Autour de la Domitienne: Genèse et identité du Biterrois gallo-romain 9782343039121, 2343039127

Cet ouvrage tente de repenser les rapports qui se sont formalisés dans la Domitienne, modelée par les échanges depuis la

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Autour de la Domitienne: Genèse et identité du Biterrois gallo-romain
 9782343039121, 2343039127

Table of contents :
SOMMAIRE
INTRODUCTION
CHAPITRE 1 : L’AVENTURE HISTORIQUE DES PAYS BITERROIS (VIe SIÈCLE AVANT-Ve SIÈCLE DE NOTRE ÈRE)
CHAPITRE 2 : LE LITTORAL BITERROIS ET LA GÉOGRAPHIE D’AVIÉNUS
CHAPITRE 3 : LA VOIE DOMITIENNE ET LE PREMIER RÉSEAU VIAIRE
CHAPITRE 4 : L’AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE ET LES CADASTRES CENTURIÉS
CHAPITRE 5 : LA VITICULTURE ET LES PAYSAGES DU VIN
CHAPITRE 6 : UNE CULTURE GALLO-ROMAINE MÉTISSE
LISTE DES FIGURES
NOTES

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Monique Clavel-Lévêque

Autour de la Domitienne Genèse et identité du Biterrois gallo-romain

Monique Clavel-Lévêque

Autour de la Domitienne Genèse et identité du Biterrois gallo-romain

L’Harmattan

© L’Harmattan, 2014 5-7, rue de l’Ecole polytechnique, 75005 Paris http://www.harmattan.fr [email protected] [email protected] ISBN : 978-2-343-03912-1 EAN : 9782343039121

SOMMAIRE

Introduction………………………………………………………………………………

p. 9

Chapitre 1 : L’aventure historique des pays biterrois……………………

p. 15

Des pays aux confins de deux mondes : Celtibères et Grecs………………………. La structuration des agglomérations et l’occupation des acropoles……….. Les échanges méditerranéens et les voies du développement local………… Des destins contrastés en terre volque…………………………………………………… L’affirmation d’une identité multiculturelle : entre gaulois, ibère et grec La circulation monétaire et les monnayages locaux…………………………… L’organisation ethno-politique aux IIIe-IInd siècles…………………………….. La fin de l’indépendance des peuples et les effets de la conquête romaine…… L’intervention militaire et les objectifs impérialistes de Rome……………. La provincialisation des Volques et des Rutènes………………………………… Les résistances face aux stratégies territoriales de Rome……………………… Les recompositions politico-spatiales de la mi-Ier siècle avant notre ère……… L’installation des colons et la romanisation des campagnes………………… L’adhésion au pouvoir impérial et le nouvel espace idéologique………….. Restructurations et crises dans la fidélité romaine…………………………………… Le choix de l’Empire gaulois et la crise du IIIe siècle…………………………… La reprise tardo-antique et ses limites………………………………………………

p. 19 p. 19 p. 21 p. 23 p. 26 p. 27 p. 29 p. 31 p. 32 p. 32 p. 34 p. 38 p. 39 p. 42 p. 45 p. 46 p. 47

Chapitre 2 : Le littoral biterrois et la géographie d’Aviénus………….

p. 51

e

e

Le poème et ses informations : du VI avant au IV siècle de notre ère………… Quel itinéraire dans la plaine littorale entre Narbonne et Béziers ?.................. Le golfe narbonnais et les étangs de Capestang et de Vendres…………………….

p. 53 p. 56 p. 59

Chapitre 3 : La voie domitienne et le premier réseau viaire……………

p. 65

De la piste « héracléenne » à la voie romaine : contraintes et choix techniques………………………………………………………………………………………….. L’implantation de la voie consulaire…………………………………………………. La construction de la via Domitia…………………………………………………… Réfection et monumentalisation de la voie……………………………………… Un carrefour possiblement cadastral sur la voie : les mutations du paysage routier……………………………………………………………………………………………… Des équipements de complexe routier sous Ensérune : un relais ?..................... La voie domitienne dans le réseau routier……………………………………………….

p. 72 p. 72 p. 75 p. 79 p. 82 p. 84 p. 88

Chapitre 4 : L’aménagement du territoire et les cadastres centuriés

p. 93 p. 96 p. 96 p. 97 p. 98 p. 101 p. 102 p. 106 p. 108 p. 110 p. 110 p. 113

Des paysages programmés dans une conception articulée de l’espace………… Un espace défini par des normes……………………………………………………… Un territoire à plusieurs vitesses……………………………………………………… Un développement contrôlé…………………………………………………………… La mainmise italienne et la dynamique précoloniale de l’ordre au carré……… La structuration de l’espace et la dispersion de l’habitat……………………… La maîtrise de l’eau dans une politique d’aménagement concerté…………. La pénétration de fronts pionniers et les marqueurs paysagers…………… L’installation des colons et la restructuration territoriale………………………… L’emprise de la centuriation coloniale………………………………………………. Les nouveaux équilibres de l’occupation du sol : oppida, fermes et villæ…. La nouvelle impulsion économique et le démarrage des ateliers d’amphores…………………………………………………………………………………… La renormation impériale et la vitalité du puzzle paysager hérité……………… La dynamisation des campagnes………………………………………………………. La matrice d’un plan de réaménagement foncier………………………………... L’extension maximale de l’espace productif……………………………………… Le cadre d’un retournement de la conjoncture économique…………………

p. 118 p. 119 p. 120 p. 121 p. 123 p. 125

Chapitre 5 : La viticulture et les paysages du vin……………………………

p. 131

Les prémices préromaines de la viticulture………………………………………………

p. 134

Mise en place et développement des structures de production………………….. Le démarrage précoce et le poids des Italiens…………………………………….. L’émergence d’une viticulture de masse dans la dynamique coloniale…… Le boom viticole du Haut-Empire…………………………………………………… La viticulture spéculative de la grande époque : une production pour le marché………………………………………………………………………………………………. Des choix de production et de gestion rationnels………………………………. Les cépages cultivés et la qualité des vins…………………………………………… Les techniques et les façons culturales………………………………………………. Équipement des chais et procédés de vinification………………………………. Une commercialisation d’envergure : des vins reconnus…………………………… L’implantation des premiers ateliers d’amphores ……………………………… Amphores et tonneaux…………………………………………………………………… Publicité, notoriété, distribution……………………………………………………… Crise et reconversion(s)……………………………………………………………………… Les prémices de la crise et la restructuration de l’appareil de production.. Les reconversions tardo-antiques……………………………………………………

p. 136 p. 136 p. 139 p. 142

4

p. 146 p. 147 p. 148 p. 150 p. 154 p. 156 p. 156 p. 160 p. 161 p. 163 p. 164 p. 165

Chapitre 6 : Une culture gallo-romaine métisse ……………………………….

p. 169

Langues et parlers en Biterrois : latin ou gaulois ?................................................. Les outils de la latinisation……………………………………………………………… La persistance du gaulois et la nouvelle frontière linguistique……………… Croire aux dieux du ciel et de l’Olympe : entre les princes et les dieux……… L’adhésion au pouvoir impérial et l’idéologie de la romanité……………… La cohabitation des dieux et « l’interprétation romaine » dans le panthéon biterrois………………………………………………………………………… L’adoption des modes italiennes et des canons esthétiques grécoromains……………………………………………………………………………………….. Résilience de la romanité et accueil des christianismes…………………………….

p. 174 p. 174 p. 176 p. 183 p. 183

Liste des figures…………………………………………………………………………………

p. 199

Notes………………………………………………………………………………………………..

p. 203

5

p. 185 p. 191 p. 195

Collection Histoire, Textes, Sociétés dirigée par Monique Clavel-Lévêque et Laure Lévêque Pour questionner l'inscription du sujet social dans l'histoire, cette collection accueille des recherches très largement ouvertes tant dans la diachronie que dans les champs du savoir. L'objet affiché est d'explorer comment un ensemble de référents a pu structurer dans sa dynamique un rapport au monde. Dans la variété des sources – écrites ou orales –, elle se veut le lieu d'une enquête sur la mémoire, ses fondements, ses opérations de construction, ses refoulements aussi, ses modalités concrètes d'expression dans l'imaginaire, singulier ou collectif. Déjà parus Enrique Fernández Domingo, Xavier Tabet (textes réunis et présentés par), Nation, identité et littérature en Europe et Amérique latine (XIXe-XXe siècles), 2013. Laure Lévêque (éditeur), Les voies de la création. Musique et littérature à l’épreuve de l’histoire, 2012. Sidonie Marchal (éditeur), Belfort et son territoire dans l’imaginaire républicain, 2012. Lydie Bodiou, Florence Gherchanoc, Valérie Huet, Véronique Mehl, Parures et artifices : le corps exposé dans l’Antiquité, 2011. Stève Sainlaude, Le gouvernement impérial et la guerre de Sécession (1861-1863), 2011. Laure Lévêque (éditeur), Paysages de mémoire. Mémoire du paysage, 2006. Laure Lévêque (éditeur), Liens de mémoire. Genres, repères, imaginaires, 2006. Monique Clavel-Lévêque, Le paysage en partage. Mémoire des pratiques des arpenteurs, 2006.

Pour Octave, qui n’est pas encore Auguste

INTRODUCTION

Tenter d’apporter quelques réponses aux légitimes interrogations de tous ceux qui souhaitent mieux connaître les premiers siècles de la longue marche de l’histoire qui a contribué à façonner ces terres, ces bourgs et ces populations, tel est l’objectif premier d’un tel ouvrage. Il a pris forme dans les discussions qui ont animé les divers débats et conférences données au cours des dernières années – à Cazouls, Colombiers, Maraussan, Nissan, Vendres et aussi à Béziers, Capestang et Narbonne – qui ont permis de recentrer les questionnements, de réfuter parfois quelques légendes locales tenaces sur les origines, en présentant les derniers acquis d’une recherche toujours en mouvement. Le renouvellement des problématiques, l’accroissement des informations disponibles, la dispersion des publications justifient l’entreprise de cet ouvrage qui ambitionne de proposer, aux côtés des récentes parutions thématiques et des cartes archéologiques, une synthèse sur ce qui constitue aujourd’hui un patrimoine encore mal connu. Conçue à partir des matériaux réunis notamment pour plusieurs conférences, et donc bien partielle, il m’est apparu qu’elle pouvait, telle qu’elle se présente aujourd’hui, éclairer plusieurs points de l’aventure humaine du Biterrois et permettre une meilleure appropriation collective qui pourrait servir la préservation de cet héritage et sa mise en valeur. Dès le titre, s’affiche clairement la part décisive de la circulation et des échanges dans la construction du Biterrois qu’emblématise la voie domitienne et, avant elle, l’axe protohistorique dont l’ouverture, attribuée au travail d’Héraclès, installe la primauté des relations Est/Ouest. Au contact des vallées fluviales qui assurent les liaisons immémoriales avec l’arrière-pays, la dynamique de cette configuration, à proximité utile du littoral maritime tôt fréquenté, a, en effet, puissamment orienté la genèse des « pays » biterrois. Appréhender ces terres dans la diversité des espaces qui les constituent tient cependant d’une gageure grosse de nombreuses embûches dans l’inégalité foncière, et toujours actuelle, qui les affecte au niveau des connaissances archéologiques, notamment. Les avancées récentes ont, en effet, bouleversé une partie des idées jusqu’ici reçues même si elles ont aussi conforté nombre de positions et hypothèses. Pour autant, il faut constater que les grands travaux d’utilité publique, les grands chantiers de fouilles programmées ont jusqu’ici essentiellement privilégié l’Est

Introduction

biterrois, particulièrement la vallée de l’Hérault, accentuant le réel déficit d’information qui pèse sur l’Ouest héraultais, même si les points de vue ont pu être parfois rééquilibrés par des fouilles préventives comme c’est le cas pour le Gasquinoy (Béziers) où a pu être confirmée la présence d’une viticulture de masse au tournant de l’ère, par les travaux et prospections conduits dans le Programme Collectif de Recherche « Autour de l’étang de Montady », qui ont notamment précisé l’évolution du paléo-paysage et les conditions d’anthropisation du milieu, ou par les recherches du Parc Culturel du Biterrois sur la voie domitienne à Colombiers et à Nissan-lez-Ensérune, qui ont établi l’existence d’un axe de circulation précoce au Sud de l’oppidum et précisé l’ampleur des aménagements des rives de l’étang à la villa « Temple de Vénus » (Vendres). C’est dire combien l’inégal investissement de la recherche publique pèse lourdement sur l’approche des territoires et peut oblitérer la validité des comparaisons, indispensables quand on veut mesurer au plus près les voies suivies par les divers espaces, évaluer les points communs et les divergences qu’on y observe. C’est vrai aussi bien pour estimer la chronologie, les mutations des paléo-paysages, les rythmes et la densité de l’occupation du sol, la hiérarchie des formes d’habitat, l’apparition et le poids de la villa, la longévité des agglomérations secondaires – le flou subsiste toujours sur la fin de l’occupation d’Ensérune – ou encore l’implantation des ateliers de production céramique, que pour le développement des campagnes, pour leurs choix de production et la place de la viniviticulture. De même l’absence d’investigation sur le littoral, les lagunes et la basse vallée de l’Orb, dont Strabon précise qu’elle était remontée jusqu’à Béziers par de petites embarcations, est tout à fait dommageable à la compréhension des échanges, des dynamiques territoriales dans la longue durée, de la structuration du réseau des communications et de son fonctionnement, y compris avec l’hinterland. En dépit de ces difficultés, il m’a paru possible de tenter l’aventure d’explorer, une fois encore, les formes originales qui ont façonné les terres, les paysages et les hommes, les comportements qui ont construit une histoire, jalonnée de béances, mais au long de laquelle s’impose une logique dont l’ouverture, alliée à une incontestable fidélité aux origines, semble constituer une ossature résiliente. La coexistence très largement post-antique d’une zone où l’empreinte gauloise a profondément marqué prononciations et parlers avec une aire où latinisation et romanisation ont, elles, perduré, semble, en effet, se superposer assez exactement à la distribution duale qu’affichent la géographie divine ou la toponymie pour fonder l’image complexe d’un territoire qui associe à la fois une plaine littorale nettement vouée à la romanité, un piémont plus fidèle à son passé celtique, un espace oriental qui paraît plus segmenté, comme l’indiquent les agglomérations de la moyenne vallée de l’Hérault, et un bloc occidental ordonné sous la domination directe de Béziers. 12

Autour de la Domitienne. Genèse et identité du Biterrois gallo-romain

À l’épreuve des confirmations que pourront apporter les prochaines recherches, c’est cette figure d’un Biterrois gallo-romain pluriel, multiculturel, dynamique et cohérent, que j’ai tenté d’esquisser en restituant quelques pans de son histoire dont pourront s’emparer, je l’espère, les Biterrois d’aujourd’hui, citoyens, élus et décideurs, comme un patrimoine commun, une ressource non renouvelable qu’il est impératif de connaître pour la préserver et comme une richesse identitaire et attractive à exploiter et à valoriser dans une politique d’aménagement durable des territoires. C’est ce à quoi ce livre veut servir, fournir des outils de connaissance pour une meilleure appropriation des territoires et une gestion plus attentive de leur devenir. En cela il veut aussi rendre sa place à la voie domitienne, cette arlésienne tant vantée aux touristes, qui la cherchent toujours pour si rarement l’entrevoir, et qui a joué un rôle déterminant dans le devenir de ces terres baslanguedociennes, d’entre Aude et Hérault tout particulièrement. Ce n’est sans doute pas un hasard si c’est là qu’une Communauté de communes a fondé sur elle son unité, sollicitant ce symbole actif dans l’imaginaire collectif et reconnaissant dans ce patrimoine identitaire un bien commun à tous. Certains de ces textes reprennent en partie, sous forme largement remaniée, la teneur de divers travaux – conférences, actes de colloques ou participation à des ouvrages collectifs –, présentés, pour le chapitre 2, à Vendres, à Québec ; pour le chapitre 3, à Colombiers, le Mans, Nissan-lez-Ensérune ; pour le chapitre 4, dans les Atlas des cadastres d’Europe publiés par la Commission des Communautés européennes, aux « Mercredis du paysage » de Narbonne et dans les pages de la Carte archéologique de la Gaule, 34/5 ; pour le chapitre 5, à Capestang, Cazouls, Colombiers, Vendres ; pour le chapitre 6, à la Société Archéologique de Béziers.

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CHAPITRE 1 : L’AVENTURE HISTORIQUE DES PAYS BITERROIS (VIe SIÈCLE AVANT-Ve SIÈCLE DE NOTRE ÈRE)

L’image du Biterrois à l’aube de l’histoire, tributaire de bribes de récits légendaires et de quelques textes d’auteurs antiques, géographes, historiens ou poètes, souvent tardifs, reste plutôt floue. Rares, en effet, sont ceux qui sont passés par le Midi gaulois, si l’on excepte Polybe, Poséidonios, César ou Pline l’Ancien. Dans cet espace mal connu, longtemps réduit à Marseille et au Rhône, émergent progressivement Narbonne et son golfe, les fleuves et les étangs, avec quelques noms de peuples et de villes, parmi lesquels Agde, comme colonie de Marseille, puis Béziers, mieux identifiée à l’époque romaine par son statut de colonie. Si l’archéologie permet aujourd’hui de disposer d’un portrait aux traits moins évanides, pour certaines périodes et quelques sites privilégiés en tout cas, des pans entiers de cette longue protohistoire demeurent encore bien obscurs. À commencer par l’identité des peuples et des communautés qui ont construit les bases des cadres de vie – paysages et terroirs, villages et villes – qui constituent la matrice du devenir régional et les composantes d’une identité singulière. On a beaucoup discuté, à partir des traceurs culturels, des conditions de peuplement, des rapports entre sociétés indigènes et éléments exogènes, venus, sans qu’on puisse préciser quand et dans quelles conditions, de l’Europe celtique et, marginalement, de la Méditerranée grecque. L’étude des habitats, de leur nature, de leur aménagement, des modes de bâtir, du mobilier, produit sur place ou importé – vaisselle, parure, armement, outillage – a permis de mieux connaître les faciès culturels, les pratiques et les usages, quotidiens ou funéraires, les modifications qui les affectent, fournissant aux chercheurs les éléments indispensables pour proposer repères chronologiques et interprétations. S’il faut lire dans ces changements, plutôt que les effets induits par l’arrivée de vagues successives de migrateurs, vue longtemps retenue par la vulgate, les résultats de métissages anciens et complexes, on peut penser que, parallèlement à la circulation des marchandises, l’installation de groupes de migrants a joué sur les équilibres existants pour façonner le destin original de cette Gaule méridionale, partie d’une large Celtique méditerranéenne1. De fait, outre la logique attractive d’une région de passage, l’existence d’un mercenariat bien avéré et l’ouverture économique, où les apports méditerranéens ont puissamment pesé, ont constitué un des facteurs majeurs d’attractivité pour des éléments ou des groupes qui ont

L’aventure historique des pays biterrois : VIe s. avant-V e s. de notre ère

contribué à renforcer le dynamisme des sociétés locales. Toutefois, il reste difficile d’appréhender les modalités qui ont gouverné ces contacts dans la durée, de savoir s’ils se sont toujours déroulés sans heurts et s’ils peuvent rendre compte, au moins en partie, des mutations culturelles, des difficultés, voire des destructions avérées sur plusieurs sites. Dans une situation privilégiée, largement ouvert sur une Méditerranée fréquentée dès le VIIIe siècle avant notre ère par marchands et aventuriers de tous bords 2, le carrefour biterrois s’avère particulièrement attractif, au débouché de trois fleuves côtiers qui assurent l’accès vers l’intérieur des terres – une coupe tournée localise à Cazouls la plus ancienne importation méditerranéenne3 – et s’arriment sur les voies millénaires de la circulation Est-Ouest. Étrusques 4 et Grecs, Phénico-Puniques aussi, sans doute, ont tôt fait de fréquenter ces rivages hospitaliers où l’on trouve, avec les céréales et des produits fabriqués sur place, des objets souvent venus de loin, par l’une des grandes voies de l’étain. Sous forme de lingots ou déjà manufacturés, pièces de récupération promises à la refonte, ces métaux tant recherchés abondaient d’après les ensembles retrouvés tant dans les dépôts de fondeurs – à Cazouls, Murviel-les-Béziers, Quarante ou Vias – datés entre le VIII e et le VI e s., voire la première moitié du Ve siècle, que dans la cargaison du navire marchand échoué à Agde, devant Rochelongue, au début du VI e siècle, après avoir rempli ses cales. Ce sont des centaines de kilos de métal ouvré – objets de parure (colliers, bracelets, pendeloques, bagues, boucles d’oreille…), pièces d’armement (talons et pointes de lance ou de flèche, poignards, fragments d’épée), éléments d’outillage (haches…) – qui ont alors circulé et transité en Biterrois. Aux VIII e-VII e siècles, les villages – à Béziers-Montimaran, à VendresPortal-Vielh ou encore à Salles-La Moulinasse – abritent des communautés bien sédentarisées dans une société qui, si elle semble rester longtemps assez égalitaire et pacifique, commence à se hiérarchiser nettement au Bronze final. Portal-Vielh, habité sur le long terme5, montre, sur quelque 3 hectares, un village fortifié, par son fossé et peut-être un rempart de terre et de bois, où vit une communauté aux activités diversifiées, qui pêche, chasse, dispose de surplus agricoles, des produits de son élevage et semble s’être spécialisée dans la production céramique, à en juger par la présence de fosses, de nombreux vases et de surcuits 6. Le cas vendrois illustre la spécificité du Languedoc occidental où de vastes établissements fortifiés gèrent des espaces complémentaires au sein de territoires en voie de recomposition et balisent l’avancée dans la plaine vers les lagunes et le littoral. Leurs nécropoles, souvent mieux perçues que les habitats par l’archéologie, en dessinent la carte et précisent, avec les pratiques funéraires 7, les modes et niveau de vie de ces sociétés 8. De Puisserguier (La Rouquette)9, Quarante (Recobre) 10, Causses-et-Veyran, Vendres (Portal-Vielh/Bel Air) 11 et Sauvian à Agde et Pézenas (Saint-Julien) 12, elles 18

Autour de la Domitienne. Genèse et identité du Biterrois gallo-romain

mesurent l’investissement de nouvelles terres par ces agriculteurs, qui sont aussi éleveurs et pêcheurs, et montrent que les armes ont fait leur apparition 13. Des pays aux confins de deux mondes : Celtibères et Grecs La structuration des agglomérations et l’occupation des acropoles La dynamique du développement régional et de ces contacts génère, sur cette lancée, une modification drastique des formes de l’habitat qui scande la véritable occupation de la plaine qui s’opère à partir du début de l’Âge du Fer, vers 675-625. Mais c’est au cours du VI e siècle que l’occupation des acropoles commence à structurer un réseau qui se densifie entre Aude et Hérault – de Montlaurès et Mailhac à Ensérune et La Moulinasse (Salles d’Aude), de Mus (Murviel) à Béziers, de Montfo-Magalas au Celessou (Fontès), à Saint-Siméon (Pézenas), Aumes, La Monédière (Bessan) et Montjoui (Florensac) –, matérialise une domination sur le territoire et jalonne un processus d’urbanisation progressive et différenciée (fig. 1), même si dans la plaine littorale les modes de bâtir privilégient partout, à partir du VI e siècle, la brique crue moulée – de Salses à Montlaurès, Ensérune, Béziers et Agde –, tandis que le bois et le torchis dominent longtemps dans l’arrière-pays.

Fig. 1 : Les agglomérations protohistoriques, VIe-IV e siècles.

Si l’urbanisation se révèle plus précoce et plus rapide à Béziers, où un plan structuré d’urbanisme aurait existé dès l’origine14, si les matériaux périssables sont

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L’aventure historique des pays biterrois : VIe s. avant-V e s. de notre ère

utilisés dans les cabanes du premier état d’Ensérune15, la pierre se généralise et le plan se structure dès les débuts d’Ensérune 2, à partir de la mi-IVe s., et partout l’habitat se fait plus confortable, des sols sont assainis, les 2 ou 3 pièces semblent courantes aux Ve-IVe s. et les maisons comptent parfois des cours intérieures 16 – à Béziers, Montlaurès comme à Lattes. En même temps, les campagnes, où le mouvement de dispersion est initié dès les VIe-Ve siècles 17, commencent à se peupler, en périphérie urbaine particulièrement 18, de petits établissements, hameaux ou fermes 19, dont beaucoup semblent avoir eu une durée de vie limitée20. C’est aussi le moment où, à la suite de leurs premières fréquentations, surtout après la fondation phocéenne de Marseille vers 600, des Grecs s’installent sur l’Hérault et l’Orb. Ils sont à Bessan (La Monédière) et à Béziers dans les premières décennies du siècle, puis, vers 550 ou 525 peut-être, à Agde, petit comptoir indigène21 fréquenté par les marchands et qui entrerait plus tardivement, entre 400 et 35022, dans un réseau phocéen ou dans celui des colonies de Marseille23. Cette présence, difficile à évaluer, et la nouvelle dynamique qu’elle impulse stimulent non seulement les flux d’importation, qu’absorbent des sociétés en cours de différenciation, mais le prélèvement des contreparties recherchées dans un échange d’emblée inégal. Les communautés locales, comme l’ensemble des populations du Midi, sont globalement distribuées par les Anciens, suivis en cela par les Modernes, en Ligures ou Celto-Ligures à l’Est et Ibères, voire Ibéro-Languedociens, à l’Ouest. La zone de contact, placée au Rhône pour les Anciens 24, à l’Hérault pour les Modernes 25, doit plutôt se trouver légèrement plus à l’Est, sur l’étang de Thau, aux environs de Balaruc. C’est, en effet, à la lettre, le texte d’Aviénus 26, et c’est là qu’on situe pour l’époque romaine les confins des cités de Béziers et de Nîmes, dont on peut penser qu’ils réactivent d’anciennes limites. De fait, ces populations ont été à la fois largement celtisées 27 et progressivement hellénisées, davantage à l’Est qu’à l’Ouest. En Languedoc central, c’est un métissage très composite qu’on perçoit, dès le VIIIe siècle au moins, et la reconnaissance à Ensérune d’anthroponymes ne relevant d’aucune langue attestée dans la région relance le débat. Faut-il y voir des témoins de la langue du substrat – dite souvent ligure ou liguroïde – ou plutôt des noms celtiques ? La discussion se poursuit 28. On conviendra donc commodément, dans l’incertitude où l’on est sur l’installation de Celtes 29, de parler plutôt de populations « celtibères » dans la zone narbonno-biterroise. À Ensérune, la présence celtique est avérée au IVe siècle d’après l’identification de l’anthroponyme celtique Smeraz dans une inscription en écriture étrusque30 et on y connaît à la même date un graffito paléo-hispanique31. Les informations sont, en revanche, infiniment plus précises en ce qui concerne le mouvement des échanges et le marché qui ont incontestablement constitué, dans la durée, le levier du développement régional. 20

Autour de la Domitienne. Genèse et identité du Biterrois gallo-romain

Les échanges méditerranéens et les voies du développement local Au cours des quatre ou cinq siècles qui précèdent la conquête romaine, la région a, en effet, vu affluer produits courants ou marchandises de luxe, les céramiques du monde grec32, de la côte catalane, vases, coupes, amphores, qui apportent de l’huile, et surtout du vin, au sein d’échanges que Marseille, fortement soutenue par son comptoir d’Agde dont Strabon rappelle qu’il a été établi « contre les Barbares » 33, domine longtemps de façon écrasante. Si des marchands grecs sont évidemment présents avant que Marseille n’existe, c’est elle qui redistribue, dès la mi-VI e siècle, au côté de ses productions, l’essentiel des importations grecques. Les céramiques ibériques et « ibéro-languedociennes » – vaisselle et amphores –, diffusées par les marchands d’Emporion, restent minoritaires mais sont présentes partout, depuis la seconde moitié du VI e s., dans le Biterrois occidental où entrent en contact direct les sphères ibéro-languedocienne et celto-grecque. Même s’ils sont à l’évidence complémentaires, les deux flux commerciaux présentent des courbes qui, sans se croiser, se modifient au profit des produits ibériques, plus sensiblement vers l’Ouest où le dynamisme des marchands emporitains ne cesse de s’affirmer. La physionomie des échanges révèle qu’au cours du IVe s. les importations ibériques concernent essentiellement des amphores tandis que se diversifient les apports grecs, où les céramiques massaliètes à pâte claire accompagnent un nouvel essor des productions attiques et des amphores 34. Et cette réalité, qui fait du secteur Narbonne-Ensérune-Béziers-Agde un lieu de confluence, voire d’affrontement majeur, exprime une identité culturelle, économique et politique bien spécifique. Le long essor économique qu’affiche le mouvement des marchandises est sensible partout, mais on voudrait pouvoir y mesurer la part prise par les autochtones, dont le poids sur le marché est réel comme « prescripteurs de tendances ». C’est assurément le cas pour le vin, et l’on sait qu’on a bu étrusque dans la région avant de boire grec. Cet élargissement de la consommation se lit aussi tant dans des activités agro-pastorales, qui révèlent une amélioration des pratiques alimentaires, que dans un artisanat documenté par l’archéologie. La céréaliculture35, dominée par l’orge, connaît un haut niveau de développement qui permet le dégagement d’importants surplus qu’atteste le développement des moyens de stockage, silos et grandes jarres 36, et l’élevage pratique la sélection des animaux. Parallèlement, l’exploitation diversifiée des ressources est bien illustrée par la forte consommation de produits marins, de coquillages notamment. Si les données sont diffuses qui parlent d’une métallurgie du fer bien distribuée, le tissage, avec les nombreuses fusaïoles, les poids, les peignes de tisserand, et même les métiers à tisser, est partout relativement bien attesté, comme le travail du corail dont les vestiges sont nombreux, branchettes brutes ou objets décorés, à Montlaurès, qui a dû localiser, comme Ensérune sans doute, un artisanat de bijouterie37 et trouver sur place une clientèle pour ses pièces décorées (fig. 2). 21

L’aventure historique des pays biterrois : VIe s. avant-V e s. de notre ère

Abondant dans les tombes d’Ensérune – fibules surtout –, le corail a aussi orné un objet de prestige : le casque d’apparat de Montlaurès, daté du IVe siècle. Fig. 2 : Pièce de bronze décorée de corail (IV e siècle avant). Musée National d’Ensérune. Cliché Pierre Tissot.

Béziers, qui a livré des branchettes brutes depuis la mi-Ve siècle, à la différence d’Ensérune, et qui a pu « concentrer » et diffuser la matière première, a dû participer aussi à la production, même si les consommateurs se recrutaient chez les indigènes. Au reste, si ces objets étaient consommés dans la région, une part pouvait partir à l’exportation vers le monde celtique continental où l’on a montré l’association entre importation du vin et diffusion du corail, notable également sur les sites languedociens 38. Le corail, outre son rôle économique, fonctionnerait donc comme marqueur culturel 39, au côté des armes, et mesurerait ainsi la partition entre cultures hellénisée et celtisée40, sa consommation valant celtisation. Mais la production céramique, qui illustre surtout le dynamisme régional, affiche aussi des choix techniques et décoratifs. La production de céramique tournée est attestée très tôt, dans un milieu qui produit encore largement de la céramique non tournée. Les ateliers de Montlaurès et de Mailhac imitent, dès la fin du VI e siècle, aussi bien des modèles grecs, produisant des céramiques grises monochromes et de la pâte claire, que des formes et décors de modèles ibériques avec l’« ibérolanguedocienne peinte » 41. Parallèlement, Béziers produit « à la grecque » et diffuse, du VI e au IVe s., sa vaisselle de table et de cuisine, ses mortiers et ses grands vases de stockage, dont certains étaient même destinés à contenir du vin 42. Quant à ses tuiles, que les oppida voisins, qui conservent tardivement des couvertures faites de végétaux (Montlaurès) ou de terre, ne semblent pas avoir utilisées avant les II ndI er s., elles évoquent un « vocabulaire architectural » spécifique qui aurait clairement emprunté, comme Marseille, ses modèles à l’Asie Mineure43. Sur les basses vallées de l’Orb et de l’Hérault, Béziers et Agde dessineraient ainsi les contours d’un secteur original, fortement marqué par l’hellénisme44. Il est partie prenante de ces entités singulières, aux faciès économiques et culturels différenciés, qui se sont développées en Languedoc central, façonnant la personnalité d’un secteur narbonno-biterrois plus ouvert, assurément moins contraint par le monopole de Marseille45, et clairement intégré dans la sphère ibérophocéenne.

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On le note dès le tournant des VI e-Ve siècles, quand le géographe Hécatée de Milet cite le premier peuple connu de la région, les Élisyques, qu’il dit ligures 46. Or, ces Élisyques 47 sont également mentionnés par Hérodote parmi les peuples qui ont fourni, comme les Ibères et les Ligures précisément, des contingents armés, battus avec Hamilcar à Himère en 48048. La source d’Aviénus connaît aussi ce peuple dont le « royaume farouche » a inséré tôt la région dans la géopolitique méditerranéenne. Cités après les Sordes du Roussillon, les Élisyques pourraient avoir « régné » jusqu’en Biterrois, mais jusqu’à quand ? Leur devenir nous échappe totalement, leur nom, oublié ou perdu pendant huit siècles, ne reparaissant qu’au IVe siècle de notre ère dans le poème archaïsant d’Aviénus 49. Entre-temps, les sources ultérieures évoquent de façon très vague et globalisante des Ibères 50, ou des populations mêlées d’Ibères et de Ligures au tournant des Ve-IVe siècles 51. Avant qu’apparaisse une nouvelle désignation générique, à propos du passage d’Hannibal en 218, les textes de Polybe et Tite Live ne connaissant que des Gaulois. Un tel constat interroge, quand le rôle historique des communautés du Languedoc central prend quelque consistance, sur ce III e siècle encore si difficile à cerner entre l’Aude et l’Hérault, sachant que les traits celtiques s’affirment nettement sur les oppida de la région, où arrivent en nombre, aux IVe et III e siècles, les vases et objets métalliques – parures, armes, outils. Même si le ralentissement perçu au III e siècle est peut-être imputable, en partie au moins, à des « séquences chronologiques qui sont passées inaperçues jusqu’ici », comme le suggère prudemment Daniela Ugolini52, on perçoit mieux cette société, toujours plus largement ouverte aux échanges, et que domine une aristocratie dont le caractère militaire est sensible. Des destins contrastés en terre volque On constate pourtant que, dès avant 300, le contexte général du Midi paraît marqué par une crise qui, toutefois, affecte davantage certains secteurs et agglomérations 53. Si Saint-Siméon-Pézenas est abandonné au milieu du IVe siècle et son terroir dépeuplé54, Béziers semble bien être alors assez largement déserté55, comme Montlaurès, tandis que Mailhac, qui se restructure vers 280, ou Agde, survivent, frappés par une réelle récession ; en revanche, Saint-Thibéry-Le Fort 56, où les céramiques de Béziers dominent, se développe rapidement à partir du IVe siècle, quand les meules de basalte commencent à se diffuser, et Ensérune paraît, aux III e et II nd siècles, maîtriser au mieux la gestion du milieu57 et poursuit ses activités, y compris après le réaménagement urbain drastique qui intervient vers 250. Il se situe dans la ligne du développement que la ville a connu au IVe siècle, tandis que Pech Maho, dont le faciès ibéro-emporitain s’accentue, renforce alors son système défensif58.

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Comment rendre compte d’une telle situation, qui semble impliquer une redistribution des cartes du point de vue géopolitique, sachant que les équilibres du marché se sont modifiés dans le dernier quart du IVe siècle, avec une plus nette ouverture au monde celtique, fournissant des indicateurs précieux sur les changements en cours ? D’autant que les céramiques « pseudo-attiques », essentiellement fabriquées autour de Marseille, qui tendaient à l’emporter sur les productions attiques 59, ont amorcé leur recul avec l’ensemble des importations massaliètes. Parallèlement, commence alors à arriver la vaisselle à vernis noir. Dans ce contexte, c’est la campanienne qui connaît une vogue croissante auprès de la clientèle locale – qu’elle vienne de Campanie, dès le IVe siècle, ou de Rome, dès le début du III e, pour les productions de l’atelier des « petites estampilles » – tandis que, dans le même temps, démarrent les arrivages de vases à vernis noir ibériques, qui vont, l’une et les autres, s’imposer massivement, envahissant le marché avec les amphores gréco-italiques. Ces vaisselles abondent à Ensérune60 comme à Pech Maho, où les modes ont clairement évolué, dans un milieu dont les usages paraissent moins marqués par les pratiques grecques et/ou hellénisantes qu’à Béziers, où tous les traceurs indiquent des goûts influencés par une forte hellénisation et une présence grecque précoce. Les vernis noirs y arrivent aussi, mais sont logiquement rares dans une ville qui paraît alors largement dépeuplée. Quand les courbes des importations s’inversent partout, indiquant des changements profonds dans les goûts et les pratiques de consommation, lisibles dans les nécropoles, quand les réseaux traditionnels sont investis par des négociants italiens dont les produits, d’abord véhiculés par les marchands marseillais, pénètrent la région au cours du III e siècle, les mouvements qui affectent les habitats et les équilibres régionaux interrogent. La nécropole d’Ensérune II, encore insuffisamment exploitée, les autres restant pour la plupart très mal connues, est la seule à pouvoir apporter, dans sa dernière phase notamment, des éléments utiles de réflexion, sinon de réponse. Le mobilier céramique qui accompagne les défunts fait une très large part aux importations 61, recourant plus rarement aux urnes non tournées, indicatrices d’un milieu social moins riche et plus conservateur. Le mobilier métallique renvoie, lui, plus directement aux apports venus du monde celtique. Plus de 20% des tombes, en effet, comportent des armes, ce qui est conforme à ce qu’on connaît dans l’ensemble du monde celtique de l’époque, et un nombre assez significatif d’entre elles comporte la panoplie complète du guerrier : épée, lance, bouclier avec, parfois, des vestiges de casque, d’agrafes ou de chaîne de ceinturon. C’est le cas de la tombe 16362, qui a pu être datée vers 275-250, la seule dont la restauration du mobilier métallique ait autorisé une analyse démonstrative (fig. 3).

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Fig. 3 : Fourreau d’épée celtique en fer ornée de griffons affrontés en corail. Tombe 163, Musée National d’Ensérune.

RAN, 20, 1987.

À côté d’un riche ensemble céramique, dont une belle série de vases à vernis noir des « petites estampilles », les armes surtout retiennent l’attention. Richement décorées, le fer de lance, mais surtout l’épée, « arme de taille, lourde et puissante », et son fourreau, avec de légères gravures et de fines incrustations de corail – dont la seule correspondance est en Bavière –, s’inscrivent pleinement dans le registre stylistique de la Celtique continentale. La chaîne de ceinturon, à maillons, elle aussi décorée, n’a trouvé un équivalent qu’à Belgrade et la résille de fer qui ornait le casque le désigne clairement comme « un élément de prestige » 63. Inscrit dans la continuité des contacts avec le monde celtique, avérés depuis le Ve siècle, cet ensemble, par les parentés qu’il révèle et les comparaisons qu’il trouve, a conduit les chercheurs qui ont établi ce dossier à évoquer la nature des relations qu’il implique – belliqueuses ou, plutôt, économiques et humaines –, qui seraient « compatibles avec les déplacements progressifs Est-Ouest des populations danubiennes, sensibles en Gaule au III e siècle » 64. Le problème est bien là, de la délicate question tant débattue65 des lectures et des interprétations à même de rendre compte des observations archéologiques et des indications textuelles, qui renvoie aux modalités du peuplement régional et à la probable installation de noyaux de population celtique dont on connaît les mouvements en Europe méridionale au IVe siècle, en Italie et en Provence, où Marseille fait face aux attaques de Catumandus. On sait, en tout cas, l’effet du mouvement de groupes celtiques vers l’Italie sur la détérioration des relations économiques entre le littoral méditerranéen et l’hinterland européen aux VeIVe siècles. Pour être claire, que les armes soient parvenues dans la région comme objets de commerce ou non, et sans exclure un possible phénomène de mode, les guerriers présents à Ensérune peu avant 250, quand s’opère l’ample réaménagement de la ville, disent les changements intervenus dans la population où trouvent place ces Gaulois dont parlent les textes et qui doivent être des Volques.

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Faut-il alors envisager que les luttes commerciales, au-delà de pressions éventuelles sur les interlocuteurs locaux, aient pu conduire les protagonistes sur d’autres terrains et déboucher sur des affrontements politiques et militaires ? Peuton en lire un écho dans les destructions observées sur certains sites ? Faut-il y voir un des éléments d’explication susceptibles de renseigner sur l’effacement de Montlaurès et de Béziers au cours du III e siècle ? Faut-il, enfin, y voir un écho du reflux de l’influence arverne que Strabon situait « à l’origine » jusqu’aux confins de Narbonne et de la Massaliotide66 ? C’est bien difficile à dire. Il n’est pas impossible, en tout cas, de rapprocher cette situation de ce qu’on peut constater plus à l’Est, en Nîmois. À Nîmes même, l’occupation s’effondre massivement sur l’oppidum du mont Cavalier, ce qu’on a mis en relation avec l’occupation nouvelle du bas de la colline et de la campagne périphérique, la vie reprenant son dynamisme au II nd siècle. Et le même processus aurait peut-être concerné aussi Beaucaire, La Ramasse, voire Roque de Viou67. Au-delà des facteurs susceptibles d’expliquer ces événements, sur lesquels bien des interrogations demeurent, force est de constater leurs effets sur le long terme. L’affirmation d’une identité multiculturelle : entre gaulois, ibère et grec Témoignerait d’abord de ces évolutions la diffusion de l’écriture et de la langue ibérique – langue du négoce et du quotidien ? Si les inscriptions sur plomb, comme celles de Pech Maho68, illustrent bien, à partir de la fin du IVe siècle, l’emploi fonctionnel de l’ibère dans les échanges et le droit commercial, les très nombreux graffiti de possession retrouvés sur les oppida, à Ensérune notamment où l’écriture paléohispanique apparaît au IVe69, disent son usage vernaculaire et l’utilisation progressivement élargie de l’écriture. À Ensérune, les marques lisibles sur les dolia montrent globalement un équilibre entre noms ibères et gaulois, avec un léger avantage toutefois pour ces derniers 70. Mais la distribution géographique de ces documents, particulièrement la localisation massive des inscriptions sur plomb à l’Ouest d’Ensérune, qui souligne le poids de la zone narbonnaise dans les échanges, fait d’autant plus problème que c’est le gaulois qui devait être la langue d’usage71 vers l’Est de l’actuel département de l’Hérault, mais sans doute plus largement qu’on l’a dit, comme on peut l’inférer de la toponymie et de l’onomastique. C’est du Biterrois que provient l’une des plus anciennes inscriptions gallo-grecques connues dans le Midi, qui donne le nom gaulois d’Aumes 72. Datée du IIIe siècle, il faudrait peut-être la situer plutôt au II nd siècle73, ce qui la mettrait en cohérence avec les légendes monétaires des séries narbonno-biterroises. Ce qui frappe, en effet, c’est le caractère multiculturel de ces sociétés où la cohabitation est évidente sans qu’on puisse savoir quelles différences

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socioculturelles et/ou politico-géographiques elle recouvre, ni démêler le jeu des influences réciproques qui, à certains moments, a fait émerger dans la tradition antique l’expression de dominantes ethno-culturelles. De fait, quand les communautés commencent à émettre leur propre monnayage, des singularités s’affichent et se précisent alors, qui font une place singulière à Ensérune, qui apparaît comme un véritable secteur charnière, le gaulois ou le gallo-grec dominant à l’Est, l’ibère ou le celtibère à l’Ouest. La circulation monétaire et les monnayages locaux Dans le Midi, ce sont d’abord les monnaies de Marseille qui commencent à circuler74. Si Marseille frappe à partir de +/–525, ses séries d’argent, drachmes et oboles, ne paraissent arriver dans les agglomérations, dans le contexte expansionniste du second Âge du Fer, qu’à partir de la mi-IVe siècle : à Ensérune75, à Magalas-Montfo76, à Fontès-Celessou77. Mais c’est au III e siècle, quand affluent, vers la fin du siècle surtout, les petits bronzes de Marseille, monnayage dominant en Languedoc comme en Provence, que la circulation monétaire s’ouvre plus largement. Alimentent également cette circulation les drachmes imitées de Rhodè (Rosas), frappées dès 260-200, présentes à Ensérune comme dans le trésor de Béziers, et les monnaies à la croix, dont les divers ateliers couvrent largement le Languedoc, irrigant le Biterrois et soulignant ses liens avec les Rutènes. C’est alors au sein d’un grand siècle, entre 250 et 150, et surtout dans la première moitié du II nd s., qu’on situe aussi les premiers monnayages locaux, qui répondent aux besoins créés par les contacts et indiquent une économie dont la monétarisation avance et s’élargit rapidement 78. Parmi les premières monnaies d’argent à la croix, entre 225 et 150, celles du groupe « languedocien » 79 montrent la vitalité du secteur Narbonne-Béziers, aboutissement de l’axe Aude-Garonne. Tandis que, au Nord de Béziers et dans la moyenne vallée de l’Hérault, la série plus tardive des oboles « au cheval et au fleuron » pourrait identifier une composante des Rutènes provinciaux, posant la question de la structuration du territoire biterrois dans les débuts de l’époque romaine80. Mais ont surtout retenu l’attention les monnayages frappés en bronze. Ils sont émis soit au nom des peuples – les Néronken de Narbonne ou les Longostalètes d’Ensérune (fig. 4), où on a proposé de localiser leur atelier, vers 17515081 –, soit au nom d’une région-cité comme à Béziers où la série Baetarratis82 (fig. 5) aurait précédé, autour de 150-100, les émissions frappées au nom de « rois » (fig. 6) qu’il faudrait placer, elles, vers 125-100.

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Fig. 4 : Série avec Hermès au droit et trépied au revers frappée, en alphabet grec, au nom des Longostalètes, à Ensérune ?

Fig. 5 : Série à légende Bætarratis en caractères grecs portant Héraklès au droit, sa massue derrière la tête, et un lion courant au revers.

Fig. 6 : Série frappée au nom de Bitouios qui porte le titre de Basileus, écrit en caractères grecs. Fig. 4, 5, 6 : Les monnaies de bronze du Biterrois.

Au-delà des problèmes monétaires et chronologiques, ces frappes, de faible valeur, sont bien indicatives de la complexité du contexte culturel et ethnopolitique. Les types, largement imités de prototypes ibériques, de Cese/Tarraco (Tarragone), affichent aussi de clairs emprunts à Marseille. Quant aux légendes de ces séries, elles sont écrites en caractères grecs pour les émissions de Béziers, dont la conformité avec les modèles du monde grec a permis d’avancer que ces monnayages avaient pu être créés par des monétaires grecs 83. Si la forme Baetarratis est sans doute du gallo-grec, les « chefs », au nom typiquement gaulois – Amytos, Bitouios, Bitouiotuos, Kaiantolos, Rigantikos –, portent une titulature, basileus, qui traduit en grec une institution gauloise. Le cas est plus complexe pour le monnayage d’Ensérune où les frappes longostalètes, qui usent également de l’écriture grecque, sont parfois associées à un nom gaulois de « chef » – Bokios, Loukotiknos –, certaines admettant également une mention en langue ibérique, qu’on retrouve sur de grands bronzes des Neronken. La succession des « chefs » biterrois, rois électifs plutôt que magistrats 84, comme le choix de divinités grecques pour le droit de leurs 28

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monnaies – Héraclès à la massue à Béziers, très ibérisant par son traitement stylistique, et Hermès au pétase à Ensérune – affichent, au-delà des différences avec le monnayage des voisins de Narbonne qui avoue plus évidemment la culture ibérique, un multiculturalisme assumé85, une ouverture cosmopolite et un discours de nature politique. De fait, le choix des symboles et des légendes relève d’une communication de nature politique et identitaire, pour ces peuples et cités 86. Quand la transmission du pouvoir des gouvernants énonce une réelle stabilité de la communauté et son caractère aristocratique, on ne peut manquer de rapprocher le titre « royal » et la structuration du populus biterrois que cela suppose du texte bien connu où Tite Live87 évoque ces reguli, les « petits rois » représentants l’aristocratie dominante que rencontre Hannibal entre Pyrénées et Rhône quand il traverse la région, en 219-218, gagnant l’Italie lors de la seconde guerre punique. La stabilité que la proximité des textes autorise à postuler entre le dernier quart du IIIe siècle, au plus tard, et le milieu du II nd, quand la pression romaine sur le Midi s’accentue nettement, après l’intervention militaire de 154 pour aider Marseille, ne laisse cependant d’interroger. Cela impose d’aborder le problème de l’organisation ethno-politique de ces communautés et de confronter les témoignages. L’organisation ethno-politique aux IIIe-IInd siècles Polybe qui a accompagné, vers 150, les armées de Scipion en Espagne, use du terme générique de Gaulois 88 – « C’est autour de Narbonne jusqu’aux monts Pyrénées qu’habitent les Gaulois, depuis la Méditerranée jusqu’à l’Océan » –, prenant la précaution de situer, pour éviter de perdre son lecteur, « ces contrées que nous ne connaissons pas » et où de « nombreuses populations gauloises » vivent alors, entre Rhône et Pyrénées 89. Le nom des Volques, attesté par les textes et par des monnaies, n’apparaît, en effet, pour la première fois, qu’à propos de l’arrivée d’Hannibal sur le Rhône chez Tite Live, qui précise : « Hannibal, après avoir lié les autres peuples par la crainte ou des cadeaux, était parvenu sur le territoire des Volques » 90. Ce que nuance Silius Italicus dans son poème Les Puniques où l’armée d’Hannibal « se répand dans les contrées inhospitalières des Volques » avant d’atteindre « les rives gonflées et menaçantes du Rhône » 91. Quant à Strabon, reprenant Poséidonios qui a visité la région dans les années 100 avant notre ère, il ne connaît que des Celtes au pied « du Mont Cemmène, le long de la côte qui baigne Massalia et Narbonne » 92, et véhicule le souvenir d’une situation qui a beaucoup évolué pour aboutir à la coexistence de deux fédérations volques, les Tectosages autour de Toulouse et les Arécomiques autour de Nîmes, quel que soit le moment où cette partition est intervenue, du fait des

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Romains ou non93. Et quand il dit certains peuples « proches des Arécomiques », parakeimena, il utilise une formulation qu’on retrouve à plusieurs reprises chez Polybe94, qui dépasse la seule indication spatiale de localisation pour toucher au fonctionnement de rapports d’alliance, voire de clientèle. La question de savoir depuis quand prévalait une telle organisation est d’autant plus difficile que César, dans la Guerre des Gaules, évoque, premier témoin direct, pour sa mise en défense de Narbonne en -52, au moment de mettre sur pied un « blocus » anti-cadurque et même anti-arverne, l’envoi de « détachements militaires chez les Rutènes provinciaux95, les Volques Arécomiques, les Tolosates et autour de Narbonne » 96. Le problème, au reste, est double, qui pose aussi la question de l’organisation interne de telles fédérations et de la structuration des entités qui les composent. Que Rome, ici comme ailleurs, en ait repris la structure, non sans retouche sans doute97, ne fait pas difficulté. On peut, en effet, penser que les « autres peuples » (ces ceteri populi de Tite Live), les communautés « obscures et peu étendues, proches des Arécomiques » 98 de Strabon, qu’on voit intervenir de façon active lors des événements de la fin du IIIe siècle, participaient de cette organisation « confédérale » que dénoterait une étymologie possible de Volques, dont le sens serait « peuplades » 99. Pour autant toutes ces communautés, engagées dans des rapports difficiles à appréhender, d’alliance, de clientèle ou d’hospitalité, ne relevaient pas forcément d’un modèle unique. Si une structure de type « ethno-territorial », dont rendent compte tant ethnos que populus, est manifeste, d’autres formulations concurrentes – Tolosates, Baetarrates, Nemausates – laissent percevoir différents contours, lisibles dans une onomastique qui obéit, elle, à une logique quelque peu différente, plus évidemment structurée autour d’une agglomération centre, et que j’ai appelée « proto-cité » 100. Le rapprochement des informations textuelles, concordantes avec les données numismatiques et les observations archéologiques, qui peignent ces sociétés dominées par une aristocratie, invite à le croire. Les communautés du Biterrois font partie de celles, gauloises et peut-être en partie rutènes et volques, dont les reguli, après avoir repoussé les avances de l’ambassade romaine, viennent recevoir, près d’Elne, les émissaires d’Hannibal, tentant d’être acteurs de la partie qui se joue selon Tite Live101, dont le récit est essentiel pour comprendre la situation du Midi gaulois au moment où il devient un enjeu majeur dans la géopolitique euro-méditerranéenne. Quand les légats romains essaient de persuader les peuples, depuis les Pyrénées, de s’opposer au passage d’Hannibal – « dans leurs villes et leurs campagnes » –, leur surprise est grande de voir leurs représentants venir en armes. Comportement qui correspondrait bien à la présence massive d’armes, en majorité celtiques, sur les sites 102. Elle est grande aussi, outre l’accueil peu amène qu’ils reçoivent, d’entendre les « chefs », bien 30

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informés qu’ils sont du comportement de Rome vis-à-vis des populations dominées en Espagne et en Gaule cisalpine103, tenir partout les mêmes propos jusqu’à Marseille : les Gaulois n’ont aucune raison de se battre pour les intérêts de Rome. Au-delà des poncifs sur la « nature farouche et indomptable » des Gaulois qui, pourtant, optent alors pour la diplomatie plutôt que pour la guerre, Tite Live met en évidence la structuration territoriale et politique de ces peuples, qui ne plaide pas pour une situation récente en cette fin du III e siècle. La communauté y est administrée par un conseil, organisé en classes d’âge ; l’autorité est exercée par les anciens aptes à modérer l’ardeur des plus jeunes, tandis que les « chefs », principes ou reguli – désignés par élection ? –, ont pouvoir de décision. D’abord effrayés par les bruits de bottes, ils sont séduits, après la rencontre d’Illiberis-Elne104, par l’or du Punique ou par ses cadeaux, peut-être identifiables à Ensérune105, et l’auraient laissé, dans le cadre d’« une bonne paix », traverser rapidement, au point de créer la surprise chez les Romains et les Marseillais. Une rapidité qui, sauf les difficultés inhérentes au bivouac de troupes 106 et d’animaux qu’il faut assister et nourrir, semble laisser entendre que cela a dû se faire sans heurt 107, avec la neutralité bienveillante des Gaulois, même si Tite Live évoque des difficultés à vaincre pour Hannibal et si, selon Polybe, « il s’ouvrit un chemin tantôt en distribuant de l’argent, tantôt en recourant à la force » avant d’atteindre le Rhône108. Il faut sans doute penser que la situation, plutôt favorable à Hannibal, a été localement contrastée. L’incendie survenu à Montlaurès vers la fin du III e siècle et la destruction très violente de Pech Maho vers 200 ne seraient cependant pas liés à ce transit. Il semble donc, en tout cas, que ces communautés, « unanimes » dans la défense de leur territoire et de leurs intérêts, ont manifesté une réelle autonomie vis-à-vis des Volques, les seuls à affronter les Puniques, après s’être repliés en partie sur la rive gauche du Rhône où prévalait la pression active de Marseille, engagée dans l’alliance romaine109. L’extensivité élastique de la référence volque, qu’on constate dans les hésitations des textes qui rattachent les communautés et villes de la région tantôt aux Arécomiques tantôt aux Tectosages 110, les « superposant » même dans leur représentation spatiale, recouvre donc bien une réalité organique qui, si elle rend compte d’une solidarité ethno-politique affirmée111, n’en masque pas moins, en même temps qu’elle la dévoile, une situation dont la complexité évolutive résiste aux simplifications. La fin de l’indépendance des peuples et les effets de la conquête romaine Ce sont, de fait, des liens souples, de type alliance ou hospitalité, qui semblent bien organiser les peuples de la région, alors en pleine dynamique 31

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économique, quand intervient, dans le dernier quart du II nd siècle, la conquête romaine. L’intervention militaire et les objectifs impérialistes de Rome L’intérêt de Rome se manifeste clairement depuis le III e siècle, qui voit l’activité croissante des négociants italiens sur les marchés méridionaux. Aussi, lorsqu’au nouvel appel de Marseille, en 125, une armée romaine vient la libérer de l’étau des populations celto-ligures, ce sont également la sécurité des voies commerciales et les profits des hommes d’affaires italiens qu’il s’agit d’assurer durablement. De fait, dès 124, les choses changent d’échelle et les Romains entreprennent une intervention militaire de grande envergure qui se prolonge jusque vers 121-120. Le choix des hommes qui dirigent les opérations correspond aux changements politiques intervenus à Rome avec l’élection de Caius Gracchus au tribunat de la plèbe – aussi éphémères fussent-ils, mais la politique du Sénat a conservé la même logique. La stratégie du pouvoir « populaire » a supposé très vite la conquête d’un espace, dynamique et prospère, qui matérialise, entre Alpes et Pyrénées, un hiatus dommageable pour la liaison Italie-Espagne, essentielle aux communications d’un Empire qui vise à s’ordonner autour d’une Méditerranée romaine. Sur le terrain où les grands peuples gaulois, Allobroges et Arvernes, ont été défaits dans la vallée du Rhône, la situation ne semble pas réglée pour autant. C’est ce qu’indique sans doute le partage des tâches entre Q. Fabius Maximus, sur le Rhône et en Provence où il installe le castellum d’Aix qui prend son nom, et Cn. Domitius Ahénobarbus 112, vers l’Ouest où il s’attarde grâce à des prolongations successives qui font question. Elles ont d’ailleurs permis à Domitius d’œuvrer plus longtemps sur place, de fonder, vers 118, la colonie de Narbonne113 et de s’assurer la maîtrise des communications en implantant la première route publique et en bornant cette voie consulaire qui porte son nom114. Mais, auparavant, les années passées entre Rhône et Pyrénées l’ont mis à même de consolider la conquête face aux toujours redoutables et proches Arvernes sur lesquels il remporte le triomphe, mettant fin à l’hégémonie, plus ou moins diffuse, qu’ils exerçaient jusque-là sur certains peuples du Languedoc, notamment, peut-être, sur les Rutènes du Biterrois. La provincialisation des Volques et des Rutènes Si l’implantation territoriale de Rome, qui ouvre un champ immense aux politiques et aux spéculateurs italiens, ne saurait être mise en doute, la création d’une province, au sens administratif du terme, et sa date – dès les années 120, la plus généralement admise, ou quelques décennies plus tard –, ont été, elles, très discutées 115. Quoi qu’il en soit, la mainmise de Rome sur les territoires a suivi rapidement les événements de la fin du II nd siècle. Avec la déduction de la première 32

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colonie ultra-marine à Narbonne, l’installation des colons et de possesseurs italiens a matérialisé l’entrée des terres conquises dans le domaine public du peuple romain et impliqué à la fois des confiscations et l’aménagement indispensable du territoire. Cela passe forcément, dans le cadre de la politique d’affaiblissement des peuples gaulois mise en œuvre par le pouvoir romain116, par une redéfinition des structures fiscales et ethno-territoriales, dont l’ampleur et la teneur sont bien difficiles à appréhender, qui a nécessairement concerné le Biterrois limitrophe. Qu’il faille ou non situer alors la division des Volques en Tectosages et Arécomiques, c’est le moment où plusieurs communautés préromaines ont dû être intégrées dans une entité territoriale « biterroise », produite à la fois par des impératifs stratégiques aux frontières de la nouvelle province et par les nécessités dues à la recomposition des bases foncières et fiscales dont témoignent les premiers cadastres centuriés. L’espace défini par le premier réseau identifié en Biterrois, dit Béziers B117, dont la mise en place rapide doit remonter à la fin du II nd- début du I er siècle, même s’il n’a pas dû se faire en un jour, matérialise, avec les confiscations opérées, l’emprise de la nouvelle assiette fiscale imposée aux populations assujetties au tribut. Il pose, du même coup, dans cette explosion des Arécomiques dont il est partie prenante, la question des communautés concernées par la nouvelle entité politico-territoriale qu’il dessine et dont la compréhension ne va pas forcément de soi118. Entre les limites de la jeune colonie narbonnaise, celles de la chora d’Agde et la nouvelle frontière provinciale, la structuration du Biterrois, où coexistent plusieurs oppida préromains – La Moulinasse, Ensérune, Béziers, Magalas-Monfo, Fontès-Celessou, Saint-Thibéry-Cessero, Aumes et Piscenae119 –, centres de communautés dont certaines se sont dotées de l’instrument monétaire, n’est pas simple à apprécier. D’autant que la proposition d’identifier en Nord et Nord-Est Biterrois, à partir de la distribution d’un monnayage d’argent, un espace attribuable aux Rutènes provinciaux, pose la question en termes renouvelés 120. Si la dynamique cadastrale indique bien une entreprise homogène et une organisation centrée autour de Béziers, pôle clairement structurant de l’aménagement du territoire, on ignore dans quel cadre institutionnel ces opérations – qui ont partout engendré mécontentements et contestations, prolongés sur plusieurs décennies – ont pu se réaliser et, notamment, quel était alors, vers le tournant des II nd-I er siècles, le statut de ce territoire, celui de la ville centre et des autres composantes. Et cela même si le témoignage des auteurs gromatiques d’époque flavienne apporte quelques indications, Frontin121 évoquant les terres « assignées à une cité » dans le cadre du sol tributaire des peuples provinciaux et Hygin l’arpenteur122 la méthode de cadastration des terres vectigaliennes dans les provinces 123. La série monétaire « au cheval et au fleuron » pourrait effectivement localiser, comme l’avance Michel Feugère, autour du Celessou (Fontès), plutôt que de Montfo/Magalas (?)124, à l’égal des séries des rois de Béziers et des Longostalètes d’Ensérune, une des communautés 33

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ethno-politiques intégrées dans la nouvelle définition d’un Biterrois romain. Les Rutènes, compris dans la nouvelle entité gallo-romaine, et qui auraient subi les recompositions foncières générées par le cadastre B de Béziers, sont assurément « provincialisés » mais il semble, à mon sens, difficile de les identifier aux Rutènes provinciaux de César 125, qu’il faut sans doute situer plus au Nord, dans les hautes vallées du Jaur et de l’Orb126. Toutefois la question demeure de savoir à quel moment placer ces remaniements 127. Si l’on reprend les pièces du puzzle informatif dont on dispose, la situation politique entre Rhône et Aude dans les décennies qui suivent la conquête semble moins facile qu’on ne l’a dit et peut éclairer en partie à la fois l’action de Domitius, ses prorogations inhabituelles, et celle de ses successeurs. Si les Volques du Nîmois, par le jeu de l’alliance avec Marseille, ont pu se montrer plus conciliants avec Rome, conformément à leur comportement lors du passage d’Hannibal, si un compromis a été trouvé avec les Tolosates, entrés tôt dans l’alliance du peuple romain, les solutions mises en œuvre sur l’Hérault et l’Aude par le nouveau pouvoir paraissent plus brutales, contrairement à ce qui a été souvent avancé. Imposer une colonie à une population qui perd ses terres et ses lois est une agression, véritable acte de guerre conformément au témoignage des arpenteurs romains 128. Et, même dans le cas de Narbonne, la volonté de maîtriser un carrefour stratégique ne suffit pas à l’expliquer. D’autant que la réalisation rapide dans le Biterrois voisin d’une centuriation qui verrouille les communications Nord-Sud sur l’Orb et sur l’Hérault 129 répond, elle aussi, à la double nécessité de contrôler les populations provinciales et d’installer sur ces confins de la Gaule romaine un système de défense contre les Arvernes et leurs alliés Rutènes, défaits mais toujours dangereux, comme le rappellent encore en 52 les menaces contre Narbonne et sa mise en défense par César. S’il faut renoncer, avec César130 et Michel Christol, à une amputation immédiatement consécutive à leur défaite de 121, il semble toutefois raisonnable d’envisager que les Rutènes aient perdu assez vite à la fois des secteurs structurés pour les Rutènes provinciaux 131 et des territoires incorporés aux nouvelles entités, dont la colonie de Narbonne et un ensemble biterrois au statut inconnu pour la période précoloniale. La présence d’une possible « société rutène » écrivant latin – elle livrerait l’une des plus anciennes inscriptions latines de Gaule132 – et exploitant les filons autour du village minier de Lascours, actif dès la fin du IInd siècle dans la haute vallée de l’Orb, irait dans ce sens 133. Les résistances face aux stratégies territoriales de Rome La cohérence chronologique des stratégies territoriales et des opérations agrimensoriales conduites en Narbonnais et en Biterrois peut se lire assez clairement dans l’installation précoce de nombreux Italiens, immigrants poussés par la faim de terres et la grave crise qui sévit en Italie, possesseurs de grands 34

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domaines et hommes d’affaires, parmi lesquels plusieurs familles connues à la fois à Narbonne et à Béziers 134. Les textes cicéroniens sont précis, qu’ils évoquent l’ampleur du phénomène135 ou un cas particulier. Ainsi en 81 Cicéron expose-t-il le fonctionnement d’une société faisant des affaires avec « ce qu’on se procure en Gaule », expression bien floue pour cacher notamment des esclaves, les associés disposant aussi, et « depuis déjà plusieurs années », de terres bien cultivées, rentables, et d’importants troupeaux, qui relèvent de plusieurs domaines, dont l’un disposait de tous les agréments 136. Lesquels domaines sont exploités par des esclaves et relèvent de la propriété privée137, ce qui indique la pluralité des conditions et la complexité du statut des terres et de leurs possesseurs, tôt dans l’histoire de la province. De ce point de vue, les données archéologiques réunies en Biterrois, tant à l’Est, particulièrement dans la moyenne vallée de l’Hérault, qu’à l’Ouest, entre Capestang et l’Orb, montrent l’ampleur des créations de sites ruraux dès l’extrême fin du II nd siècle et tôt dans le I er siècle avant notre ère, connectés au cadastre précolonial 138 qui enregistre la nouvelle situation. Pour autant, la réalisation des nouveaux aménagements a dû se développer en plusieurs temps, en fonction à la fois des problèmes juridiques, des considérations techniques et des résistances rencontrées sur le terrain. Une agitation dont on ne peut connaître ni le rythme ni l’intensité semble en tout cas se prolonger, ou reparaître, jusque dans les années 8075, on le sait pour l’ensemble de la province où la dernière révolte connue date de 63139. Le premier de ces épisodes correspond au passage des Cimbres, dans les années 106-104. En ranimant les velléités de résistance et la mise en cause de l’ordre romain, dont témoigne notamment le massacre de la garnison de Toulouse, l’agitation a forcément concerné le Biterrois, même s’il est difficile d’en percevoir les effets. On peut penser que l’action énergique de Marius et la période plus calme qui a suivi, durant quelque vingt ans, sa victoire à Orange (102), a créé des conditions favorables pour affaiblir les peuples les plus turbulents, séparer peut-être alors les Rutènes frontaliers, et pour poursuivre parallèlement, avec l’outil cadastral, la politique de prise en main du sol provincial et la pacification, en s’appuyant sur les milieux proromains. Si sa réalisation s’est sans doute prolongée, en partie freinée par des mouvements dont témoigne, en 81, le triomphe « sur la Celtibérie et la Gaule » de Valerius Flaccus, gouverneur de la province de 83 à 81, elle n’en a pas moins avancé. On sait que certains peuples ont été plus réceptifs que d’autres et que, parmi les groupes dirigeants notamment, certains sont entrés dans la clientèle des vainqueurs, comme en témoigne la présence, dans l’épigraphie du Biterrois, des gentilices de certains généraux ou gouverneurs de la province. Outre Domitius, Marius, Valerius Flaccus, Pompée140 ont, après lui, donné leur nom à ceux des

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indigènes qui ont été intégrés, pour services rendus, dans la citoyenneté romaine, ouverture au vrai très minoritaire. Au reste, les sources convergent pour attester la réitération d’interventions répressives jusque dans les années 70. Chez Salluste, Pompée se heurte, quand il gagne l’Espagne où il va prendre le commandement de la guerre contre Sertorius, à des ennemis menaçants des Alpes aux Pyrénées, et qu’il doit refouler, écrivant au Sénat qu’il « a repris la Gaule », contrainte de fournir « vivres et solde » 141 à l’armée de Métellus. Que ces peuples, stimulés sans doute par l’exemple des provinces hispaniques, aient été ou non directement approchés par Sertorius, qui connaît bien la Gaule, où il a œuvré auprès de Marius. Il est ainsi plus que vraisemblable que des troubles graves ont eu lieu dans la région où Pompée a pris à deux reprises ses quartiers d’hiver pendant la guerre d’Espagne. Ce que Cicéron confirme, en -67, dans son discours Sur les pouvoirs de Pompée, rappelant qu’il « a frayé à nos légions un chemin dans un grand massacre de Gaulois » 142. C’est bien dire que les peuples, profitant des difficultés suscitées à Rome par la sécession de Sertorius en Espagne, se sont encore agités, reprenant sans doute les armes conformément à l’argumentation de Cicéron, qui ne peut se réduire à la seule rhétorique politique, dans sa défense de Fontéius, propréteur des années 76-74 que les Gaulois ont accusé après la fin de sa charge. Cicéron insiste sur la succession de contestations armées et de répressions : « La province que Fontéius a gouvernée comprend des hommes et des cités de plusieurs types et, sans parler du passé, plusieurs ont mené de notre temps des guerres longues et acharnées contre le peuple romain, plusieurs ont été soumis par nos généraux, domptés par la guerre, et ainsi humiliés par des triomphes et des monuments, et ainsi aussi dépossédés par le Sénat de leurs terres et de leurs villes » pour conclure sur les derniers événements : « Plusieurs ont combattu par le fer et à la main contre Fontéius lui-même qui les a fait tomber à grand peine et à grand effort sous la domination du peuple romain. Dans cette même province se trouve Narbonne (...) sentinelle du peuple romain et forteresse avancée contre ces peuples mêmes » 143. S’il faut certes faire la part de l’éloquence de l’avocat, les mots employés n’en restent pas moins très forts qui, ne pouvant exagérément outrepasser des réalités largement connues, donnent la mesure de l’instabilité qui a dû prévaloir jusqu’à une date avancée dans le Ier siècle.

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On peut en trouver un indice dans la présence en Biterrois d’un des très rares portraits d’imperator républicain (fig. 7), daté du I er siècle avant 144 – peutêtre Fontéius lui même ? –, retrouvé à quelque 2 km de l’oppidum de Monfo/Magalas, au cœur du cadastre précolonial, dans un domaine rural de Puissalicon 145.

Fig. 7 : Portrait d’un imperator du Ier siècle avant.

De fait, la Transalpine a connu plusieurs décennies de conflits, inséparables des affrontements entre clientèles politiques et militaires exportés d’Italie vers les provinces et ravivés en Transalpine par l’action organisatrice de Pompée. Elle n’a pas échappé, non plus, dans les années 70, au-delà du cas personnel de Fontéius, à la pression fiscale que connaissent les provinces pour financer les luttes et aux difficultés politiques qui suivent la démission de Sylla en 80. L’insurrection de Sertorius, emblématique de la position anti-oligarchique des marianistes, est, de ce point de vue, indicative de l’implication des provinces, et notamment des Italiens qui y sont installés. Et son impact en Transalpine dépasse la seule réalité militaire qui, en instituant le Languedoc occidental en base arrière indispensable – de -77 à -72 –, a évidemment accru le poids des prélèvements, mais a également généré des liens plus directs entre les groupes pour grossir les clientèles pompéiennes. Des clientèles qui ont bénéficié partout, après les victoires sur tous les ennemis de Rome, suivies du symbolique consulat de Pompée et de Crassus en -70 et de l’affirmation du pouvoir de Pompée, de conditions inédites de développement dans le contexte officiel de la lutte contre la mauvaise administration des provinces, jalonnée par les procès des mauvais gouverneurs.

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Les recompositions politico-spatiales de la mi-Ier siècle avant notre ère Dans les années 50, les enjeux changent de nature quand César intègre la Transalpine146 dans le proconsulat que la lex Vatinia vient de lui accorder pour cinq ans 147. C’est bien dire que la province est alors au cœur des affrontements pour le pouvoir personnel. C’est vrai quand elle redevient base arrière pendant la guerre des Gaules, qui a ranimé dans la région des divisions et des velléités de luttes, même si César a largement recruté dans cette Gaule ultérieure nombre de combattants, qu’il s’agisse de la fameuse légion Alouette ou des 22 cohortes levées en 52 par le légat L. César dans la province qui est alors envahie, le pays arécomique ravagé et Narbonne menacée par Cadurques et Rutènes 148. Et c’est vrai encore quand, dès le début des années 40, elle est parcourue par les armées, « trois légions qui avaient pris leurs quartiers d’hiver à Narbonne et dans les environs » attendant là César et les autres corps, avant de rejoindre la péninsule ibérique149 où se joue un acte décisif entre Pompéiens et Césariens, et de repasser quelques mois plus tard, encadrant les Pompéiens vaincus qui seront démobilisés sur le Var. Après que le siège et la chute de Marseille, en -49, montrant, avec son refus de choisir entre ses deux patrons, l’impossibilité d’afficher sa neutralité, ont modifié les équilibres régionaux quand disparaît avec elle la dernière cité libre et qu’Agde doit suivre le sort de sa métropole. C’est dans un tel contexte de guerres civiles, où César implante ses propres clientèles 150 et où pèsent aussi les revendications de soldats en attente des récompenses promises, que César a mûri une politique raisonnée tant sur les problèmes de l’armée que sur les rapports avec les provinces, où la distribution du droit latin et l’instrument colonial ont servi à la fois un développement de l’urbanisation, une ouverture élargie du droit de cité et une installation accrue d’immigrants italiens qui fuient les difficultés économiques de la péninsule pour trouver là de meilleures opportunités de vie et d’enrichissement. C’est dire que dans les décennies 50-40 s’est joué un nouvel acte essentiel dans la vie de la province et, clairement, de la zone narbonno-biterroise. La déduction de vétérans à Arles (-46), avant Narbonne en -45 pour la seconde installation de colons, et Lyon (-43) indique l’ampleur de cette grande politique coloniale césarienne, particulièrement dans les provinces d’Espagne et de Gaule. En Transalpine, ces implantations aux grands nœuds routiers, qui contribuent fortement à renforcer l’intégration dans la vie politique romaine, initiée avec les guerres civiles de la première moitié du Ier siècle, devaient peut-être, à suivre à la lettre Suétone sur la mission de Tibère Claude Néron, s’insérer dans un plan plus vaste, incluant un processus de latinisation. Irait dans ce sens la probable création d’un centre routier – Forum Neronis – à Luteva/Lodève151, qui accèderait alors à la qualité d’oppidum latin, sans qu’on puisse rien préciser. Cet accès élargi au 38

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droit latin, dans l’ensemble de la province à l’époque césarienne vraisemblablement, a dû concerner aussi les oppida de Cessero/Saint-Thibéry et Piscenae/Pézenas (?) dès ce moment 152. Peut-être aussi Béziers 153, dont le statut précolonial fait problème, mais dont il faut se demander, eu égard à l’ampleur du cadastre précolonial qui dessine sa forte emprise spatiale, comment interpréter les promotions des pôles implantés en périphérie de son territoire. Pourraient-elles indiquer des mesures de rétorsion à l’encontre de populations, trop pompéiennes peut-être, et qui, comme à Narbonne, seraient à même d’être maîtrisées par l’arrivée de nouveaux colons ? C’est, en tout cas, cette même logique intégrative, de forte reprise en main, qui se poursuit sans rupture à la période triumvirale, avec les déductions des années 30. Pendant les troubles qui suivent la mort de César, la présence d’Agrippa dans les Gaules, de -40 à -37 pour le premier séjour, avant ceux de -27 et de -20-18, a permis, outre le maintien de l’ordre et les succès militaires obtenus en Aquitaine (-38) ou sur le Rhin (-37), de prolonger en Transalpine l’œuvre de César par un véritable plan de développement à visées politiques, administratives, économiques et sociales 154. Un plan dont les préoccupations militaires sont plus prégnantes qu’on ne le dit souvent pour cette région et à cette date, où il s’agit encore de contrer toute velléité d’agitation des clientèles pompéiennes. L’installation des colons et la romanisation des campagnes L’action d’Agrippa a ainsi impliqué d’engager d’importants équipements, qu’il s’agisse du réseau routier rhodanien ou de déductions de colonies de vétérans, à Béziers en -36, à Orange en -35, ou encore entre -31 et -27 à Fréjus avec son port 155, qui génèrent d’importantes restructurations territoriales et foncières. Le caractère militaire de ces fondations en est une dimension majeure, indissociable de leur vocation agricole156, l’un et l’autre étant organiquement liés dans une colonie comme le répètent les arpenteurs, mais il ne saurait être réduit à la seule installation de colons légionnaires. De fait fonctionne sans doute ici le constat, établi pour la Gaule Cisalpine, que les fondations du I er siècle, de Sylla à Auguste, s’implantaient dans un territoire déjà préparé par les agrimensores, ce qui permettait d’« actualiser » la répartition sans qu’il soit nécessaire de recadastrer la totalité de l’espace à distribuer aux colons 157. Ce qui vaut pour l’Italie sans rien de systématique mais, au-delà de la question du statut de Béziers et de la latinisation du Biterrois 158, la décision d’implanter une colonie de droit romain concorderait à la fois avec l’existence précoce d’une cadastration précoloniale et la présence avérée de familles italiennes. Dans la décennie 45-35 s’est ainsi, quoi qu’il en ait été, dessinée la carte politico-administrative du Languedoc méditerranéen central telle que l’a transmise Pline à partir des documents officiels et telle qu’elle a prévalu à l’époque altoimpériale. Autour des colonies romaines de Narbonne et Béziers, qui bloquent les 39

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communications majeures vers l’Espagne, l’Aquitaine et la Gaule intérieure, s’organisent des oppida et cités de droit latin, cette distribution de la latinité étant partie intégrante de la stratégie césarienne159. On peut d’ailleurs penser que la disparité de poids et d’importance entre ces cités, probable vestige des structures préromaines, dit aussi les différences de comportement dans les affrontements qui ont longuement opposé candidats au pouvoir et populations, italiennes ou provinciales, qui les ont suivis. De ce point de vue, il est frappant de constater l’absence de tout oppidum latin dans l’Ouest Biterrois et sur les confins orientaux du territoire de Narbonne, où certaines agglomérations sont effacées de la carte160. Les deux cités de Béziers et Narbonne constituent, en effet, sans le moindre hiatus, un bloc territorial de droit romain et l’agglomération d’Ensérune qui persiste, elle, pourtant dynamique, en voie de romanisation avancée et particulièrement bien placée sur la voie domitienne, n’en est pas moins marginalisée. La grande proximité avec la nouvelle colonie de Béziers fournit-elle la seule explication recevable à une asphyxie qui pourrait bien avoir été programmée ? De fait, la forte présence du cadastre précolonial comme l’ampleur des implantations tardo-républicaines 161 en périphérie de l’oppidum entament clairement son territoire vivrier tôt dans le I er siècle avant notre ère et la centuriation coloniale, si prégnante au Nord de la voie domitienne, entre l’étang de Capestang et l’Orb, qui a accentué la dépossession des indigènes, dit bien la dynamique des confiscations qui ont dû affecter ce secteur et la puissance des nouvelles implantations domaniales qu’il a connues. C’est d’ailleurs une évolution analogue qui affecte d’autres agglomérations de la région, telle Aumes, elle aussi prospère jusque vers le milieu du Ier avant, mais dont le terroir voit, depuis la conquête, se densifier un réseau d’établissements ruraux 162 largement structurés dans le cadastre précolonial Béziers B. La logique d’un tel constat et l’ampleur sensible du processus paraît bien aller au-delà de facteurs qui auraient « naturellement » conduit en deux ou trois générations, voire moins parfois, à modifier de façon drastique les formes d’habitat et à re-hiérarchiser les agglomérations jusqu’à en éliminer certaines. Si l’on a pu dire que c’étaient les moins adaptées aux nouvelles conditions de transport et d’échanges, l’explication ne convainc pas pleinement face à de subtils équilibres politico-administratifs dont bien des éléments nous échappent dans l’indigence des sources textuelles où nous sommes 163. La déduction coloniale qui amène Octave à installer les vétérans de la VII e légion – dont on ignore le nombre, éventuellement réduit 164 – et à les doter de lots de terres acte ainsi l’achèvement d’une étape décisive dans la prise en main de la région narbonno-biterroise. Pièce majeure dans la stratégie de restructuration politico-territoriale, comme Orange pour la vallée du Rhône, la création de la colonie de Béziers inaugure une ère nouvelle. Dans la hiérarchie de la province mise en place dans les débuts du Principat, Béziers occupe, selon la formula transmise par 40

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Pline l’Ancien, la seconde place, après la capitale de la province165. La vaste centuriation coloniale, au-delà de l’assignation du domaine public, devait servir, comme on l’a observé en Italie transpadane, à organiser et rationaliser la structure socio-administrative et à stimuler l’urbanisation. On note, en effet, ici aussi, le jeu des trois piliers organisateurs de l’Italie d’Auguste : cadastration, urbanisation, municipalisation 166. Ils ont manifestement produit en Biterrois des rééquilibrages internes, les oppida latins, perpétuation de centres préromains, comme la naissance de l’agglomération gallo-romaine de Roujan167 et le développement de la ville centre pourraient le confirmer. Dès -36-35 sans doute, au moment de la fondation de la colonie, et après sa victoire sur Sextus Pompée et les derniers Pompéiens, la statue d’Octave, une des deux plus anciennes actuellement connues 168, constitue la première manifestation officielle qui honore le fondateur (fig. 8) et exprime les liens personnels forts des Biterrois avec la gens julia et leur intégration dans sa clientèle politique. Pour autant, au-delà des sentiments de la jeune colonie, la diffusion de l’image officielle du triumvir constitue une manifestation de portée politique qui indique la réalité des formes d’intervention dans la production du consensus indispensable à l’acceptation des changements en cours. Fig. 8 : Octave en fondateur de la colonie de Béziers. Le premier portrait du triumvir ?(36-35 av. notre ère).

L’hégémonie de Béziers, n’a pu que se trouver confortée par cette situation qui ouvre clairement la voie, après la victoire d’Octave à Actium, en -31, et la mise en place du Principat, en -27, à une adhésion au nouveau régime, qu’elle soit spontanée ou préparée, et à la célébration de la dynastie naissante.

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L’adhésion au pouvoir impérial et le nouvel espace idéologique Cette adhésion s’organise dans le droit fil de l’action conduite par Agrippa auprès des clientèles césariennes et triumvirales. Si le processus global s’est réalisé par étapes, le Biterrois en illustre la rapidité et l’ampleur. Le serment qu’en -32 les colons, et sans doute les indigènes, ont dû prêter à Octave dans le cadre de chaque cité, ici comme dans l’ensemble de l’Occident romain, a dû impulser la fidélité indispensable à l’héritier de César. Suscitant la vénération des provinciaux, cet hommage, auquel n’est pas étranger celui qu’il vient de recevoir dans la toute jeune colonie, a dû œuvrer pour lui conférer sur place les charismes nécessaires dans ces temps de compétition acharnée entre les triumvirs, tout au long des années qui précèdent Actium. La promotion à la citoyenneté, romaine ou latine, récemment ouverte, comme on le voit à Béziers où des indigènes ont été intégrés dès la fondation dans le corps civique de la colonie, et le développement accéléré de l’urbanisation faisaient alors du cadre municipal, nouvellement structuré – avec ses institutions, son corps civique, son sénat, ses magistrats –, l’espace idoine pour mobiliser les provinciaux autour de l’héritier de César et de sa famille. La composition du groupe des statues impériales de Béziers, l’un des plus importants du monde romain, avec les huit membres de la maison auguste qui nous sont parvenus, en rend largement compte169. L’espace municipal s’avérait aussi le plus efficace pour donner forme à la fois à la coexistence des indigènes et des Italiens, aux nouveaux rapports avec le pouvoir, aux liens personnels que tissent, notamment après les années -31-27, les patronages qu’exercent le prince lui-même, puis ses petits-fils, sur les cités. C’est, en effet, sur les princes de la jeunesse que s’est d’abord concentrée l’attention en vue du règlement de la succession. Le patronage de Caius César à Béziers, comme dans les cités voisines, Narbonne et Nîmes 170, l’indique clairement. Le jeune prince, choisi comme duumvir, sans doute dans les années 10 du I er siècle avant notre ère, est alors suppléé sur le terrain par un notable de premier plan, Lucius Aponius, qui agit en tant que préfet remplaçant le prince comme l’un des deux premiers magistrats de la cité171. D’une famille bien connue aussi à Narbonne, et anciennement installée dans les deux cités, Aponius a été le premier flamine du culte impérial à Béziers 172, entre -20 et -10, sans doute. La proximité ainsi affichée se prolonge, bien sûr, après la mort de Lucius, en 2, et de Caius, en 4, quand Tibère, après son adoption par Auguste, revient alors au premier rang. Pourtant, il faut sans doute constater un temps de latence puisque c’est seulement après la mort d’Auguste, en 14, que le groupe biterrois, dont tous les portraits sont issus des ateliers officiels de Rome, aurait été complété. En tout cas, sollicitations, souvent très directes, du pouvoir et initiatives de ses représentants en province – on sait le rôle joué par le gouverneur

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qui veille, sur place, aux modalités de diffusion des images officielles 173 – rencontrent une claire adhésion des notables locaux qui ont constitué des relais fiables et efficaces au sein des collèges et associations du culte impérial qui ont accompagné au niveau municipal le fonctionnement des magistratures. Par là, le culte du Prince et de sa famille apparaît comme un espace de construction de la cohésion de la cité, cohésion sociale, politique et culturelle associant dans la même dévotion, tôt après la déduction de la colonie, indigènes et Italiens, libres et affranchis. Parallèlement, le paysage colonial – avec la nouvelle centuriation que peuplent les colons et les aménagements urbanistiques du centre ville – inscrit alors dans l’espace la concertation politique et religieuse qui installe, dans les premières décennies du Principat, la cohérence et la dynamique qu’on note en Biterrois au cours du Haut-Empire. Quand Auguste rend la Narbonnaise à l’administration civile du Sénat – elle est province sénatoriale depuis -22 –, alors les villes de la province deviennent de véritables laboratoires de la coopération instaurée entre le pouvoir et les notables pour entraîner les populations dans la fidélité au régime et à la dynastie sur le modèle de piété familiale qu’incarne la maison impériale. C’est surtout à partir de -27 qu’hommages publics et images se diffusent avec l’affirmation de la ligne dynastique, quand les bases institutionnelles et idéologiques du Principat sont mieux définies, même si l’on sait par Dion Cassius que le « droit aux images » pour Livie et Octavie peut remonter à -35. De fait, la constitution du groupe impérial affiche la loyauté de la colonie aux JulioClaudiens, même si c’est sans doute plus net pour les Julii que pour les Claudii. Sorties d’un atelier romain, et peut-être de la main d’un même sculpteur, à l’exception de Livie, ces images sont là pour informer les provinciaux et populariser la nouvelle solution dynastique qui acte le transfert de pouvoir. Peut-on lier le décalage chronologique entre les portraits du groupe, à suivre les avatars de la famille impériale, à la grande popularité, en Narbonnaise occidentale, des descendants d’Agrippa et à l’impopularité de Tibère, dont Suétone rappelle que les Nîmois ont abattu ses portraits et ses statues 174 ? C’est signe, en tout cas, que les Biterrois, exprimant une réelle fidélité aux Julii, ont attendu l’installation de Tibère, dont le portrait est du type « à l’avènement », pour rallier les Claudii. Romanité oui, donc, mais pas n’importe laquelle, et pas avec n’importe qui ! Quoi qu’il en ait été, le message politique porté par les membres du groupe, progressivement installés 175 dans un des édifices du forum, à proximité du Capitole où trônait un Jupiter colossal 176, ne souffrait aucune ambiguité. En commémorant les grands événements qui scandent la vie de la famille impériale – avènement, victoire, décès… –, l’imagerie officielle du pouvoir fait communier, sous le contrôle des gouverneurs provinciaux, les Biterrois avec les décisions prises par le Sénat et le

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peuple de Rome en l’honneur des membres de la famille impériale. En témoigne la statue impériale d’excellente facture que perpétue Pépézuc177. La colonie est dès lors pleinement partie prenante du nouvel espace idéologique marqué dans la province par les insignia imperii où s’imposent le marbre de Carrare et les canons esthétiques de l’Urbs. La zone narbonno-biterroise, une des plus romanisées de la province, a ainsi fonctionné comme vitrine du pouvoir, les villes devenant modèle à imiter pour les populations rurales. Cette dynamique n’exclut pas une fidélité réelle aux traditions gauloises et aux divinités du panthéon indigène, lisible dans la fréquentation du sanctuaire suburbain du Plateau des Poètes à Béziers au cours du Haut-Empire178. Dans une cité qui figure, vers la mi-I er siècle de notre ère, parmi « les plus opulentes » de la province aux témoignages concordants de Pomponius Mela et des implantations rurales qui affichent un espace plein et productif peuplé de nombreuses fermes et de villæ souvent luxueuses, rien ne vient documenter l’attitude officielle des Biterrois, ni vers la fin des Julio-Claudiens, ni à l’égard des empereurs de la dynastie flavienne. Il faut toutefois signaler la présence, dans une importante villa du Piscénois 179, d’un vœu à Domitien, sur une rondelle de plomb, qui exprime une adhésion privée, probablement d’un légionnaire, si l’on en croit la mise au jour sur le même site d’une plaque de singulum, objet rarissime dans la province pacifiée de Narbonnaise, inséparable du glaive et qui fait partie de « l’équipement d’un légionnaire de la deuxième moitié du I er siècle » 180. Et peut-être faut-il lire également Domitien, plutôt que Domitius, dans le fragment épigraphique, gravé sur la plaque de marbre retrouvée à Roujan, la date proposée y invite181. C’est bien peu par rapport à l’éclat des débuts du Principat et compte tenu aussi de l’impact des politiques flaviennes en Biterrois. Outre l’ample renormation du territoire182, c’est à cette période que se complète, en effet, l’équipement urbain de Béziers avec la réalisation de l’amphithéâtre183 et de l’aqueduc. Quant aux Antonins, la présence, avec le groupe julio-claudien, d’une statue, cette fois colossale, dédiée à l’empereur Antonin le Pieux (138-161), qui avait, on le sait, des ancêtres nîmois, vérifie la fidélité aux tenants du pouvoir au II nd siècle. De bonne facture, l’hommage des Biterrois suit de très près, comme par le passé, les canons officiels 184. Au-delà même du pôle urbain, des signes d’adhésion au régime peuvent se lire dans le mobilier de domaines ruraux. Dans une villa de Neffiès, c’est un buste où on a pu reconnaître Hadrien, qui a régné de 121 à 138, tandis qu’à Puissalicon, celui qui a été attribué à Faustine la Jeune montre peut-être seulement la vogue des modes capillaires de la capitale et leur diffusion jusque dans les provinces 185. La cité a laissé, au total, peu d’indices sur les options politiques de ceux qui ont géré les affaires et dont on peut penser qu’ils étaient fortement préoccupés de 44

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faire tourner leurs domaines quand on connaît les investissement consentis dans les établissements ruraux et l’implication de nombre d’entre eux dans la commercialisation. Ils sont largement engagés, quelle que soit la taille de leurs entreprises, dans la viticulture spéculative qui a assuré la prospérité des campagnes du Haut-Empire, jusqu’au II nd siècle, les premiers signes de ralentissement, que révèlent les difficultés, voire l’effacement, des plus petits, apparaissant dans la seconde moitié du siècle186. Restructurations et crises dans la fidélité romaine Le débat est toujours ouvert – mutation structurelle ou crise rurale187 – pour l’interprétation des signes de la crise dite du III e siècle, déjà bien amorcée en vérité, et qui n’épargne pas la province. Des signes qui s’accentuent au rythme d’un nouveau recul des centres de production, dont témoigne, dans l’ensemble du Biterrois, outre les restructurations et remembrements, qui accompagnent l’élimination des producteurs les plus fragiles et renforcent les mieux nantis, l’abandon des chais dans un site emblématique comme la grande villa de Vareilles (Paulhan)188. Pourtant, au-delà du cas particulier, l’incontestable déprise rurale – on a parlé d’atonie – doit sans doute être pondérée dans la mesure où les datations ne sont pas toujours bien assurées et où, surtout, les réalités perceptibles de ces mutations varient suivant les secteurs 189. Dans la grande périphérie de Béziers, c’est un peu moins de 30% des sites qui disparaissent entre la fin du II nd et le III e siècle190. Un socle de résistance paraît donc subsister, qui permet de fonder une réelle reprise puisqu’une moitié environ des sites connus se maintient jusqu’au IVe siècle. Constat confirmé par la situation observable autour de l’étang de Montady où plus de 60% des établissements alto-impériaux sont occupés aux IVe et Ve siècles 191. À quoi il faut ajouter que la totalité des très grands établissements ruraux du Biterrois nord-oriental paraît bien résister et franchir la période difficile des années 150-300. Sur le plan général, on ne sait rien des options des divers milieux locaux lors des troubles et des luttes pour le pouvoir qui suivent la mort de Commode, et pas davantage des réactions locales à la dynastie africaine des Sévères, ni des éventuelles participations aux rivalités qui suivent sa chute. Pourtant, la fidélité politique du Biterrois à l’Empire reste manifeste, comme en témoigne, en 244-247, la dédicace d’une statue en l’honneur de Philippe le Jeune, fils de Philippe l’Arabe. Cet hommage à une dynastie, éphémère certes, mais qui s’est montrée, au moment de célébrer le millénaire de Rome, en 248, soucieuse de la bonne administration des provinces, notamment d’une meilleure répartition de la fiscalité, lui est élevé dans la cité par les Septimanes. L’appellatif recouvre ici la perpétuation au sein de la population d’un corps bien défini, comme on le voit aussi pour les Décumanes à Narbonne, par les rapports spécifiques qu’il entretient toujours aux colons 45

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fondateurs. Rien ne permet de savoir pour les décennies qui suivent quel écho ont pu trouver dans la région, alors touchée par la crise économique, ni les luttes engagées au plus haut niveau dans l’Empire pour la maîtrise de la transcendance et la domination idéologique, ni les inquiétudes provoquées par les pressions singulièrement accrues aux frontières des peuples germaniques et des Perses, à l’Est, dont les irruptions se multipliaient dans plusieurs provinces. Dès lors, le retournement de la conjoncture qui s’opère au milieu du IIIe siècle affecte plus directement la région. Le choix de l’Empire gaulois et la crise du IIIe siècle Quand les choses deviennent plus complexes, dans un Empire temporairement éclaté, le Biterrois, comme la Narbonnaise, a suivi, peut-être avec retard192, les provinces gauloises engagées dans la sécession de l’Empire gaulois (260274), fédérateur des provinces occidentales, dont on sait que, plus gallo-romain que « gaulois », il a affiché une adhésion sans faille à la romanité traditionnelle. En témoigne notamment la propagande véhiculée par les légendes et les types monétaires. C’est dans un empire gaulois d’ailleurs en crise, lui aussi, que les empereurs de Rome, Claude le Gothique et Aurélien 193, ont commencé à reconquérir jusqu’à la Narbonnaise orientale et au Rhône, que le gouverneur d’Aquitaine Tétricus accède au pouvoir, en 271. Très rapidement, la Narbonnaise occidentale lui manifeste son appui, que matérialisent les textes de plusieurs milliaires, véritables hommages à sa personne et à son fils, associé à son pouvoir. Les deux milliaires de la voie d’Aquitaine, retrouvés à Barbaira (Aude) et à Montgaillard (Haute-Garonne) le disent. Dans cette logique s’inscrit en tout cas clairement, en 272194, le milliaire, implanté sur la voie domitienne à Béziers, à la sortie de la ville (fig. 9). Rédigé en forme de dédicace au jeune fils de l’empereur Tétricus, il affiche clairement l’attachement du Biterrois aux valeurs défendues par les empereurs gaulois, quand l’empereur de Rome Aurélien domine déjà largement un monde romain qu’il est en passe de réunifier. Fig. 9 : Milliaire de Tétricus le Jeune sur la voie domitienne (272).

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Au reste, il s’agit là d’une des dernières manifestations officielles dans un Biterrois qui suit le destin commun, lorsque Aurélien, revenu d’Orient, vainqueur de la sécession de Palmyre, récupère, sans avoir à combattre, l’Empire gaulois que lui abandonne Tétricus. Mais l’unité impériale retrouvée reste bien fragilisée, le centre de gravité du monde romain s’étant progressivement déplacé vers les frontières, de la Germanie à la Syrie, laissant la Narbonnaise méditerranéenne hors des circuits du pouvoir et affrontée, comme les autres, à une crise profonde qui voit l’économie déprimée, la situation monétaire perturbée195, dans un monde romain qui doute de plus en plus de lui-même et de son avenir. Même les réformes d’Aurélien n’ont pu rétablir une situation qui reste très compromise depuis les empereurs gaulois, dont le monnayage décrié se trouve démonétisé. Et si la région n’est touchée, ni par l’invasion de 276, ni par les autres incursions, qui affectent la Gaule de l’Est et du Nord, force est de s’interroger sur les répercussions de toutes ces tribulations sur un Biterrois qui lutte, lui aussi, face à un ralentissement économique aggravé par la conjoncture, les difficultés de communication et le développement des provinces militaires sur le Rhin. C’est au reste dans ce contexte qu’il faut envisager les éventuels effets de la mesure de l’empereur Probus qui abolit, en 280, l’édit par lequel Domitien avait imposé aux provinces, deux siècles auparavant, en 92, l’arrachage de la moitié au moins de leur vignoble196. Il est clair, en effet, que la crise que traverse la région au III e siècle, bien qu’amorcée auparavant, n’est pas sans rapport avec les bouleversements des marchés et des débouchés, qui se tournent de plus en plus vers la Méditerranée, surtout l’Afrique du Nord, tandis que certaines régions produisent désormais au plus près des consommateurs, les mesures de contrôle et de réajustements que mettent en œuvre les réformes tétrarchiques l’ayant forcément concernée. C’est dans ce cadre, au reste, qu’avec le démembrement de la vieille Narbonnaise, la cité de Béziers devient l’une des cinq cités constituant la Narbonnaise Première, dessinant avec Toulouse, Narbonne, Lodève et Nîmes une carte administrative qui n’a guère évolué. Si, devant la menace des invasions, certaines villes se contractent et se protègent, comme Narbonne, qui réemploie les vestiges des monuments de sa grandeur, tel ne semble pas le cas de Béziers, où seul un dispositif léger de défense (mur et fossé) mis en place au IVe siècle a pu être reconnu197. Faut-il y voir un indice de tranquillité de la situation et d’une relative quiétude des esprits ? La reprise tardo-antique et ses limites En tout cas, la région, où les équilibres se réajustent – Agde et Aumes connaissent un nouveau dynamisme au Bas-Empire198 – et où l’évêché de Béziers est 47

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déjà structuré199, devait être suffisamment sûre pour qu’un concile puisse s’y tenir, sans provoquer d’indications contraires. C’est bien plutôt sur le plan doctrinal que sévissait l’insécurité et que faisait rage la bataille théologique, entre les tenants de la foi orthodoxe de Nicée (325) et les partisans de l’hérésie arienne. C’est dans ce contexte, auquel participe pleinement le Midi gaulois, que l’empereur Constance II, soutenu par une partie de l’épiscopat gaulois, arien, convoque à Béziers, après les conciles d’Arles (353) et de Milan (355), une des capitales impériales, un troisième concile, en 356, pour obtenir la condamnation de l’orthodoxie qu’incarne alors Athanase, le tout puissant évêque d’Alexandrie. En réalisant les vœux de Constance II, le concile de Béziers, en probable conformité avec les groupes qui dirigent la cité, redit officiellement la fidélité récurrente du Biterrois aux empereurs régnants. C’est ce Biterrois, traversé par une importante circulation militaire et inquiété par de terribles prodiges, qu’évoque peut-être, en ce début troublé du Ve siècle, Paulin, probable évêque de Béziers 200. Qu’il s’agisse des incursions des Vandales et des Alains, bandes avancées des migrateurs « barbares » dans les années 407-409, des Wisigoths qui prennent Narbonne en 413, ou des luttes entre partisans d’Honorius, empereur d’Occident – dont la sœur, Galla Placidia a épousé Athaulf, successeur du roi wisigoth Alaric, à Narbonne en 414 –, et ceux de ses compétiteurs pour le pouvoir, les ravages de la soldatesque répandue dans les campagnes paraissent lourds à ce familier de Lucrèce et de Virgile qui constate que « les villas de marbre » et « les théâtres frivoles » « n’ont plus d’utilité pour les générations qui viennent » 201. La réalité devait être cependant plus contrastée. Certes, le territoire est effectivement déprimé, même par sa démographie, à en juger par l’état des agglomérations, moins nombreuses et resserrées, telle la ville centre – où, si un vaste remblai s’installe sur les vestiges existants, aucun bâtiment ne semble en fonction aux Ve-VI e s. –, ou par la situation des exploitations rurales dont plus de la moitié est effacée de la carte à la fin du IVe siècle – tandis qu’un petit quart des sites répertoriés atteindrait le Ve siècle ou le haut Moyen Âge, la rupture dans le tissu rural de la Narbonnaise se situant au VI e siècle202. Et pourtant, c’est le luxe de certains, quand des femmes achètent, « au prix de vastes domaines », pourpre et brocards, venus de tous les coins du monde, que dénonce depuis un monastère le dialogue poétique de Paulin, avec la poursuite des habitudes invétérées et des modes de vie des nantis. Ce sont d’ailleurs ces riches domaines, pour lesquels la question a été posée de leur survie ou de leur adaptation 203, ceux d’une aristocratie gallo-romaine locale qui se maintient au sein des longues turbulences politiques qui ont agité la fin de la Narbonnaise et la Septimanie204, que connaîtra, admiratif des confins narbonnobiterrois, Sidoine Apollinaire (430-486), évêque et poète lui aussi, quand certains ne 48

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laissent pas de prospérer et, même, de réaménager des équipements qui impressionnent toujours, dans les campagnes où émergent les premiers castra205, fût-ce après l’arrivée des Goths, installés en Narbonnaise depuis les années 413-414. Mais c’est déjà une autre histoire.

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CHAPITRE 2 : LE LITTORAL BITERROIS ET LA GÉOGRAPHIE D’AVIÉNUS

Revenir sur ce poème si discuté et dont la complexité de composition et d’écriture a autorisé des interprétations si différentes, qu’il s’agisse de la datation de tel ou tel passage ou de l’identification de certains éléments du paysage, c’est inscrire notre région dans les questionnements sur l’ensemble de l’Ora maritima1, en interrogeant un texte qui a bien des chances de constituer la première description, pour courte qu’elle soit, du Biterrois littoral. C’est aussi d’autant plus nécessaire que les recherches récentes conduites dans la zone littorale narbonnaise ont redonné quelque actualité aux vers qui campent le paysage lagunaire entre Naro et Besara, les antiques cités de Narbonne et de Béziers. En m’intéressant, cette fois encore2, à ce court passage je ne reviendrai pas ici sur la question de l’originalité de l’Ora Maritima d’Aviénus dont rien ne permet d’affirmer qu’il s’agit, à l’égal de sa Descriptio Orbis Terræ et de ses Phaenomena, d’une simple traduction. En revanche, je m’efforcerai d’éclairer la double temporalité qui structure le poème, et singulièrement le passage qui nous intéresse, en essayant de préciser le sens de ce qu’il me semble possible d’entendre sous l’autrefois du poème comme sous l’aujourd’hui du poète, double référence qui met le poème sous tension et qui organise le rapport de l’auteur à ses sources. Le poème et ses informations : du VIe s. avant au IV e siècle de notre ère On sait combien deux points de vue se sont opposés, qui ont examiné les « originaux » et multiples sources potentielles, débouchant sur la chronologie qu’il est possible d’envisager pour les informations apportées par le poème. De fait, c’est autour du VI e siècle avant notre ère que la plupart des chercheurs, aussi bien pour le littoral ibérique3 que pour la côte méridionale de la France4, font depuis longtemps remonter le noyau initial des emprunts qu’Aviénus a puisés dans les traditions et les savoirs des écrits maritimes, phénico-puniques ou grecs, qu’il a savamment sollicités. Mais beaucoup ont également insisté, à juste titre, sur la genèse éminemment complexe qui sous-tend le poème, discutant l’existence d’un périple caché5, au-delà du seul problème des emprunts 6. L’écriture archaïsante d’Aviénus, qui est, on le sait, conforme aux options des tenants de la tradition classique de son temps 7, affrontés à des enjeux idéologiques majeurs, n’a cessé

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d’interroger, notamment depuis les propositions d’Adolf Schulten8. Dans la composition de son poème, Aviénus, qui écrit sans doute dans le troisième tiers du IVe siècle de notre ère9, a incorporé des informations provenant, outre du périple carthaginois d’Himilcon, qu’il cite nommément, et d’un périple archaïque grec, d’autres sources des VI e et Ve siècles, amalgamées avec des éléments ultérieurs, du IVe s., par l’intermédiaire d’Ephore, et d’un auteur grec du Ier siècle avant notre ère, éléments qui restent d’ailleurs assez difficiles à identifier 10. Dans la réécriture des textes grecs que diffuse le poème, c’est donc bien Aviénus lui-même qui demeure, en définitive, le seul auteur, comme l’a bien souligné Pere Villalba i Varneda11. Et, dans la dernière édition critique, Amedeo Alessandro12 analyse attentivement la démarche du poète qui donne, en lecteur attentif et émule fécond des classiques, une synthèse, en la matière, de la tradition littéraire romaine. Or, une proposition a été avancée par Daniela Ugolini et Christian Olive pour le passage qui nous concerne ici, assez différente de ce qui était traditionnellement reçu. Selon cette hypothèse, la chronologie de référence pourrait être singulièrement plus basse et serait susceptible de correspondre à une situation locale qu’il conviendrait de placer au III e siècle13 avant nore ère, plutôt qu’à une date antérieure. À quoi s’ajoute une appréciation nouvelle des données et de la source utilisées par Aviénus, qui renverraient aux étapes d’une route intérieure plutôt qu’à une évocation de la zone littorale, dont le poème donnerait alors une représentation qui serait « vue » depuis la terre14. Ce double renversement interroge d’autant plus que sa portée ne saurait se limiter à l’étroite frange côtière comprise entre l’Aude et l’Hérault, et conduit donc à remettre en chantier l’approche des procédés d’écriture et de composition mis en œuvre par Aviénus. L’argumentation avancée repose essentiellement sur des résultats de recherches archéologiques qui ont, au cours du dernier quart de siècle, renouvelé la vision de l’acropole biterroise à l’époque préromaine. Elle mérite d’autant plus de prolonger la discussion que cette position oriente, à partir de la représentation qui serait ainsi assez précisément « datée » du paysage, les confrontations pluridisciplinaires, notamment les approches des géomorphologues. Alors ce passage d’Aviénus peut-il être, comme suggéré, susceptible de leur fournir des jalons historiques utilisables pour accrocher dans le temps les résultats de sondages, notamment ceux qui ont été réalisés récemment dans plusieurs points de la zone littorale et qui n’ont pas toujours livré de matériel datant à même de fonder une chronologie indépendante15 ? Je voudrais envisager d’abord l’aspect archéologique qui implique la période de référence qui serait évoquée par Aviénus aux vers 590-594, malencontreusement situés entre les lacunes des vers 576-577 et 596-598. La description, qui suit celle du littoral du Roussillon, commence par l’étang de Bages-Sigean avant d’aborder le Biterrois : 54

Le littoral biterrois et la géographie d’Aviénus

« Non loin de celui-ci, entaillé dans la terre, un autre golfe s’ouvre et quatre îles – un usage ancien les désigne sous le nom de Piplas – sont entourées par les flots. Le peuple des Elésyces, autrefois, occupait ces lieux et la cité de Narbonne était la capitale de ce royaume farouche. Là, se rue dans l’onde salée le fleuve Aude : puis, en arrière, tout proche le marais Hélicé. De là, s’étendait Béziers comme une ancienne tradition le rapporte. Maintenant les fleuves Heledus et Orb passent à travers des champs abandonnés et des monceaux de ruines, indices d’une prospérité ancienne ».

« Nec longe ab isto caespitis rupti sinus Alter dehiscit, insulasque quattuor At priscus usus dixit has omnis Piplas Ambit profundo : gens Elesycum prius Loca haec tenebat, atque Naro civitas Erat ferocis maximum regni caput. Hic salsum in aequor amnis Attagus ruit : Heliceque rursus hic palus iuxta : dehinc Besaram stetisse fama casca tradidit. At nunc Heledus, nunc et Orobus flumina Vacuos per agros et ruinarum aggeres Amoenitatis indices priscae meant ».

La nomenclature comme la description de ces terres des Élisyques 16 sont précises et les deux villes s’inscrivent à la fois dans un paysage naturel bien référencé et dans une histoire de longue portée. Le temps long est rappelé avec insistance : outre les temps verbaux, la double évocation de l’ancienneté des indicateurs (priscus usus / un usage ancien, prisca fama / une ancienne tradition), le balancement prius / nunc / autrefois / maintenant, ce dernier répété, posent poétiquement les termes d’un destin historique. Pour autant, si André Berthelot pense qu’Aviénus parle ici de son temps, comme dans les autres passages où interviennent les ruines au présent, et si les villes associées à des ruines sont des « cités disparues » 17, ce n’est pas forcément aussi simple. La compréhension du passage qui nous occupe a suscité jusqu’à aujourd’hui nombre de débats et d’exégèses 18, tant sur l’évolution des plans d’eau et des paysages littoraux que sur la chronologie, avec la mention de ruines postérieures à un état d’opulence, ce qui implique d’examiner à nouveau le statut de cette précision dans l’économie générale du poème. Ce type de comparaison, où intervient une situation « actuelle » marquée par la désolation et/ou par les ruines, éventuellement signalées explicitement, s’établit dans sept passages 19. Six cas concernent la péninsule ibérique et un seul les côtes méridionales de la France, le nôtre. On constate que, dans ces descriptions, revient un schéma préformé, construit sur l’opposition simple de deux temporalités, un autrefois20, rapporté ou non à une ancienne tradition, et un aujourd’hui, dont l’antithèse n’est pas toujours marquée et dont reste à déterminer la valeur absolue. Le cas du Biterrois peut-il

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Autour de la Domitienne. Genèse et identité du Biterrois gallo-romain

éclairer la question ? Et quels moments peuvent alors être candidats pour rendre compte de la notation d’Aviénus ? Quel itinéraire dans la plaine littorale entre Narbonne et Béziers ? Que les sites de Narbonne et de Béziers aient fourni les références majeures pour situer et décire cette portion de la côte n’a rien pour étonner. L’attractivité du débouché de l’Aude est tôt attestée dans les textes et l’on sait aujourd’hui qu’une agglomération d’une certaine importance s’est développée sur l’acropole biterroise à partir du VI e siècle avant notre ère21, qu’elle a maintenu un dynamisme original jusqu’au IVe s., nettement marqué par des relations étroites avec la culture grecque – qu’il s’agisse ou non d’un site grec22 –, la situation apparaissant beaucoup moins claire entre le IVe et le II nd siècle. Le III e s. semble bien correspondre à une sévère contraction de l’habitat urbain, sinon à un quasi-effacement de la ville, conformément à ce qu’on observe aussi à Monlaurès/Naro, mais plus contradictoirement avec la situation qu’on a pu constater sur d’autres oppida de la région, Mailhac ou Ensérune, à cette période. L’absence significative à Béziers – à l’exception d’un secteur bien documenté de la ville – de matériel daté du III e siècle fait effectivement problème, d’autant que les observations couvrent une surface maintenant assez large et représentative. Et il faudrait attendre le courant du II nd siècle pour que Béziers 23 retrouve sa place dans le paysage régional. Ces indications doivent toutefois être pondérées par les limites qu’imposent forcément les conditions de fouilles des niveaux protohistoriques, profondément enfouis et souvent endommagés, sur la plupart des secteurs fouillés, dans une zone urbaine qui, de surcroît, a été continûment et densément habitée. La période 300-150 pourrait-elle alors fournir un candidat, comme le pensent Christian Olive et Daniela Ugolini24 pour qui le texte d’Aviénus décrit la ville à ce moment et, donc, d’après une source romaine ? Cette position me semble faire difficulté pour deux raisons au moins. D’une part, il faut considérer que le passage ne décrit pas l’agglomération biterroise mais parle expressément de la campagne, dont les champs sont vides et peuplés de ruines, réalité qui, d’autre part, ne correspond pas pleinement aux observations archéologiques. Elles montrent une situation plus nuancée où il faut noter, outre le dynamisme d’un oppidum comme Ensérune, qui se trouve au cœur de la zone concernée par ce passage du poème et qui est alors en pleine expansion, l’existence d’un habitat dispersé25, qui recule alors en Biterrois mais reste, en dépit de certains abandons et des difficultés à cerner cette occupation, réel au III e siècle, comme l’indiquent, dans la périphérie de l’agglomération, les sites de Soustres 5, Les Agoutis ou Saint-Géniès sur la commune de Montady 26. À quoi il faut ajouter la présence conséquente, aux côtés d’une chênaie, des céréales dont la culture se 56

Le littoral biterrois et la géographie d’Aviénus

développe surtout au second Âge du Fer 27. Pour cette époque et la période romaine, le diagramme pollinique enregistre en effet un de ses pics les plus hauts, correspondant à l’extension de prairies humides anthropisées et à la généralisation de la céréaliculture, dont témoigne de façon éclatante le développement des aires d’ensilage en périphérie d’Ensérune, à partir du IVe siècle28. L’aménagement de part et d’autre de la ville, notamment vers la grande voie Est-Ouest, de ces champs de silos, zones de stockage bien connues aussi autour des agglomérations protohistoriques de Catalogne, plaide pour une gestion organisée, collective sans doute, des approvisionnements, voire de la circulation des grains, déjà entrés dans l’échange29. L’étude paléohydrologique de l’étang de Montady a bien mis en évidence l’impact du forçage agraire à partir du IVe siècle sur l’évolution du plan d’eau30, ce qui suppose une réelle dynamique d’occupation du sol, un tel usage de l’espace impliquant une activité humaine de haut niveau, même si l’on ne peut étendre indûment la portée spatiale de ces analyses. Il semble donc qu’il faille renoncer à l’hypothèse qui situerait au IIIe siècle avant le passage emprunté par Aviénus et les monceaux de ruines qu’il évoque dans les campagnes biterroises et, pour le moins, la relativiser sérieusement, pour séduisante qu’elle puisse être. Et ce plus encore s’il s’agissait d’un itinéraire terrestre, qui aurait forcément traversé les abords d’Ensérune et longé cette agglomération, en plein développement au IIIe siècle. Même à supposer que la route ait contourné l’étang de Montady par le Nord. En revanche, il me paraît envisageable, à la lumière des données archéologiques récentes, et contrairement à ce que j’avais d’abord pensé, de lire dans les lignes du poème une indication, rapide mais suggestive, sur la situation des terroirs biterrois au IVe siècle de notre ère. À ce moment, le nombre d’établissements ruraux a chuté drastiquement et le processus déjà bien avancé de concentration foncière a, effectivement, dû laisser les vestiges de nombreuses fermes ou villæ, abandonnées au profit de très gros établissements, moins nombreux, certes, mais bien identifiés par l’archéologie31. Ainsi la vision des champs vides et de terres semées de ruines ne signerait pas forcément la ruine de la ville qui, au reste, si les monuments du Haut-Empire sont bien atteints dès le III e siècle, reçoit un concile en 35632, pas plus qu’elle ne signifierait celle des campagnes. Mais elle entérinerait le réel recul de l’occupation du sol et de la prospérité du plus grand nombre, sinon de tous. Ces remarques dépassent d’ailleurs la seule zone littorale et peuvent être étendues plus largement, au-delà même de Béziers. Si les cités n’ont évidemment pas disparu, comme le croyait notamment André Berthelot, elles n’en sont pas moins bien touchées, le cas de Narbonne le montre aussi, par de réelles difficultés économiques et politiques qu’Aviénus n’aurait pas ignorées, d’autant moins qu’elles viennent servir, en parfait contrepoint, son antithèse poétique.

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Autour de la Domitienne. Genèse et identité du Biterrois gallo-romain

Quant au second aspect de la relecture proposée pour ce passage qui y voit un itinéraire terrestre et, donc, une évocation des grandes lignes du paysage vu de la terre, force est aussi de le reconsidérer plus largement pour le secteur des étangs de Bages à Thau, et de le resituer dans le contexte plus général du poème d’Aviénus. L’approche de cette zone s’inscrit, en effet, sans distorsion, dans l’ensemble du golfe compris entre les Pyrénées et le Rhône. Et, si l’Ora Maritima n’est certes pas un périple maritime, on l’a bien noté, les distances qu’il donne pour évaluer le temps de déplacement et, donc, la route suivie par les voyageurs concernés, sont précises et uniquement mesurées en journées de navigation. Certes, ni ses sources, ni le poète n’ignorent l’arrière côte et les villes qui animent, installées sur les basses vallées des fleuves côtiers, les relations avec la voie maritime, qui ne devait pas passer en haute mer entre Narbonne et Agde, ou même Marseille. Et la remarque vaut pour les étapes précédentes comme pour les suivantes. Certaines de ces villes devaient même servir de points de repère utiles aux navigateurs. Après la lacune des vers 596-599, Aviénus poursuit : « la tête de cet écueil s’étire en droite ligne depuis ce lieu que j’ai dit s’appeler Blanc. Près de là est l’île de Brescou et sa motte arrondie émerge de l’onde salée. Sur le continent, entre les têtes des monts, se déploient des plages au sol sablonneux et s’étendent des rivages vides d’habitants. Puis se dresse la montage de Sète, colline allongée et couverte de pins. La base de la montagne de Sète s’étend jusqu’à Thau. L’étang de Thau, ainsi l’appellent les gens du pays, est proche du fleuve Hérault : la terre ibère et les rudes Ligures sont séparés par son lit. Là se trouve la petite et pauvre cité de Polygium. Puis le canton de Mèze, l’oppidum de Naustalo et la ville ... ».

« Uertex ad huius cautis e regione se Illi eminenti porrigit, quod Candidum Dixi uocari. Blasco propter insula est, Teretique forma caespes editur salo. In continenti et inter adsurgentium Capita iugorum, rursum harenosi soli Terga explicantur ; seque fundunt littora Orba incolarum. Setyus inde mons tumet Procerus arcem et pinifer : Setii iugum Radice fusa in usque Taurum pertinet : Taurum paludem namque gentici uocant Orani propinquam flumini : huius alueo Hibera tellus adque Ligies asperi Intersecantur : hic sat angusti laris Tenuique censi ciuitas Polygium est. Tum Mansa uicus, oppidumque Naustalo, Et urbs… ».

C’est donc bien, me semble-t-il, dans l’écriture du poème qu’il convient de chercher des indices susceptibles d’éclairer le point de vue qui a pu y prévaloir. Certains adverbes – tel, notamment, ce rursus, utilisé ici comme pour la palus Hélicé et de façon récurrente dans le poème –, indiquent la prise en considération de la distance et de plans qui contribuent à hiérarchiser la représentation des éléments

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Le littoral biterrois et la géographie d’Aviénus

paysagers et à noter des effets, même sommaires, de perspective. La distinction entre l’île, le cordon littoral, l’étang, le continent et l’écueil initial, trait d’union comme propulsé dans la mer, et qui a toute chance de désigner l’avancée volcanique du cap d’Agde, me paraît camper les grands traits caractéristiques du paysage vu de la rive. Et il en va de même à propos de Besara – qu’il faut entendre comme la cité de Béziers, au sens territorial plutôt que la seule agglomération – qui est indiquée comme visible, voire accessible, à partir d’un étang. Rien dans le texte, et particulièrement dans ces passages, ne me paraît correspondre à des repères susceptibles de jalonner une route intérieure ni d’ancrer la représentation d’un paysage vu depuis la terre. L’absence d’Ensérune fournit, à mon sens, un argument pour renoncer à l’hypothèse d’une voie terrestre car la ville, qui n’aurait pas manqué d’imposer sa présence sur un tel parcours au III e siècle avant notre ère, ne pouvait évidemment faire référence à l’époque d’Aviénus, à l’égal des agglomérations du bassin de Thau. Toutefois l’écriture, savante et recherchée, est aussi déterminante ici. Quand le nouveau golfe s’ouvre, « entaillé dans la terre », c’est bien depuis le littoral que la route me semble vue et esquissée. Et l’écriture est précise pour tenter d’identifier certains des étangs et lagunes. D’autant que les recherches et sondages réalisés pour préciser l’évolution holocène de la plaine fluvio-littorale et du delta de l’Aude permettent aujourd’hui de proposer une représentation mieux assurée, pour problématique qu’elle reste encore pour la période antique33, sachant que le delta de l’Aude s’étant exhaussé, le fleuve n’a pris son cours actuel jusqu’à l’embouchure que nettement plus tard, au XIII e siècle. De fait, les recherches récentes sur la nature et l’évolution de la zone littorale et du complexe portuaire de Narbonne ont permis de progresser dans la connaissance du secteur littoral et de documenter plus solidement certains points de paléogéographie qui intéressent le propos. Pour Paul Ambert, en effet, en dépit des incertitudes qui demeurent encore sur l’extension de la terrasse de Courtelle au Sud de l’étang de Capestang, « un passage aquatique entre la basse vallée de l’Aude et les étangs de Capestang-Fleury » étant peu vraisemblable, la Clape n’aurait sans doute jamais été une île. Et il précise : « il semble établi que la lagune holocène de la basse vallée de l’Aude était coupée en deux : à l’Ouest, la lagune Narbonne-Bages, à l’Est, un chapelet d’étangs étirés entre Capestang et l’embouchure actuelle de l’Aude » 34. Le golfe narbonnais et les étangs de Capestang et Vendres Dans sa description des côtes méridionales de la France – la première qui nous soit parvenue, même indirectement –, Aviénus fait une place aux étangs et ceux de la basse vallée de l’Aude ont, à l’évidence, intéressé ses sources, autant que les 59

Autour de la Domitienne. Genèse et identité du Biterrois gallo-romain

abords de l’étang de Thau, desservis peut-être par la lacune où pourrait être Agde. Sa description correspond assez précisément à certaines hypothèses (fig. 10) que retiennent aujourd’hui les chercheurs mais, si le golfe de Narbonne y apparaît assez largement ouvert et s’identifie aisément, si elle montre bien la séparation entre les deux systèmes du Rubresus à l’Ouest et de l’Hélicé à l’Est, on a beaucoup discuté, et on hésite encore, pour savoir quel est l’étang, celui de Vendres ou celui de Capestang, qui correspond à la lagune que le poème appelle de son nom ancien, palus Hélicé.

Fig. 10 : Le littoral biterrois d’après Aviénus : hypothèses de localisation de la Palus Helice.

Certains ont cru pouvoir tirer argument de la désignation de palus, qui renverrait à un marais, pour y voir plutôt l’étang de Capestang – c’est encore le cas dans l’approche paléogéographique récente du Narbonnais. Pour Sébastien Rescanières, en effet : « Ce marais [Hélicé] correspond sans doute à la dépression de Capestang puisqu’elle est occupée par un marécage vers le changement d’ère (...) et que le colmatage surtout post-médiéval de l’ancienne lagune de Vendres (...) y rend improbable l’existence d’un marais à l’époque romaine ». D’où il infère d’ailleurs une autre conclusion : « Les données géomorphologiques s’accordent bien avec l’hypothèse d’un itinéraire terrestre du début de l’Histoire comme source d’Aviénus » 35. Une hypothèse qui est ici d’autant plus discutable que la chronologie, depuis la source d’Aviénus jusqu’à la date du poème, en passant par le changement d’ère, correspondrait, en gros, à un millénaire au cours duquel l’évolution géomorphologique du secteur fait problème. En outre, et surtout, il n’est pas possible de restreindre ainsi la signification du terme palus, usité aussi bien pour la mer Noire, la Palus Méotide – par Eschyle ou Hérodote – que, chez Aviénus même, pour l’étang de Thau (Taurus palus) ou pour la vaste embouchure du rio Tinto, palus Etrephaea36, par exemple. Le terme n’a donc pas le 60

Le littoral biterrois et la géographie d’Aviénus

seul sens de marécage auquel on a voulu le réduire et qui s’est imposé indûment en orientant trop la lecture de ce passage. Pourtant, depuis de longues décennies maintenant, les hypothèses et commentaires qui se sont succédé ont construit divers scénarios tant pour l’évolution du littoral et des plans d’eau, pour l’édification antique de la basse vallée de l’Aude entre Coursan et l’étang de Vendres, que pour les articuler aux textes anciens en restituant l’évolution de ce paysage littoral 37 et de son immédiat arrièrepays. Les chercheurs s’accordent globalement aujourd’hui pour penser qu’a prévalu une large ouverture sur la mer qu’ils placent jusque vers le VI e, voire le III e s., même s’ils divergent sur la mise en place du cordon littoral, plus ou moins précoce et sur la période qui a vu la fermeture des étangs, dès ou après le Bronze final. Reste à identifier l’étang Hélicé, même s’il est bien difficile de trancher entre celui de Capestang ou de Vendres, pour lequel il faut sans doute pencher 38, l’hypothèse paraissant aujourd’hui la plus plausible. Bien sûr, il est aussi tout à fait possible que les deux étangs soient concernés si l’on considère l’apport des données récentes et les tentatives de synthèse sur les zones portuaires de Narbonne, la basse vallée de l’Aude et la paléolagune holocène dont le comblement a été progressif et tardif. Mais il faut sans doute distinguer chronologiquement : la palus Hélicé du poème pouvait englober, avec l’étang de Vendres, dont l’atterrissement est plus récent, l’étang de la Matte, voire celui de Capestang, mais quand Aviénus rédige, au IVe siècle de notre ère, la lagune s’est déjà contractée, l’étang de Capestang, dont l’aterrissement est bien avancé, étant devenu marécage d’eau douce vers le changement d’ère39. Ces hypothèses correspondent d’ailleurs à certaines représentations cartographiques postérieures, comme celle de Jolivet au XVIe siècle, souvent invoquée comme terme de comparaison, au reste difficile à prendre comme tel au vu de l’évolution complexe de la basse vallée de l’Aude et des débats qui se poursuivent. D’autant que l’incertitude demeure sur l’identification et sur la datation des indications d’Aviénus, le plus récent des géographes antiques, qui nous a sans doute transmis les informations les plus anciennes sur la côte et l’idée d’une ouverture plus large des étangs sur la mer. Si l’on ne peut être assuré que certains éléments puissent remonter à des morceaux de périples – qu’ils soient du VI e siècle, voire un peu antérieurs, ou même postérieurs –, on sait en tout cas que les rivages lagunaires de ce secteur narbonnobiterrois ont connu une réelle attractivité au tournant du Bronze Final et du début de l’Âge du Fer40. C’est notamment le cas des rives de l’étang de Vendres, où le village de Portal-Vielh s’épanouit entre -800 et -65041 dans ce secteur que des marchands méditerranéens ont fréquenté et où ils ont apporté, très tôt, dès le VIIe siècle, leurs produits.

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De ces premiers échanges, pourrait notamment témoigner une coupe proto42 corinthienne mise au jour à Vendres (fig. 11), provenant peut-être d’une tombe isolée.

Fig. 11 : Coupe protocorinthienne (Vendres).

Sans doute sporadique, cette présence et les échanges qu’elle implique – que ce soit avec les Étrusques, les Phénico-Puniques ou les Grecs – ont dû permettre d’amasser des connaissances indispensables sur les possibilités de fréquentation et sur les conditions d’accueil, dans ce Languedoc occidental où « arrivent les plus anciennes importations grecques du Midi (troisième quart du VII e siècle), notamment en Biterrois côtier » 43. La précision sur les farouches Élisyques, qu’évoque Hérodote au début du V e siècle 44, peut ici en témoigner45. Dans l’état actuel du débat et des connaissances – le cordon littoral ne devait pas être formé à la fin de l’Âge du Bronze et il est possible de penser que la mer, ou la lagune, bordait la plage reconnue sur la rive nord de l’actuel étang, au pied du village protohistorique46 –, les passages concernant le littoral du Biterrois me semblent donc réunir des données à la fois précises et disparates pour localiser la palus Hélicé. Pour la zone de Narbonne, les informations sur la lagune et ses rapports avec le fleuve peuvent être un écho de son évolution complexe et de ses effets sur la zone portuaire, mais l’évocation de la situation historique interroge. Courte et précise, elle paraît clairement ancienne, centrée sur son rôle de capitale du royaume élisyque et faisant totalement l’impasse sur le statut romain de Narbonne, dont la désignation comme civitas n’est appliquée qu’à la haute époque. Quelles que soient les exigences de la poétique, l’absence de tout balancement autrefois/aujourd’hui dans un cas emblématique comme Narbonne est forcément volontaire, et indicative peut-être du refus qu’oppose le poète à l’effondrement politique de l’Empire. Une attitude pleinement en phase avec ses options classicisantes, voire archaïsantes. Ses choix d’écriture, qui renvoient, tout du long, à des réalités antiques, au sens le plus

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Le littoral biterrois et la géographie d’Aviénus

large, me semblent donc loin d’être neutres, et le non-dit pourrait bien plaider, au contraire, pour un témoignage bien ancré dans la négation de l’histoire en train de se faire, bien daté qu’il est des dernières décennies du IVe siècle de notre ère. Pour le secteur de Béziers, l’épaisseur historique convoquée peut être analogue, et la tradition ancienne peut renvoyer très haut, à la cité hellénisante des VI e-IVe siècles, par ailleurs inconnue des textes, et qui pourrait alors être cette Besara véhiculée ici par un périple du VI e siècle. Mais le référent pourrait être plus ambigu, renvoyant au-delà de la colonie romaine, dont la richesse rurale est largement connue47. Le souvenir nourrirait alors ici le contraste et l’évolution dénoncée par le poète, avec le constat de vacuité des terres qui n’a pu se faire, avec quelque extrapolation, qu’à partir du III e siècle de notre ère. Qu’Aviénus ait ou non connu le rôle joué par Béziers dans le conflit idéologique et politique qui déchirait l’Empire de son temps. Enfin pour les confins de l’étang de Thau et le littoral où Aviénus, contrairement à Ptolémée, qui évoque au II nd siècle de notre ère l’île d’Agde, ne cite que l’île de Brescou, les indications sont singulièrement plus précises, déclinant le statut des pôles d’habitat, même si manque Agde dont la mention a des chances d’avoir disparu dans la lacune qui précède immédiatement la description de l’étang 48. L’évocation du paysage s’équilibre, elle, entre la stabilité intemporelle des traits naturels qu’exprime l’emploi de verbes au présent et les résultats de l’évolution socio-économique des campagnes, qui relèvent des temps du passé. Mais, la rhapsodie d’Aviénus est si bien cousue que l’historien achoppe à démêler les fils d’une écriture serrée où, par delà des clichés qui font retour, l’amalgame sert la poétique. Si le traitement du Biterrois et de Béziers peut apporter quelque lueur, c’est en montrant que si les plus anciens emprunts restent possibles, ils sont revisités et fondus par Aviénus, qui s’affirme vraiment l’auteur49. L’opposition entre autrefois et aujourd’hui, qui lui permet de coudre les informations les plus variées, ouvre au poète la possibilité d’opérer des choix signifiants et d’éclairer sa réflexion sur le devenir de ces espaces hautement symboliques que sont les rivages maritimes de la mer intérieure. Dans ce dernier tiers du IVe siècle où il écrit, quand l’Empire et la culture gréco-romaine sont au cœur d’affrontements et de débats, la langue poétique autorise les prises de position d’Aviénus en faveur d’une tradition classique alors en difficulté. Elles s’expriment jusque dans les cas particuliers qu’il évoque, comme l’histoire du littoral biterrois du VIe s. avant au IVe s. après, esquissée en 3 vers. Des cas d’étude qui ne peuvent s’expliquer par la seule logique du déroulement géographique des rivages, mais qui interrogent leur destin historique.

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CHAPITRE 3 : LA VOIE DOMITIENNE ET LE PREMIER RÉSEAU VIAIRE

La voie domitienne et le premier résau viaire

Si les Romains ont manifesté très tôt, un siècle même avant leur intervention militaire, un vif intérêt pour une région largement irriguée par un réseau de pistes et d’où partent d’importants axes de pénétration vers le Nord et l’Ouest gaulois, c’est par les voies Est-Ouest que, du mythe à l’histoire, le Biterrois s’insère dans le réseau des grandes communications de l’Europe méditerranéenne. En cela la voie domitienne, première grande route de France, qui a articulé l’ensemble du réseau routier, a joué un rôle moteur, localisant notamment les grands carrefours. Deux nœuds routiers essentiels fonctionnent en périphérie du Biterrois, en son sein même à Cessero/Saint-Thibéry d’où la voie de Rodez, par la vallée de l’Hérault, monte vers l’Arvernie, et chez la voisine Narbonne, d’où part la gtande voie d’Aquitaine, comme indiqué sur la première carte routière connue. Pour réduit qu’il soit, notre secteur n’en figure pas moins, en effet, sur l’emblématique table de Peutinger 1 (fig. 12) et dans les itinéraires romains listés sur les gobelets de Vicarello2 (fig. 13), jusqu’aux itinéraires d’Antonin ou de Bordeaux à Jérusalem3. Tous indiquent stations principales, étapes et mesures.

Fig. 12 : La voie domitienne dans le réseau routier romain sur la Table de Peutinger. 67

Autour de la Domitienne. Genèse et identité du Biterrois gallo-romain

Fig. 13 : Distances et étapes de la voie domitienne sur un gobelet de Vicarello (époque augustéenne).

Depuis longtemps, le tracé de la voie domitienne – axe stratégique majeur des communications impériales – a nourri les débats sur ses liens éventuels avec une route plus ancienne qui sont aujourd’hui assez communément acceptés, sans qu’il faille forcément penser partout à une reprise intégrale ou à un recouvrement des itinéraires 4. La mise en œuvre générale du tracé de la via Domitia pose au reste des questions techniques qui valent pour les autres grandes voies romaines, où l’adaptation à la logique des itinéraires préexistants est allée de pair avec une conception globale et une réalisation par secteurs que signe le recours systématique à une rectilinéarité maîtrisée, les visées pouvant atteindre jusqu’à 20 kilomètres 5. Les deux tronçons rectilignes de part et d’autre de la grande angulation de l’étang de Montady ont retenu tôt l’attention des chercheurs, les hypothèses successivement proposées, qui faisaient passer la voie au Nord et/ou au Sud de l’étang de Montady, posant problème, au-delà même des questions de chronologie et de distance (fig. 14).

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La voie domitienne et le premier résau viaire

Fig. 14 : Implantation de la voie domitienne. Hypothèses et tracés.

Ce retour sur l’implantation, le tracé et le profil de la voie entre Narbonne et Béziers, sur ses conditions d’aménagement, permet aujourd’hui, après les découvertes du port de Colombiers (1987) 6 et les cinq campagnes de sondages et de fouilles qui se sont déroulées sur les communes de Nissan et de Colombiers entre 2006 et 20107, de faire le point sur les diverses solutions qui ont pu être envisagées jusqu’ici, à la fois sur les voies de circulation dans un secteur où elles sont fortement tributaires de la prégnance des zones humides 8 et sur la chronologie d’aménagement de ces infrastructures 9. Il permet aussi d’éclairer les rapports génétiques avec le chemin protohistorique associé à Héraclès, découvreur et ouvreur des routes de

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Autour de la Domitienne. Genèse et identité du Biterrois gallo-romain

l’extrême Occident, où il est censé apporter la civilisation, authentique précurseur des Romains en cela aussi10. La question qui a longtemps dominé les recherches sur l’histoire de la circulation antique dans ces zones humides de la plaine littorale languedocienne a porté, en effet, durant des décennies, sur la possibilité d’y implanter des infrastructures pérennes antérieurement au Ier siècle avant notre ère, voire au début de notre ère11. De longs débats ont ainsi concerné le tracé – les tracés plutôt – tant de la voie héracléenne que de la Domitienne et nourri l’hypothèse d’une voie domitienne 1 qui aurait contourné les étangs de Capestang et Montady par le Nord avant l’aménagement d’un second itinéraire qui coupe au plus court et passe au Sud, dans la plaine hydromorphe et inondable (fig 15). Cette proposition se fondait sur la présence éventuelle d’une zone humide dans le couloir Capestang-Fleury, sachant que les observations avaient montré que la dépression de Capestang évoluait vers le marécage dès la fin de l’Âge du Fer12, et sur la persistance, dans la proche périphérie de Montlaurès et de Narbonne, au moins jusqu’au changement d’ère13, d’importantes zones marécageuses. L’hypothèse du contournement primitif doit aujourd’hui être revue sur la base d’arguments à la fois géologiques – à la suite des données obtenues après les forages TGV – et archéologiques, compte tenu des acquis des campagnes de fouilles conduites entre 2006 et 2010. Ils autorisent désormais à attester la présence précoce d’un axe de circulation au Sud de l’étang de Montady, dans une zone malaisément circulable, où prévalaient jusque-là plus de questions que de certitudes, mais où la proximité du plan d’eau de Montady ne constituait pas une difficulté majeure. Rendu à l’état palustre dès le VI e siècle avant l’ère, les prélèvements effectués ont montré qu’il avait connu, dans la période qui suit, des phases d’atterrissement liées à la fois à la pression anthropique accrue, à partir du VIe siècle, et à une situation climatique nettement plus sèche14. La poursuite des investigations a, en effet, permis, sans exclure la possibilité de plusieurs parcours, successifs et/ou contemporains, de montrer que le passage de la circulation est même assuré tôt au Sud de l’étang de Montady et de l’oppidum d’Ensérune. Elle a également permis de préciser comment les contraintes environnementales ont pesé dans ces zones de l’Ouest Biterrois et de mieux connaître les réponses techniques qu’elles ont reçues avec l’adaptation progressive des structures viaires et de leur emprise. Si l’on sait aujourd’hui que sur le tronçon « narbonnais », à l’Ouest de Ponserme, jusqu’à la rive sud-orientale de l’étang de Capestang, le tracé de la voie domitienne bénéficiait, sauf au franchissement de l’Aude, d’une « bonne assise géotechnique » 15, les études pédologiques 16 et les traitements d’images satellitaires 17 effectués au début des années 1990 sur le tronçon « biterrois » ont montré que les pontonniers antiques ont œuvré au plus près des réalités du terrain. 70

La voie domitienne et le premier résau viaire

À l’Est de Ponserme, ils ont accroché la voie sur les sols les plus fermes (fig. 15), sur les buttes non hydromorphes, après le franchissement de l’étang de Capestang, au sortir de la plaine de Coursan – quelle que soit la date de réalisation du viaduc de Ponserme, dont plusieurs arches sont aujourd’hui immergées. La mise en évidence de fortes déviations fossiles au Sud de l’étang de Poilhes, notamment au croisement des exutoires des étangs, posait la question essentielle de la forte instabilité des terrains et des décrochements de la voie susceptibles de rendre compte de l’existence locale de cheminements annexes destinés à assurer temporairement la continuité de la circulation, sans mettre en cause la rectilinéarité globale du tracé.

Fig. 15 : L’assise de la voie sur les colluvions et buttes non hydromorphes sur la commune de Nissan.

Les traces révélées par les traitements d’image sur les 2 km précisément étudiés sur la commune de Nissan dans une zone de très forte hydromorphie, entre Sainte-Eulalie – site dont l’implantation est globalement contemporaine de la réalisation de la voie – et le Malpas, semblent bien indiquer les difficultés à maintenir et à entretenir une voie de passage en fonction des crues et des ruissellements. Il faut sans doute y voir les vestiges de réaménagements, de réfections, voire de déplacements ponctuels de l’axe de circulation pour assurer la continuité du trafic quand la voie principale devient plus difficilement praticable. Ces difficultés sont bien notées par les textes antiques, le géographe Strabon,

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Autour de la Domitienne. Genèse et identité du Biterrois gallo-romain

reprenant les informations qui circulent dès le I er siècle avant notre ère, fait un constat qui vaut mise en garde pour les usagers : « Cette route est excellente en été, mais en hiver et au printemps c’est un bourbier inondé par les débordements des cours d’eau... »18.

Ces indications à valeur très générale sont aussi localement bien vérifiables sur le terrain. Au total les résultats obtenus en apportant un certain nombre de réponses sur l’histoire des communications Est/Ouest, sur l’insertion de la voie domitienne dans leur développement, ont précisé l’évolution des infrastructures viaires et confirment l’ampleur de la voie consulaire19, dans une situation inédite au pied d’Ensérune et du petit col du Malpas (28 m), où on a reconnu un complexe routier et un possible carrefour. De la piste « héracléenne » à la voie romaine : contraintes et choix techniques Sur cette étape Narbonne-Ensérune-Béziers, relativement courte mais rendue difficile par les conditions environnementales, il a été possible, même si l’étroitesse des fenêtres d’observation interdit d’apprécier l’amplitude des relations, d’éclairer l’histoire de la circulation dans la longue durée, en montrant notamment les rapports, qui ont pu être établis à Colombiers, entre la voie protohistorique et la première phase de la voie domitienne, qui s’insère désormais dans une chronologie relative des espaces de circulation comprise entre le VIe siècle avant notre ère et le IIIe siècle de notre ère au moins. L’implantation de la voie consulaire La mise au jour d’un chemin creux présentant des niveaux de roulement préromains 20 a montré21 que, dès le milieu du VI e siècle avant notre ère, cette zone connaissait une circulation qu’il faut sans doute lier à l’émergence de la première ville d’Ensérune. Et ce constat doit être rapproché d’observations comparables faites quelques kilomètres plus à l’Est. Sur les marges du Biterrois, les abords de la voie Est-Ouest ont révélé la présence d’amphores étrusques et massaliètes, signe d’une circulation protohistorique, au moment où se développe l’agglomération de Mèze22. Entre ces deux points, à l’entrée de Béziers, un axe de circulation contemporain du chemin creux de Colombiers a également été mis au jour en liaison avec la voie domitienne23. Ainsi, dans le courant du VIe siècle avant notre ère, quand commencent à se développer les pôles d’habitat d’Ensérune, de Béziers et de Mèze, un chemin semble bien fonctionner et irriguer notre secteur où parvenaient précocement les céramiques méditerranéennes, corinthiennes et attiques particulièrement. Chemin que l’on peut sans doute identifier à un tronçon de la mythique « voie héracléenne » 24, ce qui plaide pour l’existence d’un axe routier bien avant la conquête romaine25. 72

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La circulation protohistorique dont il témoigne se faisait directement sur la terre battue, comme on l’a observé à Colombiers, où les niveaux de roulement les plus anciens – dont l’orientation a pu être mesurée à 27 degrés Ouest 26 – ont révélé d’évidentes traces de boue, vestiges d’épisodes qui mettaient en cause, en dépit de l’existence d’un fossé bordier au Sud27, les conditions de fonctionnement de cet axe (fig. 16).

Fig. 16 : Le chemin protohistorique et les niveaux de circulation au pied d’Ensérune (VIe-mi Ier s. avant notre ère).

Néanmoins, si l’utilisation sur la longue durée de cet itinéraire est apparue très vite, dès les premiers sondages 28, c’est seulement la dernière campagne de fouilles qui a permis d’assurer que les niveaux romains, identifiables à la première voie domitienne29, ont été implantés là directement sur l’axe protohistorique30, signant la création de la voie consulaire. La configuration est ici tout à fait comparable à ce qui a été noté à Béziers où c’est aussi au-dessus du chemin protohistorique que s’opère l’aménagement de la première phase de la voie romaine, dont « la chaussée proprement dite, large de 6,50 m, est datée du Ier s. avant notre ère » 31. Au lendemain même de la conquête, il semble donc bien que Domitius Ahenobarbus, à qui incombait d’assurer le maintien des relations Est-Ouest, essentielles à la prise de contrôle de la nouvelle province, ait voulu agir vite pour implanter la voie consulaire, de portée stratégique, dans une région où les populations sont encore agitées pendant plusieurs décennies 32.

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Mais le constat fait sur plusieurs points du tracé, à Béziers et à Colombiers notamment, est loin d’être neutre, qui touche au premier bornage de la voie et, par là, à un point majeur d’histoire régionale. Il permet, en effet, de revisiter utilement le passage tant discuté de Polybe33 sur la réalité du bornage par les Romains de la voie héracléenne, tous les huit stades, d’Emporion au Rhône, sur ce « parcours qui a été depuis soigneusement mesuré » par eux. Que Polybe ait ou non emprunté la voie préromaine à son retour d’Espagne, après la campagne ibérique de Scipion (135129 avant notre ère), il n’en demeure pas moins que Domitius Ahenobarbus, en bornant, comme l’atteste le milliaire de Treilles 34, aussitôt après la conquête, la première via publica des Gaules, a, de fait, borné du même coup la voie protohistorique. Ainsi se conçoivent d’autant mieux la possible confusion et l’existence de l’interpolation – à laquelle il est devenu difficile de ne pas souscrire35, au vu de l’identité, même localisée et partielle, des deux tracés routiers – et des équivalences qui établissent l’excellente approximation entre les 8 stades du texte grec – sur le module du stade « olympique » de 177 m – et les 600 pieds du mille romain, qui mesure exactement 8 stades 1/336. Sans préjuger de la politique générale d’aménagement ni des rapports d’ensemble de l’axe romain avec les voies antérieures, il faut constater qu’ici, en tout cas, les constructeurs, des militaires sans doute, ont utilisé la structure préromaine comme base de préparation de la voie consulaire, laquelle a d’abord été faite de sable et de terre battue très compressée37. Le niveau préexistant du chemin creux a été alors simplement égalisé et légèrement relevé en posant une couche de sable très souple sur la terre argileuse du chemin préromain. La voie romaine – mesurée, pour la seule partie exhumée, à 2,5 m, qui correspondent aux 8 pieds de la mesure minimale en ligne droite donnée par Gaius 38 pour une via – s’est ainsi surimposée rapidement 39, et sans aménagements d’envergure, au tracé antérieur. C’est ce qu’atteste aussi la réutilisation du fossé bordier, dont le remplissage a livré, dans ses niveaux supérieurs, du matériel républicain précoce. Des fragments d’amphores Dressel 1, A et B, et de céramique campanienne B, associés à un petit bronze de Marseille, daté de 150-50 avant J.-C.40, indiquent que l’utilisation de ce premier tracé a prévalu dès la conquête, et jusqu’à une époque que l’on peut raisonnablement fixer, d’après les artefacts datants, autour des années 60 avant notre ère41 au plus tard. Quant aux observations réalisées au pied du Malpas, dans le fond de dépression, tant sur les chaussées préromaine et romaine que dans le remplissage du fossé bordier, elles ont permis de mesurer l’ampleur des dynamiques sédimentaires locales, des processus de ruissellement et de colluvionnement sur ce tronçon, à Colombiers comme à Nissan. D’autant qu’en ce point précis deux ruisseaux ont longtemps conflué dans un ouvrage d’art exigé pour le bon fonctionnement du Canal, « l’aqueduc de Vauban », l’un étant effacé par l’actuelle route de l’oppidum, 74

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en sortie de l’agglomération de Colombiers. Quoi qu’il en soit, la récurrence d’importants épisodes, bien perceptibles sur toute l’emprise de la voirie, constitue clairement un facteur majeur qui rend compte de l’histoire des aménagements routiers dans ce secteur. On retrouve là comme un écho des observations de Poséidonios d’Apamée, qui a parcouru les Gaules vers 100 avant notre ère, dont Strabon42, en les lui empruntant largement, note la pertinence dans ses remarques, certes plus générales, sur les difficultés rencontrées par le charroi une partie de l’année. Tel semble bien avoir été le cas sur notre secteur où l’accumulation des eaux de ruissellement de surface et les inondations du ruisseau voisin rendant, à certains moments, le chemin creux impraticable, ont contribué à imposer, au cours du premier siècle avant notre ère, l’exhaussement de la voie et son déplacement vers le Sud. Ce glissement et le recours à d’autres modalités de construction conduisent cette fois à une intervention d’envergure. Il s’agit alors, en mettant la chaussée hors d’eau, d’assurer la permanence des communications sur cette artère stratégique, au moment, dans les années 70 du Ier siècle avant notre ère, où prévalent le rétablissement de l’ordre dans la province et les impératifs conjugués des opérations ibériques de Pompée.

La construction de la via Domitia La seconde phase de la voie, qui passe par des aménagements conséquents, peut aujourd’hui être documentée par des structures qui ont fourni du matériel datant, tant à Nissan 43 que 2 kilomètres plus à l’Est, à Colombiers 44. Le chemin qui a été repéré à Nissan, à proximité immédiate du Cami Roumieu ou Cami Farrat – toponyme bien révélateur –, dans le prolongement exact des divers secteurs fouillés, matérialise clairement le passage de la voie. Une partie de chaussée a d’abord été identifiée par plusieurs niveaux de sables, de gravillons et d’inclusions de fragments de céramique concassés liés par un limon – nettement organisés en lits – qui présente une structure très compactée, bordée au Nord par un mur fait de blocs irréguliers de calcaire coquillier 45. Son orientation mesurée à circa 25-26° Est et sa configuration, avec la présence d’un probable fossé bordier, plaident pour y reconnaître incontestablement, avec ses trois niveaux de circulation identifiés, un tronçon de la voie domitienne – axe principal plutôt que diverticule – dont la largeur totale pourrait ici atteindre 4,8 m, qui aurait été utilisé entre le I er avant et le Ier après. Quelque 630 m plus à l’Est, en léger décalage vers le Sud, on retrouve, avec ses deux, voire trois, remblais superposés 46, un état de la voie qui semble avoir été mis en place à l’époque tardorépublicaine. L’atteste, en effet, le matériel céramique – amphores, italiques et tarraconaises essentiellement, et céramiques sigillées – qui renvoie au I er siècle avant notre ère, à partir des années 60. La bande de circulation qui a pu être mise au 75

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jour présente des niveaux extrêmement compactés, des nids de poule réparés par plusieurs recharges, et montre l’utilisation de mortier de chaux dont un certain nombre de nodules ont été retrouvés. La présence d’un premier remblai, de gravillons et de limon, indique la nécessité, dans ce milieu très hydromorphe, d’aménager, pour assurer le fonctionnement de la voie, installée sur un paléosol limoneux, et de la stabiliser sur un substrat solide, les pontonniers ayant utilisé la remontée immédiate de la molasse miocène sur les bords de la cuvette. S’ils ont évité la zone dépressionnaire, le lessivage des sols et l’instabilité des surfaces n’en ont pas moins imposé la construction d’un second remblai, plus puissant, qui a recouvert, à un moment difficile à préciser, le premier état. Les réponses techniques aux fortes contraintes environnementales ont ainsi conduit les pontonniers romains à faire passer la voie en remblai, à Nissan comme à Colombiers. Comme à Narbonne47 et sur plusieurs points du tracé où la nécessité d’exhausser la voie s’est imposée48. À Colombiers, les mêmes exigences de mise hors d’eau de la voie ont prévalu, et reçu des réponses spécifiques. Classique au port, où c’est une véritable bande de roulement, avec revêtement de mortier, qui a été observée pour le second état 49, la situation est plus complexe au bas du Malpas où c’est une double réponse, qui correspond cette fois clairement à une véritable construction, qu’a révélée la campagne de fouilles de 2009, modifiant drastiquement nos informations 50. Elle a, en effet, mis au jour, immédiatement au Sud de la première voie consulaire héritière du chemin protohistorique, une route puissamment aménagée. Le nouveau tracé est alors implanté sur terrain vierge, les couches de préparation reposant directement sur un niveau d’argile totalement stérile, sur lequel ont été identifiées des couches fortement tassées de sable et de gravillons, sur 70-80 cm d’épaisseur environ. La chaussée est pourvue d’un épais mur bordier, bien appareillé, construit en pierres calcaires liées à l’argile, qui soutient le remblai au Sud, et d’une bordure aménagée au Nord51 – trottoir (?) ou mur bordier (?) peutêtre. Le dispositif est radicalement nouveau, qui fait désormais passer en fort remblai la voie, qui est ainsi surélevée de presque un mètre au-dessus du paysage environnant. La nouvelle chaussée développait une emprise mesurée à quelque 7 m en ce point le plus bas du tracé, le profil en long montrant que la voie remonte aussi bien vers l’Est que vers l’Ouest. L’état de la bande de roulement, très endommagée, notamment par l’intensité de la circulation52, montre que cette configuration n’a cependant pas permis d’échapper aux ravages dus à l’écoulement des eaux de surface – dont des traces évidentes de stagnation ont pu être observées sur l’épiderme de la voie. Si l’absence de matériel datant n’a pas permis de fournir une chronologie absolue, la présence d’amphores de Tarraconaise à proximité immédiate, dans les structures aménagées sur le bord Sud de la voie, donne une indication

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chronologique, terminus ante quem, sachant que ce type de production commence à arriver dans la zone à partir des années 60. Il est évidemment tentant, face à la récurrence de telles observations, de faire appel à des textes bien datés de cette période tardo-républicaine pour mieux éclairer la question de la « construction » de ce tronçon de voie. Salluste rapporte une lettre au Sénat de Pompée53 qui, en -76-75, se flatte d’avoir « repris » la Gaule en refoulant, des Alpes aux Pyrénées, les populations menaçantes et d’avoir « ouvert un chemin différent de celui d’Hannibal et plus commode ». Ce que confirme Cicéron en -67, dans son discours Sur les pouvoirs de Pompée où il prend à témoin la Gaule « à travers laquelle a été ouvert à nos légions un chemin vers l’Espagne par un grand massacre de Gaulois » 54. Or, dans le tronçon précis qui nous intéresse, où Hannibal a dû passer sur l’axe protohistorique, le déplacement de la voie pourrait répondre aux deux critères avancés dans ces textes, nouveauté et commodité, en renonçant au premier tracé aménagé sur la voie préromaine et en assurant la continuité des communications en cas d’intempéries. Mais c’est dans son plaidoyer pour Fontéius que Cicéron évoque plus longuement l’ampleur de l’opération qui a marqué le gouvernement de Fontéius, resté dans la province de -76 à -74, pendant cette période de troubles où Rome doit lutter contre les dernières velléités de résistance des populations locales, confortées par les événements d’Ibérie. Il souligne notamment que les importants travaux alors engagés sur cette route stratégique relèvent, à la lettre du texte, d’« une affaire d’État ». C’est, de fait, le moment où la voie est indispensable pour maintenir, durant la guerre d’Espagne, les communications de l’armée de Pompée, dont on sait qu’elle prend, à plusieurs reprises, ses quartiers d’hiver aux environs de Narbonne. Or, dans sa plaidoirie Pour Fontéius55, dans le cadre général des accusations sur les travaux de « réfection des routes », Cicéron revient sur le cas particulier de la voie domitienne, citée pour la première fois sous cette dénomination 56. Les données archéologiques 57 sont désormais à même d’apporter une confirmation concrète aux assertions de Cicéron car, avec le second état de la voie consulaire, à la différence du premier, il s’agit bien d’une phase de construction de la voie qu’exprime, sans ambiguïté, le latin « cum ad rem publicam pertineret viam Domitiam muniri », « car il revenait à l’État de construire la voie domitienne » 58. Force est donc de distinguer la nature des interventions conduites sur ce tronçon et les étapes qui ont marqué son aménagement. De fait, si la création de la voie consulaire intervient bien dès la conquête, avec la récupération – observée, on l’a vu, à la fois à Béziers et à Colombiers – du tracé préexistant par Domitius Ahenobarbus, sa véritable construction doit, elle, être située un demi-siècle plus tard, à l’époque de Pompée et de Fontéius. 77

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Dès lors, on ne peut éviter de s’interroger sur la portée plus générale des enjeux – politiques et financiers – explicitement évoqués par les textes et de se poser un certain nombre de questions. Est-ce dès ce moment que les ouvrages qui ont permis le franchissement des difficultés majeures du trajet – les grands fleuves côtiers, de l’Aude à l’Orb ou à l’Hérault 59, et l’étang de Capestang – ont été mis à l’étude ? Rien ne permet évidemment de le dire. Les ponts, sur lesquels on discute encore – même s’ils n’excluent pas des passages à gué –, et le viaduc de Ponserme auraient-ils pu être conçus dans ce contexte où Cicéron parle d’une question concernant l’intérêt public ? L’ampleur des monuments n’y contredirait pas. Le Pont Vieux de Béziers, au niveau duquel un dallage très bien conservé a été reconnu, doit perpétuer une structure qui, avec ses 16, voire 17 arches, qui l’ancrent de part et d’autre en terrain dur, assurait le difficile passage de la zone dépressionnaire en rive droite de l’Orb60. Le viaduc, avec les difficultés techniques de l’implantation d’un tel ouvrage, de 1.300 m de long, matérialisant une angulation spectaculaire de la voie, permettait de franchir un étang, quand bien même il s’agit de sa partie la plus étroite et tendant au marais. De telles réalisations pourraient s’inscrire dans un contexte auquel appartient bien la construction, éminemment politique et, elle aussi monumentale, du trophée de Pompée, daté de 71 avant notre ère et entrepris, on le sait, dès la fin de ses campagnes d’Hispanie61. Les nécessités de développement des transports stratégiques qui, dans ces années, s’imposaient lourdement à l’administration romaine, ont dû orienter tout particulièrement l’action du pompéien Fontéius et sa politique viaire dans cette zone Béziers-Narbonne dont on sait qu’elle a constitué une solide base arrière pour les opérations militaires en cours. Mais d’autres époques, qui ont marqué la voie domitienne par d’importantes interventions, sont évidemment aussi des candidates potentielles et légitimes, en l’absence d’éléments datants, l’époque augustéenne et le début du Haut-Empire notamment. Car, en dépit de l’ampleur des travaux, les difficultés de franchissement des zones dépressionnaires ne semblent pas avoir été totalement maîtrisées au I er siècle avant notre ère, comme on le note sous Ensérune, à Colombiers, en bordure du talweg. Faut-il l’expliquer seulement par la conjonction d’une localisation à une cote basse et de fortes contraintes environnementales ? Ou invoquer aussi la réalité de ces malfaçons et de ces travaux dont la réception aurait été légère et particulièrement complaisante, qu’auraient acceptés Fontéius 62 et ses mandants ? Les deux explications ne s’excluent d’ailleurs pas forcément. Quoi qu’il en soit, force est de constater que les modalités de construction de la voie tardo-républicaine – qui a peut-être connu un bornage vers la mi-I er siècle avant, d’après un milliaire anépigraphe retrouvé dans l’Est Biterrois 63 – se sont révélées insuffisantes et mal adaptées, au point d’imposer de nouvelles 78

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interventions. À Nissan, il a fallu construire un nouveau remblai, qui recouvre le précédent en rehaussant l’espace de circulation et, à Colombiers, surélever encore la voie. Sans que l’on puisse avancer une datation absolue, il faut sans doute situer ces travaux un siècle et demi plus tard environ. Réfection et monumentalisation de la voie La troisième étape identifiée dans l’histoire de la voie montre un effort d’aménagement nettement supérieur. On le voit à la fois à Taragone (Nissan), avec l’ampleur et la puissance du nouveau remblai, et à Colombiers, où l’on note une véritable opération de génie civil susceptible de mieux prendre en compte la topographie précise du secteur et les fortes contraintes environnementales. L’ampleur du colluvionnement est alors nettement sensible, comme on a pu le noter à Béziers dans les fossés bordiers de la voie dont l’un a été comblé pour élargir la voie au tournant de l’ère, répondant au reste à l’intensification de la circulation que rythment les abondantes recharges. En cela, l’opération mise en œuvre à Colombiers peut constituer aussi une réponse globale, mieux adaptée aux nouvelles conditions locales d’écoulement des eaux, qui se marquent notamment par un phénomène, bien perceptible sur le terrain, d’inversion des flux de colluvionnement. Une phase d’ample restructuration, qui déborde l’état antérieur et qu’on a directement superposée à la voie tardo-républicaine, a été, en effet, clairement révélée par la stratigraphie (fig. 17).

Fig. 17 : L’implantation de la voie impériale sur la chaussée tardorépublicaine à Colombiers, sur un remblai de 1 mètre.

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L’emprise totale de la voirie, évaluée à quelque 11-12 m, et la largeur de la chaussée, mesurée à 6,20 m, sont désormais considérablement augmentées. Le puissant remblai a dû être à nouveau surélevé, d’un mètre environ, et la fouille a permis d’identifier, en outre, sur son côté Sud, une couche sableuse, que sa cote, sa morphologie et son extension conduisent à interpréter comme une contrescarpe, sur laquelle a été installé le mur bordier de la nouvelle chaussée64. Le nouvel équipement viaire comprend alors trois éléments structurels (fig. 18) : - une chaussée principale, bordée par un mur bien appareillé au Sud65. La bande de roulement, mélange compacté de terre, de gravier fin, de mortier, d’une grande résistance, comme il est d’usage en milieu rural 66, les voies romaines n’étant guère pavées qu’en zone urbaine, se développe sur une épaisseur prévue pour être à la fois suffisamment élastique, afin d’assurer un bon roulement, et assez stable pour ne pas se détériorer trop rapidement. Cependant, nids de poule et recharges successives ont conduit, à un moment difficile à préciser, à réaliser un nouveau summum dorsum, attestant l’intensité du roulage et la longévité de la fréquentation. Ces bandes de roulement reposent sur une couche très compacte de graviers et sables, ce nucleus qui forme l’âme même de la voie, au-dessus du statumen, constitué ici d’une épaisse couche de sable, très fin et friable, qui assure aussi une fonction drainante, essentielle dans ce type de milieu, en permettant d’améliorer les conditions d’évacuation de l’eau et d’éviter sa stagnation. - une allée latérale destinée à la circulation des piétons 67, des cavaliers et des troupeaux, au Nord, large de 5,50 m environ, dont le revêtement, souple et très perméable, tranche avec celui de la chaussée principale et indique qu’elle contribuait aussi à assurer un bon écoulement des eaux de surface68. - un vaste espace aménagé69, dont le sol est proche de celui de l’allée cavalière, élargissait l’emprise de la voie au Nord de l’allée, sans que l’on puisse en préciser la destination exacte. Il a pu être dévolu soit au croisement soit au stationnement des véhicules.

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Fig. 18 : Évolution et structure des aménagements viaires à Colombiers.

Cette phase matérialise donc un réaménagement de grande ampleur, qui monumentalise ce segment de voie et double l’espace de circulation. Il a dû intervenir entre le premier et le troisième quart du Ier siècle de notre ère, d’après la fourchette chronologique fournie par la céramique et les timbres de potiers, qui établissent le terminus post quem autour des années 60-8070. Cette fourchette est d’ailleurs parfaitement synchrone avec l’ampleur nouvelle du troisième état de la voie à la sortie de Béziers vers Cessero/ Saint-Thibéry 71. Ici, cette configuration d’une construction en remblai, à un niveau très supérieur au paysage et aux structures environnantes – comme on l’a observé plus à l’Est vers Pomerols-Pinet où la voie constitue une véritable digue72 –, qui révèle la qualité de la réponse apportée aux contraintes du milieu, mesure, par son caractère imposé, la permanence de la pression qu’a constituée la maîtrise de l’écoulement des eaux dans la gestion du domaine public. Ce mode de construction de la voie, sa monumentalité, ont généré un impact décisif sur les transformations qu’a connues le paysage en bordure méridionale de l’étang de Montady. Il est clair, en effet, que, depuis la période tardo-républicaine, la voie fait barrage au ruissellement colluvial venu du Sud et, au reste, la mise en œuvre de la restructuration impériale n’a fait qu’accentuer les difficultés d’écoulement. La stratigraphie est précise, en effet, qui montre que, lors de la réfection de la voie, pour s’assurer de sa mise hors d’eau dans l’entonnoir où elle passe ici, les pontonniers impériaux n’ont eu d’autre solution que de la surélever encore, de presque un mètre, au risque d’accroître l’effet barrage. Ont-ils alors implanté, ou renforcé, une structure de franchissement du ruisseau ? Ce n’est pas impossible dans la mesure où la fouille a également mis en évidence une 81

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remontée sensible de la chaussée vers l’Est, qui peut indiquer l’accès vers une telle structure, sachant qu’au-delà du ruisseau la voie s’élevait nettement, installée en terrain dur, creusée dans la molasse miocène en utilisant une rupture de pente et toujours bordée d’un mur de soutènement sur son côté Sud73. La puissance de ces interventions, que sanctionne un exhaussement continu de la voie, s’inscrit dans la dynamique que connaît le Biterrois dès le I er siècle avant notre ère et qui s’est trouvée puissamment relancée après la déduction de la colonie en 36 avant notre ère. Un carrefour possiblement cadastral sur la voie : les mutations du paysage routier S’il faut, à l’évidence, lier les opérations de génie mises en œuvre sur la voie publique à des facteurs environnementaux, les données anthropiques, à commencer par le mode d’implantation de la voie elle-même, ont également dû peser lourd. On pense, évidemment, à la pression agraire accrue qu’a inaugurée l’installation avérée de nombreux possesseurs italiens, aussitôt après la conquête, dans ce Sud-Ouest Biterrois74. Et l’on sait que cette pression a été, par la suite, fortement stimulée, avec la distribution de lots aux colons dans le cadre de la centuriation coloniale Béziers C, structurée sur la voie domitienne prise, conformément aux recommandations d’Hygin l’Arpenteur75, comme decumanus Maximus76, et sur laquelle s’articule directement le cadastre impérial vers les années 80 de notre ère, au moment où la densité d’occupation du sol est la plus haute. La mise au jour77, en 2009, d’une rampe d’accès, strictement orthogonale à la voie, avec laquelle elle matérialise un carrefour pleinement conforme à la centuriation coloniale, à une dizaine de mètres d’un kardo théorique, vient renforcer son marquage dans le paysage et documenter les mutations décisives qui rythment l’histoire des campagnes biterroises à partir du dernier tiers du I er siècle avant notre ère. Les observations n’ont pas permis de suivre cette rampe sur une longueur suffisante et laissent ainsi ouvertes les interrogations sur le statut et l’interprétation de cet axe. S’agit-il d’une voie charretière d’accès vers l’intérieur du probable complexe routier, comme on l’a observé plus à l’Est, lorsque la voie franchit le ruisseau de Pallas ? Un chemin de desserte lié à un domaine rural y a été mis au jour et rapproché d’une borne, anciennement connue, qui porte la mention iter pri (vatum), « chemin privé » 78. Ou bien faut-il y voir le départ d’un kardo, légèrement décalé, de la centuriation coloniale car il n’en reste pas moins que cet axe s’inscrit clairement dans la limitation ? En outre, la qualité de son revêtement, sa grande proximité avec celui de la voie consulaire, et la présence d’un mur bordier à l’Est, qui s’arrime 82

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sur celui du dernier état fouillé de la voie consulaire79, semblant bien confirmer leur contemporanéité, conduiraient plutôt à penser que cette structure relève de l’intérêt public. Une telle lecture, qui se fonde sur des données archéologiques précises, renvoie au fonctionnement du droit classique sur la « condition des chemins » dont Agennius Urbicus rappelle qu’elle « n’est pas un mince sujet du droit » 80. Dès lors, la construction de cette rampe dans le courant du Ier siècle de notre ère pose, si l’on se réfère à la dépendance des limites par rapport à la voie de communication publique qu’affirme notamment Frontin81, la question du droit de passage public, l’iter populo debetur devant être compris dans la loi coloniale. Si, dans le cas de la fourchette haute, julio-claudienne, le fonctionnement de la ratio limitum coloniale est tout à fait cohérent, l’option de la fourchette plus basse, flavienne avant 75-80, militerait plutôt pour un moment antérieur à la mise en place du cadastre impérial A, daté des années 80. D’autant que, dans cette zone, il a puissamment renormé les terres limitrophes de la voie sur laquelle il s’articule selon un rapport géométrique parfait82, s’imposant massivement, y compris autour d’Ensérune83. La compréhension chronologique et gromatique de ce carrefour peut donc ouvrir notre réflexion sur la complexité de la dynamique cadastrale qu’a connue le territoire colonial, singulièrement à proximité de la via publica et de l’agglomération d’Ensérune. Ce qui frappe dans l’évolution du paysage rural c’est la puissance éminemment transformatrice que la voie domitienne a générée, contribuant à modeler la gestion des terres et à re-hiérarchiser les rapports entre les agglomérations riveraines de Béziers et d’Ensérune. En ce sens, l’histoire de l’équipement viaire romain, sur cette partie du tracé de la voie, dans ses niveaux des I er avant-I er après, avec la permanence de l’orientation qui a été mesurée, sur les divers tronçons dégagés 84, oscillant entre 25 et 27 degrés Ouest, peut ouvrir de nouvelles pistes de réflexion 85. Au total, dans ce tronçon rectiligne entre Narbonne et Béziers, à l’Ouest de la grande angulation de l’étang de Capestang, la voie domitienne se présente avec toutes les caractéristiques d’une via publica romaine86, d’une via militaris87, tant par son emprise – qui est, pour ces axes, de 6 à 12 m en moyenne, s’abaissant jusqu’à 45 m en zones rurales –, que par ses caractéristiques de construction, typiques d’une voie publique extra-urbaine88, et par ses capacités structurantes. Les dernières observations réunies dans cet Ouest Biterrois illustrent donc un mode de construction classique de la voie domitienne qui traverse en remblai les zones humides, infirmant l’hypothèse de chemins creux bordés de puissants fossés qui avait un temps été avancée89. 83

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Quant aux équipements bordiers, ils se sont clairement modifiés au long des siècles, en liaison avec l’évolution des aménagements viaires – éventuel trottoir, cheminements latéraux, possible aire de stationnement... –, marqués par une fonctionnalité technique croissante, qui suit les mutations perceptibles dans les installations retrouvées au Sud de la voie. En fonction aussi des restructurations spatiales et des rééquilibrages, y compris juridico-administratifs, sans doute intervenus au sein du territoire. Des équipements de complexe routier sous Ensérune : un relais ? La localisation des structures mises au jour, au franchissement d’un cours d’eau, au pied du passage difficile d’un col et d’une agglomération encore en pleine dynamique, conduit à s’interroger sur leur nature et sur leur fonctionnalité, à un peu plus de XI milles de Narbonne et à V milles et demi seulement de Béziers, d’après les distances données par les gobelets de Vicarello, la table de Peutinger, notant, elle, XXI milles de Narbonne à Béziers. Mais le parcours, certes relativement court, n’était peut-être pas si facile et pouvait justifier la nécessité d’un lieu d’étape, à mi-chemin entre l’entrée du viaduc de Ponserme et Béziers. Outre le franchissement de l’Aude et des marais de Capestang et de Poilhes, on sait que le profil en long de la voie connaissait parfois une pente très marquée, comme avant l’arrivée sur l’Orb90, et l’on sait aussi que des établissements de service, plus ou moins proches, ont été signalés au long de la voie. La pluralité des installations qui se sont succédé en bordure de voie comme la présence significative de matériel céramique, notamment de terres cuites architecturales – tegulæ, imbrices –, ne laissent pas d’interroger sur la nature, le fonctionnement et l’évolution des structures bâties, implantées au contact immédiat de la voie sur sol éminemment public. La stratigraphie a révélé que la construction du carrefour, et singulièrement de la rampe, avait recouvert l’extrémité d’un édifice d’époque républicaine91, qui se développe le long de la voie92 et jouxte, vers l’arrière, un espace dont la première occupation, installée directement sur le sol naturel, s’étend sur une centaine de mètres. Cet ensemble est globalement contemporain d’une petite installation artisanale, organisée autour d’un four de forgeron tardo-républicain 93. Sa présence doit sans doute être liée à une installation de service pour les usagers de la voie – comme on l’a évoqué plus à l’Est, à Florensac, Poussan, Loupian, Mèze94, où Font de Perdigal, au confluent de plusieurs ruisseaux, est situé en zone inondable95. Cette station a pu fonctionner durant un petit siècle, sur une période que l’on peut situer entre 50 avant J.-C. et 30-40 de notre ère96, cette dernière date fournissant un terminus post quem pour le début des réaménagements impériaux, qui concernent les abords de la voie et l’artère elle-même.

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L’ensemble des structures bordières, en phase avec l’état tardo-républicain de la voie, a été recouvert par une couche argileuse, certains murs étant réutilisés à la fois comme fondation des couches de préparation de la nouvelle chaussée et de la construction de nouveaux bâtiments, toutes les installations antérieures ayant été recouvertes par des couches de nivellement, sur lesquelles s’élèvent les nouveaux aménagements. La présence massive de matériaux de construction – tegulae, nombreux moellons de calcaire et fragments importants de mortier et d’enduits peints, clous et tiges de fer – indique l’existence de structures bâties, que l’étroitesse des zones de sondage et de fouille n’a pas permis de suivre. Pour autant, d’après la répartition spatiale des artéfacts 97, les bâtiments devaient se distribuer autour d’un espace qui semble s’être nettement étendu au Haut-Empire, dès l’époque augustéenne sans doute, quand la première occupation est remblayée. Il est matérialisé par plusieurs sols très compactés 98 et, par endroits, par une couche de graviers fluviatiles et de galets présentant des traces de recharge et de réfection qu’il faut interpréter comme les témoins d’une zone de passage particulièrement intensif. Ces niveaux de circulation, qui avaient été lus, dans un premier temps, comme deux larges chaussées parallèles 99, se développent à terme sur quelque 20 mètres de profondeur Nord-Sud et une quinzaine de mètres en largeur. La succession des différents états reconnus – trois étapes sont identifiables – est d’autant plus difficile à lire qu’on se trouve en limite de la zone fouillée, mais elle suggère toutefois que cet espace, possiblement structuré autour d’une cour, aurait été aménagé progressivement. Dans la partie la plus méridionale de la zone, où les niveaux sont gravement endommagés 100, de nombreux fragments de mortier, de chaux et de tuileau, d’opus signinum, d’enduit peint rouge, de tuiles de grande taille et de clous de charpente, plaident pour l’existence d’un ou de plusieurs bâtiments fermés 101. La chronologie est difficile à préciser, même si une datation alto-impériale s’impose pour ces aménagements qui sont partie intégrante d’un seul ensemble dont les liens ne semblent guère discutables avec des activités de service. D’autant que la céramique retrouvée sur la totalité de l’espace, tant par son volume que par sa typologie – vaisselle de table (fig. 19) et de cuisine, amphores, à huile et à vin, de diverses origines méditerranéennes, mais où dominent largement les amphores Pascual I de Tarraconaise – est parfaitement inhabituelle en bordure de voie. Fig. 19 : Gobelet à décor de soleils et perles (30-40 de n. è.) de type inédit (Colombiers).

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À quoi s’ajoute la présence d’un mobilier métallique – poids en plomb, outils de fer dont une serpette, un élément de harnachement (hipposandale ?) 102 et deux pointes de lance – qui peut témoigner dans le même sens. Ces observations ont ainsi conduit à avancer l’hypothèse d’un petit complexe routier dessinant une emprise de 300 m2 environ dont la nature reste à préciser. Sa chronologie est plus claire : il a pu commencer à fonctionner dans les années 60 du Ier siècle avant notre ère et prolonger son activité jusque dans un large I er siècle de notre ère, au moins, après une phase de mutation qu’a rythmée le réaménagement de la voie. Son implantation et la chronologie à laquelle il répond le mettent en cohérence totale avec l’histoire de ce segment de voie et permettent de s’interroger sur le statut de ce complexe qui pourrait correspondre à une mutatio routière103. Des comparaisons existent aujourd’hui avec des sites connus depuis peu sur des tronçons héraultais de la voie domitienne, qu’il s’agisse du complexe de Marinesque à Loupian104, lui aussi localisé aux abords d’un carrefour et du franchissement d’un ruisseau, de la halte routière de Moulin de Roux, sur la limite de communes Castries/Baillargues/Saint-Brès au franchissement d’un vallon, à mi-chemin entre Lez et Vidourle105, ou encore du relais mis au jour au bord du Vidourle, au pied de l’agglomération d’Ambrussum106. Plusieurs éléments présents sur ces sites ne sont pas sans rappeler la configuration que l’on perçoit ici au pied d’Ensérune. L’intensité de la vie dans cette éventuelle mutatio et la fréquentation des abords de la voie plaident pour une occupation longue au cours de laquelle des reconversions semblent bien s’être opérées. Toujours implanté sur le bord de la voie107, un autre bâtiment carré, bien circonscrit mais dont la fonction et la date n’ont pu être définies, a été dégagé. Construit directement en façade sur la voie108, au plus tôt vers la fin du Ier siècle, en appareil régulier de qualité, il participe des derniers aménagements repérés à ce jour dans la zone, affichant nettement que l’activité de la voie et des structures bordières s’est bien poursuivie au-delà du I er ou du II nd siècle, et jusqu’au Moyen Âge109, confirmant les sources textuelles disponibles qui évoquent le paiement d’une taxe au passage de Ponserme en 1407 et des réparations du viaduc dans le premier quart du XVe siècle. Le faible recouvrement des structures et leur destruction par l’activité agricole n’ont pas permis de documenter sur le site les phases postérieures. La dernière bande de roulement accessible de la voie porte les traces des travaux agricoles et des racines de la vigne qui s’allongent sur la bande de roulement, impuissantes à la pénétrer. Seuls les niveaux situés aux cotes les plus basses, en contrebas de la voie, partiellement préservés, ont permis d’attester une réoccupation.

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L’abandon des bâtiments, leur spoliation systématique, ont été suivis, au Sud-Est du site, de l’installation de petites constructions utilisant les matériaux de récupération, indifférentes à l’orientation de la voie et que leur mode de bâtir conduit à situer dans le Moyen Âge110. La présence de plusieurs tessons de céramique vernissée médiévale dans les couches supérieures de destruction des structures impériales indiquerait donc que les remplois de matériaux et la présence humaine se sont effectivement poursuivis jusqu’au Moyen Âge. La durée de vie du complexe colombiérain, mis en place à une époque qui correspond à une phase d’intense circulation tardo-républicaine111, peut être estimée à deux siècles et demi au maximum. Les structures ont connu une dégradation progressive avant leur abandon définitif, lequel n’a pas affecté le fonctionnement de la voie. Un abandon dont les raisons ne sont pas aisées à expliquer et qui a pu intervenir, d’après le petit nombre d’artefacts datables du II nd siècle, dans la seconde moitié de ce siècle. Cette fourchette d’occupation correspondrait à l’enseignement des données obtenues sur les autres sites bordiers évoqués. Dès lors, la question peut se poser en termes plus complexes, au-delà de la seule pression des contraintes naturelles, même si l’on sait qu’elle ne s’est pas relâchée puisque les couches ont été progressivement oblitérées par un niveau d’argile colluviale où se retrouvent des matériaux antiques provenant du Sud112. De fait, on sait qu’à Ambrussum, où le relais, bien attesté, lui, installé en partie en zone inondable, a connu, à la même période, à partir de la mi-II nd siècle, un déclin lent et régulier, qui s’amorce peu après l’abandon de la ville haute113. On est donc conduit à se demander si, dans le cas qui nous occupe, on ne retrouverait pas, avec l’implantation et le développement de ce complexe routier, l’expression d’un lien structurel avec l’agglomération d’Ensérune, qui a disposé, au cours des IInd et I er siècles, de son quartier bas sur les bords de l’étang de Montady 114. La dynamique de développement de la ville, l’influence italienne sur l’urbanisme et la vie quotidienne, bien connues dans la première époque gallo-romaine, celle, précisément, de l’implantation de la voie domitienne, peuvent, en effet, entrer parfaitement en cohérence avec l’installation tardo-républicaine d’un relais sur la voie, établissement à fonction de service, notamment artisanale et commerciale, à même de faciliter la circulation aux usagers de la voie publique. Au vu de la situation connue à Ambrussum, la durée de vie que nous proposons pour l’éventuelle mutatio ne laisse pas d’interroger, elle aussi, les rapports qui ont pu exister avec Ensérune115. Quant aux restructurations impériales du complexe routier, elles interviennent à une période mal connue de l’histoire d’Ensérune, dont on sait que la chronologie des phases d’abandon, dans le courant du Ier siècle de notre ère, reste encore largement en débat. D’autant que ce n’est sans doute pas par hasard que le

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Decumanus Maximus du cadastre impérial, orienté sur l’oppidum, croiserait la Domitienne à moins de 200 m du complexe alors en activité. La voie domitienne dans le réseau routier Tenter d’appréhender le réseau des infrastructures viaires qui assuraient aux diverses échelles la circulation des personnes et des biens suppose de dépasser l’approche des seules voies monumentales et de leur tracé pour préciser les divers itinéraires qui en constituaient la trame et animaient la vie du territoire et des terroirs. Dans cette perspective, le devenir de la voie domitienne116 peut éclairer la longue histoire où elle s’insère, documentée sur huit siècles au moins, de la circulation routière régionale, pour laquelle, au demeurant, la documentation disponible reste bien maigre117. Au-delà de son cas singulier, cet axe majeur auquel s’arriment nombre d’itinéraires, secondaires ou non, emblématise la forte résilience du réseau viaire biterrois. Plusieurs axes se sont, en effet, imposés dans la longue durée, qui semblent bien dessiner tôt une physionomie où s’imprime d’emblée la place nodale qu’occupent les relations Est-Ouest, d’amplitude transrégionale. Mais cette réalité, qui affiche le poids des relations sociales et économiques des groupes humains qui, depuis le Bronze au moins, ont vitalisé les zones littorales, est inséparable de la dynamique des routes fluviales qui animaient les itinéraires de vallée, assurant notamment les flux Nord-Sud qui rendent également compte de la construction progressive du carrefour biterrois et de la place qu’a tendu à y occuper la ville centre. On sait aujourd’hui que les Romains ont emprunté dès la conquête un chemin protohistorique qui a structuré, à la suite sans doute de voies immémoriales, les relations Est-Ouest, chemin que le mythe héracléen a sublimé avant que plusieurs textes antiques ne véhiculent l’image d’une première voie publique, assimilée par son étroitesse à la piste primitive dont elle est née. Mais cette réalité, caractéristique de la voie préromaine qui passe au Sud des étangs, loin d’exclure le tracé plus septentrional, longtemps identifié à la première voie domitienne, qui serait alors passée pendant plusieurs décennies au Nord de Capestang et de Montady, conduit à y reconnaître un autre axe protohistorique majeur qui reliait le Biterrois au Carcassès et au Toulousain 118. Les Romains ont, au reste, également investi ce tracé, comme l’atteste, au moins, l’intégration de plusieurs tronçons dans un axe de la centuriation coloniale à l’Est de Montady et son articulation sur la voie domitienne à Béziers, à la patte d’oie encore visible à la sortie du Pont Vieux, en rive droite de l’Orb. Cette « voie d’Aquitaine », itinéraire secondaire assurément par rapport à celui qui part du carrefour 88

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narbonnais sur la Table de Peutinger, n’y figure normalement pas. Le Chemin de l’étape ou le « grand chemin royal de Toulouse à Montpellier » par Capestang , Montady et Béziers ont par la suite suivi aussi cette voie, dont la D 11 pérennise encore l’itinéraire et, par endroits, le tracé119. Dans le faisceau des itinéraires à fonctionnalité régionale, probablement préromaine aussi, s’intégrait la voie qui montait vers le Saint-Chinianais et Castres, via Puisserguier 120, Cébazan et Saint-Pons, depuis la même patte d’oie et la voie domitienne. Et c’est également le cas de celle qui remontait la vallée de l’Orb en rive droite, articulée sur la domitienne à la même patte d’oie d’entrée de Béziers, qui permettait de gagner Albi, via l’Espinouse par Colombières-sur-Orb121, Le Poujol122 et Rosis, et d’atteindre notamment, comme l’itinéraire qui a pu être repéré sur la rive gauche, les mines et les zones boisées de sa haute vallée. Entre Maraussan et Cazouls, sous la D 14, on a pu reconnaître deux tronçons de cette voie qui a été pérennisée par l’ancien chemin de Béziers 123 puis, plus au Nord, par le chemin du diable124. Ainsi la voie publique, véritable colonne vertébrale des communications régionales, a immédiatement contribué à rehiérarchiser l’ensemble du réseau routier hérité de la protohistoire – qui avait assuré notamment les relations entre les agglomérations – en articulant les grandes pénétrantes qui suivaient, depuis la haute Antiquité sans doute, les vallées fluviales depuis le littoral vers les avantmonts et la Gaule intérieure. Ce faisant, la voie tardo-républicaine a incontestablement contribué à mener à bien la dernière phase de pacification de la province en coupant ces itinéraires qui ouvraient l’accès à l’arrière-pays et contrôlaient les communications avec l’hinterland profond. Cette articulation à la domitienne des grands axes de circulation Nord-Sud, souvent préromains, est de fait perceptible sur l’ensemble du Biterrois, jusqu’à ses confins orientaux. C’est bien ce que montre avec éclat la présence sur la Table de Peutinger de la voie Saint-Thibéry-Rodez, Cessero-Segodunum, qui récupère un itinéraire immémorial en suivant la rive droite de l’Hérault puis la Lergue et passe, après Lodève, vers la vallée du Tarn et l’atelier de La Graufesenque à Millau. C’est par elle, même si des voies moins illustres animaient aussi la rive gauche de l’Hérault, depuis Agde, voire Embonne125, que sont notamment descendues vers le littoral les céramiques sud-gauloises, largement diffusées dès le I er siècle de notre ère, de là son qualificatif ultérieur de voie mercadale. Entre Hérault et Orb, ce sont essentiellement des voies locales et régionales qui assuraient notamment les liaisons avec les secteurs de production, dont les ateliers céramiques, et les agglomérations – les centres de la vallée du Libron, 89

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Magalas, Roujan, le Piscenois, l’Agadès et les pôles économiques de la vallée de l’Hérault. Un itinéraire transversal devait gagner Magalas depuis les deux grandes voies publiques qui se croisent à Cessero/Saint-Thibéry, axe qu’a partiellement pérennisé l’un des chemins poissonniers. Il faut sans doute rapprocher de cet itinéraire la voie mise au jour à Montblanc où les aménagements romains attestent une fréquentation notable, qui a pu se prolonger jusqu’à l’Antiquité tardive126. La desserte locale s’est d’ailleurs profondément transformée avec le développement de l’innovation radicale que constitue la mise en place en trois étapes, entre le début du Ier siècle avant et la fin du I er siècle de notre ère, du dense réseau viaire cadastral. Son maillage orthogonal, qui n’a jamais été une trame continue, est venu bouleverser les orientations précédentes, souvent dessinées par les traits naturels du paysage, tandis que sa structuration, jusqu’au niveau des chemins vicinaux, était à même de désenclaver certains espaces en les intégrant dans une logique construite au niveau du territoire. Ces entreprises, où la voie consulaire a eu sa part en servant d’appui aux cadastres successifs, ont participé à la construction spatiale du territoire, comme la résilience de leurs traces linéaires le dit encore dans les paysages du Biterrois. Si la voie domitienne, encore essentielle au trafic médiéval, a progressivement perdu sa domination quand sa logique est devenue obsolète dans la structure des échanges, elle ne s’est pas effacée de la carte. Comme l’ancien chemin de Colombiers qui la suit toujours entre l’étang de Capestang et Béziers, la mémoire subsiste de nombreux chemins antiques, voies préromaines revitalisées après la conquête ou axes cadastraux. Il s’agit de fortes pénétrantes, tel l’axe majeur du cadastre précolonial Béziers B, mémorisé par la D 18 au Nord de Béziers où ce système reste particulièrement présent. Elle est aussi visible vers l’Ouest, où l’axe qui reliait notamment Ensérune à Monfo/Magalas et Roujan, matérialisé à la chapelle Notre-Dame, à Maraussan par un milliaire127, semble bien pérenniser un kardo que suivent encore quelques tronçons de chemins et de limites communales. Plusieurs routes mémorisent aussi la voirie coloniale, notamment le 7e decumanus qui oriente toujours la D 39 entre Cruzy et Maraussan 128. Enfin, le réseau routier n’est pas sans rapport avec le cadastre impérial Béziers A dans le Sud Biterrois, où le tracé du kardo Maximus théorique qui reliait le littoral vendrois et l’agglomération Magalas/Monfo reste encore identifiable, tandis que la D 162, à l’Est de Colombiers, et la 112, entre Villeneuve-les-Béziers et Vias, pourraient en pérenniser le tracé du decumanus Maximus. C’est dire qu’au-delà de la fonction majeure qu’elle a assumée pendant plusieurs siècles en assurant les flux des communications officielles et le trafic marchand, tant régional qu’impérial, la voie consulaire a contribué à la gestion des équilibres au sein de l’espace biterrois et à la mise en synergie de l’ensemble des 90

La voie domitienne et le premier résau viaire

itinéraires, préexistants ou non, et de la nouvelle voirie rurale générée par les cadastres, qui imposait sa logique pour assurer une desserte efficace des domaines. Le réseau routier largement anastomosé qui irriguait les campagnes des pays biterrois, insérées tôt dans des relations à plus ou moins large rayon d’action, s’est ainsi clairement enrichi, profondément diffusé dans le tissu rural, et restructuré en se polarisant largement sur la ville-centre au cours des siècles de la présence romaine. Il comprenait désormais toute la gamme des axes reconnus en droit, dont les conditions de financement et d’entretien étaient bien définies – on le sait aussi bien par le témoignage des arpenteurs romains 129 que par les articles de certaines lois municipales 130 –, depuis les voies publiques fonctionnant à l’échelle impériale, les itinéraires transrégionaux et régionaux, jusqu’à la riche voirie locale et vicinale qu’il déclinait et dont l’archéologie illustre largement aujourd’hui la fonctionnalité.

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CHAPITRE 4 : L’AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE ET LES CADASTRES CENTURIÉS

C’est à la période gallo-romaine que l’on peut véritablement parler pour la première fois dans le Midi d’une politique d’aménagement de l’espace voulue par le pouvoir, conçue par des techniciens, spécialistes de la mesure des terres, et mise en œuvre en adaptant le projet au terrain. Pour autant, il ne va pas de soi de retrouver l’empreinte des formes héritées et déformées par l’histoire dans le palimpseste paysager, même dans ce Biterrois reconnu pour la grande stabilité des structures rurales jusqu’à ces dernières décennies. Si tous les secteurs n’y donnent évidemment pas le même accès à la restitution des traces, lignes et formes qui s’y sont sédimentées, le Biterrois où, viticulture aidant, les modes d’habitat, une partie des routes et des chemins ont gardé la mémoire des grandes étapes de la construction paysagère, offre des opportunités de restitution fiable. La démarche mise en œuvre, en utilisant notamment la grille de lecture fournie par les textes gromatiques, a permis d’explorer autrement cartes, photographies aériennes, images satellitaires, et de croiser les données avec les observations archéologiques et agronomiques pour tenter de mieux comprendre les logiques d’aménagement qui ont modelé ces territoires après leur entrée dans le monde romain. L’efficacité de l’outil cadastral n’est alors plus à démontrer, après les réalisations qui ont suivi la conquête, au III e siècle, des peuples gaulois d’Italie du Nord où le maillage orthogonal des réseaux, structurés sur les grandes voies publiques, a littéralement quadrillé la plaine padane. Ce véritable laboratoire et l’expérience grandeur nature qui y a été menée ont démontré, avec la rationalité de ces systèmes centuriés, leur efficacité politique et économique pour la maîtrise des terres conquises. Ils permettent d’organiser à la fois le contrôle des populations, le recensement de toutes les richesses et l’assiette fiscale. De fait, en Gaule transalpine, dès la conquête, la prise en main du sol, devenu ager publicus, domaine public du peuple romain, se réalise par l’implantation de la voie consulaire et des premiers réseaux cadastraux qui introduisent dans les paysages une nouvelle logique, normative et fonctionnelle.

Autour de la Domitienne. Genèse et identité du Biterrois gallo-romain

Des paysages programmés dans une conception articulée de l’espace Les aménageurs romains, héritiers d’expériences plurielles, ont créé une rupture majeure dans l’histoire de nos paysages même si l’innovation qu’ils y introduisent n’est pas totale puisqu’elle s’inscrit dans la longue expérience du savoir-faire des paysans depuis que les cultures et la charrue ont stabilisé la forme des champs. Mais évaluer au plus près la part de ces innovations dans la genèse des paysages du Biterrois impose de savoir dans quelle mesure le modèle théorique, les conceptions et les pratiques des arpenteurs ont pu s’y appliquer. Les textes qu’ils ont laissés1 constituent des guides indispensables, non seulement pour lire les traces fossilisées des tracés rectilignes en explorant les archives du sol, mais pour préciser la place et les enjeux de la politique d’aménagement mise en œuvre par la cadastration. Un espace défini par des normes Ces aménageurs ont, en effet, formalisé la conception du territoire comme un ensemble où le carroyage orthonormé occupe une place structurelle, mais non exclusive, celle d’un « schéma directeur ». L’espace divisé affiche la dynamique de l’ordre au carré. Créé par la perche de l’arpenteur, construit à l’équerre, orienté à partir de deux axes majeurs, perpendiculaires, dont le tracé était confié aux meilleurs arpenteurs, il est défini par des critères clairs d’orientation et de métrique qui doivent être maintenus sur une large échelle. La régularité de la trame, contrôlée au fur et à mesure que le travail progresse, créant cette harmonie qui l’insère dans la ratio mundi, le système du monde. C’est le sens de l’orientation astronomique des centuriations – le kardo devant être conforme à l’axe du pôle et non pas le decumanus, car ce serait alors « le monde à l’envers ». Il est difficile de dire si les trois réseaux qui ont structuré le Biterrois sont conformes à ces positions théoriques car, si leur orientation, différente pour chacun d’eux, a pu être mesurée, le plus récent étant quasiment orienté Nord/Sud, nous ignorons, faute de plan inscrit comme ceux qui ont été mis au jour à Orange, si le système était bien « à l’endroit ». D’autant que le point de vue pragmatique des arpenteurs insiste à plusieurs reprises, dans la mise en œuvre des opérations, sur la nécessaire prise en compte des réalités de terrain, des contraintes physiques et humaines, sur l’observation des coutumes et usages locaux, ou encore des mesures. On repère peut-être en Biterrois une certaine application de ces principes dans le réseau précolonial, particulièrement adapté à la logique du paysage et dont certains terroirs pourraient garder la mémoire de la parallela, mesure que les arpenteurs citent pour la Narbonnaise2. Des champs en lanière, qu’elle aurait pu générer, s’y combinent par

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L’aménagement du territoire et les cadastres centuriés

endroits – c’est net au Nord de Béziers, vers Bassan par exemple – avec la domination de la centurie carrée de 700-710 mètres, correspondant aux 2.400 pieds et aux 20 actus de la métrique romaine. Un territoire à plusieurs vitesses De fait, sur le terrain, plusieurs opérations d’ordre juridique et technique ont défini deux ensembles qui ont modelé le territoire (fig. 20).

Fig. 20 : Des espaces intégrés dans une conception articulée du territoire. La vignette illustre le traité d’Hygin l’Arpenteur, L’Établissement des limites, dans le manuscrit Gudianus (IXe s.), fig. 190.

Une ligne frontière idéale, la linea finitima, enserre le territoire, « compris par les extrémités » et « globalement mesuré », englobant les confins et toutes les catégories de terres. Au sein de ce territoire, une seconde ligne, tracée à l’équerre, la linea normalis, qui a dû s’installer en Biterrois sur la courbe des 200-300 mètres, sépare deux grands secteurs : – l’espace compris dans la limitation3, qui est porté sur un « plan référencé »– la forma –, réalisé à échelle ; – l’espace laissé en dehors de la limitation. Agennius Urbicus décrit le paysage-type que génère cette construction emboîtée : « Il n’y a de lieux laissés et exclus qu’aux confins des colonies, où l’assignation est parvenue aussi loin que l’on a cultivé, jusqu’à l’endroit où elle finit par l’interruption de l’ordonnance des centuries. Au-delà, il y avait généralement des zones de forêt et des lignes de hauteurs, qui ont paru

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Autour de la Domitienne. Genèse et identité du Biterrois gallo-romain pouvoir constituer de façon très nette les confins de la colonie. Donc les confins de la colonie ont été enfermés par des hauteurs, aussi ces lieux, n’ayant pas été assignés, sont appelés “laissés” et “exclus” parce qu’ils sont à l’extérieur de l’ordonnance des limites et cependant enfermés par la frontière ».

L’espace de la nature maîtrisée, de la raison, introduit par les limites, se juxtapose ainsi à celui du naturel, de l’irrationnel, l’espace du rapport « normé » à celui de l’aléatoire qui règne dans le paysage naturel. Les avant-monts qui dominent la plaine littorale matérialisent cette opposition. En même temps, cette dualité paysagère objective le rapport de domination où la part exclue, en grande partie laissée aux indigènes, reste nécessaire à l’équilibre du territoire. Un développement contrôlé Car le quadrillage, qui constitue le cœur du patchwork paysager, est loin d’être uniforme et fonctionne en réalité par sa capacité à intégrer des terres différentes qui en a fait, dès le départ, une toile à trous qui a évolué au fil de l’histoire. Et c’est cette souplesse, alliée à la rigueur du modèle, qui lui a assuré une application généralisable et une impressionnante diffusion. Les trois systèmes centuriés biterrois comprennent ainsi, dès l’origine, des terres correspondant à des statuts et à des usages différents : -

des terres limitées, divisées et assignées à des colons pour les cultiver, où tous les axes ne sont pas matérialisés par des voies – des arbres, fossés, sillons marquent aussi les limites. C’est là un espace privatisé du domaine public4 où sont situés les lots, assignés par tirage au sort, en fonction de la qualité des terrains ;

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les « chutes » de la limitation, dites subsécives, d’ampleur très variable, vouées aux friches, bois, marais ou pâturages laissés à l’usage commun, qui sont localisées en limite ou au cœur de la trame ;

-

les zones exceptées, restées dans l’état antérieur5 ou concédées par faveur6 ;

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des terres « libres de liens » 7 situées, soit sur les confins, soit au sein des zones limitées. Héritées d’une situation antérieure – occupation d’anciens exploitants ou restes d’une assignation précédente pour les réseaux Béziers C et Béziers A –, ce sont des témoins de l’histoire du paysage.

C’est dire que l’image de la trame régulière et continue, compte tenu des trous qui la peuplent, n’a jamais existé. La situation en Biterrois ne fait pas exception, d’autant que l’évolution historique a considérablement déformé, effacé, surcodé les tracés initiaux, remodelés par les renormations, connues des arpenteurs, et qui sont encore perceptibles. Le territoire offrait donc une gamme d’espaces et de

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L’aménagement du territoire et les cadastres centuriés

paysages diversifiés et vivants dont les traces sont infiniment subtiles et pas toujours lisibles, même dans les secteurs limités. Par sa fonction de planification, chaque limitation garantit, en fonction des impératifs économiques du moment, la viabilité du territoire dont il faut retenir, par delà le modèle, la souplesse, l’adaptabilité et l’ampleur, qui devait être suffisante. Les arpenteurs évoquent jusqu’à des 98e decumanus et 75e kardo, ce qui correspondrait à 70 km et 54 km environ pour une seule région cadastrale. En Biterrois, on peut compter, pour la centuriation coloniale, jusqu’au 26e kardo en deçà et au 50e au-delà du kardo Maximus, ce qui équivaut respectivement à quelque 18 et 36 km et souligne la forte inégalité de l’emprise territoriale, à l’Ouest et à l’Est. Une situation qui se retrouve globalement pour la renormation impériale, où l’on peut aussi identifier un 50e kardo dans la région orientale. Il va de soi que l’idéal-type était rarement réalisé sur le terrain, comme le savent les arpenteurs. Au I er siècle, Hygin constate que l’« on substitue souvent l’ordre des choses naturelles à la pratique de la géométrie », et d’autres notent la grande variété des situations car « beaucoup ont suivi les facilités du terrain » (Hygin l’Arpenteur). Mais si ce pragmatisme souverain des bons aménageurs n’exclut pas la géométrie, comme en témoigne le réseau Béziers B, en revanche, lors de la déduction de la colonie en -36, le microcosme colonial a bien suivi le cadre normatif en faisant de la voie consulaire le decumanus Maximus de la centuriation Béziers C. La politique d’aménagement exprime ainsi l’appropriation par Rome du territoire provincial et, si l’implantation et le bornage immédiats de la voie domitienne le manifestent ostensiblement, la réalisation des premières cadastrations contribue, elle aussi, à imprimer tôt un marquage dont il n’est pas toujours facile de préciser la chronologie. D’autant que, au début de l’époque galloromaine, la situation de l’espace situé au Sud des avant-monts, entre l’étang de Thau, la vallée de l’Hérault et celle de l’Aude, relève de statuts juridiques différents et, aujourd’hui encore, mal établis, si l’on excepte la colonie de Narbonne. Il n’est pas plus facile de déterminer les cadres politico-administratifs reconnus par Rome, or la question intéresse à la fois le devenir, outre Narbonne, de Béziers, de Lodève et de plusieurs oppida8. Pour éclairer ces difficiles problèmes de définition des entités territoriales et de leurs limites 9, cadastrations et centuriations ont été régulièrement sollicitées pour contribuer à cerner les frontières des cités 10, oubliant parfois que ces aménagements, qui constituent effectivement des guides efficaces, concernent essentiellement les zones cultivables, admettent nombre d’entités exceptées, au sens le plus général du terme, et que la totalité du sol n’a donc jamais été quadrillée, certaines zones étant normalement « exclues des limites » et « mesurées par les

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extrémités », au témoignage des arpenteurs, sur les frontières, et notamment dans des territoires étendus. D’autant que, après avoir longtemps considéré que ces limitations orthogonales ne concernaient que les seules colonies de droit romain, on peut aujourd’hui, grâce à une meilleure lecture des textes des arpenteurs géomètres et juristes antiques, en retrouver l’empreinte dans des territoires relevant d’autres statuts. À quoi il faut ajouter que les études cadastrales sont très inégalement avancées suivant les secteurs, ce qui intéresse directement le premier Biterrois romain et, notamment, pendant quelque 80 ans, les confins narbonno-biterrois. Ces confins ont forcément été affectés par l’installation des premiers colons de Narbonne et l’arrivée consécutive de possesseurs qui ont, assez vite, dès la fin du II nd siècle et dans les premières décennies du I er, impliqué une première structuration du sol public. Cela a supposé de mener conjointement, outre un repérage précis des conditions existantes d’occupation et d’exploitation, une définition de la nouvelle qualité juridique des terres et des opérations de mesure et d’arpentage, conduites par des équipes de spécialistes qui ont conçu et mis en œuvre les cadastres. Pour créer ces paysages rythmés par une géométrie orthogonale simple, l’application du modèle, déjà bien éprouvé, n’en exigeait pas moins une réelle connaissance du terrain local. Il a fallu, en effet, déterminer dans l’ensemble des terres cultivées et cultivables que recouvrent les cadastres, quelles terres seraient frappées d’expulsion pour les exploitants indigènes et réaffectées, à des Italiens ou, même, à des indigènes, lesquelles seraient centuriées ou laissées libres, distribuées à des propriétaires, soit dans un cadre colonial, comme à Narbonne, soit à titre individuel – viritim – ailleurs, lesquelles encore seraient exploitées selon le régime de la possession, par des possessores, ou celui, plus précaire, de l’occupation de terres vacantes, susceptibles d’être récupérées par l’État propriétaire. C’est cette mosaïque de statuts et de formes, dont la coexistence est bien difficile à débrouiller, que construisent les cadastres pour donner au tissu économique et social son efficacité productive et fiscale et assurer le nécessaire contrôle des territoires. La reconnaissance des réseaux précoces susceptibles d’être présents dans le territoire situé entre l’Aude et l’Orb11 est d’autant plus délicate que la configuration narbonnaise, aujourd’hui encore singulièrement confuse de ce point de vue12, impose d’en rester, jusqu’à plus ample informé, à l’identification d’une centuriation coloniale, dite Narbonne B, destinée à l’installation des premiers colons à la fin du II nd siècle13. Il n’en reste pas moins que les traces de cette centuriation, qui a marqué le Nord Narbonnais, ne semblent guère évidentes sur la frontière entre les deux cités 14, entre Ouveilhan et les étangs de Capestang et de Vendres notamment, où l’on a parfois cru les reconnaître.

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De fait, c’est bien, semble-t-il, le réseau centurié15 dit Béziers B, précolonial, qui structure pour la première fois les terres à la romaine dans l’ensemble du Biterrois, à une date qui suit rapidement la conquête16 (fig. 21).

Fig. 21 : Emprise du cadastre précolonial Béziers B.

La mainmise italienne et la dynamique précoloniale de l’ordre au carré Une mise au point préalable s’impose pour éclairer la nature et la fonction du cadastre précolonial Béziers B. On peut considérer, dans la logique de Frontin, dont on sait les liens avec la tradition républicaine17, que cette trame, dont on voit aujourd’hui qu’elle suit rapidement la conquête et le transfert du sol dans l’ager publicus, dessine la superficie du sol tributaire « assignée à [la] cité et “mesurée par son extrémité” (...) comme dans de nombreuses provinces où le sol tributaire a été défini dans sa totalité pour les peuples (...). Et c’est selon le même système que se sont faites les mesures des terres privées », incluses dans ce territoire, l’ensemble étant « consigné sur le plan cadastral comme une terre limitée » (4-7, 7 et 6-7, 9)18. Une extension indue de la centuriation selon les normes prônées par Hygin l’Arpenteur et Siculus Flaccus. S’il s’agit bien là de rendre les données de terrain « analysables en termes juridiques et fiscaux » comme l’avance Jean Peyras 19, et si l’analogie rapproche le sol de ces cités de celui qui a connu une assignation, elle renvoie aussi, par là même, à des restructurations foncières d’envergure qui sont passées par la réalisation d’une

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limitatio qui affiche la diffusion, avec les conquêtes, de formes neuves d’exploitation du sol. Elle a, en effet, recouvert à la fois des expropriations, l’existence de ventes en toute propriété, dont le Pro Quinctio montre le poids dans la province vers les années 80, et, massivement, l’extension de la possessio et de l’occupatio, qui ont accompagné l’installation de nouveaux possesseurs, italiens voire indigènes, redevables du vectigal auprès du peuple romain resté propriétaire éminent du domaine public. Ces mutations et changements de statut des terres, qui affectent à la fois les équilibres économiques, les rapports sociaux et le droit, ont dû se poursuivre sur plusieurs décennies, jusqu’à l’époque de Pompée sans doute, scandant les mouvements dont Cicéron se fait l’écho dans le Pro Fonteio. Le cas du Biterrois, où la limitation précoce est particulièrement bien attestée, semble bien confirmer les critiques des arpenteurs les plus puristes, soucieux de distinguer la « qualité » des territoires par leur morphologie cadastrale, et conduire à relire en ce sens le passage de Frontin. La structuration de l’espace et la dispersion de l’habitat Le réseau Béziers B s’impose fortement au Nord de Béziers, et franchit clairement l’Hérault, suivant une orientation, coulée dans le paysage naturel, mesurée à 32 degrés 30 Est, structuré sur un axe qui relie, depuis le site préromain du Pech de Peyre Ficade (Lespignan) – qui semble bien avoir servi de point de visée pour les trois cadastrations biterroises –, deux oppida indigènes, Béziers et le Celessou (Fontès). On peut encore suivre les traces de cet axe, que j’ai retenu comme kardo Maximus, sur plusieurs kilomètres d’anciens chemins, vers le Nord celui de Béziers à l’oppidum du Celessou (Fontès)et, vers le Sud, celui de Béziers à Lespignan. Le comput cadastral qui répertoriait toutes les centuries en les numérotant par rapport aux deux axes majeurs 20 – au-delà ou en deçà du kardo, à gauche ou à droite du decumanus –, le gravait sur des bornes et l’enregistrait sur un plan, la forma, a laissé une mémoire inscrite à la fois dans le paysage et dans la toponymie locale. Ainsi, à Servian où le lieu-dit La Prime localise la première centurie au-delà du kardo, ou à Pézenas avec le chemin des « Septenières », qui garde l’écho du septième21. Il n’est d’ailleurs pas exclu que le toponyme de Peyre Ficade (Lespignan) conserve toujours le souvenir de la borne qui marquait le point origine de l’axe cardinal. La conception du schéma constructeur de ce système, dont les grandes lignes sont reconnues depuis longtemps, avait fait l’objet de plusieurs hypothèses quant à ses rapports chronologiques avec la voie domitienne22. Il entretient avec elle des relations géométriques simples, observables entre Béziers et Cessero/Saint-Thibéry comme entre Ponserme et Béziers. Les données recueillies sur ce dernier tracé à Colombiers 23 permettent désormais de trancher et d’avancer que la voie et la

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conception du réseau précolonial sont contemporaines et que c’est sur ce tronçon qu’a été déterminée l’orientation de la centuriation Béziers B qui s’y articule dans l’harmonie d’un rapport d’octave. Cette illustration arithmétique de la proportion harmonique – la voie servant de diagonale à un triangle de 3x5 centuries 24 – permet d’exclure l’aléatoire dans le jeu de cette construction et d’affirmer que le réseau précolonial est en charge d’assurer l’unité du territoire. Le repérage de plusieurs axes 25 a permis de restituer, avec suffisamment de vraisemblance, une image de la structure du cadastre, globalement bien fossilisée dans l’orientation de nombreux chemins, carrefours 26, voire dans les plans de plusieurs villages et les limites administratives. Pour autant, il ne faut pas envisager un marquage continu qui n’a jamais existé que sur le plan, dont on sait qu’il était archivé par l’administration. Les textes des arpenteurs précisent bien, en effet, que tous les axes n’étaient pas matérialisés au sol par des chemins, mais que les limites de centuries pouvaient être indiquées par des bornes, des alignements de pierres, de murs ou d’arbres et, souvent, par la différence de cultures et de simples sillons. La série d’évidences archéologiques actuellement attestées, bien datées de la nd fin II /début I er siècle et isoclines à ce maillage, ne cesse désormais de s’élargir27, confirmant la date et l’emprise de cette trame dont on a pu restituer, avec d’évidentes disparités spatiales, le plan d’occupation des sols. Voies, fossés, terrasse, ruisseau rectifié28 montrent la prégnance et la fonctionnalité des aménagements qu’elle a générés, assurant la circulation vicinale, la maîtrise de l’eau et les nouvelles conditions d’occupation du sol à la suite des confiscations de terres opérées sur la population locale. Les structures mises au jour dans l’ensemble du territoire ont nettement montré l’emprise de ce réseau29 et permis de proposer une matrice numérotée des kardines – au-delà et en deçà du kardo majeur – et des decumani – à droite et à gauche du decumanus majeur30. Ce paysage programmé, dont le marquage différencié se lit encore à la périphérie des oppida – Le Celessou/Fontès, Aumes, Béziers, Monfo/Magalas, Ensérune –, construit progressivement un nouveau rapport ville/campagnes. Le mitage du territoire vivrier, inscrit, sans rupture brutale, dans un mouvement de dispersion de l’habitat bien engagé dès avant la conquête, contrairement à l’idée longtemps reçue qui y voyait une innovation apportée par Rome, n’en exprime pas moins la dépossession de plusieurs agglomérations indigènes. La situation des campagnes entre Béziers et Ensérune, où s’implantent nombre d’établissements républicains alignés sur les axes du cadastre, en est particulièrement démonstratrice. On connaissait, par le Pro Quinctio et le Pro Fonteio de Cicéron notamment, ce mouvement qui a conduit vers la Transalpine nombre

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d’agriculteurs, d’éleveurs et d’hommes d’affaire. Et l’épigraphie, même limitée, montre la présence des mêmes familles en Narbonnais et en Biterrois 31. On peut désormais affirmer sans trop de risque que ce mouvement a profondément touché et modifié le Biterrois, ses paysages, et sa dynamique économique. Il est, en effet, possible d’associer à ces Italiens plusieurs éléments nouveaux dans le développement régional. Les modifications observées dans le peuplement, avec la mise en évidence de cet apport substantiel de population, qui contribue à accélérer la dispersion de l’habitat rural et à le densifier, indiquent clairement que ces mutations s’opèrent dans le cadre de ce premier cadastre biterrois, de réalisation nettement précoloniale. Partout, dans leur très large majorité, les sites précoloniaux sont calés sur l’orientation de Béziers B. Dans le Nord-Est Biterrois 32, c’est plus de 60% des établissements ruraux, souvent construits en matériaux périssables à cette phase ancienne33, qui semblent liés à cette première centuriation 34. C’est net à proximité de l’étang de Pézenas, où le site de La Perrière, implanté sur un decumanus, évolue durablement au cœur d’un parcellaire structuré par cette trame, net aussi entre la Peyne et la Thongue, et c’est également vérifié au Nord de la Boyne, où l’on note une densité de traces très élevée. Ainsi dans le terroir de Vareilles (Paulhan) 35, où la ferme à enclos fossoyé de tradition indigène est réaménagée, au contact d’un decumanus du cadastre précolonial (fig. 22), qui a nettement marqué le parcellaire36.

Fig. 22 : La ferme à enclos de Vareilles (Paulhan) sur un decumanus du cadastre précolonial Béziers B (fin IInd-mi Ier av. n.è. d’après S. Mauné).

La même situation prévaut plus à l’Ouest, où l’occupation républicaine du sol s’organise dans cette limitation, vers Bassan, Espondeilhan 37, Servian38, Puissalicon 39 et Magalas 40. Dans la moyenne vallée du Libron, nombre d’établissements précoces sont implantés en position remarquable – sur un axe ou en coin de centurie – dans cette centuriation 41. Les changements qu’elle y opère prennent une dimension d’autant plus novatrice qu’ils accompagnent l’émergence 104

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d’une production céramique caractéristique, à la fois sur des établissements ruraux comme Saint-Jean des Causses (Magalas) 42, implanté sur un decumanus du réseau précolonial, et sur l’oppidum indigène voisin de Montfo/Magalas. Il s’agit notamment d’imitations locales de vaisselle à vernis noir – dérivés des productions tardives de Calès – dont le répertoire des formes et les techniques (séparateurs de cuisson)43, qui sont de tradition clairement italique44, conduisent à s’interroger pour savoir si cette production est le fait d’artisans italiens précocement installés ou si elle révèle une assimilation rapide et rentable par des producteurs locaux des techniques importées pour répondre à la demande générée par les nouvelles modes qui suivent les avancées de la romanisation. En périphérie de Béziers, les 2/3 des établissements précoces recensés sont installés directement sur un axe, certains ayant révélé des aménagements de fossés et chemin d’accès, comme à La Courondelle (Béziers) ou à Fonseranes (Béziers)45. Plus à l’Ouest encore, entre l’étang de Capestang et l’Orb, sur les communes de Poilhes, Colombiers, Montady, Maureilhan, Maraussan et jusqu’aux marges de Nissan, Lespignan et Vendres, ce sont les 4/5 des établissements républicains datables de la fin du II nd-début du I er siècle qui tracent l’alignement des axes de ce cadastre46 (fig. 23).

Fig. 23 : L’implantation des sites républicains dans le réseau précolonial.

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La maîtrise de l’eau dans une politique d’aménagement concerté Il s’agit, en effet, d’un véritable aménagement concerté où se déploie la fonction régulatrice de l’outil cadastral à cette phase majeure du peuplement rural qui a vu l’arrivée de nombreux Italiens 47 et qui s’est accompagnée d’un remodelage de l’espace scandé par des interventions maintenant reconnues en plusieurs points du territoire. Ces mutations s’opèrent quand la région, à partir de la moitié du II nd siècle avant notre ère, connaît une forte activité sédimentaire dans l’ensemble de la plaine narbonno-biterroise48 où s’accroît la pression anthropique. Partout, les contraintes liées à la maîtrise de l’eau et les aménagements induits perceptibles disent notamment l’ampleur de la question du drainage, posée, au reste, bien avant la période romaine. L’attestent les nombreux fossés drainants mis au jour, dont le fonctionnement est nettement datable assez haut dans le I er siècle avant notre ère, sans que leur orientation soit toujours celle du cadastre et sans qu’on puisse toujours parler de véritables réseaux. Plusieurs ensembles de fossés ont ainsi été fouillés et situés dans une fourchette comprise entre la deuxième moitié du IInd siècle et la première du Ier siècle avant notre ère, à proximité de dépressions plus ou moins conséquentes. En Nord-Est Biterrois, sur les bords de l’étang de Saint-Preignan à Abeilhan 49, un réseau de fossés a livré des amphores italiques précoces qui attestent un colmatage intervenu tôt dans le Ier siècle avant notre ère et, vers Plaissan, des fossés républicains de la première moitié du I er siècle révèlent leur parfaite réponse aux contraintes locales, répondant à l’engorgement périodique des sols et assurant, à la fois, la mise hors d’eau de l’habitat et l’assainissement indispensable à la mise en culture50. Dans l’Ouest, plusieurs réseaux de fossés sont également liés à des établissements occupés tôt après la conquête, vers Capestang 51 ou autour de Puech Paris (Vendres), dans une zone à forte hydromorphie. Dans la vallée du ruisseau Antonin de Lazé, entre La Savoie et Puech Paris, une thermographie aéroportée52 a révélé un réseau de drains, globalement isoclines au Béziers B, et connectés à 3 sites républicains 53, calés sur un decumanus, documentant l’occupation républicaine de ces terres basses 54. De même, en rive droite de l’Orb, à La Domergue (Sauvian)55, l’établissement républicain bien daté, où un chemin correspondant à un axe du cadastre a été suivi, est installé dans un terroir qu’il a fallu drainer très tôt 56. Sur cette rive de l’Orb, plusieurs sites républicains s’échelonnent jusqu’à Saint-Geniès (Valras) 57, que les textes médiévaux situent juxta mare, dans le cadre du cadastre

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précolonial qui atteint sans doute ici le rivage maritime dominé, 1.500 m plus à l’Ouest, par le site contemporain de Querelles (Valras). Cette politique de l’eau atteste une gestion réussie et extensive dont témoigne aussi l’opération conduite en périphérie de Béziers, dans une vallée occupée à date haute et qui a connu des aménagements protohistoriques. Le cours du ruisseau de Gargailhan, aujourd’hui quasiment disparu, a été aménagé, vers -100 peut-être58, selon un tracé destiné à améliorer la maîtrise des flux et qui insère globalement ce rivus rectus, pour reprendre la terminologie technique des arpenteurs antiques, dans l’orientation du réseau précolonial59. Elle est également passée par la construction de terrasses qui permettent, en climat méditerranéen, à la fois de lutter contre le ruissellement, de retenir les sols, de stocker et de faire circuler l’eau. En Biterrois, où une majorité des terres est concernée, les terrasses ont contribué très tôt à bloquer le colluvionnement. Plusieurs mises en terrasses ont, en effet, pu être repérées, et certaines fouillées et datées. C’est le cas, en zone suburbaine de Béziers, où le colluvionnement a préservé un mur de terrasse antique, dont la date n’a pu être davantage précisée, mais qui matérialise le tracé proposé pour le 4e decumanus60 du réseau précolonial à proximité de son carrefour avec le kardo Maximus. Conservé sur deux ou trois assises de moellons, installé sur deux paléosols, le mur soutenait une voie de circulation 61. L’ensemble du système, qui a basculé sous la poussée des terres, correspond à un dispositif de limite cadastrale connu par les textes gromatiques 62 (fig. 24).

Fig. 24 : Chemin et mur de terrasse sur un decumanus précolonial (Béziers).

La puissance du modelé en terrasses isoclines au réseau précolonial et associées à des établissements gallo-romains précoces se lit encore bien sur les flancs méridionaux d’Ensérune, où l’on a pu noter une métrique antique, dans un terroir qui a exigé, pour lutter contre le ruissellement et retenir les sols agricoles, l’aménagement de terrasses de culture qui paraissent anciennes. 107

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L’adaptation aux contraintes de l’environnement autorise ainsi, tôt après la conquête dans l’ensemble du Biterrois, une pénétration des fonds de vallées et une occupation encore mesurée mais nette des zones humides, qu’il s’agisse de terres basses inondables comme à La Prade (Alignan) dès le début du I er siècle avant 63 ou des rives d’étangs, comme dès la fin du II nd siècle sur l’étang Bernat (Colombiers) ou sur ceux de Saint-Paul et Saint-Aubin (Lespignan). On connaît de fait, dans la plaine littorale, des aménagements altorépublicains comme vers Sauvian, au Trou de Bessou, où la fouille a révélé l’assèchement d’une petite dépression, comblée par les limons de ruissellement, et le colmatage d’un profond fossé antique dont l’orientation semble bien isocline au cadastre Béziers B64, avant que s’y implante un établissement augustéen, ou encore à La Domergue, où une voie rigoureusement orientée selon ce réseau a été suivie65. La pénétration de fronts pionniers et les marqueurs paysagers Même si tous les axes ne sont pas matérialisés par des chemins, la limitation Béziers B a représenté une étape importante pour compléter les cheminements traditionnels par de nouveaux modes de pénétration des campagnes qui ont développé une régularité des voies vicinales. On a observé que nombre de chemins creux suivent l’orientation du cadastre et qu’ils ont constitué un outil largement utilisé et un marqueur structurant efficace. Ainsi ces chemins à ornières, souvent creusés dans le substrat calcaire, si présents autour de Vendres 66, Lespignan 67 et Nissan, où ils participent à la politique de régulation des eaux de surface, gardent la mémoire de plusieurs axes cadastraux 68, dont certains ont pu être datés d’époque nettement républicaine, comme à La Domergue (Sauvian) ou à Fonseranes (Béziers) 69. En dépit des freins constatables à l’avancée vers les zones humides de la plaine littorale, nombre de ces interventions créent de véritables fronts pionniers, intégrés dans le cadre de ce réseau cadastral qui s’est imposé dans l’ensemble du Biterrois comme l’outil d’une véritable politique de conquête de terres et de construction du paysage rural. On le sait mieux aujourd’hui en périphérie de Béziers, comme à Fonseranes, où des traces agraires ont restitué, à proximité de la villa républicaine, un parcellaire dont les structures de limitation, fossés et chemin, liées à des vignes également républicaines, relèvent du cadastre précolonial, comme son chemin de desserte70. Le constat est analogue à La Courondelle, où des fossés isoclines limitent un ensemble de fosses de provignage à proximité d’un établissement installé dès 100 avant notre ère71.

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L’aménagement du territoire et les cadastres centuriés

L’emprise de cette centuriation, œuvre pionnière d’aménagement concerté et de structuration de l’Ouest Héraultais, se développe tout aussi puissamment dans les vallées de l’Hérault 72, du Libron, de l’Orb73, et dans les interfluves. Elle y a imprimé une marque durable, encore mise en évidence par les résultats des prospections réalisées sur le chantier de l’autoroute A 75. Ce marquage se combine d’ailleurs avec d’évidentes variations zonales dans la prégnance des terres limitées, qui laisse partout subsister des terres vides de traces, qu’elles soient structurelles et originelles, ou conjoncturelles, dues à leur effacement, et qui est nettement plus faible, en tout cas, dans les terres humides de la plaine littorale. Mais la portée de ces disparités va au-delà et témoigne assurément des conditions d’exploitation du sol, des équilibres agro-pastoraux, de la diversité des cultures, de la présence de zones boisées qu’indique aussi la faible densité d’établissements ruraux. Au reste, la prégnance du marquage de cette première limitation, qui a impressionné les limites administratives du Nord Biterrois comme on le voit à Bassan, semble bien se faire encore sentir lors d’aménagements postérieurs 74. Ce constat apporte une donnée importante sur le fonctionnement et la résilience du réseau précolonial, qui a organisé durablement cette partie du Nord Biterrois, y marquant le sol public. Le marquage est enfin indissociable de la longévité remarquable des établissements précoloniaux, qu’il faut sans doute lier à la possibilité dont ils ont bénéficié de s’implanter sur les meilleures terres et de s’y tailler des domaines conséquents aux potentialités agricoles équilibrées. Compte tenu de la forte présence de ce réseau, notamment entre l’étang de Capestang, Ensérune et l’étang de Montady-Colombiers, rien ne permet de penser qu’un système narbonnais ait pu réaménager l’Ouest Biterrois et atteindre l’Orb à l’époque césaro-triumvirale75. Le constat vaut jusqu’à la fin de l’Antiquité, l’emprise de Narbonne sur ce secteur ayant dû s’imposer dans les débuts du Moyen Âge76. La question, qui touche aux limites des cités, se pose aussi pour le réseau Béziers E-Luteva, décrit comme une « entreprise d’envergure », datée de César, qui aurait normé jusqu’à la périphérie immédiate et le tissu urbain même de Béziers, mais surtout la zone comprise entre Libron et Hérault 77, où le Béziers B est parfaitement attesté78. Des coexistences, avec leurs implications politico-juridiques, semblent difficiles à envisager dans ce secteur du Biterrois 79 et il faudrait donc situer plus au Nord et à l’Est de l’Hérault le système Béziers E-Luteva 80. Au reste, la situation qui a prévalu sur l’Hérault où le cadastre précolonial a respecté, plus qu’à l’Ouest, le territoire vivrier des oppida indigènes – en témoignent ceux d’Aumes 81 et de Cessero – et la chora d’Agde est en passe d’être remise en cause dans la seconde moitié du Ier siècle. 109

Autour de la Domitienne. Genèse et identité du Biterrois gallo-romain

L’installation des colons et la restructuration territoriale Avec la déduction par Octave, en -36, de la colonie romaine à Béziers, l’installation des colons militaires modifie profondément la situation et suppose une redistribution des terres, partielle certes, mais conséquente, qui a dû porter à la fois sur des terres laissées vides jusque-là et sur des terres récupérées sur leurs exploitants. Ces opérations, de portée juridique et foncière, semblent, d’après l’emprise avancée pour cette centuriation 82, avoir affecté en priorité le cœur du territoire et ses confins, impliquant une densité différentielle et la longue persistance d’aménagements antérieurs. L’emprise de la centuriation coloniale La centuriation triumvirale, orientée à circa 25-27° Ouest, suit rigoureusement, de part et d’autre de l’Hérault, le tracé de la voie domitienne dont le tronçon rectiligne qui, depuis l’angulation de Ponserme, gagne Béziers, sert, conformément aux recommandations des arpenteurs, de decumanus Maximus. Le développement spatial et la structure de la trame centuriée n’en posent pas moins problème. Quand le territoire a dû s’accroître sensiblement sur la vallée de l’Hérault, au carrefour majeur avec la voie Cessero-Segodunum, même s’il faut penser 83 à une relative et temporaire autonomie des oppida latins de Piscenae/Pézenas(?), Cessero/Saint-Thibéry et d’Agde84, après la chute de Marseille, la centuriation coloniale a dû jouer positivement dans la puissante dynamique qui suit la déduction. Il semble bien, en effet, qu’elle ait apporté, dans sa fonction de restructuration territoriale dont témoigne son assise en rive gauche de l’Hérault, une réponse à des enjeux politiques dont la portée nous échappe. La construction duale de cette trame, non seulement assure l’extension territoriale indispensable à la dignité d’une colonie romaine, selon les conceptions d’Hygin l’Arpenteur 85, mais enregistre, par une discontinuité maîtrisée86, la coexistence d’entités de statut différent en faisant de la voie domitienne l’instrument fédérateur des espaces concernés. Les aménageurs, en adaptant le schéma gromatique à la fois aux contraintes imposées par le passage de l’Hérault – qui a induit le décalage des deux tronçons isoclines de la voie publique, Ponserme-Béziers et Saint-Thibéry-Pinet – et à la pluralité juridique ont conforté la fonction normative, intégrative et symbolique de la centuriation coloniale. Le réseau colonial matérialise ainsi l’ampleur nouvelle d’un territoire étendu de Cruzy à l’étang de Thau et le recentre sur les vallées de l’Orb et de l’Hérault, la limitation ne dépassant guère la cote des 200-250 mètres (fig. 25).

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L’aménagement du territoire et les cadastres centuriés

Fig. 25 : L’implantation de la centuriation coloniale et la voie domitienne.

Comme le cadastre précédent, et comme dans toutes les colonies, la nouvelle centuriation associe aux espaces centuriés des secteurs qui ne sont pas affectés par la rigueur des nouveaux limites87, conformément au modèle colonial. Le schéma référent, transmis par les arpenteurs géomètres et juristes, laisse subsister des réalités préexistantes et ne réorganise pas la totalité de l’espace territorial dans le cadre du droit romain, mais seulement la partie « divisée et assignée » 88. C’est toute la flexibilité pragmatique du modèle centurié qui intègre, conformément à la lettre même des lois coloniales connues, des traces importantes des coutumes anciennes, ce qui a permis, dans son application dans les provinces, d’intégrer au mieux les usages locaux, ce sur quoi insiste fortement, à l’époque flavienne, Siculus Flaccus. Il reste qu’il est délicat de préciser son schéma directeur en déterminant un kardo Maximus89 pour cette centuriation massivement dessinée par de grands axes décumans qui soulignent la nouvelle logique territoriale. Trois axes susceptibles de localiser des limites cardinales permettent toutefois de caler la matrice de part et d’autre de Béziers, où elle est puissamment marquée, comme en rive gauche de l’Hérault, où elle obéit à la même métrique, entre Saint-Thibéry-Pinet et PomerolsFlorensac90.

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Plusieurs structures de ce réseau ont été retrouvées et fouillées depuis les années 1990 : chemin creux, gué91, voies à ornières, fossés 92, parcellaires et fosses de plantation, et plusieurs limites ont ainsi pu être mis en évidence. C’est le cas dans la périphérie de Béziers. Au Nord, à Mazeran, dans un parcellaire structuré, un long fossé rectiligne pourrait matérialiser la limite d’une centurie93 dont les subdivisions restent très marquées, légèrement plus au Sud, à la Courondelle, où un ensemble de fosses de plantation s’ordonne aussi régulièrement sur cette orientation94. À Garissou, un dalot était implanté sur un carrefour cadastral 95, et un chemin creux isocline a fonctionné jusque dans les années 65-80 de notre ère96. En périphérie Sud, au Gasquinoy, plusieurs fossés-drains suivaient, vers la mi-I er siècle avant notre ère, l’orientation du réseau colonial 97. Enfin, à Colombiers, la rampe d’accès à la voie domitienne correspond, avec un léger décalage, au tracé théorique du 10e kardo CK, et localise un carrefour cadastral, qu’il s’agisse d’un axe de communication ou d’un chemin de desserte locale98. L’emprise de la trame coloniale est aussi bien repérable dans des zones plus marginales, dans la vallée de l’Hérault, outre les environs d’Aumes-Florensac, à Aspiran, en bordure de la voie Cessero-Segodunum. De fait, dans la plaine de Soumaltre, dans un ensemble de structures fossoyées isoclines, un fossé, qui correspond peut-être à un limes intercisivus, est situé à proximité d’un habitat créé dans le dernier tiers du I er siècle avant et de l’atelier de potiers, dont les bâtiments et les fours relèvent de l’orientation de la centuriation coloniale99. C’est aussi un ensemble de quelques centuries fossilisées dans le paysage actuel qui a été retrouvé autour du site Montferrier-Est, implanté sur des axes du réseau C, au Sud de l’étang de Pézenas 100. Ainsi se dessine le modèle colonial typique que proposent les textes des arpenteurs romains : très rigoureusement structurée à la périphérie de la ville, la centuriation a également marqué les marges-frontières de la cité, dont on sait qu’on y implantait des colons pour les marquer de façon ferme et stable. C’est Hygin l’Arpenteur qui rappelle : « Nous devrons assigner la terre, selon la loi du divin Auguste, “jusque là où faux et charrue iront”, sauf si le fondateur y a changé quelque chose. Il faut d’abord assigner la terre qui se trouve vers l’extrémité pour que les confins soient tenus par les possesseurs comme par des bornes »101.

Certains de ces colons tenanciers peuvent être localisés avec une grande vraisemblance par les inscriptions portant mention de la tribu Pupinia, dans laquelle étaient inscrits les citoyens de Béziers. C’est le cas à Cazouls-les-Béziers où la majorité des sites connus semble rattachable à la période triumviraloaugustéenne102 , à Puissalicon 103 et à Cruzy 104 dont les témoignages, s’ajoutant à celui 112

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qui provient d’une famille déjà romanisée d’Aumes sur l’Hérault 105, permettent de dessiner l’emprise des distributions de terre au sein du territoire colonial. À quoi il faut joindre l’éventuel domaine d’un colon militaire à La Madone (Montagnac)106 et celui d’Oppius à Rec-de-Ligno (Valros)107. Si la déduction renforce le poids de la population italienne dont le corps civique intègre clairement, d’après l’épigraphie et l’onomastique, des Italiens installés et des indigènes romanisés, notables locaux ou auxiliaires – qu’ils aient bénéficié d’une collation collective dans les oppida latins, depuis César ? – ou individuelle du droit de cité –, les gentilices – Pompeii, Valerii, Licinii, Julii – soulignent cette mixité coloniale, inhérente à la fois à l’ampleur de l’immigration italienne et à l’extension territoriale. Les nouveaux équilibres de l’occupation du sol : oppida, fermes et villæ L’occupation du sol connaît, avec l’installation des colons, une nouvelle vague de création d’établissements ruraux – habitats et/ou unités de production. Ainsi, dans le Nord-Est de la cité – où l’occupation est déjà dense –, les nouvelles implantations représentent plus de 30% pour les sites coloniaux repérés, le double si l’on prend en compte, comme il faut logiquement le faire, les sites augustéens. Dans la vallée de l’Hérault, le site précolonial de Sept-Fonts (Saint-Pons-deMauchiens) fournit un cas emblématique qui peut permettre de localiser l’installation d’un colon de Béziers ou d’un de ces Septimanes qui en descendent : les fragments d’armes – bouterolle d’épée gauloise et talon de pilum ou de lance –, placés intentionnellement dans la fosse de bornage des terres, signeraient la prise de possession du domaine108. Dans le Sud, la vague de créations coloniales semble encore plus marquée et près de 80% des sites connus y sont occupés au tournant de l’ère. La nouveauté, par rapport à l’image traditionnellement reçue d’un territoire peuplé de villæ, vient de la mise au jour de fermes, bien datées de cette époque, dont plusieurs sont installées sur des zones humides qui ont imposé un drainage préalable. Que ces fermes localisent des unités de production autonomes ou des dépendances de domaines plus vastes. L’attraction des zones basses de la plaine littorale, des rives des nombreux étangs et des bordures alluviales, à condition de maîtriser l’eau, avérée dès avant la période augustéenne, semble ainsi accompagner l’élargissement de l’espace productif que met en œuvre l’action des colons. D’autant que c’est vers le changement d’ère que l’on situe une modification des équilibres du milieu, dans la plaine et dans la zone littorale, notamment avec d’importants atterrissements. Ils affectent les étangs et les lagunes, à une période qui correspondrait à une moindre pluviosité, ce qui favorise l’ampleur nouvelle des

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entreprises de drainage, quand la modification des processus morpho-dynamiques joue sur les conditions d’écoulement. L’arrivée des colons semble ainsi impulser un usage généralisé des techniques de gestion de l’eau. Alors, des zones jusque-là délaissées ont été l’objet de mise en valeur agricole systématique. Si, sur le plateau de Vendres, une ferme s’installe entre -10 et +10 sur une petite dépression à peine colmatée, c’est surtout aux portes de la ville actuelle, au Gasquinoy, que le processus a pu être observé largement 109. Parmi les fossés-drains qui ont permis d’assainir deux zones dépressionnaires, un premier réseau est daté des alentours de 50 avant notre ère, tandis qu’un second ensemble est contemporain de l’implantation de deux fermes et de la plantation des vignes. Ici, ces fermes (fig. 26), de plan typiquement italien – en U et à cour centrale –, distantes de 250 m et séparées par une borne, localisent vraisemblablement des lots de colons 110. C’est à cette époque, en effet, que les fermes en dur remplacent quasiment partout en Biterrois les constructions en matériaux périssables. D’après L. Buffat

Fig. 26 : Deux fermes de colons, triumvirales ou augustéennes, Le Gasquinoy, Béziers.

On constate ainsi un changement décisif des formes d’habitat qui accompagne, quand le réseau d’oppida se désagrège, le processus de « remplissage de l’espace agricole », qu’il s’agisse de créations ex nihilo comme au Gasquinoy (Béziers) ou de mutations sur place comme à La Domergue (Sauvian) ou à Vareilles (Paulhan)111, ou encore aux Prés-Bas à Loupian 112, où la première ferme en matériaux périssables – liée à une exploitation céréalière disposant de silos et d’un grenier aérien – est rapidement remplacée par une ferme viticole en dur. Alors le caractère romain de l’habitat s’affirme nettement, tant dans le plan en U, qui s’impose comme un véritable marqueur de l’espace rural biterrois, que dans les matériaux de construction, où la tuile, cet indicateur de romanisation, se généralise, provenant notamment des fours du Nord Biterrois 113.

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Alors aussi, quand la politique volontariste que promeut la nouvelle colonie élargit l’espace productif, la pression anthropique s’accroît dans un paysage qui se diversifie. Les analyses récentes montrent que, si les céréales 114 reculent, elles conservent, avec les cultures maraîchères et fruitières, une place non négligeable, que signalent aussi les découvertes de moulins, à traction animale ou hydraulique115, accompagnant un développement agricole qui s’accélère, inséparablement désormais de la viticulture. De véritables fronts pionniers linéaires caractérisent plusieurs secteurs du territoire, le long du littoral, sur les rives de l’étang de Thau ou, vers l’intérieur, notamment dans la vallée de l’Hérault, entre Adissan et Caux. Dans le secteur de Valros, les fouilles de l’autoroute A 75 ont mis en évidence, à partir du changement d’ère, une structuration marquée de l’espace où la polyculture (jardins, vergers, céréales, vignes) s’alliait aux prés, prairies et espaces naturels, nécessaires à la fois à l’élevage et aux espaces cultivés qui y puisaient les indispensables fertiligènes 116. De fait, la nouvelle vague de création d’établissements ruraux génère alors un véritable paysage de colonisation qui est resté très présent jusqu’à il y a peu, encore perceptible de part et d’autre de la voie domitienne, notamment entre l’Orb et l’étang de Capestang. Entre la voie publique et l’étang de la Voûte, jusque vers Puisserguier-Cruzy, la D 39 constitue un puissant morphogène qui perpétue un axe de la centuriation, identifié dans la matrice restituée comme le 7e decumanus. Elle est bien jalonnée de sites qui démarrent dans le dernier tiers du I er siècle avant ou au tout début de notre ère, depuis Capestang jusqu’à Maureilhan et Maraussan, identifiant le fort impact de la centuriation coloniale dans ce secteur (fig. 27).

Fig. 27 : Le marquage des axes de la centuriation coloniale à l’Ouest de l’Orb.

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Au Sud de la voie consulaire, sur une profondeur de plus de cinq centuries, autour de Nissan et jusqu’à Vendres, la densification de l’occupation, régulée par la centuriation Béziers C, affiche la descente vers les zones littorales. Il est clair, en effet, que s’inaugure alors une véritable politique de mise en valeur programmée de la plaine, bien perceptible dans l’avancée redynamisée vers les étangs – Saint-Aubin, Saint-Paul, La Matte et Vendres –, dont certaines rives, isoclines au réseau, pourraient avoir été régularisées dans cette logique, et jusqu’aux zones littorales. Le terroir de la villa de La Savoie (Vendres), implantée à l’époque coloniale, vers la fin du I er siècle avant notre ère117, contre le kardo, toujours actif dans le paysage, qui monte de la villa « Temple de Vénus » (Vendres) vers la Domitienne, illustre les conditions nouvelles d’occupation de l’espace et l’usage des potentialités des sols. Elle est aussi nettement lisible dans le Nord et le Nord-Est Biterrois où elle occupe les espaces laissés vides par le réseau précolonial, comme entre Valros, Nézignan, Tourbes, Pézenas, Conas, Adissan et Aspiran. Au Sud de l’étang de Pézenas, où l’accentuation de l’emprise anthropique par les établissements coloniaux est nette, des traces fossiles de Béziers C sont repérables autour du petit habitat de Montferrier-Est (Pézenas), créé à la fin du I er siècle avant notre ère et implanté contre un kardo en coin de centurie118. Le marquage de la centuriation coloniale a nettement impressionné les campagnes vers Roujan, Alignan et Abeilhan où, autour de la grosse villa de Bétignan (Abeilhan), au lieu-dit les Vitignols, le parcellaire conserve même des traces de la division interne en deux parties de la centurie119.

Fig. 28 : L’agglomération de Roujan sur un carrefour de la centuriation coloniale.

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Dans le secteur de Roujan, le problème est, au reste, plus complexe, qui met en évidence le poids et la nature des restructurations assurées par la centuriation coloniale, avec l’émergence d’une nouvelle agglomération. Qu’il faille ou non la nommer Medilianum et y voir un éventuel forum, les propositions avancées à la suite des fouilles du quartier Saint-Jean interrogent sur la situation qui a dû prévaloir en Biterrois vers le milieu du I er siècle avant notre ère, date indiquée pour la plus ancienne occupation de ce site120. De fait, la localisation et les limites avancées pour l’agglomération indiquent une position remarquable, au carrefour de 4 centuries de la centuriation coloniale121 (fig. 28). Quant à la limite Sud, que suit le chemin communal 1, donné comme une possible voie antique, elle matérialise un tracé isocline, décalé de quelque 100 m, d’un decumanus théorique122. Ces observations conduisent à voir dans la création d’une agglomération secondaire dans cette zone de confins, au début de la seconde moitié du I er siècle avant notre ère « au plus tôt », l’expression d’une volonté politique et administrative conforme à la logique réorganisative de la mission de Tibère Claude Néron et à ses suites postcésariennes où prend place la déduction de Béziers 123. L’implantation symbolique du nouveau centre de vie dans l’économie spatiale du réseau C paraît bien faire de Roujan/Medilianum (?) une création organique à la déduction coloniale. S’il est difficile, dans l’état actuel des informations, d’affirmer que des lotissements de colons ont complété cette politique par une occupation renforcée de l’espace, la densification de la trame des établissements ruraux aux I er-II nd siècles 124 pourrait toutefois l’indiquer, dans un environnement paysager encore porteur de traces fossiles. De fait, le paysage rural restituable vers le tournant de l’ère, tel qu’il se lit aussi dans la distribution des divers types d’habitat, et particulièrement dans la répartition observée entre les établissements ruraux de type ferme et les villæ, repérables par des signes évidents de confort, voire de luxe, indique un réel équilibre. Il admet toutefois des nuances qui semblent faire apparaître des décalages, à la fois dans la naissance des villæ, qui seraient plus précoces sur les marges occidentales de la cité125, et dans leur densité, plus forte aux environs de la ville centre126. Pour autant, le marquage de la centuriation coloniale s’avère globalement plus contrasté, moins directement lisible, que celui du réseau précolonial. À cela des explications existent. Elles se trouvent notamment dans la fragilité des établissements de colons, qui semblent avoir concerné des terres plus difficiles, à peine drainées ou encore à drainer 127, où l’on peut, éventuellement, voir un effet des implantations dans des zones de novales, ces « terres labourées pour la première fois » 128. Elles se trouvent aussi dans la distribution de lots qui ne bénéficiaient pas forcément d’une taille suffisante pour être durablement rentables. Il est clair, en effet, que les créations coloniales sont loin d’avoir toujours réussi. Nombre de sites – dans la plaine comme dans l’arrière-pays – semblent d’une durée plus courte que 117

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celle des établissements précoloniaux, qui persistent souvent jusqu’à la fin de l’Antiquité. C’est ce qu’indique la durée de vie moyenne – de l’ordre d’un siècle et demi – des établissements créés dans la période triumviralo-augustéenne, dans les années 30 avant-14 de notre ère, d’après les observations réunies pour l’ensemble du Biterrois 129. Cette faible durée de vie des sites coloniaux, même si certaines fermes ont pu connaître essor et longévité, pourrait, au reste, correspondre à une réalité structurelle dont on retrouve un écho dans certains textes gromatiques, qui évoquent à plusieurs reprises l’abandon des terres par des vétérans 130. Or, des abandons interviennent en nombre dans le Biterrois, pour certains dès la fin du Ier siècle, mais surtout vers la moitié du second, qui conduisent à penser que les lots coloniaires ne pouvaient pas faire face à la concurrence et aux impératifs de la croissance dans le marché difficile du Ier siècle de notre ère. C’est en tout cas une réalité bien attestée, même s’il ne faut évidemment pas généraliser. Enfin un autre élément d’explication tient aussi au fait que, conformément à sa logique intégrative, cette centuriation a tenu compte des aménagements antérieurs, comme on l’a bien noté en Biterrois nord-oriental, vers Pézenas ou vers NézignanL’Évêque, où le réseau colonial restructure l’espace et distribue les nouvelles implantations qui s’alignent sur ses axes en insérant les sites et aménagements précoloniaux 131. Au total, l’empreinte paysagère de la centuriation coloniale fait apparaître, outre des plaques isolées mais bien repérables, des bandes de forte densité, selon une distribution qui révèle les ruptures internes de l’ordre centurié que documentent clairement les textes et les vignettes gromatiques. Outre les permanences des structures antérieures, le dessin centurié, expression de la propriété de droit quiritaire, enregistre, dans ces vides, la pluralité des statuts des terres, privées et publiques ou encore « communales » 132. Elle reste fortement imprimée au cœur du Biterrois, où subsistent des traces de fronts de pénétration jusque sur une ligne qui passe au Nord, depuis Aspiran, par Fontès, Neffiès, Gabian, Roujan, Laurens, Autignac, Causses-et-Veyran, Murviel, Cazouls, et à l’Ouest, vers Puisserguier, Quarante, avec une poussée méridionale vers Nissan et jusqu’à Lespignan et Vendres. La nouvelle impulsion économique et le démarrage des ateliers d’amphores La localisation des ateliers de potiers de Corneilhan et de Laurens, liés, tel celui de Soumaltre, à un habitat, et dont la production démarre dans le contexte colonial, va dans le même sens, comme le montre leur installation sur des axes de Béziers C, en coin de centurie pour La Teularié (Corneilhan) 133, de part et d’autre d’un axe pour l’officine de Laurens (fig. 29). 118

L’aménagement du territoire et les cadastres centuriés

Fig. 29 : Deux ateliers d’amphores dans la centuriation coloniale : Corneilhan et Laurens.

Quant à l’atelier augustéen de Bourgade (Béziers), situé dans la vallée du Libron, à quelque 300 mètres de la voie domitienne, sur la limite communale Servian/Béziers, il s’est commodément implanté, lui aussi, à proximité d’un carrefour134. Partout la mise en valeur coloniale des terroirs, qui affiche ses liens avec la viticulture dont l’essor, sur la lancée des investissements antérieurs, suit très rapidement la fondation de la colonie, fonde ce constat d’opulence terrienne que diffuse, vers le milieu du I er siècle de notre ère, le géographe Pomponius Mela135. Un tel constat rend difficile l’existence d’une éventuelle renormation qu’aurait réalisée – sous Auguste ou à une date julio-claudienne ? – une immense centuriation Béziers D136, dont les traces sont d’ailleurs inorganiques, bien évanides 137, et peu convaincantes 138. Il semble donc plus raisonnable d’en rester, en fait de renormation impériale, au cadastre Béziers A, datable de l’époque flavienne, qui constitue l’outil de réponse aux nouvelles exigences de développement et met en place les nouvelles modalités d’adaptation des campagnes de l’Ouest Héraultais à l’économie rurale impériale en remodelant l’espace de façon différentielle. La renormation impériale et la vitalité du puzzle paysager hérité La réalisation en Biterrois d’une troisième centuriation qui vient, une nouvelle fois, renormer le paysage foncier, non seulement a longtemps interrogé les spécialistes du monde rural antique, mais a également posé des questions spécifiques d’aménagement et de droit foncier, lesquelles n’avaient pas échappé aux juristesgéomètres romains dont plusieurs ont évoqué les difficultés de lecture139, plus que de

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fonctionnement, de tels paysages hérités, comme en Biterrois, de l’histoire des biens fonciers et de la généalogie cadastrale. La dynamisation des campagnes Son orientation, à 1°5 Ouest, quasiment Nord-Sud, qui l’articule selon un rapport harmonique simple au même tronçon Ponserme-Béziers de la voie domitienne140, a donné à la centuriation Béziers A un impact puissant et durable sur le territoire, où des axes viaires majeurs la suivent encore, conférant à ce réseau une grande lisibilité qui correspond à sa vaste emprise territoriale141 (fig. 30).

Fig. 30 : La renormation territoriale Béziers A.

Toutefois, l’occupation maximale de l’espace qu’elle réalise présente un fort contraste entre son intervention dans les coteaux et les vallées du Nord-Ouest – où de grandes pénétrantes sont repérables tandis que le parcellaire affirme la fonctionnalité du cadastre précolonial B qui y domine encore largement – et la puissance qu’elle affiche dans la plaine littorale, où elle déstructure et/ou efface les aménagements antérieurs, étalant sa puissance, comme dans le territoire d’Agde qu’elle restructure142 en même temps qu’elle achève les entreprises de drainage et d’assèchement initiées dans le cadre des deux réseaux précédents.

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La matrice d’un plan de réaménagement foncier La restitution globale du maillage a pu s’appuyer sur la bonne conservation de nombreux axes forts encore bien préservés et sur un certain nombre de données archéologiques ponctuelles, mais concordantes, même si l’identification des deux axes majeurs reste, ici aussi, de l’ordre de l’hypothèse. Le decumanus Maximus potentiel pourrait correspondre à un axe Ensérune-Agde, que pérenniseraient encore la D 162, sur plus de trois kilomètres à l’Est de Colombiers, et la 112, sur une dizaine de kilomètres entre Villeneuve-les-Béziers et Vias. Le kardo Maximus, qui reliait l’étang de Vendres 143 à Magalas/Monfo, reste encore identifiable dans le paysage sur près de trois kilomètres au Nord de Vendres, et sur plus de sept au Nord de Béziers. L’un des éléments structurants majeurs de la matrice centuriale retenue correspond à l’aqueduc de Béziers qui, au Sud de l’agglomération de MontfoMagalas, suit rigoureusement, dans la vallée du Libron, le KM sur plusieurs centuries, conformément au tracé identifié par Jean-Louis Andrieu144, une configuration tout à fait remarquable qui peut révéler la recherche de terrains publics, par facilité et économie de moyens 145. Cette concordance constitue un indice fort en faveur d’une probable contemporanéité des interventions foncières et ingénériales. D’autant que les choix techniques qui ont prévalu, singulièrement l’utilisation massive du béton dans les tronçons du canal à ciel ouvert – un béton de chaux grasse à granulométrie binaire –, qui font l’originalité de l’ouvrage, apportent également une information chronologique essentielle qui situe la construction de l’aqueduc « à l’extrême fin du Ier siècle » 146. Un second kardo a pu être fouillé au Sud du site de La Domergue (Sauvian) 147. La matrice proposée pour le réseau A148 reçoit ainsi une réelle confirmation dans ce secteur où des chemins qui suivent les axes cardinaux impressionnent toujours le paysage au Nord de Lespignan et entre Vendres et Saint-Martin (Béziers)149, tandis qu’une voie matérialisant le 7e kardo UK a été mise au jour à Valras 150. La voie, bordée par une petite nécropole, une zone d’ensilage et un important dépotoir, dont les artefacts archéologiques datants s’inscrivent dans une fourchette située autour des années 80 de notre ère, suit le tracé cadastral, lequel correspond exactement à la voie attestée en 1068 comme la « route qui va de Sérignan à Valras », de Sirignano ad Valranum151 (fig. 31).

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Fig. 31 : Pérennisation de la trame et de la voirie cadastrales sur la limite communale Valras-Sérignan.

En Nord Biterrois, où ce cadastre semble avoir été matérialisé par de grandes pénétrantes plus que construit au niveau du parcellaire, il est possible de restituer le parcours de plusieurs axes, au Sud de Servian, de part et d’autre de Corneilhan, ou encore autour de Murviel-les-Béziers 152. Autant de tronçons qui localisent des secteurs bien identifiables, d’extension plus ou moins ample, mais qui révèlent la souplesse des interventions caractéristiques du réseau impérial A. La forte présence de cette renormatio qui a assuré un réaménagement foncier général se lit dans le plan d’occupation des sols qui exprime un élargissement maximal de l’espace productif, le Ier siècle de notre ère et la première moitié du IInd correspondant à la plus haute densité d’établissements ruraux. À la périphérie de l’agglomération biterroise, la puissance transformatrice de ce réseau, effacé par l’expansion urbaine, est restée longtemps structurante. Spectaculaire au Sud-Est, vers Montimaran et Saint-Jean d’Aureilhan (Béziers), sur le cadastre napoléonien de 1829, et encore sur les images aériennes de 1968, l’intervention du cadastre impérial y a été confirmée153. Elle est également vérifiée autour de Bastit où deux villæ étaient reliées par une voie bien insérée dans cette trame154 et, plus à l’Est encore, par un long tronçon de chemin creux 155. Au-delà de la zone périurbaine, le cadastre A est aussi largement perceptible. On le retrouve ainsi, dans le Nord Biterrois, sur les deux rives de l’Hérault, vers Tourbes-Nizas, comme aux abords de Servian et de Roujan. Des ensembles compacts de plusieurs centuries structurent les vides des réseaux précédents, on le note aussi bien autour de l’agglomération de Roujan que dans la zone des étangs méridionaux, 122

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entre Nissan-Colombiers et Lespignan-Vendres 156, où il rééquilibre paysage humain et tissu économique, comme le montrent l’adaptation de certains sites et la renormation du parcellaire. L’extension maximale de l’espace productif C’est, au reste, dans les zones méridionales, entre Orb et Aude notamment, où on compte nombre de petites dépressions fermées, dont certaines ont été colmatées à l’époque romaine, et où les cadastres précédents semblent avoir eu du mal à s’imposer, que la dynamique des nouveaux fronts pionniers impériaux s’affiche le mieux, avec la pression différentielle que ce réseau a exercée. Sa forte maîtrise – peut-être à la suite, notamment, d’échecs qu’ont pu enregistrer certains colons 157 – est l’un des traits majeurs de la mutation des paysages de la plaine littorale où cette trame achève la politique de colonisation des terres et assure la relance en intégrant les réussites antérieures. On le voit très nettement avec l’imbrication des terroirs de la villa de La Savoie (Vendres) 158, dont le parcellaire, isocline au réseau colonial Béziers C, a été intégré tel quel dans la centuriation impériale (fig. 32).

Fig. 32 : Parcellaire et villa de la Savoie (Vendres).

Ce réaménagement qui autorise une pénétration efficace des zones basses, permettant bonification des terres et conquête de nouveaux terroirs, reste inscrit dans le paysage et détermine encore, même partiellement, jusqu’à nombre de limites administratives, communales et cantonales. Les terroirs de Vendres offrent un excellent révélateur de l’emprise massive de la centuriation impériale (fig. 33). L’image de l’occupation du territoire qu’elle dessine est alors celle d’un espace plein qui exprime l’excellente santé économique du Biterrois, qui repose principalement sur la terre et un bon équilibre agro-pastoral, qui se combinent à une réelle dynamique artisanale.

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Fig. 33 : La commune de Vendres dessinée par la voirie impériale romaine. Plan cadastral d’assemblage.

Cette phase de grand développement se lit dans la vitalité d’un réseau dense d’établissements ruraux, viticoles pour l’essentiel, qui se déploie dans l’ensemble du territoire et y dessine la plus large occupation du sol dès la seconde moitié du Ier siècle. L’archéologie désigne, en effet, l’époque flavienne comme le moment d’occupation maximale du territoire, de colonisation de tous les types de terroirs et de restructurations, économiques et foncières. C’est aussi alors que se réalisent sur plusieurs sites des investissements de production majeurs 159 et que les villæ se font, cette fois, réellement luxueuses. Dès lors, la finalité de ce nouveau réseau cadastral interroge. Il s’agit clairement de renormer et de réaménager, vers 80 précisément, certains secteurs toujours marqués par la centuriation coloniale (fig. 34), voire par le cadastre précolonial, et d’achever la conquête de terroirs, surtout dans la plaine littorale, en avançant de nouveaux fronts pionniers.

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Fig. 34 : Insertion d’anciens domaines coloniaux dans le cadastre impérial Béziers A : la villa « Temple de Vénus » (Vendres).

On constate, de fait, que c’est dans le cadre de cette ample renormation des terroirs qu’a lieu la dernière phase du peuplement rural antique, un certain nombre d’établissements étant créés à partir des années 50 et dans la seconde moitié du Ier siècle de notre ère. Mais ces créations interviennent quand certains établissements, souvent les plus petits, semblent déjà fragilisés. L’image des campagnes se complexifie alors quand, dans un développement manifestement inégal, le monde rural est confronté à des changements structurels. Dans ce contexte, ni le rôle qu’a pu assumer le cadastre impérial ni les enjeux que recouvre une restructuration d’aussi vaste ampleur à une période de haut développement productif en Biterrois, agricole et artisanal, ne vont de soi. Le cadre d’un retournement de la conjonture économique Le rôle de cette vaste renormation est, en effet, d’autant moins facile à saisir qu’on sait bien qu’à partir de la fin du Ier siècle et, surtout, de la mi-II nd s., le développement quasi continu qu’a connu le Biterrois depuis plus de deux siècles semble affronter une situation nouvelle. Une vague d’abandons, comme dans l’ensemble de la province, touche, de fait, vers la fin du IInd/début du IIIe siècle, près

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de 50% des sites dans certaines parties du territoire. La tendance est donc lourde, même si ces chiffres, nettement plus faibles en périphérie urbaine où les disparitions d’établissements se situent autour de 30%, indiquent une relative résistance par rapport à ce qu’on observe ailleurs dans la province, en Vaisonnais (59%), par exemple, ou en Tricastin (65%). Plusieurs explications ont été avancées, économiques, sanitaires, démographiques, mais les choses sont sans doute plus complexes, quand on perçoit bien que des remembrements fonciers s’opèrent globalement au moment où on connaît les mesures envisagées par le pouvoir impérial, dès les premiers Flaviens, sans penser uniquement à l’édit d’arrachage des vignes de Domitien. Ne faut-il pas voir alors dans le cadastre impérial Béziers A un outil révélateur de la volonté des empereurs de récupérer des terres publiques et d’affirmer – ici comme à Orange, par exemple, où les cadastres de marbre le documentent sous Vespasien – leur potestas sur certaines terres intégrées dans le territoire des colonies 160 ? On pense à la fois aux subcésives et à ces « terres exclues [de la limitation] et non assignées », l’ager extra clusus et non adsignatus, c’est-à-dire à « tous les lieux qui ont pu être conservés par un ancien possesseur » 161, italien ou indigène, à ces terres laissées, longuement parfois, aux exploitants qui les occupaient et en avaient assuré la mise en valeur. La plus-value ainsi dégagée ne pouvant que profiter au pouvoir propriétaire. Or, si Domitien a finalement reculé en Italie devant les groupes de pression hostiles aux récupérations de terres, ce n’est pas le cas dans les provinces. Deux auteurs gromatiques apportent des données essentielles sur ce point, Hygin 162 et Siculus Flaccus, au moment où émerge la question du « territoire », avec la redéfinition des statuts et des conditions des terres, processus, initié sous les Flaviens et encore inachevé quand Siculus Flaccus écrit, au début du IInd siècle, sans doute sous Trajan 163. Il n’est donc pas impossible, dans ce Biterrois dont le dynamisme est si puissant sous les Flaviens, de voir dans la restructuration cadastrale un cadre qui a pu contribuer, à terme plus ou moins proche, à affaiblir les plus fragiles, au moment où il faut se réajuster aux nouvelles conditions du marché impérial, et favoriser les mieux armés, lors de l’explosion domaniale bien mise en évidence par l’archéologie. Quand certains établissements s’étiolent ou disparaissent, d’autres s’agrandissent, en effet, et développent leurs équipements, dont l’ampleur des chais et leur nombre – 2 ou 3 dans certains domaines – donnent la mesure164. La situation qui a prévalu sur le bassin de Thau, pour lequel on dispose de données précises, montre bien comment la carte d’occupation du sol s’est modifiée au cours du Haut-Empire165. D’anciens domaines se sont effacés, sans doute intégrés, comme autant de satellites, dans de grandes exploitations, évaluées à plusieurs centaines d’hectares, qui restent prospères jusqu’à la fin de l’Antiquité. 126

L’aménagement du territoire et les cadastres centuriés

C’est, au reste, pour nombre de sites où elle est bien attestée, notamment en périphérie urbaine où un peu plus de 50% des établissements se maintiennent jusqu’au IVe siècle au moins, un peu moins de 20% jusqu’au Ve s., tandis que moins de 10% se prolongent au-delà, au VI e s. et au haut Moyen Âge, une longévité assez remarquable dont la viticulture est aussi partie prenante. C’est le cas à la villa des Prés-Bas à Loupian, qui possède son atelier, son entrepôt, son port, et dont le troisième état de la partie résidentielle est somptueux, dans le second quart du IVe siècle. Comme aussi à La Courondelle (Béziers) aux IVe-Ve siècles, aux Fangasses (Béziers), villa particulièrement riche166, aux Farguettes (Nissan) et aux JurièiresBasses (Puissalicon)167 aux Ve-VI es., à la Croix de Poumeyrac (Béziers) jusqu’au VII es. La puissance synthétique de l’outil cadastral, indissociable des procédures gromatiques qui ont régi les rapports harmoniques entre les cadastres successifs, est directement lisible dans la position remarquable de nombreux érablissements dans l’un et l’autre des réseaux cadastraux. Et c’est vrai aussi des ateliers, dont les plus anciens semblent s’être bien adaptés aux renormations et continuent à fabriquer les amphores gauloises tandis que démarre, dans plusieurs officines, une nouvelle gamme de produits avec la BOB, cette céramique Brune Orangée Biterroise168 produite à partir des années 80, notamment dans les ateliers de la vallée du Libron 169, qui s’est largement diffusée au-delà du Biterrois, du Lunellois au Roussillon, aux II nd-III e siècles, et se poursuit jusqu’au IVe. Signe de la diversification des productions et de la vitalité de l’artisanat dans cette vallée du Libron qui irrigue le cœur du Biterrois, la BOB affiche l’adaptabilité des producteurs qui ont mis sur le marché une vaisselle de cuisine dont le répertoire170, particulièrement bien reçu par la clientèle régionale, qui apprécie notamment les urnes, reprend avec bonheur des modèles africains. Les centres de production (fig. 35) – six attestés, auxquels il faut peut-être ajouter un septième – sont souvent polyvalents, assez étroitement liés à la production d’amphores, et clairement imbriqués dans le tissu cadastral. L’atelier de Bourgade (Béziers), vraisemblablement implanté dès la période coloniale171, bien intégré dans le réseau C, s’inscrit aussi dans l’orientation du cadastre impérial qui a clairement encadré l’essor des campagnes dans le dernier quart du Ier siècle. Dans le Sud-Ouest Biterrois, où aucun atelier n’est attesté à ce jour, il semble toutefois possible de penser que le site de Puech Oré (Lespignan), qui a livré, lors de prospections systématiques, une quantité considérable de matériel céramique, dont de très nombreux surcuits de BOB, puisse localiser un atelier de production. L’établissement, qui démarre dans la seconde moitié du I er siècle avant notre ère, bien implanté dans la centuriation coloniale172, a été intégré dans la renormation impériale dont les traces fossiles modèlent profondément le paysage et orientent de nombreux chemins dans ce secteur Lespignan-Vendres. 127

Autour de la Domitienne. Genèse et identité du Biterrois gallo-romain

Fig. 35 : Ateliers de production céramique : la Brune Orangée Biterroise (BOB), Ier-IV e siècles.

L’ampleur de cette renormation impériale, sa morphologie et sa dynamique, qui a affecté prioritairement trois grands secteurs – tout le Sud Biterrois entre l’étang de Capestang et l’étang de Thau173, la moyenne vallée de l’Hérault et le Nord Biterrois, entre Libron et Orb174 – révèlent ainsi une entreprise d’envergure que les données disponibles permettent de rattacher, avec une très forte vraisemblance, à la politique flavienne de relance. Elle a dû s’appuyer, dans l’Ouest Héraultais comme ailleurs, sur une vaste opération de revendication des terres publiques au cours des dernières décennies du I er siècle de notre ère. Alors montent de gros problèmes – agro-économiques et fiscaux –, tant au sein des colonies qu’au niveau du pouvoir impérial qui cherche à définir de nouvelles relations entre l’État et les provinces. Après la crise de 68-69, puis sous les premiers Antonins, le contexte ayant encore changé, la maîtrise de terres nouvelles se fait plus pressante quand, pour les colonies, les rapports avec les autres communautés s’aggravent, et que certaines perdent alors des prérogatives, ou même des territoires. S’il n’est pas impossible de penser qu’une autonomisation des communautés latines puisse intervenir dans ce contexte, force est de constater qu’elles n’ont pas dû, comme Agde et l’Agadès, échapper aux renormations. Au total, les trois générations de cadastres – bien mises en évidence par les fouilles de l’autoroute A 75175 – ont marqué les terroirs de l’Ouest Héraultais avec une résilience différentielle qui affiche assez clairement les stratégies mises en œuvre en fonction, à la fois, des potentialités différentes d’intervention sur le milieu et des conditions politico-économiques des moments concernés. Elles laissent aujourd’hui des secteurs plus profondément modelés par l’un ou l’autre des réseaux centuriés : le système précolonial Béziers B dominant dans le 128

L’aménagement du territoire et les cadastres centuriés

Nord Biterrois, la centuriation coloniale organisant fermement l’Ouest et la proximité de la voie consulaire, outre la périphérie de la ville, enfin le cadastre impérial Béziers A prévalant essentiellement dans le Sud. Pour autant, au sein même des zones à morphologie dominante, l’histoire cadastrale a généré des situations plus complexes engendrées par les renormations, ce que connaissaient bien les arpenteurs, invitant juristes et hommes de terrain à les repérer pour mieux les débrouiller. Hygin l’Arpenteur rappelle que, dans tel cas : « le tracé de l’ancien mesurage est recoupé par les nouveaux limites [et que] les pierres des anciens carrefours apparaissent encore »176.

Et Siculus Flaccus précise : « Dans certaines régions encore (…) ce sont les mêmes pierres et les mêmes limites restés après les assignations ultérieures qui sont devenus les points de repère ; mais, dans d’autres régions, quand on a organisé les limites, on a posé d’autres pierres, tout en laissant celles qu’avaient posées les arpenteurs des Gracques et de Sylla. Et ce point devra être examiné avec attention »177.

C’est ce travail de déchiffrement qui a pu être mené autour de Vendres 178, où les opérations gromatiques ont laissé subsister des figures foncières et fiscales qui, en enregistrant les changements dans les formes d’exploitation et de propriété, ont produit des situations d’imbrication plus que de superposition.

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CHAPITRE 5 : LA VITICULTURE ET LES PAYSAGES DU VIN

La place de la vigne dans un paysage de polyculture très diversifiée, l’importance de la viticulture et l’ampleur des structures d’exploitation qu’elle a produites dans le Biterrois gallo-romain ne cessent de se préciser depuis les années 1990 et impressionnent chaque jour davantage. C’est d’ailleurs vrai de façon plus générale dans l’ensemble des Gaules où les données ont été largement modifiées depuis peu par le double apport des fouilles préventives 1 et des analyses biochimiques. On connaissait auparavant quelques grands sites, mais les chais – structures de vinification et de stockage –, comme les vestiges de plantation, se multiplient désormais partout, et notamment autour de Béziers aussi bien que dans le Piscénois. Les fouilles récentes y confirment ce qu’on savait sur les rives de l’étang de Thau et dans la vallée de l’Hérault, où tous les sites fouillés disposent d’installations viticoles. Et il faut sans doute étendre plus largement ce constat sur l’Ouest Biterrois, vers Vendres, Nissan, Colombiers, Montady, Maureilhan, Capestang…, la situation semblant, à ce jour, plus nuancée plus au Nord, vers Cazouls par exemple. Les nouvelles observations sont également décisives sur le moment de l’implantation de la viticulture. Elles indiquent une diffusion de la vigne dans le Midi plus précoce qu’on ne l’a longtemps cru, et la longue présence d’une viticulture de rapport dans cette partie du Languedoc – ce qui ne signifie évidemment à aucun moment monoculture. Elles montrent aussi que les surfaces plantées en vigne ont évolué et que, même si elles ont très sensiblement reculé à certaines périodes, elles n’ont jamais totalement disparu, ni dans l’Antiquité tardive, ni même plus tard. Dans l’ensemble du Biterrois, les derniers sites antiques occupés sont liés à la vigne, de Loupian, Puissalicon ou Béziers à Nissan. En se précisant, l’histoire de la viticulture révèle, avec la longévité de nombreux sites, le rôle génétique de la période gallo-romaine qui apparaît de plus en plus nettement. Un rôle déterminant pour les paysages du vin2, dont on peut dire qu’ils se construisent vraiment à partir du tournant de l’ère, même si leur implantation n’intervient pas partout au même moment et si leur rôle s’affirme tout au long du Haut-Empire dans la dynamique des territoires.

Autour de la Domitienne. Genèse et identité du Biterrois gallo-romain

Mais, dans cette longue histoire, entre dynamique et adaptations, le premier point à éclaircir concerne la place de la vigne avant l’arrivée de Rome dans la région. Les prémices préromaines de la viticulture La vigne est indigène à l’état sauvage dans le Midi gaulois 3, mais la viticulture, elle, est traditionnellement liée à l’installation des Grecs à Marseille vers 6004, qui auraient « appris aux indigènes à tailler », inaugurant une diffusion culturale. Au reste, les plus anciens témoins archéologiques d’une viticulture, jusqu’ici datés du IVe siècle en territoire marseillais, remontent désormais au Ve siècle avant notre ère, vers Lançon de Provence où les premiers indices de vinification montrant une réelle maîtrise des processus ont été identifiés en milieu indigène5. De fait, la culture de la vigne est perceptible dans le Midi méditerranéen à partir du Ve s. avant, dans le secteur bas-rhodanien 6 et en Languedoc où les Étrusques, avant les Grecs, ont apporté leur vin. Les premières évidences régionales étant situées jusqu’ici à Lattes/Port Ariane aux IVe-III e s., voire au Ve siècle, de possibles apports étrusques ayant d’ailleurs été évoqués 7. Or, des traces qui comptent « parmi les plus anciennes de Gaule » 8 sont aujourd’hui attestées en Biterrois. Si les pithoi avec résidus de résine retrouvés en ville ont dû contenir du vin, en périphérie urbaine on a mis au jour, à 300 m au Sud d’un établissement implanté dans la seconde moitié du VI e siècle, à La Courondelle (Béziers), des fosses de plantation et des traces de provignage, datées entre le VI e et le IVe siècle (fig. 36).

Fig. 36 : Traces de provignage datées de l’Âge du Fer à La Courondelle (Béziers). Cliché CAG 34/4, 501.

Dans l’Ouest Biterrois, des traces précoces auraient été repérées à Camp Redon (Lespignan)9, à quoi il faut ajouter les indications recueillies dans l’étang de Montady, au pied d’Ensérune. On sait que le vin a circulé tôt sur la voie « héracléenne » 10, mais la découverte de pépins de raisin dans les tranchées réalisées dans l’étang semble confirmer « le caractère probablement cultivé de la

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La viticulture et les paysages du vin

vigne » dans ce secteur, entre le début du IVe siècle et la fin du III e siècle avant notre ère11. L’apport des dolia d’Ensérune, à partir du IIIe siècle, dont les timbres montrent épis et grappes (fig. 37) et dont les inscriptions, en ibère ou en celtique12 – anthroponyme ou nom du contenu conservé dans ces jarres13 –, pourraient aller dans ce sens. Même s’il n’y a pas preuve de production. Fig. 37 : Timbre doliaire avec épis et grappes de raisin, Ensérune. Cliché Pierre Tissot.

Toutefois, cette viticulture précoce, qui commence à se matérialiser en Biterrois, au moins en périphérie des oppida, reste encore évidemment minoritaire, les données disponibles révélant un rôle limité de la vigne, la céréaliculture ayant connu un fort développement à l’Âge du Fer. Ici, comme à Lattes ou dans le Gard14, les pépins de raisin indiquent une place restée longtemps très inférieure par rapport à celle des céréales et légumineuses. Les choses commencent à changer dans la seconde moitié du III e siècle, quand la courbe des pépins exprime l’envolée de la viticulture locale à partir de 225, quand la physionomie des exportations s’inverse et que fléchissent définitivement les entrées de vin marseillais face aux vins italiens (fig. 38).

Fig. 38 : Évolution des importations de vin et de la présence de pépins de raisin à Lattes (IV e-Ier s. avant notre ère).

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Quant à l’Agadès, où quelques éléments seraient perceptibles autour de 250-225, sous l’influence de sa métropole, Marseille, dès le IInd siècle de nombreux établissements ruraux seraient viticoles 15, des amphores gréco-italiques sortiraient d’ateliers agathois et le vin local serait diffusé dans la vallée de l’Hérault, parallèlement aux importations italiques 16, même si c’est surtout plus tard, à partir de la mi-II nd et au I er siècle17, que la viticulture paraît s’y développer à grande échelle, dans un contexte nettement soumis à la pression italienne. C’est seulement dans les années 150, après la première intervention romaine dans le Midi pour soutenir Marseille, que la « chora viticole » aurait connu une réelle extension. Des fermes, pourvues de pressoirs, de bassins de décantation en mortier de type grec et formant un réseau conséquent, commencent à produire dans ces années 150 un vin conditionné dans des amphores Dressel 1A produites sur place, dans des ateliers intégrés qui fournisssent aussi les pithoi/dolia nécessaires au stockage18. Le démarrage préromain de la viniculture s’éclaire ainsi progressivement, imposant d’aborder la question de la participation éventuelle des indigènes à l’expansion et à l’exploitation de la vigne. Mise en place et développement des structures de production Partout en tout cas, une dynamisation incontestable intervient dans des paysages qui connaissent des transformations importantes, comme dans tout le Midi, à partir de la fin du II nd siècle, même si les changements se coulent dans la logique de développement de la société indigène, mieux connue aujourd’hui. Les choses changent d’échelle, en effet, quand deux éléments nouveaux modifient le contexte, la réalisation du premier cadastre rural, le réseau précolonial Béziers B19, et l’arrivée de noyaux de population italienne, certaines familles étant installées en Narbonnais et en Biterrois, qui occupent rapidement les bonnes terres confisquées et bénéficient des importants transferts de terres qui suivent. Le démarrage précoce et le poids des Italiens Dans un contexte global difficile à apprécier pour les premières décennies qui suivent la conquête, les changements démographiques et fonciers modifient la structure économique par l’apport conjoint de capitaux et de savoir-faire qui favorisent incontestablement le développement de la viticulture20, impulsant un démarrage rapide et de grande portée. La densité d’occupation du sol augmente significativement, les campagnes et les paysages se modifient quand la vigne commence à s’étendre tandis qu’ils se peuplent de fermes nouvelles, qui restent traditionnelles, plus ou moins longtemps

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en matériaux périssables, mais dont les activités de production et le plan commencent à se transformer. Les premiers travaux de préparation du sol connus en Biterrois, et bien datés de l’époque républicaine, se localisent dès 100 avant notre ère environ dans la proche périphérie de Béziers, où ont été mises au jour, dans un parcellaire isocline au cadastre précolonial, des fosses de provignage, à quelque 300 m au Sud de l’établissement de La Courondelle (Béziers) qui possède dès lors un bassin de décantation 21. Plus au Sud, dans la plaine littorale, c’est un autre ensemble de vignes républicaines, associées à un parcellaire fossoyé et à un chemin également orienté selon le cadastre Béziers B, qu’a livré le site de Fonseranes 22 tandis que des défoncements en tranchées ont été reconnus à La Domergue (Sauvian) 23. Ils n’ont pu être datés mais on sait que le site est implanté sur un chemin de la fin du II nd siècle avant notre ère, lui aussi isocline au cadastre Béziers B. C’est d’ailleurs sur ses axes que s’alignent en très grande majorité les sites républicains précoces, nouvellement créés ou non24, achalandés en produits importés, largement rediffusés dans les campagnes par les oppida. Amphores à vin italiques et vaisselle campanienne y sont accompagnées des dolia, ces cuves en terre cuite qui sont, avec les cuves de décantation à cupuli, de véritables marqueurs de la viticulture. La présence, très nette dans le Nord et le Nord-Est biterrois 25, de l’amphore italique, indicateur de l’ampleur des importations, également lisible sur les oppida, à Ensérune ou à Magalas, est de plus en plus documentée dans l’Ouest, où la même dynamique devait exister. Sur les quelque 300 sites répertoriés entre l’étang de Capestang et l’Orb, plus des 2/3 semblent liés à la viticulture et les 4/5 de ceux qui produiront du vin sont en place très tôt, même si tous n’en font pas dès l’origine. Sur un échantillontest d’une quarantaine d’établissements recensés, parmi lesquels les deux tiers ont pu faire du vin, un quart d’entre eux a pu produire dès le Ier s. avant. Ils semblent d’ailleurs avoir démarré modestement, comme fermes, dans un paysage toujours dominé par la céréaliculture. L’implantation de ces sites républicains, qui suit massivement les axes du cadastre, est très révélatrice entre les étangs de Capestang et de Montady et vers le Sud, autour de l’agglomération d’Ensérune, en plein développement mais dont les terres semblent déjà largement entamées (fig. 23). Il faut donc envisager dès ce moment le début d’un remodelage des équilibres du terroir de l’agglomération. Dans un paysage de plus en plus ouvert, toujours largement céréalier, mais soumis à une pression anthropique croissante, l’émergence de nouveaux établissements accompagne alors l’essoufflement progressif d’établissements préromains. Ainsi de Soustre V, implanté au pied 137

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d’Ensérune, en rive de l’étang de Montady 26, ou encore de l’occupation nouvelle de la rive orientale de l’étang 27 comme des bords de l’étang Bernat (Colombiers), dès les dernières décennies du II nd siècle avant. Cette période « 120-50 avant », de grand essor rural, a été très troublée dans la province à la fois par les révoltes de plusieurs peuples et par les affrontements des guerres civiles, qui y ont fortement opposé les clientèles politiques, notamment de Pompée et de César 28. Or, pour ce qui concerne la politique viticole, on dispose de deux textes importants. Le premier est une plaidoirie de Cicéron qui défend, contre les peuples gaulois de la Province, le gouverneur des années 76-74, Fontéius. Il est accusé d’avoir profité de son pouvoir pour taxer indûment les vins qui circulaient entre Narbonne et Bordeaux, vins des grands propriétaires d’Italie, importés en masse. Déjà une querelle entre intermédiaires – ces hommes d’affaires bien présents dans le Midi – et consommateurs, nombreux dans la population gauloise locale, qui payaient le vin plus cher. Il faut peut-être envisager aussi l’intervention de producteurs locaux, bien attestés maintenant, qu’il s’agisse d’exploitants italiens installés, voire de cultivateurs indigènes, tous lésés par les importations, face à un fort lobby import/export. D’autant que le même Cicéron cite aussi, vingt ans plus tard, dans son traité Sur la République, en 51, la première mesure connue de réglementation, à portée générale, par laquelle le pouvoir romain « interdit aux peuples transalpins de planter oliviers et vignes afin de valoriser nos olivettes et nos vignes », entendons celles d’Italie, bien sûr, mais sans doute aussi celles des Italiens partout installés. La question se pose de savoir si ce texte, première tentative protectionniste destinée à limiter les effets de la crise économique qui frappe alors les campagnes italiennes, a réellement été appliqué. Et, si oui, dans quelle mesure, d’autant que l’agronome Varron connaît la bonne présence de la vigne « à l’intérieur » de la Transalpine, dans les années 50-3029. En tout cas, l’essor de la viticulture languedocienne, biterroise en particulier, ne semble pas avoir été freiné. Pas plus, d’ailleurs, que celui de la Catalogne voisine30. Les producteurs locaux ont dû, en effet, profiter des opérations militaires en Gaule intérieure dans les années 60-50, puis des effets de la conquête de César. Dès lors, s’est ouvert aux vins du Midi, comme à ceux de Tarraconaise, le vaste marché gaulois, et les produits du Biterrois sont bien placés sur les axes de circulation et voies d’accès faciles que sont notamment les vallées de l’Hérault et de l’Orb. Même si l’on sait aujourd’hui que, parallèlement aux importations méditerranéennes, les productions locales émergeaient dans d’autres régions, la vigne et la viticulture ayant commencé, dès les années 40 avant notre ère, à se diffuser autour de la colonie romaine de Lyon 31. 138

La viticulture et les paysages du vin

En un siècle, en gros, le développement économique du Biterrois est devenu indissociable d’une viticulture qui a bénéficié des savoir-faire, des réseaux de relation et des capitaux italiens, qui ont orienté de façon décisive les conditions de production. Mais la question est aussi posée aujourd’hui de la part que l’on peut éventuellement reconnaître aux exploitants indigènes, parfois bien perceptible, dans ce nouveau démarrage, comme possiblement à Vareilles, même si elle reste difficile à préciser. Pour ce qui est de la plaine littorale où les informations, provenant surtout de prospections, ne permettent pas d’aller au-delà du constat, la viticulture semble déjà bien présente puisque, sur quelque 200 sites précoces recensés, une nette majorité serait liée à la vigne. Mais c’est à la période suivante qu’on observe une diffusion singulièrement élargie au cours du Ier siècle, révélant des paliers sensibles, notamment entre 50 avant et 25 de notre ère. L’émergence d’une viticulture de masse dans la dynamique coloniale À partir des années 40-30, une forte impulsion est donnée avec l’installation de nouveaux colons militaires, à Narbonne, en 45, et à Béziers, en 36, qui reçoivent des lots de terre à faire fructifier, lots qu’il faudrait globalement évaluer, d’après les textes, autour d’une quinzaine d’hectares (16,6 ha). Le texte d’Hygin l’Arpenteur précise les normes des auteurs gromatiques, indiquant que le tirage au sort qui régit la distribution des lots organise l’implantation de trois colons dans une centurie de 50 hectares 32. Le réaménagement des campagnes qui s’ensuit, avec la centuriation Béziers C, s’accompagne ainsi d’une puissante vague de création d’exploitations rurales. Les installations rattachables à l’assignation de colons ne sont d’ailleurs pas faciles à repérer, surtout en prospection, mais des fouilles ont apporté quelques précisions sur la situation de plusieurs établissements de datation augustéenne. Au Gasquinoy, les deux habitats mis au jour s’implantent dans les dernières décennies du I er siècle avant, le site Notre-Dame de Consolation (Béziers) a sans douté été créé aux alentours de 12 avant notre ère, Le Trou de Bessou (Sauvian) entre 10 avant et 10 après, tandis qu’à La Courondelle le nouvel établissement qui s’installe vers le changement d’ère s’implante à proximité d’un site précolonial qui vient d’être abandonné. La concomitance ici est d’ailleurs précieuse, le déplacement pouvant révéler un transfert dans lequel il n’est pas exclu de lire, à titre d’hypothèse, l’effet d’une des confiscations qui ont forcément existé, générant des situations de ce type et permettant d’identifier un possible lot de colon. Au-delà du cas particulier, on peut avancer quelques évaluations sur la tendance générale. Dans la zone suburbaine de Béziers, 40% des sites connus démarreraient dans la seconde moitié du I er s. avant ou au tout début de notre ère, 139

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un pourcentage guère éloigné de ce qui est avancé pour la moyenne vallée de l’Hérault, mais très supérieur aux données disponibles pour l’Ouest Biterrois, où c’est un peu plus de 20% des établissements qui seraient datables des débuts de la colonie. Toutefois, si l’on ajoute aux sites antérieurs les nouvelles créations, la proportion s’avère alors très élevée dans un Ouest Biterrois où cette seconde phase de créations correspond, quand le quartier bas d’Ensérune est déjà en partie délaissé, au fort impact de la centuriation Béziers C, au Nord de la voie domitienne33. Elle y paraît partout liée à l’essor de la viticulture qui suit la fondation de la colonie puisque ce sont près de 50% des sites nouveaux qui seraient viticoles. Il faut, bien sûr, rester prudent sur les données issues de prospections de surface34, mais les comparaisons restent significatives avec ce qu’on connaît maintenant ailleurs en Biterrois, et même pour l’Ouest, où tous les sites fouillés sont équipés pour produire du vin. Dans la périphérie de Béziers, plusieurs établissements avaient déjà montré une forte présence de la vigne au tournant de l’ère, mais les données s’accumulent désormais. Au Nord, la villa Font de Cougoul I avait livré35, dans un paysage voué à la polyculture, des fosses de plantation dans un domaine où la vigne arrivait jusqu’aux murs de la villa ; l’établissement voisin de Garissou produisait aussi du vin36 et à Mazeran (Béziers) ce sont plus de 150 fosses (fig. 39), très régulièrement plantées dans un parcellaire isocline à la centuriation coloniale, qui ont été mises au jour 37.

Fig. 39 : Le vignoble de Mazeran (Béziers) : fosses de plantation isoclines à la centuriation coloniale. Cliché B. Morhain. CAG 34/4, 532.

Au Sud, dans la plaine, les découvertes du Gasquinoy (Béziers) ont confirmé ces débuts de la viticulture de masse quand, sur les 20 hectares décapés, 15 étaient voués à la vigne, autour de deux fermes modestes (fig. 26), bâties à la romaine à l’époque augustéenne. Implantées à 250 mètres l’une de l’autre, chacune dispose 140

La viticulture et les paysages du vin

d’installations vinicoles (pressoir, cuves, bassin de décantation, chai à dolia). Les dizaines de milliers de fosses, implantées en mode serré dans ce terroir à peine drainé, ont montré que les vignes atteignaient ici aussi jusqu’à l’habitation, laissant peu de place aux autres cultures 38. À La Lesse-Espagnac (Sauvian), l’établissement mis au jour, d’abord modeste et de même type, également lié à la vitiviniculture39, précise les traits du modèle colonial en même temps qu’il contribue à nourrir une possible carte de distribution des lots coloniaires. Sur l’étang de Thau, aux limites orientales de la cité cette fois, dès -25, dans la ferme de Loupian, coloniale elle aussi, le cellier remplace les silos. Dans l’ensemble de l’Est Biterrois, bien connu maintenant, on a observé que près de la moitié des habitats créés dans le dernier tiers du I er siècle avant ou au tout début du I er s. de notre ère étaient liés à la viticulture et que 1/5 produisait des amphores. Au Renaussas (Valros), dès l’origine le domaine s’engage dans l’exploitation viticole au cours du dernier quart du I er siècle avant 40 et à SaintBézard-La Dourbie (Aspiran), Q. Julius Primus, qu’il ait succédé à son père, loti là comme colon vers -30, ou qu’il soit venu de Pouzzoles, avec ses ouvriers et, peut-être, des cépages, développe une entreprise vitivinicole intégrée41. Dans le grand Sud-Ouest, où les quelques sites qui ont été fouillés produisaient du vin 42 – Le Trou de Bessou43, La Domergue et La Lesse (Sauvian), La Courondelle et le Gasquinoy (Béziers), Les Farguettes 44 et La Vernède (Nissan) –, les proportions seraient comparables, autour de 50%, sinon plus, des établissements connus étant occupés au tournant de l’ère, mais le pourcentage semble nettement supérieur dans la plaine, où près de 80% d’entre eux fonctionneraient dans les premières décennies de notre ère. Les installations coloniales semblent nombreuses, plus du tiers seraient liées à la viticulture, parmi lesquelles un ou deux sites seulement auraient pu produire des amphores, l’atelier connu le plus proche pour s’approvisionner se trouvant à Corneilhan, qui a fourni dès 20-10 avant notre ère. Enfin, de façon plus générale, les parcelles de vignes mises au jour sur le tracé de l’autoroute A 75, entre Tourbes et Valros, et qui ont pu être assez précisément datées, se situent entre le dernier quart du I er s. avant et le II nd siècle de notre ère, implantées une génération plus tôt, semble-t-il, que dans l’ensemble de la Narbonnaise45. On constate ainsi qu’à partir de l’époque coloniale les vignes s’étendent désormais plus largement, plus rapidement aussi, et que le développement viticole du Biterrois progresse à un rythme accéléré tandis que les céréales reculent et que les fruitiers, oliviers compris, dont les différents diagrammes polliniques montrent la longue et bonne présence46, jouissent d’une place non négligeable dans le paysage47. Alors, plus de la moitié des sites producteurs – créations ou non – sont liés à la vigne et disposent de moyens de stocker du vin

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en dolium, marqueur essentiel de site viticole. Alors aussi, certaines installations commencent à changer d’échelle. Sur cette lancée, il est clair désormais que, dès le milieu du I er s. de notre ère, certains producteurs du Biterrois sont pleinement en prise sur l’exportation. Le caractère spéculatif de la production viticole est notable sur plusieurs sites, dont les installations – chais, pressoirs, salles de foulage... – rythment la montée en puissance des centres de production. Le boom viticole du Haut-Empire À partir des années 50-60, quand une nouvelle vague de créations domaniales parachève le peuplement des campagnes, le Biterrois, dont certains producteurs sont déjà présents dans de grands circuits commerciaux, connaît une période de prospérité viticole qui va durer, en gros, deux siècles. Et, même si des importations, matérialisées par les amphores, se poursuivent – les tarraconaises continuent d’arriver en Narbonnaise où elles ont d’ailleurs été imitées un temps, comme les italiques –, les viticulteurs biterrois bénéficient de possibilités inédites d’exportation. Ils profitent d’une inversion des flux quand les productions provinciales concurrencent durement les vins italiens sur les marchés, aussi bien des provinces que de la péninsule. Alors, les producteurs font de nouveaux choix économiques, les vignes semblant gagner désormais tous les terroirs. De fait, les campagnes biterroises changent encore dans la seconde moitié du I er siècle de notre ère : tandis que les domaines les plus anciens affichent majoritairement leur bonne santé, elles se peuplent de villæ qui remplacent alors progressivement les fermes coloniales et visualisent dans le paysage la rentabilité de la viticulture spéculative. Bien sûr, certaines fermes continuent, comme dans le secteur du Gasquinoy, où des exploitations produisant à petite échelle ont été bien identifiées en périphérie de Béziers par Gilbert Fédière et participent, malgré leur durée de vie réduite – en moyenne 100-150 ans –, au véritable boom viticole des années 60-80 de notre ère. Les dimensions modestes de certains domaines et la faible capacité de stockage de leurs chais ne leur permettaient sans doute pas de lutter contre la concurrence face aux nouvelles exigences de gestion qu’exprime le changement d’échelle des exploitations et de leurs équipements. L’établissement de Mont-Ferrier (Tourbes), créé autour du changement d’ère et dont le vignoble est évalué entre 4 et 9 hectares, doté de deux cuves dans la première moitié du I er siècle, étend ses bâtiments viticoles qui occupent l’ancienne cour et construit deux chais au cours des décennies qui suivent, avant de procéder à une seconde restructuration, drastique, dans la seconde moitié du II nd siècle. Le nouveau chai répond aux besoins nés de l’explosion de la production – plus de deux fois et demi supérieure à la

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précédente – qui suit l’extension des vignes, estimées désormais entre 11 et 24 hectares 48. Alors, au-delà du cas particulier, dans une course aux profits que concrétisent des investissements où certains ne tardent pas à s’épuiser, les différences s’accusent nettement. Si de petites fermes possèdent des chais de faibles capacités de stockage – elles sont évaluées entre 228 et 285 hectolitres à Mont-Ferrier dans les deux chais du début du IInd siècle, et à 300-350 hectolitres au Gasquinoy –, certaines peuvent garder quelque 400-600 hectolitres dans moins de 40 dolia. Parmi les établissements de dernière génération, on voit Le Crès (Béziers), né dans le courant du I er siècle49, s’équiper de deux chais à dolia, d’une contenance moyenne évaluée à quelque 60 conteneurs. Aux marges de la cité, 300 à 420 hectolitres auraient même pu être stockés au domaine de La Quintarié (Clermont-l’Hérault), situé au sein d’un vignoble, dont une douzaine de vignes ont été restituées, qui a « gagné sur toutes les terres disponibles » et occupe entre 1/3 et 2/3 de l’espace agricole50. Les domaines moyens, qui restent les plus nombreux, stockent, eux, quelque 1.500 hectolitres (plus ou moins 200), comme M. Aufidius Fronto aux Prés-Bas (Loupian), avec son chai d’environ 100 dolia. Quant aux grands établissements, leurs capacités de stockage sont nettement plus importantes. À Saint-Bézard-La Dourbie (Aspiran), où plus de 150 dolia de 12-14 hectolitres ont été dégagés, celles de Q. Julius Primus sont estimées autour de 2.000 hectolitres, et même à 4.000 avec le second chai. À La Domergue (Sauvian) 51, les 3 celliers peuvent abriter, dans quelque 250-260 dolia, jusqu’à 4.200 hectolitres (fig. 40), comme peut-être aussi à La Lesse (Sauvian).

Fig. 40 : Les capacités de stockage du vin à la villa de La Domergue (Sauvian).

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C’est sans commune mesure avec les chais des plus grands établissements comme Vareilles (Paulhan) 52 (fig. 41), qui équivaut à 20 petits domaines, dont la capacité de stockage, avec 3 chais supplémentaires, dépasse les 7.000 hectolitres, et serait même portée à 8.550 hectolitres dans la première moitié du II nd siècle, quand les 4 chais ont dû fonctionner ensemble.

Fig. 41 : L’évolution des chais et le stockage du vin à la villa de Vareilles (Paulhan). D’après S. Mauné.

Ce type d’établissements n’était connu que dans la vallée du Rhône jusqu’à leur découverte en Biterrois, or Vareilles 53 stocke deux, voire trois fois plus que Le Molard à Donzère qui, avec ses 2.500 hectolitres, est resté longtemps l’archétype du grand domaine viticole gallo-romain. Pourtant, dans cette vallée de l’Hérault qui apporte des données impressionnantes, où les grands et très grands établissements font du vin et, plus largement, dans l’ensemble du Nord-Est Biterrois, on a constaté que les fermes et petites villæ, possible témoignage de l’implantation de colons (?), constituent le plus fort pourcentage de sites viticoles 54. Dès lors, les comparaisons qu’autorise aujourd’hui la meilleure connaissance des caves régionales du Haut-Empire donnent la mesure de la production du Biterrois même si, aux marges occidentales de la cité, les données restent moins précises. À l’exception des fouilles anciennes de La Savoie (Vendres)55 et de Vivios (Lespignan) 56 et des récents chantiers du Gasquinoy, de La Lesse et de La

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Domergue, un seul établissement viticole, Les Farguettes à Nissan, a pu être partiellement étudié avec sa salle des pressoirs et sa cuve alto-impériale, sa capacité de stockage restant inconnue57. Dans ce secteur, où plusieurs chais ont été détruits, des recherches manquent donc pour mieux étayer les données issues des diverses campagnes de prospections de terrain58 et les comparaisons. Dans le grand Biterrois du Haut-Empire où il faut restituer un vignoble assurément discontinu, à l’ampleur et aux capacités plurielles, mais très largement présent, la filière vitivinicole prospère ainsi dans un espace agricole plein et diversifié que peuple, à la fin du Ier siècle, un réseau hiérarchisé et dense de domaines viticoles. Son dynamisme est matérialisé par les chais et par les ateliers de production, autonomes ou domaniaux, qui fournissent la gamme des différents types pour les indispensables conteneurs, les dolia et amphores n’excluant pas d’autres modes de stockage et/ou de transport. Cet incontestable dynamisme de la viticulture biterroise a-t-il alors été affecté par les changements qui interviennent dans la politique agricole de l’Empire au cours des trois dernières décennies du I er siècle, quand, pour des raisons économiques et fiscales, le pouvoir impérial tente d’abord, avec Vespasien, de récupérer des terres publiques, puis, avec Domitien, d’imposer des arrachages de vignes ? Deux mesures qui touchent les provinces. On peut, en effet, se demander si la mise en œuvre du cadastre impérial Béziers A, dans les années 80, peut exprimer les effets qu’auraient eus sur place les premières mesures quand il réaménage et renorme fortement certains secteurs ruraux, dans le Sud Biterrois notamment 59, où les restructurations sont clairement associables au développement viticole. On l’observe autour de Béziers comme vers Vendres et, très précisément, pour les terroirs de la villa de La Savoie (fig. 32). En revanche, ses interventions semblent, dans l’état actuel de nos connaissances, avoir touché de façon très différentielle les terroirs de l’arrière-pays dont les équilibres culturaux étaient moins massivement viticoles. Bien présentes dans l’Ouest jusque vers Puisserguier-Cazouls, notamment autour de l’étang de la Voûte, certaines opérations de renormation y seraient apparemment, comme dans le Nord-Est Biterrois, associées à la présence de la vigne. Et il faut aussi se demander dans quelle mesure les restructurations agraires opérées par le cadastre A pourraient rendre compte des difficultés perceptibles dans les premiers abandons de fermes et sites modestes qu’on observe dès la fin du siècle, signatures possibles et, au demeurant, limitées, de réajustements fonciers et économiques. C’est, en tout cas, à ce moment que Domitien intervient directement dans le domaine agro-économique par deux édits qui, en pesant sur l’agriculture italienne et sur le marché impérial, ont concerné plusieurs provinces, dont la Narbonnaise. 145

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C’est le cas de l’édit sur les subcésives, en contradiction avec la politique suivie par son père et son frère, comme le souligne Hygin qui revient à deux reprises sur la question, critiquant une décision prise aux dépens des communautés : « Alors même qu’ils relevaient du droit commun ou public, l’empereur Domitien les a prodigués aux possessions voisines » 60. Or, cet édit semble bien avoir eu des effets pervers en poussant à une concentration des terres qui devait favoriser les cultures spéculatives, la vigne notamment, aux dépens des céréales 61. De fait, Domitien, qui doit impérativement maintenir l’indispensable approvisionnement en grains et, en même temps, stopper l’effondrement des prix des vignes et du vin en Italie, est conduit à prendre, en 92, une mesure qui tente à la fois d’enrayer la nouvelle crise viticole de mévente et d’assurer le niveau et la régularité de la production céréalière. Le texte de l’édit impérial est précis : « Estimant que la surabondance de vin et la pénurie de blé étaient dues à l’engouement excessif pour les vignes et à l’abandon des labours, il arrêta qu’en Italie personne ne planterait de nouvelles vignes et que dans les provinces on les arracherait pour n’en conserver, au maximum, que la moitié »62.

Rapportée en Italie sous la pression, la mesure a-t-elle été appliquée dans les provinces et y a-t-il eu des arrachages ? On ne peut rien dire d’une application éventuelle en Biterrois où, même si certaines difficultés sont perceptibles pour les plus modestes dès la fin du I er siècle, la prospérité générale, dopée par la crise italienne, éclate, que rythment les nombreuses restructurations destinées à accroître les capacités de production et de stockage des installations. Car les changements qui interviennent alors sur le marché des vins, au-delà de la place de l’Italie, impliquent assurément des adaptations. Le marché se fait, en effet, plus complexe à partir du I er siècle de notre ère, ce qui correspond notamment à un développement de la viticulture dans le reste des Gaules, largement inconnu jusqu’ici, et qu’on pensait plus tardif, du Lyonnais 63 et de l’Aquitaine à la Bourgogne64 notamment. En Biterrois, comme en Catalogne, le contexte local, conformément à l’évolution régionale, est appelé, en tenant compte des nouveaux paramètres, à évoluer autrement. La viticulture spéculative de la grande époque : une production pour le marché La part de la production viticole dans le développement du Biterrois galloromain est devenue, dès avant le tournant de l’ère, le moteur de la dynamique économique. Pour autant, les évaluations avancées pour mesurer le poids du vignoble, et d’abord la surface qu’il occupe, assignent aux vignes une place limitée

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dans le paysage. Il faudrait l’envisager pour une exploitation entre moins d’une dizaine et un peu plus d’une centaine d’hectares, les surfaces plantées en vigne restant minoritaires, même – et peut-être surtout ? – dans les très grands domaines, et même si on sait que le vignoble dominait dans certains secteurs de la moyenne vallée de l’Hérault, en périphérie de Béziers ou sur la terrasse de Vendres. De façon générale, les hypothèses chiffrées actuellement avancées, calculées à partir des capacités de stockage et établies sur la base de rendements moyens, estimés entre 30 et 60 hectolitres à l’hectare, situent la superficie des vignobles entre 10 et 50 hectares pour Les Prés-Bas, de 60 à 70/80 pour La Domergue, sur un domaine évalué à 500 hectares, de 100 à 150 à Saint-Bézard et à Vareilles, où le minimum se situerait vers120. Pourtant, la vigne a induit des investissements majeurs, consommé une main-d’œuvre conséquente et construit des équipements impressionnants qui révèlent un vrai souci de rationalisation et de rentabilité. Si on a observé que la partie résidentielle est parfois sacrifiée aux bâtiments d’exploitation, prévue pour des séjours temporaires, de contrôle de la production, sachant aussi que le maître pouvait avoir plusieurs domaines, c’est dans l’ordre logique et conforme aux indications réunies par les agronomes latins, dont les compétences et les options issues de leur pratique semblent avoir été globalement observées, même si on ne peut guère mesurer leur diffusion. L’habitation est, en effet, le plus souvent installée sur les moins bonnes terres, comme on le note à La Savoie (Vendres), sur l’axe Vendres-Colombiers. Mais le poids croissant – démesuré ? – pris par la vitiviniculture dans l’équilibre des exploitations avec la recherche maximale de rendement interroge. Des choix de production et de gestion rationnels Le problème majeur de l’emplacement du vignoble et des qualités du terrain voit d’accord tous les agronomes 65, pour qui les meilleures vignes sont sur les coteaux et sur les pentes ensoleillées des collines, dans les plaines. En règle générale, les agronomes n’estiment guère les viticulteurs provinciaux qui auraient privilégié d’abord les sols de plaine66. Or, cette option, si décriée, se vérifie en Biterrois où les vignobles sont certes repérés dans les plaines alluviales, les zones drainées et les fonds de vallon, mais où la situation est plus complexe car la vigne, débordant les terres basses, a aussi gagné les terroirs de coteau, de colline et de plaine sèche, recommandés, eux, par les agronomes. Les deux grands types de localisation 67 ont donc été largement pratiqués en Biterrois. Ainsi, dans le secteur limité de la terrasse de Vendres où la qualité agronomique des sols de galets impose la vigne68, et où la vitiviniculture a été précoce, on note, sur un échantillon de 30 sites, une grande maîtrise du milieu et

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l’adaptation des implantations, clairement opérées en fonction des potentialités agrologiques. Même si on ne peut que rarement les croiser ici avec l’existence avérée de parcelles de vigne, on constate que plusieurs gros sites viticoles ont prospéré, qu’une ferme de colon s’y est installée sur des terres à peine drainées, pour y faire de la vigne (Trou de Bessou à Sauvian)69, comme autour de La Domergue, où plusieurs petites dépressions ont été colmatées dès l’Antiquité. Comme encore au Gasquinoy 70. Mais le débat de fond connexe, qui a agité tous les agronomes et qui s’est imposé aux exploitants gallo-romains, dont les choix apparaissent mieux aujourd’hui, est celui de savoir si c’est le terrain qui doit avoir la priorité ou si elle doit revenir au cépage. Ce qui touche évidemment à la qualité de la production et à la rentabilité de la viticulture. Pour Varron, le sol c’est la santé de la vigne et la qualité du vin 71, tandis que Columelle, favorable à la sélection et éminent spécialiste des « racinés », donne la priorité au cépage72 et que pour Pline, le choix du terrain est plus décisif que celui du plant car : « ce qui compte c’est la patrie et la terre, non le raisin »73.

Or, il apparaît que certains producteurs et/ou négociants du Biterrois auraient tenu, dans leur pratiques commerciales, à mettre en avant à la fois l’origine et le cépage, sentis l’une et l’autre comme devant stimuler les ventes. Les cépages cultivés et la qualité des vins Le choix des variétés, les savoir-faire et la qualité des productions sont des champs assez bien documentés pour le Biterrois grâce aux quelques indications régionalisées que donnent les textes, aux apports des analyses biochimiques et aux données provenant des inscriptions publicitaires inscrites sur les conteneurs, même s’il est difficile d’aller au-delà de certaines généralités. Plusieurs étiquettes d’amphore, en dépit de l’ignorance de la provenance du vin commercialisé dans les amphores estampilllées, attestent qu’un des cépages les plus prisés, l’aminée, était cultivé en Biterrois et que l’appellation Amin Baet, « Aminée du Biterrois », peut se trouver même confortée par la précision vin « vieux », Amin Baet vetus étant également attesté. Or, l’aminée a été plébiscitée par les agronomes pendant plus de six siècles, de Caton à Palladius. Pour Columelle, au I er siècle de notre ère : « Seules les aminées, où qu’elles soient, (...) ont la réputation de donner, même si elles dégénèrent par rapport à elles-mêmes, des vins peu ou prou de bon cru et de passer avant toutes les autres par leur bouquet » 74.

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Et Pline, qui cite plus de 400 cépages, 185 sortes de vins, dont 80 très célèbres, soulignant une pratique de sélection hiérarchique bien avérée et critiquant, comme d’autres, au passage, certains résultats induits par la recherche de rentabilité, cite l’aminée parmi les cépages prisés partout au Ier siècle. Il rappelle que : « Le premier rang est donné à l’aminée à cause de sa fermeté et de la vitalité du vin qui gagne en vieillissant »75.

Lui qui a bien connu la province, où il a exercé la charge de procurateur, en 70, n’ignorait pas les vins de Narbonnaise, ni la réputation de certains de ses crus. Quant à Palladius, vers 460-480, il confirme : « il n’y a que les aminées qui donnent toujours du très bon vin, en quelque lieu qu’elles soient plantées ; quoiqu’elles supportent cependant plutôt un climat chaud qu’un climat froid »76.

Alors que, depuis le début des années 2000, les analyses carpologiques et palynologiques se multiplient en Narbonnaise, et notamment en Biterrois, les possibilités d’identifier les différents cépages attestés, dont l’aminée, qui supposent d’en caractériser le génome, progressent. Traditionnellement rapprochée du muscat à petits grains, l’aminée n’est peut-être pas si éloignée de cépages archéologiquement reconnus, particulièrement d’un cépage local très résistant qui serait proche de la Clairette77. Les données ne cessent, en effet, de se préciser quant aux variétés cultivées dans la moyenne vallée de l’Hérault et dans la vallée de l’Orb, en périphérie de Béziers. À Saint Bézard-La Dourbie, chez Q. Julius Primus, l’analyse des carporestes a livré l’ADN de pépins carbonisés permettant de penser qu’on cultivait déjà un ancêtre de la Clairette. C’est le cas aussi autour de Rec de Ligno et du Renaussas (Valros) où certains cépages ont pu être rapprochés d’autres groupes actuels, outre ceux de l’actuelle Clairette78, et où un croisement de plusieurs cépages serait « composé de Merlot, d’Humagne (un cépage fréquent de nos jours dans le Valais suisse) et d’un parent du groupe des pinots »79. L’analyse morphogéométrique des pépins y a également permis d’établir des rapprochements avec la Mondeuse blanche, qui serait un des cépages des Allobroges 80, et avec le Merlot 81. Ces mêmes convergences se retrouvent dans les variétés cultivées au Gasquinoy, où sont attestés des cépages apparentés à la Clairette, à la Mondeuse blanche et au Merlot, mais également au Pinot et au Petit Verdot 82. Au reste, la mise en évidence sur ces deux sites, à quelque 20 km de distance, de l’exploitation antique de la vigne sauvage, lambrusque, conjointement avec des espèces domestiquées, pratique largement attestée dans le Midi, débouche aujourd’hui sur de nouvelles pistes d’interprétation. Au Gasquinoy, l’analyse des 149

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pépins retrouvés dans le puits des deux fermes a montré, en effet, qu’ils provenaient, pour la moitié d’entre eux environ, de vigne sauvage, vitis vinifera ssp sylvestris83 qui devait être à l’époque romaine beaucoup plus présente qu’aujourd’hui, continûment exploitée, jusqu’aux envahisseurs cryptogamiques du XIX e siècle sans doute. Des raisins sauvages ont donc pu être utilisés, selon les recherches actuelles, et conformément à certaines pratiques préconisées par Columelle, comme portegreffe, ce qui aurait également autorisé le transfert de cépages et pourrait rendre compte des parentés et croisements observés. L’hypothèse a d’ailleurs été avancée que le Languedoc – le Biterrois y a une large part – ait été un « centre de domestication » à partir de croisements entre espèces autochtones et étrangères. Si certaines parentés peuvent témoigner de la circulation des variétés dans le bassin méditerranéen, entre Italie, Gaule et Espagne notamment, servie par la via Domitia, l’apport des analyses des carporestes antiques est décisif, montrant que « la distribution morphologique des graines proches des formes sauvages attribuées à la Clairette suggère une origine ancienne et autochtone ». Un tel constat plaide pour faire de la Clairette « l’une des variétés les plus anciennes authentifiées », cépage archaïque méditerranéen, qui serait, avec la Mondeuse blanche, « à l’origine du patrimoine viticole mondial » 84. Pour autant le cépage ne fait pas tout, et il faut compter avec le savoir-faire des travailleurs. Les techniques et les façons culturales Le travail de la vigne est désormais mieux connu, grâce aux fouilles récentes qui montrent la réalité des pratiques dans la préparation du sol avant la plantation, l’amendement, l’utilisation d’engrais organiques, préconisés par les agronomes, et qui donnent aussi quelques indications sur le renouvellement et la conduite de la vigne. Les deux techniques connues de défoncement du sol et de plantation – en fosses et en tranchées – étaient pratiquées couramment dans tout le Midi littoral, de Marseille à Béziers. Les observations archéologiques ont maintenant largement révélé sur des centaines de mètres et sur des hectares, dans le cadre du vignoble de masse, des rangées régulières, dont l’espacement est plus ou moins proche des normes énoncées par les agronomes, d’ailleurs évolutives et adaptables, en fonction notamment des terrains, du type de viticulture, complantée ou non, et du mode de conduite de la vigne. Dès le début des années 1990, au cœur d’un terroir voué à la polyculture du Ier e au IV siècle, la découverte aux portes de Béziers de deux parcelles de vigne à Font de Cougoul 85, bien plantées en carré, a permis de restituer l’espacement régulier des

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ceps (76/86 cm86, équivalent de 2,5/3 pieds 87) dont le provignage, utilisé pour remplacer les ceps vieillis ou morts, a quelque peu perturbé l’ordre initial (fig. 42).

Fig. 42 : Écartement des ceps et provignage à Font de Cougoul (Béziers). D’après L. Vidal.

Depuis, plusieurs sites du Biterrois ont livré par centaine des rangées de fosses et les vestiges de techniques destinées à rajeunir progressivement le vignoble par propagation, et même à le densifier en resserrant les espacements, ce qui indique l’impact de la recherche des rendements. Les évaluations obtenues pour le Biterrois permettent des comparaisons avec les chiffres des agronomes sur le nombre de pieds à l’hectare – variables de Caton à Pline, Columelle et Palladius (fig. 43).

Fig. 43 : Évolution des densités de plantation, normes des agronomes romains et données archéologiques. En noir, les sites du Biterrois.

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Variables aussi d’une parcelle à l’autre en fonction des façons culturales comme l’ont montré les données obtenues sur le tronçon Pézenas-Béziers de l’autoroute A 75 qui a révélé – de Mont-Ferrier (Tourbes) à Rec de Ligno et au Renaussas (Valros) – 17 parcelles de vigne88 qui concrétisent les pratiques des vignerons du Biterrois, la densité passant de 3.200 à plus de 13.000 pieds à l’hectare89. L’exemple du Renaussas (Valros) l’illustre parfaitement sur les quatre parcelles retrouvées, bien délimitées par des chemins et fossés 90. Dans l’une d’elles, en abandonnant les cultures intercalaires des premières vignes complantées, la densité, en insérant, par provignage pour accroître la productivité, des rangées supplémentaires 91, passerait, en deux temps, de 2.700 à 7.600 pieds/ha, d’après les propositions de Cécile Jung. On retrouve les mêmes estimations pour le vignoble du Gasquinoy où la densité moyenne tourne autour de 11.000 pieds/ha dans un contexte qui évolue ici aussi de 3.300 à près de 13.000 pieds. Si on atteint ainsi des chiffres très élevés, comparables à ceux que donne le seul Palladius – sa fourchette se situe entre 12.769 et 18.496 pieds/ha –, les premières indications renvoient bien, elles, aux normes du I er siècle, celles qu’avancent Columelle et Pline, entre 2.041 et 4.761 pour Columelle, avec un écartement de 7,6 ou 5 pieds, et de 1.795 à 7.225 pour Pline, correspondant à une distance de 8 ou 4 pieds respectivement 92. Ces chiffres, qui affichent une certaine récurrence et, au Renaussas au moins, une forte tendance à l’inflation, sont indiciels d’une recherche à la fois de productivité et de qualité. L’amélioration des rendements passe, en outre, par le recours à des pratiques, maintenant bien avérées, d’amendement des sols : tessons, charbons de bois, fragments d’os, fumier, sont mêlés aux sédiments en un véritable compost, dans les fosses de plantation. La conduite de la vigne, qui met en forme le paysage, encore difficile à évaluer archéologiquement, correspondait sans doute en Biterrois majoritairement à la taille basse. Cette conduite, « à la mode des provinces », dont les fosses de provignage montrent l’importance, comme généralement en Narbonnaise méditerranéenne, adaptée aux chaleurs estivales, les rameaux étendus protégeant le pied contre la chaleur et la sècheresse, devait être la règle à Rec de Ligno et au Gasquinoy où la domination des petites fosses semble l’impliquer 93. Les textes, en effet, précisent que la vigne qui « se tient seule (...) sans aucun soutien », sans échalas, a dominé dans plusieurs secteurs de la Narbonnaise, où elle avait, selon Pline94, l’avantage de lutter efficacement contre la violence des vents. Il faudrait sans doute nuancer, au vu de l’importance des roseaux présents au Gasquinoy, et qui sont récurrents sur d’autres sites de la province également, en association avec la vigne. Ils peuvent, de fait, avoir fourni ces courtes baguettes ou petits pieux auxquels étaient attachés en cercle les rameaux de l’année, dans les 152

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« vignes en couronne » que décrit Columelle95, ou encore avoir servi, comme le notent Pline et Palladius 96, pour écarter les rameaux du sol 97, comme tuteurs (?). La taille basse exigeait, on le sait, une attention particulière, comparable à celle que requiert la vigne sur joug, et une main-d’œuvre habile pour maîtriser développement, beauté et rendements. Les divers auteurs anciens insistent sur les effets qu’induit tel ou tel type d’écartement des rangées et des pieds, tel mode de conduite de la vigne, telle pratique de culture, et s’attardent sur la description de l’ordre au carré qu’impose la vigne, qui a fortement contribué, avec ses indispensables chemins bordiers, à modeler le paysage. Car l’efficacité et la rationalité économiques sont inséparables, pour les agronomes latins, de la beauté des paysages du vin et de l’harmonie de leur géométrie, chère à l’œil des Romains 98. Au point que Varron affirme que les vignes les mieux travaillées, « les plus agréables à voir donnent aussi, en conséquence, le meilleur rapport » 99. Or, les grands absents de ce monde viticole biterrois que l’archéologie contribue à restituer progressivement restent les hommes qui l’ont construit et fait prospérer. Si on peut inférer des calculs de rentabilité des agronomes et de la densité des plantations le nombre de journées de travail et d’ouvriers nécessaires, les données humaines restent bien minces pour estimer tant le statut que le logement des travailleurs. À La Domergue (Sauvian), les tranchées de défoncement mises au jour, proches des normes de Columelle pour un terrain de qualité moyenne – 6 pieds = 1,77 m –, pourraient correspondre à une vigne non intercalée susceptible d’être travaillée par des labours à bras 100. À Aspiran, chez Q. Julius Primus où les données sont plus concrètes – le rendement y a été estimé à 30 hectos/ha dans un vignoble d’au moins 60 ha –, on a pu avancer que quelque 30 ouvriers devaient travailler à la vigne sur la cinquantaine que devait compter le domaine qui produisait ses matériaux de construction, sa vaisselle sigillée, ses dolia et ses amphores. Mais la documentation exceptionnelle101, qui éclaire la provenance de certains travailleurs et montre une réelle diversité de recrutement, concerne les artisans potiers et non les ouvriers agricoles. L’épigraphie révèle plus d’une dizaine de noms de travailleurs libres et d’esclaves, d’origine italienne, espagnole et indigène, d’après les noms gaulois attestés. Dans les campagnes de la province pourtant, la présence d’esclaves est attestée tôt, dès le I er siècle avant notre ère, par Cicéron, qui connaît leur place dans un domaine appartenant à des Italiens 102 comme ce devait être le cas en Biterrois, où la part des affranchis dans la population et dans l’économie était réelle. Pourtant, la main-d’œuvre servile, tant utilisée dans la production céramique de la cité103, ateliers domaniaux ou non, reste pratiquement invisible dans le monde agricole – 153

Autour de la Domitienne. Genèse et identité du Biterrois gallo-romain

une nécropole d’ouvriers serviles aurait été mise au jour à la villa des Combes (Valros) 104 et une tombe a livré des entraves, encore en place au domaine de L’Hôpital (Vendres) 105 – où on aperçoit quelques anonymes et où on ne connaît guère que des agents commerciaux ou des gestionnaires 106. Mais ce sont surtout les régisseurs de domaines qui émergent, tel l’intendant du domaine des Prés-Bas à Loupian, qui supplée largement son maître absentéiste, M. Aufidius Fronto ; Eutychion, qui devait administrer la propriété de Lieussac (Montagnac) pour C. Cornelius Cecianus, d’après la bague-sceau de bronze qui authentifiait ses actes et, avec une bonne vraisemblance, le serviteur, resté lui aussi anonyme, qui gérait à Saint Bézard/La Dourbie (Aspiran) pour Q. Julius Primus, la bague lui conférant l’autorité107. Équipement des chais et procédés de vinification La multiplication des découvertes depuis les années 2000 et l’étude des équipements qui signent la diffusion et l’ampleur des investissements ont permis de reconstituer la chaîne de production : du fouloir aux pressoirs, à la cuve de recueil du moût et à l’acheminement vers les chais, où le stockage peut porter sur une ou deux vendanges. Les fouilles conduites sur ces installations ont considérablement amélioré la connaissance des méthodes de vinification des vignerons du Biterrois, désormais plus familières. D’autant que les diverses restitutions apportent un nouvel éclairage sur les procédés en usage et permettent de comparer à la fois avec des référentiels archéologiques disponibles et avec les données des textes pour mieux appréhender les méthodes locales. Au Gasquinoy, certaines phases du traitement des raisins ont pu être reconstituées. On a ainsi envisagé, à partir de la nature des résidus carpologiques, une phase de filtrage – les roseaux abondants sur le site ayant pu fournir la matière première adéquate – qui serait intervenue avant le transfert vers les cuves de fermentation. En outre, les analyses biométriques comparatives ont fait apparaître un état surprenant des pépins, pour lequel on a parlé ici de surfragmentation, et qui interroge sur les pratiques mises en œuvre, les raisins étant généralement soumis à un foulage doux, et sur le type de pressoir qui aurait pu être utilisé108. Outre les salles de foulage et les pressoirs – toute exploitation viticole en Narbonnaise en compte au moins un ou deux dans l’équipement de base – qui sont largement représentés, d’autres installations concrétisent le travail des viniculteurs. Aux Farguettes (Nissan), établissement installé sur plusieurs niveaux, la restitution des équipements viticoles, en dépit d’une fouille limitée, a montré, outre un chai alto-impérial de 11 mètres sur 13 au moins, comment le raisin parvenait au plus haut niveau dans une salle de 50 m2 qui abritait les opérations de foulage et de 154

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pressurage – avec ses deux machines à levier –, le jus de presse s’écoulant par gravité vers la cuve qui recueillait de 30 à 60 hectolitres 109. Des chaudières à defrutum ont été mises au jour, comme sur le petit établissement de Mont-Ferrier 110, qui permettaient de réduire et de concentrer le moût selon un procédé décrit par Columelle. Ce précieux defrutum pouvait être utilisé de deux façons. Soit il était mêlé au jus de foulage ou de pressurage pour modifier la vitesse de fermentation, augmenter le degré, par « chaptalisation », et obtenir une plus grande stabilité111. Soit il était produit pour lui même et on sait que ce vin cuit était apprécié, certaines étiquettes vantant un defrutum « excellent ». Enfin du sureau hièble, ajouté aux pépins pressés, a pu être utilisé pour colorer le jus. À Vareilles (Paulhan), on a pu montrer comment le raisin parvenait par une rampe d’accès au fouloir et aux pressoirs, d’où le vin gagnait par gravité la zone de stockage. Le nettoyage annuel et le remplissage des dolia – poissés à chaud pour éviter la piqûre acétique – étaient assurés par des pompes à piston, en bronze, avec tuyaux en peau de porc. Les conteneurs étaient poissés à chaud avec la poix venant de Bédarieux 112 ou des Causses 113, qui jouait un rôle majeur dans l’économie vinicole régionale, arrivant notamment par la vallée de l’Hérault. Chauffage et réduction des moûts y sont avérés, comme le stockage dans un chai sans fenêtre, ce qui permettait, en maintenant une température constante, d’élever, de faire vieillir et de stocker le vin dans de bonnes conditions. Le dispositif de stockage en atmosphère chaude qui fonctionnait à Vareilles, avec vide sanitaire associé à un foyer – pratique bien connue en Narbonnaise –, jouait ainsi pour accélérer le vieillissement. On retrouve, en outre, à peu près partout actuellement, la trace de ces pratiques de chauffage et de fumage, contre lesquelles Martial exerce sa verve satirique pour dénoncer les celliers enfumés de « Marseille la tricheuse », ces fumaria qui sont la réalité, même en Biterrois 114. Galien, moins polémique, constate que les vins, comme les êtres vivants, en profitent s’ils sont forts et se détériorent s’ils sont faibles 115. Mais, au-delà du fumage et du chauffage, il n’est pas non plus exclu que certains producteurs biterrois aient aromatisé leur vin, notamment avec du myrte, dont on a retrouvé une étiquette. Or, quand Pline évoque en connaisseur les vins de Narbonnaise, c’est plutôt honorablement pour le Biterrois. Pour lui, si, dans la majorité des régions de Gaule, les insuffisances de la nature ou du savoir-faire étaient compensées par des traitements – à la fumée ou même à l’aloès 116 –, voire par des coupages, il existait deux exceptions, les vins de Marseille – « les meilleurs des Pyrénées aux Alpes » –, et ceux du Biterrois, qui « font autorité à l’intérieur des Gaules ». La formulation – Baeterrarum intra 155

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Gallias constitit auctoritas –, dépourvue d’ambiguïté, est pourtant le plus souvent mal traduite et donne encore lieu à bien des contresens ! Seuls, pour lui, ces deux crus échapperaient au maquillage à la fumée qui discréditait les autres vins de Narbonnaise, prise de position qui ne doit pas cacher, pour autant, la probable hétérogénéité de la production biterroise. La distribution des marques amphoriques et des conteneurs provenant d’ateliers régionaux, mieux connue maintenant, confirme en tout cas la large diffusion des vins du Biterrois, au moins de certains crus, qui atteignaient l’Italie et Rome vers la mi-I er s. de notre ère. Une commercialisation d’envergure : des vins reconnus La production des conteneurs et l’adaptation du conditionnement constituent une question centrale qui a trouvé très tôt en Biterrois des réponses efficaces, qu’attestent certaines marques sur amphores, pour assurer la large diffusion des produits du terroir. Elle est partie prenante de l’évidente recherche de rentabilité et de profit qui plaide sans doute pour une insertion réussie sur le marché, bien dans la logique de l’orientation précoce vers une viticulture spéculative. L’implantation des premiers ateliers d’amphores La carte des officines de production d’amphores vinaires de la province met en évidence la place majeure qui revient au Biterrois 117 (fig. 44), où on connaît plus d’une dizaine d’ateliers. La fabrication démarre tôt, à l’époque augustéenne, dans les établissements de La Dourbie à Aspiran118, de Contours à Saint-Pargoire119, et de La Teularié à Corneilhan 120, qui comptent parmi les plus précoces, les deux derniers ayant commencé à produire dès le dernier tiers du I er s. avant notre ère, dans la dynamique de la déduction coloniale121.

Fig. 44 : Ateliers d’amphores et production de conteneurs en Biterrois.

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Leur distribution spatiale, évidemment tributaire des déséquilibres de la recherche, fait apparaître une localisation privilégiée dans la vallée du Libron – de Bourgade (Servian)122 à Laurens 123 – et dans la moyenne vallée de l’Hérault, autour d’Aspiran surtout, où leur présence devient massive à partir des années 60/70 du Ier siècle, quand fonctionnent aussi, outre La Dourbie/Saint Bézard, Soumaltre124, Fabrègues, L’Estagnola et, en rive gauche de l’Hérault, Mas de Fraysse (Tressan). L’Ouest Biterrois ne semble guère équipé pour répondre aux besoins des producteurs, l’interfluve Orb/Aude étant dépourvu d’ateliers à la seule exception, peut-être, de Vendres. Fanette Laubenheimer y signale un atelier qui aurait livré des amphores G4 au Haut-Empire125, implantation qui serait assez logique à cette période d’intense développement et dans une localisation servie par les opportunités offertes par l’étang ouvert sur la mer. L’attraction pour les axes de circulation, les rives fluviales et les zones de contact, aux limites de la plaine et de l’arrière-pays, souvent en zone frontalière avec les cités voisines, rend bien sûr compte des impératifs d’alimentation, en eau et en argile, d’approvisionnement en bois de chauffe et des facilités de commercialisation. On a beaucoup discuté du mode de fonctionnement de ces structures, eu égard notamment à leur taille. S’agissait-il d’unités de production indépendantes, à l’égal de ce qui existait en Italie et qui paraît être le cas à Sallèles d’Aude126, la plus connue, également située en position frontalière, aux marges des territoires coloniaux de Narbonne et de Béziers ? Ou bien plutôt d’unités intégrées de production domaniale, comme on le voit à Vareilles, dès le dernier quart du I er siècle avant sans doute, quand y apparaissent les premières vignes 127 ? De fait, la quasitotalité, la seule exception étant sans doute Contours, se sont développées à proximité plus ou moins étroite d’un habitat, villa résidentielle ou non. La distance était dictée par la rentabilisation des installations, comme l’illustre le cas des PrésBas (Loupian) dont le domaine, pourtant relativement modeste, dispose sur les rives de l’étang de Thau, dans son complexe portuaire du Bourbou, de son atelier d’amphores et conditionne le vin sur place avant l’expédition128. Plusieurs ateliers de la cité sont des pôles impressionnants, souvent structurés en quartiers spécialisés – c’est le cas à Corneilhan, à Saint-Bézard129, à Contours –, et disposent de fours imposants par leurs dimensions et la contenance de leurs laboratoires : une quinzaine de fours à La Dourbie (Aspiran), 9 à La Teularié (Corneilhan), 9 à Contours (St-Pargoire), où on a produit aussi des dolia, de contenance variable, 12, 18, 22 hectolitres. Même si ces fours, aires de travail et bâtiments annexes n’ont pas tous fonctionné ensemble, l’ampleur et la succession de ces infrastructures – on connaît 5 fours empilés dans la zone 1 de Contours – implique, en considérant le poids récurrent de l’entretien, des investissements financiers d’envergure. La gamme de 157

Autour de la Domitienne. Genèse et identité du Biterrois gallo-romain

production, largement dominée par les amphores au long des Ier et II nd siècles, apparaît plus ou moins diversifiée pour, à la fois, répondre à une consommation locale, quotidienne ou non – en tuiles et vaisseliers notamment, bien présents aussi –, et couvrir des débouchés de plus en plus élargis. Ce sont d’abord des imitations d’amphores italiennes et catalanes qui sortent des ateliers locaux qui procèdent, à l’initiative de colons peut-être, par adaptation et tâtonnement, à des essais de types et de formes – dès le dernier tiers du I er s. avant – jusqu’à l’invention des « gauloises », bien caractéristiques avec leur panse dodue et leur fond plat. À Corneilhan, on livre des Dressel 2/4 et des Pascual 1, avec des Gauloises 3. La gamme est plus variée à Contours où le premier four s’arrête au changement d’ère mais qui, outre les Dressel 2/4 et Pascual 1, a produit au long de ses deux siècles d’activité G1, G2, G4, G10 (fig. 45).

Fig. 45 : Types et évolution des conteneurs céramiques : les amphores de l’atelier de Contours (SaintPargoire). D’après S. Mauné.

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La viticulture et les paysages du vin

De Saint-Bézard-La Dourbie chez Q. Julius Primus, dont le puissant atelier démarre vers 10 de notre ère, précédant la villa, sortent des Pascual I – ces imitations d’amphores catalanes peut-être destinées à diffuser le vin local chez les Rutènes voisins – et des Gauloises 7 et 9130. Les installations techniques révèlent une chaîne de production hautement spécialisée131 sur ce site équipé pour produire aussi des dolia, dans ses 3 fours spécifiques dont le plus grand, avec 4 chambres de chauffe, pouvait en cuire simultanément 20, voire 40 en superposant deux niveaux. L’atelier ne livrera plus que des Gauloises 4 après la mi-I er siècle, qui voit le grand succès de la célèbre G4. C’est elle, en effet, qui domine de façon écrasante dans la gamme typologique des ateliers du Biterrois – à l’inverse de ce qu’on connaît en Lodévois et en Languedoc oriental, où prévaut la G1 sur le marché local –, et c’est elle qui a favorisé la diffusion des vins du cru. Globalement standardisée, répondant mieux à un modèle fiable132, et plus attractive, avec ses 30 litres environ et ses 10 kilos seulement, elle est bien adaptée au grand commerce, en baissant les coûts, et aux conditions de transport, en facilitant les manipulations, grâce notamment à la protection de son paillage (fig. 46). Essentiellement réservée à l’exportation, la G4 est produite en masse, à partir des années 60-70, dans la moyenne vallée de l’Hérault et dans les bassins de l’Orb et du Libron, où plusieurs ateliers démarreraient alors, en ciblant sur elle, comme beaucoup d’autres, leur production. Fig. 46 : Amphore Gauloise 4 munie de son paillage, sur un bas-relief de Cabrièresd’Aigues (Ier s. de notre ère), Musée Calvet, Avignon.

On le voit à partir de l’époque flavienne, à Laurens et à Bourgade (Servian), comme dans les ateliers aspiranais, au Mas de Fraysse (Tressan) ou au Bourbou (Loupian), des ateliers biterrois où s’illustre un esprit créatif qui a longuement prévalu dans cette viniculture biterroise, et qui aurait pu participer activement à « l’élaboration du modèle Gauloise 4 » 133. La dynamique des officines biterroises, organiquement liée à la viticulture spéculative, est clairement perceptible, notamment quand elle se tourne tôt vers les grands marchés de consommation, d’Italie et de Rome, et élargit ses débouchés quand elle produit à plein rendement. Mais la dépendance économique ainsi générée a constitué à terme une réelle fragilité et un risque incontestable. 159

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Reste que la fermeture d’ateliers – le dernier, Les Demoiselles (Tourbes) cesserait de produire vers la fin du III e siècle134 –, la baisse des amphores gauloises à Ostie ou sur les grands pôles de consommation, jointes à l’absence de dolia et d’amphores sur les sites, ont longtemps signifié la fin de la viticulture, or, cette lecture de la documentation est aujourd’hui mise en cause. Il est, en effet, possible d’apporter un bémol à ce constat reçu – des amphores G4 sont encore présentes au IVe siècle sur des sites consommateurs – et d’envisager avec une certaine vraisemblance le recours à d’autres conteneurs. Amphores et tonneaux Outre les quelques documents textuels 135 et iconographiques, les comparaisons avec d’autres zones productrices, l’Aquitaine et le Lyonnais notamment, comme l’observation des flux commerciaux, ont conduit à envisager avec une certaine vraisemblance le recours, pour le transport du vin, aux tonneaux, dont l’usage est attesté en Gaule136 dès le I er siècle avant notre ère137, et même dans le Midi, au témoignage de César, qui en a vu à Marseille138. Les camps militaires de Rhénanie et du Danube, vers lesquels, dès l’époque augustéenne, les vins, souvent arrivés en vrac, étaient transvasés et acheminés en tonneaux depuis Lyon, ont livré nombre de témoignages 139. Par ailleurs, on a noté que la production des ateliers d’amphores actuellement connus s’avère globalement très insuffisante pour répondre aux besoins évaluables à partir des estimations de récoltes. L’atelier de Sallèles, mettant sur le marché entre 3.000 et 6.000 amphores par an, ne pouvait guère satisfaire que deux domaines moyens au maximum et la totalité des ateliers recensés en Languedoc aurait fourni des conteneurs en quantité beaucoup trop faible – la capacité de conditionnement ne s’élevant qu’à quelque 60.000 hectolitres 140 – pour absorber la production. Même si de nombreux ateliers restent à découvrir, faut-il alors envisager que le tonneau, de tailles variées, ait, plus tôt qu’on le croit, constitué un moyen alternatif – de stockage et de transport – aux conteneurs céramiques ? Comme possibilité parallèle d’abord, puis comme solution courante de remplacement ? Le problème est de plus en plus ouvertement posé, d’autant que le rapport poids/contenance, qui a tant fait pour la rentabilité de la Gauloise 4, ne peut que servir le tonneau, handicapé toutefois par une étanchéité moins fiable. Les vins d’Italie eux-mêmes voyageraient, dès la seconde moitié du Ier siècle avant notre ère, en barriques, dont l’utilisation serait dès lors « massive » 141. Aux I er-II nd siècles de notre ère, les comptages qui ont pu être réalisés sur les grands sites consommateurs, aux frontières de l’Empire notamment, impliquent, à côté des amphores, l’existence d’autres conteneurs pour le vin 142.

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Or, sur le site viticole du Renaussas (Valros), productif aux deux premiers siècles et abandonné dans le courant du III e siècle, l’hypothèse a été faite qu’une partie de l’outillage métallique mis au jour était liée à la tonnellerie, un fer à marquer, bien caractéristique143, indiquerait l’utilisation vraisemblable de tonneaux, parallèlement aux amphores, et une commercialisation en barriques d’une partie des vins du domaine144. Cela pourrait correspondre à une possible spécialisation, le tonneau, servi par sa maniabilité, correspondant surtout aux transports terrestres ou fluviaux, l’amphore restant mieux adaptée aux transports maritimes. Par ailleurs, on a mis en évidence en Languedoc méditerranéen des unités de production vinicole, plutôt tardives il est vrai, qui présentent des installations importantes où dolia et amphores sont totalement absents. Sur plusieurs sites fouillés en Nîmois, cuves, pressoirs, salles de stockage dépourvues de dolia correspondent à des traces de plantation tardives et font penser que le tonneau, attesté en Aquitaine et en Lyonnais, et présent, en même temps que des amphores G4, sur un bas-relief de Narbonnaise, était connu et utilisé en Languedoc. Aux Prés-Bas (Loupian), le chai est remanié dans le courant du II nd siècle pour accueillir d’autre conteneurs et, quand la capacité de stockage est réduite, c’est en tonneau que sont gardés dans le dernier chai entre 300 et 800 hectolitres dans la seconde moitié du IVe siècle. Les potentialités – faut-il dire l’innovation ? – qu’y introduit son utilisation auraient ainsi profondément modifié les techniques et l’économie du conditionnement du vin quand plusieurs indicateurs montrent que la viticulture résiste et ne disparaît pas du paysage languedocien, biterrois notamment. Il n’en reste pas moins que, si tonneau il y a eu, la publicité n’a retenu que les vins diffusés en amphores grâce à la meilleure conservation des marques peintes sur céramique. Publicité, notoriété, distribution La publicité faite par quelques producteurs-négociants du Biterrois apparaît tout à fait exceptionnelle par sa présentation même puisque ces « étiquettes » sont uniques en leur genre, « les seules, parmi toutes les amphores gauloises, sur lesquelles on a écrit en blanc et non en noir » 145. Elles témoignent de la notoriété de certains crus et, plus largement, de la zone de production comme l’indique le mode de désignation des vins 146 : « blanc vieux Biterrois de cépage aminée »147.

ou « je suis [un] Biterrois et j’ai 5 ans de L. Martius Satullus »148.

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Or, si l’appellation vetus est relativement commune en Italie, ce n’est pas le cas pour les vins gaulois, qui n’ont pas non plus l’usage de s’exprimer, comme ici, à la première personne, ni de spécifier à la fois leur origine et la nature du vin, un blanc, précision qui constitue aussi un cas unique pami les marques gauloises. Ces étiquettes peintes sur amphores, des Dressel 2/4 produites sans doute à Corneilhan, et retrouvées à Rome au XIX e siècle, dans un contexte bien daté des années 50-60149, y représentent, non seulement les seuls vins gaulois actuellement attestés sur le marché romain, mais la seule denrée alimentaire venant alors de Narbonnaise. Des amphores G4 provenant d’ateliers de l’Est Biterrois, timbrées au nom de C. Hennius Paeonius et de C. Hennius Crysippus150, et retrouvées dans les grands entrepôts des bords du Tibre, renforcent la présence des vins biterrois dans l’approvisionnement des consommateurs romains. Et il n’est pas exclu de trouver un écho de cette diffusion 151 dans la remarque ironique de Columelle, vers le milieu du I er siècle, sur les vins consommés en Italie : « Nous faisons nos vendanges dans les Cyclades, en Bétique et en Gaule » 152. D’autres étiquettes confirment la diffusion de l’appellation « Biterrois » ou « Béziers » : deux G4 retrouvées à Fos 153 exportaient du « blanc vieux » et un « vin Biterrois » qui se dit depletum, soutiré154. Par ailleurs, du « Béziers vieux » était aussi consommé sur la frontière rhénane et parvenait jusqu’à Malte, également en G4. Ces étiquettes devaient garantir la qualité et l’origine du « Béziers » avec, parfois, le nom du producteur ou, plutôt, du négociant : C. Orcius Modestus à Fos (fig. 47), Victor à Vindonissa, L. Martius Satullus à Rome.

Fig. 47 : Étiquette peinte sur amphore Gauloise 4 trouvée en mer à Fos vantant un « biterrois blanc » exporté par Caius Orcius Modestus.

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L’insistance sur l’âge de ces vins du Biterrois, dans la logique, déjà avérée dans l’Antiquité, du vieillissement, en fait clairement des vins de garde, qui arrivent plus tard à maturité, le Nomentum se boit à partir de 5 ans, mais on est loin des plus grands crus – le Falerne à partir de 10 ans et le Sorrente de 25, tous des blancs – et même si l’on a vu qu’on pouvait faire du vieux avec du jeune ! Deux types de vins gaulois s’étaient imposés, on le sait, à l’exportation – outre le fameux amineum, le piccatum, poissé lors de la vinification, dont on ignore s’il était produit en Biterrois –, mais il est bien difficile d’évaluer le volume de la production locale qui partait à l’exportation. Envisagée vers la mi-I er siècle comme « large géographiquement mais non massive » 155 , à l’égal des autres vins gaulois et italiens, la part des exportations biterroises, affirmées tôt, a suivi la courbe ascendante que dessine la distribution des G4 méridionales, tant vers les marchés septentrionaux, que montre sa présence sur l’axe Rhône-Saône-Rhin, qu’en Méditerranée. On sait l’impressionnante quantité d’amphores, de G4 notamment, qui a été retrouvée dans le Rhône, grâce aux fouilles subaquatiques conduites à hauteur d’Arles, indiquant que les entrepôts portuaires de cette plateforme d’échanges assuraient transvasement et redistribution, comme ceux de Lyon et de Narbonne, dont cette activité est illustrée par l’une des mosaïques de la place des corporations d’Ostie. Les productions du Biterrois y transitaient-elles ? L’ample diffusion extra-hexagonale des vins biterrois, qui atteste leur participation au commerce à longue distance et l’affirmation de leur personnalité, prolongent les remarques de Pline, si souvent détournées de leur sens. Si le vin du Biterrois fait autorité à l’intérieur des Gaules, il est patent qu’il occupe une place non négligeable sur le marché impérial, et jusqu’en Méditerranée orientale. Certes, la fourniture aux armées peut être invoquée pour sa consommation sur les frontières, voire un marché bas de gamme pour l’approvisionnement du peuple de Rome, mais peut-il en aller de même en Méditerranée orientale ? La production de masse, en tout cas, si elle a dépassé la consommation locale pour conquérir des marchés extérieurs, ne semble pas forcément antinomique d’une production de qualité qui, impulsant la dynamique, a su gagner des clientèles lointaines. Ces réalités têtues doivent conduire à une relecture des données qui impose de renoncer aux traductions approximatives de la leçon de Pline l’Ancien qui, encore héritières des préjugés de Raymond Billiard156, qui se fondait en son temps sur la qualité de la production de masse des XIX e-XX e siècles, continuent à déformer les témoignages de Pline et la portée des étiquettes biterroises. Crise et reconversion(s) Dès la fin du I er siècle, des signes de mutation et/ou de difficultés apparaissent dans les campagnes où certains petits établissements semblent 163

Autour de la Domitienne. Genèse et identité du Biterrois gallo-romain

souffrir tandis que nombreux sont les grands domaines en plein essor qui restructurent leurs installations techniques. Les prémices de la crise et la restructuration de l’appareil de production Dans la seconde moitié du IInd siècle, de nouveaux signes de ralentissement affectent les domaines les plus fragiles, petits et moyens, comme d’ailleurs certains ateliers d’amphores. Ont-ils été éventuellement touchés par la concurrence des autres secteurs gaulois ? Une partie d’entre eux, en tout cas, s’efface de la carte, disparus ou peut-être absorbés par des remembrements, comme on l’a proposé parfois, autour des Prés-Bas (Loupian) notamment. Les données archéologiques indiquent, en effet, que l’appareil de production se restructure fortement dans l’ensemble du Biterrois, où la viticulture et les paysages se transforment à nouveau entre 150 et 300. La densité de plantation de vignes et sa courbe tendancielle constituent de ce point de vue des paramètres révélateurs de la part croissante, et sans doute dangereuse pour les domaines les plus modestes, prise par la vitiviniculture avec la recherche maximale de rendement comme on a pu l’observer à Mont-Ferrier (Tourbes) où le poids économique du vignoble aurait été multiplié par 2,6. Sur l’établissement voisin du Renaussas (Valros), qui a renoncé à la complémentarité des cultures ou des usages du sol pour densifier, ici aussi, la vigne, si cela ne conduit pas, à terme, à l’abandon du site, c’est au prix d’une reconversion qui a vu les vignes céder la place aux vergers 157. Le poids des investissements réalisés était-il excessif ou devenu alors insupportable pour une petite exploitation qui se voyait condamnée parce que trop dépendante d’un marché en pleine recomposition ? Ces mutations, en parant aux difficultés locales, tentent peut-être de répondre au retournement de la conjoncture quand les affaires militaires coupent, dès la mi-III e siècle, l’accès à certains marchés traditionnels dans des régions, notamment rhénanes, qui ont pu aussi commencer à produire en profitant rapidement des mesures de Probus qui autorisaient à planter des vignes. De fait, les données recensées sur le gros marché consommateur d’Augusta Raurica (Augst, Suisse) enregistrent l’arrêt des Gauloises 4 qui apportaient les vins gaulois 158, précisément vers 280. Une date qui correspondrait globalement à la fin de leur production biterroise, même si d’autres conteneurs ont pu prendre le relais. Quel a pu être le poids de la nouvelle conjoncture et de l’intervention de l’État pour tenter des rééquilibrages ? C’est bien difficile à dire, mais on sait que, vers 280, les mesures d’encadrement du Ier s. sont rapportées par Probus et qu’Aurélien, peu après, défiscalise les plantations des possesseurs sur leurs terres incultes des collines 159. On l’explique en partie par l’appel d’air du marché des armées qui procure aux frontières de nouveaux débouchés importants et par le poids des distributions au peuple romain. Si les recherches les plus récentes montrent que 164

La viticulture et les paysages du vin

cela profite assez largement aux viticulteurs de la Gaule extra méridionale, les dernières données conduisent cependant à reconsidérer la place de la viticulture tardo-antique du Midi. Elle pourrait avoir été jusqu’ici fortement sous-évaluée. L’absence de dolia et d’amphores, utilisée comme traceurs, n’expliquerait pas tout et on pense de plus en plus à l’utilisation du tonneau pour rendre compte de certaines structures. Quoi qu’il en soit, même si une bonne partie des sites viticoles perdure en Biterrois – de l’ordre de 30% –, dans les collines du Nord-Est 160 mais, plus largement, dans l’ensemble du territoire, les abandons qui marquent une réelle déprise viticole y sont nombreux, comme ailleurs 161, depuis la seconde moitié du II nd siècle et surtout au III e siècle, qui voit disparaître les fermes plus que les villæ, tandis que, comme partout, des reconversions s’amorcent. Les reconversions tardo-antiques Les plus gros domaines et les plus anciens, établis sur les terroirs les mieux choisis, les plus précocement aménagés par les cadastrations, résistent le mieux et pourtant près de 40% des très grands établissements disparaissent aussi dans le Nord-Est Biterrois. À Vareilles (Paulhan), véritable archétype de l’histoire de la viticulture biterroise, où les dernières restructurations se font entre 70 et 150, dès le IIIe siècle les chais sont abandonnés et les cultures reculent devant un retour à la friche, une reprise des taillis, et même des bois 162. Le cas est éminemment symbolique du désinvestissement perceptible des capitaux dont on sait la mobilité, laquelle a profité en son temps à la Narbonnaise, capitaux qui se délocalisent progressivement vers l’Afrique du Nord où la Gauloise 4 est imitée, signe de l’ampleur croissante de la production vinicole qu’on perçoit de mieux en mieux. Des reconversions positives s’opèrent pourtant dans le même secteur où le recul de la vigne s’accompagne, assez rapidement, d’importants investissements dans la plantation de vergers dont la densité indique bien qu’il s’agit toujours d’une arboriculture de rendement 163. Mal connus jusque-là, ces vergers de rapport, qui s’étendent sur des dizaines d’hectares, amènent à reconsidérer les recompositions de l’appareil productif, les réponses apportées à ladite « crise du III e siècle» 164 et à en nuancer sensiblement les effets. Plus à l’Ouest, après la vague d’abandons inaugurée dès la fin du I er siècle, particulièrement sensible au Nord de la voie domitienne, si 85 sites s’effacent de la carte dans le courant du IIIe siècle, et 33 encore aux IVe-Ve siècles, 60% se maintiennent jusque-là, tandis que plus de 60 établissements parviennent jusqu’au Moyen Âge, soit plus du 1/4 des sites connus, dont les 3/4 sont encore liés à la vigne. Ce qui est considérable.

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Autour de la Domitienne. Genèse et identité du Biterrois gallo-romain

La première grande viticulture spéculative biterroise, si parfaitement adaptée pendant deux siècles au marché impérial, a vécu. Et, signe des temps, on a vu disparaître nombre d’ateliers d’amphores, dans la province comme en Biterrois, tandis que les amphores Gauloises 4, vouées à l’exportation, ne cessent de baisser à Ostie devant les amphores africaines. Pourtant le maintien est réel et une reprise est même perceptible au IVe siècle, où certains domaines prospèrent et se réaménagent. Sur les sites fouillés où une activité viticole est attestée après le IVe s. dans le Midi, plusieurs se situent en Biterrois. La production se poursuit à La Courondelle à Béziers, aux Jurièires-Basses à Puissalicon, petit domaine qui a pu produire quelque 200 hectolitres 165, aux Prés-Bas à Loupian où, cependant, la capacité de stockage baisse de moitié après 350, jusqu’à 300/800 hectolitres, ou encore aux Farguettes, à Nissan 166, où des réaménagements indiquent, au Ve siècle, de réels investissements : l’ancienne cuve de collecte du moût devient un fouloir et une nouvelle cuve, construite alors ou récupérée après transformation, recueille le jus provenant, soit du nouveau fouloir, soit du pressoir, toujours en fonctionnement au niveau supérieur. La distinction plus nette entre équipement de foulage et de pressurage y indique les changements intervenus dans les pratiques de vinification. Ce n’est qu’au VI e siècle, au plus tôt, que l’activité vitivinicole s’arrête, des habitations ou un atelier s’installant sur le chai au VII e siècle. Le témoignage est essentiel sur la longue présence de la tradition viticole dans l’Ouest Biterrois tardo-antique. Parallèlement de petites unités de production réapparaissent même aux IVe e et V siècles, quelques bassins, installés sur des sites anciens ou nouveaux, y signant la production de vin, tandis que, si 75% des fermes disparaissent, une bonne proportion de villæ se maintient, qu’on peut évaluer entre 75 et 66% dans l’Ouest Biterrois. Il faut rapprocher ces signes du propos de l’évêque Paulin de Béziers, lettré familier de Lucrèce et de Virgile, amer d’avoir perdu ses biens quelques années plus tôt 167, mais qui dit bien le poids de la viticulture, pas seulement résiduel apparemment, quand il note, dans une lettre datée de 419 : « Ni les villæ construites en marbre solide, ni les grands blocs employés dans les théâtres inutiles ne peuvent aujourd’hui prolonger notre vie (…). Mais si le Sarmate dévaste la terre, si le Vandale l’incendie (…) et si le rapide Alain saccage (…) [nous sommes restés] pour nettoyer le vignoble, arracher les ronces, remplacer une porte sortie de ses gonds ou une fenêtre cassée »168.

Ainsi, ces dégâts causés par le passage des bandes de Vandales et d’Alains vers 406-409 sont aussitôt suivis d’une remise en état des exploitations rurales qui commence par les vignes. Le ton est plus tonique chez Sidoine Apollinaire qui vante, lui, plus d’un demi-siècle plus tard, la belle prospérité et les vignes des grands domaines 166

La viticulture et les paysages du vin

narbonnais ou biterrois, ceux de ses amis, Consentius père et fils, dont la « villa octavienne », narbonnaise ou biterroise peut-être, que sa situation « près de la ville, du fleuve et de la mer » a parfois fait identifier avec la villa « Temple de Vénus ». Pourquoi pas ? La description est loin d’y contredire, quand on sait la scénographie qui a régi la conception architecturale, et la longévité du site de Vendres ne s’y opposerait pas. Sa beauté, en tout cas, semble intacte dans la seconde moitié du Ve siècle : « Quel superbe aspect elle offre aux regards ! Et d’abord la maison a de très hauts murs, construits avec art et selon toutes les règles de l’architecture. Son temple, ses portiques, ses thermes magnifiques la font briller au loin, et les champs, les eaux, les vignobles, les oliviers, le vestibule, la plaine, la colline ajoutent encore à ses agréments »169.

Écho significatif peut-être de cette reprise constatée par l’archéologie, inégale sans doute, mais réelle pour les mieux nantis des propriétaires fonciers qui ont pu diversifier à temps leurs productions. Et il semble bien que, même si rien ne va plus comme avant au royaume du vin, même si certains investisseurs, y compris locaux, se sont désengagés, délocalisant assez tôt leurs capitaux pour suivre les meilleurs profits, la viticulture conserve une place dans l’équilibre de la polyculture traditionnelle, où céréales et élevage paraissent tenir à nouveau une place importante. L’histoire de la viticulture dans le Biterrois gallo-romain, loin d’être univoque, n’a donc jamais été un long fleuve tranquille. Mais les données montrent que c’est l’une des zones viticoles les plus dynamiques de la province et que ses vignerons, où les immigrés italiens tiennent d’abord une large part, ont su résister aux crises, s’adapter au marché, et faire, pour certains, le choix de la qualité, de la vinification à l’élevage des vins. Et quand les vergers et le sylvo-pastoralisme, au côté des céréales, ont rééquilibré les paysages en fonction de critères de rentabilité, la vigne a persisté sur un espace remodelé. Autant d’efforts qui ont laissé des traces dans la littérature antique spécialisée, dans la mémoire collective où s’ancre la longue genèse de notre patrimoine viticole.

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CHAPITRE 6 : UNE CULTURE GALLO-ROMAINE MÉTISSE

À quelles réalités correspond la culture gallo-romaine du Biterrois pendant plus de 500 ans ? Quelles réalités concrètes l’expression même de gallo-romain recouvre-t-elle dans le vécu des populations au sein de ce prodigieux transfert de culture qui commence avec la conquête ? À un moment où fleurissent des musées de la « romanité », dans la ligne thématique du premier qui remonte à la Mostra augustea della romanità que Mussolini a organisée pour le bimillénaire d’Auguste en 1937, thème repris par la Ligue du Nord, il vaut qu’on s’interroge sur la romanité biterroise et sur ce que recouvre ce terme, censé traduire directement le latin. Les dictionnaires sont succincts : tout l’espace touché par Rome et la civilisation romaine, ses valeurs et usages. Si le péplum en a donné une image largement diffusée aujourd’hui, on peut s’accorder sur le fait qu’il s’agit d’un concept flou, dont les référents dominants sont le rapport aux langues de culture, latin et grec, et la religion, mais il s’agit alors le plus souvent de la Rome chrétienne . En allant plus loin, s’imposent l’importance du droit, de l’État et du pouvoir, de la parole publique, d’un mode de vie qui fait place à un art de vivre marqué par l’urbanité, y compris dans l’otium rural qu’abritent les villæ. De fait, le terme de Romanitas est peu utilisé et il l’est tard, chez Tertullien, un provincial, où on en trouve un emploi utile à notre propos quand, vers la fin de sa vie, vers 210 de notre ère, il s’explique devant la bonne société de Carthage, dans un court pamphlet ironique, Le manteau1. Il dit pourquoi avoir quitté la toge, ce symbole de la majesté romaine, pour revêtir le pallium, le manteau grec des philosophes qu’il oppose à ce signe extérieur d’une romanité définie par un otium bien peu pourvu, à ses yeux, de dignitas et de sagesse. Si un débat toujours ouvert porte sur l’interprétation de ce texte plaisant, l’offensive du chrétien, qui se pose en digne continuateur de la tradition philosophique critique des Grecs face à Rome, me semble aller au-delà et poser une question singulièrement plus générale qui intéresse et interroge l’identité culturelle de tous les provinciaux, le devenir de leurs traditions, le rapport à leur histoire, à l’essence même de leur société. Le texte de Tertullien est clair, en effet, quand il apostrophe ses compatriotes : « Que dire maintenant (...) tandis que la mode romaine, la romanitas, vous paraît le salut de tous ? ».

Autour de la Domitienne. Genèse et identité du Biterrois gallo-romain

Et qu’il poursuit en faisant du rejet des vêtements traditionnels le signe évident de soumission à la domination qui dépersonnalise, ajoutant : « Le changement d’habit devient un crime, non pas quand on change la coutume, mais quand on change la nature ».

Entendons la nature des êtres et des sociétés, même si l’habit ne fait pas tout à fait le moine. Et là réside la portée assez universelle de la question qui touche le Biterrois romain comme les Puniques de Carthage, et les dépasse infiniment. Dans quelle mesure la domination politique et l’intégration dans l’espace impérial qui suit la conquête a-t-elle pu modifier, même par des changements d’apparence anodins et positifs, au travers d’apports culturels, dont ceux de la mode vestimentaire, et conduire à une véritable dépersonnalisation des individus, des sociétés, des régions et des paysages ? En rappelant la valeur symbolique du vêtement, Tertullien met en évidence l’impact majeur qu’a eu l’évolution des pratiques quotidiennes et des codes sociaux, vestimentaires en particulier 2, sur les mentalités et l’identité des populations provincialisées par Rome. Ce que dénonce, en effet, ce pamphlet, c’est l’image largement reçue que la victoire, en souriant aux vainqueurs, consacre la supériorité, non seulement de leurs armes, mais de leur culture, légitimant leurs modes de vie et de penser. Les sociétés vaincues sont ainsi logiquement renvoyées dans l’ordre de la nature, bien proche pour certains de la barbarie, et deviennent des lieux à acculturer, disent les savants, à « civiliser » disait-on plutôt dans les aventures coloniales, encore au XIX e siècle. Et les Romains sont parfaitement conscients du rôle de la mode, y compris vestimentaire, eux qui désignaient les Gaules par leur art de vivre et de paraître. La plus proche de Rome, la togata s’habille déjà en toge, la médiane, la braccata, est encore en braies, c’est la nôtre, et la plus lointaine, la comata, est chevelue, celle où les hommes à la fois portent pantalons et arborent les cheveux longs des barbares. En Biterrois, devaient donc régner les braies, même si les témoignages n’abondent pas sur la tenue de nos ancêtres lors de l’arrivée des Romains. Toutes les représentations figurées, postérieures à la conquête, montrent la domination totale de la mode romaine, l’impérialisme exclusif de la toge, à l’exception d’une intaille (fig. 48), peut-être indicative d’une époque dont il reste bien délicat de dire si et quand elle peut être considérée comme révolue. Fig. 48 : Un Gaulois en braies face au taureau divin tricornu (?). Scène sur intaille (Béziers).

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Une culture gallo-romaine métisse

Quoi qu’il en soit, on peut penser que, dans les campagnes du Biterrois, les paysans, tels ceux qui, sur le calendrier figuré de Saint-Romain en Gal, sont occupés aux divers travaux des champs, ont dû porter longtemps la tunique courte et le paletot à capuchon, ce cucullus qui a gardé son nom gaulois et traversé les siècles. C’est progressivement que les mutations engagées des modes de vie, de produire, de consommer, de penser ont créé des équilibres qui ont forcément impliqué, avec le recul modulé des pratiques préromaines, y compris culinaires ou linguistiques, que suppose le métissage, ce qu’il faut bien appeler une aliénation culturelle, au sens littéral. Avec les amphores italiques, la vaisselle de cuisine et les services de table venus de Campanie – les collections d’Ensérune ou de Loupian sont impressionnantes – qui concurrencent les céramiques communes locales, mesurent les changements qui interviennent dès les IInd-I er s. avant notre ère dans les pratiques alimentaires et s’amplifient rapidement. Au point d’en laisser des traces dans le vaisselier où les urnes à bouillir reculent devant les ustensiles à frire, les Gaulois appréciant de plus en plus la viande rôtie3. Boire davantage de vin, manger moins de bouillis et plus de fritures, comme adopter la toge dans les villes, contribuent ainsi progressivement, en rapprochant les usages quotidiens, à faire du Biterrois gallo-romain plus un vrai morceau d’Italie qu’une terre perdue dans les profondeurs provinciales. La diffusion des normes hellénistiques et italiennes s’affirme assez tôt dans les modes de bâtir. Il est frappant de constater comment les Italiens installés dans le secteur minier de la haute vallée de l’Orb apportent immédiatement à la fois des techniques et des canons esthétiques que matérialisent un chapiteau toscan, dans le probable centre monumental du village, et un bassin à mosaïque dans l’une des premières installations thermales de la province4. Et cet attrait des modes italiennes s’affirme aussi sur les oppida, comme à Aumes où le support de la dédicace à Cernunnos est aussi un chapiteau toscan, peut-être lié à un ensemble cultuel5, et comme à Ensérune où elles gagnent tant l’architecture publique qui montre, dans le quartier ouest de la troisième ville, une « salle hypostyle » qui associerait briques crues, piliers de bois et pierres, que les maisons tardo-républicaines 6. Au rythme des processus culturels qui étrangeaient de fait les populations du Biterrois à leurs habitudes et à leurs coutumes, romanisation et latinisation ont cheminé parallèlement à la domination politique et à la diffusion de nouvelles normes juridiques. Leur nouveau statut, en les dépossédant de leur droit de propriété du sol au profit du peuple romain, les laissait, en effet, pérégrins, c’est-àdire étrangers sur leurs propres terres, entrées par le droit de la lance dans le domaine public du Peuple romain.

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Pour autant, si la romanisation de l’habitat est perceptible à partir de la fin du II siècle, en ville comme à la campagne, il reste très difficile d’évaluer, même grossièrement, compte tenu de la documentation, la portée socio-économique ou la réalité ethnico-culturelle des processus engagés, que mesurent aussi d’autres indicateurs. nd

Langues et parlers en Biterrois : latin ou gaulois ? Devenir Gallo-romain c’est, en effet, plus ou moins rapidement, parler, écrire et penser en latin. Or, dans cette terre de forte immigration prévaut, quand arrivent les Romains, une situation bien connue de polyglossie où le gaulois, l’ibère et le grec se parlent et s’écrivent depuis longtemps déjà, en alphabet ibérique ou en alphabet grec7. Dans cette situation originale de cohabitation, l’influence hellénisante de Béziers et d’Agde a forcément pesé concurremment avec l’ambiance narbonnoibérique pour stimuler une ouverture culturelle qui a favorisé la latinisation, dont on sait qu’elle commence vite. Les outils de la latinisation Commandée par la mise en valeur des ressources, l’avancée de la latinisation est d’emblée fortement impulsée par les impératifs de l’exploitation économique. Dans le secteur minier de Lascours/Villemagne l’Argentière, aux confins Nord du Biterrois, la recherche de matières premières a attiré très vite un noyau de population qui écrit latin. En témoignent aussi bien l’inscription mentionnant la probable société fermière des mines, l’un des plus anciens documents d’épigraphie latine, datable au plus tard de l’époque césarienne8, que les graffiti gravés sur la céramique modelée retrouvés sur le site voisin de Bournac9. Dans les terres de la plaine, les courts messages codés de l’administration romaine donnent également en latin les indications nécessaires diffusées par l’épigraphie tant cadastrale, sur les bornes, que routière, sur les milliaires 10. À quoi il faut ajouter les inscriptions funéraires qui, non seulement s’alignent le long des voies, mais s’implantent aussi, plus tardivement, il est vrai, d’après les données existantes, dans nombre de domaines ruraux où le choix de la sépulture rurale est très italien. Certains formulaires funéraires constituent de fait, comme l’a bien montré Michel Christol, un excellent indice de romanité11, et même de diffusion des normes du droit romain dans les campagnes du Biterrois 12. Mais si, clairement, l’ampleur de l’immigration italienne a favorisé la diffusion du latin et élargi l’usage de l’écriture, comme on le note dès les premières inscriptions connues, datées en Biterrois de la fin du I er avant ou du tournant de l’ère – l’origine de Raecia Tertia est affichée sur sa stèle : « affranchie de Sextus, de Claterna » 13 –, si les promotions au droit latin sanctionnent sans doute autant 174

Une culture gallo-romaine métisse

qu’elles promeuvent un niveau de diffusion et de proximité avec les usages d’Italie, il faut aussi inscrire cette précocité dans la logique des pratiques préromaines qui caractérisent une région où le plurilinguisme, qui s’est durablement maintenu, constituait de puissantes structures d’accueil. La longue coexistence des cultures et des parlers a incontestablement constitué un atout qui a favorisé l’installation d’une coexistence linguistique vivante, sinon d’un bilinguisme, qu’il faut peut-être envisager dès le IVe siècle avant à Ensérune, où l’on connaît des noms celtiques écrits en paléohispanique14. Le gaulois et l’ibère étaient, en effet, parlés et écrits, bien que différemment selon les secteurs, le grec aussi15, et le latin déjà usité sans doute avec les premiers commerçants italiens. Les légendes monétaires des rois gaulois de Baetarratis ou des Longostalètes, de Montfo ou plutôt d’Ensérune, bien datées maintenant des années 150 avant notre ère, indiquent les choix culturels ouverts des milieux du pouvoir à l’époque préromaine16, et les graffiti de Montfo ou d’Ensérune, présents jusqu’à la fin de l’occupation, disent aussi, plus largement, ceux de la population. L’exemple tout récent de l’inscription mise au jour à L’Auribelle-Basse (Pézenas) illustre à la fois cette continuité et le rôle de la société indigène au sein des processus complexes de romanisation. Dans cet établissement, villa ou hameau, installé dans la seconde moitié du I er siècle avant notre ère, une plaque de bronze conserve, semble-t-il, un contrat d’hospitalité passé, en latin, entre des individus aux noms celtiques, membres d’une communauté – les Piscenae peut-être ? – représentés par des legatei – la forme archaïque indique une date haute –, et un personnage important. Qu’il s’agisse ou non du propriétaire17, il exerce sur une communauté indigène un patronage à la celtique – particulièrement bien connu dans le Nord-Ouest de la péninsule ibérique – dont les liens et engagements s’expriment en latin. Si l’entrée dans des structures romaines de notables indigènes est probable dès le I er siècle avant notre ère, elle a dû dépasser assez vite ce milieu privilégié. Une douzaine de gentilices républicains 18, dont plusieurs sont ceux de généraux qui ont œuvré dans la province à l’époque républicaine – Domitii, Marii, Valerii, Pompeii, Julii –, atteste une latinisation de l’anthroponymie, qui a dû démarrer assez tôt et s’élargir à partir des années 30, après la déduction coloniale, les premières inscriptions biterroises, relativement précoces 19, étant datées du tournant de l’ère ou de peu avant. Le processus concerne évidemment les citoyens romains d’origine indigène – repérables par les duo ou tria nomina suivis de la tribu dans laquelle ils sont inscrits, la Pupinia pour les Biterrois –, les libres, qu’ils soient pérégrins ou latins, ces derniers plus nombreux depuis les promotions à la citoyenneté latine des oppida Cessero et Piscenae20, et il concerne aussi des affranchis qui ont pris, comme il se doit, le gentilice de leur patron.

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Cette latinisation, perceptible en milieu urbain au Ier siècle de notre ère, par l’épigraphie, surtout funéraire, a pénétré assez tôt le milieu rural où l’on retrouve le poids incitatif des Italiens. Les noms de domaines, dérivés d’abord du gentilice puis du cognomen, le surnom, du propriétaire, qui ont tant impressionné la toponymie locale jusqu’à aujourd’hui, ont introduit une nouvelle référentialité paysagère, massivement latine, que ces noms soient suivis d’un suffixe en -an, latin, en -ac ou en -anicum, provenant du gaulois. C’est notamment dans l’industrie céramique, où les potiers signent souvent leurs productions, conteneurs, vaisselle ou terres cuites architecturales, que la latinisation de l’anthroponymie apparaît clairement. Chez Q. Julius Primus à Vareilles, les signatures des artisans sont bien connues – 8 noms sont latins pour 3 gaulois –, noms complets ou abréviations, qui identifient la provenance des matériaux de construction ou des amphores. Les sceaux et autres étiquettes (fig. 49), documentation trop peu sollicitée, constituent également un support non négligeable de diffusion du latin.

Fig. 49 : L’estampillage des marchandises et la diffusion de l’écriture : étiquettes et bague-sceau.

Leur distribution géographique montre d’ailleurs que ce marqueur culturel discret est clairement discriminant puisque cette épigraphie, représentée seulement à Arles, Béziers, Narbonne pour l’ensemble de la province, est caractéristique de pratiques propres aux colonies de droit romain 21. Pour autant, on cerne mal l’équilibre qui s’est instauré en Biterrois entre les communautés et les langues préromaines, longtemps parlées même si on peut penser que les locuteurs ont dû être affaiblis après l’abandon de certaines agglomérations, qui constituaient des conservatoires, c’est clair à Magalas/Montfo22. Leur effacement semble bien, en effet, avoir accompagné, avec la progression du latin, un repli des parlers locaux, d’ailleurs malaisé à mesurer. La persistance du gaulois et la nouvelle frontière linguistique Une voie d’évaluation, trop peu explorée par les historiens, s’impose à partir des recherches récurrentes conduites par les linguistes 23, dont les résultats 176

Une culture gallo-romaine métisse

ont ouvert des pistes possibles pour tenter de retrouver un écho, même lointain, des équilibres culturels et linguistiques qui ont marqué en profondeur l’histoire du Midi languedocien, du Biterrois en particulier. Dans les années 1970-80, les linguistes romanistes ont proposé, notamment à partir de la prononciation des voyelles dans les parlers occitans contemporains, une restitution des situations linguistiques anciennes. Les grands traits qu’ont générés les processus de palatalisation sont bien connus et c’est de longue date que les chercheurs ont montré comment la palatalisation du -u latin – problème capital de la phonétique historique du français, qu’on s’accorde à placer à partir du III e siècle de notre ère – constitue un trait caractéristique de la galloromania24. Trait qui contribue notamment à séparer l’occitan du catalan, dans ce secteur géographique où on a pu mettre en évidence la stabilité des frontières linguistiques 25. Dans ces conditions, la question qui importe ici et qu’une approche récurrente permet de poser aux faits de langue, en les croisant à la fois avec les données historiques, épigraphiques et archéologiques, lesquelles se sont fortement accrues et précisées au cours des dernières décennies, est de savoir dans quelle mesure on peut évaluer les processus de latinisation, sans entrer dans les débats complexes qui touchent aux facteurs susceptibles de rendre compte de la structure linguistique de la région. On retrouve là le poids donné au substrat préromain issu de la théorie défendue par Auguste Brun, qui fait une place déterminante aux populations préromaines, celtiques notamment 26. De fait, Henri Guiter 27 a vu dans la palatalisation imparfaite qui caractérise la zone littorale languedocienne les effets d’une « celtisation tardive ». Le substrat gaulois aurait induit la tendance à la palatalisation des phonèmes vélaires. Mais la carte schématique qu’il donne met en évidence, à partir de l’isoglosse -oe /-ü28, des « singularités » qui valent d’être interrogées à nouveau, en croisant notamment ces données avec celles de l’Atlas Linguistique du Languedoc29. Certes, les langues parlées avant l’arrivée des Romains 30 – ibère, gaulois et grec – sont relativement bien attestées par l’épigraphie, des plombs marchands de Pech-Maho (Sigean)31 ou de Gruissan 32 aux documents d’Ensérune33, à l’inscription du chapiteau d’Aumes 34 et aux légendes des séries monétaires, tant narbonnaises que biterroises, qui donnent notamment des noms de peuples et de personnes, ibères pour Narbonne et, surtout, gaulois pour les dynastes de Béziers 35. Dans cette distribution des documents et des informations qu’ils contiennent, la zone d’Ensérune – centre épigraphique exceptionnel en Gaule36 – apparaît comme un espace de contacts et de relatif équilibre entre un Biterrois plus gallo-grec et un Narbonnais plus celto-ibérique. Même si Jürgen Untermann a rappelé les éléments possiblement ibères dans la toponymie biterroise, ces survivances y semblent bien faibles 37, ce qui rend plus difficile encore de le suivre quand il fait de l’Hérault une 177

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frontière culturelle ou linguistique qu’il faudrait plutôt, me semble-t-il, situer plus à l’Ouest, entre Aude et Orb. De fait, si c’est bien le gaulois qui devait être largement parlé par les populations locales lors de l’arrivée de Rome, les textes – de Polybe et Cicéron à Tite Live et Strabon – comme les données épigraphiques convergent là-dessus, sur la place de l’ibère, qui trouve vers Ensérune sa limite extrême-occidentale de diffusion, et sur la présence d’Ibères, la discussion reste encore ouverte. Le fait que l’essentiel des graffiti en paléohispanique se trouve sur des céramiques importées à Ensérune, localisation quasi exclusive en Biterrois, interroge effectivement sur la place des locuteurs de l’ibère, langue véhiculaire38. S’agit-il de simples intermédiaires liés au fonctionnement des circuits d’échange et de redistribution comme on l’a dit, ou de groupes spécialisés maniant, dans un contexte inter-indigènes, une « écriture de gestion » 39, qui constituaient des noyaux ibères implantés dans la population40, et ce jusque dans la romanisation ? Dernière hypothèse, vraisemblable et plus proche des données, qui n’exclut en rien un fonctionnement de l’ibère conforme au rôle économique d’Ensérune41. Quoi qu’il en soit, les centaines de graffiti 42 gravés à la pointe sur les vases après cuisson par leur propriétaire, qui s’ajoutent aux quelques inscriptions connues, documents qu’il faudrait placer jusqu’au premier siècle avant notre ère, parlent plutôt d’une situation de polyglossie qui, pour résiduelle qu’elle ait alors été, n’en a pas moins pu influer localement – mais pour combien de temps ? – sur les contacts entre les parlers et les langues. De fait, il serait bien délicat de tenter d’évaluer les rapports de ces langues ou le nombre et le poids respectif de leurs locuteurs, même si la toponymie livre – avec toutes les précautions que son utilisation impose – quelques éléments d’appréciation. La distribution de toponymes gaulois ou gallo-romains, repérables jusque dans la plaine, peut d’ailleurs aujourd’hui être mise en relation avec une dispersion de l’habitat rural, beaucoup plus précoce qu’on ne l’a longtemps cru, comme l’atteste tôt la présence de fermes indigènes 43. Mais ce qui frappe le plus dans la localisation et dans l’allure de l’isoglosse qu’a présentées Henri Guiter, c’est le rapport qu’on peut y lire avec les modalités de la présence romaine. L’implantation d’Italiens a commencé, dès la seconde moitié du II nd siècle avant notre ère, à imposer l’influence de Rome en Languedoc occidental où l’on repère bien aujourd’hui les marques de leur mainmise sur les ressources locales et sur les paysages. La déduction de deux colonies romaines de peuplement – Narbonne en 118, renforcée sans doute en 45, et Béziers en 36 – distantes de 20 km à peine, a forcément pesé sur les équilibres. L’installation des colons a dû donner une impulsion décisive à la diffusion du latin, même si on ne peut évidemment 178

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envisager une latinisation totale. Les remarques générales qui ont pu être faites par Bodo Müller sur les concordances entre la répartition de certains faits linguistiques en France – mots de souche latine44, développement assuré du phonétisme latin 45 – et la romanisation, offrent un cadre commode de réflexion et de référence. La géographie qu’il met en œuvre avec les parentés de comportement notables entre le Midi occitan, notamment, et les noyaux de conservatisme linguistique structurés autour de Lyon et de l’axe rhodanien et d’une zone rhénanovalaisanne (englobant la Belgique wallonne) correspond, non seulement aux grandes voies de circulation des secteurs urbanisés de forte concentration démographique, mais aussi à l’implantation de véritables chaînes de colonies romaines et de camps légionnaires, qui ont impliqué une authentique maîtrise du territoire et la présence de forts noyaux de population italienne parlant et diffusant le latin. Des trois cas qu’il aborde – conservation par l’occitan du -a (sans passage au -e français, ni à la position moyenne du franco-provençal), du -k (sans passage au ch de l’ancien français) et, surtout, traitement du -u latin –, c’est le dernier, dont le développement a pu être mesuré en Biterrois avec une précision suffisante, qui peut autoriser un certain nombre de remarques d’ordre historique. La cité gallo-romaine de Béziers, comme celle de Narbonne, présente, d’après l’allure générale de l’isoglosse -ö /-ü, une nette dualité puisqu’on observe dans une partie plus ou moins profonde de la plaine littorale le maintien d’un archaïsme phonétique gros de signification. On a, en effet, remarqué depuis longtemps que le -u latin y est généralement passé à -ö et, après Louis Alibert 46, Jules Ronjat 47 a noté que ce passage, observable du Rhône à la frontière entre les départements de l’Aude et des Pyrénées orientales, caractérise particulièrement Béziers et Narbonne. En revanche, au delà de cette zone, l’évolution du -u s’est achevée en -ü. La portée de cette limite phonétique – qui a pu se fixer à partir du III e s. (et avant l’an 1000) a été considérablement renforcée par deux études qui en ont précisé le tracé. Et même si l’isoglosse présente des zones encore incertaines, elle passe nettement au Nord de l’étang de Thau et, dans la vallée de l’Hérault, englobe les villes latines de Cessero/Saint-Thibéry et de Piscenae/ Pézenas 48, l’oppidum d’Aumes/Alisoneas – qui a livré la première inscription gallo-grecque où il faut lire sans doute le toponyme antique, clairement gaulois, et dans Karnonou le nom du grand dieu celtique Cernunnos –, pour passer à quelque 35 km de la mer, entre Clermontl’Hérault et Aniane. Or, s’il faut renoncer à localiser là une forêt frontière médiévale49, au toponyme nettement marqué par le gaulois, on se trouve clairement sur la frontière nord-orientale de la cité antique et du diocèse médiéval et moderne de Béziers. Lodève est aussi dans la zone du -ü, comme Roujan/Medilianum, situé pratiquement sur la limite50. À l’Ouest et au Nord de Béziers en revanche, entre 179

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Nissan et Servian, une zone importante fait problème, à l’exception du noyau bien étudié de Lespignan, qui a connu la palatalisation achevée en -ü51. Or, ce noyau, au sein duquel un anthroponyme gaulois est attesté à l’époque romaine avancée52, est situé dans un secteur caractéristique, sur l’ancien lit de l’Aude, au contact de l’importante zone de marais qui a longuement marqué, depuis l’Antiquité, la frontière narbonno-biterroise dans la basse vallée de l’Aude, dont le cours a beaucoup varié. Comme Bodo Müller y invite, il faut lire dans cette bipartition constatée, plus complexe, de fait, sur le terrain qu’il n’apparaît dans le contact -oe /-ü, la convergence de plusieurs facteurs qui renvoient aux lents processus qui, du II nd s. avant au VI e siècle de notre ère, ont marqué la genèse du latin préroman jusqu’à l’extinction de la langue gauloise. Elle qui avait donné, entre autres, les noms des basileis de Béziers comme ceux de plusieurs agglomérations, et dont on sait qu’elle était parlée au I er siècle de notre ère sur les confins Nord de la cité et de Lodève, autour de la voie qui monte du Biterrois par la vallée de l’Hérault, vers La Graufesenque/ Millau, où a été mise au jour la plus longue inscription en langue gauloise connue à ce jour 53. Henri Guiter, s’appuyant sur l’enquête toponymique qu’il a conduite en Occitanie, a noté deux avancées qui nous intéressent 54. L’une, du Nord au Sud, descend du Massif Central, par Saint-Gervais et Bédarieux, vers la moyenne vallée de l’Hérault, l’autre, du Lauragais, par Lézignan-Corbières et Coursan, gagne la basse vallée de l’Aude. L’une et l’autre coïncidant avec deux replis de l’isoglosse du -ö. Sans en appeler à une « celtisation tardive » avec Henri Guiter, l’interprétation de cette configuration, toujours marquée aujourd’hui par une densité notable de toponymes en -ac, tandis que domine dans la plaine la terminaison en -an, conduit à s’interroger sur les structures démographiques et socio-culturelles des deux cités romaines. D’autant que l’extension de la zone -ö dans le territoire de Narbonne, avec une avancée de plus de 50 km à l’intérieur, s’inscrit entre le littoral que suit la Domitienne d’une part, s’arrêtant au Sud entre Fitou et Salses, et la voie d’Aquitaine d’autre part, et paraît bien converger avec les hypothèses de restitution fondées notamment sur les reconnaissances cadastrales et sur la densité des villæ. Dans le territoire de Béziers, s’esquisse ainsi un profil complexe que permet de conforter la distribution des toponymes et des théonymes, laquelle peut correspondre aussi assez exactement au statut des communautés. Si les oppida latins de Saint-Thibéry et de Pézenas, comme le territoire de l’oppidum d’Aumes/Alisoneas, semblent avoir connu une forte latinisation, au même titre d’ailleurs que la ville grecque d’Agde et l’Agadès, il faudrait peut-être introduire quelque nuance. De fait, les linguistes notent là des différences de parlers, autour à la fois d’Agde et de la vallée de la Peyne55, et l’épigraphie montre la persistance des 180

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noms celtiques et de la filiation à la gauloise au Ier siècle de notre ère, à Aumes notamment 56. En revanche, la retombée du plateau central et les agglomérations de Magalas/Montfo et de Roujan/Medilianum, par exemple, ont pu conserver plus longtemps l’héritage gaulois. À Montfo, outre un anthroponyme gaulois, une tablette magique, de malédiction, qui atteste, au I er siècle de notre ère, un bon niveau culturel et linguistique, cite peut-être une cérémonie gauloise, Masitlatida57. Cette persistance vaut aussi pour les deux colonies latines de Lodève, apparemment, et de Nîmes. L’observation est particulièrement intéressante pour Nîmes où les fortes traditions gauloises ont été intégrées à la romanité sans jamais perdre toute leur prégnance. L’Atlas linguistique du Languedoc occidental illustre, sur le cas précis de la prononciation de « luna », lune58, la configuration, de fait plus complexe, héritée des longs métissages qui ont travaillé la latinité régionale et façonné la culture languedocienne. Loeno y apparaît caractéristique du Narbonnais et du Biterrois, l’isoglosse secondaire loeno / loena coupant en biais la moyenne vallée de l’Hérault et l’étang de Thau, sur une zone frontière de la cité antique de Béziers (fig. 50).

Fig. 50 : Romanisation et palatalisation de u>ü en Languedoc.

Le tableau qui synthétise les données générales de prononciation et le cas particulier de luna rapportées au statut juridique antique, avec le mode de peuplement qu’il implique, fait apparaître un bloc cohérent, ce qui ne signifie pas

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forcément uniforme, constitué des colonies de droit romain et des agglomérations de droit latin en même temps qu’une nette dichotomie avec les deux colonies latines de Lodève et de Nîmes, tandis que les agglomérations de Magalas/Monfo et de Roujan, entre la plaine et le piémont, présentent un profil intermédiaire. Faut-il y lire de simples coïncidences ou des indices de processus linguistiques complexes d’assimilation depuis l’Antiquité ? C’est un débat qui touche au long devenir de l’identité culturelle régionale59, mais force est de noter l’étroite parenté de comportement des deux cités romaines de Narbonne et Béziers que Michel Christol a bien soulignée, lui aussi, à partir de pratiques épigraphiques qui mesurent autrement le haut degré de latinisation et de romanisation 60. Les liens entre romanisation et palatalisation, que matérialise sommairement la carte, soulignent à la fois le poids de la latinisation et la nécessité d’en nuancer les effets. Sans inférer mécaniquement de ces données, au reste trop parcellaires, un profil précis d’équilibre et d’évolution entre les langues parlées dans la région au long de l’Antiquité, il semble possible d’y retrouver les traces des voies plurielles suivies dans la province de Narbonnaise et au sein du territoire d’une colonie romaine. Bien sûr les zones d’incertitude du tracé de l’isoglosse – tel que le propose Henri Guiter –, dans des secteurs essentiels, au Nord à la fois de Narbonne et de Béziers, pèsent sur les hypothèses d’interprétation et en limitent la portée. En effet, si les langues préromaines, et surtout le gaulois, ont pu laisser des traces, qui contribuent peut-être aussi à rendre compte de la palatalisation imparfaite du -u, c’est manifestement le latin qui a modelé, dans la longue durée d’une cohabitation inégale, le patrimoine linguistique d’une grande partie de la plaine languedocienne, en Biterrois comme en Narbonnais, et qui a contribué à en dessiner la figure en freinant la palatalisation61. Mais, pour limité qu’il reste, le constat en tout cas ne contredit en rien les observations issues de la polyphonie des modes d’occupation du sol, comme de peuplement, et il correspond à la logique de cohabitation des hommes et des langues qu’a notamment réalisée, à l’époque romaine, dans l’ensemble du territoire, l’harmonie cadastrale. Sans tirer des résultats trop systématiques de ces données – d’autres éléments ultérieurs d’évolution ont évidemment pu jouer dans la diversification des parlers notée en Biterrois 62 –, les concordances sont nettes en Biterrois avec l’emprise des centuriations (fig. 51), tant pour la centuriation coloniale, Béziers C, cadre des assignations destinées aux vétérans, que pour le réseau impérial, Béziers A, qui a structuré les réaménagements flaviens.

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Fig. 51 : La zone de prononciation lœno et l’emprise des centuriations romaines Béziers C (à gauche) et Béziers A (à droite).

Ces correspondances sont d’autant plus significatives qu’elles s’inscrivent, on l’a vu, dans des observations plus générales sur les rapports entre la répartition des faits linguistiques et la romanisation 63, notamment avec la présence de colonies romaines. Enfin, la carte obtenue concorde avec la distribution d’autres indicateurs, toponymes en -anum ou divinités gréco-romaines, qui confortent la pertinence de ces observations. Ainsi la forte latinisation de ces cités précocement et profondément romanisées de Narbonnaise occidentale, dont la population a été marquée, jusque dans les campagnes, par l’implantation des colons italiens, si elle ne masque pas totalement les conflits de langues qu’elles ont connus, rend encore, à ce jour, largement compte de la prononciation du -u par les locuteurs de l’occitan. En parlant largement latin, tout en préservant des conservatoires de gaulois, plus que d’ibère64, la romanité biterroise s’est ainsi développée, avec une originalité évidente, métisse assurément, servie par des cohabitations et des pratiques d’échanges séculaires, dans une ouverture culturelle, sans doute confortée par la grécité agathoise, dont Béziers a dû assumer l’héritage après l’effacement d’Agde. Croire aux dieux du ciel et de l’Olympe : entre les princes et les dieux Dans le domaine majeur des premières confrontations entre divinités indigènes et dieux vainqueurs, la documentation est rare jusqu’aux dernières décennies du I er siècle avant, où les premières manifestations, d’ordre politique autant que religieux, nous introduisent au cœur de la romanité biterroise officielle. Une romanité qui se veut foncièrement intégrative et d’abord centrée autour des détenteurs du pouvoir, et où les dieux du ciel gaulois, comme ceux de l’Olympe, font excellent ménage avec l’adhésion immédiate au culte du prince. L’adhésion au pouvoir impérial et l’idéologie de la romanité Sans rupture avec la période précoloniale, la déduction de la colonie inaugure, au milieu des années -30, un nouvel espace politique et idéologique en pleine cohérence avec le nouveau régime et les choix dynastiques. L’image qui 183

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manifeste le mieux ces orientations et les liens particuliers de la colonie avec la gens julia est sans conteste la statue élevée à Octave vers -36-3565. En marbre de Carrare, provenant d’un atelier de Rome, comme celle du théâtre de Spolète, sa contemporaine, l’effigie de Béziers constitue avec elle, à ce jour, les deux images les plus anciennes du prince. Ce portrait illustre le choix civique qui sacralise le héros représenté ici en fondateur 66, revêtu de la toge du prêtre, et la précocité de l’adhésion à l’idéologie dynastique naissante autour de celui qui s’impose comme le « fils du divin César ». Son effigie a dû rapidement trôner sur le forum de la colonie, œuvrant pour conférer les charismes indispensables à Octave. La relecture des données des villes méridionales autorise en effet désormais une vision plus dynamique qu’on l’avait pensé du rôle de la Narbonnaise et de ses élites coloniales dans la mise en place précoce d’une idéologie de la romanité indissociable du pouvoir impérial parce que fondée sur un culte du chef et de son auguste famille, en association avec la déesse Rome, mais aussi étroitement articulée aux cultes et lieux sacrés préromains. Cette récupération, claire à Nîmes, où le sanctuaire de la fontaine est sollicité dès -25, ou encore à Glanum, n’est pas perceptible aujourd’hui à Béziers, qui n’a livré aucune divinité auguste, Béziers qui, pourtant, suit très tôt les grands thèmes porteurs de la nouvelle théologie politique, mais dont les données du sanctuaire préromain du Plateau sont trop imprécises. Hommages et images honorent les membres de la domus Augusta de leur vivant en suivant clairement les choix officiels pour la succession dynastique dans le cadre de cultes municipaux qui se trouvaient soumis à un contrôle plutôt étroit. La constitution du groupe de Béziers en atteste quand la statue d’Agrippa, au-delà de l’honneur qui lui est rendu, permet, en -12, de mettre en scène sa famille par la présence de sa femme Julie, fille d’Auguste, de ses fils, les petits-fils d’Auguste. Même si seul subsiste le plus jeune, Agrippa Postume, le groupe, parvenu incomplet, devait compter aussi ses frères aînés, Caius et Lucius. Progressivement complété après la mort d’Auguste, en 14, le groupe a clairement suivi au plus près les développements dynastiques et politiques. En témoignent les neuf têtes qui nous sont parvenues en illustrant le transfert de pouvoir des Julii aux Claudii qui s’est opéré avec l’avènement de Tibère. Quatre nouveaux membres de la famille impériale venant alors enrichir le groupe67, en fonction de l’actualité événementielle dans les arcanes de la dynastie. S’ajoutent alors le portrait de Tibère, du type « de l’avènement », daté entre 14 et 19, comme celui de Germanicus, dont la statue cuirassée rappelle les succès militaires, celui du fils de Tibère, Drusus le Jeune, et de sa mère Livie, la veuve d’Auguste constituant un maillon essentiel pour légitimer les choix successoraux. C’est aux environs de 29 que le dernier portrait julio-claudien conservé dans ce groupe serait venu s’intégrer dans la nouvelle ligne dynastique. D’autant 184

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que le choix d’Antonia la Jeune, mère du futur empereur Claude et veuve du populaire Germanicus, représentée ici le voile sur la tête en prêtresse du divin Auguste, peut probablement rédupliquer la fidélité du Biterrois aux Julii. Il n’est d’ailleurs pas exclu qu’elle soit honorée à Roujan 68. Quoi qu’il en soit, sa présence souligne le poids de la nouvelle religion impériale dans la légitimation d’une transmission dynastique qui a connu bien des difficultés et le rôle de la colonie biterroise dans sa promotion. Bien que toutes ces images ne reçoivent pas forcément un culte, elles jalonnent un processus de sacralisation où les membres vivants de la maison Auguste jouent un rôle actif aux côtés des morts divinisés. Ces incarnations tangibles, toutes produites dans des ateliers officiels de Rome, œuvrent efficacement pour en faire autant de propagandistes et donner les inflexions nécessaires au contenu du culte impérial. Sur place, les notables assurent le relais, fiers d’assumer les tâches qui incombent aux desservants d’un culte protéiforme dont le contenu, souple et adaptable à chaque cité, a un impact majeur sur le tissu social et les équilibres locaux. On a longtemps mis en avant l’initiative des provinciaux dans cette mise en place, notamment dans les provinces ibériques, mais il faut sans doute pondérer cette vue en donnant toute leur place aux interventions, subtiles mais directes, du pouvoir et de ses relais sur place. Le recrutement des desservants, dont l’épigraphie concrétise l’implantation dans le territoire, balise l’implication de couches sociales diversifiées, qu’il s’agisse des flamines, recrutés dans l’ordre équestre, dont le premier est Lucius Aponius, des flaminiques 69, ou des sévirs, des demi-notables, nombreux à assurer cette semimagistrature dont le collège réunit en Biterrois pérégrins libres et affranchis. L’organisation particulièrement précoce du culte en Narbonnaise au niveau municipal a mis les prêtres, prêtresses et autres desservants, en célébrant au cœur du territoire les vivants et les morts divinisés de la famille impériale, à même d’organiser, dans les temps d’innovation du I er siècle, l’allégeance aux choix politiques et successoraux du régime. Dans ce culte d’un nouveau genre, tous, Italiens et indigènes, pouvaient bâtir ensemble une théologie ouverte à toutes les croyances. En cela, dans cette zone parmi les plus romanisées de la province, les villes, véritables vitrines au service du pouvoir, servaient de modèle attractif pour des populations rurales en passe d’être naturalisées gallo-romaines. La cohabitation des dieux et « l’interprétation romaine » dans le panthéon biterrois La dynamique de la religion impériale naissante, loin d’entrer en conflit avec les traditions, accompagne, on le sait, une ferme fidélité aux divinités des divers panthéons et favorise les rencontres syncrétiques. Cela semble se vérifier en Biterrois pour le panthéon indigène dont la géographie divine montre une nette dichotomie dans les métissages syncrétiques 185

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entre les confins Nord et le reste du territoire. La puissance de la tradition celtique s’ancre au sanctuaire de Colombières-sur-Orb70, autour d’Epona-Vénus et, à SaintPons-de-Thomières, où les Mars Divanno et Dinomogetimaros prolongent assurément une source sacrée71, ou encore à Roquebrun où est honoré un (Me)diocrarus72, qu’on retrouve peut-être sous la forme hellénisée Mesocrarus sur l’autel de Fouzilhon73, où il est associé aux Nymphes 74, populaires divinités des eaux chez les Gaulois. Les deux derniers témoignages sont d’autant plus intéressants qu’ils illustrent par leur date, respectivement vers la fin du II nd-début III e et fin III e-début IVe s.75, une longue survivance des croyances et des divinités indigènes dans le Biterrois. Et leur localisation vient renforcer l’image de bipartition culturelle dessinée par l’héritage linguistique. Outre cette frange, c’est seulement à Béziers qu’on retrouve des lambeaux du panthéon celtique. La rencontre des divinités locales et de celles des conquérants y a généré, au cours de processus d’interprétation et de syncrétisme qui sont loin d’avoir été identiques pour toutes les divinités, un panthéon gallo-romain honoré par des autels ou des statuettes de laraire. Si César évoque dans la Guerre des Gaules76 le processus d’interprétation qui a vêtu à la romaine nombre de divinités celtiques, la documentation du Biterrois, nettement postérieure, en illustre les formes et les limites. C’est le cas au sanctuaire du Plateau des Poètes, aux portes mêmes de la colonie, dont la fréquentation se maintient au cours du Haut-Empire. Les conditions de la découverte ne permettent pas de connaître les débuts de ce probable sanctuaire précolonial où voisinent des divinités qui ont gardé leur nom indigène – génies du lieu aux noms diversifiés tels les Digines77, les Menmandutes ou Menmandutiae –, rédupliquées à la gauloise et sur le sexe desquelles on débat toujours 78, et d’autres rebaptisées d’un nom latin. Elles sont assurées par là d’une diffusion beaucoup plus large et constituent des supports efficaces de romanisation. Si on ne connaît pas au Plateau de Mères gauloises, le plus souvent invoquées collectivement, il faut en voir peut-être dans ces Menmandutes et, à l’instar de la Mater attestée à Colombiers 79, interpréter assurément comme une Mère Ricoria, au nom inconnu par ailleurs. La parenté de son nom avec le gaulois rix conduit à voir en elle une « Reine », hypostase de la grande Mère celtique de l’abondance dont la patère, placée dans sa main droite et sur le côté de l’autel, est l’attribut traditonnel. Ricoria est donc sans doute l’épouse, au sein d’une hiérogamie classique, du Mars celtique dans un couple primordial qui domine le sanctuaire80 où le dieu apparaît, lui, sous les traits romains stéréotypés, cuirassé, casqué, appuyé sur sa lance et muni de son bouclier. Pourtant l’assimilation n’est pas totale car, sous les traits du dieu romain, la formule dédicatoire « à son Mars », la familiarité qu’elle indique, dénoncent un dieu celtique majeur, Taranis ou Teutatès peut-être. Cette dédicace Marti suo (fig. 52) est également présente sur un autre autel de Béziers 81, soulignant la popularité de Mars dans la cité – on y compte 12 témoignages en incluant ses 186

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fidèles compagnons, Satyre ou Silène –, conformément à ce qu’on sait pour le dieu le plus honoré de toute la Gaule romaine. C’est d’ailleurs lui qui veille sur la frontière avec Nîmes, dans son sanctuaire de Balaruc, construit vers 30-4082.

Fig. 52 : Ricoria et Mars : le couple divin honoré au sanctuaire du Plateau des Poètes, Béziers.

Le panthéon gallo-romain de la cité montre que, parallèlement au culte très officiel dans une colonie romaine de Jupiter Optimus Maximus (fig. 53), présent, comme il se doit, dans son temple capitolin sur le forum, la souplesse bien connue de l’interprétation romaine a porté sur Jupiter, honoré à Vendres (Clapiès)83 sous la forme du Jupiter solaire à la roue, symbole qui représente fréquemment le dieu en Narbonnaise, notamment sur les lieux frappés par la foudre, ce qui a conduit à y voir, mais il y a débat, Taranis, le « grand maître du ciel » des Celtes. Elle a porté également sur Silvain, honoré à Sauvian par un petit autel où sont réunis – maillet, vase, fruits et arbre – tous les symboles du grand dieu gaulois Sucellos, identifié à Silvain en Narbonnaise. Fig. 53 : Tête colossale du Jupiter capitolin de Béziers. Vers 35 avant notre ère.

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Autour de la Domitienne. Genèse et identité du Biterrois gallo-romain

Si l’on ajoute le témoignage de l’intaille, datable de la première moitié du Ier siècle, même s’il est délicat de l’utiliser, il révèle la mémoire dans la cité du taureau tricornu, essentiellement connu dans les Gaules par des représentations figurées, qu’il s’agisse d’un talisman ou de l’évocation plus signifiante d’une scène mythologique qui pourrait évoquer le sacrifice cosmique du taureau divin par le héros. Les divinités syncrétisées attirent les hommages de toutes les couches de la population, fidèles d’origine italique ou issus de milieux indigènes romanisés d’après les gentilices et les cognomina des dédicants, notamment au Plateau, que les divinités honorées soient ou non rhabillées à la romaine, en milieu urbain ou rural. Un tel constat témoigne à la fois de la forte vitalité des divinités gauloises et d’une romanisation avancée, juridique et culturelle, qui s’affiche respectueuse des traditions religieuses anciennes. Ce syncrétisme que j’ai dit « commode » 84, qui a affaibli la richesse foisonnante des personnalités divines gauloises, a permis en Biterrois de passer assez facilement d’une divinité à l’autre, comme en témoigne le sanctuaire du Plateau, même si on ne peut être assuré de disposer là d’un échantillon représentatif. L’univers divin de la population gauloise, même très partiellement approché, compte tenu de l’étroitesse de la documentation, s’il a pu être ailleurs le support d’une résistance à la romanité, paraît ici avoir été mobilisé au bénéfice de l’idée romaine, servie par des dévots issus à la fois du monde gaulois assimilé et des Italiens, dont l’apport déterminant a été d’offrir aux divinités locales une iconographie. L’interprétation syncrétique mise en œuvre, en utilisant dès lors deux types d’expression, le langage des noms de divinités et le vocabulaire artistique des nouvelles représentations, a constitué un véhicule majeur d’une romanité qui s’affimait comme espace de rapprochement des dieux et des fidèles 85. C’est donc assez logiquement que s’est installée une cohabitation avec les grandes figures populaires du panthéon classique qui ont clairement séduit les Biterrois86. On ne s’étonne pas d’y rencontrer Hercule, présent déjà sur les monnaies préromaines, qu’on trouve au cœur de la ville dans son appareil classique, la léonté sur la tête (fig. 54), et à Roujan où le dieu, barbu et moustachu, brandissant la massue de la droite, tient à gauche la léonté tandis que son neuvième travail, qui l’amène chez les Amazones d’où il rapporte la ceinture d’or donnée par Arès à la reine Hippolité, est peut-être gravé sur une plaque de bronze87. Fig. 54 : Hercule coiffé de la peau du lion trouvé près du forum de Béziers (Ier-IInd s.).

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Une culture gallo-romaine métisse

Et pas davantage de reconnaître Bacchus et les compagnons de son cortège à la ville – à Ensérune (où un bronze italique arrivé tôt, fin IInd s. avant peut-être, reproduit un modèle grec célèbre dans le charmant Satyre couronné de feuillage, tandis que le cortège figure sur un fragment de plaque dionysiaque), comme à Béziers, où la tête de marbre du dieu juvénile, au type de Dionysos Tauros, voisine avec une statuette de terre cuite, image plus populaire. Dans la campagne, l’attrait du dieu de toutes les ivresses est évident dans les villæ de Neffiès, pour un jeune dieu chez les Coelii88, à Puissalicon, pour un Bacchus plus mâture89, renvoyant lui aussi à un modèle fameux (fig. 55), à Vivios (Lespignan)90, où c’est également un dieu moustachu et barbu qui est invoqué, ou encore à Poilhes. Fig. 55 : Bacchus au type Sardanapale en marbre des Cyclades sur un modèle praxitélien (La Condamine, Puissalicon). Fig. 56 : Statuette de Vénus en bronze au type praxitélien de l’Aphrodite attachant son collier (Sauvian, IInd-Ier avant).

La popularité, chez les habitants de la cité, de Vénus et d’Éros, se lit dans le nombre important de témoignages : une quinzaine, en comptant Éros 91. C’est plus que Bacchus et plus que Mars et Mercure. La déesse de l’amour et des jardins, dont on sait qu’elle a interprété Épona la poulinière dans son sanctuaire de Colombières-sur-Orb, se rencontre dans tout le Biterrois, de Valros 92 et Nézignan à Poilhes et Quarante. Si elle arrive tôt à Sauvian (fig. 56), où la fine statuette de bronze peut provenir d’une importation italique du tout début de la conquête, elle est bien présente à Béziers et à Vendres, bien sûr.

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Autour de la Domitienne. Genèse et identité du Biterrois gallo-romain

Le théonyme, puisque la déesse a donné son nom au village, attesté dès la fin du X e siècle, s’il ne saurait induire automatiquement la présence d’un temple, n’en implique pas moins, en cohérence avec le nombre d’attestations locales, une dévotion particulière à Vénus, voire son bienveillant patronage sur le Vendrois. La provenance de ces pièces « vénusiennes » – de nature très variée : statuettes de bronze, marbre, ambre ou terre cuite – montre en tout cas que les Biterrois n’étaient pas indifférents aux séductions de la déesse qui garantissait à ses fidèles tous les bienfaits traditionnels : fertilité, fécondité et protection. Les hommages dédiés à Mercure – inscriptions ou statuettes 93 –, relativement importants eu égard à la plus faible popularité du dieu en Narbonnaise que dans l’ensemble des Gaules, ajoutent à l’originalité de ce panthéon. Les dédicaces de Béziers et Saint-Pons-de-Mauchiens sont confortées par les deux bronzes de laraire qui figurent, à Aumes et à Montady, le dieu aux pieds ailés avec les attributs caractéristiques du dieu syncrétique gallo-romain : chlamyde, pétase, caducée, bourse (fig. 57).

Fig. 57 : Mercure honoré au sein des villæ, à Montady, dans un laraire, et à Ensérune où on reconnaît une copie romaine de Lysippe jeune.

Si ces effigies s’insèrent dans la longue série des Mercure gallo-romains, la statue de grès qui campe un Hermès adolescent, aujourd’hui au Musée d’Ensérune, relève d’une autre esthétique, hellénisante et même lysippéenne. Au total, la taille, le plus souvent modeste, de ces documents, comme leur provenance, en fait des témoignages privés, qui révèlent autant les goûts artistiques que les croyances de leurs propriétaires, expriment une piété qui n’exclut pas des phénomènes de mode. La carte du divin, qu’il faut nourrir de l’apport de la toponymie, en localisant au Sud la majorité des données iconographiques et 190

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épigraphiques, matérialise, elle aussi, la coexistence de deux zones inégalement romanisées. L’adoption des modes italiennes et des canons esthétiques gréco-romains Le mouvement d’adhésion aux modes italiennes, qui suit la courbe ascendante des importations, est perceptible relativement tôt après la conquête en Biterrois et s’accentue dans le courant du I er siècle avant notre ère, nettement dans la seconde moitié qui enregistre les mutations dans les matériaux et les pratiques de construction, quand reculent l’emploi de matériaux périssables et que s’impose la couverture en tuile. La romanisation des modes d’habitat et de vie reste un temps différenciée, la villa apparaissant plus tôt à l’Ouest que dans l’Est Biterrois, mais, dès le tournant de l’ère, la romanité des notables est partout vérifiable. Elle s’exprime dans les villæ domaniales où les aménagements de la pars urbana affichent une conformité évidente avec les normes italiennes. Certains comptent, à Vareilles par exemple, parmi les plus somptueux de Narbonnaise. Les choix culturels de la romanité rurale se déclinent dans tous les arts et techniques – décors peints polychromes, mosaïques, utilisation du marbre, statuaire, aménagements de confort, chauffage par les murs, aqueducs pour les thermes, voire pour la natatio, même si la présence de piscine reste exceptionnelle. Certes de tels investissements ne peuvent être consentis par tous, mais on les retrouve aussi bien dans les villæ qui bordaient le littoral maritime ou l’étang de Vendres – la villa « Temple de Vénus » 94 jouissait d’une remarquable scénographie qui a nécessité l’arasement de la colline pour installer les thermes 95 (fig. 58) – que dans des domaines plus éloignés du littoral.

Fig. 58 : Les thermes de la villa « Temple de Vénus », plan et élévation, Ier-IIIe s.

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Autour de la Domitienne. Genèse et identité du Biterrois gallo-romain

Paradoxalement, si l’esthétique décorative, qu’illustrent l’architecture et la statuaire, dit partout les goûts et choix culturels qui suivent assez exactement les modes de la péninsule, il reste plus difficile d’apprécier la situation dans les agglomérations. À Ensérune, on construit à l’italienne sur l’acropole depuis le I er siècle avant jusqu’à la fin de l’occupation 96, à Magalas, sur les terrasses en contrebas de l’agglomération, un sanctuaire du I er siècle vient d’être reconnu, avec son temple à péribole et deux bâtiments encore énigmatiques 97, à Roujan le quartier monumental du sanctuaire, avec ses trois temples gréco-romains sur podium également élevés sur une vaste place, indique l’ampleur des aménagements du HautEmpire. À Béziers, les éléments restituables de l’urbanisme – apparemment peu perceptibles archéologiquement – paraissent afficher la plus totale conformité avec le classicisme d’une colonie militaire romaine. Si l’emplacement du forum ne fait guère de doute, et si l’on peut faire, avec Jean-Charles Balty, l’hypothèse d’un forum fermé98, les bâtiments et leur disposition échappent encore. La probabilité est grande toutefois de l’implantation du Capitole que la statue colossale de Jupiter Optimus Maximus (fig. 53), « acrolithe, à n’en pas douter » 99, impose d’identifier, dans le secteur où les substructions indiquent l’existence d’un crypto-portique. La présence d’une basilique près du lieu de découverte du groupe julio-claudien100 paraît également vraisemblable, les statues n’ayant jamais été exposées à l’extérieur. Ces hypothèses, confortées par d’amples comparaisons avec d’autres forums augustéens, esquissent des contours plus précis pour cette partie du forum de Béziers, dont la monumentalité est incontestable, et autorisent de risquer une restitution numérique101 (fig. 59).

Fig. 59 : Le Capitole et le forum de la colonie de Béziers. Hypothèse de restitution. G. Tirologos.

De fait, la colonie participe pleinement du nouvel ordre idéologique impérial que marquent dans la province les insignia imperii où prévalent, avec le marbre de Carrare, les canons esthétiques de l’Urbs. Cette situation, qui lance à Béziers la romanité impériale, correspond assez exactement aux propositions avancées par Pierre Gros. Il a montré qu’Auguste s’était directement impliqué pour faire de la Narbonnaise non seulement le laboratoire d’un urbanisme programmé et démonstrateur pour les premières villes augustéennes implantées en Occident – dès avant -27, quand elle devient province 192

Une culture gallo-romaine métisse

impériale, avant qu’il la rende, en -22, au Sénat –, mais aussi le lieu expérimental d’un développement intégré du culte de la domus Augusta et, partant, un exemple et un cadre pour faire entrer les populations dans la fidélité au régime, structurée sur un modèle de piété familiale. Quant à l’habitat privé, globalement repéré dans le sous-sol du centre-ville, il a révélé lui aussi de nombreux indices de confort et d’esthétique à l’italienne. Dans la domus à atrium du quartier résidentiel de la Madeleine, prévaut un haut degré de romanisation, le décor révèle une grande proximité avec les maisons de Campanie du I er siècle de notre ère, notamment les peintures polychromes, datées de la seconde moitié du siècle, vers Néron-Vespasien. Les masques et les animaux, les fameuses panthères juchées sur les candélabres, qui séparent des panneaux, relèvent des 3e et 4e styles pompéiens (situés après 62). Leur excellente exécution comme la recherche de certaines couleurs, la présence du bleu, qui est très rare, disent le raffinement des goûts d’un notable pour une salle d’apparat 102. Ce que confirme la présence classique d’une corniche en stuc pour couronner les motifs peints 103 qui montrent des choix tout à fait en phase avec les modèles italiens contemporains. Et, vers les rues de la République/Paul Riquet, le bassin d’agrément mis au jour, muni d’une fontaine de marbre, confirme la fiabilité de la documentation de Rulman 104. L’équipement urbain de Béziers, qui a vu dès la déduction la mise en place d’un réseau d’évacuation des eaux usées 105, se complète dans les années 80 avec la construction de l’aqueduc. Venant des collines du Nord, il suit un axe du cadastre impérial, au Sud de Magalas, et devait entrer en majesté dans la ville par un kilomètre d’arcades 106. Au même moment, sur la colline Saint-Jacques, s’implante l’amphithéâtre, flavien comme celui de Rome, et contemporain de nombreux autres en Narbonnaise. Les goûts tant répandus pour les jeux s’y satisfont, jusque vers la fin III e-mi IVe s., et pouvaient même se donner, outre les programmes traditionnels de gladiateurs et de chasses 107, des naumachies pour 10 à 14.000 spectateurs, citadins et ruraux arrivant par la voie domitienne, qui montait Canterelles depuis l’Orb qu’un pont, probablement, devait déjà franchir 108. La romanité du paysage périurbain se lisait aussi sur les tombes où s’affichent modes, croyances, statuts sociaux, sur les longs kilomètres où s’étirent les nécropoles, sur la voie domitienne, au-delà des nouvelles arènes ou sur la route de Bédarieux. Les pratiques funéraires, en périphérie urbaine comme à la campagne – le choix de la sépulture rurale est très « italien » 109 –, témoignent de l’adoption des habitudes romaines. Les formulaires et usages épigraphiques disent l’originalité de la zone narbonno-biterroise110 dans la diffusion des normes du droit romain et la généralisation des conceptions romaines et, parallèlement, l’art funéraire témoigne

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Autour de la Domitienne. Genèse et identité du Biterrois gallo-romain

d’un réel classicisme, conforme aux choix culturels et esthétiques qui semblent avoir prévalu en Biterrois. Stimulés par la présence d’une statuaire officielle provenant des meilleurs ateliers de Rome, stèles, statues et portraits privés montrent une consommation culturelle limitée à des couches sociales privilégiées, mais relativement diversifiées. Ils témoignent, de façon générale, d’une production de bonne tenue de ces ateliers provinciaux, dont plusieurs devaient travailler à Béziers 111, pour une clientèle installée à la fois en ville et à la campagne où plusieurs villæ possédaient des œuvres intéressantes 112, portraits d’adeptes de la mode du moment, lancée par les effigies de la famille impériale, tels les « Hadrien » ou « Faustine » mis au jour dans certains domaines 113. Tel aussi le Platon, ou peut-être Sophocle114 (fig. 60), qui affichait les options des propriétaires d’un riche domaine de l’Ouest Biterrois 115 qui comptait plusieurs bustes de qualité, dont une tête féminine en marbre116. Fig. 60 : Portrait d’homme de lettres, Platon ou Sophocle, trouvé dans la villa du Viala (Capestang), Musée municipal de Nissan-lez-Ensérune.

Mais, sans conteste, c’est l’iconographie divine, au-delà de l’expression d’une religiosité plurielle, qui synthétise le mieux et le plus clairement les tendances et les goûts esthétiques qui ont prévalu au long des siècles. La place des copies romaines d’œuvres classiques ou hellénistiques, pour relativement banales qu’elle soit dans les milieux provinciaux du Haut-Empire, alimentés par les courants du grand commerce des œuvres d’art ou par des ateliers locaux, fournissant copies originales ou productions plus industrialisées, n’en est pas moins significative par son ampleur. Taillées dans le marbre des Cyclades, en pierre ou coulées dans le bronze, les œuvres de plastique religieuse arborent les traits les plus classicisants, où prévalent les types hellénistiques célèbres – 194

Une culture gallo-romaine métisse

imitations de Lysippe, Polyclète ou Praxitèle –, avec un penchant avéré pour le style praxitélien. En témoignent le Dionysos Sardanapale de Puissalicon ou le Silène de Nissan, la Vénus attachant son collier de Sauvian comme celle de Poilhes, ou encore l’Hermès d’Aumes, inspiré de Polyclète, et celui d’Ensérune de Lysippe jeune . Une situation qui n’a rien pour étonner dans une cité où l’on connaît la présence de deux rhéteurs grecs venus de Mopsueste, dans la province d’Asie, et qui ont dû participer, au Haut-Empire117, temporairement ou plus longuement, à la vie culturelle biterroise en donnant leur enseignement et/ou des lectures publiques. Partout, à Béziers, Quarante, Poilhes, Ensérune, Vendres ou Puissalicon, les choix hellénisants triomphaient 118 avec les copies romaines qui meublent tant de maisons et de domaines, vulgarisant un goût biterrois moyen, de romanité provinciale, dont les œuvres de qualité ne sont pas absentes. Résilience de la romanité et accueil des christianismes La fidélité du Biterrois à la romanité et aux tenants du pouvoir est allée de pair avec une religiosité dont on perçoit assez nettement qu’elle est restée longtemps marquée par les conceptions gauloises. Si elle a laissé de rares témoignages envers les Flaviens ou les Antonins – si l’on excepte Domitien et la statue colossale d’Antonin119 –, aucun envers les Sévères, elle se manifeste à deux reprises dans les difficultés du III e siècle. C’est vrai en faveur de Philippe le Jeune, fils de Philippe l’Arabe, vers 244-247, comme en 272 pour l’hommage rendu au jeune fils de Tétricus, qui affirme l’adhésion des Biterrois aux principes défendus par les empereurs gaulois. On sait qu’ils se sont montrés plus gallo-romains que « gaulois », dans leur fidélité résolue à la romanité traditionnelle120 dont témoignent la propagande véhiculée par les légendes et types monétaires ou les inscriptions routières, comme le texte du milliaire de 272121, retrouvé sur la voie domitienne à Béziers, rédigé en forme de dédicace au jeune Tétricus. Il faut d’ailleurs envisager que Tétricus luimême122 ait également été honoré à proximité123. C’est la dernière manifestation officielle connue d’adhésion à la romanité dans un Biterrois qui s’avère profondément transformé par une crise économique longue et profonde, mais où la physionomie des échanges qu’indique la circulation monétaire semblerait toujours, voie domitienne aidant, classiquement privilégier encore l’Italie et l’Espagne124. Un Biterrois, quoi qu’il en soit, dont la société se trouve confrontée aux débuts d’une évangélisation qu’il faut sans doute placer dans la seconde moitié du IIIe siècle, comme l’épiscopat d’Aphrodise. La décollation légendaire et la passion de ce disciple de Paul-Serge de Narbonne, qui est dit « évêque et confesseur », mais non martyr, ne peuvent être plus anciennes 125. 195

Autour de la Domitienne. Genèse et identité du Biterrois gallo-romain

Quelle que soit la teneur de ce ministère dont on ignore tout, le Biterrois entre alors dans des conflits d’ordre politico-religieux et dans les batailles idéologicodoctrinales pour la maîtrise de la transcendance qui secouent un monde qui doute de lui-même et de son avenir. C’est peut-être le sens des mosaïques de Loupian, qui disent la vitalité du classicisme tardo-antique en Biterrois, quand revient, à partir du IVe siècle, une prospérité mal partagée et que s’aiguisent les conflits. Sur le plan doctrinal, la bataille théologique fait rage entre les tenants de la foi orthodoxe de Nicée (325) et les partisans de l’hérésie arienne dans ces régions méridionales entrées, en effet, de plain-pied dans la crise qui secoue le christianisme au plus haut niveau quand, contrairement à Constantin, l’empereur Constance II (353-361) soutient l’hérésie et les cités « ariennes ». Dans ce contexte éminemment conflictuel, après les conciles d’Arles (353) et de Milan (355), l’empereur, soutenu par une partie de l’épiscopat gaulois, convoque à Béziers un troisième concile, en 356, où les participants sont chargés de condamner à la fois l’orthodoxie et son ferme suppôt, le redoutable Athanase d’Alexandrie. À Béziers, sa défense est assurée par les vigoureuses interventions d’Hilaire, l’évêque de Poitiers, que les pères conciliaires condamnent, lui aussi, à l’exil. Le choix de Béziers, après Arles et Milan, villes impériales, a été longuement discuté, et l’on peut penser que l’empereur était assuré d’y trouver, dans la cité comme dans son évêque, resté anonyme, de fidèles partisans, sinon de l’arianisme, en tout cas du pouvoir romain, comme l’auraient été aussi le prélat de Narbonne et Saturnin d’Arles, dont on a pensé qu’il avait pu présider la réunion de Béziers 126. De fait, sauf Toulouse, toute la Narbonnaise Première aurait été contaminée par l’hérésie arienne si l’on en croit la dénonciation du turbulent Hilaire127. Faut-il voir un indice de tranquillité de la situation et d’une relative quiétude des esprits dans l’absence de protection à Béziers, où seul un dispositif léger de défense (mur et fossé), mis en place au IVe siècle, a pu être reconnu128, quand Narbonne réemploie les vestiges des monuments de sa grandeur ? En tout cas, la région, où plusieurs évêchés étaient déjà structurés 129, devait être suffisamment sûre pour qu’un concile puisse s’y tenir et voyait s’implanter des lieux de culte chrétien comme à Sainte-Cécile de Loupian, où la première église paléochrétienne aurait été fondée dans le dernier tiers du IVe siècle130. Mais l’histoire initiée dans le IVe siècle s’écrit déjà autrement, au rythme des mouvements de populations, des restructurations des campagnes, de conflits de pouvoir et d’inflexions culturelles et théologiques que documentent, dans les sources, l’émergence des paroisses rurales 131, les luttes des évêques et les références à la nouvelle foi132, quand les saints, Vincent, Agnès ou Eulalie, tendent à l’emporter sur les héros et les divinités ancestrales, Vénus ou Dionysos ou encore Platon, investissant les mêmes lieux comme à Poilhes, au flanc d’Ensérune133, à Joncels, à 196

Une culture gallo-romaine métisse

Roujan 134 ou à Agde135. Pourtant il n’est pas impossible de noter une forte persistance des pratiques et croyances rurales autour des divinités syncrétiques de fertilité136 ou des usages funéraires, en cohérence logique avec le classicisme des grandes villæ137, ni de lire encore en 461, dans le renvoi de l’évêque Hermès – usurpateur du siège de Narbonne après qu’il a été « indignement rejeté par les Biterrois, pour lesquels il avait été cependant ordonné » 138 –, l’attachement à la romanité de la cité de Béziers, qui aurait pu demeurer partie de la Narbonnaise Première quand Narbonne était depuis cinq ans au pouvoir des Wisigoths. On mesure de mieux en mieux aujourd’hui dans un Biterrois qui a reçu, plusieurs fois dans son histoire, influences et apports qui ont contribué à modeler sa personnalité, le poids décisif, génétique, de la « romanité », d’une romanité classique dont participent Paulin et Sidoine Apollinaire, qui rappelle, en 471, « ces iambes rapides, ces élégiaques pleins de finesse, ces hendécasyllabes harmonieux et tous ces autres vers qui sentent bon le thym et les fleurs de la poésie (...) chantés à cœur joie tantôt par les Narbonnais, tantôt par les Biterrois » 139.

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LISTE DES FIGURES

Fig. 1 : Les agglomérations protohistoriques, VIe-IV e siècles……………………… e

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Fig. 2 : Pièce de bronze décorée de corail (IV s. av.)………………………………....

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Fig. 3 : Fourreau d’épée celtique en fer (Ensérune)……………………………………

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Fig. 4 : Monnaies de bronze du Biterrois, série des Longostalètes……………….

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Fig. 5 : Monnaies de bronze du Biterrois : série à légende Baætarratis………….

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Fig. 6 : Monnaies de bronze du Biterrois : Bitouios Basileus………………………

p. 28

er

Fig. 7 : Portrait d’un imperator du I siècle avant notre ère…………………………

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Fig. 8 : Octave en fondateur de la colonie de Béziers (36-35 av. notre ère)…………………..............................................................................................

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Fig. 9 : Milliaire de Tétricus le Jeune sur la voie domitienne (272)…………….

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Fig. 10 : Le littoral biterrois d’après Aviénus : hypothèses de localisation de la Palus Helice……………………………………………………………………………

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Fig. 11 : Coupe protocorinthienne (Vendres)…………………………………………..

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Fig. 12 : La voie domitienne dans le réseau routier romain sur la Table de Peutinger………………………………………………………………………………….

p. 67

Fig. 13 : Distances et étapes de la voie domitienne sur un gobelet de Vicarello (époque augustéenne)……………………………………………………………….

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Fig. 14 : Implantation de la voie domitienne. Hypothèses et tracés…………….

p. 69

Fig. 15 : L’assise de la voie sur les colluvions et buttes non hydromorphes sur la commune de Nissan………………………………………………………………..

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Fig. 16 : Le chemin protohistorique et les niveaux de circulation au pied d’Ensérune (VIe-mi Ier s. avant notre ère)………………………………………

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Fig. 17 : L’implantation de la voie impériale sur la chaussée tardorépublicaine à Colombiers…………………………………………………………

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Fig. 18 : Évolution et structure des aménagements viaires à Colombiers……..

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Fig. 19 : Gobelet à décor de soleils et perles (30-40 de n. è., Colombiers)…….

p. 85

Fig. 20 : Des espaces intégrés dans une conception articulée du territoire……

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Fig. 21 : Emprise du cadastre précolonial Béziers B…………………………………..

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Fig. 22 : La ferme à enclos de Vareilles (Paulhan) sur un decumanus du cadastre précolonial Béziers B……………………………………………………

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Fig. 23 : L’implantation des sites républicains dans le réseau précolonial……..

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Liste des figures

Fig. 24 : Chemin et mur de terrasse sur un decumanus précolonial (Béziers)..

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Fig. 25 : L’implantation de la centuriation coloniale et la voie domitienne…

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Fig. 26 : Deux fermes de colons, triumvirales ou augustéennes (Le Gasquinoy, Béziers)………………………………………………………………………………….

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Fig. 27 : Le marquage des axes de la centuriation coloniale à l’Ouest de l’Orb

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Fig. 28 : L’agglomération de Roujan sur un carrefour de la centuriation coloniale…………………………………………………………………………………

p. 116

Fig. 29 : Deux ateliers d’amphores dans la centuriation coloniale : Corneilhan et Laurens……………………………………………………………………………….

p. 119

Fig. 30 : La renormation territoriale Béziers A…………………………………………

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Fig. 31 : Pérennisation de la trame et de la voirie cadastrales à Valras…………

p. 122

Fig. 32 : Parcellaire et villa de la Savoie (Vendres)……………………………………

p. 123

Fig. 33 : La commune de Vendres dessinée par la voirie impériale romaine.

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Fig. 34 : Insertion d’anciens domaines coloniaux dans le cadastre impérial Béziers A : la villa « Temple de Vénus » (Vendres)………………………

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Fig. 35 : Ateliers de production céramique : la Brune Orangée Biterroise (BOB), Ier-IV e siècles………………………………………………………………….

p. 128

Fig. 36 : Traces de provignage datées de l’Âge du Fer à La Courondelle (Béziers)…………………………………………………………………………………

p. 134

Fig. 37 : Timbre doliaire avec épis et grappes de raisin, Ensérune………………..

p. 135

Fig. 38 : Évolution des importations de vin et de la présence de pépins de raisin à Lattes (IV e-Ier s. avant notre ère)………………………………………

p. 135

Fig. 39 : Le vignoble de Mazeran (Béziers) : fosses de plantation isoclines à la centuriation coloniale……………………………………………………………..

p. 140

Fig. 40 : Les capacités de stockage du vin à la villa de La Domergue (Sauvian)………………………………………………………………………………….

p. 143

Fig. 41 : L’évolution des chais et le stockage du vin à la villa de Vareilles (Paulhan)………………………………………………………………………………….

p. 144

Fig. 42 : Écartement des ceps et provignage à Font de Cougoul (Béziers).……

p. 151

Fig. 43 : Évolution des densités de plantation, normes des agronomes romains et données archéologiques………………………………………………

p. 151

Fig. 44 : Ateliers d’amphores et production de conteneurs en Biterrois………..

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Fig. 45 : Types et évolution des conteneurs céramiques : les amphores de l’atelier de Contours (Saint-Pargoire)…………………………………………

p. 158

er

Fig. 46 : Amphore Gauloise 4 munie de son paillage (Cabrières-d’Aigues, I siècle de notre ère)……………………………………………………………………..

200

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Liste des figures

Fig. 47 : Étiquette peinte sur amphore Gauloise 4 trouvée en mer à Fos vantant un « biterrois blanc » exporté par Caius Orcius Modestus….

p. 162

Fig. 48 : Un Gaulois en braies face au taureau divin (?), scène sur intaille (Béziers)…………………………………………………………………………………

p. 172

Fig. 49 : L’estampillage des marchandises et la diffusion de l’écriture : étiquettes et bague-sceau……………………………………………………………. Fig. 50 : Romanisation et palatalisation de u>ü en Languedoc…………………

p. 176 p. 181

Fig. 51 : La zone de prononciation lœno et l’emprise des centuriations romaines Béziers C et Béziers A…………………………………………………..

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Fig. 52 : Ricoria et Mars : le couple divin honoré au sanctuaire du Plateau des Poètes (Béziers)……………………………………………………………………

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Fig. 53 : Tête colossale du Jupiter capitolin de Béziers. Vers 35 av. n. è……….

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Fig. 54 : Hercule coiffé de la peau du lion trouvé près du forum de Béziers (IerIInd s.)……………………………………………………………………………………..

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Fig. 55 : Bacchus au type Sardanapale en marbre des Cyclades sur un modèle praxitélien (La Condamine, Puissalicon)………………………………………

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Fig. 56 : Statuette de Vénus en bronze au type praxitélien de l’Aphrodite attachant son collier (Sauvian, IInd-Ier avant)…………………………………

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Fig. 57 : Mercure honoré au sein des villæ, à Montady, dans un laraire, et à Ensérune où on reconnaît une copie romaine de Lysippe jeune…….

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Fig. 58 : Les thermes de la villa « Temple de Vénus » (Vendres), plan et élévation, Ier-IIIe s………………………………………………………………………

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Fig. 59 : Le Capitole et le forum de la colonie de Béziers. Hypothèse de restitution………………………………………………………………………………

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Fig. 60 : Portrait d’homme de lettres, Platon ou Sophocle, trouvé dans la villa du Viala (Capestang)………………………………………………………………

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NOTES

Notes du chapitre 1 : L’aventure historique des pays biterrois Dominique Garcia, La Celtique méditerranéenne. Habitats et Sociétés en Languedoc et en Provence, VIIIe-IIe siècles av. J.-C., Paris, 2004. 2 Éric Gailledrat, « Courants commerciaux et partenaires méditerranéens entre le Languedoc occidental et la Péninsule ibérique au Premier Âge du Fer (VIIe-Ve siècles), in Thierry Janin (éd.), Mailhac et le Premier Âge du Fer en Europe occidentale, Lattes, 2000, pp. 261-270. 3 Mis au jour dans une fosse en 1996-1997, lors de l’intervention « gazoduc », ce fragment de coupe tournée a été daté du VIIIe siècle avant notre ère, Christian Olive, Daniela Ugolini, « L’occupation du sol en Biterrois occidental du Bronze final à la fin de l’Antiquité », CAG 34/5 : Le Biterrois, Paris, 2013, p. 25 et Cazouls, La Roumanine, 06914, pp. 162-163. 4 Michel Gras, « Les Étrusques et la Gaule méditerranéenne », in Thierry Janin (éd.), Mailhac et le Premier Âge du Fer en Europe occidentale, op. cit., pp. 229-241. 5 Il est occupé au Bronze final et au premier Âge du Fer, Christian Olive, Daniela Ugolini, in Bilan de la Recherche archéologique depuis 1995, DRAC/SRA Languedoc-Roussillon, Montpellier, 2012, p. 67 et CAG 34/5, 329-05, pp. 549-551. 6 Albane Burens, Laurent Carozza, « Les habitats du Bronze final de Portal Viel à Vendres (Hérault) », Bulletin de la Société préhistorique française, 97, 4, 2000, pp. 573-581 et Laurent Carozza, « Aux sources du premier Âge du Fer languedocien », in Thierry Janin (éd.), Mailhac et le premier Âge du fer en Europe occidentale, op. cit., pp. 9-23. 7 Florent Mazière et alii, « Contribution des nécropoles du premier âge du Fer de la vallée de l’Orb (Hérault) à l’étude des pratiques funéraires et des dynamiques du peuplement protohistorique en Languedoc occidental », in Pratiques funéraires protohistoriques entre Massif central et Pyrénées. Nouvelles données, Castres, 2002, pp. 121-151 et Sandrine Lenorzet, Pratiques funéraires du Bronze Final IIIb au Premier Âge du Fer en Languedoc occidental et Midi-Pyrénées. Approches archéo-anthropologiques des nécropoles à incinération, Thèse de l’Université Bordeaux 1, 2006, qui rappelle l’accroissement progressif de la présence d’armes dont le pourcentage double entre la fin du VIIe et le Ve s., pp. 110-118. 8 Thierry Janin, « L’évolution du Bronze final IIIb et la transition Bronze-Fer en Languedoc occidental d’après la culture matérielle des nécropoles », Documents d’Archéologie méridionale, 15, 1992, pp. 243-259 et, du même, « Nécropoles et espace géographique en Languedoc occidental au premier Âge du Fer : essai sur l’organisation territoriale et politique de la société élisyque », in D. Garcia, F. Verdin (éds.), Territoires 1

Notes

celtiques, espaces ethniques et territoires des agglomérations protohistoriques d’Europe occidentale, Paris, 2012, pp. 108-118. 9 Daniela Ugolini, Christian Olive (dir), CAG 34/5, 225-068, pp. 436-437 : la nécropole de La Rouquette a fonctionné entre la mi-VIIIe et le début du VIe s. 10 La nécropole est datée de la transition Bronze/Âge du Fer, CAG 34/5, 226-10, pp. 441442. 11 CAG 34/5, 329-10, pp. 560-562 où sont intégrés les données des fouilles de 2003-2005. 12 Joseph Giry, « La nécropole de Saint-Julien (Commune de Pézenas-Hérault) », Revue des Études ligures, 31, 1965, pp. 117-238 ; Christian Llinas, Annick Robert, « La nécropole de Saint-Julien à Pézenas (Hérault). Fouilles de 1969 à 1970 », Revue Archéologique de Narbonnaise, 4, 1971, pp. 1-33. 13 Pour l’évolution du contexte général, Alexandre Beylier, L’Armement et le guerrier en Méditerranée nord-occidentale au premier Âge du Fer, Lattes, 2012. 14 Daniela Ugolini, Christian Olive, Béziers I (600-300 av. J.-C.). La naissance de la ville, Béziers, 2006, p. 47. À Pech Maho (Sigean), qui possède une enceinte de conception technique impressionnante dès le VIe siècle, un véritable plan d’urbanisme n’organise l’agglomération qu’au début du Ve s., Éric Dellong (dir.), CAG 11/1 : Narbonne et le Narbonnais, Paris, 2002, pp. 596-598. 15 Martine Schwaller, Ensérune carrefour de civilisations protohistoriques, Paris, 1994. 16 Thierry Janin (coord.), « L’habitat », in Bilan de la Recherche archéologique depuis 1995, DRAC/SRA Languedoc-Roussillon, op. cit., pp. 162-164. 17 Daniela Ugolini, Christian Olive (dir.), CAG 34/4 : Béziers, Paris, 2012, p. 104. 18 C’est net autour de Béziers dans l’interfluve Orb-Libron et dans la basse plaine de l’Orb entre le VIe et le IVe s., Virginie Ropiot, « Habitats et zones humides entre l’Hérault et le Ter du IXe s. au début du IIe s. av. n.è. Bilan et essai de synthèse », in V. Ropiot, C. Puig, F. Mazière (éds.), Les Plaines littorales en Méditerranée nord-occidentale. Regards croisés d’histoire, d’archéologie et de géographie de la Protohistoire au Moyen Âge, Montagnac, 2011, pp. 111-128 et fig. 4, ou de Saint-Siméon (Pézenas), Florent Mazière et alii, « La place du facteur naturel dans les dynamiques d’occupation protohistoriques. L’exemple de l’étang de Pézenas (Hérault, France) », ibid., pp. 13-28. 19 Daniela Ugolini, Christian Olive et alii, « La “ferme” protohistorique de Sauvian (34). Casses-Diables, zone 2 (Ve-IVe s. av. J.-C.) », in S. Mauné (dir.), Recherches récentes sur les établissements ruraux protohistoriques en Gaule méridionale, IXe-IIIes. av. J.-C., Montagnac, 1998, pp. 93-119. 20 Daniela Ugolini, in M. Lugand, I. Bermond (dir.), CAG 34/2 : Agde et le bassin de Thau, Paris, 2001, p. 77. 21 Daniela Ugolini, « L’Âge du Fer », ibid., p. 72, Daniela Ugolini, Christian Olive, CAG 34/4, pp. 106-107 et Elian Gomez, Agde et son territoire : VIIe-Ier siècle avant J.-C., Thèse, Université d’Aix-en-Provence, 2010. 22 Daniela Ugolini, CAG, 34/2, pp. 73 et 121.

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Notes

23 Pour une autre vue, Michel Bats, « Colonies et comptoirs massaliètes », in Voyage en Massalie. 100 ans d’archéologie en Gaule du Sud, Marseille, 1990, pp. 174-175 et Odile Bérard, André Nickels, Martine Schwaller, « Agde », ibid., pp. 183-185. 24 Strabon, III, 4, 19 rappelle que ses prédécesseurs « appelaient Ibérie tout le pays situé au-delà du Rhône ». 25 Éric Gailledrat, Les Ibères de l’Èbre à l’Hérault (VIe-IVe s. av. J.-C.), Lattes, 1997, pp. 4547 et Stéphane Mauné, CAG 34/2, p. 82, qui reste à raison (note 2) très prudent sur une question d’autant plus délicate que les trop rares documents disponibles ne sont pas toujours insérés objectivement dans un débat encore trop fermé. 26 C’est déjà la remarque d’André Berthelot, Festus Aviénus. Ora Maritima, Paris, 1934, p. 128. 27 Phénomène démographique et/ou migratoire, culturel et social, le débat n’est pas clos, même s’il n’admet plus de vagues de migrations scandant l’évolution. 28 Coline Ruiz Darasse, « Langues et écritures dans le Biterrois de l’âge du Fer », CAG 34/5, p. 32. 29 Christian Goudineau, Regard sur la Gaule, Paris, 1998, pp. 98-102. Sur le renversement des perspectives de la mise en place du peuplement indo-européen, Daniel Le Bris (dir.), Aires linguistiques, Aires culturelles. Études de concordances en Europe occidentale, zones Manche et Atlantique, 2012. 30 Coline Ruiz Darasse, « Langues et écritures dans le Biterrois de l’âge du Fer », CAG 34/5, loc. cit., p. 30 rappelle que le nom celtique smeraz figure dans une inscription longtemps lue comme ibérique et qui serait en écriture étrusque d’après Javier de Hoz, « A Celtic Personal name on an Etruscan Inscription fom Ensérune, Previously Considered Iberian (M.L.H. B. I. 2b) », in J. L. Garcia Alonso (ed.), Celtic and others languages in Ancient Europe, Salamanca, 2008, pp. 17-27. 31 Coline Ruiz Darasse, ibid. 32 Le cas d’Ensérune est instructif, Cécile Dubosse, Les Céramiques grecques d’Ensérune et leur contexte. Essai de caractérisation des phases anciennes, Monographies d’Archéologie méditerranéenne, Lattes, 2007. 33 Strabon, IV, 1, 5, dont la remarque ne précise pas qu’il s’agit des Barbares de la vallée du Rhône, contrairement à ce qui est souvent indiqué. 34 Claire-Anne de Chazelles, CAG 11/1, p. 482. 35 Dominique Garcia, « Observations sur la production et le commerce des céréales en Languedoc durant l’Âge du Fer : les formes de stockage des grains », Revue Archéologique de Narbonnaise, 20, 1987, pp. 47-98. 36 Le stockage dans de grandes jarres, dont les timbres précisent parfois la destination – épis, grappes de raisin –, est attesté à Béziers, Murviel (Mus), La Moulinasse (Salles d’Aude), Ensérune. Ces agglomérations sont approvisionnées notamment par l’atelier biterrois de la Domitienne, qui produit à partir de la seconde moitié du Ve, et surtout au IVe siècle. Sur la production de ces vases et leur diffusion : Antoine Ratsimba, « Les pithoi biterrois », in D. Ugolini, Ch. Olive (dir.), Béziers I (600-300 av. J.-C.). La naissance de la ville, op. cit, pp. 98-102. L’atelier alimente même Agde et Montlaurès, où l’on connaît aussi

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Notes

des greniers et « celliers » précoces (VIe-Ve et IVe s.), précurseurs des nombreux greniers et entrepôts de la dernière phase de l’oppidum, Claire-Anne de Chazelles, CAG 11/1, pp. 75 et 481-483. 37 Claire-Anne de Chazelles, « Protohistoire du Narbonnais », CAG 11/1, p. 78. 38 Venceslas Kruta, « Le corail, le vin et l’arbre de vie : observations sur l’art et la religion des Celtes du Ve au Ier siècle avant notre ère », Études celtiques, 1986, pp. 7-32, où le Languedoc occidental n’est pas pris en compte. L’approvisionnement en objets décorés de corail s’interrompt dans la seconde moitié du IIIe siècle (p. 32). Il faut toutefois noter que l’association avec l’arbre de vie reste à étudier pour les objets d’Ensérune. 39 De signification éminemment culturelle, et même religieuse, la présence/absence du couple vin-corail, qui fonctionne clairement à Ensérune comme sur d’autres oppida, serait révélateur d’une différence entre les sites. 40 Daniela Ugolini, Christian Olive (dir.), Béziers I (600-300 av. J.-C.). La naissance de la ville, op. cit., pp. 121-124. 41 Éric Gailledrat, « Les céramiques peintes de type ibérique dans le contexte ibérolanguedocien (VIe-IVe s. av. J.-C.) », in D. Ugolini (dir.), Le Languedoc occidental protohistorique. Fouilles et recherches récentes, VIe-IVe s. av. J.-C., Aix-en-provence, 1997, pp. 173-195 et Claire-Anne de Chazelles, « Protohistoire du Narbonnais », CAG 11/1, p. 78. 42 En 2002, les sondages effectués sous l’ancienne Poste ont livré des fragments poissés. 43 Claire-Anne de Chazelles, « Les tuiles de couverture », in D. Ugolini, Ch. Olive (dir.), Béziers I (600-300 av. J.-C.). La naissance de la ville, op. cit., pp. 56-57. 44 Florent Mazière, Christian Olive, Daniela Ugolini, « Esquisse du territoire de Béziers (VIe-IVe s. av. J.-C.) », in A. Martin Ortega et R. Plana Mallart (dir.), Territori politic i territori rural durant l’Edat del Ferro al Mediterrania occidental, Ullastret, 2001, pp. 87114. 45 Michel Py, Les Gaulois du Midi. De la fin de l’Âge du Bronze à la conquête romaine, Paris, 1993, pp. 164-165. 46 Fragments des historiens grecs, Jacoby, I2A, fr. 53. De ce prédécesseur d’Hérodote, savant et précis, ne sont conservés que de courts fragments transmis par Étienne de Byzance. Sur les Élisyques et les questions de peuplement, Michel Gayraud, Narbonne antique des origines à la fin du IIIe siècle, Paris, 1981, pp. 102-108 et Éric Gailledrat, Les Ibères de l’Èbre à l’Hérault (VIe-IVe s. av. J.-C.), op. cit. 47 Thierry Janin, Georges Marchand, André Nickels, Martine Schwaller, Odette Taffanel, Jean Taffanel, « Les Élisyques et le premier âge du Fer en Languedoc », in Peuples et Territoires en Gaule méditerranéenne. Hommages à Guy Barruol, Montpellier, 2003, pp. 247-254. 48 Hérodote, Histoires, VII, 165. 49 Sur la place du Biterrois dans ce poème, infra, chapitre 2. 50 Pour Hérodore d’Héraclée à la fin du V e siècle, Fragments des historiens grecs, Jacoby, I2A, fr. 2a. 51 Pour le Pseudo-Scylax au IVe siècle, Périple, 3, éd. Muller, I, p. 17.

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Notes

Daniela Ugolini, CAG 34/2, p. 74. Virginie Ropiot, Peuplement et circulation dans les bassins fluviaux du Languedoc occidental, du Roussillon et de l’Ampourdan du IXe au début du IInd siècle av. J.-C., Thèse, Université de Besançon, 2007. 54 Sur Saint-Siméon, Stéphane Mauné et alii, CAG 34/2, 199, 10* et 11*, pp. 328-329 et Florent Mazière et alii, « La place du facteur naturel dans les dynamiques d’occupation protohistoriques », loc. cit., p. 26. 55 Daniela Ugolini, Christian Olive (dir.), Béziers I (600-300 av. J.-C.). La naissance de la ville, op. cit., pp. 85 et 133. 56 L’oppidum du Fort (Saint-Thibéry) est occupé à partir du IVe s. quand, depuis le début du siècle, l’exploitation du basalte produit des meules rotatives qui connaissent une très large diffusion vers l’arrière-pays et le littoral jusqu’au Ier siècle avant notre ère, Daniela Ugolini, CAG 34/2, p. 74. Aux IInd-Ier s., celles d’Agde, réalisées selon une technologie grecque ou punico-ibérique, atteignent la Provence, Jean-Louis Reille, ibid., p. 91. 57 Même si l’occupation du sol affiche une baisse drastique aux IVe-IIIe siècles, d’après les observations réalisées sur les rives de l’étang de Montady, Ludovic Le Roy, Éric Dellong, « L’occupation du sol autour de l’étang de Montady, du premier Âge du Fer au Moyen Âge : une première synthèse », in V. Ropiot et alii (éds.), Les Plaines littorales en Méditerranée nord-occidentale, op. cit., pp. 33-61. Les résultats des sondages conduits en 2009 dans le cadre du PCR « Autour de l’étang de Montady » ont montré, par comparaison, pour cette période, une faible accumulation sédimentaire dans les zones basses. 58 Éric Gailledrat et Maria Carme Belarte, CAG 11/1, pp. 599-600. 59 Sur ces questions, voir Jérôme Bénézet, « Les vernis noirs non attiques », in D. Ugolini, Ch. Olive (dir.), Béziers I (600-300 av. J.-C.). La naissance de la ville, op. cit., pp. 114-116. 60 Elles sont présentes dans les tombes dès la fin du IVe siècle, Jean Jannoray, Ensérune. Contribution à l’étude des civilisations préromaines de la Gaule méridionale, Paris, 1955, p. 324. 61 Pour l’ossuaire notamment, cratères attiques du style de Kertch, vases du monde celtique et vernis noir d’Italie, urnes de la côte catalane. 62 André Rapin, Martine Schwaller, « Contribution à l’étude de l’armement celtique : la tombe 163 d’Ensérune (Hérault) », Revue Archéologique de Narbonnaise, 20, 1987, pp. 155-183. 63 Ibid., pp. 177-178. 64 Ibid., pp. 181-182. Même si la prudence invite à « nuancer » et si « le dépôt d’armes ne signifie pas nécessairement appartenance à une ethnie celtique ». 65 Voir Paul-Marie Duval et Venceslas Kruta (éds.), Les Mouvements celtiques du Ve au Ier s. avant notre ère, Paris, 1979, qui abordent le problème dans le cadre comparatif de l’Europe méridionale et y replacent le Languedoc et Ensérune. 66 Strabon, Géographie, IV, 2, 3. 52

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Notes

À Beaucaire, l’oppidum de la Redoute reprend au IInd siècle et à La Ramasse, la hauteur est désertée vers 275, au profit de Peyre Plantade, installé à son pied, dans la plaine, Michel Py, Les Gaulois du Midi. De la fin de l’Âge du Bronze à la conquête romaine, op. cit., p. 160. 68 Il s’agit notamment de contrats commerciaux : Yves Solier, « Découverte d’inscriptions sur plombs en écriture ibérique dans un entrepôt de Pech-Maho, Sigean », Revue Archéologique de Narbonnaise, 12, 1979, pp. 55-123 et Henri Barbouteau, Yves Solier, « Découverte de nouveaux plombs, inscrits en ibère, dans la région de Narbonne », Revue Archéologique de Narbonnaise, 21, 1988, pp. 61-94. 69 Daniela Ugolini, CAG 34/5, p. 25. Ensérune semble ête le point de diffusion le plus oriental de l’écriture paléohispanique comme le note Coline Ruiz Darasse, « Langues et écritures dans le Biterrois de l’âge du Fer », loc. cit., p. 29. 70 Jürgen Unterman, qui a recensé quelque 350 graffiti, Monumenta Linguarum Hispanicarum, II B, 1, Wiesbaden, 1980 et Michel Bats, « Grec et gallo-grec : les graffites sur céramiques aux sources de l’écriture en Gaule méridionale (IIe-Ie s. av. J.-C.) », Gallia, 61, 2004, pp. 7-20. 71 Jürgen Unterman, « Quelle langue parlait-on dans l’Hérault pendant l’Antiquité ? », Revue Archéologique de Narbonnaise, 25, 1992, pp. 19-27. 72 Michel Lejeune, Recueil des Inscriptions Gauloises, I. Textes gallo-grecs, Paris, 1985, pp. 318-325. L’inscription, épitaphe ou plutôt dédicace, gravée sur un chapiteau, est conservée au Musée du Biterrois à Béziers. Le nom a été lu, Alisoneas / Alisonteas par Michel Lejeune et Alisomeas par André Soutou, « L’inscription gauloise d’Aumes (Hérault) », Archéologie en Languedoc, 1985, pp. 18-20. Pour Michel Bats, « La logique de l’écriture d’une société à l’autre en Gaule méridionale protohistorique », Revue Archéologique de Narbonnaise, 21, 1988, p. 131, la date doit être abaissée dans le IInd siècle. 73 L’inscription sur pierre la plus ancienne serait la stèle de Sernhac au nom d’Atila, située vers 150-125 par Michel Bats, « Grec et gallo-grec : les graffites sur céramiques aux sources de l’écriture en Gaule méridionale (IIe-Ie s. av. J.-C.) », loc. cit., p. 10. 74 Sur l’ensemble de ces questions, voir Michel Feugère et Michel Py, Dictionnaire des monnaies découvertes en Gaule méditerranéenne (530-27 avant notre ère), MontagnacParis, 2011, dont je suis les propositions pour la datation des diverses séries. 75 Jean Jannoray, Ensérune. Contribution à l’étude des civilisations préromaines de la Gaule méridionale, op. cit., pp. 342-344. 76 On avait même proposé d’y localiser un atelier de frappe. 77 Un trésor de plus de 4.000 oboles a été retrouvé en 1878, Monique Clavel, Béziers et son territoire dans l’Antiquité, Paris, 1970, p. 124. 78 La diffusion des divers monnayages jusque dans les campagnes se lit dans l’ampleur des découvertes, Stéphane Mauné, CAG 34/2, p. 83. 79 Michel Feugère et Michel Py, Dictionnaire des monnaies découvertes en Gaule méditerranéenne, op. cit., pp. 239-247. 80 Michel Feugère, « Le monnayage gaulois BnF 3571-72 et les origines préromaines de la cité de Béziers », Revue Numismatique, 164, 2008, pp. 185-208. 67

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Notes

Il paraît, en effet, plus raisonnable de localiser les Longostalètes à Ensérune plutôt qu’à Béziers, comme l’avance Elian Gomez, « Béziers II : la ville des Gaulois Longostalètes (vers 200- 36 av. J.-C.) », CAG 34/4, pp. 133-136. 82 Le suffixe de dérivation -atis sur un toponyme, équivalent en gaulois d’un suffixe localisant, pourrait correspondre à « Biterrois, habitant de Béziers » selon ce que propose pour Nîmes/Namausat(is) Pierre-Yves Lambert, La Langue gauloise, Paris, 1997, p. 182, voire à la cité, comme je le proposais dans Béziers et son territoire, op. cit., p. 186, plutôt qu’à un ethnique pour lequel penchent certains chercheurs. 83 Michel Bats, « Grec et gallo-grec : les graffites sur céramiques aux sources de l’écriture en Gaule méridionale (IIe-Ie s. av. J.-C.) », loc. cit., p. 16. 84 Si l’on en juge par l’indication de Justin à propos de Catumandus, regulus, unanimement élu en 390 par les peuples ligués pour commander l’attaque de Marseille, Histoires philippiques extraites de Trogue Pompée, XLIII, V. 85 Sur le développement du gallo-grec, Alex Mullen, « Reflets du multiculturalisme. La création du gallo-grec », in E. Lujan Martinez, C. Ruiz Darasse, (éd.), Contacts linguistiques dans l’Occident méditerranéen, Madrid, 2011, pp. 227-239. 86 Georges Depeyrot, La Monnaie gauloise. Naissance et évolution, Paris, 2013. 87 Tite Live, Histoire romaine, XXI, 24. 88 Polybe, Histoires, III, 37, 9. 89 Polybe, Histoires, II, 41. 90 Tite Live, Histoire romaine, XXI, 29. 91 Silius Italicus, Punica, v. 444-446. 92 Strabon, Géographie, IV, 1, 1. 93 Ce que confirme le monnayage à légende latine de ces derniers, qu’il faudrait situer « entre 60 et 40 avant notre ère » selon Michel Feugère et Michel Py, Dictionnaire des monnaies découvertes en Gaule méditerranéenne, op. cit., pp. 228-230. Pour la discussion sur cette confédération, Michel Christol et Christian Goudineau, « Nîmes et les Volques Arécomiques, au Ier siècle av. J.-C. », Revue Archéologique de Narbonnaise, 45, 1987-1988, pp. 87-103. 94 En IV, 24, 2 il s’agit de « familiers », de « personnes de l’entourage » de Philippe de Macédoine. 95 Dans un tel contexte, la présence de monnaies attribuées aux Rutènes (Michel Feugère et Michel Py, Dictionnaire des monnaies découvertes en Gaule méditerranéenne, op. cit., pp. 323-335), qui évoluent longuement dans la mouvance de ces Arvernes dont Strabon rappelle l’extension originelle, impose de clarifier la question des Rutènes provinciaux. 96 César, Guerre des Gaules, VII, 1-3. 97 Qu’il s’agisse du contexte pompéien ou de mesures postérieures à la chute de Marseille, Michel Christol, « Cités et territoires autour de Béziers à l’époque romaine », in M. Clavel-Lévêque et A. Vignot (éds.), Cité et Territoire, II, Paris, 1995, pp. 210-211. 98 Strabon, Géographie, IV, 1, 12. 99 Pierre-Yves Lambert, La Langue gauloise, op. cit., p. 34. 81

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Notes

Monique Clavel-Lévêque, « Urbanisation et proto-cités dans le Midi. Voie privilégiée de développement », in Puzzle Gaulois. Les Gaules en mémoire : images, textes, histoire, Paris, 1989, pp. 17-26. 101 Tite Live, Histoire romaine, XXI, 20. 102 En témoigne, dans la nécropole d’Ensérune II, la tombe 163. André Rapin, Martine Schwaller, « Contribution à l’étude de l’armement celtique : la tombe 163 d’Ensérune (Hérault) », loc. cit., pp. 155-183. 103 En Italie du Nord, les Gaulois Boiens se sont soulevés à l’annonce de l’arrivée d’Hannibal. 104 Plutarque parle pour Illiberis d’un traité qui aurait permis le passage régulier de Carthaginois dans son Mulierum virtutes, p. 246 c. 105 Gilbert-Charles Picard, « Hannibal à Ensérune », Journées archéologiques d’Avignon, 1956, p. 58, en a commenté la liste : plaque de terre cuite représentant Ba’al Hammon selon un type courant à Carthage aux IIIe-IIe siècles, deux brûle-parfums conformes aux modèles contemporains présents dans le seul domaine punique ou punicisé, à quoi s’ajoute une perle masque de verre punique. 106 Plus de 50.000 hommes d’après Polybe, Histoires, III, 2, 35. 107 C’est le témoignage de Dion Cassius dans Zonaras, Histoire romaine, VIII, 23, selon qui Hannibal « traversa toute la Gaule sans combat ». 108 Polybe, Histoires, III, 2, 41. 109 L’opinion a été avancée que Marseille ne se serait pas rangée au côté de Rome avant 211-209, Fernando Lopez Sanchez, « Dracmas ampuritanas y marsellesas acuñadas para Cartago (218-211/209 a.C.) », Mainaké, 32, 2010, pp. 601-617. 110 Le géographe Ptolémée, Traité de géographie, II, 10, 6, indique comme villes tectosages Illiberris, Ruscino, Toulouse, Carcassonne, Béziers et Narbonne. 111 Y compris avec les Gaulois d’Italie du Nord où, après les défaites de 225-220, les Romains implantent la via Flaminia et, en 218, les colonies de Plaisance et de Crémone, contre lesquelles s’insurgent les Boiens. 112 Monique Clavel, Béziers et son territoire dans l’Antiquité, op. cit., pp. 146-151 et Michel Gayraud, Narbonne antique des origines à la fin du IIIe siècle, Paris, 1981, p. 119. 113 Michel Gayraud, Narbonne antique des origines à la fin du IIIe siècle, op. cit., pp. 136143, qui aborde les discussions sur la date. 114 Voir infra pp. 73-74. 115 Dès la conquête pour les uns, y compris Christian Goudineau, Regard sur la Gaule, Paris, 2008, p. 140, plusieurs décennies plus tard, à l’époque de Pompée, dans les années 70, pour d’autres, tandis que d’autres encore envisageaient même l’intégration précoce au monde romain des secteurs « ibériques » ou ibérisés, qui auraient pu être rattachés à la province ultra-pyrénéenne d’Espagne citérieure. Il faut rappeler, en tout état de cause, que dans l’affaire juridique complexe qu’évoque le Pour Quinctius, sur un fond de rivalité entre marianistes et syllaniens, Cicéron affirme, pour une action qui se place pendant le gouvernement de Flaccus, qu’« il y avait une juridiction dans la province », in provincia jus dicebatur (XII, 41). 100

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Notes

116 Monique Clavel-Lévêque, « Terre, contrôle et domination. Révoltes et cadastres en Transalpine », in M. Doi, T. Yuge (eds.), Forms of control and subordination in Antiquity, Tokyo, 1988, pp. 177-208, repris dans Monique Clavel-Lévêque, Puzzle Gaulois. Les Gaules en mémoire : images, textes, histoire, op. cit., pp. 213-254. 117 Infra pp. 101 sq. 118 Michel Christol, « Cités et territoires autour de Béziers à l’époque romaine », in M. Clavel-Lévêque et A. Vignot (éds.), Cité et Territoire, II, op.cit., pp. 209-222. 119 Pour une vue rapide sur ces habitats groupés, Jean-Luc Fiches (éd.), Les Agglomérations gallo-romaines en Languedoc-Roussillon, Lattes, 2002, s. v. 120 Michel Feugère, « Le monnayage gaulois BnF 3571-72 et les origines préromaines de la cité de Béziers », loc. cit., pp. 185-208. La distribution des trouvailles organisée autour de l’oppidum du Celessou paraît d’autant plus signifiante qu’il localise le point visé par les arpenteurs pour implanter le kardo Maximus du réseau précolonial. 121 Frontin, L’Œuvre gromatique, traduction Okko Behrends, M. Clavel-Lévêque et alii, Luxembourg, 1998, 2-3, 1 et 4-7, 7, p. 35. 122 Hygin l’Arpenteur, L’Établissement des limites, Luxembourg-Naples, 1996, pp. 158169. 123 Jean Peyras, « Statuts et territoires des cités indigènes », in S. Ratti (éd.), Antiquité et Citoyenneté, Besançon, 2002, pp. 57-66. 124 Stéphane Mauné, Corine Sanchez et alii, « L’établissement rural des Jurièires Basses à Puissalicon (Hérault) », in M. Clavel-Lévêque, A. Vignot (éds.), Cité et Territoire, II, op. cit., pp. 76-77, qui soulignent le rôle de redistribution vers l’arrière-pays joué par l’oppidum qui, outre cette éventuelle frappe, aurait aussi produit des imitations de petits bronzes au taureau passant. 125 César, Guerre des Gaules, VII, 4. 126 Michel Christol, « Cités et territoires autour de Béziers à l’époque romaine, » loc. cit., pp. 209-222. On peut aussi le voir plus à l’Ouest encore. Le territoire de ces Rutènes provinciaux aurait été intégré dans la province de Transalpine dans les années 80-75, et organisé par Pompée ou Fontéius. 127 Sur la place des Ruteni, Michel Christol, « L’épigraphie du territoire de Béziers », CAG 34/5, p. 54, envisage la possible insertion dans le territoire de Béziers d’une partie de la cité latine au cours du Haut-Empire, postérieurement à la rédaction du texte de Pline. 128 Siculus Flaccus, Les Conditions des terres, Th. 98, rappelle : « ces dénominations ne sont pas le produit du hasard » et, à propos des colonies : « elles sont ainsi désignées parce que les Romains [y] ont envoyé des colons, soit pour contenir les anciens peuples (...), soit pour repousser des incursions ennemies », trad. M. Clavel-Lévêque et alii, Corpus des arpenteurs romains, I, Naples, 1993, pp. 2-5. 129 Infra pp. 101 sq. 130 César, Guerre des Gaules, I, XLV, 2. 131 Ce que proposait en 1909 Camille Jullian, Histoire de la Gaule, III, pp. 22-23, qui plaçait leur partition à la conquête.

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Notes

Gilles Bellan et Michel Christol, « Une inscription romaine de Villemagnel’Argentière : le site de Saint-Martin-le-Vieux», Bulletin de la Société archéologique et historique des hauts cantons de l’Hérault, 9, 1986, pp. 33-44. 133 Guy Barruol et Roger Gourdiole, « Les mines antiques de la haute vallée de l’Orb », in Mines et fonderies antiques de la Gaule, Paris, 1982, pp. 79-83, les inscriptions SR et Soc Rot figurant sur des étiquettes de plomb ayant été développées en societas Rutenorum. Sur le village minier de Lascours, M. Clavel-Lévêque et S. Mauné, « Les mines antiques de la région de Béziers », in A. Orejas (dir.), Atlas historique des zones minières d’Europe, II, Luxembourg, 2003, dossier V. 134 Michel Christol, « Béziers en sa province », in M. Clavel-Lévêque, R. Plana Mallart (dir.), Cité et Territoire, I, Paris, 1994, p. 111 à propos des Aponii et « De l’Italie à la Gaule méridionale : transferts d’influences d’après les inscriptions de la fin du Ier s. av. J.-C. et du Ier s. ap. », in Roma y el nacimiento de la cultura epigrafica en Occidente, Sarragosse, 1995. 135 Cicéron, Pour Fontéius, où il invoque la masse de ceux qui témoignent en faveur de son client. 136 Cicéron, Pour Quinctius, II-IV, 12-15. Quinctius, qui a déjà vendu aux enchères à Narbonne des terres à un moment défavorable, revient en Gaule pour visiter ses autres terres. La localisation, citée par Cicéron, chez les Sébaginniens, a été située en Dauphiné ou en Vaucluse. 137 Sur l’évolution de ces notions et de la terminologie jusqu’à la mi Ier s., chez Cicéron notamment, Luigi Capogrossi Colognesi, La Struttura della proprietà e la formazione dei « iura praediorum » nell’età repubblicana, I, Milan, 1969, pp. 473-509. 138 Infra pp. 104-105. Pour la vallée du Libron, Stéphane Mauné, Corinne Sanchez et alii, « L’établissement rural des Jurièires Basses à Puissalicon (Hérault) », loc. cit., p. 77, où un atelier précoce de céramiques à vernis noir témoignerait de l’installation rapide d’artisans italiens et, plus largement, Stéphane Mauné, Les Campagnes de la cité de Béziers. Partie nord-orientale (IIe av.-VIe ap.), Montagnac, 1998, pp. 61-70. Pour Elian Gomez, il faudrait attendre la seconde moitié du Ier s. et la fondation de la colonie pour noter l’investissement des campagnes de la proche périphérie de Béziers, CAG 34/4, p. 136. 139 Monique Clavel-Lévêque, « Terre, contrôle et domination. Révoltes et cadastres en Transalpine », loc. cit., pp. 213-254. 140 Michel Christol, « Le droit latin en Narbonnaise : l’apport de l’épigraphie », in Une Histoire provinciale. La Gaule narbonnaise de la fin du IInd av.J.-C. au IIIe ap. J.-C., Paris, 2010, pp. 186-198. 141 Salluste, Fragments des Histoires, lettre de Cn. Pompée au Sénat en -76. 142 Cicéron, Sur les pouvoirs de Pompée, XI, 30. 143 Cicéron, Pour Fonteius, VII, 17-18. 144 Jean-Charles Balty, « Universalité du portrait antique », Bulletin de l’Académie royale de Belgique, Classe des Beaux-arts, 5e s., 68, 1986-12, Bruxelles, p. 295 et Pl. III, identifie ce portrait de la meilleure facture, avec celui d’un vir triumphalis, représenté presque grandeur nature, dans la tradition des diadoques. Pour lui, il ne peut être postérieur à la décennie 60-50, ce qui conduirait à exclure le rapprochement avec les portraits de l’époque 132

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Notes

de Tibère proposé par Emmanuelle Rosso, L’Image de l’empereur en Gaule romaine. Portraits et inscriptions, Paris, 2006, p. 170. 145 Au domaine de Peyre-Segnade, dans une riche villa occupée au moins depuis le début de l’ère, CAG 34/5, 224-33, p. 428. 146 César a alors ajouté la province à la Gaule Cisalpine et à l’Illyricum dans sa stratégie préparatoire à la guerre gauloise. 147 Les accords de Lucques renouvellent en 56 ce proconsulat pour un nouveau quinquennat. 148 César, Guerre des Gaules, VII, 64. 149 César, Guerre civile, I, 37. 150 Le portrait de Marius trouvé à Murviel-les-Monpellier, daté entre 70/60 et 53/52 par Jean-Charles Balty, « Un portrait d’époque républicaine trouvé en Narbonnaise à Murviel-les-Montpellier », Revue Archéologique de Narbonnaise, 14, 1981, pp. 89-98. Il entrerait dans la diffusion de sa propagande familiale dont son oncle Marius constituait une pierre angulaire. 151 Michel Christol, « Cités et territoires autour de Béziers à l’époque romaine », loc. cit., pp. 210- 214. Pour Lodève, Pierre Garmy et Laurent Schneider, « Lodève et son territoire dans l’Antiquité et le haut Moyen Âge », in M. Clavel-Lévêque et A. Vignot (éds.), Cité et territoire, II, op. cit., pp. 223-241. 152 Michel Christol, « Pline l’Ancien et la formula de la province de Narbonnaise », in La Mémoire perdue. À la recherche des archives oubliées, publiques et privées, de la Rome ancienne, Paris, 1994, pp. 47-63. 153 Dans ce sens, Michel Christol, Une Histoire provinciale. La Gaule narbonnaise de la fin du IInd av.J.-C. au IIIe ap. J.-C., op. cit., p. 183. 154 Jean-Michel Roddaz, Marcus Agrippa, Paris, 1984, pp. 393-394, pour qui ce programme est bien initié dès les années 30 et qui note que ses « préoccupations sont plus romaines que provinciales ». 155 Jacques Gascou, « Quand la colonie de Fréjus fut-elle fondée ? », Latomus, 41, 1982, pp. 32-145. 156 Jean Peyras, « Statut des villes et territoires des cités : le mot Urbs et ses dérivés chez les arpenteurs romains », in M. Clavel-Lévêque et A. Vignot (éds.), Cité et Territoire, II, op. cit., pp. 53-66 et notamment p. 49, développe une analyse qui vaut démonstration. 157 Notamment là où avaient auparavant existé des colonies latines, Emilio Gabba, « Per un’interpretazione storica della centuriazione romana », Athenaeum, 73, 1985, pp. 265284 et « Sui sistemi catastali romani in Italia », Athenaeum, 77, 1989, pp. 565-570. 158 Michel Christol relève à juste titre l’application « improbable » de la lex Pompeia de 89 hors de la Cisalpine et le silence du Pro Fonteio sur l’existence de cités latines en Transalpine, Une Histoire provinciale. La Gaule narbonnaise de la fin du IInd av.J.-C. au IIIe ap. J.-C., op. cit. p. 108. 159 Mais l’implication de Pompée au sein de la province, dans le prolongement des affaires hispaniques et de son décret sur les transferts de terres arécomiques aux Marseillais, auraitelle laissé un espace pour un accès précésarien au droit latin ?

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Notes

On sait que La Moulinasse (Salles d’Aude) a été abandonné dans le dernier quart du Ier siècle avant notre ère. 161 Ludovic Le Roy, Éric Dellong, « L’occupation du sol autour de l’étang de Montady », in V. Ropiot et alii (éds.), Les Plaines littorales en Méditerranée nord-occidentale., op. cit., pp. 33-61. 162 Stéphane Mauné, Les Campagnes de la cité de Béziers. Partie nord-orientale (IIe av.-VIe ap.), op. cit., p. 323. 163 Faut-il rapprocher l’élimination de certains oppida de la fonction monétaire qu’ils auraient assurée ? Le cas du Celessou (Fontès) qui se vide vers la mi-Ier avant (Stéphane Mauné, ibid., pp. 344-345), comme celui d’Ensérune, dont la longévité se prolonge jusque dans le Ier s. après, peut y inviter, ou celui de Montlaurès, encore occupé au Ier siècle. 164 On a proposé que ce nombre ait pu être réduit, à Béziers comme à Orange, Gilles Mundubeltz, « Octavien et son armée au lendemain de la guerre de Sicile (36-35 av. J.C.) », Athenaeum, 88, 2000, pp. 192-200. Contra Daniela Ugolini, CAG 34/5, p. 22. 165 Michel Christol, « Pline l’Ancien et la formula de la province de Narbonnaise, La mémoire perdue », loc. cit., pp. 47-63 et « Béziers en sa province », loc. cit., pp. 101-124. 166 Emilio Gabba, « Sui sistemi catastali romani in Italia », loc. cit., p. 570. 167 Marie-Geneviève Colin, Laurent Schneider, Laurent Vidal, « Roujan-Medilianum (?) de l’Antiquité au Moyen Âge. De la fouille du quartier des sanctuaires à l’identification d’une nouvelle agglomération de la cité de Béziers », Revue Archéologique de Narbonnaise, 40, 2007, pp. 117-183 et CAG 34/5, 237-12, pp. 461-468. 168 Jean-Charles Balty, Daniel Cazes, Portraits impériaux de Béziers. Le groupe statuaire du forum, Toulouse, 1995, pp. 38-43 et 121-123. En dernier lieu Emmanuelle Rosso, L’Image de l’empereur en Gaule romaine. Portraits et inscriptions, op. cit., et infra p. 184. 169 Infra pp. 184-185. 170 Qui s’exprime par une présence récurrente du prince, Michel Christol, « La présence du prince dans les cités : le cas de Nîmes et d’Auguste », in M. Christol et D. Darde (dir.), L’Expression du pouvoir au début de l’Empire. Autour de la Maison Carrée, Paris, 2009, pp. 177-186. 171 Michel Christol, « L’épigraphie et les débuts du culte impérial dans les colonies de vétérans de Narbonnaise », Revue Archéologique de Narbonnaise, 32, 1999, pp. 11-20. 172 Infra p. 185. 173 Jean-Michel Roddaz, Frédéric Hurlet, « Le gouverneur et l’image du pouvoir. Recherches sur la diffusion de l’idéologie dynastique en Occident au Ier siècle ap. J.-C. », in C. Evers et A. Tsingarida (éds.), Rome et ses provinces. Genèse et diffusion d’une image du pouvoir. Hommages à Jean-Charles Balty, Bruxelles, 2001, pp. 153-166 et Emmanuelle Rosso, L’Image de l’empereur en Gaule romaine. Portraits et inscriptions, op. cit., qui s’est particulièrement attachée aux données biterroises. 174 Suétone, Tibère, XIII. 175 Sur les étapes de la mise en place du groupe, infra pp. 184-185. 176 Jean-Charles Balty, « Le Jupiter capitolin de la rue Flourens et les débuts de la colonie de Béziers », in M. Clavel-Lévêque et Rosa Plana Mallart (éds.), Cité et Teritoire I, op. cit., 160

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Notes

pp. 67-69 et infra p. 187. Pour Vasiliki Gaggadis-Robin, CAG 34/5, p. 74, il pourrait s’agir d’un Neptune provenant d’un décor de fontaine, hypothèse qui ne me paraît guère convaincante eu égard à la date et à la qualité de cette œuvre colossale. 177 Emmanuelle Rosso, L’image de l’empereur en Gaule romaine, op. cit., pp. 359-360 et Vassiliki Gaggadis-Robin, « La sculpture romaine de Béziers et de sa région », CAG 34/5, p. 77 et infra p. 262, n. 122. 178 Monique Clavel, Béziers et son territoire dans l’Antiquité, op. cit., pp. 233-257 et, en dernier lieu, Michel Christol, « L’épigraphie et les dieux du Plateau des Poètes à Béziers », loc. cit., pp. 411-423 et infra pp. 184-188. 179 Stéphane Mauné, Les Campagnes de la cité de Béziers. Partie nord-orientale (IIe av.-VIe ap.), op. cit., pp. 421-422. 180 Georges Depeyrot, Michel Feugère, Pierre Gauthier, « Prospections dans la moyenne et basse vallée de l’Hérault. Monnaies et petits objets », Archéologie en Languedoc, 1986 (4), pp. 146 et 163. 181 Marie-Geneviève Colin, Laurent Schneider, Laurent Vidal, « Roujan-Medilianum (?) de l’Antiquité au Moyen Âge, loc. cit., pp. 117-183. 182 Sur la renormation du territoire par Béziers A, infra pp. 119 sq., et sur les effets de l’édit de Domitien, infra pp. 126 et 145-146. 183 CAG 34/4, 158*-162, pp. 250-259. 184 Jean-Charles Balty, Daniel Cazes, Portraits impériaux de Béziers. Le groupe statuaire du forum, op. cit., pp. 114-118. 185 Monique Clavel, Béziers et son territoire dans l’Antiquité, op. cit., pp. 172-173. 186 Infra pp. 126 et 163 sq. 187 Voir la discussion dans Stéphane Mauné, Les Campagnes de la cité de Béziers. Partie nord-orientale (IIe av.-VIe ap.), op. cit., pp. 106-117. 188 Infra p. 165. 189 Sur ces mutations, Christophe Pellecuer, Loïc Buffat, « Le thème du IIIe siècle dans la recherche archéologique languedocienne. État de la question (1996-2008) », in El camp al segle III. De Septimi Sever a la Tetrarquia. Estudis sobre el mon rural d’epoca romana, Girona, 2008, pp. 141-153. 190 D’après les données recensées dans la CAG 34/4. 191 Ludovic Le Roy, Éric Dellong, « L’occupation du sol autour de l’étang de Montady » loc. cit., p. 49. Infra pp. 165-167. 192 Michel Christol, L’Empire romain du IIIe siècle. Histoire politique, 192-325 après J.-C., Paris, 1997, p. 146. 193 Qui ont régné respectivement, Claude le Gothique de 268 à 270 et Aurélien de 270 à 275, sur cette période dans la province, Michel Christol , « La Narbonnaise dans l’Empire au IIIe siècle », in Une Histoire provinciale La Gaule narbonnaise de la fin du IIe siècle av. J.-C. au IIIe siècle ap. J.-C., op. cit., pp. 623-626. 194 Monique Clavel, Béziers et son territoire dans l’Antiquité, op. cit., p. 450 et CAG 34/4, p. 280, 223.

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Notes

Sylviane Estiot, « Le IIIe siècle et la monnaie : crise et mutations », in J.-L. Fiches, Le IIIe siècle en Gaule Narbonnaise. Données régionales sur la crise de l’Empire, ADPCA, Sophia-Antipolis, 1996, pp. 33-70 que complète Marie-Laure Berdeaux le Brazidec, « Exemples et éléments de réflexion autour de la circulation monétaire au IIIe siècle », in El camp al segle III, op. cit., pp. 155-171, qui ne rencense aucun trésor en Biterrois pour la première moitié du siècle et trois enfouissements seulement pour la seconde moitié, qui seraient moins liés aux troubles et invasions qu’à la politique monétaire centrale (p. 164). 196 Voir infra pp. 126 et 145-146. 197 Mis au jour à l’îlot Maître Gervais, il aurait fonctionné du IVe au VIe s., CAG 34/4, p. 165. 198 Christophe Pellecuer, « Antiquité tardive. IIIe-IVe siècles », CAG 34/2, p. 102. 199 Les créations d’évêchés se situeraient autour de 250, pour Narbonne, Arles et Toulouse, dans la seconde moitié du IIIe siècle, voire les premières décennies du IVe siècle, pour Béziers et Nîmes, Monique Clavel, Béziers et son territoire dans l’Antiquité, op. cit., pp. 570-571, avec bibliographie antérieure. 200 Hydace, Chronique, XXV, cite une lettre de 419 où Paulin, évêque de Béziers, évoquait des prodiges terrifiants dans la cité, probable réaction d’inquiétude aux malheurs du temps. L’identification avec l’auteur de l’Epigramma, petit poème dialogué sur l’actualité, sans être assurée, est généralement acceptée, Élie Griffe, « L’Epigramma Paulini, poème gallo-romain du Ve siècle », Revue des études augustiniennes, 1956, pp. 187-194 et Aimé Solignac, « Paulin de Béziers, auteur de l’Epigramma S. Paulini (début 5e s.) ? », Dictionnaire de spiritualité ascétique et mystique. Doctrine et histoire, XII, col. 588, Beauchesne, Paris, 1984. 201 Sur le désarroi spirituel qu’exprime le poème, infra p. 166. 202 Christophe Pellecuer, « Antiquité tardive. IIIe-IVe siècles », CAG 34/2, p. 103. 203 Christophe Pellecuer, Hervé Pomarèdes, « Crise, survie ou adaptation de la villa romaine en Narbonnaise première ? Contribution des récentes recherches de terrain en Languedoc-Roussillon », in P. Ouzoulias, C. Pellecuer, C. Raynaud, P. Van Ossel, P. Garmy (dir.), Les Campagnes de la Gaule à la fin de l’Antiquité, Antibes, 2001, pp. 503534. 204 Émilienne Demougeot, « La Septimanie dans le Royaume wisigothique de la fin du Ve à la fin du VIe s. », in Ch. Landes et alii, Les derniers Romains en Septimanie, IV-VIIIe siècles, Lattes, 1988, pp. 17-36, qui reprend notamment les termes du débat sur la Septimanie. 205 Laurent Schneider, « Oppida et castra tardo-antiques. À propos des établissements de hauteur de la Gaule méditerranéenne », in P. Ouzoulias et alii, Les Campagnes de la Gaule à la fin de l’Antiquité, op. cit., pp. 433-448. 195

Notes du chapitre 2 : Le littoral biterrois et la géographie d’Aviénus Et, notamment, prolonger les avancées réalisées par l’édition de Julio Mangas et Domingo Plácido, Avieno, vol. I des Testimoniae Hispaniae Antiquae, Madrid, 1994.

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Notes

Monique Clavel, Béziers et son territoire dans l’Antiquité, Paris, 1970, pp. 57-59. Maria-Jose Pena, « Phéniciens et Puniques dans l’Ora Maritima d’Aviénus », in M. H. Fantar et M. Ghaki (éds.), Actes du III° Congrès international des Études phéniciennes et puniques (Tunis 1991), II, Tunis, 1995, pp. 311-321. 4 Monique Clavel, Béziers et son territoire dans l’Antiquité, op. cit., pp. 57-59. 5 Voir encore le travail philologique de Luca Antonelli, Il periplo nascosto. Lettura stratigrafica e commento storico-archeologico dell’Ora Maritima di Avieno, Padoue, 1998. 6 André Berthelot insiste sur ce point dans les commentaires de son édition Festus Aviénus. Ora Maritima, Paris, 1934, p. 79. 7 Voir sur ces questions Francisco Javier Gonzalez Ponce, Avieno y el Periplo, Ecija, 1995 et, plus récemment, Étienne Wolff, « Aviénus et la poésie didactique », in Ch. Cusset (dir.), Musa docta. Recherches sur la poésie scientifique dans l’Antiquité, Saint-Étienne, 2006, pp. 363-376 et Amedeo Alessandro Raschieri, L’Orbis terrae di Avieno, Rome, 2011. 8 Adolf Schulten, Ora Maritima. Periplo massaliota del siglo VI a. de J.-C., 2e éd., Madrid, 1955 (réédition du volume publié en 1922 avec P. Bosch Gimpera), pp. 43-54. 9 Ce qui place ses textes à l’époque où l’empereur convoque à Béziers un important concile, infra pp. 57 et 196. 10 Julio Mangas, Domingo Plácido, Avieno, vol. I des Testimoniae Hispaniæ Antiquæ, op. cit., pp. 23-27. 11 L’essentiel des sources utilisées par Aviénus étant pour lui comprises entre le VIe et le IInd siècle avant notre ère, Ruf Fest Aviènus. Periple [Ora Maritima], Barcelone, 1986. 12 Amedeo Alessandro Raschieri, L’Orbis terrae di Avieno, op. cit. 13 Daniela Ugolini, Christian Olive, « Béziers et les côtes languedociennes dans l’Ora Maritima d’Aviénus », Revue Archéologique de Narbonnaise, 20, 1987, pp. 143-154 et Daniela Ugolini, « Béziers pendant la Protohistoire (VIe-Ier av. J.-C.). Spécificités de l’occupation dans le cadre régional », in M. Clavel-Lévêque et R. Plana-Mallart (dir.), Cité et Territoire, I, Paris, 1995, pp. 161-164. 14 Daniela Ugolini, Christian Olive (dir.), Béziers I (600-300 av. J.-C.). La naissance de la ville, Béziers, 2006, p. 43. 15 Sébastien Rescanières, « Essai sur le cadre géographique antique du Narbonnais » in É. Dellong (dir.), CAG 11/1 : Narbonne et le Narbonnais, Paris, 2002, pp. 44-51 et, spécifiquement, p. 47. 16 Thierry Janin, Georges Marchand, André Nickels, Martine Schwaller, Odette Taffanel, Jean Taffanel, « Les Élisyques et le premier âge du Fer en Languedoc », in Peuples et Territoires en Gaule méditerranéenne. Hommage à Guy Barruol, Montpellier, 2003, pp. 247-254. 17 André Berthelot, Festus Avienus. Ora Maritima, op. cit., p. 77, où il parle d’Herbus comme de « la première d’une liste de cités disparues ». 18 Pour le point sur ces positions, Virginie Ropiot, Échanges et déplacements dans les bassins fluviaux du Languedoc occidental, du Roussillon et de l’Ampourdan, du IXe s. au début du IIe av. n. è., Thèse Université de Franche-Comté, I, 2007. 2 3

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Notes

19 Aux vers 244-247 (Herbus), 438-448, Aviénus évoque ces cités du littoral, après le temple et le cap de Vénus (cap de Gata) où sont, écrit-il, « aujourd’hui des étendues désertes », 465-466 (rives de l’Alebus / Denia), 477-478, tout près du site de Tarragone, « la ville de Lebedontia s’adossait [au Sellus], dans un siècle antérieur, maintenant la campagne déserte n’offre que des antres et repaires de bêtes sauvages », 527-529, Cypsela/ San Feliu de Guixols (?), et 591-595, Béziers. 20 Parmi ces notations rapides, du type « autrefois », on trouve « dans un siècle antérieur » et, là où la tradition place Cypsela, « l’âpre sol ne conserve nul vestige ». 21 Daniela Ugolini, Christian Olive (dir.), Béziers I (600-300 av. J.-C.). La naissance de la ville, op. cit., pp. 27-38. Et, des mêmes, « Béziers et les côtes languedociennes dans l’Ora Maritima d’Aviénus », loc. cit. 22 La position de Daniela Ugolini est notamment discutée par Dominique Garcia, « Le territoire d’Agde grecque et l’occupation du sol en Languedoc central durant l’Âge du Fer », in Patrice Arcelin et alii, Sur les pas des Grecs en Occident, Paris, 1995, pp. 137-167, pour qui ce site indigène majeur aurait parfaitement exploité sa position entre, d’une part les deux secteurs littoraux, agatho-marseillais et ibéro-narbonnais, et, de l’autre, l’hinterland de la Celtique profonde. 23 Elian Gomez, CAG 34/4 : Béziers, Paris, 2012, p. 133 : il faudrait attendre jusque vers 200, quand les Gaulois – Longostalètes ? – fonderaient Béziers II, plutôt que jusqu’à la conquête romaine proposée par Daniela Ugolini, « Béziers pendant la Protohistoire (VIeIer av. J.-C.). Spécificités de l’occupation dans le cadre régional », loc. cit., pp. 149-168. 24 Daniela Ugolini, Christian Olive, « Béziers et les côtes languedociennes dans l’Ora Maritima d’Aviénus », loc. cit., pp. 143-154. 25 Jean-Loup Abbé (dir.), Autour de l’étang de Montady. Espace, environnement et mise en valeur du milieu humide en Languedoc, des oppida à nos jours, Rapport bilan 2004-2010 du PCR, 2013, p. 13. Pour une mise au point sur cette question voir Stéphane Mauné, Les Campagnes de la cité de Béziers dans l’Antiquité (partie nord-orientale) IIe s. av. J.-C.-VIe s. ap. J.-C., Montagnac, 1998, pp. 32-39 et Daniela Ugolini, Christian Olive (dir), CAG 34/4, p. 104 pour la commune de Béziers. 26 Ludovic Le Roy, Éric Dellong, « L’occupation du sol autour de l’étang de Montady », in V. Ropiot, C. Puig, F. Mazière (éds.), Les Plaines littorales en Méditerranée nordoccidentale. Regards croisés d’histoire, d’archéologie et de géographie de la Protohistoire au Moyen Âge, Montagnac, 2011, p. 44. 27 Jean-François Berger et alii, « L’Histoire de l’environnement de l’étang de Montady sur la longue durée », in J.-L. Abbé (dir.), Autour de l’Étang de Montady. Espace, environnement et mise en valeur du milieu humide en Languedoc, Projet Collectif de Recherches, Rapport d’activités, DRAC Languedoc-Roussillon, 2006, pp. 47-50. 28 Cécile Dubosse, « Les silos d’Ensérune », in J.-L. Abbé (dir.), Autour de l’Étang de Montady, Rapport PCR 2008, pp. 160-182. 29 Dominique Garcia, « Observations sur la production et le commerce des céréales en Languedoc méditerranéen durant l’Âge du Fer : les formes de stockage des grains », Revue Archéologique de Narbonnaise, 20, 1987, pp. 43-98 et particulièrement 79-88.

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Notes

30 Jean-François Berger, Philippe Blanchemanche, Lucie Chabal et alii, in Jean-Loup Abbé (dir.), Autour de l’Étang de Montady. Espace, environnement et mise en valeur du milieu humide en Languedoc, Rapport bilan 2004-2010 du PCR, 2013, pp. 84-85. 31 Voir notamment Christophe Pellecuer, « Crise, survie et adaptation de la villa romaine en Narbonnaise première. Contributions aux recherches récentes de terrain en Languedoc-Roussillon », in P. Ouzoulias, Ch. Pellecuer, C. Raynaud, P. van Ossel, P. Garmy (éds.), Les Campagnes de la Gaule à la fin de l’Antiquité. Actes de l’association AGER, Antibes, 2001, pp. 503-532 et, pour le Sud-Ouest Biterrois, Ludovic Le Roy, Éric Dellong, « L’occupation du sol autour de l’étang de Montady », loc. cit., pp. 33-73. 32 Infra p. 196. 33 Sébastien Rescanières, « Essai sur le cadre géographique antique du Narbonnais » loc. cit., pp. 46-47 et Paul Ambert, « Potentiel et contraintes du cadre géologique régional pour l’aménagement de Narbonne antique », in C. Sanchez et M.-P. Jézégou (éds.), Espaces littoraux et zones portuaires de Narbonne dans l’Antiquité, Lattes, 2011, pp. 13-20. 34 Paul Ambert, ibid., p. 16. 35 Sébastien Rescanières, « Essai sur le cadre géographique antique du Narbonnais » loc. cit p. 47. 36 V, 246-247. Une embouchure aussi vaste qu’un lac. 37 Repris dans Éric Dellong, « Deux aspects du proche territoire de Narbonne antique à la croisée de l’histoire, de l’archéologie et de la géographie », in V. Ropiot et alii (éds.), Les Plaines littorales en Méditerranée nord-occidentale, op. cit., pp. 225-250. 38 Virginie Ropiot, « Narbonne et ses ports dans les sources antiques », in Espaces littoraux et zones portuaires de Narbonne, op. cit., pp. 21-22, qui évoque les deux possibilités, réduit singulièrement la portée du texte et de la terminologie d’Aviénus, penchant pour des procédés rhétoriques. Elle opterait plutôt pour l’identification avec Vendres dans sa thèse, Échanges et déplacements dans les bassins fluviaux du Languedoc occidental, op. cit., I, p. 58. Elle rappelle, p. 235, la découverte, inédite, par le GRASM d’ancres ou mouilles (déposées au muséee archéologique de Narbonne) au large de l’Aude, à hauteur de Vendres. 39 Voir la cartographie proposée par Paul Ambert, « Potentiel et contraintes du cadre géologique régional », loc. cit., p. 14, fig. 2. 40 Claire-Anne de Chazelles, « La Protohistoire du Narbonnais » in É. Dellong (dir.), Narbonne et le Narbonnais, CAG, 11/1, pp. 72-78, parle, pour cette période, d’une prédilection qui annonce le développement de la première moitié du VI e siècle (p. 72). 41 Le site de Portal-Vielh (Vendres), possiblement entouré d’une palissade, est représentatif d’une période d’expansion, démographique et économique – avec son emprise de quelque 3 ha et sa production de céramique – qui se marque au Bronze final III b par une densité d’occupation du territoire inconnue jusque-là, et qui est visible dans tout le Midi méditerranéen. Voir Michel Py, Les Gaulois du Midi. De la fin de l’Âge du Bronze à la conquête romaine, Paris, 1993, pp. 70-75 notamment ; Christian Olive, Daniela Ugolini, in Bilan de la Recherche archéologique depuis 1995, DRAC/SRA Languedoc-Roussillon, Montpellier, 2012, p. 67 et CAG 34/5, 329-03, pp. 549-551.

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Notes

42 Pour la coupe protocorinthienne qui a été mise au jour à Vendres et qui est aujourd’hui dans une collection privée, l’expertise de Jean-Jacques Jully la situe au Corinthien moyen (correspondance privée). On connaît depuis longtemps la réalité des apports de Grèce ou de Grande Grèce aux VIIe-VIe s. dans le Midi et, près de Vendres, le cratère corinthien, daté du second quart du VIe s., mis au jour dans une tombe isolée à Puisserguier (La Prade). Sur ces échanges, voir Claire-Anne de Chazelles, « La Protohistoire du Narbonnais », loc. cit., p. 78 et, sur le rôle spécifique des coupes dans ces échanges primitifs, Michel Py, Les Gaulois du Midi. De la fin de l’Âge du Bronze à la conquête romaine, op. cit., p. 75. 43 Daniela Ugolini, Christian Olive, in Bilan de la recherche archéologique depuis 1995, op. cit., pp. 70-71, qui signalent les vases présents dans les nécropoles d’Agde-Le Bousquet, Béziers-La Courondelle, Ensérune. 44 Hérodote, Histoires, VII, 165. 45 Julio Mangas, Domingo Placido, Avieno, vol. I des Testimoniae Hispaniae Antiquae, op. cit. 46 D’après les relevés effectués par Paul Ambert, complétés par des analyses malacologiques, Albane Burens, Laurent Carozza, « Les habitats du Bronze final de Portal Viel à Vendres (Hérault) », Bulletin de la Société préhistorique française, 2000, 97, 4 p. 574 et CAG 34/5, 329-03, p. 549. 47 Pomponius Mela, De Chorographia, V, 75 et 80, qui range Béziers parmi les cités opulentissimæ. 48 Iouri Bermond, Christophe Pellecuer, « Le littoral languedocien à l’époque tardorépublicaine et durant le Haut-Empire : le secteur d’Agde et du bassin de Thau (Hérault, France) », in Rythms and cycles of countryside Romanization, Girona, 2006, pp. 103-113. 49 Étienne Wolff, « Aviénus et la poésie didactique », loc. cit., pp. 363-376.

Notes du chapitre 3 : La voie domitienne et le premier réseau viaire 1 Luciano Bosio, Tabula Peutingeriana. Una descrizione pittorica del mondo antico, Rimini, 1983 et Pascal Arnaud, “Imago mundi” : recherches sur la diffusion des documents cartographiques dans l'Empire romain, et sur leur rôle dans la formation des représentations géopolitiques du monde romain, Paris, 1984. 2 Les quatre gobelets d’argent en forme de milliaire retrouvés près de Rome, au sanctuaire d’Apollon, et datés du tout début de l’Empire, portent itinéraires, stations et distances souvent comparées aux autres données, Pierre Sillières, « De Polybe III, 39 aux gobelets de Vicarello : la voie de l’Èbre au Rhône à l’époque républicaine », Revue Archéologique de Narbonnaise, 2004, Supplément 35, pp. 121-127. 3 L’Itinéraire d’Antonin fournit une compilation réalisée par l’administration, de l’Annone peut-être, à la fin du IIIe siècle, sous Dioclétien, et L’Itinéraire de Bordeaux à Jérusalem livre une première route recensée en 333 par un anonyme pour le pèlerinage en terre sainte.

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Notes

4 Marc Lugand, « Routes et chemins », in M. Lugand, I. Bermond (dir.), CAG 34/2 : Agde et le Bassin de Thau, Paris, 2001, pp. 64-65, à propos de la situation complexe au Nord de l’étang de Thau où la voie protohistorique aurait pu passer (aussi ?) plus au Sud. 5 Pour la voie domitienne, Jean Lafforgue, Aménagement de la via Domitia en LanguedocRoussillon, mémoire de l’École d’architecture, Montpellier, 1985. 6 Sur les 3 états mis au jour, Pierre-Albert Clément et Alain Peyre, La Voie Domitienne, de la via Domitia aux routes de l’An 2000, Montpellier, 1991, pp. 55-56. Une datation HautEmpire a été proposée, Gallia, 1993, 2, p. 133 et CAG 34/5, 081-08, p. 195. 7 Les interventions ont été conduites respectivement par Ludovic Le Roy (2006-2008) et Francesca Diosono (2009-2010). 8 Pierre Bilgen, Monique Clavel-Lévêque, Jean-Paul Gilg, Anne-Marie de Kersabiec, « Télédétection spatiale et données historiques : pour une analyse de l’évolution dynamique du littoral biterrois », in M. Clavel-Lévêque et alii (éds.), De la terre au ciel, I, Paysages et cadastres antiques, Paris, 1994, pp. 158-159. 9 Voir, encore récemment, Monique Clavel-Lévêque, « La voie domitienne et l’aménagement de l’espace en Narbonnaise : un marquage durable », in R. CompatangeloSoussignan, J.-R. Bertrand, J. Chapman et P.-Y. Laffont (éds.), Marqueurs des paysages et systèmes socio-économiques : de la construction des paysages pré-industriels à leur perception par les sociétés contemporaines, Rennes, 2008, pp. 101-112 et Monique Clavel-Lévêque et Jean Peyras, « La via domitia : textes et archéologie », in M. Avenarius, R. Meyer-Pritzl, C. Möller (dir.), ARS IURIS, Festschrift für Okko Behrends zum 70 Geburtstag, herausgegeben, Göttingen, 2009, pp. 119-134. 10 Jean-Claude Carrière, «Héraclès de la Méditerranée à l’océan. Mythe, conquête et acculturation », in M. Clavel-Lévêque, R. Plana Mallart (éds.), Cité et Territoire, I, Paris, 1995, pp. 67-87. 11 Voir, pour ces hypothèses, Monique Clavel-Lévêque, « La voie domitienne et l’aménagement de l’espace en Narbonnaise : un marquage durable », loc. cit., pp. 101-112. 12 Paul Ambert et alii, « Étude de l’environnement », in J. Guilaine (dir.), Temps et espaces dans le bassin de l’Aude du Néolithique à l’Âge du Fer, Toulouse, 1995, pp. 219-242. 13 Sébastien Rescanières, « Essai sur le cadre géographique antique du Narbonnais », in É. Dellong (dir.), CAG 11/1 : Narbonne et le Narbonnais, Paris, 2003, pp. 47-48. 14 Analyses effectuées dans le cadre du Programme Collectif de Recherche financé par le Ministère de la Culture de 2004 à 2010, Jean-Loup Abbé (dir.), Autour de l’étang de Montady. Espace, environnement et mise en valeur du milieu humide en Languedoc des oppida à nos jours, Rapport bilan 2004-2010, pp. 13-15. Les analyses palynologiques réalisées pour l’étang de Capestang ont indiqué une évolution vers un climat nettement méditerranéen à partir de 2200-2000 BP, G. Jalut, A. Esteban Amat et alii, « Holocene climatic changes in the western Mediterranean : installation of the Mediterranean climat », Comptes Rendus de l’Académie des Sciences, Earth and Planetary Sciences, 325, 1997, pp. 327-334.

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Notes

15 Paul Ambert, « Potentiel et contraintes du cadre géologique régional », in C. Sanchez et M.-P. Jézégou (éds.), Espaces littoraux et zones portuaires de Narbonne dans l’Antiquité, Lattes, 2011, p. 16. 16 Jean-François Ecoffet, « Apport de la pédologie à l’étude des paysages agraires antiques du Sud Biterrois », in M. Clavel-Lévêque et alii (éds.), De la terre au ciel, I, op. cit., pp. 101-109, pour l’implantation de la voie qui a tenu compte de l’instabilité des terrains. 17 Les traitements ont porté sur une image SPOT en mode panchromatique de la scène Narbonne-Béziers-Agde du 5 avril 1990, T00954B. M. Clavel-Lévêque et J.-F. Ecoffet, « Image Spot et cadastres antiques », in J.-Ph. Massonie (éd.), Traitement des images satellitaires, Besançon, 1991, pp. 53-63, qui notent que la voie recoupe plusieurs étangs. 18 Strabon, Géographie, IV, 1, 12. 19 Il faut désormais renoncer à l’interprétation qui faisait du tronçon mis au jour à Colombiers un unicum, Ludovic Le Roy, « Sondages sur la voie domitienne à Colombiers (Hérault) », DHA, 34/1, 2008. 20 Attestés par la présence dans le remplissage du fossé bordier de fragments d’amphores étrusques et massaliètes, et de quelques éclats de métal susceptibles de provenir de véhicules et d’une fibule de bronze, type Golfe du Lion 5 (Catherine Tendille, Fibules protohistoriques de la région nîmoise, Documents d’Archéologie Méridionales, 1, 1978). Que Michel Feugère, qui nous a fait l’amitié d’étudier cette fibule, trouve ici tous nos remerciements. 21 Lors des campagnes 2006 et 2007. 22 Iouri Bermond, Christophe Pellecuer, « Recherches sur l’occupation du sol dans la région de l’étang de Thau (Hérault) : apports à l’étude des villæ », Revue Archéologique de Narbonnaise, 30, 1997, p. 66 et Iouri Bermond, « Mèze », CAG 34/2, 57, pp. 276-291 pour le territoire mézois. 23 Les archéologues avancent une chronologie comparable pour l’axe mis au jour à Béziers, où l’agglomération est globalement contemporaine d’Ensérune, Céline Jandot et Elian Gomez, Nouvelles observations sur la voie domitienne à l’Est de Béziers, SRA LanguedocRoussillon/INRAP Méditerranée, 2003 ; voir aussi pour cet axe, dont la mise en place est située au VIe-Ve s., CAG 34/4, n° 250, p. 289. 24 Seul le Pseudo-Aristote mentionne une odos Herakléia pour le passage des Alpes au mont Genèvre, de mirac. Ausc. 85, Jean-Claude Carrière, «Héraclès de la Méditerranée à l’océan. Mythe, conquête et acculturation », loc. cit., pp. 67-87. 25 Iouri Bermond, Christophe Pellecuer, « Recherches sur l’occupation du sol dans la région de l’étang de Thau (Hérault) », loc. cit., pp. 66-67 et Fig. 4. 26 Que Georges Marchand, qui a assuré toutes les mesures d’orientation lors de nos différentes campagnes, trouve ici l’expression de nos remerciements amicaux. 26 Rapport DRAC 2006. 27 La proximité de la route actuelle ne permet pas de prolonger les investigations vers le côté Nord. 28 Ludovic Le Roy, « Sondages sur la voie domitienne à Colombiers (Hérault) », DHA, 33/1, 2007, pp. 165-167.

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Notes

29 La reprise des investigations sur ce secteur lors de la dernière campagne (2010) a permis de préciser le phasage à partir de la chronologie relative, assurée sur la base d’unités stratigraphiques. 30 Francesca Diosono et alii, Rapport DRAC 2010. 31 Elian Gomez, CAG 34/4, pp. 289-290. 32 Monique Clavel-Lévêque « Résistance, révoltes et cadastres : problèmes du contrôle de la terre en Gaule transalpine », in Toru Yugé et Masaoki Doi (eds), Forms of control and subordination in Antiquity, Tokyo, 1988, pp. 177-208, repris dans « Terre, contrôle et domination. Révoltes et cadastres en Transalpine », in Puzzle gaulois. Les Gaules en mémoire : images, textes, histoire, Paris, 1989, pp. 213-254. 33 Polybe, Histoires, 3, 2, 39. 34 Paul-Marie Duval, « À propos du milliaire de Cn. Domitius Ahenobarbus trouvé dans l’Aude en 1949 », Gallia, VII, 1949, 1, pp. 207-231. 35 Pascal Arnaud, « Notule additionnelle à l’article de Michel Tarpin : Polybe et les milliaires de la via Domitia », in Julie Dalaison (éd.), Espaces et pouvoirs dans l’Antiquité. De l’Anatolie à la Gaule, 2007, pp. 503-505. Sur les positions antérieures suspectant l’interpolation, Michel Christol, « De l’Italie à la Gaule méridionale, un transfert : l’épigraphie latine », Cahiers du Centre Gustave Glotz, 6, 1995, p. 166. 36 D’après les calculs et l’excellente démonstration de Pascal Arnaud. 37 La mise au jour, en 2010, de ce premier état de la voie modifie donc l’assertion de M. Clavel-Lévêque et J. Peyras, « La via domitia : textes et archéologie », loc. cit., p. 129. 38 Digeste 8, 3, 8 au livre VII ad Edictum provinciale. 39 L’indispensable rapidité d’installation de la voie se retrouve d’ailleurs quelques centaines de mètres plus à l’Est où le premier aménagement, mis au jour lors du creusement du port, a été réalisé directement sur le sol naturel, d’après les résultats d’Alain Peyre qui a assuré le suivi du chantier en 1987. S’il n’a pu être précisément daté, ce premier état de la chaussée a laissé des ornières profondes qui indiquent la durée conséquente de son utilisation. 40 Marie-Laure Berdeaux Le Brazidec, in Rapport DRAC 2010. Sur ce type, voir Michel Feugère et Michel Py, Dictionnaire des monnaies découvertes en Gaule méditerranéenne (530-27 avant notre ère), Montagnac, 2011, pp. 125-132. 41 Les fragments de céramique campanienne B orientent vers un abandon dans la première moitié du Ier s. avant, même si une circulation résiduelle ne peut être exclue. 42 Strabon, Géographie IV, 1, 12. 43 En 2007, aux lieux-dits Taragone et Saint André (Nissan-lez-Ensérune). 44 Au Malpas-Les Montarels (Colombiers), de part et d’autre du talweg. 45 Elle a pu être suivie sur quelque 11 m à Saint-André (Nissan-lez-Ensérune). Outre le mur, un alignement de nombreuses pierres fichées dans la matrice limoneuse a également été repéré, qui offre quelques similitudes avec les observations qui ont pu être faites à Colombiers. 46 Ludovic Le Roy, Rapport DRAC 2008. 47 Raymond Sabrié, « La Via Domitia dans la traversée de Narbonne », Bulletin de la commission archéologique et littéraire de Narbonne, 52, 2013, pp. 105-124.

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Notes

48 Iouri Bermond et alii, in Bilan de la recherche archéologique depuis 1995, SRA-DRAC Languedoc-Roussillon, Montpellier, 2012, p. 119. 49 Les ornières creusées dans le mortier sont beaucoup moins importantes que celles de la phase antérieure. Les trois surfaces de roulement identifiées s’y étant succédé sur une épaisseur de 0,60 m. Sur les fouilles d’Alain Peyre, Gallia, 1993, 2, p. 133 et CAG 34/5, 081-08, p. 195. 50 Cette campagne, conduite avec une équipe d’archéologues de l’Université de Pérouse, a été dirigée par Francesca Diosono qui en a présenté les principaux résultats, F. Diosono, « La Via Domitia entre les étangs, de Narbonne à Béziers », Proceedings of the XVIIIth International Congress of Classical Archaeology. Centre and periphery in the Ancient World, (Mérida 2013), Mérida, 2014 (sous presse). 51 On peut situer le bord Nord de ce second état de la voie à quelque 4 m du fossé bordier du premier état de la voie domitienne. 52 La pleine intensité de la circulation sur la voie domitienne a été datée en Nîmois des années 75-60, ce qui correspond aux réalités notées en Biterrois. 53 Salluste, Fragments des Histoires, Lettre de Cn. Pompée au Sénat. 54 Per quam legionibus nostris iter in Hispaniam Gallorum internicione patefactum est, Cicéron, Sur les pouvoirs de Pompée, XI, 30. Un autre texte de Cicéron, écrit en 56, Sur les provinces consulaires, ne peut être utilisé dans ce dossier. Pour lui, avant César, c’est la Gaule qui était un sentier, Rome y tenant seulement une piste étroite, Semitam tantum Galliam tenebamus antea. Le topos se retrouve dans le Remerciement à Constantin Auguste, sans doute prononcé en 312 à Trèves, qui glose Semita enim Galliae usque ad id temporis Transalpina Gallia nominabatur à propos de l’épisode de la visite de l’Éduen Diviciacos à Rome vers 60 avant notre ère. 55 Cicéron, Pour Fonteius, VIII, 17-18. 56 Sur cette dénomination, voir Monique Clavel-Lévêque et Jean Peyras, « La via domitia : textes et archéologie », loc. cit., pp. 125- 126. 57 Obtenues lors des opérations conduites en 2009-2010. 58 Cicéron, Pour Fonteius, VIII, 18. 59 Pour le débat sur le pont de Saint-Thibéry, Marc Lugand, CAG 34/2, 289, 46*, p. 362. 60 Si la datation romaine du pont, rhabillé au Moyen Âge, n’est toujours pas avérée (CAG 34/4, n° 217, pp. 277-279), la mise au jour, en 1969, d’une chaussée d’accès vers le pont peut militer en ce sens, soutenue aussi par l’orientation, bien notée, de la voie domitienne dans l’axe du pont, Monique Clavel, Béziers et son territoire dans l’Antiquité, Paris, 1970, pp. 417-419 et Christian Tourette, in Bilan scientifique, SRA Languedoc-Roussillon, 2011, p. 172, qui note également la présence de pieux à hauteur du Pont Neuf. 61 Sur le monument et sa date, Georges Castellvi, Josep Maria Nolla, Isabel Rodà (dir.), Le Trophée de Pompée à Panissars dans les Pyrénées (71 avant J.-C.), Col de Panissars. Le Perthus, Pyrénées Orientales (France), La Jonquera, Haut Empordan (Espagne), Paris, 2008.

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Notes

62 La structure des couches de préparation de cette phase, sans répondre à la succession du modèle canonique, ne donne pas d’indication en ce sens, même s’il a fallu intervenir puissamment par la suite. 63 Daté par le matériel retrouvé à proximité, Iouri Bermond, CAG 34/2, 157, 11*, p. 279. 64 Des traits comparables ont été observés à Florensac (remblai et murs bordiers), à Loupian, où la surface de circulation est limitée par un mur bordier. 65 Construit, sur une largeur comprise entre 60 et 85 cm, en moellons assez réguliers, il est conservé au niveau des fondations et sur une seule assise en élévation. Les variations observées dans le type de travail, bien visibles sur les pierres, dans la nature géologique et les dimensions des matériaux, conduisent à penser que ce mur a connu restructurations et restaurations, ce qu’indique notamment la présence d’un fragment d’amphore Dressel 1 A. 66 La chaussée en terre battue retrouvée quelques centaines de mètres plus à l’Est, à l’entrée du village, insérée dans l’orientation générale du tronçon fouillé aussi au port, confirme le tracé de la voie romaine qui aurait également livré à proximité une borne milliaire utilisée en remploi, CAG 34/5, 083-22, p. 196. 67 Un espace de circulation piétonnier en bordure de la voie a été reconnu en sortie d’agglomération, avenue Émile Claparède à Béziers, Elian Gomez, Bilan Scientifique, SRA/DRAC Languedoc-Roussillon, 2006, p. 119. 68 Elle est séparée de la chaussée par un alignement de pierres posées de champ. 69 Situé à proximité immédiate et sous la route actuelle, son ampleur ne peut être évaluée. 70 D’après Stéphane Mauné, qui a étudié le matériel céramique issu de la fosse implantée sur le côté Sud de la voie, Rapport DRAC 2010. 71 Sur la ZAC Domitienne, CAG 34/4, p. 291. 72 Dans une zone où le talus (agger) est particulièrement bien conservé, Marc Lugand, « Routes et chemins », CAG 34/2, pp. 66-67. 73 C’est ce qu’a montré le sondage réalisé par Ludovic Le Roy, Rapport DRAC 2008. On observe également une remontée du profil en long vers l’Ouest. 74 Ludovic Le Roy, in Jean-Loup Abbé (dir.), Autour de l’étang de Montady, Rapport du PCR 2009 et Michel Christol, « De l’Italie à la Gaule méridionale : transferts d’influences d’après les inscriptions de la fin du Ier siècle av. J.-C. et du Ier siècle ap. J.-C. », in F. Beltrán Lloris (éd.), Roma y el nacimiento de la cultura epigrafica en Occidente, Sarragosse, 1995, pp. 45-56. 75 Traduction M. Clavel-Lévêque et alii, Hygin l’Arpenteur, L’Établissement des limites, Luxembourg-Naples, 1996, p. 57, Th. 144. 76 Monique Clavel-Lévêque, « L’implantation coloniale et l’aménagement du territoire de Béziers », in M. Clavel-Lévêque, A. Vignot (dir.), Cité et territoire, II, Paris, 1998, pp. 209222. 77 Francesca Diosono, Rapport DRAC 2009 et Monique Clavel-Lévêque, « Retour sur la voie domitienne en Biterrois », in I. Pimouguet-Pédarros et alii, Hommes, cultures et paysages de l’Antiquité à la période moderne, Rennes, 2013, pp. 161-178. 78 Christophe Pellecuer, Iouri Bermond, « Recherches sur l’occupation du sol dans la région de l’étang de Thau (Hérault) : apports à l’étude des villæ », loc. cit., p. 79.

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Notes

79 Il a été reconnu en limite du chantier et n’a pu être totalement exploré ni en largeur, ni en longueur. 80 Traduction O. Behrends et alii, Agennius Urbicus, Controverses sur les terres, Naples, 2005, pp. 148-149, sur la condition des chemins. 81 Traduction O. Behrends et alii, Hygin, L’Œuvre gromatique, Luxembourg, 1998, pp. 34-35, 69. 82 J’ai traité de cette question dans « Science alexandrine et jeux de construction en Biterrois », in N. Fick et J.-C. Carrière (éds.), Mélanges Étienne Bernand, Paris, 1991, pp. 155-164 et dans « Centuriation, géométrie et harmonie. Le cas du Biterrois » in J.-Y. Guillaumin (éd.), Mathématiques dans l’Antiquité, Saint-Étienne, 1992, pp. 161-184. 83 Monique Clavel-Lévêque, « Le réseau centurié Béziers A », in M. Clavel-Lévêque, A. Orejas (éds.), Atlas historique des cadastres d’Europe, II, Luxembourg, 2002, dossier 3. 84 Sur la commune de Colombiers et, plus à l’Ouest, sur celle de Nissan-lez-Ensérune (à Saint-André/La Grangette et à Taragone), Ludovic Le Roy, Rapport DRAC 2008. 85 Elle relève bien, sur certains points de son parcours au moins, d’un héritage de l’axe protohistorique, que la voie romaine conserve même après qu’elle s’est déplacée, sans doute parce que les solutions alternatives n’abondaient pas pour assurer un tracé praticable au travers de ces milieux humides, alors plus abondants, comme le révèle l’importance des assèchements médiévaux, réussis ou non. 86 M. Clavel-Lévêque et J. Peyras, « La via domitia : textes et archéologie », loc. cit., pp. 119-134. 87 M. Clavel-Lévêque et J. Peyras, id., pp. 131-132, où Jean Peyras rappelle opportunément ce statut que l’ampleur de la voie tardo-républicaine, construite par endroits ex-novo, ce qui a nécessité de gros moyens et la mise en œuvre de techniques plus élaborées, matérialise clairement et réfute à juste titre l’interprétation banalisante de Jean-Yves Guillaumin, pour qui la via militaris relèverait de l’intérêt public et non de l’intérêt stratégique. 88 Conformément à la description et aux modalités de travaux publics qu’en donne Tite Live, Histoire romaine, XLI, 27 : « Les censeurs furent les premiers à mettre en adjudication le pavage des rues dans la Ville et, au dehors de la Ville, la pose d’une assise de gravier sur les routes et l’établissement d’accotements, ainsi que la construction de ponts en de nombreux endroits », trad. Paul Jal, CUF, 1971, où il s’agit de l’Italie du IInd siècle avant notre ère. Elle montre, au reste, de grandes analogies techno-constructives avec d’autres secteurs : au port même de Colombiers, à Florensac, Pinet, Loupian. 89 Ludovic Le Roy, Rapport DRAC 2008, sur les comparaisons italiennes, Francesca Diosono, « La Via Domitia entre les étangs, de Narbonne à Béziers », loc. cit., sous presse. 90 Elian Gomez, communication au séminaire Béziers et ses campagnes à l’époque romaine, 5/11/2012, dans le cadre du séminaire Villes et campagnes, Université Montpellier III et Christian Olive, Daniela Ugolini, « Béziers et les routes », CAG 34/4, p. 146 . 91 Dont le mur de fond a pu être suivi sur quelque 15 mètres. 92 Plutôt qu’un portique ouvert sur la voie ? 93 Installé dans une fosse qui a livré une masse de scories de fer, de billes et de battitures de métal ouvré, retrouvées tout autour.

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Notes

94 Marc Lugand, « Routes et chemins », CAG, 34/2, p. 68 et, dans le même ouvrage, Iouri Bermond, p. 97, pour qui les sites de Mas de Maynet (Pomerols) et Font de Perdigal (Mèze) « doivent correspondre à des relais routiers ». 95 Iouri Bermond, CAG 34/2, 157, 37*, p. 285. 96 La fosse a accueilli ensuite un dépôt votif, lié probablement à la fin de l’activité et à la restructuration de cette zone lors de la construction de la phase ultérieure de la voie. L’ensemble du matériel retrouvé dans la fosse s’inscrit dans une fourchette chronologique assez étroite, entre 30 et 40 de notre ère, d’après la présence de cruches en pâte claire récente et de gobelets à parois fines, dont l’un est, actuellement, un unicum. 97 Outre ceux – de nombreux fragments de mortier hydraulique notamment – qui ont été retrouvés dans un probable dépotoir, situé en limite de chantier, qui a livré une masse importante de matériaux de destruction. 98 Retrouvés au cours des campagnes 2007-2008. 99 Ludovic Le Roy, Rapport DRAC 2007 et 2008. 100 Il faut sans doute y localiser un dépotoir. 101 Qu’évoquent les gros fragments de mortier hydraulique et de très nombreuses tegulae récupérés dans ce secteur. 102 Le lot, moins important certes, est assez voisin des éléments retrouvés dans la ferme relais d’Ambrussum, datée du Haut-Empire, Jean-Luc Fiches, « Le relais d’Ambrussum », in Georges Castellvi et alii, Voies romaines du Rhône à l’Èbre : via Domitia et via Augusta, Paris, 1997, pp. 66-68, qui signale un ensemble conséquent de 8 hipposandales réuni après des investigations plus développées. 103 D’aucuns avaient un temps proposé de localiser une mutatio, ou un castrum, à l’angulation de la voie de Ponserme. 104 Iouri Bermond, Christophe Pellecuer, Delphine Lopez, Katia Turrel et alii, Loupian Marinesque, Combe-Rouge, Bilan scientifique SRA Languedoc-Roussillon, 2005, pp. 140141. Le complexe routier, daté du Ier s. av. J.-C., est situé, comme celui de Colombiers, sur la voie domitienne, aux abords d’un carrefour avec une voie secondaire, peut-être une desserte locale. 105 Yohann Pascal, Hervé Pomarèdes, « Moulin de Roux, halte routière en bordure de la Voie Domitienne », Communication aux Rencontres départementales de l’archéologie, 14 mai 2013, Château de Lavérune, Hérault. Les premières traces d’occupation se situent vers la fin du IInd-début Ier avant notre ère, des changements intervenant vers la mi-Ier avant. Outre le vaste bâtiment, structuré autour d’une cour centrale, a été installé un mur bordier et une sortie de la voie domitienne a été aménagée. La présence d’un four, implanté plus tardivement, renforce les similitudes avec les données colombiéraines. 106 Jean-Luc Fiches, « Ambrussum, fouilles et mise en valeur d’un relais de la via domitia », in Les Voies romaines en Méditerrannée, Montpellier, 2006, pp. 47-52. 107 À l’extrémité Sud de la parcelle, immédiatement au-dessous des couches superficielles endommagées par les travaux agricoles. 108 Implanté sur les couches qui recouvrent les structures antérieures.

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Notes

Le matériel retrouvé, en stratigraphie et hors stratigraphie, documente l’utilisation de ce tronçon au moins jusqu’au Moyen Âge. 110 Ludovic Le Roy, Rapport DRAC 2008. Les techniques de construction de ces bâtiments tardifs, très élémentaires et peu soignées, révèlent l’utilisation mixte de pierres de dimensions variées, de céramiques et de fragments de mortier provenant des structures gallo-romaines. 111 Qu’on situe vers 75-60 avant notre ère d’après les observations faites aux environs de Nîmes où la seconde période couvrirait des années 45-35 avant aux environs de 40 après J.C. 112 Cet apport inaugure là le processus de colluvionnement qui a touché toute la zone, recouverte d’une épaisse couche d’argile colluviale, très compacte, atteignant jusqu’à la cote de circulation. 113 Jean-Luc Fiches, « Ambrussum, fouilles et mise en valeur d’un relais de la via domitia », loc. cit., pp. 47-52 et Jean-Luc Fiches (dir), Quatre puits de l’agglomération routière d’Ambrussum (Villetelle, Hérault), Supplément Revue Archéologique de Narbonnaise, 42, 2013. 114 Ludovic Le Roy, in J.-L. Abbé et P. Portet (dir.), Rapport PCR Autour de l’étang de Montady, 2009. 115 La présence d’une tombe à incinération, apparemment isolée, et que le matériel datant permet de situer dans les années 60-80, pour la fourchette la plus serrée, irait-elle dans le sens d’une telle hypothèse ? Rien, pour l’instant, ne permet de le dire. 116 Avec l’identification globale de trois étapes de développement et, localement, de deux tracés parallèles successifs. La lecture des fouilles 2007-2008, à laquelle il faut renoncer, avait présenté une situation proche de celle qui a été identifiée à 3 km à l’Est de Béziers comme des tracés parallèles de la voie domitienne, bordée de fossés, Céline Jandot et Elian Gomez, Nouvelles observations sur la voie domitienne à l’Est de Béziers, Rapport DRAC SRA Languedoc-Roussillon/INRAP Méditerranée, 2003. 117 La carte des voies antiques fouillées sur la commune de Béziers en offre une illustration dans Christian Olive, Daniela Ugolini, « Béziers et les routes », CAG 34/4, pp. 144-148 et fig. 90. 118 Antoine-François Andréossy note cette concordance avec une voie romaine dans son Histoire du canal du Midi ou canal du Languedoc, I, 1804, p. 118, n. 1, rappelant que le chemin de l’Étape « était jusqu’à ces derniers temps la route des troupes qui voyagent depuis Carcassonne jusqu’à Béziers ». 119 CAG 34,5, 052-25, p. 133. 120 Une nécropole du Haut-Empire a été mise au jour à la Côte de Cadilhac à proximité d’un tronçon de voie, CAG 34/5, 225-06, p. 436. 121 CAG 34/5, 080-06, p. 193. 122 CAG 34/5, 213-04, p. 415 où la limite communale la suit. 123 Les deux tronçons de ce chemin creux sont distants de 800 m, Stéphane Alix, « Cazouls-les-Béziers et Maraussan. Élargissement de la RD 14 », Bilan Scientifique Régional 2005, p. 176 et CAG 34/5, 069-05, p. 160 et 148-04, p. 286. 109

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Notes

Voie un temps contrôlée par l’oppidum du Plo des Brus, CAG 34/5, 148-04, p. 457. Marc Lugand, « Routes et chemins », CAG, 34/2, p. 70. 126 Elle a été fouillée, son emprise précisée et ses aménagements datés, de la seconde moitié du Ier s. avant et du Ier après. Elle est associée à une nécropole installée contre le fossé bordier, CAG 34/5, Prunelle/Les Cresses, 166-32, p. 308 127 Retrouvé en 1947 par Joseph Giry et Max Guy. 128 Infra p. 115 et fig. 27. 129 Siculus Flaccus précise ainsi : « Il y a des voies publiques qui sont construites sur fonds publics et reçoivent le nom de leur promoteur. Des curateurs en sont responsables, elles sont construites par des adjudicataires. Et, pour l’entretien de certaines d’entre elles, on exige une certaine somme d’argent des possesseurs. Quant aux voies vicinales qui, depuis les voies publiques, desservent les champs et aboutissent souvent à d’autres voies publiques, elles sont construites autrement, par les pagi, c’est-à-dire par les magistri des pagi, qui ont l’habitude d’exiger, pour leur entretien, du travail des possesseurs. », Les Conditions des terres, traduction M. Clavel-Lévêque, D. Conso et alii, Naples, 1993, pp. 37-39. Siculus note également le cas et le traitement des « voies mitoyennes » entre les possessions. 130 C’est le cas de la loi d’Urso, colonia julia comme Béziers, ch. 98 et 104. 124 125

Notes du chapitre 4 : L’aménagement du territoire et les cadastres centuriés 1 Réunis à Ravenne à la fin de l’Antiquité, au tournant des Ve-VIe siècles, ces textes de divers auteurs, écrits aux Ier et IInd siècles de notre ère, constituent, avec leurs illustrations, le premier ensemble de documents, théoriques et pratiques, révélant une politique d’aménagement et de gestion de territoires. Ils sont aujourd’hui largement traduits en français par un collectif européen qui a travaillé au sein d’Actions de Coopération Scientifique et Technique de la Commission des Communautés européennes, COST G2 et A27. 2 Hygin, Les Conditions des terres, Th. 85 : « je ne saurais (...) passer sous silence ce que j’ai trouvé dans la plupart des endroits, c’est que l’on donne le modus de la terre non pas en jugères, mais en usant d’autres termes (...). Dans la province de Narbonnaise, il y a aussi des noms variés : les uns parlent de livre, d’autres de parallèle », trad. O. Behrends, M. ClavelLévêque et alii, L’Œuvre gromatique, Luxembourg, 2000, phrases 102 et 106, pp. 73 et 77. 3 C’est l’ager intra clusum, le territoire « fermé » par les limites, qui sont dessinés sur la forma. 4 C’est la pertica, parce que tracée par la perche de l’arpenteur. 5 Les terres exceptées sont des terres de droit privé sur sol public. 6 Les terres concédées sont, elles, au sein de la colonie. 7 Il s’agit des terres arcifinales, qui sont « libres de liens ». 8 À la seule exception de Narbonne, le statut des communautés et agglomérations pendant les décennies qui suivent la conquête, et jusque dans le Ier siècle avant notre ère, relève toujours de l’hypothèse.

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Notes

9 Monique Clavel, Béziers et son territoire dans l’Antiquité, Paris, 1970, pp. 201-232, où seul un réseau est alors reconnu, le « futur » Béziers A, et où est proposée une hypothèse pour la frontière avec Narbonne, suivie par Michel Gayraud, Narbonne antique des origines à la fin du IIIe siècle, Paris, 1981, pp. 204-240, qui ne connaît, à sa date, qu’une centuriation narbonnaise. 10 Les premières recherches pour notre région, sur la double lancée des espoirs nés de la découverte des documents d’Orange en 1947 et de l’exploitation de l’imagerie aérienne, sont dues à Max Guy, « Traces du cadastre romain de quelques colonies de Narbonnaise », Études Roussillonnaises, IV, 1954-1955 et vues aériennes montrant la centuriation de la colonie de Narbonne, Gallia, 13-1, 1955, pp. 103-108. 11 Il s’agit de Narbonne A, le plus ancien, pour Antoine Pérez, qui en fait une entreprise précoloniale qui n’apparaît pas fondée, Les Cadastres antiques en Narbonnaise occidentale. Essai sur la politique coloniale romaine en Gaule du Sud (IIe s. av. J.-C.- IIe s. ap. J.-C.), Paris 1995, pp. 76 et 210-211, de Narbonne B et Béziers B. 12 Comme l’indique la prudence de Corinne Sanchez dans le paragraphe, entièrement rédigé au conditionnel, qu’elle consacre aux cadastres dans le volume de la Carte archéologique, « De Montlaurès à la colonie romaine de Narbonne, les siècles de transition (IIe/Ier siècles av. J.-C.) », in Éric Dellong (dir.), CAG 11/1 : Narbonne et le Narbonnais, Paris, 2003, p. 84. 13 Michel Gayraud, Narbonne antique des origines à la fin du IIIe siècle, Paris, 1981, pp. 204-240. C’est dans ce sens qu’opine Éric Dellong proposant un réseau B/C, « Deux aspects du proche territoire de Narbonne antique à la croisée de l’histoire, de l’archéologie et de la géographie : la mobilité littorale et la cadastration antique », in V. Ropiot, C. Puig, F. Mazière (éds.), Les Plaines littorales en Méditerranée nord-occidentale. Regards croisés d’histoire, d’archéologie et de géographie de la Protohistoire au Moyen Âge, Montagnac, 2011, pp. 267-270. La proposition de lire des aménagements limités dans les réseaux Narbonne D et E, après révision de l’orientation, n’entraîne pas la conviction, compte tenu de leur faible présence, en zone rurale notamment. 14 Antoine Pérez, Les Cadastres antiques en Narbonnaise occidentale. Essai sur la politique coloniale romaine en Gaule du sud (IIe s. av. J.-C.-IIe s. ap. J.-C.), op. cit., pp. 82-91 et 189, reste très dubitatif sur ce secteur. 15 J’emploie ici, en référence à la morphologie de la trame, le terme centuriation en dehors du cadre colonial pour lequel il devrait être réservé, Jean Peyras, « Colonies et écrits d’arpentage du Haut-Empire », in Histoire, Espaces et marges de l’Antiquité : Hommages à Monique Clavel-Lévêque, 2, Besançon, 2003, pp. 136-137. 16 Monique Clavel-Lévêque, Le Réseau centurié Béziers B, Paris, 1995. 17 Okko Behrends, « Les rapports entre la terminologie gromatique et celle de la jurisprudence classique, leurs points de contact et leur indépendance fondamentale », in D. Conso et alii (éds.), Les Vocabulaires techniques des arpenteurs latins, Besançon, 2005, pp. 201-217.

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Notes

Cette situation s’établit à un moment où les distinctions entre provinces du prince et du Sénat n’existant pas, le redoutable problème soulevé par Jean Peyras, « Colonies et écrits d’arpentage du Haut-Empire », loc. cit., pp. 126-127, ne se pose pas. 19 Ibid., p. 131. 20 La détermination du decumanus Maximus est moins évidente, voir Monique ClavelLévêque, Le Réseau centurié Béziers B, op. cit., pp. 47-52. 21 Ce toponyme serait la pérennisation du septième kardo en « chemin Septenier », Stéphane Mauné, « À propos du septième kardo du cadastre Béziers B : le site de Balsède III à Pézenas (Hérault) », Études sur l’Hérault, s. n. 9, 1993, pp. 1-4. 22 Monique Clavel-Lévêque, Le Réseau centurié Béziers B, op. cit., pp. 67-68. 23 Supra pp. 70 sq. 24 La diagonale s’établit exactement à √34 = 5,83, ce qui est une excellente approximation de 6, Monique Clavel-Lévêque, Le Réseau centurié Béziers B, op. cit., p. 67. 25 La reconnaissance, sur plusieurs kilomètres, de 3 decumani et 4 kardines, outre le kardo Maximus, permet d’étayer valablement la proposition de restitution avancée dans Le Réseau centurié Béziers B, op. cit., pp. 49-52. 26 Le relevé systématique a permis de montrer la permanence de la fonction carrefour sur l’emplacement théorique du croisement de deux axes cadastraux, conservé en place ou déplacé. Ainsi sur le decumanus Maximus théorique Cazouls-les-Béziers-La Maïre, sur 19 carrefours théoriques, 13 sont encore en place en 1995, ce qui est le cas de 10 pour 16 sur le SD 12 Capestang-Lespignan, Monique Clavel-Lévêque, Le Réseau centurié Béziers B, op. cit., p. 48. 27 Elian Gomez, « Présentation des données archéologiques récentes du territoire biterrois quant à la problématique de la production vinaire préromaine, républicaine puis impériale », Le premier cycle du vin, Journées du Patrimoine 2012, Conférences patrimoine archéologique, Conseil général de l’Hérault, Bayssan (Béziers), 2012. 28 Pour le ruisseau du Gargailhan (Béziers), voir Laurent Vidal, Aménagement et mise en valeur des campagnes de la Protohistoire au Moyen Âge dans le Sud de la France : l’exemple du Languedoc central et oriental, Thèse, Montpellier, 2000 et Monique Clavel-Lévêque, « Gestion de l’eau et développement de la colonie de Béziers dans la plaine littorale », in E. Hermon (éd.), Vers une gestion intégrée de l’eau dans l’Empire romain, Rome, 2008, pp. 35-36. 29 Notamment un chemin, repéré en coupe à Sauvian, matérialisant le 8e decumanus de gauche et une voie à ornières suivie sur 600 m sur le 11e à Lespignan, ou encore le 3e kardo en deçà révélé par la prospection électrique d’une centurie à Espondeilhan. La trame parcellaire du verger de Champ Redon (Valros, CAG 34/5, 325-08, p. 545), qui suit, à l’époque coloniale, une orientation très proche de celle de Béziers B, montre sa forte adéquation au paysage naturel, base essentielle de sa prégnance. 30 Monique Clavel-Lévêque, Le Réseau centurié Béziers B, op. cit., pp. 47-50. 31 Michel Christol, « Béziers en sa province », in M. Clavel-Lévêque, R. Plana Mallart (éds.), Cité et territoire, I, Paris, 1995, p. 111. 18

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Notes

Stéphane Mauné, Les Campagnes de la cité de Béziers dans l’Antiquité (partie nordorientale), IIe av. J.-C.-VIe s. ap. J.-C., Montagnac, 1998, pp. 39-70. 33 Ibid., pp. 42-43, comme on l’a constaté aussi ailleurs, notamment sur le site des Prés-Bas (Loupian). 34 Pour Stéphane Mauné, « C’est 63% des établissements ruraux qui semblent être liés à la première centuriation biterroise », ibid., p. 47. 35 Stéphane Mauné, « La villa gallo-romaine de Vareilles à Paulhan (Hérault, fouille A 75) : un centre domanial du Haut-Empire spécialisé dans la viticulture ? », in S. Lepetz, V. Matterne (dir.), Cultivateurs, éleveurs et artisans dans les campagnes gallo-romaines. Matières premières et produits transformés, Revue Archéologique de Picardie, 2003, 1-2. 36 Plusieurs fossés isoclines ont été reconnus lors d’une opération diagnostic, S. Barbey/AFAN 1997, fouille gazoduc « Artère du Midi ». 37 Le site du Devez (Espondeilhan) a livré un petit établissement rural à proximité d’une large structure fossoyée, fossé ou chemin creux, de date républicaine haute et isocline au cadastre précolonial, Monique Clavel-Lévêque, Le Réseau centurié Béziers B, op. cit., p. 71. 38 À Pioch de la Rousse (Servian), plusieurs tombes étaient alignées sur une limite du Béziers B, Laurent Vidal et alii, « Entre Peyne et Libron, le Nord du Biterrois au Ier siècle av. J.-C. : apports et limites d’une exploitation des images de surface pour une étude d’archéologie spatiale », in M. Clavel-Lévêque et R. Plana Mallart (dir.), Cité et Territoire, I, op. cit., p. 131. 39 C’est le cas du site de Saint-Pierre de Sergeac (Puissalicon), Monique Clavel-Lévêque, Le Réseau centurié Béziers B, op. cit., p. 86. 40 Marianne Dodinet, Carte archéologique et cadastres romains : l’exemple du Nord Biterrois, Thèse de IIIe cycle, Besançon, 1985, inédite, et Stéphane Mauné, « La centuriation Béziers B et l’occupation du sol de la vallée de l’Hérault au Ier s. av. J.-C. Quelques éléments de réflexion autour de découvertes récentes », in Histoire, Espaces et Marges de l’Antiquité : Hommages à Monique Clavel-Lévêque, op. cit., pp. 71 et 84, fig. 4. 41 Stéphane Mauné, « La question des premières installations rurales italiennes en Gaule transalpine (fin du IInd-milieu du Ier s. av. J.-C.) », Gallia, 57, 2000, p. 245 et Fig. 3. 42 CAG 34/5, 147-50, p. 284. 43 Des séparateurs tripodes de cuisson qu’utilisaient les potiers italiens ont été reconnus à Montfo (Magalas) et identifiés aussi par Michel Passelac à Bram (Aude). 44 Stéphane Mauné, Corine Sanchez, « Une production de céramique à vernis noir dans la région de Béziers (Hérault), entre la fin du IIe s. et le milieu du Ier av. J.-C. : emprunt indigène ou présence italienne précoce ? », Revue Archéologique de Narbonnaise, 32, 1999, pp. 125-145. 45 Elian Gomez, respectivement n° 381, qui signale un dispositif de récupération des eaux de ruissellement avec « une fosse en entonnoir (...) bien datée du IInd siècle avant notre ère », et n° 289, où un chemin pouvait desservir plusieurs établissements, CAG 34/4, pp. 340 et 309. 46 Sur les quelque 70 établissements recensés, 14 ne sont pas situés sur un axe du cadastre Béziers B. 32

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Notes

47 Stéphane Mauné, « La question des premières installations rurales italiennes en Gaule transalpine », loc. cit., pp. 231-260. 48 Sébastien Rescanières, « Essai sur le cadre géographique antique du Narbonnais CAG, 11/1, pp. 44-51 et Éric Dellong, « Deux aspects du proche territoire de Narbonne antique à la croisée de l’histoire, de l’archéologie et de la géographie », loc. cit., pp. 231-250. 49 Sur le site de La Fenouille (Abeilhan) où deux groupes de fossés ont été fouillés. 50 Leur orientation et leur pendage sont restés identiques sur le site de La Gure (Plaissan), Laurent Vidal, Aménagement et mise en valeur des campagnes de la Protohistoire au Moyen Âge dans le Sud de la France, op. cit. 51 Sur le site de Malamort (Capestang) où ils ont été repérés en 1997 lors de l’opération Gazoduc-Artère du Midi, S. Barbey et H. Petitot, les rapprochent de l’orientation Béziers A, C. Ferras, J.-M. Sauget, Capestang. Histoire et inventaire d’un village héraultais, Montpellier, 2011, p. 32, L. Le Roy, Rapport PCR Autour de l’étang de Montady, 2009 et CAG 34/5, 052-23, p. 132. 52 Opération CNRS réalisée en 1984 dans le cadre du GDR 926 du CNRS. 53 Réalisées lors des opérations préalables à la construction de l’autoroute. 54 Monique Clavel-Lévêque, Le Réseau centurié Béziers B, op. cit., pp. 50-51 et planche V, pp. 99-100. La datation républicaine est assurée par le matériel céramique, notamment la présence d’amphores italiques précoces. 55 CAG 34/5, 298-30, pp. 496-499. 56 Laurent Vidal, « Un domaine antique en Biterrois », in M. Clavel-Lévêque et A. Vignot (éds.), Cité et Territoire, II, op. cit., pp. 33-37. 57 Les bâtiments antiques, postérieurs, sont encore isoclines au cadastre précolonial. 58 D’après un pied de coupe campanienne retrouvé dans le comblement de la première phase, selon le fouilleur, Laurent Vidal, Aménagement et mise en valeur des campagnes de la Protohistoire au Moyen Âge dans le Sud de la France, op. cit., qui note que l’analyse du cours fossile a montré le danger que représentait l’étranglement du lit (plus de 2 m sur moins de 40 m) avec un profil tendu entre des berges qui devenaient abruptes et une pente de 2,5%. Cette intervention n’a pas empêché l’atterrissement du lit, commencé avant le Ier siècle de notre ère, et qui a imposé par la suite l’installation d’un gué puis d’un dalot. 59 Monique Clavel-Lévêque, Le Réseau centurié Béziers B, op. cit., p. 49. 60 Laurent Vidal et Pierre Poupet, « Béziers : fossés préhistoriques ; chemin rural, paléosol et terrasse dans le cadre des réseaux B et C ; terrasse et traces de labour médiévales », in J.L. Fiches et S. van der Leeuw, Archéologie et Espaces, Juan-les-Pins, 1990, pp. 394-402. 61 Large de 1,90 m (6 pieds), elle était également liée à une paléosurface. 62 Siculus Flaccus, Les Conditions des terres, Th. 113-114 : « il convient de voir quels sont les genres de constructions et de murs (...). En effet ceux qui fournissent la limite se trouvent être de constitution plus importante que ceux qui sont privés », texte traduit par Monique Clavel-Lévêque et alii, Naples, 1993, pp. 42-45. 63 Stéphane Mauné, Les Campagnes de la cité de Béziers dans l’Antiquité (partie nordorientale), IIe av. J.-C.-VIe s. ap. J.-C., op. cit., pp. 298-299.

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Notes

64 Laurent Vidal et Jean-Claude Rieux, « Sauvian (Hérault) Trou de Bessou », DHA, 19/2, 1993, pp. 345-346. 65 Il s’agit de la voie Nord, mise au jour sur 200 mètres, qui constitue le premier aménagement du site. Bordée de fossés et donnant accès à un ensemble de parcelles, elle n’a pu être datée que par rapport au bâtiment le plus ancien de la villa, qui lui est parallèle : Laurent Vidal, « Un domaine antique en Biterrois, La Domergue à Sauvian (Hérault) », in M. Clavel-Lévêque, A. Vignot (éds.), Cité et Territoire, II, op. cit., pp. 33-39 et fig. 4 et 5. 66 Au Sud de Puech Blanc (Vendres) est ainsi marqué le 4e kardo UK et, au Nord du site, le 11e decumanus SD. 67 À l’Est de Lespignan, entre Roucoules et Les Moulins, un chemin à ornières suit le 3e kardo UK. 68 Monique Clavel-Lévêque, Le Réseau centurié Béziers B, op. cit., p. 95. Je dois la reconnaissance de ces chemins aux prospections patientes de Jean-Claude Rieux, de la société archéologique de Valras, qu’il trouve ici l’expression de mes remerciements amicaux. 69 Elian Gomez, CAG, 34/4, 289, p. 309. 70 Elian Gomez, id. ibid. 71 Ibid., 381, p. 340. 72 Stéphane Mauné, Les Campagnes de la cité de Béziers dans l’Antiquité (partie nordorientale), IIe av. J.-C.-VIe s. ap. J.-C., op. cit., pp. 39-70. 73 Monique Clavel-Lévêque, Le Réseau centurié Béziers B, op. cit., ce qui m’a conduite à rejeter (pp. 40-42) la présence de l’hypothétique réseau lodévois, d’orientation très proche, proposé par Antoine Pérez, « Un cadastre inédit entre Libron et Lez et la fondation coloniale de Béziers », Documents d’Archéologie méridionale, 13, 1990, pp. 207-220. 74 On peut le supposer à partir du tracé de l’aqueduc dont un court tronçon suit l’orientation du réseau B sur quelque 400 m, à hauteur du domaine de Vaisseriès (Béziers), Jean-Louis Andrieu, Béziers. L’Aqueduc romain, Paris, 1990, p. 81. 75 Comme indiqué dans Antoine Pérez, Les Cadastres antiques en Narbonnaise occidentale. Essai sur la politique coloniale romaine en Gaule du Sud (IIe s. av. J.-C.- IIe s. ap. J.-C.), op. cit., p. 96, où il est considéré comme « hypothétique» p. 216. La dominance des réseaux biterrois, Béziers B notamment, est notée par Ludovic Le Roy, Éric Dellong, « L’occupation du sol autour de l’étang de Montady », loc. cit., pp. 46-47. 76 Michel Chalon, « Les limites de la cité de Béziers », CAG 34/5, p. 73, qui situerait ce changement « entre le Bas-Empire et le début du Moyen Âge », ne l’explique que par « la nécessité d’augmenter l’assiette fiscale de la métropole provinciale ». 77 Ibid., pp. 147-157 et 228. 78 À preuve dans Le Réseau centurié Béziers B, op. cit., les relevés effectués sur le cadastre napoléonien des communes de Coulobres (p. 54), Bassan (p. 56), et Servian (p. 57), ou le long du decumanus Maximus de Béziers à Servian (p. 64). 79 D’autant que, si quelques éléments peuvent relever de l’orientation proposée pour le système Béziers E-Luteva, il s’agit là de données trop discontinues pour fonder l’existence d’un réseau organisé. Pour la moyenne vallée de l’Hérault, vers Piscenae et Cessero, voir les

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Notes

doutes de Stéphane Mauné, Les Campagnes de la cité de Béziers dans l’Antiquité (partie nord-orientale), IIe av. J.-C.-VIe s. ap. J.-C., op. cit., p. 52 et n. 90. 80 Voir les observations de Stéphane Mauné, ibid., pp. 78-80 et P. Garmy, L. Schneider, « Lodève et son territoire dans l’Antiquité et le Haut Moyen Âge », in M. ClavelLévêque et A. Vignot (éds.), Cité et Territoire, II, op. cit., p. 231. 81 Stéphane Mauné, in M. Lugand, I. Bermond (dir.), CAG 34/2 : Agde et le Bassin de Thau, Paris, 2001, pp. 85-86 et Fig. 19 pour les rapports avec Aumes dont le territoire est évalué à 1.800 hectares. 82 Monique Clavel-Lévêque, « La centuriation coloniale Béziers C », in M. ClavelLévêque, A. Vignot (éds.) Atlas historique des cadastres antiques d’Europe, I, Luxembourg, 1998, p. 3. 83 Michel Christol, « Cités et territoires autour de Béziers à l’époque romaine (France) », in M. Clavel-Lévêque, A. Vignot (éds.), Cité et Territoire, II, op. cit., pp. 209-222. 84 Un fossé orienté à 26° Ouest correspondant à une limite parcellaire, isocline à la centuriation coloniale Béziers C, comblée « autour de la seconde moitié du Ier s. avant », un établissement agricole venant s’implanter au Ier s. de notre ère, a été mis au jour à La Crouzette (Agde), Cécile Pardies, Bilan scientifique SRA/DRAC Languedoc-Roussillon, 2008, p. 113. 85 Hygin l’Arpenteur, Constitutio limitum, L’Établissement des limites, Th. 143, traduction M. Clavel-Lévêque et alii, Naples, 1996, pp. 52-55. 86 Athanase Rizakis vient de montrer la discontinuité spatiale dans le territoire de la colonie de Philippes, « Une préfecture dans le territoire colonial de Philippes. Nouvelles données », in S. Demougin et J. Scheid (dir.), Colons et colonies dans le monde romain, Rome, 2012, pp. 87-105. 87 Jean Peyras, « Espaces centuriés et non centuriés des colonies sous le Haut-Empire romain d’après les écrits d’arpentage latins », Les Hommes et la Terre dans la Méditerranée gréco-romaine, Pallas, 64/2004, pp. 77-89. 88 Luigi Capogrossi Colognesi, « Spazio private e spazio publico », in S. Quilici Gigli (a cura di), Forma della Città e del Territorio, Rome, 1999, pp. 17-41. 89 Le comput utilisé par facilité doit donc être tenu pour indicatif en ce qui concerne les kardines. 90 Le léger décalage des kardines, dû aux difficultés de franchissement de l’Hérault, avait conduit à proposer l’hypothèse d’un réseau Cessero, qu’il faut abandonner. 91 À Garissou, le gué, dont deux états antiques ont été fouillés, a été implanté dans la seconde moitié du Ier s. de notre ère : Laurent Vidal et Jean-Louis Andrieu, in L. Vidal, B. Bonifas et Cl. Labarussat, Principaux résultats des opérations archéologiques menées en préalable à la création de la Rocade Nord de Béziers, Rapport dactylographié. 92 Le diagnostic réalisé sur la limite entre Béziers et Boujan à Mazeran a révélé une très forte densité de vestiges dont « 150 fosses de plantation et au moins une quinzaine de fossés p[ou]v[a]nt être rattachés à la cadastration Béziers C », Boris Morhain, « Fouilles de Mazeran. Béziers (Hérault) », DHA, 37/1, 2011, p. 193, qui signale aussi la présence de quelques traces, recoupées par Béziers C, correspondant à l’orientation Béziers E-Luteva.

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Notes

Elle correspond, d’après le fouilleur, à un axe théorique, le 6e kardo UK, du schéma que j’ai proposé pour cette centuriation, Boris Morhain, « Fouilles de Mazeran. Béziers (Hérault) », ibid. On y a reconnu un réseau de fossés isoclines, un puits comblé au cours du Ier s. de notre ère à proximité d’un carrefour de fossés, une voie, possible axe cadastral, limitant les parcelles viticoles, Boris Morhain, CAG 34/4, 421, pp. 354-355. 94 Elian Gomez, CAG 34/4, 385, p. 341. 95 Avec le 5e kardo UK, Garissou III (Béziers), CAG 34/4, 342, p. 326. 96 Laurent Vidal, Aménagement et mise en valeur des campagnes de la Protohistoire au Moyen Âge dans le Sud de la France, op. cit. 97 Parmi ceux qui ont été mis au jour dans la dépression asséchée, dont ils réactivent massivement les écoulements naturels, Loïc Buffat, Ludovic Le Roy, Josselyne Guerre, « Fouilles du Gasquinoy, Béziers (Hérault) », DHA, 33/1, 2007, pp. 167-168 et Rapport DRAC/ INRAP 2007. 98 Rapport DRAC 2009, Fouilles Francesca Diosono, et ici même supra pp. 82-83. La fouille du tronçon, suivi sur une trop courte distance, n’a pas permis de savoir s’il s’agit du départ d’une voie ou d’un accès au site bordier. 99 Stéphane Mauné, Les Campagnes de la cité de Béziers dans l’Antiquité (partie nordorientale), IIe av. J.-C.-VIe s. ap. J.-C., op. cit., pp. 76 et 307-313. 100 Ibid., p. 76. 101 Hygin l’Arpenteur, L’Établissement des limites, Th. 164 : ut a possessoribus velut terminis fines optineantur et traduction M. Clavel-Lévêque et alii, Naples-Luxembourg, 1996, p. 141. 102 ILGN, 560. Je dois à l’amitié de René Lautard les renseignements qu’apportent ses recherches de terrain. 103 Le fragment de Prat-Merle/Cabrels provient d’une tombe datée du Haut-Empire, CAG 34/5, 224-05, p. 423. 104 CIL, XII, 4238. 105 Michel Christol, « Note sur l’inscription de Marennes (commune d’Aumes) », Études sur Pézenas et sa région, 1970, 4, pp. 5-13 et Stéphane Mauné, Les Campagnes de la cité de Béziers dans l’Antiquité (partie nord-orientale), IIe av. J.-C.-VIe s. ap. J.-C., op. cit., qui note l’accentuation du déclin de l’oppidum dans le dernier tiers du Ier siècle avant, p. 82. 106 Stéphane Mauné, ibid., p. 393 et G. Depeyrot, M. Feugère, P. Gauthier, « Prospections dans la moyenne et basse vallée de l’Hérault. Monnaies et petits objets », Archéologie en Languedoc, 1986 (4), pp. 146 et 163. 107 Le gentilice italien de la flaminique, qui reçoit, vers 70-80, l’hommage public des décurions de Béziers dans le mausolée du domaine familial, où la première ferme s’implante vers -25/+25, a des chances d’indiquer la localisaton d’un lot de colon. 108 L’alignement d’amphores plantées à l’envers qui marque la limite est, on le sait, conforme aux indications de Siculus Flaccus. Sur le site, Stéphane Mauné, CAG 34/2, 285, 2*, pp. 351-352, avec bibliographie antérieure. 109 Grâce au décapage de 20 hectares, Loïc Buffat, Ludovic Le Roy, Josselyne Guerre, « Fouilles du Gasquinoy, Béziers (Hérault) », Dialogues d’Histoire Ancienne, 33/1, 2007, 93

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Notes

pp. 167-168 et Loïc Buffat, Josselyne Guerre, Ludovic Le Roy, CAG 34/4, 277, pp. 294305. 110 Même si leur orientation diffère de la centuriation coloniale dans cette zone puissamment drainée où d’autres impératifs ont joué, Loïc Buffat, Ludovic Le Roy, Josselyne Guerre, « Fouilles du Gasquinoy, Béziers (Hérault) », DHA, ibid. et Rapport DRAC/INRAP 2007. 111 À La Domergue (Sauvian) sur une dépression colmatée, à Vareilles (Paulhan) où, dans le troisième quart du Ier siècle avant notre ère, une ferme en dur très proche d’une villa remplace la ferme à enclos en matériaux périssables qui a duré de la fin du IInd siècle aux années 50-30. 112 Christophe Pellecuer, Iouri Bermond, « La villa et le domaine dans la région de l’étang de Thau de l’époque républicaine à la période du Haut-Empire (Hérault, France) », in M. Clavel-Lévêque, A. Vignot (éds.), Cité et Territoire, II, op. cit., pp. 59-61 et Christophe Pellecuer, La villa des Prés-Bas (Loupian, Hérault) dans son environnement. Contribution à l’étude de la villa et de l’économie domaniale en Narbonnaise, Thèse, Aix-en-Provence, 2000. 113 Stéphane Mauné, Les Campagnes de la cité de Béziers dans l’Antiquité (partie nordorientale), IIe av. J.-C.-VIe s. ap. J.-C., op. cit., p. 77. 114 Christophe Pellecuer, « Des vignes mais aussi des emblavures : la part de la production des céréales dans les campagnes biterroises à l’époque romaine », communication lors de la Journée organisée par le Conseil général de l’Hérault « Le premier cycle du vin », Bayssan (Béziers), 15-16 septembre 2012. 115 Deux moulins hydrauliques ont été mis au jour à Vareilles (Paulhan) par Stéphane Mauné et le riche domaine des Fangasses-Est (Béziers), implanté à moins de 100 m de la voie domitienne, disposait d’un important moulin alimenté par un aqueduc, Elian Gomez, CAG 34/4, 278, pp. 305-307. 116 Laurent Fabre, « L’apport des fouilles de l’A 75 », communication au séminaire Béziers et ses campagnes à l’époque romaine, 5/11/2012, dans le cadre du séminaire Villes et campagnes, Université Montpellier III. 117 La villa a connu une longue occupation de la fin du Ier s. avant à la fin de l’Antiquité, CAG 34/5, 329-16, pp. 562-563. 118 Stéphane Mauné, Les Campagnes de la cité de Béziers dans l’Antiquité (partie nordorientale), IIe av. J.-C.-VIe s. ap. J.-C., op. cit., pp. 76-77, fig. 21 et p. 426. 119 La centurie est définie par le 10e decumanus SD et le 19e kardo UK, Monique ClavelLévêque, « L’implantation coloniale et l’aménagement du territoire de Béziers », in M. Clavel-Lévêque, A. Vignot (éds.), Cité et Territoire, II, op. cit., p. 25, fig. 13. 120 Marie-Geneviève Colin, Laurent Schneider, Laurent Vidal, « Roujan-Medilianum (?) de l’Antiquité au Moyen Âge. De la fouille du quartier des sanctuaires à l’identification d’une nouvelle agglomération de la cité de Béziers », Revue Archéologique de Narbonnaise, 40, 2007, pp. 117-183. 121 Il s’agit des centuries SD17 UK 22, SD18 UK 22, SD17 UK 23, SD18 UK 23.

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Notes

Marie-Geneviève Colin, Laurent Schneider, Laurent Vidal, « Roujan-Medilianum (?) de l’Antiquité au Moyen Âge. De la fouille du quartier des sanctuaires à l’identification d’une nouvelle agglomération de la cité de Béziers », loc.cit., p. 131. 123 Supra pp. 40-41. 124 Marie-Geneviève Colin, Laurent Schneider, Laurent Vidal, « Roujan-Medilianum (?) de l’Antiquité au Moyen Âge. De la fouille du quartier des sanctuaires à l’identification d’une nouvelle agglomération de la cité de Béziers », loc. cit., pp. 165-167. 125 C’est notamment le cas dans l’Ouest Biterrois, plus tôt, semble-t-il, que dans les zones plus orientales, Ludovic Le Roy, Éric Dellong, « L’occupation du sol autour de l’étang de montady, du premier Âge du Fer au Moyen Âge : une première synthèse des prospections du PCR “Autour de l’étang de Montady” », in V. Ropiot et alii, Les Plaines littorales en Méditerranée nord-occidentale, op. cit., p. 47. 126 Christophe Pellecuer, « Les territoires de la villa et de l’agglomération : quelques réflexions à propos de la Narbonnaise occidentale », in Alain Bouet, Territoires et paysages de l’Âge du Fer au Moyen Âge, Bordeaux, 2005, pp. 101-110. 127 Parmi les exemples, voir Laurent Vidal, « Données récentes sur les traces matérielles de l’élaboration des paysages languedociens, Sauvian (Hérault), Trou de Bessou », Dialogues d’Histoire ancienne, 19/2, 1993, pp. 345-346. 128 Ces novales qu’évoque Servius (G 17). 129 Pour le Nord-Est, Stéphane Mauné, Les Campagnes de la cité de Béziers dans l’Antiquité (partie nord-orientale), IIe av. J.-C.-VIe s. ap. J.-C., op. cit., pp. 107-114, interroge le rôle de la « période de création (...) dans le phénomène d’abandon du milieu du IInd siècle ». 130 Notamment Libri coloniarum, I, 220, 1-4 et 222,14-223, 4 et Monique Clavel-Lévêque et François Favory, « Les gromatici veteres et les réalités paysagères ; présentation de quelques cas », in O. Behrends, L. Capogrossi Colognesi (eds.), Die römische Feldmesskunst, Göttingen, 1991, pp. 88-139. 131 Voir l’exemple de la commune de Nézignan-L’Évêque dans Monique Clavel-Lévêque, « L’implantation coloniale et l’aménagement du territoire de Béziers », in M. ClavelLévêque, A. Vignot (éds.), Cité et Territoire, II, op. cit., p. 26, fig. 14. 132 Luigi Capogrossi Colognesi, « Spazio private e spazio publico », loc. cit., pp. 31-33. 133 Près du carrefour entre le SD 9 et l’axe fort du 2e kardo UK, Monique Clavel-Lévêque, « Le réseau colonial Béziers C », in M. Clavel-Lévêque, A. Vignot (éds.), Atlas historique des cadastres d’Europe, Luxembourg, 1998, Dossier II, p. 9. 134 Entre le 13e kardo UK et le 1er decumanus DD. 135 Pomponius Mela, De Chorographia, V, 75 et 80. 136 Constituée sur des centuries de 10 actus, elle atteindrait à l’Est le Lez, au Nord Lodève et, à l’Ouest, l’Aude et la Nazoure pour Antoine Pérez, Les Cadastres antiques en Narbonnaise occidentale. Essai sur la politique coloniale romaine en Gaule du Sud (IIe s. av. J.-C.- IIe s. ap. J.-C.), op. cit. pp. 190-191 et 224-227. 137 L’inflation de réseaux cadastrés, dont peu de traces ont été retrouvées sur le terrain, tels qu’il sont proposés par Antoine Pérez pour le Biterrois, onze au total, dont 5 possiblement réalisés en un demi-siècle, entre 49 avant J.-C. et 14 de notre ère, créerait une situation 122

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Notes

totalement inédite. Rien ne pouvant l’illustrer dans les données informatives des auteurs gromatiques, et aucune comparaison n’étant envisageable, on retient donc ici les seuls réseaux archéologiquement bien attestés. 138 Les corrélations avancées avec des artefacts archéologiques ponctuels, notamment avec les temples de Roujan, sont loin de s’imposer puisqu’apparaît une différence de 7/8 degrés comme le notent les archéologues : « On remarquera que le calage topographique réalisé par P.-Y. Genty pour le premier temple donne une orientation de ce dernier à 16°5’ E. N.L. ce qui reste tout de même assez éloigné de l’orientation du cadastre Béziers D », Laurent Vidal, Marie-Geneviève Colin, Laurent Schneider, « Saint-Jean (Roujan) », Enquête sur l’habitat groupé et les agglomérations secondaires d’époque romaine en Languedoc-Roussillon, Rapport dactylographié, pp. 7-8. 139 Monique Clavel-Lévêque, « Science alexandrine et jeux de construction en Biterrois », in N. Fick et J.-C. Carrière (éds.), Mélanges Étienne Bernand, Paris, 1991, pp. 155-164. 140 Il s’agit d’un rapport de quinte – 1x2=√5 – qui rythme la distribution des limites comme on peut l’observer entre Ponserme et Béziers, Monique Clavel-Lévêque, « Centuriation, géométrie et harmonie : le cas du Biterrois », in J.-Y.Guillaumin (éd.), Mathématiques dans l’Antiquité, Saint-Étienne, 1992, pp. 164 et 168-169. 141 Monique Clavel-Lévêque, « Le réseau centurié Béziers A », in M. Clavel-Lévêque, A. Orejas (éds.), Atlas historique des cadastres d’Europe, II, Luxembourg, 2002. 142 Daniela Ugolini, CAG 34/4, p. 172. 143 À proximité de la villa « Temple de Vénus ». 144 Jean-Louis Andrieu, Béziers. L’Aqueduc romain, op. cit., notamment pp. 118 et 130 et Fig. 28 A et B. Jean-Luc Espérou, Roland Haurillon, « L’aqueduc romain de Béziers », CAG 34/5, pp. 60-65, apportent quelques rectificatifs et précisent la mise en œuvre de la technique des quanats et les modalités de captage des nappes souterraines. 145 Ibid., p. 118. Jean-Louis Andrieu rappelle qu’« en règle générale les fontainiers romains ont tracé et réalisé l’aqueduc de Béziers en suivant les courbes de niveau du terrain naturel ». L’ouvrage passe en souterrain entre les points PK 9 et PK 11, sauf sur un court segment, du PK 9,0 au PK 9,4, où les fontainiers romains ont décidé de le faire passer en tranchée. 146 Ibid., p. 130, plutôt qu’au début du second comme proposé aussi, en fonction, notamment, de la bonne qualité du béton, très soigné, mis en œuvre dans cet ouvrage (pp. 101-106). 147 Au sein d’un parcellaire isocline, massivement dominant, la « voie Nord/Sud », dont l’emprise est conforme aux normes gromatiques – 6,90 m de large soit 24 pieds –, correspond, en effet, avec un léger décalage, au tracé théorique du 3e kardo UK. Identifiée par plusieurs sondages, elle est restituable sur 175 m, voire sur près de 300 d’après Laurent Vidal, « Un domaine antique en Biterrois, La Domergue à Sauvian (Hérault) », in M. Clavel-Lévêque, A. Vignot (éds.), Cité et Territoire, II, op. cit., pp. 41-42 et fig. 9,10 et 11. 148 Dans la renormation, la villa de La Domergue (Sauvian) se trouve ainsi au carrefour de l’UK 3 et du DD 2.

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Notes

Respectivement le 6e kardo CK, et le 1er kardo UK. La fouille du site, en limite des communes de Sérignan et Valras, a été assurée par JeanClaude Rieux, « Valras-Plage (34), site de Butte Cimetière I », DHA, 16/2, 1990, p. 356 et Sérignan-Butte Cimetière 300-09 in CAG 34/5, pp. 503-505. 151 Ce chantier a également permis de recouper un fossé, perpendiculaire à cet axe, qui reprend, lui, le tracé théorique du 9e decumanus DD. 152 On peut suivre le 10e kardo UK sur quelque 9 centuries, dont 5 sans interruption au Sud de Servian, le 3e CK, clairement marqué de part et d’autre de Corneilhan, ou encore les 7e et 8e autour de Murviel-les-Béziers. 153 Il s’agit, outre les structures médiévales, sur un site où la présence de colons carolingiens est connue en 815, d’un ensemble cohérent de fossés antiques dont un réseau est isocline à Béziers A, Olivier Ginouvez, « Béziers (Hérault). Saint-Jean d’Aureilhan », DHA, 19/2, 1993, pp. 342-343 et Laurent Vidal, CAG 34/4, 392, p. 345. 154 Elian Gomez, CAG 34/4, 399, p. 347 et CAG 34/5, Villeneuve-les-Béziers, Sahuc, 33614, p. 576. 155 Christian Olive, Daniela Ugolini, CAG 34/4, 446, p. 359 : le chemin, large de 3,10 m, a été suivi sur 175 m, dans un parcellaire caractérisé par des traces de plantation de vignes. À l’Est encore, à La Méridienne, un chemin isocline est associé à des fosses de plantations viticoles, Bilan Scientifique SRA 2011, p. 121. 156 Des fossés qui n’ont pu être datés lors de l’aménagement de la zone Via Europa (Vendres) s’inscrivent dans l’orientation du réseau Béziers A, CAG 34/5, 329-27, p. 567. 157 Sur cette question, voir Monique Clavel-Lévêque et François Favory, « Les gromatici veteres et les réalités paysagères ; présentation de quelques cas », loc. cit., pp. 88-139. 158 CAG 34/5, 329-16, pp. 562-563 et supra p. 116. 159 Infra pp. 141-145 pour les transformations drastiques que connaissent les sites viticoles, comme La Domergue (Sauvian), Vareilles (Paulhan) ou Saint-Bézard (Aspiran). 160 L’intervention, très probable, des autorités dans le choix du tracé de l’aqueduc de Béziers pourrait, on l’a vu, l’indiquer, à l’époque flavienne précisément. 161 Jean Peyras, « Colonies et écrits d’arpentage au Haut-Empire », in Histoire, Espaces et Marges de l’Antiquité, 2, Hommages à Monique Clavel-Lévêque, Paris, 2003, pp. 51-56. Beaucoup de difficultés ont notamment concerné les subsécives, comme Jean Peyras l’a bien mis en évidence. 162 Infra p. 139. 163 Jean Peyras, « Colonies et écrits d’arpentage au Haut-Empire », loc. cit. 164 Infra pp. 143-145. 165 Iouri Bermond, « L’occupation du Haut-Empire », CAG 34/2, pp. 93-99. 166 Elian Gomez, CAG 34/4, p. 135. 167 Stéphane Mauné, Corine Sanchez et alii, « L’établissement des Jurièires Basses à Puissalicon (34) et l’occupation du sol dans la moyenne vallée du Libron : contribution à l’histoire des campagnes biterroises dans l’Antiquité », in M. Clavel-Lévêque, A. Vignot (éds.), Cité et Territoire, II, op. cit., pp. 80-89 et 106-107 et CAG 34/5, 224-21, pp. 426427. 149

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Notes

168 Christophe Pellecuer, Hervé Pomarèdes, « La céramique commune brune orangée biterroise (BOB) », Lattara, 6, Dicocer, 1993, pp. 141-143. 169 Marianne Dodinet, « La production céramique gallo-romaine à bord noirci et à pâte cendrée dans le Biterrois », Documents d’Archéologie méridionale, 1988, pp. 135-143. Il faut citer aussi les ateliers de Boujan, le Village in CAG 34/5, 037-06, p. 126 et Servian, Le Capitou, 300-03, pp. 507-508. 170 Stéphane Mauné, Julie Lescure, « La typochronologie de la céramique brune orangée biterroise (BOB). État de la question et perspectives (IIe-IIIe siècles ap. J.-C.) », in Les Productions céramiques en Hispanie Tarraconaise, IIe av.-VIe après. Actualité des recherches céramiques, Marseille, 2008, pp. 813-836. 171 Marianne Dodinet, « Le Mas de Bourgade », Gallia, 41/2, 1983, p. 524. L’atelier est, en effet, calé sur le 11e kardo UK de Béziers A. 172 Il est installé sur le 6e decumanus DD et le 9e kardo CK de la centuriation coloniale. 173 Son emprise a laissé des traces isoclines importantes entre Bessan et Marseillan. 174 Particulièrement dans les terroirs de Puimisson, Corneilhan, Pailhès, Thézan-lesBéziers. 175 Arnaud Gaillard, « Secteur Roquessels-Les Combes (Tourbes, Valros) », in Bilan Scientifique SRA 2008, pp. 172-173, signale nombre de fosses et fossés qui signent la « relative prégnance des centuriations du Biterrois », B, C et, probablement, A. 176 Hygin l’Arpenteur, L’Établissement des limites, Th. 142, Texte traduit par Monique Clavel-Lévêque et alii, Naples, 1994, pp. 50-51. 177 Siculus Flaccus, Les Conditions des terres, Th. 129, Texte traduit par Monique ClavelLévêque et alii, Naples, 1993, pp. 100-101. 178 On l’a noté aussi autour du site augustéen Montferrier-Est (Pézenas), où la renormation coloniale intègre les aménagements antérieurs, supra pp. 123-125 et Monique Clavel-Lévêque, « L’implantation coloniale et l’aménagement du territoire de Béziers », in M. Clavel-Lévêque, A. Vignot (éds.), Cité et Territoire, II, op. cit., pp. 25-26.

Notes du chapitre 5 : La viticulture et les paysages du vin Surtout dans le cadre des fouilles préventives pilotées par le Ministère de la Culture en 1999-2000, liées notamment au chantier autoroutier de l’A 75, depuis Aspiran et Clermont-l’Hérault jusqu’à Valros, Tourbes et Montbazin/Poussan. 2 Pour une vue générale, voir Jean-Pierre Brun, Le Vin et l’huile dans la Méditerranée antique. Viticulture, oléiculture et procédés de fabrication, Paris, 2003 et Loïc Buffat, Christophe Pellecuer et alii, « La viticulture antique en Languedoc-Roussillon », in J.P. Brun, F. Laubenheimer (dir.), La Viticulture en Gaule, Gallia, 58, 2001, pp. 91-111. 3 Philippe Marinval, « Vigne sauvage et vigne cultivée dans le Bassin méditerranéen, émergence de la viticulture : contribution archéobotanique », in G. Dutruc-Rosset (dir.), L’Histoire du vin : une histoire de rites (Actes de la table-ronde de Béziers 1995), Paris, 1997, pp. 137-172. 4 Entre le IVe et le IInd siècle avant notre ère. À Saint-Jean du désert à 4 km de Marseille. 1

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Notes

5 À Coudouneu (13) et au IVe s. sur l’île de Martigues, Laurent Bouby et Philippe Marinval, « La vigne et les débuts de la viticulture en France : apports de l’archéobotanique », La Viticulture en Gaule, Gallia, 58, 2001, pp. 13-28. 6 Michel Py et Ramon Buxo i Capdevila, « La viticulture en Gaule à l’Âge du Fer », Gallia, 58, 2001, p. 35. 7 Michel Py et Ramon Buxo i Capdevilla, « La viticulture en Gaule à l’Âge du Fer », ibid. p. 42, pour qui les Étrusques ont pu, dans le cas de Lattes, « contribuer à la transmission d’une technique qu’ils maîtrisaient parfaitement ». 8 Elian Gomez, CAG 34/4, 380, p. 340. 9 Elian Gomez, communication lors de la Journée organisée par le Conseil général de l’Hérault « Le premier cycle du vin », Bayssan (Béziers), 15-16 septembre 2012. 10 Fouilles Ludovic Le Roy, qui ont mis au jour, en 2006, à Colombiers (Malpas), au pied d’Ensérune, des fragments d’amphores étrusques et massaliètes, Rapport DRAC SRA Languedoc-Roussillon, Montpellier, 2007. 11 Lucie Chabal a présenté les premiers résultats des analyses de carporestes, notamment des vingt-cinq fragments de pépins retrouvés lors des sondages réalisés dans le cadre du PCR, in J.-L. Abbé (dir.), Autour de l’étang de Montady. Espace, environnement et mise en valeur du milieu humide en Languedoc, des oppida à nos jours, Rapport bilan 2004-2010 du PCR, 2013, pp. 95-99. 12 Coline Ruiz Darasse, « Langues et écritures dans le Biterrois de l’âge du Fer », CAG 34/5, p. 32. 13 Jean Jannoray, Ensérune. Contribution à l’étude des civilisations préromaines de la Gaule méridionale, Paris, 1955, pp. 230-232, 436-437 et J.-P. Tardieu, Recherches sur les « dolia » dans le Midi de la Gaule (VIe av.-Ier ap.), Mémoire de maîtrise, Université de Provence, 1976, p. 39. 14 À Gailhan (Saint-Bonnet), Michel Py et Ramon Buxo i Capdevilla, « La viticulture en Gaule à l’Âge du Fer », loc. cit., p. 35, ont évalué les pépins de raisin à 10% environ de l’ensemble des espèces cultivées, en dehors de Lattes. 15 Daniela Ugolini, Christian Olive, in Bilan de la recherche archéologique depuis 1995, SRA-DRAC Languedoc-Roussillon, Montpellier, 2012, p. 68. 16 Stéphane Mauné, « La région du bassin de Thau et de la basse vallée de l’Hérault aux IIe et Ier siècles av. J.-C. : bilan et perspectives », CAG 34/2 : Agde et le Bassin de Thau, Paris, 2001, p. 92. Dans un contexte plus général, Elian Gomez sur Agde et Stéphane Mauné sur la production d’amphores italiques, in Fabienne Olmer (éd.), Itinéraires des vins romains en Gaule (IIIe-Ie av. J.-C.). Confrontation des faciès, Lattes, 2013. 17 Daniela Ugolini, Christian Olive, CAG 34/4 : Béziers, Paris, 2012, p. 107 et Elian Gomez, Agde et son territoire : VIIe-Ier s. avant J.-C., Thèse Université de Provence, 2010. Aux Barrettes (Agde), des bassins de décantation ont fonctionné de la fin du IInd siècle à la fin du I er av. notre ère. 18 Elian Gomez, ibid. et Daniela Ugolini, Christian Olive, Bilan de la Recherche archéologique depuis 1995, SRA-DRAC Languedoc-Roussillon, op. cit., pp. 68 et 73. 19 Supra pp. 100 sq.

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Notes

20 C’est vrai aussi pour le démarrage de la production minière, qui suit immédiatement la prise en main de la région par Rome. 21 Elian Gomez, CAG 34/4, 381, p. 340. 22 Ibid., 289, p. 309 et supra p. 107. 23 À La Domergue (Sauvian), les traces de défoncement en tranchées sont recouvertes par le cellier du Haut-Empire. Olivier Ginouvez, « Un vaste site rural d'époque romaine récemment fouillé sur le territoire de la cité de Béziers », in M. Clavel-Lévêque, R. PlanaMallart (dir.), Cité et territoire, I, Paris, 1995, pp. 169-173 et Laurent Vidal, « Un domaine antique en Biterrois : La Domergue à Sauvian (Hérault) », in M. ClavelLévêque, A. Vignot (éds.), Cité et territoire, II, Paris, 1998, pp. 31-53. 24 Plusieurs sites indigènes réaménagés après la conquête, dont l’établissement de Vareilles (Paulhan), se situent sur ou à proximité immédiate des axes du cadastre précolonial Béziers B. 25 Vers Magalas-Bassan-Servian et dans la moyenne vallée de l’Hérault. 26 Ludovic Le Roy, Éric Dellong, « L’occupation du sol autour de l’étang de Montady, du premier Âge du Fer au Moyen Âge : une première synthèse des prospections du PCR “Autour de l’étang de Montady” », in V. Ropiot, C. Puig, F. Mazière (dir.), Les Plaines littorales en Méditerranée nord-occidentale, Montagnac, 2012, pp. 43- 46. 27 Deux établissements y sont alors créés. 28 Supra pp. 35-41 et Monique Clavel-Lévêque, « Terre, contrôle et domination. Révoltes et cadastres en Transalpine », in M. Doi, T. Yuge (eds.), Forms of control and subordination in Antiquity, Tokyo, 1988, pp. 177-208, repris dans Monique ClavelLévêque, Puzzle gaulois. Les Gaules en mémoire : images, textes, histoire, Paris, 1989, pp. 213-254. 29 J’ai discuté la question du De Republica dans mon Béziers et son territoire dans l’Antiquité, Paris, 1970, pp. 313-315. Quant à l’autre dialogue fictif, celui que Varron, quasiment à la même date, met en scène dans ses Res Rusticæ (rédigé en 37 mais situé entre 59 et 57), la Gaule transalpine y trouve place. Quelle que soit la date exacte du commandement militaire de Tremellius Scrofa, qui a traversé la province en montant vers le Rhin, ce qui importe pour notre propos c’est son constat, qui implique l’existence d’une viticulture déjà assez bien implantée « à l’intérieur » de la province, Monique ClavelLévêque, « Potentialités naturelles et viticulture : le cas du Languedoc méditerranéen central », in M. Clavel-Lévêque, E. Hermon (éds.), Espaces intégrés et Ressources naturelles dans l’Empire romain, Paris, 2004, pp. 77-94. 30 Oriol Olesti, « Els inicis de la produccio vinicola a Catalunya : el paper del mon indigena », in El Vi a la Antiguitat. Economia, producció i comerç al Mediterrani occidental, Badalona, 1998, pp. 246-257, et Monique Clavel-Lévêque et Oriol Olesti, « Regards croisés sur la viticulture en Catalogne et en Languedoc », in A. Orejas, D. Mattingly, M. Clavel-Lévêque (eds.), From Present to Past through Landscape, Madrid, 2009, pp. 85-117.

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Notes

Mathieu Poux et alii, « Témoignages archéologiques et littéraires d’une production de vin sur le territoire colonial de Lugdunum », La Vigne et le vin dans les Trois Gaules, Gallia, 68/1, 2011, pp. 13-91. 32 Hygin l’Arpenteur, Constitutio limitum, L’Établissement des limites, Th. 162-164, traduction M. Clavel-Lévêque et alii, Naples, 1996, pp. 134-141. 33 Contrairement à ce qu’ont noté Ludovic Le Roy et Éric Dellong, « L’occupation du sol autour de l’étang de Montady », in V. Ropiot, C. Puig, F. Mazière (dir.), Les Plaines littorales en Méditerranée nord-occidentale, op. cit., p. 47. 34 Ludovic Le Roy, Éric Dellong, ibid., pp. 33-61, où la prégnance de la centuriation coloniale est clairement sous-estimée. 35 Olivier Ginouvès, Thierry Janin, Laurent Vidal, Pierre Poupet, « Paléosols et structures agraires enfouies : quelques exemples d’approche du paysage rural », Archéologie et Espaces, Juan-les-Pins, 1990, pp. 383-418, Laurent Vidal, Aménagement et mise en valeur des campagnes de la Protohistoire au Moyen Âge dans le Sud de la France, op. cit. et Josselyne Guerre et alii, « La Courondelle phase 2 », Rapport DRAC/INRAP 2007. 36 Quatre dolia retrouvés en place peuvent indiquer la présence d’un éventuel chai, CAG 34/4, 340, p. 325. 37 Boris Morhain, « Fouilles de Mazeran (Béziers, Hérault) », DHA, 37/1, 2011, p. 177 et CAG 34/4, 421, pp. 354-355. Sur l’environnement cadastral voir supra. 38 Notamment aux arbres fruitiers, bien attestés à proximité des bâtiments, et aux céréales, faiblement représentées, qu’indique la présence de blé nu et d’orge, Isabel Figueiral, Laurent Bouby, Loïc Buffat, Jean-Frédéric Terral, « Archaeology, vine growing and wine producing in Roman Southern France : the site of Gasquinoy (Béziers, Hérault) », Journal of Archaeological Science, 37, 2010, pp. 139-149, avec le tableau des espèces retrouvées sur le site. 39 Hervé Pomarèdes, Rapport DRAC/INRAP 2011 et CAG 34/5, 298-24, pp. 487-492. Que Patricia Valéry, qui m’a aimablement communiqué la documentation, trouve ici l’expression de ma gratitude. 40 Cécile Jung, « Les cultures et les pratiques agricoles antiques dans la cité de Béziers. L’exemple de la viticulture et de l’arboriculture sur l’autoroute A 75 (Pézenas-Béziers, Hérault) », in The Territory and its ressouces, Girona, 2009, pp. 85-97 et CAG 34/5, 32507, p. 537. 41 Infra p. 159. 42 En outre, l’abondance de dolia constitue, lors des prospections de surface, un indicateur relativement fiable pour signaler la probabilité de la présence d’un chai. 43 L’établissement, qui est abandonné dès la fin du Ier siècle, s’est installé sur un petit coteau qui borde la dépression pour exploiter les sols limoneux, argilo-sableux, accumulés par l’érosion des sols feldspathiques, érosion qui s’intensifie fortement avec l’installation de l’établissement romain, Laurent Vidal et alii, « Données récentes sur les traces matérielles de l’élaboration des paysages languedociens, Sauvian (Hérault) Trou de Bessou », DHA, 19/2, 1993, pp. 345-346. 31

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Notes

44 Bilan Scientifique DRAC/SRA Languedoc-Roussillon 1995, Montpellier, 1996 et Christophe Pellecuer, Loïc Buffat et alii, « La viticulture antique en LanguedocRoussillon », loc. cit., p. 96. 45 D’après le constat livré par Philippe Boissinot, « Archéologie des vignobles antiques du sud de la Gaule », Gallia, 58, 2001, pp. 45-68 et Christophe Pellecuer, Loïc Buffat et alii, « La viticulture antique en Languedoc-Roussillon », loc. cit., pp. 91-111. 46 Les diagrammes de l’étang de Capestang montrent sa progression à partir du VIe s. avant notre ère et les analyses polliniques, réalisées en 1991 au laboratoire de Chrono-Écologie de l’Université de Besançon, à partir de 8 échantillons prélevés à Font de Cougoul (Béziers) sur la Rocade Nord, ont montré une présence significative de l’olivier, dans des niveaux pourtant relativement pauvres en matière organique. 47 À La Lesse-Espagnac (Sauvian), où la pars rustica compte cuves et plusieurs celliers à dolia, le domaine s’est organisé avec deux grandes unités, vignes à l’Est et plantations arboricoles au Sud de l’espace résidentiel, Daniela Ugolini, Christian Olive, Bilan de la Recherche archéologique depuis 1995, DRAC SRA, op. cit., pp. 112-114. Et le Gasquinoy a également documenté la présence des arbres fruitiers. 48 Cécile Jung, « Les cultures et les pratiques agricoles antiques dans la cité de Béziers. L’exemple de la viticulture et de l’arboriculture sur l’autoroute A 75 (Pézenas-Béziers, Hérault) », loc. cit., pp. 85-97. 49 Daniela Ugolini, Christian Olive, CAG 34/4, 305, p. 316. 50 Ce vignoble était sans doute exploité aussi par deux autres fermes voisines, Hervé Pomarèdes, in L. Buffat, Ch. Pellecuer et alii, « La viticulture antique en LanguedocRoussillon », loc. cit., pp. 99-101 et H. Pomarèdes, S. Barberan, L. Fabre, Y. Rigoir, La Quintarié (Clermont-l’Hérault, 34). Établissement agricole et viticulture, atelier de céramiques paléochrétiennes DSP (Ier-VIe s. ap. J.-C.), Montagnac, 2005. 51 Si l’on suit l’évaluation moyenne proposée par Laurent Vidal, « Un domaine antique en Biterrois, La Domergue à Sauvian (Hérault) », in M. Clavel-Lévêque, A. Vignot (éds.), Cité et Territoire, II, op. cit., p. 50. 52 Stéphane Mauné, « La villa gallo-romaine de “Vareilles” à Paulhan (Hérault, Fouilles de l’autoroute A 75). Un centre domanial du Haut-Empire spécialisé dans la viticulture », Revue archéologique de Picardie, 1-2, 2003, pp. 309-337. 53 Stéphane Mauné, in L. Buffat, Ch. Pellecuer et alii, « La viticulture antique en Languedoc-Roussillon », loc. cit., pp. 101-103. 54 Pour Stéphane Mauné, Les Campagnes de la cité de Béziers dans l’Antiquité (partie Nordorientale), IIe s. av.- VIe s. ap. J.-C., op. cit., pp. 71-88, toutes périodes confondues, les établissements liés à la viticulture seraient essentiellement des sites de taille moyenne (42%). 55 Pour l’historique des fouilles, CAG 34/5, 329-16, pp. 562-563. 56 Signalé dès la fin du XIXe siècle, cet établissement très important, occupé de la fin du Ier s. avant à la fin du IIIe, qui n’a été fouillé que partiellement dans sa partie résidentielle par Joseph Giry dans les années 1970-1989, se trouve dans un état de conservation déplorable et reste pratiquement inédit, CAG 34/5,135-13, pp. 243-252.

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Notes

Loïc Buffat, Christophe Pellecuer, Stéphane Mauné, Hervé Pomarèdes, « La viticulture antique en Languedoc-Roussillon », loc. cit., p. 96. 58 La carte d’occupation des sols nourrie par les investigations de l’abbé J. Giry, par les prospections systématiques conduites par la Société archéologique de Valras et le Centre d’histoire ancienne de l’Université de Besançon, avec la part décisive de Jean-Claude Rieux, a été vérifiée et complétée par les campagnes conduites dans le cadre du PCR « Autour de l’étang de Montady » sous la responsabilité de Ludovic Le Roy. 59 Plusieurs de ses axes desservant des villæ ont été datés, supra p. 123. 60 Hygin, Les Conditions des terres, Th. 78, traduction commentée Okko Behrends et alii, L’Œuvre gromatique, Luxembourg, 2000, pp. 33, 48. 61 Sur la cohérence de l’édit, Gerardo Pereira Menaut, « El edicto de Domiciano sobre el vino y la economia politica romana en el alto Imperio », in El Vi a la Antiguitat. Economia, producció i comerç al Mediterrani occidental, op. cit., pp. 349-365. 62 Suétone, Domitien, VII. 63 Jean-Claude Béal et Gérard Lucas, « La viticulture dans la partie occidentale du territoire allobroge. Révision de quelques données archéologiques et des sources textuelles », La Vigne et le vin dans les Trois Gaules, Gallia, 68/1, 2011, pp. 215-235. 64 Jean-Pierre Garcia, avec la collaboration de Sébastien Chevrier et de Nicole Fick, « Une vigne gallo-romaine de plaine à Gevrey-Chambertin (Côte d’Or), Ier-IIe ap. J.-C. : implications pour le développement des terroirs viticoles des coteaux de Bourgogne », La Vigne et le vin dans les Trois Gaules, Gallia, 68, 1, 2011, pp. 93-110. 65 Marie-Pierre Zannier, Paysages du grand domaine et normes agronomiques de Caton à Pline l’Ancien. Représentations de l’espace et « bonne mesure », Thèse, Université du Maine, 3 volumes, Le Mans, 2007. 66 Sur ces localisations, Philippe Boissinot, « Les vignobles antiques du midi de la France », in F. Vermeulen, M. De Dapper (dir.), Geoarchaeology of the Landscapes of Classical Antiquity, Ghent, 1998, pp. 71-84 et « Archéologie des vignobles antiques du sud de la Gaule », loc. cit., pp. 45-68. 67 La viticulture de coteau est très présente dans le Nord Biterrois, dans la zone de l’atelier de Laurens, par exemple, parallèlement à son implantation dans les terres alluviales de la plaine de l’Hérault, avec une attirance pour les terroirs de plaine et de dépression qui suppose la maîtrise de l’eau. 68 Sylvain Bruckert, Monique Clavel-Lévêque, « Organisation de l’espace rural biterrois en fonction des propriétés du milieu et des actions anthropiques dans l’Antiquité romaine », in J.-D. Gallandat, E. Landolt (éds.), Analyse et maîtrise des valeurs naturelles, Besançon, 1994, pp. 55-58 et Jean-François Ecoffet, « Apport de la pédologie à l’étude des paysages agraires antiques du Sud Biterrois », in M. Clavel-Lévêque, I. Jouffroy, A. Vignot (éds.), De la terre au ciel, I, Paysages et cadastres antiques, Paris, 1994, pp. 101-116. 69 L’établissement, qui est abandonné dès la fin du Ier siècle, s’est installé sur un petit coteau qui borde la dépression pour exploiter les sols limoneux, argilo-sableux, accumulés par l’érosion des sols feldspathiques, érosion qui s’intensifie fortement avec l’installation de l’établissement romain, Laurent Vidal, DHA, 1993, pp. 345-346. 57

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Notes

70 Isabel Figueiral, Laurent Bouby, Loïc Buffat, Hervé Petitot, Jean-Frédéric Terral, « Archaebotany, Vine growing and Wine producing in Roman Southern France : the site of Gasquinoy (Béziers, Hérault) », loc. cit., pp. 139-149. 71 Varron, Res Rusticæ, I, 6. 72 La rigoureuse sélection des boutures, dont il est producteur et vendeur, est la base de son argumentaire sur la rentabilité de la vitiviniculture, largement supérieure, selon lui, aux placements financiers, Jean-Christian Dumont, « Columelle 3, 3, 8-14 : calcul économique ou argument de vente ? », in Paul François, Le Vin de Rome, Pallas, 53, 2000, pp. 63-71. 73 Pline, Histoire Naturelle, XIV, 8. 74 Columelle, De Re Rustica, III, 2, 7, trad. J.-Ch. Dumont. 75 Pline, Histoire Naturelle, XIV, 4, 2. 76 Palladius, De Re Rustica, III, 9. 77 Stéphane Mauné a évoqué les hypothèses avancées à la suite des analyses conduites à l’Institut botanique de l’Université de Montpellier, communication lors de la Journée organisée par le Conseil général de l’Hérault « Le premier cycle du vin », Bayssan (Béziers), 15-16 septembre 2012. 78 Les données ont été obtenues par les analyses effectuées sur les sites du tronçon PézenasBéziers de l’autoroute A 75, Isabel Figueiral, Cécile Jung, Hervé Pomarèdes et alii, « La perception des paysages et des agro-systèmes antiques de la moyenne vallée de l’Hérault. Apports des biomarqueurs à l’archéologie préventive », in C. Delhon, F . Théry-Parisot, S. Thiébault (dir.), Des Hommes et des plantes. Exploitation du milieu et gestion des ressources végétales de la Préhistoire à nos jours, op. cit., pp. 415-430, avec bibliographie. 79 Sur ces affinités, http://www.google.fr/url?sa=t&rct=j&q=&esrc=s&source=web&cd=13&ved=0CEkQ FjACOAo&url=http%3A%2F%2Fwww.inrap.fr%2FArcheologie-du-vin%2FHistoiredu-vin%2FAntiquite%2FL-histoire%2FSciences%2Fp-13182-Les-traces-de-vigne-a-lepoquegalloromaine.htm&ei=ZKHOUo3RB5CS7Aa_pID4BA&usg=AFQjCNGtnyzAzTbbo me5jhmF_82cwFbAkw&bvm=bv.59026428,d.ZGU 80 CAG 34/5, Le Renaussas, 325-07, p. 544. 81 Laurent Bouby et alii, « La vigne sauvage (vitis vinifera subsp. Sylvestris) : une plante cultivée dans les établissements viticoles de la Narbonnaise ? », loc. cit., p. 133. 82 Jean-Frédéric Terral et alii, « Evolution and history of grapevine (Vitis vinifera L.) under domestication: new morphometric perspectives to understand seed domestication syndrome and reveal origins of ancient European cultivars », loc. cit., pp. 443-455. 83 Laurent Bouby et alii, « La vigne sauvage (vitis vinifera subsp. Sylvestris) : une plante cultivée dans les établissements viticoles de la Narbonnaise ? », loc. cit., pp. 129-139 et Jean-Frédéric Terral, Laurent Bouby, « La domestication et la diversification de la vigne (Vitis vinifera L.) : apport de l’archéobiologie », in J. Pérard et M. Perrot (dir.), Vignes, vins : Jeux et enjeux de la diversité, Rencontres du Clos-Vougeot (2011), Centre Georges Chevrier, Dijon, pp. 13-31.

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Notes

84 Je suis ici les analyses de Jean-Frédéric Terral et alii, « Evolution and history of grapevine (Vitis vinifera L.) under domestication: new morphometric perspectives to understand seed domestication syndrome and reveal origins of ancient European cultivars », loc. cit., pp. 443-455. 85 Avec une vingtaine de rangées et une soixantaine de fosses linéaires qui ont été datées antérieurement au IVe siècle, Olivier Ginouvès, Thierry Janin, Laurent Vidal, Pierre Poupet, « Paléosols et structures agraires enfouies : quelques exemples d’approche du paysage rural », loc. cit., pp. 383-418 et Laurent Vidal, Aménagement et mise en valeur des campagnes de la Protohistoire au Moyen Âge dans le Sud de la France, op. cit., p. 365. 86 Ces mesures s’inscrivent dans la fourchette des espacements reconnus en Narbonnaise, de 0,55 à 2,75 m, Philippe Boissinot, « L’archéologie des vignobles antiques en France », in A. Ciaci, P. Rendini, A. Ziffero (a cura di), Archeologia della vite e del vino in Toscana e nel Lazio, Borgo S. Lorenzo (FI), 2012, pp. 44-45. 87 Pour un pied romain mesuré à 0,296 m. 88 Leur taille se situerait entre 1.000 et 2.800 m2, Cécile Jung, « Les cultures et les pratiques agricoles antiques dans la cité de Béziers. L’exemple de la viticulture et de l’arboriculture sur l’autoroute A 75 (Pézenas-Béziers, Hérault) », loc. cit., pp. 85-97. 89 Cécile Jung, ibid., note pour les plantations mises au jour près du site de Rec de Ligno (Valros) : « On observe une variabilité des densités de plantation allant de 3.200 pieds/hectare à plus de 13.000 pieds/hectare, en restituant un pied de vigne à chaque extrémité de la fosse allongée ». 90 Isabel Figueiral, Cécile Jung, Hervé Pomarèdes et alii, « La perception des paysages et des agro-systèmes antiques de la moyenne vallée de l’Hérault. Apports des biomarqueurs à l’archéologie préventive », loc. cit., pp. 415-430. 91 Cécile Jung, « Les cultures et les pratiques agricoles antiques dans la cité de Béziers », loc. cit., pp. 88-89. 92 Monique Clavel-Lévêque, « Potentialités naturelles et viticulture : le cas du Languedoc méditerranéen central », loc. cit., p. 87. 93 Laurent Bouby et alii, « La vigne sauvage (vitis vinifera subsp. Sylvestris) : une plante cultivée dans les établissements viticoles de la Narbonnaise ? », loc. cit., p. 134. 94 Pline, Histoire Naturelle, XIV, 3. 95 Columelle, De Re Rustica, V, 4, 1. 96 Palladius, De Re Rustica, III, 11. 97 Pline, Histoire Naturelle, XVII, 35. 98 Monique Clavel-Lévêque, « Les vignes comme marqueur spatial dans les paysages cultivés : Gromatici et agronomes », in C. Brunet (éd.), Des Formes et des mots chez les Anciens, Besançon, 2009, pp. 217-222. 99 Varron, Res Rusticæ, I, 7. 100 Selon Laurent Vidal, Aménagement et mise en valeur des campagnes de la Protohistoire au Moyen Âge dans le Sud de la France, op. cit. 101 Les estampilles ont livré une douzaine de noms de potiers, outre Q. Julius Primus, Laetus de Barcelone, Vitulus de Pouzolles, Ateius, Quartus, Carus, Capito, Cornutus,

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Notes

Masclus aux noms italiens et Cintus, Vericundus, Senomanto évidemment gaulois, Stéphane Mauné, « La villa de Quintus Julius Primus, Aspiran (Hérault). Un centre domanial de Gaule Narbonnaise (Ier-Ve siècle apr. J.-C.) », Pallas, 84, 2010, pp. 111-143. 102 Supra pp. 102-103. 103 Michel Feugère, « Maîtres et esclaves dans l’économie de la Gaule méridionale », Instrumentum, 27, juin 2008, pp. 14-16. 104 Laurent Fabre, « L’apport des fouilles de l’A 75 », communication au séminaire Béziers et ses campagnes à l’époque romaine, 5/11/2012, dans le cadre du séminaire Villes et campagnes, Université Montpellier III. 105 CAG 34/5, Domaine de L’Hôpital (Vendres), 329-18, p. 564 et fig. 920. 106 Michel Feugère, « Plaidoyer pour la “petite épigraphie” : l’exemple de la cité de Béziers », in R. Haüssler (dir.), Épigraphie et romanisation dans les provinces occidentales, Montagnac, 2008, pp. 119-134. 107 Une marque sur dolium et deux bagues en alliage de cuivre portent le même texte, Q. JVLIVS PRIS, Stéphane Mauné et alii, « Premiers résultats des fouilles de l’atelier de potiers gallo-romains de Saint-Pargoire (Hérault, F) », Instrumentum, 20, juin 2005, pp. 34-36. 108 Isabel Figueiral, Laurent Bouby, Loïc Buffat, Hervé Petitot, Jean-Frédéric Terral, « Archaeobotany, vine growing and wine producing in Roman Southern France : the site of Gasquinoy (Béziers, Hérault) », loc. cit., pp. 139-149. 109 Loïc Buffat, Christophe Pellecuer, Stéphane Mauné, Hervé Pomarèdes, « La viticulture antique en Languedoc-Roussillon », loc. cit., p. 96. 110 Isabel Figueiral, Cécile Jung, Hervé Pomarèdes et alii, « La perception des paysages et des agro-systèmes antiques de la moyenne vallée de l’Hérault. Apports des biomarqueurs à l’archéologie préventive », loc. cit., p. 418. 111 Jean-Pierre Brun, Archéologie du vin et de l’huile en Gaule romaine, Paris, 2005, p. 177. 112 Bilan de la Recherche archéologique depuis 1995, DRAC/SRA Languedoc-Roussillon, Montpellier, 2012, p. 119. 113 On a retrouvé à hauteur d’Agde une amphore contenant de la résine brute dans l’Hérault et une grande roue de résine en mer, au large d’Agde, Monique Clavel, Béziers et son territoire dans l’Antiquité, op. cit., p. 348. Pour les données récentes sur l’utilisation de la poix en viniculture, Stéphane Mauné, Alain Trintignac, « La poix des Gabales et des Rutènes. Une matière première vitale pour la viticulture de Narbonnaise centrale durant le Haut-Empire », in J.-M. Pailler, D. Schaad (dir.), Les Rutènes, du peuple à la cité. De l’indépendance à l’installation dans le cadre romain (150 av.-200 ap. J.-C.), Aquitania, Supplément 25, 2011, pp. 431-459. 114 Martial, Épigrammes, X, 36, 1, XIII, 123, XIV, 118. 115 Galien, XI, 662. 116 Pline, Histoire Naturelle, XIV, 8, 68. 117 Voir la mise au point de Stéphane Mauné, « Les ateliers de potiers d'Aspiran (Ier-IIIe s. ap. J.-C.). Bilan et perspectives », in Fanette Laubenheimer (dir.), 20 ans de recherches à Sallèles d'Aude, Paris, 2001, pp. 163-198.

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Notes

118 Stéphane Mauné et alii, « Nouvelles données sur les productions céramiques de l’atelier de Dourbie à Aspiran (Hérault) (première moitié du Ier s. ap. J.-C.) », in Actes du Congrès International de la SFECAG, Marseille, 2006, pp. 157-188 et Robert Thernot, Valérie Bel, Stéphane Mauné, L’Établissement rural antique de Soumaltre (Aspiran, Hérault). Ferme, auberge, nécropole et atelier de potier en bordure de la voie Cessero-Condatomagus (Ie-IIe siècles), Montagnac, 2004. 119 L’atelier, qui a produit du dernier tiers du Ier s. avant jusqu’au IInd s., a été détruit en 2004, après la fouille. La marque CQF a été retrouvée aussi à Florensac, Pomerols, Sauvian (La Domergue) et à Rome : S. Mauné, R. Bourgaut, A. Chartrain et alii, « Premiers résultats des fouilles de l’atelier de potiers gallo-romain de Saint-Pargoire (Hérault-F) », loc. cit., pp. 34-36. 120 Fanette Laubenheimer, La Production des amphores en Gaule Narbonnaise, Paris, 1985, pp. 174-180 et CAG 34/5, 084- 08-010, pp. 199-200. 121 Ces liens sont largement constatés en Cisalpine, en Narbonnaise ou en Byzacène, comme le rappelle Clementina Panella, « Le anfore di età imperiale del Mediterraneo occidentale », in P. Lévêque et J.-P. Morel (dir.), Céramiques hellénistiques et romaines, III, Besançon, 2001, pp. 177-275. 122 CAG 34/5, Mas de Bourgade 300-01, pp. 506-507. 123 Fanette Laubenheimer, La Production des amphores en Gaule Narbonnaise, op. cit., p. 191 et Les Tuileries, CAG 34/5, 130-03, p. 239-240. 124 Olivier Ginouvez, Stéphane Mauné, « L’officine de Soumaltre à Aspiran (Hérault) : observations sur les structures artisanales et les productions », in Actes du congrès international de la SFECAG, op. cit., pp. 313-330. 125 Fanette Laubenheimer, « Le vin gaulois de Narbonnaise exporté dans le monde romain sous le Haut-Empire », in F. Laubenheimer (dir.), 20 ans de recherches à Sallèles-d’Aude. Le monde des potiers gallo-romains, op. cit., p. 53 et Fig. 2. L’atelier est inconnu de la CAG 34/5 qui ne signale des fours, après F. Mouret, qu’à Saint-Bauzille d’Esclatian (Vendres), 329-19 p. 565, le site ayant connu une très longue occupation romaine, depuis la fin du Ier siècle avant jusqu’au Ve-VIe. 126 Fanette Laubenheimer, « L’atelier de Sallèles d’Aude et son évolution dans le temps », in F. Laubenheimer (dir.), 20 ans de recherches à Sallèles-d’Aude, op. cit., pp. 11-24. 127 Stéphane Mauné, « La viticulture antique dans la région de Béziers à l’époque romaine. L’exemple de la vallée de l’Hérault », in L. Lévêque, M. Ruiz del Árbol, L. Pop (éds.), Patrimoine, Images, Mémoire des Paysages européens, Paris, 2009, pp. 71-90. 128 Le vin, dont des amphores ont été retrouvées dans l’étang, partait depuis Le Bourbou, Marc Lugand, Iouri Bermond et alii, , CAG 34/2, 143, pp. 256-262. 129 Sur le complexe domanial et artisanal de Saint-Bézard, voir le dossier réuni dans la Revue Archéologique de Narbonnaise, 45, 2012. 130 Stéphane Mauné, Les Campagnes de la cité de Béziers dans l’Antiquité (partie Nordorientale), IIe s. av.- VIe s. ap. J.-C., op. cit., p. 306 et Stéphane Mauné, Ronan Bourgaut et alii, « Nouvelles données sur les productions céramiques de l’atelier de Dourbie à Aspiran (Hérault), première moitié du Ier siècle ap. J.-C », in L. Rivet, S. Saulnier, Productions,

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Notes

approvisionnements et usages de la vaisselle en Languedoc du Ier au IVe siècle apr. J.-C., Congrès international de la SFECAG (Pézenas), op. cit., pp. 157-188. 131 Stéphane Mauné et alii, ibid. et Stéphane Mauné, « La viticulture antique dans la région de Béziers à l’époque romaine. L’exemple de la vallée de l’Hérault », loc.cit., pp. 7190. 132 Fanette Laubenheimer, Josep A. Gisbert Santonia, « La standardisation des amphores Gauloise 4, des ateliers de Narbonnaise à la production de Denia (Espagne) », in F. Laubenheimer (dir.), 20 ans de recherches à Sallèles-d’Aude, op. cit., pp. 36-40. 133 Pour Stéphane Mauné, « Les ateliers de potiers d’Aspiran (Ier-IIIe s. ap. J.-C.). Bilan et perspectives », loc. cit., p. 177. 134 Stéphane Mauné, Les Campagnes de la cité de Béziers dans l’Antiquité (partie Nordorientale), IIe s. av.- VIe s. ap. J.-C., op. cit., p. 115 et 458-461, l’officine produisait aussi de la BOB et des céramiques communes, outre les tegulae et imbrices, CAG 34/5, 311-16, p. 528. Au reste, bien des ateliers non pris en compte pourraient conduire à nuancer ces résultats. 135 Pendant la guerre des Gaules, lors du siège d’Uxellodunum, la présence de tonneaux est bien notée, César, Guerre des Gaules, VIII, 42. 136 Les amphores italiques, qui arrivent en masse jusqu’à la mi-Ier s. de notre ère à Lyon, s’effondrent, il y a aussi moins d’épaves à amphores vinaires, sans doute devant le recours à d’autres conteneurs, même pour les vins italiens, Armand Desbat, « Le commerce des vins à Lugdunum », in J.-P. Brun, M. Poux, A. Tchernia, Le Vin. Nectar des dieux, génie des hommes, Montpellier, 2004, pp. 266-268. 137 Élise Marlière, « Le tonneau en Gaule romaine », Gallia, 58, 2001, pp. 181-201 avec un relevé des attestations archéologiques et L’Outre et le tonneau dans l’Occident romain, Montagnac, 2002. 138 César, Guerre civile, II, 11. 139 Élise Marlière, « Tonneaux et amphores à Vindolanda », in Andrew Birley (dir.), Archaeologocal Report 2002, Hexham, 2003, pp. 125-180. 140 Loïc Buffat, Christophe Pellecuer et alii, « La viticulture antique en LanguedocRoussillon », loc. cit., pp. 109-110. 141 André Tchernia, « Le tonneau de la bière au vin », in D. Garcia, D. Meeks, Techniques et économie antique et médiévale, Paris, 1997, pp. 121-129 et Armand Desbat, « Le commerce des vins à Lugdunum », loc. cit., p. 267. 142 C’est le cas en Bretagne, sur les forts du mur d’Hadrien, Élise Marlière, « Tonneaux et amphores à Vindolanda II », in A. Birley, J. Blake (dir.), Vindolanda. The Excavation of 2003/2004, Bardon Mill, 2005, pp. 214-236, qui note l’importante disproportion, de 85 à 140 de notre ère, entre les quantités de vin transportées en amphores (0, 8%) et celles qui sont arrivées en fûts, soit un rapport de 1/122 en faveur du tonneau. 143 Cet outillage indiquerait la fabrication sur place de tonneaux, CAG 34/5, 325-07, p. 537. Pour le marquage des barriques, Élise Marlière, « Outres et tonneaux », in J.-P. Brun, M. Poux, A. Tchernia, Le Vin. Nectar des dieux, génie des hommes, op. cit., pp. 293302.

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Notes

Ce site, où la vigne, présente aux Ier et IIe siècles, a été retrouvée sur quatre parcelles, a livré bassin, pressoir et deux chais successifs, Isabel Figueiral, Cécile Jung, Hervé Pomarèdes et alii, « La perception des paysages et des agro-systèmes antiques de la moyenne vallée de l’Hérault. Apports des biomarqueurs à l’archéologie préventive », loc. cit., pp. 415-430. 145 Fanette Laubenheimer, « Inscriptions peintes sur les amphores gauloises », Gallia, 61, 2004, pp. 159-162. 146 Qu’il faille traduire Biterrois ou Béziers, c’est la zone de production qui authentifie la qualité. 147 CIL, XV, 4543. Il faut peut-être restituer la mention d’une societas pour le so qui figure sur la panse, dans un cartouche. 148 CIL, XV, 4542. 149 Clementina Panella, « Mercato di Roma e anfore galliche nella prima età imperiale », in F. Laubenheimer (dir.), Les Amphores en Gaule. Production et circulation, Paris, 1992, pp. 185-206. Les amphores du Castro Pretorio proviennent problablement de l’atelier de Corneilhan qui a produit dès l’époque augustéenne des Dressel 2/4 d’imitation italique, des Pascual 1 et des Gauloises 3. 150 Deux négociants, affranchis sans doute, dont les conteneurs ont été retrouvés sur les bords du Tibre, au Testaccio, Stéphane Mauné et Pierre Abauzit, « À propos de quelques timbres sur amphores Gauloise 4 de la basse vallée de l’Hérault, récemment publiés », Instrumentum, 22, 2005, pp. 32-36 et Stéphane Mauné, « La viticulture antique dans la région de Béziers à l’époque romaine. L’exemple de la vallée de l’Hérault », loc.cit., pp. 7190. 151 C’est l’opinion d’André Tchernia, Le Vin de l’Italie romaine, Paris-Rome, 1986, p. 246. 152 Columelle, De Re Rustica, I, préface, 20. 153 Bernard Liou, Robert Marichal, « Les inscriptions peintes sur amphores de l’anse Saint-Gervais à Fos-sur-mer », Archaeonautica, 1978, 2, pp. 109-181. 154 Fanette Laubenheimer, « Inscriptions peintes sur les amphores gauloises », loc. cit., p. 164. 155 Fanette Laubenheimer, « Le vin gaulois de Narbonnaise exporté dans le monde romain sous le Haut-Empire », loc. cit., p. 53. 156 Pour lui, si c’est le sol qui transmet « bouquet, finesse, vinosité, couleur », tout ce qui sortait des caves des vignerons biterrois était de qualité déplorable, La Vigne dans l’Antiquité, Paris, 1913, Reprint Jeanne Laffitte, 1997. 157 À Champ Redon, dès la fin IInd-IIIe siècle, un verger remplace la vigne et quelque 400 arbres s’alignent en 16 rangées sur 2,7 ha environ, Cécile Jung (dir.), Autoroute A75. Section Béziers-Pézenas, Hérault. Montblanc et Valros. Renaussas et Champ Redon. Installations agricoles et espace funéraire antiques autour d’un carrefour de voies, NîmesMontpellier, et CAG 34/5, 325-08, p. 538. 158 Stefanie Martin-Kilcher, Die römischen Amphoren aus Augst und Kaiseraugst. Ein Beitrag zur römischen Handels-und Kulturgeschichte, Augst, vol. 2, Die Amphoren für Wein, Fischsauce, Südfrüchte, (Gruppen 2-24), Augst, 1994, pp. 473-478. 144

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Notes

Histoire Auguste, Aurélien, 48, 2. Stéphane Mauné, Les Campagnes de la cité de Béziers dans l’Antiquité (partie Nordorientale), IIe s. av.- VIe s. ap. J.-C., op. cit., pp. 110-119. 161 À la grande villa du Molard, les structures de transformation et de stockage sont détruites dans le courant du second siècle, quand les zones viticoles de la moyenne vallée du Rhône révèlent des signes d’enfrichement et d’abandon de réseaux hydrauliques, JeanFrançois Berger, « Impact de la paléodynamique fluviale holocène sur l’occupation du sol dans les basses plaines alluviales du Rhône moyen : corrections taphonomiques et modélisations prédictives », in M. De Dapper, F. Vermeulen (éds.), International Conference Ol’ man river : geo-archaeological aspects of rivers and river plains, Gent, 2006, Ghent, 2008, pp. 115-116. 162 Sur l’abandon de Vareilles à la charnière des IIe-IIIe siècles, Stéphane Mauné, in S. Mauné, G. Duperon, Du Rhône aux Pyrénées : aspects de la vie matérielle en Gaule Narbonnaise (Ie av.- VIe ap.), Montagnac, 2013. 163 Les fouilles effectuées sur le chantier de l’autoroute A 75 ont révélé, sur le tronçon Pézenas-Béziers, sur les communes de Valros et de Montblanc notamment, dans un parcellaire fortement structuré par des fossés et chemins relevant des centuriations de Béziers, le remplacement du vignoble par des vergers, Cécile Jung, « Les cultures et les pratiques agricoles antiques dans la cité de Béziers. L’exemple de la viticulture et de l’arboriculture sur l’autoroute A 75 (Pézenas-Béziers, Hérault) », loc. cit., pp. 85-97. 164 Christophe Pellecuer, Hervé Pomarèdes, « Crise, survie ou adaptation de la villa romaine en Narbonnaise première ? Contribution des récentes recherches de terrain en Languedoc-Roussillon », in P. Ouzoulias, C. Pellecuer, C. Raynaud, P. Van Ossel, P. Garmy, Les Campagnes de la Gaule à la fin de l’Antiquité, Antibes, 2001, pp. 503-532. 165 Aux Jurièires-Basses (Puissalicon), établissement viticole restructuré, lui aussi, vers 7080, des pépins de raisin dans le remplissage de fossés attestent la présence de la vigne, avec du blé, entre la mi-Ve et la fin du VIe s. et témoignent peut-être d’une persistance de la viticulture, Stéphane Mauné et alii, « L’établissement des Jurièires Basses à Puissalicon (34) et l’occupation du sol dans la moyenne vallée du Libron : contribution à l’histoire des campagnes biterroises dans l’Antiquité », in M. Clavel-Lévêque, A. Vignot (éds.), Cité et Territoire, II, op. cit., pp. 80-89 et 106-107. 166 Christophe Pellecuer, in Bilan Scientifique SRA Languedoc-Roussillon 1994, p. 134. 167 Augustin, Cité de Dieu, I, 10. 168 Paulin de Béziers, Epigramma, v. 8-19, 26-41, 87-95. 169 Sidoine Apollinaire, Lettres, VIII, 4, 4-5. 159 160

Notes du chapitre 6 : Une culture gallo-romaine métisse Tertullien, Le Manteau, 4. Florence Gherchanoc, Valérie Huet (dir.), Vêtements antiques. S’habiller, se déshabiller dans les mondes anciens, Paris, 2003.

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Notes

Deux broches à rôtir ont été retrouvées à Lieussac (2nd quart du IIIe s.), Stéphane Mauné, in S. Mauné, M. Genin (dir.), Aspects de la vie matérielle en Gaule Narbonnaise (fin du Ier s. av. J.-C.-VIe s. J.-C.), Montagnac, 2006, p. 214, précise que ces objets auraient perdu une partie de leur attrait au début de notre ère, en Italie et chez les Celtes. 4 Roger Gourdiole, Christian Landes, « Passions métalliques sur les Monts d’Orb », Archéologie et Histoire des Hauts Cantons, Bulletin de la Société archéologique et historique des Hauts Cantons de l’Hérault, 21, 1998, pp. 33-50. 5 Stéphane Mauné, in CAG 34/2 : Agde et le Bassin de Thau, Paris, 2001, 017-19, pp. 168169. 6 Dominique Garcia, « Éléments d’architecture publique à Ensérune (Nissan-lezEnsérune, Hérault), Espaces et monuments publics protohistoriques de Gaule méridionale, Documents d’Archéologie méridionale, 15, 1992, pp. 39-42. 7 Michel Bats, « La logique de l’écriture d’une société à l’autre en Gaule méridionale protohistorique », Revue Archéologique de Narbonnaise, 21, 1988, pp. 131-147 et « Grec et gallo-grec : les graffites sur céramiques aux sources de l’écriture en Gaule méridionale (IIe-Ie s. av. J.-C.) », Gallia, 61, 2004, pp. 7-20. 8 Gilles Bellan, Michel Christol, « Une inscription romaine à Villemagne l’Argentière : le site de Saint-Martin-le-Vieux », Bulletin de la Société archéologique et historique des hauts cantons de l’Hérault, 9, 1986, pp. 33-44 et Michel Christol, « De l’Italie à la Gaule méridionale, un transfert : l’épigraphie latine », Cahiers du Centre Gustave Glotz, 6, 1995, pp. 163-181, notamment p. 178. 9 Roger Gourdiole, Christian Landes et alii, « Le site gallo-romain de Bournac (Ceilhes) », Archéologie et Histoire des Hauts Cantons, Bulletin de la Société archéologique et historique des Hauts Cantons de l’Hérault, 21, 1998, pp. 19-32. 10 Les plus anciens milliaires inscrits retrouvés en Biterrois sont du Ier siècle de notre ère, sur la Domitienne, à Montblanc, sous Tibère, ou sur une voie littorale, à Sauvian, de Claude. Le plus récent, retrouvé en remploi à Lauret (Hérault) en 1999, et qui aurait été déplacé depuis la Domitienne, est daté de Constantin, Iouri Bermond, CAG 34/2, 14331*, pp. 267-268. 11 Michel Christol, Une Histoire provinciale. La Gaule narbonnaise de la fin du IInd av.J.-C. au IIIe ap. J.-C., Paris, 2010, pp. 407-424. 12 Le Biterrois, en venant directement après Narbonne pour l’usage de la formule arbitratu + génitif, se confirme zone de forte romanité, où la diffusion de l’écrit indique une ferme cohérence entre l’agglomération urbaine et les campagnes, Michel Christol, CAG 34/5 : le Biterrois, Paris, 2013, p. 55. 13 Christian Olive, Daniela Ugolini, Michel Christol, in CAG 34/4 : Béziers, Paris, 2012, pp. 267-268. L’épitaphe de C. Cornelius Fuscus et Severa est également datée de la fin Ier siècle avant, p. 248. 14 Coline Ruiz Darasse, « Langues et écritures dans le Biterrois de l’âge du Fer », CAG 34/5, p. 30, qui évoque l’éventualité que des habitants d’Ensérune, à majorité celtique, aient pu translitérer leur nom en écriture paléohispanique. 15 Le grec à Béziers et Agde mais pas forcément à Ensérune, ibid. 3

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Notes

Sur tout ceci supra pp. 27-31. Stéphane Mauné, Michel Christol, « Une inscription sur bronze trouvée dans l’établissement gallo-romain de L’Auribelle-Basse à Pézenas (Hérault) », Gallia, 60, 2003, pp. 369-382. 18 Michel Christol, Une Histoire provinciale. La Gaule narbonnaise de la fin du IInd av.J.-C. au IIIe ap. J.-C., op. cit., p. 187. 19 Dès les premières décennies du Ier s. de notre ère, Michel Christol, ibid., p. 412. 20 Agde, qui n’est pas citée, et dont on sait que la ville périclite à la fin du Ier s. avant pour s’effondrer au changement d’ère, la déduction de Béziers ayant dû peser aussi lourd que le développement du port de Narbonne, avant son abandon effectif vers la mi-Ier s. de notre ère, Daniela Ugolini, Christian Olive, CAG 34/4, p. 172. 21 Michel Feugère, « Plaidoyer pour la “petite épigraphie” : l’exemple de la cité de Béziers », in R. Haussler (dir.), Romanisation et épigraphie. Études interdisciplinaires sur l’acculturation et l’identité dans l’Empire romain, Montagnac 2007, pp. 119-134. 22 Outre le nom gaulois inscrit sur céramique commune, il faut citer le témoignage de la tablette de malédiction, datée du Ier s. de notre ère, où Masitlatida mentionne peut-être une cérémonie gauloise d’après Michel Lejeune, « En marge de la defixio de Montfo », Comptes Rendus de l’Académie des Inscriptions, 1981, 1, pp. 51-52. 23 Je tiens à remercier Pierre Nobel pour l’aide amicale qu’il m’a apportée dans la mise au point de ces propositions qui reprennent ma contribution « Langues et parlers en Languedoc occidental : un héritage de la romanisation », in C. Evers et A. Tsingarida (éds.), Rome et ses provinces. Genèse et diffusion d’une image du pouvoir. Hommages à JeanCharles Balty, Bruxelles, 2001, pp. 79-87. 24 Bodo Müller, « La structure linguistique de la France et la romanisation. Genèse et typologie des domaines linguistiques de la Galloromania », Travaux de linguistique et de littérature, XII, 1, Strasbourg, 1974, pp. 7-29, ici p. 16. 25 Georges J. Costa, Atlas linguistique “Sacaze” et la stabilité des frontières linguistiques sur les confins catalano-languedociens, Thèse d’État, Montpellier, 1982, 4 vol. 26 Face à l’influence du superstrat germanique, telle qu’elle s’est imposée depuis Walther von Wartburg, voir les données présentées par Bodo Müller, « La structure linguistique de la France et la romanisation. Genèse et typologie des domaines linguistiques de la Galloromania », loc. cit. 27 Henri Guiter, « Une palatalisation imparfaite sur le littoral du golfe du Lion », in Les Zones palustres et le littoral méditerranéen de Marseille aux Pyrénées, Montpellier, 1983, pp. 17-23 et, pour une vue plus générale, « Atlas et frontières linguistiques », in G. Straka et P. Gardette (éds.), Les Dialectes romans de France à la lumière des atlas régionaux, Paris, 1973, pp. 61-109. 28 -Oë note la prononciation de -e comme dans le français fleur, feu, et -ü celle du français lune. Je suis, dans le texte et pour les cartes, la transcription adoptée par chaque auteur sachant que -ö pour Henri Guiter équivaut à -oe pour Xavier Ravier. 29 Xavier Ravier, Atlas linguistique et ethnographique de la France. Languedoc occidental, 2 vol., Paris, 1978-1982 et Jacques Boisgontier, Languedoc oriental, 3 vol., 1981-1984. 16 17

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Notes

30 Voir notamment la présentation de Jürgen Untermann, « Quelle langue parlait-on dans l’Hérault pendant l’Antiquité ? », Revue Archéologique de Narbonnaise, 25 (1992), 1993, pp. 19-27. 31 Yves Solier, « Découverte d’inscriptions sur plomb en écriture ibérique dans un entrepôt de Pech-Maho (Aude) », Revue Archéologique de Narbonnaise, 12, 1979, pp. 55123. Y. Solier, H. Barbouteau, « Découverte de nouveaux plombs inscrits en ibère dans la région de Narbonne », Revue Archéologique de Narbonnaise, 21, 1988, pp. 61-94. Voir depuis Jean-Claude Decourt, Archéologie en Languedoc, 23, 1999, pp. 93-106 et, en dernier lieu, Javier de Hoz, « Identité-différenciation au travers des témoignages linguistiques et alphabétiques : le monde celtique et ibère », in Atti del Trentasettesimo convegno di studi sulla Magna Grecia, Tarente (1997), 1999, pp. 213-246 : pour lui, les « gens de l’emporion » correspondent à trois groupes de population, des Grecs, des Ibères et des Celtes. 32 Yves Solier, « Les tablettes de plomb languedociennes inscrites en caractères grecs et en ibère », in Élisabeth Lalou (éd.), Les Tablettes à écrire de l’Antiquité à l’époque moderne, Actes du Colloque CNRS (Paris, 1990), 1992, pp. 107-125. 33 Outre les données connues de longue date, voir Jürgen Untermann, « L’inscription sur pierre d’Ensérune dans le musée de Cruzy (Hérault) », Archéologie en Languedoc, 23, 1999, pp. 107-110, qui propose une transcription de l’ibérique et des éléments d’interprétation, en soulignant les difficultés d’identification et de datation. 34 Michel Lejeune, Recueil des Inscriptions gauloises, I, Textes gallo-grecs, Paris, 1985, p. 325. 35 Pour un aperçu commode de l’onomastique des monnaies de bronze du Biterrois, Monique Clavel, Béziers et son territoire dans l’Antiquité, Paris, 1970, pp. 180-200. L’éventualité d’une datation plus basse de ces séries monétaires comme du chapiteau d’Aumes est évoquée par Coline Ruiz-Darasse, « Langues et écritures dans le Biterrois de l’âge du Fer », CAG 34/5, pp. 28-29. 36 Pour Coline Ruiz-Darasse, ibid., si la présence de groupes ibères est probable lors de la conquête, les noms qui demeurent sont majoritairement celtiques. 37 Ce serait, selon lui, le cas pour Baeterrae et Cessero. Voir, toutefois, les quelques données que j’avais pu rassembler dans Béziers et son territoire dans l’Antiquité, op. cit., pp. 142-144. 38 Javier de Hoz, « Las funciones de la lengua ibérica como lengua vehicular », in E. Lujan Martinez, C. Ruiz Darasse (éd.), Contacts linguistiques dans l’Occident méditerranéen antique, Madrid, 2011, pp. 27-64. 39 L’expression est de Coline Ruiz Darasse, « Ibère : langue véhiculaire ou “écriture de contact” », in A. Colin, F. Verdin (dir.), L’Âge du Fer en Aquitaine et sur ses marges. Mobilité des hommes, diffusion des idées, circulation des biens dans l’espace européen à l’âge du Fer, Bordeaux, 2013, pp. 407-416. 40 C’est également la proposition de Michel Bats, « Entre Ibères et Celtes : l’écriture à Ensérune dans le contexte de la Gaule du Sud (Ve-Ier av. J.-C.) », in E. Lujàn Martinez, J. L. Garcia Alonso (eds.), A Greek Man in the Iberian street, Innsbruck, 2011, pp. 129-137. 41 Sur les débats et hypothèses en cours, Coline Ruiz Darasse, « Ibère : langue véhiculaire ou “écriture de contact” », loc. cit., p. 413, qui prend clairement position en faveur de la

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Notes

présence d’Ibères dans la population d’Ensérune et « Langues et écritures dans le Biterrois de l’âge du Fer », CAG 34/5, pp. 32-33, qui situe le rôle des Ibères dans le fonctionnement d’Ensérune comme « centre redistributeur permettant la gestion de biens auprès des indigènes » et se dit « fortement tenté[e] d’envisager » une présence ibère à Ensérune lors de l’arrivée de Rome. 42 Recensés par Junger Untermann, Monumenta Linguarum Hispanicarum, II, Die Inschriften in Iberischer Schrift aus Südfrankreich, Wiesbaden, 1980. 43 Supra, p. 20 notamment, et, pour le Nord et l’Est Biterrois, Stéphane Mauné, Les Campagnes de la cité de Béziers. Partie nord-orientale (IIe av.-VIe ap.), Montagnac, 1998, pp. 17-38. 44 Bodo Müller, « La structure linguistique de la France et la romanisation. Genèse et typologie des domaines linguistiques de la Galloromania », loc. cit., pp. 12-13. 45 Ibid., pp. 14-17. 46 Louis Alibert dans sa célèbre Grammatica occitana segon los parlars lengadocians : grafia e fonetica, Toulouse, 1935, p. 148. 47 Jules Ronjat, Grammaire historique des parlers provençaux modernes, Montpellier, 19301941, pp. 57-59. 48 Les indications linguistiques, pour hypothétiques qu’elles soient, ne vont pas dans le sens d’une localisation potentielle de Piscenae à Roujan, comme l’a suggéré Stéphane Mauné, « À propos de Piscenae, Pézenas et des Piscénois : quelques réflexions sur la localisation de l’agglomération antique et sur les oppida latina de la vallée de l’Hérault », in Hommages à Guy Barruol, Revue Archéologique de Narbonnaise, Supplément 35, 2003, pp. 281-296. 49 Michel Chalon in CAG 34/5, p. 72 qui montre qu’il faut situer dans les Corbières la Silva Bitoranda, contrairement à ce que j’avais proposé dans mon Béziers et son territoire, op. cit., pp. 220-232, après Eugène Thomas, Dictionnaire topographique du département de l’Hérault, Paris, 1865, pp. 21 et 236 s.v. Berthassade. 50 Louis Balmayer, Caractérisation linguistique des possessions montpelliéraines de la couronne d’Aragon, Thèse de 3e cycle, Montpellier, 1970. 51 Voir Liliane Jagueneau, Michel Vallière, L’Occitan parlé à Lespignan, Hérault : la langue des viticulteurs, Toulouse, 1976, passim. 52 Coline Ruiz Darasse, « Langues et écritures dans le Biterrois de l’âge du Fer », CAG 34/5, p. 30. 53 Voir la restitution et l’interprétation du « Plomb du Larzac » issues du « consensus des linguistes » donnée par Pierre-Yves Lambert, La Langue gauloise, Paris, 1997, pp. 160172. 54 Henri Guiter, « Lignes de force de l’implantation gauloise en Gascogne, Languedoc et Provence », Hommage à Jean Séguy, II, via Domitia, Toulouse, 1978, p. 177, même si, bien entendu, les questions de l’implantation ne peuvent plus, aujourd’hui, être posées dans les mêmes termes. Ce n’est pas ici le problème. 55 Claudi Balaguer, « Qualques caracteristicas del lengadocian mediterraneu », in T. Arnavielle, Ch. Camps (éds.), Discours et savoirs sur les langues dans l’aire méditerranéenne, Paris, 2009, pp. 181-196, qui s’appuie notamment sur les données de

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Notes

Christian Camps, Atlas linguistique du Biterrois, Béziers, 1985, et « Limites linguistiques dans le Biterrois », in Recherches sur l’histoire de Montpellier et du Languedoc, 110e Congrès national des sociétés savantes, Montpellier, 1985, pp. 229-239. 56 Michel Christol a montré que, dans la population indigène libre de droit pérégrin, les enfants suivent le statut du père, même si la mère jouit de la cité romaine, comme Canava qui est dite « fille de Divecillus », la filiation étant marquée par le génitif du nom gaulois, dans une épitaphe qui est également faite pour « Annia Kabira sa mère », « Le droit latin en Narbonnaise : l’apport de l’épigraphie (en particulier celle de la cité de Nîmes) », in Une Histoire provinciale. La Gaule Narbonnaise de la fin du IIe siècle av. J.-C. au IIIe siècle ap. J.-C., op. cit., p. 196. 57 Michel Lejeune, « En marge de la defixio de Montfo », loc. cit., pp. 51-52. 58 À partir des indications très précises de l’enquête que livrent les cartes, le croisement avec les données archéologiques, épigraphiques, et même toponymiques, permet d’observer des concordances significatives qu’il faudra explorer plus avant pour en évaluer la portée historique réelle. 59 Qu’Henri Barthès, qui a attiré mon attention sur l’allure discordante de l’isoglosse vent/bent/ben, ce qui implique de réévaluer la portée de ces observations, trouve ici l’expression de mes remerciements amicaux. 60 Michel Christol, « De l’Italie à la Gaule méridionale, un transfert : l’épigraphie latine », Cahiers du Centre Gustave Glotz, 6, 1995, pp. 176-181. 61 En ce sens, Jacques Allières, « Ö pour ü et les marches gallo-romanes », in Mélanges de langues et de littératures romanes offerts à Carl Théodor Gossen, I, Berne-Liège, 1976, pp. 67-76, évoque notamment pour la région « les marges de la plus vieille GalloRomania ». 62 Claudi Balaguer, « Qualques caracteristicas del lengadocian mediterraneu », loc. cit., pp. 181-196, qui définit Biterrois et Narbonnais, dans cette partie mal connue des parlers du Languedoc central comme « un ensemble (...) de transition », à partir notamment du traitement du -CT latin en -ch. 63 Bodo Müller, « La structure linguistique de la France et la romanisation. Genèse et typologie des domaines linguistiques de la Galloromania », loc. cit., pp. 7-29. 64 Les quelques graffiti d’Ensérune ne peuvent soutenir l’hypothèse d’une « résistance » au latin. 65 Jean-Charles Balty, Daniel Cazes, Portraits impériaux de Béziers. Le groupe statuaire du forum, Toulouse, 1995, pp. 38-43 et 121-123 et supra pp. 40-41. 66 Jean-Charles Balty, « Le groupe statuaire julio-claudien de Béziers », in M. ClavelLévêque, R. Plana Mallart (dir.), Cité et Territoire, I, Paris, 1995, p. 13 : le triumvir était représenté dans sa fonction officielle, en toge et la tête couverte, sur ce portrait en marbre de Carrare provenant d’un atelier de Rome, comme celui du théâtre de Spolète, les deux images les plus anciennes à ce jour. 67 À Octave ont dû s’ajouter, dans une basilique vraisemblablement implantée sur le forum, vers 12, Agrippa, Julie et leur dernier fils Agrippa Postume puis, vers 14-19, Tibère, Germanicus, Drusus le Jeune et Livie et, en 29, Antonia Minor qui succède à Livie comme

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Notes

prêtresse du divin Auguste. Sur ce schéma qui montre le transfert du pouvoir des Julii aux Claudii, Jean-Charles Balty, Daniel Cazes, Portraits impériaux de Béziers. Le groupe statuaire du forum, op. cit., pp. 121-127. 68 La statue féminine acéphale, datable du Ier s. de notre ère, retrouvée à Roujan, a été rapprochée d’une représentation nîmoise bien identifiée, Marie-Geneviève Colin et alii, « Roujan-Medilianum (?), de l’Antiquité au Moyen Âge. De la fouille au quartier des sanctuaires », Revue Archéologique de Narbonnaise, 40, 2007, pp. 139-140 et fig. 26. 69 Sur les sept flaminiques connues dans la colonie, deux inscriptions mentionnant ces desservantes du culte des impératrices, instauré sous Tibère, proviennent des marges du territoire, de Quarante (Monique Clavel, Béziers et son territoire dans l’Antiquité, op. cit., pp. 460 et 634), et de Valros, où l’épitaphe sur marbre a été retrouvée sur le chantier de l’A 75, Cécile Jung, in Bilan scientifique DRAC SRA Languedoc- Roussillon 2007, p. 165 et CAG 34/5, Rec-de-Ligno, 325-10, p. 541, où Michel Christol date l’inscription de 70-80 et souligne la présence du gentilice italien Oppius, connu jusque-là à Narbonne et Nîmes seulement. 70 Sur le fanum mis au jour au hameau de Seilhols, à proximité du ruisseau Arles et d’une voie possiblement antique, CAG 34/5, 080-03, pp. 191-192 avec la bibliographie. 71 Dans une grotte fouillée à la source du Jaur, le fouilleur a signalé un ensemble protohistorique, manifestement cultuel, avec notamment une petite stèle, une figurine de terre cuite, plusieurs foyers, G. Rodriguez, « La grotte-source du Jaur à Saint-Pons de Thomières (Hérault) : un gisement du Bronze final », in N. Valdeyron et alii, Pratiques funéraires protohistoriques entre Massif central et Pyrénées. Nouvelles données, Castres, 2002, pp. 51-56. Sur l’inscription, qu’il faut peut-être localiser chez les Rutènes provinciaux, pour Michel Christol, CAG 34/5, pp. 53-54 et 284-07, p. 481. 72 CAG 34/5, 232-22, p. 455 73 Trouvé en fait à la limite de 4 communes, peut-être sur Magalas, CAG 34/5, 147-35, p. 282, non loin d’une branche de l’aqueduc de Béziers. 74 Le nom du dieu honoré par Hermès, un esclave, a été lu par J. Giry Salsocrarus. 75 Paula Finocchi, « A proposito di una divinità indigena della Gallia méridionale », MEFRA, 1979, 91-1, pp. 71-84. 76 César, Guerre des Gaules, VI, 17-18. 77 Il s’agit de probables Dioscures, connus sous ce nom à Cologne. 78 Michel Christol, CAG 34/4, p. 261. 79 L’inscription est datée du Ier siècle de notre ère par Michel Christol, pour qui le rapprochement est possible avec Ricoria, CAG 34/5, 081-07, p. 195 et fig. 183. 80 Pour une autre interprétation de ce couple, Vassiliki Gaggadis-Robin, « La sculpture romaine de Béziers et de sa région », CAG 34/5, pp. 75-76. 81 Sur cet autel mis au jour « aux anciennes prisons » et l’ensemble du panthéon galloromain, Monique Clavel, Béziers et son territoire dans l’Antiquité, op. cit., pp. 507-551. 82 Iouri Bermond et alii, « Le sanctuaire gallo-romain de Mars à Balaruc-les-Bains », Revue Archéologique de Narbonnaise, 31, 1998, pp. 119-151.

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Notes

83 Si certains de ces documents ne proviennent pas de Narbonne, comme il est possible notamment pour l’autel dédié par Fortunata à Jupiter selon l’indication de Michel Christol, « L’épigraphie du territoire de Béziers », CAG 34/5, p. 54 et 329-26, p. 566. 84 Monique Clavel-Lévêque, « Les syncrétismes gallo-romains : structures et finalités », in Puzzle gaulois. Les Gaules en mémoire : images, textes, histoire, Paris, 1989, pp. 337-387. 85 Monique Clavel, Béziers et son territoire dans l’Antiquité, op. cit., pp. 233-257 et, en dernier lieu, Michel Christol, « L’épigraphie et les dieux du Plateau des Poètes à Béziers », Revue Archéologique de Narbonnaise, 36, 2003, pp. 411-423. 86 Sur le panthéon honoré en Biterrois, Monique Clavel, Béziers et son territoire dans l’Antiquité, op. cit., pp. 507-566, avec la bibliographie antérieure. 87 La présence de deux témoignages figurés, s’il faut bien lire le neuvième travail dans le décor de la plaque gravée, indiquerait bien la popularité du dieu, Marie-Geneviève Colin et alii, « Roujan-Medilianum (?), de l’Antiquité au Moyen Âge. De la fouille au quartier des sanctuaires », loc. cit., p. 141 et fig. 28 et 29 et CAG 34/5, 237-12 p. 464 et fig. 710. 88 Dans la villa de L. Coelius Quintio à La Vérune (Neffiès), créée au IInd siècle avant notre ère, Stéphane Mauné, Les Campagnes de la cité de Béziers dans l’Antiquité (partie Nordorientale), IIe s. av.- VIe s. ap. J.-C., op. cit., p. 408. Un autre membre de la famille est connu, C. Coelius Potitus, dont la marque sur sigillée a été retrouvée dans la nécropole de Camp Nègre à Alignan, ibid., p. 300. On retrouve un Bacchus juvénile en marbre à Servian, CAG 34/5, Sainte Rose, 300-27, p. 512 et fig. 815 et un Bacchus enfant dans une villa d’époque républicaine, à Roujan, sur une applique de char en bronze datée du Haut-Empire, CAG 34/5, Peilhan, 237-25, p. 470. 89 CAG 34/5, La Condamine, 224-15, p. 423. 90 Aujourd’hui à Nissan, la tête de calcaire attribuée à Bacchus provient de la villa de Vivios (Lespignan). 91 Documents conservés ou signalés dans le passé, notamment au XVIIe siècle dans le manuscrit d’Anne de Rulman, et perdus. 92 La statuette de Valros viendrait peut-être de Rec-de-Ligno, CAG 34/5, 325-11, p. 545. 93 La villa d’Amilhac (Servian) a également livré une statuette de Mercure, CAG 34/5, 300-04, p. 508, comme, à Cabrerolles, l’établissement de Fabrègues III, CAG 34/5,044-19, p. 128. 94 CAG 34/5, 329-07, pp. 556-559. L’importante nécropole, qui aurait fonctionné entre le IIIe et le Ve siècle de notre ère, située à proximité, peut-elle concerner le seul domaine de la villa, avec ses quelque 250 tombes dont 41 fouillées ? 95 Les fouilles conduites par le PCB en 2008, sous la direction de Ludovic Le Roy, ont été financées par le Conseil général de l’Hérault et la DRAC Languedoc-Roussillon, Rapport SRA. Sur les thermes, qui sont la partie essentielle des vestiges, Alain Bouet, Les Thermes privés et publics en Gaule Narbonnaise, Rome, 2003, pp. 345-347, dont on sait qu’ils étaient alimentés par l’aqueduc, le tronçon antique ayant été reconnu à la Fontainette, CAG 34/5, 329-08, p. 559.

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Notes

96 Dominique Garcia, « Éléments d’architecture publique à Ensérune (Nissan-lezEnsérune, Hérault), Espaces et monuments publics protohistoriques de Gaule méridionale, Documents d’Archéologie méridionale, 15, 1992, pp. 39-42. 97 Olivier Ginouvès, « Magalas, Montfo. Un complexe cultuel d’époque romaine », Communication aux Rencontres départementales de l’Archéologie, Montpellier, avril 2014 et CAG, 34/5, 147-20, p. 278. 98 Jean-Charles Balty, Curia Ordinis. Recherches d’architecture et d’urbanisme antiques sur les curies provinciales du monde romain, Bruxelles, 1983, pp. 601-607 et Alain Bouet (éd.), Le Forum en Gaule et dans les régions voisines, Bordeaux, 2012. 99 Jean-Charles Balty, « Le Jupiter capitolin de la rue Flourens et les débuts de la colonie de Béziers », in M. Clavel-Lévêque, A. Vignot (éds.), Cité et Territoire, II, Paris, 1998, pp. 67-69. 100 Angle rue Paul-Riquet/rue du Capus. 101 Je dois des remerciements amicaux à Jean-Charles Balty et à Pierre Gros pour leurs précieuses indications et à Georges Tirologos pour la réalisation de cette proposition. 102 Daniela Ugolini, Christian Olive, Raymond et Maryse Sabrié, « Les peintures murales de Béziers (Hérault), Place de la Madeleine », Revue Archéologique de Narbonnaise, 19941995, 27-28, pp. 175-189. 103 Avec motifs architectoniques assez rares (Autun , Lons…). 104 Elian Gomez, CAG, 34/4, p. 225. 105 Daniela Ugolini, Christian Olive, CAG 34/4, p. 212. 106 Jean-Louis Andrieu, L’Aqueduc romain de Béziers, Paris, 1990, p. 122, même s’il faut déplacer le castellum divisiorum pour Jean-Luc Esperou, Roland Haurillon, CAG, 34/5, pp. 60-65. 107 Voir Monique Clavel-Lévêque, L’Empire en jeux. Espace smbolique et pratiques sociales dans le monde romain, Paris, 1984. 108 Sur le Pont Vieux, supra p. 78. 109 Michel Christol, Une Histoire provinciale. La Gaule narbonnaise de la fin du IInd av. J.C. au IIIe ap. J.-C., op. cit., p. 424. 110 Michel Christol, ibid., p. 422, a montré comment la formule arbitratu+génitif, bien attestée à Béziers (trois fois plus qu’à Arles), révèle la spécificité du secteur NarbonneBéziers. 111 La présence de portraits inachevés atteste l’existence d’ateliers dans la ville ou à proximité, Monique Clavel-Lévêque, Béziers et son territoire dans l’Antiquité, op. cit., p. 630 et n. 4. 112 Tel le buste de marbre dont on discute la provenance et l’attribution qui avait été identifié à César, CAG 34/5, Poilhes, 206-27, p. 409, qu’il s’agisse d’un personnage officiel ou d’un illustre inconnu. 113 À Trouillas/La Vérune (Neffiès), CAG 34/5, 181-02, p. 323 pour Hadrien, à Peyresegnade (Puissalicon) pour Faustine, id., 224-33, p. 428.

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Notes

114 Raymond Lantier, Recueil général des bas-reliefs, statues et bustes de la Gaule romaine, XV, 1965, p. 42, 8800. Au reste, les deux types iconographiques sont proches comme le note Vassiliki Gaggadis-Robin, in CAG 34/5, p. 76. 115 Ce portrait provient de la villa du Viala (Capestang), à proximité de la voie domitienne, qui a également livré un portrait féminin de qualité. 116 Capestang, LeViala, 053-57, CAG 34/5, p. 138. 117 Michel Christol, CAG, 34/4, p. 184 et Monique Clavel, Béziers et son territoire dans l’Antiquité, op. cit., p. 586. 118 On connaît aussi une copie romaine d’un original hellénistique de Vénus à sa toilette à Valros et une Vénus anadyomène à Clapiès (Vendres), sur une plaque de terre cuite. 119 Supra p. 44. 120 Voir supra p. 46. 121 Deux autres ont été retrouvés sur la voie d’Aquitaine, à Montgaillard (Haute-Garonne) et Barbaira (Aude). 122 À la fin du XIXe siècle, on avait proposé une étymologie issue du nom de Tétricus – C. Pius Esuvius – déformé en Pépézuc, à partir d’une éventuelle dédicace de la statue impériale en marbre d’Italie, bien connue et bien antérieure assurément. Alors, bénéficiant d’une éternelle jeunesse, par le procédé courant de substitution de la tête des statues officielles, aurait-il été utilisé pour honorer Tétricus ? Et Pépézuc conserverait-il alors la mémoire du dernier empereur gaulois, dans le corps d’un prestigieux prédécesseur ? La légende n’en serait que plus captivante. C’est la conjecture présentée par Frédéric Donnadieu, président de la société archéologique de Béziers lors de la séance du 3 mai 1898 de la Société archéologique du Midi de la France, Bulletin de la Société archéologique du Midi de la France, 21-22, 1898, p. 117. 123 Monique Clavel, Béziers et son territoire dans l’Antiquité, op. cit., p. 450 et Michel Christol, CAG, 34/4, 223, p. 280. 124 Marie-Laure Berdeaux le Brazidec, « Exemples et éléments de réflexion autour de la circulation monétaire au IIIe siècle », in El camp al segle III. De Septimi Sever a la Tetrarquia. Estudis sobre el mon rural d’epoca romana, Girona, 2008, pp. 155-171. 125 Monique Clavel, Béziers et son territoire dans l’Antiquité, op. cit., pp. 569-575 et François Pitangue, « La légende populaire de Saint Aphrodise de Béziers », Bulletin de l’Académie des Sciences et Lettres de Montpellier, 1971, 2, pp. 21-42, pour la fabrication de la légende et sa finalisation au XVIe siècle. 126 Jean-Rémy Palanque, « Les Évêchés de la Narbonnaise Première à l’époque romaine », Annales de l’Université de Montpellier, I, 1943, 3, pp. 179-180. 127 Gérard Cholvy (dir.), Histoire du diocèse de Montpellier, Montpellier, 1974, p. 10, selon qui le « conciliabule » de Béziers aurait été présidé par Saturnin d’Arles. 128 Il est difficile de savoir à quel moment les difficultés amènent la ville à se protéger : fautil dater de la fin du IInd siècle les puissants remblais mis au jour à l’îlot Maître Gervais, qui comportent des éléments de parure monumentale (sabot de cheval grandeur nature en marbre) ? Ou envisager une date plus tardive, du IVe au VIe siècle ? Daniela Ugolini et

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Notes

Christian Olive envisagent éventuellement le début de l’Antiquité tardive, quand s’installe un fossé défensif doublé d’un petit rempart, CAG, 34/4, p. 165 et 018, p. 195. 129 Autour de 250 pour Narbonne, Arles et Toulouse, dans la seconde moitié du IIIe siècle, voire les premières décennies du IVe s., pour Béziers et Nîmes, Monique Clavel, Béziers et son territoire dans l’Antiquité, op. cit., pp. 570-571, avec bibliographie antérieure. 130 Christophe Pellecuer, « Loupian. Église Sainte-Cécile », in Noël Duval, Les premiers monuments chrétiens de la France, I, Sud-Est et Corse, Paris, 1995, pp. 47-50 et Iouri Bermond, Christophe Pellecuer, CAG 34/2, 143, 29, pp. 262-264. 131 Christophe Pellecuer, Laurent Schneider, « Premières églises et espace rural en Languedoc (Ve-Xe siècles) », in C. Delaplace (dir.), Aux origines de la paroisse rurale en Gaule méridionale (IVe-IXe s.), Paris, 2005, pp. 98-119. 132 Gérard Cholvy (dir.), Histoire du diocèse de Montpellier, op. cit., pp. 11-14, qui cite le renvoi par les clercs et les fidèles de l’évêque de Lodève (en 422) et de celui de Béziers (en 461). 133 À proximité de la chapelle dédiée par le prêtre Othia, une nécropole a livré deux inscriptions rappelant la mémoire de Jean et d’Eusèbe, CAG 34/5, Régimont, 206-13, pp. 406-408. 134 Marie-Geneviève Colin, Laurent Schneider, Laurent Vidal, « Roujan-Medilianum (?) de l’Antiquité au Moyen Âge. De la fouille du quartier des sanctuaires à l’identification d’une nouvelle agglomération de la cité de Béziers », loc. cit., pp. 141-157. 135 Monique Clavel, Béziers et son territoire dans l’Antiquité, op. cit., p. 574. 136 Il faut renoncer, en tout cas, à voir dans les Caritachs la survivance d’une fête de Bacchus auquel le chameau serait lié et qui aurait été christianisée, « le triomphe de Bacchus devenant le triomphe de Béziers », même si le guerrier armé Pépézuc, « disciple de l’apôtre Paul », surenchérit sur des liens bien difficiles à démontrer. 137 Stéphane Mauné, Les Campagnes de la cité de Béziers. Partie nord-orientale (IIe av.-VIe ap.), op. cit., pp. 251-265, qui a raison de noter la sous-estimation des données nombreuses dans les campagnes, les sanctuaires ruraux notamment, à témoigner dans le sens d’une résilience des pratiques traditionnelles. 138 Hilaire, Épitres, VIII datée du 3 décembre 462. 139 Sidoine Apollinaire, Lettres, VIII, 4, 2.

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Autour de la Domitienne

Genèse et identité du Biterrois gallo-romain Dans cette zone carrefour où les voies maritimes, terrestres et fluviales n’ont cessé de faire confluer les populations, l’apport des recherches récentes ouvre aujourd’hui sur de nouvelles interprétations qui autorisent de reprendre certaines lectures et permettent de préciser la dynamique de développement du Biterrois antique et les voies plurielles suivies par les territoires structurés autour des axes mythiques que sont la voie héracléenne et la Domitienne. Cet ouvrage tente de repenser, à la lumière des dernières avancées, les rapports qui se sont formalisés dans ces terres modelées par les échanges depuis la plus haute Antiquité, où ont prévalu, non sans oppositions ou conflits, coexistence des hommes, autochtones et migrants, reconstruction des formes d’agrégation politique et sociale, restructuration des modes d’habitat, réaménagement du territoire et des paysages, adaptation des conditions de production et métissage des cultures, posant les bases d’une forte identité régionale.

Monique Clavel-Lévêque est Professeur émérite des Universités. Spécialiste d’histoire romaine, elle est l’auteur de nombreux travaux sur la Gaule et la société romaines, sur les rapports villes-campagnes et l’aménagement des territoires. Illustration de couverture : Pierre Tissot Maquette de couverture : Com.média

Collection Histoire, Textes, Sociétés dirigée par Monique Clavel-Lévêque et Laure Lévêque

ISBN : 978-2-343-03912-1

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