement a proposé deux types d’allégations : les allégations nutritionnelles et les allégations santé, que nous allons définir plus précisément.

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Les allégations nutritionnelles sont des allégations qui énoncent, suggèrent ou impliquent qu’une denrée alimentaire possède des propriétés nutritionnelles bénéfiques particulières grâce à sa teneur en énergie ou en nutriments. Les allégations nutritionnelles admises sont, en accord avec le Codex Alimentarius, listées en annexe du règlement 1924/2006 [7] (exemple : riche en…, pauvre en…, source de …). Les allégations santé sont de deux ordres : les allégations fonctionnelles et les allégations de réduction de risque de maladie. Les allégations fonctionnelles sont les allégations santé qui mentionnent le rôle d’un nutriment dans la croissance, le développement et dans les fonctions de l’organisme (ex : le calcium participe à la constitution du squelette), les fonctions physiques et comportementales ; l’amaigrissement, le contrôle du poids, la réduction de la faim, l‘augmentation de la satiété ou la réduction de la valeur énergétique du régime alimentaire. Une allégation santé, de type réduction de risques de maladie, est toute allégation qui affirme, suggère ou implique que la consommation d’un aliment réduit sensiblement un facteur de risque de développement d’une maladie humaine. Dans le cadre de ces allégations santé, il est complexe pour l’industriel d’apporter une preuve scientifique de la véracité de son allégation. Dans ce contexte, l’ILSI Europe (International Life Sciences Institute, branche européenne) a organisé un colloque fin Décembre 2009 afin de mieux définir la méthodologie permettant d’apporter la preuve d’une allégation santé « réduction de risque de maladie ». Il s’agit d’un processus long et coûteux. Il risque d’accentuer de ce fait le fossé entre les grandes firmes, qui disposent de moyens pour réaliser les études cliniques, et les petites et moyennes entreprises. Pour les scientifiques, l’élaboration de lignes directrices pour démontrer les effets présente aussi des difficultés. 4.4 Obtention de ces allégations Lorsqu’un industriel veut mettre une allégation nutritionnelle sur un produit, aucune autorisation n’est nécessaire. Cependant, il faut qu’elle figure dans la liste positive figurant à l’annexe du règlement 1924/2006 [7]. En ce qui concerne les allégations santé, dans le cas d’une allégation fonctionnelle, deux cas de figures se présentent ; selon qu’elle est basée sur des données (scientifiques) acceptées par la communauté scientifique (allégation « générique ») ou non ; si elle est basée sur des données (scientifiques) acceptées par la communauté scientifique, (c’est le cas par exemple de l’action du calcium sur la constitution du squelette), l’industriel doit établir un dossier qui caractérise l’aliment porteur de l’allégation et qui apporte des preuves scientifiques basées sur les résultats d’études conduites sur l’homme avec cet aliment. Sa demande doit être introduite auprès de l’Etat membre concerné qui la transmet à l’Autorité Européenne de Sécurité des Aliments (AESA). Sur la base de l’avis de l’AESA, une décision relative à l’utilisation est prise par la Commission. En octobre 2009, l’AESA avait reçu plus de 4 000 propositions d’allégations dont beaucoup étaient génériques. Elle a dû trier ces propositions. Elle a émis 341 opinions qui concernaient 2758 propositions d’allégations dont quelques unes ont été acceptées et vont faire l’objet d’une liste établie par la Commission Européenne ; - en revanche, si elle est basée sur des données non acceptées par la communauté scientifique, (c’est le cas par exemple de tel type de bactérie

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lactique qui améliore l’équilibre de la flore intestinale), il faut obtenir une autorisation au travers d’un processus complexe dit de « Comitologie ». Les démarches à suivre sont récapitulées sur la figure ci-dessous (Fig. 5).

Allégations santé Fonctionnelles

Basées sur des données scientifiques acceptées par la communauté

Basées sur des données scientifiques récentes

Liste d’allégations génériques Avis EFSA Décision par « Comitologie » (élaboration d’une liste)

Réduction de risques de maladie

Autorisation d’allégations spécifiques Avis EFSA Proposition Commission Autorisation par « Comitologie »

Allégations nutritionnelles

Annexe du règlement 1924/2006

Figure 5. Récapitulatif des démarches à suivre pour obtenir une allégation.

5. CONCLUSION Pour lancer un nouveau produit alimentaire, l’industriel doit disposer d’un concept qui s’adresse à une certaine cible parmi les consommateurs. Le produit est ensuite formulé, puis viennent les études de faisabilité avec les essais pilotes, l’industrialisation et enfin la mise sur le marché. Cependant, un produit alimentaire est destiné à être ingéré par le consommateur. Son innocuité est donc nécessaire, d’où l’importance de respecter les textes réglementaires relatifs à l’agroalimentaire. Ces textes réglementaires résultent de plus de trente ans de réflexion dans l’objectif d’assurer un niveau élevé de protection de la santé et de la vie du consommateur. L’organisation de l’évaluation des risques a été remanié, des processus de consultation des acteurs ont été mis en place, la plupart des décisions importantes sont communes entre le Parlement Européen et le Conseil des Ministres. Et pourtant, les citoyens sont méfiants, ils n’ont plus confiance dans la qualité de leur alimentation, ni dans les scientifiques accusés de collusion avec l’industrie.

6. REMERCIEMENTS L’auteur remercie Mlles DORANGEON et MEIFFREN, élèves-ingénieurs AgroParisTech pour la retranscription de la conférence et Mlle LESDEMA, doctorante AgroParisTech pour son encadrement de la rédaction de cet article.

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7. REFERENCES 1.

RÈGLEMENT (CE) No 178/2002 DU PARLEMENT EUROPÉEN ET DU CONSEIL du 28 Janvier 2002 établissant les principes généraux et les prescriptions générales de la législation alimentaire, instituant l'Autorité Européenne de Sécurité des Aliments et fixant des procédures relatives à la sécurité des denrées alimentaires, JO L 31/1 du 1.2.2002

2.

RÈGLEMENT (CE) No 852/2004 DU PARLEMENT EUROPÉEN ET DU CONSEIL du 29 Avril 2004 relatif à l’hygiène des denrées alimentaires, JO L 226/3 du 25.6.2004

3.

RÈGLEMENT (CE) No 1881/2006 DE LA COMMISSION du 19 Décembre 2006 portant fixation de teneurs maximales pour certains contaminants dans les denrées alimentaires, JO L 364/5 du 20.12.2006

4.

RÈGLEMENT (CE) N° 396/2005 DU PARLEMENT EUROPÉEN ET DU CONSEIL du 23 Février 2005 concernant les limites maximales applicables aux résidus de pesticides présents dans ou sur les denrées alimentaires et les aliments pour animaux d'origine végétale et animale et modifiant la directive 91/414/CEE du Conseil, JO L 70 du 16.3.2005

5.

RÈGLEMENT (CE) No 149/2008 DE LA COMMISSION du 29 Janvier 2008 modifiant le règlement (CE) no 396/2005 du Parlement Européen et du Conseil pour y ajouter les annexes II, III et IV fixant les limites maximales applicables aux résidus des produits figurant à son annexe I, JO L 58/1 du 1.3.2008

6.

RÈGLEMENT (CE) No 1331/2008 DU PARLEMENT EUROPÉEN ET DU CONSEIL du 16 Décembre 2008 établissant une procédure d’autorisation uniforme pour les additifs, enzymes et arômes alimentaires, JO L 354/1 du 31.12.2008

7.

REGLEMENT (CE) No 1924/2006 du PARLEMENT EUROPEEN ET DU CONSEIL du 20 Décembre 2006 concernant les allégations nutritionnelles et de santé portant sur les denrées alimentaires, JO L 404 du 30.12.2006

L’aliment emballé : aspects techniques, fonctionnels, organisationnels et environnementaux Laurent LE BRETON Directeur 2iPACK Conseil, 4 rue de Symphorines, 44 400 Rezé ([email protected])

RESUME :

• • • • • • •

Pour maximiser les chances de réussite d’un couple Aliment - Emballage, l’innovation Emballage doit être conduite comme un projet stratégique simultanément à l’élaboration du produit et validée des points de vue marketing, commercial, technique et économique. Les enjeux liés aux emballages sont en effet vitaux pour la rentabilité des Industries Agroalimentaires : compétitivité, attractivité et différenciation de l’offre grâce aux services apportés par le packaging, valeur d’usage et valeur ajoutée réelles perçues par le consommateur et contribution au respect de l’environnement. Ainsi les démarches d’éco-innovation ou de conception raisonnée des emballages constituent de nouvelles opportunités pour : améliorer la performance globale par une meilleure maîtrise des coûts tout en minimisant l’impact sur l’environnement, innover et créer de la valeur, donner des arguments solides aux choix réalisés, améliorer son image, à condition d’être construites très en amont et d’intégrer de bonnes pratiques internes telles que : l’élaboration d’un cahier des charges fonctionnel puis technique, une démarche collaborative impliquant tous les métiers afin d’éviter des gaspillages et pertes de temps. l’animation d’un processus de veille ciblé afin de tirer parti des évolutions technologiques et ainsi faire évoluer les produits/packs pour qu’ils répondent mieux aux besoins latents ou explicites des consommateurs. Les gains réalisés peuvent permettre aux industriels agroalimentaires de soutenir une démarche d’innovation.

MOTS-CLES : Emballage, aliment, environnement, conception raisonnée 1. INTRODUCTION Les démarches fondamentales de la conception du couple emballage-produit prennent en compte les aspects fonctionnels, techniques, organisationnels et environnementaux. Après avoir établi un état des lieux du contexte actuel du couple emballage-produit, les enjeux liés à ce même couple seront abordés de même que les différentes manières d’innover ou d’améliorer celui-ci. Le couple emballageproduit dans le contexte actuel nous amène à nous poser plusieurs questions à la fois sur ses aspects environnementaux mais aussi socio-économiques. En effet, en quoi les aspects environnementaux peuvent-ils amener à revisiter le couple

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emballage-produit et être générateurs d’innovation ? Comment aborder de façon participative et collaborative l’ensemble de ces thématiques qui sont transversales par nature, en intégrant la nécessité d’un travail d’équipes pluridisciplinaires ? A travers des exemples, les réponses à ces questions ainsi que les bonnes pratiques issues de cette démarche seront présentées. 2. CONTEXTE, ENJEUX ET LEVIERS D’ACTION Les challenges sont de plus en plus nombreux pour l’industriel de l’agroalimentaire.

Figure 1. Les enjeux de l’emballage alimentaire (Tous droits réservés 2iPACK 2009)

De façon schématique (Fig. 1), les enjeux concernant l’emballage alimentaire peuvent se regrouper autour de l’aliment emballé. L’industriel agroalimentaire doit suivre une démarche concurrentielle et « sortir des sentiers battus ». Pour cela, il doit se différencier via le couple emballage-produit. Il peut choisir la solution de performance industrielle et logistique pour « faire mieux » que la concurrence. Il peut également suivre une thématique d’actualité, l’éco-citoyenneté, et décider de réduire l’impact du couple emballage-produit sur l’environnement. Placée au centre des préoccupations des industries agro-alimentaires, la réduction des coûts de production est parfois difficile face à la hausse des matières premières et à la pression exercée par les différents circuits de distribution. De plus, les cycles de vie des couples emballages-produits sur le marché se réduisent, ce qui force l’industriel, au centre de la démarche de conception raisonnée, à réduire le délai qui va du concept jusqu’au marché, de l’idée jusqu’au linéaire pour « faire plus vite ». L’emballage peut également participer à l’amélioration de la perception du consommateur par le respect de la sécurité sanitaire pour « faire plus sûr ». Les défis du couple emballage-produit sont nombreux pour concilier tous ces aspects. Quatre leviers d’actions peuvent être mis en place dans les entreprises pour y arriver : • une démarche d’innovation basée sur l’élaboration du cahier des charges, • une démarche d’optimisation ayant pour objectif une amélioration en continu de tous les aspects de passage sur machine des aliments conditionnés,

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un aspect économique, qui peut être également un levier si l’on utilise des outils d’analyse de la valeur pour améliorer la valeur perçue et le coût économique lié à chacune des fonctions apportées par le couple emballageproduit, • un aspect environnemental, qui permet la réduction de l’impact de ce couple sur l’environnement. Les principaux leviers d’action nécessitent un pilotage simultané de ces axes pour arriver à une performance globale qui soit satisfaisante du point de vue du conditionneur agroalimentaire. 3. LA DEMARCHE DE CONCEPTION DU COUPLE EMBALLAGE-ALIMENT La démarche de conception du couple Emballage – Aliment est basée sur l’analyse fonctionnelle afin d’’élaborer un cahier des charges pour garantir des réponses techniques optimales et en adéquation avec les attentes de tous les acteurs impliqués. 3.1 L’analyse fonctionnelle L’arbre à cornes (Fig. 2) donne le type de questionnement qui peut servir aux équipes pluridisciplinaires, c'est-à-dire des équipes marketing, R&D, achats ou production, pour élaborer les futurs concepts dans une approche sur le couple emballage-produit ou bien pour définir des concepts alternatifs à ceux existants.

Figure 2. L’emballage dans son contexte fonctionnel

L’analyse fonctionnelle est un des outils permettant d’avancer sur le travail sur la valeur. Sur la figure 3, la balance représente la satisfaction des besoins avec la notion de fonctions vues précédemment, les attentes des utilisateurs et du consommateur au niveau du respect de l’environnement, les notions de sécurité et de santé du couple emballage-produit et enfin les notions d’utilité et d’agrément face à ces besoins, qui sont exprimées et travaillées lors de l’analyse fonctionnelle. En regard, on trouve des notions de coûts globaux. Au delà du coût direct des emballages sur le coût global, appelé coût d’achat, des notions se précisent avec le coût écologique. Le coût « écologique » correspond aux démarches de normalisation qui sont en cours actuellement, avec les travaux de l’Agence De l’Environnement et

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de la Maîtrise de l’Energie (ADEME) et de l’Association Française de NORmalisation (AFNOR) par exemple. Ces démarches vont transmettre progressivement, avec l’affichage environnemental, aux industriels et aux utilisateurs d’emballages des outils de méthodologie et des outils opérationnels. Ainsi, ils vont pouvoir mesurer et quantifier les impacts sur l’environnement des couples emballages-produits qui vont être mis sur le marché. De cette manière, les notions de coût écologique seront plus précises et plus facilement quantifiables. D’autres notions comme le « coût social », qui fait référence à la démarche de développement durable, sont mises en œuvre dans les entreprises. Le coût social d’un couple emballage-produit s’intéresse, par exemple, à l’impact des choix des technologies d’emballage sur les opérateurs de conditionnement et sur leurs santés. Enfin, le coût d’utilisation correspond à tout ce que va générer l’utilisation du produit par le consommateur comme la cuisson au four ou au four à micro-ondes ou le fait de le congeler. Le coût d’utilisation intègre les coûts indirects qui sont nécessaires dans une approche globale vis-à-vis des fonctions.

Figure 3. La valeur de l’emballage (Tous droits réservés 2iPACK 2009)

Un des travaux que peut mener le groupe pluridisciplinaire dans le cadre du travail sur la valeur peut se référer à ce type d’équilibre qu’il faut conserver pour rechercher un couple emballage-produit performant. Il s’agit par exemple d’augmenter la valeur perçue sans augmenter le coût global précisément évalué. 3.2 Le cahier des charges La démarche dans l’analyse fonctionnelle et le travail sur la valeur amènent à établir un cahier des charges qui intègre le produit, l’emballage, son procédé et les interactions du couple emballage-produit aussi bien entre l’emballage et le produit (migration) qu’entre le couple et son environnement (lumière, perméabilité, temps) pour rechercher le meilleur compromis. Le cahier des charges n’est pas seulement là pour établir un compromis mais c’est aussi un outil pour faciliter la discussion entre les différents acteurs et assurer que toutes les contraintes ont été prises en compte.

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3.3 Aspects organisationnels Comment mettre en œuvre tous ces principes au cours de l’analyse fonctionnelle, du travail d’analyse de la valeur et des leviers en termes de réduction à la source sur l’aspect quantitatif ?

Figure 4. Aspects à concilier de la conception de l’aliment emballé : les acteurs interne et externe

L’important est de centrer sur les problématiques de l’aliment emballé, les aspects de compétitivité, de rentabilité, d’éco-conception et faire travailler ensemble tous les acteurs iternes mais aussi externes pour s’adapter aux attentes du marché, du consommateur dans une préoccupation d’optimisation des coûts en intégrant les contraintes techniques, le couple emballage-produit, les interactions emballagealiment et les préoccupations environnementales (Fig. 4). Il s’agit donc de générer des couples emballage-produit conçus de manière raisonnable et durable. Il faut bien sûr ne pas oublier de prendre en compte la vocation de ces industries qui est d’assurer la rentabilité de leurs activités. 4. LES FONCTIONS DE BASE, LES INTERACTIONS DE L’ALIMENT ET LES PROGRAMMES DE RECHERCHE 4.1 Les fonctions de base Les aspects fonctionnels et techniques sont fondamentaux en termes de développement du conditionnement alimentaire. En effet, ces fonctions de base de l’emballage sont : • contenir,

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• • • • •



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protéger d’un point de vue de la conservation et des problèmes de durée de vie, valoriser les qualités organoleptiques du produit, communiquer, être pratique pour rendre l’aliment emballé plus satisfaisant du point de vue de sa relation avec l’utilisateur, utiliser des emballages actifs suite à l’évolution de la réglementation. Ainsi un emballage actif est un emballage qui va interagir avec l'aliment. Ce type d'emballage va permettre d'augmenter la durée de conservation du produit ou de conserver les couleurs ou les arômes. être éco-conçu, notion qui amène beaucoup d’industriels à revisiter et à retravailler les concepts d’emballage-produit.

L’emballage évolue au gré des modes de consommation et peut également créer de nouveaux usages. Deux types d’actions sont possibles pour le conditionneur agroalimentaire qui veut évoluer, faire évoluer ses emballages ou innover. Le premier aspect est l’innovation par la rupture, qui est de plus en plus rare, mais permet à l’industriel de se différencier réellement de la concurrence sur le couple emballage-produit. Le deuxième aspect, qui est plus visible dans les sociétés agroalimentaires, concerne l’amélioration continue. L’industriel décide de travailler sur tous les points grâce à différents outils et à des démarches collégiales. Ainsi, il met en place un système qui permet de ne pas revenir en arrière et de sécuriser le processus. 4.2 Les interactions.

Figure 5. Les interactions mises en jeu par le couple emballage-produit [1] (Tous droits réservés 2iPACK 2009)

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Les différentes interactions de l’emballage avec le produit et l’environnement extérieur (comme l’impact de la lumière) sont représentées sur la Figure 5. Pour étudier les interactions, il est important de prendre en compte également tous les éléments tels que la durée de vie du produit, les caractéristiques de l’environnement (humidité, température et pression, composition). Par ailleurs, il est indispensable de s’intéresser aux interactions internes au couple emballage-produit. Le choix de la barrière permet d’opter pour la perméabilité optimale tout en assurant la préservation des qualités organoleptiques et la maîtrise microbiologique pour accéder à la durée de vie de conservation du produit et de ses caractéristiques. Ces interactions sont à prendre en compte dans la démarche de conception raisonnée. 4.3 Les programmes en cours Afin d’apporter aux entreprises de l’agroalimentaire et de l’emballage ainsi qu’aux pouvoirs publics des expertises en innovation et qualité, le Réseau Mixte Technologique Pro Pack Food s’est constitué en 2009 [3]. Les programmes de recherche visent à consolider les connaissances sur plusieurs sujets dans le cadre d’une approche intégrée : emballage/procédé/aliment. • Impact des technologies de préservation associant l’emballage sur la sécurité sanitaire et la qualité de l’aliment o Incidence de l’atmosphère modifiée sur le comportement des flores d’altération et pathogène dans les aliments - interaction O2 et CO2 avec l’emballage et la matrice alimentaire o Mécanisme de la diffusion des gaz pouvant interagir sur l’évolution des flores. • Evaluation du risque sanitaire des emballages o Développement de méthodes d’évaluation des effets toxiques des migrants et de la contamination microbiologique des emballages. o Garantie de l’innocuité des matériaux d’emballages (néoformés, polluants inconnus, interaction matériau/aliment). o Définition de seuils de contamination aliments/contenus et évaluation de l’impact des procédés de décontamination. • Développement et évaluation de matériaux actifs : o Par modification de surface, adsorption, inclusion ou greffage de molécules, o Par association de matrice polymère et de film mince barrière présentant des propriétés antimicrobiennes, o Modulation des interactions physicochimiques matériau/aliment, o Utilisation de matériaux issus du recyclage à des finalités de contact alimentaire.

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5. LES ASPECTS ENVIRONNEMENTAUX 5.1 Pilotage d’une démarche « packaging/aliment » pro-environnementale Les aspects environnementaux vont amener à revisiter les concepts des couples emballage-produit existants, dans un contexte où l’environnement concurrentiel est fort, où l’efficacité économique est recherchée et où les industriels vont rechercher la performance de leur ligne de conditionnement. Pour comprendre les éléments qui vont motiver les entreprises à s’engager dans de tels processus, nous allons nous référer aux entreprises qui ont déjà réalisé ce type de démarche. La démarche de type ISO 14001 a permis à des entreprises de suivre cette tendance. Les entreprises en tirent un bénéfice en termes d’images de marque et renforcent la confiance vis-à-vis de leurs clients directs et de leurs consommateurs. Cette démarche est également suivie par des entreprises soucieuses de réduire leurs impacts environnementaux. L’observation de PME et de groupes nationaux dans cette démarche approuve la création de projets fédérateurs en interne et de facteurs de décloisonnement qui amènent des équipes pluridisciplinaires à travailler ensemble sur cette thématique. D‘une façon générale, les entreprises qui avancent significativement sur ces sujets ont à leur tête des dirigeants particulièrement impliqués. D’autres industriels y voient soit des opportunités commerciales, soit une réduction des coûts de production ou des masses d’emballages utilisées ou encore une réduction des coûts d’énergie nécessaires. Dans tous les cas, la majorité des entreprises du monde de l’emballage en partenariat avec les entreprises agroalimentaires s’implique de plus en plus dans ces démarches. Il existe deux façons d’aborder la problématique environnementale : l’approche quantitative et l’approche qualitative. L’approche quantitative a pour objectif la réduction du poids et l’optimisation du volume. L’approche qualitative a pour but de mettre en place une approche différente avec l’utilisation de matériaux alternatifs, les matériaux bio-sourcés par exemple. Les équipes travaillant sur les couples emballage-produit réfléchissent à la démarche à adopter pour réduire la masse ou le volume d’emballage non valorisable (valorisation organique ou matière préférentiellement) mis sur le marché. 5.2 L’approche quantitative : réduction à la source des emballages Deux types d’investigation peuvent être envisagés. Le premier porte sur le produit proprement dit avec des questionnements tels que : en quoi l’évolution ou la façon différente dont on aborde le produit peut-elle changer la donne ? Autrement dit, comment réduire les contraintes liées à l’emballage que peut imposer le produit ? Par exemple, comment peut-on réduire la sensibilité d’un produit à l’oxygène ou sa fragilité ? Les conséquences de ces solutions en termes d’emballage peuvent avoir un impact sur la réduction des exigences du cahier des charges et donc aussi des réponses plus optimales en termes d’économie. Peut-on aussi jouer un rôle sur la réduction du volume de l’aliment ? A valeurs d’usage et de service constantes, voire supérieures, peut-on réduire l’encombrement de l’emballage ? Dans de nombreux cas, cela a un impact sur la palettisation et sur le nombre de camions qui circulent sur la route. Plus précisément, lors de la mise en place d’un conditionnement sous atmosphère modifiée, les industriels sécurisent souvent leurs approches en suresti -

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mant l’espace de tête au-dessus du produit sous l’opercule. Un travail avec les équipes pour avoir le volume de gaz d’inertage juste nécessaire pour stabiliser le produit amène à réduire la hauteur de la barquette. Lorsque ces produits sont empilés et regroupés dans des caisses de transport, le plan de palettisation est amélioré et génère des gains importants sur le nombre de camions et donc diminue les émissions de gaz à effet de serre, notamment. Ce questionnement lié à l’évolution de la conception des produits est un facteur de progrès qu’il faut mettre en œuvre en amont et en association avec tous les acteurs. Idéalement, la conception de l’emballage doit être associée simultanément à celle du produit. Le deuxième type d’investigation porte sur l’ensemble des points suivants qui listent les étapes habituelles de la conception du couple emballage / aliment : • Modifier les procédés de conditionnement • Concevoir différemment l’emballage • Simplifier le système d’emballages • Optimiser la logistique • Utiliser de nouveaux matériaux • Optimiser le process de fabrication Les impacts sont des conséquences des choix initiaux, d’où l’importance d’une approche très globale à l’origine de l’élaboration des concepts de produits. Avec cette démarche, les impacts sont immédiatement identifiés. 5.3 Exemples Deux exemples illustrent l’existence de voies de progrès et la preuve de l’investissement de nombreux industriels dans cette démarche : la bouteille sans opercule et la bouteille sans étiquette. En effet, Système U a développé, avec une laiterie et un transformateur d’emballage, une bouteille de lait sans opercule (Fig. 6). Si l’on fait une extrapolation que 1,3 milliard de bouteilles vendues sont sans opercules, le potentiel en termes d’économie est de 6000 tonnes d’aluminium. D’après les concepteurs, un travail a été réalisé en amont sur la conservation du produit pour assurer sa protection, sur la conception du bouchon (étanchéité, barrière et inertie) et le procédé de fabrication de la bouteille. Cela ouvre un certain nombre de perspectives sur la réduction du poids de la bouteille passant de 28 g à terme à 18 g (d’après les prévisions des industriels et leurs argumentations). Ce potentiel de réduction est atteignable, à partir du moment où les industriels de l’emballage et les conditionneurs agroalimentaires travaillent ensemble. La bouteille sans étiquette (Fig. 7) est réalisée par transfert thermique de la position de l’impression directement sur le corps creux, sans support papier. Les industriels présentent cette technique comme ayant une qualité de présentation identique et permettant de générer un gain de tonnes de papier mis sur le marché et donc des enjeux importants. La fin de vie de l’emballage doit, bien entendu, être considérée, du point de vue de la compatibilité des encres avec les installations de recyclage.

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Figure 6. Bouteille de lait sans opercule [2]

Figure 7. Bouteilles sans étiquette

Ces exemples de travail au niveau du couple emballage-produit permettent des générer des gains environnementaux significatifs. 6. CONCLUSION : LES BONNES PRATIQUES. Les éléments présentés dans ce document constituent un mode d’emploi pour aborder ces thèmes. Tout d’abord, en lien avec les aspects organisationnels, c’est une démarche qui doit être participative et transversale pour remettre en question des choix existants. L’évolution peut être incrémentale ou rupturiste. Plus la démarche est engagée en amont avec des outils de créativité appropriés, plus la remise en question des choix historiques est importante. Toutes ces démarches sont basées sur la veille opérationnelle c'est-à-dire tirant parti des évolutions technologiques au niveau des procédés de préservation des aliments. Par exemple, l’évolution des techniques de conservation sous atmosphère modifiée ou l’évolution des matériaux sur la partie technique peuvent être à l’origine de la démarche. La démarche peut aussi être basée sur des aspects méthodologiques, en mettant au point une méthode de gestion d’équipe pluridisciplinaire sur ces sujets en s’appuyant sur des éléments de veille complémentaires. Il y a dans tous les cas, sur les emballages existants sur le marché, un potentiel important d’optimisation quantitative de l’impact sur l’environnement. Cette démarche

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peut être verticale en prenant en compte le couple emballage-produit mais aussi de façon plus globale en s’intéressant à l’emballage secondaire au niveau du transport ou encore à l’emballage tertiaire concernant le plan de palettisation. En règle générale, les gains attendus ou observés sont importants. Un indicateur qui peut servir de fil conducteur de la démarche est la mesure en permanence du ratio : poids d’emballage / poids produit . Pour prendre un exemple, pour une barquette de 2 tranches de jambon conditionnées sous atmosphère modifiée, le poids de l’emballage représente près de 25 % du poids net. L’industriel prend alors la décision de réduire ou non ce ratio. Enfin dans la démarche de progrès, la mise en place d’un plan d’action est possible. Une expérimentation est alors réalisée qui permet d’identifier des solutions et de valider, par un plan d’expériences ou par des essais, la pertinence des alternatives qui sont proposées. Pour conclure, la conception raisonnée est basée sur l’approche simultanée de tous les aspects liés au triptyque Emballage / produit / process et le plus en amont possible avec l’ensemble des acteurs externes et internes pour pouvoir générer des approches différentes, plus optimales. Des résultats peuvent être obtenus dans ce cas de figure et ont été illustrés par de nombreux exemples. Ces résultats peuvent se traduire par des gains économiques, mais aussi écologiques, plus généralement par une performance accrue des entreprises agroalimentaires comportant des groupes de travail qui se sont impliqués, et un bénéfice en termes d’image pour les entreprises qui mettent en place ces démarches. Néanmoins, cette approche ne doit pas se limiter uniquement à l’aspect quantitatif. En effet, la conception de l’emballage et son optimisation passent aussi par la qualité de l’emballage, sa nature et sa composition. Une des voies de progrès consiste à remplacer progressivement les matériaux à base d’énergie fossile par des matériaux - à impact sur l’environnement moindre et démontré par des analyses de cycle de vie - renouvelables, biodégradables, à base de biomasse par exemple. Ces aspects qualitatifs répondent au contexte éco-citoyen actuel et permettraient l’utilisation et le développement de la chimie verte. 7. REMERCIEMENTS Je souhaite remercier Marine BERVAS, Aurélie PEROUZE et Jean-Baptiste BOITTE pour leur participation à la rédaction de cet article. 8. RÉFÉRENCES 1.

Site www.pdg-plastiques.com. Oscar de l’emballage 2008

2.

Source : Process alimentaire : Exemples d’emballages décorés par la technologie DI-NA-CAL, présentés à Drinktec sur le stand de Graphic Packaging (Autorisation de François Morel,Photographe et Rédacteur en Chef de Process Alimentaire)

3.

Revue Emballage Digest N° 535 – Février 2009 – Extrait de l’article sur le réseau PropackFood.

Transferts de concepts industriels aux technologies domestiques Gilles TRYSTRAM Ingénierie Procédés Aliments UMR 1145 AgroParisTech - INRA, 1 avenue des Olympiades, 91300 Massy, France ([email protected])

RESUME :

Les procédés industriels et la formulation des produits ont été historiquement construits sur la base de l’extrapolation et des changements d’échelle à partir des technologies domestiques. La volonté de maîtrise de l’homogénéité des productions, la recherche de productivité en faisant passer d’une mise en œuvre discontinue vers une mise en œuvre continue des opérations a également introduit l’usage d’ingrédients et de produits alimentaires intermédiaires. Le chemin inverse est en train de se produire et soit des ingrédients disponibles pour l’échelle industrielle diffusent vers les consommateurs finaux, soit des technologies développées pour ces conditions industrielles sont proposées à l’échelle domestique ou à la restauration hors foyers. Sur la base de quelques exemples, quelques conséquences en recherche, en développement de technologies sont discutées tant du point de vue de la formulation des produits que de celui du développement d’opérations et de leur conduite. L’une des conséquences est la recherche de conception robuste aux usages et une autre est le fonctionnement sur une base de disponibilité énergétique d’ordre de grandeurs très différent entre l’échelle industrielle et l’échelle domestique.

MOTS-CLES :

Procédé, changement d’échelle, transfert de technologies, modélisation et validation expérimentale

1. INTRODUCTION Les technologies domestiques seront définies dans la suite de l’article comme étant les technologies culinaires. Ce sujet multi-facettes et complexe sera abordé à travers plusieurs exemples. Une présentation de l’industrie alimentaire et une étude de plusieurs cas concret seront réalisées pour : - comprendre les technologies culinaires, - concevoir des outils à l’échelle domestique et transférer un savoir-faire industriel vers la technologie culinaire, - déterminer la place et le potentiel des nouveaux objets proposés à ces technologies culinaires. Cet article s’attachera à exposer comment des résultats de la recherche, qui sont développés à une échelle industrielle, peuvent arriver à proposer des progrès ou des questions à l’échelle culinaire. Cette thématique suscite un champ de recherche considérable et très intéressant.

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2. UN ALLER-RETOUR DE L’HISTOIRE L’industrie alimentaire s’est construite par une approche mimétique de la démarche traditionnelle culinaire, en introduisant un changement d’échelle. La première étape a consisté à imiter la manière dont les plats étaient préparés, puis petit-à-petit à monter en taille, en productivité et en quantité de produit traité. Des sciences comme le génie des procédés, la physique et la physico-chimie ont permis cette extrapolation d’échelle. L’industrialisation a également entraîné un passage du discontinu au continu. Aujourd’hui, la volonté de développer certaines niches ou de maîtriser le consensus d’un certain nombre de propriétés, conduit à un retour vers le discontinu. Les industries alimentaires procèdent en deux, voire trois étapes. Les matières premières sont d’abord purifiées et séparées. Un certain nombre d’entre elles sont fonctionnalisées et spécifiées. Elles sont ensuite transformées puis assemblées pour former un aliment. Cette étape d’assemblage constitue la première étape à une justification industrielle extrêmement active. En effet, l’industrie des ingrédients et des produits alimentaires intermédiaires (PAI) a, de nos jours, une activité économique très conséquente. Elle commence à fournir des produits directement à l’échelle du consommateur final. Depuis que la maîtrise sanitaire est supposée acquise, l’industrie alimentaire s’oriente vers deux axes majeurs. Il s’agit d’une part de maîtriser la structure des produits au niveau sensoriel et au niveau nutritionnel (bioaccessibilité des nutriments). La dimension sensorielle en tant que telle est une cible en termes de construction de structure. Elle est utilisée notamment pour la substitution d’ingrédients d’impact nutritionnel non souhaité (lipides, sucres). Ce remplacement ou la diminution de ces ingrédients justifie l’utilisation de l’analyse sensorielle. En effet, les qualités perceptive, sensorielle et organoleptique de ces produits « reconstruits » sans ces constituants, doivent être maintenues au même niveau que le produit original. Parmi les innovations concernant les structures, la gastronomie moléculaire ou la cuisine moléculaire ont aussi apporté des structures nouvelles et des outils du laboratoire de recherche vers la cuisine (fort taux de cisaillement, gradient thermique intense, foisonnement, …). D’autre part, il s’agit de maîtriser l’équilibre chimique, ou la construction chimique de l’aliment au travers d’opérations. Cet enjeu, qui génère des travaux de recherche, a un impact sur ce que l’on peut réaliser à l’échelle culinaire. Des outils, des méthodes et des objets nouveaux venant de la dimension industrielle arrivent à toutes les échelles culinaires, de la restauration hors foyer (grands restaurants, cafétéria, etc.) à la cuisine domestique. C’est le cas des ingrédients, additifs et PAI mentionnés ci-dessus, mais aussi des technologies qui sont modifiées ou qui intègrent un savoir-faire industriel et une valeur ajoutée importante, et qui sont maintenant disponibles à l’échelle du consommateur final. Les concepteurs des technologies domestiques s’allient avec des fabricants de produits alimentaires et ils intègrent un savoir-faire conséquent, pour proposer ces technologies nouvelles à l’échelle domestique. Les exemples se multiplient. La machine à café Nespresso intègre dans une technologie domestique des contraintes lourdes, comme le fait d’avoir une pression de 19 bar. Aux Etats-Unis, une technologie « home beer » permet au consommateur de fabriquer sa propre bière

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dans sa cuisine. Mais si ces machines reproduisent un savoir-faire artisanal ou industriel que l’on sait maîtriser, il est difficile de les étudier et les modéliser en appliquant les méthodologies de recherche basées sur les machines industrielles. En effet, les contraintes retrouvées à l’échelle du consommateur sont très différentes de celles présentes à l’échelle industrielle. Les exemples développés par la suite s’attacheront à montrer comment les travaux de recherche effectués dans le domaine industriel peuvent être appliqués à l’échelle domestique et à souligner les contraintes engendrées par ce transfert de technologie. En effet, il existe des contraintes à l’échelle domestique qui ne sont pas présentes dans l’industrie. 3. L’AUTOCUISEUR : COMPRENDRE SON FONCTIONNEMENT, LE MODELISER POUR CHANGER SA CONCEPTION ET SA CONDUITE L’exemple, basé sur la thèse de Richard Rocca [1], utilise une démarche habituellement appliquée dans l’industrie, pour étudier un objet à l’échelle culinaire afin de l’améliorer. L’autocuiseur consiste à chauffer un aliment dans une enceinte fermée, sous pression. 3.1. La modélisation des flux thermiques

Figure 1. Schématisation des flux lors de la mise en œuvre de l’autocuiseur. La présence d’une soupape évacuant les gaz est symbolisée en partie supérieure. Les autres flèches indiquent les flux thermiques.

Le schéma (Fig.1) montre les différents éléments du système ainsi que les flux thermiques mis en œuvre dans un autocuiseur. Il est possible de modéliser tous ces

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flux et notamment d’étudier l’impact des traitements thermiques sur la valeur cuisatrice (VC) de l’aliment. Le modèle des transferts a été validé sur des données expérimentales variées [1].

z = 28 C

Figure 2. Influence de la conduite de l'autocuiseur sur l'aliment

La valeur cuisatrice (Fig. 2) représente ici l’aptitude d’un produit (par exemple une pomme de terre) à être conforme à un critère de qualité. Elle s’exprime en unités de temps (secondes ici). La qualité du produit est évaluée par une mesure de la texture. Trois conduites de l’autocuiseur sont calculées: soit à puissance constante, soit en baissant la puissance, soit en gérant la purge et la baisse de la puissance en même temps. A même qualité finale de produit (c’est-à-dire à même texture mesurée), un gain sur la durée de cuisson ou bien un gain énergétique peut être réalisé, en fonction du mode de mise en œuvre de l’autocuiseur. Cette modélisation, résultant de démarches expérimentales et de calculs, peut permettre d’optimiser le processus de conduite de l’autocuiseur, en calculant par exemple la température ou la quantité d’air à laquelle il faut fermer la soupape. 3.2. Etude des écoulements d’air autour des produits par la mécanique des fluides L’un des intérêts de l’autocuiseur est la mise en place rapide d’une atmosphère de vapeur. L’évacuation de l’air, et notamment des gaz incondensables qu’il comprend, favorise les transferts thermiques. L’efficacité thermique ainsi améliorée, permet une diminution du temps de cuisson. Afin de pouvoir calculer les écoulements d’air à l’intérieur du panier et leurs conséquences, un maillage de l’autocuiseur a été réalisé (617 383 mailles dans la

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partie gazeuse et 118 561 dans les solides). Les produits à cuire sont supposés sphériques.

Figure 3. Visualisation des écoulements d'air autour des produits. L’intensité de la condensation de la vapeur sur les produits est schématisée par des couleurs (source : thèse R. Rocca).

La figure 3 illustre une grande hétérogénéité de répartition de la vapeur autour des produits.

Figure 4. Visualisation en détail de l'écoulement d'air autour des produits. Les produits sont représentés en gris. L’échelle présente la position des sphères dans l’autocuiseur en abscisse et la concentration en air localement en ordonnée (échelle de couleur croissante du bleu au rouge), (source : thèse R. Rocca).

La présence d’air, visible à certains interstices, (Fig. 4) induit des hétérogénéités de cuisson, entraînant une différence de qualité du produit à ces endroits-là. Par conséquent, des conceptions différentes d’autocuiseur peuvent être imaginées dans le but d’amoindrir ces hétérogénéités de cuisson. Une nouvelle conception

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raisonnée pourrait ainsi permettre un gain de temps et d’énergie. En effet, une économie d’énergie faible à l’échelle domestique (pour une habitation) peut représenter un gain considérable à l’échelle collective. Cet exemple souligne l’intérêt d’utiliser une démarche expérimentale, habituellement appliquée à l’échelle industrielle, couplée à une modélisation, pour recalculer et optimiser un outil culinaire. Ces outils de technologie culinaire sont aussi complexes que ceux qui sont présents à l’échelle industrielle et constituent des objets d’étude intéressants. 4. LA MACHINE A PAIN 4.1. Modélisation L’exemple suivant, réalisé sur une machine à pain, a pour but d’expliquer comment à partir de résultats de recherches (Thèses de Muriel Wagner [3] et Fernanda Vanin [2].), il est possible de comprendre le fonctionnement d’une machine à pain : les différents mécanismes mis en jeu lors de la cuisson du pain et leurs limites. Certaines modifications structurales (évolution de la porosité) et physicochimiques (transformations hydrothermiques ou gélification de l’amidon) peuvent être analysées et modélisées (modèle numérique) au cours de la cuisson du pain. A partir d’un maillage de la baguette, tel qu’illustré figure 5, il est possible de décrire l’évolution des flux de chaleur, d’énergie, de matière et leurs conséquences sur les propriétés mécaniques du produit. Ce modèle a notamment permis de souligner le rôle important de la croûte dans la structuration de la mie. En effet, la croûte, en créant une contrainte sur l’ensemble du système, a une influence sur la répartition des alvéoles et leur distribution de taille. La structure de la mie peut donc être modifiée en jouant sur les conditions opératoires de mises en place de la croûte.

Figure 5. Modélisation de la cuisson d’une baguette en 2D (représentation en coupe).

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Les travaux de recherche réalisés en collaboration avec Camille Michon sur les propriétés rhéologiques de la mie et de la croûte ont permis d’alimenter les données mécaniques du modèle [2]. 4.2. Résultats Une modélisation d’un four a été réalisée via un imageur IRM (Fig. 6). Cette expérience permet de suivre en continu, l’évolution de la distribution de la porosité dans le produit durant la cuisson. Ces résultats expérimentaux ont également permis de valider le modèle [3].

Figure 6. Conception d’un four au sein d’un imageur IRM, source Cemagref, Rennes

Le suivi de l’expansion du pain au cours de la cuisson (Fig 7) met en évidence deux types de zones : des zones dites « compressées » et des zones dites « expansées ». Ces zones sont obtenues par la variation du flux de chaleur. La gestion des flux de chaleur peut donc permettre de piloter partiellement la structuration du produit fini. Cependant, il est important de souligner que la formulation et le procédé de fabrication avant cuisson (pétrissage et/ou fermentation) peuvent également avoir un impact.

Figure 7. Suivi de l’expansion globale et locale en cours de cuisson. Des microcapsules d’huiles (points brillants) ont été ajoutées au produit afin d’améliorer l’intensité du signal IRM (source : Cemagref, Rennes)

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A partir de ces données, il est possible d’étudier l’impact de la variation de la température sur la porosité (Fig. 8), via les flux d’énergie. La figure 8 montre que la température a une influence à la fois sur la hauteur du produit et sur la porosité du produit fini. Il existe donc un moyen de piloter la porosité du produit fini par les flux d’énergie et notamment le flux de contact.

Figure 8. Influence de la distribution des flux thermique sur la création de porosité. hsole : coefficient de transfert de la sole, représente la manière dont le produit est chauffé par le dessous et traduit donc l’efficacité du transfert de chaleur. Résultats de simulation, Wagner, 2005 [3]

L’ensemble de ces résultats montre qu’un four industriel continu mais également une machine à pain, peuvent être modifiés, pour améliorer la structure du produit fini. L’utilisation d’une machine à pain à l’échelle domestique génère des contraintes supplémentaires importantes qui ne sont pas rencontrées dans l’industrie. En effet, il est impossible de reproduire, à l’échelle domestique, les quantités d’énergie ou les forces de cisaillement utilisées dans l’industrie. Une adaptation est donc nécessaire. Celle-ci a pour conséquence l’utilisation de modèles, avec des degrés de liberté différents de ceux utilisés à l’échelle industrielle. Un autre élément à prendre en compte est la manière dont l’utilisateur va se servir de l’appareil. Celui-ci doit être robuste à l’usage et à la variabilité des ingrédients utilisés, pour obtenir au final un produit qui soit conforme aux différentes attentes. Il ne faut pas oublier qu’à l’heure actuelle, certains résultats ne sont pas encore transférables. En effet, de nombreux degrés de liberté sont mobilisables mais ils ne sont pas tous suffisamment compris pour être utilisé avec robustesse : frottements

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sur des parois de moule, influence de certains facteurs de formulation, liens aux prétraitements par exemple.

5. L’HUILE ET LA FRITURE 5.1. Modélisation et résultats La friteuse est un autre exemple d’appareil ménager pouvant être modélisé. En effet, l’évolution de la température et de la pression peut être suivie en plaçant des capteurs de pression et de température dans une frite (Fig. 9, thèse d’Olivier Vitrac)[4].

Figure 9. Enregistrement de la température et de la pression interne en friture pleine. La courbe rouge P représente l’évolution de la pression et la courbe verte l’évolution de la température à l’intérieur d’une frite. Le trait vertical en pointillé indique la sortie du bain d’huile de la frite (Vitrac, 2000) [4]

La figure 9 indique la pression à l’intérieur de la frite, qui s’avère supérieure à la pression atmosphérique pendant le bain de friture. Lors de la sortie du bain, le produit subit un choc thermique. Celui-ci crée une dépression à l’intérieur du produit, entraînant la pénétration de l’huile dans la frite. Ainsi, contrairement à ce que l’on

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pourrait penser, la pénétration de l’huile dans les frites ne se fait pas durant la friture, mais bien à la sortie du bain d’huile, ce résultat a été démontré d’une autre manière en 1995 par l’équipe de F. Escher à l’ETH de Zurich.. [5] La modélisation de ce phénomène pourrait apporter des réponses à certaines problématiques nutritionnelles, comme la diminution de la teneur en matières grasses des frites. 5.2. Pénétration de l’huile Les résultats obtenus en microscopie confocale (thèse de N. Achir [6]) mettent en évidence des mécanismes de la pénétration de l’huile dans le produit. Des échantillons de frites après marquage de l’huile par un composé fluorescent sont suivis en microscopie confocale. En positionnant le plan focal de l’objectif à différents niveaux de profondeur dans l’échantillon, il est possible de réaliser une série d’images à partir desquelles on peut obtenir une représentation tridimensionnelle de l’objet.

Figure 10. Visualisation de la pénétration de l’huile dans le produit par imagerie confocale (Achir, 2007)[6]

Il a été clairement démontré que l’huile pénètre dans la frite par l’intermédiaire des cellules endommagées par la coupe. Le moteur de la pénétration de l’huile dans les frites restant la différence de pression. Ces résultats peuvent aider à l’optimisation des outils à l’échelle industrielle pour, par exemple, améliorer la qualité nutritionnelle des frites. Cependant si le mécanisme

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semble mieux compris, sa transposition pour la maîtrise à l’échelle de la friteuse domestique n’est pas faite. Une des fortes différences entre les échelles domestique et industrielle étant la mise en œuvre en batch ou en continu. D’autre part, certaines opérations post-friture sont plus ou moins mécanisables à l’échelle industrielle et sont moins aisées au niveau domestique. 6. LES NOUVEAUX OBJETS Un certain nombre de « nouveaux objets culinaires », qui ont été spécialement développés pour le monde industriel, arrivent à l’échelle domestique, du traiteur, de la restauration hors foyer, c'est-à-dire de l’utilisateur final. Un marché et une vraie activité se développent pour rendre ces outils ou ces objets disponibles à l’échelle domestique. Cependant, ces objets initialement développés dans le but de répondre à des contraintes de variabilité faible du produit fini et de productivité constante, ne doivent pas répondre aux mêmes exigences au niveau domestique. Le schéma (Fig. 11) résume les questions qui se posent autour des nouveaux objets culinaires. Les nouveaux objets culinaires, représentés au centre de la figure 11 correspondent à tout ce « qui peut être manipulé » : ingrédients, additifs, matières premières ayant des propriétés fonctionnelles. La première question qui se pose concerne la manière dont ces objets vont être utilisés dans une recette ou un savoir-faire. La nouveauté de ces objets implique qu’il n’y a aucun savoir-faire : pas d’effet mémoire. Pour pallier ce problème, deux types de ressources peuvent être utilisées. La première fait appel aux savoirs et aux connaissances des grands chefs ou à la communication des informations au grand public sous forme de livres. La seconde ressource correspond à l’utilisation de technologies spécifiques. En effet, des connaissances liées au savoir-faire, (précaution à prendre lors de la mise en œuvre de texturants par exemple), peuvent être transférées et prises en compte lors de la conception de l’outil technologique. On observe ainsi la création d’alliances, pour certains travaux de recherche, entre des fabricants de nouvelles molécules et des fabricants de technologies domestiques.

Figure 11. Schéma récapitulatif des nouveaux objets culinaires

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Cette voie s’oppose à une autre voie : celle de la « naturalité ». Parallèlement à ces objets culinaires, il est possible d’’utiliser uniquement des matières premières et de les fonctionnaliser. C’est une approche parfois nommée « clean processing ». Le traitement thermique et/ou mécanique des matières premières permet d’obtenir des produits avec des propriétés fonctionnelles (pouvoir gélifiant, foisonnant, émulsifiant, etc.) améliorées. Cette tendance commence également à se développer à l’échelle domestique. C’est dans ce cas essentiellement le vecteur de la communication par recettes et transfert de savoir-faire qui le permet. Il arrive du reste des outils informatiques d’assistance à la cuisine qui intègrent certaines de ces idées. Ce domaine, encore mal connu, ouvre un large champ de possibilités à investiguer. 7. CONCLUSION L’innovation à l’échelle culinaire domestique est sous contraintes et elle ne possède pas les mêmes degrés de liberté que pour des études à l’échelle industrielle. La puissance thermique par exemple, du fait d’une énergie limitée ou encore la contrainte de force mécanique à mettre en mouvement, qui est généralement moins intense, illustre cette problématique. Il est important de mettre en évidence le palier qui sépare l’échelle domestique finale de l’échelle appelée restauration hors foyer. En effet, des outils utilisés au niveau de la restauration hors foyer n’existent pas à l’échelle domestique, parce qu’il y a une capacité d’apprentissage et d’investissement qui n’est pas du même ordre. Le besoin de maîtriser la sécurité et la robustesse est bien plus important et mieux intégré à l’échelle de la restauration hors foyer. La technologie culinaire repose donc sur plusieurs dimensions. La première dimension à prendre en compte est la physico-chimie. Elle comprend des inputs nutritionnels, technologiques, sensoriels et sanitaires. Elle est en interaction forte avec la technologie de l’opération notamment constituée d’attributs comme la robustesse, l’énergie, la puissance, le cisaillement mais aussi la versatilité. A l’échelle domestique, une même technologie peut être utilisée pour réaliser un très grand nombre de produits, alors que le plus souvent, à l’échelle industrielle, une technologie est dédiée à un (ou une gamme de) produit(s). Les deux autres dimensions suscitent des questions de recherche extrêmement importantes. La première est l’interaction entre l’homme, l’aliment, sa physiologie, son comportement et toute la dimension physico-chimique. La deuxième est la manière dont l’homme va interagir avec la technologie qui lui est proposée. La technologie culinaire, est donc la capacité à intégrer et traiter simultanément l’ensemble de ces informations pour concevoir et améliorer des objets culinaires ou des technologies.

8. REMERCIEMENTS Que M. Valentin PIAU, Mlles Amandine LAUNAY et Cindy PETITJEAN soient ici remerciés pour leur participation à la rédaction de l’article.

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9. REFERENCES 1.

Rocca R., Contribution à la compréhension de la cuisson domestique sous pression de vapeur. Etude expérimentale et modélisation des transferts, de l'évolution de la texture des légumes et du fonctionnement d'un autocuiseur, Thèse de doctorat, AgroParisTech, Massy (2007)

2.

Vanin F., Formation de la croûte du pain en cours de cuisson, propriétés rhéologiques et séchage en surface : une approche expérimentale et de modélisation, thèse de doctorat, AgroParisTech, Massy (2009)

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Wagner M., Suivi local et dynamique par IRM lors de la cuisson du pain et étude des mécanismes contrôlant la mise en place de la structure alvéolaire, thèse de doctorat, ENSIA, Massy (2005)

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Vitrac O., Caractérisation expérimentale et modélisation de l’opération de friture, Thèse de doctorat, ENSIA, Massy (2000).

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Baumann B., Escher F., Mass and heat transfer during deep-fat frying of potato slices –1. Rate of drying and oil uptake, LWT – Food Sci. Technol., 28(4), 395-403 (1995).

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Achir N., Etude des équipements de friture domestique, thèse de doctorat, AgroParisTech, Massy (2007).

Impact des procédés et de la formulation sur le devenir de l’aliment dans le tube digestif : vers la formulation d’aliments « intelligents » Isabelle SOUCHON1, Clément de LOUBENS1, Didier DUPONT2 1

INRA AgroParisTech UMR 782 GMPA, CBAI, F78850 Thivernal Grignon INRA AgroCampus Rennes UMR 1253 STLO, F35042 Rennes Cedex ([email protected])

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RESUME :

La conception d'aliments, en tant que vecteurs intelligents de molécules cibles responsables aussi bien de propriétés sensorielles que nutritionnelles, est rendue aujourd'hui possible et correspond à un enjeu majeur pour l'industrie alimentaire. Ces molécules cibles peuvent être des molécules sapides ou odorantes, des nutriments ou des micronutriments dont la libération contrôlée répondra à des objectifs physiologiques ciblés de biodisponibilité. La formulation d'un tel aliment, répondant à des critères sensoriels et nutritionnels prédéfinis, doit prendre en compte son devenir dans le tube digestif. Le tube digestif, de la bouche jusqu'à l'intestin, peut être considéré comme un formidable réacteur multi-étagé, compact et parfaitement adaptable. Ce réacteur transforme le bol alimentaire et en assure le transport ainsi que la régulation des flux assurant sa digestion. Au cours de ce processus, la structure et donc les caractéristiques physiques du bol alimentaire (viscosité, rhéologie, densité, dispersion et état physique de la matière grasse et des protéines ...) sont modifiées selon des cinétiques propres dépendant de l'état de structure initial et vont donc influencer les transferts à l'homme. Prendre en compte le devenir de l'aliment dans le tube digestif dès les premières étapes de conception doit conduire à une véritable stratégie de construction des aliments en lien avec les caractéristiques des individus. Considérer un aliment comme une simple somme de nutriments est aujourd'hui obsolète. De nombreux travaux et connaissances existent et montrent l'impact de la structure des aliments, modifiée par les procédés, sur leur " bioactivité" (cinétiques de mise à disposition de nutriments, biodisponibilité, allergénicité, indice glycémique, rassasiement et satiété ...). Sur la base d'exemples, l'état des connaissances actuelles sur le rôle de la composition et de la structure des aliments sur leur devenir dans le tube digestif sera présenté. Ces travaux s'appuieront, en particulier, sur les recherches effectuées à l'INRA visant à comprendre et modéliser le devenir de l'aliment dans le tube digestif.

MOTS-CLES :

Tube digestif, conception raisonnée, ingénierie inverse, bol alimentaire, in vivo, in vitro, in silico, modélisation, déstructuration, propriétés sensorielles, matrices alimentaires, « healthy food »

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1. INTRODUCTION L’objectif de cette étude est de concevoir de façon raisonnée des aliments en utilisant une démarche intégrée, c’est-à-dire en prenant en compte toutes les étapes du procédé jusqu’à l’ingestion de l’aliment. La démarche suivie a ainsi mis en jeu des actions transversales pluridisciplinaires liées à la construction de l’aliment, à la nutrition, et à la physiologie animale. La « construction » d’un aliment par la formulation et le procédé amène à créer un produit ayant une microstructure spécifique, telle qu’une mousse, qui est capable d’être caractérisée. Néanmoins, une conception raisonnée doit également intégrer des critères environnementaux, des critères économiques, mais aussi donner de l’importance à la demande sociétale associée à la santé et au bien-être. Pour comprendre les notions de bien-être et de santé, ou encore de « healthy food » (moins de sel, moins de gras, moins de sucre, plus de fibres), la conception raisonnée d’un aliment fait alors appel à une démarche d’ingénierie inverse. Cette démarche permet de remonter à la construction de l’aliment, en étudiant la déconstruction mécanique en bouche de l’aliment (amenant des propriétés sensorielles telles que le bien-être) et le procédé de digestion à l’origine des propriétés nutritives (santé). Elle permet donc de repenser la structure de l´aliment en prenant en compte son devenir dans le tube digestif. La littérature illustre bien le fait que la structure initiale d’un aliment et sa déstructuration modulent la dynamique de mise à disposition des molécules responsables de la santé et du bien-être (Fig. 1). Ces études ont été réalisées sur des produits à base de protéines de lait, proches en termes de composition mais de structures très différentes.

Figure 1. Conception raisonnée d’aliment – démarche d’ingénierie inverse

Le tube digestif peut être assimilé à un procédé capable de traiter de nombreux et divers aliments - environ 100 tonnes au cours d’une vie humaine. Il est très efficace : tout ce qui est ingéré est transformé en énergie, et il s’adapte aux aliments ingérés : l’efficacité énergétique (quantité d’énergie ingérée par rapport à celle rejetée), dépend du régime alimentaire, qu’il soit hypocalorique, standard ou hypercalorique (Fig. 2).

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Figure 2. Efficacité de l’absorption intestinale en fonction du type de régime alimentaire chez le rat (Fioramonti, INRA Toulouse)

Ce système est régi par des lois de régulations complexes, qui ne sont pas encore toutes connues. Par exemple, il existe une régulation au niveau duodénal de la vidange gastrique. Ainsi, au niveau du duodénum, la présence de lipides augmente le temps de séjour stomacal. Dans tout le tube digestif (Fig. 3), une communication est établie avec le cerveau par la présence de récepteurs.

Figure 3. Le tube digestif, un procédé de transformation complexe, flexible et adaptatif

Ainsi, l’approche intégrée de ce système correspond à une vision « procédé » du devenir de l’aliment dans le tube digestif intégrant des connaissances dans différents champs disciplinaires (anatomie, physiologie digestive, mécanique, mélange, écoulement, réactions, régulation, science des aliments, physique, biochimie) obtenues par des données in vivo (données physiologiques), des données in vitro (mécanismes élémentaires de dégradation des aliments), et des données in silico (modélisation, représentation mathématique de l’ensemble de ces mécanismes et détermination de l’étape limitante). L’étude s’intéresse donc au devenir de l’aliment dans le tube digestif, d’abord en bouche, en observant les phénomènes de déstructuration des aliments et de libération des molécules responsables de propriétés sensorielles, puis lors de la digestion gastro-intestinale en prenant l’exemple de matrices céréalières, de matrices émulsionnées, et de matrices protéiques.

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2. LA BOUCHE, ORGANE SENSORIEL DE DESTRUCTURATION DES ALIMENTS ET DE LIBERATION DE MOLECULES RESPONSABLES DE PROPRIETES SENSORIELLES La première étape du tube digestif est la bouche. Elle a pour rôle de préparer à la digestion. On y trouve des conditions environnementales de pH entre 5 et 7, de nombreuses protéines salivaires ayant notamment une activité enzymatique (amylases, protéases et lipases), une composition en électrolytes complexe, des conditions déstructurantes fortes qui dépendent de la structure de l’aliment, ainsi qu’une activité biologique (flore) dont l’impact sur l’aliment et sa digestion reste encore peu connu. C’est aussi en bouche que se réalise la libération de molécules responsables de propriétés sensorielles, qu’elles soient non volatiles et perçues au niveau de récepteurs sur la langue – composés sapides - ou volatiles et perçues au niveau des récepteurs olfactifs – composés d’arôme. 2.1. Les dynamiques de libération de molécules responsables de propriétés sensorielles et associées à des phénomènes de rassasiement et de satiété La réponse sensorielle est une réponse globale et complexe. Pour comprendre les dynamiques et les mécanismes de libération des molécules responsables des propriétés sensorielles, il faut considérer la sphère oro-sensorielle comme un réacteur où se déroulent différentes actions (dilutions par la salive, fractionnement, cisaillement, écoulement…). Ainsi, d’après des études récentes, cette dynamique de libération semble essentielle pour comprendre les phénomènes de rassasiement et de satiété. Le rassasiement et la satiété jouent un rôle clé dans la régulation de l’appétit. Le rassasiement intervient au cours du repas ; il détermine l’arrêt de la prise alimentaire et ainsi la quantité d’aliments ingérée ou la taille du repas. La satiété, détermine l’intervalle entre deux prises alimentaires, caractérisé par l’inhibition de la sensation de faim consécutive à la consommation d’aliments, ce jusqu’au déclenchement du repas suivant (associé à la réapparition de la sensation de faim). 2.2. Mesure en ligne par spectrométrie de masse de la cinétique de libération de composés d’arôme lors de la consommation d’un aliment Pour mesurer en ligne à l’aide d’un spectromètre de masse (Fig.4, mastication d’un morceau de fromage) la cinétique de libération de composés d’arôme, une canule est introduite dans le nez d’un individu consommant un aliment. Il montre l’apparition d’un signal dès la mise en bouche et l’accentuation du signal, avec un phénomène de persistance lors de la déglutition. L’allure de la cinétique de libération diffère selon qu’il s’agit d’un aliment solide ou liquide Des expériences ont également montré que cette persistance avait un rôle sur le rassasiement et la satiété [1].

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Figure 4. Mesure en ligne de la libération de composés d´arôme lors de la consommation d´un aliment

2.3. Approche « in silico » de la phase pharyngée de la déglutition La modélisation mathématique de la libération des composés d’arôme s’est faite en considérant la cavité nasale, la cavité orale et le pharynx comme un ensemble de compartiments interconnectés et échangeant de la matière [2]. Deux étapes principales sont simulées par le modèle : la résidence en bouche du produit et la déglutition. Ce modèle a été validé sur des produits de type yaourt de propriétés rhéologiques différentes. Il prend en compte la physiologie des individus et les caractéristiques physico-chimiques liées au produit pour prédire les cinétiques de libération des composés d’arôme dans la cavité nasale. Une analyse de sensibilité a permis de mettre en évidence les paramètres les plus influents. Le premier paramètre est lié à la mobilité des solutés au sein du produit (coefficient de transfert de matière). Le second paramètre est lié à l’épaisseur résiduelle du produit dans le pharynx, qui dépend de l’interaction entre l’individu et le produit. Ce modèle montre qu’une l’augmentation de cette épaisseur résiduelle impacte fortement la persistance (Fig. 5).

Figure 5. Modélisation du mécanisme de la déglutition (d'après Doyennette et coll., 2011) [3]

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2.4. Mécanismes physiques régissant l’enduction des muqueuses pharyngées lors de la déglutition A partir de la connaissance de la physiologie de la déglutition, un système représentatif de la déglutition (Fig.6) a été développé à l’aide de deux cylindres contre-rotatifs simulant le mouvement des parois du pharynx lors du péristaltisme pharyngé. Entre les deux cylindres lubrifiés, le bol est déposé et le dépôt sur chacun des cylindres est quantifié [4]. Une solution numérique mettant en jeu le ratio de viscosité et l’épaisseur de salive a permis de prédire les épaisseurs de dépôts au niveau des muqueuses. Ce dispositif in vitro a ainsi permis de valider l’approche numérique et de déterminer le rôle de la viscosité du bol alimentaire et de la salive sur l’épaisseur des dépôts. Il a également permis de montrer que le bol se déposant sur les muqueuses pouvait être fortement dilué par la salive. Onde péristaltique

Cylindres controrotatifs Figure 6. Système modélisant le mécanisme péristaltique de la déglutition (d'après de Loubens et coll., 2010) [4]

2.5. Phase buccale de la libération des molécules responsables de propriétés sensorielles L’étape précédant la déglutition correspond à la mise en bouche du produit. Dès cette étape, une réponse sensorielle issue notamment de la libération des composés sapides, et en particulier du sel, est perçue. Une étude sensorielle (Fig.7) a été réalisée sur des matrices fromagères de même teneur en sel (1% dans tous les produits), pour étudier l’effet de la composition en matières grasses et de la gélification sur la perception salée [5]. Un produit gélifié est perçu moins salé qu’un produit non gélifié. La présence de matières grasses augmente la perception salée. Ainsi, la texture et la présence de matières grasses influencent la perception salée des produits « structurés » : les gels sans matières grasses sont perçus comme étant les produits les moins salés.

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Matrice protéique "non gélifiée" Matrice protéique "gélifiée"

Figure 7. Intensité de la perception salée en fonction de la texture et de la composition en matière grasse. MRP 150 NF : matrice protéique sans matière grasse, MRP 150F : matrice protéique avec matière grasse Le produit non gélifié est représenté en gris clair et le produit gélifié en noir (d'après Panouillé et coll., 2011) [5]

Pour comprendre le mécanisme physique qui explique cette perception du sel, une approche in vitro [6] a permis de simuler la déstructuration d’une matrice (par une compression à 80% du produit) et de mesurer la libération du sel (par conductimétrie) pendant cette déstructuration (Fig.8). L’étude montre le rôle de la génération de la surface de contact entre le produit et la salive sur la libération du sel lors de la déstructuration de la matrice. Dans des conditions in vitro, les matrices grasses libèrent plus rapidement le sel que les matrices maigres. A partir de cette courbe, et par une approche de transfert de matière, il est possible de recalculer les surfaces de contact entre le produit et la salive, qui sont responsables de la libération du sel. Ce calcul a été réalisé en prenant en compte un coefficient de transfert ajusté à partir de la matrice témoin sans compression, et en prenant en compte la génération de petites particules, en particulier pour les matrices avec matières grasses. Les surfaces d’échanges générées par la compression diffèrent pour un produit avec matières grasses et pour un produit sans matières grasses, qui est déstructuré différemment.

Matrice "grasse"

Matrice "maigre"

Figure 8. Approche in vitro de la libération en bouche du sel (d'après de Loubens et coll., 2011) [6]

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Ce modèle a été adapté et appliqué à des données in vivo de libération du sel (Fig.9). Il s’agissait de mesurer la libération du sel avant et après déglutition, lors de consommation de fromages par des individus, en mettant en contact de leur langue du papier filtre. Dans une optique de perception optimale du sel, l’ajustement de la quantité de sel doit se faire en fonction des propriétés de l’aliment : sa structure, sa composition, … mais aussi des propriétés physiologiques de l’individu cible : son efficacité masticatoire, son flux salivaire, … En effet, l’efficacité masticatoire, par exemple, varie fortement selon qu’il s’agisse d’un enfant, d’une personne âgée ou d’un adulte et est un paramètre expliquant la déstructuration du produit et donc la libération et la perception des stimuli [7]. Cette étude, mise en place pour comprendre la perception en bouche, est ainsi capable de prendre en compte les différents éléments influant sur la perception sensorielle (les propriétés physico-chimiques et structurales de l’aliment et les propriétés physiologiques de l’individu) pour remonter à une étape de formulation. Par une démarche d’ingénierie inverse, il est donc possible de formuler un produit optimal pour une cible donnée. Produit en bouche

t0

tswal

t40s

t60s

t80s Time

Papier filtre

Mesure de conductivité

Salive Libération du sel

Mastication

Figure 9. Approche in vivo de la libération en bouche du sel (d'après de Loubens et coll., 2011) [7]

A l’INRA, un certain nombre d’équipes s’intéressent à la bouche : que ce soit au niveau de la physiologie et de la libération à Dijon, ou des produits céréaliers à Nantes, ou des approches de mécanistique intégrées à Grignon. 3. LA DIGESTION GASTRO-INTESTINALE DE DIFFERENTES MATRICES ALIMENTAIRES Après ingestion, le bol alimentaire se retrouve au niveau de l’estomac dans des conditions environnementales particulières. Il s’agit d’un environnement acide (pH de 1 à 3), siège de nombreuses activités enzymatiques liées à la pepsine et aux lipases gastriques, avec un phénomène d’hydratation par des mucines. Ce bol subi un cisaillement modéré, causé par les mouvements péristaltiques au niveau des parois stomacales. Les temps de séjour sont très variables en fonction de la structure de l’aliment. Un des points clés qui génère toute la cascade de la digestion est la vidange gastrique au niveau de l’estomac. Le bol atteint ensuite l’intestin grêle où le pH remonte entre 6 et 7. Des sels biliaires y sont présents ; des lipases, et des protéases dégradent les aliments. Le cisaillement y est relativement faible avec un

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mouvement péristaltique qui pousse le bol dans tout l’intestin grêle. C’est dans l’intestin grêle que l’absorption des nutriments a lieu. Enfin, dans le côlon (non étudié ici) les produits non digérés par la flore intestinale, essentiellement des fibres, sont dégradés. La digestion des protéines et des lipides au niveau de l’intestin grêle, considérée comme totale par certains physiologistes, ne l’est généralement pas. On sait par exemple qu’environ 13 g de protéines alimentaires entrent chaque jour dans le côlon et sont fermentés en une pléiade de composés azotés [8]. A l’inverse de la fermentation des sucres, certains de ces composes peuvent être toxiques pour l’homme comme l’ammoniaque, certaines amines et des composés phénoliques. Cette digestion partielle peut donc perturber le fonctionnement de la flore intestinale. L’absorption des sels minéraux et de l’eau est essentiellement réalisée au niveau du côlon. 3.1. La cinétique de mise à disposition des nutriments via la vidange gastrique Un des points clé de la digestion gastro-intestinale est la cinétique de mise à disposition des nutriments via la vidange gastrique. Cette vidange gastrique dépend de nombreux facteurs, qui ne sont pas encore tous identifiés. Ces facteurs peuvent être : - Le contenu énergétique. Plus le contenu énergétique est élevé, plus la vidange gastrique est ralentie. - Le contenu lipidique - La taille des particules, des agrégats - La viscosité du bol - L’indice glycémique. Comme observé sur la figure 10, la cinétique de vidange gastrique est augmentée pour des aliments solides, traduisant des cinétiques de mise à disposition des aliments différentes.

time (min)

Figure 10. Vidange gastrique de différents aliments, solides, semi-liquides ou liquides (Fioramonti, INRA Toulouse)

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3.2. La digestion amylacées)

gastro-intestinale

de

matrices

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céréalières

(matrices

D’après la figure 11, les spaghettis induisent une glycémie après ingestion qui se maintient au cours du temps. L’ingestion de pain blanc, quant à lui, provoque une augmentation rapide de la glycémie qui est suivi d’un phénomène d’hypoglycémie. Ainsi, il a été montré par cette différence de glycémie liée que les spaghettis ont donc un effet satiétogène plus marqué que le pain blanc. Dans le cadre d’un projet récent (Projet PASTALEG) [9], l’enrichissement de spaghettis en protéines de légumineuses a montré que la protection de l’amidon par un réseau protéique, ou par la formation d’agrégats protéiques suite à un traitement thermique, diminue l’indice glycémique (IG). Glucose sanguin (mmol/L)

Temps (min)

Figure 11. Comparaison de l´indice glycémique après consommation de pain blanc (courbe continue) ou de spaghettis de formes différentes (d'après Bjorck et coll. 1994) [10]

Le pain a un indice glycémique compris entre 60 et 80. Cet indice est bien plus élevé que celui des pâtes alimentaires (IG spaghettis = 41). Il était donc nécessaire de comprendre l’effet des fibres sur la texture des pains en lien avec l’indice glycémique qui impacte lui-même l’effet de satiété. Le projet AQUANUP coordonné par Luc Saulnier (2006-2008) a permis d’étudier l’effet du procédé (pour un mélange de farines strictement identique), et l’effet des fibres, sur l’indice glycémique (Fig.12). Deux types de pain ont été fabriqués : le pain blanc français et le pain de tradition Le pain blanc français est préparé avec un pétrissage intense et une fermentation courte, à l’inverse du pain de tradition qui est préparé avec un pétrissage modéré et une fermentation très longue. Ces deux types de pain ont des structures alvéolaires et des densités très différentes. Ils ont été enrichis en fibres. L’indice glycémique et la densité des pains ont été comparés. Le procédé de fabrication du pain de tradition, ainsi que la présence de fibres, permettent d’obtenir des indices glycémiques plus bas, donc un effet satiétogène plus marqué. Le pain ordinaire possède une mie avec plus de trous que le pain de tradition et des parois alvéolaires plus fines : il est moins dense. Il existe donc une bonne corrélation entre la densité du pain et l’indice glycémique. La différence d’indices glycémiques peut donc s’expliquer par une difficulté du tube digestif à

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dégrader une structure plus dense, ce qui impacte la cinétique de vidange gastrique et par conséquent la glycémie.

Figure 12. Augmentation de la consommation de fibres via l´enrichissement en fibres dans des pains (Saulnier, BIA INRA Nantes)

3.3. Les matrices émulsionnées Il existe un grand nombre de produits émulsionnés dans le domaine de l´industrie alimentaire. Des recherches menées chez l’homme [11] ont démontré (Fig. 13) que la taille des particules joue un rôle sur la digestion stomacale. Pour deux types d´émulsions, plus la taille des globules gras est petite, plus la digestion est rapide.

Figure 13. Digestion des triglycérides en fonction de la structure de la matrice des émulsions. Les globules gras de diamètre 10µm sont représentés en gris et ceux de diamètre 0,7µm en noir (d'après Armand et coll., 1999) [11]

De même que la taille des particules, la notion d´interface joue un rôle important sur la digestibilité des acides gras.

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Connaissant le mécanisme de digestion, les physiciens ont proposé une structure complètement différente de l´aliment (Fig. 14) [11] pour modéliser la cinétique de biodisponibilité des nutriments. Cette modification de construction des matrices émulsionnées peut passer par la protection des globules gras, ou des cristaux de matières grasses dans une matrice de polymères. Ils ont ainsi obtenu des cinétiques complètement différentes et donc anticipé le devenir de cette matrice émulsionnée dans le tube digestif.

Figure 14. Différentes structures de l´aliment (McClements et coll., 2009) [12]

3.4. Matrices protéiques Au-delà des cinétiques de mises à disposition des nutriments, il est important de noter qu’il existe des différences d’activités biologiques. Par exemple, les peptides du lait ont de nombreuses bioactivités, avec différentes cibles intéressantes pour la santé : - système nerveux central et périphérique (agoniste d´opiacé, antagoniste d´opiacé et activité « benzodiazepine-like ») - système sanguin (activité anti-thrombotique et anti-hypertensive) - système immunitaire (activités immunomodulatrice, anti-microbiennes et antivirales) - système digestif (activité sur l’absorption minérale, la sécrétion d´hormones digestives, de mucines…). Les matrices protéiques, de par leur composition, présentent un intérêt nutritionnel majeur, notamment pour les personnes âgées. En effet, celles-ci sont souvent confrontées à des problèmes de fontes musculaires : la sarcopénie. Une des hypothèses émises pour expliquer cette fonte musculaire serait la perte progressive de la capacité de réponse à la stimulation de l´anabolisme protéique que constitue la prise alimentaire. Ce problème de synthèse serait dû soit à un défaut de stimulation de la protéosynthèse, soit à un défaut de régulation de la protéolyse. Avec l´âge, il y aurait une élévation du seuil de stimulation de l´anabolisme post-prandial, qui utilise les protéines pour la synthèse musculaire. Certains acides aminés comme la leucine permettraient de restaurer la synthèse protéique musculaire post-prandiale [13]. Les travaux de recherches qui s’intéressent à la digestion des protéines ont montré qu’il existerait deux types de protéines, des protéines dites lentes et des protéines dites rapides (Fig. 15). Les caséines du lait sont un des seuls exemples de protéines

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« lentes » recensées à ce jour dans un régime alimentaire classique. Ce phénomène serait lié à l’aptitude des caséines à former un coagulum à leur entrée dans l’estomac où elles vont rencontrer des conditions acides et être hydrolysées par l’action de la pepsine [14]. La majorité des protéines alimentaires sont de type « rapide ». Dans le lait, les protéines majeures du lactosérum, la β-lactoglobuline et l’a -lactalbumine, sont des protéines globulaires très résistantes à l´action des enzymes. Leur caractère hydrosoluble va leur permettre de ne pas être retenues dans l’estomac et d’être ainsi rapidement métabolisées par l’organisme.

Figure 15. Evolution de la concentration en acides aminés dans le sang après la prise d´un repas (Rémond , UNH INRA Clermont-Ferrand)

Les procédés de transformation de la matière première sont susceptibles de modifier cette cinétique de digestion. Des travaux récents montrent en particulier que le traitement thermique du lait augmente la résistance des caséines à la digestion [15]. L’influence du traitement thermique sur la réactivité des protéines laitières est expliquée par des phénomènes physiques, tels que la formation d’agrégats spécifiques avec une couche de protéines sériques dénaturées qui protège la micelle de caséines et la rend plus résistante à la digestion. Par ailleurs, le pouvoir tampon du lait provoque une augmentation du pH, et donc une diminution de l´activité des pepsines, amenant à réduire la dégradation des protéines et à augmenter le temps de vidange gastrique. Enfin, la structure des matrices solides a une influence significative sur la digestion des protéines. Des recherches (D. Rémond) ont été menées à Clermont-Ferrand sur le mode de présentation de la viande (hachée ou non) pour comprendre l’effet de la structure de l’aliment sur la digestion des protéines. Elles ont montré qu’il est important de prendre en compte la déstructuration par la bouche de la matrice sur la biodisponibilité des protéines. Dans le cas de personnes âgées, une bonne dentition favorise l’utilisation des protéines pour la synthèse musculaire par rapport à une prothèse complète [16].

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4. CONCLUSION ET PERSPECTIVES Un projet transversal a été mis en place pour comprendre le devenir et la modélisation des protéines laitières dans le tube digestif en fonction de l´environnement matriciel dans lequel elles se trouvent. Les objectifs principaux étaient d´élargir les connaissances sur : - Les effets du procédé sur la digestion des protéines, - L´adsorption des protéines à l´interface huile/eau, - La compréhension du rôle des globules gras, - L´agrégation des protéines par le chauffage, - Le rôle de la microstructure des aliments, notamment de la gélification, par exemple dans le cas de yaourt. L’approche globale a été déclinée en approche in vivo (mini porc), in vitro (digesteur permettant d’identifier les mécanismes élémentaires) et in silico. Le modèle prédictif de dégradation des protéines dans les différents compartiments devrait permettre d’identifier quelles sont les étapes limitantes qui expliquent la cinétique de dégradation des protéines. L’approche in vitro (Fig. 16) est très importante dans cette démarche d’ingénierie car elle permet d’obtenir une réponse rapide et peu coûteuse de l´influence de la structure sur le devenir de l´aliment dans des conditions de digestion. Néanmoins, l’équipement reste assez coûteux du fait de sa complexité à représenter les différentes étapes de la digestion et à prendre en compte les caractéristiques physiologiques. Et bien que le digesteur représente de manière imparfaite la réalité, il reste indispensable car les conditions y sont contrôlées et connues.

Figure 16. Digesteurs spécifiques : simulation de l’intestin avec le TNO et simulation de l’estomac avec l’IFR de Norwich

Dans une démarche de modélisation, un autre type d’équipement performant est l’imagerie par résonance magnétique (IRM) quantitative qui permet de suivre la vidange gastrique en temps réel, en suivant le contenu de l’estomac associé au taux de dilution du bol alimentaire.

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En conclusion, l’aliment est un système multi-échelle complexe. Il existe aujourd’hui différents outils pour caractériser et comprendre cette organisation multi-échelle et le rôle du procédé de transformation. Cette organisation multi-échelle impacte les cinétiques de mise à disposition des nutriments et des autres micro-constituants [17]. Les nutritionnistes avaient jusqu´à maintenant considéré l´aliment comme une somme de constituants. Pour tendre vers une conception raisonnée des aliments et mieux comprendre l’impact de l’aliment et de sa structure sur la digestion, il est néanmoins préférable de prendre en compte le processus de dégradation du produit à l´intérieur du tube digestif, avec une approche interdisciplinaire incluant la modélisation. 5. REMERCIEMENTS Que Mlles Solène AZOULAY, Hélène SABBAGH et Cindy PETITJEAN soient ici remerciées pour leur participation à la rédaction de l’article. 6. REFERENCES 1.

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Comment prendre en compte la diversité humaine en formulation ? Jean-Marc SIEFFERMANN AgroParisTech, INRA, UMR1145 Ingénierie Procédés Aliments, 1, avenue des Olympiades, Massy F91300, France ([email protected])

RESUME :

Formuler, innover, a pour vocation de proposer un produit qui plaise à un grand nombre de consommateurs afin qu’il se vende bien. Or les êtres humains ne perçoivent pas tous un stimulus de la même façon. Leurs préférences sont influencées par ce qu’ils sentent mais également par leur vécu. Il est donc essentiel pour le formulateur d’accompagner sa démarche par une bonne caractérisation des préférences des consommateurs cibles. Certains outils comme la cartographie des préférences le permettent et sont donc très précieux. La cartographie des préférences fournit les caractéristiques sensorielles des produits les plus appréciés par les consommateurs.

MOTS CLES :

analyse sensorielle, cartographie des préférences, diversité consommateurs, formulation

1. LES INTERVENTIONS HUMAINES DANS LE PROCESSUS DE FORMULATION La conception d’un nouveau produit passe classiquement par un certain nombre d’étapes indispensables dans lesquelles plusieurs acteurs différents interviennent (Fig. 1). De l’idée originale, souvent issue de l’imagination d’une ou plusieurs personnes, à la mise sur le marché et l’utilisation par les consommateurs, de nombreuses questions se posent en termes de composition, de fabrication, de rentabilité et, finalement, d’acceptabilité par le consommateur. Lors de chacune de ces étapes du processus de formulation, chaque acteur intervient en tant qu’expert : ingénieurs « produit », ingénieurs « procédé », représentants du marketing, économistes, nutritionnistes, juristes etc. apportent leur contribution en fonction de leur vision du produit en cours de développement. Des décisions sont prises au fur et à mesure de la conception permettant le passage d’une étape du développement à une autre. Chacune d’entre elles influence le produit final mais est elle-même très dépendante du preneur de décision, de ses goûts, de son vécu… A l’exception de l’étape de consommation finale où quelques légères modifications peuvent encore être apportées au produit et sont susceptibles d'en modifier les caractéristiques (mise en forme d'un produit alimentaire par le biais d'instruments de cuisine, d'appareils électroménagers, ou d'exhausteurs de goût), il est extrêmement rare que le consommateur intervienne directement dans la formulation du produit. Ce lien direct entre le formulateur et le consommateur existe parfois mais est rare : un tailleur, par exemple, confectionne des costumes sur mesure en prenant en compte la morphologie de son client et en écoutant ses préférences, dès le choix du tissu et du patron. Les essayages successifs permettent

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l’ajustement parfait du costume à son propriétaire. Dans la même logique, un maître d’hôtel qui cuisine pour son patron, repère rapidement ses préférences culinaires et adapte ses menus et ses recettes en fonction. La plupart du temps, dans l’industrie, les intermédiaires entre ceux qui conçoivent le produit et ceux qui le consomment sont nombreux et les formulateurs ne connaissent pas directement les préférences des consommateurs. La correspondance avec les préférences des consommateurs n’est en général vérifiée que très tardivement, en fin de parcours, sans véritable possibilité de réajustement ou de reformulation du produit. Cela rend le travail de formulation particulièrement difficile. Une des questions clés qui se pose ainsi aux différents acteurs de la formulation est donc de prendre en compte le plus tôt possible dans le processus de formulation les avis des futurs consommateurs dans toute leur diversité. Une bonne connaissance et une intégration des préférences des consommateurs très tôt dans le processus de développement des produits permettraient très certainement de réduire le taux d’échec des nouveaux produits (80% d’entre eux disparaîtraient des linéaires dans l’année suivant leur mise sur le marché) et les coûts afférents.

Figure 1. Les interventions humaines dans le cycle de vie d’un produit alimentaire de sa conception à sa consommation.

Dans cette démarche traditionnelle de formulation, le jugement sensoriel intervient à deux niveaux : le premier niveau se fait dès la conception du produit, et consiste pour le praticien responsable du développement de produit à tester lui-même le produit et à procéder par ajustements. Cela se fait en fonction de son expérience et jusqu'à l’obtention d'un produit tenant compte des différentes contraintes et le satisfaisant sur le plan sensoriel. Cette démarche d'expertise traditionnelle correspond à celle pratiquée en milieu industriel alimentaire et agricole, où elle est mise en oeuvre par des cuisiniers, des aromaticiens, des œnologues. En industrie cosmétique, on la retrouvera pratiquée par les formulateurs et les parfumeurs.

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Le deuxième niveau sensoriel est celui d'une validation. Cette étape de validation peut être réalisée de deux manières. La première consiste à faire valider le produit par d'autres professionnels du domaine impliqués dans une démarche de conception du produit : responsables marketing, autres formulateurs, chefs d’entreprise, experts reconnus. La deuxième consiste à faire réaliser une étude sensorielle dite consommateurs permettant de vérifier l'acceptabilité du produit nouvellement formulé. Les études sensorielles sont d'ailleurs souvent confondues avec ces seules mesures de validation purement hédoniques. Bien que cette approche traditionnelle de formulation soit extrêmement répandue, elle souffre cependant de plusieurs inconvénients dont le principal est certainement une mauvaise prise en compte de la diversité humaine. 2. CONSOMMATEURS ET FORMULATEURS, UN UNIVERS DE PERCEPTIONS DIFFERENTES La diversité humaine peut se manifester de deux façons : • Les différences physiologiques de perception, le plus souvent d’origine génétique, • Les différences d'appréciation et de comportement rattachées à une histoire et des expériences culturelles propres à chacun. 2.1 Les différences physiologiques de perception S'intéresser aux propriétés sensorielles, c'est intégrer fondamentalement le fait que les mesures qui vont être faites ne concernent pas seulement le produit mais bien une interaction entre un produit et un organisme humain. Ainsi les perceptions engendrées vont dépendre non seulement des caractéristiques physico-chimiques des stimuli venant du produit mais aussi de la nature et du fonctionnement des systèmes récepteurs de l'observateur. Cette interaction sensorielle est tout à fait claire et bien intégrée dans le domaine de la perception colorée. La couleur d'un produit n'existe pas en soi ; seule ont un sens la composition physico-chimique de ce produit et la perception colorée que nous en avons. Le même produit sera perçu différemment du point de vue de la couleur non seulement en fonction des conditions d'éclairage mais surtout en fonction de l'œil de l'observateur. Les différentes espèces animales ont des sensibilités différentes aux gammes de longueurs d'ondes. Or ces variabilités ne sont pas réservées au domaine de la seule perception visuelle. Les variabilités génétiques entre les êtres humains se traduisent par des différences interindividuelles importantes de tous les systèmes sensoriels et des perceptions engendrées (acuité visuelle, sensibilité olfactive, équipement dentaire, type de peau, etc.…). Vue, audition, olfaction, sensibilité somesthésique évoluent non seulement tout au long de la vie mais diffèrent très largement d’une personne à une autre. Même pour le sens visuel, sens pour lequel les scientifiques s'accordent à dire qu'il est probablement celui pour lequel les êtres humains se ressemblent le plus (notion d'observateur standard), les différences d'acuité visuelle ou de perception colorée (10% des individus masculins présentent un des nombreux cas de dyschromatopsies, communément appelés daltonisme) sont bien connues et très

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marquées. Ces différences interindividuelles de sensibilité sont encore plus importantes dans le domaine des sens chimiques (olfaction et gustation). La découverte récente (et non encore exhaustive) des récepteurs protéiques gustatifs et olfactifs humains a dévoilé un nombre potentiel très important de récepteurs impliqués (plus de 300 pour l'olfaction) générant et expliquant de très grandes variabilités de perception entre individus. Et inutile de croire que cette sensibilité peut être améliorée par un entraînement : en aucun cas celui ci ne permettra de "générer" des récepteurs au sein de notre organisme et d'améliorer de façon significative la sensibilité d'une personne, tout au plus permettra-t-il de mieux utiliser le message sensoriel reçu, par exemple en le mémorisant ou en apprenant à le nommer. Le même produit, à l'origine des mêmes stimuli sensoriels, va ainsi être perçu sensoriellement de façon très différente par des organismes humains physiologiquement différents. L'odeur, la saveur, la couleur d'un fruit, d'une fleur ou d'un aliment, n'existent que par et pour celui ou celle qui les ressentent [1]. 2.2 Contexte et culture A ces différences de perceptions, qui seraient déjà bien suffisantes pour expliquer des différences de comportement, vont se rajouter des effets liés à notre environnement culturel, nos expériences personnelles et, d'une manière plus générale, au contexte d'évaluation du produit. Ce contexte peut avoir, tout spécialement dans le domaine alimentaire, une importance conséquente dans les actions comportementales liées à la consommation d'un produit. Un produit aux caractéristiques gustatives et olfactives fortes peut être facilement rejeté si consommé seul, peut être accepté lors d'une consommation amicale de type initiation (premier verre d 'alcool) et peut même finir par être apprécié positivement lorsqu’il est consommé dans des conditions formelles initialement imposées (réception, invitation). C’est ainsi que les différences relatives à l’environnement culturel et à nos expériences personnelles vont se rajouter aux différences inter-produits et aux différences physiologiques incontournables existant entre les êtres humains. Ce que nous appelons ainsi rapidement et improprement les propriétés sensorielles des produits sont en fait le résultat d'une interaction entre un produit et un observateur, et ceci dans un contexte donné. Et cette interaction peut en plus se manifester de différentes façons pour des consommateurs aux usages et aux habitudes de manipulation différents (différences de manipulation de crèmes cosmétiques, différences de mastication ou de découpe d'un produit alimentaire, etc.…). Il existe donc une très grande diversité de perception pour un produit donné. On comprend mieux ainsi que l'un des objectifs majeurs des approches sensorielles est de prendre en compte cette diversité de perceptions sensorielles dont l'une des conséquences est la grande variabilité toujours constatée au niveau des préférences exprimées par les consommateurs.

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2.3 Quelle place pour l'instrumental ? Au vu de la complexité de cette interaction sensorielle, on est en droit de se poser la question de simplifier ou compléter la démarche sensorielle par une démarche instrumentale qui semble parfois pouvoir remplacer de façon très avantageuse l'utilisation d'un être humain. Les appareils analytiques instrumentaux semblent souvent pouvoir réunir toutes les qualités de praticité, sensibilité, précision et répétabilité. Or, sous réserve que cela soit vérifié expérimentalement, ceci n’est malheureusement pas suffisant pour rendre la mesure instrumentale pertinente par rapport à une appréciation humaine. Prenons l’exemple d’une illusion d’optique pour expliquer la nécessité d’utiliser l’homme pour analyser sa perception. Lorsque nous regardons le dessin 1 (Fig. 2), les carrés A et B nous semblent de couleurs différentes. Les couleurs analysées instrumentalement sont pourtant similaires comme le montre aussi le dessin 2 (Fig. 2) lorsque l’environnement est caché. Même l'information connue, en revenant au dessin 1, l'être humain continue à voir les deux couleurs différentes.

dessin 1 dessin 2

Figure 2. Illustration de l’effet de l’environnement sur la perception visuelle des couleurs [2]

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Or finalement, en matière de développement de formulation, c'est bien l'impression humaine qui nous intéresse. En effet, c'est à ce consommateur humain que nous allons proposer le produit. La mesure instrumentale est, dans ce cas précis, insuffisante pour nous renseigner sur la perception humaine. Aussi performantes soient-elles, les techniques analytiques ne pourront être utilisées pour comprendre une perception et un comportement humain que si elles peuvent être à un moment rattachées et corrélées à une appréciation humaine. Or les techniques instrumentales sont souvent soit trop simples, soit trop différentes, d'une perception humaine pour être utilisées dans cette compréhension du comportement humain. Aucune technique de rhéologie actuelle, aussi précise soit-elle, ne permet d'approcher la réalité et la complexité des transformations ayant lieu dans une bouche humaine. Ce n'est évidemment pas un hasard si les recherches en matière de bouche artificielle font partie des préoccupations d’actualité de plusieurs centres de recherche. Elles visent tout simplement à pallier l'insuffisance des techniques instrumentales actuelles. De la même façon, aussi performantes soient les techniques de séparation et d'identification moléculaire en caractérisation analytique aromatique, elles restent très difficilement pertinentes par rapport à un jugement perceptif humain. Ces techniques de séparation et d'identification chimiques reposent en effet sur un certain nombre de capteurs instrumentaux qui n'ont que fort peu de lien commun avec les capteurs biologiques olfactifs et gustatifs récemment découverts et identifiés. Et cela est vrai y compris pour les techniques plus récentes portant le nom bien ambitieux de nez électroniques… Tout au plus peut-on espérer mettre en évidence, au cas par cas, des corrélations entre les résultats fournis par certains de ces capteurs instrumentaux et une réponse sensorielle, mais ces résultats ne sont jamais généralisables en l'état actuel des connaissances et demandent à être en permanence réactualisés pour de nouveaux produits. C'est ainsi que confronté à la réalité de deux ensembles de mesures, l’un instrumental, l'autre sensoriel, et sous réserve d'avoir vérifié la qualité de chacune de ces mesures, on devra toujours garder en tête que la mesure sensorielle est finalement toujours la mesure de référence lors d'une démarche de conception et de formulation de produit. Elle seule permet d'approcher le comportement humain du consommateur final pour qui le produit a été développé. Ce sont bien les consommateurs humains, et non les appareils analytiques instrumentaux, qui décideront de l’acceptation, de l'achat et du succès, dans son contexte d'utilisation, d’un produit formulé 3. LA DEMARCHE SENSORIELLE POSSIBLE EN INDUSTRIE L'apport des techniques sensorielles à un travail de formulation est essentiellement de 2 natures : • la sensibilisation et la prise en compte des différences de perception sensorielle existant naturellement au sein d'une population humaine, • l'introduction de démarches normalisées formalisées permettant d'assurer les affirmations relatives aux produits créés et étudiés.

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Ces techniques sensorielles vont ainsi permettre d’appuyer et favoriser le travail du formulateur en lui procurant un regard complémentaire extérieur, relativisant ainsi sa perception propre. 3.1 Des pratiques et techniques sensorielles comme aides à la formulation Parmi les pratiques et techniques sensorielles pouvant contribuer à une meilleure démarche d'aide à la formulation, on peut distinguer les approches suivantes [3] : • La description compréhensible d'un univers produits existant • La validation des propositions de formulations retenues • La proposition de formulations expérimentales Description compréhensible d'un univers produits existant Il est rare en effet que la formulation d'un produit se fasse ex nihilo sans positionnement par rapport à une population de produits préexistante, ne serait-ce que pour identifier certains manques dans les produits existants, ou comprendre, sur la base des produits les plus appréciés, les caractéristiques sensorielles contribuant à ces performances. Si le formulateur a en général une bonne connaissance de ces univers produits, il n'a, en revanche, que très rarement une vision exhaustive et "objective" des raisons pour lesquelles s'exercent les préférences des consommateurs. De la même manière, sa façon de caractériser, classer et répertorier les produits concernés s'exerce rarement sous la forme d'un discours synthétique accessible à autrui. On ne peut qu'être extrêmement surpris de la très grande diversité pouvant exister par exemple dans les classifications des produits de parfumerie ou des vocabulaires très riches et diversifiés, mais finalement fort peu utiles et compréhensibles, rencontrés dans le domaine de l'œnologie et de la viticulture. Les techniques proposées sont alors celles dites de description sensorielle. Encore appelées démarches de profils sensoriels, elles reposent pour la plupart sur la construction normalisée de glossaires sensoriels à l'aide de groupes de panélistes formés et entraînés à la caractérisation quantifiée de leurs impressions sensorielles [4]. Les créations proposées par le formulateur vont ainsi pouvoir être comparées de façon synthétique et normalisée sur la base de leurs principales caractéristiques sensorielles. Les profils sensoriels ainsi réalisés seront utilisables sur le long terme et permettront également de suivre les évolutions proposées. Validation des propositions de formulation retenues Une fois les propositions de formulations présélectionnées, le choix revient à une instance de décision interne assumant parfois seule les risques associés à cette décision. Le plus souvent c'est cependant sur la base d'un avis consultatif auprès des futures populations de consommateurs concernées que sera prise la décision. Du point de vue sensoriel, on parle alors de recueil de mesures hédoniques, on cherche uniquement à connaître l’appréciation du produit, le plaisir qu’il donne au consommateur et ces démarches s'appuient sur des études consommateurs réalisées sur le plus grand nombre de personnes possibles (et choisies en fonction de leur intérêt pour le produit) et on privilégiera dans la mesure du possible la réalisation d'études au plus prêt des conditions réelles de consommation et d'utilisation.

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Proposition de formulations expérimentales Il est possible d'intervenir en amont du processus de formulation et de mise en œuvre en proposant des orientations de formulations. Ces propositions peuvent l'être de deux façons : • soit sur la base de combinaisons argumentées de matières premières. On s'appuie alors sur la combinaison de techniques statistiques de planification d'expériences (les plans d'expériences) dont on décidera de l'intérêt en fonction par exemple des résultats des tests sensoriels hédoniques, • soit en essayant de comprendre les raisons des préférences consommateurs en fonction des caractéristiques sensorielles mesures en parallèle. Ces techniques sont connues sous le nom de méthodes de cartographies de préférences et sont aujourd'hui particulièrement performantes. 3.2 Les méthodes de cartographies des préférences Ce terme générique de méthodes de cartographie des préférences recouvre à la fois le principe de la démarche utilisée et les méthodes statistiques qui lui sont dédiées. Les objectifs de ces méthodes sont doubles : • Peut-on comprendre (prédire, relier) les appréciations et les préférences consommateurs à partir des caractéristiques de formulation et de fabrication des produits ? • Peut-on alors imaginer - développer – optimiser - formuler de meilleurs produits du point de vue des consommateurs ? Ces méthodes combinent une approche descriptive analytique sensorielle à une étude d'appréciation hédonique réalisée sur le même ensemble de produits. On réalise ainsi en parallèle, sur une gamme de produits pertinente par rapport aux futurs développements de produits, d'une part, une étude consommateur purement hédonique, d'autre part, un profil sensoriel descriptif par des panélistes experts entraînés. Une analyse multidimensionnelle des résultats de l’étude descriptive donne une carte 2D des produits établie par les experts (Fig. 3) ainsi qu’une explication sensorielle de leur positionnement dans la carte. Une modélisation individuelle des préférences de chaque consommateur est ensuite réalisée à partir des notes hédoniques obtenues pour chaque produit et positionnées sur la carte fournie par les experts. La technique aujourd'hui la plus évoluée et la plus performante porte le nom de modélisation quadratique. En combinant ensuite l'ensemble de ces modélisations consommateurs individuelles, on obtient une carte 3D permettant de relier les préférences des consommateurs (note hédonique élevée) aux caractéristiques sensorielles des produits décrites par les panélistes experts (Fig. 3). La cartographie des préférences permet alors, en plus de comprendre et d'expliquer les préférences consommateurs par les caractéristiques sensorielles, d'identifier des zones potentielles optimales de formulation (produits susceptibles de plaire au plus grand nombre de consommateurs). Il ne reste plus aux formulateurs, en pleine connaissance des descripteurs sensoriels clés pour le produit, qu’à

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essayer de reproduire un produit présentant toutes les caractéristiques sensorielles de l’optimum !! La figure 4, donne un exemple de carte des préférences représentée sous la forme de courbes de niveaux dont la couleur indique les gammes de notes hédoniques cumulées positionnées dans le plan sur lequel les produits et les caractéristiques sensorielles les caractérisant ont été projetés.

Figure 3 : Construction d’une carte des préférences à partir des données sensorielles fournies par les experts et des notes hédoniques des consommateurs obtenues sur les mêmes produits

Les développements les plus récents de ces méthodes permettent de mieux prendre en compte la diversité des avis consommateurs [5]. Les consommateurs sont rarement tous d’accord. Un produit peu apprécié par la majorité peut être apprécié par quelques-uns et inversement. Dans ce cas, il est à la fois possible et préférable de construire non pas une mais plusieurs cartes des préférences. Des outils statistiques permettent de classer les consommateurs par groupes en fonction de leurs préférences. Une carte des préférences et l’analyse sensorielle explicative correspondante est alors réalisée pour chaque groupe. Les services marketing sont séduits par de telles études qui aident les industriels à prendre des décisions plus objectives basées sur une connaissance de leurs groupes de consommateurs cibles et de leur poids relatif.

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Figure 4. Exemple de carte des préférences obtenue à partir d’un ensemble de produits alimentaires gélifiés formulés, représentation en 2 dimensions. Marron/Rouge : notes hédoniques élevées ; bleu foncé : notes hédoniques faibles

4. CONCLUSION Formuler de nouveaux produits en prenant en compte la diversité humaine des perceptions sensorielles tout au long du processus de développement demeure un enjeu majeur des industries alimentaires et cosmétiques. De nouvelles méthodes doivent être développées pour répondre aux enjeux de demain, c'est-à-dire nourrir une population de plus en plus nombreuse et diversifiée avec notamment la question du vieillissement des populations et des évolutions qui l’accompagnent. Réussir ce type de démarche signifie réduire les coûts de développement, limiter le nombre d’échecs et enfin proposer aux consommateurs des produits qu’ils apprécient réellement. Un vaste champ méthodologique reste ainsi ouvert en attendant que les techniques d'imagerie cérébrales permettent d'aller voir directement les envies des consommateurs. Des méthodologies comme la cartographie des préférences sont aujourd'hui à la fois disponibles et très puissantes et ont montré toute leur utilité en terme de définition de produits cibles et de leurs propriétés sensorielles. Il reste à généraliser leurs applications. 5. REFERENCES 1.

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2.

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3.

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Formuler sous contraintes à l’aide d’une cartographie des préférences Gaëlle CHANLOT GfK-ISL, Custom Research France 10, rue Lionel Terray, 92508 Rueil-Malmaison Cedex ([email protected])

RESUME :

Une démarche de formulation doit permettre, en prenant en compte les contraintes de coût, de composition, de législation etc., de mettre au point une recette et un procédé de transformation aboutissant à un produit apprécié par les consommateurs. L’intégration de l’ensemble des contraintes y compris celle, essentielle, de correspondre aux préférences du plus grand nombre possible de consommateurs et ce dès le début de la démarche de formulation, permettrait de gagner un temps considérable. Une telle démarche, sur produit réel, est très rare. Elle a été mise en place pour la sélection de mélanges sucrants dans des yaourts aux fruits « standard » et des yaourts sans matière grasse et sans sucre. Une optimisation multi-facteurs des produits, prenant en compte l’ensemble des contraintes et la maximisation de la préférence des consommateurs, a été réalisée. Elle a permis la mise en évidence de l’existence de deux groupes de consommateurs par type de yaourt (standard et 0%), et d’une recette optimale par groupe de consommateurs, soit un total de quatre compositions optimales pour les yaourts standard et 0%.

MOTS-CLES :

Formulation sous contraintes, sucres, édulcorants, plan d’expériences, surface de réponse, cartographie des préférences

1. INTRODUCTION Innover dans les industries alimentaires passe nécessairement par l’intégration des contraintes inhérentes au produit en cours de développement : composition, procédé de fabrication, propriétés sensorielles, appréciation par le consommateur, … Le processus de formulation permettant idéalement d’aboutir à une formulation optimale est résumé sur la figure 1. Il comporte quatre étapes principales pouvant chacune être divisée en sous-étapes, non détaillées ici [1]. La première étape consiste en l’identification des facteurs pris en compte, ainsi qu’en la planification des expériences de formulation à réaliser. Elle débouche sur la production de prototypes. Des tests sont réalisés sur ces prototypes afin d’évaluer leur appréciation par les consommateurs (2e étape). Le niveau de satisfaction est ensuite modélisé (3e étape). Les prototypes sont repris et améliorés afin d’optimiser le produit vis-à-vis des préférences des consommateurs (4e étape) et d’aboutir à la validation de la formulation choisie.

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Figure 1. Représentation simplifiée d’un processus d’optimisation [1]

Pour avancer dans cette démarche, plusieurs questions doivent être posées : • Quels critères serviront à l’optimisation ? • Comment mesurer ces critères ? • Quels facteurs sont susceptibles de modifier les critères ? • Quelles contraintes doivent être intégrées durant l’optimisation ? • Comment mettre en relation les facteurs d’études et les critères à optimiser ? La démarche globale de formulation peut donc s’articuler autour de la satisfaction du consommateur. Pour aboutir, elle doit être réalisée en intégrant les contraintes inhérentes au produit, à sa composition et à sa fabrication. Les résultats présentés ici sont issus d’un travail de thèse réalisé sur le yaourt aux fruits (0% de matière grasse ou standard) entre Yoplait et l’ENSIA (devenue AgroParisTech Massy). Il avait pour but de créer une réflexion sur les démarches à entreprendre en recherche et développement (R&D) dans un projet d’amélioration de produit en présence de nombreuses contraintes. Le yaourt de référence (dit « standard ») était un yaourt aux fruits sucré à l’aide d’un mélange de saccharose et de sirop de glucose/fructose. Le yaourt aux fruits « 0% » devait être formulé avec du sirop de glucose/fructose et un ou plusieurs édulcorants intenses et ne contenait pas de matière grasse. Les objectifs industriel et universitaire étaient de plusieurs natures et complémentaires. Côté industriel, il s’agissait d’obtenir une formule de yaourt aux fruits « standard » et une formule de yaourt aux fruits « 0% » susceptibles de satisfaire le plus grand nombre de consommateurs. Côté recherche universitaire, l’idée était de développer une méthode d’optimisation de formules multi-facteurs et sous contraintes facile à mettre en œuvre au niveau industriel.

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2. MATERIAUX ET METHODES 2.1. Le produit Deux matrices ont été utilisées pour tester les différents mélanges (Fig.2). La première était un yaourt sucré standard aux fruits, composé d’une partie base blanche et d’une préparation de fruits à laquelle le sucre était ajouté sous forme de saccharose et de sirop de glucose/fructose. La deuxième matrice était un yaourt aux fruits « 0% » dans lequel la partie sucrante était composée d’édulcorants intenses et de sirop de glucose/fructose. Les compositions des matières sucrantes ajoutées aux yaourts aux fruits « standard » et à « 0% » sont répertoriées dans le tableau 1.

Figure 2. Compositions des deux matrices étudiées

Tableau 1. Matières sucrantes et leur composition

Matières sucrantes

Sirop de glucose/fructose

Edulcorants intenses

Composition Dextrose (glucose) Fructose Maltose Sucres de degré de polymérisation >2 (Sucres supérieurs) Aspartame Acésulfame de potassium Sucralose

2.2. Les consommateurs Les préférences des consommateurs ont été modélisées par une méthode de type cartographie des préférences. L’étude a été menée sur 120 consommateurs. Les produits ont été présentés de façon monadique séquentielle (les uns après les autres) pour être évalués par les consommateurs. Chaque consommateur a attribué une note de 1 à 10 à chacun des produits. L’étude s’est déroulée sur plusieurs

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séances pendant lesquelles de sept à neuf produits ont été présentés aux consommateurs. 2.3. Les contraintes 2.3.1. Le yaourt aux fruits « standard » Dans le yaourt aux fruits « standard », différents mélanges de matières sucrantes ont été testés. Les sucres étaient le saccharose et le sirop de glucose/fructose. La composition en différents composés sucrants du sirop de glucose/fructose constituait une première contrainte. Quatre composés du sirop ont été choisis comme facteurs de variation : le saccharose, le dextrose (glucose), le fructose et les sucres supérieurs. La deuxième contrainte était la production d’un nombre limité de yaourts pour chaque formule. En effet, les yaourts étaient fabriqués à l’échelle pilote permettant la fabrication d’une faible quantité de produit pour chaque recette. Une troisième contrainte portait sur les taux en sucres limites légalement incorporables à la formule. Toutes les formules ont dû contenir un maximum de 40% de fructose et de 12,7% de sucres supérieurs, et un minimum de 30% de saccharose. 2.3.2. Yaourt aux fruits « 0% » Les facteurs du yaourt aux fruits « 0% » correspondaient à la matière sucrante de la préparation de fruits. Il s’agissait des taux d’aspartame, d’acésulfame de potassium, de sucralose et de sirop de glucose/fructose. L’industriel souhaitait étudier l’effet des mélanges contenant des édulcorants intenses : mélanges binaires (aspartame, acésulfame de potassium) et mélanges ternaires (aspartame, acésulfame de potassium et sucralose). Les contraintes complémentaires prises en compte ont été les suivantes : • Un nombre limité de yaourts par formule, lié à la fabrication à l’échelle pilote, • Le respect des concentrations limites inférieures et supérieures imposées par la réglementation, • Le coût des différentes matières sucrantes, • La cohérence par rapport aux produits du commerce pour ne pas risquer un rejet du fait d’un produit trop éloigné des habitudes des consommateurs. 2.4. Plans d’expériences 2.4.1. Yaourt aux fruits « standard » Des bornes inférieures et supérieures des taux de chaque sucre du mélange sucrant ont été définies. Un plan de mélange à sommets extrêmes a été utilisé. Afin de représenter, le plan de mélange à quatre facteurs et à sommets extrêmes, pour trois des facteurs de mélange : le fructose, le saccharose et les sucres supérieurs, il a été construit un triangle de mélange. Ce dernier prend en compte les contraintes limites de concentrations dans la formule finale de ces trois facteurs et permet ainsi de définir un domaine d’étude représenté en noir sur la figure 3.

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Glucose =

95

x%

Fructose 100 90 80 70 60

Domaine d’étude

50

40 30 20 10 0

Sucres supérieurs

0

10

20

30

40

50

60

70

100

90

80

70

60

50

40

30

80

90

12,7

100

Saccharose

0

Figure 3. Triangle de mélange fructose, saccharose et sucres supérieurs

Le dextrose est le quatrième facteur de variation de ce mélange. Pour le représenter, une pyramide a été construite où le quatrième sommet représente le taux de dextrose à ajouter à la formule. Ce quatrième facteur est appelé « hauteur » de la pyramide, sachant que les trois facteurs précédents forment la « base » de plan de mélange (Fig.4). Saccharose Taux > 30% 100

Domaine d’étude

Sucres supérieurs Taux