Stéphane de Byzance: Les Ethniques comme source historique : l'exemple de l’Europe occidentale 9782503593814, 250359381X

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Stéphane de Byzance: Les Ethniques comme source historique : l'exemple de l’Europe occidentale
 9782503593814, 250359381X

Table of contents :
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Introduction générale
Première partie. L’oeuvre de Stéphane de Byzance et son Épitomé. Histoire et transmission du texte
1. L’ouvrage initial et l’abréviation d’Hermolaos
2. Le processus de réduction du texte
3. De l’oeuvre de Stéphane de Byzance à son Épitomé
Deuxième Partie. Organisation, contenu et sources des Ethniques de Stéphane de Byzance
1. La structure du lexique de Stéphane de Byzance et de ses abrégés
2. Approche des sources grammaticales des Ethniques
3. Approche des sources lexicales des Ethniques
4. Approche des sources littéraires des Ethniques (iie-vie siècles)
Troisième Partie. Auteurs-sources et connaissance des espaces géographiques. Analyse du corpus et synthèses
1. Les sources de Stéphane de Byzance et leur utilisation pour l’Europe occidentale
2. L’Ora maritima d’Aviénus
3. Les ensembles géographiques
4. Conclusion générale
Quatrième Partie. Les notices sur l’Europe occidentale (sauf l’Italie). Texte, Traduction, Commentaire
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La Bibliothèque de l’Antiquité Tardive est éditée dans les langues scientifiques usuelles par les Éditions Brepols sous le patronage de l’« Association pour l’Antiquité Tardive » Brepols Publishers, Begijnhof 67, B-2300 Turnhout www.brepols.net Association pour l’Antiquité Tardive, c/o Bibliothèque d’Histoire des Religions de l’Université Paris-Sorbonne, Maison de la Recherche, 28 rue Serpente, F-75006 Paris www.antiquite-tardive.com

Cette collection, sans périodicité régulière, éditée par Brepols Publishers, est conçue comme la série de suppléments à la revue Antiquité tardive publiée depuis 1993 par l’Association chez le même éditeur. Elle est composée de monographies, de volumes de Mélanges ou de Scripta Varia sélectionnés soit par l’Association avec l’accord de l’éditeur, soit par l’éditeur avec l’agrément de l’Association dans le domaine de compétence de l’Association : histoire, archéologie, littérature et philologie du ive au viiie siècle (de Dioclétien à Charlemagne). Un conseil scientifique procède à la sélection et supervise la préparation quand elle est assurée par l’Association, sous la responsabilité du Conseil d’Administration dont voici la composition actuelle: Présidente Caroline Michel d’Annoville, Professeur d’archéologie de l’Antiquité tardive, Sorbonne Université (Paris) Vice-présidente  Gisella Cantino Wataghin, Professoressa di Archeologia Cristiana e Medievale, Università del Piemonte Orientale, Vercelli Secrétaire  Pascale Chevalier, Maître de conférences HDR, Université de Clermont-Ferrand Trésorier  Marc Heijmans, Directeur de recherches au CNRS, Centre Camille Jullian (Aix-en-Provence) Membres J.-M. Carrié, Directeur d’études émérite, École des Hautes Études en Sciences Sociales, Paris E. Destefanis, Professoressa associata, Università del Piemonte Orientale, Vercelli S. Destephen, Maître de conférences HDR, Université Paris-Nanterre J. Dresken-Weiland, Prof. Dr., Universität Göttingen A. S. Esmonde Cleary, Professor, Department of Archaeology, University of Birmingham H. Hellenkemper, Directeur honoraire, Römisch-Germanisches Museum, Köln H. Inglebert, Professeur d’histoire ancienne, Université Paris-Nanterre M. Jurković, Professeur, Sveučilište u Zagrebu (Université de Zagreb) G. Ripoll, Catedratica de Arqueologia, Universitat de Barcelona J. Terrier, Archéologue cantonal, Genève

Les volumes précédemment publiés dans cette série sont listés à la fin de ce volume.

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40 Stéphane de Byzance Les Ethniques comme source historique : l’exemple de l’Europe occidentale par

Marc Bouiron Directeur scientifique et technique, Inrap (Paris) Membre de l’UMR 7264 (CEPAM) Université de Nice – CNRS

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© 2022, Brepols Publishers n.v., Turnhout, Belgium All rights reserved. No part of this publication may be reproduced, stored in a retrieval system, or transmitted, in any form or by any means, electronic, mechanical, photocopying, recording, or otherwise, without the prior permission of the publisher. ISBN: 978-2-503-59381-4 e-ISBN: 978-2-503-60098-7 DOI: 10.1484/M.BAT-EB.5.130203 ISSN: 1637-9918 e-ISSN: 2565-9316 Printed in the EU on acid-free paper D/2022/0095/67

Table des matières Table des illustrations. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . vii Remerciements. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . xi Normalisation et terminologie.. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . xii Introduction générale. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1 Première partie

L’œuvre de Stéphane de Byzance et son Épitomé 1. L’ouvrage initial et l’abréviation d’Hermolaos.. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9 2. Le processus de réduction du texte. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 23 3. De l’œuvre de Stéphane de Byzance à son Épitomé. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 47 Deuxième partie

Organisation, contenu et sources des Ethniques de Stéphane de Byzance 1. La structure du lexique de Stéphane de Byzance et de ses abrégés. . . . . . . . . . . . . . . . . 87 2. Approche des sources grammaticales des Ethniques. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 103 3. Approche des sources lexicales des Ethniques. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 135 4. Approche des sources littéraires des Ethniques (iie-vie siècles). . . . . . . . . . . . . . . . . . . 161

vi

Table des matières

Troisième partie

Auteurs-sources et connaissance des espaces géographiques 1. Les sources de Stéphane de Byzance et leur utilisation pour l’Europe occidentale.. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 185 2. L’Ora maritima d’Aviénus. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 279 3. Les ensembles géographiques. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 325 4. Conclusion générale.. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 353 Quatrième partie

Les notices sur l’Europe occidentale (sauf l’Italie) Les notices sur l’Europe occidentale.. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 377 Bibliographie. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 713 Index. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 743

Les annexes de ce volume sont disponibles via Figshare et peuvent être consultées via le lien suivant : https://doi.org/10.1484/A.20170262.

Table des illustrations

Figure 1

Comparaison entre Eustathe de Thessalonique (Com. Il. 1.569-570) et l’Épitomé (s.v. Aigialos, α 100). . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 24

Figure 2

Tableau des notices conservées de Stéphane de Byzance. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 25

Figure 3

Tableau des notices incomplètes. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 26

Figure 4

Rapport entre le nombre de caractères par notice chez Stéphane de Byzance et l’Épitomé et droites de corrélation des deux groupes.. . . . . . . . . . . . . . 27

Figure 5

Facteur d’abréviation des notices. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 27

Figure 6

Rapport entre le nombre de caractères et le nombre de citations chez Stéphane de Byzance et droites de corrélation des deux groupes. . . . . . . . . . . . . . . . 28

Figure 7

Rapport entre le nombre de caractères et le nombre de citations dans l’Épitomé. . 29

Figure 8

Comparaison du nombre de citations chez Stéphane de Byzance et l’Épitomé. . . . 30

Figure 9

Tableau comparatif du nombre de caractères moyen des notices de l’Épitomé par lettre. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 31

Figure 10 Tableau récapitulatif des signalisations de changement de livre. . . . . . . . . . . . . . . . . 33 Figure 11 Tableau de comptage des livres I à XXI et XXXI à XXXVI. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 35 Figure 12 Proposition de restitution des livres XXII à LX de Stéphane de Byzance. . . . . . . . 36 Figure 13 Nombre de caractères (histogramme) et de notices (courbe) par livre. . . . . . . . . . . 37 Figure 14 Pourcentage de réduction des 60 livres de Stéphane de Byzance par rapport à la moyenne. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 38 Figure 15 Proposition de découpage de l’abrégé du premier abréviateur et les réductions successives. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 38 Figure 16 Comparaison entre Eustathe de Thessalonique (Com. Dion. v. 78) et l’Épitomé (s.v. Ausôn, α 546). . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 39 Figure 17 Comparaison entre Eustathe de Thessalonique (Com. Il. 2.750) et l’Épitomé (s.v. Dôdônê, δ 146). . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 40 Figure 18 Abréviation et restitution des livres. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 43 Figure 19 Comparaison du texte sur l’airain de Dôdônê de Photios, Zenobius, Pausanias et la Souda avec Stéphane de Byzance. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 49

viii

Table des illustrations

Figure 20 Stemma traditionnel de la tradition manuscrite. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 81 Figure 21 Diagramme chronologique de la tradition manuscrite. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 82 Figure 22 Décomposition des notices de Stéphane de Byzance. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 93 Figure 23 Tableau comparatif des mentions d’auteurs chez Stéphane de Byzance. . . . . . . . . . . 98 Figure 24 Tableau des mentions de grammairiens dans les livres I et LX du premier abréviateur. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 105 Figure 25 Tableau des mentions des géonymes se rapportant à la tradition 1a dans la Souda, lettre α. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 142 Figure 26 Tableau des mentions de géonymes se rapportant à la tradition 1a chez Hesychius, lettre α. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 144 Figure 27 Tableau des mentions de géonymes se rapportant à la tradition 1b chez Hesychius, lettre α. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 145 Figure 28 Tableau des mentions de géonymes se rapportant à la tradition 1b dans la Souda, lettre α. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 149 Figure 29 Tableau des mentions de géonymes se rapportant à la tradition 1c chez Hesychius, lettre α. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 150 Figure 30 Tableau des mentions de géonymes se rapportant à la tradition 1c dans la Souda, lettre α. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 151 Figure 31 Les traditions lexicographiques. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 156 Figure 32 Proportion du nombre de mentions par auteur. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 161 Figure 33 Répartition du nombre d’auteurs par siècle. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 162 Figure 34 Mentions issues du Périple de la Mer extérieure de Marcien. . . . . . . . . . . . . . . . . . . 193 Figure 35 Mentions issues des abrégés d’Artémidore et de Ménippe par Marcien. . . . . . . . . 194 Figure 36 Totalité des mentions d’Europe occidentale provenant du Périple de la Mer extérieure de Marcien. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 197 Figure 37 Mentions provenant de Scymnos dans l’Épitomé. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 199 Figure 38 Les mentions du livre I de la Périégèse d’Hécatée. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 203 Figure 39 Les mentions de la Périégèse d’Hécatée pour notre corpus. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 208 Figure 40 Mentions provenant des livres I à X de Strabon dans l’Épitomé. . . . . . . . . . . . . . . 218 Figure 41 Mentions provenant de Charax dans l’Épitomé. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 226 Figure 42 Ensemble des mentions d’Europe occidentale pouvant être rapportées à Charax. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 229 Figure 43 Mentions provenant de Denys le Périégète dans l’Épitomé. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 230

Table des illustrations

ix

Figure 44 Mentions provenant de Juba dans l’Épitomé. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 232 Figure 45 Ensemble des mentions d’Europe occidentale pouvant être rapportées à Juba. . . . 234 Figure 46 Mentions provenant de Denys d’Halicarnasse dans l’Épitomé. . . . . . . . . . . . . . . . . 234 Figure 47 Les mentions d’Artémidore et de son abrégé dans l’Épitomé. . . . . . . . . . . . . . . . . . 238 Figure 48 Ensemble des mentions d’Europe occidentale pouvant être rapportées à Artémidore. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 242 Figure 49 Les mentions d’Apollodore dans l’Épitomé. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 250 Figure 50 Les mentions d’Apollodore dans notre corpus. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 253 Figure 51 Les mentions de Polybe dans l’Épitomé. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 254 Figure 52 Les mentions de Polybe dans le corpus géographique. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 258 Figure 53 Les mentions de Timée se rapportant au corpus géographique. . . . . . . . . . . . . . . . 263 Figure 54 Les mentions des Philippiques de Théopompe dans l’Épitomé. . . . . . . . . . . . . . . . 265 Figure 55 Les mentions des Philippiques de Théopompe se rapportant au corpus géographique. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 269 Figure 56 Les mentions d’Éphore dans l’Épitomé. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 273 Figure 57 Les mentions d’Eudoxe de Cnide dans l’Épitomé. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 276 Figure 58 Les mentions d’Hérodore dans l’Épitomé. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 277 Figure 59 Géonymes mentionnés en Ibérie sur fond de plan oro-hydrographique (VIe-IVe siècle av. J.-C.). . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 329 Figure 60 Géonymes mentionnés dans l’Ora Maritima sur fond de plan oro-hydrographique (VIe-IVe siècle av. J.-C.). . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 332 Figure 61 Géonymes mentionnés en Ibérie sur fond de plan oro-hydrographique (IIIe-Ier siècle av. J.-C.). . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 333 Figure 62 Géonymes mentionnés en Ibérie sur fond de plan oro-hydrographique (Ier-IIIe siècle ap. J.-C.). . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 335 Figure 63 Géonymes en Ligystique sur fond de plan oro-hydro­graphique, avec les données de l’Ora Maritima (VIe-IVe siècle av. J.-C.). . . . . . . . . . . . . . . . . . . 337 Figure 64 Géonymes dans le Midi de la Gaule sur fond de plan oro-hydrographique (IIIe-Ier siècle av. J.-C.). . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 340 Figure 65 Géonymes relevant des îles de Méditerranée occidentale sur fond de plan oro-hydrographique. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 345 Figure 66 Géonymes relevant de la Gaule sur fond de plan oro-hydrographique (IIe siècle av. -IIe siècle ap. J.-C.). . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 349 Figure 67 Les variantes des formes se rapportant aux îles britanniques. . . . . . . . . . . . . . . . . . 351

Remerciements Cet ouvrage est l’aboutissement de plus de trente ans de recherches, débutées en 1988 dans les rayonnages chargés d’histoire de la bibliothèque du Palais Farnèse, pour une thèse jamais terminée sur l’habitat antique de Glanum (sous la direction de Jean-Paul Morel) et en marge d’une bourse consacrée à l’étude du matériel archéologique de la fouille de la Vigna Barberini à Rome. Vingt ans plus tard, un projet d’article était soumis à la relecture savante d’Arnaud Zucker (Université de Nice-CEPAM) puis de Dominique Garcia (Aix-Marseille Université-CCJ/ INRAP), alors directeur du Centre Camille Jullian à Aix-en-Provence et depuis promu à l’une des plus hautes fonctions de l’archéologie nationale. L’un comme l’autre nous ont poussé à entreprendre une thèse sur ces bases, et ont accepté la cotutelle d’un doctorat de 3e  cycle côtoyant tout autant les textes anciens que les données issues de l’archéologie1. Je les remercie l’un et l’autre de leur confiance toujours renouvelée, d’autant plus importante que mes nouvelles fonctions de directeur scientifique et technique de ­l’­Inrap sont placées désormais sous l’autorité du président Dominique Garcia. Nous voudrions également remercier les professeurs et chercheurs qui ont accepté de participer au jury de cette thèse  : Margarethe Billerbeck (Université de Fribourg ), dont l’édition de Stéphane de Byzance (en cours lors de la thèse) a longtemps été notre livre de chevet et avec laquelle nous avons eu l’occasion d’échanger ; Pascal Arnaud (Université de Lyon 2), Didier Marcotte (alors Université de Reims) et Pierre Moret (CNRS, TRACES) dont les articles et publications ont, chacun dans leur domaine, largement contribué à nourrir notre réflexion, tout comme les critiques bienveillantes et constructives sur notre doctorat.

1 

Bouiron 2014b.

Si la soutenance, en décembre 2014, a concrétisé la partie universitaire de ce travail, il manquait encore beaucoup d’analyses, de corrélations et de mises en perspectives sur les thèmes que nous avions traités. Les sept années qui se sont écoulées ont été mises à profit pour approfondir les fiches de chaque notice et mieux documenter certaines hypothèses de rattachement à des auteurs. Enfin, l’ajout d’un travail propre sur l’Ora maritima d’Aviénus améliorait la perspective historique pour notre synthèse géographique. Enfin, nous voudrions remercier tous ceux qui nous ont aidés dans cette entreprise et tout spécialement Aude Cohen-Skalli (CNRS-CPAF), qui a relu la première partie de notre travail, Jean Schneider (Université de Lyon 2) qui nous a apporté ses lumières sur les grammairiens grecs, et en particulier Oros d’Alexandrie, et Thierry Ganchou (CNRS) qui nous a signalé les articles les plus récents sur les manus­crits de Stéphane de Byzance.

Normalisation et terminologie Nous avons opté pour une transcription du grec de type scientifique, suivant la tradition érasmienne (et non une translittération suivant la norme ISO 843 : 1997). Nous n’indiquons donc pas les accents et nous notons la lettre « υ » par « u » et non par « y ». Les noms antiques sont utilisés suivant la normalisation de la Bibliothèque nationale de France (http://catalogue.bnf.fr, rubrique Autorités>Autorités BnF). Sauf exception (pour la partie sur l’abréviation du texte), les noms des lemmes de Stéphane de Byzance sont écrits en caractères latins et en italiques. Le reste du texte est donné en grec. Les références des notices sont faites selon la numérotation de la nouvelle édition de M. Billerbeck2. Nous emploierons dans le texte le mot « glosse » (qui n’existe pas en français3) pour traduire le grec γλῶσσα et désigner « une expression qui a besoin d’être expliquée », le terme de « lemme » pour désigner le nom géographique qui sert d’entrée à une définition ; le mot « notice » comprend l’ensemble des informations qui sont associées à un lemme donné. Enfin, nous traduirons le mot grec ἐθνικὸν, très présent dans les notices, par « ethnique » sans préjuger d’une signification particulière.

2 

Billerbeck et al. 2006-2017.

3 Voir Bonelli 2007, p. 45 n. 100.

Introduction générale Les Ethniques de Stéphane de Byzance, un ouvrage fréquemment cité Stéphane de Byzance est probablement un des auteurs de l’Antiquité (fût-elle finissante) les plus cités par les historiens et archéologues travaillant sur l’histoire des lieux antiques. Ses Ethniques1 ont en effet préservé d’une disparition totale de très nombreuses mentions d’auteurs anciens, en particulier de géographes et historiens grecs, se rapportant à des toponymes. Depuis la Renaissance et l’editio princeps d’Aldus, en 1502, les éditions ont été nombreuses ; chacune a apporté une pierre critique nécessaire à une meilleure compréhension du texte d’origine. Parmi ces diverses publications, celle d’A. Meineke, imprimée en 1849, est restée longtemps la seule édition critique complète et a servi de référence pour tous les travaux conduits jusqu’au début du xxie siècle2. Depuis 2006, une nouvelle édition est parue, échelonnée sur une dizaine d’année, sous la direction de M. Billerbeck. Elle est la plus complète d’un point de vue philologique (avec la découverte de nouveaux manus­crits, malheureusement aussi tardifs que ceux déjà connus) et fournit la référence aux éditions récentes des fragments d’auteurs perdus que contient le texte ; une traduction allemande accompagne cette édition. C’est donc un travail de tout premier plan pour la connaissance de l’œuvre de Stéphane de Byzance. Mais on cherchera en vain dans ces ouvrages une réflexion détaillée sur l’œuvre elle-même. M. Billerbeck consacre, dans son premier tome, 51  pages de prolégomènes, dont les trois-quart concernent les manus­

crits et les éditions imprimées3. Les second et troisième tomes4 n’ont pas réellement d’introduction, tout juste un avant-propos qui n’apporte rien de plus pour la connaissance des Ethniques. À la fin du dernier volume, un Nachtwort synthétise des réflexions d’ensemble sur l’œuvre mais sans entrer dans le détail de celle-ci5. Déjà A. Meineke avait projeté un volume entier de commentaires sur l’œuvre qu’il éditait mais sans jamais l’écrire (il meurt pourtant 21  ans après la parution du premier tome). Et encore s’agit-il là des éditions du texte lui-même. Pour la plupart des historiens qui le citent, Stéphane de Byzance n’est qu’un compilateur, à la manière d’un Athénée, auquel on s’intéresse uniquement pour les citations qu’il contient et non pour l’œuvre en elle-même. Le seul travail d’envergure sur les Ethniques reste l’article qu’a rédigé E.  Honigmann, publié en 1929 dans la Real-Encyclopädie de Pauly-Wissowa 6. Quasiment tous les arguments – même récents – concernant la datation de l’œuvre, le découpage en livres ou les sources utilisées par Stéphane de Byzance sont issus de cette étude qui reprend les nombreuses réflexions des différents éditeurs, ses prédécesseurs, en les approfondissant. Mais ce travail, pourtant le plus achevé de toutes les études sur Stéphane de Byzance, n’est pas assez complet et nous n’avons donc guère de connaissance réactualisée sur l’auteur et l’œuvre et les Ethniques. En parallèle de son édition, M. Billerbeck a abordé certains aspects de l’œuvre de Stéphane de Byzance sous Billerbeck et al. 2006, p. 8*-44*. Billerbeck et al. 2011 et 2014. 5  Billerbeck et al. 2017, p. 155-165. Nous avons pu prendre connaissance, très peu de temps avant la finalisation de cet ouvrage, du volume écrit par M. Billerbeck et A. Neumann-Hartmann (Billerbeck, Neumann-Hartmann  2021) qui revient sur certains aspects que nous avons traités. Il reprend un certain nombre d’articles rédigés par ces deux responsables de la nouvelle édition et n’aborde pas les mêmes points que nous. Nous le citerons dans les parties correspondantes mais sans avoir pu en intégrer pleinement les apports. 6  Honigmann 1929. Nous n’analyserons pas dans cette étude les éditions de l’œuvre et l’érudition qui l’a accompagnée durant les cinq siècles de l’imprimerie. Voir là-dessus De Santis 2013, p. 21-32. 3  4 

1  Nous indiquerons sous sa forme traduite en français le titre abrégé que la tradition a conservé de cette œuvre, sans préjuger de sa signification. 2  Meineke 1849. Quiconque a fréquenté avec assiduité le texte de Stéphane de Byzance se reconnaîtra dans l’hommage que rend P. M. Fraser (Fraser 2009, p. ix-x) à A. Meineke dans sa préface. Il n’est donc pas étonnant que cette édition n’ait pas été remplacée durant un siècle et demi. La nouvelle édition, infiniment supérieure d’un point de vue philologique et critique, éloigne un peu du texte par les nombreuses insertions des références des auteurs anciens et par la segmentation qu’impose la traduction. Nous ne ferons pas ici l’exégèse des différentes éditions de Stéphane de Byzance ; voir la préface de P. Fraser (Fraser 2009, p. ix-xii).

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forme d’articles ou dans des études spécifiques concernant d’autres auteurs cités par Stéphane de Byzance7, car la lecture fine du texte grec amène de nombreuses questions. Récemment, P. M. Fraser a fait le point sur les formes ethniques dans la langue grecque, en complément de la publication du Lexicon of Greek Personal Names ; il réétudie Stéphane de Byzance et apporte des éléments intéressants pour la formation de ce que l’on appellera, en raccourci, les ethniques8. Mais ces études n’abordent pas l’organisation de l’œuvre d’origine, sa transmission et l’analyse fine des notices qu’elle contient. Or, selon nous, c’est un préalable pour bien comprendre les notices relevant d’un ensemble géographique donné, comme nous nous en sommes fixés l’objectif. Un des écueils sur lequel a longtemps buté la recherche est la datation de l’œuvre elle-même, car son auteur est pour nous un parfait inconnu. Compte-tenu des notices elles-mêmes et de l’indication d’une dédicace à Justinien d’un épitomé (œuvre d’un certain Hermolaos selon la Souda), on a placé Stéphane de Byzance au ve ou au vie siècle9 ; même si ce dernier siècle a eu la préférence des historiens du xxe siècle, l’incertitude subsiste et mérite une attention particulière. Il n’existe pas non plus d’accord sur le découpage de l’œuvre : on a proposé 60 livres, mais nombreux sont les érudits qui ont tendance à considérer que ce chiffre est largement surdimensionné. Toutes ces questions restent d’autant plus difficiles à résoudre que nous avons perdu la quasi-totalité du texte original de Stéphane de Byzance et que seul un texte résumé a survécu. Enfin, de manière plus anecdotique, les auteurs français ont généralement pris le parti de l’appeler Étienne10 de Byzance ; c’est le cas par exemple de D. Marcotte dans son édition des géographes grecs11. C’est vrai également de tous les archéologues qui utilisent son œuvre. S’il est d’usage d’employer cette forme de prénom pour les « Stéphane » antérieurs au xiiie siècle, nous avons préféré suivre la suggestion d’A. Zucker et utiliser la forme 7  Voir

Billerbeck, Zubler  2007 et Billerbeck  2005, 2008, 2009 et 2011. 8  Fraser 2009. 9  Ainsi, dans sa dissertation sur les différents auteurs dont la liste est conservées dans des manus­crits grecs, O. Kroehnert attribue-t-il la date de 460 à notre grammairien (Kroehnert 1897, p. 49). 10  Στέφανος (« le couronné ») en grec a donné Stephanus en latin, lui-même dérivé en Esteve ou Steve d’une part (forme occitane que l’on retrouve encore en catalan de nos jours) et en Estienne puis Étienne en français d’autre part. 11  Marcotte 2000, p. cxvii sq.

d’origine, plus proche du grec et de la traduction dans les autres langues européennes. La réflexion doit donc être approfondie d’abord sur la date de rédaction de l’ouvrage, mais surtout sur sa transmission. L’importance de l’Empire byzantin dans la conservation des œuvres antiques ou antiques tardives de langue grecque n’est bien évidemment pas une découverte, mais il est rare de pouvoir analyser la transmission des œuvres techniques qui ont eu longtemps moins de valeur aux yeux des philologues que celles des auteurs plus classiques.

Un abrégé que l’on oublie L’œuvre de Stéphane de Byzance est régulièrement critiquée. C’est oublier que nous ne disposons en fait que d’un abrégé que nous appellerons dans la suite de notre étude l’Épitomé12, rédigé selon la tradition par un certain Hermolaos. À cet égard, la nouvelle édition de M. Billerbeck est caractéristique de cette confusion : le titre de son édition laisse croire qu’il s’agit de l’œuvre de Stéphane de Byzance dont on se sert comme si elle était complète. C’est d’ailleurs une constante dans les éditions de textes antiques techniques, dont on mentionne rarement que l’on en possède seulement une version abrégée (par exemple le lexique étymologique d’Orion). Or, s’il est possible de considérer, sous réserve de vérification, que l’Épitomé est très proche du texte original, il est plus difficile de réfléchir à la valeur historique des notices des Ethniques sans tenir compte de cette phase de réécriture. L’analyse peut alors mener à des conclusions inexactes ou approximatives. C’est pourquoi il nous a semblé primordial de consacrer une large part de notre réflexion au travail d’abréviation13. Malgré le fait de n’avoir conservé qu’un abrégé (un résumé  ? une paraphrase  ?), il est nécessaire d’abord d’identifier la structure primitive de l’œuvre. En second lieu, c’est tout le processus de transformation de l’œuvre originale par abréviation qui doit être compris. L’analyse de l’Épitomé et des quelques fragments subsistant du texte d’origine permettent de mieux comprendre com12  La majuscule est là pour rappeler qu’il ne s’agit pas d’un simple abrégé mais d’une œuvre unique – et complexe – qui est issue du texte de Stéphane de Byzance. Nous ne préjugeons pas ainsi de son auteur ni du degré d’abréviation du texte. 13  L’épitomisation des textes est fréquente durant la période s’étendant entre le iii e et le vii e  siècle de notre ère. Parmi les nombreuses études sur ce sujet, on renverra à l’analyse de T. Banchich pour ceux relevant des textes historiques (Banchich 2011).

Introduction générale ment Stéphane de Byzance a élaboré son ouvrage et quelle était son étendue réelle. Ceci passe par la comparaison systématique des notices conservées et par la compréhension de la structure du lexique à la fois dans l’œuvre initiale et dans l’Épitomé. Nous avons d’abord comparé le texte d’origine de Stéphane de Byzance (quatorze notices ont été quasi intégralement préservées) avec l’Épitomé, en analysant chacune des composantes des notices ; nous avons procédé de même pour les notices que l’on retrouve en partie conservées dans l’œuvre de Constantin  VII Porphyrogénète (huit notices). Bien que peu nombreuses, toutes ces notices permettent d’avoir une approche un peu quantifiée de l’abréviation, mais surtout de bien comprendre le travail qu’a réalisé celui que l’on pense être Hermolaos si l’on s’en tient à la tradition érudite. D’où l’importance de cette étude pour mieux discriminer ce qui relève de l’œuvre d’origine ou de l’abréviateur. Une réflexion importante a pu également être conduite sur le découpage de l’œuvre d’origine. Plusieurs érudits avaient émis l’hypothèse dès le xixe siècle d’une abréviation multiple, mais sans pouvoir l’appréhender concrètement par rapport au texte des manus­crits. Il a donc fallu partir de notre analyse quantitative du texte pour démêler les différentes phases d’abréviation. Bien sûr, nous avons conscience de l’absence de certitude sur ces épitomisations successives et du très faible échantillonnage à notre disposition. Aucun auteur byzantin ne nous éclaire de manière directe sur ces travaux, à l’exception d’Eustathe de Thessalonique, vers le 3e quart du xiie siècle, qui indique utiliser un épitomé. Toutefois, comme pour les autres lexiques antiques ou tardo-antiques dont nous disposons, l’abréviation est un procédé normal qui tend à ne garder que l’information minimale pour un usage de la langue grecque « classique », toujours présent à l’époque byzantine. Tout au long de notre réflexion, nous avons pu vérifier la logique des différentes phases d’abréviation que nous proposons par rapport au texte dont nous disposons. L’exploitation scientifique de l’Épitomé passe par cette compréhension fine du texte.

La structure du lexique et la tradition lexicographique La façon dont les différentes notices sont organisées ne doit rien au hasard. L’analyse précise de l’ensemble du texte, couplé à la dénomination complète de l’œuvre originale de Stéphane de Byzance, permet en effet de mieux comprendre l’articulation de chacune des notices et d’approcher le projet intellectuel de notre auteur.

3 Le titre long que nous a conservé le fragment de manus­ crit de l’œuvre d’origine est une clef de lecture pour la compréhension des Ethniques. Grâce à lui, nous avons pu déterminer un ordre précis de rédaction du contenu des notices, avec une organisation rationnelle des informations qu’elles contiennent. Bien sûr, il y a peu de comparaison possible entre un toponyme connu par un seul auteur et une notice se rapportant à Alexandrie ou Athènes, mais l’organisation interne reste globalement la même. Dans notre recherche, il importe également de définir la nature de ce que nous appellerons par le néo­ logisme de géonyme14. Cette compréhension interne de l’œuvre a une importance fondamentale pour la relation entre une information et un auteur spécifique. En effet, les mentions d’auteur antique se rapportent à une forme déterminée, qui prend place dans une zone bien définie de la notice. Il ne faut donc pas, par exemple, imaginer que tel auteur cité pour une forme d’ethnique, est la source aussi de la détermination géographique ou d’une forme de ktétique 15. Par ailleurs, l’abréviation a pu entraîner la suppression de telle ou telle mention d’auteur, éventuellement le même, ce qui implique dans tous les cas de bien comparer d’une notice à l’autre le type d’informations que Stéphane de Byzance prend chez chacun des auteurs. Enfin, il a paru important de confronter les Ethniques avec les autres œuvres lexicographiques conservées, qu’elles soient antiques, tardo-antiques ou byzantines car on sait depuis longtemps qu’elles reprennent en très grande partie des informations provenant de lexiques antiques. L’examen détaillé de la lettre α dans plusieurs de ces lexiques (Hesychius, Synagôgê, Photios, Souda, …) a permis de mettre en évidence de grandes traditions lexicographiques, dans lesquelles les informations sont conservées avec peu de changement. Il nous fallait vérifier si l’œuvre de Stéphane de Byzance présentait de fortes similitudes avec l’une ou l’autre des traditions et donc si l’on pouvait déterminer une origine de l’information lexicographique contenue par les Ethniques. Bien sûr nous sommes ici à la limite de notre étude et il fallait 14 

Cette appellation nous a été suggérée par A.  Zucker par comparaison avec un autre domaine d’étude, les noms d’animaux (« zoonymes ») dans les textes grecs. 15  Le ktétique est l’adjectif, dérivé de la forme substantive de l’ethnique, se rapportant à tout ce qui appartient à ce peuple. Il est formé avec le suffixe -ικός (m.), -ική (f.), -ικόν (n.) ; par ex. : ethnique Ἕλλην, ktétique Ἑλληνικός. De façon dérivée du grec, le latin forme les ktétiques en -icus. Voir pour les deux langues Hadas-Lebel 2012, p. 69, avec l’analyse détaillée de la dénomination des Grecs chez les Latins (Graecus).

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prendre garde à ne pas nous perdre dans des problématiques trop éloignées de notre sujet. Mais il nous a semblé important de savoir de quelle(s) tradition(s) est issu le lexique de Stéphane de Byzance et s’il a pu servir de source pour des lexiques plus tardifs. Dans cette analyse des lexiques et des mots qui composent l’Épitomé, nous n’avons pas abordé, volontairement, une part importante de la recherche : quelle réalité trouve-t-on derrière les mots employés par Stéphane de Byzance pour déterminer les lemmes qu’il a sélectionné ? En d’autres termes, à quoi correspondent les termes πόλις, χωρίον ou autre κώμη ? Sans parler des déterminations appartenant à la géographie physique (θάλασσα, νῆσος, πεδίον …). Dans le temps qui nous était imparti, il n’était pas raisonnable de développer cet axe de recherche ; c’est pourquoi nous avons préféré ne pas le traiter du tout plutôt que de le faire de manière superficielle et risquer d’en tirer des conclusions erronées.

L’apport des grammairiens et les auteurs-sources Il fallait en outre connaître la nature des sources compilées dans l’ouvrage de Stéphane de Byzance. L’étude est ici beaucoup plus ambitieuse et mériterait un ouvrage à part entière. C’est d’ailleurs une des pistes qu’a choisie d’explorer M. Billerbeck au travers de ses études les plus récentes. Nous nous intéresserons ici aux différentes catégories d’auteur et aux périodes représentées. Dans un premier temps, c’est le travail des grammairiens qui nous a semblé le plus important puisque Stéphane de Byzance se définit ainsi. L’analyse détaillée des notices du début de l’Épitomé, mieux conservées, met en évidence l’importance d’insertions, dans le texte, de commentaires et d’informations typiques des grammairiens antiques. Une recherche spécifique a donc été entreprise sur les deux auteurs les plus proches dans le temps de Stéphane de Byzance : Eugène d’Augustopolis et Oros d’Alexandrie. Notre réflexion s’est concentrée surtout sur ce dernier, auteur d’un travail dont le titre se rapproche fortement du centre d’intérêt de Stéphane de Byzance, Comment former les ethniques, mais également d’un lexique orthographique par ordre alphabétique et d’un lexique attique. C’était en outre un grand exégète d’Hérodien, dont A. Lentz a voulu faire la source intégrale de Stéphane de Byzance. Son édition des œuvres de ce grammairien grec du ii e  siècle de notre ère 16, incluse dans le TLG, a ainsi considérablement brouillé la 16 

Lentz 1867-1870.

recherche des sources de Stéphane de Byzance. Or l’Épitomé contient encore de très nombreuses mentions et citations d’auteurs qui sont postérieurs à Hérodien. Tout ceci méritait donc une analyse précise pour comprendre dans quel contexte écrivait le grammatikos Stéphane de Byzance. Dans le cadre de la recherche des auteurs-sources des Ethniques, nous avons été amenés à entreprendre un classement de l’ensemble des mentions et citations des auteurs qui apparaissent dans l’Épitomé 17. Classé par ordre chronologique inverse, du plus récent au plus ancien, ce catalogue a permis de mieux comprendre la succession des informations d’un auteur à l’autre. Grâce à cette « matière première », nous avons pu analyser de manière fine la totalité des auteurs datés entre le milieu du ii e  siècle (soit plus ou moins la période d’Hérodien) et le vie siècle de notre ère. Il est possible ainsi de faire ressortir les auteurs que Stéphane de Byzance a pu consulter directement et ceux (le plus grand nombre) qu’il n’a connu que de manière indirecte18. C’est ainsi toute l’histoire de la matière même de son texte qui peut être retracée, mettant en lumière des phases successives de compilation et d’érudition lexicographique et d’étude des formations grammaticales. L’analyse de l’intégralité des mentions dépassait de loin le temps que nous pouvions y consacrer. C’est pourquoi nous avions volontairement choisi au départ de délimiter notre recherche sur les auteurs à la seule étude de ceux relevant d’un ensemble géographique défini.

L’Épitomé comme témoignage historique : l’étude d’un ensemble géographique Il n’était pas possible d’analyser dans le détail la totalité des occurrences conservées par l’Épitomé. Or, c’est en étudiant avec précision les toponymes que l’on peut le mieux distinguer les apports de l’œuvre de Stéphane de Byzance. Il est apparu qu’il valait mieux disposer d’un espace géographique étudié un peu étendu afin de bénéficier d’un corpus suffisamment large pour permettre une étude approfondie de l’œuvre elle-même. C’est pourquoi nous avons pris en compte tous les géonymes 17  Il constitue le volume 5 de notre thèse (Bouiron 2014b). Au même moment, N. De Santis étudiait la tradition historiographique dans l’œuvre de Stéphane de Byzance dans le cadre de sa thèse de doctorat (De Santis 2013). 18  Pour N. De Santis, Stéphane de Byzance a travaillé à partir d’un certain nombre d’œuvres dont il a tiré les géonymes et les a classés par ordre alphabétique (De Santis 2013, p. 34 sq.).

Introduction générale se rapportant à l’Europe occidentale, vaste espace géographique allant de la péninsule ibérique à la GrandeBretagne et au monde germanique. Nous avons laissé de côté l’Europe centrale et orientale, ainsi que l’Italie (au sens augustéen de sa délimitation) qui, à elle seule, aurait démultiplié notre corpus et l’aurait rendu impossible à analyser dans des délais raisonnables. Les îles de Méditerranée occidentale ont cependant été incluses dans notre corpus. Ce genre d’étude, partielle, de l’œuvre de Stéphane de Byzance, n’est pas nouveau. Outre le recours, très fréquent, aux Ethniques pour la mise en perspective historique de tel ou tel toponyme antique 19, d’autres se sont essayés à une lecture plus large des notices, par ensemble géographique. Ainsi, J. Desanges a étudié les géonymes se rapportant à l’Afrique dans l’Épitomé20. De même, A. Grand-Clément a réalisé, dans le cadre d’un mémoire universitaire d’abord puis d’un article21, une étude de toutes les notices se rattachant à l’Égypte, entité géographique et non ethnique. À l’inverse, chez D. Maras et L. Michetti, ce sont les mentions de Tyrrhénie et le rattachement aux Tyrrhéniens (c’est-à-dire les Étrusques) qui ont donné lieu à une analyse particulière 22. À  l’exception de l’article de J. Desanges, et l’on pourrait multiplier les exemples, il n’est fait aucune critique interne de l’œuvre, ni même mention de la transmission abrégée de l’œuvre. De même, les sources sont considérées comme lues par Stéphane de Byzance, sans filtre intermédiaire. C’est peut-être en ce sens que notre étude pourra apporter une vision différente sur cette œuvre si particulière et renouveler (c’est du moins l’espoir que nous avons) la lecture « traditionnelle » sans mise en perspective des notices des Ethniques. On se reportera donc au corpus des 231 notices qui constitue le véritable cœur de notre étude, tout ce qui précède ayant servi à mieux comprendre et analyser 19  On trouvera dans De Santis  2013, p.  30-31, un certain nombre d’études portant sur une trentaine de géonymes, voire parfois d’un regroupement de cités. Il s’agit à chaque fois d’une analyse du texte sans prise en compte du contexte d’écriture et d’abréviation des Ethniques. 20  Desanges 2012, version amplifiée d’un premier texte paru en 2009. Cette étude, certes récente et bénéficiant de la réflexion du premier volume de l’édition de M. Billerbeck, reprend toutes les questions que nous développons dans notre propre étude, bien évidemment sans pouvoir y apporter les mêmes réponses compte tenu du format réduit de son article. 21  Grand-Clément 1999. 22  Maras, Michetti 2011.

5 ces notices. Pour chacune d’elle, nous avons donné le texte brut que l’on peut restituer de l’archétype avec les variantes de lecture puis la mise en forme standard suivie d’une traduction et du texte des mentions dans les œuvres lexicographiques byzantines qui ont utilisé ou non l’un des abrégés de Stéphane de Byzance. Le tout est suivi d’un commentaire, subdivisé en rubriques qui tiennent compte de la structure des notices que nous avons mise en évidence. Une autre partie concerne la localisation géographique du géonyme et les découvertes qui peuvent y être rattachées dans le cas d’un toponyme. Enfin, sont récapitulées les diverses formes lexicales, par auteur et par siècle, suivies d’une bibliographie sommaire concernant le géonyme. Nous étudierons donc les toponymes qui sont rattachés à l’ensemble géographique choisi, afin de mieux comprendre la manière dont Stéphane de Byzance a utilisé ceux qu’il trouvait dans les sources qu’il a consultées. Nous entreprendrons ensuite l’étude dans le détail des sources historiques et littéraires apparaissant dans notre corpus. L’intérêt pour l’historien est en effet de pouvoir dater la mention de tel ou tel toponyme. Or, le travail d’abréviation a fait disparaître de nombreuses références aux sources.

Les auteurs-sources de l’Épitomé et l’histoire de l’Europe occidentale Les différents auteurs doivent être analysés selon un système de classement qui tient compte de la manière dont Stéphane de Byzance a construit son lexique. S’il a basé son travail sur des lexiques plus anciens, ceux-ci constituent autant de points de repère chrono­ logique pour l’étude des auteurs qui sont cités. Nous réservons cette étude plus complète aux seuls auteurs qui ont livré, dans l’Épitomé, une ou plusieurs citations se rapportant à notre champ d’étude géographique limité à l’Europe occidentale. C’est donc par « auteur-source » que nous entreprendrons cette analyse, en gardant présent à l’esprit les conclusions sur l’abréviation des Ethniques et la façon dont Stéphane de Byzance a utilisé chacun des auteurs  : s’agit-il d’un auteur primaire, c’est-à-dire ayant servi à créer les lemmes premiers de son lexique ? Quelles sont les œuvres présentes dans l’Épitomé, en examinant plus particulièrement celles qui concernent les notices que nous avons sélectionnées ? Ces auteurs constituent le point d’entrée de toute étude ultérieure. Il semblait difficile à priori d’aller

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Introduction générale

au-delà des analyses réalisées depuis longtemps23 tant ces notices de l’Épitomé ont servi de fondement aux études de géographie historique de ces régions. Pourtant, leur regroupement raisonné, sous forme de fiches que nous pouvons rapprocher plus facilement, pouvait être de nature à retrouver des attributions que les différentes phases d’abréviation nous avaient perdus. Dans la dernière partie de notre étude, nous reprendrons les grands ensembles géographiques que constituent le monde germanique (mais nous serons ici limités puisque nous n’avons pas inclus l’Europe centrale et orientale), la péninsule ibérique, le Midi de la Gaule, la Gaule et le monde celtique, les îles Britanniques au sens large (avec l’Irlande) et enfin les îles de Méditerranée occidentale. En examinant les données ainsi réattribuées pour la connaissance du Midi de la Gaule, en particulier pour les premiers temps de la romanisation, nous revenons ici à notre point de départ heuristique : cette recherche trouve en effet son origine dans l’étude se rapportant à la ville antique de Glanum, dans le cadre d’une première thèse de 3e cycle restée inachevée. C’est en nous interrogeant sur l’absence de cette ville dans les Ethniques qu’était née une interrogation sur cet ouvrage, dans lequel on trouvait Avignon ou Cavaillon mais pas Glanum, cité dont l’architecture de type grec est particulièrement présente parmi les vestiges découverts par les archéologues. Nous ne prétendons pas refaire ici une histoire de ces contrées à travers toutes les sources antiques, mais plutôt travailler sur une série suffisamment importante pour tenter de retrouver les sources premières dont la mention a disparu avec l’abréviation. L’analyse plus complète des vestiges archéologiques et des sources antiques concernant cet espace géographique relève en effet d’un travail tellement énorme qu’il n’était pas possible de le conduire. Néanmoins, l’apport de Stéphane de Byzance permet de mettre en exergue des propositions de réattribution des mentions à des auteurs donnés qui ouvrent des pistes pour la réflexion des chercheurs travaillant sur ces espaces géographiques.

23   Pour

l’étude des sources sur la Gaule méridionale, voir Bats  2003 et la nouvelle traduction de Strabon par P.  Thollard (Thollard  2009) qui s’est accompagnée d’une étude détaillée de certaines sources. Pour la péninsule ibérique, les travaux sont nombreux et témoignent d’une recherche très active dans ce domaine, à la suite en particulier de la rédaction des THA. Ils seront détaillés dans la suite de notre étude.

Une démarche d’archéologue appliquée aux textes Notre formation d’archéologue nous a appris à aborder un site archéologique en commençant par les niveaux les plus récents. La fouille conduit à remonter le temps et à enlever systématiquement les éléments les plus récents pour révéler ce qui a précédé. Cette démarche a été appliquée au texte de l’Épitomé. Une fois compris l’histoire et la structure interne des Ethniques, nous avons essayé de retrouver les strates successives de réalisation du lexique en partant des auteurs les plus récents vers les plus anciens. Cette démarche régressive permet de retrouver des étapes de constitution de l’information qui, nous l’espérons, serviront la compréhension fine de l’œuvre de notre grammairien. Mais il est temps d’aborder notre première partie : l’histoire de l’œuvre de Stéphane de Byzance et de son épitomé.

Première Partie

L’œuvre de Stéphane de Byzance et son Épitomé Histoire et transmission du texte

L’œuvre de Stéphane de Byzance occupe une place à part dans les ouvrages d’érudition. Par sa date de composition, elle peut être considérée comme le bilan d’un millénaire d’écrits historiques, géographiques et plus largement littéraires de langue grecque, dont on voit ainsi la fécondité. Elle se situe en outre au début de la période byzantine et annonce les ouvrages de compilation que sont la Bibliothèque de Photios, la Souda et autres œuvres philologiques byzantines 1. Mais la connaissance que nous avons de son œuvre est largement déficiente du fait de la disparition de l’ouvrage d’origine : à l’exception de quelques folios miraculeusement conservés, seule une version abrégée en a subsisté. Avant de détailler la structure du lexique et les auteurs dont s’est servi Stéphane de Byzance, il nous faut analyser en détail le texte qui est parvenu jusqu’à nous2. Celui-ci est en effet un abrégé, un « épitomé » suivant la terminologie grecque. Nombreux sont les érudits modernes à signaler une abréviation qui semble différenciée selon les notices, mais il n’a jamais été établi de façon certaine si les Ethniques avaient fait l’objet d’une ou plusieurs abréviations et de quelle manière celle(s)-ci avai(en)t été effectuée(s). Or, une comparaison est encore possible pour certaines notices entre le texte original et celui de l’Épitomé, ou entre des phases d’abréviation différentes. C’est une fois acquise la connaissance du niveau d’abréviation qu’il devient possible d’analyser finement la structure du lexique.

1  A. Diller souligne également ce point, important pour bien resituer l’œuvre que nous étudions : « he was right on the bridge between post-classical and medieval learning  » (Diller  1938, p. 333). 2  Cette recherche a fait l’objet d’un premier article dans la revue en ligne Rursus (Bouiron 2012).

Par les mentions qui ont été faites des Ethniques tout au long des siècles, il est possible de reconstituter l’histoire de la transmission du texte. Jusqu’à présent, même si la recherche des auteurs ayant utilisé Stéphane de Byzance a été initiée voici déjà plusieurs siècles, aucune tentative n’a été faite sur la transmission manus­crite antérieure à l’archétype de nos manus­crits actuels, qui n’apparaît qu’à la fin du xve siècle. Il est donc particulièrement important d’analyser les neuf siècles qui séparent le texte d’origine de cet archétype. Enfin, les études les plus récentes permettent de poser un nouveau regard sur les manus­crits conservés et une meilleure connaissance du manus­crit disparu à l’origine de toutes les copies que nous possédons.

1. L’ouvrage initial et l’abréviation d’Hermolaos Le lexique géographique composé par le grammairien Stéphane de Byzance, que l’on nomme habituellement les Ethniques (en grec Ἐθνίκα), est une œuvre qui rassemble, classée par ordre alphabétique, une grande partie des noms géographiques mentionnés par les auteurs anciens de langue grecque1. Des citations originales avec leurs références constituent l’essentiel des notices. La première question que soulève cette œuvre est sa datation, longtemps restée incertaine : a-t-elle été composée au ve siècle et abrégée au cours du siècle suivant ou date-t-elle du vie siècle2 ?

1.1. L’auteur et le titre de l’ouvrage Nous nous attacherons dans un premier temps à étudier les rares informations que nous pouvons avoir sur l’auteur, Stéphane de Byzance, ainsi que le titre exact ou abrégé de son œuvre. 1.1.1. L’auteur Nous possédons encore un fragment de l’œuvre non abrégée dans quelques feuillets du manus­crit Parisinus Coislinianus  228 [diktyon 49369] (sigle  S), datés du 1 

L’édition de référence a été, jusqu’à très récemment, celle d’A.  Meineke (Meineke  1849, rééditée en 1958)  ; elle devait être suivie d’un volume de commentaires qui n’est jamais paru. Une nouvelle édition critique du texte avec traduction allemande l’a remplacée  : Billerbeck et  al.  2006-2017 (voir la critique du premier volume par C.  Neri et S.  Valente  : Neri  2008  ; Valente  2009). Sur l’ensemble de l’œuvre, voir Billerbeck Zubler 2007 et Billerbeck, Neumann-Hartmann 2021. Dans son étude générale de la littérature byzantine, H. Hunger n’apporte pas d’élément nouveau sur la connaissance de l’auteur et de l’œuvre (Hunger 1978a p. 530-531 et 1978b, p. 36-37). 2   Il est caractéristique ici de voir l’évolution des différents spécialistes de Stéphane de Byzance. Si un consensus s’est dégagé depuis le milieu du xx e  siècle pour une datation au vi e  siècle, aucune argumentation récente n’a été élaborée comme le montre la critique de C. Neri de l’introduction de la nouvelle édition, qui reprend les points déjà exposés par E. Honigmann (Neri 2008 ; Honigmann 1929). C’est particulièrement vrai de la question de l’abréviation attribuée à un certain Hermolaos qui est souvent passée sous silence.

xie  siècle3. Les folios conservés nous ont préservé la fin d’un livre (le XIII) avec les notices comprises entre Dumânes 4 et Dôtion, ainsi qu’un sommaire (pinax) du livre  suivant (une partie de la lettre  ε5) et le début de la première notice, celle d’Eares. Le livre  XIV débute (fol. 122) par un en-tête qui nomme son auteur «  Στεφάνου γραμματικοῦ Κωνσταντινουπόλεως  » et donne le titre de l’ouvrage. Nous aurons l’occasion de revenir à plusieurs reprises sur ce fragment, d’une importance capitale pour la compréhension de l’œuvre d’origine et de son abrégé. Le nom seul de Stéphane (Στέφανος) apparaît dans la mention qu’en fait Georgios Choiroboscos au début du ixe siècle (cf. infra p. 10 et 48). Plus tard, au milieu du xe siècle, Constantin VII Porphyrogénète, probable auteur du livre II du De Thematibus (10.9)6, l’appelle « ὁ γραμματικὸς Στέφανος », probablement sur la base d’une indication similaire du manus­crit qu’il utilisait. Vers la même époque, la liste des auteurs, classés par genre, que fournit le Parisinius Coislinianus 387 [diktyon 49528], le nomme «  Στέφανος ὁ Kωνσταντίνου πόλεως  » 7. La Souda n’a aucune notice pour notre auteur, mais son 3 Fol. 116r-119bisv, 120-122v, soit un quaternion en parchemin.

Le Coislinianus 228 (noté S dans la tradition) est un manus­crit composite, dont les folios qui nous intéressent sont datés de nos jours du xie siècle (Billerbeck et al. 2006, p. 5*), mais qu’A. Diller datait du xiie siècle, sans qu’il en précise la raison (Diller 1938, p. 334 avec en note les différentes éditions de ces folios, qui ont fait l’objet de publications particulières depuis 1669). Nous donnons plus loin le détail de la composition de ce manus­crit (cf. infra p. 17-18). 4  La citation de Stéphane de Byzance concernant cette première notice est incomplète car le manus­crit commence à la ligne 12 de la p. 240 de l’édition de Meineke (Billerbeck et al. 2006, p. 5*). 5  Il comprend toutes les entrées entre Eares et Elôros, suivies pour chacune d’un identifiant géographique (πόλις, ἔθνος, φρούριον, δῆμος, νῆσος, χωρίον, χώρα, τόπος). Nous avons ici le sommaire correspondant à un livre entier de l’ouvrage de Stéphane de Byzance. Le manus­crit  indique le livre  XI (ιαʹ) mais dans l’organisation générale de l’ouvrage il s’agit du livre XIV (ιδʹ, cf. infra p. 31-34). 6  Pour la datation du livre II du De Thematibus, très certainement de la main de Constantin Porphyrogénète, cf. infra p. 51. 7  Dans la liste, publiée par Kroehnert 1897, p. 5-8, Stéphane de Byzance est classé, par erreur, dans la liste des grammairiens auteurs de Περὶ διχρόνων et non Περὶ ἐθνικὼν.

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nom apparaît dans celle du grammairien Hermolaos (ε 3048 Adler), avec l’indication Στεφάνου γραμματικοῦ. On sait que les notices biobibliographiques de la Souda procèdent d’une œuvre d’Hesychius de Milet, abrégée probablement au ix e  siècle, et intégrées telles quelles dans ce lexique. L’œuvre de Stéphane de Byzance étant connue à cette époque, on peut imaginer que l’absence de notice à son nom signifie que son œuvre était restée non « publiée » d’où la mention d’une version abrégée publiée par Hermolaos8. Enfin, au xii e  siècle, Eustathe de Thessalonique (Com. Il. 2.342) donne une fois son nom seul (Στέφανος), tandis que Jean Tzétzès (Chiliades 3.818-820) indique son origine géographique sous la forme « Στέφανος ὁ Βυζάντιος » probablement pour des questions métriques (les Chiliades sont en vers). Ce grammairien n’est connu que par ce seul ouvrage à caractère géographique9. Ces mentions sont très proches et dérivent certainement toutes de l’indication de l’auteur contenue dans le manus­crit. Les renseignements sur celui-ci sont clairs : Stéphane est un grammatikos, c’est-à-dire un grammairien (au sens antique du terme), qui étudie (et sans doute enseigne) l’art des lettres et des mots à Constantinople. Seul Jean Tzétzès l’appelle « Stéphane de Byzance », ce qui correspond à la manière antique de nommer les personnes (un prénom avec l’indication de la ville d’origine) alors que la mention du manus­crit renvoie plutôt une formulation de l’Antiquité tardive. On trouve dans l’Anthologie grecque (9.385) une épigramme placée sous la mention d’un grammatikos nommé Stéphane (Στεφάνου γραμματικοῦ). Il s’agit d’une sorte de sommaire de l’Iliade, chaque vers explicitant un livre. Comme le signalent les traducteurs de l’Anthologie grecque, «  ces monostiques résumant le contenu de chacun des chants de l’Iliade se trouvent dans de nombreux manus­c rits du poème  » 10. Cette Il faudrait le vérifier de manière absolue mais il semble bien que l’on ne trouve des notices biographiques d’auteurs, grammairiens, poètes, historiens … que dans la mesure où l’on mentionne les œuvres qu’ils ont écrites et donc diffusées (même si c’est pour simplement mentionner qu’ils ont écrit de nombreuses œuvres). L’absence de notice de Stéphane de Byzance dans la Souda pourrait s’interpréter à l’aune de cette observation. 9  Cf.  PLRE, 2, Stephanus Byzantius 24. Voir les testimonia rassemblés dans la nouvelle édition (Billerbeck et  al.  2006, p. 3). Il existe un autre Stéphane de Byzance plus tardif, auteur de commentaires sur l’Art Rhétorique d’Aristote (Cramer  1839, p. 245 sq.), qui pourrait être le même que Stéphane d’Alexandrie (et d’Athènes ?), connu à l’époque d’Héraclius Ier (610-641). 10  Texte de la Collection des Universités de France, Waltz et

même épigramme est incluse dans le Commentaire de l’Iliade d’Eustathe de Thessalonique (2.231) où elle est commentée sous le titre ΕΚ ΤΩΝ ΤΗΣ ΖΗΤΑ ΡΑΨΩΙΔΙΑΣ. Rien ne prouve qu’il s’agisse de Stéphane de Byzance, mais rien ne s’y oppose non plus, l’Anthologie grecque contenant de nombreuses épigrammes d’époque justinienne 11. On a proposé également de voir dans l’auteur de l’épigramme le commentateur de Denys le Thrace, érudit du vi e siècle, et de rattacher cette épigramme au cycle d’Agathias le Scholastique12. Rien ne s’oppose là encore à ce qu’il s’agisse du même personnage. 1.1.2. Le titre de l’ouvrage Le titre de l’œuvre d’origine apparaît dans l’en-tête du livre XIV du manus­crit Coislinianus 228, après le nom de l’auteur. L’ouvrage s’appelait « Περὶ πόλεων, νήσων τε καὶ ἐθνῶν, δήμων τε καὶ τόπων καὶ ὁμωνυμίας αὐτῶν καὶ μετονομασίας καὶ τῶν ἐντεῦθεν παρηγμένων ἐθνικῶν τε καὶ τοπικῶν καὶ κτητικῶν ὀνομάτων  » («  Sur les noms des villes et des îles, des peuples et des dèmes, et des lieux ; et, les concernant, les cas d’homonymie et les cas de changement de nom, ainsi que les noms dérivés ethniques, topiques et ktétiques »). Nous reviendrons plus loin à la fois sur le sens réel de ce titre (cf. infra p. 87) et sur l’ampleur de l’ouvrage (cf. infra p. 30 sq.)13. Le titre est déjà donné en abrégé (τὰ Ἐθνικὰ, les Ethniques) dans la notice de la Souda (issue d’Hesychius de Milet) concernant le grammairien Hermolaos, auteur de « l’épitomé des Ethniques de Stéphane » à l’époque de Justinien. Il se retrouve au début du ixe siècle chez le grammairien Georgios Choiroboscos, qui mentionne « Στέφανος ὁ τὰ Ἐθνικὰ γράψας » 14. Trois siècles plus tard, Stéphane de Byzance est dénommé l’« auteur sur les ethniques  » (Ἐθνικογράφον) dans les nombreuses

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Soury éd., t. VIII (Anthologie Palatine), 1974, p. 18-19. Un vers de cette épigramme (v. 6) se retrouve dans les scholies à Homère (Hypotheses in Iliadem, e D scholiis, 6.3). 11  L’une des éditions ayant précédé les anthologies byzantines proprement médiévales est celle d’Agathias, le poète et historien mort vers 582, guère éloigné dans le temps de Stéphane de Byzance. 12  C’est la proposition d’identification faite par P. Laurens dans l’édition de la Collection des Universités de France pour les 100 ans de la collection. 13  Billerbeck, Neumann-Hartmann 2021, p. 10-12. 14   Georgios Chœroboscos, Eis ton onomatikon, 163a. Cf. Honigmann 1929, col. 2374.

1. L’ouvrage initial et l’abréviation d’Hermolaos mentions d’Eustathe de Thessalonique15, qui ne le cite par son nom (Στέφανος (…) ἐν τοῖς Ἐθνικοῖς), qu’une seule fois16. La même forme Ἐθνικογράφον apparaît dans les gloses tardives de la Souda (notice Nakônê), dont A. Diller a montré qu’elles étaient de la main du même Eustathe17. Il est intéressant de constater que, depuis le vie siècle, les auteurs ont considéré que son œuvre traitait principalement des noms de peuples et ont fait de cette indication le titre usuel dérivé, peut-être du fait d’une introduction générale maintenant disparue sur laquelle nous reviendrons plus loin (cf. infra p. 90). À l’inverse, Jean Tzétzès (Chiliades 3.818-820) donne un titre plus exact, bien que partiel : « τῷ περὶ νήσον, πόλεων καὶ δήμων τε βιβλίῳ / Στέφανος ὁ Βυζάντιος οὐ γράφει περὶ ταύτης, / περὶ τῆς Ἡρακλείας δὲ γράφει τῆς ἐν τῷ Πόντῳ ». Cela pourrait peut-être signifier qu’il a vu le manus­crit original. Le titre de l’Épitomé (c’est-à-dire du texte que nous avons conservé) reprend celui que l’on donnait usuellement à l’œuvre de Stéphane de Byzance. Ainsi, on trouve en incipit de la plupart des manus­crits : « tiré des Ethniques de Stéphane, selon son épitomé » (« ἐκ τῶν Ἐθνικῶν Στεφάνου κατ’ ἐπιτομην »)18, formulation qui ressemble d’ailleurs étrangement à celle de la notice d’Hermolaos dans la Souda (τὴν ἐπιτομὴν τῶν Ἐθνικῶν Στεφάνου γραμματικοῦ). Certains des manus­c rits de l’abrégé ont conservé le début du titre primitif (« Περὶ πόλεων καὶ δήμων ») ce qui a donné lieu à la traduction latine « De urbibus » que l’on trouve dans les premières éditions imprimées19.

Com.  Il. 1.460, 1.504, 1.511 et 1.574 (Van der Valk 1981-1987). 16  Cohn 1907c, col. 1484. Com. Il. 2.342 (v. 397) : Ἰστέον δὲ καὶ ὅτι διαφόρους γραφὰς ἀποφέρεται τὸ ῥηθὲν Ἀδραμύτειον, καθὰ καὶ Στέφανος παραδίδωσιν ἐν τοῖς Ἐθνικοῖς. καὶ γὰρ καὶ μετὰ τοῦ δ λέγεται Ἀδραμύτειον, καὶ μετὰ τοῦ τ Ἀτραμύτειον, ὡς καὶ τοῦ ῥηθέντος κτήτορος αὐτοῦ ἴσως οὕτω διφορουμένου, καὶ τὴν παραλήγουσαν δὲ διά τε δύο τ ἔχει καὶ δι’ ἑνός, ἔτι δὲ καὶ διὰ διφθόγγου καὶ διὰ μόνου διχρόνου. 17  Ν 20 Adler : Νακώνη· πόλις Σικελίας, κατὰ τὸν Ἐθνικογράφον. Diller 1938, p. 335-336. 18 Cf. Honigmann 1929, col. 2374. 19 Voir infra p. 71. Pour l’ensemble des indications, voir Biller­ beck et al. 2006, p. 8*. En fonction de ce titre, A. Diller et à sa suite M. Billerbeck ont proposé de répartir les manus­crits conservés en deux groupes (Diller 1938, p. 340-341 ; Billerbeck et al. 2006, p. 8* sq.). 15  

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1.2. La datation de l’œuvre d’origine et son abréviation Compte-tenu de l’absence totale d’informations sur son auteur, la réflexion sur la date à laquelle vécut Stéphane de Byzance ne peut se faire que par analyse interne de l’œuvre. Nous reprendrons d’abord rapidement les arguments connus depuis longtemps avant d’approfondir l’étude de l’auteur le plus tardif utilisé par Stéphane de Byzance qui nous servira à vérifier la date de rédaction. 1.2.1. L’argumentation traditionnelle sur la datation L’œuvre que nous connaissons actuellement semble avoir été composée dans le second quart du vie siècle apr. J.-C., comme en témoignent les mentions d’Eugène, grammairien sous Anastase Ier (491-518)20, des nouveaux noms d’Antioche et de Sukai donnés par Justinien après 52821, ou de la fortification de Dara/Anastasiopolis, construite en 507 et détruite en 57322. Dernier argument chronologique, il a été proposé d’identifier avec vraisemblance, dans la mention du μαγίστρῳ Πέτρῳ, le magister officiorum de 539, Pierre le Patrice23. Ces arguments sont connus depuis longtemps et ont été repris et détaillés par E. Honigmann, auquel nous renvoyons24. Ce dernier considère que ces mentions sont l’œuvre de Stéphane de Byzance. Il ne semble donc pas y avoir de doute sur le moment de la rédaction. L’incertitude sur la datation vient de l’article de la Souda, sous l’entrée Ἑρμόλαος. Le texte indique qu’un certain Hermolaos, grammatikos, est l’auteur d’un abrégé des Ethniques de Stéphane de Byzance et que cet épitomé avait été dédié à Justinien 25. Si la dédi20  s.v. Anaktorion (α 305). Cf. Honigmann 1929, col. 2369 et Fraser 2009, p. 286-287. Sur ce grammairien, voir infra p. 128 sq. 21  s.v. Theoupolis (θ 25) et Sukai (σ 311). Cf. Honigmann 1929, col. 2370 et 2371. 22  s.v. Darai (δ 20). Cf. Honigmann 1929, col. 2371. 23   s.v.  Akonai (α 163). Cf.  Honigmann  1929, col.  2370  ; PLRE, 3B, Petrus 6. Hunger 1978a, p. 300-303. 24  Honigmann  1929, col.  2372-2374 et avant lui Müller 1918, p. 340 sq. Voir récemment la récapitulation des arguments par C. Neri à la suite de la publication du 1er tome de la nouvelle édition (Neri 2008) et Billerbeck, Neumann-Hartmann 2021, p. 1-5. 25  ε 3048 Adler : « Ἑρμόλαος, γραμματικὸς Κωνσταντινουπόλεως γράψας τὴν ἐπιτομὴν τῶν Ἐθνικῶν Στεφάνου γραμματικοῦ προσφωνηθεῖσαν Ἰουστινιανῷ τῷ βασιλεῖ  » («  Hermolaos, gram­ mairien de Constantinople ayant écrit l’épitomé des Ethniques du grammairien Stéphane, dédié à l’empereur Justinien »). H. Hunger date Hermolaos de l’époque justinienne (Hunger 1978b, p. 37).

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cace concerne bien l’abrégé comme l’indique la notice (grammaticalement, le texte grec ne laisse pas de doute), on peut se demander s’il s’agit de Justinien Ier (empereur de 527 à 565) ou Justinien II (empereur de 685 à 695 et de 705 à 711). Comme A. Diller en son temps, M. Billerbeck rappelle que la Souda reprend les notices biographiques de l’Onomatologos d’Hesychius de Milet, auteur du vie siècle26. Ce dernier semble donc être la source de la notice sur Hermolaos, ce qui exclurait alors Justinien II mais pose bien évidemment problème s’il s’agit d’une abréviation d’une œuvre déjà existante. Ceci implique alors qu’Hermolaos est un quasi contemporain de Stéphane de Byzance ou bien que ce dernier est nettement antérieur27. A. Meineke, dans son édition de 1849, pensait que la dédicace concernait bien l’épitomé et plaçait les gloses se rapportant au vie siècle sous la plume d’Hermolaos. Il était pour lui vraisemblable de dater l’œuvre originale du siècle précédent, ce qui lui semblait compatible avec les auteurs cités qui, toujours selon son avis, ne dépassaient pas le début du ve siècle. Pour A. Diller, la dédicace à Justinien pouvait se rapporter à l’ouvrage de Stéphane de Byzance lui-même et non son abrégé28. Nous allons revenir plus en détail sur ces questions. Enfin, il faut admettre l’ajout postérieur à Stéphane de Byzance, par interpolation, d’une mention de Georgios Choiroboscos dans l’article Tamiathis (τ 16) comme le proposaient déjà A. Meineke (s.v.) et E. Honigmann29 ; M. Billerbeck ne conserve d’ailleurs pas ce témoignage parmi les éléments permettant de dater l’œuvre. La nouvelle édition de M. Billerbeck n’apporte pas d’autres arguments sur la chronologie des deux auteurs. Nous pensons toutefois que l’on peut renforcer l’argumentation d’une datation des premières décennies du règne de Justinien pour l’œuvre d’origine en analysant l’un des auteurs cités par Stéphane de Byzance : Capiton de Lycie.

26  Diller 1938, p. 333 ; Billerbeck et al. 2006, p. 4* n. 4. À l’article Ἡσύχιος (η 611), la Souda signale que cet auteur est la source de ce livre ; la mention concerne probablement un ouvrage intermédiaire entre l’œuvre d’Hesychius et la Souda, ayant résumé (?) les notices se trouvant dans l’Onomatologos. 27  C’est ce que résume la PLRE, 2, Stephanus Byzantius 24, en renvoyant à l’article d’Honigmann 1929. 28  Diller 1938, p. 333 n. 2. 29  Honigmann 1929, col. 2371.

1.2.2. Les mentions de Capiton de Lycie Jusqu’ici, on n’a pas suffisamment prêté attention aux citations de l’auteur le plus tardif utilisé par Stéphane de Byzance, Capiton de Lycie. Pour E. Honigmann, il s’agit d’un auteur mal daté, alors qu’E. Stempliger avait déjà proposé une datation tardive30. Nous savons par la Souda qu’il écrivit un livre Sur l’Isaurie31 (Isaurika) en 8 livres32 et traduisit en grec l’épitomé de Tite-Live par Eutrope33. Dans le texte qui nous est parvenu, Stéphane de Byzance le cite à quinze reprises, dont dix fois explicitement pour son œuvre Isaurika (trois citations pour le livre I, trois pour le livre II, une pour le livre III, une pour le livre V et deux pour le livre VI) et cinq fois sans mention de titre (mais la localisation géographique des toponymes renvoie très vraisemblablement à la même œuvre)34. 30 

Honigmann 1929, col. 2386 ; Stempliger 1907, p. 623 sq. κ 342 Adler : « Καπίτων, Λύκιος, ἱστορικός. οὗτος ἔγραψεν Ἰσαυρικὰ βιβλία ὀκτώ, μετάφρασιν τῆς ἐπιτομῆς Εὐτροπίου, Ῥωμαϊστὶ ἐπιτεμόντος Λίβιον τὸν Ῥωμαῖον, καὶ περὶ Λυκίας καὶ Παμφυλίας » (« Capiton, de Lycie, historien. Celui-ci a écrit : des Isaurika en 8 livres ; une traduction de l’épitomé d’Eutrope, résumé en latin de Livius le romain ; et Sur la Lycie et la Pamphylie »). L’Isaurie est une région d’Asie Mineure au sud des monts du Taurus, encadrée par la Cilicie et la Pamphylie et qui correspond partiellement à l’ancienne Lycaonie. 32  On a lu à la suite de l’édition d’Aldus πεντεκαιδεκάτῳ (15) pour le livre cité dans la notice Psimada (ψ 10). A. Meineke a restitué d’après les manus­crits ε´ ; il n’y a pas de raison de supposer plus de 8 livres à son œuvre. 33  On trouve le texte de fragments assez nombreux attribués à cette œuvre dans l’édition de l’épitomé d’Eutrope (MGH SS aa 2, en bas du texte grec conservé de Paeanius), selon une tradition qui remonte à la publication des Excerpta Constantiniana de virtutibus et vitiis par Valesius en 1634. Toutefois, U. Roberto a démontré que les fragments publiés proviennent de la relecture amplifiée d’une traduction d’Eutrope par Jean d’Antioche et que rien ne permet de la faire remonter à Capiton de Lycie (Roberto 2003). Nous considèrerons donc, à la suite de U. Roberto, que nous n’avons pas conservé de trace de cette traduction. 34   Sur l’Isaurie (ἸΣΑΥΡΙΚΑ), en 8  livres d’après la Souda. Connu seulement par Stéphane de Byzance [FGrHist n o  750 F 1-17]. Probable : Akarassos, ville de Lycie (α 154 : πόλις Λυκίας, ὡς Καπίτων [F 14]) ● Amaseia, ville du Pont (α 261 : κατὰ δὲ Καπίτωνα Ἀμασεώτης [F 15]) ● Dermê, fortification d’Isaurie (δ 54 : Καπίτων δὲ Δέρμην φησί [F 16]) ● Pisuê, ville de Carie (π 163 : Καπίτων δὲ διὰ τοῦ σ αὐτὴν λέγει [F  17]). Sans n o  de livre  : Monabai, ville d’Isaurie (μ 207  : πόλις Ἰσαυρίας. Καπίτων ἐν Ἰσαυρικῶν [F  13]). Livre I : Edebêssos, ville de Lycie (ε 12 : πόλις Λυκίας, ὡς Καπίτων ἐν Ἰσαυρικῶν αʹ [F 1]) ● Kotradis, ville d’Isaurie (κ 189 : πόλις Ἰσαυρίας. Καπίτων Ἰσαυρικῶν αʹ [F 2]) ● Lalisanda, ville d’Isaurie (λ 24 : πόλις Ἰσαυρική, ὡς Καπίτων ἐν Ἰσαυρικῶν αʹ. τὸ ἐθνικὸν Λαλισανδεύς [F 3]). Livre II : Alimala, place de Lycie (α 212 : χωρίον Λυκίας. Καπίτων ἐν Ἰσαυρικῶν βʹ [F  4]) ● Arukanda, ville de Lycie (α 465  : πόλις 31 

1. L’ouvrage initial et l’abréviation d’Hermolaos Deux indices particuliers témoignent à la fois de la date de rédaction des Isaurika et de la période qui les sépare de l’œuvre de Stéphane de Byzance. Dans la notice Psimada (ψ 10), l’Épitomé a conservé une citation qui mentionne un certain Conon. Or ce personnage, connu comme évêque d’Apamée en 484, est nommé la même année commandant militaire par l’empereur Zénon35. Il fait partie de ces Isauriens qui connaissent une ascension rapide à la suite des empereurs (isauriens) Léon (457-474) et surtout Zénon (474-475 et 476-491). Après des premiers troubles anti-Isauriens à Constantinople en 475, l’arrivée au pouvoir d’Anastase Ier (491-518) renverse la situation : les Isauriens font l’objet d’un véritable rejet qui génère une révolte (connue sous le nom de guerre Isaurienne) entre 492 et 497. Conan, qui est devenu leur général, meurt en 493 à la suite de la bataille de Claudiopolis. À l’issue du conflit, la célébration de la victoire par Anastase entraîne la construction d’une porte au Palais impérial de Constantinople et la rédaction, par Christodoros, d’un poème en six livres qui porte le nom d’Isaurika (Souda χ 525 Adler). Il est probable que l’œuvre de Capiton s’inscrit dans cette série de commémorations et date des alentours de 500. Le second indice est plus équivoque. Stéphane de Byzance mentionne la ville Dalisanda en notant la forme particulière qu’il trouve chez Capiton, Lalisanda (le toponyme est d’ailleurs classé à la lettre Λ, λ 24). Il précise que « les gens de nos jours l’appellent Dalisanda et Dalisandêôtas les habitants ». Cette ville est mentionnée par Ptolémée (Geogr. 5.7.7) et par des inscriptions la rattachant au Koinon des Lycaoniens en 166 et 244-24936. La forme Lalisanda est bien évidemment une erreur de lecture. Mais remonte-t-elle à Stéphane de Byzance (en copiant le manus­crit qu’il avait sous les yeux) ou à Capiton37 ? Et qui est l’auteur de la remarque « de Λυκίας, ὡς Καπίτων ἐν Ἰσαυρικῶν βʹ [F 5]) ● Sumbra, fortification de Phrygie (σ 317 : Φρυγίας φρούριον, ὡς Καπίτων ἐν Ἰσαυρικῶν βʹ [F 6]). Livre III : Arneai, ville de Lycie (α 439 : πόλις Λυκίας μικρά, ὡς Καπίτων Ἰσαυρικῶν γʹ [F 7]) ● Menedêmion, ville de Lycie (μ 142 : πόλις Λυκίας. Καπίτων ἐν Ἰσαυρικῶν γʹ [F 8]) ● Suedra, ville d’Isaurie (σ 306 : πόλις Ἰσαυρίας, ὡς Καπίτων ἐν Ἰσαυρικῶν γʹ [F 9]). Livre V : Psimada, place d’Isaurie (ψ 10 : Καπίτων ἐν εʹ « Κόνωνα δὲ παρόντα Ψιμαδέα μεγάλως ἐφιλοφρονήσατο » [F 10]). Livre VI : Kauindana, village d’Isaurie (κ 134 : Ἰσαυρίας κώμη. Καπίτων Ἰσαυρικῶν ϛʹ [F 11]) ● Moukissos, ville de Cappadoce Seconde (μ 218 : πόλις Καππαδοκίας δευτέρας. Καπίτων Ἰσαυρικῶν ϛʹ [F 12]). 35  PLRE 2, Conon 4. Sur ces évènements, notre lecture rejoint celle de Roberto 2003, p. 248. 36  Laminger-Pascher 1986. 37   Dans l’apparat critique des FGrHist (F  3) est évoquée

13 nos jours » ? Si elle est bien de notre grammairien, elle témoigne d’une faible distance temporelle avec la citation de Capiton. Les mentions de Capiton de Lycie ne sont pas différentes de celles des autres auteurs : souvent elles constituent l’unique référence d’un nom ; d’autres fois il est clair que Stéphane de Byzance a utilisé d’autres auteurs, que l’abréviation a supprimé. Il n’y a pas de preuve pour y voir une adjonction postérieure qui aurait été faite par Hermolaos. Il est donc quasiment certain que Stéphane de Byzance est bien contemporain des mentions du vi e siècle qui parsèment son œuvre, et qu’il en est l’auteur. Nous allons les réexaminer plus précisément pour vérifier leur appartenance à l’œuvre d’origine. 1.2.3. L’analyse des mentions du vie siècle Nous reprenons ici les mentions déjà signalées supra (p. 11-12) que nous souhaitons confronter avec la compréhension du texte que nous pouvons avoir après l’analyse très détaillée à laquelle nous l’avons soumis. Nous nous baserons donc sur tout ce que nous savons de la structuration du lexique, en anticipant sur ce qui sera développé plus bas (cf. infra p. 92). Dans la notice Akonai (α  163) 38, peu abrégée, A. Meineke avait indiqué entre crochets la mention concerégalement cette hypothétique corruption du nom lu par Capiton ou Stéphane de Byzance. Il s’agit bien évidemment d’une confusion classique d’onciale (Δ/Λ). 38 « Akonai : I-[A] village près d’Héraclée. [C] On emploie la périphrase ‘l’habitant d’Akonai’. [D] L’ethnique se dit Akonitês, [E1] le féminin Akonitis. II-[A] Akonitis est en effet une île importante pour le patrice digne de toute louange et parfaitement empli de sagesse, le magister Petrus, et située en face de la bienheureuse ville [Constantinople] et de Chalcédoine. [B] Elle est surnommée ainsi en raison de la grande quantité de pierres qui s’y trouvent et sont travaillées pour servir de pierres à aiguiser [akona]. III-[F1] On emploie aussi le mot aconit [akoniton] pour un poison, selon Athénée, dans le 3e livre du Banquet des sophistes : ceux qui mangent au préalable de la rue [un poisson] sont insensibles aux effets de l’aconit. Il paraît qu’il doit son nom au fait qu’il pousse dans un lieu nommé Akonai, qui est du côté d’Héraclée » (Ἀκόναι· I-[A] πολίχνιον πλησίον Ἡρακλείας. [C] λέγεται κατὰ περίφρασιν ὁ οἰκῶν τὰς Ἀκόνας. [D] τὸ ἐθνικὸν Ἀκονίτης, [E1] τὸ θηλυκὸν Ἀκονῖτις. II-[A] οὕτω γάρ τις νῆσος διαφέρουσα μὲν τῷ πανευφήμῳ πατρικίῳ καὶ τὰ πάντα σοφωτάτῳ μαγίστρῳ Πέτρῳ, κειμένη δὲ καταντικρὺ τῆς εὐδαίμονος πόλεως καὶ Χαλκηδόνος. [B] ἐπικέκληται δὲ διὰ τὸ πλῆθος τῶν ἐν αὐτῇ πρὸς ἀκόνας πεποιημένων λίθων. III-[F1] λέγεται καὶ ἀκόνιτον δηλητήριον φάρμακον, ὡς Ἀθήναιος ἐν γʹ Δειπνοσοφιστῶν, ὅτι τοὺς προφαγόντας τὸ πήγανον μηδὲν πάσχειν ἐκ τοῦ ἀκονίτου. κληθῆναι δέ φασι διὰ τὸ φύεσθαι ἐν τόπῳ Ἀκόναις καλουμένῳ, ὄντι περὶ Ἡράκλειαν).

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Première Partie : L’œuvre de Stéphane de Byzance et son Épitomé

nant le magister Petrus. Effectivement, à la lecture de la notice, cette partie du texte a pu lui sembler incongrue à cet emplacement, mais elle s’insère logiquement comme deuxième toponyme ayant le même nom que le lemme. On imagine d’ailleurs mal ici une glose provenant d’un auteur comme Eustathe de Thessalonique, trop éloigné dans le temps. Il s’agit selon nous d’une insertion contemporaine du personnage dont il est question, qui a tenu sa charge de 539 à sa mort en 565. On peut imaginer toutefois que Stéphane de Byzance a pu compléter sa notice dans un second temps, lors d’une révision ou d’une relecture générale de son texte. La mention du grammairien Eugène, dans la notice Anaktorion (α 305)39, est elle aussi normale : elle fait partie de ces mentions grammaticales que l’on trouve à la fin de certaines notices. L’incise précisant le rôle d’Eugène semble correspondre à un rappel logique de la part d’un grammairien constantinopolitain comme Stéphane de Byzance. L’organisation de la notice sur la forteresse de Dara/ Anastasiopolis (δ 20)40 ne montre pas d’insertion plus tardive. On indique bien que l’ancienne Dara porte maintenant le nom de Daras et qu’il s’agit de la forteresse appelée Anastasiopolis, très puissante est-il précisé. Il s’agit très certainement d’une indication directe de Stéphane de Byzance qui a dû connaître, soit directement soit par ses lectures, les travaux conduits par Anastase Ier (mais la mention peut provenir de Capiton). Il manque 39 « Anaktorion : [A] ville d’Acarnanie, (de genre) neutre, [B] fondation des Corinthiens (Thucydide, 1er livre). [C2] Le nom est masculin chez Sophocle. [D] L’ethnique se dit Anaktorios, le territoire Anaktoria et [l’ethnique] Anaktorieus. [F2] Sophocle emploie le nom avec la diphtongue ei : ‘Anaktoreion, qui a reçu son nom de cette terre’. Mais Eugène, qui a, avant nous, fait rayonner les écoles dans la capitale de l’Empire, l’écrit avec une diphtongue [ei] dans sa Collection de termes. Il semble avoir utilisé un livre non corrigé car nous le trouvons, nous, écrit avec un i » (Ἀνακτόριον· [A] Ἀκαρνανίας πόλις, οὐδετέρως, [B] Κορινθίων ἄποικος. Θουκυδίδης αʹ. [C2] ἀρσενικῶς παρὰ Σοφοκλεῖ. [D] τὸ ἐθνικὸν Ἀνακτόριος καὶ Ἀνακτορία ἡ γῆ καὶ Ἀνακτοριεύς. [F2] Σοφοκλῆς δέ φησι διὰ τῆς ει « Ἀνακτόρειον τῆσδ’ ἐπώνυμον χθονός ». καὶ Εὐγένιος δέ, ὁ πρὸ ἡμῶν τὰς ἐν τῇ βασιλίδι σχολὰς διακοσμήσας, ἐν Συλλογῇ λέξεων διὰ διφθόγγου φησίν. ἔοικε δ’ ἀστιγεῖ ἐντετυχηκέναι βιβλίῳ· ἡμεῖς γὰρ διὰ τοῦ ι εὕρομεν). 40 « Darai : I-[A/B] que l’on appelle maintenant Daras, placeforte dénommée Anastasioupolis, très fortifiée. [D] Le citoyen s’appelle Darênos, comme Dousarê forme Dousarênos. On trouve aussi Daraios. II-[Da] Il existe aussi un peuple appelé Darrai avec deux r, tout près de la mer Rouge » (Δαραί· I-[A/B] ὃ νρας φασί, φρούριον Ἀναστασιούπολις λεγόμενον, ὀχυρώτατον. [D] ὁ πολίτης Δαρηνός ὡς Δουσαρή Δουσαρηνός. δύναται καὶ Δαραῖος. II[Da] εἰσὶ δὲ Δαρραί διὰ δύο ρρ ἔθνος πρὸς τῇ Ἐρυθρᾷ θαλάσσῃ).

malgré tout une localisation géographique précise ce qui renforce, on le verra, l’attribution à Stéphane de Byzance de la rédaction de la notice. Une insertion grammaticale est signalée pour le nom de l’habitant : « le citoyen se dit Darênos, comme Dousara forme Dousarênos » ; ce type de mention, plutôt typique d’Oros et Hérodien mais parfaitement normale dans l’œuvre de Stéphane de Byzance, se rapporte à la ville du Haut-Empire ; l’un de ces grammairiens devait indiquer où se trouvait la ville, précision rendue inutile par la réactualisation de l’information à la suite de la construction de la forteresse. Pour Sukai (σ 311)41, il est indiqué qu’elle est appelée aussi Ioustinianai, après l’indication géographique «  face à la Nouvelle Rome  » qui peut provenir d’un auteur spécifique (alors obligatoirement tardif ) ou bien de Stéphane de Byzance qui utilisait cette expression en tant que constantinopolitain lui-même. On retrouve d’ailleurs cette dénomination dans la notice de Byzantion. Le nom de Ioustinianai peut aussi bien provenir de Stéphane de Byzance que d’une insertion particulière. La notice Theoupolis (θ 25)42 s’apparente à l’usage de Stéphane de Byzance avec une explication chrono-my[A] ville située face à la Nouvelle Rome. [B] Elle a été renommée à notre époque Ioustinianai. [C2] Strabon emploie le nom au singulier, Sukê mais il serait plus approprié de l’appeler, comme on le fait, Sukai. Les lieux sont en effet appelés d’après les choses qui s’y trouvent (Kuparissos [cyprès], Elaia [olivier], et par le type de produits qu’on y trouve en abondance (Sikuôn [concombre], Marathôn [fenouil]), et en -ous (Daphnous, Kerasous, Phêgous, Murrinous, Acherdous, Agnous, Selinous [noms de plante]). Aucun mot de ce genre ne se termine en -is (Sukis) et il faudrait employer comme forme Sukas, Sukên, Sukounta ou Sukôna. Il existe une autre Sukê près de Syracuse. Et une en Cilicie. Il y en a une autre près d’Alexandrie. [D] Le citoyen devrait être Sukaios. Mais en fait c’est Sukaïtês, qui vient de Sukaios, comme Thêbaios forme Thêbaïtês » (Συκαί· [A] πόλις ἀντικρὺ τῆς νέας Ῥώμης. [B] ἡ καθ’ ἡμᾶς Ἰουστινιαναί προσαγορευθεῖσα. [C2] Στράβων ἑνικῶς αὐτὴν λέγει Συκήν οἰκειότερον δέ, ὡς λέγονται, Συκαί καλοῖντ’ ἄν. οἱ τόποι γὰρ ἀπὸ τῶν ἐν αὐτοῖς ὄντων ὀνομάζονται, Κυπάρισσος Ἐλαία, καὶ τύπῳ περιεκτικῶν Σικυών Μαραθών, καὶ εἰς ους Δαφνοῦς Κερασοῦς Φηγοῦς Μυρρινοῦς Ἀχερδοῦς Ἁγνοῦς Σελινοῦς. {ἡ πόλις αὕτη παρὰ τὸ γεννικῶς ἀνθεῖν Ἄνθουσα.} οὐδὲν τῶν τοιούτων εἰς ις λήγει, Συκίς, ἀλλ’ ἐχρῆν ἢ Συκάς ἢ Συκήν ἢ Συκοῦντα ἢ Συκῶνα καλεῖσθαι. ἔστι καὶ ἄλλη Συκή πλησίον Συρακουσῶν. καὶ Κιλικίας. ἔστι καὶ ἑτέρα Ἀλεξανδρείας. {φησὶν ἕνα τῶν Τιτάνων Συκέα διωκόμενον τὴν μητέρα Γῆν ὑποδέξασθαι καὶ ἀνεῖναι τὸ φυτὸν τοῦτο.} [D] ὁ πολίτης ὤφειλε Συκαῖος. ἔστι δὲ νῦν Συκαΐτης, ὅπερ ἐστὶν ἀπὸ τῆς Συκαῖος, ὡς Θηβαῖος Θηβαΐτης). 41 « Sukai :

42 « Theoupolis : I-[A] la plus grande des villes d’Orient, [B] celle qui a été appelée ainsi après le séisme au lieu d’Antioche, à partir de Justinien. [D] Le citoyen s’appelle Theoupolitês. II-[A] Il existe aussi une ville Theopolis en Egypte. [D] Le citoyen se dit de la même façon (= Theoupolitês). ». (Θεούπολις· I-[A] ἡ μεγίστη

1. L’ouvrage initial et l’abréviation d’Hermolaos thologique au début et la mention du citoyen. La notice est une notice multiple ; le second toponyme homonyme, une ville égyptienne, a une dénomination des citoyens dite « de même ». La notice semble donc conçue d’emblée comme une notice double. Au final, même avec la mention de Petrus Patricius qui apparaît comme la plus tardive et a peut-être fait l’objet d’un ajout de la main même de Stéphane de Byzance, les notices sont cohérentes avec l’ensemble de l’œuvre de Stéphane de Byzance. On acceptera donc l’hypothèse que celle-ci a été rédigée dans les années 530 et/ou 540. 1.2.4. Des mentions de philosophes à la cour de Chosroès ? F. Jacoby, dans les Fragmente der griechischen Historiker (no 675) a proposé de voir dans l’historien et géographe Ouranios cité par Stéphane de Byzance, le fameux personnage décrit par Agathias (2.29) et qui se rendit à la cour du roi sassanide Chosroès. L’hostilité d’Agathias envers Ouranios, qui transparaît très largement dans son texte, ne permet pas de savoir s’il s’agit bien d’un véritable savant qui aurait pu écrire des ouvrages historiques. Cette hypothèse en ferait un contemporain de Stéphane de Byzance, issu peut-être d’un même cercle intellectuel43  ; il aurait ainsi pu connaître facilement une des œuvres de ce personnage haut en couleur. Il faut noter par ailleurs que la notice de la Souda (ο 936 Adler) est tirée directement d’Agathias et ne présente donc pas d’informations nouvelles. Si l’assimilation avec l’Ouranios d’Agathias était exacte, nous aurions donc un personnage qui serait né peut-être au début du vie siècle et se serait rendu à la cour du roi perse Chosroès, lors d’une ambassade. La datation de celle-ci est difficile à établir. S. Diebler propose la fin du règne de Justinien44. Ce voyage serait à différencier de la venue de philosophes à la cour du roi, à la suite de la fermeture de l’école d’Athènes (vers 531/532 ?). P.  Maraval a, quant à lui, proposé d’identifier le Diogène né à Abila, selon la notice de Stéphane de τῆς ἕω πόλις, [B] ἥτις ἐξ Ἀντιοχείας μετὰ τὸν σεισμὸν ὠνομάσθη ἀπὸ Ἰουστινιανοῦ. [D] ὁ πολίτης Θεουπολίτης. II-[A] ἔστι καὶ ἐν Αἰγύπτῳ Θεόπολις. [D] ὁ πολίτης ὁμοίως). 43  D. Marcotte a bien mis en évidence un milieu intellectuel particulier qui autorise par exemple Priscien le Lydien à mentionner les mêmes auteurs que Stéphane de Byzance comme par exemple Marcien d’Héraclée (Marcotte  2000, p.  cxli). Il y a là une communauté intellectuelle entre tous ces auteurs de l’époque justinienne. 44  DPhA O 48, p. 861.

15 Byzance (s.v. Abila, α 7), avec celui qui s’est rendu également à la cour de Chosroès vers 53145 ; l’identification est reprise par l’édition de M. Billerbeck46. Il n’y aurait donc pas d’impossibilité à avoir des mentions d’un auteur aussi proche dans le temps de Stéphane de Byzance. Il nous semble cependant que la mention dans la notice Abila a peu de chances de correspondre à ce Diogène. En effet, ces rattachements d’un auteur à un géonyme dans les Ethniques correspondent au texte de l’abrégé de Philon tel que nous l’expliciterons infra (p. 167-168). Même si l’on tient compte de quelques mentions plus récentes que nous attribuons plutôt à Oros d’Alexandrie, la quasi-totalité provient donc du texte de Philon et ne dépasse pas le premier tiers du iie siècle de notre ère (ou la fin du ve siècle pour Oros). Il est donc très peu vraisemblable que le Diogène mentionné par Stéphane de Byzance soit celui qui s’est rendu auprès de Chosroès. Nous n’identifions pas plus l’auteur Ouranios avec le personnage mentionné par Agathias et le datons plutôt de la fin du ive siècle (cf. infra p. 169-171). Dès lors, il n’existe selon nous aucune attestation de personnages s’étant rendus à la cour de Chosroès dans l’œuvre de Stéphane de Byzance. 1.2.5. L’abréviation d’Hermolaos Si l’on arrive à cerner la date de rédaction de l’œuvre d’origine, il faut revenir sur celle de l’abrégé mentionné par la Souda dans la notice consacrée à son auteur, Hermolaos. Cette notice a été utilisée depuis la Renaissance pour identifier l’auteur de l’Épitomé de Stéphane de Byzance. Encore au début du xxe siècle, E. Stemplinger considère que la notice d’Hermolaos et de son abrégé dans la Souda doit être mise en relation avec la mention d’Eustathe de Thessalonique concernant l’épitomé qu’il indique utiliser, qui serait alors la même œuvre47. La datation justinienne, qui semble certaine, pour l’œuvre de Stéphane de Byzance, ne résout pas le problème d’Hermolaos. De manière maximaliste, on peut dire que celui-ci a vécu entre les années 540 et la rédaction de l’article de la Souda (vers l’extrême fin du xe siècle ou au tout début du siècle suivant) ce qui implique dans ce cas une mauvaise lecture de l’attribution de la dédicace à Justinien. Le travail d’Hermolaos, personnage DphA D 143. Dans la lignée de la proposition de M. Billerbeck, C. Neri voit dans cette mention un ajout d’Hermolaos à l’époque de Justinien (Neri 2008). 47  Stemplinger 1907, p. 619-620. 45  46 

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Première Partie : L’œuvre de Stéphane de Byzance et son Épitomé

totalement inconnu par ailleurs, a été jugé suffisamment important pour justifier une entrée dans la Souda, alors même que Stéphane de Byzance n’apparaît pas. Il est tout à fait possible, comme nous l’avons proposé supra (p. 11-12), que cette distinction provienne d’une différence entre une œuvre rédigée mais non éditée (celle de Stéphane de Byzance) et un grammairien qui édite (et donc diffuse) une version abrégée de la même œuvre. Notons d’ailleurs qu’Hermolaos serait un quasi contemporain d’Hesychius de Milet. Tout repose donc sur l’analyse de la composition de la Souda, dont on peut signaler par ailleurs (nous le verrons dans la seconde partie de notre étude) qu’elle n’utilise aucune des notices de Stéphane de Byzance et ignore donc tout de l’abréviation d’Hermolaos. On a pu mettre en évidence, dans la Souda, la présence de biographies jusqu’aux environs du milieu du ixe siècle. On a remarqué que les notices sur des personnages ayant vécu jusqu’au vie siècle présentaient une certaine homogénéité dans leur composition, ce qui les a fait attribuer à la seule œuvre mentionnée dans la Souda comme source de ces petites biographies, l’Onomatologos d’Hesychius de Milet. Il a donc été proposé l’existence d’un épitomé tardif réactualisé d’Hesychius48, auquel s’appliquerait l’indication dans la Souda qu’il est la source de ce « livre » (comprendre cet ouvrage)49. Le fait que la Souda n’utilise jamais Stéphane de Byzance ou son abrégé (alors que Constantin Porphyro­ génète s’est servi du texte original à plusieurs reprises comme nous le verrons plus loin) est toutefois révélateur. Cela implique qu’Hermolaos n’est pas un contemporain de la Souda et en est bien éloigné. Si l’hypothèse d’un ajout postérieur au vie siècle reste théoriquement possible, aucun argument ne vient l’étayer et elle nous semble peu probable. Il faut noter que, parmi les grammatikoi 48  L’œuvre a probablement été remaniée entre 827/829 et 857 ; au classement thématique (par genre littéraire) a été alors substitué un ordre alphabétique, plus commode à utiliser dans une période où l’on met en œuvre des lexiques comme celui de Photios. Voir DPhA H 113. 49  Nous avons conservé un extrait de cet épitomé, sous une forme très réduite : le De viris illustribus du pseudo-Hesychius, publié par M. Marcovich, dont le texte proche de celui de la Souda rend très vraisemblable une origine commune (Marcovich 1999-2002, 2, p. 89-138). Le manus­crit le plus ancien qui le contient date du milieu du xiie siècle (Vaticanus gr. 96 [diktyon 66727], fol. 19-29v). Il s’agit en fait d’un volume d’excerpta qui comprend beaucoup d’extraits d’historiens dont ce manus­crit est le seul à nous conserver le texte. Les deux autres manus­crits connus en sont une copie tardive. Nous ne suivons pas les hypothèses de l’auteur de DPhA H 113 (T. Dorandi) qui y voit une œuvre « fausse » tirée de la Souda.

signalés par la Souda, Hermolaos apparaît comme le plus récent ; sa notice est en tout point semblable à celles des autres personnages. Il est donc très vraisemblable qu’Hermolaos était cité par Hesychius de Milet, une des sources « anciennes » de la Souda. Cet auteur a également écrit deux ouvrages historiques dont un sur le règne de Justinien50 ; il serait donc un quasi-contemporain d’Hermolaos. Nous voici donc avec deux auteurs quasiment contemporains, dont l’un a rédigé l’abrégé du second. On peut se demander si Hermolaos n’est pas le successeur de Stéphane, qui aurait en fait édité une partie de son texte plutôt que réellement écrit un abrégé total de l’œuvre. Hermolaos aurait pu tirer de l’œuvre de Stéphane de Byzance (monumentale comme nous le verrons plus loin et probablement réservée à l’usage exclusif des grammairiens) un choix de notices et en faire une œuvre spécifique. C’est elle qu’aurait connue Hesychius ; elle aurait été effectivement dédiée à Justinien, on l’imagine après la mort de Stéphane de Byzance. Or, rien ne nous a été conservé de ce premier abrégé, qui n’est cité par aucun auteur postérieur. Nous admettrons donc (et le reste de l’étude de l’histoire du texte va dans ce sens) que le texte que nous avons conservé n’est pas celui d’Hermolaos ; notre Épitomé provient d’une abréviation postérieure. Ceci renouvelle évidemment la vision que nous avons de l’histoire du texte, comme nous pourrons le constater dans la suite de cette étude51.

1.3. Le fragment de manus­crit  de Stéphane de Byzance (S) Comme nous l’avons signalé plus haut, nous avons conservé un fragment de manus­crit attribué à Stéphane de Byzance. Découvert au xviie siècle, il a été publié à de nombreuses reprises52. Après avoir décrit le manus­crit, nous analyserons en détail le texte conservé. Sur Hesychius de Milet, voir Kaldellis  2005. La Souda précise étrangement qu’il vécut sous le règne de l’empereur Anastase (491-518) mais il peut s’agir d’un auteur (ancêtre ?) homonyme. Il n’entre pas dans notre sujet de traiter de l’œuvre d’Hesychius de Milet. 51  Cette hypothèse n’a pas vraiment été envisagée jusqu’alors. Encore récemment, lorsque N.  De  Santis étudie la tradition historiographique de Stéphane de Byzance, il attribue le texte conservé à Hermolaos (De Santis 2013, p. 17). 52  Le texte de Stéphane de Byzance issu de ce manus­crit a été publié de façon spécifique dès 1669 par Samuel Tennulius (= Ten Nuyl), en 1681 par Jacobus Gronovius et en 1715 par Bernard de Montfaucon. Il est intégré dans les éditions de Meineke et Billerbeck. 50 

1. L’ouvrage initial et l’abréviation d’Hermolaos 1.3.1. L’histoire et la description du manus­crit Coislinianus 228 L’analyse du manus­crit permet déjà un certain nombre de considérations. Malheureusement son histoire ne remonte pas au-delà du xviie siècle. L’histoire du manus­crit Le manus­crit a appartenu d’abord à Pierre Séguier (1588-1672), chancelier et grand amateur de manus­ crits grecs qui n’a eu de cesse d’agrandir sa collection tout au long de sa vie. À sa mort, sa bibliothèque fait l’objet d’un premier inventaire, d’abord manus­crit puis publié en 168553. Elle est léguée à son arrière-petit-fils Henri-Charles du Cambout, duc de Coislin et évêque de Metz (1665-1732)54. Ce dernier est le fils d’Armand du Cambout, duc de Coislin (1635-1702), lui-même fils de Pierre-César du Cambout, marquis de Coislin (1613-1641), premier mari de Marie Madeleine Séguier (1618-1710), la fille de Pierre Séguier 55. C’est le duc Henri-Charles de Coislin qui fait entreprendre le catalogue détaillé des manus­crits grecs de sa bibliothèque, rédigé et publié en 1715 par Bernard de Montfaucon. À  la mort de l’évêque de Metz, en 1732, sa bibliothèque est léguée à l’abbaye Saint-Germain-des-Prés. Elle est ensuite transférée, à la Révolution française, à la Bibliothèque Nationale. Le texte est déjà en possession de Pierre Séguier lors de la première publication de Tennulius, mais le commentaire que celui-ci publie56 ne permet pas de savoir si le manus­crit était déjà constitué sous sa forme composite. Toutefois, il apparaît complet, avec le no VIII, dans le premier catalogue de sa bibliothèque rédigé le 12 août 167257. Pierre Séguier l’a probablement acquis assez tôt. On trouve en effet une copie du texte de S dans un manus­ crit d’Ismaël Boulliau (Parisinus suppl. gr. 292 [diktyon 53  Sur l’histoire des manus­crits provenant de sa bibliothèque, voir Devreesse 1945. 54  On trouve très souvent l’indication erronée (y compris chez Devreesse 1945) qu’il s’agit de son petit-fils. 55  Voir dans la bibliographie rédigée par R. Pocard du Cosquer de Kerviler les liens entre Pierre Séguier et ses petits-enfants et leur rôle à l’Académie française (Kerviler 1875). 56  Tennulius 1669, p. 21 : pro veteri amicitia me mittebat in possessionem hujus fragmenti. 57  La liste en est manus­crite (Parisinus lat. 11878). On trouve sa description aux folios 107-107v : « L’Hexameron de Sainct Basile, dialogue de Sainct Grégoire de / Nysse. Fragment de l’Introduction de Galien en papier. Fragment / [fol. 107v] du livre de Stephanne de Urbibus in folio en velin cotte VIII prisé ………xxxvi tt ».

17 53052]), non datée mais qui est probablement à l’origine de celle d’Isaac Vossius (Voss. misc. 13 [diktyon 38200])58. D’après G. Galán Vioque, cette copie daterait d’un des séjours de Vossius à Paris (août-novembre 1641 ou début ­ anuscrit ne pro1643-août 1644)59. Si tel était le cas, le m viendrait pas de l’importante collecte réalisée en Grèce et dans les îles par le père Athanase, ce qui est cohérent avec le fait que le manus­crit n’apparaisse jamais dans les correspondances que peut faire R. Devreesse60. La description du manus­crit Le Parisinus Coislinianus  228 [diktyon 49369] est un codex composite de 283  ×  215  mm et de 124  folios (dont un folio numéroté 18 bis et un autre 119 bis). Il est constitué de plusieurs fragments de manus­crits, rédigés sur des supports divers : ceux en parchemin sont datés du xie siècle (fol. 12-74, 88-95, 116-122) ; ceux en papier sont d’époques différentes. L’ensemble est relié avec un dos de cuir rouge au chiffre de Louis XVIII. Il est intéressant de regarder de plus près la composition du manus­crit. – fol. 1-61v : Basile de Césarée, les neuf homélies appelées Hexaéméron ou les six jours de la création. Homélie 1 : fol. 1-9v ; homélie 2 : fol. 10-17v ; homélie 3 : fol. 17v-23 ; homélie 4 : 23v-28 ; homélie 5 : fol. 2834 ; homélie 6 : fol. 34-43v ; homélie 7 : fol. 43v-48v ; homélie  8  : fol.  48v-55v  ; homélie  9  : fol.  55v-61v. Les folios  1-11v sont en papier avec une écriture du xve siècle ; ils complètent le début du texte des homélies qui correspondent aux cahiers βʹ-θʹ d’un manus­crit incomplet du xie siècle à 31/34 lignes61. – fol.  62-74v  : Grégoire de Nysse (frère de Basile de Césarée), De Opificio hominis. Il s’agit de la suite du manus­crit précédent  ; il comprend les chapitres  1 à 12, précédés de la Lettre à Pierre (fol. 62). Le folio 74v s’arrête brusquement sur les mots καθορᾶσθαι τοῦ πλάσματος (M 44, 125-164 A 3).

58  A. Diller témoigne du lien entre les deux érudits (Diller 1952, p. 59-62). 59  Galán Vioque 2013, p. 94-95. 60  Le numéro dans les anciens inventaires (VIII), qui correspond à une véritable cote de la bibliothèque, est peut-être un numéro d’ordre d’entrée. Ce serait dans ce cas le 8e manus­crit acquis par Pierre Séguier. 61  Description dans Devreesse 1945, p. 207. Les titres et soustitres du manus­crit du xie siècle sont en rouge. Voir Amand de Mendieta, Rudberg 1980, p. 90-91 pour l’étude codicologique se rapportant à l’œuvre de Basile de Césarée.

Première Partie : L’œuvre de Stéphane de Byzance et son Épitomé

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– fol.  75-80v  : texte du De Daemonum operatione du pseudo-Psellos, en deux parties, dont l’ordre est inversé : il faut d’abord lire les folios 77-80v puis 75-76v. Dimensions : 285 × 210 mm (avec rognure de la marge inférieure), et 215 × 135 mm, avec 38/39 lignes. Le folio  79 comporte un filigrane (fleur quadrilobée de type Briquet 6308) attesté à Gênes en 1320/1 et 1327/8 et à Pise en 1329 ; l’écriture est caractéristique du milieu du xive  siècle62. L’assemblage du Coislinianus  228 est nettement postérieur à cette époque puisque le De Daemonibus présente un texte mutilé au début avec l’absence de deux feuillets. Or, ceux-ci se retrouvent dans un autre manus­crit : ils constituent les folios 280-282v de l’Angelicus gr. 90 [diktyon 55997]. La seconde partie de ce manus­crit est constituée de textes théologiques (Basile, Palladius, Nicétas Stétathos). Dans la marge se trouvent des extraits d’un florilège d’un moine palamite, Markos Kyrtos, qui renvoie à la controverse des hésychastes survenue en 1334 à Byzance autour de Grégoire Palamas63. – fol.  81-87v  : méthode d’emploi de tables astronomiques, papier, avec 32/34 lignes, du xvie siècle ? – fol.  88-95v  : Flavius Josèphe, De Bello Iudaico 2.56195  ; parchemin avec 36  lignes, du xie  siècle. Les 8  feuillets appartiennent à un manus­crit  très proche de celui du Vaticanus gr. 148 [diktyon 66779], appelé V chez Niese, également du xie siècle64. – fol.  96-115v  : Galien, deux mains du xive  siècle. Fol. 98-101, 96-97v, 104, 107-108v : Introductio seu medicus (= De introductione medicorum) (= Kühn XIV, p. 674-797). Fol. 108v-114 : de morborum temporibus (= Kühn VII, p. 406-439). Fol. 114-115v : De totius morbi temporibus (=  Kühn  VII, p.  440-462)  ; la fin se lit aux fol. 99-100. Fol. 105-106v : Puero epileptico consilium (= Kühn XI, p. 367-378)65. – fol. 116-122v : Stéphane de Byzance, huit feuillets arrachés d’un manus­crit du xie siècle, à 26 lignes. Le folio 119bis est lacéré sur toute sa longueur et quasiment illisible. Tous les feuillets ont été rongés sur les bords extérieurs et attaqués par les champignons, ce qui les distingue du reste du manus­crit66. La description codicologique est donnée par Gautier 1980, p. 108. Devreesse 1945, p. 207 le date du xve siècle. 63  Sinkewicz 1988, p. 259-260. 64  Niese 1885-1895, VI, p. xviii et xliii. 65 Voir Petit 2009. 66  La description codicologique est dans Devreesse 1945, p. 208.

Nous reviendrons ici un instant sur la manus­crit Angelicus gr. 90 [diktyon 55997], conservé à Rome, qui complète certains textes du Coislinianus  228. Il s’agit d’un manus­crit  en papier de 297  folios (dimensions  : 305 × 215 mm et 215 × 135 mm), avec 36/38 lignes67. Ce manus­crit est également composite : les folios 1-205v et 297r-v ont été copiés en Crète en 1479 par Antonios Damilas  ; les folios  206v-296 sont d’une main unique datée du milieu du xive siècle, avec en plusieurs endroits le même filigrane que dans le reste du texte relié avec le Coislinianus 228. Beaucoup de textes de la première partie proviennent du cardinal Bessarion ou d’auteurs contemporains (Marc d’Éphèse, Georges de Trébizonde, Macaire Macres, Grégoire Mammas). La seconde partie comprend des dossiers complets autour de Basile de Césarée/Grégoire de Nysse, Nicétas Stétathos68 (avec des lettres qui lui étaient adressés), Jean Chrysostome (là encore avec des lettres le concernant du pape Innocent ier ou des œuvres de Palladius). Il y a donc rassemblement certainement de deux parties, l’une écrite en 1479 et la seconde vers 1335, d’où sont issus les six folios du Coislinianus 228. Pour ce dernier manus­crit, si l’on excepte les tables astronomiques qui semblent tardives, nous avons deux ensembles cohérents, l’un de manus­crits du xie siècle et le second du milieu du xive siècle. Il peut y avoir eu à un moment donné rapprochement des manus­crits du xive siècle, séparés ensuite en deux lots pour aboutir à nos deux manus­crits actuels. Est-ce que l’opération est consécutive à la rédaction de Damilos ? Le fait que le dernier folio de l’Angelicus gr. 90 soit rédigé par le même incite à y voir un regroupement sur place (en Crète) avec un petit démembrement de la partie 2 du Coislinianus 228. Cependant, l’assemblage de ce dernier manus­crit pourrait être plus récent car il inclut des tables astronomiques qui semblent être du xvie siècle ; la datation serait à vérifier et pourrait donner un terminus post quem de l’assemblage. La description du fragment de manus­crit S L’analyse faite par M. Billerbeck69, ainsi que l’examen que nous avons pu faire d’une reproduction photographique numérisée, permettent de décrire précisément ces folios, numérotés dans le manus­crit à l’époque moderne

62 

67  La description se trouve également chez Gautier 1980, à la suite de la description du Coislinianus 228. 68  Il s’agit ici d’un représentant de la tradition de l’édition primitive complète de la trilogie, fol. 236v-280. 69  Billerbeck et al. 2006, p. 5-6*.

1. L’ouvrage initial et l’abréviation d’Hermolaos de 116 à 119, 119bis et de 120 à 122. Nous avons pu ainsi réviser totalement l’édition de M.  Billerbeck et ajouter de nouvelles observations. L’ensemble des folios est réglé par deux lignes de justification, l’une à gauche et l’autre à droite70, et par 26 lignes rectrices horizontales qui servent à suspendre les lettres. L’ensemble est donc très régulier, et rares sont les mots à dépasser la marge de droite. L’écriture est régulière et emploie peu d’abréviations ou de ligatures. Les plus nombreuses sont liées aux géonymes : Π surmonté de Λ pour πόλις ; Π surmonté de Τ pour πόταμος. Le pinax comporte des abréviations pour d’autres définitions de géonyme. Les citations sont indiquées dans la marge de gauche par un petit chevron placé face à chacune des lignes correspondant à la citation. Quelques tirets ou traits obliques sont observables dans la marge de droite sans que nous ayons pu les rattacher à un usage particulier. L’emploi des majuscules est réservé à l’initiale du lemme, aux numéros de livres des citations et au texte qui introduit le changement de livre. Les différents lemmes sont systématiquement en début de ligne et introduits par un empiètement dans la marge de gauche de l’initiale du géonyme. Ils se terminent, lorsque la place subsiste à droite, par la suite de signes suivants (indiquée ici entre apostrophes) : ‘:->> :-’. Les sept premiers folios sont les vestiges d’un même livre ; le texte est disposé en une seule colonne. Le recto du dernier folio correspond fort heureusement pour nous à la fin d’un livre et porte dans les cinq premières lignes l’incipit du livre suivant avec le nom de l’auteur suivi du titre et de l’indication du numéro du livre. Les vingt lignes suivantes correspondent au pinax (table des matières) du nouveau livre, sur deux colonnes ; il se prolonge sur le verso également en deux colonnes (sur 26 lignes sur la colonne de gauche et sur 8 lignes sur la colonne de droite). Après une ligne de séparation, la colonne de droite se poursuit avec trois hexamètres qui donnent le nom du copiste, Théophile71. Le texte de la colonne se termine par le début de la première notice du nouveau livre. 70   Il

semble y avoir une double ligne à droite, la seconde déterminant la limite maximale que peut atteindre le mot qui dépasse la première ligne de justification ; nous ne pouvons l’assurer en l’absence d’une vision directe du manus­crit. 71  « σφάλματα καλλιγράφων πολυώδυνα μυρία φεύγων | χερσὶν ἑαῖς θεόφιλος ὅλας ἐγράψατο βίβλους  | τῶν ἐθνικῶν στεφάνοιο σοφῆς στάζοντα μελίσσης » (« Fuyant les erreurs de copie au prix d’innombrables souffrances, Théophile a écrit de ses mains tous les livres des Ethniques du sage Stéphane distillant du miel »). Sur ce copiste inconnu par ailleurs, RGK, II, 182.

19 Enfin, il faut signaler que les folios étaient à l’origine plus larges ; ils ont été tronqués dans un second temps (semble-t-il seulement à droite et à gauche) probablement lors de l’assemblage du Coislinianus 228. En témoignent les notes marginales qui sont régulièrement coupées. Aussi faut-il probablement proposer un format d’origine d’environ 283 × 235 mm. 1.3.2. L’analyse du manus­crit S L’analyse précise du manus­crit permet de mettre en évidence des corrections de seconde main et des erreurs de lecture. Les corrections Dans ce manus­crit, le texte de Stéphane de Byzance présente quelques corrections de seconde main supra lineam72 qui apparaissent dans l’apparat critique de l’édition de M. Billerbeck et sont vérifiables sur la reproduction du manus­crit. On peut les ranger en deux catégories : celles qui relèvent certainement d’une vérification du manus­crit d’origine au moment de la copie et celles qui sont nettement postérieures. En voici la liste exhaustive, avec comme référence la numérotation de l’édition de M. Billerbeck : δ 139, 14 : δυμανίδος suppl. alt. m. in marg. folii truncati ; δυμανι S. Correction postérieure. δ 140, 18 : βιωτοὶ S : βοιωτοὶ Spc. δ 141, 5 : δυνδασεὺς S : δυνδασεύς Spc. Non mentionné par Billerbeck. δ 142, 10 : ἀποκτέννουσιν S : ἀποκτείνουσιν Spc d’après Billerbeck. La vision du manus­crit laisse plutôt apparaître la correction suivante : ἀποκτέ νουσιν S : ἀποκτεννουσιν Spc. δ 142, 12 : ἢ ante ἱμάτιον supra scr. Spc. δ 143, 11 : χερονήσωι S : χεροννήσωι Spc. Non mentionné par Billerbeck. δ 143, 49 : ἑρένιος S : ἑρέννιος Spc. Non mentionné par Billerbeck. δ 143, 57 : ἤκουσε suppl. alt. m. ; […]σε S. δ 144, 19 : υἱον S in marg. 72  Nous avons collationné, sur les clichés du manus­crit, le détail de toutes les variantes du manus­crit. Certaines n’apparaissent pas dans l’édition de M. Billerbeck.

Première Partie : L’œuvre de Stéphane de Byzance et son Épitomé

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δ 146, 25 : ἐπικέκληκε (-ται supra scr.) S. δ 146, 29 : τῶ supra scr. S. δ 146, 38 : εἴν(αι) suppl. alt. m S. δ 146, 58 : ἀκαν|[..]πλῆγι S θο post. ἀκαν ante lineae finem suppl. alt. m. Correction postérieure. δ 146, 62 : ἂν πείσειεν Spc : ἀπείσειεν Sac. δ 146, 82 : ἔοικε (ἔ supra scr.) S. δ 146, 96 : τίτθη (alterum τ supra scr.) S. δ 146, 133 : ἐστιν (ν supra scr.) S. Non mentionné par Billerbeck. δ 146, 134 : λέβησιν (ν supra scr.) S. Non mentionné par Billerbeck. δ 149, 37 : μεσσήνην (σ supra scr.) S. Non mentionné par Billerbeck. δ 149, 87 : τριχάϊκες (τρι supra scr.) S. Non mentionné par Billerbeck. δ 149, 101 : βοιωτος S : βοιωτούς Spc. Non mentionné par Billerbeck. δ 149, 109 : ὕστε S, suppl. alt. m. in marg. δ 150, 13 : φινικικῶν S : φοινικικῶν Spc.  Non mentionné par Billerbeck. δ 150, 19 : αὑτοῖς Spc ; αὐτοῖς Sac. δ 150, 49 : συρίας suppl. alt. m. ; [..]|ρίας S. Correction postérieure.

– la première est appelée dans le texte par un signe distinctif (un tilde avec un point au-dessus), avec un commentaire dans la marge extérieure  : fol.  116v, se rapportant au mot νομίζουσι (il ne subsiste que quelques lettres ne permettant pas de lire le texte) ; fol. 117, se rapportant au fleuve. – La seconde série commence par l’abréviation de ὄτι et peut être placée dans la marge extérieure comme dans une ligne située en bas de page. On trouve ainsi peutêtre au fol. 116v la citation exacte de Strabon (7.5.8) que le texte donne tronquée ; au fol. 117, la mention semble-t-il de la région d’Illyrie. Au folio 117v, en bas de page, l’une des mentions comporte à la fois le signe distinctif et l’abréviation de ὅτι. Le tout est d’une graphie similaire, ce qui n’autorise tout au plus à classer ces différentes annotations qu’en fonction de la nature de la note mais pas de les attribuer à des auteurs différents. Seules les notices de Durrachion (δ 143), Dôdônê (δ 146) et Dôros (δ 150) comportent des annotations. Elles témoignent d’une lecture et d’une utilisation du texte postérieurement à sa rédaction. Les erreurs du manus­crit L’analyse des erreurs du manus­crit est intéressante car elle permet d’approcher le modèle sur lequel se faisait la copie. Ces erreurs se classent en plusieurs catégories : – les erreurs d’accentuation ou de iota souscrit :

δ 150, 50 : ἔφυγεν suppl. alt. m. : ἔφυ[…] S. Correction postérieure.

δ 139, 16 : Δύμαινα Westermann ; δυμαίνα S

δ 150, 66 : καρίας (κα supra scr. alt. m.) S.

δ 140, 49 : Λαρίσῳ Montfaucon ; [.]αρίσω S

δ 151, 42 : βρόντησε (ν supra scr.) S.

δ 146, 30 : Νάιον Voss : ναῖον S

δ 151, 59 : χαλχηδὼν (χη supra scr. alt. m.) S.

δ 146, 46 : Αἰτίων Bentley : αἴτιον S

Dans la très grande majorité des cas il s’agit, de façon classique, de corrections faites à la suite d’une relecture de la copie qui vient d’être réalisée ; le reste correspond à une correction plus tardive, en particulier après disparition de quelques lettres (voir par exemple δ 146, 58) du fait de déchirures du bord du folio. Enfin, il faut noter la présence de notes marginales qui n’apparaissent jamais dans les éditions modernes du texte. Elles sont placées systématiquement dans la marge extérieure du folio. On en repère deux séries différentes mais qui semblent être contemporaines :

δ 140, 7 : Στράτος Schubart ; στρατὸς S

δ 146, 58 : Δωδών Tennulius ; δώδων S δ 146, 73 : ἷκτο Meineke ; ἵκτος S (avec une erreur d’onciales avec répétition d’une lettre ronde) δ 146, 123 : χαλκίον ἕν Montfaucon ; χάλκιον ἐν S δ 146, 133 : χαλκίον Tennulius ; χάλκιον S δ 146, 140 : ἱμάντας Tennulius ; ἱμᾶντας S δ 146, 149 : ἱμάντες Tennulius ; ἱμᾶντες S δ 146, 169 : θᾶττον Tennulius ; θάττον S

1. L’ouvrage initial et l’abréviation d’Hermolaos δ 146, 164-165 : δωδωναῖον … χαλκίον Meineke ; δωδώνειον … χάλκιον S (avec mélecture d’une lettre) δ 146, 168 : καταπαύσαι Meineke : καταπαῦσαι S δ 147, 1 (4 et 7) : Δωνεττῖνοι Berkel ; δωνέττινοι S δ 147, 5 : Κεραῗνες Meineke ; κεραΐνες S δ 148, 12 : Δωρηνός … Σωφηνός Ἀραξηνός Νισιβηνός Berkel ; Δωρῆνος … Σωφῆνος Ἀραξῆνος Νισιβῆνος S δ 149, 3 : Ἕλος Westermann ; ἔλος S δ 150, 4 : Δῶρα Montfaucon ; δώρα S δ 150, 30 : Δῶρα Dindorf ; δώρα S δ 150, 53 : Δῶρα Meineke ; δῶρᾳ S δ 151, 22 : Κόρωνος Nauck : κορωνός S – les mécoupures ou inversion de lettres :

21 δ 143, 41 : Ἄωος Berkel (e Strabon.) ; λάος S (confusion Α/Λ avec mélecture d’une lettre) δ 143, 45 : Βάλακρος Meineke ; βάλαγρος S (confusion Κ/Γ ?) δ 144, 2 : Δυσπόντου Berkel ; δυσποντίου S, RQPN (confusion Τ/ΤΙ) δ 144, 12 : Δυσποντίου Tennulius ; δυσπόντου S (confusion ΤΙ/Τ) δ 145, 4 : περιοικίδι Meineke ; περιοικία S (confusion Δ/Α avec mélecture) δ 146, 48 : ἡ Meineke ; εἰ S (confusion Η/ЄΙ) δ 146, 56 : Θετταλίᾳ Heyne ; ἰταλία S (Θε effacé avec confusion Τ/Ι ?) δ 146, 61 : μʼ ἐκ Gronovius ; με εἰς S (confusion ΙϹ/Κ)

δ 140, 22 : τὰ δὲ Westermann ; τάδε S

δ 146, 67 : Πελειάδων Tennulius ; πεδιάδων S (confusion Λ/Δ)

δ 140, 52 : δέ νυ τοῖσι Meineke ; δὲ σύτοισι S (avec mélecture d’une lettre)

δ 146, 74 : λήγεται Montfaucon ; λέγεται S (mélecture avec confusion de lettre ΗΓ/ЄΤ)

δ 140, 54 : ὡμίλησʼ εἵως Meineke ; ὦ μιλήσιε.ὡς S (avec inversion de deux lettres)

δ 146, 162 : τίς ἢ τίτθην καλῇ Bentley ; τίς ἣν τίτθην καλεῖ S (mélecture avec confusion de lettres dans la séquence)

δ 143, 60 : ϛʹ περὶ τῆς Berkel : ηʹ τῆς περὶ S (mélecture ?) δ 146, 63 : Δωδῶνι ναίων Gronovius ; δωδῶνιν αίων S δ 146, 123 : ἀλλʼοὐ Montfaucon ; ἄλλου S δ 151, 4 : τὰν Berkel ; τʼἂν S δ 151, 58 : γοῦν Meineke ; γʼοὖν S – les fautes d’onciales73 : δ 139, 15 : ἠπείροιο Meineke ; πειροιο S (mélecture de deux lettres proches graphiquement) δ 140, 17 : ζʹ Montfaucon ; ϛʹ S (confusion Ζ/Ϛ) δ 140, 39 : Δυμαία Berkel ; διδυμαία S (répétition de 2 lettres avec mélecture et confusion avec le fin du mot précédent) δ 142, 5 : νότον Berkel ; αὐτὸν S, RQPN (confusion Ν/ΑΥ avec mélecture ?)

δ 148, 2 : ιϛʹ Tennulius ; ιεʹ S (confusion Ϛ/Є) δ 149, 37 : μεσσήνην S (indiqué dans Billerbeck et al. 2006, p. 5*) (confusion ЄϹϹ/ЄϹ) δ 149, 102-103 : τῆς τετάρτης μοίρας τὴν ἐπωνυμίαν Meineke ; τὴν τετάρτην μοῖραν τῆς ἐπωνυμίας S (confusion de lettres) δ 150, 12 : Ἰόλαος Jacoby (= Ἰούλαος ?) ; ἴουλλος S (confusion Α/Λ) δ 150, 24 : εὔορμον Berckel ; ἔνορμον S (confusion Υ/Ν ?) δ 150, 24 : χηλὴν Pinedo ; χειλὴν S (confusion ЄΙ/Η) δ 150, 28 : χάριν Dindorf ; ἄχρι S (confusion ΧΑ/ΑΧ) δ 150, 71 : Φασηλῖται Tennulius ; φασιλῖται S (confusion Η/Ι) δ 151, 10 : Ἀρχῖνος Berkel ; Ἀρχῆνος S (confusion Ι/Η) fol. 122, l. 5 : βιβλίον ιδʹ : ιαʹ S (indiqué dans Billerbeck et al. 2006, p. 5*) (confusion Δ/Α)

73   Pour l’identification des erreurs d’onciales, nous avons utilisé les différents articles de J.  Irigoin, réunis dans le recueil Irigoin 2003, en particulier les p. 15-18 et 283-293.

Première Partie : L’œuvre de Stéphane de Byzance et son Épitomé

22 – abréviations : δ 139, 13 : θηλυκόν Meineke ; θῆλυ S δ 140, 38 : θηλυκόν Meineke ; θῆλυ S δ 146, 97 : θηλυκόν Meineke ; θῆλυ S – erreurs diverses : δ 140, 22 : ηʹ Schubart ; αʹ S

δ 143, 32 : Ἀνακτόριον Berkel ; ἀνάκτορον S (mélecture de deux lettres proches graphiquement ?) δ 144, 8 : βʹ Berckel ; δʹ S δ 146, 27 : Πάνδαρος Heyne ; πίνδαρος S (confusion de mot) δ 146, 77 : μάκαιρʼ Tennulius ; μάκαιρα S δ 146, 100 : Ἀθηναίη Tennulius ; ἀθηναίης S (restitution de la désinense par le copiste ?) δ 147, 7 : δυοκαίδεκα Friedemann ; ὄκτω καίδεκα S δ 150, 27 : Δώρ Meineke ; δῶρα S (confusion avec ligne suivante ?) δ 150, 64 : Δώριον Meineke ; δώριος S (restitution de la désinence par le copiste ?) δ 151, 5 : ἱρον Berckel ; ἱερον S (confusion de mot) ε 1, 6 : φήμην Meineke ; φήμης S La comparaison entre l’index du livre XIV et les lemmes des notices met en évidence le même type d’erreurs. 1.3.3. La restitution du manus­crit source de la copie Parmi les différentes erreurs, on note le grand nombre de celles liées à une copie d’un texte en onciales. Rappelons ici les aspects principaux de la translittération tels que définis par exemple par J. Irigoin : « au lieu de lire un groupe de mots qu’il mémorise avant de se les dicter pour les transcrire, le copiste découpe dans son modèle des éléments plus courts, de signification incomplète, qui vont être cause d’erreurs. Celles-ci portent soit sur l’identification de certaines lettres qui se ressemblent dans l’écriture majuscule (lettres triangulaires, circulaires ou ovales, carrées ou rectangulaires), soit sur la délimitation des mots qu’il faut pourvoir de signes d’accentuations »74. Effectivement, dans le cas du manus­crit S, on trouve de 74 

Irigoin 2003, p. 6.

nombreuses fautes d’accentuation ; elles témoignent de la façon dont le copiste Théophile a restitué l’accentuation sur la base d’un manus­crit qui n’en comportait probablement pas. Les fautes d’onciales plus « classiques » (mauvaise coupure de mots, confusions de lettres  …) sont également très nombreuses. Ceci correspond tout à fait à un premier manus­crit translittéré. La question de savoir si le manus­crit du xi e  siècle reproduit fidèlement la disposition du manus­crit d’origine est plus délicate. Nous avons pour cela une seule indication fiable. Au folio 116v, on a mis en évidence qu’un texte à cheval entre les lignes 13 et 14 (πρὸς τὴν βακτρίαν καὶ ἰνδικὴν κατατείνοντες) était mal placé. Or dans le manus­crit S, ce texte correspond exactement à la longueur d’une ligne (à cheval sur deux lignes) puisqu’il comprend 38 caractères. On aurait tendance à penser qu’il s’agit d’un texte qui occupait une ligne entière du manus­crit en onciales. Toutefois, lorsque l’on essaye de mettre cet élément en cohérence avec l’erreur que l’on observe (c’est-à-dire sur une ligne isolée), cela ne correspond pas avec le fait que le lemme (Durbaioi) devait être en début de ligne. De même, il est difficile de comprendre quel type d’erreur le copiste aurait pu commettre pour déplacer cette ligne ; tout au plus peut-on noter la présence de deux « οὗτοι » qui suivent les deux emplacements, tandis que deux mots à la graphie proche (« Δυρβαῖοι » d’une part et « δίκαιοί » d’autre part) précèdent les deux emplacements de la phrase. De fait, on ne peut rejeter l’hypothèse que la faute de ligne soit antérieure à Stéphane de Byzance. À plusieurs reprises des mots sont prolongés dans la marge de droite, au-delà de la première ligne de justification, voire même au-delà de la seconde, alors qu’une coupure aurait permis de poursuivre directement à la ligne suivante75. Cela donne l’impression que le copiste a voulu mettre les caractères présents à l’origine. On peut admettre toutefois que le démarrage du livre  XIV ne devait pas se faire dans la 2e colonne du texte du pinax, mais bien sur une nouvelle page ou au moins sur une ligne entière. Ce serait la preuve que le livre d’origine n’avait pas la même disposition que la copie du xie siècle. L’ensemble de ces observations semble donc témoigner, pour ce reste de manus­crit, d’une copie prise directement sur un manus­crit en onciales, ce qui implique une certaine ancienneté du modèle. Il s’agit bien d’un fragment du texte complet de Stéphane de Byzance ; selon nous, le manus­crit S est la probable première translittération du manus­crit d’origine. 75 

C’est particulièrement vrai au folio 118.

2. Le processus de réduction du texte Avant d’analyser en détail l’histoire du texte, il nous faut étudier plus finement l’Épitomé qui est parvenu jusqu’à nous en le comparant à l’extrait de texte plus complet de Stéphane de Byzance, afin de déterminer de quelle manière celui-ci a été abrégé. Une première analyse a été proposée par M. Billerbeck qui donne en vis-à-vis le texte S avec celui de l’Épitomé1. Nous pensons que nous pouvons aller au-delà en reprenant tous les témoignages d’une abréviation de l’œuvre.

2.1. Prouver la réduction du texte Pour comprendre la manière dont a été effectuée la réduction du texte, il faut aborder en premier lieu les preuves objectives de celle-ci ainsi que les aspects méthodologiques liés à la compréhension de cette abréviation, qui sous-tendent la quantification que nous élaborerons ensuite. 2.1.1. Les preuves directes de la réduction Comment pouvons-nous être sûrs que le texte a bien connu une ou plusieurs abréviations ? Nous disposons pour cela d’informations parfaitement objectives. La première d’entre elles est bien évidemment le fait qu’il existe encore un fragment (S) de ce que l’on considèrera comme une copie du manus­crit d’origine. La comparaison avec l’Épitomé prouve de façon simple l’existence d’une abréviation drastique du texte. Nous reviendrons ci-dessous plus en détail sur la quantification (en nombre et en pourcentage de caractères et de citations) de cette réduction mais nous pouvons déjà constater que nous avons affaire à au moins deux niveaux de texte bien distincts. Le second indice est constitué par la double mention de notices, pour le début de la lettre χ2 : les manus­crits P et R3, qui font partie des manus­crits majeurs ayant servi Billerbeck et al. 2011, p. 68-124. Ils apparaissent en p.  64-45 de l’édition de M.  Billerbeck (Billerbeck et al. 2017). 3 Cf. infra p. 68-71 la description des deux manus­crits. 1 

2 

à l’édition du texte de l’Épitomé, donnent en effet une suite de neuf notices plus réduites que dans les autres manus­crits, correspondant aux neuf premiers lemmes de la lettre. Les éditeurs4 y ont vu, bien évidemment, la preuve de deux phases d’abréviation. Mais il faut bien noter, même sans étude approfondie, que le texte le moins abrégé est loin d’avoir la longueur vraisemblable du texte d’origine. En particulier, il nous semble que la notice de la ville natale de Plutarque, Chairôneia (χ 6), aurait pu comporter cette mention et être largement plus développée. Même si à ce niveau de l’étude il n’est pas possible de déterminer le nombre d’abréviation, il est clair que l’on peut prouver ici trois niveaux de texte (celui d’origine, le texte le moins abrégé que l’on trouve dans la plupart des manus­crit et l’abrégé plus important du début de la lettre χ). Le dernier indice, plus difficile à mettre en évidence5, concerne les mentions qu’Eustathe de Thessalonique fait des Ethniques de Stéphane de Byzance. En examinant son œuvre en détail, on s’aperçoit que le texte qu’il utilise est dans l’ensemble un peu plus développé que celui que nous connaissons aujourd’hui (cf.  infra p. 39 sq. pour le détail de cette analyse). Or, il indique avoir luimême utilisé un épitomé de l’œuvre6. Nous avons donc là encore au moins trois niveaux de texte : celui d’origine, l’épitomé qu’utilise Eustathe et le texte que nous avons conservé. Les mentions qu’il en fait (en particulier dans le commentaire sur l’Iliade ou dans celui de Denys le Périégète), sont importantes pour comprendre quel texte il avait sous les yeux ; c’est pourquoi nous avons comparé les mentions fournies par Eustathe avec les notices de notre Épitomé7. Quand on compare les deux, on comprend 4   Meineke  1849, p.  676, app.  crit.  ; Westermann  1839, p. viii. Billerbeck et al. 2017, p. 64-65. 5   C’est pourquoi nous y reviendrons plus loin (p. 39-42) de façon plus détaillée, une fois que nous aurons décomposé les différentes phases de réduction de l’œuvre. 6  Il. 1.56 : ὁ τὰ Ἐθνικὰ ἐπιτέμνων et Il. 2.735 (Com. Il. 1.519.12) τῴ δὲ γράψαντι τῶν Ἐθνικῶν ἐπιτομήν. 7   Notre recherche sur ces aspects ne vise pas l’exhaustivité

24

Première Partie : L’œuvre de Stéphane de Byzance et son Épitomé

Figure 1 – Comparaison entre Eustathe de Thessalonique (Com. Il. 1.569-570) et l’Épitomé (s.v. Aigialos, α 100). Texte Eustathe de Thessalonique

Épitomé

Ὁ δὲ Αἰγιαλὸς κατὰ μέν τινας προπαροξύνεται πρὸς διαστολὴν τοῦ ἁπλῶς αἰγιαλοῦ, ἀπό τινος Αἰγιάλου, κυρίου ὀνόματος, ὡς δηλοῖ ὁ ἐν τοῖς Ἐθνικοῖς εἰπών, ὅτι *7*τὸ ἐθνικὸν Αἰγιαλεύς ἀπὸ τῆς Αἰγιάλου γενικῆς, ὡς Ἀλεξάνδρου Ἀλεξανδρεύς· οἱ δὲ πλείονες ὀξύνουσι καὶ τοῦτο, οἳ λέγουσι καί, ὅτι *2*Αἰγιαλὸς προσεχὴς τῷ Πόντῳ μετὰ τὴν Κάραμβιν ἄκραν, ὡς δηλοῖ Ἀπολλώνιος. ἔχει δὲ καὶ κώμην ὁμώνυμον. ἦν δὲ καὶ ἕτερος *1*Αἰγιαλὸς [πρὸ τούτων, ὁ ὑπὸ τὸν Ἀγαμέμνονα] μεταξὺ Σικυῶνος καὶ Βουπρασίου τόπος, ἀπὸ Αἰγιαλέως, υἱοῦ Ἰνάχου. *5*ἔστι καὶ Θρᾴκης Αἰγιαλός, φασί, παρὰ τῷ Στρυμόνι, περὶ ὃν Στρυμόνα καὶ Ἠϊὼν πόλις κατὰ Λυκόφρονα ἰσοδυναμοῦσα κατὰ σημασίαν τῷ Αἰγιαλῷ. *6*καὶ Αἰθιοπικὸς δὲ Αἰγιαλὸς κατ’ Αἴγυπτον μέγας καλούμενος. ὁ δὲ Γεωγράφος φησίν, ὅτι Αἰγιαλός ἐστι μὲν ἠϊὼν μακρὰ ὑπὲρ ἑκατὸν σταδίους. ἔχει δὲ καὶ κώμην ὁμώνυμον, ἧς μέμνηται ὁ ποιητής, ὅταν φῇ *3*« Κρῶμνάν τ’ Αἰγιαλόν τε ». καὶ σκοπητέον, μήποτε αὕτη ἐστὶν ἡ νῦν Ἠϊονόπολις. Λέγει δὲ ὁ Γεωγράφος καί, ὅτι τὸ Ὁμηρικὸν τὸ « Κρῶμνάν τ’ Αἰγιαλόν τε » *4* γράφουσί τινες « Κρῶμναν Κωβίαλόν τε » καὶ ὅτι μετὰ Αἰγιαλὸν Κάραμβις.

Αἰγιαλός· μεταξὺ Σικυῶνος καὶ τοῦ Βουπρασίου τόπος καλούμενος ἀπὸ Αἰγιαλέως τοῦ Ἰνάχου, ὡς Ἴστρος ἐν Ἀποικίαις τῆς Αἰγύπτου. *2*ἔστιν ἕτερος Αἰγιαλὸς προσεχὴς τῷ Πόντῳ μετὰ τὴν Κάραμβιν ἄκραν, ὡς Ἀπολλώνιος. ἔχει δὲ καὶ κώμην ὁμώνυμον. Ὅμηρος *3*« Κρῶμνάν τ’ Αἰγιαλόν τε ». *4*γράφεται δὲ « Κρῶμναν Κωβιαλόν τε ». *5*ἔστι καὶ Θρᾴκης Αἰγιαλὸς παρὰ τῷ Στρυμόνι, ὡς Ἑκαταῖος. ἔστι *6*καὶ ἄλλος Αἰγιαλὸς μέγας καλούμενος ἐν Αἰθιοπίᾳ κατ’ Αἴγυπτον. *7*τὸ ἐθνικὸν Αἰγιαλεύς ἀπὸ τῆς Αἰγιαλοῦ γενικῆς, ὡς Ἀλεξάνδρου Ἀλεξανδρεύς. εὑρίσκεται δὲ καὶ αἰγιαλεύς ἐπὶ ἰχθύος. τὸ θηλυκὸν Αἰγιάλεια, καὶ Αἰγιαλίς παρὰ Ἀλκμᾶνι, καὶ Αἰγιαλίτης ἀρσενικῶς.

la façon dont Eustathe utilise Stéphane de Byzance, très différente de celle d’un Constantin Porphyrogénète. Ici, l’ordre du texte est fonction de la reformulation qu’opère Eustathe : les phrases d’origine sont réutilisées souvent dans le désordre ; il ne cite pas des notices complètes, il les intègre dans son discours, comme on peut le voir dans l’exemple de la notice Aigialos (fig. 1). Nous reviendrons plus loin sur les mentions d’Eustathe de Thessalonique (p. 39-42) mais il faut signaler ici que cette manière de procéder rend la comparaison difficile et surtout la restitution du texte d’origine plus aléatoire. Si l’on veut comprendre les différents niveaux d’abréviation, il faut analyser s’il existe une correspondance entre les trois niveaux de textes (et donc les deux phases d’abréviation) que l’on a mis en évidence ? Faut-il imaginer un plus grand nombre de phases d’abréviation ? 2.1.2. Les aspects méthodologiques Pour répondre à la question du nombre d’abréviations différentes, nous allons dans un premier temps comparer le texte d’origine avec celui de notre Épitomé8. On peut considérer en effet que, s’agissant d’un même livre (le XIII), les dernières notices de la lettre Δ dans l’Épitomé correspondent à une même phase d’abréviation. Nous nous attacherons donc à quantifier la réduction pour aboutir à un pourcentage moyen de conservation du texte (correspondant au complémentaire, mathématiquement parlant, du pourcentage de réduction). Nous considèrerons que ces notices peuvent être reprémais un ensemble suffisamment représentatif pour comprendre les transformations de l’œuvre. Nous n’avons pas repris ici l’ensemble des comparaisons étudiées dans notre thèse de doctorat. 8  Billerbeck, Neumann-Hartmann 2021, p. 12-16.

*1*

sentatives de l’ensemble : on trouve en effet à la fois des notices de toponymes célèbres (comme Dôdônê, δ 146 ou Durrachion, δ 143) et d’autres attestés par peu d’auteurs (comme Dôros, δ 150) voire un seul auteur (comme Durbaioi, δ 142). Nous ajouterons à ce corpus les quelques mentions du texte d’origine que l’on trouve dans l’œuvre de Constantin VII Porphyrogénète et que nous détaillerons ci-dessous. Le texte que réutilise l’empereur érudit n’est que partiel, comme le prouve la notice de Durrachion. Nous tiendrons compte cependant de ces extraits car ils nous donnent accès au texte d’origine, même si nous ne pouvons pas nous baser sur eux pour obtenir les mêmes certitudes sur la quantification des abréviations. Dans un second temps, il sera important de discriminer les différentes phases d’abréviation. Pour cela, nous allons établir une valeur moyenne de la longueur des notices pour l’ensemble des notices de l’Épitomé. Nous raisonnerons dans un premier temps par lettre, puis selon la délimitation des livres d’origine, découpage qui nous semble préférable. Ceci nous amènera à reprendre la question du nombre de livre et de leur ampleur, tout en abordant la question des lacunes dans le texte de l’Épitomé. Ce chiffre n’a bien sûr qu’une signification théorique, mais il nous permettra d’examiner si, pour un groupe de notices suffisamment important (à l’échelle d’un livre par exemple), la longueur moyenne se situe nettement au-dessus ou au-dessous de ce nombre médian. Enfin, en couplant les différents résultats auxquels nous arriverons, il sera possible selon nous d’approcher l’ampleur de l’ouvrage d’origine : la mise en évidence des phases de réduction, pouvant correspondre à des pourcentages de conservation du texte quantifiables, permettra de façon complémentaire de fournir un ordre d’idée du nombre approximatif de caractères du manus­crit d’origine.

2. Le processus de réduction du texte

25

Figure 2 – Tableau des notices conservées de Stéphane de Byzance. Nb de car. S. de Byzance

Nb de car. Épitomé

% de conser­ vation du texte

Nb de citations S. de Byzance

Nb de citations Épitomé

Facteur de réduction

1

Δύμη

1168

123

10,5%

13

1

13

2

Δύνδασον

114

40

35,1%

1

0

 

3

Δυρβαῖοι

439

211

48,1%

1

1

1

4

Δυρράχιον

1585

446

28,1%

10

2

5

5

Δυσπόντιον

417

84

20,1%

3

0

 

6

Δύστος

134

73

54,5%

1

1

1

7

Δωδώνη

3693

581

15,7%

25

2

12,5

8

Δωνεττῖνοι

129

85

65,9%

2

1

2

9

Δῶρα

257

101

39,3%

2

1

2

10 Δώριον

> 2157

173

9

2

> 4,5

11 Δῶρος

1665

107

6,4%

13

2

6,5

12 Δώτιον

1392

196

14,1%

15

2

7,5

13

Ἔαρες

116

53

45,7%

1

0

 

moyenne

1020

175

17,13%

7,38

1,15

non signif.

9

Nous avons bien conscience du biais méthodologique que peut constituer une approche statistique sur une population aussi faible. Il nous a semblé intéressant malgré tout de conduire cette étude non pas tant pour aboutir à une quantification précise des différentes abréviations, que pour établir une relation entre des phases de réduction qui apparaissent de plus en plus fortes.

2.2. La réduction du texte : aspects quantitatifs Des vingt-deux notices du texte d’origine de Stéphane de Byzance qui nous ont été soit totalement soit partiellement conservées, nous avons principalement utilisé pour notre analyse celles comprises entre Dumanes et Eares10, issues du manus­crit S, dont on est sûr qu’elles sont intégralement de notre auteur. Nous avons également pris en compte, mais dans une moindre mesure, les mentions de Constantin Porphyrogénète qui correspondent à des parties de notices11. En effet, comme nous allons le voir, 9  La notice est largement incomplète du fait d’une altération du manus­crit (page déchirée). Le nombre de caractères de Stéphane de Byzance était donc beaucoup plus important à l’origine, ainsi que le nombre de citations. 10  Dumanes (notice incomplète), Dumê, Dundason, Durbaioi, Durrachion, Duspontion, Dustos, Dôdônê, Dônettinoi, Dôra, Dôrion, Dôros, Dôtion et Eares (notice complète ?). 11  Bosporos (β 130), Ibêriai (ι 19), Hispaniai (ι 105), Kupros (κ 283), Makedonia (μ 25), Peloponnêsos (π 95), Samos (σ 42) et Sikelia (σ 155). Nous avons également étudié la notice Durrachion

les citations issues de Constantin sont partielles ; pour la plupart, elles ne donnent pas le détail des variantes du nom qui constituent la seconde partie des notices. Nous considérerons, dans un premier temps, que l’abréviation est homogène, avant d’approfondir la question d’abréviations multiples. 2.2.1. Le facteur d’abréviation Afin de mieux appréhender les problèmes liés à l’abréviation du texte de Stéphane de Byzance par l’auteur de l’abrégé, nous avons établi un tableau récapitulatif des notices analysées du manus­crit S (fig. 2), qui a servi de base pour l’élaboration d’un certain nombre de graphiques. Sont ainsi notés le nombre de caractères12 des notices originelles, celui des notices abrégées dans l’Épitomé et le (δ 143), qui fait partie de celles qui ont été conservées dans le manus­ crit Coislinianus 228, afin de pouvoir comparer les changements opérés par Constantin Porphyrogénète. Voir infra p. 50 sq. pour le détail des références dans les ouvrages d’origine. C. Torre ajoute la comparaison d’Aiga (α  92), Thrakê (θ  56) et Hellas (ε  62) (Torre 2019) ; nous ne les intégrons pas à cette étude car trop fragmentaires. 12   Il s’agit du nombre de caractères, espaces non compris, d’après le texte du TLG  (qui reprend l’édition de Meineke). Il peut exister une petite différence avec le nombre réel de signes (en particulier du fait de crochets ou autres signes d’édition qui nous auraient échappés) mais elle est minime et ne change pas les résultats de nos calculs.

Première Partie : L’œuvre de Stéphane de Byzance et son Épitomé

26 Figure 3 – Tableau des notices incomplètes. Nb de car. S. de Byzance

Nb de car. Épitomé

% de conser­ Nb de citations Nb de citations vation du texte S. de Byzance Épitomé

Facteur de réduction

14

Δυρράχιον

> 457

318

3

1

>3

15

Βόσπορος

> 1920

820

7

3

> 2,33

16

Ἰβηρία

> 2338

287

16

1

> 16

17

Ἱσπανία

> 595

67

3

0

 

18

Κύπρος

> 575

382

2

0

 

19

Μακεδονία

> 816

296

4

0

 

20

Πελοπόννησος

> 748

292

2

0

 

21

Σάμος

> 308

138

0

0

 

22

Σικελία

> 1388

389

5

0

 

moyenne

> 1016

332

non signif.

> 4,66

0,56

non signif.

pourcentage de conservation du texte. La partie droite du tableau donne le nombre de citations présentes dans les deux textes, avec, à titre indicatif, le facteur de réduction. La moyenne qui est donnée en fin de tableau est arrondie à l’entier le plus proche pour le nombre de caractères et au dixième pour le reste. Le second tableau (fig. 3) correspond aux notices incomplètes de Constantin Porphyrogénète, pour lesquelles nous avons effectué les mêmes calculs mais en tenant compte du fait que le nombre de caractères ou de citations sont inférieurs à ceux de la notice d’origine. Sur cette base, il a été possible d’étudier de manière plus précise, pour chaque notice, le rapport entre le nombre de caractères chez Stéphane de Byzance et dans l’Épitomé, qui met en évidence le taux de réduction du texte (fig. 4). On distingue deux groupes très homogènes (coefficient de corrélation supérieur à 0,90) : un premier groupe avec un facteur d’abréviation moyen proche de 70%13, et un second avec un facteur moyen voisin de 87,5%14. Dans ce graphique et les suivants, nous avons représenté de façon particulière les notices du second groupe, connues par l’intermédiaire de Constantin Porphyrogénète. Après le numéro de la notice est placée une flèche signalant que le positionnement peut 13   Dundason (n o   2), Durbaioi (n o   3), Durrachion (n o   4), Duspontion (no 5), Dustos (no 6), Dônettinoi (no 8), Dôra (no 9), Eares (no 13), Dumanes (no 14), Bosporos (no 15), Kupros (no 18), Makedonia (no 19), Peloponnêsos (no 20), Samos (no 21) et Sikelia (no 22). Le coefficient de corrélation est de 0,92 (0,96 si l’on enlève les notices de Constantin Porphyrogénète). 14  Dumê (no 1), Dôdônê (no 7), Dôrion (no 10), Dôros (no 11), Dôtion (no 12), Ibêriai (no 16) et Hispaniai (no 17). Le coefficient de corrélation est de 0,93.

être amené à se déplacer vers la droite, en fonction du nombre de caractères réel (mais inconnu) de la notice d’origine. Compte-tenu de cette incertitude, nous avons surtout fondé notre interprétation sur les notices du premier groupe. Deux notices apparaissent isolées  : celle de Dôros o (n  11) contient une citation de Claudius Iolaus15 longue de 10 lignes ; si l’on en fait abstraction, la notice peut être rattachée au second groupe. Et celle de Dôdônê (no 7) dont le niveau de réduction est placé entre les deux groupes. Quant à la notice de Dôrion (n o 10), elle est lacunaire dans le manus­crit ; le nombre de caractères tel qu’il peut être restitué est assez hypothétique16. L’échelle de la fig. 5, de type logarithmique, accentue l’importance de l’abréviation. Elle met bien en évidence la plus grande réduction des toponymes les plus connus. Comme nous allons le voir plus loin, la cause de cette différenciation des notices en deux groupes apparaît en examinant le graphique de la fig. 8 : fort logiquement, ce sont les notices qui ont le plus de citations chez Stéphane de Byzance qui sont abrégées d’un facteur supérieur ou égal à 6. On remarque également, et là encore il n’y a rien d’anormal, que les petites notices (moins de 10 lignes), sont proportionnellement moins réduites dans l’Épitomé. Au final, les notices de l’Épitomé ne conservent que quelques lignes, bien loin de la taille de celles d’origine ; sur les 13 notices complètes étudiées, la moyenne est de 175 caractères (239 pour l’ensemble des 22 notices), à 15 

Écrivain de langue grecque de date inconnue (ier s. apr. J.-C. ?) ayant rédigé une histoire des Phéniciens et une autre du Péloponnèse. La citation correspond à FGrHist 788 F 2. 16  Sans compter que nous ne pouvons exclure que le feuillet ait été déchiré avant l’abréviation.

2. Le processus de réduction du texte

27

Figure 4 – Rapport entre le nombre de caractères par notice chez Stéphane de Byzance et l’Épitomé et droites de corrélation des deux groupes..

Figure 5 – Facteur d’abréviation des notices.

Première Partie : L’œuvre de Stéphane de Byzance et son Épitomé

28

Figure 6 – Rapport entre le nombre de caractères et le nombre de citations chez Stéphane de Byzance et droites de corrélation des deux groupes.

comparer aux 1020  caractères moyens (505 pour les 22 notices en incluant celles, incomplètes, de Constantin Porphyrogénète) chez Stéphane de Byzance. C’est effectivement la longueur moyenne que l’on repère lorsque l’on consulte l’édition de Meineke17. Le facteur de réduction moyen général semble compris entre 5 et 6 18. La version éditée par A.  Meineke contient 561 345 caractères pour 713 pages dont environ un tiers d’apparat critique (soit un total d’environ 475 pages). Si l’on extrapole le facteur de réduction d’environ 5,6 à l’ensemble de l’ouvrage, et dans l’hypothèse toute théorique qu’il y ait eu une abréviation homogène, il faut imaginer que la version initiale représentait l’équivalent d’environ 2  660  pages imprimées pour le seul texte de Stéphane de Byzance, ce qui en faisait une œuvre 17 

Pour notre visualisation, nous avons préféré cette édition qui rend mieux compte du texte de l’Épitomé dans son ensemble. 18  La moyenne des facteurs de réduction donne environ 5,6 pour la seule partie fiable de la fin de la lettre Δ, soit 17,92% de conservation du texte.

véritablement hors norme. On comprend mieux ainsi qu’un abrégé ait été rédigé dès le vie siècle ; un manus­ crit aussi imposant n’a pas dû être recopié souvent. Seule Constantinople devait en posséder un exemplaire (peutêtre exemplaire unique), ce qui explique l’usage qu’a pu en faire l’empereur Constantin VII Porphyrogénète et le faible nombre de citations de l’œuvre d’origine (aucune en dehors du cercle des intellectuels constantinopolitains). Nous reviendrons plus en détail sur tout ceci (infra p. 50 sq.). 2.2.2. La disparition des citations Compte tenu de la façon dont l’ouvrage a été organisé, le nombre de citations et le nombre de caractères sont logiquement liés. Afin de préciser cette interaction, nous avons établi deux graphiques montrant chez Stéphane de Byzance et l’Épitomé le rapport entre le nombre de caractères de la notice et le nombre de citations qu’elle contient (quelle que soit leur longueur).

2. Le processus de réduction du texte

29

Figure 7 – Rapport entre le nombre de caractères et le nombre de citations dans l’Épitomé.

Chez Stéphane de Byzance (fig. 6), le nuage de points est regroupé autour de deux droites de corrélation. La première regroupe les notices relativement brèves (moins de 20 lignes) et 3 notices un peu longues (coefficient de corrélation 0,91)19 n’atteignant pas dix citations. Ces courtes notices, qui forment un groupe relativement homogène, n’ont que très peu de citations. Au-delà de 20 lignes, leur nombre est beaucoup plus important et suit un accroissement linéaire. La deuxième droite (coefficient de corrélation : 0,94) rassemble ainsi les notices contenant au moins dix citations20. Ces droites de corrélation démontrent le lien intrinsèque entre les notices et les citations ; ces dernières en constituent une part significative. Dundason (no 2), Durbaioi (no 3), Duspontion (no 5), Dustos (n  6), Dônettinoi (no 8), Dôra (no 9), Dôrion (no 10), Eares (no 13), Dumanes (no 14), Bosporos (no 15), Hispaniai (no 17), Kupros (no 18), Makedonia (no 19), Peloponnêsos (no 20), Samos (no 21) et Sikelia (no 22). 20  Dumê (no 1), Durrachion (no 4), Dôdônê (no 7), Dôros (no 11), Dôtion (no 12), et Ibêriai (no 16). o

19 

Pour l’Épitomé en revanche, il n’existe que peu de cohérence d’ensemble (fig. 7) : le coefficient de corrélation global est seulement de 0,50. Trois droites de corrélation peuvent être proposées, la première regroupant les notices courtes (moins de quatre lignes), la seconde les notices plus longues et enfin la dernière les notices n’ayant conservé aucune citation (la droite se confond alors avec l’axe des abscisses). On remarquera que l’Épitomé ne mentionne guère plus de deux citations dans les articles étudiés21. On a perdu ici le lien fort de l’œuvre originale, qui unissait le nombre de citations à la longueur des notices. C’est donc avant tout sur ces citations qu’a portées la réduction opérée sur l’œuvre de Stéphane de Byzance. Or, elles sont d’une grande importance car elles seules permettent une étude historique des toponymes. Le graphique de la fig. 8 permet de rendre plus lisible le rapport entre le nombre de citations dans l’œuvre de Stéphane de Byzance et leur nombre dans l’Épitomé. Le pourcentage de citations perdues est considérable. 21 

Seule la notice Bosporos a conservé 3 citations.

Première Partie : L’œuvre de Stéphane de Byzance et son Épitomé

30

Figure 8 – Comparaison du nombre de citations chez Stéphane de Byzance et l’Épitomé.

On peut admettre que dans l’ensemble, plus des troisquarts des citations de Stéphane de Byzance ont disparu avec l’abréviation22. On s’aperçoit par ailleurs qu’il n’existe pas de rapport entre le nombre de citations chez Stéphane de Byzance et celui qui subsiste dans les notices abrégées. Dans une notice comme celle de Dôdônê qui contient 21 citations à l’origine, l’abréviateur n’en laisse que deux.

2.3. Vers une restitution de l’ampleur de l’œuvre d’origine Pour mieux approcher la taille de l’œuvre d’origine, il est nécessaire de connaître avec plus de précision la réduc22 

Nous ne parlons ici que de la citation d’un auteur, pas de la longueur elle-même. Compte-tenu de la faiblesse de notre corpus comparatif, nous n’avons pas distingué, dans notre réflexion sur l’Épitomé, la seule mention d’un auteur de la citation véritable ; cette dernière est de loin la moins fréquente dans le texte complet que nous avons conservé.

tion opérée. Nous allons l’analyser de deux manières différentes. D’abord en essayant de déterminer si l’abréviation est identique d’une lettre à l’autre. Ensuite en affinant cette recherche dans le cadre du découpage initial de l’œuvre en livres. 2.3.1. Une abréviation différentielle Lorsqu’on consulte la totalité de l’ouvrage, on s’aperçoit que certaines lettres ont des notices plus réduites que d’autres, ce qu’avaient déjà noté Westermann puis Honigmann23. Afin de quantifier cette différence, nous avons comptabilisé le nombre de caractères par notice dans le TLG (texte de l’édition Meineke), en indiquant la moyenne des 25 premières notices et des 25 dernières, arrondi à l’entier le plus proche, puis la moyenne de la 23  Ce dernier a essayé d’aborder le problème de la réduction en appliquant quatre schema (selon le mot allemand utilisé par Honigmann 1929, col. 2375-2376). Il conclut que l’Épitomé est l’œuvre d’au moins deux épitomateurs.

2. Le processus de réduction du texte

31

Figure 9 – Tableau comparatif du nombre de caractères moyen des notices de l’Épitomé par lettre.

avait sous la main. C’est pourquoi nous avons ajouté une colonne (à Nb caractères Nb caractères Nb caractères % de long. des droite du tableau) qui identifie, moyen des 25 moyen des 25 moyen par notice de notices par rapport Lettre premières notices dernières notices l’ensemble de la lettre à la long. moyenne de manière théorique, la longueur α 406 142 214 + 41,8% des notices de l’ensemble d’une lettre par rapport à la longueur β 86 142 153 + 1,2% moyenne. Une moyenne moins γ 223 169 164 + 8,3% importante par lettre implique δ 145 158 146 - 3,4% une réduction plus forte (% négaε 89 191 134 - 11,3% tif )  ; à l’inverse un nombre de ζ 148 / 135 - 10,3% caractères plus grand témoignera d’une réduction moyenne moins η 172 / 171 + 12,9% importante (% positif ). θ 93 133 139 - 8,2% Certaines lettres ont été extrêι 93 152 119 - 21,0% mement réduites comme le ρ κ 124 210 149 - 1,0% (réduit de plus de la moitié par λ 154 101 124 - 17,9% rapport à la moyenne) ou le ξ. Les notices commençant par ε, ζ, μ 109 114 117 - 22,7% θ, ι, λ, μ, ν, π et σ sont également ν 136 127 128 - 15,1% plus réduites que la moyenne. ξ / / 87 - 42,6% Ce qui signifie que des notices se ο 128 112 117 - 22,4% trouvant dans ces lettres auront π 183 100 118 - 21,9% moins de chance d’avoir conservé ρ 84 66 73 - 51,8% l’information d’origine. À  l’inverse, le α, le χ et le ω ont été peu σ 68 191 102 - 32,3% réduites, tandis que les notices τ 156 115 157 + 4,2% commençant par γ, η, τ et ψ sont, υ 128 167 153 + 1,1% dans l’ensemble, moins réduites φ 142 184 155 + 2,7% que la moyenne. χ 346 248 288 + 90,9% Ce tableau montre bien l’importance des variations dans ψ 188 / 188 + 24,3% l’abré­v iation qui a été faite de ω 282 / 282 + 86,9% l’œuvre de Stéphane de Byzance. Mais les Ethniques n’ayant pas 24 été découpés à l’origine seulement par lettre, il nous faut totalité de la lettre . Le tableau ci-dessus (fig.  9) en détailler ces résultats en intégrant la délimitation des donne le détail. livres que l’on perçoit encore dans l’Épitomé. La moyenne générale de toutes les lettres s’établit à 151 caractères par notice, ce qui correspond à une notice fictive qui nous servira de témoin pour mieux apprécier 2.3.2. L’ouvrage et ses divisions le taux de réduction de telle ou telle partie de l’ouvrage. Nous pensons que Stéphane de Byzance n’avait pas de Des indications de changement de livres sont conservées raison de traiter différemment les notices les unes par partiellement dans trois des manus­crits principaux des rapport aux autres en fonction de leur ordre alphabéEthniques25. Jusqu’à présent, la plupart des érudits ont tique. Contrairement au nombre de notices par lettre, considéré que le nombre de livres supposé (entre 60 et 80) qui varie selon la fréquence de l’usage lexical, la longueur des notices dépend uniquement des sources qu’il 24 

Certaines lettres (ζ, η, ξ, ψ et ω) ont moins de 50 notices ; nous avons fait alors apparaître le calcul pour l’ensemble de la lettre seulement.

25 Le Rehdigeranus 47 (R), le Vaticanus Palatinus gr. 253 (Q) et le Vaticanus Palatinus gr. 57 (P). A. Meineke, qui ne connaissait pas tous les manus­crits utilisés par M. Billerbeck, a consulté également pour les premiers livres le Perusinus 67 (Π) qui dérive de P.

Première Partie : L’œuvre de Stéphane de Byzance et son Épitomé

32

posait problème 26. E.  Honigmann lui-même donne un tableau récapitulatif –  dont on sent bien qu’il lui paraît peu logique –, en prenant pour base le nombre de notices par livre27. Or, leur nombre est très inégal suivant les lettres. De plus, la réduction plus importante de certaines lettres permet d’expliquer les difficultés qu’a rencontrées E.  Honigmann dans la restitution des 24 derniers livres dont on a perdu la signalisation, celui-ci n’ayant pas tenu compte d’une abréviation différenciée dans son raisonnement. Dans le fragment de l’œuvre intégrale (S), nous avons l’indication d’un changement de livre. Si rien ne signale la fin du livre  XIII, apparaît, en tête du livre suivant (XIV), le titre complet de l’ouvrage, puis le numéro du livre (sous la forme très simple de « βιβλίον ιδʹ »28) suivi de l’index (pinax). Il semble que ce soit ainsi que chaque livre débutait dans ce manus­crit. Dans les différents manus­crits conservés de notre Épitomé, des formes différentes apparaissent. Nous pouvons les regrouper sous les catégories suivantes29 : Indication de la fin d’un livre ou d’une lettre a. «  τέλος τοῦ βιβλίου  »  : dans le manus­crit  R, c’est le cas des livres X, XI, XIII, XV, XVI, XXI ; il existe une variante a' « τέλος τοῦ  » ; b. «  τέλος τοῦ στοιχείου  »  : le mot τέλος est sous-entendu pour le début du livre  VIII (manus­ crit R). Indication du début d’un livre c. « ἀρχὴ τοῦ βιβλίου » : le manus­crit P a cette forme pour les livres X, XII, XIV, XVII ; une variante (notée c') correspond à « ἀρχὴ τοῦ  » avec le numéro du livre qui commence, sans que le mot βιβλίον ne soit ajouté. Une seconde variante (c'') n’a pas le no du livre. Enfin, une troisième variante (c'''), dans le livre [LIII] est « ἀρχὴ βιβλίου  » ; 26   Le

nombre 80 résulte à la fois d’une mauvaise lecture de Tennulius et Montfaucon, rectifiée par A.  Westermann (Westermann 1839, p. xx), du texte du début du livre XIV dans le Coislinianus 228 (ὀγδοήκοντα κεφάλαια au lieu de οὗ τὰ κεφάλαια) ainsi que d’une mention d’un livre 51 (ναʹ) vers la fin de la lettre σ. 27   Sur la restitution des livres, cf.  Honigmann  1929, col. 2377-2379. 28  Le manus­crit porte ιαʹ mais il s’agit d’une confusion classique d’onciales (Α/Δ) qui a été rectifiée par la suite puisque nos manus­ crits comportent le bon numéro de livre. 29  ‘N’ désigne le no du livre ; ‘L’ la lettre principale et ‘l’ la lettre secondaire.

d. « βιβλίον  » : forme la plus simple que l’on trouve dans le manus­crit P (livres II, III, IV, VI, VII, IX, XI, XVI) et dans le manus­crit R (livres II, III, IV, V, VI, VII). Elle peut être inversée (manus­crit P, livre XV). Pour le livre [LII], on trouve une variante avec la mention du «  premier  » (αον) livre de la lettre. Indication du début d’une lettre e. «  ἀρχὴ τοῦ στοιχείου·  »  : manus­ crit  R, livre  VIII, XII. On trouve également une variante (e') avec στοιχεῖον τὸ (manus­crit R, livre XX) ; f. « ἀρχὴ τοῦ  » : manus­crit Q, livres VIII et XII ; g. « μετὰ τοῦ  » : manus­crit Q, livre XI. Nous avons indiqué dans le tableau ci-après (fig.  10) les différentes mentions de changement de livre, en tenant compte des mentions disponibles dans les deux éditions de référence30. On le voit, deux éléments sont pris en compte : soit le numéro du livre, soit la lettre (et éventuellement la seconde lettre). Cette seconde série d’indications est probablement postérieure à l’œuvre d’origine. Il faut d’abord signaler quelques erreurs dans le changement de livre. La première, la plus facile à mettre en évidence, correspond au passage du livre XIV à XV. Dans les manus­crits, l’indication est placée après le lemme Eluros (ε 75). Or, nous savons par l’index contenu dans le fragment original du livre XIV que celui-ci se terminait avec la notice suivante Elôros (ε 76), ce qui est plus logique d’un point de vue alphabétique. Il en est de même du début du livre XXI (Ikos, ι 47 au lieu d’Ilaraugatai, ι 48), du livre LIV (Titôn, τ 143 au lieu de Tlêtes, τ 144) et peut-être du livre III (Alea, α 199 au lieu d’Algidos, α 198 ?). Il s’agit d’un décalage somme toute très modeste, ce qui semble indiquer que, dans l’archétype tardif des manus­crits que nous possédons, les indications de changement de livre devaient se trouver en marge et que leur position a été mal lue. Mais comme les quatre manus­crits présentent souvent la même erreur, il faut probablement la faire remonter au moment de la copie de l’archétype. Le numéro de livres est incertain pour la fin de la lettre Σ et la lettre Τ. Si le livre LI (ναʹ) est exact, celui qui 30  Les mentions se retrouvent tant dans l’édition de M. Biller­ beck que dans celle d’A. Meineke. Nous avons réalisé cette analyse avant d’avoir accès aux manus­crits numérisés.

2. Le processus de réduction du texte

33

Figure 10 – Tableau récapitulatif des signalisations de changement de livre. No du livre

Index géo­graphique

manus­crit R

manus­crit Q

manus­crit P

c'

c'

I

Ἄβαι - Ἀδυρμαχίδαι

II

Ἀερία - Αἰλία

d

d

III

Αἱμονία - Ἀλέα

d

d

IV

Ἀλεξάνδρειαι - Ἄμφρυσος

d

d

V

Ἀναγυροῦς - Ἀραχωτοί

d

a+d

VI

Ἀρβάκη - Ἄρωμα

d

d

VII

Ἀσαί - Ἄωρος

d

d

VIII

Βάβαι - Βήσσυγα

IX

Βίβαστος - Βρέττος

X

a+καὶ+b+d+e

f+g

d

manus­crit N

f

c

d

Βρίγες – Γαῦλος

a+c'

c

XI

Γέα - Γωγαρηνή

a+c

g

d

XII

Δάαι - Δίκτη

a+καὶ+b+e+d

f+g

c

XIII

Δινδρύμη - Δώτιον

XIV

Ἔαρες - Ἔλωρος

XV

*Ἔμβατον - Ἑρχιά

a+c

d

XVI

Ἕσδητες - Ἐχῖνος

a+c

d

XVII

Ζάβιδα - Ζωστήρ

a+e+d

f+g

c

e

XVIII

Ἠδοί - Ἡφαίστου

a+e+d

f+g

c

e

XIX

Θαλάμαι - Θώραξ

a+b+d

f+g

c

e

XX

Ἴαβις - Ἰκόνιον

a+c'+e'

f

c'

e

XXI

*Ἴλαραυγᾶται - Ἰωτάπατα

XXII

Καβαλίς - [Καπύα]

XXXI

Μεγάλη πόλις – Μεσσάπιον

XXXII

Μεσσήνη - Μωριεῖς

c

XXXIII

Νάαρδα – Νησώπη

a+c

XXXIV

Νίβις - Νώρακος

a+d

XXXV

Ξάνθοι – Ξύστις

a+e+d

f+g

c

e

XXXVI

Ὄα - Ὀρεστία

a+d+e

f

c

e

LI

a+c b+καὶ+a+e+d

e

c'' f

c

e

a+c

c

a+e+d

a+c

e+f

a'+c

e

a+d f+g

c

Συράκουσαι - Σωφηνή

d

Ράβα

e

e

e

Σαβαί

e

f

e

[LII]

Τάβαι – Τῆνος

e

e

[LIII]

Τιβαρηνία – Τιτωνεύς

[LIV]

*Τλῆτες - [Τρῳάς]

c'''

Ὑαία

e

Φαβία

e

e

e

Χαβαρηνοί

e

f

e

Ψαμαθοῦς

e

f+g

e

Ὠβαρηνοί

e

f

f

c+« α »

e+« α »

c''' ? c''' e

34

Première Partie : L’œuvre de Stéphane de Byzance et son Épitomé

commence par Tabai (τ 1) doit correspondre au LII (νβʹ au lieu de νδʹ). Nous verrons plus loin que c’est vraisemblablement ce numéro de livre qui est erroné. Résumons les caractéristiques importantes pour la restitution du découpage en livres : – le nombre de notice ne constitue pas un argument pour déterminer l’étendue d’un livre ; – la césure se fait normalement entre chaque lettre, mais il arrive que le découpage soit un peu décalé (par exemple pour la lettre Γ) sans doute pour équilibrer la longueur des livres ; – le découpage des livres à l’intérieur d’une même lettre privilégie un changement de seconde lettre, mais là encore ce n’est pas systématique (comme entre les livres III et IV) ; – enfin, il est probable que les différents livres commençaient à l’origine par une page différente, comme c’est le cas dans S, et que cela s’est perdu avec l’abréviation. 2.3.3. La répartition du texte par livres Nous avons regroupé dans un tableau (fig. 11) les indications des livres clairement identifiés (les 22 premiers livres et les livres  XXXI à XXXVI), avec les entrées alphabétiques correspondantes ainsi que le nombre de caractères dans l’édition de Meineke. On l’a vu, ces livres ne posent pas de problème de délimitation : le début de chacun est clairement énoncé dans les manus­crits31. Ce premier échantillon permet d’inclure dans notre réflexion le livre XIII qui contient les notices que nous avons conservées. Dans une colonne spécifique, nous avons signalé le nombre de caractères moyen par notice et le rapport (sous forme de %) entre celui-ci et notre longueur moyenne « témoin » (151 caractères). Ce chiffre est tout à fait aléatoire car nous savons bien qu’il ne représente pas réellement la longueur moyenne de toutes les notices, mais il permet de manière pratique de fixer un repère pour la quantification de l’abréviation. Nous constatons d’abord une différence de réduction du texte original très nette suivant les livres. Nous ne considérerons pas comme très significative toute réduction comprise entre – 15% et + 15% par rapport à notre moyenne-pivot, compte-tenu du manque de 31  Dans les deux tableaux suivants, les numéros des livres dont la délimitation est donnée dans les manus­crits sont notés en gras dans la colonne de gauche.

points de comparaison avec l’œuvre d’origine. Les trois premiers livres sont relativement peu réduits (mais cela représente tout de même une perte allant des trois aux quatre-cinquièmes du texte d’origine) ; ce type de réduction « légère » ne semble avoir concerné à peu près que les citations. Suivent ensuite quatre autres livres pour le reste de la lettre α, à peine moins réduits que la moyenne générale. Pour les lettres β à δ, les livres sont à peu près équivalents en termes de réduction même si le livre IX semble un peu moins réduit et le livre VIII plus réduit que la moyenne. Le livre XXI et les livres XXXI-XXXIV et XXXVI ont un taux de conservation de texte relativement semblable. Ce tableau démontre l’intérêt de raisonner en fonction des livres d’origine. Le découpage que l’on a conservé (par exemple pour la lettre α) implique qu’une même lettre pouvait être répartie entre plusieurs livres, en fonction de la place disponible. Le nombre de livres de l’œuvre d’origine (très vraisemblablement 60 si l’on tient compte des livres LI et suivants) ne nous semble pas anormal. E. Honigmann pensait le contraire32 ; il a essayé de les délimiter en fonction du nombre de notices de l’Épitomé par livre ce qui nous semble moins pertinent33. Quoiqu’il en soit, le découpage en livres est autant que possible logique (lié à l’ordre alphabétique) mais n’était sans doute pas destiné à équilibrer strictement les différents livres entre eux 34. Pour ne prendre que deux exemples, le livre XVII pour la lettre Η ou XXXV pour la lettre Ξ semblent avoir été beaucoup plus petits que les autres. Plusieurs lacunes dans l’ordre alphabétique des notices de l’Épitomé ont été identifiées et analysées par E. Honigmann : entre Kelaithra (κ 154) et Korakos petra (κ 155), Larisai (λ 45) et Lêmnos (λ 46) et entre Orestia (ο 89) et Palikê (π 1)35. À l’inverse des deux suivantes, seule la première de ces lacunes est perceptible dans les manus­crits que nous possédons car plusieurs folios sont laissés blancs36. On s’explique mal comment se présentait cette lacune dans l’archétype : s’agissait-il de feuillets entièrement délavés ? Ou bien une numérotation des 32 

Honigmann 1929, col. 2378-2379. On l’a dit, les notices sont de taille très diverse suivant le nombre de formes lexicales et donc de citations. De plus, l’Épitomé ne rend pas compte de la taille des notices d’origine. 34  Dans un codex, la longueur du livre importe peu, contraire­ ment au volumen des époques antérieures. 35  Honigmann 1929, col. 2377. 36  Nous renvoyons au p. 65 sq. pour le détail des folios man­ quants. 33 

2. Le processus de réduction du texte

35

Figure 11 – Tableau de comptage des livres I à XXI et XXXI à XXXVI. No du livre

Début du livre

Index géographique

nb de caractères dans l’Épitomé

Nb de notices

Nb moyen de caractère par notice

% de longueur des notices par rapport à la longueur moyenne

I

Α

Ἄβαι - Ἀδυρμαχίδαι

23 393

68

344

+ 127,8%

II

Αε

Ἀερία - Αἰλία

15 166

59

257

+ 70,2%

III

Αιμ

Αἱμονία - Ἀλέα

17 226

69

250

+ 65,3%

IV

Αλεξ

Ἀλεξάνδρειαι - Ἄμφρυσος

17 554

99

177

+ 17,4%

V

Αν

Ἀναγυροῦς - Ἀραχωτοί

15 967

85

188

+ 24,4%

VI

Αρβ

Ἀρβάκη - Ἄρωμα

14 067

84

167

+ 10,9%

VII

Ασ

Ἀσαί - Ἄωρος

19 696

113

174

+ 15,4%

VIII

Β

Βάβαι - Βήσσυγα

11 599

90

129

- 14,7%

IX

Βι

Βίβαστος - Βρέττος

14 781

80

197

+ 22,4%

X

Βρι

Βρίγες – Γαῦλος

11 856

71

167

+ 10,6%

XI

Γε

Γέα - Γωγαρηνή

12 126

81

150

- 0,9%

XII

Δ

Δάαι - Δίκτη

12 247

82

149

- 1,1%

XIII

Διν

9 500

69

297

- 8,8%

XIV

Ε

Ἔαρες - Ἔλωρος39

7 973

74

109

- 28,6%

XV

Εμ

Ἔμβατον - Ἑρχιά

9 013

62

145

- 3,7%

XVI

Εσ

Ἕσδητες - Ἐχῖνος

7 578

48

158

+ 4,6%

XVII

Ζ

Ζάβιδα - Ζωστήρ

4 581

34

135

- 10,8%

XVIII

Η

Ἠδοί - Ἡφαίστου

5 089

30

170

+ 12,3%

XIX

Θ

Θαλάμαι - Θώραξ

11 332

82

138

- 8,5%

XX

Ι

Ἴαβις - Ἰκόνιον

7 140

45

159

+ 5,1%

XXI

Ιλ

Ἰλαραυγᾶται - Ἰωτάπατα

11 010

85

130

- 14,2%

XXXI

Με

Μεγάλη πόλις – Μεσσάπιον

7 558

58

130

- 13,7%

XXXII

Μεσση

Μεσσήνη - Μωριεῖς

14 167

109

130

- 13,9%

XXXIII

Ν

Νάαρδα – Νησώπη

6 162

49

126

- 16,7%

XXXIV

Νι

Νίβις - Νώρακος

5 203

40

130

- 13,9%

XXXV

Ξ

Ξάνθοι – Ξύστις

1 382

16

86

- 42,8%

XXXVI

Ο

Ὄα - Ὀρεστία

10 718

88

122

- 19,3%

Δινδρύμη - Δώτιον

37

38

folios (ou des cahiers ?) permettait-elle d’identifier cette lacune  ? Notons qu’aucun mot ni phrase n’a été écrit dans ces folios laissés vides. Par ailleurs, le manus­crit R n’a pas cette coupure. Peut-être la lacune était-elle seulement indiquée en marge et dès lors restituée arbitraire37   Nous

n’avons pas comptabilisé le texte de Constantin Porphyro­génète pour la notice de Βόσπορος. 38  Les 2 220 caractères des notices communes de l’Épitomé avec les fragments de Stéphane de Byzance correspondent à 23% du total du livre XIII et à 13 150 caractères dans l’œuvre originale. Nous ne possédons donc qu’un quart d’un livre de Stéphane de Byzance. 39   Nous n’avons pas comptabilisé le texte de Stéphane de Byzance pour la notice Ἔαρες.

ment par les copistes des deux manus­crits P et Q. Cette disparition est postérieure à Eustathe de Thessalonique car celui-ci disposait d’un texte complet40. En général, les disparitions que l’on observe correspondent plutôt à des pertes de feuillets au début ou à la fin des manus­ crits, plus rarement de cahiers entiers au milieu. Il s’agit ici vraisemblablement de feuillets correspondant à un ou plusieurs cahiers. Au vu de la façon dont Stéphane de Byzance a découpé les lettres comportant le plus de notices, nous pensons que ces absences peuvent correspondre à des livres plus ou moins entiers. Nous allons

40 

Voir l’édition de Billerbeck et al. 2014, p. 78-79.

Première Partie : L’œuvre de Stéphane de Byzance et son Épitomé

36

Figure 12 – Proposition de restitution des livres XXII à LX de Stéphane de Byzance.

No du livre

% de longueur des notices par rapport à la longueur moyenne

nb de caractères dans l’Épitomé

Nb de notices

Nb moyen de caractère par notice

Καβαλίς - [Καπύα]

9 391

70

134

- 11,2%

[Κάραλλις] - Κελαίθρα

13 452

84

160

+ 6,1%

Début du livre Index géographique

XXII

Κ

XXIII

Καρ

XXIV

Κελβ

[Κελβ …] - [Κοπ …]

disparu

XXV

Κορ

Κόρακος - [Κρουστομερία]

11 610

80

145

- 3,9%

XXVI

Κρυ

[Κρύα] - [Κωσταντινούπολις]

13 080

85

154

+ 1,9%

XXVII

Λ

[Λᾶ] - [Λάρισσα …]

7 153

45

159

+ 5,3%

XXVIII

Λασ

[Λασ …] - [Λη …]

XXIX

Λημ

[Λῆμνος] - [Λωτοφόρος]

7 672

75

102

- 32,3%

disparu

XXX

Μ

[Μαγαρσος] - Μαχαιροῦς

10 222

103

99

- 34,3%

XXXI

Με

Μεγάλη πόλις – Μεσσάπιον

7 558

58

130

- 13,7%

XXXII

Μεσση

Μεσσήνη - Μωριεῖς

14 167

109

130

- 13,9%

XXXIII

Ν

Νάαρδα – Νησώπη

6 162

49

126

- 16,7%

XXXIV

Νι

Νίβις - Νώρακος

5 203

40

130

- 13,9%

XXXV

Ξ

Ξάνθοι – Ξύστις

1 382

16

86

- 42,8%

88

122

- 19,3%

XXXVI

Ο

XXXVII

Ορι

XXXVIII

Π

XXXIX

Παπ

XL

Πατυ

Ὄα - Ὀρεστία

10 718

[Ὀρι …] - [Οψ …]

disparu

[Π …] - [Παντόματριον]

> 4 989

> 27

(185)

+ 22,4%

[Παπίτιον] - [Πατρόκλου]

8 947

46

195

+ 28,8%

[Πάτυκος] - [Πήρεια]

7 601

70

109

- 28,1%

XLI

Πι

[Πίακος] - [Πνύξ]

4 789

45

106

- 29,5%

XLII

Πο

[Ποδάλεια] - [Πριούερνος]

3 875

53

73

- 51,6%

XLIII

Προ

[Πρόαρνα] - [Πῶλις]

4 899

54

91

- 39,9%

XLIV

Ρ

[‘Ράβα] - [‘Ρίπη]

2 833

36

79

- 47,9%

XLV

Ρο

[‘Ρόβεια] - [‘Ρωσός]

1 875

29

65

- 57,2%

XLVI

Σ

[Σαβαί] - [Σάμψειρα]

3 700

48

77

- 49%

XLVII

Σαν

[Σανδάλιον] - [Σέστιον]

5288

64

83

- 45,3%

XLVIII

Ση

[Σηκοανός] - [Σιωνία]

8 073

76

106

- 38,3%

XLIX

Σκ

[Σκάβαλα] - [Σούτριον]

7 063

64

110

- 26,9%

L

Σπ

[Σπάδα] - Συπαληττός

7 745

67

146

- 3,3%

LI

Συρ

Συράκουσαι - Σωφηνή

4 165

23

181

+ 19,9%

[LII]

Τ

Τάβαι – Τῆνος

21 011

116

181

+ 20%

[LIII]

Τι

Τιβαρηνία – Τιτωνεύς

3 639

26

140

- 7,3%

[LIV]

Τλ

*Τλῆτης - [Τρῳάς]

9 544

69

138

- 8,4%

LV

Τυ

[Τύανα] - [Ὑώπη]

11 876

84

141

- 6,4%

LVI

Φ

[Φαβία] - [Φθίρ]

8 996

59

152

+ 1%

LVII

Φι

[Φιά] - [Φωτίναιον]

10 034

64

157

+ 3,8%

LVIII

Χ

[Χαβαρηνοί] - [Χαύων]

10 289

34

303

+ 100,4%

LIX

Χε

[Χειμέρα] - [Χωχή]

8 689

33

263

+ 74,4%

LX

Ψ

[Ψαμαθοῦς] - Ὦφθις

10 855

46

236

+ 56,3%

2. Le processus de réduction du texte

37

Figure 13 – Nombre de caractères (histogramme) et de notices (courbe) par livre.

partir de cette hypothèse de travail ; nous y reviendrons à la fin de notre analyse. En fonction de ces absences, nous avons essayé de répartir les livres en tenant compte des indications des manus­crits 41. Dans le tableau qui suit (fig.  12), nous avons indiqué en italique les numéros des livres XXII à LX et entre crochets les lemmes débutant ou finissant ces livres restitués. Rappelons que le découpage des livres non signalés de façon spécifique reste évidemment hypothétique. Nous proposons de voir dans les lacunes repérées dans le texte (ou à peu de choses près) les livres XXIV, XXVIII et XXXVII. Ces manques ne semblent en effet pas liés avec un découpage du manus­crit en plusieurs volumes dont les derniers (ou premiers) folios auraient disparu. Ces intervalles entre les lemmes restent compatibles avec les longueurs moyennes des séquences alphabétiques. 41  Nous avons peu de repères pour les derniers volumes. Nous proposons de corriger la mention de livre LII (νβ’) en livre LIV (νδ’) avant Tlêtês (τ 144) car le livre LII correspondrait à celui qui débute avec le lemme Tabai (τ 1).

Jusqu’au livre  XXXVI, on a un découpage assez cohérent ; au-delà, il devient plus difficile à établir. Le livre XXXVII, disparu, pourrait avoir compris la fin de la lettre Ο, avec les très nombreux noms d’origine latine débutant par Οὐ-. Dès lors, le début de la lettre Π se serait trouvé dans le livre suivant dont les premiers folios auraient disparu. La lettre Π aurait été découpée en 7 livres ; la lettre Ρ en seulement 2 livres tandis que l’on retrouve 6 livres pour la lettre Σ. Le découpage interne de cette dernière lettre est assez difficile à retrouver ; nous avons essayé de proposer des césures alphabétiques assez simples, qui restent bien sûr totalement hypothétiques. Pour les derniers livres (de LV à LX) nous avons regroupé la fin de la lettre T avec le Y, et le Ψ avec l’Ω. On l’a dit, les livres sont inégaux, aussi bien par le nombre de caractères que par celui des notices (fig. 13). Au final, nous pensons que le découpage par livre que nous avons établi ne doit pas être très éloigné de celui de l’œuvre d’origine. Il nous servira pour toute la suite de notre réflexion ; il conviendra toutefois de garder à l’esprit la limite de nos certitudes concernant cette répartition.

Figure 14 – Pourcentage de réduction des 60 livres de Stéphane de Byzance par rapport à la moyenne.

Figure 15 – Proposition de découpage de l’abrégé du premier abréviateur et les réductions successives.

2. Le processus de réduction du texte

39

Figure 16 – Comparaison entre Eustathe de Thessalonique (Com. Dion. v. 78) et l’Épitomé (s.v. Ausôn, α 546). Texte Eustathe de Thessalonique

Épitomé

Ὅτι τοὺς Ἰταλοὺς, ὡς τότε μοναρχοῦντας, μέγα κοιρανέειν λέγει, καὶ Αὐσονῆας, ἤτοι Αὔσονας, ὀνομάζει. Καὶ σημείωσαι ὅτι τοὺς αὐτοὺς εἶναι λέγει Αὔσονας καὶ Ἰταλούς. Λέγονται δὲ Αὔσονες *1*ἀπὸ Αὔσονος, ὃς πρῶτος τῶν κατὰ Ῥώμην βασιλεῦσαι πρός τινων ἱστορεῖται, Ὀδυσσεῖ γεγονὼς ἐκ τῆς Κίρκης, ἢ, κατὰ τὸν τὰ Ἐθνικὰ γράψαντα, *2*ἐκ Καλυψοῦς γεννηθεὶς τῷ Ἄτλαντι, ἀφ’ οὗ καὶ τὸ Σικελικὸν πέλαγος Αὐσόνιον ἐκλήθη ποτέ. Λέγει δὲ αὐτοὺς παρὰ τὸν Λιγυστικὸν εἶναι κόλπον, ἀρξαμένους ἀπὸ βορέου, καὶ διήκοντας ἕως τῆς Λευκῆς Πέτρας, ἧς καὶ ἐν τοῖς ἑξῆς μεμνήσεται. Ἄκρα δὲ αὕτη ἐστί, περὶ ἧς οὕτως ἱστορεῖται· ἄκρα Λευκὴ Πέτρα καλουμένη ἀπὸ χρόας, εἰς ἣν τελευτᾷ τὸ Ἀπέννιον ὄρος. Ἀπὸ Ἰταλοῦ δέ τινος ὀνομάζονται Ἰταλοί, ὡς καὶ ἀπὸ Αὔσονος Αὔσονες. Ἰστέον δὲ ὅτι ἀπὸ τοῦ Αὔσονος παράγωγον Αὐσονεύς, ὡς Αἰθιοπεύς, ἡγεμονεύς, καὶ πλεονασμῷ τοῦ ι, διὰ δακτύλου συγκρότησιν, *3* Αὐσονιεύς· ἐξ οὗ τὸ Αὐσονιῆες.

Αὔσων· ὁ Ἰταλός. *1* Λυκόφρων « κτείνουσιν αὐτὸν Αὔσονες Πελλήνιοι ». καὶ Αὐσονίς τὸ θηλυκόν, καὶ Αὐσόνιος καὶ Αὐσονία ἡ χώρα, ἀφ’ οὗ *3* Αὐσονιεύς· καὶ Αὐσόνειος, Λυκόφρων « ὁ δ’ Αὐσονείων ἄγχι Κάλχαντος τόπων ». καὶ Αὐσονίτης, ὁ αὐτός « παρ’ Αὐσονίτην Φύλαμον δομήσεται ». καὶ Αὐσονῖτις θηλυκόν, ὁ αὐτός « ὁ τῆς θαλάσσης Αὐσονίτιδος μυχούς ». καὶ Αὐσόνιος κτητικόν.

2.3.4. Une abréviation multiple ? Lorsque l’on regarde dans le détail les différents livres, on voit clairement que certains d’entre eux ont fait l’objet d’une réduction plus importante que d’autres (fig. 14), ce que met en évidence le rapport (en pourcentage) entre la longueur des notices dans l’Épitomé et la longueur moyenne (établie, rappelons-le, à 151 caractères). Les trois premiers et les trois derniers livres sont les moins réduits. La différence est ainsi particulièrement marquante entre le livre LVII (avec une réduction quasi égale à notre moyenne théorique) et le livre LVIII, deux fois moins réduit. Ces deux ensembles de trois livres pourraient indiquer une répartition d’une première phase d’abréviation (que l’on attribuera à un premier abréviateur anonyme, noté [S1]) regroupant de manière fictive 3 livres en 1, qui est cohérent avec le facteur de réduction moyen pour ces six livres conservés. Cette répartition par groupe de trois livres est intéressante pour expliquer la disparition de certains livres. Le livre XXIV apparaît à la fin d’un groupe de trois ; le livre XXVIII au début d’un tel groupe, de même que le livre XXXVII. Si l’on imagine un regroupement par trois des livres de Stéphane de Byzance après la réduction opérée par le premier abréviateur, on obtient le schéma suivant (fig. 15), où les livres absents sont effectivement au début ou à la fin des regroupements peut-être effectués par le premier abréviateur ([S1]). Il nous faut analyser maintenant le pourcentage de réduction que l’on observe pour l’ensemble des autres livres. Si l’on excepte les 3 premiers et les 3 derniers livres, on observe deux séries distinctes. La première a un taux de réduction qui tourne autour de la moyenne que nous avons calculée ; il s’agit probablement d’une seconde étape dans l’abréviation, réalisée également par un inconnu (noté [S2] par la suite).

Les réductions les plus importantes semblent provenir d’un travail de troisième main (appelé troisième abrégé et noté [S3]) sur les livres déjà réduits par le second abréviateur. Dans nos manus­crits, ce sont les livres XXVIII-XXX, XXXV et XL-L qui ont fait l’objet d’une réduction supplémentaire42.

2.4. La restitution des différentes phases d’abréviation Il faut maintenant mettre en correspondance les abréviations différenciées connues par les mentions et les textes eux-mêmes et celles que notre analyse quantifiée permet de proposer. 2.4.1. Les mentions d’Eustathe de Thessalonique Si l’on regarde en détail les mentions de Stéphane de Byzance par Eustathe de Thessalonique43, on s’aperçoit que le texte que lisait Eustathe n’est pas celui de la dernière étape d’abréviation. Par exemple, la notice Mariandunia (μ  71), conservée seulement dans un livre du troisième abrégé, n’a pas la mention que signale Eustathe à propos de l’ethnique  : «  καὶ τὸ ἐθνικὸν δὲ 42  Cette observation d’une abréviation multiple avait déjà été énoncée mais n’avait jamais fait l’objet d’une quantification précise : « It also seems probable that the work, as it now exists, is not a fair representation of the epitome of Hermolaus, but that it has been still further abridged by successive copyists. The former part of the work is pretty full ; the portions from Πάτραι to the middle of Σ is little more than a list of names ; the articles in Τ and Υ become fuller again ; and those from Χ to Ω appear to be copied, almost without abridgment, from the work of Stephanus » (Smith 1844-1849, 3, col. 906). 43  Voir en particulier Billerbeck, Neumann-Hartmann 2021, p. 166-175.

40

Première Partie : L’œuvre de Stéphane de Byzance et son Épitomé

Figure 17 – Comparaison entre Eustathe de Thessalonique (Com. Il. 2.750) et l’Épitomé (s.v. Dôdônê, δ 146). Stéphane de Byzance

Eustathe de Thessalonique

Épitomé

Δωδώνη· [A] |1| πόλις τῆς Μολοσσίδος ἐν Ἠπείρῳ,

Δωδώνη δέ, ἀφ’ ἧς ἐν τοῖς ἑξῆς που Δωδωναῖος Ζεύς, πόλις Μολοσσίδος ἐν Ἠπείρῳ, ὡς ὁ τῶν Ἐθνικῶν καταγραφεὺς δηλοῖ,

Δωδώνη· [A] πόλις τῆς Μολοσσίδος ἐν Ἠπείρῳ,

[B] καθ’ ἣν Δωδωναῖος Ζεύς· « Δωδώνης μεδέων ». |2| καὶ Διονύσιος « Δωδώνης ἤπειρος ἀπείριτος ἐκτετάνυσται ». |3| Φιλόξενος δʼ ὁ τὴν Ὀδύσσειαν ὑπομνηματίζων δύο φησί, Θετταλικὴν καὶ Θεσπρωτικήν, οὕτως· « Δωδώνην νῦν φησι τὴν Θεσπρωτικὴν ἐν ᾗ τὸ μαντεῖον ἐκ τῆς δρυός, ἑτέρα δὲ ἡ Θετταλικὴ ἀφ’ ἧς ὁ Ἀχιλλεὺς καλεῖ τὸν Δία ». |4| ἔοικε δὲ οὕτως ἐπιλελῆσθαι τό « ἀμφὶ δὲ Σελλοὶ | σοὶ ναίουσ’ ὑποφῆται ἀνιπτόποδες χαμαιεῦναί ». |5| πῶς γὰρ τούτων μέμνηται ἀπὸ τῆς Θετταλικῆς καλῶν αὐτόν ; |6| οὕτω δὲ καὶ Ἐπαφρόδιτος ἐν τῇ πʹ τῆς Ἰλιάδος « τιμᾷ τοὺς ἐν Δωδώνῃ ἔχοντας ἐπιφανὲς μάντεῖον· ‘τὸν δ’ ἐς Δωδώνην φάτο βήμεναι’. ἐπικέκληκε δὲ Ἀχιλλεὺς τὸν ἐν τῇ Θεσσαλίᾳ γειτνιῶντα θεόν, ὡς καὶ ὁ Πάνδαρος εὔχεται τῷ Λυκηγενεῖ καὶ ὁ Χρύσης τῷ Σμινθεῖ ».

ὃς οὐδὲ ἀρέσκεται τοῖς εἰποῦσιν αὐτὴν Θεσπρωτικὴν καὶ Θετταλικήν. καὶ μὴν ἕτεροι ἐν ὑπερβορέῳ τῆς Θεσπρωτίας αὐτὴν τιθέασιν, ἔνθα ἱερὸν καὶ τὸ ἐκ δρυὸς μαντεῖον τοῦ Δωδωναίου Διός,

καθ’ ἣν Δωδωναῖος Ζεύς. καὶ « Δωδώνης μεδέων δυσχειμέρου ». Φιλόξενος δὲ δύο φησί, Θεσπρωτικὴν καὶ Θετταλικήν, κακῶς.

[C1] |7| τὸν δὲ Δωδωναῖον ἔλεγον καὶ Νάιον. Ζηνόδοτος δὲ γράφει   Φηγωναῖε, ἐπεὶ ἐν Δωδώνῃ πρῶτον φηγὸς ἐμαντεύετο. |8| καὶ Σουίδας δέ φησι Φηγωναίου Διὸς ἱερὸν εἶναι ἐν Θεσσαλίᾳ καὶ τοῦτον ἐπικαλεῖσθαι. |9| ἕτεροι δὲ γράφουσι Βωδωναῖε πόλιν γὰρ εἶναι Βωδώνην, ὅπου τιμᾶται. |10| Κινέας δέ φησι πόλιν ἐν Θεσσαλίᾳ εἶναι καὶ φηγὸν καὶ τὸ τοῦ Διὸς μαντεῖον εἰς Ἤπειρον μετενεχθῆναι. |11| ὠνόμασται δὲ κατὰ Θρασύβουλον, ὡς Ἐπαφρόδιτος ὑπομνηματίζων τὸ βʹ Αἰτίων, ἀπὸ Δωδώνης μιᾶς τῶν Ὠκεανίδων νυμφῶν. |12| Ἀκεστόδωρος δὲ ἀπὸ Δωδώνου τοῦ Διὸς καὶ Εὐρώπης. |13| εἰκὸς δʼ ἀπὸ Δώδωνος ποταμοῦ, ὃν παρατίθησιν ὁ Τεχνικὸς ἐν τῷ αʹ τῆς Καθόλου λέγων οὕτως· « Δώδων ποταμὸς Ἠπείρου ». [C2] |14| διτταὶ δ’ εἰσὶ Δωδῶναι, αὕτη καὶ ἡ ἐν Θετταλίᾳ καθάπερ ἄλλοι καὶ Μνασέας. |15| λέγεται καὶ Δωδών, ἧς τὴν γενικὴν Σοφοκλῆς Ὀδυσσεῖ ἀκανθοπλῆγι « νῦν δ’ οὔτε μ’ ἐκ Δωδῶνος οὔτε Πυθικῶν | γυάλων τις ἂν πείσειεν ». |16| καὶ δοτικήν· « Δωδῶνι ναίων Ζεὺς ὁμί | [..]ος βροτῶν ». |17| καὶ ἐν Τραχινίαις « ὡς τὴν παλαιὰν φηγὸν αὐδῆσαί ποτε | Δωδῶνι δισσῶν ἐκ πελειάδων ἔφη ». |18| καὶ Καλλίμαχος « τὸν ἐν Δωδῶνι λέγοι μόνον οὕνεκα χαλκὸν | ἤγειρον ». |19| καὶ τὴν αἰτιατικήν φησιν Εὐφορίων Δωδῶνα ἐν Ἀνίῳ « ἷκτο μὲν ἐς Δωδῶνα Διὸς φηγοῖο προφῆτιν ». |20| λήγεται δὲ καὶ εἰς ω Σιμμίας ὁ Ῥόδιος « Ζηνὸς ἕδος Κρονίδαο μάκαιρ’ ὑπεδέξατο Δωδώ ». |21| //*ἠδύνατο δὲ ἡ Δωδῶνος γενικὴ μετὰ τῆς λοιπῆς κινήσεως καὶ κλίσις εἶναι τῆς Δωδών, εἴπερ ἦν ἐν χρήσει τῆς πόλεως ἡ εὐθεῖα. |22| *διόπερ ἔοικεν ὁ Τεχνικὸς μεταπλασμὸν ἡγεῖσθαι*//.

τὸν δὲ Δωδωναῖον ἔλεγον καὶ Νάιον. Ζηνόδοτος δὲ γράφει γωναῖος, ἐπεὶ ἐν Δωδώνῃ πρῶτον φηγὸς ἐμαντεύετο. ἄλλοι δὲ γράφουσι Βωδωναῖε. πόλιν γὰρ εἶναι Βωδώνην, ὅπου τιμᾶται. εἴρηται ἀπὸ Δωδώνης μιᾶς τῶν Ὠκεανίδων νυμφῶν ἢ ἀπὸ Δώδωνου τοῦ Διὸς καὶ Εὐρώπης ἢ ἀπὸ Δώδωνος ποταμοῦ.

λέγεται δὲ καὶ Δωδών, ἧς ἣν δρῦν πολύγλωσσον λέγει ὁ Σοφοκλῆς, ἤγουν πολύφωνον. ὠνομάσθη δὲ ἡ Δωδώνη ἀπὸ Δωδώνης, ἡρωΐδος ἢ Ὠκεανίδος νύμφης, ἢ ἀπὸ Δώδωνος ποταμοῦ. ἐλέγετο δὲ καὶ Δωδών δισυλλάβως.

[D] |23| τὸ ἐθνικὸν ταύτης ἄρρητον ὡς πεπονθυίας //*εἰ δὲ   τις σχηματίσειεν, ἔσται Δωδώνιος, ὡς Πλευρῶνος Πλευρώνιος, Καλυδῶνος Καλυδώνιος*//. |24| τῆς μέντοι Δωδώνης Δωδωναῖος. |25| Ἑκαταῖος Εὐρώπῃ « Μολοσσῶν πρὸς μεσημβρίης οἰκέουσι Δωδωναῖοι ». |26| καὶ Ὅμηρος « Ζεῦ ἄνα Δωδωναῖε ». |27| καὶ Κρατῖνος Ἀρχιλόχοις « Δωδωναίῳ κυνί, βωλοκόπῳ τίτθη γεράνῳ προσεοικώς ».

[D] τὸ ἐθνικὸν οὐχ εὕρηται, σχηματίζεται, δὲ Δωδώνιος.

[E1] |28| καὶ τὸ θηλυκὸν Δωδωνίς ἀπὸ τοῦ Δωδώνη, //*ὡς Παλλήνη Παλληνίς*//. |29| Ἀπολλώνιος « στεῖραν Ἀθηναίη Δωδωνίδος ἥρμοσε φηγοῦ ». |30| καὶ Σοφοκλῆς Ὀδυσσεῖ ἀκανθοπλῆγι « τὰς θεσπιῳδοὺς ἱερέας Δωδωνίδας ».

 

[E] τὸ θηλυκὸν Δωδωνίς.

[F1] |31| Ἀπολλόδωρος δʼ ἐν αʹ Περὶ θεῶν τὸν Δωδωναῖον οὕτως ἐτυμολογεῖ « καθάπερ οἱ τὸν Δία Δωδωναῖον μὲν καλοῦντες ὅτι δίδωσιν ἡμῖν τὰ ἀγαθά, Πελασγικὸν δὲ ὅτι τῆς γῆς πέλας ἐστίν ».

 

 

2. Le processus de réduction du texte

41

Figure 17 (suite) – Comparaison entre Eustathe de Thessalonique (Com. Il. 2.750) et l’Épitomé (s.v. Dôdônê, δ 146). Stéphane de Byzance

Eustathe de Thessalonique

Épitomé

[F2] |32| ἔστι καὶ « Δωδωναῖον χαλκίον » παροιμία ἐπὶ τῶν πολλὰ λαλούντων, ὡς μὲν ὁ Δήμων φησίν « ἀπό τοῦ τὸν ναὸν τοῦ Δωδωναίου Διός τοίχους μὴ ἔχοντα, ἀλλὰ τρίποδας πολλοὺς ἀλλήλων πλησίον, ὥστε τὸν ἑνὸς ἁπτόμενον παραπέμπειν διὰ τῆς ψαύσεως τὴν ἐπήχησιν ἑκάστῳ, καὶ διαμένειν τὸν ἦχον ἄχρις ἄν τις τοῦ ἑνὸς ἐφάψηται ». |33| ἡ παροιμία δὲ οὔ φησιν εἰ μὴ χαλκίον ἕν, ἀλλ’ οὐ λέβητας ἢ τρίποδας πολλούς. |34| προσθετέον οὖν τῷ περιηγητῇ Πολέμωνι ἀκριβῶς τὴν Δωδώνην ἐπισταμένῳ καὶ Ἀριστείδῃ τὰ τούτου μεταγεγραφότι, λέγοντι κατὰ τὴν βʹ « ἐν τῇ Δωδώνῃ στῦλοι βʹ παράλληλοι καὶ παρεγγύς ἀλλήλων. καὶ ἐπὶ μὲν θατέρου χαλκίον ἐστίν οὐ μέγα τοῖς δὲ νῦν παραπλήσιον λέβησιν, ἐπὶ δὲ θατέρου παιδάριον ἐν τῇ δεξιᾷ χειρὶ μαστίγιον ἔχον· οὗ κατὰ τὸ δεξιὸν μέρος ὁ τὸ λεβήτιον ἔχων κίων ἕστηκεν. ὅταν οὖν ἄνεμον συμβῇ πνεῖν τοὺς τῆς μάστιγος ἱμάντας χαλκοῦς ὄντας ὁμοίως τοῖς ἀληθινοῖς ἱμᾶσιν αἰωρουμένους ὑπὸ τοῦ πνεύματος συνέβαινε ψαύειν τοῦ χαλκίου καὶ τοῦτο ἀδιαλείπτως ποιεῖν, ἕως ἂν ὁ ἄνεμος διαμένῃ ». |35| « καὶ κατὰ μέντοι τοὺς ἡμετέρους  », φησὶν ὁ Ταρραῖος, « ἡ μὲν λαβὴ τῆς μάστιγος , οἱ δὲ ἱμάντες ἀποπεπτώκασιν. παρὰ μέντοι τῶν ἐπιχωρίων τινὸς ἠκούσαμεν ὡς, ἐπείπερ ἐτύπτετο μὲν ὑπὸ μάστιγος ἤχεί δ’ ἐπὶ πολὺν χρόνον, ὡς χειμερίου τῆς Δωδώνης ὑπαρχούσης, εἰκότως εἰς παροιμίαν περιεγένετο ». |36| μέμνηται αὐτῆς Μένανδρος ἐν Ἀρρηφόρῳ « ἐὰν δὲ κινήσῃ μόνον τὴν Μυρτίλην | ταύτην τίς, ἢ τίτθην καλῇ, πέρας ποιεῖ | λαλιᾶς τὸ Δωδωναῖον ἄν τις χαλκίον, | ὃ λέγουσιν ἠχεῖν, ἂν παράψηθ’ ὁ παριών, | τὴν ἡμέραν ὅλην, καταπαύσαι θᾶττον ἢ | ταύτην λαλοῦσαν νύκτα γὰρ προσλαμβάνει ».

ἐξ αὐτῆς τὸ παροιμιαζόμενον Δωδωναῖον χαλκίον ἐπὶ τῶν πολυλόγων. Χαλκίον γὰρ τὸ καὶ ἀλλαχοῦ πλατύτερον δηλωθησόμενον ἤχει αὐτόθι πληττόμενον τεχνικῶς ὑπὸ μάστιγος ἢ καὶ κατὰ βίαν ἀνέμων. ὅτι δὲ καὶ δυσχείμερος ἡ Δωδώνη μεμαρτύρηται. κεῖται δέ τινα περὶ αὐτῆς καὶ ἐν τοῖς τοῦ Περιηγητοῦ. [Ἐν δὲ τῷ « ἔργα ἐνέμοντο » ἔργα κοινῶς λέγει πάντα τὰ συστατικὰ πολιτειῶν ἔσω τε καὶ ἔξω.

[F2] ἔστι καὶ παροιμία « Δωδωναῖον χαλκεῖον » ἐπὶ τῶν πολλὰ λαλούντων, ἢ ὅτι τὸ χαλκεῖον πληττόμενον ἤχει ὑπὸ μάστιγος, ἢ ὅτι τῇ βίᾳ τῶν ἀνέμων ἠχεῖ. ἀφ’οὗ ἡ παροιμία.

Μαριάνδυνος μὲν λέγεται προπαροξυτόνως κατὰ τοὺς Αἰολεῖς, ὥς φησιν ὁ γράψας τὰ Ἐθνικὰ » ; la partie soulignée, pourtant expressément rattachée à Stéphane de Byzance, a disparu de l’Épitomé. La question de savoir si Eustathe lisait l’épitomé du premier ou du second abréviateur est plus complexe. Les mentions qui proviennent des livres II et III témoignent d’une coïncidence très forte avec le texte du premier abréviateur44. Si l’on enlève les livres correspondant au troisième abrégé, il reste un certain nombre de mentions pouvant être comparées avec la seconde abréviation. Dans ce cas, quelques indications d’Eustathe à propos de textes provenant des Ethniques semblent se rapporter à des passages que nous n’avons plus ; on le constate par exemple pour la notice Ausôn (α 546) (fig. 16), avec une référence à Calypso pourtant attribuée explicitement à notre texte, ou pour la notice Hêlis (η 10). Eustathe de Thessalonique avait donc sous les yeux un texte moins réduit que celui du deuxième abrégé que nous possédons. De la même manière, M. Billerbeck montre qu’Eustathe lisait un texte plus complet de la notice Glaphurai

(γ 84)45, provenant, dans l’Épitomé, du deuxième abrégé. Bien sûr, la seconde abréviation peut donner un texte finalement assez proche de celui du premier abréviateur une fois que l’on enlève les citations et les formes annexes, qui n’intéressent pas Eustathe dans ses démonstrations. On peut comprendre que l’on ait cru jusqu’à présent que l’Épitomé que nous avons conservé était celui que lisait Eustathe46. Autre notice intéressante pour notre propos, celle de Dôdônê (δ 146). Nous avons en effet, dans le Com­ mentaire à l’Iliade (en 2.750) un texte assez détaillé sur cette ville d’Épire. La comparaison entre la version complète du texte et l’Épitomé (fig. 17) permet de préciser le niveau d’abréviation. Eustathe de Thessalonique indique, à propos du sanctuaire de Zeus, « ἔνθα ἱερὸν καὶ τὸ ἐκ δρυὸς μαντεῖον τοῦ Δωδωναίου Διός ». Or les mots « τὸ ἐκ δρυὸς μαντεῖον » proviennent du Commentaire de l’Odyssée par Philoxenos (fr. 402 Theodoridis), que l’on trouve seulement dans la version complète du texte et plus dans l’Épitomé. 45 

C’est moins vrai pour la notice Ôlenos (ω 9), dont on a deux mentions distinctes. Eustathe semble l’avoir utilisée de façon très sélective et presque incorrecte. 44 

Billerbeck 2008, p. 308-309. A. Diller suit la démonstration de W. Knauss qui considère qu’Eustathe de Thessalonique lisait le même texte que le nôtre (Diller 1938, p. 335 ; Knauss 1910). 46 

42

Première Partie : L’œuvre de Stéphane de Byzance et son Épitomé

Nous pouvons donc admettre une version intermédiaire, abrégée, qui correspond au texte lu par Eustathe de Thessalonique. Dans notre interprétation, il lit donc le texte [S1] qui s’intercale entre la version complète et l’abrégé [S2] que nous possédons pour cette partie. 2.4.2. Les notices du manus­crit et l’abréviation de la lettre X On notera également, et cela renforce notre hypothèse, que le début de la lettre χ, dans deux de nos manus­crits, présente une forme réduite des huit premières notices47 comme nous l’avons dit supra (p. 23). D’après la réflexion sur les valeurs d’abréviation, nous serions ici en présence à la fois d’un texte du premier abréviateur [S1] et du troisième abrégé [S3]. Nous n’avons malheureusement aucune correspondance entre ces notices et Eustathe de Thessalonique qui nous aurait permis de confirmer ou non que la partie la moins abrégée correspond bien à la phase [S1] et non [S2]. L’étude sur les pourcentages d’abréviation donne toutefois un résultat cohérent. La partie la plus abrégée est véritablement dénuée de quasiment toute information, alors que l’autre contient encore de nombreuses mentions et citations d’auteurs, ce qui est en correspondance avec ce que l’on connait du premier abrégé. C’est donc l’hypothèse que nous retiendrons. 2.4.3. Synthèse sur l’Épitomé et les abréviations successives Il faut donc imaginer que notre manus­crit archétype était en fait composé à partir de trois manus­crits différents. Le premier correspond à l’abréviation relativement détaillée du premier abréviateur [S1]. Par rapport au découpage de l’œuvre initiale, il ne reste de cet abrégé que les trois premiers et les trois derniers livres. La conservation du texte d’origine de ce premier épitomé est comprise entre 30 et 40% ; la réduction moyenne est donc à peu près égale à un tiers du texte d’origine. Ce manus­crit restait encore imposant et devait probablement être découpé en plusieurs volumes. C’est peut-être la raison de la perte de certaines parties du texte, nous aurons l’occasion d’y revenir. La seconde réduction [S2] a diminué encore le texte des deux-tiers ; il ne reste plus alors qu’entre 15 et 25% 47  Ce doublon, déjà signalé par Meineke, a servi à E. Honigmann pour proposer un deuxième épitomé mais qu’il ne définit pas (Honigmann 1929, col.  2377-2379). C’est l’information que reprend Fraser 2009, p. 288.

du texte d’origine. Enfin, le dernier abrégé [S3] entraîne une conservation de seulement 9 à 13% environ de l’œuvre primitive. La composition du manus­crit archétype de tous nos manus­crits est donc complexe. Elle reprend des éléments disparates, en essayant de préserver le maximum d’informations. Il est possible que cet archétype ait été réécrit car on ne retrouve pas des mentions qui auraient pu être présentes de manière systématique comme le découpage en livres. On a l’impression d’avoir affaire à un véritable travail de récollement de textes fragmentaires. Les parties conservées de l’abrégé du premier abréviateur (livres I-III et LVIII-LX) sont intégrées en priorité. Dans la partie manquante (livres IV à LVII), le compilateur final a privilégié le texte du second abréviateur, mais qui présentait alors des lacunes importantes : sans doute les livres XXIV, XXVIII et XXXVII avaient-ils déjà disparu. Ainsi peut s’expliquer la perte de certaines parties de l’ouvrage du premier abréviateur, qu’avait pourtant sous les yeux Eustathe de Thessalonique48 : la disparition de feuillets permet d’expliquer les lacunes de la lettre Κ et Λ. On note surtout l’absence des livres XXIX, XXX et XL à XLVIII, moins vraisemblablement XIV et XXXV. Le compilateur final utilise alors pour remplacer autant que possible ces lacunes une troisième version, très réduite. Cette composition multiple permet aussi d’expliquer une des variantes signalée plus haut : pour le début du livre LVIII, nous avons conservé une version qui correspond au troisième abrégé, à côté des notices très bien conservées. Il est possible que le copiste n’ait pas fait attention qu’il possédait une version encore complète du premier abréviateur pour ces notices et qu’il ait commencé à copier le troisième abrégé. Il aurait ensuite intégré les trois derniers livres du premier abréviateur. Ou bien on est en présence du verso d’un folio du troisième abrégé auquel on a rajouté les derniers cahiers subsistant du premier abréviateur. Les manus­crits dérivant de notre archétype auraient alors gardé ou supprimé cette liste qui ne présentait pas d’intérêt. Ces observations impliquent que quatre versions différentes de l’ensemble de l’œuvre ont existé : celle d’origine dont ne subsistent plus que les folios du m ­ anus­crit S. Celle du premier abréviateur [S1] qui correspond à l’épitomé lu par Eustathe de Thessalonique. Un second abrégé [S2] aurait été rédigé ensuite (après 1204 ?), suivi lui-même d’une dernière version abrégée [S3] peut-être 48  Voir les notices que propose M. Billerbeck dans son édition sur la base du texte d’Eustathe de Thessalonique (Billerbeck et al. 2014, p. 78-81).

2. Le processus de réduction du texte

43

Figure 18 – Abréviation et restitution des livres. No du livre I

Index géographique

Nb de notices

% de texte conservé calculé

Ἄβαι - Ἀδυρμαχίδαι

68

40,8%

Phase d’abréviation Premier abréviateur (S1)

% de réduction théorique

Nb de caractères chez Stéphane de Byzance (hypothèse)

Nb de folios pour Stéphane de Byzance (style Perusinus 67)

66%

68 803

46

66%

44 606

49

66%

50 665

57

II

Ἀερία - Αἰλία

59

30,5%

III

Αἱμονία - Ἀλέα49

69

29,6%

IV

Ἀλεξάνδρειαι - Ἄμφρυσος

99

21%

80%

87 770

63

V

Ἀναγυροῦς - Ἀραχωτοί

85

22,3%

80%

79 835

57

VI

Ἀρβάκη - Ἄρωμα

84

19,9%

80%

70 335

51

VII

Ἀσαί - Ἄωρος

113

20,7%

80%

98 480

71

VIII

Βάβαι - Βήσσυγα

90

15,3%

80%

57 995

44

IX

Βίβαστος - Βρέττος

80

21,9%

80%

73 905

53

Second abréviateur (S2)

X

Βρίγες - Γαῦλος

71

19,8%

80%

59 280

43

XI

Γέα – Γωγαρηνή

81

17,8%

80%

60 630

45

XII

Δάαι - Δίκτη

82

17,7%

80%

61 235

46

XIII

Δινδρύμη - Δώτιον

69

16,3%

80%

47 500

36

XIV

Ἔαρες - Ἔλωρος

74

12,8%

88%

66 442

31

XV

*Ἔμβατον - Ἑρχιά

62

17,3%

80%

45 065

34

XVI

Ἕσδητες - Ἐχῖνος

48

18,7%

80%

37 890

28

XVII

Ζάβιδα - Ζωστήρ

34

16%

80%

22 905

17

XVIII

Ἠδοί - Ἡφαίστου

30

20,1%

80%

25 445

19

XIX

Θαλάμαι - Θώραξ

82

16,4%

XX

Ἴαβις - Ἰκόνιον

45

18,8%

XXI

*Ἰλαραυγᾶται - Ἰωτάπατα

85

XXII

Καβαλίς - [Καπύα]

XXIII

[Κάραλλις] - Κελαίθρα

XXIV

[Κελβ …] - [Κοπ …]

XXV

Κόρακος - [Κρουστομερία]

80

17,2%

XXVI

[Κρύα] - [Κωσταντινούπολις]

85

18,3%

45

18,9%

80%

56 660

43

35 700

26

15,4%

80%

55 050

42

70

15,9%

80%

46 955

36

84

19%

80%

67 260

49

80%

58 050

43

80%

65 400

48

80%

35 765

26

88%

63 933

30

88%

85 183

40

(disparu)

XXVII

[Λᾶ] - [Λάρισσα …] [Λασ …] - [Λη …]

XXIX

[Λῆμνος] - [Λωτοφόρος]

75

12,1%

XXX

[Μαγαρσος] - Μαχαιροῦς

103

11,8%

Second abréviateur (S2) (disparu)

XXXI

Μεγάλη πόλις - Μεσσάπιον

58

15,5%

XXXII

Μεσσήνη - Μωριεῖς

109

15,4%

XXXIII

Νάαρδα - Νησώπη

49

14,9%

XXXIV

Νίβις - Νώρακος

40

15,4%

XXXV

Ξάνθοι - Ξύστις

16

10,3% 14,4%

Ὄα - Ὀρεστία

Second abréviateur (S2)

80%

XXVIII

XXXVI

Résumé ? (S3)

88

Résumé (S3)

80%

37 790

29

80%

70 835

54

80%

30 810

24

80%

26 015

20

Résumé (S3) ?

88%

11 517

6

Second abréviateur (S2) ?

80%

53 590

41

Second abréviateur (S2) ?

tableau suite à la page suivante 49 

Il est possible que la limite entre les livres III et IV soit après Ἄλγιδος et avant Ἀλέα.

Première Partie : L’œuvre de Stéphane de Byzance et son Épitomé

44

Figure 18 (suite) – Abréviation et restitution des livres. Nb de notices

% de texte conservé calculé

No du livre

Index géographique

XXXVII

[Ὀρι …] - [Οψ …]

XXXVIII

[Π…] - [Παντόματριον]

27

21,9%

XXXIX

[Παπίτιον] - [Πατρόκλου]

46

23,1%

XL

[Πάτυκος] - [Πήρεια]

70

12,9%

Phase d’abréviation

% de réduction théorique

Nb de caractères chez Stéphane de Byzance (hypothèse)

Nb de folios pour Stéphane de Byzance (style Perusinus 67)

80%

24 945

18

80%

44 735

32

88%

63 342

30

(disparu) Second abréviateur (S2)

XLI

[Πίακος] - [Πνύξ]

45

12,6%

88%

39 908

19

XLII

[Ποδάλεια] - [Πριούερνος]

53

8,7%

88%

32 292

16

XLIII

[Πρόαρνα] - [Πῶλις]

54

10,8%

88%

40 825

20

XLIV

[‘Ράβα] - [‘Ρίπη]

36

9,3%

88%

23 608

11

XLV

[‘Ρόβεια] - [‘Ρωσός]

29

7,7%

88%

15 625

8

XLVI

[Σαβαί] - [Σάμψειρα]

48

9,1%

88%

30 833

15

XLVII

[Σανδάλιον] - [Σέστιον]

64

9,8%

88%

44 067

21

XLVIII

[Σηκοανός] - [Σιωνία]

76

11%

88%

58 958

28

XLIX

[Σκάβαλα] - [Σούτριον]

64

13,1%

88%

58 858

28

L

[Σπάδα] - Συπαληττός

67

13,7%

88%

64 542

30

LI

Συράκουσαι - Σωφηνή

23

21,5%

80%

20 825

15

[LII]

Τάβαι – Τῆνος

116

21,5%

80%

105 055

75

Résumé (S3)

80%

18 195

14

80%

47 720

36

80%

59 380

45

18,1%

80%

44 980

33

[LIII]

Τιβαρηνία - Τιτωνεύς

26

16,6%

[LIV]

*Τλῆτης - [Τρῳάς]

69

16,4%

LV

[Τύανα] - [Ὑώπη]

84

16,8%

LVI

[Φαβία] - [Φθίρ]

59

Second abréviateur (S2)

LVII

[Φιά] - [Φωτίναιον]

64

18,6%

80%

50 170

37

LVIII

[Χαβαρηνοί] - [Χαύων]

34

35,9%

66%

30 262

31

LIX

[Χειμέρα] - [Χωχή]

33

31,2%

66%

25 556

28

LX

[Ψ] - Ὦφθις

46

28%

66%

31 926

36

2 835 906

1973

TOTAL

2 520

tardive. Enfin, l’ensemble des «  morceaux  » d’abrégés subsistants se seraient trouvés réunis à un moment donné pour aboutir à l’archétype de nos manus­crits. Nous reviendrons plus en détail sur cette transmission dans le chapitre suivant. Au vu de tout ce qui précède, il est possible de résumer dans le tableau ci-dessus (fig.  18) les informations concernant l’œuvre de Stéphane de Byzance et ses phases successives d’abréviation. Les deux dernières colonnes sont purement hypothétiques  : elles donnent une idée du nombre de caractères pour chaque livre chez Stéphane de Byzance 50 et la taille que cela 50 

Nous appliquons le taux moyen de réduction de 5,58, corrigé par le taux de réduction mis en évidence pour chaque livre. Nous

Premier abréviateur (S1)

pouvait représenter en termes de folios dans un manus­ crit tardif51. Une question se pose à propos de la taille des livres d’origine. Faut-il imaginer qu’ils avaient à peu près tous la même longueur et que le découpage à l’intérieur d’une même lettre se soit fait en fonction d’un nombre insistons sur le fait qu’il s’agit ici de donner une idée de la taille d’un livre mais que ce calcul reste avant tout théorique. 51  Arrondi au feuillet près. Nous avons pris comme modèle le Perusinus B 11 (ancien no 67) [diktyon 55389], manus­crit de la fin du xve siècle (280 × 205 mm) qui comprend 173 feuillets (soit 346  pages). La première partie, rédigée par un scribe anonyme, comporte environ une cinquantaine de caractères par ligne et trente lignes par page (Hoffmann 1983, p. 120-122 avec reproduction photographique p. 121), soit une moyenne de 1500 signes par page.

2. Le processus de réduction du texte de folios donné ? Ou bien était-il possible que les livres aient eu des tailles totalement différentes ? Parmi ceux qui présentent très peu de folios dans notre hypothèse de restitution, on trouve les livres  XXXV (lettre  Ξ, 6 folios), XLV (début de la lettre Ρ, 11 folios) et XLVI (fin de la lettre Ρ, 8 folios). Pour ce dernier, il est très probable que la notice sur Rome (ρ 62) devait attester de très nombreuses formes et que le taux de réduction est de fait beaucoup plus élevé. C’est peut-être également le cas pour les deux autres livres mentionnés. Si l’on revient à l’ouvrage d’origine, on peut avoir un ordre d’idée de sa taille avec le tableau que nous avons dressé. Le manus­crit translittéré en miniatures comportait environ 2  900  pages soit 1  450  folios, ce qui donnerait un manus­crit en onciales du double52. Il est tout à fait possible que l’œuvre d’origine de Stéphane de Byzance ait été divisée en 6 manus­crits (de 10 livres chacun) et sa translittération en 3 (de 20 livres chacun), d’environ 350 folios. Le premier abrégé, en divisant par trois la taille, aurait permis de ramener à un seul manus­ crit l’ensemble. Nous reviendrons plus en détail, dans le chapitre suivant, sur la question de la taille des différents manus­crits.

52 

Sur la translittération et les conséquences sur les manus­crits, voir entre autres Irigoin 2001, p. 85-87 et Ronconi 2003.

45

3. De l’œuvre de Stéphane de Byzance à son Épitomé Les philologues se sont attachés jusqu’à présent à étudier les différents manus­crits connus de l’Épitomé, issus d’un archétype probablement tardif. A. Diller les a recensés et sommairement analysés, préparant l’édition critique de l’équipe de M. Billerbeck qui les a utilisés avec rigueur1. Il est pertinent de revoir, au vu de notre étude, ce que l’on peut restituer de l’histoire du texte avant la première édition imprimée. La confrontation entre le texte de Stéphane de Byzance et l’analyse des réductions successives de l’œuvre permet en effet de préciser les transformations que celle-ci a subies. L’apport principal concerne la tradition du texte, que l’on peut retracer depuis le manus­ crit d’origine jusqu’aux copies de la Renaissance qui nous ont été conservées, en tenant compte de chaque moment où l’œuvre a été utilisée à l’époque byzantine. Même si les hypothèses sont parfois étayées par peu de preuves, cette histoire nous semble vraisemblable.

3.1. De Stéphane de Byzance à Photios Le demi-millénaire qui sépare l’œuvre de Stéphane de Byzance de la rédaction du manus­crit d’une autre œuvre de type encyclopédique, la Souda, est particulièrement important pour la conservation des textes antiques issus de l’Antiquité, grâce notamment au rôle majeur joué par le patriarche Photios. 3.1.1. Le manus­crit de Stéphane de Byzance avant le milieu du ixe siècle Le manus­crit original de Stéphane de Byzance (que nous appellerons α) date donc du second quart du vie siècle. Le passage systématique du volumen au codex constitue une période propice à ce type de travail de compilation2. Notre ouvrage, particulièrement développé, devait Diller 1938 ; Billerbeck et al. 2006, p. 8* sq. même constatation semble pouvoir être faite pour la Collection d’hippiatrie grecque, recueil de textes plus anciens concernant les chevaux (Doyen-Higuet 2006, p. 112-113) et les textes médicaux (Marganne 2004, p. 127-131). Voir également Wilson 1988 sur le passage du volumen au codex et ses conséquences. 1 

2   La

constituer au total un très gros manus­crit. Même avec un manus­crit de grand format avec deux colonnes, écrit en larges onciales comme le sont certains manus­crits constantinopolitains de cette époque3, on dépasse difficilement 575 caractères par page4. Avec l’ampleur restituée de l’ouvrage d’origine telle que nous l’avons proposée ci-dessus (p. 45), et si l’on compte un folio en écriture miniature pour deux folios en onciales, on arrive à un total d’un peu plus de 2900 folios recto-verso. La notice de Durrachion nous donne quelques renseignements supplémentaires pour approcher la façon dont se présentait le manus­crit d’origine. Grâce à la convergence des deux textes (manus­crit de Théophile et copie de Constantin Porphyrogénète), on peut être quasiment sûr du texte d’origine. Nous proposons ci-dessous une restitution du texte en onciales. Les lignes pouvaient comporter une trentaine de caractères (entre 32 et 38 pour la restitution de ce passage), en une seule colonne. ΔΥ ΡΡΑ Χ Ι Ο Ν · Π ΟΛ Ι C Ι Λ ΛΥ ΡΙ Κ Η Κ Α Ι Є Π Ι Δ Α Μ ΝΟ C ΚΛΗΘЄΙCΑΑΠΟЄΠΙΔΑΜΝΟΥ·ΤΟΥ ΤΟΥΘΥΓΑΤΗΡ Μ Є Λ Ι C C Α Η C Κ Α Ι Π Ο C Є Ι Δ ΩΝΟ C ΔΥ Ρ ΡΑ Χ Ι Ο C ΑΦ ΗCЄCΤΙΝЄΝЄΠΙΔΑΜΝΩΤΟΠΟCΜЄΛΙCCΩΝΙΟC ЄΝΘΑΠΟCЄΙΔΩΝΑΥΤΗCΥΝΗΛΘЄΝ·’ΜЄΤΑΔЄΤΟΝ ΡΙΖΟΝΙΚΟΝΛΙCCΟCЄCΤΙΠΟΛΙCΚΑΙΑΚΡΟΛΙCCΟCΚΑΙ ЄΠΙΔΑ ΜΝΟCΚЄΡΚΥΡΑΙΩΝΚΤΙCΜΑΗΝΥ ΝΔΥΡΡΑΧΙΟΝ ΟΜΩΝΥΜΟCΤΗΧЄΡΡ ΟΝΗCΩΛЄΓΟΜЄΝΗЄΦΗC ΙΔΡΥΤΑΙ  ΩCΦΙΛΩΝ·ΔЄΞΙΠΠΟCΔЄЄΝΧΡΟΝΙΚΩΝΙ ΦΗCΙΝΟΥΤΩC  ΚΑΙΜΑΚЄΔΟΝΩΝΤΗΝΠΡΟΤЄΡΟΝ Μ Є Ν Є Π Ι Δ Α Μ Ν Ο Ν Є C Υ C Τ Є Ρ Ο ΝΔ Є ΔΥ Ρ ΡΑ Χ Ι Ο Ν ΜЄΤΟΝΟΜΑCΘЄΙCΑΝΠΟΛΙCΤΗCΜΑΚЄΔΟΝΙΑC ΜЄΓΑΛΗΝΚΑΙЄΥΔΑΙΜΟΝΑΚΑΤΑΚΡΑΤΟCΑΙΡΟΥCΙΝ

Il est vraisemblable que le manus­crit de Stéphane de Byzance n’a jamais été copié à cette époque compte tenu de son ampleur et de son caractère très spécifique de lexique grammatical à caractère géographique.

3  Diller 1938, p. 333. Sur l’onciale, voir l’étude très classique de Cavallo 1967. 4   C’est le cas pour un manus­c rit du vi e   siècle le Codex Guelferbytanus A, qui contient le texte du Nouveau Testament sur deux colonnes de 24 lignes, avec une moyenne de 12 caractères par ligne et par colonne.

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Première Partie : L’œuvre de Stéphane de Byzance et son Épitomé

Nous attribuons à la même période le travail d’abréviation [H] conduit par Hermolaos, qui correspond probablement à une édition partielle du texte, dédiée à l’empereur Justinien. C’était le moyen de rendre accessible une œuvre qui relevait certainement d’un travail de l’école de grammairiens, à l’usage des seuls grammatikoi et qui n’était sans doute pas destinée à l’origine à être diffusée. C’est probablement le manus­crit  originel qu’a pu consulter le grammairien Georgios Choiroboscos après la période troublée que représente pour Byzance les viie et viiie siècles. On a signalé ci-dessus (p. 9) la mention la plus ancienne que l’on connaisse de Stéphane de Byzance, qui est l’œuvre de ce grammairien ayant enseigné probablement à la fin du viiie siècle ou au début du siècle suivant5. Stéphane de Byzance sert ici de référence pour une règle sur la construction des génitifs des noms propres se terminant par -α (génitif en -ας) 6. Les exemples pris (Ἀθηνᾶ/Ἀθηνας, Διοτίμα/Διοτίμας, Ἀνδρομέδα/Ἀνδρομεδας) se font par référence au nom Θέκλα/Θέκλας. On retrouve ailleurs dans son œuvre des passages empruntés à Stéphane de Byzance, Oros ou Hérodien, sans que l’on puisse toujours distinguer l’apport de l’un ou de l’autre du fait de l’importante disparition de l’œuvre de ces grammairiens. Ainsi, pour certaines villes se terminant par -ρη, Choiroboscos écrit : « Ἀντισάρη (πόλις, ἥν τινες Τισάρην φασί) »7, à comparer avec notre texte (α 336) : « Ἀντισάρα (…). Ἡρωδιανός ‘Ἀντισάρη, καὶ αὕτη πόλις’. τινὲς δὲ Τισάρη γράφουσι (…) ». Il faudrait procéder à une vérification systématique dans toute l’œuvre conservée du grammairien mais Georgios Choiroboscos a certainement utilisé assez largement le lexique géographique pour ses œuvres8. Cet usage nous semble prouver que l’œuvre de Stéphane de Byzance se trouvait à cette époque dans la bibliothèque d’une école de grammaire. Seuls les grammairiens devaient pouvoir y accéder comme ils le faisaient des textes d’Hérodien ou d’Oros.

5   La datation tardive est établie depuis quelques décennies seulement, mais elle est maintenant certaine du fait de la présence dans son texte de citations de Jean Damascène. Voir les références bibliographiques données par Dickey 2007, p. 80. 6   Prolegomena et scholia in Theodosii Alexandrini canones isagogicos de flexione verborum, p. 305 de l’édition d’Hilgard 1894. 7  Hilgard 1894, p. 42. 8   Notre propos ici n’est pas de retrouver la totalité des utilisations de Stéphane de Byzance mais simplement de montrer la transmission intellectuelle de son œuvre. M. Billerbeck a noté dans son apparat critique les références pouvant se rapporter à cet auteur.

3.1.2. Stéphane de Byzance et Photios Traditionnellement, on considère que Photios n’a pas eu connaissance de l’œuvre de Stéphane de Byzance. La question est complexe car si sa Bibliothèque9 ne cite pas notre auteur, on trouve quelques similitudes troublantes dans son Lexique10. Il donne en effet, aux différentes entrées sur Dôdônê11, un texte sur le proverbe de l’airain de Dodone (δ 866 Theodoridis) qui trouve une correspondance avec les paragraphes 24 à 29 de la notice de Stéphane de Byzance ; on ne le connaît pas par ailleurs (fig. 19). On retrouve également un texte assez proche dans l’abrégé de l’ouvrage de Zenobius, Epitome collectionum Lucilli Tarrhaei et Didymi (6.5) et de façon très réduite dans le recueil conservé sous le nom de Diogenianus (epitome operis sub nomine Diogeniani e cod. Mazarinco 8.32) 12, mais sans avoir les mêmes correspondances avec le texte de Stéphane de Byzance. Pour cet article, la Souda reprend un texte par endroit assez proche de celui de Photios, que l’on attribue à l’atticiste Pausanias13. Malgré les ressemblances, le texte de Photios est suffisamment différent pour ne pas provenir de Stéphane de Byzance ; il faut plutôt imaginer des sources communes propres au genre parœmographique. Une autre notice est intéressante pour notre propos. Il s’agit de la définition d’une montagne de Thrace, Aimon. Le texte de Photios (α 630 Theodoridis) indique ceci : « Αἶμον· τὸ ὄρος οὐδετέρως Ἑκαταῖος διὰ παντός. καὶ Διονύσιος καὶ Ἑλλάνικος ἐν αʹ Ἀτθίδος καὶ Τίμαιος καὶ Εὔδοξος ». Le texte de l’Épitomé (α 131) est moins précis mais le début de la notice semble bien concerner la même information : « Αἷμος· ὄρος Θρᾴκης. λέγεται καὶ 9  Sur cette œuvre, voir la traduction complète en 9 tomes, avec commentaires et index, par R. Henry (Henry 1959-1977) ; sur sa transmission à l’époque médiévale, Diller 1962. Pour une vision plus large du personnage et de ses œuvres, voir les différentes études de J. Schamp (en particulier Schamp 2010). 10  L’édition scientifique de ce lexique est toujours en cours : les trois premiers volumes (A-Δ, E-M, N-Φ) ont été édités par C. Theodoridis (Theodoridis 1982-2013) ; le quatrième et dernier volume le sera par S.  Matthaios. Voir sur l’histoire de l’édition de ce lexique depuis le xix e  siècle le compte-rendu de M.  West (West 2013). 11 δ 863 Theodoridis : δωδωναῖοσ· ὁ Ζεύς, παρόσον ἐν Δωδώνῃ τῆς Θεσπρωτίας τιμᾶται. δ 864 Theodoridis : δωδώνη· πόλις ἐν τῇ Θεσπρωτίᾳ Πελασγία. (…). δ 866 Theodoridis : voir le texte ci-dessus, fig.  19. Repris par Michael Apostolius, Collectio paroemiarum, VII, 44. 12  ἐπὶ τῶν πολλὰ λαλούντων. 13  δ 30 dans le recueil d’Erbse 1950.

3. De l’œuvre de Stéphane de Byzance à son Épitomé

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Figure 19 – Comparaison du texte sur l’airain de Dôdônê de Photios, Zenobius, Pausanias et la Souda avec Stéphane de Byzance. Texte de Stéphane de Byzance

Texte de Photios

1. ἔστι καὶ « Δωδωναῖον χαλκίον » παροιμία ἐπὶ τῶν πολλὰ 1. δωδωναῖον χαλκεῖον· Δήμων μέν φησι ἐν λαλούντων, ὡς μὲν ὁ Δήμων φησίν « ἀπό τοῦ τὸν ναὸν τοῦ τῇ Δωδώνῃ πολλῶν παραλλήλων κειμένων Δωδωναίου Διός τοίχους μὴ ἔχοντα, ἀλλὰ τρίποδας πολλοὺς λεβήτων, ὅταν τις ἑνὸς ἅψηται, ἐκ διαδοχῆς ἀλλήλων πλησίον, ὥστε τὸν ἑνὸς ἁπτόμενον παραπέμπειν διὰ πάντας ἠχεῖν. τῆς ψαύσεως τὴν ἐπήχησιν ἑκάστῳ, καὶ διαμένειν τὸν ἦχον 2. † ̓Αρις{το}τέ{λ}ης† δὲ ὡς πλάσμα ἄχρις ἄν τις τοῦ ἑνὸς ἐφάψηται ». διελέγχων δύο φησὶ στύλους εἶναι καὶ ἐπὶ 2. ἡ παροιμία δὲ οὔ φησιν εἰ μὴ χαλκίον ἕν, ἀλλ’ οὐ λέβητας ἢ μὲν τοῦ ἑτέρου λέβητα, ἐπὶ θατέρου δὲ τρίποδας πολλούς. προσθετέον οὖν τῷ περιηγητῇ Πολέμωνι παῖδα κρατοῦντα μάστιγα, ἧς τοὺς ἱμάντας ἀκριβῶς τὴν Δωδώνην ἐπισταμένῳ καὶ Ἀριστείδῃ τὰ τούτου χαλκέους ὄντας σειομένους ὑπ’ ἀνέμου τῷ μεταγεγραφότι, λέγοντι κατὰ τὴν β’ « ἐν τῇ Δωδώνῃ στῦλοι λέβητι προσκρούειν, τὸν δὲ τυπτόμενον βʹ παράλληλοι καὶ παρεγγύς ἀλλήλων. καὶ ἐπὶ μὲν θατέρου ἠχεῖν. χαλκίον ἐστίν οὐ μέγα τοῖς δὲ νῦν παραπλήσιον λέβησιν, ἐπὶ δὲ κέχρηται τῇ παροιμίᾳ Μένανδρος θατέρου παιδάριον ἐν τῇ δεξιᾷ χειρὶ μαστίγιον ἔχον· οὗ κατὰ τὸ δεξιὸν μέρος ὁ τὸ λεβήτιον ἔχων κίων ἕστηκεν. ὅταν οὖν Αὐλητρίσι πρὸς Δήμωνα. εἰ πολλοὶ ἄνεμον συμβῇ πνεῖν τοὺς τῆς μάστιγος ἱμάντας χαλκοῦς ὄντας ἦσαν, οὐκ ἂν ἑνικῶς ἐλέγετο ἡ παροιμία. ὁμοίως τοῖς ἀληθινοῖς ἱμᾶσιν αἰωρουμένους ὑπὸ τοῦ πνεύματος συνέβαινε ψαύειν τοῦ χαλκίου καὶ τοῦτο ἀδιαλείπτως ποιεῖν, ἕως ἂν ὁ ἄνεμος διαμένῃ ». 3. « καὶ κατὰ μέντοι τοὺς ἡμετέρους  », φησὶν ὁ Ταρραῖος, « ἡ μὲν λαβὴ τῆς μάστιγος , οἱ δὲ ἱμάντες ἀποπεπτώκασιν. παρὰ μέντοι τῶν ἐπιχωρίων τινὸς ἠχούσαμεν ὡς, ἐπείπερ ἐτύπτετο μὲν ὑπὸ μάστιγος ἤχεί δ’ ἐπὶ πολὺν χρόνον, ὡς χειμερίου τῆς Δωδώνης ὑπαρχούσης, εἰκότως εἰς παροιμίαν περιεγένετο ». μέμνηται αὐτῆς Μένανδρος ἐν Ἀρρηφόρῳ « ἐὰν δὲ κινήσῃ μόνον τὴν Μυρτίλην ταύτην τίς, ἢ τίτθην καλῇ, πέρας ποιεῖ λαλιᾶς τὸ Δωδωναῖον ἄν τις χαλκίον, ὃ λέγουσιν ἠχεῖν, ἂν παράψηθ’ ὁ παριών, τὴν ἡμέραν ὅλην, καταπαύσαι θᾶττον ἢ ταύτην λαλοῦσαν νύκτα γὰρ προσλαμβάνει ».

Texte de Zenobius τὸ Δωδωναῖον χαλκεῖον· κεῖται παρὰ Μενάνδρῳ ἐν τῇ Ἀῤῥηφόρῳ. εἴρηται δὲ ἐπὶ τῶν πολλὰ λαλούντων καὶ μὴ διαλειπόντων. φασὶ γὰρ ἐν Δωδώνῃ χαλκεῖον ἐπὶ κίονος ἐν μετεώρῳ κεῖσθαι· ἐπὶ δὲ ἑτέρου πλησίον κίονος ἑστάναι τὸν παῖδα ἐξηρτημένον μάστιγα χαλκῆν· πνεύματος δὲ κινηθέντος μεγάλου τὴν μάστιγα πολλάκις εἰς τὸν λέβητα ἐκπίπτειν, καὶ ἠχεῖν οὕτω τὸν λέβητα ἐπὶ χρόνον πολύν.

Texte de Pausanias

Souda

Δωδωνεῖον χαλκεῖον· ἐπὶ τῶν μακρολογούντων. Δήμων γάρ φησιν (FHG. I 382 fr. 18), ὅτι τὸ τοῦ μαντεῖον ἐν Δωδώνῃ λέβησιν ἐν κύκλῳ περιείληπται, τούτους δὲ ψαύειν ἀλλήλους καὶ κρουσθέντος τοῦ ἑνὸς ἠχεῖν ἐκ διαδοχῆς πάντας ὡς διὰ πολλοῦ χρόνου γίνεσθαι τῆς ἠχῆς τὴν περίοδον. Ἀριστείδης δὲ ὡς πλάσμα διελέγχων δύο φησὶ στύλους εἶναι καὶ ἐπὶ μὲν τοῦ ἑτέρου λέβητα ἑστάναι, ἐπὶ θατέρου δὲ παῖδα κρατοῦντα μάστιγα, ἧς τοὺς ἱμάντας χαλκέους ὄντας σειομένους ὑπ’ ἀνέμου τῷ λέβητι προσκρούειν, τὸν δὲ τυπτόμενον ἠχεῖν. κέχρηται τῇ παροιμίᾳ Μένανδρος ἐν Ἀρρηφόρῳ ἢ Αὐλητρίδι. (Erbse δ 30)

  Δωδωναῖον χαλκεῖον. ἐπὶ τῶν μακρολογούντων· Δήμων γάρ φησιν ὅτι τὸ τοῦ Διὸς μαντεῖον ἐν Δωδώνῃ λέβησιν ἐν κύκλῳ περιείληπται. τούτους δὲ ψαύειν ἀλλήλους, καὶ κρουσθέντος τοῦ ἑνὸς, ἠχεῖν ἐκ διαδοχῆς πάντας· ὡς διὰ πολλοῦ χρόνου γίνεσθαι τῆς ἠχῆς τὴν περίοδον. Ἀριστείδης δὲ ὡς πλάσμα διελέγχων, δύο φησὶ στύλους εἶναι, καὶ ἐπὶ μὲν τοῦ ἑτέρου λέβητα, ἐπὶ θατέρου δὲ παῖδα κρατοῦντα μάστιγα, ἧς τοὺς ἱμάντας χαλκέους ὄντας σειομένους ὑπ’ ἀνέμου τῷ λέβητι προσκρούειν· τὸν δὲ τυπτόμενον ἠχεῖν … πρὸς Δήμωνα· εἰ δὲ πολλοὶ ἦσαν, οὐκ ἂν ἑνικῶς ἐλέγετο ἡ παροιμία. (δ 1445)

οὐδετέρως, ὡς οἱ πολλοί. ἐγένετο δὲ ὁ Αἷμος υἱὸς Βορέου καὶ Ὠρειθυίας, ἀφ’ οὗ καὶ τὸ ὄρος ». La partie concernant la forme neutre dans le texte de l’Épitomé, non explicitée dans la version abrégée, semble expressément se rapporter au texte détaillé que donne Photios ; les nombreux auteurs qu’il cite sont très certainement ceux que le pre-

mier abréviateur a rassemblés sous l’indication οἱ πολλοί. On notera également la mention d’Hécatée. Cet auteur, nous le verrons plus loin, a été abondamment utilisé par Stéphane de Byzance. Une autre notice présente également une troublante similitude : Messapion (μ 161). Le texte est quasiment le

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Première Partie : L’œuvre de Stéphane de Byzance et son Épitomé

même chez Stéphane de Byzance et le lexique de Photios, d’autant que nous sommes ici en présence de la partie la plus résumée de l’Épitomé. La même similitude se retrouve pour quelques autres notices comme Ilissos (ι 53). Photios a-t-il pour autant copié Stéphane de Byzance ? Nous ne trouvons aucune trace de notre grammairien dans la Bibliothèque de Photios, alors qu’il consacre plusieurs chapitres aux lexiques14. S’il était avéré qu’il ait lu celui de Stéphane de Byzance, ceci pourrait être un argument pour une datation plus tardive du Lexique (dans le 3e quart du ixe siècle ?)15, Photios ayant pu alors découvrir le manus­crit seulement après la fin de la rédaction de sa grande œuvre de recensement littéraire. D’un autre côté, quasiment aucun des géonymes du lexique n’a pour source Stéphane de Byzance. Comme nous le verrons au chapitre suivant en détaillant l’ensemble des lexiques connus, Photios a utilisé pour son lexique des compilations plus anciennes. C’est donc d’œuvres déjà existantes que proviennent ses mentions si proches de celles de Stéphane de Byzance, probablement du fait de sources communes. Au-delà de la taille de l’œuvre de Stéphane de Byzance, d’un usage vraisemblablement peu commode, c’était avant tout un ouvrage de grammairien, à l’usage des grammairiens. Seuls les lexiques (dont les définitions sont plutôt «  courtes  » si l’on en juge par sa propre œuvre) semblent avoir été utilisés par Photios ; l’œuvre de Stéphane de Byzance n’a rien à voir avec ce type d’ouvrages. Si Photios s’est ingénié à chercher des œuvres introuvables, il n’a jamais signalé d’œuvres de grammairiens dans sa Bibliothèque. Cette absence est un point qui n’a, à notre connaissance, jamais été mis en avant dans les nombreuses études qui concernent son œuvre et son travail intellectuel. Il n’est cependant pas anodin de constater l’utilisation de cet ouvrage par un grammairien (Choiroboscos) autour de 800, alors que Photios quelques décennies plus tard ne l’utilise pas et ne men14  Cod. 145 à 153. Cod. 145 Helladius, Lexique des mots et des phrases usités en prose ; cod. 146 (anonyme), Lexique pour le ‘style classique’  ; cod.  147 (anonyme), Lexique pour le ‘style solennel’  ; cod. 148 (anonyme), Lexique pour le ‘style politique’ ; cod. 149 Valerius Pollion, Lexicon ; cod. 150 Julien, Lexique ; Philostrate, Lexique ; Valerius Diodore, Lexique ; cod. 151 Timée, Lexique pour Platon ; cod. 152 Denys d’Halicarnasse, Lexique des mots attiques ; cod. 153 Pausanias, Lexique. Voir infra p. 138-140. 15   La datation du lexique est controversée. La plupart y voient une œuvre de jeunesse (vers 830-840) (Lemerle  1971, p.  185-187)  ; quelques-uns au contraire l’attribuent aux années 877-886 (Tsantsanoglou 1967). Voir l’édition en cours par C. Theodoridis et S. Matthaios (pour le dernier volume).

tionne même pas Stéphane de Byzance. On peut donc supposer que ce qui était accessible à un grammairien ne l’était peut-être pas à un érudit ; c’est un aspect important dans l’histoire de la transmission des textes antiques et particulièrement dans le cas de Stéphane de Byzance. En effet, il faut se poser la question d’une éventuelle copie du manus­crit dans le nouveau style d’écriture qui se développe à partir des années 810, la minuscule. Nous l’avons vu supra (p. 22), le manus­crit d’origine était resté vraisemblablement en l’état et n’a pas été recopié à cette époque ce qui aurait été certainement le cas si Photios l’avait utilisé. La translittération est en fait plus tardive.

3.2. L’utilisation du manus­crit au xe siècle Le xe siècle semble constituer le moment où le texte de Stéphane de Byzance sort réellement de l’ombre. L’un des personnages les plus emblématiques de ce  siècle, l’empereur Constantin VII Porphyrogénète, est le plus illustre représentant de sa lecture. 3.2.1. Constantin VII Porphyrogénète Le texte original de Stéphane de Byzance est connu de longue date pour avoir servi de source à Constantin VII Porphyrogénète (905-959) dans le courant du xe siècle16. On peut penser que la recherche de textes anciens, conduite à grande échelle sous son règne, a permis de retrouver le manus­crit de Stéphane de Byzance, alors déposé dans la bibliothèque impériale où il est conservé par la suite. Nous allons examiner successivement les mentions provenant de deux œuvres différentes. Elles sont révélatrices en particulier du manque d’informations des régions qui appartenaient à l’Empire romain d’Occident et qui se sont retrouvées hors de l’Empire Byzantin. La connaissance de ces contrées (comme l’antique Hispanie) par les Grecs a finalement peu évolué durant le haut Moyen Âge. Le De Thematibus Le De Thematibus a conservé, dans son livre I (daté dans son premier état des années 933/934 par A. Pertusi) et

16  Billerbeck et al. 2006, p. 6*. Voir l’article récent de C. Torre sur l’usage que Constantin a pu faire de Stéphane de Byzance (Torre  2019) et Billerbeck, Neumann-Hartmann  2021, p. 154-163.

3. De l’œuvre de Stéphane de Byzance à son Épitomé II (daté du milieu du xe siècle17) plusieurs extraits d’un texte de Stéphane de Byzance qui semble alors complet18. Nous allons examiner plus en détail les manus­crits nous ayant conservé ce texte. Le livre  I seul se trouve dans six manus­c rits. Le ­manus­crit  le plus ancien (Vaticanus gr.  1065 [diktyon 67696]) date de la fin du xie ou début du xiie siècle19 et est à l’origine des cinq autres. Il comprend 100 folios et mesure 247 × 195 mm ; le nombre de lignes varie entre 29 et 33. Il est écrit par trois mains différentes. La première a rédigé le premier feuillet (qui est la fin de la Cyropédie de Xénophon), les deux dialogues du De physicis quaestionibus de Théophylacte Simocatta (fol. 2-6v), tous deux incomplets (il manque le début du premier et la fin du second), et la fin du livre VIII de l’Histoire d’Hérodien (fol. 7r). La deuxième main a copié le traité De Thematibus (fol.  7 v-21) et l’index des 6 livres de Procope (fol. 22-28). Enfin la troisième main a transcrit le De aedificiis de Procope (fol. 28v-93v), le fragment historique de Jean d’Épiphanie20 (fol. 94v-97v) et la lettre du pseudo Hippocrate à Ptolémée (fol. 98-100v). À la fin du dernier folio se lit la liste des douze vertus. Le texte du De Thematibus a fait l’objet de dix-sept corrections par une autre main de la fin du xiiie siècle21 qui semble avoir disposé d’un exemplaire peut-être plus exact. Les livres I et II sont présents ensemble dans deux manus­c rits seulement. Le plus ancien (C, Parisinus 17 

Sur la question de la datation des deux livres et la probable rédaction du livre II dans le cadre du cercle encyclopédique voulu par Constantin, voir Pertusi 1952, p. 39 sq. P. Lemerle considère pour sa part que la totalité de l’œuvre a été rédigée par Constantin (Lemerle 1971, p. 279). A. Pertusi pense que le livre II est postérieur, de la fin du xe siècle ; il nous semble toutefois contradictoire d’avoir des mentions de Stéphane de Byzance dans un livre daté de cette époque et de constater que la Souda, à la même date, n’utilise pas son œuvre pourtant importante d’un point de vue lexicographique. T.  C. Lounghis propose de manière convaincante l’intervalle de date 952-957 pour la rédaction de ce livre (Lounghis 1973). En revanche, il ne distingue pas les deux livres et considère qu’il s’agit d’une œuvre homogène, ce qui n’est probablement pas le cas. 18  Du livre I : Κύπρος (15.5-11) et Σάμος (16.1-4) ; du livre II : Θρᾴκη (1.32-34), Μακεδονία (2.1-12), Πελοπόννησος (6.6-16), Δυρράχιον (9.11-20), Σικελία (10.9-30) et Βόσπορος (12.4-33). Cf. supra, p. 25 sq. 19  La description codicologique est basée sur Pertusi 1952, p.  4 sq. La datation est revue par Mondrain  2019. Ce manus­ crit, comme le suivant, ont appartenu à Jean Abramios/Avramis, domicilié à Corfou, et mentionné par Janos Lascaris lors de sa visite en 1491 (Mondrain 2017 ; Markesinis 2000). 20  FHG IV, p. 273-276. 21  C’est probablement la même main qui a ajouté dans la marge inférieure des folios 20v et 21r-v des indications géographiques.

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gr. 854 [diktyon 50441]) date du xiiie siècle ; il comprend 422  folios, mesure 258  ×  175  mm et a servi de source au second manus­c rit. Le De Thematibus occupe les folios 105v à 120r ; il est rédigé d’une écriture soignée, sur une longueur fixe de 33  lignes. Ce ­manus­crit  témoigne d’une recension différente, qu’a analysée A. Pertusi22. D’après lui, les deux manus­crits correspondent à deux éditions différentes, l’une durant la jeunesse de Constantin et ne comprenant que le livre I, et la seconde plus tardive (selon nous du même auteur). Il n’est pas impossible que la version avec les deux livres ait fait l’objet de commentaires voire de corrections vers la fin du xe siècle, ce qui expliquerait les éléments qui ont amené A. Pertusi à placer à cette époque la rédaction du second livre. Dans les extraits qui proviennent de Stéphane de Byzance, on relève assez peu d’erreurs : Livre I XV.9 : Ἴστρος C : Ἶστρος R (erreur accentuation) XVI.1 : Ἀγκαίου Pertusi : Ἀγγαίου R Livre II  1.3 : ὑποκυσαμένη Bandurius : ὑποκυσσαμένη C 1.4 : Μακηδόνα Lehmann : Μακεδόνα C 1.4 : θʼ Bandurius : δʼ C 1.4 : ἱππιοχάρμην Rzach : ἱπποχάρμην C 1.6 : Ἑλλάνικος edd. : Ἑλάνικος C 1.7 : ἀφʼ οὗ corr. Müller 1.9 : Μακεδονικῶν Meineke : Μακεδονιακῶν C 1.11 : πρώτῳ Meineke : πρώτοις C 6.7 : τετάρτῳ Pertusi : τετάρτῃ C 6.7-8 : ἱστοριῶν Pertusi : ἱστορίᾳ C 6.15 : φύλλῳ edd. : φύλῳ C 6.16 : πετήλῳ Morellus : πετάλῳ C 9.11 : Ἰλλυρική S : Ἑλληνικὴ C (mélecture d’onciales ?) 9.13 : ἀπὸ S : ὑπὸ C 9.15 : ἧς καὶ Ποσειδῶνος Δυρράχιος· ἀφ’ ἧς ἔστιν ἐν Ἐπιδάμνῳ τόπος S : ἧς καὶ ἠράσθη Ποσειδῶν ὁ Δυρράχιος {ὑφ’ οἷς} ἐστὶ τόπος C 10.10 : Ἑλλάνικος edd. : Ἑλάνικος C 10.10 : Ἱερειῶν Meineke : Ἱερείων C

22 

Pertusi 1952, p. 18 sq.

Première Partie : L’œuvre de Stéphane de Byzance et son Épitomé

52 10.12 : τότε Bandurius : τε C

10.15 : νήσου ἐκράτησε ταύτης τῆς τότε Jacoby : νήσου τότε ταύτης C 10.17 : ταὐτά Jacoby : ταῦτα C 10.17 : Θουκυδίδης δὲ οὕτως add. Meineke 10.21 : μεγίστη Pertusi : μέγιστον C 10.22 : Ἄλεξις Meineke : Ἀλέξιος C 10.26 : Κύρνος Pertusi : Κίρνος C 10.26 : δʼ Pertusi : δὲ C 10.27 : Εὔβοια πέμπτη Bekker : πέμπτη Εὔοια C 12.8 : σῆς add. Morellus 12.12 : Παντικάπαιον edd. : Μαντικάπεον C 12.12 : Ὀλυμπιάδων Meineke : Ὀλυμπιάδι C 12.14 : ὁ add. Müller 12.16 : Βόσποροι Meursius : Βοσπόριοι C 12.21 : φάσκον Pertusi : φάσκων C 12.22 : οὐκ εἰμὶ βοὸς Bekker : βοὸς οὐκ εἰμὶ C 12.22 : ἐμεῖο Bekker : ἐμοῖο C

Compte-tenu des erreurs d’écriture, le manus­crit le plus ancien est probablement copié sur un manus­crit intermédiaire, postérieur à 979 si l’on se fie à une mention intégrée dans le texte du Parisinus gr. 2009. Ce dernier est rédigé dans un contexte particulier  : comme l’indique la souscription, il a été copié pour un membre de la famille impériale, le César Jean Doukas († v. 1088), frère de l’empereur Constantin  X Doukas (v.  1006-1067), entre 1059 et 1081. Il faut retenir que cet ouvrage a été rédigé à l’origine par Constantin VII pour l’éducation de son fils, Romain  II. Les informations qu’il contient étaient vraisemblablement secrètes  : le livre  n’était pas destiné à être édité. Jean Doukas ou l’un de ses conseillers (Michel Psellos  ?) l’a probablement trouvé dans les archives ou la bibliothèque du palais impérial et l’a alors fait copier. On note quelques fautes de lecture du texte de Stéphane de Byzance. Nous avons pris l’exemple de la première notice Ibêria, selon l’apparat de M. Billerbeck : 24.5 : Ἡρόδωρος Berkel : ἡ ῥόδοτος P (erreur d’abréviation ?)

12.23 : κλῄζεται ἀντωπὸν Βοσπόριον Bandurius : Βοσπόριον ἀντωπὸν κέκληται C

24.5 : τῶν … ἱστορῶν Jacoby : τῇ … ἱστορίᾳ P

12.24 : Ἥρης edd. : Ἤρης C

24.8 : Κύνητες Berkel : κύνιταις P

12.25 : Φάρον Bekker : Πάφος C

24.9 : Γλῆτες Berkel : γλήτες P (erreur d’accentuation)

12.25 : ἥδε δʼ Bandurius : ἅδʼ C 12.26 : ὅτε πλῶεν Bandurius : ὅτʼ ἔπλοεν C 12.28 : καλεῦμαι ἐθʼ ὡς Hercher : καλεύμαν ἐγὼ C Quasiment aucune de ces erreurs n’apparaît caractéristique de mélectures d’onciales. C’est probablement la copie du xiiie  siècle qui comporte des erreurs, la ­quasi-totalité du texte issu de Stéphane de Byzance provenant du livre II. Le De Administrando Imperio Le De Administrando Imperio, écrit entre 948 et 95223, a utilisé les deux notices sur l’Espagne24. Cette œuvre est connue par quatre manus­crits, dont le plus ancien (Parisinus gr.  2009 [diktyon 51636]) date du 3e  quart du xie siècle tandis que les autres sont du xvie siècle25. 23   La

datation est donnée par Bury  1906 et Jenkins, Moravcisk 1967. Sur l’œuvre, voir également Sode 1994. 24  § 23 : Ἱσπανία ; § 24 : Ἰβηρία. 25  Moravcsik, Jenkins 1967, p. 15 sq.

24.7 : διάπλου Berkel : διαπλοῦ P (erreur d’accentuation)

24.9 : Ἐλβυσίνιοι Berkel : ἐλευσίνιοι P (erreur de lecture d’onciales ?) 24.9 : Μαστιηνοί Berkel : μαστινοί P (erreur de lecture d’onciales ?) 24.10 : ἤδη ὁ Ῥοδανός Berkel : ἡδιορόδανος P (mécoupure et erreur de lecture d’onciales ?) 24.10-12 : διῃρεῖτο δὲ ἡ Ἱβηρία – καὶ Ταρρακωνησίαν huc transp. Meineke : post ἀρχομένοισιν habet P (erreur de lecture de ligne ?) 24.10 : Ἱβηρία Berkel : ἴβηρις P 24.15 : διῄρηται Meursius : διείρηται P (erreur de lecture d’onciales ΗI/ЄΙ ?) 24.15 : ἐπαρχίας Meursius : ἐπαρχείας P 24.16 : une lacune est indiquée par Meineke ; il s’agit très probablement d’une ligne sautée d’après l’original 24.22 : γραμματικῇ Berkel : γραμματικοὶ P

3. De l’œuvre de Stéphane de Byzance à son Épitomé 24.24 : πόντος μὲν πρώτιστος Berkel : πρῶτος μὲν πρός τινος P (erreur de lecture d’onciales ?) 24.25 : λέγεται δὲ καὶ Ἰβηρίτης – ἐν αἰγιαλῷ huc transp. Meineke : post Λυσιτανίας habet P (erreur de lecture de ligne ?) 24.25 : Ἰβηρίτης Berkel : βηρίτις P (erreur de lecture d’onciales ?) 24.25 : Παρθένιος Berkel : παρθύνιος P (erreur de lecture d’onciales ?) 24.25 : Λευκαδίαις Berkel : Λευκαδίας P 24.26 : πλεύσει ἐν Meineke : πλεύσειεν P (mécoupure) 24.28 : τῶν μὲν ὑπὲρ Meineke : τὸ ἐν ὕδωρ P (erreur de lecture d’onciales ?) 24.28 : προπαροξυνόμεναι Schubart : παροξυνόμενον P 24.29 : ὁ μάρτυρος Meursius : ὁ μάρτυς P (erreur de lecture d’onciales ?) 24.30 : Χαρόποιό τʼ ἄνακτος Berkel : χαροποίοτης ἄνακτος P (mécoupure) 24.30 : Τροίζ- quater Berkel : τρυζ- quater P 24.32 : καὶ τοι Λίγυσί θʼ ἅμα Berkel : καὶ τολίγοισι τʼ αμα P (mécoupure et erreur de lecture d’onciales ?) On le voit, les erreurs sont en grande partie liées à la lecture erronée du texte primitif de Stéphane de Byzance. Elles sont semblables à celles que l’on trouve dans le Coislinianus 228. Les mentions diffèrent en cela de celles provenant du De Thematibus, probablement corrigées dans les manus­crits intermédiaires. Par ailleurs il faut noter que l’on ne trouve pas de mentions lexicales dans l’ensemble de l’œuvre encyclopédique que Constantin Porphyrogénète a commanditée, les Excerpta Constantiniana26 ; aucun extrait de notre auteur ne nous a été conservé dans les quelques manus­ crits rescapés de ce vaste travail27. Il semble donc que seul Constantin a utilisé le texte des Ethniques.

Lemerle 1971, p. 281. Les Excerpta Constantiniana, dont ne subsistent plus que cinq recueils souvent incomplets, regroupaient de façon thématique de très nombreux extraits des historiens allant du ve siècle av. J.-C. au viie siècle de notre ère. 27  Une œuvre de type « lexique » n’entrait logiquement pas dans le projet des Excerpta. 26 

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La notice Durrachion chez Constantin Porphyrogénète Parmi les notices du livre  XIII conservées dans le ­manus­crit parisien Coislinianus 228, celle de Durrachion (δ 143) se retrouve dans le texte de Constantin Porphyro­ génète (De Them. 2.9.11-20), ce qui permet de comparer les deux lectures. Dès le début, Constantin semble faire une erreur de lecture  : il écrit πόλις Ἑλληνικὴ là où Stéphane de Byzance a πόλις Ἰλλυρική. Bien que les lettres en onciales ne soient pas identiques, on peut supposer qu’une lecture un peu rapide aura occasionné la confusion. Cette erreur est intéressante car elle montre bien une lecture indépendante de celle que restitue le ­manus­crit  S. Constantin n’aurait donc pas utilisé un manus­crit translittéré commun à S, mais a lu très certainement le manus­crit d’origine. La suite du texte montre que Constantin reformule un peu le texte (nous avons souligné les ajouts) : « καὶ Ἐπίδαμνος κληθεῖσα ὑπὸ Ἐπιδάμνου τοῦ ἀρχαίου ἥρωος· τούτου θυγάτηρ Μέλισσα, ἧς καὶ ἠράσθη Ποσειδῶν ὁ Δυρράχιος ὑφʼ οἶς ἔστι τόπος ἐν Ἐπιδάμνῳ Μελισσόνιος » par rapport au texte de Stéphane « Ἐπίδαμνος κληθεῖσα ἀπὸ Ἐπιδάμνου. τούτου θυγάτηρ Μέλισσα, ἧς καὶ Ποσειδῶνος Δυρράχιος· ἀφ’ ἧς ἔστιν ἐν Ἐπιδάμνῳ τόπος Μελισσώνιος ». On ne peut parler ici de difficulté de lecture due aux lettres onciales. Un peu plus loin, la citation des Chroniques de Dexippe est précédée, chez Constantin, d’une précision sur un rattachement macédonien de Durrachion. Mais la reformulation qui l’accompagne, comme ensuite la suppression de quelques mots de Dexippe, rend vraisemblable une intervention de Constantin sur le texte qu’il recopiait. Ce qui est certain c’est que Constantin lisait un texte aussi ample que celui du manus­crit S. Nous pensons qu’il s’agit encore d’un texte en onciales. 3.2.2. Les scholies Deux ensembles de scholies contiennent des mentions qui se rapportent au texte de Stéphane de Byzance. Le premier (scholies à Platon) remonte assurément au xe siècle ; le second (scholies à Lycophron) n’est connu que par des manus­crits qui datent au mieux de la fin du xie siècle. Les scholies à Platon Un article récent a mis en lumière les mentions issues de Stéphane de Byzance dans le corpus des scholies à Platon28. 28 

Valente 2009a.

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Première Partie : L’œuvre de Stéphane de Byzance et son Épitomé

Les scholies à contenu géographique se trouvent dans deux manus­crits  : T (Marcianus gr.  Z. 542 [diktyon 70013]), daté du milieu du xe siècle et W (Vindobonensis suppl. gr. 7 [diktyon 71468]) daté de la fin du xie siècle. Il s’agit ici du corpus que l’on appelle scholia vetera, que l’on ne retrouve pas dans celles issues d’Aréthas de Césarée (vers 900). On peut supposer qu’elles sont contemporaines du manus­crit  le plus ancien qui les contient et qu’elles ont été composées vers 950. Les scholies se rapportent à une version ample du texte de Stéphane de Byzance ; on a ainsi une mention du comique Alexis qui se rapporte à la Sicile29, dont on trouve l’exacte correspondance dans l’extrait intégral que nous a conservé Constantin Porphyrogénète (De Them. 2.10). De même, la courte scholie sur Dodone30 contient dans la deuxième partie de la phrase une indication qui se retrouve dans la version du manus­crit S mais a disparu du second abrégé. Les autres scholies repérées sont toutes tirées, de façon vraisemblable, du texte de Stéphane de Byzance, même si plusieurs d’entre elles correspondent à des lemmes qui ont maintenant disparu (car se trouvant dans les lacunes de notre Épitomé)31. Elles sont toujours issues des mêmes manus­crits, sauf une (Ποτειδαίας Plat. Charm. 153a 1) qui se trouve également dans la main B5 du manus­crit d’Aréthas, datée des xe-xie siècle et donc vraisemblablement issue du manus­crit T. Selon nous, ces scholies prouvent une utilisation de Stéphane de Byzance vers le milieu du xe siècle, soit à la même époque que Constantin Porphyrogénète. 29  TW Plat. Menex. 242 e-243a 1  : Σικελίαν] Ἄλεξίς φησιν ὁ κωμικός· «  τῶν ἑπτὰ νήσων ἃς δέδειχεν ἡ φύσις θνητοῖς μεγίστας, Σικελία μέν, ὡς λόγος, ἐστὶν μεγίστη, πρὸς δὲ Σαρδὼ δευτέρα, τρίτη τε Κύρνος, καὶ τετάρτη θ’ ἡ Διὸς Κρήτη τροφός , Εὔβοια πέμπτη στενοφυής, ἕκτη Κύπρος, Λέσβος δὲ τάξιν ἑβδόμην λαχοῦσ’ ἔχει ». Σικελία δ’ ἐκλήθη ἀπὸ Σικελοῦ τοῦ βασιλεύσαντος Αὐσόνων, οἳ ἀπὸ Ἰαπύγων ἐξαναστάντες διέβησαν εἰς τὴν πάλαι Σικανίαν καλουμένην. 30  TW Plat. Phaedr. 244b 1 Δωδώνῃ] πόλις τῆς Μολοσσίδος, ἐν ᾗ τὸ μαντεῖον. 31   S.  Valente (Valente  2009, p.  290-291) a une longue démonstration (convainquante) pour prouver l’appartenance aux Ethniques des mentions de Κῖος (AO Plat. Eryx. 397c), Κλαζομεναὶ (TW Plat. Parm. 126a 1) et Λεοντῖνοι (TW Plat. Hipp. Ma. 282b 5). On pourrait penser que la scholie sur Kios soit issue du manus­ crit A (Parisinus gr. 1807 [diktyon 51433]), daté du ixe siècle, mais dans son introduction, W.  C. Greene précise que cette scholie précisément relève de Constantin, métropolitain de Hiérapolis (en Phrygie) au xiv e  siècle (Greene  1938, p.  xvii)  ; elle est probablement copiée des scolies de O (Vaticanus gr. 1 [diktyon 66632]) qui ne sont pas antérieures au xe siècle (Greene 1938, p. xviii), les deux manus­crits ayant un rapport textuel lié tout au long des siècles.

Les scholies à Lycophron Les scholies à Lycophron 32 sont connues principalement sous la plume des frères Isaac et Johannes Tzétzès vers le milieu du xiie  siècle (manus­crits  s4 et s5)33. Ils ont utilisé un manus­crit plus ancien, le Marcianus gr.  Z. 476 [diktyon 69947], qui remonte à la fin du xie siècle et contient le texte des scholia vetera (manus­ crit s) complété en marge par Nicétas d’Héraclée (s2). Ces scholia vetera sont également copiées dans un autre manus­crit, le Neapolitanus II D 4 [diktyon 46088], de la fin du xiiie siècle (manus­crit s3). E. Scheer avait noté déjà des correspondances entre le texte de Stéphane de Byzance et certaines scholies 34. C.  Torre est revenue sur la scholie reprenant la mention de Kupros, issue des scholies anciennes35. Le texte semble clairement provenir de Stéphane de Byzance (avec comme sources identiques Philostéphanos et Xénagoras). Le manus­crit s a été copié probablement pour Nicétas qui est connu à la fin du xie siècle et devient en 1117 métropolite d’Héraclée de Thrace. Ses annotations en marge prouvent qu’il n’est pas l’auteur du commentaire36 qui est donc plus ancien et pourrait remonter au siècle précédent37. Nous manquons d’indication précise sur la date de ces scholies mais elles pourraient être le témoin d’une phase 32  Les scholies sont publiées dans le second volume d’E. Scheer mais les textes des différentes étapes ont été agglomérés ; les scholies anciennes sont éditées, seules, par P. L. Leone (Scheer 1908 et Leone 2002). 33  Les mentions s4 sont une reconstruction d’E. Scheer sur la base des différents manus­crits contenant les scholies des frères Tzétzès (le Parisinus 2723 [diktyon 52358] daté de 1282, le palimpseste Vaticanus gr. 1306 [diktyon 67937] de la 2e moitié du xiiie siècle et le Palatinus gr. 18 [diktyon 32452] du xive siècle). Celles de s5 proviennent du manus­crit Ambrosianus C 222 inf. [diktyon 42485] des xiiie-xive siècles. 34  Scheer 1908, p. xxxiv-xlvi. 35  Torre 2019, p. 62-63. Leone 447b : Σφήκειαν· ἡ Κύπρος πρότερον Σφήκεια ἐκαλεῖτο, ὥς φησι Φιλοστέφανος ἐν τῷ περὶ Κύπρου ἀπὸ τῶν ἐνοικησάντων ἀνδρῶν, οἵ ἐκαλοῦντο Σφῆκες. καλεῖται δὲ καὶ Κεραστία, ὡς μὲν Ἀνδροκλῆς ἐν τῷ περὶ Κύπρου διὰ τὸ ἐνοικῆσαι αὐτῇ ἄνδρας, οἳ εἶχον κέρατα, ὡς δὲ Ξενάγορας ἐν τῷ Περὶ νήσων διὰ τὸ ἔχειν αὐτὴν πολλὰς ἐξοχὰς ἃς κέρατα καλοῦσι, Κεραστία ὠνομάσθη. 36  Rien ne prouve que Nicétas d’Héraclée ait lu le texte de Stéphane de Byzance. En particulier, on a de lui un petit texte énumérant des géonymes qui provient d’un lexique mais n’a pas de rapport avec les Ethniques (le texte est publié dans Ritschl 1866, p. 758-759). 37  On trouve dans le Parisinus Coislinianus 345 [diktyon 49486], daté de la fin du xe siècle, un lexique de l’Alexandra (fol. 225r-253v), ce qui témoigne d’une phase d’érudition autour de ce poème à cette époque.

3. De l’œuvre de Stéphane de Byzance à son Épitomé d’érudition contemporaine du texte des scholies de Platon, toujours dans le contexte intellectuel du cercle de Constantin Porphyrogénète. On sait que Stéphane de Byzance a intégré des éléments d’un commentaire à Lycophron par Théon, grammairien de la période augustéenne, mais celui-ci n’est pas la source des mentions que l’on rapproche de Stéphane de Byzance. 3.2.3. La seconde moitié du xe siècle Dans le courant du xe  siècle, l’auteur de la chronique anonyme Sur le règne des empereurs, traditionnellement attribuée à Genesios, utilise également Stéphane de Byzance. A. Diller a repéré quatre mentions reprenant les notices de Paphlagonia (π 77), Amastris (α 262), Tarsos (τ 39) et Surakousai (σ 323)38. Nous sommes là encore dans l’entourage de Constantin Porphyrogénète39. Dans la seconde moitié du xe siècle (voire la fin du siècle), est rédigée la compilation que l’on appelle la Souda. Nous ne rentrerons pas ici dans le détail de cette œuvre si particulière40, mais nous pouvons noter que le terme de Souda, en accord avec la dénomination actuelle, reste énigmatique sans préjuger de la nature du nom exact à l’origine de sa signification. Nous pensons qu’il s’agit d’un acrostiche des sources utilisées : S(ynagôgê) O(nomatologos) (h)Y(pomnemata) D(iogenianos) A(nalekta). Il indiquerait ainsi les sources qui la composent et qui correspondent effectivement à ces dénominations. La Synagôgê est la version ancienne du lexique connu sous ce nom. L’Onomatologos est le « dictionnaire biobibliographique » d’Hesichius de Milet. Les Hypomemnata sont les commentaires d’œuvres (scholies) et les Analekta correspondent aux Excerpta Constantiniana. Comme nous le verrons plus loin (cf. infra p. 156) la Souda n’a pas utilisé Stéphane de Byzance, bien qu’elle comporte la mention d’Hermolaos41 ; mais cet auteur est 38  Diller 1950, p. 246-252, repris par Billerbeck et al. 2006, p. 29-30*. 39  Sur ces questions de mouvements de recueils dans l’entourage de Constantin, voir Odorico 2011. 40  Voir le résumé qu’en donne E. Dickey (Dickey 2007, p. 90) et l’article d’A. Adler dans la RE (Adler 1931), qui complète son édition (Adler 1928-1938). 41   E.  Stemplinger a étudié les rapports entre la Souda et Stéphane de Byzance (Stemplinger 1907, p. 619 sq.). Outre la datation de la notice d’Hermolaos, il s’est interrogé sur certaines similarités entre les notices se rapportant à des toponymes. Or, le texte qu’il donne pour la Souda, très proche en effet de celui de l’Épitomé, ne correspond pas à celui qui est publié par A. Adler. Il a semble-t-il utilisé le texte de gloses qui proviennent d’Eustathe de

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suffisamment éloigné de la date de rédaction de la Souda pour n’être plus qu’un nom trouvé dans une source (l’Onomatologos d’Hesychius de Milet) et non le rédacteur d’un manus­crit  que le compilateur avait sous les yeux. La notice sur l’airain de Dodone (δ 1445 Adler), en particulier, reprend les termes du seul Photios. De même, on ne retrouve quasiment aucun des géonymes des notices conservées  ; lorsque les entrées existent, leur texte ne correspond pas à celui de notre auteur. Un exemple particulièrement frappant est celui de la notice Dôros (δ 150), pourtant développée sur 12 lignes dans la Souda (δ 1476 Adler). Alors que Stéphane de Byzance parle d’une ville de Phénicie, la Souda en fait une ville d’Arabie. Les auteurs cités ne sont pas les mêmes et le commentaire est différent. Dans la Souda, les toponymes attiques sont souvent issus de l’abrégé d’Harpocration, qui est, comme on le verra dans la 2e partie, une source ayant des éléments communs avec Stéphane de Byzance ; aucun n’est issu des Ethniques. Enfin, il faut indiquer les gloses que contiennent plusieurs des manus­crits pour la lettre N. Ces gloses sont signalées par A. Adler dans son édition en lettres plus petites42 ; elles reprennent le texte que l’on connaît encore dans l’Épitomé, sans pour autant le copier intégralement, et ont de nombreuses mentions rapportées à l’« ethnikographon ». Il s’agit d’un ajout tardif attribué de façon certaine à Eustathe de Thessalonique 43. Ces annotations proviennent à l’origine du manus­crit Marcianus gr. Z. 448 [diktyon 69919], copie conservée de la Souda de la main même d’Eustathe de Thessalonique44. Nous pensons que l’œuvre de Stéphane de Byzance n’a pas été translittérée au cours des ixe et xe siècles. Cela semble assez logique pour le ixe siècle, si l’on admet l’absence d’attention apportée à cette œuvre par Photios, même si Georgios Choiroboscos l’utilise mais dans un contexte relevant seulement de la science grammaticale. C’est un peu plus étonnant pour l’époque de Constantin Porphyrogénète. Cela explique certainement l’utilisation très ponctuelle du manus­crit à l’époque de cet empereur, et seulement dans son entourage, et son oubli rapide. Ainsi dès la fin du siècle, la Souda ne semble déjà plus le connaître et en tout cas ne l’utilise pas. Le fait qu’il n’ait pas été translittéré a peut-être beaucoup compté de ce point de vue-là.

Thessalonique ; sa démonstration est donc erronée. 42  Adler 1931, col. 684. 43  Diller 1938, p. 335. 44  Il est dommage que le TLG  ait indiqué ces gloses comme appartenant en propre à la Souda, cela crée une réelle confusion d’usage.

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Première Partie : L’œuvre de Stéphane de Byzance et son Épitomé

3.3. La redécouverte de Stéphane de Byzance au xie siècle et dans la 1e moitié du xiie siècle La probable redécouverte du manus­crit, mais plus encore sa copie translittérée dans le courant du xie siècle, est fondamentale pour expliquer l’usage que l’on en fait au siècle suivant. L’utilisation la plus importante de l’œuvre de Stéphane de Byzance se place en effet au cours du xiie siècle. C’est probablement au début de cette période qu’intervient la rédaction d’un premier abrégé. 3.3.1. Le xie siècle C’est vraisemblablement au xie siècle qu’a été copié le manus­crit S dont seuls 8 feuillets nous ont été conservés par le Coislinianus 228. La datation un peu tardive du manus­crit, proposée par le seul A. Diller (xiie siècle), doit probablement être ramenée à la seconde moitié du xie siècle, sans que l’on puisse donner plus de précision45. On notera toutefois que ce manus­crit composite contient d’autres textes datés eux aussi du xie siècle (cf. supra p. 17-18). Compte-tenu de l’œuvre dont il est question (très volumineuse) et des rares mentions que nous en connaissons avant le xiie siècle, il est très vraisemblable que la copie de Théophile se soit faite directement sur le manus­ crit d’origine comme nous l’avons vu supra (p. 22). Nous pouvons revenir sur la forme même du ­manus­crit. Nous avons vu plus haut que le texte de Stéphane de Byzance pouvait comporter, selon une approximation toute théorique, autour de 2 835 000 caractères. Si l’on ajoute environ 170 000 caractères pour tenir compte des lacunes, on arrive à environ 3 000 000 de caractères. Le manus­crit de Théophile est composé à raison de 26 lignes par page. Un calcul d’après les folios 120r à 121v (soit 4 pages totalisant 4 051 caractères) correspond à environ 1 012 caractères par page avec une moyenne de 39 par ligne. Le manus­crit total translittéré pouvait donc comporter autour de 2 960 pages46. À cela, il faut ajouter, pour chaque livre, quasiment un folio complet pour identifier la fin d’un livre et proposer le pinax du livre suivant, soit 120 pages de plus. Nous arrivons donc à un total (là encore hypothétique, nous le soulignons, mais 45  N’étant pas un spécialiste de paléographie grecque, il ne nous est pas possible de vérifier sa datation. Nous nous en tiendrons donc à celle proposée par les spécialistes (en dernier lieu par M. Billerbeck). 46  Nous insistons sur le fait qu’il s’agit simplement, par ce calcul théorique, d’avoir un ordre d’idée de l’ampleur du manus­crit du xie siècle.

assez vraisemblable) de 3 080 pages soit 1 540 folios. Un tel manus­crit était obligatoirement découpé en plusieurs volumes, soit par groupe de douze livres (5 manus­crits de 308 folios) soit peut-être par regroupement de vingt livres (3 manus­crits de 513 folios)47. Il faut probablement rectifier la grosseur de chaque manus­crit par le volume d’informations que donnait Stéphane de Byzance. Comme on le voit dans le premier abrégé (cf. supra p. 42), les trois premiers livres étaient deux fois plus importants que les trois derniers. On s’en aperçoit encore à la lecture de l’Épitomé : Stéphane de Byzance donne de nombreuses informations grammaticales au début, qu’il n’a pas forcément reportées dans l’ensemble de son œuvre. Les hypothétiques trois volumes étaient donc probablement de taille différente. La translittération d’un tel manus­crit a dû être une opération particulièrement longue et difficile, surtout si elle a été réalisée par le seul Théophile comme il le dit lui-même dans les quelques vers qu’il a rédigés au début du livre XIV : « fuyant les erreurs de copie au prix d’innombrables souffrances, Théophile a écrit de ses mains tous les livres des Ethniques du sage Stéphane distillant du miel ». On veut bien croire que la copie a dû nécessiter un travail laborieux compte-tenu du vocabulaire et des noms peu courants mais son auteur a pu également prendre du plaisir à découvrir ce texte quasiment inconnu. Le contexte de translittération du manus­crit original nous échappe totalement. Il est toutefois intéressant de la replacer dans le contexte probable dans lequel fut réalisée la copie. On pense bien évidemment à Michel Psellos, grand personnage souvent proche de l’empereur entre 1042 et sa mort en 1078. C’est un érudit, auteur de nombreux ouvrages, et grand admirateur de l’Antiquité. Sa personnalité serait toute indiquée pour mettre en œuvre un travail d’une telle ampleur, d’autant que le manus­crit était vraisemblablement conservé au palais impérial. Mais l’absence de toute mention se rapportant aux Ethniques dans son œuvre n’en fait pas le candidat idéal48. Nous aurions tendance à rapprocher le moment de la copie de celle qui est faite, à la demande du César Jean Doukas, du De Administrando Imperio (cf. supra p. 52), dont le manus­crit original était peut-être con­ 47   On peut aussi admettre des regroupements de six livres (10 manus­crits de 154 folios) ou de de dix livres (6 manus­crits de 257 folios). Le fragment conservé est un quaternion (donc 8 folios), qui pourrait constituer le format standard du manus­crit. 48  Aucun érudit n’a signalé la moindre correspondance entre ces deux auteurs. Nous n’avons pas pu faire nous-mêmes cette vérification mais il est très probable qu’A. Diller ou plus récemment l’équipe de M. Billerbeck l’aurait découvert.

3. De l’œuvre de Stéphane de Byzance à son Épitomé servé au même endroit. C’est peut-être ce personnage, mort dix ans après Michel Psellos, qui a fait exécuter ce travail de translittération, qui aurait pu avoir lieu autour de 1080. 3.3.2. La réalisation d’un premier abrégé Par la suite, le texte de Stéphane de Byzance est l’objet d’une première épitomisation, qui n’a rien à voir avec celle d’Hermolaos et que nous attribuerons, à défaut de connaître son auteur, à un premier abréviateur anonyme [S1], correspondant à un manus­crit que nous appellerons β. Il est important de vérifier si cet abrégé a bien été fait sur le manus­crit S. Pour cela, il est possible d’analyser les erreurs communes aux quatre manus­crits principaux de la partie correspondante du livre XIII et de les comparer avec celles que nous avons détaillées ci-dessus. En voici la liste : δ 142, 5 : νότον Berkel ; αὐτὸν S, RQPN

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un exemple des erreurs qui sont encore une fois communes aux quatre manus­crits principaux dans l’édition de M. Billerbeck ; pour ne pas alourdir notre étude, nous avons limité notre liste aux sept premiers lemmes. α 1, 4 : Ἀλβανίας Meineke, ἰταλίας RQPN (erreur d’onciales, à déterminer en fonction des mots qui précèdaient dans S) α 1, 6 : Ἀμφισσάν Xylander, ἄμφισάν RQPN (erreur d’onciales, mélecture avec suppression d’une lettre) α 2, 1 : Ἀβακαίνον Schubart, Ἀβακαῖνον RQPN (erreur d’accentuation) α 2, 1 : προπαροξυτόνως Schubart, παροξυτόνως RQPN (correction du copiste ?) α 2, 5 : Ταραντῖνος Holste, τερεντῖνος RQPN (erreur d’origine ?) α 3, 1 : Αἰγιμίου Gronovius apud Berckel, αἰγιμί cum spatio RQPN

δ 143, 4 : τοῦ Xylander ; τὸ RQPN (le mot n’apparait pas dans S)

α 3, 13 : Ποίαντιον Xylander, πυάντιον RQPN

δ 144, 2 : Δυσπόντου Berkel ; δυσποντίου S, RQPN

α 3, 21 : εἰς μ Ἀμαντίνην Xylander, εἰς μ μαντίνην RQPN (erreur d’onciales, mélecture)

δ 146, 8 (30 S) : καὶ Νάιον Voss : και ναῖον S, καιναῖον RQPN

α 3, 17 : Λέσβιος Keydell, λέσβος RQPN

α 3, 22 : ᾤκισαν Holste, ὤκησαν RQPN (iotacisme)

δ 146, 10 (32 S) : γράφει γωναῖος Pinedo : γράφει γωναῖος S, RQPN (haplographie)

α 4, 1 : Ἡρωδιανὸς Holste, ἡρόδοτος RQPN (erreur du copiste ou d’une abréviation ?)

δ 146, 13 (39 S) : Βωδώνην Pinedo, S : βωδώνων RQPN

α 4, 3-4 : Ἀλός, Ἀλεῖς Salmasius, ἁλός, ἁλεῖς RQPN (erreur d’accentuation)

δ 148, 3-4 (4-5 S) : αὐτὰρ Δωνεττῖνοι ἰδʼ ὀτρηροὶ Κεραῗνες C. F. W. Jacobs ; αὐτὰρ δωνέττινοι ἰδʼ ὀτρηροὶ κεραΐνες S ; ἀτὰρ δωνεττῖνοι ἠδʼ ὀτρηροὶ κεραίνες RQPN

α 4, 6 : Χαλκιεύς Xylander, χαλκριεύς RQPN (erreur d’onciales, mélecture avec rajout d’une lettre ?)

δ 148, 2 : ιϛʹ Tennulius ; ιεʹ S, RQPN Bien que le nombre de fautes communes aux quatre manus­crits pour cette partie du livre  XIII soit assez faible, on constate que plusieurs erreurs dérivent de S (δ 142, 5 ; δ 144, 2 ; δ 146, 8 ; δ 148, 3-4 pour l’accentuation de κεραίνες ; δ 148, 2). Les autres sont liées à la double abréviation du texte transmis par R, Q, P et N. Bien que le corpus d’erreurs soit petit, il est très vraisemblable que l’archétype de nos manus­crits dérive de S. C’est l’hypothèse que nous retiendrons pour la suite de notre étude. Pour renforcer l’hypothèse de cette filiation, il est possible d’étudier également les fautes des livres qui relèvent de la seule abréviation du premier abréviateur (livres I à III et LXVIII à LX). Nous listons ci-dessous

α 4, 9 : Φωκαΐδι et Φωκαέων Holste, φωκίδι et φωκέων RQPN (erreur d’onciales, mélecture avec suppres­ sion d’une lettre) α 5, 2 : τοὺς Σαβαίους Xylander, τοὺς ἀβαίους RQPN (erreur d’onciales, mélecture avec suppression d’une lettre) α 5, 3 : τῶν Ἀβασηνῶν Xylander, τῶν βασηνῶν RQPN (erreur d’onciales, mélecture avec suppression d’une lettre) α 6, 1-2 : Ἑρμοῦ Heyne, ἠρίμου RQPN (erreur d’onciales, mélecture avec rajout d’une lettre) α 6, 14 : δεδιδαχέναι Korais, δεδειχέναι RQPN (erreur d’onciales, mélecture avec changement de lettres) α 7, 1 : Ἄβιλα Aldus, ἄφιλα RQPN (erreur d’onciales, mélecture avec changement d’une lettre)

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Première Partie : L’œuvre de Stéphane de Byzance et son Épitomé

On le voit, la quasi-totalité des fautes peut s’expliquer par des erreurs d’onciales ou d’accentuation, liées à la translittération du manus­crit. L’abréviation ajoute quelques fautes, mais relativement peu. Le premier abrégé est donc encore révélateur du manus­crit primitif et doit certainement avoir été réalisé sur la base de la translittération du xie siècle. Nous ne pouvons pas quantifier précisément le nombre de folios que contenait ce premier abrégé. Il est en effet très probable que le manus­crit archétype à l’origine de nos copies ait été réécrit, ce qui ne permet pas d’identifier précisément le nombre de caractères par ligne et donc par page. Nous notons simplement qu’il réduisait à environ un tiers le texte de Stéphane de Byzance. Il faut souligner enfin qu’à partir du moment où cet abrégé est rédigé, nous n’avons plus aucune mention dérivant du manus­crit d’origine translittéré, alors même que nous savons qu’il devait subsister intégralement jusqu’en 1204 et au moins partiellement après cette date. Dans tous les cas, il n’a pas été détruit après l’épitomisation. Nous ne connaissons pas la date exacte de la rédaction du premier abrégé, mais nous pouvons la caler chronologiquement entre la copie de Théophile et le moment où Eustathe de Thessalonique rédige ses divers commentaires puisque, comme nous l’avons déjà indiqué supra (p. 23), celui-ci indique expressément qu’il utilise l’épitomé de Stéphane de Byzance. Nous réduirons ce laps de temps par l’utilisation probable de ce premier abrégé par le lexicographe Syméon (cf. infra). C’est pourquoi nous proposons le début du xiie siècle pour sa rédaction, soit quelques décennies seulement après la copie du manus­ crit S. La déconnexion entre cet abrégé et celui d’Hermolaos permet d’expliquer comment un épitomé des Ethniques a été lu par Eustathe de Thessalonique sans jamais apparaître avant le xiie  siècle, ce qui semblait impossible si l’abrégé datait effectivement du vie siècle. L’abrégé a été fait de façon totalement anonyme, en conservant la dénomination de Stéphane de Byzance comme il est d’usage pour les épitomés. Son auteur était familier avec les principes de prosodie. Ainsi, de nombreuses erreurs d’accentuation de la copie de Théophile ont été corrigées et n’apparaissent plus ensuite. C’est donc un véritable savant qui entreprend cette abréviation. Cette étape a été fondamentale. Le manus­crit β, évidemment bien plus aisé à consulter que l’œuvre d’origine, a mis les Ethniques à la disposition des érudits, nombreux, qui illustrent le xiie siècle. Il a ainsi servi pour la rédaction de plusieurs lexiques et, dans la seconde moitié du siècle, a fait connaître le texte de Stéphane de Byzance

à Jean Tzétzès et Eustathe de Thessalonique49. Il s’agit très probablement d’un travail qui s’est avéré nécessaire pour un usage de type lexicographique, très en vogue au cours des xiie et xiiie siècles, avec une utilisation affirmée des sources antiques. 3.3.3. L’Etymologicum Symeonis et l’Etymologicum Magnum Les lexiques d’époque byzantine sont nombreux mais n’ont pas tous été publiés ni étudiés. Ils représentent toutefois une source importante pour la connaissance des auteurs antiques disparus, c’est pourquoi ils sont examinés depuis plus d’un siècle de manière attentive. Compte-tenu du manque d’édition intégrale de ces lexiques, il n’a pas été possible de mener un travail complet sur l’emploi de Stéphane de Byzance par ceux-ci mais nous disposons malgré tout d’une information suffisante pour suivre l’utilisation des Ethniques50. L’Etymologicum Symeonis L’un d’entre eux, appelé Etymologicum Symeonis, du nom du grammairien qui l’a composé, Syméon51, est particulièrement important pour notre propos. Rédigé dans la première moitié du xiie  siècle52, il prend pour source principale l’Etymologicum Genuinum, une compilation probablement réalisée à Constantinople (dans l’entourage de Photios ?) au milieu du ixe siècle53, et qui 49  On a déjà mis en évidence le fait qu’Eustathe et les « étymo­ logistes  » ont utilisé les mêmes sources (donc probablement fréquenté les mêmes bibliothèques). 50  Les mentions sont rassemblées dans l’apparat critique de l’édition de M. Billerbeck. 51   Le titre porté par les deux manus­c rits cités plus loin est «  ΕΤΥΜΟΛΟΓΙΚΟΝ Ϲ ΥΜΕΩΝ ΤΟΥ ΜΕΓΑΛΟΥ ΓΡΑΜΜΑΤΙΚΟΥ  »  ; cf.  Reitzenstein  1897, p.  254. Il n’est publié que très partiellement, avec l’Etymologicum Genuinum pour les lettres α et β (Sell  1968, Berger  1972  ; Lasserre, Livaradas 1976-1992) et γ-ε (Baldi 2013). 52   G.  Berger a montré que l’Etymologicum Symeonis a servi de source à l’Etymologicum Magnum et plus tard au lexique du pseudo-Zonaras (Berger  1972, p.  xvii-xviii). Voir également Schironi 2004, p. 18. 53  Découverte seulement au xixe siècle, cette compilation est conservée sous une forme abrégée dans deux manus­crits du xe siècle, présentant des versions différentes, ce qui explique qu’elle n’ait jamais été éditée de façon exhaustive. Deux projets éditoriaux distincts, l’un sous la direction de K. Alpers et le second par F. Lasserre et N. Livadaras, ont publié le début du lexique. Une première édition a eu lieu, avec l’Etymologicum Symeonis : lettre α (Sell 1968, mais

3. De l’œuvre de Stéphane de Byzance à son Épitomé a surtout utilisé le lexique composé par Oros et celui de Methodios54. L’Etymologicum Symeonis complète ce texte par un certain nombre de sources extérieures dont Stéphane de Byzance. Il est le premier à utiliser cet auteur dans le cadre d’un lexique. On a conservé pour ce lexique deux manus­c rits, présentant des textes différents : le Parmensis gr. 2139 [diktyon 54180], manus­crit du xive siècle, de 104 folios conservant les glosses ἀασάμην-ὠκυάλου (noté traditionnellement E) ; et le Vindobonensis phil. gr. 131 [diktyon 71245], de la seconde moitié du xiiie siècle, de 171 folios et conservant les glosses ἀασάμην-ὡρολογεῖν (noté  F). C’est par son intermédiaire que l’on retrouve des mentions de Stéphane de Byzance dans l’Etymologicum Magnum, autre compilation mieux connue du milieu du xiie siècle. L’Etymologicum Symeonis présente des notices assez brèves mais il semble à travers le corpus que nous avons pu examiner qu’il utilise le texte du premier abrégé, qui semble largement suffisant pour un lexique général. Dans les exemples que donne R. Reitzenstein, celui du lemme Anagurous (α 300) est assez révélateur : le texte est quasi semblable à celui que nous possédons. Cette notice est la première du livre V, conservé dans la seconde phase d’abréviation mais qui doit être ici assez proche du premier abrégé. Il est donc très certainement basé sur le manus­crit β. Toutes les mentions que nous avons pu examiner confortent cette hypothèse. On en jugera également par la notice Bourdigala55, qui a disparu du second abrégé et que l’on trouve dans l’Etymologicum Symeonis. concerne presque exclusivement l’Etymologicum Symeonis) ; lettre β (Berger 1972). La seconde édition ne concerne également à ce jour que les lettres α et β, publiées par Lasserre et Livaradas (Lasserre, Livaradas 1976-1992), avec deux autres lexiques du xii e siècle (Etymologicum Symeonis et Etymologicum Magnum). D’autres éditions existent pour certaines lettres  : ζ (Funaioli  1983), λ (Alpers 1969), μ-ξ et ω (Curiazi, Funaioli 1980-1982), ainsi que des éditions plus partielles pour les lettres γ (Casadio 1986-1987), δ (Casadio 1988-1989) et ε (Casadio 1990-1993). Une édition n’a concerné que les citations de poètes lyriques (Calame 1970), une autre les 2 livres des Αἰτια de Callimaque (Massimilla 1990). E. Miller en donne également des extraits (Miller 1868). Outre E. Dickey, P. Rance fait le bilan de ce que l’on connait de ce lexique (Dickey 2007, p. 91 ; Rance 2007, p. 201 et n. 18). Nous ne le détaillerons pas plus car il n’a pas de connexion avec les Ethniques. 54   Cet auteur nous est actuellement totalement inconnu  ; il n’est cité que par cet ouvrage. Il faut noter que R. Reitzenstein, dans son étude des sources de l’Etymologicum Genuinum, le cite sans jamais donner de précision sur cet auteur (Reitzenstein 1897). Nous renvoyons infra (p. 155-156) pour une analyse plus précise des sources de ce lexique. 55  Voir la notice [53] de notre corpus.

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Ce texte provient obligatoirement de Stéphane de Byzance, dans un état différent de notre texte. Ce lexique est le premier à reprendre largement la matière de Stéphane de Byzance, ce qui implique une sorte de redécouverte de l’importance de ce texte pour les lexiques ; de nombreuses notices proviennent exclusivement des Ethniques56. Comme l’abrégé de Stéphane de Byzance peut avoir été réalisé au même moment, on notera que cela constitue une coïncidence peut-être significative, la compilation du premier abrégé ayant très certainement donné accès à une documentation nouvelle. L’Etymologicum Casulanum M.  Billerbeck porte l’attention sur un fragment de lexique (gloses ἀασάμην-ἀλεώμεθα), appelé Etymologicum Casulanum et conservé aux folios 167-174 du Vaticanus gr.  1276 [diktyon 67907]. Ce manus­crit, écrit probablement au sud de Lecce, dans le Salento, au début du xive siècle57, fait partie d’un ensemble de 70 manus­crits (Vaticanus gr. 1218 à 1287) ayant appartenu au cardinal Carafa (1538-1591), abbé commendataire du monastère (alors détruit) de San Nicola de Casole. Il comprend de très nombreux textes religieux, des poèmes salentins et quelques textes différents comme le De Tropis du grammairien Tryphon (fol. 83-89v) ou le De natura hominis d’Hippocrate58. Il renferme en particulier toute une série d’œuvres du xiiie siècle « composées en Italie méridionale ou qui suscitent la curiosité des lettrés locaux : poésie et œuvres grammaticales »59. L’analyse précise a montré que ce manus­crit, ainsi que le Laurentianus Plut. 5.10 [diktyon 15958] qui lui est complémentaire, constituait sans doute la copie de papiers personnels issus en grande partie de Nicolas-Nectaire de Casole et rassemblés entre 1205 et 1256. L’Etymologicum Casulanum, édité par O. Parlangèli60, était à l’origine placé en tête du manus­crit, les folios 167-180 ayant été déplacés par la suite. Il constitue la copie du début de l’Etymologicum Symeonis, dans une version abrégée que l’on ne rencontre pas ailleurs. Il est peu vraisemblable que la copie se soit poursuivie sur le reste du lexique. De ce fait, F. Lasserre et N. Livadaras, Voir par exemple dans notre corpus Althaia [19], Alônis [23], … A. Acconcia Longo et A. Jacob ont étudié les filigranes et arrivent à une datation entre 1310 et 1318 (Acconcia Longo, Jacob 1982, p. 153-155). 58  L’analyse la plus complète du contenu reste celle d’Acconcia Longo, Jacob 1982, p. 184 sq. 59  Darrouzès 1970, p. 222. Voir également p. 221, n. 3. 60  Parlangèli 1953. 56 

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qui en ont reconnu l’origine (sigle c de leur édition), ont émis l’hypothèse qu’il servait à compléter le début du manus­crit Vaticanus gr. 1818 [diktyon 68447] dont manque justement les premiers folios61. Mais comme l’ont fait remarquer A. Acconcia Longo et A. Jacob, ce dernier manus­crit contient l’Etymologicum Genuinum (sigle A) et rien ne prouve qu’il se soit trouvé dans le Salento à un quelconque moment de son histoire 62. Il est tout à fait possible que la copie provienne du voyage à Constantinople de Nicolas-Nectaire de Casole, en 1205-1207 et ne signifie en rien un usage de Stéphane de Byzance en Terre d’Otrante. L’Etymologicum Magnum et la Megalê Grammatikê Vers le milieu du xiie  siècle, l’Etymologicum Magnum reprend les notices déjà rédigées dans d’autres lexiques, dont l’Etymologicum Symeonis, et les complète avec d’autres compilations sans retourner aux différentes sources antiques qu’il mentionne63. Ce lexique réutilise très largement l’Etymologicum Symeonis, à tel point qu’il a pendant longtemps été considéré comme plus ancien. Il n’est pas certain que l’auteur soit retourné au texte de l’abrégé de Stéphane de Byzance, bien que ce soit une des hypothèses de P. Rance64. Il s’agit la plupart du temps de textes provenant de l’Etymologicum Symeonis, mais on note quelques cas où il semble y avoir eu lecture directe du premier abrégé de Stéphane de Byzance, comme pour la citation de Claudius Iolaus (s.v.  Gadeira, voir fiche [59] du corpus), ou comme le lemme Hêraia (η 18) dont la citation de Démosthène de Bithynie est plus complète dans l’Etymologicum Magnum que dans l’Etymologicum Symeonis65.

61 

Lasserre, Livadaras 1976, p. xiii. Acconcia Longo, Jacob  1982, p.  156-157. Ce n’est pas la présence dans ses marges de gloses issues de l’Etymologicum Gudianum, rédigé en Italie du Sud dans le courant du xie siècle, et dont l’archétype est parvenu jusqu’à nous (c’est le Vaticanus Barb. gr. 70 [diktyon 64618]), qui peut attester d’une présence dans le monastère de Casole comme on l’affirme depuis car il a été diffusé largement dans le monde byzantin. Voir par exemple la mise au point récapitulative de F. Schironi (Schironi 2004, p. 16-17 et la n. 13 pour l’Etymologicum Casulanum). 63   Berger  1972, p.  xix-xxiii. Contrairement aux autres lexiques, celui-ci a été intégralement publié, en particulier par T. Gaisford (Gaisford 1848). P. Rance en trace un portrait général à propos de l’étude de l’un des lemmes du lexique (Rance 2007). 64  Rance 2007, p. 203. 65  Billerbeck 2008, p. 312-313. 62  

Ce lexique particulièrement développé est utilisé par Eustathe de Thessalonique, ce qui permet de donner un terminus ante quem à sa rédaction. Contrairement à ce que proposaient F  Lasserre et N. Livadaras, F. Schironi et M. Billerbeck distinguent l’Etymologicum Symeonis de la Μεγάλη Γραμματική 66. Cette dernière n’est pas une simple variante du premier mais bien une amplification, utilisant également l’Etymologicum Magnum (et donc nettement postérieure). Deux manus­crits de cette recension sont connus  : le Laurentianus S. Marci 303 [diktyon 16881] (C, de parchemin, daté de 1291) et le Vossianus gr. Q° 20 [diktyon 38127] (F, parchemin, datable également de la fin du xiiie siècle). Ce lexique ne sera pas utile pour notre propos car il n’implique pas d’utilisation particulière des Ethniques.

3.4. La seconde moitié du xiie siècle Deux auteurs et érudits majeurs de la seconde moitié du xiie siècle ont utilisé le lexique de Stéphane de Byzance : Jean Tzétzès et Eustathe de Thessalonique. Ils sont les plus emblématiques d’une époque particulièrement portée sur l’érudition littéraire, avec l’appui de la famille régnante des Comnène. Leurs commentaires sur les auteurs antiques (et Homère en particulier) sont révélateurs de cette véritable première renaissance67. 3.4.1. Jean Tzétzès Jean Tzétzès est né au début du xiie siècle. À partir de 1139, il est secrétaire et grammatikos à Constantinople mais reste peu fortuné tout au long de sa vie. Son frère Isaac est dignitaire de la ville de Béroia (Grèce, actuelle province de Macédoine centrale)68. Tous les deux ont une action philologique importante, bien que la plupart des œuvres soient rédigées par Jean69. 66 

Lasserre, Livadaras 1976, p. xv-xvi, Schironi 2004, p. 18-19 et Billerbeck 2006 et al., p. 32*. Dans son apparat critique M.  Billerbeck rattache toutefois ces mentions à l’Etymologicum Symeonis. 67  Sur l’activité d’exégèse des textes antiques et du rôle de ceuxci dans l’éducation au xiie siècle, voir Kaldellis 2009. 68  Sur la famille de Jean Tzétzès, voir Gautier 1970. 69  On lui connaît de nombreux commentaires d’œuvres antiques, reposant sur des scholies et/ou une documentation disparue. Voir Dickey 2007, p. 29-30 (Aristophane), 36 (Eschyle), 41 (Hésiode), 64 (Théocrite), 65 (Lycophron), 70 (Oppien), 105 (Héphaistion). Il a également lu et commenté Thucydide (Luzzatto 1999).

3. De l’œuvre de Stéphane de Byzance à son Épitomé On considère généralement que celui-ci est un des derniers à avoir lu et utilisé l’œuvre intégrale de Stéphane de Byzance, dans son Livre d’histoires en vers politiques (3.818-820), également appelé improprement Chiliades70, rassemblant des lettres qu’il avait lui-même rédigées entre 1135 et 1170. Il cite en effet son œuvre avec le titre : « περὶ νήσων, πόλεων καὶ δήμων », proche de celui que nous ont conservé certains des manus­crits de l’Épitomé. Il correspond à un raccourci du titre réel de l’œuvre de Stéphane de Byzance. Le poète a vraisemblablement signalé le nom de l’œuvre qu’il avait sous les yeux. À travers ses écrits, on trouve d’autres indications qui prouvent que l’œuvre de Stéphane de Byzance lui a servi de source à de nombreuses reprises. Dans le Livre d’histoires en vers politique, plusieurs auteurs « rares » sont mentionnés, que l’on ne retrouve que chez Stéphane de Byzance. C’est le cas par exemple de Hiéroclès, pour son œuvre Ceux qui aiment apprendre (12.716 et 724), ou pour les Arabiques d’Ouranios (7.730), pour prendre deux exemples faciles à repérer. Une étude plus détaillée de l’ensemble permettrait certainement d’attribuer d’autres mentions d’auteur à la lecture de Stéphane de Byzance. Dans l’étude de ses scholies à Thucydide, M.  J. Luzzatto a mis en évidence l’usage que Jean Tzétzès a fait de la notice de la ville sicilienne de Géla de Stéphane de Byzance (γ 45) pour l’une de ses notes versifiées71. Il apparaît clairement que la version du texte qu’il utilise est plus développée que celle que nous possédons, ce qui, pour l’auteur de l’étude, implique la lecture du texte intégral. Selon nous toutefois, nous ne pouvons exclure qu’il ait lu l’abrégé du premier abréviateur, sans doute diffusé dans le cercle des érudits constantinopolitains. Le texte issu des Arabiques de l’Ouranios que nous avons signalé plus haut est extrêmement développé (nous l’analysons à nouveau infra p. 169-171). Il n’est pas indiqué qu’il provient de Stéphane de Byzance, mais comme c’est le seul auteur à le citer, nous ne pensons pas que Jean Tzétzès l’ait trouvé ailleurs. Nous ne pouvons faire aucune correspondance avec un lemme de l’Épitomé, ce qui implique probablement une citation qui n’a pas été recopiée par les abrégés, peut-être dans la glosse Arabia (α 367). 70  Le découpage par groupe de mille vers (chiliades) remonte à l’édition de Nicolas Gerbel en 1546. Les vers «  politiques  » (l’adjectif πολιτικὸς se comprenant dans le sens de «  civil  », « urbain » ou méme « d’usage courant ») correspondent à des pentédécassyllabes et sont une invention byzantine. Voir A. Blanc : http://bibulyon.hypotheses.org/4445 (consulté le 11 avril 2015). 71  Luzzatto 1999, p. 80-83.

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Les indications du titre réel (à l’inverse d’Eustathe comme on le verra) et les mentions très détaillées nous semblent prouver une utilisation directe de l’ouvrage d’origine et non du premier abrégé. Il est regrettable qu’aucune étude d’ensemble sur cet érudit à la mémoire exceptionelle n’ait été entreprise jusqu’ici car il a eu accès à des sources littéraires qui ont disparu avec la chute de Constantinople en 1204. Il est donc un lien précieux pour nous avec les textes et l’érudition antiques. 3.4.2. Eustathe de Thessalonique et l’Épitomé Dans le 3e  quart du xiie  siècle, un autre érudit fait le lien entre l’Antiquité et le monde byzantin. Il s’agit d’Eustathe de Thessalonique (1115-1195/6), auteur de plusieurs commentaires sur Homère (Iliade et Odyssée) et Denys le Périégète avant de devenir évêque de Thessalonique en 117572. Dans ses œuvres érudites, il utilise très largement l’abrégé de Stéphane de Byzance, qu’il cite parfois comme « ὁ τὰ Ἐθνικὰ ἐπιτέμνων » ou « τὴν τῶν Ἐθνικῶν ἐπιτομήν »73. Il est le premier à faire référence de façon explicite à un abrégé de l’œuvre de Stéphane de Byzance. Nous sommes donc surs qu’il a eu en main au moins la version du premier abréviateur. Au vu de l’usage intensif qu’il en fait, il est probable qu’il avait dans sa bibliothèque une copie de cet abrégé que nous appellerons β’. Nous avons analysé supra (p. 39-42) les références qu’Eustathe de Thessalonique fait du texte de Stéphane de Byzance. Pour plus de détail sur ces citations, nous renvoyons à l’article récent de M. Billerbeck qui donne une vision complète de l’usage que l’archevêque de Thessalonique fait des Ethniques74.

72  Nous renvoyons pour la biographie ancienne de cet auteur à l’article de L. Cohn, paru dans la RE (Cohn 1907c). Il fait l’objet d’un intérêt nouveau depuis la publication de ses œuvres, que l’on commence à traduire (Cullhed  2016). Sur Eustathe et ses commentaires sur Homère, outre l’article de L. Cohn, qui étudie en détail les commentaires écrits par Eustathe avec les sources qu’il a utilisées (Cohn 1907c), voir l’introduction de l’édition du Commentaire à l’Iliade Van der Valk 1971-1987 et Pontani 2005, p. 173-178. 73  Références dans Billerbeck et al.  2006, p. 34* et n. 59. Cf. Hunger 1978a, p. 510. Voir également Cohn 1907c, col. 1484 ; Van der Valk 1971, p. lxxvi-lxxix. Toutes les mentions explicites dans le Commentaire à l’Iliade sont signalées dans l’index de l’édition de Van der Valk réalisé par H.  M. Keizer (Keizer  1995). Voir également Billerbeck, Neumann-Hartmann 2021, p. 163-176. 74  Billerbeck 2015.

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Première Partie : L’œuvre de Stéphane de Byzance et son Épitomé

On a signalé plus haut (supra p. 12) une glose incluse dans le texte. La notice Tamiathis (τ 16) fait référence à une des œuvres de Georgios Choiroboscos, l’Onomastique : « Ταμίαθις, πόλις Αἰγύπτου. λέγεται καὶ θηλυκῶς. ἡ γενικὴ Ταμιάθεως. {οὕτω Γεώργιος ὁ Χοιροβοσκὸς ἐν τῷ Ὀνοματικῷ} »75. Il s’agit d’un ajout postérieur, qui doit provenir d’un érudit byzantin. Cette glose s’est retrouvée intégrée dans le texte par les copies ultérieures. Peutelle provenir d’Eustathe de Thessalonique ? Examinons d’abord la manière de citer Choiroboscos dans les différents lexiques byzantins. Elle se retrouve à plusieurs reprises dans le lexique du pseudo-Zonaras76, comme par exemple (1858.6) «  Χρηστήρ. ὁ παρέχων χρησμούς. παρὰ τὸ χρῶ, χρηστήρ. οὕτω Γεώργιος ὁ Χοιροβοσκός (…) ». Les autres lexiques le citent différemment : l’Etymologicum Genuinum dit en général « οὕτως ὁ Χοιροβοσκὸς » (s.v. Akalareitês, α 292), avec parfois la mention de l’œuvre mais toujours introduite par « εἰς »77 ; on trouve aussi «  οὕτως Γεώργιος ὁ Χοιροβοσκός  » (s.v.  Amphieimenoi, α  737). Dans l’Etymologicum Gudianum il est cité en marge sous la forme « Ἐπιμερισμῶν τοῦ Ψαλτηρίου Γεωργίου τοῦ Χοιροβοσκοῦ » (s.v. Ἀra) mais la plupart du temps sans nom d’œuvre. L’Etymologicum Symeonis indique « οὕτως ὁ Χοιροβοσκός » (s.v. aellopos, α 174) ; lorsque l’œuvre est mentionnée, elle est toujours introduite par « εἰς ». Enfin, l’Etymologicum Magnum le cite généralement ainsi « ὁ Χοιροβοσκός » (s.v. Amenês) ou «  Γεώργιος ὁ Χοιροβοσκός  » (s.v.  Amphieimenoi), avec l’œuvre quasiment toujours introduite par « εἰς » («  οὕτως ὁ Χοιροβοσκὸς εἰς τὸν τέταρτον κανόνα  », s.v.  Ablêta) sauf une fois («  ἐν τῷ τοῦ Γεωργίου τοῦ Χοιροβοσκοῦ Ῥηματικῷ », s.v. Threpsas). Eustathe y fait référence de façon légèrement différente : « κατὰ τὸν Χοιροβοσκόν » (Com. Il. 1.580), « ὁ δὲ Χοιροβοσκὸς » (id. 1.412), « ὡς καὶ ὁ Χοιροβοσκὸς ἐν τῇ Ὀρθογραφίᾳ  » (id. 1.558) ou «  ὁ Χοιροβοσκὸς Γεώργιος » (id. 3.111). Il est toutefois le seul avec l’Etymologicum Magnum à introduire l’œuvre par ἐν. 75  Georgios Chœroboscos, Eis ton onomatikon, 54b. Les autres villes signalées ici, villes égyptiennes se terminant en -ις et faisant leur génitif en -εως (Ξόϊς, Ξόεως ; Ἀθλίβις, Ἀθλίβεως ; Σόϊς, Σόεως ; Θμόϊς, Θμόεως), n’ont pas la même forme chez Stéphane de Byzance  : Ξοΐτης (la comparaison est faite avec la forme Σαΐτης), Ἀθλιβίτης, Σαΐτης (Stéphane signale la forme Σάεως mais pas celle que donne Georgios), Θμουίτης (la comparaison pour la ville est faite avec les formes Ξόϊς et Σάϊς). On le voit, Stéphane n’est pas la source principale de Georgios Chœroboscos pour ces formes. 76  Sur ce lexique, voir ci-après p. 63. 77  « ὁ δὲ Χοιροβοσκὸς εἰς τὴν Ὀρθογραφίαν », s.v. Aïdêlon ; « εἰς τὸ Ὀνοματικὸν Γεωργίου Χοιροβοσκοῦ », s.v. Latris.

S’il est difficile de choisir entre les lexicographes ou Eustathe, nous constatons que la mention inscrite sur le manus­crit de l’abrégé peut correspondre à sa façon de travailler. On peut mettre cette glose en parallèle avec celles de la Souda, signalées ci-dessus, rédigées sur le manus­crit qu’il possédait. La manière d’introduire le nom de l’œuvre, typique d’Eustathe, rend vraisemblable l’attribution à cet auteur, comme le pensait déjà A. Diller78, même s’il n’est pas possible de trancher de façon définitive. Ceci nous amène à penser que le manus­crit qui a servi à notre archétype a pu transiter par l’un de ces érudits. Du fait de la présence de cette glose, nous proposons que le manus­crit intermédiaire β’, copié pour Eustathe de Thessalonique, ait été annoté par Eustathe lui-même et qu’il soit à l’origine de l’archétype de nos manus­crits. Nous avons en effet conservé plusieurs des manus­crits autographes de cet auteur, ce qui signifie que sa bibliothèque, peut-être conservée à Thessalonique après sa mort, a pu survivre à la prise de Constantinople en 1204. Cette transmission est donc tout à fait vraisemblable. Eustathe de Thessalonique utilisant l’épitomé du premier abréviateur [S1], le texte du second abréviateur a toutes les chances d’être postérieur à la seconde moitié du xiie siècle. Les lacunes que l’on connaît maintenant n’existaient pas au xiie siècle, comme en témoigne l’utilisation par Eustathe de Thessalonique, par exemple des notices Κίκονες et Κιναιδοκολπῖται79. Le premier abrégé était donc complet à la fin du xiie siècle. La copie qu’il possédait pouvait être découpée en deux volumes afin d’être plus facilement utilisable. Nous avons peut-être là l’explication de la lacune à la fin de la lettre K. En effet, en théorie, le premier volume devait avoir les livres I à XXX, le second les livres XXXI à LX. Or, nous avons vu que les premiers livres avaient beaucoup plus d’information grammaticale que les suivants, car Stéphane de Byzance n’a pas répété systématiquement ce qu’il avait déjà rédigé. Le déséquilibre en taille peut expliquer dans ce cas que la coupure entre les deux volumes ne soit pas au niveau du livre XXX. Par ailleurs, des trois lacunes connues dans l’Épitomé, seule celle entre Kelaithra et Korakos a été dûment identifiée dans l’archétype et la quasi-totalité des copies. Cela signifie qu’elle était perceptible et indiquée. Selon nous, cela pouvait provenir du découpage en deux volumes, les derniers 78   A.  Diller propose en effet que l’interpolation provienne d’Eustathe (Diller 1938, p. 334, n. 3). 79  La nouvelle édition de M. Billerbeck a recensé l’ensemble des géonymes des lacunes présents chez Eustathe de Thessalonique.

3. De l’œuvre de Stéphane de Byzance à son Épitomé folios du premier ayant alors disparu. Au moment de la rédaction du second abrégé, ce manque aurait été facile à repérer et aurait donné lieu à quelques folios laissés totalement vierges. Nous proposerons donc que le second volume de l’abrégé d’Eustathe de Thessalonique commençait avec le livre XXV et le lemme de Korakos petra.

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le lexique qui semble avoir le plus emprunté à Stéphane de Byzance85, mais il n’est probablement que le dernier maillon d’une chaîne lexicographique. S’il revient bien au texte de notre grammairien, il utilise vraisemblablement toujours l’abrégé du premier abréviateur. 3.5.2. La seconde abréviation

3.5. De la fin du xiie siècle à la fin du xive siècle Après la période de floraison du xiie siècle, et la prise de Constantinople par les Croisés en 1204, Stéphane de Byzance retombe dans l’oubli. On sent que la survie du texte est difficile80 : le manus­crit d’origine a probablement été dispersé à ce moment-là. Ce serait donc un hasard de conservation qui aurait permis à un quaternion d’un des volumes de la translittération du xie siècle de parvenir jusqu’à nous. Mais on trouve encore des mentions de Stéphane de Byzance après le début du xiiie siècle. 3.5.1. Le lexique du pseudo-Zonaras Le lexique du pseudo-Zonaras 81, appelé également Lexicon Tittmanianum, du nom de son éditeur, est composé dans la première moitié du xiiie siècle. Il est basé sur l’Etymologicum Symeonis et donne un texte plus complet que les manus­crits conservés (E et F) de ce lexique de la première moitié du xiie siècle. Il a fait l’objet d’une publication certes ancienne mais érudite et toujours utilisable82. Il existe une version réduite et une version longue, dont le plus ancien manus­crit, daté de 1253 porte un sceau avec le nom de Nicéphore83. Il s’agit probablement de Nicéphore Blemmydès (1197-1272), qui est considéré comme le compilateur de ce lexique. De très nombreux lemmes proviennent de Stéphane de Byzance 84. Il nous semble possible que ceux-ci viennent d’une nouvelle compilation depuis l’abrégé et non directement de l’Etymologicum Symeonis ; toutefois, les preuves nous manquent. Du fait de l’absence de publication totale de l’Etymologicum Symeonis, c’est 80  Sur le contexte général de la préservation des textes à ce moment, voir Wilson 1991. 81   Une vision d’ensemble de ce lexique est donnée dans l’article de K.  Alpers pour la Realencyclopädie der classischen Altertumswissenschaft (Alpers 1972). 82  Tittman 1808. 83  Alpers 1972, col. 749 ; Alpers 1981, p. 11-13. 84  Nous l’avons analysé en détail dans notre thèse (annexe I-6).

C’est peut-être dans le courant du xiiie siècle qu’a lieu la seconde abréviation ([S2], manus­crit γ), ne conservant qu’environ 60% du texte du premier abréviateur, soit une réduction à environ 20% du texte d’origine. Il est très probable que cette abréviation a concerné l’ensemble du premier épitomé, bien que nous n’en ayons conservé qu’une partie. La mention interpolative de Georgios Choiroboscos pourrait alors avoir été intégrée dans cette seconde phase de réduction du texte, ce qui témoignerait d’une rédaction sur la base de l’exemplaire d’Eustathe de Thessalonique βʹ comme nous l’avons proposé supra (p. 62). Nous savons que plusieurs de ses manus­crits sont parvenus jusqu’à nous. Il ne serait donc pas étonnant que son exemplaire de Stéphane de Byzance ait servi encore et soit devenu le seul exemplaire accessible après la dispersion de la bibliothèque impériale. Le premier abrégé, qui servait de modèle, avait peutêtre déjà perdu quelques quaternions, correspondant plus ou moins à des livres entiers (XXIV, XXVIII et XXXVII). Il est vraisemblable en effet que dans ce premier abrégé les livres commençaient par un recto de folio, ce qui ne sera probablement plus le cas à partir du second abrégé. Leur disparition est ainsi plus facile à expliquer. Si l’abrégé d’Eustathe de Thessalonique avait bien deux volumes, le premier avait déjà perdu les derniers folios (voire le dernier cahier) ce qui en faisait une lacune facilement identifiable. Cette deuxième phase d’abréviation aboutit à un manus­crit d’une taille comprise entre 240 et 300 folios, ce qui en fait une épaisseur normale et le rend plus facile à consulter. Ce nouvel épitomé présente une particularité quant à l’usage des sources. Comme nous l’avons dit supra (p. 26-30), toutes les mentions d’auteurs qui se trouvaient dans l’œuvre d’origine ont été réduites successivement, avec perte généralement de la citation voire même de la totalité de la mention de l’œuvre et de l’auteur. Or, les mentions de Lycophron sont les seules à avoir conservé quasiment toutes leurs citations : sur 56 notices où cet auteur est encore mentionné, 7 seulement ont perdu leur 85 

Billerbeck et al. 2006, p. 31-33*.

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citation (dont une dans le livre I abrégé par le premier abréviateur). Aucun autre auteur n’a été traité de cette manière, ce qui semble impliquer une attention particulière pour le texte de ce poète. On pense immédiatement au commentaire rédigé par Isaac et Jean Tzétzès, qui a mis en lumière cet auteur difficile. Il est probable que le second abrégé ait été réalisé peu de temps après, car c’est cette phase d’abréviation qui a surtout fait disparaître les citations. Cette conservation est selon nous un choix délibéré que nous plaçons sous la plume du deuxième abréviateur. Nous nous trouvons probablement ici sous le règne des Paléologues et du renouveau des études sur les textes antiques à cette époque. Le second abrégé a pu être réalisé pour l’un des érudits de cette époque. 3.5.3. L’utilisation de l’œuvre au xive siècle F. Lasserre, signale une glose du xive siècle qui pourrait provenir selon lui de Stéphane de Byzance86. Le copiste du Palatinus Heildelbergensis 129 [diktyon 32460] (probablement Nicéphore Grégoras pour le texte qui nous intéresse87) donne une notice sur la ville d’Assos : πλησίον Λαμψάκου Ἄσσιον πεδίον καὶ λειμών καὶ Ἄσση πόλις· ἀπὸ Ἄσσου τινὸς ἀρχηγοῦ· καὶ Ἄσσιος ποτάμος· καὶ Μυγδονίας ἐγγὺς πεδίον. Ce n’est en rien le texte de l’Épitomé88 et il semble difficile d’y voir un texte issu de l’œuvre originale. Nous ne savons pas de quel lexique provient ce texte, mais ce n’est en aucun cas de Stéphane de Byzance. Nous avons peut-être un repère chronologique avec une mention dans le manus­c rit Monacensis gr.  380 [diktyon 44828]. Ce manus­crit de 568 folios, daté du xive siècle par son écriture, contient de très nombreux textes religieux89. À la suite des Quaestiones Canonicae du 86 

Lasserre 1959, p. 47. D’après F.  Lasserre, Nicéphore Grégoras (v.  1295-1360), surtout connu pour ses œuvres astronomiques, a recopié des excerpta de Strabon et probablement la mention que nous signalons ici (Lasserre 1959, p. 45-46). 88   α 492  : Ἀσσός· πόλις Λυδίας πλησίον Ἀτάρνης ἐφ’ ὑψηλοῦ καὶ ὀξέος καὶ δυσανόδου τόπου, πρὸς ὃν Στρατόνικος κιθαριστὴς ἔλεγε παίζων « Ἀσσὸν ἴθ’, ὥς κεν θᾶσσον ὀλέθρου πείραθ’ ἵκηαι ». βʹ πόλις Αἰολίδος κατὰ τὸν Ἑλλήσποντον ἢ Κεκρόπειον. Ἀλέξανδρος δ’ ὁ Κορνήλιος ἐν τῷ Περὶ τῶν παρ’ Ἀλκμᾶνι τοπικῶς ἱστορημένων Μιτυληναίων ἄποικον ἐν τῇ Μυσίᾳ φησὶν Ἀσσόν, ὅπου ὁ σαρκοφάγος γίνεται λίθος. ἔστι καὶ λειμὼν ἐν τῷ Κιλβιανῷ πεδίῳ τῆς Λυδίας περὶ τὸν Καΰστριον ποταμόν. ἔστι καὶ ἑτέρα πόλις ἐν Ἠπείρῳ μικρά. ἐκ δὲ τῆς Ἀσσοῦ Κλεάνθης ἦν ὁ στωικὸς φιλόσοφος, διάδοχος τῆς σχολῆς Ζήνωνος τοῦ Κιτιέως, ἣν καταλέλοιπε Χρυσίππῳ. τὸ ἐθνικὸν Ἄσσιος ὡς Ῥώσιος, καὶ Ἀσσεύς. 89  Sur ce manus­crit, voir Ohme 1990, p. 103. On trouve d’autres manus­crits similaires, plus anciens, contemporains ou plus récents 87 

patriarche Nicolas Ier Mystikos, on trouve (fol. 528-533) la liste des évêchés (Notitiae Episcopatuum) compilée par Léon VI et ce patriarche entre 901 et 907, parfois associée aux textes de Nicolas Mystikos. Aux folios 533-534, cette liste est suivie, comme l’a signalé A. Diller, d’une analyse du genre de certains noms géographiques grâce à la mention de plusieurs auteurs anciens90. En particulier, trois définitions géographiques sont tirées de Stéphane de Byzance, la première en complément de Strabon  : « στέφανος δὲ ἐν τοῖς ἐθνικοῖς οὕτως· ὑδροῦς· φρούριον. ἀρσενικῶς· τὸ ἐθνικὸν. ὑδρούντιος· ὡς σελινούντιος. ἡ ἄπρος. ῥητέον· φησὶν γὰρ ὁ στέφανος· ἄπρος. θηλυκῶς. πόλις θρᾴκης· ὡς θεόπομπος κϛʹ· τοῦ δ’ ἀντιπάτρου διατρίβοντος περὶ τὴν ἄπρον. τὸ ἐθνικὸν ἀπραῖος. καὶ ἡ κότραδις. δεκτέον· τὸ γὰρ ἐθνικὸν φησιν στέφανος, κοτραδεώτης. ἀπὸ γενικῆς τῆς κοτράδεως »91. Si la mention reprend de manière précise le texte de Stéphane de Byzance que le copiste avait sous les yeux, cela pourrait être une indication du niveau d’abréviation. Pour les trois lemmes, le texte de l’Épitomé92 est celui de la seconde abréviation ; or, le texte du Monacensis gr. 380 semble ne garder qu’une partie du texte des notices, sans que l’on puisse savoir si cela correspond à un niveau d’abréviation ou un simple choix du rédacteur. La datation même du manus­c rit n’est pas certaine. Si M. Billerbeck, à la suite d’I. Hardt indique le xive siècle93, J. Darrouzès, dans son étude des notitiae episcopatum ecclesiae Constantinopolitae, propose les xiie-xiiie siècles ; il est suivi par H. Ohme94. N. Wilson, qui contiennent au milieu la liste des sièges épiscopaux mais ceux-ci ne semblent pas contenir le même fragment géographique qui reste donc isolé. 90  L’indication est dans Diller 1975, p. 94 car Strabon est également mentionné dans ce texte. Le début du texte comprend une mention de la Vie de César de Plutarque à propos de la ville de Philippes. 91   La transcription est de M.  Billerbeck (Billerbeck et al. 2006, p. 35*) ; nous l’avons vérifiée et ajouté ϛ au numéro de livre de Théopompe qui manquait. Ce texte correspond aux notices de Hudrous (υ 19), Apros (α 365) et Kotradis (κ 189). 92  Ὑδροῦς· φρούριον ἀρσενικῶς. Θεόπομπος λθʹ Φιλιππικῶν. τὸ ἐθνικὸν Ὑδρούντιος ὡς Σελινούντιος. ἔστι καὶ πόλις Ἰταλίας. τὸ ἐθνικὸν Ὑδρουσαῖος καὶ Ὑδρούσιος.   Ἄπρος· θηλυκόν, πόλις Θρᾴκης. Θεόπομπος κηʹ «  τοῦ δ’ Ἀντιπάτρου διατρίβοντος περὶ τὴν Ἄπρον ». τὰ ἐθνικὰ Ἀπραῖος . La seule différence ici concerne le numéro de livre  de Théopompe.   Κότραδις· πόλις Ἰσαυρίας. Καπίτων Ἰσαυρικῶν αʹ. τὸ ἐθνικὸν Κοτραδεώτης ἀπὸ τῆς γενικῆς τῆς Κοτράδεως. 93  Billerbeck et al. 2006, p. 35* et Hardt 1812, p. 131. 94  Darrouzès 1981, notice no 437 ; Ohme 1990, p. 142.

3. De l’œuvre de Stéphane de Byzance à son Épitomé qui a revu ce texte pour sa publication par P. Fraser95, ne croit pas à la datation du xiv e  siècle que propose également A. Diller et préfère le xiie siècle96. Il semble toutefois qu’il y ait un consensus parmi les auteurs les plus récents en ayant fait l’étude pour le xive siècle et c’est la date que nous retiendrons. Une configuration identique (Notitiae episcopatuum de Léon VI suivie par une liste des villes) se retrouve dans le Marcianus gr. Z 169 [diktyon 69640], daté du xiie siècle. Nous n’avons pas pu le voir mais il serait tout à fait possible qu’il ait servi de source au manus­crit du xive siècle. Dans ce cas, nous serions dans la configuration d’un emploi normal de l’œuvre à l’époque du premier abrégé, comme nous l’avons vu plus haut97. 3.5.4. Le troisième abrégé, dernière étape de l’abréviation Le second épitomé a, à son tour, été résumé (­manus­crit δ) d’une manière telle qu’il ne reste quasiment plus rien du texte d’origine (en moyenne environ 11% du texte conservé, soit une réduction d’environ 55% de la seconde abréviation). Il s’agit d’une phase probablement tardive, pour laquelle nous n’avons aucune datation envisageable, ni aucun lien avec un quelconque auteur byzantin tardif. Cette dernière phase est la plus radicale pour les informations contenues ; nous la signalerons comme troisième abrégé [S3]. Dans notre Épitomé, cette abréviation concerne surtout les notices comprises entre Patukos (π  74) et Supalêttos (σ 322). Le texte n’a conservé que peu d’informations et s’apparente à un index un peu développé. Il n’est pas possible de savoir si, à l’origine, l’ensemble de l’œuvre avait fait l’objet d’un troisième abrégé ; c’est toutefois probable et c’est l’hypothèse que nous adopterons. Avec ce travail, on est toujours dans un contexte lexicographique qui tend à réduire les textes au fur et à mesure des copies.

95  Fraser 2009, p. 389-390. Le texte constitue l’Appendix 4 de l’ouvrage. Voir la n. 2. 96  Diller 1970, p. 42, n. 21. Il conviendrait de reprendre l’étude des manus­crits collationnant les textes de références canoniques grecs, principalement les synodes, pour voir d’éventuelles filiations et transformations. Ceci dépasse de loin la recherche que nous conduisons ici. Notons simplement que les auteurs présents dans le manus­crit de Münich vont jusqu’à la seconde moitié du xiie siècle (Theodore Balsamon, Jean Zonaras). 97  C’est également ce que retient C. Giacomelli (Giacomelli 2020, p. 124n).

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D’après la taille du texte d’origine, le manus­crit de ce troisième abrégé devait cependant faire encore entre 130 et 165 folios, ce qui en faisait encore une œuvre d’assez grande taille. Comme pour les phases d’abréviations précédentes, nous y voyons un lien avec un contexte d’érudition lié à l’Antiquité mais qui nous échappe faute de pouvoir proposer une datation.

3.6. Les xve et xvie siècles L’histoire du texte de Stéphane de Byzance est connue de façon certaine à partir de la fin du xve siècle où très rapidement les copies de manus­crit se multiplient après la redécouverte de l’archétype de notre Épitomé. Nous n’avons toutefois aucune information sur le début du siècle. 3.6.1. L’archétype des manus­crits conservés C’est à une date tardive qu’intervient l’archétype ω des manus­crits conservés. Il mélange en fait les trois phases d’abréviation, correspondant peut-être à des morceaux de leurs manus­crits. Il est très probable que cet archétype soit compilé dans le courant du xve siècle, peut-être avant la chute de Byzance. Le copiste qui l’a composé avait sous les yeux un manus­crit du premier abréviateur très lacunaire, probablement celui provenant d’Eustathe de Thessalonique β’ qui ne comprenait plus que les livres I-III et LVIII-LX des Ethniques. Il l’a complété par le second abrégé γ. Ce manus­crit était également fortement incomplet : outre les lacunes des livres XXIV, XXVIII et XXXVII, il manquait probablement les livres  XXIX-XXX et XL à L, et peut-être, mais c’est moins probable, XIV et XXXV. L’auteur du manus­crit a compensé ces lacunes autant que possible par le troisième abrégé δ. La numérotation des livres est révélatrice de cet assem­b lage. Les livres provenant de δ ne sont jamais signalés98. Les dix derniers livres n’ont pas conservé de numérotation ; enfin, les livres XXIII, XXVI, XXVII, XXXVIII et XXXIX, pourtant repris de γ, n’ont pas conservé de trace de numéro de livre. Tout ceci implique qu’une bibliothèque ait pu rassembler des manus­crits de toute sorte, et que soient 98  Sauf pour le livre XIV, facilement restituable puisque coincé entre deux livres conservés et numérotés chez γ, mais il n’est pas certain que ce livre soit le résumé du second abrégé. Cela semble possible en fonction du pourcentage de réduction.

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arrivés là (ou étaient conservés) les fragments des deux manus­crits anciens des abrégés de Stéphane de Byzance. Nous ne savons pas d’ailleurs s’il s’agit d’un manus­ crit composite, ayant rassemblé plusieurs fragments de différentes versions ou si l’ensemble a fait l’objet d’une copie homogène. Les variantes pour le début de la lettre Χ (à la fois le texte du troisième abrégé δ et celui du premier abréviateur β) ne permet pas de privilégier la première hypothèse. Nous pensons qu’il était évidemment plus simple de composer un seul document. Les différentes copies du manus­crit archétype ne laissent rien transparaître d’une éventuelle constitution multiple du document, c’est pourquoi nous privilégierons cette copie unique, datant peut-être du début du xve siècle. C’est probablement un monastère de Byzance qui avait dû conserver à l’origine le premier abrégé d’Eustathe de Thessalonique. La tradition des manus­crits que nous avons conservés a été traitée de façon développée par A. Diller, et réactualisée et complétée par M. Billerbeck pour sa nouvelle édition de l’œuvre99. Notons que tous les manus­crits que nous connaissons de l’Épitomé datent au mieux du dernier quart du xve siècle100. L’édition de M. Billerbeck est basée sur quatre manus­crits (R, Q, P et N) qui sont des apographes de l’archétype. Les études les plus récentes apportent un éclairage nouveau sur certains copistes, ce qui nous permet de compléter l’histoire de la transmission du texte101. M. Billerbeck détermine deux copies initiales, l’une (ψ) ayant servi à la rédaction de Q et P et la seconde (ρ) de N et R. Des différences, dans les titres notamment, permettent également de classer les manus­ crits. Nous préférons repartir des quatre manus­crits en séparant Q et P qui ont été copiés à leur tour, contrairement à R. 3.6.2. Les manus­crits Q et P et leurs apographes Cette famille est caractérisée par le titre « ἐκ τῶν ἐθνικῶν στεφάνου : κατὰ ἐπιτομήν ». Deux manus­crits (Q et P) sont à l’origine de M, V et Π. Diller 1938, p. 339-348 ; Billerbeck et al. 2006, p. 8-29*. Voir en dernier lieu le recensement des manus­crits par M. Billerbeck qui conclut, comme A. Diller avant elle, à un archétype commun connu aux environs de 1480 (Billerbeck et al. 2006, p. 7*-29* ; Diller 1938) ; voir également les remarques de C. Neri (Neri 2008). 101  Nous avons utilisé prioritairement le site Internet Pinakes (https://pinakes.irht.cnrs.fr) de l’Institut de recherche sur l’histoire des textes (IRHT) du CNRS. 99 

100  

Le manus­crit Q et ses apographes Q (Vaticanus Palatinus graecus 253 [diktyon 65985]) : manus­crit papier (sans filigrane) de 200 folios (25 quaternions), à 30 lignes par page (espace écrit 13 × 20 cm)102. Il comprend l’ensemble du texte (de α 1 à ω 24) et se termine par « τέλος τῶν τοπικῶν στέφανου » suivi, en dessous, d’une croix, le tout à l’encre rouge. Le folio  1 a en tête, successivement, un bandeau décoratif, le titre («  ἐκ τῶν ἐθνικῶν στεφάνου  : κατὰ ἐπιτομήν : »), l’indication du début de la lettre α (ἀρχὴ τοῦ α’), le tout en rouge. Chaque nouvelle lettre de l’alphabet se recontrant pour la première fois en début de lemme est traitée comme une lettrine, sur trois lignes, à l’encre rouge. L’initiale du lemme est toujours en rouge (en débordement dans la marge si le nom est en début de ligne), le reste est écrit à l’encre noire, avec peu d’abréviations. Chaque lemme est placé sur une nouvelle ligne jusqu’à Agoraion Teichos (α 41) ; au-delà, les notices sont écrites à la suite, avec un simple espace séparant chaque lemme. La notice Aeria (α 70) est placée à la ligne (fol. 9r, début du livre II non indiqué), comme Aia (α 86), précédée sur la ligne précédente de la mention « μετὰ τοῦ ι » (fol. 11r). Même si on trouve avant Alabanda (α 184) « μετὰ τοῦ λ » (fol. 19r), les retours à la ligne suivants sont très irréguliers (Apaisos, α 350, fol. 29r, Arbakê, α 385, fol. 31v, Assôrion, α 495, fol. 38v). À partir d’Ataburion (α 510, fol. 39v), on trouve un découpage avec la seconde lettre : Auatha (α  530), fol.  40v (mais Aulis, α  541, fol.  41r), Aphanai (α 550, fol. 41v), Apsilai (α 577) et Aôros (α 581, fol. 43r, Achaiia, α 562, tombant automatiquement en début de ligne). On retrouve cette organisation par la suite, de manière assez systématique. Des indications de changement de deuxième lettre existent parfois, comme on l’a dit ; elles sont à l’encre rouge. Des espaces (fenestrae) sont laissés en blanc lorsque les mots ne sont pas lus ; les corrections (notées Qpc dans l’édition de M.  Billerbeck) sont très peu fréquentes. Lorsque le texte a été corrigé, l’écriture en est différente (plus cursive) et d’une encre plus pâle. Le copiste a laissé libre plusieurs folios pour la lacune après Kelaithra (κ  154)  : les trois-quarts du folio 98 r, jusqu’au folio 104v inclus (soit un peu plus de 5 folios et demi). Les autres grandes lacunes n’apparaissent pas, comme pour le manus­crit P. 102  Diller 1938, p. 342 ; Billerbeck 2006, p. 10-11*. ­Manuscrit inconnu d’A. Meineke. La numérisation est accessible en ligne en noir et blanc (https://digi.vatlib.it/view/MSS_Pal.gr.253) et en couleur (https://digi.ub.uni-heidelberg.de/diglit/bav_pal_gr_253).

3. De l’œuvre de Stéphane de Byzance à son Épitomé Quelques mentions marginales (en rouge) existent pour signaler des œuvres mais elles sont très peu fréquentes. Lorsqu’il y a des énumérations de géonymes, les chiffres sont parfois reportés en rouge dans la marge, par le copiste principal (par ex. fol. 20v pour les villes appelées Alexandrie). Il n’y a pas d’autres mentions marginales. Le tout donne l’impression d’une copie de qualité, avec un emploi bien différencié des encres noire et rouge, sans changement du début à la fin. Le manus­crit Q a été copié par Georgios Tribizias103 à une date inconnue mais qu’on situe avant mai 1485, date de sa mort. Né vers 1423 en Crète, Giorgio Trivizia (de son nom italien) se rend à Rome dans l’entourage de Bessarion à partir de 1455 puis retourne en Crète avant de se fixer à Venise où il est attesté de 1473 à sa mort. De son activité de copiste, on connaît de lui près d’une centaine de manus­crits. Les filigranes du manus­crit appartiennent à la décennie des années 1470104. Ce codex a pour premier propriétaire connu le vénitien Giovanni Battista Cipelli, dit Battista Egnazio (1478-1553) 105, qui est un des exécuteurs testamentaires d’Aldus. On retrouve dans la collection de ce même humaniste un autre manus­crit copié par Georgios Tribizias avec la même composition : l’Organum d’Aristote (Vaticanus Pal. gr. 255 [diktyon 65987], avec, au début, l’indication de possession « n = 255 eg »). En regardant les différents manus­crits que l’on connaît de ce copiste, on retrouve toute une série qui présentent la même première page106. En haut, un petit dessin de deux anneaux allongés entrecroisés sous forme de motif végétal, ensuite une frise de feuilles, assez développée dans le cas du manus­crit de Stéphane de Byzance. Ensuite le titre de l’œuvre, le tout étant à l’encre rouge. La première lettre est traitée comme une lettrine, dans la marge, avec les mêmes motifs végétaux que la frise ; elle est également 103  Sur ce copiste, voir Liakou-Kropp 2002 et plus récemment Martinelli Tempesta  2011, avec références antérieures, ainsi que la fiche biographique dans Martinelli Tempesta  2013, p. 134-135. 104   Liakou-Kropp  2002, p.  230-231  ; Giacomelli  2020, p. 124. 105  Ce manus­crit porte le no 253 avec l’indication « Egna » et le titre Stephanus de gentibus & urbibus dans le catalogue de la bibliothèque de la fin du xvie siècle (Vaticanus Pal. lat. 1916, fol. 549). L’indication est reportée sur le folio Ar du manus­crit : « 253 eg ». 106  D’autres manus­crits présentent des premières pages et une écriture différentes ; nous ne les avons pas pris en compte. Cette recherche a été conduite sur la base des numérisations de manus­crits accessibles par internet (avril 2020) ; elle n’est donc pas exhaustive.

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à l’encre rouge. L’écriture du texte est soignée et régulière. D’après la forme de la frise, on distingue quatre séries d’œuvres différentes : celles qui ont ont une frise simple en rouge sur le fond blanc du papier 107 ; celles qui ont une frise dont les éléments végétaux sont plus élaborés108 ; celles avec les mêmes motifs végétaux mais en blanc sur fond rouge, comme dans le cas du manus­ crit de Stéphane de Byzance109 ; enfin une dernière série d’œuvres de format plus petit présente des caractéristiques identiques110. Grâce au manus­crit d’Aristophane qui fait partie de la même série que Q, nous avons une idée de la transmission de notre manus­crit. Le Parisinus gr. 2824 a en effet deux folios à la fin (fol. 129-130) qui sont d’une autre main. On y a vu celle de Démétrios Chalkondylès. Cette conjonction d’un copiste et d’un possesseur vivant tous deux à Venise signifie sans doute que le manus­crit original s’y trouvait. Il passe ensuite aux mains d’Ulrich Fugger (1526-1584)111 puis de la bibliothèque palatine d’Heidelberg, laquelle est saisie et envoyée à Rome (bibliothèque du Vatican) en 1622. M (Marcianus graecus VII.  52 [diktyon 70569])  : manus­crit papier (sans filigrane) de 166  folios (quinions et quaternions), à 32/33 lignes par page (pages de taille irrégulière)112. Il a comme titre : « ἐκ τῶν ἐθνικῶν στεφάνου κατὰ ἐπιτομήν ». Il comprend l’ensemble du texte (de α 1 à ω 24) et se termine par « τέλος τῶν τοπικῶν de Théocrite (Parisinus gr. 2721 [diktyon 52356]), de l’épitomé de Dion Cassius par Xiphilin (Parisinus Coisl. 320 [diktyon 49461]), d’Aratos (Parisinus gr. 2726 [diktyon 52361]), de Rufus Ephesius et Oribase (Londinensis BL Burney ms. 94 [diktyon 39358], fol. 154-225v). 108   Manus­c rit d’Aristote (Vaticanus Pal.  gr. 255 [diktyon 65987]), de Manuel Moschopoulos (Berne, Burgerbibliothek 316 [diktyon 9557]). 109  Manus­crit de Stéphane de Byzance (Vaticanus Pal. gr. 253 [diktyon 65985]), d’Aristophane (Parisinus gr. 2824 [diktyon 52462]) et de manière un peu plus élaborée (avec nœud plus important et rehauts d’ombrage en noir sur la frise) de Manuel Moschopoulos et Thomas Magister (Londinensis BL Burney ms. 94 [diktyon 39358], fol. 1-153v) et (avec nœud plus important) de Theodore de Gaza (Londonensis BL Harley ms. 6290 [diktyon 39690] et Vaticanus Ott. gr. 55 [diktyon 65296]). 110  Manus­crit d’Euripide (Parisinus gr. 2803 [diktyon 52440]), d’Hésiode (Parisinus gr.  2877 [diktyon 52515]), de Phalaris (Parisinus suppl. gr. 237 [diktyon 53001]), de Manuel Chrysoloras (Vaticanus Pal. gr. 291 [diktyon 66023]). 111   Voir le détail de cette possession dans Billerbeck et al. 2006, p. 10*-11*. 112  Diller 1938, p. 342 ; Billerbeck et al. 2006, p. 11-12*. Manus­crit inconnu de Meineke. 107   Manus­c rits

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στέφανου ». Ce manus­crit a été copié sur Q comme le prouvent les très grandes similitudes dans la composition et les leçons113. Le copiste, Tommaso Zanetelli (v.  1450-1514), alias Didymos Zenoteles, est signalé par une note autographe : « thomę didymi feltren(sis) ». Ce personnage, connu pour avoir copié seulement trois manus­c rits grecs114, a vraisemblablement travaillé ici à Venise, à une date qu’on ne peut fixer mais qui est probablement antérieure à 1486. Notons qu’un autre manus­crit en partie de sa main et d’Ermolao Barbaro, le Parisinus gr. 3056 [diktyon 52701], a été copié à Venise en 1482. C’est un proche d’Ermolao Barbaro il Giovanno qu’il suit de 1486 à 1493 (à Bruges en 1486, à Milan en 1488-1489 et à Rome à partir de 1490). Auparavant, comme ensuite après la mort d’E.  Barbaro, il exerce comme notaire de Feltre, sa ville natale. On considère habituellement que c’est le manus­crit utilisé par Ermolao Barbaro (1454-1493) en 1492 pour ses Castigationes Plinianae. On a noté en effet qu’apparaissait dans l’inventaire de sa bibliothèque l’œuvre de Stéphane de Byzance115. Or, comme le prouve le titre de Compendium Stephani de gentibus et locis, qui renvoie à l’autre famille de manus­crits et comme l’indique N. Zorzi, qui montre les divergences de leçons entre le manus­crit m et l’ouvrage, ce n’est pas ce manus­crit que possédait Ermolao Barbaro116. L’attribution d’annotations dans le manus­crit Q rattachées à Ermolao Barbaro par F.  Vendruscolo vient résoudre le problème 117. Ermolao Barbaro serait donc le correcteur de Q, et son commanditaire ou son possesseur à la mort de Georgios Tribizias. Dans ce cas, rien de plus naturel que Tommaso Zanetelli en ait fait une copie. Par la suite, il appartint à Daniello Tomitano qui le sauve de la destruction en mai 1635 comme l’indique une note de sa main au fol.  11 v. Ultérieurement le manus­crit se trouve dans la collection de Jacopo Morelli, acquise par la Bibliothèque Marciana en 1817.

113  Y compris avec Qpc, Diller 1938, p. 342 et Billerbeck et al. 2006, p. 16*-17*. 114  Sur ce copiste, voir l’article de N. Zorzi (Zorzi 2008) et plus spécialement p. 74 sq. pour ce manus­crit. 115  Diller 1963, p. 260 ; Billerbeck, Neumann-Hartmann 2021, p. 176-185. 116  Zorzi 2008, p. 77-78. 117  Vendruscolo 2017, p. 584-585n, signalé par Giacomelli 2020, p. 133.

V (Vossianus graecus F. 20 [diktyon 38030]) : manus­crit papier (sans filigrane) de 226  folios (29  quaternions), à 29  lignes par page (espace écrit 13  ×  23  cm)118. Il a comme titre : « ἐκ τῶν ἐθνικῶν στεφάνου κατὰ ἐπιτομήν ». Il comprend l’ensemble du texte (de α 1 à ω 24) et se termine par « + + + τέλος τῶν τοπικῶν στέφανου ». Il a été copié sur Q, peut-être avant 1522119. La lacune de la lettre κ est indiquée sur une partie du folio 114r et sur le folio 114v (3/4 de folio). Le copiste est le même que celui de l’Onomasticon de Pollux (Vossianus gr. F 28 [diktyon 38038]). Il s’agit peut-être de Giovan Paolo Parisio (1470-1522), plus connu sous le nom d’Aulo Giano Parrasio ou Aulus Janus Parrhasius. Cet humaniste a résidé quelques temps à Rome avant de rejoindre Milan, en 1499, où il épouse une fille de Démétrios Chalkondylès. Il repart en 1506 pour Vicence, Padoue et Venise et retourne à Cosenza, sa ville natale, en 1511 où il fonde l’Accademia Cosentina. Il se rend à Rome en 1513 à l’appel du pape Léon X, où il restera jusqu’en 1521 avant de rejoindre définitivement Cosenza. L’Onomasticon de Pollux a été possédé par Zacharias Caimus, médecin à Milan dans la seconde moitié du xvi e  siècle, comme un autre livre  de traités grecs de médecine présent dans la même bibliothèque de Vossius (F. 59). On lui connait également une édition de Dion Cassius par Robert Estienne (1548) mais chacun de ses livres portent son nom ou un ex-libris sur la première page, ce qui n’est pas le cas du manus­crit de Stéphane de Byzance. De manière certaine, le manus­crit V a été possédé par Isaac Vossius (1618-1689). Après sa mort, sa bibliothèque est passée à son neveu Gerard Johannes Vossius avant d’être achetée par l’Académie Lugduno-Batava. La manus­crit P et ses apographes P (Vaticanus Palatinus graecus 57 [diktyon 65790]) : manus­crit papier de 150 folios (15 quinions), à 30 lignes par page (espace écrit 13 × 22 cm)120. Il a comme titre : « ἐκ τῶν ἐθνικῶν στεφάνου κατὰ ἐπιτομήν ». Il comprend l’ensemble du texte (de α 1 à ω 24) et se termine par « τέλος τῶν τοπικῶν στέφανου ». Diller 1938, p. 343 ; Billerbeck et al. 2006, p. 12*. Billerbeck et al. 2006, p. 17*-18*. 120  Diller 1938, p. 341 ; Billerbeck et al. 2006, p. 13*. La numérisation est accessible en ligne en noir et blanc (https://digi. vatlib.it/view/MSS_Pal.gr.57) et en couleur (https://digi.ub.uniheidelberg.de/diglit/bav_pal_gr_57). 118  119 

3. De l’œuvre de Stéphane de Byzance à son Épitomé Il a été copié en deux temps, la seconde main (P 2 = P b Meineke = P pc Billerbeck) corrigeant la première (P1 = Pa Meineke = Pac Billerbeck) et complétant les difficultés de lecture laissées en blanc (fenestrae). Enfin une troisième main (P3) a recopié les folios extérieurs du premier cahier (fol. 1 et 10) en parchemin, sur la base des folios initiaux. Chaque initiale de lemme, précédée d’un espace libre, est écrite en rouge sans jamais dépasser dans la marge. Toutes ne sont pas copiées121, ce qui laisse penser à un manus­crit non finalisé. Il est probable que le manus­crit N représente une deuxième version plus achevée comme nous allons le voir. Les lemmes sont notés en continu, les seuls retours à la ligne concernent les changements de livre ou de lettre ; l’initiale suivante est alors écrite en majuscule. Dans les fol. 1 et 10, qui correspondent à la main P3, chaque lemme a été placé à la ligne avec un A (en majuscule) en rouge. Des espaces sont laissés en blanc pour être complétés, ce qu’a fait une seconde main qui écrit avec une encre plus noire et a un ductus différent. Si l’on prend le folio 2 de P, on peut examiner l’ensemble des informations de seconde ou troisième main. À la fin de l’article Abarnos (α  4), quatre lignes ont été corrigées. Les corrections sont situées l’unes au-dessus de l’autre, ce qui pourrait correspondre à une tache rendant le texte peu lisible. Voici l’emplacement des corrections (avec le texte non corrigé du manus­crit P) : πρίαπον ἀπαρνήσασθαι καὶ τὴν χώραν ἀπαρνίδα καλέσαι, ἣ κατὰ παραφθορὰν καὶ ἀβαρνίς καλεῖται. ἔστι δὲ καὶ πόλις καὶ χώρα καὶ ἄκρα. εὕρηται δὲ καὶ διὰ τοῦ π ἀβαρπίς, ὡς παρὰ ἀρτεμι δώρῳ τῷ γεωγράφῳ. τὸ ἐθνικὸν ἀβαρναῖος καὶ θηλυκὸν ἀβαρ ναίη. ἀραβίας. οὐράνιος ἐν ἀραβικῶν γ’ μετὰ τοὺς σαβαίους

Ici un blanc a été laissé après παρα, ἄκρα et Ἀραβί ; le correcteur a remplacé εὐ(βαρνίς) et χωρο(γράφῳ). Ce travail de correction ne peut se faire que sur la base du manus­crit d’origine. Il faut donc imaginer une phase de copie puis un travail plutôt de relecture et de cor121  À partir du fol. 88r (lettre λ). On retrouve des initiales au folio 88v, bas du folio 90v (fin de la lettre λ et debut de μ), fol. 91v (lettre µ), fol. 101v (lettre ν), 102r (fin de la lettre ν, lettre ξ et début de la lettre ο), 105r (fin de la lettre ο et début de la lettre π), fol. 114r (pour la seule initiale de la première lettre  ρ), fol.  115r (pour la seule initiale de Rhodopê), fol. 124v (pour les premiers lemmes avec la lettre τ), fol. 125r, une partie du fol. 130v et fol. 131r (lettre τ), fol. 134v-fol. 135r (lettre υ), fol. 142r (pour la seule lettre χ, 1er lemme de la série la plus abrégée puis les lemmes normaux).

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rection. D’après l’apparat critique de l’édition de M. Billerbeck, N a directement les bonnes corrections, ce qui montre bien qu’il a été rédigé dans un second temps. Dans la marge, on trouve plusieurs types d’annotation  ; on prendra pour exemple le fol.  2 r. Tout d’abord, le lemme est reproduit en rouge, en petites minuscules, avec une écriture différente du texte (ἀβίλη). Cette première série s’arrête à Azanoi (α 72). Une seconde série est écrite en noir, quasiment dès le début du manus­crit, avec la même écriture que la précédente. Cette même écriture sert à noter aussi bien le nom des lemmes (ἄβδηρα, πόλεις δύο) que d’autres indications, par exemple de noms d’auteurs (οὐράνιος ; δημόκριτός ὁ φιλόσοφος) ou des extraits de phrase du texte (ἀφροδίτην ἄμορφον ἐν λαμψά/κῳ τεκοῦσαν τὸν πρίαπον, ἀβαρπίς, γεωργέουσι δὲ καὶ πορφυρέην ποίην). On notera que cette série de notes marginales se retrouve également sur les folios 1 et 10 et est donc postérieure à la réfection du manus­crit. Enfin on trouve également d’autres mentions marginales avec une écriture plus irrégulière et serrée (νικαίνετος ἐποποιὸς/ πρωταγόρας/δημόκριτος). En rouge on trouve ἱστορία dans la marge, entre les deux lignes qui se trouvent juste avant  : «  τοῦτο δὲ σοφοκλῆς ὑπομνηματίζων ἱστορεῖ τὴν ἀφροδίτην ἄμορφον ἐν λαμψάκῳ τεκοῦσαν τὸν ». On trouve la même chose pour le manus­crit Q, écrit en rouge avec la même écriture122. Certains passages sont signalés par une petite frise végétale (sous forme de tige avec petites feuilles), en encre rouge : fol. 7, notice Anchialê (α 53) la citation de l’épigramme de l’Anthologie palatine (7.325) et de Strabon (14.5.9) ; fol. 24r, notice Anaktorion (α 305) la mention d’Eugenios (« καὶ Εὐγένιος δέ, ὁ πρὸ ἡμῶν τὰς ἐν τῇ βασιλίδι σχολὰς διακοσμήσας, ἐν συλλογῇ λέξεων διὰ διφθόγγου φησίν. ἔοικε δ’ ἀστιγεῖ ἐντετυχηκέναι βιβλίῳ ») ; fol. 44, notice Bouthrôtos (β 141), la citation de Teucros de Cyzique ; fol. 45, notice Brachmanes (β 164), la citation de Hiéroclès  ; fol.  87v, la citation de Daïmachos dans la notice Lakedaimôn (λ 19). De temps en temps, un papier est collé en bord de marge (fol. 24 par exemple mais on en trouve à plusieurs autres endroits), avec une indication. Ces papiers dépassaient à l’origine, constituant des sortes d’onglets pour aller plus facilement à certaines parties du manus­crit.

122   C’est probablement après la réunion au sein de la bibliothèque palatine que ces mentions ont été rédigées. Nous reviendrons plus loin (p. 76 sq.) sur les rédacteurs de ces mentions.

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Le manus­crit P a conservé plusieurs folios vides pour indiquer la lacune de la lettre κ après Kelaithra (κ 154), à la fin du folio 78r. Les folios suivants (78v-80v, soit 2 folios) sont laissés en blanc et le texte reprend en haut du fol. 81r avec Korakos Petra (κ 155). En revanche, les lacunes entre Larissa (λ 45) et Lêmnos (λ 46) et entre Orestia (ο 89) et Palikê (π 1) n’apparaissent pas du tout, le texte enchaînant directement ou en allant à la ligne pour le début de la lettre π. Le copiste (P1) est Georgios Alexandros Chômatas († 1501), prêtre crétois, copiste de Bessarion, dont on sait depuis peu qu’il a été le successeur de Démétrios Chalkondylès à la chaire de grec de l’université de Padoue pour quelques années (1475/76-1479)123. On identifie maintenant bien ce copiste, longtemps méconnu, dont la carrière a pu être en partie retracée grâce aux archives crétoises de Venise. Son premier possesseur connu est Henry Scrimgeour (1505 ?-1572), écossais vivant à Paris et ayant effectué un voyage en Italie, en particulier à Padoue en 1548. Entre 1558 et son dernier voyage en Italie (en 1564), il consacre la plus grande partie de son temps à acquérir des ouvrages et des manus­crits. On sait désormais que c’est lui qui acquiert la plus grande partie des manus­crits grecs, latins et hébreux de la collection Fugger (cf. ci-dessus) pour le compte de Othon-Henri, l’électeur palatin d’Heidelberg, à l’origine de la collection Palatine de la bibliothèque du Vatican à Rome124. Π (Perusinus B 11 (ancien no 67) [diktyon 55389]) : manus­crit papier de 173 folios, à 30 lignes par page125. Il a comme titre  : «  ἐκ τῶν ἐθνικῶν στεφάνου κατὰ ἐπιτομήν ». Il comprend l’ensemble du texte (de α 1 à ω 24). La présence de filigranes dans les folios de garde, très proches d’un papier vénitien des années 1494/1497, attestent que la copie est des dernières années du xve siècle ou des premières années du xvie siècle. Il est dans sa première partie copié sur P (après la copie des folios 1 et 10 par P3 selon A. Diller) et dans sa deuxième sur N, ce qu’A. Diller n’avait pas vu126. Le manus­crit a été analysé en détail par P. Hoffmann127. On trouve deux mains différentes : la première (Π1) s’ar123 

Despotakis, Ganchou 2018. Ce manus­crit porte le no 57 avec l’indication Egna et le titre Stephanus de gentibus & urbibus dans le catalogue de la bibliothèque de la fin du xvie siècle (Vaticanus Pal. Lat. 1916, fol. 549). 125  Diller 1938, p. 342 ; Billerbeck et al. 2006, p. 13-14*. A. Diller n’a pas vu ce manus­crit. 126  Billerbeck et al. 2006, p. 18* et 24*-25*. 127  Hoffmann 1983, p. 120-122. 124 

rête à la notice de Tiburis (τ 120, fol. 154v). Le copiste en est peut-être Manuel Rhousotas, actif d’abord en Crète puis à Venise128. On trouve dans cette partie quatre filigranes différents, dont un, similaire à Briquet 1, 743 (attesté à Venise en 1501), est largement majoritaire. Les folios 86v-89r (soit 3 folios) sont laissés en blanc, sans doute pour la lacune de la lettre κ ; cela correspond plutôt à ce que laisse également le manus­crit P. La seconde main (Π2) copie la suite, de Tingios (sic τ 121) jusqu’à la fin (fol. 173v). Il s’agit de Georgios Gregoropoulos (1450-1501) ou de son fils Manuel Gregoropoulos. Cette deuxième partie est constituée d’un papier différent, avec filigrane (Briquet 1, 2591) attesté à Venise de 1496 à 1503. Le copiste pourrait être Georgios Gregoropoulos, contemporain de Démétrios Moschos et collaborateur de Michel Apostolis le copiste crétois, ce qui correspondrait bien aux observations de P. Hoffmann. Il montre en effet que la mise en page à peu près régulière des deux parties suggère que les deux copistes ont travaillé ensemble. Le manus­crit a appartenu à Francesco Maturanzio (v.  1443-1518) mais nous ne savons pas quand il l’a acquis. Né à Pérouse, il apprend le grec lors d’un séjour à Rhodes puis en Crète dans les années 1472-1473. Après quelques années à Vicence, il se rend à Venise en 1497 où il acquiert en particulier des manus­crits d’Aristote. Il retourne l’année suivante à Pérouse et n’en repartira plus. Nous formulons donc l’hypothèse qu’il aurait eu connaissance du manus­crit de Stéphane de Byzance lors de son séjour à Venise en 1497, grâce à ses liens avec l’entourage de Michel Apostolis. Il l’aurait fait copier (en 1501 ?) et en serait donc le premier possesseur. Il lègue une partie de sa bibliothèque (dont ce manus­crit) au monastère San Pietro de Pérouse à sa mort en 1518. On le trouve ensuite en possession de Prospero Sodiani (mort en 1615), fondateur de la Biblioteca Augusta de Pérouse. 3.6.3. Les manus­crits R et N et les apographes de N Nous distinguerons les deux copies directes ques sont R et N des nombreux apographes de N. Les manus­crits R et N M. Billerbeck fait dériver le manus­crit R, un des quatre principaux qu’elle utilise, d’un manus­crit disparu, ρ. Le 128   L’attribution est souvent faite à Demetrios Moschos. C. Giacomelli privilégie ce copiste (Giacomelli 2020, p. 129) ; nous le suivrons dans ce choix.

3. De l’œuvre de Stéphane de Byzance à son Épitomé manus­crit N, quant à lui, serait en partie un apographe de R selon M. Billerbeck. R (Rehdigeranus 47 [diktyon 72203]) : manus­crit papier, de 176 folios (22 quaternions) avec 30 lignes par page (espace écrit 13 × 22 cm)129. Le texte de Stéphane de Byzance, qui constitue à lui tout seul le manus­ crit, porte le titre de «  ἐκ τῶν ἐθνικῶν στεφάνου κατ’ ἐπιτομήν » en encre rouge. Il comprend l’ensemble du texte (de α 1 à ω 24) et se termine par « + + : τέλος τῶν τοπικῶν στέφανου : – δόξα τῷ θεῷ ἀμήν : ~ ». La première page a un large bandeau décoré de motifs végétaux, suivi du titre ; le tout est à l’encre rouge. Les lemmes se suivent et chaque nouvelle lettre est traitée comme une lettrine  ; ces lettres, comme l’initiale de chaque lemme, sont en rouge. Chaque lettre est signalée ainsi : « ἀρχὴ τοῦ β’ στοιχείου », mais on trouve également des délimitations des livres primitifs (également en rouge et traitées de manière décorative, avec petite lettrine pour l’initiale suivante). Le manus­crit a gardé des traces de l’indication des citations avec un petit trait dans la marge130, voire de véritables guillemets131. Les marges ont été systématiquement annnotées en latin avec la traduction du lemme et l’indication de géonymes particuliers présents dans les notices. Il n’existe aucune matérialisation de la lacune de la lettre κ (fol. 87v), les lemmes se suivant comme les autres. Son texte n’a pas fait l’objet de révisions, des espaces étant laissés lorsque le copiste n’arrivait pas à lire les mots. Il est copié par Démétrios Moschos à la fin du xve ou au début du xvie siècle132. Issu d’une famille de copistes et auteur d’épigrammes, il est actif entre 1483 et sa mort (après 1519) ; nous avons conservé pas moins de 72 manus­crits de sa main. La récente numérisation du manus­crit a mis en évidence trois filigranes, dont un chapeau dont on retrouve des exemplaires très proches à Venise en 1478 (Briquet 3378), 1481 (Briquet 3379) et 129  Diller 1938, p. 343 ; Billerbeck et al. 2006, p. 9*-10*. Ce manus­crit a été redécouvert par F. Passow qui donne ses premières leçons académiques à Breslau en 1820 et publie les leçons de ce manus­crit quelques années plus tard (Passow 1824 et 1835). Voir la numérisation en ligne : https://www.bibliotekacyfrowa.pl/dlibra/ publication/94943/edition/89580/content. 130  Par exemple fol.  9 v, citation d’Euphorion dans la notice Athuras (α 84), fol. 11v citation de l’oracle dans la notice Aigosthena (α 109), de Lycophron dans la notice Aigus (α 113). 131  Par exemple fol. 73, notice Thespeia (θ 33) pour l’épigramme de Philiade de Mégare ou fol. 74 pour l’épigramme d’Hérodote dans la notice Thourioi (θ 55). 132  Sur ce copiste, voir Stefec 2012, avec références des études antérieures.

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1497 (Briquet 3381), à Regensburg entre 1479 et 1488 (Briquet 3397)133. Il a appartenu à Thomas Rehdiger (1540-1576), humaniste fondateur de la Bibliotheca Rehdigerana de Breslau/Wrocław (dont le fonds est intégré à l’actuelle Biblioteka Uniwersytecka), qui l’a probablement acquis lors de son séjour en Italie entre 1567 et 1569. Celui-ci s’est rendu à Padoue, Sienne, Rome, Naples et Venise. À notre connaissance, ce manus­crit n’a jamais été copié. N (Neapolitanus  III.AA.18 [diktyon 46238])  : ­ anus­crit papier de 167  folios (17 quinions et un m bifeuillet à la fin) à 30  lignes par page (espace écrit 13 × 22 cm)134. Il est copié sur P (le format est similaire mais avec des marges latérales plus larges), avant la copie des folios 1 et 10, mais avec l’apport d’un autre manus­ crit (cf.  infra). Le fait que ce manus­crit  ait servi à la copie du Laurentianus Plut. 4.3 (L), datée de mars 1492, implique qu’il a été rédigé antérieurement et qu’il se trouvait alors à Venise. Il est le premier à avoir pour titre : « στέφανου βυζαντίου περὶ πόλεων καὶ δήμων ». Il comprend l’ensemble des notices sauf la fin puisqu’il manque les deux lemmes ω 23 et ω 24 et l’indication de la fin de l’ouvrage : le dernier folio a sans doute disparu. Le copiste est le même que celui du manus­crit  P, Georgios Alexandros Chômatas. Nous ne savons rien de sa transmission avant le legs à la bibliothèque des Bourbons au début du xixe siècle. Les manus­crits apographes de N Le titre des manus­crits de cette famille est « στέφανου βυζαντίου περὶ πόλεων καὶ δήμων ». Sc (Scorialensis Σ. III. 07 [diktyon 15377]) : ­manus­crit papier de 186 folios, constitué de 23 cahiers de 8 folios et un de quatre à la fin135. On trouve l’œuvre de Stéphane de Byzance aux folios 1-91v et 97-183v, avec le titre «  στέφανου βυζαντίου περὶ πόλεων καὶ δήμων  ». Il se termine par « τέλος τῷ θεῷ χάρις ». Chaque début de lettre est signalé par le titre ἀρχὴ τοῦ β’ … ω’. Les folios 91v96v (soit 5 folios) sont restés blancs ; ils correspondent à la lacune de la lettre kappa (entre κ 154 et κ 155). Le titre, le bandeau décoratif et les initiales sont en rouge. 133  Le chapeau de Bergame en 1525 semble très proche mais les cordelettes ont un traitement moins en accord avec le filigrane. Les deux autres (deux clefs dans une armoirie et aigle n’ont pas de correspondance). 134  Diller 1938, p. 341-342 ; Billerbeck et al. 2006, p. 14*. Manus­crit inconnu d’A. Meineke. 135  Diller 1938, p. 340. A. Diller n’a pas vu ce manus­crit.

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Le copiste en est Démétrios Moschos. La notice d’A. Revilla le date du xve siècle, tout en en le signalant identique à l’édition de Florence de 1521136. David Colville, responsable de la Bibliothèque à partir de 1617, mentionne ce manus­crit en précisant la lacune qui existe pour la lettre kappa. Il a appartenu à la collection des 87 manus­c rits grecs de Matteo Dandolo (1498-1570) signalés par un ex-libris « M. Danduli | Ματθαίου Δανδούλου » qui a disparu ici avec les bordures des premiers folios, et par un numéro dans son catalogue137 (celui de Stéphane de Byzance porte le no 2). Issu d’une riche famille de Venise, ayant donné plusieurs doges à la Sérénissime, il constitue vers 1540 une collection de manus­crits grecs, acquis par la bibliothèque de l’Escorial le 7 mars 1573. Il est vraisemblable que ce manus­crit a été copié à Venise ; dans ce cas, il serait un apographe de N. Z (Zakunthos, Dêmosia Bibliothêkê fonds principal, sans no  [diktyon 72704])  : manus­crit de 140  feuillets papier, de 22,3 × 32 cm138, conservé à la Bibliothèque Publique mais détruit lors du tremblement de terre de 1953. Il était daté du xive-xve siècle par N. A. Bees qui l’a vu durant l’hiver 1906 ; il n’a pas été revu par A. Diller mais celui-ci le soupçonne plutôt du xve  siècle139. Les indications données par N.  Bees permettent de préciser la filiation du manus­crit. Le titre est «  Στέφανου Βυζαντίου περὶ πόλεων καὶ δήμων », ce qui le place dans la famille des manus­crits issus de N. Le texte est d’une écriture soignée, dans un espace d’environ 13,2 × 24 cm. Une partie du fol. 65v jusqu’au 70v inclus sont laissés vides, lacune entre Kelaithra et Korakes petra. Ceci correspond donc aux 5 folios laissés libres à la suite de N. Le texte qui est rapporté présente toutefois quelques leçons qui ne correspondent à celles de ce manus­crit. Ainsi, dans l’extrait conservé, on a pour la notice Aluchmê (α  236) «  τὸ ἐθνικὸν, ὡς τοῦ βοίβη βοίβαιος, ἀκτὴ ἄκτιος, οὕτω καὶ ἀλύχμη, ἀλύχμιος ». Dans l’édition de M. Billerbeck, il est indiqué que Grumach avait ajouté ἀλύχμη, qui n’existe pas dans les manus­ crits RQPN, par rapport à la notice de l’Etymologicum Symeonis. À  la notice suivante, nous notons la leçon τέμπεων là où les quatre manus­crits ont τέμπερον. Ici il peut s’agir d’une mauvaise lecture du manus­crit d’ori-

gine. N. Bees a indiqué par des traits verticaux des séparations qui semblent correspondre à des retours à la ligne mais ils déterminent des lignes extrêmement longues, ce qui expliquerait le peu de folios (133) du manus­crit. Le manus­c rit  porte dans la marge supérieure du fol. 1r une mention datée : « γεωργίου ἀναγνώστη τοῦ συπάνδρου … τὸ ἀγώρασα 1718 ». Il fait ensuite partie de la collection de l’archevêque de Zante Nikolas Katramis (1820-1886) ; N. Bees lui donne le no 44 de son catalogue. L (Laurentianus Plut. 4.3 [diktyon 15919]) : manus­ crit de 303 folios, à 30 lignes par page140. Il a pour titre : « στέφανου βυζαντίου περὶ πόλεων καὶ δήμων ». Il comprend l’ensemble du texte (de α 1 à ω 24) et se termine par « + + : τέλος· θεῶ χάρις »141. Il est copié sur N142. Le manus­crit L est composé d’un texte très bien composé, avec des lettrines pour chaque début de lettre et l’indication du début de cette nouvelle lettre. La première ligne du lemme est en rouge et certaines autres lettres également. Chaque nouvelle deuxième lettre du lemme est indiquée par un sous-titre. La lacune de la lettre κ est clairement indiquée en ayant laissé 5 folios blancs (164r-168v). Ce manus­crit a été copié à Venise aux frais de Laurent de Médicis le 31 mars 1492 par Joannes Rhosos comme l’indique une mention manus­crite au folio 309143. Ce copiste crétois, actif de 1447 à 1497, est un des plus renommés de la Renaissance. On a conservé de lui au moins 130 manus­crits. Il a travaillé en particulier pour Bessarion à Venise mais également à Florence, Rome et d’autres cités italiennes. Les premiers folios (1-23r) du manus­crit contiennent le De resurrectione mortuorum d’Athénagoras mais tout le reste (fol. 23v-303) est consacré à la copie de Stéphane de Byzance. Ce manus­crit dérive de N avec peut-être un intermédiaire que M. Billerbeck, dans son stemma, nomme φ, correspondant au manus­ crit de Calphurnius sur lequel nous allons revenir. La première partie aurait été copiée dans la bibliothèque de Giorgio Valla (1430-1499) si l’on juge par le titre de l’œuvre signalée par Janos Lascaris lors de son dépouillement des manus­crits présents dans les bibliothèques pour alimenter celle de Laurent de Médicis144. Diller 1938, p. 339 ; Billerbeck et al. 2006, p. 14-15*. Voir la numérisation en ligne  : http://mss.bmlonline.it/ Catalogo.aspx?Shelfmark= Plut.4.3. 142  Diller 1938, p. 339 ; Billerbeck et al. 2006, p. 23*-24*. 143  Reproduite dans Billerbeck et al. 2006, p. 15*. 144  Müller 1884, p. 383. 140 

136 

Revilla 1936, no 106, p. 353-354. 137  Revilla 1936, p. lxviii-lxxvi. 138  Bees 1911, Diller 1938, p. 340. A. Diller n’a pas vu ce manus­crit. Les folios 134-140 sont blancs. 139  Bees 1911 ; Diller 1938, p. 340.

141 

3. De l’œuvre de Stéphane de Byzance à son Épitomé Ne (Neapolitanus III.AA.17 [diktyon 46237]), manus­ crit de 173 folios. Il comprend d’après le catalogue une lacune aux folios 88r-92v (5 folios) qui doit correspondre à celle de la lettre κ. Il a été copié par Georges Moschos, professeur de médecine à Corfou (avec quelques lignes de son frère Démétrios Moschos). Le premier possesseur connu est Aulo Giano Parrasio, qui a étudié le grec auprès de Jean Moschos à Corfou et qui, après son mariage avec la fille de Démétrios Chalkondylès, récupère une partie de sa collection. À sa mort, il lègue sa bibliothèque à Antonio Seripando (1476-1531) qui à son tour la transmet à son frère le cardinal Girolamo Seripando (1493-1563). Celui-ci la donne à la bibliothèque du monastère de San Giovanni a Carbonara. Cette dernière est transférée en 1800 à la Libreria Reale de Napoli, qui devient la Biblioteca Nazionale en 1860. Ald. (Aldina) : l’édition d’Aldus date de 1502145. L’editio princeps d’Aldus Manutius est imprimée à Venise ; elle comporte une dédicace à Giovanni Taberio datée du XV des Calendes d’avril 1502 (18 mars). Elle porte au fol.  1 «  Στέφανου περὶ πόλεων  » et ensuite « Στέφανου Βυζαντίου περὶ πόλεων καὶ δήμων ». Le texte est imprimé sur la base du manus­crit N146. La lacune de la lettre κ est indiquée simplement par un « λείπει » en bout de page, laissant juste deux lignes de la colonne correspondante vide et enchaînant ensuite avec le reste du texte à la page suivante. Les manus­crits apographes de L Pa1 (Parisinus gr.  1412 [diktyon 51028])  : manus­ crit papier de 147 folios147. Il a pour titre : « στέφανου βυζαντίου περὶ πόλεων καὶ δήμων  ». Il comprend l’ensemble du texte (de α 1 à ω 24) et se termine par « τέλος τοῦ περὶ τῶν Στέφανου· θεοῦ τὸ δώρον καὶ πόνος Μιχαήλου Ἀργείου. γραφὲν ἐν Φλωρεντίᾳ τῇ πόλει, ἐν ἔτει ϛ ϡϞδ’, μηνὶ Ἰαννουαρέῳ ἐν τῇ μεγαλοπόλει Φλωρεντίᾳ. Μιχαὴλ Σουλιάρδος. ». Il est daté de 1486 mais c’est une erreur car à cette date le copiste est encore en Grèce ; E. Lebel a proposé 1494148. La lacune de la lettre κ est réduite à un demi-folio (fol. 76v). C’est E. Miller qui en donne la description la plus précise149. Billerbeck et al. 2006, p. 15-16*. Billerbeck et al. 2006, p. 24*-25*. 147  Diller 1938, p. 340. 148 Voir Billerbeck et al. 2006, p. 9* n. 13. 149  Miller 1838, p. 695 sq. 145  146 

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Ce manus­crit, comme les deux suivants, a été copié par Michel Souliardos 150. Originaire de Nauplie, ce copiste est actif en Crète, à Corfou et en Italie (Florence et Bologne) entre 1477 et 1509. Le manus­crit a été en possession de Janos Lascaris (1445-1534) ; il n’a pas pu être copié avant que Joannes Rhosos ne ramène sa propre copie à Florence en 1492. La bibliothèque de Janos Lascaris est hypothéquée et acquise à la suite d’un prêt contracté en 1525 par Niccolò Ridolfi (1501-1550) qui lègue à sa mort sa bibliothèque au maréchal de France Piero Strozzi. Elle passe ensuite à la Bibliothèque royale. Pa2 (Parisinus gr.  1413 [diktyon 51029])  : manus­ crit papier de 138 folios151. Il a pour titre : « στέφανου βυζαντίου· περὶ πόλεων καὶ δήμων κατὰ στοιχίον ἤτοι κατὰ ἀλφάβητον. ». Il comprend l’ensemble du texte (de α 1 à ω  24) et se termine par «  τέλος τοῦ περὶ πόλεων καὶ δήμων ἀπάσης τῆς οἰκουμένης στέφανου βυζαντίου· τῷ συντελεστῃ τῶν καλλῶν θεῷ χάρις. ἐν Φλωρεντίᾳ. ». Ce manus­crit est moins incorrect que le précédent selon E. Miller, qui indique que toutes les citations d’auteurs sont à l’encre rouge152. C’est le seul manus­crit que l’on connaisse qui présente cette caractéristique, certainement liée à un commanditaire un peu prestigieux. Ce manus­crit a été copié, comme le précédent, par Michel Souliardos 153. C’est probablement celui qui a été utilisé par A.  Meineke pour son édition avec le sigle Pr, qui a privilégié ce manus­crit au précédent, suivant en cela l’avis d’E. Miller (mentionné dans son édition à propos de ce manus­crit)154. Dans le catalogue de 1740, il est indiqué «  olim de Puteanus » ce qui renvoie aux manus­crits du fonds Dupuy, soit une transmission très différente du précédent. Le fonds provient de Claude Dupuy, mort en 1594 et a été transmis à ses enfants Pierre et Jacques qui l’augmentent et le lèguent au roi en 1652 pour être conservé dans sa bibliothèque155. T (Toledo, Biblioteca Capitular 45-30 [diktyon 63490]) : manus­crit papier156. Il a pour titre : « στέφανου βυζαντίου περὶ πόλεων καὶ δήμων  ». Il comprend l’enRGK I no 286, II no 392, III no 468. 151  Diller 1938, p. 340. 152  Miller 1838, p. 695. 153  Diller 1938, p. 340. 154  Miller 1838, p. 695. 155  Solente 1927. 156  Diller 1938, p. 340. A. Diller n’a pas vu ce manus­crit. La description est donnée d’après Graux Martin 1892, p. 263-264. 150 

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semble du texte (de α 1 à ω 24) et se termine par « χρῆσιν οὔτως τέως εὖρον. τέλος. ἐν Φλωρεντίᾳ ἔτει χιλιοστρῷ τετρακοσιοστῷ ἐνενηκοστῷ ἔκτῳ. ἐγὼ Μιχαῆλος ὁ Σπαρτιάτης διατρίβων ἐν Φλωρεντίᾳ νουνεχῶς τε καὶ ἐπιμελῶς τοῦτο τὸ κάλλιστον βιβλίον ἐξέγραψα· εἰ δὲ δή τινι ἀδιώρθωτον δόξῃ μὴ τὸν ἐκγρὰψαντα αἰτιάσθω· τὸ γὰρ προστεθέν μοι βιβλίον λίαν ἐσφαλμένον ἦν καὶ ἀδιόρθωτον.  ». Il est copié à Florence par Michel Souliardos en 1496 comme l’atteste la souscription à la fin du manus­crit. Le manus­crit présente une lacune de seulement 17 lignes au fol. 129v pour la lettre κ. Un folio (le 234) est reproduit dans l’article d’I. Pérez Martín157. Il correspond à un extrait de la lettre χ. En confrontant le texte de la notice Chitônê (χ 45), on observe que le texte de la citation d’Épicharme est reproduit à l’identique de celui du manus­crit  N  : χιτωνίης PN contre χιτωνόης RQ et surtout αὐλήσατο N face à αὐλησάτω R et αὐλίσατο QP. On retrouve ces mêmes leçons dans Pa1. Le manus­c rit provient de la collection du cardinal Francesco Saverio de Zelada, installé à Rome, qu’il transmet à la bibliothèque capitulaire de Tolède en 1798-1799 158. Nous ne savons pas d’où provient ce manus­crit, mais on note que Gronovius a utilisé un codex Maffei à Rome (dans les années 1670), qui pourrait être éventuellement ce manus­crit159. On peut, sous réserve, identifier le possesseur du manus­crit avec Paolo Alessandro Maffei (1653-1716), érudit ayant vécu à Rome. A (Ambrosianus H 117 sup. [diktyon 42883]) : manus­ crit de 183 folios. Le titre mentionné en latin dans le catalogue de 1906 des manus­crits grecs de la Bibliothèque Ambrosienne (Stephani Byzantini de urbibus et populis) semble rattacher ce manus­crit à cette famille, mais la référence peut se rapporter à l’édition de Leyde 1694 qui suit. Le texte se termine par « τέλος θεῶ χάρις », ce qui pourrait en faire un apographe de L. Il a une lacune de 3,5 folios pour la lettre κ (fol. 91v en partie jusqu’à 94v inclus). Ce manus­c rit provient bien du fonds d’origine de la bibliothèque Ambrosienne car il est mentionné dans les fiches de 1607-1608 sans indication de provenance, comme seulement 14 autres manus­crits grecs160. 157 

Pérez Martín 2010, p. 932, pl. 2. Pérez Martín 2010, p. 568 sq. 159  Diller 1938, p. 338. 160  Pasini, Turco 2009, p. 862 n. 22. Il porte le no 181 de cet inventaire (fol. 123v) : « Stephanus De urbibus. Codex in fol. recenti manu exaratus ». 158 

Il devait probablement appartenir à l’archevêque de Milan Federico Borromeo (1564-1631), fondateur de la bibliothèque Ambrosienne. Va (Vaticanus gr.  1294 [diktyon 67925])  : manus­crit de 279  folios papier161. Il comprend trois manus­crits distincts, le premier (fol. 4-143) datant du xive siècle avec des pièces d’Aristophane ; le second (fol. 144-248) avec l’Eisagôgê de Porphyre et l’Organon d’Aristote du xve siècle ; enfin le troisième (fol. 249-279) est le début de Stéphane de Byzance, jusqu’à Askitai (α 478) ; il date du xve siècle également et a pour titre Peri Poleôn ce qui le rattache à cette famille de manus­crits. Le copiste de la 3e partie est identifié à Zacharias Kallierges (1473-1524 ?)162, ce qui serait cohérent avec une copie tirée de N ou de L. Ce manus­c rit a appartenu à la bibliothèque de Fulvio Orsini (1529-1600), où il portait le no 5 de son catalogue 163. Sa bibliothèque est ensuite léguée à la Bibliothèque Vaticane en 1600. Ma (Marcianus gr. XI. 012 [diktyon 70648]) : manus­ crit de 327 folios, daté du xve siècle164. Ce volume comprend le De re rustica de Bassus Cassianus (fol. 1-150v), qui formait en 1500 un manus­crit séparé, et l’œuvre de Stéphane de Byzance (fol. 151-327). Une lacune est indiquée, qui doit correspondre à la lettre κ. La première partie du manus­c rit est rédigée par Markos Mausouros (v. 1470-1517), originaire de Crète et venu à Florence en 1492 avec Janos Lascaris. L’œuvre de Stéphane de Byzance l’est par César Strategos 165, comme l’indique le colophon rapporté par A. Diller : « θεοῦ τὸ δῶρον, ἡ δὲ καίσαρος πόνος τοῦ στρατηγοῦ ». Actif à Florence entre 1490 et 1494, ce copiste a certainement travaillé dans la bibliothèque des Médicis, d’où une copie, ce qui le daterait entre 1492 et 1494. Le manus­crit est probablement commandité par Gioacchino Turriano (1416-1500), général de l’ordre des Dominicains à Venise et proche de Janos Lascaris. À sa mort, il lègue sa collection de manus­crits à son monastère, le couvent dominicain de Santi Giovanni et Paolo 166 qui devient 161 

Diller 1938, p. 340. RGK III, 197. 163  Nolhac 1887, p. 144, n. 1. 164  Diller 1938, p. 340. 165  Jackson 2011, p. 35. 166  Jackson 2011, p. 31. Il porte le n o 127 dans l’inventaire réalisé en 1500 et n’est pas encore réuni avec la première partie du volume (no 152 de l’inventaire). Ce n’est plus le cas en 1528 lorsqu’est établie la liste de Martin Richter  : Jackson  2011, p.  55, no  90. 162 

3. De l’œuvre de Stéphane de Byzance à son Épitomé

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alors la plus importante collection accessible de manus­ crits grecs. En 1789, les manus­crits de ce couvent sont transférés à la Biblioteca Marciana.

ce qui explique les variantes par rapport à son propre manus­crit. Le manus­crit Pg a servi à l’écriture du manus­crit suivant, le Rossianus 1022.

3.6.4. Les autres manus­crits ou extraits

Ro (Rossianus 1022 [diktyon 66457]) : manus­crit papier de 255 folios, daté de la fin du xve siècle. Ce volume regroupe des ouvrages géographiques : la vie de Denys le Périégète par Eustathe de Thessalonique (fol.  1)  ; le commentaire d’Eustathe (fol.  2-165)  ; des extraits de Strabon concernant l’Inde et la Syrie (fol. 165-174v) ; la notice de Stéphane de Byzance sur Iopê (ι 72), c’est-à-dire Jaffa (fol. 174v) ; l’Orbis descriptio de Denys le Périégète avec sa paraphrase (fol. 177-251) ; enfin des excerpta géographiques (fol. 251-252v). C’est une copie du manus­crit précédent comme le signale A. Diller169. Si l’on en juge par la lecture d’A. Diller, il est de la même main que le manus­c rit précédent. Georgios Alexandrou en serait alors le copiste. Le manus­crit est possédé dans un premier temps par Arsenios/Aristobule Apostolis (1468/1469-1535), fils de Michael Apostolis et peut-être rédacteur du reste du manus­crit. Il passe ensuite à son neveux Georgios komês Korinthios, qui lui-même donne un certain nombre de manus­crits au cardinal Guido Ascanio Sforza (1518-1564). Sa bibliothèque aboutit, après 1698, au cardinal Domenico Passionei (1682-1761) dont la collection est acquise par la Biblioteca Angelica en 1763. Une quinzaine de manus­c rits se retrouvent dans la bibliothèque de G. F. de Rossi (1796-1854) constituant aujourd’hui le fonds Rossi de la Biblioteca Apostolica Vaticana.

Nous indiquons ici deux extraits qui se placent en parallèle des manus­crits précédents. Enfin, un manus­crit, non vu, n’a pas pu être restitué dans l’histoire de la transmission du texte. Nous avons laissé de côté ceux qui ne constituent que des copies ou des fragments des éditions modernes167. Pg (Parisinus gr.  2708 [diktyon 52343])  : manus­crit papier de 300 folios, du xve siècle. Ce manus­crit a été signalé par A.  Diller dans son étude de Strabon et pris en compte par M. Billerbeck168. Il regroupe les œuvres d’Hésiode, le commentaire à Denys le Périégète et l’Orbis descriptio du même. Tous les textes sont dotés de scholies. Parmi les commentaires, apparaissent à la fin deux extraits de Stéphane de Byzance : les notices Elaia (ε 29, fol. 251r) et Iopê (ι 72, fol. 252v). L’intérêt vient du copiste de ce manus­crit. En effet, il s’agit de Georgios Alexandrou, dont on reconnaît maintenant parfaitement la main. Les textes présentent des variantes par rapport à P. Pour Elaia, on a la bonne lecture de « Δαναΐς » là où P a « κι (sic pro καὶ) Δαινὶς » ; à la fin, le nombre d’îles (3) est écrit en toutes lettres, là où P a « γ’ ». En revanche, on a aussi, comme dans P, la leçon ἐλεῖται au lieu de ἐλεᾶται. Pour Iopê, l’extrait partage avec P les leçons « ἰοπήτης » et, à la fin, « ἰοπείτης καὶ ἰοπεύς » ; en revanche, il n’ajoute pas ἔστι devant « καὶ ἰοπὶς ». Selon nous, les deux extraits sont rédigés par Georgios Alexandrou directement depuis le manus­crit archétype, 167 Le Monacensis gr. 441 [diktyon 44889], manus­crit daté du xve siècle regroupant les œuvres de Démosthène comprend au début (fol.  1-3), un extrait de l’édition d’Aldus de 1502. Le Vaticanus gr. 962 [diktyon 67593] est postérieur à 1504, voire à 1569 si le lexique de Quintus de Smyrne qui occupe les 31 premiers folios est bien basé sur l’édition de Bâle de cet auteur. Le Parisinus sup. gr. 292 [diktyon 53052], manus­crit  d’Ismaël Boulliau (1605-1694), comprend, à la fin (folios 580-591), une copie manus­crite de S ancienne (avant 1644 ?). Ce dernier a servi à la copie d’Isaac Vossius conservée dans le Leidensis Voss. misc. 13 [diktyon 38200] (fol. 42-53), faite entre 1641 et 1644. Le Leidensis Gro. 115 [diktyon 37804], manus­crit de Gronovius vers 1680 est une copie du « codex Maffei » à Rome, qui correspond sans doute à T (et moins certainement à Z). 168  Diller 1975, p. 195 sq. ; Billerbeck et al. 2006, p. 35-36*. A. Diller le date du xvie siècle car, de la même main que Ro, il fait d’Aristobule Apostolius le copiste.

La (Lanvellec, Bibliothèque du marquis de Rosanbo, fonds principal, 401 [diktyon 37459])  : volume de 397 folios en papier, 290 × 208 mm170. La datation est fournie par H. Omont, qui a vu le manus­crit : xve siècle171. Le manus­crit contient Julius Pollux (fol.  1-137), Stéphane de Byzance (fol. 137-280 : Stephanii Byzantii ethnicorum quae supersunt), l’Orbis Descriptio de Denys le Périégète (fol. 280-305) et le commentaire à Denys d’Eustathe de Thessalonique (fol. 305-397). Ce manus­crit fait partie d’un fonds qui a été acquis par filiation et mariages successifs. La famille des Le Peletier de Rosanbo est issue de Louis, le premier à 169 

Diller 1975, p. 196. Il porte le sigle L dans son étude. Diller 1938, p. 340. A. Diller n’a pas vu ce manus­crit. 171  Omont 1886, no 102, p. 72. 170 

Première Partie : L’œuvre de Stéphane de Byzance et son Épitomé

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acquérir la noblesse à titre héréditaire. Trésorier de France en 1623, il devient en 1627 secrétaire du roi en grande chancellerie. Il avait épousé en 1626 Marie Leschassier, petite-fille du grand humaniste Pierre Pithou (1539-1596). Le volume a été lu par Du Cange comme l’atteste une note mise en tête du volume qui se termine par, nous dit H.  Omont  : Ex bibliotheca Francisci Desmarés, domini de Palis, in Curia patroni, et Facultatis jurium in Universitate Parisiensi doctoris honorarii. 1686. Or une même mention quasi identique se trouve dans l’ouvrage de Pierre et François Pithou, publié en deux volumes en 1687 et 1689172. Il s’agit du juriste François Desmarets (1630-1697), d’abord avocat à Troyes avant de s’établir à Paris vers 1660, sous la protection de Claude Le Peletier173. Son beau-père, Antoine Allen, conseiller au Présidial à Troyes, est l’exécuteur testamentaire de François Pithou à sa mort en 1621. En 1660, il lègue à son tour les manus­crits des Pithou qui auraient dû être donnés au collège de Troyes174 à son gendre François Desmarets. Celui-ci les donne à son protecteur, qui s’honorait de descendre de Pierre Pithou. La source est donc assurément Pierre Pithou (1539-1596) ou son frère François (1543-1621). Le manus­crit, qu’a vu H. Omont, ne semble pas disparate et peut dater de la fin du xve siècle. 3.6.5. Analyse de la transmission du texte par copie de l’archétype Nous ne reviendrons pas sur les liens entre les différents manus­crits, bien analysés par A. Diller et complétés par M.  Billerbeck, qui établissent de manière à peu près

Cet ouvrage a pour titre : Petri et Francisci Pithoei juris­ consultorum observationes ad Codicem et Novellas Justiniani imperatoris per Julianum translatas. Accedit legum Romanarum et mosaïcarum collatio notis illustrata. Ex bibliotheca illustrissimi D. D. Claudii Le Peletier regni administri, Regii Aerarii praefecti, & supremi Galliarum senatus praesidis infulati. Cura Francisci Desmarés, domini de Palis, et de Luyéres in curia patroni, & facultatis jurium in Universitate Parisiensi doctoris honorarii. 173  Nous tirons ces renseignements de l’étude de F.  Gabriel (Gabriel 2004, § 3). 174  Parmi lesquels la copie des trois traités de Vigor qui font l’objet de l’étude de F. Gabriel (Gabriel 2004). C’est sans doute la même transmission qui doit s’appliquer au Parisinus supl. gr. 443 [diktyon 53175], noté D dans le corpus des géographes grecs (voir Marcotte  2000, p.  lxxxiv). Ce dernier n’a toutefois pas été restitué après les restitutions des saisies révolutionnaires en 1815 et s’est trouvé mis en vente avec la bibliothèque de Rosny en 1837 (acquis à cette vente par la Bibliothèque nationale). 172 

sûre le stemma des manus­crits principaux175. Mais grâce à l’identification de plus en plus précise des différents copistes, il est possible de revoir l’histoire des derniers temps de notre archétype ω et des copies qui en ont été faites dans la seconde moitié du xve siècle. Les manus­crits R, Q, P et l’hypothèse de ψ et ρ P, à l’inverse de N, est un manus­crit qui n’est pas finalisé  : les initiales de très nombreux lemmes n’ont pas été remplies à l’encre rouge. Q est en revanche une véritable édition de G. Tribizias, dont on trouve l’exact parallèle de composition, chez ce copiste, avec plusieurs manus­crits. Si M, l’apographe de Q, est bien écrit par Tommaso Zanetelli à Venise avant son départ auprès d’Ermolao Barbaro, il faut le dater de 1485 au plus tard et considérer que Q est plus ancien (entre 1470 et 1480). P peut être également ancien et N plus proche du début des années 1480 que de 1490 comme le propose M. Billerbeck. Les manus­crits R, Q et P sont très proches dans leur mise en forme : le titre et le colophon du manus­crit176, les lemmes avec l’emploi de l’encre rouge pour l’initiale, la présentation du texte sur 30 lignes. Toutefois, des différences sont également perceptibles dans la façon de présenter le texte ou le découpage des livres ; elles témoignent des caractéristiques propres à chaque copiste177. Il semble y avoir une convergence plus grande entre Q et P par les annotations marginales de certaines informations, les titres intermédiaires par lettre voire deux lettres … L’édition de M. Billerbeck montre bien de nombreuses lectures communes contre R. Dans la notice Charakmôba (χ 25), un saut du même au même existe chez P et Q et pas chez R : « ἣν ἀναγράφει πτολεμαῖος ἐν γεωγραφικοῖς ἐν εʹ βιβλίῳ ἐν ταῖς ἀραβικαῖς τῆς εὐδαίμονος. οὐράνιος δὲ ἐν τοῖς ἀραβικοῖς· ἀξιόπιστος δὲ ἀνὴρ περὶ τὰ τοιαῦτα· ». Il semble même y avoir, dans P, une correction de « ταῖς ἀραβικαῖς » en « τοῖς ἀραβικοῖς », mais qui n’est peut-être qu’une correction normale sans lien avec le saut du même au même. Faut-il donc imaginer que P et Q partent d’un même manus­crit, comme le propose M. Billerbeck, qui lui attribue la lettre ψ ? Diller 1938 et Billerbeck et al. 2006, p. 16*-25*. C’était probablement le cas de P avant le remplacement du 1er folio. 177  Nous considérons que la manière dont sont effectués les découpages soit en fonction des anciens livres soit simplement des lettres relève du choix du copiste, en fonction bien sûr de l’information présente dans l’archétype. Le fait d’aller à la ligne ou non pour chaque notice ou groupe de notice également. 175 

176 

3. De l’œuvre de Stéphane de Byzance à son Épitomé Le manus­crit R, quant à lui, présente de nombreuses erreurs de lecture. À  l’inverse, il est parfois le seul à donner une lecture exacte par rapport à Q, P et N. R n’est donc pas issu du même manus­crit que Q et P mais faut-il alors imaginer un autre manus­crit antérieur à R ? La question est posée par M. Billerbeck qui restitue un manus­crit intermédiaire (ρ) ayant servi à R et N et différent de R. Dans l’hypothèse de M.  Billerbeck, l’archétype aurait été copié à deux reprises (dans un atelier crétois ?) et aurait disparu ensuite. L’un des exemplaires (ψ) aurait été emporté à Venise, où il aurait servi d’abord à Georgios Tribizias pour la copie de Q et à Georgios Alexandrou pour la copie de P dans un second temps. Georgios Alexandrou l’aurait gardé et utilisé pour la composition de N. Le second exemplaire (ρ) serait resté à son endroit primitif (en Crète ?) où il aurait été copié par D. Moschos. Les deux n’auraient pas été en mesure de lire la lacune entre Kelaithrou et Koraros petra dont les folios existaient encore dans l’archétype mais étaient abimés (voire déjà vides eux-mêmes) ; nous comptabiliserons environ 5 folios présentés vides dans ψ, mais absents de ρ. Les numéros de livres primitifs n’auraient pas non plus été copiés de la même manière, ce qui expliquerait les quelques différences entre nos trois manus­crits. Enfin, Georgios Alexandrou aurait utilisé ρ au même titre que P pour l’écriture de N. Selon M. Billerbeck, le manus­crit ρ serait celui qui est mentionné dans la bibliothèque de Giovanni Francesco Pico della Mirandola (1469-1533), neveu du célèbre Pic de la Mirandole178. Ce manus­crit apparaîtrait dans le catalogue de cette bibliothèque sous le titre Compendium Stephani de gentibus et locis vel gentilibus locis, exacte traduction en latin de « στέφανου (βυζαντίου) κατ’ ἐπιτομήν περὶ πόλεων καὶ δήμων », c’est-à-dire un manus­crit issu de N ou plus vraisemblablement de L. Or, A. Diller a montré que cette partie de la liste du catalogue est en fait une adjonction plus tardive, non datée, et se rapporte à la bibliothèque d’Ermolao Barbaro179. Notons d’ailleurs que la proposition d’A. Diller d’y voir le manus­crit M, rédigé par Tommaso Zanetelli, ne convient pas non plus au vu du titre (cf. supra p. 68).

Billerbeck et al. 2006, p. 9*, n. 15 ; M. Billerbeck considère que Demetrios Moschos en est le copiste (d’où l’assimilation avec R ou ρ), compte tenu du fait qu’il a copié pour le même un évangile en 1499. 179  Il porte le no 1638 du catalogue ; voir Diller 1963, p. 260.

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Le manus­crit N Il nous faut revenir un instant sur le manus­crit N, que M. Billerbeck propose comme lien entre P et ρ. Il est réalisé par le même copiste que P, Georgios Alexandrou, avant la réparation des folios 1 et 10 qui intervient avant le début du xvie siècle. Il bénéficie des bonnes lectures de P2 mais également, si l’on suit M. Billerbeck, de l’ajout de leçons communes avec R, qui proviendrait donc d’une autre tradition que P et Q. En outre, M. Billerbeck fait dériver L de N à travers un intermédiaire, φ, qui serait le manus­crit de Jean Calphurnius (hypothèse que nous examinerons ci-après). Il n’y a pas beaucoup d’alignement de N sur R. Ainsi, la ligne sautée dans la notice Charakmôba (χ 25) que nous avons signalée plus haut n’est pas corrigée dans N alors que R a la bonne lecture. Nous avons noté le côté inachevé du manus­crit P ; N étant du même copiste, il semble avoir bénéficié d’une attention plus grande que la première copie. Par exemple, P avait signalé la redondance des notices raccourcies du début de la lettre x ; elles n’existent plus dans N. De la même manière, les résidus de titres de livres de Stéphane de Byzance, encore présents dans P, ne se retrouvent pas dans N où l’on note simplement le début de chaque lettre. Enfin, le changement de titre, initié par N, est lié très certainement à une lecture des Chiliades de Jean Tzétzès comme on le propose depuis longtemps180. Les Chiliades sont copiées à plusieurs reprises au cours du xve siècle181 ; parmi les copistes on trouve Théodore de Gaza (Laurentianus Plut.  57.  32 [diktyon 16401]) qui laisse à sa mort sa bibliothèque à son disciple Démétrios Chalkondylès, ou Jean Moschos (Laurentianus Plut. 69. 14 [diktyon 16541]). C’est donc un texte suffisamment connu pour qu’un érudit de cette époque ait pu noter ce titre en croyant le corriger comme étant celui de l’œuvre d’origine. Pour C. Neri comme pour S. Valente182, N peut venir directement de P ou être issu directement du même manus­crit, simplement rédigés à des moments différents. C’est également ce que nous proposons car en regardant dans le détail les divergences de N avec le reste de la tradition, celles-ci sont plutôt de l’ordre de corrections du copiste. Nul doute que Georgios Alexandrou aura voulu établir un meilleur manus­c rit que P, probablement en utilisant encore ψ ou le manus­crit archétype, qui a

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180 

Voir par exemple Diller 1938, p. 342. Le site Pinakes propose dix manus­crits pour ce siècle. 182  Neri 2008 ; Valente 2009, p. 359-361. 181 

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Première Partie : L’œuvre de Stéphane de Byzance et son Épitomé

pu rester en sa possession. C’est d’ailleurs sur N qu’est faite la copie de luxe pour Laurent de Médicis en 1492, le manus­crit L, preuve que ce manus­crit devait avoir la meilleure qualité de copie pour le prince et qu’il correspond, peut-être, à celui qu’avait signalé Janos Lascaris ; mais nous allons y revenir. Les lacunes dans R, Q et P La question se pose néanmoins de savoir si les copistes de R, Q et P lisaient le même manus­crit comme nous le pensons ou deux différents suivant l’hypothèse de M. Billerbeck. Nous avons regardé en détail les endroits où les trois manus­crits présentaient des lacunes, c’est-àdire des mots absents indiqués par une petite fenestra, normalement plus ou moins grande suivant le nombre de lettres non lues. Nous avons tenu compte également des réécritures de la main P2 qui témoignent d’une relecture de l’archétype, très souvent en lien avec des difficultés de lecture des autres manus­crits183. Au total, sur l’ensemble des trois manus­crits, 212 notices comportent des lacunes dans au moins l’un des manus­crits. Sur ce nombre, presque les deux-tiers font l’objet d’une difficulté de lecture des trois copistes à la fois (136 notices, soit 64,15%) ; 47 notices (soit 22,17%) ont des lacunes dans au moins deux des manus­crits tandis que 29 notices (13,68%) ne sont mal lues que par un seul des copistes. Dans ce cas, ce sont les copistes de P et de Q qui ont le plus de difficultés (respectivement 11 et 13 notices, contre 5 seulement pour R)184. Lorsque deux copistes ont le plus de mal à déchiffrer, ce sont ceux de Q et P (35 notices) puis de Q et R (11 notices). Lorsque les trois copistes ont des difficultés de lecture, celles-ci portent quasi systématiquement sur les mêmes mots. Par exemple, si l’on prend la courte notice Agamos (α 27)185, on trouve une lacune pour « Ἀγαμός, πόλις περὶ  », «  ἀπὸ παλαιᾶς  » et «  αὐτήν  » dans le manus­crit  R  ; Q lit mal seulement «  πὸ παλαιᾶς  ». La main  P 2 vient donner la bonne lecture pour l’ensemble. En revanche, les trois butent sur le même mot vers la fin de la notice : « καί αὐτήν ». On le voit, le texte lu par les trois copistes est bien le même, avec les mêmes mots difficiles à lire, soit qu’ils aient été mal 183   Là-dessus, voir les remarques très judicieuses de Diller 1938, p. 344-345. 184   Nous ne préjugeons pas ici de la bonne lecture mais simplement de la lecture du manus­crit archétype. 185  Ἀγαμός, πόλις περὶ Ἡράκλειαν τὴν Ποντικήν. ὠνόμασται δὲ ἀπὸ παλαιᾶς βασιλίδος, ἣ στέρξασα παρθένος καὶ κυνηγὸν καί αὐτήν. ὁ πολίτης Ἀγάμιος.

écrits, soit qu’un accident postérieur du manus­crit les aient rendus peu lisibles voire totalement illisibles186. Et pourtant, on sait que leurs trois rédacteurs (Georgios Tribizias, Georgios Alexandrou et Démétrios Moschos) sont d’excellents copistes par ailleurs. Le plus intéressant est la correction apportée par la seconde main de P sur un certain nombre de mauvaises lectures des deux autres copistes. Ces corrections se retrouvent pour 29 notices, comme par exemple Abilê (α 7) où P2 complète « οὐδετέρως δὲ αὕτη », Agros (α 49) avec « ἀγροιῶτις καὶ », ou Koriolla (κ 163) où elle donne la bonne lecture de l’ethnique « Κοριολλανός ». Ceci implique que tous ont lu le même manus­crit avec des mots effacés mais qu’un travail de relecture de la part d’une personne très aguerrie (Démétrios Chalkondyles ?) a permis de compléter le texte, même si les leçons ne sont pas toujours exactes. Ces convergences systématiques sur les mêmes difficultés de lecture nous prouvent que les trois copistes ont travaillé sur le même manus­crit archétype. Nous ne gardons donc pas l’hypothèse de manus­crits intermédiaires ψ et ρ. Le manus­crit de la bibliothèque de Jean Calphurnius On a pu considérer jusqu’à ces dernières années que le manus­crit qu’avait Jean Calphurnius était soit le manus­crit archétype à l’origine de toutes les copies que nous connaissons187, soit un manus­crit inconnu. 186 

Voici les notices présentant des lacunes quasi identiques dans les trois manus­crits. Abioi (α 8 : Q fol. 2v, P fol. 2v, R fol. 2v), Agêssos (α 30 : Q fol. 5, P fol. 4v, R fol. 4v), Agriai (α 47 : Q fol. 7, P fol. 6v, R fol. 6), Amumnoi (α 284 : Q fol. 25, P fol. 23, R fol. 23), Augeiai (α 535 : Q fol. 41, P fol. 36, R fol. 37), Damaskos (δ 10 : Q fol. 61v, P fol. 51v, R fol. 55), Dardanos (δ 18 : Q fol. 61v-62, P fol. 52, R fol. 55v), Darai (δ 20 : Q fol. 62, P fol. 52, R fol. 55v), Darsania (δ 23 : Q fol. 62, P fol. 52, R fol. 55v), Daseai (δ 25 : Q fol. 62, P fol. 52, R fol. 57v), Daton (δ 29 : Q fol. 62, P fol. 52v, R fol. 56), Dêmos (δ 65 : Q fol. 64, P fol. 53v, R fol. 57v), Krokodeilôn polis (κ 225 : Q fol. 108v, P fol. 83v, R fol. 90v), Kuphos (κ 303 : Q fol. 112, P fol. 86, R fol. 94), Lazoi (λ 16 : Q fol. 114, P fol. 87v, R fol. 95v), Larissa (λ 45 : Q fol. 116, P fol. 89, R fol. 97v), Maspioi (μ 87 : Q fol. 121v, P fol. 93, R fol. 102v), Mesola (μ 156 : Q fol. 124v, P fol. 95, R fol. 105), Milêtos (μ 184 : Q fol. 126, P fol. 96-96v, R fol. 106v), Minôa (μ 193 : Q fol. 126v, P fol. 96v, R fol. 107), Monogissa (μ 208 : Q fol. 127, P fol. 97, R fol. 107v), Narthêkis (ν 15 : Q fol. 130v, P fol. 99v, R fol. 110v), Tiriza (τ 134 : Q fol. 174v, P fol. 130v, R fol. 160v), Cherronêsos (χ 40 : Q fol. 194, P fol. 144v, R fol. 179), Cholargos (χ 49 : Q fol. 195, P fol. 145v, R fol. 180), Chrusê (χ 57 : Q fol. 195v, P fol. 145v, R fol. 180v), Ôgugia (ω 3 : Q fol. 198, P fol. 147v, R fol. 183v), Ôkalea (ω 7 : Q fol. 198v, P fol. 148, R fol. 183v). 187   Selon  D. Marcotte, c’est entre 1492 et l’editio princeps d’Aldus Manutius de 1502 que 17  manus­c rits ont été copiés (Marcotte 1987, p. 193).

3. De l’œuvre de Stéphane de Byzance à son Épitomé L’identification d’un des professeurs du Studio de Padoue pour la période 1475/76-1479, Georgios Alexandrou, d’une part, et son attribution comme copiste du manus­ crit P nous amènent à considérer que Calphurnius n’était détenteur que d’une copie de l’archétype. Et qu’il faut peut-être faire remonter aux années 1470 les premières copies. Mais dans ce cas, quel est le manus­crit de Jean Calphurnius, que M. Billerbeck appelle φ et place dans la chaîne de transmission entre N et L ? On sait que la bibliothèque de Giovanni Planza de Ruffinoni, dit Jean Calphurnius, éditeur puis récipiendaire de la chaire de rhétorique au Studio de Padoue à partir de 1486, contenait un manus­crit  de l’Épitomé de Stéphane de Byzance188. Lorsqu’il accueille en 1491 Janos Lascaris, en route pour la Grèce pour acquérir des manus­crits grecs, ce voyageur voit dans la bibliothèque de son hôte le manus­crit et le signale. Le volume est mentionné à nouveau le 18  janvier 1503, lors de l’établissement de la première liste du catalogue de la bibliothèque de Calphurnius, léguée au couvent de San Giovanni di Verdara à Padoue189. Il est noté sous le titre : «  Στεφάνου ἐθνικῶν ἐπιτομή  » ce qui le rattache à la famille de R, Q et P190. Cependant, il n’apparaît pas dans le catalogue de cette bibliothèque rédigé par Tomasini et publié en 1639 ; il a donc changé de propriétaire entre temps. Notons qu’on a conservé plusieurs manus­crits ayant appartenu à Jean Calphurnius191. Parmi ceux-ci, quatre sont copiés par Zacharias Kallierges, seul ou avec Démétrios ou Georgios Moschos192. Un autre est copié 188 

Marcotte 1987, p. 193 ; Marcotte 2000, p. 265-266. On trouvera dans l’article de D. Marcotte (Marcotte 1987, p.  192 sq.) la transcription de l’acte notarié de l’inventaire de 1503 (le manus­crit de l’Épitomé est le n o  10). Voir également Giacomelli 2020, p. 134-136. 190   C.  Schiano fait la même observation (Schiano  2008, p.  687 n.  2). Notons également que dans le testament de Jean Calphurnius, on signale que le manus­crit a le dos jaune (cum fundelo cloceo [= croceo]). 191  Pour les manus­crits grecs, voir l’étude de C.  Giacomelli (Giacomelli 2020). Nous remercions T. Ganchou de nous avoir signalé cet article très intéressant pour notre propos. 192  Leidensis BPG 074F [diktyon 37727] : poésies de Phocylides et Theognis, Orbis Descriptio de Denys le Périégète, copié par Demetrios Moschos et Zacharias Kallierges (no 35). Parisinus gr. 2830 [diktyon 52468] : miscellaneus de 285 fol. copié par Constantin Paleocappa (fol.  1-123 v), Iakobos Diassorinos (fol.  125-172 v), Georgios Moschos (fol.  175-192 v ) et Zacharias Kallierges (fol.  232-239)  ; le manus­crit a appartenu d’abord à Giovanni Marcanova (†  1467) puis Jean Calphurnius avant d’être finalisé par Constantin Paleocappa qui en écrit le sommaire. Gudianus gr. 025 [diktyon 72069] + 026 [diktyon 72070] : Philostrate et les scholies de Maxime Planudes + Théophraste, Maxime Planudes et 189 

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vraisemblablement à Padoue par un copiste anonyme (qui pourrait être Manuel Gregoropoulos) 193 dans un contexte proche de Niccolò Leonico Tomeo, autre enseignant de Padoue de 1486 à 1497. Une des clefs selon nous est la présence de Georgios Alexandrou au Studio de Padoue entre 1475 et 1479, en tant que successeur de Démétrios Chalkondylès. On peut imaginer qu’il avait gardé avec lui le manus­crit P, manus­ crit non finalisé comme on l’a dit, et probablement le manus­crit archétype qui lui a servi également à rédiger N. Il est intéressant de noter que Janos Lascaris signale le manus­crit en 1491 et qu’en début d’année suivante Laurent de Médicis, pour qui il travaille, fait copier le manus­crit à Venise. Dans le carnet de voyage que tient Janos Lascaris194, deux folios (54v et 55r) sont consacrés à Padoue (« ἐν Παταβίῳ »). Les différents lieux qu’il visite sont tout d’abord deux couvents  : S.  Giustina (« ἐν τῇ ἁγίᾳ Ἰουστίνῃ », fol. 54v, l. 1-12) et S. Giovanni in Verdara («  ἐν τῷ ἁγίῳ Ἰωάννῃ τῆς Οὐαρδήνας  », fol. 54v, l. 13-14) sur lesquels nous ne nous étendrons pas. Il liste ensuite les particuliers qu’il rencontre  : «  ἐν τοῖς Ἀλεξάνδρου καὶ ἐν Καστώρου ἀτελὲς παρὰ Μανουήλῳ τῷ ἀνατολικῷ  |  Ἀλεξάνδρου περὶ τῶν τῆς διανοίας σχημάτων καὶ περὶ τῶν τῆς λέξεως | Μινουκιανοῦ περὶ ἐπιχειρημάτων, ἐν ἄλλῳ Νικαγόρου » (fol. 55r, l. 1-3) et un peu plus bas, séparé par un espace blanc, «  ἐν τοῖς Καλπουρνίου | Στεφάνου τοπικῶν κατὰ στοιχεῖον » (fol. 55r, l. 4-5)195. Cette dernière mention concerne donc Calphurnius et son manus­crit de Stéphane de Byzance. Le premier particulier n’a pas été identifié par K. Müller, d’abord par difficulté de lire le mot exact Καστώρ(ου) que nous développons en Καστώρου, avec la même abréviation que Ἀλεξάνδρ(ου) qui précède. Le nom de famille d’Alexandre pourrait-il concerner Georgios Alexandrou, nom usuel de notre copiste de P ? Les deux œuvres que cite Janos Lascaris se retrouvent dans le Parisinus gr. 1741 [diktyon 51367], manus­crit provenant de la bibliothèque de Niccolò Ridolfi (et donc probablement de celle de Lascaris) et correspondant au De figuris d’Alexandre le Aristote, copié par Zacharias Kallierges (fol. 1-125v et 159-169v + Gudianus gr. 026) et Démétrios Damilas (fol. 126-154) ; annoté par Démétrios Chalkondyles (no 6) ; Jean Calphurnius est le probable commanditaire du manus­crit. Gudianus gr. 071 [diktyon 72103] : Fables d’Esope, copié par Zacharias Kallierges. 193  Oxonensis Holkham gr. 097 [diktyon 48165]  : Plutarque (œuvres morales), copié par le même copiste anonyme (Manuel Gregoropoulos ?) que le Parisinus gr. 2956 [diktyon 52596]. 194  Le manus­crit a été conservé (Vaticanus gr. 1412 [diktyon 68043]) et édité par K. Müller (Müller 1884). 195  Müller 1884, p. 389.

Première Partie : L’œuvre de Stéphane de Byzance et son Épitomé

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rhéteur (fol. 106v-115v) et au De argumentis opusculum de Minucianus (fol. 294-297v). Le manus­crit a été possédé par Théodore de Gaza et Manuel Angelos qui peut être le même que le Manuel « l’oriental » du texte de Janos Lascaris. En fait, c’est probablement ce dernier qui a conservé les bibliothèques de Georgios Alexandrou et de Castor, qui reste à identifier. M. Billerbeck considère qu’un manus­crit intermédiaire a existé entre N et L ; selon elle, ce manus­critserait celui conservé dans la bibliothèque de Jean Calphurnius, qu’elle appelle φ196. Compte tenu de l’identification du copiste de P et N avec un des professeurs immédiatement antérieur à Jean Calphurnius mais ayant pu continuer à résider à Padoue ou en tout cas rester en lien avec le Studio, on peut se demander si le manus­crit que celui-ci avait en sa possession n’était pas justement l’un des deux. L’article récent de C. Giacomelli permet de préciser les auteurs des annotations marginales que nous avons indiqués supra (p. 69) dans le manus­crit P. Grâce à l’étude des différentes mains, il a pu mettre en évidence que les annotations les plus nombreuses (presque à chaque folio) sont le fait de Jean Calphurnius, que ce soit en encre rouge ou noire197. Il distingue également une deuxième main, celle de Niccolò Leonico Tomeo, elle aussi tout au long du manus­crit. Enfin, une troisième main non identifiée intervient en encre rouge et de manière isolée. Nous suivons donc entièrement C. Giacomelli dans son identification du manus­crit P comme étant celui mentionné dans la bibliothèque de Jean Calphurnius. Georgios Alexandrou n’aurait conservé que N, la copie la mieux aboutie de l’Épitomé. Les caractéristiques de l’archétype Il nous faut revenir sur plusieurs éléments présents dans l’archétype ω, qui est donc le manus­crit à l’origine de Q, P et R. Tout d’abord la coupure entre Kelaithrou et Koraros petra est quelque chose de significatif dans les copies des manus­c rits. Le manus­c rit  P a laissé vide deux folios. Le manus­crit Q, qui est écrit de manière moins dense, 5 folios et demi. Le manus­crit R n’a quant à lui aucune indication de la lacune. Pour les manus­crits qui dépendent de P, nous avons des indications pour les manus­crits florentins, issus de N. Celui-ci a une lacune de 5 folios, que l’on retrouve dans Ne et Sc. À l’inverse, les manus­crits de M.  Souliardos (Pa1, Pa2, T), issus 196  197 

Billerbeck et al. 2006, p. 24*. Giacomelli 2020, p. 112 et 125.

de L, ont gardé une simple indication d’un demi-folio. Comme nous l’avons écrit supra (p. 62), il est tout à fait possible que cette lacune ait été notée anciennement comme résultant d’une perte du cahier final du premier tome de l’abrégé d’Eustathe de Thessalonique. Le copiste du second abrégé aurait peut-être laissé libre des folios, dans l’hypothèse de retrouver le cahier perdu et pouvoir ainsi compléter son texte. Le copiste de ω aurait repris la même disposition. Autre élément significatif, le doublon des notices au début de la lettre X, avec les notices très résumées et celles qui le sont moins. On le trouve dans les manus­ crits Q, P et R. Dans P, le copiste a signalé ce doublon, qu’on ne retrouvera plus par la suite. Enfin, les numéros de livres primitifs apparaissent dans P et R. Nous avons noté de manière précise leur apparition supra (cf. p. 31-34). Dans P, ils sont écrits en rouge, à la fin du lemme terminant le livre précédent ; on trouve également parfois l’indication de la fin du livre (ex « .τέλος τοῦ .Δ. βιβλίου .βιβλίου .Ε : », fol. 23v). Le lemme du nouveau livre est écrit à la ligne. Dans N, cette information a disparu, probablement parce qu’elle ne semblait pas pertinente pour l’édition de qualité que vise ce manus­crit. Notons qu’un certain nombre de changements de livre a pu être volontairement omis dans le manus­crit P car cela correspond à des parties où les lettres en rouge sont absentes, ce qui explique qu’on les trouve dans R et pas dans P. Les difficultés de lecture semblent souvent être regroupées. Elles correspondent sans doute à des taches198, et permettent d’approcher l’organisation des lignes du manus­crit archétype. Dans la notice Abantis (α 3), Q et un peu R ont quelques lacunes mais on ne la retrouve pas dans le premier folio P (de la 3e main) : τὸ δὲ Τευκρός διήλλαξεν· ὀξύνεται γάρ. τὸ κτητικὸν Ἀβάντειος ἢ τοῦ κυρίου ἢ τῶν Ἀβάντων, οὐ τόπου τινὸς Ἀβαντίου, ὡς τὸ Βυ (58 car., avec espaces) ζαντίου, ἀλλ’ ὡς Θόας Θοάντειος (…)

À la fin de la notice Aborigines (α 10), plusieurs mots manquent dans Q et R et sont de seconde main dans P : Ἀβοριγινέων Κοτύλην, οὗ νᾶσος ὀχεῖται, οἷς ἀναμιχθέντες δεκάτην ἐκπέμψατε Φοίβῳ, καὶ κεφαλὰς Κρονίδῃ καὶ τῷ πατρὶ (57 car., avec espaces)

198 

A. Diller y voit une altération de l’archétype, peut-être du fait de l’humidité (Diller 1938, p. 345).

3. De l’œuvre de Stéphane de Byzance à son Épitomé πέμπετε φῶτα. ἀλλ’ αὐτὸς τῷ χρησμῷ μὴ πειθόμενος ταῖς προ ειρημέναις ἐχρήσατο κλίσεσιν.

Au début de la notice Abudoi (α 16), les trois ont également des manques, complétés par la deuxième main de P : Ἄβυδοι γ’ πόλεις. ἡ καθ’ Ἑλλήσποντον τῶν Μιλησίων ἄποικος, ὡς Διονύσιος Σηστὸς ὅπῃ καὶ Ἄβυδος ἐναντίον ὅρμον ἔθεντο. καὶ ἡ κατ’ Αἴγυπτον τῶν αὐτῶν ἄποικος, ἀπὸ Ἀβύδου τινὸς κληθεῖσα, καὶ ἡ (58 car., avec espaces) κατὰ τὴν Ἰαπυγίαν ἢ Ἰταλίαν, ἣ οὐδετέρως λέγεται, ὡς Φιλέας ἔστι δὲ καὶ Ἰαπυγίας πολισμάτιον ἐν Πευκετίοις οὕτως κατ’ ὀρθὴν

On le voit, ces exemples permettent de proposer pour le manus­crit  archétype ω 57/58 caractères par ligne. On trouve également des erreurs de lecture qui peuvent

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correspondre à des sauts d’une ligne. Par exemple fol. 3r du manus­crit  P, dans la notice Abrotonon (α  15), la ligne oubliée suivante est ajoutée en marge  : «  καὶ Παντικαπαιεύς καὶ Δουλιχιεύς, οὕτως Ἀβροτονεύς  » (50 car. espaces compris). Sur la présentation générale, on tiendra compte du manus­crit S qui représente un état antérieur à l’archétype. Dans S, les lemmes sont systématiquement en début de ligne, avec retour à la ligne si besoin. Il est probable que les abrégés, au moins à partir de la seconde abréviation, ont systématiquement cherché à gagner de la place. La plupart des notices devaient être les unes à la suite des autres dans l’archétype, sauf pour les changements de livres ou de lettres. Dans S, les citations sont indiquées par un signe semblable à une virgule dans la marge ; c’est ce que l’on retrouve encore à de rares endroits dans le manus­crit  R mais pas dans P ou Q. Cette indication pouvait être présente dans l’archétype. Outre les sommaires de livres qui ont sans doute disparu très tôt (comme l’introduction ?), on note que la première nouvelle lettre du premier lemme (Eares, ε 1) a une lettrine dans S, aussi bien dans le sommaire que dans le corps du texte. Cela renvoie également aux lettrines qui apparaissent dans les trois manus­crits et que l’on pouvait trouver de la même manière dans le manus­crit archétype. Enfin, dans le manus­crit S les nombres sont indiqués par des lettres surlignées ; il en était probablement de même dans l’archétype. Le stemma de la transmission de l’œuvre

Figure 20 – Stemma traditionnel de la tradition manuscrite (d’après Billerbeck 2006, p. 29* pour la partie basse).

Pour résumer les acquis de notre étude, nous avons dressé un stemma de la tradition manus­crite sous deux formes. La première (fig. 20) est celle que l’on trouve de façon classique dans toute édition de texte ancien. Nous avons complété celui que donne M.  Billerbeck199 par les hypothèses de transmission que nous avons développées ci-dessus. Les lecteurs du manus­crit  apparaissent à droite, en italique. Le second stemma (fig. 21) est tracé en utilisant le principe des diagrammes stratigraphiques qu’utilisent les archéo199 

Billerbeck et al. 2006, p. 29*.

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Figure 21 – Diagramme chronologique de la tradition manuscrite.

Première Partie : L’œuvre de Stéphane de Byzance et son Épitomé

3. De l’œuvre de Stéphane de Byzance à son Épitomé logues. Il permet de mettre en évidence la pérennité de certains manus­crits malgré leur copie, et intègre donc une indication de durée qui n’apparaît pas dans un stemma traditionnel fondé uniquement sur les transmissions. Or, cette information peut être importante. Nous pouvons ainsi mieux distinguer le moment où certains manus­crits disparaissent. Comme pour les diagrammes stratigraphiques archéologiques, l’important est de noter ici les liens de relations (antérieur/postérieur à) mais non de garder une échelle de temps homogène. Ceci explique la dilatation de certaines périodes au sein du diagramme. Nous partons de la période la plus ancienne, à la base du diagramme, pour arriver à notre époque. En haut du diagramme sont mentionnés les manus­crits (et l’édition d’Aldus) dont nous disposons. Il est ainsi facile de remonter à leur origine. La double (voire triple) paternité est également plus facile à rendre sous cette forme.

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mations de la notice Dôdônê 202. Dans les deux cas est cité « l’auteur des Ethniques » comme Strabon est appelé « le géographe », suivant en cela l’usage d’Eustathe de Thessalonique qui est en fait la source des passages. Il peut exister d’autres traces du texte de Stéphane de Byzance dans l’œuvre du pseudo-Eudoxie. On trouve par exemple dans le chapitre sur Didon (CCLXVIII) une description de Carthage qui en provient. Mais cette étude rejoint celle du texte d’Eustathe de Thessalonique.

3.6.6. Une utilisation tardive indirecte : le faux Violarium d’Eudoxie On sait que l’œuvre encyclopédique attribuée à l’impératrice Eudoxie Macrembolitissa, femme de Constantin X puis de Romain IV Diogène, est en réalité l’œuvre d’un faussaire du xvi e  siècle, Constantin Paleocappa. Ce long ouvrage, appelé Ἰωνιὰ (« lit de violettes », en latin Violarium) détaille les personnages de la mythologie grecque, ainsi que la vie des anciens Grecs célèbres 200. L’œuvre est soi-disant dédiée à son second mari absent de Constantinople, dont elle attend le retour après la défaite de Manzikert (août 1071). En deux endroits est mentionné Stéphane de Byzance : la notice Ausôn constitue un court chapitre (76, CLXXXIX)201, tandis que son paragraphe sur le chêne de Dodone (126, CCLXXVII) reprend plusieurs infor-

200 

Le texte est édité par H. Flach (Flach 1880). La forgerie a été mise en évidence par P. Pulch (Pulch 1880 et 1882). 201 « Αὔσονες δὲ οἱ Ἰταλοὶ λέγονται ἀπὸ Αὔσονος, ὃς πρῶτος τῶν κατὰ Ῥώμην βασιλεῦσαι πρός τινων ἱστορεῖται, Ὀδυσσεῖ γεγονὼς ἐκ τῆς Κίρκης, ἢ κατὰ τὸν τὰ Ἐθνικά γράψαντα ἐκ Καλυψοῦς γεννηθεὶς τῷ Ἄτλαντι, ἀφʼ οὗ καὶ τὸ Σικελικὸν πέλαγος Αὐσίνιον ἐκλήθη ποτέ, ὡς καὶ Ἰταλοὶ ἀπό τινος Ἰταλοῦ ». À comparer avec la notice de l’Épitomé (α 546) : « Αὔσων· ὁ Ἰταλός. Λυκόφρων ‘κτείνουσιν αὐτὸν Αὔσονες Πελλήνιοι’. καὶ Αὐσονίς τὸ θηλυκόν, καὶ Αὐσόνιος καὶ Αὐσονία ἡ χώρα, ἀφ’ οὗ Αὐσονιεύς· καὶ Αὐσόνειος, Λυκόφρων ‘ὁ δ’ Αὐσονείων ἄγχι Κάλχαντος τόπων’. καὶ Αὐσονίτης, ὁ αὐτός ‘παρ’ Αὐσονίτην Φύλαμον δομήσεται’. καὶ Αὐσονῖτις θηλυκόν, ὁ αὐτός ‘ὁ τῆς θαλάσσης Αὐσονίτιδος μυχούς’. καὶ Αὐσόνιος κτητικόν ».

A. Meineke a restitué la phrase donnée par le Violarum mais elle ne fait pas partie du texte transmis par l’Épitomé. 202 

Deuxième Partie

Organisation, contenu et sources des Ethniques de Stéphane de Byzance La révision de l’ensemble du texte des Ethniques disponible permet donc de poser les bases méthodologiques indispensables pour la bonne interprétation des notices conservées dans l’Épitomé. Au-delà de l’histoire de la transmission du texte, qui peut apparaître presque anecdotique, c’est la mise en évidence d’une abréviation différenciée qui constitue un point fondamental. Jusqu’à présent souvent évoquées, mais jamais véritablement délimitées, ces différentes abréviations trouvent leur écho dans les propositions d’appartenance à telle ou telle phase d’abréviation que nous formulons pour chacun des livres d’origine des Ethniques. Il devient dès lors possible de tenir compte d’une abréviation, et donc d’un manque plus ou moins important d’informations dans les notices constituant notre corpus d’étude. La connaissance de ces phases d’abréviation permet aussi de mieux analyser le contenu même de l’Épitomé. C’est là en effet la deuxième partie de notre étude, autre préalable à l’analyse fine des notices de notre corpus. Il faut en effet connaître la nature exacte de l’œuvre de Stéphane de Byzance, et la confronter d’une part aux autres lexiques connus pour déterminer d’éventuelles convergences et d’autre part avec les travaux des autres grammairiens de l’Antiquité classique ou tardive pour comprendre avec précision les buts que poursuivait Stéphane de Byzance en rédigeant ses Ethniques. Loin d’être improvisée, l’œuvre répond en effet à une structuration interne stricte, qu’il importe de connaître pour mieux appréhender les éléments disparus. C’est pourquoi nous étudierons en premier lieu la façon dont Stéphane de Byzance a procédé pour la rédaction des notices, et de quelle manière il mentionne ses sources. Ce travail est un préliminaire indispensable pour l’étude des auteurs présents dans le lexique. Comme toute œuvre savante de l’époque antique, on ne peut séparer l’ouvrage de Stéphane de Byzance du contexte dans lequel son auteur l’a écrite. Puisqu’il s’agit d’un lexique à caractère géographique, il est important de comparer son travail avec les autres lexiques qui subsistent en tout ou partie et plus spécialement avec leur information géographique. La publication d’un certain nombre d’entre eux, bien que remontant en général à l’époque byzantine, permet cette comparaison. À tra-

vers les lemmes à caractère géographique commençant par la seule lettre α, nous avons pu analyser les différents lexiques connus et proposer une sériation des uns par rapport aux autres. Nous avons ainsi défini un certain nombre de « traditions », qui sont autant de transmissions privilégiées d’une base d’informations particulières remontant à l’Antiquité et écrite la plupart du temps sous une forme similaire spécifique, que l’on retrouve d’un manus­crit à l’autre. Nous avons voulu également élucider la question du rapport entre Hérodien et Stéphane de Byzance. Si l’on s’en tient à la version électronique du Thesaurus Linguæ Graecæ, tous les lemmes de notre grammairien se retrouvent dans l’édition des œuvres d’Hérodien, sous-entendant ainsi que ces dernières sont à l’origine de sa base lexicographique. Mais est-ce vraiment le cas ? Lorsque l’on examine les différents auteurs qui ont précédé Stéphane de Byzance, l’un d’eux semble occuper une place à part si l’on en croit les érudits qui ont analysé les Ethniques. Il s’agit d’Oros d’Alexandrie, grammairien du ve siècle et auteur entre autres d’un travail spécifique sur la façon de former les ethniques. Il ne faut pas oublier que, dans l’Antiquité, les grammairiens ont su codifier leur savoir de façon logique et rationnelle. Stéphane de Byzance, en tant que grammairien, est proche de ses prédécesseurs. Son texte contient de très nombreuses insertions grammaticales qu’il faut comparer avec les doctrines de son temps. Notre dernier chapitre concerne les auteurs-sources de Stéphane de Byzance, c’est-à-dire ceux que mentionne l’Épitomé. Parmi les 262 auteurs dont le nom apparaît, quels sont ceux qui ont pu servir d’intermédiaire, regroupant une information plus ancienne ? La question est d’importance car on ne saurait considérer que Stéphane de Byzance, à l’époque de Justinien, ait pu lire la totalité des œuvres qu’il signale. Cette analyse doit donc permettre de déterminer avec précision quel auteur a été lu par notre grammairien pour la constitution de son œuvre et lequel n’est connu que de manière indirecte. Tout au long de ce chapitre restera également présente en arrière-plan (mais pas seulement) la question d’éventuels lexiques plus anciens, matière première ayant permis à Stéphane de Byzance de constituer plus rapidement ses Ethniques.

1. La structure du lexique de Stéphane de Byzance et de ses abrégés Pour mieux comprendre l’organisation des notices dans l’Épitomé, il faut analyser la façon dont Stéphane de Byzance les a rédigées à l’origine puis comparer leur structure avec celle de l’œuvre compilée. Notre étude se basera, par ordre de priorité, d’abord sur les notices conservées du livre XIII, puis sur celles des livres ayant fait l’objet d’une seule abréviation et enfin sur le reste du texte de l’Épitomé1.

1.1. L’organisation générale des Ethniques Avant d’analyser en détail la structure des notices, nous nous proposons d’avoir un regard global sur l’information qu’a intégrée Stéphane de Byzance dans son ouvrage. Si la question d’une éventuelle introduction reste ouverte, cette analyse permet de mieux comprendre le projet qui était le sien et donc le type d’informations qu’il souhaitait inclure dans son lexique. On peut noter qu’à notre connaissance, cette réflexion n’a pas été menée de façon approfondie par les érudits ayant travaillé sur Stéphane de Byzance. 1.1.1. Le projet intellectuel de Stéphane de Byzance Si l’on veut approcher le sens de l’œuvre de Stéphane de Byzance, il faut mettre en avant la véritable clef de lecture des Ethniques que constitue la notion de « forme dérivée » d’un nom, au sens grammatical antique. Elle renvoie au titre complet de l’œuvre d’origine : « Sur les noms des villes, des îles, des peuples, des dèmes et des lieux ; et, les concernant, les cas d’homonymie et les cas de changement de nom, ainsi que les noms dérivés des ethniques, des topiques et des ktétiques »2. Pour bien comprendre la structuration de chacune des notices, il est important de noter la façon dont le titre est construit. Il s’agit d’une énumération d’éléments successifs coordonnés par « καὶ » ; à l’intérieur de chacune des énumérations principales, la juxtaposition secondaire est indiquée par « τε καὶ »3. 1  Cette réflexion n’est bien sûr pas la première à se faire sur le texte de Stéphane de Byzance. Voir en dernier lieu, Billerbeck 2008. 2  « Περὶ πόλεων, νήσων τε καὶ ἐθνῶν, δήμων τε καὶ τόπων καὶ ὁμωνυμίας αὐτῶν καὶ μετονομασίας καὶ τῶν ἐντεῦθεν παρηγμένων ἐθνικῶν τε καὶ τοπικῶν καὶ κτητικῶν ὀνομάτων ». 3  Nous traduisons ici la virgule du texte grec et le τε καὶ par une

La première série concerne ce que nous appellerons par le néologisme de géonyme : « Sur les noms des villes, des îles, des peuples, des dèmes et des lieux ». Elle correspond en fait aux lemmes eux-mêmes, déterminés par les indications géographiques que l’on trouve tout au long des notices ; ces informations sont souvent suivies d’une explication chrono-mythographique. Les seconde et troisième séries (« et, les concernant, des cas d’homonymie et de leur changement de nom ») s’attachent aux variantes (orthographiques, homonymiques, de changement de nom) et aux formes déclinées. Avec la quatrième énumération (« ainsi que les noms dérivés des ethniques, des topiques et des ktétiques »4), nous avons ici la raison première de l’œuvre de Stéphane de Byzance comme nous le constatons en lisant l’ensemble des notices de l’Épitomé. On ne trouvera en effet dans son ouvrage que des notices dont les géonymes ont des homonymes, ou ont changé de nom, mais surtout ont des formes dérivées au sens des grammairiens antiques (nous allons y revenir) ; ce dernier cas est de très loin le plus fréquent. Ceci est fondamental pour comprendre cette œuvre et permet d’expliquer pourquoi de très nombreux toponymes présents dans les œuvres géographiques anciennes (par exemple la Géographie de Strabon, pourtant abondamment citée) ne sont pas reproduits ici. Stéphane de Byzance n’a pas trouvé le nom (« dérivé ») des habitants ou de peuple et ne les a donc pas gardés. Il faut noter également la présence de notices concernant seulement des peuples sans autre forme lexicale, conçus comme des dérivés de noms géographiques à eux seuls et qui entrent donc dans la définition grammaticale de l’œuvre5.

virgule de façon à bien faire apparaître les groupes juxtaposés. Nous considérons que le ὀνομάτων final se rapporte à l’ensemble des autres noms de la dernière énumération. 4  Les topiques (τοπικὰ) sont des formes dérivées se rapportant à la position ou au mouvement par rapport à un lieu. Les ktétiques sont les formes possessives issues d’un nom. Voir l’étude assez complète de P. Fraser, avec l’analyse grammaticale d’après la Technê de Denys le Thrace (Fraser 2009, p. 35-53). 5 Voir Billerbeck, Neumann-Hartmann 2021, p. 65-71, qui consacre quelques développements à la méthode de travail de Stéphane de Byzance qui rejoignent notre analyse détaillée.

88

Deuxième Partie : Organisation, contenu et sources des Ethniques de Stéphane de Byzance

1.1.2. Un ordre alphabétique strict ? Le lexique se présente de nos jours dans un ordre alphabétique quasi parfait. Nous ne savons pas de façon certaine si ce classement remonte à Stéphane de Byzance lui-même ou s’il s’agit d’une réorganisation de l’œuvre lors d’une des phases d’abréviations6. Nous avons cependant des indices, qu’il nous faut maintenant analyser. Le premier indice est tiré du fragment de manus­ crit de l’œuvre d’origine. Nous avons vu qu’il s’agit de la première translittération de l’œuvre. Il semble difficile d’imaginer qu’on ait modifié alors l’ordre des notices lors de la copie car cela aurait demandé un travail considérable. De plus, l’ordre de classement aurait probablement été, à cette date, semblable à celui de la Souda, les voyelles étant regroupées selon leur sonorité (αι/ε, ι/η, …) et non par ordre purement alphabétique : un siècle seulement sépare en effet la grande œuvre « encyclopédique » de la translittération de Stéphane de Byzance. Outre les quelques notices de la fin de la lettre  δ qui sont effectivement en ordre alphabétique parfait (en particulier pour Δῶρα/Δώριον/Δῶρος), le pinax du livre suivant donne la liste des notices du début de la lettre ε. Seules deux erreur sont notables dans notre manus­crit. La première concerne Ἑκατόννησοι νῆσοι qui est suivi d’Ἑκατόμπυλον (πόλις) ; elle peut s’expliquer par une erreur de lecture d’onciales (ou de transcription), le lemme d’origine étant vraisemblablement Ἑκατόνπυλον. La seconde résulte d’une erreur de lecture, plus flagrante : Ἐλίξοια (νῆσος) est suivi d’κυσοι (ἔθνος). Mais nous connaissons ce peuple, il s’agit du peuple languedocien des Élisyques et l’orthographe exacte est Ἐλίσυκοι. La notice était donc bien placée, c’est la lecture du sommaire qui est fautive. L’ordre alphabétique est donc parfait dans cette liste. On notera en particulier l’ordre strict pour Ἐλαία/Ἐλαιεὺς/Ἐλαίου τεῖχος/Ἐλαιοῦς/ Ἐλαιοῦσσα. C’est donc un indice très sérieux d’un ordre alphabétique établi dès l’origine. Nous pouvons vérifier cet ordre avec les notices de l’Épitomé d’après l’édition de M. Billerbeck, qui respecte strictement l’ordre des manus­crits (ce qui n’est pas le cas de Meineke, qui avait réorganisé les lemmes par ordre 6  On sait que l’ordre alphabétique strict n’est pas une évidence pour l’Antiquité. Reprenant cette question, M.  Bonelli rappelle les différentes formes de classement mentionnées par les auteurs antiques et byzantins (Bonelli 2007, p. 70-77). C’est souvent un ordre de la première lettre, voire des deux ou trois lettres suivantes mais pas un classement alphabétique tel que nous le connaissons de nos jours. Nous renvoyons à cet autrice pour la question de l’alphabétisation des lemmes dans un lexique.

alphabétique) ; voici les notices qui posent problème pour la seule lettre α : – Αἰγαῖον πέλαγος (α 93) et Αἰγαί (α 94) : M. Billerbeck note dans l’apparat critique que les manus­crits enchaînaient les deux lemmes, sauf le manus­crit R. L’éditeur a choisi de créer deux notices distinctes mais ce n’était probablement pas le cas, selon nous, dans le manus­ crit d’origine des Ethniques. – Αἰγόσθενα (α 109) et Αἰγὸς ποταμοὶ (α 110) : il faut considérer pour le deuxième lemme que les deux composantes étaient liées : le nom considéré par Stéphane de Byzance était Αἰγοσποταμοὶ. – Ἀκαρνανία (α 153) et Ἀκαρασσός (α 154) : le second lemme est inconnu, il est donc impossible de savoir s’il est défectueux ; nous proposons une éventuelle forme originelle Ἀκαρνασσός. Étant donné que les formes dérivées ont la même graphie, il peut s’agir d’une mélecture d’onciales, mais cela reste purement hypothétique. – Ἀλμήνη (α  220) et Ἀλλόβρυγες (α  221)  : le second lemme est correct (c’est le peuple des Allobroges), tandis que le premier, rattaché à Arrien, ne correspond pas à une forme conservée dans son texte. Nous pensons qu’il y a là une erreur d’onciales, avec ΛΙ lu Μ, ce qui donnerait Ἀλλιήνη dans le lexique originel de Stéphane de Byzance. Si cette erreur est bien réelle, elle existait déjà dans le premier abrégé puisque l’Etymologicum Symeonis a une entrée à Almênê ; il serait donc logique d’y voir une éventuelle mélecture d’onciales lors de la translittération, mais qui reste cependant à prouver par une étude plus approfondie. – Ἀλόπη (α  224) et Ἀλόννησος (α  225)  : le second lemme est mentionné par l’Etymologicum Symeonis sous la forme Ἀλόνησος, qui est celle des manus­crits conservés et donc au moins des abrégés de Stéphane de Byzance, tandis que le Lexique dit d’Harpocration (α 80) écrit Ἀλόννησος. Nous n’expliquons pas ici l’inversion des lemmes. – Ἀμοργός (α 275) et Ἄμολβος (α 276) : la seconde notice fait référence seulement aux Macédoniques de Bala­ gros que nous ne possédons plus ; la ville pouvait avoir un nom différent qu’une mélecture d’onciales aurait pu transformer  : ΑΜΟΡΔΟC> ΑΜΟΛΒΟC avec inversion d’une lettre triangulaire (Δ/Λ) avec le P/B. – Ἄντεμνα (α  327) et Ἄντεια (α 328)  : les deux noms, correspondant à des villes italiques, ne présentent pas d’erreur de lecture  ; l’inversion des notices ne s’explique pas.

1. La structure du lexique de Stéphane de Byzance et de ses abrégés – Ἀντιγονίς (α 332) est déplacé après deux notices, alors que ce dème attique aurait dû suivre Ἀντιγόνεια (α 329). Nous n’avons pas d’interprétation pour ce décalage. – Ἀριανοί (α  417), Ἀριαράθεια (α  418) et Ἀρίανθη (α  419)  : la seule explication serait d’imaginer que le premier lemme était conçu comme la suite de la notice Ἀρία (α 416) et que le lemme suivant a une mélecture d’onciale (par exemple N lu PA) ce qui le ramènerait à la forme Ἀριανθεια ; or, il s’agit d’un géonyme tiré d’un des rois de Cappadoce nommé Ariarathès, dont l’ethnique est bien mentionné sous la forme Ἀριαραθεύς sur des inscriptions ce qui rend impossible cette hypothèse7. – Ἀρίνδηλα (α 420) : totalement déplacé à la suite des précédents, alors qu’il devrait être positionné à la suite du lemme Ἀριμινον (α 424). Nous n’avons pas d’explication pour ce déplacement. – Ἀσσωρόν (α 494) et Ἀσσώριον (α 495) : aucune explication de mélecture n’explique cette inversion, sauf à considérer que le second était considéré comme une variante du premier. – Ἀφάναι (α 550) et Ἀφάκη (α 551) : le second lemme, connu seulement par les Libyques d’Alexandre Poly­ histor, pouvait se présenter sous la forme Ἀφάνη, avec mélecture N/K. – Ἀχερδοῦς (α 566) et Ἀχελῷος (α 567) : aucune mélecture n’explique l’inversion des notices. Cette analyse détaillée, pour la seule lettre  α (mais on retrouve le même genre de décalage dans les autres lettres), met en évidence des erreurs dans l’ordre alphabétique qui ne sont pas toutes imputables à la translittération du texte d’origine. Y a-t-il eu des déplacements de notices lors de la phase d’abréviation  ? Ou bien Stéphane de Byzance a-t-il inversé ses « fiches » lorsqu’il copiait le monumental ouvrage  ? Cette dernière hypothèse n’aurait rien d’improbable compte tenu de la masse documentaire qu’il a dû gérer. Plus probablement, il peut s’agir d’un ordre alphabétique des seules premières lettres (trois ou quatre) comme on l’observe dans d’autres lexiques de cette période. Enfin, rappelons qu’entre le manus­crit translittéré et le second abrégé, des notices ont pu disparaître. Ainsi, si l’on se fie à la liste du pinax du livre XIV, la ville de Béotie Eleôn, mentionnée par Hérodien dans son Sur les déclinaisons de nom (p. 724) et Strabon (9.2.12 et 17) n’existe plus dans l’Épitomé. Il s’agit probablement d’une erreur 7 

Fraser 2009, p. 341.

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de copie de l’un des abrégés plus que d’une volonté de supprimer des notices. Eustathe de Thessalonique, dans son Commentaire à l’Iliade (1.408), indique « κατὰ δέ τινας ὁ Ἐλεὼν ἀπὸ Ἐλεῶνος ὠνόμασται, υἱοῦ Ἐτεωνοῦ τοῦ ἀνωτέρω μνημονευθέντος  », ce qui s’apparente à une forme qu’il pouvait trouver chez Stéphane de Byzance. Il mentionne par ailleurs Strabon quelques lignes plus haut, ce qui distingue l’utilisation des deux auteurs. Dans ce cas, c’est le second abrégé qui aurait perdu cette notice. C’est en effet plutôt dans cette phase de réduction que semblent également se retrouver les inversions que nous avons signalées plus haut. Son auteur a peut-être été moins soigneux dans sa copie que le premier abréviateur. Il devenait plus facile d’intervertir des notices, avec des erreurs de sauts de ligne lors de la copie, compensés ensuite par l’insertion des notices oubliées. 1.1.3. Les renvois internes Les indications internes à l’œuvre permettent d’approcher un peu la structuration d’origine. On trouve en effet dans l’Épitomé des renvois à des « œuvres » de Stéphane de Byzance, qui pourraient selon nous faire référence à des parties de l’œuvre originale ; mais les phases successives de réduction ont pu altérer la cohérence de ces mentions. A. Neumann-Hartmann a analysé en détail toutes les références internes que l’on trouve dans l’Épitomé8. Elle a mis en évidence plusieurs types de renvois. Le premier, clairement interne, se trouve par exemple dans la notice Akkabikon teichos : après la comparaison d’une forme d’ethnique avec Chôloteichitês, l’Épitomé a conservé l’indication « ὡς εὑρήσομεν ἐν τῷ χ ». Il semble certain, d’après la tournure, qu’elle provienne bien de Stéphane de Byzance lui-même et non d’une glose en ajout du texte du premier abréviateur qui aurait pu être intégrée dans nos manus­crits. Nous pouvons être plus affirmatifs concernant la notice Agbatana (α 28), pour laquelle Stéphane de Byzance renvoie «  ἐν τῷ β  » («  selon moi » indique-t-il) à la notice Batanea/Bataneia (β 53)9, ce qui se vérifie effectivement. Il en est de même pour la mention « ἐν τῷ κ », dans la notice Zadramê (ζ 5), avec les Kinaidokolpitoi10, et pour les autres mentions qu’A. Neumann-Hartmann a retrouvées.

8 

Neumann-Hartmann 2014. (…) δείξομεν δ’ ἐν τῷ βʹ ὅτι ἡ καθ’ ἡμᾶς Βατανέα καὶ Βατάνεια καλεῖται καὶ τὸ ἐθνικὸν Βατανεῶται. 10  Ζαδράμη, βασίλειον τῶν Κιναιδοκολπιτῶν, περὶ οὗ ἐροῦμεν ἐν 9 

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Deuxième Partie : Organisation, contenu et sources des Ethniques de Stéphane de Byzance

L’ensemble des renvois est identifié par l’emploi de deux verbes particulier : εἰρέω, ‘dire’ (formes εἰρήσεται, ἐροῦμεν) et δείκνυμι, ‘montrer’ (formes δειχθήσεται, δείξομεν). Nous ne prendrons ici qu’un exemple, le lemme Agêssos (α 30) : « Ἀγησσός· πόλις Θρᾴκης, ὡς Θεόπομπος ἐν μζʹ. τὸ ἐθνικὸν Ἀγήσσιος, ὡς Ἀσσήσσιος Ταρτήσσιος, ὡς δειχθήσεται ἐν τῷ περὶ . ἢ Ἀγησσίτης, ὡς Ὀδησσίτης διὰ τὸ ὁμοεθνές.  ». («  Agêssos  : ville de Thrace, selon Théopompe dans le 47e livre. L’ethnique est Agêssios, formé comme Assêssios et Tartêssios, comme nous le montrerons dans les notices correspondantes. Ou Agêssitês, formé comme Odêssitês, à travers la forme de l’ethnique du même type »). Nous sommes ici dans la partie la moins abrégée de l’Epitomé, ce qui peut expliquer d’avoir conservé l’indication, bien qu’en partie restituée, « ὡς δειχθήσεται ἐν τῷ περὶ  ». Nous pensons que par là il faut comprendre « dans les lemmes correspondants » ou « dans les notices correspondantes »11. On a depuis longtemps repéré une autre forme de renvoi, à propos des Thraces dans la notice Gotthoi (γ 104), qui pourrait faire penser à une ‘œuvre’ sur Byzance  : «  ὡς εἴρηταί μοι ἐν τοῖς Βυζαντιακοῖς  » 12. Nous pensons, comme l’indique déjà en note A. Meineke, qu’il ne s’agit pas d’une œuvre indépendante (Byzantiaka comme on connaît des Bithyniaka) mais simplement d’une manière de parler d’informations concernant la notice sur Byzance. Elle renvoie directement à la notice Buzantion (β 190), à l’origine beaucoup plus importante et où l’on trouve encore effectivement la mention des Thraces. Il était difficile ici pour Stéphane de Byzance de simplement renvoyer à la lettre β, ce qui n’aurait pas donné de notice précise à rechercher. En mentionnant les Byzantiaka (c’est-à-dire très littéralement « ce qui se rapporte à Byzance »), on arrive directement sur l’information complémentaire13. Ce type de renvoi se retrouve assez régulièrement. Dans la notice sur l’Italie (ι 117), Stéphane de Byzance dit qu’il expliquera la différence entre Italos et Italiôtês «  dans (la notice) sur la Sicile  » (περὶ Σικελίας). De τῷ κ. Malheureusement, la notice des Kinaidokolpitoi est située dans la lacune de l’Épitomé et donc non conservée. 11  On notera également que le terme ὁμοεθνές n’est employé que dans cette notice de l’Épitomé alors qu’on aurait pu imaginer qu’il s’agisse d’un terme d’usage courant, sous la plume d’Oros en particulier. 12 Cf. Honigmann 1929, col. 2369. 13   P.  M. Fraser est d’un avis contraire  : pour lui, il s’agit d’une œuvre totalement distincte, du même Stéphane de Byzance (Fraser 2009, p. 287). De même chez De Santis 2013, p. 14.

la même manière, l’indication περὶ Σάλμυκα que l’on trouve dans les notices Akkabikon teichos (α 161) et Tritê (τ 201) renvoient au lemme Salmuka (σ 31). Cette façon de renvoyer à une notice particulière se fait avec une indication semblable au titre d’une œuvre (Peri + le titre). A. Neumann-Hartmann a mis en évidence de nombreux renvois similaires, quasiment tous formés avec περὶ suivi du géonyme ou directement la mention de celui-ci sous forme de titre de livre. Les exemples rassemblés à la fin de son article sont extrêmement parlants et lèvent, selon nous, tout doute sur la traduction14. 1.1.4. Une introduction générale disparue ? Une dernière indication est précieuse car elle renvoie à une ‘œuvre’ complémentaire intitulée τῶν Ἐθνικῶν προτεχνολογήματα (Introduction aux peuples)15, mention conservée dans la partie de l’Épitomé issue de la première phase d’abréviation. Là encore, rien ne s’oppose à un renvoi interne sur une partie spécifique de l’œuvre qui aurait pu donner des indications sur les principaux peuples16. Selon nous, il faut mettre en relation cette Introduction avec le nom usuel d’Ethniques donné très tôt à l’œuvre de Stéphane de Byzance puis à l’Épitomé. Ce titre raccourci ne correspond pas en effet au titre long de l’œuvre d’origine. Or, c’est ainsi que l’œuvre est citée, quasiment dès l’origine, dès la seconde moitié du vie siècle (voir la notice d’Hermolaos dans la Souda). On pourrait donc imaginer que ce titre très court résumait un des aspects de l’œuvre mis en avant par l’auteur lui-même. Les notices des noms de peuples apparaissent de fait assez différentes de celle des autres toponymes. Ceci explique peut-être la volonté de rédiger une introduction spécifique qui détaillait l’objectif poursuivi par celui qu’Eustathe de Thessalonique appelait l’« Ἐθνικογράφον », peut-être dans la lignée du travail sur les ethnique de son prédécesseur Oros. Les renvois à cette partie du texte pouvaient être plus nombreux à l’origine (on pense au moins aux principaux peuples comme les Libyens, les Ligyens, les Égyptiens, …) et avoir été supprimés par l’abréviation au même titre que tant d’autres mentions. Une fois l’introduction disparue, probablement dès la première abréviation17, il n’y avait plus d’intérêt à conserver ces mentions. 14  

Neumann-Hartmann  2014 p.  287-290. L’ensemble des renvois a été regroupé dans un index spécifique du vol. V de la nouvelle édition (Billerbeck et al. 2017, p. 174-176). 15  s.v. Aithiops (α 124). Cf. Honigmann 1929, col. 2370. 16  Ce n’est pas l’avis de P. Fraser pour qui il s’agit, là encore, d’une œuvre indépendante (Fraser 2009, p. 287). 17   On imagine que dans cette introduction, Stéphane de

1. La structure du lexique de Stéphane de Byzance et de ses abrégés

1.2. La composition des notices Si l’on reprend l’ensemble des notices, la façon dont Stéphane de Byzance a travaillé se distingue clairement. Nous analyserons tout d’abord le type d’informations que renferme le lexique, puis la structure de l’ensemble des notices, avec les cas particuliers des dèmes attiques et des notices se rapportant à plusieurs géonymes homonymes. 1.2.1. Les informations contenues dans les Ethniques Si l’on s’en tient à l’appellation usuelle de l’œuvre, Stéphane de Byzance aurait rassemblé l’information se rapportant aux « ethniques », c’est-à-dire aux noms de peuples ou d’habitants (de lieux, de ville, …). En fait, l’analyse détaillée de l’ensemble de l’œuvre, au-delà du titre donné par son auteur, permet de mettre en évidence quatre catégories principales de noms (que nous appellerons, de façon générique, des géonymes) qui ont fait l’objet d’un lemme dans l’œuvre de Stéphane de Byzance. Ils constituent le cœur des informations que rassemble le lexique18. – La première catégorie, la plus nombreuse, correspond aux toponymes : qu’il s’agisse d’une ville, d’un village, d’un fleuve, … la liste est très large et va du plus petit élément (le lieu-dit χωρίον ou le village κώμη) jusqu’au plus large (le continent ἤπειρος pour l’Europe, la Libye ou l’Asie). Leur grande fréquence donne à l’ouvrage la tonalité d’un lexique géographique « classique », sorte de dictionnaire de tous les toponymes. Or, nous l’avons dit, apparaissent seulement ici les géonymes ayant une forme «  dérivée  », c’est-à-dire un nom d’ethnique, un féminin ou un ktétique (possessif ). L’organisation de leurs notices est complexe et sera étudiée plus en détail ci-dessous.

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– La troisième comprend les noms des dèmes et des tribus attiques20. Bien que disséminés à travers tout l’ouvrage, ils sont organisés d’une manière semblable et spécifique. Les noms de ces dèmes et tribus peuvent être rapprochés d’autres géonymes dont le nom est semblable et apparaître ainsi dans des notices regroupant plusieurs toponymes homonymes. – La dernière catégorie concerne des définitions générales, géographiques au sens large. En étudiant dans le détail le lexique, on s’aperçoit qu’il contient des notices qui ne concernent pas des géonymes mais qui correspondent aux termes génériques désignant euxmêmes le rattachement géographique. Ils sont soit purement géographiques (γῆ, la terre ; ἤπειρος, le continent ; θάλασσα, la mer ; νῆσος, l’île ; πεδίον, la plaine) soit liés à l’occupation humaine (κώμη, le village  ; λιμήν, le port ; οἶκος, l’habitant ; πόλις, la ville ; φῦλον, le genre  ; χώρα, le territoire), soit enfin spécifiques à l’espace athénien (δῆμος, le dème  ; φρατρία, la phratrie  ; φυλή, la tribu politique)21. Ils sont eux-mêmes structurés comme le reste des notices, avec le nom des habitants et les autres formes dérivées. Il est probable qu’ici Stéphane de Byzance s’est servi d’une source plus ancienne et n’est pas le réel auteur de ces notices. – Enfin, il faut ajouter la présence plus disséminée d’informations spécifiques comme des lieux de culte (catégorie regroupée chez les auteurs antiques sous le terme de temenika), des proverbes et des indications de villes de naissance ou de décès de personnages célèbres22. Elles viennent en complément des informations précédentes.

– La seconde catégorie d’informations concerne les noms de peuples, considérés à eux seuls comme des noms dérivés19 et dont les notices s’apparentent à celles de toponymes.

On notera que chez le lexicographe (à priori Stéphane de Byzance), comme on l’a vu supra (p. 89-90), les renvois d’une notice à l’autre sont signalées par un nom qui s’apparente à une œuvre (« ἐν τοῖς Βυζαντιακοῖς », « ἐν τῷ περὶ Σάλμυκα ») ou par un renvoi à la lettre correspondante (« ἐν τῷ β »). Il désigne par le terme de ἡ

Byzance devait faire le point sur l’objet de son lexique, les formes dérivées, et donner des informations grammaticales ainsi que le lien avec Oros. Toutes ces informations n’avaient plus guère d’intérêt dans le contexte de rédaction du premier abrégé, au début du xiie siècle. Sa disparition s’explique donc aisément. 18   Nous voulons redire ici, comme nous l’annoncions en introduction, que nous ne traiterons pas de la réalité qui se cache derrière les termes employés par Stéphane de Byzance. On ne trouvera donc pas dans notre travail, par exemple, une étude du mot πόλις comme d’autres ont pu le faire (Whitehead 1994). 19  Sur les noms de peuple considérés comme une composante ethnique définissant les personnes, voir Fraser 2009.

20  P. Fraser consacre une analyse spécifique à cette catégorie de noms, sous le titre «  The Special Problem of Attic Demes  » (Fraser 2009, p. 305-311). Nous revenons plus loin sur la manière dont Stéphane de Byzance note l’information sur ces dèmes (p. 94) ; dans notre thèse, nous avons étudié les traditions de cette catégorie d’informations géographiques au sein des lexiques qui sont parvenus jusqu’à nous. 21  On notera l’absence du lemme « τριττύς » (tiers de tribu) et « ναυκραρία » (subdivision antérieure aux dèmes) dans l’Épitomé. 22   Pour ces dernières, voir Billerbeck, Neumann-Hart­ mann 2021, p. 119-133 et l’annexe 4, p. 274-290.

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Deuxième Partie : Organisation, contenu et sources des Ethniques de Stéphane de Byzance

χρῆσις23 ‘l’usage’ des auteurs, ce que l’on comprendra par la manière dont ceux-ci utilisent le nom dans leur propre texte, donc l’ensemble auteur + citation qui parsèment l’œuvre d’origine. Tout ceci s’imbrique suivant le schéma défini par l’auteur pour la construction de ses notices, que nous allons analyser maintenant. 1.2.2. La structure de base des notices Les notices présentent une structure très similaire, que nous avons mise en évidence et notée par des lettres (de [A] à [F]). Pour les notices les plus complètes (celles avec toponyme et formes dérivées), on trouve tout d’abord la définition géographique générale [A], obligatoire et généralement très courte (voir ci-après p. 96-97). Elle est suivie, chaque fois qu’il était possible de trouver les informations adéquates, d’un paragraphe sur l’origine du nom (souvent mythologique) et l’histoire du toponyme [B]24 (ainsi pour la ville d’Achaïe Dumê (δ 140), Stéphane de Byzance indique l’ancien nom de la cité, Stratos). Il faut noter que cette partie n’apparaît pas de façon explicite dans le titre et pourrait être comprise comme un prolongement de la détermination géographique, sous une forme « étymologique » qui est à la mode durant l’Antiquité. Toutefois, sa systématisation nous a amené à l’individualiser. L’auteur donne ensuite les variantes du nom [C], scindées en deux sous-parties : [C1] ce que le titre appelle les homonymies et [C2] les changements de nom (métonomasies)25. Vient ensuite la forme dérivée que constitue l’ethnique [D]. Comme pour les toponymes, Stéphane de Byzance fait apparaître toutes les variantes orthogra23 Notice Tritê (τ 201). 24  Billerbeck, Neumann-Hartmann 2021, p. 133-142 les regroupe dans la catégorie des Mirabilia. 25  Les métonomasies consistent en des changements de nom qui ont été réalisés pour des raisons qui peuvent être très différentes (refondation d’une cité, inclusion d’une ancienne polis par une autre du fait de l’expansion démographique …). P. Fraser en dresse la liste, en s’appuyant en particulier sur les Ethniques et des listes byzantines étudiées par A.  Diller (Fraser  2009, p.  147-158  ; Diller  1970). Les métonomasies sont listées dans l’index du vol. V de la nouvelle édition (Billerbeck et al. 2017, p. 201-214). M. Billerbeck et A. Hartmann-Neumann étudient plus en détail les étymologies de nom (Billerbeck, Neumann-Hartmann 2021, p. 71-91 et annexe 1, p. 199-244) et les métonomasies (Billerbeck, Neumann-Hartmann 2021, p. 91-119 et annexe 3, p. 250-273). Nous renvoyons à leur ouvrage pour ces sujets que nous ne traiterons pas ici.

phiques. Le titre général indique ensuite la présence des adjectifs ktétiques [E] mais ces formes dérivées ne sont pas les seules puisque l’on trouve ici également les féminins des ethniques [E1] (probablement considérées comme une simple variante des ethniques masculins) au côté des ktétiques proprement dits et des noms de citoyens (politonymes) [E2]. Enfin, certaines notices contiennent deux séries d’informations complémentaires [F] : l’une générale [F1] constitue de véritables digressions sur des expressions ou les proverbes26 ; c’est le cas par exemple de l’airain de Dôdônê (δ 146), dont le texte est particulièrement intéressant car il se trouve dans la partie non abrégée de l’œuvre et est conservé encore partiellement chez le second abréviateur. La seconde [F2], dans laquelle on peut trouver des informations qui auraient dû normalement se trouver dans les autres parties, est issue des grammairiens. On l’a dit, une deuxième grande catégorie de notices se retrouve dans les Ethniques : il s’agit de celles débutant directement par un nom d’ethnique (en général un peuple) dans lesquelles seule la forme dérivée sert de lemme. Ces notices sont organisées quasiment comme les précédentes avec le nom de l’ethnique [Da], parfois suivi d’un petit paragraphe chrono-mythologique [Db] comme pour les toponymes. Les variantes orthographiques de l’ethnique [Dc] sont suivies des féminins [E1] et des ktétiques [E2], eux-mêmes prolongés éventuellement par les informations complémentaires [F1] et [F2]. Nous ne développerons pas ici la question de la formation des ethniques, et renvoyons pour cela à P. Fraser qui y consacre l’intégralité de son ouvrage, en se basant en grande partie sur l’Épitomé 27. Les terminaisons liées aux ethniques constituent un domaine de recherche à part entière. Quand nous les voyons à travers le filtre de Stéphane de Byzance, nous mettons un millénaire d’évolution de la langue sur un même plan. Si l’on ajoute les variantes géographiques, c’est en fait une structure en quatre dimensions (aux distinctions morphologiques que l’on peut déjà considérer sur deux dimensions s’ajoutent la chronologie et la géographie) qui vient se superposer aux informations de base. Tout ceci est forcément très imparfait et de nature à nous tromper. C’est pourquoi, dans notre recherche, nous nous contenterons d’obser26 

Billerbeck, Neumann-Hartmann 2021, p. 142-151. Fraser  2009. Pour l’aspect morphologique, voir en particulier les p. 63-66, 196-199 (formes en -εύς), 197 (formes en -ανός/-ανή) et tout au long de l’ouvrage. 27  

1. La structure du lexique de Stéphane de Byzance et de ses abrégés

93

Figure 22 – Décomposition des notices de Stéphane de Byzance. Géonyme

Détermination géographique [A]

Indication chronomythologique [B]

Variantes du nom [C] Habitant / ethnique [D]

Δυμᾶνες

φυλὴ Δωριέων

 

 

Δύμη

πόλις Ἀχαΐας

Δύνδασον

Autre genre / ktétique [E]

Divers [F]

οἱ οἰκοῦντες Δυμάνες

καὶ Δυμανίς τὸ   θηλυκόν (…) καὶ Δύμαινα (…)

καὶ Δύμη ἡ χώρα πάλαι λέγεται καὶ ἐκαλεῖτο, ἡ δὲ πόλις πληθυντικῶς (…) Στράτος, ὕστερον δὲ Δῦμαι ». καὶ ἡ πόλις καὶ ἡ χώρα Δύμη ἐκλήθησαν

ὁ πολίτης Δυμαῖος

τὸ θηλυκὸν Δυμαία (…)

Ἀντίμαχος Καυκωνίδα φησὶν αὐτὴν ἀπὸ Καύκωνος ποταμοῦ (…) λέγεται καὶ Δύμιος

πόλις Καριάς

 

 

τὸ ἐθνικὸν Δυνδασεύς (…)

 

 

Δυρβαῖοι

/

/

/

ἔθνος καθῆκον εἰς Βάκτρους καὶ τὴν Ἰνδικήν

 

 

Δυρράχιον

πόλις Ἰλλυρική

Ἐπίδαμνος κληθεῖσα ἀπὸ Ἐπιδάμνου (…)

(…) Δυσράχιον (…) ἔστι Δυρράχιος τὸ τούτου ἀρσενικόν   καὶ ἄλλη Λακωνικῆς (…) ὅμως δὲ νῦν Δυρραχηνοί μία τῶν ρʹ. λέγεται δὲ λέγονται καὶ ἡ χώρα τῆς Ἰλλυρίας Δυρραχία (…)

Δυσπόντιον πόλις Πισαίας

ἀπό Δυσπόντου τοῦ Πέλοπος, παρὰ τὴν ὁδὸν τὴν ἐξ Ἤλιδος εἰς Ὀλυμπίαν (…)

 

τὸ ἐθνικόν « οἱ δὲ Δυσποντεῖς οὐ παρὰ τὴν πόλιν Δυσπόντιον καλοῦνται (ἐλέγοντο γὰρ Δυσποντιεῖς), παρὰ δὲ τὸν Πέλοπος υἱὸν Δύσποντον ».

 

 

Δύστος

πόλις Εὐβοίας

 

 

τὸ ἐθνικὸν Δύστιος

 

 

Δωδώνη

πόλις τῆς Μολοσσίδος ἐν Ἠπείρῳ

 

λέγεται καὶ Δωδών (…) καὶ δοτικήν « Δωδῶνι (…) καὶ τὴν αἰτιατικήν (…) λήγεται δὲ καὶ (…) Δωδώ ». ἠδύνατο δὲ ἡ Δωδῶνος γενικὴ (…)

τὸ ἐθνικὸν ταύτης ἄρρητον ὡς πεπονθυίας εἰ δὲ τις σχηματίσειεν, ἔσται Δωδώνιος

καὶ τὸ θηλυκὸν Δωδωνίς (…)

ἔστι καὶ Δωδωναῖον χαλκίον παροιμία (…)

Δωνεττῖνοι

/

/

/

ἔθνος Μολοσσικόν

 

 

Δῶρα

νῆσος ἐν τῷ   Περσικῷ κόλπῷ (…)

 

ὁ νησιώτης Δωρίτης (…) εῖ δὲ τῷ τῆς χώρας τύπῳ χαρακτηρισθῆναι δεῖ, Δωρηνός (…)

 

 

Δώριον

πόλις μία τῶν τριῶν Δοσίθηεος ἐν αὐτῇ τῇ πόλει φησὶν ὑπὸ Θαμύρα εὑρεθῆναι τὴν Δώριον ἁρμονίαν.

 

τὸ ἐθνικὸν Δώριος καὶ Δωριεύς

λέγεται καὶ]   Δωριάν (…) καὶ θηλυκὸν Δωρις

Δῶρος

πόλις Φοινίκης

 

 

τὸ ἐθνικὸν Δωρίτης (…)   Παυσανίας δὲ ἐν τῇ τῆς πατρίδος αὐτοῦ κτίσει Δωριεῖς (…)

ἔστι καὶ Καριάς Δῶρος πόλις

Δώτιον

πόλις Θεσσαλίας

ὅπου μετῴκησαν οἱ Κνίδιοι ὧν ἡ χώρα Κνιδία

 

ὁ πολίτης Δωτιεύς (…)

τὸ θηλυκὸν Δωτηίς (…) καὶ Δωτιάς (…) καὶ οὐδέτερον Δώτιον (…)

ἐκλήθη δὲ Δώτιον ἀπὸ Δώτου τοῦ Πελασγοῦ παιδός (…) ἐκ περιττοῦ τοίνυν Ὦρος ἐν τοῖς Ἐθνικοῖς τῇδε γράφει

Ἔαρες

/

/

/

ἔθνος Ἰνδικὸν τῶν μετὰ Δηριάδου Διονύσῳ πολεμησάντων

 

 

λέγει δὲ Παυσανίας ςʹ περὶ τῆς ἀρχαίας καὶ τῆς νῦν πόλεως

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Deuxième Partie : Organisation, contenu et sources des Ethniques de Stéphane de Byzance

ver l’emploi que chaque auteur fait d’une forme donnée sans chercher à la replacer dans un contexte grammatical plus large qui nécessiterait une recherche spécifique qui dépasse le projet de cet ouvrage. Le tableau ci-dessus (fig. 22) reprend les différents éléments pour chacune des notices originales de la fin du livre XIII de Stéphane de Byzance. Il permet de démontrer la validité du formatage que nous proposons de l’œuvre primitive. Nous avons souligné les différentes formes du lemme et mis en gras à quoi correspondent ces formes. 1.2.3. Les notices se rapportant aux dèmes et tribus attiques Les notices des dèmes et tribus attiques ont des configurations un peu différentes de celles que nous venons de voir. Nous nous attacherons plus particulièrement à celles se rapportant aux dèmes, beaucoup plus nombreuses que celles des tribus28. Elles sont toutes organisées en trois parties, plus ou moins détaillées suivant le niveau de réduction de la notice. On trouve tout d’abord le rattachement à une tribu : « dème de la tribu des … » ; il est parfois précisé qu’il s’agit d’un dème « attique ». La notice donne ensuite la forme de l’ethnique, c’est-àdire du dêmotês, qui peut être suivie de la forme au féminin. Enfin, trois formes de lieux (appelées de façon globale les topika29) sont signalées : lorsque les noms sont attestés en allant hors du dème (ἐκ τόπου), vers le dème (εἰς τόπον) et dans le dème (ἐν τόπῳ). On peut trouver également pour quelques notices une forme de ktétique. La très forte similitude de ces notices entre elles implique une provenance commune, que Stéphane de Byzance a dû trouver chez un auteur particulier, qu’il ne cite pas mais que la comparaison avec les autres textes que nous avons conservés permet de distinguer du Lexique des dix orateurs d’Harpocration. Nous reviendrons plus en détail infra (p. 122-124) sur la question de la source de Stéphane de Byzance et sur la manière dont les lexiques citent les géonymes attiques car cette information est encore importante dans les lexiques que nous avons conservés. 28  Il manque de nombreux toponymes de tribus, sans que nous sachions si cela relève de la transmission de notre texte ou d’une différence déjà présente chez Stéphane de Byzance ou sa source. Voir la liste dans l’index du vol. V de la nouvelle édition (Billerbeck et al. 2017, p. 176-179). 29  Sur cette catégorie lexicale, voir Fraser 2009, p. 53-55. Il donne des exemples tirés de Stéphane de Byzance (Fraser 2009, p. 55, n. 129).

Quelques mentions d’auteurs «  classiques  » subsistent encore dans ces notices. Elles proviennent certainement de la compilation qu’a utilisée Stéphane de Byzance. Il faut probablement ajouter aux notices sur les dèmes et les tribus attiques celles se rapportant de façon plus large au monde athénien. L’ensemble mériterait une étude particulière que nous n’effectuerons pas ici car elle dépasse le cadre géographique que nous nous sommes fixés. Quelques notices de dèmes (Angelê α  29, Agnous α 37 …) contiennent des observations grammaticales, qui semblent avoir été intégrées par Stéphane de Byzance dans la structure même de la notice. D’autres, peu nombreuses, ont une indication chrono-mythologique, comme pour les toponymes habituels ; cette mention, placée pratiquement toujours au même endroit – c’est-àdire après le rattachement à la tribu et avant l’ethnique –, semble avoir été ajoutée mais existait peut-être déjà dans la compilation dont s’est servi Stéphane de Byzance. Enfin, à l’image des considérations de grammairiens [F2] des notices de première et de seconde catégorie, des formes dérivées (par exemple Anagurasios au lieu d’Anagurous α  300) peuvent être signalées après les topika. Il faut noter d’ailleurs l’utilisation par Stéphane de Byzance de ce dernier terme qui regroupe les trois formes de lieu : on ne le retrouve dans l’Épitomé quasiment que pour les dèmes attiques30. 1.2.4. Les insertions grammaticales Tout au long des notices, on trouve des éléments de comparaison lexicale de grammairien, voire des règles de formation de certains types de mots dérivés ou d’autres plus générales. Après avoir étudié en détail de très nombreuses notices, nous nous sommes aperçus qu’il n’était pas possible de faire rentrer ces éléments dans un cadre spécifique, qui leur aurait assigné une place précise dans les notices. Il s’agit en fait très vraisemblablement d’insertions qui ne doivent leur emplacement qu’à la forme lexicale qui les motive. Pour démontrer l’importance de ces mentions, nous avons reproduit en Annexe 1 le premier et le dernier livre des Ethniques, les moins résumés, ce qui laissait la possibilité d’avoir conservé une grande partie de ces indications. Dans ces notices, nous avons 30  Cinq autres notices (Thêbê θ 40, Kabassos κ 2, Kôlias κ 308, Megara μ 106, Mounuchia μ 220), emploient le terme de τοπικὰ en lien semble-t-il avec des toponymes attiques. Ils sont peut-être la trace d’un emprunt à une même source.

1. La structure du lexique de Stéphane de Byzance et de ses abrégés fait apparaître toutes les insertions grammaticales, en plus du découpage interne des notices. On trouve tout d’abord des indications (placées immédiatement après le lemme ou juste après la détermination géographique) sur le genre du nom, le type d’accentuation, voire la déclinaison du génitif31 ; cela reste vrai pour chacune des quatre catégories de géonymes que nous avons définies précédemment : toponymes, ethniques, dèmes/tribus attiques et définitions générales. Quelques insertions peuvent apparaître (mais très rarement) au niveau du paragraphe chrono-mythologique, mais c’est surtout dans les variantes du nom [C] que Stéphane de Byzance a inclus les formes que donnent les grammairiens. Enfin d’autres insertions grammaticales apparaissent au niveau des formes dérivées (ethniques, féminins, ktétiques …). On trouve également parfois, on l’a dit, à la fin de notices les informations de grammairiens que nous avons distinguées plus haut sous l’intitulé de [F2] et qui constituent également une de ces insertions sous une forme beaucoup plus développée. Nous n’avons pas forcément pu faire apparaître ici la totalité de la « matière » issue des grammairiens car leurs formulations peuvent parfois être difficiles à repérer dans des notices plusieurs fois abrégées. Ainsi, certains termes (comme δύναται, « on peut », sous-entendu « former » ou « employer ») semblent caractéristiques de leur vocabulaire ; des formes elles-mêmes doivent en provenir aussi, mais en l’absence de preuve attestant d’un rattachement à un grammairien nous les avons laissées sous la plume de Stéphane de Byzance. Toutefois cela suffit à démontrer l’importance de ces apports dans le texte des Ethniques. P. Fraser a analysé de façon spécifique certaines tournures que l’on trouve dans ces insertions (avec le titre de Linguistic Comments and Criticism), sans toutefois le distinguer comme un texte à part comme nous le proposons. Il étudie ainsi l’emploi de χαίρουσι/φιληδοῦσι (« ils plaisent »), ἐπιχωριάζειν/ἐπιχώριον (« du pays »), καθ’ ἡμᾶς (« selon nous » = « selon notre emploi du grec »), χρηματίζει/ἐχρημάτιζε (« être appelé »)32.

31 

Les exemples pris ici proviennent seulement du livre I mais on pourrait les multiplier ; genre du nom : Agra (α 43), Agriai (α 47), Adana (α 55), Adrotta (α 66) ; type d’accentuation : Abolla (α 9), Abotis (α 11), Ankôn (α 36) ; génitifs : Abudôn (α 17). 32  Fraser 2009, p. 266-272. Nous excluons de ces insertions grammaticales la mention simultanée de πολίτης et de τὸ ἐθνικόν dans une même notice, qui relève d’une autre démarche, ainsi que ἀναγράφεται et la série ὅθεν/ἀφ’ οὗ/ἀφ’ ἧς/ἐκ τούτου/ἐκ ταύτης qui est lié aux insertions de personnages célèbres, issues de Philon de Byblos (cf. infra p. 167-168).

95

Nous étudierons plus loin (p. 103 sq.) le détail des grammairiens utilisés par Stéphane de Byzance  ; il nous suffit ici de montrer une des facettes du travail de Stéphane de Byzance dans l’utilisation de ses sources. 1.2.5. Les notices plurielles On remarque régulièrement des notices dont le lemme correspond à plusieurs lieux différents. Ces notices, que nous appellerons « plurielles », sont très nombreuses dans l’œuvre de Stéphane de Byzance et font l’objet d’un traitement particulier. Dans l’étude des ethniques de P. Fraser, celui-ci a d’ailleurs analysé plus spécialement ceux qui proviennent de cités ayant le même nom33. Il distingue les villes qui sont énumérées par des chiffres de celles qui sont simplement citées par une forme géographique. S’il remarque que la notice place à des endroits différents la forme de l’ethnique, il ne comprend pas (en tout cas il ne l’exprime pas clairement) que c’est en fonction de cette forme dérivée que la notice est composée. D’après l’ensemble de celles que nous avons analysées, ces notices plurielles sont organisées de trois manières différentes par Stéphane de Byzance. Le premier type («  notice plurielle de type I  »), consiste en des listes de toponymes juxtaposés ayant chacun les différentes composantes d’une notice simple. Pour mieux comprendre comment Stéphane de Byzance a organisé son texte, nous avons pris un exemple chez le premier abréviateur, car les notices conservées du livre  XIII n’en contient qu’une seule (Dôros δ  150), courte et peu représentative. Il s’agit de la notice du toponyme Athênai (α 80) dont on trouvera le texte détaillé dans notre corpus (fiche [8]) puisque l’une des villes de ce nom se trouvait en Gaule méridionale. Nous avons ici neuf toponymes distincts, dont le principal est bien sûr la ville d’Athènes, le premier toponyme, qui occupe plus de la moitié de la notice. Nous retrouvons dans ce premier toponyme tout ce qui constitue une notice : la détermination géographique [A], suivie d’une explication mythologique du nom [B]. L’ethnique est réduit à une forme unique [D] mais dont le féminin [E1] donne lieu à plusieurs citations conservées par le premier abré-

33  

Cette analyse est un peu diluée à travers deux chapitres distincts : Hellenistic Eponymous Cities and Ethnics (Fraser 2009, p.  169-178) d’une part et Ambiguous except Eponymous Ethnics (p. 179-191) d’autre part. Il faut ajouter également l’Appendix I (p. 325-376) qui détaille toutes les mentions connues (y compris avec les monnaies et les inscriptions) pour les villes fondées à l’époque hellénistique et portant le nom d’un personnage célèbre.

96

Deuxième Partie : Organisation, contenu et sources des Ethniques de Stéphane de Byzance

viateur. Des indications complémentaires sur le nom des habitants [F1] et sur les patronymes par le grammairien Habron [F2] terminent cette première partie. Bien sûr, les autres toponymes du même nom, moins célèbres (donc moins cités), n’ont pas le même niveau de détail. Pour les quatre suivants nous n’avons que la détermination géographique sans même le nom des habitants. En revanche, le sixième toponyme concerne une ville d’Eubée où l’on retrouve le paragraphe chrono-mythologique [B], le nom de l’habitant [D] avec une variante orthographique. Certains autres toponymes de cette notice ont également des indications chrono-mythologiques. La seconde forme (« notice plurielle de type II ») consiste en une série de toponymes mentionnés dans la rubrique des homonymes [C1] d’une notice. Ce type de notice est utilisé par Stéphane de Byzance lorsqu’il ne dispose pas de renseignements en nombre suffisant pour les différentes composantes de la notice, et surtout lorsque la forme dérivée principale, l’ethnique, est commune aux différents toponymes homonymes. Il est possible également que ce type de notice provienne d’une source différente de Stéphane de Byzance par rapport aux notices de type I. Enfin la troisième forme («  notice plurielle de type III ») se trouve par exemple dans la notice Dôtion (δ 151) : dans la dernière rubrique [F2], Stéphane de Byzance revient sur les différentes parties, depuis la chrono-mythologie jusqu’aux formes du nom des habitants. On retrouve ce type dans plusieurs rubriques de l’Épitomé, comme pour la notice Oinê (ο 25). Cette troisième forme est caractéristique d’une discussion sur la base des textes de grammairiens comme Hérodien et Oros et ne doit pas être considérée au sens strict comme une notice à toponymes multiples mais presque au même titre qu’une insertion grammaticale.

1.3. La définition géographique et l’utilisation des sources Il est particulièrement important de pouvoir analyser la définition géographique que donne systématiquement Stéphane de Byzance car c’est sur elle que l’on peut se baser pour la connaissance de tel ou tel géonyme chez des auteurs dont le nom a disparu de l’Épitomé. Nous allons donc successivement l’analyser dans l’œuvre d’origine puis dans le texte qui nous est parvenu.

1.3.1. La définition géographique chez Stéphane de Byzance Dans ses notices, Stéphane de Byzance donne d’abord la définition de l’entité géographique du nom traité et sa localisation : ville, peuple, île … de tel ou tel endroit. La localisation géographique est généralement une région d’identification compréhensible pour un lecteur un peu lettré de l’Antiquité  : Achaïe, Carie, Eubée,  …  ; plus rarement, le rattachement se fait à un peuple. De nombreuses études ont été consacrées à mieux comprendre chacun des termes utilisés, en particulier ἔθνος et πόλις. Nous avons pris le parti dans cette étude de ne pas nous aventurer dans cette voie, car elle nous amènerait trop loin de notre recherche34. Il nous faut nous arrêter un instant sur cette définition générale. Elle se fait en reprenant les termes génériques présents dans le lexique et qui désignent eux-mêmes le rattachement géographique (cf. supra p. 91) : γῆ (γ 70), la terre ; ἤπειρος (η 16), le continent ; θάλασσα (θ 2), la mer ; κώμη (κ 310), le village ; λιμήν (λ 68), le port ; νῆσος (ν 48), l’île ; ὄρος, la montagne ; πεδίον (π 82), la plaine ; πόλις (π 199), la ville ; ποταμός, le fleuve ; τόπος, le lieu ; φῦλον (φ 114), le genre ; χώρα (χ 65), le territoire, pour ne citer que les plus fréquents d’entre eux35. Les définitions géographiques sont systématisées mais semblent être issues du texte même des auteurs qui sont mentionnés dans les notices. Cette question est donc

34   Les recherches sont très nombreuses à ce sujet. Nous renvoyons à la plus récente d’entre elles, Fraser 2009, qui reprend les études antérieures pour tout ce qui relève des dénominations d’ethniques. Voir en particulier les pages 1 à 11 pour le détail de la terminologie ἔθνος/γένος. Sur l’utilisation de πόλις chez Stéphane de Byzance, voir Whitehead  1994 et les travaux entrepris par M. Hansen (Hansen 1997 et 2007). Toutes les démonstrations de ces auteurs sont biaisées par la non prise en compte des phases de réduction du texte de Stéphane de Byzance d’une part mais surtout de la détermination des sources lexicographiques des Ethniques d’autre part. À notre sens, ces auteurs placent trop de texte sous la plume même de Stéphane de Byzance, alors que bien souvent il ne fait que reprendre des sources plus anciennes. 35  P. Fraser a listé la totalité des termes rencontrés dans l’Épitomé (Fraser 2009, p. 243-257). À notre liste, il faut ajouter : ἄκρα, ἄκρον, ἀκρόπολις, ἀκρωτήριον, ἄλσος, βασίλειον, δῆμος, ἐμπόριον, ἐπίνειον, ἰσθμός, καλύβη, κατοικία, κόλπος, κρήνη, λόφος, μερίς, μέρος, μεσόγειος, μητρόπολις, μοῖρα, νησίδιον, ὄχθος, πέτρα, πόλισμα, πολισμάτιον, πολίχνιον, σταθμός, συνοικία, φρούριον, χωρίον. Nous ne tiendrons pas compte des autres termes qui apparaissent sous forme de lemme seulement ou qui relèvent de l’aire athénienne. Tous les termes n’ont pas de définition dans l’Épitomé comme on peut s’en rendre compte dans l’Annexe 2.

1. La structure du lexique de Stéphane de Byzance et de ses abrégés tributaire de la définition des sources de Stéphane de Byzance, que nous étudierons dans les pages suivantes. Toutes les précisions géographiques et chrono-mythologiques ne proviennent pas forcément d’une citation donnée par Stéphane de Byzance. Ainsi pour la notice sur Dôtion (δ 151), la précision « puisque les Cnidiens y ont émigré, alors le pays s’appelle Knidia » (« ὅπου μετῴκησαν οἱ Κνίδιοι, ὧν ἡ χώρα Κνιδία ») ne correspond à aucune citation particulière mentionnée par l’auteur. Il est probable que Stéphane de Byzance a repris des notices provenant d’autres auteurs et n’est pas réellement le rédacteur de ces définitions géographiques. Nous aurons l’occasion d’y revenir plus loin, lors de l’étude des sources. 1.3.2. La conservation et la transformation des informations dans l’Épitomé Pour vérifier si l’Épitomé reprend bien la définition des noms géographiques de Stéphane de Byzance, notre seul élément de comparaison véritablement fiable est le livre XIII. Les notices du second abréviateur, si elles constituent un abrégé du texte d’origine, reproduisent en revanche fidèlement la définition géographique du nom ainsi que l’explication sommaire qui suit. Par exemple chez le second abréviateur et Stéphane de Byzance : δ 140 « Δύμη· πόλις Ἀχαΐας, ἐσχάτη πρὸς δύσιν (…) » (« Dumê, ville d’Achaïe, la dernière vers l’ouest  (…)  »)  ; δ  143 «  Δυρράχιον· πόλις Ἰλλυρική, καὶ Ἐπίδαμνος κληθεῖσα ἀπὸ Ἐπιδάμνου (…) » (« Durrachion, ville d’Illyrie, aussi appelée Epidamnos du nom d’homme Epidamnos (…) »). C’est le cas de la totalité des notices examinées. La deuxième partie (chrono-mythologique) est souvent intégrée par le second abréviateur à la description initiale, qu’elle ajoute un complément d’informations (ainsi pour δ  144 «  Δυσπόντιον· ἀπὸ Δυσπόντου τοῦ Πέλοπος » ; « Duspontion, du nom de Duspontos le fils de Pélops ») ou une précision géographique comme dans l’exemple cité ci-dessus pour Dumê. Dans ce dernier cas, on retrouve dans l’Épitomé les mêmes termes que la citation d’Apollodore reproduite à l’origine chez Stéphane de Byzance  : «  τούτον ἀπέχουσα σταδίους ρκʹ ἐσχάτη κεῖται πρὸς δύσιν Δῦμαι  » («  éloignée de 120 stades, Dumai est située la dernière vers l’ouest ») ; à la seule lecture de l’Épitomé, il aurait été impossible de savoir qu’Apollodore en était la source. Une autre notice nous donne un exemple très intéressant de la façon dont le premier abréviateur et ses successeurs ont travaillé : pour l’ethnique Durbaioi (δ 142) est reprise la mention initiale de Stéphane de Byzance « ἔθνος καθῆκον εἰς Βάκτρους καὶ τὴν Ἰνδικήν » (« peuple

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s’étendant jusqu’à la Bactriane et l’Inde »)36. La citation de Ctésias qui suit est tronquée par le second abréviateur (de quelques mots dans les premières lignes du texte et des trois dernières lignes). De même, la notice sur Dôra (δ 148) reprend les termes mêmes de Stéphane de Byzance, directement empruntés à Strabon (16.3.7) : « (…) νήσου (…) ἐν τῷ Περσικῷ κόλπῳ (…) » (« (…) île (…) dans le golfe Persique (…) »). Des bouleversements de l’ordre du texte de Stéphane de Byzance sont possibles dans l’Épitomé. Si ce dernier suit dans sa grande majorité la structure du texte initial, les besoins de compréhension d’un texte abrégé entraînent parfois des modifications. C’est ainsi le cas dans la notice de Dumê (δ 140), où les deux dernières phrases sont interverties. Parfois ce sont de simples mots qui sont déplacés à l’intérieur d’une phrase (par exemple pour le paragraphe sur le proverbe de l’airain de Dodone dans la notice Dôdônê, δ 146). La compilation du premier abréviateur et de ses successeurs reste fidèle au principe de l’énumération de toutes les formes grammaticales. Le premier abréviateur respecte en effet la forme du travail des grammairiens, privilégiant l’aspect lexical. De la même façon, le second abréviateur synthétise l’information non seulement en épurant le texte initial de la plupart de ses citations, mais en laissant de côté également certains paragraphes de Stéphane de Byzance qu’il juge peu utiles comme l’énumération des différentes formes de déclinaison du nom (par exemple pour Dôdônê) ou bien les comparaisons évoquées pour justifier de formes adjectives. Les notices analysées dans le corpus d’Europe occidentale montrent que les différents résumés de Stéphane de Byzance conservent quasiment toujours l’ordre initial. De plus, le premier abréviateur et les abréviateurs postérieurs ont gardé les mots mêmes de Stéphane de Byzance, ce qui peut permettre d’approcher assez fidèlement le texte original. Les phases d’abréviation successives ont éliminé les discussions purement grammaticales sans grand intérêt pour le vocabulaire géographique et nous privent la plupart du temps des citations qui émaillaient le texte originel. L’Épitomé a perdu ainsi son caractère de lexique grammatical exhaustif des termes géographiques ayant des formes dérivées, comme l’était l’œuvre première de Stéphane de Byzance. 36  La citation de Ctésias – au demeurant assez longue – d’où est tirée la localisation géographique dit « (…) πρὸς τὴν Βακτρίην καὶ Ἰνδικὴν κατακείνοντες (…) ». Le sens est le même mais la phrase est légèrement réécrite.

Deuxième Partie : Organisation, contenu et sources des Ethniques de Stéphane de Byzance

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Figure 23 – Tableau comparatif des mentions d’auteurs chez Stéphane de Byzance.

Notice Δύμη            

Appel de mention καὶ ὡς   καὶ καὶ καὶ καὶ

            Δύνδασον Δυρβαῖοι Δυρράχιον                   Δυσπόντιον     Δύστος      

Prépo­ sition ἐν         ἐν  

καὶ καὶ καὶ           ὡς           καὶ καὶ καὶ λέγει δὲ   καὶ καὶ     καὶ  

Auteur Καλλίμαχος Ἀπολλόδωρος Ἔφορος Παυσανίας (πάλιν)   Ἀπολλόδωρος ἢ ὁ τὰ τούτου ἐπιτεμνόμενος Φίλιστος Ἀπολλόδωρος Θεόπομπος Εὐφορίων Ἀντίμαχος Ἀντίμαχος Ἀλέξανδρος Κτησίας Φίλων Στράβων38 Δέξιππος Ἀλέξανδρος Εὐφορίων Ἐρατοσθένης Βάλακρος Ἑρέννιος Φίλων (πάλιν) Παυσανίας Φλέγων   Τρύφων Θεόπομπος (Homère sous-entendu) Διονύσιος Φιλόξενος

  ἐν       ἐν37 ἐν ἐν   ἐν ἐν ἐν     ἐν ἐν     ἐν ἐν ἐν ἐν      

         

  οὕτω δὲ καὶ καὶ   ὡς

  Ἐπαφρόδιτος Σουίδας Κινέας Ἐπαφρόδιτος

  ἐν40      

 

ἧς τὴν γενικὴν

Σοφοκλῆς

 

37 

Titre Ἐπιγράμμασιν             Σικελικῶν Χρονιχῶν       Θηβαΐδος τῷ Περὶ Καριάς Περσικῶν     Χρονικῶν Εὐρώπῃ   Γεωγραφουμένων39 Μακεδονικοῖς τοῖς Ἰατρικοῖς     Ὀλυμπιάδι   {Παρωνύμοις γράφων Φιλιππιχῶν     ὁ τὴν Ὀδύσσειαν ὑπομνηματίζων   τῆς Ἰλιάδος     Ὑπομνηματίζων τὸ βʹ Αἰτίων Ὀδυσσεῖ ἀκανθοπλῆγι

No de livre     κδʹ ζʹ   τῷ ηʹ  

Annonce de ­citation              

αʹ αʹ μʹ     εʹ βʹ ιʹ   ηʹ ιʹ     γʹ       ςʹ βʹ κζʹ   κδʹ      

            (…)       φησὶν οὕτως       φησί (…) οὕτως   (…) οὕτως     οὕτως (…)       (…) φησὶ (…) οὕτως

X X X X   X X X   X X X X X X X X X X X X X X X X

  τῇ πʹ      

(…) οὕτως   δὲ φησι (…) δὲ φησι (…)  

X X   X X

 

 

X

Ici, la construction place le livre avant le titre : ἐν εʹ Θηβαΐδος. Il n’est pas certain que le texte de Stéphane de Byzance ait bien comporté la mention de Strabon.           Dans le manus­crit de Paris, comme dans le texte de Constantin, la citation est rapportée au seul Philon. 39  Le numéro du livre est placé avant le titre : Ἐρατοσθένης γʹ Γεωγραφουμένων. 40  Le numéro du livre est placé avant le titre : Ἐπαφρόδιτος ἐν τῇ πʹ τῆς Ἰλιάδος. 38 

Citation X X X X X X X

1. La structure du lexique de Stéphane de Byzance et de ses abrégés

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Figure 23 (suite) – Tableau comparatif des mentions d’auteurs chez Stéphane de Byzance.

             

Appel de mention καὶ δοτικήν καὶ καὶ καὶ τὴν αἰτιατικήν φησιν     καὶ καὶ   καὶ  

        Δωνεττῖνοι   Δῶρα   Δώριον         Δῶρος                  

Notice        

Auteur     Καλλίμαχος Εὐφορίων

Prépo­ sition   ἐν   ἐν

Titre   Τραχινίαις   Ἀνίῳ

No de livre        

Σιμμίας ὁ Ῥόδιος Ἑκαταίος Ὅμηρος Κρατῖνος Ἀπολλώνιος Σοφοκλῆς Ἀπολλόδωρος

            ἐν41

  Εὐρώπῃ   Ἀρχιλόχοις   Ὀδυσσεῖ ἀκανθοπλῆγι Περὶ θεῶν

            αʹ

  καὶ   μέμνηται αὐτῆς   καὶ καθὰ οὕτω καὶ ὧν  

τῷ περιηγητῇ Πολέμωνι Ἀριστείδῃ (…) ὁ Ταρραῖος Μένανδρος Ῥιανὸς   Στράβων Ὦρος Ὅμηρος Δικαίαρχος

  κατὰ   ἐν   ἐν       κατὰ44

  περὶ ὧν ἱστορεί     καὶ οὕτως καὶ καὶ καὶ   καὶ καὶ    

Ἡρόδοτος Ἄνδρων Χάραξ Ἐκαταῖος Ἰώσηπος (…) Κλαύδιος Ἰούλιος Ἀρτεμίδωρος (…)   Ἀπολλόδωρος (…) Ἀλέξανδρος Χάραξ Παυσανίας Κρατερὸς

ἐν   ἐν   ἐν45 ἐν46 ἐν ἐν47 ἐν ἐν   ἐν ἐν48

Annonce de ­citation        

            (…) οὕτως ἐτυμολογεῖ         τὴν βʹ       φησὶν42 Ἀρρηφόρῳ     Θεσσαλικῶν43 δʹ     τῇ ζʹ     ιςʹ             μνημονεύει τοῦ Βίου τῆς Ἑλλάδος τὸ πρῶτον   βιβλίον   τῇ αʹ (…) φησὶ (…) οὕτως         ζʹ (…) Ἀσίᾳ     Ἰουδαϊκῆς ἱστορίας εʹ   Φοινικικών γʹ   Ἐπιτομῇ τῶν ιά     Γεωγραφουμένων θʹ   Χρονικών δʹ   Ἀσίᾳ       ιαʹ   τῇ τῆς Πατρίδος αὐτοῦ     τῷ Περὶ ψηφισμάτων τρίτῳ  

Citation X X X X

X X X X X X X   X   X X X X   X X X   X X X X X   X X X X X

tableau suite à la page suivante 41  42  43  44  45  46  47  48 

Le numéro du livre est placé avant le titre : ἐν αʹ Περὶ θεῶν. La mention φησὶν ὁ Ταρραῖος est placée en incise à l’intérieur de la citation. Le numéro du livre est placé avant le titre : Ῥιανὸς δʹ Θεσσαλικῶν. La construction de la phrase est la suivante : κατὰ τὸ πρῶτον τοῦ Βίου τῆς Ἑλλάδος βιβλίον. Le numéro du livre est placé avant le titre : ἐν εʹ τῆς Ἰουδαϊκῆς ἱστορίας. Le numéro du livre est placé avant le titre : Κλαύδιος Ἰούλιος ἐν γʹ Φοινικικών. Le numéro du livre est placé avant le titre : ἐν θʹ Γεωγραφουμένων τὸ αὐτό. La construction de la mention est la suivante : Κρατερὸς ἐν τῷ Περὶ ψηφισμάτων τρίτῳ.

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Deuxième Partie : Organisation, contenu et sources des Ethniques de Stéphane de Byzance

Figure 23 (suite) – Tableau comparatif des mentions d’auteurs chez Stéphane de Byzance.

Notice Δώτιον                             Ἔαρες

Appel de mention     ὡς δὲ                 καὶ (…)        

Auteur Καλλίμαχος Φερεκύδης Ἀρχῖνος Μνασέας Σοφοκλῆς   Ῥιανὸς Σοφοκλῆς Ἀπολλώνιος ὁ Ῥόδιος Ἀντίμαχος Διονύσιος   Ἡρωδιανὸς Ὦρος   Διονύσιος

Prépo­ sition ἐν         ἐν ἐν49 ἐν   ἐν50 ἐν51 ἐν ἐν ἐν   ἐν

1.3.3. La mention et la citation des auteurs anciens Avant d’analyser en détail, dans le chapitre suivant, les auteurs qui constituent les sources de l’œuvre de Stéphane de Byzance, il faut ici vérifier la manière dont apparaissent leur mention à l’intérieur des notices. Nous donnons dans le tableau ci-dessus le détail des appels de chaque mention/citation dans la partie du livre  XIII conservé de Stéphane de Byzance (fig. 23). La plupart des mentions d’auteurs sont suivies d’une citation ; dans de rares cas, les notices de Stéphane de Byzance paraphrasent le propos de l’auteur et n’en donnent que le nom. Dans les notices, on trouve très souvent le nom de l’œuvre d’où est tirée la citation (53,4%), sauf lorsque celle-ci est implicite (comme pour Apollonios de Rhodes, Denys le Périégète, Pausanias et Strabon et très probablement Charax, Éphore et Théopompe) ou peut-être parce qu’elle n’était pas citée dans ses sources (Simmias, Callimaque, Mnaséas voire Phérécyde et Archinos qui ne sont que mentionnés mais non cités). Dans ce dernier cas, il est vraisemblable qu’il a trouvé la mention chez un autre auteur moins scrupuleux que lui sur la référence de sa source. Le numéro du 49   Le numéro du livre est placé avant le titre  : Ῥιανὸς ἐν δʹ Μεσσηνιακῶν. 50  Le numéro du livre est placé avant le titre : Ἀντίμαχος ἐν βʹ Λύδης. 51  Le numéro du livre est placé avant le titre : Διονύσιος ἐν αʹ Γιγαντιάδος.

Titre τοῖς Ὕμνοις       Λαρισαίοις Λημνίαις προτέραις Μεσσηνιακῶν Πηλεῖ   Λύδης Γιγαντιάδος     τοῖς Ἐθνικοῖς   Βασσαρικῶν

No de livre             δʹ     βʹ αʹ τῷ βʹ ηʹ     δʹ

Annonce de ­citation                 (…)         τῇδε γράφει ἐπάγει γοῦν  

Citation X     X X X X X X X X X X X X X

livre est indiqué soit avec le titre (25% des cas) soit seul, sans le nom de l’ouvrage (17%). La mention est introduite dans la moitié des cas directement (51,1%) soit par un καὶ de liaison (35,2%), très rarement par οὕτω(ς) ou ὡς (ce dernier étant plutôt réservé pour les comparaisons lexicales de grammairien). Entre la mention et le texte de la citation, on trouve plutôt régulièrement les termes οὕτως (9,1%) et φησὶ (8%). Enfin, le titre de l’œuvre est introduit dans la moitié des cas par ἐν (47,7%) ou cité directement (17%) ; on trouve beaucoup plus rarement κατὰ (2,3%). La citation type par Stéphane de Byzance se fait donc avec le nom de l’auteur, le titre de l’œuvre et le numéro du livre (s’il existe), suivis ensuite du texte de la citation. Cette façon de procéder est conforme à celle de ses prédécesseurs et ne constitue pas réellement un trait propre à notre auteur. Enfin, et c’est important pour l’analyse des lemmes, il ne faut pas oublier que les numéros de livres peuvent être sujets à des erreurs de copie, peut-être plus fréquemment que des noms puisqu’ils ne sont pas compréhensibles en tant que tels. Ainsi J. Keaney a pu mettre en évidence un certain nombre d’erreurs dans ceux du lexique dit d’Harpocration52. Nous n’avons pas conservé assez de notices du texte primitif de Stéphane de Byzance ni des textes antiques cités par celui-ci pour nous faire une idée exacte de la 52 

Keaney 1968.

1. La structure du lexique de Stéphane de Byzance et de ses abrégés façon dont il a copié ces auteurs. Nous pensons pour notre part que les citations de Stéphane de Byzance étaient exactes (dans la limite de la qualité du texte qu’il avait sous les yeux), au moins pour l’orthographe des noms (voir les réflexions d’A. Diller dans ses diverses études). C’est l’abréviation des Ethniques et les copies de son œuvre durant presque un millénaire qui ont induit les nombreuses déformations que nous pouvons constater dans leur retranscription. Nous ne sommes donc pas d’accord avec les critiques générales portées sur la transcription des sources chez Stéphane de Byzance53 ; l’impression qui se dégage des fragments conservés est au contraire une fidélité dans la citation. Or, cette impression négative prévaut encore chez les historiens de la péninsule ibérique antique54, à l’inverse de ceux travaillant sur le Midi de la Gaule qui utilisent plus facilement les Ethniques. Enfin, nous le verrons infra, il faut tenir compte d’éventuels lexiques intermédiaires qui ont pu déjà commettre un certain nombre d’erreurs dans la lecture des textes sources.

53   Atenstädt  1891, p.  10 sq.  ; Honigmann  1929, col. 2389-2392 ; Reid 1974, p. 128-132 et même Whitehead 1994 qui tend pourtant à réhabiliter les Ethniques. 54 Cf. Moret 2006, p. 41.

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2. Approche des sources grammaticales des Ethniques Depuis le xixe siècle et l’édition d’A. Lentz, la compréhension du travail de Stéphane de Byzance est « contaminée », pourrait-on dire, par la confusion de sa compilation lexicographique, les Ethniques, avec l’œuvre du grand grammairien qu’était Hérodien dit le technique (dans le sens de celui qui pratique la technê grammatichê, c’est-à-dire l’art de la grammaire). Les deux œuvres sont donc confondues au point que l’on a fait de Stéphane de Byzance un simple « arrangeur » par ordre alphabétique du texte de son prédécesseur1. Cette confusion est encore accentuée, de nos jours, par la numérisation des textes que l’on peut aisément consulter sur le Thesaurus Linguæ Graecæ 2. Dans celui-ci, le texte d’Hérodien reprend celui de l’édition de Lentz, et duplique donc quasiment l’Épitomé de Stéphane de Byzance. Dès lors, un chercheur non averti considèrera que le texte qu’il consulte remonte au plus ancien des deux auteurs. Il est facile de montrer que l’œuvre de Stéphane de Byzance emprunte à de nombreux auteurs qui sont postérieurs à Hérodien, et que celui-ci n’est d’évidence pas la source unique du lexique des Ethniques. C’est pourquoi il nous a semblé important de mettre en évidence ces mentions récentes afin de mieux comprendre la façon dont Stéphane de Byzance a procédé pour la rédaction de son ouvrage et l’utilisation éventuelle des auteurs intermédiaires pour la compilation de ses notices. C’est en effet, parmi toutes les œuvres lexicographiques parvenues jusqu’à nous, l’une de celles qui reste relativement unique par leur ampleur. Ainsi, dans les pages qui suivent seront analysées toutes les mentions relevant d’auteurs postérieurs au milieu du ii e  siècle de notre ère. Mais avant tout, il importe de mieux comprendre l’apport des devanciers de Stéphane de Byzance, grammairiens pour certains de renom, dont il a pu vouloir s’inspirer pour ses propres travaux.

1  A. Dyck rappele l’avis de B. Niese en opposition à A. Lentz (Niese 1873, p. 6 ; Dyck 1993, p. 778, n. 26). Voir De Santis 2013, p. 35-40. 2  Cette entreprise de grande ampleur, menée par l’Université de Californie à Irvine, inclut tous les textes grecs de l’Antiquité et de la période byzantine.

Nous avons vu supra (p. 94-95) que les notices comprenaient de très nombreuses insertions de grammairiens. Malheureusement, les quelques notices conservées en propre chez Stéphane de Byzance ne sont pas caractéristiques de cet usage ; c’est pourquoi nous allons plutôt revenir sur le détail des notices des livres I et LX, faiblement abrégés, pour tenter de mieux comprendre la façon dont Stéphane de Byzance s’est servi des travaux de ses prédécesseurs, en commençant par le plus célèbre d’entre eux, Hérodien3.

2.1. Les insertions grammaticales et l’utilisation d’Hérodien Le grammairien Hérodien fait partie de ceux qui ont construit la grammaire grecque. Fils d’Apollonios Dyscole, lui-même grammairien célèbre, il est l’auteur de nombreuses œuvres dont peu sont arrivées jusqu’à nous. 2.1.1. Des mentions issues de la Prosodie générale ? La plus importante de ses œuvres est sans conteste la Prosodie générale4, recueil en vingt livres de toutes les règles de constitution des formes accentuées, ayant pu contenir peut-être jusqu’à 60 000 lemmes5 et dédiée à l’empereur Marc Aurèle. Une annexe traitait également de l’accentuation des mots dans la phrase. La Prosodie générale reprenait très vraisemblablement les éléments issus des autres traités prosodiques d’Hérodien 6 et apparaît donc comme une œuvre tardive, issue d’une recherche parvenue à maturité. 3   Voir le texte présenté dans l’Annexe 1 avec la mise en exergue des insertions grammaticales et Billerbeck, NeumannHartmann  2021, p.  17-25 pour le lien général avec les autres grammairiens et p. 33-46 pour Hérodien. 4  Le titre (Περὶ καθολικῆς προσῳδίας) peut se traduire de manière plus explicite par Traité général de l’accentuation. Voir Billerbeck, Neumann-Hartmann 2021, p. 35-37. 5   Dickey  2007, p.  75  ; Dickey  2014  n o  27, p.  334-335  ; Dyck 1993 no 1, p. 776-783 ; TLG no 1 ; Papazeti 2008, p. cviicxv. 6  Dyck 1993, p. 774 n. 5.

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Deuxième Partie : Organisation, contenu et sources des Ethniques de Stéphane de Byzance

Cette œuvre a eu une longue destinée. Si elle n’est parvenue jusqu’à nos jours que sous forme d’extraits ou de courts résumés, elle a servi très largement pour de nombreux grammairiens de l’époque byzantine. Eustathe de Thessalonique l’utilisait peut-être encore à la fin du xiie siècle. On la connait au travers de deux épitomés constitués de manière différente 7. Le premier est celui du pseudo-Arcadius8, conservé dans cinq manus­crits, l’un d’eux (M, Matritensis 4575 (ancien no  38) [diktyon 40055]) étant une copie réalisée par Constantin Lascaris avant 14829 d’un παλαιὰ βίβλος trouvé dans le monastère San Salvatore in lingua Phari de Messine. C’est probablement de ce manus­crit que dérivent le manus­ crit A (Hauniensis GKS 1965 [diktyon 37190]), daté de la fin du xve siècle10 et O (Baroccianus 179 [diktyon 47466]) daté de 1485. Enfin, deux autres manus­crits (B et C, respectivement Parisinus gr. 2603 [diktyon 52238] et 2102 [diktyon 51731]) sont des apographes de A du xvie siècle, ayant servi à l’editio princeps d’E. H. Barker en 1820. Cette œuvre conserve le découpage des livres et la matière d’Hérodien. Le second épitomé est celui de Jean d’Alexandrie11 : Τονικῶν παραγγελμάτων ἐν ἐπιτομῇ, connu sous le titre latin de Praecepta tonica12. Cinq manus­crits sont connus, représentant deux traditions issues d’un manus­crit archétype ω qui devait comporter de nombreuses abréviations. On trouve d’une part le manus­crit A (Hauniensis 1965 [diktyon 37190]) déjà cité, dont C (Vaticanus gr. 1766 [diktyon 68395]) est un apographe ; et d’autre part un manus­crit du xvie siècle, V (Vindobonensis phil. gr. 240 [diktyon 71354]), dont la partie nous concernant a été copiée par Siméon Cabasilas, présent au Studio de Padoue en 1575 et 157613. De V descendent, d’après 7  Sur ces épitomés, voir Dyck 1993, p. 776-779, sur lequel nous nous basons. 8  On le connait ainsi depuis l’édition de Barker, basée sur les manus­crits de seconde main B et C qui le mettent sous ce nom, mais les manus­crits M, O et A l’attribuent à l’auteur des canons, le grammairien Theodosius. Voir maintenant la nouvelle édition de Roussou 2018 basée sur les manus­crits les plus anciens. 9  Pontani 2019. 10   Voir la description et la datation de ce manus­c rit dans Schartau 1994, p. 168 sq. 11   On l’assimile sous réserve à Jean Philopon, auteur en particulier de commentaires d’Aristote et d’ouvrages théologiques, appelé également Jean le grammairien. 12  Il vient de faire l’objet d’une nouvelle édition critique par G. Xenis (Xenis 2015). 13  Sur ce personnage, auteur d’une description d’Athènes vers

l’étude de G. Xenis, le Taurinensis B.VI.10 (anc. 261) [diktyon 63777] (T, xve-xvie siècle) et l’Ambrosianus C 69 sup. [diktyon 42419] (M, xve-xvie siècle). Ce second épitomé semble plus proche de l’original et être constitué de véritables extraits de l’œuvre d’Hérodien. On possède également deux fragments de cette œuvre, l’un sur un papyrus 14 et le second dans un palimpseste de Vienne15. De nombreuses œuvres grammaticales postérieures gardent également des extraits plus ou moins identifiables16, ce qui permet de mieux comprendre le livre XX qui n’existe plus dans les deux épitomés17. Enfin, on peut probablement retrouver les traces du supplément placé à la fin de la Prosodie générale, indiqué dans l’épitomé du pseudo-Arcadius après le livre XX, dans les œuvres conservées sous le nom de Περὶ ἐγκλινομένων, Περὶ ἐγκλιτικῶν et Περὶ στιγμῆς18. Pour vérifier la place d’Hérodien parmi les mentions que fait Stéphane de Byzance des grammairiens, nous avons établi un tableau (fig. 24) reprenant, pour chacune des rubriques des notices des livres I et LX, le grammairien cité et s’il s’agit d’une comparaison lexicale de grammairien. Dans cet échantillonnage, on notera que de très nom­ breuses mentions grammaticales sont sans nom d’auteur ; elles se composent très généralement (au moins pour celles appartenant à la catégorie [D], les plus nombreuses) de comparaisons avec d’autres formes, qui semblent caractéristiques d’Hérodien mais peuvent tout aussi bien trouver une origine chez d’autres grammairiens grecs. Lorsqu’elles relèvent effectivement de cet auteur, ces comparaisons font référence à la Prosodie générale, l’œuvre la plus importante de ce grammairien le milieu du xvie siècle, voir E. Gamillscheg (Gamillscheg 1997). 14  P.  Antinoopol. 67 du iv e  siècle, publié par J.  W.  B. Barns et H.  Zilliacus (Barns, Zilliacus  1960)  ; voir également Wouters  1979, p.  216-224. A.  Dyck critique la position des éditeurs qui y voient un épitomé et démontre que l’on peut avoir affaire à un extrait assez proche de l’original d’Hérodien (Dyck 1993, p. 779-780). 15  Vindob. hist. gr. 10 [diktyon 70887] (fol. 1-8, 24 et 25) du x e  siècle, réécrit au xii e  siècle, publié par Hunger  1967. Voir Dyck  1993, p.  780-782. Il est difficile de savoir s’il s’agit d’un épitomé comme le propose H.  Hunger, ou d’une version plus complète comme semble le penser A. Dyck. 16   Voir la liste détaillée donnée par A.  Dyck (Dyck  1993, p. 778). 17   Le texte que donne le seul manus­c rit Parisinus gr. 2102 correspond en fait à une compilation de Iakobos Diassorinos (Dyck 1993, p. 778). 18  Dyck 1993, p. 779.

2. Approche des sources grammaticales des Ethniques

105

Figure 24 – Tableau des mentions de grammairiens dans les livres I et LX du premier abréviateur. Nom

A

Nature de la notice

comparaison lexicale de grammairien

Toponyme

comparaison lexicale de grammairien

/

Toponyme

comparaison lexicale de grammairien

/

Toponyme

/

comparaison lexicale de grammairien

Hérodien ? (Prosodie, I ?)

Toponyme

Hérodien (Prosodie, IV)

comparaison lexicale de grammairien

/

Toponyme

/

Toponyme

/

Peuple

C

D

Hérodien comparaison lexicale de grammairien

Abai-I

comparaison lexicale de grammairien

Abai-II

Hérodien (Prosodie, XI)

/

Abakainon

Hérodien (Pro­sodie, XIII)

/

Abantis Abarnos-I

E/F

B

/

/

Abarnos-II Abasênoi

/

/

/

comparaison lexicale de grammairien Apollonius (Peri parônumôn)

comparaison lexicale de grammairien

Abdêra Abilê

/

comparaison lexicale de grammairien

Toponyme comparaison lexicale de grammairien

/

Toponyme

Abioi

/

/

/

/

Peuple

Abolla

comparaison lexicale de grammairien

/

/

/

Toponyme

Aborigînes

/

/

/

comparaison lexicale de grammairien

/

Peuple

Abotis

Hérodien

/

/

comparaison lexicale de grammairien

/

Toponyme

/

Toponyme

Abrettênê

/

Abrinatai

/

/

/

comparaison lexicale de grammairien

/

Peuple

Abroi

/

/

/

comparaison lexicale de grammairien

/

Peuple

Abrotonon

/

comparaison lexicale de grammairien

/

Toponyme

Abudoi

/

comparaison lexicale de grammairien

/

Toponyme

Abudôn

comparaison lexicale de grammairien

/

/

Abulloi

/

/

/

Abônou teîchos

/

/

Agatheia

/

/

Agathê-I

comparaison lexicale de grammairien

comparaison lexicale de grammairien comparaison lexicale de grammairien

Toponyme /

Peuple

/

Toponyme

/

Toponyme

comparaison lexicale de comparaison lexicale grammairien Habrôn de grammairien (Peri parônumôn)

Toponyme

tableau suite à la page suivante

106

Deuxième Partie : Organisation, contenu et sources des Ethniques de Stéphane de Byzance

Figure 24 (suite) – Tableau des mentions de grammairiens dans les livres I et LX du premier abréviateur. Nom

A

B

C

D

E/F

Nature de la notice

Agathê-II

/

/

comparaison lexicale de grammairien

/

Toponyme

Agathoû daimonos

/

/

comparaison lexicale de grammairien

/

Toponyme

Agathurna

/

/

Lequel ?

/

/

comparaison lexicale de grammairien

Didyme

Peuple

comparaison lexicale de grammairien

/

Toponyme

comparaison lexicale de grammairien

/

Toponyme

/

Toponyme

/

Toponyme

comparaison lexicale de grammairien

Dème

Agathursoi

/

Agamêdê

Toponyme

Agammeia

comparaison lexicale de grammairien

Agamos

/

Agbatana

/

comparaison lexicale de grammairien Hérodien (Peri suntaxeôs stoicheiôn)

Angelê

/

/

Agêssos

/

/

Hérodien ? (Peri autôn stoicheiô)

/

Toponyme

/

/

/

/

Toponyme

/

/

/

Toponyme

Agion Ankara

comparaison lexicale de grammairien

Helladius comparaison lexicale de grammairien

/

comparaison lexicale de grammairien Oros

/

Toponyme

/

comparaison lexicale de grammairien

/

Toponyme

/

comparaison lexicale de grammairien

/

Toponyme

/

comparaison lexicale de grammairien

/

Toponyme

Agnoûs

/

comparaison lexicale de grammairien

Agnôneia

/

comparaison lexicale de grammairien

Ankura Ankurion

/

Ankurôn polis Ankôn

Agnôtes

comparaison lexicale de grammairien

/

/

Dème /

Toponyme

/

/

/

Peuple

Agora

/

/

/

Toponyme

Agoraîon teîchos

/

/

/

Toponyme

Agorêsos

/

comparaison lexicale de grammairien

/

Toponyme

/

/

Définition générale

Agra et agrai

comparaison lexicale de grammairien

/

/

Agraîoi

/

/

/

Agraulê

Peuple Dème

2. Approche des sources grammaticales des Ethniques

107

Figure 24 (suite) – Tableau des mentions de grammairiens dans les livres I et LX du premier abréviateur. Nom

A

B

C

D

E/F

Nature de la notice

Agrê

Hérodien (Prosodie, XII)

/

/

comparaison lexicale de grammairien

/

Toponyme

Agriai

/

/

/

comparaison lexicale de grammairien

/

Peuple

/

/

comparaison lexicale de grammairien

/

Toponyme

agros

comparaison lexicale de grammairien  ?

/

/

/

/

Définition générale

aguia

Tryphon (Parônumois) comparaison lexicale de grammairien

/

/

/

/

Définition générale

Agrisa

Agulla

/

Agurina

/

Toponyme

/ comparaison lexicale de grammairien

Anchialê-I

/

Toponyme

/

Toponyme

Anchialê-II

/

/

Toponyme

Anchisê

/

/

Toponyme

Adana-I

comparaison lexicale de grammairien

/

comparaison lexicale de grammairien

/

Toponyme

comparaison lexicale de grammairien Hérodien (Prosodie, IV)

/

Toponyme

/

Toponyme

/

Toponyme

/

Toponyme

/

Toponyme

Adana-II

/

/

Adana-III

/

/

Adaroupolis-I

/

/

Adara-II

comparaison lexicale de grammairien

Aderkôn

comparaison lexicale de grammairien

Adiabênê Adoulis Adramuteion Adramuttis

/

/

/

/

/

/ comparaison lexicale de grammairien /

/

comparaison lexicale de grammairien

/

Toponyme

Hérodien (Prosodie ?)

comparaison lexicale de grammairien

/

Toponyme

Hérodien

comparaison lexicale de grammairien

/

Toponyme

/

comparaison lexicale de grammairien

/

Toponyme

comparaison lexicale de grammairien

/

Toponyme

/

Toponyme

Adranê Adranon

comparaison lexicale de grammairien

?

108

Deuxième Partie : Organisation, contenu et sources des Ethniques de Stéphane de Byzance

Figure 24 (suite) – Tableau des mentions de grammairiens dans les livres I et LX du premier abréviateur. Nom

A

B

C

D comparaison lexicale de grammairien

Adrasteia-I Adrasteia-II /

Nature de la notice

/

Toponyme

/

Toponyme

comparaison lexicale de grammairien

/

Toponyme

/

Adria

E/F

Adrotta

comparaison lexicale de grammairien

/

/

comparaison lexicale de grammairien

/

Toponyme

Adrumês

comparaison lexicale de grammairien

comparaison lexicale de grammairien

/

comparaison lexicale de grammairien

/

Toponyme

Adrux

comparaison lexicale de grammairien

/

/

comparaison lexicale de grammairien

Adurmachidai

/

/

/

Toponyme /

Peuple

comparaison lexicale de grammairien

/

Toponyme

comparaison lexicale de grammairien

/

Toponyme

Psamathoûs

/

Psebô

/

Psenakô

/

/

comparaison lexicale de grammairien

/

Toponyme

Psenêros

/

/

comparaison lexicale de grammairien

/

Toponyme

Psenuris

/

comparaison lexicale de grammairien

/

Toponyme

Pseudartakê

/

/

comparaison lexicale de grammairien

/

Toponyme

Pseudokorasion

/

/

/

/

Toponyme

/

/

/

Peuple

/

Toponyme

Psêssoi

/

/

Psilion Psimada

/

/

/

Toponyme

Psinaphthos

/

/

/

Toponyme

Psinektabis

/

/

Toponyme

Psittakê

/

/

comparaison lexicale de grammairien

Toponyme

Psittachemmis

/

/

comparaison lexicale de grammairien

Toponyme

/

comparaison lexicale de grammairien

Psuktêrios Psulla

/

Psulloi

comparaison lexicale de grammairien

/ /

/

/

Toponyme

/

Toponyme

/

Toponyme

comparaison lexicale de grammairien

Toponyme

Psura

/

/

Psuttaleia

/

Hérodien

comparaison lexicale de grammairien

comparaison lexicale de grammairien

Toponyme

Psuchion

/

/

comparaison lexicale de grammairien

/

Toponyme

2. Approche des sources grammaticales des Ethniques

109

Figure 24 (suite) – Tableau des mentions de grammairiens dans les livres I et LX du premier abréviateur. Nom

A

B

Psôphis-I

C

D

E/F

Nature de la notice

/

/

/

Toponyme

Psôphis-II

/

/

/

/

Toponyme

Psôphis-III

/

/

comparaison lexicale de grammairien

/

Toponyme

Psôphis-IV

/

/

comparaison lexicale de grammairien

Psôchemmis

/

/

/

Toponyme

Ôbarênoi

/

/

/

Toponyme

Ôgenos

/

/

/

Divers

/

Toponyme

/

Toponyme

/

Toponyme

/

Peuple

/

Toponyme

Ôgugia

/

Ôgulos

/

Ôguris Ôdones

/

/

Ôkalea

/

/

/

/

/

comparaison lexicale de grammairien comparaison lexicale de grammairien

/

Toponyme

Ôkeanos Ôlenos

Divers comparaison lexicale de grammairien

Ôleros

/ /

Toponyme

/

Toponyme

Ôliaros

/

/

comparaison lexicale de grammairien

Ôlinna

/

/

comparaison lexicale de grammairien

/

/

Ôreos

/

/

Ôrikos

/

/

Ôrisia

/

/

/

Toponyme

/

/

/

Peuple

/

/

Ôpiai

Ôrîtai

/

/

Ôruchion

comparaison lexicale de grammairien

/

Toponyme

/

Toponyme

/

Peuple

/

Toponyme Toponyme

/

Toponyme

Ôrôpos-I

/

/

/

Toponyme

Ôrôpos-II

/

/

/

Toponyme

Ôrôpos-III

/

/

/

Toponyme

Ôrôpos-IV

/

/

/

Toponyme

/

comparaison lexicale de grammairien

/

Toponyme

/

comparaison lexicale de grammairien

/

Toponyme

Ôrôpos-V

comparaison lexicale de grammairien

/

Ôstia Ôstiônes

/

/

/

/

Peuple

Ôtênê

/

/

/

Toponyme

Ôtieîs

/

/

/

Toponyme

Ôphthis

/

/

/

Toponyme

comparaison lexicale de grammairien

110

Deuxième Partie : Organisation, contenu et sources des Ethniques de Stéphane de Byzance

puisqu’elle fournissait la plupart des formes déclinées avec leur accentuation. L’abréviateur a conservé, à de rares endroits, la précision de l’œuvre d’origine (indiquée parfois avec juste le nom d’Hérodien et le numéro du livre). En regardant de plus près ces indications – et notre corpus en fournira d’autres exemples –, on peut noter que ces insertions grammaticales se classent en cinq catégories. Les premières, les plus nombreuses, constituent une simple comparaison lexicale de grammairien, analogique, sur la morphologie d’un lemme. C’est ce que l’on trouve par exemple dans la partie [D] des notices Dundaseus (δ 141) ou Durrachion (δ 143). Les secondes sont liées à des questions d’accentuation et proviennent vraisemblablement d’Hérodien, peut-être par l’intermédiaire d’Oros comme nous allons le voir (infra, § 2.2.1). Les troisièmes concernent des indications de déclinaison et de genre (masculin, féminin, neutre). Les quatrièmes sont plus complexes car elles font référence à des « types » de formation des ethniques suivant les pays ; elles viennent d’Oros comme le prouve notre analyse (infra, p. 124 sq.). Les dernières concernent des indications de changement de lettres. Dans notre Annexe 1, nous avons distingué deux niveaux d’insertions grammaticales : celles qui sont liées à Oros/Hérodien et les autres, peut-être issues du lexique ayant servi de source à Stéphane de Byzance comme nous allons le voir plus loin. D’autres mentions de grammairiens sont également présentes dans l’œuvre ; celles des prédécesseurs d’Hérodien (comme Apollonios Dyscole ou Tryphon) nous sont probablement parvenues par son intermédiaire. Nous trouvons également dans la toute première notice, Abai (α 1), un probable extrait d’une œuvre de grammairien, que l’on pourrait imaginer provenir de la Prosodie générale : – Δέρβη γὰρ φρούριον Ἰσαυρίας, τὸ δὲ ἐθνικὸν Δερβήτης καὶ Δερβαῖος, ὡς Σιδήτης καὶ Πυλήτης, ὡς δειχθήσεται, ἀπὸ τοῦ Σίδη καὶ Πύλη. – Ἄλβη, τὸ ἐθνικὸν Ἀλβανός. καὶ Ἀλύβη, τὸ δὲ ἐθνικὸν Ἀλυβαῖος καὶ Ἀλυβεύς, οὗ θηλυκὸν Ἀλυβηίς, καὶ Ἀλυβήιος τὸ κτητικόν, ὡς βασιλήιος˙ ἀλλὰ καὶ Ἄλυβες.

également les formes qu’ils ne prennent pas), avec les comparaisons adéquates. Le terme de δειχθήσται pourrait correspondre à un renvoi interne aux Ethniques (cf. supra p. 89-90)  ; ces mentions seraient alors l’œuvre de Stéphane de Byzance. Mais on peut aussi y voir un extrait d’une des œuvres d’Oros d’Alexandrie sur laquelle nous reviendrons infra (p. 124 sq.), celle s’occupant de la formation des ethniques. La reconstruction de la Prosodie générale qu’a réalisée A.  Lentz19 est malheureusement trop radicale pour pouvoir servir de point de comparaison. Toutefois, si l’on enlève dans cette édition les mentions systématiques de Stéphane de Byzance, on retrouve assez facilement la trame de l’œuvre, en particulier au moyen des deux épitomés20. Son but était de donner les clefs de l’accentuation des mots, et non les différentes formes d’un nom. Cette œuvre était suffisamment importante pour devenir une référence pour les grammairiens et les scholiastes. Ainsi, dans les scholies à Apollonios de Rhodes, Hérodien n’apparaît que par l’intermédiaire de mentions de la Prosodie générale. 2.1.2. Les œuvres d’Hérodien Avant de reprendre les mentions de Stéphane de Byzance provenant d’autres œuvres d’Hérodien, il est intéressant d’avoir une vision globale sur l’œuvre de ce grammairien qui a fait l’objet de peu d’études d’ensemble. En effet, comme nous le verrons ci-après, il a eu une influence très importante sur Oros d’Alexandrie, lui-même source importante de Stéphane de Byzance. Nous donnons ci-dessous la liste des œuvres du grammairien telle qu’elle a été établie en dernier lieu par E. Dickey21, en reprenant sa numérotation entre crochets et en les classant par grandes catégories. Nous mettons en gras les œuvres véritables tandis que les autres titres peuvent n’avoir constitué que des parties extraites à un moment donné. Plusieurs œuvres portent en début de titre la mention μονόβιβλον qui s’apparente plutôt à une indication de bibliothéconomie22 que nous ne garderons pas dans le titre, contrairement à E. Dickey.

– Ἀρτάκη Ἀρτακηνός Ἀρτάκιος, οὐκ Ἀρτακαῖος. Bien que ces mentions soient probablement tronquées, elles nous renseignent surtout sur la façon dont on pouvait résumer « grammaticalement » les transformations d’un géonyme : le nom au nominatif, une définition géographique, la forme des ethniques et des ktétiques (avec

19 

Lentz 1867-1868. On se réfèrera à l’introduction d’A. Lentz (Lentz  1867, p. xxxv-lxxi). 21  Dickey 2014. 22  Cela sous-entend-il que les autres œuvres étaient en plusieurs livres ? 20 

2. Approche des sources grammaticales des Ethniques Œuvres sur la prosodie [27] Περὶ καθολικῆς προσῳδίας (Sur la prosodie générale). Il s’agit de l’œuvre la plus connue d­ ’­Hérodien, malheureusement non conservée. Voir ci-dessus. [21] Περὶ διχρόνων (Sur la double longueur [des voyelles])23. Cette œuvre est probablement à l’origine une partie de la Prosodie générale puisque suivant la table des matières de l’épitomé du pseudo-Arcadius, le livre XX contenait un développement sur la longueur des voyelles (voir l’édition d’A. Lentz). Une œuvre sous ce titre a été publiée par Cramer sur la base du Baroccianus 119 [diktyon 47406] (A) et 72 [diktyon 47359] (B) et republiée par A. Lentz24. Aucun autre fragment n’est connu, ce qui irait dans le sens d’un extrait de la Prosodie générale, basé sur le livre XX, et non d’une œuvre spécifique. [42] Περὶ πνευμάτων (Sur les esprits)25. Bien que mentionné de façon indépendante, il s’agit très probablement d’un extrait de la Prosodie générale. Il n’en subsiste que deux fragments, mais un seul comporte la mention de l’œuvre, chez Theognostos (Canones sive De orth. 19.33, § 111)26 : « οὕτως Ἡρωδιανὸς ἐν τῳ Περὶ πνευμάτων ». Le second fragment provient de Cramer27 mais n’a pas de nom d’auteur. A. Lentz rappelle la notice de la Souda sur un sophiste du nom de Philippe qui a écrit une œuvre du même nom d’après celle d’Hérodien 28. Cette œuvre provient certainement du livre XX de la Prosodie générale. A. Lentz mentionne également plusieurs manus­crits contenant une œuvre avec ce titre mais datant vraisemblablement de l’époque byzantine. [22] Περὶ ἐγκλινομένων (Sur les enclitiques)29. L’œuvre est considérée comme indépendante, mais elle 23 

Dickey 2014, p. 332 ; Lentz 1867, p. lxxii ; 1868, p. 7-20 et add. p. 1240 ; Schultz 1913 no 3, col. 966 ; Papazeti 2008, p. cvi-cvii. 24  Cramer 1835-1837, III, p. 282-301. Lentz 1868, p. 7-20. 25  Dickey 2014, p. 338 ; Lentz 1867, p. lxxii-lxxiii ; 1868, p. 20 ; Schultz 1913 no 4, col. 966 ; TLG no 5 ; Papazeti 2008, p. cv-cvi. 26  Bekker 1814-1821, II, p. 1428. 27  Cramer 1839-1841, I, p. 397, 23. 28   Lentz  1867, p.  lxxiii. Φ  352 Adler  : «  ὁ γράψας Περὶ πνευμάτων ἐκ τῶν Ἡρωδιανοῦ, κατὰ στοιχεῖου ». 29  Dickey 2014, p. 332-333 ; Lentz 1867-1870, p. 551-564 et add. p. 1240 ; TLG no 2.

111 peut avoir constitué une annexe à la Prosodie générale si l’on se fie à la table des matières de l’épitomé du pseudo-Arcadius qui la mentionne après le livre XX. Ce même épitomé semble mentionner, dans le livre XV, des éléments qui peuvent aussi en provenir.

[36] Περὶ Ὁμηρικῆς προσῳδίας (Sur la prosodie d’Homère)30. C’est une reconstitution théorique qui comprend les deux œuvres prosodiques se rapportant à l’Iliade et à l’Odyssée, analysant l’accentuation, l’usage des esprits et la longueur des voyelles. Le titre est toutefois rapporté par Hérodien (Mon. Lex. 25.28), ce qui semble conforter l’existence de cette œuvre. [26] Περὶ Ἰλιακῆς προσῳδίας (Sur la prosodie de l’Iliade)31. Bien que non conservée, cette œuvre est très largement citée dans les scholies à l’Iliade (en particulier les A-scholia32). A. Dyck a reprécisé les liens entre les scholies et l’œuvre d’Hérodien33. [35] Περὶ Ὀδυσσειακῆς προσῳδίας (Sur la prosodie de l’Odyssée)34. L’œuvre était semblable à celle sur l’Iliade mais nous est moins bien connue du fait de la pauvreté des scholies sur l’Odyssée. [18] Περὶ Ἀττικῆς προσῳδίας (Sur la prosodie attique)35. Trois fragments sont publiés par A. Lentz, auquel il faut en ajouter un quatrième publié par H.  Hunger36. L’œuvre est mentionnée sous trois formes différentes : « Ἡρωδιανὸς ἐν Ἀττικῇ προσῳδία  » (Schol. ad Aristoph. Eqq. 487)  ; 30  Dickey  2014, p.  337  ; Lentz  1867, p.  lxxiv-lxxxiii  ; 1868, p. 22-165 ; Schultz 1913 no 5, col. 966 ; Papazeti 2008, p. cxxi-cxxiii. 31   Dickey  2014, p.  334  ; Lentz  1867, p.  lxxiv-lxxxii  ; 1868, p. 22-128 et [Ludwich] add. p. 1240 ; Schultz 1913 no 6a, col. 966 ; Dyck 1993, no 2, p. 783-786 ; TLG no 7. 32   Les mentions sont signalées dans l’édition des scholies par H.  Erbse par les lettres ‘Hrd’ en marge (Erbse  1969-1988). Contrairement à A.  Lentz qui pensait que seules les A-scholia comportaient des extraits de l’œuvre d’Hérodien, on a pu démontrer depuis que l’on en trouve également des extraits dans l’autre série, les bT-scholia (Dyck 1993, p. 783). 33  Dyck 1993, p. 783-786. 34   Dickey  2014, p.  337  ; Lentz  1867, p.  lxxxiii  ; 1868, p. 129-165 ; Schultz 1913 no 6b, col. 966. 35  Dickey 2014, p. 332 ; Lentz 1867, p. lxxiii-lxxiv ; 1868, p. 20-21 ; Schultz 1913 no 5, col. 966 ; Dyck 1993, no 4, p. 786 ; TLG no 6 ; Papazeti 2008, p. cxxiv. 36  Hunger 1967, p. 14-15.

112

Deuxième Partie : Organisation, contenu et sources des Ethniques de Stéphane de Byzance «  Ἡρωδιανὸς Περὶ Ἀττικῶν προσῳδιῶν  » (Et. M.  804.11, mention qui peut provenir de l’Etymologicum Genuinum) ; « Ἡρωδιανὸς ἐν τῷ Περὶ Ἀττικῶν τόνων βιβλίῳ » (Cyrilli lexicon)37. Il faut imaginer au moins trois voies de transmission distinctes. Le grammairien Tryphon avait écrit une œuvre avec le même titre.

[1]  Ἀνώμαλος προσῳδία (L’accent déviant)38 n’est connu que par une seule citation (Et. Gen. α 1205 = Et. M. 146.14) : « οὓτως Ἡρωδιανὸς ἐν τῇ Ἀνωμάλῳ προσῳδίᾳ ». Cette mention fait suite, dans l’article Ἀρναῖος de l’Etymologicum Genuinum (α  1205), à une citation d’Homère et d’Aphtonios (rhéteur grec de la fin du ive siècle), et est suivie d’une indication tirée du Commentaire de l’Odyssée par Asclépiade de Myrlée, le tout pouvant provenir d’Oros. A.  Lentz met en rapport ce titre avec une mention se rapportant à une autre œuvre  : «  Ἡρωδιανὸς ἀνώμαλον τὴν προσῳδίᾳν φησὶν ἐν τῇ Ὀδυσσειακῇ προσῳδίᾳ » (schol. Il. 16.390c)39. La réalité de cette œuvre reste donc incertaine et pourrait ne constituer qu’une partie d’une autre œuvre prosodique. Œuvres de type orthographique [38] Περὶ ὀρθογραφίας (Sur l’orthographe)40. L’œuvre est à l’origine d’une série d’ouvrages orthographiques tout au long des  siècles de l’Antiquité tardive et du haut Moyen Âge, qui ont fait l’objet d’une analyse très détaillée par J. Schneider41. La reconstruction proposée par A. Lentz, sous forme de lexique, est totalement anachronique. [15] Περὶ ἀνεκφωνήτου (Sur le (iota) non prononçable)42. Cette œuvre concerne les mots avec iota souscrit ; on a conservé quelques fragments mais un seul est explicite : « εἰς τὸ ἀνεκφώνητον Ἡρωδιανὸς » (Et. M. 292.56), mais cela n’en fait pas le titre réel d’un 37 

Cramer 1839-1841, IV, p. 181. Dickey 2014, p. 327 ; Schultz 1913 no 48, col. 973. 39  Lentz 1867, p. xvii. 40  Dickey 2014, p. 337 ; Lentz 1867, p. xcviii-cv ; 1868, p. 407-611 ; Schultz 1913 no 10, col. 967-969 ; Dyck 1993 no 6, p. 788-789 ; Schneider 1999, p. 770-849 ; Papazeti 2008, p. ciiciii ; Billerbeck, Neumann-Hartmann 2021, p. 37-38. 41  Schneider 1999. 42  Dickey 2014, p. 331 ; Lentz 1867, p. cv ; 1868, p. 421-422 ; Schultz 1913 no 11, col. 969. 38 

livre. Il peut s’agir d’une partie du Peri orthographias, de la même manière qu’on trouve chez Oros une liste de mots avec iota souscrit provenant de son Orthographe. [48] Περὶ συντάξεως τῶν στοιχείων (Sur les combinaisons de lettres)43. D’après A. Lentz, il s’agit d’une œuvre à part entière mais d’autres en font une part du Peri orthographias (c’est aussi l’avis d’E. Dickey). Cette œuvre est mentionnée comme Τάξις τῶν κδ’ στοιχείων par Theognostos (Canones 26.7, § 139) et Σύνταξις στοιχείων par le même Theognostos (Canones 78.15, § 434) et Stéphane de Byzance. Un fragment est vraisemblable dans les scholies à Denys le Thrace44. Les autres fragments publiés par A. Lentz ne sont pas explicites même si l’on trouve semble-t-il la trace de cette œuvre chez Choiroboscos et Timothée de Gaza. [31] Περὶ μακρῶν καὶ βραχειῶν συλλαβῶν (Sur les voyelles longues ou courtes)45. Cette œuvre a été publiée par La Roche sur la base d’un manus­ crit (Vindobonensis Phil. gr. 172 [diktyon 71286], fol. 216-219), déjà imprimé par Hermann si l’on en croit H. Hunger46. Les œuvres portant sur les verbes [44] Περὶ ῥημάτων (Sur les verbes)47, concerne les règles de conjugaison. Les fragments en sont assez nombreux. Plusieurs mentions proviennent des scholies à l’Iliade. L’œuvre est donc antérieure à la Prosodie de l’Iliade. Les autres fragments publiés par A. Lentz ne sont pas explicitement rattachés à cette œuvre, mais le contexte est parlant  ; ils proviennent d’Eustathe de Thessalonique, des Anecdota Oxonii (3.263), quelques-uns de l’Etymologicum Magnum et des Épimérismes d’Homère.

43 

Dickey 2014, p. 339-340 ; Lentz 1867, p. xcvi-xcviii ; 1868, p. 390-406 ; Schultz 1913 no 9, col. 967 ; Papazeti 2008, p. ciii ; Billerbeck, Neumann-Hartmann 2021, p. 38. 44  Bekker 1814-1821, II, p. 798, 16. 45  Dickey 2014, p. 335-336 ; Schultz 1913 no 51, col. 973. 46  La Roche 1866 ; Hermann 1801, p. 422-432 ; Hunger 1961, p. 276-278. 47   Dickey  2014, p.  339  ; Lentz  1867, p.  cx-cxii  ; 1870, p.  787-824 et [Ludwich] add. 1262  ; Schultz  1913  n o  21, col. 969-970 ; TLG no 21 ; Papazeti 2008, p. cxix-cxxi.

2. Approche des sources grammaticales des Ethniques [11] (Μονόβιβλον) Περὶ τοῦ μὴ πάντα τὰ ῥήματα κλίνεσθαι εἰς πάντας τοὺς χρόνους (Sur le fait que tous les verbes ne se conjuguent pas à tous les temps)48. L’édition d’A. Lentz comprend cinq fragments issus de Choiroboscos dont un seul porte ce titre, tandis qu’un long fragment issu des Anecdota Oxonii49 a la dénomination suivante : Περὶ ἀκλίτων ῥημάτων Αἰλίου Ἡρωδιανοῦ (Sur les verbes qui ne se déclinent pas d’Aelius Hérodien). Il pourrait constituer un chapitre du Peri rhêmatôn. [32] Περὶ μετοχῶν (Sur les participes)50, connu par trois fragments publiés par A. Lentz. Le premier fragment provient de l’œuvre d’Hérodien (Mon. Lex. 5.26). Le second, de Choiroboscos, est attribué à cette œuvre par Lentz. Le troisième provient de Jean d’Alexandrie  : «  ὡς ἐν τῷ Περὶ μετοχῶν δέδεικται ». Il pourrait constituer un chapitre du Peri rhêmatôn. [47] Περὶ συζυγιῶν (Sur les conjugaisons) 51, œuvre connue par deux fragments seulement. Seul Theognostos (Canones 138.15, §  831) donne le titre de l’œuvre. [52] Περὶ τῶν εἰς -μι (Sur les verbes en -mi)52, dont il reste de nombreux fragments. Choiroboscos a écrit également une œuvre sur le même sujet. Hérodien faisait mention de ce livre  dans sa Prosodie de l’Iliade (Z 336). [10] (Μονόβιβλον) Περὶ τοῦ ἦν (Sur le mot ên)53. Il porte sur la forme du verbe être (εἰμί) (et dire, ἠμί ?) ; seul un fragment de cette œuvre est conservé, issu de Choiroboscos (536.17) : « ὁ Ἡρωδιανὸς ἐν τῷ Περὶ τοῦ ἦν μονοβιβλῳ ».

48  Dickey 2014, p. 330 ; Lentz 1867, p. cx ; 1870, p. 779-784 et [Ludwich] add. p. 1261-1262 ; Schultz 1913 no 18, col. 969 ; TLG no 18. 49  Cramer 1835-1837, IV, p. 388. 50  Dickey  2014, p.  336  ; 1867, p.  cx  ; 1870, p.  784-785  ; Schultz 1913 no 19, col. 969 ; Papazeti 2008, p. cxxi. 51  Dickey 2014, p. 339 ; Lentz 1867, p. cx ; 1870, p. 779 ; Schultz 1913 no 17, col. 969 ; TLG no 17 ; Papazeti 2008, p. civ. 52  Dickey 2014, p. 340 ; Lentz 1867, p. cxii-cxiii ; 1870, p. 825-844 et [Ludwich] add. 1262 ; Schultz 1913 no 22, col. 970 ; TLG no 22. 53  Dickey 2014, p. 330 ; Lentz 1867, p. cx ; 1870, p. 785-786 ; Schultz 1913 no 20, col. 969 ; TLG no 20.

113

Les œuvres portant sur les noms [37] Περὶ ὀνομάτων ou Ὀνοματικόν (Sur les noms)54, concernant la formation et l’accentuation des noms. Les fragments proviennent de Choiroboscos et de Theognostos (Canones 48.3, §  261), qui citent cette œuvre ainsi  : «  ὁ Ἡρωδιανὸς ἐν τῷ Ὀνοματικῷ ». On trouve également une mention dans les scholies à l’Iliade (ἐν γ’ τῶν Ὀνοματικῶν) et Eustathe de Thessalonique, mais ne se trouve pas dans l’Etymologicum Magnum. [28] Περὶ κλίσεως ὀνομάτων (Sur les déclinaisons des noms)55. Les fragments proviennent en très grande partie de Choiroboscos ; l’œuvre est probablement la même que le Peri onomatôn. On a conservé un épitomé sous ce titre (Vindobonensis Phil. gr. 293 [diktyon 71367], fol. 9v-17v) et un second sur papyrus (P. Flor. 3005 du ve siècle), dont l’organisation du classement diffère de celui que l’on connaît chez Choiroboscos56. Un autre épitomé est publié sous ce nom dans les Anecdota Oxonii57 repris par A. Lentz. L’œuvre est mentionnée par Stéphane de Byzance. A. Lentz a regroupé toutes les mentions se rapportant à des déclinaisons de nom et placé sous le nom d’Hérodien, classées par genre et par terminaison des noms, ainsi que les parties du Περὶ κλίσεως ὀνομάτων de Choiroboscos qui peuvent provenir d’Hérodien. [41] Περὶ παρωνύμων (Sur les dérivés nominaux) 58, œuvre connue seulement par des fragments. L’œuvre est mentionnée dans la Prosodie de l’Iliade (N 102) : « ἐν τῷ Περὶ παρωνύμων ». Une mention est possible dans Et. Gen. α 1443 (= Et. M. 175.30, s. v. Ἀφαρεύς) mais il n’est indiqué que l’auteur : « καὶ ἐν παραγωγῇ Ἀφαρεύς, ὁ δὲ Ἡρωδιανός φησι τὰ τοιαῦτα τῶν ὀνομάτων παρὰ τὸ Ἄρης συγκεῖσθαι, Τυνδάρης, † Ἀφιάρης καὶ Ἀμφιάραος ». Les autres 54  Dickey  2014, p.  337  ; Lentz  1867, p.  cv-cviii  ; 1870, p. 612-633 ; Schultz 1913 no 12, col. 969. 55   Dickey  2014, p.  335  ; Lentz  1867, p.  cviii  ; 1870, p.  634-777  ; Schultz  1913  n o  13, col.  969  ; Dyck  1993  n o  7, p. 789 ; Papazeti 2008, p. cxvii-cxix ; Billerbeck, NeumannHartmann 2021, p. 38-39. 56  Dyck 1993, p. 789. 57  Cramer 1835-1837, IV, p. 333 sq. 58  Dickey 2014, p. 338 ; Lentz 1867, p. cxiv-cxv ; 1870, p. 849-897 et [Ludwich] add. 1262-1263 ; Schultz 1913 n o 26, col. 970 ; Papazeti 2008, p. civ-cv ; Billerbeck, NeumannHartmann 2021, p. 41-42.

114

Deuxième Partie : Organisation, contenu et sources des Ethniques de Stéphane de Byzance fragments ne sont pas explicites : A. Lentz donne ensuite les formes que l’on peut rattacher selon lui provenant de toute une série d’œuvres (y compris Stéphane de Byzance).

d’adjectif. Rien ne prouve qu’elles proviennent bien de cette œuvre, dont les éléments pouvaient être repris dans la Prosodie générale.

[43] Περὶ ῥηματικῶν ὀνομάτων (Sur les noms dérivés des verbes)59, connue seulement par des fragments. Un seul fragment, issu d’Hérodien (Mon. Lex. 6.13) est explicite : « ἐν τῷ Περὶ ῥηματικῶν ὀνομάτων ». Tous les autres fragments correspondent à des extraits d’autres œuvres grammaticales.

[16] Περὶ ἀντωνυμιῶν (Sur les pronoms)64. Il nous reste quelques fragments sous ce titre. Cette œuvre est mentionnée dans la Prosodie de l’Iliade (5.219 et 9.392)  : «  ἐν τῷ Περὶ ἀντωνυμιῶν  »  ; les autres fragments n’ont pas de mention explicite du titre. D’après H. Erbse, il peut s’agir d’une partie d’un ouvrage plus important65.

[12] (Μονόβιβλον) Περὶ τοῦ ὕδωρ (Sur le mot ‘hudôr’ [eau])60. L’œuvre devait mentionner les particularités de la déclinaison de ce mot. Deux fragments provenant de Choiroboscos sont publiés par A. Lentz.

[23] Περὶ ἐπιρρημάτων (Sur les adverbes) 66. Seuls trois fragments de cette œuvre sont connus. Elle est mentionnée par Hérodien seulement dans la Prosodie de l’Iliade (5.100) et Mon. Lex. : « ἐν τῷ Περὶ ἐπιρρημάτων ».

[51] Περὶ τοῦ ζώς (Sur le mot ‘zôs’ [vivant])61. Connue par deux fragments (l’un de l’Et. M. 741.52 et le second de Mon. Lex. 41.34, mais sans référence à l’œuvre), cette œuvre devait présenter les déclinaisons et dérivés particuliers de ce mot.

[34] Περὶ μονοσυλλάβων (Sur les monosyllabes)67. On ne connait que deux fragments de cette œuvre et seul l’un des deux donne le nom de l’œuvre (Theognostos, Canones 133.16, § 802) : « οὕτως Ἡρωδιανὸς Περὶ μονοσυλλάβων ».

Les œuvres portant sur d’autres catégories de mots

Les œuvres générales et les commentaires

[30] (Mονόβιβλον) Περὶ κυρίων καὶ ἐπιθέτων καὶ προσηγορικῶν (Sur les noms propres, les adjectifs et les noms communs)62. On ne possède que deux fragments de cet ouvrage qui expliquait les différences d’accentuation pour un même mot suivant qu’il représente un nom propre, un adjectif ou un nom commun. Le premier provient des scholies à Euripide (Hippolyt. 408)  : «  Ἡρωδιανὸς ἐν τῷ μονοβίβλῳ Περὶ κυρίων καὶ ἐπιθέτων καὶ προσηγορικῶν ». Le second fragment provient des Epimerismes d’Homère63 mais n’a pas de mention de l’auteur. A. Lentz a regroupé ensuite des séries de mentions dans lesquelles on trouve les exemples d’accentuation d’une forme de nom propre et

[3] Εἰς τὴν Ἀπολλωνίου εἰσαγωγήν (Sur l’introduction d’Apollonios)68, dont il ne subsiste qu’une mention (Et. Gen. α 1181 = Et. M. 143.3). E. Dickey y voit un autre titre pour le Peri pathôn, suivant en cela la mention de l’Etymologicum Magnum qui associe le nom des deux œuvres (οὓτως Ἡρωδιανὸς εἰς τὴν Ἀπολλωνίου εἰσαγωγὴν ἢ περὶ παθῶν). Il s’agit probablement d’une erreur du compilateur du xiie siècle car l’Etymologicum Genuinum, qui en est la source, n’indique pas le Peri pathôn.

59  

Dickey  2014, p.  339  ; Lentz  1867, p.  cxv  ; 1870, p.  897-903  ; Schultz  1913  n o  27, col.  970  ; Papazeti  2008, p. cxvii. 60  Dickey 2014, p. 330 ; Lentz 1867, p. cix ; 1870, p. 777 ; Schultz 1913 no 15, col. 969 ; TLG no 15. 61  Dickey 2014, p. 340 ; Lentz 1867, p. cix ; 1870, p. 778 ; Schultz 1913 no 16, col. 969 ; TLG no 16. 62  Dickey 2014, p. 335 ; Lentz 1867, p. lxxi ; 1868, p. 1-6 ; Schultz 1913 no 2, col. 966 ; TLG no 3 ; Papazeti 2008, p. cxxiiicxxiv. 63  Cramer 1835-1837, I, p. 277, 23.

64   Dickey  2014, p.  331  ; Lentz  1867, p.  cxiii  ; 1870, p. 845-846 ; Schultz 1913 no 23, col. 970 ; TLG no 23 ; Dyck 1993, no 8, p. 790. 65  Erbse 1960, p. 85-86. 66  Dickey 2014, p. 333 ; Lentz 1867, p. cxiii ; 1870, p. 846 ; Schultz  1913  n o  24, col.  970  ; TLG  n o  24  ; Papazeti  2008, p. cxxi. 67   Dickey  2014, p.  337  ; Lentz  1867, p.  cxv-cxvi  ; 1870, p. 903-904 ; Schultz 1913 no 28, col. 971 ; TLG no 28 ; Papazeti 2008, p. cxvii. 68  Dickey 2014, p. 328 ; Lentz 1867, p. cxvii ; 1870, p. 907 ; Schultz 1913 no 32, col. 971 ; Papazeti 2008, p. civ.

2. Approche des sources grammaticales des Ethniques [4] Εἰς τὸ περὶ γενῶν Ἀπολλωνίου ὑπόμνημα (Com­ mentaire du ‘Sur les genres’ d’Apollonios)69, connu par une seule mention de Stéphane de Byzance (κ 82). La notice de cet auteur étudie les différentes formes du nom, chez Apollonios (Sur les modifications de mots, Sur les genres) et Hérodien (Sur l’orthographe, Prosodie générale et le Commentaire d’Apollonios). [5] Εἰς τὸ περὶ παθῶν Διδύμου ὑπομνήματα (Com­ mentaires du ‘Sur les modifications de mots’ de Didyme)70, œuvre que l’on assimile généralement au Peri pathôn d’Hérodien (cf.  ci-dessous [39]). A.  Lentz mentionne trois fragments issus des scholies à Homère (3.272  = Et.  Gen. α  1546  = Et. M.  116.51, 11.160, 16.201). L’œuvre est au moins en deux livres. Le fait que les mentions proviennent des seules scholies à l’Iliade pourrait effectivement renvoyer au Peri pathôn mais avec un titre plus complet qui serait mentionné alors directement par Hérodien. [39] Περὶ παθῶν (Sur les altérations)71, dont il subsiste de nombreux fragments, provenant d’Orion (« ἐν τῷ Περὶ παθῶν Ἡρωδιανοῦ  / οὕτως Ἡρωδιανὸς ἐν τῷ Περὶ παθῶν  »)  ; de l’Et. M. («  οὕτως Ἡρωδιανὸς Περὶ παθῶν  »), issue de l’Etymologicum Genuinum et que l’on retrouve dans l’Etymologicum Gudianum et le lexique du pseudo-Zonaras ; de Theognostos (« Ἡρωδιανὸς ἐν τῷ Περὶ παθῶν  »)  ; des Epimérismes d’Homère. On peut supposer que l’œuvre a subsisté au moins jusqu’au ixe siècle et qu’elle a servi de source à l’Etymologicum Genuinum, d’où ensuite sa diffusion encore importante dans l’Etymologicum Magnum. On ne trouve qu’une seule mention explicite chez Choiroboscos  : «  ὁ δὲ Ἡρωδιανὸς ἐν τῷ Περὶ παθῶν  » 72. Plusieurs mentions de Stéphane de Byzance doivent en provenir également. A. Lentz donne également une scholie à Aristote (Categ. 69  Dickey 2014, p. 328 ; Lentz 1867, p. cviii-cix ; 1870, p. 777 ; Schultz 1913 no 14, col. 969 ; Papazeti 2008, p. civ. 70  Dickey 2014, p. 328 ; Lentz 1867, p. xcvi ; 1868, p. 389 ; Schultz  1913  n o  8, col.  967  ; Dyck  1993  n o  5, p.  786-788  ; Papazeti 2008, p. ciii. 71  Dickey 2014, p. 338 ; Lentz 1867, p. lxxxiii-xcvi ; 1868, p. 166-388 et [Ludwich] add. p. 1248-1255 ; Schultz 1913 no 7, col. 966-967 ; Dyck 1993, p. 786-788 ; Papazeti 2008, p. cv ; Billerbeck, Neumann-Hartmann 2021, p. 39-41. 72  GG IV, 371, 26.

115 85b42) mais sans le nom de l’œuvre. La reconstitution de l’œuvre telle qu’elle a été faite par A. Lentz pose de nombreux problèmes que met bien en évidence A. Dyck73, le plus important étant le regroupement alphabétique des lemmes qui est bien évidemment postérieur à Hérodien.

[33] Περὶ μονήρους λέξεως (Sur la singularité lexicale)74. Il s’agit du seul ouvrage d’Hérodien conservé sous sa forme originale. Publié par A. Lentz, une nouvelle édition est en cours par A. Papazeti, basée sur une relecture des manus­crits, déjà accessible via sa thèse mise en ligne sur Internet75. [49] Περὶ σχημάτων (Sur les compositions)76, quelques fragments semblent provenir d’une œuvre authentique d’Hérodien, qu’il faut distinguer d’une œuvre du même nom qui n’est pas de lui (cf. infra). Elle est mentionnée sous ce titre dans les scholies à l’Iliade et l’Et. M. (137.32) ; les autres mentions ne sont pas explicites. [55] Σχηματισμοὶ Ὁμηρικοί (Figures de style d’Homère)77. Bien que considérée comme ne se rattachant pas à Hérodien par A. Lentz (et donc non éditée par ses soins), cette œuvre est probablement authentique  ; elle a été publiée par Egenolff78. R.  Reitzenstein a mis en évidence la similitude avec les glosses attribuées à Eulogius dans l’Etymologicum Gudianum79. [53] Προτάσεις (Propositions)80, dont on connaît deux fragments. Peut avoir constitué un ouvrage avec des questions sur des problèmes de grammaire, d’écriture et d’accentuation. Les deux mentions proviennent de la Prosodie de l’Iliade (23.604 et 24.657) : « ἐν τῷ Προτατικῷ / ἐν ταῖς Προτάσει ».

73 

Dyck 1993, p. 786-787. Dickey 2014, p. 336 ; Lentz 1867, p. cxvii-cxxii ; 1870, p. 908-952 et [Ludwich] add. 1263 ; Schultz 1913 no 33, col. 971 ; Dyck 1993 no 10, p. 790-791 ; Papazeti 2008, p. cxxiv-cxxxvi. 75  Sa thèse en ligne : http://invenio.lib.auth.gr/record/112533/ files/GRI-2009-2456.pdf. 76   Dickey  2014, p.  340  ; Lentz  1867-1870, p.  847-849  ; Schultz 1913 no 25, col. 970 ; Papazeti 2008, p. cxvi-cxvii. 77  Dickey 2014, p. 341 ; Schultz 1913 no 53, col. 973. 78  Egenolff 1894. 79  Reitzenstein 1897, p. 359. 80  Dickey 2014, p. 341 ; Lentz 1867, p. cxvi ; 1870, p. 907 ; Schultz 1913 no 31, col. 971 ; Papazeti 2008, p. cxvi. 74 

116

Deuxième Partie : Organisation, contenu et sources des Ethniques de Stéphane de Byzance

[6] Ἔλεγχοι (Réfutations) 81 dont il ne reste qu’un fragment dans le lexique étymologique d’Orion (41.7) : « οὓτως Ἡρωδιανὸς ἐν τοῖς Ἐλέγχοις ». [7] Ἐπιμερισμοί (Analyses)82, première série sous ce titre, à distinguer d’une œuvre du même titre pseudépigraphique (no 8) ; il s’agit de fragments concernant l’étymologie. A. Lentz en a répertorié 46, la plupart provenant d’Orion83. A. Dyck, qui a publié l’ouvrage plus tardif, a bien distingué les deux œuvres84. [54] Συμπόσιον (Banquet) 85 , œuvre connue par quelques fragments. D’après R.  Reitzenstein, il peut s’agir de la source d’Athénée86. La lecture d’un fragment par A. Dyck semble situer cette œuvre postérieurement à la Prosodie de l’Iliade87. Plusieurs fragments proviennent d’Orion (« Ἡρωδιανὸς ἐν τῷ Συμποσίῳ »). Un autre fragment se trouve dans les Anecdota Oxonii (3.399) (= Et. M. 420.35) : « Ἡρωδιανὸς ἐν τῷ αὐτοῦ Συμποσίῳ », ainsi que dans l’Etymologicum Gudianum. [20]  Περὶ γάμου καὶ συμβιώσεως (Sur le mariage et la vie commune)88. Seul un fragment subsiste de cette œuvre qui apparaît complètement anormale car sans lien avec la grammaire (Et. M. 149.41) : «  οὕτως Ἡρωδιανὸς ἐν τῷ Περὶ γάμου καὶ συμβιώσεως ». Il est donc difficile de savoir si elle se rapporte bien à Hérodien mais la transmission par l’Etymologicum Magnum passe probablement par Oros, qui a eu accès à toute l’œuvre d’Hérodien. [2]  Ἀπορίαι καὶ λύσεις (Questions et réponses)89. Aucune référence à cette œuvre n’existe mais elle apparaît chez R.  Reitzenstein, d’après une édition d’AlDickey 2014, p. 328 ; Schultz 1913 no 40, col. 972. Dickey  2014, p.  329  ; Schultz  1913  n o  41, col.  972  ; Dyck 1981, p. 231-232 ; Dyck 1993 no 14, p. 793. 83  Lentz 1867, p. xvii-xxxiii. 84  Dyck 1993, p. 792-794. 85   Dickey  2014, p.  341  ; Lentz  1867, p.  cxvi  ; 1870, p. 904-906 et [Ludwich] add. 1263 ; Schultz 1913 no 30, col. 971 ; Papazeti 2008, p. cxv-cxvi. 86  Reitzenstein 1897, p. 371 sq. 87  Dyck 1981, p. 50. 88  Dickey 2014, p. 332 ; Lentz 1867, p. cxvi ; 1870, p. 904 ; Schultz 1913 no 29, col. 971. 89  Dickey 2014, p. 327-328 ; Schultz 1913 no 35, col. 972.

dus90. Elle est listée dans l’article de Schultz91. Son existence est très douteuse. Traités d’attribution fausse (pseudo-Hérodien) Pour être complet, on trouvera ici, classées par ordre alphabétique et toujours sur la base de l’étude d’E. Dickey, les œuvres grammaticales ne relevant pas de cet auteur mais qui lui sont attribuées. [8] Ἐπιμερισμοί (Analyses)92. On conserve sous ce titre une œuvre faussement attribuée à Hérodien et publiée par J.-F. Boissonade, avec un supplément d’A. Ludwich93. Elle traite des mots de graphie différente pour rendre un même son (αι/ε, ει/ι …). [9] Ζητούμενα τῶν μερῶν τοῦ λόγου (Questions sur les différentes parties du discours)94. Cette œuvre est un ensemble de règles de grammaire et leur usage. Elle a été publiée par Pierson, Koch95. [13] Παρεκβολαὶ τοῦ μεγάλου ῥήματος (Commentaire sur le grand verbe  = Grand commentaire sur les verbes ?)96. Le texte de cette œuvre faussement attribuée à Hérodien est publié par La Roche97, auquel il convient d’ajouter un fragment supplémentaire publié au départ par Aldus et qu’E. Dickey a mis en annexe de son article98. [14] Περὶ ἀκυρολογίας (Sur les usages impropres) 99. L’œuvre s’intéresse aux manières justes ou im­propres d’utiliser les mots. Le texte est publié par A.  Nauck et complété par G.  Vitelli 100. Correspond plutôt à une œuvre du pseudo-­ Ammonius si l’on en juge par le titre du Marcianus gr. Z. 490 [diktyon 69961] (du xve siècle ?).

81 

82  

90 

Reitzenstein 1897, p. 364. Schultz 1913, p. 972. 92  Dickey 2014, p. 329 ; Schultz 1913 no 41, col. 972. 93  Boissonade 1819 ; Ludwich 1905, p. 404bis-434. 94  Dickey 2014, p. 329 ; Schultz 1913 no 42, col. 972. 95  Pierson, Koch 1830, p. 412-437. 96  Dickey 2014, p. 330-331 ; Schultz 1913 no 49, col. 973. 97  La Roche 1863. 98  Dickey 2014, p. 342-344. 99  Dickey 2014, p. 331 ; Schultz 1913 no 34, col. 972. 100  Nauck 1867, p. 313-320 ; Vitelli 1889. 91 

2. Approche des sources grammaticales des Ethniques

117

[17] Περὶ ἀριθμῶν (Sur les nombres)101. Ce traité con­ cerne la numérotation utilisée dans les inscriptions attiques d’époque classique.

[50] Περὶ σχημάτων (Sur les figures de style), traité de rhétorique conservé sous une forme résumée et qui n’est pas d’Hérodien115.

[19] Περὶ αὐθυποτάκτων καὶ ἀνυποτάκτων (Sur les radicaux verbaux qui peuvent être utilisés ou non comme base pour des subjonctifs)102. Concerne les aoristes subjonctifs ; le texte en est publié par Bekker103.

[52bis] Περὶ τῶν ζητουμένων κατὰ πάσης κλίσεως ὀνόματος (Sur des questions de déclinaison générale du nom)116. Cette œuvre est certainement la même que le Peri zêtoumenôn kata klisin pantos tou logou merôn (voir ci-dessus).

[24] Περὶ ζητουμένων κατὰ κλίσιν παντὸς τοῦ λόγου μερῶν (Sur les questions concernant la déclinaison des parties de tous les discours)104. Voir le suivant. [25] Περὶ ἡμαρτημένων λέξεων (Sur les locutions incorrectes)105. Cette œuvre est publiée par Hermann106 et correspond en fait à l’œuvre précédente (no 24) auquel s’ajoute le texte du Peri kliseôs rhêmatôn. [29] Περὶ κλίσεως ῥημάτων (Sur les conjugaisons des verbes)107. Concerne les formes verbales difficiles. Le texte est publié par Cramer108. [40] Περὶ παραγωγῶν γενικῶν ἀπὸ διαλέκτων (Sur les dérivés génitifs par dialecte)109, collection de questions sur la déclinaison des mots difficiles, avec leurs réponses. Le texte est publié par Cramer110. [45] Περὶ σολοικισμοῦ καὶ βαρβαρισμοῦ (Sur le solécisme et le barbarisme)111. Cette œuvre concerne les types d’erreurs linguistiques. Le texte a été publié par Nauck112. [46] Περὶ στίχων τῆς λέξεως (Sur les vers des discours)113, court texte publié à la fois par Studemund et par De Furia sous le titre Peri tês lexeôs tôn stichôn114.

101 

Dickey 2014, p. 331 ; Schultz 1913 no 36, col. 972. Dickey 2014, p. 332 ; Schultz 1913 no 37, col. 972. 103  Bekker 1814-1821, IV, p. 1086-1088. 104  Dickey 2014, p. 333 ; Schultz 1913 no 43, col. 972. 105  Dickey 2014, p. 333-334 ; Schultz 1913 no 46, col. 972. 106  Hermann 1801, p. 301-318. 107  Dickey 2014, p. 335 ; Schultz 1913 no 45, col. 972. 108  Cramer 1835-1837, II, p. 256-262. 109  Dickey 2014, p. 338 ; Schultz 1913 no 39, col. 972. 110  Cramer 1835-1837, II, p. 228-236. 111  Dickey 2014, p. 339 ; Schultz 1913 no 38, col. 972. 112  Nauck 1867, p. 294-312. 113  Dickey 2014, p. 339 ; Schultz 1913 n o 47, col. 972 et no 50, col. 973. 114  Studemund 1867, p. 618-619 ; De Furia 1814, p. 88. 102 

[56] Φιλέταιρος, un glossaire atticiste probablement composé quelque part entre le iie et le ive siècle117. [57] Excepta e Herodiano (Extraits d’Hérodien)118, collection de fragments publiés par Dain119. [58] Fragmentum grammaticum quod incipit a vocibus ζητοῦμεν καὶ τὴν τοῦ Ἄρης (Fragment grammatical qui commence avec les mots zêtoumen kai tên tou Arês)120, texte sur les déclinaisons et la graphie, publié par Cramer121. 2.1.3. La transmission des œuvres d’Hérodien et leur usage par Stéphane de Byzance Les œuvres d’Hérodien nous sont transmises par plusieurs canaux différents. Le premier est Hérodien luimême, à travers des extraits qu’on attribue à sa Prosodie de l’Iliade et au Peri monerous lexeôs et qui concerne les œuvres no 36, 26, 35, 18, 44, 32, 41, 43, 51, 30, 16, 23, 5, 53, 49. Cette transmission est normale pour un grammairien qui cite ses sources, et garantit la véracité des titres qui sont donnés. Cela ne prouve pas pour autant que ces œuvres ont survécu jusqu’à l’époque justinienne et encore moins qu’elles étaient encore accessibles durant le Moyen Âge byzantin. On trouve ensuite quelques transmissions via Orion (no 38, 7, 6, 39, 54) et d’autres, plus nombreuses, par l’intermédiaire d’Oros d’Alexandrie, qui est selon nous la source de l’Etymologicum Genuinum et dont les notices se retrouvent par la suite dans l’Etymologicum Magnum 115   Lentz  1867, p.  cxiii-cxiv  ;  1870, p.  847-849  ; Schultz 1913 no 52, col. 973. 116  Dickey 2014, p. 340-341 ; Schultz 1913 no 44, col. 972. 117   Dickey  2007, p.  77  ; Dickey  2014, p.  341  ; Schultz 1913 no 54, col. 973. 118  Dickey 2014, p. 342. 119  Dain 1954, p. 75-82. 120  Dickey 2014, p. 342. 121  Cramer 1835-1837, II, p. 237-245.

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Deuxième Partie : Organisation, contenu et sources des Ethniques de Stéphane de Byzance

(no 38, 18, 44, 41, 51, 3, 39, 49 et 20). Quelques auteurs du premier temps de Byzance sont des vecteurs moins importants comme Jean d’Alexandrie (no 32), Cyrille (no 18) ou encore l’auteur qui nous occupe, Stéphane de Byzance (no 28, 38, 39, 41 et 48). Pour ce dernier, comme on va le voir, les citations ont de grandes chances de provenir d’Oros. Dans la série suivante, on trouve les grands grammairiens des viiie-ixe siècles que sont Georgios Choiroboscos (no  38, 44, 47, 52, 10, 11, 37 et 12), et Theognostos (no 38, 42, 48, 47, 37, 34 et 39). Ils témoignent de la survivance probable de certaines œuvres qui ont pu ensuite être copiées pendant encore quelques siècles. On ne peut toutefois pas exclure que certaines mentions proviennent de grammairiens intermédiaires comme Oros. Enfin, la doctrine d’Hérodien se retrouve dans un certain nombre d’œuvres grammaticales, pas forcément signées, tout au long de la période byzantine, et souvent sous forme d’épitomés (no 21, 48, 52, 11, 28, 37, 41, 43, 30, 33, 39). Si certaines peuvent constituer des extraits ou des résumés de la Prosodie générale, d’autres témoignent d’une transmission par le biais de grammairiens dont nous avons perdu la trace. Ces œuvres ont toutefois très certainement survécu au haut Moyen Âge et témoignent de leur lecture au moins aux ixe-xe siècles. Pour en revenir à Stéphane de Byzance, les indications qui en proviennent ne permettent pas d’imaginer un usage très intensif de ces œuvres. Toutes ne sont pas citées dans l’Épitomé, loin de là. Si l’on met à part la Prosodie générale qui constitue de façon naturelle un substrat dont on a vu plus haut l’importance, on a les mentions directes du Sur la déclinaison des noms (no 28, 1 certaine, 1 probable), De l’orthographe (no 38, 1 certaine, 5 probables), Sur les dérivés nominaux (no 41, 1 certaine, 10 probables), Sur les altérations (no 39, 1 certaine, 2 probables), Sur la combinaison de lettres (no 48, 1 certaine) et le Commentaire du Peri genôn d’Apollonios (no 4, 1 certaine). La très grande majorité relève toutefois de la Prosodie générale (65 mentions, dont 23 avec nom de l’œuvre). L’ensemble fait référence à un corpus hérodien encore assez complet, mais qui a pu être lu par un de ses successeurs lointains les plus importants, Oros d’Alexandrie, comme nous allons le voir.

2.2. Oros d’Alexandrie L’un des grammairiens les plus importants de l’Antiquité tardive est Oros d’Alexandrie122, antérieur à Stéphane de Byzance d’une ou deux générations. Trois notices de la Souda (ω 188, 189 et 201 Adler)123 se rapportent à la fois à Oros et Orion124 : la première est entièrement consacrée à Orion et la troisième à Oros (sauf le titre de l’Anthologie sur les sentences, qui appartient à Orion) ; la seconde notice mélange les titres des œuvres de l’un et de l’autre125. La troisième notice de la Souda, qui concerne 122  Sur cet auteur, voir l’étude fondamentale de R. Reitzenstein (Reitzenstein  1897, p.  287-350) et l’article de C.  Wendel (Wendel 1939). La publication du lexique attique par K. Alpers (Alpers  1981) l’a amené à étudier cet auteur dans la partie introductive. Nous remercions très vivement J. Schneider (Université de Lyon  2) pour sa relecture critique du chapitre concernant ce grammairien. Billerbeck, Neumann-Hartmann 2021, p. 46-56. 123  Voici le texte des trois notices. Nous avons mis entre crochets ce qui concerne Orion. Souda (ω 188)  : [Ὠρίων, Θηβαῖος τῆς Αἰγύπτου. Συναγωγὴν γνωμῶν ἤγουν Ἀνθολόγιον πρὸς Εὐδοκίαν τὴν βασιλίδα γυναῖκα Θεοδοσίου τοῦ μικροῦ, βιβλία γ΄]. ([Orion, de Thèbes en Egypte. une Collection de sentences, que l’on regarde comme une Anthologie, adressée à l’impératrice Eudocie, femme de Thédose le jeune, en 3 livres]). Souda (ω 189)  : [Ὠρίων], Ἀλεξανδρεύς, γραμματικός. [Ἀνθολόγιον], Ἀττικῶν λέξεων συναγωγήν, [Περὶ ἐτυμολογίας, Ἐγκώμιον Ἀδριανοῦ τοῦ Καίσαρος]. ([Orion], d’Alexandrie, grammairien. [une Anthologie], une Collection de mots attiques, [Sur l’étymologie, Panégyrique de César Hadrien]). Souda (ω 201) : Ὦρος, Ἀλεξανδρεύς, γραμματικός, παιδεύσας ἐν Κωνσταντίνου πόλει. ἔγραψε Περὶ διχρόνων, Ὅπως τὰ ἐθνικὰ λεκτέον, Λύσεις προτάσεων τῶν Ἡρωδιανοῦ, Πίνακα τῶν ἑαυτοῦ, Περὶ ἐγκλιτικῶν μορίων, Ὀρθογραφίαν κατὰ στοιχεῖον, Περὶ τῆς ει διφθόγγου, Ὀρθογραφίαν περὶ τῆς αι διφθόγγου, Κατὰ Φρυνίχου κατὰ στοιχεῖον, [Ἀνθολόγιον περὶ γνωμῶν] (Oros, d’Alexandrie, grammairien, ayant enseigné à Constantinople. Il a écrit Sur les doubles quantités, Comment construire les ethniques, Solution des propositions d’Hérodien, Liste de ses œuvres (= Hérodien ?), Sur les parties des enclitiques, De l’orthographe par ordre de lettre, Sur la diphtongue ει, De l’orthographe sur la diphtongue αι, Contre Phrynichus par ordre de lettre, [Anthologie sur les sentences]). 124  La confusion entre Orion et Oros a été démêlée depuis la 1e moitié du xixe siècle avec l’étude de Ritschl (Ritschl 1834). On doit à R. Reitzenstein l’interprétation du terme de ὁ Μελήσιος, identifiant Oros dans les lexiques byzantins, comme le mauvais développement de l’abréviation de ὁ μελ ou ὁ μλ que contenait le manus­crit de l’Etymologicum Genuinum. C. Wendel a proposé avec beaucoup de vraisemblance d’y lire ὁ μέλας « le Noir », du fait de sa couleur de peau (Wendel 1937, p. 351). 125  Il est difficile de comprendre pourquoi on trouve une notice mixte entre les deux auteurs, en plus de leur notice respective. Pour Hesychius de Milet, qui est l’auteur de l’Onomatologos d’où sont issus les notices susdites, les deux auteurs sont vieux de plus d’un siècle

2. Approche des sources grammaticales des Ethniques presque exclusivement notre grammairien, nous apprend qu’il a enseigné à Constantinople mais sans préciser sous quel empereur. R.  Reitzenstein a proposé avec vraisemblance de le placer au milieu du v e  siècle 126. Son travail se conçoit dans la période très faste pour l’étude et l’enseignement que représente le règne de Théodose II127. Notons par ailleurs que ses œuvres ont été écrites avant l’incendie de la bibliothèque impériale de Constantinople, en 475, ce qui lui permettait certainement d’avoir un accès relativement facile à une quantité importante de textes anciens. Stéphane de Byzance, plus ancien auteur à citer Oros, mentionne deux de ses œuvres : le traité orthographique et les Ethniques128. 2.2.1. Ses œuvres grammaticales Plusieurs œuvres, certaines très importantes, relèvent de la science grammaticale en usage durant l’Antiquité. Les œuvres issues de l’étude d’Hérodien Les œuvres qui sont attribuées à Oros sont pour une partie d’entre elles des contributions purement grammaticales qui reprennent les grands domaines définis par Hérodien. La filiation la plus évidente concerne l’œuvre qui porte le titre de Solution des propositions d’Hérodien (Λύσεις προτάσεων τῶν Ἡρωδιανοῦ), dont nous ne savons rien. L’œuvre est en réponse à un traité d’Hérodien, les Προτάσεις, qui concernait des difficultés grammaticales, orthographiques ou prosodiques129. Oros devait apporter ses propres réponses aux questions d’Hérodien. On trouve aussi un traité Sur les doubles quantités (Περὶ διχρόνων) qui renvoie à une œuvre au titre identique d’Hérodien130. Une seule mention de cette œuvre mais ont dû être confondus très tôt du fait de leur quasi homonymie et de leur chronologie quasi identique. 126   Reitzenstein  1897, p.  287-289. Nous renvoyons à Alpers  1981, p.  87-91 pour l’évolution de la datation d’Oros suivant les différents érudits et les preuves de cette datation. 127 Cf. Alpers 1981, p. 99. 128  M. Billerbeck a étudié les mentions d’Oros dans l’œuvre de Stéphane de Byzance (Billerbeck 2009). Il s’agit plus d’une édition critique des notices des Ethniques que d’une véritable étude sur l’apport d’Oros. Voir également l’étude rapide d’E. Stemplinger (Stemplinger 1904, p. 615-619). 129  Lentz no XXXI, 1867, I, p. cxvi ; III, 2, p. 907. No 53 de la liste d’E. Dickey (Dickey 2014) ; Cf. supra. 130  Nous avons conservé un traité d’Hérodien du même nom (fragmentaire  ? no  21)  : Lentz no  III, 1867, I, p.  lxxii  ; 1868,

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est parvenue jusqu’à nous par le biais de l’Etymologicum Gudianum, s.v. γλύφω131 ; elle concerne la longueur de la voyelle υ. Il est possible que d’autres mentions en proviennent également mais n’aient pas été identifiées à ce jour. L’article de l’Etymologicum Magnum, qui figure déjà dans l’Etymologicum Genuinum132, diffère et n’a pas la citation d’Oros. Il faut donc imaginer qu’il existait, en Italie du Sud, un exemplaire ou un extrait de cette œuvre d’Oros au moment de la rédaction de l’Etymologicum Gudianum. Une troisième œuvre d’Oros, Sur les parties de phrase enclitiques (Περὶ ἐγκλιτικῶν μορίων), trouve une correspondance directe dans la doctrine d’Apollonios Dyscole et dans celle d’Hérodien133. Il n’est pas impossible qu’elle renvoie aussi à une œuvre d’Hérodien totalement disparue de nos jours. On connaît en effet un extrait anonyme conservé sous le titre de Περὶ ἐγκλινομένων λέξεων134 et une liste d’enclitiques, placée sous le nom d’Hérodien, intitulée Περὶ τοῦ ἔστιν135. Dans la notice sur Oros, la Souda mentionne un Catalogue de ses œuvres (Πίναξ τῶν ἑαυτοῦ), dont le titre semble se rapporter à ses propres œuvres (c’est-àdire celles d’Oros), ἑαυτοῦ signifiant « de soi-même ». C’est ainsi en particulier que C. Wendel le comprend136 et que les érudits l’interprètent. Il est possible que le nombre d’œuvres d’Oros fût suffisamment important pour nécessiter un véritable catalogue. Mais l’ensemble de celles recensées par Wendel ne dépasse pas la dizaine et il semble très difficile d’imaginer un grand nombre d’œuvres sans aucune mention chez les grammairiens qui lui ont succédé et dont on a conservé les œuvres. Il est plus vraisemblable d’envisager une erreur de copie/ compréhension, en remplaçant ἑαυτοῦ par αὐτοῦ, « de p.  7-20. D’après Lentz, il peut s’agir d’un extrait de la Prosodie générale (livre XX). Cf. supra p. 111. 131  γλύφω· ἀπὸ τοῦ γλάφω. ὅθεν καὶ βραχὺ ἔχει τὸ υ, ὥς φησιν Ὦρος ἐν τῷ Περὶ διχρόνων (De Stefani 1965, p. 314, 19-20). La glose provient du manus­crit Parisinus gr. 2630 [diktyon 52265], du xiiie siècle. Elle est reproduite par erreur sous le nom d’Orion dans l’édition de l’Etymologicum de Stürz, dans la partie correspondant aux excerpta e codice regio Paris. MMDCXXX (Stürz 1818, p. 190, 27). 132  Casadio 1986-1987, γ 141. 133  Voir Apollonios Dyscole, Traité des conjonctions, 249, 15 : «  Toute partie de phrase enclitique est un mot  » (Πᾶν μόριον ἐγκλιτικὸν λέξις ἐστίν) ; Dalimier 2001, p. 178 et commentaire p. 392. 134  Bekker 1814-1821, III, p. 1157-1158. Publié par Lentz, III, 1, p. 551-564. 135  Bekker 1814-1821, III, p. 1148-1149. 136  Wendel 1939, col. 1178.

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Deuxième Partie : Organisation, contenu et sources des Ethniques de Stéphane de Byzance

lui-même », ce qui pourrait signifier qu’Oros a rédigé un catalogue des très nombreuses œuvres d’Hérodien. Quand on prend la liste des livres écrits par Hérodien telle que nous l’avons restituée (cf. supra p. 110 sq.), ce ne sont pas moins de 32 ouvrages qui sont ainsi répertoriés137. La notion de catalogue se comprendrait mieux ainsi. Il ne faut pas oublier qu’Oros a eu accès aux ouvrages de la bibliothèque impériale de Constantinople avant l’incendie de 475 ; elle devait certainement contenir les manus­crits de l’ensemble des œuvres d’Hérodien. Si le titre se rapporte bien à Hérodien, il ne peut se concevoir isolé ; c’est pourquoi il est possible qu’il s’agisse d’un complément à l’œuvre précédente que l’on proposera alors sous la forme : Λύσεις προτάσεων τῶν Ἡρωδιανοῦ, καὶ πίνακα τῶν αὑτοῦ (Solutions des propositions d’Hérodien et catalogue de ses œuvres). L’auteur de la notice de la Souda aurait alors séparé les deux sous la forme d’œuvres indépendantes (les deux titres se suivent dans sa notice d’Oros), ajoutant lui-même l’erreur de lecture ἑαυτοῦ/αὐτοῦ (en plus des confusions entre Oros et Orion). Les traités orthographiques La Souda mentionne également plusieurs ouvrages orthographiques. Le premier, une Orthographe par ordre de lettre (Ὀρθογραφία κατὰ στοιχεῖον) se différencie de celui d’Hérodien car il est « alphabétique »138 et non tripartite139. Les traités orthographiques ont pour origine les différences entre l’oral (la langue populaire) et l’écrit (d’une élite cultivée), qui se manifeste dès l’époque hellénistique140. Les traités orthographiques antiques, comme celui d’Hérodien, s’organisaient autour de trois parties141. La première (syntaxis, « assemblage ») 137 

Certains titres peuvent appartenir à un même ouvrage mais nous n’avons pas forcément conservé les titres de tous les ouvrages d’Hérodien. 138  La mention κατὰ στοιχεῖον signifie littéralement « selon la lettre ». Il est peu probable qu’il s’agisse d’un véritable ordre alphabétique mais plutôt de la première voire des deux ou trois premières lettres (comme le lexique d’Helladius que lisait Photios, Bibl. cod. 145). 139   Voir l’étude conduite par J.  Schneider sur ces traités (Schneider 1999). Il n’a pas analysé celui d’Oros qui ne rentrait pas dans la catégorie des traités tripartites. Voir également Billerbeck, Neumann-Hartmann 2021, p. 47-49. 140  Sur l’évolution de la langue et l’appréciation qu’en font les grammairiens/philologues antiques, voir Hummel 2007, p. 399 sq. 141  Nous reprenons ici le résumé que donne J. Irigoin, lors la remise de l’ouvrage de J. Schneider à l’Académie des Inscriptions et

concernait la délimitation des syllabes dans les groupes de consonnes  ; la seconde (poiotês, «  qualité  ») les consonnes et leurs altérations. Enfin la troisième (posotês, « quantité ») indiquait la manière de rendre le son i (écrit par ι, η ou ει), le son é ou è (rendu par ε ou αι), le son u (rendu par υ ou οι) et le son o (rendu par ο ou ω). Avec l’évolution vocalique (en particulier l’iotacisme) et la confusion orthographique qu’elle a entraînée, les traités se sont concentrés, dès la fin de l’Antiquité mais plus encore à partir du ixe siècle, sur la manière de rendre les voyelles. Enfin, au xiie siècle, la tendance lexicographique amène la création de listes de mots dont on doit distinguer l’orthographe (au sens actuel du terme). Le traité d’Oros rentre parfaitement dans cette évolution et constitue probablement un intermédiaire important vers ces ouvrages plus tardifs. Avant d’analyser plus en détail le traité orthographique, il faut noter que la Souda signale deux autres œuvres qui relèvent du domaine orthographique : Sur la diphtongue ‘ει’ (Περὶ τῆς ει διφθόγγου) et De l’orthographe sur la diphtongue ‘αι’ (Ὀρθογραφία περὶ τῆς αι διφθόγγου). Ces deux traités ne semblent pas avoir été alphabétiques (en tout cas la Souda ne l’indique pas), ce qui les distinguerait du premier. Faut-il comprendre que l’on a d’une part un traité orthographique par ordre alphabétique, d’autre part deux traités distincts sur la diphtongue ‘ει’ et sur la diphtongue ‘αι’ ? Ou bien s’agit-il seulement de deux traités orthographiques, l’un sur la diphtongue ‘ει’ et l’autre sur la diphtongue ‘αι’, les deux étant peut-être par ordre alphabétique 142  ? Ou bien encore d’un seul ouvrage orthographique avec plusieurs sections différentes, deux d’entre elles traitant de ces diphtongues143 ? Pour mieux comprendre ces œuvres, il faut noter qu’il existe encore, dans un manus­crit de la bibliothèque Bodléienne d’Oxford du x e  siècle, le Baroccianus  50 [diktyon 47336] (fol.  198 v-200), un traité anonyme sur la diphtongue ‘αι’144 qui vient à la suite d’un Περὶ ποσότητος anonyme145. Les règles sont classées en fonction des terminaisons des noms (exemple les mots en αιος, les mots en αιον …). Le manus­crit date intégralement de la 2e moitié du xe siècle et a été écrit en Italie Belles-Lettres en 2000 (CRAI, 2000, 144, 1, p. 489-495). 142  Dans ce cas il faudrait lire Ὀρθογραφίαν κατὰ στοιχεῖον περὶ τῆς ει διφθόγγου, Ὀρθογραφίαν περὶ τῆς αι διφθόγγου. 143   C’est l’hypothèse retenue par M.  Billerbeck (Biller­ beck 2009, p. 431), suivant en cela Wendel 1939, col. 1180. 144  Cramer 1835-1837, II, p. 315-318. Le détail en est donné par Schneider 1999, p. 409-412. 145  Analysé par J. Schneider (Schneider 1999, p. 110-130).

2. Approche des sources grammaticales des Ethniques méridionale146. La création de ce manus­crit compilant de nombreux traités plus anciens implique de disposer de nombreux textes sur place, ce qui nous ramène à la présence de l’œuvre d’Oros dans un contexte d’Italie du Sud comme nous l’avons vu plus haut pour le traité Sur les quantités doubles. J.  Schneider a mis en parallèle cet opuscule avec deux textes très similaires dans le Vaticanus gr.  883 [diktyon 67514] (fol. 235-236v, milieu du xive siècle) et le tardif (xve-xvie siècle ?) Baroccianus 216 [diktyon 47504] (fol.  119), eux aussi non alphabétiques, mais qui présentent des variantes parfois significatives147. Ils témoignent de l’existence d’un ouvrage sur cette question orthographique particulière, que l’on peut sans doute rattacher au traité d’Oros148. L’ensemble de ces trois manus­crits permet de proposer un ouvrage composé d’une première partie « consacrée à la dérivation nominale, verbale et adverbiale » et une seconde concernant « des séries de composés »149. On notera que ce traité a pu exister encore de manière indépendante dans un des manus­crits de l’Escorial qui a brûlé dans l’incendie de la bibliothèque en 1671150, et qui était semble-t-il par ordre alphabétique. En revanche, aucune trace ne subsiste du traité avec la diphtongue ει. Pour en revenir au traité orthographique d’Oros, un extrait nous a été conservé151 : il s’agit d’une liste de mots concernant l’emploi du iota souscrit, qui montre que le traité d’Oros ne se limitait pas aux seules diphtongues ‘αι’ et ‘ει’. R. Reitzenstein a en effet démontré que le lexique placé sous le titre « Περὶ τοῦ ι ἄνεκφωνήτου » correspondait à une partie du traité orthographique d’Oros152. La conservation de ce fragment pose la question de l’organisation même de l’œuvre d’origine. S’agit-il d’un véritable 146 

Ronconi 2007. On ne retiendra pas la mention de Stéphane de Byzance dans le Baroccianus 216 comme un élément datant (Schneider 1999, p. 412) compte tenu de la date tardive de sa rédaction. Le fol. 119 correspond au fol. 123 dans la numérotation au crayon. 148  Des rapprochements sont faits par J.  Schneider avec des notices lexicographiques placées au nom d’Oros (Schneider 1999, p. 409). 149  Schneider 1999, p. 411-412. 150  Scorialensis graecus deperditus 29 (fol. 67v-86v). Miller 1848, p.  334  : «  Μιλαίου Ὦρου τοῦ Ἀλεξανδρινοῦ, orthographe de la diphtongue αι ». De Andres 1968, p. 25 : « Milaei Ori Alexandrini de orthographia diphtongui ‘ai’ et ‘e’ ordine alphabetico ». 151 Appelé Lexicon Messanense, conservé dans le Messinensis gr. 118 [diktyon 40779]. Publié par Rabe  1892 et étudié par Reitzenstein 1897, p. 289-316 et Erbse 1960, p. 274-280. 152  Reitzenstein 1897, p. 289-291. 147 

121

lexique orthographique, organisé par ordre alphabétique pour l’ensemble des lemmes, ou bien d’un ordre alphabétique limité à des sections définies ? Dès lors que l’on sort de la logique des traités orthographiques tripartites, l’ordre alphabétique à l’intérieur de sections bien définies peut être un critère de classement efficace et permet de mettre en évidence des règles particulières. Dans cette hypothèse, il ne s’agirait pas d’un véritable lexique entièrement classé par lettre (κατὰ στοιχεῖον). La présence de nombreuses mentions de cette œuvre, en particulier dans les Etymologica, permet de mieux approcher le texte d’origine. L’Épitomé nous a conservé une mention relativement intacte pour la ville laconienne de Tainaros (τ  7)  : Ὦρος δέ φησιν ἐν τῇ Ὀρθογραφίᾳ « Ταίναρον· πεδίον τῆς Λακωνικῆς, καὶ Ταιναρῖται οἱ ἐν αὐτῷ »153. Dans la forme, cette citation est typique d’un ouvrage de type lexique, avec un lemme initial et une explication de celui-ci. D’un point de vue orthographique, il fait peut-être partie des mots avec la diphtongue ‘αι’ (présente dans la première syllabe du nom Tainaron). Cette mention devait probablement comporter à l’origine des citations mais elles ont disparu dans le texte de l’Épitomé (nous sommes là dans le texte du second abréviateur). Des autres mentions d’Oros sans spécification d’œuvre dans l’Épitomé, nous proposons de rattacher au traité orthographique les mentions d’Aithalê (α 120, forme Aithaleia)154 qui est signalée chez Hérodien et Oros, d’Orestia (ο 89, forme Oresteios)155 avec mention d’Eudaimon et Oros et de Rhoiteion (ρ 48, Oros signale ce toponyme comme promontoire) 156. Pour les trois lemmes, nous sommes en présence de noms avec la diphtongue ει et aucune indication de formation d’ethnonyme. Enfin, Stéphane de Byzance signale que Chêsion (χ 43), petite ville d’Ionie, s’écrit au masculin suivant Oros qui la mentionne comme lieu ; par analogie avec la notice de Tainaron, nous le verrions plutôt rattaché au traité orthographique, mais c’est moins sûr157.

153 

Billerbeck 2009, F 9, p. 442-443. Billerbeck 2009, F 10, p. 443-444. 155  Billerbeck 2009, F 11, p. 444-445. 156   Billerbeck  2009, F 12, p.  446-447. M.  Billerbeck ne l’attribue pas à une œuvre particulière. L’information topographique se trouve dans les scholies à Apollonios de Rhodes, 1.929. 157   A l’inverse, M.  Billerbeck l’attribue à l’œuvre sur les ethniques (Billerbeck  2009, F 8, p.  441-442). J.  Schneider (comm. épist.) doute également de son appartenance à l’ouvrage orthographique. 154 

122

Deuxième Partie : Organisation, contenu et sources des Ethniques de Stéphane de Byzance

Les emprunts de Stéphane de Byzance à Oros sont certainement nombreux dans l’œuvre, même s’ils n’apparaissent plus distinctement maintenant. On prendra pour exemple la notice Thespeia (θ 33) où le nom d’Oros n’existe pas dans l’Épitomé. En revanche, dans Epim. Hom. 357.12 (= 1.212 Dyck), il est fait mention expressément de la forme avec la diphtongue ‘ει’ chez Oros ; pour la forme en ‘ι’, c’est la même mention de la poétesse Corinne tant dans l’Épitomé que dans la notice d’Epim. Hom. La grammaire anonyme éditée par P.  Egenolff donne la même indication avec le vers de la poétesse158. De très nombreuses mentions sont présentes dans les Etymologica, peut-être par l’intermédiaire de l’Orthographe de Choiroboscos. Elles semblent provenir de l’Etymologicum Genuinum  ; plusieurs d’entre elles ont été étudiées par J. Schneider159. L’un des lemmes160 (Et.  Gud., s.v.  Xiris) présente deux œuvres orthographiques d’Oros, l’une (sa « propre orthographe ») correspond à notre traité ; la seconde est un Commentaire sur l’Orthographe (sous-entendu d’Hérodien ?), qui se rattache certainement aux études d’Oros sur Hérodien. On pourra se faire une idée de l’œuvre orthographique d’Oros en consultant l’édition de Lentz sur l’Orthographia d’Hérodien161. L’éditeur donne en effet un lexique alphabétique162 qu’il considère issu du traité d’Hérodien. Or, ce dernier n’a probablement jamais écrit un tel lexique163. C’est en revanche, selon nous, un bon aperçu de ce que pouvait être le lexique orthographique d’Oros. De l’ensemble de ces mentions, il semble que l’on puisse effectivement déterminer trois œuvres différentes comme le proposait déjà la Souda. Les deux premières concernent les diphtongues ‘αι’ et ‘ει’ et n’étaient proba-

blement pas par ordre alphabétique. La version résumée des manus­crits analysés par J. Schneider semble représentative de la forme initiale et pourrait indiquer que ces ouvrages étaient organisés selon une série de règles, sans doute sous une forme proche de celle d’Hérodien. Ces deux œuvres (de jeunesse ?) ont probablement été reprises ultérieurement par Oros dans un traité orthographique plus large, organisé cette fois-ci par ordre alphabétique selon des sections définies et intégrant d’autres règles orthographiques, comme celle du iota souscrit. Pour un lexicographe comme Stéphane de Byzance, ce dernier ouvrage, classé par ordre alphabétique, présentait l’avantage de donner accès facilement aux informations qu’il contenait. C’est pourquoi nous pensons qu’il n’a utilisé que la version longue et plus tardive de l’œuvre. Les autres œuvres grammaticales On notera la conservation de nos jours d’un autre lexique (certainement très résumé) tiré d’Oros (plutôt que rédigé par cet auteur), Sur les mots à plusieurs sens (Περὶ πολυσημάντων λέξεων) publié par R.  Reitzenstein 164. Il prend pour source le Rhematicon du grammairien Philoxenos. Nous n’avons pas d’autre information sur les œuvres grammaticales d’Oros. 2.2.2. Le lexique attique Le lexique attique attribué à Oros a été reconstruit par K. Alpers165. Son étude repose sur les lexiques byzantins mais n’a pas pris en compte les Ethniques de Stéphane de Byzance. Or, on trouve chez celui-ci un certain nombre de géonymes attiques qu’il est intéressant d’analyser. Le lexique attique d’Oros reconstruit par Alpers

158 

Egenolff 1900, p. 249. Campbell 1992, p. 48, no 674. 159  Schneider 1999, p. 401-404. 160  ξ, 415, 42. Ξίρις, διὰ τοῦ ἰῶτα. ἔστι δὲ εἶδος ἀρωματικοῦ φυτοῦ· ἰστέον δὲ ὅτι τινὲς μὲν τῶν λεξιγράφων, διὰ τοῦ ι γράφουσιν αὐτὸ, τινὲς δὲ διὰ τῆς ει διφθόγγου, λέγεται δὲ ξίρις, ἐξ οὗ καὶ τὰ ξιρία· ὁ μέντοι Ὦρος ἐν τῇ οἰκείᾳ ὀρθογραφίᾳ διὰ τῆς ει διφθόγγου γράφει, ἐν δὲ τῷ ὑπομνήματι τῆς ὀρθογραφίας τῶν ἡρώων ἐπικρονʹ τὴν διὰ τοῦ ι γράφει. γράφεται δὲ διὰ τοῦ ἰῶτα, ἐπειδὴ τὰ εἰς ρος βαρύτονα οὐ παραλήγεται τῇ ει διφθόγγῳ, οἷον, ἔρις, δῆρις, ἴρις, Σίρις ὄνομα πόλεως Φοινίκης· κίρις ἔστι δὲ εἶδος ὀρνέου, Τίρις, Βούσιρις, Ὄσιρις, οὕτω καὶ ξίρις· πρόσκειται βαρύτονα, διὰ τὸ χειρὶς χειρίδος, σημαίνει δὲ τὸ χειρομάνοικον. 161   J.  Schneider préfère garder le titre latin de l’œuvre (Schneider 1999, p. 778). Bien évidemment, la compréhension de l’ouvrage sera cherchée dans Schneider 1999, p. 778 sq., et en particulier p. 778-784. 162  Lentz 1867, II, 1, p. 465 sq. 163  Schneider 1999, p. 783.

Dans les notices de la Souda, deux titres renvoient aux formes attiques ; il faut vraisemblablement les rapprocher et les attribuer à une seule œuvre comme le propose K.  Alpers  : il s’agit de la Collection de mots attiques (Ἀττικῶν λέξεων συναγωγήν) contre Phrynichos, par ordre de lettre (κατὰ Φρυνίχου, κατὰ στοιχεῖον). Cette deuxième partie du titre, disjointe de la première dans la Souda, semble en effet difficilement compréhensible de manière indépendante, la mention de « par ordre de lettre » impliquant un terme initial générique (de type « lexique » ou « collection » …) que ne permet pas la seule mention de Contre Phrynichos. Cet ouvrage corres164  165 

Reitzenstein 1897, p. 335-347. Alpers 1981.

2. Approche des sources grammaticales des Ethniques pond très certainement au lexique attique qui nous est parvenu de manière fragmentaire. Le lexique a été recomposé par K. Alpers à travers deux séries de sources 166. La première (notée A par K. Alpers) est issue du lexique du pseudo-Zonaras, du début du xiiie siècle, qui a eu une très grande diffusion dans l’Empire byzantin tardif comme en témoignent les 129 manus­crits analysés par K. Alpers167 ; il est encore utilisé par Varinus Phavorinus au début du xvie siècle168. Cette source est reliée de façon certaine à Oros par la concordance de deux notices avec des mentions de l’Orthographe d’Oros dans l’Etymologicum Genuinum. Cette première série est complétée très largement par les mentions de vocabulaire attique issues de la version ancienne de la Synagôgê, utilisées ensuite par Photios et la Souda (série B d’Alpers)169. Cette série est reliée à Oros par la ressemblance de l’information avec les notices de la série A mais nous n’avons aucune mention de ce grammairien attribuant de manière certaine le texte sélectionné par K. Alpers, d’où la subdivision qu’il a opérée. L’ensemble représente 243 lemmes. Plusieurs mentions de mots attiques se retrouvent dans le traité orthographique d’Oros, comme on le constate pour certains lemmes conservés dans le lexicon Messanense. K. Alpers date le lexique attique d’avant 438 et envisage qu’Oros ait pu en réutiliser les notices dans son traité orthographique plus tardivement. Dans son lexique attique, Oros élargit le champ des auteurs attiques «  classiques  » contrairement à l’usage hyperatticiste que prônait Phrynichos, auteur du iie siècle de notre ère, contemporain d’Hérodien. Ainsi, pour Oros, Lysias, Xénophon ou Ménandre peuvent être utilisé pour le bon usage du grec classique afin d’éviter les barbarismes en usage dans le monde hellénophone au sens large (en particulier à Alexandrie)170. 166 

Sur l’ouvrage de K. Alpers, voir les recensions de M. L. West (West 1983), de G. D. Kilpatrick (Kilpatrick 1983) et de M. D. MacLeod (MacLeod 1983). 167  Alpers 1981, p. 22-35. Il reprend en l’amplifiant l’étude réalisée dans son article pour la RE (Alpers  1972). D’après l’édition de J.  A.  H. Tittman (Tittman  1808), M.  Naoumidès (Naoumidès 1974) avait mis en évidence deux recensions distinctes du lexique. 168  Alpers 1981, p. 42-47. 169   À cette occasion, K.  Alpers a étudié la relation entre les trois lexiques et construit le premier stemma des versions de la Synagôgê, à la base de l’édition actuelle d’I.  C.  Cunningham (Cunningham 2003). 170   Voir en particulier les exemples donné par M.  L. West (West 1983, p. 22, n. 3).

123

Les géonymes attiques chez Stéphane de Byzance et la relation avec le lexique d’Oros Nous avons signalé supra (p. 94) de nombreuses notices de Stéphane de Byzance se rapportant aux dèmes et tribus attiques. Il faut noter que chez notre grammairien, le rattachement des géonymes relève dans la très grande majorité de la forme « dème de la tribu de … »171 (98 notices), au côté de la forme plus minoritaire « dème de l’Attique  » (15  notices). Comme nous le verrons, aucune mention ne se rapporte à une tradition formelle issue du lexique de Diogenianus (cf. infra p. 143 sq., mise en évidence par le Lexicum Ambrosianum et Hesychius), ce qui témoigne sans doute d’une ancienneté du texte qu’utilisait Stéphane. Enfin, quatre seulement ont une identification géographique « à Athènes », sans que l’on sache d’où provient ce type d’indication. Quelques mentions d’auteurs «  classiques  » subsistent encore dans ces notices. Elles sont certainement issues de la compilation qu’a utilisée Stéphane de Byzance. La très forte similitude de ces notices implique une provenance commune, que notre grammairien a dû trouver chez un auteur particulier qu’il ne cite pas. Phrynichos est mentionné parfois, pour apporter une contradiction au rattachement d’un dème, mais on voit bien que ce n’est pas la source première de Stéphane de Byzance. De même, ses notices ne sont pas les mêmes que celles du Lexique des dix orateurs d’Harpocration : certains dèmes présentent des différences dans les rattachements de tribus. K.  Alpers a montré qu’une partie de la notice de la ville d’Athènes (α  80) chez Stéphane de Byzance trouvait une correspondance dans les lexiques issus de la Synagôgê (Photios et la Souda), et qu’elle se rapporte donc très vraisemblablement au lexique atti171 

Les formes distinctes des notices se rapportant aux dèmes dans les lexiques (que nous avons étudiées intégralement dans le cadre de notre thèse) permettent de ramener à quelques sources uniques. La première, que l’on peut identifier assez facilement, se caractérise par les informations « dème de la tribu de … » (δῆμος τῆς … φυλῆς). C’est elle que l’on trouve quasi exclusivement chez Harpocration, et qui est largement dominante chez Stéphane de Byzance. Elle trouve très certainement son origine dans l’œuvre de Diodore le Périégète, auteur athénien du ive siècle av. J.-C. (FGrHist no 372), peut-être par l’intermédiaire du grammairien Didymus Chalcenterus, de l’école d’Alexandrie, voire de divers lexiques comme celui de Pamphile. La deuxième forme, majoritaire, est constituée par le rattachement au « dème de l’Attique » (δῆμος τῆς Ἀττικῆς). Cette forme ne peut pas être attribuée à un auteur particulier. Mais il n’est pas impossible qu’elle provienne ou qu’elle ait transitée par Diogenianus. La troisième forme, minoritaire, concerne le rattachement à Athènes (Ἀθήνησι). Elle ne peut être rapprochée d’aucun auteur particulier.

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Deuxième Partie : Organisation, contenu et sources des Ethniques de Stéphane de Byzance

que d’Oros172. Le fragment de texte est semblable aux autres fragments issus de ce lexique tel que les a collectés K. Alpers. Au début de la notice, Stéphane de Byzance précise qu’Oros compte cinq villes du nom d’Athènes (α 80)173. Cette mention peut parfaitement provenir également du lexique attique. P. Fraser utilise la présence d’une analyse grammaticale à la fin de la notice sur le dème Batê (β 56) pour rattacher cette mention à Hérodien et donc faire de cet auteur l’intermédiaire utilisé par Stéphane de Byzance174. Selon nous, elle constituerait plutôt une trace de la filiation à Oros de cette catégorie de lemmes. Il faut probablement rapprocher de ce même lexique les nombreux lemmes se rapportant à des toponymes attiques, en particulier les dèmes. Ce type de notice donne les informations dans le même ordre (rattachement du dème, nom de l’ethnique, nom des topika, …) et cite, comme auteur le plus récent, Phrynichos. L’étude de toutes les mentions de dèmes attiques conservées dans les autres lexiques qui nous sont parvenus montre que celles de Stéphane de Byzance sont issues d’une œuvre spécifique. C’est pourquoi nous proposons d’y voir un extrait de la Collection de mots attiques contre Phrynichos par ordre alphabétique d’Oros. Cet auteur aurait pu reprendre les indications d’un lexique plus ancien et les confronter aux indications de Phrynichos ce qui permettait de vérifier ou d’infirmer les indications qu’il donnait. Ces éléments viennent donc compléter largement le recensement de K. Alpers. 2.2.3. Le travail d’Oros sur les ethniques On a également d’Oros une œuvre qui, par son sujet même, devait forcément intéresser Stéphane de Byzance : Comment former les ethniques (Ὅπως τὰ ἐθνικὰ λεκτέον)175.

mation des ethniques d’un point de vue grammatical et orthographique, à la manière d’un Hérodien. Il faut noter toutefois que ce dernier n’a pas écrit de traité spécifique sur cette question  ; A.  Lentz regroupe dans le Περὶ παρωνύμων les règles se rapportant à la formation des ethniques. Cette œuvre, que Stéphane de Byzance nomme simplement Sur les ethniques (Περὶ ἐθνικῶν), est mentionnée avec certitude dans l’Épitomé pour trois notices : la ville thessalienne de Dôtion (δ 151, avec deux citations dont une se rapporte à la différence entre Kalchêdôn et Karchêdôn) 176 et deux toponymes égyptiens  : Nikiou (ν 56)177 dans le livre I et Taua (τ 46)178 dans le livre II. Cette indication a fait dire que l’œuvre était classée par ordre alphabétique, à la manière d’un lexique, et scindée en 2 livres179. Il semble très difficile de croire qu’un découpage alphabétique ait pu amener le livre premier jusqu’à la lettre nu. Il faut plutôt envisager que l’organisation de l’œuvre ait été de préférence liée à des modalités de formation des ethnonymes, à l’inverse du traité orthographique dont il est précisé dans la Souda qu’il est κατὰ στοιχεῖον. Quoiqu’il en soit, ce n’est probablement pas un traité aussi important (en taille) que les Ethniques de Stéphane de Byzance sinon on peut imaginer que les mentions en seraient plus nombreuses et les numéros de livre plus élevés ; selon nous, deux livres peuvent suffire à définir les différents types d’ethnique. À cette même œuvre nous rattachons avec certitude la mention de la forme de l’ethnique de la ville galate d’Ankura (α 33)180 et de l’île de Dôra (δ 148) dans le golfe Persique181. De manière anonyme cette fois-ci chez Stéphane de Byzance, la citation de Philochore dans la notice astu (α  505) se retrouve associée à la mention d’Oros et de son œuvre Sur les ethniques dans le même lemme de l’Etymologicum Genuinum, ce qui nous garantit la provenance de cette partie de la notice.

L’œuvre d’Oros sur les ethniques À  l’inverse des Ethniques de Stéphane de Byzance, le principe n’est pas ici de type lexical mais bien morphologique. Il s’agit d’indiquer les différents modes de for172  Alpers 1981, fragment B4, p. 195-196, a (Photios/Souda) et b (Stéphane de Byzance). 173  Billerbeck 2009, F 5, p. 437-438. M. Billerbeck rattache cette mention à l’œuvre sur les ethniques. 174  Fraser 2009, p. 307-308. 175   Bien que cité ultérieurement sous la forme «  Sur les ethniques  » (Περὶ ἐθνικῶν), il nous semble plus vraisemblable d’utiliser la forme transmise par la Souda compte tenu du contenu de cette œuvre tel que nous allons la définir. Contra, Billerbeck 2009, p. 430. Voir Billerbeck, Neumann-Hartmann 2021, p. 49-53.

176  Billerbeck 2009, F 3, p. 433-435. Il s’agit d’une notice de la partie conservée de l’œuvre d’origine de Stéphane de Byzance. 177  Billerbeck 2009, F 1, p. 431-432. 178  Billerbeck 2009, F 2, p. 432-433. Nous ne tenons pas compte de la mention de la notice Tarchônion (τ 45) qui précède immédiatement celle de Taua et qui, par sa forme même, est simplement une erreur de copie (dans le seul manus­crit R) due à la présence du ὡς (erreur de lecture du même au même). Cette mention correspond au no 13 de M. Billerbeck. 179  Voir en dernier lieu Billerbeck 2009, p. 430 ; elle imagine toutefois un système mixte comprenant une partie liée aux aspects grammaticaux et une partie lexicographique (après chaque règle grammaticale ?) par ordre alphabétique. 180  Billerbeck 2009, F 4, p. 435-437. 181  Billerbeck 2009, F 6, p. 438-439.

2. Approche des sources grammaticales des Ethniques Une mention est plus difficile à attribuer à une œuvre ou l’autre d’Oros  : Stéphane de Byzance signale une forme d’Oinôê (ο 25, ville d’Argolide)182 avec la forme de l’ethnique et d’autres formes dérivées. Si M. Billerbeck rattache la mention aux Ethniques, nous serions plutôt tenté de l’attribuer à l’ouvrage orthographique, en particulier par sa ressemblance avec la notice de Rhoiteion (ρ 48). La mention ici de l’ethnique n’est pas centrale puisque l’on mentionne également le féminin, épithète d’Artémis dont on précise qu’elle était honorée par Proétos dans l’Oinôê d’Argos. Outre celles provenant de Stéphane de Byzance, nous avons trois mentions certaines de l’œuvre dans les Etymologica183 auxquelles nous proposons d’ajouter quatre autres qui nous semblent également assurées184. Cela fait au final très peu de choses par rapport aux extraits issus du traité orthographique, ce qui irait dans le sens d’un ouvrage relativement petit. R.  Reitzenstein a dressé une liste de 59 mentions d’Oros dans l’Etymologicum Genuinum qui concernent des géonymes et qu’il attribue aux Ethniques d’Oros185. Il s’agit en fait de l’ensemble des noms géographiques que l’on peut rattacher à Oros ; pour nous, à l’exception de ceux que nous avons signalés supra, ils appartiennent tous au traité orthographique. Le rapport entre l’œuvre d’Oros et les Ethniques de Stéphane de Byzance Les Ethniques de Stéphane de Byzance ont conservé de nombreuses indications sur la façon d’écrire tel ou tel type d’ethnonyme, en particulier dans les premiers livres peu abrégés. On a longtemps pensé qu’il s’agissait d’une copie quasi textuelle d’Hérodien186. Elles sont en fait très certainement tirées de l’œuvre d’Oros, dont on a vu qu’il est un véritable spécialiste de la doctrine hérodienne sur laquelle il s’appuie pour ses propres travaux. Il n’existait probablement pas de définitions très développées dans ce 182 

Billerbeck 2009, F 7, p. 439-440. s.v. astu (Et. Gen. α 1313, Et. Sym. α 1487, Et. M. α 1985 (= 160.5), Et. Gud. (c) α 1850, Epim. Hom. 31.19 (ad γ 116)) ; Achaiïnea (Et.  Gen. α  1502, Et.  Sym. α  1652, Et. M.  α  2203 (= 180.31)) ; Dindumon (Et. M. 276.32). 184  s.v. Aioleis (Et. Gen. α 224, Et. Sym. α 293, Et. M. α 534 (= 37.23)) ; Amantes (Et. Gen. α 598, Et. M. α 1011 (= 76.54)) ; Euboïs (Et. M. 389.14) ; Perseus (Et. M. 665.45). 185  Reitzenstein  1897, p.  318-324. Étudié également par Billerbeck, Neumann-Hartmann 2021, p. 53-56 pour les seuls géonymes. 186  Voir là-dessus l’édition de Lentz de la Prosodie générale. 183 

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traité mais plutôt des indications géographiques rapides et des exemples justifiant de la forme proposée. Il semble que les Ethniques de Stéphane de Byzance aient inclus de très nombreux extraits de cette œuvre sans forcément les citer. On peut encore se faire une idée de ce contenu d’après la notice d’Ankura (α 33), dont nous donnons la traduction d’après M. Billerbeck : « (…) L’ethnique Ankuranos. Les ethniques finissants par νος, s’ils sont formés à partir du génitif d’un radical contenant une voyelle avant la fin, ont un α long dans la syllabe pénultième et ajoutent une syllabe au génitif  ; cette règle ne s’applique pas dans le cas inverse. En effet, tous les ethniques qui ont un α dans la syllabe pénultième, sont dérivés du génitif. Du premier cas relèvent Asianos, Kardianos, Olbianos, Phasianos (de la ville de Phasios) ; Trallios forme Trallianos, Sardios forme Sardianos (…) La forme Botruênos est incorrecte, si elle provient de Botruos. De là ce type de dérivation ajoute une , parfois deux, comme l’ethnique Taurianos, Skorpianos et Zugianos, qui apparaissent dérivés de Skorpoi, Tauroi et Zugoi, bien qu’ils puissent aussi provenir des topika Zugiôn, Skorpiôn et Tauriôn. La formule ‘cette règle ne s’applique pas dans le cas inverse’ est pertinente, avec les ethniques Hispanos, Karmanos, Kampanos, Germanos, Brettanos, Ôrêtanos, Aphrikanos, Albanos, Hurkanos. En effet, aucun d’eux ne dérive d’un génitif qui a une voyelle avant la fin. Mais Oros dit : ‘les ethniques dont le radical ne finit pas par une voyelle nécessite un η dans la syllabe pénultième sauf pour ceux qui ont un ρ qui s’épellent de deux manières différentes [avec α ou η] dans la syllabe pénultième, comme dans le cas de Ankuranos, Thuateirênos et Gangrênos. De ceux-ci, les ethniques dérivés de mots féminins comme Ankura, ont la même terminaison comme Sôranos, Bostranos, tandis que d’autres dérivent de neutres comme Thuateira et Gangra. Mais Gangra est aussi utilisé au féminin’ »187. Stéphane de Byzance n’accepte pas toujours de manière automatique les informations provenant d’Oros, il les commente également. Dans le cas de Dôtion (δ 151)/Dôrion (δ 149), il considère qu’il s’agit de deux toponymes différents et donne deux entrées distinctes alors qu’il aurait pu faire apparaître l’une des formes comme une variante de l’autre. Il est possible qu’il confronte la doctrine d’Oros à celle d’Hérodien mais l’ouvrage d’Oros représentait pour lui un concentré d’informations pratiques pour son propre travail. Pour mieux faire apparaître l’apport d’Oros chez Stéphane de Byzance, il nous faut revenir sur les inser187 

Billerbeck 2009, F4.

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Deuxième Partie : Organisation, contenu et sources des Ethniques de Stéphane de Byzance

tions grammaticales mises en évidence dans deux livres peu abrégés des Ethniques (le premier et le dernier, Annexe 1 ; cf. supra p. 94-95). On peut distinguer deux séries différentes. La première se rapporte aux rubriques A à C des notices (cf.  supra p. 92). Ces mentions se réfèrent souvent à des questions de prosodie et citent fréquemment Hérodien188. La seconde série (rubriques D et E) relève des informations sur la formation des ethniques qui semblent caractéristiques d’Oros : en particulier des comparaisons de forme189, ou de catégories en fonction des terminaisons 190 ou des origines géographiques 191. 188   En voici quelques exemples tirés du premier livre  ; les insertions grammaticales sont soulignées. s.v.  Abai (α  1)  : I-[A] πόλις Φωκική, ἀπὸ εὐθείας ἑνικῆς τῆς Ἄβη. [B] κέκληται δὲ ἀπὸ ἥρωος Ἄβα. [C] Ἡρωδιανὸς δέ φησιν ὅτι τὸ Ἄβας, ὅτε ἔθνος σημαίνει, περιττοσυλλάβως κλίνεται ἀεί, ὅτε δὲ κύριον, καὶ ἰσοσυλλάβως καὶ περιττοσυλλάβως. ἔστι δὲ ὁ ποταμὸς Ἀλβανίας. ὡς οὖν ἀπὸ τοῦ Ἀμύκλα Ἀμύκλαι, οὕτως Ἄβα Ἄβαι. (…). II-[A] ἔστι καὶ ἄλλη Ἄβα πόλις Καρίας, ὡς Ἡρωδιανὸς ἐν κʹ βιβλίῳ. (…) ; Abakainon (α 2) : [A] πόλις Σικελίας, οὐδετέρως καὶ προπαροξυτόνως καὶ ἡ παραλήγουσα διὰ διφθόγγου, ὡς Ἡρωδιανὸς ἐν ιγʹ Περὶ οὐδετέρων. (…) ; Abarnos (α 4) : I-[A] πόλις καὶ χώρα ἄκρα τῆς Παριανῆς. [C] Ἡρωδιανὸς δὲ ἐν δʹ φησὶν ὅτι Ἀβαρνίς λέγεται· ἀλλὰ καὶ εἰς ος. (…) ; Abolla (α 9) : [A] πόλις Σικελίας. ὁ τόνος βαρύς, ὡς Ἄγυλλα. (…) ; Abotis (α 11) : [A] πόλις Αἰγυπτία, ὡς Ἑκαταῖος. ἣν Ἡρωδιανός φησι βαρύνεσθαι. (…) ; Abudôn (α 17) : [A] χωρίον Μακεδονίας, ὡς Στράβων. « τηλόθεν ἐξ Ἀβυδῶνος ἀπ’ Ἀξίου εὐρὺ ῥέοντος ». ὀξύνεται δέ. (…) ; Agathê (α 21) : I-[A] πόλις Λιγύων ἢ Κελτῶν. [B] Σκύμνος δὲ Φωκαέων αὐτήν φησιν ἐν τῇ Εὐρώπῃ. [C] Τιμοσθένης δὲ ἐν τῷ Σταδιασμῷ Ἀγαθὴν τύχην αὐτήν φησιν. εἰ δ’ οὕτως λέγοιτο, καὶ ὀξύνοιτ’ ἂν ὡς ἐπιθετικόν, ὡς τὸ Ἡραῖον τεῖχος καὶ Ἥραιον, καὶ Ἑρμαῖος λόφος καὶ Ἕρμαιος. ἔστι δὲ καὶ ἄλλη πόλις, ὡς Φίλων, Λιγυστίων, ἐπὶ λίμνης Λιγυστίας. τάχα δ’ ἡ αὐτή ἐστι τῇ πρώτῃ, ὡς Εὔδοξος. βαρύνεται δέ. (…). 189   Ces comparaisons sont extrêmement nombreuses. En voici quelques exemples  : Abakainon (α  2)  : (…)  [D] τὸ ἐθνικὸν Ἀβακαινῖνος, ὡς Ἀκραγαντῖνος, ὃ οὐκ ἄηθες Σικελῶν, Μεταποντῖνος Λεοντῖνος Βρεντεσῖνος Ταραντῖνος Ἀρρητῖνος Ἀσσωρῖνος Ἐρυκῖνος ; Abantis (α 3) : (…) [D] τὸ ἐθνικὸν ὁμωνυμεῖ τῷ ἥρῳ, ὡς Ἴων Θεσσαλός Ἀχαιός Τρώς Δαναός Δοκρός. τὸ δὲ Τευκρός διήλλαξεν· ὀξύνεται γάρ. (…)  ; Abarnos (α  4)  : (…)  [D] Ἀβαρνεῖς τοὺς κατοικοῦντας, ὡς παρὰ τὸ Ἄψ υρτος Ἀψ υρτεῖς, Κάμιρος Καμιρεῖς, Ἀλός Ἀλεῖς, Τελμισσός Τελμισσεῖς, περὶ ὧν εἰρήσεται. (…) ; Abilê (α 7) : (…) [D] τὸ ἐθνικὸν Ἀβιληνός, ὡς Γέβαλα Γεβαληνός, Ἀρίνδηλα Ἀρινδηληνός ; Abotis (α 11) : (…) [D] ὁ πολίτης κατὰ μὲν τὸ ἐπιχώριον Ἀβοτίτης, ὡς Ναύκρατις Ναυκρατίτης, κατὰ δὲ Ἑκαταῖον Ἀβοτιεύς, ὡς Μάκρις Μάκριος Μακριεύς, Χάλκις Χάλκιος Χαλκιεύς, Ἄβοτις Ἀβότιος Ἀβοτιεύς. 190  Abarnos (α 4) : (…) [D] (…) τὸ δὲ Ἀβαρνίς οὐ δύναται ἔχειν τὸ τοιοῦτον ἐθνικόν· τὰ γὰρ εἰς ις φιληδεῖ τῷ εἰς ιτης τύπῳ, ὡς Μέμφις Μεμφίτης. (…) ; Abdêra (α 6) : (…) [D] (…) ἀφ’ οὗ τὰ Ἄβδηρα. καὶ ἀπὸ τῶν εἰς α οὐδετέρων εὑρίσκεται, ὡς Γάβαλα Γαβαλίτης. (…). 191  Abai (α 1) : (…) [II] (…) [D] δύναται δὲ Ἀβεύς τὸ ἐθνικὸν διὰ τὸν εἰθισμένον τοῖς Καρικοῖς τύπον, ὡς δείξομεν ; Abasênoi (α 5) : (…) ὁ τύπος ὀξὺς καὶ ἐπιχώριος τοῖς Ἄραψιν, ὡς Μηδαβηνοί Ὀβοδηνοί Ἀδαρηνοί, ἀλλὰ καὶ τοῖς Ἀσιανοῖς ἅπασιν, ὡς Ἀπολλώνιος ὁ τεχνικὸς

Parmi cette série, on notera la présence, dans la première notice conservée (s.v. Abai, α 1), d’indications de type lexical, séparés par des καὶ192. Cette liste est intéressante ; elle provient d’un auteur qui peut être Oros (reprenant lui-même peut-être les données d’Hérodien), donnant toutes les formes (ethnique, féminin, ktétique) pour des toponymes finissant par η. Cette prédominance d’Oros dans les Ethniques de Stéphane de Byzance est mentionnée par de très nombreux auteurs. Parmi les plus récents, P. Fraser ne cesse, tout au long de son ouvrage sur les ethniques, de signaler l’ampleur de la dette du second envers le premier 193. Toutefois, son chapitre sur Oros comme source de Stéphane de Byzance reste très général194, sans définir la forme que présentait l’œuvre de l’Alexandrin. Vers une reconstitution de l’œuvre La reconstitution de cette œuvre n’est pas sans poser problème compte tenu du petit nombre de mentions s’y rapportant de façon certaine. Si l’on admet qu’elle relevait plus d’un traité grammatical que d’un lexique, trois approches peuvent être envisagées : les deux premières sont purement morphologiques et envisagent la formation des ethniques en partant soit de la finale des noms qui servent à les constituer, soit de la finale des ethniques eux-mêmes. La dernière approche tient compte de l’origine du toponyme à dériver, avec des variantes formelles suivant les peuples hellénophones. Dans la première approche, la restitution de l’œuvre en fonction de la terminaison des noms peut reproduire l’organisation de la Prosodie générale. Selon ἐν τῷ Περὶ παρωνύμων φησί « δι’ ἔθους εἰσὶ ταῦτα τοῖς ἐπὶ τῆς Ἀσίας κατοικοῦσιν, ἀλλότρια δὲ τῶν Εὐρωπαίων. οὐ γὰρ ἀπὸ πόλεως ἢ δήμου κατὰ τοῦτον ὠνόμασται τὸν τύπον » ; Abotis (α 11) : (…) [D] ὁ πολίτης κατὰ μὲν τὸ ἐπιχώριον Ἀβοτίτης. (…) ; Agathê (α 21) : (…) [II] (…) [D] τὸ ἐθνικὸν ὤφειλεν Ἀγαθεύς· ἡ γὰρ χώρα τῷ εἰς ευς τύπῳ χαίρει, ὡς Παταρεύς Τλωεύς Τελμισεύς Κρυεύς. 192  Δέρβη γὰρ φρούριον Ἰσαυρίας, τὸ δὲ ἐθνικὸν Δερβήτης καὶ Δερβαῖος, ὡς Σιδήτης καὶ Πυλήτης, ὡς δειχθήσεται, ἀπὸ τοῦ Σίδη καὶ Πύλη. καὶ Ἄλβη, τὸ ἐθνικὸν Ἀλβανός. καὶ Ἀλύβη, τὸ δὲ ἐθνικὸν Ἀλυβαῖος καὶ Ἀλυβεύς, οὗ θηλυκὸν Ἀλυβηίς, καὶ Ἀλυβήιος τὸ κτητικόν, ὡς βασιλήιος· ἀλλὰ καὶ Ἄλυβες. καὶ Ἀρτάκη Ἀρτακηνός καὶ Ἀρτάκιος, οὐκ Ἀρτακαῖος. 193  Pour ne prendre qu’un exemple (Fraser 2009, p. 274) : « In this particular situation (il s’agit ici des ethniques issus des noms des nomes égyptiens) it is natural, once again, to regard the Alexandrian Oros as the main channel through whom this bulky material, in many instance directly, or (…) indirectly, reached Staphanus in the time of Justinian ». 194  Fraser 2009, p. 298-302.

2. Approche des sources grammaticales des Ethniques la table reproduite par A.  Lentz 195, l’ensemble des lemmes étaient regroupés suivant leur terminaisons en 14 livres 196, les 6 derniers étant consacrés aux verbes, adverbes  … Les exemples donnés par Stéphane de Byzance ont tendance à considérer la terminaison du toponyme initial servant à former l’ethnique ce qui irait dans le sens de cette hypothèse. Nous avons vu un exemple avec la notice de la ville Ankura pour l’ethnique de laquelle Oros est cité. La seconde hypothèse peut trouver une correspondance avec la partie appelée Περὶ ἐθνικῶν du Περὶ παρωνύμων d’Hérodien telle qu’A. Lentz le restitue197. Dans le texte que donne l’éditeur (très largement restitué), les ethniques sont regroupés suivant les terminaisons suivantes (le nombre de lemme est indiqué entre parenthèses) : αν (1), ην (1), ων (1), ας (2), ης (1), ατης (23), ετης (1), ητης (6), ιτης (65), ειτης (5), οιτης (1), ουτης (1), υτης (3), ωτης (7), αιος (69), ιος (100), ειος (15), υος (1), ωος (7), ανος (29), ηνος (24), ινος (17), υνος (1), ευς (110), ως (1). Quatre grands ensembles ressortent : les formes en της (112), en ιος (184), en νος (71), en ευς (110), auxquelles il faut adjoindre les formes diverses (15). Bien sûr, il s’agit ici d’un ordre de grandeur ; toutefois, si l’ouvrage d’Oros ne constituait que deux livres, on pourrait imaginer qu’il rassemblait par exemple dans le livre I les formes en ιος et le début des formes en της (toutes sauf les formes en ιτης ?) ; le livre II pouvait avoir la suite des formes en της et les autres formes. Comme pour le traité orthographique, on peut imaginer que l’édition de Lentz donne une assez bonne idée de la constitution de l’œuvre d’Oros plutôt que de celle d’Hérodien. Pour ces deux hypothèses, la notice de Dôtion (δ 151) dans les Ethniques montre à l’évidence qu’Oros ne se contentait pas d’analyser les terminaisons des ethniques, 195 

Lentz 1867, I, p. 3-4. Livre I : noms en ν masculins et féminins supérieurs à une syllabe ; livre II : noms en ξ, ρ et ας ; livre III : noms en ης avec l’accent sur la finale ; livre IV : noms en ις ; livre V : noms en ος dont la terminaison est précédée par une voyelle ; livre VI : mots terminés par βος jusqu’à λος ; livre VII : mots terminés par μος jusqu’à πος ; livre VIII : mots terminés par ρος jusqu’à ψος et les neutres en ος ; livre IX : mots composés terminant par ος ; livre x : les mots en υς masculins et féminins et ceux qui ont une diphtongue devant le ς, plus les noms en ως et ψ ; livre XI : les noms féminins en α ; livre XII : les noms en η féminins accentués sur la finale et ceux en ω ; livre XIII : les noms neutres ; livre XIV : les noms monosyllabiques. 197   Lentz  1867, II,  2, p.  861-897. Les informations de Billerbeck, Neumann-Hartmann  2021, p.  43-46 dans le chapitre sur Hérodien pourraient également se rapporter à cette oeuvre d’Oros. 196 

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mais pouvait aussi discuter les alternances de consonnes à l’intérieur des mots198. C’est le cas pour Dôtion (δ 151)/ Dôrion (δ 149) ou pour Kalchedôn/Karchedôn (κ 104). On trouve de même la discussion Abantes (α 3)/Amantes (α 253)199. La dernière possibilité pour l’organisation de l’œuvre consiste par exemple à prendre les noms appartenant à un domaine géographique précis (par exemple tous les noms égyptiens), ou bien ceux relevant par exemple d’un nom propre (les œcistes des cités de la diaspora grecque par exemple)200. Mais dans ce cas, nous ne pouvons pas expliquer que les deux géonymes égyptiens (Nikiou et Taua) soient dans deux livres différents. Nous ne retiendrons donc pas cette hypothèse. 2.2.4. La méthode de travail d’Oros Comme l’a rappelé M.  Billerbeck, Oros se base avant tout sur la citation des auteurs anciens, c’est-à-dire la παράδοσις201. Il est en cela le digne héritier d’Hérodien et de l’école alexandrine, qui cherche la vérité linguistique dans les mots mêmes employés par les anciens auteurs de langue grecque. Stéphane de Byzance ne travaille pas autrement. Cela a un avantage majeur pour nous : Oros respecte le texte d’origine et le transmet tel quel, y compris si les mots qu’il lit présentent des variantes orthographiques. Bien sûr, cela l’oblige à avoir un texte d’origine de bonne qualité, ce qui n’était pas forcément toujours le cas. Au-delà du texte lui-même, la mention de l’auteur, de l’œuvre et du livre (lorsqu’il y avait une subdivision de l’ouvrage) permettait de donner le maximum de précision à la citation et autorisait les autres auteurs à aller vérifier les dires du grammairien. Ce principe reste celui de tout scientifique actuel. L’excellente connaissance que ce grammairien avait d’Hérodien en fait certainement un véritable pont entre lui et les érudits byzantins. C’est pourquoi ses œuvres ont été ensuite reprises par les grammairiens et les lexicographes postérieurs. 198  R. Reitzenstein (Reitzenstein 1897, p. 316), rappelé par M. Billerbeck (Billerbeck 2009, p. 435, n. 12), voyait là la preuve que l’ouvrage d’Oros comportait une partie lexicale. Cela ne nous semble pas obligatoire. 199  Et. Gen. α 598 = Et. M. α 1011 (= 76.54). 200  P. Fraser a dressé une liste rapide de quelques formulations régionales concernant la Carie, la Sicile, l’Égypte, la Thrace, l’Arabie, l’Asie et la Phénicie (Fraser 2009, p. 67-68 = 276-277). Le lien est fait également avec le travail d’Oros. 201  Billerbeck 2009, p. 431.

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Deuxième Partie : Organisation, contenu et sources des Ethniques de Stéphane de Byzance

Un des points communs de beaucoup des notices d’Oros concernant des géonymes est de signaler l’origine mythographique ayant abouti à sa formation. Il est en cela un précurseur direct de Stéphane de Byzance ; l’aspect étymologique fait partie de la compréhension orthographique du nom puisqu’il rend compte de la dérivation lexicale qui aboutit à sa formation (souvent en partant d’un nom propre, d’homme ou mythologique). Quoiqu’il en soit, la comparaison entre les notices à caractère géographique d’Oros, telles que listées par Reitzenstein, et celles de Stéphane de Byzance ne fournit aucune correspondance. Si Oros est une source pour notre lexicographe, ce n’est certainement pas la seule. Par ailleurs, il est intéressant de noter que les travaux d’Oros se basent avant tout sur des auteurs de la seconde moitié du iie siècle de notre ère, Hérodien et Phrynichos, marquant l’apogée de l’étude du grec « classique » d’un point de vue grammatical ou lexical. À la même époque qu’Oros, le grammairien Orion rédige une Louange de l’empereur Hadrien, d’après la Souda, probablement en vue de mettre en valeur son action pour la langue grecque.

2.3. Eugène d’Augustopolis Après Oros, c’est probablement Eugène d’Augustopolis 202 qui a eu le plus d’influence sur l’auteur des Ethniques. S’il est un quasi inconnu pour nous, ce n’était pas le cas pour Stéphane de Byzance. C’est en effet l’un de ses prédécesseurs presque directs, mais qu’il ne semble pas avoir connu comme il le précise dans la notice de la ville d’Acarnanie Anaktorion (α 305) : « Mais Eugène, qui a mis en ordre avant nous la schola dans la capitale impériale, dans le Recueil de mots, l’écrit avec une diphtongue. Il semble toutefois qu’il lisait des livres non corrigés : en effet, nous, nous le trouvons (écrit) avec un i »203 (cf. supra p. 14). Nous avons conservé une notice dans la Souda (ε 3394 Adler) concernant ce personnage204. Nous savons ainsi 202 

p. 282.

Cohn 1907b ; PLRE II s. v. Eugenius 2 ; Kaster 1997,

203   καὶ Εὐγένιος δέ, ὁ πρὸ ἡμῶν τὰς ἐν τῇ βασιλίδι σ χολὰς διακοσμήσας, ἐν Συλλογῇ λέξεων διὰ διφθόγγου φησίν. ἔοικε δ’ ἀστιγεῖ ἐντετυχηκέναι βιβλίῳ· ἡμεῖς γὰρ διὰ τοῦ ι εὕρομεν. 204  «  Εὐγένιος, Τροφίμου, Αὐγουστοπόλεως τῆς ἐν Φρυγίᾳ, γραμματικός. οὗτος ἐδίδαξεν ἐν Κωνσταντίνου πόλει καὶ τὰ μάλιστα διαφανὴς ἦν, πρεσβύτης ἤδη ὤν, ἐπὶ Ἀναστασίου βασιλέως. ἔγραψε Κωλομετρίαν τῶν μελικῶν Αἰσχύλου, Σοφοκλέους, Εὐριπίδου, ἀπὸ δραμάτων ιεʹ. Περὶ τοῦ τί τὸ παιωνικὸν παλιμβάκχειον· Περὶ τῶν

que c’est un Phrygien de naissance et qu’il a enseigné à Constantinople où il a été reconnu déjà âgé, sous l’empereur Anastase Ier (491-518). La Souda donne la liste de plusieurs de ses ouvrages qui se répartissent en trois grandes catégories : la colométrie, la lexicographie et des œuvres diverses. Du fait de la proximité chronologique (quelques dizaines d’années seulement les séparent) et géographique (la schola de Constantinople), il est important d’analyser en détail le lien qui peut exister entre le lexique de Stéphane de Byzance et les œuvres du grammairien Eugène. 2.3.1. Les œuvres colométriques et en trimètre iambique D’après la Souda, Eugène a rédigé deux études sur la métrique. La première porte sur des pièces des trois grands auteurs de tragédie  : Colométrie des lyriques Eschyle, Sophocle et Euripide, à partir de 15 pièces (Κωλομετρίαν τῶν μελικῶν Αἰσχύλου, Σοφοκλέους, Εὐριπίδου, ἀπὸ δραμάτων ιεʹ). La colométrie dispose le texte en vers (par lignes, côla) ce qui permet ensuite d’établir leur numérotation. Il est possible que les 15 pièces correspondent à 5 pièces de chacun des auteurs, issues du Choix constituant les éditions standards des Tragiques depuis le iie siècle de notre ère (qui comprenait 7  pièces d’Eschyle, 7 de Sophocle et 10 d’Euripide)  ; pour tenir compte de la prépondérance d’Euripide, L. Cohn propose quant à lui 3 d’Eschyle et de Sophocle et 9 d’Euripide205. Il met en relation ce travail avec celui qu’Héliodore avait mené pour Aristophane. A. Tuilier a récemment repris la question de la tradition des différentes éditions d’Euripide  ; il montre que l’archétype de la tradition médiévale d’Euripide τεμενικῶν, ὅπως προφέρεται· οἷον Διονύσιον, Ἀσκληπίειον· Παμμιγῆ λέξιν κατὰ στοιχεῖον· ἔχει δὲ καὶ τὰ παράδοξα ἢ περὶ τόνον ἢ πνεῦμα ἢ γραφὴν ἢ μῦθον ἢ παροιμίαν ἑπόμενα αὐτῇ· Περὶ τῶν εἰς ια ληγόντων ὀνομάτων, οἷον ἔνδεια ἢ ἐνδία· καὶ πότε διφορεῖται· καὶ ἄλλα τινὰ τρίμετρα ἰαμβικά » (« Eugène, fils de Trophime, d’Augustopolis en Phrygie, grammairien. Celui-ci a enseigné à Constantinople et a été illustre surtout quand il était déjà âgé, sous l’empereur Anastase. Il a écrit une Colométrie des lyriques Eschyle, Sophocle et Euripide, à partir de 15 pièces ; Sur ce qu’est l’antibacchique péonien ; Sur les noms de temples, comment ils sont formés, par exemple Dionysion, Asklepieion  ; Lexique assorti par ordre alphabétique, il contient également des mots étranges quant aux accents, aux esprits, à l’écriture, aux légendes ou aux proverbes qui en découlent ; Sur les noms en -ia, par exemple endeia ou endia, et quand ils s’écrivent de deux manières différentes ; et d’autres ouvrages en trimètres iambiques »). 205  Cohn 1907b, col. 987.

2. Approche des sources grammaticales des Ethniques remonte à la seconde moitié du v e siècle. D’après lui, comme nous le pensons également, Eugène a édité 5 drames des trois auteurs206. Le terme utilisé (κωλομετρία) « signifie qu’Eugène mettait en lignes la versification de ces chœurs pour une édition des pièces qu’il ordonnait »207. L’édition d’Eugène est donc probablement à l’origine d’une partie de notre tradition concernant ces trois tragiques. Sa seconde œuvre porte sur une des formes particulières de pied : Sur ce qu’est l’antibacchique péonique (Περὶ τοῦ τί τὸ παιωνικὸν παλιμβάκχειον). L’antibacchique208 correspond à deux longues suivies d’une brève, à l’inverse du bacchique qui est une brève suivie de deux longues209. Le mètre péonique est un des mètres simples de la musique antique210. Nous n’avons conservé aucune mention de cette œuvre. L. Cohn a émis l’hypothèse que cette œuvre, avec la précédente, pouvait appartenir à un ensemble plus important, une Colométrie générale211. Rien ne l’indique toutefois. Enfin, on adjoindra ici des ouvrages en trimètre iambique dont on ne connaît pas la teneur. Ce type de scansion est par nature, à l’époque classique, celui de la comédie et de la tragédie. Toutefois, à partir du 3 e quart du iie siècle avant notre ère, Apollodore d’Athènes commença à l’utiliser pour des œuvres relevant de l’histoire (ses Chroniques) ou de la géographie (Sur la terre). L’usage s’est poursuivi longtemps, probablement du fait de la meilleure mémorisation qu’il permettait212. Au ive siècle encore, le poète égyptien Helladius composait des œuvres didactiques en trimètre iambique213. Là encore, les ouvrages d’Eugène restent pour nous totalement inconnus.

206  Selon A. Tuilier, une édition d’Eschyle avec 5 drames au lieu des 7 apparaît dans certains manus­crits (Tuilier 2010, p. 890). De même, pour Sophocle : il propose une édition réduite à 5 pièces sans les Trachiniennes et Philoctète. 207  Tuilier 2010, p. 890. 208  Le terme exact utilisé par la Souda est « palimbacchique ». 209  Fétis 1869-1876, III, p. 176. 210  Voir Aristide Quintilien, La Musique, XVII. 211  Cohn 1907b, col. 987. 212  Nous renvoyons ici à l’analyse de D.  Marcotte dans son étude sur Dionysios fils de Calliphon (Marcotte 1990, p. 26-28), cette notion est déjà clairement exprimée par le pseudo-Scymnos (v. 36-42). 213  Connu par la lecture de Photios (Bibl. cod. 279) et rapporté par Marcotte 1990, p. 28.

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2.3.2. Les Temenika Dans la catégorie des ouvrages lexicographiques, nous ferons une place à part à un traité d’Eugène intitulé Sur les noms de temples (Περὶ τῶν τεμενικῶν), qui relève d’un genre abordé également par un autre auteur de la fin du ive et du premier tiers du ve siècle, le grammairien alexandrin Horapollon. D’après la Souda (ω 159 Adler), cet auteur avait rédigé une œuvre intitulée Temenika, qui est probablement la source de celle d’Eugène. Ce dernier l’aurait connu à travers Flavius Horapollon, petit-fils du précédent, grammairien et philosophe à Constantinople sous les empereurs Zénon (474-475 et 476-491) et Anastase (491-518), donc un contemporain d’Eugène214. Il faut noter que Stéphane de Byzance mentionne ce dernier Horapollon dans la notice de la ville de naissance Phenebêthis215. Cette œuvre peut avoir une correspondance chez Stéphane de Byzance, bien qu’elle ne soit pas signalée de manière explicite. Dans l’Épitomé, 53 géonymes sont reliés à l’identification d’un temple d’une divinité grecque ou étrangère (égyptienne en particulier). Abai (α 1), ville des Phocidiens : αἱ δὲ Ἄβαι πόλις ἐν τοῖς Φωκεῦσιν, ἔνθα ἱερὸν Ἀπόλλωνος. ἦν δὲ τοῦτο τὸ μαντεῖον πρὸ τοῦ ἐν Δελφοῖς. Adrasteia (α  64), entre Priape et le Parios  : μεταξὺ Πριάπου καὶ τοῦ Παρίου, ἀπὸ Ἀδράστου βασιλέως, ὃς καὶ πρῶτος ἱδρύσατο τὸ Νεμέσεως ἱερόν. Athenai (α  80), ville du Pont-Euxin  : ἔστι καὶ ἱερὸν αὐτόθι Ἑλληνικόν. Aktion (α 177), ville d’Acarnanie : ὁμωνύμως δὲ λέγεται καὶ τὸ ἱερὸν τοῦ Ἀπόλλωνος καὶ ἡ ἄκρα ἡ ποιοῦσα τὸ στόμα τοῦ κόλπου καὶ ἡ πόλις καὶ ὁ Ἀπόλλων καὶ ὁ πολίτης. λέγεται καὶ Ἀκταῖος Ἀπόλλων καὶ Ἀκτιακός. Alba (α  195), ville d’Italie  : λέγεται καὶ Ἀλβανὸς ἐν Ἰταλίᾳ τόπος ἐν ᾧ ἱεροποιίαι ἐγένοντο. Amphigeneia (α 291), ville de Messénie : ἔχει δὲ ἡ πόλις Λητοῦς ἱερόν· φασὶ γὰρ ὅτι ἐκεῖ παραγενομένην Λητὼ τεκεῖν τὸν Ἀπόλλωνα. Μενέλαος δέ φησι καὶ Ἀμφιγένειον εἰρῆσθαι. 214   Sur

ces deux Horapollon, voir les notices n o  77 et 78, Kaster 1997, p. 294-297 qui donnent l’ensemble des sources se rapportant à ces deux personnages et discute de façon détaillée les témoignages antiques. On pourra consulter également la notice no 17 se rapportant au père du second Horapollon, Asclépiade. 215  φ 49 : τὸ ἐθνικὸν τῷ συνήθει χαρακτῆρι Φενεβηθίτης. οὕτως γὰρ Ὡραπόλλων ὁ φιλόσοφος.

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Deuxième Partie : Organisation, contenu et sources des Ethniques de Stéphane de Byzance

Apatouron (α  353), sanctuaire d’Aphrodite  : τὸ τῆς Ἀφροδίτης ἱερὸν ἐν Φαναγορείᾳ, Στράβων ἑνδεκάτῃ «  ἐτυμολογοῦσι δὲ οὕτως. ἐπιθεμένων ἐκεῖ τῶν Γιγάντων ἐπικαλεσαμένη τὸν Ἡρακλέα ἔκρυψεν ἐν κευθμῶνί τινι, καὶ τῶν Γιγάντων ἕκαστον δεχομένη καθ’ ἕνα τῷ Ἡρακλεῖ παρεδίδου δολοφονεῖν ἐξ ἀπάτης ». Asos (α 481), forteresse de Crète : οὕτω γὰρ ὁ Ζεὺς ἐκεῖ τιμᾶται « καὶ Ἀσίου Διὸς ἱερὸν ἀρχαιότατον ». Astura (α 507), lieu d’Italie : τὸ ἐθνικὸν Ἀστυρηνός, ἀφ’ οὗ τὸ τῆς Ἀστυρηνῆς Ἀρτέμιδος ἱερόν. Balis (β 28), ville de Libye : οὗ καὶ ἱερὸν ἔχει. Borsippa (β 126), ville de Chaldée : πόλις Χαλδαίων, οὐδετέρως, ἱερὰ Ἀπόλλωνος καὶ Ἀρτέμιδος, λινουργεῖον μέγα. λέγεται καὶ θηλυκῶς. Boubastos (β  134), ville d’Égypte  : «  Βούβαστός τε πόλις καὶ ἱερὸν Ἀρτέμιδος ». Bousiris (β  154), ville d’Égypte  : «  ἐν ταύτῃ Ἴσιος μέγιστον ἱερόν. ἵδρυται δ’ ἐν μέσῳ τῆς Αἰγύπτου ἐν τῷ Δέλτα. Ἶσις δ’ ἐστὶ κατὰ τὴν τῶν Ἑλλήνων γλῶσσαν ἡ Δημήτηρ  ». ὡς δ’ ἄλλοι, ἐκεῖ λέγεται θάψαι τὸν Ὄσιριν Ἶσις ἐμβαλοῦσα εἰς ξυλίνην βοῦν, ὥστε Βουσόσιριν εἶναι τὴν πόλιν. οἱ δ’ ὅτι τοπάρχης ἦν ὁ Βούσιρις ὑπὸ Ὀσίριδος κατασταθείς. Galeôtai (γ 23), mention de Telmêssos : Γαλεώτης οὖν ἐν Σικελίᾳ καὶ Τελμησσὸς ἐν Καρίᾳ ἦλθεν, ἔνθα Ἀπόλλωνος Τελμησσίου ἱερόν. Geraistos (γ 54), village d’Eubée : κώμη Εὐβοίας, ἐν ᾗ ἱερὸν Ποσειδῶνος. Gergis (γ 58), ville de Troade : τὸ θηλυκὸν Γεργιθία· ἀφ’ οὗ Γεργιθία ἡ χρησμολόγος Σίβυλλα, ἥ τις καὶ ἐτετύπωτο ἐν τῷ νομίσματι τῶν Γεργιθίων αὐτή τε καὶ σφίγξ, ὡς Φλέγων ἐν Ὀλυμπιάδων αʹ. ἐν δὲ τῷ ἱερῷ τοῦ Γεργιθίου Ἀπόλλωνος Σιβύλλης φασὶν εἶναι τάφον. Grunoi (γ 112), forteresse de Myrinée : πολίχνιον Μυριναίων, οὗ « καὶ ἱερὸν Ἀπόλλωνος καὶ μαντεῖον ἀρχαῖον καὶ ναὸς πολυτελὴς λευκοῦ λίθου », ἐν ᾧ τιμᾶται. Daulis (δ  32), ville de Phocide  : ὁ πολίτης Δαυλιεύς « Δαυλιεῦσι δὲ ἱερὸν Ἀθηνᾶς καὶ ἄγαλμα ἀρχαῖον ». Delphoi (δ 48), ville de Phocide : ἐκλήθησαν δὲ Δελφοί ὅτι Ἀπόλλων συνέπλευσε δελφῖνι εἰκασθείς· καὶ ἵδρυται Ἀπόλλωνι ἱερόν.

Dera (δ  53), lieu de Laconie  : ἀφ’ οὗ Δερεάτιδος Ἀρτέμιδος ἱερόν. Dêlion (δ 60), forteresse de Béotie : πολίχνιον Βοιωτίας ἐν τῇ Τανάγρᾳ καὶ ἱερὸν Ἀπόλλωνος. Dêlos (δ  61), île des Cyclades  : ἢ παρὰ τὰς γονὰς . ἱερὸν γὰρ Δῆλος τοῦ Ἀπόλλωνος, τοῦ θεοῦ πρῶτον ἐν αὐτῇ γενομένου. ἢ διὰ τὰς μαντείας· δηλοῦσα γὰρ ἦν τὰ δυσεύρετα. ἐκαλεῖτο δὲ Κύνθος ἀπὸ Κύνθου τοῦ Ὠκεανοῦ, καὶ Ἀπόλλων Κύνθιος. καὶ Ἀστερία καὶ Πελασγία καὶ Χλαμυδία. Drumia (δ  135), ville de Phocide  : Παυσανίας ιʹ «  Δήμητρος δὲ θεσμοφόρου Δρυμίοις ἱερόν ἐστιν ἀρχαῖον ». Dôdônê (δ  146), ville d’Épire  : καὶ Σουίδας δέ φησι Φηγωναίου Διὸς ἱερὸν εἶναι ἐν Θεσσαλίᾳ, καὶ τοῦτον ἐπικαλεῖσθαι. Eleusis (ε  51), dème attique  : ἔστι καὶ Δήμητρος καὶ Κόρης Ἐλευσινίας ἱερόν. Hermiôn (ε 118), ? : Ἑρμιών δὲ ἀπὸ τοῦ τὸν Δία καὶ τὴν Ἥραν ἐνταῦθα ἀπὸ Κρήτης ἀφικομένους ὁρμισθῆναι, καὶ τροπῇ τοῦ ο εἰς ε, ὅθεν καὶ ἱερὸν Ἥρας παρθένου ἦν ἐν αὐτῇ. Hermônthis (ε  124), ville d’Égypte  : ἔστι δ’ ἐκεῖ καὶ Ἴσιδος ἱερόν. Eutrêsis (ε  174), village de Béotie  : ὁ κωμήτης Εὐτρησίτης, ἀφ’ οὗ Ἀπόλλων Εὐτρησίτης· καὶ ἱερὸν αὐτοῦ καὶ μαντεῖον ἐνδοξότατον. Ephesos (ε 179), ville d’Ionie : ὁ πολίτης Πτελεαῖος. ἦν δὲ καὶ Ἀρτέμιδος ἱερὸν ἐκεῖ. Hêlakataion (η  6), montagne de Thessalie  : ὄρος Θεσσαλίας, ὅπου καὶ Διὸς Ἠλακαταίου ἱερόν. τὸ ἐθνικὸν Ἠλακαταιεὺς Ζεύς. Hêphaistiadai (η 28), dème attique : δῆμος Ἀκαμαντίδος φυλῆς, ἐν ᾧ ἦν Ἡφαίστου ἱερόν. Thaumakia (θ 9), ville de Magnésie : οἱ ἔνοικοι Θαυμακοί καὶ « Θαυμακίης ἱερὸν Ἀρτέμιδος ». Thumbra (θ 70), ville de Troade : οὗ ποταμὸς Θύμβρις, ἀφ’ οὗ Ἀπόλλωνος Θυμβραίου ἱερόν, . Imbros (ι 57), île de Thrace : ἱερὰ Καβείρων καὶ Ἑρμοῦ, ὃν Ἴμβραμον λέγουσιν οἱ Κᾶρες.

2. Approche des sources grammaticales des Ethniques Ipnous (ι 82), lieu à Samos : χωρίον ἐν Σάμῳ, ἐν ᾧ ἱερὸν Ἥρας Ἰπνουντίδος. Kandara (κ  55), lieu de Paphlagonie  : οἱ οἰκήτορες Κανδαρηνοί. καὶ Ἥρας Κανδαρηνῆς ἱερόν. Kanôpos (κ 63), ville d’Égypte : καὶ ἱερὸν Ποσειδῶνος Κανώβου. Kapetôlion (κ 66), à Rome : Καπετώλιον, ἐν Ῥώμῃ λόφος Ταρπαῖος πάλαι λεγόμενος. περὶ δὲ τῆς γραφῆς τοῦ τεμενικοῦ ὁ Εὐδαίμων διὰ τοῦ ι φησίν « Εἰρηναῖος προπαροξύνει διὰ τοῦ ι γράφων  ». Ἡρωδιανὸς δὲ Καπετωλίειον ἐν ἓξ συλλαβαῖς, καὶ ἐν συναιρέσει Καπετώλειον. τὸ δὲ Καπετωλεῖα ἐπὶ τοῦ ἀγῶνος προπερισπᾶται. ὅσα γὰρ ἔχει προϋπάρχοντα εἰς ος καθαρόν, παραληγόμενα ἢ μόνῳ τῷ ι ἢ προηγουμένου αὐτοῦ τοῦ α ὥστε εἶναι πρὸ τέλους τὴν αι δίφθογγον, προπερισπᾶται, ἢ καὶ ὅσα κτητικά. Ἀσκληπιεῖον, Ἀσκληπιός γάρ· Πτολεμαεῖον, Πτολεμαῖος γάρ· Ὀλυμπιεῖα τὰ Ἀθήνησιν, Ὀλύμπιος γάρ. τὸ δὲ τέμενος Καπετώλιον καὶ Καπετώλιος Ζεὺς διὰ τοῦ ι. τὸ ἐθνικὸν Καπετωλῖνος. Kasion (κ 105), montagne et ville d’Égypte : ἐκλήθη δὲ ἀπὸ τῆς Κυκλάδος νήσου ἢ ἀπὸ Κάσου τοῦ Κλεόχου, ἀφ’ οὗ καὶ Κασίου Διὸς ἱερόν. Korion (κ  164), lieu de Crète  : καὶ Ἀθηνᾶς ἱερὸν Κορησίας. ταῦτα δὲ ἀπὸ τοῦ κόρη γέγονεν. Koropê (κ  169), ville de Thessalie  : Νίκανδρος ἐν Θηριακοῖς «  ᾗ ἐν Ἀπόλλων μαντείας Κοροπαῖος ἐθήκατο καὶ θέμιν ἀνδρῶν ». οἱ δὲ ὑπομνηματίσαντες αὐτὸν Θέων καὶ Πλούταρχος καὶ Δημήτριος ὁ Φαληρεύς φασι «  Νίκανδρος Ὀροπαῖος καὶ Κοροπαῖος Ἀπόλλων. ἀγνοεῖ δ’ ὅτι Ἀμφιαράου ἱερόν, Ἀπόλλωνός ἐστι. λέγεται δὲ κατ’ ἔλλειψιν τοῦ κ Ὀροπαῖος . Κορόπη δὲ Θεσσαλίας πόλις. βέλτιον δ’ ὑπονοεῖν ὅτι ἡμάρτηται. καὶ γράφεται Ὀροπαῖος. Ὀρόπη γὰρ πόλις Εὐβοίας, ὅπου Ἀπόλλωνος διασημότατον ἱερόν ». Kubela (κ 245), montagne : καὶ Κύβελα ὄρος ἱερόν, ἀφ’ οὗ Κυβέλη ἡ Ῥέα λέγεται. Lêtê (λ 49), ville de Macédoine : πόλις Μακεδονίας, ἀπὸ τοῦ πλησίον ἱδρυμένου Λητοῦς ἱεροῦ, ὡς Θεαγένης Μακεδονικοῖς. Lêtoûs (λ 50), ville d’Égypte : ἔστι δὲ μοῖρα Μέμφιδος, καθ’ ἣν αἱ πυραμίδες. Λητοῦς ἱερόν. Ἀλέξανδρος ἐν γ´ Περὶ Αἰγύπτου.

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Milêtos (μ  184), ville de Carie  : Δίδυμος δ’ ἐν συμποσιακοῖς φησιν ὅτι πρῶτον Λελεγηίς ἐκαλεῖτο ἀπὸ τῶν ἐνοικούντων Λελέγων, εἶτα Πιτύουσα ἀπὸ τῶν ἐκεῖ πιτύων καὶ ὅτι ἐκεῖ πρῶτον πίτυς ἔφυ. οἱ γὰρ . ἐν τοῖς θεσμοφορίοις πίτυος κλάδον ὑπὸ τὴν στιβάδα  … καὶ ἐπὶ τὰ τῆς Δήμητρος ἱερὰ κλῶνον πίτυος τίθεσθαι διὰ τὸ ἀρχαῖον τῆς γενέσεως. μετὰ δὲ ταῦτα ἀπὸ Ἄνακτος τοῦ Γῆς καὶ Οὐρανοῦ ὠνομάσθη Ἀνακτορία. Mounuchia (μ  220), étang d’Attique  : καὶ ἱερὸν Μουνυχίας Ἀρτέμιδος. Palikê (π  1), ville de Sicile  : Θεόφιλος δ’ ἐν ἑνδεκάτῳ περιηγήσεως Σικελίας Παλικίνην κρήνην φησὶν εἶναι. πλησίον δὲ αὐτῆς ἱερὸν Παλικῶν, οἵ εἰσι δαίμονές τινες οὓς Αἰσχύλος ἐν Αἴτναις γενεαλογεῖ Διὸς καὶ Θαλείας τῆς Ἡφαίστου, Σιληνὸς δὲ ἐν δευτέρῳ Αἴτνης τῆς Ὠκεανοῦ καὶ Ἡφαίστου, κληθῆναι δὲ αὐτοὺς Παλικοὺς διὰ τὸ ἀποθανόντας πάλιν εἰς ἀνθρώπους ἱκέσθαι. Paniônion (π  20), ville et sanctuaire  : Πανιώνιον, τέμενος καὶ πόλις ἐν τῇ παραλίᾳ τῶν Ἐφεσίων καὶ Σαμίων. Patara (π  66), ville de Lycie  : Ἀλέξανδρος Σαλακίαν κόρην ἐξ Ὀφιονίδος φησὶ φέρειν ἱερὰ τῷ Ἀπόλλωνι ἐν πατάρᾳ· εἶναι δὲ ταῦτα πέμματα λύρας τε καὶ τόξα καὶ βέλη, οἷς παίζειν νηπίους ὄντας. θεῖσαν δὲ τὸ ἄγγος ἀναπαύεσθαι κατὰ τὴν ὁδόν· ἄνεμον δ’ ἐπιπνεύσαντα εἰς τὴν θάλασσαν βαλεῖν τὴν πατάραν, κλαίουσαν δὲ τὴν παῖδα εἰς τὸν οἶκον ἐλθεῖν, τὴν δὲ πατάραν τῇ Λυκίων χερρονήσῳ κατενεχθῆναι· περιτυχόντα δέ τινα τῶν ἐκ τῆς Σαλακίας φυγόντων τῇ πατάρᾳ τὰ ἐν αὐτῇ πέμματα πάντα κατακαῦσαι καὶ τὴν χερρόνησον ἱερὰν Ἀπόλλωνι ἀνεῖναι. ὠνομάσθαι δὲ τὴν χώραν ἀπὸ τοῦ ἄγγους, τοῦ πατάρας, Πάταρα. μεθερμηνεύεσθαι δὲ τὴν πατάραν ἑλληνιστὶ κίστην. Puthion (π 275), ville de Crète : ἐν ᾧ Ἀπόλλωνος ἱερόν ἐστι. Skiros (σ  210), ville d’Arcadie  : Σκίρα δὲ κέκληται, τινὲς μὲν ὅτι ἐπὶ Σκίρῳ Ἀθηνᾷ θύεται, ἄλλοι δὲ ἀπὸ τῶν γινομένων ἱερῶν Δήμητρι καὶ Κόρῃ ἐν τῇ ἑορτῇ ταύτῃ ἐπὶ Σκίρῳ κέκληται. Tainaros (τ 7), ville : πόλις, ἀπὸ Ταινάρου τοῦ Γεραίστου μὲν ἀδελφοῦ, Διὸς δὲ παιδός. ὃς πλέων σὺν Καλάβρῳ τῷ ἀδελφῷ καὶ τόπον τῆς Πελοποννήσου καταλαβών τινα Ποσειδῶνος ἱερὸν ἱδρύσατο, ὃ καλεῖται Ταίναρον.

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Deuxième Partie : Organisation, contenu et sources des Ethniques de Stéphane de Byzance

Tauropolion (τ 55), lieu de Samos : ἐν Σάμῳ Ἀρτέμιδος ἱερόν. Στράβων ιδʹ. Tiburis (τ  120), ville d’Italie  : «  ἐν ᾗ Τιβουρίνιον τέμενος ». αὕτη Πολυστέφανος ὠνομάζετο πρότερον. Triopion (τ  194), ville de Carie  : καὶ τὸ κτητικὸν Τριοπικός. Τριοπικὸν ἱερόν. Ἡρόδοτος α´. Ces mentions sont de manière naturelle rattachées à un nom géographique et non pas une divinité comme c’est le cas dans une liste rassemblée par R. Reitzenstein à partir des glosses du lexique de Cyrille216. Tout en rappelant en note l’œuvre d’Eugène, Reitzenstein préfère un rattachement à Horapollon, par le nombre de mentions de temples égyptiens. Or, il est tout à fait probable qu’Eugène a repris l’œuvre de son prédécesseur et a pu l’amplifier. C’est cette œuvre qui a pu servir de source aux lexiques postérieurs. La forme de certains géonymes rappelle la précision que donne la Souda à propos de l’œuvre d’Eugène : « Sur les noms des temples, comment ils sont formés, par exemple Dionysion, Asklepieion ». Dans la liste de Reitzenstein on notera en particulier la présence de la forme Asklepieion, que l’on retrouve également chez Stéphane de Byzance. Toutefois le reste de cette liste ne trouve aucune correspondance avec Stéphane de Byzance. On notera par ailleurs qu’elle indique de manière systématique la présence d’une diphtongue ει et l’accentuation du mot, ce qui pourrait aussi renvoyer au traité orthographique d’Oros, qui aurait pu utiliser directement les Temenika du grand-père de son compatriote et contemporain Flavius Horapollon. Dans l’Épitomé, une notice est particulièrement intéressante, celle de Kapetôlion (κ 66, le Capitole, à Rome), dans laquelle Stéphane de Byzance nous dit  : «  Le Kapetôleia en tant qu’assemblée est accentué avec un circonflexe sur la pénultième. En effet, tout ce qui a un antécédent en ος précédé par une voyelle, et qui a une syllabe pénultième composée soit d’un seul ι soit précédé par un α afin que la diphtongue αι soit en position finale, est accentué avec un circonflexe sur la pénultième, ou également tous les ktétiques. Asklepeion en effet Asklêpios, Ptolemaeion en effet Ptolemaios  ; Olumpieia à Athènes en effet Olumpios. Le sanctuaire Kapetôlion et Zeus Kapetôlios avec le ι. L’ethnique Kapetôlinos »217. Cette notice contient une 216 

Reitzenstein 1897, p. 313-315. « (…) τὸ δὲ Καπετωλεῖα ἐπὶ τοῦ ἀγῶνος προπερισπᾶται. ὅσα γὰρ ἔχει προϋπάρχοντα εἰς ος καθαρόν, παραληγόμενα ἢ μόνῳ τῷ ι ἢ 217 

citation d’Eudaimon, ce qui pourrait faire d’Oros la source de ce texte et peut-être des autres mentions de la liste relevée par Reitzenstein. Les indications orthographiques et prosodiques de la liste s’apparentent en effet fortement à celles que l’on trouve dans l’Orthographe d’Oros. Il est donc difficile d’affirmer que Stéphane de Byzance a utilisé cette œuvre d’Eugène. 2.3.3. Les œuvres lexicographiques d’Eugène Le second ouvrage lexicographique, le Lexique assorti par ordre alphabétique (Παμμιγῆ λέξιν κατὰ στοιχεῖον), n’a pas été conservé. Il disparaît sans doute très tôt puisque Photios ne le signale pas et que la seule mention post-justinienne est le prœmion de la Souda qui le donne (mais c’est invérifiable) comme une des sources de l’œuvre (Εὐγένιος Αὐγουστοπόλεως τῆς ἐν Φρυγίᾳ, Παμμιγῆ λέξιν κατὰ στοιχεῖον)218. Stéphane de Byzance (s.v.  Anaktorion, α  305) est le seul à citer ce lexique, avec un titre d’ailleurs différent de celui de la Souda. Selon celle-ci, ce lexique par ordre de lettre contiendrait des mots qui présentent une particularité soit dans leur écriture (accent, esprit ou graphie) soit dans leur sens (auquel on pourrait rattacher des légendes ou des proverbes). Il faut noter que l’on trouve dans l’œuvre de Stéphane de Byzance des proverbes, rattachés aux différents géonymes. Nous en avons recensés 21, qui ont, pour certains seulement, des correspondances avec les collections conservées sous le nom de Zenobius ou de Diogenianus, mais qui pour d’autres proviennent d’auteurs anciens comme Strabon ou Éphore. Il est tout à fait possible que ces références soient issues du lexique d’Eugène. À l’exception des proverbes, il n’est pas possible de rattacher directement, même de façon hypothétique, d’autres contenus du lexique d’Eugène dans les Ethniques de Stéphane de Byzance. Une dernière œuvre d’Eugène mentionnée dans la notice de la Souda pourrait être rangée également dans la catégorie lexicographique : il s’agit d’un livre intitulé Sur les noms en ια dont nous n’avons conservé aucune menπροηγουμένου αὐτοῦ τοῦ α ὥστε εἶναι πρὸ τέλους τὴν αι δίφθογγον, προπερισπᾶται, ἢ καὶ ὅσα κτητικά. Ἀσκληπιεῖον, Ἀσκληπιός γάρ· Πτολεμαεῖον, Πτολεμαῖος γάρ· Ὀλυμπιεῖα τὰ Ἀθήνησιν, Ὀλύμπιος γάρ. τὸ δὲ τέμενος Καπετώλιον καὶ Καπετώλιος Ζεὺς διὰ τοῦ ι. τὸ ἐθνικὸν Καπετωλῖνος ». 218  L’authenticité de cette liste reste sujette à caution. La mention du prooemion reprend mot pour mot la notice d’Eugène provenant d’Hesychius de Milet, ce qui rend peu crédible une lecture directe de l’œuvre. On n’avait pas besoin en effet de préciser dans le titre que la ville d’Augustopolis d’où provient Eugène se trouvait en Phrygie.

2. Approche des sources grammaticales des Ethniques tion explicite. La Souda précise « par exemple endeia ou endia, et quand ils s’écrivent de deux manières différentes ». On comprend bien qu’il s’agit des variantes orthographiques -εια et -ια, caractéristiques des traités orthographiques comme on l’a vu ci-dessus pour Oros. Eugène étant cependant moins « technikos » qu’Oros, il est probable que cette œuvre avait également des comparaisons et des développements de type lexical peut-être plus littéraires. Nous reviendrons plus loin (cf. p. 176-177) sur cette œuvre (qu’a peut-être utilisée Stéphane de Byzance) dans l’analyse des autres auteurs tardifs.

2.4. Les autres grammairiens (iiie-ve siècles) Pour les ive-ve  siècles, on note également la présence de deux autres grammairiens bien datés, Helladius d’Alexandrie et Eudaimon de Péluse, et d’un troisième à la datation plus incertaine, Arcadius d’Antioche. Un seul grammairien du iiie siècle est mentionné, Lupercus de Beyrouth. 2.4.1. Helladius d’Alexandrie Prêtre de Zeus à Alexandrie, Helladius d’Alexandrie219 en est chassé en 391. Il se rend à Constantinople où il enseigne sous le règne de Théodose II (408-450) en particulier à Socrate (Hist. Eccl. 5.16.6-9 et 14). Il est nommé dans un édit de Théodose (Cod. Theod. 6.21.1, édit du 15 mars 425) et a probablement exercé son activité d’enseignement dans le cadre de la renaissance de l’Académie sous cet empereur220. La Souda (ε 732 Adler) donne le nom de plusieurs de ses œuvres, assez générales, parmi lesquelles un Lexique de mots variés par ordre alphabétique (Λέξεως παντοίας χρῆσιν κατὰ στοιχεῖον) que Photios pouvait encore lire au ixe siècle. Nous savons par ce dernier (Bibl. 158) que le Lexique d’Helladius avait intégré un certain nombre de notices provenant de la Préparation sophistique de Phrynichos221. Les deux mentions, issues de ce lexique, que l’on trouve chez Stéphane de Byzance se rapportent pour l’une à une forme d’ethnique (Agbatanênos, ethnique 219  Il n’existe pas d’édition de référence ; voir FGrHist no 1092 pour les testimonia seulement ; Gudeman 1912a ; Seeck 1912 ; PLRE II Helladius 2 (= PLRE I Helladius 4)  ; Radicke  1999, p. 340-345 ; Kaster 1997, p. 289. 220  Radicke 1999, p. 345. 221  Voir également la mention dans Bibl. 145.

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d’Agbatana, α 28) et pour l’autre à une origine du nom de Beyrouth chez les Phéniciens (s.v.  Bêrutos, β  88). La première mention peut parfaitement découler des Ethniques d’Oros ; pour la seconde, on retrouve ici la recherche étymologique, très présente chez Oros dans son traité orthographique. Or, nous savons que ce dernier comportait des noms de ville ; Beyrouth y figurait certainement. Le lexique d’Helladius fait partie de ceux que connaissait Photios, et qu’il a très certainement utilisés pour son propre lexique. De ce fait, nous avons certainement dû garder une partie de la matière de ce lexique, même si nous ne savons plus la reconnaître de nos jours. L’étude détaillée que nous avons menée sur le lexique de Photios (cf. supra p. 48-50) montre qu’il n’a pas utilisé Stéphane de Byzance, qu’il ne connaissait probablement pas. La préface de la Souda le nomme également parmi les sources de l’ouvrage, mais elle est considérée comme une interpolation par A. Adler. On ne connaît que deux autres mentions de ce lexique dans notre documentation. La première se trouve dans une des scholies anciennes à Euripide222. La seconde provient des scholies à Denys le Périégète mais est issue de Stéphane de Byzance223. Cela fait peu pour un lexique qui semble de qualité selon Photios. Quoiqu’il en soit, il semble assez difficile de faire d’Helladius une source de Stéphane de Byzance comme certains le considèrent224. Il est probable que les deux mentions de l’Épitomé aient été transmises par un auteur intermédiaire. 2.4.2. Eudaimon de Péluse Un autre grammairien, Eudaimon de Péluse225, est un contemporain et un proche de Libanios, avec lequel il a entretenu une correspondance qui nous est partiellement parvenue ; on situera donc plutôt son floruit dans 222   Scholia in Euripidem (schol. vet. Vita-argumentum, sch. 613) : « σύμβολα· οἱ ἐπιξενούμενοί τισιν ἀστράγαλον κατατέμνοντες θάτερον μὲν αὐτοὶ κατεῖχον μέρος, θάτερον δὲ κατελίμπανον τοῖς ὑποδεξαμένοις, ἵνα, εἰ δέοι πάλιν αὐτοὺς ἢ τοὺς ἐκείνων ἐπιξενοῦσθαι πρὸς ἀλλήλους, ἐπαγόμενοι τὸ ἡμιαστραγάλιον ἀνανεοῖντο τὴν ξενίαν. Εὔβουλος Ξούθῳ· ‘τί ποτ’ ἐστὶν ἅπαντα διαπεπρισμένα ἡμίσε’ ἀκριβῶς ὡσπερεὶ τὰ σύμβολα’. οὕτως Ἑλλάδιος – B ». 223  v. 911 : « οὕτως ὁ Ἑλλάδιος· βήρ γὰρ τὸ φρέαρ παρ’ Ἀσσυρίοις. οἱ δὲ ὅτι βηρύτου τὴν ἰσχύν φασι. – Βοστρηνὸς ποταμὸς Σιδῶνος, ἀφ’ οὗ καὶ πόλις Βόστρα ἐκλήθη. ». 224  Voir par exemple Radicke 1999. 225  Édition de référence : Cohn 1907a. Voir également PLRE I Eudaimon 3 ; Kaster 1997, p. 279-282.

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Deuxième Partie : Organisation, contenu et sources des Ethniques de Stéphane de Byzance

le second tiers du ive siècle. D’après la Souda (ε 3407 Adler), il est l’auteur entre autres d’un traité orthographique sur les noms (Ὀνοματικὴν ὀρθογραφίαν). Les mentions que l’on a de lui chez Stéphane de Byzance relèvent semble-t-il de ce seul traité orthographique, signalé explicitement dans la notice Ailia (α 129)226. On remarque que les 5 mentions de cet auteur concernent toutes des géonymes avec la diphtongue ει, et qu’une des mentions (s.v. Orestia ; ο 89) renvoie directement à Oros. J.  Schneider, qui a analysé l’ensemble des mentions conservées de cet auteur 227, met en évidence le rôle de transmission des grammairiens Oros et Orion pour l’œuvre d’Eudaimon et l’attribution à la seule œuvre orthographique de l’ensemble des mentions conservées. Nous pensons que Stéphane de Byzance a tiré toutes ces mentions du traité orthographique d’Oros que celui-ci avait dû collationner pour les toponymes se rapportant à la diphtongue ει et qu’il a dû ensuite intégrer dans son lexique orthographique. Il n’a pas directement compilé l’ouvrage d’Eudaimon de Péluse.

Dans deux des mentions, Stéphane de Byzance cite dans l’ordre Eudaimon, Arcadius et Oros (s.v. Kapetôlion, κ 66) et Eudaimon et Oros (s.v. Orestia, ο 89). Comme nous connaissons la date d’Eudaimon et d’Oros, il est possible qu’il s’agisse d’un sens de transmission de l’information, donc un ordre chronologique, plaçant Arcadius chronologiquement entre Eudaimon et Oros. Eudaimon et Arcadius étaient utilisés par Oros, et c’est par son intermédiaire que Stéphane de Byzance les cite. Comme nous le verrons, Stéphane de Byzance a calqué sa méthode sur celle de son prédécesseur ; c’est pourquoi nous pensons qu’Oros citait Eudaimon et Arcadius selon un ordre chronologique de transmission. On ajoutera à ces mentions celles de Choiroboscos229. Ici l’ordre est inversé mais Arcadius est toujours positionné entre Eudaimon et Oros. Nous placerons donc Arcadius dans le dernier tiers du ive siècle ou dans le premier tiers du siècle suivant. Il constituerait une génération intermédiaire entre Eudaimon et Oros.

2.4.3. Arcadius d’Antioche

Le grammairien le plus ancien pour cette période, Lupercus de Beyrouth230, a vécu selon la Souda peu avant Claude II (soit au milieu du iiie siècle de notre ère). Il n’est mentionné qu’une fois, à propos d’une variante de Nêrikos (ν 45), ville d’Acarnanie, qui s’écrivait soit au masculin (Nêritos) soit au neutre (Nêriton). Il est possible que cette mention soit issue de son ouvrage Sur les genres masculin, féminin et neutre (Περὶ γενῶν ἀρρενικῶν καὶ θηλυκῶν καὶ οὐδετέρων). En effet, la Souda précise qu’avec cette œuvre (en 13  livres), Lupercus surpassa Hérodien, ce qui le place lui aussi dans cette filiation intellectuelle qui aboutit à Oros. Toutefois la mention unique de Lupercus rend compte d’une influence certainement modeste de ce grammairien durant l’Antiquité tardive, ce qui explique le peu de mentions conservées de cet auteur.

Les citations tirées d’ouvrages orthographiques nous permettent de mieux dater un troisième grammairien, Arcadius d’Antioche228. Celui-ci est connu par une notice de la Souda (α 3948 Adler) ; on lui associe, de manière erronée, un abrégé de l’œuvre d’Hérodien attribué au pseudo-Arcadius. Il est fréquent de dater cet auteur du Haut-Empire, autour du second siècle de notre ère. Or, les mentions de Stéphane de Byzance peuvent nous éclairer : elles concernent des géonymes présentant des diphtongues ει ou αι : Aigostheneia (variante d’Agosthena, α  109), Daskuleion (variante de Daskulion, δ  26), Zephureion (variante de Zephurion, ζ 17), Lurnatieius (variante de Lurnatieus, ethnique de Lurnatia, λ 112), Molukraios (variante de l’ethnique de Molukria, μ 205) ; ou au contraire écrits avec un ι : Niphatês (ν 68) présenté comme une variante avec i du verbe neiphein, Chairônikê ktétique de Chairôneia (χ 6), Aktia (α 177). Le lien est fait une fois avec Eudaimon, cité avant Arcadius dans la notice de Daskulion (δ 26). 226  La préservation de la mention, accompagnée d’une courte citation, s’explique peut-être par le positionnement de la notice au sein de l’Épitomé : elle est dans la partie la mieux conservée, abrégée seulement une fois. 227  Schneider 1999, p. 753-759. 228  Cohn 1895 ; PLRE II Arcadius 3 ; Kaster 1997, p. 244.

2.4.4. Lupercus de Beyrouth

229  Grammatici Graeci IV 196, 33 : « ὄτι σημειοῦνται ὁ Ὦρος καὶ ὁ Ἀρκάδιός τινα εἰς ις κύραια ὀνόματα διὰ καθαροῦ τοῦ ος κλινόμενα » et 205,29 : « ὅτι ὁ Ὦρος καὶ ὁ Ἀρκάδιος καὶ ὁ Εὐδαίμων ἄκλιτον εἶναι λεγοθσι τὸ μείς ». 230  Édition de référence : FGrHist no 636 (= TLG 2439). Voir également Gudeman 1927 ; Kaster 1997, p. 305.

3. Approche des sources lexicales des Ethniques Hormis quelques listes souvent réduites, l’Épitomé de Stéphane de Byzance est le seul lexique à caractère géographique à avoir survécu de façon un peu complète ; mais nous avons vu supra (p. 87) qu’il ne prétend pas couvrir tout le champ lexical des géonymes puisqu’il est limité aux formes dérivées. Pour essayer de retrouver d’éventuels lexiques ayant pu servir de source à Stéphane de Byzance, il est important d’analyser les lemmes provenant d’œuvres lexicographiques qui sont parvenues jusqu’à nous grâce aux érudits byzantins, chacun d’eux constituant l’aboutissement d’un chemin issu de l’érudition gréco-romaine1. Nous avons vu ci-dessus (p. 58-60) la difficulté de retrouver la composition originale des différentes compilations que nous regroupons sous le terme d’Etymologica. Pour beaucoup, il s’agit de travaux qui sont datés des xiie et xiiie siècles ; nous ne les étudierons pas ici car ils dérivent de lexiques plus anciens. Nous garderons toutefois dans notre corpus l’Etymologicum Genuinum daté du ixe siècle, qui intègre des notices provenant de lexiques plus anciens et sert de source directe à l’Etymologicum Gudianum et par-delà à l’Etymologicum Magnum. Le problème de la composition des lexiques est complexe car ils ont souvent fait office de véritable outil de travail pour les érudits de toutes les périodes, chacun l’amplifiant ou le diminuant à son gré2. Notons d’ailleurs qu’à l’exception peut-être du lexique dit d’Harpocration, nous n’avons pas non plus conservé intact de lexique antique ou tardo-antique3. C’est pourquoi nous allons commencer par dresser un état des lieux.

1 

N. De Santis débute son analyse de l’œuvre de Stéphane de Byzance par un état de la lexicographie antique (De Santis 2013, p.  4-12). Voir également Billerbeck, Neumann-Hart­ mann 2021, p. 57-58. 2   Sur la lexicographie, voir l’article Lexikographie dans la RE (Tolkiehn  1925) et la mise au point générale d’Adrados et al. 1977. Sur les œuvres des érudits antiques et byzantins, l’ouvrage d’E. Dickey est précieux (Dickey 2007). 3  E. Dickey indique pour les différents lexiques les fragments retrouvés sur papyrus (par exemple Dickey 2007, p. 24-25 pour le lexique homérique d’Apollonios Sophista)  ; ces derniers sont toujours beaucoup plus détaillés que les textes que la tradition manus­crite nous a transmis.

Nous étudierons ensuite plus en détail les différentes traditions issues des lexiques que nous avons conservés, uniquement par le filtre des géonymes afin de garder le lien avec les Ethniques. Le fil conducteur reste la discrimination des lexiques qui ont suffisamment de ressemblance avec Stéphane de Byzance pour soit en constituer la source soit avoir en commun une information provenant d’une même source lexicographique4.

3.1. Les lexiques antiques et la tradition lexicographique Notre réflexion prendra pour point de départ la longue introduction que M.  Bonelli consacre aux lexiques en préalable à la publication d’une de ces œuvres, le Lexique platonicien de Timée le Sophiste5. Comme elle l’explique clairement, démêler les différents états des lexiques est une œuvre complexe. Ainsi il existe très tôt (dès le ixe  siècle  ?) une version longue et une version courte du lexique dit d’Harpocration. De même, nous suivrons volontiers M. Bonelli lorsqu’elle propose de voir dans les deux éditions qu’a lues Photios du lexique de Denys d’Halicarnasse le jeune, une version ancienne et une version remaniée (plutôt que deux éditions d’une même œuvre comme l’indique Photios). Il faut imaginer que durant les sept  siècles qui séparent Denys du patriarche byzantin, le texte a déjà pu subir des remaniements importants. Il en est de même d’ailleurs du lexique connu sous le nom de Synagôgê, dont l’édition critique a été publiée récemment ; l’éditeur a mis en évidence plusieurs phases de remaniement avant même que Photios ne l’utilise pour son lexique6. Ainsi, chaque phase d’érudition (le début du ixe  siècle, l’époque de Photios, le règne de Constantin Porphyrogénète, la rédaction de la Souda, les « étymologues »7 et érudits du xiie siècle puis 4 

Enfin, il est important de noter que nous n’effectuerons pas une étude trop approfondie des lexiques présentés ici. Ceci constituerait une recherche spécifique qui dépasse largement le cadre de notre publication. 5  Bonelli 2007. 6  Cunningham 2003. 7  Si on nous permet ce néologisme afin de ne pas employer le

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Deuxième Partie : Organisation, contenu et sources des Ethniques de Stéphane de Byzance

ceux œuvrant sous les Paléologue …) ont pu entraîner des transformations et des emprunts d’un ouvrage à l’autre. On notera d’ailleurs que le texte de Stéphane de Byzance s’est trouvé en partie éloigné de ce processus. Son ampleur le destinait plutôt à des travaux de type encyclopédique (Constantin, les Etymologica  …) ou d’exégèse savante (comme les commentaires d’Eustathe de Thessalonique) mais n’a pas été traité comme les autres lexiques et est resté d’usage quasi confidentiel8. Si l’on excepte les lexiques platoniciens ou ceux en lien avec des domaines très spécifiques (comme les lexiques de termes médicaux)9, qui sortent du cadre de notre étude, on retiendra pour notre propos trois grandes catégories de lexiques : d’abord les généralistes, puis ceux portant sur une langue grecque non classique ou dialectale et enfin les lexiques de langue attique qui furent relativement nombreux au cours de l’Empire romain. Il s’agit avant tout pour nous de confronter les textes des lexiques conservés et d’essayer de retrouver des sources communes avec Stéphane de Byzance. Dans cette longue chaîne chronologique, nous avons plusieurs marqueurs. Après avoir regardé en détail ceux qui sont parvenus jusqu’à nous, il nous a semblé important d’analyser ce que l’un des auteurs majeurs de l’érudition byzantine, Photios, a pu écrire à leur sujet. 3.1.1. Les lexiques de langue grecque Nous ne traiterons pas ici des lexiques en latin. Ceux en langue grecque peuvent être analysés par grandes catégories. Nous en resterons à des considérations générales, sans entrer dans le détail de chaque catégorie lexicographique. Les lexiques de langue non attiques Si l’on attribue généralement l’invention de la lexicographie grecque10 à Philétas de Cos, vers la fin du ive siècle av.  J.-C., ce sont surtout les travaux des grammairiens alexandrins qui développent le genre par le biais de l’étude philologique des textes rassemblés dans la biblioterme d’étymologiste qui, en français, a un sens différent. 8  Il est probable que beaucoup de géonymes ne trouvaient déjà plus guère d’écho à l’époque médiévale. L’intérêt pour ce type de lexique était déjà moindre dès le xiiie siècle. 9   Voir l’aperçu historique de la lexicographie antique que donne M. Bonelli en introduction de son ouvrage (Bonelli 2007, p. 42-58). 10   Sur l’ensemble de la lexicographie, voir Serrano Aybar 1977 ; Bonelli 2007, p. 45-48.

thèque du Musée. Il faut noter d’ailleurs que le premier bibliothécaire, Zénodote d’Éphèse, est un disciple de Philétas de Cos. Son successeur, Callimaque, est également l’auteur d’œuvres lexicographiques et le premier à rédiger un catalogue des œuvres11. On connait par Hesychius et Athénée l’œuvre du lexicographe macédonien Amérias (Les mots, Γλῶσσαι), au iiie siècle av. J.-C. et par Athénée le très gros ouvrage (plus de cent livres) de Dorothée d’Ascalon. Le terme même de « glosse » désigne à l’origine, d’un point de vue étymologique, les termes désuets ou provenant de dialectes grecs12. À  la même époque, Aristophane de Byzance compose un lexique organisé de manière thématique13. Son disciple, Aristarque de Samothrace, poursuit son étude des textes homériques et est à l’origine d’une école tournée vers l’étude du vocabulaire. D’autres lexiques correspondent à des dictionnaires thématiques, par genre littéraire, voire par auteur14. Le plus important de ces auteurs, semble-t-il, est Pamphile d’Alexandrie, grammairien du milieu du ier siècle de notre ère (?), de l’école d’Aristarque selon la Souda (π 142 Adler), qui rédigea un Sur les mots ou expressions (Περὶ γλωσσῶν ἤτοι λέξεων) en 405  livres, prolongeant celui de Zopyrion (qui avait rédigé les lettres Α à Δ)15. Son œuvre reprend également les mentions de Philétas de Cos, le citant sous la forme Φιλήτας ἐν Ατάκτοις (sous-entendu γλῶσσαι). Sous le règne d’Hadrien, Julius Vestinus écrit un abrégé de Pamphile (Ἐπιτομὴν τῶν Παμφίλου Γλωσσῶν) en 94 livres (Souda ο  835 Adler). À  la même époque si l’on en croit la Souda (δ  1140 Adler), le grammairien Diogenianus d’Héraclée rédige des Expressions de toute sorte par ordre alphabétique (Λέξις παντοδαπὴ κατὰ στοιχεῖον) qui constituent un abrégé en 5 livres de l’œuvre de Pamphile et Zopyrion, par l’intermédiaire de l’épitomé de Julius Vestinus. C’est probablement le lexique que mentionne Photios. 11 

Sur tout ceci, voir Serrano Aybar 1977, p. 65-66. Outre les exemples nombreux regroupés dans le lexique d’Hesychius, on trouve un petit lexique intitulé Γλῶσσαι κατὰ πόλεις dans un manus­crit du Vatican, publié dans les Anecdota Graeca de Bekker 1814-1821, III, p. 1095-1096, qui donne la traduction d’un certain nombre de mots non grecs par entité linguistique (analyse dans Latte 1924 avec une vue d’ensemble et de façon plus restrictive par Bowra 1959). 13 Voir Serrano Aybar 1977, p. 67, 69 et Fraser 2009, p. 21. Un fragment du lexique a été conservé dans un manus­crit du mont Athos des xiiie-xive siècles, publié par Miller 1868, p. 427-434. 14  Serrano Aybar 1977, p. 70-72 et 76-82. 15  Sur le nombre de livres du lexique de Pamphile, voir ci après, Conclusion générale p. 368. 12  

3. Approche des sources lexicales des Ethniques L’abrégé de Diogenianus est une des sources principales du lexique connu sous le nom d’Hesychius (d’Alexandrie) et intitulé Collection alphabétique de tous les mots (Συναγωγὴ πασῶν λεξέων, κατὰ στοιχεῖον)16. Cette œuvre, amplification du vie siècle du lexique de Cyrille (ve siècle), a survécu dans un seul manus­crit très tardif (Marcianus gr. Z. 622 [diktyon 70093], début du xve siècle) et très corrompu. Dans la préface rédigée sous forme de lettre, l’auteur indique avoir utilisé avant tout Diogenianus mais également Aristarque de Samothrace, Apion, Héliodore, Amérias et d’autres auteurs, peutêtre de manière indirecte. Il ne serait pas étonnant qu’il s’agisse plutôt des sources de Diogenianus (voire de Pamphile ?). Nous reviendrons plus loin sur ce lexique. Les lexiques « attiques » La tendance atticiste est très nette sous le règne du plus philhellène des empereurs romains, Hadrien (117-138)17. Il charge Julius Vestinus, signalé ci-dessus comme l’auteur de l’abrégé de Pamphile, de la direction du Musée d’Alexandrie et des bibliothèques de Rome 18. D’après la Souda (ο 835 Adler), outre l’abrégé de Pamphile que nous avons signalé ci-dessus, ce véritable spécialiste de la langue attique avait écrit une Sélection des mots de Démosthène (Ἐκλογὴν ὀνομάτων ἐκ τῶν Δημοσθένους βιβλίων) et une Sélection des mots de Thucydide, Isée, Isocrate et Thrasymaque et les autres orateurs (Ἐκλογὴν ἐκ τῶν Θουκυδίδου, Ἰσαίου, Ἰσοκράτους καὶ Θρασυμάχου τοῦ ῥήτορος καὶ τῶν ἄλλων ῥητόρων). À la même époque, on connait également Valerius Pollion, dont Photios pouvait lire encore le lexique attique 19, appelé par la Souda (π  2166 Adler) Collection d’expressions attiques (Συναγωγὴν Ἀττικῶν λέξεων κατὰ στοιχεῖον). Il est également signalé dans l’article que la Souda (δ  1150 Adler) consacre à son fils Valerius Diodorus. Ce dernier est l’auteur d’une « exégèse » sur des questions issues des dix orateurs (π 2166 Adler : ὁ γράψας ἐξήγησιν τῶν ζητουμένων παρὰ τοῖς ιʹ ῥήτορσιν). Les deux notices de la Souda se renvoient l’une à l’autre, chacune faisant référence à l’œuvre de l’autre. Nous 16   Le lexique est intégralement publié dans une édition scientifique réalisée par K. Latte (Latte 1953-1966), poursuivi par Hansen 2005 et Hansen, Cunningham 2009. 17 Voir Serrano Aybar 1977, p. 93-96. 18  Voir l’inscription perdue IG XIV 1085. 19  Photios ne précise pas que le lexique qu’il a lu concerne le vocabulaire attique, c’est pourquoi nous l’avons classé parmi les lexiques généralistes. Il semble toutefois vraisemblable qu’il s’agisse du lexique mentionné dans la Souda.

137 reviendrons plus loin (p. 152-153) sur un autre lexique consacré aux orateurs attiques, celui d’Harpocration que l’on a conservé dans une version encore relativement complète. Toujours sous Hadrien, Denys d’Halicarnasse le jeune (descendant de l’historien homonyme de l’époque augustéenne) et Pausanias écrivent chacun un lexique lu par Photios. Eustathe de Thessalonique pouvait encore utiliser leur texte à la fin du xiie siècle ; c’est sur la base en particulier de ses citations que l’on a pu proposer une reconstruction du texte de ces deux lexiques 20. On connaît également ceux de deux auteurs nommés Philémon 21, le premier du iii e-ii e  siècle av.  J.-C. et le second de la fin du iie siècle de notre ère. Ils ont tous deux composés un lexique de mots attiques. Enfin on connaît la Préparation Sophistique de Phrynichos qui se veut une application stricte du vocabulaire et des constructions grammaticales attiques. À la fin de l’Antiquité encore, Oros d’Alexandrie écrit un lexique des mots attiques (Ἀττικῶν λέξεων συναγωγή) pour réfuter Phrynichos. Nous renvoyons à ce que nous en avons dit supra (p. 122-124). Il s’agit donc d’un genre important, qui trouve sa source dans une réaction face à la koinè de l’époque hellénistique et est très à la mode au iie siècle de notre ère. Les lexiques thématiques ou spécialisés Certains lexiques sont organisés de manière thématique et non de façon alphabétique. L’un de ceux-ci est écrit à l’époque de Marc Aurèle par Julius Pollux, maître de rhétorique du jeune Commode. Il s’agit de l’ouvrage appelé Onomasticon (Ὀνομαστικόν), dont nous avons conservé un abrégé. Il donnait des listes de mots avec des indications, classés par matière. Il est en ce sens probablement révélateur d’un mode de classement peut-être fréquent dans l’Antiquité mais qui a disparu de nos lexiques avec les réécritures byzantines22. Les manus­crits dont nous disposons descendent, par quatre exemplaires incomplets, d’un même archétype possédé et annoté par Aréthas de Césarée (1er tiers du xe siècle). Il inclut de nombreux fragments d’auteurs en particulier attiques. On peut ajouter à notre tour d’horizon plusieurs lexiques spécialisés comme celui que l’on peut faire 20 

Erbse 1950.

21 Voir Dickey 2007, p. 98-99. 22  Nous suivons Bearzot et al. 2007 (en particulier l’article de Tosi 2007) et le compte-rendu fait par P. Rance pour Bryn Mawr Classical Review (2008.11.28).

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Deuxième Partie : Organisation, contenu et sources des Ethniques de Stéphane de Byzance

remonter à Herennius Philon (Περὶ διαφόρους σημασίας) et que l’on trouve décliné sous plusieurs noms différents, du pseudo-Ammonius (Περὶ ὁμοίων καὶ διαφόρων λέξεων) à Ptolémée (Περὶ διαφορᾶς λέξεων)23. Il s’agit d’un lexique expliquant les différences entre des homonymes ou des synonymes. Dans la même lignée, mais d’un point de vue étymologique, il faut noter la conservation, toujours sous forme abrégée, d’un autre lexique, celui d’Orion (Ἐτυμολογικόν ou Περὶ ἐτυμολογίας)24. Enfin, plusieurs lexiques tirent leurs lemmes de textes religieux chrétiens. Le plus célèbre d’entre eux, celui de Cyrille, est à l’origine de toute une série de lexiques plus tardifs par amplification et ajout de parties d’autres lexiques. Non encore publié intégralement25, nous avons pu en prendre connaissance au travers des apparats critiques de plusieurs lexiques postérieurs (comme la Synagôgê ou Hesychius) qui ont intégré le texte d’origine de ce lexique. 3.1.2. Les différents lexiques à l’époque de Photios Au ixe  siècle, le patriarche de Constantinople, Photios, auteur lui-même d’un Lexique assez détaillé, a lu plusieurs lexiques, dont il donne un aperçu rapide dans sa Bibliothèque26. Nous allons les passer en revue car il témoigne de façon certaine des ouvrages qui existent encore à son époque et qu’il a pu utiliser pour son propre lexique27. Les lexiques généralistes On trouve d’abord six lexiques « généralistes » auquel on en rattachera un septième, la Préparation Sophistique de Phrynichos, qui est à cheval avec les lexiques attiques. 1. Le Lexique alphabétique (Λεξικὸν κατὰ στοιχεῖον) d’Helladius (cod.  145), grammairien grec de la fin du ive et de la première moitié du ve siècle que nous avons étudié supra (p. 133). Photios donne sur cette œuvre plusieurs indications : 23 Voir

Dickey 2007, p. 94-95 pour le détail de ces lexiques et les éditions principales. 24  Dickey 2007, p. 100. Le texte le moins abrégé, ainsi que deux versions courtes, ont été publiées par Sturz (1818-1820). 25   Un des manus­c rits (E) a fait l’objet d’une transcription et d’une étude intégrale, publiée en ligne (kups.ub.uni-koeln. de/1813/) par U. Hagedorn (Hagedorn 2005). 26  Nous renvoyons à l’édition et à la traduction de R. Henry dans la Collection des Universités de France (Henry 1959-1977). 27  Nous les avons numérotés de 1 à 17 pour mieux les distinguer et pouvoir nous y référer dans la suite de notre étude.

– elle est importante en taille puisqu’il la lit dans une édition en 7 livres. Le lexique est selon lui le plus « copieux », πολύστιχος (terme que l’on pourrait peut-être traduire ici par « complet ») ; – les lemmes sont classés par ordre alphabétique pour la seule première syllabe ; – les lemmes sont soit des mots soit des expressions provenant avant tout de textes en prose ; – il contient des citations d’orateurs et de poètes ; – de nombreuses expressions reprennent celles de la Préparation à la sophistique de Phrynichos (cf.  ci-après no 7), qui en a constitué une des sources comme l’indique lui-même Photios (cod.  158). Chez Helladius, ces expressions semblent réparties selon les mots qui la composent : « Helladius se bornait à collectionner des mots et, s’il a réuni de ces membres de période, c’est en les confondant dans le contexte de son lexique qu’il les y a placés »28 (trad. Henry). Il faut noter que nous n’avons conservé aucun lexique placé sous l’autorité de cet auteur. Au vu de l’éloge qu’en dresse Photios, il serait étonnant qu’il ne l’ait pas luimême utilisé et il doit donc se retrouver assez largement dans son propre lexique. 2 à 4. Trois lexiques alphabétiques anonymes, l’un pour le style pur (Λεξικὸν κατὰ στοιχεῖον καθαρᾶς ἰδέας, cod. 146), le second pour le style grave (Λεξικὸν σεμνῆς ἰδέας  … κατὰ στοιχεῖον, cod.  147) et la troisième pour l’éloquence politique (Λεξικὸν ἰδίως λόγου πολιτικοῦ  … κατὰ στοιχεῖον, cod. 148). Ils sont tous les trois plutôt volumineux (nous n’avons pas d’indication pour le premier, le second a plus de 3 livres et le troisième comporte 3 livres) mais Photios donne très peu de détail à leur sujet. Il est clair qu’il ne connaissait pas le nom de leurs auteurs ; il s’agit peut-être de compilations érudites ayant pu servir de manuel pratique. Nous n’avons pas conservé de lexique de ce type, qui relève d’ailleurs avant tout du domaine de la rhétorique très en vogue dans l’Antiquité comme durant tout le Moyen Âge byzantin. 5. Le Lexique alphabétique (Λεξικὸν κατὰ στοιχεῖον) de Valerius Pollion (cod. 149) contient principalement des termes poétiques. Photios ne donne pas de précision 28  « Ἑλλάδιος δὲ λέξεις ἀθροίζων ἁπλῶς, καὶ εἴ τι τῶν τοιούτων συνέταξε, τῷ κοινῷ λόγῳ τῶν λέξεων καὶ ταῦτα συμπεριειληφὼς ἐναπέθετο ».

3. Approche des sources lexicales des Ethniques sur sa composition, mais il est selon lui d’une taille deux fois moins importante que celui de Diogenianus (no 6). S’agit-il d’un lexique attique (cf. supra p. 137) ? 6. Apparaît de manière incidente à propos du lexique d’Helladius (n o  1) et de celui de Pollion (n o  5) la Collection (Συλλογή) réunie par Diogenianus qui, d’après Photios, contient surtout des lemmes issus des poètes et qui est deux fois plus volumineux que celui de Valerius Pollion. De nos jours, nous n’avons conservé sous ce nom qu’un recueil de proverbes29. 7. La Préparation sophistique (Σοφιστικῆς παρασκευὴ) de Phrynichos l’Arabe (cod. 158). On signalera que Photios le trouvait trop « verbeux et diffus » (λάλος καὶ περιττός) et proposait de le réduire à moins du cinquième. Nous avons conservé un abrégé de cette œuvre30, qui tire peutêtre son origine de cette remarque. En outre : – Photios donne de très nombreuses indications sur les diverses dédicaces des livres qui le composaient ; – l’ouvrage était selon une indication de Phrynichos lui-même au moins en 37 livres mais Photios dit n’en avoir eu que 36 dans le texte qu’il lisait (contenant la préface et toutes les lettres de l’alphabet)31 ; – le texte est classé par ordre alphabétique. Les lexiques attiques Six lexiques entrent dans le champ des lexiques attiques. 8. Le Lexique alphabétique des mots des dix orateurs (Λεξικὸν  … τῶν παρὰ τοῖς δέκα ῥήτορσι λέξεων κατὰ στοιχεῖον) d’un certain Julien (cod.  150) qui nous est totalement inconnu. En voici le détail : – le livre est volumineux ; – il contient trois types de lemmes, provenant des orateurs : les termes juridiques athéniens, ceux se rapportant à l’histoire de leur cité et ceux provenant des coutumes ancestrales ; – la comparaison avec les deux autres lexiques sur le même thème est à l’avantage de ce lexique. 29   Le titre dans les manus­c rits en est  : Παροιμίαι δημώδεις ἐκ τῆς Διογενειανοῦ συναγωγῆς, ce qui implique qu’il s’agit d’un extrait d’une Synagôgê beaucoup plus importante. Voir Cohn 1903, col. 782-783. Nous reviendrons plus loin sur ce lexique fondamental. 30  De Borries 1911. 31 La Souda (φ 764 Adler) indique « 47 livres, d’autres disent 74 livres » (βιβλία μζ΄, οἱ δὲ οδ΄).

139 Il faut noter que ce lexique ressemble assez fortement à celui que nous connaissons actuellement sous le nom d’Harpocration  : même contenu et peut-être même ampleur à l’origine (cf. infra p. 153). On peut se demander en outre si le nom de Ἰουλίανος n’est pas à mettre en correspondance avec l’un des dédicataires de la Préparation sophistique de Phrynichos que mentionne Photios. 9. Un autre Lexique similaire par Philostrate de Tyr (cod. 150) dont le contenu n’est pas détaillé. 10. Photios mentionne un troisième lexique sur le même sujet par Diodore, fils de Valerius Pollion (cod. 150). Il trouve plus de citation dans le lexique des orateurs attiques de Julien. Pour lui, l’un des deux lexiques (de Julien ou de Diodore) a copié l’autre, sans qu’il puisse dire lequel était le plus ancien. Cela signifie qu’il a probablement trouvé chez nos deux auteurs des phrases identiques. 11. Les Mots attiques par ordre alphabétique (Ἀπὸ τοῦ α μέχρι τοῦ ω τὰς ἀττικὰς λέξεις κατὰ στοιχεῖον) de Denys d’Halicarnasse le jeune (cod.  152). Il le décrit de la façon suivante : – le lexique est en 5 livres ; – les lemmes semblent être entièrement ordonnés par ordre alphabétique ; – le vocabulaire est spécifiquement celui des auteurs (orateurs ?) attiques et comprend les mots se rapportant aux festivités et à la justice, ainsi que des expressions. Il existe une seconde version, également en 5 livres, plus complète, qui présente en fait toutes les caractéristiques d’une version plus ancienne : elle contient des mots supplémentaires tandis que les citations sont plus nombreuses. Le fait que Photios n’ait pas vu que l’un était l’abrégé de l’autre signifie probablement que les différences apparentes de datation entre les deux manus­ crits (en particulier au niveau de l’écriture) n’étaient pas flagrantes. Il est assez étonnant que Photios suggère de fondre les deux éditions en une seule si la seconde version est plus ample que la première. Ce lexique a été reconstitué par E. Erbse sur la base des mentions conservées32. 12. Le Lexique alphabétique (Λεξικὸν κατὰ στοιχεῖον) de Pausanias (cod.  153). Les lemmes sont plus nombreux que dans le lexique de Denys mais ont moins de 32 

Erbse 1950.

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Deuxième Partie : Organisation, contenu et sources des Ethniques de Stéphane de Byzance

citations. Ce lexique a également été reconstitué par E. Erbse33. 13. Le lexique alphabétique intitulé l’Atticiste (Ἀττικιστής· κατὰ στοιχεῖον) attribué à Moeris (cod. 157). Photios parle d’un petit ouvrage, ce qui correspond bien au texte que nous avons conservé sous ce nom. Les lexiques spécialisés Enfin, quatre lexiques font partie des lexiques spécialisés. 14 à 16. Trois lexiques platoniciens34 : les Mots employés par Platon (Περὶ τῶν παρὰ Πλάτωνι λέξεων κατὰ στοιχεῖον) de Timée (cod.  151), qui est (en partie  ?) parvenu jusqu’à nous  ; la Collection alphabétique de mots platoniciens (Λέξεων πλατωνικῶν συναγωγὴ κατὰ στοιχεῖον) de Bœthos (cod.  154)  ; et le lexique anonyme Sur les mots difficiles chez Platon (Περὶ τῶν παρὰ Πλάτωνι ἀπορουμένων λέξεων, cod.  155), dédié à Athénagoras et qui pourrait correspondre au (pseudo) Didyme mentionné par l’Etymologicum Genuinum35. 17. Un Lexique alphabétique sur les mots étrangers (Περὶ τῶν ξένως εἰρημένων λέξεων κατὰ στοιχεῖον) de Dorothée (cod. 156). Il est important de noter que tous ces lexiques étaient encore pleinement accessibles à l’époque de Photios. Certains d’entre eux ont été probablement utilisés pour son propre Lexique, si leur découverte n’est pas plus tardive que sa rédaction (on pense qu’il s’agit d’une œuvre de jeunesse). D’un point de vue codicologique, il est particulièrement intéressant de voir que Photios disposait d’un manus­crit qui contenait à la fois le lexique de Timée, celui de Denys d’Halicarnasse (la version abrégée), le lexique de Pausanias, le lexique platonicien de Bœthos, celui des Mots difficiles chez Platon, le lexique de Dorothée et peut-être celui de Moeris (dont la description vient à la suite des précédents et avant l’œuvre importante de Phrynichos). Ainsi se trouvaient réunis dans un même volume à la fois des lexiques attiques et ceux relevant de la tradition platonicienne. Ce manus­crit est certainement à la source des textes que nous avons conservés (Timée, Moeris) ou de ceux qu’Eustathe de 33 

Erbse 1950. Voir l’introduction de Bonelli 2007, en particulier p. 37 pour le lexique de Bœthos. 35   Signalé par Henry, p.  114, n.  2 (attribué par erreur à Photios) : s.v. παρέμενος. 34 

Thessalonique connaissait encore à son époque (Denys d’Halicarnasse et Pausanias) et qui ont disparu probablement au début du xiiie siècle. Après ce premier regard sur les lexiques conservés dans la seconde moitié du ixe siècle, nous pouvons revenir à l’analyse de l’information géographique dans les principaux lexiques antiques qui nous sont connus. 3.1.3. Les traditions de l’information géographique dans les lexiques de l’époque byzantine Les différents lexiques et autres Etymologica conservés dans les manus­crits médiévaux intègrent une information géographique relativement abondante, qu’il est possible de comparer pour essayer de retrouver les traditions dont ils procèdent, c’est-à-dire les œuvres lexicales plus anciennes qu’ils intègrent. Les lexiques qui sont parvenus jusqu’à nous datent dans leur très grande majorité de l’époque byzantine36. Pour retrouver les sources de ces différents lexiques, nous avons comparé les textes entre eux, avant de les étudier de façon plus spécifique. Nous avons travaillé sur des corpus partiels que nous espérons suffisamment représentatifs. Le premier concerne les définitions géographiques (en incluant des noms communs en rapport avec la géographie ; voir l’exemple de l’Annexe 2) ; le second porte sur les dèmes et les tribus attiques37. Enfin, le troisième, le plus étendu et qui nous a véritablement servi de source pour cette étude, concerne tous les géonymes commençant par la lettre α qui sont attestés par un autre lexique que l’Épitomé38. À chaque fois, nous avons analysé les notices correspondantes chez Stéphane de Byzance. La comparaison entre tous ces lexiques met plus facilement en évidence les différentes traditions dont ils sont issus. Nous en avons déterminé 7 principales. 36  Nous avons signalé plusieurs d’entre eux dans la première partie de notre étude : celui de Photios (p. 48-50), l’Etymologicum Genuinum (p. 58-59), l’Etymologicum Symeonis et l’Etymologicum Magnum (p. 58-60), le lexique du pseudo-Zonaras (p. 63), l’Etymo­ logicum Casulanum (p. 59-60). Nous renvoyons aux différents chapitres pour le détail des éditions. On pourra ajouter quelques lexiques regroupés dans les Lexica Graeca Minora de K. Latte et H. Erbse (Latte, Erbse 1965), l’ouvrage qui reste encore important de R. Reitzenstein (Reitzenstein 1897), son article Etymologika dans la RE (Reitzenstein 1907) et l’article Etymologica dans la Neue Pauly (Bd 4, col. 198-200). Pour l’ouvrage plus encyclopédique de la Souda, voir ci-dessus, p. 16 et 55. 37  Ce corpus constitue l’annexe II-3 de notre thèse. 38  L’annexe II-4 de notre thèse reprend la totalité des géonymes mentionnés dans les lexiques que nous avons conservés pour cette lettre.

3. Approche des sources lexicales des Ethniques Il faut noter que par « tradition » nous entendons le chemin pris par une information donnée, ayant une mise en forme proche qui implique une source particulière mais pas forcément identifiée. La première (tradition 1) relève avant tout du lexique d’Hesychius et se rattache directement semble-t-il à celui de Diogenianus. Suivant ses propres termes, Hesychius reprend en effet de façon principale la matière provenant de ce grammairien du iie siècle de notre ère. Pour des géonymes qui ne présentent pas à priori de forme dialectale, on supposera qu’Hesychius, à son époque, a utilisé principalement sa source première et a réservé l’utilisation des autres lexiques pour les lemmes issus des dialectes grecs ou non grecs qui parsèment son œuvre. Le nombre de géonymes est relativement limité (209 entrées seulement parmi les 9 002 lemmes de la lettre α) : Hesychius n’a pas cherché spécifiquement ce type de glosses mais ne les a pas refusées lorsqu’il les trouvait. Nous pensons qu’il s’agit principalement (sauf en cas de doublon) d’une tradition renvoyant à Diogenianus. Il est possible également de rapprocher de cette tradition un certain nombre de lemmes que l’on trouve dans la Souda et qui présentent les mêmes caractéristiques formelles, comme nous le verrons ci-dessous. Le lexique dit d’Harpocration semble constituer un intermédiaire obligé pour les toponymes se trouvant dans plusieurs lexiques. Il constitue la seconde tradition (tradition 2), la plus facile à mettre en évidence puisque nous avons conservé le texte source et sur laquelle nous reviendrons plus longuement (p. 152-153). Il sert souvent à la Synagôgê, ouvrage anonyme connu par des manus­crits dont certains remontent au ixe siècle, que Photios semble reprendre assez régulièrement dans son propre Lexique. La réalité de la transmission est probablement un peu plus complexe comme le montre l’édition récente de la Synagôgê et l’étude conduite par son auteur sur les rapports des différents lexiques entre eux39. Nous avons placé dans la troisième tradition les lexiques attiques de Pausanias ou de Denys d’Halicarnasse le jeune (tradition 3) qui sont perdus de nos jours mais qui ont fait l’objet d’une reconstitution par H. Erbse grâce aux sources érudites byzantines40. Ces deux lexiques sont souvent associés et ont servi aussi bien à Photios qu’à Eustathe de Thessalonique 41. Les géo39 

Cunningham 2003. Erbse 1950. 41  Les glosses attiques dans le lexique de Photios ont fait l’objet d’une étude spécifique de G. Wentzel (Wentzel 1895). Celui-ci avait déjà mis en évidence la présence de lemmes issus de Denys et de 40 

141 nymes semblent cependant assez peu présents dans ces lexiques, si l’on se fie à la reconstruction qui en a été faite. La quatrième tradition sera pour nous celle de Stéphane de Byzance (tradition 4). Nous ne savons pas encore à ce stade de notre analyse les sources qu’il utilise mais elles se distinguent souvent de celles de nos autres lexiques, à de rares exceptions près (comme les dèmes attiques). Comme nous l’avons vu, Stéphane de Byzance travaille en particulier sur la base de travaux de grammairiens qui se sont intéressés aux mêmes problématiques que lui (celles des mots dérivés). On note malgré tout de prime abord des similitudes avec la tradition issue d’Hesychius. Nous avons également regroupé dans cette tradition les mentions issues des grammairiens, qui procèdent en grande partie de la doctrine d’Hérodien. Plusieurs sources permettent de restituer une série de lexiques, anonymes pour la plupart, qui ont servi de manière commune à Photios, la Synagôgê ou la Souda (tradition 5). Nous l’avons subdivisée en trois séries différentes. La tradition 5A correspond à des géonymes se trouvant seulement dans le lexique de Photios et la Souda. La tradition 5B est utilisée seulement par Photios et la Synagôgê. Enfin, la tradition 5C correspond au lexique de Cyrille, dans sa version peu étendue. Ces traditions méritent une attention particulière car, à l’exception de la 5C, elles n’ont pas encore été identifiées  : dans les apparats critiques des éditions des textes concernés, aucune indication n’a pu être proposée pour une source particulière. Cette tradition se caractérise donc plus par le chemin emprunté par cette information que par une source identifiée des lemmes. Une sixième tradition distincte concerne certains géonymes de la Souda (tradition 6). Parfois, on ne possède pas réellement de correspondance entre ces géonymes et ceux des autres lexiques, ce qui ne permet pas de proposer une identification. Très souvent, il s’agit de scholies ou de passages d’auteurs dont a conservé les textes, utilisés semble-t-il par l’intermédiaire des Excerpta Constantiniana. Là encore, nous avons privilégié le chemin aux sources. La dernière tradition (tradition  7) concerne les sources spécifiques de l’Etymologicum Genuinum, qu’on ne retrouve pas dans les autres lexiques  : l’auteur de ce recueil a utilisé en effet deux auteurs dont on a perdu les textes : Oros (tradition 7A) et Methodios (tradition 7B). Nous avons vu ce qu’il en était d’Oros (cf. supra p. 118 sq.) ; à notre connaissance, le lexique de Pausanias, mais également d’un matériel scholastique provenant de l’analyse de Thucydide.

142

Deuxième Partie : Organisation, contenu et sources des Ethniques de Stéphane de Byzance

Figure 25 – Tableau des mentions des géonymes se rapportant à la tradition 1a dans la Souda, lettre α. Réf.

Nom

Définition

Commentaire

α 19

Ἀβαρνίς

ὄνομα πόλεως

Lexicum Ambrosianum 74 (Adler)

α 26

Ἄβδηρα

ὄνομα πόλεως

Lexicum Ambrosianum 26 (Adler)

α 46

Ἄβιννα

ὄνομα πόλεως

Lexicum Ambrosianum 64 (Adler)

α 52

Ἀβίσαρος

ὄνομα τόπου

Lexicum Ambrosianum 19 (Adler)

α 66

Ἄβωρα

ὄνομα τόπου

Cf. Lexicum Ambrosianum 6 (Adler)

α 76

Ἀβρηλιανὸς καὶ Ἀβρήλιος

ὀνόματα κύρια

Cf. Lexicum Ambrosianum 78 (Adler)

α 65

Ἀβωνοτειχίτης

ὄνομα κύριον

Cf. Lexicum Ambrosianum 57 (Adler)

α 129

† Ἀγαλεών

ὄνομα ὄρους

 

α 142

Ἀγαμήδης

ὄνομα κύριον

Lexicum Ambrosianum 174 (Adler)

α 222

Ἀγηνόριον

ὄνομα τόπου

Lexicum Ambrosianum 245 (Adler)

α 226

Ἀγηρηναῖοι

ὄνομα ἔθνους

 

α 706

Ἀθᾶνες

ὄνομα ἔθνους

 

α 780

Ἀκακήσιον

ὄνομα ὄρους

 

α 818

Ἀκάτειρα

ὄνομα πόλεως

Lexicum Ambrosianum 1006 (Adler)

α 824

Ἄκαψις

ὄνομα πόλεως

 

α 875

Ἀκιδαλία

ὄνομα κρήνης

Lexicum Ambrosianum 1014b (Adler)

α 883

Ἀκίνασις

ὄνομα τόπου

Cf. Lexicum Ambrosianum 966 (Adler)

α 903

Ἀκμαιωνίδαι

ὄνομα ἔθνους

Lexicum Ambrosianum 973 (Adler)

α 951

Ἀκραγαλίς

ὄνομα ἔθνους

Lexicum Ambrosianum 972b (Adler)

α 970

Ἀκοραιβατηνή

ὄνομα πολέως

Lexicum Ambrosianum 1005 (Adler)

α 975

Ἀκραίφνιον

ὄνομα πολέως

Lexicum Ambrosianum 1056 (Adler)

α 1101

Ἀλδῆκος

ὄνομα ποταμοῦ

Lexicum Ambrosianum 1258 (Adler)

α 1119

Ἀλεξάνδρεια

ὄνομα πόλεως

Lexicum Ambrosianum 1346 (Adler)

α 1195

Ἄληξ

ὄνομα τόπου

Lexicum Ambrosianum 1267 (Adler)

α 1267

Ἄλθαινος

ὄνομα ποταμοῦ

Lexicum Ambrosianum 1260 (Adler)

α 1263

Ἀλίφειρα

ὄνομα πολέως

Lexicum Ambrosianum 1329 (Adler)

α 1263

Ἀλιφειρεύς

ὄνομα ποταμοῦ

Cf. Lexicum Ambrosianum 1215 (Adler)

α 1407

Ἄλπειον

ὄνομα ὄρους

Lexicum Ambrosianum 1399 (Adler)

α 1443

Ἄλυτα

ὄνομα πόλεως

Lexicum Ambrosianum 1332 (Adler)

α 1506

Ἀμασεία

ὄνομα πόλεως

Lexicum Ambrosianum 1691 (Adler)

α 1506

Ἄμασις

ὄνομα κύριον

Lexicum Ambrosianum 1541 (Adler)

α 1506

(Ἄμασις)

ὄνομα πόλεως

 

α 1519

Ἄμβεναι

ὄνομα πόλεως

Lexicum Ambrosianum 1687 (Adler)

α 1599

Ἀμινσός

ὄνομα πόλεως

Cf. Lexicum Ambrosianum 1683 (Adler)

α 1485

Ἀμμανίται

ὄνομα ἔθνους

Lexicum Ambrosianum 1629 (Adler)

α 1629

Ἀμμορῖτις· θηλυκόν

ὄνομα πόλεως

 

α 1610

Ἀμνησός

ὄνομα ὄρους

Cf. Lexicum Ambrosianum 1627 (Adler)

α 1939

Ἀναλιβόζωρα

ὄνομα τόπου

Cf. Lexicum Ambrosianum 2100 (Adler)

α 2713

Ἀντιπέτρεια

ὄνομα πόλεως

Cf. Lexicum Ambrosianum 2050 (Adler)

α 2963

Ἀπαισός

ὄνομα πόλεως

Cf. Lexicum Ambrosianum 2570 (Adler)

α 3212

Ἄππιος φόρος

ὄνομα τόπου, ἀπὸ Ἀππίου Ῥωμαίου

 

3. Approche des sources lexicales des Ethniques

143

Figure 25 (suite) – Tableau des mentions des géonymes se rapportant à la tradition 1a dans la Souda, lettre α. Réf.

Nom

Définition

Commentaire

α 3728

Ἄραβες

ὄνομα ἔθνους

 

α 3815

Ἀραῖνος

ὄνομα ποταμοῦ

Lexicum Ambrosianum 3158 (Adler)

α 3734

Ἀράξης, Ἀράξου

ὄνομα ποταμοῦ

Lexicum Ambrosianum 3153 (Adler)

α 3755

Ἄρβηλα

ὄνομα τόπου

Lexicum Ambrosianum 3245 (Adler)

α 3758

Ἀργανθώνη

ὄνομα κύριον

 

α 3759

Ἀργαριζίν

ὄνομα ἔθνους

Cf. Lexicum Ambrosianum 3171 (Adler)

α 3767

Ἀργείων

ὄνομα κύριον

Lexicum Ambrosianum 3028 (Adler)

α 3776

Ἀργίνη

ὄνομα πόλεως

Lexicum Ambrosianum 3236 (Adler)

α 3790

Ἀργυρῖνοι

ὄνομα ἔθνους

Lexicum Ambrosianum 3176 (Adler)

α 3805

Ἀρδεᾶται

ὄνομα ἔθνους

Lexicum Ambrosianum 3177 (Adler)

α 3807

Ἀρδήττης, Ἀρδήττου

ὄνομα κύριον

Lexicum Ambrosianum 3015 (Adler)

α 3808

Ἀρδιαῖος

ὄνομα ἔθνους

Lexicum Ambrosianum 3179 (Adler)

α 3847

Ἀρήνη

ὄνομα πηγῆς

Lexicum Ambrosianum 3282 (Adler)

α 3857

Ἀρητῖνοι

ὄνομα ἔθνους

Lexicum Ambrosianum 3178 (Adler)

α 3864

Ἀρία

ὄνομα πόλεως

Lexicum Ambrosianum 3261 (Adler)

α 3884

Ἀρίμηνον

ὄνομα πόλεως

Lexicum Ambrosianum 3293 (Adler)

α 3884

Ἀριμίνιος

ὄνομα ἐθνικόν

Cf. Lexicum Ambrosianum 3174 (Adler)

α 3947

Ἀρκαδία

ὄνομα κύριον

 

α 3995

Ἄρρωλος

ὄνομα πόλεως

Lexicum Ambrosianum 3235 (Adler)

α 4270

Ἀστυόχεια

ὄνομα πόλεως

Cf. Lexicum Ambrosianum 3515 (Adler)

α 4655

Ἄφροι

ὄνομα ἔθνους· οἱ Καρχηδόνιοι. ἀπὸ Ἄφρου τοῦ τῆς Λιβύης βασιλεύσαντος, τοῦ υἱοῦ Κρόνου, ἐκ Φιλύρας γεγονότος

 

Methodios n’a quant à lui jamais fait l’objet d’une étude spécifique. Nous ne savons même pas qui est son auteur, que l’on situe entre le ve et le ixe siècle et qui n’est connu que par notre Etymologicum. Les deux traditions ne se recoupent pas (c’est-à-dire qu’un auteur n’a pas réutilisé l’autre). Enfin, toujours dans ce même Etymologicum, on relève l’utilisation d’Orion (tradition 7C) et quelques sources variées (comme les scholies à Apollonios de Rhodes) que l’on ramènera à la tradition 6 car on les retrouve également dans la Souda. Enfin, nous ne prendrons pas en compte le fragment de lexique géographique publié par F. Lenormant, dont nous considérons qu’il s’agit d’un faux 42, traduction grecque basée sur le dictionnaire de géographie ancienne (Vergleichendes Wörterbuch der alten, mittleren und neuen Geographie) par F. H. Th. Bischoff et J. H. Möller paru en 1829. 42   Lenormant  1867. Nous avons étudié ce texte dans le cadre de notre thèse et revu par la suite (grâce aux remarques de D. Marcotte) car nous l’avons cru, à tort, authentique.

3.2. Première approche du lexique de Diogenianus (tradition 1) On considère, on l’a dit, qu’Hesychius illustre le lexique de Diogenianus. Or, en rédigeant cette étude, nous nous sommes aperçus que la Souda tirait également une partie de ses lemmes d’un lexique qui semble dériver de Diogenianus. Il est intéressant de commencer par étudier cette série très caractéristique, en regroupant les mentions qui présentent une forme identique. 3.2.1. Les mentions de type index (tradition 1a) Le lexique d’Hesychius comprend un certain nombre de géonymes qui relèvent de plusieurs séries qu’il est facile de distinguer. La première se caractérise par la mention « nom de » (ὄνομα) suivie de la catégorie (ville, peuple, fleuve, lieu). La première série (tradition 1a, fig. 25) est semblable à celle que l’on trouve si fréquemment dans la Souda. Plusieurs lemmes comportent des indications plus détaillées, dont il est difficile de savoir si elles pro-

144

Deuxième Partie : Organisation, contenu et sources des Ethniques de Stéphane de Byzance

Figure 26 – Tableau des mentions de géonymes se rapportant à la tradition 1a chez Hesychius, lettre α. Réf.

Nom

Définition

α 125

ἄβιοι

ὄνομα ἔθνους

α 224

Ἀβυδόθεν

ἀπὸ Ἀβύδου ὄνομα πόλεως † καρίας†

α 395

Ἀγγίτας

ὄνομα ποταμοῦ, ὅς ἐστι περὶ τὸ Παγγαῖον

α 699

Ἀγορά

ὄνομα τόπου, ἢ λιμένος·(…)

α 869

Ἀγχαλέη

τόπου ὄνομα παρὰ Ἱππώνακτι

α 1198

Ἀδρήστεια

ὄνομα πόλεως παρὰ τὸν Ἑλλήσποντον

α 2100

Αἴσηπος

καὶ ὄνομα κύριον

α 2928

Ἀλήϊον

ὄνομα πεδίου. (…) ἢ χωρὶς χώρας· οἱ δὲ ἐν Λυκίᾳ καὶ Κιλικίᾳ πεδίον ὀνομαζόμενον ἀποδεδώκασιν ἀπὸ τῆς Βελλεροφόντου πλάνης

α 4653

Ἄναυρον

ὄνομα ποταμοῦ

α 5732

Ἀπαισός

ὄνομα πόλεως

α 6948

Ἀραιθυρέη

ὄνομα πόλεως

α 7157

Ἀρήνη

ὄνομα πόλεως

α 7839

Ἀστερίς

ὄνομα νήσου

α 8230

Αὐγειαί

πόλεως ὄνομα

α 8305

Αὐλίς

πόλεως ὄνομα † ἢ κίλλα τις δίδυμος † ἐπίθετον Ἀπόλλωνος, ὁμοίως καὶ Διός

viennent d’autres sources ou si le lexique qu’Hesychius a utilisé avait initialement une forme plus ample. Dans la Souda, on relève de la même manière plusieurs séries qu’il est facile de distinguer, la première reprenant exactement les mêmes caractéristiques que celles d’Hesychius. Nous avons dressé (fig. 26) la liste des géonymes de cette sorte dans la seule lettre α qui constitue notre corpus d’étude43. Les noms de personnes, hors de notre champ d’étude, sont très largement représentés sous cette forme dans la Souda. À titre d’exemple, on donnera la liste de quelques lemmes du début de la lettre α : Ἀαρών· ὄνομα κύριον (α 6 Adler) ; Ἀβδιού· ὄνομα κύριον (α 27 Adler) ; Ἀβεσαλώμ· ὄνομα κύριον (α 35 Adler) ; Ἀβειρών· ὄνομα κύριον (α 36 Adler) ; Ἀβηρωθαῖος· ὄνομα κύριον (α 37 Adler) ; Ἀβιά· ὄνομα κύριον (α 39 Adler) ; Ἀβιάθαρ· ὄνομα κύριον (α 41 Adler) ; Ἀβιέζερ· ὄνομα κύριον (α 44 Adler) ; Ἀβιμέλεχ· ὄνομα κύριον (α 45 Adler) ; Ἀβιούδ· ὄνομα κύριον (α 48 Adler) ; Ἀβισάκ· ὄνομα κύριον (α 51 Adler) ; Ἄβιτος· ὄνομα κύριον (α 53 Adler) ; Ἀγησίλαος· ὄνομα κύριον (α 229 Adler) ; Ἄδωνις, Ἀδώνιδος· ὄνομα κύριον (α 516 Adler) ; Ἀκεσίλαος· ὄνομα κύριον (α 844 Adler) ; Ἀκεσώ· ὄνομα κύριον, θηλυκόν (α  849 Adler)  ; Ἀκταίων· Ἀκταίωνος, ὄνομα κύριον (α 1034 Adler). Il s’agit avant tout de noms bibliques mais on trouve également des noms issus de la

43 

Nous indiquons dans la dernière colonne la référence que donne A. Adler dans l’apparat critique de son édition de la Souda.

Grèce classique. On notera également la présence des noms étrangers44. Selon  A. Adler, la source de tous ces lemmes est un lexique encore inédit, le Lexicum Ambrosianum, connu par plusieurs manus­crits45 ; la forme la plus complète est celle du Laurentianus 59.16 [diktyon 16467] (fol. 159-235), daté du xiie siècle. Les lemmes sont partiellement alphabétisés avec une indication des cinq catégories grammaticales (nom masculin, féminin et neutre, verbe et adverbe). Le second manus­crit, l’Ambrosianum B 12 sup. (= 83) [diktyon 42303], qui a donné son nom à ce lexique, est plus ancien (xe-xie  siècle)46  ; d’après R. Reitzenstein, il a pu servir de source à la Souda47. Il comprend une section principale, où les lemmes sont classés selon les cinq catégories grammaticales48 puis par 44  Voir par exemple le dieu gète Zalmoxis, dont le nom est attribué par erreur à une divinité féminine (ζ 18 Adler) : Ζάμολξις· θηλυκῶς. ὄνομα θεᾶς. Cette notice a fait l’objet d’une étude spécifique par D. Dana (Dana 2004). 45   Adler  1931, col.  693-695. Nous reprenons les résultats de l’étude d’A.  Adler, à la suite de R .  Reitzenstein, et les considérations détaillées (à visée orthographique) de J. Schneider (Schneider 1999, p. 559-571). 46  Il faut rattacher à ce manus­crit l’Atheniensis Bibl. Nat. 1065 (xive siècle) qui est un apographe. 47  Reitzenstein 1897. Cela impliquerait alors que ce manus­ crit date au plus tard du xe siècle et soit antérieur à la Souda. 48  J. Schneider fait remarquer que cette structuration du lexique, que l’on retrouve dans le lexique du pseudo-Zonaras, est typique

3. Approche des sources lexicales des Ethniques

145

Figure 27 – Tableau des mentions de géonymes se rapportant à la tradition 1b chez Hesychius, lettre α. Réf.

Nom

Définition

α 50

Ἄβαι

περὶ τὴν Φωκίδα τόπος οὗ μαντεῖον Ἀπόλλωνος Ἀβαίου. Σοφοκλῆς

α 65

Ἄβαντα

πόλις πλησίον Παρνασοῦ, ἔνθα ἱερὸν Ἀπόλλωνος

α 78

Ἀβαρνεύς

Φωκαέων φυλή

α 80

Ἄβαρνος

πόλις Φωκαέων

α 99

Ἀβδηρίτης

βορέας

α 223

Ἄβυδος

πόλις Τρωικῶν Ἑλλησπόντου

α 226

Ἀβύδεις

στήλη Ἡρακλέους

α 232

Ἀβυσταῖοι

Λιβύων ἔθνος

α 302

Ἀγάμμεια

ἔνθα αἱ παρθένοι ἐξετίθεντο τῷ κήτει τινές, οἱ δὲ πολίχνην

α 505

Ἁγιάδαι

τόπος ἐν Λακεδαιμονίᾳ, καὶ οἱ βασιλεῖς δὲ οὕτω καλοῦνται ἀπὸ Ἅγιδος

α 700

Ἀγορὰ Ἀργείων

τόπος Ἀθήνῃσιν οὕτω καλούμενος

α 702

ἀγορὰ θεῶν

καὶ οὗτος τόπος Ἀθήνῃσιν

α 705

Ἀγορὰ Κερκώπων

τόπος πλησίον Ἡλιαίας

α 764

ἀγρεμόνες

καὶ τόπος ἐν Αἰτωλίᾳ

α 797

Ἀγρίνιον

ὄρος

α 803

Ἄγριοι λιμένες

τόπος ἐν Ἕρμωνι

α 915

Ἀγχοαί

πηγαὶ ἐπὶ Μυσίας

α 915

Ἀγχοαί

καὶ τόπος ἐν Βοιωτίᾳ

α 1194

Ἀδράστου δρῦς

τόπος παρὰ Γρανικόν

α 1391

ἀερία

ὀμίχλη, παρὰ Αἰτωλοῖς. Θάσον τε τὴν νῆσον, καὶ Αἴγυπτον, καὶ Λιβύην, καὶ Κρήτην, καὶ Σικελίαν, καὶ Αἰθιοπίαν, καὶ Κύπρον οὕτως ἐκάλουν

α 1401

Ἀέροπες

ἔθνος, Τροιζῆνα κατοικοῦντες καὶ ἐν Μακεδονίᾳ γένος τι καὶ ὄρνεά τινα

α 1455

Ἀζειῶται

ἔθνος τῆς Τρῳάδος. Σοφοκλῆς Συνδείπνοις

α 1490

Ἄζωτος

ἔθνος Συρίας καὶ πόλις

α 1528

Ἀθάμαντα

τὸν θυόμενον νεφέλαις

α 1577

Ἀθηναῖος

πολίτης τῆς Ἀττικῆς

α 1650

Ἄθως

ὄρος ἐν Μακεδονίᾳ

α 1680

Αἰγαί

I- νῆσος πρὸς τῇ Εὐβοίᾳ. II- ἱερὸν Ποσειδῶνος

α 1704

αἰγιαλός

ὁ παραθαλάσσιος ἐν τόπῳ ψαμμώδει, ἢ ψηφῖδας ἔχων

α 1713

αἰγίλιψ

(…) II- καὶ πόλις III- καὶ ἰτέα ὑπὸ Θουρίων

α 1690

Αἰγιναῖα

τὰ ῥωπικὰ φορτία· καὶ οἱ πιπράσκοντες αὐτὰ Αἰγινοπῶλαι ἐλέγοντο

α 1691

Αἰγιναῖον

νόμισμα ἀργυροῦν, μέγα

α 1692

{Αἰγενέοι} Αἰγιναῖος ὁμοίως, ὀβολός

α 1718

Αἴγινα

νῆσος τῆς Πελοποννήσου

α 1726

Αἴγιον

πόλις

α 1802

Ἀϊδωνεύς

(…) II- καὶ ὁ τόπος

α 1862

Αἴθικες

ἔθνος παρὰ τὴν Θεσσαλίαν, ὅ ἐστιν Δολοπία

α 1867

Αἰθιοπικόν

ἀκακία

α 1995

Αἶνος

πόλις τῆς Θρᾳκίας

α 2021

Αἰολεύς

ὁ καικίας ἄνεμος, ὁ Καΐκου

α 2027

Αἰολίη

ἡ τοῦ Αἰόλου νῆσος

α 2045

Αἴπεια

πόλις ἐν Ἄργει tableau suite à la page suivante

146

Deuxième Partie : Organisation, contenu et sources des Ethniques de Stéphane de Byzance

Figure 27 (suite) – Tableau des mentions de géonymes se rapportant à la tradition 1b chez Hesychius, lettre α. Réf.

Nom

Définition

α 2049

Αἴπιον

πόλις Πελοποννήσου

α 2100

Αἴσηπος

ποταμός

α 2142

Αἰσύμη

πόλις † Τρωϊκή†

α 2171

Αἰτίνη

πόλις οὕτω καλουμένη

α 2176

Αἴτνη

ὄρος Σικελίας

α 2221

Ἀκαδημία

λουτρόν, ἢ πόλις, λέγεται δὲ γυμνάσιον Ἀθήνῃσιν, ἀπὸ Ἀκαδήμου ἀναθέντος. καὶ τόπος. καλεῖται γὰρ οὕτως Κεραμεικός

α 2414

Ἄκις

I- ποταμὸς Ἀσίας, II- ἢ ἐν Κατάνῃ. (…)

α 2668

ἀκτή

ὁ αἰγιαλὸς καὶ ὁ παραθαλάσσιος τόπος, τῷ προσαράσσεσθαι αὐτῷ τὰ κύματα, ὅ ἐστι ῥήγνυσθαι καὶ κατάσσεσθαι. διὸ καὶ ῥηγμῖνα τὸν αὐτὸν τοῦτον τόπον ἐνίοτέ φησι, διὰ τὴν γιγνομένην τῶν κυμάτων περὶ αὐτὸν ῥῆξιν καὶ ἄραξιν

α 2725

Ἀλαβώς

ποταμός

α 2845

Ἀλείσιον

πόλις Ἤλιδος

α 3048

Ἀλίσιον

πόλις

α 2973

Ἁλιακτήρ

τόπος, ἐν ᾧ ἀθροίζονται. [οἱ] Σικελοί

α 2980

Ἁλίαρτος

πόλις Βοιωτίας

α 2966

Ἁλία

ἐν Πελοποννήσῳ τῶν ἁλιέων χώρα

α 2998

Ἀλιζῶνες

ἔθνος Παφλαγονίας

α 3076

Ἀλίφηρα

κώμη Θρᾴκης

α 3201

ἁλμυρίδες

(…) II- καὶ τόπος ἐν τῇ Ἀττικῇ παρὰ τὰς ἐσχατιάς, οὗ τοὺς νεκροὺς ἐξέβαλον

α 3239

Ἀλόπη

πόλις ἐν Ἄργει καὶ κρήνη ἐν Ἐλευσῖνι, ἥτις Φιλότης ἐκαλεῖτο

α 3243

Ἄλος

πόλις ἐν Ἄργει τῷ Πελασγικῷ

α 3281

Ἀλύβας

ὄρος παρὰ Σοφοκλεῖ, {ἢ πόλις} οἱ δὲ λίμνη ἐν Ἰταλίᾳ καὶ ἐν Τροίᾳ

α 3282

Ἀλύβη

πόλις Τρωϊκή

α 3331

Ἀλφειός

ποταμός καὶ πόλις τῆς Ἤλιδος

α 3430

Ἄμαντοι

ἔθνος Ἠπειρωτικόν

α 3535

Ἀμβώνιον

χωρίον τῆς Ζελείας

α 3576

Ἀμελοῦς γωνία

χωρίον Λιβύης

α 3778

ἄμπελος

(…) II- καὶ ἄκρα Μυκάλης {ἤγουν ὄρους}. III- Κυρηναῖοι δὲ αἰγιαλός. IV- καὶ πόλις Θρᾴκης. (…)

α 3838

ἀμυκλᾶιδες

(…) II- καὶ πόλις

α 3826

Ἄμυτρον

πόλις τῆς Θρᾴκης

α 3971

Ἀμφιγένεια

πόλις τῆς Πύλου

α 4883

Ἀνεμώρεια

πόλις τῆς Φωκίδος

α 5105

Ἄνθεια

πόλις τῆς Πελοποννήσου καὶ Ἀφροδίτη, παρὰ Κνωσίοις

α 5118

Ἀνθεμοῦς

I- πόλις. II- χώρα. III- ποταμός

α 5119

Ἀνθεμουσία

τάγμα τι παρὰ Μακεδόσιν ἐξ Ἀνθεμοῦντος, πόλεως Μακεδονίας

α 5541

Ἀντρών

πόλις Θεσσαλίας

α 5633

Ἀξιός

ποταμὸς Παιονίας

α 5636

Ἀξιῶται

ἔθνος Τρωάδος

α 5684

Ἄορνος

{λιμὴν ἢ} λίμνη

α 6923

Ἀραβία

I- τόπος Συρίας. (…)

α 7021

Ἄργεισα

πόλις Θεσσαλίας

α 7107

Ἀρέθουσα

κρήνη ἐν Ἰθάκῃ, καὶ ἐν Σικελίᾳ, ἐν ᾗ ὁ ἐν τῇ Ἤλιδι ῥέων ποταμὸς Ἀλφειὸς ἀργύριον κο νενόμισται

α 7106

Ἀρείας

πώλους Περσικάς. Ἄρειοι γὰρ ἔθνος Περσικόν}

3. Approche des sources lexicales des Ethniques

147

Figure 27 (suite) – Tableau des mentions de géonymes se rapportant à la tradition 1b chez Hesychius, lettre α. Réf.

Nom

Définition

α 7121

Ἀρεοπαγίτης

ὁ δικάζων. καὶ σιωπῶν δι’ ὅλου κατὰ ἀνάγκην

α 7177

Ἀρητήριον

τόπος ἐν τῇ Ἀττικῇ ἔξω τοῦ ἄστεως

α 7229

Ἄριμα

πόλις Κιλικίας, οἱ δὲ ὄρος

α 7235

Ἀρίσβη

πόλις † τοῦ δήμνου. οἱ δὲ Τροίας

α 7297

ἅρμα

(…) III- πόλις Βοιωτίας

α 7345

Ἄρνη

I- πόλις Βοιωτίας. II- ἔστι δὲ καὶ Θεσσαλίας

α 7474

Ἀρτάκη

I- πολίχνιον Ἑλλησ-πόντου. II- καὶ ὑπὸ Ἀρμενίων κρήνη

α 7669

Ἀσίνη

(…) II- πόλις

α 7684

Ἀσκανίη

πόλις Φρυγίας

α 7786

Ἀσπληδών

πόλις τῆς Βοιωτίας

α 7840

Ἀστέριον

πόλις ἐν Θεσσαλίᾳ

α 7986

Ἀσώπιον

τόπος Ἀθήνησι

α 7987

Ἀσωπός

ποταμὸς ἐν Θήβαις τῆς Βοιωτίας

α 8298

Αὐλίδα

λιμένα

α 8806

Ἀχαία

I- ἐπίθετον Δήμητρος. ἀπὸ τοῦ περὶ τὴν Κόρην ἄχους, ὅπερ ἐποιεῖτο ἀναζητοῦσα αὐτήν. Λάκωνες δὲ ἀγαθά. (…)

α 8807

ἀχαίας

Λύπας

α 8841

*Ἀχελῷος

ποταμὸς Ἀκαρνανίας καὶ πᾶν ὕδωρ οὕτως λέγεται

α 8847

*Ἀχέρων

ποταμὸς ἐν ᾅδου

ordre alphabétique des deux premières lettres. Enfin, des listes de noms propres et de différentes catégories géographiques complètent le lexique. J. Schneider en donne le détail pour le Laurentianus 59.1649 ; pour celles qui intéressent les géonymes, nous retiendrons : les noms de vents50 (fol.  251, l.  26-28)  ; les Epitheta deorum (fol. 251v, l. 8 – fol. 252v, l. 2) ; les féminins en -εια/-ια (fol. 252v, l. 2 – fol. 258v, l. 22) ; les noms en -ων (fol. 258v, l. 23 – fol. 262, l. 8) ; les ktétiques (fol. 262, l. 9 – fol. 263, l. 20 et fol. 272v, l. 6 – fol. 275, l. 4) ; les noms en -εων (fol. 271, l. 15 – fol. 272, l. 15) ; les noms de mers (fol. 275, l. 4-6). Dans la Souda, cette série de noms dérive du Lexicum Ambrosianum dans une version plus riche que celle que nous offrent les manus­crits dont nous disposons. On sait qu’une grande partie des gloses du Lexicum Ambrosianum se retrouve dans le lexique d’Hesychius51. des περὶ ποσότητος des traités orthographiques et de la seconde partie des Herodiani Partitiones du pseudo-Hérodien (également orthographique) (Schneider 1999, p. 562, n. 93). 49  Schneider 1999, p. 562, n. 94. D’après A. Adler, le manus­ crit de Milan a davantage de listes de noms géographiques et de noms propres (Adler 1931, col. 695). 50   On trouve un exemple de nom tiré d’un géonyme avec Abdêritês (Lexique d’Hesychius, α 99). 51  Voir l’introduction du premier volume par K. Latte (Latte 1953).

C’est pourquoi il a été proposé de voir dans ces lemmes un extrait du lexique de Diogenianus. La morphologie même des notices semble correspondre plus à une forme d’index qu’à des notices inspirées d’un lexique. On trouve toutefois ici un assez grand nombre de formes lexicales (62 entrées pour la lettre α), avec parfois une décomposition entre plusieurs catégories de noms (par exemple Amasis  : nom d’homme et de ville, α 1505 Adler) qui semble indiquer une véritable indexation d’un contenu à l’origine plus rassemblé. On peut imaginer que des sortes d’index thématiques avaient été créés, utiles pour pouvoir manipuler une grande masse d’informations ; nous en aurions donc ici les vestiges. Par ailleurs, la présence en grand nombre de noms de personnages bibliques indique probablement une amplification avec un lexique différent, peut-être celui de Cyrille. Quelques notices sont suivies d’une information plus développée (Amasis, α 1505 Adler ; Ammanitai, α 1485 Adler ; Appios phoroi, α 3212 Adler ; Aphroi, α 4655 Adler) avec en particulier des mentions chrono-mythographiques à la façon de Stéphane de Byzance. Ces mentions peuvent provenir du lexique de Diogenianus et avoir été conservées dans ces versions très abrégées.

148

Deuxième Partie : Organisation, contenu et sources des Ethniques de Stéphane de Byzance

3.2.2. Des identifications réduites rattachées à un peuple ou un lieu (tradition 1b) Une deuxième série (tradition 1b, fig. 27), de loin la plus fréquente chez Hesychius, consiste en une définition du type géonyme + rattachement à un peuple ou un nom de lieu, comme par exemple « Abarnos : ville des Phocéens » (α 80 Latte). Parfois la définition est seule présente. Cette série est particulièrement importante en nombre dans le lexique d’Hesychius. L’indication géographique est soit rédigée avec un génitif (ex. Abarnos, ville des Phocéens, α 80 Latte ; Abustaioi, peuple des Libyens, α 232 Latte), soit assez régulièrement introduite par une préposition de lieu : ἐν (dans), πλησίον (près de), περί (autour de), ἐπί (au-dessus de), παρά (auprès de), πρός (proche de). On observe également dans la Souda d’autres notices qui sont généralement très réduites mais qui donnent parfois un peu plus de détail que celles du type précédant tout en se rattachant probablement toujours à Diogenianus. La nature du géonyme est indiquée (peuple, ville …) avec parfois une précision géographique complémentaire. Le tableau ci-dessous en donne le détail (fig. 28). Cette série de notices correspond plus à celle que nous observons chez Stéphane de Byzance. L’indication géographique est identique ; on notera l’utilisation du terme ἐθνικόν de préférence à ἔθνος52. On trouve aussi la détermination double de ὄρη/τὸ ὄρος. Cette série est toutefois moins caractéristique que la précédente. Elle provient d’un lexique assez généraliste qui pourrait être en lien avec Oros, comme pourrait en témoigner la mention d’Athènes, ville de Laconie (Stéphane de Byzance précise qu’Oros en compte cinq de ce nom) ou Apamée53. Toutefois, les correspondances toujours aussi nombreuses avec le Lexicum Ambrosianum doivent certainement impliquer une origine commune. 3.2.3. Dernières identifications rattachées à Diogenianus (tradition 1c) Une dernière liste (tradition 1c, fig. 29) comprend des formes diverses, qui ne rentrent pas dans les deux catégo52  s.v.  Aïthes, α  683 Adler  ; Aïnes, α  685 Adler  ; Arachôsioi, α 3751 Adler ; Arimaspos, α 3882 Adler. 53  Voir la mention de l’Etymologicum Genuinum : Ἀπάμεια· πόλις Βιθυνίας, πρότερον Μυρλέα καλουμένη, ἣν λαβὼν δῶρα παρὰ Φιλίππου τοῦ Δημητρίου ὁ Ζιήλας μετωνόμασεν Ἀπάμειαν ἀπὸ τῆς ἑαυτοῦ γυναικὸς Ἀπάμας. Ἕρμιππος ἐν τῷ Περὶ τῶν ἐν παιδείᾳ πρεψάντων λόγῳ. οὕτως Ὦρος. Et. Gen. α 999 + Et. M. α 1521 (= 118.11).

ries précédentes. On trouve en particulier des mentions de « maintenant » ou « auparavant » et l’absence de précision de la nature des géonymes. Beaucoup de géonymes ont une définition donnée par un nom au nominatif, précédé d’un article défini, aussi bien pour des toponymes que des ethniques. D’autres géonymes n’ont qu’une indication chrono-mythologique. Enfin, c’est ici que l’on observe les informations grammaticales et que l’on trouve par exemple les différents topika de la ville d’Athènes. On retrouve dans la Souda, cette série qui apporte une précision plus qu’une définition ou indique de quelle forme dérive le lemme (fig. 30). Nous la distinguerons des précédentes mais elle provient probablement là encore du même lexique à l’origine. Les mentions sont ici caractéristiques d’un travail de grammairien, avec l’indication de pluriels (s.v. Araxês, α 3754 Adler), du génitif (s.v. Amphipolis, α 1754 Adler ; Arganthônê, α 3758 Adler), des topika (s.v. Athênêsin, α 733 Adler ; Assuriêthen, α 4288 Adler) ou de comparaisons formelles (s.v. Anthinê, α 2513 Adler). Plusieurs notices concernent également le nom des habitants, les féminins et l’origine chrono-mythographique du nom. On trouve également deux géonymes (Abdêra, α  26 Adler ; Amneios, α 1608 Adler) qui ont une définition avec un nom au nominatif précédé d’un article défini. Comme précédemment, ce type de mention rappelle également Oros et trouve toujours ses correspondances avec le Lexicum Ambrosianum. 3.2.4. Quelle forme originale pour le lexique de Diogenianus ? Toutes ces mentions, on l’a dit, semblent se rapporter au lexique de Diogenianus. La forme différente qu’elles présentent laissent envisager éventuellement des auteurs intermédiaires (Oros pourrait en être un) ayant déjà trié et formaté l’information source mais implique surtout la création de lexiques intermédiaires de type index ayant fortement résumé l’information initiale. Un point apparaît particulièrement frappant  : la multiplicité des géonymes et des formes lexicales. Est-ce réellement compatible avec le lexique que mentionnent Photios ou encore la Souda sous le nom de Diogenianus ? Peut-on envisager un lexique aussi développé pour tous les noms alors que les géonymes ne constitueraient qu’une toute petite partie du lexique global ? La Souda indique que le lexique de Diogenianus est un abrégé de Pamphile et Zopyrion en seulement cinq livres. Et à l’époque de Diogenianus (iie siècle apr. J.-C.),

3. Approche des sources lexicales des Ethniques

149

Figure 28 – Tableau des mentions de géonymes se rapportant à la tradition 1b dans la Souda, lettre α. Réf. α 43 α 67 α 72 α 75 α 76 α 395 α 529 α 520 α 586 α 733 α 757 α 755 α 745 α 746 α 683 α 685 α 1043 α 1156 α 1181 α 1644 α 1939 α 2501 α 2513 α 2571 α 2761 α 2888 α 3026 α 3751 α 3751 α 3755 α 3758 α 3761 α 3778 α 3833 α 3881 α 3882 α 3882 α 3889 α 3947 α 3963 α 3964 α 3985 α 4147 α 4150 α 4192

Nom Ἀβίγας Ἀβωριγῆνες Ἀβρανῖτις Ἀβρεττηνή Ἀβρηλία Ἀγχιάλεια Ἀδριανοί Ἀδωρεός Ἀζειῶται Ἀθήνη Ἀθριβίς Ἀθρήριον Ἄθων Ἀθωνίς Ἄϊθες Ἄϊνες Ἀκυληΐα Ἀλείπης Ἄληκος Ἀμώριον Ἀναία Ἄνθεια Ἀνθίνη Ἀνουβείδιον Ἀντωνία Ἀπάμεια Ἀπέννινα Ἀραχώσιοι Ἀραχωσία Ἀρβήλοις, Ἀργανθώνιον Ἀργαῖον Ἀργίννουσα Ἀρζανηνή Ἄριμα Ἀριμάσπειος καὶ Ἀριμασπός Ἀρίσβη Ἀρκαδία Ἅρμα Ἀρμαθέμ Ἄρνη Ἀσία Ἀσιῶν Ἀσωπός

Définition ποταμός ἔθνος χώρα χώρα, ἡ λεγομένη Μυσία χώρα πόλις πόλις Μυσίας, τῆς νῦν Βιθυνίας πόλις Τρωϊκὸν ἔθνος πόλις τῆς Λακωνικῆς πόλις Αἰγύπτου ὁ Μουσῶν τόπος τὸ ὄρος. σὺν τῷ ν λέγουσιν πόλις ἐθνικόν ἐθνικόν πόλις Ἰταλίας πολυάνθρωπος, προκειμένη ἐν θαλάττῃ πηγὴ ἐν Ἐφέσῳ ποταμός πόλις πόλις πόλις πόλις τόπος τις πόλις πόλις ὄρη ἐθνικόν χώρα Ἀθηναίοις τῆς Κίου νήσου τὸ Καισαρείας ὄρος νῆσος τόπος ὄρη τόπος ἐθνικόν πόλις τῆς Βοιωτίας χώρα τόπος τῆς Ἀττικῆς τόπος πόλις Βοιωτίας χώρα, ἡ τῆς ἀνατολῆς τὸ ὄρος ποταμὸς Θηβῶν

Commentaire   Cf. Lexicum Ambrosianum 11 (Adler)   Cf. Lexicum Ambrosianum 75 (Adler)   Lexicum Ambrosianum 286 (Adler)   Lexicum Ambrosianum 461 (Adler) Lexicum Ambrosianum 649 (Adler) Cf. Lexicum Ambrosianum 751 (Adler) Lexicum Ambrosianum 754 (Adler) Lexicum Ambrosianum 764 (Adler) Cf. Lexicum Ambrosianum 736 (Adler) Lexicum Ambrosianum 753 (Adler) Cf. Lexicum Ambrosianum 817 (Adler) Lexicum Ambrosianum 816 (Adler) Excerpta Constantiniana ?   Cf. Lexicum Ambrosianum 1261 (Adler) Cf. Lexicum Ambrosianum 1741 (Adler)   Lexicum Ambrosianum 2040 (Adler) Lexicum Ambrosianum 2016 (Adler) Cf. Lexicum Ambrosianum 2123 (Adler) Cf. Lexicum Ambrosianum 2031 (Adler) Cf. Lexicum Ambrosianum 2572 (Adler) Lexicum Ambrosianum 2653 (Adler)   Lexicum Ambrosianum 3180 (Adler) Cf. Lexicum Ambrosianum 3184 (Adler) Cf. Lexicum Ambrosianum 3326 (Adler)     Lexicum Ambrosianum 3244 (Adler)   Cf. Lexicum Ambrosianum 3327 (Adler) Lexicum Ambrosianum 3175 (Adler) Lexicum Ambrosianum 3234 (Adler) Lexicum Ambrosianum 3268 (Adler)   Lexicum Ambrosianum 3166 (Adler) Lexicum Ambrosianum 3233 (Adler) Cf. Lexicum Ambrosianum 3531 (Adler) Lexicum Ambrosianum 3469 (Adler) Lexicum Ambrosianum 3467 (Adler)

Figure 29 – Tableau des mentions de géonymes se rapportant à la tradition 1c chez Hesychius, lettre α. Réf. α 395 α 490 α 704 α 706 α 887 α 1005 α 1190 α 1192 α 1201 α 1555 α 1574 α 1578 α 1579 α 1662

Nom Ἀγγίτας Ἀγηνόριος ἀγοραῖοι Ἀγορὰ Λύκειος Ἀγχιαλῄς Ἀδανίην Ἀδράστεια Ἀδραστεῖον Ἀδριανοί Ἀθήναζε Ἀθηνᾶ Ἀθήνηθεν Ἀθήνῃσιν Αἰαίη

α 1681 α 1687 α 1688 α 390 α 1702 α 1703 α 1693 α 1865 α 1870 α 1961 α 1995 α 2654

Αἰγαῖον ἁλμυρόν Αἰγαίοις Αἰγαίων Αἰγιαλέων Αἰγιάλεια Αἰγιαλεῖς Αἰγινητικὰ ἔργα Αἰθιοπία Αἰθίοψ Αἱμονία Αἰνόθεν Ἀκταία

α 3392 α 6989 α 7017 α 7019 α 7056 α 7113 α 7236 α 7622 α 7676 α 7802 α 7803 α 7958 α 7837 α 7838 α 7991 α 7992 α 8352 α 8353 α 8354 α 8808 α 8813 α 8815 α 8810

Ἀμαζών Ἀραύκηλις Ἀργείη Ἀργεῖοι Ἄργος Ἄρειος πάγος Ἀρίσβηθεν Ἀσαναίων πόλιν Ἀσιώτας Ἀσσυρία Ἀσσυρίῃ Ἀσυρίων Ἀστερίη Ἀστέριοι Ἀταβυρία (*)Ἀταβύριον *Αὐσωνίοις (*)Αὐσωνίοισι *Αὐσωνίων Ἀχαΐδα γαῖα Ἀχαιοί *Ἀχαιοῖς Ἀχαιμένης

Définition ὁμοίως καὶ ἡ Ἄρτεμις. Πυθαγόρειος. οἱ ἐν ἀγορᾷ ἀναστρεφόμενοι. ἐν Ἄργει. ἡ Ἀττική. ἀπὸ Ἀγχιάλου. οὕτως τὸ πρότερον ἡ Μολοσσία ἐκαλεῖτο. ἡ Νέμεσις, ἣν οὐκ ἄν τις ἀποδράσειεν. πρῶτος ἱερὸν Νεμέσεως ἱδρύσατο. Κελτοί, οἱ παρὰ τὴν Ἀδρίαν περίοικοι. εἰς Ἀθήνας. εἶδος αὐλοῦ {Μεγακλείδι}. ἐξ Ἀθηνῶν. ἐν Ἀθήναις. I- ἡ νῆσος, ἣν κατῴκει ἡ Κίρκη. II- καὶ αὐτὴ ἡ Κίρκη ὁμώνυμος· Αἰαίη δολόεσσα III- ἢ ἐθνική, ἀπὸ τῆς νήσου. τὸ ὄνομα δὲ πεποιημένον παρὰ τὸ αἲ αἲ τοὺς θρηνοῦντας φθέγγεσθαι, ἤτοι τοὺς {ὑπὸ τῶν} παρὰ τοῖς Λαιστρυγόσιν ἀναιρεθέντας θρηνεῖσθαι. ἢ διὰ τὸ ἀξίαν εἶναι θρήνου τὴν τῶν μεταμορφουμένων ἀποθηρίωσιν. πέλαγος . θαλασσίωι περιαγνίζουσιν. ἐπιτεταμένως ἐνάλιος θεός καὶ τὸ περὶ τὰς Κυκλάδας πέλαγος οἱ δὲ ὁ Βριάρεως, καὶ ὁ Ποσειδῶν. Ἀργείων. ἡ νῦν Ἀχαΐα. οἱ μετὰ Ἀγαμέμνονος στρατευσάμενοι πρότερον Ἴωνες, νῦν δὲ Ἀχαιοὶ ἐν Σικυῶνι. τοὺς συμβεβηκότας ἀνδριάντας. ἡ Σαμοθρᾴκη. ὁ Λέσβιος. μέλας ἢ τὸ κεράμιον. I- ἡ Θεσσαλία. II- καὶ ἡ Ἔφεσος. ἀπὸ τῆς Αἴνου. ἡ Ἀττικὴ πρώτως οὕτως ἐκαλεῖτο. καὶ ἡ ἐκ τοῦ Ἀκτίτου λίθου κατασκευασθεῖσα, τοῦ Πεντελικοῦ · τροφή. . μία τῶν Ἀμαζόνων. ἡ νῦν Αἴγυπτος. Πελοποννησία λευκὴν δὲ † Ἡσίοδος. οἱ Ἕλληνες. καὶ ἐκ τῶν εἱλώτων οἱ πιστευόμενοι οὕτως ἐλέγοντο. ἢ λαμπροί. Πελοπόννησος. ἐν Ἀθήναις δικαστήριον ἐν τῇ ἀκροπόλει. ἀπὸ Ἀρίσβης πόλεως. τὰς Ἀφίδνας. Ἀσέα ἐστὶ κώμη Ἀρκαδίας, ὅθεν Ἀλφειὸς δοκεῖ τὰς πηγὰς ἔχειν. ἡ Χαλδαϊκή. τῇ Χαλδαϊκῇ. Χαλδαίων. ἡ Κρήτη καὶ ἡ Δῆλος οὕτως ἐκαλοῦντο. οἱ πρῶτοι τὴν Τένεδον κατοικήσαντες. ἡ Ῥόδος πάλαι. ἔνθα {ὄρος} θηρία συνάγονται. ὑπὸ τὴν Ἰταλίαν . Ῥωμαϊκοῖς. Ἰταλικῶν. ἡ τῶν Ἑλλήνων γῆ. οἱ Ἕλληνες κυρίως δὲ οἱ κατοικοῦντες μέρος τι τῆς Πελοποννήσου, τὴν καλουμένην Ἀχαΐαν. τοῖς Ἕλλησιν. Πέρσης, ἀπὸ Ἀχαιμένους βασιλέως· καὶ αἱ Περσεῖδαι.

3. Approche des sources lexicales des Ethniques

151

Figure 30 – Tableau des mentions de géonymes se rapportant à la tradition 1c dans la Souda, lettre α. Réf.

Nom

Définition

Commentaire

α 15

Ἀβάντειος

ὁ τοῦ Ἄβαντος

 

α 43

Ἀβάντειος

Ἀβαντιάδης

Cf. Lexicum Ambrosianum 22 (Adler)

α 26

Ἄβδηρα

ἡ θάλασσα

 

α 26

Ἄβδηρα

Ἀβδηρίτης ὁ πολίτης

Lexicum Ambrosianum 72 (Adler)

α 40

Ἀβιαδηνός

ἀπὸ πόλεως Ἀβιαδηνῆς

 

α 142

Ἀγαμήδης

θηλυκὸν Ἀγαμήδη

Lexicum Ambrosianum 271 (Adler)

α 733

Ἀθήνησιν

ἐν ταῖς Ἀθήναις

 

α 1043

Ἀκυληΐα

Ἀκυληΐσιοι, οἱ πολῖται

 

α 1119

Ἀλεξάνδρεια

καὶ ὁ πολίτης Ἀλεξανδρεύς

 

α 1119

(Ἀλεξάνδρεια)

Ἀλεξάνδρειος

Cf. Lexicum Ambrosianum 1255 (Adler)

α 1603

Ἀμινσηνός

ἀπὸ τόπου

Cf. Lexicum Ambrosianum 1636 (Adler)

α 1608

Ἀμνειός

ὁ ποταμός

Lexicum Ambrosianum 1628 (Adler)

καὶ ὁ ἀμνός

Lexicum Ambrosianum 1505 (Adler)

α 1672

Ἀμυκλαῖος

ἀπὸ τόπου

Cf. Lexicum Ambrosianum 1637 (Adler)

α 1754

Ἀμφίπολις

Ἀμφίπολις Ἀμφιπόλεως κλίνεται

Cf. Lexicum Ambrosianum 1671 (Adler)

α 1644

Ἀμώριον

Ἀμωραῖος

Cf. Lexicum Ambrosianum 1635 (Adler)

Ἀμορραῖος δέ

 

α 2513

Ἀνθίνη

καὶ Ἄνθινον, ἀνθηρὸν, βαπτόν

Synagôgê

α 2513

(Ἀνθίνη)

καὶ Ἄνθινος χιτών, καὶ ἡ τροφή

Lexicum Ambrosianum 1820 (Adler)

α 3734

Ἀράξης

καὶ Ἀράξαι, συντρῖψαι

Synagôgê

α 3755

Ἀρβύλη

δὲ τὸ ὑπόδημα

Cf. Lexicum Ambrosianum 3206 (Adler)

α 3758

Ἀργανθώνη

Ἀργανθώνειος κλίνη

Lexicum Ambrosianum 3226 (Adler)

α 3881

Ἀριμάνιος,

θεὸς παρ’ Αἰγυπτίοις

Lexicum Ambrosianum 3014 (Adler)

α 3883

Ἀριματθαῖος

ἀπὸ τόπου

Cf. Lexicum Ambrosianum 3188 (Adler)

α 4288

Ἀσσυρίηθεν

ἀπὸ τῆς Ἀσσυρίας

Lexicum Ambrosianum 3593 (Adler)

il peut s’agir encore de rouleaux et non de codices ce qui en limite considérablement la taille. Nous reviendrons plus loin sur le lexique de Diogenianus, mais nous conviendrons ici que les géonymes constituent une catégorie spécifique de la Souda et d’Hesychius (ce qu’atteste d’ailleurs le Lexicum Ambrosianum avec ses différentes catégories), et que ce que nous avons regroupé sous le terme de « tradition 1 » semble bien provenir, à l’origine, d’un même corpus documentaire. Celui-ci comprenait un texte probablement un peu détaillé, donnant des informations chrono-mythologiques ou des formes dérivées qui ont généralement (mais pas toujours) disparu de la Souda ou du lexique d’Hesychius. Les filtres successifs de grammairiens ou de lexicographes auront eu raison de l’homogénéité formelle originelle. Nous ne nous avancerons pas sur les autres caté-

gories de lemmes (hors géonymes) que nous n’avons pas étudiées. Notons enfin que ces lemmes nous semblent peu compatibles avec un lexique généraliste comme semble l’être les Expressions de toutes sortes, œuvre de Diogenianus mentionnée par la Souda et par Photios.

3.3. Les traditions hors Diogenianus On étudiera de façon plus rapide les traditions qui relèvent du lexique dit d’Harpocration et celles qui ont été moins utilisées par nos lexiques byzantins car elles ne présentent pas de point commun avec les Ethniques de Stéphane de Byzance. Il s’agit avant tout de deux lexiques attiques clairement identifiés, de deux autres anonymes, du lexique de Cyrille, de celui de Methodios et enfin de textes variés.

152

Deuxième Partie : Organisation, contenu et sources des Ethniques de Stéphane de Byzance

3.3.1. La tradition du lexique dit d’Harpocration (tradition 2) Le lexique placé sous le nom d’Harpocration est certainement celui qui a conservé de nos jours la forme la moins réduite. Il présente encore les références aux auteurs anciens qui ont souvent disparu des lexiques plus récents. Nous pouvons étudier la tradition d’Harpocration surtout à propos des dèmes attiques mais quelques géonymes attiques apparaissent également. Le lexique dit d’Harpocration  La Souda (α 4014 Adler) mentionne « Harpocration, ayant le nomen de Valerius » comme auteur du Lexique des dix orateurs (Λέξεις τῶν δέκα ῥητόρων). Un lexique au nom de cet auteur est connu par de nombreux manus­ crits, pour la plupart tardifs. Il a fait l’objet de nombreuses publications54, dont aucune n’apparaît totalement satisfaisante pour la recherche55. Un fragment de papyrus (P. Ryl. 3 532) a livré quatre gloses (K 25-26, 32-33) issues de ce lexique56 ; il est daté de la fin du iie ou du début du iiie siècle de notre ère. Un second papyrus (P. Oxy. 40 2912), une lettre, donne une indication sur des références qu’Harpocration a pris dans le lexique de Valerius Pollion, le père de Diodore, lexique que signale également Photios. Ces trois auteurs sont donc les témoins d’un même contexte intellectuel, qui correspond au courant atticiste des second et troisième quarts du iie siècle de notre ère. Les manus­c rits de la version développée de ce lexique sont nombreux, mais s’avèrent pratiquement tous tardifs (xve et xvie siècle). L’analyse de J. Keaney tend à faire dériver tous les manus­crits (dont le plus ancien, Cantabrigensis Dd.IV.63 [diktyon 12156], fol. 9-61, serait de peu antérieur à 1330) d’un archétype connu aux alentours de 1300, utilisé par un érudit qui pourrait être Manuel Moschopoulos 57. On a conservé également un épitomé de cette œuvre 58, antérieur au Lexique de Photios, et copié dans plusieurs manus­crits dont un du xiie siècle (E : Palatinus Heidelbergensis 375 54   L’édition la plus complète est Keaney  1991 mais elle contient de nombreuses erreurs ; il faut donc la comparer avec les éditions plus anciennes (Bekker 1833 et Dindorf 1853). 55  Dickey 2007, p. 94. 56  Les informations qui suivent sont tirées de Keaney 1991, p. ix-xxxi. Voir également Naoumidès 1961 qui en a complété la lecture. 57  Keaney 1991, p. xiii sq. 58  Keaney 1991, p. xxii-xxv.

[diktyon 32477], fol. 1-53) et un second (D : Parisinus gr. 2552 [diktyon 52184], fol. 24-88), copié en 1496, qui contient une soixantaine de notices non reproduites dans la version plus longue. Malheureusement, les éditions ne permettent pas d’avoir une vue complète des deux versions : jusqu’à présent on ne s’est attaché qu’à la reconstruction la plus complète de l’œuvre sans faire apparaître précisément ce qui existait dans tel ou tel manus­crit. Les géonymes dans le lexique Toutes les notices se présentent d’une façon identique : le lemme servant d’entrée à la notice provient du texte de l’un des orateurs attiques, dont la référence est donnée immédiatement après la forme lexicale du lemme. Lorsqu’elle manque, c’est le signe d’une disparition postérieure à la rédaction. Le lemme étant repris sous la forme que l’on trouve dans le texte source, l’auteur du lexique le mentionne à nouveau sous une forme non déclinée pour les noms (au nominatif ) ou non conjuguée pour les verbes. Il donne ensuite une définition, suivie éventuellement d’autres formes dérivées et de mentions/citations d’auteurs antiques. Le texte que nous avons conservé possède quelques notices qui sont visiblement exogènes ; c’est le cas par exemple du dème Alieus (A 67 Keaney) ou du géonyme Aithiopion (A 52 Keaney), dont la notice correspond à la forme du Lexicum Ambrosianum (tradition 1a). Il s’agit certainement d’informations qui ont été ajoutées dans une des phases anciennes de l’histoire du texte puisqu’on les retrouve ensuite dans la Synagôgê et dans le Lexique de Photios. Cette contamination est toutefois très réduite et facilement identifiable. La tradition d’Harpocration est particulièrement importante aux ixe et xe siècles : la Synagôgê, Photios et la Souda exploitent très largement ce matériau de premier choix, avec des variantes qui sont autant de traces de l’histoire du texte. On a mis en évidence la façon dont chacun des auteurs postérieurs avait utilisé ce lexique, tout particulièrement avec les éditions récentes (et scientifiques) du texte de Photios59 et de la Synagôgê60. La tradition 2 est donc riche et a largement servi la connaissance de la Grèce antique à l’époque byzantine.

59  60 

Theodoridis 1982, 1998 et 2012. Cunningham 2003.

3. Approche des sources lexicales des Ethniques Une autre attribution ? La dénomination d’Harpocration pour le lexique conservé nous semble problématique. Ce lexique, on l’a dit, a été fréquemment utilisé pour le lexique de Photios, souvent de façon littérale. On a indiqué ci-dessus les différents lexiques attiques que ce dernier mentionne dans sa Bibliothèque ; aucun ne porte le nom d’Harpocration. On peut imaginer que si Photios connaissait un lexique sous ce nom, il l’aurait au moins signalé, ne serait-ce que pour le comparer à ceux qu’il avait découverts. Si l’on s’en tient à ses commentaires et à l’intérêt que présentaient selon lui les différents lexiques de cette catégorie, on en retiendra deux différents. Celui de Julien, qui porte un titre identique, est celui qui a la préférence de Photios en termes de qualité. Le second, celui de Denys d’Halicarnasse le jeune, est conservé à son époque en deux éditions différentes, dont l’une est probablement le résumé de l’autre. Ceci correspond à l’état de notre texte puisqu’il existe deux traditions différentes ; cependant le lexique de Denys est connu par ailleurs et n’est pas équivalent à ce texte. Dans l’étude des manus­crits conservés, on signalera qu’aucun n’est plus ancien que le xiie siècle. Le fait de voir dans la forme abrégée du lexique dit d’Harpocration une des sources de Photios et de le faire remonter au début du ixe siècle est totalement théorique. Tout au plus pouvons-nous noter qu’un lexique (appelé à partir du xiie siècle Lexique d’Harpocration) a servi de source à Photios. De la même manière, le fait que des fragments de ce lexique aient été retrouvés sur papyrus témoigne de l’ancienneté du texte mais ne donne pas le nom de son auteur. Enfin, il faut noter que les titres que portent nos manus­ crits restent eux aussi problématiques61 : deux manus­crits de l’épitomé (D, daté de 1496 et E du xiie siècle) ont un titre qui semble directement tiré de la Souda (λέξεις τῶν δέκα ῥητόρων συλλεγεῖσαι παρὰ Ἁρποκρατίωνος τοῦ γραμματικοῦ), de même qu’un manus­crit (A) de la version plus complète (Ἁρποκρατίωνος λεξικὸν τῶν δέκα ῥητόρων). Un des manus­crits de l’épitomé (Saba) le rattache en revanche à Phrynichos (Γραμματικὴ κατὰ στοιχίον τοῦ Φρυνίχου). La comparaison des lemmes du lexique avec les quelques précisions issues de Phrynichos dans l’Épitomé de Stéphane de Byzance démontre clairement qu’il ne peut pas être l’auteur du lexique : par deux fois (s.v. Agnous, α 37 et Thêmakos, θ 42), les indications

61 

L’étude a été entamée par H. Schultz (Schultz 1912).

153 rattachées explicitement à Phrynichos ne correspondent pas à celles du lexique dit d’Harpocration. Les autres manus­crits, assez nombreux et remontant au moins pour l’un d’entre eux (version abrégée) au ixe siècle, n’ont pas de nom d’auteur et le lexique n’a pas de titre. On peut se demander si l’attribution du lexique à Harpocration n’est pas une restitution totalement théorique d’un érudit du xiie siècle, familier de la Souda. Nous verrions volontiers dans ce lexique celui de Julien lu par Photios. 3.3.2. Les lexiques attiques Plusieurs lexiques attiques ont été analysés pour leur préservation de géonymes. Nous distinguerons ceux se rapportant à la tradition 3 (Pausanias et Denys d’Halicarnasse le jeune) de ceux, anonymes, de la tradition 5. Les lexiques de Pausanias et Denys d’Halicarnasse le jeune (tradition 3) Dans l’analyse que nous avons faite de la lettre α, quelques géonymes relèvent de la tradition des deux lexiques attiques de Pausanias (Collection de noms attiques, Ἀττικῶν ὀνομάτων συναγωγή)62 et de Denys d’Halicarnasse le jeune (Noms attiques, Ἀττικὰ ὀνόματα)63. Il s’agit en tout cas des mentions attribuées à ces deux auteurs selon la reconstruction que H. Erbse a pu faire de leur œuvre64, car le nom de la source n’apparaît pas forcément dans les lexiques byzantins dont elles sont issues. Ces deux auteurs appartiennent au iie siècle de notre ère et leurs lexiques sont connus jusqu’à la fin du xiie siècle65. Ces deux lexiques ont été utilisés à la fois par la Synagôgê et le Lexique de Photios. On notera ici quelques observations faites sur la base de notre corpus d’étude. Ainsi, les deux mentions d’Agrai dans la Synagôgê proviennent des deux lexiques. Celle de Pausanias sert également au lexique platonicien de Timée. De même, la notice d’Aornos provient de Pausanias. Pour les noms des dèmes, Anagurasios daimôn se retrouve chez Photios (α 1432 Theodoridis), de même

Agrai/Agra (α 20), Anagurasios daimôn (α 109), Sphêttioi (σ 35), Kunosarges (κ 18), Abudos (α 3), aigilips (α 38), Alikoi (α 66), Aornos (α 127), Areios Pagos (α 147). 63  Agrai (α 24), Akraganta (α 67), Anaia (α 117). 64  Erbse 1950. 65   Eustathe de Thessalonique les utilise, comme le montre l’édition de Van der Valk 1955. 62 

154

Deuxième Partie : Organisation, contenu et sources des Ethniques de Stéphane de Byzance

que Sphêttioi66. Photios, la Synagôgê et la Souda ont utilisé la notice d’Areios Pagos de Pausanias. Enfin, l’une des notices de Pausanias (Abudos) est reprise par la Souda, agrégée à d’autres informations issues d’auteurs variés, sans qu’on ne la retrouve dans la Synagôgê ou chez Photios. Stéphane de Byzance ne semble pas avoir utilisé ces lexiques attiques. Ainsi pour la notice Anaia, même si l’on retrouve la mention de Thucydide, les informations ne sont pas les mêmes. Nous n’avons pas plus de correspondance pour les autres géonymes. Deux lexiques attiques non attribués (traditions 5A et 5B) La tradition 5A nous est connue à travers Photios et la Souda, sans mention d’un auteur particulier. On peut attribuer à un lexique spécifique mais non identifié précisément, les lemmes suivants  : Hazênieis/Herchieis/ Halieis, Anaguron kinein, Eteoboutadai, Perithoidai67. Il s’agit exclusivement de nom de dèmes. Ces mentions se distinguent des autres par un doublon (voire une triple entrée comme pour Azênieus) chez Photios. Deux autres notices ne sont présentes que chez Photios : Lamptreis, Titakidai/Thurgônidai68. Il n’est pas assuré qu’elles proviennent du même lexique puisqu’on ne les retrouve pas dans la Souda. Toutefois, la forme même des informations les apparente très fortement aux autres notices de cette tradition, c’est pourquoi nous proposons de les rattacher au même lexique. Le fait qu’il s’agisse exclusivement de géonymes attiques (et en particulier de dèmes) plaide en faveur d’une origine commune, correspondant à l’un de ces lexiques attiques si fréquents. Les notices sont assez détaillées et comportent encore la mention de sources antiques, comme Polémon (Hazênieis) ou Éphore (Perithoidai). Les notices issues de la tradition 5B se retrouvent aussi bien dans la version amplifiée de la Synagôgê que chez Photios69. Il s’agit avant tout de dèmes attiques  : Angelê, Ankulê/Araphê, Azênia/Amaxentia/ Anankaia/Acherdous/Agriadiai, Anagurous, Batê, Boutadai, Gargêttos, Daidalidai, deirades  ?, Diomeis, Eleusis, Thêmakos, Threia, Thumaitadai, Kothôkidai, 66  Il faut probablement attribuer également à Pausanias la suite de la notice de Photios pour ce lemme. 67  Hazênieis/Herchieis/Halieis : Photios α 434 et Souda α 594 ; Anaguron kinein : Photios α 1433 ; Eteoboutadai : Photios ε 2056 et Souda ε 3283 ; Perithoidai : Photios π 691 et Souda π 1168. 68  Lamptreis : Photios λ 74 ; Titakidai/Thurgônidai : Photios τ 327. 69   Ceci explique que l’on ait des correspondances avec la Synagôgê pour la seule lettre α.

Kothulê/Kuthêrioi/Kudathênai ; Korudalleis, Lamptrai, Lakiadai/Lousiai, Marathôn, Tithrasios70 ; et de quelques toponymes  : Aigaleôs, Aimon, Alubas, Asia, Asias et Asiados kroumata71. Les notices des dèmes sont quasiment toutes sur le même modèle : on note une simple indication de la tribu, rarement un complément d’informations. Les dèmes rattachés à une même tribu sont souvent regroupés par ordre alphabétique. Une des caractéristiques de ces lemmes est le grand nombre d’erreurs de copies qu’ils présentent. Le manus­crit qui a servi à Photios et à la Synagôgê était sans doute assez largement corrompu et ces erreurs ont été reproduites fidèlement dans les lexiques byzantins. Les toponymes plus généraux sont relativement détaillés ; c’est par leur seule présence commune dans la Synagôgê et chez Photios que l’on propose de les rattacher à cette tradition. Ils s’apparentent toutefois à ceux de la tradition 5A, comportant en particulier des mentions d’auteurs anciens. On notera ainsi la notice Aimon, qui contient la mention d’Hécatée et de nombreux autres auteurs, qui apparentent cette notice à celle de Stéphane de Byzance. Ces mentions sont assez proches de celles de Diogenianus. La présence chez Photios des lemmes issus de ces deux traditions doit certainement faire rechercher une origine dans les lexiques qu’il mentionne. Le premier comprend peu de lemmes. Le second a pour caractéristique la mauvaise qualité du manus­crit que lisait Photios (ou son altération, ce qui le rendait peu lisible ?). Si l’on reprend sa liste de lexiques (cf. supra p. 139), il faut éliminer ceux que l’on connait par ailleurs (Pausanias, Denys le jeune, l’Atticiste de Moeris), celui de Phrynichos et peut-être celui de Julien s’il s’agit de celui dit d’Harpocration. Il 70   Angelê  : Photios α  133 et Synagôgê  Σ’’’ α  250  ; Ankulê/ Araphê : Photios α 186 et Synagôgê Σ’’’ α 278 ; Azênia/Amaxentia/ Anankaia/Acherdous/Agriadiai  : Photios α  433 et Synagôgê  Σ’’’ α 421, Anagurous : Photios α 1431 (et Synagôgê ? pages disparues) ; Batê : Photios β 94 ; Boutadai : Photios β 243 ; Gargêttos : Photios γ  36  ; Daidalidai  : Photios δ  10  ; deirades  ?  : Photios δ  139 et Synagôgê δ 78 ; Diomeis : Photios δ 636 ; Eleusis : Photios ε 602 ; Thêmakos : Photios θ 162 ; Threia : Photios θ 213 ; Thumaitadai : Photios θ 251 ; Kothôkidai : Photios κ 859 ; Kothulê/Kuthêrioi/ Kudathênai : Photios κ 858 ; Korudalleis : Photios κ 984 ; Lamptrai : Photios λ 72 ; Lakiadai/Lousiai : Photios λ 40 ; Marathôn : Photios μ 101 ; Tithrasios : Photios τ 286. 71  Aigaleôs  : Photios α  503 et Synagôgê  Σ’’’ α  601  ; Aimon  : Photios α 630 et Synagôgê Σ’’’ α 634 ; Alubas : Photios α 1051 et Synagôgê Σ’’’ α 923 ; Asia : Photios α 2955 et Synagôgê Σ’’’ α 2224 ; Asias : Photios α 2956 et Synagôgê Σ’’’ α 2225 ; Asiados kroumata : Photios α 2957 et Synagôgê Σ’’’ α 2226.

3. Approche des sources lexicales des Ethniques en reste deux de type attique : le lexique de Philostrate de Tyr et celui de Diodore, le fils de Valerius Pollion. Nous proposerons cette attribution pour les deux traditions 5A et 5B, sans pouvoir apporter plus de précisions dans le cadre de cette recherche rapide. 3.3.3. Les traditions 5C à 7 Une source méconnue de l’Etymologicum Genuinum : Methodios (tradition 7B) À côté des deux traditions importantes que constituent le lexique dit d’Harpocration et Diogenianus, l’Etymologicum Genuinum utilise lui des sources différentes, dont le nom est souvent donné à la fin de la notice. Hormis quelques mentions issues des scholiastes (comme les scholies à Apollonios de Rhodes), deux auteurs principaux sont signalés : Methodios et Oros. Pour la tradition qui remonte à Oros (tradition  7A), nous renvoyons à l’étude de ce grammairien supra (p. 118 sq.). L’auteur du lexique placé sous le nom de Methodios reste pour nous un parfait inconnu. Tous ceux qui ont étudié l’Etymologicum Genuinum ou les textes qui en sont issus (comme l’Etymologicum Magnum) ont été allusifs sur cet auteur. Cela commence par R. Reitzenstein, dans son ouvrage magistral sur l’histoire des Etymologica, qui reste encore une référence dans ce domaine. Il le signale parmi les sources de l’Etymologicum Genuinum ainsi qu’en marge des lemmes qu’il transcrit mais ne donne pas d’informations sur l’auteur72. Un siècle plus tard, la publication du Lexicon Αἱμωδεῖν (du nom du premier mot du lexique) par A. Dyck, qui intègre une série de gloses de Methodios au début du texte conservé, n’apporte pas plus d’informations73. Tout au plus est-il noté que, contrairement à ce que pensait C. Wendel, il n’est probablement pas un contemporain d’Orion mais l’a plutôt utilisé comme source. On notera que l’usage de Methodios est cantonné au ixe siècle : il est compilé par les Epimerismi Homerici, le Lexicon Αἱμωδεῖν et l’Etymologicum Genuinum (ce dernier ayant gardé le nom de Methodios). Dans les Etymologica plus tardifs, seuls les lemmes repris de ces sources font apparaître le nom de cet auteur. À l’inverse, d’autres auteurs, comme Oros en particulier, sont à nouveau utilisés semble-t-il à partir de leur texte d’origine dans le contexte des Etymologica. Le texte de Methodios a donc disparu assez vite. 72  73 

Reitzenstein 1897, p. 47. Dyck 1995.

155 Les géonymes qui sont rattachés à cet auteur présentent une tradition qui s’apparente beaucoup à celle de Diogenianus  ; il est très probable que Methodios a basé son travail sur ce premier lexique plutôt que sur Oros. Nous présentons ci-dessous une liste de mentions, issue de l’Etymologicum Genuinum, pour une partie de la lettre α. α 295 : Ἄκανθος· πόλις τῆς Μακεδονίας, ὅτι ἀντὶ ἐρυμάτων ῥάχοις, ὅ ἐστιν ἀκάνθαις καὶ ἀκανθώδεσι φυτοῖς, περιβέβληται. οὕτως Μεθόδιος. α 469 : Ἁλιζῶνες· οἱ Βιθυνοί, οἷον ·αὐτὰρ Ἁλιζώνων Ὀδίος καὶ Ἐπίστροφος ἦρχον· ὅτι ἡ γῆ αὐτῶν θαλάσσῃ διέζωσται καὶ οἱονεὶ χερσόνησός ἐστιν ὑπὸ τοῦ Εὐξείνου τῆς Προποντίδος διεζωσμένη. οὕτως Μεθόδιος. οἱ δὲ ἔθνος Θρᾳκῶν. α 528 : Ἀλόπη· χώρα, ἡ καλουμένη Λυκία, πρὸς τῇ Ἐφέσῳ· ἀπὸ τοῦ ἐν τῇ παραλίᾳ αὐτῆς πρῶτον αὐτομάτως ἅλας πηχθῆναι. οὕτως Μεθόδιος. α 529 : Ἄλος· πόλις Θεσσαλίας· ἀπὸ τῆς Ἀθάμαντος ἄλης περὶ τοὺς τόπους γενομένης ἐκείνους, καὶ ὑπ’ αὐτοῦ κτισθεῖσα. λέγεται δὲ καὶ ἀρσενικῶς. οὕτως Μεθόδιος. α 554 : Ἀλφειός· ὁ ἐν Ἤλιδι ποταμός· παρὰ τὸ τοὺς ἀλφοὺς θεραπεύειν. ἢ παρὰ τὸ ἄλφειν, ὅ ἐστι θεραπεύειν καὶ ὠφελεῖν· ὠφέλιμον γὰρ αὐτοῦ τὸ ὕδωρ. Μεθόδιος. α 565 : Ἀλωπεκόνησος ·ὄνομα νήσου· ὅτι Ἀθηναίοις ἀποικίαν στελλομένοις ὁ θεὸς ἔχρησεν ἐκεῖ κατοικῆσαι, ἔνθα ἂν ἀλώπηξ φανῇ· καὶ ἐν τῇ νήσῳ φανείσης τῆς ἀλώπεκος ᾤκησαν. Μεθόδιος. α 662 : Ἀμνειός· ποταμὸς περὶ τὸ † Θεμίσκυρον εἴρηται, ὅτι διὰ τὴν τραχύτητα μνείαν οὐκ ἔχει· μνειός καὶ Ἀμνειός. οὕτως Μεθόδιος. α 725 : Ἀμφίπολις· πόλις Ἀθηναίων [ἢ] Θρᾴκης, ἥτις ἐκαλεῖτο πρότερον † Ἐνάοδοι διὰ τὸ περιέχεσθαι καὶ περιοδεύεσθαι ὑπὸ τοῦ Στρυμῶνος ποταμοῦ. Μεθόδιος. On notera en particulier la notice sur Alopê, qui est signalée selon Methodios comme l’autre nom de la Lycie. Stéphane de Byzance cite six  toponymes de ce nom (ville de Thessalie, d’Attique, du Pont, d’Eubée, près de Delphes et de Locride) et ajoute la mention d’Homère qui place la ville entre Mysie, Carie et Lydie ; Hesychius en mentionne seulement deux (ville en Argolide et source à Éleusis). Les scholies à Apollonios de Rhodes signalent quant à elles une ville de Thessalie

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Deuxième Partie : Organisation, contenu et sources des Ethniques de Stéphane de Byzance

la tradition  5C que par précaution, en l’absence d’éléTradition Auteurs Lexique ments de comparaison (comme 1 Diogenianus ? Hesychius, Souda Hesychius) et pour éviter de 2 Harpocration ? (= Julien ?) abrégé d’Harpocration, Photios, Souda tout rapporter de façon systématique à Diogenianus. Sans 3 Pausanias et Denys d’Halicarnasse le jeune Photios, Synagôgê une édition critique d’en4 Stéphane de Byzance Épitomé semble du texte de Cyrille, il 5A Philostrate de Tyr ou Diodore ? Photios, Souda est cependant difficile d’appro5B Philostrate de Tyr ou Diodore ? Photios, Synagôgê fondir l’étude de ce lexique. 5C Cyrille Hesychius, Synagôgê, Souda, Photios La Souda, comme l’Ety6 scholia et Excerpta Constaniniana Souda, Etymologicum Genuinum mologicum Genuinum, utilise 7A Oros Etymologicum Genuinum parfois les textes provenant de scholies (tradition 6), en par7B Methodios Etymologicum Genuinum ticulier celles d’Apollonios de 7C Orion Etymologicum Genuinum Rhodes. Nous avons regroupé dans cette tradition les difou de Magnésie. Aucune de ces identifications géograférentes mentions qui en proviennent, auxquels nous phiques ne correspond à celle de Methodios. Ce dernier avons adjoint les textes issus d’auteurs divers, toujours utilise probablement des sources différentes. présents dans ces deux lexiques. On trouve en particuNous connaissons plusieurs personnages ayant porté lier dans la Souda des fragments de textes littéraires comle nom de Methodios. L’un d’eux, célèbre, est patriarche pilées par les Excerpta Constantiniana. Il ne s’agit donc de Constantinople de 843 à 847 ; on sait qu’il séjourna à pas à proprement parler de source lexicographique. Ces Rome puis fut envoyé en exil dans une cellule du monastextes sont, quoi qu’il en soit, facilement identifiables75. tère de l’île Saint-André (mer de Marmara). Est-ce l’auEnfin, l’Etymologicum Genuinum mentionne le teur cité pour son lexique  ? L’absence de toute autre lexique étymologique d’Orion (tradition 7C), dont le utilisation de ce lexique avant et après le ixe siècle rend nom est parfois indiqué. On peut attribuer à cet auteur peu vraisemblable un auteur vraiment ancien qui aurait la source des notices suivantes : aguia, Alimous ?, Aigas, continué à être utilisé. En revanche, l’attribution de ce aigilips, Akêdia, Amazôn. L’œuvre (ou plus exactement texte au patriarche Méthode pourrait peut-être expliquer un abrégé) en est conservé, il est donc facile de retrouver les deux œuvres « parallèles » que constituent l’Etymoces quelques rares mentions ; elles n’apportent pas d’inlogicum Genuinum et le Lexique de Photios, en partiformations nouvelles. culier si Méthode était assimilé à son successeur Ignace Avant de revenir sur le lexique de Diogenianus, nous e qui fut le rival de Photios tout au long du 3  quart du résumons dans un tableau (fig. 31) les différentes tradiixe siècle74. Le lexique de Methodios n’aurait quasiment tions lexicographiques que nous avons pu mettre en évipas survécu à son auteur. dence concernant les géonymes. Figure 31 – Les traditions lexicographiques.

Les traditions 5C, 6 et 7 C Les notices analysées mettent en évidence d’autres traditions. Le lexique de Cyrille (tradition 5C) est à l’origine de très nombreux lexiques byzantins, en particulier la version ancienne de la Synagôgê ou Hesychius. Les quelques mentions de géonyme que l’on peut attribuer à ce lexique semblent assez proches de Diogenianus ; dans l’étude détaillée du corpus pour notre thèse, nous avons d’ailleurs choisi de regrouper plusieurs notices de Cyrille avec la tradition 1. Nous n’avons séparé les notices de 74  

Ceci mériterait une étude plus approfondie qui dépasse largement le cadre de notre étude.

3.4. Les sources lexicographiques des Ethniques Si l’on reprend l’ensemble des traditions comportant une lexicographie à caractère géographique, c’est la tradition 1, celle de Diogenianus, qui est la plus proche de la compilation de Stéphane de Byzance. 75 

On lira avec intérêt l’analyse des fragments de Théopompe dans la Souda (Chávez Reino 2010). L’auteur met en évidence les différentes sources qui composent la Souda pour cet auteur précisément (voir en particulier p. 244 sq.), ainsi que la manière dont les textes des Excerpta Constantiniana sont à leur tour découpés pour les notices de la Souda (p. 255 sq.).

3. Approche des sources lexicales des Ethniques 3.4.1. Seconde approche du lexique de Diogenianus Nous pouvons aller plus loin, nous semble-t-il, en reprenant la notice que la Souda consacre au grammairien Diogenianus, l’auteur du lexique mentionné par Photios. Relisons d’abord le texte de la Souda (δ 1140 Adler) : Διογενειανός, Ἡρακλείας ἑτέρας, οὐ τῆς Πόντου, γραμματικός, γεγονὼς καὶ αὐτὸς ἐπὶ Ἀδριανοῦ βασιλέως. ἐπιστατέον δὲ μήποτέ ἐστιν ὁ ἐκ τῆς Ἀλβάκης Ἡρακλείας τῆς ἐν Καρίᾳ ἰατρός· ἦν γὰρ οὗτος παντοῖος λόγος· οὐ γὰρ εὗρον ῥητῶς τὸ ἐξ Ἡρακλείας αὐτὸν εἶναι τῆς ἐν Πόντῳ, ἀλλ’ οὕτω παρά τισι δεδόξασται. ἔστι δὲ αὐτοῦ βιβλία ταῦτα· Λέξις παντοδαπὴ κατὰ στοιχεῖον ἐν βιβλίοις εʹ· ἐπιτομὴ δέ ἐστι τῶν Παμφίλου λέξεων βιβλίων εʹ καὶ τετρακοσίων καὶ τῶν Ζωπυρίωνος· Ἐπιγραμμάτων ἀνθολόγιον, Περὶ ποταμῶν, λιμνῶν, κρηνῶν, ὀρῶν, ἀκρωρειῶν, Περὶ ποταμῶν κατὰ στοιχεῖον ἐπίτομον ἀναγραφήν, Συναγωγὴν καὶ πίνακα τῶν ἐν πάσῃ γῇ πόλεων· καὶ λοιπά. Diogenianus, d’une autre Héraclée, qui n’est pas celle du Pont, grammairien, ayant vécu lui aussi sous le règne de l’empereur Hadrien. Il faut considérer la possibilité qu’il ait été le médecin d’Albakê Herakleia en Carie, puisqu’il était un expert en toutes disciplines ; en effet, je n’ai pas trouvé explicitement qu’il était d’Héraclée du Pont, bien que ce soit l’opinion de certains. Voici ses livres : Lexique de toute sorte, par ordre alphabétique, en 5 livres, c’est un épitomé du lexique de Pamphile et de Zopyrion en 405  livres  ; Anthologie d’épigrammes  ; Sur les fleuves, les ports, les sources, les montagnes et les chaînes montagneuses ; il a écrit un épitomé Sur les rivières, par ordre alphabétique ; Collection et tables des cités à travers le monde, etc.

On le voit, Diogenianus n’est pas le simple auteur d’un lexique généraliste. Cette œuvre en cinq livres, qui était peut-être la plus célèbre de ce grammairien76, est encore utilisée à l’époque de Photios qui la mentionne de manière incidente comme si elle était trop connue pour relever de son ouvrage d’érudition savante. C’est certainement ce même lexique qui est à la base de celui d’Hesychius et de beaucoup de lemmes dans les lexiques que nous avons conservés, même si cela n’apparaît plus clairement de nos jours. Il ne reste d’ailleurs sous son nom qu’un lexique de proverbes et d’expressions. Il est plus intéressant de noter qu’il avait rédigé un ou plusieurs ouvrages sur les géonymes : rivières, ports, sources, montagnes, chaînes de montagne d’une part, villes d’autre part. À l’époque où la notice de la Souda a été rédigée (dans l’Onomatologos d’Hesychius ?), ces ouvrages 76  On en trouve les fragments dans deux papyri P. Oxy. 47 3329 (iiie-ive siècle) et PSI 8 892 (ive siècle), révélateurs sans doute de la diffusion de ce lexique durant le Bas-Empire et l’Antiquité tardive.

157 sont signalés comme dissociés mais il n’est pas impossible qu’ils aient fait partie à l’origine d’un même ensemble lexical à caractère géographique ; on voit bien par exemple que l’épitomé sur les rivières constitue une édition particulière dérivée de l’ouvrage plus général. Il peut en être de même de la Collection et table des cités (notons que les termes ici de « synagôgê » et « pinax » sont particulièrement intéressants dans un contexte lexico­graphique). Pour résumer, il nous semble qu’il faut distinguer au moins deux lexiques de Diogenianus. Le premier, appelé Lexique de toute sorte, par ordre alphabétique, en 5 livres (Λέξις παντοδαπὴ κατὰ στοιχεῖον ἐν βιβλίοις ε’) correspond à l’épitomé de Pamphile, par le biais de l’abrégé déjà rédigé par Julius Vestinus77. Nous reviendrons en conclusion sur l’ouvrage d’origine pour nous concentrer ici sur celui de Diogenianus. De ce lexique proviennent les lemmes non géographiques qui sont placés sous la dénomination de Diogenianus chez les scholiastes78 ou dans l’Etymologicum Magnum79. Ces dernières mentions ne semblent pas provenir de l’Etymologicum Genuinum puisque nous n’avons pas de correspondance avec ce lexique ou d’autres plus anciens dans le TLG. Existait-il encore au xiie siècle un exemplaire un peu complet du lexique « généraliste » de Diogenianus ? Cela n’aurait rien d’anormal et nous semble même certain d’après les ajouts de l’Etymologicum Magnum comme de la mention d’Eustathe de Thessalonique, dans son Commentaire à l’Odyssée (1533.14-18). Le second lexique, consacré aux géonymes au sens large, semble constituer un regroupement de plusieurs sous-lexiques thématiques : toponymes, noms de villes, de fleuves, de peuples … Bref, tout ce qui compose également les Ethniques de Stéphane de Byzance. Une mention issue du lexique de Cyrille, publié par Cramer80, peut 77  L. Cohn rappelle les deux mentions identiques repérées par B. de Montfaucon, issues du scholiaste B à Homère (Il. 5.576) et de celui de Grégoire de Naziance : « ἐκ τῶν Διογενιανοῦ τῆς ἐπιτομῆς τῶν Οὐηστἰνου (τ. Οὐ. om. Schol. Β) Ἑλληνικῶν ὀνομάτων » (Cohn 1903, col. 778). La filiation est donc clairement établie. 78  Voir les mentions dans le TLG. 79  De très nombreux lemmes sont connus : Ἀβολήτωρ, Ἀναρροιβδεῖ μέλαν ὕδωρ, Ἄναυροι, Ἄνεται, Ἀνήνορα, Ἀνίσχαλον, Ἀνόστους, ἀνταῖος, Ἀντήρεις, Ἀπιὸς, Ἄπλητα, Ἀπώμοτον … pour n’en citer que quelquesuns. Dans le recensement qu’en a dressé F. Montana pour le Lessico dei grammatici greci antichi (http://www.aristarchus.unige.net/LGGA/ it-IT/Home en ligne), on ne trouve des glosses issues de Diogenianus qu’entre les lettres α et δ inclus. Il est possible qu’il soit apparu trop long d’insérer les notices dans un corpus déjà bien fourni. 80  Cramer 1835-1837, IV, p. 184, 9. Il s’agit du Bodleianus Auct. T.2.11 [diktyon 47159], du xe siècle.

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provenir du lexique sur les fleuves : « Ἰβούθης ποταμὸς Θρᾴκης· ὁ ἀναγραφεὺς Διογενιανός ». C’est la seule que l’on connaisse de ces lexiques thématiques. Enfin, il faut noter que dans la préface qu’Hesychius adresse à Eulogius, il donne le nom de Περιεργοπένητες à l’œuvre de Diogenianus qu’il utilise81. Non mentionné par la Souda, ce nom signifie «  pauvres étudiants  » d’après la définition de Liddell-Scott-Jones et pourrait correspondre, selon les érudits qui l’ont analysé, à une déclinaison distincte de l’abrégé de Pamphile. Cet hapax regroupe à la fois l’adjectif περιέργος, η, ον signifiant « minutieux à l’excès » et le nom πένης, ητος « pauvre ». Ce terme pourrait indiquer une œuvre chargée de s’éviter de fatigantes recherches, sorte de manuel pratique82. Toutefois, s’agit-il vraiment d’un titre ? Ne pourrait-il pas plutôt s’agir d’une indication générale se rapportant à l’ensemble de ses lexiques, l’adjectif se rapportant alors à ceux-ci et témoignant du rôle que jouaient ses ouvrages pour Hesychius comme pour ses contemporains83 ? Si l’on admet cette lecture, Hesychius reprendrait la matière issue probablement des différents lexiques, ce qui expliquerait l’absence de titre réel : c’est toute l’œuvre du grammairien-lexicographe Diogenianus qui sert de base à la nouvelle compilation. Ces ouvrages ont alimenté probablement toute la littérature érudite du Bas-Empire et de l’Antiquité tardive, et peut-être encore au-delà. 3.4.2. Approche du travail lexicographique de Stéphane de Byzance Pour conclure, on a vu supra que les Ethniques regroupaient quatre catégories de notices qui peuvent être la trace d’autant d’ouvrages-source. Par comparaison avec l’ensemble des notices que nous avons rassemblées en annexe, la tradition qui apparaît très présente chez Stéphane de Byzance est celle de Diogenianus. Même s’il n’existe pas une adéquation parfaite avec Hesychius, c’est de ce lexique que notre Épitomé est le plus proche84 ; 81  Voir

Cohn  1903, col.  779-780 pour la discussion sur l’identification de cette œuvre. 82  C’est ainsi que Serrano Aybar 1977, p. 88 le comprend. 83  Le dictionnaire Lidley Scott (sur Perseus) en fait un accusatif pluriel du nom non attesté (οἱ) περιεργοπένητες. Dans la formulation d’Hesychius («  ἐπιγράψας τὰ βιβλία περιεργοπένητας  ») cela pourrait être plus vraisemblablement un adjectif se rapportant à τὰ βιβλία, nom neutre pluriel à l’accusatif. 84  P. Fraser considère que Diogenianus et Stephane de Byzance relèvent de deux traditions différentes (nous pensons le contraire) et signale que l’Épitomé ne mentionne jamais ni Pamphile ni Diogenianus, ce qui est parfaitement exact, mais ne prouve

la définition géographique est en tout point semblable. Toutefois, le niveau de détail de Stéphane de Byzance, tel qu’on peut l’approcher au travers des quelques notices non ou peu abrégées, semble se rapporter à un lexique très détaillé, qui n’a rien à voir avec les textes des lexiques byzantins, n’ayant conservé dans leur grande majorité qu’une information minimale. Si les toponymes proviennent en très grande partie de Diogenianus, est-ce la même chose pour les dèmes et tribus attiques ? Dans ces notices, rares sont les insertions grammaticales, même si l’on en trouve quelques-unes. Une seule est rattachée explicitement à Hérodien et il s’agit d’une variante. Quelques-unes font appel à deux ou trois auteurs, la plupart grammairiens : Didymus et Diodore le Périégète, quasi inséparables et Denys (le Thrace ? d’Halicarnasse le jeune ?). Mais dans la plupart des cas, les notices sont sans annotations. Les insertions grammaticales sont donc très certainement postérieures et peuvent être le fait de Stéphane de Byzance. Stéphane de Byzance a donc utilisé une source spécifique pour ces notices attiques, mais qu’il n’indique jamais. Quelques-unes mentionnent des variantes trouvées chez Phrynichos, probablement dans son œuvre principale, l’Atticiste. Enfin quelques mentions apparaissent également, d’auteurs classiques (Aristophane, Callimaque, Hérodote, Pausanias …). Ces notices sont donc bien à distinguer des autres. Lorsqu’on les parcourt rapidement, les correspondances semblent fortes avec le lexique dit d’Harpocration ; toutefois une comparaison entre le texte de l’Épitomé et celui d’Harpocration montre que les autres toponymes n’ont pas été copiés, y compris pour des toponymes athéniens85. Les formes mêmes des géonymes ne sont pas équivalentes et les sources mentionnées diffèrent. Au total, aucune similitude réelle n’apparaît entre les deux œuvres. En fait, l’indication de Phrynichos nous amène à y voir des mentions issues d’un ouvrage tardif. Sachant le lien qui existe entre Stéphane de Byzance et Oros d’une part et Oros et Phrynichos d’autre part, nous proposerons que la partie attique des Ethniques proviennent du lexique attique d’Oros. Ainsi, ce serait toute une partie importante de ce lexique que l’on pourrait retrouver ici et ajouter à la restitution de K. Alpers86. rien, comme nous le verrons dans la conclusion de cette partie (Fraser 2009, p. 26, n. 23). 85  Nous avons ainsi comparé le texte des lemmes ἀγυιᾶς, Αἶνος, Ἀκαδημία, Ἀκή, Ἀλωπεκόννησος, Ἄμφισσα, Ἀνθεμοῦς, Ἀντιάταις, Ἄντισσα, Ἀντρῶνες. 86  Alpers 1981.

3. Approche des sources lexicales des Ethniques Si l’on résume l’apport de l’analyse lexicographique, on doit compter sur deux moments clefs : les lexiques géographiques de Diogenianus, que l’on datera des alentours du milieu du iie siècle et le travail d’Oros portant sur les ethniques, sur la lexicographie attique et orthographique. Le fond lexicographique de l’œuvre de Stéphane de Byzance semble bien reposer sur les différents lexiques géographiques de Diogenianus fondus en un seul, qui pourrait avoir constitué un lexique unique que nous appellerons « lexique-source ». Dans la suite de la tradition alexandrine et de l’école d’Aristarque, il se caractérisait par une illustration de chaque géonyme par une ou plusieurs citations d’auteurs anciens, justifiant la forme sous laquelle était écrite ce géonyme. Le milieu du iie siècle marquerait un moment fort dans l’histoire de notre texte. Ceci pourrait aussi expliquer l’usage important que semble faire Hérodien de ces lemmes dans ses œuvres grammaticales. Il aurait utilisé lui aussi, à quelques décennies d’intervalle, cette série de lexiques géographiques très fiables pour la morphologie des géonymes. Nous reviendrons en conclusion sur les sources de Stéphane de Byzance mais il nous faut maintenant examiner en détail à la fois les œuvres des grammairiens et les auteurs mentionnés entre le iie siècle et la date de rédaction des Ethniques pour mieux comprendre les ajouts faits au lexique-source, probable lexique géographique de Diogenianus.

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4. Approche des sources littéraires des Ethniques (iie-vie siècles)

On le voit, le fait d’envisager l’œuvre de Stéphane de Byzance comme un simple recueil « d’ethniques » est donc extrêmement réducteur. On constate par ailleurs que les notices sont émaillées de mentions et de citations d’auteurs anciens qui servent à justifier les formes indiquées. Toute la difficulté est de savoir si ces mentions ont été faites par Stéphane de Byzance ou si elles proviennent des travaux de ses prédécesseurs1. Comme il est très difficile d’envisager la totalité des mentions présentes dans les Ethniques, nous avons focalisé notre attention sur les auteurs les plus récents, depuis le iie siècle de notre ère jusqu’à l’époque de Stéphane de Byzance. Leurs mentions constituent un corpus déjà assez important qui permet en particulier d’analyser l’apport d’auteurs intermédiaires importants comme Oros d’Alexandrie, et la possible utilisation de Diogenianus. L’analyse du corpus du iie siècle permettra de distinguer une éventuelle variante dans les mentions qui sont faites des différents auteurs de cette époque.

4.1. L’utilisation des différents auteurs Les sources principales de Stéphane de Byzance ont été étudiées par E.  Honigmann dans son article pour la Realencyclopädie der classischen Altertumswissenschaft2. Plus récemment, P. Fraser a développé à nouveau cette question en lien avec l’usage des ethniques dans la langue grecque3. L’un comme l’autre mettent en avant quelques auteurs importants comme Oros d’Alexandrie et Philon de Byblos mais ont du mal à évaluer la réalité du travail de compilation réalisé par notre grammairien. La compréhension de la façon dont Stéphane de Byzance a utilisé ses sources est fondamentale pour tenter de comprendre les « destructions » opérées par les phases successives d’abréviation. Après une vision d’ensemble rapide, nous nous concentrerons sur l’analyse des sources de Stéphane de Byzance dans l’ensemble de son œuvre. Billerbeck, Neumann-Hartmann  2021, p.  59-64 y consacrent quelques pages assez générales. 2  Honigmann 1929, col. 2379-2389. 3  Fraser 2009, p. 283-311.

4.1.1. Vision d’ensemble des auteurs Lorsque l’on étudie l’œuvre de Stéphane de Byzance, on a tendance à considérer qu’il a travaillé sur la base de sources « primaires » (c’est-à-dire qu’il a lu directement), que l’on cherche à retrouver en leur attribuant des notices particulières. Or, la réalité de son travail est certainement plus complexe, ce qui nous oblige à analyser les auteurs cités dans leur cadre chronologique. Par auteur et par chronologie Nous avons classé les auteurs en fonction du nombre de citations fournies par l’Épitomé. Sur les 262 auteurs, 19 sont cités 50 fois ou plus et 9 autres le sont entre 30 et 50 fois (fig. 32). En nombre de citations, l’auteur qui arrive nettement en tête comme source de Stéphane de Byzance est Hécatée (304 mentions identifiées). Nous verrons infra (p. 201 sq.) l’importance de son œuvre pour la connaissance géographique de notre espace d’étude. Le grand nombre de mentions de cet auteur (et nous n’avons là que celles qui ont subsisté dans l’Épitomé) implique que Stéphane de Byzance a trouvé dans son œuvre des formes lexicales différentes (voire souvent uniques) dans l’optique de son travail, c’est-à-dire la conjonction entre une ville et le nom des habitants ou d’un peuple.

1 

Figure 32 – Proportion du nombre de mentions par auteur.

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Deuxième Partie : Organisation, contenu et sources des Ethniques de Stéphane de Byzance

Figure 33 – Répartition du nombre d’auteurs par siècle.

Le second auteur est Strabon, avec 218 citations pour sa seule œuvre géographique. Il s’agit d’un des auteursclef de Stéphane de Byzance. Il est suivi ensuite par Homère, le poète par excellence, pour lequel on recense 199 mentions et, de plus loin, par Philon de Byblos (en fait son abrégé comme nous allons le voir) avec 115 mentions. Ces quatre auteurs sortent nettement du groupe des sources ; il faut imaginer cependant que nous conservons dans l’Épitomé beaucoup plus d’informations issues de ces auteurs mais qui ne sont plus signalés du fait de l’abréviation. Les auteurs suivants, ayant plus de 30  mentions, sont principalement des historiens 4 (Théopompe avec 110  mentions  ; Alexandre Polyhistor, 97  mentions ; Hérodote, 92 mentions ; Polybe, 90 mentions ; Apollodore d’Athènes, 86  mentions  ; Thucydide, 64  mentions  ; Éphore, 60  mentions  ; Hellanicos de Lesbos, 58  mentions  ; Charax de Pergame, 47  mentions ; Philistos, 43 mentions ; Denys d’Halicarnasse, 41 mentions ; Arrien, 39 mentions ; Ouranios, 32 mentions), le grammairiens Hérodien (80 mentions) et des géographes (Pausanias, 83 mentions ; Marcien, 71 mentions ; Artémidore d’Éphèse, 61 mentions). Les auteurs d’œuvres poétiques ou théâtrales sont relativement présents (Lycophron, 56 mentions ; Callimaque, 51 mentions ; Rhianos, 51 mentions ; Sophocle, 38 mentions ; 4   Les

déterminations sont parfois un peu arbitraires, c’est pourquoi nous n’irons pas plus loin dans l’analyse par grandes catégories. Ainsi, Apollodore d’Athènes est considéré ici comme historien mais cet élève d’Aristarque de Samothrace a aussi composé des œuvres de grammaire ou de géographie. Les œuvres d’Alexandre Polyhistor ont une composante géographique assez affirmée également.

Dionysios, 32  mentions  ; Aristophane, 32 mentions). Enfin, si l’on exa mine les sources par siècle (fig.  33), le nombre d’auteurs se rapportant au v e et au ive siècle av. J.-C. est particulièrement important par rapport à celui des  siècles suivants. Il est toutefois moins nombreux que le pic que nous notons au iiie siècle avant notre ère. C’est très probablement lié à l’activité des philologues du Musée d’Alexandrie. Le nombre d’auteurs est ensuite bien moindre pour le siècle suivant, et remonte un peu au ier siècle av. J.-C. On note ensuite un dernier pic au iie siècle de notre ère avant une baisse sensible pour les siècles restants. Le iie siècle semble donc composer une sorte de césure dans l’ensemble des mentions d’auteur. La recherche des auteurs-sources On a vu que les Ethniques constituent une compilation issue de lexiques ou d’auteurs anciens, qui sont eux-mêmes des compilateurs. Pour mieux appréhender cela, il faut étudier en détail la liste des auteurs utilisés comme source, tels que nous les avons classés, par ordre chronologique. Nous prendrons la fourchette iie-vie siècles qui présente l’avantage de compter par les auteurs les plus proches chronologiquement de Stéphane de Byzance. Nous sommes sûrs ainsi que Capiton de Lycie a été utilisé directement par lui comme nous l’avons vu supra (p. 12-13). Il est en effet le plus récent et aucun autre auteur n’aurait pu le compiler. Nous trouvons après lui le grammairien Eugène, assez proche de Stéphane de Byzance. L’œuvre des grammairiens est très importante, que ce soit ceux qui l’ont précédé d’une ou deux générations, ou Hérodien dont la doctrine semble constituer la véritable colonne vertébrale de son œuvre. À côté de ces auteurs, d’autres ont pu être utilisés directement. L’étude du nombre de mentions donne des indications précieuses, mais la compréhension de l’œuvre de Stéphane de Byzance passe avant tout par l’identification des auteurssources intermédiaires, qu’il a pu utiliser pour remplir son lexique. Pour approcher cette question délicate5, 5 

Elle l’est pour tous les auteurs de lexique : comment ont-ils pu, avec les moyens limités d’accès aux sources écrites spécialement

4. Approche des sources littéraires des Ethniques (iie-vie siècles) nous avons recueilli l’ensemble des mentions présentes dans l’Épitomé, que nous avons classées par auteur et par ordre chronologique inverse, du plus récent au plus ancien, autant qu’il était possible de le faire6. Ce travail d’envergure s’est révélé extrêmement intéressant pour essayer de comprendre la façon dont Stéphane de Byzance a procédé. Il faut en effet pouvoir distinguer ceux qu’il a lu directement pour trouver l’information qui l’intéressait (en particulier les géographes ?) et dont il a « dépouillé » (dans le sens archivistique du terme) les textes ; et ceux qu’il n’a eu que de seconde ou de troisième main. Parmi tous ces auteurs, on en trouve certainement qui ont constitué pour lui des intermédiaires donnant accès à des auteurs plus anciens ; ils constituent le matériau de base de ses notices. Cela peut être le cas ainsi de grammairiens comme Épaphrodite ou Didymus Chalcenterus. Mais les a-t-il lus lui-même ? Enfin, on sera attentif à l’ordre de citation chez Stéphane de Byzance qui est important et peut témoigner, comme chez d’autres auteurs, d’une utilisation d’un auteur par un autre. Cela peut être vrai aussi bien dans le sens du plus ancien vers le plus récent (qui sera alors le vrai sens de transmission) que du plus récent vers le plus ancien. 4.1.2. Les auteurs ou les œuvres peu ou non utilisés par Stéphane de Byzance La révision de l’ensemble des mentions met en évidence un certain nombre d’auteurs, dont les textes nous ont été conservés et que l’on ne retrouve pas dans l’Épitomé. Même s’il est difficile de l’affirmer il semble probable qu’ils n’étaient pas mentionnés du tout par Stéphane de Byzance7. Pour les historiens, on note l’absence totale de mention de Dion Cassius et de Diodore de Sicile. D’autres auteurs sont mentionnés mais de manière presque incidente pour les œuvres dont on possède le texte de nos jours. Pour la partie purement géographique, c’est particulièrement vrai de Ptolémée. Enfin à des époques tardives, inclure autant de références à de si nombreux auteurs ? Si l’on s’en tient à Stéphane de Byzance, qui ne mentionne pas moins de 260 auteurs, il faut supposer à chaque fois la présence d’auteurs-sources « ressource », ayant déjà accompli ce travail de compilation et servant d’intermédiaire. 6  C’est l’annexe de la 3e partie de notre thèse. Si de nombreux auteurs ne posent pas de problème de datation, ce n’est pas le cas de ceux que l’on ne connaît quasiment qu’à travers Stéphane de Byzance. 7  Nous n’avons relevé que les historiens ou géographes qui auraient pu servir directement à la recherche de Stéphane de Byzance.

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Plutarque, qui constitue un des auteurs dont les œuvres sont bien conservées, reste quasi inconnu de Stéphane de Byzance. Nous détaillons ci-dessous la manière dont ces auteurs nous ont été transmis, sans aborder ceux dont les textes ne nous sont pas parvenus. Diodore de Sicile (2e et 3e quart du ier siècle av. J.-C.) Diodore de Sicile est né autour de 90 av.  J.-C., a fait un voyage d’étude en Égypte dans les années  60-56 (180e olympiade) et a vécu suffisamment tard pour mentionner la création de la colonie romaine de Taormina vers 36 av. J.-C.8. Son œuvre unique (à notre connaissance) est une somme historique universelle appelée Bibliothèque Historique (en 40 livres) dont nous avons conservé plusieurs livres (I-V et XI-XX) et des fragments plus ou moins longs des autres. Selon la tradition, un exemplaire complet existait peut-être encore au début du xve siècle à Constantinople mais il aurait disparu lors de la prise de la ville en 14539. Il est étonnant que Stéphane de Byzance et surtout ses prédécesseurs lexicographes (Pamphile, Diogenianus, Oros) n’aient pas eu connaissance de l’œuvre de ce grand historien. Dans l’Antiquité, il semble avoir été peu lu. Seuls Pline l’Ancien (préface 25) et plus tard Eusèbe (dans la Chronique et la Préparation Évangélique) l’ont utilisé. Parmi les auteurs du ve siècle, seul saint Jérôme le cite directement ; deux autres, Cyrille d’Alexandrie, Théodoret de Cyr, le font d’après le pseudo-Justin et Eusèbe. Au siècle suivant en revanche, plusieurs auteurs utilisent son œuvre : l’historien Jean Malalas (dans deux fragments de sa Chronique, 6.2 et 7.14), Jean le Lydien (De magistratibus 1.47 et 3.30), Agathias (1.55.4 et 2.28.8) et Évagre le Scholastique (Histoire ecclésiastique, 1.20 et 5.24) ; enfin Théophylacte Simocatta (dans ses Histoires 1.37-41) et Jean d’Antioche (fragments d’une Chronique) le lisent toujours au viie siècle. Pour tous ces auteurs, il est difficile de savoir si Diodore est cité de première main ou de façon indirecte ; il semble bien toutefois que tous aient eu accès au texte et que celui-ci soit revenu dans les cercles littéraires à l’époque justinienne. Parmi les auteurs plus tardifs, on notera les citations de Georges le Syncelle (ixe siècle) qui reprend les mentions d’Eusèbe, comme probablement l’Eclogê historiôn. Or, déjà à cette date Photios (Bibl. cod.  244) donne des extraits de cet auteur dans sa Bibliothèque. Autre 8 

Chamoux, Bertrac 1993, p. viii. Sur l’utilisation de Diodore voir Chamoux, Bertrac 1993, p. lxvi-lxviii et la tradition indirecte p. cxxiii-cxlix. 9 

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Deuxième Partie : Organisation, contenu et sources des Ethniques de Stéphane de Byzance

ouvrage faisant un large emprunt à Diodore, les Excerpta constantiniens fournissent 949 fragments de l’œuvre ; et encore, nous n’avons conservé que quatre des cinquante-trois sections de cette œuvre monumentale voulue par Constantin Porphyrogénète. Les mentions de la Souda proviennent de ces volumes10. Pour les livres I à V, quatre manus­crits sont à l’origine de l’ensemble de la tradition du texte. Le premier (Neapolitanus ex-Vind. gr.  4 [diktyon 45960]) est un manus­crit de parchemin du début du xe siècle ; le second (Vaticanus gr.  130 [diktyon 66761]) est lui du milieu du xe siècle. Les deux autres (Vaticanus gr. 996 [diktyon 67627] et Laurentianus 70.1 [diktyon 16566]) sont plus tardifs11. Pour les livres XI-XX, ils sont également au nombre de quatre : le Marcianus gr. Z. 375 [diktyon 69846] et le Parisinus gr.  1665 [diktyon 51288] (du milieu du xe siècle), le Patmiacus 50 [diktyon 54294] (fin du xe-début du xie siècle) et le tardif Laurentianus 70.12 [diktyon 16577] (2e quart du xve siècle). Ils dérivent probablement d’un exemplaire translittéré au ixe siècle. Plutarque (dernier quart du ier – 1er quart du iie siècle) Plutarque est né vers 45 de notre ère et a exercé plusieurs charges municipales à Chéronée où il vivait. Il devient ensuite prêtre d’Apollon Pythien à Delphes et finit peut-être comme gouverneur d’Achaïe dans les années 119-12012. Les Œuvres morales de Plutarque sont mentionnées par Sopatros d’Apamée et Eusèbe de Césarée au ive siècle. Au ve siècle, Jean Stobée les a utilisées largement pour ses propres traités mais ce dernier ne fait pas partie des sources de Stéphane de Byzance. Elles constituent un ensemble particulièrement important en nombre, dont nous pouvons nous faire une idée au travers du catalogue dit de Lamprias (d’après le nom du fils de Plutarque), qui correspond probablement à un catalogue de bibliothèque du ive siècle. Plutarque n’est cité que deux fois dans l’Épitomé : une fois sans indication d’œuvre (α 310) et la seconde fois pour les hypnomnêmata Nikandrou (κ 169), c’està-dire les Commentaires de Nicandre13. Mentionné dans le catalogue de Lamprias comme «  Εἰς τὰ Νικάνδρου 10 

Sur tout ceci, voir Chamoux, Bertrac 1993, p. cxxiv-cxl. 11  La tradition des livres I à V est détaillée dans Chamoux, Bertrac 1993, p. lxxviii-c. 12  Voir l’introduction de R. Flacelière et J. Irigoin pour le premier tome des Œuvres morales (Flacelière et  al.  1987, p.  xii-liv). 13  Cf. Steph. Byz. s.v. Koropê. = fragment 115.

Θηριακά » (no 120, fr. 113-115), cet ouvrage renvoie à l’ouvrage bien connu de Nicandre, dont l’œuvre a fait l’objet de scholies. Les deux mentions sont très certainement données de manière secondaire par l’intermédiaire d’un ou deux auteurs. Dion Cassius (1er quart du iiie siècle) Bithynien de Nicée, Dion Cassius connaît une carrière brillante qui l’amène à fréquenter les Sévère (en particulier Septime Sévère)14. Il est nommé deux fois consul en 205/206 et en 229. Son œuvre principale est une Histoire romaine en 80 livres (des origines à 229 apr. J.-C.) dont subsistent de nos jours les livres 36 à 54 et des fragments des livres 55-60 et 79-80. Deux épitomés nous ont conservé le reste de l’ouvrage. Le premier, par Jean Xiphilin, historien de la fin du xie  siècle proche de Michel Psellos, comprend les livres 36 à 80 ; le livre 70 avait déjà disparu du manus­crit original et les livres 78 et 79 étaient mutilés. Le second épitomé a été écrit par Jean Zonaras, dans la première moitié du xiie siècle, et est inclus dans une chronique universelle qui va jusqu’en 1118. Il utilise le texte de Dion jusqu’au règne de Trajan ; pour le reste, il se sert du texte de Xiphilin, probablement plus par facilité que du fait de la perte des derniers livres de l’Histoire romaine. Le premier auteur connu à avoir utilisé son œuvre est Pierre le Patrice, dont l’Histoire de l’Empire romain repose, pour le Haut-Empire, sur cet auteur 15. On le trouve également mentionné par Jean le Lydien. Comme pour Diodore de Sicile, c’est donc au vie siècle que l’on met en avant cet auteur grec. Plus tard, les Excerpta de Constantin Porphyrogénète ont utilisé largement le texte de Dion Cassius. Les plus anciens manus­crits conservés des livres  XXXVI-LX (les seuls conservés intégralement) remontent au xie siècle. Il s’agit du Laurentianus Plut. 70.8 [diktyon 16573] et du Marcianus gr. Z. 395 [diktyon 69866]16. Ptolémée (milieu du iie siècle) Claude Ptolémée est un mathématicien, astronome, géographe et astrologue né en Égypte et mort aux alentours de 168 apr. J.-C.17. 14   Sur Dion Cassius, voir Sirinelli  1993, p.  372-375  ; Millar 1964, p. 5-27. 15 Voir Fromentin 1998. 16  Sur les manus­crits de Dion Cassius, cf. Boissevain 1955, I, p. lix-lxxxix. 17  Aujac 1993 ; Barruol 1969, p. 24-27.

4. Approche des sources littéraires des Ethniques (iie-vie siècles) L’œuvre géographique de Claude Ptolémée a failli totalement disparaître durant le Moyen Âge. La découverte d’un unique manus­crit au xiiie siècle par Maxime Planude a permis la conservation d’un ouvrage particulièrement important, la Géographie. Il s’agit d’un recueil de noms de cités, de peuples et de lieux naturels avec leurs coordonnées géographiques, prolongement des travaux cartographiques de Marin de Tyr (première moitié du iie siècle de notre ère). La tradition des manus­crits subsistants a été étudiée en détail par R. Burri, à laquelle nous renvoyons18. De façon étrange, cet ouvrage, qui pourtant regorge de formes lexicales, ne semble cité dans l’Épitomé que trois fois de façon explicite. La première concerne Charakmôba (χ 25), ville de Palestine (« Πτολεμαῖος ἐν γεωγραφικοῖς ἐν ε´ βιβλίῳ ἐν ταῖς Ἀραβικαῖς τῆς εὐδαίμονος »)19. Les deux autres mentions sont soit sans précision (mention des îles Britanniques) soit issue de façon inhabituelle d’un Périple (mention de Lougdounon, λ 86). La notice de cette dernière ville précise « ville des Celtogalates », forme qu’utilise Ptolémée dans le détail de la province de « Lyonnaise Celtogalate » (Géographie 2.8). Il s’agit en fait de l’œuvre de Marcien d’Héraclée (Périple de la Mer extérieure), qui utilise lui Ptolémée et dont le nom a dû disparaître dans l’abréviation de cette notice20. Il semble donc, de façon étonnante, que Stéphane de Byzance n’ait pas utilisé la Géographie de Ptolémée si ce n’est de manière très indirecte, probablement par l’intermédiaire de Marcien. On notera d’ailleurs qu’aucune œuvre mathématique ne semble avoir été citée dans les Ethniques. 4.1.3. Approcher les auteurs intermédiaires : le corpus des mentions entre le iie et le vie siècle Nous allons revenir maintenant aux auteurs présents dans l’Épitomé. Nous avons vu que le iie siècle de notre ère pouvait marquer une césure dans le recueil des auteurs. C’est en effet le siècle de Diogenianus et d’Hérodien, et si nous penchons plus pour le premier comme source de Stéphane de Byzance, le second a eu un rôle non négligeable sur tous les grammairiens de l’Antiquité tardive. Sur le chemin de la transmission d’auteurs plus 18 

Burri 2013. La forme Charakmôba n’apparaît pas dans les villes citées dans la Géographie de Ptolémée. Toutefois la Palestine est bien comprise dans le livre V (5.16) ainsi que l’Arabie (5.17) où l’on trouve une ville Charakôma. 20  Voir la fiche Lougdounon [137] pour le détail de la restitution. 19 

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anciens, ces deux grammairiens ont pu servir de réceptacle à toute une tradition littéraire qui n’était peutêtre plus accessible à l’époque de Justinien. Par ailleurs, l’insertion d’Oros dans tout ceci reste à étudier plus finement et il est probablement à l’origine de mentions d’auteurs plutôt récents. Toutefois, même si l’étude des mentions d’auteur bute surtout sur le problème de leur datation, il ressort nettement deux catégories d’auteur : ceux qui sont peu cités et ceux dont les mentions, nombreuses, semblent impliquer une lecture assez attentive de leur œuvre éventuellement effectuée par Stéphane de Byzance lui-même. Pour mieux appréhender l’étude de sources intermédiaires, nous avons d’abord analysé les auteurs les plus proches dans le temps de Stéphane de Byzance (ive-vie siècles) puis ceux qui les ont précédés, jusqu’au milieu du iie siècle de notre ère, c’est-à-dire à peu près à l’époque de Diogenianus, précédant de peu le grammairien Hérodien. Vingt auteurs ont été recensés entre le ive et le début du vie siècle. Pour ceux dont les dates sont certaines, nous avons, par ordre chronologique : Eusèbe de Césarée (v. 270-340, 1 mention), Eustochios de Cappadoce (floruit v. 350, 1 mention), l’empereur Julien (331/332-363, 1 mention), Eudaimon de Péluse (v. 290-v. 370, 5 mentions), Pausanias d’Antioche (2e moitié du ive siècle ?, 7 mentions), Synésios de Cyrène (v. 370-v. 414, 1 mention d’une lettre datée de 411-413), Helladius d’Alexandrie (floruit v. 390-430, 3 mentions), Oros d’Alexandrie (floruit 2e tiers du ve siècle ? 12 mentions), Priscos de Panium (floruit v. 450-475, 1 mention), Eugène d’Augustopolis (floruit v. 480-500, 1 mention) et Capiton de Lycie (floruit vers 500, 17 mentions). Sept autres auteurs sont mal datés. Cinq semblent se placer entre le iiie et le ive siècle : Ouranios (32 mentions), Théagène (17 mentions), Parthénios de Phocée (4 mentions), Métrophane d’Eucarpie (1 mention) et Oulpianos (2 mentions dont une incertaine). Un cinquième, Diogène de Cyzique (3 mentions) est daté, de manière large, des ive-ve siècles ; c’est peut-être le cas également, nous l’avons dit supra (p. 134), du grammairien Arcadius d’Antioche (8 mentions). Un autre, Marcien d’Héraclée (59 mentions) a probablement été actif dans le dernier tiers du iv e  siècle. Enfin, Aelius Serenus (115 mentions), jamais cité dans l’Épitomé mais qui avait rédigé un abrégé de l’ouvrage de Philon sur les cités et les personnages célèbres qui en sont issus, date probablement de la seconde moitié du ive siècle. Entre le milieu du iie et la fin du iiie siècle, nous avons identifié quinze auteurs soit légèrement antérieurs soit

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contemporains ou postérieurs à Hérodien. Par ordre chronologique, nous avons le poète épique Dionysos, auteur des Bassariques (milieu du iie siècle ?, 32 mentions), Arrien (v.  90-v.  175, 39  mentions), Appien (v. 90-v. 160, 3 mentions), Pausanias (floruit v. 150-175, 83 mentions), Damophilos (floruit v. 160-180, 1 mention), Phrynichos l’Arabe (floruit v.  160-180, 8  mentions), Nestor de Laranda (floruit v. 195-210, 1 mention), Athénée de Naucratis (v.  170-v.  225, 7  mentions), Asinius Quadratus (floruit v. 225, 27 mentions), Pisandre de Laranda (floruit v. 220-230, 8 mentions), Élien (v. 180-v. 240, 1 mention), Diogène Laërce (floruit v. 230-250 ?, 3 mentions), Lupercus de Beyrouth (floruit v. 265, 1 mention), Dexippe d’Athènes (v. 210-v. 280, 3 mentions) et Porphyre de Tyr (v. 234-v. 305, 1 mention). Deux auteurs sont mal datés. Denys de Byzance se place dans le courant du iie siècle (1 mention, mais il peut être antérieur à Hérodien) et le grammairien Sophocleios se situe dans la seconde moitié du iie siècle (3 mentions), probablement sans doute vers la fin du siècle et donc après Hérodien.

4.2. Des auteurs lus par Stéphane de Byzance ? Parmi les auteurs des iie-vie siècles, deux sortent du lot. Le premier, Capiton de Lycie car il est le plus récent et n’a pu être lu que par Stéphane de Byzance ou quelqu’un de la même génération que lui. Le second, Aelius Serenus, car il est masqué sous les traits de Philon de Byblos mais présente des caractéristiques particulières qui indiquent probablement une lecture directe par notre grammairien. 4.2.1. Le plus récent : Capiton de Lycie, un auteur du vie siècle ? L’auteur le plus récent daté de manière sûre est Capiton de Lycie21 (cf. supra p. 12-13). Stéphane de Byzance en tire 17 formes de géonymes, dont 13 sont rattachées à une de ses œuvres, les Isauriques22.

de référence  : FGrHist n o  750 (= TLG  2506). E.  Stemplinger a repris les mentions de cet auteur, ainsi que les toponymes se rapportant à l’Isaurie (Stemplinger  1904, p. 623-626). 22  Douze mentions sont explicitement attribuées aux Isauriques ; la treizième mentionne le livre V et un toponyme d’Isaurie ce qui ne laisse pas de doute sur l’œuvre d’où elle est tirée. 21   Edition

Cet auteur fait l’objet d’une notice dans la Souda (κ 342 Adler), provenant de l’Onomatologos d’Hesychius de Milet. Trois ouvrages sont rattachés à notre auteur : les Isauriques (en 8 livres), une Traduction de l’épitomé d’Eutrope (résumant lui-même l’ouvrage de Tite-Live) et un ouvrage Sur la Lycie et la Pamphylie. P. Amory a mis en parallèle cet auteur avec Jordanès, montrant la similitude de leurs approches historiques et géographiques, l’un dans l’Italie ostrogothique et le second dans la partie orientale de l’empire 23. Les Isauriens sont en effet considérés comme des Barbares mais ils prennent une importance particulière grâce à leur emprise sur l’empire Byzantin, qui durera plusieurs  siècles. Fournisseurs de soldats aguerris, les Isauriens occupent aussi à plusieurs reprises le trône de Byzance entre le ve et le viiie siècle. La datation de cet auteur est rendue possible par l’identification du Conon cité dans la notice Psimada avec le général qui est tué durant dans les guerres isauriennes, à la bataille de Claudiopolis en 493, comme nous l’avons signalé supra. La ville de Mokissos, dont la mention est explicitement associée à Capiton, est rattachée chez Stéphane de Byzance à la province de Cappadoce Seconde, créée par Valens en 371. Nous sommes toutefois ici avant les transformations de Justinien qui fait de Mokissos la métropole de la nouvelle province de Cappadoce Troisième qu’il crée en 536 (Procope, De ædif. 5.4). Nous pensons que Stéphane de Byzance ne prend ses mentions de Capiton que des Isauriques : les toponymes qui n’ont pas, dans l’Épitomé, de rattachement à une œuvre de cet auteur concernent une ville de Lycie, une du Pont, une de Carie et une fortification d’Isaurie, ce qui reste compatible avec une attribution à cette même œuvre. Nous l’avons dit, il est très probable que cette histoire de l’Isaurie a été rédigée autour de 500 pour fêter la fin de la révolte des Isauriens, comme c’est le cas pour d’autres œuvres portant le même titre (cf. supra p. 13). Précisons enfin que Stéphane de Byzance est le seul à nous avoir conservé des mentions de Capiton. Les mentions qu’en fait Stéphane de Byzance se trouvent principalement dans la première partie de la notice (définitions géographiques). Sur les 17 conservées dans l’Épitomé, seules deux se rattachent à une forme d’ethnique, et deux se trouvent dans les compléments grammaticaux, à la fin des notices. Plusieurs mentions ont toutefois une forme similaire à celles issues d’un grammairien comme Oros. 23 

Amory 2003, p. 304-305.

4. Approche des sources littéraires des Ethniques (iie-vie siècles) Ainsi pour Pituê (π 163), Stéphane de Byzance indique que « Capiton l’écrit avec un ‘s’ » ; pour Derbê (δ 54), «  Capiton l’appelle Dermê  ». Ces deux variantes se trouvent placées en fin de notice. Plus étonnant, nous n’avons conservé qu’une seule citation, courte, de 43  caractères. Elles ont peut-être presque toutes disparu dans l’abréviation  ; pourtant, pour la notice d’Akarassos (α 154), provenant du premier abrégé, rien n’est indiqué (pas de nom d’œuvre et de livre ni de citation). Il est donc probable que Stéphane de Byzance ne copiait que de courtes citations, ce qui contraste avec ce qu’on trouve parfois en provenance du lexique-source. Cet auteur apporte peu d’informations en lui-même. Il prouve cependant de manière indiscutable, par sa postériorité à Oros d’Alexandrie, que Stéphane de Byzance a bien lu directement des auteurs qui servaient son projet et les a traités selon le principe général de répartition interne de ses notices. 4.2.2. L’Abrégé de Philon d’Aelius Serenus Nous savons par la Souda (σ 249 Adler) qu’un grammairien du nom d’Aelius Serenus a rédigé, à une date inconnue, un abrégé de l’œuvre de Philon sur les villes d’où sont issus des personnages célèbres. L’emploi d’une version abrégée de Philon, même sans le nom d’Aelius Serenus, n’est pas attesté directement dans l’Épitomé. On ne rencontre en effet jamais le nom de l’abréviateur tardif mais seulement celui de Philon. Il nous faut donc d’abord prouver l’utilisation de l’abrégé et non de l’œuvre d’origine24. Nous avons analysé dans notre thèse deux catégories d’informations distinctes que nous relions à cette œuvre. La première concerne les noms des personnages célèbres dans les notices consacrées à leurs villes de naissance ou de décès. Les mentions sont nombreuses, jamais expressément rattachées à un auteur bien qu’elles apparaissent parfois comme des citations. La seconde catégorie relève de mentions de Philon, sur lesquelles nous allons revenir. Nous avons plusieurs indices qui convergent dans le sens de l’utilisation de l’abrégé. Le premier correspond à l’absence de toute mention de livre pour l’œuvre de 24   La

question est posée depuis longtemps. A.  Gudeman, comme E.  Honingman, ont mis en avant le rôle majeur de Philon comme source (directe ou non) de Stéphane de Byzance (Gudeman 1912 ; Honingman 1929). Voir également l’analyse rapide d’E. Stemplinger (Stemplinger 1904, p. 615-616). P. Fraser le souligne mais rappelle que nous ne savons pas si le texte lu par Stéphane était Philon ou son abrégé (Fraser 2009, p. 296).

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Philon de Byblos. C’est une caractéristique évidente : toutes les œuvres à plusieurs livres, y compris celles lues par Stéphane de Byzance lui-même, comme nous l’avons vu pour Capiton, ont ce type de référence, qui a pu certes disparaître dans l’abréviation mais jamais complètement. Ici, sur 30 mentions de Philon, aucune n’a de numéro de livre alors que nous savons par la Souda que l’œuvre d’origine était en 30  livres. Cela rappelle ce que l’on observe pour Artémidore : les mentions de l’œuvre d’origine ont des numéros de livre, celles de son abrégé aucun. Précisons également que seules deux mentions ont le nom de l’œuvre, en plus de celui de l’auteur, comme s’il n’en existait qu’une connue à l’époque de la rédaction alors que Philon de Byblos a rédigé plusieurs ouvrages. Le second indice confirmera cette impression  : le nom de l’abréviateur n’apparaît jamais chez Stéphane de Byzance. Par comparaison, si nous ne savions pas que Marcien était l’auteur de l’abrégé d’Artémidore par sa propre édition partiellement parvenue jusqu’à nous et si l’on excepte la mention particulière du lemme Malakê (μ 35, sur laquelle nous reviendrons, p. 189), nous ne l’aurions pas découvert dans les Ethniques de Stéphane de Byzance. De même, à l’exception de l’Abrégé des Onze d’Artémidore (mais il s’agit ici de le distinguer de l’œuvre d’origine, largement citée dans le lexiquesource), Stéphane de Byzance ne précise jamais qu’il utilise un abrégé. On en a la preuve pour le Périple de Ménippe, issu de l’édition abrégée de Marcien. Dans l’esprit de certains grammairiens-philologues antiques (ce n’est pas le cas d’Oros), l’abrégé conserve l’information première et relève donc du même auteur. Cette pensée se retrouve encore à l’époque byzantine et explique que l’on ait du mal à savoir si une œuvre a été abrégée ou pas25. C’est moins vrai dans le monde latin puisque l’on sait que Festus a rédigé un abrégé de Varron, Justin des Philippiques de Trogue-Pompée ou Eutrope de l’Histoire romaine de Tite-Live, et c’est leur nom que l’on cite de façon habituelle. L’ensemble de ces considérations nous amène à proposer que c’est bien la version abrégée d’Aelius Serenus que conserve l’Épitomé, et non l’œuvre d’origine de Philon de Byblos. La question de la datation d’Aelius Serenus est plus délicate. Elle a été reprise récemment par J. Radicke dans son article sur ce grammairien26. Selon lui (mais il ne 25   Les exemples abondent ici, surtout dans le domaine lexicographique, que l’on se réfère aux Ethniques de Stéphane de Byzance, au lexique d’Orion, d’Harpocration … 26  Radicke 1999, p. 264-267.

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Deuxième Partie : Organisation, contenu et sources des Ethniques de Stéphane de Byzance

fait que reprendre une argumentation déjà proposée), la datation repose sur l’assimilation entre ce Serenus et le grammairien du même nom qu’a lu Photios (Bibl., cod. 279, 536a) dans une compilation regroupant également Helladius, Hermias d’Hermopolis, Horapollon, Phœbammon de Cynopolis et Cyrus d’Anteopolis, tous égyptiens de la seconde moitié du ive siècle27. Il est possible qu’il s’agisse également du poète que mentionne Stobée (pour des pièces tirées de l’Apomnemoneumata)28. Ici, bien sûr, nous n’avons aucune certitude mais nous retiendrons, comme J. Radicke et ses prédécesseurs, la vraisemblance d’une telle datation. Il reste une dernière question : a-t-il été lu par Oros ou directement par Stéphane de Byzance ? Avec les deux mentions de l’Etymologicum Genuinum29, nous disposons d’un indice de la transmission puisque nous savons qu’Oros est une des sources de ce lexique byzantin du ixe  siècle. On notera qu’ici c’est bien Serenus qui est mentionné, et que l’œuvre est explicitement un abrégé de Philon. Ces deux caractéristiques sont communes à ces mentions et différentes de celles que l’on trouve dans l’Épitomé. Cette manière de faire d’Oros se retrouve à deux reprises dans l’Épitomé. D’abord pour l’abrégé d’Artémidore par Marcien (cf. infra p. 189 avec la notice Malakê) et une deuxième fois, concernant l’abrégé écrit par Favorinus (s.v. Rhopeis, ρ 52) : Φαβορῖνος ἐν δ’ τῆς Παμφίλης (Ἐπιτομῆς a certainement disparu du 3e abrégé), mention complètement différente de toutes celles qui concernent l’œuvre de Favorinus dans l’Épitomé. Il faut alors imaginer que Stéphane de Byzance a introduit lui-même les éléments provenant de l’abrégé de Philon, sans le filtre d’Oros car il aurait alors gardé la 27 

Voir l’étude plus détaillée de J. Hammerstaedt (Hammer­ staedt 1997). 28  Anthologie 2.1.22, 2.2.17, 2.31.114 et 116, 3.5.36, 3.6.17, 3.7.62, 3.11.23, 3.13.48 et 58, 3.29.96, 3.39.27, 4.2.26, 4.6.20, 4.19.48, 4.22f.134, 4.24a.11. Cf. également Photios Bibl. cod. 167, 114b, qui le liste parmi les philosophes lus par Stobée. 29  Ἀρσινόη· πόλις ἐν Συρίᾳ ἐπὶ βουνῷ κειμένη· ἐπὶ δὲ τοῦ βουνοῦ πηγὰς ἐξερεύγεσθαι πλείονας καὶ ποταμοὺς γίνεσθαι μεγάλους, ἀφ’ ὧν ἡ πόλις ὠνόμασται. ἄρσαι γὰρ τὸ ποτίσαι, ἀφ’ οὗ καὶ ἄρσην ὁ τὴν γυναῖκα ποτίζων ἐν τῇ σπορᾷ. οὕτως Σερῆνος ἐν τῇ Ἐπιτομῇ τῶν Φίλωνος. (Et. Gen. α 1237 = Et. Sym. α 1420 = Et. Magnum α 1820). Βουκεραΐς· κρήνη ἐν Πλαταιαῖς, ἥτις ὠνομάσθη, ὅτι Πόλυβος ἐξ Ἄργους ἐπέκτισεν Πλαταιὰς μετὰ τὸν ἐπὶ Δευκαλίωνος κατακλυσμόν, βοὸς αὐτοῦ ἡγουμένης κατὰ χρησμόν, ὥς ποτε Κάδμου· ἣν ἐκεῖσε κατακλιθεῖσαν τῷ κέρατι πατάξαι τὴν γῆν καὶ κρήνην ἀναφανῆναι, ἣν ἀπὸ τοῦ κέρατος τοῦ βοὸς Βουκεραΐδα καλεῖσθαι. οὕτως Θέων ἐν τῷ †  Ὑπομνήσεως τοῦ αʹ Αἰτίου Καλλιμάχου, οὕτω καὶ Σερῆνος ἐν τῇ Ἐπιτομῇ τῶν Φίλωνος Περὶ πόλεων Πολύϊδον λέγων τὸν λαβόντα τὸν χρησμόν (Et. Gen. β 207 = Et. Sym. β 171 = Et. Magnum β 263).

manière de citer de celui-ci. Ce dernier a toutefois bien lu lui aussi cet abrégé et constitue très probablement un intermédiaire dans la transmission de cette œuvre à notre grammairien. Nous avons étudié l’ensemble des mentions, très caractéristiques, rattachant un auteur à une ville30. Parmi celles-ci, trois seulement sont postérieures à Philon  : la première concerne Arrien de Nicomédie, la seconde Myrmex, ce dernier provenant soi-disant des Enetoi, erreur de lecture de Diogène Laërce, ce qui nous place après le début du iiie siècle de notre ère. Il semble peu probable qu’Aelius Serenus ait complété les informations qu’il recopiait (normalement un abréviateur ne reprend que le texte d’origine). En revanche, rien n’empêche d’imaginer qu’Oros ou Stéphane de Byzance ait pu annoter leur exemplaire et ajouter ces mentions qui se seraient retrouvées ensuite dans les Ethniques. Une troisième mention, très courte concerne la ville de naissance d’Horapollon (s.v. Phenebêtis) ; elle provient probablement d’Oros, qui connaissait cette famille originaire comme lui d’Égypte, mais n’est probablement pas le fait d’Aelius Serenus car il est antérieur au philosophe de ce nom. Enfin, il faut noter qu’aucune mention de l’abrégé de Philon n’est signalée en dehors de celles provenant d’Oros et des Ethniques de Stéphane de Byzance. Toutefois, E. Rohde a noté de nombreuses coïncidences entre le texte transmis par les Ethniques et celui repris par la Souda et attribué à l’Onomatologos d’Hesychius de Milet31. Il est tout à fait possible que le manus­crit de l’abrégé d’Aelius Serenus ait alors été utilisé pour la rédaction de cette nouvelle œuvre, rendant de fait caduque par la suite le maintien de ce texte ancien, puisque amplifié par une réactualisation importante des notices biographiques, en particulier pour les personnages du Bas-Empire et de l’Antiquité tardive32. 4.2.3. Les géographes et les historiens régulièrement cités Deux géographes (Pausanias et Ouranios) et deux historiens (Asinius Quadratus et Arrien) sont cités de nombreuses fois dans l’Épitomé. Seules les œuvres de 30  

Voir également l’index du vol.  V de la nouvelle édition (Billerbeck et al. 2017, p. 179-182). 31  Rohde 1879. 32  Nous pensons qu’une étude précise des notices biographiques de la Souda, similaire à celle que nous avons conduite sur le texte de l’Épitomé, basée sur les notices organisées selon un ordre chronologique inverse, serait de nature à identifier les différentes strates d’ajout et de construction de l’Onomatologos.

4. Approche des sources littéraires des Ethniques (iie-vie siècles) Pausanias et, partiellement, d’Arrien ont été conservées. Nous réservons pour la 3 e  partie l’analyse des auteurs comme Marcien d’Héraclée, que Stéphane de Byzance a lu directement, comme nous le verrons dans l’étude spécifique de ses mentions (p. 186 sq.), et Charax (p. 225 sq.). Hors de la période iie-vie siècle, nous étudierons plus loin Hécatée (p. 20 sq.) et Strabon (p. 214 sq.). Pausanias L’auteur de la Périégèse de la Grèce est peu connu en dehors des informations que contient son propre texte33. Si l’on s’en tient aux éléments analysés par A. Diller, son œuvre s’inscrit dans la durée du règne de Marc Aurèle, entre 160 et 180 de notre ère34. L’identification de notre auteur avec les autres Pausanias connus au iie siècle n’est pas totalement convaincante ; nous en resterons à l’hypothèse d’A. Diller qui voit en lui le sophiste connu pour avoir été l’élève d’Hérode Atticus et le professeur d’Élien. L’histoire de la transmission du texte est pleine de zones d’ombre. Stéphane de Byzance est le premier à mentionner la Périégèse, ce qui pourrait indiquer qu’il est en quelque sorte le redécouvreur de ce texte35. Il faut attendre quelques siècles pour trouver à nouveau des citations, intégrées dans la Souda : 26 notices en proviennent (dont 8 sont des doublons)36. D’après A. Diller, l’une des erreurs que contient la Souda (confusion entre β et κ) serait due à une confusion de minuscules. La duplication θρακία καρία dans les manus­crits ou θράκη καρίας dans la Souda (θρακία est supprimé par les éditeurs modernes) s’explique également mieux avec un manus­crit en minuscules qu’en onciales. Il manque donc la connaissance d’un manus­crit intermédiaire, postérieur à l’Antiquité tardive, qui pourrait être celui de la translittération. L’œuvre aurait été translittérée avant la fin du xe siècle. Stéphane de Byzance le mentionne 83  fois, dont une, sans le nom de Pausanias, est restituée37. Comme l’indique A. Diller, l’œuvre est citée 8 fois avec le nom de Περιηγήσις, dont trois fois sous la forme complète de Περιηγήσις Ἑλλάδος38. A. Diller a signalé la mention 33   Éditions

de référence  : Spiro  1903 et l’édition de la Collection des Universités de France. 34  Diller 1955, p. 268-269. 35  Diller 1975, p. 85 sq. ; Billerbeck 2008, p. 314 sq. 36  Diller 1956, p. 88-90. 37  A. Diller signale 84 mentions mais n’en donne pas le détail (Diller 1955, p. 274). Le tableau de M. Billerbeck en donne 83 (Billerbeck 2008, p. 320-321). 38  Diller 1955, p. 274.

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d’un titre de livre (le livre I, Ἰλιακῶν) à propos du lemme Tupaion (montagne d’Élide) ; nous pensons qu’il s’agit plutôt du livre I de l’œuvre de Rhianos (Les Héliaques), dont le nom aura disparu, car Pausanias donne ce toponyme dans le livre V (5.6.7)39. Enfin une notice ne trouve pas de correspondance avec le texte de Pausanias tel que nous l’avons conservé : c’est celle de Tamuna, ville d’Eubée avec un sanctuaire de Zeus40. A.  Diller a analysé le texte que lisait Stéphane de Byzance par rapport à celui des manus­crits que nous avons conservés41. On note quelques erreurs de lecture d’onciales : ΧΑΡΜΙϹ pour ΚΑΡΑΛΙϹ (χ 30), ΧΟΡϹΙΑ pour ΚΟΡϹΙΑ (χ 54) ; les autres erreurs ne sont pas réellement significatives car elles sont aussi tributaires des phases de réduction de notre Épitomé qui ne permettent pas d’aller au plus près du texte d’origine. Le fait que les premières mentions de Pausanias se trouvent dans l’Épitomé et que l’Etymologicum Genuinum, ayant utilisé Oros, ne le cite pas, semble témoigner assez clairement qu’il n’a pas été lu par Oros et à plus forte raison par Diogenianus puisque Pausanias est postérieur à ce lexique. Il est donc vraisemblable que Stéphane de Byzance a utilisé un index provenant de cet auteur et l’aura intégré dans ses Ethniques. Il resterait toutefois à analyser finement les mentions provenant de Pausanias, ce que nous ne ferons pas ici car cet auteur concerne seulement à la marge notre champ d’étude. Par ailleurs, le texte de Pausanias étant parvenu jusqu’à nous, son analyse dépasse le cadre de notre travail. Ouranios Cité une trentaine de fois par Stéphane de Byzance, Ouranios est un auteur difficile à appréhender et constitue encore à ce jour une énigme42. 39  Nous n’arrivons pas au même décompte qu’A. Diller pour les mentions par livre de Pausanias : il indique 2 citations dans le livre V (nous n’en avons trouvé qu’une pour le livre V et encore s’agit-il de Tupaion dont on a vu qu’A. Diller l’attribuait au livre I) ; pour le livre VIII, il en indique 30 (pour nous 26). Mais il se base sur les numéros de livres non corrigés, tels qu’ils apparaissent dans les manus­crits. Nous les avons classés par livre en fonction du texte parvenu jusqu’à nous. 40  La notice nous importe peu ici, mais elle comportait dans plusieurs manus­crits la mention d’un livre XI de la Périégèse, qui n’existe pas à notre connaissance. Voir les arguments et le rappel chronologique par A. Diller (Diller 1955, p. 274-275). 41  Diller 1956, p. 85-86. 42  Edition de référence : FGrHist no 675 (= TLG 2461) ; voir également Wissman 1968. Il a fait l’objet d’une publication dans le BNJ par M. Billerbeck (no 675) et d’une édition révisée par P. De

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Deuxième Partie : Organisation, contenu et sources des Ethniques de Stéphane de Byzance

On a pu considérer qu’il s’agissait d’un auteur du Haut-Empire43. Ses Arabiques contiennent en effet peu de mentions caractéristiques et semblent se rapporter plutôt aux ier-iie siècles de notre ère. Toutefois plusieurs rapprochements avec d’autres personnages du même nom, ainsi qu’une meilleure appréciation de la date, ont été effectués depuis le xixe siècle et l’édition des FHG (IV, p. 523) par Müller. Il y a quelques décennies, M. Rodinson, dans une de ses leçons au Collège de France44, restait incertain sur sa datation mais notait que la mention de la tribu arabe des Tayy’ ne permettait pas de remonter plus haut que le iiie siècle de notre ère. En 1974, J. M. I. West a rappelé la mention de la ville Nikêphorion appelée Konstantina par l’empereur Constantin Ier ; il date notre auteur plutôt de la seconde moitié du ive siècle et le rapproche de l’ami de Libanios, connu par leur correspondance autour des années 355/35845. Déjà en 1904, E. Stemplinger proposait une datation similaire pour des mentions de villes en Palestine Troisième, qu’il attribuait par comparaison à Ouranios46. L’auteur cité par Stéphane de Byzance est associé à la mention des Arabiques d’Ulpien qui est très probablement le sophiste d’Émèse et d’Antioche, ayant enseigné dans la 1e moitié du ive siècle de notre ère. Les mentions de Stéphane de Byzance (Ulpien est cité d’abord, suivi d’Ouranios) semblent correspondre à un ordre de transmission (chronologique) ; il lui serait donc postérieur. Il est important également de noter que cet Ulpien a été le tuteur de Libanios et a travaillé à Antioche à la charnière des iiie et ive siècles. En l’absence d’éléments contradictoires, nous retiendrons l’hypothèse de J. West suivie par P. Janiszewski et considèrerons qu’il s’agit d’un auteur de la seconde moitié du ive siècle. Nous avons vu supra (p. 15), qu’il ne pouvait pas s’agir du personnage du même nom signalé par Agathias au vie siècle47. Cicco dans sa thèse (De Cicco 2017, p. 243-297). 43  Voir les datations proposées par P.  Janiszewski ( Janiszewski  2006, p.  292 sq.). P.  Fraser retrace également les différentes hypothèses chronologiques (Fraser 2009, p. 295, n. 28). 44  Leçon au collège de France, 1973-1974 : Rodinson 1975. 45  West 1974. Voir également Janiszewski 2006, p. 295 sq. 46  Stemplinger 1904, p. 629-630. 47  P. De Cicco reste sur cette hypothèse, tout en ne la soutenant pas totalement. Dans ses testimonia, il cite le texte d’Agathias (T2), mis en perspective avec le texte de l’Épitomé pour la notice Charakmôba (χ  25) (T1)  : «  (…) Ouranios  (…) homme digne de confiance sur ces arguments : il prit le soin d’exposer de façon attentive les affaires concernant l’Arabie (…) » (De Cicco 2017, p. 210 et 263-264). Signalons également que l’étude de P. De Cicco

Des 32 mentions qui nous ont été conservées dans l’Épitomé, une grande majorité (23) est située dans la partie initiale de la notice et sert à justifier un lemme particulier. Quatre mentions concernent des explications chrono-mythographiques, trois des ethniques et deux des formes dérivées. Le nom de l’œuvre et du livre correspondant est très fréquemment présent dans l’Épitomé. Les citations (seulement 6 conservées) ont été réduites de manière normale : nous en avons autant (3) dans les 7 mentions du premier abrégé (auxquelles s’ajoute une paraphrase) que dans les 20 mentions du second. Deux géonymes, situés dans la partie la plus résumée de l’Épitomé, posent problème : les Sennones (σ 107), peuple de Galatie, et les Sêres (σ 121), peuple d’Inde. Le premier est probablement rattaché à Ouranios par erreur. Meineke avait proposé de décaler la mention au géonyme proche, Semphê (σ 109), ville d’Arabie contre l’Euphrate48. La variante de l’ethnonyme, Semphênos, a une morphologie que l’on retrouve chez Ouranios ; il est donc tout à fait pertinent de considérer ici une erreur de copie du troisième abréviateur et de décaler effectivement la mention de cet auteur. Le second géonyme se laisse moins facilement retrouver. Il est tentant de faire le lien avec la mention que l’on trouve dans les Chiliades (7.722-729) de Jean Tzétzès provenant, comme celle de Serês, du livre III des Arabiques49. Il s’agit très probablement d’une indication qui se trouvait à l’origine chez Stéphane de Byzance car celui-ci est le seul à nous donner des fragments de cette œuvre ; ceci nous semble de nature à prouver également que Jean Tzétzès lisait un ne tient compte que de Glaucos et d’Ouranios pour les géonymes d’Arabie. 48  M. Billerbeck ne garde pas cette hypothèse dans son édition du texte de Stéphane de Byzance mais l’accepte dans la révision de la BNJ. Elle note que l’on a l’ordre suivant : Sennones (σ 107), Senoessanoi (σ  108), Semphê (σ 109) et Seriphos (σ  110). Très clairement, la notice de Semphê n’est pas à sa place et a été mise à mal par la réduction du troisième abréviateur. Nous maintenons le rattachement d’Ouranios à cette notice en lieu et place des Sennones, comme le propose également P. De Cicco (De Cicco 2017, p. 277). 49 « Οὐράνιος ἐν τρίτῳ δὲ Ἀραβικῶν που λέγει / εἶναι καλάμων ἱερὸν ἄλσος ἐν Ἀραβίᾳ,  / ἐν οἷς καλάμοις θάπτουσι μόνους τοὺς βασιλέας, / γυναῖκάς τε καὶ ἀδελφοὺς καὶ υἱέας τούτων, / ἄλλον τινὰ δὲ οὐδαμῶς. Ἡ δὲ ταφὴ τοιάδε· / ἓν γόνυ τι κοιλάναντες ὧν ἔφημεν καλάμων, / ἐς τοῦτο θέντες τὸν νεκρὸν καὶ χρίσαντες δὲ μύρῳ, / τὸν κάλαμον μὴ κόψαντες, πάλιν ἐῶσι φύειν » (« quelque part dans le troisième livre des Arabica, Ouranios dit qu’il y a, en Arabie, un bois sacré de roseaux : que les rois y sont enterrés, avec leurs femmes, frères, sœurs et enfants, et personne d’autre. L’enterrement se déroule ainsi : ils creusent une branche des roseaux dont on a parlé, ils y déposent le corps et lui appliquent de l’onguent ; sans couper la branche, ils la laissent pousser à nouveau », trad. De Cicco).

4. Approche des sources littéraires des Ethniques (iie-vie siècles) exemplaire des Ethniques peut-être plus détaillé que le premier abrégé qui conserve rarement des citations aussi longues50. S’agit-il pour autant d’un développement de la notice Sêres, dont nous n’avons conservé dans l’Épitomé que la version de la 3e abréviation51 ? Cela ne semble pas évident au vu du texte donné par Jean Tzétzès et il faut peut-être le rattacher à un autre géonyme de l’Arabie Heureuse. L’œuvre était probablement en 5 livres et pouvait contenir à la fois une description géographique et l’histoire de l’Arabie, comme le pense M. J. West. Le livre I aurait constitué une sorte de description géographique générale. Les géonymes des Nabatéens se concentrent plutôt dans le livre II, ceux de l’Arabie « heureuse » (sud de la péninsule arabique, correspondant en particulier au Yémen actuel) dans le livre III. Le livre IV aurait concerné le désert du Néguev, tandis que le livre V aurait constitué une histoire de l’Arabie. Ouranios ne semble pas avoir utilisé l’œuvre d’un autre auteur d’Arabiques, Glaucos, probablement plus ancien : les géonymes signalés par Stéphane de Byzance pour ces deux auteurs sont différents 52. En revanche, comme on l’a signalé plus haut, il citait Oulpianos, c’està-dire Ulpien d’Emèse, auteur du ive siècle connu par plusieurs notices de la Souda. Asinius Quadratus Pour le iiie siècle, nous avons conservé les mentions de l’historien Asinius Quadratus (appelé Kouadratos par Stéphane de Byzance)53. Cet auteur est un Romain qui a rédigé ses œuvres en grec, dont deux sont citées par Stéphane de Byzance. Plusieurs inscriptions du second quart du iiie siècle semblent concerner ce personnage ; si l’on suit l’analyse épigraphique de P. Janiszewski, son nom complet était C.  Asinius Protimus Quadratus54. 50 Voir supra p. 60-61. 51  C’est ce que fait F. Jacoby (FGrHist 675), qui nomme F 20 la mention de Stéphane de Byzance (s.v.  Sêres) et F 20a celle de J. Tzétzès. 52  P. De Cicco considère l’inverse (De Cicco 2017, p. 210-213). 53  Sur l’auteur et ses différentes œuvres, voir Janiszewski 2006, p.  27-39 et 85-91, qui reprend Manni  1971, Baldwin  1979 et Zecchini 1998. Édition de référence : FGrHist no 97 (= TLG 2122). Tout récemment, cet auteur a été à nouveau étudié par P. De Cicco dans sa thèse (De Cicco 2017), mais sans faire référence à l’étude de P. Janiszewski. 54   Janiszewski  2006, p.  28-31. P.  De Cicco détaille les attestations du cognomen Quadratus et l’appartenance de notre historien à la famille des Asinii (De Cicco 2017, p. 85-89). Pour le

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On notera qu’il est peut-être également l’auteur d’une épigramme de l’Anthologie Palatine (7.312), mais cela reste controversé55. D’après la Souda (κ 1905 Adler) 56, Asinius Quad­ ratus a rédigé dans le second quart du iii e  siècle la Chilietêris des Romains, c’est-à-dire un millénaire d’histoire romaine (depuis la fondation de Rome et jusqu’au règne de Sévère Alexandre), « dans le dialecte ionien » précise la notice. Il a été envisagé que l’œuvre pouvait démarrer en -776 pour coïncider avec la première olympiade et aller alors jusqu’en 224. Pourtant les 900 ans ont été célébrés sous Antonin, en 148 et le millénaire officiel en 248 par Philippe l’Arabe ; la date en était donc connue. Nous pensons que la période de mille ans devait être envisagée de manière approximative57. Dans tous les cas, les inscriptions nous montrent un homme actif durant le premier tiers du iii e  siècle mais peutêtre guère au-delà. Il est donc un exact contemporain de Dion Cassius, ce dernier écrivant la même histoire de Rome (jusqu’en 229) mais prenant pour modèle Thucydide (y compris dans son emploi de la langue attique). Cette œuvre historique comportait 15 livres58 et a été mentionnée par l’Histoire Auguste (SHA V et VI), Zosime (5.27.1) et bien plus tardivement par Xiphilin (70.3). Le texte en subsistait peut-être au vie siècle de notre ère ce qui aurait pu permettre à Stéphane de Byzance de le lire directement, mais il est plus vraisemblable d’imaginer que toutes les mentions de ces auteurs (et tout particulièrement celle de Xiphilin) remontent à une œuvre historique intermédiaire perdue59. Ces mentions tardives, nom complet en rapport avec les inscriptions, De Cicco 2017, p. 90, 96-97. 55  De Cicco 2017. 56  FGrHist 97 T 1. « Κοδράτος, Ῥωμαῖος, ἱστορικός. ἔγραψεν Ἰάδι διαλέκτῳ Ἱστορίαν Ῥωμαϊκὴν ἐν βιβλίοις ιε΄, ἐπιγραφὴν δὲ Χιλιετηρίδα, καὶ περιέχει ἀπὸ κτίσεως Ῥώμης ἕως Ἀλεξάνδρου τοῦ Μαμαίας υἱοῦ Καίσαρος » (« Quadratus, de Rome, historien. Il a écrit une Histoire romaine en dialecte ionien, en 15 livres, intitulée Chilietêris, et il parcourt de la fondation de Rome jusqu’au César Alexandre, le fils de Mamaea »). 57   P.  De Cicco reprend toutes les hypothèses formulées pour expliquer ce décalage. En conclusion, pour lui l’œuvre allait bien jusqu’en 248 mais une perte matérielle aurait entraîné une identification, dans la source de la Souda (l’Onomatologos), de la fin de l’ouvrage avec le règne de Sévère Alexandre, plus précisément en 222, date de son césarat (De Cicco 2017, p. 90, 92-95 et 97-106). 58  FGrHist 97 F 1-4 et 21-26. De Cicco 2017, p. 116-123. 59  P. Janiszewski, suivi par P. De Cicco, propose d’associer la mention de Quadratus chez Zosime à celle de l’Histoire de l’Empire romain d’Olympiodore de Thèbes (allant de 407 à 425). Le texte en question fait état d’une réflexion sur l’étymologie de Ravenne,

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Deuxième Partie : Organisation, contenu et sources des Ethniques de Stéphane de Byzance

concentrées sur le règne d’Antonin et de Marc Aurèle, laissent penser à un extrait de l’œuvre qui aurait peut-être circulé dès la fin du ive siècle pour pallier à la perte des livres de Dion Cassius consacrés à cette période60. Le titre même de l’œuvre est variable suivant nos extraits. La Souda indique Xιλιετηρίς mais les autres fragments, chez Stéphane de Byzance, sont sous la forme ἐν Ῥωμαϊκῆς χιλιάδος61 et Ῥωμαϊκῆς Χιλιαρχίας (s.v. Oxubioi, ο  76) mais avec sans doute une erreur de lecture du second terme. De cette œuvre, l’Épitomé nous a conservé 7 mentions, pour la plupart rattachés à des ethniques62 et à deux reprises à des variantes orthographiques de villes (s.v. Gerounion, γ 64 et Dalmion, δ 8). Pour la seconde (Dalmion), la variante suit celle d’Appien qui semble provenir d’Oros (cf. ci-après). Nous ferons donc l’hypothèse que Stéphane de Byzance a trouvé ces quelques mentions de l’œuvre d’Asinius Quadratus chez Oros. Nous reviendrons infra (p. 223-224) sur les mentions concernant notre corpus. On lui connaît un autre ouvrage, les Parthiques63, mentionné seulement par Stéphane de Byzance et l’Histoire Auguste (5.8.1 et 6.1.11)64 et signalé sans doute par Évagre (HE 5.24)65. G. Zecchini pense qu’il est antérieur à la Chilietêris et qu’il pouvait prolonger les Parthiques d’Arrien66. D’après l’Histoire Auguste (5.8.1), Asinius Quadratus est un écrivain des guerres contre les Parthes nouvelle capitale impériale à partir de 402. Janiszewski  2006, p. 37-38 ; De Cicco 2017, p. 106-111. 60  De Cicco 2017, p. 112-116. 61  Voir les mentions s. v. Anthion (α 321) et Ibêriai (ι 19). Pour Thapsipolis (θ 12), le mot χιλιάδος est absent mais peut être restitué comme le montre la forme, attestée dans le manus­crit R, de Ῥωμαϊκῆς qui ne peut s’envisager seul. 62   s.v.  Anthion (α  321), Ibêria (ι  19), Thapsipolis (θ  12) et Oxybioi (ο 76). 63  FGrHist 97 F 5-20 et 27-30 ; Janiszewski 2006, p. 85-88 ; De Cicco 2017, p. 123-127. 64  Les deux mentions sont données par Jacoby (F  19 et 20) comme provenant toutes deux des Parthiques. Toutefois la seconde indique Quadratus in Historiis, ce qui pourrait se rapporter à la première œuvre. 65  Évagre écrit qu’Arrien et Asinius Quadratus avaient rédigé des ouvrages portant sur la même période que celui d’Eusèbe (d’Octave jusqu’à la mort de Carus, en 283). C’est bien évidemment faux, Arrien étant mort vers 175 et n’ayant pas écrit d’histoire romaine. En revanche, les deux ont écrit des Parthica et c’est probablement à cette œuvre que se réfère Évagre, peut-être par l’intermédiaire d’Eusèbe de Césarée (De Cicco 2017, p. 111). 66  Zecchini 1998 p. 3005 et 3009 sq., en s’appuyant sur la mention d’Évagre.

(belli Parthici scriptor). Il a probablement rassemblé ici tout ce qui concerne les guerres menées par les Romains, en particulier celles conduites au cours du iie siècle et au tout début du iiie siècle (Trajan, Marc Aurèle, Septime Sévère, Caracalla). Le dernier roi parthe, Artaban V, est tué en 224 et remplacé par les Sassanides. Elle comprenait au moins 9 livres, probablement classés de façon chronologique67. Pour cette œuvre, la répartition dans l’Épitomé est différente ; en particulier, plusieurs toponymes sont cités directement en fonction de Quadratus. On pourrait imaginer une lecture directe de cette œuvre par Stéphane de Byzance, bien que celui-ci apparaisse bien isolé dans sa connaissance d’Asinius Quadratus (il est le seul à nous fournir des fragments de cette œuvre). Il faudrait analyser de manière plus approfondie les mentions se rapportant à cette aire géographique pour pouvoir se prononcer mais à titre d’hypothèse, on proposera qu’Oros l’a lue et en a tiré des géonymes spécifiques à cette région. Enfin, on considère que la mention d’Agathias (1.6) à propos des Alamans et d’une Germanika de cet auteur pourrait se rapporter à une œuvre spécifique, peut-être en lien avec les premières apparitions de ce regroupement de peuples à l’époque de Caracalla68. On a déjà signalé la possibilité de faire rentrer l’œuvre d’Asinius Quadratus dans un cadre différent que celui (chronologique) que l’on envisage habituellement et il faut probablement en trouver la référence chez Appien. Cet historien, on le sait et on le verra (cf. infra p. 180), est l’auteur d’une Histoire romaine appelée Ῥωμαϊκά, en 24 livres. L’histoire des Romains est traitée par grandes périodes chronologiques et par entités géographiques. La mention d’Agathias se rapportant aux Germanika pourrait correspondre à un livre entier, tandis que les Parthika auraient donné lieu à un ouvrage spécifique, peut-être précurseur dans la démarche intellectuelle d’Asinius Quadratus. Dans ces conditions, par parallélisme avec les numéros de livre connus et moyennant quelques corrections simples, on aurait  : livre  II, les guerres d’Italie (mention Anthion, ville italienne capturée en 338 av. J.-C. avec no de livre) ; livre IV guerres contre les Celtes (mention des Oxybioi avec no de livre corrigé)  ; livre  VI, guerres contre l’Ibérie (avec no  de

67   Les livres  I-IV concernaient la guerre de 161-166, les livres VII-IX les campagnes de Septime Sévère de 195-197 (voir Janiszewski 2006, p. 86). 68  Janiszewski 2006, p. 88-91.

4. Approche des sources littéraires des Ethniques (iie-vie siècles) livre  restitué 69)  ; livre  VII, guerres contre Hannibal (mention de Gerounion, ville capturée par Hannibal en 217/216) ; livre IX, guerres de Macédoine et d’Illyrie (mention de Pêlion capturée durant la seconde guerre macédonienne et de Dalmion, durant la guerre dalmate) ; livre XII : guerres civiles (avec mention de Thapsus et la défaite des ennemis de César en 46 av. J.-C. et mention du livre). On peut imaginer, comme pour Appien que le ou les derniers livres étaient consacrés aux temps les plus récents. Dans ce cadre, la perte de l’œuvre s’explique aisément : on aurait préféré l’original (Appien) à la copie et n’aurait été conservée que la partie la plus récente, que l’on ne trouvait pas chez Appien. Ainsi s’expliqueraient les mentions tardives et la conservation possible d’un livre à la fin du ive siècle. Arrien Né à Nicomédie, Arrien70 est un proche de l’empereur Hadrien qui le nomme gouverneur de Cappadoce. Il se retire à Athènes en 138 et rédige plusieurs œuvres, en partie conservées. Les plus importantes relèvent du champ historique. L’Anabase (ou Histoire d’Alexandre), en 7 livres, était complétée par un livre  Sur l’Inde qui en constituait le livre VIII, sorte d’annexe géographique. Lue par Photios (Bibl. cod. 91), cette œuvre nous est parvenue. Trois mentions en proviennent, l’un sur la ville d’Alexandrie (livre II), l’autre pour un peuple d’Inde (livre IV) et le troisième pour une ville d’Inde. Cette dernière est mentionnée de façon explicite dans le livre VIII, mais cette œuvre était peut-être alors déjà séparée du reste de l’Anabase. Aucune mention n’est faite de son Histoire de la succession d’Alexandre, lue également par Photios (Bibl. cod.  92). On a en revanche 7 mentions de ses Bithyniaques, histoire de sa province natale des origines jusqu’à l’annexion par Rome en 75 av. J.-C., dont on connaît également la lecture par Photios (Bibl. cod. 93). Cette œuvre a peut-être été consultée par Stéphane de Byzance. Jean Tzétzès la cite, de même qu’Eustathe de Thessalonique qui, au vu de la fréquence de ses mentions, semble avoir eu en main un exemplaire de l’œuvre.

69  Le numéro de livre est restitué dans le texte de Constantin sur la base d’une haplographie avec le mot suivant (ἔστιν) ; nous proposons la même erreur de lecture avec le mot précédent (χιλιάδος). 70  Édition de référence  : FGrHist n o  156 (= TLG  74). Voir l’étude sur Arrien et les fragments qui en proviennent dans la Souda dans Visconti 2010.

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Le plus grand nombre de mentions d’Arrien dans l’Épitomé concernent ses Parthiques, œuvre également lue par Photios (Bibl. cod. 58) et depuis disparue. Deux mentions (s.v. Borsippa, β 126 et Sôphênê, σ 344) en proviennent sans doute ; on peut les mettre en relation avec trois autres sans nom d’œuvre, regroupées par Jacoby sous les no 110 et 112 à 115. Leur forme particulière en fait sans doute les témoins d’un auteur intermédiaire qui aurait cité Arrien, peut-être Oros. Les autres mentions sont différentes et sont parfaitement référencées, avec quelques citations. La dernière œuvre citée dans l’Épitomé est le Périple du Pont-Euxin. Conservé, ce texte est tiré d’un rapport d’expédition écrit en 131-132 et commandité par l’empereur. Neuf fragments en proviennent, dont un seul est accompagné du nom de l’œuvre. Les mentions semblent assez caractéristiques du travail d’Oros. Au final, il est difficile de savoir si Stéphane de Byzance a lu Arrien directement ou s’il le cite par l’intermédiaire d’Oros, hypothèse qui aurait toutefois notre préférence. 4.2.4. Deux auteurs peu connus largement cités Deux auteurs quasi inconnus font partie de ceux qui sont assez largement cités dans l’Épitomé : Théagène et le poète Dionysios. Théagène Stéphane de Byzance donne 17 citations d’un auteur que l’on connaît peu, Théagène71. Ses Coutumes macédoniennes ont été lues sous une forme abrégée par Photios (Bibl. cod.  161), qui nous en donne quelques détails ; elles faisaient partie du livre X de la compilation de Sopatros72. Pour mieux appréhender le moment où Théagène écrit, il est important d’essayer de dater cette compilation. de référence  : FGrHist n o  774  = TLG  1709 et FGrHist n  300 = TLG 1722. RE V, 1934, col. 1348 Theagenes 10. P.  Janiszewski donne les arguments pour assimiler Theagenes et Theogenes, en se basant sur certaines leçons des manus­crits ( Janiszewski 2006, p. 171-176). La déformation du nom peut s’expliquer par une plus grande familiarité des copistes byzantines avec un composé de θεός. 72  Les autres œuvres rassemblées par Sopatros dans le livre X (l’Eratos de Céphalion, l’ouvrage d’Apollonios le stoïcien et plusieurs vies parallèles de Plutarque) ne sont pas citées par Stéphane de Byzance. Il est donc probable que c’est l’œuvre d’origine qui a été lue par notre lexicographe ou un auteur intermédiaire. 71   Édition o

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On connaît plusieurs personnages du nom de Sopatros. Le premier, le sophiste Sopatros d’Apamée73 est mort sous Constantin (Souda σ 845 Adler) ; il a dirigé l’école néoplatonicienne d’Apamée après Jamblique. La Souda (σ  848 Adler) mentionne un second Sopatros, d’Apamée ou d’Alexandrie, également sophiste, qui a écrit « des épitomés d’œuvres de plusieurs auteurs » ; il correspond certainement à l’auteur de la Sélection d’histoires, c’est-à-dire l’œuvre qu’a lue Photios. Il semble peu probable qu’il s’agisse du même personnage que Sopatros d’Apamée. Nous savons toutefois que ce dernier a eu un fils du même nom, dont on a conservé une correspondance avec son frère Himerios. Appelé Sopatros le jeune74, il fut décurion d’Apamée et organisa les Jeux Olympiques dans cette cité en 361 ; il pourrait s’agir de notre compilateur. R. Goulet a repris l’ensemble des testimonia concernant les Sopatros durant l’Antiquité tardive75 mais il n’a pas pu identifier précisément le compilateur. Notons toutefois qu’un rhéteur du nom de Sopatros était actif à Alexandrie encore au début du vie siècle76. Tous les fragments mentionnés appartiennent aux Coutumes macédoniennes (que Stéphane de Byzance appelle les Macédoniques), sauf un, rattaché à des Cariques (s.v. Kastalia, κ 117). Pour cette dernière, il peut s’agir d’une erreur comme le notait déjà Jacoby77 ; s’agissant d’une ville de Cilicie, c’est le nom de l’auteur qu’il faut changer pour Apollonios (d’Aphrodisias) ou Alexandre Polyhistor, qui sont les deux auteurs connus dans l’Épitomé pour des œuvres portant ce titre. P. Janiszewski propose en revanche d’y voir une œuvre du même Théagène78. Il complète les œuvres de cet auteur avec un Sur Égine, connu par des mentions des scholies de Pindare et de Platon79. On retrouve avec cet auteur des caractéristiques qu’il partage avec les Bassariques de Dionysios  : des citations parfois longues (comme pour Pallênê, π  5) et des mentions en lien avec des indications mythologiques (s.v. Tirsai, τ 135 ; Lêtê, λ 49 ; Mieza, μ 183 ; Parthenopolis, π 45). Plusieurs occurrences servent de source primaire à des villes de Macédoine. On notera également la paraphrase de Théagène pour le peuple des Molosses, les Orestai (ο 87), mentionné aussi par Oros. 73  74  75  76  77  78  79 

Goulet 2012, p. 63-64. Goulet 2012, p. 65-66. Goulet 2012, p. 73-75. Goulet 2012, p. 74 et n. 209. PLRE II, 3. FGrHist 774 F 16. Janiszewski 2006, p. 174-175. Placées pour certaines sous le nom de Theogenes.

Ce dernier peut-il avoir été l’auteur-source pour les mentions de Théagène ? Ceci impliquerait que de longues citations aient pu être insérées dans les œuvres d’Oros et que Stéphane de Byzance les a trouvées chez lui, ce qui n’est pas prouvé. En l’absence d’une datation précise de Théagène, il est difficile d’aller plus loin dans notre analyse ; mais il n’est pas impossible qu’il date de la 1e moitié du iie siècle, comme Plutarque ou les autres auteurs du livre X de la compilation de Sopatros. Dans ce cas, il aurait été lu par Diogenianus. Le poète épique Dionysios L’Épitomé nous a conservé 32 mentions d’un auteur inconnu par ailleurs, Denys/Dionysios 80, qui a composé deux poèmes l’un sur l’histoire de Dionysos (les Bassariques) et l’autre sur La Bataille des Géants. Par chance, des fragments de papyrus ont livré des extraits de texte de ces poèmes, l’un des vers coïncidant avec une citation de Stéphane de Byzance ce qui a permis leur attribution. H. Livrea a bien mis en évidence le fait que Dionysios a été cité par Oppien d’Apamée, l’auteur des Cynégétiques dédiées à l’empereur Caracalla entre 212 et 217 et également dans les Halieutiques d’un Oppien homonyme qui écrit au temps de Marc Aurèle81. Ceci implique alors une antériorité de notre poète qu’il faut probablement placer vers le milieu du iie siècle de notre ère comme le propose H. Livrea. Cette datation correspondrait aussi avec celle d’un papyrus d’Oxyrhyncus qui contient les fragments 39 et 40 des Bassariques82. L’œuvre intitulée Les Bassariques tire son nom des peaux de renard83 dont se couvraient les bacchants et les bacchantes. Elle constitue une des sources importantes des Dionysiaques de Nonnos de Panopolis84. Nous avons identifié 26 mentions de cette œuvre. Quatre d’entre elles (s.v. Blemues, β 109 ; Gêreia, γ 73 ; Zabioi, ζ 2 ; Prasioi, π 230) n’indiquent pas Dionysios comme auteur mais ont la même formulation que la

80 

Éditions de référence  : Livrea  1973 et Benaissa  2018. Cf. également Keydell 1967. 81  Livrea 1973, p. 13. 82  P. Oxy. 37 2818, papyrus daté désormais de la 2e moitié du iie siècle ; voir l’introduction de la nouvelle édition due à A. Benaissa. Celui-ci date Dionysios plutôt de la fin du ier siècle (Benaissa 2018, p. 1-2). 83  Appelées βασσάρα, suivant un nom d’origine thrace. 84  Sur cette œuvre et le rapport avec les Bassariques, voir surtout Chuvin 1991.

4. Approche des sources littéraires des Ethniques (iie-vie siècles) notice de Gazos (γ 15)85. Plusieurs mentions sont accompagnées de citations, parfois assez longues. C’est le cas par exemple de Kaspeiros (κ 109, 8 vers), Gazos (γ 15, 7 vers) ou de Darsania (δ 23, 4 vers). D’autres mentions (Zoara, ζ 25 ; Karpasia, κ 97) se rapportent à des formes variantes qui rappellent les indications d’Oros. Mais la grande majorité (21 sur 26) constitue la forme de référence d’un lemme chez Stéphane de Byzance. Les noms géographiques étant nombreux, une sorte d’index géographique a été dressé, comme le met bien en évidence A. Benaissa86. Sans le savoir, il reconstitue d’ailleurs un des index intermédiaires qui ont pu servir à la génération du lexique. La seconde œuvre mentionnée, La Bataille des Géants, concerne un autre mythe (la Gigantomachie ou victoire sur les Géants) fréquemment chanté par les poètes depuis l’époque hellénistique (en particulier dans l’œuvre du sophiste Scopélien, au début du ii e  siècle av. J.-C.). Cette tradition (et probablement l’œuvre de Dionysios) a servi de source à Nonnos de Panopolis87. L’œuvre est citée seulement six fois et au mieux avec un vers. Pour trois d’entre elles, il s’agit de la source primaire d’un nom de ville (Keladônê, κ 152 ; Nessôn, ν 36) ou de montagne (Titôn, τ 143). Les trois autres mentions donnent deux variantes de Dôtion (δ  151) et une du peuple des Molosses Orestai (ο 87). Du fait de la longueur de certaines citations, il nous semble que Stéphane de Byzance n’est pas à l’origine des mentions de cet auteur. On peut imaginer que celles-ci proviennent d’un lexicographe antérieur à la publication de l’œuvre de Nonnos de Panopolis, qui aurait plus probablement été choisi comme source. Nous reviendrons sur cette œuvre dans la conclusion de cette partie mais nous verrions volontiers un auteur lu par Diogenianus. 85 

H. Livrea, qui a édité les fragments de cet auteur, ne garde que ceux qui mentionnent avec certitude Dionysios. Voir aussi GGM 2, p. xxvii-xxviii. F. Vian retient également d’autres notices qu’il attribue aux Bassariques (Vian 1998, p. 76-78), tout comme A. Benaissa (Benaissa 2018, p. 9-13). Nous ne sommes pas certains que tous les géonymes s’y rattachaient ; pour Karmina (κ 88) ou Kurê (κ 287, avec la correction de Wilhelm Xylander ἐν τῷ Περσικῷ κόλπῳ au lieu de πόντῳ) nous pensons plutôt à Marcien mais rien n’empêchait dans la notice d’origine de Stéphane de Byzance de trouver aussi la mention des Bassariques. Seule une étude fine de l’ensemble des géonymes se rapportant à la partie orientale de l’Asie permettrait de valider ces hypothèses. 86  Dans le commentaire des fragments de Stéphane de Byzance, il répertorie les différents schémas d’indexation que l’on retrouve dans les notices (Benaissa 2018, p. 147-149). 87   Voir l’introduction de l’édition de la Collection des Universités de France par F.  Vian (Vian  1976, p.  xliii-xliv et l’indication des mentions dans les notes 5 à 7).

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4.3. Les auteurs peu cités du iie au vie siècle Les auteurs peu cités sont intéressants à analyser, car ils ne semblent pas relever, à priori, d’une lecture directe par Stéphane de Byzance. Pour mieux les appréhender, nous allons les examiner par ensemble chronologique. 4.3.1. Les auteurs des ive-ve siècles Les auteurs sont assez nombreux pour cette période. Parmi ceux-ci, l’un a été plus particulièrement utilisé, Pausanias d’Antioche. Les autres sont pour la plupart très mal connus. Les mentions de Pausanias d’Antioche Pausanias d’Antioche88 est l’un des auteurs à avoir servi uniquement pour des mentions d’ethniques. Cet historien, utilisé assez largement par Malalas au vie siècle, en particulier pour renseigner la période séleucide, avait rédigé une histoire de sa ville natale qui semble être Antioche89. La datation de cet auteur est difficile. Il semble dater plutôt du ive siècle mais pourrait aussi remonter jusqu’au iie siècle selon P. Janiszewski. Trois des mentions (s.v. Botrus, β 132 ; Gabba, γ 5 ; Gaza, γ 13) ne comportent que le nom de Pausanias, en lien avec une définition d’ethnique. Trois autres donnent le titre de l’œuvre appelée une fois La fondation de sa patrie (« Τῆς πατρίδος αὐτοῦ κτίσις », s.v. Dôros, δ 150), une autre fois Sur (la fondation d’ ?) Antioche (« Περὶ Ἀντιοχείας  », s.v. Seleukobêlos, σ 102) ce qui semble indiquer une source de transmission différente. La dernière concerne l’ethnique de la ville phénicienne de Mariammia (μ 70), sous la forme vraisemblable « selon Pausanias dans Sa fondation » (« ὡς Παυσανίας ἐν κτίσει αὐτῆς »)90. Enfin, une autre mention fait état d’un numéro de livre (V) mais sans le nom de l’œuvre. Pour la forme de de référence  : FGrHist n o  854 (= TLG  2573). Janiszewski 2006, p. 181-188. 89   Nous suivrons Jacoby (FGrHist n o  854) de préférence à Diller (Diller  1955, p.  275 sq.), selon qui il faut distinguer le pseudo-« Pausanias de Damas » de l’auteur de l’histoire d’Antioche. Nous pensons qu’il faut restituer, dans le De Thematibus, οὔτε Παυσανίας ὁ Δαμασκηνός, comme le proposent Christ et al. 1920-1924, II, p. 759, n. 2. L’œuvre de Nicolas de Damas était bien connue à cette époque puisqu’on la retrouve dans les Excerpta Constantiniana. 90  La révision du manus­crit R réalisé par M. Billerbeck dans sa nouvelle édition livre une lecture (ἐν κτηαυτ) certes fautive mais qui permet cette restitution, contrairement à la leçon des trois autres manus­crits (qui est aussi celle de F. Jacoby) : Παυσανίας ἐν ϛ΄. 88   Edition

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Deuxième Partie : Organisation, contenu et sources des Ethniques de Stéphane de Byzance

l’ethnique Laïtês de la ville de Carie Laeia (λ 14), l’Épitomé indique « ὡς παυσανίας φησὶ ε’ », forme étrange que l’on pourrait imaginer être une version tronquée de ἐ[ν …]. M. Billerbeck indique en note qu’il peut s’agit également d’une erreur pour Elaeia, mentionnée effectivement dans le livre  V du Pausanias le plus connu. Aucune autre indication d’un numéro de livre apparaissant dans les fragments conservés, nous ne le considèrons pas comme pertinent. Deux autres mentions proviennent de Jean Tzétzès, l’une dans les Chiliades (7.167) à propos d’Antioche et la seconde dans son Exégèse de l’Iliade91. Toutes deux ont le titre « Περὶ Ἀντιοχείας κτίσεως » et pourraient provenir du texte d’origine de Stéphane de Byzance. On notera que plusieurs notices sont associées à des explications grammaticales sur la formation de l’ethnique, toutes caractéristiques de l’œuvre d’Oros qui est très certainement la source de Stéphane de Byzance pour cet auteur. Nous l’avons dit, seul le titre issu de la notice de Seleukobêlos diffère. Il témoigne probablement d’une transmission différente. Cette notice se rapporte à la ville de Séleucie ad Belum92, ville fondée au contact du massif calcaire bordant le plateau d’Alep à l’ouest, appelé Belos. Dans cette notice, aucune adjonction grammaticale n’est présente (mais nous sommes dans la partie la plus résumée de l’Épitomé). Il est difficile de savoir comment la mention a pu arriver jusqu’à Stéphane de Byzance si ce n’est pas par Oros ; notons toutefois que le nom antique de la ville Seleukeia pourrait se rattacher à l’œuvre d’Eugène d’Augustopolis Sur les noms en ια (cf. supra p. 132-133) ou à un grammairien orthographiste comme Arcadius (ou Eudaimon ?) ayant étudié la diphtongue ει. On aurait la même origine (et le même titre) pour la mention d’Antiocheia à travers Jean Tzétzès. Des mentions d’ethniques Plusieurs auteurs sont mentionnés seulement à propos de formes d’ethniques. L’empereur Julien est cité une fois à propos des habitants de la ville de Judée Tibériade (Tiberias, τ 119), avec une petite indication grammaticale  ; l’ensemble peut provenir d’Oros.

Plus intéressant, un historien (?) dont nous ne savons rien, Parthénios de Phocée93, est mentionné par Stéphane de Byzance à quatre reprises94 : il est cité à propos de trois peuples (les Goths, γ 104, les Dekentioi, δ 44 et les Francs, φ 97) et d’un ethnique des habitants de la ville de Péonie, Moursa (μ 221). P. Janiszewski estime que cet auteur date du début du vi e  siècle et donc qu’il a été lu certainement par Stéphane de Byzance lui-même95. Pour lui, la mention des Francs comme peuple d’Italie pourrait impliquer une date postérieure à 507, après la victoire des Francs sur les Alamans et l’établissement de relations avec l’empereur Anastase. Toutefois, selon nous cela ne situe pas les Francs en Italie ; nous y reviendrons dans la 3e partie de notre étude (p. 223). La mention des Dekentioi et de Moursa fait certainement référence à la guerre entre Constance II et Magnence ; la mention des Goths peut être lié à leur établissement en Thrace. L’ensemble nous place plutôt au plus tard au ive siècle ; nous sommes donc très circonspects sur une datation tardive de Parthénios de Phocée, ce qui obligerait Stéphane de Byzance à avoir lu directement cet auteur. Nous pensons plutôt que toutes ces mentions sont issues de l’œuvre d’Oros sur les ethniques. Enfin, un auteur du v e  siècle est également mentionné pour une forme d’ethnique : il s’agit de Priscos de Panion96, dont Stéphane de Byzance tire du livre VI de son Histoire byzantine (mais l’œuvre n’est pas mentionnée) la forme Saloneus, ethnique de la ville dalmate Salôna (σ 33). Là encore, nous proposons de rattacher cette mention à l’œuvre d’Oros, mais se pose alors la question de la date de rédaction de celle-ci puisque l’Histoire byzantine de Priscos semble dater des environs de 470. Si l’œuvre d’Oros est postérieure, elle pourrait constituer son travail le plus récent, achevé autour de 475/480. Un demi-siècle la séparerait alors des Ethniques de Stéphane de Byzance. Un usage du traité sur les noms en -ia ? Plusieurs mentions ont la particularité de concerner des noms se terminant en -ia. 93 

Édition de référence : Seel 1949. La mention de Parthénios de Phocée dans les manus­crits s.v. Ôgenos (ω 2) est une erreur pour un autre Parthénios (celui de Nicée). Voir Seel 1949, col. 1900-1901. 95  Janiszewski 2011. 96  Édition de référence : Carolla 2000. Cf. également PLRE, 2, Priscus 1. FHG, IV, p. 69-110. 94 

91  P. 138, 15 Hermann. Ce sont les fragments F 3a et F 4 de l’édition de Jacoby. Il faut noter aussi la mention des scholies aux Chiliades (F 3b) qui n’ajoute pas d’information. 92  C’est l’actuelle Al-Suqaylabiyah en Syrie.

4. Approche des sources littéraires des Ethniques (iie-vie siècles) Deux auteurs sont mentionnés à propos du dème de la petite Phrygie, Eukarpia (ε  157) 97. Le premier, cité au début de la notice, est Métrophane d’Eucarpie98, sophiste mentionné par la Souda (μ 1009 Adler). Le second est l’évêque de Ptolémaïs (en Cyrénaïque) Synésios de Cyrène, mentionné à propos de la courtisane Laïs, née en Sicile, en relation avec une forteresse Eukarpia de Sicile99. Le lien avec Oros est difficile à faire ici, sauf à imaginer que dans son traité orthographique il se permettait de telles digressions pour des toponymes en -ια au lieu de -εια. C’est pourquoi nous évoquons la possibilité de rattacher cette mention à une des œuvres (totalement perdue) du grammairien Eugène, qui a pu servir à Stéphane : Sur les noms en ια. Nous le proposerons avec d’autant plus de vraisemblance qu’Eugène était phrygien, et devait à ce titre connaître le dème d’Eucarpie. Eugène et Oros ont une génération d’écart, le premier étant plus jeune que le second. Les études de grammairiens sur ces questions de diphtongue sont nombreuses et à l’origine des traités orthographiques. Pour l’œuvre d’Eugène, nous bénéficions d’une indication supplémentaire de la Souda, qui après le titre de l’œuvre, précise « par exemple endeia ou endia, et aussi les différences » (οἷον ἔνδεια ἢ ἐνδία· καὶ πότε διφορεῖται). Étant probablement plus lexicographe que grammairien à la façon d’Hérodien, Eugène a pu apporter des renseignements plus détaillés que les considérations purement grammaticales d’Oros. On retrouve pour la même période ces noms en -ia, qui peuvent être confondus avec des exemples orthographiques d’Oros. Très intéressantes pour nous sont les mentions d’un historien peu connu, daté approximativement des ive-ve siècles, Diogène de Cyzique100. Meineke indique à tort la graphie Eukarpeia, alors que les manus­crits sont unanimes sur la forme en ια (voir Billerbeck ε 157). Cela renforce, si la démonstration devait encore être faite, tout l’intérêt d’une édition proche des manus­crits comme la conduit M. Billerbeck. 98  Édition de référence : FGrHist no 796 (= TLG 2531). 99  Lettre III, datée de 411-413. Voir Garzya, Roques 2000 (= TLG 2006). 100  Cet auteur est signalé par la Souda (δ 1146) mais sa notice le confond avec le grammairien Diogenianus (voir l’argumentaire détaillé dans Kaster 1997, no 207). La seule œuvre que l’on peut attribuer à l’historien est les Coutumes de Cyzique. Edition de référence : FGrHist no 474 = TLG 2328. Voir Wellmann 1903, Janiszewski 2006, p. 324-327 et plus récemment Focanti 2018, p. 245-262 propose une rédaction dans la 1e moitié du ive siècle, après sa transformation par Dioclétien en capitale de l’Hellespont et peut-être au moment de la refondation de Constantinople. 97 

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Deux d’entre elles proviennent en effet de lemmes en -ia : Adrasteia (α 64) d’une part et Zeleia (ζ 15) d’autre part. Là encore, difficile de faire la différence avec le traité orthographique d’Oros. Ce qui est certain en revanche, c’est que ces deux mentions se distinguent de la troisième de ce même auteur (s.v. Besbikos, β 79). En effet, elles font toutes deux référence à une œuvre appelée Sur Cyzique ( Κυζίκου) 101 tandis que la troisième mention parle d’un Sur sa patrie (Περὶ τῆς πατρίδος). Bien sûr, l’œuvre reste la même mais la différence de titre incite à voir deux transmissions différentes, l’une pouvant venir d’Eugène (Adrasteia, Zeleia) et la seconde d’Oros (Besbikos). Notons toutefois que les deux premières villes ayant aussi la diphtongue ei, la mention de Diogène peut provenir d’un auteur orthographiste. C’est probablement la même différence de transmission que l’on retrouve chez Pausanias d’Antioche. Comme nous l’avons vu supra, deux des titres sont mentionnés comme Fondation de sa patrie, tandis que l’autre porte Sur (la fondation d’ ?) Antioche. Il est possible que la mention de Seleukeus/(Seleukeia) provienne d’Eugène comme celle d’Antiocheia. Encore une fois, il s’agit de noms se terminant en -ia même si la mention se rapporte plutôt à des formations d’ethniques, caractéristiques d’Oros. Les autres mentions Évêque de Césarée sous Constantin (v.  270-v.  340), Eusèbe est un auteur très important pour la connaissance des premiers siècles du christianisme. Il est le premier à rédiger une histoire dans une optique chrétienne. On lui connaît plusieurs œuvres, dont des Chroniques102 et une Histoire ecclésiastique 103, dont la publication intervient vers 323-324. Celle-ci est citée une fois, à propos de la ville gauloise de Vienne (β 94), dans une 101  Dans la Souda, le titre est Πάτρια Κυζίκου ; comme pour Théagène, Stéphane de Byzance ne garde que la mention du lieu sans la mention de Πάτρια (Coutumes). 102   On n’en connaît qu’une version arménienne et une traduction latine par Jérôme. Voir l’édition en cours par A. CohenSkalli. 103  Édition de référence : Histoire ecclésiastique (324), trad., Livre  I  : trad. Édouard des Places, 1974, 354  p.  Livres  II-III  : trad. Édouard des Places, 1976, 300  p.  Livres  I-IV  : t.  1, 1986, 440 p. Livres V-VII : t. 2, 4° éd. 1994, 480 p. Livre VII : trad. Guy Schroeder et Édouard des Places, 1975, 352 p. Livres VIII-X : t. 3, 4° éd. 1993, 372 p. Livre XI : trad. Geneviève Favrelle et Édouard des Places, 1982, 410 p. Livres XII-XIII : trad. Édouard des Places, 1983, 512 p. Livres XIV-XV : trad. Édouard des Places, 1987, 460 p. Paris, Cerf (Sources chrétiennes) (= TLG 2018).

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Deuxième Partie : Organisation, contenu et sources des Ethniques de Stéphane de Byzance

longue digression. À moins d’imaginer que la jeune fille à l’origine de la fondation de la ville s’appelait Biannia (au lieu de Bianna des manus­crits), nous ne pouvons la rattacher ni aux Ethniques d’Oros ni à l’œuvre d’Eugène. Peut-être provient-elle du lexique d’Eugène, que nous ne connaissons pas. Toutefois ce type d’indication « étymologique » se retrouve fréquemment chez Oros. La mention peut donc également dériver de son traité orthographique si celui-ci présentait des notices un peu développées. Autre auteur, l’historien Eustochios de Cappadoce104 (v. 350) est mentionné à propos de la notice Pantikapê105, forme que Stéphane de Byzance considère comme dérivée du lemme Pantikapaion (π 26), ce qui autorise éventuellement à rattacher cette mention à l’étude d’Oros sur la diphtongue αι. Un autre auteur, Ulpien106 (Oulpianos en grec), est cité d’après Ouranios (cf. supra p. 170-171). La mention du peuple des Taïênoi (τ 6) est indiquée en suivant le sens de transmission : Ulpien d’abord puis Ouranios. Il est vraisemblable, comme le fait F. Jacoby (FrGrHist no 676), d’identifier cet auteur avec Ulpien d’Antioche, sophiste ayant enseigné à Émèse sous Constantin et qui fait l’objet de deux notices de la Souda (ο 911 et 912 Adler). F. Jacoby propose également de modifier la mention d’Olympianos (s.v. Doulopolis, δ 117) en Oulpianos. 4.3.2. Les auteurs du iiie siècle Les auteurs du iiie  siècle sont peu nombreux. Outre Asinius Quadratus déjà mentionné (supra p. 171), nous ne comptons que quatre auteurs en prose et deux poètes. Les auteurs de prose L’historien Dexippe 107, archonte d’Athènes, a vécu d’après la Souda sous les règnes des empereurs présents entre 253 et 275. On a retrouvé également plusieurs inscriptions le concernant. Ses œuvres existaient toujours du temps de Photios, qui les a lues (Bibl. cod.  82), et 104   Édition de référence  : FGrHist n o   738  = TLG  2499. Janiszewski 2006, p. 298-304 et 380-382. 105  F. Jacoby (FGrHist no 738 F 1) rattache la mention à son œuvre (Souda, ε 3755 Adler) sur l’Histoire ancienne de Cappadoce et des autres peuples. Concernant un toponyme constantinopolitain, nous l’attribuons plutôt à la seconde œuvre connue de cet auteur : Autour du règne de l’empereur Constant. 106  Édition de référence : FGrHist no 676 (= TLG 2462). Voir récemment Focanti 2018, p. 322-348. 107  Édition de référence : FGrHist no 100 (= TLG 2141).

encore un siècle plus tard lorsqu’elles sont copiées dans les Excerpta Constantiniana. Toutefois les mentions présentes dans l’Épitomé, au nombre de trois, proviennent certainement d’un auteur intermédiaire et non d’une lecture directe de Stéphane de Byzance. La première mention, avec citation, illustre la partie mythologique de la notice de Durrachion (δ 143), conservée dans le fragment de manus­crit original de Stéphane. Les deux suivantes concernent deux peuples (Sounchaioi, σ 250 et Elouroi, ε 70), pour lesquels Dexippe est la source de l’ethnonyme. Oros est vraisemblablement à l’origine de ces mentions. Le philosophe néoplatonicien Porphyre de Tyr108, bien connu et dont certains des ouvrages ont été conservés, est mentionné une seule fois à propos d’une ville de Palestine, Gadra (γ 12). La comparaison de la forme de l’ethnique (Gadrênos), qui suit dans la notice, avec Bostrênos et Gangrênos, pourrait le rattacher aux Ethniques d’Oros. Ce sont en effet les mêmes exemples que l’on retrouve dans la notice d’Ankura (α 33, cf. supra p. 125), qui est, semble-t-il, en grande partie issue du texte du grammairien alexandrin. Mentionné deux fois par Stéphane de Byzance, Hiéroclès est un auteur totalement inconnu. L’œuvre qui est citée, Ceux qui aiment apprendre, avait un contenu de type Mirabilia. La description des Brahmanes (β 164) est précise et constitue une très longue citation de l’œuvre. Ceci apparente la lecture de notre auteur à celle de Théagène ou du poète épique Dionysios. De ce fait, il pourrait être plus ancien et avoir été lu par Diogenianus. Trois mentions de Diogène Laërce 109 sont présentes dans l’Épitomé. Elles sont toutes tirées de l’Histoire des Philosophes, écrite dans la première moitié du iiie siècle. La première provient du livre I et concerne les Druidai (δ 133), identifiés comme un peuple philosophe gaulois. Nous pourrions peut-être la rattacher aux Ethniques d’Oros. La seconde mention (ε 80), tirée du livre II (113), est une erreur de lecture : chez Diogène Laërce, Myrmex est dit fils d’Exainetos (« Μύρμηκα τὸν Ἐξαινέτου »), tandis que Stéphane de Byzance le rattache à la ville d’Enetos (ἔστι καὶ πόλις Ἐνετός, ἀφ’ ἧς ἦν Μύρμηξ ὁ διαλεκτικὸς φιλόσοφος, ὡς Διογένης ἐν βʹ Φιλοσόφου ἱστορίας). Cette mention peut provenir de l’ouvrage que Stéphane de Byzance a utilisé pour toutes les mentions relevant d’une ville de naissance des hommes célèbres, l’abrégé de Philon par Aelius Serenus, mais elle est plus tardive que l’œuvre d’origine. Cette mélecture est peutÉdition de référence : FGrHist no 260 (= TLG 2034). 109  Édition de référence : Long 1964 (= TLG 4). 108 

4. Approche des sources littéraires des Ethniques (iie-vie siècles) être à mettre en relation avec le peuple des Enetoi, ce qui renverrait alors encore une fois à Oros ; on notera en particulier la confusion αι/ε. Quoi qu’il en soit, c’est l’auteur servant d’intermédiaire qui est à l’origine de l’erreur de compréhension et non Stéphane de Byzance. Enfin, la troisième mention concerne le dème de Cholleidai (χ 50, tribu des Léontides), signalé dans le testament de Platon. Cette dernière attestation peut provenir du lexique attique d’Oros, ce qui permettrait alors d’attribuer cette dernière mention au grammairien alexandrin. Le nom même est variable entre la première mention (Λαέρτιος Διογένης ou Διογένης Λαέρτιος suivant les manus­crits), la seconde, qui ne donne que Διογένης, et la troisième (Διογένης ὁ Λαερτιεὺς). Seul le nom de l’œuvre ne change pas. L’historien et orateur Élien 110, connu pour son Histoire variée et son De la nature des animaux, est cité une fois dans l’Épitomé. Sa mention des habitants de Cher­ronêsos (χ 40), ville proche de Cnide, provient des Histoires variées. Elle a probablement été tirée des Ethniques d’Oros ou de son Orthographe. Les poètes Le poète Pisandre de Laranda111 a vécu sous Sévère Alexandre comme l’indique la notice de la Souda (π 1466 Adler) le concernant. Il est l’auteur d’un poème épique, en 60 livres, qui traitait des unions des dieux et des déesses avec des mortels (Théogamies héroïques). Cette œuvre a été utilisée par Nonnos de Panopolis, en particulier pour la partie concernant les douze théogamies de Zeus. Sur les huit mentions subsistant dans l’Épitomé, deux concernent l’origine mythologique de géonymes, l’une pour le peuple scythe des Agathursoi (α  24) et l’autre pour l’Œnotrie (ο 31) ; toutes deux sont en rapport avec Dionysos (le thyrse de Dionysos pour l’un et le vin – οἶνος – pour le second). Deux autres mentions concernent des formes d’ethnique (les habitants de l’Apennion, α  354, en Italie et de Lukozeia, λ  102, en Thrace). Enfin, parmi les mentions restantes, celles d’Astakos (α 497) et de Kubelis (κ 245) se rapportent probablement à l’histoire de Nikaia, la fille de Sargarios (fleuve coulant à Nicée) et de Cybèle, qui fait partie également du cycle dionysiaque. Cette œuvre est citée de manière indirecte, peut-être par l’intermédiaire d’Oros. Édition de référence : Hercher 1864-1866 (= TLG 545). 111  Édition de référence : Heitsch 1964, vol. 2, p. 46-47 (= TLG 522). Pour la distinction entre ce poète et Pisandre de Rhodes, voir Keydell 1935. 110 

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Père de Pisandre, le poète Nestor de Laranda112 a rédigé plusieurs livres selon la Souda, en particulier une Iliade dans laquelle le livre I ne comportait pas de α, le livre II pas de β, etc. et des Métamorphoses (comme celles de Parthénios de Nicée). On a conservé plusieurs épigrammes à son nom. Une mention a subsisté dans l’Épitomé, à propos d’un peuple perse (Hustaspai, υ 53) issue de son Alexandriade. Elle pourrait provenir des Ethniques d’Oros. 4.3.3. Les auteurs de la seconde moitié du iie siècle Les auteurs du iie siècle sont plus nombreux. On notera à cette époque une prédominance de compilateurs (comme Athénée à la fin du siècle ou Damophilos une génération plus tôt) et de grammairiens (comme Hérodien ou Phrynichos) qui se sont principalement intéressés aux formes lexicales « classiques » voire exclusivement attiques. C’est d’ailleurs l’époque de rédaction d’un certain nombre de lexiques, comme le Lexique d’Harpocration. Nous examinerons ceux qui sont postérieurs au premier tiers de ce siècle. Les compilateurs Deux extraits des Commentaires sur les Argonautiques d’Apollonios de Rhodes de Sophocleios113 subsistent dans l’Épitomé. L’un concerne les habitants d’un promontoire de Thrace (κ 53) ; le second une variante de la ville Abarnos (α 4). Ces éléments ont pu être tirés des Ethniques et de l’Orthographe d’Oros. On sait en effet qu’il mentionnait plusieurs commentaires des Argonautiques. Damophilos114 est un auteur très peu connu, mentionné par Julien (Misopogon 29.358c), Jean le Lydien (De Mens. 4.2, appelé Demophilos) et la Souda. Par la notice de cette dernière, nous savons qu’il était le fils adoptif de P. Salvius Julianus (consul en 175) et qu’il a écrit plusieurs ouvrages en particulier de bibliophilie, ainsi qu’un ouvrage sur la vie des anciens qui rejoignait celui de Dicéarque. J. Lens Tuero a fait remarquer que cet attachement au mode de vie (et aux inventions) des anciens se place dans une vision humanistique (et philosophique) de l’histoire115. La mention conservée par Stéphane de Byzance (ψ 13), qui provient peut-être de cette œuvre, rappelle les Édition de référence : Anthologie grecque (= TLG 1528). Édition de référence : Wendel 1935. 114  Édition de référence : Schwartz 1901. 115  DPhA D 17. 112  113 

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Deuxième Partie : Organisation, contenu et sources des Ethniques de Stéphane de Byzance

explications un peu anecdotiques qui semblent caractériser un lexique du type de celui d’Eugène. Nous savons par les fragments conservés du lexique attique d’Oros que cette œuvre se voulait un contrepoint à Phrynichos l’Arabe116. Les mentions de cet auteur qui subsistent dans l’Épitomé sont au nombre de 8. Deux proviennent de façon certaine de la Préparation sophistique ; le nom de l’œuvre n’apparaît que pour le lemme tameion (τ 12) et le nom de l’auteur a disparu avant la citation du lemme gêpedon (s.v. gê, γ 70). Cinq autres sont liées aux noms de dèmes attiques tandis que la dernière concerne la ville d’Athènes (α 80). Il est probable que la totalité des mentions de Phrynichos provient de la Préparation sophistique qui est, nous dit Photios (Bibl. cod. 158), « une collection de mots et de courtes expressions dont quelques-unes atteignent la longueur d’un membre de période » (traduction Henry). Le tout aurait été intégré dans le lexique attique d’Oros, probablement pour démonter les arguments atticistes de Phrynichos. Enfin Athénée117 est connu pour son Banquet des sophistes, qui contient un nombre très important de fragments d’auteurs anciens, pour la plupart disparus. Cet auteur, né à Naucratis, est un contemporain de Marc Aurèle d’après la Souda, mais le texte de son œuvre unique est plutôt à dater du règne de son successeur. On connaît une version abrégée de son œuvre qui passe pour avoir été écrite par Eustathe de Thessalonique. Les deux versions sont conservées quasi intégralement. On comptabilise 7 mentions dans l’Épitomé, la plupart ayant la référence complète avec le nom de l’auteur, celui de l’œuvre et le numéro du livre. Pour presque la moitié d’entre elles, on les trouve dans la rubrique [F1] des notices. Elles proviennent toutes très probablement d’Oros. Appien, historien compilateur Un seul historien est mentionné pour les alentours du milieu du iie siècle : Appien118. Cet historien grec, originaire d’Alexandrie, a accompli une carrière de juriste puis de haut fonctionnaire sous les règnes d’Hadrien et d’Antonin le Pieux, en partie avec l’aide de Fronton119. Il est l’auteur d’une Histoire romaine (Ῥωμαϊκά) en 24 livres, retraçant les conquêtes des Romains jusqu’au 116 

Édition de référence : Fischer 1974 et De Borries 1911. Édition de référence : Kaibel 1887 (= TLG 8). 118  Édition de référence : Viereck et al. 1939 (= TLG 551). 119  Duval 1971, no 154. 117 

règne de Trajan120. Elle est écrite à la fin de sa vie, comme l’indique la date de 900 ans après la fondation de Rome soit 147 apr. J.-C. De cette œuvre seuls onze livres sont conservés121 et on possède des fragments d’une partie des autres livres122. L’œuvre est organisée globalement en suivant l’ordre chronologique et de manière plus précise en fonction d’ensembles géographiques au fur et à mesure qu’ils sont conquis par les Romains. Cette vision est plus conforme à celle des provinces de l’Empire du second siècle, plus uniquement centré sur Rome. L’Épitomé a conservé seulement trois citations d’Appien  : la première pour la ville dalmate de Dalmion (δ 8 ; Ill., 11.11), la seconde pour le peuple ibérique123 des Astapaioi (α 498) avec la précision du livre VI (33). Enfin, il est mentionné à propos de la ville ibérique de Kastax (κ 120), pour le nom de l’ethnique Kastakaios (6.32), mais probablement aussi pour la ville. Les trois mentions se rattachent très certainement à Oros. Les poètes Denys de Byzance124 est un poète mal daté  : nous ne savons pas s’il se rattache à la première ou la seconde 120  Livre I : les rois de Rome (Βασιλική) ; livre II : les guerres d’Italie (Ίταλική)  ; livre  III  : les guerres contre les Samnites (Σαυνιτική) ; livre IV : les guerres contre les Gaulois (Κελτική) ; livre V : la conquête de la Sicile et des îles (Νησιωτική) ; livre VI : les guerres d’Espagne (Ἰβηρική) ; livre VII : la guerre contre Hannibal (Ἀννιβαική) ; livre VIII. les guerres d’Afrique, ou contre Carthage, ou de Numidie (Λιβυκή, ou Καρχηδονική, ou Νομαδική) ; livre IX : les guerres de Macédoine et d’Illyrie (Μακεδονική καί Ἰλλυρική) ; livre  X  : les guerres de Grèce et d’Ionie (Έλληνική καί Ίωνική)  ; livre  XI  : les guerres de Syrie et contre les Parthes (Συριακή καί Παρθική) ; livre XII : la guerre contre Mithridate (Μιθριδάτειος) ; livres XIII-XXI : les guerres civiles (Ἐμφυλίων πρώτη - ἐνάτη), depuis la lutte entre Marius et Sylla jusqu’à l’établissement de l’Empire par Auguste ; livre XXII : les cent ans (Έκατονταετία) d’Auguste jusqu’à l’avènement de Trajan ; XXIII : les guerres contre la Dacie (Δακική) ; XXIV : les campagnes de Trajan en Orient (Άράβιος). 121 

Livre VI (Ibérie), VII (guerres contre Hannibal), une partie de VIII (Numidie), une partie de IX (Illyrie), une partie du XI (Parthes), XII (guerres contre Mithridate) et XIII à XVII (guerres civiles). 122  Livre I (débuts de Rome), II (conquête de l’Italie centrale), III (guerres Samnites), IV (guerres contre les Gaulois), V (conquête de la Sicile)  ; VIII (guerres contre Carthage), IX (guerres de Macédoine), X (guerres en Grèce et en Asie), XI (guerres en Syrie) ; XVIII-XXI (guerres contre l’Égypte), XXII (guerres de l’Empire), XXIII (conquête de la Dacie), XXIV (guerre de Trajan en Orient). 123  Les manus­crits indiquent Libyens ; voir infra, p. 224. 124  Édition de référence : Wescher 1874 (= TLG 83).

4. Approche des sources littéraires des Ethniques (iie-vie siècles) moitié du iie siècle. Avec Dionysios (cf. supra p. 174-175) et Denys le Périégète (contemporain d’Hadrien) dont nous ne parlerons pas ici, il fait partie des rares poètes du second siècle à apparaître chez Stéphane de Byzance. Une seule mention de Denys de Byzance a été retrouvée dans l’Épitomé. Elle se rattache à la Navigation par le Bosphore, nommément citée s.v. Chrusopolis (χ 59). Cette œuvre est parvenue jusqu’à nous ; elle faisait partie du second corpus de géographes mineurs (manus­crit A) et connue maintenant uniquement par l’apographe B (Athous Vatopedinus 655 [diktyon 18799])125. La mention de l’auteur, donnant son rattachement à Byzance, et le titre de l’œuvre l’une et l’autre strictement similaires à celles de notre manus­crit rend vraisemblable la lecture de l’archétype (l’édition d’Arrien ou de Marcien ?) par Stéphane de Byzance. La citation est presque identique ; le manus­crit présente une différence « ὡς δ’ οἱ πλείους, Χρύσου, παιδὸς Χρυσηΐδος  » tandis que Stéphane de Byzance écrit «  οἱ δὲ πλείους ἀπὸ Χρύσου παιδὸς Χρυσηίδος ». Il est étonnant toutefois que Stéphane de Byzance n’ait pas cité l’œuvre de Denys à propos d’autres géonymes. Il faut noter que la mention conservée l’est dans la partie la moins abrégée de l’œuvre ; il est vraisemblable que cet auteur, peu cité de façon générale, a fait les frais des abréviations successives.

4.4. Conclusion : des auteurs lus par Stéphane de Byzance ?

181

viation de l’Épitomé, auraient pu laisser penser à une utilisation directe par Stéphane de Byzance. On notera toutefois que cet auteur semble totalement remplacé au ve siècle par les Dionysiaques de Nonnos de Panopolis. On aurait certainement, à l’époque justinienne, préféré cet auteur plutôt que celui du Haut-Empire pour les nombreux toponymes des contrées lointaines visitées par Dionysos. On notera également que les trois papyri qui nous en ont conservé des fragments ne dépassent pas le début du ve siècle126. L’œuvre d’Oros sur les ethniques, à laquelle nous pourrions attribuer les citations de cet auteur, semble être tardive et probablement postérieure aux Dionysiaques de Nonnos. Il est vraisemblable que les mentions de Dionysios proviennent d’un lexique un peu ancien, celui de Diogenianus. Elles font peut-être partie des mises à jour les plus récentes de son lexique et nous permettent dès lors un calage chronologique cohérent de ses lexiques géographiques dans les années  140/150 de notre ère. Nous reviendrons dans la conclusion générale sur ce lexique mais il semble logique que Stéphane de Byzance ait utilisé un exemplaire qui aurait pu être celui d’Oros, contenant ses ajouts et annotations. Ceci expliquerait l’imbrication des mentions postérieures au iie siècle dans l’ensemble des notices. Néanmoins, pour éviter d’induire en erreur avec une identification qui reste hypothétique et pourrait s’avérer erronée, nous avons conservé la notion de « lexique-source ».

Les auteurs les plus cités constituent à n’en pas douter des sources importantes pour Stéphane de Byzance. Toutefois, peut-on dire qu’il les a lus  ? Pour certains d’entre eux, cela semble évident. Ainsi les auteurs les plus récents, tout comme Marcien d’Héraclée ou Pausanias ont été utilisés par Stéphane de Byzance, sans le filtre d’auteurs intermédiaires. Les mentions issues de ces auteurs sont en nombre très élevé et elles servent très souvent pour l’identification de base des géonymes. Pour d’autres cela est moins évident. D’autant que la forte ressemblance dans les méthodes de travail entre Oros et Stéphane de Byzance ne permet pas de bien discriminer quel auteur a été lu directement par notre grammairien et quel autre ne l’a pas été. Nous restons très circonspects sur Asinius Quadratus et Théagène ; le cas de Dionysios est plus troublant. Les citations abondantes de son œuvre, conservée dans les phases d’abré125  Voir

Marcotte  2000, p.  xx et xxxviii. L’édition de référence est celle de Güngerich 1958.

Lond. Lit. 40 pourrait dater des iiie-début ve siècles, le P. Oxy. 37 2815 des iie-iiie siècles et le P. Vindob. G. 29805 du début du iiie siècle. Voir Livrea 1973, p. 16-20. 126 Le P.

Troisième Partie

Auteurs-sources et connaissance des espaces géographiques Analyse du corpus et synthèses

Avant de passer à l’étude du corpus géographique, nous résumons donc ici les hypothèses sur lesquelles nous fonderons notre réflexion : – Stéphane de Byzance disposait du lexique-source, probable compilation unifiée des lexiques géographiques de Diogenianus, annoté et complété par Oros. Ce lexique-source est probablement lui-même l’héritier du lexique de Pamphile. – Stéphane de Byzance intègre une information issue de lexiques complémentaires (Hécatée, édition de Marcien, Pausanias, …) et de l’abrégé de Philon. – L’analyse des notices peu ou pas abrégées met en évidence l’existence de nombreux lemmes aux géonymes peu fréquents provenant d’auteurs uniques ou peu nombreux. C’est le cas par exemple, pour le seul manus­crit S, de Dundason (δ 141, Alexandre Polyhistor), Durbaioi (δ  142, Ctésias), Duspontion (δ  144, Phlégon + insertion du grammairien Tryphon pour l’ethnique), Dustos (δ  145, Théopompe), Dônettinoi (δ  147, Rhianos), Dôra (δ  148, Strabon + insertion d’Oros) et probablement Eares (ε 1, Dionysios). Les géonymes de notre corpus étant en grande majorité peu présents chez les auteurs antiques, nous avons ainsi la possibilité de restreindre notre recherche des noms d’auteur ayant disparu dans l’abréviation à un petit groupe d’auteurs (voire un auteur unique).

– Les déterminations géographiques restent pratiquement inchangées malgré les abréviations. Elles peuvent constituer également des marqueurs pour des auteurs particuliers. – Les notices plurielles constituent un regroupement de notices isolées provenant généralement du lexiquesource. Elles contenaient donc un rattachement à un ou plusieurs auteurs. – Enfin, il faut avoir à l’esprit que Stéphane de Byzance n’a peut-être pas repris la totalité des notices du lexique-source puisqu’il ne cherchait que les lemmes ayant une forme d’ethnique ou étant eux-mêmes des ethnonymes. Nous pouvons maintenant analyser le corpus se rapportant à notre espace géographique, que nous étudierons par strate d’intégration successives en commençant par les plus récents : les textes lus par Stéphane de Byzance, par Oros, par Diogenianus, par Pamphile. Comme nous l’avons dit en introduction, notre formation d’archéologue nous a habitué à fouiller en enlevant systématiquement les unités stratigraphiques les plus récentes pour retrouver ce qui subsiste des états plus anciens. Nous analyserons ensuite le texte latin de l’Ora maritima d’Aviénus, qui reprend une documentation géographique de l’époque grecque, avant de revenir sur les différents ensembles géographiques, en croisant les données historiques, archéologiques et celles issues du texte de Stéphane de Byzance.

1. Les sources de Stéphane de Byzance et leur utilisation pour l’Europe occidentale Dans le cadre de notre étude, nous avons analysé l’ensemble des toponymes se rapportant aux Lig yens/ Ligures et aux Celtes (sauf les Galates d’Asie mineure) ou bien positionnés sur le territoire de la Gaule, (Grande-) Bretagne, Germanie, dans la Péninsule ibérique ou en lien avec les îles de Méditerranée occidentale (Corse, Sardaigne, Baléares …). On notera que les deux lacunes principales reconnues dans l’Épitomé (cf.  supra p. 34) nous privent en particulier de la notice sur les Κελτοὶ (et dérivés) et de tous les noms commençant par Ου-, correspondant au « V » latin. Quarante-deux auteurs anciens sont cités par l’Épitomé dans ces notices. Nous allons reprendre ici dans le détail les mentions issues de ces différents auteurs, dans le but de mettre en évidence certaines caractéristiques propres à chacun, en particulier sur les formes lexicales des lemmes qui permettraient de retrouver leur trace dans des notices où l’abréviation les aurait fait disparaître. Nous n’examinerons pas en revanche les poètes signalés dans quelques notices se rapportant à des toponymes très généraux  : Homère 1 pour l’île d’Erutheia  [85]  ; Eupolis2 pour Gadeira [59] ; Cratinos3, Aristophane4 et Ménandre5 pour Ibêria [100] ; Lycophron6 pour les îles Gumnesiai [68]. Pour les autres auteurs7, nous étudierons les toponymes et ethniques clairement attribués, avant d’essayer de retrouver d’autres mentions désormais anonymes dans l’Épitomé8. Odyssée 1.23. PCG, V, 418. 3  PCG, IV, 176. 4  PCG, III, 2, 290. 5  F 2 Sandbach. 6  Alexandra, v. 633-635. 7  Nous avons exclu également de notre étude Diogène Laërce mentionné pour la notice Druidai [77], qui n’est pas lié à un géonyme  ; Moderatus de Gadès (philosophe néoplatonicien du ier siècle de notre ère), signalé dans la notice de sa ville de naissance Gadeira [59]  ; enfin Phlégon de Tralles (affranchi d’Hadrien auteur entre autres d’Olympiades) pour la notice Motiênê [155], se rapportant en fait à la ville italienne de Modène (Mutina). 8  On ne trouvera pas ici de bibliographie complète sur chaque auteur. Les éléments biographiques donnés restent généraux, 1  2 

Puisque Stéphane de Byzance œuvre en grammairien, il faut s’attacher avant tout à la formation lexicale des toponymes, ethnonymes ou du nom des habitants des villes mentionnées, qui peut être une indication des sources utilisées. Le travail réalisé au fil des siècles, dont on trouve l’aboutissement dans les Ethniques, implique une indexation assez soignée des différents auteurs. On a jusqu’à présent analysé l’œuvre de Stéphane de Byzance comme si elle avait été composée d’un seul tenant, ce qui démontre la grande homogénéité dans la manière de réaliser les différents lexiques ayant servi à sa constitution. Nous prendrons pour acquis que cette structuration se trouvait déjà dans le lexique-source au plus tard au milieu du iie siècle de notre ère. L’ajout des auteurs plus tardifs, on l’a vu, s’est fait selon une composition identique. Si l’on examine plus en détail la manière dont ont pu procéder les compilateurs successifs, il faut probablement imaginer qu’ils ont utilisé des lexiques par auteur, voire par œuvre, étape préalable indispensable à la constitution d’un grand lexique. Sachant que les œuvres antiques n’étaient pas pourvues d’index, ces lexiques sont l’œuvre de grammairiens particuliers voire peut-être d’étudiants sous la direction d’un grammairien. Comme il ne nous est pas possible de savoir s’ils relèvent de Pamphile ou de Diogenianus, nous allons dans les pages qui suivent essayer de mettre en évidence les caractéristiques des lexiques des œuvres et des auteurs qui concernent notre corpus géographique. Cette étape du lexique est le filtre par lequel un géonyme et l’information géographique associée chez un auteur donné a pu être intégré dans les Ethniques. C’est encore plus vrai avec les phases d’abréviation successives qui ont généralement fait disparaître les citations voire la mention des auteurs. Cette trace peut être un véritable fossile directeur. Cette étude se fera en distinguant plusieurs séries d’auteurs. La première sera celle correspondant à ceux que Stéphane de Byzance a probablement lus et qu’il a intégrés directement  ; la seconde série concerne les notre attention étant focalisée sur l’utilisation de chaque source par Stéphane de Byzance. Nous renvoyons en outre à l’annexe de la 3e partie de notre thèse pour les éditions de référence de chaque auteur, et pour l’ensemble des mentions sous leur nom dans l’Épitomé.

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Troisième Partie : Auteurs-sources et connaissance des espaces géographiques

auteurs cités à travers Oros d’Alexandrie ; la troisième, les auteurs relevant de Diogenianus et postérieurs au lexique de Pamphile. Enfin, la dernière regroupera tous ceux antérieurs approximativement au milieu du ier siècle de notre ère (date supposée de Pamphile) et n’ayant pas été lus par les précédents. Nous avons pris volontairement une démarche de type archéologique, c’est-à-dire en partant du plus récent et enlevant au fur et à mesure les couches successives pour tenter chaque fois de comprendre ce qui précédait.

1.1. Le corpus de Marcien, lu par Stéphane de Byzance Dans le corpus de noms qui fait l’objet de l’étude de Stéphane de Byzance, l’édition des géographes réalisée par Marcien apparaît comme un élément central. Nous y associons donc tous les auteurs lus par son intermédiaire, ainsi que le plus ancien d’entre eux, Hécatée, dont nous analyserons le rapport avec l’édition de Marcien. 1.1.1. Marcien d’Héraclée, éditeur des géographes Les œuvres de Marcien d’Héraclée présentent la particularité d’être parvenues en partie jusqu’à nous. Le manus­ crit D du corpus géographique, étudié par A. Diller puis plus récemment par D. Marcotte9, a conservé son Périple de la Mer extérieure et son Abrégé du Périple de Ménippe. Nous ne traiterons pas ici de l’apport de Marcien pour la connaissance de la géographie antique, qui repose largement sur ses introductions générales, en particulier celle de l’abrégé de Ménippe10. L’auteur Bien que largement cité par Stéphane de Byzance, Marcien d’Héraclée du Pont est un auteur que nous connaissons très peu11. Il est difficile d’assigner une date à son édition, c’est pourquoi on le trouve aussi bien daté du iiie que du ve siècle de notre ère12. Pour D.  9 

Diller 1952 et Marcotte 2000. ces aspects, voir en dernier lieu Prontera  2007 (= Prontera 2011, p. 105-112). 11  Marcotte  2007, p.  172-173. Duval  1971  n° 272. Voir l’étude récente de B.  M. Altomare, avec l’analyse des textes de Synésios de Cyrène concernant le personnage que l’on identifie avec le géographe (Altomare 2013, p. 10 sq.). 12   Voir l’introduction de K.  Müller GGM, I, p.  cxxixcxxxvii  ; Gisinger  1935  ; Diller  1952, p.  45-46  ; Marcotte 2000 et Prontera 2007. La fourchette chronologique 10   Sur

Marcotte13, suivant en cela l’avis de ses prédécesseurs14, la «  thèse la plus vraisemblable  » est de voir en lui le gouverneur de la province de Paphlagonie, résidant à Constantinople, auquel fait référence Synésios dans deux lettres datées de 405 et 40615. La formule d’adresse à Amphithalios donnée par Marcien au début de son abrégé du Périple de Ménippe, place notre auteur sans ambiguïté dans la mouvance néoplatonicienne, qui pourrait trouver une résonnance avec l’adjectif de « philosophe » qui le caractérise dans la lettre de 406. Sa langue maternelle était probablement le latin16. En dehors de Stéphane de Byzance, il n’est mentionné que par son contemporain Priscien le Lydien17, réfugié à la cour du roi sassanide Chosroès à la suite de la fermeture de l’Académie en 531/532. En l’absence d’argument contraire, Marcien est donc considéré comme un auteur de l’Antiquité tardive, travaillant sur des textes géographiques qui auraient resurgi à la fin de l’Antiquité, à la faveur d’un renouveau de la culture classique et archaïsante (par opposition à la nouvelle exégèse chrétienne). On cite très volontiers pour cela le texte obscur de Festus Aviénus, l’Ora maritima, du ive siècle que nous étudierons plus loin (p. 279 sq.) ; Marcien ferait partie, pense-t-on, de cette dynamique18. A.  Diller faisait, à tort, de Marcien un collaborateur direct de Stéphane de Byzance19, ce dernier étant de fait correspond à l’intervalle entre Ptolémée, que cite Marcien, et les mentions de Stéphane de Byzance. 13  Marcotte 2000, p. xxxvii et 2007, p. 171-172. 14   D.  Marcotte rappelle l’argumentation de Saumaise et Holstein au xviie  siècle (Marcotte  2000, p.  xxxvii). Voir en particulier l’introduction de K. Müller, GGM I, p. cxxix-cxxx et Gisinger 1935, col. 272. 15 Synésios, Lettres, 101.66-74 (à Pylaiménès, début septembre 405) et 119.9 (à Tryphon, début du printemps 406). Références dans Marcotte 2007, p. 172. Notons que la PLRE les distingue (s.v. Marcianus 3 et 13). 16  B.  M. Altomare signale les «  amples périodes et le verbe constamment positionné à la fin de la phrase » comme marqueurs d’une construction calquée sur le latin (Altomare 2013, p. 14). 17  Solutiones ad Chosroem, p. 42, l. 12 Bywater : « usi sumus utilibus quae sunt ex Strabonis Geographia, Lavini (pro Albini) quoque ex Gaii scholis exemplaribus Platonicorum dogmatum  ; adhuc etiam ex commento Gemini Posidonii de Μετεωρων, et Ptolomaei Geographia de klimatibus, et siquid utile nobis ex Astronomicis apparuit, Marciani Periegesi et Μετεωρων Arriani » (Marcotte  2007, p.  173). Voir également Marcotte  2000, p. cxli-cxliii. 18  Voir l’argumentation développée par Guillaumin 2019. 19  Diller 1952, p. 45-46, cité par Marcotte 2007, p. 172. C’est encore ce que reprend, à titre d’hypothèse, Gautier-

1. Les sources de Stéphane de Byzance et leur utilisation pour l’Europe occidentale considéré comme le rédacteur d’une sorte de « dictionnaire » permettant de se retrouver dans tous les textes de Marcien et d’Oros. S’il est assez éloigné dans le temps de Ptolémée, il en utilise les données géographiques pour rédiger son Périple de la Mer extérieure, tandis qu’il se base sur Artémidore d’Éphèse pour décrire la Méditerranée. L’édition de Marcien d’Héraclée A.  Diller et plus récemment D.  Marcotte ont bien montré que nous disposons avec le manus­crit D d’une édition réalisée par Marcien20. Celle-ci comprend plusieurs ouvrages qui forment un tout cohérent, peut-être précédés d’une introduction générale21. Chacune des œuvres était à son tour introduite par un prœmion spécifique, comme nous l’observons encore aujourd’hui pour l’Abrégé du Périple de Ménippe. Le manus­crit  D (Parisinus Suppl. gr.  443 [diktyon 53175]) est relativement tardif puisqu’il est daté du xiiie siècle. C’est un petit manus­crit (170 × 120 mm) composé actuellement de 72 folios correspondant à 9 quaternions numérotés. Non relié à l’origine, comme le montre l’état de salissure du premier folio des quatre premiers cahiers conservés, il a perdu au moins quatre quaternions avant sa reliure. L’absence des deux premiers cahiers nous prive d’une possible introduction générale, de l’Abrégé d’Artémidore et du début du Périple de la mer extérieure. Le 6e cahier, manquant et placé à l’origine entre les pages 48 et 49 actuelles, contenait la fin du Périple de la mer extérieure et probablement la Table des distances de Rome aux villes les plus fameuses du monde. Enfin l’ancien 13e cahier manque également ; il contenait la fin du Circuit de la terre du pseudo-Scymnos. D’autres cahiers pouvaient également prolonger le manus­crit mais rien ne permet de l’affirmer. On a mis en évidence depuis longtemps la différence entre le texte du Périple de la mer extérieure dans le manus­crit D et celui que lisait Stéphane de Byzance : ce dernier cite à plusieurs reprises des descriptions détaillées qui ont disparu de notre texte. Cela implique une phase d’abréviation de l’œuvre qui a pu se produire soit Dalché 2009, p. 45 et que rappelle Fraser 2009, p. 298. 20  On se reportera pour tout ce chapitre au premier tome des Géographes grecs (Marcotte 2000), dont l’introduction générale donne le détail des manus­crits et des œuvres conservées. 21   Cela n’a pas été proposé jusqu’alors mais la présence systématique d’un prœmion explicatif avant chaque texte rend très vraisemblable un texte introductif expliquant le but de cette édition. Une table (pinax) devait l’accompagner.

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avant la copie du manus­crit  D soit au moment de sa rédaction. Nous disposons par ailleurs d’une mention de Constantin Porphyrogénète (De Thematibus 1.2), analysée en détail par A. Diller, qui signale deux des auteurs contenus dans l’édition de Marcien : Ménippe et Scylax de Caryanda22. Il est tout à fait possible que l’empereur disposait de l’ancêtre de notre manus­crit, qui aurait alors été conservé dans la bibliothèque impériale de Constantinople. Entre l’archétype que lisait Stéphane de Byzance et notre exemplaire, D. Marcotte a proposé un manus­ crit intermédiaire23, qui témoigne d’une phase d’abréviation que l’on suppose relativement légère (bien moindre que l’épitomisation d’un Stéphane de Byzance par exemple). Pour mieux dater cette réduction, il faut penser qu’a été opérée également une translittération, le manus­crit d’origine étant en onciales. Est-il concevable de faire les deux opérations en même temps ? Cela semble difficile compte tenu de l’attention que demande la translittération. Rien ne prouve d’ailleurs que celle-ci ait été réalisée à date haute ; si l’on prend l’exemple de Stéphane de Byzance, elle n’intervient qu’au xie siècle. Cette translittération témoignerait d’un renouveau pour la géographie antique postérieur à Constantin Porphyrogénète qui lisait l’édition d’origine de Stéphane de Byzance, avant sa translittération. Il est tout à fait possible que l’abréviation ne se soit faite qu’au xiiie siècle, du fait d’une éventuelle carence en parchemin (la mauvaise qualité des peaux employées montre un souci d’économie de la copie). Si l’édition translittérée qui a servi de modèle était de bonne qualité, elle mettait peutêtre bien en évidence les développements du Périple de la mer extérieure, ce qui permettait de les sauter facilement lors de l’abréviation. Enfin, Marcien est l’auteur du prœmion anonyme qui ouvre le Périple24 attribué à Scylax de Caryanda25. De la même manière, il est très vraisemblable que le dernier texte du manus­crit D, le Circuit de la terre du pseu22 

Diller 1952, p. 177. Il est suivi d’un Pausanias de Damas (= Pausanias de Damas  ?) qui n’a lui probablement rien à voir avec cette édition (tout comme Strabon qui est cité juste avant). 23  Marcotte 2000, p. cxxx-cxxxi. 24  Marcotte 2000, p. xxvi et lxvi ; Prontera 2011 p. 111. Il est appelé « the Paris Periplus » par I. Matijašić (Matijašić 2016). 25  D. Marcotte considère que Marcien est le premier à l’avoir attribué à Scylax (Marcotte  2000, p.  cxvii-cxxxiii)  ; cette argumentation convainc également P.  Arnaud (Arnaud  2005, p. 68). À l’inverse, I. Matijašić propose cette attribution déjà présente chez Strabon (Matijašić 2016, p. 5-6).

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do-Scymnos, ait été rattaché à Scymnos par Marcien26. Il nous faudra cependant détailler un peu plus cette hypothèse, ce que nous ferons infra (p. 198) en analysant les mentions de cet auteur, en prenant bien soin de séparer la question du véritable auteur27 de celle de l’attribution du texte à Scymnos à la fin de l’Antiquité. Les textes que donnait Marcien dans son édition étaient précédés d’introductions ayant valeur de réflexion générale sur la géographie et les auteurs qui l’ont abordée28. Parmi tous les géographes qui l’ont précédé, Marcien a une prédilection pour Artémidore29, ce qui permet de comprendre que le résumé qu’il faisait de son œuvre constituait pour lui une description précise de la « Mer intérieure », et qu’il n’ait alors rédigé lui-même qu’un Périple de la Mer extérieure. Le lien avec Ptolémée a été étudié en détail par P. Gautier Dalché30. Selon lui, certains passages de Marcien s’expliquent par une représentation sous forme de carte qu’il devait avoir sous les yeux. Les données géographiques de Ptolémée étaient complétées, nous dit Marcien (I, Prol., 1 ; II, Prol., 2) par les dimensions en stade que donnait Protagoras31. Nous ne détaillerons pas ici l’intérêt et la démarche de Marcien pour la connaissance de la géographie antique qui nous éloignerait trop de notre sujet. Il faut évoquer également le second manus­crit à nous avoir conservé les textes des géographes dits mineurs, le manus­crit A (Palatinus Heidelbergensis gr. 398 [diktyon 32499])32. Copié dans la seconde moitié du ixe siècle (voire le 3 e  quart) 33, il contient, en première partie, 26  

Le manus­crit porte en tête du texte le scholion εὐτυχῶς Μαρκιανῷ qui montre bien la présence de ce texte dans l’édition de Marcien. 27   La question a été longuement débattue  ; on lira dans l’introduction de l’édition de l’œuvre (Marcotte  2000) les arguments en faveur des différents auteurs, et l’hypothèse séduisante formulée par D. Marcotte de l’attribuer à Apollodore d’Athènes. Voir également Korenjak 2003, Boshnakov 2004 et Bravo 2009. 28  Voir l’analyse détaillée de Prontera 2007. Voir également Kowalski 2012, p. 25-26. 29  Prontera 2007, p. 520. 30  Gautier Dalché 2009, p. 45 sq. 31  Photios (Bibl. cod. 188) dit avoir lu sa Γεωμετρία τῆς οἰκουμένης en six livres (le dernier étant une description de « choses curieuses ») dans le même volume que le Recueil de merveilles d’Alexandre de Myndos. 32  L’ensemble des informations provient de Marcotte 2000, p. lxxxviii-c. 33   Il fait partie d’une série de manus­c rits (une douzaine) identiques, appelée collection philosophique. Voir les références dans Marcotte 2000, p. lxxxviii, n. 43.

une série d’œuvres géographiques centrées autour des textes d’Arrien. Le caractère composite des textes que contient ce manus­crit est particulièrement bien étudié par D.  Marcotte34  ; il s’agit de l’assemblage de textes provenant de plusieurs manus­crits, selon un schéma éditorial bien précis. Outre ceux à caractère géographique, il rassemble également des œuvres mythologiques et paradoxographiques, dont certaines ont été lues par Photios. Si l’on ajoute à son contenu la qualité codicologique et la date de rédaction, il est vraisemblable de rattacher ce manus­crit à ce que l’on appelle la Collection philosophique, elle-même liée au célèbre patriarche de Constantinople35. Les textes à caractère géographique remplissent les 24 premiers cahiers du manus­crit. Les cahiers 13 à 24 contiennent la Chrestomathie de Strabon ; des douze premiers cahiers, les cinq du début ont disparu mais un apographe du xive siècle (appelé B dans la tradition) permet de restituer les textes manquants. L’ensemble s’articule surtout autour de trois œuvres d’Arrien (Périple de la mer Érythrée, Périple du Pont-Euxin et Cynégétique) dont un (la Cynégétique) est en dehors du cadre géographique. Trois autres œuvres viennent compléter cet ensemble : le traité géographique d’Agathémère, le Périple d’Hannon et la remontée du Bosphore de Denys de Byzance. D. Marcotte, à la suite d’A. Diller, a longuement analysé ce corpus36. Il en tire la conclusion que ces textes géographiques s’articulaient autour d’une édition d’Arrien. Le texte le plus récent du manus­crit A, le Périple pseudépigraphique du Pont-Euxin, est une œuvre postérieure au milieu du vie siècle. Par ses emprunts aux deux corpus, elle constitue un trait d’union avec l’édition de Marcien et montre que les deux séries étaient réunies en un même lieu à cette date. 1.1.2. Les abrégés et les œuvres de Marcien Nous allons suivre l’ordre de l’édition de Marcien, en incluant ici les deux abrégés (celui d’Artémidore, disparu, et celui de Ménippe), ainsi que l’œuvre propre de Marcien, le Périple de la mer extérieure. L’Abrégé d’Artémidore Pour entrer dans le détail des œuvres de Marcien, nous commencerons par l’Abrégé des Onze, dénomination 34 

Marcotte 2000, p. xc-xci. Sur les liens entre les géographes et cette Collection, voir Marcotte 2007. 36  Marcotte 2000, p. cxxxv-clxii. 35 

1. Les sources de Stéphane de Byzance et leur utilisation pour l’Europe occidentale de Stéphane de Byzance pour l’œuvre abrégée des onze livres des Descriptions géographiques d’Artémidore37. Vingt mentions de l’Épitomé concernent de manière certaine cette œuvre. Cet épitomé n’a aucun numéro de livre 38 et n’est jamais signalé comme une œuvre de Marcien sauf une fois, dans la notice de la ville ibérique de Malakê (μ 35). Pour ce géonyme, il est précisé « Μαρκιανὸς ἐν β’ τῶν Ἐπιτομῶν Ἀρτεμιδώρου, Marcien dans le 2e livre des Abrégés d’Artémidore ». Cette mention pose deux problèmes différents. D’abord, l’indication de Marcien avec le titre « Ἐπιτομὴ Ἀρτεμιδώρου » est différente de toutes les autres mentions. Mais elle n’est pas forcément anormale ; on retrouve en effet ici la mention du véritable auteur d’un abrégé, comme le fait Oros pour Aelius Serenus et son abrégé de Philon39. Ensuite, l’apparition d’un numéro de livre pourrait avoir pour origine un découpage interne de l’Abrégé d’Artémidore. Le pluriel signalerait le 2e livre des abrégés d’Artémidore, considérés comme la somme des différents livres abrégés, comme Marcien lui-même l’indique (cf. infra). Cette manière de citer précisément l’auteur d’un abrégé est une des caractéristiques d’Oros (mais pas de Stéphane de Byzance) ; l’indication, au pluriel, des abrégés d’Artémidore pourrait se rapporter non à Artémidore lui-même (il n’existait qu’une œuvre, donc un seul abrégé), mais à l’édition qu’en donne Marcien. La compréhension exacte de cette mention est malheureusement brouillée par l’abréviation importante de cette partie de l’Épitomé qui ne permet pas d’aller plus loin. On trouve, dans la partie la mieux conservée des Ethniques, une double mention dans la notice sur la ville phénicienne de Dôros (δ 150), l’une avec citation issue de l’abrégé et la seconde, simple mention du livre IX des Descriptions géographiques d’Artémidore. Nous ne pensons pas que Stéphane de Byzance ait eu accès au texte complet d’Artémidore, qu’il cite en reprenant les mentions du lexique-source. Ceci expliquerait du coup les doubles citations, seules celles de l’Abrégé provenant de sa propre lecture de l’édition de Marcien. Il faut donc considérer que cet abrégé ne comportait qu’un seul véritable livre, même s’il marquait probablement les divisions en livres de l’œuvre d’origine. Dans 37   Sur l’histoire du texte et l’abréviation de Marcien, voir Canfora 2007. 38  La mention d’un livre I (s.v. Krua, κ 234) s’explique facile­ment par la chute de quelques lettres : Ἀρτεμίδωρος ἐν Ἐπιτομῇ αʹ. 39 Cf. supra p. 167-168, même si le fait d’être dans la partie la plus résumée des Ethniques peut avoir aussi entraîné des modifications du texte de Stéphane de Byzance.

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le manus­crit D, l’Abrégé se trouvait dans les premiers cahiers disparus (il manque les 2 premiers cahiers), ce qui représente moins de 32 pages. Si l’on enlève un possible avant-propos général et le début du Périple de la mer extérieure qui se trouvaient à la fin du second cahier, il ne reste guère plus de 28 pages pour l’Abrégé d’Artémidore ce qui en fait une œuvre relativement courte. Nous n’avons pas d’autres mentions issues de cet abrégé, mais on connait un extrait assez substantiel d’Artémidore concernant le Nil40, présent dans un manus­ crit daté des environs de 1428 (Bodleianus Holkham gr.  110 [diktyon 48178], fol.  224 v-225) et que l’on retrouve dans un second manus­crit de la fin du xve ou du début du xvie  siècle (Monacensis gr.  287 [diktyon 44734], fol. 160-161), copié intégralement par Michael Souliardos41 certainement sur la base du précédent. Ce manus­crit regroupe des œuvres se rapportant à la géographie terrestre (De Mundo du pseudo-Aristote, Denys le Périégète, …) ou aux astres (Ptolémée, Héraclite, Zanates, Jean Tzétzès …). Il est vraisemblable qu’il s’agisse d’un texte issu de l’abrégé de Marcien car on imagine mal qu’un fragment intégral d’Artémidore ait pu ainsi être conservé sans que jamais son texte ne soit attesté depuis l’Antiquité. Une copie d’après le manus­crit D encore complet est beaucoup plus facile à envisager, ce qui ajouterait un jalon inédit dans l’histoire de ce manus­crit. Outre l’édition de Marcien, les scholies anciennes à Apollonios de Rhodes signalent l’Abrégé d’Artémidore42. Contrairement à ce qui a parfois été écrit, le texte des scholies ne mentionne pas explicitement Marcien mais l’œuvre appelée l’Abrégé des Géographiques d’Artémidore (Ἀρτεμίδωρος ἐν τῇ Ἐπιτομῇ τῶν Γεωγραφουμένων). S’agit-il du même abrégé ? Il est peu probable que plusieurs abrégés d’Artémidore aient été écrits ; dans toute la documentation se rapportant aux textes antiques n’apparaît toujours que celui rédigé par Marcien43. Mais, l’examen de l’ensemble des auteurs cités par les scholies anciennes à Apollonios de Rhodes ne donne aucun auteur postérieur à Hérodien44, ce qui apparaît compatible avec 40 

Stiehle F 90. Le fragment a fait l’objet d’une traduction et d’une analyse par P. Pédech (Pédech 1978). 41  On a vu supra (p. 73-74) ses exemplaires de Stéphane de Byzance datés des deux dernières décénnies du xve siècle. 42  Wendel 1935, 3.859, p. 242. 43  Marcien dit très clairement en être l’auteur dans le Périple de la Mer extérieure (2.19). 44  Nous avons recensés 217 auteurs, sur la base de l’index de Wendel 1935 et de la publication française due à G. Lachenaud (Lachenaud 2010). Très peu sont non datés ; il est peu probable

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Troisième Partie : Auteurs-sources et connaissance des espaces géographiques

un commentaire remanié par Sophocleios, grammairien mal daté mais qui semble être de la fin du iie siècle de notre ère45. Les auteurs du iie siècle sont relativement rares ; on notera, outre Hérodien (actif v. 160-180), le poète épique Dionysios, auteur des Bassariques46 (milieu du iie siècle ? cf. supra p. 174-175), Aristomène d’Athènes (si ce n’est pas le poète comique du ve siècle av. notre ère), Moeris (s’il s’agit bien de l’auteur de l’Atticiste, ce qui est loin d’être certain) et Lucien de Samosate (actif v. 140-180)47. Si l’on admet que l’Abrégé des Géographiques mentionné est bien celui de Marcien, notre auteur est-il antérieur à la fin du iie siècle de notre ère ? Il est tout à fait possible que Marcien ne soit pas l’auteur premier de cet abrégé, qui existerait alors dès la fin du iie siècle de notre ère. Il aurait pu simplement l’intégrer à son édition peut-être en le remaniant pour l’adapter, ce qui lui aurait permis de s’en attribuer la paternité48. On notera que dans les scholies, la mention de l’épitomé est au singulier, contrairement aux épitomés des livres d’Artémidore attribués à Marcien par Oros. On ne peut exclure des interpolations plus tardives dans les scholies d’Apollonios de Rhodes, tous les auteurs mentionnés n’étant pas identifiés49, mais cela nous semble peu vraisemblable pour une œuvre de ce type. Le Périple de la mer extérieure La seconde œuvre, dans l’ordre du manus­crit D, est donc le Périple de la mer extérieure. Il forme une suite logique à l’Abrégé d’Artémidore. Bien que nous ayons perdu le début, nous voyons bien l’intérêt pour Marcien de rédiger une description totale de l’ensemble des côtes. À l’époque d’Artémidore, les contrées bordant la Méditerranée sont bien connues. Ce n’est pas le cas en revanche, pour la région géographique qui nous intéresse, des régions longées par l’océan Atlantique : la Gaule et la (Grande-) Bretagne ne sont pas encore conquises, la Germanie n’est pas explorée … Tout ceci méritait donc une actualisation importante, d’où probablement cet opuscule de qu’ils soient postérieurs à la fin du iie siècle de notre ère. 45   Tous les érudits parlent du «  commentaire des trois  »  : Théon, Lucillus de Tarrha et Sophocleios. 46  Mentionné en 2.904-910 et peut-être 3.530. 47  Prométhée, 4, mentionné en 2.328-9b. 48   Marcien (Per.  2.2) dit explicitement qu’il a «  fait  » les abrégés des livres d’Artémidore : « πεποιήμεθα ἐν ταὶς ἐπιτομαῖς τῶν ἕνδεκα βιβλίων Ἀρτεμιδώρου τοῦ Ἐφεσίου γεωγράφου ». 49  Le fait que Sophocleios soit lui-même cité dans une glose du manus­crit L (en 1.1039) peut impliquer une interpolation plus tardive sur la base de son commentaire.

Marcien50. Enfin, si nous avons conservé le texte de ce Périple, il n’est pas complet ; à l’origine, il comportait une alternance entre descriptions générales et détaillées, dans ses différentes sections géographiques51. C’est ainsi que plusieurs mentions de Stéphane de Byzance n’ont plus à l’heure actuelle de correspondance avec le texte que nous possédons. La description suivait un ordre identique pour chaque partie du périple : étaient identifiées les limites, suivies d’une description de la côte, les dimensions (longueur et largeur), « le nombre de ses villes, peuples et provinces, fleuves, promontoires, îles et presqu’îles remarquables »52. Elle devait certainement profiter du texte d’Artémidore pour les parties qui n’étaient pas totalement obsolètes53. Dans ce cas-là, on suppose qu’il pouvait partir directement de son abrégé pour intégrer les données de cet auteur dans son propre travail. Il est très probable que Marcien avait calqué la structure de cette œuvre sur celle d’Artémidore pour obtenir une description totale homogène du monde connu. Rappelons que le texte du manus­crit D est incomplet puisqu’il manque en particulier les développements géographiques54. Stéphane de Byzance cite l’œuvre de plusieurs manières. La plupart du temps, il indique de quelle partie du Périple est tirée la mention d’un géonyme ; le titre est quasiment détaillé au niveau de l’entité subgéographique. Dans quatre cas, on trouve une mention plus détaillée, comme pour la ville perse de Mallada (μ 39) : « Marcien, dans le Périple du Golfe persique ». Trois des 50   B.  M. Altomare rappelle qu’il s’agit dans l’esprit de sa Marcien de son œuvre originale (οἰκείος πόνος, Per.  1.3) (Altomare 2014-2015, p. 38). Nous renvoyons également à son travail pour la définition plus précise du contenu de l’œuvre et de son programme (Altomare 2014-2015, p. 38-40). 51  Marcotte 2000, p. xxxv. 52  Gautier Dalché 2009, p. 46. B. M. Altomare donne le détail de cette construction en fonction des expressions encore présentes dans le manus­crit D (Altomare 2014-2015, p. 41). 53   Pour la partie qui concerne par exemple l’Ibérie, voir la mise au point de F. Pontani en opposition avec les remarques de L. Canfora sur le papyrus d’Artémidore (Pontani 2010). 54  Le manus­crit d’origine (appelé μ par D. Marcotte) a été réduit dans une version ultérieure (ε) en supprimant les développements géographiques faisant suite à chaque présentation générale. Par suite de la perte d’un autre cahier, ont également disparu la seconde partie du livre II (Lybie et Mauritanie Tingitane) avec la Table des distances de Rome aux villes les plus fameuses du monde (Περὶ τῶν ἀπὸ Ῥώμης πρὸς τὰς ἐπισήμους τῆς οἰκουμένης πόλεις διαστάσεων) citée par Stéphane de Byzance (Marcotte 2000, p. xxxv et cxxx-cxxxii). Voir également Altomare 2013, p. 15-17 et le tableau publié dans Altomare 2014-2015, p. 44.

1. Les sources de Stéphane de Byzance et leur utilisation pour l’Europe occidentale mentions proviennent de la partie la plus abrégée ; seule la quatrième (Adaroupolis, α 56) est issue de la version la moins abrégée. Il est très probable que les mentions se faisaient sous la forme « périple de celui-ci/celle-ci ». L’ensemble des citations de Stéphane de Byzance se répartissent ainsi, dans l’ordre du texte que nous avons conservé : Livre I : périple (d’Éthiopie), de la mer Rouge, d’Arabie, du golfe Persique, de la mer Persique, de Susiane, du golfe d’Inde, de Chine. Livre II : périple d’Ibérie, de Lusitanie, d’Aquitaine, de Bretagne, de Sarmatie, de Maurétanie et de Libye. Le découpage en deux livres renvoie simplement à deux parties très différentes de la « mer extérieure » : dans le livre I sont décrites les mers orientales comprises entre l’Afrique et la Chine, tandis que le livre  II porte sur l’océan Atlantique et la mer du Nord, ainsi que la côte atlantique de l’Afrique. Les véritables sections étaient constituées par les périples régionaux, et c’est ainsi que Stéphane de Byzance cite le texte de Marcien55. On trouve, pour la partie initiale se rapportant au périple d’Éthiopie, la mention d’un livre I de l’ouvrage appelé simplement Périple56, ou de manière plus étonnante, à deux reprises, Periodos57. Aucune mention de l’Éthiopie n’apparaît  ; nous sommes ici au début de l’œuvre et Stéphane cite donc directement le livre  I, comme si cette partie du Périple, placée au tout début de l’œuvre, n’avait pas de titre propre. En revanche, le terme de Periodos reste peu explicable : une seule occurrence aurait pu être une erreur, mais nous en avons deux, cela semble moins probable. On peut se demander si cette dénomination ne relève pas d’Oros car elle est vraiment discordante avec le reste. Dans l’Épitomé, trois mentions58 sont simplement rattachées à Marcien, sans précision d’œuvre ; cette absence est certainement liée à l’abréviation. Nous proposons en outre d’ajouter le nom de Marcien dans la notice très résumée de Lougdounon (λ 86) : « πόλις Κελτογαλατίας. Πτολεμαῖος ἐν Περίπλῳ », Ptolémée n’ayant pas écrit de Périple. Les mentions de Ptolémée sont très rares dans l’Épitomé (3 seulement) ; au moins deux d’entre elles (s.v. Brettia, β 169 et Lougdounon), sans nom d’œuvre, proviennent certainement de Marcien. 55 

Altomare 2014-2015, p. 49-53. s.v. Astartê (α 499), Gupsêis (γ 121), Omêritai (ο 66). 57  s.v. Aspis (α 485), Mosulon (μ 213). 58  s.v. Arôma (α 468), Narbonêsia (ν 13) et Pretanides (β 169). 56 

191

Nous savons en effet que celui-ci a utilisé Ptolémée comme source de sa description des côtes59. Enfin, au moins deux notices (s.v. Karmina, κ 88 ; Taxiana, τ  22) peuvent également être rattachées à Marcien d’après la détermination géographique, bien qu’aucune mention de cet auteur ne soit conservée dans l’Épitomé. Une analyse approfondie par ensemble géographique en trouverait certainement d’autres. Marcien est une des sources primaires de Stéphane de Byzance. Les Distances de Rome aux villes On trouve chez Stéphane de Byzance la mention d’une autre œuvre de Marcien, qui correspond sans doute à l’équivalent d’une liste donnant les distances entre Rome et les villes les plus importantes. Pour D.  Marcotte, il s’agit d’une sorte d’annexe au Périple de la mer extérieure, la mention de Stéphane de Byzance se rapportant à une ville de Germanie60. Il nous semble qu’elle constitue une œuvre spécifique, technique, qui reprenait les informations chiffrées des deux grands périples, celui d’Artémidore et celui de Marcien et prolongeait les deux œuvres géographiques achevant une description littéraire et géométrique de l’oikoumène. Comme  D. Marcotte61, nous pensons qu’une deuxième mention pouvait se rapporter à cette œuvre : celle de Nikopolis (ν 59), fondée par Auguste pour commémorer la victoire d’Actium en 31 av. J.-C. Le texte de l’Épitomé indique simplement « ville d’Épire, selon Marcien ». Müller l’attribue à l’Abrégé du Périple de Ménippe62. Or, comme nous le verrons ci-dessous, dans l’édition de Marcien l’abrégé ne concerne pas cette partie de la Méditerranée et ce Périple n’est jamais attribué à Marcien par Stéphane de Byzance, comme pour l’Abrégé d’Artémidore63. C’est pourquoi nous pensons que cette indication provient de la liste des distances entre Rome et les différentes villes, seule œuvre pouvant concerner un toponyme de Méditerranée relevant d’une mention de Marcien. 59  P.  Gautier Dalché, met en parallèle des sections de texte de Marcien et de Ptolémée qui montrent sans conteste la copie du second par le premier (Gautier Dalché 2009, p. 45 sq.) Cf. supra p. 164-165. L’interprétation que fait P. Gautier Dalché des mentions conservées dans l’Épitomé souffre de l’absence de mise en perspective des différentes phases de l’abréviation. 60  Marcotte 2000, p. xxxv. 61  Marcotte 2000, p. xxxv, n. 77. 62  GGM, II, 573, 3. 63   À l’exception de la mention de Malakê mais qui relève probablement d’une mention indirecte d’Oros comme nous l’avons indiqué supra p. 189.

192

Troisième Partie : Auteurs-sources et connaissance des espaces géographiques

Cette œuvre se trouvait probablement placée à l’origine après le Périple de la mer extérieure et a pu disparaître du fait de la perte d’un cahier du manus­crit D, à moins qu’elle n’ait déjà été supprimée dans la phase de réduction byzantine de l’édition de Marcien. À partir de là, le manus­crit conserve des œuvres soit beaucoup plus anciennes (comme le pseudo-Scylax ou le pseudo-Scymnos) ou concernant des descriptions partielles (de Grèce, de Parthie …). L’Abrégé du Périple de Ménippe Le manus­crit D nous a conservé le texte de l’abrégé du Périple de Ménippe tel qu’il a été édité par Marcien. Neuf mentions de Stéphane de Byzance concernent ce texte. Comme pour le Périple de la mer extérieure, Stéphane indique les différentes composantes du Périple : périple de Bithynie, du Pont, de Paphlagonie ou des deux Pont. Toutes les mentions sont rapportées à Ménippe, aucune à Marcien ; les citations sont systématiquement conservées (9 pour 8 mentions). Ici, il n’est pas fait mention d’un abrégé comme pour Artémidore, mais bien d’une œuvre qui semble entière ; nous savons que ce n’était pas le cas. Dans l’Épitomé, une seule mention de Ménippe se rapporte à la Méditerranée occidentale avec la Sicile64. Le texte indique simplement que Ménippe rapportait la mention d’Hellanicos sur la dénomination de cette île. Il est très peu probable que cette indication se rapporte à l’œuvre résumée par Marcien qui ne concerne que l’Asie mineure et la mer Noire ; elle pourrait provenir directement de l’œuvre d’origine, par le biais du lexique-source utilisé par Stéphane de Byzance selon le même principe que les citations d’Artémidore et de son abrégé. Selon nous, l’abrégé ne concernait qu’une partie de l’œuvre d’origine, peut-être parce que le reste du texte était déjà perdu à cete époque. Nous avons vu que la mention de Nikopolis, attribuée par Müller à ce Périple, devait certainement se rapporter à une autre œuvre de Marcien. Quant à la mention sur la Narbonnaise, placée également par Müller dans ce Périple, elle provient selon nous du Périple de la mer extérieure qui signalait les différentes provinces gauloises. L’usage lexical des abrégés et de l’œuvre de Marcien dans les Ethniques Nous allons nous concentrer sur l’usage lexical, qui suppose la réalisation de lexiques partiels ou d’un même 64   Cette mention est conservée uniquement dans le texte d’origine de Stéphane de Byzance, à travers Constantin Porphyro­ génète (De Them. 2.2.10).

lexique pour l’ensemble de l’édition de Marcien. Nous examinerons en priorité le Périple de la Mer extérieure, œuvre parvenue jusqu’à nous dans une version abrégée et que Stéphane de Byzance a consulté dans son intégralité. Les mentions de l’édition de Marcien

Si l’on s’en tient au texte conservé65 et à l’ensemble géographique étudié ici, on constate que Stéphane de Byzance a utilisé assez largement le Périple de Marcien. Le tableau suivant (fig. 34) donne l’ensemble des mentions66. Nous avons également ajouté les mentions provenant des deux abrégés (Artémidore et Ménippe), et qui appartiennent à la même édition (fig. 35). Le lexique qui en a été tiré, et qu’a intégré Stéphane de Byzance, a dû être fait en même temps que celui du Périple de la Mer extérieure. Nous reviendrons plus loin (p. 245-246) sur l’Abrégé d’Artémidore lorsque nous étudierons cet auteur. Le lexique de l’édition de Marcien

Pour ce qui concerne notre corpus, la partie conservée du livre II correspond aux côtes comprises entre les Colonnes d’Hercule et la Germanie, incluant les îles Britanniques. La table des matières qui indique en début de livre le contenu de chacun des chapitres donne l’organisation des différentes parties du périple. Le découpage en provinces reprend l’organisation administrative du temps de Ptolémée, dont il réactualise par endroit les toponymes ; il n’est donc pas lié aux limites provinciales du Bas-Empire. L’auteur du lexique des œuvres de Marcien a utilisé les termes géographiques habituels : πόλις, κώμη, λίμνη, λιμὴν, νῆσος, χερρόνησος, κόλπος, χώρα, χωρίον, ἔθνος ; apparaissent moins fréquemment ἀκρωτήριον (18 occurrences dans la totalité de l’Épitomé), ἐμπόριον (13 occurrences), μητρόπολις (21 occurrences) et ἐπαρχία (8 occurrences). Ce dernier terme semble plutôt s­ pécifique à Marcien ; on le rencontre dans l’Épitomé à propos de l’Ibérie, l’Hispanie, l’Aquitaine, la Lyonnaise et le Pont Polémoniaque, partie nord-est du Pont formant un petit royaume entre 47 av. et 65 apr. J.-C., cédé par le Nous avons utilisé la publication des GGM, I, 515-562. Pour tous les tableaux qui suivent, nous avons adopté les conventions suivantes  : mise en gras du lemme lorsque la déter­ mination géographique provient de l’auteur (catégorie [A]) ; mise entre crochets de la détermination géographique lorsqu’elle est issue d’un autre auteur ; mise en italique de la ligne lorsque nous restituons ce géonyme à cet auteur, sans que son nom ne soit conservé dans l’Épitomé. 65 

66 

1. Les sources de Stéphane de Byzance et leur utilisation pour l’Europe occidentale

193

Figure 34 – Mentions issues du Périple de la Mer extérieure de Marcien. Abréviation

Nom

Définition géographique

Œuvre

Commentaire

Livre I – de l’Éthiopie à la Chine Αἰθιοπία S2

Ἄρωμα

πόλις Αἰθιόπων

 

 

S2

Ἀστάρτη

νῆσος ἐν Αἰθιοπίᾳ

ἐν Περίπλῳ αʹ

 

S2

Γυψηίς

νῆσος Αἰθιοπίας

ἐν Περίπλῳ αʹ

 

S2

Ὁμηρῖται

ἔθνος Αἰθιόπων

ἐν Περίπλῳ αʹ

 

S2

Ἀσπίς

ἀκρωτήριον Αἰθιοπίας τῆς κατ’ Αἴγυπτον

αʹ Περιόδων

variante homonyme

S2

Μόσυλον

ἀκρωτήριον καὶ ἐμπόριον Αἰθιοπίας

ἐν αʹ Περιόδου

 

S2

Ἀπόκοπα, οὐδετέρως κόλπος ἐν τῷ Βαρβαρικῷ μυχῷ

ἐν Περίπλῳ

 

S2

Ὄννη

ἐμπόριον τῆς εὐδαίμονος Ἀραβίας

ἐν Περίπλῳ

 

S2

Ζαδραμιταῖ

ἔθνος τῆς εὐδαίμονος Ἀραβίας

ἐν Περίπλῳ αὐτῆς

 

S3

Μάργανα

πόλις τῆς Ἰνδικῆς

ἐν Περίπλῳ

 

S2

Κάρμινα

νῆσος Ἰνδική

 

 

S2

Ἀσκῖται

ἔθνος παροικοῦν τὸν Ἰνδικὸν κόλπον καὶ ἐπὶ ἀσκῶν πλέον

ἐν τῷ Περίπλῳ αὐτοῦ

 

S1

Χαδραμωτῖται

ἔθνος περὶ τὸν Ἰνδικὸν κόλπον, τῷ Πρίονι παροικοῦντες ποταμῷ

ἐν τῷ Περίπλῳ αὐτοῦ

 

S1

Χρύση

χερρόνησος τῆς Ἰνδικῆς

ἐν Περίπλῳ

 

Σίναι

μητρόπολις τῶν Σινῶν

ἐν Περίπλοις

 

S1

Ἀδαρούπολις

πόλις Περσική

ἐν Περίπλῳ τοῦ Περσικοῦ κόλπου

 

S3

Μαλλάδα

πόλις Περσική

ἐν Περίπλῳ τοῦ Περσικοῦ κόλπου

 

S2

Κορομάνη

πόλις πρὸς τὸν Περσικὸν κόλπον

ἐν Περίπλῳ αὐτοῦ

 

S2

Ἰστριανά

πόλις παρὰ τὴν Περσικὴν θάλασσαν

ἐν Περίπλῳ αὐτῆς

 

S3

Μεσανίτης

κόλπος

ἐν Περίπλῳ τῆς Περσικῆς θαλάσσης

 

S2

Λαδισακίτης

κόλπος, ἐν τῇ Περσικῇ θαλάσσῃ

ἐν Περίπλῳ αὐτῆς

 

Ἀραβία

Ἰνδική

Σίναι S3 Περσική

Ἐρυθρᾶ θαλάσση S2

Μυρίκη

νῆσος ἐν τῇ Ἐρυθρᾷ θαλάσσῃ

ἐν Περίπλῳ αὐτῆς

 

S2

Βάδεως

πόλις, τῆς εὐδαίμονος Ἀραβίας ἐν τῇ παραλίᾳ τῆς Ἐρυθρᾶς θαλάσσης

 

 

S2

Κασσανῖται

ἔθνος ἐν τῇ παραλίᾳ τῆς Ἐρυθρᾶς θαλάσσης

ἐν Περίπλῳ αὐτῆς

 

S2

Μιναῖοι

ἔθνος ἐν τῇ παραλίᾳ τῆς Ἐρυθρᾶς θαλάσσης

ἐν Περίπλῳ αὐτῆς

 

S3

Σιθηνοί

ἔθνος παρακείμενον τῇ Ἐρυθρᾷ θαλάσσῃ

ἐν Περίπλῳ

 

S2

Κτησιφῶν

πόλις Ἀσσυρίας

ἐν Περίπλῳ

 

S2

Ταξίανα

νῆσος περὶ τὸν Πηλώδη κόλπον τῆς Σουσιανῆς

 

 

Ἀσσυρία

tableau suite à la page suivante

194

Troisième Partie : Auteurs-sources et connaissance des espaces géographiques

Figure 34 (suite) – Mentions issues du Périple de la Mer extérieure de Marcien. Abréviation

Nom

Définition géographique

Œuvre

Commentaire

Livre II-de l’Ibérie à la Germanie et la Scythie, et la côte africaine atlantique Ἰβηρία S2

Ἰβηρίαι δύο

 

ἐν Περίπλῳ αὐτῆς

διῃρεῖτο δὲ ἡ Ἰβηρία εἰς δύο, νῦν δὲ εἰς τρεῖς

Λουσιτανία

μέρος τῆς Βαιτίκης

ἐν Περίπλῳ αὐτῆς

 

S3

[Λούγδουνος]

[πόλις Κελτογαλατίας]

ἐν Περίπλῳ

 

S1

Ἀκυτανία

ἐπαρχία τῆς Κελτογαλατίας, μία τῶν τεσσάρων ἐν Περίπλῳ αὐτῆς

 

S2

Ναρβωνησία

 

 

 

S2

Πρετανίδες

νῆσος

 

variante de Βρεττία

S1

Ἀλβίων

νῆσος Πρεττανική

ἐν Περίπλῳ αὐτῆς

 

S1

Αἰβοῦδαι

νῆσοι πέντε τῆς Πρεταννικῆς

ἐν Περίπλῳ

 

S3

Λινδόνιον

[πόλις τῆς Βρεττανίας]

ἐν Περίπλῳ αὐτῆς

 

S3

Σιαγαθουργοί

ἔθνος

ἐν Περίπλῳ Σαρματίας  

S2

Ἰάζυγες

ἔθνος Εὐρωπαῖον

ἐν Περίπλῳ

 

Βάβαι

πόλις Λιβύης

ἐν Περίπλῳ αὐτῆς

 

S3

Μαυριτανίαι δύο

ἡ μὲν Τιγγιτανή ἡ δὲ Καισαρησία

ἐν τῷ Περίπλῳ

 

S2

Τίγγις

πόλις Μαυριτανίας

 

variante de rattachement géographique

Λουσιτανία S3 Κελτογαλατία

Πρεττανική

Σαρματία

Λιβύη S2 Μαυριτανία

Figure 35 – Mentions issues des abrégés d’Artémidore et de Ménippe par Marcien. Abréviation Nom Définition géographique Ethnique Abrégé des Onze d’Artémidore Κελτική S3 Μαστραμέλη πόλις καὶ λίμνη τῆς Κελτικῆς   Ἰβηρία S3 Μαλάκη πόλις Ἰβηρίας τὸ ἐθνικὸν Μαλακιτανός ? Λίγυρες S3 Λίγυρες ἔθνος προσεχὲς τοῖς   Τυρρηνοῖς S2 Δερτών πόλις Λιγύρων τὸ ἐθνικὸν Δερτώνιος ὡς Ἀντρώνιος Σαρδώ S3 Σολκοί πόλις ἐν Σαρδοῖ   Ἀδριατικὴ θάλαττα S2 Ἄψυρτος [καὶ πόλιν νῆσον]   S2 Φλάνων πόλις καὶ λιμὴν περὶ τὴν ἀπὸ οὖν τῆς γενικῆς Ἄψυρτον νῆσον Φλανωνίτης, ὡς Νάρβων Ναρβωνίτης Ἰλλυρία S2 Τέργεστρος κώμη [Ἰλλυρίας]  

Œuvre

Commentaire

ἐν Ἐπιτομῇ τῶν ιαʹ

 

ἐν βʹ τῶν Ἐπιτομῶν Ἀρτεμιδώρου

 

ἐν Ἐπιτομῇ τῶν ιαʹ

 

ἐν Ἐπιτομῇ τῶν ιαʹ

 

ἐν Ἐπιτομῇ

 

ἐν Ἐπιτομῇ ἐν Ἐπιτομῇ τῶν ιαʹ

variante de Ἀψυρτίδες  

ἐν Ἐπιτομῇ τῶν ιαʹ

variante de Τέγεστρα

1. Les sources de Stéphane de Byzance et leur utilisation pour l’Europe occidentale

195

Figure 35 (suite)– Mentions issues des abrégés d’Artémidore et de Ménippe par Marcien. Abréviation νῆσος S2 Μακεδονία S2 Θρᾴκη S2 Θετταλία S3 Λιβύη S3 ? S3

Φοινίκη S Συρία S2

Nom

Définition géographique

Ethnique

Œuvre

Commentaire

Κώθων

νῆσος οὐ πόρρω Κυθήρων

τὸ ἐθνικὸν Κωθώνιος ὡς Σιδώνιος

ἐν Ἐπιτομῇ τῶν ιαʹ

 

Φίλιπποι

πόλις Μακεδονίας

 

ἐν Ἐπιτομῇ τῶν ιαʹ

 

Ἀσταί

ἔθνος Θρᾴκης

 

ἐν Ἐπιτομῇ τῶν ιαʹ

 

Λῶς

νῆσος περὶ Θετταλίαν

Λῷος ὁ νησιώτης

ἐν Ἐπιτομῇ τῶν ιαʹ

 

Ξοῦχις Λαοδαμάντεια

πόλις Λιβύης νῆσος ἐν Λιβύῃ

τὸ ἐθνικὸν Ξουχίτης τὸ ἐθνικὸν ἀμφότερον Λαομεδοντίτης καὶ Λαοδαμαντίτης

ἐν Ἐπιτομῇ τῶν ιαʹ ἐν Ἐπιτομῇ τῶν ιαʹ

   

Δῶρα

[πόλις Φοινίκης]

 

ἐν Ἐπιτομῇ τῶν ιαʹ

variante de Δῶρος

Πάλτος

πόλις Συρίας

ὁ πολίτης Παλτηνός ὡς ἐν Ἐπιτομῇ Δαμασκηνός

 

πόλις Λυκίας

τὸ ἐθνικὸν Κρυεύς

 

χωρίον Φρυγίας

τὸ ἐθνικὸν Θεμισώνιος ἐν Ἐπιτομῇ

Λυκία S2 Κρύα Φρυγία S2 Θεμισώνιον Abrégé du Périple de Ménippe Βιθυνία S2 Καππαδοκία S1 Χαλκηδών

ἐν Ἐπιτομῇ αʹ

 

χώρα τῇ Κιλικίᾳ πρόσχωρος   [πόλις Βιθυνίας, ἡ πρὸς τῷ   στόματι τοῦ Πόντου]

  ἐν Περίπλῳ Βιθυνίας

  variante pour le féminin mais la détermination géo­graphique semble en provenir

Πόντος S1

Ψύλλα

χωρίον μεταξὺ Ἡρακλείας καὶ τοῦ Πόντου

 

ἐν Περίπλῳ τοῦ Πόντου

 

Παφλαγονία S2

Τίος

[πόλις Παφλαγονίας τοῦ Πόντου] κώμη Παφλαγονίας

 

ἐν Παφλαγονίας Περίπλῳ

 

ἐν Περίπλῳ

variante après Zeus de Tios  

S2 Ἀρμένη δύο Πόντοι S2 Ἑρμώνασσα S1 Χαδίσιον S1 Χαλδία Distance de Rome aux villes Γερμανία S2 Ἄμισα Ἠπείρος S2

Νικόπολις

χωρίον Τραπεζοῦντος   [κώμη καὶ ποταμὸς Πόντου]   χώρα τῆς Ἀρμενίας  

ἐν Περίπλῳ τῶν δύο Πόντων variante homonyme ? ἐν Περίπλῳ τῶν δύο Πόντων variante homonyme ? ἐν Περίπλῳ τῶν δύο Πόντων  

πόλις Γερμανίας

τὸ ἐθνικὸν Ἀμισαῖος

ἐν τοῖς ἀπὸ Ῥώμης ἐπὶ τὰς διασήμους πόλεις

 

πόλις Ἠπείρου

 

 

 

196

Troisième Partie : Auteurs-sources et connaissance des espaces géographiques

roi Polémon II à Néron, et transformé en province peu avant 31067. Cette mention de Πόντος Πολεμωνιακός ἐπαρχία (π 210) ne peut donc être antérieure. C’est pourquoi nous l’attribuerons à Marcien, d’autant plus que le nom de Πόντος Πολεμωνιακός (mais sans l’indication d’ἐπαρχία) se trouve déjà chez Ptolémée (Geogr. 5.6.4 et 10)68. Cette mention ne peut provenir de Ménippe de Pergame (au moins dans sa version non abrégée) puisqu’à son époque (sous Auguste) existait seulement le royaume de Polémon ier. Il pouvait se rencontrer dans l’abrégé (avec la mention du Périple des deux Ponts ?) si Marcien avait réactualisé certains géonymes, ce qui est loin d’être certain. Quoiqu’il en soit, la mention d’ἐπαρχία dans ce contexte particulier est tardive. Pour le terme d’ἀκρωτήριον, son emploi dans le lexique de Marcien est limité à deux toponymes d’Éthiopie, qui ont tous les deux l’indication d’une Periodos (et non d’un Périple). Les autres lemmes utilisant ce terme se rattachent à des auteurs souvent anciens (Apollodore d’Athènes, Artémidore, Thucydide, Sophocle). Ce n’est probablement pas discriminant mais c’est le seul point commun entre les deux mentions de Marcien qui ont une différence de titre par rapport au reste des citations. On trouve quelques adverbes de lieu qui précisent la localisation : κατὰ (en bas), πρὸς (proche), ἐν (dans), περὶ (autour), παρὰ (auprès). Ces termes se retrouvent de manière générale dans l’ensemble du lexique, semble-t-il avec la même signification69. On notera également l’emploi de qualificatifs particuliers : παροικοῦν (« ἔθνος παροικοῦν τὸν Ἰνδικὸν κόλπον »). Ce terme ne se retrouve, dans l’Épitomé, que pour la mention des Rhênoi, «  ἔθνος παροικοῦν τῷ Ῥήνῳ τῷ ποταμῷ », dont la notice semble provenir de l’Abrégé d’Artémidore (voir fiche [183]), comme nous le verrons infra (p. 248). παρακείμενον («  ἔθνος παρακείμενον τῇ Ἐρυθρᾷ θαλάσσῃ »). Les 8 mentions ne sont pas rattachées à des auteurs particuliers70. D’un point de vue géograLoriot 2006, p. 410. En dehors de Ptolémée, on le rencontre seulement chez des auteurs du ive siècle ou postérieurs (Eutrope, novelles de Justinien, listes épiscopales …). 69  Ainsi la mention οὐ πόρρω (non loin de) se retrouve 17 fois dans l’Épitomé, en rapport avec Xénophon (Drilai, δ 129 ; Olouros, ο 51 ; Skuthênoi, σ 223), Xénion (Oaxos, ο 3), Denys d’Halicarnasse (Nômentos, ν 87), Hécatée (Kalathê, κ 18), Polybe (Kabulê, κ 5) et Simmias (Hêmikunes, η 14). 70   On le trouve aussi bien pour les Libustinoi (λ  58, ἔθνος

phique, ce terme qualifie aussi bien les mentions de peuple que de ville ou de lieu. Il n’est donc pas discriminant d’une période ou d’un auteur de lexique. μέρος (« μέρος τῆς Βαιτίκης »). Comme le précédent, parmi les 24 occurrences dans l’Épitomé, on ne trouve pas d’usage spécifique à une source particulière mais il apparaît souvent comme déterminant géographique. προσεχὴς  / προσεχὲς («  ἡ χώρα προσεχὴς ταῖς Γερμανίαις  », «  ἔθνος προσεχὲς τοῖς Τυρρηνοῖς  »). Parmi les 32 occurrences, on trouve ce terme fréquemment dans les notices d’Hécatée71. Mais on l’observe également pour d’autres auteurs du lexique-source  : Apollonios (Aigialos, α  100), Apollodore (Arianoi, α  417), Thucydide (Epipolai, ε  96  ; Istônê, ι  116), Hérodote (Inussos, ι 65 ; Kaspeiros, κ 109), Dionysios dans Les Bassariques (Kassitera, κ  114), Rhianos (Kelaithoi, κ 153). On retiendra que ce terme est utilisé préférentiellement dans les lexiques les plus tardifs mais se trouve déjà probablement indiqué chez Diogenianus (voire Pamphile). πρόσχωρος («  χώρα τῇ Κιλικίᾳ πρόσχωρος  »). Ce terme n’est employé que 3 fois, une fois, dans la notice de la ville béotienne de Halai (α 190, pour une indication d’accentuation : « καὶ ἡ πρόσχωρος τῇ Ἀργείᾳ οὕτως Ἁλή λέγεται ὀξυτόνως  »)  ; une seconde fois pour la notice de Kappadokia (κ  68) et la troisième pour le peuple des Alamanoi (α 192, « ἔθνος Γερμανοῖς πρόσχωρον  »). Cette dernière notice provient plus vraisemblablement de Parthénios de Phocée ou d’Asinius Quadratus (cf. fiche [16]) puisque ce regroupement de peuples germaniques n’existe pas à l’époque de Ptolémée, source de Marcien. παραλία («  ἔθνος ἐν τῇ παραλίᾳ τῆς Ἐρυθρᾶς θαλάσσης  »). Parmi les 14 occurrences de ce terme, on peut attribuer à Marcien la mention de la ville de Badeôs (β 9, « πόλις τῆς εὐδαίμονος Ἀραβίας ἐν τῇ παραλίᾳ τῆς Ἐρυθρᾶς θαλάσσης »), signalé exactement de la même manière. Le terme n’est pas spécifique en lui-même.

67 

68 

παρακείμενον Κόλχοις), avec comme indication les Politiques de Diophante, que pour les Ôbarênoi (ω 1, μέρος Ἀρμενίας παρακείμενον Κύρῳ ποταμῷ), avec comme mention Sur les Parthes d’Asinius Quadratus. 71  Abroi (α 14), Dexaroi (δ 52), Impheis (ι 60), Ixibatai (ι 71), Liburnoi (λ 55), Mâres (μ 68), Moschoi (μ 214), Oinoussai (ο 29), Peuketiantes (π 129), Suôpioi (σ 332), Huôps (υ 30), et peut-être, les formes des notices sont assez proches, Aisa (α 142), Gerros (γ 66), Gigônos (γ 75), Ikos (ι 47), Masaisulia (μ 82), Messapia (μ 160).

1. Les sources de Stéphane de Byzance et leur utilisation pour l’Europe occidentale

197

Figure 36 – Totalité des mentions d’Europe occidentale provenant du Périple de la Mer extérieure de Marcien. Abréviation Nom

Définition géographique

Ethnique

Œuvre

Commentaire

Ἰβηρίαι δύο

 

 

ἐν Περίπλῳ αὐτῆς

διῃρεῖτο δὲ ἡ Ἰβηρία εἰς δύο, νῦν δὲ εἰς τρεῖς

Λουσιτανία

μέρος τῆς Βαιτίκης

 

ἐν Περίπλῳ αὐτῆς

 

S1

Ἀκυτανία

ἐπαρχία τῆς Κελτογαλατίας,   μία τῶν τεσσάρων

ἐν Περίπλῳ αὐτῆς

 

S3

Σάντονες

ἔθνος τῆς Ἀκυϊτανίας

 

 

 

 

Βουρδίγαλα

πόλις Κελτογαλατίας

 

 

a disparu de l’Épitomé

S3

Λούγδουνος

πόλις Κελτογαλατίας

 

ἐν Περίπλῳ

 

S2

Μεδιολάνιον

πόλις Ἀκυτανίας

οἱ οἰκοῦντες Μεδιολάνιοι ?  

 

S2

Ναρβωνησία

 

 

 

 

S2

Πρετανίδες

νῆσος

 

 

variante de Βρεττία

S1

Ἀλβίων

νῆσος Πρεττανική

 

ἐν Περίπλῳ αὐτῆς

 

S1

Αἰβοῦδαι

νῆσοι πέντε τῆς Πρεταννικῆς  

ἐν Περίπλῳ

 

S3

Λινδόνιον

[πόλις τῆς Βρεττανίας]

ἐν Περίπλῳ αὐτῆς

 

Ἰβηρία S2 Λουσιτανία S3 Κελτογαλατία

Πρεττανική

 

En résumé, nous retiendrons comme assez caractéristique de l’auteur du lexique des œuvres de Marcien l’emploi de παροικοῦν et προσεχὴς/προσεχὲς, moins sûrement de πρόσχωρος. On note des similitudes avec le lexique d’Hécatée, qui pourrait impliquer un même auteur pour les deux lexiques. Compte-tenu de l’emploi régulier de sources plus anciennes pour la rédaction de son œuvre, nous ne nous étendrons pas sur les noms géographiques utilisés pour la détermination des géonymes. Nous disposons de très peu de formes d’ethniques assurées de la part de Marcien, ce qui ne permet pas de proposer des modes de formation. Il est possible en outre qu’il ait réutilisé certaines des formes d’Artémidore (en -ίτης ou en -ιταῖ) dans son Périple de la Mer extérieure s’il tirait ses géonymes de cet auteur. Les mentions de notre corpus géographique

Afin de déterminer les toponymes repris par Stéphane de Byzance dans le Périple de Marcien, nous avons regroupé dans un tableau (fig.  36) tous ceux présents dans cette œuvre. Ceci permet d’ailleurs de réattribuer certaines notices sans référence à Marcien. Nous avons fait apparaître entre crochets les noms qui étaient probablement présents dans l’œuvre initiale de Stéphane de

Byzance et qui ont disparu du fait de l’abréviation ou des lacunes repérées dans l’œuvre. Il faut ajouter également les noms transcrits par Stéphane de Byzance dans les parties disparues du Périple de Marcien (Aiboudai [9], Lindonion [136]). Le tableau montre que Stéphane de Byzance est loin d’avoir utilisé tous les toponymes recensés chez Marcien d’Héraclée. Il a en revanche intégré de manière systématique ce qui apparaît dans les paragraphes d’introduction de chacun des grands ensembles géographiques, souvent déjà présents par le biais du lexique-source. De manière explicite, Marcien est la source de Stéphane de Byzance pour les notices suivantes  : Aiboudai  [9], Akutania [15], Albiôn [17], Amisa [24], Ibêria [100], Lindonion [136], Lougdounon [137], Lousitania [138] et la référence à la province de Narbônêsia dans le lemme Narbôn  [156]. Il pouvait également apparaître sous forme d’insertion pour les formes suivantes : Alpeis [22], Atlantikos [33], Baitikê [40], Belgikê [47], Thoulê [98], Iouernia  [109], Hispania  [110], Kalpê  [115], Kantabria  [116], Prettanikê  [179], Purênê  [180], Rhênos  [183], Saxones  [194], Tarrakônêsia  [209], Tourdêtanoi [218] et Tourdouloi [218]. L’abréviation aura fait disparaître l’information. Plusieurs notices se rapportant à la Gaule peuvent ainsi être attribuées à Marcien. On signalera une notice

198

Troisième Partie : Auteurs-sources et connaissance des espaces géographiques

perdue de l’Épitomé, se rapportant à la ville d’Aquitaine Bourdigala [53], l’actuelle Bordeaux. Elle n’est conservée que dans l’Etymologicum Symeonis, mais tout indique qu’elle provient bien des Ethniques. Nous sommes ici dans le second abrégé et cette disparition conforte l’idée d’un niveau d’abréviation différent avec la source de l’Etymologicum Symeonis. La détermination géographique de « ville de Celtogalatie » est en tout point semblable à celle que l’on trouve pour Lougdounon. Cette forme est caractéristique de Marcien. Pour la (Grande-)Bretagne, Marcien employait le terme de Prettania/Prettanikê. Il faut noter que pour les notices qui le mentionnent, l’entrée orthographique est constituée à chaque fois de la forme trouvée chez Marcien ; les variantes provenant des autres auteurs sont signalées dans le corps de la notice. On notera en particulier que la notice Mediolanion [149], se rapportant à la ville aquitaine de Saintes, a vraisemblablement remplacé purement et simplement une notice primitive qui devait porter largement sur la ville, homonyme dans l’Antiquité, de Milan. Marcien fait donc partie de ces auteurs tardifs qui ont constitué la source privilégiée du travail de Stéphane de Byzance. Cette proximité entre les deux auteurs a fait penser que Marcien avait été un collaborateur de Stéphane, ce qui pouvait se concevoir quand on datait ce dernier du ve siècle72. Nous pensons que ce n’est pas le cas, les objectifs de l’un et l’autre étant très différents. En revanche, il est clair que Marcien a joué un rôle important dans la transmission des textes géographiques qu’a utilisés Stéphane de Byzance. Toutefois, avec un total de 12 notices (dont 10 lemmes avec un déterminant géographique remontant à Marcien), le corpus propre à Marcien est peu fourni. Il n’est pas, pour notre cadre géographique, un auteur majeur. 1.1.3. Un autre auteur issu de l’édition de Marcien : le pseudo-Scymnos (2e moitié du iie s. av. J.-C.) L’édition de Marcien nous a conservé un poème géographique, placé sous le nom de Scymnos mais qui est en fait anonyme73. 72 Voir Fraser 2009, p. 298 avec rappel de la bibliographie antérieure en note 32. 73   Duval  1971  n o   52, p.  52-53. Le texte a fait l’objet d’une nouvelle édition critique avec traduction en français (Marcotte  2000), qui a précédé une édition allemande (Korenjak 2003) et des analyses plus récente (Boshnakov 2004 et Bravo 2009).

Scymnos et pseudo-Scymnos Notons d’abord que Stéphane de Byzance a lu et utilisé le texte du pseudo-Scymnos. Il le cite plusieurs fois74 mais l’Épitomé n’a pas conservé de citations associées à ce nom d’auteur. En revanche, la correspondance entre les mentions de Scymnos chez Stéphane de Byzance et le texte du manus­crit D a fait attribuer, par Holstein, le texte à cet auteur (c’est de lui que nous tirons cette dénomination maintenant générique). Comme pour Scylax de Caryanda, il est très vraisemblable qu’il n’existait plus vers la fin de l’Antiquité le texte authentique de ces auteurs anciens. Les mentions que l’on trouve chez Stéphane de Byzance pouvant également provenir du lexique-source, il est nécessaire de séparer les mentions anciennes de celles qui relèvent directement de Stéphane de Byzance. Quatre d’entre elles sont placées sous la référence de Scymnos dans l’Épitomé. L’une est rattachée à Scymnos de Chios, dans le livre I de sa Périégèse ; elle concerne l’île des Liburnoi appelée Paros (π 56). Elle n’a pas de correspondance avec le Circuit de la terre et provient très certainement du vrai Scymnos. Les trois autres en revanche se retrouvent dans les iambes du manus­ crit  D  : Agathê (α  21), notice heureusement conservée dans l’Épitomé avec le texte du premier abréviateur (avec tout spécialement le rattachement à la fondation des Phocéens, que l’on trouve seulement dans le Circuit de la terre, v. 208), l’île d’Arès (α 413) dans le Pont75 et l’île du Bosphore Hermônassa (ε 123)76. Précisons également que deux noms d’ouvrage sont indiqués : Europe (pour Agathê) et Asie (pour l’île d’Arès) ; ils peuvent parfaitement correspondre à un découpage de l’œuvre en deux grandes sections. Nous distinguerons donc la mention de Paros des trois autres, auxquelles il faut ajouter les deux vers cités anonymement dans la notice de la ville du Pont Dionusou polis (δ 90, F 2). D. Marcotte indique également une paraphrase des vers concernant la Béotie (β 116), la généalogie locrienne du nom Itônos (ι 121) sous une forme corrompue et probablement la notice Aulôn (α 542)77. Pour nous, il ne fait pas de doute que Marcien (et donc Stéphane de Byzance) attribuait l’œuvre qu’il éditait à Scymnos de Chios. 74 

Marcotte 2000, p. 91. Marcotte 2000, p. 145. La mention est conservée dans l’extrait du Périple du Pont-Euxin qui en provient, F 23 de l’édition de D. Marcotte. 76  F 17b et 18, Marcotte 2000, p. 142. 77  Marcotte 2000, p. 91. 75 

1. Les sources de Stéphane de Byzance et leur utilisation pour l’Europe occidentale

199

Figure 37 – Mentions provenant de Scymnos dans l’Épitomé. Abréviation Nom

Définition géographique

Œuvre

Commentaire

S1

Ἀγάθη

[πόλις Λιγύων ἢ Κελτῶν]

ἐν τῇ Εὐρώπῇ

indication chronomythologique

S2

Βέβρυκες

πρὸς τοῖς Ἴβηρσιν

ἐν τῇ Εὐρώπῇ

 

S2

Πάρος

νῆσος Λιβυρνῶν

ἐν αʹ Περιηγήσεως

variante homonyme

S2

Ἑρμώνεια

[νῆσος μικρά, πόλιν ἔχουσα, ἐν τῷ Κιμμερίῳ Βοσπόρῳ]

 

variante de Ἑρμώνασσα

S2

Διονύσου πόλις

ἐν τῷ Πόντῳ

(pas de nom d’auteur mais citation de 2 vers)

 

S2

Ἄρεος

νῆσος, πρὸς τοῖς Κόλχοις ἐν τῷ Πόντῳ

ἐν Ἀσίᾳ

 

La seule indication chronologique que fournisse le texte est la dédicace au roi Nicomède (de Bithynie) sans que l’on sache s’il s’agit de Nicomède II Épiphane (149-127/6) ou Nicomède III Évergète (127/6-94). L’indication de l’extinction de la dynastie royale de Pergame nous place quoi qu’il en soit après 133 av. J.-C. Enfin, la mention de la Chronique d’Apollodore d’Athènes, dont l’auteur nous donne la durée (1040 ans), fait référence aux trois premiers livres et doit donc nous placer avant la fin du iie siècle av. J.-C. et la rédaction du livre IV. Le texte a été rapproché par D.  Marcotte du Peri gês d’Apollodore d’Athènes, en particulier du fait de sa versification en trimètres iambiques. La différence d’approche entre les deux œuvres est toutefois notable, celle du pseudo-Scymnos ayant volontairement un caractère « archéologique » en faisant référence à des auteurs ne dépassant pas le ive siècle av. J.-C. D. Marcotte a proposé de voir dans le texte du pseudo-Scymnos une autre œuvre d’Apollodore, qui correspondrait au Γῆς Περίοδος cité par Strabon (14.5.22)78. F. Jacoby considère que la phrase de Strabon est une interpolation79. Si la détermination par D. Marcotte de deux genres différents, la périodos et la périégèse, correspond effectivement à une réalité littéraire, la confusion générale des titres des ouvrages dans les citations des auteurs anciens rend délicate une distinction entre deux œuvres basée sur ce seul critère80. 78   Marcotte  2000, p.  44-46. Cette hypothèse n’emporte pas l’adhésion de tous les historiens. A. Diller proposait Pausanias de Damas (Diller  1952, p.  177)  ; M.  Korenjak ne tranche pas entre Apollodore et Pausanias de Damas (Korenjak  2003). K.  Boshnakov l’attribue à un auteur peu connu, Sémos de Délos (Boshnakov  2004). Enfin, B.  Bravo réfute totalement l’identification avec Apollodore, mais avec une argumentation qui reste fragile (Bravo 2009). 79  Jacoby 1902, p. 24-25 n. 28. 80   Voir à titre d’exemple les différences de titre de l’œuvre d’Hécatée mentionnée en note (infra p. 201).

Les mentions dans les Ethniques L’Épitomé a gardé le nom d’un Scymnos, dont les mentions, peu nombreuses, sont regroupées dans le tableau ci-dessous (fig. 37). Une comparaison entre le texte du pseudo-Scymnos et Stéphane de Byzance montre que tous les toponymes et ethnonymes du poème se rapportant à notre corpus se retrouvent dans les notices de l’Épitomé. On trouve ainsi Agathê  [2] (v.  208), Atlantikê thalassa [33] (v. 139), Bebrukes [46] (v. 201), Gadeira [59] (v. 161), Emporion [84] (v. 204), Erutheia [85] (v. 153), Ibêres [100] (v. 199), Ibêria [100] (v. 206), Kurnos [130] (v. 223), Mainakê [142] (v. 147), Massalia « Φωκαέων ἀποικία  »  [144] (v.  209-210), Olbia  [167] (v.  216), Rhodanousia  [184] (v.  208), Rhodê  [185] (v.  204), Tartêssos  [211] (v.  164), Tartêssioi  [211] (v.  199) et Tauroeis [213] (v. 215). On doit certainement rajouter Keltoi (v. 173 et 183) et Keltikê (v. 165 et 167) dans la lacune de l’Épitomé. Deux absents, Rhodanos (Ῥοδανὸς) et Antipolis (Ἀντίπολις) doivent certainement aux abréviations successives d’avoir disparu du texte de Stéphane de Byzance  ; ils venaient probablement en complément d’autres toponymes. Ainsi, l’ethnonyme des Ligues [133] (v. 202) apparaît à la notice de Ligustinê [134]81. L’ensemble semble remonter à des sources qui ne seraient pas antérieures au ive siècle av. J.-C.82. D. Marcotte a bien montré que le corpus géographique constitué par Marcien d’Héraclée (cf. supra p. 187-188) a été utilisé tel quel par Stéphane de Byzance 83. Ceci implique que l’œuvre du pseudo-Scymnos a été lue par 81   D.  Marcotte a d’ailleurs utilisé cette forme à la place de Ligustikê (v. 211 et 217), selon nous probablement à tort. 82   Voir en particulier l’édition de Marcotte  2000. Pour M. Bats, c’est avant tout le Circuit de la terre d’Ératosthène qui a servi de source (Bats 2003, p. 149-150). 83  Marcotte 2000, p. cxxvii-cxxx.

200

Troisième Partie : Auteurs-sources et connaissance des espaces géographiques

Stéphane de Byzance, dans sa version intégrale84. La seule mention d’auteur dans les notices citées ci-dessus est Scymnos (notice Agathê [2]), mais plusieurs citations en sont faites (dont deux vers cités intégralement – et anonymement – dans la notice Dionusou polis, δ 90). Nous n’avons pas la preuve irréfutable que l’œuvre que Stéphane de Byzance place sous le nom de Scymnos est bien le texte que nous avons conservé. Toutefois, nous pensons que la clef de concordance se trouve dans les deux notices que nous rattachons au pseudo-Scymnos : Agathê d’une part et Bebrukes de l’autre. Concernant la première notice, nous avons vu dans la première partie de notre étude que le début de l’œuvre de Stéphane de Byzance a été peu réduit par rapport aux livres suivants (une seule abréviation). Nous avons normalement conservé ici une notice qui donne une bonne partie de ses sources. La citation de Scymnos à propos de la possession de la ville par les Phocéens (« Scymnos la dit des Phocéens dans l’Europe  ») reprend les vers  207-208  : «  les Phocéens fondateurs de Marseille tinrent Agathê (…) »85. Or Agde étant une fondation des Marseillais (Strabon 4.1.6), cette information est d’importance : dans l’état actuel de nos connaissances, le texte du pseudo-Scymnos est le seul à rattacher la fondation de cette ville aux Phocéens et non aux Marseillais. Pour le peuple des Bebrukes [46], la mention de l’Épitomé n’a pas conservé le nom de l’auteur mais ce qui a été dans un premier temps interprété comme la détermination géographique (πρὸς τοῖς Ἴβηρσιν ἐν τῇ Εὐρώπῇ) n’est pas logique et ne se retrouve pas dans les autres notices : jamais un géonyme n’est rattaché à l’Europe. En fait, il faut restituer le nom de l’auteur juste avant ( ἐν τῇ Εὐρώπῇ), et nous retrouvons la même manière de nommer l’œuvre que pour la notice Agathê. La correspondance des deux n’est pas un hasard. Autant on pouvait imaginer que le nom d’Agathê pouvait se retrouver dans de nombreux périples et periodoi, du fait de l’importance du port sur la route des côtes de Méditerranée occidentale, autant le faible nombre de mentions des Bebrukes ne permet pas d’envisager de multiples auteurs. À notre sens, il ne fait aucun doute que le texte que Stéphane de Byzance place sous l’autorité de Scymnos est bien celui qui nous a été partiellement conservé sous le nom de pseudo-Scymnos.

84  Il manque à la fin de notre texte un quaternion, ce qui nous prive d’une partie de la periodos (Marcotte 2000, p. lxxix). 85  Marcotte 2000, p. 112.

L’auteur réel S’agit-il pour autant du vrai Scymnos de Chios  ? F.  Gisinger a rassemblé les fragments attribués à Scymnos de Chios, au nombre de neuf seulement86. Ils laissent perplexe : nous avons la mention d’un périple (fr. 1, livre 10 du Périple d’Asie), une périégèse (fr. 6, dans le livre I de la Périégèse), deux (?) autres fragments provenant du périple ou de la périégèse (fr. 7, livre 16 sur l’Europe et probablement le fr. 9 qui mentionne les îles Britanniques) et une œuvre qui pourrait être en deux livres comme pour Hécatée, l’un sur l’Europe (fr. 8) et le second sur l’Asie (fr. 2 et 3) ; enfin deux fragments sont sans dénomination (fr. 4 et 5). Toutes ces mentions fontelles bien référence à la même œuvre ? L’auteur que Stéphane de Byzance connaît sous le nom de Scymnos est, nous venons de le voir, le même que l’auteur anonyme de la periodos, qui devait se diviser en deux livres, l’un sur l’Europe et le second sur l’Asie. Il n’aurait rien à voir avec le vrai Scymnos de Chios, cité par des auteurs ne dépassant pas le iie siècle de notre ère : Apollonios de Tyane (fr. 9), le scholiaste d’Apollonios de Rhodes (fr. 3, 5 et 7) et Hérodien (fr. 1). La Périégèse du vrai Scymnos de Chios comportait au moins 16 livres. Il reste difficile de se prononcer sur l’identité réelle du pseudo-Scymnos. Si l’interprétation de D. Marcotte, qui attribue l’œuvre du pseudo-Scymnos à Apollodore d’Athènes est exacte, il faut imaginer que déjà du temps du lexique-source (milieu du iie siècle de notre ère), d’où proviennent les mentions d’Apollodore d’Athènes, la connaissance d’une œuvre spécifique de cet auteur sous forme de periodos avait totalement disparu puisque pour 15 mentions certaines du livre II de sa Périégèse, et un nombre plus grand des Chroniques, aucun n’existe pour la Périodos. Il nous semble nécessaire de prolonger l’hypothèse d’un rattachement à Apollodore d’Athènes que propose D. Marcotte et qui nous semble très pertinente. Il faut d’abord noter que les fragments que nous avons conservés de l’œuvre du pseudo-Scymnos chez Stéphane de Byzance ne dépassent pas, assez étrangement, le PontEuxin (et non la seule Europe puisqu’on trouve la mention des Kolchoi, près du Phase, donc dans la partie asiatique du Pont-Euxin). Cela pourrait peut-être signifier qu’à l’époque de Stéphane de Byzance (et donc également de Marcien) la periodos ne concernait pas le reste du pourtour méditerranéen. De manière plus précise, nous constatons pour notre part que le texte du pseudo-Scymnos (y compris dans les fragments réunis dans l’édition 86 

Gisinger 1927.

1. Les sources de Stéphane de Byzance et leur utilisation pour l’Europe occidentale de D. Marcotte) ne va pas au-delà de la Bithynie, comme si ce royaume, qui est celui du dédicataire de l’œuvre, servait finalement à séparer la description du monde en deux parties égales. Il manquerait alors un second livre, non conservé, qui aurait poursuivi le parcours du reste de la Méditerranée et du monde alors connu. Selon nous, ce livre était déjà absent de l’édition de Marcien qui aurait subdivisé artificiellement le livre restant entre l’Europe et l’Asie. Si l’on regarde maintenant les fragments attribués au Peri Gês d’Apollodore tels qu’ils ont été rassemblés par D. Marcotte, on compte 28 fragments dont 10 se rattachent à l’Asie, 9 à la Lybie/Afrique. Pour les neuf restants, nous proposons d’en rapporter quatre aux Chroniques d’Apollodore87, ce qui laisse peu de mentions pour l’Europe (et sur les cinq, trois se rapportent spécifiquement à des fleuves). Si l’on rapproche ces observations de celles qui se rapportent au pseudo-Scymnos, nous avons d’une part une periodos qui ne va pas au-delà du Pont (et qui pourrait alors constituer le livre I d’un ouvrage en deux livres comme l’était la Périégèse d’Hécatée) et un Peri Gês qui semble surtout se concentrer sur l’Asie et l’Afrique et qui n’est connu que par son livre II. La question étant alors : pourrait-il s’agir d’une même œuvre qui aurait été séparée très tôt en deux parties, celle de la partie à l’ouest de la Bithynie se retrouvant ensuite dans l’édition de Marcien sous le nom factice de Scymnos tandis que l’autre aurait connu une diffusion en gardant le nom d’Apollodore  ? Pour D.  Marcotte, l’absence de mention du livre I du Peri Gês d’Apollodore se justifie par des propos de géographie mathématique et théorique, à l’image de ce que l’on trouve par exemple dans les livres I et II de la Géographie de Strabon ou chez Ératosthène88. Bien sûr, dans notre hypothèse, il resterait à trouver la justification des quelques mentions du Peri Gês se rapportant à l’Europe, mais on ne peut s’empêcher de trouver ce rapprochement troublant. 1.1.4. Hécatée de Milet (v. 500. av. J.-C.), un auteur édité par Marcien ? Hécatée représente, de loin, l’auteur qui est le plus cité dans les Ethniques. Dans l’Épitomé, il en subsiste encore plus de 300 mentions. Huit d’entre elles proviennent de ses Généalogies et trois d’une œuvre mal identifiée que l’on appelle Éolide. 87  Odêssos [F 11], Ôrikos [F 13] et Teberis [F 17]. Pour Tauroeis [F 18 Marcotte], voir fiche [213]. 88  Marcotte 2000, p. 32 sq.

201

L’auteur et son œuvre Hécatée est le plus ancien des géographes dont l’œuvre soit documentée89. Sa vie nous est connue par des mentions d’Hérodote, ionien comme lui mais qui écrit plus d’un demi-siècle après sa mort, intervenue autour de 480 av. J.-C. Il joue un rôle assez important dans l’entourage du tyran Aristagoras de Milet à la fin du vie s. av. J.-C. Son œuvre principale 90, la Périégèse (Περιηγήσις ou Περίοδος γῆς) 91 ne comprenait que deux livres  : l’un sur l’Europe et l’autre sur l’Asie 92. Les indications de Stéphane de Byzance sont variables mais se résument finalement à ces seuls deux livres  : le premier regroupe toutes les mentions «  européennes  » (livre appelé Europe ou livre I) ; le second livre (appelé Asie ou livre II) comprend l’Asie et très probablement l’Afrique. On trouve des dénominations variables pour les toponymes égyptiens, éthiopiens ou libyens : « ἐν β’ Περιηγήσεως »93, « ἐν Περιηγήσει Αἰγύπτου »94, « ἐν Περιηγήσει Λιβύης »95, « ἐν αὐτῆς Περιηγήσει »96 et « ἐν Περιηγήσει Ἀσίας »97. Il n’est pas certain que le découpage en deux livres soit d’origine mais c’est en tout cas sous cette forme que Stéphane de Byzance le cite. Écrite autour de 500 avant notre ère, sa Périégèse nous est connues par 374 fragments98, dont 304 proviennent de l’Épitomé. Une carte accompagnait vraisemblablement l’ouvrage99 ; le monde connu était groupé autour de la Méditerranée (mer intérieure) et entouré par l’Océan. Malgré les réductions opérées par le premier abréviateur et ses successeurs, certaines citations ont été conservées (cf. par exemple la notice Medmê [150]). 89  FGrHist n o  1  ; Duval  1971, n o  4 p.  175-177  ; THA IIB, no 22, p. 136-155. 90  Son autre œuvre connue s’intitule les Généalogies (en quatre livres), parfois appelée Histoires. Cf. FGrHist 1 F 13-18. 91   On trouve les deux dénominations chez les auteurs qui le citent. Periêgêsis  : Harpocration (FGrHist 1  F  37) et Athénée (FGrHist 1 F 291). Periodos gês : Harpocration (FGrHist 1 F 125) et Hérodote (FGrHist 1 F 36b). 92  Duval 1971, p. 175 en mentionne trois, en ajoutant l’Afrique. 93  s.v. Atharrabis, α 79. 94  s.v. Chemmis, χ 39 ; Liêbris, λ 63 ; Tabis, τ 4 ; Husaeis, υ 49 ; Skiapodes, σ 204. 95  s.v. Eleneios, ε 43, Kramboutis, κ 202, Oneibatis, ο 71. 96  s.v. Senos, σ 120 ; Suis, σ 310 ; Neilos, ν 30. 97  s.v. Krôs, κ 239. 98  La première compilation des fragments remonte à Klausen 1831. Nous utiliserons la numérotation des fragments d’après les FGrHist ; voir également, plus récemment, Nenci 1954. 99  On considère généralement qu’Hérodote (Hist. 4.36) parle de la carte de son prédécesseur. Cf. FGrHist 1 F 36.

202

Troisième Partie : Auteurs-sources et connaissance des espaces géographiques

La transmission du texte, peut-être encore lisible au vie siècle, interroge fortement. On trouve une correspondance entre les géonymes d’Hécatée et des lemmes utilisés par les grammairiens tardifs s’inspirant de la doctrine hérodienne. C’est le cas du pseudo-Arcadius et de Theognostos (voir notices Medmê [150], Elisukoi [82], Molubdinê [153], Sixos [202]). Cette similitude troublante pourrait trouver son origine dans les travaux d’Oros, dont nous avons bien montré supra (p. 119 sq.), qu’ils constituaient le chaînon entre Hérodien et les grammairiens byzantins. Il est tout à fait possible qu’un lexique des géonymes d’Hécatée ait été réalisé par Hérodien ou son entourage pour ses propres travaux. Il aurait pu être intégré par Oros dans son manus­crit du lexique-source. Toutefois, au vu du nombre de mentions et de citations données par Stéphane de Byzance, nous pensons que l’œuvre originale était encore consultable au début du vie siècle de notre ère : retrouvée par les érudits du ive siècle (Marcien, Aviénus, …), elle aurait peut-être été éditée par Marcien à la suite des textes que nous avons conservés. Cette hypothèse expliquerait que les Ethniques soient le seul ouvrage à avoir ces mentions d’Hécatée100. Notons que les deux hypothèses ne s’excluent pas puisque nous savons qu’Oros avait lu l’Abrégé d’Artémidore dans l’édition de Marcien (cf. supra p. 189) et qu’il est donc vraisemblablement un chaînon de transmission. L’Épitomé nous a conservés encore quelques références issues de ses autres œuvres. Des Genealogiai ou Historiai proviennent plusieurs mentions des livres I, II et IV101. Enfin, de l’Éolide proviennent trois mentions102. Toutes nous ont très certainement été transmises à travers le filtre du lexique-source. Les mentions de la Périégèse dans l’Épitomé Examinons d’abord le lexique issu de sa Périégèse (fig. 38) ; nous avons ici limité les lemmes à ceux issus du livre I, sur l’Europe. 100  Si le texte était situé à la fin de l’édition de Marcien, une perte précoce de cahiers dans l’ancêtre du manus­crit  D (comme dans D lui-même d’ailleurs) aurait pu entraîner sa disparition sans qu’il ne soit jamais copié après Stéphane de Byzance. 101 Livre I : Amphanai (α 288), ville des Doriens ; Oinê (ο 25), ville d’Argye ; Phalanna (φ 12), ville de Perraibia. Livre II : Chadisia (χ  2), ville des Leukosuroi, avec citation  ; Psôphis (ψ  21), ville d’Arcadie, avec citation. Livre IV : Melia (μ 126), ville de Carie ; Mugissos (μ 227), ville de Carie ; Tremilê (τ 178), ville de Lycie. 102  Amazoneion (α 245), lieu d’Attique ; Gargara (γ 34), ville d’Éolide ; Melêteios kolpos (μ 125), golfe.

Les indications géographiques

De façon générale, le rattachement géographique est assez simple, en fonction d’entités géographiques qui sont plus ou moins grandes (Ibêria, Ligustikê, Italia, …), ou de peuples (Mastiênoi, Tursênoi, Ausonoi, …). Il s’agit très certainement d’une manière de nommer qui tient compte du déroulé du texte d’Hécatée et qui remonte à l’auteur du lexique (Hérodien ? Oros ?). Le tout devait donc être homogène au départ, avant d’être intégré dans les Ethniques et subir quelques modifications lors des phases successives d’abréviation. Voici les caractéristiques de ce lexique : – les villes103 sont rattachées soit à un ensemble géographique (Sikelia, Thessalia, …) soit à un peuple (Lokroi, Taulantioi, …) mais cette indication est normalement homogène au sein d’un même espace géographique. Parfois des précisions complémentaires sont apportées  : ville «  non loin des Colonnes d’Hercule  » (Kalathê  [114]), «  autour de Naupacte  » (Olukrê, ο  56),  … Les villes sur les îles ou les presqu’îles sont localisées par ἐν et le nom de l’île au datif (ἐν Λεσβῳ, ἐν Λήμνῳ). – les îles sont souvent repérées par rapport à des lieux remarquables (Kurnos, κ 291 ; Hudrea, υ 17 ; Lêmnos, λ 46 …). – les peuples sont rattachés à une entité supérieure  : des Ibères (Misgêtes, μ  194), des Ligyens (Elisukoi, ε 60) … ; ou bien situés par rapport à d’autres peuples, avec l’emploi fréquent de προσεχές/προσεχεῖς (Peuketiantes, π 129 ; Liburnoi, λ 55 ; Suôpioi, σ 332 ; Dexaroi, δ 52 ; Impheis, ι 60) ou d’une locution prépositive comme πρὸς. Dans de rares cas, il semble que l’on ait un ktétique : Ἰβηρικὸν (Hesdêtes, ε 139), Μολοσσικὸν (Orestai, ο 87). Les indications sont parfois un peu plus complètes, comme celles qui concernent les «  Œnotriens de la Terre du milieu », Οἰνώτρων ἐν μεσογείᾳ. Cette forme est suffisamment caractéristique pour pouvoir attribuer de façon certaine à Hécatée les lemmes qui l’utilisent. L’aspect le plus caractéristique d’Hécatée est la forme des ethniques qu’emploie cet auteur. Leur formation est semble-t-il de manière quasi systématique en -ιος (par exemple Γαλήψιος pour Γαληψός, γ 24), ou en -αῖος pour les noms terminant en -α ou -η (par exemple Βαιακαῖος pour Βαιάκη, β 12). Les formes sont similaires pour les 103 

et 2007.

Sur l’usage du terme πόλις chez Hécatée, voir Hansen 1997

1. Les sources de Stéphane de Byzance et leur utilisation pour l’Europe occidentale

203

Figure 38 – Les mentions du livre I de la Périégèse d’Hécatée. Abréviation

Nom

Définition géographique

Ethnique

Œuvre

Commentaire

πόλις Κελτική

τὸ ἐθνικὸν Νυράκιος, ὡς παρὰ τὴν Νάρυκα Ναρύκιος

Εὐρώπῃ

 

 

 

 

 

ESPAGNE - GAULE Κελτική  S2

Νύραξ

Ἰβηρία S2

Ἰλαραυγᾶται

οἱ Ἴβηρες

 

Εὐρώπῃ

+ mention du fleuve

S3 ?

Ἐλβέστιοι

[ἔθνος Λιβύης]

 

Εὐρώπῃ

en complément de Philistos

S2

Ἕσδητες

ἔθνος Ἰβηρικόν

 

Εὐρώπῃ

 

S2

Μίσγητες

ἔθνος Ἰβήρων

 

Εὐρώπῃ

 

S2

Κραβασία

πόλις Ἰβήρων

τὸ ἐθνικὸν Κραβάσιος

Εὐρώπῃ

 

S3

Σικάνη

πόλις Ἰβηρίας

τὸ ἐθνικὸν Σικάνιος

Εὐρώπῃ

 

S2

Ὕοψ

πόλις ἐν Ἰβηρίᾳ χερρονήσου

τὸ ἐθνικὸν Ὑόπιος ἀπὸ τῆς Εὐρώπῃ γενικῆς

 

S2

Κρομύουσα

νῆσος Ἰβηρίας

τὸ ἐθνικὸν Κρομυούσιος

Εὐρώπῃ

 

S2

Μήλουσα

νῆσος κατὰ Ἴβηρας

τὸ ἐθνικὸν Μηλουσαῖος

Εὐρώπῃ

 

 

 

 

 

Ταρτησσός S3 ?

Ἐλιβύργη

πόλις Ταρτησσοῦ

τὸ ἐθνικὸν Ἐλιβύργιος

Εὐρώπῃ

 

Ἡρακλείαι στήλαι

 

 

 

 

S2

πόλις οὐ πόρρω τῶν Ἡρακλείων στηλῶν

 

Εὐρώπῃ

 

 

 

 

 

Καλάθη

Μαστιηνοί S3

[Μαστιανοί]

[ἔθνος πρὸς ταῖς Ἡρακλείαις στήλαις]

 

Εὐρώπῃ

 

S3

Μαινόβωρα

πόλις Μαστιηνῶν

τὸ ἐθνικὸν Μαινοβωραῖος ?

Εὐρώπῃ

 

S2

Μολυβδίνη

πόλις Μαστιηνῶν

 

Εὐρώπῃ

 

S3

Σίξος

πόλις Μαστιηνῶν

 

 

 

 

 

 

 

Λιγυστική S3 ?

Ἐλίσυκοι

ἔθνος Λιγύων

 

Εὐρώπῃ

 

S2

[Νάρβων]

[ἐμπόριον καὶ πόλις Κελτική]

Ναρβαίοi

 

variante de l’ethnique

S2

Ἄμπελος

πόλις τῆς Λιγυστικῆς

 

Εὐρώπῃ

 

S3

Μασσαλία

πόλις τῆς Λιγυστικῆς [κατὰ τὴν Κελτικήν], ἄποικος Φωκαέων

 

Εὐρώπῃ

 

S2

Μόνοικος

πόλις Λιγυστική

τὸ ἐθνικὸν Μονοίκιος

Εὐρώπῃ

 

 

 

 

 

νῆσος Τυρσηνῶν

 

Εὐρώπῃ

 

 

 

Εὐρώπῃ

 

ITALIE Τυρσηνοί S1

Αἰθάλη

Οἰνωτρία S2

  Ἀρίνθη

πόλις Οἰνώτρων ἐν μεσογείᾳ

Οἰνώτρος

S2

Ἀρτεμίσιον

πόλις Οἰνώτρων ἐν μεσογείῳ

 

Εὐρώπῃ

 

S2

Ἔριμον

πόλις Οἰνώτρων ἐν μεσογείῳ

 

 

 

204

Troisième Partie : Auteurs-sources et connaissance des espaces géographiques

Figure 38 (suite) – Les mentions du livre I de la Périégèse d’Hécatée. Abréviation

Nom

Définition géographique

Ethnique

Œuvre

Commentaire

S2

Ἰξιάς

πόλις Οἰνώτρων ἐν μεσογείᾳ

 

Εὐρώπῃ

 

S2

Κόσσα

πόλις Οἰνώτρων ἐν τῷ μεσογείῳ

οἱ πολῖται Κοσσανοί ?

 

 

S2

Κυτέριον

πόλις Οἰνώτρων ἐν τῇ μεσογείᾳ

τὸ ἐθνικὸν Κυτεριώτης ?

Εὐρώπῃ

 

S3

Μαλάνιος

πόλις μία μεσογείας τῶν Οἰνώτρων τὸ ἐθνικὸν Μαλάνιος

Εὐρώπῃ

 

S2

Μενεκίνη

πόλις Οἰνώτρων ἐν μεσογείᾳ

τὸ ἐθνικὸν Μενεκιναῖος

Εὐρώπῃ

 

S2

Νίναια

πόλις Οἰνώτρων ἐν τῇ μεσογείᾳ

τὸ ἐθνικὸν Νιναῖος

Εὐρώπῃ

 

S3

Πάτυκος

πόλις Οἰνώτρων ἐν μεσογείᾳ

τὸ ἐθνικὸν Πατυκίτης ?

 

 

S3

Πύξις

πόλις ἐν μεσογαίῃ τῶν Οἰνώτρων

τὸ ἐθνικὸν Πύξιος

 

 

S3

Σέστιον

πόλις ἐν μεσογείᾳ Οἰνώτρων

 

 

 

S3

Πευκετίαντες

ἔθνος τοῖς Οἰνώτροις προσεχές

 

Εὐρώπῃ

 

 

 

 

 

πόλις Αὐσόνων

τὸ ἐθνικὸν Νώλιος

Εὐρώπῃ

 

 

 

 

 

Αὔσων S2

Νῶλα

Ἰταλία S2

Καπύα

πόλις Ἰταλίας

 

Εὐρώπῃ

 

S2

Καυλωνία

πόλις Ἰταλίας

 

 

également pour les indications chronomythologiques

S2

Κρόταλλα

πόλις Ἰταλίας

τὸ ἐθνικὸν Κροταλλαῖος, ὡς Ἄβολλα Ἀβολλαῖος

Εὐρώπῃ

 

S2

Λαμητῖνοι

πόλις

ὁ πολίτης Λαμητῖνος.

Εὐρώπῃ

 

S3

Λοκροὶ Ἐπιζεφύριοι

πόλις Ἰταλίας

οἱ πολῖται Λοκροί ὁμωνύμως. τὸ ἐθνικὸν Λόκριος ὡς Κύπριος

Εὐρώπῃ

 

S2

Μέδμη

πόλις Ἰταλίας καὶ κρήνη ὁμώνυμος

ὁ πολίτης Μεδμαῖος

Εὐρώπῃ

 

S2

Καπρίη

νῆσος Ἰταλίας

τὸ ἐθνικὸν Καπριάτης ?

Εὐρώπῃ

 

S3

Σκύλλαιον

Ἰαπυγία

ἄκρα

τὸ ἐθνικὸν Σκυλλαῖος

ἐν Εὐρώπῃ

 

 

 

 

 

S2

Ἰαπυγία

ἐν τῇ Ἰταλίᾳ

τὸ ἐθνικὸν Ἰᾶπυξ καὶ Ἰαπύγιος καὶ Ἰαπυγία

 

 

S1

Χανδάνη

πόλις Ἰαπυγίας

 

Εὐρώπῃ

 

S3 ?

Ἐλεύτιοι

ἔθνος τῆς Ἰαπυγίας

τὸ ἐθνικὸν ὁμοίως

Εὐρώπῃ

 

S2

Κύρνος

νῆσος πρόσβορρος Ἰαπυγίας

τὸ ἐθνικὸν Κύρνιοι

Εὐρώπῃ

 

 

 

 

 

Σικελία S2

Ζάγκλη

πόλις Σικελίας

 

Εὐρώπῃ

 

S2

Ἱμέρα

πόλις Σικελίας

 

Εὐρώπῃ

 

S2

Κατάνη

πόλις Σικελίας

 

Εὐρώπῃ

 

S2

Μοτύη

πόλις Σικελίας

τὸ ἐθνικὸν Μοτυαῖος

Εὐρώπῃ

seulement pour les indications chronomythologiques ?

S2

Μυλαί

πόλις Σικελίας

 

Εὐρώπῃ

 

S3

Σολοῦς

πόλις Σικελίας

 

Εὐρώπῃ

 

S2

Συράκουσαι

πόλις Σικελίας μεγίστη

τὸ ἐθνικὸν Συρακούσιος ? Εὐρώπῃ

 

S3

Λιλύβαιον

ἡ πρὸς δύσιν ἄκρα τῆς Σικελίας

τὸ ἐθνικὸν Λιλυβαῖος

 

Εὐρώπῃ

1. Les sources de Stéphane de Byzance et leur utilisation pour l’Europe occidentale

205

Figure 38 (suite) – Les mentions du livre I de la Périégèse d’Hécatée. Abréviation

Nom

Définition géographique

Ethnique

Œuvre

Commentaire

ENTRE ITALIE ET GRÈCE Ἀδρία

 

 

 

 

S1

Ἀδρία

πόλις, καὶ παρ’ αὐτὴν κόλπος Ἀδρίας καὶ ποταμὸς ὁμοίως

 

 

 

S1

Ἄβροι

ἔθνος πρὸς τῷ Ἀδρίᾳ Ταυλαντίνων

 

 

 

 

 

 

 

Λιβυρνοί S3

Λιβυρνοί

ἔθνος προσεχὲς τῷ ἐνδοτέρῳ μέρει τοῦ Ἀδριατικοῦ κόλπου

Λιβυρναῖοι

Εὐρώπῃ

 

S2

Μέντορες

ἔθνος πρὸς τοῖς Λιβυρνοῖς

 

Εὐρώπῃ

 

S2

Συώπιοι

ἔθνος προσεχὲς τοῖς Λιβυρνοῖς

 

Εὐρώπῃ

 

S2

Ὑθμῖται

ἔθνος πρὸς Λιβυρνοῖς καὶ Συωπίοις  

Εὐρώπῃ

 

 

 

 

 

Ἰλλυρία S2

[Οἰδάντιον]

[πόλις Ἰλλυριῶν]

τὸ ἐθνικὸν Οἴδαντες

 

uniquement l’ethnique

S2

Ἰαπυγία

ἐν τῇ Ἰλλυρίδι

τὸ ἐθνικὸν Ἰᾶπυξ καὶ Ἰαπύγιος καὶ Ἰαπυγία

 

 

S1

Χελιδόνιοι

ἔθνος Ἰλλυρικόν

 

Εὐρώπῃ

 

S3 ?

 

[ἔθνος Ἰλλύριον]

Ἐγχελέαι

Εὐρώπῃ

 

 

 

 

 

Σεσάρηθος

πόλις Ταυλαντίων

τὸ ἐθνικὸν Σεσαρήθιος

 

 

 

 

 

 

Λάκμων

ἄκρα τοῦ Πίνδου ὄρους

τὸ ἐθνικὸν Λακμώνιος

ἐν πρώτῳ

 

 

 

 

 

λιμήν Ἠπείρου

 

Εὐρώπῃ

variante de nature

 

 

 

 

[μέση τῆς Ἠπείρου]

 

Εὐρώπῃ

variante de ktétique

Ταυλαντίοι S3 Πίνδος S2 Ἠπείρος S1

Ὤρικος

Χαονία S1

Χαονία

S2

Βαιάκη

πόλις τῆς Χαονίας

τὸ ἐθνικὸν Βαιακαῖος

 

 

S2

Δέξαροι

ἔθνος Χαόνων, τοῖς Ἐγχελέαις προσεχεῖς

 

Εὐρώπῃ

 

 

 

 

 

Μολοσσία S

Δωδώνη

[πόλις τῆς Μολοσσίδος ἐν Ἠπείρῳ] Δωδωναῖοι

Εὐρώπῃ

variante de l’ethnique

S2

Ὀρέσται

Μολοσσικὸν ἔθνος

Εὐρώπῃ

 

 

 

 

 

S2

Ἴστροι

ἔθνος ἐν τῷ Ἰονίῳ κόλπῳ

τὸ ἐθνικὸν

Εὐρώπῃ

 

S2

Καυλικοί

ἔθνος κατὰ τὸν Ἰόνιον κόλπον

 

Εὐρώπῃ

 

 

 

 

 

Ἰόνιος κόλπος

 

GRÈCE Ἀκαρνανία S2

Ἐπιλευκάδιοι

πόλις μετὰ Ἀκαρνανίαν

τὸ ἐθνικὸν Ἐπιλευκάδιος ὁμοίως

Εὐρώπῃ

 

S3

Λύζεια

πόλις Ἀκαρνανίας

τὸ ἐθνικὸν Λυζεύς καὶ Λύζεια ?

Εὐρώπῃ

 

 

 

 

 

πόλις Αἰτωλίας

τὸ ἐθνικὸν ὁμοίως τῷ ἁπλῷ Ὑποχαλκιδεύς ?

Εὐρώπῃ

 

Αἰτωλία S2

Ὑποχαλκίς

206

Troisième Partie : Auteurs-sources et connaissance des espaces géographiques

Figure 38 (suite) – Les mentions du livre I de la Périégèse d’Hécatée. Abréviation

Nom

Φωκίς

Définition géographique

Ethnique

Œuvre

Commentaire

 

 

 

 

S2

Φωκίς

χώρα περὶ τὸν Παρνασσόν

 

Εὐρώπῃ

 

S2

Κρῖσα

πόλις Φωκίδος

τὸ ἐθνικὸν Κρισαῖος

Εὐρώπῃ

 

S1

Χαιρώνεια

πόλις πρὸς τοῖς ὅροις Φωκίδος

 

Εὐρώπῃ

 

 

 

 

 

S2

Γέφυρα

[πόλις Βοιωτίας]

 

 

 

S2

Κορώνεια

πόλις Βοιωτίας

 

Εὐρώπῃ

 

 

 

 

 

S2

Θορικός

πόλις

 

 

variante du dème

S3 ?

Ἑλένη

νῆσος τῆς Ἀττικῆς

τὸ ἐθνικὸν Ἑλεναῖος ὡς Κασμεναῖος

Εὐρώπῃ

 

 

 

 

 

Κόρινθος

πόλις ἔσω τοῦ ἰσθμοῦ τῆς Πελοποννήσου

 

Εὐρώπῃ

 

 

 

 

 

Μήκιστον

πόλις Τριφυλίας

 

Εὐρώπῃ

 

 

 

 

 

Βοιωτία

Ἀττική

Κόρινθος S2 Τριφυλία S2 Αργολίδα S2

Ὑδρέα

Λοκρίς

νῆσος πρὸς τῇ Τροιζῆνι

 

Εὐρώπῃ

 

 

 

 

 

S2

Οἰάνθη

πόλις Λοκρῶν

 

Εὐρώπῃ

 

S1

Χάλαιον

πόλις Λοκρῶν

 

Εὐρώπῃ

 

S2

Ὀλύκραι

πόλις περὶ Ναύπακτον

τὸ ἐθνικὸν Ὀλυκραῖος

περιηγήσει Εὐρώπης

 

S2

Κῦνος

πόλις [Ὀποῦντου]

 

 

variante de nature

 

 

 

 

S2

Ὀρέστη

πόλις

τὸ ἐθνικὸν Ὀρέσται ὁμοίως

Εὐρώπης περιηγήσει

 

S1

Χαλκίς

πόλις Εὐβοίας

 

Εὐρώπῃ

 

 

 

 

 

S2

Εὐρυμεναί

πόλις Θεσσαλίας

ὁ πολίτης Εὐρυμένιος ὡς Κλαζομένιος

Εὐρώπῃ

 

S2

Φωτίναιον, προπαροξυτόνως

πόλις Θεσσαλίας

 

περιηγήσει Εὐρώπης

 

S2

Κραννών

πόλις τῆς Θεσσαλίας τῆς Πελασγιώτιδος ἐν τοῖς Τέμπεσιν

ὁ πολίτης Κραννώνιος

Εὐρώπῃ

 

S2

Ἰτώνη

χώρα [Θεσσαλίας]

 

Εὐρώπῃ

variante de Ἴτων

Εὐβοία

Θεσσαλία

S2

Ὀλιζών

πόλις Θετταλίας

τὸ ἐθνικὸν Ὀλιζώνιος

Εὐρώπῃ

 

S2

Ἰμφεῖς

ἔθνος προσεχὲς τοῖς Περραιβοῖς

 

Εὐρώπῃ

 

THRACE – MER NOIRE Θρᾴκη

 

 

 

 

S2

Βάντιοι

ἔθνος Θρᾴκης

 

 

 

S2

Δατύλεπτοι

ἔθνος Θρᾴκης

 

Εὐρώπῃ

 

S2

Ἐντριβαί

ἔθνος Θρᾴκης

 

Εὐρώπῃ

 

S3

Σάτραι

ἔθνος Θρᾴκης

 

ἐν Εὐρώπῃ

 

S3

Σατροκενταί

ἔθνος Θρᾴκης

 

ἐν Εὐρώπῃ

notice doublon avec la précédente ?

1. Les sources de Stéphane de Byzance et leur utilisation pour l’Europe occidentale

207

Figure 38 (suite) – Les mentions du livre I de la Périégèse d’Hécatée. Abréviation

Nom

Définition géographique

Ethnique

Œuvre

Commentaire

S2

Δάρσιοι

ἔθνος Θρᾴκιον

 

Εὐρώπῃ

 

S2

Δισοραί

ἔθνος Θρᾴκιον

 

Εὐρώπῃ

 

S2

Τρίσπλαι

ἔθνος Θρᾴκιον

 

Εὐρώπῃ

 

S3

Σινδοναῖοι

Θρᾴκιον ἔθνος

 

ἐν Εὐρώπῃ

 

S3 ?

Ξάνθοι

ἔθνος Θρᾴκιον

 

Εὐρώπῃ

 

S2

Δεσιλοί

ἔθνος Θρᾳκικόν

 

Εὐρώπῃ

 

S1

Αἰζική

Θρᾴκης μέρος

 

Εὐρώπῃ

 

S1

Αἰγιαλός

Θρᾴκης παρὰ τῷ Στρυμόνι

 

 

variante homonyme

S2

Δρῦς

πόλις Θρᾴκης

 

Εὐρώπῃ

 

S3

Λίπαξος

πόλις Θρᾴκης

τὸ ἐθνικὸν Λιπάξιος

 

 

S3

Σμίλα

πόλις Θρᾴκης

τὸ ἐθνικὸν Σμιλαῖος

Εὐρώπῃ

 

S1

Ἄβδηρα

[πόλις Θρᾴκης]

Ἀβδηρίτης ?

 

variante de l’ethnique

S2

Κρήστων

[πόλις Θρᾴκης]

Κρηστῶναι

ἐν Εὐρώπῃ

variante de l’ethnique

S2

Γαληψός

πόλις Θρᾴκης καὶ Παιόνων

 

Εὐρώπῃ

 

S1

Χερρόνησος

πόλις ἐν τῇ Θρᾴκῃ

καὶ τὸν πολίτην Χερρονήσιόν φησιν

ἐν Εὐρώπῃ

variante homonyme

S2

Καβασσός

πόλις ὑπερβάντι τὸν Θρᾴκιον Αἷμον

 

Ἑκαταῖος δ’ ὁ Μιλήσιος

variante homonyme

S1

Χαλάστρα

πόλις Θρᾴκης περὶ τὸν Θερμαῖον κόλπον

 

Εὐρώπῃ

 

S2

Μηκύβερνα

πόλις Παλλήνης τῆς ἐν Θρᾴκῃ χερρονήσου

 

Εὐρώπῃ

 

S3

Σερμυλία

πόλις παρὰ τὸν Ἄθω

τὸ ἐθνικὸν Σερμυλιαῖος

 

 

S3

Μαρώνεια

πόλις Κικονίας κατὰ τὴν ἐν Θρᾴκῃ χερρόνησον

 

 

 

S2

Ζώνη

πόλις Κικόνων

τὸ ἐθνικὸν Ζωναῖος

Εὐρώπῃ

 

 

 

 

 

S2

Κρόβυζοι

ἔθνος πρὸς νότου ἀνέμου τοῦ Ἴστρου

 

Εὐρώπῃ

donne également le ktétique pour la terre ?

S2

Ὀργάμη

πόλις ἐπὶ τῷ Ἴστρῳ

τὸ ἐθνικὸν Ὀργαμαῖος

Εὐρώπῃ

 

S2

Τριζοί

ἔθνος πρὸς νότον τοῦ Ἴστρου

 

Εὐρώπῃ

 

 

 

 

 

S2

Καρδησσός

πόλις Σκυθίας

ὁ πολίτης Καρδήσσιος καὶ Καρδησσεύς

Εὐρώπῃ

 

S2

Καρκινῖτις

πόλις Σκυθική

οἱ κατοικοῦντες Καρκινῖται Εὐρώπῃ

 

S2

Ἠδοί

ἔθνος Σκυθικόν

 

Εὐρώπῃ

 

S2

Ἴσηπος

ἔθνος Σκυθικόν

 

Εὐρώπῃ

 

Ἴστρος

Σκυθία

S3

Ματυκέται

ἔθνος Σκυθικόν

 

Εὐρώπῃ

 

S2

Μελάγχλαινοι

ἔθνος Σκυθικόν

 

Εὐρώπῃ

 

S2

Μυργέται

ἔθνος Σκυθικόν

 

Εὐρώπῃ

 

 

 

 

 

Καύκασος S2

Δανδάριοι

ἔθνος περὶ τὸν Καύκασον

 

Εὐρώπῃ

 

S2

Τιπανίσαι

ἔθνος παρὰ τὸν Καύκασον

 

Εὐρώπῃ

 

208

Troisième Partie : Auteurs-sources et connaissance des espaces géographiques

Figure 38 (suite) – Les mentions du livre I de la Périégèse d’Hécatée. Abréviation

Nom

Définition géographique

Ethnique

Œuvre

Commentaire

 

 

 

 

πόλις περὶ Ἑλλήσποντον

τὸ ἐθνικὸν Κυπασίτης

Εὐρώπῃ

 

ASIE MINEURE - ILES Ἑλλήσποντος S2

Κύπασις

S3

Λίμναι

πόλις ἐν Ἑλλησπόντῳ περὶ Σηστόν

 

Εὐρώπῃ

 

S3

Μαδυτός

πόλις Ἑλλησποντία

 

Εὐρώπῃ

 

 

 

 

 

ἔθνος μεταξὺ τῆς Τρῳάδος καὶ τῆς Θρᾴκης

 

ἐν Εὐρώπῃ

 

 

 

 

 

Τρῳάς S3

Σκαιοί

Λῆμνος S3

Λῆμνος

νῆσος πρὸς τῇ Θρᾴκῃ, δύο πόλεις ἔχουσα, Ἡφαιστίαν καὶ Μύριναν

 

Εὐρώπῃ

 

S2

Ἡφαιστιάς

πόλις ἐν Λήμνῳ

 

 

 

S2

Μύρινα

πόλις ἐν Λήμνῳ

 

Εὐρώπῃ

 

 

 

 

 

Τένεδος

νῆσος τῶν Σποράδων

 

 

 

 

 

 

 

S1

Χίος

ἡ ἐπιφανεστάτη νῆσος τῶν Ἰώνων, ἔχουσα καὶ πόλιν ὁμώνυμον

 

Εὐρώπῃ

 

S2

Οἰνοῦσσαι

νῆσοι τῇ Χίῳ προσεχεῖς

τὸ ἐθνικὸν Οἰνουσσαῖος καὶ Οἰνούσσιος

Εὐρώπῃ

 

Σποράδες S2 Ἰωνία

S2

Μυτιλήνη

πόλις ἐν Λέσβῳ μεγίστη

 

Εὐρώπῃ

 

S2

Κορσεαί

νῆσος τῆς Ἰωνίας ἀντικρὺ Σάμου

 

Εὐρώπῃ

 

S1

Αἰγώνεια

[πόλις Μηλιέων]

 

 

complète Lycophron

Figure 39 – Les mentions de la Périégèse d’Hécatée pour notre corpus. Abréviation Nom

Définition géographique Ethnique

Œuvre

Commentaire

Νύραξ

πόλις κελτική

τὸ ἐθνικὸν Νυράκιος, ὡς παρὰ τὴν Νάρυκα Ναρύκιος

Εὐρώπῃ

 

S2

Ταρτησσός

 

τὸ ἐθνικὸν Ταρτήσσιος ?

 

 

S3 ?

Ἐλιβύργη

Κελτική S2 Ταρτησσός πόλις Ταρτησσοῦ

τὸ ἐθνικὸν Ἐλιβύργιος

Εὐρώπῃ

 

Ἡρακλείαι στήλαι

 

 

 

 

S2

Καλάθη

πόλις οὐ πόρρω τῶν Ἡρακλείων στηλῶν

 

Εὐρώπῃ

 

S2

Ολβύσιοι

ἔθνος ἐπὶ (= οὐ πόρρω ?) τῶν Ἡρακλείων στηλῶν

 

 

 

S3

Μαστιανοί [Μαστιηνοί]

 

 

Εὐρώπῃ

Le nom et la définition proviennent du lexique de Polybe

S3

Μαινόβωρα

πόλις Μαστιηνῶν

τὸ ἐθνικὸν Μαινοβωραῖος

Εὐρώπῃ

 

S2

Μολυβδίνη

πόλις Μαστιηνῶν

 

Εὐρώπῃ

 

S3

Σίξος

πόλις Μαστιηνῶν

 

 

 

Μαστιηνοί

1. Les sources de Stéphane de Byzance et leur utilisation pour l’Europe occidentale

209

Figure 39 (suite) – Les mentions de la Périégèse d’Hécatée pour notre corpus. Abréviation Nom

Définition géographique Ethnique

Œuvre

Commentaire

Ἰβηρία

 

 

 

 

S2

Ἰλαραυγᾶται

οἱ Ἴβηρες

 

Εὐρώπῃ

+ mention du fleuve

S3 ?

Ἐλβέστιοι

 

 

Εὐρώπῃ

en complément de Philistos ; associés aux Mastiênoi

S2

Ἕσδητες

ἔθνος Ἰβηρικόν

 

Εὐρώπῃ

 

S2

Μίσγητες

ἔθνος Ἰβήρων

 

Εὐρώπῃ

 

S2

Κραβασία

πόλις Ἰβήρων

τὸ ἐθνικὸν Κραβάσιος ?

Εὐρώπῃ

 

S3

Σικάνη

πόλις Ἰβηρίας

τὸ ἐθνικὸν Σικάνιος

Εὐρώπῃ

 

S2

Ὕοψ

πόλις ἐν Ἰβηρίᾳ χερρονήσου τὸ ἐθνικὸν Ὑόπιος ἀπὸ τῆς γενικῆς

Εὐρώπῃ

 

S2

Νῆσος

πόλις ἰβηρική

 

 

 

S2

Κρομύουσα

νῆσος Ἰβηρίας

τὸ ἐθνικὸν Κρομυούσιος

Εὐρώπῃ

 

S2

Μήλουσα

νῆσος κατὰ Ἴβηρας

τὸ ἐθνικὸν Μηλουσαῖος 

Εὐρώπῃ

 

S3 ?

Ἐλίσυκοι

ἔθνος Λιγύων

 

Εὐρώπῃ

 

S2

[Νάρβων]

 

Ναρβαίοi

 

variante de l’ethnique

S2

Ἄμπελος

πόλις τῆς Λιγυστικῆς

 

Εὐρώπῃ

 

S3

Μασσαλία

πόλις τῆς Λιγυστικῆς, ἄποικος Φωκαέων

 

Εὐρώπῃ

 

S2

Μέδμη

πόλις τῆς Λιγυστικῆς

ἐθνικὸν Μεδμαῖος

 

 

S2

Μόνοικος

πόλις Λιγυστική

τὸ ἐθνικὸν Μονοίκιος

Εὐρώπῃ

 

S3

Περγάντιον

πόλις Λιγύων

τὸ ἐθνικὸν Περγάντιος, ὡς Ἀλλάντιος Βυζάντιος

 

 

S3

[Ῥοδανουσία]

 

Ῥοδανούσιος, Ῥοδανουσία

 

 

S1

Αἰθάλη

νῆσος Τυρσηνῶν

 

Εὐρώπῃ

 

S2

Γυμνησίαι

β’ νῆσοι περὶ τὴν Τυρσηνίδα 

 

 

 

S2

Κύρνος

νῆσος πρόσβορροςἺαπυγίας τὸ ἐθνικὸν Κύρνιοι

Εὐρώπῃ

 

S2

Ἀλλαλία

πόλις ἐν Κυρνῳ τῇ νήσῳ

τὸ ἐθνικὸν Ἀλλαλιαῖος

 

 

S2

Νίκαια

ἐν Κυρνῳ τῇ νήσῳ

 

 

 

Λιγυστική

Τυρσηνοί

Κύρνος

peuples : Δανδάριοι (δ 11), Δάρσιοι (δ 24), … On trouve aussi quelques formes qui se terminent en -αῖος, mais nous ne savons pas s’il faut aussi les attribuer à notre auteur. Quoiqu’il en soit, nous avons pu nous servir de cette caractéristique pour attribuer quelques géonymes à Hécatée. Nul doute qu’une étude plus poussée des autres caractéristiques géographiques permettrait de compléter cette liste pour l’ensemble de l’aire géographique couverte par sa Périégèse. Compte-tenu de l’importance de cet auteur pour les zones qui nous intéressent, nous allons détailler les mentions qu’il nous livre.

Vision d’ensemble des mentions se rapportant à l’Europe occidentale

Nous pouvons discerner la connaissance qu’il avait du monde méditerranéen d’Extrême-Occident au travers des citations conservées (fig.  39) qui délimitent les grands espaces culturels suivants : Tartessos est à l’ouest des Mastiênoi, eux-mêmes situés autour du détroit de Gibraltar, au-delà duquel, vers l’Est, sont mentionnés les Ibères. Viennent ensuite les Ligyens puis les Tyrrhéniens (Étrusques) et enfin le reste de l’Italie et ses fondations grecques. Nous ne nous interrogerons pas ici sur la part

210

Troisième Partie : Auteurs-sources et connaissance des espaces géographiques

d’invention de la part des Grecs dans les toponymes qu’il cite104. Si l’on excepte la Corse, positionnée par rapport à l’Italie, le rattachement se fait en fonction de quelques déterminants ethniques et géographiques que l’on peut restituer ainsi d’ouest en est : la Celtique, Tartessos, la région autour des Colonnes d’Hercule, les Mastiênoi, l’Ibérie et la Ligystique. Les ktétiques « ligystique », « ibérique » et éventuellement « celtique » font référence à cette localisation mixte géographique/peuple105 ; la forme lexicale du ktétique est de façon logique toujours en -ικος/-ικη/-ικον. À la lecture du tableau, nous constatons que, comme nous l’avons signalé, la forme de l’ethnique est semblable, avec une terminaison en -ιος : Monoikos [154] donne Monoikios, Nurax [162] donne Nurakios … Les noms des peuples sont sous quatre formes différentes, correspondant au nominatif pluriel des trois déclinaisons  : ceux dont la terminaison est en -ες (*Λιγύες  [133]106, Ἴβηρες  [100] 107, Ἕσδητες  [86], Μίσ γητες  [152]) souvent cités sous leur forme génitive de rattachement à un peuple en -ων ; ceux dont la terminaison est en -οι (Ἐλίσυκοι [82], Μαστιηνοί) ou -αι (Ἰλαραυγάται [103]) ; et enfin ceux en -ιοι (Ἐλβέστιοι  [79], Κύρνιοι  [130], Ναρβαίοι [156]) dont la forme s’apparente plutôt aux noms des habitants d’une ville et rejoint la forme de l’ethnique donnée par Stéphane de Byzance. Une édition de Marcien ?

Nous avons indiqué plus haut (p. 196) que le lexique d’Hécatée comportait le terme de προσεχές, que l’on retrouve dans le lexique de l’Abrégé d’Artémidore par Marcien. Cela pourrait être un indice d’une rédaction réalisée par le même lexicographe. Cela signifie-t-il que les textes sont liés ? Nous ne pensons pas pouvoir expliquer la résurgence du texte d’Hécatée, pour les Ethniques de Stéphane de Byzance, autrement que par la lecture du texte lui-même à cette époque. L’usage qu’en fait avant lui Aviénus implique que le travail de recherche des périples anciens en a retrouvé une version 104  Voir pour l’Ibérie, la réflexion de P. Moret (Moret 2006, p. 40-42). 105   Cf.  par exemple les distinctions identiques opérées par P. Thollard (Thollard 2009, p. 135). 106  Non attesté sous cette forme chez Hécatée mais restituable par la forme génitive de Λιγύων. 107  Mentionnés ainsi dans la seule notice des Ἰλαραυγάται et au datif pluriel dans la notice Βεβρύκων mais cette dernière ne se rapporte pas à Hécatée.

(abrégée ?) que l’on verrait parfaitement dans le corpus édité par Marcien  ; celui-ci étant (à part Pausanias et Strabon) la seule porte d’entrée des textes géographiques pour Stéphane de Byzance. Nous ne voyons pas dans les mentions d’Hécatée de trace d’une intégration du lexique-source, même si l’on aurait pu considérer celle-ci plus logique. Contrairement à celle de ses Genealogiai, la tradition de la Périégèse est très pauvre puisque les seuls canaux de transmission hors géographes sont le lexique dit d’Harpocration, Les Deipnosophistes d’Athénée, et Hérodien dans le Peri monêrous lexeôs, seule œuvre intégralement conservée de ce grammairien (cf. supra p. 115 n° 33). Ces œuvres tirent leur information du lexique de Pamphile, probablement par le biais des lexiques géographiques de Diogenianus pour Hérodien. Il semble toutefois très difficile d’expliquer le très grand nombre de citation d’Hécatée par Stéphane de Byzance si cela passe par le biais du seul lexique-source. Les notices qui en sont issues, très concises et souvent spécifiques, avec des citations très courtes, comme le vocabulaire lexicographique descriptif, renvoient plutôt à un travail de lexique intermédiaire de Stéphane de Byzance dont il se serait servi pour ses Ethniques. Il semble difficile d’imaginer que l’œuvre existait encore de manière indépendante. C’est pourquoi nous proposons que le texte d’Hécatée ait été édité par Marcien et que ce soit par cet intermédiaire que Stéphane de Byzance l’ait intégré dans les Ethniques. Cela suppose également qu’il ait pu être lu par Oros. La description géographique de l’Europe occidentale Nous examinerons successivement les mentions se rapportant à la péninsule ibérique, à la Ligystique et aux îles de Méditerranée occidentale. La péninsule ibérique

Les mentions concernant la péninsule ibérique sont nombreuses et se regroupent en grands ensembles108. Pour la ville de Nurax  [162], la dénomination de πόλις κελτική est unique chez Hécatée. Selon nous, la forme κελτική se rapporte bien à Hécatée et n’est pas une erreur de copie ; on peut rapprocher sa connaissance géographique de celle d’Hérodote (2.33), pour qui les Celtes sont au-delà des Colonnes d’Hercule (donc sur 108  Outre les différentes références données dans nos fiches (et en particulier Braun  2004), voir également Gangutia Elícegui 1999.

1. Les sources de Stéphane de Byzance et leur utilisation pour l’Europe occidentale la façade océanique). Nous proposerons qu’Hécatée mentionnait bien ici le peuple des Keltikoi et placerons Nurax sur la côte occidentale de la péninsule ibérique, au-delà de Tartessos. Si les contacts des Grecs avec la côte atlantique sont certains à cette date, il est intéressant de noter l’hypothèse qu’Hécatée ait mentionné une ville qui se serait située aussi loin de la Méditerranée109. Quoi qu’il en soit, la source ionienne/massaliète d’Hécatée est probable et remonte au premier siècle de la fondation phocéenne de Marseille ; elle témoigne de contacts (probablement commerciaux) assez éloignés. En dehors de Nurax, les mentions d’Hécatée concernant la péninsule ibérique sont regroupées en trois grands ensembles : la zone dépendant de Tartessos, les Mastiênoi et l’Ibérie, territoire du peuple des Ibères. Seule la ville d’Eliburgê [81] est rattachée à Tartessos. Il semble qu’il faille voir dans ce rattachement géographique non pas une ville mais plutôt une entité territoriale correspondant à l’ancien royaume. Plus à l’est, on connaît trois villes (Mainobôra [141], Molubdinê  [153] et Sixos  [202]) 110, toutes mentionnées comme ville des Mastiênoi, dont le peuple est dit « proche des Colonnes d’Hercule ». À côté des Mastiênoi, Hécatée mentionnait les Elbestioi [79], comme l’indique la très courte citation de l’Épitomé, mais sans indication de nom de peuple. Il n’est pas impossible que la ville de Kalathê [114] ait pu leur être rattachée. La notice de l’Épitomé confond les deux villes de la péninsule ibérique et du Pont ; la seconde est à peine signalée (sans référence), alors que celle proche des Colonnes d’Hercule est mentionnée d’abord chez Hécatée et dans un second temps (sous le nom de Kalathousa) chez Éphore. La forme de l’ethnique donnée par l’Épitomé, Kalathinos, ne ressemble pas à la forme lexicale d’Hécatée ; nous l’attribuons à Timée. En revanche la localisation, « non loin des Colonnes d’Hercule » semble bien remonter à Hécatée. Enfin, plus au nord, sur la côte orientale (et en partie autour de l’Èbre), Hécatée mentionne des peuples On a interprété Nurax comme une ville de Norique (Duval 1971, p. 177), voire de Gaule Celtique. Nous ne croyons pas que ces hypothèses soient plausibles. 110   Une ville Mastias est mentionnée dans la notice des Mastiênoi  ; il n’est pas certain que la mention soit attribuable à Hécatée. Les THA rattachent la mention de la ville de Sualis (du peuple des Mastianoi) à Hécatée (II A 23d, suivant Nenci 1954 fr. 52) et d’Ibulla (II A 23i, suivant Nenci 1954 fr. 45) ; comme P. Moret (Moret 2006, p. 41), nous pensons que ces mentions sont plus récentes. 109 

211

(Hesdêtes [86], Misgêtes [152], Ilaraugatai [103]), des villes (Krabasia [125], Sikanê [200], Huops [224]) et des îles (Kromuousa [126], Mêlousa [151])111. Pour la péninsule ibérique, il est peut-être possible d’attribuer à Hécatée la mention du peuple des Olbusioi [170], dont la formation lexicale, on l’a vu, est caractéristique de cet auteur, et l’ethnique Tartessios, que l’on retrouve également chez le pseudo-Scymnos. Nous proposons également de voir dans la ville de Nêsos [158] une mention d’Hécatée, dans la zone proche de l’Èbre (si la ville se trouve bien dans la péninsule ibérique). On peut sans grande difficulté imaginer qu’Hécatée mentionnait Gadeira [59] et l’île d’Erutheia [85]. Dans la première notice, nous ne repérons aucun élément pouvant provenir à coup sûr du lexique d’Hécatée, ni dans la détermination géographique ni dans le nom des ethniques. Toutefois dans les deux cas, la détermination géographique « νῆσος ἐν τῷ ὠκεανῷ », s’apparente à la manière dont l’auteur du lexique note la détermination géographique des îles chez Hécatée. Les géonymes de Ligystique

Parmi les notices qui intéressent notre propos, Hécatée est indiqué comme source d’un certain nombre de toponymes placés dans l’aire ligystique  : les villes d’Ampelos [25], Massalia [144] et Monoikos [154], le peuple des Elisukoi [82] et les Narbaioi [156]. Regardons d’un peu plus près la façon dont sont localisés ces toponymes. Parmi les villes citées par Hécatée pour la Méditerranée occidentale, trois sont dites villes de Ligystique (πόλις τῆς Λιγυστικῆς pour Ampelos et Massalia ; πόλις λιγυστική pour Monoikos) 112. L’emploi du terme de Λιγυστική constitue une des caractéristiques des mentions d’Hécatée. Nous ne savons quel sens donner à la présence de la forme ktétique113. Peut-être ne s’agit-il ici que d’une transformation due à Stéphane de Byzance ou à ses abréviateurs. Cependant, on peut également admettre, si on suit P. Thollard114, que la forme possessive a un lien avec l’ethnique plus qu’avec une simple désignation géographique. Ampelos et Massalia seraient donc deux villes situées sur le territoire des Ligyens tandis que Monoikos Sur les noms de ces îles, formés avec le suffixe -oussa, voir Moret  2006, p.  43-46. Cette formation lexicale est au départ typique des noms insulaires. 112  Voir également Bats 2003, p. 148. 113   Sur la différence entre l’ethnique et le ktétique, voir Dittemberger 1906. 114  Thollard 2009, p. 135. 111 

212

Troisième Partie : Auteurs-sources et connaissance des espaces géographiques

serait une ville ligyenne. Mais il convient de rester prudent tant les abréviateurs successifs ont pu modifier le texte d’origine de Stéphane de Byzance. Si la ville de Massalia (Marseille) ne pose pas de problème de localisation, il n’en est pas de même d’Ampelos. N. Lamboglia avait proposé de la placer du côté de la Ligurie italienne115 mais son argumentation n’est pas convaincante. Comment imaginer qu’un lieu mentionné une fois vers 500 av. J.-C. ne soit plus signalé ensuite mais se retrouve dans un toponyme quinze siècles plus tard pratiquement sans transformation ? Il semble de plus difficile de placer une ville probablement grecque (par son nom) au-delà d’Antibes, dernière fondation massaliète vers l’est pour plusieurs siècles116. Nous n’avons pas plus de localisation à proposer. Nous nous sommes demandé si en réalité il ne s’agissait pas d’une altération du manus­crit d’Hécatée pour le nom d’Antipolis. Dans l’état actuel de nos connaissances, Antipolis (Antibes) est peut-être déjà fondée à la date de rédaction de l’œuvre d’Hécatée ; or, il n’existe pas d’entrée sous ce nom dans le texte de l’Épitomé. Il suffit d’une mauvaise graphie de la première partie du mot (AM- au lieu d’ANTI-) pour que le copiste restitue πελος à la place de πολις, suivant en cela le nom grec de la vigne (ἄμπελος). Nous ne pouvons trancher mais cette hypothèse mérite d’être signalée. Pour Marseille, le rattachement à la Celtique (Keltikê) a depuis toujours été rapporté à Hécatée. La mention κατὰ τὴν Κελτικήν, « sous la Celtique »117, qui suit l’indication de « ville de la Ligystique », ajoute une précision qui nous semble provenir d’un auteur différent, non mentionné par l’Épitomé, mais qui est probablement Artémidore. La dernière réduction du texte a été fatale à la bonne compréhension de la notice. Au vu de la manière dont a travaillé l’abréviateur, on peut penser en effet qu’il a rapproché deux déterminations géographiques avec citations que donnait Stéphane de Byzance118. Ainsi pour Hérodote, Marseille est en terre ligyenne (mention des Ligues119), sans référence à la Celtique. 115  Il propose une localisation d’Ampelos à Bordighera (Ligurie) (Lamboglia 1939). 116   Nous pensons que Nice/Nikaia a été fondée seulement autour de 200 av. J.-C. Voir la fiche [160]. 117   Nous voyons ici plutôt une considération purement géographique qu’une hiérarchisation des Ligures, faisant partie de la Celtique, comme le comprend D. Garcia (Garcia 2004, p. 229). 118  C’est également ce que pensent P.-M. Duval et P. Arnaud (Duval 1971, p. 176 ; Arnaud 2001, p. 333 n. 29) ; à l’inverse, pour M. Bats et P. Thollard, la mention est bien d’Hécatée (Bats 2003, p. 148 ; Thollard 2009, p. 135). 119  Hist. 5.9 : « Λίγυες οἱ ἄνω ὑπὲρ Μασσαλίης οἰκέοντες τοὺς

On peut ajouter encore des villes pour lesquelles on précise le rattachement au peuple des Ligyens. On a vu en effet qu’Hécatée utilisait le terme de Ligues (sous la forme génitive Liguôn chez Stéphane de Byzance) à propos des Élisyques. Sur cette base, et en confrontation avec la formulation de l’Épitomé, il faut probablement attribuer à Hécatée la mention de la Medmê [150] ligyenne120, qui donne Medmaios comme ethnique et est localisée comme les autres villes : « πόλις τῆς Λιγυστικῆς ». Nous ajouterons, toujours par le rattachement aux Ligyens, la ville de Pergantion [175], dont l’attribution à Hécatée repose également sur la transmission par le biais du pseudo-Arcadius et Theognostos. Enfin il est possible que la ville de Rhodanousia  [184] ait été mentionnée par Hécatée ; le nom des habitants (Rhodanousios) a la forme typique de notre auteur. Les îles de Méditerranée occidentale

L’île de Kurnos [130] contient une référence à Hécatée. Elle est positionnée toutefois, de façon étrange, au nord de la Iapygie. Le toponyme de Iapugia (ι 13) est explicité par Stéphane de Byzance, celui-ci mentionnant à nouveau Hécatée, avec l’indication de deux cités, l’une en « Italie » (ἐν τῇ Ἰταλίᾳ, FGrHist 1 F 86, qui correspond à cette époque à la partie méridionale de l’Italie actuelle) et l’autre en Illyrie (ἐν τῆ Ἰλλυρίδι, FGrHist 1 F 97). Les indications de villes et peuples rattachés à la Iapygie chez Hécatée121 se rapportent aux actuelles régions de la Basilicate ou des Pouilles. La proximité de la Corse semble donc difficile à comprendre, à moins d’imaginer une extension de la notion de Iapygie vers le nord. On trouve à l’article Phelessaioi (φ 46) la mention d’une ville ombrienne, selon Eudoxe de Cnide, proche de la Iapygie, qui effectivement ne correspond pas à la définition « classique » de cette région ; mais cela ne semble pas suffisamment proche de la Corse pour en faire un point de référence. La Corse étant au nord de la Sardaigne, il faut se tourner vers la notice, assez brève, de l’Épitomé sous le nom de Sardô [196]. On lit en particulier que l’on appelait également l’île Ichnoussa, ce qui pourrait correspondre à καπήλους. Les Ligyens qui habitent l’intérieur du pays au-dessus de Massalia » (trad. A. Barguet). 120  Hécatée est en effet cité comme source au début de la notice pour la seule ville « italienne » de Medmê. 121  Ville de Chandanê (χ  20) et peuples des Eleutioi (ε 52) et Peuketiantes (π 129), ces derniers localisés autour de l’actuelle Potenza, capitale de la province de Basilicate.

1. Les sources de Stéphane de Byzance et leur utilisation pour l’Europe occidentale un terme utilisé par Hécatée pour la localisation de l’île de Kurnos et déformé ensuite ; mais on a alors du mal à expliquer le passage d’Ichnoussa à Iapugia. On peut aussi penser que le nom de Iapygie provienne d’une erreur dans la copie soit du texte d’Hécatée, soit du texte de Stéphane de Byzance (lors de sa translittération ou son abréviation). Selon nous, il faut plutôt imaginer, comme nous l’expliquons dans la fiche [130], qu’Hécatée avait décrit les îles de Méditerranée occidentale après avoir fini le parcours de la Grande-Grèce et de l’Italie jusqu’aux Pouilles. Il ne faut donc pas s’attarder spécialement sur cette détermination géographique qui relève probablement d’une mauvaise compréhension de l’auteur du lexique par rapport à un ordre de rédaction. Quoiqu’il en soit, à l’époque d’Hécatée et dans le schéma des marins de l’époque, la Corse est localisée par rapport à la côte italienne ou à la Sardaigne. Deux villes corses peuvent provenir d’Hécatée  : Allalia  [20] et Nikaia  [159]. Toutes deux ont une même détermination géographique, « πόλις ἐν Κύρνῳ τῇ νήσῳ », qui correspond bien à la manière de localiser les villes situées sur des îles chez Hécatée. Bien évidemment il s’agit d’une hypothèse de rattachement à cet auteur, mais dans le cas d’Allalia, on note que la forme utilisée pour le lemme est différent de celui que l’on connait chez Hérodote (bien que celui-ci soit cité pour la fondation phocéenne de la ville dans l’Épitomé), que la position dans le lexique est bien conforme à la présence d’un double λ, et enfin que la forme de l’ethnique (Allaliaios) semble compatible avec notre auteur (Hérodote ne donne pas le nom des habitants de la ville). Par comparaison, Nikaia, ville fondée par les Étrusques selon Diodore de Sicile, semble également pouvoir être rapportée au même auteur. Peut-être le nom lui-même est-il un rappel de la bataille d’Alalia mais nous ne savons rien d’autre que ce que nous en dit Diodore de Sicile puisque Hérodote ne la mentionne pas. Il est possible que les îles appelées Gumnêsiai [68] aient été mentionnées par Hécatée. La détermination géographique indique « περὶ τὴν Τυρσηνίδα » ; l’utilisation de Tursênoi/Tursênia pour les Etrusques et l’Étrurie renvoie à peu d’auteurs dans l’Épitomé : Hécatée est mentionné dans la notice d’Aithalê  [12], Lycophron pour Almôpia (α 223) et Philistos pour Noukria (ν 78). Les autres auteurs écrivent Turrhenoi, avec deux ρ. Le fait que la détermination géographique des îles Gumnêsiai soit suivie d’une citation de trois vers de Lycophron peut éventuellement renvoyer au lexique de cet auteur. En revanche, l’indication de l’ethnique Gumnêsios et de

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son féminin Gumnêsia trouverait tout à fait place chez Hécatée  ; à notre connaissance, seul Appien emploie cette forme d’ethnique. En revanche nous sommes sûrs qu’Hécatée mentionnait l’île d’Aithalê [12], actuelle île d’Elbe. Il est probablement à l’origine de la détermination géographique sous la forme « île des Tursenoi » mais aucune mention d’ethnique ne peut lui être raccrochée. L’île, positionnée entre la Corse et l’Italie, est dite par Stéphane de Byzance, d’après Hécatée, « Aithalê, île des Tyrrhéniens » (c’està-dire des Étrusques), ce qui est tout à fait correct.

1.2. Les autres auteurs lus par Stéphane de Byzance Nous proposons deux autres auteurs lus directement par Stéphane de Byzance : l’abrégé de Philon par Aelius Serenus et Strabon. 1.2.1. Aelius Serenus (ive siècle ?) Nous avons analysé supra (p. 167-168) l’Abrégé de Philon rédigé par Aelius Serenus. Avant d’examiner de façon plus détaillée les mentions qui en subsistent pour notre aire géographique, il nous faut donner quelques renseignements complémentaires sur l’auteur de l’œuvre d’origine. Herennius Philon de Byblos est un grammairien, connu principalement par la notice de la Souda 122. Né sous le règne de Néron, il meurt vers 141 de notre ère. Probable affranchi d’Herennius Severus, il est l’auteur entre autres d’une Histoire des Phéniciens123, d’une Vie d’Hadrien et d’un ouvrage (en 30 livres) Sur les cités et les hommes célèbres qu’elles ont produit 124. C’est ce dernier qui a fait l’objet d’un abrégé par le grammairien Aelius Serenus (2e moitié du ive siècle ?)125. Deux notices de l’Épitomé proviennent explicitement de l’œuvre non abrégée (Amisos, α 272 et Andania, α 310, ethnique Andanieus), trois de manière non explicite. Trois autres sont tirées d’un chapitre particulier d’un 122  Souda φ 447 (voir également ε 2928 et 3045) = FGrHist no  790, repris plus en détail par FGrHist no  1060. Duval  1971, no 140. 123  FGrHist 790 F 1-7, largement reprise par Eusèbe. 124  FGrHist 790 F 15-18 (et 19-51 ?). 125 Cf.  Souda σ  249 et FGrHist 790  F  17-18. Comme nous l’avons dit supra, Aelius Serenus est daté vraisemblablement de la 2e moitié du ive siècle si l’on tient compte de la mention de Photios (Bibl. 279) qui cite plusieurs poètes de cette époque, tous originaires d’Égypte.

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Troisième Partie : Auteurs-sources et connaissance des espaces géographiques

autre livre qui porte le titre spécifique Des médecins126 et quatre proviennent de l’Histoire des Phéniciens. Enfin 32  citations n’ont pas d’indication du titre et pourraient selon nous provenir de l’abrégé de son ouvrage sur les cités ; pour F. Jacoby, tous les fragments donnés par Stéphane de Byzance proviennent de cette œuvre (à l’exception, peut-être, des villes phéniciennes ?). On a proposé (FGrHist no 1060) d’y voir une sorte de dictionnaire, de nombreuses villes mineures étant mentionnées sans qu’on puisse les rattacher à de grandes villes principales. Cet auteur intervient peu dans notre corpus géographique. La première mention signalée de Philon de Byblos concerne la ville d’Agathê [2] (FGrHist 790 F 19). Pour la localiser, Stéphane de Byzance emploie l’adjectif (restitué faute de mieux) Ligustiôn ; c’est la forme que l’on trouve chez le seul Denys le Périégète (Orbis descriptio, v. 76). On retrouve ensuite Philon pour la désignation de villes nommées Athênai [8]. Le début de la notice signale que Philon compte six villes de ce nom ; il est peu vraisemblable qu’il ait indiqué celle de Ligystique (FGrHist 790 F 21), dont la forme lexicale du rattachement géographique a subi là encore des erreurs de copie (λιγύσκος dans l’archétype). Philon de Byblos est également mentionné à propos d’une région127 d’Azania [7] (FGrHist 790 F 20) dite Μασσαλίας, seule mention connue qui est en fait probablement une erreur de lecture pour μέση Αἰθιοπία (voir le commentaire de la fiche [7] et l’apparat critique de FGrHist 790 F 20). Donc à part peut-être Agathê, les mentions de Philon ne se rattachent pas au Midi de la Gaule. Pour la péninsule ibérique, Philon est mentionné comme source de Megalê polis [148] (FGrHist 790 F 43), ville non signalée par ailleurs mais qui doit probablement être assimilée à Karchêdôn (Carthagène, voir fiche [121]), ville effectivement très importante en taille. La ville grecque du même nom étant la ville natale de Polybe, il a dû lui associer les autres villes homonymes. Philon de Byblos est donc totalement marginal par rapport à notre étude.

126  Il s’agit en fait du livre IX d’un recueil plus large en douze livres (De l’acquisition et du choix des livres) classé par genres. 127  Les composantes de la notice qui précèdent concernent les régions/parties de l’Arcadie grecque. Quand on lit ensuite ἔστι καὶ † Μασσαλίας† ἄλλη, cela ne fait pas référence à une ville mais bien à une entité géographique du même ordre.

1.2.2. Strabon (début du ier siècle apr. J.-C.), lu par Stéphane de Byzance ? La tradition de l’œuvre géographique de Strabon, quasi intégralement parvenue jusqu’à nous, a été étudiée de façon détaillée par A. Diller à la suite de F. Sbordone, de F. Lasserre et de l’édition majeure de G. Kramer parue de 1844 à 1852128. Le manus­crit palimpseste  Π, du ve siècle, a été publié par W. Aly129. Il n’est pas à l’origine des deux archétypes définis par A. Diller, Σ (le manus­ crit en onciales datant de l’Antiquité tardive, appelé Ψ chez Lasserre) et  ω (sa translittération en minuscules, décomposé en Σ et Ω chez Lasserre) qui sont la source des grandes familles de manus­crits que nous connaissons. Ces derniers ont été scindés en deux volumes (comprenant les livres I-IX/I-VII+VIII-IX pour l’un, X-XVII pour l’autre), césure que l’on retrouve dans tous les manus­crits suivants. Une nouvelle édition, par S. Radt, est désormais disponible130. L’histoire du texte de Strabon L’histoire du texte de la Géographie de Strabon est assez particulière. Alors que son œuvre historique (Com­ mentaires historiques, en 47 livres) est citée dès le ier siècle de notre ère par Flavius Josèphe et quelques décennies plus tard par Plutarque131, la Géographie n’apparaît pas avant l’époque d’Hadrien132. A.  Diller signale la mention de Denys le Périégète (v. 174-219) qui serait le plus ancienne de l’œuvre133. Vers la même époque, le lexique dit d’Harpocration en fait également deux citations134. Quelques scholies anciennes, non datées mais remontant peut-être au iie  siècle de notre ère, citent également Strabon135. 128 

Diller 1975, Sbordone 1963, Lasserre 1959. Aly 1956. Voir Lasserre 1959, p. 32, n. 1-2. 130   Radt  2002-2011. Sur cette édition, voir la remarque du compte-rendu de P.-O. Leroy : « Les leçons de Wolfgang Aly sur lesquelles s’appuie Radt sont souvent contredites par une transcription inédite de François Lasserre, et seule une consultation directe permet parfois de trancher entre les deux. Par ailleurs le fait que Radt n’ait pas lui-même collationné l’ensemble des manus­ crits pose problème. En matière d’établissement du texte, Radt se signale enfin par un souci certain de l’uniformisation et de l’hypercorrection » (Leroy 2012). 131  Voir les FGrHist no 91. 132  Le fait que Pline l’Ancien ne le cite pas parmi ses sources est révélateur ; il semble difficile d’imaginer que le texte ait pu déjà être édité sans que l’érudit romain ne le lise. 133  Diller 1975, p. 7-8. 134  s.v. Λευκάς et Λέχαιον. Diller 1975, p. 9-10. 135  Scholies anciennes à Eschyle (Prométhée vaincu, sch. 420), 129 

1. Les sources de Stéphane de Byzance et leur utilisation pour l’Europe occidentale Par la suite, c’est Athénée qui en fournit des extraits136 ; contrairement à ce qu’énonce F. Lasserre dans son introduction à la traduction de l’œuvre137, ces mentions ne relèvent pas de Pamphile mais bien d’Athénée lui-même. Il semble donc bien que le texte soit devenu disponible seulement autour des années 120/130 de notre ère. Dans le cadre de notre recherche, nous avons longtemps considéré, comme cela a toujours été écrit, que Strabon avait été lu et collationné par Stéphane de Byzance. On mettait en effet en avant la redécouverte de Strabon au ve siècle (avec le manus­crit palimpseste du Vatican) pour y voir une « renaissance » tardive du texte et de son utilisation. C’est ce que note F. Lasserre dans son introduction à la traduction de Strabon dans la Collection des Universités de France138. Il voit d’ailleurs le filtre de Stéphane de Byzance pour les notices Amastris, Botteia et Thessalonikê de l’Etymologicum Magnum. Si la première provient de l’Etymologicum Symeonis (α 672), qui a effectivement utilisé Stéphane de Byzance, la seconde n’existe plus dans l’Épitomé mais on la lit encore, elle aussi, dans l’Etymologicum Symeonis (β 159)139. La troisième provient bien de Stéphane de Byzance, toujours par le biais de l’Etymologicum Symeonis, mais cette partie du lexique reste inédite. Toutefois, la lecture de F. Lasserre sur les erreurs du texte de Strabon rapporté par Stéphane de Byzance lui « semble situer la séparation des traditions manus­crites à l’époque lointaine où l’on pouvait confondre H et IO : au plus tard la fin du iiie siècle »140. Cette indication est contraire à une lecture directe de Stéphane de Byzance. Ceci pourrait expliquer la divergence nette entre les mentions de l’Épitomé et le manus­crit palimpseste Π du ve siècle de notre ère, et le fait que le texte de Stéphane de Byzance ne corresponde pas à celui de l’archétype des manus­crits que nous possédons comme nous allons le démontrer infra141. Il serait alors possible que ces mentions proviennent du lexique-source de Diogenianus. Apollonios de Rhodes (sch.  2.941-942), Aristophane (Nuages, sch. 332), Denys le Périégète (sch. 609), à Homère (Iliade, 6.92 ; 9.529), Lucien (10.1 ; 24.1). Pour les scholiastes à Homère, voir Lasserre 1959, p. 66. 136  Athénée 3.121a  = Strabon 3.4.3  ; Athénée 14.657 sq.  = Strabon 3.4.10-11+7 fr. 60. Cf. Lasserre p. xlix et Diller 1975, p. 8. 137  Lasserre 1959, p. xlix. 138  Lasserre 2003, p. li. 139 Voir Reitzenstein 1897, p. 330 et Diller 1975, p. 11 n. 31. 140  Lasserre 2003 p. liii, n. 1. 141  A. Diller rappelle que W. Aly voyait dans la copie de Strabon

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Pour répondre à cette importante question, nous avons entrepris une comparaison très précise entre le texte de l’Épitomé et celui de Strabon, y compris en tenant compte des variantes des manus­crits142. Les numéros de livres, révélateurs de lectures différentes ? Avant de rentrer dans le détail de ces mentions, il faut souligner un problème : les erreurs de numéros de livres. On repère tout d’abord quelques erreurs que l’on peut attribuer à la transmission des textes. Pour le livre V, la ville de Signia (σ 138) est attribuée au livre III (mais on est dans la partie la plus abrégée, une erreur n’est pas anormale). Pour le livre VI, la mention de Chônê (χ 64) est rattachée au livre VII ; toutefois ϛ’ (6) et ζ’ (7) sont très proches et peuvent résulter d’une erreur de lecture d’onciale comme de minuscule. Une seule erreur est relevée pour le livre VII (17, ιζ’, au lieu de 7, ζ’), une également pour le livre VIII (6, ϛ’ au lieu de 8, η’). Aucune erreur n’est relevée pour les livres IX et X. Pour le livre XI, plusieurs mentions sont erronées : deux ont 10 (ι’), une 6 (ϛ’), une 12 (ιβ’), une 14 (erreur de lecture d’onciales ιδ’ au lieu de ια’) et deux 15 (ιε’). Pour le livre XII, on a une mention de livre 11 et une de livre 14. Pour le livre XIII, la seule erreur est simple (livre 3, γ’ au lieu de 13, ιγ’). Aucune erreur pour les livres XIV et XV. En revanche pour le livre XVI, six mentions ont le livre 15 (et l’une a 6, une autre a 3 au lieu de 16) ; seules cinq mentions ont le bon numéro de livre. Pour le livre suivant, sept ont le livre 16 au lieu de 17, et deux ont 14 ; seules quatre mentions ont le bon numéro de livre. Ces deux derniers livres présentent donc une différence notable. A. Diller attribue la confusion des numéros de livres entre les livres XVI et XVII à une erreur de lecture de la souscription et la rapproche de ce que l’on retrouve dans la Chrestomatie143. Si l’on regarde de près l’édition que que possédait (selon lui) Stéphane de Byzance l’archétype du texte que nous avons conservé (Diller 1975, p. 13, n. 36 ; Aly 1956, p.  253-255) alors que J.  M. Cook (Cook  1959), qui a étudié spécifiquement le texte transmis par l’Épitomé, s’oppose à cette hypothèse, comme F. Lasserre dans son édition de la Collection des Universités de France. 142  Pour le texte de l’Épitomé, nous avons analysé de très près l’apparat critique de l’excellente édition de M.  Billerbeck. Pour Strabon, nous avons privilégié les leçons de la Collection des Universités de France, en nous référant à S. Radt pour les livres non encore édités au moment de ce travail. 143  Diller 1975, p. 11. Cet ouvrage, constitué d’extraits de Strabon, semble remonter à Photios. Il se trouve dans un manus­crit de la seconde moitié du ixe siècle (Palatinus gr. 398) et a été édité

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Troisième Partie : Auteurs-sources et connaissance des espaces géographiques

donne S. Radt de cette œuvre, on s’aperçoit que l’indication des livres comporte plusieurs erreurs. Il manque ainsi le début du livre III, VIII et XVI, celui du livre IV est indiqué par erreur III, et le livre XVII est appelé XVI, probablement du fait de l’absence des numéros des livres précédents. Même si l’erreur de lecture est du même ordre, il est délicat d’analyser le lien entre le texte lu par Stéphane de Byzance et celui copié par la Chrestomatie. On peut en revanche se poser la question de savoir si l’œuvre de Strabon n’a pas fait l’objet d’une double lecture, l’une remontant peut-être à une première étape du lexique (le lexique-source), dans laquelle le livre XVII n’était peutêtre pas distinct du précédent, et la seconde à la lecture directe de Stéphane de Byzance. Les erreurs du texte de Stéphane de Byzance Après J. M. Cook et A. Diller144, nous avons repris l’ensemble des mentions de Strabon dans l’Epitomé afin de disposer du texte le plus fiable possible transmis par les manus­crits. Nous l’avons alors confronté au texte de Strabon selon l’édition de la CUF afin de repérer les différences entre les textes145. Les paraphrases sont nombreuses dans le texte de l’Epitomé. Elles peuvent provenir de Stéphane de Byzance mais sont surtout révélatrices des phases d’abréviation successives. On note en revanche, et c’est plus intéressant, qu’un certain nombre de citations de Strabon contiennent soit des inversions146, soit des modifications

pour la première fois dans le tome 9 (p. 239-246) de la nouvelle édition de S. Radt (Radt 2002-2011). Voir Diller 1975, p. 38-41. 144  Cook 1959 ; Diller 1975, p. 12-15. 145  Une lecture aussi de l’édition de Radt a montré que l’apparat critique de celle-ci semblait moins fiable. Nous avons mis en gras la variante présente dans les manus­crits lorsqu’elle diffère du texte classique ; c’est probablement celle qui a été transmise. Nous avons souligné les lettres ou les mots faisant l’objet de la comparaison. 146  « τῆς Ῥώμης ἐπίνειον » St. B. (Ôstia, ω 20) : « ἐπίνειον τῆς Ῥώμης » Str. (5.2.1) ; « Δᾶοι καὶ Γέται » St. B. (Dakia, δ 7) : « Γέται καὶ Δάοι  » Str. (7.3.12)  ; «  τὸν πίνον τῇ πλύσει παραπλησίως  » St. B. (Karustos, κ 103) : « τῇ πλύσει τὸν πίνον παραπλησίως » Str. (10.1.6) ; « εἶναι γὰρ καὶ τοιοῦτόν τινα ζῆλον » St. B. (Akarnania, α 153) : « εἶναι γὰρ καὶ τινα τοιοῦτόν ζῆλον » Str. (10.3.6) ; « καὶ Ἐρασίστρατος ἰατρὸς μετ’ αὐτῶν » St. B. (Ioulis, ι 79) : « καὶ μετὰ ταῦτα Ἐρασίστρατος ὁ ἰατρὸς » Str. (10.5.6) ; « Βοσποριανοὶ πάντες » St. B. (Bosporos, β 130) : « ἅπαντες Βοσποριανοὶ » Str. (11.2.10) ; «  φύεται πύξος  » St.  B. (Amastris, α  262)  : «  πύξος φύεται  » Str. (12.3.10)  ; «  σταδίους ἐνακοσίους  » St.  B. (Amisos, α  272)  : « ἐνακοσίους σταδίους » Str. (12.3.14).

de mots147 qui témoignent de lectures issues d’éditions différentes. Quelques erreurs peuvent relever d’une mélecture d’onciales (YΓ/ΤΤ, Ο/Є et peut-être Υ/Ν)148  ; elles sont très mineures et viennent peut-être de la simple transmission byzantine du texte. Les graphies de diphtongues sont peut-être plus caractéristiques : αι/ε mais surtout ει/ι, ου/ι, comme l’iotacisme η/ι149 et peuvent 147 « Γέτας

γὰρ τοὺς πρὸς τὸν Πόντον κεκλιμένους καὶ τὴν ἕω, Δάους δὲ τοὺς πρὸς τἀναντία πρὸς Γερμανίαν καὶ τὰς τοῦ Ἴστρου πηγάς. καὶ παρ’ Ἀττικοῖς δὲ τὰ τῶν οἰκετῶν ὀνόματα Δᾶοι καὶ Γέται » St. B. (Dakia, δ 7) : « Γέτας μὲν τοὺς πρὸς τὸν Πόντον κεκλιμένους καὶ πρὸς τὴν ἕω, Δαοὺς δὲ τοὺς εἰς τἀνατία πρὸς τὴν Γερμανίαν καὶ τὰς τοῦ Ἴστρου πηγάς. (…) καὶ παρὰ τοῖς Ἀττικοῖς ἐπεπόλασε τὰ τῶν οἰκετῶν ὀνόματα Γέται καὶ Δάοι » Str. (7.3.12) ; « ἔστι δὲ δαίμονός τινος ἐπώνυμον καὶ ἄκρα καὶ ὁ νεὼς καὶ τὸ ξόανον Παρθένιον ἔχον σταδίους ἑκατόν » St. B. (Parthenou hieron, π 46) : « δαίμονός τινος, ἧς ἐπώνυμος καὶ ἡ ἄκρα ἡ πρὸ τῆς πόλεως ἐστιν ἐν σταδίοις ἑκατόν καλουμένη Παρθένιον, ἔχον νεὼν τῆς δαίμονος καὶ ξόανον » Str. (7.4.2) ; « μετὰ δὲ τὸν Ῥιζονικὸν Λίσσος ἐστὶ πόλις καὶ Ἀκρόλισσος καὶ Ἐπίδαμνος Κερκυραίων κτίσμα, ἡ νῦν Δυρράχιον ὁμωνύμως τῇ χερρονήσῳ λεγομένη, ἐφ’ ἧς ἵδρυται » St. B. (Durrachion, δ 143) : « μετὰ δὲ τὸν Ῥιζονικὸν κόλπον Λίσσος ἐστὶ πόλις καὶ Ἀκρόλισσος καὶ Ἐπίδαμνος, Κερκυραίων κτίσμα, ἡ νῦν Δυρράχιον ὁμωνύμως τῇ χερρονήσῳ λεγομένη, ἐφ’ ἧς ἵδρυται Str. (7.5.8) ; Χαλκηδόνιοι ἐπὶ τῆς περαίας ἱδρυμένοι πλησίον μετέχουσι τῆς εὐπορίας ταύτης » St. B. (Chalkêdôn, χ 15) : « Χαλκηδόνιοι δ’ ἐπὶ τῆς περαίας ἱδρυμένοι πλησίον οὐ μετέχουσι τῆς εὐπορίας ταύτης Str. (7.6.2) ; ἀπὸ τῆς Ὠρωπίας ἐπὶ τὴν δύσιν » St. B. (Ôrôpos, ω 19) : « ἀπὸ τῆς Ὠρωπίας ἐπὶ δύσιν » Str. (9.1.3) ; « κεῖται δὲ κατὰ Αἴδηψον τῆς Εὐβοίας, ὅπου τὰ θερμὰ λουτρὰ Ἡρακλέους » St. B. (Aidêpsos, α 116) : « κεῖται δὲ κατὰ Αἰδηψὸν τῆς Εὐβοίας, ὅπου τὰ θερμὰ τὰ Ἡρακλέους » Str. (9.4.2) ; « ὡς καὶ ‘Ἰάονας ἑλκεχίτωνας’ καὶ κρώβυλον καὶ τέττιγα ἐμπλέκεσθαι, καὶ τοὺς περὶ Λεωνίδαν κτενιζομένους τὴν κόμην  » St.  B. (Akarnania, α  153)  : «  καὶ ‘Ἰάονας ἑλκεχίτωνας’ εἰρῆσθαι, καὶ τοὺς περὶ Λεωνίδαν κτενιζομένους  » Str. (10.3.8)  ; «  προσέταττε γὰρ τοὺς ὑπὲρ ἑξήκοντα ἔτη κωνειάζεσθαι  » St.  B. (Ioulis, ι 79) : « προσέταττε γὰρ, ὡς ἔοικεν, ὁ νόμος τοὺς ὑπὲρ ἑξήκοντα ἔτη γεγονότας κωνειάζεσθαι » Str. (10.5.6). 148  Erreur υγ/ττ : Αὐγάσιοι St. B. (Augasioi, α 534) : Ἀττάσιοι Str. (11.8.8). Erreur ο/ε : Δουρίοπος St. B. (Douriopos, δ 120) : Δευρίοπος Str. (7.7.8) ; Κρεμμυωνίαν St. B. (Kremmuôn, κ 211) : Κρομμυωνίαν Str. (8.6.22). Erreur υ/ν : Ἀκούτεια St. B. (Akouteia, α 165) : Ἀκοντία Str. (3.3.2). 149  Diphtongue αι/ε : Αἴβουρα St. B. (Aiboura, α 91) : Ἐβοῦρα Str. (3.1.9) ; ὠνόμασε St. B. (Chônê, χ 64) : ὀνομάσαι Str. (6.1.4) ; Καῖρε St. B. (Agulla, α 51) : Κερέα Str. (5.2.3) ; Καιρετάνοι St. B. (Kairê, κ 14) : κερεατίνοις Str. (5.2.3). Diphtongue ει/ι : Ἀκούτεια St. B. (Akouteia, α 165) : Ἀκοντία Str. (3.3.2) ; Ἐλίμεια St. B. (Elimia, ε 57) : λίμια Str. (7.7.8) ; Κυχρεία St. B. (Kuchreios pagos, κ 304) : Κυχρία Str. (9.1.9) ; Δημήτριον St. B. (Dêmêtrion, δ 63) : Δημητρίειον Str. (9.5.14)  ; Μακύνεια St.  B. (Makuneia, μ  34)  : Μακυνία Str. (10.2.4) ; σιδηρίην St. B. (Pholegandros, φ 88) : σιδηρείην Str. (10.5.1) ; Φαναγόρειον St. B. (Bosporos, β 130) : φαιναγορία Str. (11.2.10) ; Φαναγορείας St. B. (Aspourgianoi, α 487) : Φαναγορίας Str. (11.2.11). Erreur ε/ι : Τελφούσιον St. B. (Telphousa, τ 80) : Τιλφούσιον (Str. 9.2.27). Diphtongue ου/υ : Βούρχανις St. B. (Bourchanis, β 152) :

1. Les sources de Stéphane de Byzance et leur utilisation pour l’Europe occidentale renvoyer à une édition du texte de Strabon plus ancienne que l’archétype des manus­crits que nous connaissons. Enfin, quelques erreurs οι/η, ς/ν, β/μ ou κ/τ semblent renvoyer à des erreurs de lecture sur papyrus150. Si ces dernières ne sont pas nombreuses, elles pourraient toutefois remonter à une phase ancienne de lecture du texte, bien antérieure à l’époque justinienne et qui surtout ne correspond pas à la tradition byzantine de l’œuvre de Strabon. La conjonction de tous ces aspects (erreur de numéro de livre et erreurs propres à l’écriture sur papyrus) nous amènent à penser que le texte contenu dans les Ethniques a pu être lu dans un premier temps dans une version sur papyrus, qui pourrait remonter alors au lexique-source, et complété dans un second temps par de nouvelles insertions, peut-être plus nombreuses, de Stéphane de Byzance lui-même151. Il reste à comprendre pourquoi le manus­c rit  de Strabon reste inconnu pendant plus d’un siècle après la mort de Strabon et pourquoi il ressurgit subitement au iie siècle de notre ère. Nous ne savons pas où Strabon est mort et de fait où était conservé son manus­crit. Il semble vraisemblable que celui-ci n’était pas achevé lorsqu’il décède et n’avait jamais été publié ni de son vivant ni directement après sa mort152. C’est probablement sous Hadrien qu’un érudit l’aura retrouvé et qu’il devient enfin accessible. L’auteur du lexique-source, peut-être Diogenianus, Bithynien comme lui, serait un quasi contemporain de cette redécouverte. L’utilisation du texte de Strabon Nous examinerons d’abord la liste des géonymes pour les dix premiers livres de sa Géographie pour avoir une vision suffisamment large de son œuvre153 (fig. 40). Βύρχανις Str. (7.1.3). Iotacisme η/ι : Χώνην St. B. (Chônê, χ 64) : Χωνίην (e Χώνιην) et Χῶνιν Str. (6.1.4)  ; Σίκηνος St.  B. (Sikênos, σ 157) : Σίκινος Str. (10.5.1). 150  Erreur οι/η : οἱ Ἀττικοὶ St. B. (Mopsion, μ 223) : ἡ Ἀττικὴ Str. (9.5.22). Erreur ς/ν : νεὼς St. B. (Parthenou hieron, π 46) : νεὼν Str. (7.4.2) ; Κάλλατις St. B. (Kallatis, κ 30) : κάλατιν Str. (7.5.12) ; κατεφρονήθησαν St. B. (Akarnania, α 153) : καταφρονηθῆναι Str. (10.3.8) ; περσέως St. B. (Akarnania, α 153) : Περσῶν Str. (10.3.8). Erreur β/μ : ἄβανον St. B. (Melitênê, μ 134) : Ἄμανον Str. (11.12.2). Erreur κ/τ : Νήρικος St. B. (Nêrikos, ν 45) : Νήριτος Str. (10.2.8). 151  Voir sur les problèmes d’établissement du texte de Strabon l’introduction de F. Lasserre de la CUF (Lasserre 1959, p. lxxxvlxxxviii). 152  Lasserre 1959, p. xxxi-xxxiv ; Diller 1975, p. 6-7. 153  Nous avons pris le parti de nous limiter aux dix premiers

217

Le fait d’avoir conservé le texte de Strabon permet de comparer les entrées du lexique avec les indications que donne l’auteur. Au travers des notices de l’Épitomé, nous pouvons ainsi mieux comprendre la façon dont le lexicographe a travaillé. Nous prendrons ainsi l’exemple de Narbonne, Narbôn [156], qui est dite « ἐμπόριον καὶ πόλις Κελτική », en référence au livre IV de Strabon. Chez cet auteur, toute la Gaule (y compris la Narbonnaise) est appelée « Κελτικὴ »154. Pour l’auteur du lexique-source, toute citation issue de Strabon concernant le territoire de la Gaule sera donc localisée comme « κελτική », sous la forme adjective. Dans la description que donne Strabon (4.1.6) de Narbonne, cette ville est effectivement identifiée comme «  ἐμπόριον  ». C’est également Strabon qui parle du « λίμνη Ναρβωνῖτις », sans que l’Épitomé ait conservé son nom, et du fleuve « Ἄταξ », toujours dans le même paragraphe. L’ethnique lui-même n’est pas mentionné par Strabon155. Il est probable toutefois que dans cette mention subsistent encore des éléments provenant d’Artémidore qui a visité le Midi de la Gaule une quinzaine d’années après la fondation de la colonie romaine de Narbo Martius (118 av. J.-C.). Connaissant l’interdépendance de Strabon et d’Artémidore, il est alors difficile de savoir ce qui relève de l’un ou de l’autre. Dans une autre notice [54], « Βούρχανις, νῆσος ἐν τῇ Κελτικῇ » est écrit Βυρχανίς dans l’œuvre conservée de Strabon (7.1.3) et se trouve en Germanie, ce qui indique que le lexicographe s’est trompé dans son rattachement géographique. À moins que le lexique-source ait eu là encore comme source véritable Artémidore, non mentionné par l’Épitomé, qui ne connait qu’un espace celtique indifférencié. Les autres mentions d’Ibérie sont correctes (bien que des différences d’orthographe des toponymes soient perceptibles dans les manus­crits conservés de Strabon). Dans la notice de Durrachiôn (δ 143), la mention de ce même géographe (3 lignes tirées de 7.5.8) est exacte, à l’exception d’un mot (κόλπον) qui est peut-être une interpolation dans le manus­crit de Strabon. Au final, le corpus de mentions attribuable à Strabon est étonnamment faible pour l’Europe occidentale. L’auteur du lexique a systématiquement privilégié les auteurs plus anciens, en particulier Artémidore chez qui livres, concernant une grande partie de l’Europe, afin de ne pas avoir un tableau trop important. 154  4.1.1. Sur le livre IV de Strabon, voir Thollard 2009. 155  Il existe dans la notice un hiatus, non perçu jusqu’ici, entre la mention de Strabon et celle de Marcien, qui se rapporte à la province de Narbonnaise. Il est probable que Stéphane de Byzance avait inséré ici la forme « Ναρβωνῖτις ἐπαρχία » signalée par Strabon.

218

Troisième Partie : Auteurs-sources et connaissance des espaces géographiques

Figure 40 – Mentions provenant des livres I à X de Strabon dans l’Épitomé. Abrév. Nom

Définition géographique

Ethnique

Œuvre

Commentaire

LIVRE III-IBÉRIE Ἰβηρία S1

Αἴβουρα

πόλις Ἰβηρίας

 

 

 

S1

Ἀκούτεια

πόλις Ἰβηρίας

 

ἐν τῷ γʹ

 

S2

Κανταβρία

χώρα

 

γʹ

 

ἐμπόριον καὶ πόλις Κελτική

 

δʹ

 

[πόλις Τυρρηνίας]

τὸ ἐθνικὸν Καιρετανοί

 

mention dans la notice Ἄγυλλα

LIVRE IV – GAULE ET BRETAGNE Κελτική S2

Νάρβων

LIVRE V-ITALIE Τυρρηνία S2

[Καῖρε]

Ἰταλία S1

Ἀκυληία

πόλις Ἰταλίας

 

 

 

S3

Σιγνία

πόλις Ἰταλίας

 

εʹ

 

S2

[Φρεντανόν]

[πόλις Ἰταλίας]

τὸ ἐθνικὸν Φρεντανοί

εʹ

 

S1

Ὠστία

[πόλις Ἰταλίας]

 

ἐν τῷ εʹ

variante de genre

S2

Ἀρδέα

κατοικία τῆς Ἰταλίας

 

εʹ

 

LIVRE VI-ITALIE DU SUD ET SICILE Ἰταλία S2

Θούριοι

[πόλις Ἰταλίας]

 

 

variante pour le vin

S2

Κανύσιον

μεγίστη τῶν Ἰταλιωτίδων πόλεων

τὸ ἐθνικὸν Κανυσῖνος ἢ Κανυσίτης

ϛʹ

mention également pour l’ethnique

[Ἀργύριππα]

[πόλις τῆς Δαυνίας κατὰ τὸν Ἰόνιον κόλπον]

Ἀργυριπηνός

 

 

Δαυνία S2

Οἰνωτρία

 

 

 

 

S1

πόλις Οἰνώτρων

 

ἐν ϛʹ

 

 

 

 

 

Λαγαρία

φρούριον Σικελίας πλησίον Θουρίων, τοῦ Ἐπειοῦ καὶ Φωκέων κτίσμα

 

 

simple mention chronomytho­logique ?

Στρογγύλη

μία τῶν ἑπτὰ Αἰόλου νήσων

 

 

 

Χώνη

Σικελία S2 νῆσος S3

LIVRE VII – NORD DE L’EUROPE, ILLYRIE, EPIRE, MACÉDOINE ET THRACE Κελτική S2

Βούρχανις

Ἰλλυρία S1

Αἰγίνιον

 

 

 

 

νῆσος ἐν τῇ Κελτικῇ

 

 

 

 

 

 

 

πόλις Ἰλλυριῶν

 

 

 

S2

Ἀρδέια

πόλις Ἰλλυρίας

 

 

variante de Ἀρδέα

S

Δυρράχιον

[πόλις Ἰλλυρική]

 

 

indication chronomythologique

S2

[Δάλμιον]

[πόλις Δαλματίας μεταξὺ Ἰλλυρίας καὶ Ἰταλίας] Δαλματέοι

 

uniquement mention de l’ethnique ?

1. Les sources de Stéphane de Byzance et leur utilisation pour l’Europe occidentale Figure 40 (suite)– Mentions provenant des livres I à X de Strabon dans l’Épitomé. Abrév. Nom

Définition géographique

Ethnique

Œuvre

Commentaire

Ἠπείρος

 

 

 

 

πόλις Ἠπείρου

 

ζʹ

 

S3

Λύγκος

Θεσσαλία

 

 

 

 

S2

[πόλις τῆς Θεσσαλίας]

 

 

indication au sein des ethniques

Μακεδονία

 

 

 

 

S1

Ἀβυδών, Ἀβυδῶνος

χωρίον Μακεδονίας

 

 

 

S2

Δουρίοπος

πόλις Μακεδονίας

 

ζʹ

 

S3 ?

Ἐλιμία

πόλις Μακεδονίας

 

ζʹ

 

S2

Θεσσαλονίκεια [πόλις Μακεδονίας]

 

 

variante de Θεσσαλονίκη

S2

Ὁμόλιον

πόλις Μακεδονίας καὶ Μαγνησίας

 

ζʹ

 

S1

Χαλάστρα

[πόλις] Μακεδονίας

 

ἐν ζʹ

variante de rattachement géographique

 

 

 

 

Κραννών

Θρᾴκη S2

Βέργη

κώμη [Θρᾴκης πρὸς τῇ Χερρονήσῳ]

 

 

variante de nature

S2

Κορπίλοι

Θρᾳκῶν τινές

 

ζʹ

 

S2

Ὀδρύσαι

ἔθνος Θρᾴκης

 

ζʹ

 

S3

Λῆμνος

[νῆσος πρὸς τῇ Θρᾴκῃ]

 

 

indication chronomythologique

S2

Κρουσίς

μοῖρα τῆς Μυγδονίας

 

ζʹ

 

S2

Παρθένου ἱερόν

τόπος καὶ ἄκρα πρὸ τῆς Χερρονήσου πόλεως Βοσπόρου

 

 

 

S3

Συκή

[πόλις ἀντικρὺ τῆς νέας Ῥώμης]

 

 

variante de Συκαί

S2

Τομεύς

πόλις πρὸς τῇ Ὀδησσῷ

 

ζʹ

 

 

 

 

 

Τάναϊς

πόλις ὁμώνυμος τῷ ποταμῷ

 

ζʹ

 

 

 

 

 

Ἑρμώνακτος

κώμη [ἐν τῷ Κιμμερίῳ Βοσπόρῳ]

 

ἐν ζʹ

variante de Ἑρμώνασσα

S2

Θευδοσία

Ταυρικὴ πόλις παραλία

 

ζʹ

 

S2

Νύμφαιον

πόλις Ταυρικὴ μεταξὺ Παντικαπαίου μητροπόλεως καὶ Θεοδοσίας

 

 

 

S2

Νικωνία

πόλις ἐν τῷ Πόντῳ πρὸς ταῖς ἐκβολαῖς τοῦ Ἴστρου  

ζʹ

 

S2

Κάλλατις

πολίχνιον ἐν τῇ παραλίᾳ τοῦ Πόντου

 

ζʹ

 

S1

[Χαλκηδών]

[πόλις Βιθυνίας]

ὁ πολίτης Χαλκηδόνιος  

Ἴστρος S2 Σκυθία S2 Ταυρικὴ

Πόντος

ethnique

S1

Ἄζωρος

πόλις Πελαγονίας τῆς λεγομένης Τριπολίτιδος  

 

 

S2

[Ἀμφάξιον]

[πόλις]

Ἀμφαξίτης

ζʹ

 

S2

Κύδραι

πόλις τῶν Δευριόπων

 

ζʹ

 

S2

Τετραχωρῖται

οἱ Βεσσοί

 

ζʹ

 

219

220

Troisième Partie : Auteurs-sources et connaissance des espaces géographiques

Figure 40 (suite)– Mentions provenant des livres I à X de Strabon dans l’Épitomé. Abrév. Nom

Définition géographique

Ethnique

Œuvre

Commentaire

πόλις Ἀχαΐας

 

ηʹ

 

Κόρινθος

 

 

 

 

S2

[κώμη Κορίνθου]

ὁ πολίτης Κρεμμυώνιος citation sans ethnique mention d’auteur

Μεσσήνη

 

 

 

 

S2

Ἀμφιγένεια

πόλις Μεσσηνιακή

 

ηʹ

 

S2

Μεσσήνη

καὶ χώρα καὶ πόλις

 

ηʹ

 

Μεσσόα

τόπος Λακωνικῆς

 

ηʹ

 

S2

Ναυπλία

πόλις Ἄργους

οἱ οἰκοῦντες Ναυπλιεῖς ηʹ

également mention d’ethnique

S2

[Νεμέα]

[χώρα τῆς Ἀργολίδος]

τὸ ἐθνικὸν Νέμεος καὶ Νεμεαῖος

ηʹ

pour l’ethnique

ethnique

LIVRE VIII – NORD DE LA GRÈCE Ἀχαΐα S2

Τριταία [Κρεμμυών]

Λακωνική S2 Ἀργολίς

LIVRE IX – GRÈCE S1

[Αἴγιναι]

[νῆσος, μία τῶν Κυκλάδων]

ὁ πολίτης Αἰγινεύς

 

S2

[Ἄλος]

[πόλις Ἀχαΐας]

 

sans mention indication chronod’auteur mythologique

S2

Λάρισαι

κώμη Ἐφέσου

 

 

variante homonyme

 

 

 

 

Ναύπακτος

πόλις Αἰτωλίας

 

 

variante après Ephore

 

 

 

 

S2

Ἀνεμώρεια

[πόλις Φωκίδος]

 

sans mention variante ? d’auteur

S2

Μεδεών

Φωκικὴ πόλις

 

θʹ

S2

Παραχελῳῖται

 

 

sans mention indication chronod’auteur mythologique

S2

Ὑρία

[χώρα πλησίον Αὐλίδος]

 

sans mention variante d’auteur

 

 

 

Αἰτωλία S2 Φωκίς

Βοιωτία

variante homyme

 

S1

Ἀθῆναι

πόλις Βοιωτία, ἡ ἐκ τῆς λίμνης ἀναφανεῖσα   μετὰ τὸ πρότερον ἐπικλυσθῆναι τῆς Κωπαίδος

pas de men­ variante homonyme tion d’auteur

S2

Γέφυρα

[πόλις Βοιωτίας]

τινὲς δὲ τοὺς αὐτοὺς εἶναι καὶ Ταναγραίους φασίν

 

S2

Τάναγρα

[πόλις Βοιωτίας]

 

sans mention variante d’auteur

S2

Τελφούσιον

πόλις Βοιωτίας

 

θʹ

S2

Φαραί

πόλις Βοιωτίας

 

sans mention variante homonyme d’auteur

S2

Μέγαρα

[πόλις περὶ τὸν Ἰσθμόν, μέση Πελοποννήσου καὶ Ἀττικῆς καὶ Βοιωτίας]

 

θʹ

variante de l’ethnique ?

variante de Τέλφουσα

variante pour l’ethnique

1. Les sources de Stéphane de Byzance et leur utilisation pour l’Europe occidentale

221

Figure 40 (suite)– Mentions provenant des livres I à X de Strabon dans l’Épitomé. Abrév. Nom S1

Αἰγείρουσα

Ἀττική

Définition géographique

Ethnique

Œuvre

Commentaire

πόλις τῆς Μεγαρίδος

 

 

 

 

 

 

 

S2

Ἐπάκρια

μία τῶν ἐπὶ Κέκροπος συνοικισθεισῶν δώδεκα πόλεων

 

 

 

S2

Κυχρεία

[περὶ Σαλαμῖνα]

 

 

variante de Κυχρεῖος πάγος

S2

Ἅρμα

πόλις τῆς Ἀττικῆς

 

sans mention variante homonyme d’auteur

S2

Ἄφιδνα

[δῆμος Ἀττικῆς]

 

sans mention   d’auteur

S2

Σφηττός

[δῆμος Ἀκαμαντίδος φυλῆς]

 

sans mention   d’auteur

 

 

 

  variante

Λοκρίς S2

Καλλίαρος

[πόλις Λοκρῶν]

 

ἐν θʹ

S2

Φαρύγαι

[πόλις Λοκρίδος]

οἱ πολῖται Φαρυγαῖοι

sans mention ethnique d’auteur

 

 

 

 

πόλις Εὐβοίας

 

ἐνάτῳ

 

Θεσσαλία

 

 

 

 

S1

Αἱμονία

[ἡ Θετταλία]

 

sans mention   d’auteur

S2

[Ἄμυρος]

[πόλις Θεσσαλίας]

 

sans mention indication chronod’auteur mythologique

S2

Ἄργουρα

πόλις Θεσσαλίας, ἡ πρότερον Ἄργισσα

 

sans mention   d’auteur

S2

Δημήτριον

τόπος περὶ Θεσσαλίαν περὶ τὸ Κροκωτὸν πεδίον κείμενος παρὰ τὸν Ἄμφρυσον

 

sans mention   d’auteur

S2

Ἰθώμη

[πόλις Θεσσαλίας]

 

sans mention variante d’auteur

S2

Μελίβοια

πόλις Θετταλίας

 

θʹ

Εὐβοία S1

Αἴδηψος

 

S2

Μόψιον

πόλις τῆς Πελασγιώτιδος, χώρας Θεσσαλίας

 

θʹ

 

S2

Φθία

[πόλις καὶ μοῖρα Θετταλίας]

 

 

indication chronomythologique

S2

Φύλλος

πόλις ἐν Θετταλίᾳ

 

θʹ

 

[πόλις Μακεδονίας]

Ὠρωπιεύς

ἐν τῇ θʹ

ethnique, variante

Μακεδονία S1

Ὠρωπός

LIVRE X – GRÈCE Ἀκαρνανία S1

Ἀκαρνανία

χώρα κεχωρισμένη τῶν Κουρήτων πρὸς τῷ Ἀχελῴῳ

 

sans mention   d’auteur

S1

Ἄκτιον

[πόλις Ἀκαρνάνων]

 

sans mention indication chronod’auteur mythologique

S2

Ἁλίκυρνα

κώμη Ἀκαρνανίας

 

 

S2

Ἀχελῷος

ποταμὸς Ἀκαρνανίας

 

sans mention indication chronod’auteur mythologique

 

222

Troisième Partie : Auteurs-sources et connaissance des espaces géographiques

Figure 40 (suite)– Mentions provenant des livres I à X de Strabon dans l’Épitomé. Abrév. Nom

Définition géographique

Ethnique

Œuvre

S2

Κριθώτη

ἄκρα Ἀκαρνανίας

 

sans mention variante homonyme d’auteur

S2

Νήρικος

πόλις Ἀκαρνανίας

 

sans mention   d’auteur

 

 

 

 

Αἰτωλία

Commentaire

S3

Μακύνεια

πόλις Αἰτωλίας

 

ιʹ

 

S2

Μολυκρία

πόλις Αἰτωλίας

 

 

 

 

 

 

 

Κάρυστος

τόπος τῆς Αἴγυος πρὸς Ἀρκαδίαν

 

ιʹ

variante homonyme et vin

 

 

 

 

Ἀρκαδία S2 Εὐβοία S3 ?

Ἐλλοπία

[χωρίον Εὐβοίας]

 

sans mention indication chronod’auteur mythologique

S2

Τάμυνα

πόλις Ἐρετρίας

 

ιʹ

 

S2

Τελέθριον

ὄρος τῆς ἐν Εὐβοίᾳ Οἰχαλίας

 

ιʹ

 

S2

Ἀστερία

νησίον μεταξὺ Κεφαλληνίας καὶ Ἰθάκης

 

sans mention variante homonyme d’auteur

S2

Δουλίχιον

μία τῶν Ἐχινάδων νήσων

 

sans mention avec indication chronod’auteur mythologique

S2

Ἰουλίς

 

τὸ ἐθνικὸν Ἰουλιεύς καὶ sans mention ethnique avec indication Ἰουλιήτης ὡς πολιήτης d’auteur chrono-mythologique

S2

Κάλυμνα

νῆσος

τὸ ἐθνικὸν Καλύμνιος

ιʹ

S2

Κορησσία

πολίχνιον τῆς Κέω καὶ ἐπίνειον

 

sans mention variante homonyme d’auteur

νῆσος

ethnique

S2

Λάγουσα

νῆσος περὶ Κρήτην

 

ιʹ

 

S2

Μύκονος

 

 

ιʹ

indication chronomythologique

S3

Σίκινος

νῆσος περὶ τὴν Κρήτην

 

ιʹ

 

S2

Σῦρος

νῆσος Ἰωνική

 

ιʹ

 

S2

Φολέγανδρος

νῆσος τῶν Σποράδων

 

sans mention indication chronod’auteur mythologique

on trouvait déjà la plupart des géonymes mentionnés par Strabon. C’est d’ailleurs une des difficultés que présente l’Épitomé : on peut avoir l’impression de retrouver Strabon derrière de nombreux géonymes, mais il s’agit en fait d’Artémidore, qui est une des sources importantes de Strabon comme du lexique-source. Sachant qu’en plus le texte de Strabon, passé par le biais du lexique-source, présente des différences de lecture avec celui que nous ont transmis les manus­crits, il est souvent délicat de vérifier qu’il ait bien servi de source lorsque son nom a disparu. Ainsi, nous n’avons pas pu attribuer d’autres lemmes à Strabon alors que nous pouvons généralement le faire pour d’autres auteurs. À la lecture des lemmes de notre

ensemble géographique, il semble que Strabon n’ait été utilisé que pour compléter les géonymes que mentionnait Artémidore. Il faudrait une étude plus globale pour mieux comprendre le lien entre ces deux auteurs, du point de vue du lexique-source.

1.3. Les auteurs lus par Oros Les auteurs lus par Oros concernent peu la zone géographique qui nous intéresse. Le plus récent est peut-être Parthénios de Phocée (2e moitié du ive siècle ?), suivi d’Eusèbe de Césarée, dans le premier quart du ive siècle.

1. Les sources de Stéphane de Byzance et leur utilisation pour l’Europe occidentale On compte ensuite deux auteurs du iiie siècle (Diogène Laërce et Asinius Quadratus) et un autre à la charnière des ii e et iii e  siècle (Athénée de Naucratis). Pour le second siècle, le grammairien Hérodien constitue certainement le lien avec les grammairiens Apollonios Dyscole et Habron. Enfin, Appien est l’auteur le plus ancien, à peine postérieur au lexique-source. Nous ne reviendrons pas ici sur certains des auteurs déjà étudiés précédemment et qui n’apparaissent qu’incidemment dans notre corpus  : Eusèbe de Césarée (supra p. 177-178), Diogène Laërce (supra p. 178-179), Athénée de Naucratis (supra p. 180) et le grammairien Hérodien et ses prédécesseurs (supra p. 103 sq.). Pour tous ces auteurs, il est difficile d’approfondir l’étude des formes employées du fait de la petitesse du corpus. 1.3.1. Parthénios de Phocée (ive siècle ?) C’est auteur est totalement inconnu en dehors de l’Épitomé, comme nous l’avons vu supra (p. 176). Les quelques notices conservées sont cependant intéressantes. On peut se demander ainsi s’il ne constitue pas une des sources d’Agathias sur les peuples « barbares » d’Europe occidentale. Les mentions explicitement rattachées à cet auteur sont au nombre de quatre, dont deux seulement (Gotthoi [66] et Phrangoi [227]) se placent dans notre champ d’étude. Toutes les mentions connues peuvent se rapporter à l’histoire des peuples dits barbares. Notons que pour la notice de Phrangoi, nous ne savons pas s’il faut corriger Ἰταλίας en Γαλλίας, plus cohérent avec la réalité historique d’implantation mais peut-être pas nécessaire suivant le contexte où se plaçait cette mention. À ces notices, il faut peut-être en rapprocher une autre, celle du peuple des Alamanoi [16]. La notice est très courte dans l’Épitomé, bien que l’on soit dans un des livres les moins abrégés. Aucun nom d’auteur n’est signalé et nous restons de fait incertain entre Parthénios de Phocée et Asinius Quadratus dont on sait, par Agathias (1.6.3), qu’il citait ce peuple. Il n’est pas impossible toutefois que Parthénios de Phocée ait fait appel à cet auteur pour connaître l’origine de certains des peuples qu’il mentionnait. C’est peut-être d’ailleurs par son intermédiaire qu’Agathias citait Asinius Quadratus. Nous avons l’impression qu’il faut peut-être distinguer deux séries de citations distinctes. Les deux premières pourraient concerner les Alamans et les Francs lors des toutes premières invasions sur le territoire de l’Empire romain, dans le second quart du iiie siècle, en

223

particulier en Italie du Nord156. Mais on objectera que jusqu’ici, aucun auteur ne mentionne les Francs accompagnants les Alamans dans leur pillage de l’Italie. L’autre mention, concernant les Goths (et le Danube ?), pourrait se rapporter soit aux événements de 238 (pillage de la cité grecque d’Olbia) soit au franchissement du Danube en 249-251157. 1.3.2. Asinius Quadratus (2e quart du iiie siècle) Nous renvoyons supra (p. 171-173) pour la connaissance de cet auteur. P. Janiszewski propose de restituer ainsi le découpage de la Chilietêris, l’œuvre dans laquelle on trouve les mentions en lien avec notre corpus  : livre  I (pas de fragments) pour la fondation et la période royale, les livres II-XI pour l’époque républicaine, les livres XIIXIII pour César et Auguste et les livres XIV et XV pour l’Empire158. À l’inverse, d’autres historiens se sont posés la question d’une possible thématisation des livres, un peu à l’image d’un Hérodote ou d’Appien, et c’est ce que nous retiendrons159. Nous ne donnerons pas de tableau récapitulatif des formes du lexique d’Asinius Quadratus car les mentions sont trop peu nombreuses160. C’est de lui que l’Épitomé tient sa mention des Oxybioi [172], peuple ligyen (que nous proposons de rattacher au livre IV et non XIV, FGrHist 97 F 4), très certainement à l’occasion de l’intervention romaine de 154 av. J.-C. La seule information exploitable dans cette notice assez courte concerne la précision μοῖρα Λιγύων. Le premier terme, synonyme de « partie de territoire », n’est pas utilisé ailleurs dans notre corpus géographique, bien que l’on compte 43 occurrences dans l’ensemble de l’Épitomé. Rien ne permet de l’associer à un auteur particulier, mais on le trouve en relation avec Hérodote pour un toponyme d’Égypte. Or, nous savons qu’Asinius Quadratus a pris comme modèle cet historien 161. Le nom de Liguôn fait également référence aux auteurs «  anciens  », c’est-à-dire antérieurs à Artémidore. Il est donc possible qu’il y ait eu volontairement un style « archaïsant » dans son œuvre, ce qui irait bien dans le

156 

Christol 2006, p. 69-70 et 75. Christol 2006, p. 95-96 et 122-123. 158  Janiszewski 2006, p. 35-36. Dix fragments seulement sont recensés par F. Jacoby (97 F 1-4 et 21-26). 159  Voir en dernier lieu De Cicco 2017. 160  Il serait utile de le faire sur son œuvre sur les Parthes mais nous sommes là en dehors de notre cadre géographique. 161  Manni 1971. 157 

224

Troisième Partie : Auteurs-sources et connaissance des espaces géographiques

sens de l’utilisation du dialecte ionien que souligne la Souda162. Il est également l’une des sources pour le peuple des Ligyens (Ligues) et des Ibères, au livre V, référence aux luttes des Romains contre les Ibères et les Ligures au cours des iiie-iie s. av. J.-C. F. Jacoby place ce fragment en 156/155, mais cela n’est pas possible si le 8 e livre concerne les évènements de 154 av. J.-C. et si l’ouvrage suivait bien un ordre chronologique. Nous suivrons néanmoins G.  Zecchini qui propose une date postérieure à 238 av. J.-C., après la Première Guerre punique. Cette information se trouve dans la longue notice d’Ibêria [100] (FGrHist 97 F 2) et correspondrait au fait que des Celtes (appelés par archaïsme Ligues alors que Polybe parle de Keltoi) aient été impliqués dans la Deuxième guerre Punique et dans le passage d’Hannibal en Italie. On constate que cet auteur utilise aussi la forme ancienne d’Ibérie, à l’inverse de Charax qui lui est pourtant antérieur. Aucun autre géonyme n’a pu être identifié comme provenant de Quadratus ; ils sont peut-être plus difficiles à retrouver car ils sont perdus dans la masse des références que l’on rattacherait aux auteurs plus anciens. On peut imaginer toutefois que cet auteur restait assez superficiel dans l’écriture de son histoire romaine et qu’Oros aura trouvé peu de mention. Peut-être faut-il attribuer à Quadratus la notice des Alamanoi [16], mentionnés dans la Chilietêris (FGrHist 97  F  21) d’après Agathias (Hist.  1.6), probablement au moment de leur apparition le long de la frontière romaine en 213 apr. J.-C.163. Nous avons vu toutefois ci-dessus (p. 223) qu’il nous semblait préférable de l’attribuer à Parthénios de Phocée. 1.3.3. Appien (milieu du iie siècle) Nous renvoyons aux développements supra (p. 180) pour cet auteur. Parmi les trois citations que l’Épitomé a conservées, deux se rapportent à notre corpus géographique  : pour le peuple ibérique164 des Astapaioi  [32] avec la précision du livre VI (Iber. 33) et la ville ibérique 162  Notons toutefois que les fragments conservés des premiers livres de Dion Cassius utilisent le même ethnonyme. 163  Janiszewski 2006, p. 36. 164  Les manus­crits indiquent Libyens ; Meineke a laissé cette lecture en indiquant en note Ibêrias. Il s’agit probablement d’une mauvaise compréhension d’Oros, le texte d’Appien concernant cette ville commençant par « Ἀσταπὰ δ᾽ ἦν πόλις Καρχηδονίοις ἀεὶ ἐμμείνασα ὁμαλῶς » (il y avait une ville Astapa qui avait été toujours du côté carthaginois). Il faut noter également que l’Épitomé ne signale pas de nom de ville dans cette notice.

de Kastax [123], de manière explicite pour le nom de l’ethnique Kastakaios (Iber.  32). Dans son texte, on ne trouve le nom qu’à l’accusatif, ce qui ne permet pas de savoir si Appien utilisait la forme Kastax. D’après P. Goukowsky, il s’agirait d’une erreur de lecture de l’auteur pour Kastala, forme dérivée de la ville de Castulo, hypothèse que nous reprenons également. Bien que les correspondances entre les géonymes ibériques de l’Épitomé et ceux présents chez Appien soient nombreuses, elles sont probablement dues à l’utilisation de sources identiques plus que d’un véritable usage d’Appien pour la rédaction des Ethniques. On notera en particulier qu’Appien présente plusieurs formes différentes des noms de ville et de peuple165 donnés par Stéphane de Byzance, sans qu’elles n’apparaissent dans le texte de l’Épitomé. Se trouvaient-elles dans l’œuvre d’origine ou bien la lecture d’Appien n’a-t-elle été que très partielle ? On notera également que, contrairement à ce que pourraient laisser penser les extraits issus des Excerpta Constantiniana, Appien transcrivait semble-t-il le « v » latin par « ου » et non par « β »166. Les mots écrits avec un β ne peuvent donc pas provenir de cet auteur. Pour la partie celtique, nous proposons sous toute réserve de rattacher la mention de Dorokottoros  [75], ville des Rèmes, à Appien dans le cadre de la conquête de la Gaule par Jules César. Au vu des formes lexicales particulières d’Appien, il semble bien que Stéphane de Byzance n’a pas consulté directement l’Histoire romaine mais l’a utilisée de façon indirecte, à travers l’œuvre d’Oros et seulement pour des ethniques. Appien est un auteur à ne pas négliger pour notre étude car il tire ses informations de sources que nous n’avons pas conservées mais la préservation de son texte ne mérite pas de détailler cette analyse plus avant.

1.4. Les auteurs issus du lexique-source et indépendants de Pamphile Dans le lexique-source, quelques auteurs sont postérieurs au lexique de Pamphile et témoignent d’une analyse directe par son compilateur (Diogenianus  ?). On trouvera ici Charax de Pergame, Denys le Périégète et Parthénios de Nicée. 165  Βαιτύκη (Iber. 24), Βελλῶν (Iber. 44), Ζακάνθη (Iber. 19), Ἰλυργία (Iber.  32), Καρπησσός (Iber.  63), Καστολῶν (Iber.  16), Λούσονες (Iber.  42), Λυσιτανοὶ (Iber.  56), Νομαντίνοι (Iber.  76), Σεγήδη (Iber. 44) et Σεγηδαῖοι (Iber. 45), Τυρδιτανία (Iber. 16). 166   La démonstration est faite par P.  Goukowsky dans son introduction au Livre VI (ibérique) (Goukowsky 2003, p. xlviixlviii).

1. Les sources de Stéphane de Byzance et leur utilisation pour l’Europe occidentale 1.4.1. Charax de Pergame (2e quart du iie siècle) A. Claudius Charax167, prêtre et historien de Pergame vivant sous le règne d’Hadrien et d’Antonin le Pieux, apparaît dans plusieurs notices de l’Épitomé. L’auteur On connaît un peu son cursus honorum par des inscriptions retrouvées à Rome, à Pergame et à Sparte168. Après avoir été questeur de Sicile (avant  137), il est consul suffect en 147, sans doute grâce à l’appui de l’empereur Antonin. Il meurt probablement avant  160 puisque selon Marc Aurèle (8.25.2), il fait partie des personnages célèbres morts depuis longtemps. La Souda (χ 95 Adler) lui a consacré une notice, qui nous a conservé une épigramme qu’il avait composée et dans laquelle il se nomme « pontife du sanctuaire sacré de Pergame ». Il est également précisé qu’il avait écrit une Histoire des Grecs et des Romains en 40 livres169. Les mentions qui sont conservées de cet auteur dans l’Épitomé appartiennent à deux œuvres distinctes : les Helléniques et les Chroniques170. O.  Andrei a supposé que l’on avait tiré de l’œuvre mentionnée dans la Souda des extraits qui auraient constitué les deux œuvres distinctes171. W. Ameling pense au contraire que Charax avait composé une Histoire grecque (les Helléniques) et une Histoire romaine (les Chroniques), ce qui correspond effectivement au titre des fragments conservés, et les aurait ensuite assemblées en une seule œuvre172. Ceci permettrait d’expliquer, selon lui, que d’après la Souda il traitait d’Auguste dans le livre II et de Néron dans le livre VII. Comme l’Épitomé mentionne les deux œuvres de manière distincte, ils auraient été lus dans la phase antérieure à cette nouvelle édition. Nous privilégions l’hypothèse de W. Ameling. D’après les fragments conservés, les Helléniques avaient au moins 12 livres et les Chroniques 11 ; s’il y a bien eu fusion des deux, et si cela n’a pas entraîné une réduction du texte, cela représente donc un total d’au moins 23 livres. Pour expliquer le nombre total de 40 (M en onciales), qui semble un peu élevé, il faut peut-être FGrHist no 103 ; Duval 1971, no 180 ; Andrei 1984. 168  Voir la notice de B. Puech dans le DPhA (C 94). 169  FGrHist 103 F 1-14. 170  Stéphane de Byzance constitue la source exclusive pour les Chroniques et majoritaire pour les Helléniques (le reste est constitué d’un fragment tiré des Excerpta Constantiniana et de scholies). 171  Andrei 1984, p. 26-27. 172  Ameling 1986. 167 

225

plutôt restituer le nombre 31 (mélecture de ΛΑ). On ne peut expliquer les mentions d’Auguste dans le livre II et de Néron dans le livre VII, à moins de considérer que les Chroniques aient constitué la première partie (alors que le titre semble indiquer l’inverse). Nous ne savons quasiment rien des Chroniques. Les quelques fragments conservés173 permettent de préciser que le livre X, dans lequel prenait place la mention des Salyens (FGrHist 103 F 24), concerne des événements qui ne dépassent pas les années 140174. Un fragment du livre suivant se rapporte en effet à la date de 138/137 av. J.-C. Cette indication est importante, comme nous allons le voir plus loin. Nous n’avons pas de fragment attesté pour le livre IX, et le livre VIII couvrait une partie du iiie s. av. J.-C. Nous retiendrons comme probable l’hypothèse de la fusion des deux œuvres par l’auteur lui-même pour une seconde édition d’autant qu’il était renommé pour son activité littéraire comme en témoigne l’inscription de la statue que la cité de Patras lui a dédié à Pergame. À  l’époque à laquelle écrit l’auteur du lexique-source (Diogenianus  ?), certainement peu de temps après la publication de ces œuvres, celles-ci sont encore séparées. Nous avons peut-être là un indice intéressant pour la date de rédaction du lexique-source. L’utilisation de Charax dans le lexique Pour mieux comprendre comment le lexique-source a utilisé Charax, on peut analyser les différentes mentions conservées, en commençant d’abord par la définition géographique (fig. 41). On repère ici deux variantes par rapport à l’usage général : l’utilisation de ἐν pour introduire la définition géographique et, à deux reprises, la précision de « ils ont combattu les Romains » (πολεμῆσαν Ῥωμαίοις) pour les Sabins et les Salyens. L’utilisation de πολεμῆσαν est rare dans l’Épitomé (5 occurrences) ; on la trouve également, et exclusivement, pour les Bassariques de Dionysios (Dardai, δ 17 ; Zabioi, ζ 2 ; Prasioi, π 230), auteur qui selon nous a été lu par Diogenianus et non par Oros ou Stéphane de Byzance. Ce terme serait donc caractéristique du lexique-source et serait un indice de la rédaction des deux lexiques partiels d’auteurs par une même per173  FGrHist 103 F 15-30. Il faut ajouter pour l’une ou l’autre des deux œuvres les fragments 103 F 31-63. À la suite de F. Jacoby, nous proposons d’attribuer les fragments 40-42, 44-47, 52, 61 aux Chroniques, ainsi que le no 63. 174  Les fragments conservés pour lesquels on peut préciser la chronologie sont datés entre 145 et 140 av. J.-C.

226

Troisième Partie : Auteurs-sources et connaissance des espaces géographiques

Figure 41 – Mentions provenant de Charax dans l’Épitomé. Abréviation Nom ESPAGNE - GAULE Ἱσπανία S2 Ἄρσα S2 Ἱσπανίαι Λιγυστική S3 Σάλυες

Œuvre

πόλις Ἱσπανίας [δύο τῆς Ἰταλίας ἐπαρχίαι]

ἐν ιʹ Χρονικῶν   ἐν ιʹ Χρονικῶν ; ἐν Ἑλληνικῶν γʹ   ἐν ιʹ Χρονικῶν

 

[ἔθνος Γαλατικόν]

 

 

variante de Ἀλλόβρυγες

[ἔθνος Ἰταλικόν]

 

 

Ἄλβας [Ἀρδέα]

[πόλις Ἰταλίας]  

   

   

indication chronomythologique variante de Ἄλβα variante

Κούριοι

ἔθνος Σαβίνων πολεμῆσαν Ῥωμαίοις

 

ιβʹ

 

 

 

variante homonyme

   

   

variante variante de Καμικός

 

ἐν ζʹ Χρονικῶν

 

 

ἐν βʹ

variante homonyme

 

 

Μεσσαπία S2 Τροιζήν ἐν Μεσσαπίᾳ τῆς Ἰταλίας Σικελία S2 Ἀχραδίνη χώρα καὶ νῆσος S2 Ἴνυκος [πόλις Σικελίας] ENTRE ITALIE ET GRÈCE – GRECE - THRACE Θεσπρωτία S2 Αὐταριᾶται ἔθνος Θεσπρωτικόν Βοιωτία S2 Ἄστυρα πόλις Βοιωτίας πρὸς ταῖς Ποτνίαις Ἀττική S1 Ἀθῆναι ἡ ἐν Ἀττικῇ S1 Λακωνική S2 Ἀρκαδία S2 S2

τὸ ἐθνικὸν Ἀρσαῖος ?  

Commentaire

[ἔθνος δυτικόν], πολεμῆσαν   Ῥωμαίοις

Κελτική S2 Ἀλλόβρογες ITALIE - SICILE Ἰταλία S1 Ἀβοριγῖνες S1 S2 Σαβίνοι S2

Définition géographique Ethnique

Ὠγυγία

ἡ Ἀττικὴ

 

ἐν τοῖς Χρονικοῖς

indication chronomythologique variante homonyme

Ἀνθήνη

[πόλις Λακωνική]

 

 

variante de Ἀνθάνα

Παρρασία Φήγεια

[πόλις Ἀρκαδίας] πόλις Ἀρκαδίας

   

ἐν αʹ Χρονικῶν Ἑλληνικῶν δʹ

  indication chronomythologique ?

[πόλις] [πόλις]

Ταινάριοι θῆβαι ὁ φυλέτης Ὑλλεύς

ἐν Ἑλληνικῶν βʹ θʹ

ethnique  

πόλις Ἀργείας

Ὑσιᾶται ?

ἐν θʹ Ἑλληνικῶν

 

[πόλις Εὐβοίας]

τὸ ἐθνικὸν Ὠρείτης

ἐν Χρονικῶν {ι}ϛʹ

ethnique variante

[τῆς Θετταλικῆς]

 

 

 

Πελοπόννησος S2 Ταίναρος S2 [Ὑλλεῖς] Ἀργολίς S2 Ὑσία Εὐβοία S1 Ὠρεός Θεσσαλία [τῆς Δωρίδος] S2

1. Les sources de Stéphane de Byzance et leur utilisation pour l’Europe occidentale

227

Figure 41 (suite) – Mentions provenant de Charax dans l’Épitomé. Abréviation Nom Définition géographique Παιονίας S1 Ἀγρίαι [ἔθνος Παιονίας] ASIE MINEURE – ILES Τρῳάς S2 Νεάνδρεια πόλις Τρῳάδος ἐν Ἑλλησπόντῳ S1 Ἀδράστεια τόπος Τρωάδος Λῆμνος S2 Ἡφαιστιάς [πόλις ἐν Λήμνῳ] Ἰωνία S2 Ἀμοργός [νῆσος μία τῶν Κυκλάδων] S2 Ἱερὰ νῆσος ἐν τῷ Κρητικῷ πελάγει Ἰσαυρία S2 Ἰσαυρία πόλις Καρία S1 Ἀλάβανδα [πόλις Καρίας] Φρυγία S2 Τύμβριον [πόλις Φρυγίας] Λυκαονία S2 Λάρανδα [πόλις Λυκαονίας] LIBYE - EGYPTE Λιβύη S1 Ἄζιρον [πόλις Λιβύης] Αἰγύπτος S1

Αἴγυπτος

Œuvre

Commentaire

 

ἐν βʹ Χρονικῶν

indication de ktétique

 

 

 

 

Ἑλληνικῶν βʹ

 

τὸ ἐθνικὸν Ἡφαιστιεύς

ἐν ιʹ Χρονικῶν

ethnique

Ἀμόργιος  

   

variante de l’ethnique  

 

 

variante de genre

 

 

 

 

 

variante de Τέμβριον

ὁ πολίτης Λαρανδεύς

γʹ Χρονικῶν

ethnique

τὸ ἐθνικὸν Ἀζιρεύς, ὡς Σουνιεύς

 

variante de Ἄζιλις

 

indication chronomythologique

 

 

variante de genre

 

ἐν ϛʹ Χρονικῶν

pour indication chronomythologique ?

[καὶ ἡ χώρα καὶ ὁ ποταμός]  

ASIE – PROCHE ORIENT Βακτριανή S2 Ζαρίασπα [πόλις Βακτριανή] Δραγγιανή S2 Φράδα πόλις ἐν Δράγγαις Ἀλβανοί S2 Φοινίκη S S2 Παλαιστίνη S3 ?

Ethnique

Φιδήνη

[πόλις Ἀλβανῶν]

Φιδηνάτης

ιβʹ

variante de l’ethnique

Δῶρος Ἰόπη

[πόλις Φοινίκης] πόλις Φοινίκης

   

ιαʹ  

variante féminin

Ἐβραῖοι

 

 

 

S2

Κοσίανα

φρούριον Παλαιστίνης

τὸ ἐθνικὸν Κοσιανεύς, ὡς ιʹ Τύανα Τυανεύς

indication chronomythologique  

Συρία S1 S1 S2

Ἀλαβούριον πόλις Συρίας Ἐγβάτανα [πολίχνιον Συρίας] Φιλωτέρα πόλις κοίλης Συρίας

τὸ ἐθνικὸν Ἀλαβούριος ?    

ηʹ Χρονικῶν   ἐν ηʹ Χρονικῶν

  variante de Ἀγβάτανα variante homonyme

228

Troisième Partie : Auteurs-sources et connaissance des espaces géographiques

sonne, peut-être Diogenianus puisque ce sont les œuvres les plus récentes de son corpus. Dans les variantes des géonymes de l’Épitomé, on trouve à deux reprises des mentions de genre différent du lemme principal : Χάραξ δὲ οὐδετέρως τὰ Ζαρίασπα (s.v. Zariaspa, ζ 11), Χάραξ δὲ θηλυκῶς (s.v. Isauria, ι 96). De même, de nombreuses variantes sont proposées sous le nom de Charax : sur les 47 mentions conservées de cet auteur, 18 concernent des variantes dans la rubrique ([C]), principalement orthographiques. Cet auteur a également servi assez fortement pour la définition chrono-mythologique (10 sur 47), c’est même un des aspects que l’on a pu mettre en évidence dans son œuvre 175. B. Puech signale d’ailleurs « comment ce travail s’insère dans un courant idéologique qui baigne l’ensemble de l’Empire et rappelle la signification de ce recours au passé »176. Nous allons reprendre l’étude plus précise des mentions se rapportant à notre aire géographique. Nous avons regroupé dans un tableau tous les géonymes que l’on peut attribuer à Charax (fig. 42). Si l’on a un regard complet sur les mentions pouvant se rapporter à Charax, on note que l’une des formations caractéristiques de ses ethniques se fait en -ios, les autres formes étant en -eus et très exceptionnellement (par copie d’Artémidore ?) en -tês. Les géonymes se rapportant au Midi de la Gaule Évacuons d’abord la mention de Troizên  [222] sur laquelle les historiens ont souvent glosé. Si l’on se fie aux éditions existantes, cette ville est dite dans l’Épitomé, selon Charax, « en Massalie d’Italie ». Cette mention se retrouve sous une forme assez proche chez Eustathe de Thessalonique qui semble plus claire : « (…) il y en a une autre en Italie, massaliotique »177. Le terme même de massaliotique ne se trouvant nulle part dans l’Épitomé, la formulation est celle d’Eustathe, destinée à rendre plus explicite « ἐν Μασσαλίᾳ ». Mais ce toponyme reste unique dans la documentation s’il se rapporte bien au territoire marseillais. Pour mieux comprendre la notice, il faut la rapprocher de celle de Chalkis (χ 17). À propos 175 

Voir l’analyse détaillée d’Andrei 1984. DPhA C 94. 177  Sur ces textes Cf. Tréziny 1992, p. 55-56. La traduction du texte d’Eustathe ne pose à notre sens aucun problème ; pour celle de l’Épitomé, nous estimons avec M. Gras (Gras 2003, p. 243) qu’elle ne nécessite pas le rajout de « καὶ » entre « Μασσαλίᾳ » et « τῆς Ἰταλίας », contrairement à ce que proposaient J. Brunel et H. Tréziny (Brunel 1945 ; Tréziny 1992, p. 57-58). 176 

d’une des villes de ce nom (Chalkitis), l’Épitomé précise qu’elle est située « ἐν Μεσσαπίᾳ τῆς Ἰταλίας », c’est-àdire dans la « Messapie » d’Italie. Ici il s’agit très clairement de distinguer deux Messapia, l’une en Béotie et l’autre en Italie. On trouve également une ville Ἀμαζονία, πόλις Μεσσαπίας (s.v.  Amazones, α  246) et Σαλλεντία, πόλις Μεσσαπίων (σ 25). Compte tenu du fait qu’aucune Troizên n’est connue dans le Midi de la Gaule, et que la formulation ne cesse depuis un siècle de poser des problèmes d’interprétation, il semble beaucoup plus probable d’avoir une mauvaise lecture d’un terme géographique somme toute peu commun mais pas unique dans l’Épitomé. C’est pourquoi nous proposons que Troizên fût dite à l’origine, par Charax, « ville de Messapie ». Elle ne situe donc ni en Gaule ni en Ligurie mais bien en Italie du Sud. Deux mentions attribuées explicitement à Charax concernent le Midi de la Gaule au sens large : le peuple des Salues [190] et le peuple des Allobroges [21]. La première provient de la notice sur le peuple des Salues, les Salyens. On notera tout d’abord la forme Sallues, avec deux « λ », donnée par A. Meineke à la suite d’Holstein ; l’ordre alphabétique du texte d’origine oblige ce maintien, alors que la forme correcte en grec n’en compte qu’un178. Plus important, dans l’édition de Meineke (et chez tous les auteurs qui l’ont utilisé), le rattachement géographique du peuple se fait en utilisant la forme ancienne de la Ligystique, sous la forme adjective ligustikon. Ceci apparaît étonnant pour un auteur du iie siècle de notre ère, et ne se conçoit que dans la mesure où il a utilisé une source ancienne, antérieure à l’époque augustéenne. Or les manus­crits ont δυτικόν et une fois δυστικόν pour le seul manus­crit R qui contient de nombreuses corrections propres à son auteur et pas toujours exactes. Quand on regarde l’ensemble des mentions issues de Charax, on ne trouve pas spécialement d’emploi de géonymes archaïsants. Bien au contraire, il est le seul dans tout notre corpus à employer la forme Hispania [110] correspondant à la forme romaine, là où tous les autres, et encore après lui Appien, écrivent Ibêria [100]. C’est pourquoi nous proposons de garder la mention des manus­crits et de comprendre qu’il s’agit d’un peuple occidental dont on précise qu’il a combattu les Romains. Une mention comparable se retrouve dans la notice du peuple espagnol des Bargousioi  [43]. L’explication se rapporte ici à Polybe, c’est pourquoi nous proposerons de distinguer le début de la notice de Sallues, « peuple 178 

P. Thollard le signale mais en prenant en compte la forme restituée par Meineke (Thollard 2009).

1. Les sources de Stéphane de Byzance et leur utilisation pour l’Europe occidentale

229

Figure 42 – Ensemble des mentions d’Europe occidentale pouvant être rapportées à Charax. Abréviation Nom

Définition géographique

Ethnique

Œuvre

Commentaire

Ἱσπανία S2

Ἱσπανίαι

[δύο τῆς Ἰταλίας ἐπαρχίαι]

 

ἐν ιʹ Χρονικῶν ; ἐν Ἑλληνικῶν γʹ

 

S2

Βαιτική

χώρα

 

 

 

S2

Ταρράκων

πόλις δυσμικωτέρα τῆς Ταρρακωνησίας τὸ ἐθνικὸν Ταρρακωνήσιος   χώρας

?

S2

Βακκαῖοι

Ἱσπανίας ἔθνος

 

 

 

S2

Βελών

πόλις καὶ ποταμὸς ἐν τῇ Βαιτίκῃ τῆς Ἱσπανίας

ὁ πολίτης Βελώνιος

 

 

S2

Ἦλις

πόλις Ἱσπανίας

 

 

variante homonyme. Erreur ?

S2

Ἄρσα

πόλις Ἱσπανίας

τὸ ἐθνικὸν Ἀρσαῖος ?

ἐν ιʹ Χρονικῶν

 

S3

Σάγουντος

πόλις ἐν Ἱσπανίαις

οἱ πολῖται Σαγούντιοι

 

 

S2

Βελγίκη

ἡ χώρα, ὡς Βαιτίκη, προσεχὴς ταῖς Γερμανίαις

 

 

 

S2

Γαλλία

χώρα

 

 

 

S2

Νέμαυσος

πόλις Γαλλίας

τὸ ἐθνικὸν Νεμαύσιος

 

 

S2

Βίεννα

πόλις ἐν Γαλλίᾳ

τὸ ἐθνικὸν ὁμοίως Βιέννιος  

 

S3

Σάλυες

[ἔθνος δυτικόν], πολεμῆσαν Ῥωμαίοις

 

ἐν ιʹ Χρονικῶν

 

S2

Ἀλλόβρογες

[ἔθνος Γαλατικόν]

 

 

variante de Ἀλλόβρυγες

Γαλλία

occidental » qui pourrait témoigner d’une mention de Polybe ayant disparu, de l’indication qui suit, « ils ont combattu les Romains » qui se retrouve, nous l’avons dit, à propos du peuple des Sabins et provient certainement du contexte de l’œuvre de Charax. La mention des Allobroges, sous cette forme alors que le lemme principal, issu d’Apollodore d’Athènes, est Allobruges, n’apporte pas de précision supplémentaire. Puisque nous sommes dans les Chroniques179, il faut mettre en rapport ces mentions avec des événements en lien avec les interventions des Romains. Les Allobroges font penser bien évidemment aux actions entreprises en 122-121 av. J.-C. Sans indication du contexte, il n’est pas certain qu’il faille rattacher cette notice au livre X qui est antérieur à 138/137 av. J.-C. (et postérieur au iiie siècle avant notre ère). C’est à ce livre en revanche qu’appartient la mention des Salyens, s’il n’y a pas d’erreur dans la transmission du texte, probablement à propos des événements de 154 av. J.-C. qui étaient relatés en suivant Polybe. 179   Il nous semble totalement exclu que les mentions proviennent des Helléniques, qui ne concernaient que les évènements en rapport avec les Grecs.

Pour une période plus récente, on trouve dans l’Épitomé deux géonymes se rapportant à des villes situées en Gaule et utilisant le déterminant spécifique de Gallia, qui est d’un emploi très rare dans notre corpus. Il s’agit de Bienna [51] et Nemausos  [157], la première ayant en plus l’indication πόλις ἐν Γαλλίᾳ qui l’apparente tout à fait au lexique de notre auteur. Les deux ont en outre des informations chrono-mythologiques, typiques de Charax, on l’a dit. Très rapide pour Nemausos (et se rapportant explicitement à Parthénios de Nicée), cette rubrique est beaucoup plus développée pour Bienna, et peut provenir du même poète élégiaque bien que son nom n’apparaisse pas. Les géonymes se rapportant à la péninsule ibérique Pour la péninsule ibérique, les mentions de Charax sont importantes car elles marquent un changement majeur dans la définition géographique. C’est en effet le premier (et le seul) auteur de notre corpus qui utilise le terme d’Hispanie en lieu et place d’Ibérie. La notice de ce lemme [110] chez Stéphane de Byzance, conservée par Constantin Porphyrogénète, donne en effet une mention issue du livre III des Helléniques (FGrHist 103 F 3),

230

Troisième Partie : Auteurs-sources et connaissance des espaces géographiques

Figure 43 – Mentions provenant de Denys le Périégète dans l’Épitomé. Abréviation

Nom

Définition géographique

Ethnique

Œuvre

Commentaire

 

variante homonyme

ESPAGNE - GAULE S1

Χρύση

περισπωμένως λεγομένη νῆσος   Ὠκεανῖτις, ἣν οὕτω καλεῖ Διονύσιος διὰ τὸ χρυσοῦ ἔχειν μέταλλα

[Ἰβηρία]

 

τὸ ἐθνικὸν Ἴβηρες ὡς   Πίερες Βύζηρες

mention également du ktétique

 

 

Βρετανοί

 

ethnique, variante de Βρεττία

ὄρος διὰ μέσης Ἰταλίας τεταμένον

 

sans mention d’auteur mais   avec citation de 2 vers

Ἰβηρία S2 Πρετανικὴ S2

ITALIE - SICILE Ἰταλία S2

Ἀπέννιον

ENTRE ITALIE ET GRÈCE – GRECE Μολοσσία S

Δωδώνη

[πόλις τῆς Μολοσσίδος ἐν Ἠπείρῳ]  

 

 

Χαλκίς

Αἰτωλίας, ἀφ’ ἧς Ἀχελῷος ῥεῖ

 

 

variante homonyme

Πελοπόννησος

χερρόνησος ἀμπέλου φύλλῳ τῷ σχήματι παρεμφερής

 

 

variante homonyme

Αἰτωλία S1 Πελοπόννησος S3

THRACE – MER NOIRE Ἴστρος S2

Βαστάρναι

ἔθνος ὑπὲρ τὸν Ἴστρον οἰκοῦν

 

ἐν Περιηγήσει

 

S2

Νευροί

ἔθνος τῆς Σαρματίας

 

ἐν Περιηγήσει

 

νῆσος μικρά, πόλιν ἔχουσα, ἐν τῷ   Κιμμερίῳ Βοσπόρῳ, Ἰώνων ἄποικον

 

 

Ἄβυδος

(πόλις) καθ’ Ἑλλήσποντον τῶν Μιλησίων ἄποικος

 

 

 

Χίος

πόλις Καρίας ὑπὸ τὸ ὄρος τὸ Πελινναῖον

 

 

variante homonyme

Ἀγχιάλεια

[πόλις Κιλικίας]

 

 

variante de Ἀγχιάλη

S2

Δῆλος

νῆσος μία τῶν Κυκλάδων

 

sans mention d’auteur mais   avec citation d’un vers

S2

Κάρπαθος

νῆσος Κρήτης

 

 

variante de rattachement géographique

S2

Κύπρος

νῆσος μεγάλη

 

 

 

Κιμμερίος Βοσπόρος S2

Ἑρμώνασσα

ASIE MINEURE - ILES Ἑλλήσποντος S1 Καρία S1 Κιλικία S1 νῆσοι

1. Les sources de Stéphane de Byzance et leur utilisation pour l’Europe occidentale

231

Figure 43 (suite) – Mentions provenant de Denys le Périégète dans l’Épitomé. Abréviation

Nom

Définition géographique

Ethnique

Œuvre

Commentaire

LIBYE - EGYPTE Λιβύη S2

Νίγρητες

ἔθνος Λιβύης

 

 

 

S2

Φαρούσιοι

ἔθνος Λιβυκόν

 

 

 

Ἀσίς

 

 

 

variante de Ἀσία

Ἀρμένιον

ὄρος περὶ τὴν ἀρχὴν τῆς Ὑρκανίας

 

 

variante de Ἀρμενία

S2

Ἰνδός

[ποταμός]

 

 

variante pour le ktétique

S2

Γεδρώσιοι

ἔθνος Ἰνδικόν

 

Περιηγήσει

 

Βηρυτός

[πόλις Φοινίκης]

 

 

dans un complément grammatical

Ἰόπη

πόλις Παλαιστίνης

 

 

variante de rattachement géographique

Ἀραβία

ἡ χώρα

 

 

indication chronomythologique

ASIE – PROCHE ORIENT S2 Ὑρκανία S2 Ἰνδική

Φοινίκη S2 Παλαιστίνη S2

Ἀραβία S2

qui prend place dans les premiers temps de la colonisation grecque en Ibérie, et deux mentions du livre X des Chroniques (FGrHist 103  F  26 et 27) qui se réfèrent aux événements de la guerre contre les Celtibères, et doivent être datés des années 142-140 av. J.-C. Du même livre est issue la notice d’Arsa [30], probablement dans un contexte identique, sur laquelle nous allons revenir. Sur la base de la forme Hispania [110], peu fréquente dans l’Épitomé, nous proposons d’attribuer à cet auteur le nom du peuple des Bakkaioi [41] (là encore il s’agit d’une forme romanisée de l’ancien Ouakkaioi de Polybe) et la ville de Sagountos [188] (nom romain de Sagonte, là où Polybe écrivait Zakantha). De même, c’est probablement toujours à Charax qu’il faut rapporter les notices de la ville et du fleuve Belôn [50] en Bétique, et de la ville d’Êlis [91] même si, pour la première, on la trouve aussi mentionnée par Marcien (Per. Ext. 2.9). Peut-être faut-il aussi lui attribuer la ville de Tarrakôn [209], qui est localisée comme la ville la plus à l’ouest de la «  province  » (χώρα) de Tarraconaise, indication qui semble assez typique de Charax comme nous allons le voir. Nous lui associons la ville d’Arsa [30]

signalée plus haut comme provenant du livre  X des Chroniques. Nous ne connaissons pas le contexte dans lequel elle était citée et même de quelle ville il s’agit puisque ce nom était porté par des villes différentes. Ces mentions peuvent se rapporter aux évènements de la guerre contre Viriathe et alors correspondre aux deux villes des Turdules que mentionne Pline l’Ancien (3.14). Des mentions de chôra chez Charax ? L’apport de cette relecture permet de proposer peutêtre un rattachement à cet auteur du nom de provinces romaines comme la Bétique (2 e partie de la notice Baitis  [40]), la Tarraconaise (Tarrakônêsia  [209]), la (Gaule) Belgique (Belgikê [47], qui est dite « proche de la Germania ») et du lemme de la Gaule (Gallia [61]). Toutes ces déterminations semblent se rapporter à une période postérieure à Strabon par l’emploi de dénominations calquées sur le latin, mais sans qu’aucun auteur ne soit mentionné. À chaque fois, ces ensembles géographiques, plutôt de nature administrative, sont appelés du nom de χώρα et non d’ἐπαρχία comme le ferait Marcien. Peut-être faut-il également rapprocher la notice sur les

232

Troisième Partie : Auteurs-sources et connaissance des espaces géographiques

Figure 44 – Mentions provenant de Juba dans l’Épitomé. Abréviation

Nom

Définition géographique

Ethnique

Œuvre

Commentaire

Ἀρβάκη

πόλις ἐν Κελτιβηρίᾳ

τὸ ἐθνικὸν Ἀρβακαῖος ?  

avec l’ethnique ?

Νομαντία

πόλις Ἰβηρίας

 

ἐν βʹ Ῥωμαϊκῆς ἀρχαιολογίας

 

S2

Λαβίνιον

πόλις Ἰταλίας, Αἰνείου κτίσμα  

ἐν αʹ

 

S1

Ἀβοριγῖνες

ἔθνος Ἰταλικόν

 

ἐν Ῥωμαϊκῆς ἱστορίας πρώτῳ

 

S1

Ὠστία

πόλις Ἰταλίας

 

ἐν αʹ Ῥωμαϊκῆς ἱστορίας

 

Κελτιβηρία S2 Ἰβηρία S2 Ἰταλία

Alpes (Alpeia [22]), voire les Pyrénées (Purênê [180]). Elles semblent proches de ce que Polybe pouvait mentionner et que nous analysons infra p. 256-260 ; il pouvait s’agir d’une réactualisation faite par Diogenianus d’informations plus anciennes. Au regard de toutes ces mentions, il semble que Charax soit très largement tributaire de Polybe pour l’histoire des Romains en Espagne, comme pour celle concernant le Midi de la Gaule. Ses Chroniques réactualisent les termes grecs en fonction des réalités du monde romain de son époque. En cela, il est représentatif de cette génération de Grecs qui accèdent aux hautes fonctions de l’Empire aux iie-iiie  siècles180. Par ailleurs, il semble jouer un rôle important dans la constitution du lexique-source car il est probablement l’auteur le plus récent lu par Diogenianus. Ainsi, bon nombre de déterminations géographiques liées à des géonymes très fréquents peuvent provenir de cet auteur. 1.4.2. Denys le Périégète (1er quart du iie siècle ?) Denys le Périégète est très difficile à identifier, du fait du nombre de Denys attesté durant l’Empire romain. Il semble avoir été actif sous Hadrien181 et être originaire d’Alexandrie. L’œuvre conservée de cet auteur est une périégèse versifiée, comportant 1186 vers. Ayant connu un succès extraordinaire dans l’Antiquité et durant la période byzantine, elle a fait l’objet de nombreuses traductions et exégèses (dont la plus détaillée est constituée par le commentaire d’Eustathe de Thessalonique que nous avons conservé). Nous suivrons volontiers D. Marcotte lors180 

Là dessus, voir l’analyse d’Andrei 1984. Son nom et celui de l’empereur Hadrien apparaissent en acrostiche dans le poème. Voir en particulier Marcotte  2000, p. liii et l’introduction de GGM, II, p. xv-xxii. Pour la datation, voir Amato 2003. 181 

qu’il propose de voir dans cette œuvre et ses commentaires un corpus à part entière182. Nous avons de lui 24 citations conservées dans l’Épitomé, dont trois nous intéressent directement. Nous pouvons déjà examiner la façon dont se fait le rattachement géographique (fig. 43). De façon générale, les notices issues de Denys le Périégète ont des définitions géographiques assez élaborées, donnant plus de détail qu’un simple rattachement à un géonyme. Parmi toutes les mentions, quatre proviennent de la partie chrono-mythologique et quatre sont des variantes de toponyme. Si l’on reprend le texte des notices dans lesquelles on trouve des mentions de Denys, certaines sont en partie remaniées avec le lexique de Marcien (Asia, α 474 ; Brettia, β 169 ; Hermônassa, ε 123 ; Ibêriai, ι 19 ; Chrusê, χ  57), d’autres par Oros (Apennion, α  354  ; Bêrutos, β 88 ; Ibêria, ι 19), mais la grande majorité des textes provient directement du lexique-source. C’est pourquoi nous pensons que Denys se trouve dans les Ethniques par le biais de ce lexique du iie siècle de notre ère. Quatre mentions concernent notre corpus géographique. La première copie le v. 282 qui mentionne le peuple ibère [100]  ; la seconde reprend le v.  284 qui cite les Bretanoi [56]. On trouve dans la même notice Ibêriai [100], un autre vers (v. 69) de Denys, sans qu’apparaisse son nom. Enfin, bien que située hors de notre cadre géographique, nous avons gardé pour comparaison la notice Bastarnai [44] qui renferme deux vers (v. 303-304) cités intégralement. Le fait d’avoir conservé l’œuvre ne nécessite pas une analyse très poussée de ces mentions puisque nous pouvons nous y référer directement. Elles ne posent pas de problème d’identification ou de compréhension.

182 

Marcotte 2000, p. liv.

1. Les sources de Stéphane de Byzance et leur utilisation pour l’Europe occidentale 1.4.3. Parthénios de Nicée (2e moitié du ier s. av. J.-C.) Il s’agit d’un poète élégiaque, dont on connait un peu la vie par la Souda183 : originaire de Nicée en Bithynie, il est fait prisonnier lors de la troisième guerre contre Mithridate en 73/72 ou 66/65 av. J.-C.184 et transféré à Rome (par C. Helvius Cinna ?). Il rencontre Virgile et C. Cornelius Gallus, dont il semble assurer la formation littéraire. Dans notre corpus, il apparaît pour trois notices distinctes : dans son poème Délos, il cite les Belêdonioi [48], peuple situé au bord de l’océan et qu’il faut probablement rapprocher des Belitanoi mentionnés par Artémidore d’Éphèse 185. Plusieurs fragments sont connus de son œuvre186 ; il semble peu vraisemblable qu’il s’agisse ici de l’hymne délien qu’on lui connaît187. La forme retenue par les éditeurs de Parthénios diffère de celle de nos manus­ crits : « οὐδ’ ἀποτηλίτων ἄκρα Βεληδονίων » (SH no 622). D’un second poème, Leucadia, est extraite une mention de l’Ibérie [100]188. Nous ne connaissons de cette œuvre que ce fragment. Il s’agit d’un poème dédié peutêtre à une jeune fille de ce nom, plutôt qu’à l’île de Leucade bordant la côte occidentale de la Grèce. Enfin une mention issue d’une œuvre non citée dans l’Épitomé, est signalée à propos d’Héraclès Nemausos [157]189. Il s’agit très vraisemblablement de notre auteur, et non du tardif Parthénios de Phocée. On peut imaginer un poème consacré à Héraclès et mentionnant une forme locale de culte à ce héros. Par l’étude comparative, nous proposons de faire de Charax (cf. supra p. 229) l’auteur ayant intégré la mention se rapportant à Nemausos, que nous mettons en parallèle avec celle de Bienna [51], ville de Gaule narbonnaise. La fondation de cette seconde cité est rapportée dans l’Épitomé d’une façon presque mythologique qui nous semble attribuable au même Parthénios de 183 

π 664 Adler. Sur Parthénios, voir Duval 1971 no 80, p. 290, Lightfoot 1999 et Birlaud et al. 2008. 184  La datation traditionnelle est de 73/72, mais plusieurs indices in­citent les historiens à préférer la date basse (Lightfoot 1999, 11). 185   Les éditeurs de Parthénios rapprochent habituellement cette désignation du peuple des Belendi, mentionnés par Pline (4.108) en Aquitaine et au probable contact des Pyrénées, et font le rapprochement entre Apollon et la forme gauloise Belenos. La grande proximité lexicale avec le terme utilisé par Artémidore et un positionnement géographique compatible avec la citation de Parthénios nous fait préférer le rapprochement que nous proposons. Le lien avec Apollon reste quoi qu’il en soit à prouver. 186  Lightfoot 1999, fr. 10-12, issus de Stéphane de Byzance. 187  Lightfoot 1999, p. 36 et 149 sq. 188  Ligntfoot 1999, fr. 14 = SH no 625. 189  Ligntfoot 1999, fr. 52 = SH no 664.

233

Nicée, bien que son nom n’apparaisse pas ici. À travers ces deux mentions, nous voyons apparaître une ‘description’ mythologique de la Gaule à l’époque césarienne qui a pu être reprise par d’autres auteurs. Cet auteur est très probablement présent dans l’Épitomé et dans le lexique-source de manière indirecte, peut-être par l’intermédiaire de Charax qui a pu trouver chez lui une partie des nombreuses indications mythologiques dont il émaillait son œuvre historique.

1.5. Les auteurs du ier siècle av. J.-C. (issus du lexique de Pamphile ?) Nous envisagerons l’étude des différents auteurs antérieurs à Pamphile par grands ensembles chronologiques  : d’abord ceux du ier  siècle av.  J.-C., puis du iie siècle av. J.-C. (pour lesquels les auteurs sont importants), ensuite ceux du iiie  siècle av.  J.-C. et enfin des ive-ve siècles avant notre ère. On ne trouve en effet aucun auteur du i er  siècle de notre ère pouvant entrer dans notre corpus géographique. Dans l’ordre chronologique inverse, on examinera successivement ici le roi Juba II de Maurétanie, Denys d’Halicarnasse, Parthénios de Nicée, Alexandre Polyhistor et Démétrius de Magnésie. 1.5.1. Juba II de Maurétanie (dernier quart du ier siècle av. J.-C.) Fils de Juba Ier, dernier roi de Numidie, Juba II est élevé par Octavie, la sœur d’Auguste, après avoir été emmené à Rome pour le triomphe de César, vainqueur de son père. Il devient un fidèle partisan d’Auguste, qui le récompensera en lui donnant le royaume de Maurétanie en 25 av. J.-C. ; il en restera le souverain jusqu’à sa mort en 23 apr. J.-C.190. Il se consacre très largement aux lettres et aux sciences191. Il est l’auteur de plusieurs ouvrages, dont une Archéologie des Romains192. Cet ouvrage en deux livres est quasiment contemporain de celui de Denys d’Halicarnasse et postérieur à celui de Varron. L’ouvrage ne doit pas être antérieur à l’arrivée de Denys à Rome vers 30 av. J.-C.193. Les mentions se rapportant à son œuvre sont relativement peu nombreuses dans l’Épitomé (fig. 44). 190  FGrHist no 275. Sur Juba II, voir Coltelloni-Trannoy 1997. Voir également la Souda, ι 399 Adler. 191  Roller 2004. 192  FGrHist 275 F 9-12. Le titre en est donné par Stéphane de Byzance. 193  Roller 2003, p. 167.

234

Troisième Partie : Auteurs-sources et connaissance des espaces géographiques

Figure 45 – Ensemble des mentions d’Europe occidentale pouvant être rapportées à Juba. Abréviation

Nom

Définition géographique

Ethnique

Œuvre

Commentaire

S2

Ἀρβάκη

πόλις ἐν Κελτιβηρίᾳ

τὸ ἐθνικὸν Ἀρβακαῖος ?

 

avec l’ethnique ?

S2

Ἡμεροσκοπεῖον

πόλις Κελτιβήρων ?

 

 

 

Σεγίδα

πόλις Κελτιβήρων

τὸ ἐθνικὸν Σεγιδαῖος

 

S2

Νομαντία

πόλις Ἰβηρίας

 

ἐν βʹ Ῥωμαϊκῆς ἀρχαιολογίας  

S1

Αἴβουρα

[πόλις Ἰβηρίας]

ὁ πολίτης Αἰβουραῖος, ὡς ἀρουραῖος, Κόλουρα Κολουραῖος

 

Κελτιβηρία

 

Ἰβηρία forme de l’ethnique ?

Figure 46 – Mentions provenant de Denys d’Halicarnasse dans l’Épitomé. Abrév.. Nom

Définition géographique

Ethnique

Œuvre

Commentaire

 

 

ἐν τῇ ιθʹ τῆς Ῥωμαϊκῆς ἀρχαιολογίας variante

ἔθνος Κελτικὸν πρὸς τῇ Ἰλλυρίᾳ

 

ιϛʹ

 

Τυρσηνοί

 

 

 

 

S2

πόλις Τυρρηνῶν

τὸ ἐθνικὸν Ὀκρικολανός

ιηʹ Ῥωμαϊκῆς ἀρχαιολογίας

avec l’ethnique

 

 

 

 

πόλις Αὐσονική

τὸ ἐθνικὸν Καλησιανός

ιεʹ Ῥωμαϊκῆς ἀρχαιολογίας

avec l’ethnique également

 

 

 

   

MONDE CELTIQUE S1

Ὠκεανός

Κελτική S2

Ἰάποδες

ITALIE Ὀκρίκολα

Αὔσων S2

Καλησία

Λατίνοι S2

Λαούντιον

μητρόπολις τῶν Λατίνων

τὸ ἐθνικὸν Λαουντῖνος

εʹ Ῥωμαϊκῆς ἱστορίας

S2

Βοΐλλαι

πόλις Λατίνων

τὸ ἐθνικὸν Βοϊλλανός

ἐν ηʹ τῆς Ῥωμαϊκῆς ἀρχαιολογίας ethnique

S2

Γάβιοι

πόλις Λατίνων

 

ἐν δʹ Ῥωμαϊκῆς ἀρχαιολογίας

variante ?

S2

Καρουεντός

πόλις Λατίνων

 

βʹ Ῥωμαϊκῆς ἀρχαιολογίας

 

S2

Κόριλλα

πόλις Λατίνων

 

δʹ Ῥωμαϊκῆς ἀρχαιολογίας

 

S2

Κόρνικλος

πόλις Λατίνων

 

γʹ Ῥωμαϊκῆς ἀρχαιολογίας

 

S2

Ἕρνικες

ἔθνος Λατίνων

 

ηʹ τῆς Ῥωμαϊκῆς ἀρχαιολογίας

 

S2

Ἄσκλος

πόλις Ἰταλίας

 

ἐν κʹ Ῥωμαϊκῆς ἀρχαιολογίας

 

S2

Ἐχέτρα

πόλις Ἰταλίας

τὸ ἐθνικὸν Ἐχετρανός

ιʹ τῆς Ῥωμαϊκῆς ἀρχαιολογίας

ethnique

S3

Λουκερία

πόλις Ἰταλίας

 

 

variante ?

S2

Νέπετος

πόλις Ἰταλίας

 

ιγʹ Ῥωμαϊκῆς ἀρχαιολογίας

 

S3

[Ῥάβεννα]

[πόλις Ἰταλίας]

Ῥαβηνοί

ἐν ιϛʹ Ῥωμαϊκῆς ἀρχαιολογίας

variante

S3

Σατρία

πόλις Ἰταλίας

τὸ ἐθνικὸν Σατριανός

 

ethnique

S2

Ταρρακῖνα

πόλις Ἰταλίας

τὸ ἐθνικὸν Ταρρακῖνος ?

ιεʹ Ῥωμαϊκῆς ἀρχαιολογίας

 

S2

Φοῦνδα, ὡς Νῶλα

[πόλις Ἰταλίας]

οἱ πολῖται Φουνδανοί

ιεʹ Ῥωμαϊκῆς ἀρχαιολογίας

seulement l’ethnique ?

S2

Φρέγελλα

[πόλις Ἰταλίας]

τὸ ἐθνικὸν Φρεγελλανός

ιϛʹ τῆς Ῥωμαϊκῆς ἀρχαιολογίας

seulement l’ethnique ?

S2

Καμαρία

πόλις Ἰταλική

 

Ῥωμαϊκῆς ἀρχαιολογίας

 

Ἰταλία 

1. Les sources de Stéphane de Byzance et leur utilisation pour l’Europe occidentale

235

Figure 46 (suite) – Mentions provenant de Denys d’Halicarnasse dans l’Épitomé. Abrév.. Nom

Définition géographique

Ethnique

Œuvre

Commentaire

S2

Καύδιον, ὡς Ῥήγιον πόλις Ἰταλίας

τὸ ἐθνικὸν Καυδῖνος

ιϛʹ Ῥωμαϊκῆς ἀρχαιολογίας

avec l’ethnique également

S1

Ἀγχίση

[πόλις Ἰταλίας]

 

 

indication chronomythologique

S1

Ὠστία

[πόλις Ἰταλίας]

 

ἐν Ῥωμαϊκῇ ἀρχαιολογίᾳ

indication chronomythologique

S2

Ἄντεια

[πόλις Ἰταλίας ὑπήκοος Ῥωμαίων]

 

sans mention d’auteur avec citation

 

S1

Ἀβοριγῖνες

[ἔθνος Ἰταλικόν]

Ἀβοριγῖνες καὶ Ἀβοριγῖσι  

variante

S1

Αἴκαλον

φρούριον τῆς Ἰταλίας

 

ιϛʹ Ῥωμαϊκῆς ἀρχαιολογίας

 

S2

Νωμεντός

[πόλις οὐ πόρρω Ῥώμης]

τὸ ἐθνικὸν Νωμεντανός

ἐν βʹ Ῥωμαϊκῆς ἀρχαιολογίας

ethnique

S2

Κορουιών

πόλις Αἰκανῶν ἐν Ἰταλίᾳ

τὸ ἐθνικὸν Κορουιώνιος ὡς Ἀντρώνιος ?

ιʹ Ῥωμαϊκῆς ἀρχαιολογίας

 

Σαβίνων

 

 

 

 

S2

πόλις Σαβίνων ἀντιστᾶσα Ῥωμύλῳ

 

βʹ Ῥωμαϊκῆς ἀρχαιολογίας

 

 

 

 

 

πόλις Βρεττίας

 

ιθʹ Ῥωμαϊκῆς ἀρχαιολογίας

 

Ἀλβανῶν

 

 

 

 

S2

πόλις, Ἀλβανῶν κτίσις, Ῥωμαίων ἀποικία

 

γʹ Ῥωμαϊκῆς ἀρχαιολογίας

indication chronomythologique

Σαυνιτῶν

 

 

 

 

S2

Ναρνία

πόλις Σαυνιτῶν

 

ιηʹ Ῥωμαϊκῆς ἀρχαιολογίας

indication chronomythologique

S2

[Φερεντῖνος]

[πόλις Σαυνιτῶν ἐν Ἰταλίᾳ]

Φερέντιοι

ιζʹ τῆς Ῥωμαϊκῆς ἀρχαιολογίας

variante de l’ethnique

S2

Μέντυρνα

πόλις ἐν Ἰταλίᾳ Σαυνιτῶν

τὸ ἐθνικὸν Μεντυρναῖος ? ιϛʹ

S2

Μιλωνία

πόλις Σαυνιτῶν ἐπιφανεστάτη  

ιζʹ

 

Ὀμβρίκων

 

 

 

 

S2

πόλις Ὀμβρίκων

 

ιζʹ Ῥωμαϊκῆς ἀρχαιολογίας

 

Κρουστομερία

Βρεττία S2

Κωστάντεια Μεδυλλία

Νηκούια

Nous avons peu d’indication se rapportant à Juba dans notre champ géographique. Pour la péninsule ibérique, on a une mention issue d’une ville des Celtibères, Arbakê  [26]. Dans l’ensemble de l’Épitomé, seules deux autres villes ont un tel rattachement, Hêmeroskopeion [92] et Segidê [197]. La première est explicitement rattachée à Artémidore d’Ephèse mais on peut se demander s’il n’existait pas une ancienne mention de Juba disparue avec l’abréviation. La seconde en revanche présente une forme assez proche de celle d’Arbakê, c’est pourquoi nous proposerons que Juba en soit la source. Pour l’Italie, rien de caractéristique n’apparaît, à part peut-être la mention de fondation d’Énée. Il est possible toutefois de proposer quelques rattachements supplémentaires à cette œuvre (fig. 45).

avec l’ethnique ?

Si l’on imagine que son œuvre déroulait un discours chronologique, la délimitation entre le livre I et le livre II semble être le iiie s. av. J.-C. Les deux fragments que nous examinons concernent l’Ibérie. La notice de Nomantia [161] (Numance) est tirée explicitement de cette œuvre ; elle est à mettre en relation avec le long siège des Romains à partir de 152, jusqu’à l’assaut final par Scipion Emilien en 133 av. J.-C. Nous ne rattachons pas le nom de l’ethnique à Juba, car il dérive d’une forme différente, Noumantia. La seconde notice, Arbakê  [26], est probablement issue de la même œuvre et pourrait se rapporter aux mêmes événements. En effet, il s’agit également d’une ville des Celtibères. L’ethnique Arbakaios est probablement issu de Juba, le seul à mentionner cette ville.

236

Troisième Partie : Auteurs-sources et connaissance des espaces géographiques

Il est possible que d’autres notices ibériques se rattachent également à cette œuvre, probablement liées au récit de la conquête de la péninsule par les Romains mais nous n’en avons pas gardé de traces. 1.5.2. Denys d’Halicarnasse (dernier quart du ier siècle av. J.-C.) Denys d’Halicarnasse est né autour de 60 avant notre ère. Suivant son propre témoignage, il quitte Halicarnasse, sa patrie, en 30 av. J.-C. pour s’installer à Rome comme professeur de rhétorique grecque. On lui connait plusieurs œuvres, les principales étant les Antiquités Romaines (publiée en 7 av. J.-C.) et les Opuscules rhétoriques. Les Antiquités Romaines constituent un prologue aux Histoires de Polybe, s’achevant en 264 av. J.-C.194. Cet ouvrage comprenait vingt livres ; seuls les dix premiers sont parvenus jusqu’à nous intégralement ; le livre XI est mutilé dans sa dernière partie et nous n’avons que des fragments des neuf suivants. Deux manus­crits anciens ont conservé les livres I à X. Le Vaticanus Chig. R VIII 60 [diktyon 65239] est d’une belle écriture régulière de la seconde moitié du x e  siècle et a probablement été rédigé à Constantinople. Le Vaticanus Urb. gr. 105 [diktyon 66572], codicologiquement complexe et remanié ultérieurement, a été copié dans la seconde moitié du x e  siècle par plusieurs scribes travaillant de façon conjointe195. L’un des archétypes pour les livres I-V est un modèle en onciales, antérieur au ixe siècle, en deux tomes ; « il remontait lui-même à un ancêtre sur volumina qui comptait un rouleau par livre, sauf pour les livres II et III qui étaient regroupés dans le même volumen »196. Les Opuscules rhétoriques consistent en plusieurs traités, rassemblés sous une même dénomination. Les différentes œuvres sont connues par des manus­crits différents, certains remontant au xe siècle comme la Parisinus gr.  1741 [diktyon 51367] (milieu du x e  siècle) ou le Laurentianus Plut. 59.15 [diktyon 16466] (fin xe-début du xie siècle). Ce dernier manus­crit constitue un véritable corpus des œuvres de Denys d’Halicarnasse197. On trouve 39 mentions des Antiquité Romaines ; la moitié environ sert pour la détermination géographique, 194 

Pelling 2011, p. 252. L’histoire très complexe de la tradition manus­crite a été étudiée en détail par V. Fromentin (Fromentin  1998, p.  livlxxxvii). 196  Fromentin 1998, p. lxix-lxx. 197  Voir l’édition de Germaine Aujac pour la CUF. 195 

un cinquième pour la précision chrono-mythologique et un autre cinquième pour le nom des ethniques (fig. 46). L’ensemble des mentions de Denys d’Halicarnasse présente la particularité de ne concerner que l’Italie, à l’exception des Iapodes (ι 12), peuple d’Illyrie, et de l’océan (Ôkeanos [229]). Nous ne rentrerons donc pas dans le détail des informations provenant de cet auteur, qui doivent s’analyser en lien avec l’Italie. 1.5.3. Les mentions des autres auteurs Nous regroupons ici une série d’auteurs, mineurs, qui présentent peu de mentions dans notre corpus géographique. Alexandre Polyhistor (1e moitié du ier siècle av. J.-C.) Originaire probablement de Cotiaeum en Phrygie, Alexandre (Cornelius) Polyhistor 198 est fait prisonnier par les Romains durant la première guerre contre Mithridate (88-85 av. J.-C.) et emmené comme esclave à Rome. Après son affranchissement (par [Cornelius] Sylla ?), il reste à Rome. Il est l’auteur de très nombreux ouvrages (d’où son surnom), la plupart portant sur des descriptions des différentes contrées199, mais il a écrit également des œuvres philosophiques. Il semble constituer un auteur important pour les lemmes géographiques de notre Épitomé, mais pas pour l’Europe occidentale. Une citation de l’Épitomé le concerne  : la forme Gadeiritês  [59], habitant de Gadeira (FGrHist 273 F 116), lui est rattaché. La mention provient peut-être des Libyka, Gadeira constituant la partie opposée du continent africain au-delà du détroit de Gibraltar. Nous ne détaillerons pas plus cet auteur, très marginal par rapport à notre corpus géographique. Démétrius de Magnésie (1e moitié du ier siècle av. J.-C.) Le grammairien grec Démétrius de Magnésie 200 est connu par une lettre  de Cicéron à Atticus  : il est leur contemporain. Son ouvrage principal, Au sujet des poètes et des auteurs de même nom201, est cité à de nombreuses FGrHist no 273 ; Duval 1971 no 62, p. 247-248. 199   Les ouvrages, connus sous forme de fragments, sont très nombreux (on se reportera aux FGrHist) et concernent principalement les provinces d’Asie Mineure, l’Inde, la Syrie, la Judée, la Crète, Chypre, l’Italie, Rome et la Libye. 200 Cf. Gigante 1984 et Aronadio 1990. 201  Περὶ ὁμωνύμων ποιητῶν καὶ συγγραφέων. Sur cette œuvre, voir Meyer 1981. 198 

1. Les sources de Stéphane de Byzance et leur utilisation pour l’Europe occidentale reprises par Diogène Laërce et plus rarement par Denys d’Halicarnasse, Plutarque et Athénée. Cette œuvre a totalement disparu mais elle devait très certainement expliciter et distinguer les auteurs homonymes sans trop se soucier de géographie. Une mention de la ville ibérique d’Althaia [19] est signalée dans l’Épitomé, dans un contexte qui reste pour nous inconnu et relève peut-être de l’Abrégé de Philon par Aelius Serenus. Il est donc difficile de savoir le mode de transmission de cette information et le lien avec les auteurs dont il traitait.

1.6. Les auteurs du iie siècle av. J.-C. (issus du lexique de Pamphile ?) Les auteurs du iie siècle avant notre ère sont peu nombreux mais très importants pour notre étude. On trouve ici Artémidore d’Éphèse, Apollodore d’Athènes et Polybe. 1.6.1. Artémidore d’Éphèse (fin du iie siècle av. J.-C.) Artémidore d’Éphèse est un auteur-clef pour la connaissance de l’Espagne et du Midi de la Gaule202. Ses voyages ont contribué à la qualité de son œuvre géographique. L’auteur et son œuvre Géographe grec, il parcourt à la fin du iie siècle av. J.-C. une partie du monde méditerranéen, qu’il décrit dans une œuvre en 11 livres, les Descriptions géographiques203. Celle-ci a servi de source à Strabon et a fait l’objet d’un abrégé tardif par Marcien d’Héraclée (cf. supra p. 188190). Il faut donc distinguer parmi les citations de 202   Duval  1971  n° 58, p.  239-241. Les fragments ont été recensés par R. Stiehle (Stiehle 1856). Pour l’aspect purement «  ligure  », on se réfèrera à Solomone Gaggero  1979. La découverte récente et controversée d’un papyrus comportant un fragment d’Artémidore a donné l’occasion de reprendre une étude un peu générale de cet auteur (Canfora 2007 ; Schiano 2007). Sur l’aspect géographique de son œuvre, au regard de la science de son temps, voir Schiano 2010. 203  Sur cette œuvre et ses liens avec la Géographie de Strabon, voir l’article de synthèse de J.  Engels (Engels  2013). Nous ne nous intéresserons pas ici aux nombreux débats sur le papyrus d’Artémidore ; sans pouvoir vérifier les arguments des uns et des autres, ce qui nous entrainerait trop loin de notre analyse, nous suivrons la majorité des philologues et spécialistes de la géographie antique pour considérer qu’il contient bien le texte du début du livre II d’Artémidore.

237

Stéphane de Byzance celles qui relèvent de l’œuvre d’origine, de celles qui sont issues de son abrégé, que Stéphane de Byzance appelle Abrégé des Onze et qu’il rattache uniquement à Artémidore. La vie d’Artémidore et l’histoire de la transmission du texte ont été analysés en détail ces dernières années204. On notera en particulier que les mentions de cette œuvre cessent après Athénée, si l’on excepte une indication non significative de Porphyre205. On ne le retrouve ensuite qu’avec l’abréviation qu’en fait Marcien vers la fin du ive siècle de notre ère, ce qui donne l’impression que le texte n’était plus disponible (ou simplement utilisé ?) au Bas-Empire. Nous allons reprendre les mentions en essayant de distinguer l’œuvre de son abrégé206. Les Descriptions géographiques sont divisées en plusieurs livres, en fonction d’un découpage géographique assez clair207 : pour la partie concernant l’Europe occidentale, le sud de la Gaule est dans le livre I (après le prœmion contenant les considérations générales208), l’Ibérie dans le livre II, le reste de la Gaule dans le livre III. Nous donnons dans le tableau ci-dessous l’ensemble des mentions se rapportant à notre auteur (fig. 47). Il semble bien que le point de départ de l’œuvre géographique d’Artémidore ait été Marseille. Cela peut paraître surprenant mais il n’est pas impossible qu’il ait voulu ainsi suivre les traces et l’œuvre de son prédécesseur Pythéas puisque l’on trouve ensuite, dans le même ordre que le périple du Marseillais, le Midi de la Gaule (jusqu’aux Pyrénées), l’Ibérie (livre II), la partie océanique avec la Lusitanie, la Gaule et les îles du nord que sont la (Grande)-Bretagne et l’Irlande (livre III). On notera d’ailleurs que la seule mention de Pythéas dans l’Épitomé provient d’Artémidore (notice Ôstioi [231]). La description reprend ensuite (à partir du livre IV) vers l’Italie et le reste de la Méditerranée, en suivant le sens des aiguilles d’une montre.

204 

Voir tout particulièrement Canfora 2007. Canfora 2007, p. 236. 206  On lira la vision actuelle (pour nous totalement erronnée) des liens entre l’Épitomé, les Descriptions géographiques d’Artémidore et l’abrégé de Marcien dans Engels 2013, p. 148-150. 207  C. Schiano a repris les mentions qui semblent aberrantes et conclut qu’il n’est pas possible d’avoir une répartition certaine des livres (Schiano 2007, p. 259). Il semble quoi qu’il en soit logique, pour un auteur de cette époque, d’avoir un découpage des livres qui tienne compte des entités géographiques puisqu’il organise son texte en suivant un ordre de navigation. 208  Engels 2013, p. 144-145. 205 

238

Troisième Partie : Auteurs-sources et connaissance des espaces géographiques

Figure 47 – Les mentions d’Artémidore et de son abrégé dans l’Épitomé. Abrév. Nom

Définition géographique

Ethnique

Œuvre

Commentaire

LIVRE I – GAULE MÉRIDIONALE Μασσαλία S2

Καβελλιών

πόλις Μασσαλίας

κατὰ τὸν ἐπιχώριον τύπον Καβελ- αʹ Γεωγραφουμένων λιωνήσιος ὡς Ταρρακωνήσιος, κατὰ δὲ τὸν Ἑλληνικὸν Καβελλιωνίτης ὡς Ταρρακωνίτης.

 

S2

Ἀλωνίς

πόλις Μασσαλίας

Ἀλωνίτης

 

 

S2

[Δεκίητον]

[πόλις Ἰταλίας]

Δεκιῆται

αʹ Γεωγραφουμένων

uniquement l’ethnique ?

S3

[Σηκοανός]

[πόταμος Μασσαλιωτῶν]

Σηκοανοί

αʹ

 

S2

Ταυρόεις

πόλις Κελτική, Μασσαλιητῶν ἄποικος

Ταυροέντιοι

αʹ Γεογραφουμένων

 

S3

Μαστραμέλη

πόλις καὶ λίμνη τῆς Κελτικῆς

 

ἐν Ἐπιτομῇ τῶν ιαʹ

 

Ἡμεροσκοπεῖον

πόλις Κελτιβήρων, Φωκαέων ἄποικος

 

βʹ λόγῳ Γεωγραφουμένων

Détermination géographique de Juba ?

S2

Ἰβηρία

 

 

βʹ τῶν Γεωγραφουμένων

 

S2

Ἀλωνίς

νῆσος

 

 

 

S3

Μαλάκη

πόλις Ἰβηρίας

Μαλακιτανός ?

ἐν βʹ τῶν Ἐπιτομῶν Ἀρτεμιδώρου

 

S2

Τρόπις

νῆσος

 

βʹ Γεωγραφουμένων

En Ibérie ?

S2

Καρταία

πόλις Ἰβηρίας

 

βʹ Γεωγραφουμένων

variante de Κάρθαια

S1

Ἄβδηρα

πόλις τῆς Ἰβηρίας πρὸς τοῖς Γαδείροις

Ἀβδηρίτης

βʹ Γεωγραφουμένων

 

S2

Τουρτυτανία

[χώρα τῆς Ἰβηρίας]

Τούρτοι, Τουρτυτάνοι

 

variante de Τουρδητανία

S1

Ὠρισία

πόλις Ἰβηρίας

[Ὠριτάνοι]

βʹ Γεωγραφουμένων

 

μεγίστη πόλις Ὠρητανίας

Κασταλωνίτης ὡς Ἀσκαλωνίτης Ταρρακωνίτης

γʹ Γεωγραφουμένων

 

Κελτική

LIVRE II-IBÉRIE Κελτιβήροι ? S2 Ἰβηρία

Ὠρητανία S2

Κασταλών

LIVRE III-LUSITANIE – GAULE CELTIQUE Λυσιτανία S2

Βελιτανοί

οἱ αὐτοὶ τοῖς Λυσιτανοῖς

 

γʹ Γεωγραφουμένων

 

S2

Κόσσινοι

ἔθνος παρὰ τῷ δυτικῷ ὠκεανῷ

 

 

texte issu de Pythéas, mentionné par Artémidore, s.v. Ὠστίωνες

S1

Ἀγνῶτες

ἔθνος Κελτικῆς παρὰ τὸν ὠκεανόν  

 

 

ἐν Ἐπιτομῇ τῶν ιαʹ

 

Κελτική

LIVRE IV-ITALIE – CORSE – SARDAIGNE – ILLYRIE Λίγυρες S3

Λίγυρες

ἔθνος προσεχὲς τοῖς Τυρρηνοῖς

 

1. Les sources de Stéphane de Byzance et leur utilisation pour l’Europe occidentale

239

Figure 47 (suite) – Les mentions d’Artémidore et de son abrégé dans l’Épitomé. Abrév. Nom

Définition géographique

Ethnique

Œuvre

Commentaire

S2

Γενόα

πόλις τῶν Λιγύρων Ἰταλίας καλουμένη νῦν

Γενοάτης

Abrégé des Onze ?

 

S2

Δερτών

πόλις Λιγύρων

Δερτώνιος ὡς Ἀντρώνιος

ἐν Ἐπιτομῇ τῶν ιαʹ

 

S2

Φρουρεντανοί

ἔθνος Ἰταλίας

 

 

 

S2

Τεανόν

πόλις Ἰταλίας

τὸ ἐθνικὸν Τεανός ?

δʹ Γεωγραφουμένων

 

S3

Σπῖνα

[πόλις Ἰταλίας]

 

ou Abrégé des Onze ?  

S2

Τίβυρα

[πόλις Ἰταλίας]

 

δʹ Γεωγραφουμένων

S1

[Ἀγκών]

[πόλις Πικεντίνων]

Ἀγκωνίτης

ou Abrégé des Onze ? variante de l’ethnique

S2

Θέσπεια

πόλις ἐν Σαρδοῖ

 

 

 

S3

Σολκοί

πόλις ἐν Σαρδοῖ

 

ἐν Ἐπιτομῇ

 

Ἰταλία

variante de Τίβυρις

Σαρδοῖ

Adriatique S2

Ἄψυρτος

[καὶ πόλιν νῆσον]

 

ἐν Ἐπιτομῇ

variante de Ἀψυρτίδες

S2

Φλάνων

πόλις καὶ λιμὴν περὶ τὴν Ἄψυρτον νῆσον

Φλανωνίτης, ὡς Νάρβων Ναρβωνίτης

ἐν Ἐπιτομῇ τῶν ιαʹ

 

S2

[Βοῦννος]

[πόλις Ἰλλυρίας] ?

Βούννιος

{α}ʹ Γεωγραφουμένων

uniquement l’ethnique ?

S2

Βουλίνη

πόλις [περὶ Ἰλλυρίαν]

Βουλῖνος

 

variante de Βουλῖνοι

Ἰλλυρία

S2

Τέργεστρος

κώμη [Ἰλλυρίας]

 

ἐν Ἐπιτομῇ τῶν ιαʹ

variante de Τέγεστρα

S2

Νέστος

[πόλις καὶ ποταμὸς Ἰλλυρίας]

Νέστιος

βʹ Γεωγραφουμένων

 

πόλις Λακωνική

Ψαμαθούντιος καὶ Ψαμαθούσιος, βʹ Γεωγραφουμένων ὡς Σελινούντιος καὶ Σελινούσιος

 

LIVRE V – GRÈCE Λακωνική S1

Ψαμαθοῦς

S2

Βέλβινα

νῆσος [Λακωνική]

Βελβινήτης ὡς Αἰγινήτης

ou Abrégé des Onze ? variante homonyme

S2

Ἀρτεμίτα

χερρόνησος περὶ τὴν ἐκβολὴν τοῦ Ἀχελῴου ποταμοῦ

 

ou Abrégé des Onze ? variante homonyme

S2

Εὐπάλιον

[πόλις Λοκρίδος]

 

ou Abrégé des Onze ? variante de Εὐπαλία

Κώθων

νῆσος οὐ πόρρω Κυθήρων

Κωθώνιος ὡς Σιδώνιος

ἐν Ἐπιτομῇ τῶν ιαʹ

 

 

εʹ Γεωγραφουμένων

variante de Φαλάκραι

νῆσος S2 S2

Φάλακρον

ἀκρωτήριον Κορκύρας

S2

Δίδυμά

δύο νησίδια [τῶν Αἰόλου νήσων]  

ou Abrégé des Onze ? variante de Διδύμη

S2

Ἰστρῶν

[πόλις Κρήτης]

ou Abrégé des Onze ? variante de Ἴστρος

 

LIVRE VI – THESSALIE – THRACE – SCYTHIE – CHERSONNÈSE Μακεδονία S2

Φίλιπποι

πόλις Μακεδονίας

 

ἐν Ἐπιτομῇ τῶν ιαʹ

 

S2

Ἀσταί

ἔθνος Θρᾴκης

 

ἐν Ἐπιτομῇ τῶν ιαʹ

 

S2

Γιγώνις

[πόλις Θρᾴκης]

 

ou Abrégé des Onze ? variante de Γίγωνος

Θρᾴκη

240

Troisième Partie : Auteurs-sources et connaissance des espaces géographiques

Figure 47 (suite) – Les mentions d’Artémidore et de son abrégé dans l’Épitomé. Abrév. Nom

Définition géographique

Ethnique

Œuvre

Commentaire

Λῶς

νῆσος περὶ Θετταλίαν

Λῷος

ἐν Ἐπιτομῇ τῶν ιαʹ

 

Μυρμηκία

[πολίχνιον τῆς Ταυρικῆς]

 

ou Abrégé des Onze ? variante de Μυρμήκιον

Παρθένιος

ἀκρωτήριον πλησίον Ἡρακλείας  

ϛʹ Γεωγραφουμένων

variante homonyme

 

νῆσος S3 Tauride S2 Pont ? S2

LIVRE VII-LIBYE Λιβύη S2

Φαρούσιοι

[ἔθνος Λιβυκόν]

 

 

S2

Γαιτυλίοι

[ἔθνος Λιβύης]

 

ou Abrégé des Onze ? variante de Γαιτοῦλοι

S3

Λύγξ

πόλις Λιβύης πρὸς τοῖς Γαδείροις Λυγξίτης ? μετὰ τὸν Ἄτλαντα

 

 

S2

Ἐρυθρά

ἄκρα τῆς Λιβύης

 

ζʹ Γεωγραφουμένων

variante homonyme

S2

Ἱππόνησος

πόλις Λιβύης

 

ζʹ

variante homonyme

S3 ?

Ξοῦχις

πόλις Λιβύης

Ξουχίτης

ἐν Ἐπιτομῇ τῶν ιαʹ

 

S3

Λαοδαμάντεια

νῆσος ἐν Λιβύῃ

Λαομεδοντίτης καὶ Λαοδαμαντίτης

ἐν Ἐπιτομῇ τῶν ιαʹ

 

S3

Λοπαδοῦσσα

νῆσος κατὰ Θάψον τῆς Λιβύης

 

ζʹ Γεωγραφουμένων

 

νῆσος

LIVRE VIII – ASIE – EGYPTE – ETHIOPIE – ARABIE Αἰγύπτος S1

Ψώχεμμις

πολίχνιον Αἰγύπτου

Ψωχεμμίτης

ηʹ Γεωγραφουμένων

 

S1

Ψενακώ

κώμη τοῦ Ἀθριβίτου νομοῦ

Ψενακοῗται ?

ηʹ Γεωγραφουμένων

 

S2

Κοροκονδάμη

πλησίον Σινώπης λίμνη Κοροκονδαμῖτις

Κοροκονδαμίτης

ιαʹ Γεωγραφουμένων

 

Ψεβώ

λίμνη Αἰθιοπίας

 

ηʹ Γεωγραφουμένων

variante homonyme

Ἀτραμωτίται

[ἔθνος τῆς εὐδαίμονος Ἀραβίας]

 

ou Abrégé des Onze ? variante de Ἀτραμῖται

νῆσος πρὸς τῇ Ἐρυθρᾷ θαλάσσῃ

 

 

variante de Τύρος

Αἰθιοπία S1 Ἀραβία S2

Ἐρύθρα θαλάσση S2

Τύλος

LIVRE IX-INDE – PARTHIE – PHÉNICIE – CILICIE – CHYPRE νῆσος S2

Ταπροβάνη

[νῆσος μεγίστη ἐν τῇ Ἰνδικῇ θαλάσσῃ]

 

θʹ Γεωγραφουμένων

 

Ὑσία

πόλις Παρθυαίων βασίλειον

 

θʹ Γεωγραφουμένων

 

S

Δῶρα

[πόλις Φοινίκης]

 

θʹ Γεωγραφουμένων

variante de Δῶρος

S

Δῶρα

[πόλις Φοινίκης]

 

ἐν Ἐπιτομῇ τῶν ιαʹ

variante de Δῶρος

S2

Γυναικόσπολις

[πόλις Φοινίκων]

 

ou Abrégé des Onze ? variante dans les informations

Παρθυαί S2 Φοινίκη

1. Les sources de Stéphane de Byzance et leur utilisation pour l’Europe occidentale

241

Figure 47 (suite) – Les mentions d’Artémidore et de son abrégé dans l’Épitomé. Abrév. Nom

Définition géographique

Ethnique

Œuvre

Commentaire

Συρία S2

Πάλτος

πόλις Συρίας

Παλτηνός ὡς Δαμασκηνός

ἐν Ἐπιτομῇ

 

S2

Κάρνος

νῆσος Ἀκαρνανίας

 

ιʹ βιβλίῳ + βʹ Γεωγραφουμένων

variante de Κάρνη + notice

Ψευδοκοράσιον

αἰγιαλὸς μέγας μεταξὺ Κωρύκου τῆς Σελευκείας τῆς παρ’ Ἰσαύροις

 

θʹ τῶν Γεωγραφουμένων

 

 

Ἰσαυρία S1

LIVRE X – PISIDIE – LYCIE – CARIE – RHODES – IONIE – EOLIDE Λυκία S2

Τελμησσιά

ἄκρα Λυκίας

 

ιʹ Γεωγραφουμένων

S2

Κρύα

πόλις Λυκίας

Κρυεύς

ἐν Ἐπιτομῇ αʹ  

S2

Κρύα

πόλις Λυκίας

Κρυεύς

ἐν Ἐπιτομῇ αʹ  

S2

Ἴξιος Ἀπόλλων

 

 

ιʹ

S2

[Μυόννησος]

χωρίον

 

ou Abrégé des Onze ? variante homonyme

S2

Θεμισώνιον

χωρίον Φρυγίας

Θεμισώνιος

ἐν Ἐπιτομῇ

 

S1

Αἴξ

[Αἰολίδος ἄκρα]

 

 

variante de Αἰγά

variante de Ἰξίαι

Φρυγία

LIVRE XI-MYSIE – BITHYNIE – CAPPADOCE – PONT – SCYTHIE D’ASIE S2

Ἀπαρνίς

[πόλις καὶ χώρα ἄκρα τῆς   Παριανῆς]

Χαλκῖτις

νῆσος ἀντικρὺ Χαλκηδόνος, ἔχουσα χαλκοῦ μέταλλον

ou Abrégé des Onze ? variante de Ἄβαρνος

Βιθυνία S1

Χαλκίτης, ὡς Προσωπίτιδος Προσωπίτης

Les mentions d’Artémidore issues du corpus géographique Un des points peut-être les plus intéressants à mettre en évidence concernant Artémidore relève de la proximité de ses informations avec les réalités romaines. Ainsi, il est le seul à nommer Ligures ce que les autres auteurs grecs nomment encore Ligues (et c’est encore vrai de Strabon qui écrit pourtant sous Auguste). En Ibérie, il mentionne les provinces romaines qui existent de son temps. Sa mission comme ambassadeur d’Éphèse à Rome209 en fait certainement un homme attentif aux évolutions politiques de son temps. Une analyse plus détaillée permet d’ajouter des mentions à Artémidore pour notre corpus géographique 209 

Canfora 2007, p. 228-230.

ιαʹ Γεωγραφουμένων

 

(fig. 48) et compléter ainsi les données issues traditionnellement de cet auteur. L’analyse des mentions dans l’Épitomé en lien avec le corpus géographique

De nombreux lemmes comprennent une définition géographique issue d’Artémidore. Ils sont la trace d’un lexique spécifique de cette œuvre, qui a été intégré soit par Diogenianus dans le lexique-source soit, plus vraisemblablement, antérieurement dans le lexique de Pamphile. Le tableau récapitulatif permet d’examiner la forme lexicale des ethniques chez Artémidore et de déterminer les caractéristiques que pouvait présenter le lexique de ses Descriptions géographiques. Il comprend à la fois l’en-

242

Troisième Partie : Auteurs-sources et connaissance des espaces géographiques

Figure 48 – Ensemble des mentions d’Europe occidentale pouvant être rapportées à Artémidore. Abrév. Nom

Définition géographique

Ethnique

Œuvre

Commentaire

LIVRE I – GAULE MÉRIDIONALE Μασσαλία S2

Καβελλιών

πόλις Μασσαλίας

τὸ ἐθνικὸν κατὰ τὸν ἐπιχώριον τύπον Καβελλιωνήσιος ὡς Ταρρακωνήσιος, κατὰ δὲ τὸν Ἑλληνικὸν Καβελλιωνίτης ὡς Ταρρακωνίτης.

αʹ Γεωγραφουμένων

 

S2

Ἀλωνίς

πόλις Μασσαλίας

τὸ ἐθνικὸν Ἀλωνίτης

 

 

S2

Κυρήνη

πόλις Μασσαλίας

Κυρηνίτης ?

ou Abrégé des Onze ?

 

S3

Ῥαδανουσία

πόλις Μασσαλίας

τὸ ἐθνικὸν Ῥαδανουσιεύς ?

 

 

S3

Ῥοδανουσία

πόλις ἐν Μασσαλίᾳ

 

Abrégé des Onze ?

 

S2

Αὐενιών

πόλις Μασσαλίας πρὸς τῷ Ῥοδανῷ

τὸ ἐθνικὸν Αὐενιωνήσιος τῷ ἐπιχωρίῳ καὶ Αὐενιωνίτης τῷ ἕλληνι τύπῳ

 

 

S3

Στοιχάδες

νῆσοι τρεῖς πρὸς τῇ Μασσαλίᾳ  

 

 

S2

[Δεκίητον]

[πόλις Ἰταλίας]

Δεκιῆται

αʹ Γεωγραφουμένων

uniquement l’ethnique ?

S3

[Σηκοάνας]

[πόταμος Μασσαλιωτῶν]

Σηκοανοί

αʹ

 

S2

Φαβία

[πόλις Κελτογαλατῶν]

τὸ ἐθνικὸν Φαβιάτης καὶ Φαβιανός

 

 

S1

Ἀερία

Κελτικὴ πόλις

 

ou Abrégé des Onze ?

 

S3

Σάντις

πόλις Κελτική

τὸ ἐθνικὸν Σαντίτης

ou Abrégé des Onze ?

 

S2

Ἡράκλεια

Κελτική

 

 

 

S2

Βαίταρρα

πόλις Κελτικὴ

ὁ πολίτης Βαιταρρίτης

ou Abrégé des Onze ?

 

S2

Ταυρόεις

πόλις Κελτική, Μασσαλιητῶν τὸ ἐθνικὸν Ταυροέντιοι ἄποικος

αʹ Γεογραφουμένων

 

S2

Νίκαια

Κελτική, Μασσαλιωτῶν ἄποικος

 

 

 

S3

Μαστραμέλη

πόλις καὶ λίμνη τῆς Κελτικῆς

 

ἐν Ἐπιτομῇ τῶν ιαʹ

 

Κελτική

S1

Ἀγάθη

πόλις [Λιγύων ἢ] Κελτῶν

 

 

?

S2

Νάρβων

[ἐμπόριον καὶ πόλις Κελτική] καὶ λίμνη Ναρβωνῖτις, ὡς Ἀσκαλωνῖτις

Ναρβωνίτης ὡς Ἀσκαλωνίτης

ou Abrégé des Onze ?

 

LIVRE II-IBÉRIE Κελτιβήροι S2

Ἡμεροσκοπεῖον πόλις Κελτιβήρων, Φωκαέων   ἄποικος

βʹ λόγῳ Γεωγραφουμένων Détermination géographique de Juba ?

S2

Ἐμπόριον

πόλις Κελτική, κτίσμα Μασσαλιωτῶν

ὁ πολίτης Ἐμπορίτης

 

 

S1

Ἀλέα

Καρπητανῶν ἔθνους Κελτικοῦ

 

 

 

S3

Πυρήνη

ὄρος Εὐρώπης

 

 

 

S2

Ἰβηρία

 

 

βʹ τῶν Γεωγραφουμένων

 

S2

Ἀλωνίς

νῆσος

 

 

 

Ἰβηρία

1. Les sources de Stéphane de Byzance et leur utilisation pour l’Europe occidentale

243

Figure 48 (suite) – Ensemble des mentions d’Europe occidentale pouvant être rapportées à Artémidore. Abrév. Nom

Définition géographique

Ethnique

Œuvre

Commentaire

S1

Ἀδέρκων

πόλις Ἰβηρίας, ὡς Ἀσκάλων

τὸ ἐθνικὸν Ἀδερκωνίτης, ὡς Ἀσκαλωνίτης

 

 

S1

Αἴβουρα

[πόλις Ἰβηρίας]

Αἰβουράτης, ὡς Αἴγειρα Αἰγειράτης, Κίβυρα Κιβυράτης

 

 

S3

Μαλάκη

πόλις Ἰβηρίας

τὸ ἐθνικὸν Μαλακιτανός ?

ἐν βʹ τῶν Ἐπιτομῶν Ἀρτεμιδώρου

 

S2

Ἀφροδισιάς

νῆσος ἡ πρότερον Ἐρύθεια, μεταξὺ Ἰβηρίας καὶ Γαδείρων

 

 

 

S2

Τρόπις

νῆσος

 

βʹ Γεωγραφουμένων

En Ibérie ?

S2

Ὀβόλκων

πόλις

τὸ ἐθνικὸν Ὀβολκωνίτης

ou Abrégé des Onze ?

 

S2

Καρταία

πόλις Ἰβηρίας

 

βʹ Γεωγραφουμένων

variante de Κάρθαια

S2

Κραβασία

[πόλις Ἰβήρων]

Κραβασιάτης

ou Abrégé des Onze ?

 

S2

Ἀλθαία

[πόλις Ὀλκάδων]

Ἀλθαιάτης

 

 

S1

Ἄβδηρα

πόλις τῆς Ἰβηρίας πρὸς τοῖς Γαδείροις

[ὁ πολίτης Ἀβδηρίτης]

βʹ Γεωγραφουμένων

 

S2

Ἀφροδισιάς

πόλις Ἰβηρίας πρὸς τοῖς Κελτοῖς  

 

 

S2

Ἴλερδα

πόλις πρὸς τῇ Πυρήνῃ Ἰβηρίας ὁ πολίτης Ἰλερδίτης

 

 

S2

Ἰνδική

πόλις Ἰβηρίας πλησίον Πυρήνης

τὸ ἐθνικὸν Ἰνδικῆται

 

 

S2

Ὀδυσσεῖς

πόλις Ἰβηρίας

τὸ ἐθνικὸν , ὡς Ἀταρνεῖς καὶ Διπαιεῖς

 

 

S2

Ἰταλική

πόλις Ἰβηρίας

τὸ ἐθνικὸν Ἰταλικήσιος καὶ Ἰταλικησία

 

 

S2

Ζάκυνθος

Ἰβηρίας

 

 

 

S2

Ταρράκων

πόλις δυσμικωτέρα τῆς Ταρρακωνησίας χώρας

τὸ ἐθνικὸν Ταρρακωνήσιος, Ταρρακωνίτης, ὡς Ἀσκάλων Ἀσκαλωνίτης καὶ Μάρων Μαρωνίτης καὶ Καύκων Καυκωνίτης

ou Abrégé des Onze ?

 

S2

Ταρσήιον

[πόλις πρὸς ταῖς Ἡρακλείαις στήλαις]

Ταρσηίτης ἢ Ταρσηιώτης

 

 

S2

Τουρτυτανία

[χώρα τῆς Ἰβηρίας]

Τούρτοι, Τουρτυτάνοι

 

variante de Τουρδητανία

S1

Ὠρισία

πόλις Ἰβηρίας

Ὠριτάνοι

βʹ Γεωγραφουμένων

 

μεγίστη πόλις Ὠρητανίας

τὸ ἐθνικὸν Κασταλωνίτης ὡς Ἀσκαλωνίτης Ταρρακωνίτης

γʹ Γεωγραφουμένων

 

Ὠρητανία S2

Κασταλών

LIVRE III-LUSITANIE – GAULE CELTIQUE Λυσιτανία S2

Βελιτανοί

οἱ αὐτοὶ τοῖς Λυσιτανοῖς

 

γʹ Γεωγραφουμένων

 

S2

Δῖα

Λυσιτανίας περὶ τὸν ὠκεανόν

 

ou Abrégé des Onze ?

 

Κελτική S2

Ἀτρία

πόλις Βοιῶν, ἔθνους Κελτικοῦ

 

 

 

S3

Σισίγυλις

πόλις μεγάλη πλησίον Κελτικῆς

τὸ ἐθνικὸν Σισιγυλίτης

ou Abrégé des Onze ?

 

S3

Λιμενῶτις

χερρόνησος κελτική

 

 

 

244

Troisième Partie : Auteurs-sources et connaissance des espaces géographiques

Figure 48 (suite) – Ensemble des mentions d’Europe occidentale pouvant être rapportées à Artémidore. Abrév. Nom

Définition géographique

Ethnique

Œuvre

Commentaire

S2

Γραμμῖται

πρὸς τῇ Κελτικῇ ἔθνος

 

 

 

S2

Κόσσινοι

ἔθνος παρὰ τῷ δυτικῷ ὠκεανῷ

 

 

texte issu de Pythéas, mentionné par Artémidore, s.v. Ὠστίωνες

S1

Ἀγνῶτες

ἔθνος Κελτικῆς παρὰ τὸν ὠκεανόν

 

 

 

S3

Ῥῆνοι

ἔθνος παροικοῦν τῷ Ῥήνῳ ποταμῷ

 

Abrégé des Onze ?

 

Πρετανικὴ ? S3

Πρετανική

νῆσος ἤπειρον μιμουμένη, παρὰ οἱ ταύτην οἰκοῦντες Πρετανοί τῇ Κελτικῇ καλοῦνται

 

 

S3

Σάμνιον

πόλις Πρετανίας

τὸ ἐθνικὸν Σαμνίτης

ou Abrégé des Onze ?

 

S2

Ἰουερνία

ἡ Πρετανικὴ , ἡ τῶν δύο ἐλάσσων

τὸ ἐθνικὸν Ἰουερνιάτης

ou Abrégé des Onze ?

 

S2

Θούλη

[νῆσος μεγάλη ἐν τῷ ὠκεανῷ]

ἴσως δὲ καὶ Θουλίτης

 

 

LIVRE IV-ITALIE – CORSE – SARDAIGNE – ILLYRIE Λίγυρες S3

Λίγυρες

ἔθνος προσεχὲς τοῖς Τυρρηνοῖς

 

ἐν Ἐπιτομῇ τῶν ιαʹ

 

S2

Γενόα

πόλις τῶν Λιγύρων Ἰταλίας καλουμένη νῦν

τὸ ἐθνικὸν Γενοάτης

Abrégé des Onze ?

 

S2

Δερτών

πόλις Λιγύρων

τὸ ἐθνικὸν Δερτώνιος ὡς Ἀντρώνιος

ἐν Ἐπιτομῇ τῶν ιαʹ

 

S3

Πλακεντία

πόλις Λιγύρων

τὸ ἐθνικὸν Πλακεντῖνος

 

 

S3

Στουῖνος

πόλις Λιγύρων

οἱ πολῖται Στουῖνοι

 

 

Διαβήτη

νῆσος δυσμικωτέρα Σαρδοῦς καὶ Κύρνου

Διαβήτης

ou Abrégé des Onze ?

 

S2

Θέσπεια

πόλις ἐν Σαρδοῖ

 

 

 

S1

Ἀγρυλή

πόλις Ἀθηναίων ἄποικος ἐν Σαρδοῖ

 

 

variante de Ἀγραυλή

S3

Σολκοί

πόλις ἐν Σαρδοῖ

 

ἐν Ἐπιτομῇ

 

S3

Σύλκοι

πόλις ἐν Σαρδοῖ, Καρχηδονίων   κτίσμα

 

 

S1

Χάρμις

πόλις ἐν Σαρδοῖ, κτίσμα Καρχηδονίων

 

 

νῆσος S2 Σαρδοῖ

Χαρμίτης

semble des lemmes rattachés à Artémidore dans l’Épitomé, ainsi que les mentions pouvant se rapporter à cet auteur dans notre corpus géographique. Nous avons mis en gras les lemmes se rapportant de manière certaine à Artémidore. Si les géonymes ne présentent pas de forme particulière, il n’en est pas de même des ethniques associés. Nous pouvons noter en effet une très nette prépondé-

rance des formes ioniennes en -ιτης ou -της (et -ται au pluriel), quasi systématiques. Par exemple, outre une détermination géographique propre à Artémidore de «  ville de Massalie  », cette forme de l’ethnique apparaît pour Kurênê  [129] (ethnique Kurênitês) et peut-être la mention des habitants d’Olbia  [167] (Olbiopolitês). Cette morphologie lexicale nous permet de proposer l’ajout de la ville de Sisigulis [203] (eth-

1. Les sources de Stéphane de Byzance et leur utilisation pour l’Europe occidentale nique Sisigulitês), « grande ville proche de la Celtique » et Santis [192] (ethnique Santitês). Seuls certains ethniques (des peuples  ?) présentent unε forme en -τες (Agnôtes [3]), en -ιος/-ιοι (Bounnioi, β 148 ; Nestios, ν 37 ; Tauroentioi [213] ; Psamathountioi/Psamathousioi, ψ 1) ou en -οι (Belitanoi [49], Boulinoi, β 144, Sêkoanoi [198], Tourtutanoi [218], Tourtoi [218]). Pour Aueniôn  [35] et Kabelliôn  [113], l’Épitomé donne deux formes, que l’on doit attribuer à Artémidore : une forme lexicale dite « indigène » (en -ήσιος) et une forme « grecque » (en -ίτης) ; on trouve le même doublet pour Tarrakôn [209] avec Tarrakônêsios (cette fois pour le citoyen) et Tarrakônitês (pour l’ethnique). La forme indigène semble renvoyer au latin, transcrit en grec. Les définitions géographiques sont intéressantes à analyser car elles sont caractéristiques de celui qui a rédigé le lexique sur cette œuvre, même si les informations de base proviennent du texte d’Artémidore. Le rattachement se fait à une entité géographique large (Ibêria  [100], Keltikê) ou plus restreinte (Massalia [144], Oritania), ou bien à un peuple (Ligures [132], Keltibêroi). Pour l’île de Sardaigne, il semble qu’Artémidore indiquait de façon systématique ἐν Σαρδοῖ. Cette information peut être parfois précisée de manière assez similaire avec quelques adverbes de lieu : – avec πρὸς  : Abdêra [1], ville d’Ibérie proche des ­Gadeiroi, que l’on peut mettre en relation avec Aphrodisias  [36], ville d’Ibérie proche des Keltoi  ; Aueniôn  [35], ville de Massalie proche du Rhône  ; Ilerda  [104], ville d’Ibérie proche des Pyrénées  ; Lunx  [139], ville de Libye proche des Gadeiroi avec l’Atlas ; Stoichades [205], trois îles proches de la Massalie ; Turos (τ 233), île proche de la mer Rouge. – avec πλησίον : Indikê [106], ville d’Ibérie près des Pyrénées ; Korokondamê (κ 167), [ville] près de Sinope ; Parthénios (π 43), promontoire près d’Héraclée ; Sisigulis [203], grande ville près de la Celtique. – avec παρὰ/περὶ210 :  Agnôtes  [3], peuple de Celtique auprès de l’océan ; Artemita [31], presqu’île auprès de l’embouchure de l’Achelos ; Dia [73], [ville] de Lusitanie auprès de l’océan ; Kossinoi [231], peuple auprès de l’océan. – avec κατὰ : Lopadoussa (λ 85), île en dessous de Thapsos de Libye.

210 

La seconde forme est certainement une erreur de lecture d’abréviation.

245

Parfois la ville est signalée comme grande (μέγας). Par trois fois, on peut également rattacher la mention d’une fondation (ἄποικος) à Artémidore : Agrulê [4], Hêmeroskopeion  [92] et Tauroeis  [213]. Deux autres notices utilisent le terme κτίσμα, employé pour des villes fondées par Carthage : Sulkoi [208] et Charmis [228] (= Charalis). Par deux fois, une île ou une ville est dite δυσμικωτέρα : Diabêtê [74] et Tarrakôn [209]. Ces précisions existaient peut-être pour d’autres lemmes mais elles auront disparu dans les abréviations successives de l’Épitomé. Enfin, il faut noter qu’au moins deux lemmes ont perdu une partie de la définition géographique  : Obolkôn [165] et Tropis [223]. Si ces mentions relèvent du lexique de Pamphile, cette disparition peut être antérieure à la constitution de l’Épitomé. Dans l’ensemble on trouve quelques comparaisons lexicales de grammairien, principalement pour les ethniques. L’un d’eux revient fréquemment, il s’agit d’Askalônitês  ; les formes associées à Tarrakôn également. Il est possible que toutes ces comparaisons soient au départ purement internes, et proviennent du même lexique d’Artémidore. Cela permettrait d’ajouter à cette liste Aigeira (α 95), Aigina (α 105), Kaukôneia (κ 136), Kibura (disparu), Marôn (μ 81), Prosôpitis (π 258) et Selinountous (σ 104). L’abrégé de Marcien et le corpus géographique

L’Abrégé des Onze présente semble-t-il peu de différences avec l’œuvre d’origine. Nous l’avons déjà étudié (supra p. 188-190), puisqu’il a été écrit par Marcien d’Héraclée que nous datons de la fin du ive siècle de notre ère. Cependant, cette œuvre est avant tout tirée d’Artémidore sans réactualisation, comme tout épitomé. On a pu envisager un abrégé rédigé directement par Artémidore211. Celui-ci aurait peut-être effectué un travail identique à celui de Timosthène de Rhodes (cf. infra p. 263-264) qui a rédigé un ouvrage détaillé sur les ports et en a fait une version abrégée. Cette hypothèse aurait le mérite d’expliquer pourquoi les scholies à Apollonios de Rhodes, qui semblent anciennes, mentionnent cet abrégé comme nous l’avons indiqué supra p. 189-190. Dans ce cas, Marcien aurait pu l’abréger à son tour. L’Abrégé comprend plusieurs notices avec le nom des Ligures212. Les villes de Genoa  [62], Dertôn  [71], 211   Stiehle  1856, p.  240, hypothèse signalée encore par Salomone Gaggero 1979, p. 60 n. 14 et Engels 2013, p. 150. 212  Voir sur ces villes Salomone Gaggero 1979, p. 60 sq.

246

Troisième Partie : Auteurs-sources et connaissance des espaces géographiques

Plakentia [177] et Stouinos [206] sont rattachées à ce peuple des Ligures  [132], proche des Tyrrhéniens et dont le nom, nous dit l’Épitomé (probablement d’après Artémidore) est relié au fleuve Liguros213. Il s’agit ici de la définition classique de la Ligurie pour les Romains214, sur la base du nom latin et non plus du nom grec. La notice de Genoa présente une indication complémentaire. Pendant longtemps, on a pensé que la phrase « appelée maintenant † Stalia » était erronée et qu’il fallait remplacer le nom altéré par quelque chose comme Ianoua. Mais la réactualisation du géonyme concerne les Ligures et non la ville de Gênes ; nous proposons donc de lire Italia. Cela revient à indiquer, à l’époque d’Artémidore, que les Ligures sont une des composantes de l’Italie215. Il est difficile de savoir si ce lemme se rattache à l’abrégé ou à l’œuvre d’origine. Dans le même Abrégé se trouve la mention de Mastramelê [147], « ville et étang de la Celtique », que l’on assimile à l’actuel étang de Berre. Strabon emploie le même terme de Celtique pour l’ensemble de la Gaule, y compris la Narbonnaise. Bien que jamais attribuée directement à l’œuvre d’origine d’Artémidore, ce rattachement à la Celtique semble bien être le fait du géographe lui-même (et non de son seul abrégé), ce qui le distingue clairement de Polybe qui est antérieur d’une génération et parle encore de Ligues. Stéphane de Byzance semble avoir privilégié l’Abrégé des Onze à l’œuvre d’origine. Sans doute l’édition abrégée de Marcien, beaucoup plus proche dans le temps de Stéphane de Byzance, la rendait-elle plus simple à utiliser pour un lecteur de la fin de l’Antiquité. On a l’impression que Stéphane de Byzance a simplement complété les toponymes oubliés dans l’Abrégé en gardant les mentions du lexique-source issues de l’œuvre primitive216. 213 

Cette étymologie est donc tardive et a peu de chance d’être l’origine du nom des Ligyens. Contra Bats 2003, p. 148. 214  Chez les historiens romains, les Ligures sont localisés au nord-ouest-de la péninsule italienne. Voir en particulier les combats entre Romains et Ligures, dans les années 178-174, mentionnés par Tite-Live (livre XLI) sous la forme Ligures (et une mention Ligustinus en 41.19.3 qui implique une source différente, peut-être Polybe). La colonie romaine de Luna, fondée à cette époque, est dite située sur le territoire des Ligures qui était précédemment celui des Étrusques ; nous sommes ici sur la zone de frontière méridionale. 215  Artémidore avait peut-être donné la correspondance en latin, comme il le fait pour l’Ibérie et l’Hispanie dans le début de son livre  II  ; voir là-dessus le texte du papyrus d’Artémidore (Kramer 2006). Son texte est écrit à peine plus d’une décennie après le triomphe de Q. Marcius de Liguribus Stoeneis (voir en particulier Salomone Gaggero 1979, p. 64-66). 216  Dans la notice sur Δῶρος Stéphane de Byzance cite d’abord

L’œuvre géographique : analyse par livre Le livre I : le Midi de la Gaule

Le livre I contenait les mentions concernant le Midi de la Gaule (c’est-à-dire approximativement la province de Narbonnaise) avec semble-t-il une incursion dans la vallée du Rhône et les peuples situés au nord de celle-ci (comme les Séquanes). Il est probable que le livre débutait par la description de Massalia [144]. L’expression « κατὰ τὴν Κελτικήν » (au niveau de la Celtique) en provient peut-être, comme l’explication étymologique que donne Timée. Strabon a longuement repris les commentaires d’Artémidore sur cette cité, même si l’on a du mal parfois à distinguer les ajouts de Posidonios d’Apamée qui visita la cité quelques décennies plus tard. On peut imaginer que la description d’Artémidore se poursuivait avec les villes dites «  de Massalie  », dénomination spécifique que l’on trouve dans notre lexique de manière assurée pour Kabelliôn [113], Kurênê [129] et Rhadanousia [182]/ Rhodanousia  [184]. La notice Alônis  [23] (ethnique Alônitês), regroupe quant à elle une île et une « ville de Massalie ». On peut inclure sans risque Aueniôn [35] dont la notice et la formation lexicale des ethniques sont identiques à ceux de Kabelliôn (en particulier en distinguant une forme indigène et une forme grecque). L’ensemble constitue un regroupement particulier, rattaché explicitement à un territoire de Marseille qui semble surtout centré autour de la basse vallée du Rhône. Seul géonyme un peu éloigné de cet espace, les îles Stoichades [205], qui sont dites proches de la Massalie (plutôt que de Massalia elle-même). Peut-être faut-il voir ici un rappel de la bande côtière que les Romains ont laissée aux mains des Marseillais après la conquête, selon Strabon (4.1.5). Nous reviendrons infra (p. 344) sur l’interprétation de ce regroupement géographique. Attribuée également à ce premier livre, la mention du fleuve Seine (Sêkoanas [198]) devait probablement faire référence à l’espace de commerce des Marseillais. De nombreuses villes du Midi de la Gaule sont rattachées à la Celtique. Il s’agit dans ce livre de toutes les cités en dehors de celles dites « de Massalie », mais y compris les fondations de Marseille (comme Agathê ou Tauroeis). Cela montre bien que la mention de « ville de Massalie » ne se rapporte pas uniquement à une fondation par Marseille mais bien à une réalité politico-­ géographique. Strabon a pris chez Artémidore cette deux lignes de l’Abrégé des Onze puis la simple référence dans l’œuvre originale d’Artémidore, mais sans détail.

1. Les sources de Stéphane de Byzance et leur utilisation pour l’Europe occidentale détermination de ‘celtique’ pour tout ce qui relève de la Gaule au sens large, jusqu’aux Pyrénées, mais n’utilise plus le terme de « ville de Massalie », cette dernière entité ayant cessé d’exister à son époque (et peut-être déjà du temps de Posidonios). Nous proposons de rattacher au livre  I de cette œuvre, abrégé ou non, les mentions de Nikaia [160], Tauroeis [213] et Agathê [2]217, trois villes mentionnées comme celtiques (ou de la Celtique) et fondation des Marseillais (ἄποικος pour Tauroeis et Nikaia). On ajoutera Olbia  [167] dont l’ethnique Olbiopolitês est très probablement issu d’Artémidore et Mastramelê [147] en milieu indigène. De même, il est probable que les mentions de Baitarra  [39] (ethnique Baitarritês), Heraclea [94] et peut-être Narbôn [156], dites « villes celtiques », proviennent également d’Artémidore, que ce soit dans l’Abrégé ou les Descriptions géographiques. Selon nous, il faudrait également ajouter des cités qui apparaissent chez Apollodore comme Aeria  [6] (Strabon (4.1.11) signale sa mention par Artémidore) et Phabia [226], liées à la conquête de l’espace de la future Provincia. La détermination géographique ou la forme de l’ethnique peut servir ici à repérer les emprunts à Artémidore. Enfin, on trouve également la mention de l’ethnique des Dekiêtai [70], rattaché explicitement au livre I d’Artémidore. Ils constituent la forme dérivée d’une ville inconnue, Dekiêton, localisée selon nous en Gaule (ou en Italie selon l’Épitomé). Cette attribution à Artémidore peut être dissociée de la ville elle-même218 ; il s’agit du peuple « ligyen » des Déciates, mentionné entre autres lors des événements de 154 av. J.-C., et que l’on retrouve encore dans l’énumération de Ptolémée comme peuple de rattachement d’Antibes. Du fait du rattachement géographique de ce géonyme à l’Italie dans les éditions de Stéphane de Byzance jusqu’à ce jour, M. Bats a considéré que Dekiêton, hypothétique ville des Déciates, a pu suivre le sort de la ville d’Antibes devenue « italiote » (Strabon 4.1.9) après son indépendance vis-à-vis de Marseille219 ; la mention de la ville proviendrait alors d’un auteur plus tardif. Compte tenu de la façon dont Stéphane de Byzance localise les toponymes, cela semble peu vraisem217  Ces villes sont également mentionnées par Strabon ; l’un et l’autre ont été lus et utilisés par Stéphane de Byzance et ont pu constituer la source première de la notice. 218  Rien ne prouve en effet qu’Artémidore soit la source du nom de la ville, la formulation de l’Épitomé le rattachant uniquement à l’ethnique. 219  Bats 2003, p. 153 n. 20.

247

blable. Il est également possible que la ville de Dekiêton se trouvait de l’autre côté du Var, le peuple des Déciates étant alors situé de part et d’autre du fleuve, mais dans la partie sous le contrôle des Marseillais220. Mais nous ne connaissons aucune autre mention d’une telle ville et la mise en évidence de l’erreur de lecture de la pseudo « Massalie d’Italie » par Charax (Troizên [222]) enlève un argument de poids pour cette hypothèse. C’est pourquoi nous pensons qu’une mélecture d’onciales lors de la translittération a modifié le « Gallias » (ΓΑΛΛΙΑC) d’origine en « Italias » (ΙΤΑΛΙΑC), comme pour la notice de Nemausos [157] (l’erreur est là manifeste) et peut-être Phrangoi [227]. Le livre II : l’Ibérie

Le second livre traite de l’Ibérie221. La découverte récente d’un papyrus (P.  Artemid.) qui semble bien donner le début de ce livre a relancé les études autour de l’œuvre d’Artémidore. Le texte conservé222 donne en introduction la description géographique large de la péninsule ibérique, divisée en deux provinces par les Romains. Suivent ensuite les distances en stade entre les différents points remarquables de la péninsule. La citation du même texte par Stéphane de Byzance, conservée par l’intermédiaire de Constantin Porphyrogénète (Ibêria [100]), est conforme au texte du papyrus. On note plusieurs éléments intéressants. D’abord Artémidore donne le nom latin (Ἱσπανία) à côté du nom grec traditionnel. Ensuite, il indique la division en deux provinces (ἐπαρχία)223 et donne un certain nombre de géonymes que l’on retrouve ailleurs dans l’Épitomé : Gadeira [59], (Kainê) Karchêdôn [121], le fleuve Baitis [40] et la Lousitania [138]. La délimitation que constituent les Pyrénées entre l’Ibérie et la Celtique se lit également dans la notice Purênê [180]. Parmi les toponymes d’Espagne, Stéphane de Byzance signale Hêmeroskopeion [92], ville des Celtibères colonie 220 Voir

p. 258.

Salomone Gaggero 1979, p. 63 et Schiano 2007,

221   Sur la connaissance traditionnelle d’Artémidore sur la péninsule ibérique, voir Alonso-Núñez  1980. L’apport du payprus d’Artémidore a été étudié par C.  Lucarini et P.  Moret (Lucarini 2009 ; Moret 2013). 222  Voir en particulier l’editio princeps Gallazzi et al. 2008. Certains auteurs, en particulier L. Canfora, se sont élevés contre l’authenticité de ce texte, considéré comme l’œuvre d’un faussaire du xixe siècle (Constantin Simonidès) connu par ailleurs. 223  On notera que c’est le même terme que l’on retrouve chez Marcien.

248

Troisième Partie : Auteurs-sources et connaissance des espaces géographiques

des Phocéens. Du même livre on note les villes d’Abdêra [1], Kartaia [120], Kastalôn [122], Malakê [143], Tourtutania  [218] (au lieu de Tourdetania) et Ôrisia [230], ainsi que l’île de Tropis [223]. L’analyse et la comparaison de notre corpus (en particulier avec les formes d’ethniques) nous permettent de proposer d’autres géonymes à rattacher à Artémidore. Ils complètent largement la connaissance que l’on avait de l’Ibérie à travers Artémidore. Pour la province septentrionale de l’Espagne (Hispanie citérieure à l’époque d’Artémidore devenue ensuite Tarraconaise), on distinguera plusieurs ensembles. On a tout d’abord la ville d’Aphrodisias [36] qui est dite «  près des Celtes  ». On trouve ensuite deux géonymes proches des Pyrénées  : Ilerda  [104] et Indikê  [106]. La première en est probablement plus éloignée que la seconde (non localisée) ; elle a un autre nom qui n’est pas connu par ailleurs et pourrait avoir été rapporté par Artémidore d’un auteur antérieur. On a ensuite les villes d’Emporion [84] (ville celtique) et d’Hêmeroskopeion [92] (ville des Celtibères), cette dernière explicitement rattachée à Artémidore mais peut-être seulement pour la fondation par les Phocéens. Cette référence à des Celtes en Ibérie pourrait trouver un écho dans la mention d’Alea [18], ville des Karpêtanoi, « peuple celtique ». L’extension de la détermination de celtique à des villes situées dans la péninsule ibérique pourrait se comprendre par la présence assez bas vers le sud de populations de type celtique, appelées également celtibères, terme qui n’est pas clairement attesté chez Artémidore. D’autres géonymes sont simplement rattachés à l’Ibérie : Aderkôn [5], Zakunthos [90] (forme particulière de Zakantha [89]), Motiênê [155]. Tarrakôn [209], la capitale de la province, était probablement mentionnée d’après Artémidore si l’on en juge par la forme de l’ethnique, comme Karchêdôn [121], que l’on trouve dans la notice Ibêria [100]. Pour la province méridionale, le fleuve Baitis [40], dont on a le nom indigène, peut provenir d’Artémidore comme de Charax. Plusieurs villes (Aiboura  [10], Italikê [111], Obolkôn [165], Odusseis [166]) peuvent être rattachées à notre auteur. Nous proposerons également que les formes d’ethnique de Sualis [207] et de l’île d’Erutheia [85], d’Althaia [19], de Krabasia [125] et, de façon différente, de Tarsêion [210], proviennent d’Artémidore. Enfin, outre Gadeira [59], Abdêra [1] explicitement rattachée à Artémidore et l’île d’Aphrodisias [37] font référence à l’Ibérie et aux Gadeiroi.

Le rattachement à l’Ibérie est très larg ement majoritaire  ; on trouve toutefois une ville d’Orétanie (Kastalôn  [122]), deux en Celtibérie (Hêmeroskopeion [92] et Emporion [84]). La Lusitanie est considérée comme une détermination géographique distincte comme on va le voir. Le livre III : les terres du côté de l’Océan

Le troisième livre concerne la Lusitanie et le reste de la Gaule, c’est-à-dire au sens large toute la partie qui borde l’océan. La notice de Lousitania  [138], si elle n’a pas totalement été remplacée par une notice issue du lexique de Marcien, devait inclure des renseignements provenant d’Artémidore. Il est peu probable que la détermination géographique « partie de la Bétique » provienne de cet auteur car la province de Bétique n’apparaît qu’à partir d’Auguste ; toutefois, la Lusitanie est bien, avant cette date, une partie de la Bétique ou plus exactement de l’Hispanie ultérieure. Nous pensons que la notice sur la ville lusitanienne de Dia [73] peut lui être rattachée, à côté de celle sur le peuple des Belitanoi [49]. La partie de la Celtique en lien avec ce livre ne se distingue pas des géonymes contenus dans le livre I. Les peuples Agnôtes [3] et Ôstiones/Kossinoi [231] en proviennent de façon certaine ; dans les deux cas, la détermination géographique rappelle la proximité de l’océan. Nous ajouterons le peuple des Ibaioi/Ibênoi [99], dont la formulation rappelle celle de la Lousitania et la double toponymie celle des Ôstiones, ainsi que les Grammitai [67] et les Rhênoi [183]. À part ces derniers, dont on comprend bien qu’ils habitent au bord du Rhin, les autres géonymes ne sont pas localisables car ils n’ont pas été repris ensuite par la toponymie gallo-romaine. Nous rattacherons également d’autres géonymes à Artémidore, bien que la plupart des noms nous soient inconnus par ailleurs : la presqu’île de Limenôtis [135], les villes de Maikê [142], de Sisigulis [203] et de Santis [192]. Pour cette dernière on voit des parallèles soit avec le peuple des Santons soit avec une ville de Narbonnaise (dans ce cas la mention serait issue du livre I). On notera en outre dans ce livre les mentions des deux îles Britanniques Pretanikê [179] et Iouernia [109], ainsi que des villes : Samnion [191] en (Grande) Bretagne et Iouernê [108] en Irlande. Enfin, l’île de Thoulê [98] était également mentionnée par Artémidore. Le tout montre l’importance de la description d’Artémidore, qui devait sans doute reposer très largement sur Pythéas pour les parties les plus extrêmes du monde connu à son époque.

1. Les sources de Stéphane de Byzance et leur utilisation pour l’Europe occidentale Le livre IV : la partie celtique et ligure de l’Italie et les îles de Méditerranée occidentale

On peut supposer que les villes qui relèvent du peuple des Ligures [132] se trouvaient dans le livre IV, portant sur l’Italie. Elles sont au nombre de quatre dans l’Épitomé  : Genoa  [62], Dertôn  [71], Plakentia  [177] et Stouinos [206]. Il est difficile de savoir si elles nous sont parvenues par l’intermédiaire de l’Abrégé de Marcien ou par le lexique-source, mais elles constituent un ensemble cohérent qui appartiendra à la région italienne de Ligurie établie par Auguste. On notera, toujours pour l’Italie, la probable mention d’Atria [34], qui correspond très certainement à la ville d’Italie du Nord ayant donné son nom à la mer et au golfe Adriatique et peut-être celle de Sênê [199]. Ces indications ne sont pas exhaustives bien sûr puisque nous sommes hors de notre cadre géographique et mériteraient une étude plus approfondie. Les îles relèvent très certainement de la dernière partie du livre IV, avant qu’Artémidore ne décrive la Grèce dans le livre V. Dans notre corpus, nous rattachons à cet auteur une mention d’île, Diabêtê [74], située entre la Corse et la Sardaigne, et peut-être, pour les îles toscanes, l’habitant de l’île d’Elbe (Aithalê [12]) et l’île d’Orgôn [173]. On peut peut-être rattacher également à Artémidore la notice Banaurides/Baliaurides  [42]. La mélecture de ce géonyme, dans le lexique-source, le rapproche des autres noms mal lus, issus d’Artémidore. On sait par ailleurs, dans la scholie de Jean Tzétzès à Lycophron (v. 633), qu’Artémidore mentionnait ces îles, qu’il situait au large de la Tyrrhénie. Pour la Sardaigne (Sardô  [196]), l’ensemble de la notice semble être issue d’Artémidore, y compris les indications étymologiques qu’il a pu trouver chez Timée. De cette île proviennent cinq mentions de villes, toutes caractérisées par l’indication ἐν Σαρδοῖ : Thespeia [97], Solkoi  [204]/Sulkoi  [208], Nôra  [163], Agrulê  [4] et Charmis/Charalis [228] (= Karalis). On notera ici le doublon Solkoi/Sulkoi qui témoigne de deux transmissions différentes, l’une par l’œuvre d’origine avec erreur de lecture (Sulkoi) et la seconde par l’intermédiaire de l’Abrégé de Marcien (Solkoi). Il en est de même, dans le livre I, des géonymes Rhadanousia (erreur de lecture du lexique-source) et Rhodanousia (Abrégé de Marcien). La mélecture Charmis/Charalis (XAPMIC/XAPΑΛIC) au lieu de Karalis (KAPAΛIC) correspond au même type d’erreur, mais ici la ville n’apparaissait probablement pas dans l’abrégé ; il n’y a donc pas de doublon. On note dans ces différentes notices de ville la volonté de faire apparaître l’origine des cités (Athéniens, Carthaginois …).

249

L’ensemble de ces mentions témoigne de l’importance d’Artémidore comme source des notices du lexique-source, renforcée encore dans les Ethniques par l’ajout des notices du lexique de Marcien probablement par Stéphane de Byzance lui-même. Ce que nous mettons en évidence pour notre corpus géographique pourrait certainement se vérifier également pour d’autres parties du monde Méditerranéen. Enfin, il ne faut pas oublier qu’Artémidore citait les auteurs plus anciens, comme le fera ensuite Strabon224, et qu’il est probablement la source indirecte de mentions d’Ératosthène, Timée ou Éphore. 1.6.2. Apollodore d’Athènes (2e moitié du iie s. av. J.-C.) Apollodore d’Athènes est un grammairien et historien souvent cité dans l’Antiquité et mentionné par la Souda225. Né probablement autour de 180 av. J.-C., il a fait partie du personnel de la bibliothèque d’Alexandrie et a participé au travail philologique en publiant en particulier le texte des comédies d’Épicharme de Cos. Il a probablement été chassé de la bibliothèque d’Alexandrie en même temps que de nombreux savants par Ptolémée VIII Évergète II lors de son retour au pouvoir, en 144 av. J.-C.226. Les œuvres d’Apollodore Il est l’auteur de Chroniques227 versifiées (en trimètres iambiques) dédiées à Attale  II Philadelphe (roi de Pergame de 159 à 138), ce qui conduit généralement à penser qu’Apollodore s’est exilé à Pergame après 144. Cette œuvre historique, qui démarre à la chute de Troie et s’étend jusqu’à la date de sa publication (entre 144 et 224 

Engels 2013, p. 147. Souda, α  3407 Adler  : Ἀπολλόδωρος, Ἀσκληπιάδου, γραμματικὸς, εἷς τῶν Παναιτίου τοῦ Ῥοδίου φιλοσόφου καὶ Ἀριστάρχου τοῦ γραμματικοῦ μαθητῶν, Ἀθηναῖος τὸ γένος  : ἦρξε δὲ πρῶτος τῶν καλουμένων τραγιάμβων. («  Apollodore, fils d’A sclépiadès, grammairien, l’un des élèves de Panaitios de Rhodes, le philosophe, et d’Arsitarque, le grammairien. Athénien de naissance, il est le premier à avoir écrit des Tragiambes »). On lui attribue la « Bibliothèque d’Apollodore » qui lui est nettement postérieure. Voir là dessus l’introduction à la traduction de la Bibliothèque d’Apollodore par B. Massonie et J.-C. Carrière (Massonie, Carrière 1991, p. 7 sq.). 226  FGrHist 244 T 4, d’après le papyrus d’Oxyrrinchus P. Oxy. 10 1241, col. II 11. 227   Les fragments ont été édités par F.  Jacoby dans les FGrHist (no 244) et ont fait l’objet d’un commentaire de sa part (Jacoby 1902). Récemment, B. Bravo en a repris l’étude en lien avec le texte du poème géographique du pseudo-Scymnos (Bravo 2009). 225  

250

Troisième Partie : Auteurs-sources et connaissance des espaces géographiques

Figure 49 – Les mentions d’Apollodore dans l’Épitomé. Abrév. Nom

Définition géographique

Ethnique

Œuvre

Commentaire

Ζάκανθα

πόλις Ἰβηρίας, ἣν καθεῖλεν Ἀννίβας

 

ἐν Χρονικῶν γʹ

 

S1

Ἀερία

Κελτικὴ πόλις

 

ἐν Χρονικῶν δʹ

 

S1

Αἰδούσιοι

σύμμαχοι Ῥωμαίων, πρὸς τῇ Κελτικῇ Γαλατίᾳ

 

ἐν Χρονικῶν δʹ

 

S2

Ἀρόερνοι

ἔθνος μαχιμώτατον τῶν πρὸς τῇ Κελτικῇ Γαλατῶν

 

δʹ Χρονικῶν

 

S2

Ἀλλόβρυγες

ἔθνος δυνατώτατον Γαλατικόν

 

 

 

S2

Φαβία

πόλις Κελτογαλατῶν, κτίσμα Φαβίου στρατηγοῦ Ῥωμαίων

 

ἐν {β}Χρονικῶν  

S2

Μέσμα

πόλις Ἰταλίας

 

ἐν γʹ Χρονικῶν

 

S2

[Ἀμαξιτός]

[πολίχνιον τῆς Τρωάδος]

Ἀμαξιτήνοι

ἐν Χρονικῶν γʹ

variante de l’ethnique

S2

Ἀμήστρατος

πόλις Σικελίας

 

δʹ Χρονικῶν

 

S2

Νόαι

πόλις Σικελίας

 

βʹ Χρονικῶν

variante homonyme

S2

Ἄσσωρον

[πόλις Σικελίας]

 

ἐν δʹ Χρονικῶν

variante de Ἀσσώριον

S3 ?

Ἔλωρος

[πόλις Σικελίας]

 

ἐν Χρονικῶν αʹ

indication

S2

Μεναί

πόλις Σικελίας ἐγγὺς Παλικῶν

 

ἐν βʹ Χρονικῶν

 

Καινοί

ἔθνος Θρᾴκιον

 

ἐν Χρονικῶν δʹ

 

S2

Μυοῦς

πόλις Ἰωνίας

 

ἐν αʹ Χρονικῶν

complète Philon

S1

Χήσιον

Ἰωνίας πολίχνιον

 

ἐν Χρονικῶν αʹ

 

S

Δῦμαι

 

Δυμαῖος

ἐν Χρονικῶν αʹ

variante de Δύμη

S

Δῶρον

 

 

ἐν Χρονικῶν δʹ

variante de Δῶρος

S3

Λήναιος

ἀγὼν Διονύσου ἐν ἀγροῖς, ἀπὸ τῆς ληνοῦ

 

ἐν τρίτῳ Χρονικῶν

indication chronomythologique

S3

Λίγγος

φρούριον Κασσανδρέων

τὸ ἐθνικὸν Λιγγαῖος

ἐν Χρονικῶν γʹ

 

S2

Παρπάρων

χωρίον ἐν Ἀσίᾳ Αἰολικόν, ἔνθα ἱστοροῦσι Θουκυδίδην ἀποθανεῖν

 

ἐν Χρονικῶν βʹ

 

S2

Ὕκαρα

[πόλις]

 

ἐν βʹ Χρονικῶν

variante de Ὕκαρον

S1

[Χαιρώνεια]

 

 

ἐν Χρονικῶν βʹ

variante

S1

[Χαλκητόριον]

[πόλις Κρήτης]

Χαλκητορεύς

δʹ Χρονικῶν

ethnique

 

 

ἐν τῇ Περὶ γῆς βʹ

indication du fleuve

πόλις Λευκανίας

 

ἐν τῷ Περὶ γῆς βʹ

 

CHRONIQUES Ἰβηρία S2 Κελτική

Ἰταλία

Σικελία

Θρᾴκη S2 Ἰωνία

Divers

PERI GÊS Ἰβηρία S2

Ἰβηρία

Λευκανία S2

Λᾶος

1. Les sources de Stéphane de Byzance et leur utilisation pour l’Europe occidentale

251

Figure 49 (suite) – Les mentions d’Apollodore dans l’Épitomé. Abrév. Nom

Définition géographique

Ethnique

Œuvre

Commentaire

Θρᾴκη S2

Νέστος

[πόλις Θρᾴκης]

 

βʹ Περὶ γῆς

variante de Νάστος

S2

Ἀριανοί

ἔθνος προσεχὲς τοῖς Καδουσίοις

 

βʹ

 

S2

Τορέται

ἔθνος Ποντικόν

 

βʹ Περὶ γῆς

 

S2

 

 

Ὕλλοι

ἐν τῷ Περὶ γῆς βʹ

variante de l’ethnique

S1

Ψησσοί

ἔθνος τῆς Ταυρινίας

 

ἐν βʹ Περὶ γῆς

 

S2

Γαυγάμηλα

τόπος Περσίδος

 

ἐν τῷ Περὶ γῆς βʹ

 

S2

Πασσαργάδαι, ἀρσενικῶς

[πόλις ]

 

 

variante de genre

S2

Δερβίκκαι

ἔθνος πλησίον τῶν Ὑρκανῶν

 

 

 

S3

Μάρδοι

ἔθνος Ὑρκανῶν

 

Περὶ γῆς βʹ

 

S2

Ὀρβῖται

ἔθνος Ἰνδικόν

 

βʹ

 

S2

Παροπάνισσος

ὄρος Ἰνδικῆς

 

 

variante de nature

Ποντός

Περσία

Ὑρκανοί

Ἰνδική

Τρωγλοδυτική S1

Ἄβυλλοι

ἔθνος πρὸς τῇ Τρωγλοδυτικῇ, ἔγγιστα τῷ Νείλῳ

 

βʹ Περὶ γῆς

 

S2

Φιλωτερίς

[πόλις περὶ τὴν Τρωγλοδυτικήν]

 

 

variante de Φιλωτέρα

ἔθνος παρὰ τοῖς Ἰχθυοφάγοις

 

 

 

Ἰχθυοφάγοι S2

Δαμαῖοι

Λιβύη S2

Αὔγιλα, οὐδετέρως πόλις Λιβύης

 

βʹ Περὶ γῆς

 

S2

Αὐτόμαλα

[χωρίον Λιβύης]

 

 

variante de Αὐτομάλακα

S2

Αὐσεῖς

ἔθνος Λιβύης

 

βʹ Περὶ γῆς

 

S2

Αὐσχῖται

ἔθνος Λιβύης ὑπὲρ Βάρκης

 

Περὶ γῆς βʹ

 

S2

Νοῦβαι

ἔθνος Λιβύης παρὰ Νείλῳ

 

βʹ Περὶ γῆς

 

S3

Μασύλιοι

Λιβυκὸν ἔθνος

 

βʹ

 

138), cherche à préciser les dates des événements historiques, indiquées en référence aux archontes d’Athènes. Il semble qu’il ait complété ses Chroniques pour des événements postérieurs228, puisqu’était mentionnée la mort du philosophe Carnéade en 129/128 229. Philodème 228  C’est l’opinion émise dans F.  Jacoby ( Jacoby  1902) et reprise par l’Encyclopédie Britannica (« Apollodorus of Athens ». Encyclopædia Britannica Online. 20 Dec. 2009 ) et par M. Bats (Bats 2003, p. 153, n. 19). À l’inverse, pour P.-M. Duval, la chronique s’arrête en 144 (Duval 1971). 229  Diogène Laërce, 4.65 (vie de Carnéade).

donne également des fragments de l’œuvre dont le plus récent date la mort de Bœthos de Marathon de l’archontat d’Eumaque (120/119)230. On considère donc que le livre IV a été rédigé dans un second temps. Ses Chroniques ont été utilisées très largement par de nombreux auteurs antiques pour « caler » les chronologies ; c’est le cas en particulier de Diogène Laërce pour 230  Voir en ligne la traduction anglaise http://www.attalus.org/ translate/chronicles.html#244.0. Un fragment de papyrus d’Herculanum (FGrHist 244 F 55 J) signalant la mort de Kleito­ machos en 110/109 pourrait se rapporter au livre IV d’Apollodore et nous donnerait l’événement le plus récent (Marcotte 2000, p. 9).

252

Troisième Partie : Auteurs-sources et connaissance des espaces géographiques

ses vies de philosophes. Sur 82 fragments recensés par F. Jacoby, seuls 26 sont attribués à l’un des quatre livres des Chroniques ; parmi ceux-ci, trois sont de Diogène Laërce, tous les autres sont tirés de Stéphane de Byzance. Apollodore d’Athènes est également l’auteur d’un Peri Gês versifié en trimètres iambiques, dont les fragments ont fait récemment l’objet d’une nouvelle lecture attentive par D. Marcotte231. Il aurait été « conçu dans le sillage de la géographie d’Ératosthène »232 : le premier livre devait être théorique tandis que le second « exposait, suivant un itinéraire est-ouest, le détail de la carte ératosthénienne ». Cette œuvre a été rédigée postérieurement à la Periodos du pseudo-Scymnos car elle emprunte certains vers de celle-ci ce qui place sa rédaction à l’extrême fin du iie siècle av. J.-C.233. Seul le livre II de cette œuvre est mentionné par Stéphane de Byzance. Selon D. Marcotte, Apollodore est l’auteur également de la Periodos connus sous le nom de pseudo-Scymnos (cf. supra p. 200-201). Nous donnons ci-dessous le détail des mentions attribuées à Apollodore (fig. 49). Nous allons considérer que les deux œuvres ont fait l’objet d’un lexique au même moment et par le même auteur, et que celui-ci relève donc d’une même manière de le rédiger. De façon générale, les indications géographiques sont assez détaillées et ne se contentent pas d’un simple rattachement géographique. C’est vrai, dans les Chroniques, pour les peuples de Celtique, mais également pour Parparôn (π 57) ou Lênaios (λ 47). C’est vrai également pour le Peri Gês, avec des déterminations géographiques assez complètes pour les toponymes africains (Égypte, Libye). Les mentions d’Apollodore dans notre corpus Les comparaisons et rapprochements permettent de proposer d’autres attributions à Apollodore, comme on le voit dans le tableau suivant (fig. 50). Cinq citations rapportées par Stéphane de Byzance, probablement toutes issues du livre IV des Chroniques, concernent la Gaule 234  : trois sont des mentions de peuples (Aroernoi [29], Aidousioi [11] et Allobruges [21]) et deux de villes (Aeria [6] et Phabia [226]235). Elles se 231   Marcotte  2000, p.  28-35 et édition des fragments p. 265-270. 232  Marcotte 2000, p. 35. 233  Marcotte 2000, p. 42-43. 234  FGrHist 244 F 22-25 et 80. 235  Phabia est signalée dans le livre « second » (β) ; il s’agit très probablement d’une erreur de transmission du texte, au lieu du livre δ, soit le livre IV. Le fragment le plus récent du livre II se

rapportent très clairement le contexte d’intervention des Romains à la suite des victoires sur les Salyens, qui les mettent en contact avec les Arvernes et les Allobroges. Cette campagne, rapportée entre autres par Strabon236 et l’épitomé de Tite-Live (Per. 61), est l’œuvre de deux consuls successifs  : Cn.  Domitius Ahenobarbus en 122 av.  J.-C. et Q.  Fabius Maximus en 121 av.  J.-C. Le premier remporte une victoire sur les Allobroges près de Vindalium (Oundalon en grec 237) après que ceux-ci ont ravagé le territoire des Éduens (Aidousioi), alliés des Romains. En 121, Q. Fabius Maximus (avec Cn. Domitius Ahenobarbus238 ?) vainc les Arvernes et les Allobroges à la confluence de l’Isère et du Rhône. Ayant obtenu la reddition des deux peuples, il prend à la suite le surnom d’Allobrogicus. Strabon (4.1.11) indique qu’il éleva, sur le lieu de la bataille, un trophée et deux temples, l’un dédié à Mars, l’autre à Hercule. On peut se demander si la mention d’une ville nommée Fabia (Phabia en grec), dont Stéphane de Byzance nous dit qu’il s’agit d’une « fondation (κτίσμα) de Fabius, général (στρατηγοῦ) des Romains  », n’intégrait pas cet ensemble. Florus (3.2) mentionne l’édification de « tours de pierre » sur le lieu des deux victoires, première attestation romaine d’une glorification de type hellénistique. C’est peut-être à la première bataille que l’on peut rattacher ce type de trophée encore fruste, tandis que la seconde aurait pu donner lieu à une fondation beaucoup plus importante. Apollodore d’Athènes, contemporain de ces événements, n’a évidemment pas inventé cette ville Fabia239. Il est étonnant qu’elle n’apparaisse pas sous cette dénorapporte à 338 av. J.-C. (F9) ; le plus ancien du livre III aux alentours de 316 av. J.-C. Il semble extrêmement improbable de rattacher cette fondation à l’un des Fabii connu au ive s. av. J.-C. 236  Strabon la signale deux fois : d’abord dans sa description de la rive gauche du Rhône (4.1.11) puis des Arvernes (4.2.3)  ; Thollard 2009, p. 31 et 41. 237   Ce toponyme pouvait être présent chez Stéphane de Byzance mais il se trouvait dans une lacune de l’Épitomé à la fin de la lettre « O ». 238   Valère Maxime (9.6.3) mentionne le fait que Domitius Ahenobarbus était encore dans la Province lorsque Fabius Maximus vainquit les Allobroges et les Arvernes  ; par trahison, il prit en otage le roi Arverne Bituit et le transféra à Rome pour son propre triomphe. 239   B.  Bravo pense que l’œuvre d’Apollodore portait une attention particulière aux dates de fondation des cités (Bravo 2009). Ceci pourrait peut-être expliquer la présence de la ville de Fabia qui a dû revêtir une certaine importance dans la démarche de Q. Fabius Maximus, comme Aquae Sextiae fondée par C. Sextius en 122 ou Narbo Martius en 118.

1. Les sources de Stéphane de Byzance et leur utilisation pour l’Europe occidentale

253

Figure 50 – Les mentions d’Apollodore dans notre corpus. Abrév. Nom

Définition géographique

Ethnique

Œuvre

Commentaire

CHRONIQUES Κελτική S1

Ἀερία

[Κελτικὴ πόλις]

 

ἐν Χρονικῶν δʹ

 

S1

Αἰδούσιοι

σύμμαχοι Ῥωμαίων, πρὸς τῇ Κελτικῇ Γαλατίᾳ

 

ἐν Χρονικῶν δʹ

 

S2

Ἀρόερνοι

ἔθνος μαχιμώτατον τῶν πρὸς τῇ Κελτικῇ Γαλατῶν

 

δʹ Χρονικῶν

 

S2

Ἀλλόβρυγες ἔθνος δυνατώτατον Γαλατικόν

 

 

 

S2

Φαβία

πόλις Κελτογαλατῶν, κτίσμα Φαβίου στρατηγοῦ Ῥωμαίων

 

ἐν {β}Χρονικῶν  

S2

Γαλάται

πρὸς νότον τοῖς Παφλαγόσιν, ἀπὸ τῶν ἐν τῇ Κελτικῇ Γαλατῶν (…)  

 

 

S2

Βοιοί

ἔθνος Κελτογαλατῶν

 

 

 

S2

Τολιστόβιοι ἔθνος Γαλατῶν ἑσπερίων μετοικησάντων ἐκ τῆς Κελτογαλατίας εἰς Βιθυνίαν

 

 

 

S2

Ζάκανθα

πόλις Ἰβηρίας, ἣν καθεῖλεν Ἀννίβας

τὸ ἐθνικὸν Ζακανθαῖος ἐν Χρονικῶν γʹ

 

S2

Ἀλθαία

πόλις Ὀλκάδων. οἱ δὲ Ὀλκάδες ἔθνος Ἰβηρίας, πλησιόχωροι Καρχηδόνος, ἣν ἐκάλουν καὶ καινὴν πόλιν

τὸ ἐθνικὸν Ἀλθαῖος, ὡς Αἰαῖος

 

 

S2

Δῆρα

γῆς Ἰβηρίας, ἧς ὁ Σικανὸς ποταμός

οἱ οἰκήτορες Δηραῖοι

 

 

S3

[Σικανία]

καὶ ποταμὸς Σικανός

 

 

 

S2

Καρχηδών

πόλις Ἰβηρίας, ἐκαλεῖτο δὲ καὶ αὐτὴ καινὴ πόλις

 

 

variante homonyme

Ἰβηρία

mination chez Strabon, mais l’invasion des Cimbres et des Teutons, descendant la vallée du Rhône, y a probablement mis fin. Stéphane de Byzance indiquait également le nom des habitants sous la forme de Phabiatês, semblable aux formes lexicales que l’on trouve chez Artémidore ; compte tenu de la grande proximité dans le temps entre Apollodore et Artémidore, il est possible que Stéphane de Byzance ait trouvé chez le second une mention plus détaillée que chez Apollodore240. Quant à la seconde forme, Phabianos, calquée sur le latin, elle doit provenir d’un historien romain de langue grecque à moins qu’elle ne relève également d’Artémidore (ce serait la forme « locale »). Concernant Aeria, la mention d’Apollodore nous incite à rattacher cette ville à la bataille de 121 av. J.-C. qui devait peut-être s’être déroulée à proximité. Elle est peut-être à situer au nord de Valence, dans la zone proche du contact entre l’Isère et le Rhône, nous y reviendrons infra (p. 342). Autre élément important, la terminologie adoptée pour désigner un rattachement ethnique large : Phabia 240  Les Chroniques d’Apollodore ne sont pas spécialement signalées pour avoir comporté un nombre très élevé de vers ; il est probable que les mentions aient été relativement laconiques, à l’inverse de l’œuvre d’Artémidore.

est une ville des Celtogalates. La dénomination est quasi identique pour les Éduens et les Arvernes : ils sont en Celtique Galatique et là Apollodore est la seule source citée241. Dans l’étude de P. Thollard sur l’emploi des différents termes chez Polybe, Strabon, Diodore de Sicile et Plutarque, cette forme n’apparaît pas242 ; elle est présente simplement chez Ptolémée. On peut penser que ce terme mixte était caractéristique d’Apollodore, dont on a dit le lien avec le royaume de Pergame. Il s’agissait peutêtre pour Apollodore d’un moyen de rapprocher ces Gaulois de ceux installés en Asie mineure et vaincus par Attale Ier, roi de Pergame, en 241 av. J.-C. Cette forme est employée également dans la notice Galatai [60] et pour deux peuples celtes, les Boioi [52] et les Tolistobioi [217] dont les mentions sont probablement à rattacher aussi à Apollodore. Parmi les villes fondées par Marseille, nous proposons une mention de la date de fondation de Tauroeis [213] qui selon nous trouvait place dans les Chroniques. 241  La mention des Allobroges, peuple galatique, est à rattacher au Technikos dont la citation est donnée par l’Épitomé. Pour Aeria, la ville est dite celtique mais la mention complète d’origine a peut-être été abrégée par le premier abréviateur qui a regroupé dans une même notice trois villes du même nom. 242  Thollard 2009, p. 116-117.

254

Troisième Partie : Auteurs-sources et connaissance des espaces géographiques

Figure 51 – Les mentions de Polybe dans l’Épitomé. Abrév. Nom

Définition géographique

Ethnique

Œuvre Commentaire

πόλις Ἰβηρίας

 

ιαʹ

ESPAGNE - GAULE Ἰβηρία S2

Ἰλούργεια

 

S3 ?

Ἐλμαντική

πόλις Ἰβηρίας τῆς ἐκτὸς Ἴβηρος ποταμοῦ

 

γʹ

 

S2

Ἀρβουκάλη

πόλις μεγίστη τῶν ἐντὸς Ἴβηρος ποταμοῦ, ἣν   μόλις εἷλεν Ἀννίβας

γʹ

 

S2

Ταρσήιον

πόλις πρὸς ταῖς Ἡρακλείαις στήλαις

 

γʹ

 

S2

Μοτιηνή

χωρίον Ἰβηρίας, ἄποικος Ῥωμαίων

 

γʹ

 

ἔθνος Ἰβηρικόν

S2

Θερσῖται

 

ἐν γʹ

 

S2

Ὀλκάδες, ὡς Ἀρκάδες ἔθνος Ἰβήρων τῶν ἐντὸς Ἴβηρος τοῦ ποταμοῦ  

ἐν γʹ

 

S2

Βαργούσιοι

ἔθνος δυτικὸν πρὸς τῷ Ἴβηρι ποταμῷ

 

ἐν γʹ

 

Ἀλλόβριγες

[ἔθνος δυνατώτατον Γαλατικόν]

 

 

variante de Ἀλλόβρυγες

Κελτική S2 ITALIE S2

Ἰνσόβαρες

ἔθνος Κελτικὸν πρὸς τῷ Πάδῳ

 

 

 

S2

Ταυρῖνοι

[ἔθνος περὶ τὰ Ἄλπεια ὄρη]

 

γʹ

variante de Ταυρίσκοι

Τυρσηνοί

 

 

 

 

S2

πόλις Τυρρηνίας

 

ϛʹ

 

 

 

 

 

Νώλη

[πόλις Αὐσόνων]

 

 

variante de Νῶλα

 

 

 

 

S1

Ἄγκαρα

[πόλις Ἰταλίας]

τὸ ἐθνικὸν Ἀγκαράτης

ηʹ

 

S2

Κυρτώνιος

πόλις Ἰταλίας

 

γʹ

 

S3

Λουκερία

πόλις Ἰταλίας

 

γʹ

 

S1

Ὠστία

πόλις Ἰταλίας

 

 

en complément de Juba

S3

Μάντυα

[πόλις Ῥωμαίων]

τὸ ἐθνικὸν Μαντυανός

ιϛʹ

ethnique

S2

Ἄτελλα

[πόλις Ὀπικῶν Ἰταλίας μεταξὺ Καπύης καὶ Νεαπόλεως]

τὸ ἐθνικὸν οὐκ Ἀτελλαῖος, ὡς Ἀγυλλαῖος, ἀλλὰ Ἀτελλανός

θʹ

ethnique

S2

Νουκερῖνοι

ἔθνος Ἰταλίας

 

γʹ

 

S2

Ἴνσοβροι

ἔθνος Ἰταλικόν

 

ιϛʹ

 

S3

Σενοεσσανοί

ἔθνος Ἰταλικόν

 

ἐν γʹ

 

 

 

 

 

Ὄλκιον

Αὔσων S2 Ἰταλία

Βρεττία S2

Λαμπέτεια

Σικελία

πόλις Βρεττίας

 

ιγʹ

 

 

 

 

 

S1

Ἀγάθυρνα

πόλις Σικελίας

 

θʹ

 

S2

Πάνορμος

πόλις Σικελίας καὶ λιμήν

 

 

 

S1

Ἀκράγης

ποταμὸς καὶ πόλις

 

 

variante de Ἀκράγαντες

S1

Χαλκιδικὸν

ὄρος Σικελίας

 

αʹ

variante de Χαλκίς

 

 

 

 

ENTRE ITALIE ET GRÈCE Ἀδρία S2

Ἄψυρτος

[νῆσος πρὸς τῷ Ἀδρίᾳ]

 

 

variante de

S2

Βρεττία

[νῆσος ἐν τῷ Ἀδρίᾳ]

Βρεττιανός

 

variante féminin

1. Les sources de Stéphane de Byzance et leur utilisation pour l’Europe occidentale

255

Figure 51 (suite) – Les mentions de Polybe dans l’Épitomé. Abrév. Nom

Définition géographique

Ethnique

Œuvre Commentaire

Ἰλλυρία

 

 

 

 

S2

Ἀρβών

πόλις Ἰλλυρίας

 

βʹ

 

S2

Μελίτουσα

πόλις Ἰλλυρίας

 

ιγʹ

 

S2

Φάρος

πόλις Ἰλλυρίας

 

γʹ

variante homonyme

S2

Πάρθος

[πόλις Ἰλλυρική]

 

 

variante de genre

S2

Ὕσκανα

πόλις Ἰλλυρίδος, οὐδετέρως

 

ηʹ

 

S2

Ἅρπυια

πόλις ἐν Ἰλλυρίᾳ παρ’ Ἐγχελέαις

 

 

indication chronomythologique ?

S2

Δασσαρῆται

ἔθνος Ἰλλυρίας

 

ηʹ

 

Ἰόνιος κόλπος

 

 

 

 

S1

[πόλις ἐν τῷ Ἰονίῳ κόλπῳ]

 

ζʹ

variante de genre

Ὤρικος

GRÈCE S1

Αἰγοσθενίτη

[πόλις Μεγαρίδος]

 

 

variante de Αἰγόσθενα

S2

Κόραξ

ὄρος μεταξὺ Καλλιπόλεως καὶ Ναυπάκτου

 

κʹ

 

 

 

 

 

Ἀκαρνανία S2

Κωνώπη

πόλις Ἀκαρνανίας

 

εʹ

 

S2

Μέταπα

πόλις Ἀκαρνανίας

 

εʹ

 

S2

Φοιτίαι

πόλις Ἀκαρνανίας

 

δʹ

indication chronomythologique

Τριφυλία

 

 

 

 

S2

Ἐπιτάλιον

πόλις τῆς Τριφυλίας

 

δʹ

 

S2

Ὕπανα

Αἰτωλία

πόλις τῆς Τριφυλίας

 

δʹ

 

 

 

 

 

S2

Θέρμος

πολίχνιον Αἰτωλίας

 

 

 

S2

Μεδίων

πόλις πρὸς τῇ Αἰτωλίᾳ

 

ιηʹ

 

S2

Φύταιον

πόλις Αἰτωλίας

 

ιαʹ

 

Θεσσαλία

 

 

 

 

S3 ?

Θετταλίας πόλις

 

θʹ

 

Ξυνία

S2

Λάμια

πόλις Θεσσαλίας τῶν Μηλιέων

 

 

 

S2

Κυνὸς κεφαλαί

λόφοι τῆς Θεσσαλίας

 

ιηʹ

 

 

 

 

 

Ἰωνία S2

Ἰλαττία

πόλις Κρήτης

 

ιγʹ

 

S3

Σίβυρτος

[πόλις Κρήτης]

τὸ ἐθνικὸν Σιβύρτιος

ἐν ιγʹ

ethnique

S2

[Ὑρτακός]

[πόλις Κρήτης]

Ὑρτακῖνος

 

variante pour le féminin

 

S2

Τεμέσεια

[πόλις Κύπρου]

S2

Ἀρκεσίνη

[μία τῶν τριῶν πόλεων τῶν ἐν Ἀμοργῷ τῇ νήσῳ]  

 

variante de genre

S2

Κάρθαια

[μία τῆς ἐν Κέῳ τετραπόλεως]

οἱ οἰκοῦντες Καρθαεῖς

ιϛʹ

ethnique

ἐν τῷ αʹ variante de Τάμασος

THRACE – MER NOIRE – ASIE MINEURE Μακεδονία

 

 

 

 

S2

[πόλις Μακεδονίας]

Φιλιππηνός

 

ethnique

 

 

 

 

Φίλιπποι

Θρᾴκη S2

Φόρουννα

πόλις Θρᾴκης

 

θʹ

 

S2

Καβύλη

πόλις Θρᾴκης οὐ πόρρω τῆς τῶν Ἀστῶν χώρας  

ιγʹ

 

256

Troisième Partie : Auteurs-sources et connaissance des espaces géographiques

Figure 51 (suite) – Les mentions de Polybe dans l’Épitomé. Abrév. Nom

Définition géographique

Ethnique

Œuvre Commentaire

Καρία S2

Κάνδασα, ὡς Μύλασα Πήγασα

φρούριον Καρίας

 

ιϛʹ

 

S2

Ἱερὰ κώμη

δῆμος Καρίας

 

ιϛʹ

 

LIBYE – ASIE Λιβύη S2

Ἱππών

Λιβύης πόλις

 

ιβʹ

 

S3

Σίγγα

πόλις Λιβύης

 

ιβʹ

 

S2

Τάβαθρα

πόλις Λιβύης

 

ιβʹ

 

ἐν τῷ ιβʹ complément

S1

Χάλκεια

[πόλις Λιβύης]

 

S2

Ἀρσινόη

[πόλις Λιβύης]

τὸ ἐθνικὸν Ἀρσινοΐτης καὶ θʹ Ἀρσινοεύς ἐπὶ τῆς Αἰτωλικῆς

variante

S2

Ἵπανα

πόλις περὶ Καρχηδόνα

 

αʹ

 

S2

Μυτίστρατος

πολίχνιον περὶ Καρχηδόνα

 

ʹ

 

S3

[Μασύλιοι]

[Λιβυκὸν ἔθνος]

Μασυλεῖς

ἐν τῷ ζʹ

variante de l’ethnique

Καλλιόπη

πόλις Παρθυαίων

 

ιʹ

 

πόλις Μεσοποταμίας

 

εʹ

 

Παρθυαί S2

Μεσοποταμία S

Δοῦρα

Συρία S2

Κύρρος

[πόλις Συρίας]

ὁ πολίτης Κυρρέστης

εʹ

ethnique

S1

Χαττηνία

χώρα τρίτη Γερραίων

 

ιγʹ

 

S2

Λάβαι, ὡς Σάβαι

Χαττηνίας πόλις

 

ιγʹ

 

La péninsule ibérique fait l’objet de trois mentions certaines dans l’Épitomé. La première (FGrHist 244 F 13) concerne la prise de Sagonte dans le livre III des Chroniques (notice Zakantha [89]) ; il s’agit du siège et de la prise de la ville par Hannibal en 218 av. J.-C., prélude à la Deuxième Guerre punique. Le nom de la ville est identique à celui utilisé par Polybe. Le second fragment (FGrHist 244 F 324), général puisqu’il provient de la notice Ibêria [100], est issu du Peri Gês. Il précise la localisation du fleuve Iber. Enfin, le dernier fragment (notice Sikania [200], FGrHist 244 F 297) n’est pas rattaché à une œuvre donnée et peut aussi bien provenir du Peri Gês (mention du fleuve Sikanos) que des Chroniques. F. Jacoby propose de façon hypothétique un extrait du livre I des Chroniques ; nous penchons plutôt pour la description géographique : l’extrait du Peri Gês concernant l’Ibérie montre la mention de fleuves. Nous proposons aussi le rattachement à Apollodore d’autres géonymes ibériques : Dêra [72], Althaia [19], Karchêdôn  [121] et, avec moins de certitude, Rhodê [186], dans le cadre des guerres puniques ou des actions

de pacification et de conquête de l’Ibérie par les Romains (ce serait le cas par exemple pour Rhodê). Pour Dêra, nous proposons de voir une contrée à part entière, mais cela reste évidemment très incertain ; cette notice peut provenir du Peri Gês. On notera toutefois que les noms utilisés par Apollodore diffèrent généralement de ceux qu’emploient les historiens et les géographes, peut-être pour mieux tenir compte des contraintes métriques des œuvres versifiées. Enfin, hors cadre géographique, il est probable qu’Apollodore ait mentionné dans ses Chroniques la ville de Sênê [199], avec ses habitants. Il s’agit en effet de la première colonie romaine en Italie. 1.6.3. Polybe (2e moitié du iie s. av. J.-C.) L’historien Polybe243 fait partie de cette première génération de Grecs ayant fréquenté les cercles du pouvoir romain. Après une carrière politique en Achaïe, il est Duval 1971, no 57, p. 233-238. THA B no 76, p. 531-548. Barruol 1969, p. 9-11. Sur sa vie et son œuvre, voir Marincola 243 

1. Les sources de Stéphane de Byzance et leur utilisation pour l’Europe occidentale forcé de rejoindre l’Italie à la suite de la défaite de Persée (168 av.  J.-C.), comme un millier de ses compatriotes soupçonnés de déloyauté envers Rome. Il ne rentre en Grèce qu’en 150 av.  J.-C. Durant cette période, il fait partie des proches des Scipions, en particulier de Scipion Émilien. Ses Histoires, écrites dans l’optique d’expliquer comment Rome parvint en un demi-siècle à peine (223-168) à s’imposer en Méditerranée, ont été rédigées partiellement (livres  I à XXIX) durant cette période. Dans un second temps (après 146), il prolonge l’ouvrage pour la période 167-145 (livres XXX à XL). Pour notre propos, le voyage de Polybe aux côtés de Scipion Émilien, lors de son expédition contre les Celtibères en 151, lui permet de découvrir une partie de l’Ibérie, de la Gaule méridionale et des Alpes. Il est donc une source particulièrement précieuse pour la connaissance de ces régions. Le lexique de Polybe dans l’Épitomé Les mentions de Polybe dans l’Épitomé concernent les livres I à XIII, XVI, XVIII-XIX, XX, XXVI, XXXIV et XXXVII ; les plus nombreuses sont issues des livres I à XIII et XVI. Il n’est pas impossible que l’auteur du lexique n’ait pas eu à sa disposition l’œuvre intégrale ; en particulier il est étonnant de n’avoir qu’une seule citation pour le livre XXXIV qui était pourtant consacré à la chorographie de l’Europe et qui aurait pu fournir de nombreux géonymes. Pour notre étude, les citations de Polybe concernent principalement l’Espagne et sont issues du livre III. Le tableau ci-dessus (fig. 51) récapitule l’ensemble des mentions provenant de Polybe. Le lexique de Polybe présente peu de caractéristiques. Pour l’Espagne, les mentions sont faites en grande partie par rapport au fleuve, l’Èbre, qui matérialise une limite dans la conquête romaine. Pour les peuples gaulois d’Italie du Nord, la détermination géographique se fait par rapport aux Alpes. Pour le reste du lexique, il n’est pas possible de déterminer de forme particulière, que cela soit dans la détermination géographique ou dans les formes des ethniques. Mais nous allons voir qu’il existe malgré tout quelques caractéristiques notables. Les mentions de Polybe dans notre corpus Comme pour les auteurs précédents, l’analyse de notre corpus met en évidence des mentions de Polybe qui ne sont pas identifiées en tant que telles dans l’Épitomé (fig. 52). Nous avons pris soin en particulier de les dis2001, p.  113-149  ; sur l’œuvre, Pelling  2011. Sur la méthode historique de Polybe, Pédech 1964.

257

tinguer de celles d’Apollodore d’Athènes car ils traitent pour partie des mêmes évènements et les géonymes issus de leurs lexiques respectifs se confondent parfois. Pour l’Ibérie, trois peuples sont cités pour le livre III : les Bargousioi [43] (3.35), les Thersitai [96] (3.33) et les Olkades [171] (3.13). Pour chacun d’entre eux est signalée dans la notice conservée de l’Épitomé la position par rapport à l’Èbre (fleuve Ibêros). Deux villes (Arboukalê [28] (3.14) et Elmantikê [83] (3.14)) sont également situées chez Stéphane de Byzance par rapport au même fleuve, sans référence à un auteur ; on peut les attribuer également à Polybe. Par comparaison du type de référencement géographique, on peut ajouter la mention des Karpêsioi [119] (3.14), positionnés de la même façon. Trois notices proviennent d’Apollodore plutôt que de Polybe si l’on se fie à la détermination géographique. Il s’agit de celles de la ville Althaia [19] (3.13), qui mentionne le peuple des Olkades, situés près de Karchêdôn [121] (Carthagène), appelée Kainê polis  ; or, si cette même indication se retrouve dans la notice de Karchêdôn comme chez Polybe (3.15), celui-ci n’est pas ici la source première de Stéphane de Byzance244. Enfin, Polybe mentionne les habitants de Sagonte (Zakantha [89]) ; dans l’Épitomé, le nom de cette ville est cité d’après Apollodore, mais Polybe (3.17) utilise la même forme. L’ethnique correspond également à la forme lexicale qu’utilise Polybe (3.15) : Zakanthaios. Nous proposerons également de rattacher au lexique de Polybe les notices de deux villes  : Ebora  [78] et Broutobria [58]. Cette dernière est connue semble-t-il tardivement et pourrait être une fondation de D. Junius Brutus dans le cadre de ses interventions contre les Lusitaniens. Il faut imaginer enfin que cet historien devait citer les Ouakkaioi (Vaccéens, 3.14), forme lexicale différente de Bakkaioi [41] rattachée par Stéphane de Byzance à l’Hispanie (et non à l’Ibérie), ainsi que les Keltibêroi, mais nous sommes là dans deux des lacunes repérées du texte de l’Épitomé. Du livre XI (11.24), Stéphane de Byzance cite la ville d’Ilourgeia [105] dont l’ethnique est Ilourgeus ; il faut rajouter la ville de Baikula [38] (non rattachée à Polybe par l’Épitomé mais c’est vraisemblable) avec un ethnique semblable en Baikuleus. Enfin, l’Épitomé ne signale pour la Gaule que la mention des Allobroges [21] (sous la forme particulière Allobriges). La comparaison avec les autres notices per244 

Voir le détail de l’argumentation dans la fiche [121].

258

Troisième Partie : Auteurs-sources et connaissance des espaces géographiques

Figure 52 – Les mentions de Polybe dans le corpus géographique. Abrév. Nom

Définition géographique

Ethnique

Œuvre

Commentaire

ESPAGNE - GAULE Ἰβηρία S3 ?

Ἔβορα

πόλις παρωκεανῖτις μετὰ τὰ Γάδειρα

Ἔβορεύς

 

 

S2

Βρουτοβρία

πόλις μεταξὺ Βαίτιος ποταμοῦ καὶ Τουρδιτανῶν

?

ιαʹ

 

S2

Ἰλούργεια

πόλις Ἰβηρίας

?

ιαʹ

 

S2

Τενέβριον

ἀκρωτήριον καὶ κώμη Ἰβηρίας

ὁ κωμήτης Τενεβριανός ὡς ιαʹ Πολτυμβριανός, Μεσημβριανός

 

S3 ?

Ἐλμαντική

πόλις Ἰβηρίας τῆς ἐκτὸς Ἴβηρος ποταμοῦ

τὸ ἐθνικὸν Ἐλμαντικός

γʹ

 

S2

Ἀρβουκάλη

πόλις μεγίστη τῶν ἐντὸς Ἴβηρος ποταμοῦ, ἣν μόλις εἷλεν Ἀννίβας

 

γʹ

 

S3

Μαστιανοί

ἔθνος πρὸς ταῖς Ἡρακλείαις στήλαις

 

 

Attribué à Hécatée par l’abréviateur

S2

Ταρσήιον

πόλις πρὸς ταῖς Ἡρακλείαις στήλαις

 

γʹ

 

S2

Βαίκυλα

πόλις Ἰβηρίας, πρὸς ταῖς Ἡρακλείαις στήλαις

τὸ ἐθνικὸν Βαικυλεύς

 

 

S2

Μοτιηνή

χωρίον Ἰβηρίας, ἄποικος Ῥωμαίων

 

γʹ

 

S2

Θερσῖται

ἔθνος Ἰβηρικόν

 

ἐν γʹ

 

S2

Καρπήσιοι

ἔθνος Ἰβηρικὸν τῶν ἐκτὸς Ἴβηρος ποταμοῦ

 

 

 

S2

Ὀλκάδες, ὡς Ἀρκάδες

ἔθνος Ἰβήρικὸν τῶν ἐντὸς Ἴβηρος τοῦ ποταμοῦ

 

ἐν γʹ

 

S2

Βαργούσιοι

ἔθνος δυτικὸν πρὸς τῷ Ἴβηρι ποταμῷ

 

ἐν γʹ

 

 

 

 

 

Λιγυστικῆς ?

 

 

 

Λιγυστική S1

Ἀθῆναι

S2

Ὀλβία

πόλις λιγυστική ?

Ὀλβιανοί ?

 

 

S3

Σάλυες

ἔθνος δυτικόν

 

 

 

 

 

 

 

Ἀλλόβριγες

[ἔθνος δυνατώτατον Γαλατικόν]

 

 

variante de Ἀλλόβρυγες

S3

Σήνη

πόλις Κελτική

ὁ πολίτης (…) Σήνων

 

également variante de l’ethnique

S2

Ἰνσόβαρες

ἔθνος Κελτικὸν πρὸς τῷ Πάδῳ

 

 

 

S2

Τρανσαλπῖνοι

ἔθνη Κελτῶν πέραν τῶν Ἄλπεων· τὸ γὰρ τράνς σημαίνει τὸ πέραν

 

 

 

S2

Ταυρῖνοι

[ἔθνος περὶ τὰ Ἄλπεια ὄρη]

 

γʹ

variante de Ταυρίσκοι

Κελτική S2 ITALIE

met d’ajouter le peuple des Salues [190], dont le tout début de la notice très abrégée (ἔθνος δυτικόν) provient très certainement du lexique de Polybe, ainsi que deux villes qui peuvent avoir été mentionnés par Polybe  : Athênai [8] et Olbia [167]. L’ensemble fait sans doute référence aux évènements troublés du milieu du iie siècle av. J.-C., à moins qu’ils n’aient trouvé place dans la partie géographique de son œuvre (livre XXXIV). Enfin, nous avons vu qu’au moins deux notices avaient des déterminations géographiques erronées  :

Mastia  [146] et Tarseiôn  [210]  ; c’est probablement vrai également pour la ville de Baikula [38]. Pour un ensemble géographique différent, J. Desanges a démontré que les indications des lemmes Hippana/Hipana (ι 80) et Mutistraton (μ 264) sont également erronées245 : ces villes sont dites proches de Carthage dans l’Épitomé alors qu’elles sont en Sicile si l’on suit Polybe (1.24.10-11). Inversement, la ville de Tunês (τ 224, qui a donné Tunis) 245 

Desanges 2012, p. 156.

1. Les sources de Stéphane de Byzance et leur utilisation pour l’Europe occidentale est placée en Sicile246. Là encore, l’auteur du lexique aura fait quelques grossières erreurs d’identification géographique, qui semblent une des caractéristiques de son travail lexicographique. Les mentions de chôra : une origine chez Polybe ? Comme nous l’avons indiqué supra (p. 231-232), on trouve dans notre corpus un certain nombre de notices qui emploient le déterminant géographique de chôra associé à οἰκήτωρ/οἰκήτορες : Gallia [47] ; Kantabria [116] ; Magistrikê [140], auxquelles il faut ajouter Baitikê [40] comme nous y invite cette notice et peut-être Tourdêtania  [218], dont l’ethnique est déterminé par le terme οἰκοῦντες. Enfin d’autres notices pourraient éventuellement se rapporter à cet ensemble : Albia [22], Galatia [60], Italia [111] et Tarrakônêsia [209]. Nous considèrerons comme spécifiques et non comparables les mentions d’une chôra pour Troizênis [222] (mention attribuée clairement à Charax), Massia [145] (mention rapportée probablement au lexique de Théopompe) et Massalia [144] (mention restituée pouvant se rapporter au lexique d’Artémidore). De tout ceci il ressort d’abord que la détermination géographique ne fait jamais ressortir qu’il s’agit d’une province romaine ; nous sommes donc très probablement à une époque antérieure à Auguste. D’autre part, si l’on admet qu’Artémidore est bien l’auteur du texte retrouvé sur le papyrus P.  Artemid., celui-ci emploie, comme Marcien un demi-millénaire plus tard, la forme d’ἐπαρχία, terme que l’on ne retrouve pas dans le lexique pour les notices que nous étudions. Enfin, la configuration géographique mise en évidence à travers ces quelques notices est la suivante : outre l’Italie, conçue comme une unité, nous avons la Gaule cisalpine (Gallia), la partie nord-est de la péninsule ibérique (Tarrakônêsia), la partie méridionale (Baitikê et Tourdêtania), la partie nord (Kantabria), peut-être la Gaule transalpine (Galatia), la Gaule belgique (Belgikê) et la Grande-Bretagne (Albia). Soit au final une grande partie de l’Europe occidentale connue par les Romains à partir du ii e siècle av. J.-C. Il ne manque que la Lusitanie mais à cette époque elle n’est qu’une composante de l’Hispanie ultérieure ; c’est peut-être à cela que fait référence la mention « μέρος τῆς βαιτικῆς » que l’on trouve dans l’archétype (voir fiche 246   J.  Desanges considère que la restitution d’A.  Meineke (πόλις [Λιβύης, ἀντικρὺ] Σικελίας), reprise par M. Billerbeck, pour ingénieuse qu’elle soit, n’est pas pertinente compte tenu de la position de la ville sur le littoral africain.

259

[138], notice très imbriquée car elle provient du troisième résumé), tout comme la Tourdêtania d’ailleurs. Tout ceci nous ferait pencher pour des informations issues au départ de Polybe. On notera toutefois que celui-ci utilise le terme de Galloi pour les Galates, et de Galatia pour désigner la Gaule cisalpine (voir par exemple 2.19.9). Les correspondances sont en revanche plus nettes pour les extraits que l’on peut rassembler du livre XXXIV. Ainsi, pour la Tourdêtania, Strabon nous rapporte : « καλοῦσι δ’ ἀπὸ μὲν τοῦ ποταμοῦ Βαιτικήν, ἀπὸ δὲ τῶν ἐνοικούντων Τουρδητανίαν· τοὺς δ᾽ ἐνοικοῦντας Τουρδητανούς τε καὶ Τουρδούλους προσαγορεύουσιν, οἱ μὲν τοὺς αὐτοὺς νομίζοντες, οἱ δ᾽ ἑτέρους· ὧν ἐστι καὶ Πολύβιος, συνοίκους φήσας τοῖς Τουρδητανοῖς πρὸς ἄρκτον τοὺς Τουρδούλους. Le pays lui doit son nom ordinaire de Bétique, mais ses habitants l’appellent Turdétanie et ils sont connus euxmêmes sous le nom de Turdétans et de Turdules. Certains auteurs estiment que ces noms désignent le même peuple, d’autres, deux peuples différents. Polybe est de ces derniers, puisqu’il prétend les Turdules voisins des Turdétans sur la frontière nord de ce peuple » (trad. Lasserre). Ce sont les termes mêmes de l’Épitomé : « οἱ οἰκοῦντες Τουρδητανοί καὶ Τουρδοῦλοι ». Lorsque Strabon donne des détails sur la Lusitanie selon Polybe (34.8.1), il cite « Πολύβιος δ᾽ ὁ Μεγαλοπολίτης ἐν τετάρτῃ καὶ τριακοστῇ τῶν Ἱστοριῶν περὶ τῆς ἐν Ἰβηρίᾳ Λυσιτανίας χώρας  ; mais Polybe de Megapolis, dans le livre 34 de ses Histoires, au sujet du pays de la Lusitanie en Ibérie ». Dans un autre passage (34.10.7), il cite les îles Britanniques ainsi : « περὶ τῆς Βρετταννικῆς ». Nous ne savons pas en revanche s’il nommait ici différemment la Gaule cisalpine mais on trouve parfois des formes différentes suivant les sources qu’il utilise. Quoiqu’il en soit, le livre XXXIV pourrait avoir servi de base pour les grands ensembles géographiques désignés par chôra et non eparchia. Ce livre fait partie des derniers livres de son œuvre (XXX-XL), écrits après 146 av. J.-C. Il est tout à fait possible que sa participation auprès de Scipion Emilien et ses voyages en Espagne et en Gaule lui aient donné une connaissance différente des différents espaces, qu’il dénomme alors peut-être de manière plus calquée sur la terminologie romaine. Toutefois deux éléments semblent indiquer que ces mentions ne peuvent pas être antérieures au i er  siècle av. J.-C. Tout d’abord le terme de Gallia pour désigner la Cisalpine ne trouve pas de correspondance avec les auteurs que nous avons conservés. Nous avons indiqué la forme que donne Polybe dans le livre II. Mais Strabon, qui le suit assez fréquemment, n’utilise lui que la forme Keltoi pour désigner les Gaulois habitant cet espace

260

Troisième Partie : Auteurs-sources et connaissance des espaces géographiques

et la détermination de la Gaule cisalpine est donnée ainsi : « Ὅριον δὲ τῆς χώρας ταύτης, ἣν ἐντὸς Κελτικὴν καλοῦμεν ; du côté des autres régions de l’Italie, la frontière du territoire que nous appelons Celtique Cisalpine » (5.1.11, trad. Lasserre). Plus troublante, la mention à deux reprises des Germanies (dans la notice Belgikê [47]) ou des Germains (notice Magistrikê [140]) ne semble pas pouvoir remonter au-delà du second quart du ier siècle av. J.-C.247. Nous avons donc un auteur qui tire son origine de Polybe, qui n’est pas Strabon et qui présente une configuration des « pays » qui semble se calquer sur Polybe mais avec un vocabulaire romain. Au vu des auteurs présents dans le corpus des Ethniques, il ne serait pas impossible que ces notices remontent à Charax, comme nous l’avons proposé supra (p. 232), sur la base des indications de Polybe. Seules des analyses très complètes des lexiques de Polybe et de Charax permettraient peut-être de déterminer avec certitude l’auteur à l’origine de ces mentions.

1.7. Les auteurs du iiie siècle av. J.-C. (issus du lexique de Pamphile ?) On trouve ici quatre auteurs : Ératosthène, Apollonios de Rhodes, le pseudo-Aristote, Timée de Tauroménion et Timosthène. 1.7.1. Ératosthène (3e quart du iiie siècle av. J.-C.) Savant et géographe grec, directeur du Musée d’Alexandrie (et de sa bibliothèque), Ératosthène est connu pour avoir effectué la synthèse des connaissances géographiques à son époque248. Il poursuit les travaux d’Eudoxe de Cnide pour rationaliser la géographie et est le premier à calculer avec précision le diamètre de la terre. Son traité Geôgraphika constitue la première description raisonnée de la terre connue à son époque249. Conçu en trois livres, il comprenait une introduction générale historique et géographique (livre I), la forme générale géographique et les dimensions de la terre (livre II) et une description plus précise des pays (livre III). Une seule citation d’Ératosthène est directement attribuée à cette œuvre, issue du livre III : il s’agit d’une mention de Durrachion (δ 143)

247 

Goudineau 2005, p. 676. FGrHist n o  241. Duval  1971  n o  34, p.  211-212. Voir sur l’ensemble de son œuvre les actes édités par C.  Cusset et H. Frangoulis (Cusset, Frangoulis 2008). 249  Aujac 2001, p. 65 sq. 248  

conservée dans l’œuvre originale de Stéphane de Byzance (et totalement supprimée dans l’Épitomé). On lui connait de nombreuses autres œuvres littéraires et scientifiques, y compris historiques puisqu’il est très certainement le même que l’Ératosthène de Cyrène, auteur d’un ouvrage sur les Galates en 30 livres, contrairement à ce que pensait F. Jacoby250. S i l’o n e xc ep t e l a m enti o n d e s Ga l at e s Tolistobôgioi [217] situés hors de notre cadre géographique, la seule citation de l’Épitomé le concernant dans notre corpus est pour Gadeira [59], qu’il écrit sous la forme Gadeiros (mais au féminin). On peut rapprocher cette mention du texte de Strabon (2.4.4) qui signale qu’Ératosthène attribuait toute la côte ibérique jusqu’à Gadeira aux Lygiens, reprenant probablement une information issue de Pythéas dont il avait dû se servir pour l’Europe occidentale. La source de Stéphane de Byzance est très vraisemblablement les Geôgraphika, soit dans le livre I soit dans le livre III, mais elle est très probablement indirecte et pouvait provenir d’Artémidore. En effet, nous ne trouvons pas chez Strabon cette forme particulière du géonyme ; en revanche, ce dernier indique (3.2.11) qu’Artémidore contestait les distances que donnait Ératosthène entre Gadeira et le Promontoire sacré. Il ne fait pas de doute que Strabon a lu directement Ératosthène et s’en est servi, en particulier pour ses deux premiers livres de géographie mathématique. Il a pu trouver d’autres mentions chez Artémidore, dans le cours des différentes descriptions. Pour les Ethniques de Stéphane de Byzance, nous pensons que les mentions de l’œuvre géographique de cet auteur proviennent des indications contenues dans les Géographiques d’Artémidore, par le biais des notices du lexique d’Artémidore incluses dans le lexique-source. 1.7.2. Apollonios de Rhodes (milieu du iiie siècle av. J.-C.) Poète grec né en Égypte251, il devient directeur de la bibliothèque d’Alexandrie après la mort de Callimaque. Outre ses travaux philologiques sur Homère et des 250   Sur Ératosthène comme historien, voir l’analyse de S. Bianchetti à travers le filtre de la Souda (Bianchetti 2010). Les arguments de F. Jacoby pour placer cette œuvre au iie siècle avant notre ère ont été démontés par K. Geus (Geus 2002, p. 333-335). Nous ne suivons pas en revanche S. Bianchetti qui considère que la forme Tolistobogioi/Tolistobogii pour désigner le peuple galate (voir fiche [217]) est plutôt du ier siècle av. J.-C. (Bianchetti 2010, p. 341). Polybe utilise déjà une forme semblable. 251  Duval 1971 n° 33, p. 209-211.

1. Les sources de Stéphane de Byzance et leur utilisation pour l’Europe occidentale poèmes divers, il est l’auteur d’un vaste poème épique, les Argonautiques, qui décrit la quête de la toison d’or par Jason et son retour, passant par les fleuves d’Europe jusqu’à la Méditerranée. Les mentions conservées dans l’Épitomé se rapportent à plusieurs œuvres poétiques. D’abord les Argonautiques, nous allons y revenir. On trouve ensuite deux poèmes l’un sur la fondation de Rhodes, l’autre sur celle de Cnide, qui sont issus très vraisemblablement d’un même cycle sur les fondations des cités 252. Enfin, une œuvre intitulée Canobus (que l’on appelle surtout Canopus) qui se rapporte soit au pilote du roi Ménélas de Sparte de ce nom (durant la guerre de Troie), soit à la ville qui s’est développée autour de son tombeau légendaire dans le delta du Nil.  Cette ville, située à 25  km du centre d’Alexandrie, était dès l’époque grecque archaïque le grand port ég yptien pour les Grecs, en concurrence avec Naucratis et Heracléion. Ce poème se distingue par l’emploi de vers iambiques particuliers, les choliambes ; les précédents sont en hexamètres dactyles. Les Argonautiques sont mentionnées 19 fois dans l’Épitomé, mais apparaissent une seule fois sous leur nom d’œuvre et six fois avec un numéro de livre. Nous avons encore conservé la moitié des citations, ce qui montre l’importance de cette œuvre à l’époque byzantine, lors des phases d’abréviation. Nous ne pouvons pas mettre en évidence de transmission indirecte pour cette œuvre. Pour les mentions de notre corpus, M.  Bats 253 a probablement raison quand il propose de voir comme source de la notice des îles Stoichades [205] Apollonios de Rhodes dans les Argonautiques, œuvre qui est effectivement mentionnée à plusieurs reprises par Stéphane de Byzance (mentions des quatre livres), mais seulement pour la deuxième partie de la notice. La citation d’origine (4.550-553) indique : « ἀλλά, θεαί, πῶς τῆσδε παρεξ ἁλὸς ἀμφί τε γαῖαν  |  Αὐσονίην νήσους τε Λιγυστίδας, αἳ καλέονται | Στοιχάδες, Ἀργῴης περιώσια σήματα νηὸς | νημερτὲς πέφαται ; Mais, ô déesses, comment le navire Argo, sorti de ces mers, parut-il au-delà de l’Ausonie, près des îles Stoechades, habitées par les Liguriens, quel destin força les Argonautes de parcourir des lieux si éloignés ? » (trad. d’après Caussin). Les îles sont à nouveau citées en 4.650. En revanche la première partie de la notice des Stoichades renvoie à un autre auteur, qui est selon nous Artémidore. 252   Sur cette œuvre, voir le récent article d’E. Sistakou (Sistakou 2011). 253   Bats  2003, p.  149  ; voir également Salomone Gaggero 1979, p. 60.

261

1.7.3. Pseudo-Aristote (iiie siècle av. J.-C. ?) Stéphane de Byzance cite à plusieurs reprises le Peri thaumasion akousmaton, qui a eu une longue postérité au Moyen Âge sous le titre latin de Liber de mirabilibus auscultationibus et que la tradition antique attribuait à Aristote. Il s’agit d’un recueil de faits merveilleux, énoncés de manière indépendante sous forme de courts paragraphes. L’auteur en est inconnu ; il écrit toutefois postérieurement à l’œuvre de Théophraste et peut-être de Timée selon G. Vanotti254. La date de rédaction reste inconnue et difficile à fixer mais l’utilisation du terme de Celtoligyens renverrait plutôt à une période antérieure aux géographes et historiens du iie siècle av. J.-C. L’ensemble pourrait trouver son origine dans le texte de Timée qui notait les particularités de type mirabilia, l’étymologie (plus ou moins fantaisiste) et qui utilise les formes composées comme les Libyphéniciens255. P. Bernardi met en évidence les similitudes entre le texte de l’ouvrage et celui que l’on peut attribuer à Timée à propos de la Sardaigne et d’un personnage particulier, Aristée256. Cela irait donc dans le sens d’un texte tiré de Timée. C’est pourquoi nous formulons l’hypothèse que ce texte soit une collection d’extraits à caractère paradoxographique rassemblés à partir du texte de Timée257. Dans notre corpus, nous trouvons la mention du peuple des Germarai [63], qui n’apparaît pas dans le texte tel qu’il nous est conservé. Il proviendrait, d’après l’édition complète des œuvres d’Aristote, plutôt des Nomina barbarika258, œuvre véritable (?) d’Aristote dont on connaît plusieurs fragments. D’autres mentions de Stéphane de Byzance proviennent du Peri thaumasion259 mais elles ne concernent pas notre corpus. Toutefois, il faut constater la grande conservation de citations 254 

Vanotti 2007. Ce terme est déjà utilisé par Hécatée (s.v. Eudeipnê, ε 151 et Kanthêlê, κ 58). Voir l’article Libyphéniciens de J. Desanges dans l’Encyclopédie Berbère (Desanges 2013). 256  Bernardi 2004, p. 56 sq. 257  Depuis K. Müllenhoff (en 1870), on sait que les deux œuvres ont des liens assez forts. Voir Pearson 1987, p. 54. 258  E. Heitz dans Dübner et al. 1848-1869, vol. 2, 4, col. 297, fragment no 4 (604). 259  Notices Gelônoi (γ  46, indication du livre  5, c.  30), Hêlektrides (η 7, citation textuelle sans auteur, c. 81), Oina (ο 22, explication, c. 94), Ombrikoi (ο 65, explication, c. 80), Palikê (π 1, citation textuelle, c.  57), Seirênoussai (σ  96, citation textuelle, c. 103), Sintia (σ 174, citation textuelle, c. 115), Taulantioi (τ 49, explication, c. 22), Tênos (τ 116, explication, c. 33), Trapezous (τ 169, explication, c. 18), Psittakê (ψ 13, c. 35). 255 

262

Troisième Partie : Auteurs-sources et connaissance des espaces géographiques

de cette œuvre dans l’Épitomé260, ce qui est rarissime : sur onze mentions (sans compter celle douteuse de Germara), nous avons encore quatre citations (parfois assez longues) et cinq explications détaillées. Il faut donc imaginer que les indications des autres toponymes pouvaient avoir été reprises par Stéphane de Byzance. Indépendamment de l’Épitomé, cette œuvre paradoxographique renferme plusieurs renseignements concernant la péninsule ibérique ou le Midi de la Gaule : – Monde celte : § 50 (étain), § 85 (voie d’Héraclès, mention des Celtes, Celtoligyens et Ibères), § 86 (mention des Celtes), § 168 (Istros et Rhenos, et Germanous). – Au-delà des Colonnes d’Hercule : § 37, § 84. – Ibérie  : §  46 (fleuve Theodoron), §  88 (mention des îles Gymnêsiai, de l’Ibérie et des Ibères), §  133 (île d’Erutheia), § 136 (mention de Gadeira). – Midi de la Gaule : § 89 (mention de la chôra des Massaliètes et du lac de Ligystique à confronter avec la mention d’Agathê), § 90-92 (les Ligyens). Bien que la notice soit située dans l’une des lacunes de notre texte de l’Épitomé, les Celtoligyens (§ 85) ont pu être signalés par Stéphane de Byzance. Il faut noter d’ailleurs cette forme particulière que l’on trouve très rarement et fait le pendant du terme de Celtibères que l’on rencontre plus tardivement, en particulier sous le calame de Polybe. 1.7.4. Timée de Tauroménion (1e moitié du iiie siècle av. J.-C.) Cet historien 261 est le fils du tyran Andromaque de Tauroménion  ; pour cette raison, il est exilé vers 315 av. J.-C. à Athènes où il restera plus de quarante ans. Il devient l’élève de l’orateur Isocrate et rédige alors une histoire de la Sicile et des pays proches de la Méditerranée (Italika kai Sikelika) en 38 livres. Il est le premier à utiliser le découpage en olympiades pour la succession chronologique, dont il fait un volume à part262. Son œuvre contenait de nombreux excursus géographiques et 260   Nous

n’avons pas d’explication pour cette attention particulière des abréviateurs successifs. 261   FGrHist n o   566  ; Duval  1971  n° 26, p.  203-205  ; THA IIB, no 67, p. 483. Pour une vision d’ensemble de l’œuvre, voir Vattuone 2011, p. 196-199. Voir également, dans un contexte plus large, Pearson 1987. Les fragments ont été édités récemment avec une traduction française (Lachenaud 2017). 262  Christesen 2007, p. 277 sq. Précurseur d’Ératosthène et d’Apollodore, Timée synchronisa les listes des éphores de Sparte, des

ethno­graphiques et manquait de partialité, aux dires de Polybe. S’il faisait une large part à l’histoire récente de la Sicile, il consacrait également une partie de son ouvrage aux fondations des cités grecques et aux contacts qui ont pu s’établir avec les populations indigènes263. Polybe (12.14.28-28a) montre bien le côté livresque de son érudition et de son œuvre. Il utilise certainement Éphore mais également Pythéas, son prédécesseur de quelques décennies. On peut penser que ses descriptions des côtes du Midi de la Gaule ou d’Ibérie en provenaient. Polybe et Diodore de Sicile ont longuement utilisé, ou réfuté, l’œuvre de Timée264 ; d’autres (Denys d’Halicarnasse, Strabon, Plutarque) l’ont également utilisée. L’œuvre est mentionnée encore par Athénée qui la cite largement, ainsi que par Diogène Laërce. À l’inverse d’un Théopompe, il n’est pas lu par Photios ; le texte semble disparaître bien avant l’Antiquité tardive, probablement parce qu’il n’apporte pas une information suffisamment importante par rapport à d’autres auteurs. Timée semble avoir été peu cité par Stéphane de Byzance (et sans aucune citation présente dans l’Épitomé) puisque nous n’avons conservé que quatre mentions dont trois sont hors de notre corpus : Argurinoi (α 404), peuple d’Épire ; Ataburion (α 510), montagne de Rhodes ; Eukarpeia (ε 157), dème de Phrygie. Elles semblent toutes correspondre à des mentions indirectes. Enfin, nous avons de lui une mention de Massalia [144] (FGrHist 566 F 72), dont il essaye de donner une explication étymologique. Il faut la rapprocher de l’information concernant la date de fondation de Marseille (« 120 ans avant la bataille de Salamine ») transmise par le pseudo-Scymnos (v. 208 sq.). L’indication de la fondation de Tauroeis [213], conservée de façon détaillée dans la notice de l’Épitomé, est semblable à ce qui lui est attribué pour Marseille ; nous proposerons qu’Artémidore ait copié ici Timée. Il faut peut-être attribuer à cet auteur la mention de l’île d’Aphrodisias [37], entre l’Ibérie et Gadeira [59], si l’on en croit Pline 265. Celui-ci précise en effet que Timée et Silène appellent Aphrodisias l’île qu’Éphore et Philistide nomment Erutheia [85]. Pline indique également que Timée appelait Cotinusa la plus grande des îles mais nous sommes ici dans une des lacunes de l’Épitomé. archontes d’Athènes, des prêtresses d’Héra à Argos et des vainqueurs des Jeux Olympiques. 263  Vattuone 2011, p. 197. 264  Lachenaud 2017, p. xli-xlvii. 265  4.120. Voir THA B 63d.

1. Les sources de Stéphane de Byzance et leur utilisation pour l’Europe occidentale

263

Figure 53 – Les mentions de Timée se rapportant au corpus géographique. Abréviation Nom Ταρτησσός S2 Ἴβυλλα Ἡρακλείαι στήλαι S1 Ἀκκαβικὸν τεῖχος S3 Σάλμυκα Ἰβηρία S2 Τρίτη S3 Σάργανθα Λιγυστική S1 Ἀγάθη S3 Μασσαλία S2 Ταυρόεις

Définition géographique

Ethnique

Œuvre

Commentaire

πόλις Ταρτησσίας

Ἰβυλλῖνος

 

 

πόλις περὶ τὰς Ἡρακλείους στήλας πόλις περὶ τὰς Ἡρακλείους στήλας

Ἀκκαβικοτειχίτης Σαλμυκῖνος

   

   

πόλις περὶ τὰς Ἡρακλείους στήλας πόλις Ἰβηρίας

  Σαργανθῖνος

   

 

[πόλις Λιγύων] [πόλις τῆς Λιγυστικῆς] [πόλις κελτική, Μασσαλιητῶν ἄποικος]

Ἀγαθῖνος    

     

  Étymologie Etymologie

Pour ces trois indications, il est probable qu’Artémidore soit le filtre ayant permis leur intégration dans le lexique-source. On a mis en évidence la même chose pour les mentions trouvées chez Strabon : dans l’introduction des livres V et VI de la Collection des Universités de France, F. Lasserre écrit, en s’appuyant sur le travail de R. Däbritz, « quand la notice s’appuie sur Timée, on ne risque guère de se tromper en l’attribuant à Artémidore »266. À l’inverse, on a pu mettre en évidence que les mentions de Timée présentes dans la Souda proviennent probablement de Polybe267. Enfin, l’étude des notices de notre corpus fait apparaître un ensemble de formes d’ethniques assez caractéristiques et qui relèvent très certainement d’un même auteur. Nous avons analysé surtout la série concernant l’Ibérie, d’abord avec Sargantha [195], puis la notice Ibulla [101] qui présentent la particularité d’avoir des ethnonymes en -inos. La détermination géographique d’Ibulla avec Tartessos, permet de déterminer déjà qu’il s’agit d’un auteur ancien, antérieur à Polybe et Apollodore. Par ailleurs, la comparaison avec les autres ethniques de Timée montre la correspondance avec les formes qu’il utilise et qui sont typiques d’un Grec de Sicile. Plusieurs mentions avec la même forme, avec un rattachement à Tartessos ou aux Colonnes d’Hercule semblent se rapporter à cet auteur (Salmuka [189], Tritê [221], Akkabikon teichos [13] et Tartessos [211]) ; la forme typiquement sicilienne de l’ethnique Salmukinos nous a fait privilégier cet auteur. Sur les mêmes critères morphologiques, nous proposerons également le rattachement à cet auteur de la forme Agathinos dans la notice d’Agathê [2] (fig. 53). 266  267 

Lasserre 1959, p. 15 ; Däbritz 1905. Candau Morón 2010.

Il nous semble douteux qu’il ait pu être lu directement compte tenu du peu de références dans l’Épitomé. C’est probablement par l’intermédiaire d’Artémidore qu’il est connu pour la partie concernant le Midi de la Gaule et l’Ibérie. 1.7.5. Timosthène de Rhodes (2e quart du iiie siècle av. J.-C.) Autre auteur de cette période, Timosthène de Rhodes268, amiral de la flotte de Ptolémée  II Philadelphe (roi d’Égypte de 283 à 246 av. J.-C.), est connu pour un traité Des Ports en 10 livres. L’ensemble aurait été résumé en un seul livre par Timosthène lui-même et complété par un second livre d’indication des distances en stades (d’où le nom de Stadiasme donné à l’ouvrage269). Les deux livres ont été ensuite édités par Ératosthène si l’on en croit Marcien270. Son ouvrage, mentionné par Strabon271, a servi également de source à Ératosthène et à Pline l’Ancien pour son Histoire Naturelle (livres IV à VI). Il est le premier à comptabiliser la distance en stades et non plus en jours de navigation. On lui doit également une rose des vents qui améliore celle d’Aristote, passant de huit à douze vents régulièrement espacés272. Stéphane de Byzance cite le Stadiasme à propos d’Agathê [2], mentionnée sous la forme d’Agathê Tuchê, Duval 1971, no 29, p. 206-207 ; THA IIB, no 74, p. 527-528. 269  Le stade est la mesure de distance utilisée pour la navigation à l’époque grecque et romaine. Voir Arnaud 2005, p. 70 sq. 270  Epit. Men. 3. Cf. Marcotte 2000, p. lxiv-lxv. 271  9.3.10 ; cf. aussi 2.1.41. 272  La description en a été conservée par Agathémère (2.7  ; GGM II p. 473). 268 

264

Troisième Partie : Auteurs-sources et connaissance des espaces géographiques

ce qui implique qu’il s’agit à cette époque d’un port d’une certaine importance entre Marseille et l’Espagne. On trouve chez Stéphane de Byzance trois autres mentions de Timosthène : Alexandreiai (α 200), Apia (α 357) et Artakê (α 457, ville et port proche de Cyzique). On notera que les quatre mentions sont situées au début de l’Épitomé ; on peut supposer que d’autres mentions existaient et ont disparu lors des abréviations successives.

1.8. Les auteurs des ve-ive siècles av. J.-C. (issus du lexique de Pamphile ?) Les auteurs sont peu nombreux pour le début de la période grecque classique et plus importants pour la seconde moitié du iv e  siècle av.  J.-C.  : Pythéas, Théopompe de Chios, Éphore et Eudoxe de Cnide pour le ive  siècle av.  J.-C.  ; Hérodore et Hérodote pour le ve siècle av. J.-C. 1.8.1. Théopompe de Chios (3e quart du ive siècle av. J.-C.) Théopompe de Chios273, né vers 379 av. J.-C.274, a été l’élève de l’orateur Isocrate et a suivi comme lui une brillante carrière comme orateur. On ne sait pas ce qu’il devient après la mort d’Alexandre le Grand, qui l’avait pris sous sa protection, lorsqu’il dut s’exiler d’abord à Alexandrie puis dans un lieu que nous ne connaissons pas275. Il est l’auteur principalement de deux grands ouvrages : des (Histoires) Helléniques poursuivant celle de Thucydide, en 12 livres, et une histoire du règne de Philippe II de Macédoine (359-336), les Philippiques, en 58 livres. Son œuvre est largement cité par Athénée276, qui « signale son amour pour la vérité et son dévouement professionnel »277. Stéphane de Byzance ne mentionne que les deux œuvres principales. Des Helléniques, l’Épitomé donne des citations réparties sur les livres I, IV, VI, VIII et X278. FGrHist no 115 ; Duval 1971, no 22, p. 195-196 ; THA IIB, o n  64, p. 464-467. Voir en résumé Marincola 2011, p. 174-176. 274  Sur sa date de naissance, voir le point dans Shrimpton 1991, p. 4-5. 275  Quelques repères de la vie de Théopompe sont donnés par la Souda (θ 172) et Photios Bibl. cod. 176. Voir Shrimpton 1991, p. 3 sq. 276  C’est l’historien le plus cité de l’ouvrage et le troisième des auteurs en prose : Chávez Reino Ottone 2007, p. 140. 277  Chávez Reino Ottone 2007, p. 141. 278  Les notices du premier abréviateur nous ont conservé deux citations (s.v. Chrusopolis, χ 59, livre I, et Ôropos, ω 19, livre VI) ; le 273 

Il n’est pas certain que l’œuvre survive à la fin de l’Antiquité puisque aucun auteur byzantin ne la cite. Nous nous intéresserons ici uniquement aux Philippiques, qui ont conservé plusieurs mentions concernant notre champ d’étude et dont le texte était encore lu par Photios au ixe siècle (Bibl. cod. 176). Les Philippiques et leur lexique Les Philippiques constituent l’œuvre majeure de cet auteur ; nous en possédons 223 fragments, souvent très courts. L’Épitomé contient encore 76 mentions issues de cette œuvre279. De nombreuses autres mentions n’ont pas d’indication d’œuvre mais doivent provenir majoritairement des Philippiques280. Le tableau ci-dessous (fig. 54) récapitule l’ensemble des mentions contenues dans l’Épitomé. second abrégé une très courte citation (s.v. Aspendos, α 484, livre IV) et quelques mentions (s.v. Trinêssa, τ 192, livre IV ; s.v. Embaton, ε 77, Kalpê, κ 35, et Kutônion, κ 301, livre VIII ; s.v. Karpasia, κ 97, livre X) ; enfin le résumé contient la mention du livre IV (s.v. Sellasia, σ 105). 279  Livre I (s.v. Mokarsos, μ 199 ; Allantê, α 218 ; Chalchê, χ 14), III (s.v. Zeirênia, ζ 14 ; Thapsakos, θ 11 ; Chalchê, χ 14), V (s.v. Amphanai, α 288 ; Makkarai, μ 27 ; Oluka, ο 55), VI (s.v. Eua, ε 145 ; Euaimôn, ε 146), IX (s.v. Pharkêdôn, φ 32 ; Drongilon, δ 131 ; Kôbrus, κ 306), XIII (s.v. Andeira, α 311), XV (s.v. Diônia, δ 101 ; Krêsion, κ 215), XVII (s.v. Assêssos, α 491), XX (s.v. Sirra, σ 184), XXI (s.v. Ladesta, λ 10), XXII (s.v. Omarion, ο 63 ; Sumaitha, σ 316 ; Chutropolis, χ 62 ; Thestôros, θ 37), XXIII (s.v. Aioleion, α 137 ; Brea, β 166), XXIV (s.v. Baition, β 16 ; Assêra, α 490 ; Arês, α 415 ; Dustos, δ 145 ; Okôlon, ο 39 ; Skabala, σ 192), XXV (s.v. Milkôros, μ 186), XXVI (s.v. Apros, α 365), XXXII (s.v. Thalamai, θ 1 ; Asai, α 469 ; Mausos, μ 102 ; Nostia, ν 74), XXXIII (s.v. Melandia, μ 123), XXXV (s.v. Kataneira, κ 127), XXXVIII (s.v. Oidantion, ο 19), XXXIX (s.v. Aithikia, α 123 ; Merousion, μ 150 ; Xiphônia, ξ 9 ; Hudrous, υ 19), XL (s.v. Dumê, δ 140 ; Eleutheris, ε 48 ; Talaria, τ 9), XLII (s.v. Hippos, ι 85 ; Miskera, μ 197), XLIII (s.v. Xêra, ξ 6 ; Massia, μ 91 ; Tlêtes, τ 144 ; Drilônios, δ 130 ; Ipsikouroi, ι 124), XLV (s.v. Chalia, χ 11 ; Zêranioi, ζ 22), XLVII (s.v. Agêssos, α 30 ; Astakos, α 497), XLVIII (s.v. Danthalêtai, δ  12), XLIX (s.v.  Melinophagoi, μ  130), L (s.v.  Karos, κ  94), LI (s.v. Kraneia, κ 204), LII (s.v. Barêtion, β 42), LIV (s.v. Gastrônia, γ 38), LV (s.v. Karua, κ 101 ; Trikaranon, τ 186), LVI (s.v. Aigeiroussa, α 96 ; Alea, α 199 ; Eugeia, ε 150 ; Lukaia, λ 95), LVII (s.v. Messapeai, μ 159). 280   Liste des mentions (entre parenthèses les propositions de Jacoby) : s.v. Adranê (α 62, Philippiques, livre XLVII ?), Aigus (α 113, Philippiques, livre LVI ?), Akraiphia (α 168), Akulina (α 179, Philippiques, livre II ou XXVIII), Akuphas (α 182), Alikuai (α 207, Philippiques, livre XXXIX-LXIII), Alisarna (α 214, Helléniques, livre VII-VIII), Achanoi (α 564), Boubastos (β 134, Philippiques, livre XVIII-XIX ?), Bouthia (β 139), Hermônassa (ε 123, Philippiques, livre XXXV-XXXVIII ?), Indara (ι 62, Philippiques, livre XXXVIIIXLIII ?), Meliboia (μ 127, Philippiques, livre I ? III-V ?), Melitaia (μ 132, Philippiques, livre VIII-IX ?), Neandreia (ν 25, Helléniques, livre VIII ?), Skithai (σ 206, Philippiques, livre XX-XXIV ?), Skubros (σ  220), Trallia (τ  163, Helléniques, livre  XI  ?), Trêros (τ  179), Huperêsia (υ 39).

1. Les sources de Stéphane de Byzance et leur utilisation pour l’Europe occidentale

265

Figure 54 – Les mentions des Philippiques de Théopompe dans l’Épitomé. Abrév. Nom

Définition géographique

Ethnique

Œuvre

Commentaire

Κελτική

 

 

 

 

πόλις μεγάλη, ἐσχάτη τῶν Κελτικῶν

τὸ ἐθνικὸν Δριλώνιος

μγʹ

 

S2

Δριλώνος

Λιγυστική

 

 

 

 

S2

Ἀρβαξανοί

ἔθνος Λιγυστικόν

 

 

 

S2

Εὔβιοι

ἔθνος Λιγυστικόν

 

 

 

S2

Ἰψίκουροι

ἔθνος Λιγυστικόν

 

μγʹ

 

 

 

 

 

Ἰβηρία S2

Τλῆτες (= Γλῆτες)

ἔθνος Ἰβηρικὸν περιοικοῦν τοὺς Ταρτησσίους

 

μ{ε}ʹ

 

S3

Μασσία

χώρα παρακειμένη τοῖς Ταρτησσίοις

τὸ ἐθνικὸν Μασσιανός

μγʹ

 

S3 ?

Ξήρα

πόλις περὶ τὰς Ἡρακλείους στήλας

τὸ ἐθνικὸν Ξηραῖος, ὡς Θήρα Θηραῖος

μγʹ

 

 

 

 

 

Μίσκερα

πόλις Σικανίας

τὸ ἐθνικὸν Μισκερεύς ὡς Μεγαρεύς

μβʹ Φιλιππικῶν

 

 

 

 

 

Ἰταλία S2 Σικελία S2

Μερούσιον

χωρίον

οἱ οἰκήτορες ὁμοίως Μερούσιοι

Φιλιππικῶν λθʹ

 

S3 ?

Ξιφωνία

πόλις Σικελίας

τὸ ἐθνικὸν Ξιφωνιάτης ὡς Καυλωνιάτης

Φιλιππικῶν λθʹ

 

S2

Ταλαρία

πόλις Συρακουσίων

τὸ ἐθνικὸν Ταλαρῖνος, ὡς τῆς Πανδοσίας Πανδοσῖνος καὶ Πλακεντῖνος

ἐν Φιλιππικῶν μʹ

 

S2

Ὑδροῦς

φρούριον ἀρσενικῶς

τὸ ἐθνικὸν Ὑδρούντιος ὡς Σελινούντιος

λθʹ Φιλιππικῶν

 

Ἀδρία – Illyrie – Epire - Thesprotie

 

 

 

S2

Βαρήτιον

χωρίον πρὸς τῷ Ἀδρίᾳ

τὸ ἐθνικὸν Βαρητῖνος ὡς Βρεντεσῖνος

νβʹ

 

S3

Λάδεστα ἢ Λάδεστον

μία τῶν Λιβυρνίδων νήσων

 

καʹ Φιλιππικῶν

 

S2

Οἰδάντιον

πόλις Ἰλλυριῶν

 

Φιλιππικῶν ληʹ

 

S2

Κράνεια

χωρίον Ἀμβρακιωτῶν

 

ναʹ

 

Θετταλία

 

 

 

 

S2

Ὁμάριον

πόλις Θετταλίας

τὸ ἐθνικὸν Ὁμάριοι, Ὁμαρεύς

Φιλιππικῶν κ{α}ʹ

 

S3

Σύμαιθα

πόλις Θετταλίας

ὁ πολίτης Συμαιθεύς

Φιλιππικῶν κβʹ

 

S2

Φαρκαδόν

[πόλις Θεσσαλίας]

 

θʹ Φιλιππικῶν

variante de Φαρκηδών

S1

Χάλκαι

[Λαρισαίας πόλις]

 

αʹ Φιλιππικῶν … καὶ γʹ

variante de Χάλκη

S3

Μακκάραι

χώρα ὑπὲρ Φάρσαλον

τὸ ἐθνικὸν Μακκαραῖος

εʹ Φιλιππικῶν

 

S2

Ἀμφαναία

[πόλις Δωρική]

 

ἐν εʹ Φιλιππικῶν

variante de Ἀμφαναί

 

 

 

 

Ἀρκαδία S1

Ἀλέα

πόλις Ἀρκαδίας

ὁ πολίτης Ἀλεός ?

νϛʹ

 

S2

Εὖα

πόλις Ἀρκαδίας

τὸ ἐθνικὸν Εὐαῖος

ἐν ϛʹ

 

S2

Εὔγεια

χωρίον Ἀρκαδίας

[τὸ ἐθνικὸν Εὐγείτης ὡς Ζελείτης, νϛʹ ἢ Εὐγεώτης ὡς Μαρεώτης]

ethnique issu d’Artémidore ?

266

Troisième Partie : Auteurs-sources et connaissance des espaces géographiques

Figure 54 (suite) – Les mentions des Philippiques de Théopompe dans l’Épitomé. Abrév. Nom

Définition géographique

Ethnique

Œuvre

Commentaire

S3

Λύκαια

πόλις Ἀρκαδίας

ὁ οἰκήτωρ Λυκαῖος

νϛʹ

 

S2

Νοστία

κώμη Ἀρκαδίας

 

λβʹ Φιλιππικῶν

 

S2

Εὐαίμων

πόλις Ὀρχομενίων

τὸ ἐθνικὸν Εὐαιμόνιος

ἐν ϛʹ

 

 

 

 

 

Εὐβοία S2

Ἄρης Ἄρητος, ὡς Μένδητος

χωρίον Εὐβοίας

τὸ ἐθνικὸν Ἀρήσιος ὡς Μενδήσιος Φαγρήσιος

κδʹ Φιλιππικῶν

 

S

Δύστος

πόλις Εὐβοίας

τὸ ἐθνικὸν Δύστιος

ἐν Φιλιππικῶν κδʹ

 

S2

Ὄκωλον

χωρίον Ἐρετριέων

τὸ ἐθνικὸν Ὀκώλιος

Φιλιππικῶν κδʹ

 

S3

Σκάβαλα

χώρα Ἐρετριέων

τὸ ἐθνικὸν Σκαβαλαῖος

κδʹ Φιλιππικῶν

 

 

 

 

 

Βοιωτία S3 ?

Ἐλευθερίς

πόλις Βοιωτίας Ὠρωποῦ πλησίον, Κόθου καὶ Ἀίκλου

[τὸ ἐθνικὸν Ἐλευθερίτης]

μʹ

uniquement indication chronomythologique ?

S1

Χαλία

πόλις Βοιωτίας

τὸ ἐθνικὸν Χάλιος

μεʹ

 

Μεσσηνία

 

 

 

 

S2

πόλις τῆς Μεσσηνίας

τὸ ἐθνικὸν Θαλαμᾶται

λβʹΦιλιππικῶν

 

 

 

 

 

[πόλις τῆς Μεγαρίδος]

 

νϛʹ

variante de Αἰγείρουσα

 

 

 

 

Θαλάμαι

Μέγαρα S1

Αἴγειρος

Κορίνθή S2

Ἀσαί

κώμη Κορίνθου

τὸ ἐθνικὸν Ἀσαῖος

λβʹ Φιλιππικῶν

 

S3

Μαυσός

κώμη Κορίνθου

τὸ ἐθνικὸν Μαυσεῖς

λβʹ

 

Peloponnèse

 

 

 

 

S2

φρούριον τῆς Φλιασίας

τὸ ἐθνικὸν Τρικαρανεύς ὡς Τρικολωνεύς

νεʹ

 

 

 

 

 

Τρικάρανον

Θρᾴκη S1

Αἰθικία, ὡς Κιλικία

 

τὸ ἐθνικὸν Αἴθικες, ὡς Κίλικες

λθʹ Φιλιππικῶν

 

S1

Ἀγησσός

πόλις Θρᾴκης

τὸ ἐθνικὸν Ἀγήσσιος, ὡς Ἀσσήσσιος Ταρτήσσιος

ἐν μζʹ

 

S2

Ἄπρος, θηλυκόν

πόλις Θρᾴκης

τὰ ἐθνικὰ Ἀπραῖος

κϛʹ

 

S2

 

[πόλις ]

Βρεαῖος

κγʹ

variante de Βρέα

S2

Ζειρηνία

πόλις Θρᾴκης

[τὸ ἐθνικὸν Ζειρηνιάτης ὡς Κυδωνιάτης]

Φιλιππικῶν γʹ

ethnique issu d’Artémidore ?

S2

Κῶβρυς

πόλις Θρᾴκης

τὸ ἐθνικὸν Κωβρύτης, ὡς Αἶγυς Φιλιππικῶν θʹ Αἰγύτης

 

S3

Σίρρα

πόλις Θρᾴκης

τὸ ἐθνικὸν Σιρραῖος

 

S1

Αἰόλειον

τῆς Θρᾴκης χερρονήσου πόλις

τὸ ἐθνικὸν Αἰόλειος ὡς Ῥοίτειος ἐν Φιλιππικῶν κγʹ

 

S2

Δρόγγιλον

χωρίον Θρᾴκης

τὸ ἐθνικὸν Δρογγίλιος

Φιλιππικῶν θʹ

 

S2

Καρὸς κῆποι

χωρίον Θρᾴκης

τὸ ἐθνικὸν Καροκηπίτης

νʹ

 

ἐν Φιλιππικῶν κʹ

S2

Μόκαρσος

Θρᾴκης χωρίον

τὸ ἐθνικὸν Μοκάρσιος

αʹ τῶν Φιλιππικῶν

 

S1

Χυτρόπολις

Θρᾴκης χωρίον

 

Φιλιππικῶν κβʹ

 

S2

Δανθαλῆται

ἔθνος Θρᾳκικόν

 

μηʹ

 

1. Les sources de Stéphane de Byzance et leur utilisation pour l’Europe occidentale

267

Figure 54 (suite) – Les mentions des Philippiques de Théopompe dans l’Épitomé. Abrév. Nom

Définition géographique

Ethnique

Œuvre

Commentaire

S2

Ζηράνιοι

ἔθνος Θρᾴκης

 

κεʹ

 

S2

Μελινοφάγοι

ἔθνος Θρᾴκης

 

ἐν τῷ μθʹ

complète Xénophon

S2

Μίλκωρος (= Μιάκωρος)

Χαλκιδικὴ πόλις ἐν Θρᾴκῃ

ὁ πολίτης Μιλκώριος (= Μιακώριος)

κεʹ Φιλιππικῶν

 

S2

Ἄσσηρα, οὐδετέρως

πόλις Χαλκιδέων

[τὸ ἐθνικὸν Ἀσσηρίτης ὡς Ἀβδηρίτης Γαδειρίτης]

κδʹ

L’ethnique provient certainement d’Artémidore.

 

 

 

 

Μακεδονία S2

Ἀλλάντιος

πόλις Μακεδονίας

 

αʹ Φιλιππικῶν

 

S2

Βαίτιον

πόλις Μακεδονίας

 

κδʹ

 

S2

Βισαλτία

[πόλις καὶ χώρα Μακεδονίας]

 

 

indication chronomythologique

S2

Γαστρωνία

χώρα Μακεδονίας

 

νδʹ

pas de nom d’ethnique

S2

Ὄλυκα

πόλις Μακεδονίας

τὸ ἐθνικὸν Ὀλυκαῖος

εʹ Φιλιππικῶν

 

S2

Μελανδία

χώρα Σιθωνίας

τὰ ἐθνικὰ Μελάνδιος καὶ Μελανδία

λγʹ Φιλιππικῶν

 

Λακωνική

 

 

 

 

S2

χωρίον τῆς Λακωνικῆς

ὁ οἰκήτωρ Καρυάτης καὶ θηλυκὸν Καρυᾶτις καὶ Καρυαῖος καὶ Καρυεύς

νεʹ

 

 

 

 

 

Καρύα

νῆσος S2

Κρήσιον

πόλις Κύπρου

τὸ ἐθνικὸν Κρησιεύς ὡς Σουνιεύς

Φιλιππικῶν νʹ

 

S2

Διωνία

πόλις, ἣν συγκαταλέγει ταῖς τὸ ἐθνικὸν Διωνιᾶται ὡς Κυπρίαις πόλεσι Κυδωνιᾶται

νʹ Φιλιππικῶν

 

S2

Ἀσσησός

πόλις Μιλησίας γῆς

ὁ οἰκήτωρ Ἀσσήσιος

Φιλιππικῶν κδʹ

 

Ἑλλήσποντος

 

 

 

 

S2

χώρα Βυζαντίων

 

ἐν μζʹ

variante homonyme

 

 

 

 

Ἄνδειρα

[πόλις ]

 

ιγʹ

complément avec Strabon

 

 

 

 

Θάψακος

πόλις Συρίας πρὸς τῷ Εὐφράτῃ

ὁ πολίτης Θαψακηνός

ἐν Φιλιππικῶν γʹ

 

Ἐρυθραία

 

 

 

 

S2

Ἵππος

νῆσος Ἐρυθραίας

τὸ ἐθνικὸν Ἵππιος

μβʹ

 

S2

Κατάνειρα, οὐδετέρως πόλις

ὁ οἰκητὴς Κατανειρεύς ὡς Μεγαρεύς

λεʹ Φιλιππικῶν

 

Ἀστακός

Τρῳάς S2 Συρία S2

Le lexique issu des Philippiques de Théopompe semble être régi par quelques règles. Les peuples (ἔθνος) sont dans leur très grande majorité suivis d’un ktétique : Λιγυστικόν (Arbaxanoi, α 387, Eubioi, ε 148, Ipsikouroi, ι 124), Θρᾳκικόν (Danthalêtai, δ 12), Ἰβηρικὸν (Tlêtes, τ  144)  ; et deux fois d’un génitif, Θρᾴκης (Zêranioi,

ζ  22, et Melinophagoi, μ  130), mais pour le deuxième Théopompe vient en complément de Xénophon. Pour les villes, villages, forts, lieux-dits ou les îles, le rattachement se fait soit à une entité géographique assez large (c’est le cas le plus fréquent comme on pourra s’en assurer dans le tableau) soit par une association

268

Troisième Partie : Auteurs-sources et connaissance des espaces géographiques

peuple/habitants : Χαλκιδέων (Assêra, α 490), Κελτικῶν (Drilônion, δ  130), Ὀρχομενίων (Euaimôn, ε  146), Ἀμβρακιωτῶν (Kraneia, κ  204), Ἰλλυριῶν (Oidantion, ο 19), Ἐρετριέων (Okôlon, ο 39), Συρακουσίων (Talaria, τ 9). La région (χώρα) est déterminée par des habitants (Βυζαντίων, Astakos, α 497 ; Ἐρετριέων, Skabala, σ 192), une détermination de proximité (« ὑπὲρ Φάρσαλον », Makkarai, μ  27  ; «  παρακειμένη τοῖς Ταρτησσίοις  », Massia, μ  91) ou une entité géographique plus large (Μακεδονία, Gastrônia, γ 38 ; Σιθωνία, Melandia, μ 123). On trouve quelques indications de genre, accolés au lemme (Apros, α 365 ; Assêra, α 490 ; Kataneira, κ 127 ; Hudrous, υ 19), voire quelques comparaisons lexicales de grammairien, pour le lemme (Aithikia, α 123 ; Arês, α 415) mais surtout pour l’ethnique (voir dans le tableau), sans que nous sachions pour autant, dans ce dernier cas, si les lemmes proviennent bien de Théopompe du fait de la réduction du texte des Ethniques. Quelques définitions sont un peu plus complètes : « πρὸς τῷ Ἀδρίᾳ » (Barêtion, β 42), « πόλις μεγάλη, ἐσχάτη τῶν Κελτικῶν » (Drilônion, δ 130), « Ὠρωποῦ πλησίον » (Eleutheris, ε  48), «  πρὸς τῷ Εὐφράτῃ  » (Thapsakos, θ  11), «  πόλις περὶ τὰς Ἡρακλείους στήλας  » (Xêra, ξ 6), « περιοικοῦν τοὺς Ταρτησσίους » (Tlêtes, τ 144). Les mentions du corpus Nous donnons dans le tableau ci-dessous l’ensemble des mentions que nous pensons pouvoir attribuer à Théopompe dans notre corpus (fig. 55). C’est du livre  XLIII (ce qui exclut donc les Hellé­ niques), que proviennent les mentions de trois peuples lig yens, les Arbaxanoi  [27], les Eubioi  [88] et les Ipsikouroi [112]281. On considère habituellement que le livre XLIII constitue un excursus sur la Méditerranée occidentale. Il fait suite aux trois livres consacrés à l’histoire de la Sicile282. Un long fragment, donné par Athénée283, concerne les Étrusques. Ce livre semble concerner les années 344-342284 si l’on suit la séquence chronologique de l’ensemble des livres.

281  On trouve dans les manus­crits les variantes Hupsikoroi et Arbazanoi, mais l’ordre alphabétique des notices est incompatible avec ces formes. 282  L’indication est donnée par Diodore de Sicile (16.71.3), qui cite les livres XLI à XLIII. En fonction des mentions d’Athénée, Shrimpton 1991, p. 87-88 propose de placer cette digression entre les livres XXXIX et le début du livre XLII. 283  Deipnosophistes, 12.14 ; FGrHist 115 F 204. 284  FGrHist, 2D, p. 385 ; Shrimpton 1991, p. 62.

Stéphane de Byzance a extrait du même livre Massia  [145] («  pays dans l’orbite de Tartessos  »), Xêra [164] (« ville autour des Colonnes d’Hercules ») et très probablement Tlêtes [216], erreur de lecture pour Glêtes (« peuple Ibère habitant autour de Tartessos »)285. Le nom de Tlêtes a depuis longtemps été rapproché des Glêtes que donne Hérodore et des Iglêtes de Strabon286. Il s’agit de la preuve que le lexique-source a utilisé un manus­crit fautif ou que son auteur l’aura mal lu, comme c’est le cas également pour Artémidore. Les mentions rattachées à Théopompe pour la péninsule ibérique Il semble que les mentions issues de Théopompe concernent principalement des villes du sud de l’Espagne, entre le pays des Massianoi (très probablement les Mastiênoi d’Hécatée) à l’est et les Glêtes à l’ouest. Le géonyme localisé « du côté des Colonnes d’Hercule », Xêra [164], complète cet ensemble qui constitue, dans le livre XLIII, un groupe très cohérent d’un point de vue géographique et dans la structure des notices. Pour la côte orientale, nous avons hésité à placer chez cet auteur la ville de Rhodê [185] (pour la forme de l’ethnique) ; nous pensons qu’elle se rattache plutôt à Théopompe qu’à Apollodore. Nous proposons également d’attribuer le géonyme de Brachulê [55] qui, par la forme de la mention (rattachement à un peuple au génitif pluriel, comme pour les Ligues), provient très probablement de notre historien. La localisation doit être proche des Pyrénées, le peuple des Kerêtoi étant ensuite connu dans l’actuelle Cerdagne. On trouve chez Stéphane de Byzance une notice particulière sur la ville de Ligustinê [134], qui est dite « ville des Ligyens près de l’Ibérie occidentale et proche de Tartessos ». On sait que Tartessos est un royaume dont les origines sont quasi mythiques, situé au sud de l’Espagne actuelle autour du fleuve Guadalquivir. Pour les Grecs des vie-ive siècles, Tartessos reste encore un des marqueurs topographiques important, ce qui ne sera plus le cas pour les auteurs plus récents. Ainsi, pour ceux que cite Stéphane de Byzance, Tartessos n’apparaît que chez des auteurs ou des sources qui ne dépassent pas le

285  

Bien que l’Épitomé donne le livre  45, il semble difficile d’imaginer, pour une histoire se rapportant à la partie orientale de la Méditerranée, d’avoir plusieurs excursus aux confins de la Méditerranée occidentale, sans rapport avec Philippe de Macédoine. 286  Voir en particulier le commentaire des THA IIB, p. 466-467.

1. Les sources de Stéphane de Byzance et leur utilisation pour l’Europe occidentale

269

Figure 55 – Les mentions des Philippiques de Théopompe se rapportant au corpus géographique. Abrév. Nom

Définition géographique

Ethnique

Œuvre

Κελτικοὶ

 

 

 

πόλις μεγάλη, ἐσχάτη τῶν Κελτικῶν

τὸ ἐθνικὸν Δριλώνιος

μγʹ

 

 

 

S2

Δριλώνιον

Ὠκεανός S2

Γάδειρα

πόλις καὶ νῆσος ἐν τῷ ὠκεανῷ στενὴ καὶ περιμήκης

Γαδειραῖος

 

S2

Ἐρύθεια

νῆσος Γηρυόνου ἐν τῷ ὠκεανῷ

 

 

Ταρτησσός

 

 

 

S3

Μασσία

χώρα παρακειμένη τοῖς Ταρτησσίοις

τὸ ἐθνικὸν Μασσιανός

μγʹ

S2

Τλῆτες (= Γλῆτες)

ἔθνος Ἰβηρικὸν περιοικοῦν τοὺς Ταρτησσίους

 

μ{ε}ʹ

Ἡρακλείαι στήλαι

 

 

 

S3 ?

Ξήρα

πόλις περὶ τὰς Ἡρακλείους στήλας

τὸ ἐθνικὸν Ξηραῖος, ὡς Θήρα Θηραῖος

μγʹ

S2

[Καλάθη]

[πόλις οὐ πόρρω τῶν Ἡρακλείων στηλῶν]

ὁ πολίτης τῆς Καλάθης Καλαθῖνος

 

 

 

 

Ἰβηρία S2

Ταρτησσός

πόλις Ἰβηρίας

τὸ ἐθνικὸν Ταρτήσσιος καὶ Ταρτησσία

 

S3

Ῥόδη

πόλις Ἰβηρίας

τὸ ἐθνικὸν Ῥοδαῖος, ὡς Μενδαῖος, Ἰουδαῖος

 

 

 

 

πόλις Κερήτων

τὸ ἐθνικὸν Βραχυλαῖος

 

 

 

 

Κερήτες S2

Βραχύλη

Λίγυες (Λιγυστική) S3

Λιγυστίνη

πόλις Λιγύων τῆς δυτικῆς Ἰβηρίας ἐγγὺς καὶ τῆς Ταρτησσοῦ πλησίον

οἱ οἰκοῦντες Λίγυες καλοῦνται

 

S2

Βατετάρα (= Βαισάρα ?)

πόλις Λιγύων, θηλυκῶς

τὸ ἐθνικὸν Βατεταραῖος (= Βαισαραῖος ?)

 

S1

Ἀγάθη

πόλις Λιγύων

Ἀγαθαῖος

 

S3

Πύρρα

κώμη Λιγυστική

 

 

S2

Ἀρβαξανοί

ἔθνος Λιγυστικόν

 

 

S2

Εὔβιοι

ἔθνος Λιγυστικόν

 

 

S2

Ἰψίκουροι

ἔθνος Λιγυστικόν

 

μγʹ

S2

Ἰέρνη

νῆσος ἐν τῷ πέρατι πρὸς ταῖς δυσμαῖς

τὸ ἐθνικὸν Ἰερναῖος ὡς Λερναῖος

 

S2

Θούλη

νῆσος μεγάλη ἐν τῷ ὠκεανῷ ὑπὸ τὰ ὑπερβόρεια μέρη

τὸ ἐθνικὸν Θουλαῖος

 

milieu du iiie siècle av. J.-C.287. Nous proposons d’attribuer à Théopompe peut-être une forme d’ethnique de la notice de Tartessos [211]. L’historiographie place la ville de Ligustinê auprès du lacus Ligustinus mentionné par Aviénus (Ora maritima, v. 285). Cette vaste lagune correspond à l’actuelle zone de Las Marismas, au débouché du Guadalquivir288. 287  Hécatée, notice Eliburgê [81]  ; Hérodore, notice Ibêriai [100] ; Théopompe, notices Massia [145], Tlêtes [216] ; Timée, notice Ibulla [101]. Voir également le pseudo-Scymnos qui reprend des sources anciennes ne dépassant pas le ive siècle av. J.-C. Voir la notice Tartessos [211]. 288  L’analyse géomorphologique (cf.  entre autres Arteaga et al. 1993 ; Ruiz et al. 2004) montre la réalité de la lagune aux

La mention, quoi qu’il en soit, provient d’un texte ancien289. On peut penser à Hécatée ; toutefois l’attribution de ce lac aux Ligyens (Ligues) ainsi que la formulation géographique ne correspondent pas à ce que l’on environs du vie-ve siècle avant notre ère. L’envasement se produit à partir de la fin de la période romaine et s’intensifie après le xie siècle. 289   Le lien pour Aviénus est fait par depuis longtemps (cf. Mangas, Plácido 1994, 91). Strabon (3.1.9), Pomponius Mela (3.5) et Pline (3.11) n’indiquent pas le nom du lac. Il faut noter que l’historiographie actuelle a repris le terme de l’époque grecque archaïque ou classique, qui n’était peut-être plus en usage dans les siècles suivants de l’Antiquité. Nous ne suivons pas la nouvelle édition du texte qui veut faire dépendre la mention de Stéphane de Byzance d’Aviénus (Guillaumin, Bernard 2021, p. 106-107, n. 3). Pour nous, les deux ont une origine grecque commune.

270

Troisième Partie : Auteurs-sources et connaissance des espaces géographiques

perçoit de la localisation géographique de cet auteur. Nous savons par Strabon (2.1.40) qu’Ératosthène appelait Ligystique la péninsule ibérique ; d’autres auteurs grecs ont pu également dénommer ligyen un lac et une ville qui ne l’étaient pas selon la définition d’Hécatée et il nous semble assuré que Théopompe constitue la source pour cette notice. Cette mention des Ligues s’apparente en effet à celle des trois peuples cités ci-dessus (Arbaxanoi, Eubioi et Ipsikouroi). Cette notice, caractéristique de la période grecque antérieure à l’arrivée des Romains, pourrait avoir été tirée de Théopompe ; la mention d’Ibérie occidentale ne semble pas incongrue au ive siècle av. J.-C. Ces mentions forment ainsi un ensemble tout particulièrement centré sur le sud de l’Espagne, autour de l’antique Tartessos ; Théopompe utilise peut-être une source plus ancienne, différente de celle d’Aviénus qui parle du lacus Ligustinus mais pas d’une ville du même nom. Les mentions rattachées à Théopompe pour la Ligystique Cette notice Ligustinê est importante car elle met en évidence une détermination géographique que l’on retrouve ailleurs dans l’Épitomé : « ville des Ligyens ». Cela distingue le lexique de Théopompe de celui d’Hécatée qui ne parle, pour la plupart des villes, que de Ligystique. C’est ainsi que nous rattachons à Théopompe la détermination géographique d’Agathê [2] et Batetara [45]. Agathê correspond à Agde, Batetara est une possible mélecture pour Baisiara, c’est-à-dire Béziers. Nous proposons également une hypothétique mention de Massalia [144] et peut-être une de Rhodanousia [184]. Le détail du nom des habitants de cette ville, du masculin comme au féminin, implique un certain détail que l’on pourrait trouver éventuellement chez Théopompe (plutôt qu’Hécatée). Pour les trois noms de peuple ligyens signalés supra (Arbaxanoi, Eubioi et Ipsikouroi), l’Épitomé utilise le même adjectif de ligustikon, que l’on ne trouve pas dans les définitions conservées d’Hécatée. Nous ne connaissons pas par ailleurs ces peuples. Compte-tenu de la large définition géographique de la Lig ystique chez Théopompe, ils pouvaient aussi bien se trouver sur la côte languedocienne que sur la côte atlantique de la péninsule ibérique ou de la Gaule puisque tous les Celtes sont appelés Ligyens par cet auteur290. La courte cita-

290 

C. Jullian proposait d’y voir des peuples du nord-ouest de la Gaule (Jullian 1905).

tion conservée dans l’Épitomé291 indique qu’il s’agit de peuples de contrées littorales qui ne les habitent plus dans les années 340, la zone étant alors déserte. Il faut probablement imaginer, comme le proposait C. Jullian, que cette information était confrontée au texte d’un périple plus ancien. La précision donnée de l’appartenance de ces peuples à la « race » (genos) des Ligyens devait se trouver dans ce périple. Nous rattacherons également à cet auteur le village de Ligystique de Purra [181] qui peut correspondre au toponyme plus tardif de Berra. Les autres mentions et l’interprétation des mentions de Théopompe Théopompe mentionne également la ville de Drilônion [76], située « au bout (du peuple) des Keltikoi », formulation qui renvoie selon nous au peuple déjà signalé chez Hécatée des Keltikoi et non aux Celtes de façon plus large. Pour L. Pérez Vilatela, cette ville pourrait se trouver à l’extrémité sud du Portugal, aux environs du cap São Vicente292, ou plus à l’est dans la zone du Détroit de Gibraltar. Pour lui, le nom même est caractéristique d’une formation ibérique, *tri- rentrant dans la composition de plusieurs noms géographiques (Tritium) ou de personnes (Tritalicum). La forme -lonios est rapprochée de Alônis, mentionnée par Artémidore d’Ephèse et située pour certains en Celtibérie. Le positionnement de cette ville à l’extrémité de la péninsule ibérique permet de garder une cohérence dans le livre LXIII (monde étrusque et au moins le sud de l’Ibérie). Nous suivrons son hypothèse du sud du Portugal293. Nous pensons que ces mentions de Théopompe peuvent avoir une origine particulière. Tous les géonymes que nous avons mis en évidence chez cet auteur s’étendent entre Marseille et l’Atlantique. Or il est possible de raccrocher à son lexique encore deux autres notices, beaucoup plus éloignées, des îles de Iernê [102] et Thoulê [98]. Toutes deux ont des déterminations géographiques et des formes lexicales qui les distinguent de 291  La citation est à recomposer à partir de la notice Arbaxanoi et Eubioi  : «  navigant le long du pays tout d’abord désert, que partageaient auparavant les Ipsikouroi, les Arbaxanoi et les Eubioi, ligyens quant à la race ». 292   Pérez Vilatela  2000, p.  145. Il s’agit de l’angle sudouest du Portugal, dans le prolongement de la côte méridionale de l’Espagne, après le détroit de Gibraltar. 293   On a proposé également de localiser cette ville près du fleuve albanais Drilôn (actuel Drina) ; cf. Duval 1971, p. 196. Voir également Jullian 1905, p. 233 n. 3.

1. Les sources de Stéphane de Byzance et leur utilisation pour l’Europe occidentale ce que Strabon ou Artémidore en disent et se rattachent directement, selon Strabon, à Pythéas. Nous formulons alors l’hypothèse que Théopompe reprenait dans ses Philippiques la description du voyage de Pythéas et que ce que l’on appelle « l’excursus » de Théopompe pour l’extrême Occident représente plutôt le parcours de ce marin géographe. Ainsi, si l’on reprend les indications des notices Arbaxanoi et Eubioi, celles-ci mentionnent une navigation le long des côtes. Le terme de παρέπλεον est l’imparfait (3e personne du pluriel) de παραπλέω, signifiant « naviguer à travers, près de, le long de ». On le trouve chez de nombreux auteurs, dont Thucydide ou Xénophon. C’est ainsi qu’Arrien (Ind. 23.1, 30.2, 31.1) décrit l’expédition de Néarque le long des côtes jusqu’en Inde, sous les ordres d’Alexandre le Grand. Ceci a des implications importantes pour la datation des mentions et la localisation des géonymes. Nous allons maintenant examiner les mentions se rapportant à Pythéas en regard de ce nouvel éclairage sur les indications de Théopompe. 1.8.2. Pythéas (milieu du ive siècle av. J.-C.) Voyageur et explorateur massaliète, Pythéas est le premier à découvrir le Grand Nord 294. Son périple fait l’objet d’une rédaction, non conservée mais qui nous est connue par de nombreux auteurs : De l’Océan (Περί του Ωκεανού). Afin de prouver la théorie de la géométrie de la sphère, outil mathématique permettant une compréhension de la rotondité de la terre, il entreprend un voyage vers le Nord295. Il reconnait ainsi le premier la Grande-Bretagne et atteint l’île de Thulé, que l’on identifie généralement à l’Islande ou à la Norvège. Ses compétences d’astronome296 n’ont pas empêché Polybe et Strabon de critiquer fortement ses observations alors qu’Ératosthène semble le suivre aveuglément. L’Épitomé le cite seulement à propos du peuple des Ôstiones [231], appelé Kossinoi par Artémidore et Ôstiaioi par Pythéas, citation d’Artémidore à l’appui. La notice sur Thoulê [98] provient d’un auteur intermédiaire (Théopompe), mais reprend les informations de Pythéas, en indiquant en particulier la durée différente du jour et de la nuit.

Mette 1952 ; Duval 1971 no 24, p. 198-202. Nous renvoyons à la bibliographie importante donnée par cet auteur p. 198-199. 295  Aujac 2001, p. 35. 296  Aujac 2001, p. 34 sq.

271

Il nous faut revenir sur les mentions qui sont issues de Théopompe. Nous avons vu que celui-ci, dans son livre XLIII, donne ce que l’on a appelé un excursus vers l’Ibérie et Tartessos et probablement au-delà. On saisit mal en quoi, dans un livre consacré à l’histoire du règne de Philippe de Macédoine, il était nécessaire de décrire ces contrées d’Europe occidentale. Regardons de plus près les éléments dont nous disposons. D’abord, ce livre s’insère dans la chronologie générale de l’œuvre : nous sommes ici autour de 343/342, si l’on se fie aux autres fragments conservés de ce livre ou de ceux qui l’encadrent. Par ailleurs, les géonymes que l’on peut rattacher à l’ensemble constitué par la Ligystique et l’Ibérie se trouvent tous dans ce livre, lorsque la place dans l’œuvre est précisée297. C’est donc le seul endroit, dans toute l’œuvre des Philippiques, où Théopompe parlait de l’extrême Occident, jusqu’à Thulé. Or si l’on examine en détail les mentions conservées ou celles que l’on propose d’attribuer à Théopompe, on s’aperçoit que l’on a tous les éléments d’un Périple, partant vraisemblablement de Massalia [144], passant par Rhodanousia [184], longeant la côte languedocienne (Agde et Béziers) et les Pyrénées (Brachulê [55]), avec une série de noms de peuple et de ville n’ayant pas de correspondance avec les toponymes connus pour des périodes plus récentes. Plus au sud, Pythéas passe peut-être par Rhodê [185]. Après un vide documentaire, on se retrouve dans le sud de l’Espagne (région de Tartessos et Colonnes d’Hercule), puis on arrive du côté des Keltikoi (ville de Drilônion [76]), puis la Gaule. Enfin, et c’est là un pointclef de notre démonstration, Théopompe évoquait selon nous ­l’­Irlande et Thulé, deux marqueurs forts corrélés à Pythéas. On notera enfin que si les toponymes n’ont pas en général de correspondance avec ceux qui existent postérieurement, ils n’en ont pas plus avec ceux antérieurs, d’Hécatée en particulier. Il apparaît selon nous que Théopompe avait sans doute placé le périple de Pythéas dans ses Philippiques à la date où celui-ci l’a entrepris. Ce faisant, il reprenait les descriptions que ce dernier faisait des côtes. Habituellement, on date (assez mal) ce voyage entre 340 et 300298. Nous sommes donc très proches de la date haute. Un tel périple aurait effectivement mérité d’être signalé dans une œuvre de Philippe II car ce voyage en extrême Occident constitue le pendant de celui qu’entreprendra quelques années plus tard le fils de Philippe,

294 

297  Il n’y a pas de raison de douter de la correction de μεʹ en μγʹ pour la mention de Tlêtes [216]. 298  G. Aujac dit « autour des années 330 » (Aujac 2001, p. 34).

272

Troisième Partie : Auteurs-sources et connaissance des espaces géographiques

Alexandre. Par ailleurs, si les liens de Philippe  II de Macédoine avec Marseille ou l’extrême Occident ne sont pas connus outre mesure, on a toujours noté la grande diffusion du monnayage de ce roi de Macédoine en Italie comme en terre gauloise, à l’origine d’ailleurs de toutes les émissions monétaires qui suivirent, qui prennent modèle du cheval qui ornait les statères d’or299. Il faudrait donc rattacher, de seconde main, les mentions de Théopompe à Pythéas et l’une des mentions directes à Artémidore. Le périple de Pythéas pourrait dater aux alentours de 343/342 av. J.-C. ou à défaut des années qui ont suivi. 1.8.3. Éphore (milieu du ive siècle av. J.-C.) Cet historien300, natif de Cymé (en Asie mineure, près de Phocée), a écrit une histoire des Grecs (Histoires) en 30 livres301, premier ouvrage s’efforçant de prendre en compte un aspect universel302. C’est la seule œuvre citée par Stéphane de Byzance. Disciple du rhéteur Isocrate, comme Théopompe de Chios, il était particulièrement célèbre pour ses compétences rhétoriques. Ses Histoires démarraient à la chute de Troie et s’achevait en 341 av. J.-C. Il s’agit avant tout d’un compilateur, qui a servi de source à Polybe et Diodore de Sicile. Nous avons regroupé dans le tableau ci-dessous (fig. 56) l’ensemble des mentions présentes dans l’Épitomé. Le lexique d’Éphore concerne peu l’Europe occidentale. Il est centré sur la Grèce, l’Asie Mineure et l’Afrique en lien avec Carthage. Les indications géographiques de base sont complétées assez régulièrement avec des précisions de localisation (introduites par πρὸς, περὶ, πλησίον, μεταξὺ). On notera un terme peu habituel, ἀριστερᾷ, pour désigner la partie méridionale des Colonnes d’Hercule. De façon générale, les lemmes issus d’Éphore servent plus souvent de variante que de source primaire. Les livres IV et V constituent un excursus géographique, l’un sur l’Europe et l’autre sur l’Asie. C’est probablement du livre  IV que provient la seule mention 299 

Voir par exemple Nieto-Pelletier 2012. FGrHist no 70 ; Duval 1971, no 15, p. 188-189 ; THA IIB, no 63, p. 454-463. 301  FGrHist 70 F 7-96 et 109-221. Ses autres œuvres sont une histoire de sa cité Epichorios (70 F 1 et 97-103), une œuvre sur des sujets variés Peri Eurêmatôn (70 F 2-5 et 104-106) et un traité de style Peri Lexeôs (70 F 6 et 107-108). 302  Marincola 2011, p. 171. 300 

d’Éphore conservée de notre corpus, qui concerne la ville de Kalathousa [114]303. Le nom de l’ethnique qui est associé à cette forme évoluée de la ville, nommée Kalathê par Hécatée, est Kalathousios, qui doit probablement être rattaché également à Éphore. D’autres fragments d’Éphore connus par Strabon et Pline se rattachent à Tartessos (FGrHist 70  F  128) et l’île d’Erutheia  [85] (FGrHist 70  F  129). Concernant les Celtes, Strabon304 précise qu’Éphore comprend l’Ibérie jusqu’à Gadeira [59] dans le territoire de la Celtique et livre une anecdote sur les Celtes en général (7.2.1, FGrHist 70 F 132). On peut supposer qu’il reprenait, comme Théopompe, les données géographiques de Pythéas et que ce que Strabon nomme «  Celtique  » s’appelait chez Éphore «  Lig ystique  ». Il n’est pas certain que cet auteur ait fourni beaucoup de détails sur l’Europe occidentale dans l’ensemble du lexiquesource. Nous proposons toutefois d’avoir une mention indirecte (par l’intermédiaire d’Artémidore) pour la ville de Rhodanousia  [182] et peut-être pour celle de Tauroeis [213] (mais c’est moins assuré). 1.8.4. Eudoxe de Cnide (2e quart du ive siècle av. J.-C.) Parmi les différents Eudoxe connus, c’est à Eudoxe de Cnide305 qu’il faut rattacher la mention d’Agathê [2]306. Stéphane de Byzance cite en effet à plusieurs reprises sa περιόδος γῆς (Le Circuit de la Terre) en six livres307, premier ouvrage qui associe description géographique et système mathématique et dont Ptolémée est l’héritier lointain. Philosophe, astronome et mathématicien, Eudoxe de Cnide écrit ses ouvrages dans les années  370-355 av. J.-C. ; son œuvre géographique était mineure par rapport à ses autres travaux, en particulier astronomiques. Le nombre de fragments de l’œuvre permet de comprendre la répartition géographique des livres. Le livre I 303 

FGrHist 70 F 171 = THA IIB 63i.

304 4.4.6 = FGrHist 70 F 131. 305   Sa vie a été donnée par Diogène Laërce (I,  29-30) parmi les philosophes pythagoriciens. Cf.  FGrHist no  1006  F  1. L’édition des fragments de ses œuvres a été réalisée par F. Lasserre (Lasserre  1966b)  ; voir p.  96-126 et p.  236-268 pour la Gês Periodos. 306   On a voulu voir Eudoxe de Rhodes, historien grec du milieu du iiie siècle av. J.-C. dont on a conservé quelques fragments (Duval 1971 no 28 p. 205-206, suivi par Bats 2003, p. 149). 307  On trouve chez Stéphane de Byzance des citations issues des six livres. À l’article Zugantis (ζ 30), l’Épitomé a gardé de Stéphane de Byzance la précision suivante : « ὡς Εὔδοξος ὁ Κνίδιος ἐν ϛ’ Γῆς περιόδου ».

1. Les sources de Stéphane de Byzance et leur utilisation pour l’Europe occidentale

273

Figure 56 – Les mentions d’Éphore dans l’Épitomé. Abrév.

Nom

Définition géographique

Ethnique

Œuvre

Commentaire

EUROPE OCCIDENTALE Ἰβηρία S2

Καλάθουσα

[πόλις οὐ πόρρω τῶν Ἡρακλείων στηλῶν] Καλαθούσιος

 

variante de Καλάθη

Ἴστρος

πόλις τῆς Ἰαπυγίας

 

κθʹ

variante homonyme

S2

Ἔντελλα

πόλις Σικελίας

τὸ ἐθνικὸν Ἐντελλῖνος

ιϛʹ

 

S2

Ἕρβιτα

πόλις Σικελίας

τὸ ἐθνικὸν Ἑρβιταῖος

κηʹ

 

Χυτόν

χωρίον ἠπείρου

τὸ ἐθνικὸν Χυτίτης, ὡς ὅπλον ὁπλίτης, λίκνον λικνίτης

ιθʹ

 

Ναύπακτος

[πόλις Αἰτωλίας]

 

 

indication chronomythologique

Ἀβαρνίς

ἐν Φωκαίδι

 

ἐν τῇ εʹ

variante de Ἄβαρνος

S1

[Ἀκραιφία]

πόλις Βοιωτίας

Ἀκραιφνίοι, Ἀκραιφνιώται

 

variante de l’ethnique

S2

Μετάχοιον

φρούριον Βοιωτίας μεταξὺ Ὀρχομενοῦ καὶ   Κορωνείας

λʹ

 

S2

Τιλφωσαῖον

ὄρος ἐν Ἀλαλκομενίᾳ

 

 

variante de Τέλφουσα

Βούδαρον

φρούριον [πρὸς τῇ Σαλαμῖνι]

 

 

variante de Βούδορον

Φοινίκαιον

ὄρος Κορίνθου

τὸ ἐθνικὸν Φοινικαῖος

ιθʹ

 

Βουφία

κώμη τῆς Σικυωνίας

τὸ ἐθνικὸν Βουφιεύς

κγʹ

 

S2

Ἔπαρις

[πόλις Ἀρκαδίας]

Ἐπαρῖται

 

variante de Ἐπαρῖται

S2

[Νοστία]

κώμη Ἀρκαδίας

τὸ ἐθνικὸν Νεστάνιος

 

indication de l’ethnique

S2

Φορίεια

[κώμη Ἀρκαδίας]

Φοριαεύς

τῇ τῶν ἱστοριῶν

ethnique

Δύμη

[πόλις Ἀχαΐας]

ὁ πολίτης Δυμαῖος

κδʹ

mention de l’ethnique

[Ἄργος]

[πόλις Πελοποννήσου]

 

ιθʹ

indication d’un verbe

S1

Ἀθῆναι

[πόλις Εὐβοίας]

 

γʹ

indication chronomythologique

S2

[Ἰστίαια]

[πόλις Εὐβοίας]

Ἑστιαῖός

 

variante de l’ethnique

S2

Φάλαννον

[πόλις Περραιβίας]

 

ἐν τῷ θʹ

variante de Φάλαννα

Ἰαπυγία S2 Σικελία

Ἠπείρος S1

GRÈCE Αἰτωλία S2 Φωκίς S1 Βοιωτία

Ἀττική S2 Κόρινθος S2 Σικυωνία S2 Ἀρκαδία

Ἀχαΐα S Αργολίδα S2 Εὐβοία

274

Troisième Partie : Auteurs-sources et connaissance des espaces géographiques

Figure 56 (suite) – Les mentions d’Éphore dans l’Épitomé. Abrév.

Nom

Définition géographique

Ethnique

Œuvre

Commentaire

[Μελίταια]

[πόλις Θετταλίας]

ὁ πολίτης Μελιταιεύς

λʹ

 

Θεσσαλία S2

MACEDOINE - THRACE – MER NOIRE Παιονία S2

Βύμαζος

πόλις Παιόνων

 

κζʹ

 

S1

Ἄβδηρος

[πόλις Θρᾴκης]

 

 

variante de Ἄβδηρα

S2

Ζηρανία

χώρα [Θρᾴκης]

 

κζʹ

variante de Ζηράνιοι

Σαυρομάται

[ἔθνος παρὰ Μαιῶτιν]

 

 

variante de Ἰαζαβάται

Ἁλιζῶνες

[ἔθνος]

 

 

complète Homère

S2

Τιβαρηνία

[χώρα πρὸς τῷ Πόντῳ]

Τιβαρηνοί

ἐν εʹ

indication de l’ethnique

S2

Βρύλλιον

[πόλις ἐν τῇ Προποντίδι]

 

ἐν τῷ εʹ

variante de nom

S3

Σηστός

[πόλις πρὸς τῇ Προποντίδι]

 

 

variante de genre

Χρυσόπολις

[ἐν Βιθυνίᾳ, πλησίον Χαλκηδόνος τὸν ἀνάπλουν πλέοντι ἐν δεξιᾷ]

 

κγʹ

 

Θρᾴκη

Σκυθία S2 Καύκασος S2 Pont ?

Βιθυνία S1

ILES - ASIE MINEURE νῆσος S2

Ἀρίσβη

[πόλις ἐν Λέσβῳ]

 

 

indication chronomythologique

S2

[Βοιαί]

Κρήτης πόλις

Βοιαῖος

 

variante de Βοιόν

S1

Ὠτιεῖς

μοῖρα Κυπρίων

 

ιηʹ

 

S2

Πάρος

[νῆσος]

 

ἐν ιʹ

proverbe

S2

Φάρος

κτίσμα Παρίων

 

κηʹ

variante homonyme

Κλαζομενίων S3

Σκυφία

πολίχνιον Κλαζομενίων

 

ἐν γʹ

 

S2

Λάμψος

[μοῖρα τῆς Κλαζομενίων χώρας]

 

γʹ

indication chronomythologique

S2

Ἑρμοῦ πεδίον

τόπος πλησίον Κύμης

ὁ τοπίτης Ἑρμοπεδιεύς ?

ιηʹ

 

S2

Βέννα

μία φυλὴ τῶν ἐν Ἐφέσῳ πέντε

Βενναῖοι

 

 

S2

Πάσσανδα

[χωρίον παρὰ Ἀδραμύττιον πόλιν]

τὸ ἐθνικὸν Πασσανδεύς

 

variante de Πάσσα

S2

Ἀμαζόνες

ἔθνος γυναικεῖον πρὸς τῷ Θερμώδοντι

 

 

indication chronomythologique

[Νάρμαλις]

[πόλις Πισιδίας, ὡς Κάβαλις]

Ναρμαλεῖς ὡς Καβαλεῖς

 

mention de l’ethnique

S2

Βύβαστός

[πόλις Καρίας]

Βυβάστιος

 

variante de Βυβασσός

S2

Μυκαλησσός

πόλις Καρίας

 

γʹ

variante homonyme

Πισιδία S2 Καρία

1. Les sources de Stéphane de Byzance et leur utilisation pour l’Europe occidentale

275

Figure 56 (suite) – Les mentions d’Éphore dans l’Épitomé. Abrév.

Nom

Définition géographique

Ethnique

Œuvre

Commentaire

PROCHE ORIENT - EGYPTE – LIBYE Συρία S3

Σίμυρα

[πόλις Σύρων]

 

 

variante de genre de Σίμυρος

S2

Δέλτα

νῆσος Αἰγύπτου

 

 

variante homonyme

S2

Κασσάνωρος

πόλις Αἰγυπτία

τὸ ἐθνικὸν Κασσανωρίτης

κϛʹ

 

S2

Μύνδωνες

ἔθνος Λιβύης

 

κηʹ

 

S2

Καρικὸν τεῖχος πόλις Λιβύης ἐν ἀριστερᾷ τῶν Ἡρακλείων Καρικοτειχίτης ? στηλῶν

εʹ

 

S2

Ὕδρα

νῆσος Λιβύης περὶ Καρχηδόνα

 

εʹ

 

S1

Χαλισία

πόλις Λιβύης

 

ἐν τῷ εʹ

 

S1

[Ἀβρότονον]

 

 

 

variante de nom

S2

Ἁλιεῖς

 

 

ἐν τῷ ϛʹ

indication chronomythologique

S2

Ἀναία

 

 

 

indication chronomythologique

S2

βάρις

 

 

 

homonymie

S2

Δυμᾶνες

 

 

αʹ

indication chronomythologique

S2

Τυχία

νῆσος

 

ἐν ιβʹ

variante de Τύχη

Αἰγύπτος

Λιβύη

concernait la partie asiatique de la Scythie, l’Arménie, toute l’Asie mineure, la Phénicie et la Syrie ; le livre II continuait avec l’Égypte, tandis que le livre  III revenait en Asie avec la Perse et l’Inde ; le livre IV reprenait la partie européenne de la Scythie, et la Thrace et la Macédoine ; le livre V concernait la Grèce, comme une partie du livre VI qui se poursuivait toutefois en dehors avec toute la partie occidentale de la Méditerranée, que ce soit au nord comme en Libye. Enfin, le livre VII traitait de l’ensemble des îles de la Méditerranée. Nous donnons dans le tableau suivant (fig. 57) les quelques mentions provenant de l’Épitomé. Nous ne pouvons mettre en évidence aucune forme particulière pour un lexique de cet auteur. Il est tout à fait possible que ces mentions proviennent en fait d’un auteur intermédiaire que nous ne caractérisons pas mais qui pourrait être Ératosthène ou, plus tardivement, Artémidore. Nous ne savons pas quelle était la forme de la mention d’Agathê [2] par Eudoxe, le premier abréviateur ayant ici raccourci la notice initiale. Il semble que celui-ci associait ville ligyenne et étang (ou port ? cf. supra Philon,

p. 214). Il serait peut-être possible d’attribuer à Eudoxe plusieurs mentions de toponymes ayant un ethnique formé de façon identique en « -eus ». Nous trouvons dans ce groupe la mention de Rhadanousia [184] (ethnique Rhadanousieus), Massalia  [144] avec l’inhabituel ethnique Massalieus et Agathê (ethnique Agatheus/ Agatheia). Ainsi, dans les autres toponymes qui peuvent être rattachés de façon certaine à Eudoxe de Cnide, le citoyen d’Aigion (α 108), ville d’Achaïe, donne Aigieus ; Asinê (α 475) donne Asineus, à côté d’Asinios (mais l’Épitomé précise que c’est bien la forme Asineus qui provient d’Eudoxe). Toutefois, cela ne permet pas d’attribuer d’autres notices à Eudoxe de Cnide. On peut ainsi mettre en avant deux villes portuaires : Marseille bien sûr, mais également Agde qui est le grand relais entre Marseille et Ampurias. L’apport d’Eudoxe reste limité pour notre cadre d’étude. Il était probablement cité de manière indirecte, via Ératosthène et/ou Artémidore. S’il est bien le premier à avoir appliqué des principes mathématiques en

276

Troisième Partie : Auteurs-sources et connaissance des espaces géographiques

Figure 57 – Les mentions d’Eudoxe de Cnide dans l’Épitomé. Abrév.

Nom

Définition géographique

Ethnique

Œuvre

Commentaire

S1

Ἀγάθη

[πόλις Λιγύων]

 

 

variante

S3

Σπῖνα

πόλις Ἰταλίας

 

 

complément d’Artémidore

S2

Κασθαναία

[]

 

 

variante de Κασταναία

S1

Ἄβδηρα

[πόλις Θρᾴκης]

Ἀβδηρίτης

ἐν δʹ Περιόδων

variante de l’ethnique

S2

Φλέγρα

[πόλις Θρᾴκης]

 

 

indication chrono-mythologique

S2

Ἀρμενία

[χώρα πλησίον τῶν Περσῶν]

οἱ οἰκήτορες Ἀρμένιοι

αʹ Γῆς περιόδου

indication de l’ethnique

S1

Χάλυβες

περὶ τὸν Πόντον ἔθνος ἐπὶ τῷ ποταμῷ Θερμώδοντι

 

αʹ

 

S2

Συρμάται

[οἱ Σαυρομάται]

 

αʹ

 

S2

Μοσσύνοικοι

ἔθνος

 

ἐν αʹ Γῆς περιόδου

 

S1

Χαβαρηνοί

ἔθνος

 

αʹ Γῆς περιόδου

 

géographie308, il semble logique d’Ératosthène se soit appuyé sur son ouvrage pour rédiger ses Géographiques. 1.8.5. Hérodore (dernier quart du ve siècle av. J.-C. ?) Cet auteur très peu connu309, daté des environs de 400 par F. Jacoby, est cité 7 fois dans l’Épitomé (fig. 58), dont 3 fois explicitement pour son Histoire d’Héraclès (καθ’ Ἡρακλέα γέγραφεν ἱστορία)310. Dans cette œuvre, constituée d’au moins 17 livres, Hérodore semble avoir tenté de rationaliser le mythe d’Héraclès, en l’insérant dans le monde réel311. Le livre X est mentionné par Stéphane de Byzance pour la péninsule ibérique, avec en particulier une citation dans la partie conservée par Constantin 308 Voir Dicks 1970, p. 189, cité par J.-P. Schneider in DPhA (E 98, p. 300). 309   FGrHist n o   31, et nouvelle édition par R .  Fowler (Fowler 2000, vol. I, p. 232-257). Quatre testimonia sont signalés qui n’apportent qu’une seule précision : selon Aristote, il est le père du sophiste Brysônos (FGrHist 31 T 3). Duval 1971, no 8, p. 182. 310  Il est très probable que les autres mentions viennent de la même œuvre (cf. FGrHist 31 F 1, 3-4 et 13-37). C’est évident pour la citation d’Argos (α 400), dans un contexte lié à Héraclès, et pour Druopê (δ 137), ville d’Argolide proche d’Hermione, établie par Héraclès après le départ du mont Œta. C’est moins net pour Kassôpê (κ 115), ville du sud du royaume des Molosses en Épire, et pour les Peuketioi (π 130, Peucetii), peuple des Pouilles (néanmoins rattaché par Jacoby à l’histoire d’Héraclès, FGrHist 31 F 29). On lui connaît par ailleurs d’autres œuvres : les Argonautai (FGrHist 31 F 5-10 et 38-55), la Pelopeia (FGrHist 31 F 11 et 56-57) et une Histoire d’Œdipe et de Musée (FGrHist 31 F 12). De nombreux fragments ne sont pas rattachables à une œuvre particulière. 311  Voir l’analyse de cette œuvre par P. P. Fuentes González et J. Campos Daroca in DPhA (H 101, p. 673).

Porphyrogénète (notice Ibêria [100]). Hérodore mentionne ainsi plusieurs peuples, d’ouest en est : les Kunêtes, les Glêtes, les Tartêsioi, les Olbusinioi312, les Mastinoi et les Kelkianoi. Ces derniers sont assimilés aux Cilliceni mentionnés par Aviénus313, ce qui peut peut-être signifier une source commune. Par ailleurs, deux notices individuelles citent également Hérodore au livre X, celles des Glêtes [65] et de Kunetikon [127], « lieu près de l’Océan » où se trouvent les Kunêtes. La première mention fait directement référence à la citation conservée. Elle est caractéristique de la façon dont l’auteur du lexique-source a travaillé, en reprenant à plusieurs endroits du lexique une même citation d’un auteur. La fin de la citation d’Hérodore est un peu complexe du fait d’une erreur du manus­crit mais semble mentionner le Rhodanos, qui correspond très vraisemblablement au Rhône ; une partie du texte est probablement absente car il manque les peuples situés dans la partie correspondant à la Ligystique. Nous proposons de rattacher à Hérodore l’ethnique Olbusinioi (notice Olbusioi  [170]) qui semble être la bonne lecture du nom Elbusinioi que nous ont transmis les manus­crits. Il faut alors probablement remplacer, dans la citation d’Hérodore transmise par Constantin Porphyrogénète, Eleusinioi par Olbusinioi. Les historiens jusqu’ici ont tous considéré qu’Elbusinioi était la forme qu’utilisait Hérodore pour le peuple des Elbestioi d’Hé312 

Les manus­crits donnent Ἐλευσίνιοι, corrigé depuis l’édition d’Anselme Bandur de 1711 en Ἐλβυσίνιοι. Nous proposons quant à nous la correction Ὀλβυσίνιοι, en lien avec la notice de l’Épitomé (voir fiche [170]). 313  Schulten 1955, II, 105. Cf. infra p. 288.

1. Les sources de Stéphane de Byzance et leur utilisation pour l’Europe occidentale

277

Figure 58 – Les mentions d’Hérodore dans l’Épitomé. Abrév.

Nom

Définition géographique

Ethnique

Œuvre

Commentaire

S2

Γλῆτες

ἔθνος Ἰβηρικὸν μετὰ τοὺς Κύνητας

 

ι’

 

S2

Κυνητικόν

Ἰβηρίας τόπος πλησίον ὠκεανοῦ

 

ι’ τῶν καθ’ Ἡρακλέα

 

S2

Ὀλβυσίνιοι

[ἔθνος ἐπὶ τῶν Ἡρακλείων στηλῶν]

 

 

variante

S2

Κασσώπη

[πόλις ἐν Μολοσσοῖς]

Κασσώποι

 

variante de l’ethnique

S2

[Δρυόπη]

[πόλις περὶ τὴν Ἑρμιόνα]

ὁ πολίτης Δρυοπαῖος

 

 

S2

[Πευκέτιοι]

[ἔθνος περὶ τὸ Ἰόνιον πέλαγος]

Πευκετεῖς

 

variante du nom du peuple

S2

Ἄργος

[πόλις Πελοποννήσου]

 

 

mention du patronyme

catée en utilisant le parallèle avec la citation d’Hécatée. Or, nous avons proposé de voir dans Olbusioi une mention d’Hécatée. Rien ne s’oppose alors à identifier deux peuples distincts chez Hécatée : les Olbusioi/Olbusinioi et les Elbestioi. 1.8.6. Hérodote (3e quart du ve siècle av. J.-C.) Stéphane de Byzance donne de nombreuses citations issues des neuf livres de l’Enquête d’Hérodote314. On notera une citation de la Vie d’Homère attribuée à Hérodote, qui est en fait un texte clairement écrit sous l’Empire romain315. Nous ne reviendrons pas sur la vie et l’œuvre de celui qui est considéré comme « le père de l’Histoire »316. Dans l’œuvre abrégée de Stéphane de Byzance, une mention de notre corpus peut être rapportée à Héro­ dote : la ville corse d’Allalia [20]. L’orthographe même pose problème : le texte connu d’Hérodote a en effet un seul « λ » alors que la notice de l’Épitomé en comporte deux et est bien positionnée du point de vue orthographique317. Le nom de l’ethnique provient cependant d’un autre auteur, Hérodote ne le donnant pas ; on retrouve ici la forme lexicale avec un double « λ ». La localisation géographique d’Allalia (dans l’île Kurnos) provient en 314   Sur les citations d’Hérodote chez Stéphane de Byzance (sans référence au travail d’abréviation des Ethniques), voir Whitehead 1994, p. 105 et 110. 315  Sur cette vie, voir la thèse de M.-A. Colbeaux qui n’a pas connaissance de la mention de Stéphane de Byzance (Colbeaux 2004) ; sur la datation, p. 295-299 : l’auteur a une préférence pour le iie siècle de notre ère dans l’état dans lequel elle nous a été transmis (par un seul manus­crit). 316   Duval  1971, n o   7, p.  179-181. Sur la vie et l’œuvre, Marincola 2001, p. 19-60. 317   La notice Ἀλλαλία est positionnée entre Ἀλκομεναί et Ἀλλάντη, il ne s’agit donc pas d’une erreur de copiste ni de l’abréviateur.

fait certainement d’Hécatée (cf. infra p. 212), tandis que l’attribution aux Phocéens relève d’Hérodote (même si la mention κτίσμα Φωκαέων ne se retrouve pas chez Hérodote mais provient vraisemblablement de l’auteur de son lexique). Hérodote est employé chez Stéphane de Byzance deux fois, à propos de Lampsaque : une fois sans référence dans la notice consacrée à cette ville (λ 34), et une seconde fois d’après Éphore (livre  V) dans la notice d’Abarnos (α 4). D’autres références pour des fondations phocéennes sont présentes chez Stéphane de Byzance (par exemple Agathê que le pseudo-Scymnos attribue aux Phocéens), mais les termes ne sont pas les mêmes. Il est probable qu’un historien comme Éphore mentionnait la bataille entre les Phocéens et la coalition des Étrusques et des Carthaginois318. Pour la péninsule ibérique, il n’est pas impossible qu’Hérodote soit la source non signalée par l’Épitomé, dans la notice Kunêtikon  [127], pour les habitants (Kunêsioi et Kunêtes). On trouve en effet chez cet auteur les deux formes, la première en 2.33 et la seconde en 4.49319. Il faut noter aussi la mention de Γηδείροι (4.8), forme que l’on ne trouve pas dans la notice Gadeira [59] peut-être à cause de l’abréviation, de l’île d’Erutheia (4.8), de Tartessos (1.163) et des Tartessioi (4.181)320.

318   Nous

ne reviendrons pas ici sur cette bataille et ses conséquences pour la colonisation grecque en Méditerranée occidentale. On trouvera chez V.  Krings une relecture du texte d’Hérodote se rapportant à Alalia et des autres attestations littéraires, avec mise en perspectives des hypothèses de M. Gras et M. Bats (Krings 1998, p. 93-160). 319  THA A 38b. 320  THA A 37a, 40b et 39a.

2. L’Ora maritima d’Aviénus L’étude des espaces géographiques nous a amené, pour compléter l’analyse du texte de Stéphane de Byzance, à reprendre l’étude d’un texte latin bien connu, l’Ora maritima d’Aviénus 1. Écrit durant le Bas-Empire, il reprend de manière versifiée des informations issues des périples de la période grecque archaïque ou classique. Seul le début en est conservé ; il décrit les côtes atlantiques et méditerranéennes (jusqu’à Marseille). Nous en proposons ici une traduction revue, que l’on trouvera, face au texte latin avec son apparat critique (p. 298-324). L’analyse géographique, qui prend pour base celles des différents éditeurs du texte, s’appuie sur la réflexion conduite sur les géonymes de l’Épitomé.

2.1. L’auteur et son œuvre Parmi les auteurs ayant abordé l’information géographique, déjà abondamment cités tout au long de cette étude (Strabon, Pomponius Mela, Pline l’Ancien…), il faut faire une place à part au poème savant de Postumius Rufius Festus Avienius, l’Ora maritima2. Ce texte en latin reprend, avec une forme poétique (trimètres iambiques3) qui est celle par exemple d’un pseudo-Scymnos, une information géographique précieuse pour nous car elle semble basée principalement sur des auteurs grecs archaïques ou classiques. 1   Ce

chapitre a été écrit avant la parution de l’édition dans la Collection des Universités de France (Guillaumin, Bernard 2021). Nous avons essayé autant que possible, dans un délai très contraint, de mettre en correspondance le texte latin et notre commentaire avec cette édition. 2  Le texte n’est connu que par l’édition imprimée en 1488 de Vettore Pisani, le manus­crit d’origine (prêté par Georgio Valla) ayant disparu. Il a été édité à plusieurs reprises, en essayant de corriger les leçons erronées, assez nombreuses, que contenait le manus­crit. L’édition la plus exacte jusque là était celle de P. Villalba i Varnera (Villalba i Varnera 1986), remplacée désormais par l’édition de J.-B. Guillaumin et de G. Bertrand (Guillaumin, Bernard 2021). Voir également les éditions d’A. Berthelot (Berthelot  1934), J.  Murphy (Murphy  1977), F.  González Ponce (González Ponce 1995) et L. Antonelli (Antonelli 1998). 3   J.-B.  Guillaumin a bien mis en évidence l’influence de la période hellénistique sur le choix de ce mètre, en particulier du Periodos du pseudo-Scymnos (Guillaumin 2019, p. 75-76). Voir également Guillaumin, Bernard 2021, p. xlviii-l.

2.1.1. L’auteur L’auteur 4 est connu pour d’autres œuvres du même ordre, que nous avons conservées : ce sont les poèmes en hexamètres dactyles de la Descriptio orbis terræ, traduction en latin du poème de Denys le Périégète, et des Aratea Phaenomena et Aratea Prognostica, paraphrase des Phénomènes et des Pronostics d’Aratos de Soles. Pour ces deux derniers il s’agit de poèmes scientifiques, autre versant d’une érudition de type archaïsante5 du BasEmpire dont il est l’un des meilleurs représentants. L’Ora maritima est dédiée à Sextus Claudius Petronius Probus, représentant de la grande famille des Anicii6, consul en 371 et membre éminent de l’entourage des empereurs Valentinien  I er, Valentinien  II et Théodose Ier. Il se compose d’un prologue (v. 1-79) explicitant le contenu du poème (et les sources utilisées) et d’une description qui débute aux Colonnes d’Hercule (v. 80-89), se dirige d’abord vers le nord en remontant l’océan Atlantique depuis la Galice jusqu’aux îles Britanniques (v. 90-145) puis repart vers son point de départ pour décrire la côte atlantique de la péninsule ibérique (v.  146-219), le territoire de Tartessos (v. 220-262) et la côte de Gadeira jusqu’aux Colonnes d’Hercule (v.  263-336). Après la description de ces dernières (v. 337-375) et un excursus sur les différents golfes emplis par l’Océan (v. 375-411), Aviénus décrit le littoral jusqu’à la pointe qui fait face aux îles Baléares (v.  412-462) puis les îles elles-mêmes (v.  463-466) et enfin la côte jusqu’aux Pyrénées (v. 467-548). Il décrit alors l’intérieur de l’Ibérie proprement dite (c’est-àdire le territoire s’étendant de part et d’autre de l’Èbre, 4   Sur

l’auteur, voir l’article récent de L.  Dorfbauer (Dorfbauer 2012) et la nouvelle édition de l’œuvre (Guillaumin, Bernard 2021, p. vii-xv et xix-xx). Sur le surnom ‘Avienus’ ou ‘Avienius’, voir Cameron 1995. 5   Le terme exact à employer devrait faire référence aux Antiquaires romains mais l’adjectif n’existe pas en français. Il s’agit simplement de renvoyer à une époque ancienne (un demi-millénaire au moins), en partie déconnectée des connaissances de son époque. Voir Guillaumin, Bernard 2021, p. xxxii-xxxix. 6   C’est l’hypothèse habituellement proposée même si elle reste débattue. Il pourrait s’agir d’un fils de ce personnage. Voir Guillaumin  2019, p.  84-86  ; Guillaumin, Bernard  2021, p. xvi-xix.

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Troisième Partie : Auteurs-sources et connaissance des espaces géographiques

y compris le bord de mer, v. 549-558). Le récit reprend ensuite le long du littoral situé au nord des Pyrénées jusqu’au Rhône (v. 558-621). La description du cours de ce fleuve (v. 622-680) est l’occasion d’une digression sur le soleil, qui rejoint les considérations astronomiques et astrologiques qui intéressent Aviénus par ailleurs. Enfin, la description entre Arles et Marseille occupe les derniers vers conservés (v. 681-705), le manus­crit d’origine ayant perdu la majeure partie du poème qui allait au moins jusqu’à la mer Noire7. L’ensemble est parfois difficile à suivre. On sent bien qu’Aviénus est parti de textes disparates, ayant un niveau de précision et surtout une chronologie différente et qui ne parlaient pas tous des mêmes géonymes. Son effort de localisation et d’interprétation est notable et semble souvent assez exact ce qui en fait tout l’intérêt. Ce texte reste à ce jour le complément indispensable à l’interprétation des auteurs les plus anciens, comme Hécatée, dont il se serait servi. L’œuvre a fait l’objet d’une analyse «  stratigraphique » par L. Antonelli8. Il est le représentant le plus récent d’une hypothèse déjà ancienne selon laquelle le poème reposerait sur un périple massaliète, qui aurait pu servir à Pythéas et qui aurait ensuite été révisé au iie siècle av. J.-C. C’est de ce document (totalement inconnu par ailleurs) que proviendrait la matière du poème d’Aviénus. Cependant, ce travail de compilation peut parfaitement remonter à Aviénus lui-même. Grâce aux travaux de Marcien, nous savons qu’il subsistait à son époque un corpus géographique encore assez complet. Le texte d’Hécatée est peut-être une de ses sources comme il le dit lui-même ; mais il pouvait disposer aussi de Pythéas (soit dans sa version d’origine soit par l’intermédiaire de Théopompe), probablement aussi de Timée et de quelques textes que nous n’avons pas conservés mais qui pourraient correspondre à ceux que cite Marcien dans ses propres œuvres. La liste des sources telle qu’elle est donnée par Aviénus (v. 42-50) est intéressante, mais il ne faut pas oublier que souvent les attributions sont erronées (que l’on songe au pseudo-Scymnos) et ne sauraient nous renseigner de manière exacte sur les auteurs qui ont été réellement utilisés pour sa propre rédaction. La question du périple massaliète inconnu, qui reste un leitmotiv de nombreux historiens ayant étudié le texte d’Aviénus, trouve un écho avec Pythéas. Lorsque 7   On notera que la nouvelle édition est présentée suivant un découpage un peu différent (Guillaumin, Bernard  2021, p. lviii-lxv). 8  Antonelli 1998.

ce dernier, à travers Théopompe, signale la disparition de peuples ligyens comme les Arbaxanoi, les Eubioi et les Ipsikouroi, cela implique certainement que le navigateur avait entre les mains un document dont il se servait pour se guider. La première comparaison (et réactualisation ?) remonte donc certainement à Pythéas lui-même, peutêtre sur la base du périple d’Euthymènes, celui-ci ayant longé très certainement jusqu’aux Colonnes d’Hercule les mêmes rivages ; mais rien ne l’assure9. Il semble peu probable qu’Aviénus en ait eu connaissance, même si Marcien le cite (Epit. Menip. 2). 2.1.2. Les sources mentionnées Si l’on s’en tient aux indications même de l’auteur, ses sources sont connues. Toutefois on sait bien que ces informations, données sous forme de liste, ne sont pas véritablement fiables et relèvent plutôt d’une figure imposée10. La première d’entre elle, Hécatée de Milet, est peut-être à l’origine du parcours descriptif global. Puisque nous savons qu’il citait Nurax [162] chez les Keltikoi, cela signifie qu’il décrivait au moins une partie des rivages atlantiques de la péninsule ibérique. Le reste de son œuvre décrivait l’ensemble de la Méditerranée. Aviénus cite ensuite Hellanicos de Lesbos, auteur de la seconde moitié du ve siècle av. J.-C. qui porte à la fois sur des aspects mythographiques mais également géographiques et historiques. Il a écrit en effet des descriptions par ensemble géographique du monde grec (Thessalika, Boiotika, Peri Arkadias, Lesbika, Aiolika, Argolika) ainsi que des peuples étrangers (Aigyptiaka, Skythika, Persika, Lydiaka)11. Il est difficile de dire si ces œuvres étaient encore accessibles au Bas-Empire ou si les informations qu’elles contenaient étaient lues à travers des compilateurs. Il est peu vraisemblable qu’il ait été utilisé dans la description des côtes de l’extrême Occident. Scylax de Caryanda est un des premiers à avoir écrit un périple de l’ensemble du monde habité 12. 9 

Sur Euthyménès et son périple, voir González Ponce 2008, p. 179-191. Ce navigateur, que l’on date généralement de la seconde moitié du vie siècle av. J.-C., aurait longé la côte atlantique de l’Afrique. 10 Voir Guillaumin, Bernard 2021, p. lxxv-lxxxii. 11   Voir la dernière édition des fragments dans Ottoni, Filoni 2017. 12   González Ponce  2008, p.  155-177. Nous avons gardé la lecture Caryandaeus et non Caria editus (Guillaumin, Bernard 2021, p. 40-41, n. 3) bien que cela soit effectivement la lectio facilior. Il nous semble peu probable qu’Aviénus l’ait appelé différemment de ce que note Marcien (Epit. Menip., 2) : « Σκύλαξ ὁ Καρυανδεὺς ».

2. L’Ora maritima d’Aviénus Il a participé à l’expédition de Darius ier en Inde entre 519 et 512 av. J.-C. (Hérodote, Hist. 4.44) et a rédigé un périple dont le titre entier (tronqué par la Souda, σ  710  ?) pourrait être «  Περίπλους τῶν ἐκτὸς τῶν Ἡρακλέους στηλῶν ». L’œuvre mentionnée chez Aviénus correspond peut-être à celle que nous avons conservée sous ce nom (mais qui n’est pas réellement de Scylax) et que l’on date du milieu du ive siècle av. J.-C. Les informations sont très sommaires pour la péninsule ibérique et la Gaule, toutefois, on peut se demander s’il ne lisait pas un texte plus complet que celui que nous avons conservé, comme en témoigne la description du détroit de Gibraltar (v. 372) qui n’existe plus. Nous voyons également le pseudo-Scylax comme une source de la durée de navigation de sept jours et sept nuits entre Gibraltar et Pyrênê (v. 562) que l’on retrouve dans le texte actuel (§ 2). D’après l’hypothèse de K. Müller suivi par L. Antonelli13, il s’agirait d’une glose intégrée dans le texte. Quoiqu’il en soit, le lien semble assez assuré entre le texte lu par Aviénus et celui de (pseudo-)Scylax. Philéas d’Athènes est l’auteur d’un périple qui est cité également par Marcien. Les fragments en ont été édités par F. González Ponce14 ; ils rendent vraisemblable d’y voir un contemporain d’Hellanicos de Lesbos, antérieur à Thucydide. Ce que l’on perçoit de son œuvre en fait, plus qu’une simple description précise des côtes comme Hécatée de Milet, un ouvrage de géographie un peu général avec la détermination des ensembles géographiques15. Aviénus le cite une fois à propos du Rhône (v. 695) qui aurait été la frontière entre l’Europe et la Libye selon les autochtones. Damastès de Sigée, contemporain d’Hérodote selon la Souda (δ 41 Adler), est mentionné pour la largeur du détroit entre les Colonnes d’Hercule (v.  372). Selon Agathémère il aurait écrit un Périple mais on lui connaît surtout un Catalogue de peuples et des villes que Stéphane de Byzance cite sous le titre Sur les peuples. Les fragments ont été édités en dernier lieu par F. González Ponce16. Son contemporain est Euctémon d’Athènes, dont le floruit se place vers 430 av. J.-C. C’est un astronome dont l’œuvre porte sur les levers et couchers des astres. Aviénus le cite à propos du promontoire Sacrum (v. 337) et le détroit de Gibraltar (v. 350).

GGM 1, 16 ; Antonelli 1998, p. 67 n. 59. González Ponce 2008, p. 193-213. 15  González Ponce 2008, p. 195. 16  González Ponce 2008, p. 215-231. 13  14 

281 Plus tardif, Cléon de Sicile est l’auteur d’un Sur les ports, mentionné une fois par Stéphane de Byzance (α  485)  ; il est probablement un contemporain d’Alexandre le Grand. Aviénus cite encore deux auteurs qui nous sont inconnus (Pausimaque de Samos et Bacoris de Rhodes), ainsi qu’Hérodote et Thucydide dont les textes, conservés, ne concernent pas notre zone géographique. Dans le texte, nous trouvons la mention d’Himilcon, Carthaginois dont le périple sur l’Atlantique en remontant vers l’Europe du Nord a peut-être été lu par Aviénus (par l’intermédiaire d’un des auteurs qu’il cite ?). Enfin, Denys le Périégète, auteur d’un poème à l’époque d’Hadrien et dont une traduction en hexamètres dactyliques (Descriptio orbis terræ) est l’œuvre du même Aviénus, est mentionné pour indiquer que Tartessos est aux confins de la Libye (v. 331). 2.1.3. Le texte et la traduction Jusqu’à l’édition toute récente de J.-B.  Guillaumin et G. Bernard, celle de P. Villalba i Varnera constituait le texte le plus abouti, reprenant l’editio princeps de 1488 à Venise par Victor Pisanus. Le manus­crit utilisé par ce dernier n’a pas été conservé mais son édition, assez peu corrigée, permet d’approcher le texte tel qu’il était conservé à la fin du xve siècle17. Les erreurs du texte imprimé correspondent à plusieurs niveaux de transmission du texte. Certaines erreurs sont liées à la translittération d’un modèle en onciales et en scriptio continua 18  : c/s 19, des mécoupures 20 et des confusions de syllabe ou de lettre ini17  Sur l’édition de 1488, voir Guillaumin, Bernard 2021, p. xc-xcviii, pour la langue id., p. lv-lviii et pour la métrique id, p. xlviii-lv. 18   Nous avons maintenu certaines écritures à l’inverse de Guillaumin, Bernard  2021  : nanque (pour namque), si quis, quae (pour siquis, siquae), stannum (pour stagnum) ou les différentes graphies de Tartessus. Nous indiquerons en gras nos lectures lorsqu’elles diffèrent (pour des raisons avant tout paléographiques) de celles de cette édition désormais de référence. 19  fusus/fucus (v.  408)  ; aucoceretes/ausoceretes (v.  550)  ; cassa/casca (v. 591). 20  haec ad eus/hecataeus (v. 42) ; mille suis/milesius (v. 42) ; cariae ditus/caryandaeus  ; (v.  44 et  372)  ; propinque stalia/ propinqua est alia (v.  88)  ; moras/in oras (v.  172)  ; confodiat/ confundi at (v.  192)  ; se fumum/saefum (v.  199)  ; cum escens/ tumescens (v. 203) ; aliamin/ab amni (v. 208) ; usu sumet/usum et (v. 220) ; super syderis/supersidens (v. 229) ; qua est tum/quaesitum (v. 258) ; duum iuratu/duumuiratu (v. 283) ; agros efferaci/agro se feraci (v. 302) ; poene sal/penetral (v. 316) ; dicuntur ani/dicunt

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Troisième Partie : Auteurs-sources et connaissance des espaces géographiques

tiale21. D’autres erreurs sont classiques dans l’écriture d’un manus­crit médiéval comme les confusions ae/e22, oe/e23, y/i24, f/s25, c/t26, s/x27, u/b28 des groupes de deux lettres mal lus (d/cl29, b/li30, ti/lu31) ou les lettres à jambages (deux jambages32 : u/ii, u/n ; trois jambages33 : uiam (v. 326) ; ab illa/abila (v. 344 et 345) ; inter acerui/interiacere (v. 354) ; est adiatriginta/stadia triginta (v. 355) ; se per/semper (v.  388)  ; circum latratur/circumlatrator (v.  391)  ; sub iacenti/ subiacentis (v. 407) ; abdito/ab dicto (v. 443) ; intererrabat/inter errabant (v.  486)  ; agerua cuius/ager uacuus (v.  510)  ; sal auri/ salauris (v. 513) ; diti flaris/ditis laris (v. 559) ; palus quae/palusque (v. 569) ; num qua excitent/nunquam excitentur (v. 599) ; a prisca/ opaca (v. 624) ; improbe/mi Probe (v. 632) ; acer serit/accesserit (v. 650) ; ac hemonioco qua/achaemenioque (v. 665) ; aequore gerit/ aequor egerit (v. 684) ; arctans qua/arctansque (v. 685). 21 usu {su}met/usum et (v.  220)  ; absunta pestatibus (v.  246)  ; {uo} uascomas/uasconas (v.  251)  ; at continente/ad continentem (v. 313) ; inhospi{ta}tasque/inhospitasque (v. 357) ; habita/habita (v. 477) ; mons acer/mons Sacer (v. 504) ; saepe cellentibus/saepe cellentibus (v. 573) ; positu/positu (v. 648) ; negari terra/nigari atra (v. 668). 22 benignae/benigne (v. 31) ; haec ad eus/hecataeus (v. 42) ; ipsae/ipsa (v.  63)  ; caetero/cetero (v.  82)  ; agrestis/Aegra est (v. 184) ; haesperius/hesperius (v. 398) ; maeneace/menace (v. 427) ; caeretes/ceretes (v.  550)  ; diffusae/diffuse (v.  569)  ; leua/laeua (v. 87) ; lybye/libyae (v. 88) ; se fumum/saefum (v. 199) ; prisce/ priscae (v. 312) ; unde/undae (v. 371) ; crebre/crebrae (v. 439) ; pytuisse/pituyssae (v. 470) ; minerue/mineruae (v. 495) ; pyrene/ pyrenae (v. 533) ; glaebe/glaebae (v. 568) ; palus quae/palusque (v. 569) ; ac hemonioco qua/achaemenioque (v. 665) ; caece/caecae (v. 669) ; pene/paene (v. 708). 23 poene sal/penetral (v. 316) ; menium/moenium (v. 515). 24 lybye/libyae (v.  88)  ; super syderis/supersidens (v.  229)  ; aditum/adytum (v. 243) ;hybetos/hiberos (v. 250) ; pytuisse/pituyssae (v. 470) ; roschinus/roschynus (v. 567) ; ligies/ligyes (v. 613). 25 diti flaris/ditis laris (v. 559) ; fecyi/setyi (v. 609) ; fata/sata (v. 675). 26 locuplecius/locupletius (v. 27) ; sictam/sitam (pro sittam ? v. 55) ; negociandi/negotiandi (v. 100) ; facti/fati (pro fatti ? v. 146) ; cum escens/tumescens (v.  203)  ; damascus/damastus (v.  372)  ; turbat/curuat (v.  394)  ; carraco/tarraco (v.  519)  ; negociorum/ negotiorum (v. 561) ; fecyi/setyi (v. 609) ; secyena/setyana (v. 629) ; tyneticum/cyneticum (v. 201). 27 ars/arx (v. 263) ; iusta/iuxta (v. 590) ; mox/mos (v. 214). 28 turbat/curuat (v. 394) ; uel uarium/beluarum (v. 410). 29 redine/recline (v. 319) ; aedo/saeclo (v. 510). 30 aliamin/ab amni (v. 208). 31 nolusque/nouisque (v. 101). 32  u/ii : tartesus/tartesiis (v. 113) ; u/n : uauigabilis/nauigabilis (v. 175). 33  iu/ui et ur : iunximus/uiximus (v. 40) ; mille suis/milesius (v.  42)  ; duum iuratu/duumuiratu (v.  283)  ; uiris/iuris (v.  310 et 428) ; iugi/urcei (v. 349) ; dui/diu (v. 465) ; in/ni : aliamin/ab amni (v. 208) ; ni/m/in : dicuntur ani/dicunt uiam (v. 326) ; moras/ in oras (v. 172) ; u/iu/ui : tartesus/tartesius (v. 223) ; uolut/uoluit

ui/iu, in/ni, ni/m, m/in ; quatre jambages34 : im/mi ; cinq jambages35 : mn/nim). Les finales sont souvent sources d’erreur, ainsi que des mauvaises lectures d’abréviations, que cela soit sous forme d’oubli d’une lettre36, d’ajout d’une lettre37 ou d’une erreur de lecture38. On note également une mauvaise lecture du signe de l’abréviation39 ou d’un tilde erroné40. Il existe des erreurs de voyelles, souvent des lettres rondes (en minuscule) entre elles : a/e41, a/o42, (v. 297) ; m/n : mi/ni (v. 16) ; uo uascomas/uasconas (v. 251) ; num qua/nunquam (v. 599). 34  im/mi : improbe/mi Probe (v. 632). 35  nim/mn : animis/amnis (v. 205). 36  oubli d’un i : subi/subii (v. 5) ; fauoni/fauonii (v. 240) ; oubli d’un t ou d : duceba/ducebat (v. 556) ; zephyris/zephyridis (v. 564) ; era/erat (v. 588) ; oubli d’un s : maximo/maximos (v. 61 et 396) ; agresti/agrestis (v. 184) ; uertici/uerticis (v. 228) ; littori/littoris (v. 365) ; sub iacenti/subiacentis (v. 407) ; sal auri/salauris (v. 513) ; amni/amnis (v. 547) ; censu/census (v. 615). 37  ajout d’un s  : popularis/populari (v.  48)  ; colonis/coloni (v. 115) ; amoenas/amoena (v. 520) ; undas/unda (v. 634). 38  i/s : laboi/labos (v. 710) ; a/t : solea/solet (v. 234). 39 qua/quam (v.  10)  ; amor/amoris (v.  15) parent/parentis (v. 26) ; : uiximus/iunximus (v. 40) ; signe/sigeus (v. 46) ; narratione/ narrationem (v. 76) ; in/ex (v. 77) ; aut/autem (v. 162, 296 et 538) ; ad/atque (v.  165)  ; cempsicum/cepresicum (v.  182)  ;splendore/ splendorem (v.  189)  ; confodiat/confundi at (v.  192)  ; imunda/ immundo (v. 192) ; im/in (v. 204) ; âne/amnem (v. 222) ; sumitas/ summitas (v. 226) ; uni/amni (v. 266) ; incubit/incumbit (v. 291) ; euoluit/euoluitur (v. 307) ; at continente/ad continentem (v. 313) ; in/cum (v. 318) ; libyque/libyci (v. 329) ; here/habere (v. 338) ; propter/properet (v.  367)  ; latet/latus  ? (v.  375)  ; plaga/plagam (v. 380) ; qod/quodam (v. 387) ; se per/semper (v. 388) ; perstet/ praestet (v.  389)  ; quttuor/quattuor (v.  396 et  584)  ; fluctum/ fluctus (v. 400) ; porrigitur/porriguntur (v. 424) ; concelebrant/ concelebrarunt (v. 448) ; intererrabat/inter errabant (v. 486) ; pre/ per (v. 500) ; flumem/flumen (v. 505) ; num qua excitent/nunquam excitentur (v. 599) ; explicatur/explicantur (v. 607) ; fudunt/fundunt (v. 607) ; molle/molem (v. 627) ; pater/patere (v. 632) ; quis/quas (v. 634) ; fronte/fonte ? (v. 643) ; amne/amnem (v. 645) ; cognominat/ cognominant (v. 645) ; cura/curam (v. 679) ; uasta/uastam (v. 682) ; ae forma/ad formam (v. 685) ; fonte/fronte ? (v. 705). 40 leporem/lepore (v. 40) ; rhodonque/rhodoque (v. 47) ; hunc/ huc (v. 127) ; incumbat/incubat (v. 236) ; celsam/celsa (v. 516) ; rumpis/rupis (v. 545) ; discendit/discedit (v. 622) ; septentrionis/ septentrione (v. 671) ; infundit/infudit (v. 709) ; iuuant/iuuat (v. 712). 41  uestarum/ueterum (v.  17)  ; desidaratum/desideratum (v.  11)  ; tuta/tute (v.  64)  ; ac hemonioco qua/achaemenioque (v. 665) ; arctans qua/arctansque (v. 685). 42  paenus/poenus (v.  117)  ; imunda/immundo (v.  192)  ; niuosa/niuoso (v. 197) ; natius/notius (v. 449) ; sali/soli (v. 638) ; solo/salo (v. 483).

2. L’Ora maritima d’Aviénus a/u 43, e/i 44, e/o 45, i/o 46, i/u 47, u/e 48, u/o 49 et y/u 50. Quelques lettres font l’objet d’une mauvaise lecture, comme le s (confondu avec le r)51, le r (confondu avec le i dans le groupe ui ou avec le t)52, le n (confondu avec le r ou décomposé en ri)53, le d (confondu avec le c)54, le t (confondu avec le r ou le l)55, le l (avec le c ou le t)56, le z (avec le i)57 et le groupe ci (confondu avec le e ou avec le o)58. Enfin, on trouve quelques erreurs de prépositions59, et d’autres moins explicables60. On le voit, la majorité des erreurs de lecture proviennent de manus­crits en minuscules médiévales ; n’oublions pas qu’un certain nombre peut être le fait aussi de l’éditeur de la Renaissance.

43  profundam/profundum

(v.  190 et 435)  ; tracta/tractu (v. 512) ; uni/amni (v. 266) ; studia/stadia (v. 371) ; locuti/locati (v. 474) ; meridianum/meridianam (v. 662). 44 distinerent/destineret (v.  4)  ; gurgitis/gurgites (v.  158)  ; diuitis/diuites (v. 423) ; minace/menace (v. 431) ; septentrionis/ septentrione (v. 671). 45  nectilucae/noctilucae (v.  429)  ; ac hemonioco qua/ achaemenioque (v. 665). 46 aryi/aryo (v. 172) ; uni/uno (v. 175). 47 timor/tumor (v. 228) ; maurisiorum/maurusiorum (v. 345) ; uexis/flexus (v. 680). 48 septentrionum/septentrionem (v. 162). 49 locus/locos (v. 155 et 335) ; confodiat/confundi at (v. 192) ; circum latratur/circumlatrator (v. 391). 50 thyrius/thurius (v. 49). 51  regnis/segnis (v. 121) ; acer serit/accesserit (v. 650). 52 dicuntur ani/dicunt uiam (v. 326) ; hybetos/hiberos (v. 250). 53  super syderis/supersidens (v. 229) ; cynetici/ceretici (v. 566) ; cinorus/ororus (v. 596). 54 aceris/aderis (v. 176). 55 sal/sat (v. 186) ; antistar/antistat (v. 429) ; porrus/portus (v. 431) ; negari terra/negarit atra (v. 668) ; pater/patet (v. 706). 56 insucas/insulas (v. 159). 57 gaiae/gazae (v. 499). 58 parci/pare (v. 29) ; cibiceni/olbiceni (v. 303) ; cilbus/olbus (v. 320) ; cinorus/ororus (v. 596). 59  avec ab : ad/ab (v. 480 et 623) ; avec at : haec ad eus/hecataeus (v. 42) ; ad/atque (v. 165) ; ad/at (v. 483) ; ad/at (v. 601) ; adque/ atque (v. 613) ; avec ad : ae forma/ad formam (v. 685) ; avec an : an/ at (v. 248) ; avec cum : in/cum (v. 318) ; avec ut : in/ut (v. 631). 60   a/n  : promineas/prominens (v.  161)  ; ol/u  : protollere/ protulere (v. 473) ; u/fl : uexis/flexus (v. 680) ; ui/e : inter acerui/ interiacere (v. 354) ; n/c : oestrymninus/oestrymnicus (v. 95) ; s/tr : poene sal/penetral (v. 316) ; t/i : qua est tum/quaesitum (v. 258) ; erreurs diverses : deserat/deserta (v. 442) ; sat/stat (v. 495) ; a prisca/ opaca (v. 624) ; merianus/meridianus (v. 648) ; att/at (v. 670) ; carninae/carinae (v. 699) ; a te/arte (v. 712).

283 Notre traduction prend pour base celle d’A. Berthelot. Toutefois, son style très littéraire s’éloigne parfois du texte et il nous semblait, dans l’optique qui est la nôtre d’une compréhension géographique assez fine, qu’elle manquait un peu de précision. Par ailleurs, nous sommes repartis de l’édition de P. Villalba i Varnera61, qui présente le meilleur texte mais diffère parfois de celui qu’a traduit Berthelot. Nous avons mis en gras les quelques leçons où nous ne suivons pas l’édition de J.-B. Guillaumin. Dans l’analyse qui suit, nous ne reprendrons que les éléments liés aux géonymes. Nous renvoyons aux différentes études62 et éditions pour une analyse complète de ce texte.

2.2. La partie atlantique de la Gaule et nordique (v. 80-145) La partie atlantique, début du périple d’Aviénus, est introduite par un commentaire rapide sur le tracé autour du monde de l’océan et son débouché (Gadir/Tartessos63 et les Colonnes d’Hercule64) sur la Méditerranée (v. 80-89). Le lecteur est ensuite directement conduit dans la partie septentrionale de la Gaule, au niveau du promontoire Œstrymnis65. La description qui est faite laisse peu de doute sur son identification, il s’agit très certainement de la pointe de la Bretagne66. Un vaste golfe porte un nom dérivé (Œstrymnicus) tout comme les îles (Œstrymnides) qu’il contient. Nous ne savons pas si le golfe est situé au nord (comme le pense A. Berthelot)67 ou au sud. Suivant le cas, les îles sont soit les îles anglo-normandes, soit celles 61  Berthelot 1934 ; Villalba i Varnera 1986. Comme nous l’avons dit, nous avons confronté notre édition à celle, bien plus savante, de Guillaumin, Bernard 2021. 62   Schulten  1945a et 1955, Tovar  1974, 1976 et 1989. La nouvelle édition de J.-B.  Guillaumin et G.  Bernard reprend l’intégralité des interprétations et rend quasiment caduque de retourner à ces publications. 63  Guillaumin, Bernard 2021, p. 45-50, n. 10 analyse le lien entre les deux. 64  Analyse très détaillée dans Guillaumin, Bernard 2021, p. 50-56, n. 11-15. 65   Le nom a été rapproché des Ôstimioi mentionnés par Pythéas (voir fiche [231]). La différence semble toutefois impliquer un autre auteur. Voir Antonelli  1998, p.  157  ; Guillaumin, Bernard 2021, p. 57-59, n 1. 66  Voir Guillaumin, Bernard  2021, p.  57-59, n.  1 qui reprend l’argumentation antérieure et la note complémentaire 28 de Villalba i Varnera 1986, p. 112-113. 67  Berthelot  1934, p.  58. Guillaumin, Bernard  2021, p. 59-60, n. 3 ne prend pas partie.

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Troisième Partie : Auteurs-sources et connaissance des espaces géographiques

située au sud de la Bretagne (Belle-Île, Groix, Quiberon, îles de Glénan …)68. Il ne faut pas oublier par ailleurs que le contour des côtes a évolué depuis le début de l’âge du Fer, le niveau de la mer remontant encore lentement. On notera que tout ce secteur est particulièrement riche en occupations de cette période, y compris dans les îles69. Parmi ces dernières, on notera le très beau site d’habitat sur l’île d’Ouessant, lieu de contact privilégié situé sur la route commerciale maritime. La description des richesses de ces terres (en étain et en plomb), de la nature du peuple et de sa compétence à construire des navires en cuir cousu70 correspond en tout point à ce que l’on trouve pour la péninsule ibérique jusqu’au détroit de Gibraltar. Le lien est fait d’ailleurs dans les vers 113-116 : les navigateurs de Tartessos et ceux de Carthage vivant dans le sud de l’Espagne venaient commercer jusque-là71. Au-delà vers le Nord, Aviénus mentionne l’île Sacra, dont le nom provient des « Anciens (auteurs) ». Il s’agit de la traduction latine de Ierê/Iernê, nom grec pour l’Irlande (voir fiche [102])72. L’indication de deux jours de voyage correspond à une distance d’environ 200 km ce qui se conçoit depuis les Cornouailles mais est impossible depuis la Bretagne. Il faut donc imaginer que le sinus Œstrymnicus comprend la côte nord de la Bretagne, la pointe de la Normandie et la côte méridionale du Pays de Galles. Les trois vers (110-112) qui suivent concernent les habitants de l’île (les Hierni) et de ceux de l’île voisine (les Albiones)73. On a ici une indication différente et plus récente qui provient directement ou non de Pythéas comme nous l’avons vu supra (p. 271). Il s’agit selon nous d’une insertion d’Aviénus dans une description plus ancienne. La description se poursuit avec un excursus sur la navigation en haute mer sur l’océan (v. 117-129). Le carthaginois Himilcon signale avoir tenté de traverser l’océan 68 

L. Antonelli voit dans ce golfe la baie de Douarnenez avec les îles qui y sont présentes (Antonelli 1998, p. 156). Guillaumin, Bernard 2021, p. 60-62, n. 4. 69  Daire et al. 2015 ; Le Bihan et al. 2015. Les occupations côtières sont largement tournées vers la mer, avec des installations de salaisons par exemple. On notera le grand nombre d’îles de petite taille occupées à cette époque. Ici aussi, les fleuves constituent des vecteurs privilégiés pour les échanges (voir les cartes dans Daire et al. 2015, p. 162-163). 70  Guillaumin, Bernard 2021, p. 66, n 12. 71  Guillaumin, Bernard 2021, p. 67-68, n. 18. 72  Guillaumin, Bernard 2021, p. 66, n. 13. 73 Cf. Antonelli 1998, p. 157 ; Guillaumin, Bernard 2021, p. 66-67, n. 17.

durant quatre mois, sans pouvoir y arriver74. Il est probable que cette durée comprenne l’aller et le retour soit deux mois plein de navigation. Dans l’hypothèse où il naviguait à la même vitesse que les navires longeant les côtes, il aurait navigué ainsi sur 6000 km de distance, ce qui aurait dû normalement lui permettre de traverser l’océan75. La description trouve une correspondance avec la mer des Sargasses, vaste étendue marine entourée par les bras du Gulf Stream et caractérisée par des étendues d’algues et l’absence de mouvement de l’eau dans cette partie sans vent ; il aurait manqué de peu les îles de l’arc caribéen. Toutefois, on préfère habituellement y voir l’hypothèse d’une navigation compliquée entre Tartessos et l’Irlande, ayant subi des vents contraires, même si la durée de navigation semble alors totalement surestimée. On peut imaginer dans ce cas qu’Himilcon ait volontairement exagéré ce trajet pour éviter une concurrence commerciale déjà intense avec les Grecs en extrême Occident. À partir du v.  129, Aviénus reprend les mentions de l’ancien périple en poursuivant la route au nord des Œstrymnides. Il s’agit probablement de la remontée vers Calais. Il n’est pas certain que sa description s’étende jusqu’à la Frise comme on a pu le dire76 mais c’est en tout cas la direction. On trouve ici la dénomination de Ligures, qui correspond à n’en pas douter à la traduction latine pour Ligues77. C’est quasiment le seul endroit où est employé ce terme puisque dans la description du Midi de la Gaule, par ex. v. 613, Aviénus emploie Ligyes et une seule fois Ligures (v. 628). Il a utilisé ici un auteur spécifique. L’indication très précise d’une guerre et d’un dépeuplement des territoires au profit des Celtes (v. 133-145)78 ne peut se concevoir qu’avant la conquête de la Gaule par Jules César. Il est très probable qu’il dépende ici, de la même source que celle qu’il a utilisée pour les Hierni et les Albiones, qui remonte, peutêtre de seconde main, à Pythéas. On mettra en parallèle ces indications avec celles des anciens peuples Ligyens Arbaxanoi  [27], Eubioi  [88] et Ipsikouroi  [112] qui avaient quitté le rivage du temps de Pythéas. 74 

Guillaumin, Bernard 2021, p. 69-70, n. 4. La distance entre la pointe de la Bretagne et Saint-Pierre et Miquelon, pour nous en tenir à l’hémisphère nord, est d’environ 3 500 km. 76  Antonelli 1998, p. 158 ; Berthelot 1934, p. 59-63. 77  Guillaumin, Bernard 2021, p. 73-75, n. 11. 78   Guillaumin, Bernard  2021, p.  75-76, n.  12. C’est la seule mention des Celtes chez Aviénus. Nous suivrons les analyses de Guillaumin, Bernard  2021, p.  73-76, n.  11-12 sur le remplacement des Ligures par les Celtes chez les auteurs antiques. 75 

2. L’Ora maritima d’Aviénus

2.3. La péninsule ibérique (v. 146-552) La description de la péninsule ibérique qui suit est globalement cohérente comme on va le voir. Les côtes sont décrites depuis le golfe de Gascogne jusqu’aux rivages méditerranéens des Pyrénées. Toutefois dans le détail, elle présente des incohérences et parfois des doublons de l’information qui témoignent d’un usage de sources différentes qui ne sont pas toujours juxtaposables. 2.3.1. Du golfe de Gascogne au cap Cyneticum (v. 146-204) La description commence au v. 146 par la contrée appelée Ophiussa, qui correspond à la partie septentrionale et occidentale de la péninsule ibérique. Nous voyons une cohérence très forte du texte jusqu’au v. 322 inclus, description de la côte depuis le golfe de Gascogne jusqu’au détroit de Gibraltar. Ce texte comprend, à plusieurs reprises, des indications de durée de navigation, de force de la mer et des vents qui constituent une caractéristique de cette description. On trouve principalement des repères géographiques (cap, golfe, île …), les temples et les divinités auxquels ils sont consacrés, des noms de peuples et des indications sur la nature du territoire (présence d’animaux, de minerais, …)79. Les premiers vers (v.  146-157) signalent le vaste golfe qui est très certainement le golfe de Gascogne, donnent l’indication du nombre de jours de navigation (sept) jusqu’à Gades80, et décrivent rapidement le pays d’Ophiussa, dont la côte découpée est comparée à celle du Péloponnèse81. Enfin, Aviénus mentionne ses anciens habitants (les Œstrymnii) et la particularité de cette contrée d’être infestée de serpents ce qui aurait 79 

Il nous semble que les villes sont totalement absentes dans cette partie, à l’exception de la citadelle dite de Gerons (v. 263 et 304). Rien ne prouve que la controversée Saefumum (v. 199) soit une ville, nous ne retenons pas cette lecture. La ville d’Herbus (v. 244) est dans une tournure de phrase assez étonnante, parlant au passé de cette cité, ce qui serait selon nous la trace d’un ajout d’Aviénus. Enfin, la mention de la ville de Gadir (v. 267 sq) est une incise personnelle d’Aviénus comme nous le verrons plus loin. 80  Nous suivrons Villalba i Varnera en gardant « reditu » dans le texte, que Holder corrigeait en « peditus ». Cette correction, reprise par Schulten, impliquait un chemin terrestre. Selon nous toutes les distances se calculent par rapport à Gades (assimilée à Tartessos), plutôt qu’au détroit de Gibraltar. Voir également Antonelli 1998, p. 159 ; Guillaumin, Bernard 2021, p. 78-79, n. 7. 81  Selon nous la comparaison vaut plus pour l’aspect découpé de la côte que pour sa longueur comme le pense A.  Bertelot (Berthelot  1934, p.  66-67). Sur Ophiussa, voir Guillaumin, Bernard 2021, p. 77, n. 4.

285 déterminé son nom. L’assimilation des Œstrymnii de Bretagne avec ceux d’Ophiussa s’explique peut-être de la même manière que l’on parle de Ligyens aussi bien pour les Celtes de la péninsule ibérique que pour ceux de la Gaule. Ce nom serait alors générique pour tous les peuples de langue celtique et ne correspondrait pas forcément à leur dénomination exacte. La description des côtes se fait plus précise à partir du v. 158 avec la mention d’un cap (dit de Vénus)82, de deux îles inhabitables du fait de leur petite taille et d’un promontoire appelé Aryium ; seul ce dernier est identifiable, grâce à Ptolémée (Ὀρούιον, Geogr. 2.6.2), avec le cap Silleiro83. Il marque la délimitation entre une côte très découpée, au nord, et la longue côte rectiligne du Portugal. De fait, le cap de Vénus et les deux îles qui semblent lui être associées prennent place entre le golfe de Gascogne et le cap Silleiro. Sa mention venant après la description des côtes découpées d’Ophiussa, ce cap serait plutôt situé dans la partie nord-ouest de la péninsule. C’est pourquoi nous suivrons la proposition formulée par A. Berthelot : cap Ortegal/Villanos/Toriñana et îles Sisargas ou cap Finisterre et îles Lobeiras84. Sur la côte occidentale se trouve ensuite une île dite « en haute mer » consacrée à Saturne (v. 164) qui correspond probablement à l’île principale de l’archipel des Berlengas, située à 10 km au large de Peniche85. La distance de navigation depuis le cap Aryium localise sans trop de difficulté le promontoire suivant, qui doit être le cap da Roca86, situé à l’ouest de Lisbonne. Suit la description de la large baie de l’embouchure du Tage87, avec l’indication du type de vent permettant d’y pénétrer et la distance pour un retour, par voie terrestre, jusqu’au rivage des Tartessii et Malaca88. 82  Voir les différentes propositions de localisation dans Villalba i Varnera 1986, p. 80 n. 48, reprises par Antonelli 1998, p. 160. Guillaumin, Bernard 2021, p. 80, n. 12. 83  Ptolémée donne la distance entre ce cap et l’embouchure du fleuve Miño  ; Villalba i Varnera  1986, p.  115, n.  49. L. Antonelli laisse la possibilité du cap Ortegal (situé sur la côte nord de la péninsule ibérique), ce qui est totalement impossible (Antonelli 1998, p. 160). De plus la description correspond bien à un cap qui est axé vers le nord. Voir également Guillaumin, Bernard 2021, p. 81, n. 14 et p. 82, n. 2. 84  Berthelot 1934, p. 67 ; Guillaumin, Bernard 2021, p. 80, n. 12. 85  Guillaumin, Bernard 2021, p. 82, n. 3, avec analyse du culte à Saturne. 86  Guillaumin, Bernard 2021, p. 82-83, n. 4. 87  Guillaumin, Bernard 2021, p. 83, n. 6. 88  Guillaumin, Bernard 2021, p. 84, n. 9 : le nombre de

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Troisième Partie : Auteurs-sources et connaissance des espaces géographiques

Plus au sud, le cap Cempsicum est très probablement celui d’Espichel, dénommé Barbarion par Strabon (3.3.1) et Ptolémée89. On notera que ce toponyme a été mal lu par l’editio princeps et certains éditeurs : le texte donne Cepresicum, que Wernsdorf a proposé de restituer en Cempsicum pour des raisons métriques. L’erreur s’explique facilement par une mélecture d’abréviation : le tilde sur le ‘e’ abrégeant le ‘m’ s’est retrouvé déplacé sur le ‘p’ qui suit, lu comme l’abréviation ‘pre’. C’est donc bien un cap prenant son nom du peuple des Cempsi. L’île d’Achale située « au-dessous » (v. 183), c’est-à-dire au sud comme l’explicite A. Bertelot90, n’existe plus mais on a proposé de la situer à l’embouchure du fleuve Sado. Elle aurait été raccordée au continent par les alluvions charriées au long des siècles, limons dont on retrouve la trace dans la description d’Aviénus. Les v. 195-198 constituent une sorte de parenthèse pour nommer les peuples qui habitent Ophiussa  : les Cempsi et Saefes au sud, et les Lusi91 et Dragani au nord. Cette incise rappelle celle des v.  152-157, décrivant Ophiussa et ses habitants. La forme Dragani a été assimilée par A. Berthelot au latin draganum, dracanum, dérivé de draco (dragon)92. Cette forme est la translittération du grec δράκων signifiant serpent ou dragon, ce qui en fait un synonyme de ὄφις, à l’origine du nom Ophiussa. A.  Berthelot y voit le clan des Serpents93  ; on trouve toutefois dans l’Épitomé, peut-être d’après Artémidore, une ville ibérique Aderkôn, non localisée, qui présente la même racine ‘drk’. L’hypothèse d’un peuple Drakônoi/ Dragani assimilé au nom des serpents, ayant chassé les Œstrymnii, n’est donc peut-être pas totalement dénuée de fondement. La description de la côte se poursuit avec l’indication de l’île Pœtanion (île de Perceveira ou Pessegueiro ?)94, qui serait voisine du peuple des Saefes. Nous adoptons ici la correction de J.-B. Guillaumin plutôt que d’y voir un lieu Saefumum (qui pourrait correspondre à Sines jours de marche « est ici totalement sous-estimé ». 89  Guillaumin, Bernard 2021, p. 84-85, n. 12. 90  Berthelot 1934, p. 68. Voir Guillaumin, Bernard 2021, p. 85, n. 13. 91  A. Bertelot détaille le rapprochement avec les Lusitani (avec suffixe latin -tani) et avec les différentes mentions de Lucus comme toponyme (Bertelot 1934, p. 70). Voir également Guillaumin, Bernard 2021, p. 86-87, n. 5. 92  Berthelot 1934, p. 69. 93  Berthelot 1934, p. 69 ; Guillaumin, Bernard 2021, p. 87, n. 6. 94  Guillaumin, Bernard 2021, p. 88, n. 7.

selon Berthelot 95). Malgré tout, la description donne un contact entre le peuple des Cynetes et des Cempsi, ces derniers étant positionnés aussi au niveau du cap Cempsicum, ce qui ne laisse pas la possibilité de placer ici les Saefes. Il est possible que la lecture de Villalba i Varnera et de certains de ses prédécesseurs ne soit pas la bonne mais nous sommes dubitatifs pour y lire « ad zephyrum  »comme le propose A.  Berthelot dans sa traduction et nous n’avons pas d’autre suggestion 96. Aviénus mentionne ensuite le cap Cyneticum (cap de São Vicente) qui constitue la partie la plus avancée du Portugal dans l’Atlantique97. 2.3.2. Du cap Cyneticum au détroit de Gibraltar (v. 205-374) Jusqu’ici la description s’est faite en suivant strictement l’ordre géographique. Cela devient plus compliqué à partir du v. 205, avec la mention du fleuve Ana (et de la baie dans laquelle il se jette98) qui semble mal placée. Nous pensons qu’Aviénus a positionné ici la description du fleuve en tenant compte du lien qui était fait avec le peuple des Cynetes, dont il venait de parler99. En effet, il reprend ensuite, au v. 212, la description là où il l’avait laissée au v. 194 : il mentionne alors deux îles (dont l’une est appelée Agonis)100 qui peuvent être celles situées au contact du cap São Vicente puis le promontoire Sacra, d’ailleurs situé par rapport au fleuve Ana qu’il vient de décrire (à une journée de route)101. 95  Il nous semble que localiser cette île à Setúbal comme le fait Schulten serait contradictoire avec la position probable de l’île d’Achale. 96   Voir le point sur cette question dans Guillaumin, Bernard 2021, p. 87-89, n. 7. 97  Guillaumin, Bernard 2021, p. 90, n. 9. 98  Contrairement à L. Antonelli (Antonelli 1998, p. 163), nous ne pensons pas que la mention de la baie se rapporte à la partie située immédiatement après le cap de São Vicente puisque, nous allons le voir, la description reprend avec le cap Sacra. Voir Guillaumin, Bernard 2021, p. 10, n. 1. 99  Même interprétation dans Guillaumin, Bernard 2021, p. 90, n. 12 et González Ponce 1995, p. 150. 100  Il n’est pas certain en effet que les deux îles mentionnées à la suite doivent être absolument associées au fleuve. Elles peuvent trouver place à peu de distance du cap Cyneticum ; on en connaît en effet à proximité immédiate, ce qui les sortirait de cette incise et ferait reprendre le cours de la description au v. 212. Analyse des hypothèses dans Guillaumin, Bernard 2021, p. 91-92, n. 3. 101   Comme le fait remarquer A.  Berthelot, suivi par L.  Antonelli, cette indication suffit à assurer que les vers sont bien placés dans le texte d’Aviénus (Berthelot  1934, p.  74  ;

2. L’Ora maritima d’Aviénus Ce cap n’est pas celui de Trafalgar, qui sera mentionné plus loin sous la même dénomination, mais un autre situé à proximité immédiate du cap Cyneticum, celui de Santa María à Sagres 102. Pline l’Ancien (4.116) distingue bien les deux, ils ne peuvent donc pas être confondus ; Strabon (3.1.4) en donne une description précise en suivant ce qu’en dit Artémidore. Était-ce aussi clair dans l’esprit d’Aviénus ? La description de la côte se poursuit avec deux petites incises : v. 222-225 pour le rappel de la distance entre le fleuve et le promontoire Sacra, avec indication de la frontière entre les Cynetes et les Tartessiens ; et v. 249-253 sur l’origine du nom des Ibères. Le lieu suivant, le cap Zephyris, n’est pas directement positionnable ; il peut être sur la côte Algarve, dans ce cas il serait le cap de Lagos, voire Faro103. La montagne associée serait alors le mont Figo comme le proposait Schulten. Toutefois, Aviénus semble le situer plus près du détroit de Gibraltar si l’on suit les v. 238-239 : « Si quelque navire dépasse le pic Zephyris et s’enfonce sur les flots de notre mer ». Dans ce cas ce cap est très proche de la Méditerranée ; de plus le nom de zéphyr, vent d’ouest, pourrait s’appliquer à une côte sur laquelle souffle ce vent. Il s’agirait alors du massif situé sur la côte atlantique, juste avant le détroit. Le nom actuel de Zahara (de los Atunes) pourrait y trouver son étymologie104. Le cap serait celui de Bolonia et les pics mentionnés ceux de la Sierra de Plata (alt. 459 m) ou de la Loma de San Bartolomé (alt. 445 m). Nous pensons cependant qu’il a pu exister un simple cap Zephyris sur la côte Algarve, qu’Aviénus aurait assimilé à la montagne du même nom située près du détroit de Gibraltar ce qui expliquerait cette étrange digression.

287 La description revient ensuite en arrière (« rursus »)105, suivant le même procédé que l’on a vu avec le fleuve Ana, prouvant ainsi qu’Aviénus a conscience d’être allé plus avant. Ces incises dans une description suivie rendent difficile la localisation des toponymes qui ne sont pas connus par ailleurs. Nous pensons qu’Aviénus suit une source homogène et continue qui décrit l’ensemble des côtes entre le cap Aryium et le détroit de Gibraltar et qu’à certains moments il insère des informations provenant de sources différentes du fait d’une assimilation avec le nom des peuples ou d’un toponyme particulier. À chaque fois, il reprend sa description dans l’ordre de sa source première. Le cap suivant porte un temple consacré à la déesse Infernale (Proserpine) et est bordé par le marais d’Etrephaea106 situé immédiatement à l’est de celui-ci. Depuis Schulten, le nom est corrigé en Erebea, avec référence à Erebos qui est le lieu du règne des morts dans l’Odyssée (10.528)107. Il n’est pas certain que le nom soit mal orthographié chez Aviénus (nous pensons plutôt à une source particulière) mais il existe très probablement une identité entre Etrephaea, située à peu de distance de Tartessos et de l’endroit où vivait le mythique Géryon, et l’Erebos d’Homère108. La ville d’Herbus correspondrait à une transcription avec un accent rude d’un Ἕρ(ε)βος grec109. Cette ville fait l’objet d’une mention particulière puisqu’Aviénus en parle au passé et signale sa disparition. C’est probablement une incise provenant d’une source différente (que nous appellerons source no 2). Traditionnellement on voit dans le fleuve Hiberus l’un des deux fleuves rio Tinto ou Odiel110. Au-delà, l’île de 105 

Guillaumin, Bernard 2021 traduit par « de nouveau ». Ce nom a été transformé en Erebea, par référence à un lieu proche de Tartessos, en lien avec la légende d’Héraclès. Guillaumin, Bernard 2021, p. 95-96, n. 6. 107  Circé annonce à Ulysse qu’il devra aller à la maison d’Hadès et sacrifier un agneau et une brebis noire à Tiresias, leur tête tournée vers l’Erebos («  εἰς Ἔρεβος στρέψας  »). Voir Antonelli  1998, p. 165. 108  L. Antonelli signale avec justesse la mention du scholiaste d’Aristophane (Ran. sch.  765  = Souda τ  137, s.v.  Tartessos) qui décrit Tartessos comme « ville autour du lac d’Aornos, πόλις περὶ τὴν Ἄορνον λίμνην » (Antonelli 1998, p. 164 avec rappel de la bibliographie antérieure). 109   Guillaumin, Bernard  2021, p.  96, n.  7 y voit une inversion d’Hiberus. 110   Bertelot  1934, p.  77  ; Antonelli  1998, p.  165  ; Guillaumin, Bernard 2021, p. 96-97, n. 9. On peut se demander si ce fleuve ne correspondrait pas au fleuve Ana, seul grand fleuve dans cette partie à l’ouest du Guadalquivir puisque Aviénus n’a pas encore décrit Tartessos. Ceci expliquerait pourquoi Aviénus a inséré plus 106 

Antonelli  1998, p.  163). Voir Guillaumin, Bernard  2021, p. 91-92, n. 3. Nous associons ce toponyme à Saturne, contrairement à Guillaumin, Bernard 2021, p. 92, n. 4. 102  La non-perception de l’incise mal placée sur le fleuve Ana (sur laquelle nous allons revenir) a rendu incompréhensible la description qui suit à certains historiens modernes. Voir en dernier lieu Villalba i Varnera 1986, p. 83 sq. Schulten avait perçu cette difficulté et proposait de déplacer ces vers après le v. 240 ce qui n’est pas cohérent comme l’a montré A.  Berthelot. Le nom de Sagres reprend le nom antique. Comme le rappelle A.  Berthelot, Pline (4.116) distingue le cap Cuneus du cap Sacré. 103   Voir les différentes hypothèses dans Guillaumin, Bernard 2021, p. 93-94, n. 9. 104  On sait que le ‘f ’ latin s’est transformé en ‘h’ en espagnol. Une étymologie tirée de l’arabe voudrait y voir un lieu stérile, dérivant de Sahara, mais plusieurs toponymes identiques se retrouvent ailleurs, en particulier dans la Sierra Nevada sans rapport avec un désert.

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Troisième Partie : Auteurs-sources et connaissance des espaces géographiques

Cartare pourrait correspondre à la Punta Umbría avant qu’elle ne soit rattachée à la terre ferme ou une île dans la baie alors plus large entre ces fleuves et le Guadalquivir. Nous sommes ici assez proches du peuple des Cempsi, qui a pu effectivement avoir été chassé plus à l’ouest comme le signale Aviénus. De là, on voit un temple et, au loin, la « vieille » citadelle, qui ne peut être située, comme le montrent les v. 304 sq., que sur la partie comprise entre le Guadalquivir et le fleuve Guadalete qui aboutit à la baie de Gadir. Nous suivrons volontiers L. Antonelli qui fait de Gerontis arx une mauvaise lecture du grec γέρων, γέροντος (« vieux ») du fait d’une assimilation avec le mythique Géryon (Γηρυών, Γηρυόνος), qui vivait dans la zone de Tartessos111. Le mont Cassius serait placé selon nous avant le fleuve Tartessos112. C’est à la suite que vient la description du golfe de Tartessos et sa distance au fleuve Ana. Nous voyons une autre incise avec les v. 267-283 qui décrit Gades (Gadir) ici assimilée à Tartessos113. Elle est probablement de la main même d’Aviénus et témoigne de sa connaissance de cette ville, le texte laissant penser qu’il l’a visitée. La mention de sa gloire passée et de sa ruine actuelle s’apparente à un texte plus tardif (source no 2) comme on en trouve de temps en temps. Ensuite vient la description du fleuve également nommé Tartessos, issu probablement toujours de la même source descriptive. Il est possible que la mention du lac Ligustinus soit une insertion d’Aviénus114. En effet, la description se poursuit par haut la mention de ce fleuve : ne le trouvant pas dans sa source (car dénommé autrement), il l’aura placé en lien avec la mention du cap Cyneticum et du nom des Cynetes. Ainsi s’expliquerait également la mention de l’appartenance à Tartessos de la région orientale au-delà du fleuve Hiberus ; la frontière reste la même que celle mentionnée aux v.  223-224. Dans ce cas toutefois, l’ensemble rio Tinto/ rio Odiel ne serait pas mentionné. Or, cet espace géographique proche du fleuve Tartessos devait être assez important. Si on devait garder l’attribution traditionnelle, le cap et le marais seraient alors situés dans cette zone. Sinon, on pourrait les placer autour du rio Piedras qui a encore de nos jours des marécages à son embouchure, probablement beaucoup plus importants dans l’Antiquité. 111  Antonelli 1998, p. 166 ; Guillaumin, Bernard 2021, p. 99-101, n. 5 à 7. 112   Voir les références dans Guillaumin, Bernard  2021, p. 97-98, n. 3. 113  Cette assimilation se trouve déjà au début du texte (v. 85). En revanche, Denys le Périégète (v. 11, 65, 337 et 451) n’identifie pas les deux cités. Sur Gadir/Gadeira/Gades chez Aviénus et Denys le Périégète, voir Antonelli  1998, p.  24-33  ; Guillaumin, Bernard 2021, p. 102 sq. 114   Guillaumin, Bernard  2021, p.  106-107, n.  3 fait d’Aviénus l’inventeur de ce lacus Ligustinus, qui aurait été repris

« au-delà de l’étang » et non du lac, ce qui pourrait traduire une différence de source utilisée par Aviénus. La description reprend ensuite vers l’est, avec le mont Argentarius. Mentionné également par Strabon (3.2.10) et la notice Tartessos [211] de l’Épitomé, il pourrait correspondre à la Sierra Morena115. Ensuite se retrouve la mention du peuple des Etmanei, qui habite l’espace situé certainement autour de la vallée du Guadalquivir116. Les v. 301-303 font repartir la description vers l’ouest pour décrire très rapidement les peuples situés à la fois à l’intérieur des terres (les Ileates) jusqu’aux Cempsi à l’ouest et en bord de mer avec un peuple que les éditions nomment Cilbiceni. Pour ce dernier, il peut exister une mélecture du manus­crit avec ‘ci’ lu pour ‘o’. Nous verrons plus loin le même type d’erreur117 ; nous proposons donc de lire Olbiceni, c’est-à-dire les Olbusinoi d’Hérodore. On trouve ensuite la baie dominée par la « vieille » citadelle118, le fleuve qui aboutit à Gades (le Guadalete) et le mont des Tartesii, un des éléments de la chaîne de montagne proche de la mer. La description mentionne également l’île d’Erythia, qui n’est autre qu’une composante de Gades 119. On voit bien que la description de Gadir, incise d’Aviénus, est positionnée au mauvais endroit dans le texte et aurait dû prendre place ici. L’erreur est due à l’assimilation qu’il fait entre Tartessos et Gades. Plus à l’est, on trouve une plage de sable avec deux fleuves, appelés Besilus et Cilbus, que nous corrigeons également en Olbus. Le premier correspond au Barbate et le second au Salado de Conil ou, moins probablement, au río del Cachón120. C’est le fleuve ayant sans doute donné son nom au peuple des Olbiceni. Au-delà, la description de l’Herma grec est effectivement celle du détroit de Gibraltar, avec deux parois

ensuite par Stéphane de Byzance. Nous ne partageons pas cette hypothèse. 115  Berthelot  1934, p.  86. Pour Guillaumin, Bernard 2021, p. 108, n. 6, il s’agit d’une simple évocation poétique, de ce fait non identifiable. 116  Guillaumin, Bernard 2021, p. 109, n. 9. 117  Cf. p. 293, Ororus lu Cinorus (avec en plus une mélecture du r lu n). 118  L. Antonelli analyse de façon détaillée toute cette descrip­ tion et propose une localisation au nord de la baie de Cádiz, dont la configuration était très différente dans l’Antiquité (Antonelli  1998, p.  170-171). Le texte d’Aviénus place l’île d’Erythia à 5 stades de la citadelle (soit environ 800 m). 119   Voir fiche [85] et Antonelli  1998, p.  171-172. Guillaumin, Bernard 2021, p. 110-111, n. 2. 120  Guillaumin, Bernard 2021, p. 14, n. 9.

2. L’Ora maritima d’Aviénus rocheuses protégeant les côtes121. Le cap Sacrum qui le précède est ici le cap de Tarifa122. Aviénus fait alors un long développé sur le détroit, explicitement rattaché à Euctémon (v. 333-369)123. Au sein du texte provenant de cette source, nous voyons une incise d’Aviénus aux v. 341-349 sur le nom des deux promontoires. Son texte est suivi de deux mentions de Damastès et de Scylax de Caryanda. 2.3.3. Du détroit de Gibraltar au cap de la Nao (v. 375-471) On trouve ensuite un texte issu probablement entièrement d’Himilcon (v. 375-415), mentionnant les villes phénico-puniques de cette zone, ainsi que la description de la navigation sur l’Océan. L’ensemble est très proche de ce qu’on lit pour la partie atlantique, au début du poème. On trouve une autre incise d’Aviénus, aux v. 390-403, à l’intérieur de ce second texte. La description reprend à partir du détroit, selon les mêmes principes d’informations que précédemment ; toutefois certaines différences sont à noter. Tout d’abord, nous avons beaucoup moins d’indication des durées de navigation (v. 562-565 et 699 seulement). Par ailleurs, on trouve désormais de manière très régulière des indications au passé sur les villes détruites et les territoires abandonnés (caractéristiques de la source no 2). Enfin, la description est beaucoup plus espacée d’un point de vue géographique. Il n’existe ainsi aucune description de la baie de Gibraltar ni des cités qui la borde. On passe directement au fleuve Chrysus, qui correspond probablement au Guadiaro (qui coule à une quinzaine de kilomètres au nord-est du rocher de Gibraltar124), avant la mention du cap Barbetium situé sans doute à Punta Chullera125. Une incise (v.  420-424) indique le nom de quatre peuples présents dans cette partie de la péninsule ibé121 

Guillaumin, Bernard 2021, p. 113-114, n. 10-11. A. Berthelot se trompe en l’assimilant au cap Sacra précédent (Berthelot  1934, p.  89). Voir Guillaumin, Bernard  2021, p. 113-114, n. 10. 123  Antonelli  1998, p.  172-173. L’île de la Lune est sans doute l’îlot de Tarifa (Berthelot  1934, p.  90). Nous ne nous étendrons pas sur cette partie de l’œuvre d’Aviénus. Guillaumin, Bernard 2021, p. 118-119, n. 11. 124  L. Antonelli pense que le cours d’eau était plus proche du détroit (Antonelli 1998, p. 176). Guillaumin, Bernard 2021, p. 125, n. 9. 125  Guillaumin, Bernard 2021, p. 126, n. 13 le positionne beaucoup, plus à l’est, à Punta de Calaburras, entre Marbella et Malaga. 122 

289 rique, selon un éventail large : les Libyphéniciens (présents certainement sur toute la côte méridionale avec les cités phénico-puniques)126, les Massieni (les Mastiênoi d’Hécatée), les Selbyssini (autre forme des Cilbiceni/ Olbiceni mentionnés au v. 303) et les Tartessii. Ces derniers sont limités par le golfe Calacticus, qui tire son nom selon nous de la ville de Kalathê127. Selon notre hypothèse (voir fiche [114]), cette cité serait la Carteia des Romains. Il s’agirait donc de la baie de Gibraltar, qui matérialiserait la frontière orientale du royaume de Tartessos. La mention des Selbyssini montre un changement de source au moins pour cette incise, avec un territoire pour ce peuple qui semble les situer plus à l’est que précédemment. La description passe ensuite directement à Malacha (actuelle Málaga) et Menace, deux villes dont on a vu qu’elles pouvaient n’en former qu’une seule (voir fiches [142] et [143]), ainsi que le fleuve associé (le Vélez ?)128. Face à la ville, une île avec un port et un étang est décrite comme placée sous la juridiction de Tartessos. De nos jours, elle est rattachée à la ville en formant le môle oriental du port129. À l’intérieur des terres, le mont Silurus correspond au prolongement occidental de la Sierra Nevada (appelé par Pline 3.6, Solorius)130. Au-delà, vers l’est, se trouve un grand rocher pénétrant dans la mer difficile à localiser131. Il pourrait correspondre à La Herradura ou à la partie rocheuse de la côte à La Chucha. D’autres le localisent beaucoup plus à l’est, près d’Almería 132. Suivant la localisation de ce rocher, on placera le cap de Vénus soit à Almuñecar soit au bout du golfe d’Almería, qui a la préférence des érudits133. Les vers suivants (438-448) indiquent à plusieurs reprises le fait qu’existaient ici des cités, nombreuses et en partie phéniciennes 134, qui ont disparu et des 126 

Guillaumin, Bernard 2021, p. 125-126, n. 10. y voit la traduction du grec Καλὴ Ἀκτή (Antonelli 1998, p. 176). Traditionnellement, on l’assimile à la baie d’Huelva. Guillaumin, Bernard 2021, p. 18, n. 12. 128  Guillaumin, Bernard 2021, p. 126-130, n. 14 et 3. 129  Berthelot 1934, p. 98. 130  Guillaumin, Bernard 2021, p. 130, n. 4. 131  Guillaumin, Bernard 2021, p. 19, n. 5. Le nom grec qui lui est associé doit être Pituous ou Pituoussa. 132  Antonelli 1998, p. 177-178. 133  Guillaumin, Bernard 2021, p. 130, n. 7 le localise à cet endroit, au Cabo de Gata. 134   C’est ici entre autres que se trouvaient les villes d’Abdêra [1], de Mainobôra [141] et de Sixos [202]. Guillaumin, Bernard 2021, p. 130-131, n. 8. 127   L.  Antonelli

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Troisième Partie : Auteurs-sources et connaissance des espaces géographiques

champs désormais sans culture (caractéristique de notre source no 2). La suite de la description se place probablement au niveau de la future Carthagène. On trouve ici un port qui s’appellerait Namnatius selon certains135. Nous préférons la lecture d’Unger « Nam notius »ce qui amène la traduction : « De là un port dirigé vers le sud est creusé près de la ville des Massieni ». Cette ville, appelée Massiena, serait donc à l’emplacement de Carthagène, au fond de la baie ; elle est la probable Mastia [146] de Polybe. À la suite se trouve le cap Traete (actuel cap de Palos)136 et, à peu de distance, l’île Strongyla (île Grosa)137. Un large marais s’étend à partir de la limite de l’île. Il s’agit probablement de la Mar menor (appelée λιμνηθάλασσα par Strabon 3.4.6), plutôt que des lagunes situées autour de Torrevieja138. Le fleuve Theodorus (Tader chez Pline 3.4.2 et Taberos chez Ptolémée, Geogr. 2.6.4) est l’actuel Segura qui se jette dans la mer entre Torrevieja et Santa Pola 139. On trouve ensuite les «  plages du littoral  » (entre l’embouchure du Segura et le cap de La Nau) et trois îles qui sont probablement La Plana, Benidorm et Estacio ou Ifac (aujourd’hui réunie au continent)140. Aux vers 462-463, apparaît la limite ancienne du royaume de Tartessos, avec la mention de la ville inconnue de Herna141. Est-ce un ajout dû à Aviénus ? Un autre vers (464) mentionnant le peuple des Gymnetes, qui devrait se rapporter à la description des Baléares qui suit aux v. 467-471, est peut-être mal placé ici comme le proposait Schulten. P. Villalba i Varnera y voit une localisation de ce peuple également sur la côte espagnole, entre les fleuves Segura et Júcar, le fleuve canus (?) mentionné au v. 469 142. Ce fleuve (voir

Antonelli 1998, p. 179 ; c’est le choix aussi d’A. Berthelot (Berthelot 1934, p. 99) et de la récente traduction Guillaumin, Bernard 2021, p. 132-133, n. 13. 136  Pline (3.19) l’appelle cap de Saturne et Ptolémée (Geogr. 2.6.14) Skombraria. 137  Guillaumin, Bernard 2021, p. 133, n. 1. 138  Guillaumin, Bernard 2021, p. 133, n. 2. 139  Guillaumin, Bernard 2021, p. 133, n. 3. 140  Guillaumin, Bernard 2021, p. 134, n. 5. 141  L. Antonelli propose une localisation autour du cap de la Nao et dresse l’inventaire des sites archéologiques qui pourraient s’y rapporter (Antonelli 1998, p. 179-180). Pour A. Berthelot, elle est la dernière cité des Massieni (Berthelot 1934, p. 100). Guillaumin, Bernard 2021, p. 20, n. 7. 142  Villalba i Varnera 1986 p. 95, n. 143 ; Guillaumin, Bernard 2021, p. 135-136, n. 8 et 10.

fiche [201]) marquerait la délimitation entre les territoires dépendant de Tartessos et ceux des Ibères143. Aviénus mentionne ensuite le fleuve Alebus, qui correspond au Vinalopó, fleuve qui se jette dans les salines de Santa Pola144. Il décrit alors les Baléares qui sont au large du cap de la Nao : île Gymnesia d’abord (Ibiza) puis les îles Pituoussai (Majorque et Minorque)145. 2.3.4. Du cap de la Nao aux Pyrénées (v. 472-552) Aviénus passe ensuite à la description du pays des Ibères, jusqu’aux Pyrénées, avec d’abord la ville d’Ilerda (située sur la côte  ? voir fiche [104]) puis des plages stériles. On trouve ensuite la ville d’Hermeroscopium, localisée à Denia (voir fiche [92])146 puis la ville de Sicana proche du fleuve du même nom, que Schulten localisait à Cullera, au sud de Valence147 (voir fiche [200]). Le fleuve Tyrius serait l’actuel Turia/Guadalaviar qui traverse Valence148. A. Berthelot fait remarquer qu’à partir de ce passage, Aviénus mentionne des géonymes à l’intérieur des terres. Ainsi, la jonction des deux fleuves Sicanus et Tyrius n’est pas le long des côtes, même si la ville de Tyris semble être plutôt située à son embouchure, correspondant alors à l’actuelle Valence. Quoiqu’il en soit, Aviénus l’indique explicitement immédiatement après lorsqu’il décrit le peuple des Berybraces dont la localisation diffère de celle que l’on connait par ailleurs (voir fiche [46])149. La description se poursuit en revenant sur la côte avec le cap de Crabrasia, probablement l’actuelle Orpesa150, prolongé par des littoraux nus jusqu’à (C)herronesus qui peut correspondre à la ville du même nom mentionnée par Strabon (3.4.6) entre Sagonte et l’Èbre. Le nom même signifiant « presqu’île » s’applique idéalement à Peñiscola, située sur cette partie de la côte ibérique151. Nous ne savons pas où situer le marais appelé Naccara,

135 

143 

Antonelli 1998, p. 180. Guillaumin, Bernard 2021, p. 135, n. 8. 145  Guillaumin, Bernard 2021, p. 135-137, n. 9 et 11-12. 146  Guillaumin, Bernard 2021, p. 137-139, n. 15. 147   Antonelli  1998, p.  181-182  ; Guillaumin, Bernard 2021, p. 139, n. 1 et 3. 148  Antonelli 1998, p. 182 ; Berthelot 1934, p. 105-106. 149  Guillaumin, Bernard 2021, p. 140, n. 5. 150   Berthelot  1994, p.  106  ; Antonelli  1998, p.  182. Pour Schulten, c’est à l’emplacement de Sagonte. Guillaumin, Bernard 2021, p. 140, n. 8. 151   A.  Berthelot y voit la presqu’île du delta de l’Èbre (Berthelot 1934, p. 106). Guillaumin, Bernard 2021, p. 140, n. 9 préfère l’assimiler à la ville de Strabon. 144 

2. L’Ora maritima d’Aviénus qui s’étale « au large » de ces endroits et contient un îlot à l’intérieur. Il semble difficile de s’éloigner trop en les localisant au sud de Valence comme le propose Schulten152. Quant aux cités mentionnées par Aviénus dans cette zone, elles sont toutes inconnues : Hylactes, Hystra, Sarna153. Hylactes pourrait correspondre au grec ὑλαῖα ἀκτή soit « la côte boisée ». La plus célèbre d’entre elles selon Aviénus, Tyrichae, pourrait être assimilée à la Tyris précédemment citée comme le propose P. Jacob154. Mais l’indication de l’auteur la donne proche de l’Èbre ; Schulten, suivi par la plupart des érudits, propose de la voir à Tortosa ce qui aurait l’avantage de bien la positionner et pourrait expliquer sa richesse : elle est proche du rivage et au contact du fleuve155. Le nom peut remonter au grec *Τυρικαὶ (plutôt que Τυριχαὶ, de la même manière qu’Aviénus écrit Malachae pour Μαλάκα) si l’on suit la proposition de M. J. Pena156. Il est plus délicat en revanche de souscrire pleinement au lien avec la ville 152   Voir

l’argumentation dans Antonelli  1998, p.  182. Guillaumin, Bernard 2021, p. 140-141, n. 10 propose le marais de Prat de Cabanes-Torreblanca. 153   L’ensemble de ces cités semble avoir disparu ensuite. Sur la position et l’identification de ces noms, voir Garcia i Rubert 2008, p. 83-84 et 102 qui les met en relation avec des sites archéologiques positionnés entre le riu Sec et le riu Sénia. J. M. Pena montre bien l’approximation des formes grecques par rapport aux toponymes réels : Sikanê/Sucro, Theodorus/Tader … (Pena 1989, p. 12 et 2002) ; il est donc probable, comme l’a largement démontré P.  Moret, que les noms donnés par les Grecs soient calqués sur ceux qu’ils connaissaient en Méditerranée orientale et n’aient pas une correspondance exacte avec les noms réels. Guillaumin, Bernard 2021, p. 141, n. 12 rappelle que pour Sarna, K. Müller proposait de l’identifier avec Sigarra, mentionnée par Ptolémée (Geogr. 2.6.63) et suggérait de lire Sarra. Cette correction est tout à fait compatible avec ce que l’on observe dans l’édition princeps. 154  Jacob 1985, p. 259, n. 11. 155  D.  Garcia i Rubert l’identifie à un établissement fouillé au nord du riu Sénia, Sant Jaume du fait de la richesse du mobilier retrouvé et de sa datation (1e moitié du vie s. av. J.-C.) (Garcia i Rubert 2008, p. 94-96 et 102). Mais l’établissement en question, fortifié, ne fait que 600 m² de surface ce qui semble bien faible pour correspondre à la description. Précédemment, L.  Pérez Vilatela proposait le site du Puig de la Nau de Benicarló (Pérez Vilatela  1994a, p.  232). Guillaumin, Bernard  2021, p. 141-142, n. 13. 156   Pena  1989, p.  13-14. Elle met aussi en relation cette restitution avec la mention d’une œuvre de Posidonios d’Olbia, sophiste et historien selon la Souda (π 2109 Adler) : Περὶ τῆς Τυρικῆς καλουμένης χώρας (Sur le pays appelé Turikê), qui doit concerner la chôra de la ville phénicienne de Tyr. Nous ne savons rien de cette œuvre, ni même de son auteur. On notera que la notice attribue au même Posidonios l’ouvrage Περὶ τοῦ Ὠκεανοῦ καὶ τῶν κατ’ αὐτόν, qui est en fait du philosophe et historien Posidonios d’Apamée.

291 de Tyr mais il est clair que cette région a plusieurs toponymes en rapport avec la forme Tyros157. Le mont Sacré 158 est probablement la Serres de Cardo-el Boix/Tossal de Montagut et le fleuve voisin Oleus un des fleuves côtiers de la plaine adjacente159. Au-delà, le mont Sellus pourrait être le Molló Puntaire situé au bord de la mer et culminant à 728 m160. La cité de Lebedontia qui s’adosse à ce mont n’est pas connue par ailleurs161 ; l’indication de sa présence passée fait partie de la source no 2. On trouve ensuite les plages très étendues qui vont selon nous jusqu’à Tarragone162. On y trouvait deux cités, Salauris (Salou ?)163 et Callipolis164. Cette dernière, particulièrement importante au vu de la description qu’en fait Aviénus, pourrait correspondre à Tarragone, même si cette ville est mentionnée ensuite : les deux suivantes sont Tarraco (Tarragone) et Barcilo (Barcelone). Or cette mention, tous les auteurs l’on dit, ne peut se concevoir dans un périple ancien : Tarraco a été fondée par Cn. Cornelius Scipio Calvus et Barcilo sous Auguste165. Le peuple des Indigetes (voir fiche [106]) est mentionné à la suite, il est situé en partie à l’intérieur des terres et jusqu’à la côte ampuritaine. Le cap Celebandicus pourrait être n’importe où sur la côte rocheuse entre Blanes 157   À l’autre bout de l’Europe, le Dniestr s’appelle dans l’Antiquité Τύρας ou Τύρης, comme la ville qui se trouve à son embouchure d’après Hérodote (4.11) et dont les habitants sont les Τυρῖται. 158  P. Villalba i Varnera lit mons acer plutôt que sacer comme le propose Schulten (Villalba i Varnera 1986, p. 98 n. 161). A. Berthelot lit acer pour ensuite parler de mont Sacré dans son commentaire. Nous gardons la proposition de Guillaumin, Bernard 2021, p. 22, n. 1. 159  Il s’agit très probablement du riu Llastres ; on le mettra en relation avec la mention de Strabon (3.4.6) sous la forme Oleastron ainsi qu’avec la mansio Oleastrum de l’Itinéraire d’Antonin (399, 2). Voir Garcia i Rubert 2008, p. 85 ; Guillaumin, Bernard 2021, p. 140-141, n. 2. 160  Pour A. Berthelot, il s’agit du massif du cap Blanes, situé beaucoup plus au nord (Berthelot 1934, p. 107). 161   A .  Berthelot la situe aux environs de Tarragone (Berthelot  1934, p.  107), ce qui n’est pas cohérent avec son identification du mont Sellus. Le parallèle a été fait avec la ville grecque de Lébedos. Guillaumin, Bernard 2021, p. 143, n. 3. 162  C’est également la proposition de Schulten. 163  Guillaumin, Bernard 2021, p. 22, n. 4. 164  Guillaumin, Bernard 2021, p. 143, n. 5. 165  Berthelot 1934, p. 107, Antonelli 1998, p. 184. On ne retrouve pas dans le texte d’Aviénus de mention comportant le nom indigène transmis par Polybe (Kissa) ou Tite-Live (Cissis). Guillaumin, Bernard 2021, p. 143, n. 6.

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Troisième Partie : Auteurs-sources et connaissance des espaces géographiques

et Begur ; Schulten choisissait cette dernière, Berthelot le cap Tossa (le Lounarion de Ptolémée, Geogr. 2.6.18)166. Le nom de la cité suivante, Cypsela a été rapproché de celui de Sant Feliu de Guixols, sur la côte entre Blanes et Begur167. Les indications d’Aviénus en font une ville côtière, semble-t-il assez proche du cap Celebandicus. Le port qui « s’ouvre en un très grand golfe et la mer courbe s’enfonce largement dans la terre  » correspond assez bien à la baie dans laquelle se jette le fleuve Ter. La dernière partie avant les Pyrénées correspond à une anse protégée des vents : le golfe de Roses, délimitée au sud par le mont Malodes et au nord par une hauteur rocheuse qui en assure la protection (mont Tononita)168. Les derniers éléments de la description restent difficiles à localiser. On y voit généralement la partie nord de la baie de Roses avec l’étang de Tonus, traversé par le fleuve Anystus (la Muga)169. Les différents peuples qui vivent de part et d’autre du massif des Pyrénées sont décrits : Ceretes, Ausoceretes et Sordi.

2.4. Au nord des Pyrénées (v. 552-713) Passées les Pyrénées, la description suit la côte languedocienne, en s’enfonçant parfois un peu à l’intérieur des terres. Aviénus fait un excursus assez détaillé sur le Rhône, depuis sa source jusqu’à son embouchure avant de repartir vers l’est jusqu’à Marseille, dont la description occupe les derniers vers conservés. 2.4.1. Des Pyrénées au Rhône (v. 552-625) La relecture de l’Ora maritima avec l’éclairage que nous venons de donner permet de mieux comprendre le texte pour la partie languedocienne, même si la description des côtes diffère par endroit assez largement de celle que l’on connaît de nos jours. Tout d’abord se pose la question de l’assimilation de la ville de Pyrênê (v. 562) avec la cité où les Massaliètes venaient commercer (v. 559-561). L. Antonelli, suivi par J. M. Pena, propose d’y voir Emporion170. L’absence 166 

Guillaumin, Bernard 2021, p. 143-144, n. 8. Guillaumin, Bernard  2021, p.  144, n.  2 fait état de nombreuses hypothèses, dont celle d’un emplacement sur le site d’Emporion. 168  Guillaumin, Bernard 2021, p. 145, n. 7. 169  Villalba i Varnera 1986, p. 101 n. 176-177. On a fait le lien avec le grec ἀνυστός et la signification de rivière praticable/ utilisable (Pena 2002, p. 26 suivant Jacob 1985). Guillaumin, Bernard 2021, p. 146, n. 10. 170  Antonelli 1998, p. 186 ; Pena 2002, p. 35-36. Il nous 167  

de nom pour cette ville renverrait bien à la vocation de simple comptoir d’échange des premiers temps 171. La source d’Aviénus ne devait pas préciser de quel côté des Pyrénées il se trouvait ce qui explique l’imprécision de notre auteur. Il faut selon nous la distinguer de la ville de Pyrênê, que nous assimilerons à Collioures plutôt qu’à Elne172. On trouve ensuite la mention de deux fleuves, Roscynus et Sordus, qui correspondent respectivement au Têt173 et à l’Agly174. Les plages du Roussillon sont rattachées aux Cynetici dans toutes les éditions. Il nous semble possible qu’une erreur de copiste ait remplacé une forme Ceretici par Cynetici175 ; on est ici en Cerdagne, qui tire son nom des Ceretes. C’est au débouché de l’Agly qu’Aviénus place un étang (jouxté d’un marais) qui correspond peut-être à un ancien étang situé à l’emplacement de Saint-Laurent-de-laSalanque 176. Il manque ensuite deux lignes qui selon nous mentionnaient le cap Leucate (sous la forme de semble toutefois nécessaire de distinguer les deux et de garder la probable ville de Pyrênê, même si celle-ci reste largement hypothétique. L’approche géomorphologique renforce cette identification ; voir Julià et al. 2015 et en particulier la carte de la p. 39. Le tracé de la côte n’a pratiquement pas changé. 171  Rouillard et al. 2015, p. 202. 172  P. Villalba i Varnera y voit deux cités : la première, celle qui est dite riche, serait Illiberis « ou mieux Agde » (?) tandis que la seconde serait la « nouvelle cité » (traduction d’Illiberis) dont le nom sera remplacé par l’empereur Constantin par celui de sa mère Helena (actuelle Elne) (Villalba i Varnera 1986, p. 101-102, n. 180-181). Schulten l’assimile avec une cité ayant précédé Rosas, A.  Berthelot y voit le port d’Elne, à Saint-Cyprien sur l’étang de Saint-Nazaire (Berthelot  1934, p.  112). Guillaumin, Bernard 2021, p. 147-148, n. 5 rejette l’idée d’une cité de ce nom pour ne garder que la chaîne de montagne. Nous ne le suivrons pas. 173  Ropiot 2003, p. 91-94. Le nom de Roscynus trouve une correspondance avec Polybe (34.10), mentionné par Athénée (8.332a)  : Roskynos. Nous préférons de ce fait garder la forme Roscynus plutôt que Roschinus comme l’emploie Guillaumin, Bernard 2021 (voir p. 149, n. 8). 174  Ropiot 2003, p. 86-91 et 2015, p. 48-55. L’Agly est appelé Vernodubrum par Pline l’Ancien (3.32), par assimilation avec le nom d’un de ses affluents, le Verdouble. 175  On trouve à plusieurs reprises une mauvaise lecture de ‘r’ par un ‘n’. 176  A. Berthelot, comme P. Villalba i Varnera, y voit l’étang de Salses ou de Leucate. Or, le texte est clair, le fleuve traverse l’étang. Pour V. Ropiot, le fleuve aurait pu avoir deux bras, l’un au nord débouchant anciennement dans l’étang de Salses en dérivant du côté de Saint-Hippolyte, tandis que le bras méridional passerait par Torreilles (Ropiot 2003, p. 88). Guillaumin, Bernard 2021, p. 24, n. 10.

2. L’Ora maritima d’Aviénus Candidus comme l’indique le v.  602) qui marquait une séparation au sein d’un littoral « profondément découpé » (v. 578)177 à l’intérieur duquel se dressaient trois grandes îles. Selon nous ces îles se plaçaient au contact de l’étang de Leucate, à une époque où celui-ci était encore ouvert sur la mer178. Le golfe qui suit (v. 583) se trouve de l’autre côté du cap Leucate. C’est là que l’on rencontre les quatre îles Piplas, au contact de l’étang de Narbonne. La principale d’entre elles est certainement La Clape, les autres celles de Saint-Martin, Sainte-Lucie et Gruissan179. On ne peut imaginer que les trois îles se rapportent à la région de Narbonne, elles sont situées bien avant. En revanche, les îles dites Piplas sont directement en lien avec les Elisyci et le fleuve Attagus. Naro (v. 587), ancienne cité peutêtre à l’emplacement de Montlaurès est alors un peu à l’intérieur des terres. Capitale du peuple des Elisyci, elle est proche du fleuve Attagus (v. 589) qui correspond à l’Aude actuel180. Plus au nord, le marais Helice (v. 590) est l’étang de Vendres ou, moins certainement, celui de Capestang situé à 20 km à l’intérieur des terres181. Il sépare le cours de l’Aude de la zone où se trouvait Besara (Béziers), ville signalée ensuite comme détruite182. Aviénus mentionne ici les fleuves Heledus et Orobus (v. 592-594) qui « passent à travers des champs abandonnés et des monceaux de ruines ». Bien évidemment, le « aujourd’hui » d’Aviénus ne peut pas se rapporter à son époque puisque Béziers était alors une ville prospère, toujours intacte.

177  On restitue habituellement la fin de la lacune par «  est profondément découpé ». Nous proposons plutôt «  est profondément découpé  », ce qui permet de positionner les trois îles au niveau de l’étang de Leucate. Guillaumin, Bernard 2021, p. 149, n. 2. 178  Ces îles ainsi que que les quatre suivantes ont posé beaucoup de problèmes aux exégètes du texte. P. Villalba i Varnera (Villalba i Varnera 1986, p. 103, n. 186-187) y voit des îles dans l’actuel étang de l’Aryolle (îles Clape, Saint-Martin et Sainte-Lucie), tandis que les quatre suivantes seraient celles de l’Aute, Planasse, Soulier et Oulous. Guillaumin, Bernard 2021, p. 149-150, n. 4 reprend cette proposition que nous ne suivons pas. Pour l’ouverture sur la mer de l’étang de Salses et Leucate, voir Ropiot 2015, p. 54. 179  Pour A. Berthelot, il s’agit de Sainte-Lucie, l’Aute, Planasse et Oulous (Berthelot 1934, p. 121). Guillaumin, Bernard 2021, p. 150-151, n. 6 suit cette hypothèse. 180  Guillaumin, Bernard 2021, p. 151, n. 7-8. 181  Berthelot 1934, p. 122 ; Guillaumin, Bernard 2021, p. 151-152, n. 10. 182  Guillaumin, Bernard 2021, p. 152, n. 11.

293 L’Orobus est l’Orb183 ; le second fleuve, l’Heledus, est certainement le Lirou184. On arrive ensuite aux abords d’Agde avec le fleuve Thyrius (v.  595), le Libron plutôt que l’Hérault185 et le cours d’eau appelé Cinorus (v.  596) dans l’édition princeps, qui serait normalement l’Hérault186. Nous pensons que le nom a été mal transcrit puisque nous sommes ici dans une zone de lacune du manus­crit original ; en particulier, le ‘r’ peut avoir été lu ‘n’ comme on le trouve à plusieurs reprises, le groupe ‘ci’ étant alors une lecture de ‘o’187 ce qui permettrait de restituer Ororus, très proche du nom traditionnel du fleuve. Agde devait être décrite dans la lacune des vers 597-598 188. L’indication sur le calme d’une étendue d’eau qui n’est pas la mer se rapporte très probablement à un étang ou une lagune qui peut être selon nous l’étang de Thau situé immédiatement à l’est, et que l’on peut mettre en correspondance avec le limnê ligustia placé par Philon au contact d’Agde (voir fiche [2]). L’éminence de la montagne Saint-Loup, en arrière du cap d’Agde, est mentionnée à la suite, en précisant qu’elle vient fermer la large baie au nord du cap Leucate ; la mention de l’île Blasco (v. 603, actuel îlot Brescou) est cohérente189. Les plages de sable qui suivent impliquent un lido déjà constitué, bordé par le mont Setyus (v.  608) où se trouve la ville actuelle de Sète190, et l’étang Taurus (v. 610), actuel étang de Thau. L’Oranus est mentionné 183  Ropiot 2003, p. 79-86 et 2015, p. 32-38. Strabon (4.1.6) et Pomponius Mela (2.80) l’appellent Orbis, Ptolémée (Geogr. 2.10) Orobis. Guillaumin, Bernard 2021, p. 152-153, n. 13. 184 Cf. Ropiot 2003, p. 79. On trouve certainement le nom de ce fleuve sous la forme Liria chez Pline l’Ancien (3.32) même si ce dernier désigne probablement l’Orb, par confusion d’hydronyme avec son affluent. Le Lirou et l’Orb sont bien les deux fleuves près de Béziers, y compris dans l’Antiquité. Guillaumin, Bernard 2021, p. 153, n. 1. 185  A. Berthelot l’identifie avec le Libron, L. Antonelli avec l’Hérault (Berthelot 1934, p. 122 ; Antonelli 1998, p. 189). 186  Strabon (4.1.6), comme Pomponius Mela (2.80) et Ptolémée (Geogr. 2.10.2), l’appelle Arauris (mais les manus­crits ont Rhauraris). Voir Ropiot 2015, p. 28-32. Guillaumin, Bernard 2021, p. 154, n. 4 doute d’y voir le nom d’un fleuve. 187  Cf. par exemple « pare » lu « parci » (v. 29), où ‘ci’ équivaut à une lettre ronde. 188  On ne peut pas suivre L. Antonelli qui en déduit qu’Agde n’existait pas dans la description qui a servi de source à Aviénus (Antonelli 1998, p. 189). 189  Guillaumin, Bernard 2021, p. 155, n. 6. 190   Mont Saint-Clair, alt. 180  m. Voir Antonelli  1998, p. 189 ; Villalba i Varnera 1986, p. 104 n. 199. Guillaumin, Bernard 2021, p. 155-156, n. 8.

294

Troisième Partie : Auteurs-sources et connaissance des espaces géographiques

dans l’édition princeps comme le fleuve séparant la terre des Ibères des Ligyens (v.  612). Cette délimitation a depuis longtemps attiré l’attention, sans que l’on puisse bien comprendre à quel auteur la rattacher, ni de quel fleuve il s’agit. A. Bertelot y voit une mention du Rhône (Rhodanus)191 mais on est loin de son cours ; il signale également plusieurs cours d’eau appelés Rhony, ce qui serait déjà plus plausible mais ne résout pas réellement cette notion de frontière. Nous pensons qu’Orani est une mauvaise lecture d’Orori (en écriture minuscule) dans le manus­crit d’Aviénus, ce qui se rapporterait au fleuve Hérault qui est effectivement à proximité de l’étang192. Il serait un candidat plus crédible à ce rôle de frontière entre Ibères et Ligyens. Dans ce cas, Polygium pourrait être Bessan193, le long du fleuve, et les habitats successifs seraient positionnés le long des différents étangs : le bourg de Mansa qui correspondrait à Mèze ; la ville de Naustalo, peut-être à Magalo (Maguelonne) suivant A. Berthelot194 ou bien à Balaruc-les-Bains ce qui a notre préférence ; et une ville dont le nom a disparu mais qui pourrait être Lattes si l’on suit l’ordre géographique195. La lacune qui suit devait comprendre la description des étangs jusqu’au fleuve Classius que l’on ne peut pas identifier d’après son seul nom. Il pourrait correspondre au Vidourle196 qui serait le plus proche des premières hauteurs d’une chaîne de montagne qui se développe beaucoup plus au nord, les Cévennes, et qui est rapidement décrite aux vers 622-625197. 2.4.2. Le Rhône (v. 625-698) S’ensuit alors une longue digression sur le Rhône, depuis sa source jusqu’à son embouchure198. En parlant de la mon­ tagne qui borde la source, appelée Colonne du Soleil199, 191 

Berthelot 1934, p. 123. C’est le seul fleuve à proximité de l’étang de Thau. Le Lez est situé plus à l’est, après d’autres étangs qui devaient être mentionnés dans la lacune des vers 617-620. Guillaumin, Bernard  2021, p.  156-157, n.  10 y voit également l’Hérault et corrige le texte également en ce sens. 193  Guillaumin, Bernard 2021, p. 26, n. 13, propose plutôt Balaruc-les-Bains, mais pour nous ce lieu est trop à l’est. 194  Berthelot 1934, p. 123. 195   Voir les autres interprétations chez Guillaumin, Bernard 2021, p. 26, n. 13, p. 27, n. 1 et p. 158, n. 2. 196  Guillaumin, Bernard 2021, p. 158-159, n. 4. 197  Guillaumin, Bernard 2021, p. 159-160, n. 5. 198  Guillaumin, Bernard 2021, p. lxiii-lxv. 199  P. Villalba i Varnera fait le lien avec la mention du scholiaste de Denys le Périégète (schol. vet., sch. 290) : ὁ δὲ Ἠριδανὸς ἐξ ὄρους 192 

Aviénus fait une longue incise (v. 651-673) qui lui donne l’occasion de parler du soleil suivant un point de vue philosophique et astronomique. À partir du v. 674, la description reprend avec une détermination précise des lieux et des peuples que le fleuve traverse200. Les Tylagii sont peut-être les Tulingi de Jules César (B.  G. 1.5.4, 25, 28-29), alliés des Helvètes ; il est possible qu’une abréviation pour le ‘n’ n’ait pas été lue dans le manus­crit, comme le propose Holder et qu’Aviénus ait écrit en fait Tylangii. Les Daliterni201 sont peut-être à mettre en rapport avec la rivière Dala, cours d’eau en Suisse affluent du Rhône au niveau de la ville de Leuk (Loèche). Les Clahilci (plus probablement orthographiés Clachilci 202) ne sont pas localisés mais on pourrait retrouver leur nom dans l’actuelle Saint-Pierre-de-Clages 203, dans le Valais suisse. Enfin, il faut très certainement corriger Temenicum en Lemenicum (ager), en lien avec le lac Léman, comme le proposent tous les auteurs. Nous pensons que l’ensemble est cohérent géographiquement et marque les différents passages du fleuve depuis sa source jusqu’au lac Léman, le long des dix courbes du fleuve que signalent les v. 679-680. La source utilisée par Aviénus reste inconnue mais semble antérieure à César : si la mention se rapporte bien aux Tulingi, ceux-ci ont fait partie des peuples en migration et vaincus par les Romains en 58 av. J.-C. À l’époque de la conquête, le Valais suisse (qui correspond aux vallées situées en amont du lac Léman, c’est-àdire la zone décrite ici) est réparti entre quatre peuples : les Nantuates dans le Chablais, les Veragri à Octoduro (actuelle Martigny), les Seduni dont le centre est à Sion καλούμενου Ἠλίου ἀκτῆς (les manus­crits ont καπτῆς) (Villalba i Varnera 1986, p. 106 n. 212) ; il est possible que la source en soit Aviénus et qu’il s’agisse d’une simple traduction depuis le latin. Guillaumin, Bernard 2021, p. 166, n. 8. 200  Guillaumin, Bernard 2021, p. 173, n. 9. 201  On retrouve la racine Tal- du germanique désignant une vallée. 202  On a voulu y lire Chabilci et y voir une forme ancienne de la région du Chablais. Or ce toponyme dérive de caput laci (pointe du lac [Léman]), sous la forme Caplatio (ixe-xie siècles) et Chablai en français dès le milieu du xiie siècle. 203  La première mention de ce prieuré de l’abbaye Saint-Martin d’Ainay de Lyon date de 1153 sous la forme ecclesia de Clagiis, mais l’église remonte à la première moitié du xi e  siècle. C’est à cette époque un prieuré important, dont dépendent d’autres églises du territoire. Le toponyme est donc plutôt ancien bien que rien ne le rattache de manière certaine à l’Antiquité. Quoi qu’il en soit, toute la vallée est largement romanisée, de Martigny (ancienne Octodurum) à Sion (Sedunum).

2. L’Ora maritima d’Aviénus et les Uberi dans la haute vallée. Si les noms mentionnés par Aviénus trouvent semble-t-il un écho dans les toponymes actuels, on ne peut pas faire de correspondance avec les peuples principaux de cette région à l’époque romaine. La présence d’un ‘y’ dans le nom des Tyla(n)gii rend possible une origine grecque du nom. La mention d’une colonne du Soleil rappelle celle d’une autre colonne204 à l’extrémité de la Bretagne dans l’œuvre du pseudo-Scymnos (v.  189)  ; on aurait là aussi la trace d’une source grecque. Le nom d’Accion (pour le lac Léman ?) n’est pas connu par ailleurs ; le nom est étrange et semble être une forme erronée mal lue 205. Le tracé ensuite est raccourci jusqu’à son delta. L’indication de cinq embouchures renvoie directement à Timée, qui est le seul à signaler ce nombre, mais aussi à Polybe qui le contredisait206. Cet auteur reprend certainement des indications plus anciennes, peut-être de Pythéas. Nous verrions deux sources différentes, l’une très détaillée de la source jusqu’au lac Léman ; la seconde du marais (?) Accion jusqu’à l’embouchure, qui pourrait être Timée et/ ou Pythéas, voire Polybe. La mention d’Arelate et de Theline confronte l’époque d’Aviénus avec l’époque grecque. Aviénus est le seul à donner la forme Theline qui provient d’une source différente de toutes celles que nous connaissons 207. Le texte est suivi d’une mention de Philéas déclarant que le Rhône est la séparation entre l’Europe et la Libye. Il s’agit d’une erreur de compréhension de cet auteur concernant le peuple des Libukoi qui devaient vivre à son époque au bord du Rhône, et dont le nom est resté pour l’une des branches du delta (Pline 3.33). Selon Polybe (2.17), les Λεβέκιοι s’installent ensuite à la source du Pô.

204  D. Marcotte propose de lire Βριαρέως au lieu de βάρια du manus­crit (Marcotte 2002, p. 112). Höschel proposait de lire βόρειος, nous verrions volontiers une « Colonne de Borée » c’està-dire du Nord. 205  Guillaumin, Bernard 2021, p. 175-177, n. 3. Plusieurs erreurs de lecture peuvent avoir modifié le mot : mélecture de lettres rondes en onciale (C/Є), de ‘o’ en ‘ci’, de ‘r’ en ‘n’… 206  Strabon (4.1.8) signale les différentes observations : Timée en compte cinq, Polybe à l’inverse n’en voit que deux et Artémidore en compte trois. Diodore de Sicile (5.25.4) reprend également les cinq embouchures, sans nul doute en suivant également Timée. Voir Guillaumin, Bernard 2021, p. 178, n. 5. 207  Guillaumin, Bernard 2021, p. 178-180, n. 6.

295 2.4.3. Du Rhône à Massalia (v. 699-713) On retrouve une durée de navigation (deux jours et deux nuits), qui diffère un peu de ce qui était annoncé jusqu’ici avec la mention du trajet nocturne. La distance prise ici en considération est probablement entre les Pyrénées et le Rhône208. S’ensuit la détermination du peuple des Nearchi et de la cité Bergine, sans que l’on sache si les deux sont liés mais cela semble vraisemblable. Le peuple est inconnu par ailleurs, on a proposé qu’il ait émigré et aurait été remplacé par les Avatici ensuite209. On met en relation la cité de Bergine avec Bergyon, fils de Neptune, qui se battit contre Hercule dans la plaine de la Crau210. Certains assimilent cette ville à Ernaginum ancienne cité mentionné par Ptolémée et la carte de Peutinger211. L’identification doit se faire en tenant compte du trajet suivi. S’agit-il ici d’une description côtière entre le Rhône et Massalia, ou bien d’un itinéraire terrestre qui passerait au nord de l’étang de Berre et reviendrait ensuite sur Marseille ? La première hypothèse fait suivre une route reliant Arles à la zone de Martigues et traversant la Crau et passant par la zone des étangs. Du chenal de Caronte jusqu’à Marseille, le trajet peut être routier comme maritime. La seconde hypothèse implique un passage par le nord de l’étang de Berre soit en suivant la même route au début et en rejoignant la zone d’Istres, soit en passant directement au nord en direction de Miramas. Le texte est très concis. La seule indication est celle de l’étang de Mastrabala que nous ne pouvons malheureusement pas situer avec précision : il peut aussi bien s’agir de l’étang de l’Olivier, au nord d’Istres, que de ceux aux abords de l’oppidum de Saint-Blaise. Dans les deux cas, Bergine ne peut pas être Ernaginum car cela amènerait à emprunter la voie contournant les Alpilles vers le nord et se diriger vers la Durance. Le lien avec la ville de Rhêginê, mentionnée par Eustathe dans son commentaire à Denys (v. 76) et qui lui sert à situer la «  plaine de pierre  » (entre Massalia et Rhêginê) est assez tentant même si nous ne pouvons retrouver quelle est sa source. Ce nom est peut-être en rapport avec la 208 

Guillaumin, Bernard 2021, p. 181, n. 11. Villalba i Varnera 1986, p. 108 n. 225 ; Guillaumin, Bernard 2021, p. 181, n. 2. 210  Pomponius Mela (2.78)  ; la lecture du manus­crit donne Bergyon, corrigée, à tort selon nous, en Dercynon par Silberman 2003, p. 55. Berthelot 1934, p. 129 ; Guillaumin, Bernard 2021, p. 181, n. 3. 211  Actuellement autour de la chapelle Saint-Gabriel, sur la commune de Saint-Étienne-du-Grès. 209 

296

Troisième Partie : Auteurs-sources et connaissance des espaces géographiques

ville locrienne de Rhêgion (actuelle Reggio de Calabre), qui peut s’écrire de manière identique. Dans ce cas nous sommes ici à l’ouest de la Crau, vers l’actuelle SaintMartin-de-Crau et Bergine ne pourrait pas être une ville au bord de l’étang de Berre212. Les Nearchi seraient alors entre les Alpilles et la Crau. La mention des Salyes, qui correspondent aux Salyens (voir fiche [190]), nous place plutôt à l’est de l’étang de Berre213. La ville antique de Mastrabala est plus compliquée à retrouver214, la lecture des v. 701-702 ayant fait couler beaucoup d’encre. En effet, l’édition d’origine a «  oppidum priscum ramastrabalae  / Paludes  ». Les premiers philologues ont lu « oppidum priscum Ramas, Trabale paludes »215 ou ont déplacé « priscum » auprès de « paludes ». La lecture Mastrabalae est vraisemblable et l’assimilerait à la Mastramelê d’Artémidore et à l’étang du même nom chez Pline (3.34) (voir fiche [147]). Selon nous ce dernier correspond à l’étang de Berre ; la ville serait donc à proximité immédiate. Si l’on admet un itinéraire par le sud, le promontoire appelé Cecylistrium serait la chaîne de la Nerthe (version terrestre) ou le cap Couronne (version maritime)216. Si l’on passe par l’est, en pays Salyen, le promontoire « à la croupe très élevée » pourrait être la Sainte-Victoire217. Les derniers vers concernent la description de Marseille. L’étude issue de la fouille de l’Alcazar, qui a révélé des carrières d’argile du vie siècle av. notre ère, couplée aux découvertes de la Bourse, a permis de mieux comprendre le texte d’Aviénus218. En effet, ces carrières ont ensuite été en partie mises en eau, ce qui a effectivement amené l’eau au contact de la partie sud-est de la ville.

212   Mais peut-être pas l’actuelle ville de Berre comme le proposent A. Berthelot et P. Villalba i Varnera (Berthelot 1934, p. 129 ; Villalba i Varnera 1986, p. 108-109 n. 225). 213  Guillaumin, Bernard 2021, p. 182, n. 4. 214  Guillaumin, Bernard 2021, p. 182-183, n. 5. 215  Voir par exemple la lettre de L. Holstein à Peiresc, publiée par J.-F. Boissonade en 1817 (p. 138). 216  Villalba i Varnera 1986, p. 109 n. 228. Cette hauteur est située avant Marseille. On ne peut donc pas l’assimiler à Citharista (La Ciotat ?) qui est sur la côte à l’est de Marseille. Guillaumin, Bernard 2021, p. 183-184, n. 6. 217  Les autres mentions de prominens dans le texte d’Aviénus ne concernent que des promontoires maritimes. 218   Bouiron  2013b. Guillaumin, Bernard  2021, p.  184-185, n.  7-8 ne tient pas compte de nos interprétations archéologiques.

2.5. Les sources possibles d’Aviénus Depuis l’édition d’A. Schulten en 1922, on a vu le poème comme la simple traduction latine d’un périple ancien, remontant au vie siècle av. J.-C. Déjà A. Berthelot avait nuancé cette vision. Mais c’est avec la reprise des études précises sur le texte, à partir de années 1990, que sa structuration a commencé à être comprise. L’analyse récente de J.-B.  Guillaumin insiste sur le caractère volontairement archaïsant d’une esthétique tardo-antique219. Il y voit en particulier une « esthétique du collage » qui explique les incises ou éléments parfois mal placés que nous avons repérés dans le texte. Nous ne sommes clairement pas en présence d’un périple, description des côtes dans l’ordre logique de navigation, mais d’une expression littéraire qui juxtapose des informations qui peuvent être contradictoires mais éclairent d’une manière spécifique certains lieux par association d’idées. C’est le cas en particulier de la zone du détroit de Gibraltar220. Cet art poétique est renforcé par des allusions qui renvoient aux poèmes de Virgile, montrant ainsi toute la culture érudite d’Aviénus au petit cercle de ses lecteurs221. Ces observations donnent un cadre formel aux sources utilisées par Aviénus, que nous allons revoir par espace géographique. La première partie, correspondant à la partie atlantique de la Gaule et des îles Britanniques, provient certainement de deux sources distinctes. La première est celle que mentionne à certains moments Aviénus, le périple du carthaginois Himilcon. Il nous semble que cette source est la principale de cette partie même si elle n’est pas toujours citée. On a noté que la description des terres, comme de l’organisation du texte et de l’indication des durées de navigation se retrouvent pour toute la partie ibérique jusqu’au détroit de Gibraltar. Nous pensons donc que ce périple a servi de source principale et de canevas pour toute la partie atlantique de la description des côtes. La seconde source pour ces espaces se rapporte à Pythéas (en particulier la mention des Ligures qui ont quitté les rivages, mais probablement aussi l’île d’Irlande et sa voisine britannique), peut-être par l’intermédiaire d’auteurs plus récents. C’est une source que l’on retrouve également à certains moments, comme probablement pour le lacus Ligustinus.

219 

Guillaumin 2019, p. 73 sq. Guillaumin 2019, p. 77-79. 221  Guillaumin 2019, p. 82-84. 220 

2. L’Ora maritima d’Aviénus Pour la partie ibérique de la description, jusqu’au détroit de Gibraltar, outre le périple d’Himilcon déjà signalé, on trouve des incises voire des retours en arrière qui participent de sources différentes mais que l’on ne peut identifier. On est dans un contexte géographique et culturel probablement déjà décrit par Hécatée mais que l’on devait retrouver chez les auteurs mentionnés dans le prologue du poème car nous n’avons pas de correspondance ici avec les mentions conservées par Stéphane de Byzance. On a noté également les liens qui peuvent être faits avec le corpus de Marcien, en particulier le périple du pseudo-Scylax 222 et la Periodos du pseudo-Scymnos223, mais également des mentions d’auteurs identiques dans les prologues de leurs œuvres respectives (Cléon, Hérodote, Philéas). La région comprise autour du golfe de Tartessos et jusqu’au détroit de Gibraltar provient certainement de plusieurs sources car tous les auteurs anciens en ont parlé. Il est intéressant de noter ici que l’insertion personnelle d’Aviénus, à propos de Gadir, se fait en lien avec Tartessos preuve évidente de sa confusion sur la localisation de l’ancien royaume. Passé le détroit de Gibraltar, on rencontre des géonymes qui sont plus en correspondance avec ce que nous lisons chez Stéphane de Byzance. Les peuples en particulier semblent faire référence à Hécatée/Hérodore, avec quelques modifications d’écriture : Massieni pour Mastiênoi, Selbyssini pour Olbusinoi, ainsi que les villes de Malacha et Menace. Dans toute cette zone orientale de la côte ibérique, on alterne entre une description relativement ancienne (vie-ve siècles) et des incises sur une situation plus récente, rappelant tout ce qui a disparu précédemment. En l’absence de localisation précise des toponymes et de l’apport de l’archéologie, il est difficile de dater ce second état qui doit cependant être antérieur à la colonisation romaine. À l’exception des mentions des villes romaines de Tarragone et Barcelone, bien évidemment issues de sources romaines plus tardives, tout doit correspondre à une ou plusieurs sources grecques, comme l’attestent les toponymes. Certaines correspondances, assez isolées, avec Hécatée montrent qu’il sert encore par moment de guide. 222  Nous avons signalé supra p. 289 la mention de cet auteur à propos du détroit de Gibraltar, qui a disparu du texte que nous possédons. 223  D. Marcotte a repéré trois correspondances, regroupées par J.-B. Guillaumin et se rapportant aux espaces compris entre le détroit de Gibraltar et le promontoire d’Œstrymnis (Guillaumin 2019, p. 76 n. 46).

297 Pour la partie languedocienne, on a probablement au moins deux source, une première longeant la côte et la seconde passant peut-être à l’intérieur des terres comme on l’a suggéré à propos de sa description du territoire de Béziers224. Cette dernière correspond à la source no 2 de l’Ibérie, mentionnant les villes détruites, moins ancienne que la précédente. Le Rhône fait l’objet d’une description très détaillée pour la partie proche de sa source. Les noms semblent latins et peuvent correspondre à une description un peu tardive, bien qu’antérieure à César. En revanche l’embouchure est plutôt à mettre en correspondance avec Timée/Pythéas. Nous ne savons pas si l’œuvre d’Éphore a pu tenir compte du voyage de Pythéas (ses Histoires s’arrêtent en 341 av.  J.-C., ce qui est très proches du voyage de Pythéas) mais c’est possible. C’est en tout cas certain pour Timée, qui a pu reproduire une partie des informations de cet explorateur. Entre le Rhône et Marseille, il est possible que la description reprenne un tracé routier ; sans cela, la mention d’Arles ne semble pas possible. Il s’agit peut-être de la même description intérieure que pour le Languedoc. On observera que la partie comprise entre les Pyrénées et le Rhône trouve des correspondances avec la partie géographique de Polybe (livre XXXIV) : la mention du fleuve Roscynus et le marais Sordicus. Au niveau du Rhône, l’indication des cinq bras provient de Timée mais nous savons que Polybe avait critiqué cet auteur sur ce nombre. Enfin, à l’est du Rhône, la mention du peuple des Salyens est une correspondance forte avec un auteur des derniers siècles avant notre ère. On peut donc se demander si Aviénus n’avait pas utilisé la description de Polybe qui avait certainement traversé ses régions (par la route ?) pour se rendre en Espagne. Il serait alors cet auteur un peu tardif, peut-être également pour la description du Rhône. Nous reviendrons dans la partie suivante sur les différentes sources, par comparaison avec les notices de Stéphane de Byzance.

224 

Ugolini Olive 1987.

L’Ora maritima d’Aviénus

PREAMBULE La justification du poème

Quaesisse temet saepe cogitans, Probe, animo atque sensu Taurici ponti sinus1 capi ut ualeret his probabili fide, quos distinerent2 spatia terrarum extima, subii3 libenter id laboris, ut tibi desideratum carmine hoc claresceret. Fas non putaui quippe, prolixa die, non subiacere sensui formam tuo regionis eius, quam uetustis paginis, et quam4, per omnem spiritus nostri diem, secretiore lectione acceperam. Alii inuidere nanque, quod dispendio tibi haud sit ullo, agrestis et duri5 reor. His addo et illud, liberum temet locum6 mihi esse7 amoris8 sanguinisque uinculo. Neque sat sit istud, ni sciam te9 litteras hiantibusque faucibus ueterum10 abdita hausisse semper, esse patuli pectoris, sensu capacem ; talium iugem sitim tuo esse cordi, et esse te prae ceteris memorem intimati. Cur inefficaciter secreta rerum in non tenacem effunderem ? In non sequacem quis profunda ogganniat ? Multa ergo, multa compulere me, Probe, efflagitatam rem tibi ut persoluerem.

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Songeant que tu m’avais souvent demandé, Probus, comment le golfe de la mer de Tauride pouvait être saisi par l’esprit et les sens avec exactitude par ceux qui délimitent les espaces des terres les plus distants, je me suis chargé de ce travail de bon cœur, afin que, par ce poème, ton désir soit exhaucé. Assurément je trouvais injuste, à mon âge avancé, que tu ne puisses connaître l’aspect de cette région que j’ai trouvé dans de vieux écrits grâce à mes lectures solitaires tout au long de ma vie. Car je pense que refuser d’expliquer à autrui ce qui ne prend pas de temps pour soi-même, est de l’impolitesse et de la grossièreté. J’ajoute à ceci que tu m’es cher, me tenant lieu d’enfant et m’étant uni par le sang. Et cela ne serait pas suffisant, si j’ignorais que tu avais toujours dévoré les écrits et les paroles cachées des Anciens, avec un esprit ouvert et capable de tout comprendre  ; si je ne savais pas la soif insatiable de ces sujets qui dévore ton esprit, et que toi, plus que tout autre, tu te souviens de ce qu’on t’inculque. Pourquoi dévoilerais-je inutilement ces secrets à un esprit qui ne les retiendrait pas ? Qui révèle des vérités profondes à un esprit qui ne pourrait pas les suivre ? Ainsi, Probus, bien des raisons m’ont déterminé à satisfaire ta demande pressante.

1 sinus P : situs Hudson 2 distinerent Heinsius : destinerent P [mélecture i/e] 3 Subii Pithou : Subi P Berthelot [mélecture ii/i] 4 quam Pithou : qua P ; qua (m) Berthelot [abréviation] 5 

agrestis et duri Pithou : agrestis id viri Heinsius ; orestis et dur P Berthelot (hoc esse durum O) [mélecture ag/o]

6 locum P : loco O Berthelot, Guillaumin 7 esse O : esset P 8 amoris Guillaumin : amor P  ; amore O 9 

ni sciam te Pithou : mi cete P Berthelot (misitisse O) [mélecture ni/m + scia/i ce + abréviation]

10 veterum Barth : rerum Wernsdorf, Guillaumin ; vestarum P Berthelot [mélecture ?]

2. L’Ora maritima d’Aviénus Quin et parentis11 credidi officium fore, desideratum12 si tibi locupletius13 profusiusque Musa promeret mea. Dare expetitum quippe non parci uiri14 est ; augere porr[h]o muneris summa15 noui16 30 mentis benignae17 satque liberalis est. Interrogasti, si tenes, Maeotici situs quis18 esset aequoris. Sallustium noram id dedisse, dicta et eius omnibus 35 praeiudicatae autoritatis ducier non abnuebam. Ad eius igitur inclytam descriptionem, qua locorum formulam imaginemque expressor efficax stili et ueritatis paene19 in optutus20 dedit lepore21 linguae. Multa rerum iunximus22, 40 ex plurimorum sumpta comentariis : Hecataeus23 istic quippe erit Milesius24, Hellanicusque25 Lesbius, Phileus quoque Atheniensis, Caryandaeus26 Scylax, 45 Pausimachus ille27, prisca quem genuit Samos, quin et Damastus nobili natus28 Sigeus29, Rhodoque30 Bacoris31 ortus32, Euctemon quoque popularis33 urbis Atticae, Siculus Cleon, Herodotus ipse Thurius34, tum qui decus magnum loquendi est, Atticus Thucydides. 50 11 parentis Pithou : parent P [abréviation] 12 Desideratum Pithou : Desidaratum P [mélecture e/a]

299 J’ai cru, de plus, que je remplirai un devoir de père, si ma Muse se rendait digne de toi avec plus de richesse et de profusion. Donner ce qu’on demande est assurément le signe d’un homme qui n’est pas regardant ; ajouter en plus un nouveau cadeau, est le propre d’un esprit bienveillant et libéral. Les sources Tu m’as demandé, si tu t’en souviens, quelle était la situation de la mer Méotide. Je savais que Salluste l’avait donnée et je reconnaissais que tout le monde avait accepté ses paroles. Ainsi cet auteur, brillant par son style et sa justesse, a rédigé, d’une écriture légère, une description célèbre de celleci, une formule et une image de ces lieux, comme si nous l’avions sous les yeux. Nous avons joint une foule de choses empruntées aux ouvrages d’un grand nombre d’écrivains  : Hécatée, celui de Milet, Hellanicos de Lesbos ; encore Philéas d’Athènes, Scylax de Caryanda, le Pausimaque qu’engendra l’antique Samos, et mieux Damastès de Sigée issu de la noblesse, Bacoris né à Rhodes, ainsi qu’Euctémon habitant la ville d’Athènes, Cléon de Sicile, Hérodote lui-même, de Thurium  ; enfin cette gloire de l’éloquence qu’est Thucydide l’Athénien.

13 locupletius Pithou : locuplecius P [mélecture t/c] 14 

parci viri Pithou : pare viri P (parentis O) [mélecture ci/e]

15 summa P : summam Pithou, Guillaumin ; summa (m) Berthelot 16 novi P : novo Wernsdorf, Guillaumin 17 benignae Pithou : benigne P [mélecture ae/e] 18 quis Pithou : qui (s) Berth. ; qui P [abréviation ?] 19 paene P : pene Berth. 20 optutus P : obtutus Guillaumin 21 Lepore Pithou : Leporem P Berth. [abréviation ?] 22 iunximus Pithou : viximus P, Berth. (diximus O) [mélecture iu/vi + abréviation] 23 Hecataeus Pithou : Haec ad eus P [coupure et mélecture t/d] 24 Milesius Pithou : mille suis P 25 Hellanicusque P : Hollanicusque Berth. 26 Caryandaeus Heinsius : Cariae dictus Villalba i Varnera, cariae ditus P (Caryandynus O), Caria editus Guillaumin [mélecture it/ae] 27 ille P : inde Heinsius 28 natus P : ortus Guillaumin 29 Sigeus Bouiron : Sigeo Guillaumin ; Sige Pithou  ; Signe P (om. O) [erreur abréviation] 30 Rhodoque Pithou : Rhodonque P [abréviation ?] 31 Bacoris P : Bacorus Hudson 32 ortus P : natus Guillaumin 33 Popularis Pithou : Populari P [abréviation ?] 34 Thurius O : thyrius P [mélecture u/y]

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Troisième Partie : Auteurs-sources et connaissance des espaces géographiques

Hic porr[h]o habebis, pars mei cordis, Probe, quicquid per aequor insularum attollitur, per aequor illud scilicet, quod post caua hiantis orbis, a freto Tartesio Atlanticisque fluctibus, procul sitam35 55 in usque glaebam proruit36 nostrum mare ; sinus curuos, atque prominentia ; ut se supino porrigat lit[t]us37 situ38, ut longe in undas inserant sese iuga, celsaeque ut urbes alluantur aequore ; 60 quis ortus amnis maximos39 effuderit, ut prona ponti gurgitem intrent flumina, ut ipsa40 rursum saepe cingant insulas, sinuentque late ut tuta41 portus brachia, 65 ut explicentur stagna, ceu42 iaceant lacus, scruposum, ut alti uerticem montes leuent, stringatque nemora ut unda cana gurgitis. Laboris autem terminus nostri hic erit : Scythicum ut profundum et aequor Euxini sali et si quae in illo marmore insulae tument, 70 edisserantur. Reliqua porro scripta sunt nobis in illo plenius uolumine, quod de orbis oris partibusque fecimus. Vt aperta uero tibimet intimatio sudoris huius et laboris sit mei 75 narrationem43 opusculi paulo altius exordiemur. Tu in44 intimum iecur prolata conde, nanque45 fulcit haec fides petita longe, et eruta ex autoribus.

35 sitam Pithou : sictam P [mélecture c/t ? sittam ?] 36 proruit P : porrigit Wernsdorf 37 Litus P : litusque Berth. 38 situ P : sinu O 39 maximos Pithou : maximo P 40 ipsa Pithou : ipsae P [mélecture a/ae] 41 tuta Pithou : tute P [mélecture a/e] 42 ceu P : et ut Heinsius 43 Narrationem Pithou : Narratione P 44 in O : per Hudson, Guillaumin ; ex P [mélecture i/e + abréviation ?] 45 nanque P : namque Guillaumin

Le contenu du poème Tu trouveras par la suite ici, Probus, chère partie de mon cœur, toutes les îles qui s’élèvent dans cette mer qui, après les cavités de la terre ouvertes à partir du détroit de Tartesius et les flots de l’Atlantique, se précipite au loin jusqu’au cœur des terres éloignées. Tu trouveras également les golfes arrondis et les promontoires, comment se présente un rivage dont l’emplacement s’étend largement, comment des caps s’avancent au loin dans les ondes, ou comment de hautes villes sont baignées par la mer  ; quelle source engendre les fleuves les plus grands, comment les torrents se jettent dans l’abîme des mers, comment ils entourent eux-mêmes parfois des îles, comment les jetées d’un port en protègent l’entrée, comment sont déployés les marais et s’étendent les lacs, comment les hautes montagnes élèvent leurs sommets rocheux ou comment l’écume blanche de l’abîme élague les forêts. La fin de notre travail sera celle-ci : seront exposés en détail la profonde mer Scythique et le Pont Euxin et si des îles peuvent émerger de cette mer. Le reste, nous l’avons décrit plus complètement dans le livre  que nous avons rédigé sur les rivages et les parties du globe. Afin que soit bien comprise la démonstration de mon effort et de mon travail, nous débuterons la narration de notre ouvrage un peu plus en amont. Renferme ces leçons au fond de ton esprit, dans la mesure où cette confiance provient des recherches anciennes et des données empruntées aux auteurs.

2. L’Ora maritima d’Aviénus Terrae patentis orbis effusae iacent46 80 orbique rursus unda circumfunditur. Sed qua profundum semet insinuat salum Oceano abusque, ut gurges hic nostri maris longe explicetur, est Atlanticus sinus. Hic Gadir urbs est, dicta Tartessus prius. 85 Hic sunt columnae pertinacis Herculis Abila atque Calpe (laeua47 dicti caespitis, Libyae 48propinqua est alia49) : duro perstrepunt septentrione50, sed loco51 certae tenent. Et prominentis hic iugi surgit caput, 90 (Oestrymnin istud dixit aeuum antiquius), molesque celsa saxei fastigii tota in tepentem maxime uergit notum. Sub huius autem prominentis uertice sinus dehiscit incolis Oestrymnicus52, 95 in quo insulae sese exerunt Oestrymnides, laxe iacentes, et metallo diuites stanni53 atque plumbi. Multa uis hic gentis est, superbus animus, efficax solertia, 100 negotiandi54 cura iugis omnibus. 55 56 Nouisque cymbis turbidum late fretum, et beluosi gurgitem Oceani secant. Non hi57 carinas quippe pinu texere uel acere mos est58 ; non abiete, ut usus est, 105 curuant faselos59 ; sed rei ad miraculum nauigia iunctis semper aptant pellibus, corioque uastum saepe percurrunt salum. Ast hinc duobus in Sacram (sic insulam dixere prisci) solibus cursus rati est.



LE LITTORAL ATLANTIQUE Les terres du vaste globe s’étendent largement et l’eau enveloppe le monde tout autour. À l’endroit où la mer profonde s’introduit depuis l’Océan pour que se déploie l’abîme de notre mer, s’ouvre le golfe Atlantique. Ici se trouve la ville de Gadir, nommée jadis Tartessus. Ici se dressent les colonnes du persévérant Hercule, Abila et Calpe (cette dernière à gauche de ladite contrée, l’autre est proche de la Libye)  : elles résonnent sous le rude vent du nord mais elles tiennent bon. D’Oestrymnis à l’île des Hierni Ici se dresse la pointe d’un promontoire que l’on l’appelle Oestrymnis depuis les temps les plus anciens, et toute la haute masse du sommet rocheux penche surtout vers le tiède Notus. Sous le sommet de ce promontoire s’ouvre aux habitants le golfe Oestrymnicus, où se dévoilent les îles Oestrymnides, aux vastes terres riches en métal, étain et plomb. Ici se trouve un peuple très puissant, au cœur fier, à la dextérité efficace, prenant soin de commercer avec tous. Avec leurs barques étranges, ils fendent au loin les flots agités et l’abîme de l’Océan peuplé de monstres marins. Ils n’ont certes pas la coutume de construire des carènes en pin ou en érable ; ils ne creusent pas les chaloupes avec du sapin, comme c’est l’usage. Mais, chose merveilleuse, ils assemblent leurs navires de peaux cousues ensemble et c’est sur du cuir qu’ils parcourent la vaste mer. De là jusqu’à Sacra (ainsi les Anciens appelaient-ils cette île), un bateau met deux jours de voyage.

effusae iacent P : effuse iacet Scriverius, Guillaumin Calpe laeua Villalba : haec laeua Ulitius, Guillaumin ; calpe leua P [mélecture ae/e] 48 Libyae Pithou : Lybye P (Lybiae O) [mélecture ae/e] 49  propinqua est alia Villalba : propinqua est illa Guillaumin ; propinqua est Abila Ulitius ; propinque stalia P (propinqua, ast aliae O) [mécoupure] 50 septentrione Pithou : seprrentione P [mélecture t/r] 51 loco P : loca O 52 Oestrymnicus Pithou : oestrymninus P [mélecture c/n] 53 stanni P : stagni Guillaumin 54 Negotiandi edd : Negociandi P [mélecture t/c] 55 Nouisque Guillaumin : Notisque Hudson  ; Nolusque P (Nam usque O) [mélecture ti/lu] 56 cymbis O : cumbis P 57 hi P : his Guillaumin 58  uel acere mos est Guillaumin : facere morem P ; acereve norunt Nonius ; facereve norunt Holder 59 faselos O : fasello P [mélecture avec lettre suivante] 46 



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Troisième Partie : Auteurs-sources et connaissance des espaces géographiques

Haec inter undas multam caespitem iacet60, 110 eamque late gens Hiernorum colit. Propinqua rursus insula Albionum patet. Tartesiisque61 in terminos Oestrymnidum62 negotiandi63 mos erat. Carthaginis 115 etiam coloni64 et uulgus inter Herculis agitans columnas, haec ad[h]ibant aequora. Quae Himilco Poenus65 mensibus uix quattuor, ut ipse semet rem probasse ret[t]ulit enauigantem, posse transmitti adserit. 120 Sic66 nulla late flabra propellunt ratem, 67 68 sic segnis humor aequoris pigri stupet. Adiicient69 illud, plurimum inter gurgites extare fucum, et saepe uirgulti uice retinere pup

im. Dicit hic nihilominus, 125 non in profundum terga dimitti70 maris paruoque aquarum71 uix72 supertexi solum, obire semper huc et huc73 ponti feras, nauigia lenta et languide repentia internatare beluas. Si quis dehinc ab insulis Oestrymnicis lembum audeat 130 urgere in undas, axe qua Lycaonis rigescit aethra, caespitem Ligurum74 subit cassum incolarum, nanque Celtarum manu, crebrisque dudum proeliis uacuata sunt. Liguresque pulsi, ut saepe fors aliquos agit, 135 uenere in ista, quae per horrentis tenent plerumque dumos ; creber his scrupus locis, rigidaeque rupes, atque montium minae caelo inseruntur : et fugax gens haec quidem diu inter arta cautium duxit diem, 140 secreta ab undis ; nam sali metuens erat

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iacet P : iacit Guillaumin

61 Tartesiis O : Tartesus P [mélecture ii/u] 62 Oestrymnidum Villalba : oestrumnidum P [mélecture y/u] 63 Negotiandi edd : Negociandi P [mélecture t/c] 64 coloni Opitz : colonis P 65 Poenus Pithou : paenus P [mélecture oe/ae]

Sic P : hic Guillaumin sic P : hic Guillaumin 68 segnis Pithou : regnis P Villalba  ; remis O 69 Adiicient P : Adijciens O ; Adiicit et Pithou, Guillaumin ; Adicit Opitius 70 dimitti P : demitti Hudson 71 aquarum O : quarum P 72 uix P : vice O 73 huc Pithou : hunc P [abréviation] 74 Ligurum Pithou : ligurgum P 66  67 

Parmi les flots, cette île couvre un vaste territoire qu’habite sur toute son étendue la nation des Hierni. Derrière s’étend l’île proche des Albiones. Les Tartesii avaient l’habitude de commercer aux limites des Oestrymnides. De même les colons de Carthage et les gens vivant autour des Colonnes d’Hercule parvenaient jusqu’à ces mers. L’Océan Le carthaginois Himilcon affirme que cette mer peut à peine être franchie en quatre mois, comme il rapporte l’avoir lui-même expérimenté. Ainsi nul souffle ne propulse le navire et l’eau de cette mer paresseuse semble comme engourdie. On ajoute que des flots dépassent une multitude d’algues qui souvent retiennent le bateau comme des broussailles. Néanmoins, dit-il, la surface de la mer est sans profondeur  : à peine une mince couche d’eau recouvre le sol ; des animaux marins circulent toujours çà et là, des monstres nagent entre les navires qui se traînent lents et inertes. Les Ligures Si quelqu’un ose avancer sur les eaux en barque depuis les îles Oestrymnici en suivant l’axe par où la fille de Lycaon glace les airs, il arrive au pays des Ligures, vide d’habitants, car il est dépeuplé depuis quelques temps par la main des Celtes et par des combats répétés. Les Ligures, une fois expulsés (comme souvent le sort pousse les hommes), vinrent dans les lieux qu’ils occupent, hérissés et pleins de broussailles ; le sol y est pierreux, les roches escarpées et des monts menaçants s’élèvent vers le ciel. Longtemps le peuple fugitif y mena sa vie dans les abris, s’écartant des ondes ; en effet, il redoutait la mer

2. L’Ora maritima d’Aviénus priscum ob periculum75. Post quies et otium, securitate roborante audaciam, persuasit altis deuehi cubilibus atque in marinos iam locos descendere. 145 Post illa rursum, quae super76 fati77 sumus, magnus patescit aequoris fusi78 sinus Ophiusam ad usque. Rursum ab huius lit[t]ore internum ad aequor, qua mare insinuare se dixi ante terris, quodque Sardum79 nuncupant, 150 septem dierum tenditur reditu80 uia81. Ophiussa porro tanta panditur latus, quantam iacere Pelopis audis insulam Graiorum in agro. Haec dicta primo Oestrymnis82 83, 155 locos84 et arua Oestrymnicis habitantibus ; post multa serpens effugauit incolas, uacuamque glaebam nominis fecit sui. Procedit inde in gurgites85 Veneris iugum, circumlatratque pontus insulas86 duas tenue87 ob locorum inhospitas. Aryium88 160 rursum tumescit prominens89 in asperum septentrionem90 ; cursus autem91 hinc classibus usque in columnas efficacis Herculis quinque est dierum. Post pelagia est insula, 165 herbarum abundans, atque92 Saturno sacra. Sed uis in illa tanta naturalis est, ut, si quis hanc innauigando accesserit, mox excitetur propter insulam mare,

75 periculum P : periclum Hudson 76 super P : supra Opitz 77 fati Opitz : facti P [mélecture t/c fatti ?] 78 fusi Pithou : fus P 79 sardum P : Sordum Wernsdorf 80 reditu P : pediti Burmann 81 uia Hudson : uiae P

om. est O in fine u. add. Guillaumin 84 Locos Pithou : Locus P [mélecture o/u] 85  gurgites Hudson : gurgitis P  86 insulas Pithou : insucas P [mélecture l/c] 87 Tenue P : Sterile Burmann 88 Aryium P : Aruium Ursin 89 prominens Pithou : promineas P [mélecture n/a] 90 Septentrionem Pithou : Septentrionum P [mélecture e/u] 91 autem Opitz : at O ; aut P [abréviation] 92 atque Pithou : ad P [abbreviation ?] 82  83 

303 à cause du danger ancien. Par la suite, le calme et le repos renforçant en sécurité son audace, l’incitèrent à descendre de ses hautes demeures vers les contrées maritimes. D’Ophiusa au cap Aryium Après les régions que j’ai décrites plus haut, s’ouvre dans la direction opposée un vaste golfe dans la mer jusqu’à Ophiusa. En revenant sur ses pas, il faut sept jours par le chemin de retour, de ce littoral jusqu’à la mer intérieure que j’ai dit pénétrer dans les terres, et que l’on appelle mer Sarde. Plus loin, Ophiussa se déploie largement de la même manière que tu l’entends dire pour l’île de Pélops au pays des Grecs. Elle fut d’abord appelée Oestrymnis, les lieux et les champs étant habités par les Oestrymnii ; par la suite, la multitude des serpents chassa les habitants et donna son nom à la terre abandonnée. De là s’avance dans les flots le cap de Vénus ; la mer baigne deux îles inhabitables du fait de la petitesse des lieux. Le promontoire Aryium s’élève en sens opposé vers l’âpre septentrion  ; d’ici le parcours des flottes est de cinq jours jusqu’aux Colonnes du puissant Hercule. Ensuite se trouve une île en haute mer, abondante en herbes et consacrée à Saturne. Mais la force de la nature y est si violente que si un navigateur s’approche, aussitôt la mer s’agite auprès de l’île,

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Troisième Partie : Auteurs-sources et connaissance des espaces géographiques

quatiatur ipsa, et omne subsiliat solum alte intremescens, cetero93 ad stagni94 uicem 170 pelago silente. Prominens surgit dehinc Ophiussae in oras95, abque96 Aryo97 iugo in haec locorum bidui cursus patet. At qui dehiscit inde prolixe sinus, non totus uno98 facile nauigabilis99 175 uento recedit : numquam100 medium aderis101 Zephyro uehente, reliqua deposcunt notum. Et rusus102 inde si petat quisquam pede Tartessiorum litus, exuperet uiam uix luce quarta ; si quis ad nostrum mare 180 Malacaeque portum semitam tetenderit, in quinque soles est iter. Tum Cempsicum103 iugum intumescit. Subiacet porro insula Achale uocata ab incolis. Aegra est104 fides 185 narrationis105 prae rei miraculo ; sed quam frequens auctoritas sat fulciat106. Aiunt in huius insulae confiniis nunquam107 esse formam gurgiti reliquo parem. Splendorem108 ubique quippe inesse fluctibus 190 uitri ad nitorem, et per profundum109 marmoris coaneam110 in undis esse cetum111 imaginem [est]112. Confundi at113 illic aequor immundo114 luto, memorant uetusti semper atque sordibus ut faeculentos gurgites haerescere. 93 cetero Villalba : caetera O ; caetero P [mélecture ae/e]

elle est mouvementée et toute sa surface saute et s’agite tandis que le reste de la mer garde le calme d’un lac. Puis surgit un promontoire sur les côtes d’Ophiussa ; du cap Arvium à cet endroit la course est de deux jours. Du cap Arvium au cap Cyneticum Le golfe qui s’ouvre ensuite largement n’offre pas aux marins un accès facile par vent unique. Tu ne dépasseras jamais le milieu poussé par le seul Zéphyr ; les milles restant exigent le Notus. Si, de là, on veut retourner à pied au rivage des Tartessii, il faut au moins quatre jours de route. Si quelqu’un veut aller à notre mer et au sentier du port de Malaca, le trajet prend cinq jours. Ensuite s’élève le cap Cempsicum. Au-dessous est l’île appelée Achale par les habitants. Il est difficile de prêter foi à ce qu’on en raconte, car cela tient du prodige et pourtant de nombreux témoignages le confirment. On dit qu’aux abords de cette île la mer n’est jamais pareille à ce qu’elle est ailleurs. Partout en effet les flots ont la splendeur de l’éclat du verre et dans les ondes marmorées se reflète l’image bleu azur de monstres marins. Mais là, disent les Anciens, l’eau est toujours troublée par une boue immonde et des saletés qui s’attachent aux eaux vaseuses.

94 stagni O : steni P [mélecture ag/e] 95 

in oras O : in auras C. Müller, Guillaumin ; moras P [mélecture in/m]

96 -que om. O ; absque Guillaumin 97 Aryio Guillaumin : Aruii Unger  ; Aryi O ; arui P 98 uno Schrader : uni P [mélecture o/i] 99 nauigabilis Pithou : uauigabilis P [mélecture n/u] 100 nunquam P : namque Schrader, Guillaumin 101 aderis Villalba : accesseris Schrader, Guillaumin ; aceris P [mélecture d/c] 102 rusus edd : rursus P [abréviation ?] 103 Cempsicum Wernsdorf : Cepresicum P [mélecture d’abréviation] 104 

Aegra est Guillaumin : agrestis Villalba  ; aegrest Holder ; aegre est O ; agresti P

105 Narrationis P : Narrationi O 106 

sat fulciat Pithou : sal fuciat P ; suffulciat O [mélecture t/l]

107 nunquam P : numquam Guillaumin 108 Splendorem Pithou : Splendore P [abréviation] 109 profundum Pithou : profundam P [mélecture u/a] 110 coeaneam P : cyaneam O 111 cetum Guillaumin : certum P 112 est del. Guillaumin 113 

Confundi at Barth : Cum foeteat O ; Confodiat P [abréviation]

114 immundo O : immundo a Barth ; imunda P

2. L’Ora maritima d’Aviénus Cempsi atque Saefes115 arduos collis habent 195 Ophiussae in agro : propter hos pernix Lucis116 Draganumque proles sub niuoso117 maxime septentrione conlocauerant larem. Poetanion autem est insula ad Saefum118, latet119 patulusque portus. Inde Cempsis adiacent 200 populi Cynetum : 120 Cyneticum121 iugum, qua sideralis lucis inclinatio est, alte tumescens122 ditis Europae extimum, in123 beluosi uergit Oceani [si]124 salum. Ana amnis125 illic per Cynetas effluit, 205 sulcatque glaebam. Panditur rursus sinus, cauusque caespes in meridiem patet. Memorato126 ab amni127 gemina sese flumina scindunt repente, perque praedicti sinus 210 crassum liquorem (quippe pinguescit128 luto omne hic profundum) lenta trudunt agmina. Hic insularum semet alte subrigit uertex duarum : nominis minor indiga est, aliam uocauit mos129 tenax Agonida. Inhorret inde rupibus cautes Sacra 215 130 Saturni et ipsa. Feruet inlisum mare lit[t]usque latus131 saxeum distenditur. Hirtae hic capellae et multus incolis132 caper dumosa semper intererrant caespitum : 220 castrorum in usum et133 nauticis134 uelamina, productiores et135 graues setas alunt. 115 saefes P : Gletes C. Müller 116 Lucis P Berthelot : locos O ; ligus Schrader 117 niuoso O : niuosa P [mélecture o/a] 118 Saefum Holder : Saefumum Villalba ; Sefum C. Müller ; sinum Ursin ; se fumum P [mécoupure + mélecture ae/e] 119 latet P : latus C. Müller, Guillaumin 120 tum add. Opitz 121 Cyneticum Pithou : tyneticum P [mélecture c/t] 122 tumescens Pithou : cum escens P [mélecture c/t] 123 In Pithou : Im P [abréviation ?] 124 si del. Guillaumin ; om. Pithou 125 amnis Pithou : animis P [mélecture m/ni] 126 Memorato P : Memorato O [mélecture b/li+ ni/in] 127  ab amni Unger : ab amne Wernsdorf ; aliamin P 128 pinguescit Pithou : pinguesci P 129 mos Pithou : mox P [mélecture s/x] 130 Saturni P : Saturno O, Guillaumin 131 latus P : late Opitz, Guillaumin 132 incolis P : incolit O 133  usum et Pithou : usus in et O ; usu sumet P [répétition, coupure] 134 nauticis P : nautical O 135  Productores et Pithou : Productio restet P [coupure]

305 Les Cempsi et les Saefes occupent les collines escarpées du pays d’Ophiussa ; auprès d’eux l’agile Lucis et les enfants des Dragani ont établi leur maison sous le septentrion tout enneigé. Cependant l’île Poetanion se trouve vers les Saefes  ; un port ouvert à tous y offre son abri. Au-delà, le peuple des Cynetes est contigu aux Cempsi ; puis, au point où se couchent les astres, culmine le cap Cyneticum, borne de l’opulente Europe penchée sur la mer Océan peuplée de monstres. Du cap Cyneticum au cap Zepyhiris Ici, le fleuve Ana coule chez les Cynetes et creuse leur sol. Un golfe s’étend en arrière et le rivage courbe s’ouvre au Midi. De ce fleuve se détachent deux branches, dont les courants indolents se répandent à travers les eaux épaisses du golfe (car toute cette mer est en effet chargée de vase). Là surgit le sommet de deux îles : la petite est sans nom ; un usage ancré appelle l’autre Agonis. Puis le promontoire Sacra se hérisse de rochers ; il est dédié à Saturne. La mer y bouillonne et se brise sur un vaste littoral rocheux. Ici, des chèvres hirsutes et de nombreux boucs errent parmi des terrains broussailleux : ils fournissent une toison longue et épaisse servant aux campements et aux voiles des marins.

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Troisième Partie : Auteurs-sources et connaissance des espaces géographiques

Hinc dictum ad amnem136 solis unius uia est, genti et Cynetum hic terminus. Tartesius137 ager his adhaeret, adluitque caespitem 225 Tartesus amnis. Inde tenditur138 iugum Zephyro sacratum ; denique arcis summitas139 Zephyris uocata. Celsa sed [ad]140 fastigia iugo eriguntur uerticis141 ; multus tumor142 conscendit auras, et supersidens143 quasi caligo semper nubilum condit caput. 230 Regio omnis inde maxime herboso solo est, nebulosa iuge his incolis conuexa sunt, coactus aer atque crassior dies, noctisque more ros frequens. Nulla, ut solet144, flabra inferuntur, nullus aethram discutit 235 145 superne uenti spiritus : pigra incubat caligo terras, et solum late madet. Zephyridos arcem si quis excedat rate, et inferatur gurgiti nostri maris, flabris uehetur protinus fauonii146. 240 Iugum inde rursus, et sacrum Infernae deae diuesque fanum, penetral147 abstrusi caui, adytumque148 caecum. Multa propter est palus Etrephaea dicta : quin et Herbi149 ciuitas stetisse fertur his locis prisca die. 245 150 Quae, proeliorum absumpta pestatibus , famam atque nomen sola151 liquit caespiti.

136 amnem Pithou : Ana Wernsdorf ; âne P [abréviation] 137 Tartesius Pithou : tartesus P 138 tenditur P : extenditur O 139 summitas Pithou : sumitas P [abréviation] 140 ad del. Pithou, Guillaumin 141 uerticis Hudson : uertici P 142 tumor Hudson : timor P [mélecture u/i]



143 supersidens Schrader : super sidera O ;

super syderis P [coupure et mélecture n/ri + y/i]

144 solet Pithou : solea P [mélecture t/a] 145 incubat Pithou : incumbat P 146 fauonii Heinsius : fauoni P [mélecture ii/i] 147 penetral P : penetrat O 148 Adytum Wernsdorf : Aditum P [mélecture y/i] 149 Herbi P : Hibera O ; Erebi Barth 150 tempestatibus Pithou : pestatibus P [mélecture] 151 sola P : solum O

De ce lieu au fleuve susdit la route est d’un jour. Ici se trouve la frontière du peuple des Cynetes. Le territoire de Tartesius y est contigu et le fleuve Tartesus baigne la contrée. Du cap Zephyris au golfe de Tartessus De là on gagne le cap consacré à Zéphyr ; le sommet du promontoire est appelé Zephyris. De hauts pics se dressent sur les sommets du cap  ; une grande masse domine les airs et une sorte de brouillard la recouvre, cachant toujours sa tête nuageuse. A partir de là, toute la région est entièrement recouverte d’herbe. Pour les habitants, le ciel est brumeux au sommet, l’air est dense et le jour opaque ; la nuit, la rosée est fréquente. Jamais, comme il est habituel, ne pénètre la brise, jamais le souffle du vent n’éclaircit le ciel dans la partie supérieure. Une lourde brume pèse sur la terre et le sol est largement détrempé. Si quelque navire dépasse le pic Zephyris et s’enfonce sur les flots de notre mer, il est poussé par les rafales du Favonius. De là, revenant en arrière, se trouve un cap et un temple consacré à la déesse Infernale, riche, situé dans une caverne secrète, avec un accès dérobé. Tout près s’étend un vaste marais, appelé Etrephaea. La ville d’Herbus exista vraiment, diton, autrefois en ces lieux. Balayée par les tempêtes des batailles, elle n’a laissé à ce territoire que sa renommée et son nom.

2. L’Ora maritima d’Aviénus At152 Hiberus inde manat amnis, et locos fecundat unda. Plurimi ex153 ipso ferunt dictos Hiberos154 ; non ab illo flumine, quod inquietos Vasconas155 praelabitur. Nam quicquid amnem156 gentis huius adiacet occiduum ad axem Hiberiam cognominant. Pars porro eoa continet Tartesios et Olbicenos157. Cartare post insula est, eamque pridem, influxe satis est158 fides, tenuere Cempsi : proximorum postea pulsi duello, uaria quaesitum159 loca se protulere. Cassius inde mons tumet : et graia ab ipso lingua cassiterum prius stannum160 uocauit. Inde fani161 est prominens, et, quae uetustum Graeciae nomen tenet, Gerontis arx162 est eminus, nanque163 ex ea Geryona quondam nuncupatum acepimus. Hic ora late sunt sinus Tartesii. Dictoque ab amni164 in haec locorum puppibus uia est diei. Gadir hic est oppidum : nam Punicorum lingua conseptum locum Gadir uocabat. Ipsa Tartessus prius cognominata165 est ; multa et opulens ciuitas aeuo uetusto, nunc egena, nunc breuis, nunc destituta, nunc ruinarum agger est. Nos hoc166 locorum, praeter Herculaneam solemnitatem, uidimus miri nihil.

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Le fleuve Hiberus se répand à partir de là et ses eaux fécondent les lieux. De nombreux auteurs rapportent qu’il a donné leur nom aux Hiberi. Ces derniers ne le tiennent pas du fleuve qui arrose les turbulents Vascones, car ils appellent Hiberia tout le domaine des peuples qui jouxtent ce fleuve vers l’Occident. Au-delà, la région orientale renferme les Tartessii et les Olbiceni. Ensuite vient l’île Cartare, qui, d’après une opinion répandue, appartenait aux Cempsi. Ils en furent par la suite expulsés par une guerre avec leurs voisins et se dispersèrent vers divers lieux. Ensuite s’élève le mont Cassius : de son nom, la langue grecque a appelé l’étain cassiterum. De là on aperçoit l’éminence d’un temple et à distance la citadelle de Gerons, qui porte un vieux nom de Grèce, puisque nous savons que d’elle Geryon a reçu son nom. Tartessus/Gadir

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Ici se développent les rivages du large golfe de Tartesius. Du fleuve [Ana] susdit à ces lieux, la route pour les navires est d’un jour. Là se trouve la ville de Gadir  : en effet, en langue punique gadir signifiait un lieu clos. Elle fut d’abord appelée Tartessus, grande et riche cité dans les temps anciens, maintenant pauvre, maintenant exiguë, maintenant dépouillée, mainte­ nant amas de ruines. Nous n’avons rien vu en ces lieux de remarquable, sauf le culte d’Hercule.

152 At Optiz : An P [mélecture t/n] 153 ex Pithou : et P 154 Hyberos Pithou : hybetos P [mélecture r/t] 155 Vasconas Holder : Wasconas Pithou ; uo uascomas P [mélecture n/m] 156 amnem P : amni Pithou 157 Olbicenos Bouiron : Cilbicenos P [mélecture o/ci] 158 

influxe satis est P : influxa enim Guillaumin ; influxa et est satis Wernsdorf

159 quaesitum Pithou : qua est (et O) tum P [coupure et mélecture i/t] 160 stannum P : stagnum Guillaumin 161 fani P : fanum O 162 arx Pithou : ars P [mélecture x/s] 163 nanque P : namque Guillaumin 164 amni Permán : Ana Müllenhoff  ; uni P [mélecture a/u] 165 Cognominata Pithou : Herculanea P [???] 166 hoc P : hic Guillaumin

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Troisième Partie : Auteurs-sources et connaissance des espaces géographiques

At uis in illis tanta uel tantum167 decus aetate prisca sub fide rerum fuit, rex ut superbus, omniumque praepotens, quos gens habebat forte tum Maurusia, Octauiano principi acceptissimus et literarum semper in studio Iuba, interfluoque separatus aequore, inlustriorem semet urbis istius duumuiratu168 crederet. Sed insulam Tartessus amnis, ex Ligustino169 lacu per aperta fusus, undique adlapsu170 ligat. Neque iste tractu simplici prouoluitur, unusue sulcat subiacentem caespitem : tria ora quippe parte eoi luminis infert in agros ; ore bis gemino quoque meridiana171 ciuitatis172 adluit. At mons paludem incumbit173 Argentarius, sic a uetustis dictus ex specie sui, stagno iste nanque174 latera plurimo nitet, magisque in auras eminus lucem euomit, cum sol ab igni celsa perculerit iuga. Idem amnis aut175 fluctibus stagni grauis ramenta uoluit176, inuehitque moenibus diues metallum. Qua dehinc ab aequore salsi fluenti uasta per medium soli regio recedit177, gens Etmaneum accolit. Atque inde rursus usque Cempsorum sata Ileates178 agro se feraci179 porrigunt : maritima uero Olbiceni180 possident.

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Le fleuve Tartessus et son territoire 285

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167 tantum Pithou : tamen P 168 Duumuiratu Pithou : Duum iuratu P [coupure] 169 Ligustino P : libustino Berthelot 170 adlapsu Heinsius : ab lapsu P 171 Meridiana P : Meridianas O 172 ciuitatis P : ciuitates O 173 incumbit Pithou : incubit P [abréviation] 174 nanque P : namque Guillaumin 175 autem Hudson : aut P [abréviation] 176 uoluit Pithou : uolut P 177 recedit Hudson : redit P 178 Ileates P : Eleates O ; Gletes Christ 179 

Si grand fut son pouvoir et si grande sa gloire dans les temps anciens que, selon la tradition, Juba, un roi fier, très puissant parmi tous, qui dirigeait alors la nation Maurusia, très apprécié du prince Octave et qui se consacrait toujours à l’étude des lettres, se crut honoré d’être duumvir de cette ville, alors qu’il en était séparé par la mer.

agro se feraci Pithou : agros efferaci (-ces O) P [coupure]

180 Olbiceni Bouiron : Cilbiceni Hudson ; cibiceni P [mélecture o/ci]

Le fleuve Tartessus, par l’épanchement ouvert au sortir du lac Ligustinus, enserre de tous côtés l’île par son cours. Dans ce parcours il ne s’écoule pas dans un seul lit, ni ne creuse seul la terre sousjacente : du côté où naît la lumière de l’aurore, il pénètre dans la campagne par trois bras. Il baigne aussi par deux bras géminés les cités méridionales. Au-delà de l’étang s’étend le mont Argentarius, ainsi nommé par les Anciens à cause de son aspect. En effet, l’étain fait briller ses flancs et son sommet illumine fortement au loin les airs quand le soleil frappe de ses rayons ses hautes cimes. Le même fleuve roule dans ses flots des parcelles d’étain et apporte dans les murailles le riche métal. Du fleuve Tartessus au cap Sacrum De là, une vaste région s’éloigne de la plaine lisse de la mer ; le peuple Etmaneus l’habite. Au-delà, en direction contraire, jusqu’aux champs des Cempsi, les Ileates s’étendent sur un terroir fertile ; toutefois, les Olbiceni possèdent la zone maritime.

2. L’Ora maritima d’Aviénus Gerontis arcem et prominens Fani, ut supra sumus elocuti, distinet medium salum ; 305 interque celsa cautium cedit sinus. Iugum ad secundum flumen amplum euoluitur181. Tartesiorum mons dehinc attollitur siluis opacus. Hinc Erythia est insula diffusa glaebam, et iuris182 olim Punici183 : 310 habuere primo quippe eam Cartaginis priscae184 coloni. Interfluoque scinditur ad continentem185 quinque per stadia modo Erythia ab arce. Qua diei occasus est, Veneri marinae consecrata est insula, 315 templumque in illa Veneris et penetral186 cauum, oraculumque. Monte ab illo, quem tibi horrere siluis dixeram, cum187 ueneris, litus recline188 et molle harenarum iacet, 320 in quas Besilus atque Olbus189 flumina uergent190 fluentum. Post in occiduum diem Sacrum superbas erigit cautes iugum. Locum hunc uocauit Herma quondam Graecia. Est Herma porr[h]o caespitum munitio, interfluumque191 altrinsecus munit locus192. 325 Aliique rursus Herculis dicunt193 uiam, strauisse quippe maria fertur Hercules194, iter ut pateret facile captiuo gregi. Porr[h]o illud Herma iure sub Libyci195 soli fuisse pridem, plurimi auctores ferunt. 330

181 euoluitur Hudson : euoluit P : evomit O 182 iuris Pithou : uiris P [mélecture iu/ui] 183 Punici P : Punicis O 184 Priscae Pithou : Prisce P [mélecture ae/e]



ad continentem Guillaumin : a continente Müllenhoff ; at continentem P [repetition + mélecture t/c] 186 penetral Pithou : poene (pene O) sal P [mélecture tr/s] 187 cum von Gutschmid : si Guillaumin ; in P [mélecture + abréviation ?] 188 recline Pithou : reclive O ; redine P [mélecture cl/d] 189 Olbus Bouiron : cilbus P [mélecture o/ci] 190 uergent P : urgent Opitz, Guillaumin 191 -que P : quae Bochart 192 locus P : lacum Wernsdorf 193 dicunt Pithou : dicuntur ani P [abréviation ?] 194  fertur Hercules P : ferunt Herulem O 195 Libyci Pithou : libyque P 185 

309 La mer médiane sépare l’éminence de Gerons et le promontoire du Temple, comme nous l’avons dit ci-dessus ; entre les hauts rochers s’étend un golfe. A coté du second cap coule un large fleuve. Au fond s’élève le mont des Tartesii, revêtu de bois. On trouve là l’île Erythia, aux vastes champs, autrefois sous domination punique, car les anciens colons de Carthage l’habitèrent d’abord. Du côté du continent, Erythia est isolée de l’éminence par un bras de mer à cinq stades de la citadelle. Du côté où le jour se couche, l’île est consacrée à la Vénus Marine  ; elle renferme un temple de Vénus avec un sanctuaire excavé dans le roc, ainsi qu’un oracle. Lorsque l’on vient à partir de ce mont, que je t’ai dit hérissé de forêts, se trouve une plage de sable inclinée et douce, dans laquelle les fleuves Besilus et Olbus se jettent. Le cap Sacrum et l’Herma Au-delà, tourné vers l’occident, le cap Sacrum érige ses fiers rochers. La Grèce appela autrefois ce lieu Herma. Un herma signifie un talus de terre pour protection, ou l’espace fortifié des deux côtés d’un fleuve. D’autres, par contre, l’appellent voie d’Hercule, car on rapporte qu’Hercule combla la mer pour faire un chemin facile au troupeau qu’il avait capturé. Plusieurs auteurs rapportent que cet Herma fut jadis sous la domination de la Libye.

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Troisième Partie : Auteurs-sources et connaissance des espaces géographiques

Nec respuendus testis est Dionysius, Libyae esse finem qui docet Tartessium. Europae in agro, quod uocari ab incolis Sacrum indicaui, prominens subducitur. Locos196 utrosque interfluit tenue fretum, 335 quod Herma porr[h]o aut Herculis dictum est uia. Amphipolis urbis incola Euctemon197 ait non plus habere198 longitudinis modo, quam porriguntur centum et octo milia, 340 et distineri milibus tribus. Hic Herculanae stant columnae, quas modum utriusque haberi continentis legimus. Sunt paria200 porr[h]o saxa prominentia Abil[l]a201 atque Calpe. Calpe Hispano202 solo, Maurusiorum203 est Abil[l]a204, nanque205 345 Abil[l]a206 uocant gens Punicorum mons quod altus barbaro est, id est latino, dici207 ut autor Plautus est, Calpeque rursum in Graecia species caua208 teresque209 uisu nuncupatur et urcei210. Atheniensis dicit Euctemon item 350 non esse saxa, aut uertices adsurgere parte ex utraque ; caespitem Libyci soli Europae et oram memorat insulas duas interiacere211 ; nuncupari has Herculis 355 ait columnas. Stadia triginta212 refert has distinere, horrere siluis undique inhospitasque213 semper esse nauticis.

Denys, témoin qu’on ne peut récuser, enseigne que Tartessius est un confin de la Libye. Sur le sol d’Europe s’élève le promontoire qui est appelé, ai-je indiqué, Sacrum par les habitants. Un petit détroit sépare les deux lieux, qui était appelé autrefois Herma ou chemin d’Hercule. Euctémon, habitant de la ville d’Amphipolis, dit qu’il ne fait pas plus de cent huit milles de long et que ses côtes sont éloignées de trois milles. Les Colonnes d’Hercule Ici se dressent les Colonnes d’Hercule dont nous avons lu qu’elles sont tenues pour limite des deux continents. Ce sont deux promontoires rocheux identiques : Abila et Calpe. Calpe est sur le sol hispanique, Abila chez les Maurusii, ainsi le peuple punique appelle ‘abila’ un ‘mons altus’ en langue barbare (c’est-à-dire en latin), selon ce que dit Plaute. Calpe d’autre part, se dit, en Grèce, d’une cruche creuse avec l’aspect arrondi. Euctémon l’Athénien dit que ce ne sont pas des rochers mais des sommets qui se dressent des deux côtés. Il rapporte que deux îles s’intercalent entre le territoire de la Libye et le rivage d’Europe ; il dit qu’elles sont nommées Colonnes d’Hercule. Il fait savoir qu’elles sont distantes de trentes stades, qu’elles sont partout hérissées de forêts et sont toujours inhospitalières aux navigateurs.

196 Locos O : Locus P [mélecture o/u] 197 Euctemon O : hoc demon P 198 habere Pithou : here P [abréviation] 199 

latera add. Guillaumin : utrosque add. Wernsdorf ; Holder nescit quis

200 paria Burmann : parva P 201 Abila Pithou : Ab illa P [mécoupure] 202 

in hispano Pithou : om. P

203 Maurusiorum Pithou : Maurisiorum P [mélecture u/i] 204 Abila Pithou : ab illa P [mécoupure] 205 nanque P : namque Guillaumin 206 Abila Guillaumin : Abilam de Saumaise ; ab illa P [mécoupure + abréviation] 207 dici Pithou : dicti P 208 caua P : caui Nonius 209 teresque Guillaumin : teretis Nonius : teretes P 210 urcei de Saumaise : iugi P 211 Interiacere Barth : Iter acerui P 212 

stadia triginta Pithou : est adiatriginta P [mécoupure]

213 Inhospitasque Pithou : Inhospitatasque P [mécoupure]

2. L’Ora maritima d’Aviénus Inesse quippe dicit ollis Herculis et templa et aras214, inuehi aduenas rates215, deo litare, abire festino pede : 360 nefas putatum demorari in insulis. Circum atque iuxta plurimo 216 manere217 tradit tenue prolixe mare. Nauigia honusta adire non ualent locos 365 breue ob fluentum, et pingue litoris218 lutum. Sed si uoluntas forte quem subegerit adire fanum, properet219 ad Lunae insulam agere carinam, eximere classi pondera, leuique cymba220 uix221 superferri salo. Sed ad Columnas quicquid interfunditur 370 undae222 aestuantis, stadia223 septem uix ait Damastus224 esse. Caryandaeus 225 Scylax medium fluentum inter Columnas226 adserit tantum patere, quantus aestus Bosporo est. Vltra has Columnas, propter Europae latus227, 375 uicos et urbis incolae Carthaginis tenuere quondam, mos at ollis hic erat, ut planiore228 texerent fundo rates, quo cymba tergum fusior breuius mare229 praelaberetur. Porro in occiduam plagam230 380 ab his Columnis gurgitem esse interminum, late patere pelagus, extendi salum, Himilco tradit. Nullus haec adiit freta, nullus carinam 231 aequor illud intulit, desint quod alto flabra propellentia, 385 nullusque puppim spiritus caeli iuuet232 : 214 aras Pithou : haras P 215 rates P : rate Heinsius



311 Il dit en outre qu’en leur sein se trouvent des temples et des autels dédiés à cet Hercule et que les navires étrangers y viennent, sacrifient au dieu et s’en vont rapidement : on juge en effet sacrilège de séjourner dans ces îles. Il rapporte que la mer tout autour est très peu profonde à leurs abords, chargée de vase. Les navires chargés ne peuvent aborder ces lieux en raison du faible tirant d’eau et de l’épaisse vase du rivage. Mais si la volonté contraignait fortement quelqu’un à s’approcher du temple, qu’il dirige son bâteau vers l’île de la Lune et qu’il décharge son poids. Une fois le navire allégé, il pourra non sans peine flotter sur la mer. Pour ce qui concerne l’eau écumante qui s’étend entre les Colonnes, Damastès dit qu’il y a à peine sept stades. Scylax de Caryanda assure que le détroit entre les Colonnes s’étend autant que les flots houleux du Bosphore. Au-delà de ces Colonnes, du côté de l’Europe, les habitants de Carthage possédaient autrefois des bourgs et des villes. La coutume était ici d’assembler des bateaux à fond plus plat afin qu’un navire plus large puisse glisser sur les bas-fonds. L’océan Atlantique Par la suite, Himilcon rapporte que de ces Colonnes jusqu’à la région du couchant, l’abîme est sans fin, la mer s’ouvre au large et s’étend. Nul n’a visité ces mers, nul flot n’a porté de navires, faute de vents poussant au large, et nul souffle du ciel ne propulse une poupe.

limo stupens add. Sonny : tractu iacens add. Hudson ; fuco stupens add. Guillaumin 217 Manere P : Madere Wernsdorff ; Manare Oddius 218 Litoris O : littori P 219 properet Guillaumin : propter P ; properat Wernsdorf [mélecture d’abréviation] 220 cymba P : cymbam O 221 uix P : sic Wernsdorf 222 Vndae Pithou : Vnde P [mélecture ae/e] 223 stadia Pithou : studia P [mélecture a/u] 224 Damastus Pithou : Damascus P [mélecture t/c] 225 Caryandeus Pithou : Cariae dictus P  ; Caryandinus O ; Caria editus Guillaumin 226 colunnas P : calumnas Pithou 227 latus Pithou : latet P [abréviation] 228 planiore Pithou : planior P 229 mare P : maris Wernsdorf 230 plagam Pithou : plaga P [abréviation] 231 carinam Guillaumin : carinas P 232 Iuuet Pithou : uiuet P [mélecture iu/ui] 216 

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Troisième Partie : Auteurs-sources et connaissance des espaces géographiques

dehinc quod aethram quodam233 amictu uestiat caligo, seper234 nebula condat gurgitem, et crassiorem235 nubilum praestet236 die. Oceanus iste est, orbis effusi procul circumlatrator237, iste pontus maximus. Hic gurges oras ambigens238, hic intimi salis inrigator, hic parens nostri maris, plerosque quippe extrinsecus curuat239 sinus, nostrumque in orbem uis profundi inlabitur. Sed nos loquemur maximos240 tibi quattuor241. Prima huius ergo in caespitem insinuatio est Hesperius242 aestus atque Atlanticum salum ; Hyrcana rursus unda, Caspium mare ; solo243 Indicorum, terga fluctus244 Persici ; Arabsque gurges sub tepente iam noto. Hunc usus olim dixit Oceanum uetus, alterque dixit mos Atlanticum mare. Longo explicatur gurges huius ambitu, produciturque latere245 prolixe uago. Plerumque porro tenue tenditur salum, ut uix harenas subiacentis246 occulat. Exuperat autem gurgitem fucus247 frequens, atque impeditur aestus hic uligine. Vis beluarum248 pelagus omne internatat multusque terror ex feris habitat freta. Haec olim Himilco249 Poenus Oceano super spectasse semet et probasse re[t]tulit : haec nos, ab imis Punicorum annalibus prolata longo tempore, edidimus tibi. Nunc iam recursus ad priora sit stilo.

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À partir de là, la brume couvre l’atmosphère d’une sorte de manteau, un perpétuel brouillard cache l’abîme ; le temps couvert rend le jour plus obscur. Tel est l’Océan, qui borde, au loin, le tour du vaste globe, telle est la plus grande des mers. Ici l’abîme enveloppe les rivages, ce réservoir de la mer intérieure, ce parent de notre mer, car assurément il creuse de l’extérieur de nombreux golfes et la force de sa prégnance éclate dans notre globe. Nous te parlerons cependant d’abord des quatre plus grands. La première introduction dans les terres est celle de la mer occidentale et de la mer Atlantique ; puis le flot d’Hyrcanie, la mer Caspienne  ; à la terre des Indiens, la surface du golfe Persique ; et enfin l’abîme Arabique sous la chaleur maintenant du Notus. Un vieil usage, autrefois, le nommait Océan et un autre l’appelait mer Atlantique. Son abîme s’étend en un large pourtour et s’allonge sans qu’on puisse déterminer ses limites. Par la suite, le flot en est si mince qu’il cache à peine les sables sous-jacents. Au-dessus flotte une masse d’algues empêchant le reflux de l’onde. Une multitude de monstres nagent à travers toute la mer profonde, et du fait des monstres marins, une grande terreur envahit les flots. Autrefois, Himilcon le Phénicien a noté qu’il les avait vus et rencontrés sur l’Océan. Nous avons fait sortir pour toi ces faits remontant à la haute antiquité du fond des annales puniques. Revenons maintenant à ce que nous écrivions précédemment.

233 quodam Pithou : qod P [abréviation] 234 semper Heinsius : saepe O ; se per P [abréviation + mécoupure] 235 crassiorem P : crassiore Barth [abréviation] 236 praestet Guillaumin : perstet P 237 Circumlatrator Hudson : Circum latratur P [mécoupure + mélecture o/u] 238 ambigens P : ambiens Pithou, Guillaumin 239 curuat Guillaumin : turbat P  ; curat Schrader 240 maximos Pithou : maxime O ; maximo P 241 quattuor Pithou : quttuor P 242 Hesperius Pithou : Haesperius P [mélecture e/ae] 243 Solo P : salum Heinsius 244 fluctus Hudson : fluctum P [abréviation ?] 245 latere P : litore Wernsdorf 246 subiacentis Holder : subiacentes Pithou ; sub iacenti P [mécoupure] 247 fucus Hudson : fusus P [mélecture c/s] 248 beluarum Guillaumin : uel uarium P ; belluarum Barth 249 Himilco Guillaumin : Hemelco P

2. L’Ora maritima d’Aviénus Igitur columnae, ut dixeram, Libystidis250 Europae in agro aduersa surgit altera. Hic Chrysus amnis intrat altum gurgitem. Vltra citraque quattuor gentes colunt : nam sunt feroces hoc loci Libyphoenices251 sunt Massieni ; regna Selbyssina sunt feracis agri, et diuites252 Tartesii, qui porriguntur253 in Calacticum254 sinum. Hos propter autem mox iugum Barbetium est, Malachaeque255 flumen, urbe cum cognomine, Menace256 prior257 uocata est saeculo. Tartesiorum iuris258 illic insula antistat259 urbem, Noctilucae260 ab incolis sacrata pridem. In insula stagnum261 quoque tutusque262 portus263. Oppidum Menace264 super. Qua sese ab undis regio dicta subtrahit, Silurus alto mons tumet cacumine. Adsurgit inde uasta cautes, et mare intrat profundum265 : pinus hanc quondam frequens ex se uocari sub sono graio dedit : fanumque266 adusque Veneris ac Veneris iugum lit[t]us recumbit. Porro in isto lit[t]ore stetere crebrae267 ciuitates antea, Phoenixque multus habuit hos pridem locos.

313 DES COLONNES D’HERCULE AUX PYRENEES 420

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Des Colonnes d’Hercule au cap de Vénus Ainsi donc, comme je l’ai dit, en face de la colonne de Lybie s’élève en face une seconde sur le sol d’Europe. Ici le fleuve Chrysus se jette dans la haute mer. D’un côté et de l’autre habitent quatre peuples : en effet on trouve en ce lieu les sauvages Libyphéniciens, les Massieni, les royaumes des Selbyssini au terroir fertile et les riches Tartesii qui s’étendent jusqu’au golfe Calacticus. Près d’eux se recontre ensuite le cap Barbetium, le fleuve de Malacha avec la ville du même nom, qui était appellée Menace dans un siècle passé. En face de la ville se trouve une île sous la juridiction des Tartesii, consacrée autrefois à la déesse Noctiluca par ses habitants. Dans cette île sont situés un étang et également un port bien abrité. La ville de Menace est au-dessus. Du côté où ladite région s’éloigne de la mer, le mont Silurus élève sa haute cime. Là surgit un grand rocher qui s’étend dans la mer profonde : le pin y abondait autrefois ce qui lui a valu le nom qu’il porte en langue grecque [Pituoussa] ; le rivage s’étend ensuite jusqu’au sanctuaire de Vénus et au cap de Vénus. À la suite, de nombreuses cités se dressaient anciennement sur ce rivage, et de nombreux Phéniciens habitaient autrefois en ces lieux.

250 Libystidis P : Libistidi Wernsdorf, Guillaumin 251 

loci libyphoenices P : Libyphoenices loco Schrader

252 diuites Schrader : diuitis P 253 porriguntur Pithou : porrigitur P [abréviation] 254 Calacticum P : Malaciticum Unger 255 Malachaeque P : Malacheque Guillaumin 256 Menace Holder : Minace Guillaumin ; Maenace Pithou ; Maeneace P [mélecture e/ae + a/ae] 257 

priore quae Pithou : prior … P

258 iuris Pithou : uiris P [mélecture iu/ui] 259 Antistat Pithou : Antistar P [mélecture t/r] 260 Noctilucae Pithou : nectilucae P [mélecture o/e] 261 stagnum P : fanum Unger 262 Tutus Heinsius : Totus P [mélecture u/o] 263 portus Wernsdorf : porrus P [mélecture t/r] 264 Menace Bochart : minace P, Guillaumin [mélecture e/i] 265 profundum Pithou : profundam P [mélecture u/a] 266 fanumque Guillaumin : phanumque P 267 crebrae Pithou : crebre P [mélecture ae/e]

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Troisième Partie : Auteurs-sources et connaissance des espaces géographiques

Inhospitales nunc harenas porrigit deserta268 tellus, orba cultorum sola squalent iacentque. Veneris ab dicto269 iugo spectatur Herma caespitis Libyci procul, quod ante dixi. Lit[t]us hic rursum patet, 445 uacuum incolarum nunc, et abiecti soli. Porro ante et urbes hic stetere plurimae, populique multi concelebrarunt270 locos. Nam notius271 inde portus oppe272 se Massienum curuat alto ab aequore 450 sinuque in imo surgit altis moenibus urbs Massiena. Post iugum Traete273 eminet, breuisque iuxta Strongyle274 stat insula. Dehinc in huius insulae confiniis immensa tergum latera diffundit palus. 455 Theodorus illic (nec stupori sit tibi, quod in feroci barbaroque sat275 loco276 cognomen huius Graeciae accipis sono) prorepit amnis. Ista Phoenices prius loca incolebant. Rursus hinc se lit[t]oris 460 fundunt harenae, et lit[t]us hoc tris insulae cinxere late. Hic terminus quondam stetit Tartesiorum ; hic Herna ciuitas fuit. Gymnetes istos gens locos insederant : 465 nunc destitutus, et diu277 incolis carens sibi sonorus Alebus amnis effluit. Post haec per undas insula est Gymnesia, populo incolarum quae uetus nomen dedit, adusque Cani278 praefluentis alueum. 470 Pityussae279 et inde proferunt280 sese insulae, 281 Baliaricarum late insularum dorsa sunt.

268 Deserta Pithou : deserat P [interversion de lettres] 269 

Maintenant, la terre déserte offre des plages inhospitalières  ; les champs sont arides et s’étendent, privés de culture. Dudit cap de Vénus, on aperçoit au loin l’Herma du pays de Lybie dont j’ai parlé précédemment. Ici s’étend de nouveau le rivage, dépeuplé aujourd’hui et aux sols abandonnés. Autrefois plusieurs villes se dressaient ici et des peuples nombreux fréquentaient ces lieux. Du cap de Vénus au fleuve Alebus De là, un port dirigé vers le Notius est creusé chez le peuple des Massieni, en haute mer. Au fond du golfe surgit la ville Massiena avec ses hautes murailles. Ensuite s’élève le cap Traete, à peu de distance duquel se dresse l’île Strongyla. À partir des confins de cette île s’étale la surface d’un marais au large contour. Là coule le fleuve Theodorus (ne sois pas étonné d’entendre résonner un nom de Grèce en ce lieu sauvage et barbare). Des Phéniciens habitaient antérieurement ces lieux. À partir d’ici se répandent les plages du littoral et trois îles bordaient largement cette côte. Ici se dressait autrefois la limite des Tartesii ; ici était établie la cité de Herna. Le peuple des Gymnetes s’était fixé dans ces lieux : maintenant délaissés et depuis longtemps privés d’habitants, le fleuve Alebus y coule, bruis­ sant seulement pour lui-même. Les îles Baléares et la côte jusqu’à l’Èbre Au-delà, en haute mer, se trouve l’île Gymnesia, qui a donné son vieux nom au peuple qui l’habitait, jusqu’au lit de la rivière Canus qui coule devant. Et, en continuant, se présentent les îles Pityussae qui sont l’arête des îles Baléares.

ab dicto Hudson : abdito P

270 concelebrarunt Pithou : concelebrant P

Nam notius Unger : Namnatius Guillaumin ; Nam natius P ad populum prope coni. Guillaumin : oppidum prope Wernsdorf ; … op … pe P 273 traete P : Trete Müllenhoff 274 Strongyle Guillaumin : Strongile P 275 sat Hudson : stat P 276 loco P : solo Wernsdorf 277 diu Pithou : dui P [mélecture iu/ui] 278  Ad usque Cani P : (Si) cani ad usque Schulten 279 Pityussae Pithou : Pytuisse P [mélecture i/y] 280 proferunt P : proserunt Schrader 281 Baliaricarum P : Balearium ac Hudson 271 

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2. L’Ora maritima d’Aviénus Et contra Hiberi in usque Pyrenae iugum ius protulere282, propter interius mare late locati283. Prima eorum ciuitas Ilerda surgit. Lit[t]us extendit dehinc steriles harenas. Hemeroscopium quoque habitata284 pridem hic ciuitas ; nunc iam solum uacuum incolarum languido stagno madet. Attollit inde se Sicana285 ciuitas, propinquo ab286 amni sic uocata Hibericis. Neque longe ab huius fluminis diuortio praestringit amnis Tyrius oppidum Tyrin. At287 qua recedit ab salo288 tellus procul, dumosa late terga regio porrigit. Berybraces289 illic, gens agrestis et ferox, pecorum frequentis intererrabant290 greges. Hic291 lacte semet atque pingui caseo praedure alentes292 proferebant spiritum uicem ad ferarum. Post Crabrasiae iugum procedit alte, ac nuda lit[t]orum iacent adusque cassae293 Cherronesi294 terminos. Palus per illa Naccararum extenditur ; hoc nomen isti nam palos295 dedit : stagnique medio parua surgit insula ferax oliui, et hinc Mineruae296 stat297 sacra.

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282 protulere Pithou : protollere P [mélecture u/o] 283 locati Pithou : locuti P [mélecture a/u] 284 Habitata Pithou : Habita P 285 Sicana Vossius : sitana P [mélecture c/t] 286 ab Pithou : ad P [mélecture b/d] 287 At Guillaumin : Ad P 288 salo Pithou : solo P [mélecture a/o] 289 Berybraces P : Bebryces Hudson 290 

inter errabant Schrader : intererrabat P [mécoupure + abréviation]

291 Hic P : Hi Pithou 292 

Praedure alentes P : praedura ac lente O

293 Cassae P : cascae Heinsius ; Onussae Schulten 294 Cherronesi Holder : Herronesi P : Chersonesi Pithou 295 

paludi mos Pithou : pal … os (bos O) P

296 Minervae Pithou : minerve P [mélecture ae/e] 297 stat Opitz : sat P

En face de ces îles, les Hiberi établirent leur juridiction jusqu’à la pointe des Pyrénées, installés largement sur toute la mer intérieure. Ici apparaît la première de leurs villes, Ilerda. À partir de là, la côte étend ses plages stériles. On trouve également Hemeroscopium, cité jadis peuplée  ; maintenant, le sol vide d’habitants croupit sous des eaux stagnantes. Ensuite s’élève la ville de Sicana, proche du fleuve ainsi appelé par les Hiberi. Non loin de sa bifurcation d’avec ce cours d’eau, le fleuve Tyrius enserre la ville de Tyris. Du côté où la terre s’éloigne de la mer, s’étend une région de vastes zones couvertes de buissons. Là-bas, les Berybraces, peuple sauvage et belliqueux, erraient au milieu des troupeaux de leurs nombreux bétails. Nourris de lait et d’épais fromages, ils avaient une vie assez dure, à la manière de bêtes sauvages. Ensuite s’avance en hauteur le cap de Crabrasia et s’étendent des littoraux nus jusqu’aux limites de la déserte Cherronesus. Au large de ceux-ci s’étale le marais des Naccara ; en effet, l’usage lui a donné ce nom. Un îlot rempli d’oliviers surgit au milieu du marais, de sorte qu’il est consacré à Minerve.

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Troisième Partie : Auteurs-sources et connaissance des espaces géographiques

Fuere propter ciuitates plurimae : quippe hic Hylactes, Hystra, Sarna et nobilis298 Tyrichae stetere. Nomen oppido uetus, gazae299 incolarum maxime memorabiles, 500 per300 orbis oras : nanque301 praeter caespitis fecunditatem, qua pecus, qua palmitem, qua dona flauae Cereris educat solum, peregrina Hibero subuehuntur302 flumine. Iuxta superbum mons Sacer303 caput exerit, 505 Oleumque flumen304 proxuma agrorum secans geminos iugorum uertices interfluit. Mox quippe Sellus (nomen hoc monti est uetus) adusque celsa nubium subducitur. Adstabat istum ciuitas Lebedontia priore saeclo305, nunc ager uacuus306 lare307 510 lustra et ferarum sustinet cubilia. Post haec harenae plurimo tractu308 iacent, per quas Salauris309 oppidum quondam stetit, in quis et olim prisca Callipolis fuit, Callipolis illa310 311 moenium312 515 proceritatem et celsa313 per fastigia subibat auras, quae laris uasti ambitu latere ex utroque piscium semper ferax stagnum imprimebat314. Inde Tarraco315 oppidum 520 et Barcilonum amoena316 sedes ditium, nam pandit illic tuta portus brachia, uuetque semper dulcibus tellus aquis.

298 nobilis P : nobiles Pithou 299 Gazae Wernsdorf : Gaiae P [mélecture z/i] 300 Per Pithou : Pre P [abréviation] 301 nanque P : namque Guillaumin 302 subuehuntur Pithou : subeuntur P 303 sacer Schulten : acer P 304 flumen Pithou : flumem P [abréviation ?] 305 saeclo Pithou ;: aeuo Villalba ; aedo P [mélecture cl/d] 306 uacuus Pithou : -ua cuius P [mécoupure] 307 lare P : late O 308 tractu Pithou : tracta P [mélecture u/a] 309 Salauris Hudson : sal auri P [mécoupure] 310 illa O : ill… P

quae per altam add. Opitz moenium : menium P [mélecture oe/e] 313 celsa Pithou : celsam P 314 imprimebat P : premebat Hudson 315 Tarraco Pithou : carraco P [mélecture t/c] 316 amoena Pithou : amoenas P 311  312 

Près de là se trouvaient plusieurs cités ; ici s’élevèrent assurément Hylactes, Hystra, Sarna et la célèbre Tyrichae. Cette ville a un nom antique et les richesses de ses habitants sont renommées de la terre entière : en effet, outre la fertilité du sol qui produit du bétail, des vignes et les dons de la blonde Cérès, les marchandises étrangères sont transportées par le fleuve Hiberus. De l’Èbre à Barcilo À côté, le mont Sacré tend sa cime fière vers le ciel, et le fleuve Oleus, traversant les champs voisins, coule entre les deux sommets de cette montagne. Bientôt le mont Sellus (le nom de cette montagne est ancien), porte sa cime jusqu’aux nuages. La ville de Lebedontia s’y adossait en des siècles anciens  ; maintenant, la campagne déserte n’offre que des antres et repaires de bêtes sauvages. Au-delà s’étendent des plages d’une très grande étendue au milieu desquelles s’élevait autre­fois la ville de Salauris et où fut jadis l’antique Callipolis, cette même Callipolis qui, par la grande taille de ses hautes murailles et par ses faîtes élevés, pénétrait les airs ; qui, avec l’enceinte de ses vastes maisons, enveloppait des deux côtés un étang toujours poissonneux. Ensuite vient la ville de Tarraco et l’agréable siège des riches habitants de Barcilo ; un port déploie là toutes ses protections et la terre est toujours arrosée d’eau douce.

2. L’Ora maritima d’Aviénus Post Indigetes asperi se proferunt. Gens ista dura, gens ferox uenatibus, lustrisque inhaerens. Tum iugum Celebandicum 525 inusque salsam dorsa porrigit Thetim. Hic adstitisse ciuitatem Cypselam iam fama tantum est ; nulla nam uestigia prioris urbis asperum seruat solum. Dehiscit illic maximo portus sinu 530 cauumque late caespitem inrepit salum ; post quae recumbit lit[t]us Indiceticum Pyrenae317 adusque prominentis uerticem. Post318 lit[t]us illud, quod iacere diximus tractu supino, se Malodes exerit 535 mons ; inter undas 319 tument sco321 geminusque uer322. Hos inter aut323 portus effuse iacet, nullisque flabris aequor est obnoxium. Sic omne, late praelocatis rupibus, 540 latus ambiere cautium cacumina, interque saxa immobilis gurges latet, quiescit aequor, pelagus inclusum stupet. Stagnum inde Toni324 montium in radicibus, 545 Tononitaeque325 attollitur rupis326 iugum, per quae sonorus uoluit aequor spumeum Anystus327 amnis328, et salum fluctu secat. Haec329 propter undas atque salsa sunt freta.

317 Pyrenae Pithou : Pyrene p [mélecture ae/e] 318 Post P : Per Guillaumin 319 quo add. Unger 320 scopuli Wernsdorf : sco… P 321 duo Schulten : loco Unger 322 

uertex celsa nubium petit add. Wernsdorf : uer… P

323 autem Hudson : aut P [abréviation] 324 Toni P : Tonon Hudson 325 Tononitaeque P : Tononiae Hudson 326 rupis Pithou : rumpis P [abréviation] 327 Anystus P : Amystus O 328 amnis Hudson : amni P 329 Haec P : has O

317 Des Indigetes aux Pyrénées Puis se montrent les redoutables Indigetes. Ce peuple est rude, ce peuple est intrépide à la chasse et vit dans des lieux escarpés. Ensuite le cap Celebandicus avance sa pointe jusque dans l’onde salée de Thétis. Ici se dressait la ville de Cypsela, autrefois d’une telle renommée ; en effet, l’âpre sol ne conserve aucun vestige de cette ancienne cité. Là-bas un port s’ouvre en un très grand golfe et la mer courbe s’enfonce largement dans la terre ; après quoi la côte des Indiceti s’étend jusqu’au sommet saillant des Pyrénées. À la suite de ce rivage qui, nous l’avons dit, a un tracé recourbé, s’avance le mont Malodes  ; deux rochers surgissent ici entre les ondes et son double sommet se dresse vers les hauteurs des nuages. Entre eux s’étend un port et la mer n’est exposée à aucun vent. Ainsi, avec les rocs situés en avant, les sommets des rochers abritent largement toute la côte ; entre eux, l’abîme repose immobile, l’eau est calme, la haute mer enfermée s’engourdit. Se dresse ensuite le sommet du mont Tononita et l’étang de Tonus au pied des monts, à travers lesquels le fleuve Anystus roule avec fracas ses eaux écumantes qui divisent les flots salés. Tout cela se produit à proximité des vagues et de l’eau salée.

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Troisième Partie : Auteurs-sources et connaissance des espaces géographiques

At quicquid agri cedit alto a gurgite, Ceretes330 omne et Ausoceretes331 prius 550 habuere duri : nunc pari sub nomine gens est Hiberum. Sordus332 inde denique populus agebat inter auios locos ; ac pertinentes usque ad interius mare qua pinifertae333 stant Pyrenae uertices,334 555 inter ferarum lustra ducebant 335 et arua late et gurgitem ponti premit336. In Sordiceni caespitis confinio quondam Pyrenae latera ciuitas337 ditis laris338 stetisse fertur, hicque Masiliae incolae 560 negotiorum339 saepe uersabant uices. Sed in Pyrenen ab columnis Herculis Atlanticoque gurgite et confinio Zephyridis340 orae cursus est celeri rati septem dierum. Post Pyrenaeum iugum 565 iacent harenae lit[t]oris Ceretici341 ; easque late sulcat amnis Roscynus342. Hoc Sordicenae, ut diximus, glaebae343 solum est. Stagnum hic palusque344 quippe diffuse345 patet346, et incolae istam Sordicen cognominant. 570 Praeterque uasti gurgitis crepulas aquas (nam propter amplum marginis laxae347 ambitum, uentis tumescit saepe cellentibus348),

330 Ceretes Villalba : Caeretes P [mélecture e/ae] 331 Ausoceretes Unger : Aucoceretes P [mélecture s/c] 332 Sordus Hudson : cor dus P [mélecture s/c]

Les Ceretes et les rudes Aucoceretes occupaient entièrement autrefois tous les territoires de cette région qui s’éloignent de la haute mer. Aujourd’hui, ils sont confondus sous le nom des Hiberi. DES PYRENEES AU RHÔNE Le versant nord des Pyrénées Enfin, le peuple Sordus vivait dans des contrées reculées ; répandu de là jusqu’à la mer intérieure, ils passaient leurs jours parmi les animaux sauvages du côté où les sommets des Pyrénées boisées de pins dominent largement les champs et la mer. Sur les confins du territoire Sordicenus, sur les flancs des Pyrénées, s’élevait autrefois, dit-on, une cité aux riches maisons, avec laquelle les habitants de Massalia venaient souvent commercer. Jusqu’à Pyrénée, depuis les Colonnes d’Hercule et la mer Atlantique et les confins du rivage de Zephyris, la course pour un navire rapide est de sept jours. Les plaines du Roussillon Après le cap des Pyrénées s’allongent les plages du littoral des Ceretes ; le fleuve Roscynus les sillonne sur une large étendue. Cette région, comme nous l’avons dit, est le territoire Sordicenus. Ici se trouvent un vaste étang et un marais très étendus, que les habitants appellent Sordice. Devant les eaux bruyantes de cette large nappe (en effet ses côtés prennent de l’ampleur sous l’effet des vents qui soufflent souvent),

pini fertae P : pinifetae Meineke u. 555 post 556 posuit Schrader 335  ducebant diem Schrader : ducebat Villalba ; duceba P 336 premit P : premunt Müllenhoff 337  add. Guillaumin ; iuxta et insulam | Alte tumentum add. Unger 338  ditis laris Pithou : diti flaris P [mécoupure + mélecture s/f ] 339 Negotiorum Holder : Negociorum P [mélecture t/c] 340 Zephyridis Heinsius : Zephyridos Holder ; Zephyris P 341 Ceretici Bouiron : cynetici P, Guillaumin ; Rhoscynici Unger [mélecture r/n] 342 Roscynus Holder : Ruscinus O ; Rhoscynus Unger, Guillaumin ; roschinus P [mélecture y/hi] 343 glaebae Holder : glebae Pithou ; glaebe P [mélecture ae/e] 344 palusque Pithou : paludis O ; palus quae P [mécoupure + mélecture e/ae] 345 diffuse Pithou : diffusae P [mélecture e/ae] 346 patet P : patent Unger 347 laxae Pithou : laxe P 348 percellentibus Pithou : calentibus O ; cellentibus P [abréviation] 333  334 

2. L’Ora maritima d’Aviénus stagno hoc ab ipso Sordus amnis effluit ru349 effluentis [h]ostiis 575

350 sinuatur alto, et propria per dispendia caespes cauatur, eripit351 unda longior, molesque multa gurgitis distenditur. 580 Tris nanque352 in illo maximae stant insulae, saxisque duris pelagus interfunditur. Nec longe ab isto caespitis rupti sinus353 alter dehiscit insulasque quattuor354 (at priscus usus dixit has omnis Piplas355) 585 ambit profundo. Gens Elesycum prius loca haec tenebat, atque Naro356 ciuitas erat357 ferocis maximum regni caput. Hic salsum in aequor amnis Attagus ruit. 590 Heliceque rursus hic palus iuxta358. Dehinc Besaram359 stetisse fama casca360 tradidit. At nunc Heledus361, nunc et Orobus362 flumina uacuos per agros et ruinarum aggeres amoenitatis indices priscae meant. Nec longe ab istis Thyrius alto euoluitur 595 Ororus363 agmen

nunquam excitentur364 fluctuum uolumina, sternatque semper gurgitem Alcyonae quies. 600

319 le fleuve Sordus sort de cet étang et à nouveau, depuis l’embouchure de cette rivière, Les lagunes de Narbonne est profondément découpé  ; le territoire est creusé par ses propres effondrements, que la mer enlève massivement ; le cordon littoral est distendu par la vaste masse des flots. En effet, trois très grandes îles s’y dressent et la haute mer se répand entre leurs durs rochers. Non loin de cet endroit s’ouvre un autre golfe, entaillé dans la terre  ; il encercle profondément quatre îles (une très ancienne tradition les appelle toutes Piplas). Le peuple des Elisyci possédait autrefois ces lieux ; la cité de Naro était la capitale la plus grande de ce royaume belliqueux. Ici se jette dans le flot salé le fleuve Attagus. En continuant près de là se trouve le marais Helice. À la suite, une tradition ancienne rapporte que se trouvait Besara. Mais aujourd’hui les fleuves Heledus et Orobus passent à travers des champs abandonnés et des monceaux de ruines, indices d’une antique prospérité. Non loin de ceux-ci, le Thyrius se jette dans la mer le cours d’eau Ororus . Les vagues des flots ne sont jamais soulevées et le calme Alcyon apaise toujours l’abîme.

Rursusque ab huius add. Müllenhoff : Ru … P Hic litus coni. Bouiron ; hinc dehinc coni. Unger 351 eripit P : repit Schrader, Guillaumin 352  nanque P : namque Guillaumin 353 sinus P : sinu Wernsdorf 354 quattuor Pithou : quttuor P 355 Piplas P : triplas Hudson ; Spilas C. Müller 356 naro P : Narbo Hudson 357 Erat Pithou : Era P 358 iuxta O : iusta P [mélecture x/s] 359 Besaram P : Sebaram Christ 360 casca Opitz : cassa P 361  nunc Heledus P : nuncce Ledus Hudson 362 Orobus P : Orbus O ; Orobis Hudson 363 Ororus Bouiron : cinorus P, Guillaumin : sonorus Unger [mélecture o/ci+r/n] 364  Nunquam excitentur Opitz : Num qua excitent P [mécoupure + abréviation] 349  350 

320

Troisième Partie : Auteurs-sources et connaissance des espaces géographiques

Vertex at365 huius cautis e regione se illi eminenti porrigit, quod Candidum dixi uocari. Blasco propter insula est teretique forma caespes editur salo. In continenti et inter adsurgentium capita iugorum, rursum harenosi soli terga explicantur366 ; seque fundunt367 lit[t]ora orba incolarum. Setyus368 inde mons tumet procerus arcem et pinifer. Setyi369 iugum radice fusa inusque Taurum pertinet, Taurum paludem nanque370 gentici uocant Orori371 propinquam flumini : huius alueo Hibera tellus atque372 Ligyes373 asperi intersecantur. Hic sat angusti laris tenuisque374 census375 ciuitas Polygium376 est. Tum Mansa377 uicus, oppidumque Naustalo378, et urbs + haesice gen sale

eiusque in aequor Classius379 amnis influit.

605

610

615

Le sommet de ce roc s’élève à l’opposé de la région où se trouve cette éminence que j’ai dit s’appeler Candidus. Auprès de lui est l’île Blasco ; son sol émerge de la mer en forme arrondie. Sur le continent et entre les têtes des caps qui surgissent se déploient à nouveau des plages de sable et s’étendent des rivages privés d’habitants. Là s’élève le mont Setyus, au haut sommet boisé de pins. Le cap de Setyus s’étend jusqu’au Taurus par sa base déployée. En effet les gens du pays appellent Taurus un étang voisin du fleuve Ororus ; la terre d’Hibera et les rudes Ligyes sont séparés par son lit. Ici se trouve la cité de Polygium aux maisons assez étroites et à la population pauvre. Puis on trouve le bourg de Mansa et la ville de Naustalo, ainsi que la ville de Dans son eau débouche le fleuve Classius.

620

365 at Schulten : ad P [mélecture t/d] 366 explicantur Pithou : explicatur P [abréviation] 367 fundunt Pithou : fudunt P [abréviation] 368 setyus P : Setius Vossius : 369 Setyi Guillaumin : Setii Holder ; Setij O ; fecyi P [mélecture s/f ]

nanque P : namque Guillaumin Orori Bouiron : Orari Guillaumin ; orani P  ; Aurari Unger [mélecture r/n + o/a] 372 atque Guillaumin : adque P 373 Ligyes Villalba : ligies P [mélecture y/i] 374 Tenuis P : Tenui O 375 census Guillaumin : censu P 376 Polygium P : Posygium F. de Saulcy 377 mansa P : Masua Müllenhoff 378  -que Naustalo P : Longostalo F. de Saulcy 379 Classius P : Lasius F. de Saulcy 370  371 

2. L’Ora maritima d’Aviénus At Cimenice380 regio discedit381 procul salso ab382 fluento, fusa multo caespite et opaca383 siluis : nominis porr[h]o auctor 384 mons dorsa celsus. Huius imos aggeres stringit fluendo385 Rhodanus, atque scrupeam molem386 imminentis intererrat aequore. Ligures ad undam semet Interni maris Setyena387 ab arce et rupe saxosi iugi, procul extulere. Sed quasi exposcit locus, Rhodani ut388 fluentum plenius tibi disseram389. Stili immorantis patere390 tractum mi Probe391 : quippe amnis ortum, gurgitis lapsum uagi, quas392 iste gentis lambat unda393 fluminis, quantoque manet incolis compendio, et [h]ostiorum fabimur diuortia. Niuosum in auras erigunt Alpes iugum a solis ortu, et arua gallici soli394 intersecantur scrupeo fastigio 395 et anhela semper flabra tempestatibus. Effusus ille, et ore semet exigens396 hiantis antri, ui truci sulcat sola aquarum in ortu et fonte397 primo nauiger.

321 L’ARC LIGURE, DES CÉVENNES À MASSILIA 625

La région Cimenica est située loin du flot marin, avec ses territoires très étendus et ses forêts opaques : l’origine de son nom vient d’une chaîne de montagne élevée.

630

Le Rhône et sa source

635

640

Par son courant, le Rhône presse le lit de ses terrasses et serpente de ses eaux à travers les hautes masses rocailleuses. Les Ligures se sont étendus loin, depuis le mont Setyus et les rocs escarpés de son cap jusqu’à l’onde de la mer intérieure. Mais le lieu réclame, en quelque sorte, que je te donne plus de détail sur le cours du Rhône. Acceptes, mon cher Probus, les digressions de mon style: nous expliquerons assurément la naissance du fleuve, les divagations de son flot, quels peuples baignent les eaux du fleuve, quel bénéfice il donne aux habitants et les bifurcations de ses embouchures. Les Alpes érigent leur faîte neigeux dans les airs à l’Orient ; les campagnes du sol gaulois sont coupées par ces sommets rocheux et les vents y soufflent toujours en tempête. Le fleuve coule et, chassé de l’ouverture d’une caverne béante, incise le sol par la force de son courant ; dès son origine, il est navigable.

380 Cimenice P : Cemmenice Schrader 381 discedit Villalba nescit quis : descendit O ; discendit P [abréviation] 382 ab Pithou : ac O ; ad P [mélecture b/d] 383 opaca Schrader, Guillaumin : aprica Villalba ; operta Wernsdorff ; a prisca P 384 est add. Pithou 385 fluendo Pithou : fluento P 386 Molem Pithou : Molle P [abréviation] 387 Setyena Guillaumin : Setiena Wernsdorf ; Secyena P [mélecture t/c] 388 ut Pithou : in P 389 disseram P : edisseram Heinsius 390 patere Pithou : pater P 391 

Tractum, mi Probe Guillaumin : tracta tu improbe P ; tracta, mi Probe O

392 Quas Pithou : Quis P [mélecture a/i] 393 unda Pithou : undas P 394 soli O : sali P [mélecture o/i] 395 

add. Guillaumin

396 exigens P : erigens O 397 fonte Pithou : fronte P

322

Troisième Partie : Auteurs-sources et connaissance des espaces géographiques

At398 rupis illud erigentis se latus, quod edit399 amnem400, gentici cognominant401 645 Solis Columnam ; tanto enim fastigio inusque celsa nubium subducitur, meridianus402 sol ut oppositu403 iugi conspicuus haut sit, cum relaturus diem 650 septentrionum accesserit404 confinia. Scis nam fuisse eiusmodi sententiam Epicureorum : non 405 occasu premi, nullo subire gurgites, numquam occuli, sed obire mundum, obliqua caeli currere, animare terras, alere lucis pabulo 655 conuexa cuncta ; et inuicem regionibus cer406 negari candidam Phoebi facem ; Resi

660 407 meridianam408 cum secuerit orbitam, cum lumen axi Atlantico inclinauerit, ut in supremos ignem Hyperboreos agat, 665 Achaemenioque409 semet ortui ferat, discreta in aethrae flectitur curuo ambitu, metamque transit ; cumque nostro obtutui iubar negarit410, atra411 nox caelo ruit, caecaeque412 nostra protinus tenebrae tegunt.

Les indigènes appellent Colonne du Soleil le flanc du rocher dressé, qui donne naissance au fleuve ; en effet, elle s’élève jusque à la hauteur des nuages avec une telle pente que le soleil de midi n’est pas visible depuis la partie opposée de la montagne quand il s’approche des confins du septentrion pour apporter à nouveau le jour. Le soleil Tu sais en effet que la théorie des Épicuriens est la suivante : que le soleil ne se couche pas, ne s’enfonce dans aucune mer, n’est jamais caché, mais fait le tour du monde, décrit un trajet oblique dans le ciel, anime la terre, nourrit de lumière toute la courbe du monde  ; et qu’en revanche Phoebus refuse sa face brillante aux diverses régions Quand il a dépassé son orbite méridienne, lorsque sa lumière s’est inclinée vers l’axe Atlantique, afin de conduire son feu aux Hyperboréens éloignés et qu’il se porte vers l’Orient achéménide, il fléchit vers la séparation des éthers avec son orbite courbe. Lorsqu’il dépasse la limite et que son éclat se soustrait à notre vue, la nuit repoussante envahit le ciel et les ténèbres aveugles recouvrent tout de suite nos terres.

398 At Guillaumin : Ad P 399 edit Casaubonus : dedit P 400 amnem Casaubonus : amne P [abréviation] 401 cognominant Pithou : cognominat P [abréviation] 402 Meridianus Pithou : Merianus P [mélecture] 403 oppositu Pithou : positu P 404 accesserit O : excesserit Guillaumin ; acer serit P [mécoupure] 405 eum add. Pithou 406 Certis O : Cer… P



407 

Resistere alto nam iugum cacumine (uel fastigio), Quod ab occidente quando sese ad extimos Septentriones porrigit, mundi duo Latera atque solis diuidit meta uias add. Wernsdorff 408 Meridianam Pithou : Meridianum P [mélecture a/u] 409 Achaemenioque Wernsdorf : Achemeniaco O ; Ac hemonioco qua P [mécoupure + mélecture ae/e + a/e] 410  negarit atra Guillaumin : negarit taetra Pithou ; negari terra P [mélecture t/r] 411 atra Guillaumin : taetra P 412 Caecae Holder : Coecae Pithou ; Caece P [mélecture ae/e]

2. L’Ora maritima d’Aviénus Dies at[t]413 illos clara tunc inluminat, 670 septentrione414 qui superposito415 rigent. Cum rursus umbra noctis arctoos habet, genus omne nostrum splendidum ducit diem. Meat amnis autem 416 fonte per Tylagios417, per Daliternos, per Clahilcorum418 sata419, 675 Temenicum420 et agrum (dura sat uocabula, auremque primam cuncta uulnerantia, sed non silenda tibimet ob studium tuum nostramque curam421), panditur porr[h]o in decem422 flexus423 recursu424 gurgitum ; 425stagnum graue, 680 plerique tradunt, inserit semet dehinc, uastam426 in paludem, quam uetus mos Graeciae uocitauit Accion, atque427 praecipites aquas stagni per aequor egerit428 : rursum effluus arctansque429 sese fluminum ad formam430, dehinc 685 Atlanticos in gurgites, nostrum in mare et occidentem contuens, euoluitur patulasque harenas quinque sulcat [h]ostiis431. Arelatus illic ciuitas attollitur, Theline uocata sub priore saeculo, 690 Graio incolente. Multa nos Rhodano super narrare longo res subegerunt stilo.

413 at Pithou : att P 414 Septentrione Pithou : Sextentrione O ; Septentrionis P [abréviation ?] 415 superposito P : superpositi O 416 

autem a Wernsdorf : aut P : autem Pithou ;

417 tylagios P : Tylangios Holder 418 Clahilcorum P : Chachilorum O 419 sata O : fata P [mélecture s/f ] 420 Temenicum P : Lemenicum C. Müller 421 curam Pithou : cura P [abréviation ?]



post u. 679 lacunum statuit Unger, quam sic expleuit : Pediti dierum spatia, quattuor dies; lac. 4 versi susp. Guillaumin 423 Flexus Opitz : †uexis Guillaumin ; Vectis Unger ; Vexis P 424 recursu P : recursus O 425 in add. Unger ante stagnum 426 Vastam Pithou : Vasta P [abréviation ?] 427 atque Schrader : quae P 428  aequor egerit Pithou : aequore gerit P [mécoupure] 429 Arctans P : Artans O ; -que O : qua P [mélecture e/a] 430  ad formam Hudson : ae forma P [mélecture d/e] 431 ostiis Pithou : hostiis P 422 

323 Mais alors un jour brillant illumine ceux qui gèlent au septentrion d’au-dessus. Lorsque l’ombre de la nuit enveloppe à nouveau les Ourses, toute notre population jouit d’un jour splendide. Le Rhône, de sa source à son embouchure Le fleuve coule donc depuis sa source à travers les Tylagii, les Daliterni, les champs des Clahilci et la terre Temenicus (mots assez durs et tous offensant l’oreille à leur première audition, mais que je ne dois pas taire à ton étude et à notre travail). Il s’élargit au fil de l’eau en dix virages ; ensuite, il se précipite dans un étang profond, selon ce que disent la plupart des auteurs. Il s’agit d’un immense marais que la vieille tradition de Grèce nommait Accion ; le fleuve expulse ses flots impétueux par les eaux de l’étang. Sortant à nouveau et se resserrant comme un fleuve, se lançant de là du côté des abîmes atlantiques, regardant à la fois notre mer et l’Occident, il sillonne les sables largement étendus par ses cinq embouchures. La ville d’Arelate s’élève là, appelée Theline dans les  siècles passés, quand les Grecs l’habitaient. Beaucoup de motifs nous ont obligé à écrire longuement sur le Rhône, avec force détails.

324

Troisième Partie : Auteurs-sources et connaissance des espaces géographiques

At numquam in illud animus inclinabitur, Europam ut isto flumine et Libyam adseram disterminari, Phileus hoc quamquam uetus 695 putasse dicat incolas. Despectui derisuique inscitia haec sit barbara, et compete432 cursus carinae433 biduo et binoctio est. 700 Gens hinc Nearchi434, Bergineque ciuitas, 435 Salyes atroces, oppidum [priscum ra]Mastrabalae , paludes436, terga celsum prominens, quod incolentes Cecylistrium uocant. Massilia et ipsa est cuius urbis hic situs : 705 pro fronte437 lit[t]us praeiacet ; tenuis uia patet438 inter undas ; latera gurges adluit, stagnum lambit439 urbem, et unda lambit oppidum laremque fusa. Ciuitas paene insula440 est, sic aequor omne441 caespiti infudit442 manus, 710 labos443 et olim conditorum diligens formam locorum et arua naturalia euicit arte444. Si qua445 prisca te iuuat446 haec in nouella447 nominum deducere

432 

competente denotetur nomine add. Wernsdorf : compete … P

433 carinae Pithou : carninae P 434 nearchi P : Auatici Unger



Mastrabalae / priscum Guillaumin : priscum Mastrabalae Villalba  ; priscum ra del Vossius ; priscum ramastrabalae P 436 paludes P : paludis Vossius 437 fronte O : fonte P 438 Patet Pithou : Pater P [mélecture t/r] 439 lambit P : ambit Heinsius, Guillaumin 440  paene insula Holder : peninsula O ; pene insula P [mélecture ae/e] 441 omne P : omni Wernsdorf 442 infudit Pithou : infundit P 443 Labos Pithou : Laboi P [mélecture s/i] 444 arte Pithou : alte Stichtenoth ; a te P [abréviation ?] 445 qua Heinsius : quae P 446 iuuat Schrader : iuuant P [abréviation ?] 447 nouella Pithou : nouela P 435 

Mais jamais notre esprit ne se déterminera à défendre que l’Europe et la Libye sont séparées par ce fleuve, quoique le vieux Philéas dise que les habitants le croyaient. Cette ignorance barbare est digne de mépris et dérision, qualifions-la . Du Rhône à Marseille Le voyage en bateau prend deux jours et deux nuits. De là, on trouve le peuple des Nearchi et la cité Bergine, les cruels Salyes, la ville antique de l’étang de Mastrabala, et un haut promontoire que les habitants nomment Cecylistrium. Et Massilia elle-même, ville dont voici la situation : le rivage s’étend en avant, un étroit chemin s’ouvre entre les eaux et la mer en baigne les côtés ; un étang longe la ville et l’eau qui se répand borde la ville et les maisons. La cité est presque une île. Ainsi, la main de l’homme a introduit la mer dans toute la terre et le travail attentif des fondateurs a autrefois modifié, par le talent, la forme des lieux et les champs naturels. S’il te plaît de changer les anciens noms en nouveaux,

3. Les ensembles géographiques Après avoir abordé les différents auteurs qui ont fourni des géonymes issus de notre corpus géographique, nous allons essayer de voir en quoi les nouvelles informations que nous pouvons tirer de notre analyse complètent voire renouvellent la connaissance que nous avons de l’histoire des différents ensembles géographiques. Cette partie ne sera pas aussi élaborée dans les différents espaces géographiques que nous avons abordés. En effet, nous avons souhaité privilégier les données historiques et archéologiques concernant le Midi de la Gaule, qui sont les plus abondantes. L’archéologie de la Gaule et des autres composantes « nordiques » (îles Britanniques et Germanie) de notre champ d’étude a pu être appréhendée sans trop rentrer dans le détail de leur problématique, ce qui aurait nécessité l’analyse de nombreuses données. Il en a été de même que la péninsule ibérique, espace géographique si particulier, organisé autour de grandes entités spatiales mouvantes dans le temps mais, surtout, dont le peuplement apparaît si dense. C’est pourquoi notre réflexion ne fera peut-être qu’aborder certains points qui pourront être ensuite approfondis. Mais il nous semblait important de les mettre en évidence pour que d’autres, beaucoup plus savants que nous, puissent en tirer toute la substance par la mise en relation avec l’ensemble des données historiographiques et archéologiques disponibles.

3.1. Les clefs de l’analyse par ensemble géographique Notre analyse se déterminera à partir de quelques questions simples  : de quand date telle ou telle mention, qui en est l’auteur et à quoi se rapporte-t-elle  ? Elles constituent autant de points dans notre réflexion sur les ensembles géographiques. 3.1.1. Les amers de notre réflexion Le premier point qui nous guidera ici est l’attribution d’une notice ou d’une information à un auteur, car c’est elle qui permet de proposer une datation, et par là la présence à une date donnée d’un site mentionné par les Ethniques. C’est pourquoi nous avons pris autant de

temps pour « décortiquer » l’Épitomé et analyser toutes les mentions se rapportant aux différents auteurs. Il nous a semblé que c’était l’information majeure que donnait notre texte. On peut noter également la question des déterminations géographiques qui, dans le cas de géonymes peu connus voire mentionnés seulement par l’Épitomé, peuvent apporter des renseignements complémentaires. Mais nous passons là par le filtre des différents rédacteurs de lexiques partiels, par auteur, qui peuvent ne pas être toujours fiables. On l’a vu en particulier pour Polybe ; il faut, à l’avenir, confronter les déterminations issues de cet auteur avec ce que nous savons par ailleurs car l’auteur de l’indexation a parfois écrit des déterminations géographiques fantaisistes1. Enfin, bien évidemment, c’est en replaçant ces informations dans le contexte des auteurs que l’on peut apprécier là encore le degré de fiabilité de notre information. Il n’y a en effet rien de comparable entre ce que peut écrire un géographe comme Artémidore, qui a pour partie visité les contrées qu’il a ensuite répertoriées, et un compilateur comme Charax qui, tout comme Appien, ne fait que reprendre des auteurs plus anciens. 3.1.2. Le découpage chronologique de notre analyse Pour aborder les différents ensembles géographiques, nous avons pris le parti de regrouper les informations dont nous disposons par grandes périodes. Nous allons reprendre ici l’ensemble des sites que nous avons pu identifier, en partant sur une base chronologique « normale », c’est-à-dire suivant le fil du temps (à l’inverse de ce que nous avons fait dans les différentes études d’auteurs jusqu’à présent) et en subdivisant ensuite éventuellement par ensembles géographiques de moindre importance. Notre première analyse concernera les auteurs compris entre Hécatée et Timée, dont l’information se 1  On peut d’ailleurs se demander s’il ne s’agit pas d’un travail d’étudiant car le manque de fiabilité de ce lexique partiel est en total décalage avec ce que l’on observe pour les autres auteurs de notre corpus.

326

Troisième Partie : Auteurs-sources et connaissance des espaces géographiques

recoupe assez souvent ce qui permet de tirer une analyse un peu globale. Nous aurions placé la limite un peu plus haut dans le temps, à la charnière des ive et iiie siècles, mais le travail avant tout livresque de Timée l’a semblet-il amené à tirer son information d’auteurs plus anciens ce qui en fait ainsi le dernier à parler de Tartessos. Par ailleurs, le travail fondamental d’Ératosthène pour la géographie (avec l’invention du mot lui-même désignant cette nouvelle science) constituera pour nous une charnière utile avec les géographes qui suivent, même si ce savant ne fait pas partie des auteurs vraiment mentionnés dans notre corpus. Dans cette période, l’auteur le plus ancien de notre corpus, qui amène une information fondamentale et reconnue comme telle depuis longtemps, est Hécatée. Sa compréhension est difficile car nous n’avons pratiquement rien conservé de son texte et nous sommes totalement dépendants des informations contenues dans l’Épitomé. Mais il nous semble évident que son texte est fiable, malgré (et compte tenu) des abréviations successives des Ethniques. L’utilisation de son œuvre par Hérodien pour des formes lexicales précises a probablement amené ce grammairien à trouver le manus­crit le plus fiable possible pour recueillir les formes archaïques des noms géographiques. On trouve également plusieurs auteurs, plus ou moins bien connus (Hérodote, Hérodore, Eudoxe de Cnide, Éphore), mais qui concernent assez peu notre aire géographique d’étude. C’est ensuite avec Théopompe, dont nous proposons qu’il ait pu donner le récit du voyage de Pythéas, que notre corpus s’étoffe à nouveau. La datation de ces mentions, comme le contexte dans lequel elles apparaissaient chez Théopompe, permettent une meilleure compréhension des géonymes qu’il donne et c’est un apport important de notre réflexion, même si bien sûr tout cela devra être soumis à la critique des spécialistes. Les derniers auteurs de cette période (Timosthène, le pseudo-Aristote, Apollonios de Rhodes) sont contemporains du moment où Timée rédige ses Histoires, dernier regard un peu « archaïsant » et encore déformé sur la Méditerranée occidentale. Enfin, c’est dans cette phase de l’analyse que nous examinerons les mentions de l’Ora maritima d’Aviénus. On y a vu très souvent la trace d’un périple massaliète archaïque et même les éléments les plus récents ne semblent pas pouvoir être rattachés à la conquête romaine de ces espaces, à de très rares exceptions près2. L’enjeu est double  : d’une part renforcer l’accroche 2 

Comme la mention de Tarraco et Barcilo aux v. 519-520.

géographique et historique des géonymes de notre corpus  ; d’autre part, mieux comprendre les sources d’Aviénus. La série géographique suivante regroupe les auteurs majeurs de notre corpus. Après Ératosthène, peu cité dans les Ethniques et ayant évidemment repris les informations de ses prédécesseurs (et en particulier celles provenant de Pythéas, au grand dam d’un Polybe ou d’un Strabon), voici le temps des grands historiens et géographes dans la mouvance d’un monde romain en expansion  : Polybe, Artémidore, Strabon en sont les témoins les plus importants, auxquels on pourrait certainement ajouter Juba (mais son œuvre est trop mal connue). Mais ils ne sont pas les seuls. On prendra ainsi en compte les mentions d’Apollodore d’Athènes, grammairien, poète, historien et géographe, ou du pseudo-Scymnos (qui ne fait peut-être qu’un avec le précédent) pour compléter le tableau de cette époque qui va jusqu’au règne d’Auguste. Les auteurs de la période suivante sont déjà pour certains de simples compilateurs. Nous comprenons ici les deux premiers siècles de notre ère et une partie du suivant, jusqu’au moment où disparaît la bibliothèque d’Alexandrie, vraisemblablement en 271 de notre ère, dans les conflits qui opposent l’empereur Aurélien avec Palmyre 3. Dans cette période, c’est Charax qui était peut-être le plus présent dans les Ethniques, probablement parce qu’il constituait l’historien le plus récent au moment où Diogenianus rédigeait ses lexiques géographiques. Enfin, la dernière période relève du Bas-Empire et de l’Antiquité tardive et s’étend jusqu’au moment où Stéphane de Byzance rédige sa compilation. Loin d’être une période de repli, les œuvres sont nombreuses mais ont quasiment toutes disparu et ne sont souvent connues que par les mentions de l’Épitomé4. Les notices compilées par Oros et Stéphane de Byzance sont donc fondamentales pour nous, même si elles concernent assez peu notre corpus géographique.

3  Si cet épisode n’est pas toujours considéré comme le moment de la fin de cette bibliothèque, nous constatons qu’il marque en tout cas une rupture dans la connaissance livresque des auteurs antiques. C’est pourquoi, dans notre réflexion sur les auteurs-sources, nous l’avons prise comme marqueur de la fin de l’accès facile à de très nombreux ouvrages antiques qui n’apparaissent plus ensuite que de manière indirecte durant le Bas-Empire et l’Antiquité tardive. 4  C’est le constat que dresse P. Janiszewski dans son livre sur les auteurs de cette période (Janiszewski 2006).

3. Les ensembles géographiques 3.1.3. Les espaces géographiques Notre analyse se fera donc en fonction de grands ensembles géographiques : péninsule ibérique, Midi de la Gaule, îles Méditerranéennes, monde celtique et îles Britanniques. Ces grands découpages ne sont pas forcément considérés comme tels dans l’Antiquité mais sont apparus ensuite avec le développement des connaissances géographiques. Si l’espace appelé Ligystique est pendant quelques siècles assez fluctuant, il finit par se limiter aux Pyrénées avec Polybe, déterminant alors clairement un espace ibérique au sens large5. La conquête romaine de ces différents ensembles géographiques intervient de manière échelonnée dans le temps. La Deuxième guerre punique est l’occasion pour les Romains de prendre pied en Corse et dans la péninsule ibérique. À l’issue de celle-ci, toute la partie orientale et méridionale de l’Espagne est entre leurs mains. Les deux siècles qui suivent seront consacrés à approfondir cette domination et à conquérir les espaces restants, jusqu’à la Cantabrie pacifiée sous Auguste. Pour la Gaule, la première province est constituée à la suite des combats remportés par Rome, à l’appel des Marseillais, à partir de 125 av. J.-C. Que ce soit pour la conquête de l’Ibérie comme pour celle du Midi de la Gaule, le lien avec Marseille est vraiment fondamental  : ce sont les Marseillais qui maîtrisent l’espace maritime, eux qui informent les Romains, eux encore qui constituent, territorialement en longeant les côtes, le lien entre l’Ibérie et l’Italie qui deviennent progressivement entièrement romaines. C’est véritablement avec Auguste que la détermination des différentes provinces, tant en Gaule (Narbon­ naise, Aquitaine, Lyonnaise, Belgique, sans compter les provinces alpines) qu’en Espagne (Bétique, Tarraconaise, Lusitanie) crée un espace administratif cohérent, stable, qui nous a servi de point de repère pour organiser nos fiches. Mais cette division intervient assez tard dans l’histoire des mentions des Ethniques et ne constitue pas réellement un repère adéquat pour la grande majorité des géonymes. Nous donnerons juste quelques indications sur la cartographie assez simple que nous avons élaborée. Comme pour l’ensemble des données que nous traitons ici, il ne s’agissait pas de reprendre une cartographie globale de l’Europe occidentale pour l’Antiquité. Nous renvoyons 5  La difficulté de déterminer précisément les limites entre les grands ensembles ethniques est particulièrement vraie avant Polybe. Voir par exemple pour l’Ibérie Marcotte 2006.

327 pour cela à l’Atlas Barrington et à toutes les cartes dressées par les différents historiens ayant travaillé sur ces espaces géographiques. Notre but est simplement ici de positionner les géonymes présents dans l’Épitomé, sans chercher à donner une cartographie exhaustive pour la période considérée. Cela peut donner des images tronquées puisque de nombreux toponymes sont absents des Ethniques, mais d’autres sauront reprendre les compléments que nous pouvons apporter pour les intégrer dans une cartographie plus complète. Nous ne traiterons pas des notices que nous avons inclues dans notre corpus mais identifiées comme hors cadre de notre étude : les notices sur la Ligurie italienne6, la Celtique en dehors de la Gaule et de la Germanie (dans son acception de province romaine)7, des géonymes à orientation mythographique8 et diverses notices ayant été réinterprétées9. Enfin, il nous était difficile de faire rentrer les notices en lien avec les Alpes10 dans ce chapitre du fait d’une inconnue totale des auteurs ayant servi de sources aux mentions de ces géonymes et d’un champ géographique potentiellement très large pour la localisation des géonymes. Nous commencerons donc notre analyse par la péninsule ibérique, avant de remonter vers la « Ligystique », les îles méditerranéennes puis le reste de la Gaule et du monde celtique. Enfin nous aborderons les îles Britanniques dont la découverte fut ancienne mais dont la réelle connaissance ne vint qu’avec la conquête romaine sous l’empereur Claude.

3.2. La péninsule ibérique On a depuis longtemps tenté de mettre en relation les géonymes présents chez Stéphane de Byzance avec les autres sources principales sur la péninsule ibérique, qu’elles soient géographiques (Strabon, Pomponius Mela et Pline l’Ancien) ou historiques (Polybe, Tite6  Notices Ligures  [132], Genoa  [62], Dertôn  [71], Plaken­ tia [177] et Stouinos [206]. 7 Notices Atria [34], Insobares [107], Sênê [199] pour les géo­ nymes celtiques, Bastarnai [44], Trausoi [220], Gotthoi [66], pour les géonymes d’Europe orientale, Boioi [52] et Tolistobioi [217] pour les Celtogalates. 8 Notices Atlantikos [33], Hesperia [87], Huperboreioi [225] et Ôkeanos [229]. 9 Notices Azania [7], Karikon teichos [117], Rhodoê [186] et Troizên [222]. 10 Notices Alpeia [22], Transalpinoi [219], Tauriskoi [212] et Magistrikê [140].

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Troisième Partie : Auteurs-sources et connaissance des espaces géographiques

Live, Appien). L’apport ici d’A. Schulten, d’A. García y Bellido puis d’A. Tovar n’est plus à démontrer. Mais c’est surtout grâce au développement de l’archéologie que des données nouvelles ont été apportées ces dernières décennies. Elles ont permis en particulier de mieux corréler les sites et la datation de leurs occupations, montrant parfois que telle ou telle attribution n’était pas possible car à la date proposée, le site était vierge de toute occupation humaine. C’est évidemment une information fondamentale pour exploiter au mieux les notices de l’Épitomé. C’est dans cette opti­que que nous avons rédigé nos fiches, en faisant le point sur les hypothèses de localisation lorsque le géonyme n’était pas immédiatement identifiable. Au côté de ces sites, d’autres, correspondant en particulier à de grandes villes de l’époque romaine, ne posaient pas les mêmes interrogations. Mais la recherche en Espagne est rendue difficile par le nombre important d’habitats (en particulier de hauteur) que révèlent les fouilles et les fréquentes homonymies. Il ne nous a pas toujours été possible de choisir entre les différentes hypothèses d’attribution pour certains sites, arbitrées mais non résolues par les spécialistes de l’archéologie ibérique. 3.2.1. Du vie siècle au milieu du iiie siècle av. J.-C. Les premières mentions relèvent donc d’Hécatée. Les géonymes qu’il emploie se répartissent le long des côtes. Pour le sud de la péninsule ibérique, on dénote à son époque et dans le siècle et demi qui suit quatre grands ensembles d’ouest en est, que nous allons examiner successivement (fig. 59). La partie atlantique Le premier ensemble géographique, le plus occidental, correspond à la partie atlantique de la péninsule ibérique. Dans l’Épitomé, trois auteurs sont mentionnés pour cela  : Hécatée, Hérodore et Théopompe. Nous pensons en effet qu’il convient de placer ici la référence que donne Hécatée pour Nurax [162], ville des Keltikoi, dans la partie la plus éloignée de la Méditerranée. Nous sommes ici très certainement au début de la Périégèse d’Hécatée, qui parcourt l’ensemble du monde connu sous forme d’une très grande boucle méditerranéenne qui le ramène quasiment à son point de départ. Dans la connaissance géographique que l’on a à son époque, ceux dont le nom annonce les « Celtes » correspondent aux populations qui habitent au-delà du détroit de Gibraltar et du royaume de Tartessos, au contact de l’océan

Atlantique, dans la partie que l’on peut situer dans le sud du Portugal actuel. La détermination, toujours traduite habituellement par « ville celtique » chez Hécatée, fait donc certainement référence au peuple des Keltikoi (et non à la Celtique continentale), peuple que l’on trouve encore mentionné au ier siècle de notre ère (Pline l’Ancien, 3.13) sous le nom de Celtici. Nous proposons donc de situer la ville de Nurax autour de l’estuaire du Rio Sado, au débouché d’un fleuve important, un mode d’implantation comme on en trouve tant à cette époque. Nous ne retrouvons pas chez Aviénus ces géonymes mais il mentionne dans ce secteur le cap Cempsicum (cap d’Espichel) et l’île Achale, cette dernière se trouvant peutêtre recouverte de nos jours par les alluvions du Sado11. C’est encore, selon nous, aux Keltikoi qu’il faut rattacher la ville de Drilônion [76] chez Théopompe, plutôt qu’à la Gaule océanique. Ce serait un jalon supplémentaire, à l’époque de Pythéas, de ces villes anciennes dont on retrouve les vestiges archéologiques dans la partie sud-ouest de la côte portugaise. Dans son œuvre, Théopompe (donc Pythéas) parle de Ligyens pour tous les Celtes rencontrés dans le Midi de la Gaule mais également en Ibérie occidentale. À son époque, le terme de Celtique n’a pas encore remplacé celui de Ligyen. Hérodote (2.33) signale que ces Keltikoi jouxtent les Kunêsioi, peuple que l’on trouve appelé chez Hérodore Kunêtes (voir fiche Ibêria [100]) et dont le territoire est appelé encore à l’époque augustéenne Cuneus. Ce peuple est situé dans l’angle sud-ouest de la péninsule ibérique, le long de la façade atlantique et n’a pas bougé durant toute l’Antiquité. Toujours selon Hérodore, le peuple suivant (vers le nord selon lui, probablement au nord-est des précédents en réalité) s’appelle les Glêtes  [65]. Mentionné par Strabon sous le nom d’Iglêtes, il est lu chez Aviénus Ileates (v. 302) mais sa localisation reste identique : nous sommes ici à l’intérieur des terres, à l’ouest du royaume de Tartessos. L’ensemble se rapporte à un peuple certainement assez important si l’on en juge par ce qu’en disait Asclépiade de Myrlée (d’après Strabon, 1.2.19) et au fait qu’il soit également mentionné par Théopompe (d’après Pythéas, lu par erreur Tlêtes [216] dans les Ethniques).

11 

Villalba i Varnera  1986, p.  81 n.  57  ; Guillaumin, Bernard 2021, p. 85, n. 13. L’information que rapporte Aviénus (v.  187-194) à propos de cette île, qui est baignée d’une eau parfaitement claire souillée par des alluvions boueux, pourrait parfaitement correspondre à des phases de crue et d’apports sédimentaires du fleuve dans son estuaire.

3. Les ensembles géographiques

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Figure 59 – Géonymes mentionnés en Ibérie sur fond de plan orohydrographique (VIe-IVe siècle av. J.-C.).

La côte méridionale Le second ensemble est le royaume de Tartessos. On a peu de mentions de rattachement à ce territoire : chez Hécatée, la ville d’Eliburgê [81] ; chez Timée (?) la ville d’Ibulla [101]. Ce dernier est probablement aussi l’auteur qui devait être cité dans la notice des Ethniques concernant Tartessos [211], avec une mention de « ville d’Ibérie » qui est déjà un peu tardive. On notera par ailleurs que les mentions que nous attribuons à Théopompe forment un ensemble assez cohérent, regroupant Gadeira  [59], l’île proche d’Erutheia  [85], ainsi que Tartessos elle-même avec des indications donnant une vision de l’exploitation minière et de la métallurgie présente en Ibérie méridionale. La délimitation territoriale de cette entité est délicate, en particulier si l’on prend l’hypothèse qu’Eliburgê correspond bien à l’Elvira actuelle, ce qui la place très proche des Mastiênoi. C’est pourquoi nous préférons la situer le long du Guadalquivir, à l’emplacement de la future Ilourgeia [105], le fleuve Tartessos (c’est-à-dire

le Guadalquivir) pouvant lier la ville centre avec son arrière-pays. Peut-être la disparition du royaume a-t-elle eu pour conséquence de donner plus d’expansion à certains peuples voisins comme les Glêtes et les Mastianoi, tous deux signalés comme proches de Tartessos encore chez Théopompe, alors qu’auparavant ils étaient peutêtre soit dépendants de ce royaume soit situés sur ses franges. On notera que les fondations phéniciennes les plus anciennes se trouvaient au contact de cet ensemble territorial. À l’époque de Théopompe, la profonde anse où était peut-être établie la ville de Tartessos (si elle a bien existé) semble suffisamment comblée pour former un lac, au bord de laquelle on trouve la ville de Ligustinê [134], habitée par des Ligyens. Aviénus s’en fait l’écho lorsqu’il l’appelle lacus Ligustinus (v. 284). Avec cette détermination, il faut probablement voir l’installation de Celtes dans cette région au moins à l’époque de Pythéas. Ils ne sont pas encore assimilés aux Keltikoi qui se trouvent plus

330

Troisième Partie : Auteurs-sources et connaissance des espaces géographiques

au nord-ouest. Cela ferait écho à la mention d’ Éphore sur la présence de Celtes jusqu’à Gadeira12. Au-delà, vers les Colonnes d’Hercule (c’est-àdire le rocher de Gibraltar/Kalpê chez nos auteurs), on trouve d’autres peuple  : les Olbusi(ni)oi  [170] (Hécatée et Hérodore), les Elbestioi  [79] (Hécatée), puis les Mastiênoi  [146]/Massianoi  [145] (Hécatée et Théopompe). Ces derniers semblent de loin les plus importants ; d’abord parce qu’on trouve chez eux plusieurs villes fondées par les Phéniciens sur la côte. Ensuite parce que leur mention successive par différents auteurs, jusqu’à Polybe, montre une pérennité certaine de leur territoire, à l’inverse des Olbusi(ni)oi ou des Elbestioi qui disparaissent rapidement de nos sources. Plusieurs villes sont mentionnées autour des Colonnes d’Hercule mais elles sont difficiles à replacer. Hécatée cite Kalathê [114], qui semble avoir eu une certaine pérennité si l’on en juge par la mention d’Éphore ; nous avons proposé, à titre d’hypothèse, d’y voir l’emplacement de la future colonie romaine Carteia suivant un phénomène de rhotacisme qui semble propre au latin du iiie siècle av. J.-C. et que l’on retrouve par ailleurs (par exemple Alalia => Aleria)13. Timée est probablement l’auteur qui citait Salmuka [189], ville que l’on peut éventuellement placer du côté de l’actuelle Marbella si l’on accepte l’identification avec Salduba. Il mentionnait également deux autres villes, toutes dans le même secteur des Colonnes d’Hercule, qui ne sont pas directement localisables  : Tritê  [221] et Akkabikon Teichos  [13], cette dernière étant probablement une fortification phénicienne et/ ou punique. Une autre mention, Xêra [164], trouvait place dans le livre XLIII de Théopompe, dans lequel était décrit selon nous le voyage de Pythéas. Tous ces géonymes n’ont pas de postérité ni de correspondance avec l’Ora maritima d’Aviénus, d’où la difficulté pour les replacer précisément. Chez les Mastiênoi, on connaît Sixos  [202] (bien localisable à Almuñecar), Mainobôra  [141] et 12  Selon Strabon (4.4.6), Éphore étendait la Celtique jusqu’à Gadeira : « Éphore exagère à tel point les dimensions de la Celtique qu’elle embrasse en plus de son territoire la plus grande partie de celui que nous appelons aujourd’hui l’Ibérie jusqu’à Gadéira. Il montre ses habitants phillélènes et raconte à leur sujet toutes sortes de choses qu’il est le seul à dire et qui ne ressemblent en rien à la réalité d’aujourd’hui » (trad. Lasserre). 13  Il est possible de voir un nom punique à l’origine de cette ville avec le toponyme Cart qui signifie cité en phénicien. Ce nom aurait pu être transformé par les Grecs en Kalathê par assimilation avec la ville homonyme située dans le Pont (cf. fiche [114]).

Molubdinê [153], toutes trois mentionnées par Hécatée et situées sur la côte méridionale. À  ces villes il faut probablement ajouter Malakê  [143] et la fameuse Mainakê [142], qui pourrait constituer un simple doublon de la précédente14. La côte orientale Le dernier ensemble géographique est constitué de l’Ibérie proprement dite chez Hécatée. On ne sait pas où il situait la limite de cet ensemble géographique qui semble avoir une cohérence propre chez lui. Le nom vient, on l’a dit depuis longtemps, du fleuve Ibêr (l’Èbre). Son emploi est donc logique pour toute la vallée de l’Èbre et au-delà, jusqu’aux contreforts des Pyrénées. Vers le sud, le rattachement à l’Ibérie de la ville de Sikanê [200], située à l’embouchure du Júcar, toujours selon Hécatée, montre que cette dénomination s’étendait déjà largement à son époque. Si l’on accepte l’assimilation du peuple des Hesdêtes [86] avec les Dittanoi de Strabon, il faut encore repousser vers le sud la limite de l’Ibérie hécatéenne. Au final, il est vraisemblable que ce soit la zone de contact, inconnue, avec les Mastiênoi qui en détermine la limite. Dans cet ensemble, nous avons quelques certitudes mais beaucoup de points d’interrogation également. L’Èbre est au cœur de cette région ; il sert d’espace de redistribution des produits méditerranéens qui transitent par Emporion  [84], la grande ville phocéenne (puis massaliète ?) de cet espace ibérique. On peut placer à peu près au même endroit les Ilaraugâtai [103], nom ancien des Ilergètes qui contrôlent toujours le même espace quelques  siècles plus tard, et peut-être plus au nord les Misgêtes [152] si l’on doit y voir des populations « mêlées » entre Ibères et Celtes. Les deux îles qu’Hécatée attribue à l’Ibérie, Mêlousa [151] et Kromuousa [126], ne correspondent pas selon nous aux Baléares comme on le propose souvent, mais plus vraisemblablement à de petites îles côtières de l’embouchure de l’Èbre qui ont pu être recouvertes par les apports sédimentaires puissants du delta de ce fleuve, comme on peut le constater pour le Rhône15. Ceci expliquerait que l’on n’ait pas d’autres mentions de leur existence par la suite. Enfin, on trouvait certainement aussi dans cette partie la ville non localisée de Nêsos [158] (si elle relève bien de l’Ibérie occidentale et non du Caucase), que nous assimilons à l’Onussa connue à l’époque de la Deuxième guerre punique. 14   Nous pensons possible la mélecture MAINAKH pour MAΛΛAKH ; voir fiche [153]. 15  Pline l’Ancien (3.79) signale l’île Metina au débouché du Rhône.

3. Les ensembles géographiques On trouve trace également de mentions de géonymes de cette zone chez Théopompe. Ainsi, la ville de Brachulê [55] est dite rattachée aux Kerêtoi, peuple des Pyrénées. Pythéas pourrait avoir fait escale à Rhodê [185] ou à Emporion [84] si la mention se rapporte bien au lexique de Théopompe. Plus au sud, il mentionnait peutêtre l’île de Mêlousa [151] sur la base de la forme lexicale du nom des habitants de l’île. Sur la même côte, nous attribuons à Timée la mention de la ville de Sagonte, si l’on assimile Sargantha [195] à la forme ancienne du nom de cette cité devenue fameuse par la suite, mais qui est déjà un centre de commerce actif au ve siècle d’après les plombs découverts à Emporion. Ce sont les seuls marqueurs de cette côte orientale, moins documentée que la partie méridionale. Du côté des Pyrénées, le peuple des Bebrukes [46] est signalé par le pseudo-Scymnos avec une source antérieure au milieu du iiie siècle. La mention se retrouvant chez Aviénus, il est possible qu’elle remonte à Éphore ou à un auteur du ive siècle av. J.-C. Celtes, Ligyens et Ibères Il nous faut aussi revenir sur une question qui a fait couler beaucoup d’encre et qui se rapporte au moment où Pythéas entreprend son périple. On trouve à de nombreuses reprises des mentions de Ligyens voire de Celtes au sud de la péninsule ibérique. C’est ainsi qu’Éphore (FGrHist 70  F  131  = Strabon 4.4.6) parle de Celtes jusqu’à Gadeira. Cela rejoint les considérations d’Ératosthène (d’après Strabon 2.4.7) et l’attribution de la ville de Ligustinê  [134] par Théopompe aux Ligyens, ville qui est située en plein cœur de l’Ibérie méridionale. La nouvelle attribution des fragments de Théopompe à la description du voyage de Pythéas permet d’envisager ces mentions sous un autre angle. Dans le contexte du milieu du ive siècle, Pythéas fait de toute la côte entre Marseille et l’Ibérie romaine un territoire des Ligyens, à l’exception peut-être des Pyrénées (nous ne savons pas s’il considérait les Kerêtoi comme Ligyens ou Ibères). Il les mentionne également à l’ouest de Gadeira ce qui atteste que les populations celtiques sont bien présentes sur la partie atlantique de la péninsule ibérique. Théopompe précise, à propos des peuples ligyens des Arbaxanoi [27], Ipsikouroi [112] et Eubioi [88], qu’ils habitaient autrefois le territoire longé par le navigateur ce qui implique certainement des déplacements de population que nous peinons à entrevoir concrètement. Les indications de Pythéas vont avoir une importance particulière car c’est lui qui sert de source à Ératosthène : ce savant a trouvé

331 dans l’œuvre de Pythéas des données géographique de nature à lui permettre de décrire mais également de cartographier la partie la plus occidentale du monde de son époque. Or ce qui était vrai à son époque ne le sera plus ensuite (probablement dès le iiie siècle av. J.-C.) et cela a pu entraîner chez les géographes et historiens plus récents le sentiment d’un auteur peu sérieux comme l’indiquent Polybe ou Strabon quelques siècles plus tard. On comprend mieux ainsi que pour Ératosthène, toute la côte océanique jusqu’à Gadeira était habitée par des Ligyens ; cette information, purement « grecque », vient de Pythéas. Ces populations sont probablement perçues avant tout à travers leur langue, ce qui assimilerait la dénomination de Ligyens avec ceux que l’on appellera par la suite Celtibères. Ce n’est qu’un peu plus tard que l’on donnera enfin à l’ensemble de ces populations le nom de Celtes, peut-être sous l’influence des Romains. La description de la péninsule ibérique chez Aviénus L’Ora maritima a une description beaucoup plus large que les notices de l’Épitomé puisqu’elle commence au golfe de Gascogne (fig. 60). On a vu que la description d’Aviénus jusqu’au détroit de Gibraltar est très cohérente avec quelques rares incises qui appartiennent soit à un texte plus récent (lacus Ligustinus) soit à une mention de l’auteur lui-même (Gadir/Gades). Jusqu’à la partie méridionale du Portugal, il n’y a aucune correspondance avec les auteurs conservés par Stéphane de Byzance. Au-delà, on observe des différences notables comme les Olbicini, peuple que nous ferons correspondre avec les Olbusioi d’Hécatée et les Olbusinioi d’Hérodore. La différence de graphie habituelle (Cilbiceni) est sans doute la preuve d’une erreur de lecture lors d’une phase de copie de l’Ora maritima16. Ce nom est proche de celui des Selbyssini (v. 422), qui semblent bien être le même peuple, et nous le rapprocherons également du fleuve Olbus (Cilbus) du v. 320. La description d’Aviénus est caractérisée, on l’a déjà souligné 17, par l’absence de toute mention des Keltikoi qui, dans nos sources grecques (Hécatée ou Théopompe/Pythéas), constituent assurément un ancrage fort. Chez Aviénus, ce sont les Cempsi qui jouent ce rôle et que l’on retrouve à plusieurs reprises. Dans tous les cas, Hécatée n’est pas la source d’Avié16  Nous proposons que le groupe initial ‘ci’ du nom Cinorus (v. 596) soit une erreur pour ‘o’. Il en est certainement de même ici ce qui donnerait Olbiceni. 17  Voir par exemple Berthelot 1934, p. 71.

332

Troisième Partie : Auteurs-sources et connaissance des espaces géographiques

Figure 60 – Géonymes mentionnés dans l’Ora Maritima sur fond de plan orohydrographique (VIeIVe siècle av. J.-C.).

nus pour cette partie, si ce n’est éventuellement pour des informations en lien avec Tartessos et Gades. En revanche, on mettra en relation le lacus Ligustinus avec Pythéas  ; il est probable qu’Aviénus a repris des éléments provenant du navigateur marseillais par le biais de géographes grecs plus tardifs. On a noté supra la différence qui apparaissait dans la description des côtes passé le détroit de Gibraltar. La source d’Aviénus est selon nous différente. Ainsi apparaît en transparence une première source, depuis la Bretagne jusqu’au détroit de Gibraltar, dans laquelle nous verrions volontiers le périple d’Himilcon. Celui-ci est mentionné de façon explicite pour la navigation en haute mer sur l’océan Atlantique. Or, on sait que les Romains ont eu accès au périple de deux navigateurs carthaginois : celui d’Hannon (dont une version abrégée a été conservée) et celui d’Himilcon. Ce dernier n’est pas parvenu jusqu’à nous mais il était certainement associé au précédent. La véracité de ces deux périples n’était pas mise en doute dans l’Antiquité18. La différence très nette dans la topo18 

Voir les mentions de Pline (2.169, 5.8 et 6.200).

nymie, et en particulier l’appellation des Œstrymnii pour désigner les peuples que les Grecs appellent Ligyens rend compte d’un contexte très différent. Ainsi peut-on expliquer les divergences nettes entre les mentions de l’Épitomé et celles d’Aviénus. Le texte conservé du périple d’Hannon, certainement très réduit par rapport au texte antique19, est très précis sur les durées de navigation de chaque étape du périple. La traduction grecque, qui peut remonter à l’époque hellénistique, a peut-être traduit certains géonymes (on pense par exemple au cap Cyneticum). Les noms de divinités sont typiquement puniques, bien que traduits dans la mythologie grecque : Saturne correspond à Baal-Amon, Vénus à Astarté et Hercule à Melqart. Au-delà du détroit de Gibraltar, la ou les sources d’Aviénus changent. On observe par moment des correspondances avec Hécatée au niveau de la partie méridionale (villes de Malacha/Menace, les cités nombreuses …) ou de l’Ibérie véritable (autour de l’Èbre) : la ville de 19 

Marcotte 2000, p. xxv. Voir l’édition de F. J. González (González 2008, p. 73-151).

3. Les ensembles géographiques

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Figure 61 – Géonymes mentionnés en Ibérie sur fond de plan oro-hydrographique (IIIe-Ier siècle av. J.-C. ; en pointillés, les provinces romaines à l’époque républicaine).

Sikanê/Sicana, le cap Krabasia/Crabrasia, la mention de (C)herronesus. D’autres toponymes échappent totalement à notre connaissance ; ils sont soit la preuve de notre large ignorance de l’œuvre d’Hécatée, soit proviennent d’autres auteurs. Quoiqu’il en soit, il s’agit d’auteurs grecs car les toponymes mentionnés ont quasiment tous une consonance grecque. Philéas est peut-être celui qui a servi de source mais nous connaissons trop peu tous les auteurs mentionnés par Aviénus en introduction pour pouvoir le préciser. On notera également les deux niveaux de lecture, l’un ancien et le second un peu plus récent. Il n’est pas impossible que le niveau le plus récent soit celui de Pythéas, qui s’appuyait certainement, on l’a dit, sur un périple plus ancien et semble avoir réactualisé certaines informations. Un troisième niveau est postérieur à la colonisation romaine (mentions de Tarraco et Barcilo) mais semble extrêmement rare dans tout le texte conservé et pourrait correspondre à des connaissances propres de l’auteur.

3.2.2. Du milieu du iiie siècle av. J.-C. au début de l’Empire romain La période qui suit est fondamentale car elle correspond à la conquête romaine de la péninsule ibérique (fig. 61). Celle-ci se déroule en plusieurs phases. La Deuxième guerre punique est d’abord l’occasion pour les Romains de prendre pied dans la région et de conquérir toute la partie orientale et méridionale, en prenant comme base au départ les villes massaliètes du nord-est de l’Ibérie. Cette conquête s’accompagne de la création de deux provinces (Hispanie ultérieure et Hispanie citérieure20) et se poursuit vers le nord-ouest durant le iie siècle av. J.-C. pour s’achever sous le règne d’Auguste avec la pacification de la Cantabrie. À la fin du ier siècle av. J.-C., toute la péninsule est romaine. Deux historiens sont importants pour cette période : Polybe bien sûr, nous allons y revenir, mais également Apollodore d’Athènes, beaucoup moins connu pour ses mentions des guerres ibériques. L’analyse des notices 20 

Pour l’histoire de l’Hispanie citérieure, voir Le Roux 2006.

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Troisième Partie : Auteurs-sources et connaissance des espaces géographiques

permet de mettre en évidence la part que ses Chroniques consacraient à la Deuxième guerre punique. On peut ici confronter directement avec Polybe car tous deux semblent avoir utilisé les mêmes sources. Nous proposons de rattacher à Apollodore les mentions d’Althaia [19], ville des Olkades assiégée très peu de temps après l’accession d’Hannibal au commandement des troupes puniques en 221 av. J.-C., Zakantha [89] dont le siège en 218 av. J.-C. marque le début de la Seconde guerre punique, Karchêdôn  [121] (c’est-à-dire Carthagène), ville fondée entre 229 et 221 av. J.-C. et ayant servi de véritable capitale de l’Ibérie punique à l’époque d’Hannibal. On associera aussi à cet auteur deux autres géonymes, éventuellement la ville de Rhodê [185], peut-être en lien avec le soulèvement des Ibères réprimé par Caton l’Ancien en 195 av. J.-C. et le fleuve Sikanos [201] peut-être mentionné à l’occasion de la Deuxième guerre punique (plutôt que dans le Peri Gês du même Apollodore21 ?), par exemple lors du franchissement du fleuve par les troupes carthaginoises en provenance de Carthagène. Les mentions de Polybe 22 correspondent bien à ce que l’on peut lire dans la partie conservée de ses œuvres ou chez d’autres auteurs qui s’en sont inspirés comme Tite-Live. Nous avons donc peu à apporter ici. Les villes qu’il mentionne (Baikula [38], Ilourgeia [105]), comme les peuples (Karpêsioi [119], Bargousioi [43], Olkades  [171]), apparaissent dans le contexte de la Deuxième guerre punique. Nous signalerons simplement que contrairement aux indications des notices correspondantes des Ethniques nous ne plaçons pas ici la ville de Mastia [146] mentionnée dans le traité de paix et encore moins Tarsêion [210] qui correspond selon nous au nom du peuple auquel était rattachée ladite Mastia. En revanche, nous notons que les Mastianoi apparaissent pour la dernière fois chez Polybe (3.33.10), et l’on apprend alors qu’ils ont été déplacés en Afrique par les Carthaginois. C’est véritablement avec Artémidore que la connaissance de la péninsule ibérique progresse23. Les rattachements au lexique de cet auteur que nous avons pu faire à travers notre analyse nous montre à quel point Strabon a suivi son prédécesseur 24, même si c’est souvent avec Mais dans la notice Ibêria [100], le fleuve Ibêr est mentionné à partir du Peri Gês d’Apollodore. 22  Les données se rapportant à l’Ibérie chez Polybe ont été analysées par G. Cruz Andreotti (Cruz Andreotti 2006). 23  Nous renvoyons à P. Moret pour le détail de l’Ibérie vue par Artémidore (Moret 2013). 24  Voir en particulier Engels 2013. 21 

les compléments de Posidonios d’Apamée. Pour le sud de la péninsule, étaient mentionnées les villes côtières d’Abdêra  [1] et un peu au-dessus Odusseis  [166], Mal akê   [143] e t p e ut- ê tre Ma i n akê   [142], Sualis [207], Kartaia [120]. Pour l’intérieur, on trouve Obolkôn [165] et probablement Italikê  [111]  ; enfin plus à l’ouest, peut-être Olbia [168] s’il s’agit bien de l’actuelle Huelva. À Gades, l’île d’Aphrodisias [37] et le fleuve Baitis [40]. Pour la province de Tarraconaise, nous trouvons peut-être une ville des Karpêtanoi, Alea [18], l’île non localisée de Tropis [223], Hêmeroskopeion [92], peutêtre Emporion [84], la ville de Zakantha/Zakunthos [90] (mais la forme qu’utilise Artémidore n’est pas clairement attestée dans la notice résumée de l’Épitomé), la ville non localisée d’Aderkôn  [5], les deux villes des Orétaniens Kastalôn [122] et Ôrisia [230], Ilerda [104], Indikê  [106] (probablement une ville des Indikêtai), Motiênê [155] et la capitale de province Tarrakôn [209]. Au Nord, au contact des Celtes de la province de Narbonnaise, il est probablement à l’origine de la mention d’Aphrodisias [36]. Pour la partie la plus occidentale, nous rattachons à Artémidore la mention de la ville lusitanienne de Dia [73] et le peuple des Belitanoi [49]. La mention de la Lusitanie est d’ailleurs l’un des aspects intéressants d’Artémidore car celui-ci écrit à une époque où ce géonyme a dépassé son emprise initiale (sud-ouest de la péninsule ibérique, entre Guadalquivir et interfluve Guadiana-Tage)25. L’ensemble de ces géonymes doit être confronté avec la description que nous livre le papyrus d’Artémidore26. Dans la description qu’il contient, on trouve d’abord une description générale (reprise dans les Ethniques dans la notice Ibêria  [100]), puis les différents côtés de la péninsule : l’est (col. V 17-26), le sud (col. V 26-34) puis l’ouest (col. V 36-44)27. Force est de constater que les 25 

Cette première emprise géographique a été mise en évidence par L. Pérez Vilatela, en particulier dans son étude de Polybe (Pérez Vilatela 2000). P. Moret a repris l’ensemble de la connaissance de la Lusitanie dans l’œuvre d’Artémidore (Moret  2010), dont la mention, dans la notice Ibêria [100], fait partie du débat sur l’authenticité du papyrus. 26  Lucarini 2009. 27 Voir Lucarini 2009, p. 157-161 pour le texte d’Artémidore. On en trouvera la représentation cartographique dans Moret 2013, p.  54. Ce même auteur (p.  66-68) rappelle que la description d’Artémidore se fait d’est en ouest, contrairement à celle que l’on trouve chez la plupart des auteurs de périégèses ou de périples, qui partent des Colonnes d’Hercule (le texte d’Aviénus en est encore un bon exemple à une date tardive car il s’appuie sur des auteurs

3. Les ensembles géographiques

335

Figure 62 – Géonymes mentionnés en Ibérie sur fond de plan oro-hydrographique (Ier-IIIe siècle ap. J.-C. ; en pointillés, les provinces romaines à l’époque impériale).

noms que l’on trouve dans la partie conservée du texte ne correspondent pas à ceux que nous livre l’Épitomé. Mais nous n’avons dans le papyrus que le début du livre II28, qui correspond à la description générale et surtout aux mesures entre les différents points remarquables29. Il ne s’agit pas de la description géographique proprement dite, qui est probablement celle qui aura intéressé le anciens). C’est bien évidemment lié au sens suivi par Artémidore, qui part de Marseille, comme Pythéas. Le fait que Pomponius Mela fasse de même renforce encore l’impression qui transparaît au travers de nos fiches par notices du rôle très fort d’Artémidore comme source de cet auteur (ses géonymes sont souvent une retranscription en latin des formes d’Artémidore). 28  Si le papyrus est bien authentique, évidemment  ; mais la présence de toponymes uniques (villes d’Ipsa et Cilibe) qui trouvent leur correspondance avec des frappes monéraires (avec légende IPSES et CILPES) nous semble de nature à prouver l’authenticité du texte (García-Bellido 2013). 29   Il ne s’agit pas dans cette partie chorographique de décrire mais bien de préparer la cartographie (Marcotte 2013, Moret 2013, p. 68-70). Cette partie se prête aussi à la comparaison de la manière dont on pouvait appréhender la représentation de la péninsule ibérique dans l’Antiquité (Moret 2013, p. 70-78).

rédacteur du lexique d’Artémidore car il permettait des déterminations géographiques précises. 3.2.3. La péninsule ibérique sous l’Empire romain Les mentions dont nous disposons pour cette période sont beaucoup moins nombreuses et relèvent surtout d’historiens ( Juba, Charax et Appien) (fig. 62). Nous les faisons apparaître dans ce chapitre, mais elles se rapportent principalement aux moments de la conquête romaine et sont donc quelque part anachroniques. Juba est mentionné seulement pour trois géonymes qui se rapportent à la guerre contre les Celtibères  : Arbakê  [26], Nomantia  [161] et probablement Segidê [197]. Peut-être s’agissait-il pour lui de prolonger les Histoires de Polybe puisque celles-ci s’arrêtaient avec la chute de Carthage. Chez Charax, la mention d’Arsa [30] semble pouvoir être mise en rapport avec la guerre contre Viriathe si l’on suit Appien. La mention de Sagountos [188] donne, sous une autre forme, le nom de la ville détruite durant la Deuxième guerre punique tandis qu’on trouve sans

336

Troisième Partie : Auteurs-sources et connaissance des espaces géographiques

doute chez lui la mention des Bakkaioi [41] et peut-être de la Kantabria  [116], indications qui se rapportent encore aux guerres de conquête les plus récentes, après la Troisième guerre punique. Pour les mentions issues d’Appien, la conservation du texte de cet auteur permet de comprendre le contexte de citation. L’Épitomé n’apportant rien de plus, nous n’y reviendrons donc pas. Au final, l’Épitomé apporte peu d’informations sur la péninsule ibérique pour cette période puisque tous les géonymes se rapportent aux descriptions des guerres de la période précédente. Il faut dès lors se tourner vers les textes géographiques que nous avons conservés30.

3.3. Le Midi de la Gaule et la Ligystique Malgré plusieurs réflexions d’importance depuis une vingtaine d’années31, il nous semble que le repositionnement chronologique que nous avons tenté pour certaines mentions est de nature à aider la compréhension du peuplement du Midi de la Gaule depuis la fondation de Massalia32. S’il est une permanence notable, c’est bien la définition des côtes méridionales de la Gaule comme faisant partie de la Ligystique, nom que l’on doit définitivement préférer à celui de Ligurie33. Bien que l’on ait vu supra en quoi consistait cette détermination du côté de la péninsule ibérique, chez Hécatée, suivi par de nombreux auteurs grecs jusqu’à la conquête romaine, la Ligystique est la dénomination unique de la côte située entre les Pyrénées et les Apennins34. 30  Pour Strabon, voir Counillon  2007  ; pour Pomponius Mela, Parroni  2007 et pour Pline l’Ancien, Traina  2007 et Beltrán Lloris  2007  ; pour Ptolémée, Marcotte  2007 et García Alonso 2007. 31  Arnaud 2001, Bats 2003, Garcia 2004 et Thollard 2009. 32   Pour l’histoire mais surtout les données archéologiques de cet espace, nous renvoyons aux deux ouvrages de synthèse de D. Garcia et M. Py (Garcia 2004 ; Py 2012). Pour les aspects plus directement ubains, voir également Arcelin 2004 ; d’un point de vue plus anthropologique, Boissinot 2005. 33  M. Bats emploie ce terme dans son étude des sources grecques pour le distinguer du terme plus restrictif de Ligure qui renvoie à un positionnement géographique plus restreint (Bats  2003). Il montre bien qu’à l’origine, « les Ligyens (…) sont encore un nom générique recouvrant un ensemble de peuples dont on précise peu à peu l’extension lorsqu’on peut y rattacher des espaces politiques reconnaissables pour un Grec » (Bats 2003, p. 156). 34  Nous suivons M. Bats sur l’emprise de l’aire ligyenne d’après le pseudo-Scylax  : la délimitation entre Ligyens et Tyrrhéniens

Les termes utilisés par Hécatée sont encore ceux des auteurs grecs de la période classique35 : Hérodote (Hist. 5.9) (3e quart du ve s.) ou Thucydide (6.2) (dernier quart du ve s.) emploient Λίγυες, Sophocle (Triptolème, apud Denys d’Halicarnasse, 1.12.2) (v. 470 av. J.-C.) l’adjectif Λιγυστική. Le pseudo-Scylax (ive s. av. J.-C.) écrit de la même manière Λίγυες. Quant à la répartition entre Ligyens, Ibères et Celtes, elle est probablement autant fonction des auteurs que de l’évolution de la connaissance des côtes et de l’arrière-pays par les Grecs. Comme l’indique la plupart des études récentes36, la terminologie grecque de cette époque est largement déconnectée d’une toponymie indigène et est l’œuvre vraisemblablement des marins phocéens. 3.3.1. L’espace géographique du vie siècle au milieu du iiie siècle av. J.-C. Il existe à l’époque archaïque un espace géographique au sein duquel s’effectue le déploiement des Grecs venus de la mer Égée. I. Malkin a bien montré la manière dont s’est constitué ce réseau de cités, d’abord sous la forme de « plusieurs à plusieurs » puis de « hubs »37, rôle que tiendra Massalia pour le golfe du Lion. Les premiers contacts avec les Grecs Nous n’apportons pas d’éléments nouveaux sur la colonisation des Rhodiens en Méditerranée occidentale. Nous proposons de voir dans la forme Rhodanousia [184] une possible transformation lexicale d’une cité Rhodanê, pendant de la ville de Rhodê sur la côte ibérique et qui serait à l’origine du nom du plus grand fleuve de ce secteur. Parmi les villes les plus anciennes du golfe du Lion, on trouve une autre cité, mentionnée par Hérodote (Étrusques) se fait dans la région de Luna (Bats 2003, p. 148-149). La lecture d’Antion ne peut être comprise comme une erreur d’écriture d’Antipolis, comme le proposent certains auteurs (en dernier lieu Gras 2003, p. 241). Le temps de navigation entre le Rhône et Antion indiqué par le pseudo-Scylax, identique à celui que met Scipion de Pise au Rhône en 218, conforte cette localisation. Savoir à quel emplacement exact se situe actuellement la ville d’Antion reste ici secondaire pour notre propos. 35  Bats 2003, p. 148. 36   Nous renvoyons ici aux obser vations de P.  Moret pour l’Espagne ou de P.  Thollard pour la future Narbonnaise (Moret 2006 ; Thollard 2009, p. 130 sq.). 37  Malkin  2018. Voir en particulier pour la zone qui nous intéresse p. 219 sq.

3. Les ensembles géographiques

337

Figure 63 – Géonymes en Ligystique sur fond de plan oro-hydro­graphique, avec les données de l’Ora Maritima (VIe-IVe siècle av. J.-C.).

(2.33) et selon nous dans l’Ora maritima (v.  562) d’Aviénus : Pyrênê. Sa position, au pied de la chaîne de montagne du même nom, en faisait un lieu facile à repérer lors de la navigation et dont le nom a fini par désigner la montagne en arrière-plan. Ce nom est peutêtre d’origine grecque puisque Stéphane de Byzance mentionne une ville du nom de Purênaia (π 290) dans la même notice que la chaîne de montagnes. Située en Locride, cette cité se retrouve quelques lignes plus bas dans un doublon de l’Épitomé sous la forme Purônaia (π  294). On notera par ailleurs que l’une des deux cités fondées par la colonie de Locres Épizéphyrienne dans la seconde moitié du viie siècle se nomme Medmê (actuelle Rosarno, prov. de Reggio de Calabre), comme l’une des cités de Ligystique mentionnée par Hécatée. Enfin, la mention d’une ville Rhêginê chez Eustathe de Thessalonique, proche de la plaine de la Crau rappelle également la ville locrienne de Rhêgion (Reggio de Calabre). Faut-il voir ici la trace d’un apport locrien à la colonisation grecque, que ce soit depuis la Grèce continentale ou, peut-être plus facilement, depuis le

sud de l’Italie ? Il nous semble que le stock onomastique autorise peut-être quelques croisements entre Rhodiens et Locriens lors d’une phase ancienne de la colonisation, entre le Rhône et Rhodê. Avec la fondation de Massalia, véritable colonie dotée d’un oikistès, Protis, les Phocéens prennent le dessus pour l’organisation d’un réseau d’implantations grecques permanentes dans ce secteur de la Méditerranée occidentale. Son développement s’accélère après la destruction de Phocée par les Perses en 546 av. J.-C. qui entraîne un exode massif venant renforcer la cité. L’archéologie a bien mis en évidence l’extension rapide de la cité dans le courant du vie siècle av. J.-C. Les autres comptoirs, soit déjà existants, soit fondés ultérieurement par les Massaliètes, renforcent progressivement le hub marseillais. Si Hécatée a bien eu affaire à des sources fiables, c’est effectivement une vaste zone côtière qui relève du contrôle de Marseille et qui devait être bien connue de ses marins (fig. 63). Nous allons dans un premier temps examiner les mentions d’Hécatée, dont les informations datent vrai-

338

Troisième Partie : Auteurs-sources et connaissance des espaces géographiques

semblablement du dernier quart du vie siècle, puis celles de Théopompe qui renvoient selon nous au voyage de Pythéas vers 340 av. J.-C. Viennent ensuite les mentions des auteurs cités de manière indirecte comme Éphore et Timée, ainsi que les informations issues du pseudo-Scymnos qui ne dépassent pas le milieu du iiie siècle av. notre ère. La Ligystique chez Hécatée On a chez Hécatée un ensemble cohérent avec tout d’abord plusieurs villes rattachées à la Ligystique  : Massalia  [144], qui a évidemment un statut à part, Ampelos [25] et Medmê [150]. On trouve également le nom des (habitants  ?) Narbaioi  [156]) et celui d’une ethnie – les Elisukoi [82] – appartenant à la famille des Ligyens (Ligues). À l’inverse de Massalia (Marseille), Medmê n’est pas localisable  ; si elle relevait d’une installation un peu ancienne, nous la verrions plutôt entre Pyrênê et Rhodanousia mais cela reste évidemment totalement hypothétique. Ampelos ne l’est pas directement non plus ; l’hypothèse de N. Lamboglia qui la place à Bordighera nous laisse dubitatif. Certes, le positionnement de l’actuelle église de Sant’Ampelio à la pointe de Bordighera pouvait constituer un amer pour la navigation côtière. Mais dans ce cas, les promontoires du cap Martin (commune de Roquebrune-Cap Martin) ou du cap Ferrat (commune de Saint-Jean-Cap-Ferrat) seraient de bons candidats également. Le nom d’Ampelos pourrait cependant n’être qu’une mauvaise lecture pour Antipolis, erreur de copie remontant à une date haute dans la tradition du texte (avant son indexation, donc probablement avant Hérodien). Si tel était le cas, cela signifierait que cette ville avait déjà été fondée par les Massaliètes en 500 av. J.-C. Monoikos [154], actuelle Monaco, a peut-être un statut un peu différent car la cité est dite « ligystique » et non « de Ligystique ». Nous proposons d’y voir une ville indigène. Un autre géonyme nous semble pouvoir être rattaché à Hécatée, il s’agit de Pergantion [175]. Nous avons pu montrer que les comparaisons lexicales, que l’on retrouve chez le pseudo-Arcadius et Theognostos, proviennent d’une lecture d’Hécatée par Hérodien. C’est pourquoi nous avons écarté la possibilité que Théopompe, dont le lexique utilise la même détermination géographique, soit à l’origine de cette mention. Nous proposons de faire une correspondance entre Pergantion (qui correspond à Brigantium en latin) et le toponyme du castrum de Bragansono du Moyen Âge,

c’est-à-dire l’actuelle Brégançon (commune de Bormesles-Mimosa). Le site est indigène comme l’indique son nom celtique ; ceci explique sa mention comme ville des Ligyens et non de Ligystique comme c’est le cas pour les autres géonymes. Ainsi se faisait la distinction entre des villes situées en Ligystique mais probablement fondées par les Grecs et des villes des Ligyens, donc indigènes. Pergantion n’est probablement pas une ville côtière mais plus vraisemblablement un oppidum à faible distance du rivage. Nous pensons qu’Hécatée et Éphore mentionnaient l’un et l’autre la ville de Rhodanousia  [184]. Cette ville est située le long du Rhône, soit à proximité de son embouchure, soit au niveau de la ville d’Arles dont elle aurait constitué la première occupation. Dans le mode d’implantation des premières colonies grecques en Méditerranée d’extrême occident (site de hauteur côtier situé le long d’un fleuve), il semble assez logique de positionner Rhodanousia au plus près de la côte et le long d’un bras du Rhône, peut-être le plus important. La localisation précise de cette ville est fonction de la restitution que l’on peut faire du trait de côte du delta du Rhône aux viie-vie siècles avant notre ère. On a évoqué toutefois la possibilité de l’associer à l’emplacement d’Arles, du fait de la nature des vestiges les plus anciens retrouvés dans cette ville, le site étant, à cette époque, plus proche de l’embouchure et moins sensible à un fleuve puissant dont le delta était en constante évolution. Enfin, pour rester dans l’orbite marseillaise, Artémidore rapporte (selon Éphore ou Timée ?) la fondation de la cité de Tauroeis [213] comme issue de la flotte des Phocéens, dont un navire, le Taurophore, se serait trouvé isolé du reste de la flotte. On est probablement ici vers 545, après que les Phocéens ont quitté leur ville prise par les Perses (ou un peu plus tardivement, après la bataille d’Alalia  ?). Cette information est en contradiction avec le rattachement aux Massaliètes que donne le début de la notice, qui correspond plus probablement à la réalité à l’époque d’Artémidore. Il est probable que la prise de Phocée par les Perses a placé de facto Massalia dans un rôle de métropole. On notera que nous n’avons pas identifié de mention relevant d’Hécatée pour la notice de la ville d’Agathê, l’actuelle Agde. Il est donc possible que sa fondation soit postérieure aux sources qui ont servi à Hécatée à rédiger son œuvre géographique. L’impossibilité de localiser Medmê et Ampelos n’empêche pas d’appréhender jusqu’où s’étendait pour Hécatée cette Ligystique, par confrontation avec les

3. Les ensembles géographiques villes ibériques et italiennes. C’est peut-être ce même contexte très général qui apparaît dans les vers d’Hésiode qui mentionnent « les Ethiopiens, les Ligyens et les Scythes trayeurs de juments », si ceux-ci concernent bien les Ligyens38. La Ligystique à l’époque du périple de Pythéas Pour le ive siècle av. J.-C., plusieurs mentions relèvent selon nous de Pythéas par l’intermédiaire de Théopompe. C’est le cas du port d’Agathê [2], qui a peut-être constitué la première escale de l’explorateur. Plus au sud, c’est Baisiara (?)/Batetara [45] qui était mentionnée. Peut-être y avait-il également une mention de Rhodanousia [184] au débouché du Rhône (mais la ville existait-elle encore à cette époque ?). Enfin, la dernière ville que nous pouvons rattacher à cet auteur, Purra [181], est peut-être à placer près de l’étang de Berre. D’autres géonymes ne se laissent pas positionner, comme les peuples des Arbaxanoi [27], Eubioi [88] et Ipsikouroi [112] proches les uns des autres. La difficulté pour leur localisation est renforcée par le fait que l’on ne sache pas s’il faut les placer sur la côte languedocienne ou en Gaule atlantique (voir supra p. 270-271). Il reste que la datation autour de 340 av. J.-C. de ces mentions peut apporter aux archéologues d’Agde et de Béziers des éléments de réflexion nouveaux. Dans leur étude sur Béziers et les côtes languedociennes dans l’Ora maritima, D. Ugolini et C. Olive mettent en évidence l’impossibilité d’y voir seulement une source grecque archaïque du vie siècle av. J.-C.39. La datation proposée pour la source d’Aviénus (iiie-iie siècles) est peut-être trop basse mais tient compte d’un biais méthodologique, en considérant que Béziers n’existe pas (selon l’archéologie) entre 330/300 et 170/150 av. J.-C. et que la ville précédente portait un autre nom. Or, nous avons vu que le nom plus ancien cité par Théopompe (et provenant donc de Pythéas) est très proche de celui que donne Aviénus. On peut voir dans ce passage une relecture de Pythéas, par l’intermédiaire d’un auteur qui pourrait être Théopompe ou Timée, et placer hypothétiquement cette description vers 340 av. J.-C.

38  Voir

Thollard  2009, p.  129. Il semble se rallier à la proposition de P.  Arnaud  : il s’agit bien des Ligyens et non des Libyens comme l’indique un papyrus d’Oxyrrinchus (voir également Bats 2003, p. 148). 39  Ugolini, Olive 1987.

339 Les côtes de Gaule méridionale chez Aviénus La description de la côte du Roussillon et du Languedoc se fait avec une morphologie du rivage qui semble ancienne (cf. fig. 63). Les étangs au débouché de l’Agly ou le lac Narbonnais ont une délimitation très différente de celle qui est attestée à l’époque romaine. C’est pourquoi il nous semble que la description dérive d’une source plutôt ancienne. Les incertitudes demeurent sur le texte du fait de lacunes qui ne permettent pas de fixer de manière précise les différents toponymes. Comme pour la partie ibérique, un second niveau de lecture, plus récent, est perceptible. D. Ugolini et C. Olive ont bien montré que la description de champs désertés et d’une ville Béziers en ruine ne pouvait pas s’entendre à l’époque archaïque voire classique40. Certes on a ici une description qui pourrait être terrestre, suivant la voie dite Héracléenne (future voie Domitienne). Mais cette description pourrait tout aussi bien remonter là aussi à Pythéas et être révélatrice des bouleversements du ive siècle avant notre ère. Quelques similitudes pourraient aussi renvoyer à la partie géographique de l’œuvre de Polybe, ce qui rajeunirait les informations transcrites. L’identification d’une frontière entre les Ibères et les Ligyens au niveau du fleuve Hérault relève très clairement d’un autre auteur qu’Hécatée. Pour lui, les Élisyques, situés plus bas vers l’Ibérie, sont des Ligyens et les Ibères un peuple établi autour du fleuve éponyme, au sud des Pyrénées. À partir du franchissement du Rhône, on semble être en présence d’une source peu ancienne, faisant référence aux Salyens qui sont connus plutôt pour le iie siècle avant notre ère. Il ne serait pas impossible qu’ici encore Polybe ait pu servir de source. Nous n’avons conservé aucun extrait de sa description de l’arrière-pays marseillais, mais nous avons signalé sa mention vraisemblable des Salyens dans le contexte des conflits de 154-152 av. J.-C. 3.3.2. Du milieu du iiie siècle av. J.-C. à la prise de Marseille en 49. av. J.-C. Comme pour la péninsule ibérique, les informations sont peu nombreuses pour le début de la période (fig. 64). À l’exception du passage d’Hannibal, mais qui se fait assez au nord, dans le territoire des Allobroges, le Midi de la Gaule n’est pas mentionné avant le milieu du iie siècle av. J.-C. lors des prémices de la romanisation.

40 

Ugolini, Olive 2007.

340

Troisième Partie : Auteurs-sources et connaissance des espaces géographiques

Figure 64 – Géonymes dans le Midi de la Gaule sur fond de plan oro-hydrographique (IIIe-Ier siècle av. J.-C.).

Les interventions romaines du milieu du iie siècle av. J.-C L’implantation romaine au sein de ce territoire avant tout dominé par Marseille se fait en plusieurs temps. Dans le contexte des guerres puniques, quelques premiers affrontements opposent les Romains aux Ligures de la côte italienne dès les alentours de 240 av. J.-C. La région n’est pas totalement pacifiée par les Romains puisqu’en 189 av. J.-C., Lucius Baebius vient mourir à Marseille des blessures infligées par les Ligures41. La première intervention militaire forte des Romains dans la future Provincia a lieu en 154 av.  J.-C., pour venir en aide aux Marseillais dont les fondations d’Antipolis (Antibes) et Nikaia  [160] (Nice) sont menacées 42. Polybe (33.8-10), qui raconte l’intervention du consul Q.  Opimius, précise que les territoires des peuples défaits (Oxybiens et Déciates) sont ajoutés à ceux de Marseille. On imagine que jusqu’alors ces deux fondations disposaient d’un faible espace autour d’elles. 41  42 

Tite-Live 37.57.1-2. Sur tout ceci, voir le rappel de Roman 1991, p. 35-37.

Cette mention est importante car elle détermine probablement le moment où la colonie d’Antibes est dotée d’une véritable chôra. Strabon (4.6.3) précise alors que cette campagne militaire clôt 80 ans de guerre contre les Ligures, permettant d’assurer un passage sécurisé pour les Romains se rendant à Marseille. Précisons que le texte de Polybe nous est connu de façon partielle, grâce à un extrait lié à l’ambassade que les Marseillais ont adressée aux Romains pour leur demander une aide militaire, recopié dans les Excerpta Constantiniana. La notice des Oxubioi [172] (Oxybiens), provenant de l’auteur tardif Asinius Quadratus, mais d’après Polybe, se rapporte à cet épisode. Toutefois, l’ouvrage de Julius Obsequens (Lib. Prodig. 17 et 18) garde la trace de deux campagnes romaines, la première avec défaite (a Gallis et a Lusitanis Romani per arma graviter vexati) en 154 av. J.-C. et la seconde victorieuse (in Gallia prospere pugnatum) deux ans plus tard. On trouve par ailleurs dans l’Épitomé une mention des Sallues [190] (Salyens) chez Charax, dans son livre X qui

3. Les ensembles géographiques relate des faits antérieurs à 140 av. J.-C. et que l’on ne peut pas, de ce fait, mettre en rapport avec la conquête de 125-121 av. J.-C. Il est tentant de faire le rapprochement avec les événements du milieu du iie siècle av. notre ère, d’autant que Polybe est très certainement la source de cet auteur. On aurait ainsi une preuve de l’implication des Salyens dans les conflits avec Marseille et Rome dès le milieu du iie siècle av. J.-C., ce que le texte conservé de Polybe n’indique pas. Il est donc possible qu’une seconde phase du conflit ait touché le reste de la Provence. Nous proposons de placer dans le contexte de l’intervention de 154-152 av. J.-C. deux mentions de villes de Ligystique situées sur le littoral varois : proches de ces zones d’opération militaire, elles ont pu être touchées par des mouvements de révolte contre les colonies massaliètes durant ces années. Il s’agit d’Athenai/Athenopolis [8] que l’on localise avec vraisemblance à Saint-Tropez et d’Olbia [167] dont le site, fouillé depuis de nombreuses décennies, nous est bien connu. Certes, ces deux toponymes pouvaient être cités seulement dans le livre XXXIV de Polybe, à vocation géographique. Toutefois, ces mentions sont relativement isolées ce qui semble plutôt les rattacher à un contexte précis. On notera d’ailleurs que les archéologues ont observé, dans les murailles d’Olbia, des destructions qui sont datées du milieu du iie siècle avant notre ère. Ces zones sont sous le contrôle des Salyens comme l’indique Strabon (4.1.3), pour qui les Salyens occupent tout le territoire jusqu’au Var. De cet ensemble il ressort que les destructions opérées contre les possessions marseillaises se sont concentrées non seulement sur la partie des Alpes-Maritimes actuelles comme on le lit dans le texte conservé de Polybe, mais certainement également dans le Var à Athenopolis (Saint-Tropez) et Olbia, voire peut-être étendues à l’ensemble de la « confédération » salyenne. On comprend mieux ainsi l’appel des Marseillais aux Romains du fait de l’ampleur des destructions occasionnées et de l’aire géographique concernée : c’est tout la Provence littorale qui s’est progressivement rebellée contre la cité grecque et ses fondations. C’est d’ailleurs dans ce contexte très troublé que prend place la reconstruction de l’enceinte de Marseille (datée du milieu du iie siècle av. J.-C.) et de plusieurs sites de la région proche de Marseille. Les campagnes militaires romaines des années 125-122 av. J.-C La seconde intervention romaine est plus lourde et va durer plusieurs années (de 125 à 121 av.  J.-C.), avec une incursion progressive vers l’intérieur de la Gaule. E. Hermon a bien montré l’imprécision et la faiblesse

341 de nos sources pour cette période, voire leurs aspects contradictoires43. En 125, c’est tout d’abord le consul M.  Fulvius Flaccus qui est envoyé par le Sénat pour venir en aide aux Marseillais, soumis aux attaques des Salyens (Liv. Per. 60). L’auteur du résumé de Tite-Live précise que ceux-ci habitent aux confins du territoire massaliète («  qui fines Massiliensium populabantur  »), probablement très réduit à cette époque du fait de la pression militaire des populations indigènes. Du côté des Romains, E. Hermon donne bien le contexte d’un changement de politique provinciale à l’époque des Gracques, initié par la création de la province d’Asie à la suite de l’héritage d’Attale III de Pergame. M. Fulvius Flaccus est alors « la figure qui domine les rangs des populares après la mort de Tiberius Gracchus »44. Sa proposition de loi accordant le droit de cité à tous les Italiens amène un blocage avec le Sénat ; son départ pour la Transalpine permet de sortir de cette situation. Reprenant la mention du triomphe, E. Hermon propose une victoire successivement sur les Ligures, sur les Voconces et enfin sur les Salyens. Son intervention se termine certainement à la frontière du territoire allobroge mais sans qu’il ait eu le temps de structurer la prise de possession territoriale. En 124 av.  J.-C., le nouveau consul C.  Sextius Calvinus poursuit la campagne contre les Salyens45. Chez Strabon (4.1.5), il est seul mentionné comme « celui qui vint à bout des Salyens » (« ὁ καταλύσας τοὺς Σάλυας »). Il établit ensuite (en 122 ?) une garnison, à l’origine de la ville d’Aix-en-Provence (Aquæ Sextiæ), probablement sur le site de la confrontation militaire avec les Salyens, à proximité immédiate de leur ville principale (oppidum d’Entremont). Selon Strabon, C. Sextius, comme l’avait fait trente ans plus tôt Q. Opimius, donna à l’issue de sa victoire aux Marseillais la bande côtière qu’il put dégager. Le triomphe de M. Fulvius Flaccus est célébré en 123  av. J.-C. 46. Dans les Fasti triumphales, celui de C. Sextius Calvinus est signalé juste après le sien, avec le même intitulé (« de Liguribus, Vocontieis Salluveisque ») ; on l’a daté de l’année suivante mais il semble avoir été célébré en même temps, une fois la pacification achevée. Ainsi s’expliquerait le décalage de deux ans entre le consulat de M. Fulvius Flaccus et son triomphe. 43 

Hermon 1978. Hermon 1978, p. 135. 45   Voir l’analyse du récit de Diodore dans Arcelin, Chausserie-Laprée 2003, p. 263 sq. 46   Sur le rôle et l’action de Fulvius Flaccus de 124 à 122, cf. Hermon 1978, p. 138-139. 44 

342

Troisième Partie : Auteurs-sources et connaissance des espaces géographiques

En 122-121 av. J.-C., deux nouvelles campagnes ont lieu, cette fois-ci contre les Arvernes et les Allobroges. Comme le précise bien E. Hermon, il s’agissait de poursuivre la conquête territoriale en prenant pour prétexte l’accueil des chefs Salyens par les Allobroges et leur différend avec les Éduens (Florus 1.37), amis de longue date des Marseillais et des Romains 47. Cn.  Domitius Ahenobarbus (consul en 122) et Q.  Fabius Maximus (consul en 121) triomphent à Rome en 120. Au vu des mentions trouvées chez les auteurs antiques, il est difficile de distinguer lequel des deux généraux a remporté quelle bataille. E. Hermon a repris l’ensemble des sources pour ces deux campagnes, en les replaçant dans le contexte politique de cette époque48 : nous sommes toujours dans les enjeux de la politique des Gracques, Cn.  Domitius Ahenobarbus étant un modéré dans le camp des Gracques et Q. Fabius Maximus un « militant actif de la faction rivale »49. Cn. Domitius se rend en Gaule transalpine en 122, durant son consulat. Il remporte une première victoire contre les Allobroges à Vindalium, faisant selon Orose (Hist.  5.13) 20  000 morts dans les rangs ennemis et 3  000 prisonniers. Les Arvernes, sous la conduite de leur roi Bituit, regroupent autour d’eux une coalition de Gaulois, comportant vraisemblablement une unité d’Allobroges rescapée de la bataille précédente. La confrontation a lieu à la confluence du Rhône et de l’Isère avec les armées réunies des deux généraux et tourne au désastre pour les Gaulois, la dislocation de leurs ponts de barques sur le Rhône entraînant avec elle une bonne partie de leur armée. Dans notre corpus, plusieurs notices issues des Chroniques d’Apollodore semblent se rapporter à ce dernier fait de guerre. On trouve ainsi la mention des peuples des Aidousioi  [11], des Allobruges  [21], des Aroernoi [29], de la ville d’Aeria [6] et de la fondation avortée de Fabia [226]. Il est possible d’associer plus directement les mentions d’Aeria et de Fabia. En effet, une des hypothèses de G. Barruol propose de placer la ville d’Aeria sur le plateau de Malpas (mais ce n’est pas celle qu’il privilégie), sur la commune de Soyons50. Nous sommes là à peu de distance de la jonction entre l’Isère et le Rhône, qui correspond à l’emplacement indiqué par 47 

Hermon 1978, p. 151. Hermon 1978, p. 143 sq. 49  Hermon 1978, p. 150. 50   Sur le site, voir l’état des connaissances dans Delrieu et al. 2015. La photographie de la p. 833 montre bien le côté aérien du site. 48 

les sources pour la fondation de Fabia. Si les deux mentions se placent dans un même contexte, peut-être faut-il les rapprocher géographiquement. Dans ses Chroniques versifiées, Apollodore, contrairement à un géographe, se concentrait sur quelques événements. Il ne devait pas fournir un compte-rendu détaillé des guerres de conquête de la future Narbonnaise mais probablement signaler les faits marquants. C’est pourquoi nous aurions tendance à grouper les mentions des Éduens, des Allobroges, d’Aeria et de Fabia comme se rapportant à une même séquence de vers. Cela renforce considérablement l’hypothèse d’une localisation d’Aeria sur le plateau de Malpas. La mention des Arvernes et des Éduens se comprend dans la mesure où ces peuples ont été parties prenantes de la dernière phase du conflit et de la dernière grande bataille qui marqua l’annexion totale de ces territoires à Rome. Il semble qu’Apollodore faisait du conflit entre les Éduens et les Allobroges la source de la venue des Romains, et de la bataille avec les Arvernes, menée près d’Aeria, la bataille majeure qui, avec la réduction du territoire des Allobroges et la création de la ville Fabia, parachevait la conquête de la Gaule méridionale. Notons d’ailleurs que nous n’avons pas de trace dans l’Épitomé des fondations d’Aix ou de Narbonne, cette dernière étant peut-être intervenue après la rédaction des Chroniques ce qui correspondrait avec une rédaction du livre IV en 120-119 av. J.-C. Pour Apollodore, intéressé par la fondation des cités, Fabia constituait la ville fondée par les Romains à la suite de la conquête en Gaule méridionale. Une présence territoriale directe de Marseille ? Dès 120 av. J.-C., la basse vallée du Rhône est donc totalement pacifiée. Est-elle pour autant dirigée seulement par les Romains ? Des indices importants laissent penser à une domination territoriale marseillaise, au côté (ou au sein ?) d’une province romaine qui se constitue progressivement. Nous l’avons dit, si l’on en croit Polybe et Strabon, les Romains ont, en 154 et 124, donné aux Marseillais les territoires qu’ils avaient pu conquérir sur les peuples celto-ligures. Si Strabon nous parle de la bande côtière, c’est sans doute parce que celle-ci a été si difficile à conquérir. Il est tout à fait possible que les Romains aient donné en même temps à leurs alliés Marseillais la sujétion d’une partie des territoires que contrôlaient les Salyens, se réservant plus directement ceux situés au nord de l’Arc (rivière passant par Aquæ Sextiæ) et à l’est d’une ligne reliant la Durance à l’étang de Berre.

3. Les ensembles géographiques Un indice plutôt probant correspond aux mentions d’Artémidore d’Ephèse, reprises par Stéphane de Byzance, de « poleis Massalias » que nous traduisons par « villes de Massalie »51. Ce géographe est également un prêtre d’Artémis très important si l’on en juge par la statue qui lui était consacrée dans le temple de cette divinité à Ephèse. Il est venu à Marseille et a probablement visité un certain nombre de sanctuaires consacrés à la divinité, dans la dernière décennie du iie siècle av. J.-C. Il ne pouvait donc pas se tromper en signalant, pour son époque, une possession de la cité phocéenne. À l’époque de Strabon, cette dénomination a disparu : le siège de Marseille par César et la normalisation de la province conduite par Auguste et Agrippa ne permettaient certainement pas d’en faire état, surtout pour un auteur aussi admiratif du bienfait de la conquête romaine. Nous ne savons pas si Posidonios les signalait ainsi. Il nous faut revoir les indications des notices des «  villes de Massalie  » selon Artémidore. Les deux seules villes bien localisées rattachées à cette Massalie sont Avignon et Cavaillon52. Nous ajoutons par notre étude deux propositions : l’île d’Alônis [23], peut-être à l’embouchure du Rhône, la ville du même nom [23], qui pourrait être soit face à l’île soit l’actuelle Salon-deProvence, et Kurênê [129], éventuellement Beaucaire (antique Ugernum). Ces géonymes restent dans un ensemble géographique assez resserré qui comprendrait la zone du delta, le nord de l’actuel département des Bouches-du-Rhône, le sud du Vaucluse et une partie de la rive droite du Rhône. La délimitation doit tenir compte aussi des villes qui sont dites celtiques, donc en dehors de la Massalie, comme l’oppidum et l’étang de Mastramelê [147], mais également Tauroeis [213] (malgré son statut de fondation massaliète) ce qui montre bien que cet espace territorial ne comprenait pas la zone autour de l’étang de Berre ni la côte à l’est de Marseille, ni même les colonies massaliètes. On s’intéressera également à la ville ancienne de Rhodanousia [184] (et sa variante Rhadanousia [182]) car les notices semblent témoigner de plusieurs mentions qui s’étalent dans le temps, probablement Hécatée puis Éphore probablement à travers Artémidore. C’est très certainement le signe que la cité n’existait plus, mais son rattachement comme « ville de Massalie » est dû selon nous à la localisation qu’en donnait Artémidore 51  Voir entre autres l’article de P. Arcelin sur cette question (Arcelin 2003). 52  Rappellons que nous sortons de cette liste Azania et Troizên.

343 par rapport à sa connaissance des textes plus anciens. Compte-tenu de l’indication du pseudo-Scymnos, nous proposons de la placer le long du Rhône, soit à l’emplacement d’Arles comme le propose P.  Arcelin ou bien plus près de son embouchure. Toujours chez le même Artémidore (selon nous), la ville d’Herakleia [94] qui est dite celtique et pourrait se confondre la cité disparue de son temps que mentionne Pline l’Ancien dans le delta du Rhône (plutôt dans la partie orientale ?) montrerait bien qu’une partie de cet espace était en dehors de la zone de la « Massalie ». Ainsi, si nous relions les localisations que nous venons de proposer, nous obtenons un espace géographique cohérent pour cette entité territoriale. La dernière notice que nous prendrons en compte est celle des îles Stoichades [205]. La présence de la bande côtière signalée par Strabon, probablement dans la partie orientale de l’actuel département du Var est tout à fait en adéquation avec le positionnement de ces îles. Artémidore considérait probablement qu’elle relevait du même statut territorial et avait donc la même dénomination sous sa plume. Le reste de la province, de Baitarra [39] (Béziers) à Nikaia [160] (Nice) et peut-être jusqu’à Santis [192] (Senez ?), apparaît chez Artémidore au même titre que le reste de la Gaule comme « celtique », détermination que reprendra de manière équivalente Strabon mais cette fois-ci pour la totalité de la Narbonnaise. Nous émettons donc l’hypothèse que Marseille a pu obtenir une part de territoire non négligeable le long de la vallée du Rhône à la suite des victoires de 125/123, regagnant peut-être d’anciennes cités qui lui avaient été autrefois rattachées. Nous pensons là tout particulièrement à Arles dont on a proposé la possession marseillaise à une date haute. La mainmise de Marseille sur toute la zone de la basse Provence rhodanienne pourrait en outre expliquer le phénomène accru d’hellénisation que l’on perçoit particulièrement bien à Glanum, après une première destruction générale du site (en 125/124 ?) mais que confirment aussi les inscriptions gallo-grecques et l’architecture en grand appareil de tout l’espace bas-rhodanien, jusqu’à Uzès. D’Artémidore au siège de Marseille par Jules César C’est durant cette période que la province de Transalpine se structure ; nous renvoyons aux différentes recherches conduites durant ces dernières années53. 53   Voir

en particulier Hermon  1993 pour la province et

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Troisième Partie : Auteurs-sources et connaissance des espaces géographiques

Les découvertes archéologiques posent la question d’une vague de destructions qui touche tous les sites de la région semble-t-il postérieurement au séjour d’Artémidore. Datée pour les uns des années 105-102 et attribuées aux passages de Cimbres et des Teutons, pour les autres de 90, date connue d’une révolte des Salyens, ils marquent un coup d’arrêt très net pour tous les sites de hauteur. L’archéologie ne peut que constater ces destructions ; très proches pour certaines de Marseille, elles ne semblent pas pouvoir être attribuées aux Cimbres et aux Teutons qui n’ont jamais menacé directement la cité grecque (nos sources sont assez nombreuses et précises). De plus le démantèlement total de monuments, que l’on observe par exemple à Glanum, va plutôt dans le sens d’une action volontaire de mise à bas d’une ville plus que d’un simple pillage. La révolte des Salyens de 90 ne nous est connue que par une phrase des periochæ de Tite-Live (Liv. Per. 73). Pour cette période, l’attention des historiens romains est entièrement accaparée par la Guerre civile et les graves problèmes que connaît Rome en Italie. Ceci pourrait expliquer que cet épisode peut-être assez important pour le Midi de la Gaule ait eu si peu d’écho de la part des historiens postérieurs, qui travaillent presque exclusivement de seconde main. P. Arcelin rappelle le texte de Cicéron (Pro Balbo) analysé par C. Goudineau où un Avignonnais, qui a reçu la citoyenneté romaine vers 72-71, est nommé « fœderatus  » 54. Il n’est peut-être pas tant membre d’une cité fédérée avec Marseille qu’avec Rome elle-même si Avignon dépend alors de la cité phocéenne ; car c’est le statut qu’a Marseille encore après César. Si on lit bien Cicéron et les quelques mentions que l’on trouve dans la littérature pour la première moitié du ier siècle av. J.-C., il semble bien que Pompée ait largement favorisé Marseille, y compris certainement d’un point de vue territorial. Le choix qu’imposait Jules César à Marseille dans le conflit de la guerre civile était donc plus difficile qu’il n’y paraît à lire les auteurs antiques. Il n’est pas impossible que les véritables raisons du siège aient été de prendre le contrôle réel d’un territoire toujours plus ou moins géré par les Marseillais en lien avec Pompée. Quoiqu’il en soit, la prise de la ville par César, en 49 av. J.-C., constitue un tournant Christol  2010 pour les communautés. Comme pour l’Ibérie, les informations sont relativement nombreuses pour cette période mais elles nécessitent d’être croisées entre elles. De ce fait, nous ne rentrerons pas dans le détail de l’organisation progressive de la province romaine. 54  Arcelin 2003, p. 136 ; Goudineau 1976.

dans l’organisation territoriale du Midi de la Gaule. Le choix fait alors par les Arlésiens de soutenir César contre Pompée et Marseille permet à la cité de récupérer le territoire pris aux Marseillais et d’obtenir le statut envié de colonie romaine (en 46 av. J.-C.). C’est très certainement la raison de l’extension de la cité romaine d’Arles jusqu’à Olbia, correspondant aux terres données à Marseille par la conquête de 125/124. La possible attribution du droit latin à Avignon (dès 49 av. J.-C. ?) a amputé également la part marseillaise au nord. Plus à l’est, on peut supposer que les Marseillais ont perdu la mince bande côtière avec la création de Forum Julii/Fréjus (vers 49 av. J.-C. ?) et l’émancipation d’Antibes qui devient colonie latine vers 43 av. J.-C., à l’exception de Nikaïa/Nice. 3.3.3. Le Midi de la Gaule sous l’Empire romain La structuration de la province intervient sous Auguste. La création de la Narbonnaise, probablement en 27 ou 23 av. J.-C., placée dans la catégorie des provinces sénatoriales en 22 av. J.-C. si l’on en croit Dion Cassius (54.4.1), vient concrétiser une intégration ancienne, aidée par un développement urbain qui n’a rien à envier à l’Italie. Dans notre corpus, les mentions que l’on peut rattacher à cette période se caractérisent par l’emploi du nom de la province. On trouve deux villes, Bienna [51] et Nemausos [157]. Ces deux mentions proviennent très certainement de Charax, avec une indication mythologique que nous rattachons à Parthénios de Nicée, poète élégiaque de la seconde moitié du ier siècle av. J.-C. Elles trouvaient peut-être place dans le récit de Charax pour la fin de la République et l’époque augustéenne, lorsque ces villes prennent de l’importance. Notons en effet qu’il s’agit de deux cités qui prennent un véritable essor à l’époque d’Auguste et sont alors dotées d’une enceinte et d’une parure monumentale toujours visible. L’apport de l’Épitomé pour cette période est donc des plus réduits.

3.4. Les îles de Méditerranée occidentale Nous avons décidé, pour élargir au maximum la compréhension de l’Épitomé et du travail de compilation de Stéphane de Byzance, de prendre en compte également les géonymes des îles de Méditerranée occidentale (fig.  65), afin de varier éventuellement les sources et avoir accès à d’autres auteurs. Nous ne prétendons pas ici refaire l’histoire de la colonisation grecque, phénico-­

3. Les ensembles géographiques

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Figure 65 – Géonymes relevant des îles de Méditerranée occidentale sur fond de plan oro-hydrographique.

punique ou étrusque, mais simplement reprendre les nouvelles attributions proposées des différents géonymes. 3.4.1. La Corse Les mentions se rapportant à la Corse sont au nombre de quatre  : deux concernent le nom même de l’île (Kurnos [130] et Korsis [124]) et deux autres les villes d’Allalia  [20] et Nikaia  [159]. Le nom le plus récent (Korsis) est de la même racine que le latin Corsica ; cette notice est caractéristique de l’auteur du iie siècle, Charax. Non seulement celui-­ci réactualise le nom grec traditionnel des géonymes, mais il donne très fréquemment une indication mythologique pour les noms de lieux qu’il cite. Ici, nul doute que le nom du bouvier Korsês, que l’on ne connaît qu’à travers cette mention, provienne directement de Charax et, à travers lui, probablement du poète élégiaque Parthénios de Nicée. Les trois autres mentions sont homogènes entre elles et proviennent selon nous d’Hécatée, même si

pour Allalia la notice mentionne Hérodote. En effet, la détermination géographique d’Allalia et de Nikaia est caractéristique de la façon dont l’auteur du lexique d’Hécatée nomme les villes de la colonisation grecque (phocéenne  ?) présentes sur une île. Ainsi, les deux toponymes seraient attestés au plus tard vers 500. Selon Diodore de Sicile (5.13.4), le nom de Nikaia serait celui d’une ville étrusque. Cet auteur mentionne également une seconde ville, dénommée Kalaris, qui ne semble être autre qu’Allalia/Aleria55. Ce nom est selon nous une forme étrusque antérieure à la forme romaine. Diodore de Sicile ne mentionne que ces deux cités de la côte orientale, rattachées selon ses sources aux Étrusques, ainsi qu’un port dit Syracusain (Porto-Vecchio). Ces informations, antérieures à l’arrivée des Romains, proviennent certainement de Timée qui doit être la source de Diodore et illustrent la situation dans les premières 55  C’est la conclusion à laquelle arrivent les exégètes récents de Diodore de Sicile dans la Collection des Universités de France à la suite de Silbermann 2003, p. 244, n. 19.

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Troisième Partie : Auteurs-sources et connaissance des espaces géographiques

années du iiie siècle av. J.-C. On connait de ce dernier auteur un autre fragment (F 3), issu du livre II, sur les animaux sauvages présents dans cette île. Se pose la question de la localisation de Nikaia. Si la ville est bien mentionnée par Timée, cela signifie peut-être que la période d’occupation de la cité court au moins de l’époque d’Hécatée jusqu’aux premières années du iii e  siècle. On a vu depuis longtemps une continuité entre Nikaia et la seconde colonie dans l’île, Mariana. Or, à ce jour, aucun vestige antérieur à la fondation de la colonie n’a été mis au jour sur le site de la colonie romaine de Mariana. Toutefois la fouille de l’oppidum de Venzolasca, situé à proximité immédiate a mis en évidence une implantation qui remonte à cette période. Il est donc possible d’imaginer, à l’emplacement de cet oppidum ou dans les environs immédiats, une ville grecque (phocéenne ?) puis étrusque dont le territoire aurait été englobé dans celui de la colonie fondée par Marius afin de romaniser plus avant cette partie de l’île. 3.4.2. La Sardaigne La Sardaigne présente la particularité d’avoir eu une occupation punique, ce qui l’apparente au sud de l’Ibérie. L’île est largement montagneuse, comme la Corse, laissant toute une partie orientale peu habitée, qui sera longue à être pacifiée. Au sud, une plaine met en communication le golfe de Cagliari et celui d’Oristano, situé à l’ouest de l’île, où se trouve la ville de Tharros. Les autres villes principales se trouvent dans la partie sud-ouest (Nora, Sulcis) ou au nord (Olbia à l’est et Porto Torres à l’ouest). Le corpus rassemblé comprend, outre le nom même de l’île (Sardô [196]), huit noms de villes dont deux sont des doublons (Solkoi [204] et Sulkoi [208]). Ces derniers témoignent, comme Rhodanousia et Rhadanousia, d’une même source (Artémidore) transmise par deux biais distincts (lexique-source et abrégé de Marcien). La manière strictement identique de nommer cinq villes sous la forme ἐν Σαρδοῖ (Agrulê [4], Thespeia [97], Nôra [163], Solkoi/Sulkoi et Charmis = Charalis [228]), permet une attribution certaine à Artémidore. Les deux autres villes (Herakleia  [93] et Olbia [169]) sont dites seulement Σαρδοῦς et semblent se rattacher à un autre auteur, que nous ne pouvons pas identifier. La notice de l’île elle-même a perdu tous ses auteurs et a souffert de sa grande abréviation. Il n’est pratiquement plus possible de définir les sources qu’elle citait mais on peut supposer qu’Artémidore occupait une place

de choix, peut-être avec une citation de Timée pour le nom ancien de l’île (Ichnoussa). La correspondance assez nette que l’on peut faire avec cet auteur qui mentionne la Sardaigne, en particulier par le biais du pseudo-Aristote (Mirabilia), pourrait en faire la source privilégiée pour certaines informations se rapportant à cette île. On possède également une information très détaillée de Pausanias (10.17) sur la Sardaigne et les fondations des cités sardes, à l’occasion de la description du sanctuaire de Delphes et d’une statue de bronze de leur héros mythique Sardos qui s’y trouvait. Compte tenu de la large part que tient dans ce texte une histoire très ancienne, voire quasi mythologique, il est tentant de voir Timée comme source première de Pausanias, peut-être par l’intermédiaire d’Artémidore (comme pourraient en attester les dimensions en stade données au début). Pausanias mentionne la fondation de Nôra (par des Ibères, § 5), Olbia (par des Thespiens et des Athéniens, § 5), Ogrulê (par des Athéniens, § 5), Caralis (par des Carthaginois, § 9) et Sulcos (par des Carthaginois, § 9). Par ailleurs, il identifie le chef Sardos avec Héraclès, ce qui pourrait donner la clef de lecture de l’ensemble des villes citées par Stéphane de Byzance, même s’il manque nommément la ville de Thespeia. Un poème tardif de Claudien, le De bello Gildonico56, contient également des informations sur les ports de Sardaigne, qui servent de refuge durant la tempête essuyée par la flotte envoyée par Stilichon contre le chef berbère Gildon, révolté contre Rome, en novembre 397 (v. 549-559) : « Quos ubi luctatis procul effugere carinis, / per diversa ruunt sinuosae litora terrae. / pars adit antiqua ductos Carthagine Sulcos  ;  / partem litoreo complectitur Olbia muro. / urbs Libyam contra Tyrio fundata potenti / tenditur in longum Caralis tenuemque per undas / obvia dimittit fracturum flamina collem ; / efficitur portus medium mare, tutaque ventis / omnibus ingenti mansuescunt stagna recessu. Après s’être à grand peine tenus à l’écart de ces lieux, ils longent en hâte la côte changeante aux nombreuses échancrures. Une partie de la flotille parvient à Sulci, fondation de l’antique Carthage, l’autre s’abrite derrière la digue d’Olbia. Une ville fondée en face de la Libye par la puissante Tyr, Caralis, s’étire et se prolonge dans la mer par une étroite presqu’île où les vents viennent se briser ; un port est ainsi formé au milieu de la mer, et les eaux calmes, à l’abri de tous les vents, constituent un vaste mouillage  » (traduction Olechowska). On retrouve une même information historique qui 56  

Sur ce poème, son contexte historique et littéraire, voir Olechowska 1974.

3. Les ensembles géographiques devait être largement connu de toute personne un peu érudite. On peut se demander si elle ne provient pas de l’abrégé d’Artémidore dans l’édition de Marcien, ce qui ferait de Claudien, quasi-contemporain d’Aviénus, un autre lecteur de ce texte. 3.4.3. Les îles toscanes et l’île Diabêtê Parmi les autres îles signalées dans l’Épitomé, les îles toscanes sont privilégiées car proches de la côte tyrrhénienne. L’île d’Elbe est la plus importante ; elle est située entre cette côte et la Corse. Les indications conservées dans la notice Aithalê [12] de l’Épitomé, peu résumée, font référence à la métallurgie dans l’île, en lien avec l’étymologie de son nom. On retrouve ici, une possible mention issue de Timée, qui reprend à la fois les indications étymologiques que l’on trouve ailleurs, mais également l’observation de la métallurgie, que l’on a signalée supra (p. 263) pour la région de Tartessos (voir Tartessos [211] et Ibulla [101] ?). Les autres îles toscanes mentionnées dans l’Épitomé (Artemita  [31], Orgôn  [173]) peuvent l’avoir été par Hécatée comme par Artémidore. On notera simplement que l’île d’Artemita est associée à Philon mais il s’agit probablement d’une mention indirecte, cet auteur ayant lui aussi pris son information chez un auteur plus ancien. Nous mettons en rapport cette mention avec la présence d’une villa des Domitii Ahenobarbi, famille dont est issu l’empereur Néron, ce qui nous semble la seule entrée possible pour que Philon ait pu mentionner une île aussi petite. Pline l’Ancien (3.81) indique d’abord l’île principale qu’est la Corse puis celle située en deçà (Oglasa = Montecristo) et celle située entre les deux (Planasia = Pianosa). Puis il donne les deux îles au nord de l’île d’Elbe (Urgo  = Gorgona et Capraria/Aegilion  = Capraia) puis les îles au sud (Igilium  = Giglio et Dianium/Artemisia = Giannutri) ; enfin, quatre îlots : deux mal identifiés (Barpana = Formiche di Grosseto ? et Menaria/Mellaria ? = Meloria au large de Livourne ?) et deux proches de l’île d’Elbe (Columbaria = Palmaiola et Venaria  = Cèrboli) avant de parler de l’île d’Elbe (Ilva/Aethalia). Pomponius Mela (2.122) les cite dans un ordre différent avec d’abord les petites îles Dianium, Igilium, Carbania57, Urgo, Ilva, Capraria puis les deux grandes 57 

n. 14.

Redondant avec Capraria d’après Silberman 2003, p. 244,

347 que sont la Corse et la Sardaigne ce qui respecte une sorte d’ordre géographique. Strabon (5.2.6-7) quant à lui s’en tient aux trois grandes îles (Elbe, Corse et Sardaigne), qu’il décrit après les avoir observées depuis Populonia. Enfin on notera la présence d’une autre île, non identifiée, Diabêtê [74], qui est localisée à l’ouest de la Corse et de la Sardaigne. Nous proposons une mention disparue d’Artémidore. 3.4.4. Les Baléares et l’île de Lunx Les îles Baléares font l’objet de plusieurs notices. Tout d’abord, il faut noter que dans l’Antiquité on les dissocie en deux ensembles, dont les noms apparaissent de manière distincte  : les Pituoussai  [176] et les Gumnêsiai [68]. Les premières sont les deux îles les plus proches de la côte, dénommées (mais les noms manquent dans l’Épitomé) Ebousos (Ibiza) et Ophioussa (Sant Francesc de Formentera). Les secondes sont constituées de deux plus grandes îles, Minorque et Majorque. Elles sont appelées également, ensemble, Balearides, nom qui a été transcrit sous une forme erronée (Banaurides [42]) dans l’Épitomé mais sa lecture initiale ne fait pas de doute. La notice des Pituoussai est conservée seulement par le biais du troisième abrégé, ce qui ne permet même pas d’être sûr que Stéphane de Byzance mentionnait bien les îles faisant partie des Baléares dans cette notice (d’autres îles portaient ce nom à l’époque grecque). Pour les Gumnêsiai, le seul auteur conservé est Lycophron avec une citation de trois vers. La fin de la notice renvoie d’ailleurs à celle des Baliaurides, qui est la forme initiale non corrompue de Banaurides. C’est probablement Polybe qui était mentionné ici, peut-être avec Charax (une indication étymologique de type mythologique est associée à la notice). Il est possible qu’une ville des Baléares (Pollen­ tos  [178]) ait été mentionnée dans l’Épitomé mais la notice est trop perturbée pour que l’on puisse en être certain (on est là encore dans le troisième abrégé). Enfin nous avons inclus dans notre corpus l’île de Lunx [139]. Elle est mentionnée dans l’océan Atlantique mais nous n’en savons pas plus ; elle est peut-être à mettre en relation avec la ville africaine du même nom. Cette mention est trop isolée pour pouvoir être exploitée.

348

Troisième Partie : Auteurs-sources et connaissance des espaces géographiques

3.5. Le monde celtique, la Grande-Bretagne, l’Irlande et Thulé Compte tenu du petit nombre de notices concernant la partie nord-ouest de l’Europe occidentale, nous les regrouperons dans un même chapitre. 3.5.1. De Pythéas à la conquête romaine de la Gaule La connaissance de cette partie de l’Europe occidentale est restée pendant longtemps très peu fiable. C’est avant tout avec la conquête romaine que l’on a pu mieux déterminer et nommer les géonymes qui leur correspondent (fig. 66). De Pythéas à Polybe Les mentions les plus anciennes que nous possédons datent du moment où Pythéas explore les côtes de l’Europe du Nord. Que ce soit par l’intermédiaire de Théopompe ou d’Artémidore, on peut ainsi déterminer quelques toponymes que nous rattacherons à ce navigateur. Sur le territoire de la Gaule, nous n’avons repéré que le peuple des Ôstiaioi (Ôstinoi  ?)/Ôstiones  [231], situé dans la Bretagne actuelle, mention transmise par Artémidore. Pythéas nomme les Celtes présents en Espagne comme en Gaule sous la forme Ligues (voir supra p. 328 l’argumentation pour Drilônion  [76]). Il est donc tout à fait possible que les peuples signalés par Théopompe comme ayant existé le long des côtes (Arbaxanoi  [27], Eubioi  [88] et Ipsikouroi  [112]) se soient trouvés sur la côte atlantique voire de la Manche. On peut mettre en relation ces indications avec les quelques lignes que l’Ora maritima consacre aux Ligures (v. 129-145) sur le territoire gaulois. Nous allons y revenir. Nous rattachons également les notices de l’île de Iernê [102] et de Thoulê [98] au lexique de Théopompe et donc à Pythéas. Elles attestent, mais Strabon l’avait déjà signalé, que Pythéas connaissait ces îles. L’absence d’autres mentions dans l’Épitomé est peut-être fonction des choix qu’avait opérés Théopompe dans la retranscription du voyage de Pythéas, indiquant de nombreux géonymes entre Massalia et le peuple des Keltikoi, au sud de l’actuel Portugal puis peut-être les trois peuples ligyens, et ne donnant ensuite que les deux îles principales visitées par Pythéas. L’île de Iernê est appelée « l’île des confins, tout près du couchant » et devait comporter une notice symétrique pour Albiôn, autre île connue de Pythéas, malheu-

reusement remplacée par Stéphane de Byzance par une notice issue du lexique de Marcien. L’île de Thoulê, quant à elle, est une « grande île dans l’océan, sous les régions hyperboréennes ». Ces indications semblent placer cette île non pas à l’ouest de l’Irlande (qui est selon Pythéas la plus occidentale connue) mais bien plus à l’est. Notons que Pythéas, comme astronome et mathématicien, était capable de se repérer précisément sur le globe terrestre. Dans ce cas, il serait possible que la navigation de Pythéas l’ait amené à longer les côtes du nord de l’Europe jusqu’à la péninsule scandinave et qu’il s’agisse bien de la Norvège comme cela a été suggéré. Les contrées hyperboréennes sont en général mises en relation avec l’ambre qui provient de cette partie de l’Europe. Le périple de Pythéas aurait donc suivi les routes commerciales celtes du milieu du ive siècle av. J.-C., remontant vers la Bretagne et les îles Britanniques (route de l’étain) avant de poursuivre vers l’Est sur la route maritime de l’ambre. À cette date, Marseille est fondée depuis plus de deux siècles et demi et nul doute qu’il existait un réseau de marchands à même de permettre une telle expédition. Plus tardivement (vers le milieu du iii e   siècle av.  J.-C.  ?), la mention du peuple des Germerai  [63] selon le pseudo-Aristote pourrait peut-être se rapporter à Timée et trouver son origine dans quelque mention de Pythéas en lien avec les longues nuits qui caractérisent les régions plus proches du cercle polaire. Nous avons signalé supra les mentions d’Apollodore, dans ses Chroniques versifiées, en lien avec la conquête du Midi de la Gaule. Dans le même contexte de guerre contre les Gaulois, il citait le peuple des Aidousioi [11] et les Aroernoi [29] en dehors du territoire de la future Narbonnaise. Nous attribuons sous toute réserve deux notices du monde celtique à Polybe : la ville de Trausoi [220] et le village Sabbatia [187] mais sans savoir si elles sont bien issues de cet auteur et à quel endroit précis elles se placent (hors de notre cadre géographique ?). Le monde celtique chez Aviénus Le texte d’Aviénus semble mixer deux séries d’informations. La première concerne le territoire appelé Œstrymnis et le golfe Œstrymnicus avec les îles qui le peuplent. Il s’agit de la Bretagne et probablement de la partie située au nord avec les Cornouailles et les îles anglo-normandes. Une indication de voyage jusqu’à l’Irlande nomme cette île Sacra (Ierê en grec). Une incise rattache cette île Sacrée aux informations issues de Pythéas avec l’île proche des Albiones.

3. Les ensembles géographiques

349

Figure 66 – Géonymes relevant de la Gaule sur fond de plan orohydrographique (en pointillés, les provinces à l’époque romaine) (IIe siècle av. -IIe siècle ap. J.-C.).

Passée la description de l’océan, l’information sur les Ligures qui ont quitté le littoral nous semble se rapporter à ce que l’on perçoit de Pythéas avec les trois peuples ligures qui ne sont plus présents le long du littoral. On aurait donc dans ce passage une première information issue du périple d’Himilcon (avec le passage sur l’océan) et des données provenant de Pythéas, par l’intermédiaire d’un auteur que nous n’identifions pas mais qui ne semble pas être Théopompe. Artémidore Ce n’est qu’avec Artémidore que nous pouvons dresser un portrait un peu plus détaillé de ces zones. Celui-ci, on l’a vu supra (p. 343), dénomme celtique tout ce qui relève de la Gaule et de la Germanie. On trouve chez lui la mention du fleuve des Marseillais Sêkoanas [198] (la Seine), en lien avec les Marseillais puisque cette mention provient du livre I consacré au Midi de la Gaule, des peuples comme les Agnôtes [3] et les Ôstiônes [231]

situés sur la côte atlantique, la ville de Sisigulis [203] et la presqu’île Limenôtis [135], l’une et l’autre pouvant également être situées sur le même littoral. Plus vers l’est, il est selon nous à l’origine de la mention des Rhênoi [183], peuple très certainement situé au bord du fleuve du même nom, peut-être pas trop éloignés des Grammitai [67] si l’on accepte le lien avec le toponyme romain de Gramatum. Enfin, nous ne savons pas situer le peuple des Ibaioi [99] que nous attribuons sous toute réserve également à Artémidore. Pour les îles Britanniques, nous proposons de rattacher à cet auteur deux notices se rapportant au nom même des îles  : Iouernia  [109] et Pretanikê  [179]. Iouernia est dite «  île Britannique, la plus petite des deux », tandis que l’île Pretanikê est une île « ressemblant à un continent, du côté de la Celtique ». Dans l’esprit d’Artémidore, il s’agit donc d’un ensemble de deux îles, toutes deux britanniques, dont l’une est petite et la seconde semblable à un continent (le tour n’en sera

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Troisième Partie : Auteurs-sources et connaissance des espaces géographiques

fait qu’à l’époque du beau-père de Tacite, le gouverneur romain Agricola). Ainsi s’expliquent les doublons par rapport à la notice de Théopompe sur l’île de Iernê. Deux villes sont associées selon nous au même auteur : Iouernê [109] sur « l’île Britannique de Iouernia » et peut-être Samnion  [191], ville inconnue sur l’île de Pretania (si la troisième abréviation n’a pas transformé la localisation géographique). Toutes ces informations proviennent très certainement de Pythéas ou des commerçants massaliètes car il apparaît très peu vraisemblable qu’il ait lui-même voyagé dans ces contrées. 3.5.2. De la conquête romaine à Marcien On trouve quelques mentions issues d’auteurs du HautEmpire. Tout d’abord, Strabon est la source pour l’île de Bourchanis [54] en Germanie et le fleuve Danoubis [69] (Danube). Les mentions du fleuve Ligeir  [131] (la Loire) et du peuple des Brigantes  [57] ont probablement pour origine le grammairien Hérodien. Enfin, nous serions tentés d’attribuer à Appien la mention de la ville de Dorokottoros  [75] qui correspond à la Durocortorum (Reims) mentionnée par Jules César ; nous sommes là probablement dans le contexte de la conquête romaine de la Gaule. Mais c’est surtout Marcien qui donne le corpus le plus important, directement inspiré de Ptolémée (voire par moment d’Artémidore). On trouve ainsi la ville de Bourdigala  [53] (Bordeaux), Mediolanion  [149] (Saintes), Lougdounon  [137] (Lyon) avec la province associée, la province d’Akutania  [15] (Aquitaine), le peuple des Santones [193], ainsi que la ville germanique d’Amisa  [24] et le peuple des Saxones  [194]. Pour la Grande-Bretagne, il s’agit de l’île d’Albiôn [17] (autre nom de la Britannia), des îles Aiboudai [9] et de la ville britannique de Lindonion  [136] (= Londinion  ?). Le choix des géonymes présents chez Marcien n’est pas vraiment révélateur de données historiques ou géographiques, il est probablement lié aux seuls aspects lexicographiques. Outre Marcien, nous identifions quelques mentions qui semblent se rapporter à un historien ayant traité des invasions des peuples germaniques. Il s’agit de Parthénios de Phocée auquel on rattache expressément les Phrangoi [227] (Francs) et les Gotthoi [66] (Goths) et auxquels nous proposons de rattacher le peuple des Alamanoi [16] (Alamans). Selon nous, il est possible de regrouper les mentions des Francs et des Alamans dans

leurs premières incursions sur le territoire de l’Empire, peu après le milieu du iiie siècle ; l’indication des Goths peut correspondre au moment où ils franchissent le Danube, en 250, soit à la même période. 3.5.3. Considérations lexicales sur les îles Britanniques Nous ajouterons ici quelques réflexions à propos des géonymes portant sur les îles Britanniques, qui présentent parfois des formes distinctes. La forme lexicale des îles Britanniques On note d’abord qu’il existe deux notices générales pour les îles Britanniques : Brettanides [56] et Pretanikê [179]. La seconde forme semble être la plus ancienne. Elle se trouve peut-être déjà chez Timée (566 F 164) puis chez Posidonios qui semble être la source de Diodore de Sicile (nombreuses mentions dans le livre  V) sous la forme Πρεττανία ou Πρεττανικὴ νήσος (forme dans laquelle on sous-entend souvent le mot νήσος/île), et le peuple des Πρεττανοί. Ensuite, c’est Ptolémée qui utilise ce nom, uniquement pour la forme « Πρεττανικὸς Ὠκεανός » ou dans les pinakes de ses différents livres. En revanche, dans la partie de liste géographique de son œuvre se trouve la forme avec la lettre β. Il faut noter ici que toutes les attestations ont la forme Πρετταν-, avec deux τ. Or, dans l’Épitomé, les géonymes ont dans leur grande majorité une forme avec un seul τ : en premier lieu Pretanikê (et l’ethnique Pretanoi), Samnion [191], Aiboudai [9], Iouernia [109], Iouernê [108] et à la fin de la notice Brettia/Brettanides. L’ensemble se rattache à Artémidore et Marcien, ce dernier étant d’ailleurs aussi à l’origine de formes avec deux τ : Albiôn [17] et Lindonion [136]. Pour la notice Albiôn, le manus­crit semble avoir au départ la forme πραιττανική ; or nous sommes là dans la partie la moins résumée de l’œuvre ; il est possible que nous ayons conservé une trace de la forme d’origine du manus­crit. La confusion entre un τ et deux τ peut être éventuellement dû à une erreur d’onciale (ΠΡΑΙΤΤΑ-/ ΠΡΑΙΤΑ-, plus difficilement ΠΡЄΤΤΑ-/ΠΡЄΤΑ-). Il faut noter que l’on trouve dans l’Épitomé de très nombreux géonymes écrits αι au lieu de ε (Αἰβοῦδαι au lieu de Ἐβοῦδαι chez Marcien, Αἴβουρα pour Ἔβουρα chez Strabon,  etc.). Nous proposerons donc que la forme d’origine des Ethniques pouvait comporter la forme Πραιττανική, corrigée ensuite, soit dans la translittération soit plutôt dans le premier abrégé, sous la forme Πρεττανική, sous l’influence d’une relecture des textes

3. Les ensembles géographiques

351

Figure 67 – Les variantes des formes se rapportant aux îles britanniques. Lemme

Manus­crits

Lexiques

Αἰβοῦδαι

Πρετανική

 

Marcien oui

Ἀλβίων

Πραιττανική

Βρεττανική (Et. Sym.)

oui

Βρεττανικὸν

 

/

Ἰουέρνη

Πρετανικῷ

 

?

Ἰουερνία

πρετανικὴ

Βρετανίδες (Eust. Th.)

?

Λινδόνιον

Βρεττανίας

 

oui

Σάμνιον

Πρετανίας

 

?

anciens58. Cela peut être dû soit à la forme des textes utilisés soit à l’usage de notre compilateur (ou à celle d’Oros d’Alexandrie ?), mais cela semble moins probable. Par ailleurs, il faut noter les différentes variantes que présentent les manus­crits (fig. 67). La dualité de forme entre Prettanikê/Prettania/ Prettanides et Brettanikê/Brettania/Brettanides est liée à l’influence du latin. La première forme est grecque et remonte au moins à l’époque hellénistique, peut-être à Pythéas. Outre les deux notices générales (Brettia/ Brettanides et Pretanikê), les mentions se répartissent entre la Grande-Bretagne (l’île Albiôn, le peuple des Brigantes et les villes Lindonion et Samnion ?), l’Irlande (l’île Iernê et Iouernia, la ville Iouernê) et les Hébrides (Aiboudai). Iouernia, île Britannique Les manus­crits présentent une petite difficulté d’interprétation pour la notice Iouernia/Iouernê. Ils ont en fait trois notices distinctes59, que nous donnons d’après le texte des manus­crits : ἰουερνία· ἡ πρετανικὴ, τῶν δύο ἐλάσσων. τὸ ἐθνικὸν ἰουερνιάτης. ἰουέρνη· πόλις ἐν τῷ πρετανικῷ. ἰουερνία· νῆσος. τὸ ἐθνικὸν ἰούερνοι. Si l’on veut garder l’ordre purement alphabétique qui prévaut dans tout le lexique, il faut imaginer que la première forme était plutôt ἰουέρνα/ἰουερνάτης (non attestée) et que lors de la translittération ou des deux abréviations successives, un iota a été ajouté. On peut aussi 58 

Ainsi Eustathe de Thessalonique utilise la forme Πρεττανική (Com. Dion. 492) ; il représente certainement un bon exemple de ces érudits imprégnés des textes antiques que l’on trouve au xiie siècle, époque de la rédaction du premier abrégé. 59  Billerbeck et al. 2006, p. 287, n. 80.

proposer d’ajouter un iota au nom de la ville, qui devient ainsi ἰουερνίη. Mais dans ces deux cas nous avons une ville Iouernê/Iouerniê à laquelle manque l’ethnique et une troisième notice sans localisation géographique précise. L’hypothèse qu’a choisie M. Billerbeck dans son édition consiste à imaginer une double lecture de la notice de Iouernia, la seconde ayant « emporté » la détermination géographique comme île. C’est alors la détermination géographique de la ville qui pose problème ; M.  Billerbeck fait le rapprochement avec les notices Sappheirênê (σ 61) et Sinthos (σ 172), qui sous-entendent l’une et l’autre le mot golfe. Dans sa traduction, c’est le mot océan (mer) qui est proposé, suivant en cela l’idée de Berkel. Comme on ne peut pas rattacher la ville directement à une mer, elle indique la possibilité qu’il s’agisse du nom de l’île, et non d’une ville. Il nous semble plus vraisemblable de voir pour la notice de Iouernê [108] un passage de l’ablatif avec iota souscrit au nominatif avec la création (fictive) de la troisième notice. C’est pourquoi nous proposons de lire πόλις ἐν τῇ πρετανικῇ Ἰουερνίᾳ νῆσῷ. Cette erreur provient probablement d’un retour à la ligne mal compris après la ligne de 25 caractères, entre πρετανικῇ et Ἰουερνίᾳ. La provenance des mentions Cinq notices proviennent de manière assurée directement de Marcien : Aiboudai, Albiôn, Iouernê, Lindonion, Pretanikê. Elles ont pour trois d’entre elles gardé la mention de cet auteur. Les autres présentent des similitudes très importantes : – rattachement à la forme Pretanikê/Pretania, – notices courtes sans comparaison lexicale de grammairien, – ethniques en -ος/οι. Il faut adjoindre à ces notices la fin de la notice Brettia (îles Brettanides) qui rattache à Marcien, de manière explicite, la forme Prettanides avec un π à l’initiale. Deux notices partielles sont rattachées à d’autres auteurs : – les îles Brettanides (notice Brettia) avec l’ethnique Brettanoi (Strabon ?) et mention de la forme avec un seul τ que l’on trouve chez Denys le Périégète, – le peuple des Brigantes, dont la forme restituée, si elle est exacte, est dite quoi qu’il en soit « brettanikon ».

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Troisième Partie : Auteurs-sources et connaissance des espaces géographiques

Dans ces deux cas, les formes sont indiquées en annexe de la forme principale, soit du fait de la copie d’informations trouvées chez d’autres grammairiens, soit par ajout direct de Stéphane de Byzance. Cette dernière hypothèse est la plus vraisemblable concernant Brettanides, avec la mention de Marcien et de Denys le Périégète. Dans le second cas, c’est la mention d’Hérodien qui fait le lien avec le lemme source Briges. La notice sur l’île de Iernê constitue un cas particulier. C’est un doublon de la notice Iouernia ; elle ne comprend aucune mention d’auteur mais contient une comparaison lexicale de grammairien. Très courte, elle procède selon nous de Théopompe. Cette notice présente des similitudes avec celle de l’île de Thoulê, celle-ci présentant toutefois une explication générale encore assez développée malgré l’abréviation. Marcien ne semble pas avoir été utilisé pour mentionner cette île.

4. Conclusion générale Dans cette conclusion générale, nous reprendrons les points-clefs de notre démarche et les apports que nous en avons tirés, à la fois dans la constitution et la transmission du texte des Ethniques, des sources utilisées et du cadre géographique choisi.

4.1. L’œuvre de Stéphane de Byzance et son épitomé La création de l’œuvre monumentale de Stéphane de Byzance s’inscrit dans le contexte culturel tardo-antique, héritier d’un monde gréco-romain quasi figé qui sert encore à cette époque de base à l’enseignement des grammairiens. Cette période charnière constitue les premiers temps de l’Empire byzantin, qui saura durant encore un millénaire garder présents les textes grecs issus de l’Antiquité. 4.1.1. L’histoire du texte de Stéphane de Byzance De Stéphane de Byzance nous ne connaîtrons rien de plus que son nom et son « métier », notés dans son manus­crit et répétés par tous ceux qui ont cité les Ethniques. C’est par les seules informations contenues dans le lexique que l’on peut proposer les années  530/540 pour sa rédaction. Le titre qui sert usuellement à désigner son œuvre, les Ethniques, ne rend pas compte de sa nature exacte, à l’inverse du titre complet que nous a fort heureusement conservé le fragment de manus­crit S. Il faut bien redire que l’abrégé que nous possédons n’a rien à voir avec celui que le grammairien Hermolaos a pu rédiger, probablement entre 550 et 565. À moins d’imaginer que le texte d’origine ait pu être encore plus développé que celui que nous avons conservé par le biais du manus­crit S, ce qui ne nous semble pas crédible, nous considérerons comme acquis que le texte complet des Ethniques était disponible à Byzance jusqu’en 1204. L’analyse précise du texte qui est parvenu jusqu’à nous laisse peu de doute sur des abréviations successives et une conservation différentielle de l’œuvre. S’il nous est encore impossible de donner tout le détail de l’histoire du texte, nous pensons avoir établi avec suffisamment de certitude le fait qu’il ait connu trois phases

d’abréviation et que, par groupe de livres liés au découpage d’origine des Ethniques, c’est l’une ou l’autre des phases d’abréviation qui a été conservée dans l’archétype de nos manus­crits. Si nous reprenons l’histoire du texte, nous pensons assuré le fait que la première translittération de l’œuvre a eu lieu seulement vers la fin du xie siècle et que nous en gardons la trace grâce aux quelques folios du manus­ crit  S. Nous pensons que jusqu’à cette date n’existait que le manus­crit  d’origine (α). La conservation d’un fragment de l’œuvre translittérée est une chance pour la compréhension directe de ce que fut l’œuvre de Stéphane de Byzance et un témoignage précieux du moment de sa copie. Celle-ci, réalisée probablement dans les dernières décennies du xie siècle, s’inscrit en effet dans un contexte de renouveau de la connaissance dans l’entourage des empereurs. La figure dominante est ici Michel Psellos, mais on ne retrouve pas dans son œuvre de trace de l’utilisation de Stéphane de Byzance. Il faut peutêtre se tourner vers un autre personnage, le césar Jean Doukas, familier de Michel Psellos. C’est lui qui fait copier le De Administrando Imperio de Constantin VII Porphyrogénète, livre important et quasi secret destiné à l’éducation géopolitique de son fils Romain II. C’est probablement à son époque qu’a lieu également la copie d’une autre œuvre de Constantin, le De Thematibus, selon l’hypothèse d’A. Pertusi. Or, ces deux œuvres, qui sont quasiment les seules à avoir utilisé Stéphane de Byzance, étaient certainement conservés au palais impérial peutêtre avec le manus­crit original des Ethniques. Il est très probable que Constantin Porphyrogénète avait fait rassembler en un même endroit la documentation qu’il avait rédigée ou commanditée. Jean Doukas, que Michel Psellos montre comme un homme préoccupé par tout ce qui relève de la tactique et de la stratégie1, a pu être aussi intéressé, comme l’était Constantin Porphyrogénète, par les aspects historiques des entités géographiques et politiques de son époque mais, sans pouvoir lui-même lire les manus­crits en onciales des siècles passés.

1 

Michel Psellos, Chronographie, Michael 7.16-17.

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Troisième Partie : Auteurs-sources et connaissance des espaces géographiques

Une fois translittéré, ce manus­crit  a commencé à être utilisé par la nouvelle génération d’érudits qui, au tournant du xiie siècle, entreprend un travail de lexicographie et d’exégèse des textes antiques très important. Le manus­crit translittéré se trouvant très certainement dans la bibliothèque impériale, c’est par l’intermédiaire d’un premier abrégé [S1], que nous attribuons à un abréviateur anonyme, que les informations contenues dans le très imposant lexique de Stéphane de Byzance vont être portées à la connaissance des érudits du xiie siècle. Cette étape a été un préalable indispensable pour faire sortir ce texte de la Bibliothèque impériale, où il aurait sans cela certainement totalement disparu en 1204. À partir de là, l’Etymologicum Symeonis puis l’Etymologicum Magnum (ce dernier probablement directement depuis l’abrégé comme nous l’avons proposé dans l’analyse de la notice de Gadeira [59]) vont en intégrer l’information. De même, Eustathe de Thessalonique va utiliser ce texte pour ses propres travaux d’exégèse savante et probablement en récupérer une copie pour lui-même (β’). En revanche, nous proposons que Jean Tzétzès ait pu lire directement l’ouvrage translittéré. Le manus­crit de cet abrégé, s’il a bien été recopié par Eustathe de Thessalonique, a peut-être connu la bonne fortune de ses autres manus­crits. Alors qu’il semble bien que le texte de Stéphane ait quasiment disparu dès le xiiie siècle (le sac de 1204 en est certainement la cause), le premier abrégé a été à l’origine d’une nouvelle abréviation. Celle-ci ramène le volume d’informations total à un seul manus­crit (γ), le rendant plus facilement utilisable. On peut supposer qu’il date au plus tôt du milieu du xiiie siècle bien que nous n’ayons aucun repère pour en préciser la date. Cette nouvelle abréviation des Ethniques doit probablement être mise en lien avec la reprise d’une activité philologique sur les textes anciens sous le règne des Paléologues, même si les indices nous manquent pour mettre en évidence une chronologie précise. Cet épitomé est quoiqu’il en soit suivi, sans doute tardivement, d’une troisième et dernière abréviation (δ) qui tend à ne garder que les différentes formes lexicales. Ce qui est étonnant c’est que les nouveaux abrégés ne semblent pas faire disparaître les manus­crits précédents. Ils ont probablement servi à des érudits différents, ce qui explique leur rédaction. Nous manquons de précision sur le lieu de conservation des abrégés. Nous ne savons pas en effet si les manus­crits d’Eustathe étaient conservés ensemble ou bien avaient été dispersés auprès de ses élèves, et du coup où ont pu être entreprises les copies suivantes. Enfin, le manus­crit archétype (ω) est constitué sans doute en copiant les restes composites des différents

abrégés, peut-être dans les premières années du xve siècle afin de reconstituer un texte le plus complet possible. Le texte resurgit tardivement, dans les années 1470. Il reste à savoir précisément quand et où le manus­crit archétype ω a été découvert. Nous pensons peu probable que cette découverte ait eu lieu avant la mort du cardinal Bessarion ; celui-ci en aurait très certainement été informé et aurait demandé une copie du manus­crit. C’est donc postérieurement à la mort de Bessarion en 1472 que le manus­crit a dû être découvert. Il était probablement en possession de Georgios Alexandrou qui, comme on l’a vu, en a fait au moins deux copies différentes. Il est tout à fait possible qu’il l’ait acquis lorsqu’il était en Crète et qu’il l’ait emporté avec lui lorsqu’il a pris la succession de Démétrios Chalkondylès au Studio de Padoue. En très peu de temps, quatre copies sont réalisées : deux par Georgios Alexandrou lui-même (P, non finalisé, et N), une par Georgios Tribizias (Q) et une quatrième par Démétrios Moschos (R), peut-être par l’intermédiaire de Jean Calphurnius, probable commanditaire du manus­crit P. On peut s’interroger sur la possibilité de copies réalisées en Crète, centre important de regroupement et de copie des manus­crits issus de Grèce continentale. Cela nous semble cependant peu probable, tous les copistes étant à Venise ou dans les environs dans les années 1475-1485. C’est toutefois là-bas que le manus­ crit  archétype a pu finir si Gergios Alexandrou l’a emporté avec lui lorsqu’il devient évêque d’Arkadi. Ceci expliquerait que ce manus­crit disparaît autour de 1500 et que toutes les copies de l’Épitomé qui sont réalisées par la suite le sont sur les manus­crits secondaires. 4.1.2. L’œuvre elle-même L’étude de l’Épitomé et des quelques notices conservées de Stéphane de Byzance fait ressortir plusieurs points. – L’œuvre appelée communément les Ethniques compose, dans sa forme originelle, un lexique des différentes formes lexicales des noms géographiques (noms de villes, de lieux ou de peuples) dès lors qu’une forme dérivée est connue2. Chaque forme est justifiée 2  Nous ne souscrivons donc pas aux propos de D. Marcotte : « il ne cherche dans la littérature ancienne que les attestations des ethniques et des toponymes qu’il retenait pour son lexique ; par voie de conséquence, il négligeait tout ce qui ne pouvait servir ses recherches de géographie régionale » (Marcotte 2000, p. 32). Or, cette vision est partagée par la plupart des historiens qui utilisent l’œuvre de Stéphane de Byzance dans un but purement de géographie historique.

4. Conclusion générale par la citation d’un auteur « classique ». La longueur de la notice ne semble pas limitée et dépend –  logiquement  – du nombre de citations. Ceci implique qu’il ne faut pas s’attendre à trouver toutes les mentions d’un toponyme chez les différents auteurs mais uniquement les différentes formes lexicales qui, seules, intéressent Stéphane de Byzance ; c’est encore de nos jours le principe des dictionnaires spécialisés3. – Les définitions de la catégorie et de l’implantation géographique sont systématiquement tirées des auteurs antiques eux-mêmes, par le biais de lexiques intermédiaires, et sont parfois justifiées par les citations. Les précisions complémentaires sont issues dans la plupart des cas des mêmes citations, qu’elles reproduisent assez fidèlement. – Dans ses différentes phases d’abréviation, l’Épitomé reprend le texte même de Stéphane de Byzance. Il y a véritablement abréviation mais pas de rajout de texte. Ce qui subsiste se trouvait donc chez Stéphane de Byzance, à quelques mots de liaison près. – Dans son état final, l’Épitomé s’apparente par endroits presque à un simple index de l’œuvre de Stéphane de Byzance : on perd la logique du lexique originel pour obtenir une simple énumération des noms géographiques et des différentes formes. Les références ne sont plus systématiques. Lorsqu’elles subsistent, elles sont la plupart du temps lacunaires. On voit clairement que les Ethniques sont avant tout une œuvre grammaticale, dont chaque forme est justifiée par la citation d’un auteur « classique ». Constantin Porphyrogénète, comme la Souda, cite d’ailleurs Stéphane de Byzance comme ὀ γραμματικὸς Στεφάνος, ce qui peut s’entendre aussi bien comme grammairien (terme que nous préfèrerons) que comme professeur de lettres  ; il n’est en tout cas pas géographe. Son œuvre ne concerne que les auteurs de langue grecque, preuve supplémentaire, s’il en était, de l’importance accordée par Stéphane de Byzance au champ lexical. Ceci est tout à fait fondamental : il ne faut pas chercher dans cette 3   On peut comparer l’œuvre de Stéphane de Byzance aux deux grands dictionnaires grec et latin que sont le « Bailly » ou le «  Gaffiot  », dont les formes lexicales sont systématiquement argumentées par des citations d’auteurs antiques. Si l’on peut poursuivre l’analogie, les dernières étapes de l’abréviation correspondrait en quelque sorte aux versions réduites de ces deux dictionnaires. On peut imaginer la frustration que représenterait pour des philologues des futurs millénaires, la seule conservation de ces ouvrages au détriment des œuvres littéraires antiques.

355 œuvre la réflexion d’un géographe ni même d’un éditeur d’œuvres géographiques comme le fut Marcien d’Héraclée. En revanche, l’intérêt d’une telle démarche est de s’attacher aux mots d’un auteur donné et donc de ne pas dénommer par lui-même les toponymes. Ainsi, nous avons de grandes chances d’avoir conservé la façon dont les sources ont elles-mêmes identifié tel ou tel toponyme ou nom de peuple. La forme des Ethniques de Stéphane de Byzance ramène à la façon dont on a constitué les lexiques dans l’Antiquité. Il s’agit à chaque fois d’une opération complexe qui mêle, à des degrés divers et de manière spécifique pour chacun, création nouvelle, agglutination d’informations déjà existantes et réduction. Ici, Stéphane de Byzance part d’un substrat déjà important, que nous avons appelé le lexique-source. Œuvre de compilation, il est très probablement issu du regroupement (par agglutination) des lexiques géographiques composés par le grammairien Diogenianus, aux alentours du milieu du iie siècle de notre ère. Ce lexique-source porte déjà en lui toutes les composantes du lexique composé par Stéphane de Byzance. Nous ne savons pas à quelle date ce lexique a ainsi acquis la physionomie qu’on lui devine à travers l’étude de l’Épitomé, mais il a très certainement constitué un recueil très important pour Oros vers le milieu du ve siècle. Avant lui, Hérodien avait aussi travaillé sur les formations lexicales et il ne serait pas étonnant que ce soit lui qui, le premier, ait regroupé les lexiques géographiques de Diogenianus, son prédécesseur immédiat. Il y aurait là une continuité évidente et la preuve que cet outil est vite devenu indispensable aux grammairiens. Nous allons revenir plus loin plus en détail sur tout ceci. 4.1.3. L’épitomisation Les épitomés sont fréquents, aussi bien durant l’Antiquité que pendant la période byzantine. Celui de Stéphane de Byzance, s’il a une histoire propre, n’est guère différent des autres. Nous avons pu croiser différentes versions du texte : – entre le texte original (manus­crit S) et l’abréviation du second abrégé pour les notices de la fin de la lettre δ et la première de la lettre ε ; – entre le texte du premier abréviateur et le troisième abrégé pour les notices du début de la lettre Χ ; – entre le texte de l’Épitomé et le texte lu par Eustathe de Thessalonique.

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Troisième Partie : Auteurs-sources et connaissance des espaces géographiques

La comparaison de ces textes permet d’abord de confirmer qu’il s’agissait bien d’un épitomé, dans lequel on coupe du texte ; chacune des étapes successives a fait perdre en priorité les citations, les mentions et les textes propres de Stéphane de Byzance. Les différentes étapes de réduction sont fréquentes sur d’autres ensembles de textes. La Collection hippiatrique par exemple a connu plusieurs recensions et un épitomé ayant lui-même connu plusieurs remaniements4. L’épitomé du premier abréviateur a conservé une très grande partie du texte de Stéphane de Byzance. Un certain nombre de citations qui semblaient redondantes ont été supprimées, ainsi que, probablement, des comparaisons issues des grammairiens ; les différentes formes grammaticales ont été, semble-t-il, préservées pour chaque lemme. Le second épitomé a entraîné une nouvelle perte des citations et des mentions. Le troisième abrégé constitue un simple résumé qui n’a gardé pratiquement plus que les formes lexicales en enlevant presque toute référence à des auteurs anciens. Mais quasiment à chaque fois, les indications conservées proviennent du texte précédent ; on peut donc malgré tout utiliser le texte de l’Épitomé pour analyser les toponymes et leurs sources éventuelles. On l’a dit, le processus d’épitomisation est fréquent dans la transmission des textes. La difficulté de les reproduire manuellement a certainement conduit à vouloir les expurger de ce qui ne semblait plus nécessaire. De plus, la très longue durée de vie de ces textes (songeons au monumental travail d’exégèse d’Eustathe de Thessalonique sur les textes d’Homère, presque deux millénaires après leur rédaction et reprenant une documentation vieille de presque mille ans) a nécessairement modifié l’intérêt voire les enjeux de tel ou tel texte érudit. Alors que l’on observe que pratiquement tous les lexiques ont fait l’objet de réduction, la question se pose également pour d’autres œuvres issues d’un domaine spécialisé de la connaissance antique ou non5. Pour conclure sur la réduction, il apparaît que la perte principale est celle des citations : nous avons vu qu’en moyenne, environ 75% des citations étaient perdues ; il 4 Voir

Doyen-Higuet  2006, en particulier p.  117 sq pour l’épitomé et ses divers manus­crits. Toutefois dans ce cas, le terme d’épitomé est peut-être moins exact, compte tenu de la différence d’organisation par rapport au texte d’origine : « certains passages de l’Épitomé n’ont pas de parallèle dans la Collection ; d’autres ne rappellent que de loin les extraits sur le même sujet relevés dans la Collection » (Doyen-Higuet 2006, p. 187). 5  Voir par exemple l’étude de T. Whitmarsh sur les romans grecs (Whitmarsh 2010).

ne reste la plupart du temps que le nom de l’auteur, parfois le nom de l’œuvre et le numéro du livre d’où était tirée la citation 6. Et celles qui subsistent dans notre Épitomé ne correspondent pas toujours à l’intégralité de la citation de Stéphane de Byzance. Parfois, l’Épitomé intègre dans sa notice le texte d’une citation de Stéphane de Byzance sans faire référence à sa source. C’est ainsi que dans la notice sur Dôdônê (δ 146), le second abréviateur reprend partiellement une citation d’Épaphrodite. Un dernier point important concerne la disparition de certaines notices. Sur les titres des 76 notices de la lettre ε, l’une n’apparait pas dans la compilation : Ἐλεών. Peut-être a-t-elle été supprimée par erreur par le rédacteur du second abrégé (Eustathe de Thessalonique citait cette notice), ayant sauté accidentellement une notice. Il semble peu probable que le premier abréviateur ou ses successeurs en aient délibérément supprimé mais ce n’est pas impossible. Il en est probablement de même pour la notice Bourdigala [54] que nous avons étudiée et qui était encore présente dans le premier abrégé. Quelle que soit la raison de ces omissions, il reste que certaines notices de Stéphane de Byzance ont pu disparaître, ce qui ne permet pas de considérer que l’absence d’un toponyme dans l’Épitomé soit la preuve absolue d’une absence du lemme dans les Ethniques. Sans compter que les réductions ont pu être aussi fatales à certains géonymes présents dans les notices plurielles.

4.2. Le contenu et l’organisation des Ethniques La façon dont Stéphane de Byzance a composé son œuvre se lit à travers la structuration des notices. L’analyse que nous avons menée croise sources grammaticales, lexicographiques et littéraires. Elle induit des conclusions très importantes sur la genèse de l’œuvre sur lesquelles nous allons revenir maintenant. Elle permet également de mieux comprendre comment notre grammairien a travaillé. 4.2.1. La restitution des sources de Stéphane de Byzance L’analyse détaillée de la manière dont les notices de l’Épitomé sont construites, mise en regard avec les différentes traditions lexicographiques et les auteurs les plus récents mentionnés (nous dirons postérieurs au milieu du iie siècle de notre ère), permet d’envisager les sources dont s’est servi Stéphane de Byzance pour la rédaction de son propre ouvrage. 6 

Les exemples abondent dans toutes les notices étudiées ici.

4. Conclusion générale Avant de revenir sur les différentes sources mises en évidence, rappelons d’abord les points principaux mis en évidence : – Stéphane de Byzance utilise des informations provenant de sources diverses ; ceci se traduit en particulier par une juxtaposition des textes de ses notices. En cela, les Ethniques ne diffèrent pas des autres lexiques dans lesquels le mode de construction se fait par agglutination d’informations. – Oros est un auteur clef pour Stéphane de Byzance, même si le nombre de citations explicites de son œuvre est très faible. On le remarque en effet dans l’Épitomé dès lors qu’il s’agit d’exposer la manière de former un ethnique, que ce soit par comparaison lexicale de grammairien ou par un type morphologique propre à un pays ou une région. C’est par son intermédiaire en particulier que Stéphane de Byzance cite Hérodien et toute une série d’auteurs des iiie-ive voire ve siècles de notre ère. – Les Ethniques sont le reflet d’une tradition lexicographique particulière. L’œuvre pourrait tirer une grande partie de son information des lexiques géographiques de Diogenianus. – Stéphane de Byzance a lu certains auteurs directement et en a tiré la matière pour certaines notices. Il en est ainsi pour Capiton de Lycie, Oros et les textes édités par Marcien ; c’est probable pour Pausanias, peut-être aussi pour Strabon. Il s’agit avant tout de géographes mais ces auteurs sont en nombre limité. La plupart des mentions et citations provient des sources utilisées par Stéphane de Byzance. Les auteurs-sources des ve-vie siècles Pour la compréhension de ce que nous avons appelé des auteurs-sources, il faut garder en tête les acquis de notre étude. Stéphane de Byzance a obligatoirement consulté les plus récents d’entre eux, au nombre de trois : Capiton de Lycie, Eugène d’Augustopolis et Oros d’Alexandrie. Capiton de Lycie et le grammairien Eugène

Du premier (Capiton de Lycie), Stéphane n’a pu retirer qu’une information très limitée puisque par son sujet, il ne concerne que les géonymes d’une petite partie de l’Asie mineure : on trouve principalement les villes d’Isaurie et de Lycie, moins fréquemment des diocèses voisins (Carie, Cappadoce Seconde) et une mention d’une ville plus éloignée, Amasis du Pont. Un nombre

357 donc limité de géonymes, même s’il conviendrait de chercher la trace de Capiton dans d’autres notices pour lesquelles la mention de cet auteur a disparu avec l’abréviation. Il faut noter d’ailleurs que ces notices ne diffèrent en rien de la très grande majorité de celles qui composent les Ethniques. Nous prendrons ainsi l’exemple du lemme Psimada (ψ 10), dont la notice est conservée dans le dernier livre, n’ayant fait l’objet que d’une seule abréviation : « Ψίμαδα· [A] χωρίον Ἰσαυρίας. [D] τὸ ἐθνικὸν Ψιμαδεῖς. Καπίτων ἐν εʹ ‘Κόνωνα δὲ παρόντα Ψιμαδέα μεγάλως ἐφιλοφρονήσατο’ ». Rien ne permet à priori de savoir que celle-ci a été rédigée directement par Stéphane de Byzance. On notera toutefois que pour une notice située dans la partie la moins abrégée, elle apparaît singulièrement courte, preuve que la notice d’origine l’était probablement aussi  ; on ne trouve aucune comparaison lexicale de grammairien et la citation n’est pas très longue (mais l’abréviateur a pu malgré tout la réduire). Dans l’ensemble des notices provenant de cet auteur, les comparaisons lexicales de grammairien sont absentes sauf pour l’ethnique d’Arukanda (α 465) où l’on a « τὸ ἐθνικὸν Ἀρυκανδεύς ὡς Ἀλινδεύς », mais qui peut se rapporter à une mention d’Alexandre Polyhistor, source du lemme Alinda (α 211). Ces deux aspects sont probablement révélateurs des points suivants : Stéphane de Byzance n’est pas obligatoirement l’auteur des comparaisons lexicales de grammairien et ne donne pas de longues citations. Le second auteur, le grammairien Eugène, est plus problématique. Il semble être un prédécesseur direct de Stéphane de Byzance mais on ne trouve pas vraiment de trace de ses ouvrages dans les Ethniques. Son œuvre semble être assez généraliste, peut-être plus tournée vers l’enseignement que vers une recherche «  fondamentale » comme on pourrait le dire de nos jours. Il a ainsi rédigé un ouvrage sur la métrique des trois principaux tragiques étudiés dans l’Antiquité : Eschyle, Sophocle et Euripide. Le choix de seulement quinze pièces montre bien que l’on est ici en présence d’une édition destinée à l’enseignement, dont on trouve, semble-t-il, encore la trace dans les traditions manus­crites de ces auteurs. En revanche, nous ne savons rien de son second ouvrage du même ordre, qui traitait d’une composition particulière, l’antibacchique péonien. Ses trois œuvres de type lexicographique pourraient attirer notre attention. La première est un lexique par ordre alphabétique (seul ouvrage de cet auteur cité, une seule fois, dans l’Épitomé) qui a dû être très général et concerner très peu le domaine géographique. Son second ouvrage sur les noms en -ια n’a, à notre connaissance,

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Troisième Partie : Auteurs-sources et connaissance des espaces géographiques

eu aucun écho dans la tradition érudite postérieure. Il est difficile pour l’heure de trouver sa trace explicite dans l’œuvre de Stéphane de Byzance, même si l’on a vu qu’indirectement un certain nombre de notices pouvaient peut-être en provenir. Enfin, son dernier ouvrage sur les noms des temples, illustrant la tradition des Temenika, a peut-être été utilisé par Stéphane de Byzance. Cela mériterait une vérification, en particulier par rapport à l’œuvre d’Horapollon sur le même thème, mais elle dépasse le cadre de notre travail puisqu’elle ne concerne en rien notre aire géographique. On le voit donc, cet auteur a une présence plus que discrète dans les Ethniques ; nous ne le retiendrons pas comme une source importante de cet ouvrage. Oros d’Alexandrie

Reste le troisième d’entre eux, Oros. Il présente d’abord la particularité d’être un grammairien dans la lignée d’Hérodien, donc très attaché à la forme lexicale des mots. D’où l’impression, ô combien fausse, que les Ethniques de Stéphane de Byzance ne seraient qu’un démembrement de la Prosodie générale. Pour les grammairiens de la première moitié du vi e  siècle, comme pour ceux plus tardifs des viii e-ix e  siècles (comme Choiroboscos) voire encore au-delà, Oros est celui qui permet le lien réactualisé avec le grammairien antique par excellence, Hérodien. Nous voudrions insister sur ce point : si Stéphane de Byzance n’a pas repris directement l’ouvrage d’Hérodien, c’est pourtant bien l’impression que donne à tout chercheur la numérisation dans le TLG des œuvres publiées par Lentz. Ainsi, on ne s’étonnera pas de le lire encore tout récemment dans une étude sur Aristarque et Hérodote chez Stéphane de Byzance : « per le notizie di carattere grammaticale (…), Stefano utilizzava principalmente Elio Erodiano »7. Il ne fait pas de doute qu’une très grande partie du travail d’Oros a consisté en une réflexion théorique, issue avant tout de celle d’Hérodien, probablement complétée par les recherches de Lupercus de Beyrouth (appelé le « nouvel Hérodien ») et de quelques grammairiens plus récents ayant travaillé dans le champ orthographique comme Eudaimon et Arcadius. Il ne nous semble pas douteux non plus que les mentions d’Hérodien, ainsi que celles de ses prédécesseurs (Apollonios Dyscole, 7  Matijašić 2013, p. 219. Dans ce cas précis (s.v. Mômemphis, μ 269), il est beaucoup plus simple d’imaginer que Stéphane de Byzance a trouvé cette mention dans le lexique-source, lui-même issu du lexique de Pamphile, grammairien de l’école d’Aristarque.

Tryphon, …) ayant servi de base au travail du grammairien du iie siècle, proviennent d’Oros. Ce dernier a en particulier analysé certains points d’orthographe (les fameuses diphtongues en -ει ou -αι) et mis en ordre l’ensemble dans un lexique classé par ordre alphabétique (ordre peut-être absolu, c’est-à-dire parfaitement orthographique, ce qui le distinguerait des lexiques classés seulement d’après la première lettre). En cela, il constitue déjà une source importante pour Stéphane de Byzance. Le lexique attique d’Oros fait partie des sources des Ethniques jusque-là non perçues. La mise en évidence de très nombreux géonymes se rapportant à l’aire attique (en particulier les dèmes), avec à plusieurs reprises des mentions de Phrynichos, a permis de faire le rapprochement avec cette œuvre d’Oros, dont la Souda précise qu’elle était rédigée «  contre Phrynichos  ». Cette information nous sert peu car nous n’étudions pas la Grèce, mais elle témoigne de l’ampleur de la dette de Stéphane de Byzance envers le grammairien alexandrin, sans que jamais son nom n’apparaisse dans l’Épitomé pour cette catégorie d’informations. De même, l’utilisation de la forme « dème de la tribu de … », qui n’est pas celle que l’on attribue à Diogenianus mais que l’on trouve de manière exclusive chez Harpocration, a pu transiter par Oros. Les mentions de Phrynichos en proviennent, et c’est peut-être par l’intermédiaire de cet auteur qu’Oros a pu rédiger les notices géographiques de son lexique attique. Mais la dette de Stéphane de Byzance envers Oros ne s’arrête pas là. Le grammairien alexandrin a en effet consacré un ouvrage particulier à la manière de former les ethniques. On a souvent mis en parallèle cette œuvre avec les Ethniques de Stéphane de Byzance. Il est clair qu’il existe une filiation directe entre les deux, même si la forme des deux ouvrages est complètement différente : classement par morphologie dans un cas, par ordre alphabétique des lemmes dans l’autre. Mais le lien va au-delà du simple contenu de l’ouvrage. Oros a, comme ses lointains prédécesseurs d’ailleurs, mis en avant la fidélité aux textes anciens, en faisant des recherches pour trouver les formes lexicales, accompagnées de citations des auteurs qui les ont employées. Il s’est probablement appuyé sur un lexique qui était en sa possession, lexique particulièrement important qui est celui que nous appelons le « lexique-source ». On trouve en effet chez Oros une même information première pour le travail sur les ethniques. C’est difficile de le prouver car le texte provenant de manière certaine d’Oros est rare, mais il nous semble que les concordances avec l’œuvre de Stéphane de Byzance sont importantes.

4. Conclusion générale Dans les notices, la mention de considérations grammaticales un peu élaborées, ou d’une manière particulière de former les ethniques (en particulier suivant la « forme » (τύπος) propre à une région) sont caractéristiques des emprunts à Oros. Un très bon exemple en est donné par la notice Dôra (δ 148), conservée dans son texte intégral, dans laquelle Oros est cité, associé justement à des considérations sur la forme spécifique de l’ethnique par rapport au pays. On trouve de très nombreux exemples similaires dans les livres ayant fait l’objet d’une seule abréviation (voir Annexe 1), couplés ou non avec des considérations de type hérodiennes : Abai (α 1), Abantis (α 3), Abasênoi (α 5), Abotis (α 11), Abudoi (α 16), Agathê (α 21), Agathurna (α 23) … D’autres notices présentent une organisation un peu plus complexe. Nous pensons par exemple à la notice de Dôdônê (δ 146), conservée dans son intégralité : la partie [B] semble assez confuse par rapport aux autres notices. On y trouve en particulier plusieurs mentions d’exégètes d’Homère (en particulier deux mentions d’Épaphrodite) et elle se termine par une citation du « Technique », c’est-à-dire Hérodien. Nous y verrions volontiers la trace d’Oros. Les autres auteurs-sources lus par Stéphane de Byzance

Les autres auteurs lus directement par Stéphane de Byzance, impliquent, lorsqu’on les trouve mentionnés dans les notices, que ces dernières ont été rédigées par notre grammairien, en totalité ou simplement pour le passage issu de ces auteurs. Certaines notices proviennent en effet seulement de ces auteurs. On trouve par exemple, dans la partie la moins abrégée de l’œuvre, une notice issue de Marcien d’Héraclée : « Αἰβοῦδαι· [A] νῆσοι εʹ τῆς Πρετανικῆς, ὡς Μαρκιανὸς ἐν Περίπλῳ. [D] τὸ ἐθνικὸν Αἰβουδαῖος » (α  90, voir fiche [9]). Comme pour celle de Capiton que nous avons cité plus haut, il n’est pas possible de distinguer cette notice d’une autre comme « Ἀγάθεια· [A] πόλις Φωκίδος, ὡς Ἑλλάνικος αʹ Δευκαλιωνείας. [D] ὁ πολίτης Ἀγαθεύς » (α 20) qui n’est certainement pas de la main de Stéphane de Byzance. Là encore la brièveté de la notice est à remarquer. Souvent, les mentions sont incluses dans une notice plus ancienne, provenant d’une autre source. Un très bon exemple en est donné par la notice Dôros (δ 150) conservée intégralement. Après une citation d’Hécatée, puis de Flavius Josèphe et Claudius Iolaus, on trouve la mention et la citation de l’Abrégé d’Artémidore. Cette insertion a dû remplacer un texte équivalent (mais probable-

359 ment moins ramassé et sans doute moins pertinent pour Stéphane de Byzance) de l’œuvre d’origine d’Artémidore puisqu’on trouve ensuite : « καὶ ἐν θ’ Γεωγραφουμένων τὸ αὐτό ». Or, Stéphane de Byzance n’avait accès directement qu’à l’abrégé édité par Marcien pour cet auteur. On pourrait multiplier les exemples. C’est ce qui a rendu la recherche sur les sources des Ethniques si compliquée jusqu’ici  : Stéphane de Byzance maîtrise parfaitement la construction de ce type de notice et est capable d’insérer son propre texte de manière totalement transparente. Seul le discours d’Oros peut encore se lire, surtout s’il provient de son œuvre sur les ethniques, du fait des considérations grammaticales spécifiques. C’est plus difficile lorsqu’il provient de son lexique orthographique comme on le voit dans le seul exemple tiré assurément de cette œuvre (Tainaros, τ 7), qui répond parfaitement à la structuration générale : « Ὦρος δέ φησιν ἐν τῇ Ὀρθογραφίᾳ ‘Ταίναρον· πεδίον τῆς Λακωνικῆς, καὶ Ταιναρῖται οἱ ἐν αὐτῷ’ ». Sans la mention de l’auteur et de son œuvre, nous n’aurions pas pu faire la différence. Il reste un auteur particulier, c’est Hécatée. Jamais avant Stéphane de Byzance on n’a donné autant de mentions de cet auteur, distant d’un millénaire pour notre grammairien. Hécatée était sans doute de loin l’auteur le plus cité dans les Ethniques et l’est encore très largement dans l’Épitomé. Il semble bien que Stéphane de Byzance ait rédigé indépendamment des notices dont les lemmes relèvent d’Hécatée, source spécifique que l’on ne retrouve pas par la suite et qui pourrait avoir trouvé place dans l’édition de Marcien. Il est important de noter que les auteurs lus directement par Stéphane de Byzance, l’édition de Marcien, Pausanias ou Strabon, sont ceux qui nous ont été en tout ou partie conservés. Le « substrat » des Ethniques : un lexique-source Une fois mises en évidence les sources directes lues par Stéphane de Byzance, que reste-t-il ? La très grande majorité du texte ne relève ni des mentions grammaticales d’Oros ni de l’édition de Marcien. Pour reprendre les notices préservées dans le manus­crit S, et si l’on excepte quelques petites comparaisons grammaticales sur lesquelles nous allons revenir, on ne trouve aucune trace d’une intervention d’Oros ou de Stéphane de Byzance dans les notices Dundason (δ  141), Durbaioi (δ  142), Dustos (δ 145), Dônettinoi (δ 147) ou Eares (ε 1) et seulement l’insertion de trois citations de Pausanias pour la notice Dumê (δ 140). Pour les autres notices, il semble bien que notre grammairien ait simplement inséré les différentes informations au sein d’un texte préexistant, du même type que ceux des autres notices.

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Troisième Partie : Auteurs-sources et connaissance des espaces géographiques

Il est donc possible de distinguer, en creux, un substrat textuel très important consistant en un lexique qui comportait déjà toutes les caractéristiques structurelles de l’œuvre de Stéphane de Byzance. Notre grammairien ne serait alors que le digne héritier d’une tradition lexicographique vieille de plusieurs  siècles. On peut noter d’ailleurs que l’on trouve, dans les notices que nous avons citées comme inchangées par Stéphane de Byzance, quelques insertions grammaticales simples pour les comparaisons de forme. Ainsi, dans la notice Dumê, « λέγεται καὶ Δύμιος, ὡς Βοίβη Βοίβιος » ; dans celle de Dundason, « τὸ ἐθνικὸν Δυνδασεύς ὡς Πηγασεύς ». On pourrait multiplier les exemples dans les notices issues de la simple abréviation du premier abréviateur. Ces insertions sont caractéristiques de la doctrine hérodienne (et pourraient donc être issues d’Oros), mais peuvent-elles remonter au lexique primitif ? Nous pensons que oui mais le doute subsiste et nous n’avons aucun argument décisif permettant de conforter cette hypothèse. Notons toutefois que le lexique dit d’Harpocration ne contient pas ce genre de comparaison mais l’objectif de ce lexique est bien différent de celui du lexique-source. La nature et la datation du lexique-source

La constitution du lexique-source nécessite un processus d’agrégation de lexiques qu’il est difficile d’appréhender tant les informations sont imbriquées. On peut éventuellement le mettre en évidence par des manières de rédiger un lexique propres à un auteur donné. Il faut imaginer en effet que le processus d’indexation commençait par des lexiques de plus petite taille, probablement réalisés par auteur (voire par œuvre). Comme nous l’avons mis en évidence, en examinant dans le détail les auteurs relatifs à notre corpus, on ne peut concevoir de créer un lexique sans passer par cet intermédiaire. Par ailleurs, nous nous sommes aperçus, en travaillant de manière approfondie sur les notices de notre corpus, que certaines comparaisons lexicales de grammairien, qui selon nous pourraient relever du lexique-source, semblent provenir du même auteur que le lemme initial. C’est assez logique car on peut imaginer que chaque auteur a sa propre manière de construire les formes d’ethniques et il est logique qu’on les retrouve dans son lexique spécifique. Mais cela demanderait à être vérifié, en croisant toutes les comparaisons lexicales de grammairien avec le nom des auteurs d’où sont issus les lemmes, ce que nous n’avons pas pu faire de façon systématique dans le cadre de ce travail.

La question se pose de savoir de quand date ce lexique. Nous avons pu mettre en évidence supra un grand nombre d’auteurs « tardifs » (des iiie-ve siècles) qui ne peuvent provenir que d’Oros, ou de manière très exceptionnelle d’Eugène, car liés soit à des noms d’ethnique soit à des noms en -ια. Si l’on reprend la liste des mentions d’auteurs contenus dans l’Épitomé, l’auteur le plus ancien que l’on peut mettre en rapport avec Oros semble être Appien, lu d’ailleurs de manière erronée pour un ethnique libyen (en réalité hispanique), antérieur à Phrynichos et Hérodien tous deux sources directes bien connues d’Oros. Dans la liste des auteurssources, il semble qu’une césure se produise vers le milieu du iie siècle de notre ère. Postérieurement à cette date, les auteurs sont cités par l’intermédiaire d’Oros ; antérieurement, ils appartiennent plutôt au lexique-source. Il est difficile d’en avoir une certitude pour les auteurs du 2e quart du iie siècle, à l’exception de certaines mentions de Philon. Celles provenant de son ouvrage sur les hommes célèbres et les villes dont ils sont issus se retrouvent en effet tout au long de l’Épitomé par l’intermédiaire de l’abrégé qui en a été fait par Aelius Serenus au ive siècle. Les mentions de ses autres œuvres semblent relever plutôt du lexique-source. Selon nous, si l’on suit l’ordre chronologique des auteurs-sources, la délimitation se fait postérieurement à Dionysios, l’auteur des Bassariques, et Charax qui proviennent très certainement du lexique-source. L’importance de Charax dans un certain nombre de notices, au détriment d’auteurs plus anciens, pourrait ainsi s’expliquer car son œuvre serait l’actualisation historique et géographique la plus récente au moment de la rédaction du lexique-source. L’époque des Antonins correspond à un acmé de la connaissance antique, qui restera dans beaucoup de domaines comme inégalé avant longtemps. Dans le champ de la géographie et de l’astronomie, songeons à tout ce que les siècles suivants doivent à Ptolémée. Pour la grammaire, Hérodien devient la référence absolue de toute réflexion encore en pleine période byzantine. D’un point de vue lexicographique, c’est durant cette période que se placent les œuvres d’Harpocration ou de Diodore, de l’atticiste Pausanias et de celui qui semble avoir été le plus utilisé par la suite, Diogenianus. Le lexique-source, une œuvre de Diogenianus ?

Avant de revenir sur l’identification de ce lexique géographique anonyme que nous appelons lexique-source, il faut d’abord constater qu’il ne correspond à aucun de ceux que nous connaissons par ailleurs. La comparaison

4. Conclusion générale détaillée faite, dans le cadre de notre thèse, entre les différents lexiques pour la lettre α, ne met en évidence aucune corrélation de ce lexique avec les traditions d’Harpocration, de la Synagôgê, de Photios ou de la Souda. Nous devons donc éliminer tous les lexiques que Photios dit avoir lu dans sa Bibliothèque, et qu’il semble avoir utilisés pour rédiger son propre lexique. Il semble un peu plus proche du lexique d’Hesychius (considéré comme issu du lexique de Diogenianus), mais pas suffisamment pour les faire remonter à cette seule source. Une des caractéristiques du lexique-source est de contenir des citations qui sont d’une longueur inhabituelle par rapport aux autres lexiques connus. C’est le cas par exemple des Bassariques de Dionysios ou des citations de Théagène ou de Claudius Iolaus. Le lexiquesource tel qu’il a été utilisé par Stéphane de Byzance a donc toutes les chances d’être une copie peu ou pas altérée d’un important lexique du Haut-Empire. Pour que la proposition que nous avons formulée, à savoir que le lexique-source provienne de Diogenianus, soit plausible, il nous faut vérifier la question de la chronologie de ce grammairien. La Souda le place à l’époque d’Hadrien (117-138). On sait que plusieurs notices de la Souda ont des repères chronologiques parfois un peu défaillants, qui doivent relever de mentions retrouvées dans des catalogues de bibliothèque, eux-mêmes sans doute liés à des dédicaces de certains ouvrages8. Rien n’empêche que Diogenianus ait publié un premier ouvrage (le lexique le plus connu ?) sous le règne de cet empereur philhellène9 et qu’il ait poursuivi son travail dans les années qui ont suivi la mort de l’empereur. Une publication du ou des lexiques géographiques dans les années 135-150 reste parfaitement compatible avec le hiatus que nous observons dans les sources : d’une part les auteurs de la 1e moitié du iie siècle de notre ère (Dionysios, Favorinus, Charax de Pergame, Denys le Périégète, Denys d’Halicarnasse le Musicien, Phlégon de Tralles) seraient connus par le biais de Diogenianus, tandis qu’Oros aurait transmis ceux de la seconde moitié (Phrynichos, Damophilos, Arrien, Hérodien) et Appien10. 8   Plusieurs

siècles plus tard, Photios donne de façon très régulière les dédicaces des œuvres. C’était probablement le seul moyen dans l’Antiquité pour situer dans les temps des auteurs dont on devait vite oublier l’existence lorsqu’ils ne s’étaient pas illustrés par ailleurs. 9  Nous rappelons ici les ouvrages de Julius Vestinus également sur la base de Pamphile. 10  Ce qui n’empêche pas Oros d’être peut-être à l’origine de certaines mentions de Favorinus (même si le titre de la seule œuvre citée diffère), des grammairiens comme Hermippe de Beyrouth (on a une

361 Un autre point de repère chronologique pourrait être constitué par l’utilisation des deux œuvres distinctes de Charax, les Chroniques et les Helléniques, dont on a proposé qu’elles avaient ensuite été fondues en une seule œuvre lors d’une seconde édition donnée par son auteur11. Le lexique-source se situerait donc entre ces deux éditions, malheureusement non datées mais que l’on peut situer encore dans le second quart du iie siècle. Enfin, un terminus post quem pourrait également provenir de la lecture d’un auteur particulier, Strabon. Nous pensions au début de notre réflexion, comme tous les érudits ayant approché Stéphane de Byzance, que les nombreuses mentions de Strabon dans l’Épitomé prouvaient que l’œuvre avait été lue seulement par notre grammairien. Ajoutons à ces mentions la présence d’un palimpseste du ve siècle et il n’en fallait pas plus pour développer un discours sur la prépondérance de ce géographe durant l’Antiquité tardive ce qui justifiait sa lecture directe par Stéphane de Byzance. Nous pensons que ce n’est pas tout à fait vrai : Strabon a pu être lu également par Diogenianus, ce qui est compatible avec le fait que l’œuvre n’apparaisse réellement chez les érudits antiques qu’au début du iie siècle de notre ère. La Géographie de Strabon aurait alors été considérée comme une œuvre importante pour ce lexique géographique. Nous proposerons donc de voir dans le lexique-source de Stéphane de Byzance la trace du (ou des) lexique géographique issu de la recherche de Diogenianus d’Héraclée, conduite à une époque où la quasi-totalité des textes anciens était encore accessible au moins au Musée d’Alexandrie et probablement dans plusieurs bibliothèques de l’Empire. 4.2.2. Le contenu des notices L’étude précise des notices permet de mieux comprendre leur structuration (que nous décomposons par des lettres, de A à F) et la façon dont les références et les citations étaient faites. La structuration des notices Le point principal qu’il faut noter est la structuration générale des Ethniques, qui rationnalise et amplifie une autre référence de lui associée à Oros dans l’Etymologicum Genuinum) voire Nicanor. Ptolémée est mentionné par l’intermédiaire de Marcien. Pausanias, comme Strabon, a probablement été lu directement par Stéphane de Byzance. Nous ne mentionnons pas Philon de Byblos car une éventuelle confusion avec l’abrégé du ive siècle ne permet pas une discrimination exacte de son emploi. 11  Ameling 1986.

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Troisième Partie : Auteurs-sources et connaissance des espaces géographiques

manière de construire ses notices qui existe déjà chez Oros d’Alexandrie, et qui est elle-même l’héritière d’une méthode de travail qui remonte à plusieurs siècles. Ainsi, la détermination géographique ([A]) existe déjà dans le lexique-source, car on la retrouve telle quelle dans de nombreux lexiques byzantins comme celui d’Hesychius ou d’Harpocration. Elle provient certainement des grammairiens de la fin de la période hellénistique et de ceux présents à Rome autour du règne d’Auguste qui ont joué un grand rôle dans la normalisation des informations lexicographiques. La détermination chrono-mythologique ([B]) est déjà présente chez Oros, comme on s’en convaincra aisément avec la notice Aiguptos transmise par les Etymologica byzantins 12. Elle correspond à la manière qu’ont les grammairiens tardifs d’inclure l’étymologie dans la compréhension des noms. Ainsi à la même époque, un autre grammairien égyptien, Orion, rédige un ouvrage étymologique. Toutefois, si l’on examine les notices pas ou peu abrégées des Ethniques, on s’aperçoit que cette catégorie d’information se trouve déjà dans le lexique-source. Pour les autres rubriques des notices, le découpage adopté par Stéphane de Byzance s’inscrit dans le travail qu’a accompli Oros sur la doctrine hérodienne et qui remonte lui aussi au lexique-source. Apparaît ici toutefois de manière prépondérante la rubrique de type [D], c’est-à-dire celle consacrée aux formes d’ethniques. L’importance de cette rubrique reflète la place qu’occupe le travail d’Oros sur les ethniques dans le projet intellectuel de Stéphane de Byzance. S’il est vraisemblable qu’Oros apportait une information grammaticale très utile pour Stéphane de Byzance, il n’est pas forcément à l’origine du texte des notices conservées. L’Etymologicum Genuinum, composé au ixe siècle, en donne une preuve évidente. Ce lexique a en effet utilisé l’œuvre d’Oros qui devait être encore en grande partie consultable à cette époque. Ainsi pour le lemme Aiguptos il nous donne un texte qui n’est pas celui que l’on trouve dans l’Épitomé13. 12   Voir le texte de l’Etymologicum Genuinum dans la note suivante. 13  Etym. Gen. α 169 : « Αἴγυπτος· ἀπὸ Αἰγύπτου βασιλέως, τοῦ Βήλου· ἢ ἀπὸ Αἰγύπτου τοῦ Νείλου · ἢ Αἴγυπτος αἰ παρὰ τὸν τράγον, ὃν Αἰγύπτιοι σέβουσι, ἐξαιρέτως δὲ τοὺς Μενδησίου· ἢ Αἴγυπτος διὰ τὸ αἶγας πίονας ἔχειν. οὕτως Ὦρος ». On peut comparer ce texte avec celui de l’Épitomé, pourtant conservé dans la partie la moins abrégée (α 112) : « Αἴγυπτος, καὶ ἡ χώρα καὶ ὁ ποταμός. ἐκλήθη ἀπὸ τοῦ Αἰγύπτου, ὡς Χάραξ ‘Βήλου παῖς ὢν καὶ Ἀερίας τῆς καὶ Ποταμίτιδος βασιλεύσας ἔτη τετταράκοντα τρία’. τὸ ἐθνικὸν Αἰγύπτιος, ὡς ἔχει τὸ ἰαμβεῖον ‘δεινοὶ πλέκειν τοι μηχανὰς Αἰγύπτιοι’. καὶ αἰγυπτιάζειν τὸ πανοῦργα καὶ δόλια καὶ ὕπουλα πράττειν. τὸ θηλυκὸν Αἰγυπτία, καὶ

Les notices de peuples semblent également avoir eu un traitement différent. Les notices plurielles constituent une des particularités des Ethniques. Stéphane de Byzance a construit ses notices plurielles de trois manières. Dans un certain nombre de cas, il a considéré qu’il valait mieux les regrouper dans la rubrique des changements de nom ([C]) lorsque la forme de l’ethnique était semblable ou présentait une forme pouvant être mise en rapport facilement avec celles des autres géonymes14. Dans d’autres cas, les notices sont simplement juxtaposées ; de façon quasi-systématique, l’information est alors beaucoup mieux conservée que dans le premier cas de figure. Le dernier type de notice plurielle intègre dans la rubrique [F] une information issue de grammairiens, que nous rattacherons aux indications d’Oros. Les références et citations Au-delà de la structuration des notices, il faut noter aussi la façon de justifier les différentes formes présentées  : les citations des auteurs anciens tiennent lieu de preuve. Parfois, seule la mention d’un auteur et la référence à l’œuvre apparaissent. Mais la manière de nommer les sources d’où proviennent les formes et leurs variantes est parfaitement standardisée depuis l’époque alexandrine et n’a pas évolué. À peu de choses près, c’est la façon dont nous identifions encore de nos jours les références ; seule la pagination, issue de la standardisation des publications du fait de l’imprimerie, est véritablement une nouveauté par rapport à l’époque de Stéphane de Byzance. On peut supposer que le principe normal est celui de la citation et que la référence seule pouvait provenir d’un auteur-source qui ne citait pas lui-même ce texte. Toutefois, la perte du texte d’origine de Stéphane de Byzance, du fait des phases d’abréviation multiple, ne permet pas de le vérifier de façon précise. Plusieurs mentions d’auteur peu connus s’accompagnent de citations étonnamment longues. Parmi le corpus étudié pour la période iie-ve siècles, c’est le cas de Théagène, Dionysios ou Hiéroclès. Bien sûr ici les phases d’abréviations successives ont joué un rôle majeur dans la préservation d’une citation longue. Mais au-delà de τὸ Αἰγύπτιον. ἐκλήθη καὶ Μύσρα ἡ χώρα ὑπὸ Φοινίκων, καὶ Ἀερία καὶ Ποταμῖτις, καὶ Ἀετία ἀπό τινος Ἰνδοῦ Ἀετοῦ. τὸ ἐθνικὸν ὅσον ἀπὸ τοῦ ὁμοίου Ἀετιεύς ὡς Ἀεριεύς, ὅσον δ’ ἀπὸ τοῦ ἐγχωρίου Ἀετίτης. ἀλλὰ καὶ Ὠγυγία ἐκαλεῖτο καὶ Ἑρμοχύμιος καὶ μελάμβωλος καὶ Ἡφαιστία. ἔστι δὲ καὶ ἄλλη Αἴγυπτος μικρά ». 14  On ne peut exclure que ce type de notice plurielle provienne du lexique-source.

4. Conclusion générale la perte de nombre d’entre elles, il est plutôt étonnant d’avoir eu, à l’origine, de telles citations pour des auteurs qui nous semblent mineurs par rapport à d’autres plus connus. La question qui se pose est de savoir si ces citations proviennent d’une lecture directe des auteurs par Stéphane de Byzance ou bien s’il les a trouvées dans le lexique-source. Plus haut, nous avons signalé la possibilité de rattacher Dionysios (et Théagène ?) au lexiquesource. Le texte de ce dernier auteur a très certainement été supplanté ensuite par les Dionysiaques de Nonnos de Panopolis. Si Stéphane de Byzance avait voulu retrouver les mentions de peuples d’Inde, très nombreux dans ce type de littérature, il aurait probablement utilisé ce nouveau texte dont on connaît ensuite la fortune, et non un texte plus ancien et totalement passé de mode. C’est peut-être également le cas pour Théagène, car rien ne prouve que son texte ait pu parvenir jusqu’à l’époque justinienne : à part la compilation de Sopatros, dont on a vu qu’il n’était pas possible de la dater avec précision, et Stéphane de Byzance, aucune autre mention de cet auteur n’est faite. L’une des paraphrases de Théagène se trouve dans le lemme Orestai (ο 87) qui est également mentionné par Oros, mais cela n’est pas un indice pour un rattachement à cet auteur. Enfin pour Hiéroclès, l’hypothèse la plus vraisemblable pour cet auteur inconnu est encore une fois une lecture du grammairien Oros mais il est tout à fait possible qu’il ait été inclus dans le lexique-source. Nous pensons donc que ces textes à citations longues proviennent autant du lexique-source que d’Oros. Nous pouvons par-là très probablement approcher le travail directement effectué par ce grammairien sur les sources qu’il a utilisées. Il ne s’est pas contenté de noter une forme particulière, il les a gardées dans leur contexte en effectuant des citations assez complètes comme le faisait déjà l’auteur du lexique-source dont il a réellement poursuivi le travail. 4.2.3. La manière de travailler de Stéphane de Byzance Nous abordons ici une réflexion-clef pour la compréhension de l’Épitomé. Si l’on regarde de manière concrète comment Stéphane de Byzance a pu travailler, nous pouvons proposer plusieurs étapes. Stéphane de Byzance disposait de plusieurs ouvrages, reliés sous forme de codex et non de volumen  ; le lexique-source constituait son ouvrage de base. Parmi les œuvres d’Oros, ses lexiques pouvaient être utilisés directement puisqu’ils étaient établis par ordre alphabétique : lexique attique d’une part,

363 lexique orthographique de l’autre. Pour l’ouvrage sur les ethniques, il fallait à chaque fois s’y référer en fonction de la forme de l’ethnique (forme « régionale », ou terminaison particulière …). Enfin il faut ajouter les autres ouvrages lus directement par Stéphane de Byzance ; pour ces derniers, il est très probable qu’un lexique avait déjà été rédigé en préalable de la rédaction des Ethniques, car cela aurait entraîné un temps de recherche trop important pour chacun des livres. Malgré tout, ceci demande la manipulation de très nombreux «  livres  » (au sens actuel) sans doute assez malaisée. C’est pourquoi on peut se demander si Stéphane de Byzance n’a pas utilisé une version du lexique-source déjà annotée par Oros. Dans son étude sur la façon de travailler des érudits antiques, T. Dorandi indique que Philodème, le philosophe dont on a retrouvé la bibliothèque à Herculanum, faisait prendre ses notes sur le verso du papyrus, tandis que le recto servait aux annotations complémentaires15. Selon lui, cette méthode de travail était également celle de Pline l’Ancien. On pourrait donc imaginer, transposée à quelques siècles de distance et sur un support différent, une manière de travailler identique. Oros avait très certainement fait copier le lexique de Diogenianus sur un codex pour ses propres recherches, qu’elles soient orthographiques, « hérodiennes » ou portant sur les ethniques. Il est vraisemblable qu’il ait pu le compléter par les lectures qu’il faisait des auteurs plus récents, sans doute parce qu’une page sur deux était restée vierge (le verso des folios en vis-à-vis) ou que les marges étaient suffisamment importantes pour accueillir les compléments d’informations. Rappelons qu’Oros avait à sa disposition la grande bibliothèque de Constantinople avant son incendie, ce qui ne sera plus le cas des grammairiens postérieurs. Cette hypothèse permet aussi de comprendre pourquoi le texte d’Oros apparaît aussi imbriqué avec le lexique-source. Si l’on reprend les livres les moins abrégés (voir l’Annexe 1), on voit bien que les notices que nous attribuons à Oros ont dans la plupart des cas un substrat provenant du lexique-source. Cela signifie qu’Oros a probablement déjà travaillé sur la base de ce lexique, et que c’est lui qui, le premier, l’a complété et l’a probablement transmis, directement ou non, à Stéphane de Byzance. Avec cette hypothèse, le travail de Stéphane de Byzance devient plus simple et se comprend mieux ; il disposait :

15 

Dorandi 2000, p. 46-50.

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Troisième Partie : Auteurs-sources et connaissance des espaces géographiques

1. Du lexique-source déjà annoté et complété par Oros qu’il pouvait compléter directement ou non. 2. D’une série de lexiques composés par auteur (Pausanias, Hécatée, Capiton de Lycie …) ou pour l’ensemble de l’édition de Marcien, qui peut représenter le travail propre de Stéphane de Byzance. 3. Des lexiques d’Oros (lexique attique, lexique orthographique). 4. De l’abrégé de Philon de Byblos par Serenus classé par nom de cités, probablement là encore par l’intermédiaire d’une copie d’Oros. 5. Enfin de quelques notes de lecture (lexique d’Helladius ou d’Eugène par exemple). Il devait faire une utilisation moins fréquente du lexique orthographique d’Oros et du lexique d’Eugène, ce qui explique le très faible nombre de citations de ces ouvrages. Il en est de même de l’ouvrage d’Oros sur les ethniques : il n’avait pas besoin de le citer puisqu’il avait à sa disposition les notes mêmes, intégrées dans le lexique-source qui avait présidé à sa rédaction. Ceci permet d’envisager une rédaction des Ethniques relativement rapide, sans perdre des années à rechercher les sources dont beaucoup (en particulier celles des auteurs du iie siècle, mais peut-être aussi des iiieive siècles) devaient être difficiles (voire impossibles) à trouver à l’époque justinienne. Tous ces ouvrages étant déjà à peu près indexés par ordre alphabétique, le travail de compilation s’en trouvait grandement facilité. Cette hypothèse modifie les réflexions que formulait A. Diller : « His Ethnica (…) was based on previous work in the same field by Herodian, Herennius Philo of Byblus and Orus of Miletus ; but Stephanus also culled names directly from available historical and geographical works, both well known, such as Herodotus, Thucydides, and Polybius, and rare, such as Hecataeus of Miletus, Nicolaus of Damascus, Strabo and Pausanias »16. Il poursuit : « He read these works with an eye mainly for names without much attention to the context, and consequently often misread them ». Il nous semble que son travail a plutôt consisté à reprendre des sources lexicographiques plus anciennes, qui sont, elles, à l’origine de beaucoup des erreurs de lecture que l’on peut mettre en évidence dans l’Epitomé. Plusieurs des titres nous renvoient à des œuvres ayant une base géographique bien délimitée : les Macédoniques de Théagène, les Parthiques d’Arrien ou d’Asinius 16 

Diller 1975, p. 10-11.

Quadratus, les Arabiques d’Ouranios ou de Glaucos … On trouve fréquemment de telles œuvres parmi l’ensemble des auteurs mentionnés par Stéphane de Byzance. Il y a eu une volonté délibérée de chercher les géonymes de telle ou telle région du monde Méditerranéen, qui nous renvoie à Oros et sa manière de former les ethniques. Ce qui nous amène à nous demander pourquoi Stéphane de Byzance a choisi parmi tous les noms ceux à caractère géographique. La géographie antique connaît une sorte de renaissance à la fin de l’Antiquité. L’importance prise par le texte de Strabon, peu utilisé avant le ve siècle, ou celui de Pausanias, jamais cité avant Stéphane de Byzance, laisse penser à un choix effectué sur des auteurs peut-être conservés de manière assez restreinte, mais qui ont semblé suffisamment importants à cette époque pour devenir des sortes de modèles de la connaissance du monde antique préchrétien. Le travail conduit en parallèle par Marcien semble rentrer dans cette recomposition de la géographie antique. Il est fort dommage que nous ne puissions pas mieux dater cet auteur avec précision car son édition de textes géographiques antiques, parfois abrégés, constitue un point de référence particulièrement intéressant pour le travail de Stéphane de Byzance. On peut même se poser la question de l’envergure exacte du travail de Marcien comme éditeur de texte géographique  : on lui connaît deux éditions (avec celle d’Arrien) mais ne faut-il pas considérer qu’il est aussi à l’origine de la redécouverte des autres textes géographiques comme ceux de Strabon ou Pausanias ? Le travail de Stéphane de Byzance serait à la croisée entre les éditions de textes géographiques et une filiation intellectuelle directe avec l’étude conduite par Oros, bien qu’un demi-siècle au moins les sépare.

4.3. L’histoire des textes La conservation de nombreuses mentions et citations à travers l’Épitomé, comme l’histoire elle-même du texte des Ethniques, permettent d’appréhender les textes des auteurs méconnus et la façon dont les textes ont été transmis depuis l’Antiquité. 4.3.1. La tradition des auteurs et la lexicographie grecque La relecture des auteurs-source de Stéphane de Byzance est l’occasion aussi de revenir sur la datation de certains auteurs mal connus.

4. Conclusion générale Les repères chronologiques dans la tradition des auteurs L’un des intermédiaires le plus important, Oros, peut être mieux daté, en particulier si l’Histoire byzantine de Priscos a bien été lue par celui-ci comme nous le pensons. Ceci implique alors que son étude sur les ethniques a été écrite après la parution de cette œuvre, soit postérieurement à 472, peu de temps après l’accession au trône de Zénon. Oros serait alors plus tardif que ce que l’on croyait jusqu’à présent, puisqu’il était daté plutôt du second tiers du ve siècle17. C’est un fait important car la date de rédaction de ce qui pourrait être sa dernière œuvre intervient à peu près au moment de l’incendie de la bibliothèque de Constantinople (475), qui marque très probablement la disparition d’un certain nombre de textes anciens, au moins pour les érudits constantinopolitains. Oros aurait donc à la fois passé la plus grande partie de sa vie à étudier en disposant des ressources de cette grande bibliothèque et serait mort après l’incendie. Nul doute qu’il devait disposer pour ses propres recherches des textes importants qui ont pu lui survivre dans la schola des grammairiens de Constantinople. On a vu par ailleurs que des textes géographiques ont été lus par Stéphane de Byzance. C’est le cas en effet de l’édition de Marcien, peut-être connue de notre grammairien par l’intermédiaire d’un exemplaire ayant servi à Oros. On note enfin un certain nombre d’auteurs (Ouranios, Théagène, Hiéroclès, Dexippe) dont les mentions dans l’Épitomé ont des caractéristiques communes : les citations sont parfois longues, et laissent croire que Stéphane de Byzance les a lus directement. Il s’agit pour la plupart d’auteurs que l’on ne connaît que par l’intermédiaire de notre lexique et pour lequel le nombre de mentions peut dépasser la dizaine, sans être toutefois aussi important que pour ceux qu’il a utilisés directement. Selon nous, il s’agit d’auteurs transmis par le biais d’Oros. Il faut noter toutefois que nous n’avons aucune mention tirée d’un auteur comme Nonnos de Panopolis, qui aurait pu, comme son lointain prédécesseur Dionysios, fournir des références lexicales aux géonymes d’Oros ; ses Dionysiaques sont datées entre 450 et 47018. Ce texte a rendu inutile celui de son prédécesseur, dont les mentions, selon nous, ne relèvent pas d’Oros. L’intermédiaire que constitue le lexique-source est important car il explique le hiatus que l’on décèle dans l’usage des sources après le milieu du iie  siècle. Ainsi 17 Voir Dickey 2007, p. 99-100 ; Kaster 1997. 18   Voir

l’introduction de F.  Vian dans la Collection des Universités de France (Vian 1976, p. xvii-xviii).

365 s’explique le fait que la Géographie de Ptolémée ne soit quasiment jamais citée : le lexique-source est antérieur, et Oros n’a pas travaillé sur cet ouvrage vieux de trois siècles pour lui. Les rares mentions proviennent donc uniquement de l’œuvre de Marcien d’Héraclée (le Périple de la Mer extérieure), dont la Géographie de Ptolémée constitue une des sources principales mais qu’il n’a pas éditée. Enfin le lexique-source est probablement l’un des premiers à citer Strabon, bien que l’auteur soit plus ancien. C’est important pour l’histoire du texte mais aussi pour comprendre pourquoi les mentions issues de l’Épitomé présentent certaines leçons qui divergent des manus­crits que nous connaissons. La tradition lexicographique Tout ceci nous amène à revenir sur la tradition lexicographique grecque, particulièrement riche. Héritière des travaux d’éruditions hellénistiques, elle s’est renforcée dans le courant du second siècle de notre ère alors que la langue grecque tend à devenir la langue intellectuelle de l’Empire. À l’exception peut-être du lexique dit d’Harpocration, nous n’avons pas conservé de lexique du Haut-Empire. Du fait de leur rôle utilitaire, ils ont été remaniés de façon très fréquente au fur et à mesure que s’écoulaient les siècles et les changements de société. Dans cette longue permanence de la culture grecque, Photios est encore une fois un marqueur fondamental. Donnant dans sa Bibliothèque le détail des lexiques qu’il a découverts, il nous indique très probablement les sources de son propre travail lexicographique, dont on considère unanimement qu’il s’agit d’une œuvre de jeunesse. Parmi les lexiques qu’il signale, certains nous sont connus, même si c’est de manière incomplète. C’est le cas en particulier des deux lexiques de Pausanias (no 12) et Denys d’Halicarnasse le jeune (no 11), dont la reconstitution a été tentée par Erbse. Celui de Moeris, l’Atticiste (no 13), est parvenu jusqu’à nous. Parmi les lexiques généralistes, ceux d’Helladius (no 1) et de Diogenianus (no 6) semblent être les plus complets (selon Photios) mais ils ont disparu depuis ; il serait étonnant qu’il ne les ait pas utilisés. L’un des lexiques attiques est détaillé par Photios : c’est celui qu’il attribue à Julien (n o  8). Nous avons signalé la difficulté que pose le lexique dit d’Harpocration, qui est utilisé par Photios dans son propre lexique mais n’apparaît pas dans sa liste. Il semble difficile d’imaginer qu’il ait pu exister un autre lexique des dix orateurs qui ne soit pas l’un de ceux mentionné par le patriarche, c’est pourquoi nous proposons d’identifier le lexique dit

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Troisième Partie : Auteurs-sources et connaissance des espaces géographiques

d’Harpocration à celui que Photios attribue à Julien. La lecture du texte de Photios montre l’importance de ce lexique ; celui de Philostrate de Tyr (no 9) n’est pas détaillé et celui de Diodore (no 10) est, d’après lui, beaucoup moins complet. À la lecture des géonymes présents dans son lexique pour la lettre α, nous proposons de voir dans les traditions 5A et 5B ces deux derniers lexiques, sans pouvoir les distinguer. Bien sûr, nous ne pouvons dans le cadre de cette étude vérifier la réalité de ces propositions dans l’intégralité du lexique de Photios. Mais celles-ci semblent vraisemblables ; notre réflexion devra être prolongée. Il reste à identifier les trois lexiques anonymes de type rhétorique (no 2 à 4) et le lexique sur les mots étrangers de Dorothée (no 17). Peut-être existent-ils encore sous forme de fragments dans des lexiques postérieurs. Un point crucial est le fait que Stéphane de Byzance, dans le second quart du vie siècle, puisse disposer d’un lexique-source aussi détaillé que l’était le texte d’origine de Diogenianus. C’est un phénomène hors norme puisque les lexiques dont on dispose de nos jours, sous des formes mêmes un peu complètes comme celui d’Harpocration, ne représentent qu’une toute petite partie des œuvres antiques. La taille même du nombre de livres en rend compte : le lexique « courant » de Diogenianus comprend seulement 5  livres  ; ceux mentionnés par Photios ne sont pas beaucoup plus importants. Même celui d’Hérodien, la Prosodie générale n’en comprend que  14. Il faut se tourner vers celui de Phrynichos, lexique de langue attique, pour approcher la quantité de notre lexique-source : il a 36 livres selon Photios ou 47 suivant la Souda. Mais compte tenu de la spécificité du champ lexical couvert par le lexique-source, ce dernier est beaucoup plus détaillé. Le lexique géographique de Diogenianus est probablement l’une des sources principales de nombreux lexiques. C’est le cas de celui que l’on a conservé sous le nom d’Hesychius, qui présente effectivement des correspondances avec quelques lexiques byzantins comme le Lexicum Ambrosianum. Vraisemblablement issu du lexique de Diogenianus, ce dernier n’a cependant pas la même forme lexicographique puisqu’il s’agit juste d’une sorte d’index un peu développé. La manière d’identifier les géonymes s’apparente en revanche à ce que l’on trouve chez Oros et Stéphane de Byzance. Les longs développements des notices des Ethniques, avec des mentions nombreuses des auteurs anciens pourraient peut-être provenir à l’origine d’un lexique encore plus développé et ancien tel que pouvait l’être, semble-t-il, celui de Pamphile sur lequel nous reviendrons plus en détail infra (p. 368).

Ce degré de conservation de l’information caractérise les auteurs grecs, et spécialement les grammairiens fondamentalement attachés à la gramma c’est-à-dire à la lettre et donc aux mots eux-mêmes. On peut en voir encore la trace dans des confrontations entre des fragments de lexiques antiques ou tardo-antiques, et le texte conservé de certains lexiques. Ainsi, en prenant l’étude d’un fragment du P. Berol. 5008 (fragment de lexique de Démosthène), et d’un lemme d’Harpocration (ὁ κάτωθεν νόμος, Ο 14), on peut mettre en évidence une utilisation de Didymus Chalcenterus, qui témoigne d’une étape intermédiaire d’interprétation, reprise indépendamment par Harpocration et par l’auteur du lexique anonyme du P. Berol. 500819. 4.3.2. La transmission des textes de l’Antiquité Les grammairiens tardifs ont eu très certainement un rôle fondamental dans la transmission des textes issus de l’Antiquité. Il est très probable en effet que l’incendie de la bibliothèque de Constantinople, en 475, a fait disparaître de manière irrémédiable des textes rarement copiés à cette époque. Ce n’est pas Homère, Euripide ou Hérodote qui en ont le plus souffert. Ces auteurs, classiques, se trouvaient dans toutes les bonnes bibliothèques, publiques ou privées. En revanche, des auteurs de moindre importance, et surtout ceux issus de l’Antiquité grecque, ont certainement disparu progressivement, la transmission des bibliothèques de la partie orientale de l’Empire comme de l’ancienne Égypte ayant ensuite cessé du fait de la conquête arabe. On a noté que Photios avait compilé, dans sa Bibliothèque, des ouvrages qui semblent étrangement identiques à ceux que les derniers néoplatoniciens avaient eux-mêmes lus20. Or ces ouvrages semblent également communs avec ceux que pouvait lire Stéphane de Byzance. Il en est ainsi pour Marcien d’Héraclée, cité seulement par Priscien le Lydien et Stéphane de Byzance  ; mais également pour Strabon (bien que Priscien mentionne seulement la Chrestomathie qui en a été tirée). On a par ailleurs relevé au moins une marque de néoplatonisme pour Marcien, ce qui le place lui aussi dans cette mouvance philosophique. Rien ne prouve que Stéphane de Byzance ait été néoplatonicien lui-même. On notera toutefois que la date de rédaction de son ouvrage se place de façon cer-

19  20 

Gibson 1997 d’après Blass 1882. Marcotte 2002, p. cxliii-cxliv.

4. Conclusion générale taine après la fermeture de l’école d’Athènes, ce qui aurait pu l’inciter à une prudence logique. C’est peutêtre au sein de la schola des grammairiens que la bibliothèque a pu prendre place, aux côtés des ouvrages plus techniques comme ceux d’Oros. Après la disparition de la bibliothèque impériale en 475, elle a peut-être contribué à sauver de l’oubli des auteurs antiques, transmis ultérieurement à la postérité par le premier humanisme byzantin. De la même manière, la date de la mort d’Oros a une importance particulière. Si celle-ci intervient après 475, il n’est pas impossible que sa propre bibliothèque de travail ait pu servir à transmettre certains ouvrages par delà l’incendie. En particulier, ses travaux sur les ethniques ont pu l’amener à utiliser et copier certains des textes de géographes dont l’édition de Marcien. Nous avons l’impression que sa bibliothèque personnelle a été laissée aux grammairiens de la schola et que c’est ainsi que Stéphane de Byzance y a eu accès. Il nous semble peu douteux que Diogenianus soit l’auteur du lexique-source. Il en a le profil pourrait-on dire, et la notice de la Souda nous conforte dans notre idée. Il existe un autre argument qui pourrait renforcer cette hypothèse, c’est sa provenance. La notice de la Souda nous précise qu’il est originaire d’Héraclée, mais les nombreuses villes de ce nom rendent difficile l’identification précise de cette ville. Selon nous, il s’agit de la plus célèbre d’entre elles, Héraclée du Pont. Pour le domaine qui nous intéresse, c’est-à-dire la géographie, on notera que deux auteurs sont originaires de cette ville : Diogenianus et Marcien. La conservation du ou des lexiques géographiques de Diogenianus peut se concevoir dans une région qui a été épargnée par les invasions des iiie et ive siècles21. Les Goths, qui ont constitué la menace la plus importante en Grèce et dans le Pont, ont ravagé soit la Grèce continentale (en 250-251 et 267-269), soit exécuté des raids maritimes le long des côtes du Pont (Goths en 259-260 jusqu’à Éphèse, Goths et Hérules en 267-268, raid poursuivi ensuite par la terre à partir d’Athènes, Goths et Borane en 254 à Trapézonte) mais qui n’ont jamais atteint les villes comprises entre Nicomédie et Trapézonte. Quelques années plus tard, la partie côtière de la province de Bithynie et du Pont est restée en dehors de la zone de l’empire contrôlée depuis Palmyre ou Antioche, évitant ainsi toute destruction sur ce même territoire durant cette guerre. De même, au début du ive siècle, les rivalités au sein de la tétrarchie, et en particulier 21 

Sur ces invasions, voir de façon synthétique Inglebert 2009.

367 entre Constantin et Licinius se sont terminées par la victoire de Chrysopolis, au nord de Nicomédie et n’ont pas touché la région d’Héraclée et la côte située plus à l’est. Enfin, à partir de 376, ni l’entrée des Goths en Thrace, leur déplacement jusqu’à Constantinople et les défaites de Valens en 378 et de Théodose en 380, ni la percée d’Alaric en Grèce continentale en 395-397 n’ont eu d’incidence sur le Pont. Les ravages des Huns en 395 n’ont porté que sur la partie méridionale de l’Asie mineure (en passant par Édesse, jusqu’à la Pamphylie) et ceux commis tout au long du ve siècle n’ont jamais dépassé vers l’est Constantinople. Tout ceci contribue donc à faire de la Bithynie et du Pont une région refuge pour la culture antique, qui plus est proche de Constantinople. On peut donc avoir conservé des ouvrages anciens dans les bibliothèques ou chez des lettrés de ces villes et il peut exister un lien direct entre Diogenianus et Marcien par une provenance géographique identique. Dans la chaîne de transmission de cette information qui part de Diogenianus et aboutit à Stéphane de Byzance, Marcien d’Héraclée a pu jouer un rôle clef. Nous avons vu que notre grammairien est le premier à le citer. Nous avons conservé une partie de l’édition que ce personnage avait réalisée, centrée autour de géographes anciens et de descriptions des différentes parties du monde antique. Oros semble l’avoir utilisé comme on l’a vu supra (p. 189) avec la mention de la notice Malakê [143]. Mais à cette exception près, chaque fois qu’apparaît dans l’Épitomé la mention de Marcien, celle-ci relève d’une partie écrite directement par Stéphane de Byzance. Nous ne savons pas s’il est bien le Marcien d’Héraclée dont nous parle Synésios (mais cela nous semble vraisemblable)22, faisant partie d’un cercle littéraire constantinopolitain réunissant des érudits à la charnière des ive et ve siècles. Synésios précise qu’il s’agit d’un vieil homme, ce qui le place donc dans la seconde moitié du ive siècle. Une à deux générations le séparent d’Oros d’Alexandrie. Ainsi, l’œuvre de Stéphane de Byzance se retrouve constituée d’une sorte de stratigraphie textuelle, variable suivant les notices, mais qu’il empile en suivant une méthode probablement élaborée par Oros et avant lui par le lexique-source.

22 

Voir, outre les articles et écrits de D.  Marcotte déjà men­ tionnés, l’analyse du cercle littéraire dans Altomare 2013, p. 9-34.

368

Troisième Partie : Auteurs-sources et connaissance des espaces géographiques

4.3.3. L’origine du lexique-source Bien sûr le lexique-source reprend très certainement des travaux plus anciens. La Souda fait le lien entre les lexiques du iie  siècle de notre ère ( Julius Vestinus et Diogenianus) et le modèle dont ils semblent dériver : le lexique de Pamphile et Zopyrion. La notice de la Souda sur Pamphile (π 142 Adler) ne permet pas de dater cet auteur mais mérite qu’on s’y arrête : Πάμφιλος, Ἀλεξανδρεύς, γραμματικὸς Ἀριστάρχειος. ἔγραψε Λειμῶνα· ἔστι δὲ ποικίλων περιοχή, Περὶ γλωσσῶν ἤτοι λέξεων βιβλία ϟεʹ· ἔστι δὲ ἀπὸ τοῦ ε στοιχείου ἕως τοῦ ω· τὰ γὰρ ἀπὸ τοῦ α μέχρι τοῦ δ Ζωπυρίων ἐπεποιήκει. Εἰς τὰ Νικάνδρου ἀνεξήγητα καὶ τὰ καλούμενα Ὀπικά, Τέχνην κριτικήν, καὶ ἄλλα πλεῖστα γραμματικά. Pamphile, d’Alexandrie, grammairien de l’école d’Aristarque. Il a écrit des Recueils de mots [‘Prairies’], c’est un contenu de livre varié ; Sur les mots rares ou vocabulaire en 95 livres : il va de la lettre ε jusqu’à ω, Zopyrion ayant déjà fait de la lettre α à δ ; Sur les passages inexpliqués de Nicandre et les dénommés Opika ; Art de la critique ; et de nombreux autres ouvrages de grammaire.

Cette notice appelle plusieurs remarques. Tout d’abord, rien ne permet de dater ce grammairien, si ce n’est l’appartenance à l’école d’Aristarque. Il n’est donc pas antérieur au 2e quart du iie siècle avant notre ère. Il ne peut pas non plus être postérieur au 1er quart du iie siècle de notre ère car ses ouvrages ont fait l’objet d’épitomés : Favorinus d’Arles résume le recueil appelé Prairies dans ses Histoires de toutes sortes et Julius Vestinus tire de son traité Sur les mots rares un autre abrégé. Autre problème, le nombre de livres de son œuvre lexicale : dans sa notice, la Souda en donne 95, mais l’abrégé de Vestinus est, selon une autre notice de la Souda, en 94 livres. Dans la notice de Diogenianus, on l’a vu, le lexique de Pamphile et Zopyrion est dit en 405 livres (« quatre cents » écrit en toutes lettres). En onciales, 95 s’écrit ϞЄ et 405 YЄ. L’erreur de lecture est donc tout à fait vraisemblable et ce lexique aurait pu réellement comporter le nombre total, hors norme, de 405 livres. Une seconde notice de la Souda peut éventuellement concerner le même personnage (π 141 Adler) : Πάμφιλος, Ἀμφιπολίτης ἢ Σικυώνιος ἢ Νικοπολίτης, φιλόσοφος, ὁ ἐπικληθεὶς Φιλοπράγματος. Εἰκόνας κατὰ στοιχεῖον, Τέχνην γραμματικήν, Περὶ γραφικῆς καὶ ζωγράφων ἐνδόξων, Γεωργικὰ βιβλία γʹ.

Pamphile, d’Amphipolis, ou de Sicyone, ou de Nicopolis, philosophe, surnommé Philopragmatos. (Il a écrit) Images par ordre alphabétique ; Art de la grammaire ; Sur les peintures et les artistes célèbres ; Géorgiques en 3 livres.

Pour cette notice, on a trois origines géographiques possibles, pour quatre titres différents. Parmi les ouvrages, deux se rattachent à l’histoire de l’art, un autre à la grammaire et un quatrième soit à un ouvrage sur l’agriculture soit de poésie (à l’image des Géorgiques de Virgile). L’ouvrage de Pamphile a été utilisé assez fréquemment par Athénée dans ses Deipnosophistes23. Il donne les titres suivants  : Περὶ γλωσσῶν καὶ ὀνομάτων, Περὶ ὀνομάτων καὶ γλωσσῶν et de manière plus courte Περὶ ὀνομάτων ou Γλώσσαι. L’indication de « Πάμφιλος ἐν Ἀττικαῖς Λέξεσι  » (Athénée 11.88) laisse penser que l’ouvrage pouvait avoir des parties distinctes. Le grammairien Hérodien utilise également régulièrement son œuvre24. Selon C. Serrano Aybar, l’œuvre était divisée en deux parties, l’une consacrée au lexique et la seconde à une partie plus encyclopédique25 (ce qu’indiquerait les deux composantes du titre, par comparaison avec l’Onomasticon de Pollux). Au-delà dans le temps, deux auteurs ont dû jouer un rôle clef, l’un pour la constitution de données utilisables dans le champ de la géographie, Alexandre Polyhistor (2e et 3e quart du ier siècle av. J.-C.), l’autre dans un domaine plus lexicographique, Didymus Chalcenterus (2e moitié ier siècle av. J.-C.). L’un et l’autre sont cités dans l’Épitomé, le premier beaucoup plus que le second. Pamphile leur serait postérieur. La mention de Pamphile reste donc un point d’accroche important. Effectivement, si l’on admet la datation proposée ci-dessus, on trouve quelques auteurs importants pour la connaissance géographique et historique dans la seconde moitié du iie siècle avant notre ère (Polybe, Apollodore d’Athènes et Artémidore) mais un hiatus semble se produire. De fait, de très nombreux auteurs sont datés aléatoirement de l’époque hellénistique (plus particulièrement iiie-iie siècles). Ils peuvent correspondre aux auteurs les plus proches dans le temps de Pamphile et Zopyrion qui seraient les véritables auteurs du lexique détaillé et la source de la forme précise des notices des Ethniques. 23 

Serrano Aybar 1977, p. 88. les mentions dans les prosodies de l’Iliade et de l’Odyssée, voir Etymologicum Gudianum (s.v. κμέλεθρα), repris par l’Etymologicum Magnum (521.29)  : ὁ Ἡρωδιανὸς τὸν Πάμφιλον ἀναγαγεῖν ἐν ταῖς Γ λώσσαις τὸ κμέλεθρα. 25  Serrano Aybar 1977, p. 88. 24   Outre

4. Conclusion générale

4.4. L’analyse du corpus géographique À l’issue de ce travail, la part consacrée à la compréhension de l’Épitomé apparaît presque disproportionnée par rapport à l’analyse même du corpus. Mais il nous a semblé indispensable d’essayer de débrouiller cet écheveau pour clarifier la validité des différents types d’informations, quitte à délaisser un peu la partie plus en lien avec l’archéologie. 4.4.1. La méthode Tout au long de notre recherche, nous avons pu vérifier les hypothèses que nous proposions. Tout d’abord, les Ethniques ont bien fait l’objet de plusieurs réductions. Si nous ne tenons pas encore clairement les modalités de transmission et de constitution de l’Épitomé, nous avons toujours trouvé des résultats cohérents par rapport au taux de réduction de telle ou telle notice, dans le cadre du découpage en livres que nous pouvons restituer. Cela nous semble être un préalable important. Par ailleurs, la distinction entre les différents apports, au sein des Ethniques, permet de mieux apprécier la chronologie des sources sur laquelle repose la notice. Enfin, l’approche de lexiques différenciés par auteurs (que nous pourrions appeler proto-lexiques) facilite là encore la restitution à des auteurs donnés de mentions devenues anonymes avec les réductions successives. Le fait d’avoir disposé d’un corpus géographique assez large nous donnait la base suffisante pour comprendre l’organisation interne et le mode de constitution des notices. La rationalité avec laquelle chacune d’elle a été construite témoigne largement d’une normalisation respectée propre aux grammairiens antiques. Il est évident que, dans l’absolu, cette recherche aurait dû tenir compte des données issues plus largement de l’étude des textes ou de l’archéologie. Concernant les textes antiques, tous les espaces étudiés ont été décrits par les « géographes » dont nous avons gardé les textes (Strabon, Pomponius Mela, Pline l’Ancien, Ptolémée). Il aurait fallu replacer l’ensemble des mentions dans ce cadre-là. La multiplication des fouilles depuis la Seconde guerre mondiale a entraîné une masse documentaire énorme, exploitée très largement par les archéologues et les historiens pour mieux définir spatialement les zones d’implantation selon la variable chronologique. Or, l’utilisation de toutes ces données aurait impliqué d’appréhender une masse d’informations telle qu’il ne nous aurait pas été possible de la traiter. C’est pourquoi nous avons pris le parti, délibérément,

369 de nous concentrer avant tout sur les données issues de l’Épitomé. Enfin, nous avons inclus dans notre démarche un texte de toute autre nature, l’Ora maritima d’Aviénus car il nous a semblé très proche, dans son niveau d’information, des mentions que nous avons étudiées. L’ensemble nous a permis une relecture par grand ensemble géographique particulièrement précise. 4.4.2. Les auteurs-sources L’analyse de notre corpus montre un point fondamental : il est possible de retrouver parfois (ou en tout cas nous en formulons l’hypothèse avec un minimum d’assurance) le nom de l’auteur qui a servi de source en fonction des déterminations géographiques qui subsistent dans l’Épitomé. C’est vrai également de certaines formes lexicales (comme la forme des ethniques en -tês, typiques d’Artémidore dans notre corpus). Mais on ne peut généraliser ces restitutions : il faut dans tous les cas partir d’un corpus géographique déterminé, et confronter toutes les occurrences pour connaître la base des auteurs-sources qui ont servi de référence initiale. C’est donc un travail fastidieux mais indispensable, qui pourrait très facilement être étendu à d’autres ensembles cohérents, comme l’Italie, la Grèce continentale, l’Asie Mineure … Un des points importants qu’il conviendra de vérifier, est la nature exacte des comparaisons lexicales qui apparaissent dans l’Épitomé et qui semblent provenir du lexique-source. Quand on compare une forme avec une autre, il nous semble que cela se passe à l’intérieur d’un proto-lexique, par auteur. Cela nous est apparu assez probable pour les formes d’ethnique par exemple relevant d’Artémidore mais nous n’avons pas pu rassembler suffisamment d’informations à travers l’Épitomé pour nous assurer que c’était exact. Si cela s’avérait vrai et que l’on arrivait à le prouver, cela amènerait de fait de nouvelles identifications de mentions pour certains auteurs ayant des constructions caractéristiques. Cela indiquerait également que ces proto-lexiques étaient conçus dès l’origine par le biais de ces comparaisons et que cela relève d’une sorte de constante du travail de grammairien. Parmi les auteurs mis en évidence par notre étude, il faut tenir compte de la place importante qu’occupe Artémidore, qui constitue une des sources majeures pour les termes géographiques du lexique-source. Outre les géonymes qui relèvent de lui, il a cité ses prédécesseurs dont il assure la transmission. Ainsi c’est probablement par son intermédiaire que l’on voit apparaître Éphore, Pythéas ou Timée. Chez ce dernier, que ce soit pour

370

Troisième Partie : Auteurs-sources et connaissance des espaces géographiques

le Midi de la Gaule (Massalia  [144], Tauroeis  [213]) ou pour l’Ibérie (Sargantha  [195], Ibulla  [101], Tartessos [211]), ces mentions dessinent un ensemble intéressant pour une période peu documentée, même s’il nous manque la connaissance du contexte dans lequel intervenaient les mentions ibériques. Avec le texte du pseudo-Aristote (cf.  supra p. 261-262), il sera certainement possible de mieux comprendre l’apport de cet auteur. Enfin, nous proposons de voir dans l’excursus du livre XLIII des Philippiques de Théopompe le récit de Pythéas. Ceci nous permet de préciser la date probable de son voyage (autour de 342 av. J.-C.) et d’expliquer la présence chez Théopompe de géonymes se rapportant à la Ligystique, à l’Ibérie et au littoral atlantique. 4.4.3. L’espace géographique La connaissance de l’espace géographique antique que nous restituons doit se faire grâce à la prise en compte de toutes les mentions des auteurs dont le texte est connu ou a disparu, dont on devra évidemment dater à la fois la rédaction et le moment précis auquel il se rapporte. On sait la place de choix qu’occupent les auteurs dont les textes sont parvenus jusqu’à nous, comme Strabon, Pomponius Mela et Pline l’Ancien26. Rappelons ici ce que nous avons dit plus haut : nous n’avons pas traité de l’ensemble des données disponibles pour l’histoire de l’occupation humaine dans l’Antiquité pour notre espace géographique d’étude ; nous avons privilégié les seules données issues de l’Épitomé et de l’Ora maritima d’Aviénus. La confrontation de l’ensemble des notices apporte des éléments nouveaux en termes d’identification et de datation qui permettent de compléter notre connaissance des différents espaces géographiques. Pour l’Ibérie, il reste encore beaucoup à faire, en particulier sur la zone autour de Tartessos. La localisation des peuples doit être mieux mise en évidence par grande période  : ainsi, on trouve trop souvent un lien direct entre les Mastiênoi et les Bastetanoi qui nous semble difficile à prouver (et auquel nous ne croyons pas). La car-

tographie de ces peuples, variable d’un auteur à l’autre, témoigne du travail qui reste à accomplir. Comme le rappelle L.  Antonelli, l’archéologie a encore du mal à mettre en évidence la présence phocéenne dans le sud de l’Espagne27. Or cette identification est évidemment très importante pour déterminer précisément la manière dont s’est faite la colonisation grecque en extrême Occident28. Ici, on peut noter l’irritant problème de Mainakê : vraie fondation ou erreur de lecture ? Impossible de trancher avec certitude. De même les Rhodiens ont-ils précédé (ou concurrencé) les Phocéens et pouvons-nous attacher une quelconque valeur à la présence de géonymes comme Rhodê (en Ibérie), située étrangement en vis-à-vis d’Emporion, ou chez les Ligyens le fleuve Rhodanos et la ville de Rhodanousia ? Ici Stéphane de Byzance n’apporte aucun élément de réponse mais il servira encore longtemps à construire notre réflexion qui doit obligatoirement croiser données textuelles et archéologiques. Une chose est certaine toutefois, pour la période des premières fondations grecques comme phéniciennes, c’est le positionnement des sites sur un point haut dominant le rivage et situé à l’embouchure d’un fleuve et/ ou d’une vallée qui s’étend à l’intérieur des terres. On le vérifie quasi systématiquement en Ibérie méridionale, mais c’est vrai encore pour Massalia29 et encore peut-être pour Nikaia si la ville se trouvait bien sur la colline du Château. Pour une période plus récente, la découverte du papyrus d’Artémidore a amené un renouveau des études à la fois sur cet auteur et sur ce que l’on connaissait de l’Ibérie à travers lui ou les autres géographes. Nos propositions de rattachement pourront certainement s’insérer dans cette vaste réflexion qui fait appel à une solide connaissance des ressources textuelles et archéologiques (et numismatiques). Pour le Midi de la Gaule, les strates successives d’informations dans l’Épitomé relativisent le rattachement systématique à Marseille d’un certain nombre de géonymes. Ainsi, contrairement à ce que l’on peut lire

27 

Antonelli 2008, p. 91 sq. Nous n’avons pas ouvert la discussion sur ce point, vaste sujet qui sort du cadre de notre étude mais que celle-ci pourra contribuer à enrichir. 29  La hauteur est ici toute relative mais existe malgré tout ; et, que l’on ait ou pas un fleuve au niveau de l’actuelle Canebière (de toute façon très court), la vallée qui existe ici s’enfonce largement vers l’arrière-pays. 28 

26  

On trouvera une vision d’ensemble dans Arnaud  2006. L’auteur met bien en évidence trois points  : nous avons perdu la quasi-totalité des textes géographiques antérieurs à l’Empire romain ; ces auteurs impériaux sont devenus la « tradition » durant l’Antiquité tardive ; enfin, la notorioté d’un auteur n’implique pas forcément sa préservation.

4. Conclusion générale encore récemment30, les villes de Ligystique mentionnées par Hécatée comme Monoikos ne dépendent pas forcément de la fondation phocéenne. Et les villes dites « de Massalie » à l’époque d’Artémidore appartiennent à un territoire qui dépend de Marseille à la date où ce géographe rédige sa description, mais qui n’impliquent pas non plus une fondation marseillaise. C’est vrai également de Rhodanousia, ville placée au bord du Rhône et disparue anciennement (selon Pline l’Ancien), qui pourrait selon nous tout à fait correspondre à une des phases de peuplement d’Arles comme le pense P. Arcelin. Pour le monde celtique, Artémidore est certainement une source méconnue. Nous avons proposé de lui rattacher un certain nombre de géonymes dont la forme de l’ethnique nous semblait caractéristique. On peut se demander s’il ne s’agit pas de noms se rapportant à l’espace atlantique, qui aurait pu être privilégié dans le livre III. En effet, la partie interne de la Gaule était certainement évoquée dans le livre I avec les voies commerciales importantes que constituent le Rhône, la Saône et la Seine ; c’est ainsi le nom de Sêkoanas [198] apparaît dans le livre I. Nous placerions plus volontiers au livre III quelques géonymes comme Limenôtis [135] et Sisigulis [203] (et Santis [192] ?). Cela ne nous aide pas à les situer précisément, mais il sera peut-être possible d’approfondir cette question. On notera d’ailleurs que les peuples des Agnôtes [3] et des Ôstiônes [231], que l’on peut repositionner plus facilement, se trouvent également le long de la côte atlantique. Il en était probablement de même, plus loin au bord de la mer du Nord, du peuple des Rhênoi [183] qui devait se trouver près de l’embouchure du fleuve. Enfin, pour revenir encore une fois sur un vieux débat, celui de la dénomination des peuples rencontrés par les Grecs, il nous semble clair que la distinction entre une côte méditerranéenne d’une part et une côte atlantique d’autre part, connues l’une et l’autre très anciennement, par les Phéniciens avant même que les Grecs ne s’y aventurent, a entraîné une séparation totale dans l’esprit des Grecs entre les populations qui les habitaient. La connaissance géographique embryonnaire n’a pas fait le lien entre les deux bouts de la chaîne des Pyrénées au moins avant Pythéas et n’a donc pas pu rassembler ce qu’il y avait de commun parmi ces peuples celtes (langue, coutumes) avant une date avancée. La notion de Ligystique et de Ligyens, trop malcommode car devenue trop imprécise au fils des siècles, a alors été remplacée par la dénomination de Keltikê et de Keltoi pour l’ensemble 30 

Ferdière 2005, p. 35-36.

371 des espaces présentant la même langue. La description d’Artémidore garde encore la trace de cette division nette puisque le Midi de la Gaule et la Gaule interne se trouvent dans le premier livre de ses Géographiques tandis que la Gaule atlantique, comme d’ailleurs la partie atlantique de la péninsule ibérique, prend place dans le troisième livre. Or, il est le premier à décrire tous ces espaces comme celtiques. C’est donc véritablement la conquête de la Gaule par Jules César qui réunira, au moins dans l’idée géographique des Grecs et des Romains, la Gaule en tant qu’entité culturelle et géographique. Pour conclure, nous espérons avoir, par cette étude, donné des clefs de lecture nouvelle d’une œuvre si souvent citée et utilisée dans notre approche de l’Antiquité. Les pistes entrouvertes nous semblent nombreuses et devront faire l’objet d’approfondissements dans le champ géographique concerné. Enfin, nous pensons que l’analyse des autres espaces géographiques permettrait de parachever la connaissance de l’œuvre, si importante, de Stéphane de Byzance.

Quatrième Partie

Les notices sur l’Europe occidentale (sauf l’Italie) Texte, Traduction, Commentaire

Mode d’emploi des notices Le corpus étudié Le corpus que nous avons rassemblé ici comprend l’ensemble des lemmes de l’Épitomé se rapportant à notre aire géographique d’étude. Nous avons également inclus un certain nombre de géonymes pour lesquels la localisation peut poser problème (par exemple par leur rattachement au monde celtique) ou qui peuvent servir de comparaison pour mieux comprendre les notices étudiées (par exemple les villes italiennes rattachées aux Ligures). Ces derniers n’ont pas fait l’objet d’une explication aussi détaillée que les autres et sont signalés par un astérisque à côté de leur numéro. Nous ne donnons pas les notices suivantes, qui ne rentrent clairement pas dans notre corpus : Eordaiai (ε 87), dont l’édition de Meineke (272,  1) indique un Ἰβηρίας qui est une erreur pour Ἰλλυρίας (González Blanco 1991, p. 26) ; Krotôn (κ  231), troisième ville de ce nom dont on a voulu corriger la détermination géographique de Ἰταλίας en Ἰβηρίας (voir Zehnacker 2004 p. 119). De même, pour le peuple quasi-mythique des Hyperboréens, nous avons pris le parti de ne présenter que ce lemme (υ 37, [243]), comme notice hors du cadre de notre étude, mais sans mentionner les autres lemmes se rapportant à eux (le peuple des Arimaspoi (α 423), des Hêmikunes (η 14), des Karambukai (κ 72), l’île Elixoia (ε 59) ou les monts Rhipaia (ρ 35)) qui nécessiteraient une analyse qui n’est plus vraiment dans notre champ géographique. De façon générale, nous avons choisi de ne pas détailler tout ce qui rentrait plutôt dans un corpus de type mythographique, qui n’est pas l’objet de notre recherche. Nous avons réalisé des fiches pour chacune des entrées de l’Épitomé pouvant intéresser notre étude. Bien qu’elles soient présentées ici dans l’ordre alphabétique

(en grec), elles ont été utilisées de manière indépendante pour toute notre réflexion, permettant en particulier des regroupements en fonction de critères différents : lemmes issus d’un même auteur, décrivant une même zone géographique ou présentant des caractéristiques communes qui permettaient à un moment donné de les comparer entre elles pour trouver leur dénominateur commun. Cette comparaison utile et extrêmement fructueuse nous a aidé à mieux comprendre la structure de l’œuvre telle qu’elle est présentée dans les pages précédentes. Mais elle a surtout permis de proposer des attributions à des auteurs précis, considérant que les informations que contient l’Épitomé, au-delà des recueils et des travaux lexicographiques que nous avons pu mettre en évidence (lexique fondamental de Pamphile, lexiquesource de Diogenianus, analyse des ethniques d’Oros et enfin Ethniques de Stéphane de Byzance), proviennent in fine de lexiques spécifiques à chaque auteur, qu’ils soient l’œuvre d’une même personne ou de plusieurs lexicographes. Or l’attribution à un auteur permet une datation de la mention, ce qui est, pour les archéologues et historiens, fondamental pour l’interprétation d’une notice. Ce corpus ne peut donc être dissocié des chapitres où est analysé l’ensemble des informations dispersées dans les différentes fiches, par auteur, selon un ordre chronologique inverse (selon nous le seul à pouvoir rendre compte des apports successifs et de similitudes dans la forme et l’ordonnancement des notices). Ceci permet de déterminer des caractéristiques communes à chacun des lexiques, qu’il conviendra d’affiner par l’étude d’autres ensembles géographiques cohérents. On peut imaginer qu’une fois l’ensemble des notices de l’Épitomé ainsi analysées

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Quatrième Partie : Les notices sur l’Europe occidentale

(lorsque d’autres travaux identiques au nôtre auront été conduits), il sera possible d’extraire chacun des éléments spécifiques à chaque auteur et d’approcher ainsi au plus près ce que furent ces proto-lexiques. Les fiches Pour en revenir à nos fiches, nous les avons conçues de manière standardisée pour pouvoir analyser trois grandes catégories d’information : d’abord celle relevant du texte même de Stéphane de Byzance (Épitomé, mentions provenant d’autres lexiques ou commentaires savants byzantins)  ; ensuite la connaissance réelle d’un lieu avec sa localisation et la connaissance qu’amène l’archéologie ; enfin, la chronologie et la forme lexicale des mentions. Nous allons indiquer ici quels sont les clefs de lecture de chacune de ces grandes parties. L’en-tête On trouve tout d’abord en en-tête des fiches les indications générales : le nom du lemme (en grec et en transcription latine), sa nature et sa localisation géographique. Pour cette dernière, et malgré son caractère très souvent anachronique pour les géonymes les plus anciens, nous avons indiqué le nom des provinces romaines pour la Gaule et la péninsule ibérique, et les ensembles géographiques que sont la Germanie au sens large, les îles Britanniques, les îles (sous-entendu de Méditerranée occidentale) ou lorsque le géonyme sort de notre cadre d’étude. Nous avons fait apparaître d’une lettre grecque la source des Ethniques : le lexique-source (Λ), le lexique d’Hécatée (E), de Marcien (M), l’Abrégé de Philon (Φ) et Oros (Ω), voire Stéphane de Byzance lui-même (Σ). Sont notés également les auteurs identifiés comme ayant servi pour la notice (bien souvent hypothétiques d’ailleurs). Nous avons indiqué le livre d’origine de Stéphane de Byzance (avec la part d’incertitude liée aux hypothèses de découpage pour certains livres), en précisant à quelle phase de réduction il appartient selon nous : premier abrégé (S1), second abrégé (S2) ou troisième abrégé (S3). Pour chaque livre, nous avons indiqué le taux moyen de conservation du livre que nous avons restitué dans la première partie, ainsi que le taux théorique de réduction en fonction de l’« auteur » du texte conservé. Enfin, la référence est faite à l’édition de M. Billerbeck.

Le texte du manus­crit archétype, sa normalisation et sa traduction La première partie de la notice fournit d’abord le texte le plus proche de celui que devait comporter l’archétype de nos manus­crits, y compris avec les erreurs d’écriture (le  texte apparaît alors en grisé), pour lesquelles une explication est parfois proposée. L’apparat critique indique les variantes des manus­ crits. Nous redonnons les sigles des manus­crits, tous de la fin du xve siècle ou du début du siècle suivant, sachant que les quatre premiers sont les seuls utiles pour l’établissement de la nouvelle édition : – Rehdigeranus 47 (abrégé en R), – Vaticanus Palatinus gr. 253 (Q), – Vaticanus Palatinus gr. 57 (P), – Neapolitanus III.AA.18 (N), – Marcianus graecus VII, 52 (M), – Vossianus graecus F. 20 (V), – Perusinus 67 (Π), – Laurentianus Plut. IV.3 (L). Les différents éditeurs qui ont pu corriger le texte sont également pris en compte  : l’editio princeps d’Aldus Manutius de 1502 (Aldus), celle de Wilhelm Xylander (1568), Thomas de Pinedo (1678) et bien sûr les éditions de Meineke et Billerbeck. Le texte de l’Épitomé est ensuite donné sous une forme décomposée, formaté en paragraphes distincts suivant le découpage théorique en six catégories (de A à F) mis en évidence dans l’étude générale de l’œuvre de Stéphane de Byzance. Rappelons ces grandes catégories : [A] ou [Da]  : indication géographique, souvent très courte et reprise quasiment telle quelle de Stéphane de Byzance. [Da] correspond à une notice dont l’entrée est un ethnique. [B] ou [Db]  : indication chrono-mythologique, donnant l’origine réelle ou mythique du nom du géonyme. [Db] correspond à une notice dont l’entrée est un ethnique. [C] : variantes que nous subdiviserons en deux : [C1] pour les variantes de forme (avec changement de lettres par exemple ou déclinaisons) et [C2] pour des variantes géographiques, portant le même nom mais situées ailleurs.

Quatrième Partie : Les notices sur l’Europe occidentale [D] : nom des habitants, dérivé du lemme initial. [E] : variantes de forme dérivées, comme par exemple les féminins ou les ktétiques. [F] : remarques annexes, de type anecdotique [F1], qui peuvent clore les notices les plus longues ou reprises de textes généralement issus de grammairiens [F2]. Lorsqu’une même notice porte sur plusieurs lieux homonymes, nous avons mis en corps plus petit le texte qui ne concerne pas les toponymes situés dans notre zone d’étude. Dans le cas de notices plurielles juxtaposées, les différents toponymes sont séparés et identifiés par des chiffres romains. Nous avons fait apparaître également une numérotation des phrases, utile en particulier pour le commentaire qui suit la traduction. Pour toutes les notices (texte et traduction), nous avons souligné les différentes formes du nom géographique. Les noms des auteurs anciens sont en gras, les titres des œuvres en gras et italique. Les mots restitués sont indiquées par des  ; les mots visiblement corrompus mais qui ne peuvent pas être restitués avec certitude sont encadrés par des † . Enfin, des accolades encadrent les bouts de phrase qui peuvent correspondre à des gloses ajoutées à l’une des phases de création du manus­ crit archétype de l’Épitomé. Dans le texte d’origine, nous avons restitué entre crochets les auteurs vraisemblables lorsqu’ils étaient absents du texte de l’Épitomé. La traduction a été faite en s’appuyant sur celle de l’édition de M.  Billerbeck lorsqu’elle existait lors de notre travail de thèse. Toujours dans la traduction, nous avons utilisé la forme courante en français des noms géographiques (ibérique, ligystique, celtique  …) mais sans employer le terme de «  Ligures  » qui regroupe des réalités différentes. Par ailleurs, nous avons hésité entre donner une traduction abrégée, d’un formalisme identique à celui que l’on trouve dans nos dictionnaires actuels, qui nous semblait au départ plus approprié, ou un texte français plus développé. Nous avons choisi la seconde solution, en accord avec la traduction que propose M. Billerbeck afin d’essayer d’être le plus exact possible ; mais nous avons conscience que la forme donnée à l’Épitomé conviendrait mieux à des indications abrégées de type dictionnaire. Concernant les références aux auteurs, nous avons essayé de matérialiser une forme de schématisation avec les abréviations successives. Ainsi, si une œuvre n’est pas introduite par « dans », nous l’avons mise entre parenthèses comme on le ferait de nos jours pour une référence dans un texte scientifique. Nous avons considéré que le

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nom de l’auteur relevait bien du texte, même s’il est rarement accompagné d’une phrase ou même d’un verbe. Les lexiques et textes dérivés Nous donnons également le texte issu des lexiques ou des grammairiens byzantins pour le lemme considéré, ainsi que le texte des scholiastes ou des éxégètes comme Eustathe de Thessalonique qui a souvent recopié le premier abrégé. Ces textes sont classés par ordre chronologique et ont parfois une séparation interne (notée ǁ) pour distinguer les strates d’information agglutinées. Nous ne donnons pas de traduction mais nous soulignons le lemme, ainsi que les passages qui proviennent de Stéphane de Byzance. Dans les rares cas où le texte des lexiques et autres commentaires amène à compléter le texte de la notice, nous avons donné une version de celle-ci tenant compte de cet apport. Nous avons souhaité dupliquer la notice pour que l’on puisse distinguer les deux versions. C’est, depuis l’origine, l’une des difficultés à laquelle est confronté l’éditeur du texte de Stéphane de Byzance. A. Meineke avait intégré les compléments dans son texte, M. Billerbeck, avec prudence et sagesse, ne donne que le texte de l’Épitomé mais fait apparaître ces compléments dans l’apparat critique. Toutefois, la difficulté d’insertion parfois de ces ajouts nous a semblé suffisamment importante pour mériter de proposer un second texte, qui reste bien sûr hypothétique. Le commentaire Le commentaire qui suit reprend le découpage en catégories et en phrase. Nous intégrons les différentes formes lexicales retrouvées chez les différents auteurs dont nous avons conservé le texte, d’après le TLG (disque E). Le commentaire porte aussi bien sur les aspects lexicaux que sur l’analyse des informations (auteur, datation, …) qu’amène le texte de l’Épitomé. Pour le détail des éditions des textes grecs, nous renvoyons à Berkowitz, Squitier 1990. Les autres parties de la fiche Un autre paragraphe reprend les données archéologiques connues pour le toponyme considéré (généralement une ville), ainsi que sa localisation. Dans le cas de sites ayant donné lieu à de nombreuses fouilles archéologiques, seules les données principales apparaissent car il ne nous semblait pas utile, dans le cadre de notre étude, de reprendre toutes les découvertes. Nous sommes partis

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Quatrième Partie : Les notices sur l’Europe occidentale

souvent des notes complémentaires des excellentes éditions parues dans la Collection des Universités de France pour Strabon (F.  Lasserre), Appien (P.  Goukowsky), Pline l’Ancien (H.  Zehnacker) ou Pomponius Mela (A.  Silberman) et les avons confrontées aux données archéologiques issues des fouilles réalisées de préférence durant les dernières décennies, présentant ainsi les meilleures garanties de datation et d’interprétation. Il n’était pas possible ici détailler de façon systématique ni même de faire état de l’ensemble des données disponibles pour certains sites très bien documentés par l’archéologie. C’est pourquoi nous avons privilégié les synthèses au détriment des analyses de chantiers de fouille. Nous avons rassemblé les principales formes lexicales attestées pour le toponyme par siècle, aussi bien en grec qu’en latin, avec une proposition de datation par auteur. Les auteurs et les formes apparaissant dans la notice de l’Épitomé sont écrits en gras. Est également noté le rattachement du toponyme à un ensemble plus large (peuple ou région). Les formes grecques sont données de manière exhaustive ; les formes latines sont simplement représentatives : nous n’avons mentionné pour certains géonymes que les auteurs principaux. Dans ce tableau, nous avons fait apparaître l’Ora maritima d’Aviénus principalement pour le ive  siècle av. J.-C. afin de ne pas systématiquement vieillir ses informations, même lorsqu’elles pouvaient provenir d’Hécatée. En l’absence d’une analyse très poussée, nous avons choisi de laisser cette information à ce niveau. La bibliographie donne quelques indications sur le géonyme mais n’a aucune prétention à être exhaustive. Nous avons d’abord mentionné la référence à quelques corpus de base comme la classique Real-Encyclopädie der classischen Altertumswissenschaft (abrégée ici en RE ou les différents volumes des Testimonia Hispaniae Antiqua (THA). Nous avons ensuite privilégié les publications les plus récentes, même si nous avons rappelé parfois de manière systématique certaines recensions désormais classiques (comme les trois volumes d’A. Tovar sur la péninsule ibérique antique). Pour certains géonymes très fréquents il n’était bien sûr pas possible de donner ne serait-ce même qu’une bibliographie raisonnée en restant dans les dimensions de notre fiche ; c’est pourquoi nous insistons sur le côté indicatif (comme il est dit en titre) des références que nous donnons. Enfin, le lecteur trouvera la référence à l’atlas Barrington et son pendant électronique sur le site Internet Pleiades (http:// pleiades.stoa.org).

1 – Aβδηρα/AbdÊra [Λ + Ω + Φ]

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1 – Aβδηρα/AbdÊra [Λ + Ω + Φ]

Ville – Hispanie (Bétique) (α 6 Billerbeck)            [C] Artémidore Livre 1 – Premier abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 40,8 % – taux théorique : 33,3 %). Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé et traduction (en grisé, forme erronée restituée du manu­scrit archétype disparu, corrigée dans la notice normalisée)

Ἄβδηρα· πόλεις δύο. ἡ μὲν θρᾴκης, ἀπὸ ἀβδήρου(a) τοῦ υἱοῦ ἠριμου(b) ἡρακλέους ἐρωμένου, ὃν αἱ διομήδους ἵπποι διεσπάσαντο, ὡς ἑλλάνικος καὶ ἄλλοι φασίν. ἐκ ταύτης γὰρ(c) καὶ δημόκριτός ἐστιν ὁ φιλόσοφος. ἡ δὲ δευτέρα πόλις τῆς ἰβηρίας πρὸς τοῖς(d) γαδείροις, ὡς ἀρτεμίδωρος ἐν βʹ γεωγραφουμένων. ὁ πολίτης ἀβδηρίτης. καὶ γὰρ τοῦ δίολκος τὸ διολκίτης καὶ τοῦ ὀξύρυγχος ὀξυρυγχίτης(e). ἐφορος καὶ τὴν πόλιν ἄβδηρον φησίν(f ) {ἀφ’ οὗ τὰ ἄβδηρα}(g) καὶ ἀπὸ τῶν εἰς α οὐδετέρων εὑρίσκεται, ὡς γάβαλα γαβαλίτης. τοῦ ἀβδηρίτης μέμνηται εὔδοξος ἐν δʹ περιόδων(h) καὶ παυσανίας ϛʹ(i) περιηγήσεως καὶ ἡρόδοτος ζʹ(j) καὶ πολλαχοῦ ἑκαταῖός τε καὶ πολλοί. πλεῖστοι δ’ ἀβδηρῖται(k) ὑπὸ τῶν πινακογράφων ἀναγράφονται. νικαίνετος ἐποποιὸς καὶ πρωταγόρας, ὃν εὔδοξος ἱστορεῖ τὸν ἥσσω καὶ κρείσσω λόγον πεποιηκέναι καὶ τοὺς μαθητὰς δεδειχέναι(l) τὸν αὐτὸν ψέγειν καὶ ἐπαινεῖν. οὗτος οὖν ὁ πρωταγόρας καὶ δημόκριτος ἀβδηρῖται(m). a)  ἀβδήρου RQ  :  ἀβδηρίτου PN. b)  Ἑρμοῦ Heyne (1783, 371)  :  ἠρίμου RQPN. c)  γὰρ RQPN  :  δὲ Meineke. d)  πρὸς τοῖς RQ  :  πρὸς γὰρ τοῖς PN. e)  ὀξύρυγχος ὀξυρυγχίτης R  :  ὀξόρυγχος ὀξορυγχίτης QPN. f )  Ἔφορος καὶ τὴν πόλιν Ἄβδηρον φησίν ante ὁ πολίτης transp.  Meineke (in app.). g) ἀφ’ οὗ τὰ Ἄβδηρα exp. R : sine punctis QPN, del. Meineke. h)  περιόδων RPN  :  τῶν περιόδων Q, Περιόδου Berkel. i)  ϛʹ  Holste  :  καί R, καί exp.  Q, om. PN. j)  ζʹ PN  :  ἕβδομον R, εὔδομον Q. k) ἀβδηρῖται RQP : ἀβδηρίται N. l) δεδιδαχέναι Korais  :  δεδειχέναι RQPN. m)  ἀβδηρῖται QP  :  αὐδηρῖται R, ἀβδηρίται N. f – La phrase semble plutôt se rapporter aux autres formes du nom et aurait dû trouver place avant la mention de la forme de l’habitant. g – D’après l’exponctuation que présente le manu­scrit R, on peut supposer qu’il s’agit d’une glose dans l’archétype.

Ἄβδηρα· [A] |1| πόλεις δύο. |2| ἡ μὲν Θρᾴκης, [B] ἀπὸ Ἀβδήρου τοῦ

υἱοῦ Ἑρμοῦ Ἡρακλέους ἐρωμένου, ὃν αἱ Διομήδους ἵπποι διεσπάσαντο, ὡς Ἑλλάνικος [FGrHist 4 F 105] καὶ ἄλλοι φασίν [pseudo-Scymnos ; Strabon]. |3| ἐκ ταύτης γὰρ καὶ Δημόκριτός ἐστιν ὁ φιλόσοφος. [C2] |4| ἡ δὲ δευτέρα πόλις τῆς Ἰβηρίας πρὸς τοῖς Γαδείροις, ὡς Ἀρτεμίδωρος

ἐν βʹ γεωγραφουμένων [F 15 Stiehle]. [D] |5| ὁ πολίτης Ἀβδηρίτης. |6|  καὶ γὰρ τοῦ Δίολκος τὸ Διολκίτης καὶ τοῦ Ὀξύρυγχος Ὀξυρυγχίτης. [E]  |7|  Ἔφορος [FGrHist 70 F 154]  καὶ τὴν πόλιν Ἄβδηρον φησίν |8|  {ἀφ’ οὗ τὰ ἄβδηρα} καὶ ἀπὸ τῶν εἰς α οὐδετέρων εὑρίσκεται, ὡς Γάβαλα Γαβαλίτης. |9| τοῦ Ἀβδηρίτης μέμνηται Εὔδοξος ἐν δʹ περιόδων [F 307 Lasserre]  καὶ Παυσανίας ϛʹ περιηγήσεως [6.5.4] καὶ Ἡρόδοτος ζʹ [7.120, 7.137] καὶ πολλαχοῦ Ἑκαταῖός [FGrHist 1 F 158]  τε καὶ πολλοί. [F]  |10|  πλεῖστοι δ’ Ἀβδηρῖται ὑπὸ τῶν πινακογράφων ἀναγράφονται. |11| Νικαίνετος ἐποποιὸς καὶ Πρωταγόρας, ὃν Εὔδοξος [F 307 Lasserre] ἱστορεῖ τὸν ἥσσω καὶ κρείσσω λόγον πεποιηκέναι καὶ τοὺς μαθητὰς δεδιδαχέναι τὸν αὐτὸν ψέγειν καὶ ἐπαινεῖν. |12|  οὗτος οὖν ὁ Πρωταγόρας καὶ Δημόκριτος Ἀβδηρῖται [Philon ?]. Abdêra  [A]  |1|  Il existe deux villes de ce nom. |2|  La première, de Thrace, [B] tire son nom d’Abdêros, le fils d’Hermès et bien-aimé d’Héraclès, qui fut écartelé par les chevaux de Diomède, comme le rapportent Hellanicos et d’autres auteurs. |3| C’est de celle-ci en effet que provient le philosophe Démocrite. [C2] |4| La seconde, ville d’Ibérie, est située près de Gadeira, selon Artémidore, dans le 2e livre des Descriptions géographiques. [D] |5| Le citoyen est appelé Abdêritês. |6|  En effet, on nomme Diolkitês celui de Diolkos et Oxurunchitês celui d’Oxurunchos. [E]  |7|  Éphore appelle aussi la ville Abdêron [neutre]. |8| La forme utilisée est sur le modèle des dérivés des neutres en -a, comme Gabala et Gabalitês. |9| On trouve la forme Abdêritês chez Eudoxe, dans le 4e livre de la Périodos, chez Pausanias (6e livre de la Périégèse), chez Hérodote (7 e livre), à plusieurs reprises chez Hécatée et de nombreux autres auteurs. [F] |10| La plupart des Abdêritai célèbres sont signalés par les auteurs de catalogues. |11|  Nicainetos, poète épique, comme Protagoras, rendait fort l’argument faible, comme le rapporte Eudoxe, et apprenait à ses étudiants à blâmer et à louer la même personne. |12| Ce Protagoras était, comme Démocrite, abdéritain.

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Lexiques et commentaires grecs et byzantins x  siècle – Souda (α 26 Adler) Ἄβδηρα· ἡ θάλασσα, καὶ ὄνομα πόλεως καὶ Ἀβδηρίτης ὁ πολίτης. ǁ (glose) καὶ Φάληρα καὶ Κύθηρα. Γάδειρα δὲ καὶ Στάγειρα καὶ Τόπειρα καὶ Δόβειρα. e

Commentaire La notice provient du lexique-source, avec des annotations d’Oros (|8-10|) et des informations de l’abrégé de Philon (|11-12|). Même si Stéphane de Byzance indique que deux villes portent ce nom, il ne s’agit pas d’une notice plurielle juxtaposée ; la mention de la ville d’Ibérie se trouve dans la 3e partie de la notice, correspondant aux variantes du toponyme, avant le nom de l’habitant. La première ville de ce nom, patrie de Démocrite, est située en Thrace. La suite de la notice, comme d’ailleurs toutes les citations du TLG, correspond à la première cité. [C2]  |4|  Strabon (3.4.3 et 6) mentionne également le nom de la ville, mais pas la forme de l’habitant : « μετὰ ταύτην Ἄβδηρα, Φοινίκων κτίσμα καὶ αὐτή  ; ensuite vient Abdêra, fondation phénicienne elle aussi  » (trad. Lasserre). On trouve chez Ptolémée (Geogr. 2.4.7) Ἄβδαρα, chez les auteurs latins, Abdera (Mela 2.94) ou Abdara (Pline l’Ancien 3.8). L’indication géographique, « près de Gadeira » provient très certainement des indications d’Artémidore. [D]  |5|  Chez les auteurs que nous avons conservés, la

forme de l’habitant (Abdêritês, 179 attestations dans le TLG E) ne se rapporte pas à notre cité, mais il n’est pas impossible qu’Artémidore ait également utilisé cette forme « classique » s’il mentionnait l’habitant de l’Abdêra ibérique. |6|  La comparaison lexicale de grammairien provient peut-être d’Oros ou se trouvait déjà dans le lexiquesource.

[E]  |7|  La phrase d’Éphore est mal placée. Elle devait

probablement à l’origine se trouver avant la mention de la ville d’Ibêria ; elle peut avoir été déplacée à cause du lien fait, probablement par une glose (phrase |8|), avec les neutres en -a. Il faut alors considérer que celui qui a lu le texte et rédigé la glose (Eustathe ?) a interprété Abdêron comme un neutre et non comme l’accusatif d’un mot masculin.

1 – Aβδηρα/AbdÊra [Λ + Ω + Φ] |8| Le début de la phrase est visiblement une glose qui fait le lien entre la forme Abdêron d’Eudoxe et la forme de l’ethnique en -itês qui semble être propre aux neutres se terminant en -a. La formulation « ἀπὸ τῶν εἰς  » est typique des grammairiens et se retrouve très fréquemment dans les textes que nous connaissons. C’est peut-être même le toponyme d’entrée, Abdêra, qui est pris pour un neutre pluriel. Suggérant un statut ambigu (fém. sing., neutre plur.), on justifie l’ethnonyme non pas sur Abdêron mais sur Abdêra.

Localisation et archéologie La ville antique est située sur une colline dominant l’actuelle Adra (Andalousie, province d’Almería), au sud-ouest d’Almería. C’est une ville probablement de fondation phénicienne (milieu du viiie siècle av. J.-C.), comme l’indique Strabon (3.4.3), mais la tradition érudite y voit également une fondation grecque du fait de son nom (qui ne semble pas être sémitique) et d’une légende rapportée par le pseudo-Apollodore (2.5.10) qui place Hercule à cet endroit (voir THA IIB, p. 550-551). De plus, la présence proche d’une ville appelée Odusseis (ou Ulisea) (voir fiche [166]), c’est-à-dire reprenant le nom d’Ulysse, dans laquelle se trouvait un sanctuaire d’Athéna visible depuis la mer, pourrait aller dans ce sens. L’hypothèse d’une ville grecque ne repose toutefois sur aucune réalité archéologique. Les fouilles entreprises sur le promontoire du Cerro de Montecristo, autrefois proche de la mer, ont montré pendant longtemps que l’implantation punique ne remontait qu’au ive siècle av. J.-C., ce qui permettait alors de conserver l’hypothèse d’un comptoir grec initial (Zoreda, FernándezMiranda 1975). Depuis les années 2000, un grand projet de fouille et de mise en valeur des villes d’origines phéniciennes a vu le jour, donnant lieu à de nouvelles découvertes concernant la ville des viie-ive siècle av. J.-C. (López Castro et al. 2010), avec en particulier la muraille datée autour de 600 av. J.-C. Aucune preuve archéologique ne permet désormais d’affirmer une présence grecque sur ce site. La ville passe sous le contrôle des Romains lors de la Deuxième guerre punique. Elle est connue à l’époque romaine pour ses salaisons de poisson et la production de garum et acquiert le statut de municipe semble-t-il à l’époque flavienne.

2 – AγΑθη/AGATHÊ [Λ + M + Ω + Φ]

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Chronologie des mentions

Bibliographie indicative

iie s. av. : Artémidore, Ἄβδηρα (Ἰβηρίας πρὸς τοῖς Γαδείροις) – ier s. av. : Asclépiade de Myrlée, [Ἄβδηρα] ; Posidonios, [Ἄβδηρα] – ier s. : Strabon, Ἄβδηρα (Φοινίκων κτίσμα) ; Pomponius Mela, Abdera  ; Pline l’Ancien, Abdara – iie s. : Ptolémée, Ἄβδαρα ; pseudo-Apollodore, Ἄβδηρία.

RE I, 1 (1893), col. 23 (s.v. Abdera 2) Hübner ; THA IIB 142a  ; Smith 1854 (s.v.  Abdera 2)  ; Tovar 1974, p.  83-84  ; Zoreda, Fernández-Miranda 1975  ; Silberman 1988, p. 225 ; González Blanco 1991, p. 24, 30 ; López Medina 1996 ; Adrados 2000, p. 11 ; López Castro 2002 ; Zehnacker 2004, p. 97 ; López Castro et al. 2010 ; Ramon Torres 2013, p. 32-33.

Le nom de la ville reste inchangé durant toute l’Antiquité ; seul Pline l’Ancien latinise le nom en Abdara. L’anonyme de Ravenne (305.3) a encore Abdera à côté d’Aderia (343.10).

Barrington Atlas : 27 B5 (Abdera) ; http://pleiades.stoa.org/places/265762

2 – AγΑθη/AGATHÊ [Λ + M + Ω + Φ]

Ville – Gaule (Narbonnaise) (α 21 Billerbeck) Théopompe ? (+ Artémidore ?) + pseudo-Scymnos + Timosthène + Philon + Eudoxe + Timée ? (+ Oros)

Livre 1 – Premier abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 40,8 % – taux théorique : 33,3 %). Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé et traduction (en grisé, forme erronée restituée du manu­scrit archétype disparu, corrigée dans la notice normalisée)

Ἀγάθη· πόλις λιγυώνη (a) κελτῶν. σκύμνος δὲ φωκαέων αὐτήν φησιν ἐν τῇ εὐρώπῃ. τιμοσθένης δὲ ἐν τῷ σταδιασμῷ ἀγαθὴν τύχην αὐτήν φησιν. εἰ δ’ οὕτω λέγοιτο, καὶ ὀξύνοιτ’ ἂν(b) ὡς ἐπιθετικόν, ὡς τὸ ἡραῖον τεῖχος καὶ ἥραιον, καὶ ἑρμαῖος λόφος καὶ ἕρμαιος. ἔστι δὲ καὶ ἄλλη πόλις, ὡς φίλων, λυστίων(c), ἀπὸ(d) λίμνης λυστίας(e). τάχα δ’ ἡ αὐτή ἐστι τῇ πρώτῃ, ὡς εὐδόξιος(f ). βαρύνεται δέ. τὸ ἐθνικὸν ἀγαθῖνος ὡς ἀκραγαντῖνος. ἄβρων(g) γὰρ ἐν τῷ περὶ παρωνύμων τοῖς τοιούτοις καὶ αὐτὸ συνέμιξεν. εἰ δὲ καὶ κύριον εἴη τὸ ἀγαθῖνος, οὐκ ἀπεικὸς σημαίνειν ἀμφότερα. σχοινεύς γὰρ καὶ κύριον καὶ ποταμοῦ καὶ ἐθνικόν, καὶ λίξος(h), ὁμοίως θεσσαλός καὶ σικανός καὶ σικελός καὶ μυρία. εἰ δὲ μὴ ὡς ἐθνικὸν τὸ ἀγαθῖνος ἐκλήθη(i), τὸν οἰκήτορα λέξομεν ἀγαθαῖον τῷ(j) κοινῷ λόγῳ, ἢ ἀγαθεύς, ὡς(k) θεσσαλονικεύς καὶ †σινταρεύς† καὶ(l) βερενικεύς, ἐπεὶ καὶ ἀγάθεια τῆς ἀγάθης εὑρίσκεται παραγωγή, ὡς βερενίκεια καὶ θεσσαλονίκεια. ἔστι καὶ νῆσος ἀγάθη(m) λυκίας. τὸ ἐθνικὸν ὤφειλεν(n) ἀγαθεύς· ἡ γὰρ χώρα τῷ εἰς ευς(o) τύπῳ χαίρει, ὡς παταρεύς τλωεύς τελμισεύς κρυεύς(p). a)  Λιγύων ἢ Xylander  :  λιγυώνη RPQN. b)  ὀξύνοιτ’ ἂν PN : ὀξύνεται ἂν RQ. c) Λιγυστίων Xylander : λυστίων RQPN. d) ἐπὶ Schubart (1841, p. 1131) : ἀπὸ RQPN. e) Λιγυστίας Xylander  :  λυστίας RQPN. f )  Εὔδοξος Holste  :  εὐδόξιος

RQPN. g) Ἅβρων Meineke : ἄβρων QPN, ἄκρων R. h) λίξος RQ : λίκαιος PN. i) ἐκλήθη RQP : ἐκλίθη N. j) ἀγαθαῖον τῷ Ppc (θαῖον τῶ in fen. suppl.) N : ἀγαθ (spacio 4 litt.) RQ. k) ὡς PN : ὁ RQ. l) καὶ ὁμαρεύς καὶ Bouiron : καὶ σινταρεύς καὶ NPpc Billerbeck, σινταρεύς καὶ lac. indic. om. R, σινταρεύς lac. indic. 8 litt. om. Q  ; pro σινταρεύς, coniec. Σινηρεύς vel Σιντοιεύς Holste, Σαμαρεύς Meineke, Σινωπεύς Jacoby. m) νῆσος ἀγάθη Ppc (θη in fine suppl. alt. m.) N : lac indic. om. RQ. n) ὤφειλεν QPN  :  ὄφειλεν R. o)  εἰς ευς om. R. p)  κρυεύς RPpc (in fen. suppl.) N : κροεύς Q. a – Erreur de séparation de mot et d’accentuation (lors de la translittération ?). c et e – Erreur de lecture d’onciales  :  ΛΥCΤΙΩΝ/ΛΥCΤΙAC au lieu de ΛΙΓΥCΤΙΩΝ/ΛΙΓΥCΤΙAC ? d – S’agit-il d’une erreur de lecture (d’abréviation  ?) pour ἐπὶ ? g – Erreur d’accentuation au moment de la lecture d’onciales, conservée dans le 1er abrégé. l – Le nom a résisté jusqu’à présent à toute interprétation. Nous pensons qu’il s’agit d’une erreur liée à la translittération ; c’est pourquoi nous proposons de lire OMAPEYC à la place de CINTAPEYC, avec erreur de lettre ronde C pour O et de jambages INT pour M. Cette forme se trouve comme ethnique de la ville de Homarion (ο 63).

380 Ἀγάθη· I-[A]   |1|  πόλις Λιγύων [Théopompe ?]  ἢ Κελτῶν [Artémidore  ?]. [B]  |2|  Σκύμνος δὲ Φωκαέων αὐτήν φησιν ἐν τῇ Εὐρώπῃ [pseudo-Scymnos v.  207208]. [C1]  |3|  Τιμοσθένης δὲ ἐν τῷ σταδιασμῷ [F 38 Wagner] Ἀγαθὴν τύχην αὐτήν φησιν. |4| εἰ δ’ οὕτω λέγοιτο, καὶ ὀξύνοιτ’ ἂν ὡς ἐπιθετικόν, ὡς τὸ Ἡραῖον τεῖχος καὶ Ἥραιον, καὶ Ἑρμαῖος λόφος καὶ Ἕρμαιος. [C2] |5| ἔστι δὲ καὶ ἄλλη πόλις, ὡς Φίλων [FGrHist 790 F 19], Λιγυστίων, ἐπὶ λίμνης λιγυστίας. |6|  τάχα δ’ ἡ αὐτή ἐστι τῇ πρώτῃ, ὡς Εὐδόξος [F 359 Lasserre]. |7| βαρύνεται δέ. [D] |8| τὸ ἐθνικὸν Ἀγαθῖνος [Timée ?] ὡς Ἀκραγαντῖνος. |9| Ἅβρων γὰρ ἐν τῷ περὶ παρωνύμων [F 11 Berndt] τοῖς τοιούτοις καὶ αὐτὸ συνέμιξεν. |10| εἰ δὲ καὶ κύριον εἴη τὸ Ἀγαθῖνος, οὐκ ἀπεικὸς σημαίνειν ἀμφότερα. |11| Σχοινεύς γὰρ καὶ κύριον καὶ ποταμοῦ καὶ ἐθνικόν, καὶ Λίξος, ὁμοίως Θεσσαλός καὶ Σικανός καὶ Σικελός καὶ μυρία. [E] |12| εἰ δὲ μὴ ὡς ἐθνικὸν τὸ Ἀγαθῖνος ἐκλήθη, τὸν οἰκήτορα λέξομεν Ἀγαθαῖον [Théopompe]  τῷ κοινῷ λόγῳ, ἢ Ἀγαθεύς [Eudoxe  ? Éphore  ? Polybe  ?], ὡς Θεσσαλονικεύς καὶ Ὁμαρεύς καὶ Βερενικεύς, ἐπεὶ καὶ Ἀγάθεια [Eudoxe ? Éphore  ? Polybe ?] τῆς Ἀγάθης εὑρίσκεται παραγωγή, ὡς Βερενίκεια καὶ Θεσσαλονίκεια. II-[A]  |13|  ἔστι καὶ νῆσος Ἀγάθη Λυκίας. [D]  |14|  τὸ ἐθνικὸν ὤφειλεν Ἀγαθεύς· ἡ γὰρ χώρα τῷ εἰς ευς τύπῳ χαίρει, ὡς Παταρεύς Τλωεύς Τελμισεύς Κρυεύς [Oros ?].

Agathê  :  I-[A]   |1|  ville des Lig yens ou des Celtes. [B] |2| Scymnos, dans l’Europe, dit que c’est une ville des Phocéens. [C1] |3| Timosthène, dans le Stadiasme,

l’appelle Agathê Tuchê. |4|  Si on l’appelle ainsi, l’accent descend, puisque c’est un adjectif, comme pour Heraion teichos face à Heraion, ou Hermaios lophos face à Hermaios. [C2]  |5|  Il existe aussi, selon Philon, une autre Agathê des Ligystiens tout près de l’étang ligyste. |6|  Peut-être est-ce la même que la première, selon Eudoxe. |7|  L’accent remonte. [D]  |8|  L’ethnique est dit Agathinos, formé comme Akragantinos. |9| En effet, Habron, dans Les formes nominales dérivées, le signale comme tel. |10|  Puisque Agathinos est aussi un nom propre, il est assez normal qu’il soit employé pour les deux. |11| En effet, Schoineus est à la fois un nom propre, le nom d’un fleuve et un ethnique, comme Lixos ou également Thessalos, Sikanos, Sikelos et quantité d’autres mots. [E] |12| Si on n’utilise pas Agathinos comme ethnique, on doit appeler l’habitant d’Agathê Agathaios suivant la forme courante de la langue, ou bien Agatheus, à l’instar de Thessalonikeus, Homareus et Berenikeus, puisqu’on trouve Agatheia comme forme dérivée d’Agathê, comme on a Berenikeia et Thessalonikeia.

2 – AγΑθη/AGATHÊ [Λ + M + Ω + Φ] II-[A]  |13|  Il existe aussi une île appelée Agathê, de Lycie. [D] |14| Il faut utiliser pour l’ethnique la forme Agatheus ; en effet, ce pays utilise préférentiellement la forme en -eus comme Patareus, Tlôeus, Telmiseus, Krueus.

Lexiques et commentaires grecs et byzantins L’Etymologicum Symeonis et le lexique du pseudo-Zonaras n’indiquent que la ville de Phocide nommée Agatheia, dont le citoyen est Agatheus, qui est l’objet d’une autre notice de Stéphane de Byzance précédant celle-ci.

Commentaire La notice est issue du lexique-source, complété par des indications grammaticales d’Oros (|4|  et |9-12|), du lexique de Marcien (|2|) et de l’abrégé de Philon (|5|). Cette notice, très détaillée puisque située dans la partie la moins abrégée de l’Épitomé, est particulièrement intéressante par le nombre d’auteurs mentionnés voire cités : par ordre chronologique Eudoxe de Cnide (v. 375350 av.  J.-C.), sans doute Timée (1e moitié iiie siècle av.  J.-C.), Timosthène (v.  275-250 av.  J.-C.), le pseudo-Scymnos (v. 120 av. J.-C. mais qui utilise des sources antérieures à 250 av. J.-C.), probablement Artémidore (fin du iie siècle av. J.-C.), le grammairien Habron (ier s. ap. J.-C.) et Philon de Byblos (v. 125-150 ap. J.-C.). Il s’agit d’une notice plurielle presque entièrement consacrée à la ville qui nous intéresse. [A] |1| La définition géographique est double ce qui est

plutôt rare dans l’œuvre de Stéphane de Byzance telle que nous l’avons conservée ; cela tient à la difficulté pour lui ou ses prédecesseurs de situer avec précision ce qui est décrit comme ligyen dans des sources préromaines et signalé ensuite comme celtique par Strabon (4.1.5-6) ou par Artémidore, ce dernier auteur servant de véritable jalon dans la détermination géographique du lexiquesource. Comme nous allons le voir plus loin (commentaire |6|), le lexique-source a probablement utilisé un auteur antérieur au iiie siècle av. J.-C. Nous pensons que la mention des Ligues ne provient pas d’Hécatée, utilisé très largement comme référant pour les formes lexicales, mais dont l’absence de renvoi serait alors problématique dans une partie peu abrégée des Ethniques. Nous proposons d’attribuer cette mention à Théopompe, dans son livre XLIII des Philippiques, à moins que le lexiquesource n’ait pris sa définition d’Eudoxe de Cnide, ce qui nous semble moins probable, ce dernier n’apparaissant pas comme un auteur fournissant les déterminations géographiques des notices du lexique-source. De plus,

2 – AγΑθη/AGATHÊ [Λ + M + Ω + Φ] la mention de πόλις Λιγύων apparaît caractéristique du lexique de Théopompe et désigne, chez Hécatée, une ville indigène (cf. Pergantion [175]). Agde était également citée par Ptolémée (Geogr. 2.10.2 et 9) et, pour les auteurs latins, par Pomponius Mela (2.80) et Pline l’Ancien (3.33). Il est tout à fait possible que Stéphane de Byzance ait fusionné ici deux entrées différentes du lexique-source, l’une pour la ville ligyenne et l’autre pour la ville celtique. On aurait ensuite un autre ajout issu du lexique de Marcien pour l’information chrono-mythologique qui suit. |2| L’indication de la fondation des Phocéens vient directement du texte conservé du pseudo-Scymnos (v. 207208) : « οἱ Μασσαλίαν κτίσαντες ἔσχον Φωκαεῖς / Ἀγάθην Ῥοδανουσίαν τε (…) les Phocéens fondateurs de Marseille tinrent Agathè, Rhodanousia  » (trad. Marcotte). La référence à Marseille, pourtant présente chez Strabon (4.1.6 : « Ἀγάθη, κτίσμα Μασσαλιωτῶν »), a totalement disparu ; Stéphane a inclus directement une indication chrono-mythologique qui n’existait probablement pas dans la notice d’origine. Nous ne pensons pas, comme le dit D. Marcotte, qu’il s’agisse du véritable Scymnos mais bien du texte que nous connaissons (voir l’étude de cet auteur supra p. 198-201) (Marcotte 2000, p. 36). La forme Φωκαέων renvoie aux Λιγύων et Κελτῶν qui précèdent, d’où la tournure un peu elliptique de la phrase abrégée par le premier abréviateur. [C1] |3| Le lexique-source devait signaler la forme par-

ticulière trouvée chez Timosthène (Agathê Tuchê) dans son œuvre recensant les ports de la Méditerranée, ce qui implique que la ville à cette époque-là en était un (au bord de la mer ou d’un fleuve ?). Cette information était peut-être transmise par l’intermédiaire d’Artémidore via Ératosthène. |4| C’est l’occasion de détailler d’un point de vue grammatical la difficulté que pose cette forme avec l’accentuation particulière des formes adjectives. L’accent redescend dans le cas de la forme que donne Timosthène : de paroxyton il devient oxyton (avec accent sur la finale). Il s’agit d’une indication de type hérodien qui provient vraisemblablement d’Oros. [C2] |5| La deuxième partie de cette section fait réfé-

rence à une mention par Philon de Byblos d’une ville dite « ligystique » sur le lac « ligystien ». La forme génitive Λιγυστίων, comme λιγυστίας, est restituée puisque les manu­scrits donnent Λυστίων (et Λυστίας) et pourrait aussi bien provenir de λιγυστικὸν (et

381 λιγυστικὰς) que d’un autre géonyme mal lu (comme Λυκίων/Λυκίας). Les erreurs simples lors d’une translittération (confusion de lettres triangulaires Δ/Λ/Α, rondes C/Є/O/Θ ou carrées TI/Π/ΓI) ne permettent pas de résoudre cette difficulté et la leçon encore la plus simple reste une mauvaise lecture du groupe ΛΙΓΥ en ΛΥ. La forme λιγυστίος se trouve chez Denys le Périégète (v. 76 ; cf. Eustathe Com. Dion.) ; la forme λιγυστίνος chez Lycophron. Les éditeurs récents indiquent « ἐπὶ » (λίμνης λιγυστίας) alors que les manu­scrits donnent une lecture unanime de « ἀπὸ » mais ce genre de confusion se retrouve ailleurs dans l’Épitomé et correspond probablement à une abréviation mal lue. L’interprétation habituelle rapporte la mention de Philon à l’«  étang ligystique » que décrit le texte du pseudo-Aristote (Mir. ausc. 837b, 89 Giannini) : « ἐν τῇ τῶν Μασσαλιωτῶν χώρᾳ περὶ τὴν Λιγυστικήν φασιν εἶναί τινα λίμνην (…). Dans le territoire des Marseillais autour de la Ligystique, on dit qu’il existe un étang (…) ». Or celui-ci parle probablement de l’étang de Berre. Il est possible que cela se rapporte à l’étang de Thau, très proche d’Agde et qui venait certainement presque à son contact dans l’Antiquité. À la date où il écrit, Philon dépend entièrement des sources antérieures  ; il s’agit probablement d’une confusion de sa part sur la configuration précise de la Ligystique. |6| Dans l’œuvre d’origine de Stéphane de Byzance, une citation devait suivre la mention d’Eudoxe. L’indication d’une identité commune des deux villes d’après cet auteur pose problème puisqu’il est nettement antérieur à Philon. La phrase ne peut se comprendre que si la première ville était signalée par un premier auteur, antérieur à Eudoxe et que celui-ci discutait le rapprochement avec la ville qu’il connaissait. Le texte du premier abréviateur implique également que Philon reprenait la mention d’Eudoxe « sur l’étang ligystique ». Sinon il faut admettre la traduction suivante : « Peut-être est-ce la même que celle d’Eudoxe ». |7|  Dernière indication propre aux grammairiens, la mention de l’accent qui remonte (le mot est paroxyton), qui était peut-être rattachée à la citation d’un grammairien supprimée par le premier abréviateur. [D] |8| La forme de l’ethnique Agathinos est donnée sans indication véritable d’auteur ; toutefois, nous avons pu mettre en évidence dans notre corpus un certain nombre d’ethniques ibériques (voir l’argumentation dans la fiche Sargantha [195]) présentant cette manière particulière de les composer, que nous pensons pouvoir attribuer à

382 Timée. Ce serait la preuve d’une mention de sa part pour Agathê. La référence au grammairien Habron qui suit immédiatement après est sans doute liée à cette information ; il est probable qu’Oros a trouvé chez lui la forme qu’il donne. Cette forme correspond également à un nom propre (voir les différentes entrées dans la RE). [E]   |12|  D’autres formes sont proposées (Agathaios,

Agatheus), sans que l’on sache ici explicitement si elles étaient utilisées ou simplement données de façon théorique par un grammairien. La forme féminine Agatheia découle du masculin Agatheus ; il manque malheureusement le rattachement à un auteur ancien mais on peut les mettre en correspondance avec la notice Rhadanousia [182], qui présente une forme Rhadanousieus (provenant d’un auteur antérieur à Artémidore), et Massalia [144] avec Massalieus. La forme Agathaios pourrait tout à fait provenir de Théopompe et Agatheus d’Ephore. La forme Schoineus se retrouve dans la notice Schoinous avec une citation de Tryphon issue du Peri Parônumôn.

Localisation et archéologie La ville est à l’origine de la moderne Agde (Hérault, France). La ville semble fondée autour de 525 av.  J.-C. (Ugolini et al. 2010, p. 150). Elle est située sur une éminence d’une dizaine de mètres au bord du fleuve Hérault (colline Saint-Loup), ce qui lui assure, depuis la mer, une visibilité unique dans cette zone très plane du golfe de Lion. Elle se trouvait toutefois un peu en retrait de la mer comme l’était Béziers à la même époque. Bien qu’elle soit signalée dans le Stadiasme de Timosthène de Rhodes et qu’elle soit située de manière idéale à mi-parcours entre Marseille et Emporion, aucun vestige de son port n’a été mis au jour (Lugand, Bremond 2001, p. 123). Dans la première moitié du ive siècle av. J.-C., elle est l’objet de transformations tandis que les sites indigènes jusqu’alors actifs alentour (La Monédière à Bessan et Saint-Siméon à Pézenas) sont abandonnés au profit du site du Fort, à Saint-Thibéry, qui prend alors le relais des précédents. On a émis l’hypothèse d’une refondation de la cité par les Marseillais à cette date, qui l’auraient transformée en poste militaire. Le iiie siècle av. J.-C. reste dans cette zone une période où les vestiges sont singulièrement absents et semble attester d’une diminution notable de la population. Au cours du iie siècle av. J.-C., Agde a un développement à nouveau important, cette fois-ci comme centre de redistribution des produits italiques.

2 – AγΑθη/AGATHÊ [Λ + M + Ω + Φ] La ville semble quasiment disparaître à partir du milieu du ier siècle de notre ère et durant tout l’Empire romain, probablement du fait de la prépondérance du port de Narbonne, avant d’être à nouveau occupée au ve siècle de notre ère (Ugolini et al. 2010, p. 150). En se basant sur la proposition d’« une autre ville » de Philon (|5|), F. Benoit a voulu voir deux villes différentes sous le nom d’Agathê (Benoit 1965, p. 101 et n. 17 ; p. 107). Il a mis en relation cette seconde ville avec la mention d’un toponyme Agathon (Agay, Var), mentionné dans un épisode de la vie de Porcaire datant de 730 de notre ère. Nous ne pensons pas qu’un auteur comme Philon ait pu s’intéresser à de si petites agglomérations, probablement sans personnage célèbre, si tant est qu’Agay remonte bien à l’époque grecque (ce qui n’est pas prouvé archéologiquement à ce jour). Nous ne garderons pas cette hypothèse.

Chronologie des mentions ive  s. av.  :  Eudoxe de Cnide, [Ἀγάθη]  ; Théopompe/ Pythéas ?, Ἀγάθη (Λιγύων ?) – iiie s. av. : Timosthène, Ἀγαθὴ τύχη – iie  s. av.  :  pseudo-Scymnos, Ἀγάθη  ; Artémidore, [Ἀγάθη] – ier s. : Strabon, Ἀγάθη (Κελτῶν, κτίσμα Μασσαλιωτῶν)  ; Pomponius Mela, Agatha  ; Pline l’Ancien, Agatha (quondam Massiliensium) – iie s. : Philon de Byblos, Ἀγάθη (Λιγυστίων) ; Ptolémée, Ἀγάθη. La forme n’a pas évolué au fil des siècles. Le cosmographe de Ravenne écrit Agate (4.28, 5.3).

Bibliographie indicative RE I, 1 (1893), col. 738 (s.v. Agatha) Ihm ; Lugand, Bremond 2001 ; Bats 2003, p. 149, 152 ; Zehnacker 2004, p. 128 ; Ugolini et al. 2010. Barrington Atlas : 15 A3 (Agatha) ; http://pleiades.stoa.org/places/147985

3 – AγνΩτες/AGNÔTES [Λ]

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3 – AγνΩτες/AGNÔTES [Λ]

Peuple – Gaule (Aquitaine) (α 39 Billerbeck)            Artémidore Livre 1 – Premier abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 40,8 % – taux théorique : 33,3 %). Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé et traduction (en grisé, forme erronée restituée du manu­scrit archétype disparu, corrigée dans la notice normalisée)

Ἀγνῶτες(a)· ἔθνος κελτικῆς παρὰ τῶν(b) ὠκεανόν, ὡς ἀρτεμίδωρος. a) Ἀγνῶτες RQN : Ἁγνῶτες P. b) τὸν Rpc : τῶν RacQPN. b – Erreur lors de la translittération ?

Ἀγνῶτες· [Da] |1| ἔθνος Κελτικῆς παρὰ τὸν ὠκεανόν, ὡς Ἀρτεμίδωρος [F 35 Stiehle]. Agnôtes : [Da] |1| peuple de Celtique situé au bord de l’océan, selon Artémidore.

Commentaire La notice de ce peuple provient du lexique-source. Elle est très courte pour une notice abrégée seulement une fois. Il est probable que Stéphane de Byzance n’a donné qu’une référence, celle d’Artémidore. [Da] |1| Le peuple des Agnôtes est rattaché à la Celtique

d’après Artémidore ; Strabon ne les cite pas. Stéphane de Byzance devait préciser le livre des Descriptions géographiques et donner la citation. La dénomination un peu différente qui est celle de Pline l’Ancien (4.108), Anagnutes, semble indiquer qu’Artémidore a rapporté un nom de peuple à une forme grecque qu’il connaissait. La forme plurielle du peuple correspond en effet au mot grec signifiant « ignorants ».

Localisation et archéologie On les situe habituellement au nord de l’ancienne province d’Aquitaine en se fiant à Pline l’Ancien  ; ils sont en effet rattachés à la Gaule Aquitaine chez cet auteur  :  «  Aquitanicae sunt Ambilatri, Anagnutes, Pictones, Santones liberi ; à l’Aquitaine appartiennent les Ambilatres, les Anagnutes, les Pictons et les Santons ». Il faut probablement les positionner au nord des Pictons, proches de la Loire (Fichtl 2012, p. 235-236). Ils ont été très probablement assez vite absorbés par les Pictons. L. Pérez Vilatela propose de les situer sur la côte atlantique de la Lusitanie (Pérez Vilatela 2000, p. 152), en référence à la mesure de superficie ibérique agnua (Varron, De re rust. 1.10.2 ; Columelle 5.1.5). Nous ne suivrons pas cette hypothèse.

Chronologie des mentions iie  s. av.  J.-C.  :  Artémidore, Ἀγνῶτες (Κελτικῆς) – ier s. : Pline l’Ancien, Anagnutes.

Bibliographie indicative RE I, 2 (1894), col. 2026 (s.v. Anagnutes) Ihm ; Fichtl 2012, p. 235-236. Barrington Atlas : 14 D2 (Anagnutes) ; http://pleiades.stoa.org/places/138177

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4 – AγΡΑΥΛΗ/AGRAULÊ [Ω ? Λ ?]

4 – AγΡΑΥΛΗ/AGRAULÊ [Ω ? Λ ?]

Ville – Îles (Sardaigne) (α 45 Billerbeck)            [C] Oros ? (Artémidore ?) Livre 1 – Premier abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 40,8 % – taux théorique : 33,3 %). Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé et traduction (en grisé, forme erronée restituée du manu­scrit archétype disparu, corrigée dans la notice normalisée)

Ἀγραυλή· δῆμος ἀθήνησι τῆς ἐρεχθηίδος φυλῆς. τινὲς δὲ ἀγρυλή γράφουσιν ἄνευ τοῦ α, ἀγρυλῆθεν. θέλει δὲ τὸ α ἀπὸ ἀγραύλου τῆς κέκροπος θυγατρός. τρεῖς δὲ ἦσαν ἀπὸ τῶν αὐξόντων τοὺς καρποὺς ὠνομασμέναι, πάνδροσος ἕρση(a) ἄγραυλος. ἔστι δὲ καὶ πόλις ἀθηναίων ἄποικος ἐν Σαρδοῖ ἀπὸ τοῦ δήμου κληθεῖσα ἀγρυλή. ὁ δημότης ἀγρυλεύς, καὶ ἀγρηλυθεν(b) ἐκ τόπου, εἰς τόπον ἀγρυλήνδε. δέχεται δὲ δύο τόνους. καὶ ἐν τόπῳ ἀγρυλῆσι(c)(d). a) ἕρση R : ἔρση QPN. b) ἀγρυληθεν Rpc : ἀγρηλυθεν RacQPN. c)  δέχεται δὲ δύο τόνους. καὶ ἐν τόπῳ ἀγρυλῆσι om. R. d) ἀγρυλῆσι RPN : ἀγρυπῆσι Q. c – Le copiste de R a probablement sauté une ligne entière (35 caractères) du manu­scrit archétype.

Ἀγραυλή· [A] |1| δῆμος Ἀθήνησι τῆς Ἐρεχθηίδος φυλῆς. |2|  τινὲς δὲ Ἀγρυλή γράφουσιν ἄνευ τοῦ α, Ἀγρυλῆθεν. [B] |3| θέλει δὲ τὸ α ἀπὸ Ἀγραύλου τῆς Κέκροπος θυγατρός. |4|  τρεῖς δὲ ἦσαν ἀπὸ τῶν αὐξόντων τοὺς καρποὺς ὠνομασμέναι, Πάνδροσος Ἕρση Ἄγραυλος. [C]  |5|  ἔστι δὲ καὶ πόλις Ἀθηναίων ἄποικος ἐν Σαρδοῖ ἀπὸ τοῦ δήμου κληθεῖσα Ἀγρυλή [Pausanias ? Artémidore ?]. [D] |6| ὁ δημότης Ἀγρυλεύς, [E] καὶ Ἀγρυλῆθεν ἐκ τόπου, εἰς τόπον Ἀγρυλήνδε. |7|  δέχεται δὲ δύο τόνους. |8|  καὶ ἐν τόπῳ Ἀγρυλῆσι. Agraulê  : [A]   |1|  dème à Athènes, de la tribu des Érechthéïdes. |2| Toutefois certains écrivent Agrulê sans le « a », dans Agrulêthen [en venant d’Agrulê]. [B] |3| Le nom exige un « a », puisqu’il est dérivé d’Agraulos, la fille de Cécrops. |4| Elles étaient trois, appelées d’après ce qui favorise la croissance des récoltes  :  Pandrosos, Hersê, Agraulos [Abondante rosée, Rosée, Vie en plein air/Berger]. [C] |5| Il existe aussi une ville, colonie des Athéniens en Sardaigne, appelée Agrulê d’après le dème. [D] |6| L’habitant du dème s’appelle Agruleus [E] et on dit Agrulêthen [en venant d’Agrulê], Agrulênde [vers Agrulê]. |7| Le nom est accentué de deux manières différentes. |8| Et dans le lieu d’Agrulê [Agrulêsi].

Lexiques et commentaires grecs et byzantins Nous n’indiquons pas le texte des lexiques, qui ne concernent que le dème attique.

Commentaire La notice provient sans doute, pour le dème attique, du lexique attique d’Oros ; la fondation en Sardaigne est peut-être issue du lexique-source ou bien tirée de Pausanias (et donc d’Oros). [C]  |5|  Cette information se retrouve chez Pausanias (10.17.5) : « τετάρτη δὲ μοῖρα Ἰολάου Θεσπιέων τε καὶ ἐκ τῆς Ἀττικῆς στρατιὰ κατῆρεν ἐς Σαρδώ, καὶ Ὀλβίαν μὲν πόλιν οἰκίζουσιν, ἰδίᾳ δὲ Ὀγρύλην οἱ Ἀθηναῖοι διασώζοντες τῶν δήμων τῶν οἴκοι τινὸς τὸ ὄνομα· ἢ καὶ αὐτὸς τοῦ στόλου μετεῖχεν Ὀγρύλος. La quatrième expédition, composée de Thespiens et d’Athéniens, vint en Sardaigne sous les ordres d’Iolas, et y bâtit la ville d’Olbia ; les Athéniens élevèrent en particulier Ogrylé, qu’ils nommèrent ainsi, soit pour conserver le nom de quelqu’un des bourgs de l’Attique, soit parce que Ogrylus faisait partie de l’expédition » (trad. Clavier). Si cette source était confirmée, il faudrait peutêtre y voir une rubrique entièrement issue d’Oros mais la différence de graphie entre Ἀγρυλή et Ὀγρύλη ne permet pas d’avoir de certitude. Cette erreur ne peut se faire avec les onciales ; elle remonte probablement à un manu­ scrit ancien sur papyrus et rappelle l’erreur Rhadanousia [182]/Rhodanousia [184]. Nous verrions volontiers, à l’origine de cette information, une description de la colonisation de l’île par Artémidore.

Localisation et archéologie Nous ne savons pas où se situe cette ville, fondation athénienne en Sardaigne. C’est peut-être Gurulis vetus (actuelle Padria), ville mentionnée par Ptolémée (Geogr. 3.3.7) sous la forme Gouroulis palaia. Quelques vestiges

5 – AδΕρκων/ADERKÔN [Λ] d’époque punique y ont été découverts. On notera que ce nom a une racine semblable à Karalis [228] (voir RE, col. 2485) ; s’agit-il d’un doublon ? Il s’agit d’une des fondations des Athéniens sur l’île, que signale Pausanias. Toutefois la forme qu’il indique étant différente de notre lemme, il est vraisemblable qu’il n’en soit pas la source.

385

Chronologie des mentions iie  s. av.  :  Artémidore ?, Ἀγρυλή – iie  s.  :  Ptolémée, Γουρουλὶς (παλαιά) ; Pausanias, Ὀγρύλη.

Bibliographie indicative RE I, 1 (1893), col. 908 (s.v. Agryle 2) Hülsen ; Gras 1977-2012 (art. Ogryle) ; Rowland 1981, p. 96-98.

5 – AδΕρκων/ADERKÔN [Λ]

Ville – Hispanie (Tarraconaise ?) (α 57 Billerbeck)            Artémidore ? Livre 1 – Premier abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 40,8 % – taux théorique : 33,3 %). Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé et traduction Ἀδέρκων· πόλις ἰβηρίας, ὡς ἀσκάλων. τὸ ἐθνικὸν ἀδερκωνίτης, ὡς ἀσκαλωνίτης. Ἀδέρκων· [A]   |1|  πόλις Ἰβηρίας [Artémidore  ?], ὡς Ἀσκάλων. [D] |2| τὸ ἐθνικὸν Ἀδερκωνίτης [Artémidore ?], ὡς Ἀσκαλωνίτης. Aderkôn : [A] |1| ville d’Ibérie, formée comme Askalôn. [D]  |2|  L’ethnique se dit Aderkônitês, formé comme Askalônitês.

Lexiques et commentaires grecs et byzantins xiie siècle – Etymologicum Symeonis/Casulanum (c 104) Ἀδέρκων· πόλις Ἰβηρίας. ὁ πολίτης Ἀδερκωνίτης, ὡς Ἀσκαλωνίτης. xiiie siècle – Lexique du pseudo-Zonaras (41.7) Ἀδέρκων. πόλις Ἰβηρίας. [ὁ πολίτης Ἀδερκωνίτης, ὡς Ἀσκαλωνίτης.]

Commentaire La notice provient du lexique-source. Il s’agit d’une notice très courte, qui n’est abrégée que par le premier abréviateur. Le nombre d’auteurs cités était probablement très faible voire réduit à un seul. La notice est reprise par les lexicographes tardifs. [A] |1| La ville est rattachée géographiquement à l’Ibé-

rie ; une comparaison lexicale de grammairien très courte suit la détermination. Ce toponyme n’est présent ni chez Polybe ni chez Strabon ; nous proposons de l’attribuer à Artémidore par rapport à la forme de l’ethnique.

[D] |2| La forme de l’ethnique est caractéristique d’Ar-

témidore ; la comparaison lexicale de grammairien qui suit est faite avec la même ville (Askalôn) que dans la première partie de la notice.

Localisation et archéologie La ville n’est connue que par la notice de Stéphane de Byzance. La forme de l’ethnique, comme les comparaisons qui accompagnent la notice, la rattachent à Artémidore. Hübner (RE) propose de la rapprocher d’Ilurco (Cerro de los Infantes, près de Pinos-Puente, Grenade) ou Ilercavonia (Tortosa, Tarragone). Cela pourrait se comprendre s’il y avait une mélecture (Δ/Λ) du géonyme mais cela semble peu probable sous forme d’onciale, les erreurs de lecture d’Artémidore avant Stéphane de Byzance se faisant sur la base d’un papyrus en écriture cursive. Nous n’avons pas d’autre hypothèse d’interprétation et de localisation. Nous rapprochons ce toponyme du peuple des ‘Serpents’ que signale Aviénus, et qui peut correspondre au grec Drakonoi (cf. supra p. 286).

Chronologie des mentions iie s. av. : Artémidore ?, Ἀδέρκων, Ἀδερκωνίτης (Ἰβηρίας).

Bibliographie indicative RE I, 1 (1893), col. 357 (s.v. Aderco) Hübner. THA IIB 142c ; Tovar 1974, p. 52, n. 58 ; González Blanco 1991, p. 24, 30.

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6 – AερΙα/AERIA [Λ]

6 – AερΙα/AERIA [Λ]

Ville – Gaule (Narbonnaise) (α 70 Billerbeck)            II- Artémidore ? + Apollodore Livre 2 – Premier abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 30,5 % – taux théorique : 33,3 %). Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé et traduction (en grisé, forme erronée restituée du manu­scrit archétype disparu, corrigée dans la notice normalisée)

Ἀερία· ἡ αἴγυπτος, παρὰ τὸν ἀέρα. καὶ γὰρ ἠερόεσσαν(a) αὐτήν φασιν. οἱ ἄνθρωποι ἀέριοι, καὶ ἀερίτης, ἐκ τῆς ἀέρος γενικῆς. ἔστι καὶ κελτικὴ πόλις ἀερία, ὡς ἀπολλόδωρος ἐν χρονικῶν δʹ. ἔστι καὶ ἄλλη κρήτης οὐκ ἄσημος, ἣ ἐλέγετο νῆσος ἀερία καὶ ἰδαία(b) καὶ δολιχὴ(c) διὰ τὸ μῆκος. ἐθνικὰ τὰ αὐτά. a)  ἠερόεσσαν RQ  :  ἠερόεσαν PN. b)  ἰδαία RQ  :  ἰδαῖα PN. c) Δολίχη Meineke : δολιχὴ RQPN. c – Erreur d’accentuation au moment de la translittération ?

Ἀερία· I-[A] |1| ἡ Αἴγυπτος, [B] παρὰ τὸν ἀέρα. |2| καὶ γὰρ ʻἠερόεσσανʼ αὐτήν φασιν. [D] |3| οἱ ἄνθρωποι Ἀέριοι, καὶ Ἀερίτης, ἐκ τῆς ἀέρος γενικῆς. II-[A] |4| ἔστι καὶ κελτικὴ πόλις [Artémidore ?] Ἀερία, ὡς

Ἀπολλόδωρος ἐν Χρονικῶν δʹ [FGrHist 244 F 24].

III-[A]   |5|  ἔστι καὶ ἄλλη Κρήτης οὐκ ἄσημος, [B]   ἣ

ἐλέγετο νῆσος Ἀερία καὶ Ἰδαία καὶ Δολίχη διὰ τὸ μῆκος.

[D] |6| ἐθνικὰ τὰ αὐτά.

Aeria : I-[A] |1| l’Égypte, [B] appelée ainsi d’après le mot air [‘ἀήρ’]. |2| En effet, on dit qu’elle est ‘brumeuse’. [D] |3| Les habitants sont appelés Aerioi et on dit aussi Aeritês, formé à partir du génitif Aeros. II-[A] |4| Il existe aussi une ville de Celtique Aeria, selon

Apollodore, dans le 4e livre des Chroniques.

III-[A] |5| Il existe une autre Aeria de Crète, assez connue, [B] île qui est dite Aeria, ainsi qu’Idaia, et Dolichê [allongée] du fait de sa longueur. [D] |6| Les ethniques sont

identiques.

Lexiques et commentaires grecs et byzantins xiie siècle – Eustathe de Thessalonique (Com. Dion. 239) ὄτι καὶ ταῦτα Αἰγύπτου ἐγκώμια κατὰ τὸν Διονύσιον, οὐκ ὀλίγης, φησὶν, ἔτυχε τιμῆς (…). ἐκλήθη δέ ποτε κατὰ τὴν ἱστορίαν ἡ τοιαύτη χώρα καὶ Ἀερία καὶ Ποταμία καὶ Αἰθιοπία διὰ τοὺς ἐκεῖ Αἰθίοπας, περὶ ὧν πολλοὶ τῶν παλαιῶν ἱστοροῦσι· ναὶ μὴν καὶ Ἀετία ἔκ τινος Ἰνδοῦ Ἀετοῦ καλουμένου, καὶ Ὠγυγία δὲ καὶ Μελάμβωλος καὶ Ἡφαιστία. xiiie siècle – Lexique du pseudo-Zonaras (51.14) Ἀερία· ἡ Αἴγυπτος.

Commentaire La notice est issue du lexique-source (avec une indication de formation d’ethnique d’Oros, |3| ?). Il s’agit d’une notice plurielle ce qui signifie que les formes d’ethnique se rapportent à chaque toponyme. Celle qui concerne l’égypte fait l’objet de mentions plus nombreuses dans le TLG (en particulier dans les différents lexiques), comme chez Stéphane de Byzance (cf. α 112). On retrouve également celle de la Crète dans la notice de cette île (κ 217). II-[A]   |4|  La ville est citée dans l’Épitomé d’après Apollodore (F 24) seulement. Strabon (4.1.11) la signale également  :  «  καὶ Ἀερία, τῷ ὄντι (φησὶν Ἀρτεμίδωρος) ἀερία διὰ τὸ ἐφ’ ὕψους ἱδρῦσθαι μεγάλου ; et d’Aeria qui est, selon Artémidore, réellement aérienne parce qu’édifiée sur un haut sommet » (trad. Thollard). L’absence de cette mention est-elle le fait de l’abréviation ? Quoi qu’il en soit, c’est peut-être d’après Artémidore que Stéphane de Byzance (et le lexique-source) la qualifie de keltikê, Apollodore parlant plutôt de Keltogalatoi (voir en particulier la notice Phabia [226]) ou de Keltikê Galatia (voir notice Aidousioi [11]). La mention d’Apollodore (il manque la citation) se rapporte très probablement à la bataille de Q. Fabius Maximus contre les Allobroges en 121 av. J.-C. Pline l’Ancien (3.36) la cite parmi les oppida latina.

6 – AερΙα/AERIA [Λ] III-[D] |6| La mention des ethniques au pluriel, avec les mêmes formes que pour l’Égypte (Aerioi et Aeritês), ne semble concerner que l’île de Crète.

Localisation et archéologie La ville n’est pas identifiée avec certitude (Barruol 1972, p.  987-990). H.  Zehnacker, dans son commentaire à Pline (3.36) propose Bédoin, au pied du mont Ventoux, mais cela ne correspond pas à la description qu’en donne Strabon. Celui-ci précise en effet : « εἰσὶ δὲ ἐν τῷ μεταξὺ πόλεις καὶ Αὐενιὼν καὶ Ἀραυσίων καὶ Ἀερία (…) ; dans l’intervalle (c’est-à-dire entre la Durance et l’Isère), il y a les villes d’Aouéniôn, d’Arausiôn et d’Aéria (…) » (trad. Thollard). Les trois villes se placent le long de la vallée du Rhône, et sont mentionnées du Sud vers le Nord. Aeria pourrait alors correspondre soit au rocher de Mornas, à la partie montagneuse surplombant le Rhône entre Bollène et Saint-Restitut, à La Garde-Adhémar, à une hauteur du défilé de Donzère (rive droite, au sud de Viviers ?) ou aux hauteurs surplombant la rive droite du Rhône face à Valence. Pour G. Barruol, qui a fait une étude détaillée du texte de Strabon (Barruol 1972), il faut tenir compte également de la précision donnée : « ἡ μὲν οὖν ἄλλη πᾶσά ἐστι πεδιὰς καὶ εὔβοτος, ἡ δ’ ἐκ τῆς Ἀερίας εἰς τὴν Δουρίωνα ὑπερθέσεις ἔχει στενὰς καὶ ὑλώδεις ; or donc, tout le reste du pays est en plaine et en pâturages, mais la partie entre Aeria et Dourion comporte des cols étroits et boisés » (trad. Thollard). Dourion, ville des Cavares, serait une agglomération de hauteur au-dessus de Montélimar (plateau de Géry) selon G. Barruol (Barruol 1972, p. 976-977, et en particulier n. 1). Pour G. Barruol, c’est le défilé de Donzère qui correspond le mieux à la description ; selon lui, Aeria serait à l’emplacement de l’oppidum de Barry, près de Bollène (Barruol 1972, p. 990-993). Il met en relation également le nom d’une importante station routière sur la voie

387 d’Agrippa, Senomagus (= le vieux Marché) qui se trouve en contrebas de l’oppidum, et la fondation de Saint-PaulTrois-Châteaux (appelé d’abord Noiomagus = le Marché Neuf ) pour montrer l’importance du rôle commercial d’Aeria, localisée sur le plateau de Barry. Or, le pays des Cavares va au moins jusqu’à Montélimar (Acusio) si l’on suit Ptolémée (2.10.8). La mention d’Apollodore place Aeria dans le contexte de la bataille contre les Allobroges, ce qui autorise une localisation haute dans la vallée du Rhône. La partie la plus élevée de cette zone se situe à l’ouest de Valence, à l’emplacement du château de Crussol (limite des communes de Guilherand-Granges et de Saint-Peray), avec une dénivellation de plus de 300 m par rapport à la plaine environnante. C’est l’hypothèse que nous retiendrons. Enfin, notons que la ville n’apparaît plus chez Ptolémée ; elle a probablement disparu dans l’intervalle, au profit des villes situées dans la plaine.

Chronologie des mentions iie  s. av.  :  Apollodore, Ἀερία (κελτικὴ ?)  ; Artémidore Ἀερία (κελτικὴ) – ier s. : Strabon, Ἀερία (κελτικὴ) ; Pline l’Ancien, Aerea. Le nom ne change pas durant les trois siècles où la ville est mentionnée. Nous ne savons pas si un nom indigène se trouve sous la forme grecque.

Bibliographie indicative RE I, 1 (1893), col. 676 (s.v. Aeria 5) Ihm ; Barruol 1969, p. 224 n. 1 ; Barruol 1972 ; Zehnacker 2004, p. 133. Barrington Atlas : 17 D5 (Aeria) ; http://pleiades.stoa.org/places/167624/aeria

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7 – AζανΙα/AZANIA [Λ + Φ]

7 – AζανΙα/AZANIA [Λ + Φ]

Région (hors cadre géographique) (α 71 Billerbeck)            III-[A] Philon Livre 2 – Premier abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 30,5 % – taux théorique : 33,3 %). Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé et traduction (en grisé, forme erronée restituée du manu­scrit archétype disparu, corrigée dans la notice normalisée)

Ἀζανία· μέρος τῆς ἀρκαδίας, ἀπὸ ἀζανοῦς τῆς(a) ἀρκάδος. οἱ οἰκήτορες ἀζᾶνες(b) καὶ ἀζῆνες. καὶ ἀζάνιος καὶ ἀζανία καὶ ἀζάνιον(c). εὔδοξος δὲ ἐν ϛʹ γῆς περιόδου φησίν « ἔστι κρήνη τῆς ἀζηνίας, ἣ τοὺς γευσαμένους τοῦ ὕδατος ποιεῖ μη δὲ(d) τὴν ὀσμὴν τοῦ ὕδατος(e) ἀνέχεσθαι, εἰς ἣν λέγουσι μελάμποδα, ὅτε τὰς προιτίδας ἐκάθαιρεν, ἐμβαλεῖν τὰ ἀποκαθάρματα ». ἔστι δὲ μοῖρα(f ) τῆς ἀρκαδίας ἡ ἀζανία. διῄρηται δὲ εἰς δ΄(g), παρρασίους(h) ἀζάνας(i) τραπεζουντίους(j). καὶ ἔχει ἡ ἀζανία πόλεις ιζʹ, ἃς ἔλαχεν ἀζήν. ἔστι καὶ(k) †μασσαλίας†(l) ἄλλη, ὡς φίλων. a) Ἀζᾶνος τοῦ Berkel (e Paus.) : ἀζανοῦς τῆς RQPN. b) ἀζᾶνες RQ : ἀζανεῖς PN. c) ἀζάνιον PN : ἀζάμιον RQ. d) μηδὲ Xylander  :  μὴ δὲ RQPN. e)  οἴνου Xylander (e Phylarch.)  :  ὕδατος RQPN. f ) μοῖρα RPN : μοίρα Q. g) τρία Aldus : τέσσαρα R, δʹ QPN. h) παρρασίους RPN : παρασίους Q. i) ἀζᾶνας R : ἀζάνας QPN. j) τραπεζουντίους RPN : τραπεζοντίους Q. k) ἔστι καὶ RPN  :  ἔστι δὲ Q. l)  μασσαλίας RQPN  :  Αἰθιοπίας Berkel, Ἀραβίας vel Λιβύης Jacoby, Βαρβαρίας Zubler (voir commentaire infra). d – Erreur de coupure de mot lors de la translittération ? e – L’erreur ne provient peut-être pas de la tradition manu­ scrite, mais plutôt de Stéphane de Byzance ou de sa source. i – Erreur d’accentuation lors de la translittération, corrigée seulement par R. l – L’erreur remonte probablement à la translittération. Voir le commentaire ci-dessous.

Ἀζανία· I-[A] |1| μέρος τῆς Ἀρκαδίας, [B] ἀπὸ Ἀζᾶνος τοῦ Ἀρκάδος. [D] |2| οἱ οἰκήτορες Ἀζᾶνες καὶ Ἀζῆνες. |3| καὶ Ἀζάνιος [E]  καὶ Ἀζανία καὶ Ἀζάνιον. [F]  |4|  Εὔδοξος δὲ ἐν ϛʹ γῆς περιόδου [F 313 Lasserre] φησίν « ἔστι κρήνη τῆς Ἀζηνίας, ἣ τοὺς γευσαμένους τοῦ ὕδατος ποιεῖ μηδὲ τὴν ὀσμὴν τοῦ οἴνου ἀνέχεσθαι, εἰς ἣν λέγουσι Μελάμποδα, ὅτε τὰς Προιτίδας ἐκάθαιρεν, ἐμβαλεῖν τὰ ἀποκαθάρματα ». II-[A] |5| ἔστι δὲ μοῖρα τῆς Ἀρκαδίας ἡ Ἀζανία. |6| διῄρηται δὲ εἰς τρία, Παρρασίους Ἀζᾶνας Τραπεζουντίους. [B] |7| καὶ ἔχει ἡ Ἀζανία πόλεις ιζʹ, ἃς ἔλαχεν Ἀζήν. III-[A] |8| ἔστι καὶ †Μασσαλίας† ἄλλη, ὡς Φίλων [FGrHist 790 F 20].

Azania I-[A] |1| partie de l’Arcadie, [B] dont le nom provient d’Azan le fils d’Arcas. [D] |2| Les habitants sont dits Azanes et Azênes. |3| On trouve aussi Azanios, [E] Azania et Azanion. [F] |4| Eudoxe, dans le 6e livre du Parcours de la terre, dit  :  «  il existe une source en Azanie, qui rend ceux qui ont gouté de son eau allergiques jusqu’à la simple odeur du vin ; on dit que Melampous, quand il eut purifié les filles de Proétos, y jeta les restes du traitement ». II-[A] |5| L’Azania est un district de l’Arcadie. |6| Elle est divisée en trois  :  Parrhassios, Azana et Trapezous. [B] |7| Et l’Azania a dix-sept villes, qu’Azên reçut en possession. III-[A] |8| Azania est aussi une autre région de †Marseille†,

selon Philon.

Lexiques et commentaires grecs et byzantins xiie siècle – Etymologicum Symeonis/Casulanum (c 151) Ἀζανία· μέρος τῶν Ἀρκάδων.

Commentaire Le toponyme qui nous intéresse est la deuxième partie d’une notice se rapportant principalement à une délimitation de l’Arcadie. [A] |8| Le rattachement à Massalia d’après une source

unique, Philon de Byblos, est problématique, un tel toponyme marseillais ne se retrouvant pas dans notre documentation. La très grande majorité des mentions de ce nom correspond en fait à une région d’Afrique, peutêtre le Kenya (Aujac 1993, p. 326 n. 32). On le trouve ainsi chez Ptolémée (Tetrabib. 2.3.46 et 50 ; Geogr. 1.7.6, 1.9.1, 1.17.5, 4.8.28, 4.8.35, 7.3.6), dans le Périple de la Mer Rouge (15-16 ; 18 ; 31 ; 61), chez Marcien (Per. ext. 1.13) et chez quelques auteurs mineurs ou plus tardifs. Stéphane de Byzance a deux notices successives sur Azania et Azanoi. Ni l’une ni l’autre ne conserve une

8 – AθΗναι/ATHÊNAI [Λ + Ω + Σ] mention décrivant une région africaine. Or l’on sait que Marcien est une des sources primaires de Stéphane de Byzance ; c’est donc une information qui devait se trouver dans les Ethniques, sous la mention de Marcien ou d’un autre auteur. Deux explications s’offrent à nous  :  soit le texte concernant ce toponyme a disparu dans l’épitomé, soit la forme Massalia est une erreur de copie pour un terme se rapportant à une région d’Afrique. La première hypothèse, qu’un lieu particulier disparaisse d’une notice à ce stade encore précoce de l’abréviation, semble peu vraisemblable : nous sommes ici dans un livre abrégé seulement par le premier abréviateur, qui a donc conservé une grande partie de son texte (on considèrera que, dans l’ensemble, ce sont les citations qui ont disparu en tout ou partie). Nous privilégions donc la seconde hypothèse. Berkel restituait Αἰθιοπίας, Jacoby Ἀραβιας ou Λιβύης et Zubler Βαρβαρίας. Nous proposons la mention de Ptolémée (Tetr. 2.3.46), qui était peut-être reprise par Marcien dans la partie la plus détaillée de son œuvre qui a disparue : « Ἀζανία μέση (Αἰθιοπία) ». Ces mots, que l’on retrouve chez Jean le Lydien (De ost. 23 et 71), ont pu être mal lus et transformés en « Μασσαλίας », peutêtre en plusieurs étapes de mauvaise lecture/corrections. Cette faute s’expliquerait plus facilement par une altération du manu­scrit en onciales rendant difficile la lecture des lettres centrales du mot Αἰθιοπία. Toutefois, il

389 est possible que l’erreur ne relève pas d’une mauvaise transcription mais pourrait être due à une mauvaise lecture soit de Philon lui-même soit de son manu­scrit lors de la prise de note. M. Billerbeck pense que la partie de la notice concernant la région d’Afrique de l’Est a disparu (Billerbeck et al. 2006, p. 63 n. 94). Le faible nombre de mention de ce toponyme chez les auteurs que nous avons conservés ne permettait pas à Stéphane de Byzance de rédiger un paragraphe important. Dans la première phase de réduction, il pouvait très bien être réduit à quelques mots. Pour renforcer cette hypothèse, il faut noter que l’épitomé n’emploie pas le terme polis, mais ἄλλη, soit « une autre », se rapportant à μοῖρα (n° II de la notice plurielle), ce qui n’a pas de sens par rapport à Massalia ou son territoire. L’abréviateur a dû supprimer la citation de Philon et probablement la mention/citation de Marcien.

Bibliographie indicative cf. RE II, 2 (1896), col.  2639-2640 (s.v.  Azania 2 en Afrique) Tomaschek  ; Smith 1854 (s.v.  Azania)  ; Brunel 1945, p.  122  ; Barruol 1969 p.  224 n.1  ; Privitera 2007. Barrington Atlas : 4 B5 (Azania) ; http://pleiades.stoa.org/places/39307

8 – AθΗναι/ATHÊNAI [Λ + Ω + Σ]

Ville – Gaule (Narbonnaise) (α 80 Billerbeck)            IV- Polybe ? Livre 2 – Premier abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 30,5 % – taux théorique : 33,3 %). Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé et traduction (en grisé, forme erronée restituée du manu­scrit archétype disparu, corrigée dans la notice normalisée)

Ἀθῆναι· πόλεις κατὰ μὲν ὦρον εʹ, κατὰ δὲ φίλωνα ϛʹ. ἡ ἐν ἀττικῇ, περὶ ἧς φησι χάραξ ὅτι ὁ(a) θησεὺς τὰς ιαʹ πόλεις τὰς ἐν τῇ ἀττικῇ συνοικίσας εἰς ἀθήνας συνοίκια ἑορτὴν κατεστήσατο. ὁ πολίτης ἀθηναῖος καὶ θηλυκὸν ἀθηναία(b). ἡ δὲ θεὸς ἀθηναία λέγεται μονογενῶς. λέγεται δὲ καὶ ἐπὶ γυναικός, ὡς ἄλλοι μὲν πολλοί, φιλήμων δὲ οὕτως ἐν πτερυγίῳ (c) «  νυνὶ δ’ ὅταν λάβῃ τις εἰς τὴν οἰκίαν τὰς ἰππονικὰς(d) τάσδε καὶ ναυσιστράτας καὶ ναυσινίκας, τὰς ἀθηναίας λέγω ». δίδυμος δέ φησιν ὅτι ἀθηναίας λέγουσιν ἀντὶ τοῦ ἀττικάς. ὁ δὲ φρύνιχος ἀνάττικόν φησιν εἶναι τὴν φωνὴν καὶ θαυμάζει πῶς ὁ φερεκράτης ἀττικώτατος ὢν

χρῆται. ἀστὰς δὲ τὰς γυναῖκας ἔλεγον οὐ διὰ τὸ μὴ δύνασθαι λέγειν ἀθηναίας, ἀλλ’ ἐπειδὴ καὶ τοὺς ἄνδρας ἀστοὺς ἐκάλουν. πρῶτοι γὰρ ἀθηναῖοι τὰ ἄστη(e) καὶ τὰς πόλεις εὑρεῖν ἱστοροῦνται, ὅθεν καὶ τὴν ἀκρόπολιν αὐτῶν πόλιν ἐκάλουν κυρίῳ ὀνόματι, ὡς ἀριστοφάνης « καὶ προσκυνῶ πρῶτα(f ) μὲν τὸν ἥλιον, ἔπειτα σεμνῆς παλλάδος κλεινὴν πόλιν  ». ἐλέγοντο δὲ καὶ πατρωνυμικῷ τύπῳ, ὡς ἄβρων(g) ἐν τῷ περὶ παρωνύμων, ὅτι εἰσὶ διτταὶ προσηγορίαι παρὰ ποιηταῖς, ἀπό τε τῆς πατρίδος καὶ τοῦ συνοικιστοῦ. ἁλικαρνασσεῖς(h) γοῦν ἀυθεάδαι(i) καὶ φαλαντιάδαι(j) καὶ(k) ταραντῖνοι ἐλέγοντο ἀπὸ τῶν διασημοτάτων παρ’ αὐτοῖς, ἀθηναῖοι δὲ κοδρίδαι

390 καὶ κεκροπίδαι(l) θησεῖ δὲ(m) ἐρεχθεῖδαι. καὶ ταύτας γε τὰς κλήσεις τῶν ἀπὸ τῆς πατρίδος ἐντιμοτέρας ἐνόμιζον. βʹ πόλις λακωνική. γʹ καρίας. δʹ λιγύσκος(n). εʹ ἰταλίας. ϛʹ εὐβοίας, δίαντος κτίσμα, ὡς ἔφορος γʹ «  ἄβαντος δὲ γίγνονται παῖδες ἄλκων καὶ δίας καὶ ἀρέθουσα, ὧν ὁ μὲν δίας κτίσας πόλιν(o) οὕτως ἀπὸ τῆς πατρίδος ὠνόμασεν  ». ὁ πολίτης ἀθηναῖος καὶ ἀθηναϊκός (p). τὰς δ’ ἀθήνας (q) καὶ διάδας λέγεσθαι. ζʹ καρνανίας(r), ὡς δημήτριος, ἀθηναίους ἐν τῶ(s) κουρίτιδι(t) κτίσαντας πόλιν ἀθήνας(u) προσαγορεῦσαι. τὴν γὰρ νῦν ἀκαρνίαν(v) κουρῖτιν(w) ὠνόμαζον. ηʹ βοιωτίας, ἡ ἐκ τῆς λίμνης ἀναφανεῖσα μετὰ τὸ πρότερον ἐπικλυσθῆναι τῆς κοπαίδος(x), ὅτε κράτης αὐτὴν διετάφρευσεν. ἐκλήθη δὲ ἡ πόλις, ὥς τινες μέν φασιν, ἀθῆναι, ἄλλοι δὲ ὀρχομενός, ὡς οἱ βοιωτοί. ἔστι δὲ(y) καὶ ἐν τῷ εὐξείνῳ πόντῳ χωρίον ἀθῆναι, ὡς ἀρριανός(z). ἔστι καὶ ἱερὸν αὐτόθι ἑλληνικόν. a)  ὁ om. RQP. b)  ἀθηναία Q  :  ἀθηναῖα RPN. c)  πτερυγίῳ QPN  :  πτερυγίων R. d)  Ἱππονίκας Westermann  :  ἱππονικὰς RQPN. e)  τὰ ἄστη QPN  :  τὰ ἄστυ R. f )  γε πρῶτα Aldus : πρῶτα RQPN. g) Ἅβρων Meineke : ἄβρων PN, ἄκρων RQ. h)  ἁλικαρνασσεῖς N  :  ἀλικαρνασσεῖς RQP. i)  Ἀνθεάδαι Xylander  :  ἀθεάδαι RacQ, αὐθεάδαι RpcPN. j)  φαλαντίαδαι QPN : φαλαντιᾶδαι R. k) οἱ Xylander : καὶ RQPN. l) κοδρίδαι καὶ κεκροπίδαι QPN : κοδρῖδαι καὶ κεκροπῖδαι R. m) θησεῖδαι Npc (alt. m. in marg.)  :  θησεῖ δὲ RQPNac. n)  Λιγυστικῆς Bouiron  :  Λιγύων Xylander Billerbeck, Λιγυστίων vel Λιγυστίνων Meineke, λίγυσκον R, λιγύσκος QPN. o)  πόλιν RPN : πόλεις Q. p) ἀθηναικὸς RPN : ἀθηναικὴς Q, Ἀθηναΐτης dub. Meineke. q)  τὰς δ’ Ἀθήνας Valckenaer. r)  ἀκαρνανίας Npc  :  καρνανίας RQPNac. s)  ἐν τῇ Berkel  :  ἐν τῶ RQPN. t)  Κουρήτιδι Xylander  :  κουρίτιδι RQPN. u)  ἀθήνας QPN  :  οὕτω R. v)  ἀκαρνανίαν Npc  :  ἀκαρνίαν RQPNac. w) Κουρῆτιν Xylander : κουρῖτιν R, κουρίτην QPN. x)  Κωπαΐδος Xylander  :  κοπαίδος RQPN. y)  δὲ om. QPN. z) ἀρριανός QPN : ἀρριανιανός R. f – La particule γε a pu disparaître lors de l’abréviation, mais il est aussi possible qu’elle ait déjà disparu dans l’œuvre d’origine de Stéphane de Byzance. g – Erreur d’accentuation au moment de la translittération ? k – Erreur de lecture lors du 1er abrégé ? m – Erreur de lecture avec mécoupure au moment de la translittération. n – Erreur de lecture d’onciales lors de la translittération  :  lecture ΛΙΓΥCΚHC au lieu de ΛΙΓΥCΤΙΚHC (confusion ΙΓΥ/ΤΙΚ) puis lors de l’abréviation  ? La forme Λιγύων nous semble très peu probable. q – Erreur due à la répétition (TAYTACTAC lu TAC) lors de la translittération ?

Ἀθῆναι· |1| πόλεις κατὰ μὲν Ὦρον εʹ, κατὰ δὲ Φίλωνα ϛʹ [FGrHist 790 F 21]. I-[A] |2| ἡ ἐν Ἀττικῇ, [B] περὶ ἧς φησι Χάραξ [FGrHist

103 F 43] ὅτι ὁ Θησεὺς τὰς ιαʹ πόλεις τὰς ἐν τῇ Ἀττικῇ συνοικίσας εἰς Ἀθήνας συνοίκια ἑορτὴν κατεστήσατο.

8 – AθΗναι/ATHÊNAI [Λ + Ω + Σ] [D] |3| ὁ πολίτης Ἀθηναῖος [E] καὶ θηλυκὸν Ἀθηναία. |4| ἡ

δὲ θεὸς Ἀθηναία λέγεται μονογενῶς. |5|  λέγεται δὲ καὶ ἐπὶ γυναικός, ὡς ἄλλοι μὲν πολλοί, Φιλήμων δὲ οὕτως ἐν Πτερυγίῳ [PCG VII 262]  νυνὶ δ’ ὅταν λάβῃ τις εἰς τὴν οἰκίαν τὰς Ἱππονίκας τάσδε καὶ Ναυσιστράτας καὶ Ναυσινίκας, τὰς Ἀθηναίας λέγω.

|6|  Δίδυμος [p.  351b Schmidt]  δέ φησιν ὅτι Ἀθηναίας λέγουσιν ἀντὶ τοῦ Ἀττικάς. |7|  ὁ δὲ Φρύνιχος [F 8 Borries]  ἀνάττικόν φησιν εἶναι τὴν φωνὴν καὶ θαυμάζει πῶς ὁ Φερεκράτης [PCG VII 104 et 122]  ἀττικώτατος ὢν χρῆται. |8| ἀστὰς δὲ τὰς γυναῖκας ἔλεγον οὐ διὰ τὸ μὴ δύνασθαι λέγειν Ἀθηναίας, ἀλλ’ ἐπειδὴ καὶ τοὺς ἄνδρας ἀστοὺς ἐκάλουν. [F] |9| πρῶτοι γὰρ Ἀθηναῖοι τὰ ἄστη καὶ τὰς πόλεις εὑρεῖν ἱστοροῦνται, ὅθεν καὶ τὴν ἀκρόπολιν αὐτῶν πόλιν ἐκάλουν κυρίῳ ὀνόματι, ὡς Ἀριστοφάνης [Pl. 771-772) καὶ προσκυνῶ γε πρῶτα μὲν τὸν ἥλιον, ἔπειτα σεμνῆς Παλλάδος κλεινὴν πόλιν.

|10| ἐλέγοντο δὲ καὶ πατρωνυμικῷ τύπῳ, ὡς Ἅβρων ἐν τῷ περὶ παρωνύμων [F 12 Berndt], ὅτι εἰσὶ διτταὶ προσηγορίαι παρὰ ποιηταῖς, ἀπό τε τῆς πατρίδος καὶ τοῦ συνοικιστοῦ. |11|  Ἁλικαρνασσεῖς γοῦν Ἀνθεάδαι καὶ Φαλαντιάδαι οἱ Ταραντῖνοι ἐλέγοντο ἀπὸ τῶν διασημοτάτων παρ’ αὐτοῖς, Ἀθηναῖοι δὲ Κοδρίδαι καὶ Κεκροπίδαι Θησεῖδαι Ἐρεχθεῖδαι. |12|  καὶ ταύτας γε τὰς κλήσεις τῶν ἀπὸ τῆς πατρίδος ἐντιμοτέρας ἐνόμιζον. II-[A] |13| βʹ πόλις λακωνική. III-[A] |14| γʹ Καρίας. IV-[A] |15| δʹ Λιγυστικῆς [Polybe ?]. V-[A] |16| εʹ Ἰταλίας. VI-[A] |17| ϛʹ Εὐβοίας, [B] Δίαντος κτίσμα, ὡς Ἔφορος γʹ

[FGrHist 70 F 24] « Ἄβαντος δὲ γίγνονται παῖδες Ἄλκων καὶ Δίας καὶ Ἀρέθουσα, ὧν ὁ μὲν Δίας κτίσας πόλιν οὕτως ἀπὸ τῆς πατρίδος ὠνόμασεν ». [D] |18| ὁ πολίτης Ἀθηναῖος καὶ Ἀθηναϊκός. [E]  |19|  τὰς δ’ Ἀθήνας καὶ Διάδας λέγεσθαι. VII-[A] |20| ζʹ Ἀκαρνανίας, [B] ὡς Δημήτριος, Ἀθηναίους

ἐν τῇ Κουρήτιδι κτίσαντας πόλιν Ἀθήνας προσαγορεῦσαι. |21| τὴν γὰρ νῦν Ἀκαρνανίαν Κουρῆτιν ὠνόμαζον. VIII-[A] |22| ηʹ Βοιωτίας, [B] ἡ ἐκ τῆς λίμνης ἀναφανεῖσα μετὰ τὸ πρότερον ἐπικλυσθῆναι τῆς Κωπαΐδος, ὅτε Κράτης αὐτὴν διετάφρευσεν. |23| ἐκλήθη δὲ ἡ πόλις, ὥς τινες μέν φασιν, Ἀθῆναι, ἄλλοι δὲ Ὀρχομενός, ὡς οἱ Βοιωτοί.

8 – AθΗναι/ATHÊNAI [Λ + Ω + Σ] IX-[A] |24| ἔστι δὲ καὶ ἐν τῷ Εὐξείνῳ πόντῳ χωρίον Ἀθῆναι, ὡς Ἀρριανός [Peripl. M. Eux. 3.4, 5.3, 7.3]. [C2] |25| ἔστι καὶ ἱερὸν αὐτόθι Ἑλληνικόν.

391 II-[A] |13| 2. Ville de Laconie. III-[A] |14| 3. Ville de Carie. IV-[A] |15| 4. Ville de Ligystique.

Athênai  |1| villes, au nombre de cinq selon Oros, de six selon Philon. I-[A] |2| Ville en Attique, [B] au sujet de laquelle Charax

dit que Thésée a réuni les onze villes de l’Attique pour constituer Athènes et a instauré ensuite la fête des Sunoikia. [C] |3| Le citoyen est appelé Athênaios [E] et au féminin Athênaia. |4| La déesse est Athéna, au singulier. |5| Et ce nom s’emploie aussi pour une femme, comme on le voit chez de nombreux auteurs, dont Philémon, par exemple, dans le Pterygion : Mais maintenant chaque fois que l’on fait entrer dans sa maison Ces Hipponikai, ces Nausistratai Ces Nausinikai, —je veux dire : ces Athenaiai [Athéniennes].

|6|  Didymus dit que l’on emploie Athenaiai [femmes d’Athènes]  pour Attikai [femmes d’Attique]. |7| Phrynichos, quant à lui, dit que l’usage du mot n’est pas attique et se demande comment Phérécratès, qui parle un attique si pur, peut l’utiliser. |8| En fait, on donnait aux femmes le nom de ‘citoyennes’, non parce qu’on ne pouvait pas les appeler Athênaiai, mais parce que les hommes étaient eux-mêmes appelés ‘citoyens’. [F] |9| On raconte, en effet, que les Athênaioi sont les premiers à avoir inventé les villes et les cités, si bien qu’ils donnaient à leur acropole le nom de Ville, en employant le mot de manière absolue, comme l’atteste Aristophane : Et tout d’abord je me prosterne devant le soleil, Puis devant la ville illustre de la noble Pallas.

|10| On appelait aussi les habitants en utilisant le nom de leur père fondateur, comme le dit Habron, dans Les formes nominales dérivées, expliquant que, dans la poésie, il existe deux façons de les nommer : par leur patrie et par le fondateur. |11| Ainsi, tout comme on appelait Antheadai les habitants d’Halicarnasse et Phalantiadai ceux de Tarente, du nom des hommes les plus éminents de leur ville, les Athenaioi étaient appelés Kodridai, Kekropidai, Thêseidai ou Erechtheidai. |12| Ils considéraient même ce type de désignation comme plus prestigieux que le nom tiré de leur patrie.

V-[A] |16| 5. Ville d’Italie. VI-[A] |17| 6. Ville d’Eubée, fondation de Dias, selon Éphore (3e livre) : « Abas eut pour enfant Alkôn, Dias et Aréthuse ; et Dias fonda une cité à laquelle il donna le nom de sa patrie ». [D] |18| Le citoyen est dit Athênaios ou Athênaïkos. [E] |19| On appelle aussi cette Athènes Athênai Diades. VII-[A] |20| 7. Ville d’Acarnanie, [B] selon Démétrius, qui dit que les Athéniens fondèrent dans la Kourêtis une ville qu’ils appellèrent Athènes. |21|  Car on appelait Kourêtis la région qu’on appelle aujourd’hui Acarnanie. VIII-[A] |22| 8. Ville de Béotie, [B] que l’on vit émerger du lac où elle avait été auparavant engloutie par une inondation du Kôpaïs, lorsque Cratès avait creusé des canaux à travers la ville. |23| Cette ville reçut, d’après ce que certains disent, le nom d’Athènes, et selon d’autres, tels les Béotiens, celui d’Orchomène. IX-[A] |24| Il existe également un lieu-dit Athênai dans le Pont-Euxin, selon Arrien. [C2] |25| Et à cet endroit se trouve aussi un sanctuaire grec.

Lexiques et commentaires grecs et byzantins Nous n’avons pas indiqué les textes des lexiques, qui ne concernent pas la ville ligyenne.

Commentaire La notice est issue du lexique-source, complété par Oros (|7| à |12| et |24|-|25| ?) et par Stéphane de Byzance (partiellement |1|). Il s’agit d’une notice plurielle que nous avons analysée dans notre étude du texte des Ethniques (cf. supra p. 95-96). |1| La phrase mentionnant le nombre de villes du même nom par Oros et Philon est intéressante. Elle indique bien la différence qui existait entre le lexique-source, qui devait en mentionner huit (la dernière, d’après Arrien, provient sans doute d’Oros) et les deux autres sources majeures pour Stéphane de Byzance que sont Oros d’une part et l’abrégé de Philon d’autre part. Elle atteste donc de la façon dont il a travaillé et est directement l’auteur de cette première phrase.

392 IV-[A]   |15|  Nous ne savons pas avec certitude quel était le terme exact utilisé par Stéphane de Byzance. A. Meineke a restitué la forme Ligustiôn, probablement en rappel à Philon (qui donne peut-être cette forme dans la notice Agathê [2]), tandis que M. Billerbeck choisit Liguôn. La lecture des manu­scrits s’accorde mal avec l’une ou l’autre forme ; on imagine plutôt un ktétique comme Ligustikos ou Ligustikon mais qui ne convient pas avec le mot féminin polis. Quoiqu’il en soit il semble très difficile de relier cette mention de ville, probablement fondée par les Marseillais, avec Philon et nous ne le ferons pas. Artémidore est également exclu, on attendrait chez lui une ville « de Massalie » ou « celtique ». Il s’agit probablement d’un auteur préromain (plutôt qu’un auteur du iie siècle de notre ère à tendance archaïsante). La forme Liguôn, que nous excluons ici, l’aurait rapprochée de Théopompe (mais nous sommes ici à l’est de Marseille). C’est pourquoi nous proposerons Polybe dans une partie disparue de son œuvre (le livre XXXIV ? ou celui immédiatement antérieur, en lien avec les événements de 154 av. J.-C. ?).

Localisation et archéologie La ville est très certainement la même que celle que signale Pline l’Ancien (3.35) sur la côte à l’ouest de Fréjus sous la dénomination d’Athenopolis Massiliensium. Elle est mentionnée également par Pomponius Mela (2.77) et Varron (L. L. 8.18, p. 148 Spengel). On l’identifie traditionnellement à l’actuelle Saint-Tropez, comme le propose également J.-P. Brun (Brun 1999, p. 684). Des vestiges archéologiques antiques ont été signalés sur ce site au xixe siècle, mais les seuls que l’on puisse identifier avec certitude se rapportent à une occupation romaine. La ville grecque se situait peut-être sous la ville actuelle, qui n’a pas fait l’objet de fouilles archéologiques.

8 – AθΗναι/ATHÊNAI [Λ + Ω + Σ] Si la mention se rapporte bien à Polybe, on peut imaginer qu’elle provienne du livre (XXXIII) qui signale les événements des années 154-152 av. J.-C. montrant l’intervention des Romains à l’appel des Marseillais en Provence orientale. Athenopolis serait alors une des cités les plus à l’ouest touchée par les troubles avec les peuples indigènes de cet espace géographique. Le lexique de Polybe avait peut-être la particularité de ne pas donner le nom complet de la ville, Athenopolis, que donne Pline l’Ancien, et de la décomposer en Athênai et polis. Cela pourrait peut-être expliquer pourquoi nous n’avons pas de lemme pour Antipolis, ville pourtant importante de la côte provençale ; le lemme aurait pu prendre place, dans les Ethniques, dans la notice plurielle multiple de Anteia/ Anteion polis. La mention de la ville provençale aurait alors disparu dans l’abréviation. Selon Hülsen (RE), la ville d’Italie que mentionne l’Épitomé à la suite de celle de Ligystique serait la même mais résulterait d’une confusion (la pseudo « Italie massaliotique » issue de la notice Troizên [222] ?) qu’il ne détaille pas et que nous ne pouvons pas expliquer. Nous ne le suivrons pas dans son interprétation.

Chronologie des mentions ii e  s. av.  :  Polybe ?, Ἀθῆναι ? (Λιγυστικῆς) – ier s. av. : Varron, Athenaeopolitae – ier s. : Pomponius Mela, Athenopolis ; Pline l’Ancien, Athenopolis (Massiliensium).

Bibliographie indicative RE II, 2 (1896), col.  2022 (s.v.  Athenai 8) Hülsen  ; Smith 1854 (s.v. Athenopolis) ; Barruol 1969, p. 222 n. 1 ; Rivet 1988, p. 223 ; Silberman 1988, p. 214 ; Brun 1999, p. 684-689 ; Zehnacker 2004, p. 131. Barrington Atlas : 16 C3 (Athenopolis) ; http://pleiades.stoa.org/places/157816

9 – ΑΙβοΥδαι/AIBOUDAI [M]

393

9 – ΑΙβοΥδαι/AIBOUDAI [M]

Îles – Îles Britanniques (Hébrides) (α 90 Billerbeck)            Marcien Livre 2 – Premier abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 30,5 % – taux théorique : 33,3 %). Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé et traduction (en grisé, forme erronée restituée du manu­scrit archétype disparu, corrigée dans la notice normalisée)

Αἴβουδαι(a)· νῆσοι εʹ τῆς πρετανικῆς(b), ὡς μαρκιανὸς ἐν περίπλῳ. τὸ ἐθνικὸν αἰβουδαῖος. a)  Αἰβοῦδαι Xylander  :  Aἴβουδα R, Aιβουδαι Q, Aἴβουδαι PN Et. Cas. b)  πρεττανικῆς Bouiron  :  πρετανικῆς QPNRac πρεταννικῆς Rpc Meineke, Βρετανικῆς Aldus. a – La forme de l’archétype est bien Αἴβουδαι, comme on peut le voir avec l’Etymologicum Casulanum. Il s’agit probablement d’une erreur d’accentuation au moment de la translittération, non corrigée dans le 1er abrégé.

Αἰβοῦδαι· [A] |1| νῆσοι εʹ τῆς Πρεττανικῆς, ὡς Μαρκιανὸς ἐν περίπλῳ

[GGM I, 560, 32].

[D] |2| τὸ ἐθνικὸν Αἰβουδαῖος [Marcien ?].

Aiboudai  [A] |1| cinq îles de Bretagne, selon Marcien, dans le Périple. [D] |2| L’ethnique est Aiboudaios.

Lexiques et commentaires grecs et byzantins xiie siècle – Etymologicum Symeonis/Casulanum (c 191) Aἰβοῦδαι· νῆσοι πέντε.

Commentaire La notice provient du lexique de Marcien. [A] |1| La mention provient du Périple de Marcien, dans

la partie qui ne nous a pas été conservée de l’œuvre. Il manque très probablement la citation. Il est peu probable que Stéphane de Byzance mentionnait un autre auteur dans cette notice.

Le texte de Marcien est issu vraisemblablement de Ptolémée (Geogr. 2.2.6 et 10), qui indique ces îles de la manière suivante : « Ὑπέρκεινται δὲ νῆσοι τῆς Ἰουερνίας αἵ τε καλούμεναι Αἰβοῦδαι πέντε τὸν ἀριθμὸν ὧν ἡ μὲν δυτικωτέρα καλεῖται Αἰβοῦδα (au-dessus de l’Iouernia se trouvent les îles qui sont appelées Aiboudai, au nombre de cinq, parmi lesquelles la plus occidentale est dénommée

Aibouda) ». Il donne ensuite le détail du nom des îles (avec leurs coordonnées géographiques) : les deux plus à l’ouest sont appelées l’une et l’autre Aibouda, la suivante Rhikina (Rathnlin), puis Malaios (Mull) et Epidion (Kintyre, qui est en fait une presqu’île). On notera que le manu­scrit U de Ptolémée écrit Eboudai et Ebouda. Dans la Syntaxe mathématique (1.1.114), le même Ptolémée parle également des îles Eboudai  :  «  γράφεται διὰ τῶν καλουμένων Ἐβούδων νήσων ». [D] |2| L’ethnique provient très certainement de Marcien,

dans la même partie manquante.

Localisation et archéologie Les cinq îles correspondent aux Hébrides intérieures du nord (à l’exception de l’île de Skye). Ces îles sont occupées depuis le Mésolithique. Avec la conquête de la Grande-Bretagne, quelques incursions hors des limites de la province amènent les Romains jusqu’en Écosse du Nord et aux Hébrides. Toutefois, peu de mobilier importé a été retrouvé ce qui témoigne de contacts limités (Armit 1996, p. 160 sq). Les indications de Marcien proviennent de Ptolémée.

Chronologie des mentions ier  s.  :  Pline l’Ancien, Hebudes – ii e  s.  :  Ptolémée, Αἰβοῦδαι/Ἐβοῦδαι (Ἰουερνίας) – iiie s. : Solin, Ebudes – ive s. : Marcien, Αἰβοῦδαι, [Αἰβουδαῖος] (Πρετανικῆς). Pline l’Ancien mentionne ces îles sous le nom d’Hebudes (4.103), Solin (ajout à date tardive) d’Ebudes (22.12). La forme correcte à l’époque tardive semble être Ebouda, la diphtongue αι s’étant transformée assez tôt en son « é » mais Marcien reprend certainement la forme de Ptolémée. Il n’y a pas lieu de tenir compte de l’aspiration que Pline note au début du nom. Pourtant c’est de lui que provient, à l’Époque moderne, l’initiale du nom des Hébrides.

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10 – ΑΙβουρα/AIBOURA [Λ + Ω]

Bibliographie indicative RE VII, 2 (1912), col. 2182 (s.v. Haemodae) et col. 2590 (s.v.  Hebudes) Haug  ; Smith 1854 (s.v.  Hebudes)  ; Armit 1996. Barrington Atlas : 9 A5 ((H)Ebudes Inss.) ; http://pleiades.stoa.org/places/89198

10 – ΑΙβουρα/AIBOURA [Λ + Ω]

Ville – Hispanie (Bétique) (α 91 Billerbeck)            Strabon + Juba ? + Artémidore ? + Hérodien ? Livre 2 – Premier abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 30,5 % – taux théorique : 33,3 %). Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé et traduction Αἴβουρα· πόλις ἰβηρίας, ὡς στράβων(a). ὁ πολίτης αἰβουραῖος, ὡς ἀρουραῖος(b), κόλουρα κολουραῖος, πόλις περὶ πριήνην, ἄργουρα, πόλις εὐβοίας, ἀργουραῖος, ἴουρα ἰουραῖος, καὶ σχεδὸν πάντα τὰ εἰς ρα. δύναται καὶ αἰβουράτης, ὡς αἴγειρα αἰγειράτης, κίβυρα κιβυράτης. a) στράβων RPN : στράφων Q. b) ἄρουρα add. Bouiron (ex Et. Sym.).

Αἴβουρα· [A]  |1|  πόλις Ἰβηρίας, ὡς Στράβων [3.1.9]. [D]   |2|  ὁ πολίτης Αἰβουραῖος [Juba  ?], ὡς ἀρουραῖος, Κόλουρα Κολουραῖος, πόλις περὶ Πριήνην, Ἄργουρα, πόλις Εὐβοίας, Ἀργουραῖος, Ἴουρα Ἰουραῖος, καὶ σχεδὸν πάντα τὰ εἰς ρα [Hérodien  ?]. |3|  δύναται καὶ Αἰβουράτης [Artémidore ?], ὡς Αἴγειρα Αἰγειράτης, Κίβυρα Κιβυράτης. Aiboura  [A] |1| ville d’Ibérie, selon Strabon. [D] |2| Le citoyen se dit Aibouraios, comme donne arouraios, Koloura (ville de la région de Priène) Kolouraios, Argoura (ville d’Eubée) Argouraios, Ioura Iouraios, et pratiquement tous les noms en -ra. |3| On emploie aussi Aibouratês, comme Aigeira donne Aigeiratês et Kibura Kiburatês.

Lexiques et commentaires grecs et byzantins xiie siècle – Etymologicum Symeonis (α 192) Αἴβουρα· πόλις Ἰβηρίας. ὁ πολίτης Αἰβουραῖος, ὡς ἄρουρα ἀρουραῖος, Κόλουρα Κολουραῖος (πόλις δέ ἐστι περὶ τὴν Πριήνην).

xiiie siècle – Lexique du pseudo-Zonaras (76.5) Αἴβουρα. πόλις Ἰβηρίας. [ὁ πολίτης Αἰβουραῖος,  ὡς ἄρουρα ἀρουραῖος, Κόλουρα Κολουραῖος. πόλις δέ ἐστι περὶ τὴν Πριήνην.].

Commentaire La notice provient du lexique-source, mais contient des annotations qui relèvent du travail d’Oros (|2-3|). [A] |1| Les manu­scrits actuels de Strabon (3.1.9) donnent

la forme Ἐβοῦρα (voir la fiche [78]). Une ville du même nom, mais située en Carpétanie, est citée par Tite Live (40.30.3) sous une forme identique à notre lemme (Aebura), ce qui irait dans le sens d’une graphie ancienne avec αι.

[D]  |2|  La forme principale de l’ethnique est donnée

d’après un auteur qui est anonyme, mais qui pourrait être Juba (cf. la notice Arbakê [26]). La forme est justifiée d’un point de vue grammatical par une règle générale pour les noms se terminant par -ρα avec une précision que l’on trouve rarement dans les autres notices : deux des villes citées sont repositionnées géographiquement. C’est peut-être ainsi qu’Oros donnait le texte qui est issu probablement d’Hérodien.

[E] |3| La seconde forme se rapproche de celles que l’on

trouve chez Artémidore. Strabon ne donne pas le nom des habitants. Là encore une comparaison lexicale de grammairien est donnée avec des villes différentes.

11 – ΑΙδοΥσιοι/AIDOUSIOI [Λ]

395

Localisation et archéologie

Chronologie des mentions

La ville est située entre le Guadalquivir et l’océan ; c’est l’actuel lieu-dit Cortijo de Ébora, près de Sanlúcar de Barrameda (province de Cádiz, Espagne), au sud de l’embouchure du Guadalquivir (Lasserre 1966, p.  230  ; Zehnacker 2004, p. 99). Les vestiges archéologiques retrouvés en fouille remontent au ve siècle av.  J.-C. et s’étendent, pour les prospections, jusqu’au v e siècle de notre ère. Un trésor d’orfèvrerie y a été retrouvé de manière fortuite. Elle fait également l’objet d’une autre entrée dans le lexique (Ebora, voir fiche [78]), comme le pense A. Tovar. Il n’est pas impossible qu’il y ait eu une confusion avec les autres Ebora. Il existe en effet plusieurs villes de ce nom ; celle que cite Strabon ne correspond pas à la ville de Lusitanie, la plus connue (actuelle Evora), importante cité de Lusitanie sur la route entre Emerita (Mérida) et Olisopo (Lisbonne). Phlégon (Macrob. 1) mentionne la ville lusitanienne de Αἰβυροβισιγγυσία, que Hübner (RE I, 1, 1893, col. 940) propose d’assimiler avec Eburobrittium, mentionnée par Pline l’Ancien (4.113), et correspondant à l’actuelle Amoeira (Leiria, Portugal).

iie s. av. : Artémidore ?, Αἰβουράτης – ier s. : Tite-Live, Aebura ; Juba ?, Αἰβουραῖος ; Strabon, Αἴβουρα (Ἐβοῦρα) (Ἰβηρίας)  ; Pomponius Mela, Ebora  ; Pline l’Ancien, Ebora Cerialis – iie  s.  :  Ptolémée, Ἐβόρα, Ἐβοῦρα – iiie s. : Itinéraire d’Antonin, Ebora. Son nom viendrait de l’ibérique *Ipora, transcrit en grec Aiboura (et forme latine Aebura correspondante) puis Ebora/Eboura. Des monnaies portent la légende AIPORA et AIBORA ont été trouvées, reprenant la forme que l’on trouve dans la notice de l’Épitomé.

Bibliographie indicative RE V, 2 (1905), col. 1897 (s.v. Ebora 2) Mau ; col. 18961898 (s.v.  Ebora) Hübner  ; Smith 1854 (s.v.  Ebora)  ; THA IIB 142ae et af ; Tovar 1974, p. 52, 104, 147 ; Tovar 1976, p.  282  ; González Blanco 1991, p. 24-25, 30, 32 ; Zehnacker 2004, p. 99. Barrington Atlas : 26 C3 (Ebora) ; http://pleiades.stoa.org/places/256151

11 – ΑΙδοΥσιοι/AIDOUSIOI [Λ]

Peuple – Gaule (Lyonnaise) (α 117 Billerbeck)            Apollodore Livre 2 – Premier abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 30,5 % – taux théorique : 33,3 %). Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé et traduction Αἰδούσιοι· σύμμαχοι ῥωμαίων, πρὸς τῇ κελτικῇ γαλατίᾳ, ἀπολλόδωρος ἐν χρονικῶν(a) δ´. a) χρονικῶν RPN : χρονικῶ Q.

Αἰδούσιοι· [Da] |1| σύμμαχοι Ῥωμαίων, πρὸς τῇ κελτικῇ Γαλατίᾳ, Ἀπολλόδωρος ἐν Χρονικῶν δ´ [FGrHist 244 F 22]. Aidousioi [D] |1| alliés des Romains, près de de la Gaule celtique, Apollodore, dans le 4e livre des Chroniques.

Lexiques et commentaires grecs et byzantins xe siècle – Souda (ε 252 Adler) Ἐδοῦοι. xiiie siècle – Lexique du pseudo-Zonaras (612.23) Ἐδοῦοι· ὄνομα ἔθνους.

Commentaire La notice est issue du lexique-source. [Da]  |1|  La notice paraît étrangement raccourcie  ; on

attendrait au début « ἔθνος », terme peut-être disparu dans l’abréviation, bien que nous soyons dans la partie la mieux conservée de l’Épitomé. Les Eduens dont il est question ici sont mentionnés par Strabon (4.3.2) de la façon suivante : « οἱ δὲ Αἴδουοι καὶ συγγενεῖς Ῥωμαίων ὠνομάζοντο καὶ πρῶτοι τῶν ταύτῃ προσῆλθον πρὸς τὴν φιλίαν καὶ συμμαχίαν ; Les Aidouioi étaient qualifiés de ‘parents des Romains’ ; de tous les peuples ce furent les premiers à rechercher leur amitié et leur alliance  » (trad. Thollard). On notera la similitude des termes entre le début de la notice de l’Épitomé et le texte de Strabon. Toutefois, il s’agit vraisemblablement d’une indication provenant d’une source différente, car la forme qu’emploie Strabon (4.1.11, 3.2 et

396 4), Αἴδουοι, est différente. Comme nous sommes ici dans la partie la moins abrégée de l’Épitomé, il est vraisemblable que le seul auteur que devait citer Stéphane de Byzance dans cette notice est Apollodore d’Athènes. La détermination géographique elle-même est à mettre en rapport avec cet auteur. La mention de la Gaule celtique ne se conçoit pas chez Strabon, qui ne parle que de Keltikê ; en revanche, pour un auteur d’Asie mineure comme l’était Apollodore (il travaillait à Pergame), les termes sont tout à fait adéquats. Les auteurs pas ou peu cités par Stéphane de Byzance, Dion Cassius (38.32.2, 34.1  ; 39.2.1  ; 40.36.5, 37.1 et 3, 38.3), Appien (Celt. 16.1 et 21, dans le contexte de la Guerre des Gaules) et Ptolémée (Geogr. 2.8.12), utilisent la même forme que Strabon. On notera la forme divergente de Plutarque (Caes. 26.5) qui parle de τῶν Ἐδούων ἔθνος. La notice provient du livre IV des Chroniques, le plus récent, et se rapporte à un des épisodes de la conquête de la Provincia par les Romains, très probablement la dernière bataille contre les Romains en 121 av. J.-C.

Localisation et archéologie Peuple gaulois localisé entre Saône et Loire. Selon TiteLive (5.34), il faisait partie de la migration vers l’Italie. Leur ville principale était Bibracte. Ils étaient situés à la charnière entre Saône, Loire et Yonne, contrôlant ainsi l’important commerce alimentant la Gaule méditerranéenne, et se trouvaient à la tête d’une confédération de peuples qui comprenait également les Bituriges Cubi à l’ouest et les peuples de la vallée de la Seine. Une alliance avec Rome a probablement été conclue dans le courant du iiie ou au début du iie siècle av. J.-C. (Goudineau, Peyre, 1993). C’est dans ce cadre que Jules César intervient en Gaule, pour combattre les Séquanes qui ont envahi le territoire des Éduens, entraînant finalement la domination de Rome sur l’ensemble de la Gaule. La fin de cette alliance intervient lorsque les Éduens rallient Vercingétorix et l’ensemble des peuples gaulois. Ils possèdent une assemblée réunissant un membre de chaque famille aristocratique, cette assemblée étant dirigée par un vergobret élu annuellement ( Jules César, B. G. 1.16, 7.33). Sous l’empereur Tibère, en 21 ap. J.-C., une révolte conduite par Julius Sacrovir sera rapidement réprimée (Tacite Ann. 3.40). Les fouilles conduites à Bibracte depuis de nombreuses années ont révélé les aspects principaux de la capitale des Éduens. Fondé probablement au début du iie siècle av. J.-C., l’oppidum couvre une vaste surface de 200 ha, protégée par une enceinte. Il est à la confluence des

11 – ΑΙδοΥσιοι/AIDOUSIOI [Λ] bassins de l’Yonne, de la Seine et de la Loire. L’ensemble du site est l’objet de fouilles de grande envergure depuis presque trente ans et témoigne de l’importance urbaine de la civilisation gauloise (Romero 2006). Ayant peu souffert de la guerre des Gaules, l’oppidum est progressivement abandonné avec la création d’Augustodunum (Autun), à 25 km de distance, à la fin du ier siècle av. J.-C. Cette ville a conservé une grande partie de son enceinte, créée dès l’origine et longue d’environ 6 km. Elle était scandée d’une cinquantaine de tours et percée de quatre portes (dont deux sont encore conservées) permettant le passage du cardo maximus et du decumanus maximus. La monumentalisation de la cité est remarquable : elle dispose ainsi du plus grand théâtre et du plus grand amphithéâtre de la Gaule romaine (sur la ville et les découvertes archéologiques, voir Rebourg, Niaux 2008). La ville est célèbre dans l’Antiquité pour avoir accueilli une école de droit et de lettres, d’où est issu le grand orateur Eumène (fin du iiie – début du ive siècle de notre ère), dont nous avons conservé quatre discours ; l’un d’eux est consacré à la restauration des écoles après le sac de Victorin en 269.

Chronologie des mentions iie  s. av.  :  Apollodore, Αἰδούσιοι – ier s. av.  :  Cicéron, Aedui  ; Jules César, Aedui – ier  s.  :  Tite-Live, Aedui  ; Strabon, Αἴδουοι ; Velleius Paterculus, Aedui ; Pomponius Mela, Aedui  ; Pline l’Ancien, Aedui – iie  s.  :  Tacite, Aedui  ; Plutarque, Ἐδούοι  ; Florus, Haedui  ; Appien, Αἴδουοι  ; Ptolémée, Αἴδουοι – iiie  s.  :  Dion Cassius, Αἴδουοι – ive s. : Ausone, Aedues. Le nom, d’origine celtique, s’apparente à aed (le feu) en irlandais ; ce seraient les Ardents, les hommes de feu (Goudineau, Peyre 1993). A l’exception d’Apollodore, la forme est à peu près stable en grec (Aidouoi) et en latin (Aedui). Apollodore utilise une manière de former les ethniques que l’on rencontre pour les peuples d’Ibérie chez son contemporain Polybe (Bargousioi [43], Karpêsioi [119]).

Bibliographie indicative RE I, 1 (1893), col. 475 (s.v. Aedui) Ihm ; Smith 1854 (s.v.  Aedui)  ; Goudineau, Peyre 1993  ; Barral et al.  2002  ; Romero 2006  ; Rebourg, Niaux 2008  ; Fichtl 2012, p. 222-225. Barrington Atlas : 18 B3 ((H)Aedui) ; http://pleiades.stoa.org/places/177533

12 – ΑΙΘΑΛH/AITHALÊ [E + Λ + Ω + Φ ?]

397

12 – ΑΙΘΑΛH/AITHALÊ [E + Λ + Ω + Φ ?]

Île – Îles (Toscanes) (α 120 Billerbeck)          Hécatée + Philistos + Timée ? + Artémidore ? + Hérodien + Oros + Hérodote (+ Philon ?)

Livre 2 – Premier abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 30,5 % – taux théorique : 33,3 %). Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé et traduction (en grisé, forme erronée restituée du manu­scrit archétype disparu, corrigée dans la notice normalisée)

Αἰθάλη, νῆσος τυρσηνῶν, ἑκαταῖος εὐρώπῃ. ἔοικε δὲ κεκλῆσθαι διὰ τὸ σίδηρον ἔχειν τὸν ἐν αἰθάλῃ τὴν ἐργασίαν ἔχοντα. φίλιππος(a) δὲ ἐν εʹ σικελικῶν αἰθάλειαν αὐτὴν καλεῖ, καὶ ἡρωδιανὸς καὶ ὦρος. πολύβιος δ’ ἐν λδʹ λέγει αἰθάλειαν τὴν λῆμνον καλεῖσθαι, ἀφ’ ἧς ἦν γλαῦκος(b), εἷς τῶν τὴν κόλλησιν σιδήρου εὑρόντων· δύο γὰρ ἦσαν. οὗτος μὲν σάμιος, ὅστις καὶ ἔργον ἀοιδιμώτατον ἀνέθηκεν ἐν δελφοῖς, ὡς ἡρόδοτος, ὁ δ’ ἕτερος λήμνιος, ἀνδριαντοποιὸς διάσημος. ἐκαλεῖτο δὲ οὕτως ἡ πόλις ἴσως ἐκ τῶν ἀναδιδομένων τοῦ ἡφαίστου κρατήρων. ἐκεῖ γὰρ ἀνωμολόγηται ταῦτα. τὸ ἐθνικὸν ἐκ τοῦ αἰθάλεια αἰθαλείτης, ὡς ζελείτης, ἐκ δὲ τοῦ αἰθάλη αἰθαλίτης, ὡς σινωπίτης ἰοππίτης (c). δύναται τὸ αἰθαλίτης ἀντὶ τοῦ(d) χῖος· οὕτω γὰρ ἡ χίος(e) ἐλέγετο. καὶ οἱ πολῖται αἰθαλεῖς.

Aithalê  :  [A]   |1|  île des Tyrrhéniens. |2|  Hécatée (Europe). [B] |3| Elle semble avoir été appelée ainsi car l’homme qui s’active dans les vapeurs de la fournaise [αἰθάλη] obtient du fer. [C] |4| Philistos, dans le 5e livre Sur la Sicile, l’appelle Aithaleia, tout comme Hérodien et Oros. |5| Polybe, dans le 34e livre, dit qu’on donne le nom d’Aithaleia à l’île de Lemnos, dont était originaire Glaucos, un de ceux qui inventèrent la soudure du fer ; en effet, ils étaient deux. |6| L’un était de Samos (c’est lui qui, selon Hérodote, consacra à Delphes un très célèbre ex-voto) ; l’autre était un sculpteur bien connu de Lemnos. |7| La cité porte le même nom, peut-être à cause des émanations des cheminées d’Héphaïstos. |8|  Car tout le monde s’accorde sur le fait qu’elles se trouvent là.

a)  φίλιστος Xylander  :  φίλιππος RPQN. b)  ὁ ante γλαῦκος add. N. c) ἰοππίτης RQPN : Ἰοπίτης mavult Meineke. d) τοῦ ante Χῖος om. RQ. e) χίος N : χῖος RQP.

[D] |9| L’ethnique tiré de Aithaleia est Aithaleitês, formé comme Zeleitês ; celui qui est tiré de Aithalê est Aithalitês, comme Sinôpitês ou Ioppitês. |10| Aithalitês est employé à la place de Chios (car c’est le nom de Chios). |11| Et le nom des citoyens est Aithaleis.

a – Erreur de lecture lors d’une des phases d’abréviation ?

Αἰθάλη· [A] |1| νῆσος Τυρσηνῶν. |2| Ἑκαταῖος Εὐρώπῃ [FGrHist 1 F 59]. [B] |3| ἔοικε δὲ κεκλῆσθαι διὰ τὸ σίδηρον ἔχειν τὸν ἐν αἰθάλῃ τὴν ἐργασίαν ἔχοντα [Timée ?]. [C] |4| Φίλιστος

δὲ ἐν εʹ Σικελικῶν [FGrHist 556 F 21] Αἰθάλειαν αὐτὴν καλεῖ, καὶ Ἡρωδιανὸς [GG I, 275, 31]  καὶ Ὦρος [F 10 Billerbeck]. |5|  Πολύβιος δ’ ἐν λδʹ [34.11.4]  λέγει Αἰθάλειαν τὴν Λῆμνον καλεῖσθαι, ἀφ’ ἧς ἦν ὁ Γλαῦκος, εἷς τῶν τὴν κόλλησιν σιδήρου εὑρόντων· δύο γὰρ ἦσαν. |6|  οὗτος μὲν Σάμιος, ὅστις καὶ ἔργον ἀοιδιμώτατον ἀνέθηκεν ἐν Δελφοῖς, ὡς Ἡρόδοτος [1.25.2], ὁ δ’ ἕτερος Λήμνιος, ἀνδριαντοποιὸς διάσημος [Philon ?]. |7| ἐκαλεῖτο δὲ οὕτως ἡ πόλις ἴσως ἐκ τῶν ἀναδιδομένων τοῦ Ἡφαίστου κρατήρων. |8| ἐκεῖ γὰρ ἀνωμολόγηται ταῦτα. [D]   |9|  τὸ ἐθνικὸν ἐκ τοῦ Αἰθάλεια Αἰθαλείτης

[Artémidore ?], ὡς Ζελείτης, ἐκ δὲ τοῦ Αἰθάλη Αἰθαλίτης, ὡς Σινωπίτης Ἰοππίτης. |10| δύναται τὸ Αἰθαλίτης ἀντὶ τοῦ Χῖος· οὕτω γὰρ ἡ Χίος ἐλέγετο. |11| καὶ οἱ πολῖται Αἰθαλεῖς.

Lexiques et commentaires grecs et byzantins ixe siècle – Etymologicum Genuinum (α 195) †Αἰθαλήτης· ἡ Λῆμνος ἐκαλεῖτο, ἴσως ἀπὸ τῶν ἀναδιδομένων αἰθαλῶν ἐκ τῶν Ἡφαίστου χαλκείων. xiie siècle – Etymologicum Symeonis (α 264) Aἰθάλη· ἡ Λῆμνος ἐκαλεῖτο ἀπὸ χαλκείων. Αἰθαλίτης τὸ ἐθνικόν. ἀπὸ δὲ τοῦ Αἰθάλεια Αἰθαλείτης. αἰθάλη δὲ παρὰ τὸ αἴθω, τὸ καίω, γέγονε. τὰ δὲ παρὰ τὸ αἴθω, ὃ δηλοῖ τὸ καίω, γινόμενα διὰ ὅμοια. xiie siècle – Etymologicum Magnum (α 480) Αἰθάλη· Αἰθάλη ἐκαλεῖτο ἡ Λῆμνος, ἴσως ἀπὸ τῶν ἀναδιδομένων αἰθαλῶν ἐκ τῶν Ἡφαίστου χαλκείων. Αἰθαλίτης τὸ ἐθνικόν. ἀπὸ δὲ τοῦ Αἰθάλεια, Αἰθαλείτης, [ὁ καπνώδης.]  [αἰθάλη δὲ, παρὰ τὸ αἴθω τὸ καίω γέγονε.]

398 xiiie siècle – Lexique du pseudo-Zonaras (78.25 et 79.3) Αἰθάλη. ἐκαλεῖτο ἡ Λῆμνος· ἀπὸ τῶν ἀναδιδομένων αἰθαλῶν ἐκ τῶν Ἡφαίστου χαλκείων. τὸ ἐθνικὸν Αἰθαλίτης. [τὰ ἀπὸ [τῶν] εἰς λ βαρύτονα ὑπὲρ δύο συλλαβὰς ὄντα μὴ ἐθνικὰ, διὰ τῆς ει διφθόγγου γράφονται. οἷον αἴολος, ὁ κατάστικτος καὶ ποικίλος, αἰόλειος· αἴθω, αἴθαλος, αἰθάλειος· σημαίνει δὲ καὶ τὸν καπνόν· δαίδαλος, ὁ ποικίλος, δαιδαλεῖος· μεγάλειος, ὡς ἀπὸ τοῦ μεγάλεος βαρυτόνου. πρόσκειται διὰ τὸ ὀμφαλὸς, ὀμφάλιος, μὴ ἐθνικόν.] Αἰθάλη. ἡ Χίος.

12 – ΑΙΘΑΛH/AITHALÊ [E + Λ + Ω + Φ ?] (2.5.19, 5.2.6 et 8) et le pseudo-Scylax (§ 6) emploient la forme Aithalia, que l’on ne trouve pas ici. Enfin, Ptolémée (Geogr. 3.69) écrit Aithalê. |5-8| Cette partie se rapporte à l’île de Lemnos. Nous ne la commenterons pas. [D]   |9|  La première forme pourrait se rapporter à Artémidore, qui donnait à coup sûr une description de l’île et de ses habitants.

Localisation et archéologie C’est l’actuelle île d’Elbe.

Commentaire La notice provient du lexique d’Hécatée (|1-2|) et du lexique-source (|3-5|), remanié par Oros. Il devait exister plusieurs notices à l’origine, suivant les formes lexicales, regroupées ici en une seule. Il semble également qu’une partie soit issue de l’abrégé de Philon (|5|). [A]   |1-2|  La première mention est issue d’Hécatée. On notera la forme pour indiquer le rattachement aux Étrusques : Tursênoi. [B]  |3|  Il est possible que l’explication qui suit pro-

vienne également d’Hécatée. Ce serait la partie relevant du lexique de cet auteur. Le pseudo-Aristote (Mirab. Auscult. 837b, 93 Giannini) donne une indication sur l’origine du nom : « ἐν δὲ τῇ Τυρρηνίᾳ λέγεταί τις νῆσος Αἰθάλεια ὀνομαζομένη, ἐν ᾗ ἐκ τοῦ αὐτοῦ μετάλλου πρότερον μὲν χαλκὸς ὠρύσσετο, ἐξ οὗ φασὶ πάντα κεχαλκευμένα παρ’ αὐτοῖς εἶναι, ἔπειτα μηκέτι εὑρίσκεσθαι, χρόνου δὲ διελθόντος πολλοῦ φανῆναι ἐκ τοῦ αὐτοῦ μετάλλου σίδηρον, ᾧ νῦν ἔτι χρῶνται Τυρρηνοὶ οἱ τὸ καλούμενον Ποπλώνιον οἰκοῦντες. On dit qu’en Tyrrhénie il existe une île appelée Aithaleia, dans laquelle on a creusé d’abord une mine de cuivre avec laquelle dit-on ont été fabriquées toutes choses chez eux ; puis il ne fût plus rien trouvé et ensuite, après beaucoup de temps, est apparu dans la même mine du minerai de fer dont se servent encore les Tyrrhéniens qui habitent dans la cité de Populonia » (trad. d’après Casa). [C] |4| La forme Aithaleia devait être mentionnée par Oros dans son ouvrage sur la diphtongue ει. Il est probable que la mention d’Hérodien en est tirée également. Elle trouve sa justification chez les historiens Philistos et Polybe, dont les indications sont probablement issues du lexique-source. Apollonios de Rhodes (4.654) utilise la forme Aithaliê, Diodore de Sicile (4.56.5 ; 5.13.1 et 3  ; 11.88.4-5) et Polybe (34.11.4) Aithaleia. Strabon

L’île était renommée dans l’Antiquité pour son minerai de fer, qui lui a donné d’ailleurs son nom grec (aithalê désignant les résidus de matière brûlée). L’île est située dans la mer dite de Ligystique dans l’Antiquité mais a connu certainement une domination étrusque, du fait de sa proximité avec la côte italienne. C’est ce rattachement que signale Hécatée. Après la bataille de Cumes (474 av. J.-C.), les Syracusains revendiquent la suprématie sur le commerce du fer issu de l’île. Des fortifications sont alors construites dans l’île. En latin, l’île s’appelle Ilva, que l’on peut mettre en correspondance avec le peuple ligyen des Ilvates, mentionné par Tite-Live (31.10) dans le cadre de la Deuxième guerre punique, qui interviennent aux côtés de peuples celtes sous les ordres d’Hamilcar pour la prise de Placentia. Rome agrandit ensuite les ports, renforçant l’île sur les routes commerciales méditerranéennes. Des villas maritimes (villa delle Grotte, villa della Liunguella, villa di Capo Castello …) ont été fouillées. Elles témoignent du caractère également résidentiel de l’île, qui accueillit un temps le poète Ovide.

Chronologie des mentions Nous incluons ici également la forme Elbô ?/Ilva (voir fiche [80]). vie s. av. : Hécatée, Αἰθάλη – ive s. av. : Philistos, Αἰθαλία ; pseudo-Scylax, Αἰθαλία – iiie  s. av.  :  pseudo-Aristote (De Mirab.), Αἰθάλεια ; Apollonios de Rhodes, Αἰθαλίη – ier s. av. : Diodore de Sicile, Αἰθάλεια – ier s. : Tite-Live, Ilva, Ilvates ; Virgile, Ilva ; Strabon, Αἰθαλία ; Pomponius Mela, Ilva ; Sénèque, Ilva (Ligustini) ; Pline l’Ancien, Ilva, Aithalia ; Silius Italicus, Ilva – iie s. : Ptolémée, Αἰθάλη, Ἰλούα  ; Hérodien gramm., Αἰθάλη – ve  s.  :  Rutilius Namatianus, Ilva ; Oros Αἰθάλεια ; Itinéraire maritime d’Antonin, Ilva.

13 – AκκαβικΟν τεΙχος/AKKABIKON TEICHOS [Λ + Σ] L’île semble avoir un double nom probablement dès l’époque grecque archaïque : l’un (Aithalê) correspondant à un surnom dû à son activité minière et sidérurgique, le second (Elbô ? en grec, Ilva en latin) pouvant être considéré comme son nom véritable. Bien que le nom transmis par Hérodote ne corresponde pas à cette île, les autres formes semblables mentionnées dans la notice pourraient s’y rapporter. Si ce toponyme ne semble pas avoir eu de postérité chez les auteurs grecs que nous connaissons, il n’en est pas de même de la forme latine qui est le seul nom sous laquelle on la mentionne. Cette dernière restera inchangée durant toute l’Antiquité.

399

Bibliographie indicative RE IX, 1 (1914), col.  1090-1091 (s.v.  Ilva) Philipp  ; Smith 1854 (s.v.  Ilva)  ; Zehnacker 2004, p.  181  ; Corretti 2004. Barrington Atlas : 41 C4 (Ilva/Aethalia Ins.) ; http://pleiades.stoa.org/places/403222

13 – AκκαβικΟν τεΙχος/AKKABIKON TEICHOS [Λ + Σ]

Ville – Hispanie (Bétique) ? (α 161 Billerbeck)            Timée ? Livre 3 – Premier abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 29,6 % – taux théorique : 33,3 %). Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé et traduction (en grisé, forme erronée restituée du manu­scrit archétype disparu, corrigée dans la notice normalisée)

Ἀκκαβικὸν τεῖχος· πόλις περὶ(a) τὰς ἡρακλείους(b) στήλας, ἣν ἔκτισαν καρχηδόνιοι, ὡς ἐροῦμεν ἐν τῷ περὶ σαλμύην(c). ὁ πολίτης ἀκκαβικοτειχίτης, ὡς γορδιοτειχίτης καὶ χωλοτειχίτης, ὡς εὑρήσομεν(δ) ἐν τῷ χ̄(ε). a) περὶ Q(per comp.)PN : παρὰ R. b) ἡρακλείους PN : ἡρακλείας RQ Billerbeck. c) Σάλμυκα Bouiron : Σαλμύκης Holste Billerbeck, σαλμύων R, σαλμύην QP, σαλμύης N. d)  εἰρήσεται Meineke (in app.) : εὑρήσομεν RQPN. e) ὡς εἰρήσεται ἐν τῷ χ delend. esse cens. Gaertner. b – Nous privilégierons cette forme, que l’on trouve dans les notices similaires de Salmuka et Tritê. c – Erreur lors de la phase de translittération (CAΛΜΥΚΗC lu CΑΛΜΥΗΝ/C) ? d – Le terme d’origine, εἰρήσεται, a été remplacé par εὑρήσομεν, peut-être par confusion avec ἐροῦμεν qui précède.

Ἀκκαβικὸν τεῖχος· [A] |1| πόλις περὶ τὰς Ἡρακλείους στήλας [Timée ?], [B] ἣν

ἔκτισαν Καρχηδόνιοι, ὡς ἐροῦμεν ἐν τῷ περὶ Σάλμυκα.

[D]   |2|  ὁ πολίτης Ἀκκαβικοτειχίτης [Timée  ?], ὡς

Γορδιοτειχίτης καὶ Χωλοτειχίτης, ὡς εἰρήσεται ἐν τῷ χ.

Akkabikon teichos :  [A] |1| ville du côté des Colonnes d’Hercule, fondée par les Carthaginois, comme nous le dirons dans la notice de Salmuka. [D]  |2|  Le nom

du citoyen est appelé Akkabikoteichitês, comme on a Gordioteichitês et Chôloteichitês, ainsi qu’il sera dit à la lettre chi.

Commentaire La notice provient du lexique-source, avec complément (renvois) probablement dus à Stéphane de Byzance. [A]   |1|  La ville n’est citée par aucun auteur à notre connaissance ; il s’agit d’une fortification punique (teichos signifiant rempart). Les Colonnes d’Hercule ne sont pas souvent utilisées comme point de comparaison c’est pourquoi nous avons cherché à proposer de rattacher cette notice à Théopompe dont le lexique présente une détermination géographique identique pour Xêra [164]. L’unité des trois notices (Akkabikon Teichos, Salmuka et Tritê) renvoie toutefois à une forme typiquement sicilienne de l’ethnique dans la notice de Salmuka. C’est pourquoi nous proposons un rattachement à Timée plutôt qu’à Théopompe. On rapprochera également cette mention de la notice de Karikon teichos [117], qui renvoie, elle, explicitement à Éphore, ou moins vraisemblablement à Polybe : cette ville, de fondation carthaginoise, aurait pu être alors mentionnée dans le contexte de la Troisième guerre punique.

400

14 – AκοΥτεια (=AKONTEIA ?)/AKOUTEIA (=AKONTEIA ?) [Λ + Ω ?] 

[B] : La mention d’une fondation par les Carthaginois

ne permet pas de savoir si la cité était en Espagne ou sur la côte africaine. Le renvoi à la notice Salmuka [189] se retrouve dans la notice Tritê [221] et correspond effectivement à un lemme malheureusement privé de toute information pertinente du fait de l’abréviation. [D] |2| La forme de l’habitant s’apparente à celle d’Ar-

témidore, mais le terme même de ‘teichos’ semble donner ‘teichitês’ de manière automatique. Le terme Chôloteichitês se retrouve effectivement à la notice Chôlon teichos (χ 63) ; il s’agit d’une référence interne à l’ouvrage qui peut certes provenir d’une glose sur le manu­scrit du premier abrégé (par Eustathe de Thessalonique  ?) qui aurait été intégrée dans le texte de notre épitomé, mais qui se trouvait plus vraisemblablement dès l’origine dans les Ethniques.

Localisation et archéologie Il n’est pas possible de savoir de quel côté du détroit de Gibraltar se trouvait cette ville. Il s’agit quoi qu’il en soit d’une fondation punique, rappelant d’autres fortifica-

tions comme Karikon teichos [117], qui se trouvaient, elles, sur la côte africaine. Nous privilégierons cette hypothèse, ce qui place ce géonyme hors de notre champ d’étude. Toutefois si les trois villes (avec Salmuka et Tritê) font partie d’un même ensemble, elles peuvent se retrouver sur la côte méridionale de l’Espagne. P. Jacob propose d’y voir « l’autre » ville fondée par Hasdrubal en même temps que Carthagène selon ce que rapporte Diodore de Sicile (25.12) (Jacob 1988, p. 212). Si la mention se rapporte bien à Timée, cela n’est pas possible.

Chronologie des mentions iiie s. av. : Timée ?, Ἀκκαβικὸν τεῖχος, Ἀκκαβικοτειχίτης.

Bibliographie indicative RE I, 1 (1893), col.  1171 (s.v.  Ἀκκαβικὸν τεῖχος) J. Schmidt ; Tovar 1974, p. 73 ; Jacob 1988, p. 212. Barrington Atlas : 26 (Akkabikon Teichos, unlocated) ; http://pleiades.stoa.org/places/260481

14 – AκοΥτεια (=AKONTEIA ?)/AKOUTEIA (=AKONTEIA ?) [Λ + Ω ?] 

Ville – Hispanie (Tarraconaise) (α 165 Billerbeck)          Strabon Livre 3 – Premier abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 29,6 % – taux théorique : 33,3 %). Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé et traduction (en grisé, forme erronée restituée du manu­scrit archétype disparu, corrigée dans la notice normalisée)

Ἀκούτεια· πόλις ἰβηρίας, καθὰ στράβων ἐν τῷ γʹ. τὸ ἐθνικὸν ἀκουτανοί(a), ὡς αὐτός. ἔοικε δὲ τὸ ι κατὰ πλεονασμὸν ἔχειν. a) Ἀκουιτανοί Casaubon : ἀκουτανοί RQPN. a – Il s’agit probablement d’une erreur de lecture (d’onciales ?), s’il y a bien confusion entre les habitants de la ville d’Akouteia et ceux de la province d’Aquitaine.

Ἀκούτεια· [A] |1| πόλις Ἰβηρίας, καθὰ Στράβων ἐν τῷ γʹ [3.3.2]. [D] |2| τὸ ἐθνικὸν Ἀκουιτανοί, ὡς αὐτός. |3| ἔοικε δὲ τὸ ι

κατὰ πλεονασμὸν ἔχειν.

Akouteia :  [A] |1| ville d’Ibérie, selon Strabon, dans le 3e  livre. [D]  |2|  L’ethnique se dit Akouitanoi, selon le même auteur. |3| Mais il y a apparemment un i superflu.

Commentaire La notice pourrait provenir du lexique-source mais semble avoir été remaniée par Oros (ou Stéphane de Byzance ?) (|3|). [A] |1| Strabon (3.3.2) indique : « κατ’ Ἀκοντίαν πόλιν

τῶν Ὀυακκαίων ἔχων διάβασιν, qu’on traverse à Acontia, la cité des Vaccéens  » (trad. Lasserre)  ; les manu­scrits donnent la lecture «  Ἀκοντίαν  », corrigée parfois en fonction du texte de l’épitomé. La place dans l’Épitomé, entre Akantion (α 164) et Akra (α 166) ne permet pas de corriger le nom du lemme.

[D] |2| La dernière phrase de la notice montre une confu-

sion de la part de Stéphane de Byzance : Strabon appelle en effet ainsi les habitants de la province d’Aquitaine et

15 – AκυτανΙα/AKUTANIA [M]

401

non ceux de la ville ibérique. Or cet ethnonyme n’apparaît pas dans la notice Ἀκυτανία, qui correspond au nom de la province tel que l’a retranscrit Stéphane de Byzance d’après Marcien. Celui-ci a peut-être confondu deux notices du lexique-source. Notre lexicographe a donc considéré que la forme des Akouitanoi, lue chez Strabon, devait être rattachée à la ville ibérique qui présentait une forme plus proche. Ceci voudrait dire que Stéphane de Byzance aurait rapproché les deux mentions de manière erronée.

Localisation et archéologie

Dans le livre III de Strabon, seul apparaît le nom de la province elle-même mais non celui de ses habitants  ; ceux-ci sont mentionnés au début du livre IV (4.1.1). Dion Cassius (53.21.5) écrit Ἀκυιτανοί, comme Appien (Bell. civ. 5.10.92).

ier s. : Strabon, Ἀκούτεια/Ἀκοντία.

|3| La formulation s’apparente à une indication d’Oros.

La ville n’est pas connue par ailleurs, mais nous savons par Strabon qu’il s’agit d’une ville située dans l’aire des Vaccéens, un peu au-dessus du Douro. Selon Hübner (RE), la forme exacte de Strabon est bien Akontia. L’erreur de l’Épitomé peut remonter au lexique-source ou à la lecture qu’en faite Stéphane de Byzance de Strabon.

Chronologie des mentions

Bibliographie indicative RE I, 1 (1893), col. 284 (s.v. Acontia) Hübner ; Smith 1854 (s.v.  Acontia)  ; THA  IIB 142b  ; González Blanco 1991, p. 24, 30.

15 – AκυτανΙα/AKUTANIA [M]

Province – Gaule (Aquitaine) (α 180 Billerbeck)            Marcien Livre 3 – Premier abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 29,6 % – taux théorique : 33,3 %). Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé et traduction (en grisé, forme erronée restituée du manu­scrit archétype disparu, corrigée dans la notice normalisée)

Ἀκυτάνια(a)· ἐπαρχία τῆς κελτογαλατίας(b), μία τῶν δʹ. μαρκιανὸς ἐν περίπλῳ αὐτῆς. a)  Ἀκυτανία Meineke  :  Ἀκυτάνια RQPN. b)  κελτογαλατίας RQ : κελτικῆς γαλατίας PN. a – Erreur d’accentuation (lors de la translittération ?).

Ἀκυτανία· [A] |1| ἐπαρχία τῆς Κελτογαλατίας, μία τῶν δʹ.

|2| Μαρκιανὸς ἐν περίπλῳ αὐτῆς [2.20-23].

Akutania :  [A] |1| province de Gaule celtique, une des quatre. |2| Marcien, dans le Périple de Gaule celtique.

Commentaire La notice est issue du lexique de Marcien. Elle est incomplète : l’ethnique se trouve rattaché à la notice Akouteia et il manque le ktétique.

[A] |1-2| Marcien (Per. ext. 2.19) écrit : « Ἡ καλουμένη

Κελτογαλατία διήκει μὲν ἐπὶ πλεῖστον καὶ κατὰ γῆν καὶ κατὰ θάλασσαν˙ διῄρηται δὲ δἰς ἐπαρχίας δ’, Γαλλίαν Ἀκυτανίαν καὶ Γαλλίαν Λουγδουνησίαν καὶ Γαλλίαν Βελγικὴν καὶ Ναρβωνησίαν. Celle qu’on appelle la Gaule celtique s’étend sur une très grande surface vers la terre et vers la mer. Elle est divisée deux fois en quatre provinces, la Gaule Aquitaine, la Gaule lyonnaise, la Gaule belgique et la Narbonnaise ». On retrouve ici tous les termes qui composent la notice de l’Épitomé. Athénée (Deipn. 14.75) utilise la même forme en référence à une citation (erronée) de Strabon concernant la ville de Pompelôn (Pampelune), proche de cette province. La forme Akutania se retrouve encore à l’époque tardive chez Socrate (Hist. eccl. 3.10), Palladius (Hist. Laus. vita 61.5), la traduction d’Eutrope par Paeanius (7.5 ; 9.10) et plus tard à l’époque byzantine ( Jean d’Antioche repris par Constantin Porphyrogénète).

402

15 – AκυτανΙα/AKUTANIA [M]

Comme nous sommes dans la partie la moins abrégée de l’Épitomé, il est peu probable que Stéphane de Byzance donnait ensuite les indications de Strabon (3.4.10 et 18, 4.1.1, 4.2.1-2, 4.3.1). Celui-ci utilise la forme Ἀκυιτανία, avec un ι  ; Stéphane de Byzance a vraisemblablement remplacé la notice du lexique-source par celle provenant du lexique de Marcien, « écrasant » de fait toutes les informations antérieures. Dion Cassius (39.46.1) écrit «  Ἀκυϊτανίαν  » (voir également la notice Santones [193]).

La province romaine est mise en place en 16/13 av. J.-C. Sa capitale est d’abord Mediolanum Santonum (voir fiche [149]) puis Burdigala (voir fiche [53]). La description de cette province se trouve chez Strabon et Pline l’Ancien.

La comparaison avec la notice Akouteia (l’ethnique des habitants de la province y est rattachée) montre la confusion de certaines informations de Stéphane de Byzance plutôt que des erreurs dans les phases d’abréviation (ici une seule).

Chronologie des mentions

Ptolémée (Geogr. 2.7.1 et 5, 2.8.1 et 4, 2.10.1), qui souvent présente la même forme que Marcien qui lui emprunte son texte, écrit Ἀκουιτανία  ; au livre VIII (8.5.3, 8.29.3), il utilise la forme Ἀκουϊτανία et le ktétique associé. [E] absent : Stéphane de Byzance n’a pas donné la forme de ktétique que l’on trouve chez Marcien (Per. ext. 2.20 et 24) à propos de «  l’océan aquitain  », notre actuel golfe de Gascogne (ἀπὸ δὲ δυσμῶν τῷ Ἀκυτανικῷ ὠκεανῷ et κατὰ τὸν Ἀκυτανικὸν ὠκεανόν). L’auteur du lexique de Marcien n’a peut-être pas indexé ce type de formes dérivées.

Localisation et archéologie Province gauloise située, selon Strabon (4.2.1), entre la Garonne et la Loire. À l’époque de Jules César, elle concerne un espace globalement compris entre la Garonne, les Pyrénées et l’océan  ; à partir d’Auguste, elle est amplifiée avec toutes les civitates au nord de la Garonne, pratiquement jusqu’à la Loire (Strabon 4.2.1 ; voir les cartes dans Fichtl 2012, p. 8-9).

Le golfe de Gascogne porte chez Pline l’Ancien (4.109) le nom d’Aquitanicus sinus, dénomination que l’on retrouve appliquée à la partie de l’océan baignant l’Aquitaine chez Marcien et encore sur la table de Peutinger.

ier s. av.  :  Jules César, Aquitania – ier  s.  :  Strabon, Ἀκυιτανία, Ἀκυιτανοὶ  ; Pomponius Mela, Aquitani ; Pline l’Ancien, Aquitania, Aquitanicus – iie s. : Tacite, Aquitania  ; Suétone, Aquitania  ; Appien, Ἀκυιτανοὶ  ; Ptolémée, Ἀκουιτανία, Ἀκουϊτανία – iiie s. : Dion Cassius, Ἀκυϊτανία – ive s. : Paeanius (trad. Eutrope), Ἀκυτανία ; Épiphane de Salamine, Ἀκουιτανοὶ ; Marcien, Ἀκυτανία, Ἀκυτανικὸς – ve s. : Palladius, Ἀκυτανία. La forme Akutania ne semble apparaître qu’au ive siècle probablement du fait d’une iotacisation du ‘υ’ ; auparavant, on écrivait Akuitania ou Akouitania pour une forme influencée par le ‘u’ (son ‘ou’) latin. Le nom latin ne change pas et reste écrit durant toute l’Antiquité Aquitania.

Bibliographie indicative RE II, 1 (1895), col.  335-337 (s.v.  Aquitania) Ihm  ; Smith 1854 (s.v. Aquitania) ; Fichtl 2012. Barrington Atlas : 100 F2 (Aquitania) ; http://pleiades.stoa.org/places/981505

16 – AλαμανοΙ/ALAMANOI [Ω ?]

403

16 – AλαμανοΙ/ALAMANOI [Ω ?]

Peuple – Germanie (α 192 Billerbeck)            Parthénios de Phocée ? Asinius Quadratus ? Livre 3 – Premier abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 29,6 % – taux théorique : 33,3 %). Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé et traduction Ἀλαμανοί· ἔθνος γερμανοῖς πρόσχωρον. Ἀλαμανοί· [Da]   |1|  ἔθνος Γερμανοῖς πρόσχωρον [Parthénios de

Phocée ? Asinius Quadratus ?].

Alamanoi : [Da] |1| peuple voisin des Germains.

Lexiques et commentaires grecs et byzantins xiie siècle – Eustathe de Thessalonique (Com. Dion. 285) ὅτι τοὺς Γερμανοὺς, οἷς οἱ Ἀλαμανοὶ πρόσχωροι, λευκὰ λέγει φῦλα.

Commentaire La notice provient probablement d’Oros. [Da]   |1|  La forme Alamanoi est attestée chez Agathias (Hist. 1.6.3) comme provenant d’Asinius Quadratus : « οἱ δὲ Ἀλαμανοί, εἴ γε χρὴ Ἀσινίῳ Κουαδράτῳ ἕπεσθαι, ἀνδρὶ Ἰταλιώτῃ καὶ τὰ Γερμανικὰ ἐς τὸ ἀκριβὲς ἀναγεγραμμένῳ, ξύγκλυδές εἰσιν ἄνθρωποι καὶ μιγάδες, καὶ τοῦτο δύναται αὐτοῖς ἡ ἐπωνυμία. Les Alamans, s’il faut en croire Asinius Quadratus, un Italien qui a écrit avec exactitude sur les Germains, sont le produit d’un brassage et d’un mélange, comme l’indique leur nom  » (trad. Maraval). Cet auteur ayant été utilisé assez largement par Stéphane de Byzance par l’intermédiaire d’Oros d’Alexandrie, il peut également être la source non mentionnée de la notice. Toutefois, l’utilisation de πρόσχωρον semble ramener au lexique de Marcien. Mais les Alamans, peuple composite, n’apparaissant qu’à la charnière du iiie siècle, ce géonyme n’était pas connu de la source principale de Marcien, Ptolémée. La brièveté du texte, sans comparaison lexicale de grammairien, nous ferait plutôt pencher pour Marcien mais nous ne trouvons à aucun moment de réactualisation des noms de peuple dans son œuvre par rapport à l’époque de Ptolémée. Or. C’est pourquoi nous privilégierons Asinius Quadratus ou Parthénios de Phocée. Ce dernier mentionne les Goths [66] et les Francs [227], et a été lu par Oros. D’autres étaient peutêtre cités mais la concision de la notice telle que nous

l’a conservée le premier abrégé ne permet pas d’imaginer des formes dérivées ni de nombreuses citations. Il manque quoi qu’il en soit la mention de l’auteur et sa citation. On voit également dans la notice Magistrikê [140]  la mention des Germains avec une formulation assez proche, ce qui tendrait à proposer un même auteur pour les deux notices. On trouve une forme proche sur un ostracon provenant probablement de Karanis en Égypte « [...] Παλμηρηνοι Αλαμηνωι [...] » (O. Mic. 1.662), daté entre 275 et 325 ; il s’agit probablement d’un exercice d’écriture (http:// papyri.info/apis/michigan.apis.516/). Dion Cassius (77.13.4 et 6, 14.2, 15.2), comme Zosime (1.49.1 ; 3.1.1) plus tard, l’écrit avec deux « ν ».

Localisation et archéologie Le nom de ce peuple n’apparaît qu’au début du iiie siècle de notre ère. Les Alamans constituent un regroupement de plusieurs peuples germains qui franchissent le limes sous Caracalla (Dion Cassius 77.13 sq), en 213 (Siegmund 2000, p. 8 sq). Ils sont établis dans un premier temps au nord du Danube, dans la partie méridionale de son tracé. Après être entrés sur le territoire romain, ils sont battus près de Milan par l’empereur Gallien en 259 et s’établissent sur les Champs Décumates. Ils lancent ensuite une nouvelle offensive sur le nord de l’Italie et sont à nouveau défaits par Gallien. Il faut attendre ensuite la seconde moitié du ive siècle pour les voir à nouveau franchir les limites de leur territoire et lancer des raids ravageurs en Gaule. Ils seront définitivement battus par les Francs en 496/497 (bataille de Tolbiac). Ils étaient peut-être mentionnés en même temps que les Francs (voir fiche [227]) pour leurs incursions du iiie siècle.

404

17 – AλβΙων/ALBIÔN [M]

Chronologie des mentions

Bibliographie indicative

iiie s. : Asinius Quadratus ?, Ἀλαμανοί ; Dion Cassius, Ἀλαμαννοί ; Hérodien, Alamanni ; Dexippe, Ἀλαμανοί ; Mamertinus, Alamanni – ive s. : Paeanius (trad. Eutrope), Ἀλαμανοί, Ἀλαμανικός ; Ammien Marcellin Alamanni ; Eunape de Sardes, Ἀλαμανικός – ve  s.  :  Sozomène, Ἀλαμανοί – vie s. : Zosime, Ἀλαμαννοί.

RE I, 1 (1893), col.  1277-1280 (s.v.  Alamanni) Ihm  ; Demougeot 1969-1979  ; Geuenich 1998  ; Siegmund 2000. Barrington Atlas : 12 B4 (Alamanni) ; http://pleiades.stoa.org/places/118550

17 – AλβΙων/ALBIÔN [M]

Île – Îles Britanniques (Grande-Bretagne) (α 197 Billerbeck)            Marcien Livre 3 – Premier abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 29,6 % – taux théorique : 33,3 %). Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé et traduction (en grisé, forme erronée restituée du manu­scrit archétype disparu, corrigée dans la notice normalisée)

Ἀλβίων· νῆσος πραιττανική(a), μαρκιανὸς ἐν περίπλῳ αὐτῆς. τὸ ἐθνικὸν ἀλβιώνος. a) Πρεττανική Meineke : πραιττανική QPN, πραιτανική R. a – La forme de l’archétype est ici πραιττανική ; s’agit-il de la forme standard que l’on trouvait dans les Ethniques ?

Ἀλβίων· [A]   |1|  νῆσος πρεττανική. |2|  Μαρκιανὸς ἐν Περίπλῳ αὐτῆς [2.41]. [D] |3| τὸ ἐθνικὸν Ἀλβιώνος.

Albiôn  :  [A]  |1|  île Britannique. |2|  Marcien, dans le Périple de Bretagne. [D] |3| L’ethnique se dit Albiônos.

Lexiques et commentaires grecs et byzantins xiie siècle – Etymologicum Symeonis/Casulanum (c 339) Ἀλβίων· νῆσος Βρεττανική. xiie siècle – Eustathe de Thessalonique (Com. Dion. 566) ὄτι πρὸς βορρᾶν, ἔνθα Ῥῆνος ὑστατίαν εἰς ὠκεανὸν ἀπερεύγεται δίνην, αἱ Βρετανίδες εἰσὶ δύο νῆσοι, Ἰουερνία καὶ Ἀλουΐων, ἤτοι Ἰβερνία καὶ Ἀλβίων, Βρετανίδες δι’ ἑνὸς τ παρὰ τούτῳ τῷ ποιητῇ γραφόμεναι· ὧν μέγεθος περιώσιον, ὅπερ καὶ ἐπὶ τῆς Κρήτης εἶπεν, οὐδέ τις ἄλλη νήσοις ἐν πάσαις ἰσοφαρίζει, ὃ ἔστιν ἐξισοῦται αὐταῖς καὶ τὸ ἴσον φέρεται· αἷς καὶ συγκρίνων τὰς ἐκεῖ νήσους τῶν Ἀμνιτῶν νησῖδας ἐν ὑποκορισμῷ καλεῖ.

Commentaire La notice provient du lexique de Marcien. [A] |1-2| La forme est attestée chez Marcien (Per. ext.

1.8, 2.41-42 et 44-45). L’une des mentions (2.44 : « ἡ Ἀλβίων νῆσος ἡ Πρεττανικὴ ») correspond exactement à la définition géographique que donne Stéphane de Byzance. Il faut noter toutefois que l’Etymologicum Symeonis utilise la forme Βρεττανική, peut-être du fait d’une rectification orthographique postérieure. Le nom d’Albiôn n’apparaît pas chez Strabon pour la Grande-Bretagne ; on trouve seulement Ἄλβιον comme forme antique de Vintimille (Italie), Albion Intemelion (4.6.1-2), qui renvoie à la notice sur les Alpes (cf. infra [22]). La forme Ἄλβιος correspond également au fleuve de Germanie (l’Elbe), mentionnée par Strabon (dans le livre VII), Ptolémée, Dion Cassius et Marcien (Per. ext. 2.32).

Albiôn se retrouve dans un texte géographique anonyme (GGM fragment T, 1) et dans le De Mundo du pseudo-Aristote (Bekker 393b.13 : « ἐν τούτῳ γε μὴν νῆσοι μέγισται τυγχάνουσιν οὖσαι δύο, Βρεττανικαὶ λεγόμεναι, Ἀλβίων καὶ Ἰέρνη, τῶν προϊστορημένων μείζους, ὑπὲρ τοὺς Κελτοὺς κείμεναι, dans celle-ci on rencontre de grandes îles, au nombre de deux, appelées Britanniques, Albiôn et Iernê, les plus grandes de celles mentionnées précédemment, situées au-dessus des Celtes »). Stéphane de Byzance ne devait pas mentionner d’autres auteurs. Il a probablement remplacé la notice du lexique-source par celle issue du lexique de Marcien.

18 – AλΕα/ALEA [Λ + Ω] Eustathe de Thessalonique donne la forme Ἀλουΐων ; on la retrouve chez l’Anonymi geographiae expositio compendiaria (13  ; 27) et les scholies anciennes à Denys le Périégète lues par Eustathe. Ptolémée (Geogr. 2.C.2, 2.3.T, 3.3.14, 7.5.11, 8.3.6, 8.29.1) utilise la forme Ἀλουίωνος comme Philostorge (Hist. eccl. 1, F5) et Jean Damascène (Expositio fidei 24b). [D]   |3|  Le nom de l’habitant se rapporte à l’île de

Grande-Bretagne et devait se trouver également chez Marcien, sans doute dans la partie disparue du Périple : il ne reste dans notre texte que la forme issue du génitif du toponyme, équivalente d’un point de vue du lemme.

Localisation et archéologie

405

Chronologie des mentions ive s. av. : Pythéas, Ἀλβίων ; [Aviénus, Ora maritima], insula Albionum – ier  s.  :  Pline l’Ancien, Albion – iie s. : pseudo-Aristote (De Mundo), Ἀλβίων ; Ptolémée, Ἀλουίωνος (πρεττανική) – iv e  s.  :  Marcien, Ἀλβίων, Ἀλβιώνος – ve s. : Philostorge, Ἀλουίων. La forme apparaît dès Pythéas, mais sera relativement peu employée. On trouve à partir du iie siècle une forme dans laquelle le ‘β’ initial a été remplacé par ‘ου’ pour rendre le ‘v’ latin.

Bibliographie indicative Voir la fiche Brettanides [57].

C’est l’ancien nom de l’île de Grande-Bretagne, issu du vocabulaire celtique et passé ensuite sous une forme grecque puis latine. Pythéas mentionnait les îles de Iernê et Albiôn. Voir la fiche Brettanides [56].

18 – AλΕα/ALEA [Λ + Ω]

Ville – Hispanie (Tarraconaise) (α 199 Billerbeck)            [C] |4| Artémidore ? Livre 3 – Premier abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 29,6 % – taux théorique : 33,3 %). Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé et traduction (en grisé, forme erronée restituée du manu­scrit archétype disparu, corrigée dans la notice normalisée)

Ἀλέα· πόλις ἀρκαδίας, θεόπομπος νϛʹ. ἔστι καὶ θετταλίας. καὶ ἄλλη καρπιτανῶν(a) ἔθνους κελτικοῦ. ὁ πολίτης ἀλεός ὁμοφώνος τῷ οἰκιστῇ ὡς δάρδανος δαρδαναός(b). ἔστι καὶ ἄλλο ἐθνικὸν ἀλεάτης ὡς τῆς τεγέας τεγέατης. ἡρωδιανὸς δέ φησιν « ἀλέα ἐπὶ τῆς θερμασίας καὶ ὁπότε δηλοῖ τὴν φυγὴν βαρύνεται, ἐπὶ δὲ τῆς ἀθηνᾶς ὀξύνεται. ἐχρῆν δὲ καὶ τοῦτο βαρύνειν ». ἀπὸ τοῦ(c) ἀλεοῦ(d) λέγεται καὶ ἀλεαῖος. a)  Καρπητανῶν Meineke  :  καρπιτάνων RQPN. b)  Δαναός Meineke ; δαρδαναός RQ, om. PN. c) ἀπὸ τοῦ RQP : ἀπὸ δὲ τοῦ N. d) ἀλεοῦ QPN : ἀλέου R. a – Erreur de lecture lors de la translittération ou iotacisme ? b – Erreur de lecture lors de la translittération (ΔΑΡΔΑΝΟCΔΑΡΔΑΝΑΟC lu au lieu de ΔΑΡΔΑΝΟCΔΑΝΑΟC).

Ἀλέα· [A] |1| πόλις Ἀρκαδίας. |2| Θεόπομπος νϛʹ [FGrHist 115 F 242]. [C2] |3| ἔστι καὶ Θετταλίας.

|4| καὶ ἄλλη Καρπητανῶν ἔθνους κελτικοῦ [Artémidore ?]. [D] |5| ὁ πολίτης Ἀλεός ὁμοφώνος τῷ οἰκιστῇ ὡς Δάρδανος,

Δαναός. |6| ἔστι καὶ ἄλλο ἐθνικὸν Ἀλεάτης ὡς τῆς Τεγέας Τεγέατης. |7| Ἡρωδιανὸς [GG I, 284, 10] δέ φησιν « ἀλέα ἐπὶ τῆς θερμασίας καὶ ὁπότε δηλοῖ τὴν φυγὴν βαρύνεται, ἐπὶ δὲ τῆς Ἀθηνᾶς ὀξύνεται. |8| ἐχρῆν δὲ καὶ τοῦτο βαρύνειν ». |9| ἀπὸ τοῦ Ἀλεοῦ λέγεται καὶ Ἀλεαῖος.

Alea :  [A] |1| ville d’Arcadie. |2| Théopompe (56e livre). [C2] |3| Il existe aussi une Alea de Thessalie. |4| Et une autre chez les Karpêtanoi, un peuple celtique. [D] |5| Le citoyen est appelé Aleos, identique à celui du fondateur, comme pour Dardanos et Danaos. [E] |6| Il existe également un autre ethnique qui est Aleatês, comme Tegeatês

406 vient de Tegea. |7| Hérodien dit : « l’accent d’alea n’est pas sur la finale si ce mot signifie le réchauffement ou l’exil, et il porte sur la finale s’il est appliqué à Athéna. |8| Mais l’accent, même dans ce cas, ne devrait pas être sur la finale ». |9| Du génitif Aleou on tire aussi Aleaios.

Lexiques et commentaires grecs et byzantins iie siècle – Lexique dit d’Harpocration (A 69) Ἁλέας· Δημοσθένης ἐν τῷ Παραπρεσβείας. ἔστι δὲ πόλις Θεσσαλική. οἱ δὲ πολῖται Ἁλεῖς. ixe siècle – Lexique de Photios (α 915) Ἀλέας· πόλις Θεσσαλική. οἱ δὲ πολῖται Ἀλεῖς. xe siècle – Lexica Segueriana (66.5) Ἀλέας· πόλις Θεσσαλική. οἱ δὲ πολῖται Ἀλεῖς. xe siècle – Souda (α 1107 Adler) Ἀλέας· πόλις Θεσσαλική. οἱ δὲ πολῖται Ἀλεῖς. xiiie siècle – Lexique du pseudo-Zonaras (124.23) Ἀλέας· πόλις Θεσσαλονίκης. οἱ δὲ πολῖται Ἀλεῖς. xiie siècle – Etymologicum Casulanum/Symeonis (c 345) ἀλέα· πόλις Ἀρκαδίας. ὁ πολίτης Ἀλεός· λέγεται καὶ Ἀλαῖος.

Commentaire La notice provient du lexique-source (phrases |1-3| ou |4-5|), complété par Oros (|6-7|). Il s’agit d’une notice portant sur plusieurs villes, dont les variantes apparaissent dans la première partie de la notice. [C2] |3| Strabon ne cite pas cette ville, mais mentionne

le peuple des Karpêtanoi (3.1.6, 3.2.1, 3.3.1-3, 3.4.1213), sans toutefois en faire un peuple celtique. Notons que les manu­scrits donnent de façon unanime la leçon Karpitanôn. Polybe (10.7.5), comme Appien (Iber. 216), mentionne également le peuple sous cette forme mais pas la ville. Polybe indiquant « τὸν δ’ ἕτερον Ἀσδρούβαν πολιορκεῖν τινα πόλιν ἐν τοῖς Καρπητανοῖς ; celle (l’armée) de l’autre Hasdrubal (Barca) assiégeait une ville sur des Carpétaniens  » (trad. Foulon), on peut se demander si la ville non mentionnée n’était pas Alea. On notera que la manière de déterminer la ville celtique ressemble en tous points à celle d’Atria (cf. fiche [34]). Toutefois chez Polybe, les Celtes sont limités aux nord des Pyrénées : cet auteur utilise en effet systématiquement le terme de Celtibère pour désigner les peuples celtes de la

18 – AλΕα/ALEA [Λ + Ω] péninsule ibérique, sauf en 34.9.3 indication transmise par Strabon et mentionnant le peuple des Celtici (τοῖς Κελτικοῖς) dont le nom se distingue de celui des Celtes ou des Gaulois puisque Polybe emploie pour désigner ces derniers le terme de οἱ Κελτοὶ. Les Celtici sont décrits par Pline l’Ancien (3.13), ils font partie de la province de Bétique et jouxtent la Lusitanie et la Tarraconaise, ce qui les place assez proche des Carpetani. On peut dès lors se demander si l’indication de l’Épitomé ne provient pas plutôt d’Artémidore, ce qui serait alors sa manière de nommer les Celtes ibériques (voir Emporion [84]). [D] |4-5| Nous ne savons pas s’il existe un ethnique qui puisse se rapporter à la ville celtique. Cela pourrait être Aleatês si Artémidore est à l’origine de la mention de cette ville.

Localisation et archéologie Il s’agit d’une ville de Carpétanie qui nous est toutefois inconnue. On a proposé de la localiser à Alía, autour de la localité de Guadalupe (province de Cáceres) mais il semble que l’on soit ici en dehors du territoire des Karpêtanoi. La plupart des érudits (voir en particulier A. Tovar) propose de la localiser à Alces, ville mentionnée dans l’Itinéraire d’Antonin, en considérant qu’il existe une erreur de lecture ε/κ. Cette localité est proche d’Alcázar de San Juan (province de Ciudad Real).

Chronologie des mentions iie s. av. : Artémidore ? Ἀλέα (Καρπητανῶν).

Bibliographie indicative RE I, 1 (1893), col. 1357 (s.v. Alea 3) Hübner. THA IIB 142e ; Tovar 1989, p. 216, 233 ; González Blanco 1991, p. 24, 30. Barrington Atlas : 24 (Alea, unlocated) ; http://pleiades.stoa.org/places/240855

19 – AλθαΙα/ALTHAIA [Λ]

407

19 – AλθαΙα/ALTHAIA [Λ]

Ville – Hispanie (Tarraconaise) (α 202 Billerbeck)           Apollodore ? + Polybe ? + Artémidore ? + Philon ? Livre 4 – Second abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 21 % – taux théorique : 20 %). Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé et traduction (en grisé, forme erronée restituée du manu­scrit archétype disparu, corrigée dans la notice normalisée)

Ἀλθαία· πόλις ὀλκάδων. οἱ δὲ ὀλκάδες ἔθνος ἰβηρίας, πλησιόχωροι καλχηδόνος(a), ἣν ἐκάλουν καὶ καινὴν πόλιν. τὸ ἐθνικὸν ἀλθαῖος(b) ὡς αἰαῖος, ἢ ἀλθαιάτης ἢ ἀλθαιανός. εὕρομεν δ’ ἐν ταῖς συγγραφαῖς(c) δημητρίου(d) « ἀλθαιέα ». a) Καρχηδόνος Xylander  :  καλχηδόνος RQPN. b) Ἀλθαιαῖος Meineke in app.  :  ἀλθαῖος RQPN. c)  συγγραφαῖς RQP : γραφαῖς N. d) δημητρίου N : δημητρ P, δημητρίον Billerbeck RQ. a – Erreur lors de la translittération ou l’abréviation, par assimilation avec la ville byzantine de Chalcédoine ? b – Erreur lors de la translittération (ΑΛΘΑΙΟCΩCAIAIOC lu au lieu de ΑΛΘΑΙΑΙΟCΩCAIAIOC).

Ἀλθαία· [A] |1| πόλις Ὀλκάδων [Apollodore ? Polybe ?]. [B] |2| οἱ

δὲ Ὀλκάδες ἔθνος Ἰβηρίας, πλησιόχωροι Καρχηδόνος, ἣν ἐκάλουν καὶ Καινὴν πόλιν [Apollodore ? Polybe ?].

[D] |3| τὸ ἐθνικὸν Ἀλθαιαῖος [Apollodore ?] ὡς Αἰαῖος,

ἢ Ἀλθαιάτης [Artémidore  ?]  ἢ Ἀλθαιανός [Polybe  ?].

[E]   |4|  εὕρομεν δ’ ἐν ταῖς συγγραφαῖς Δημητρίου

« Ἀλθαιέα » [Philon ?].

Althaia : [A] |1| ville des Olkades. [B] |2| Les Olkades sont un peuple d’Ibérie, voisin de Carthage que l’on appelait aussi Ville-Neuve [= Carthagène]. [D] |3| L’ethnique se dit Althaiaios, comme on a Aiaios, ou bien Althaiatês ou Althaianos. [E] |4| Nous avons trouvé « Althaiea » dans les œuvres de Démétrius.

Lexiques et commentaires grecs et byzantins xe siècle – Souda (α 1265 et 1267 Adler) Ἀλθαία· ὄνομα κύριον. κατὰ δὲ ἰατροὺς ἀγρία μαλάχη. Ἄλθαινος· ὄνομα ποταμοῦ. xiie siècle – Etymologicum Symeonis (α 523) Ἀλθαία· πόλις †Ὀλκάδος†, οἱ δὲ Ὀλκάδες †πόλις† Ἰβηρίας πλησιόχωροι Καρχηδόνος. τὸ ἐθνικὸν Ἀλθαῖος, ὡς Αἰαῖος, ἢ Ἀλθαιάτης, ἢ Ἀλθαιανός.

Commentaire La notice est issue du lexique-source. [A] |1| La mention de la ville des Olkades peut provenir

de Polybe qui décrit le siège que lui fait subir Hannibal (en 3.13.5-6), mais nous allons voir qu’Apollodore est vraisemblablement la source de la détermination géographique. Strabon ne cite pas cette ville. [B]  |2|  Le peuple des Olkades est mentionné dans le

même paragraphe qu’Althaia dans le texte de Polybe, ainsi que la ville de Carthagène : « Ἀννίβας δὲ παραλαβὼν τὴν ἀρχὴν εὐθέως ὥρμησεν ὡς καταστρεψόμενος τὸ τῶν Ὀλκάδων ἔθνος· ἀφικόμενος δὲ πρὸς Ἀλθαίαν τὴν βαρυτάτην αὐτῶν πόλιν κατεστρατοπέδευσεν. μετὰ δὲ ταῦτα χρησάμενος ἐνεργοῖς ἅμα καὶ καταπληκτικαῖς προσβολαῖς ταχέως ἐκράτησε τῆς πόλεως. οὗ συμβάντος οἱ λοιποὶ γενόμενοι καταπλαγεῖς ἐνέδωκαν αὑτοὺς τοῖς Καρχηδονίοις. ἀργυρολογήσας δὲ τὰς πόλεις καὶ κυριεύσας πολλῶν χρημάτων ἧκε παραχειμάσων εἰς Καινὴν πόλιν. Dès qu’il reçut le commandemant, Hannibal s’empressa de soumettre le peuple des Olkades. Il alla établir son camp devant Althéa, la plus forte de leurs places. Après cela, au moyen d’assauts à la fois vigoureux et terrifiants, il s’empara vite de la ville ; par suite de quoi les autres, terrorisés, se rendirent aux Carthaginois. En imposant à leurs cités un tribut en argent, il se rendit maître de sommes considérables, puis il vint passer l’hiver à la Ville-Neuve » (trad. Foulon). On observera toutefois que la détermination géographique de ce peuple ne correspond pas à celle que l’on trouve dans la notice des Olkades [171], qui se rapporte, elle de manière claire, à Polybe. C’est pourquoi nous proposons que cette mention puisse provenir du lexique d’Apollodore, auteur qui citait également dans ses Chroniques la ville de Zakantha [89] (Sagonte), prise par Hannibal. Le « ἣν (ἐκάλουν) » répond alors au « ἣν (κάθεῖλεν Ἀννίβας) » de la notice Zakantha.

408

20 – AλλαλΙα/ALLALIA [E + Λ ?]

[D] |3| Il est étonnant de voir autant de formes pour ces noms d’habitants pour une ville qui n’est citée à notre connaissance que par Polybe (mais sans mentionner luimême l’ethnique correspondant). On peut se demander si certains ethnonymes ne sont pas liés à d’autres lieux. Il est possible que Polybe ait mentionné le nom des habitants dans le chapitre géographique de son œuvre (livre XXXIV), mais nous serions plus tentés de l’attribuer à Apollodore. La forme Althaios, typique de cet auteur, se retrouve dans une inscription trouvée à Érétrie, datant du début du iiie siècle av.  J.-C. (SEG 34, 897). Nous verrions volontiers dans Althaiatês une mention d’Artémidore. La dernière est un dérivé de la forme latine. [E]  |4|  La forme que donne Démétrius de Magnésie,

auteur grec du milieu du i er siècle av.  J.-C., rappelle Altheia/Althaia, nom de la fille du roi d’Étolie Thestios et mère entre autres de Méléagre (voir le pseudo-Apollodore, Bibl. 1.8). M. Billerbeck ne voit pas dans cette forme une citation du grammairien Démétrius et rattache le nom comme un déterminant de cet auteur («  Démétrius d’Altheia  »). Nous préférons la lecture d’A. Meineke.

Localisation et archéologie La localisation exacte de la capitale des Olkades est inconnue. Tite-Live (21.5.4) l’appelle Cartala ce qui serait le signe, suivant A. Schulten (RE), d’une source carthaginoise. Le nom donné ici est probablement modifié en s’inspirant du nom grec de la guimauve et du nom de femme équivalent (Moret 2004, p. 47 n. 42).

Althaia semble avoir été proche de Carthagène, mais A. Tovar propose une localisation plus à l’ouest, dans la province de Ciudad Real (Tovar 1989, p. 185). Il considère qu’il ne faut pas tenir compte de la détermination géographique du peuple des Olkades ; cela pourrait relever d’une erreur de compréhension de la part de l’auteur du lexique de Polybe, qui mélange les indications du texte cité ci-dessus, se rapportant à la campagne d’Hannibal des années 221-220 av. J.-C., lorsqu’il en fait l’indexation. Il est probable que Polybe et Apollodore soient redevables d’une même source grecque car il semble impossible qu’Apollodore ait pu lire Polybe lors de la première rédaction de ses Chroniques ; et l’inverse n’avait guère d’intérêt pour Polybe.

Chronologie des mentions iie s. av. : Polybe ?, Ἀλθαιανός ; Apollodore ?, Ἀλθαία, Ἀλθαιαῖος (Ὀλκάδων)  ; Artémidore ?, [Ἀλθαία], Ἀλθαιάτης – ier s. av. : Démétrius de Magnésie, Ἀλθαιέα.

Bibliographie indicative RE I, 2 (1894), col.  1693 (s.v.  Althaia 1) Hübner  ; Smith 1854 (s.v.  Althaea)  ; THA  IIB 142f  ; Tovar 1989, p. 185 ; González Blanco 1991, p. 24, 30. Barrington Atlas : 27 (Althaia/Cartala, unlocated) ; http://pleiades.stoa.org/places/270296

20 – AλλαλΙα/ALLALIA [E + Λ ?]

Ville – Îles (Corse) (α 217 Billerbeck)            Hécatée ? + Hérodote Livre 4 – Second abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 21 % – taux théorique : 20 %). Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé et traduction (en grisé, forme erronée restituée du manu­scrit archétype disparu, corrigée dans la notice normalisée)

Ἀλλάλια(a)· πόλις ἐν κύρνῳ τῇ νήσῳ, κτίσμα φωκαέων(b), ὡς ἡρόδοτος. τὸ ἐθνικὸν ἀλλαλιαῖος(c). a)  Ἀλλαλία V  :  Ἀλλάλια QPN, Ἀλλάλεια R. b)  φωκαέων RQP : φωκέων N. c) ἀλλαλιαῖος RQ : ἀλαλιαῖος N, ἀλλαλιλαῖος P. a – Erreur d’accentuation lors de la translittération ?

Ἀλλαλία· [A] |1| πόλις ἐν Κύρνῳ τῇ νήσῳ [Hécatée ?], [B] κτίσμα Φωκαέων, ὡς Ἡρόδοτος [1.165.1]. [D] |2| τὸ ἐθνικὸν Ἀλλαλιαῖος [Hécatée ?].

Allalia :  [A] |1| ville de l’île de Kurnos, [B] fondation des Phocéens, selon Hérodote. [D] |2| L’ethnique se dit Allaliaios.

20 – AλλαλΙα/ALLALIA [E + Λ ?]

Lexiques et commentaires grecs et byzantins xii  siècle – Etymologicum Symeonis (α 536) Ἀλλαλία· πόλις ἐν Κύρνῳ· κτίσμα Φωκαέων. τὸ ἐθνικὸν Ἀλλαλιαῖος. e

Commentaire La mention pourrait provenir du lexique d’Hécatée et partiellement du lexique-source ([B]). [A] |1| Stéphane de Byzance utilise une forme avec deux

λ, aussi bien pour le nom de la ville que pour celui de l’ethnique. Ce n’est sans doute pas une erreur de copiste, compte-tenu du positionnement alphabétique de la notice. Nous proposons d’y voir une mention provenant d’Hécatée avec une erreur (doublement du λ) qui s’explique probablement par une mauvaise lecture du mot (sur un papyrus littéraire) lors de la transmission du texte. Hécatée est souvent l’auteur que Stéphane de Byzance utilise en premier pour la détermination du lemme lorsque celui-ci existe dans le lexique de cet auteur. La détermination géographique est semblable à celle d’Hérodote (1.165) donc logique pour la fin de l’époque archaïque. Chez cet historien, le texte que nous avons conservé utilise la forme Alaliê, tandis que Diodore de Sicile (5.13.3-4) l’appelle à deux reprises Kalaris, forme sur laquelle nous allons revenir (l’identification proposée par Silbermann 1988, p. 244 semble la seule possible). Ptolémée (Geogr. 3.2.5, 8.8.7) utilise la forme latine Aleria. [B] : La mention de la fondation phocéenne se trouve

effectivement chez Hérodote (1.165-166) : « (…) πρὸς ταῦτα οἱ Φωκαίες ἐστέλλοντο ἐς Κύρνον· ἐν γὰρ τῇ Κύρνῳ εἴκοσι ἔτεσι πρότερον τούτων ἐκ θεοπροπίου ἀνεστήσαντο πόλιν, τῇ οὔνομα ἦν Ἀλαλίη. Les Phocéens s’en allèrent donc à Cyrnos où, vingt ans auparavant, sur l’ordre d’un oracle, ils avaient dressé une ville du nom d’Alalia » (trad. Barguet revue). Notons que la forme chez cet auteur ne correspond peut-être pas à celle de Stéphane de Byzance. De même, le terme κτίσμα n’apparait pas chez Hérodote.

[D] |2| L’ethnique n’est pas mentionné par Hérodote.

Nous pensons qu’Hécatée devait signaler cet ethnique, ce qui explique la forme également avec un double « λ ».

409

Localisation et archéologie La ville se trouve à côté de l’actuelle Aléria qui a conservé le nom primitif. Située sur la côte orientale de l’île, elle est fondée par les Phocéens vers 565 av. J.-C., sur une colline située au sud de la rivière Tavignano, et à proximité du rivage. La prise de Phocée par les Perses et l’exode qui l’accompagne entraînent un accroissement rapide de la population. Vingt ans après sa création, une bataille navale importante entre les Phocéens et les Étrusques alliés aux Carthaginois a lieu au large d’Alalia (Hérodote 1.165-167). Les Phocéens, certes victorieux, perdent une soixantaine de navires, quittent la Corse et fondent Élée (Veleia) en Campanie. On ne trouve plus de mention de la cité jusqu’en 259 av. J.-C., lorsque les Romains prennent possession de l’île sous la conduite de L. Cornelius Scipio (voir son épitaphe CIL I² 9, texte latin en vers saturniens de 230 av. J.-C. qui donne la forme Aleria). Mais la fouille entre 1961 et 1983 de la nécropole préromaine de Casabianda, située sur une colline adjacente à la ville, atteste d’une occupation continue entre le vie et le iiie siècle av. J.-C, de type étrusque. Il nous faut revenir sur la forme que donne Diodore de Sicile, Kalaris. On pourrait penser à une erreur de transmission du nom mais sa présence à deux reprises dans le texte rend cette hypothèse peu probable. On notera que l’on retrouve le radical –alari- comme dans Aleria. On est très certainement en présence du nom étrusque de la cité. Le début du mot, K(a)-, pourrait peut-être correspondre à une dénomination étrusque sous la forme (e)ca le pronom démonstratif réduit à ca (cf. par exemple la fin de l’antépénultième ligne de la face latérale gauche du cippe de Pérouse des iiie-iie s. av. J.-C.). On rapprochera également ce géonyme du prénom étrusque Laris (au nominatif ). La source de Diodore de Sicile est sans doute ici Timée. Une colonie est installée par Sylla en 80 av.  J.-C. (Sénèque, Helv.  7.9  ; Pline l’Ancien 3.80) et à nouveau par Auguste en 24 av. J.-C. sous le nom de Colonia Veneria Julia Pacensis Restitua Tertianorum Aleria. Durant l’Empire romain, elle garde une place importante parmi les villes de Corse et est la capitale de la province Corse-Sardaigne. Les fouilles archéologiques ont dégagé les vestiges du centre de la ville, avec le forum, de forme trapézoïdale, bordé par le temple dédié à la triade capitoline, la basilique et des boutiques. Au sud est visible un amphithéâtre de petite taille (comprenant sept à huit rangs de gradins).

410

21 – AλλΟβρυγες/ALLOBRUGES [Λ + Ω]

Chronologie des mentions

Bibliographie indicative

vie s. av. : Hécatée ?, Ἀλ(λ)αλία, Ἀλ(λ)αλιαῖος (ἐν Κύρνῳ τῇ νήσῳ) – ve s. av. : Hérodote, Ἀλαλίη – iiie s. av. : (épitaphe de Scipion), Aleria – ier s. av. : Diodore de Sicile, Κάλαρις – ier  s.  :  Pomponius Mela, Aleria  ; Sénèque, Aleria ; Pline l’Ancien, Aleria – iie s. : Ptolémée, Ἀλερία – iiie s. : Itinéraire d’Antonin, Aleria.

RE I, 1 (1893), col.  1366-1367 (s.v.  Aleria) Hülsen  ; Smith 1854 (s.v.  Aleria)  ; Jehasse, Jehasse 1973  ; Jehasse, Jehasse 1987 ; Silbermann 1988, p. 244 ; Jehasse, Jehasse 2001 ; Zehnacker 2004, p. 180. Barrington Atlas : 48 D2 (Alalie/Aleria) ; http://pleiades.stoa.org/places/472048

21 – AλλΟβρυγες/ALLOBRUGES [Λ + Ω]

Peuple – Gaule (Narbonnaise) (α 221 Billerbeck)           Apollodore + Polybe + Charax + Hérodien (+ Strabon ? + Artémidore ?)

Livre 4 – Second abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 21 % – taux théorique : 20 %). Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé et traduction Ἀλλόβρυγες· ἔθνος δυνατώτατον γαλατικόν, ὡς ἀπολλόδωρος. πολύβιος δὲ διὰ τοῦ ι αὐτοὺς καλεῖ ἀλλόβριγας, χάραξ δὲ διὰ τοῦ ο(a) ἀλλόβρογας, οἱ πλείους δὲ διὰ τοῦ ι. (b) ὁ δὲ τεχνικός «  ἀλλόβροξ, ἔθνος γαλατικόν ». a) διὰ τοῦ ο RQP : διὰ τοῦ ο μικροῦ N. b) ἀλλόβρυξ δέ ἐστιν ἡ εὐθεῖα add. Bouiron (ex Et. Sym.).

Ἀλλόβρυγες· [Da] |1| ἔθνος δυνατώτατον γαλατικόν, ὡς Ἀπολλόδωρος

[FGrHist 244 F 80]. |2| Πολύβιος [3.49.13] δὲ διὰ τοῦ ι αὐτοὺς καλεῖ Ἀλλόβριγας, Χάραξ [FGrHist 103 F 47] δὲ διὰ τοῦ ο Ἀλλόβρογας, οἱ πλείους δὲ διὰ τοῦ ι [Artémidore ? Strabon  ?]. |3|  |4|  ὁ δὲ Τεχνικός [GG I, 43, 11] « Ἀλλόβροξ, ἔθνος γαλατικόν ».

Allobruges :  [Da] |1| peuple le plus puissant de Gaule, selon Apollodore. |2| Polybe les appelle Allobriges avec un «  i  »  ; Charax Allobroges avec un «  o  », mais la plupart l’écrivent avec un « i ». |3|  |4| Mais le Technique dit « Allobrox, peuple gaulois ».

Lexiques et commentaires grecs et byzantins x  siècle – Souda (η 408 Adler = Appien, Celt. 17a) ᾜομεν· ἐπορεύθημεν. Ὅμηρος. ᾔομεν, ὡς ἐκέλευσας. ἀπὸ τοῦ εἴω, τὸ πορεύομαι Δωρικῶς, τροπῇ τῆς ει διφθόγγου εἰς η. ǁ Ἀππιανός· Ἀλλόβριγες, Γαλατῶν ἔθνος. δύσμαχοι δ’ αὐτῶν ἦσαν αἱ πόλεις ὑπὸ τῆς ἀμπώτεως ἐφ’ ἡμέραν e

ἠπειρούμεναί τε καὶ νησούμεναι· οἱ δὲ πλοίοις ἐπολέμουν. τοῦ δὲ Καίσαρος Γαΐου περὶ τὰς πόλεις σταυροὺς πηξαμένου ὑψηλοὺς καὶ τοῖς σταυροῖς ἐπιθέντος γεφυρώματα, ὁ μὲν κλύδων ἐχώρει διὰ τῶν σταυρωμάτων ὑπὸ τοῖς γεφυρώμασι, Ῥωμαίοις δὲ ἀδεὲς καὶ ἐπίμονον ἦν τὸ ἔργον. xiie siècle – Etymologicum Symeonis (α 541) Ἀλλόβρυγες· ἔθνος δυνατώτατον γαλατικόν. διὰ τοῦ ι Ἀλλόβριγες λέγει. Χάραξ διὰ τοῦ ο Ἀλλόβρογες. Ἀλλόβρυξ δέ ἐστιν ἡ εὐθεῖα.

Commentaire La notice était peut-être déjà composée ainsi dans le lexique-source, et aurait été complétée par Oros pour la seule mention d’Hérodien. La notice se rapporte à un peuple pour lequel le lemme a été pris chez Apollodore. Elle est située entre les notices d’Almênê et Almos, mais il existe peut-être une erreur de lecture d’onciale pour le premier, Alliênê (ΑΛΛΙΗΝΗ lu ΑΛΜΗΝΗ, ce qui n’est toutefois pas proposé par M. Billerbeck, α 220, car le texte d’Arrien indique Armenê). [Da]  |1|  La première mention, qui corrobore la forme

choisie par Stéphane de Byzance, est celle d’Apollodore, probablement dans ses Chroniques ; le ktétique « galatique » renvoie bien à cet auteur. |2|  Stéphane de Byzance donne ensuite les variantes du nom : Allobriges selon Polybe (3.49.13, 50.2, 51.9), Allobroges d’après Charax, dont on sait qu’il transcrit en

21 – AλλΟβρυγες/ALLOBRUGES [Λ + Ω] grec les noms latins. La formule générale qui suit inclut de nombreux auteurs dont Strabon (Allobriges : 4.1.11, 4.3.4, 4.6.4, 4.16.2) et probablement également Artémidore, non mentionnés par l’Épitomé mais qui l’étaient sans doute par les Ethniques. Parmi les auteurs non consultés par Stéphane de Byzance, Ptolémée (Geogr. 2.10.7) emploie également Allobriges, comme Dion Cassius (29.5.2 ; 40.39.1 et au singulier Allobrix 38.43, 3) ou Appien (Celt. 12, 17a.1, repris par la Souda ; Bell. civ. 2.1.4). |3|  La forme Allobrux est toute théorique puisque ce peuple est toujours cité au pluriel. Allobruges est la forme employée par Polybe et Apollodore. |4| La dernière forme, au nominatif singulier Allobrox, est donnée par Hérodien dit « le Technique » qui tire très probablement lui aussi d’Apollodore la définition «  galatique  » du peuple. On peut rapprocher cette mention d’une autre notice à la forme similaire Tektosax [232]. L’utilisation du terme « le Technique » à la place du nom d’Hérodien est peut-être à mettre sur le compte d’Oros.

Localisation et archéologie Le peuple des Allobroges se situe au nord de l’Isère et s’étend, limité à l’ouest par le Rhône, jusqu’au lac Léman. Sur la délimitation de l’espace occupé par ce peuple, voir Barruol 1969, p. 295-305. Positionnés le long du Rhône jusqu’à sa confluence avec l’Isère, ils disposaient ainsi du contrôle de tous les débouchés des vallées alpines. Ils apparaissent dans l’histoire à l’occasion du passage d’Hannibal par les Alpes en 218 av.  J.-C., puisque c’est par leur territoire que l’armée carthaginoise franchit cette chaîne de montagne. Leur origine est inconnue ; F. Perrin met en relation ce peuple avec les Gésates, mentionnés des Alpes au Rhône, et qui ont constitué des armées de mercenaires battues à deux reprises en Cisalpine dans le troisième quart du iie siècle av. J.-C. (Perrin 2002, p. 22 ; voir également Barruol 1969, p. 305-307). Avec la conquête romaine de 125/124 av.  J.-C., les Allobroges s’allient aux Arvernes et à d’autres peuples pour arrêter la remontée des légions romaines le long de la vallée du Rhône ; ils sont battus par les troupes de

411 Cn. Domitius Ahenobarbus à Vindalium, au niveau de la confluence avec la Durance en 122 av. J.-C. L’année suivante, une nouvelle coalition avec les Arvernes et les Salyens est à nouveau mise en déroute par Q. Fabius Maximus à la confluence du Rhône et de l’Isère (Velleius Paterculus 2.10 et 39). C’est probablement à cet épisode que se rapporte la mention d’Apollodore. Les Allobroges se révoltent en 62 av. J.-C. mais sont battus l’année suivante (Dion Cassius, 37.47-48). Ils resteront fidèles à Rome lors de la Guerre des Gaules, demandant même à Jules César d’être protégés lors de la migration des Helvètes. La suite de leur histoire s’inscrit dans celle de la Gaule romaine.

Chronologie des mentions iie s. av. : Polybe, Ἀλλόβριγες ; Apollodore, Ἀλλόβρυγες ; Artémidore ?, Ἀλλόβριγες ? – ier s. av.  :  Cicéron, Allobroges ; Salluste, Allobroges ; Jules César, Allobroges – ier  s.  :  Tite-Live, Allobroges  ; Strabon, Ἀλλόβριγες  ; Velleius Paterculus, Allobrogi, Allobrogicus ; Pline l’Ancien, Allobroges – iie  s.  :  Tacite, Allobroges  ; Suétone, Allobroges  ; Florus, Allobroges  ; Charax, Ἀλλόβρογες  ; Appien, Ἀλλόβριγες ; Ptolémée, Ἀλλόβριγες ; Hérodien gram., Ἀλλόβροξ – iiie  s.  :  Dion Cassius, Ἀλλόβριξ – ive s. : Julius Obsequens, Allobroges. Le nom du peuple est celtique et signifie «  ceux qui viennent d’un autre pays » d’après un scholiaste à Juvénal (Lucas 2002, p. 26). La forme grecque est de préférence Allobriges, alors qu’en latin on écrit Allobroges. À notre connaissance, seul Apollodore écrit Allobruges, mais il s’agit probablement d’un homophone du fait de la iotacisation ancienne du ‘υ’. La confusion avec le nom latin se lit ensuite chez Charax et, de manière secondaire, chez Hérodien.

Bibliographie indicative RE I, 2 (1894), col. 1587-1588 (s.v. Allobroges) Ihm ; Smith 1854 (s.v. Allobroges) ; Barruol 1969, p. 295305  ; Silberman 1988, p.  212  ; Allobroges 2002  ; Perrin 2002 ; Lucas 2002 ; Zehnacker 2004, p. 130. Barrington Atlas : 17 E3 (Allobroges) ; http://pleiades.stoa.org/places/167634

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22 – Aλπεια/ALPEIA [Λ + Ω ?]

22 – Aλπεια/ALPEIA [Λ + Ω ?]

Chaîne de montagne ? – Gaule (α 227 Billerbeck)            Polybe ? Strabon ? Charax ? Hérodien ? Livre 4 – Second abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 21 % – taux théorique : 20 %). Texte du manu­scrit archétype avec l’apport des lexiques, texte normalisé et traduction (en grisé, forme erronée restituée du manu­scrit archétype disparu, corrigée dans la notice normalisée)

Ἄλπεια(a)· κίων(b) πρὸς ἄρκτον τῆς τυρρηνίδος(c) καὶ ἰωνίας(d) θαλάσσης. οἱ κατοικοῦντες ἄλπειοι. καὶ (e) ἄλπεις καὶ ἄλπεια ὄρη καὶ ἄλβια(f ). διχῆ γὰρ ἡ γραφή, καὶ (g) διὰ τοῦ π καὶ (h) διὰ τοῦ β. καὶ ἄλβια ἡ χώρα διὰ τοῦ β. a) Ἄλπεια RQ : Ἀλπεία PN. b) κίων Meineke in app. : κιὼν RQ, ἠιὼν P Et. Sym. Meineke, ἰηὼν N. c)  τυρρηνίδος RPN  :  τυρρηννίδος Q. d)  Ἰονίας Meineke  :  ἰωνίας RQPN. e)  πληθυντικῶς αἱ add. Bouiron (ex Eust.). f )  ἄλβια QPN : ἀλπία R. g) ἄλπια οὐδέτερον add. Bouiron (ex Eust.). h) ἄλβια add. Bouiron (ex Eust.). b – Erreur d’accentuation lors de la translittération et peutêtre erreur de translittération. d – Erreur lors de la translittération ?

Ἄλπεια· [A] |1| κίων πρὸς ἄρκτον τῆς Τυρρηνίδος καὶ Ἰονίας θαλάσσης. [D] |2| οἱ κατοικοῦντες Ἄλπειοι. [F] |3| καὶ Ἄλπεις [Polybe  ?]  καὶ Ἄλπεια ὄρη [Strabon  ?]  καὶ Ἄλβια [Strabon  ?]. |4|  διχῆ γὰρ ἡ γραφή, καὶ διὰ τοῦ π καὶ διὰ τοῦ β [Hérodien ?]. |5| καὶ Ἄλβια ἡ χώρα διὰ τοῦ β [Charax ?].

Alpeia :  [A] |1| chaîne de montagne située au nord de la mer Tyrrhénienne et de la mer Ionienne. [D] |2| Les habitants sont appelés Alpeioi. [F] |3|  Alpeis ou les monts Alpeia ou Albia. |4| En effet, les deux graphies existent : < Alpia au neutre> avec un « p » ou avec un « b ». |5| Et la région s’appelle Albia avec un « b ».

Lexiques et commentaires grecs et byzantins ixe siècle – Etymologicum Genuinum (α 535 et 536) †Ἄλπια· ὄρος τῆς Κελτικῆς· καὶ πληθυντικῶς. λέγεται ἀπό τινος Ἄλπιδος ὑπὸ τοὺς τόπους ἀνῃρημένου. ἢ διὰ τὸ πλῆθος τῆς λευκῆς χιόνος Ἄλπις ἐκλήθη τὰ ὄρη. ἢ παρὰ τὸ ἄλτον, ὅ ἐστιν ὑψηλόν, Ἄλτις κεκλῆσθαι. λέγεται δὲ καὶ πληθυντικῶς Ἄλπεια.

Ἄλπιος· Ἄλπιον, ὄρος μέγα τῆς Εὐρώπης, ἀφ’ οὗ ῥεῖ ὁ Ἴστρος, καὶ ἄλλο δυτικώτερον, ἀφ’ οὗ ῥεῖ ὁ Ῥῆνος ποταμός. † Ἄλπιος δὲ λέγεται ἀπό τινος Ἄλπιδος ὑπὸ τοὺς τόπους ἀνῃρημένου. ἢ παρὰ τὸ ἄλτον, ὅ ἐστιν ὑψηλόν, Ἄλτις κεκλῆσθαι· Διονύσιος ἐν Περιηγήσει, οἷον· « τῆσδε πρὸς ἀντολίην διαφαίνεται Ἄλπιος ἀρχή ». xiie siècle – Etymologicum Magnum (70.50 et 52) Ἄλπεια· ὄρος τῆς Κελτικῆς· καὶ πληθυντικῶς λέγεται· ἀπό τινος Ἄλπιδος ὑπὸ τοὺς τόπους ἀνῃρημένου. ἢ διὰ τὸ πλῆθος τῆς λευκῆς χιόνος Ἄλπις ἐκλήθη τὰ ὄρη. ἢ παρὰ τὸ ἄλτον, ὅ ἐστιν ὑψηλὸν, ἄλτις κεκλῆσθαι. Ἄλπις· ὄρος μέγα τῆς Εὐρώπης, ἀφ’ οὗ ῥεῖ ὁ Ἴστρος· καὶ ἄλλο δυτικώτερον, ἀφ’ οὗ ῥεῖ ὁ Ῥῆνος ποταμός. Ἄλπιος δὲ κλίνεται κατὰ Διονύσιον ἐν Περιηγήσει, « τῆς δὲ πρὸς ἀντολίην διαφαίνεται Ἄλπιος ἀρχή ». xiiie siècle – Lexique du pseudo-Zonaras (123.6 et 133.33) Ἄλπις. ὄρος μέγα τῆς Εὐρώπης, ἀφ’ οὗ ῥεῖ Ἰστρος· καὶ ἄλλο δυτικώτερον, ἀφ’ οὗ ῥεῖ ὁ Ῥῆνος ποταμός. Ἄλπις δὲ λέγεται ἀπὸ τινὸς Ἄλπιος, ὑπὸ τοὺς τόπους ἀνῃρημένου· ἢ παρὰ τὸ ἄλτον, ὃ σημαίνει τὸν ὑψηλόν. Ἄλπεις. οἱ ἐν στενοχωρίᾳ δίοδοι. Ἄλπειον. ὄρος. καὶ Ἄλπιον, καὶ Ἄλπεινον. xe siècle – Souda (α 1407 Adler) Ἄλπειον· ὄνομα ὄρους. ǁ (Excerpta Const.) καὶ Ἄλπεις, ὄρη ἐπιμήκη, ἃς ὥσπερ τεῖχος Ἰταλίας ἡ φύσις ἤγειρεν, ὑπερνεφῆ μὲν τὸ ὕψος, ἐπιμηκέστατα δέ, ὡς πᾶσαν Ἰταλίαν διειληφότα καθήκειν· ἃς εἰσβολὰς καλοῦσι. ǁ (Excerpta Const.) καὶ Ἄλπεις, ὄρη διορίζοντα Γάλλους καὶ Αἰλούρους· ἔνθα ξυνέβαινε φρούρια συχνὰ εἶναι. οὗ δὴ Γότθοι ἐκ παλαιοῦ ᾠκημένοι φυλακὴν εἶχον. xiie siècle – Etymologicum Symeonis (α 558 et 628) Ἄλπεια· ἡ ἠϊὼν πρὸς ἄρκτον τῆς Τυρρηνίδος. οἱ κατοικοῦντες Ἄλπειοι καὶ Ἀλπεῖς καὶ Ἄλπεις. καὶ Ἄλπεια ὄρη, καὶ Ἄλβ{α}ια καὶ Ἀλβία ἡ χώρα. Ἄλπιος· Ἄλπιον – ἢ παρὰ τὸ ἄλτον, ὅ ἐστιν ὑψηλόν.

22 – Aλπεια/ALPEIA [Λ + Ω ?] xiie siècle – Jean Tzétzès (schol. Lycophr. v. 1361) καὶ Σαλπίων· οὐ Σάλπια, ἀλλὰ Ἄλπια ὄρη Εὐρωπαῖα μεγάλα τῆς Ἰταλίας, ἓν μέν, ἀφ’ οὗ ῥεῖ ὁ Ἴστρος, ἄλλο δέ, ἀφ’ οὗ ὁ Ῥῆνος. Ἄλπια δὲ τὰ ὄρη ἐκλήθησαν ἀπό τινος Ἄλπιδος ὑπὸ τοὺς τόπους ἀνῃρημένου. xiie siècle – Eustathe de Thessalonique (Com. Dion. 294) ὅτι μετὰ τὸν Ἠριδανὸν οἱ Τυρρηνοὶ, περὶ ὧν κατωτέρω ῥηθήσεται· ὧν πρὸς ἀνατολὴν ἡ τῆς Ἄλπιος ἀρχὴ, δι’ ἧς μέσης κατασύρεται ὁ Κελτικὸς Ῥῆνος, δίστομος εἰς τὸν βόρειον ἐκβάλλων ὠκεανὸν, ὀξὺς καὶ δυσγεφύρωτος καὶ σκολιός. οὗτός ἐστιν ὁ λεγόμενος τὰ νόθα τῶν γνησίων διορίζειν γεννήματα, οἷα τὰ μὲν ὑπανέχων, τὰ γνήσια, τὰ δὲ μὴ τοιαῦτα διδοὺς βυθῷ λήθης καὶ ὕδατος. ἡ δὲ Ἄλπις μέγιστον ὄρος, διὸ καὶ πληθυντικῶς λέγονται αἱ Ἄλπεις. φασὶ δὲ τὴν ταύτην λέξιν κατὰ τὴν εἰς τὸ Ἑλληνικὸν μετάληψιν ταὐτὸν δύνασθαι τῇ κλεισούρᾳ. οὔτω δὲ ὑψηλὸν ἱστορεῖται τὸ ὄρος, ὥστε οὐδ’ ἂν πεμπταῖός τις ἀναβαίη αὐτό. ἄρχεται δὲ ἀπὸ τῶν αὐτῶν χωρίων, ἀφ’ ὧν καὶ τὰ ῥηθησόμενα ἐν τοῖς ἑξῆς Ἀπέννια ὄρη τὰ κατὰ τὴν Γένουαν, ἥτις ἐστὶ Λιγύων ἐμπόριον. ἐκαλεῖτο δὲ καὶ κατὰ γένος οὐδέτερον τὰ Ἄλπια, καὶ Ἄλβια δὲ μετὰ τοῦ β.

Commentaire La notice semble assez réduite, ce qui rend plus difficile la restitution à des auteurs précis de chacune de ses composantes, puisque l’on n’a aucune mention d’auteur. Il est probable que la notice repose sur le lexique-source mais Stéphane de Byzance a pu insérer quelques indications provenant de Strabon. [A]  |1|  Deux lectures sont possibles pour le détermi-

natif géographique : soit κιὼν (« colonne », que l’on peut traduire par « chaîne de montagne »), soit ἠιὼν («  rivage  ») restitué par Meineke d’après le texte de l’Etymologicum Symeonis. L’Etymologicum Magnum écrit lui χιών (qui signifie « neige ») ce qui pourrait se comprendre pour des montagnes enneigées. Nous avons privilégié la première forme qui nous semble plus exacte, comme M. Billerbeck et D. Marcotte qui l’assimile au στήλη du pseudo-Scymnos (v.  188-190) (Marcotte 2000, p.  165)  ; la forme de l’Etymologicum Symeonis correspond certainement à une mauvaise lecture du 1er abrégé. La localisation géographique par rapport aux deux mers est assez étonnante. On peut la mettre en rapport avec les indications de Polybe (2.14) lorsqu’il décrit l’Italie comme un triangle : « τὴν δὲ λοιπὴν τὴν παρά τε τὰς ἄρκτους καὶ τὴν μεσόγαιαν παρατείνουσαν ὁρίζει κατὰ τὸ συνεχὲς ἡ τῶν Ἄλπεων παρώρεια, λαμβάνουσα τὴν μὲν

413 ἀρχὴν ἀπὸ Μασσαλίας καὶ τῶν ὑπὲρ τὸ Σαρδῷον πέλαγος τόπων, παρήκουσα δὲ συνεχῶς μέχρι πρὸς τὸν τοῦ παντὸς Ἀδρίου μυχόν, πλὴν βραχέος, ὃ προκαταλήγουσα λείπει τοῦ μὴ συνάπτειν αὐτῷ. παρὰ δὲ τὴν προειρημένην παρώρειαν, ἣν δεῖ νοεῖν ὡσανεὶ βάσιν τοῦ τριγώνου, παρὰ ταύτην ἀπὸ μεσημβρίας ὑπόκειται πεδία τῆς συμπάσης Ἰταλίας τελευταῖα πρὸς τὰς ἄρκτους, ὑπὲρ ὧν ὁ νῦν δὴ λόγος, ἀρετῇ καὶ μεγέθει διαφέροντα τῶν κατὰ τὴν Εὐρώπην, ὅσα πέπτωκεν ὑπὸ τὴν ἡμετέραν ἱστορίαν. Quant au troisième côté, qui regarde vers le septentrion et l’intérieur du continent, il est délimité d’un bout à l’autre par la chaîne des Alpes, qui, depuis Massalia et les rivages de la mer de Sardaigne, s’étire sans interruption jusqu’au fond du golfe Adriatique, ne s’arrêtant qu’à une faible distance de la côte même. Cette chaîne de montagne doit être considérée comme la base de notre triangle et c’est au sud de ces montagnes que s’étend la plaine qui forme l’extrémité septentrionale de l’Italie ». (trad. Roussel). Nous aurions dans l’Épitomé la limite nord de l’Italie, constituée par la chaîne des Alpes. Polybe est peut-être à l’origine de cette notice. Certains auteurs utilisent le neutre Ἄλπειον comme Strabon (4.6.2) ou Appien (Celt. 2.1), forme que l’on retrouve dans certains lexiques (Souda, lexique du pseudo-Zonaras). La mention de la mer ionienne (Ἰονία θαλάσση) est unique dans l’Épitomé où l’on trouve quatre fois en revanche ἐν τῷ Ἰονίῳ κόλπῳ (dont deux fois attribuées à Hécatée). La seule autre forme Τυρρηνίδος se retrouve dans la notice de Tarkunia (τ 31) sans indication d’auteur. [D] |2| Les habitants présentent une forme que l’on ne retrouve pas chez les auteurs que nous avons conservés. [F]  |3|  Pour cette partie de la notice, nous avons uti-

lisé Eustathe de Thessalonique qui semble avoir recopié très partiellement le premier abréviateur, pour cette seule partie grammaticale. La forme Alpeis se trouve chez Marcien (Per. ext. 2.27) et également chez Polybe (2.14.9, 2.16.1 et 7, 2.18.4, 2.22.1, 2.23.1 et 5, 2.32.4, 2.35.4, 3.34.2, 3.48.6, 3.50.1, 3.54.3, 3.56.2, 3.61.3, 3.62.3, 3.65.1, 34.10.17), Plutarque (Cam. 15.3 ; Fab. 2.1 ; Aem. 6.2 ; Marc. 6.3 ; Mari. 15.1, 18.2 ; Cras. 9.7 et 10 ; Pomp. 51.3, 65.2 ; Caes. 11.3 ; Cato 41.1 ; Ant. 17.6, 18.8 ; Otho 5.1 ; mul. virt. 246b), Athénée (15.28), Hérodien (8.1.5), Diodore de Sicile (4.19.3-4 ; 5.32.1), Arrien (Péripl. 11.5)  ; Denys d’Halicarnasse (1.10.1), Strabon (4.1.1, 3, 5 et 12, 4.6.1, 3, 10 et 12, 5.1.2, 7.2.2), Ptolémée (2.9.2, 2.10.2), Dion Cassius (13.54.10  ;

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22 – Aλπεια/ALPEIA [Λ + Ω ?]

41.4.3 ; 46.29.6 ; 48.10.1 ; 53.25.2 ; 54.24.3 ; 55.27.6), Appien (Ill. 10 ; Bell. civ. 1.13.107 et 109 ; 2.2.13, 4.31, 10.70 ; 3.12.83 ; 5.3.20, 6.51) et de nombreux auteurs du Bas-Empire et byzantins.

assez ancienne, peut-être liée à Polybe (2.14.6) qui, dans les textes que nous avons conservés, est le premier auteur à les signaler et leur donner la délimitation à peu près correcte que nous avons énoncée ci-dessus.

La forme suivante est celle de Strabon (4.6.1  :  τὰ γὰρ Ἄλπεια καλεῖσθαι πρότερον Ἄλβια, καθάπερ καὶ Ἀλπεινά ; 7.5.2 : ἐντεῦθεν δ’ ἐξαίρεται τὰ ὄρη πάλιν ἐν τοῖς Ἰάποσι καὶ καλεῖται Ἄλβια), qui l’estime plus ancienne que la précédente. Appien (Annib. 15 ; 221 ; Syr. 40 ; Mithr. 473 ; Bell. civ. 1.13.4 et 52) comme Strabon (5.1.11) utilisent « τὰ Ἄλπεια ὄρη ».

Pour en rester sur les Alpes occidentales, elles constituent une zone de peuplement important durant l’âge du Bronze et du Fer. Les gisements de cuivre sont en particulier très nombreux entre 1.200 et 2.600 m d’altitude (voir H. Barge, A. Bocquet et L. Haussman in JourdainAnnequin 2004, p. 60-61). Les invasions gauloises qui amènent leur installation dans la plaine du Pô touchent peu les massifs alpins, à l’exception du versant le plus occidental (Allobroges, Voconces …) (A. Bocquet in Jourdain-Annequin 2004, p.  88-89). Les importations de mobilier méditerranéen témoignent également des contacts avec les civilisations méridionales (D. Garcia in Jourdain-Annequin 2004, p. 94-95). Mais ce sont surtout les légendes autour d’Héraclès et sa traversée des Alpes qui constituent le symbole le plus connu de cette coexistence entre monde indigène et civilisation grecque (C. Annequin in Jourdain-Annequin 2004, p. 98-99). La connaissance géographique s’affine avec le passage d’Hannibal à travers le massif alpin (C. Annequin, G. Barruol in Jourdain-Annequin 2004, p. 100-101).

|4|  On trouve dans le reste du lexique trois entrées se rapportant à « τὰ Ἄλπεια ὄρη » : Magistrikê, Tauriskoi et Hyperboreoi. L’indication grammaticale peut provenir d’un grammairien dont le nom a disparu (Hérodien, cité par Oros ?) ou être de la main même de Stéphane de Byzance au vu des textes qu’il avait réunis. |5| La mention de la χώρα Ἀλβία reste plus problématique ; se rapporte-t-elle à la Grande-Bretagne ? Stéphane de Byzance l’avait probablement rappelé ici, même si les résumés successifs ont fait disparaître cette indication. La notion de chôra se retrouve dans notre corpus pour Baitikê [40], Gallia [61], Belgikê [47], Tarrakônesia [209]. On peut se demander si elle ne provient pas de Charax en référence aux provinces romaines du HautEmpire.

Localisation et archéologie Les Alpes sont perçues, comme de nos jours, comme une chaîne de montagne qui couvre un arc géographique assez important. La vision que l’on en a eu dans l’Antiquité est d’abord celle d’une véritable barrière au-delà de la plaine du Pô, allant de l’ouest vers l’est, c’est-à-dire jusqu’à la mer Adriatique. Les montagnes s’étendent ainsi au-delà de la Vénétie et d’Udine pour arriver dans la région de Trieste. Plus vers le sud, les Alpes sont prolongées dans les Balkans par d’autres chaînes montagneuses qui amènent jusqu’en Macédoine. C’est la définition qu’en donne Stéphane de Byzance, et avant lui le lexiquesource : ces montagnes sont au nord des Étrusques, et rejoignent la mer ionienne, c’est-à-dire la partie de la Méditerranée située au sud de la mer Adriatique. Cette vision est différente de la nôtre, puisque nous savons que les Alpes s’étendent en Europe centrale jusqu’en Autriche, et ne sont pas assimilées aux montagnes des Balkans. Nous ne savons pas de qui Stéphane de Byzance tire cette détermination géographique mais elle doit être

Chronologie des mentions iiie s. av. : Lycophron, Σαλπία – iie s. av. : Polybe, Ἄλπεις – ier s. av. : (Posidonios), Ἄλπια, Ἄλπεις ; Diodore de Sicile, Ἄλπεις ; Denys d’Halicarnasse, Ἄλπεις ; Horace, Alpes – ier s. : Tite-Live, Alpes ; Ovide, Alpes ; Strabon, Ἄλπεια, Ἄλπειον, Ἄλπεις  ; Pomponius Mela, Alpes  ; Lucain, Alpes ; Pline l’Ancien, Alpes, Alpini – iie s. : Plutarque, Ἄλπεις  ; Denys le Périégète, Ἄλπιος  ; Arrien, Ἄλπεις  ; Appien, Ἄλπεια, Ἄλπειον, Ἄλπεις  ; Ptolémée, Ἄλπεις – iiie s. : Athénée, Ἄλπια, Ἄλπεις ; Dion Cassius, Ἄλπεις ; Philostrate, Ἄλπεις ; Hérodien, Ἄλπεις – ive s. : Julien, Ἄλπεις  ; Paeanius (trad. Eutrope), Ἄλπεις  ; Ammien Marcellin, Alpes ; Marcien, Ἄλπεις – ve s. : Philostorge, Ἄλπεις ; Sozomène, Ἄλπεις – vie s. : Zosime, Ἄλπεις. Le nom apparaît pour la première fois chez Lycophron sous la forme Salpia (voir scholie de J. Tzétzès). Le nom est ensuite au singulier sous la forme Alpeia ou plurielle Alpeis. Le latin écrit Alpes au pluriel.

Bibliographie indicative RE I, 2 (1894), col.  1599-1612 (s.v.Alpes) Partsch  ; Smith 1854 (s.v. Alpes) ; Jourdain-Annequin 2004.

23 – AλωνΙς/ALÔNIS [Λ]

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23 – AλωνΙς/ALÔNIS [Λ]

Ville – Gaule (Narbonnaise) (α 239 Billerbeck)            Artémidore Livre 4 – Second abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 21 % – taux théorique : 20 %). Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé et traduction Ἀλωνίς· νῆσος καὶ πόλις μασσαλίας, ὡς ἀρτεμίδωρος. τὸ ἐθνικὸν ἀλωνίτης. Ἀλωνίς· [A] |1| νῆσος καὶ πόλις Μασσαλίας, ὡς Ἀρτεμίδωρος [F 5

Stiehle].

[D] |2| τὸ ἐθνικὸν Ἀλωνίτης [Artémidore].

Alônis : [A] |1| île et ville de Massalie, selon Artémidore. [D] |2| L’ethnique se dit Alônitês.

Lexiques et commentaires grecs et byzantins xiie siècle – Etymologicum Symeonis (α 571) Ἀλωνίς· νῆσος καὶ πόλις Μασσαλίας. Ἀλωνίτης.

Commentaire La notice est issue du lexique-source. [A]  |1|  Artémidore est le seul à mentionner ce topo-

nyme. On associe toujours la ville et l’île de façon étroite (l’une face à l’autre), dépendant de Marseille, mais il a pu exister deux lieux distincts portant le même toponyme et rattachés peut-être tous deux à la Massalie. On a mis l’île en rapport avec Allonem (forme accusative d’Allonis ?) en Espagne, citée par Pomponius Mela (2.93) et par Ptolémée (Geogr. 2.6.14) sous la forme Ἀλωναί. Pour la ville « de Massalie », l’absence d’indication de livre chez Artémidore ne permet pas de la placer de façon certaine en Gaule ou en Espagne. Il semble toutefois que cette détermination géographique ne puisse pas s’appliquer, à l’époque de son auteur, à un territoire extérieur au Midi de la Gaule. Le lexique-source avait-il déjà rapproché les deux toponymes, trouvés l’un et l’autre chez Artémidore ? L’hypothèse d’une Alônis en Espagne n’est toutefois pas suivie par P. Moret comme nous allons le voir ci-dessous. [D] |2| Bien qu’il ne soit pas signalé, Artémidore est très

vraisemblablement l’auteur de la mention de l’ethnique qui semble plutôt se rapporter à la ville, mais qui peut s’appliquer aux deux géonymes.

Localisation et archéologie On a proposé de placer l’île et la ville en Espagne. Dans ce cas, l’île est soit celle de Plana (ou Tabarca), à 19 km au sud d’Alicante (mais il s’agit plutôt de l’île appelée Planasia par les auteurs grecs, voir Strabon) soit plus vraisemblablement l’île de Benidorm à 37 km au nordest d’Alicante. P. Moret (Moret 2000, p. 242 sq) rappelle que l’identification de l’île repose avant tout sur le rapprochement entre la notice de l’Épitomé et l’indication de Strabon (3.4.6) : « μεταξὺ μὲν οὖν τοῦ Σούκρωνος καὶ τῆς Καρχηδόνος τρία πολίχνια Μασσαλιωτῶν ἔστιν οὐ πολὺ ἄπωθεν τοῦ ποταμοῦ· τούτων δ’ ἐστὶ γνωριμώτατον τὸ Ἡμεροσκοπεῖον. Entre le Sucro et Carthagène, il y a trois petites villes de fondation massaliote, peu éloignées de la rivière, dont la plus connue est Héméroscopéion » (trad. Lasserre). Tous les auteurs ont jusqu’ici considéré qu’il fallait mettre en relation l’île et la ville « de Marseille » (tel qu’on le traduit habituellement) avec les forteresses des Marseillais qu’énumère Strabon. Toutefois, P. Moret indique que s’il est acceptable de situer l’île et la ville espagnole du côté d’Alicante, « avec une grande marge d’incertitude  » (postulat n° 1), nous ne pouvons pas en revanche assimiler la « ville de Marseille » d’Artémidore avec celles qu’indique Strabon sans donner leur nom (postulat n° 2 pourtant considéré comme « plus facile à défendre ») car les ensembles géographiques ne sont pas les mêmes (Moret 2000, p. 243). Sur cette partie de la côte, il ne reste quoi qu’il en soit que deux candidates pour le nom d’Alônis : l’île de Tabarca, face à Santa Pola, et l’île de Benidorm, face à Benidorm et Villajoyosa. La seule argumentation valable est le nom que donne Strabon pour l’île de Tabarca : c’est Planasia, nom grec qui entrerait alors en concurrence directe avec Alônis et qui a des chances de provenir d’Artémidore (Moret 2000, p. 248). A. Espinosa Ruiz a repris ensuite l’argumentation mais cette fois-ci par rapport à la ville romaine de Villajoyosa, en la confrontant avec l’étude que J. Corell avait conduite en 1999 sur les inscriptions romaines des villes situées autour d’Alicante (Espinosa Ruiz 2006). Dans ce débat, il faut noter que l’on connait le nom antique d’Alicante (Lucentum), de Santa Pola

416 (Portus Illicitanus) et de Dénia (Dianium c’est-à-dire Hêmêroskopeion) et que nous savons, d’après les itinéraires antiques, qu’Allon était située à peu de distance d’Alicante. Selon lui, les vestiges romains découverts à Villajoyosa correspondent à la ville antique d’Allon. L’île serait donc celle de Benidorm. Toutefois, et cela va dans le sens de l’hypothèse de P. Moret, l’analyse que nous faisons de la mention de ‘Massalie’ en fait un territoire restreint du Midi de la Gaule et ne saurait selon nous correspondre avec un quelconque endroit de la côte espagnole. C’est pourquoi nous pensons qu’il faut chercher ce toponyme en Provence. Jusqu’à présent, la recherche de la localisation provençale s’est focalisée sur une île et une ville situées en visà-vis (voir le point récent conduit par Privitera 2007 p.  47, qui ignore la lecture de J.-P. Brun). À ce jour, deux hypothèses ont été avancées : l’une les place à Port d’Alon (commune de Saint-Cyr-sur-Mer ; Benoit 1965, p. 105) ; la seconde y voit une similitude avec le portus Alconis de l’Itinéraire maritime d’Antonin (commune de Cavalière ; Barruol 1969, p. 224 n. 1). J.-P. Brun réfute ces deux hypothèses : pour lui l’île et la ville d’Alônis se placent en Espagne car il ne trouve pas de localisation qui convienne pour une île et une ville conjointement massaliètes (Brun 1999, p. 85). Concernant l’hypothèse du portus Alconis, on pourrait imaginer qu’une erreur de lecture d’onciale ait fait noter ALCONIS au lieu d’ALOONIS dans le manu­scrit qui nous a transmis cette mention. Toutefois, la datation tardive de l’Itinéraire maritime d’Antonin (Ve-vie siècle selon P. Arnaud) rend peu probable la présence d’un nom comportant un O long sous forme de double voyelle. Et on voit mal quelle altération vocalique aurait transformé en quelques siècles Alônis en Alconis. Même si la simple erreur d’écriture de deux lettres rondes au lieu d’une reste toujours possible, l’hypothèse semble donc fragile. Concernant Port d’Alon, la difficulté vient de l’absence de tout vestige antérieur à notre ère sur le territoire de la commune de Bandol, si l’on doit assimiler la ville et l’île (qui serait alors celle de Bendor). La calanque actuelle de Port d’Alon présente à son entrée un haut fond (60 cm sous la surface) qui a laissé penser à la présence ancienne d’une île. Alimentée par un petit fleuve côtier, la morphologie du littoral a pu en effet être modifiée. Il semble toutefois peu probable qu’elle l’ait été au point de faire disparaître entièrement une véritable île dans cette zone, qui n’ait pas été un simple îlot.

23 – AλωνΙς/ALÔNIS [Λ] Si l’on dissocie les deux toponymes, plus rien ne rattache la ville de Massalie au bord de mer ; la correspondance avec Port d’Alon ne s’impose plus et nous pouvons la placer dans toute la zone «  occupée  » par Marseille, jusqu’à Avignon et Cavaillon puisque ces deux villes sont dites « en Massalie ». Nous proposerons à titre d’hypothèse de voir ici la forme ancienne de la ville de Salon-deProvence, mentionnée dans les textes seulement à partir du ixe siècle sous la forme villa Salone (voir ci-dessous le détail de la transformation phonétique). La mention la plus ancienne, datée de 871, est extraite d’un polyptique anciennement conservé dans les archives du monastère Saint-Sauveur de Marseille : « Descriptio mancipiorum de Villa Salone, datum tempore Carolomani regis & Rostagnis Archiepiscopi Arelatensis, anno primo » (transmis par Mgr Belsunce, Histoire de l’Eglise de Marseille, t. I, p. 302). Par la suite, Salon reste une possession de l’archevêque d’Arles. Un siècle plus tard, un récapitulatif des possessions tenues par l’archevêque Manassès, non daté, cite le castrum de Sallone (Gallia Christiana Novissima Arles n° 261). Dans ce cas, la ville préromaine se trouverait bien distincte de Pisavis, mentionnée sur la carte de Peutinger. Cette dernière se place plus au sud, au lieu-dit Saint-Jeande-Bernasse (au bord de la Touloubre), où l’on a retrouvé une borne de la via Aurelia marquant le 29e mille. Artémidore est le seul à mentionner ce toponyme. Toutefois, si notre hypothèse est exacte, il a survécu à l’Antiquité sous une forme proche, Salo/-onis. L’aspiration initiale est devenue un « s ». L’alternance entre un géonyme grec (sans le s) et son correspondant en latin (qui lui a le s) trouve une correspondance dans d’autres cas comme Elmantikê/Salmantica [83]. Une autre hypothèse serait de trouver une île et une ville en bordure de rivage, peut-être dans la zone de la Camargue qui pourrait faire partie encore de la Massalie. Cette île aurait disparu ensuite du fait des apports sédimentaires du Rhône. Peut-on mettre en rapport le nom d’Alônis avec celui des ‘lônes’, bandes marécageuse que l’on trouve en Camargue ? La filiation semble peu évidente et nous restons très circonspect sur cette hypothèse. Nous pensons toutefois que l’île peut correspondre à la Roque d’Odor, à Fos-sur-Mer, dont l’occupation grecque est attesté par des découvertes anciennes du ive au ier siècle avant notre ère (Marty 2017). Dans l’Antiquité, le site est une île rocheuse, ce qu’elle est encore au xiiie siècle. Les éléments découverts lors d’une fouille

24 – Aμισα/AMISA [M] rapide avant sa destruction dans les années 1960 a montré un petit habitat insulaire, accompagné d’une nécropole dont un des squelettes a été daté des ive-iiie siècles avant notre ère (Marty 2017, p. 92).

Chronologie des mentions iie s. av. : Artémidore, Ἀλωνίς, Ἀλωνίτης (Μασσαλίας). Le toponyme peut dériver d’ἁλωνία, aire à battre le grain, ou d’ἁλώνιον, petite grange. On notera que ces deux mots ont un esprit rude, ce qui n’est pas le cas de notre géonyme. Toutefois, on sait que l’ionien, langue dans laquelle écrit Artémidore, a perdu l’aspiration (phénomène de psilose) ; de plus, le nom ἀλωνή, grange, aire à battre le grain, prend un esprit doux. Il est donc tout à fait vraisemblable de voir dans ce toponyme la mention d’un lieu dévolu à cette activité. On trouve d’ailleurs chez Stéphane de Byzance une île Ἁλώνη en Propontide, expressément rattachée à l’activité agricole dans la notice de notre grammairien qui précède celle d’Alônis.

417

Bibliographie indicative RE I, 2 (1894), col.  1595 (s.v.  Alonis) Hübner  ; Brunel 1945, p.  122-123  ; Barruol 1969, p.  224, n. 1 ; Silberman 1988, p. 224 ; Tovar 1989, p. 205206  ; Sillières 1990, p.  346  ; González Blanco 1991, p. 24, 30 ; Adrados 2000, p. 7 ; Moret 2000 ; Espinosa Ruiz 2006 ; Privitera 2007, p. 47 Barrington Atlas : 27 E3 (Alonis Ins.) ; http://pleiades.stoa.org/places/265795 RE I, 2 (1894), col. 1595 (s.v. Alonis) Hübner ; Brunel 1945, p.  122-123  ; Benoit 1965, p.  105  ; Barruol 1969, p. 224, n. 1 ; Privitera 2007, p. 47. Barrington Atlas : 15 (Alonis, unlocated) ; http://pleiades.stoa.org/places/151760

24 – Aμισα/AMISA [M]

Ville – Germanie (α 271 Billerbeck)            Marcien Livre 4 – Second abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 21 % – taux théorique : 20 %). Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé et traduction Ἄμισα(a)· πόλις γερμανίας. μαρκιανὸς ἐν τοῖς ἀπὸ ῥώμης ἐπὶ τὰς διασήμους(b) πόλεις. τὸ ἐθνικὸν ἀμισαῖος. a) Ἄμισα RQ : Ἄμισσα PN. b) διασήμους Xylander : διαση R, διασημοὺς Q, διασήνους PN.

Ἄμισα· [A] |1| πόλις Γερμανίας. |2| Μαρκιανὸς ἐν τοῖς Ἀπὸ Ῥώμης

ἐπὶ τὰς διασήμους πόλεις [GGM I, 562, 36].

[D] |3| τὸ ἐθνικὸν Ἀμισαῖος [Marcien].

Amisa :  [A] |1| ville de Germanie. |2| Marcien, dans Les distances de Rome aux villes fameuses. [D] |3| L’ethnique est Amisaios.

Commentaire Cette notice provient du lexique de Marcien. [A]  |1-2|  Cette ville était citée par Marcien dans une partie disparue de son œuvre, placée après le Périple de

la Mer extérieure, qui constituait une sorte d’annexe des deux Périples (celui d’Artémidore et celui de Marcien). La ville était peut-être également mentionnée dans le corps même du texte du Périple (la Germanie est décrite à partir du § 31), dans les développements maintenant disparus. La ville se trouve également chez Ptolémée (Geogr. 2.11.13 et 28, 8.6.3), source de Marcien, sous la forme Ἀμίσια. La différence de nom, même minime mais ne correspondant pas à une faute de copie, pourrait peutêtre témoigner d’une origine spécifique, hors Ptolémée, de l’annexe de Marcien. [D] |3| L’ethnique provient très probablement du même auteur.

K. Müller, l’éditeur des Geographi Graeci Minores, mettait en relation cette ville et le fleuve Ἀμασίος (act. Ems), mentionné par Marcien (Per. ext. 32) et Ptolémée (Geogr. 2.11.1 et 7). Le fleuve était peut-être signalé comme forme dérivée par Stéphane de Byzance ; l’abréviation en aura fait disparaître la mention. Il apparaît

418

25 – Aμπελος (ANTIπOλIς ?) /AMPELOS (ANTIPOLIS ?) [Ε + Λ + Ω ?]

chez Pomponius Mela (3.30), Pline l’Ancien (4.100) sous la forme Amissis, Strabon (7.1.3) l’appelle Ἀμασίας et Tacite (Ann. 1.60, 1.63, 2.8 et 2.23) Amisia.

Chronologie des mentions

Localisation et archéologie

Bibliographie indicative

La ville devait se trouver le long de l’Ems, fleuve se déversant dans la mer du Nord. Tacite (Ann. 2.8) la mentionne également et la situe sur la rive gauche du fleuve, semblet-il proche de son embouchure. C’est ici que Germanicus laissa sa flotte, qui avait navigué en haute mer. La ville devait se trouver en face d’Emden ou un peu plus haut sur le fleuve (vers Emsauen ?).

RE I, 2 (1894), col. 1838 (s.v. Amisia) Ihm ; Smith 1854 (s.v. Amisia).

iie s. : Tacite, Amisia ; Ptolémée, Ἀμίσια.

Barrington Atlas : 12 (Amis(i)a) ; http://pleiades.stoa.org/places/123069

25 – Aμπελος (ANTIπOλIς ?) /AMPELOS (ANTIPOLIS ?) [Ε + Λ + Ω ?]

Ville – Gaule (Narbonnaise) ? (α 279 Billerbeck)            I- Hécatée (+ ?) Livre 4 – Second abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 21 % – taux théorique : 20 %). Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé et traduction (en grisé, forme erronée restituée du manu­scrit archétype disparu, corrigée dans la notice normalisée)

Ampelos  :  I-[A]  |1|  ville de Ligystique. |2|  Hécatée (Europe).

Ἄμπελος· πόλις τῆς λυγιστικῆς(a), ἑκαταῖος εὐρώπῃ. ἔστι καὶ ἄκρα τορωναίων(b) ἄμπελος λεγομένη. ἔστι καὶ ἑτέρα ἄκρα τῆς σάμου. καὶ ἄλλη ἐν κυρήνῃ. ἀγροίτας δὲ δύο πόλεις εἶναί φησι, τὴν μὲν ἄνω τὴν δὲ κάτω. ἔστι καὶ ἰταλίας ἄκρα καὶ λιμὴν καὶ πόλις. ὁ πολίτης ἀμπελῖνος ὡς ἀσσωρῖνος ἀβακαινῖνος· ὁ γὰρ τύπος τῶν ἰταλῶν. τῶν δὲ λοιπῶν δυνατὸν ἀμπελῖται(c) εἶναι.

II-[A] |3| Il existe aussi un promontoire à Toronée appelé Ampelos.

a)  Λιγυστικῆς Xylander  :  λυγιστικῆς RQPN. b)  τορωναίων PQN : τοροναίων R. c) ἀμπελῖται R (per comp.) Q : ἀμπελίτην PN.

IV-[A] |5| Et un autre en Cyrénaïque. |6| Agroitas dit

a – Erreur de lecture avec inversion de lettres (lors de la seconde abréviation ? cf. Et. Sym.).

Ἄμπελος· I-[A]  |1|  πόλις τῆς Λιγυστικῆς. |2|  Ἑκαταῖος Εὐρώπῃ [FGrHist 1 F 58]. II-[A] |3| ἔστι καὶ ἄκρα Τορωναίων Ἄμπελος λεγομένη. III-[A] |4| ἔστι καὶ ἑτέρα ἄκρα τῆς Σάμου. IV-[A] |5| καὶ ἄλλη ἐν Κυρήνῃ. |6| Ἀγροίτας [FGrHist 762

F 5] δὲ δύο πόλεις εἶναί φησι, τὴν μὲν ἄνω τὴν δὲ κάτω.

V-[A]   |7|  ἔστι καὶ Ἰταλίας ἄκρα καὶ λιμὴν καὶ πόλις. [D] |8| ὁ πολίτης Ἀμπελῖνος ὡς Ἀσσωρῖνος Ἀβακαινῖνος·

ὁ γὰρ τύπος τῶν Ἰταλῶν. |9|  τῶν δὲ λοιπῶν δυνατὸν Ἀμπελῖται εἶναι [Oros ?].

III-[A] |4| C’est également le nom d’un autre promontoire à Samos.

que la ville est double, une en bas, l’autre en haut.

V-[A] |7| Ampelos est aussi le nom d’un promontoire, d’un étang et d’une ville d’Italie. [D]  |8|  Le citoyen est appelé Ampelinos, formé comme Assôrinos et Abakaininos ; c’est, en effet, la forme pour les lieux d’Italie. |9| Pour les autres, on emploie la forme Ampelitai.

Lexiques et commentaires grecs et byzantins xiie siècle – Etymologicum Symeonis (α 688) Ἄμπελος· πόλις Λιγυστικῆς †καὶ Εὐρώπης† [= Ἑκαταῖος Εὐρώπῃ]. καὶ ἄκρα Σάμου, καὶ Κυρήνης. ὁ πολίτης Ἀμπελῖνος, ὡς Ἀσωρῖνος, Ἀ{μ}βακαινῖνος.

25 – Aμπελος (ANTIπOλIς ?) /AMPELOS (ANTIPOLIS ?) [Ε + Λ + Ω ?]

Commentaire La notice provient du lexique d’Hécatée et du lexiquesource, avec peut-être une annotation d’Oros (|7-8|). Il s’agit d’une notice plurielle juxtaposée qui se rapporte à au moins cinq lieux différents (il est probable que la mention d’Agroitas (FGrHist 762) concerne le toponyme de Cyrénaïque), dont quatre sont des promontoires (ἄκρα), parfois associés à des villes. Le nom des ethnonymes regroupés à la fin de la notice semble lié aux seuls ville/port et promontoire italiens. I-[A] |1-2| Ce toponyme, qui signifie ‘vigne’, est mentionné par Hécatée et relève de la Ligystique. Il est inconnu par ailleurs à notre connaissance ; on peut supposer qu’il désignait également un promontoire, comme ses homonymes italiens. La forme de l’Etymologicum Symeonis concernant Hécatée implique certainement une abréviation mal lue dans le premier abrégé.

V-[D]  |9|  Suivant la manière de faire de Stéphane de Byzance, la première forme doit se rapporter au géonyme qui fait l’objet de la première détermination géographique. Ici la forme de l’ethnique serait donc Ampelinos. Toutefois, la précision donnée juste après concerne clairement un géonyme italien. Nous ne savons pas si la forme Ampelitai/Ampelitês renvoie à l’ethnique correspondant à la ville mentionnée par Hécatée ; elle est caractéristique des ethniques formés par Artémidore et pourrait provenir plutôt de cet auteur. Selon nous, elle relève certainement des toponymes italien, samien ou libyen et ne concerne pas notre géonyme.

Localisation et archéologie Nous ne connaissons pas de ville qui puisse être rattachée à ce toponyme. N. Lamboglia proposait le cap de Sant’Ampelio, à Bordighera (Lamboglia 1939 et Lamboglia 1962). Le fait de ne pas retrouver ce toponyme chez Aviénus pourrait en effet indiquer qu’il se trouvait à l’est de Marseille. Si le terme désigne simplement un lieu planté d’un vignoble, la toponymie a pu rapidement évoluer depuis l’époque d’Hécatée. Par analogie avec les autres villes du même nom, il est probable que ce toponyme se rapportait à une ville située sur un promontoire.

419

Nous ne pouvons toutefois exclure que le nom de la ville de Ligystique soit une altération d’Antipolis, nom grec de la cité d’Antibes. Cela suppose une mauvaise lecture du groupe ‘NTIΠ’ en ‘MΠ’, qui peut se produire aussi bien avec un manu­scrit en onciales qu’avec un papyrus littéraire. Cette erreur suffit ensuite à la seconde mélecture, de ΠΟΛΙC en ΠЄΛΟC, par simple référence au nom commun pour un hellénophone d’ampelos. Nous ne trouvons pas dans l’Épitomé d’erreurs de lecture d’Hécatée altérant la forme des lemmes, contrairement aux géonymes issus de Théopompe ou d’Artémidore qui peuvent être fautifs ; mais ici cette erreur de lecture a pu arriver bien plus tôt dans l’histoire de la transmission du texte et ne pas être liée à la réalisation du lexique d’Hécatée. La forme du citoyen Ampelitai serait alors une déformation d’Antipolitai, qui correspond effectivement au nom des habitants d’Antipolis. Dans ce cas, cela signifierait que la ville existait déjà à la fin du vie siècle av. J.-C.

Chronologie des mentions vie s. av. : Hécatée, Ἄμπελος (τῆς Λιγυστικῆς). Si la lecture est correcte, la terminologie grecque renvoie directement à un toponyme créé par les Grecs (de Marseille ?), ἄμπελος signifiant la vigne.

Bibliographie indicative RE I, 2 (1894), col.  1882 (s.v.) Hülsen  ; Lamboglia 1939 ; Lamboglia 1962 ; Benoit 1965, p. 100-101 ; Barruol 1969, p.  223 n. 2, 225 n. 4  ; Bats 2003, p. 148 ; Gras 2003, p. 244 ; Braun 2004, p. 317.

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26 – AρβΑκη/ARBAKÊ [Λ]

26 – AρβΑκη/ARBAKÊ [Λ]

Ville – Hispanie (Tarraconaise) (α 385 Billerbeck)            Juba Livre 6 – Second abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 19,9 % – taux théorique : 20 %). Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé et traduction Ἀρβάκη· πόλις ἐν κελτιβηρίᾳ, ὡς ἰόβας. τὸ ἐθνικὸν ἀρβακαῖος.

Localisation et archéologie

Ἀρβάκη·

La ville porte le même nom que le peuple des Arévaques (Pline l’Ancien 3.4), dont elle constituait peut-être la capitale. Selon A. Schulten, il pourrait s’agir d’une confusion avec le nom du peuple ; ne connaissant pas l’œuvre de Juba, il n’est pas possible de trancher. Peutêtre s’agit-il également d’une simple variante d’Arboukalê [28], ville proche elle aussi du nom du peuple.

[A] |1| πόλις ἐν Κελτιβηρίᾳ, ὡς Ἰόβας [FGrHist 275 F 26]. [D] |2| τὸ ἐθνικὸν Ἀρβακαῖος [Juba ?].

Arbakê  :  [A]   |1|  ville en Celtibérie, selon Juba. [D] |2| L’ethnique se dit Arbakaios.

Commentaire La notice provient du lexique-source. [A] |1| La ville ne se trouve pas chez Strabon. La mention

de Juba permet de rattacher l’indication géographique à cet auteur, peut-être le seul à citer cette ville. Ptolémée (Geogr. 6.20.2) signale seulement une ville Ἀρβάκα d’Arachosie. La mention de Celtibères ou de Celtibérie est rare dans l’Épitomé puisqu’on ne la recontre que pour cette notice, Hêmeroskopeion [92] et Segidê [197], cette dernière pouvant peut-être se rattacher également à Juba.

[D]  |2|  Le nom de l’ethnique est très probablement

issu du même auteur. On trouve dans les Excerpta Constantiniana (De legat. p.  529, 22 et 530, 19) une mention liée à la guerre contre les Celtibères, qui provient d’Appien (Iber. 204 et 214). Le texte des Excerpta utilise la forme Arbakoi alors que les manu­scrits conservés d’Appien l’écrivent Arouakoi (voir également Iber. 184, 188, 215, 279, 322, 408-409 et 431) ; l’archétype qu’avait sous les yeux Photios avait certainement également la forme Arouakoi puisqu’il l’emploie avec la même orthographe dans sa lecture d’Appien (cod. 244, 383b). Diodore de Sicile (31.42.1) et Strabon (3.4.13) l’écrivent de la même manière. La forme employée par Juba semble donc assez spécifique à cet auteur. Polybe, dans les fragments du livre XXXV (35.2.4 et 13, 35.3.3 et 9) transmis par les Excerpta Constantiniana, utilise la forme Ἀραυάκαι.

Ce peuple est localisé autour de Numance, dans l’actuelle province de Soria, dans la haute vallée du Douro. Pline l’Ancien (3.4) mentionne également le fleuve Areva qui est probablement l’Ucero qui se jette dans le Douro. Voir la fiche Arboukalê [28].

Chronologie des mentions iie s. av. : Polybe, Ἀραυάκαι – ier s. av. : Diodore de Sicile, Ἀρουακοί – ier  s.  :  Tite-Live, Arevaci  ; Juba, Ἀρβάκη, Ἀρβακαῖος (ἐν Κελτιβηρίᾳ) ; Strabon, Ἀρουακοί ; Pline l’Ancien, Arevaci – iie s. : Appien, Ἀρουακοί (Ἀρβάκοι) ; Ptolémée, Ἀρεουακοὶ. Les auteurs grecs d’époque augustéenne transcrivent le ‘v’ latin en ‘ου’ ; par la suite, et dès Juba, on trouve la consonne ‘b’ que l’on observe en concurrence selon les manu­scrits d’Appien, peut-être par une correction systématique de l’édition des Excerpta Constantiniana qui emploie le ‘b’.

Bibliographie indicative RE II, 1 (1895), col. 682 (s.v. Arevaci) Hübner ; Smith 1854 (s.v. Arbace et Arevaci) ; THA IIB 142g ; Tovar 1989, p. 78-82, 354 ; González Blanco 1991, p. 25, 31.

27 – AρβαξανοΙ/ARBAXANOI [Λ]

421

27 – AρβαξανοΙ/ARBAXANOI [Λ]

Peuple – Gaule (Narbonnaise) ? (α 387 Billerbeck)            Théopompe Livre 6 – Second abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 19,9 % – taux théorique : 20 %). Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé et traduction (en grisé, forme erronée restituée du manu­scrit archétype disparu, corrigée dans la notice normalisée)

Ἀρβαξανοί(a)· ἔθνος λιγυστικόν « παρέπλεον δὲ τὴν χώραν τὴν μὲν πρώτην ἔρημον, ἣν ἐνέμοντο (b) ἰψίκοροι(c) καὶ ἀρβαξανοί(a) (d)». a)  Ἀρβαξανοί QPN  :  Ἀρβαζανοί R. b)  πρότερον suppl. Meineke (e St. Byz. ι 124). – c) Ἰψίκουροι Holste (e St. Byz. ι 124) : Ἰψίκοροι RQPN. d) καὶ Εὔβιοι : suppl. Bouiron (e St. Byz. ι 124). b, d – Texte disparu dans l’abréviation mais présent dans la notice Ipsikouroi [112].

Ἀρβαξανοί· [Da] |1| ἔθνος λιγυστικόν « παρέπλεον δὲ τὴν χώραν τὴν μὲν πρώτην ἔρημον, ἣν ἐνέμοντο Ἰψίκουροι καὶ Ἀρβαξανοί  » [Théopompe, FGrHist 115 F 203b].

Arbaxanoi :  [Da] |1| peuple de Ligystique : « Ils naviguèrent le long du pays autrefois désert, qu’habitaient les Ipsikouroi, les Arbaxanoi  ».

Commentaire La notice provient du lexique-source. [Da]   |1|  Cette citation se retrouve dans la notice

Ipsikouroi [112]  sous une forme un peu plus longue vers la fin et surtout avec l’indication de la source : les Philippiques de Théopompe (livre XLIII). Il s’agit d’un peuple qui semble avoir déjà disparu lors de la rédaction de Théopompe. Le nom du peuple n’est pas connu par ailleurs.

Localisation et archéologie Il n’est pas possible de proposer une localisation précise entre Massalia et les îles Britanniques. Tout au plus peut-on noter que la citation de Théopompe, que nous rapportons au voyage de Pythéas, implique un personnage qui navigue le long des côtes (ce qui s’applique à Pythéas) et que les contrées longées sont désertées de son temps. Le fait de pouvoir nommer les peuples qui existaient précédemment témoigne de l’existence de périple(s) plus ancien(s) qui pouvai(en)t servir de guide. On pense ici à Hécatée mais cela pourrait être également Euthyménès, marseillais comme Pythéas et plus proche de lui dans le temps, s’il décrivait bien les côtes ligyennes et ibériques. D’autant qu’une mention chez Hécatée se serait probablement retrouvée directement dans les Ethniques et aurait pu remplacer la notice issue de Théopompe pour la détermination géographique.

Chronologie des mentions iv e  s. av.  :  Théopompe/Pythéas, Ἀρβαξανοί (ἔθνος λιγυστικόν).

Bibliographie indicative RE II, 1 (1895), col. 407 (s.v. Arbaxani) Hülsen.

422

28 – AρβουκΑλη/ARBOUKALÊ [Λ]

28 – AρβουκΑλη/ARBOUKALÊ [Λ]

Ville – Hispanie (Tarraconaise) (α 391 Billerbeck)            Polybe Livre 6 – Second abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 19,9 % – taux théorique : 20 %). Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé et traduction Ἀρβουκάλη· πόλις μεγίστη τῶν ἐντὸς ἴβηρος ποταμοῦ, ἣν μόλις εἷλεν ἀννίβας, ὡς πολύβιος γʹ. Ἀρβουκάλη· [A]  |1|  πόλις μεγίστη τῶν ἐντὸς Ἴβηρος ποταμοῦ, [B]  ἣν μόλις εἷλεν Ἀννίβας, ὡς Πολύβιος γʹ [3.14.1].

Arboukalê  :  [A]  |1|  très grande ville des gens vivant en-deçà du fleuve Ibêr, [B] qu’Hannibal eut bien du mal à investir selon Polybe (3e livre).

Commentaire La notice est issue du lexique-source ; elle semble incomplète puisqu’il ne subsiste aucune forme dérivée. [A-B] |1| La mention de cette ville provient du seul Polybe

(3.14.1) : « Ἀρβουκάλην δὲ διὰ τὸ μέγεθος τῆς πόλεως καὶ τὸ πλῆθος, ἔτι δὲ τὴν γενναιότητα τῶν οἰκητόρων μετὰ πολλῆς ταλαιπωρίας πολιορκήσας κατὰ κράτος εἷλε. (…) ὧν ἡττηθέντων οὐδεὶς ἔτι τῶν ἐντὸς Ἴβηρος ποταμοῦ ῥᾳδίως πρὸς αὐτοὺς ἀντοφθαλμεῖν ἐτόλμα πλὴν Ζακανθαίων. Mais il assiégea avec beaucoup de difficultés Arboukalê, à cause de l’étendue de la ville et de l’importance de sa population, ainsi que la valeur des habitants ; il s’en empara néanmoins de vive force (…). Et quand ces peuples furent vaincus, il n’y en eut plus aucun en deçà de l’Èbre pour oser facilement lui tenir tête, en dehors des Sagontins » (trad. Foulon). Il s’agit bien des termes utilisés par l’Épitomé, témoin d’une citation abrégée provenant de Polybe. Le terme de « μεγίστη » (« très grand ») reprend « διὰ τὸ μέγεθος » («  par la grandeur  ») chez Polybe. L’indication «  en-deçà du fleuve Ibêr  » signifie au sud du fleuve. Strabon ne signale pas cette ville  ; Tite-Live (21.5.6) écrit Arbocala, Ptolémée (Geogr. 2.6.49) Ἀλβόκελα. [D] absent : Nous ne savons pas s’il existait le nom de l’ethnique dans la notice d’origine mais cela semble vraisemblable.

Localisation et archéologie La ville correspond probablement à la capitale du peuple des Vaccéens. Proche de Salamanque, Arboukalê était située entre Ocellodunum et Amallobriga ; elle pourrait correspondre à Toro, à l’est du Zamora. D’autres érudits la localisent à Alba de Tormes (Salamanque). Elle est mentionnée par Polybe à l’occasion de la phase préalable de la Deuxième guerre punique, alors qu’Hannibal cherche à soumettre une partie plus importante de l’Ibérie. Par la suite, elle est remplacée par une ville romaine créée ex nihilo  :  Albocela (Núñez Hernández, Curchin 2007, p.  432-435), qui correspond à l’actuel lieu-dit El Alba (Villalazán, province de Zamora). Le site y est reconnu sur une superficie de 20 ha. L’absence de vestiges d’Arboukalê ne permet pas une identification précise de la cité primitive.

Chronologie des mentions iie s. av. : Polybe, Ἀρβουκάλη (τῶν ἐντὸς Ἴβηρος ποταμοῦ) – ier s. : Tite-Live, Arbocala – iie s. : Ptolémée, Ἀλβόκελα – iiie s. : Itinéraire d’Antonin, Albucella.

Bibliographie indicative RE II, 1 (1895), col. 420-421 (s.v. Arbucale) Hübner ; Smith 1854 (s.v.  Albucella)  ; THA  IIB 142h  ; Domínguez Monedero 1986 ; Tovar 1989, p. 323 ; González Blanco 1991, p. 25, 31. Barrington Atlas : 24 F3 (Arboukale/Albocela) ; http://pleiades.stoa.org/places/236340

29 – AρΟερνοι/AROERNOI [Λ]

423

29 – AρΟερνοι/AROERNOI [Λ]

Peuple – Gaule (Aquitaine) (α 441 Billerbeck)            Apollodore Livre 6 – Second abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 19,9 % – taux théorique : 20 %). Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé et traduction (en grisé, forme erronée restituée du manu­scrit archétype disparu, corrigée dans la notice normalisée)

Ἀρόερνοι· ἔθνος μαχιμώτατον τῶν πρὸς τῇ κελτικῇ γαλατῶν. ἀπολλόδωρος δʹ χαιρονικῶν(a) « κελτῶν ἀροέρνους ».

Ἀρόερνοι·

par un besoin métrique (Apollodore écrit en trimètres iambiques). Comme pour les autres peuples cités par Apollodore (Aidousioi [11], Allobruges [21]), il est étonnant de ne pas voir la trace d’une mention d’Artémidore dans la notice.

[Da]   |1|  ἔθνος μαχιμώτατον τῶν πρὸς τῇ Κελτικῇ

Localisation et archéologie

a) Χρονικῶν Xylander : χαιρονικῶν RPN, χαιρονικὸν Q.

Γαλατῶν. |2| Ἀπολλόδωρος δʹ Χρονικῶν [FGrHist 244 F 23] « Κελτῶν Ἀροέρνους ».

Aroernoi :  [Da] |1| peuple le plus combattif des Gaulois proches de la Celtique. |2|  Apollodore (4e livre des Chroniques) : « les Arvernes des Celtes ».

Commentaire La notice provient du lexique-source. [Da] |1| La mention du peuple se trouve chez Strabon

(4.1.14, 4.2.2-3, 4.3.4, 4.4.1, 4.4.3), mais avec une orthographe différente (Ἀρουέρνοι) que l’on observe également chez Ptolémée (Geogr. 2.7.12, 2.8.11-12) et Dion Cassius (40.33.1, 35.1). On ne retrouve pas précisément la description qu’en donne Stéphane de Byzance. La localisation « de la Celtique » ne renvoie pas à Strabon ; elle provient sans doute d’Apollodore, comme le laisse penser le terme de « Galatoi » utilisé pour parler des Gaulois. Le superlatif μαχιμώτατον, «  le plus combattif », se trouve souvent associé aux peuples celtes d’Occident comme les Cimbres et les Teutons chez Appien (Celt. 1.2) ou d’Orient comme chez Polybe (18.41.8) lorsqu’il évoque les Galatoi défaits par Attale Ier. Encore chez Pausanias (8.43.6), cet adjectif décrit les Germains vaincus par Marc Aurèle. |2|  La citation d’Apollodore a très certainement été réduite au maximum par le second abrégé ; elle n’apporte plus aucun renseignement mais doit être mise en relation avec le début de la notice qui en reprend certainement le texte. La forme Ἀρο- au lieu de Ἀρου- peut s’expliquer

Le peuple des Arvernes occupe une position centrale en Gaule, au carrefour de tous les échanges commerciaux entre le nord-ouest et le sud-est. Ils se sont développés autour de la riche plaine de la Limagne, dont le déboisement et la mise en culture favorise le développement agricole. Leurs capitales successives semblent être l’oppidum de la Grande Borne à Aulnat, puis l’oppidum de Corent (à partir du milieu du iie siècle av. J.-C.) et enfin celui de Gondole (à partir de 80 av. J.-C.), sans toutefois que les autres sites cessent d’être occupés (Fichtl 2012, p. 217). Dans les décennies qui précèdent la conquête romaine, ils forment l’un des peuples les plus riches et puissants de Gaule. Ils apparaissent dans l’historiographie romaine comme ayant fait partie de l’expédition mythique de Bellovèse, à l’origine de la fondation de Mediolanum/ Milan au vie siècle av. J.-C. (Tite-Live, 5.34). De manière plus fiable, ils sont mentionnés pour une ambassade envoyée auprès d’Hasdrubal lors de la Deuxième guerre punique (Tite-Live, 27.39). Au moment de la conquête romaine, les Arvernes, alliés aux Allobroges, sont battus par Cn. Domitius Ahenobarbus en 122 av. J.-C. puis à nouveau l’année suivante par Q. Fabius Maximus. En préambule de ces batailles, Appien (Celt. 12) décrit l’ambassade envoyée par les Arvernes auprès de Cn. Domitius Ahenobarbus ; il fournit ainsi quelques renseignements précieux (à partir d’une source inconnue) sur leur roi, Bituit, appelé par erreur « rois des Allobroges ».

424

30 – Aρσα/ARSA [Λ]

Chronologie des mentions

Bibliographie indicative

iie s. av. : Apollodore, Ἀρόερνοι – ier s. av. : Jules César, Arverni – ier s. : Tite-Live, Arverni ; Strabon, Ἀρουέρνοι ; Lucain, Arverni ; Pline l’Ancien, Arverni – iie s. : Tacite, Arverni ; Suétone, Arverni ; Florus, Arverni ; Ptolémée, Ἀρουέρνοι – iiie s. : Dion Cassius, Ἀρουέρνοι.

RE II, 2 (1896), col.  1488-1489 (s.v.  Arverni) Ihm  ; Smith 1854 (s.v. Arverni) ; Poux 2011 ; Fichtl 2012, p. 216-221.

La forme est Aroernoi en grec au ii e siècle av.  J.-C. puis subit l’influence du latin Arverni en Arouernoi. L’ethnonyme serait constitué d’un préfixe gaulois are (« près de », « devant ») et verno/uerno (« aulnes », « aulnaies »), qui pourraient évoquer les boucliers en aulne utilisés par les guerriers arvernes.

Barrington Atlas : 17 B2 (Arverni) ; http://pleiades.stoa.org/places/167656

30 – Aρσα/ARSA [Λ]

Ville – Hispanie (Bétique) ? (α 452 Billerbeck)            Charax Livre 6 – Second abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 19,9 % – taux théorique : 20 %). Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé et traduction (en grisé, forme erronée restituée du manu­scrit archétype disparu, corrigée dans la notice normalisée)

Ἄρσα· πόλις ἰσπανιάς(a), ὡς χάραξ ἐν ιʹ χρονικῶν. τὸ ἐθνικὸν ἀρσαῖος. a) Ἱσπανιάς Pinedo : ἰσπανιάς PN, ἰππανιάς R, ἱππανιάς Q. a – Erreur d’accentuation lors de la translittération.

Ἄρσα· [A] |1| πόλις Ἱσπανιάς, ὡς Χάραξ ἐν ιʹ χρονικῶν [FGrHist

103 F 28].

[D] |2| τὸ ἐθνικὸν Ἀρσαῖος [Charax ?].

Arsa :  [A] |1| ville d’Hispanie, selon Charax, dans le 10e livre des Chroniques. [D] |2| L’ethnique est Arsaios.

Commentaire La notice provient du lexique-source. [A] |1| La ville d’Arsa est connue dans nos sources par

Appien (Iber. 298) dans le contexte de la guerre contre Viriathe en 140 av.  J.-C.  :  «  ἐψηφισμένου δὴ σαφῶς, ὁ Καιπίων Ἄρσαν τε πόλιν ἐκλιπόντος Οὐριάτθου παρέλαβε, καὶ αὐτὸν Οὐρίατθον φεύγοντά τε καὶ τὰ ἐν παρόδῳ φθείροντα περὶ Καρπητανίαν κατέλαβε, πολὺ πλείονας ἔχων. La guerre ainsi décrétée sans équivoque, Caepio s’empara de la ville d’Arsa que Viriathe avait évacuée, et sur-

prit du côté de la Carpétanie Viriathe lui-même qui fuyait en ravageant tout sur sa route. Caepio avait la supériorité numérique » (trad. Goukowsky). La détermination comme ville d’Hispanie (et non d’Ibérie) convient tout à fait à Charax, l’auteur mentionné dans l’Épitomé. Cette ville ne se trouve pas chez Strabon mais Ptolémée (Geogr. 2.4.10) la cite également. [D]  |2|  L’ethnique provient sans doute également de Charax. Nous n’en avons aucune mention parmi les auteurs que nous avons conservés.

Localisation et archéologie Il existe deux cités de ce nom, l’une dans le Conventus gaditanus, l’autre en Béturie dans la zone de Cordoue. La première, selon Pline l’Ancien, était proche de la ville de Mellaria. C’est probablement la seconde qui est citée par Appien (Iber. 298) dans le cadre de la guerre contre Viriathe et on peut supposer également par Charax. La seconde cité est rattachée par Pline l’Ancien (3.14) au peuple des Turdules. D’après A. Tovar, elle était située à proximité de la cité de Medina Sidonia (Asido) (Tovar 1974, p. 55). C’est elle que mentionne Ptolémée (Geogr. 2.4.10). Elle est située peut-être à l’emplacement de l’actuelle Azuaga (province de Badajoz, Estramadure).

31 – AρTEMITA/ARTEMITA [Φ + Λ] Toutefois, ce nom est aussi celui de l’ancienne ville de Sagonte [89], qui survit encore jusqu’au ier siècle av. J.-C. dans le monnayage (Ripollès, Llorens 2002). La mention provenant d’un auteur secondaire comme Charax, reprenant les données plus ancienne et servant peut-être de source à Appien, il nous semble peu vraisemblable que la ville de l’Épitomé corresponde à Sagonte mais bien plus certainement à la ville que Caepio a reprise à Viriathe.

Chronologie des mentions

425

Bibliographie indicative RE II, 1 (1895), col. 1266 (s.v. Arsa 3) Hübner ; Smith 1854 (s.v. Arsa 1) ; THA IIB 142i ; Tovar 1974, p. 55 ; Tovar 1976, p.  92-93  ; González Blanco 1991, p.  25, 31  ; Ripollès, Llorens 2002  ; Zehnacker 2004, p.  107  ; Aranegui Gascó 2006  ; Gorges, Rodríguez Martín 2009, p. 372-377. Barrington Atlas : 26 (Arsa, unlocated) ; http://pleiades.stoa.org/places/260494

ier  s.  :  Pomponius Mela, Arsa  ; Pline l’Ancien, Arsa – iie  s.  :  Charax, Ἄρσα, Ἀρσαῖος ? (Ἱσπανιάς)  ; Appien, Ἄρσα ; Ptolémée, Ἄρσα.

31 – AρTEMITA/ARTEMITA [Φ + Λ]

Île – Îles (Toscanes) (α 462 Billerbeck)            I-[A] Philon Livre 6 – Second abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 19,9 % – taux théorique : 20 %). Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé et traduction (en grisé, forme erronée restituée du manu­scrit archétype disparu, corrigée dans la notice normalisée)

Ἀρτέμητα (a), νῆσος τυρρηνικὴ παρὰ (b) τὴν θάλειαν (c) νῆσον, ὡς φίλων. ὡς δὲ στράβων πόλις παρθυαίων(d). ὁ δὲ αρτεμίδωρός φησιν ὅτι χερρόνησος περὶ(e) τὴν ἐκβολὴν τοῦ ἀχελῴου ποταμοῦ λεγομένη ἀρτέμιτα(f ). ἡ γενικὴ ἀρτεμίτας. τὸ ἐθνικὸν ἀρτεμιτηνός. ἀπολλόδωρος δ’ ἀρταμιτηνός φησι διὰ τοῦ α. ἔστι καὶ πλησίον τῶν ὀξειῶν νήσων νῆσος ἀρτεμίτα. ῥιανὸς ηʹ(g ) θεσσαλικῶν «  νήσοις ὀξείῃσι καὶ ἀρτεμίη(h) ἐπέβαλλον(i) ». τὸ ἐθνικὸν τὸ αὐτό, ἢ ἀρτεμιταῖος διὰ τὸ τὸν τύπον τοῖς πέρσαις ἀναλογεῖν. a)  Ἀρτέμιτα Rpc  :  Ἀρτέμητα RacQPN, Ἀρτεμίτα Meineke (e Str.). b) παρὰ RPN : περὶ Q. c) Αἰθάλειαν Cluverius : θάλειαν RQPN. d)  παρθυαίων QPN  :  παρθιαίων R. e)  χερρόνησος περὶ QPN  :  χερόνησος παρὰ R. f ) ἀρτέμιτα RPN  :  ἀρτεμίτα Meineke, ἀρτέμια Q. g)  ηʹ RQ  :  οἵ PN. h)  Ἀρτεμίτῃ Holste : ἀρτεμίη RQPN. i) ἐπέβαλλον Q : ἐπέβαλον RPN. a – Iotacisme ? c – Erreur de copie lors de l’abréviation ?

Ἀρτέμιτα · I-[A]  |1|  νῆσος Τυρρηνικὴ παρὰ τὴν Αἰθάλειαν νῆσον, ὡς Φίλων [FGrHist 790 F 28]. [C]  |2|  ὡς δὲ Στράβων

[11.11.7 ; 16.1.17] πόλις Παρθυαίων. |3| ὁ δὲ Ἀρτεμίδωρός [F 56 Stiehle]  φησιν ὅτι χερρόνησος περὶ τὴν ἐκβολὴν τοῦ Ἀχελῴου ποταμοῦ λεγομένη Ἀρτέμιτα. |4|  ἡ γενικὴ Ἀρτεμίτας.

[D] |5| τὸ ἐθνικὸν Ἀρτεμιτηνός. |6| Ἀπολλόδωρος [FGrHist

779 F 8] δ’ Ἀρταμιτηνός φησι διὰ τοῦ α.

II-[A]   |7|  ἔστι καὶ πλησίον τῶν Ὀξειῶν νήσων νῆσος Ἀρτεμίτα. |8|  Ῥιανὸς ηʹ Θεσσαλικῶν [F 39 Powell] « νήσοις Ὀξείῃσι καὶ Ἀρτεμίτῃ ἐπέβαλλον ». [D] |9| τὸ ἐθνικὸν τὸ αὐτό, ἢ Ἀρτεμιταῖος διὰ τὸ τὸν τύπον τοῖς Πέρσαις ἀναλογεῖν.

Artemita :  I-[A] |1| île de la Tyrrhénie, près de l’île d’Aithaleia, selon Philon. [C]  |2|  Selon Strabon, ville des Parthes. |3|  Artémidore dit que la presqu’île située à l’embouchure du fleuve Acheloos est appelée Artemita. |4|  Le génitif est Artemitas. [D]   |5|  L’ethnique est Artemitênos. |6| Apollodore emploie Artamitênos, avec un a. II-[A]  |7|  Il existe aussi une île Artemita près des îles Oxeiai. Rhianos (8e livre des Thessaliques) : « Ils attaquèrent les îles Oxeiai et Artemita ». [D] |9| L’ethnique est le même, ou Artemitaios par analogie avec la forme qu’emploient les Perses.

426

32 – AσταπαΙοι/ASTAPAIOI [Ω]

Commentaire

Localisation et archéologie

À l’exception de la première mention issue de l’abrégé de Philon, la notice provient du lexique-source. La première partie de la notice plurielle semble avoir été bouleversée par Stéphane de Byzance, l’ethnique se rapportant très probablement à la ville perse et non à l’île qui est indiquée la première.

Il s’agit de l’île de Giannutri, de petite dimension (2,6 km²), dans l’archipel toscan, appelée Dianium par les Romains.

I-[A] |1| Philon est le seul à notre connaissance à mentionner cette île, ce qui pose le problème du contexte de la mention chez Philon. Comme nous allons le voir, les Domitii Ahenobarbi y ont vécu ce qui l’explique probablement. [C] |2| La ville que cite Strabon (11.11.7, 16.1.17) est

effectivement au Proche-Orient ; sa mention provient d’Apollodore d’Artemita. Voir également Ptolémée (Geogr. 5.13.21, 5.19.7, 6.1.6, 8.19.13). |3|  Strabon donne une information assez proche en 1.3.18.

[D] |5-6| La forme de l’ethnique a peu de chance de cor-

respondre à l’île. La mention d’Apollodore provient de Strabon (2.5.12 et 11.13.6) et concerne la ville perse, mais la forme ne correspond pas.

L’île connaît une occupation depuis l’âge du Bronze mais a eu sa période de splendeur à l’époque romaine puisqu’elle devient la possession de la famille des Domitii Ahenobarbi, qui y font construire une villa maritime. Deux ports naturels s’y trouvent (Cala Spalmatoio au nord-est et Cala Maestra au nord-ouest) ; ils ont servi pour l’accostage durant l’Antiquité. Les deux étaient reliées par une route pavée dont il subsiste encore quelques vestiges.

Chronologie des mentions ier s. : Pline l’Ancien, Artemisia, Dianium – iie s. : Philon (abrégé d’Aelius Serenus), Ἀρτέμιτα. L’île porte le nom de Dianium chez Pline l’Ancien, traduction du grec.

Bibliographie indicative RE II, 2 (1896), col.  1441 (s.v.  Artemisia 1) Hülsen  ; Smith 1854 (s.v. Dianium) ; Zehnacker 2004, p. 180 ; Rendini 2008. Barrington Atlas : 41 E5 (Artemisia/Dianium Ins.) ; http://pleiades.stoa.org/places/403182

32 – AσταπαΙοι/ASTAPAIOI [Ω]

Peuple – Hispanie (Bétique) (α 498 Billerbeck)            Appien Livre 7 – Second abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 20,7 % – taux théorique : 20 %). Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé et traduction Ἀσταπαῖοι· λιβύης(a) ἔθνος, ἀππιὰνος ϛʹ. a) λιβύης RQPN : Ἰβηριάς Meineke.

Ἀσταπαῖοι· [Da] |1| {Λιβύης} ἔθνος. |2| Ἀππιὰνος ϛʹ [Iber.,

33].

Astapaioi  :  [Da]   |1|  peuple de {Libye} . |2| Appien (6e livre).

Commentaire La notice provient d’Oros. [Da]   |1-2|  La mention d’Appien (Iber. 132) cor-

respond au nom d’une ville d’Ibérie et de ses habitants : « Ἀσταπὰ δ᾽ ἦν πόλις Καρχηδονίοις ἀεὶ ἐμμείνασα ὁμαλῶς· Il était une ville, Astapa, toujours demeurée d’une fidélité sans faille envers Carthage » (trad. Goukowsky). Ici c’est le nom du peuple qui constitue la notice de base, la ville ne formant, peut-être, si elle était bien mention-

33 – AτλαντικOς/ATLANTIKOS [Λ] née, qu’un rattachement secondaire ; sinon Stéphane de Byzance aurait commencé par : « Ἀσταπὰ· πόλις Ἰβηριάς (…)  ». Notre lexicographe aura certainement trouvé cette mention chez Oros, ce qui explique la référence à cette seule forme ethnique. Ce dernier a lu un peu rapidement l’œuvre d’Appien, qui signale comme on l’a dit la ville d’Astapa et dont la forme « Ἀσταπαῖοι » pour les habitants apparaît effectivement dans la suite du paragraphe (§ 135-136). Mais le rattachement à la Libye est une erreur. La ville est mentionnée également par Tite-Live (28.23.4-5) et pouvait l’être aussi par Polybe dans une partie disparue de son œuvre puisqu’un extrait signale (11.24.11) la mort de Romains cherchant à récupérer des métaux précieux fondus, épisode que Tite-Live place justement à Astapa.

427 Elle est reconstruite ensuite sous le nom d’Ostippo, sur le cerro de San Cristóbal (Goukowsky 2003, p. 121, n. 204). La nouvelle ville, mentionnée par Pline l’Ancien (3.12), a fait l’objet de recherches archéologiques qui montrent le développement de la cité entre le iie et le vie siècle de notre ère. On y a découvert à la fois des vestiges de sculpture romaine assez importants et des éléments plus tardifs comme une basilique paléochrétienne avec baptistère, succédant à une nécropole antique.

Chronologie des mentions ier  s.  :  Tite-Live, Astapa  ; Pline l’Ancien, Ostippo – iie s. : Appien, Ἀσταπὰ, Ἀσταπαῖοι – iiie s. : Itinéraire d’Antonin, Ostippo.

Localisation et archéologie

Bibliographie indicative

La ville correspond à l’actuelle Estepa, dans la province de Séville. La cité, anciennement punique et dénommée Astapa, a été détruite en 206 av. J.-C. durant la Deuxième guerre punique, ses habitants ayant préféré se suicider plutôt que de passer sous la domination des Romains.

RE XVIII, 2 (1942), col. 1665 (s.v. Ostippo) Schulten ; Smith 1854 (s.v.  Astapa)  ; Pelletier 1987  ; Zehnacker 2004, p. 104. Barrington Atlas : 26 (Astapa, unlocated) ; http://pleiades.stoa.org/places/260496

33 – AτλαντικOς/ATLANTIKOS [Λ]

Océan (α 520 Billerbeck)            [E] ? Livre 7 – Second abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 20,7 % – taux théorique : 20 %). Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé et traduction (en grisé, forme erronée restituée du manu­scrit archétype disparu, corrigée dans la notice normalisée)

Ἄτλαντες· ἔθνος λιβυκόν, ἡρόδοτος δʹ. ἔστι καὶ(a) τὸ ὄνομα ἀπὸ τῶν ὀρῶν τῶν δύο ἀτλάντων. ῥιανὸς δὲ ἐν ἀχαϊκῶν βʹ ἀτάραντας μετ’ αὐτοὺς εἶναί φησι καὶ ἄτλαντας(b). καὶ ὅτι οὐ βλέπουσιν οὗτοι ὀνείρους. λέγεται τὸ κτητικὸν ἀτλαντικός καὶ ἀτλαντικὴ θάλασσα, καὶ ἀτλάντιος καὶ ἀτλαντία θάλασσα. a)  δὲ Salmasius  :  καὶ RQPN. b)  Ἀτάραντας καὶ μετ’ αὐτοὺς εἶναί φησι Ἄτλαντας Holste : ἀτάραντας μετ’ αὐτοὺς εἶναί φησι καὶ ἄτλαντας RQPN, Ἀτάραντας εἶναί φησι καὶ μετ’ αὐτοὺς Ἄτλαντας Meineke. a – Erreur probablement due aux abréviations. b – Erreur de positionnement du καὶ, peut-être au moment de la translittération, sinon lors des phases d’abréviation.

Ἄτλαντες· [Da]   |1|  ἔθνος Λιβυκόν. |2|  Ἡρόδοτος δʹ [4.184.4]. [Db] |3| ἔστι δὲ τὸ ὄνομα ἀπὸ τῶν ὀρῶν τῶν δύο Ἀτλάντων.

|4| Ῥιανὸς δὲ ἐν Ἀχαϊκῶν βʹ [F 12 Powell] Ἀτάραντας καὶ μετ’ αὐτοὺς εἶναί φησι Ἄτλαντας. |5| καὶ ὅτι οὐ βλέπουσιν οὗτοι ὀνείρους.

[E]  |6|  λέγεται τὸ κτητικὸν ἀτλαντικός καὶ ἀτλαντικὴ θάλασσα, καὶ Ἀτλάντιος καὶ Ἀτλαντία θάλασσα.

Atlantes  :  [Da]  |1|  peuple de Libye. |2|  Hérodote (4e livre). [Db]  |3|  Le nom vient des montagnes des deux Atlantes. |4| Rhianos, dans le 2e livre des Achaïques, cite les Atarantes et dit qu’au-delà se trouvent les Atlantes ;

428 |5| et que ces gens ne font pas de rêves. [E] |6| Le ktétique employé est Atlantikos et on parle de la mer Atlantikê ; et on trouve aussi Atlantios et la mer Atlantia.

Lexiques et commentaires grecs et byzantins Pseudo-Arcadius (De accent. 44.7-9 = 161.4-5) τὰ διὰ τοῦ σιος καὶ τιος προπαροξύνονται, εἰ μὴ κύρια εἴη καὶ τριβράχεα· ἀσπάσιος, πρυμνήσιος, Ἀτλάντιος, θαλάττιος. Scholia in Aelium Aristidem (schol. vet., Pan, 128.7) ἔτι δὲ Ἀτλαντικοῦ πελάγους κληρουχίας ἀτίμους ἠπείλει· τὸ Ἀτλαντικὸν πέλαγος περὶ τὸν ὠκεανόν ἐστι πελαγῶν μέγιστον. ἠπείλει οὖν Ἀθηναίοις, ὡς ῥῖνας αὐτῶν καὶ ὦτα ταμὼν ἀναγκάσῃ τὸ πέλαγος ἐπαντλήσαντας, καὶ τὸ παρακείμενον ὄρος, τὸν Ἄτλαντα, σκάψαντας, ἐντὸς τοῦ πελάγους τὸν χοῦν προφέρειν καὶ γαιοῦν, ἵνα σπείρωσι. τὸ δὲ πέτρας ὀρύττοντας λέγει, διότι καὶ ὁ Ἄτλας πετρώδης ἐστί. κληρουχία δὲ λέγεται ἡ γεωργία, ἐπειδὴ οἱ παλαιοὶ διὰ κλήρου τὴν σπειρομένην γῆν ἐλάμβανον. AC. xe siècle – Souda (α 3240 et 4370 Adler) Ἄπλωτα πελάγη· τὰ Ἀτλαντικὰ καὶ ἑσπέριος ὠκεανὸς καὶ ἑῷος. Ἄπλωτον γὰρ τὸ ἄπλευστον. Ἀτλαντικὰ πελάγη· (glose) ἑσπέριος ὠκεανὸς καὶ ἑῷος καὶ πάντα τὰ ἄπλωτα πελάγη. ǁ καὶ Ἀτλαντὶς θάλαττα, ὁ ὠκεανός. xie siècle – Etymologicum Gudianum (227.18 et 539.1) Ἀτλαντικὸν πέλαγος· ὁ Ὠκεανός· ἀπὸ τοῦ Ἄτλαντος ὄρους τῆς Λιβύης. καὶ εἰς τὸ Ἑσπερία. Ἑσ περία θά λασσα· καὶ Ἀτλαντικὸν πέλαγος· ἐβασίλευσαν γὰρ αὐτῆς Ἄτλας καὶ Ἕσπερος. xiiie-xive siècle ? – Etymologicum Parvum (ε 52) Ἑσπερία· ἡ θάλασσα καὶ τὸ Ἀτλαντικὸν πέλαγος· ἐβασίλευσε γὰρ αὐτῆς ὁ Ἄτλας καὶ Ἕσπερος. xiie siècle – Etymologicum Magnum (384.7) Ἑσπερία θάλασσα καὶ Ἀτλαντικὸν πέλαγος· ἐβασίλευε γὰρ αὐτῆς Ἄτλας καὶ Ἕσπερος. ἀπὸ μὲν Ἄτλαντος, τὸ πέλαγος· ἀπὸ δὲ Ἑσπέρου, ἡ θάλασσα. xiie siècle – Eustathe de Thessalonique (Com. Od. 1.18) διότι δὲ τὸν Ἄτλαντα ἐκεῖ που περὶ τὸν ὁμώνυμον Λιβυκὸν τόπον ἤγουν κατὰ τὸ ὄρος τὸν Ἄτλαντα ὁ μῦθος κιονοφοροῦντα ποιεῖ, διατοῦτο καὶ τὴν τῆς Καλυψοῦς νῆσον περὶ τὸ Ἀτλαντικὸν ὁ αὐτὸς ἐκτοπίζει πέλαγος, συμμετακινῶν πιθανῶς τὴν θυγατέρα Καλυψὼ, τῷ

33 – AτλαντικOς/ATLANTIKOS [Λ] γεννησαμένῳ Ἄτλαντι. καὶ οὕτω μὲν τὸν Ἄτλαντα καὶ τοὺς ἀχθοφορουμένους ὑπ’ αὐτοῦ κίονας εἰς τὸν κοσμικὸν ἔστι μεταλαμβάνειν ἄξονα. ὃν κίονα καὶ ὁ Πλάτων καλεῖ, τὸ ὄνομα παρ’ Ὁμήρου λαβών. ἡ δέ γε ἱστορία, Λίβυν ἄνδρα σοφὸν τὰ ἀποτελεσματικὰ τὸν Ἄτλαντα παραδίδωσι, πολλὰ τῶν μελλόντων ἐκ τῆς τῶν οὐρανίων κινήσεως προσημειούμενον καὶ προλέγοντα. ὅθεν καὶ ἀνέχειν τὸν οὐρανὸν ἐμυθεύθη. ὡς οἷα μέχρι καὶ εἰς αὐτὸν οὐρανὸν ἀνήκων τῇ πολυδυνάμῳ σοφίᾳ. ὁ μέντοι περιηγητὴς Διονύσιος ἄλλως ἐμφαίνεται θεραπεύων τὸν μῦθον. λέγων περὶ τὸ Λιβυκὸν ὄρος τὸν Ἄτλαντα, κίονα χάλκεον ἀνέχειν εἰς οὐρανὸν ἀνατρέχοντα, πάνυ πολὺν τὸ ὕψος. διὸ καὶ δοκεῖν ἄχρις οὐρανοῦ ἥκειν. ἔστι δὲ καὶ ἄλλως, εἰς τὸ ἁπλῶς πολὺ τοῦ κατὰ τὸ Ἀτλαντικὸν ὄρος ὕψους, τὴν κιονικὴν φαντασίαν συμβιβάσασθαι. οὕτω καὶ Πίνδαρος οὐρανίαν κίονα λέγει τὴν Αἴτνην, καὶ ὁ ποιητὴς δὲ ἐν τοῖς ἑξῆς, τὸν τῆς Σκύλλης σκόπελον, οὐρανὸν εὑρανὸν εὐρὺν ἱκάνειν φησί. καὶ Αἰσχύλος δὲ, ἀστρογείτονας τὰς τοῦ Καυκάσου λέγει κορυφάς. καὶ Διόδωρος, ἄκραν τινὰ τῶν Ἄλπεων κορυφὴν τοῦ σύμπαντος ὄρους δοκοῦσαν, οὐρανοῦ ῥάχιν ἱστορεῖ παρὰ τῶν ἐγχωρίων καλεῖσθαι. καὶ τοιαῦτα μὲν καὶ τὰ τῆς ἱστορίας. ὁ δὲ μῦθος, ἕνα τῶν Τιτάνων εἶναι τὸν Ἄτλαντα βούλεται. (Com. Dion. 28 et 66) καὶ ὁ μὲν πρὸς ζέφυρον ὠκεανὸς Ἄτλας ἑσπέριος λέγεται, ἤγουν ἑσπέριον πέλαγος καὶ Ἀτλαντικόν· ὁ δὲ πρὸς βορρᾶν πεπηγὼς λέγεται πόντος καὶ Κρόνιος καὶ νεκρὸς, ὡς μετ’ ὀλίγα ῥηθήσεται· ὁ δὲ τῆς ἀνατολῆς ἠῷος καλεῖται καὶ Ἰνδικὸς, ὁ δὲ πρὸς νότον Ἐρυθραῖός τε ὀνομάζεται καὶ Αἰθιόπιος. (…) ὅτι ὁ Ἄτλας ὁ κατὰ βαρβάρους Δύρις μέγιστον ὄρος περὶ τὰ τῆς Λιβύης πρὸς δύσιν ἔσχατα, ἀφ’ οὗ καὶ πέλαγος ὠκεάνιον Ἀτλαντικόν. διὰ δὲ τὸ πολὺ τοῦ ὄρους μέγεθος Ἄτλαντας αὐτὸ πολυσπερέας ὁ Διονύσιος καλεῖ, ποιητικῷ τρόπῳ· ὡς καὶ ὁ Ποιητὴς Μάλειαν καὶ Μαλείας φησὶ, καὶ Κρήτην καὶ Κρήτας, καὶ Ἀθήνην καὶ Ἀθήνας, καὶ τὸ πρόσωπον δέ που πληθύνει δι’ ἔμφασιν, πρόσωπα λέγων, καὶ τὸ τόξον τόξα, καὶ τὸ ἅρμα ὁμοίως ἅρματα. ὁ δὲ τὰ Ἐθνικὰ γράψας ἔθνος Λιβυκὸν λέγει τοὺς Ἄτλαντας. καὶ Ῥιανὸς δὲ, ὥς φασιν, Ἀτάραντάς τινας ἱστορεῖ, καὶ μετ’ ἐκείνους κεῖσθαι τοὺς ἄτλαντας, οἳ καὶ λέγονται μὴ βλέπειν ὀνείρους. ὠνόμασται δὲ τὸ ὄρος ἀπ’ ἀνδρὸς ἐγχωρίου Ἄτλαντος, περὶ οὗ ἐν τοῖς εἰς τὴν Ὀδύσσειαν κάλλιον γέγραπται. Ἐνταῦθα δὲ, ὥς φησιν ὁ Διονύσιος, καὶ χάλκεος εἰς οὐρανὸν ἔδραμε κίων, ἠλίβατος, πυκνοῖς καλυπτόμενος νεφέεσσι. καὶ τάχα ὁ Διονύσιος ἐν τούτοις ἱστορικήν τινα θεραπείαν παρακαλεῖ τῆς μυθικῆς κιονοφορίας τοῦ Ἄτλαντος. ὁ γάρ τοι κίων οὗτος, οὗπερ, ὡς αὐτὸς λέγει,

33 – AτλαντικOς/ATLANTIKOS [Λ] κορυφὴν οὐκ ἔστιν ἰδεῖν διὰ τὰ καλύπτοντα νέφη, δόξοι ἂν τῷ πολλῷ τοῦ ὕψους ἕως εἰς τὸν αἰθέρα ἀνήκειν, καὶ οὕτως λέγοιτ’ ἂν ἀνέχειν τὸν οὐρανὸν, ὡς εἶναι τούτῳ τῷ τρόπῳ τὸν Ἄτλαντα τὸ ὄρος οἷόν τινα κιονοφόρον, εἴτε καὶ αὐτόχρημα κίονα κατὰ τὸν Ἡρόδοτον. τινὲς δὲ ἐνταῦθα ἀντὶ τοῦ χάλκεος κίων « χάλκεος ἄξων » γράφουσιν· ὡς ἐκεῖ που τάχα διήκοντος τοῦ κοσμικοῦ ἄξονος, ὡς καὶ τοῦτο ἐν τῷ ἄλφα τῆς Ὀδυσσείας γέγραπται. Ἡρόδοτος δὲ τοιαῦτα περὶ τούτων λέγει· « μετὰ τοὺς Γαράμαντας ἔθνος διὰ δέκα ἡμερῶν ὁδοῦ Ἄτλαντες, ἄνθρωποι ἀνώνυμοι, τουτέστι κοινῶς μὲν λεγόμενοι Ἄτλαντες, ἑνὶ δὲ ἑκάστῳ μὴ ἔχοντες κείμενον ὄνομα. λέγει δὲ καὶ ὅτι καταρῶνται ὑπερβαλλόντως τῷ ἡλίῳ οἱ Ἄτλαντες, διότι κατακαίων ἐπιτρίβει αὐτοὺς, καὶ ὅτι στενὸν καὶ κυκλοτερὲς τὸ τοιοῦτον ὄρος ὁ Ἄτλας καὶ ὑψηλότατον, ὡς μὴ εἶναι δυνατὸν ἰδεῖν τὰς αὐτοῦ κορυφὰς, καὶ μηδὲ νέφη αὐτάς ποτε ἐπιλείπειν· ὅθεν καὶ κίονα οὐρανοῦ φασιν αὐτὸ οἱ ἐπιχώριοι, καὶ ὅτι ἐπώνυμον αὐτοῦ τὸ ἔθνος οἱ Ἄτλαντες, οὔτε ἔμψυχον οὐδὲν σιτούμενοι, οὔτε ἐνύπνια ὁρῶντες ». ἰστέον δὲ ὅτι ὥσπερ τὸν Ἄτλαντα κίονα εἴπομεν οὐρανοῦ λέγεσθαι, οὕτω καὶ τὴν Αἴτνην οὐρανίαν κίονα εἶπεν ὁ Πίνδαρος.

Commentaire La notice semble provenir du lexique-source. La première partie de la notice se rapporte à la partie africaine, rattachée à la mythologie grecque (Atlas). Nous ne nous attarderons pas sur celle-ci. [E]  |5|  Le ktétique qui est mentionné ici au masculin

se trouve dans la quasi-totalité des cas associé au neutre « πελάγος » par exemple chez Marcien (Per. ext. 1.3), Polybe (16.29.6) et Strabon (1.1.8-9, 1.3.5, 1.4.6 et 8, 2.5.6, 3.1.7, 3.5.4, 15.1.11, 16.4.2), mais également chez d’autres auteurs  :  Plutarque (Sert. 8.2  ; Pomp.  38.3), Philon (De ebriet. 133), Platon (Timée 24e), Diodore de Sicile (3.38.1), le pseudo-Aristote (De Mundo 393a  ; Problemata 946a), Flavius Josèphe (Bell. Jud. 2.382) … Stéphane de Byzance donnait vraisemblablement la même citation que l’on retrouve sous l’entrée Κασπία θάλασσα (κ 110) et Ὠκεανός (ω 8), dans cette dernière (issue du texte même du premier abréviateur) associée à la mention de Favorinus d’Arles (F 95 Amato)  :  «  προσαγορεύουσι δὲ τὴν ἔξω θάλατταν ἐκεῖ μὲν οἱ πολλοὶ τῶν βαρβάρων Ὠκεανόν, οἱ δὲ τὴν Ἀσίαν οἰκοῦντες μεγάλην θάλατταν, οἱ δ’ Ἕλληνες Ἀτλαντικὸν πέλαγος  ; la plupart des barbares de là-bas appellent la mer extérieure Ôkeanos, ceux qui habitent l’Asie la Grande mer, et les Grecs la mer Atlantique ».

429 La forme féminine Atlantikê est nettement moins fréquente  ; elle est associée à ἅλς, la «  mer  » (Euripide, frag. 145) ou θάλασσα (pseudo-Scymnos v. 139 ; pseudo-Aristote, De mundo 392b ; Strabon, 1.2.26, 2.5.27 et 32, 7.2.4 ; Plutarque, Timol. 20.8 ; Sert. 24.2 ; Caes. 23.2). La fin de la notice donne des formes moins fréquentes : Atlantia (mentionnée par Eustathe, Com. Hexaem. p.  725, comme «  τὰ Ἀτλάντια πελάγη  ») et Atlantios (voir en particulier chez le pseudo-Arcadius, De accent. 44.7-9), dans la quasi-totalité des fois rattaché au peuple mythique des Atlantes.

Localisation et archéologie Il s’agit de l’océan Atlantique, mer d’Atlas qui débute au-delà des Colonnes d’Hercule. Il était appelé également Okeanos, terme qui a au départ un sens mythologique très fort (voir Smith 1854 s.v.). Cet océan n’est d’abord perçu que par l’embouchure de la Méditerranée et sa côte africaine et européenne. Les contacts avec la Gaule du Nord-ouest et les îles Britanniques, en particulier du fait du commerce de l’étain, entrainent son exploration dans cette direction (Pythéas). L’exploration de cet océan par les Grecs a fait l’objet d’études régulières, souvent en lien avec le voyage de Pythéas (Roller 2005).

Chronologie des mentions iie s. av. : Polybe, Ἀτλαντικὸν πέλαγος – ier s. av. : Diodore de Sicile, Ἀτλαντικὸν πέλαγος – ier s. : Strabon, Ἀτλαντικὸν πέλαγος  ; Pomponius Mela, Atlanticus oceanus  ; Flavius Josèphe, Ἀτλαντικὸν πέλαγος – iie  s.  :  Philon, Ἀτλαντικὸν πέλαγος ; Plutarque, Ἀτλαντικὸν πέλαγος – ive s. : Marcien, Ἀτλαντικὸν πέλαγος.

Bibliographie indicative RE II, 2 (1896), col. 2109-2116 (s.v. Atlantis 1) Partsch ; Smith 1854 (s.v. Atlanticum mare) Barrington Atlas : 1 A3 (Atlanticus Oceanus) ; http://pleiades.stoa.org/places/845

430

34 – AτρΙα/ATRIA [Λ+Ω]

34 – AτρΙα/ATRIA [Λ+Ω]

Ville (hors cadre d’étude) (α 525 Billerbeck)            [C] Artémidore ? Polybe ? Livre 7 – Second abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 20,7 % – taux théorique : 20 %). Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé et traduction (en grisé, forme erronée restituée du manu­scrit archétype disparu, corrigée dans la notice normalisée)

Ἀτρία· πόλις τυρρηνίας, διομήδους κτίσμα. χειμῶνος πλεύσαντος καὶ μετὰ τὸ διασωθῆναι καλέσαι(a) αἰθρίαν. καὶ παρεφθάρη παρὰ τοῖς βαρβάροις τὸ ὄνομα. ἔστι καὶ ἄλλη πόλις βοιῶν(b), ἔθνους κελτικοῦ. τὸ ἐθνικὸν ἀτριανός (c) καὶ ἀτρεύς(d) καὶ ἀτριάτης(e). ἄμεινον δὲ τὸ πρῶτον· συνήθης γὰρ Ἰταλῶν ὁ τύπος ὁ διὰ τοῦ ανος(f ). a)  καλέσαι QPN  :  καλαίσαι R. b)  βοιῶν RQPNac  :  βοιωτῶν Npc Aldus. c)  ὡς ἀσία ἀσιανός add. Bouiron (ex Et. Sym.). d) Ἀτριεύς Holste : ἀτρεὺς RQPN. e) ἀτριάτης RQP : ἀτριέτης N. – f ) ανος QPN : ἄν̅ος R.

Ἀτρία· [A]   |1|  πόλις Τυρρηνίας, [B]   |2|  Διομήδους κτίσμα.

|3| χειμῶνος πλεύσαντος καὶ μετὰ τὸ διασωθῆναι καλέσαι Αἰθρίαν. |4| καὶ παρεφθάρη παρὰ τοῖς Bαρβάροις τὸ ὄνομα.

[C2]   |5|  ἔστι καὶ ἄλλη πόλις Βοιῶν, ἔθνους κελτικοῦ [Artémidore ? Polybe ?]. [D]   |6|  τὸ ἐθνικὸν Ἀτριανός καὶ

Ἀτριεύς καὶ Ἀτριάτης. |7| ἄμεινον δὲ τὸ πρῶτον· συνήθης γὰρ Ἰταλῶν ὁ τύπος ὁ διὰ τοῦ ανος.

Atria :  [A] |1| ville de Tyrrhénie, [B] |2| fondation de Diomède. |3|  Il essuya en mer une tempête et après avoir été sauvé, il donna au lieu le nom d’Aithria. |4| Le nom fut par la suite dégradé [en Atria] par les Barbares. [C2] |5| Il existe une autre Atria, ville des Boïens, peuple celtique. [D]  |6|  L’ethnique est dit Atrianos , Atrieus et Atriatês. |7| La première forme est la meilleure : en effet, la forme habituelle des Italiens est en -anos.

Lexiques et commentaires grecs et byzantins ixe siècle – Etymologicum Genuinum (α 1375) Ἀτρία· πόλις Τυρρηνίας. ἱστορεῖται δὲ ὑπὸ Διομήδους κτισθῆναι καὶ ὀνομασθῆναι Αἰθρία, ὅτι ἐπιστάντος αὐτοῦ τῷ τόπῳ, χειμῶνος ὄντος, συνέβη αἰθρίαν γενέσθαι, οἱ δὲ παραφθείραντες τὸ ὄνομα Ἀτρίαν αὐτὴν ὠνόμασαν.

xiie siècle – Etymologicum Magnum (167.6) Ἀτρία· πόλις Τυρρηνίας. ἱστορεῖται δὲ ὑπὸ Διομήδους κτισθῆναι καὶ ὀνομασθῆναι Αἰθρία· ὅτι ἐπιστάντος αὐτοῦ τῷ τόπῳ, χειμῶνος ὄντος, συνέβη αἰθρίαν γενέσθαι. οἱ δὲ, παραφθείραντες τὸ ὄνομα, Ἀτρίαν αὐτὴν ὠνόμασαν. xiie siècle – Etymologicum Symeonis (α 1539) Ἀτρία· πόλις Τυρρηνίας, ἥτις πρότερον Αἰθρία ἐκαλεῖτο. Ἀτριανός, .

Commentaire La notice est très probablement issue du lexique-source par le filtre d’Oros d’Alexandrie (|6-7|), ce qui explique la similitude avec l’Etymologicum Genuinum qui a utilisé cet auteur. [C2] |5| La ville celtique se situait probablement en Italie du Nord, même si une partie du peuple des Boïens s’est installée en Gaule, entre la Loire et l’Allier, à l’occasion de la migration des Helvètes en 58 av.  J.-C. (cf. fiche [52]). Il s’agit en effet surtout d’un peuple cisalpin, dont la ville principale est Bologne. Elle serait donc identique à la ville dite tyrrhénienne dans l’Épitomé, qui n’est autre que la ville d’Adria (cf. Épitomé, α 65). La forme de la détermination géographique est en tout point semblable à celle de la ville d’Alea (α 199), qui nous semble pouvoir être attribuée à Polybe ou à Artémidore (voir fiche [18]). C’est pourquoi nous proposerons une origine commune pour les deux mentions.

Strabon utilise la forme Ἀτρία pour la ville tyrrhénienne et dit  :  «  τὴν δ’ Ἀτρίαν ἐπιφανῆ γενέσθαι πόλιν φασίν, ἀφ’ ἧς καὶ τοὔνομα τῷ κόλπῳ γενέσθαι τῷ Ἀδρίᾳ μικρὰν μετάθεσιν λαβόν. Atria passe pour avoir été célèbre et le golfe d’Adria tiendrait d’elle son nom avec un léger changement » (trad. Lasserre). Nous sommes quoi qu’il en soit en dehors de notre aire géographique.

35 – ΑΥενΙων/AUENIÔN [Λ + Ω ?]

431

Localisation et archéologie

Bibliographie indicative

Hors du cadre de notre étude.

Sans objet

Chronologie des mentions

Barrington Atlas : 40 C2 (H)Atria ; http://pleiades.stoa.org/places/393436

Sans objet

35 – ΑΥενΙων/AUENIÔN [Λ + Ω ?]

Ville – Gaule (Narbonnaise) (α 538 Billerbeck)            Artémidore (+ Oros ?) Livre 7 – Second abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 20,7 % – taux théorique : 20 %). Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé et traduction (en grisé, forme erronée restituée du manu­scrit archétype disparu, corrigée dans la notice normalisée)

Αὐενίων(b)· πόλις μασσαλίας πρὸς τῷ ῥοδανῷ. τὸ ἐθνικὸν αὐενιωνήσιος καὶ αὐενίτης τῷ ἐπιχωρίῳ καὶ ἕλληνι τύπω(c).

(a)

a) novum tmema non indic. R. b) Αὐενίων RQPN : Αὐενιών Meineke. c) Αὐενιωνήσιος τῷ ἐπιχωρίῳ καὶ Αὐενίτης τῷ Ἕλληνι τύπῳ Holste in quibus Αὐενιωνίτης Meineke  :  αὐενιωνήσιος καὶ αὐενίτης τῶ ἐπιχωρίω καὶ ἕλληνι τύπω RQPN. c – Le déplacement des termes à l’intérieur de la phrase a très certainement pour origine l’une des phases d’abréviation (la seconde ?).

Αὐενίων· [A] |1| πόλις Μασσαλίας πρὸς τῷ Ῥοδανῷ [Artémidore]. [D]   |2|  τὸ ἐθνικὸν Αὐενιωνήσιος [Artémidore  ?]  τῷ

ἐπιχωρίῳ καὶ Αὐενιωνίτης [Artémidore ?] τῷ ἕλληνι τύπῳ [Oros ?].

Auenion :  [A] |1| ville de Massalie située sur le Rhône. [D]  |2|  L’ethnique est dit Aueniônêsios dans sa forme locale et Aueniônitês sous sa forme grecque.

Commentaire La notice est issue du lexique-source (avec des indications de formation d’ethnique d’Oros (|2|) ?). [A] |1| La mention de « ville de Massalie » et les indi-

cations de l’ethnique renvoient à la notice de Kabelliôn [113], dont la source est Artémidore. Cet auteur est sans nul doute celui qui était mentionné voire cité par Stéphane de Byzance. Si l’on prend en compte la correction de P. Thollard en 4.6.3 (Thollard 2009, p. 74 n. 54 et p.  141), Strabon ne signale cette ville qu’en 4.1.11 (avec la même forme que Stéphane de Byzance)

mais n’indique pas explicitement qu’elle était proche du Rhône. Cette information devait se trouver dans le texte d’Artémidore. Dans la notice de l’épitomé, rien ne permet d’indiquer que Stéphane de Byzance ait également cité Strabon. [D] |2| La forme de l’ethnique, comme pour Kabelliôn,

est double : une forme dite « indigène » en -ήσιος ; une forme « grecque » en -ίτης. Cette dernière provient à coup sûr d’Artémidore ; la première a pu en être tirée également. Cette précision se trouvait peut-être dans le lexique-source utilisé par Stéphane de Byzance, mais peut aussi provenir de l’œuvre d’Oros : ce principe de formation lexicale correspond tout à fait à l’objectif que poursuivait le grammairien alexandrin.

Localisation et archéologie C’est l’actuelle Avignon (Vaucluse, France). L’origine de la cité remonte à un oppidum établi sur le rocher des Doms, éminence calcaire surplombant le Rhône. Les découvertes archéologiques effectuées à son sommet, dans le quartier de la Balance ou sous la place du Palais, ont mis en évidence un habitat remontant à l’âge du Bronze et qui atteint au moins 10 ha au iie siècle av. J.-C. (Carru 2000, p. 205). Des vestiges d’habitat ont été fouillés, ainsi qu’un bâtiment public dont n’a été observé que le mur de façade (et des fragments d’architecture reposant sur la voirie adjacente). Celui-ci était bâti en grand appareil, en tout point semblable aux constructions de Glanum ou de Marseille des iie-ier siècles av. J.-C. (Carru 2000, p. 206). En 72/71 av. J.-C., Cicéron utilise l’expression Avenniensem foederatum

432

36 – AφροδισΙΑς/APHRODISIAS [Λ]

dans le Pro Balbo, laissant supposer une autonomie probablement induite par un rattachement à Marseille, elle aussi cité fédérée (Goudineau 1976). La première mention de la ville remonte à Artémidore. La ville a son propre monnayage en argent, à l’image de celui de Marseille, probablement dans la première moitié du ier siècle av. J.-C. (Chevillon 2011, reprenant les références plus anciennes). On connait deux spécimens d’une obole à la croix, avec légende AOYE s’inscrivant dans une roue, chaque lettre étant dans un quadrant (Feugère, Py 2011, AVI-126, p.  180). La drachme a au revers la légende AOYE surmontant un sanglier (Feugère, Py 2011, AVI-2513, p.  180). Des petits bronzes sont également connus  ; toutes ces monnaies s’inscrivent dans une métrologie marseillaise. La ville devient colonie latine (Colonia Iulia Augusta Auennio) sous le principat d’Auguste puis colonie romaine sous Hadrien (Colonia Julia Hadriana Avenniensis) (Heijmans, Christol 1992). Elle est dotée d’un forum, peut-être dès le 3e quart du ier siècle av.  J.-C. La place est fermée par un portique bâti à l’époque de Tibère (Carru 2000, p. 206).

Chronologie des mentions ii e  s. av.  :  Artémidore ?, Αὐενίων, Αὐενιωνήσιος, Αὐενιωνίτης (Μασσαλίας) – i er s. av.  :  Cicéron, Avenniensis – ier s. : Strabon, Αὐενίων ; Pomponius Mela, Avennio (Cavarum) ; Pline l’Ancien, Avennio (Cavarum) – iie  s.  :  Ptolémée, Ἀουεννιὼν (Καυάροι) – iiie  s.  :  – ive s. : Itinéraire Bordeaux-Jérusalem, civitas Avenione – ve s. : Notitia Dignitatum, civitas Avenicorum. La forme lexicale ‘Aouenion’ reste stable durant toute l’Antiquité. À l’exception d’Artémidore, le rattachement se fait jusqu’à Ptolémée avec le peuple des Cavares. On notera, au ve siècle, la forme de la Notita Dignitatum qui rattache la civitas à un peuple fictif, à l’image de ce que l’on observe pour les cités gauloises des autres provinces. La table de Peutinger a Auennione.

Bibliographie indicative RE II, 2 (1896), col. 2281 (s.v. Avennio) Ihm ; Smith 1854 (s.v.  Avenio)  ; Clerc 1927-1929, I, p.  242  ; Brunel 1945, p. 122-123 ; Barruol 1969, p. 224, 226, 228, 242 ; Goudineau 1976 ; Rivet 1988, p. 265-271 ; Silberman 1988, p. 212 ; Heijmans, Christol 1992 ; Leveau 2000  ; Carru 2000  ; Verdin 2002, p.  143145  ; Arcelin 2003, p.  131, 135-137  ; Zehnacker 2004, p.  133  ; Privitera 2007  ; Chevillon 2011  ; Feugère, Py 2011, p. 180-182. Barrington Atlas : 15 D2 (Avennio) ; http://pleiades.stoa.org/places/148004

36 – AφροδισΙΑς/APHRODISIAS [Λ]

Ville – Hispanie (Tarraconaise) (α 558 Billerbeck)            [C] |2| Artémidore ? Livre 7 – Second abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 20,7 % – taux théorique : 20 %). Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé et traduction (en grisé, forme erronée restituée du manu­scrit archétype disparu, corrigée dans la notice normalisée)

Ἀφροδισιάς· πόλις κιλικίας, περὶ ἧς ἀλέξανδρος ὁ πολυίστωρ ἐν τῷ περὶ κιλικίας φησὶν ὅτι ζώπυρός φησιν αὐτὴν ἀπὸ τῆς ἀφροδίτης κεκλῆσθαι, γράφων καὶ ἱστορίας. βʹ ἰβηρίας πρὸς τοῖς κελτοῖς. γʹ νῆσος ἡ πρότερον ἐρύθεια, μεταξὺ ἰβηρίας καὶ γαδείρων. δʹ ἐν κνίδῳ. εʹ μεταξὺ λυδίας καὶ καρίας. ϛʹ νῆσος λιβύης πρὸς τῇ κυρήνῃ. ζʹ πόλις λακωνικῆς, μία τῶν ἑκατόν.

ηʹ σκυθίας παραλία πρὸς τῆ λῃστεία (a) εὔθετος. θʹ αἰθιοπίας. ιʹ κύπρου. εἰσὶ καὶ δύο νησίδια πλησίον τῆς λιβύης. ἔστι καὶ ἀλεξανδρείας. τὸ ἐθνικὸν ἀφροδισιεύς. a) τὴν λῃστείαν Salmasius : τῆ ληστεία RQPN. a – Erreur de copie lors des abréviations ?

36 – AφροδισΙΑς/APHRODISIAS [Λ]

433

Ἀφροδισιάς·

Localisation et archéologie

[A] |1| πόλις Κιλικίας,

C’est probablement l’actuelle Port-Vendres (PyrénéesOrientales, France).

[B] περὶ ἧς Ἀλέξανδρος ὁ πολυίστωρ ἐν τῷ περὶ Κιλικίας [FGrHist 273 F 29] φησὶν ὅτι Ζώπυρός [FHG IV, 533 F 5] φησιν αὐτὴν ἀπὸ τῆς Ἀφροδίτης κεκλῆσθαι, γράφων καὶ ἱστορίας. [C2] |2| βʹ Ἰβηρίας πρὸς τοῖς Κελτοῖς [Artémidore ?].

|3| γʹ νῆσος ἡ πρότερον Ἐρύθεια [Timée ?], μεταξὺ Ἰβηρίας καὶ Γαδείρων. |4|  δʹ ἐν Κνίδῳ. |5|  εʹ μεταξὺ Λυδίας καὶ Καρίας. |6| ϛʹ νῆσος Λιβύης πρὸς τῇ Κυρήνῃ. |7| ζʹ πόλις Λακωνικῆς, μία τῶν ἑκατόν. |8| ηʹ Σκυθίας παραλία πρὸς τὴν λῃστείαν εὔθετος. |9|  θʹ Αἰθιοπίας. |10|  ιʹ Κύπρου. |11| εἰσὶ καὶ δύο νησίδια πλησίον τῆς Λιβύης. |12| ἔστι καὶ Ἀλεξανδρείας. [D] |13| τὸ ἐθνικὸν Ἀφροδισιεύς.

Aphrodisias  :  [A]  |1|  ville de Cilicie, [B]  au sujet de laquelle Alexandre Polyhistor, dans Sur la Cilicie, rapporte que Zopyros, qui écrivit aussi des Histoires, dit qu’elle tire son nom d’Aphrodite. [C2] |2| 2. D’Ibérie, au voisinage des Celtes. |3| 3. Une île appelée auparavant Erutheia, située entre l’Ibérie et Gadeira. |4| 4. À Cnide. |5| 5. Entre la Lydie et la Carie. |6| 6. Île de Libye du côté de Cyrène. |7| 7. De Laconie, une des cent. |8| 8. Ville côtière de Scythie, bien située pour le piratage. |9|  9. D’Ethiopie. |10| 10. De Chypre. |11| Il existe aussi deux îlots proches de la Libye. |12| Il existe aussi [un îlot ?] à Alexandrie. [D] |13| L’ethnique se dit Aphrodisieus.

Commentaire La notice est issue du lexique-source. Il ne s’agit pas d’une notice plurielle, mais bien d’une notice unique où les différents toponymes sont regroupés dans la notice [C2]. L’Épitomé ne mentionne qu’une seule forme d’ethnique, qui semble bien être commune à tous les toponymes. [C2] |2| On connaît l’Aphrodision, sanctuaire d’Aphro-

dite/Vénus au bord de la Méditerranée, à l’extrémité des Pyrénées (cf. infra) ; la ville était peut-être située à côté. La proximité avec les Celtes fait probablement référence à Artémidore ou à Strabon mais la ville n’est pas citée par ce dernier. C’est donc plutôt son prédécesseur qui est à l’origine de la mention du lexique-source. La détermination géographique (πρὸς τοῖς Κελτοῖς) est similaire à celle d’Abdêra (πρὸς τοῖς Γαδείροις), qui est, elle, attribuée explicitement à Artémidore.

Pomponius Mela (2.84) l’appelle Portus Veneris, traduction directe du grec. Il la situe entre deux promontoires des Pyrénées qui correspondent sans doute au cap Béar et au cap Cerbère. Il faut probablement l’assimiler, comme le propose A. Silberman dans son commentaire à Pomponius Mela (Silberman 1988, p. 218), avec le portus Pyrenaei de Tite-Live (34.8). Bien qu’appelé portus, ce lieu semble ne pas disposer d’un mouillage toujours selon Pomponius Mela (« sine salo » dit-il). Pline (3.22) cite Pyrenaea Venus à la suite des villes ibériques, « de l’autre côté du promontoire ». Le nom de portus Veneris se retrouve au Moyen Âge dans le Liber de Existencia Riverierarum et Forma Maris Nostri Mediterranei (Gautier Galché 1995, p.  165  :  «  et portus bonus nomine Portu Veneris ») rédigé à Pise vers 1200 puis dans le testament de Jacques Ier d’Aragon en 1262 ; ce port appartient ensuite, à l’abdication du roi en 1276, au royaume de Majorque. Le nom « vulgaire » est Porverens (xiiie siècle), Porto Venre (Compasso da navigare, 1296), Portovenes (1311-20) et Portvenre (1375) (Negre 1990, n° 6126, p.  403) qui est à l’origine du nom actuel Port-Vendres. L’assimilation entre le toponyme antique et celui du Moyen Âge ne semble donc pas poser de problème. À proximité immédiate (sur le cap Béar) se trouvait le sanctuaire d’Aphrodite, mentionné par Strabon (4.1.3), qui en fait, à tort, la frontière entre l’Ibérie et la Gaule narbonnaise (mais qui devait constituer un amer précieux pour les navigateurs). Ptolémée (Geogr. 2.10.1 et 2), parle lui aussi d’Ἀφροδίσιον, c’est-à-dire de sanctuaire d’Aphrodite/Vénus. Si les vestiges de cette occupation n’ont pas été retrouvés, on peut noter que des découvertes sous-marines permettent d’identifier plusieurs navires échoués au pied de la Redoute Béar entre le ier siècle av. J.-C. et le ve siècle de notre ère. Sans être un véritable port, c’est un bon abri sur le trajet entre Tarragone et Narbonne. Le gisement de la Redoute Béar a fait l’objet de sondages et de fouilles par l’association ARESMAR entre 1995 et 2002. Trois ensembles de mobilier ont été dégagés. Le plus ancien atteste d’une présence sur la zone dès la fin du iiie siècle av. J.-C., mais comprend surtout une épave avec des amphores Dressel 1b et 1c (et peut-être 1a) ce

434

37 – AφροδισΙΑς/APHRODISIAS [Λ]

qui donne une fourchette entre 125 et 50 av. J.-C. Par la suite, des céramiques s’étalant chronologiquement entre l’époque augustéenne et le ve siècle de notre ère jonchent le fond. Le dernier grand ensemble correspond à une épave quasiment totalement disparue (appelée Port-Vendres 9), datée par des amphores tardives du ve siècle, et dont le chargement correspond à des blocs d’architecture appartenant, selon J.-M. Gassend, à un temple et un mausolée (voir Nantet 2011). Les morceaux d’architecture sont en marbre (blanc ou coloré), en grès gris vert et en calcaire oolithique de la région de Nîmes. On peut supposer que les blocs ont été chargés à Narbonne ou à Arles et que ce chargement était à destination de l’Espagne. Le fait que la notice en fasse une ville d’Ibérie semble être plus en phase avec Artémidore et l’indication qu’en donne Strabon qu’avec Polybe lui-même pour qui les Pyrénées constituent la frontière (Port-Vendres se situe au nord de celle-ci). C’est pourquoi nous privilégierons Artémidore comme auteur initial.

Chronologie des mentions iie  s. av.  :  Artémidore ?, Ἀφροδισιάς – ier s. av.  :  – ier  s.  :  Tite-Live, Portus Pyrenaei  ; Strabon, ἱερὸν τῆς Πυρηναίας Ἀφροδίτης ; Pomponius Mela, Portus Veneris ; Pline l’Ancien, Pyrenaea Venus – iie  s.  :  Ptolémée, Ἀφροδίσιον (ἱερὸν) – ive s. : Marcien, ἱερὸν τῆς Ἀφροδίτης.

Bibliographie indicative RE II, 1 (1895), col. 2727 (s.v. Aphrodisias 11) Hübner ; XXII, I (1953), col.  411-418 (s.v.  Portus Veneris 1) J. Jannoray ; Smith 1854 (s.v. Portus Veneris) ; THA IIB 142d ; Silberman 1988, p. 218 ; Tovar 1989, p. 97 ; Negre 1990  ; González Blanco 1991, p.  25, 31  ; Zehnacker 2004, p. 116 ; Nantet 2011. http://www.asame.org/francais/events/03_2003/ redoute_bear_2002.htm

37 – AφροδισΙΑς/APHRODISIAS [Λ]

Île – Hispanie (Bétique) (α 558 Billerbeck)            [C] |3|Artémidore ? Livre 7 – Second abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 20,7 % – taux théorique : 20 %). Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé et traduction Voir notice précédente. Ἀφροδισιάς· [A] |1| πόλις Κιλικίας, [B] περὶ ἧς Ἀλέξανδρος ὁ πολυίστωρ ἐν τῷ περὶ Κιλικίας [FGrHist 273 F 29] φησὶν ὅτι Ζώπυρός [FHG IV, 533 F 5] φησιν αὐτὴν ἀπὸ τῆς Ἀφροδίτης κεκλῆσθαι, γράφων καὶ ἱστορίας. [C2]   |2|  βʹ Ἰβηρίας πρὸς τοῖς Κελτοῖς [Artémidore ?].

|3| γʹ νῆσος ἡ πρότερον Ἐρύθεια [Artémidore ? Timée ?], μεταξὺ Ἰβηρίας καὶ Γαδείρων. |4| δʹ ἐν Κνίδῳ. |5| εʹ μεταξὺ Λυδίας καὶ Καρίας. |6| ϛʹ νῆσος Λιβύης πρὸς τῇ Κυρήνῃ. |7| ζʹ πόλις Λακωνικῆς, μία τῶν ἑκατόν. |8| ηʹ Σκυθίας παραλία πρὸς τὴν λῃστείαν εὔθετος. |9| θʹ Αἰθιοπίας. |10| ιʹ Κύπρου. |11| εἰσὶ καὶ δύο νησίδια πλησίον τῆς Λιβύης. |12| ἔστι καὶ Ἀλεξανδρείας. [D] |13| τὸ ἐθνικὸν Ἀφροδισιεύς.

Aphrodisias  :  [A]  |1|  ville de Cilicie, [B]  au sujet de laquelle Alexandre Polyhistor, dans Sur la Cilicie, rapporte que Zopyros, qui écrivit aussi des Histoires, dit qu’elle tire son nom d’Aphrodite. [C2] |2| 2. D’Ibérie, au voisinage des Celtes. |3| 3. Une île appelée auparavant Erutheia, située entre l’Ibérie et Gadeira. |4| 4. À Cnide. |5| 5. Entre la Lydie et la Carie. |6| 6. Île de Libye du côté de Cyrène. |7| 7. De Laconie, une des cent. |8| 8. Ville côtière de Scythie, bien située pour le piratage. |9|  9. D’Ethiopie. |10| 10. De Chypre. |11| Il existe aussi deux îlots proches de la Libye. |12| Il existe aussi [un îlot ?] à Alexandrie. [D] |13| L’ethnique se dit Aphrodisieus.

Commentaire La notice est issue du lexique-source. Il ne s’agit pas d’une notice plurielle juxtaposée, mais bien d’une notice unique où tous les différents toponymes sont regroupés dans la notice [C2]. L’Épitomé ne mentionne qu’une seule forme d’ethnique, qui semble bien être commune à tous les toponymes.

38 – ΒαΙκυλα/BAIKULA [Λ] [C2] |3| Il s’agit de l’ancien nom de l’île d’Erutheia [85],

qui fait partie de ces lieux relativement cités, près des Colonnes d’Hercule et de Gadeira. L’île est mentionnée sous ce nom par Pline l’Ancien (4.120) qui indique que ce nom est employé par Timée et Silénos. Cette indication peut provenir d’Artémidore, qui citait Timée. Chez Aviénus (Ora marit. v. 314) apparaît la mention de l’île de Vénus, comportant un temple et une grotte consacrés à cette divinité.

435

Localisation et archéologie Voir la fiche Erutheia [85].

Chronologie des mentions Voir la fiche Erutheia [85].

Bibliographie indicative Voir la fiche Erutheia [85].

38 – ΒαΙκυλα/BAIKULA [Λ]

Ville – Hispanie (Tarraconaise) (β 14 Billerbeck)            Polybe ? Livre 8 – Second abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 15,3 % – taux théorique : 20 %). Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé et traduction Βαίκυλα· πόλις ἰβηρίας, πρὸς ταῖς ἡρακλείας στήλαις. τὸ ἐθνικὸν βαικυλεύς.

s’expliquer par une mauvaise compréhension du texte d’origine lorsque le lexique de Polybe est rédigé.

Βαίκυλα·

Appien (Iber. 95) écrit Βαικύλη et Ptolémée (Geogr. 2.6.69) la mentionne sous le nom de Βαικούλα. Tite-Live (27.18.1, 28.13.5) l’appele Baecula.

[A]   |1|  πόλις Ἰβηρίας, πρὸς ταῖς Ἡρακλείας στήλαις

[Polybe].

[D] |2| τὸ ἐθνικὸν Βαικυλεύς [Polybe ?].

Baikula  :  [A]  |1|  ville d’Ibérie, du côté des Colonnes d’Hercule. [D] |2| L’ethnique se dit Baikuleus.

Commentaire La notice provient du lexique-source. [A] |1| La ville ne se trouve pas chez Strabon ; elle est

mentionnée deux fois par Polybe (10.38.7, 11.20.5) mais celui-ci ne donne pas cette localisation géographique qui pourrait provenir d’une autre partie de ses livres non conservés ou simplement avoir été déduit par l’auteur du lexique de Polybe. Pour Polybe (10.38.7), la ville est proche de Kastalôn : « ὁ δὲ τῶν Καρχηδονίων στρατηγὸς ἐτύγχανε μὲν διατρίβων ἐν τοῖς περὶ Κασταλῶνα τόποις περὶ Βαίκυλα πόλιν οὐ μακρὰν τῶν ἀργυρείων μετάλλων, le général carthaginois tenait ses quartiers dans la région de Castalon, près de la cité de Bécula, non loin des mines d’argent » (trad. Foulon). Cette indication pouvait suffire à donner la localisation approximative ; toutefois le lexique-source place la ville de Kastalôn [122]  auprès de l’Oritania, selon Artémidore, et elle est éloignée des Colonnes d’Hercule. Il y a donc là une erreur qui peut

[D] |2| Polybe ne donne pas le nom de l’ethnique dans le texte que nous avons conservé ; c’est peut-être lui cependant qui est la source de notre notice pour cette forme, que l’on retrouve de manière similaire dans la notice de Sualis [207] (ethnique Sualieus) ; cette mention pourrait provenir d’une partie disparue de son œuvre, probablement dans les livres X et XI. Pline l’Ancien (3.23) parle des Baeculonenses.

Localisation et archéologie La ville est placée sur le cours supérieur du fleuve Bétis (Guadalquivir). Elle est proche du lieu d’une bataille de la Deuxième guerre punique (208 av. J.-C.), remportée par les Romains. On a pensé pendant longtemps qu’il s’agissait de l’actuelle Bailén, au nord-ouest de Castulo, entre le rio del Rumbla et le rio Guadeil. Selon l’analyse récente d’une équipe de l’université de Jaén (Bellón Ruiz et al. 2007), le lieu de la bataille serait proche de l’actuelle Santo Tomé, Baecula se trouvant alors sur l’oppidum de Turruñuelos, à la limite des actuelles municipalités de Villacarrillo et Úbeda. Des prospections archéologiques ont livré du mobilier en lien avec la bataille, daté de la fin du iiie siècle av. J.-C. Mais on s’éloigne de

436

39 – ΒαΙταρρα/BAITARRA [Λ + Ω ?]

Castulo (on est à 70 km), alors que Polybe indique que Baikulê était à proximité. Il n’existe donc pas de certitude sur la localisation de la cité et du lieu de la bataille.

La forme grecque, Baikula, apparaît comme la transcription d’un nom latin (Baecula), diminutif d’une ville nommée Baega/Baeca.

La mention de Ptolémée semble impliquer que la ville existe toujours au iie siècle de notre ère.

Bibliographie indicative

Chez Pline l’Ancien, les Baeculonenses sont un peuple stipendiaire faisant partie du conventus de Tarragone. Ptolémée rattache Baikulê aux Ausetani.

Chronologie des mentions iie s. av. : Polybe, Βαίκυλα – ier s. : Tite Live, Baecula ; Pline l’Ancien, Baeculonenses – iie s. : Appien, Βαικύλη ; Ptolémée, Βαικούλα.

RE II, 2 (1896), col.  2743 (s.v.  Baecula et Baeculo) Hübner  ; Smith 1854 (s.v.  Baecula 1)  ; THA  IIB 142l ; Tovar 1974, p. 152 ; Tovar 1989, p. 153-154 ; González Blanco 1991, p.  25, 31  ; Zehnacker 2004, p. 116 ; Bellón Ruiz et al. 2007. Barrington Atlas : 27 B3 (Baecula ?) ; http://pleiades.stoa.org/places/265814

39 – ΒαΙταρρα/BAITARRA [Λ + Ω ?]

Ville – Gaule (Narbonnaise) (β 15 Billerbeck)            II-Artémidore ? Livre 8 – Second abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 15,3 % – taux théorique : 20 %). Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé et traduction Βαιταρροῦς· κώμη μεγάλη τρίτης παλαιστίνης. οἱ κατοικοῦντες βαιταρρηνοί. ἔστι καὶ πόλις κελτικὴ βαίταρρα(a), ἧς ὁ πολίτης βαιταρρίτης. τῆς δὲ προτέρας (b) βαιταρρούσιος. κλίνεται βαιταρροῦντος(c). a) βαίταρρα QPN : βαίταρα R, Βαιτάρρα Lentz. b) καὶ add. Grümach. c) βαιταρροῦντος RN : βαταρροῦντος QP.

Βαιταρροῦς· I-[A] |1| κώμη μεγάλη τρίτης Παλαιστίνης. [D] |2| οἱ κατοικοῦντες Βαιταρρηνοί. II-[A] |3| ἔστι καὶ πόλις κελτικὴ Βαίταρρα [Artémidore ?], [D] ἧς ὁ πολίτης Βαιταρρίτης [Artémidore ?]. [F] |4| τῆς δὲ προτέρας Βαιταρρούσιος. |5| κλίνεται

Βαιταρροῦντος.

Baitarrous  :  I-[A]   |1|  grand village de la Palestine Troisième. [D] |2| Les habitants sont des Baitarrênoi. II-[A]  |3|  Il existe aussi une ville celtique Baitarra, [D] dont le citoyen se dit Baitarritês. [F] |4| Celui de la

première est nommé Baitarrousios. |5| Il se décline en Baitarrountos.

Lexiques et commentaires grecs et byzantins xiie siècle – Etymologicum Symeonis (β 250) Βαιταρρηνοί· ἀπὸ Βαιταρροῦς, κώμης Παλαιστίνης. xiiie siècle – Lexique du pseudo-Zonaras (371.9) Βαιταρρηνοί· ἀπὸ Βαιταρροῦς, κώμης Παλαιστίνης.

Commentaire La notice est issue du lexique-source (|3|), peut-être complété par Oros (|1-2|) voire par Stéphane de Byzance (|4|). La notice, plurielle, est conçue comme une notice juxtaposée mixte : le village de Palestine est ainsi suivi du nom de ses habitants ; il en est de même avec la ville celte, qui a ses propres noms de citoyens. À la fin, l’Épitomé revient sur les habitants et les formes dérivées de la première (|4-5|). I-[A] |1| La première partie de la notice provient d’un

auteur tardif, puisque la province de Palestine Troisième (ou Palaestina Salutaris) est créée au moment de la réforme de la Tétrarchie. On rapprochera notre phrase de la notice d’Adara (variante d’Adaroupolis), qui est mentionnée de la même manière et avec un ethnique formé de façon identique. Dans la notice Charakmôba, autre ville de Palestine Troisième, apparaît le nom de Ptolémée tandis qu’une forme dérivée est citée d’après

39 – ΒαΙταρρα/BAITARRA [Λ + Ω ?] les Arabiques d’Ouranios. Ceci place donc la rédaction de ces notices à une date tardive, qui implique une mention tirée d’Oros. II-[A] |3| La précision géographique de « ville celte » est généralement attribuée à Artémidore ou à Strabon. Les manu­scrits de ce dernier (en 4.1.6) nous ont conservé une forme Baiterra, logique avec le nom romain de la cité de Béziers (Baeterra) mais légèrement différent du lemme de l’Épitomé. Il n’est donc pas certain ici que la mention de la ville soit issue de Strabon même si on ne peut exclure une mauvaise leçon chez Strabon ou dans le manu­scrit lu par le lexique-source. Si l’on tient compte de la forme de l’ethnique, il pourrait s’agir d’une forme tirée d’Artémidore. La qualification de celtique est connue chez cet auteur pour l’ensemble de la Gaule (cf. la notice Mastramêlê [147], également donnée comme ville celtique), en dehors des possessions marseillaises à son époque. Dans sa notice d’origine, Stéphane de Byzance reprenait peut-être la précision du positionnement sur le fleuve Orbis que donne Strabon, comme il le fait avec l’Atax pour la ville de Narbôn [156]. [D]  |4|  Le nom des habitants, ou plus exactement des citoyens, ne se trouve pas chez Strabon. Stéphane de Byzance a vraisemblablement trouvé cette mention chez Artémidore, la forme en -ίτης semblant lui être attribuable. C’est de l’œuvre d’origine plutôt que de l’Abrégé des Onze de Marcien que pourrait provenir cet ethnique.

Localisation et archéologie Il s’agit de la ville de Béziers (Hérault, France). Le site d’origine de la cité consiste en un plateau dominant la rivière de l’Orb, à la confluence avec un petit ruisseau, l’Embroucadou (Ugolini, Olive 2012, p. 82). De manière étonnante, Ptolémée ne la mentionne pas alors qu’il donne les coordonnées géographiques de l’embouchure de l’Aude, de l’Orb et de l’Hérault (Geogr. 2.10.2). Les fouilles archéologiques de ces dernières décennies ont amené des découvertes fondamentales pour la connaissance de la ville protohistorique. Une occupation de la fin de l’âge du Bronze (final III) a été retrouvée sous l’actuel centre ville (quartier des Chaudronniers), située vraisemblablement au sommet d’une éminence naturelle. Pour la transition Bronze/Fer, la découverte du site de la colline de Montimaran montre un vaste habitat groupé à l’intérieur d’un large fossé. Enfin deux nécropoles de l’âge du Fer ont été repérées à Saint-Giniez et à La Courondelle (Ugolini, Olive 2012, p. 95-97).

437 Les archéologues de Béziers, D. Ugolini et C. Olive, font de la ville du premier âge du Fer une ville grecque dont ils disent ignorer le nom, du fait de l’abandon constaté archéologiquement de cette cité entre 300 et 200 av. J.-C., sans que ne soit mentionné son nom avant cette transition (Ugolini, Olive 2012, p. 98 sq.). Pour eux, le nouveau nom n’aurait rien à voir avec celui de la ville précédente. Or, il est vraisemblable que la mention de †Batetara dans l’Épitomé [45]  corresponde à cette ville et provienne, à travers Théopompe, de Pythéas dont nous datons le voyage des environs de 340 av. J.-C. Nous verrons ci-après la forme d’origine qu’il faut prêter à ce toponyme mais l’argumentation d’un changement de nom ne nous semble pas exacte. Ce qui ne veut pas dire que nous n’avons pas affaire à une ville grecque, mais il faut alors se baser uniquement sur les vestiges archéologiques pour la définir ainsi. Les découvertes sont nombreuses et quadrillent la ville, permettant d’en définir le contour et d’en apprécier la chronologie. La première occupation date du vie siècle av.  J.-C. et occupe une superficie d’environ 10 ha  ; la ville a déjà doublé au début du siècle suivant et connaît sa plus grande extension après 450 (entre 35 et 40 ha). L’élément le plus frappant de cette hellénisation de la ville est l’habitat de type grec, comme le montre la possible maison à pastas de la place de la Madeleine. Il serait trop long de détailler ici l’ensemble des découvertes réalisées, nous renvoyons aux ouvrages Ugolini, Olive 2006 et 2012. L’abandon de la ville dans le iiie siècle av. J.-C. est une réalité archéologique qu’il est difficile d’expliquer. Sur l’emprise de la ville du premier âge du Fer se développe un nouvel habitat, qui repose sur des niveaux de destruction d’adobes du premier habitat. E. Gomez (in Ugolini, Olive 2012, p. 133-136), qui a analysé l’ensemble des vestiges archéologiques de cette période, y voit une ville des Gaulois Longostalètes, dont le nom se trouve sur des monnaies comprises entre 150 et 36 av. J.-C. Une colonie de droit romain est déduite en 36 av. J.-C. pour les vétérans de la VIIe légion sous le nom de Colonia Urbs Iulia Baterrae. La ville romaine elle-même est assez mal connue mais on peut lui attribuer un certain nombre de monuments, dont un amphithéâtre construit vers 80 de notre ère. Cependant le forum reste inconnu, tout comme l’emplacement des temples (Ugolini, Olive 2012, p.  137-143). La ville connaît une occupation importante durant l’Antiquité tardive ; elle est le siège d’un évêché.

438

40 – ΒαIτις/BAITIS [Λ]

Chronologie des mentions iv e-ii e  s. av.  :  Théopompe/Pythéas ?, †Βατετάρα (= Βαισιάρα ?), †Βατεταραῖος (= Βαισιαραῖος ?) (Λιγύων) [Aviénus, Ora maritima], Besara – ii e  s. av.  :  Artémidore  ?, Βαίταρρα, Βαιταρρίτης (κελτικὴ) – ier s. : gobelets de Vicarello, Baeterra ; Strabon, Βαίτερα ; Pomponius Mela, Beterae (Septimanorum) ; Pline l’Ancien, Baeterra (Septimanorum) – ive  s.  :  Itinéraire de Bordeaux à Jérusalem, Biterris ; saint Jérôme, Biterrensis ; Itinéraire d’Antonin, Beterras/Beterris – ve s. : Sulpice Sévère, Bitterae ; Sidoine Apollinaire, Biterrenses (oppidum Galliarum) ; Hydace, Biterris. La forme initiale est celle que donne Théopompe (cf. fiche [45]), mais elle est malheureusement altérée dans les Ethniques. S’il est probable qu’il faille restituer un I à la place du T, il n’est pas certain que la lettre suivante soit bien un Є, qui aurait pu être confondu avec un C ; faut-il en effet lire BAIЄTAPA ou BAICIAPA ? Il y aurait alors une double mélecture : celle du I en T aurait entraîné celle du C en Є. Cette conjecture permettrait de mieux comprendre la forme d’Aviénus, Besara, qui apparaît discordante avec le reste de notre documentation, bien que D. Ugolini la juge suspecte car trop proche des formes du bas Moyen Âge (Ugolini, Olive 2012, p. 94). Dans ce cas, la forme de Pythéas serait Baisiara, lue ensuite par erreur Batetara au plus tard lors de la réalisation du lexique de Théopompe, précédant la composition du lexique-source. La forme d’Aviénus peut provenir aussi

bien de Théopompe (plutôt que d’un périple inconnu), que du texte d’Hécatée ; l’un ou l’autre pouvait avoir une forme Baisara. Le nom change quoiqu’il en soit avant Artémidore puisqu’à partir de lui on trouve Baitarra avec un ‘t’  ; peut-être ce changement intervient-il avec la nouvelle occupation de la ville. La forme évolue peu ensuite mais la diphtongue ‘ai’ a fait place à ‘e’ (la forme de Pomponius Mela est probablement une erreur des manu­ scrits pour B(a)eter(r)ae car il a généralement des formes très proches des noms grecs) puis ‘i’ au ive siècle. Le double ‘r’ se retrouve pratiquement systématiquement depuis Artémidore. Le pluriel pour la ville, qui apparaît avec Pomponius Mela, et uniquement pour les formes latines, reste inexpliqué. Enfin, notons que sur la carte de Peutinger, la ville est appelée Beteris.

Bibliographie indicative RE II, 2 (1896), col. 2762-2763 (s.v. Baeterrae) Ihm ; RE III, 1 (1897), col.  123 (s.v.  Batetara) Hülsen  ; Smith 1854 (s.v. Baeterrae) ; Rivet 1988, p. 149-152 ; Silberman 1988, p.  212-213  ; Zehnacker 2004, p. 132 ; Ugolini, Olive 2006 ; Ugolini, Olive 2012. Barrington Atlas : 15 A3 (Col. Baeterrae) ; http://pleiades.stoa.org/places/148056

40 – ΒαIτις/BAITIS [Λ]

Fleuve – Hispanie (Bétique) (β 17 Billerbeck)            Artémidore ? Polybe ? Strabon ? Charax ? Livre 8 – Second abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 15,3 % – taux théorique : 20 %). Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé et traduction (en grisé, forme erronée restituée du manu­scrit archétype disparu, corrigée dans la notice normalisée)

Βαῖτις· ποταμὸς κατὰ ἰβηρίαν, ὃς πέρκης λέγεται ὑπὸ τῶν ἐγχωρίων. λέγεται καὶ βαιτική(a) ἡ χώρα ἀπὸ βαίτιος γενικῆς. a) βαιτίκη R (e corr.) : βαιτική QPN.

Βαῖτις· [A]  |1|  ποταμὸς κατὰ Ἰβηρίαν [Artémidore  ? Polybe  ? Strabon ?], [B]  ὃς Πέρκης λέγεται ὑπὸ τῶν ἐγχωρίων [Artémidore ? Charax ?].

[C]   |2|  λέγεται καὶ Βαιτίκη [Charax  ? Artémidore  ?

Strabon ?] ἡ χώρα ἀπὸ Βαίτιος γενικῆς.

Baitis :  [A] |1| fleuve situé en bas de l’Ibérie, [B] que les indigènes appellent Perkês. [C]  |2|  On appelle aussi le pays Baitikê, à partir du génitif Baitios.

40 – ΒαIτις/BAITIS [Λ]

Lexiques et commentaires grecs et byzantins Pseudo-Arcadius (De accent. 123.1-3 = 249.13-14) τὰ εἰς κη ὑπερδισύλλαβα παραληγόμενα τῷ ι συνεσταλμένῳ παροξύνεται· Ἑλίκη (κύριον), μυρίκη, Βαιτίκη (χώρα), μηδίκη. xe siècle – Souda (β 213 Adler = Ambr. 149) Βαιτική· (glose) ἡ ἤπειρος. xiie siècle – Etymologicum Symeonis (β 255) Βαῖτις· ποταμὸς κατὰ Ἰβηρίαν. xiiie siècle – Lexique du pseudo-Zonaras (374.23) Βαῖτις· πόλις κατὰ Ἰβηρίαν. xiie siècle – Eustathe de Thessalonique (Com. Dion. 337) ὅτι κάτωθεν τῆς ῥηθείσης Ἀλύβης πόλις ὀλβία Ἰβηρικὴ ἡ Ταρτησὸς, ἣν καὶ χαρίεσσαν λέγει καὶ ῥυηφενέων πέδον ἀνδρῶν, ἤγουν πλουσίων. φασὶ δὲ Βαῖτιν εἶναι ποταμὸν Ἰβηρίας, δύο ἐκβολὰς ἔχοντα, ὧν μέσην ἱδρῦσθαι ὡς ἐπὶ νήσου τὴν τοιαύτην Ταρτησόν, οὕτω κληθεῖσαν διὰ τὸ καὶ τὸν Βαῖτιν Ταρτησὸν καλεῖσθαι παρὰ τοῖς παλαιοῖς. ταύτης καὶ ὁ Κωμικὸς μέμνηται ἐν Βατράχοις, ὅτε λέγει Ταρτησίαν μύραιναν, παίζων καὶ ἐκφοβῶν τὸν ἀκροατὴν τῷ ἐκτοπισμῷ. τὸν δὲ Ταρτησὸν κασσίτερον τοῖς ἐκεῖ καταφέρειν ἱστόρηται.

Commentaire La notice est issue semble-t-il du lexique-source. Le commentaire d’Eustathe de Thessalonique contient plusieurs informations qui pourraient provenir des Ethniques, Eustathe lisant un abrégé plus détaillé que le texte que nous avons conservé. Nous ne les avons pas intégrées car nous ne sommes pas certains qu’elles proviennent bien de Stéphane de Byzance. [A] |1| Le nom du fleuve se trouve chez Marcien (Per. ext.

2.9), Polybe (19.1.1), Strabon (3.1.6-7 et 9, 3.2.1, 3, 11 et 15, 3.4.12, 3.5.9, 17.3.25) et Pausanias (6.19.3). Il est donné également par Plutarque (Sert. 8.1 ; 12.4 ; regum et imper. apophteg. 199c), Appien (Iber. 321, mais pas en 301 où il faut, selon P. Goukowsky, corriger Βαιτής en Βαῖνις pour des raisons de vraisemblance géographique), Ptolémée (Geogr. 1.12.10, 1.14.7, 2.4.4, 6.7.5 et 13), Philostrate (Vita Apoll. 5.6) et Denys d’Halicarnasse (De comp. verb. 18). Ptolémée mentionne sous la forme Βαίτιος un autre fleuve du même nom en Grèce et une montagne en Gédrosie. Toutefois, la forme indigène (voir ci-après) n’apparaît chez aucun auteur, c’est pourquoi nous verrions volontiers une mention tirée d’Artémidore.

439 [B] : Le nom indigène provient d’un auteur qui n’est pas mentionné  ; on peut le rapprocher de l’indication de Tite-Live (28.22) qui parle de Certis. Faut-il rapprocher « ἐγχωρίων » de « ἐπιχωρίων » que l’on trouve dans les notices Aueniôn [35] et Kabellion [113] et y voir une mention propre au lexique d’Artémidore ? Le terme de « Πέρκη » ne se retrouve pas chez les autres auteurs ; il correspond également au nom de poisson « πέρκη » («  perche  ») ou à l’ancien nom de la Thrace selon Arrien (d’après Eustathe, Com. Dion. 322 ; cf. également la notice « Θρᾴκη » de l’Épitomé). [C]   |2|  Bien qu’apparaissant dans le TLG, la forme

Baitikê n’était probablement pas mentionnée par Polybe (34.15.3, fragment provenant de Pline l’Ancien 4.119). Le nom de la province est donné par les auteurs primaires que constituent Marcien (Per. ext. 2.4, 2.7-12, 2.16-18) et Strabon (3.1.6, 3.4.9, 3.4.12 et 20). De nombreux auteurs non consultés par Stéphane de Byzance la citent également : Plutarque (Sert. 12.4), Dion Cassius (41.23.2 ; 43.31.2 ; 45.10.2 ; 53.12.4 ; 60.24.5 ; 77.20.4), Philostrate (Vita Apoll. 5.6 et 9-10) et Ptolémée (Geogr. 2.4.1, 2.4.3, 2.5.1, 2.4.11-13, 2.6.12, 2.8.4, 2.8.29). Il est tout à fait possible que la mention soit issue de Charax comme nous le proposons pour d’autres noms de χώρα (voir en particulier Belgikê [47] et Gallia [61]).

Localisation et archéologie Le fleuve Baitis est le Guadalquivir, fleuve long de 657 km traversant le sud de l’Espagne à peu près d’est en ouest avant de se jeter au sud dans l’océan Atlantique. Il portait auparavant le nom de Tartessos : Strabon (3.2.11) mentionne en particulier trois vers de Stésichore (F 7 Page), actif autour du second quart du vie siècle av. J.-C., désignant ainsi le fleuve. Il est l’un des seuls à être navigable en Ibérie ; les Romains le remontaient jusqu’à Cordoue (Pline l’Ancien 3.10 et Strabon 3.2.3). Le fleuve, autour duquel s’est construite la civilisation de Tartessos, a joué un rôle très important pour relier l’arrière-pays, riche en minerais, avec la côte. Les sources du Baitis étaient placées par Polybe en Celtibérie (d’après Strabon, 3.2.11), c’est-à-dire en Hispanie citérieure. P. Moret y voit une indication confirmant la localisation qu’en donne Artémidore à 120 km au nord-ouest de Castulo, donc en Celtibérie (Moret 2013, p. 17). Il faut attendre Pline l’Ancien (3.3, 3.9) pour les positionner de manière exacte dans le saltus Tugiensis et non pas, dit-il, dans la ville de Mentesa.

440

41 – ΒακκαΙοι/BAKKAIOI [Λ]

Chronologie des mentions

Bibliographie indicative

vie  s. av.  :  Stésichore, Ταρτησσός – iie  s. av.  :  Polybe, Βαῖτις – ier s. av.  :  Denys d’Halicarnasse, Βαῖτις – ier  s.  :  Tite-Live, Baetis  ; Strabon, Βαῖτις, Βαιτίκη  ; Pomponius Mela, Baetis  ; Lucain, Baetis  ; Pline l’Ancien, Baetis – iie s. : Plutarque, Βαῖτις, Βαιτίκη ; Appien, Βαῖτις  ; Ptolémée, Βαίτιος, Βαιτίκη  ; Pausanias, Βαῖτις – iiie s. : Hippolyte de Rome, Βαιτικοί ; Dion Cassius, Βαιτίκη ; Philostrate, Βαῖτις, Βαιτίκη – ive s. : Marcien, Βαῖτις, Βαιτίκη.

RE II, 2 (1896), col. 2763-2764 (s.v. Baetis) Hübner ; Smith 1854 (s.v. Baetis) ; THA IIB 142º ; Dardaine, Pavis d’Escurac 1984  ; González Blanco 1991, p. 25 ; Moret 2013, p. 44-51. Barrington Atlas : 26 D5 (Baetis Aestuaria) ; http://pleiades.stoa.org/places/256009

41 – ΒακκαΙοι/BAKKAIOI [Λ]

Peuple – Hispanie (Tarraconaise) (β 19 Billerbeck)            Charax ? Livre 8 – Second abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 15,3 % – taux théorique : 20 %). Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé et traduction (en grisé, forme erronée restituée du manu­scrit archétype disparu, corrigée dans la notice normalisée)

Βακκαῖοι(a)· ἰσπανίας(b) ἔθνος. a) Βακκαῖοι RQP : Βακκαῖον N. b) ἱσπανίας V : ἰσπανίας RQPN. b – Erreur d’accentuation lors de la translittération ?

Βακκαῖοι· [Da] |1| Ἱσπανίας ἔθνος [Charax ?].

Bakkaioi : [Da] |1| peuple d’Hispanie.

Lexiques et commentaires grecs et byzantins xe siècle – Souda (β 45 Adler) Βακκαῖοι· ὥσπερ Ἐσσαῖοι. ἔστι δὲ ἔθνος Ἰβηρικόν. xiiie siècle – Lexique du pseudo-Zonaras (369.7) Βακκαῖοι. ἔθνος Ἰβηρικόν.

Commentaire La notice provient du lexique-source. [Da]  |1|  La notice est réduite au minimum. La forme

Bakkaioi correspond à l’ancien Ouakkaioi ; il s’agit du peuple des Vaccéens. La mention de l’Hispanie et non de l’Ibérie nous oriente vers un auteur au moins du Haut-

Empire, probablement Charax. Plutarque (Sert. 21.8), à propos d’une action de Pompée, emploie la même forme ; Élien (De nat. animal. 10.22) également. Ce dernier précise d’ailleurs, à propos du peuple : « γένος δὲ τοῦτο Ἑσπέριον ». Dans les Excerpta Constantiniana (De legat. p.  531532 ; § 19), la citation issue d’Appien (Iber. 346) utilise la même forme, en lien avec le siège de Numance par Pompée. En revanche, le texte que nous avons conservé a la forme Οὐακκαῖοι. La Souda, repris par le lexique du pseudo-Zonaras, fait référence à un peuple d’Ibérie ; il s’agit probablement d’une indication provenant d’Appien. La forme ancienne (Οὐακκαῖοι) devait faire l’objet d’une notice spécifique dans les Ethniques, mais l’Épitomé est lacunaire pour cette partie. Cette forme plus ancienne est mentionnée par Polybe (3.5.1, 3.14.1, 34.9.13), Diodore de Sicile (5.34.3), Strabon (3.3.2-4, 3.4.12-13), Appien (Iber. 215-216, 233, 247, 346, 349, 351-352 et 380), Ptolémée (Geogr. 2.6.49 et 56) et Dion Cassius (39.54.1, 51.20.5). On la retrouve encore chez Épiphane de Salamine au ive siècle, mais elle traduit dès le iie siècle de notre ère l’utilisation de sources préjulio-claudiennes.

42 – BANAYRIΔΕΣ (BAΛΙΑYΡΙΔΕΣ)/BANAURIDES (BALIAURIDES) [Λ]

441

Localisation et archéologie

Chronologie des mentions

Peuple ibérique, situé dans les actuelles provinces de Valladolid et Palencia. On ne sait pas s’il faut les placer dans le groupe des Celtibères, comme l’indique Appien (Iber. 51) ou y voir un peuple ayant une culture particulière, en particulier dans leur mode d’organisation urbaine et territoriale (Moret 2004b, p. 113).

iie s. av. : Polybe , Οὐακκαῖοι – ier s. av. : Diodore de Sicile, Οὐακκαῖοι – ier s. : Tite-Live, Vaccaei ; Strabon, Οὐακκαῖοι  ; Pomponius Mela, Vaccaei  ; Pline l’Ancien, Vaccaei – iie s.  :  Plutarque, Βακκαῖοι  ; Charax  ?, Βακκαῖοι  ; Appien, Οὐακκαῖοι  ; Ptolémée, Οὐακκαῖοι – iiie s. : Élien, Βακκαῖοι ; Dion Cassius, Οὐακκαῖοι – ive s. : Épiphane de Salamine, Οὐακκαῖοι.

Les Vaccéens prennent la suite de la culture de Soto de Medinilla qui est identifiée durant le premier âge du Fer, jusque vers 400 av. J.-C. Ils apparaissent dans l’histoire dans les prémices de la Deuxième guerre punique : ils sont battus par Hannibal en 220 av. J.-C. Au début du iie siècle av. J.-C., ils apparaissent soumis aux Romains mais très vite ils vont prendre part aux révoltes aux côtés des Lusitaniens et des Celtibères. Ils seront définitivement vaincus avec la chute de Numance. La civilisation vaccéenne a profité des échanges liés à la production d’argent. Elle a développé des villes pouvant aller jusqu’à plusieurs milliers d’habitants comme Elmantikê [83] ou Arboukalê [28].

La forme primitive, (‘Ouakkaioi’) apparaît chez Polybe et reste seule en usage jusqu’au ier siècle de notre ère. Par la suite, la transformation du ‘oua’/’va’ latin en ‘ba’ fait apparaître la nouvelle forme, signalée au début du iie siècle de notre ère.

Bibliographie indicative RE VII, A2 (1948), col.  2034-2038 (s.v.  Vaccaei) A. Schulten  ; Smith 1854 (s.v.  Vaccaei)  ; Tovar 1989, p.  98-103  ; González-Cobos 1989  ; González Blanco 1991, p. 25, 31. Barrington Atlas : 24 G3 (Vaccaei) ; http://pleiades.stoa.org/places/236706

42 – BANAYRIΔΕΣ (BAΛΙΑYΡΙΔΕΣ)/BANAURIDES (BALIAURIDES) [Λ]

Îles – Îles (Baléares) (β 31 Billerbeck)            Artémidore ? Timée ? Livre 8 – Second abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 15,3 % – taux théorique : 20 %). Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé et traduction Βαναυρίδες(a)· τυρρηνικαὶ νῆσοι, ἀπὸ βαναύρου υἱοῦ αἴαντος. τὸ ἐθνικὸν βαναυρεύς(b). a) Βαναυρίδες RQPN : Βαλιαρίδες Holste (e St. Byz. γ 118). b) βαναυρεύς QN : βαναρεύς RP. a-b – Erreur de lecture d’onciales (ΛΙ lu N).

Βαναυρίδες [Βαλιαυρίδες] ·

Lexiques et commentaires grecs et byzantins vie siècle – Lexique d’Hesychius (β 158) Βαλιαρίδες· νῆσοι αἱ περὶ Κύρνον. xe siècle – Souda (β 83, μ 1145 et σ 1728 Adler) Βαλιαρίδων· νήσων σφενδονῆται εὔστοχοι.

[A]   |1|  Τυρρηνικαὶ νῆσοι [Artémidore  ?], [B]   ἀπὸ

Βαναύρου [Βαλιαύρου] υἱοῦ Αἴαντος [Timée ?].

Μνααῖος· οἱ τῶν Βαλιαρίδων νήσων σφενδονῆται μνααίους λίθους ἔβαλλον. καὶ αὖθις· μνααῖον διδοῦσι τοῦ κεραμίου ὑδρεύεσθαι τοῖς ἐθέλουσι.

[D] |2| τὸ ἐθνικὸν Βαναυρεύς [Βαλιαυρεύς].

Σφενδονῆται· Βαλιαρίδων νήσων σφενδονῆται εὔστοχοι.

Banaurides [Baliaurides]  :  [A]  |1|  îles de Tyrrhénie, [B] appelées d’après Banauros [Baliauros], le fils d’Aias. [D] |2| L’ethnique se dit Banaureus [Baliaureus].

xiiie siècle – Lexique du pseudo-Zonaras (373.1) Βαλιαρίδων· νήσων, ἐν αἷς κατοικοῦσι σφενδονεῖ ται εὔστοχοι.

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42 – BANAYRIΔΕΣ (BAΛΙΑYΡΙΔΕΣ)/BANAURIDES (BALIAURIDES) [Λ]

xiie siècle – Jean Tzétzès (schol. Lycophr. v. 633) Γυμνησίαι δύο νῆσοι περὶ τὴν Τυρσηνίδα, οὐχ ὥς τινες ἑπτά. ἐκλήθησαν δὲ καὶ Βαληαρίδες. οἱ δ’ ἀμφικλύστους· νῆσοί εἰσι περὶ τὴν Τυρσηνίαν. μέμνηται δὲ αὐτῶν καὶ Ἀρτεμίδωρος. Τίμαιος δέ φησιν εἰς ταύτας τὰς νήσους ἐλθεῖν τινας τῶν Βοιωτῶν, ἅστινας νήσους χοιράδας εἶπεν. Φιλτέας δὲ ἐν τρίτῃ Ναξιακῶν Βαλιαρίδας φησὶν αὐτὰς ὕστερον ὀνομασθῆναι. εἰσὶ δὲ οἱ ἐν αὐταῖς κατοικοῦντες ἄριστοι σφενδονῆται· αἱ γὰρ μητέρες αὐτῶν τιθέασιν ἐπί τινος ξύλου εἰς ὕψος τὸν s ἄρτον καὶ οὐ πρότερον αὐτοῖς διδόασι φαγεῖν, πρὶν καταβαλεῖν τὸν ἄρτον. ταῦτα μὲν οὖν οὗτοι περὶ Γυμνησίων νήσων. Δίων δὲ ὁ Κοκκειανὸς ταύτας πλησίον φησὶν Ἴβηρος εἶναι ποταμοῦ πλησίον τῶν Εὐρωπαίων Ἡρακλείων στηλῶν, ἃς νήσους Ἕλληνες μὲν καὶ Ῥωμαῖοι κοινῶς Γυμνησίας φασίν, Ἴβηρες δὲ Βαλερίας ἤτοι ὑγιεινάς ἕτεροι δὲ Γυμνασίας οὕτως αὐτὰς φασὶ κληθῆναι, ὅτι οἱ περισωθέντες τῶν Ἑλλήνων ἐκεῖσε γυμνοὶ ἐξήχθησαν καὶ συνοικήσαντες γυναιξὶν οὕτω καὶ τὰς νήσους καὶ τοὺς παῖδας ἐκάλεσαν. ἕτεροι δὲ ἤγουν οἱ Βοιωτοί, οὓς καὶ καρκίνους λέγει πλεύσαντες εἰς τὰς χοιράδας καὶ πέτρας τὰς Γυμνησίας διάξουσι γυμνὸν βίον ἀνυπόδετοι γʹ σφενδόνας κατέχοντες, μίαν τῷ τραχήλῳ T ἑτέραν περιεζωσμένοι τῇ ὀσφύι καὶ τρίτην τῇ χειρὶ κατέχοντες, ὅπου αἱ μητέρες τὴν σφενδονητικὴν τοῖς νηπίοις παισὶ διδάσκουσιν. οὐ γάρ τις τῶν παίδων τῶν ἐκεῖ γεύεται ἄρτου, εἰ μὴ καταβάλῃ αὐτὸν εὐστοχίᾳ σφενδονητικῇ ἀντὶ σκοποῦ κείμενον ὑπὲρ σανίδος. xiie siècle – Eustathe de Thessalonique (Com. Dion. 457) ὅτι μετὰ τὰ Γάδειρα αἱ Γυμνήσιαι νῆσοι, οὕτω κληθεῖσαι ἢ διὰ τὸ γυμνοὺς καὶ ἀχλαίνους κατὰ τὸν Λυκόφρονα ἐκεῖ ἐξενεχθῆναι διὰ ναυαγίαν τινὰς τῶν Βοιωτῶν, ἢ ὅτι γυμνοὶ διάγουσιν οἱ ἐκεῖ. ἐκλήθησαν δέ ποτε καὶ Βαλιαρίδες αἱ τοιαῦται νῆσοι. ἄριστοι δὲ σφενδονᾶν οἱ ἐν αὐταῖς, ὡς καὶ Λυκόφρων ἱστορεῖ, σφενδόνας ἀνὰ τρεῖς ἔχοντες ἐν τῇ κεφαλῇ. διὸ καὶ Βαλιαρεῖς λέγονται, ὃ ἔστι σφενδονῆται, κατὰ τὴν ἐγχώριον γλῶσσαν.

Commentaire [A] |1| La forme Banaurides n’est connue que par cette notice de l’Épitomé. On peut y voir une erreur d’onciales, avec BAΛΙΑΥΡΙΔΕC lu BANΑΥΡΙΔΕC, comme le proposait déjà Holstein. Toutefois le lemme est bien placé dans l’ordre alphabétique, entre Baloion et Bantia. Nous y verrions alors une erreur de lecture relevant du lexique-source, avec une mélecture de papyrus littéraire. Stéphane de Byzance donne une forme selon

nous plus exacte dans la notice sur les îles Gumnêsiai [68]) : « ἐκλήθησαν δὲ καὶ Βαλιαρίδες, ἀφ’ οὗ Βαλιαρεῖς τὸ ἐθνικόν, ὅ ἐστι σφενδονῆται ». Il ne faut pas faire cas de la mention de l’édition d’Hérodien par Lentz qui reprend les erreurs de Stéphane de Byzance. Les îles sont mentionnées par Diodore de Sicile, une fois avec la forme Baliarai (19.106.2) et trois fois comme Baliarides (5.17.1 ; 13.80.2, 109.1), cette dernière étant la forme employée par Strabon (3.5.1  :  καὶ τὰς Γυμνησίας δύο καλοῦσι καὶ Βαλιαρίδας) et Agathémère (§ 20). Il n’est pas impossible que la source soit Artémidore. Nous aurions ici à nouveau une trace de mauvaise lecture d’un papyrus littéraire. La mention de cet auteur chez Jean Tzétzès pourrait peut-être être issue d’une version moins abrégée des Ethniques, aux côtés de Timée et Philtéas. [B]  :  Ce type d’indication mythologique se retrouve

assez régulièrement chez Charax. En serait-il la source ?

[D] |2| La forme employée ici au singulier se retrouve

chez Polybe (1.67.7, 3.33.11 et 16, 3.72.7, 3.83.3, 3.113.6, 15.11.2) au pluriel (Βαλιαρεῖς). Il est difficile de savoir si la forme de l’ethnique provient de Polybe ou d’un autre auteur.

Localisation et archéologie Il s’agit des deux grandes îles des Baléares. Les îles sont, avec les Pituoussai (voir fiche [176]), colonisées par les Phéniciens dès les viiie-viie siècles puis par les Carthaginois (Costa Ribas, Fernández Gómez 2005, p. 17). Après la fin de la Deuxième guerre punique, les îles passent sous le contrôle des Romains ; elles sont rattachées à la province d’Hispania Citerior. La conquête romaine est pleinement effective après que Q. Caecilius Metellus a chassé les pirates qui avaient installé leur base dans ces îles. Selon Strabon (3.5.1), 3000 colons ont été amenés dans les îles lors de la création de Pollentia et Palma. Avec la réorganisation administrative des provices d’Hispanie sous Auguste, les Baléares sont rattachées à la province de Tarraconaise. Les vestiges archéologiques sont nombreux sur l’île ; ils témoignent d’une exploitation agricole (Orfila Pons 2005, p. 29 sq.).

Chronologie des mentions ii e  s. av.  :  Polybe, Βαλιαρεῖς – i er s. av.  :  Philtéas, Bαλιαρίδες  ; Diodore de Sicile, Bαλιαρίδες, Βαλιάραι, Βαλεαρεῖς – i er  s.  :  Tite-Live, Baliares  ; Strabon, Bαλιαρίδες, Βαλιαρικὸς  ; Pline l’Ancien, Baliares – iie  s.  :  Ptolémée, Βαλλιαρίδες – ive  s.  :  Marcien, Βαλιαρικὸν πέλαγος, Βαλεαρικὸν.

43 – ΒαργοΥσιοι/BARGOUSIOI [Λ]

Bibliographie indicative RE II, 2 (1896), col. 2823-2827 (s.v. Baliares) Hübner ; Smith 1854 (s.v. Baleares) ; Tovar 1989, p. 243-279 ; Adrados 2000, p. 8 et 12 ; Zehnacker 2004, p. 178 ; Plantalamor Massanet 2005  ; Costa Ribas, Fernández Gómez 2005  ; Orfila Pons 2005  ; Sánchez León, García Riaza 2005.

443 Barrington Atlas : 27 (Baliares/Gymnesiae Inss. (Maior et Minor)) ; http://pleiades.stoa.org/places/265817

43 – ΒαργοΥσιοι/BARGOUSIOI [Λ]

Peuple – Hispanie (Tarraconaise) (β 39 Billerbeck)             I-Polybe Livre 8 – Second abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 15,3 % – taux théorique : 20 %). Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé et traduction (en grisé, forme erronée restituée du manu­scrit archétype disparu, corrigée dans la notice normalisée)

Βαργούσιοι· ἔθνος δυτικὸν πρὸς τῷ ἴβηρι τῶ ποταμῷ(a), πολύβιος ἐν γʹ. ἔστι καὶ βάρχουσα(b) μικρὰ πόλις φοινίκης, ὁ πολίτης βαρχουσηνός(c). a)  ποταμῷ Aldus  :  τῶ ποταμῷ RQPN. b)  βάρχουσα QRN : βάργουσα P. c) βαρχουσηνός RQN : βαργουσηνός P.

Βαργούσιοι· I- [Da]   |1|  ἔθνος δυτικὸν πρὸς τῷ Ἴβηρι ποταμῷ. |2| Πολύβιος ἐν γʹ [3.35.2 et 4]. II-[A] |3| ἔστι καὶ Βάρχουσα μικρὰ πόλις Φοινίκης. [D] |4| ὁ πολίτης Βαρχουσηνός.

Bargousioi  :  I- [Da]  |1|  peuple occidental du côté du fleuve Ibêr. |2| Polybe, dans le 3e livre. II-[A]  |3|  Il existe aussi une petite ville de Phénicie nommée Barchousa. [D]   |4|  Le citoyen est appelé

Barchousênos.

Commentaire Les éléments de la notice appartiennent au lexiquesource. L’assemblage des deux géonymes constitue une notice plurielle juxtaposée, commençant par le nom du peuple ibère. I-[Da] |1| La mention de Polybe (3.35.2 et 4) correspond bien à l’identification du peuple puisque c’est après avoir franchi le fleuve Ibêr (l’Èbre) qu’Hannibal soumit les différents peuples jusqu’aux Pyrénées (3.35.2) : « καὶ διαβὰς τὸν Ἴβηρα ποταμὸν κατεστρέφετο τό τε τῶν Ἰλουργητῶν ἔθνος

καὶ Βαργουσίων ἔτι δὲ τοὺς Αἰρηνοσίους καὶ τοὺς Ἀνδοσίνους μέχρι τῆς προσαγορευομένης Πυρήνης. Passant dans le fleuve de l’Èbre, il réduisit les Ilourgètes, les Bargousiens, les Airénosiens, les Andosiniens, sur la route qui mène jusqu’à ce qu’on nomme les Pyrénées » (trad. Foulon). Le terme de « δυτικὸν » semble provenir du lexique-source, à moins qu’un autre auteur n’ait été cité et supprimé par les abréviations mais cela semble peu vraisemblable. Nous trouvons la même indication pour la notice du peuple des Salues [190] ; il nous semble caractéristique du lexique de Polybe. Ce peuple n’est pas mentionné par Strabon. TiteLive (21.19.7 et 21.23.2) les appelle les Bargusii, Ptolémée (Geogr. 2.6.67) cite la ville de Βεργουσία.

Localisation et archéologie Ce peuple se trouvait « à la limite orientale de la zone sud-pyrénéenne, le Berguedà, qui correspond à la haute vallée du Llobregat » (Rico 1997, p. 88). Les Bargousioi apparaissent dans la documentation à l’occasion du franchissement de l’Èbre par les Carthaginois conduits par Hannibal en 218 av. J.-C. ; ils sont alors fidèles aux Romains ce qui leur vaut une surveillance particulière par le gouverneur Hannon. Ils sont dénommés ensuite Bergistani par Tite-Live (34.16.8-9 et 34.21.1-6) et ils sont mentionnés avec leur capitale (castrum Bergium = Berga, à l’est du Sègre) à l’occasion de révoltes matées par les troupes de Caton (voir en particulier Gázquez 1992, p. 67 sq). Pour la question de l’assimilation des Bargousioi et des Bergistani, voir Rico 1997 p. 89, n. 70 et ci-dessous.

444

44* – ΒαστΑρναι/BASTARNAI [Λ]

Ils ne constituèrent pas une civitas à l’époque impériale et ne sont plus mentionnés par la suite. La mention, chez Ptolémée, de deux villes appelées Βέργιδον et Βεργουσία, rattachées toutes deux aux Ilergètes, a fait penser qu’ils avaient ensuite été assimilés par ce peuple et intégrés à leur civitas. L’indication donnée par le lexique de Polybe «  au contact de l’Èbre » n’est pas exacte, ce peuple était situé bien plus au nord  ; l’auteur du lexique s’en est tenu à une lecture « au fil de l’eau », notant le contexte géographique lorsqu’il rencontrait le lemme. Ce n’est pas la seule faute de localisation de ce lexique (cf. supra p. 258259).

Chronologie des mentions iie s. av. : Polybe, Βαργούσιοι (πρὸς τῷ Ἴβηρι ποταμῷ) – ier s. : Tite-Live, Bargusii, Bergistani ? – iie s. : Ptolémée, Βεργουσία, Βέργιδον ?.

La forme Bargousioi/Bargusii est homogène et correspond aux mentions de la fin du iiie siècle av. J.-C. On la retrouve avec peu de modification dans la ville de Bergousia encore au iie siècle de notre ère. La forme Bergistani est une forme plus récente, compatible avec la précédente selon A. Tovar (1989, p. 39-40). Nous avons ici le même mode de formation double que Karpêsioi/ Karpêtanoi [119]  avec une source grecque ancienne (Bargousioi) et une source latine (Bergistani). Enfin, la ville de Bergidon garde la racine *Barg-/*Berg- caractéristique du peuple.

Bibliographie indicative RE III, 1 (1897), col.  15 (s.v.  Bargusii)  ; col.  292 (s.v. Bergistani) E. Hübner ; Smith 1854 (s.v. Bergistani) ; THA  IIB 142j  ; Bosch-Gimpera 1961, p.  33-34  ; Tovar 1989, p. 39-40, 440 ; González Blanco 1991, p. 25, 31 ; Gázquez 1992 ; Rico 1997, p. 88-89. Barrington Atlas 25 G4 (Bergistani) ; http://pleiades.stoa.org/places/246239

44* – ΒαστΑρναι/BASTARNAI [Λ] Peuple (hors cadre d’étude) – (β 51 Billerbeck)            Denys le Périégète Livre 8 – Second abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 15,3 % – taux théorique : 20 %). Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé et traduction (en grisé, forme erronée restituée du manu­scrit archétype disparu, corrigée dans la notice normalisée)

Βαστάρναι (a)· ἔθνος ὑπὲρ τὸν ἴστρον οἰκοῦν. διονύσιος ἐν περιηγήσει «  πολλὰ μάλ’ ἑξείης μαιώτιδος ἐς στόμα(b) λίμνης, γερμανοὶ σαρμάται(c) (d) γέται θ’ ἅμα βαστάρναι τε(e) ».

Βαστάρναι· [Da]  |1|  ἔθνος ὑπὲρ τὸν Ἴστρον οἰκοῦν. |2|  Διονύσιος ἐν

περιηγήσει [v. 303-304]

a) Βαστάρναι QPN : Βαστάρνα R. b) ἐς στόμα QPN : ἐστόμα R. c) Σαμάται Xylander (ex Eust.) : σαρμᾶται RQ, σαρμάται PN. d) τε add. Xylander. e) τε om. Q.

πολλὰ μάλ’ ἑξείης Μαιώτιδος ἐς στόμα λίμνης, Γερμανοὶ Σαμάται Γέται θ’ ἅμα Βαστάρναι τε.

c – Erreur de correction dans les phases d’abréviation ? d – Erreur de lecture dans la phase de translittération (confusion ΓЄ/TЄ).

Bastarnai  :  [Da]  |1|  peuple qui habite au-dessus de l­ ’­Istros. |2| Denys, dans la Périégèse :  «  Beaucoup d’autres peuples se succèdent vers l’embouchure du lac Méotide, les Germanoi, les Samatai, les Getai et encore les Bastarnai ».

44* – ΒαστΑρναι/BASTARNAI [Λ]

Lexiques et commentaires grecs et byzantins xii   siècle – Eustathe de Thessalonique (Com. Dion. 281 et 302) ὅτι Βρεττανοί διὰ δύο ττ ὡς ἐπιπολύ· ἐνταῦθα δὲ ἐν τῷ « ἔνθα Βρετανοί », τοῦ μέτρου ἐπιτάξαντος ἀπεχώρισε τὸ ἓν τ· οὕτω καὶ Σαρματῶν τινῶν λεγομένων μετὰ τοῦ ρ, ὅμως ἐν τοῖς ἑξῆς, ἐν τῷ « Γερμανοὶ Σαμάται τε » ἡ τοῦ μέτρου βία ἐξώθησε τὸ ρ· Σαρμάται γὰρ εἰπεῖν ἔδει καὶ οὐ Σαμάται. τῶν δὲ Βρεττανῶν τούτων παρώνυμοι αἱ ἀντιπέραν Βρεττανίδες νῆσοι, περὶ ὧν ῥηθήσεται. (…) e

ὅτι πρὸς βορέαν τῷ Ἴστρῳ ἔθνη κεῖται ταῦτα, Γερμανοὶ, Σαμάται, ἤτοι Σαρμάται, κατὰ ἔλλειψιν τοῦ ρ ἀμεταβόλου, ὡς προγέγραπται, καὶ Γέται καὶ Βαστάρναι, Δακῶν τε ἄσπετος γῆ, καὶ Ἀλανοὶ καὶ Ταῦροι οἱ καὶ Ῥῶσοι, οἱ περὶ τὸν Ἀχιλλέως δρόμον, καὶ Μελάγχλαινοι καὶ Ἱππημολγοὶ, περὶ ὧν ἐν τοῖς εἰς τὴν Ἰλιάδα γέγραπται, καὶ Νευροὶ καὶ Ἱππόποδες οἱ κατά τινας Χάζαροι, καὶ Γελωνοὶ καὶ Ἀγάθυρσοι· καὶ οὗτοι μὲν βόρειοι.

Commentaire La notice provient probablement du lexique-source (ou, moins vraisemblablement, d’Oros ?). [Da]  |1-2|  Le peuple est localisé par rapport à l’Istros (le Danube). La citation de Denys le Périégète (v. 303304) ne contient pas ces indications, qui viennent d’un autre auteur. Strabon (7.3.17  ; voir également 2.1.41, 2.5.12, 2.5.30, 7.1.1, 7.2.4, 7.3.13 et 15) les situe aussi en fonction de l’Istros : « πρὸς δὲ ταῖς ἐκβολαῖς μεγάλη νῆσός ἐστιν ἡ Πεύκη· κατασχόντες δ’ αὐτὴν Βαστάρναι Πευκῖνοι προσηγορεύθησαν. Près des bouches [de l’Ister] est une grande île appelée Peucé : ce sont des Bastarnes qui l’occupent actuellement, et ils en ont pris le nom de Peucins ». Dion Cassius (51.23-26 ; voir également 38.10.3) signale la guerre de Marcus Crassus contre les Bastarnes en 29/28 av. J.-C. Le pseudo-Scymnos (F 8, tiré du Périple du Pont-Euxin) cite également ce peuple  :  «  οὗτοι δὲ

445 Θρᾷκές τε Βαστάρναι τ’ ἐπήλυδες ; il s’agit de Thraces et du peuple immigré des Bastarnes » (trad. Marcotte), comme Polybe (25.6.3) et Appien (Mithr. 53). On ne les trouve pas en revanche chez Marcien dans la partie conservée de son œuvre. [E]   absent  : On trouve d’autres formes dérivées qui n’apparaissent pas dans la notice conservée de l’Épitomé : Βασταρνία (Ptolémée, Geogr. 2.3.13 et 15), et le ktétique Βασταρνικός (Plutarque De fort. Roman. 324c) ou Βασταρνικόν (Strabon 7.3.2).

Localisation et archéologie Peuple situé d’abord dans les Balkans, apparaissant lors de la guerre de Philippe V contre les Thraces. Les Bastarnes sont ensuite repoussés au-delà du Danube. Le terme d’immigré chez le pseudo-Scymnos serait, selon D. Marcotte l’indication de ce déplacement récent puisqu’il a lieu dans la 1e moitié du iie siècle av.  J.-C. (Marcotte 2000, p. 243). Ce peuple est situé hors du cadre de notre étude.

Chronologie des mentions ii e  s. av.  :  Polybe, Βαστάρναι  ; pseudo-Scymnos, Βαστάρναι – ier  s.  :  Strabon, Βαστάρναι, Βασταρνικὸν – iie  s.  :  Plutarque, Βασταρνικοὶ  ; Denys le Périégète, Βαστάρναι ; Appien, Βαστάρναι ; Ptolémée, Βασταρνία – iiie s. : Athénée, Βαστάρνη ; Dion Cassius, Βαστάρναι – vie s. : Zosime, Βαστάρναι.

Bibliographie indicative RE III, 1 (1897), col.  110-113 (s.v.  Bastarnae) Ihm  ; Smith 1854 (s.v. Bastarnae) ; Reinach 1910. Barrington Atlas : 22 F3 (Bastarnae) ; http://pleiades.stoa.org/places/216728

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45 – ΒατετΑρα (ΒαIετΑρα ? BAIΣΙΑΡΑ ?)/BATETARA (BAIETARA ? BAISIARA ?) [Λ]

45 – ΒατετΑρα (ΒαIετΑρα ? BAIΣΙΑΡΑ ?)/BATETARA (BAIETARA ? BAISIARA ?) [Λ]

Ville – Gaule (Narbonnaise) (β 54 Billerbeck)            Théopompe ? Livre 8 – Second abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 15,3 % – taux théorique : 20 %). Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé et traduction (en grisé, forme erronée restituée du manu­scrit archétype disparu, corrigée dans la notice normalisée)

Βατέταρα(a)· πόλις λυγίων(b), θηλυκῶς. τὸ ἐθνικὸν βατεταραῖος. a)  Βατετάρα Meineke  :  Βατέταρα RQPN. b)  Λιγύων Holste : λυγίων RQPN. a – Erreur d’accentuation lors de la translittération ? Nous proposons de voir une forme erronée pour Βαιετάρα ou Βαισίαρα, remontant au lexique-source. b – Erreur de lecture due au iotacisme ?

Βατετάρα [Βαιετάρα ? Βαισίαρα ?]· [A] |1| πόλις Λιγύων [Théopompe ?], θηλυκῶς. [D] |2| τὸ ἐθνικὸν Βατεταραῖος [Βαιεταραῖος ? Βαισιαραῖος ?] [Théopompe ?].

Batetara [Baietara  ? Baisiara  ?]  :  [A]  |1|  ville des Ligyens, au féminin. [D] |2| L’ethnique est dit Batetaraios [Baietaraios ? Baisiaraios ?].

Commentaire Suivant l’auteur qui est à l’origine de la notice, celle-ci provient vraisemblablement du lexique-source. [A] |1| La ville de Batetara est mentionnée d’après un auteur inconnu. L’attribution aux Ligyens pourrait renvoyer à Hécatée ; toutefois l’indication du genre féminin qui suit la détermination géographique fait partie des informations que l’on trouve dans le lexique-source mais pas dans celui d’Hécatée. Dans toutes les mentions issues de sa Périégèse, une seule (s.v. Gabala) fait référence à un genre différent mais elle apparaît comme variante dans la rubrique [C] et non en lien avec une détermination géographique. De ce fait, même si d’un point de vue lexical rien ne s’oppose à ce que la mention provienne d’Hécatée (y compris à travers le lexique-source), cela nous semble peu probable.

Autre argument plus décisif selon nous, nous pensons que le lemme est erroné et qu’il faut y voir une mauvaise leçon issue du manu­scrit ayant servi à construire la notice, avec lecture d’un T pour un I, renvoyant alors à une forme Baietara que l’on rapproche facilement

de Baitarra [39]. Ceci rappelle d’autres erreurs repérées chez Théopompe (comme par exemple TΛHTEC au lieu de ΓΛΗΤΕC, cf. fiche [216]), toutes issues du lexique-source. On peut se demander si les erreurs de lecture ne sont pas plus importantes, avec la lecture des deux τ/T à la place du ι/I entraînant alors celle du Є à la place du C. Nous aurions alors un lemme initial Baisiara, proche de la forme que donne Aviénus (Besara, voir fiche [39]). Notons toutefois que la notice est placée dans le bon ordre alphabétique dans l’Épitomé ce qui implique qu’il s’agit bien d’une erreur de lecture au moment de l’établissement du lexique de l’auteur. Concernant le peuple de rattachement, on trouve une autre mention similaire se rapportant aux Ligyens pour Ligustinê [134] que nous proposons également d’attribuer à Théopompe ; nous renvoyons à cette fiche pour l’argumentation. De même, nous pensons que la mention « ville des Ligyens » pour Agathê [2] peut être rapportée à cet auteur. Il faut noter toutefois que les déterminations géographiques qui en proviennent sont habituellement un peu plus développées ce qui ne permet pas d’être totalement certain que la notice soit bien issue de cet auteur. [D] |2| L’ethnique est donné d’après un auteur inconnu,

certainement le même que celui de la première partie de la notice. Nous proposons également Théopompe, la forme lexicale étant tout à fait compatible avec cet auteur et comportant la même erreur de lecture de lettre que le nom de la ville si tel est bien le cas.

Localisation et archéologie Voir la fiche Baitarra [39].

Chronologie des mentions Voir la fiche Baitarra [39].

Bibliographie indicative Voir la fiche Baitarra [39].

46 – ΒεβρΥκΕΣ/BEBRUKES [M + Λ + Ω]

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46 – ΒεβρΥκΕΣ/BEBRUKES [M + Λ + Ω]

Peuple – Gaule (Narbonnaise) (β 58 Billerbeck)            [Da] |1| pseudo-Scymnos Livre 8 – Second abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 15,3 % – taux théorique : 20 %). Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé et traduction (en grisé, forme erronée restituée du manu­scrit archétype disparu, corrigée dans la notice normalisée)

Βεβρύκων· ἔθνη δύο· τὸ μὲν πρὸς τῷ πόντῷ ἐν τῇ ἀσίᾳ, τὸ δὲ παρὰ(a) τοῖς ἴβηρσιν (b) ἐν τῇ εὐρώπῇ. περὶ(c) δὲ τῆς(d) ἐν ἀσίᾳ διάφοροι γεγόνασι δόξαι, ὅτι ἀπὸ βέβρυκος ἢ ἀπὸ βεβρύκης, καὶ ἄλλοι ἄλλως. τὸ ἐθνικὸν βεβρύκιος καὶ βεβρυκία. εὕρηται καὶ βέβρυσσα ὡς φοίνισσα κίλισσα θρῇσσα. ἔχει γὰρ οἰκειότητα τὸ σ πρὸς τὸ ξ. a) πρὸς R : παρὰ QPN. b) ὡς Σκύμνος rest. Bouiron. c) περὶ QPN : παρὰ R. d) τοῦ Meineke : τῆς RQPN.

Βεβρύκων· [Da]  |1|  ἔθνη δύο· τὸ μὲν πρὸς τῷ Πόντῷ ἐν τῇ Ἀσίᾳ,

τὸ δὲ πρὸς τοῖς Ἴβηρσιν ἐν τῇ Εὐρώπῇ. [Db] |2| περὶ δὲ τοῦ ἐν Ἀσίᾳ διάφοροι γεγόνασι δόξαι, ὅτι ἀπὸ Βέβρυκος ἢ ἀπὸ Βεβρύκης, καὶ ἄλλοι ἄλλως. [D] |3| τὸ ἐθνικὸν Βεβρύκιος καὶ Βεβρυκία. [E] |4| εὕρηται

καὶ Βέβρυσσα ὡς Φοίνισσα Κίλισσα Θρῇσσα. |5| ἔχει γὰρ οἰκειότητα τὸ σ πρὸς τὸ ξ. Bebrukôn : [Da] |1| deux peuples portent ce nom : le premier du côté du Pont en Asie, et le second du côté des Ibères , dans l’Europe. [Db] |2| Au sujet du peuple d’Asie les opinions divergent : le nom proviendrait de Bebrukos ou bien de Bebrukê, mais d’autres l’expliquent encore autrement. [D]  |3|  L’ethnique est Bebrukios et Bebrukia. [E] |4| On trouve aussi Bebrussa, formé comme Phoinissa, Kilissa et Thrêssa. |5| En effet, le s a une parenté avec le x.

Lexiques et commentaires grecs et byzantins Nous ne donnons pas ici les mentions correspondant au peuple d’Asie. xiie siècle – Jean Tzétzès (schol. Lycophr. v. 516 et 1305) τὸ δὲ εἰς Βεκρύκων· λείπει τὸ ὡς ἵνα ᾖ μηδ’ ἐπὶ νηῶν ἔλθοιεν ὡς πρότερον εἰς Βεβρυκίαν συμπλέοντες τοῖς λοιποῖς Ἀργοναύταις ὅτε καὶ Ἄμυκλον κατεπύκτευσαν.

τὴν Τροίαν Βέβρυκές ποτε ᾤκουν, ὅθεν διὰ τὸ ἔθνος καὶ Βεβρυκίαν αὐτὴν καλοῦσιν. Δίων δὲ καὶ Κοκκειανὸς τοὺς Ναρβωνησίους Βέβρυκας γράφων λέγει οὕτω « τῶν πάλαι μὲν Βεβρύκων, νῦν δὲ Ναρβωνησίων ἐστὶ τὸ Πυρρήναιον ὄρος. τὸ δὲ ὄρος τοῦτο χωρίζει Ἰβηρίαν καὶ Γαλάτας ». (…) Βέβρυκες δὲ παρὰ τοῖς παλαιοῖς οἱ Τρῶες ἐκαλοῦντο. εἰς Βεβρύκων τῶν Τρώων· Βέβρυκες γὰρ νῦν οἱ Μυσοὶ ἐνδότεροι Βιθυνῶν ὄντες, ὧν ὄρος Ὄλυμπος. εἰσὶ δὲ καὶ ἕτεροι Βέβρυκες ἔθνος Γαλατῶν μεταξὺ Πειρήνης καὶ Κεραυνίων ὀρῶν καὶ Ἰβηρίας κείμενον οἳ καλοῦνται Ναρβωνήσιοι.

Commentaire La notice semble provenir du lexique-source et du lexique de Marcien (|1|) avec des commentaires d’Oros (|2|). La notice comprend, de manière enchevêtrée, les deux peuples, l’un situé autour de la mer Noire le second en Ibérie. La notice n’est pas construite comme une notice plurielle juxtaposée ; les ethniques apparaissent dans la partie [D]. [Da]   |1|  La quasi-totalité des mentions connues

concernent le peuple de la mer Noire. Ici, la citation doit provenir du pseudo-Scymnos (v. 201). Nous pensons en effet que l’indication ἐν τῇ Εὐρώπῇ correspond au titre du livre de Scymnos comme on le trouve dans la notice Agathê [2] et qu’il manque simplement le nom de l’auteur que nous restituons. Dion Cassius (p. 189) les citaient également ; il ne nous reste de cette partie de son texte que l’abrégé de Zonaras (vol. 2, p. 234) mais Jean Tzétzès l’indique explicitement dans ses scholies à Lycophron (cf. supra). [D] |3| Nous ne savons pas s’il existe une forme particu-

lière d’ethnique rattachée au peupe ibérique.

448

47 – ΒελγΙκη/BELGIKÊ [Λ + M ? + Ω ?]

Localisation et archéologie Le peuple des Bébryces, situé au nord des Pyrénées, le long de la côte méditerranéenne, n’est mentionné ni par Strabon ni par Polybe (à notre connaissance). La mention de Dion Cassius est archaïsante, dans la mesure où ni Pomponius Mela ni Pline l’Ancien ne signalent ce peuple au ier siècle de notre ère. Comme l’indique C. Rico, il n’est pas possible de localiser plus précisément ce peuple que dans les vallées au nord des Pyrénées orientales (Rico 1997, p. 107). P. Moret considère que ce peuple n’existe pas et relève de la création littéraire (Moret 2006, p. 60) ; son hypothèse repose sur le parallélisme entre la fondation phocéenne d’Emporion et celle de Lampsaque, sur l’Hellespont, où se trouvait le peuple asiatique (et mythique) du même nom. Pour L. Antonelli ce nom reposerait toutefois sur une base réelle (Antonelli 2008, p. 86). Ils sont cités par Aviénus (Ora marit. v. 585) sous la forme Berybraces ; cet auteur précise que ce peuple, situé près du rivage, était particulièrement féroce et belliqueux. Il est vraisemblable que l’on puisse assimiler les deux bien que chez Aviénus ils semblent être positionnés plutôt vers la Meseta espagnole (Rico 1997, p. 107-108). Nous aurions dans tous les cas une présence dans l’arrière-pays immédiat (ou plus lointain) d’Emporion.

Enfin, toujours dans la lignée poétique, Silius Italicus (3.420-443) rappelle la légende d’une jeune fille des Pyrénées, appelée Bebrycia, qui fait référence également à ce peuple (les Bebryci). A. Pérez suit l’avis de P. Moret et argumente sur l’assimilation faite d’un peuple celte (les Volcae ?) sous ce nom (Pérez 2010). En revanche, il estime que la mention d’Aviénus ne se rapporte pas à ce peuple, ce qui ne nous semble pas exact.

Chronologie des mentions ive-iie s. av. : [Aviénus, Ora maritima], Berybraces ? – iie s. av. : pseudo-Scymnos, Βέβρυκες – iie s. : Silius Italicus, Bebryci, Bebrycia – iiie s. : Dion Cassius, Βεβρύκων. Il est probable que la forme d’Aviénus corresponde au nom du pseudo-Scymnos et soit une erreur de copie.

Bibliographie indicative RE III, 1 (1897), col.  180 (s.v.  Bebrykes 1) Hübner  ; col. 319 (s.v. Berybraces) Ihm ; Smith 1854 (s.v. Bebryces 2)  ; THA  IIB 142k  ; Tovar 1989, p.  64  ; González Blanco 1991, p. 25, 31 ; Rico 1997, p. 107-108 ; Moret 2006, p. 59-63 ; Antonelli 2008, p. 73-89 ; Pérez 2010.

47 – ΒελγΙκη/BELGIKÊ [Λ + M ? + Ω ?]

Pays – Gaule (Belgique) (β 60 Billerbeck)            Charax ? Marcien ? Livre 8 – Second abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 15,3 % – taux théorique : 20 %). Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé et traduction (en grisé, forme erronée restituée du manu­scrit archétype disparu, corrigée dans la notice normalisée)

Βελβίκη(a)· ἡ χώρα, ὡς βαιτική(b), προσεχὴς ταῖς γερμανίαις. ὁ οἰκήτωρ βελβικός(c) ὡς ἀττικός. ἔοικε δὲ ἀπὸ τοῦ βέλγη, ὡς ἀκτή ἀττική. τὸ θηλυκὸν(d) βελγαία ἡ χώρα. a)  Βελγίκη Meineke (e Ps.-Arc.)  :  Βελβίκη RQPN, Βελγική Xylander. b)  βαιτίκη R  :  βαιτική QPN. c)  βελγικός Npc : βελβικός RQPNac. d) ἔστι καὶ Βελγαῖος, ante τὸ θηλυκὸν haud sine dubio suppl. Meineke. a et c – L’erreur provient probablement de la seconde abréviation (mauvaise lecture du gamma ?). b – Erreur d’accentuation lors de la phase de translittération.

Βελγίκη· [A]  |1|  ἡ χώρα [Charax  ?], ὡς Βαιτίκη, προσεχὴς ταῖς

Γερμανίαις [Marcien ?].

[D]   |2|  ὁ οἰκήτωρ Βελγικός [Charax  ?]  ὡς Ἀττικός. [E] |3| ἔοικε δὲ ἀπὸ τοῦ Βέλγη [Strabon], ὡς Ἀκτή Ἀττική.

|4| τὸ θηλυκὸν Βελγαία ἡ χώρα.

Belgikê :  [A] |1| la région, formée comme Baitikê, contiguë aux provinces de Germanie. [D] |2| L’habitant est appelé Belgikos, formé comme Attikos. [E]  |3|  Le nom vient apparemment de Belgê, comme Attikê vient d’Aktê. |4| On trouve le féminin Belgaia pour le pays.

Lexiques et commentaires grecs et byzantins vie siècle – Lexique d’Hesychius (β 481) Βελγαῖος· ἀπὸ πόλεως Βέλγης.

47 – ΒελγΙκη/BELGIKÊ [Λ + M ? + Ω ?] xiie siècle – Eustathe de Thessalonique (Com. Dion. 378) πολλοὶ δέ τινες τοὺς Ἐνετοὺς τούτους τοὺς περὶ Ἀκυληΐαν ἀποίκους φασὶν ὁμωνύμων παρωκεανιτῶν, οὐ μόνον Ἐνετῶν καλουμένων, ἀλλὰ καὶ Βελγῶν· ἔθνος δὲ Κελτικὸν οἱ Βέλγαι.

Commentaire Il est difficile de savoir si la notice provient du lexiquesource ou si elle a été rédigée par Oros car il ne reste aucun auteur identifiable. Nous privilégierons par défaut une notice issue du lexique-source. Il faut noter que l’information donnée par Eustathe n’a pas de correspondance avec l’Épitomé. [A] |1| La région pouvait avoir une première indication

géographique, avant la comparaison lexicale de grammairien. La détermination ensuite se fait en fonction des Germanies, ce qui rappelle celle que l’on trouve chez Marcien (Per. ext. 2.1, 2.27 ; voir également 2.19, 2.2425, 2.29-30 et 2.41) : « ἡ Βελγικὴ σὺν ταῖς δύο Γερμανίας περιορίζεται » ; toutefois l’indication de χώρα ne se rattache pas à Marcien qui identifie clairement les provinces avec le terme ἐπαρχία. La comparaison lexicale de grammairien qui suit semble déjà présente dans le lexiquesource. L’assimilation avec la province hispanique de la Bétique pourrait nous renvoyer vers Charax. On trouve également cette forme dans la source de Marcien, Ptolémée (Geogr. 2.7.1, 2.8.3, 2.8.11, 2.9.1, 8.5.6, 8.6.2, 8.29.3), ainsi que chez Dion Cassius (39.50.2 ; 53.12.15). La détermination géographique qui suit ressemble à celle des Ligures (ἔθνος προσεχὲς τοῖς Τυρρηνοῖς) attribuée à l’Abrégé d’Artémidore, donc provenant donc du lexique de l’édition de Marcien. Il y a peut-être là la trace d’une concaténation de deux informations : la première provenant de Charax par l’intermédiaire du lexique-source et la seconde de Marcien. [D] |2| Cette forme d’ethnique est signalée seulement chez Dion Cassius (39.1.1 ; 40.42.1 ; 53.12.5). N’ayant pas été consulté par Stéphane de Byzance, il faut imaginer une autre source qui pourrait parfaitement être Charax. [E] |3| La forme Βέλγαι se trouve chez Strabon (4.1.1,

4.3.1, 4.4.1 et 3) et Appien (Celt. 1.10), et chez des auteurs non lus par Stéphane de Byzance  :  Ptolémée (Geogr. 2.3.13) et Plutarque (Pomp. 51.1, Caes. 20.4). |4| La dernière forme n’est pas attestée dans nos sources. Tout au plus trouve-t-on chez Hesychius une mention de la forme au masculin, peut-être interpolée.

449

Localisation et archéologie Il s’agit du pays des Belges, une des délimitations de la Gaule selon César, transformée ultérieurement en province. Cette dénomination se compare à d’autres (nous ne parlerons ici que de notre corpus), qui emploient le déterminant géographique de chôra associé à οἰκήτωρ/οἰκήτορες. Comme nous l’avons détaillé supra p. 231-232, nous proposons de rattacher sous réserve à Charax ces déterminations géographiques. Définie d’abord par César, cette Gaule Belgique se différencie peu du reste de la Gaule, si ce n’est que sa population est d’installation récente, au iiie siècle av. J.-C. (Fichtl 2012, p. 154). La limite à l’est se fait avec le Rhin, Jules César les déterminant ainsi de manière arbitraire avec les Germains (Goudineau 2005, p. 679). Cette délimitation permet de circonscrire un territoire administratif (une province) au sein d’un vaste ensemble de population appelé Celtique par les Grecs et couvrant toute l’Europe, de l’Ibérie à la mer Noire et à la mer du Nord. La province romaine est créée par Auguste (en 16/13 av. J.-C.) ; sa limite avec la Gaule lyonnaise est révisée sous Tibère selon l’hypothèse de C. Goudineau pour allier les contradictions que soulève le texte de Strabon (4.1.1, 4.3.1) (voir Fichtl 2012, p. 13-15). Sous Domitien, il semble que la partie méridionale de la province en soit séparée pour créer le district puis province de Germanie supérieure.

Chronologie des mentions i er s. av.  :  Jules César, Belgica, Belgae (Gallia) – ier s. : Strabon, Βέλγαι ; Pomponius Mela, Belgae ; Pline l’Ancien, Belgica (Gallia) – iie  s.  :  Tacite, Belgica  ; Plutarque, Βέλγαι ; Charax ?, Βελγίκη, Βελγικός ; Appien, Βέλγαι  ; Ptolémée, Βελγική, Βέλγαι – iiie  s.  :  Dion Cassius, Βελγικοί, Βελγική. Le terme de Belgikê n’apparaît semble-t-il que tardivement. Avec le nom du peuple, les Belgai, il ne constitue qu’une traduction de termes latins (Belgica et Belgae).

Bibliographie indicative RE III, 1 (1897), col. 203-207 (s.v. Belgae) Ihm ; Smith 1854 (s.v. Belgae) ; Fichtl 2012, p. 7-16. Barrington Atlas : 100 G2 (Belgica) ; http://pleiades.stoa.org/places/981511

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48 – ΒεληδΟνιοι/BELÊDONIOI [Λ]

48 – ΒεληδΟνιοι/BELÊDONIOI [Λ]

Peuple – Hispanie (Lusitanie) (β 61 Billerbeck)            Parthénios de Nicée Livre 8 – Second abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 15,3 % – taux théorique : 20 %). Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé et traduction (en grisé, forme erronée restituée du manu­scrit archétype disparu, corrigée dans la notice normalisée)

Βεληδόνιοι· ἔθνος παρ’ ὠκεανῷ. παρθένιος ἐν δήλῳ « οὐδ’ ἀπὸ τηλίτων τῶν πόρρω(a) ἄκρα βεληδονίων(b) ». a)  ἀποτηλίστων Bergk  :  ἀπὸ τηλίτων τῶν πόρρω RQPN, ἀποτηλίτων Salmasius, ἀπὸ τηλίστων Gavel, ἐπὶ τηλίστων Meineke. b) βεληδονίων RN : βελιδονίων QP. a – Erreur lors de la phase de translittération ?

Βεληδόνιοι· [Da]  |1|  ἔθνος παρ’ ὠκεανῷ. |2|  Παρθένιος ἐν Δήλῳ [F 12 Lightfood]  «  οὐδ’ ἀποτηλίστων {τῶν πόρρω} ἄκρα Βεληδονίων ».

Belêdonioi  :  [Da]  |1|  peuple près de l’océan. |2|  Par­ thénios, dans Délos : « pas même le promontoire, là-bas, des lointains Belêdonioi ».

Commentaire La notice provient du lexique-source. [Da] |1-2| Il est difficile de savoir s’il existait plusieurs

auteurs dans la notice d’origine. Dans l’état actuel de nos connaissances, seul Parthénios donne cette forme mais ne renvoie pas à une aire géographique particulière,

probablement parce que le poème ne le faisait pas. Nous pensons qu’il s’agit d’une variante du nom des Belitanoi (voir fiche [49]). La localisation est en lien avec l’océan. La citation est restituée d’après l’éditeur des œuvres de Parthénios de Nicée, Lightfoot (voir F. 12, p. 153). Il est possible que la mention τῶν πόρρω ait été incluse dans la citation lors de l’abréviation, fusionnant le vers avec une indication présente soit dans un vers suivant qui aurait disparu, soit, moins vraisemblablement, se rapportant au peuple dans le lexique-source. Peut-être faut-il voir ici un géonyme transmis par l’intermédiaire de Charax qui semble avoir utilisé cet auteur.

Localisation et archéologie Voir la fiche Belitanoi [49].

Chronologie des mentions Voir la fiche Belitanoi [49].

Bibliographie indicative Voir la fiche Belitanoi [49].

49 – ΒελιτανοΙ/BELITANOI [Λ]

Peuple – Hispanie (Lusitanie) (β 62 Billerbeck)            Artémidore Livre 8 – Second abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 15,3 % – taux théorique : 20 %). Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé et traduction Βελιτανοί· οἱ αὐτοὶ τοῖς λυσιτανοῖς(a), ὡς ἀρτεμίδωρος ἐν γʹ γεωγραφουμένων. a) λυσιτανοῖς RQPN : Λουσιτανοῖς Jacoby.

Βελιτανοί· [Da] |1| οἱ αὐτοὶ τοῖς Λυσιτανοῖς, ὡς Ἀρτεμίδωρος ἐν γʹ

γεωγραφουμένων [F 31 Stiehle].

Belitanoi : [Da] |1| ce sont les mêmes que les Lusitanioi, selon Artémidore, dans le 3e livre des Descriptions géographiques.

50 – ΒελΩν/BELÔN [Λ]

Commentaire La notice provient du lexique-source. [Da] |1| Cette notice a souffert de la réduction de l’Épi-

tomé. La mention d’ἔθνος au début de la détermination géographique a peut-être été supprimée pour ne conserver que l’équivalence avec les Lusitanoi, ainsi que la mention d’Artémidore. On ne trouve ce nom de peuple chez aucun autre auteur. Il est très probablement identique aux Belêdonioi du texte de Parthénios (cf. fiche [48]).

451 sons que la forme Belêdonioi [48] n’est qu’une variante, peut-être poétique, de l’ethnonyme cité par Artémidore. Hübner (RE) propose une identification avec les Belendi de Pline l’Ancien (4.108), peuple d’Aquitaine, que nous ne retenons pas.

Chronologie des mentions iie s. av. : Artémidore, Βελιτανοί – ier s. av. : Parthénios de Nicée ?, Βεληδόνιοι.

Localisation et archéologie

Bibliographie indicative

On a proposé d’y voir le peuple habitant dans la zone de la ville de Bletisama, actuelle Ledesma, dans la province de Salamanque (Tovar 1976, p. 247). Nous pen-

RE III, 1 (1897), col.  199 (s.v.  Beledonii) Hübner  ; col.  199 (s.v.  Belendi) Ihm. THA  IIB 142m  ; Tovar 1976, p.  247  ; González Blanco 1991, p.  25, 31  ; Pérez Vilatela 2000, p. 33-34.

50 – ΒελΩν/BELÔN [Λ]

Ville et fleuve – Hispanie (Bétique) (β 64 Billerbeck)            Charax ? (Marcien ?) Livre 8 – Second abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 15,3 % – taux théorique : 20 %). Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé et traduction (en grisé, forme erronée restituée du manu­scrit archétype disparu, corrigée dans la notice normalisée)

Βελών(a)· πόλις καὶ ποταμὸς ἐν τῇ βαιτικῆ(b) τῆς ἰσπανιάς(c). ὁ πολίτης βελώνιος. a) Βελών PN : Βελῶνος R, post Βελών spat. 2 punc. indic. Q (ο superscr.). b) Βαιτίκῃ Meineke : βαιτικῆ RQPN. c) Ἱσπανιάς Pinedo : ἰσπανιάς RQPN. b et c – Erreurs d’accentuation lors de la translittération ?

Βελών· [A]  |1|  πόλις καὶ ποταμὸς ἐν τῇ Βαιτίκῃ τῆς Ἱσπανιάς

[Charax ? Marcien ?].

[D] |2| ὁ πολίτης Βελώνιος [Charax ?].

Belôn :  [A] |1| ville et fleuve de Bétique, en Hispanie. [D] |2| Le citoyen est Belônios.

Commentaire La notice provient vraisemblablement du lexique-source. [A] |1| La mention de l’Hispanie témoigne d’un auteur

plutôt tardif. On retrouve le nom de la ville et du fleuve

chez Marcien (Per. ext. 2.9-10) mais il n’est pas certain qu’il soit la source utilisée par Stéphane de Byzance qui a pu trouver ce géonyme dans le lexique-source. La ville et le fleuve Belôn se trouvent déjà chez Strabon (3.1.8) : « εἶτα Μελλαρία ταριχείας ἔχουσα καὶ μετὰ ταῦτα Βελὼν πόλις καὶ ποταμός. Ensuite vient Mellaria, avec des établissements de salaison, et plus loin la ville et le fleuve de Bélo » (traduction Lasserre) qui pouvait être également cité dans la notice d’origine du lexique-source. La formulation « ἐν … » ne se trouve pas dans le lexique de Marcien mais est attesté dans celui de Charax (voir la notice Troizên et d’autres attestations dans le tableau récapitulatif des mentions de Charax). Ptolémée (Geogr. 2.4.5) mentionne la ville et le fleuve avec la forme Βαίλων dans le codex Ω (et Βέλων dans le codex X), qui est plus en accord avec le nom latin de la cité (Baelo) mais diffère de celui de Marcien. Nous proposerons donc d’y voir plutôt une mention issue de Charax de Pergame. [D] |2| Nous ne connaissons pas l’auteur qui a servi de source au nom des habitants ; il peut s’agir également de Charax.

452

51 – ΒΙεννA/BIENNA [Λ + Ω ?]

Localisation et archéologie La ville se trouve à côté de l’actuelle Tarifa, sur la route entre Cádiz et Malaga, près du village de Bolonia, à l’extrême sud de la péninsule ibérique. Strabon, comme Pomponius Mela (2.96) et Pline l’Ancien (3.7) ont insisté sur le caractère venteux de la côte à cet endroit, ce qui en fait un endroit important pour la navigation. Durant l’Antiquité, les activités de salaisons, basées sur la pêche au thon, ont fait prospérer la ville. Des monnaies du ier siècle av. J.-C. ont été retrouvées avec une légende double Bailo/BLN (néo-punique). Sous le règne de l’empereur Claude, elle devient un municipe romain et prend le nom de Baelo Claudia, initiant un programme de monumentalisation dont les vestiges subsistent encore de nos jours. Des fouilles sont conduites par la Casa de Velázquez depuis plusieurs décennies  ; elles ont donné lieu à de nombreuses publications. Plusieurs chantiers ont été conduits sur l’emplacement des ateliers de salaison (Arévalo, Bernal 2007). Ils

ont mis en évidence également les niveaux républicains (iie-ier siècles av. J.-C.) et des phases de réoccupation tardives (iiie-ive siècles).

Chronologie des mentions ier s. : Strabon, Βελών ; Pomponius Mela, Bello ; Pline l’Ancien, Baelo – iie s. : Charax ?, Βελών, Βελώνος ; Ptolémée, Βαίλων – ive s. : Marcien, Βελών – ve s. : Itinéraire maritime d’Antonin, Belone Claudia. La forme alterne entre Belon/Bello et Baelo/Bailôn

Bibliographie indicative RE II, 2 (1896), col. 2759 (s.v. Baelo) Hübner ; Smith 1854 (s.v. Belon) ; THA IIB 142n ; Silberman 1988, p. 227 ; Tovar 1974, p. 66-67 ; González Blanco 1991, p. 25, 31 ; Zehnacker 2004, p. 96 ; Arévalo, Bernal 2007. Barrington Atlas : 26 E5 (B(a)elo) ; http://pleiades.stoa.org/places/256005

51 – ΒΙεννA/BIENNA [Λ + Ω ?]

Ville – Gaule (Narbonnaise) (β 94 Billerbeck)         II-Charax ? Parthénios de Nicée ? + Eusèbe + Oros ? Livre 9 – Second abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 21,9 % – taux théorique : 20 %). Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé et traduction (en grisé, forme erronée restituée du manu­scrit archétype disparu, corrigée dans la notice normalisée)

Βίεννος· πόλις κρήτης. οἱ μὲν ἀπὸ βέννου (a) τοῦ τῶν κουρήτων ἑνός, οἱ δὲ ἀπὸ τῆς περὶ τὸν ἄρη γενομένης βίας, ἣν ἐνταῦθα (b) φασὶν ἀπὸ(c) ὤτου καὶ ἐφιάλτου τῶν παίδων ποσειδῶνος, καὶ μέχρι καὶ νῦν τὰ καλούμενα ἑκατομφόνια θύεται τῷ ἄρει. ὁ πολίτης βιέννιος· «  οἱ δὲ τιμὰς ἀποπέμπειν τῷ τε μιλίῳ(d) διὶ καὶ Βιεννίῳ ». ἔστι καὶ ἑτέρα πόλις ἐν γαλιλαία(e). αὐχμοῦ(f ) γάρ ποτε τὴν σύμπασαν κρήτην κατασχόντος(g ) εἰς ἑτέρους τόπους ἀπῳκίζοντο, οἰκῆσαι δέ τινας ὑδροῦντα τῆς ἰταλίας οὔπω πεπολισμένον. χρησμοῦ δ’ αὐτοῖς δοθέντος ὅπου(h) ἑλωδέστατον τόπον θεάσονται κατοικῆσαι, ἐλθόντες οὖν ἐπὶ τὸν ῥόδαν(i) ποταμὸν τῆς γαλιλαίας(j) ἑλώδη ὄντα οἰκῆσαι, καὶ τὴν πόλιν οὕτως ὀνομάσαι, ἐπειδὴ μία τῶν σὺν αὐτοῖς παρθένων βίαννα καλουμένη χορεύουσα ὑπό τινος χάσματος ἐλήφθη. ἧς μνημονεύει πόλεως(k) εὐσέβιος ἐν τῇ ἐκκλησιαστικῇ ἱστορίᾳ. τὸ ἐθνικὸν ὁμοίως βιέννιος, εἰ μὴ κατὰ τὸν ἐγχώριον τύπον βιεννήσιος ὡς λουγδουνήσιος(l). τῆς δὲ βιέννης βιενναῖος.

a) Βιέννου Xylander : βέννου RQPN. b) lac. indic. Berkel qui ὃν (pro ἣν RQPN) ἐνταῦθα δεδέσθαι Stephanum scripsisse susp. c)  ἀπο RQPN  :  ὑπο Meineke. d)  τῶ τε μιλίω RQ  :  τῶ τεμιλίω PN. e)  γαλλία Qpc  (superscr.)  :  γαλιλαία RQacPN. f )  αὐχμοῦ QPN  :  ἀχμοῦ R. g)  κατασχόντος om. R. h)  ὅπου RPN  :  ὅπως Q. i)  ῥόδανον Qpc  :  ῥόδαν RPN, ῥόδου Qac. j) γαλλίας Qpc : γαλιλαίας RQacPN. k) πόλεως RQ : πολλάκις PN. l) λουγδουνήσιος N : λουγδωνήσιος RQP. a – Erreur lors de l’abréviation ? e et j – Erreur de lecture et d’accentuation lors de la translittération (ΓΑΛΙΛΑΙΑ au lieu de ΓΑΛΛΙΑ) ?

Βίεννος· I-[A]  |1|  πόλις Κρήτης. [B]  |2|  οἱ μὲν ἀπὸ Βιέννου τοῦ τῶν Κουρήτων ἑνός, οἱ δὲ ἀπὸ τῆς περὶ τὸν Ἄρη γενομένης βίας, ἣν ἐνταῦθα φασὶν ἀπὸ Ὤτου καὶ Ἐφιάλτου τῶν παίδων Ποσειδῶνος [Il. V, v. 385-387], καὶ μέχρι καὶ νῦν τὰ καλούμενα ἑκατομφόνια θύεται τῷ Ἄρει.

51 – ΒΙεννA/BIENNA [Λ + Ω ?] [D] |3| ὁ πολίτης Βιέννιος· « οἱ δὲ τιμὰς ἀποπέμπειν τῷ τε μιλίῳ Διὶ καὶ Βιεννίῳ [anonyme] ». II-[A]  |4|  ἔστι καὶ ἑτέρα πόλις ἐν Γαλλίᾳ [Charax  ?]. [B] |5| αὐχμοῦ γάρ ποτε τὴν σύμπασαν Κρήτην κατασχόντος

εἰς ἑτέρους τόπους ἀπῳκίζοντο, οἰκῆσαι δέ τινας Ὑδροῦντα τῆς Ιταλίας οὔπω πεπολισμένον. |6|  χρησμοῦ δ’ αὐτοῖς δοθέντος ὅπου ἑλωδέστατον τόπον θεάσονται κατοικῆσαι, ἐλθόντες οὖν ἐπὶ τὸν Ῥόδανον ποταμὸν τῆς Γαλλίας ἑλώδη ὄντα οἰκῆσαι, καὶ τὴν πόλιν οὕτως ὀνομάσαι, ἐπειδὴ μία τῶν σὺν αὐτοῖς παρθένων Βίαννα καλουμένη χορεύουσα ὑπό τινος χάσματος ἐλήφθη [Charax ? Parthénios de Nicée ?]. |7| ἧς μνημονεύει πόλεως Εὐσέβιος ἐν τῇ Ἐκκλησιαστικῇ ἱστορίᾳ [5.1.1]. [D]   |8|  τὸ ἐθνικὸν ὁμοίως Βιέννιος [Charax  ?], εἰ μὴ

κατὰ τὸν ἐγχώριον τύπον Βιεννήσιος ὡς Λουγδουνήσιος [Oros ?]. [E] |9| τῆς δὲ Βιέννης Βιενναῖος.

Biennos  :  I-[A]  ville de Crète. [B]  Elle tire son nom, selon certains, de Biennos, un des Courètes, et selon d’autres des ‘violences’ [bia] perpétrées sur Arès, qu’en ce lieu , paraît-il, d’Otos et Ephialtès, les enfants de Poséidon, et pour lesquelles encore aujourd’hui on offre à Arès ce que l’on appelle le «  sacrifice des cent » [hécatomphonies]. [D] |3| Le citoyen est appelé Biennios  :  «  mais les autres disent d’envoyer des honneurs à Zeus Milios et à Zeus Biennios ». II-[A] |1| Il existe une autre ville en Gaule. [B] |5| Comme une sécheresse avait affecté l’ensemble de la Crète, ses habitants émigrèrent pour d’autres lieux ; quelques-uns allèrent peupler Hydrous [Otrante] en Italie, qui n’était pas encore fondée. |6| Ayant reçu un oracle leur disant de s’installer là où ils verraient un espace envahi par les marécages, ils allèrent vers le Rhône, fleuve de la Gaule qui est marécageux, et s’y établirent ; et ils donnèrent ce nom à leur ville car une des jeunes filles qui étaient avec eux, et qui s’appelait Bianna, avait été emportée dans un gouffre alors qu’elle dansait. |7| Eusèbe, dans l’Histoire Ecclésiastique, mentionne cette ville. [D] |8| L’ethnique se dit aussi Biennios, sauf dans la forme indigène, qui est Biennêsios comme Lougdounêsios. |9| Biennaios vient de Bienna.

Commentaire Il s’agit d’une notice plurielle. La première partie correspond à une ville de Crète et peut provenir du lexiquesource. La deuxième partie relève également semble-t-il du lexique-source, avec un complément d’Oros (|7|).

453 II-[A] |4| C’est l’un des rares toponymes de l’Épitomé à

utiliser la forme Γαλλία avec Nemausos [157] et le lemme Gallia [61] lui-même. Le nom de Vienne est probablement ici Βίεννα bien que cette forme n’apparaisse pas ; on le rencontre sous cette forme pour la première fois chez chez Flavius Josèphe (Ant. Jud. 17.344 ; De bello Jud. 2.111, à propos de l’exil d’Hérode Archélaos en 6 ap. J.-C. : Βίενναν πόλιν τῆς Γαλατίας) puis Plutarque (Quaest. conviv.  676c) alors que Strabon (4.1.11) a la forme Οὐίεννα, que l’on retrouve chez Ptolémée (Geogr. 2.10.4 et 7 et en 8.5.7 avec la forme Οὐϊέννα) et Dion Cassius (46.50.4). Il s’agit donc d’un auteur qui a pour caractéristique d’utiliser des formes latines, c’est pourquoi nous proposerons Charax. [B] |5-6| Le second abrégé a gardé une longue descrip-

tion de l’origine de la ville. Elle a probablement été peu réduite par le premier abréviateur et le suivant ; il manque cependant la source. Ce commentaire succédant immédiatement à la détermination géographique, on aurait tendance à l’attribuer au même auteur mais nous savons que Stéphane de Byzance utilise souvent des auteurs différents. Ce type d’information est toutefois caractéristique de Charax, c’est pourquoi nous lui en attribuerons la paternité. Nous ne savons pas d’où il tire cette histoire, mais nous y verrions volontiers un poème que Parthénios de Nicée aurait pu consacrer à la jeune héroïne Bianna, dans la lignée des autres poèmes sur des héroïnes que nous lui connaissons. |7| Eusèbe (1.11.4 ; voir également 5.1.1, 3 et 17) mentionne la ville ainsi : « Βίενναν τῆς Γαλλίας πόλιν ». Il a une détermination géographique différente (avec Gallia) par rapport à Flavius Josèphe ou Plutarque. Philostorge (fragment chez Photios, Hist. eccl. livre 11, fr. 1) donne une identification géographique identique  :  «  Βιέννῃ τῆς Γαλλίας », issue peut-être d’Eusèbe. Mais ce dernier n’est certainement pas à l’origine de la notice, il s’agit ici d’une simple insertion d’Oros. [D] |8-9| La forme Biennios ne se retrouve chez aucun des auteurs dont les textes sont parvenus jusqu’à nous. Plusieurs formes d’ethnique sont données par Stéphane de Byzance, mais il manque les auteurs ayant servi de source. L’ensemble de ces mentions d’ethnique, et surtout l’indication d’une forme indigène, renvoie directement à un auteur qui est probablement le même que celui du début de la notice (Charax selon nous), avec l’insertion des indications de formation d’ethnique d’Oros. On notera que dans la notice Nemausos [157] que nous attribuons au même Charax, la forme de l’ethnique (Nemausios) est identique.

454

Localisation et archéologie C’est la ville de Vienne (Isère, France). La fondation mythique, telle qu’elle est racontée par l’Épitomé, ne se rattache à rien de connu (Benoit 1965, p.  89). Les fouilles ont montré la présence d’un site indigène dès le ve siècle av. J.-C., en bordure du Rhône sur la rive droite, surélevé pour éviter les crues (Le BotHelly 2002, p.  102-103). Lors de l’établissement des Allobroges, ceux-ci firent de Vienne leur chef-lieu. Alors qu’au ve siècle av. J.-C. le Rhône avait à cet emplacement un fonctionnement de type tressé, très large et peu propice à l’occupation humaine, l’approfondissement du lit à la fin de l’âge du Fer permet des aménagements de bord de berge (Leveau 2003). Cette ville des Allobroges est mentionnée pour la première fois par Jules César (B. G. 7.9). Toutefois, on sait que des marchands Romains sont obligés de fuir lors de la révolte des Allobroges conduits par Catugnatos, en 62 av. J.-C., et écrasée l’année suivante (Dion Cassius 37.47-48). Le texte indique Οὐεντίαν que l’on peut lire soit comme une erreur pour Οὐεννίαν, soit pour Οὐεντίαν, que nous privilégierons (cf. notice Fabia [226]). La ville devient colonie latine sous le nom de Colonia Julia Viennensis probablement sous Octave, puis colonie romaine sous Caligula. Elle est mentionnée par Pomponius Mela (2.75), sans l’indication de son statut de colonie mais sa liste ne comprend pas non plus Lugdunum, fondée en 43 av. J.-C. par Munatius Plancus. Elle révèle donc probablement une situation plus ancienne. La situation de la ville est liée à l’intersection des voies de communication de la vallée du Rhône avec celle, est-ouest, qui relie les Alpes au Massif Central. L’urbanisation ne prend son essor qu’avec l’époque augustéenne mais vienne devient très vite une des villes romaines les plus importantes de Gaule (au moins 200 ha bâtis, sur les deux rives du fleuve), dotée de grands entrepôts disposés le long du Rhône (Le Bot-Helly 2002, p.  105-106). Son enceinte, très vaste, enclôt certainement de nombreux espaces non bâtis. Le développement

51 – ΒΙεννA/BIENNA [Λ + Ω ?] urbain de la cité s’est fait en parallèle sur la rive droite du Rhône (communes actuelles de Saint-Romain-enGal et de Sainte-Colombe, Rhône). De très nombreux aqueducs alimentaient en eau la ville. On notera la présence, encore de nos jours, d’un temple particulièrement bien conservé consacré à Auguste et Livie (Adjadj et al. 2013, p. 265-272), ce qui reste exceptionnel. Il était entouré d’un portique, lui-même prolongé par la place du forum fermée à l’est par la basilique. Nous renvoyons à l’ouvrage complet sur la ville romaine pour le détail des monuments et des découvertes archéologiques (Adjadj et al. 2013).

Chronologie des mentions ier s. av.  :  Cicéron, Vienna  ; Jules César, Vienna – ier s. : Strabon, Ὀυίεννα (Γαλατίας) ; Velleius Paterculus, Vienna  ; Pomponius Mela, Vienna (Allobrogum)  ; Sénèque, Vienna ; Pline l’Ancien, Vienna (Allobrogum) ; Flavius Josèphe, Βίεννα (Ἀλλοβρίγων) – iie s. : Pline le Jeune, Viennenses ; Tacite, Viennenses ; Plutarque, Βίεννα ; Suétone, Vienna ; Charax ?, Βίεννα, Βιέννιος (Γαλατίας) ; Ptolémée, Οὐίεννα, Οὐϊέννα – iiie  s.  :  Dion Cassius, Οὐίεννα ; Itinéraire d’Antonin, Vienna – ive s. : Eusèbe de Césarée, Βίεννα (Γαλλίας) ; Julien, Βίεννα ; Ausone, Vienna  ; Ammien Marcellin, Vienna – ve  s.  :  Notitia Dignitatum, Vienna, Viennense  ; Philostorge, Βίεννα (Γαλλίας). La forme grecque d’origine (Ouienna), correspond parfaitement au latin Vienna. On note ensuite l’apparition en grec à partir de Flavius Josèphe de la lettre ‘b’ pour noter le son ‘v’, en remplacement de l’ancienne diphtongue ‘ou’.

Bibliographie indicative RE VIII, A, 2 (1958), col. 2113-2128 (s.v. Vienna 2) A. Brühl ; Smith 1854 (s.v. Vienna) ; Rivet 1988, p. 305311 ; Le Bot-Helly 2002 ; Zehnacker 2004, p. 132 ; Adjadj et al. 2013. Barrington Atlas : 17 D2 (Col. Vienna) ; http://pleiades.stoa.org/places/167719

52* – ΒοΙΟI/BOIOI [Λ+Ω]

455

52* – ΒοΙΟI/BOIOI [Λ+Ω] Peuple (hors cadre d’étude) – (β 115 Billerbeck)            II-Apollodore ? Livre 9 – Second abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 21,9 % – taux théorique : 20 %). Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé et traduction (en grisé, forme erronée restituée du manu­scrit archétype disparu, corrigée dans la notice normalisée)

Βοῖον(a)· ἣν ὅμηρος ἔοικε βοίβην λέγειν. ἔστι δὲ δωρικὴ πόλις οὐδετέρως λεγομένη καὶ θηλυκῶς. ἔστι βοιαί καὶ κρήτης πόλις. ὁ πολίτης βοιάτης, ὡς κάρυαι(b) καρυάτης, πιτάναι πιτανάτης, θαλάμαι θαλαμάται (c). λέγεται καὶ βοιαῖος, ὡς ἔφορος. ἡρωδιανὸς δὲ βοιηίτης(d) φησίν, ἴσως παρὰ τὸ βοῖον(e), ὡς λίκνον λικνίτης. εἰσὶ καὶ βοιοί(f ) ἔθνος κελτογαλατῶν. ἔστι καὶ βοιανόν πόλις σαυνιτῶν. a) Βοιόν Meineke : Βοῖον RQPN. b) καρύαι R : κάρυαι QN, κάρναι P. c) θαλαμάτης Aldus : θαλαμάται QPN, θαλαμᾶται R. d) Βοιίτης Holste : Βοιηίτης RQPN. e) βοίον R : βοῖον QPN. f ) βοιοί RPN : βοῖοι Q. a, b et e – Erreur d’accentuation lors de la translittération. c – Erreur lors de l’abréviation ? d – Erreur de lecture lors de la translittération (BOIHITHC lu au lieu de BOIITHC).

Βοιόν· I-[A]   |1|  ἣν Ὅμηρος [Il. 2.712]  ἔοικε Βοίβην λέγειν. [C]   |2|  ἔστι δὲ Δωρικὴ πόλις οὐδετέρως λεγομένη καὶ

θηλυκῶς. |3| ἔστι Βοιαί καὶ Κρήτης πόλις.

[D] |4| ὁ πολίτης Βοιάτης, ὡς Καρύαι Καρυάτης, Πιτάναι

Πιτανάτης, Θαλάμαι Θαλαμάτης. |5| λέγεται καὶ Βοιαῖος, ὡς Ἔφορος [FGrHist 70 F 231]. |6| Ἡρωδιανὸς [GG II, 863, 17] δὲ Βοιίτης φησίν, ἴσως παρὰ τὸ Βοιόν, ὡς λίκνον λικνίτης. II-[Da] |7| εἰσὶ καὶ Βοιοί ἔθνος Κελτογαλατῶν [Apollodore ?]. III-[A] |8| ἔστι καὶ Βοιανόν πόλις Σαυνιτῶν.

Boion :  I-[A] |1| c’est apparemment la ville qu’Homère appelle Boibê. [C] |2| Boion est une ville dorienne, dont le nom est au neutre ou au féminin. |3| Il existe également une ville de Crète nommée Boiai. [D] |4| Le citoyen est appelé Boiatês, comme Karuai forme Karuatês, Pitanai Pitanatês et Thalamai Thalamatês. |5|  On dit aussi Boiaios, selon Éphore. |6|  Hérodien dit Boiitês, sans doute formé à partir de Boion, comme liknon donne liknitês.

II-[Da]   |7|  Boioi est aussi le nom d’un peuple des

Celtogalates.

III-[A] |8| Il existe aussi une ville des Samnites appelée Boianon.

Lexiques et commentaires grecs et byzantins Pseudo-Arcadius (De accent. 40.5-11 = 154.13-155.3 ; 140.6-8 = 269.11-12) τὰ εἰς οιος δισύλλαβα ὀξύνεται, εἰ μὴ εἴη κύρια καὶ πυσματικὰ , καὶ τὸ ο πλεονάζει ἐν τῇ ἀρχῇ· σμοιός (ἐπίθετον), σκλοιός (ὁ σκολιός), δοιός, γλοιός (ἐπὶ κόπρου), Bοιός, κλοιός. τὸ ποῖος, τοῖος, οἶος (ὁ μόνος) βαρύνεται, ὡς πυσματικά. καὶ τὰ κύρια δὲ ὁμοίως· Σμοῖος, Βοῖος, Κοῖος. οἰός δὲ (ὁ δῆμος τῆς Ἀττικῆς) ὀξύνεται. (…) τὰ εἰς ον δισύλλαβα παραληγόμενα τῇ οι διφθόγγῳ ὀξύνεται· Κλοιόν (ὄρος), βοιόν, μοιόν (τὸ αἰδοῖον). vie siècle – Jean Philiponos (De vocab. div., β 5) Βοῖος· κύριον, βοιὸς δὲ . ixe siècle – Theognostos (Canones 49.21-29, § 268 et 130.8-14 § 783) τὰ διὰ τοῦ οιος δισύλλαβα ἀρσενικὰ, εἴτε κύρια, εἴτε προσηγορικὰ, εἴτε προπερισπώμενα, εἴτε ὀξύτονα, εἴτε πυσματικὰ, εἴτε ἀναφορικὰ, διὰ τῆς οι διφθόγγου γράφονται· οἷον, σμοῖος τὸ ἐπιθετικόν· σκοῖος ὁ σκολιός· δοῖος· μνοῖος ὁ ἰπνός· γλοῖος ἡ κόπρος· Βοῖος τὸ ἔθνος, δηλοῖ δὲ καὶ ὄνομα κύριον φλοιός· κλοιὸς ὃ καὶ κλῳὸς λέγεται· τοῖος· ποῖος· τό τε προπερισπώμενον τό τε ὀξύτονον· τό τε ψιλούμενον καὶ τὸ δασυνόμενον· κοῖος· ποῖος· οἷος· τό τε ὀξύτονον· δηλοῖ δὲ δῆμον Ἀττικὸν καὶ πόλιν Κρητικὴν, καὶ ὄνομα λιμένος καὶ ῥεῖθρον. (…) τὰ διὰ τοῦ οιον ὀξύτονα δισύλλαβα οὐδέτερα μονογενῆ διὰ τῆς οι διφθόγγου γράφεται· οἷον, Κροιὸν, ὄνομα ὄρους· βοιὸν τῶν πεντήκοντα ἐτῶν ἀριθμός· μοιὸν τὸ αἰδοῖον· γλοιὸν τὸ τοῖς πώγωσιν τῶν τράγων ἐπισυναγόμενον ἀπὸ τῆς ὕλης· τοιοῦτο κατὰ τὴν γραφὴν οὐ κατὰ τὸν τόνον, τὸ πλοῖον· οὕτω δὴ καὶ εἴτι ἐξ αὐτῶν σύγκειται· οἷον, εἰκοσάβοιον· πεντηκοντάβοιον· ἐννεάβοιον.

456

53 – ΒοΥρΔΙΓΑΛΑ/BOURDIGALA [M]

Commentaire La notice provient pour partie d’Oros (au moins |6|), sur la base d’informations du lexique-source. Il s’agit d’une notice concernant plusieurs toponymes, structurés sous forme de notice plurielle. Parmi ceux-ci, un peuple rentre dans le champ de notre étude. Nous attribuons au lexique-source la partie qui nous concerne directement.  II-[Da] |7| L’auteur de la mention d’origine est inconnu. Ce peuple est cité par Strabon (4.4.1, 4.6.8, 5.1.6 et 10, 7.3.2), Polybe (2.17.7, 2.20.1, 2.21.9, 2.28.7, 3.40.6, 3.40.10, 3.40.12-13) et Appien (Celt. 1.3 ; Annib. 17 et 19). Parmi les auteurs non lus par Stéphane de Byzance, le nom est mentionné par Plutarque (Rom. 17.7) et Ptolémée (Geogr. 2.14.2). Aucun de ces auteurs n’utilise l’identifiant de Keltogalatoi pour ce peuple. Toutefois on trouve cette forme soit chez Apollodore soit chez Marcien, qui dérive de Ptolémée.

Localisation et archéologie Il est difficile de savoir d’où provient cette mention à la seule lecture de l’Épitomé. Les Boïens ont fait partie des peuples celtiques qui ont migré dans la plaine padane et ont menacé Rome au début du ive siècle av. notre ère. Une branche est installée au nord des Alpes (ils sont à l’origine du nom de la Bohème)  ; une seconde est en Aquitaine. Si la mention provient d’Apollodore, hypothèse que nous privilégierons, ils pouvaient être cités

dans les Chroniques, peut-être en lien avec l’invasion celtique ou le passage d’Hannibal (voir Appien). La seconde possibilité, qui nous semble moins vraisemblable, serait que Marcien les signalât dans les parties détaillées de son périple d’Aquitaine ; nous ne garderons pas cette hypothèse. La notice se rapporte donc probablement au peuple d’Italie du Nord et se trouve en dehors du cadre de notre recherche.

Chronologie des mentions iie s. av. : Polybe, Βοῖοι ; Apollodore ?, Βοιοί – ier s. : TiteLive, Boi ; Strabon, Βόιοι ; Pomponius Mela, Boi ; Pline l’Ancien, Boi – iie s. : Plutarque, Βόιοι ; Appien, Βοιοί ; Ptolémée, Βόϊοι.

Bibliographie indicative RE III, 1 (1897), col. 630-633 (s.v. Boii) Ihm ; Smith 1854 (s.v.  Boii)  ; Peyre 1979, p.  32-33  ; Kruta, Manfredi 1999 ; Fichtl 2012, p. 109-113. Barrington Atlas : 40 A3 (Boi(i)) ; http://pleiades.stoa.org/places/393390

53 – ΒοΥρΔΙΓΑΛΑ/BOURDIGALA [M]

Ville – Gaule (Aquitaine) Marcien Absent de l’Épitomé, présent seulement dans l’Etymologicum Symeonis (β 268). [Livre 9 – Second abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 21,9 % – taux théorique : 20 %).]

Texte du manu­scrit de l’Etymologicum Symeonis, texte normalisé et traduction Βουρδίγαλα· πόλις κελτογαλατίας.

Commentaire

Βουρδίγαλα ·

La notice de l’Etymologicum Symeonis est directement issue de l’Épitomé ; elle provient du lexique de Marcien.

[A] |1| πόλις Κελτογαλατίας [Marcien].

Bourdigala : [A] |1| ville de Celtogalatie.

Lexiques et commentaires grecs et byzantins xiiie siècle – Lexique du pseudo-Zonaras (400.15) Βουρδίγαλα· πόλις Κελτογαλατίας.

[A] |1| La ville est effectivement mentionnée par Marcien

(Per. ext. 2.21.12) : « πόλις τῆς Ἀκυτανίας Βουρδίγαλα ». On la trouve sous la même forme chez Strabon (4.2.1) et Ptolémée (Geogr. 2.7.7 et 8.5.4). L’indication de Keltogalatia est caractéristique de Marcien, c’est celle que l’on retrouve par exemple pour Lougdounos [137].

54 – ΒοΥρχανις/BOURCHANIS [Λ] [D]  absent  : nous n’avons pas conservé la mention de

l’ethnique mais elle devait exister dans la notice d’origine des Ethniques.

Localisation et archéologie Il s’agit de l’actuelle ville de Bordeaux (Gironde, France). Elle est placée le long de la Garonne, en amont de sa confluence avec la Dordogne et avant l’estuaire de la Gironde. La ville est, à l’époque protohistorique, construite autour de deux axes commerciaux : le premier, qui trouve son point de départ ici, relie l’Atlantique à la Méditerranée ; le second, nord-sud, met en communication les Pyrénées et l’Aquitaine du sud avec la Gaule du nord-ouest, le long de la façade atlantique. Les fouilles récentes, réalisées depuis l’an 2000, ont livré des vestiges attestant d’une occupation dès le début du vie siècle av. J.-C., avec une continuité remarquable attestée archéologiquement pendant au moins 250 ans (les séquences plus récentes n’ont pas été conservées dans la fouille du Grand Hôtel de Bordeaux  :  Barraud, Sireix 2010, p.  162-163). Dans la fouille du cours du Chapeau rouge sont perceptibles les transformations qui accompagnent l’installation des Bituriges Vivisques par Jules César : un habitat se développe rapidement sur un espace auparavant humide (Barraud, Sireix 2010, p. 164). La ville double alors de superficie, passant de 5/6 ha à 12 ha.

457 La ville romaine est créée par Auguste au tout début du ier siècle de notre ère. Le réseau de rue orthonormé est installé rapidement ; il sera amplifié par la création de portiques dans les années 70-80 de notre ère (Barraud, Sireix 2010, p. 164-165). La mise en place d’aqueducs, puis de monuments publics (dont le plus fameux est les Piliers de Tutelle) la dotent de toutes les caractéristiques urbaines propres aux grandes villes romaines. À la fin du iie siècle, ce ne sont pas moins de 140 ha qui constituent la ville, entourée d’une couronne de nécropoles (Barraud, Sireix 2010, p. 165-169).

Chronologie des mentions ier s. : Strabon, Βουρδίγαλα ; Pline l’Ancien, Burdigala – iie s. : Ptolémée, Βουρδίγαλα – ive s. : Ausone, Burdigala ; Marcien, Βουρδίγαλα. Le nom est identique en latin et en grec, au ‘u’ latin répondant le ‘ου’ grec. Il n’y a pas d’accord sur l’origine du nom antique, certains y voyant du proto-basque et d’autres du gaulois sans qu’une signification claire n’émerge.

Bibliographie indicative RE III, 1 (1897), col. 1061 (s.v. Burdigala) Ihm ; Smith 1854 (s.v. Burdigala) ; Barraud, Caillabet-Duloum 2007 ; Barraud, Sireix 2010. Barrington Atlas : 14 E4 (Burdigala) ; http://pleiades.stoa.org/places/138248

54 – ΒοΥρχανις/BOURCHANIS [Λ]

Île – Germanie (β 152 Billerbeck)            Strabon + Artémidore ? Livre 9 – Second abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 21,9 % – taux théorique : 20 %). Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé et traduction Βούρχανις· νῆσος ἐν τῇ κελτικῇ, ὡς στράβων ζʹ.

Commentaire

Βούρχανις·

La notice provient du lexique-source. Elle est probablement tronquée car nous n’avons pas de forme dérivée.

[A] |1| νῆσος ἐν τῇ Κελτικῇ [Artémidore ?], ὡς Στράβων ζʹ

[7.1.3].

Bourchanis : [A] |1| île de la Celtique, selon Strabon (7e livre).

[A] |1| L’île est mentionnée par Strabon (7.1.3) avec une

forme un peu différente (Βυρχανίς) dans les manu­scrits que nous avons conservés. L’indication géographique est une erreur de lecture, assez étrange, de Strabon par l’auteur du lexique-source car l’île est en Germanie. Peut-on

458

55 – ΒραχYλη/BRACHULÊ [Λ ?]

imaginer un lemme, connu d’Artémidore, et repris ensuite par Strabon ? Le lexicographe aurait alors simplement complété la référence avec Strabon et cela expliquerait le rattachement géographique à la Celtique et non à la Germanie, la distinction entre les deux se faisant à l’époque de la conquête de cette dernière sous Auguste. Nous n’avons probablement conservé qu’une partie de la notice car il manque une ou plusieurs formes dérivées. L’île est également signalée par Pline l’Ancien (4.97) sous la forme Burcana.

Dans l’Antiquité, elle est au large de la Germanie. La détermination géographique n’étant pas correcte par rapport à l’œuvre de Strabon, il n’est pas impossible que sa mention remonte à Artémidore. Cette île a été conquise par Germanicus en 13 av. J.-C. dans le cadre de ses combats en Frise et dans le nord de l’Allemagne.

Chronologie des mentions

[D] absent : Il manque le nom de l’ethnique.

iie s. av. : Artémidore ?, Βούρχανις (ἐν τῇ Κελτικῇ ?) – ier s. : Strabon, Βούρχανις ?/ Βυρχανίς ; Pline l’Ancien, Burcana.

Localisation et archéologie

Bibliographie indicative

C’est l’île l’actuelle de Borkum (Basse-Saxe, Allemagne), située au centre de l’archipel côtier des îles de la Frise, formé d’îles sablonneuses s’étendant des Pays-Bas au Danemark.

RE III, 1 (1897), col. 1061 (s.v. Burcana) Ihm ; Smith 1854 (s.v. Burchana). Barrington Atlas : 10 C3 (Burcana Ins.) ; http://pleiades.stoa.org/places/98930

55 – ΒραχYλη/BRACHULÊ [Λ ?]

Ville – Hispanie (Tarraconaise) ? (β 165 Billerbeck)            Théopompe ? Livre 9 – Second abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 21,9 % – taux théorique : 20 %). Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé et traduction Βραχύλη· πόλις κερήτων(a). οὗτοι δὲ τοῖς ἴβηρσιν ὁμοροῦσιν. τὸ ἐθνικὸν βραχυλαῖος. a) κερήτων RPN : κερητῶν Q, Κυνήτων Holste.

Βραχύλη· [A] |1| πόλις Κερήτων [Théopompe ?]. |2| οὗτοι δὲ τοῖς Ἴβηρσιν ὁμοροῦσιν. [D] |3| τὸ ἐθνικὸν Βραχυλαῖος [Théopompe ?].

Brachulê : [A] |1| ville des Kerêtes. |2| Ceux-ci sont limitrophes des Ibères. [D] |3| L’ethnique se dit Brachulaios.

Commentaire La notice provient peut-être du lexique-source. [A] |1-2| Le nom de cette ville ne se retrouve chez aucun

des auteurs connus. Le peuple des Κερητοὶ (ayant donné par la suite le nom de la Cerdagne) est signalé ainsi par Ptolémée (Geogr. 2.6.68) ; Dion Cassius (48.42.1)

emploie la forme voisine de Κερητανοὶ et Strabon (3.4.11) celle de Κερρητανοί. La précision qui suit (|2|) provient sans doute d’une citation qui a été tronquée. Il a été proposé également de les assimiler aux Kunêtes mentionnés par Hérodore (cf. fiche Ibêria [100]) ; c’est ainsi que Holste a proposé la rectification au niveau de la notice. L’auteur qui a servi pour la notice est inconnu ; parmi les choix possibles, le plus ancien est Hécatée (proposé par C. Jullian, 1908, vol. I, VII, n. 20) ; rappelons qu’il cite le peuple des Ilergetês (sous la forme Ilaraugâtai), situé à l’intérieur des terres, comme « οἱ Ἴβηρες ». Théopompe est le second auteur possible ; la détermination géographique, avec un nom de peuple au génitif pluriel, est en tout point semblable à celle de ses ‘πόλις Λιγύων’. De plus, la forme de l’ethnique est compatible et s’apparente tout à fait à celle que l’on trouve pour la notice Xêra [164] qui est attribuée sans erreur à Théopompe. Polybe pourrait aussi être l’auteur de cette notice ; toutefois les mentions que l’on a conservées de lui ne se rapportent

56 – ΒρεττανΙδες/BRETTANIDES [Λ + M + Ω ?] qu’à des toponymes en lien avec la conquête de l’Ibérie par les Romains ou avec le passage d’Hannibal dans les Pyrénées (et nous possédons le texte complet pour cette partie-là). À moins d’imaginer que ce toponyme se trouvait dans la partie géographique de son œuvre (livre XXXIV), il est peu probable que Polybe soit à l’origine de cette mention. Les autres auteurs possibles sont bien sûr Artémidore, mais l’ethnique ne convient pas, voire Juba ; pour ce dernier il est difficile de voir le rapport avec ses autres citations, qui restent en nombre limité pour la péninsule ibérique. [D] |3| Le nom de l’ethnique est à chercher très proba-

blement chez le même auteur. La forme est typique de Théopompe plus que d’Hécatée qui, pour Sikanê [200], a une forme Sikanios.

459 maintenant la Cerdagne. La mention qu’en fait Aviénus (Ora marit. v.  550) semble indiquer une information identique à celle que l’on trouve dans l’Épitomé puisqu’il est dit que «  toute la nation se confond sous le nom d’Ibères ». C’est tout à fait conforme à une indication provenant d’Hécatée ou de Théopompe. La ville n’est pas connue par ailleurs, il n’est donc pas possible de proposer une identification précise. Si le géonyme vient bien de Théopompe, il peut matérialiser le passage de Pythéas à proximité des Pyrénées.

Chronologie des mentions ive  s. av.  :  Théopompe/Pythéas, Bραχύλη, Bραχυλαῖος (Kερήτων).

Bibliographie indicative

Localisation et archéologie Il s’agit d’une ville du peuple des Cérètes en Tarraconaise, localisés dans la région des Pyrénées que l’on appelle

RE III, 1 (1897), col.  806 (s.v.  Brachyle) Hübner  ; THA  IIB 142q  ; Tovar 1989, p.  431  ; González Blanco 1991, p. 25, 31.

56 – ΒρεττανΙδες/BRETTANIDES [Λ + M + Ω ?]

Îles – Îles Britanniques (β 169 Billerbeck)            II- ? + Denys le Périégète + Marcien Livre 9 – Second abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 21,9 % – taux théorique : 20 %). Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé et traduction (en grisé, forme erronée restituée du manu­scrit archétype disparu, corrigée dans la notice normalisée)

Βρετοτία(a)· νῆσος ἐν τῷ(b) ἀδρίᾳ ποταμὸν ἔχουσα βρέττιον(c). ταύτην ἐλάφουσσαν(d) ἑλληνες, οἱ δὲ βρεττανίδα καλοῦσιν. τὸ ἐθνικὸν ἔδει βρεττιανός, ὡς πολύβιος τὸ θηλυκόν « ἐπὶ(e) βρεττιανὴν τόπων ». νῦν δὲ βρέττιοι(f ) λέγονται. εἰσὶ καὶ βρεττανίδες νῆσοι ἐν τῷ ὠκεανῷ, ὧν τὸ ἐθνικὸν βρεττανοί. διονύσιος ὑφελὼν τὸ ἓν τ ἔφη « ὠκεανοῦ κέχυται ψυχρὸς ῥόος, ἔνθα βρετανοί ». καὶ ἄλλοι οὕτως διὰ τοῦ π πρετανίδες νῆσοι, ὡς μαρκιανὸς καὶ πτολεμαῖος. a) Βρεττία Salmasius (ex Et. Sym.) : Βρετοτία RQP, Βρεττοτία N. b) τῶ PN Et. Sym : τῆ RQ. c) βρέττιον QPN : βρέτιον R. d) ἐλαφοῦσσαν R : ἐλάφουσσαν QPN. e) ἐπὶ om. Q. f ) βρέττιοι QPN : βρέτιοι R. a – Erreur de lecture d’onciales (BPЄTTIA lu BRЄTOTIA) ? b et d – Erreur d’accentuation lors de la translittération.

Βρεττία· I-[A]  |1|  νῆσος ἐν τῷ Ἀδρίᾳ ποταμὸν ἔχουσα Βρέττιον. [C]  |2|  ταύτην Ἐλαφοῦσσαν Ἕλληνες, οἱ δὲ Βρεττανίδα

καλοῦσιν.

[D]  |3|  τὸ ἐθνικὸν ἔδει Βρεττιανός, ὡς Πολύβιος [F 27

Büttner-Wobst] τὸ θηλυκόν « ἐπὶ Βρεττιανὴν τόπων ». [E] |4| νῦν δὲ Βρέττιοι λέγονται. II-[A]   |5|  εἰσὶ καὶ Βρεττανίδες νῆσοι ἐν τῷ ὠκεανῷ, ὧν τὸ ἐθνικὸν Βρεττανοί [Strabon]. [C]  |6|  Διονύσιος

[v. 284] ὑφελὼν τὸ ἓν τ ἔφη « ὠκεανοῦ κέχυται ψυχρὸς ῥόος, ἔνθα Βρετανοί  ». |7|  καὶ ἄλλοι οὕτως διὰ τοῦ π Πρετανίδες νῆσοι, ὡς Μαρκιανὸς καὶ Πτολεμαῖος.

Brettia :  I-[A] |1| île dans l’Adriatique, ayant un fleuve appelé Brettion. [C] |2| Les Grecs l’appellent Elaphoussa, et d’autres Brettanis. [D]  |3|  L’ethnique devrait être Brettianos, d’après le féminin employé par Polybe : « des

460 lieux sur la terre Brettianê ». [E] |4| Mais on les appelle Brettioi. II-[A] |5| Il existe aussi les îles Brettanides dans l’océan, dont l’ethnique est Brettanoi. [C] |6| Denys, ayant supprimé un t, dit : « le courant froid de l’océan se propage, là où les Bretanoi (vivent) ». |7| D’autres appellent ces îles Pretanides avec un p, comme Marcien et Ptolémée.

Lexiques et commentaires grecs et byzantins vie siècle – Lexique d’Hesychius (β 1111) Βρεττανία· νῆσος ἡ περὶ τὸν ὠκεανόν ǁ ἧς τὸ περίμετρόν φησιν Σκύμνος ὁ Χῖος σταδίων τρισμυρίων ixe siècle – Etymologicum Genuinum (β 248) Βρεττανοί· ἔθνος. ἀπὸ Κελτοῦς τῆς Βρεττάνου θυγατρός. xiie siècle – Etymologicum Symeonis (β 201) Βρεττανοί· ἔθνος· ἀπὸ Κελτοῦς τῆς Βρεττάνου θυγατρός. Βρεττία δὲ νῆσος ἐν τῷ Ἀδρίᾳ ποταμὸν ἔχουσα Βρέττιον· οἱ δὲ Βρεττανίδα καλοῦσι. τὸ ἐθνικὸν ἔδει Βρεττιανός, ὡς Πολύβιος, νῦν δὲ λέγονται Βρέττιοι. εἰσὶ καὶ Βρεττανίδες νῆσοι ἐν τῷ ὠκεανῷ. τὸ ἐθνικὸν Βρεττανοί. ἔστι καὶ Βρέττος, πόλις Τυρρηνῶν, ἡ χώρα Βρεττία. xiie siècle – Etymologicum Magnum (212.30) Βρεττανοί· ἔθνος ἀπὸ Κελτοῦς τῆς Βρεττάνου θυγατρός· Βρεττία δὲ, ἡ νῆσος ἐν τῷ Ἀδρίᾳ, ποταμὸν ἔχουσα Βρέττιον. οἱ δὲ Βρεττανίδα καλοῦσι. τὸ ἐθνικὸν ἔδει Βρεττιανὸς, ὡς Πολύβιος· νῦν δὲ λέγονται Βρέττιοι. εἰσὶ καὶ Βρεττανίδες νῆσοι ἐν τῷ Ὠκεανῷ. τὸ ἐθνικὸν, Βρεττανοί. xiie siècle – Jean Tzétzès (schol. Lycophr., v. 1200) : περὶ γὰρ τὸν Ὠκεανόν ἐστιν ἡ Βρεττανία †T νῆσος μεταξὺ τῆς τε ἐν δύσει κειμένης Βρεττανίας καὶ Θούλης τῆς πρὸς ἀνατολήν †T. λέγουσι *δὲ* τὰς τῶν ἀποθνησκόντων ψυχὰς ἐκεῖσε διακομίζεσθαι· περὶ γὰρ τὴν ἀκτὴν τοῦ Ὠκεανοῦ τοῦ περὶ τὴν Βρεττανίαν †T ταύτην νῆσον ἰχθυοθῆραι ἄνθρωποι κατοικοῦσιν, ὑπήκοοι μὲν Φράγγοις, φόρον δὲ μὴ τελοῦντες αὐτοῖς, διὰ τὸ παρα πέμπειν τὰς τῶν τελευτώντων ψυχάς, ὥς φασιν. xiie  siècle – Eustathe de Thessalonique (Com. Dion. 284, 566, 568 et 581) ὅτι Βρεττανοί διὰ δύο ττ ὡς ἐπιπολύ· ἐνταῦθα δὲ ἐν τῷ « ἔνθα Βρετανοί », τοῦ μέτρου ἐπιτάξαντος ἀπεχώρισε τὸ ἓν τ· οὕτω καὶ Σαρματῶν τινῶν λεγομένων μετὰ τοῦ ρ,

56 – ΒρεττανΙδες/BRETTANIDES [Λ + M + Ω ?] ὅμως ἐν τοῖς ἑξῆς, ἐν τῷ « Γερμανοὶ Σαμάται τε, » ἡ τοῦ μέτρου βία ἐξώθησε τὸ ρ· Σαρμάται γὰρ εἰπεῖν ἔδει καὶ οὐ Σαμάται. τῶν δὲ Βρεττανῶν τούτων παρώνυμοι αἱ ἀντιπέραν Βρεττανίδες νῆσοι, περὶ ὧν ῥηθήσεται. (…) ὄτι πρὸς βορρᾶν, ἔνθα Ῥῆνος ὑστατίαν εἰς ὠκεανὸν ἀπερεύγεται δίνην, αἱ Βρετανίδες εἰσὶ δύο νῆσοι, Ἰουερνία καὶ Ἀλουΐων, ἤτοι Ἰβερνία καὶ Ἀλβίων, Βρετανίδες δι’ ἑνὸς τ παρὰ τούτῳ τῷ ποιητῇ γραφόμεναι· ὧν μέγεθος περιώσιον, ὅπερ καὶ ἐπὶ τῆς Κρήτης εἶπεν, οὐδέ τις ἄλλη νήσοις ἐν πάσαις ἰσοφαρίζει, ὃ ἔστιν ἐξισοῦται αὐταῖς καὶ τὸ ἴσον φέρεται· αἷς καὶ συγκρίνων τὰς ἐκεῖ νήσους τῶν Ἀμνιτῶν νησῖδας ἐν ὑποκορισμῷ καλεῖ. (…) τὴν δὲ μεγίστην Βρεττανικὴν νῆσον οἱ παλαιοὶ τρίγωνον ἱστοροῦσιν εἶναι τῷ σχήματι, εἰς ἣν διαίρων, ἤγουν ἀποπλέων, Καῖσαρ ὁ ἐπιλεγόμενος θεὸς νύκτωρ ἀνήχθη, καὶ τῇ ὑστεραίᾳ κατῆρε περὶ τετάρτην ὥραν, τριακοσίους σταδίους διάπλου τελέσας. δὶς δὲ, φασὶ, διαβὰς ἐκεῖ ἐπανῆλθε διαταχέων, οὐδὲν μέγα διαπραξάμενος, οὐδὲ προελθὼν ἐπὶ πολὺ τῆς νήσου, ἀλλὰ δύο μὲν ἢ τρεῖς νίκας νικήσας, ἀπολέσας δὲ πλοῖα πολλὰ διὰ τὴν αὔξησιν τῶν ἐν τῷ ὠκεανῷ πλημμυρίδων καὶ τῶν ἀμπώτεων. (…) ὄτι τὸ μέγεθος τῶν Βρεττανίδων νήσων, ἃς ἄλλοι, ὡς προερρέθη, διὰ τοῦ π Πρεττανίδας καλοῦσιν, οὐ μόνον ὁ Διονύσιος ἐνέφηνεν, ὡς ἀνωτέρω ἐρρέθη, ἀλλὰ δηλοῖ καὶ ὁ Πτολεμαῖος ἐν τῇ Γεωγραφικῇ ὑφηγήσει, λέγων ὅτι τῶν νήσων πρωτεύει ἡ Ἰνδικὴ Ταπροβάνη μεγέθει καὶ δόξῃ, μεθ’ ἣν ἡ Βρεττανικὴ, τρίτη ἡ Χρυσῆ χερρόνησος, τετάρτη ἑτέρα Βρεττανῶν ἡ Ἰουερνία, πέμπτη Πελοπόννησος, Σικελία μετ’ αὐτὴν ἕκτη, ἑβδόμη Σαρδὼ, ὀγδόη Κύρνος, Κρήτη ἐννάτη· ἐπὶ δὲ ταύταις ἡ Κύπρος οὖσα δεκάτη γίνεται τοῦ καταλόγου κορωνίς. (…) ὅτι μετὰ τὰς Βρεττανίδας πολὺ πρὸς τὰ βόρεια ἡ Θούλη νῆσος, ἧς πολὺς ὁ ἐκτοπισμός· ἀρκτικωτάτη γὰρ τῶν ὀνομαζομένων τίθεται. xiiie siècle – Lexique du pseudo-Zonaras (406.10) Βρετανία. νῆσος περὶ τὸν ὠκεανόν. τινὲς δύο ττ γράφουσι.

Commentaire La notice provient très probablement du lexique-source avec peut-être des compléments d’Oros et un ajout du lexique de Marcien (|7|). Il s’agit d’une notice plurielle juxtaposée dont la première partie concerne un fleuve et la région correspondant au Bruttium romain. II-[A]  |5|  Le nom des îles Britanniques sous la forme Βρεττανίδες (νῆσοι) est donné d’après un auteur qui n’est pas identifié. Il se trouve chez Strabon (2.5.8

56 – ΒρεττανΙδες/BRETTANIDES [Λ + M + Ω ?] citant Pythéas) et Athénée (6.105, reprenant Alexandre Cotiaeus à propos de César). Appien (Prooem. 5.18  ; Celt. 1.13), Héliodore (Aeth. 5.13.3) et Julien (Athen. 8) l’emploient au singulier. Il est étonnant d’avoir privilégié cette forme plutôt que Brettania, beaucoup plus fréquente. C’est peut-être dû à la similitude lexicale avec la forme « Brettanis/Brettanida » de la première partie de la notice. Le lexique-source l’a peut-être trouvée chez Charax. Denys le Périégète (v. 566) l’écrit avec un seul « τ » : Βρετανίδες. Il manque les variantes de ce nom, en particulier Βρεττανία, qui est la forme standard à l’époque romaine (Strabon en 6.1.4 l’emploie pour le Bruttium) et que l’on trouve chez Flavius Josèphe (Bell. Jud. 3.4 ; 7.83), Appien (Celt. 1.13), Eusèbe (Vita Const. 3.19.1) et Ptolémée (dans la Syntaxis mathematica et dans Tetrab. 2.3.15 ; Geogr. 1.15.7), mais surtout chez des auteurs que Stéphane de Byzance n’a pas consultés : Plutarque (en particulier comp. Nic. Crass. 4.2 ; Caes. 16.5), Hérodien (2.15.5 ; 3.7.1, 14.1-2, 15.7), Diodore de Sicile (40.7.4), Dion Cassius (39.1.2, 50.1, 53.1 ; 40.1.2, 4.2 ; 41.30.2, 56.3 ; 44.42.4, 43.1, 44.49 ; 49.38.2 ; 50.24.4 ; 53.22.5, 25.2 ; 55.23.2 et 6 ; 59.21.3, 25.1 ; 60.19.1, 21.3, 22.1, 23.1, 30.1 ; 62.1.1, 3.2, 7.1, 11.2 et 5 ; 53.22.1a ; 65.8.3 ; 66.20.3  ; 69.13.3  ; 71.14.2, 16.2  ; 72.8.6, 9.2  ; 73.4.1, 14.3 ; 76.10.6, 11.1), Polyen (Strat. 8.23.5), Dioscoride (De mat. med. 2.88.1) et peut-être Posidonios (F 285a et 290a). Les auteurs tardifs (Libanius, Julien, Sozomène, Zozime, Théodoret, Proclus) et byzantins (Procope, Malalas, Jean d’Antioche, Photios, Théophane le confesseur, Georges Cédrène, Constantin Porphyrogénète, Georges le Moine, Georges le Syncelle, Michel Glycas, Syméon le Logothète, Constantin Manassès, Nicéphore Gregoras) l’emploient également. Il existe une variante Βριττανία calquée sur le mot latin, qu’utilise Pausanias (8.43.4 mais ne s’agit-il pas d’une erreur de copie  ?) ou des auteurs tardifs. La forme Βρετανία avec un seul «  τ  » se trouve chez Denys le Périégète (v.  569, ainsi que son scholiaste) et chez des auteurs tardifs (Athanase, Philostorge, Praxagoras, Sozomène) ou byzantins (Photios, Théophane le confesseur, Georges le Moine, Michel Glycas, Laonicos Chalkondyles). Il est difficile de savoir ce qui relève de l’erreur de copie, de la source utilisée ou d’une réelle indifférence dans l’utilisation d’une forme ou d’une d’autre. Chez Strabon, la forme normale est le ktétique substantivé « ἡ Βρεττανική » (ou la forme pluriel Βρεττανικαί) (1.4.2-4, 2.1.13, 2.1.18, 2.1.41, 2.4.1-2, 2.5.7-8, 2.5.11, 2.5.15, 2.5.28, 2.5.30, 2.5.32, 3.2.9, 4.1.14, 4.2.1, 4.3.3-

461 4, 4.4.4, 4.4.6, 4.5.1 et 4) ; la source est probablement Pythéas pour les mentions les plus anciennes ou générales. On la retrouve chez Polybe (3.57.3 ; 34.5.2 et 8, 34.10.7), Diodore de Sicile (1.4.7  ; 3.38.2  ; 40.7.2), Arrien (Tact. 19.2), pseudo-Aristote (De Mundo 393b) et Dion Cassius (62.8.1). La forme avec un seul τ se lit chez Ptolémée (Geogr. 7.5.2 et 11, 8.3.1-2, 8.5.2), Vettius Valens (p.  9, 11), Stobée (1.40.1), Jean Chrysostome (MPG 61, 594.44 ; MPG 63, 501.44), Jean Damascène (Expositio fidei 24b.2  ; Passio sancti Artemii vol. 96, p. 1260, 3), la paraphrase de Denys le Périégète et chez des auteurs byzantins (Georges le Moine, Laonicos Chalkondyles, Michel Critoboulos). La forme Βρεττανοί est donnée d’après Strabon (2.1.18, 2.5.1, 4.5.3-4) et se retrouve chez Plutarque (en particulier Pomp.  51.1  ; Caes. 23.2, Cato 51.4), Hérodien (3.7.2-3, 14.2, 14.3-6, 15.8), Diodore de Sicile (40.7.3), Arrien (Alex. 7.1.4), Dion Cassius (39.51.1  ; 41.32.2, 34.3 ; 53.7.1 ; 60.19.5, 20.5, 21.1, 30.3, 33.3c ; 62.6.3 ; 76.12.1, 13.4), Pausanias (1.33.4), Flavius Joseph (Bell. Jud. 2.331, 364 et 378) et Appien (Prooem. 1.2, 9.36 ; Celt. 19 ; Iber. 2 ; Bell. civ. 2.3.17, 5.32, 11.73, 18.134, 19.140, 21.150). [C] |6| La forme avec un seul « τ » se trouve effective-

ment chez Denys (v. 284) et chez Oppien (Cyneg. 1.470). |7| La forme dérivée avec le « Π », Πρετανίδες (νῆσοι), devait se trouver d’après l’épitomé chez Marcien et Ptolémée. Il ne subsiste maintenant que la forme de Πρεττανική. On trouve toutefois Πρεττανίδας (avec deux τ) dans le commentaire d’Eustathe de Thessalonique qui provient semble-t-il de Stéphane de Byzance. Cela semble prouver qu’à l’issue de la première abréviation, les mentions de Bretagne se faisaient avec un toponyme à deux τ. L’association de Ptolémée avec Marcien est intéressante. Il est possible que cet auteur ait été mentionné dans la citation de Marcien qui devait se trouver dans le texte original de Stéphane de Byzance ; l’abréviation aura fait disparaître la citation indirecte. [E]  absent  :  Le ktétique Βρεττανικὸς ou Βρεττανικὴ se retrouve chez Hérodien (4.5.6), Dion Cassius (53.12.7 ; 59.25.5a ; 60.12.5, 22.1-2, 23.6, 30.2, 31.6a, 32.1 et 5, 33.10, 34.1  ; 61.1.1-2, 7.3-5  ; 62.13.1  ; 72.8.2, 15.5), Flavius Josèphe (Ant. Jud. 20.149, 151, 153 ; Bell. Jud. 2.249), Élien (De nat. animal. 5.29, 15.8), ps. Antigonos (Hist. mirab. 15.1). Certains auteurs l’utilisent avec un seul « τ » comme Ptolémée (Geogr. 7.5.2, 8.3.1-2, 8.5.2, 8.5.11, 8.29.1). Notons enfin que Dion Cassius (62.2.2 ; 76.17.1) utilise la forme Βρεττανὶς pour le féminin.

462

57 – [ΒρΙγαντες]/[BRIGANTES] [Λ + Ω]

Localisation et archéologie

Chronologie des mentions

Il s’agit des îles Britanniques.

iv e  s. av.  :  Théopompe/Pythéas ?, Πρετανική ? – iie  s. av.  :  Artémidore ?, Πρετανική, Πρετανία – ier s. av. : Jules César, Britannia – ier s. : Strabon, Βρεττανίδες, Βρεττανοί  ; Pomponius Mela, Britannia, Britannicus  ; Flavius Josèphe, Βρεττανία – iie s. : Tacite, Britannia ; Plutarque, Βρεττανία  ; Denys le Périégète, Βρετανίδες, Βρετανοί ; Ptolémée, Πρετανίδες – iiie s. : Dion Cassius, Βρεττανία  ; Hérodien, Βρεττανία – ive  s.  :  Eusèbe, Βρεττανία ; Marcien, Πρετανίδες.

L’île principale est appelée par certains auteurs Albiôn [17]. Elle fait l’objet d’une première tentative de conquête par Jules César en 54 av.  J.-C. qui sera sans lendemain (Salway 1981, p. 20-39). Elle témoigne toutefois de l’importance de cette île, connue dès l’époque de Pythéas. La seconde tentative, réalisée par l’empereur Claude en 43 de notre ère sera couronnée de succès (Salway 1981, p. 65-99). La conquête sera poussée assez loin vers le nord à l’époque d’Agricola mais devra se replier plus au sud à partir de 122, avec la création du mur d’Hadrien, doublé de fortins, protégeant la province romaine des Pictes (Salway 1981, p. 169 sq). Vingt ans plus tard, Antonin le Pieux repousse la frontière plus au nord, en construisant un nouveau mur submergé par les Pictes à la fin du iie siècle de notre ère. Les forts sont donc particulièrement nombreux sur l’île, et sont souvent à l’origine des cités qui se développent par la suite. Les réseaux de route permettant la liaison entre toutes les cités sont construites par les Romains. Les vestiges romains sont encore nombreux au sein des villes actuelles.

La forme attestée tout d’abord par Pythéas semble bien être Pretanikê, peut-être pour désigner toutes les îles du nord de l’Atlantique, y compris Thulé. On trouve peutêtre dès la même époque Pretania.

Bibliographie indicative RE III, 1 (1897), col. 858-879 (s.v. Britanni) Hübner ; Smith 1854 (s.v.  Britannicae insulae et Britannia)  ; Wacher 1978  ; Salway 1981  ; Birley 2005  ; Mattingly 2006. Barrington Atlas : 2 C2 (Britannia) ; http://pleiades.stoa.org/places/20419

57 – [ΒρΙγαντες]/[BRIGANTES] [Λ + Ω]

Peuple – Îles Britanniques (Bretagne) (β 171 Billerbeck)            II-Hérodien ? Pausanias ? Livre 10 – Second abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 19,8 % – taux théorique : 20 %). Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé et traduction Βρίγες· ἔθνος θρᾳκικόν. ἡρόδοτος ζʹ «  οἱ δὲ φρύγες, ὡς μακεδόνες λέγουσι, καλέονται βρίγες  ». καὶ βριγία ἡ τρωϊκή, τουτέστιν ἡ φρυγία, ἀπὸ βρίγου τοῦ κατοικήσαντος ἐν μακεδονίᾳ. ἡρωδιανὸς δὲ ἐν αʹ κλίσεως (a) ὀνομάτων βρίγαντας αὐτούς φησι « τὰ γὰρ εἰς γας λήγοντα ὀνόματα(b) ἰσοσυλλάβως κλίνεται, ὅτε μόνον(c) εἰσὶ κύρια. τοῦτο δέ φημι διὰ τὸ βρίγας  ». ἔθνος δέ ἐστι βρεττανικὸν οἱ (d) (e). a) κλίσεως PN : κλήσεως RQ. b) ὀνόματα om. RQ. c) μόνον PN : μόνος RQ. d) ἔθνος δέ ἐστι Βρεττανικὸν οἱ RQPN : ἐστι καὶ ἔθνος Βρεττανικόν· οἱ Billerbeck. e) Βρίγαντες Holste : lac. indic. RQPN.

Βρίγες· I-[Da] |1| ἔθνος Θρᾳκικόν. |2| Ἡρόδοτος ζʹ [7.73] « οἱ δὲ

Φρύγες, ὡς Μακεδόνες λέγουσι, καλέονται Βρίγες ». |3| καὶ Βριγία ἡ Τρωϊκή, τουτέστιν ἡ Φρυγία, [Db] ἀπὸ Βρίγου τοῦ κατοικήσαντος ἐν Μακεδονίᾳ. [Dc] |4| Ἡρωδιανὸς δὲ ἐν αʹ κλίσεως ὀνομάτων [GG II, 636, 34] Βρίγαντας αὐτούς φησι « τὰ γὰρ εἰς γας λήγοντα ὀνόματα ἰσοσυλλάβως κλίνεται, ὅτε μόνον εἰσὶ κύρια. |5| τοῦτο δέ φημι διὰ τὸ Βρίγας ». II-[Da]   |6|  ἔθνος δέ ἐστι βρεττανικὸν οἱ

[Hérodien ? Pausanias ?].

57 – [ΒρΙγαντες]/[BRIGANTES] [Λ + Ω] Briges  :  I-[Da]   |1|  peuple thrace. |2|  Hérodote (7e livre) : « les Phrygiens s’appellent Briges, selon les Macédoniens ». |3| Et Brigia est la terre Troyenne, c’està-dire la Phrygie [Db]  d’après Brigès, le colonisateur en Macédoine. [Dc] |4| Hérodien, dans le 1er livre des Déclinaisons de noms, les appelle Brigantes : « En effet, la déclinaison des noms en -gas est uniquement parissyllabique lorsqu’il s’agit de noms de personnes. Je dis cela à cause de la forme Brigas ». II-[Da] |6| Il existe aussi un peuple britannique appelé les .

Lexiques et commentaires grecs et byzantins xiie siècle – Etymologicum Symeonis (β 270) Βρίγες· ἔθνος Θρᾳκικόν. Ἡρωδιανὸς Βρίγαντας αὐτούς φησι.

Commentaire Il s’agit probablement d’une notice du lexique-source, complétée par Oros. Nous proposons d’y voir une notice plurielle. [Dc] |6| L’ethnique thrace Briges est suivi de formes déri-

vées ; l’ethnique britanique en fait probablement partie. Ceci explique que nous gardons le texte des manu­scrits et ne suivons pas la proposition de M. Billerbeck. Au vu de la construction différente de celle de Stéphane de Byzance, nous pensons qu’il pouvait s’agir soit de la suite de la citation d’Hérodien, soit d’une mention issue d’Oros d’Alexandrie. En effet la forme Brettanikoi n’est pas celle de Marcien (voir notice Brettanides [56]). L’ethnique est très probablement la forme Βρίγαντες, que l’on retrouve chez Ptolémée (Geogr. 2.2.6 et 8, 2.3.1011) (et que reprenait Marcien dans les parties disparues de son œuvre ?) et Pausanias (8.43.4) : « ἀπετέμετο δὲ καὶ τῶν ἐν Βριττανίᾳ Βριγάντων τὴν πολλήν, ὅτι ἐπεσβαίνειν καὶ οὗτοι σὺν ὅπλοις ἦρξαν ἐς τὴν Γενουνίαν μοῖραν, ὑπηκόους Ῥωμαίων. Il dépouilla aussi d’une portion de leur territoire, les Brigantes, peuple de l’île Britannique, qui, sans être provoqués avaient fait une invasion à main armée dans la Génunie, pays soumis aux Romains » (trad.

463 Clavier). Strabon (4.6.8) utilisant la forme Βριγάντιοι, le nom que l’on restitue chez Stéphane de Byzance n’est donc pas assurée. Toutefois, la comparaison avec Briges et la forme Brigantas que donne Hérodien iraient plutôt dans le sens de Brigantes. Strabon (4.1.3, 4.6.8) mentionne également le village de Brigantion, que l’on trouve également chez Ptolémée (Synt. math. vol. 1,1, p. 112 et Geogr. 2.6.4). Ce dernier mentionne également deux autres villes du même nom, l’une près des sources du Rhin (Geogr. 2.12.3, 8.7.3) et l’autre dans les Alpes (Geogr. 3.1.36 = Briançon).

Localisation et archéologie Ce peuple britannique était situé au nord-est de l’Angleterre, entre les fleuves Humber et Tyne. Dans un premier temps, ils gardent une certaine autonomie lors de la conquête, du fait du parti-pris favorable aux Romains de leur reine Cartimandua, alors que son ex-mari prend la tête d’une coalition anti-romaine. Ce peuple fait l’objet d’une campagne de pacification en 71-74, par le gouverneur de la Bretagne Q. Petilius Cerialis, consolidée par Agricola en 78 (Coby 2010, p. 51-58). Une partie de ce peuple semble avoir migré vers l’Irlande à cette occasion : on trouve chez Ptolémée la mention des Brigantes sur cette île. Ils se soulèvent à nouveau vers le milieu du iie siècle de notre ère et sont alors définitivement soumis. Plusieurs villes dépendent de ce peuple selon Ptolémée. Eboracum (actuelle York) est leur ville principale.

Chronologie des mentions ier s. : Strabon, Βριγάντιον, Βριγάντιοι – iie s. : Juvénal, Brigantes ; Ptolémée, Βρίγαντες ; Pausanias, Βρίγαντες.

Bibliographie indicative RE III, 1 (1897), col. 845 (s.v. Brigantii) Ihm ; Smith 1854 (s.v.  Brigantes)  ; Branigan 1980  ; Hanson, Campbell 1986 ; Hartley, Fitts 1988 ; Coby 2010. Barrington Atlas : 19 B2 (Brigantium) ; http://pleiades.stoa.org/places/187325

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58 – ΒρουτοβρΙα/BROUTOBRIA [Λ + Ω ?]

58 – ΒρουτοβρΙα/BROUTOBRIA [Λ + Ω ?]

Ville – Hispanie (Bétique) (β 175 Billerbeck)            Polybe ? Livre 10 – Second abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 19,8 % – taux théorique : 20 %). Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé et traduction (en grisé, forme erronée restituée du manu­scrit archétype disparu, corrigée dans la notice normalisée)

Βρουτοβρία· πόλις μεταξὺ βαίτιος(a) ποταμοῦ καὶ τυριτανῶν(b)· δηλοῖ δὲ βρουτούπολιν. τὸ γὰρ βρία τοῦτο σημαίνει, ὡς πολτυμβρία(c) σηλυμβρία(d). ὅθεν τὸ ἐθνικὸν βρουτοβριανός ὡς σηλυμβριανός πολτυμβριανός μεσημβριανός.

les exemples avec l’Èbre  :  Arboukalê [28], Bargousioi [43], Elmantikê [83], Karpêsioi [119], Olkades [171]). De plus, l’explication sémantique qui suit se retrouve presque à l’identique pour la notice Transalpinoi [219].

a) βαίτιος QPN : βέτιος R. b) Τουρδιτανῶν Holste : τυριτανῶν RQPN. c)  πολτυμβρία QPN  :  πολτιμβρία R. d)  σηλυμβρία QPN : συλημβρία R.

Le nom correspond en fait très certainement à Βρουτοβρίγα ; pour une raison que nous ne connaissons pas, il a été écrit de façon similaire aux villes thraces. Il s’agit d’une erreur qui remonte peut-être au texte d’origine (de Polybe ?).

b – Erreur lors des phases d’abréviation ?

Βρουτοβρία· [A]  |1|  πόλις μεταξὺ Βαίτιος ποταμοῦ καὶ Τουρδιτανῶν [Polybe  ?]  [B]  δηλοῖ δὲ Βρουτούπολιν. |2|  τὸ γὰρ βρία

τοῦτο σημαίνει, ὡς Πολτυμβρία Σηλυμβρία.

[D]  |3|  ὅθεν τὸ ἐθνικὸν Βρουτοβριανός [Polybe  ?]  ὡς

Σηλυμβριανός Πολτυμβριανός Μεσημβριανός.

Broutobria  :  [A]  |1|  ville entre le fleuve Baitios et les Tourditanoi  ; [B]  désigne Broutoupolis. |2|  En effet, « bria » signifie ceci [ville], comme pour Poltumbria et Sêlumbria. [D] |3| D’où l’ethnique Broutobrianos, formé comme Sêlumbrianos, Poltumbrianos et Mesêmbrianos.

Commentaire La notice semble être issue du lexique-source. Elle a peutêtre reçu quelques annotations par Oros (|3|). [A] |1| La mention de cette ville provient d’un auteur que nous ne connaissons pas ; la précision géographique qui permet de positionner la ville fait probablement référence à un auteur contemporain (Polybe ?) ou postérieur à la conquête romaine (Artémidore ? mais dans la notice sur la Turditanie, celui-ci utilise la forme Tourtutania). Le toponyme ne se trouve pas chez Strabon. La mention des Turditaniens et l’aspect grammatical signalé dans la partie [B] pourrait faire référence au grammairien Asclépiade de Myrlée, auteur d’une Périégèse dans cette région. Toutefois nous privilégierons le lexique de Polybe, tout d’abord par la détermination géographique qui ne se rattache pas à l’Ibérie mais à un fleuve (voir

[B] |1-2| L’interprétation provient probablement d’une citation qui aura disparu avec l’abréviation. La fin de cette partie est tirée d’un grammairien non cité, avec comparaison lexicale. La même indication sur le sens du suffixe -bria est donnée par Stéphane de Byzance pour la notice de la ville pontique Mesêmbria (μ 153) ou celle de la ville thrace de Sêlumbria (σ 117) ; il précise alors qu’il provient de la langue thrace et mentionne les mêmes autres cités, malheureusement sans l’indication du grammairien d’où est issue la comparaison. [D]  |3|  La forme de l’ethnique est donnée d’après un auteur inconnu qui est probablement le même que celui de la première partie de la notice (Polybe ?). La forme est comparée d’un point de vue grammatical, comme pour l’explication |2| et avec quasiment les mêmes noms. Il pourrait s’agir d’une indication du grammairien Oros dans son œuvre sur la façon de composer les ethniques ou d’une indication propre au lexique-source.

Localisation et archéologie La ville correspond probablement à celle qui est appelée Brutobriga mais qui est localisée approximativement entre le Guadalquivir et les Turdetani. On a toutefois retrouvé au Cerro Botija (Villanueva de la Serena) un monnayage de la seconde moitié du iie siècle av.  J.-C. se rapportant à cette cité inconnue par ailleurs. Il s’agit d’as (13-14 g) avec une tête masculine avec la légende T. MANLIVS T. F. SERGIA sur l’avers et un navire avec une grande coque incurvée à légende BRVTOBRIGA

59 – ΓΑδειρα/GADEIRA [Λ + Ω ?] au revers. Il est vraisemblable qu’elle a été fondée par D. Junius Brutus Callaicus dans le contexte des guerres contre Viriathe (cf. Strabon 3.3.5). Le nom est d’origine celtique. Si la ville était bien mentionnée par Polybe, elle pourrait peut-être provenir de sa Guerre de Numance ou de la partie géographique de ses Histoire. On sait qu’il accompagna Scipion Émilien en Espagne et participa à ses côtés au siège de Numance en 133 av. J.-C. D. Junius Brutus a vraisemblablement fondé la ville entre le moment où il arrive dans la péninsule ibérique (138 av. J.-C.) et son triomphe à Rome (en 136 av. J.-C.). il est donc très probable que Polybe l’ait mentionnée.

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Chronologie des mentions iie s. av. : Polybe ?, Βρουτοβρία, Βρουτοβριανός.

Bibliographie indicative RE III, 1 (1897), col.  906 (s.v.  Brutobriga) Hübner  ; THA  IIB 142r  ; Tovar 1974, p.  171  ; González Blanco 1991, p. 25, 31. Barrington Atlas : 26 (Brutobriga, unlocated) ; http://pleiades.stoa.org/places/260514

59 – ΓΑδειρα/GADEIRA [Λ + Ω ?]

Ville et île – Hispanie (Bétique) (γ 11 Billerbeck)            Hécatée ? (Théopompe ? Hérodote ?) + Timée ? + Iolaus + Polybe ? + Ératosthène + Polyhistor + Artémidore ? + Philon ? + éphore ?

Livre 10 – Second abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 19,8 % – taux théorique : 20 %). Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé avec apport des lexiques et traduction (en grisé, forme erronée restituée du manu­scrit archétype disparu, corrigée dans la notice normalisée)

Γάδειρα· πόλις καὶ νῆσος(a) ἐν τῷ ὠκεανῷ στενὴ καὶ περιμήκης ὡς(b) οὖσα ταινία(c) τῆς γῆς δειρά. < Κλαύδιος Ἰούλιος ἐν ταῖς Φοινίκης ἱστορίαις φησὶ ὅτι Ἀρχαλεὺς υἱὸς Φοίνικος, κτίσας τὴν πόλιν, ὠνόμασε τῇ Φοινίκων γραφῇ· γάδρον γὰρ παρ’ αὐτοῖς τὸ ἐκ μικρῶν ᾠκοδομημένον.>(d) ἐρατοσθένης δὲ ἡ γάδειρος(e) φησὶ θηλυκῶς. ὁ πολίτης γαδειρεύς· οὕτω γὰρ τὰ πέντε βιβλία ἐπιγέγραπται τῶν πυθαγορικῶν σχολῶν μοδεράτου γαδαρέως(f ). λέγεται(g) καὶ γαδειρίτης, ὡς ἀλέξανδρος ὁ πολυίστωρ. λέγεται καὶ γαδειραῖος, ὡς ἀπὸ τοῦ ἡ(h) γάδειρα εὐθείας(i), καὶ γαδειρανοί(j), καὶ κτητικὸν γαδειρικός. εὔπολις (k) {ἐν} (l) μαρικᾷ (m) «  πότερ’ ἦν τὸ τάριχος φρύγιον ἢ γαδειρικόν; ». a)  πόλις καὶ νῆσος N Et. Sym  :  νῆσος καὶ πόλις RQP. b)  ὡς om. N. c) ταινία add. Rpc. d) Κλαύδιος Ἰούλιος … ᾠκοδομημένον add. Bouiron (ex Et. Magn.). e) ἡ γάδειρος RQP : ἡ γάδειρα N. f )  Γαδειρέως Xylander  :  γαδαρέως RQPN. g)  λέγεται QPN  :  καὶ γεται R. h)  τῆς ἡ Meineke  :  τοῦ ἡ RQ, τοῦ PN. i) εὐθείας R : θηλυκοῦ QPN. j) γαδειρανοί QPN : γαδειρανή N. k)  εὔπο lac. 3 litt. μαρικᾶ Q. l)  ἐν add. PN. m)  μαρικᾷ QPN : μαρυκᾶ R. c – Suppression du fait de l’abréviation ? f et h – Erreur dans les phase d’abréviation ?

Γάδειρα· [A]   |1|  πόλις καὶ νῆσος [Hécatée  ? Hérodote  ? Artémidore ?] ἐν τῷ ὠκεανῷ στενὴ καὶ περιμήκης [B] ὡς οὖσα ταινία τῆς γῆς δειρά [Timée  ?]. |2|  < Κλαύδιος Ἰούλιος ἐν ταῖς Φοινίκης ἱστορίαις [FGrHist 788 F 2a]  φησὶ ὅτι Ἀρχαλεὺς υἱὸς Φοίνικος, κτίσας τὴν πόλιν, ὠνόμασε τῇ Φοινίκων γραφῇ· γάδρον γὰρ παρ’ αὐτοῖς τὸ ἐκ μικρῶν ᾠκοδομημένον.> [C]  |3|  Ἐρατοσθένης [F IIIB, 121 Berger] δὲ ἡ Γάδειρος φησὶ θηλυκῶς. [D] |4| ὁ πολίτης Γαδειρεύς [Éphore ?]˙ οὕτω γὰρ τὰ πέντε

βιβλία ἐπιγέγραπται τῶν Πυθαγορικῶν σχολῶν Μοδεράτου Γαδειρέως [Philon  ?]. |5|  λέγεται καὶ Γαδειρίτης, ὡς Ἀλέξανδρος ὁ πολυίστωρ [FGrHist 273 F 116]. |6| λέγεται καὶ Γαδειραῖος [Théopompe ? Hécatée ?], ὡς ἀπὸ τῆς ἡ Γάδειρα εὐθείας, καὶ Γαδειρανοί [Polybe ?], καὶ κτητικὸν Γαδειρικός. |7| Εὔπολις Μαρικᾷ [PCG V 418] « πότερ’ ἦν τὸ τάριχος Φρύγιον ἢ Γαδειρικόν; ». Gadeira : [A] |1| ville et île dans l’océan, étroite et longue, [B] comme si cette bande de terre était ‘le cou de la terre’ [τῆς γῆς δειρά]. |2|  [C] |3| Ératosthène l’appelle Gadeiros, au féminin. [D]  |4|  Le citoyen est appelé Gadeireus  :  en effet, les cinq livres des Essais pythagoriciens ont en titre, comme auteur, « Moderatos Gadeireus ». |5| On dit aussi Gadeiritês, selon Alexandre Polyhistor. |6| On dit aussi Gadeiraios, formé sans doute sur le nominatif Gadeira, et Gadeiranoi, et le ktétique est Gadeirikos. |7| Eupolis (Marika) : « était-ce une salaison de Phrygie ou de Gadeira [Gadeirikon] ? ».

Lexiques et commentaires grecs et byzantins Scholia in Pindarum (schol. vet., Nemea 4, sch. 112a) Γαδείρων τὸ πρὸς ζόφον οὐ περατόν· οὐκ ἔστι, φησί, Γαδείρων περᾶσαι τὰ ἐπέκεινα· ζόφος γὰρ καὶ ἀφάνεια· ὑποστρέφων μὲν οὖν εἰς τοὐπίσω ἄγε τὴν ναῦν. ἀλληγορεῖ δὲ λέγειν βουλόμενος, ὅτι οὐκ ἔστι δυνατὸν εἰς πάντας τοὺς ἐπαίνους χωρεῖν τοῦ Τιμασάρχου. ἐπάγει γοῦν, ὅτι οὐκ ἔστι δυνατὸν τὸν πάντα λόγον καὶ ἔπαινον τῶν ἐκγόνων τοῦ Αἰακοῦ διελθεῖν, ὥσπερ οὐδὲ Γαδείρων ἐπέκεινα. Γάδειρα γὰρ πόλις μέχρι τῶν στηλῶν Ἡρακλέους, ἔνθα τὸ τέλος ἐστὶ τοῦ πλεῖν καὶ τοῦ ὁδεύειν· περαιτέρω γὰρ λοιπὸν ὁ Ὠκεανὸς καὶ πάντα ἀφανῆ, ζόφου ὄντος. τὰ ἐντεῦθεν οὖν τῶν Γαδείρων τῆς Εὐρώπης ἐστίν. εἰς δύο γὰρ διῄρητο τὸ παλαιὸν μέρη ἡ οἰκουμένη, Εὐρώπην καὶ Ἀσίαν. Scholia in Pindarum (schol. vet. et recent., Nemea 4, sch. 111) Γαδείρων τὸ πρὸς Ζόφον οὐ περατὸν· γουν ἀπέρατον καὶ ἀδιόδευτον. τὰ Γάδειρα γάρ ἐστι τόπος περὶ τὰ ἑσπέρια μέρη, ἀποτελεύτησιν ἔχων τῆς πλεομένης θαλάσσης, ὧν τὸ ἐπέκεινα ἄπλωτον ὡς βραχῶδες καὶ σκοτεινὸν καὶ θηρότροφον (γρ. θηροτρόφον). παρήχθη τοίνυν ἐκεῖθεν ἡ παροιμία καὶ λέγεται, ὅταν τις ἐκεῖνο φθάσῃ τὸ μέτρον, οὗπερ τὸ πλέον οὐ χωρεῖ, ὥς φασιν, πρὸς ὃ οὐ δύναταί τις ὑπεραρθῆναι. τὸ πρὸς ζόφον· τὴν δύσιν. vie siècle – Lexique d’Hesychius (γ 23-25, 27) *Γάδειρα· νῆσος ἔξω τῶν Ἡρακλείων στηλῶν Γάδειρα· τὰ περιφράγματα. Φοίνικες. Γαδειρικὸν τάριχος· τὸ ἀπὸ Γαδείρων κομιζόμενον· ἐκεῖθεν γὰρ ἐκομίζετο. *Γαδείρων· χώρας ὄνομα.

59 – ΓΑδειρα/GADEIRA [Λ + Ω ?] ixe siècle – Georgios Choiroboscos (De orth. epit. p. 189.14) Γάδειρα· τὸ δει δίφθογγος· ἀπὸ γὰρ τοῦ γῆ καὶ τὸ δειρὰ, τοῦ σημαίνοντος τὴν ἐξοχὴν, γέγονε Γάδειρα· οἱονεὶ γῆς δειρά· τὰ γὰρ Γάδειρα ἀρχὴ τῆς γῆς. ixe siècle – Lexique de Photios (γ 4) Γαδειρικὸν τάριχος· ἀπὸ Γαδείρων νήσων, ἐκτὸς τῶν Ἡρακλέους στηλῶν. ixe siècle – Etymologicum Gudianum (294.5) {Γεωργίου} Γάδειρα· ἀπὸ τοῦ γῆ καὶ τοῦ δειρά τοῦ σημαίνοντος τὴν ἐξοχὴν γέγονε Γάδειρα, οἱονεὶ γῆς δειρά· τὰ γὰρ Γάδειρα [ἡ] ἀρχὴ τῆς γῆς. ǁ ἢ παρὰ τὸ δειρὰ εἶναι τῆς γῆς διὰ τὸ ὕψος. xiie siècle – Etymologicum Magnum (219.32) Γάδειρα· τὰ Γάδειρα λέγονται πληθυντικῶς· ἀπὸ τοῦ γῆ καὶ τοῦ δειρὰ, οἱονεὶ γῆς δειρά. τὰ γὰρ γάδειρα τῆς γῆς ἐξοχή ἐστιν. ἢ, ὡς φησὶ Κλαύδιος Ἰούλιος ἐν ταῖς Φοινίκης ἱστορίαις, ὅτι Ἀρχαλεὺς υἱὸς Φοίνικος, κτίσας τὴν πόλιν, ὠνόμασε τῇ Φοινίκων γραφῇ· γάδρον γὰρ παρ’ αὐτοῖς τὸ ἐκ μικρῶν ᾠκοδομημένον. xe  siècle – Souda (γ 7 Adler = Scholie Grégoire de Naziance Ann. P. 236, PG 36, 1055-6d ; An. Ox. 2, 189, 13 ; cf. Ambr. 68) Γάδειρα· τόπος κατὰ τὴν ἑσπερίαν μοῖραν, ἀποτελεύτησις τῆς θαλάσσης καὶ οἷον ἐκροὴ ἀπὸ τῆς πρὸς ἡμᾶς καὶ τὴν Ἀτλαντίδα θάλασσαν, τὸν ὠκεανὸν, ἣν διεκπλεῦσαι οὐκ ἐνῆν βραχώδη καὶ σκοτοειδῆ τυγχάνουσαν. Γάδειρα δὲ παρὰ τὴν γῆν καὶ τὴν δειρὴν, ὅ ἐστι τράχηλος. μέχρι τοῦτον ἐλθὼν ὁ Ἡρακλῆς καὶ μὴ δυνάμενος διελθεῖν στήλας παρὰ τῶν ἐγχωρίων λαβὼν ἱδρύσατο, δηλῶν δι’ αὐτῶν ἄχρι τῶν τῇδε βατὴν εἶναι τὴν γῆν καὶ τὴν θάλασσαν. ǁ Γαδαρηνός, ἀπὸ τόπου. xiie  siècle – Etymologicum Symeonis (Billerbeck in app. crit. γ 11) Γάδειρα· καὶ θηλυκῶς καὶ οὐδετέρως λέγεται ἀπὸ τοῦ γῆ καὶ τοῦ δειρὰ. γέγονε Γάδειρα οἱονεὶ γῆς δειρά. τὰ γὰρ γάδειρα τῆς γῆς ἐξοχή ἐστιν. ἔστι δὲ πόλις καὶ νῆσος. xiiie siècle – Lexique du pseudo-Zonaras (421.5) Γάδειρα. τόπος κατὰ τὴν ἑσ περίαν μοῖραν, ἀποτελευτησάσης τῆς θαλάσσης. ἢ νῆσος ἔξω τῶν Ἡρακλείων στηλῶν, οἱονεὶ γῆς δειρά. τὰ γὰρ Γάδειρα τῆς γῆς ἐξοχή ἐστι. [Γάδειρα καὶ ἐπὶ θηλυκοῦ. ὁ πολίτης Γαδειρεὺς, καὶ Γαδειραῖος, καὶ Γαδειρίτης, καὶ Γαδειρανὸς, καὶ Γαδειρικὸς κτητικόν.]

59 – ΓΑδειρα/GADEIRA [Λ + Ω ?] xiie siècle – Jean Tzétzès (schol. Lycophr. v. 649) ἐκεῖ δέ εἰσι καὶ τὰ Γάδειρα, ἃ πρότερον νῆσος Κοτινοῦσα ἐλέγετο. ποταμὸς δὲ Γαδείρων Βαίτης ἔνθα αἱ ἡμέραι ἀθρόως καὶ οὐ κατ’ ὀλίγον ἐμπίπτουσι δίκην ἀστραπῆς. καὶ τὰ μὲν Γάδειρα κατὰ τὸ τῆς Εὐρώπης κεῖται τέρμα μακάρων δὲ νῆσοι ὁρίζονται τῷ Λιβυκῷ τέρματι πρὸς τὸ ἀοίκητον ἀνέχουσαι ἀκρωτήριον. Κλέαρχος δὲ τὰς κατὰ Γάδειρα στήλας τοῦ Βριάρεω Ἡρακλέος εἶναι λέγει, μεθ’ ὃν δεύτερος Ἡρακλῆς ὁ Τύριος ἦλθεν ἐπὶ τὰ Γάδειρα καὶ τρίτος Ἕλλην. xiie  siècle – Eustathe de Thessalonique (Com Dion. v. 64 et 451) τὰ Γάδειρα δὲ νῆσος πλησίον τοῦ ὠκεανοῦ περιμήκης κατὰ τοὺς παλαιοὺς, ὡς οἷα ταινία, τουτέστι καθάπερ ὑφάσματος τμῆμα στενὸν καὶ μεμηκυσμένον, ὅπερ ἡμεῖς φασκίαν φαμέν. λέγεται δὲ καὶ ἡ Γάδειρα θηλυκῶς. καλεῖται δὲ οὕτως οἱονεὶ γῆς δειρὰ, ὃ ἔστι τράχηλος, διὰ τὸ τῆς ἠπείρου στενὸν, τῆς ἑκατέρωθεν σφιγγούσης τὸν ἐκεῖ ὀλιγοστάδιον πορθμόν. ἔστι δὲ καὶ πόλις ἐκεῖ Γάδειρα. ὁ δὲ Γεωγράφος φησὶν ὅτι τὰς Ἰταλικὰς παρ’ Ὁμήρῳ Πλαγκτὰς πέτρας καὶ τὰς Ποντικὰς Συμπληγάδας τινὲς τῇ μυθικῇ αὐτονομίᾳ μετήγαγον εἰς τὸν ἐν Γαδείροις πορθμὸν, καὶ ταύτας εἶναι στήλας ἐνόμισαν, ἃς ὁ Πίνδαρος καλεῖ πύλας Γαδειρίδας διὰ τὴν τοῦ πορθμοῦ στενότητα, εἰς ταύτας ὑστάτας ἐλθεῖν φάσκων τὸν Ἡρακλέα. ἄλλοι δὲ, ὡς ὁ αὐτὸς Γεωγράφος λέγει, στήλας Ἡρακλέος φασὶ λέγεσθαι τὰς ἐν τῷ κατὰ Γάδειραν Ἡρακλείῳ, τουτέστι τὰς ἐν τῷ τοῦ Ἡρακλέος τεμένει ὀκταπήχεις στήλας, ἐναἷς ἀναγέγραπται τὸ ἀνάλωμα τῆς κατασκευῆς τοῦ ἐκεῖ ἱεροῦ· ἐφ’ ἃς ἐλθόντες οἱ πλέοντες ἐποίησαν διαβοηθῆναι ἐνταῦθα εἶναι τὸ τῆς γῆς καὶ τῆς θαλάσσης πέρας. ἕτεροι δὲ στήλας, φησὶν, ὑπέλαβον τὴν Εὐρωπαίαν Κάλπην καὶ τὸ ἀντικείμενον αὐτῇ ὄρος ἐκ τῆς Λιβύης, τὴν Ἀβίλην ἢ Ἀβίλυκα. ἄλλοι δὲ στήλας ἐνόμισαν τὰς πλησίον ἐκεῖ ἑκατέρωθεν νησίδας, ὧν τὴν ἑτέραν Ἥρας ὀνομάζουσι νῆσον· καὶ οὐ φαύλως, φησὶ, τὰ τοιαῦτα νησίδια διὰ τὸ εὐπερίγραπτον καὶ σημειῶδες καὶ εὐόριστον στήλαις εἰκάζονται. ἐξοχὴν γάρ τινα ἐμφαίνουσι καὶ αὐτὰ οἵαν καὶ αἱ στῆλαι καὶ αἱ στυλίδες· καὶ διὰ τοῦτο καὶ τὰ τοιαῦτα στῆλαι ἂν λέγοιντο. (…) ὅτι νῆσος ἑσπεριωτάτη τὰ ἐσχατόεντα Γάδειρα, κατὰ μέσον τῶν πρὸς τῇ Ἰβηρίᾳ πυλῶν· διὸ καὶ Ἰβηρικά φησιν ὁ Ἀρριανὸς αὐτά. ἔστι δὲ ἡ νῆσος αὕτη κατὰ τὸν Γεωγράφον οὐ πολὺ μείζων ἑκατὸν σταδίων κατὰ τὸ μῆκος, πλάτος δ’ ἔσθ’ ὅπου καὶ σταδιαῖον. τὸ δὲ ἐθνικὸν αὐτῆς τετραχῶς λέγεται, Γαδειρίτης καὶ Γαδειρεὺς καὶ Γαδειραῖος καὶ Γαδειρανὸς, ὡς Βοσπορανός. ἔστι δὲ οὐ μόνον οὐδετέρου γένους τὰ Γάδειρα, ἀλλὰ καὶ θηλυκῶς ἡ Γάδειρα.

467

Commentaire La notice provient du lexique-source, avec probablement des insertions d’Oros. [A]   |1|  La ville et l’île de Gadeira sont mentionnés par plusieurs auteurs  :  la ville par le pseudo-Scymnos (v. 161), Artémidore et Marcien (Per. ext. 1.4-5 ; 2.4 et 9 ; Abrégé d’Artémidore, fr. 1) ; l’île par Hérodote (4.8). On trouve également de nombreuses indications chez Strabon (2.3.5, 2.4.2, 2.4.8, 2.5.14, 2.5.30, 3.1.5, 3.1.8-9, 3.2.11, 3.4.2 et 9, 3.5.3-6), le pseudo-Aristote (Mirab. 844a, 136 Giannini), Denys le Périégète (v. 11, 65, 451, 456), Arrien (Alex. 3.30.9 ; 7.1.2), Pausanias (10.4.6), Flavius Josèphe (Bell. Jud. 2.363), Appien (Iber. 17, 112, 126, 152, 248 et 275 ; Annib. 4) et Polybe (34.5.9, 34.9.5), comme chez Diodore de Sicile (5.20.2 ; 25.10.1), le pseudo-Scylax (1, 111), Aelius Aristides (Her. p. 34), Ptolémée (Geogr. 2.4.13, 8.4.5) et Philostrate (Vita Apoll. 2.33 ; 4.47 ; 5.1-4, 8 et 10). Il est possible que la détermination géographique et sa description remonte aux auteurs les plus anciens comme Hécatée ou Théopompe. Eustathe de Thessalonique l’attribue «  κατὰ τοὺς παλαιοὺς, selon les plus anciens ». [B] : Les mentions qui suivent correspondent parfaite-

ment à l’explication soit étymologique soit chrono-mythologique du géonyme. La première indication relève de la forme même, très particulière, du cordon littoral qui constitue l’île principale sur laquelle est bâtie Gadeira. Il faut noter que la forme τῆς γῆς δειρά semble renvoyer à une formulation de type poétique ou un jeu de mots étymologique qui pourrait peut-être trouver un écho dans la notice Dêra (cf. fiche [72]). |2|  Nous incluons ici la mention de l’Etymologicum Magnum qui, selon nous, provient de Stéphane de Byzance moins par l’intermédiaire de l’Etymologicum Symeonis, qui n’a pas ce texte, que peut-être par lecture directe du premier abrégé voire du manu­scrit translittéré des Ethniques. On ne trouve en effet de mention de Claudius Iolaos que chez Stéphane de Byzance et ce texte correspond parfaitement aux indications chrono-mythologiques que l’on trouve dans les Ethniques. Eustathe de Thessalonique, qui constitue souvent un bon témoin du premier abrégé, privilégie quant à lui Strabon dans son explication de Gadeira. [C]   |3|  La forme Gadeiros se retrouve chez Polybe

(34.5.7, 34.7.7, 34.9.5) et Strabon (1.2.31, 2.3.4-5, 2.4.1, 2.4.4, 2.5.14-15, 3.1.5 et 9, 3.2.1, 3.2.11 et 13, 3.5.5 et 7-11, 4.4.6, 17.3.2 et 4), ainsi que chez plusieurs

468 auteurs  :  Athénée (7.64, 98), Pindare (Nemea 4.69), Platon (Critias 114b), Diodore de Sicile (4.18.2, 56.3 et 5), Lucien (Dial. 25.6), Arrien (Alex. 3.30.9), Aelius Aristides (plusieurs mentions dans des œuvres différentes), Dion Cassius (37.52.2, 53.4 ; 41.24.1 ; 43.39.4 ; 77.20.4), Pausanias (1.35.8, 10.4.6), Flavius Josèphe (Ant. Jud. 1.122) et Philostrate (Vita Apoll. 5.8). [D]  |4|  On trouve cette forme d’ethnique chez Dion

Cassius (41.24.1 ; 48.32.2) et Démétrius (De eloc. 237).

[E] |5-6| L’ethnique Gadeiritês est présent chez Strabon

(2.3.4, 3.4.3, 3.5.8), probablement repris de Posidonios et/ou d’Artémidore. Gadeiraios se retrouve chez Plutarque (Sert. 8.1). C’est peut-être aussi la forme qu’utilisaient Hécatée et Théopompe qui devaient l’un et l’autre parler de l’île et de la cité. La forme Gadeiranoi ne se rencontre chez aucun des auteurs conservés. On trouve chez Pindare (fr. 256, chez Eustathe) et Strabon (3.5.5-6) la forme Γαδειρίδα non indiquée dans l’Épitomé. Le ktétique est signalé par Athénée (3.88) chez Antiphane et Philétairos. [F]  |7|  Le ktétique est en relation également avec une

salaison (τάριχος Γαδειρικὸν) chez Hippocrate (de affect. int. 25  ; 30), Oribase (Coll. med. 4.1.40) et Pollux (Onom. 6.48).

Localisation et archéologie La ville est l’actuelle Cádiz (capitale de la province, Andalousie). A l’origine, Gadeira est formée des îles suivantes : l’île d’Erutheia, au nord, sur laquelle se trouvé le temple d’Astarté ; l’île San Sebastian, tout à fait à l’ouest, qui constitue le lieu de la ville punique ; l’île de Kotinoussa (ou d’Herakleia  ? cf. notice [95]), très allongée du nord au sud, sur laquelle se trouvait la ville elle-même (et le temple de Baal) au nord, tandis que le temple de Melqart prenait place à l’extrémité sud ; l’île d’Antipolis (île de San Fernando), dans la baie de Cádiz, avec les nécropoles ; enfin l’île de San Pedro tout à fait au sud. La baie a considérablement évolué depuis l’Antiquité, l’île d’Antipolis étant désormais quasiment rattachée à la terre ferme, celle d’Erutheia ne faisant plus qu’un avec l’île San Sebastian sous la ville de Cádiz actuelle (voir le résumé des observations géomorphologiques récentes dans Ramon Torres 2013, p. 25-27). Pour Ératosthène (F III B 123 Berger = Strabon 2.4.4 ; F III B 58 = Strabon 3.5.5), comme Artémidore d’Ephèse

59 – ΓΑδειρα/GADEIRA [Λ + Ω ?] (F 9 Stiehle = Marcien Per. ext. 2.4), les Colonnes d’Hercule sont à placer à Gadeira ; Appien (Iber. 8) les localise de même. Posidonios d’Apamée la mentionnait aussi à plusieurs reprises, car il y a résidé un temps ; il constitue vraisemblablement la source de Strabon sur ce lieu. Il s’agit d’une fondation tyrienne selon Strabon (3.5.5), qui interviendrait 80 ans après la guerre de Troie, soit vers 1104 av. J.-C. si l’on suit la tradition d’Ératosthène. Mais rien de plus ancien que le vie siècle n’a été retrouvé sur l’île. Peut-être le site primitif se trouvait-il plutôt sur la terre ferme, comme semblent l’indiquer les découvertes archéologiques réalisées au Castillo de Doña Blanca (Ruiz Mata 1999). Quoiqu’il en soit, l’île principale était à l’origine plus importante mais elle a été érodée par l’action marine (Ramon Torres 2013, p. 26). La ville devient punique dès la fin du vie siècle av. J.-C. Lors de la Deuxième guerre punique, elle reste fidèle aux Carthaginois ; assiégée en 206 av. J.-C. par Scipion l’Africain, elle se rend sans condition (Tite-Live 38.37.10). Les Romains établissent alors un foedus avec Gadeira (López Castro 1991). À l’époque de la Guerre civile, la ville prend parti pour César et chasse les pompéiens. Jules César la récompensera en lui octroyant la citoyenneté romaine. Il faut dire que l’un de ses citoyens les plus éminents, Lucius Cornelius Balbus, fait citoyen romain par Pompée en 72 av. J.-C., est un des hommes de confiance de César et l’un des personnages clef de la République finissante. Sous le règne d’Auguste la ville est agrandie par Lucius Cornelius Balbus Minor, neveu du précédent (c’est lui que Strabon appelle Balbus Gaditanus), qui fonde une seconde ville plus au sud, toujours sur l’île principale ; elle prend le nom d’Augusta Urbs Gaditana. Strabon (3.5.3) nous a gardé une description assez détaillée de la ville et de ses origines, à laquelle nous renvoyons avec les exégèses de F. Lasserre. À l’époque romaine, la ville se dote de monuments, pour certains conservés jusqu’à nos jours : théâtre, temples, et un aqueduc permettant d’alimenter la ville en eau.

Chronologie des mentions viiie s. av.  :  Hésiode, Γαδειρόθεν – ve  s. av.  :  Pindare, Γάδειρα, Γαδείρις ; Eupolis, Γαδειρικόν – ive s. av. : Platon, Γάδειρον, Γαδειρικὴ ; Antiphane, Γαδειρικόν ; pseudo-Scylax, Γάδειρα  ; [Aviénus Ora maritima], Gadir – iiie  s. av. : Ératosthène, Γάδειρος – iie s. av. : Polybe, Γάδειρα,

60 – ΓαλΑται/GALATAI [Λ + Ω ?] Γαδείροι  ; pseudo-Scymnos, Γάδειρα  ; Artémidore ?, Γάδειρα, Γαδειρίτης ? – ier s. av. : Alexandre Polyhistor, Γαδειρίτης  ; Posidonius, Γάδειρα, Γαδείροι, Γαδειριτοὶ  ; Parthenios de Nicée, Γάδειρα ; Diodore de Sicile, Γάδειρα, Γαδείροι – ier s. : Strabon, Γάδειρα, Γαδείροι, Γαδειριτοὶ ; Pomponius Mela, Gades ; Pline l’Ancien, Gadis, Gades ; Flavius Josèphe, Γάδειρα, Γαδείροι – iie  s.  :  Plutarque, Γαδειραῖον  ; Florus, Gaditanus  ; Denys le Périégète, Γάδειρα, Γαδειρόθεν ; Arrien, Γάδειρα, Γαδείροι ; Appien, Γάδειρα  ; Ptolémée, Γάδειρα  ; Aelius Aristide, Γάδειρα, Γαδείροι  ; Pausanias, Γάδειρα, Γαδείροι – iiie  s.  :  Élien, Γαδείροι  ; Dion Cassius, Γάδειρα, Γαδείροι, Γαδειρεύς  ; Philostrate, Γάδειρα – ive s. : Eusèbe, Γάδειρα ; Athanase d’Alexandrie, Γάδειρα ; Grégoire de Naziance, Γαδείροι ; Épiphane de Salamine, Γαδείροι.

469 Le nom est phénicien (GDR, gadir) et désigne au départ un petit établissement  ; il deviendra ensuite un nom propre. Le nom de la ville ne change pas durant toute l’Antiquité.

Bibliographie indicative RE VII, 1 (1910), col.  439-461 (s.v.  Gades) Hübner  ; Smith 1854 (s.v. Gades) ; THA IIB 82 ; 105 ; García y Bellido 1963  ; Bendala Galán 1986  ; Bonnet 1988 ; Silberman 1988, p. 227 ; Jourdain-Annequin 1989 ; López Castro 1991 ; López Castro 2002 ; Plácido Suárez 2002, p. 319-321 ; Ramon Torres 2013, p. 25-28. Barrington Atlas : 26 D5 (Gadeira/Gades/Col. Augusta Gaditana) ; http://pleiades.stoa.org/places/256177

60 – ΓαλΑται/GALATAI [Λ + Ω ?]

Peuple – Gaule (γ 22 Billerbeck)            Apollodore ? Ératosthène ? + Strabon ? Charax ? Livre 10 – Second abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 19,8 % – taux théorique : 20 %). Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé et traduction Γαλάται(a)· πρὸς νότον τοῖς παφλαγόσιν, ἀπὸ τῶν ἐν τῇ κελτικῇ γαλατῶν, οἳ πλανηθέντες πολὺν χρόνον καὶ καταλαβόντες τὴν χώραν οὕτως ὠνόμασαν. παρήχθη δὲ τὸ γαλάτης ἐκ τοῦ γάλλος ὑφέσει τοῦ ἑνὸς λ. καὶ γαλατία ἡ χώρα. a) Γαλάται RPN : Γαγάται Q.

Γαλάται· [Da]  |1|  πρὸς νότον τοῖς Παφλαγόσιν, [Db]  ἀπὸ τῶν ἐν

τῇ Κελτικῇ Γαλατῶν, οἳ πλανηθέντες πολὺν χρόνον καὶ καταλαβόντες τὴν χώραν οὕτως ὠνόμασαν [Apollodore ? Ératosthène ?]. [Db] |2| παρήχθη δὲ τὸ Γαλάτης ἐκ τοῦ Γάλλος ὑφέσει τοῦ ἑνὸς λ. [E]  |3|  καὶ Γαλατία ἡ χώρα [Strabon ? Charax ?]. Galatai : [Da] |1| au sud des Paphlagoniens, [Db] d’après le nom des Gaulois de Celtique, qui, après avoir lontempts erré, s’emparèrent du pays et lui donnèrent ce nom [Galatie]. |2| Le nom de Galatês dérive de Gallos, avec suppression d’un « l ». [E] |3| Et le pays s’appelle la Galatia.

Lexiques et commentaires grecs et byzantins Lexicon artis grammaticae (427.7) Γαλάτης· ὄνομα ἔθνους· ἐξ οὗ καὶ Γαλατία. xe siècle – Souda (γ 21 et 22 Adler) Γαλάται· ὅτι ἐπὶ Σκηπίωνος τοῦ Ῥωμαίων στρατηγοῦ καὶ Ἀννίβου τοῦ Καρχηδόνος Ῥωμαῖοι Γαλάτας τοὺς ἐν τῇ Ἀσίᾳ κατεστρέψαντο. οὗτοι δ’ ἦσαν τῶν ἑσπερίων Γαλατῶν μοῖρα. ἀναστάντες γάρ ποτε τῆς οἰκείας οἱ Γαλάται ἅμα Βρέννῳ στρατηγῷ προῆλθον εἰς λʹ μυριάδας ἀριθμούμενοι. ἐντεῦθεν διακριθέντες οἱ μὲν ἐπὶ τὴν εἴσω πυλῶν Ἑλλάδα, οἱ δὲ ἐπὶ Θρᾴκην καὶ τὴν Ἀσίαν ἐτράποντο, ἀμφὶ τὰς δύο μάλιστά που καὶ αὐτοὶ μυριάδας ὄντες. καὶ κρατήσαντες τῷ πολέμῳ πάντων μικροῦ τῶν ἐπὶ τάδε τοῦ Ταύρου Ἀσιανῶν γενῶν τοὺς μὲν ἄλλους ὑποτελεῖς ἐποιήσαντο φόρου, αὐτοὶ δὲ τὰ περὶ τὸν Ἅλυν ποταμὸν χωρία κατασχόντες ἐνέμοντο τὰ μεταξὺ Βιθυνῶν τε καὶ Καππαδοκῶν κείμενα. ἐφ’ οὓς ἐστρατεύσαντο Ῥωμαῖοι κοινωνήσαντες Ἀντιόχῳ τῆς ἐπὶ τῷ Σιπύλῳ μάχης καὶ συμπεσόντες αὐτοῖς περὶ πόλιν Ἄγκυραν, Μαλίου σφῶν ἡγουμένου, μυρίους μὲν τῆς μαχίμου ἡλικίας καταβάλλουσι, τοὺς δὲ λοιποὺς ὑποκύψαι σφίσιν, ἀποστάντας ὧν ἦρχον ἐθνῶν, ἠνάγκασαν.

470 Γαλάτεια· ὄνομα θεᾶς. ǁ Γαλατία δὲ χώρα. ǁ καὶ Γαλατίας, ὄνομα κύριον. xiie siècle – Etymologicum Symeonis (Billerbeck γ 22, in app. crit.) Γαλάται· ἐκ τοῦ Γάλλος ὑφέσει τοῦ ἑνὸς λ. Γαλάται καὶ Γαλατία ἡ χώρα. xiie siècle – Etymologicum Magnum (220.5) Γαλατία· χώρα· ὠνομάσθη (ὥς φησι Τίμαιος) ἀπὸ Γαλάτου, Κύκλωπος καὶ Γαλατίας υἱοῦ· ἢ διὰ τὸ ἐν αὐτῇ ὑπὸ Καίσαρος Αὐγούστου καταλειφθῆναι Γάλλους στρατιώτας. ἡ χώρα· ἡ δὲ πόλις, Ἄγκυρα. xiie siècle – Eustathe de Thessalonique (Com. Dion. 69) ἰστέον δὲ ὅτι τὸν ἀπὸ τῶν Γαλατῶν ὀνομαζόμενον Γαλάτην ῥοῦν, ἤτοι τὴν Γαλατικὴν θάλασσαν, Κελτογαλάται παροικοῦσι, καὶ ὅτι λέγονται ἥττονες ἀκράτου οἱ Γαλάται εἶναι. λέγεται δὲ οὕτω καλεῖσθαι ἀπὸ Γαλάτου τινὸς υἱοῦ Ἀπόλλωνος.

Commentaire Cette notice est particulière puisque la forme initiale normale, Galatia, se retrouve en fin de notice comme forme dérivée de l’ethnique. On ne trouve pas non plus la forme « peuple de … ». Elle provient sans doute du lexique-source, peut-être par l’intermédiaire d’Oros (|2|). [Da-Db]  |1|  Plusieurs auteurs utilisent ce nom pour désigner les Gaulois. Parmi eux, Polybe domine très largement puisque c’est la forme qu’il utilise pour les Celtes d’Occident (1.6.3, 2.15.8, 2.18.8, 2.19.4-5, 2.19.7, 2.19.11 et 13, 2.20.8, 2.21.1, 2.23.1, 2.31.5, 3.40.6, 4.38.6, 5.53.3, 5.78.1, 5.82.6, 5.111.5, 12.4.8, 21.37.3, 21.38.4, 21.39.9, 21.41.7, 22.21.4, 30.19.12, 30.25.5, 30.30.6), dénomination que l’on retrouve de manière très fugace chez Strabon (3.2.8, 4.1.5), peut-être du fait d’une intégration d’informations provenant de Polybe. Pour les auteurs peu ou non lus par Stéphane de Byzance, on trouve Plutarque (Cam. 15.1, 16.3, 17.1, 20.1, 22.6, 23.1, 27.1  ; Fab. 2.3  ; Aem. 6.2  ; Marc. 1.5, 3.7, …), Dion Cassius (7.25.2 ; 12.50.2 ; 27.90.1 ; 39.25.1, 45.7, 46.1, 52.3 ; 40.4.2, 17.2, 32.3, 33.1 ; 41.36.3 ; 46.55.5 ; 53.12.5 ; 54.21.6 ; 56.23.4 ; 63.22.1a), Flavius Josèphe (Bell. Jud. 1.5) et Appien (Iber. 52 ; Bell. civ. 1.10.92 ; 2.15.101). Ce terme est bien évidemment également employé pour les Galates d’Orient, en particulier par Strabon.

60 – ΓαλΑται/GALATAI [Λ + Ω ?] La forme de la détermination géographique et chrono-mythographique pourrait renvoyer à Apollodore. Il est vraisemblable que l’on devait également trouver une mention d’Ératosthène qui avait écrit un ouvrage sur les Galates cité à plusieurs reprises dans l’Épitomé. [Dc] |2| Il s’agit d’une indication provenant sans doute

d’un grammairien qui fait, curieusement, de Galatês un dérivé de Gallos, forme latine des Gaulois.

[E] |3| La forme Galatia, dans le sens de Gaule, se retrouve chez Plutarque (Mari. 11.5  ; Pomp.  31.5, 52.4, 64.3  ; Caes. 27.3, 29.2 ; Cato 49.1 ; Ant. 61.6 ; Galba 4.3, 6.1, …), Denys d’Halicarnasse (8.87.7 ; 14.1.3), Dion Cassius (36.37.2, 46.1 ; 37.49.4 ; 38.31.1 ; 39.6.1 ; 40.1.1, 11.2, 31.1 ; 41.19.1 ; 42.48.4 ; 44.14.4, 42.4 ; 46.54.1 ; 48.1.3, 33.5, 48.2 ; 50.6.4 ; 51.7.4 ; 53.26.3 ; 54.11.2, 22.4, 23.7, 25.1  ; 60.22.1  ; 65.1.2a) et Appien (Bell. civ.  1.4.29  ; 2.7.47). La forme est attestée également chez Apollodore (voir notice Aidousioi [11]). Mais rien n’indique ici qu’il s’agisse de la Gaule et non de la Galatie. La forme de χώρα pourrait peut-être provenir de Strabon voire plus vraisemblablement de Charax (cf. fiche Belgikê [47] ou Gallia [61]).

Localisation et archéologie La notice est très probablement centrée avant tout sur la Galatie, en Asie mineure. Nous ne nous étendrons pas plus car ce géonyme est en dehors de notre étude. Voir la notice Gallia [61] pour la Gaule et les Gaulois.

Chronologie des mentions iie s. av. : Polybe, Γαλατία/Γαλάται – ier s. av. : Diodore de Sicile, Γαλατία/Γαλάται ; Denys d’Halicarnasse, Γαλατία – ier  s.  :  Strabon, Γαλατία/Γαλάται  ; Flavius Josephe, Γαλατία/Γαλάται – iie s. : Plutarque, Γαλατία/Γαλάται ; Appien Γαλατία/Γαλάται  ; Ptolémée Γαλατία  ; Lucien Γαλατία/Γαλάται  ; Pausanias, Γαλάται – iiie  s.  :  Dion Cassius, Γαλατία/Γαλάται  ; Diogène Laërce, Γαλάται – ive s. : Eusèbe, Γαλατία/Γαλάται ; Julien, Γαλατία/Γαλάται.

Bibliographie indicative RE VII, 1 (1910), col. 610-639 (s.v. Galli) Niese ; Smith 1854 (s.v. Galatia) ; Duval 1974.

61 – ΓαλλΙα/GALLIA [Λ]

471

61 – ΓαλλΙα/GALLIA [Λ]

Pays – Gaule (γ 25 Billerbeck)            Polybe ? Charax ? Livre 10 – Second abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 19,8 % – taux théorique : 20 %). Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé et traduction Γαλλία· ἐντὸς(a) ἄλπεων χώρα. οἱ οἰκήτορες γάλλοι.

[A] |1| ἐντὸς Ἄλπεων χώρα [Polybe ? Charax ?].

historiographiques anciennes (ce qui est le cas ici avec l’indication de la Gaule cisalpine). On peut semble-t-il associer cette notice avec celle de Belgikê [47]  et avec celle des Alpes (Alpeia) [22], toutes deux aussi peu attribuables mais relevant peut-être à l’origine du livre XXXIV de Polybe (cf. supra p. 231-232).

[D] |2| οἱ οἰκήτορες Γάλλοι [Charax ?].

[D] |2|  Cette forme se trouve chez Strabon (13.4.14),

a) ἐντὸς RQPN : ἐκτὸς Salmasius.

Γαλλία·

Gallia  :  [A]   |1|  région située en deça des Alpes [‘Cisalpine’]. [D] |2| Les habitants sont appelés Galloi.

Commentaire La notice provient sans doute du lexique-source ; elle est réduite au strict minimum. Elle devait être également assez réduite dans l’œuvre d’origine. [A] |1| Le nom Gallia est repris de la forme latine. On

le trouve chez Marcien (Per. ext. 2.19, 2.24 et 2.44) et Ptolémée (Tetrab. 2.3.13 et 16 ; Geogr. 2.3.16, 2.9.1 et 3, 3.1.42, 8.5.1 et 5-6, 8.6.2, 8.7.2, 8.8.2, 8.29.3) en complément des noms des provinces (Aquitaine, Belgique, Lyonnaise et Narbonnaise). Cette forme apparaît également chez l’historien Hérodien (3.7.1-2, 8.2, 15.8), Flavius Josèphe (Ant. Jud. 18.253  ; Bell. Jud. 2.111, 2.183) et chez les auteurs du Bas-Empire et byzantins. On peut se demander si ce lemme ne procède pas de Polybe, dans sa partie géographique (livre XXXIV), à propos de l’espace gaulois du nord de l’Italie qu’il avait longuement traité dans le livre II pour rappeler le développement de Rome dans la plaine du Pô. Le terme ἐντὸς se retrouve neuf fois dans l’Épitomé. Il est associé surtout au lexique-source, en particulier pour Polybe (s.v. Arboukalê [28] et Olkades [171]) et une fois à Oros avec Parthénios de Phocée (s.v. Gotthoi [66]). La notice semble toutefois se rapporter à un auteur plutôt postérieur à l’époque d’Auguste puisque Strabon n’utilise pas ce terme pour désigner la Gaule mais la Galatie. La formulation « ἐντὸς Ἄλπεων » correspond à la traduction du latin Cisalpina. Strabon (5.1.3) écrit ainsi ἡ ἐντὸς Ἄλπεων Κελτικὴ pour nommer la Gaule cisalpine. Dans ce cas on pourrait proposer Charax qui utilise les noms latins comme Hispania, tout en reprenant des données

Polybe (21.6.7, 21.37.5), Appien (Iber. 1), Plutarque (adv. Colot. p. 1127 C) et Lucien (De Syria Dea 15, 22, 26 et 50-52) ; elle est utilisée également par les auteurs du Bas-Empire et byzantins. Chez Polybe, le terme Galloi sert à désigner les Galates d’Asie mineure, c’est pourquoi nous ne pensons pas qu’il soit à l’origine de la mention. Il en est de même pour Strabon (12.5.1), qui emploie également la forme Γαλλογραικία (et l’ethnique associé) pour désigner la Galatie. Là encore on pourrait proposer Charax comme source du lemme. La mention d’οἰκήτορες se trouve surtout pour désigner les habitants des lieux qui ne sont pas des villes (χώρα, χωρίον, μοῖρα, ὄρος, τόπος …) ; elle est donc tout à fait légitime ici.

Localisation et archéologie Le terme de Gallia et Galloi apparaît en grec avec Polybe pour désigner les Galates d’Asie mineure ; c’est encore l’usage qu’en fait Strabon. Le terme est donc latin mais a au départ une signification différente de celle des auteurs romains de la fin de la République. À partir du milieu du ier siècle de notre ère, Flavius Josèphe l’emploie avec le sens de Gaule. Chez les auteurs latins, Gallia apparaît chez le poète Ennius et gallicus chez Plaute ; ces termes se rapportent à la Gaule cisalpine. Il faut distinguer d’abord la Gaule cisalpine correspondant au nord de l’Italie, autour de la vallée du Pô, qui est celle que mentionne la notice de l’Épitomé. La conquête de l’Italie amène les Romains à prendre possession de la Gaule transalpine, qui sera appelée ultérieurement Narbonnaise (première mention chez Cicéron, ad. Fam. 10.9, en 43 av. J.-C.). Cette province est également appelée citerior, pour la distinguer de la Gallia ulterior,

472

62* – ΓενΟα/GENOA [Λ (M ?)]

de la même manière que l’on a dans un premier temps une Hispania citerior et une Hispania ulterior. Enfin, on notera les formes latines de Gallia togata (pour désigner la Cisalpine chez César/Hirtius 8.52.1) et, par opposition, de Gallia bracata (Pomponius Mela 2.74) pour la Narbonnaise. La conquête de la Gaule par Jules César intervient entre 58 et 52 av. J.-C. Elle conduit les légions romaines jusqu’en (Grande-)Bretagne et en Gaule belgique. L’entreprise sera poursuivie sous Auguste contre les Germains mais s’interrompra avec la lourde défaite de Varus en 9 ap. J.-C. Nous ne détaillerons pas plus ici les éléments se rapportant à la Gaule, la notice conservée dans l’Épitomé étant consacrée à la seule Gaule cisalpine, située en Italie à l’époque impériale.

Chronologie des mentions iiie s. av. : Plaute, Gallicus – iie s. av. : Ennius, Gallia ; Polybe, Γάλλοι (= Galates) – i er s. av.  :  Cicéron, Gallia  ; Jules César, Gallia – ier  s.  :  Strabon, Γαλλία, Γάλλοι (= Galatie, Galates) ; Pomponius Mela, Gallia, Gallicaei  ; Pline l’Ancien, Gallia  ; Flavius Josephe, Γαλλία, Γάλλοι – iie s. : Plutarque, Γάλλοι ; Charax ?, Γαλλία ?, Γάλλοι ? ; Appien, Γάλλοι ; Ptolémée, Γαλλία ; Lucien, Γάλλοι – iiie s. : Hérodien, Γαλλία – ive s. : Eusèbe de Césarée, Γαλλία, Γάλλοι ; Basile de Césarée, Γαλλία, Γάλλοι – ve  s.  :  Synésios de Cyrène, Γαλλία  ; Socrate, Γαλλία  ; Sozomène, Γαλλία.

Bibliographie indicative RE VII, 1 (1910), col. 639-666 (s.v. Gallia) Weiss ; Smith 1854 (s.v.  Gallia Cisalpina et Gallia Transalpina)  ; Duval 1974 ; Silberman 1988, p. 211. Barrington Atlas : 1 D1 (Gallia) ; http://pleiades.stoa.org/places/993

62* – ΓενΟα/GENOA [Λ (M ?)] Ville – Italie (Ligurie) (γ 50 Billerbeck)            Artémidore (Abrégé ?) Livre 11 – Second abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 17,8 % – taux théorique : 20 %). Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé et traduction (en grisé, forme erronée restituée du manu­scrit archétype disparu, corrigée dans la notice normalisée)

Γενόα· πόλις τῶν λιγυρῶν(a) †σταλία καλουμένη νῦν†(b) ὡς ἀρτεμίδωρος. τὸ ἐθνικὸν γενοάτης. a)  Λιγύρων Meineke  :  λιγυρῶν QPN, ἰλλυριῶν R. b)  Ἰταλία καλουμένη νῦν Bouiron  :  †σταλία καλουμένη νῦν† Billerbeck, Ἰταλία, ὡς Ἀρτεμίδωρος, καλουμένη νῦν susp. Berkel, Ἰταλία νῦν καλουμένη susp. Schiano. a – Erreur d’accentuation lors de la translittération ? b – Erreur lors de l’abréviation ?

Γενόα· [A]   |1|  πόλις τῶν Λιγύρων, Ἰταλία καλουμένη νῦν, ὡς

Ἀρτεμίδωρος [F 40 Stiehle].

[D] |2| τὸ ἐθνικὸν Γενοάτης [Artémidore ?].

Genoa :  [A] |1| ville des Ligures, [région] appelée maintenant Italie, selon Artémidore. [D] |2| L’ethnique est dit Genoatês.

Lexiques et commentaires grecs et byzantins xiie siècle – Eustathe Thessalonique (Com. Dion. 294) ἄρχεται δὲ ἀπὸ τῶν αὐτῶν χωρίων, ἀφ’ ὧν καὶ τὰ ῥηθησόμενα ἐν τοῖς ἑξῆς Ἀπέννια ὄρη τὰ κατὰ τὴν Γένουαν, ἥτις ἐστὶ Λιγύων ἐμπόριον. (= Strabon 4.6.1)

Commentaire [A] |1| La ville est rattachée aux Ligures. La forme est citée d’après Artémidore sans précision de livre, ce qui ne permet pas de savoir avec certitude s’il s’agit de l’abrégé de Marcien ou plutôt de l’œuvre originale comme nous le pensons.

63 – ΓΕρμεραι/GERMERAI [Λ ou Ω ?] Contrairement à ce qui a été écrit jusqu’ici, ce n’est pas Stéphane de Byzance qui est à l’origine de l’indication complémentaire. Jusqu’à présent, tous les exégètes de ce texte ont considéré qu’il se rapportait à une nouvelle appellation de la ville, au moment du retour sous domination byzantine (à partir de 538), c’est-à-dire à l’époque où Stéphane de Byzance rédige son lexique. Nous proposons de voir une indication se rapportant non pas à la ville de Gênes mais au rattachement du territoire des Ligures à l’Italie dans le contexte de la conquête de la Rome républicaine. S’il n’est pas exact d’assimiler la Ligurie avec l’Italie, cette région est effectivement incluse dans l’Italie probablement dès l’époque d’Artémidore et c’est ainsi que nous comprenons « Ἰταλία καλουμένη νῦν ». Cette mention peut donc provenir directement de cet auteur et ne se rapporte pas au nom de la ville de Gênes. On notera que cette fausse identification se retrouvait dans l’édition de Pomponius Mela parue à Leipzig en 1806 (p. 406 : « Staliam eliam [etiam] dictam »). [D]  |2|  La forme de l’ethnique semble caractéristique

d’Artémidore ; elle peut provenir également de l’Abrégé d’Artémidore comme de l’œuvre d’origine mais plus vraisemblablement de cette dernière.

Localisation et archéologie C. Schiano place ce fragment dans le livre I d’Artémidore du fait du rattachement aux Ligures (Schiano 2010, p. 147 = F5).

473 La ville tire son origine d’un oppidum appelé Castello, avec une nécropole située sur la Colle di Sant’Andrea immédiatement adjacente. La fouille de cette dernière, au début du xxe siècle, a livré de nombreux mobiliers grecs et étrusques qui montrent l’interpénétration des influences en terre ligure. A la fin du iiie siècle av. J.-C., durant la Deuxième guerre punique, elle fait le choix de s’allier aux Romains et est détruite en 205 av. J.-C. par le général punique Magon. Elle est reconstruite peu après par les Romains. Cette ville étant en dehors de notre périmètre d’étude, nous ne la détaillerons pas plus.

Chronologie des mentions iie s. av. : Artémidore, Γενόα – ier s. : Tite-Live, Genua ; Strabon, Γένουα ; Pomponius Mela, Genua ; Pline l’Ancien, Genua – iie s. : Ptolémée, Γένουα – vie s. : Zosime, Γενούα.

Bibliographie indicative RE VII, 1 (1910), col. 1204-1205 (s.v. Genua 1) Weiss ; Smith 1854 (s.v.  Genua)  ; Milanese 1987  ; Melli 2007. Barrington Atlas : 39 D5 (Genua) ; http://pleiades.stoa.org/places/383664

63 – ΓΕρμεραι/GERMERAI [Λ ou Ω ?]

Peuple – Gaule ? (γ 62 Billerbeck)            pseudo-Aristote Livre 11 – Second abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 17,8 % – taux théorique : 20 %). Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé et traduction (en grisé, forme erronée restituée du manu­scrit archétype disparu, corrigée dans la notice normalisée)

Γέρμερα(a)· κελτικῆς ἔθνος, ὃ τὴν ἡμέραν οὐ βλέπει, ὡς ἀριστοτέλης περὶ θαυμασίων, τοὺς δὲ λωτοφάγους καθεύδειν ἑξάμηνον. a) Γέρμεραι susp. Meineke : Γέρμερα RQP Billerbeck Meineke, Γέρμαρα N.

Γέρμεραι· [Da]   |1|  Κελτικῆς ἔθνος, ὃ τὴν ἡμέραν οὐ βλέπει, ὡς Ἀριστοτέλης περὶ θαυμασίων [Rose, ps. falsa var. 16], τοὺς δὲ Λωτοφάγους καθεύδειν ἑξάμηνον.

Germerai :  [D] |1| peuple de Celtique, qui ne voit pas le jour, selon Aristote (Des Merveilles), tandis que les Lotophages dorment pendant six mois.

474

64 – ΓλΑνις/GLANIS [Λ]

Commentaire Nous ne savons pas si la notice provient du lexiquesource ou s’il s’agit d’une notice rédigée par Oros. [Da] |1| le peuple celtique est connu par la seule mention

de Stéphane de Byzance, et n’apparaît pas dans l’œuvre du pseudo-Aristote telle que nous l’avons conservée. Il est donc difficile de donner plus de précisions.

Localisation et archéologie L’indication d’un peuple qui ne voit pas le jour semble se rapporter à des contrées proches du cercle polaire. Cette mention trouve-t-elle son origine chez Pythéas ? La comparaison avec les Lotophages, qui dorment six mois par an, pourrait le laisser penser. On notera également que l’on retrouve dans le nom de ce peuple la racine germqui est celle du nom des Germains. Le nom de Germani n’apparaît en latin qu’à partir de César (B.  G. 1.1) et concerne les peuples situés sur la rive droite du Rhin.

Nous ne connaissons pas l’origine de ce nom bien que des hypothèses de nature différentes aient été proposées (celtique ou latine). Pour renforcer notre difficulté de compréhension, l’absence du texte cité dans la notice dans l’œuvre que nous avons conservée sous le nom d’Aristote ne permet pas de comprendre le contexte dans lequel ce peuple apparaît. La mention de peuple celtique pourrait toutefois renvoyer à une période préaugustéenne. Si l’on met ce texte en relation avec l’œuvre de Timée, assez féru d’éléments mythographique, l’indication serait de la première moitié du iiie siècle av. J.-C.

Chronologie des mentions iiie s. av. : pseudo-Aristote ?, Γέρμεραι (Κελτικῆς).

Bibliographie indicative Sans objet

64 – ΓλΑνις/GLANIS [Λ]

Fleuve – Hispanie (γ 81 Billerbeck)            II- Artémidore ? Livre 11 – Second abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 17,8 % – taux théorique : 20 %). Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé et traduction (en grisé, forme erronée restituée du manu­scrit archétype disparu, corrigée dans la notice normalisée)

Γλάνις· ποταμὸς κύμης, ὡς λυκόφρων « γλάνις δὲ ῥείθροις δέξεται τέγγων χθόνα  ». καὶ ἀπ’ αὐτοῦ ἰχθῦς (a)(b) ὁ καλούμενος γλάνιος(c). ἔστι καὶ ἰβηρίας ποταμός. ἔστι καὶ ἰταλίας τρίτος ποταμὸς περὶ τὸν τίβεριν ποταμόν. a)  ἰχθὺς R  :  ἰχθῦς QPN. b)  γλάνις post. ἰχθὺς add. PN. c) γλανέος Billerbeck : γλάνιος RQPN. a – Erreur d’accentuation lors de la translittération. c – Erreur de copie lors de l’abréviation ?

Γλάνις· I-[A] |1| ποταμὸς Κύμης, ὡς Λυκόφρων [v. 718] « Γλάνις δὲ ῥείθροις δέξεται τέγγων χθόνα ». [C] |2| καὶ ἀπ’ αὐτοῦ ἰχθὺς ὁ καλούμενος γλανέος. II-[A] |3| ἔστι καὶ Ἰβηρίας ποταμός. III-[A] |4| ἔστι καὶ Ἰταλίας τρίτος ποταμὸς περὶ τὸν Τίβεριν

ποταμόν.

Glanis :  I-[A] |1| fleuve de Cymé, selon Lycophron « le Glanis [les] recevra en mouillant la terre de ses flots ». [C] |2| Et c’est de lui que tire son nom le poisson glaneos. II-[A] |3| C’est aussi le nom d’un fleuve d’Ibérie. III-[A] |4| C’est aussi le nom d’un troisième fleuve, en Italie, près du Tibre.

Lexiques et commentaires grecs et byzantins Scholia in Oppianum (Halieutica, schol. vet. et rec., 1, schol. 113) ὄλισθον· γλίσχρος γάρ ἐστιν, γλανεόν. vie siècle – Lexique d’Hesychius (γ 583) γλανίς· ἀργός. ǁ καὶ εἶδος ἰχθύος. ǁ οἱ δὲ γλάνιος.

65 – ΓΛΗΤΕΣ/GLÊTES [Λ]

475

xe siècle – Souda (γ 278 Adler) γλανίς· εἶδος ἰχθύος. ǁ καὶ χρησμολόγος, Βάκιδος ἀδελφός.

v. 718) ou au poisson (comme dans le lexique du Lexique du pseudo-Zonaras ou la Souda, γ 278, tiré des scholies à Aristophane, Eq. 1004).

xiiie siècle – Lexique du pseudo-Zonaras (438.31) γλάνις· εἶδος ἰχθύος.

Nous ne possédons aucune mention d’auteur pour un fleuve ibérique de ce nom. Il semble peu probable qu’il s’agisse d’une erreur pour le fleuve italien que mentionne Appien (Bell. civ. 1.10.89). La mention pourrait provenir d’Artémidore, mais de nombreux auteurs emploient le terme d’Ibêria.

xiie siècle – Jean Tzétzès (schol. Lycophr. v. 718) Γλάνις ποταμὸς Ἰταλίας καὶ Κύμης, ἔνθα καὶ ὁμώνυμος αὐτῷ ἰχθύς, ὥς φασι, γίνεται οὗ ἡ χολὴ λίαν ὠφέλιμος, ἀλλὰ μόνου τοῦ ἐν ἐκείνῳ *τῷ* ποταμῷ. ἔστι δὲ καὶ ἕτερος ποταμὸς Ἰταλίας Γλάνις καταφερόμενος εἰς τὸν Θύμβριν καὶ ἄλλος Ἰβηρίας.

Commentaire La notice de l’Épitomé provient de l’agrégation de plusieurs notices du lexique-source. II-[A] |3| Les mentions de Glanis que nous avons conser-

vées correspondent au fleuve italien (Denys d’Halicarnasse 7.3.3), au fleuve de Cymé (Lycophron, Alex.

Localisation et archéologie Ce fleuve ibérique n’est pas connu par ailleurs. Nous ne pouvons donc pas préciser sa localisation.

Chronologie des mentions Sans objet

Bibliographie indicative THA IIB 142am ; González Blanco 1991, p. 25, 31.

65 – ΓΛΗΤΕΣ/GLÊTES [Λ]

Peuple – Hispanie (Bétique) (γ 85 Billerbeck)            Hérodore Livre 11 – Second abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 17,8 % – taux théorique : 20 %). Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé et traduction (en grisé, forme erronée restituée du manu­scrit archétype disparu, corrigée dans la notice normalisée)

Γλῆτες· ἔθνος ἰβηρικὸν μετὰ τοὺς κυνήτας(a), ἡρόδορος(b) ιʹ.

Commentaire

a)  Κύνητας Meineke (e Const. Porph.)  :  κυνήτας RQPN. b) ἡρόδωρος Rpc : ἡρόδορος RacQPN.

La notice provient du lexique-source.

a – Erreur d’accentuation lors de la translittération. b – Erreur d’onciales (Ο lu au lieu de Ω)  ? Erreur lors de l’abréviation ?

[Da] |1-2| La mention d’Hérodore se retrouve de façon

Γλῆτες· [Da] |1| ἔθνος ἰβηρικὸν μετὰ τοὺς Κύνητας. |2| Ἡρόδωρος

ιʹ [FGrHist 31 F 2c].

Glêtes  :  [D]  |1|  peuple ibérique au-delà des Kunêtes. |2| Hérodore (10e livre).

plus détaillée (avec citation) dans la notice Ibêria (cf. fiche [100])  ; Stéphane de Byzance devait probablement répéter ici la citation. On trouve chez Strabon (3.4.19) le nom des Iglêtes, d’après Asclépiade de Myrlée. Voir également la notice Tlêtes [216], erreur de lecture pour Glêtes, mentionnés par Théopompe. L’indication de peuple ibérique est un élément intéressant puisqu’il témoigne d’une époque où l’ensemble de la péninsule ibérique porte ce nom ; il semble que c’était déjà le cas chez Hérodore si l’on suit la citation de la notice Ibêria.

476

66* – ΓΟΤΘΟΙ/GOTTHOI [Ω + Σ]

Localisation et archéologie

Chronologie des mentions

Le peuple des Glêtes est situé au nord des Kunêtes suivant Hérodore. Ils sont connus également sous la forme Iglêtes : Strabon (3.4.19) précise que selon Asclépiade de Myrlée, on avait à un moment donné appelé Iglêtes les habitants de la péninsule ibérique. Cette indication semble provenir d’une confusion que nous permet d’entrevoir Aviénus : un fleuve nommé Hiberus (le rio Tinto) se serait trouvé à proximité immédiate de ce peuple. C’est probablement par confusion avec l’Èbre et par extension avec le nom donné à l’Ibérie qu’Asclépiade a transmis cette information (voir là-dessus entre autres THA IIB, p. 980-981 ; Cruz-Andreotti 2002, p. 159-163).

ve s. av. : Hérodore, Γλῆτες – ive s. av. : Théopompe/ Pythéas, Τλῆτες (=Γλῆτες) ; [Aviénus, Ora maritima], I(g)leates – ier s. av. : Asclépiade de Myrléa, Ἰγλῆτες – ier s. : Strabon, Ἰγλῆτες.

Aviénus (Ora marit. v. 301-304) semble mentionner ce peuple sous le nom d’Ileates, qu’il situe entre les Etmanei et l’ager Cempsorum. Il existe donc une confusion sur le nom exact de ce peuple, due très certainement à des erreurs de lecture du nom tel qu’on le trouvait chez différents auteurs. On peut se demander si la forme Γλῆτες/ Tλῆτες ne possédait pas un ‘I’ initial mal lu par Hérodore et Théopompe.

La forme d’origine semble être Iglêtes, que le texte conservé d’Aviénus présente avec une erreur (le ‘g’ a disparu) et peut-être avec ‘ea’ pour ‘ῆ’.

Bibliographie indicative RE IX, 1 (1914), col. 966 (s.v. Igletes) Schulten ; THA II A 46 (III)  ; IIB 64c  ; IIB 142an et cg  ; Tovar 1974, p. 25 ; González Blanco 1991, p. 25, 29-30, 31, 35 ; Cruz-Andreotti 2002, p. 159-163. Barrington Atlas : 26 (Gletes/Tletes/Igletes, unlocated) ; http://pleiades.stoa.org/places/260558

66* – ΓΟΤΘΟΙ/GOTTHOI [Ω + Σ] Peuple (hors cadre d’étude) (γ 104 Billerbeck)            Parthénios de Phocée Livre 11 – Second abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 17,8 % – taux théorique : 20 %). Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé et traduction (en grisé, forme erronée restituée du manu­scrit archétype disparu, corrigée dans la notice normalisée)

Γότθοι· ἔθνος πάλαι οἰκῆσαν ἐντὸς τῆς μαιώτιδος. ὕστερον δὲ ἐς τὴν ἐντὸς θράκης(a) μετανέστησαν, ὡς εἴρηταί μοι ἐν τοῖς βυζαντικοῖς(b). μέμνηται τούτων ὁ φωκαεὺς(c) παρθένιος. a)  εἰς τὴν ἐκτὸς θράκην R  :  ἐς (Pac, εἰς Ppc) τὴν ἐντὸς θράκης QPN. b)  Βυζαντιακοῖς Meineke  :  βυζαντικοῖς RQPN. c) βυζάντιος post φωκαεὺς add. R. a – Erreur due à l’abréviation, par assimilation avec ce qui précède ? Ou bien lors de la translittération (N/K) ? b – Erreur lors de la translittération ou de la phase d’abréviation ?

Γότθοι· [Da] |1| ἔθνος [Db] πάλαι οἰκῆσαν ἐντὸς τῆς Μαιώτιδος.

|2|  ὕστερον δὲ εἰς τὴν ἐκτὸς Θρᾴκην μετανέστησαν, ὡς εἴρηταί μοι ἐν τοῖς Βυζαντιακοῖς. |3|  μέμνηται τούτων ὁ Φωκαεὺς Παρθένιος.

Gotthoi  :  [Da]   |1|  peuple [Db]   qui habitait autrefois en-deçà du Maiôtis. |2| Plus tard ils ont émigré en Thrace extérieure, comme je le dis dans l’article sur les Byzantiakoi. |3| Parthénios de Phocée les mentionne.

66* – ΓΟΤΘΟΙ/GOTTHOI [Ω + Σ]

477

Lexiques et commentaires grecs et byzantins

Localisation et archéologie

ixe siècle – Théophane le confesseur (Chronographia, p. 94 = Constantin Porphyrogénète, De Adm. Imperio § 25 l. 24) οἱ δὲ Ἰσίγοτθοι μετὰ Ἀλάριχον τὴν Ῥώμην πορθήσαντες, εἰς Γαλλίας ἐχώρησαν καὶ τῶν ἐκεῖ ἐκράτησαν. Γότθοι δὲ Παννονίαν ἔχοντες πρῶτον, ἔπειτα ιθʹ ἔτει τῆς βασιλείας Θεοδοσίου τοῦ νέου, ἐπιτρέψαντος, τὰ τῆς Θρᾴκης χωρία ᾤκησαν, καὶ ἐπὶ νηʹ χρόνους ἐν τῇ Θρᾴκῃ διατρίψαντες, Θευδερίχου ἡγεμονεύοντος αὐτῶν πατρικίου καὶ ὑπάτου, Ζήνωνος αὐτοῖς ἐπιτρέψαντος, τῆς ἑσπερίου βασιλείας ἐκράτησαν. τὰ χρήματα.

Peuple originaire de la Scandinavie, ayant migré vers le sud vers la fin du iie – début du iiie siècle de notre ère, jusqu’au contact avec la frontière de l’Empire romain (Kazanski 1991, p. 28). Ils s’installent alors vers le cours inférieur du Danube. Les sources antiques signalent qu’à partir de 238, les Goths lancent de là des attaques vers les Balkans et, en passant par la mer Noire, vers l’Asie mineure et la mer Égée. Cette première série s’achève en 271 avec la victoire des Romains. Ils en sont chassés en 375 par les Huns alliés aux Alains. Commence alors une migration vers l’ouest, au sein de l’Empire Romain (Kazanski 1991, p. 61 sq.).

xe siècle – Souda (γ 406 Adler = Ambr. 492) Γοτθοί· ζήτει τὴν συναλοιφήν.

Commentaire La notice provient vraisemblablement d’Oros et comprend semble-t-il une insertion de Stéphane de Byzance. [Da-Db] |1| La localisation du peuple ne remonte pas au Haut-Empire, puisqu’ils n’apparaissent dans la région du Danube qu’au début du iiie siècle. Ici, la détermination géographique se base sur le marais Méotide, situé à l’embouchure du Danube. La forme du nom est caractéristique des IVe-ve siècles. |2| La mention des Byzantiakoi peut correspondre à plusieurs hypothèses. La plus évidente est qu’elle relève de Stéphane de Byzance : nous pensons qu’elle concerne un renvoi interne à la notice sur Byzance, dans la partie sur l’ethnique, plutôt qu’à une œuvre spécifique (cf. supra p. 89-90). Mais on peut aussi imaginer qu’il s’agissait d’une citation passée dans le texte. |3| La mention de Parthénios de Phocée est introduite par μέμνηται, terme que l’on trouve aussi bien dans la partie issue du lexique-source que dans les mentions plus tardives issues d’Oros, souvent précédées de οὗ ou ἧς.

Nous ne détaillerons pas plus l’histoire de ce peuple qui sort du cadre géographique que nous nous sommes fixés. On mettra toutefois cette notice en relation avec les deux autres concernant des peuples germaniques : Alamanoi [16] et Phrangoi [227]. Les trois peuvent se rapporter à un auteur totalement inconnu, Parthénios de Phocée et pourraient faire référence aux combats des alentours du milieu du iiie siècle.

Chronologie des mentions iie s. : Tacite, Gothones – ive s. : Parthénios de Phocée ? Γότθοι  ; Athanase d’Alexandrie, Γότθοι  ; Cyrille de Jérusalem, Γοτθία, Γότθοι  ; Themistios, Γοτθικὸν  ; Épiphane de Salamine, Γοτθία, Γότθοι ; Jean Chrysostome, Γοτθία, Γότθοι – ve  s.  :  Philostorge, Γότθοι  ; Socrate, Γότθοι ; Théodoret de Cyr, Γότθοι ; Sozomène, Γότθοι ; Priscos, Γότθοι – vie s. : Zozime, Γότθοι.

Bibliographie indicative RE S III (1918), col.  797-845 (s.v.  Goti) Schönfeld  ; Smith 1854 (s.v. Gothi) ; Kazanski 1991. Barrington Atlas : 13 H1 (Gothi) ; http://pleiades.stoa.org/places/128402

478

67 – ΓΡΑΜΜΙΤΑΙ/GRAMMITAI [Λ]

67 – ΓΡΑΜΜΙΤΑΙ/GRAMMITAI [Λ]

Peuple – Gaule ? (γ 108 Billerbeck)            II- Artémidore ? Livre 11 – Second abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 17,8 % – taux théorique : 20 %). Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé et traduction (en grisé, forme erronée restituée du manu­scrit archétype disparu, corrigée dans la notice normalisée)

Γράμμιον(a)· πόλις ἐν κρήτῃ. οἱ πολῖται γραμμῖται καὶ γραμίτιοι(b). εἰσὶ δὲ (c) γραμμῖται πρὸς τῇ κελτικῇ ἔθνος. a)  Γράμμιον RPN  :  Γράμιον Q. b)  Γραμμίσιοι Dindorf  : γραμήσιοι R, γραμίτιοι QPN. c)  καὶ add. Billerbeck (mon. Meineke, qui καὶ ante πρὸς add.). b – Erreur de lecture d’onciales lors de la translittération (ΓΡΑΜITIOIЄICI lu au lieu de ΓΡΑΜΜΙCIOIЄICI) ?

Γράμμιον· I-[A] |1| πόλις ἐν Κρήτῃ. [D] |2| οἱ πολῖται Γραμμῖται καὶ Γραμμίσιοι. II-[Da] |3| εἰσὶ δὲ Γραμμῖται πρὸς τῇ Κελτικῇ ἔθνος [Artémidore ?].

Grammion :  I-[A] |1| ville en Crète. [D] |2| Les citoyens sont des Grammitai ou des Grammisioi. II-[Da] |3| Les Grammitai sont un peuple

du côté de la Celtique.

Commentaire La notice est vraisemblablement issue du lexique-source. Il s’agit d’une notice double, accolant un lemme de ville avec un peuple. II-[Da] |3| Il n’existe aucune autre mention de ce peuple ;

nous ne pouvons l’attribuer à un auteur particulier mais l’indication de Celtique peut s’appliquer à Artémidore. La détermination géographique se retrouve pour l’île Pretanikê [179].

Localisation et archéologie Le peuple est totalement inconnu. A-t-il un rapport avec les Germerai de la notice [63] ? L’indication de « πρὸς τῇ Κελτικῇ  » implique un peuple proche de l’espace appelé Celtique qui comprend au sens large une partie de l’Ibérie et l’ensemble de la Gaule. Aucun peuple de ce nom n’est référencé dans la péninsule ibérique ; faut-il le placer du côté de la Germanie ? Ce nom pourrait parfaitement provenir d’Artémidore et se rapporter alors à un peuple situé probablement du côté ibérique des Pyrénées ou bien sur le versant italien des Alpes. Le rapprochement avec la notice Pretanikê [179]  permettrait d’y voir un peuple proche de la (Grande-) Bretagne, peutêtre mentionné par Pythéas par l’intermédiaire d’Artémidore. On connait également, d’après l’Itinéraire d’Antonin, un toponyme Gramatum, qui était situé entre Mandeure (Doubs) et Largitzen (Haut-Rhin), dans le nord-est de la France (Colney 2008). S’il existe une correspondance avec notre lemme, cela signifierait peut-être que le peuple était positionné au nord-ouest de la Suisse actuelle. Mais cela semble peu probable car nous sommes là en plein espace celtique.

Chronologie des mentions iie s. av. : Artémidore ?, Γραμμῖται (πρὸς τῇ Κελτικῇ).

Bibliographie indicative Colney 2008.

68 – ΓΥΜΝΗΣΙΑΙ/GUMNÊSIAI [Λ (+Ω ?)]

479

68 – ΓΥΜΝΗΣΙΑΙ/GUMNÊSIAI [Λ (+Ω ?)]

Îles – Îles (Baléares) (γ 118 Billerbeck)            Artémidore ? Hécatée ? + Lycophron + Polybe Livre 11 – Second abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 17,8 % – taux théorique : 20 %). Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé et traduction (en grisé, forme erronée restituée du manu­scrit archétype disparu, corrigée dans la notice normalisée)

Γυμνησίαι(a)· β’ νῆσοι περὶ τὴν τυρσηνίδα, οὐχ ὥς τινες μία(b). λυκόφρων «  οἱ δ’ ἀμφικλύστους(c) χοιράδας(d) γυμνησίας σισυρνοδύται (e) καρκῖνοι (f ) πεπλωκότες (g ) ἄχλαινιν (h) ἀμπρεύσουσι νήλιποι(i) πόνον(j). καὶ ἀρσενικῶς καὶ θηλυκῶς ἐθνικὸν(k) γυμνήσιος καὶ γυμνησία(l). καὶ γυμνησίς, ἀπὸ τῆς γύμνητος(m) γενικῆς τροπῇ τοῦ τ εἰς σ. ἐκλήθη δὲ τὸ ἔθνος ὅτι τῷ θέρει γυμνοὶ(n) μένουσιν. ἐκλήθησαν δὲ καὶ βλιαρίδες(o), ἀφ’ οὗ βλιαρεῖς(p) τὸ ἐθνικόν, ὅ ἐστι σφενδονῆται(q) (r). a)  Γυμνησίαι QPN  :  Γυμνησία R. b)  ἑπτά Meineke (ex Tzetzes) : μία RQPN. c) ἀμφικλύστους Aldus : ἀμφι cum spatio R, ἀμφικλ cum spatio Q, ἀμφικλοστοὺς Ppc (-οστ – in spatio) N. d) χοιράδας Xylander : spatium ράδας RQ, χαράδας Ppc (-αρ – in spatio), χαράδρας N. e) σισυρνοδῦται Aldus : σισυρνοδύται RQP, σισυρνοδίται N. f )  καρκίνοι Xylander  :  καρκῖνοι RQPN. g)  πεπλωκότες Aldus  :  πεπλευκότες RPpcN, πεπλ spatium 5 litt. τες QPac. h) ἄχλαινον Aldus : ἄχλαινιν RQPN. i)  ἀμπρεύσουσι νήλιποι Meineke  :  ἀμπρεύσουσι νήλ spatium 2 litt. ποι R, ἀμπρεύσουσιν ηλποι QP, ἀμπρεύσουσι spatium ποι N. j) βίον Aldus : πόνον RQPN. k) καὶ θηλυκῶς ἐθνικὸν Q : lac. indic. om. R ; καὶ θηλυκῶς cancell. (ἐθνικὸν superscr.) P, καὶ θηλυκῶς om. N. l) γυμνήσιος καὶ γυμνησία R : γυμνάσιος καὶ γυμνασία Q ; γυμνάσιος γυμνασία P, γυμνήσιος γυμνασία N. m) γύμνητος RPpcN : γυμνη QPac. n) γυμνοὶ RQN : γυμνοῖ P. o)  Βαλιαρίδες Xylander  :  βλιαρίδες RpcQPN βληαρίδες Rac. p)  Βαλιαρεῖς Xylander  :  βλιαρεῖς RpcQPN βληαρεῖς Rac. q) σφενδονῆται QP : σφενδονῖται R, σφενδονίται N. r)  add. Bouiron (ex Eust.). b – Erreur de lecture d’onciales (lu TINЄCMIA au lieu de TINЄCЄΠTA). La mention d’Eustathe provient de Strabon et non de la 1e abréviation. e, f – Erreur d’accentuation lors de la translittération. h – Erreur de lecture lors d’une des phases d’abréviation ? j – Variante du texte ? o, p – Erreur de lecture d’onciales (BAΛIAPIΔЄC lu BΛHAPIΔЄC et BAΛIAPЄC lu BΛHAPЄIC) ?

Γυμνησίαι· [A] |1| δύο νῆσοι περὶ τὴν Τυρσηνίδα, οὐχ ὥς τινες ἑπτά [Artémidore ?]. |2| Λυκόφρων [v. 633-635] « οἱ δ’ ἀμφικλύστους χοιράδας Γυμνησίας σισυρνοδῦται καρκίνοι πεπλωκότες ἄχλαινον ἀμπρεύσουσι νήλιποι βίον ». [D]   |3|  καὶ ἀρσενικῶς καὶ θηλυκῶς ἐθνικὸν Γυμνήσιος [Hécatée ?] [E] καὶ Γυμνησία [Hécatée ?]. |4| καὶ Γυμνησίς,

ἀπὸ τῆς Γύμνητος γενικῆς τροπῇ τοῦ τ εἰς σ. |5| ἐκλήθη δὲ τὸ ἔθνος ὅτι τῷ θέρει γυμνοὶ μένουσιν. [F] |6| ἐκλήθησαν δὲ καὶ Βαλιαρίδες, ἀφ’ οὗ Βαλιαρεῖς [Polybe] τὸ ἐθνικόν, ὅ ἐστι σφενδονῆται .

Gumnêsiai : [A] |1| deux îles de la mer Tyrrhénienne, et non sept comme disent certains. |2| Lycophron : « D’autres, qui vers les rochers entourés d’eau des Baléares | auront navigué, crabes vêtus de peaux velues, | pieds nus traîneront une vie sans manteau » [trad. Lambin]. [D] |3| Et l’ethnique se dit Gumnêsios, pour le masculin et le féminin ; [E] et Gumnêsia, |4| et Gumnêsis, tirés du génitif Gumnêtos avec changement de τ en σ.|5|  Le peuple a reçu ce nom, parce qu’ils passent l’été ‘nus’ (gumnoi). [F] |6| On les appelait également Baliarides, d’où l’ethnique Baliareis, c’est-à-dire «  ceux qui utilisent des frondes » .

Lexiques et commentaires grecs et byzantins vie siècle – Lexique d’Hesychius (β 158) Βαλιαρίδες· νῆσοι αἱ περὶ Κύρνον. αἱ δὲ αὐταὶ καὶ Γυμνησίαι. xiie siècle – Jean Tzétzès (schol. Lycophr. v. 633 et 643) Γυμνησίαι· δύο νῆσοι περὶ τὴν Τυρσηνίδα, οὐχ ὥς τινες ἑπτά. ἐκλήθησαν δὲ καὶ Βαληαρίδες. οἱ δ’ ἀμφικλύστους· νῆσοί εἰσι περὶ τὴν Τυρσηνίαν. μέμνηται δὲ αὐτῶν καὶ Ἀρτεμίδωρος. Τίμαιος δέ φησιν

480 εἰς ταύτας τὰς νήσους ἐλθεῖν τινας τῶν Βοιωτῶν, ἅστινας νήσους χοιράδας εἶπεν. Φιλτέας δὲ ἐν τρίτῃ Ναξιακῶν Βαλιαρίδας φησὶν αὐτὰς ὕστερον ὀνομασθῆναι. εἰσὶ δὲ οἱ ἐν αὐταῖς κατοικοῦντες ἄριστοι σφενδονῆται· αἱ γὰρ μητέρες αὐτῶν τιθέασιν ἐπί τινος ξύλου εἰς ὕψος τὸν s ἄρτον καὶ οὐ πρότερον αὐτοῖς διδόασι φαγεῖν, πρὶν καταβαλεῖν τὸν ἄρτον. ταῦτα μὲν οὖν οὗτοι περὶ Γυμνησίων νήσων. Δίων δὲ ὁ Κοκκειανὸς ταύτας πλησίον φησὶν Ἴβηρος εἶναι ποταμοῦ πλησίον τῶν Εὐρωπαίων Ἡρακλείων στηλῶν, ἃς νήσους Ἕλληνες μὲν καὶ Ῥωμαῖοι κοινῶς Γυμνησίας φασίν, Ἴβηρες δὲ Βαλερίας ἤτοι ὑγιεινάς ἕτεροι δὲ Γυμνασίας οὕτως αὐτὰς φασὶ κληθῆναι, ὅτι οἱ περισωθέντες τῶν Ἑλλήνων ἐκεῖσε γυμνοὶ ἐξήχθησαν καὶ συνοικήσαντες γυναιξὶν οὕτω καὶ τὰς νήσους καὶ τοὺς παῖδας ἐκάλεσαν. ἕτεροι δὲ ἤγουν οἱ Βοιωτοί, οὓς καὶ καρκίνους λέγει πλεύσαντες εἰς τὰς χοιράδας καὶ πέτρας τὰς Γυμνησίας διάξουσι γυμνὸν βίον ἀνυπόδετοι γʹ σφενδόνας κατέχοντες, μίαν τῷ τραχήλῳ ἑτέραν περιεζωσμένοι τῇ ὀσφύι καὶ τρίτην τῇ χειρὶ κατέχοντες, ὅπου αἱ μητέρες τὴν σφενδονητικὴν τοῖς νηπίοις παισὶ διδάσκουσιν. οὐ γάρ τις τῶν παίδων τῶν ἐκεῖ γεύεται ἄρτου, εἰ μὴ καταβάλῃ αὐτὸν εὐστοχίᾳ σφενδονητικῇ ἀντὶ σκοποῦ κείμενον ὑπὲρ σανίδος. σίσυρνα δὲ παχὺ περιβόλαιον ἢ δερμάτινον ἱμάτιον ἡ λεγομένη γούννα ἥντινα Σιμωνίδης ὑποκοριστικῶς εἶπε . (…)

68 – ΓΥΜΝΗΣΙΑΙ/GUMNÊSIAI [Λ (+Ω ?)] ὅτι ἐπὶ ταῖς Γυμνησίαις νήσοις ἡ Βοῦσός ἐστιν, ἣν Ἡρωδιανὸς ἐν τῇ καθόλου προσῳδίᾳ ὀξύνει, Βουσός ἀναγινώσκων. ταύτης ὁ κύκλος τετρακοσίων σταδίων, ὡς ὁ Γεωγράφος φησίν. xiiie siècle – Lexique du pseudo-Zonaras (373.1) Βαλιαρίδων· νήσων, ἐν αἷς κατοικοῦσι σφενδονεῖται εὔστοχοι.

Commentaire La notice est issue du lexique-source, avec peut-être des insertions d’Oros. Elle est divisée en deux parties. La première concerne le toponyme de Gumnêsiai ; la seconde le terme plus récent de Baliarides. [A] |1| Les îles sont mentionnées par Strabon (2.5.19 et

30, 3.2.5-6, 3.4.7, 3.5.1), Diodore de Sicile (5.17.1), la préface d’Appien (Prooem. 5.16) et Denys le Périégète (v. 457). On les trouve également chez le pseudo-Aristote (Mirab. auscult. 837a, 88 Giannini). Le début de la notice trouve une correspondance avec la scholie de Lycophron par J. Tzétzès : chez cet auteur, il est fait mention d’Artémidore, qui peut être la source de l’indication géographique.

Ἰβηροβοσκοὺς· αἱ γὰρ Γυμνήσιαι οὐ πόρρω εἰσὶ τῶν Ἰβήρων.

|2| La citation provient de Lycophron (v. 633-635). Elle est conservée de manière assez complète.

xiie siècle – Eustathe de Thessalonique (Com. Dion. 457) ὅτι μετὰ τὰ Γάδειρα αἱ Γυμνήσιαι νῆσοι, οὕτω κληθεῖσαι ἢ διὰ τὸ γυμνοὺς καὶ ἀχλαίνους κατὰ τὸν Λυκόφρονα ἐκεῖ ἐξενεχθῆναι διὰ ναυαγίαν τινὰς τῶν Βοιωτῶν, ἢ ὅτι γυμνοὶ διάγουσιν οἱ ἐκεῖ. ἐκλήθησαν δέ ποτε καὶ Βαλιαρίδες αἱ τοιαῦται νῆσοι. ἄριστοι δὲ σφενδονᾶν οἱ ἐν αὐταῖς, ὡς καὶ Λυκόφρων ἱστορεῖ, σφενδόνας ἀνὰ τρεῖς ἔχοντες ἐν τῇ κεφαλῇ. διὸ καὶ Βαλιαρεῖς λέγονται, ὃ ἔστι σφενδονῆται, κατὰ τὴν ἐγχώριον γλῶσσαν. ἑπτὰ δὲ εἰπόντων τινῶν εἶναι τὰς Γυμνησίας νήσους, ὁ Γεωγράφος δύο αὐτὰς ἱστορεῖ, ὧν ἡ μὲν, φησὶ, μείζων, ἡ δὲ ἐλάττων, εὐδαίμονες ἄμφω· καὶ εὐλίμενοι μὲν, χοιραδώδεις δὲ, ἤτοι πετρώδεις καὶ τραχεῖαι, κατὰ τὰ στόματα τῶν λιμένων. οἱ δὲ ἐν αὐταῖς ἄνθρωποι πρῶτοι πλατυσήμους χιτῶνας ἐφεῦρον. λέγεται δὲ καὶ ὅτι εἰς τούτους κομισθέντες πέραθέν ποθεν δύο λαγιδεῖς, ἄρρην καὶ θήλεια, οὕτως εἰς ἐπιγονὴν πολλὴν ηὐξήθησαν, ὥστε καὶ οἴκους ἀνατρέπειν ἐξ ὑπονομῆς καὶ δένδρα. ὅθεν καὶ ἠναγκάσθησαν οἱ ἐκεῖ πρεσβεῦσαι εἰς Ῥωμαίους διὰ χώρας αἴτησιν. εἰσὶ δὲ γεωρύχοι καὶ ῥιζοφάγοι οἱ λαγιδεῖς, οὓς καὶ λεβηρίδας ἐκάλουν τινές.

[D] |3| Le nom du peuple se trouve chez Appien (Lib.

170) mais cette forme pourrait aussi relever d’auteurs anciens comme Hécatée. |4|  Nous n’avons conservé aucune mention avec cette forme.

|5| L’explication se rapporte aux différentes formes de l’ethnique. [F] |6| Les différentes formes dérivées sont très diffici-

lement attribuables à un auteur particulier. Il s’agit très probablement ici d’une reprise de la notice conservée dans l’Épitomé sous le lemme (errroné) de Banaurides (voir fiche [42]). La forme Baliareis se trouve à de nombreuses reprises chez Polybe (1.67.7, 3.33.11 et 16, 3.72.7, 3.83.3, 3.113.6, 15.11.2). On trouve chez Ptolémée (Geogr. 2.6.73) le lien entre les deux géonymes  :  «  καὶ αἱ Βαλλιαρίδες νῆσοι δύο, Γυμνήσιαι δὲ ἑλληνιστὶ, ὧν ἐν μὲν τῇ μείζονι πόλεις δύο ; et les deux îles Baléares, appelées Gumnêsiai en grec, ayant, dans la plus grande, deux villes ».

69 – ΔΑΝΟΥΒΙΣ/DANOUBIS [Σ ? Λ?]

Localisation et archéologie Voir la fiche Banaurides [42].

Chronologie des mentions iie  s. av.  :  Lycophron, Γυμνησίαι  ; Timée, Γυμνησίαι – iie s. av. : Polybe, Βαλιαρεῖς – ier s. av. : Diodore de Sicile, Γυμνησίαι, Γυμνήσιοι, Βαλιαρίδες – ier s. : Strabon,

481 Γυμνησίαι, Γυμνήσιοι (Βαλιαρίδες) – iie  s.  :  Denys le Périégète, Γυμνησίαι  ; Appien, Γυμνησίαι  ; Ptolémée, Γυμνησίαι – iii e   s.  :  Dion Cassius, Γυμνησίαι – ive s. : Marcien, Βαλιαρικος.

Bibliographie indicative Voir la fiche Banaurides [42].

69 – ΔΑΝΟΥΒΙΣ/DANOUBIS [Σ ? Λ?]

Fleuve – Germanie (δ 14 Billerbeck)            Strabon ? Livre 12 – Second abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 17,7 % – taux théorique : 20 %). Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé et traduction (en grisé, forme erronée restituée du manu­scrit archétype disparu, corrigée dans la notice normalisée)

Δάνουβις ἢ δάνουσις· ἴστρος(a) ὁ ποταμός, πάλαι ματόας καλούμενος. συμφορᾶς δὲ τοῖς σκύθαις ἐπιπεσούσης οὕτως ἐκλήθη. ματόας δὲ λέγεται ἐς (b) τὴν ἑλληνίδα γλῶσσαν ἄσιος(c), ὅτι πολλάκις περαιούμενοι οὐδὲν ἐπεπόνθεισαν. ὁ δὲ δάνουσις ἑρμηνεύται ὥσπερ τοῦ ἁμαρτεῖν ἔχων αἰτίαν(d). a) ἴστρος RPN : ἴστος Q. b) εἰς R : ἐς QPN. c) αἴσιος Müller (in app.) : ἄσιος RQPN. d) τὴν ante αἰτίαν add. PN. b, c – Erreurs de lecture lors de l’abréviation ?

Δάνουβις ἢ Δάνουσις · [A]  |1|  Ἴστρος ὁ ποταμός [Strabon], [B]  πάλαι Ματόας

καλούμενος. |2|  συμφορᾶς δὲ τοῖς Σκύθαις ἐπιπεσούσης οὕτως ἐκλήθη. |3|  Ματόας δὲ λέγεται εἰς τὴν Ἑλληνίδα γλῶσσαν αἴσιος, ὅτι πολλάκις περαιούμενοι οὐδὲν ἐπεπόνθεισαν. |4|  ὁ δὲ Δάνουσις ἑρμηνεύται ὥσπερ τοῦ ἁμαρτεῖν ἔχων αἰτίαν. Danoubis ou Danousis : [A] |1| le fleuve Istros, [B] autrefois appelé Matoas. |2| Il a été appelé ainsi à cause d’une catastrophe qui a frappé les Scythes. |3| Matoas traduit en langue grecque veut dire « de bon augure », parce qu’ils l’avaient fréquemment traversé, sans aucun dommage. |4|  Le nom Danousis doit être compris comme signifiant que c’est lui qui porte la responsabilité de la faute.

Lexiques et commentaires grecs et byzantins Scholia in Pindarum (schol. vet., Olympia 3, sch. 25b) Ἴστρος δὲ ποταμὸς διὰ πολλῶν ἐθνῶν τῆς Εὐρώπης χωρῶν· ἔχει δὲ τὰς πηγὰς ἐν τῇ τῶν Ὑπερβορέων χώρᾳ· ὃς νῦν Δάνουβις λέγεται. Ptolémée (De differentia vocabulorum = Περὶ διαφορᾶς λέξεων κατὰ στοιχεῖον, e cod. Ambros. E 26 sup., ι 76) Ἴστρος· ὄνομα ποταμοῦ, ὃς Δανοῦβις λέγεται· vie siècle – Lexique d’Hesychius (ι 1036) *Ἴστρος· ποταμὸς ὁ καὶ Δανούβιος. xive siècle – Moschopolos (schol. Sophocle, Oed. tyr., schol. recent., 1227) Ἴστρον· ποταμός, ὁ νῦν Δανούβιος. xiie siècle – Eustathe de Thessalonique (Com. Dion. 298) φησὶ δὲ ὁ αὐτὸς Γεωγράφος καὶ ὅτι ὁ Ἴστρος ποτὲ Ματόας ἐλέγετο, ὃ ἔστι κατὰ Ἕλληνας ἄσιος· καὶ ὅτι πολλάκις μὲν οἱ Σκύθαι δι’ αὐτοῦ περαιούμενοι οὐδὲν ἔπασχον, συμφορᾶς δέ ποτε αὐτοῖς ἐπεισπεσούσης ἡρημηνεύθη Δάνουβις ἢ Δάνουσις, ὥσπερ τοῦ ἁμαρτεῖν ἐκείνους αἰτίαν ἔχων, τουτέστιν αἰτιώμενος διὰ τοῦ τοιούτου ὀνόματος ὑπ’ ἐκείνων κατὰ τὴν αὐτῶν γλῶσσαν, ὡς αἴτιος αὐτοῖς δυστυχίας γενόμενος. xiie siècle – Tzétzès (schol. Lycophr., v. 74) πόρκος· ζῷόν ἐστι περὶ τὸν Ἴστρον ποταμὸν τὸν λεγόμενον Δανούβιον ss3s4 τετρασκελές T.

482

69 – ΔΑΝΟΥΒΙΣ/DANOUBIS [Σ ? Λ?]

Commentaire

Localisation et archéologie

La notice présente une forme un peu inhabituelle, sans ethnique.

Il s’agit du fleuve Danube. Le fleuve est connu de longue date des Grecs sous la dénomination Istros. Nous n’en ferons pas l’historique ici car il se rapporte quasiment toujours à la partie proche de son embouchure, qui sort du cadre géographique que nous nous sommes fixés.

[A] |1| La forme habituelle du nom est Δανούβιος, que l’on trouve chez Appien (Ill. 66), Ptolémée (Geogr. 2.11.3, 5, 11 et 15, 2.12.1 et 3-5, 2.13.1 et 3, 2.14.1 et 3, 2.15.1 et 3, 3.7.1, 3.8.1-2, 3.9.1 et 3-4, 10.1 et 5, 8.7.2) et Diodore de Sicile (5.25.4). La forme Δανοῦβις se rencontre dans le Périple du Pont-Euxin (§ 57 ; 68) et dans le lexique du grammairien Ptolémée (cf. supra). À part l’anonyme Geographiae expositio compendaria (cf. ci-dessous), la forme Δάνουβις est celle que l’on rencontre dans les textes byzantins. Il s’agit donc d’une notice tardive qui réactualise une information plus ancienne puisque l’Istros est le nom habituel à l’époque grecque et au Haut-Empire (et encore chez Marcien, Per. ext. 2.31). [B] |2-4| L’anonyme Geographiae expositio compendaria (9, 3) explique que l’Istros s’appelle Danoubis jusqu’à la ville de Noviodunum (act. Isaccea ?, Roumanie) : « οὐ πρὸ πολλοῦ δὲ τῶν τοῦ Ῥήνου πηγῶν τὰς ἀρχὰς ἔχων ὁ Ἴστρος, ὃν μέχρι Νουιοδούνου πόλεως Δάνουβιν καλοῦσιν. Non loin des nombreuses sources du Rhin se trouve le départ de l’Istros que l’on appelle Danoubis jusqu’à la ville de Noviodunum  ». Matoas ne se rencontre que chez Stéphane de Byzance et dans le commentaire à Denys le Périégète par Eustathe de Thessalonique. D’après ce dernier, l’ensemble provient de Strabon, dans la partie disparue de son livre VII. L’information semble s’organiser en deux « strates ». La première relève d’une information ancienne ; elle se rapporte au nom primitif du fleuve, à l’époque des Scythes. La deuxième partie concerne le nom le plus récent. La forme Danousis est peut-être mise en rapport avec δανείζω emprunter, prêter, prêter à usure.

Le terme employé par l’Épitomé est donné par Strabon. Il provient peut-être d’un auteur plus ancien mais que nous ne pouvons appréhender. Il existait peut-être des mentions chez des auteurs plus tardifs (comme Parthénios de Phocée) mais l’abréviation ne laisse rien percevoir.

Chronologie des mentions ier s. av. : Diodore de Sicile, Δανούβιος – ier s. : Strabon, Δάνουβις, Δάνουσις – ii e  s.  :  Appien, Δανούβιος  ; Ptolémée, Δανούβιος – iv e  s.  :  Basile de Césarée, Δανούβιος. Le nom est Danubius en latin et Danoubios en grec. Il remplace la dénomination grecque traditionnelle Istros.

Bibliographie indicative RE IV, 2 (1901), col.  2103-2132 (s.v.  Danuvius 1) Brandis ; Smith 1854 (s.v. Danubius). Barrington Atlas : 23 A4 (Danuvius/Istros/Hister fl.) ; http://pleiades.stoa.org/places/226577

70 – ΔΕΚΙΗΤΟΝ/DEKIÊTON [Λ]

483

70 – ΔΕΚΙΗΤΟΝ/DEKIÊTON [Λ]

Ville – Gaule (Narbonnaise) (δ 45 Billerbeck)            Charax ? + Artémidore Livre 12 – Second abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 17,7 % – taux théorique : 20 %). Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé et traduction (en grisé, forme erronée restituée du manu­scrit archétype disparu, corrigée dans la notice normalisée)

Δεκίητον· πόλις ἰταλίας(a). τὸ ἐθνικὸν δεκιῆται, ὡς ἀρτεμίδωρος ἐν αʹ(b) γεωγραφουμένων. a) Γαλλίας Bouiron : ἰταλίας RQPN Billerbeck. b) α΄ RQPN : δ΄ Stiehle. a – Erreur de lecture d’onciales lors de la translittération ?

Δεκίητον· [A] |1| πόλις Γαλλίας [Charax ?]. [D]   |2|  τὸ ἐθνικὸν Δεκιῆται, ὡς Ἀρτεμίδωρος ἐν αʹ Γεωγραφουμένων [F 41 Stiehle].

Dekiêton  :  [A]  |1|  ville de Gaule. [D]  |2|  L’ethnique se dit Dekiêtai, selon Artémidore, dans le 1er livre des Descriptions Géographiques.

Commentaire La notice est issue du lexique-source. [A] |1| Rien ne permet de savoir d’où provient la pre-

mière mention puisque nous ne connaissons aucune ville de ce nom. Si l’on admet que l’auteur inconnu est celui de l’ethnique (c’est-à-dire Artémidore), on peut alors proposer d’en faire la ville principale du peuple des Déciates. Si nous gardons la mention de « ville d’Italie », comme le fait M. Billerbeck, il faut la situer alors à l’est du Var. Or dans les mentions des villes de la côte ligure que nous pouvons rattacher assurément à Artémidore (Genoa [62], Dertôn [71]), une telle localisation n’existe pas : le lexique de son œuvre indique alors « ville des Ligures ». Le lexicographe aurait pu aussi bien trouver chez Polybe la mention de la ville rattachée au même peuple (dans une partie disparue de l’œuvre), mais là encore celui-ci ne parle pas d’Italie mais de Ligystique. Précisons toutefois que l’association de la ville et du nom de l’ethnique n’est en rien prouvée et qu’il nous semble difficile de faire coïncider les deux. Chez Pomponius Mela (2.76) on trouve la mention d’un oppidum Deciatum sans nom

que l’on assimile à la ville de l’Épitomé. Ce nom pourrait être la traduction littérale du grec Dekiêton. La seule hypothèse que nous pouvons proposer, s’il s’agit bien de la ville des Déciates, serait une réactualisation d’un auteur du Haut-Empire comme Charax, reprenant dans ses Histoires le texte de Polybe concernant les événements militaires dans le Sud-est de la Gaule au milieu du iie siècle av. J.-C. Nous pensons qu’il existe ici une erreur de translittération comme celle que l’on propose pour la ville de Nemausos [157] qui est dite πόλις Ἰταλίας au lieu de Γαλλίας (ΙΤΑΛΙΑC/ΓΑΛΛΙΑC), également rattachée à cet auteur. C’est pourquoi l’hypothèse de Charax reste de ce fait la plus probable. [D] |2| Stéphane de Byzance a utilisé une mention d’Ar-

témidore, dans le livre I qui est celui consacré à la Gaule méridionale. Il faut probablement rapprocher le nom de la ville de celui de l’ethnique, qui correspond d’ailleurs plutôt à un nom de peuple ; pour nous il n’y a pas lieu de placer cette mention en Italie. Le peuple des Déciates est mentionné également par Strabon (4.6.2) sans doute d’après Polybe. Un fragment du texte de ce dernier se rapportant au même peuple (33.9.8, 10.5 et 9) a été conservé par les Excerpta Constantiniana (De legat. p. 58, 20 ; 59, 1 et 11). Enfin Ptolémée (Geogr. 2.10.5) rattache Antibes aux Δεκιατίοι. Chez Artémidore, ce peuple était certainement décrit dans la partie consacrée au Midi de la Gaule ; il s’agit donc bien du livre I. Pline l’Ancien les mentionne également à deux reprises (3.35 regio Deciatum et 3.47 Deciates).

Localisation et archéologie La ville n’est pas connue. L’Anonyme de Ravenne (5.3) indique la séquence de navigation suivante  :  Nicea, Micalo colonia Diceorum, Antipolis. Il pourrait s’agir d’une corruption de Diceatorum (= Deciatorum  ?).

484

71* – ΔΕΡΤΩΝ/DERTÔN [M]

En 4.28 on a Nicea, Melaconditia (var. Melocondina), Antipolis, qui semble bien reprendre de manière déformée la même information. Pomponius Mela parle de la « cité des Déciates », réalité qui se rapporte peut-être à une mention d’Artémidore car il semble être une des sources utilisées par cet auteur. C. Schiano place l’ensemble de cette mention dans le livre I d’Artémidore (Schiano 2010, p. 148 = F7). Stiehle corrigeait le n° de livre de Α’ en Δ’. Le peuple est localisé entre la Siagne et le Loup, autour d’Antibes. Il est mentionné par Pline l’Ancien (3.35 et 3.47), Strabon (4.6.2), Ptolémée (Geogr. 2.10.5) et Pomponius Mela (2.76). P. Arnaud rappelle l’inscription funéraire d’un Déciate (CIL XIII 6974) qui montre la persistance d’appartenance à ce peuple encore au HautEmpire contrairement aux Oxybiens [172]  (Arnaud 2002, p. 196).

Chronologie des mentions iie  s. av.  :  Polybe, Δεκιῆται  ; Artémidore, Δεκιῆται – ier s. : Strabon, Δεκιῆται ; Pomponius Mela, Deciates ; Pline l’Ancien, Deciates – iie  s.  :  Charax ?, Δεκίητον (Γαλλίας) ; Ptolémée, Δεκιατίοι. La forme reste semblable entre Polybe et Strabon, et s’altère ensuite par une forme latine que reprend Ptolémée. Le nom du peuple disparaît ensuite.

Bibliographie indicative RE IV, 2 (1901), col. 2270 (s.v. Deciates) Ihm ; Smith 1854 (s.v.  Deciates)  ; Barruol 1969, p.  215-217  ; Dugang 1970  ; Silberman 1988, p.  213  ; Arnaud 2002 ; Zehnacker 2004, p. 132. Barrington Atlas : 16 C2 (Deciates) ; http://pleiades.stoa.org/places/157842

71* – ΔΕΡΤΩΝ/DERTÔN [M] Ville – Italie (Ligurie) (δ 58 Billerbeck)            Abrégé d’Artémidore Livre 12 – Second abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 17,7 % – taux théorique : 20 %). Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé et traduction (en grisé, forme erronée restituée du manu­scrit archétype disparu, corrigée dans la notice normalisée)

Δέρτων(a)· πόλις λιγυρῶν(b). ἀρτεμίδωρος ἐν ἐπιτομῇ τῶν ια´ « τὴν καλουμένην δερτουνα(c) πόλιν ». τὸ ἐθνικὸν δερτώνιος ὡς ἀντρώνιος. a)  Δέρτων RQPN  :  Δερτών Berkel Meineke. b)  Λιγύρων Meineke : λιγυρῶν RQPN. c) Δερτῶνα Cluverius : δέρτουνα RQPN. b – Erreur d’accentuation lors de la translittération. c – Erreur de lecture lors de l’abréviation ?

Δέρτων· [A] |1| πόλις Λιγύρων. |2| Ἀρτεμίδωρος ἐν Ἐπιτομῇ τῶν

ια´ [F 4 epit. Stiehle] « τὴν καλουμένην Δερτῶνα πόλιν ».

[D] |3| τὸ ἐθνικὸν Δερτώνιος ὡς Ἀντρώνιος.

Dertôn  :  [A]   |1|  ville des Ligures. |2|  Artémidore, dans l’Abrégé des Onze  :  «  la ville appelée Dertôn  ». [D]   |3|  L’ethnique est dit Dertônios, formé comme Antrônios.

Commentaire La notice provient du lexique de Marcien. Nous n’avons pas de trace d’un autre auteur mais l’ethnique ne provient probablement pas d’Artémidore. [A] |1-2| Comme pour Genoa [62], Plakentia [177] et

Stouinos [206], la ville est rattachée aux Ligures. Elle est ici mentionnée d’après l’Abrégé d’Artémidore de Marcien (F 4 Stiehle).

La ville est appelée Dertôna également chez Ptolémée (Geogr. 3.1.31), où elle est rattachée aux Taurini. Strabon (5.1.11) l’écrit Derthôn. Il précise : « ἔστι δὲ ἡ Δέρθων πόλις ἀξιόλογος κειμένη κατὰ μέσην τὴν ὁδὸν τὴν ἀπὸ Γενούας εἰς Πλακεντίαν, ἑκατέρας διέχουσα σταδίους τετρακοσίους· Derto est une ville importante située à mi-parcours sur la route qui va de Gênes à Placentia, à 400 stades de l’une et de l’autre ville » (trad. Lasserre). Cette information pourrait remonter à Artémidore, puisqu’il

72 – ΔΗΡΑ/DÊRA [Λ]

485

cite les trois villes. Dertona était en effet placée sur la via Postumia, reliant Gênes à Aquilée. Pline l’Ancien (3.49) parle de Dertona Colonia et la situe parmi les villes de la IXe région d’Italie (Ligurie).

2010, p. 148 = F6). Nous pensons qu’il devait plutôt se situer dans la description de l’Italie (livre IV).

[D]   |3|  L’ethnique peut provenir également d’Arté-

Chronologie des mentions

midore (ou de son abrégé), le radical étant le même. Toutefois la terminaison de l’ethnique ne ressemble pas à celle qu’utilise cet auteur ionien.

Localisation et archéologie Il s’agit de l’actuelle Tortona. La colonie a été fondée une première fois en 120 av. J.-C. et refondée par le futur empereur Auguste entre 40 et 30 av. J.-C. sous le nom de Julia Dertona. C. Schiano place cette mention dans le livre I d’Artémidore du fait du rattachement aux Ligures (Schiano

Nous sommes en dehors du cadre de notre étude.

iie s. av. : Artémidore (abrégé de Marcien), Δέρτων – ier s. av. : Cicéron, Dertona – ier s. : Strabon, Δέρθων ; Pline l’Ancien, Dertona Colonia – iie s. : Ptolémée, Δερτῶνα.

Bibliographie indicative RE V (1903), col.  246 (s.v.  Dertona) Hülsen  ; Smith 1854 (s.v. Dertona). Barrington Atlas : 39 D4 (Dertona) ; http://pleiades.stoa.org/places/383633

72 – ΔΗΡΑ/DÊRA [Λ]

Ville – Hispanie (Tarraconaise ?) (δ 66 Billerbeck)            Apollodore ? Livre 12 – Second abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 17,7 % – taux théorique : 20 %). Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé et traduction (en grisé, forme erronée restituée du manu­scrit archétype disparu, corrigée dans la notice normalisée)

Δηρά· γῆς(a) ἰβηρίας(b), ἧς(c) ὁ σικανὸς(d) ποταμός. οἱ οἰκήτορες δηραῖοι. a) γῆ ς Bouiron :  τῆς Billerbeck, susp. Meineke, γῆς RQPN. b) ἰβηρίας RPN : ἱμηρίας Q. c) ἧς RQPN : δι’ ἧς dub. Meineke in app.  d) σικανὸς RPN : σίκανος Q. a – Probable mélecture d’onciales.

Δηρά· [A] |1| γῆ ς Ἰβηρίας, ἧς ὁ Σικανὸς ποταμός [Apollo­

dore ?].

[D] |2| οἱ οἰκήτορες Δηραῖοι [Apollodore ?].

Dêra :  [A] |1| terre d’Ibérie, où coule le fleuve Sikanos. [D] |2| Les habitants sont appelés Dêraioi.

Commentaire La notice est issue semble-t-il du lexique-source. [A] |1| Aucun auteur connu ne signale de géonyme ibé-

rique de ce nom. Ptolémée (Geogr. 6.3.3) mentionne une ville perse nommée Δῆρα. La lecture proposée par M. Billerbeck, τῆς Ἰβηρίας, semble possible mais nous ne sommes pas certain qu’il s’agisse bien d’une ville. En effet, le terme οἰκήτορες que l’on trouve dans la partie de l’ethnique est utilisé pour des déterminants géographiques qui, dans la très grande majorité des cas, ne sont pas des villes mais d’autres catégories géographiques. Nous avons pensé à un moment que la mention de « γῆ ς Ἰβηρίας » pouvait se rapporter à la définition de Gadeira  :  «  τῆς γῆς δειρά  »  ; il aurait pu s’agir d’une erreur de compréhension du lexicographe qui est à l’origine de la notice, qui aurait pu décomposer Gadeira en Gês Deira/Dêra ou reprendre la forme ionienne du nom

486

73 – ΔΙΑ/DIA [Λ]

de la ville : Γήδειρα. Toutefois, la mention de γῆ se retrouve dans d’autres notices de l’Épitomé : καὶ Ἀνακτορία ἡ γῆ (α 305), Ἀσσησός, πόλις Μιλησίας γῆς (α 491), ἔστι δὲ τῆς Κυνουρίας γῆς (θ 78), καὶ Κασπία γῆ (κ 110). On notera en particulier la notice γῆ elle-même qui indique, pour la forme γαῖα, le nom de l’habitant sous la même forme qu’ici : ἀπὸ τοῦ γῆ γαῖα, ὁ οἰκήτωρ γαιάτης. Nous proposerons donc de garder la mention γῆ ς Ἰβηρίας, en considérant qu’il y a eu une erreur de lecture lors de la translittération du fait de la confusion ΓΗ/ΤΗ. Le fleuve qui concerne notre géonyme peut être mis en rapport avec celui qui apparaît dans la notice de Sikania [201], rattachée à Apollodore. [D] |2| L’auteur est probablement le même que pour le

début de la notice. Il faut noter que selon nous cela renforce l’hypothèse de γῆς au détriment de τῆς.

Localisation et archéologie Il s’agit d’une terre qu’A. Tovar localise à la naissance du fleuve Sikanos, c’est-à-dire le Júcar (Tovar 1989, p.  462). Apollodore rapportait peut-être une histoire autour du Sikanos. La compréhension exacte de l’information qui était donnée nous échappe.

Chronologie des mentions iie s. av. : Apollodore ?, Δηρά ([γῆς ?] Ἰβηρίας).

Bibliographie indicative THA  IIB 142ac  ; Tovar 1989, p.  462  ; González Blanco 1991, p. 25, 32.

73 – ΔΙΑ/DIA [Λ] Ville – Hispanie (Lusitanie) (δ 68 Billerbeck)            [C] |5| Artémidore ? Livre 12 – Second abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 17,7 % – taux théorique : 20 %). Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé et traduction (en grisé, forme erronée restituée du manu­scrit archétype disparu, corrigée dans la notice normalisée)

Δία(a)· πόλις θεσσαλίας, αἰακοῦ κτίσμα. βʹ θρᾴκης κατὰ τὸν ἄθω. γʹ εὐβοίας. δʹ νῆσος καὶ πόλις πελοποννήσου(b) περὶ τὸ σκύλλαιον(c). ε΄ λυσιτανίας περὶ τὸν ὠκεανόν. ϛʹ ἰταλίας περὶ(d) ταῖς ἄλπεσιν. ζʹ σκυθίας περὶ(e) τῷ φάσιδι. ηʹ καρίας. θʹ βιθυνίας πρὸς τῷ πόντῳ. εἰσὶ καὶ δʹ νῆσοι δῖαι λεγόμεναι. αʹ ἡ νάξος. βʹ ἡ πρὸς μιλήτω(f ). γʹ ἡ πρὸς σαρμοσσῶ(g). δʹ κατὰ κνωσσὸν κρήτης. τὸ ἐθνικὸν διεύς, καὶ τὸ θηλυκὸν διάς, ὅθεν καὶ διάδες ἀθῆναι. a) Δία RQPN : Δῖα Meineke. b) πελοποννήσου R : πελοπονήσου QPN. c)  σκύλλαιον RQ  :  σκύλαιον PN. d)  πρὸς Westermann : παρὰ R, περὶ QPN. e) παρὰ R : περὶ QPN. f ) Μήλῳ Holste  :  μιλήτω RQPN. g)  Ἀμοργῷ Holste  :  σαμοσσῶ R, σαρμοσσῶ QPN. d, e – Erreur de lecture d’abréviation ? f, g – Erreur dans le texte que lisait Stéphane de Byzance ?

Δία· [A]  |1|  πόλις Θεσσαλίας, [B]  Αἰακοῦ κτίσμα. [C]  |2|  βʹ

Θρᾴκης κατὰ τὸν Ἄθω. |3| γʹ Εὐβοίας. |4| δʹ νῆσος καὶ πόλις Πελοποννήσου περὶ τὸ Σκύλλαιον.

|5| ε΄ Λυσιτανίας περὶ τὸν ὠκεανόν [Artémidore ?]. |6| ϛʹ Ἰταλίας πρὸς ταῖς Ἄλπεσιν. |7| ζʹ Σκυθίας παρὰ τῷ Φάσιδι. |8|  ηʹ Καρίας. |9|  θʹ Βιθυνίας πρὸς τῷ Πόντῳ. |10|  εἰσὶ καὶ δʹ νῆσοι Δῖαι λεγόμεναι. |11|  αʹ ἡ Νάξος. |12| βʹ ἡ πρὸς Μήλῳ. |13| γʹ ἡ πρὸς Ἀμοργῷ. |14| δʹ κατὰ Κνωσσὸν Κρήτης. [D] |15| τὸ ἐθνικὸν Διεύς, [E] καὶ τὸ θηλυκὸν Διάς, ὅθεν καὶ

Διάδες Ἀθῆναι.

Dia  :  [A]  |1|  ville de Thessalie, [B]  fondation d’Ajax. [C]  |2|  2. De Thrace au pied du mont Athos. |3|  3. D’Eubée. |4|  4. Île et ville du Péloponnèse du côté du Skullaion. |5| 5. De Lusitanie, du côté de l’océan. |6| 6. D’Italie, tout près des Alpes. |7| 7. De Scythie, au bord du Phase. |8| 8. De Carie. |9| 9. De Bithynie, sur le Pont. |10| Il y a aussi quatre îles qui sont appelées Diai. |11| La première, à Naxos. |12| La seconde, tout près de Mélos. |13| La troisième, tout près d’Amorgos. |14| La quatrième, en Crète, sous Cnossos. [D] |15| L’ethnique se dit Dieus, [E] et le féminin Dias, d’où le nom d’Athènes Diades.

74 – ΔΙΑΒΗΤΗ/DIABÊTÊ [Λ]

487

Commentaire

Localisation et archéologie

La notice est issue du lexique-source.

Ville de Lusitanie, inconnue par ailleurs. Nous ne pouvons donner plus de précisions sur sa localisation, si ce n’est qu’elle est positionnée au bord de l’océan.

[A] |5| La ville de Lusitanie ne se trouve pas chez Strabon

ni Polybe. Il est probable que la source soit ici Artémidore puisque c’est la forme (Lusitania) qu’il utilise (cf. notice Belitanoi [49]) et que l’on trouve régulièrement dans son lexique des précisions géographiques du même ordre.

[D] |15| Il est très probable qu’aucun ethnique ne corres-

ponde à la ville de Lusitanie.

Chronologie des mentions iie s. av. : Artémidore ?, Δία (Λυσιτανία).

Bibliographie indicative THA IIB 142ad ; González Blanco 1991, p. 25, 32.

74 – ΔΙΑΒΗΤΗ/DIABÊTÊ [Λ] Île – Îles (δ 70 Billerbeck)             Artémidore ? Livre 12 – Second abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 17,7 % – taux théorique : 20 %).

Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé et traduction Διαβήτη· νῆσος δυσμικωτέρα σαρδοῦς καὶ κύρνου. (a) ἐθνικὸν τὸ αὐτό. a) τὸ add. Grumach.

[D] |2| Il faut certainement comprendre que l’ethnique

était de la forme Diabêtês, qui peut également se rapporter à Artémidore.

Διαβήτη·

Localisation et archéologie

[A]   |1|  νῆσος δυσμικωτέρα Σαρδοῦς καὶ Κύρνου

S’il s’agit bien d’une île à l’ouest de la Corse et la Sardaigne, nous ne pouvons pas l’identifier avec précision. On a proposé d’y voir l’île de Foradada (percée de part en part d’où le nom), située presque au contact du cap Caccia vers le nord-ouest de la Sardaigne. On peut aussi proposer l’île Mal di Ventre (au milieu de la Sardaigne, toujours à l’ouest) qui a livré quelques vestiges romains, ou les îles de l’archipel de Sulcis au sud. L’île Asinara serait la plus proche géographiquement de la description mais son nom antique (Sinuaria) ne correspond pas.

[Artémidore ?].

[D] |2|  ἐθνικὸν τὸ αὐτό [Artémidore ?].

Diabêtê :  [A] |1| île située à l’ouest de la Sardaigne et de la Corse. [D] |2| L’ethnique est identique.

Commentaire La notice provient du lexique-source. [A] |1| Cette île est située par rapport à la Sardaigne et

à la Corse (sous la forme Kurnos). Aucune indication d’auteur n’est possible à la seule lecture de cette notice. Toutefois, le terme de δυσμικωτέρα se retrouve dans la notice Tarrakôn que nous suggérons comme étant d’Artémidore qui est également l’auteur des mentions des villes sardes. L’île est mentionnée par Ptolémée (Geogr. 3.3.8) sous la forme Diabatê et par Pline l’Ancien (4.133) comme Diabatae.

Chronologie des mentions iie s. av. : Artémidore ?, Διαβήτη, Διαβήτης – ier s. : Pline l’Ancien, Diabatae (Diabetae) – ii e  s.  :  Ptolémée, Διαβατὴ.

Bibliographie indicative RE V (1903), col. 301 (s.v. Diabate) Hülsen.

488

75 – ΔΟΡΟΚΟΤΤΟΡΟΣ/DOROKOTTOROS [Ω ?]

75 – ΔΟΡΟΚΟΤΤΟΡΟΣ/DOROKOTTOROS [Ω ?]

Ville – Gaule (Belgique) (δ 114 Billerbeck)            Appien ? Livre 13 – Second abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 16,3 % – taux théorique : 20 %). Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé et traduction (en grisé, forme erronée restituée du manu­scrit archétype disparu, corrigée dans la notice normalisée)

Δοροκόττορος(a)· πόλις γαλατῶν τῶν προσβόρων(b). ὁ οἰκῶν δοροκοττόριος(c). a)  Δοροκόττορος QP  :  Δοροκόττερος N, Δοροκότωρος R. b)  προσβόρρων Q  :  προσβόρων RPN.- c)  :  δοροκοττόριος N : δοροττόριος R, δοριωττόριος QP.

Δοροκόττορος· [A] |1| πόλις Γαλατῶν τῶν προσβόρρων [Appien ?]. [D] |2| ὁ οἰκῶν Δοροκοττόριος [Appien ?].

Dorokottoros  :  [A]   |1|  ville des Gaulois du nord. [D] |2| L’habitant s’appelle Dorokottorios.

Commentaire La notice semble provenir du lexique-source. [A] |1| Le nom de la ville se retrouve chez Strabon (4.3.5)

sous la forme Δουρικορτόρα ; il s’agit de Reims, ancienne Durocortorum mentionnée dans les Commentaires de César (B. G. 6.44.1-2). La différence d’orthographe implique soit une erreur de copie d’un des manu­scrits (du premier abréviateur ?) soit un manu­scrit déficient du texte d’origine qui aurait pu avoir « Δοροκόρτορος ». On peut imaginer que cette ville, capitale de la province romaine de Gaule belgique, était signalée par Marcien, dans les parties disparues du Périple de la Mer Extérieure (détail des villes). Toutefois, la mention de πόλις Γαλατῶν ne correspond pas à celle que l’on attend pour Marcien. Ptolémée (Geogr. 2.9.6, 8.5.6) utilise la forme proche Δουροκόττορον.

À priori, il est possible d’y voir une mention se rapportant à la guerre des Gaules. Pourrait-elle provenir de Charax ? La détermination géographique n’est pas trop en accord avec les autres mentions issues de cet auteur, mais la forme de l’ethnique s’y apparente. Ce ne peut être quoi qu’il en soit ni Polybe, ni Artémidore, ni Strabon. L’absence du nom du peuple ne renvoye pas forcément à un auteur antérieur à la conquête de la Gaule pour

Jules César. Ainsi, nous laissons de côté l’hypothèse d’une mention d’Apollodore, la forme de Galatoi étant assez caractéristique de cet auteur, ici avec la précision de Galatoi du Nord. Il nous semble préférable d’envisager l’hypothèse d’une mention issue d’Appien, dans le contexte de la Guerre des Gaules. Dans le résumé que l’on a conservé de son livre sur les Celtica, le terme employé est « keltikoi » alors que l’on a « galatoi » dans les extraits issus des Excerpta Constantiniana (par ex. Celt. 17a, dans le contexte de la guerre des Gaules). [D] |2| Le nom de l’ethnique se trouvait chez le même auteur. Le fait qu’il soit indiqué le terme οἰκῶν, l’habitant, n’est certainement pas neutre et doit faire référence au lexique d’un auteur spécifique, mais que nous ne savons pas identifier. Nous proposons également Appien.

Localisation et archéologie Il s’agit d’une ville précédant Reims (Marne, France). Il est possible que la première capitale des Rèmes corresponde à l’oppidum du Vieux-Reims situé sur les communes de Variscourt et Condé-sur-Suippe, à une vingtaine de kilomètres au nord de Reims. Cet oppidum présente une occupation entre les années 120-110 et les environs de 80 av. J.-C. (Fichtl 2005, p. 90-91). Depuis quelques années, on a pu mettre en évidence un site fortifié antérieur à la conquête sur le site même de la ville romaine de Durocortorum, qui prend la succession, en termes de date d’occupation, de l’oppidum du VieuxReims (Fichtl 2012, p. 184). Ce second site fortifié est doté d’un large fossé qui restera encore présent dans la ville romaine puisque son comblement n’intervient pas avant le milieu du ier siècle ap. J.-C. (Neiss 2010, p. 186). Il se superpose à un premier habitat de la fin du iie siècle av.  J.-C. Le soutien accordé à César par les Remi leur donnera droit au statut de cité fédérée sous l’Empire. La ville est véritablement refondée dans les dernières années du ier siècle av. J.-C. : un réseau de rues orthonor-

76 – ΔΡΙΛΩΝION/DRILÔNION [Λ] mées s’accompagne de la construction d’une enceinte. C’est probablement également du milieu du règne d’Auguste que date sa transformation en capitale de province (Neiss 2010, p. 189). À partir de la fin du ier siècle et durant le iie siècle de notre ère, les rues sont dotées de portiques, surmontés par la surélévation de maisons, gagnant à l’étage sur l’espace public. Outre l’expansion démographique qu’elle témoigne, cette période est également celle de la monumentalisation de la cité, comme par exemple le sanctuaire nord (Neiss 2010, p. 189-190).

Chronologie des mentions ier s. av. : Jules César, Durocortorum – ier s. : Strabon, Δουρικορτόρα – ii e  s.  :  Appien ?, Δοροκόττορος/ Δοροκοττόριος (Γαλατῶν τῶν προσβόρρων) ; Ptolémée, Δουροκόττορον ; Fronton, Durocorthorum.

489 Le nom gaulois provient de duro, duron, le marché (le forum latin) et d’une seconde composante non traduite à ce jour. On notera que la forme employée dans l’Épitomé est très proche de celle de Ptolémée, contrairement à César/Strabon.

Bibliographie indicative RE V, 2 (1905), col.  1861-1862 (s.v.  Durocortorum)  ; Smith 1854 (s.v. Durocortorum) ; Fichtl 2007 ; Neiss 2010 ; Fichtl 2012, p. 183-185. http://www.oppida.org/page.php?lg=fr&rub=00&id_ oppidum=94 Barrington Atlas : 11 E3 (Durocortorum) ; http://pleiades.stoa.org/places/108945

76 – ΔΡΙΛΩΝION/DRILÔNION [Λ]

Ville – Hispanie (Lusitanie) ? (δ 130 Billerbeck)            Théopompe Livre 13 – Second abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 16,3 % – taux théorique : 20 %). Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé et traduction (en grisé, forme erronée restituée du manu­scrit archétype disparu, corrigée dans la notice normalisée)

Δριλώνιος (a)· πόλις μεγάλη, ἐσχάτη τῶν κελτικῶν. τὸ ἐθνικὸν δριλώνιος, ὡς θεόπομπος μγ´. a) Δριλώνιον Bouiron : Δριλών Meineke, Billerbeck, Δριλώνιος QPN, Δρυλώνιος R. a – Erreur lors de l’abréviation ?

Δριλώνιον· [A] |1| πόλις μεγάλη, ἐσχάτη τῶν Κελτικῶν [Théopompe]. [D] |2| τὸ ἐθνικὸν Δριλώνιος, ὡς Θεόπομπος μγ´ [FGrHist

115 F 202].

Drilônion : [A] |1| grande ville à l’extrémité des Keltikoi. [D]  |2|  L’ethnique se dit Drilônios, selon Théopompe (43e livre).

Commentaire La notice provient du lexique-source. [A] |1| Le nom de la ville, ainsi que son indication géo-

graphique, doit provenir de Théopompe comme le sug-

gère la suite de la notice. La forme Δριλώνιος des manuscrits est probablement une erreur de copie, sinon nous aurions la mention d’une identité de l’ethnique avec le lemme. Les noms en -ιον faisant un ethnique en -ιος chez Théopompe, nous proposons cette forme, plus proche de celle des manu­scrits. Selon nous, la forme Keltikoi correspond au peuple situé au sud-ouest de la péninsule ibérique et pas aux Celtes. En effet, Théopompe emploie la forme Ligues y compris pour les Celtes d’Espagne (cf. Ligustinê [134]). Un géonyme quasiment homonyme se trouve également chez Strabon (7.5.7) et Ptolémée (Geogr. 2.16.4), sous la forme Δρίλων, comme fleuve d’Illyrie. On en retrouve la mention chez Stéphane de Byzance, basée sur la Géographie d’Ératosthène, dans la notice de Durrachion  :  «  Ἐρατοσθένης γʹ Γεωγραφουμένων “ἐχόμενοι δ’ οἰκοῦσι Ταυλάντιοι. πόλις δὲ Ἑλληνὶς Ἐπίδαμνος ἐπὶ χερρονήσου τῆς καλουμένης Δυρραχίου. ποταμοὶ δὲ Δρίλων καὶ Ἀῶος, περὶ οὓς οἱ Κάδμου καὶ Ἁρμονίας τάφοι δείκνυνται”. Ératosthène, dans le 3e livre des Géographiques  :  «Les Taulantioi habitaient ici.

490

77 – ΔΡΥΙΔΑΙ/DRUIDAI [Ω]

La cité grecque d’Epidamnos dans le Chersonèse est appelée Dyrrhachion. Ses fleuves sont le Drilôn et l’Aôos, autour desquels on montre les tombes de Kadmos et Harmonia ». Il est possible qu’il ait existé une indication sur ce fleuve dans le lexique d’origine. [D]   |2|  La mention de l’ethnique se trouvait chez Théopompe (FGrHist 115 F 202), dans le livre XLIII des Philippiques, excursus consacré selon notre hypothèse au voyage de Pythéas.

Localisation et archéologie Il est difficile de localiser cette ville. Nous pensons que cette mention fait partie de la description du voyage de Pythéas. Selon nous, la mention des Keltikoi fait réfé-

rence au peuple du sud-ouest de la péninsule ibérique, au contact de l’océan Atlantique. Si nous suivons L. Pérez Vilatela, cette ville se trouve bien positionnée dans cette zone (Pérez Vilatela 2000, p. 145). Nous ne pouvons pas la situer plus précisément mais elle était aux confins de leur territoire, soit du côté de Gades soit le long de la côte occidentale.

Chronologie des mentions ive  s. av.  :  Théopompe/Pythéas, Δριλώνιον, Δριλώνιος (ἐσχάτη τῶν Κελτικῶν).

Bibliographie indicative Jullian 1905, p. 233 ; Pérez Vilatela 2000, p. 145.

77 – ΔΡΥΙΔΑΙ/DRUIDAI [Ω]

Peuple – Gaule (δ 133 Billerbeck 3) Diogène Laërce Livre 13 – Second abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 16,3 % – taux théorique : 20 %). Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé et traduction Δρυίδαι· ἔθνος γαλατικὸν φιλόσοφον, ὡς(a) διογένης λαέρτιος(b) ἐν φιλοσόφῳ ἱστορίᾳ. a)  ὡς RQ  :  ὁ P, om. N. b)  διογένης λαέρτιος PN  :  λαέρτιος διογένης RQ Billerbeck.

Δρυίδαι· [Da] |1| ἔθνος γαλατικὸν φιλόσοφον, ὡς Διογένης Λαέρτιος

ἐν Φιλοσόφῳ ἱστορίᾳ [I, 1].

Druidai  :  [Da]  |1|  peuple philosophe gaulois, selon Diogène Laërce, dans l’Histoire de la Philosophie.

Lexiques et commentaires grecs et byzantins xe siècle – Souda (δ 1542 Adler) Δρυΐδαι· παρὰ Γαλάταις οἱ φιλόσοφοι καὶ σεμνόθεοι. xiiie siècle – Lexique du pseudo-Zonaras (569.13) Δρυΐδαι· οἱ φιλόσοφοι παρὰ Γαλάταις.

Commentaire La notice provient d’Oros. [Da]   |1|  Le «  peuple philosophe  » correspond aux druides celtes ; ils sont mentionnés chez Diogène Laërce

(1.1 et 6). La mention (1.1) les rattache aux Celtes et aux Gaulois : « παρά τε Κελτοῖς καὶ Γαλάταις τοὺς καλουμένους Δρυΐδας  » mais la détermination géographique provient peut-être du lexique-source qui pouvait déjà les signaler. Les Druidai sont également cités par Strabon (4.4.4-5), Dion Chrysostyome (Orat. 49.8), Clément d’Alexandrie (Stromata 1.15.71) et Hippolyte de Rome (Refutatio omnium haeresium 1.25.1-2). Ce dernier les rattache aux Celtes alors que Celse (Discours véritable 1.16a) les mentionne comme Gaulois : « ἀλλὰ καὶ τοὺς μὲν Ὁμήρου Γαλακτοφάγους καὶ τοὺς Γαλατῶν Δρυΐδας καὶ τοὺς Γέτας σοφώτατα λέγει ἔθνη εἶναι. Mais on dit que les peuples les plus sages sont les Galactophages d’Homère, les druides Gaulois et les Gètes ». C’est l’information que l’on retrouve également dans la Souda.

Localisation et archéologie Il s’agit des druides, prêtres philosophes suivant l’analyse de J.-L. Brunaux (Brunaux 2006). Nous n’interviendrons pas plus sur ce sujet, ce « géonyme » étant en dehors des aspects topographiques qui guident notre étude.

78 – EBOPA/EBORA [Λ]

491

Chronologie des mentions

Bibliographie indicative

ier s. av.  :  Cicéron, Druidae  ; Jules César, Druides – ier  s.  :  Strabon, δρυΐδαι – iie  s.  :  Dion Chrysostome, Δρυίδαι  ; Celse (philosophe), Δρυΐδαι  ; Clément d’Alexandrie, Δρυΐδαι – iiie  s.  :  Hippolyte de Rome, Δρυΐδαι ; Diogène Laërce, Δρυίδαι.

RE V, 2 (1905), col.  1730-1738 (s.v.  Druidae) Ihm  ; Brunaux 2006.

78 – EBOPA/EBORA [Λ]

Ville – Hispanie (Bétique) (ε 2 Billerbeck)            Polybe ? Charax ? Livre 14 – Troisième abrégé ? (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 12,8 % – taux théorique : 20 %). Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé et traduction Ἔβορα(a)· πόλις παρωκεανῖτις μετὰ τὰ γάδειρα. τὸ ἐθνικὸν ἐβορεύς. a) Ἔβορα RpcN : Ἐβόρα S, Ἔβηρα Rac, Ἔβυρα QP.

Ἔβορα· [A]  |1|  πόλις παρωκεανῖτις μετὰ τὰ Γάδειρα [Polybe  ?

Charax ?].

[D] |2| τὸ ἐθνικὸν Ἐβορεύς [Polybe ? Charax ?].

Ebora  :  [A]  |1|  ville bordant l’océan après Gadeira. [D] |2| L’ethnique se dit Eboreus.

Commentaire La notice est issue du lexique-source. [A] |1| Nous ne savons pas chez quel auteur Stéphane

3.1 et 5, 4.1-2 et 6) et de façon générale (1.1.6 ; 2.5.33), dans une partie issue de Posidonios. Dans l’Épitomé, on la rencontre pour les notices Ellêspontos (ε 65), Paraigialitai (π 31), Parachelôitai (π 38), Hupothêbai (υ 41), toutes notices qui semblent bien être issues du lexique-source. Polybe (34.5.6) le rapporte à la région de Gadeira, de façon assez proche à celle de la notice d’Ebora : « τὸ μὲν οὖν τῷ πλεύμονι ἐοικὸς αὐτὸς ἑωρακέναι, τἄλλα δὲ λέγειν ἐξ ἀκοῆς. ταῦτα μὲν τὰ τοῦ Πυθέου, καὶ διότι ἐπανελθὼν ἐνθένδε πᾶσαν ἐπέλθοι τὴν παρωκεανῖτιν τῆς Εὐρώπης ἀπὸ Γαδείρων ἕως Τανάιδος· Après avoir raconté tout cela, il assure qu’au cours de son voyage de retour, il a longé tout le littoral océanique de l’Europe, de Gadeira au cours du Tanaïs » (trad. Roussel). Polybe serait tout indiqué pour cette mention, peut-être par l’intermédiaire de Charax. La transformation de Aι en E pourrait en effet relever d’un auteur du Haut-Empire.

de Byzance a trouvé cette mention ; elle ne provient pas de Strabon qui, selon Stéphane de Byzance, employait la forme Aiboura. Ptolémée (Geogr. 2.4.9, 2.6.62) utilise cette forme mais nous savons que Stéphane n’a pas consulté sa Géographie.

[D]  |2|  Aucune mention n’est connue de cette forme

L’adjectif donnant la précision géographique est intéressant. On le trouve chez Théopompe (FGrHist 115 F 62) selon Athénée (Deipn. 12.32). Diodore de Sicile l’utilise à propos de la Gaule (5.21.1) ou de l’Arabie (5.41.4), Ptolémée (Geogr. 2.11.7, 3.5.10) pour les peuples nordiques. Strabon l’emploie à propos des Cimbres (7.2.1) et de la Celtique, en particulier des rivages de l’Europe découverts par Pythéas (2.1.12-13 et 16, 2.4.1, 5.1.4, 7.3.1, 17.3.1), de l’Ethiopie (2.5.33 et 17.3.1, 19 et 24), de l’Espagne (3.1.2 et 5, 4.16, 5.9), de la Gaule (4.1.1, 2.1,

Localisation et archéologie

particulière. Il s’agit probablement du même auteur que pour la première partie de la notice, nous proposerons également Polybe ou Charax suivant une formation identique à Baikula/Baikuleus [38].

Voir la fiche Aiboura [10].

Chronologie des mentions Voir la fiche Aiboura [10].

Bibliographie indicative Voir la fiche Aiboura [10].

492

79 – EΛΒΕΣΤΙΟΙ/ELBESTIOI [Λ + E]

79 – EΛΒΕΣΤΙΟΙ/ELBESTIOI [Λ + E]

Peuple – Hispanie (Bétique) (ε 37 Billerbeck)            Philistos + Hécatée Livre 14 – Troisième abrégé ? (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 12,8 % – taux théorique : 20 %). Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé et traduction (en grisé, forme erronée restituée du manu­scrit archétype disparu, corrigée dans la notice normalisée)

Ἐλβέστιοι· ἔθνος λιβύης(a). φίλιστος ηʹ «  περὶ δὲ τοὺς λίβυας ...  » (b) ἑκαταῖος εὐρώπης(c) «  ἐλβέστιοι καὶ μαστιηνοί ». a)  λιβύης RQPN  :  Ἰβηρίας Jacoby. b)  lac. indic. Meineke. c)  Ἑκαταῖος Εὐρώπῃ Holste  :  ἐκτ (spatium 5-6 [2 R]  litt.) εὐρώπης RQPN. c – Erreur de lecture d’onciales (confusion avec la 1e lettre du mot suivant) ?

Ἐλβέστιοι· [Da]  |1|  ἔθνος Λιβύης. |2|  Φίλιστος ηʹ [FGrHist 556 F

30] « περὶ δὲ τοὺς Λίβυας ... »

|3|  Ἑκαταῖος Εὐρώπῃ [FGrHist 1 F 40] « Ἐλβέστιοι καὶ Μαστιηνοί ». Elbestioi  :  [Da]  |1|  peuple de Libye. |2|  Philistos (8e livre) : « du côté des Libyens … ». |3|  Hécatée (Europe) : « les Elbestioi et les Mastiênoi ».

Commentaire La notice provient du lexique-source (|1-2|), et probablement du lexique d’Hécatée pour la fin de la notice (|3|). [Da] |1-2| Le nom de peuple était peut-être attribué à la

partie « libyenne » chez Philistos mais la courte citation conservée ne permet pas de s’assurer que l’auteur du lexique-source n’a pas fait une erreur de compréhension du texte.

|3| La mention d’Hécatée (FGrHist 1 F 40), suivie par une courte citation, semble placer ce peuple plutôt sur la péninsule ibérique puisque la mention provient du livre sur l’Europe et que les Elbestioi sont associé aux Mastiênoi que l’on connaît mieux (cf. fiche [157]). Il semble difficile d’imaginer deux peuples totalement différents avec ce nom. Mais ne connaissant pas le contexte dans lequel se place cette citation, il convient de rester prudent.

Localisation et archéologie Le peuple est couplé chez Hécatée avec les Mastiênoi. La citation de Philistos peut s’expliquer par la présence d’Elbestioi mercenaires parmi les troupes carthaginoises combattant contre Denys l’Ancien de Syracuse, qui était par ailleurs son ami (Diodore de Sicile 13.91). Ceci pourrait expliquer la détermination géographique erronée, qui provient peut-être d’une mauvaise compréhension par l’auteur du lexique. T. Braun les met en relation avec les Elbysinioi d’Hérodore (Braun 2004, p.  303), mais il s’agit selon nous d’une erreur de lecture du lexique-source pour Olbusinioi (cf. fiche [101]). Nous distinguerons donc ces deux peuples.

Chronologie des mentions vie  s. av.  :  Hécatée, Ἐλβέστιοι – ive  s. av.  :  Philistos, Ἐλβέστιοι – ier s. av. : Diodore de Sicile, Ἐλβέστιοι.

Bibliographie indicative RE V, 2 (1905), col. 2242-2243 (s.v. Elbestioi) Hübner. THA IIA 23b ; IIB 142ag ; Tova 1974, p. 24 ; González Blanco 1991, p. 26, 32 ; Braun 2004, p. 303 ; Moret 2004, p. 42.

80 – EλβΩ/ELBÔ [Λ]

493

80 – EλβΩ/ELBÔ [Λ]

Île – Îles (Toscanes) ? (ε 39 Billerbeck)            (Hérodote) + Polybe ? Livre 14 – Troisième abrégé ? (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 12,8 % – taux théorique : 12 %). Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé et traduction Ἐλβώ(a)· νῆσος, ἡρόδοτος β΄. τὸ ἐθνικὸν ἐλβῷος, ὡς σαρδῷος. a) Ἐλβώ S PN : Ἐλβῶ RQ.

Ἐλβώ· [A] |1| νῆσος. |2| Ἡρόδοτος β΄ [2.140.2]. [D] |3| τὸ ἐθνικὸν Ἐλβῷος, ὡς Σαρδῷος [Polybe ?].

[D] |3| Nous n’avons pas conservé d’auteur présentant

cette forme d’ethnique. La comparaison avec Sardôos peut éventuellement aller dans le sens d’une attribution à l’île d’Elbe, que l’on pourrait alors proposer pour un auteur comme Polybe (voir fiche Sardô [196]).

Localisation et archéologie

La notice provient du lexique-source.

La mention d’Hérodote se rapporte à une île qui n’a rien à voir avec l’île d’Elbe ou même notre cadre géographique. Nous sommes moins affirmatifs en revanche pour la forme de l’ethnique qui pourrait s’y rapporter ; la comparaison avec la forme du nom des Sardes ne semble pas fortuite de ce point de vue. C’est pourquoi nous maintenons cette fiche dans notre étude.

[A] |1-2| Le nom de l’île se trouve effectivement chez

Voir la fiche Aithalê [12].

Elbô : [A] |1| île. |2| Hérodote (2e livre). [D] |3| L’ethnique se dit Elbôos, formé comme Sardôos.

Commentaire

Hérodote (2.140) «  οὔνομα δὲ ταύτῃ τῇ νήσῳ Ἐλβώ, μέγαθος δ’ ἐστὶ πάντῃ δέκα σταδίων. Son nom est Elbô, et son étendue de dix stades en chaque sens » (trad. Barguet), mais il s’agit chez cet auteur d’une île égyptienne. Aucun autre auteur n’utilise cette forme. ‘Pour Elbe, Ptolémée (Geogr. 3.1.69 et 3.3.8) utilise la forme tirée du latin Ἰλούα.

Chronologie des mentions Voir la fiche Aithalê [12].

Bibliographie indicative Voir la fiche Aithalê [12].

81 – EΛΙΒΥΡΓΗ/ELIBURGÊ [E]

Ville – Hispanie (Bétique) (ε 55 Billerbeck)            Hécatée Livre 14 – Troisième abrégé ? (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 12,8 % – taux théorique : 20 %). Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé et traduction Ἐλιβύργη· πόλις ταρτησσοῦ(a), ἑκαταῖος εὐρώπῃ. τὸ ἐθνικὸν ἐλιβύργιος. a) ταρτησσοῦ QPN : ταρτησοῦ R.

Ἐλιβύργη· [A] |1| πόλις Ταρτησσοῦ. |2| Ἑκαταῖος Εὐρώπῃ [FGrHist

1 F 38].

[D] |3| τὸ ἐθνικὸν Ἐλιβύργιος [Hécatée].

Eliburgê : [A] |1| ville de Tartessos. |2| Hécatée (Europe). [D] |3| L’ethnique se dit Eliburgios.

Lexiques et commentaires grecs et byzantins Pseudo-Arcadius (De accent. 120.16-19 = 247.16-18) τὰ εἰς γη ὑπερδισύλλαβα, εἰ ἔχοι τὴν πρὸ τέλους συλλαβὴν εἰς σύμφωνον καταλήγουσαν, βαρύνεται· ὠλίγγη (ἡ ἀνάπαυσις), Ἐλιβύργη, ἀμόργη (ἡ τοῦ ἐλαίου τρύξ).

494

82 – EΛΙΣΥΚΟΙ/ELISUKOI [E]

Commentaire La notice est issue du lexique d’Hécatée. [A]   |1-2|  Le nom de la ville est mentionné d’après

Hécatée (FGrHist 1 F 38). La détermination géographique provient très probablement de cet auteur, ce qui est cohérent avec l’indication de Tartessos. La présence de ce nom dans l’ouvrage du pseudo-Arcadius témoigne de la connaissance du lexique d’Hécatée par Oros qui constitue le filtre pour la doctrine hérodienne que représente le De accentibus. [D] |3| Le nom de l’ethnique est issu très certainement d’Hécatée.

Localisation et archéologie La ville a été identifiée par Klausen comme Iliturgi, suivi par A. Schulten et A. Garcia y Bellido (Klausen 1831, Schulten 1974 et Garcia y Bellido 1948). La ville se trouve au contact du Guadalquivir, toutefois à 270 km à vol d’oiseau de Gades. Voir la fiche Ilourgeia [105]. T. Braun, suivant A. Tovar, propose Iliberri (Elvira), la moderne Grenade (Braun 2004, p. 303 ; Tovar 1974, p. 137-138). C’est déjà l’hypothèse de W. Smith (Smith 1854 s.v. Illiberis) ce qui la met en relation moins directe que la précédente avec la baie de Cádiz, seulement par l’intermédiaire des fleuves.

On a retrouvé les vestiges de la ville antique sur la colline sur laquelle est l’actuelle fortification d’Albaicín à Grenade. L’oppidum ibérique occupait une surface d’environ 6 ha, au sommet du Cerro de San Nicolás. L’oppidum semble porter le double nom d’Ilturir et Illiberi, qui apparaissent sur les légendes monétaires des iie-ier siècles av. J.-C. La ville a été conquise par les Romains avec cette zone de l’Hispanie vers 180 av. J.-C. La ville obtient de César le rang de municipe avec le nom Municipium Florentinum Iliberitanum, modifiant ainsi son nom pour l’époque romaine (Florentia).

Chronologie des mentions vie s. av. : Hécatée, Ἐλιβύργη, Ἐλιβύργιος – ier s. : Pline l’Ancien, Illiberi Liberini – iie s. : Ptolémée, Ἰλλιβερίς.

Bibliographie indicative RE XI, 1 (1914), col. 1060-1061 (s.v. Iliberris) Schulten ; Smith 1854 (s.v. Illiberis) ; THA II A 23h ; IIB 142ah ; Tovar 1974, p. 35 ; González Blanco 1991, p. 25, 32  ; Braun 2004, p.  303  ; Adroher Auroux et al. 2005. Barrington Atlas: BAtlas 27 B4 (Iliberri) ; http://pleiades.stoa.org/places/2465921

82 – EΛΙΣΥΚΟΙ/ELISUKOI [E]

Peuple – Gaule (Narbonnaise) (ε 60 Billerbeck)            Hécatée Livre 14 – Troisième abrégé ? (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 12,8 % – taux théorique : 12 %). Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé et traduction Ἐλίσυκοι(a)· ἔθνος λιγύων(b), ἑκαταῖος εὐρώπῃ. a)  Ἐλίσυκοι QPN  :  (ca 3 litt. non leguntur)κυσοι ἔθνος S, Ἑλίσυκοι R. b) λιγύων QPN : λυγίων R.

Ἐλίσυκοι· [Da] |1| ἔθνος Λιγύων. |2| Ἑκαταῖος Εὐρώπῃ [FGrHist 1 F

53].

Elisukoi  :  [Da]  |1|  peuple des Ligyens. |2|  Hécatée (Europe).

Lexiques et commentaires grecs et byzantins ixe siècle – Theognostos (Canones 60.10-18, § 324) τὰ εἰς κος λήγοντα καθαρὸν ὑπὲρ δύο συλλαβὰς, εἴτε κύρια, εἴτε προσηγορικὰ, εἴτε ἐπίθετα, μὴ ἔχοντα κατ’ ἰδίαν θηλυκὰ, οὐκ οἶδεν ἐν τῇ πρὸ τέλους τὴν οι δίφθογγον· οἷον, Ἴβυκος· Ἄμυκος· Κώρυκος· Σίμυκος· Δίνυκος ὄνομα πόλεως· Σίτυκος· Ἁρπάλυκος ὄνομα κύριον· Εὔτυκος· Ἐλίσυκος ὄνομα ἔθνους· Κήρυκος ὄνομα κύριον· πλὴν τοῦ σόλοικος· τὸ θηλυκός· Λιβυκός· ἁλυκὸς, τὴν γραφὴν φυλάξαντα τὸν τόνον καὶ τὴν σημασίαν ἐνήλλαξαν, κτητικῆς ὕλης τυγχάνοντα.

82 – EΛΙΣΥΚΟΙ/ELISUKOI [E] xiiie siècle – Lexique du pseudo-Zonaras (682.1) †Ἐλίσυχος†. ὄνομα ἔθνους.

Commentaire La notice provient du lexique d’Hécatée. Nous ne savons pas si le livre d’où est issue cette notice a été abrégé deux ou trois fois. [Da] |1-2| Outre Hécatée, le nom du peuple est également

cité par Hérodote (7.165), qui distingue les Élisyques des Ibères et des Ligyens. Le grammairien Theognostos (ixe siècle) mentionne leur nom, probablement d’après un dérivé d’Hérodien à travers Oros. Le pinax du livre XIV, dans le manu­scrit du xie siècle de l’œuvre d’origine de Stéphane de Byzance, porte une forme erronée de « [Ἐλί]κυσοι ». Les Excerpta Constantiniana (De virtutibus et vitiis, II, p.  22 = Hérodote 7.165) donnent une autre leçon elle aussi fautive (Ἐσιλύκοι) en citant Hérodote, forme qui pouvait se trouver dans l’exemplaire du texte de la bibliothèque impériale qui a servi aux excepteurs ou correspondre à une simple erreur de copie (mais le soin apporté à ces ouvrages implique normalement une relecture attentive). Il est possible que Stéphane de Byzance ait remplacé la notice d’origine du lexique-source (qui proviendrait alors d’Hérodote) par celle du lexique d’Hécatée à moins que l’abréviation ait été fatale à cette information.

Localisation et archéologie Le peuple des Élisyques est mentionné durant l’époque grecque archaïque et classique seulement, par Hécatée, Hérodote et l’Ora maritima d’Aviénus. D’après Hécatée, il s’agit d’un peuple rattaché à la grande famille des

495 Ligyens. P. Thollard a repris l’étude de ce peuple d’après les mentions d’Aviénus (Thollard 2009, p. 164-168). Pour lui, la description du territoire des Élisyques est comprise entre les vers 578 et 590, sans atteindre l’Ob, le Libron et l’Hérault, et laissant Béziers en dehors. Leur territoire serait donc concentré entre le cap Leucate et le nord de l’Aude. P. Thollard a démontré en outre l’inadéquation d’une identification entre la culture matérielle appelée « Grand Bassin I » (début du viie siècle – premier quart du vie siècle av. J.-C.) et l’emprise territoriale des Élisyques, défendue encore récemment par Janin et al. 2003. Le peuple des Élisyques semble disparaître avec la fin du 1er âge du Fer. Il semble que l’on puisse situer sur leur territoire la zone de celtes et ibères mélangés que signale le pseudo-Scylax (§ 3), qui sera intégrée ensuite dans la confédération Volque (G. Rancoule in Ournac et al. 2009, p. 62).

Chronologie des mentions vie s. av. : Hécatée, Ἐλίσυκοι (Λιγύων) – ve s. av. : Hérodote, Ἐλίσυκοι – ive-iie s. av. : [Aviénus, Ora maritima], gens Elesycum.

Bibliographie indicative RE V, 2 (1905), col. 2435 (s.v. Elisyces) Ihm ; Barruol 1973 ; Bats 2003, p. 148 ; Janin et al. 2003 ; Thollard 2009, p. 163-168. Barrington Atlas : 15 A3 (Elisykoi) ; http://pleiades.stoa.org/places/148071

496

83 – EΛΜΑΝΤΙΚΗ/ELMANTIKÊ [Λ]

83 – EΛΜΑΝΤΙΚΗ/ELMANTIKÊ [Λ]

Ville – Hispanie (Lusitanie) (ε 68 Billerbeck)            Polybe Livre 14 – Troisième abrégé ? (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 12,8 % – taux théorique : 20 %). Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé et traduction Ἐλμαντική· πόλις ἰβηρίας τῆς ἐντὸς(a) ἴβηρος ποταμοῦ. πολύβιος γ΄. τὸ ἐθνικὸν ἐλμαντικός(b). a) ἐντὸς RQPN : ἐκτὸς Berkel. b) ἐλμαντικός N : ἐλαντικός RQP.

Ἐλμαντική· [A]   |1|  πόλις Ἰβηρίας τῆς ἐντὸς Ἴβηρος ποταμοῦ.

|2| Πολύβιος γ΄ [3.14.1 et 3].

[D] |3| τὸ ἐθνικὸν Ἐλμαντικός [Polybe ?].

Elmantikê :  [A] |1| ville d’Ibérie en-deçà du fleuve Ibêr. |2| Polybe (3e livre). [D] |3| L’ethnique se dit Elmantikos.

Commentaire La notice est issue du lexique-source. [A] |1-2| Polybe (3.14.1 et 3) est la source mentionnée

pour ce toponyme, suivant une formulation classique dans le lexique de cet auteur, en référence au fleuve Ibêr (voir la notice Arboukalê [28]). Cette ville n’est pas mentionnée par Strabon. Ptolémée (Geogr. 2.5.7) l’appelle Σαλμάντικα, Plutarque (Moralia 248e.2), Σαλματική et Polyen (7.48) Σαλματίς.

[D] |3| L’ethnique n’est pas indiqué par Polybe ; l’auteur du lexique-source l’a peut-être trouvé dans une autre source qui nous est inconnue et que l’on ne peut pas caractériser, ou simplement à un autre endroit de l’œuvre de Polybe qui ne nous a pas été conservé.

Localisation et archéologie Il s’agit de la ville de Salamanque. La cité d’origine (viiie-ive siècles av. J.-C.) est localisée sur le Cerro de San Vicente, qui domine la vallée du Tormes. La ville est reconstruite à l’époque des Vaccéens (IVeiie siècles av.) sur le Cerro de San Isidro, à peu de distance de la précédente. Grâce à son système fortifié (murailles et fossé), elle protège la frontière occidentale de leur territoire. Prise par Hannibal en 220 av. J.-C. en même temps que l’ensemble du territoire des Vaccéens, elle passe ensuite aux mains des Romains. La ville connait un développement important durant l’époque romaine du fait de son positionnement sur l’axe principal Merida-Saragosse. Il en subsiste encore des vestiges, comme le pont romain qui franchit le rio Tormes. Elle reprend la structure de la ville vaccéenne en conservant sa muraille comme limite urbaine. Elle est abandonnée progressivement durant l’Antiquité tardive.

Chronologie des mentions iie s. av. : Polybe, Ἐλμαντική – ier s. : Tite-Live, Hermandica, Helmantica – iie  s.  :  Plutarque, Σαλματική  ; Ptolémée, Σαλμάντικα ; Polyen, Σαλματίς – iiie s. : Itinéraire d’Antonin, Salmatice. Le nom grec est repris encore chez Tite-Live, sur le ‘s’ initial que l’on trouve dans le nom latin.

Bibliographie indicative RE I, A2 (1920), col. 1985 (s.v. Salmantica) Schulten ; Smith 1854 (s.v. Salmantica) ; THA IIB 142aj ; Tovar 1976, p. 245-246 ; González Blanco 1991, p. 26, 32. Barrington Atlas : 24 F4 (Salmantica) ; http://pleiades.stoa.org/places/236642

84 – EΜΠΟΡΙΟΝ/EMPORION [M ? + Λ]

497

84 – EΜΠΟΡΙΟΝ/EMPORION [M ? + Λ]

Ville – Hispanie (Tarraconaise) (ε 79 Billerbeck)            Abrégé d’Artémidore ? Strabon ? Livre 15 – Second abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 17,3 % – taux théorique : 20 %). Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé et traduction Ἐμπόριον· πόλις κελτική, κτίσμα μασσαλιωτῶν. β’ μακεδονίας. γ’ σικελίας. δ’ καμπανίας. ὁ πολίτης ἐμπορίτης. Ἐμπόριον· [A] |1| πόλις κελτική [Abrégé d’Artémidore ?], [B] κτίσμα

Μασσαλιωτῶν [Abrégé d’Artémidore  ? Strabon  ?]. [C] |2| β’ Μακεδονίας. |3| γ’ Σικελίας. |4| δ’ Καμπανίας. [D] |5| ὁ πολίτης Ἐμπορίτης [Artémidore ? Strabon ?].

Emporion  :  [A]  |1|  ville celtique, [B]  fondation des Marseillais. [C]  |2|  2. De Macédoine. |3|  3. De Sicile. |4|  4. De Campanie. [D]   |5|  Le citoyen est appelé Emporitês.

Lexiques et commentaires grecs et byzantins xe siècle – Souda (ε 1044 Adler = Ambr. 810a) Ἐμπόριον·

Commentaire La notice provient peut-être du lexique de Marcien ou du lexique-source. Il s’agit d’une notice multiple non juxtaposée. [A] |1| La détermination de la ville comme ville celtique

peut provenir d’Artémidore plutôt que d’une lecture un peu rapide de Strabon (3.4.8-9), pour qui elle est « πρὸς τὴν Κελτικήν » ; cet auteur tire souvent son information d’Artémidore. Cette mention se rapproche de la détermination géographique d’Hêmeroskopeion [92] qui est dite ville des Celtibères avec l’indication d’Artémidore. Elle est citée par Polybe (3.39.7 et 3.76.1), Appien (Iber. 25 et 161) et le pseudo-Scylax (§ 3). Cette ville est probablement suffisamment importante pour avoir trouvé place dans l’abrégé rédigé par Marcien qui peut être la source de la détermination géographique. [B] : La fondation massaliète se retrouve sous cette forme chez Strabon  :  «  αὐτὸ δ’ ἐστὶ Μασσαλιωτῶν κτίσμα  » ce qui pourrait être une réécriture d’Artémidore qui employait certainement Μασσαλιητῶν ; l’Abrégé d’Arté-

midore pouvait également modifier légèrement l’écriture initiale. Le pseudo-Scymnos (v. 204) la mentionne aussi comme première fondation des Marseillais/Phocéens. [C] |2-4| Les autres cités homonymes n’ont aucune infor-

mation rattachée. Nous ne les détaillerons pas ici

[D]  |5|  Le nom du citoyen se rapporte vraisemblable-

ment à la ville espagnole. Il est peut-être tiré de Strabon, qui parle de « οἱ Ἐμπορῖται » (3.4.9), mais on peut y voir surtout la trace d’Artémidore. Nous n’avons pas d’indication d’autres auteurs dans le texte que nous a conservé l’Épitomé.

Localisation et archéologie C’est l’actuelle Ampurias (Empúries en catalan). À l’origine, la fondation grecque a été installée sur un promontoire situé au sud de la baie de Roses, à l’emplacement du village actuel de Sant Martí d’Empúries. L’emporion (appelé Palaiapolis par Strabon, 3.4.8), est situé entre un port naturel et le fleuve Fluvià au nord. Ce dernier permet une mise en relation avec l’hinterland particulièrement précieuse pour le rôle commercial de cette fondation. Cette première ville manque déjà de place au milieu du vie siècle av. J.-C., lorsqu’intervient la prise de Phocée et l’exode de ses habitants. Une nouvelle ville est alors créée (que Strabon appelle Neapolis) au sud du port qui est dès lors totalement protégé par ces deux agglomérations (Aquilué et al. 2006). Emporion constitue un relai important entre Marseille et le sud de l’Espagne, objet d’une intense activité commerciale dans l’Antiquité. Avec la Deuxième guerre punique, la ville sert de base arrière pour les Romains. Lors de la révolte ibérique de 195 av. J.-C., les légions entrent dans la cité après avoir repris Rhodê aux Ibères. Un camp romain est établi à peu de distance de la ville grecque, à l’ouest de la Neapolis ; dès lors, la région est pacifiée. Une nouvelle ville est bâtie dans la première moitié du ier siècle av. J.-C. en remplacement du camp militaire romain. Une déduction de vétérans est décidée par César en 45 av.  J.-C, après la bataille de Munda.

498 La présence du village de Sant Martí d’Empúries a pendant longtemps empêché de retrouver les vestiges de la Palaiapolis (Almagro Basch 1964). Plusieurs séries de travaux entrepris dans les années 1990 ont permis enfin d’appréhender la séquence stratigraphique complète, faisant remonter l’installation sur ce site à la fin de l’âge du Bronze (xe-ixe siècle av. J.-C.) et dont l’occupation est renforcée au début de l’âge du Fer (viie siècle av. J.-C.) (Aquilué 1999 et Aquilué et al. 2003). C’est sur le même emplacement qu’est créé l’emporion dans le second quart du vie siècle av. J.-C. Cette première ville a une longue occupation puiqu’elle perdure à l’époque romaine et devient, durant l’Antiquité tardive, le siège de l’évêché. Les fouilles de la Neapolis, menées entre 1908 et 1936, ont dégagé la ville grecque, particulièrement les vestiges de la période hellénistique (iie-ier siècle av. J.-C.). Le boom économique que connaît la cité dès le iie siècle av. J.-C. a entraîné son extension vers le sud et le démantèlement des murailles des ive-iiie siècles av.  J.-C. De nouveaux espaces publics et sanctuaires sont établis dans cette partie (Aquilué et al. 2006, p. 23). L’habitat est organisé en îlots irréguliers, témoins de la longue histoire de cette occupation. Durant l’Empire romain, cette partie de la ville, proche du port, continue à être occupée et accueille des installations en lien avec l’activité commerciale et portuaire de la cité. La troisième ville, exclusivement romaine, a été fouillée dès le début du xxe siècle (Almagro Basch 1962). Elle s’inscrit dans un quadrilatère de 300 x 750 m et présente la particularité d’être divisée en deux parties inégales (1/3, 2/3), peut-être pour accueillir deux populations avec des statuts différents (Aquilué et al. 2006, p. 25). La ville est découpée en îlots orthonormés par 6 cardines et 9 decumani. On a retrouvé des thermes et le forum (présent au centre de la moitié sud). Ce dernier est établi dès la création de la ville, et est transformé à la fin du ier siècle av. J.-C. et durant le ier siècle de notre ère (Aquilué et al. 2006, p. 27 et 29). Des prospections électromagnétiques ont révélé une partie du plan de l’habitat qui reste encore à fouiller (Aquilué et al. 2000).

84 – EΜΠΟΡΙΟΝ/EMPORION [M ? + Λ]

Chronologie des mentions ive s. av. : pseudo-Scylax, Ἐμπόριον – iie s. av. : Polybe, Ἐμπόριον  ; pseudo-Scymnos, Ἐμπόριον (Μασσαλιῶται Φωκαεῖς)  ; Artémidore ?, Ἐμπόριον, Ἐμπορίτης – i er  s.  :  Tite-Live, Emporion  ; Strabon, Ἐμπόριον, Ἐμπορίτης  ; Pomponius Mela, Emporiae  ; Pline l’Ancien, Emporiae – iie s. : Appien, Ἐμπόριον ; Ptolémée, Ἐμπόριον. Le nom grec signifiant ‘comptoir commercial’ perdure tout au long de l’Antiquité. En latin, Pomponius Mela (2.89) et Pline l’Ancien (3.22) utilisent une forme plurielle (Emporiae), rappelant peut-être les différentes composantes de cette cité tripartite.

Bibliographie indicative RE V, 2 (1905), col. 2527-2530 (s.v. Emporiae) Hübner ; Smith 1854 (s.v.  Emporion)  ; THA  IIB 142ak.  ; Almagro Basch 1962 et 1964  ; Ruiz de Arbulo 1984 ; Silberman 1988, p. 222 ; Tovar 1989, p. 427430 ; Sanmartí 1990 ; González Blanco 1991, p. 26, 32 ; Aquilué 1999 ; Aquilué et al. 2000 ; Adrados 2000, p. 8 ; Aquilué et al. 2003 ; Zehnacker 2004, p. 115-116 ; Aquilué et al. 2006. Barrington Atlas : 25 I3 (Emporiae) ; http://pleiades.stoa.org/places/246382

85 – EΡΥΘΕΙΑ/ERUTHEIA [Λ + Ω (+ M ? + E ?)]

499

85 – EΡΥΘΕΙΑ/ERUTHEIA [Λ + Ω (+ M ? + E ?)]

Île – Hispanie (Bétique) (ε 127 Billerbeck)            Hécatée ? + Pausanias + Polybe ? + Artémidore ? Livre 15 – Second abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 17,3 % – taux théorique : 20 %). Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé et traduction (en grisé, forme erronée restituée du manu­scrit archétype disparu, corrigée dans la notice normalisée)

Ἐρύθεια· νῆσος γηρυόνου ἐν τῷ ὠκεανῷ, ἀπὸ ἐρυθείας τῆς γηρυονουνης καὶ ἑρμουνωραξ, ὡς παυσανίας(a). λέγεται δὲ καὶ ἐρύθη κατὰ συναλοιφήν, ὡς τὸ ἀγάμμεια ἀγάμμη, καὶ ζέλεια ζέλη, μαντίνεια μαντίνη. ὁ νησιώτης ἐρυθεύς ὡς μαντινεύς, ἢ ἐρυθείτης (b), ἢ κατὰ περίφρασιν ὁ κατοικῶν τὴν ἐρύθειαν (c) ὡς ὅμηρος « αἰθίοπας, τοὶ διχθὰ δεδαίαται ἔσχατοι ἀνδρῶν(d) ». a) τῆς Γηρυόνου, ᾗς καὶ Ἑρμοῦ Νῶραξ, ὡς Παυσανίας Holste : τῆς γηρυονουνῆς καὶ ἑρμουνόραξ ὡς παυσανίας R, τῆς γηρυονουνης καὶ ἑρμουνωραξως παυσανίας Q, τῆς γηρυόνου καὶ ἑρμοῦ ὡς παυσανίας PN. b) add. Bouiron (ex Et. Magnum). c)  lac. indic. Schubart (1843, 195). d)  post Homeri verba alterum versum (Od. I, 24) add. Meineke : « οἱ μὲν δυσομένου Ὑπερίονος οἱ δ’ ἀνιόντος ». a – Erreur (mécoupures) lors de la translittération.

Ἐρύθεια· [A]   |1|  νῆσος Γηρυόνου ἐν τῷ ὠκεανῷ [Hécatée  ? Hérodote ? Hérodore ? ps. Scymnos ?], [B] ἀπὸ Ἐρυθείας

τῆς Γηρυόνου, ᾗς καὶ Ἑρμοῦ Νῶραξ, ὡς Παυσανίας [10.17.5]. [C] |2| λέγεται δὲ καὶ Ἐρύθη κατὰ συναλοιφήν, ὡς τὸ Ἀγάμμεια Ἀγάμμη, καὶ Ζέλεια Ζέλη, Μαντίνεια Μαντίνη.

[D]  |3|  ὁ νησιώτης Ἐρυθεύς [Polybe  ?]  ὡς Μαντινεύς, ἢ Ἐρυθείτης [Artémidore  ?]  , ἢ κατὰ περίφρασιν ὁ κατοικῶν τὴν Ἐρύθειαν ὡς Ὅμηρος [Od. 1.23] « Αἰθίοπας, τοὶ διχθὰ δεδαίαται ἔσχατοι ἀνδρῶν ».

Erutheia : [A] |1| Ile de Géryon dans l’océan, [B] provenant d’Eurutheia, la fille de Géryon, qui eut Nôrax avec Hermès, selon Pausanias. [C] |2| On dit aussi Eruthê par contraction, comme Agammeia donne Agammê, Zeleia Zelê et Mantineia Mantinê. [D]  |3|  L’insulaire s’appelle Erutheus, formé comme Mantineus, ou Erutheitês, formé comme Zeleitês, ou par une périphrase ‘l’habitant d’Erutheia’ , selon Homère : « Les Ethiopiens, qui sont séparés en deux, habitants du bout du monde ».

Lexiques et commentaires grecs et byzantins Scholia in Hesiodum (schol. vet., Theog., sch. 290) Ἐρυθείῃ· Ἐρύθεια ὄνομα νήσου περὶ τὸν Ὠκεανόν, ἔνθα ᾤκει ὁ Γηρυονεὺς καὶ οἱ τούτου βόες. Scholia in Pindarum (scholia vetera, Nemea 4, sch. 43b et 79d) οὗ τὰς βοῦς Ἡρακλῆς ἐξ Ἐρυθείας παρήλαυνε· καὶ τῆς μάχης αὕτη αἰτία ἐγένετο τῇ βουλῇ τοῦ Διός· πολέμιος γὰρ ἦν τοῖς Γίγασιν. Ἡρακλέος στηλᾶν· ὁ Ἡρακλῆς ἡνίκα ἐπὶ τὰς Γηρυόνου βοῦς εἰς τὴν Ἐρύθειαν λεγομένην νῆσον πρὸς τῷ Ὠκεανῷ παρεγένετο, πᾶσαν διεξελθὼν τὴν πλεομένην θάλασσαν, ἐβούλετο προσωτέρω χωρεῖν· εἶτα χάος εὑρὼν καὶ ζόφον ἔστησε στήλας, δι’ ὧν ἐμήνυσε τὸ τέλος τῆς θαλάσσης, ὡς μηδὲν εἶναι περαιτέρω πλωτόν. Scholia in Platonem (scholia vetera, dial. Ti, p. 24e ter et dial. Lg, Stephanus p. 795c) Ἡρακλέους στήλας. Ἡρακλῆς ἧκεν μὲν εἰς Ἐρύθειαν, ἣ νῆσός ἐστιν Ὠκεανοῦ κειμένη πλησίον, ἣ νῦν Γάδειρα καλεῖται, ἐπὶ δὲ τῷ τὰς βοῦς ἀγαγεῖν Γηρυόνου τοῦ Χρυσάορος καὶ Καλλιρρόης (sic) τῆς Ὠκεανοῦ, ὃς ἦν τρία σώματα ἔχων συμφυέντα εἰς ἓν ἀπὸ λαγόνος τε καὶ μηρῶν, εἶχεν δὲ βοῦς φοινικᾶς, βούκολον Εὐρυτίωνα, κύνα φύλακα †Ὄρθον δικέφαλον, τὸν Ἐχίδνης καὶ Τυφῶνος. Γηρυόνου. Γηρυόνης· Χρυσάορος καὶ Καλλιρόης τῆς Ὠκεανοῦ, βασιλεὺς Ἐρυθείας νήσου τῆς νῦν Γάδειρα καλουμένης, ὃς εἶχε τριῶν ἀνδρῶν συμφυὲς σῶμα, ἡνωμένον εἰς ἓν κατὰ τὴν γαστέρα, ἐσχισμένον τὲ εἰς τρεῖς ἀπὸ λαγόνων τε καὶ μηρῶν. Scholia in Oppianum (Cynegetica, 2, sch. 109) Κεῖνοι· ὅμοιοι· ἢ κεῖνοι καὶ ὅμοιοι, ἢ ἕως τὸ κεῖνοι στιγμὴν, τὸ δὲ τοὺς ὁμοίους τοιούτους. φάτις· καὶ οὓς Ἡρακλῆς ἀθλῶν πρότερον ἐξ Ἐρυθείας ἐκόμισεν, τὸν Γηρυόνα ἀνελὼν, ὅτε δὴ καὶ Ἀρχίππῳ Πέλλης ἡγεμόνι (φίλος δ’ ἄρα οἱ καὶ συνήθης ὁ Ἄρχιππος) ἆθλον ἐκτελεῖν ἔμελλεν οὐδὲν ἀτιμότερον (ἢ?) ὃ Εὐρυσθεὺς ὁ τῆς Ἄργου δυνάστης κατὰ χόλον Ἥρας ἐπέταττεν· Ἐρυθείης· ὄνομα πόλεως.

500 Scholia in Theocritum (schol. vet., Prolegomenonanecdote-poem 1, sch. 118b) Θύβρις ποταμὸς Σικελίας, ἐφ’ ᾧ μυθεύονται Ἡρακλῆν τὰς ἐκ τῆς Ἐρυθείας βοῦς ἐλαύνων ἐνταῦθα ἀφίκετο· γενομένου δὲ χειμῶνος ἀνυπερβλήτου χῶσαι τὸν ποταμὸν καὶ ἐπίπεδον ποιῆσαι, ἐφ’ οὗ οἱ Κεφαλοίδιοι δείκνυνται κατοικοῦντες. Xe siècle – Souda (ε 3094 Adler = Ambr. 1975) Ἐρύθεια· πόλις. xiiie siècle – Lexique du pseudo-Zonaras (866.22) Ἐρύθεια. πόλεως ὄνομα. xiie siècle – Etymologicum Magnum (379.17) Ἐρύθεια· νῆσος ἐν τῷ Ὠκεανῷ· ὁ νησιώτης, Ἐρυθεὺς, ὡς Μαντινεύς· ἢ Ἐρυθείτης, ὡς Ζελείτης. xiie siècle – Jean Tzétzès (Schol. Lycophr. v. 46, 651, 980) κτανὼν ὑπὲρ σπήλυγγος ὁ Ἡρακλῆς τὰς Γηρυόνος βοῦς ἐλαύνων ἐξ Ἐρυθείας ὡς ἐγένετο κατὰ τὸν πορθμὸν τὸν μεταξὺ Ἰταλίας καὶ Σικελίας ἀπέκτεινε τὴν Σκύλλαν ἁρπά-σασαν τῶν ταύρων τινάς, ἀνεζωπύρησε δὲ αὐτὴν Φόρκυς ὁ πατὴρ αὐτῆς καύσας. |κτανὼν ὑπὲρ σπήλυγγος| ὁ Ἡρακλῆς τὰς Γηρυόνος βοῦς ἐλαύνων ἐξ Ἐρυθείας ὡς ἐγένετο κατὰ τὸν πορθμὸν τὸν μεταξὺ Ἰταλίας καὶ Σικελίας ἁρπάσασα τῶν ταύρων τινὰς ». Βοαγίδα· ὅτι τὰς βοῦς τοῦ Γηρυόνου ἦγεν ἐξ Ἐρυθείας τῆς περὶ τὸν Ὠκεανὸν νήσου ὥς φησι καὶ Ὀππιανὸς ἐν τοῖς Κυνηγετικοῖς «  αὐτῷ τ’ ἐπ’ Ὠκεανῷ δηρίσατο Γηρυονῆι » καὶ Ἡσίοδος, οἶμαι, ἐν Θεογονίᾳ « Ὄρθον – Εὐρυτίωνα ». ἀνεῖλε δὲ καὶ Γηρυόνην αὐτὸν ὑπὲρ τῶν βοῶν μέλλοντα μάχεσθαι τοξεύσας αὐτὸν περὶ ποταμὸν Ἀνθεμοῦντα. Κάλχας ὀλύνθων· τοῦ Ἡρακλέος τὰς Γηρυόνος βοῦς ἐλαύνοντος ἐξ Ἐρυθείας καὶ ἰδόντος τὸν Κάλχαντα τοῦτον ἤτοι τὸν Μόψον ὑπό τινα ἐρινεὸν καθήμενον συνέβη ἐρωτῆσαι αὐτόν, ὁπόσους ὀλύνθους ἔχει ὁ ἐρινεός. xiie siècle – Eustathe de Thessalonique (Com. Il. 2.426 et 4.797) [καὶ ἄλλως δὲ εἰπεῖν, ἐκ μὲν τοῦ ἐρεύθω ἐνεστῶτος γίνεται τὰ εἰρημένα καὶ εἴ τι κατ’ αὐτὰ φυλάττει τὴν ευ δίφθογγον, ἐκ δὲ τοῦ ἤρυθον δευτέρου ἀορίστου, ὁμοίου τῷ ἐλεύθω ἤλυθον, γίνεται καὶ τὸ ἐρυθηρόν καὶ ἐν συγκοπῇ ἐρυθρόν καὶ τὸ ἐξ αὐτοῦ κοινότερον λεγόμενον ἐρυθρόδανον καὶ τὸ ἐρύθημα, ἤδη δὲ καὶ νῆσος Ὠκεανῖτις ἡ Ἐρύθεια, ἡ τοῦ Γηρυόνου, ὁμωνυμοῦσα μιᾷ τῶν μυθικῶν πολλῶν Ὠκεανίδων. δῆλον δὲ καὶ ὅτι Ἐρευθίων ἐστὶ τὸ πρωτόθετον, ἡ δὲ αλ συλλαβὴ ἐπλεόνασε διὰ λειότητα

85 – EΡΥΘΕΙΑ/ERUTHEIA [Λ + Ω (+ M ? + E ?)] φωνῆς, ὅπερ ἔν τε ὀνόμασι γίνεται τοῖς διὰ τοῦ αλεος καὶ ἐν τῷ μάσσω μαλάσσω καὶ στάζω σταλάζω.] [ᾧ χαίροι ἂν ἴσως ὁ γέρων ὡς φιλοτοιοῦτος, ὅσγε καὶ τὸ περίπυστον δέπας εἶχεν, ὅπερ ἄλλος μὲν μογέων ἀποκινήσασκε τραπέζης, αὐτὸς δ’ ἀμογητὶ ἄειρε. καινὸν δ’ οὐδὲν φιλεῖσθαι τῷ γηραλέῳ ἥρωϊ τὰ τοιαῦτα, εἴγε κοινὸν τοῦτ’ ἦν φίλημα τῷ ἡρωϊκῷ γένει. καὶ ᾧ μὲν Ἡρακλῆς λέγεται διαπεραιώσασθαι λέβητι εἰς τὴν Ὠκεανῖτιν Ἐρύθειαν, ἰδίᾳ κείσθω θεραπείας μεταληπτικῆς δεόμενον. τὸ δὲ τοῦ Ἀτρέως χρυσόμαλλον ἀρνίον συμφωνεῖται ποτήριον ἀργύρεον εἶναι, χρυσέῳ ἐμπεπαισμένον ἀρνίῳ περὶ τὸ τοῦ πυθμένος μέσον. περιᾴδεται δὲ καὶ ὁ παρὰ τῷ Ἀχιλλεῖ κρατὴρ τοῦ Διονύσου. παραδίδωσι δὲ πολλὰ τοιαῦτα καὶ ὁ Δειπνοσοφιστής, ἐν οἷς καὶ Σοφοκλοῦς περὶ Ἀκρισίου τὸ « καὶ κοῖλα χρυσόκολλα καὶ πανάργυρα ἐκπώματ’ εἰς ἀριθμὸν ἑξήκοντα δίς ». μνηστέον δ’ ἐνταῦθα καὶ τοῦ Ἀρκάδος Βαθυκλέος, ὃς ποτήριον ἀπέλιπεν ἆθλον τῷ κριθέντι ἀρίστῳ τῶν καλουμένων σοφῶν.] (Com. Dion. 558) ὅτι Ἐρύθεια ἡ τοῦ Γηρυόνου νῆσος περὶ τὸ χεῦμά ἐστι τοῦ Ἄτλαντος, ἤτοι περὶ τὸ Ἀτλαντικὸν πέλαγος. καὶ ὅρα ὅτι τὸ πέλαγος Ἄτλαντα εἶπεν, ὁμωνύμως τῷ ἥρωι, ἐξ οὗ αὐτὸ παρωνόμασται. ταύτην τὴν νῆσον βουτρόφον ἐπωνόμασε διὰ τὴν περιουσίαν τῶν βοῶν αἳ ἦσαν τῷ Γηρυόνῃ, ἐν ᾗ Αἰθίοπες Μακροβίων υἱοὶ, περὶ ὧν προείρηται, οἳ μετὰ τὸν Γηρυόνου, φησὶ, θάνατον ᾤκησαν τὴ νῆσον. αὐτοῦ γὰρ ζῶντος ἀοίκητος ἦν τοῖς ἄλλοις διὰ τὸ ἐκείνου κακόξενον. ᾄδεται δὲ Ἡρακλῆς εἰς αὐτὴν πλεύσας χαλκῷ λέβητι, ὅτε καὶ τὰς Γηρυονείους ἀπήλασε βοῦς. χαλκείῃ ἀκάτῳ βουπληθέος ἐξ Ἐρυθείης, ὡς ὁ Εὐφορίων λέγεται ἱστορεῖν. ὁμοίως καὶ ὁ Ἐφέσιος Ἀλέξανδρος, εἰπών· «  χαλκείῳ δὲ λέβητι μέγαν διενήξατο πόντον  ». τάχα δὲ ὁ μὲν ῥηθεὶς λέβης πλοίου εἶδος ἦν, ᾧ καὶ ὁ λῃστρικὸς λέμβος ἔοικε παρηχεῖσθαι κατὰ παρωνομασίαν τινά. τὸ δὲ τούτου χάλκεον συγκρότησίν τινα χαλκοῦ δηλοῖ ἐπ’ αὐτῷ, ὡς εἴ γε τυχὸν χαλκέμβολον ἦν, ἢ παράσημά τινα ὡς εἰκὸς ἐκ τοιαύτης εἶχεν ὕλης περὶ τὰ κατὰ πρύμναν ἢ κατὰ πρώραν. Ἰστέον δὲ ὅτι ὁ Ἀρριανὸς δοξάζων τὸν Τύριον Ἡρακλέα τοῖς περὶ τὰ Γάδειρα τόποις ἐπιφοιτῆσαι, λέγει ὅτι κατὰ τὸν λογοποιὸν Ἑκαταῖον ὁ Γηρυόνης, ἐφ’ ὃν ὁ Ἀργεῖος Ἡρακλῆς ἐστάλη, οὐδέν τι προσήκει τῇ γῇ τῶν Ἰβήρων, ἤγουν οὐκ ἦν ἐξ Ἰβηρίας, ἀλλὰ τῆς ἠπείρου τῆς περὶ Ἀμπρακίαν βασιλεὺς ἐγένετο, καὶ ἐκ τῆς ἠπείρου ταύτης ἀπήλασεν ὁ Ἡρακλῆς τὰς βόας, οὐδὲ τοῦτο φαῦλον ἆθλον τιθέμενος. «  οἶδα δὲ, φησὶν, ἐγὼ καὶ εἰς τοῦτο ἔτι τὴν ἤπειρον ταύτην εὔβοτον, καὶ βοῦς τρέφουσαν καλλίστας ». καὶ ταῦτα μὲν οὕτω. τοὺς δὲ ἐν Ἐρυθείᾳ Αἰθίοπας μακροβίους μὲν ὁ Διονύσιος λέγει, πρὸς ἀντιδιαστολὴν τῶν ἀκριδοφάγων Αἰθιόπων, οἳ βραχύβιοί εἰσι,

85 – EΡΥΘΕΙΑ/ERUTHEIA [Λ + Ω (+ M ? + E ?)] σπανίως ὑπερτιθέντες ἔτη μʹ κατὰ τὸν Γεωγράφον, ὡς ἀποθηριουμένης αὐτῶν τῆς σαρκός· θεουδέας δὲ ἐπονομάζει καὶ ἀμύμονας διὰ δικαιοσύνην, ὡς τῶν ἄλλων ἑσπερίων ἀδίκων ὄντων. ἰστέον δὲ ὅτι μακροβίους καί τινας τῶν Ὑπερβορείων ἱστοροῦσί τινες. ἄλλοι δὲ νῆσον Ἐρύθειαν εἶπον αὐτὰ τὰ Γάδειρα, τῷ Διονυσίῳ οὐ συντρέχοντες· οἱ δὲ νῆσόν τινα Ἐρύθειαν εἶπον παραβεβλημένην τοῖς Γαδείροις, πορθμῷ σταδιαίῳ διειργομένην. ἐνόμισαν δὲ τοῦτο οἷα τὸ εὔβοτον ὁρῶντες τῆς τοιαύτης νήσου, ἔνθα τῶν προβάτων γάλα ὀρρὸν οὐ ποιεῖ, ἀλλὰ καὶ τυροποιοῦσι πολλῷ ὕδατι μίξαντες διὰ τὴν πιότητα. καὶ ἐν τριάκοντα δέ φασιν ἡμέραις αὐτόθι πνίγεται τὸ ζῶον, εἰ μή τις ἀποσχάσει τι τοῦ αἵματος. πλούσιος δὲ ὁ Γηρυόνης ὥσπερ κατὰ τὰς βόας, οὕτω καὶ κατὰ τὸ ὄνομα· λέγεται γὰρ καὶ Γηρυὼν καὶ Γηρυόνης καὶ Γηρυονεύς.

Commentaire La notice semble provenir du lexique-source, mais avec des annotations d’Oros (|2|). [A]  |1|  Le commentaire d’Eustathe de Thessalonique

(Com. Dion. 558) nous a conservé ce qu’Hécatée (FGrHist 1 F 26) rapportait de Géryon, roi de l’île d’Erutheia (par l’intermédiaire d’Arrien). La forme Erutheia est donnée par Athénée d’après Antimaque et Panyasis (11.38), et d’après Phérécyde (11.39), par Euripide (Herc. v. 424), Isocrates (Hel. 24, Arch. 19), Hérodote (4.8), pseudo-Scylax (§ 26), pseudo-Scymnos (v. 153), Lucien (De salt. 57), Denys d’Halicarnasse (1.39.1 ; 2.1.4), Pausanias (4.36.4, 10.10.9, 10.17.5), Arrien (Alex. 2.16.5), Denys le Périégète (v.  558), le pseudo-­Aristote (Mirab. ausc. p. 843b-844ª, 133 Giannini), Aristote (Meteor. 359a), Diogenianus (épit. Paroem. 2, 57), Ptolémée (Geogr. 4.1.16), pseudo-Apollodore (Bibl. 1.35  ; 2.106, 108 et 114), Philostrate (Vita Apoll. 5.4), Appien (Bell. civ. 2.6.39), les Orphica (Argon. 1048), Philostrate (Her. Olear. p. 671), Parthenios (Narr. 30.1), le grammairien grec Conon (d’après Photios, Bibl. cod. 186). Plusieurs mentions de Strabon (3.2.11, 3.5.4, 6.2.3) concernent cette île, signalée également dans la notice Aphrodisias [37]. D’après Pline l’Ancien (4.120), Erutheia est mentionnée sous ce nom par Éphore et Philistide. [B] : La mention se trouve effectivement chez Pausanias (10.17.5). Il s’agit d’un passage sur les fondations de villes en Sardaigne que l’on retrouve pour les ville de cette île, bien que de manière non explicite (Nôra [163], Olbia [169], Agrulê [4]). [C] |2| La forme Erutheiê est utilisée par Hésiode (Theog.

v.  290), Oppien (Cyn. 2.110), Euphorion (fr. 52)  ;

501 voir également Jean Galenus (allegor. in Hesiodi theog. p. 317 et 363). Cette forme correspond au nom d’une nymphe chez le pseudo-Aristote (Mirab. ausc. 843a) et Callimaque (fr. 407). Cf. également l’Anthologie grecque (appendix, ép. 13). [D] |3| La forme de l’ethnique, Erutheus, ne se trouve chez aucun de nos auteurs.

La citation d’Homère provient de l’Odyssée (1.23) ; on ne saisit pas bien le lien avec ce qui précède, si ce n’est de faire référence à des « hommes du bout du monde ».

Localisation et archéologie L’île est située au nord de l’île sur laquelle était bâtie Gadeira et fait partie du petit archipel de la baie de Cádiz. Cette île est appelée également Aphrodisias par certains auteurs du fait de la présence d’un sanctuaire à Aphrodite/Astarté. Elle est assimilée au mythe d’Héraclès puisque c’est sur cette île qu’Héraclès vint s’emparer des bœufs de Geryon. Strabon (3.5.4) vantant les excellents pâturages de l’île propose d’y voir l’origine de la légende. Celle-ci était rapportée par Hécatée de Milet dans ses Généalogiques (FGrHist 1 F 26) comme l’indique le fragment transmis par Arrien (An. 2.16.5). Voir la fiche Gadeira [59] pour le détail de l’implantation et la fiche Aphrodisias [37] pour l’autre nom de l’île.

Chronologie des mentions vie s. av. : Hécatée, Ἐρύθεια – ve s. av. : Phérécyde, Ἐρύθεια ; Eschyle, Ἐρύθεια  ; Hérodote, Ἐρύθεια  ; Antimaque de Colophon, Ἐρύθεια – ive s. av. : [Aviénus, Ora maritima], insula Veneris ; Éphore, Ἐρύθεια ; pseudo-Scylax, Ἐρύθεια – iiie s. av. : Timée ?, Ἀφροδισιάς ; Antigone de Caryste, Ἐρύθεια – iie s. av. : Silénos, Ἀφροδισιάς ; pseudo-Scymnos, Ἐρύθεια ; Artémidore ?, Ἐρύθεια ? – ier s. : Strabon, Ἐρύθεια – iie  s.  :  Denys le Périégète, Ἐρύθεια  ; Arrien, Ἐρύθεια ; Ptolémée, Ἐρύθεια – iiie s. : Philostrate, Ἐρύθεια.

Bibliographie indicative RE VI, 1 (1907), col.  575 (s.v.  Erytheia) Hübner  ; Smith 1854 (s.v.  Gades)  ; THA  IIB 142d  ; Delcor 1976 ; Jourdain-Annequin 1982, p. 237 ; JourdainAnnequin 1989 ; Adrados 2000, p. 8. Barrington Atlas : 26 D5 (Aphrodisias/Erythea/Iunonis Ins.) ; http://pleiades.stoa.org/places/255978

502

86 – EΣΔΗΤΕΣ (= EIΔΗΤΕΣ ?)/HESDÊTES (= EIDÊTES ?) [Ε]

86 –

EΣΔΗΤΕΣ (= EIΔΗΤΕΣ ?)/HESDÊTES (= EIDÊTES ?) [Ε]

Peuple – Hispanie (Tarraconaise) (ε 139 Billerbeck)            Hécatée Livre 16 – Second abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 18,7 % – taux théorique : 20 %). Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé et traduction (en grisé, forme erronée restituée du manu­scrit archétype disparu, corrigée dans la notice normalisée)

Εἰδητές(a)· ἔθνος ἰβηρικόν, ἑκαταῖος εὐρώπης(b). a)  Ἕσδητες Holste  :  Eἰδητές RQPN. b)  Εὐρώπῃ Xylander : εὐρώπης RQPN. a, b – Erreurs lors de l’abréviation ?

Ἕσδητες· [Da] |1| ἔθνος ἰβηρικόν. |2| Ἑκαταῖος Εὐρώπῃ [FGrHist 1

F 47].

Hesdêtes : [Da] |1| peuple ibérique. |2| Hécatée (Europe).

Commentaire La notice provient du lexique d’Hécatée. [Da]  |1-2|  Ce peuple n’est connu que par la mention

d’Hécatée. Il est d’usage de rectifier le lemme que donnent les manu­scrits, Εἰδητές, en Ἕσδητες pour tenir compte de l’ordre des notices. T. Braun propose de garder la forme de l’Épitomé par rapport à la forme postérieure d’Edetani (Braun 2000) ; mais cela n’est pas possible compte tenu de l’ordre alphabétique, la forme Hesdêtes ou peut-être plus vraisemblablement Esdêtes étant alors la plus probable. Sachant que Stéphane de Byzance a placé vraisemblablement lui-même les notices provenant du lexique d’Hécatée, il n’existait pas à proprement parler d’erreur de classement alphabétique antérieur à la constitution des Ethniques. L’utilisation d’un ktétique pour la détermination géographique n’est pas anormal pour Hécatée.

Localisation et archéologie S’agit-il du peuple des Edetani/Sedetani mentionnés à l’époque romaine ? P. Moret a repris dans le détail les mentions qui peuvent se rapporter à ce peuple chez les auteurs grecs et romains (Moret 2004, p.  53-57). Pour l’époque impériale, Ptolémée (Geogr. 2.6.62) mentionne une ville ayant le

double nom d’Edeta et de Leiria, localisée sans difficulté à Liria (Valence), ce que confirme l’épigraphie. De la même manière, Pline l’Ancien (3.20, 3.23-24) nomme les Edetani et une région Edetenia qui s’étend entre le Júcar et le Mijares (Moret 2004, p. 54). Les mentions de Strabon quant à elles se rapportent en fait à différents peuples : les Dittanoi (3.4.12), à comparer à la Deitania de Pline l’Ancien (3.19) (sur les confusions Deitania/ Editania chez Pline l’Ancien, en lien avec les mentions des autres auteurs, voir Zehnacker 2004, p.  112)  ; les Sêdêtanoi (3.4.14) qui doivent correspondrent à la Sedetania de Pline l’Ancien (3.24). Selon P. Moret, seuls les Elêtanoi peuvent correspondre (par mélecture de Λ/Δ) aux Edêtanoi, mais leur territoire n’a rien à voir avec celui que décrit Pline : il est beaucoup plus vaste et situé largement au sud de l’Èbre (Moret 2004, p. 54). Enfin, pour lui il n’y a pas lieu de faire de correspondance entre ces mentions et celle d’Hécatée car trop éloignées dans le temps (Moret 2004, p.  55 n. 70). Cela n’est pas certain : il n’est pas rare d’avoir ainsi des géonymes signalés uniquement par Hécatée et Strabon (c’est par exemple le cas pour Monoikos [154]). Ce n’est donc pas un argument que nous retiendrons. Si l’on fait une équivalence avec les Edetani, cela reviendrait à les placer sur la côte valencienne. Toutefois, la ville appelée Edeta/Leiria a fait l’objet de fouilles, qui montrent bien que l’occupation ne démarre pas avant le ive siècle av. J.-C. (Bonet Rosado 1995, p. 498). On ne peut donc placer la ville-centre de ce peuple à cet emplacement à l’époque d’Hécatée. Pour la deuxième hypothèse, les Sedetani sont situés au nord dans la région centrale de l’Aragon ; leur ville principale, Salduba, correspond à l’actuelle Saragosse. Ils semblent positionnés un peu trop à l’intérieur des terres pour avoir été connus d’Hécatée. En revanche, le dernier de ces peuples quasi homonymes, les Dittanoi de Strabon, semble pouvoir être localisé vers le sud-est, dans le massif de l’Orospeda selon cet

87 – EΣΠΕΡΙΑ/HESPERIA [Λ] auteur. Ce dernier toponyme se retrouve à la fin de l’Antiquité pour l’une des provinces wisigothiques de l’Espagne. Cette région se trouve approximativement entre Almansa, à l’est de la province d’Albacete, et Segura de la Sierra au sud, soit un espace géographique légèrement montagneux à l’ouest d’Alicante. La forme de Deitania chez Pline semble plutôt impliquer une voyelle longue qui pourrait être η chez Strabon (ΔΗΤΑΝΟΙ lu ΔΙΤΤΑΝΟΙ ?). Pour P. Moret, apparaît ainsi « parfaitement plausible l’existence dans la tradition géographique de l’époque républicaine d’un ethnonyme Dittani ou Deitani » (Moret 2004, p. 58-59). Nous verrions avec quelque vraisemblance le peuple mentionné par Hécatée.

503

Chronologie des mentions vie s. av. : Hécatée, Ἕσδητες – ier s. : Strabon ?, Διττανοὶ ? (=Δητανοὶ ?) ; Pline l’Ancien ?, Deitania ?

Bibliographie indicative THA  II A 23m  ; IIB 142ap  ; Tovar 1989, p.  32  ; González Blanco 1991, p.  26, 32  ; Zehnacker 2004, p. 116 ; Moret 2004, p. 53-57.

87 – EΣΠΕΡΙΑ/HESPERIA [Λ]

Région – Hispanie (ε 140 Billerbeck)            Polybe ? Livre 16 – Second abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 18,7 % – taux théorique : 20 %). Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé et traduction Ἑσπερία(a), ἡ δύσις καὶ τὸ δυτικὸν μέρος. τὸ ἐθνικὸν ἑσπέριος καὶ ἑσπεριώτης (b) (c), καὶ ἑσπερίτης ὁ δυτικὸς παρὰ(d) τὴν ἑσπέραν, τὴν δύσιν. a) ἑσπερία PN : ἐσπερίας RQ.-b) ἑσπεριώτης PN : ἑσπερίατης RQ. c)  ὡς Ἰταλιώτης add. Bouiron (ex Et. Sym.). d)  παρὰ RQPN : περὶ Et. Sym.

Ἑσπερία · [A] |1| ἡ δύσις καὶ τὸ δυτικὸν μέρος. [D]   |2|  τὸ ἐθνικὸν Ἑσπέριος καὶ Ἑσπεριώτης , καὶ Ἐσπερίτης ὁ δυτικὸς παρὰ τὴν ἑσπέραν, τὴν δύσιν.

Hesperia  :  [A]  |1|  l’Occident et la partie occidentale. [D] |2| L’ethnique se dit Hesperios, Hesperiôtês, et Hespêritês, l’occidental, d’après le soir [hespera] c’est-à-dire l’Occident.

Lexiques et commentaires grecs et byzantins Scholia in Hesiodum (schol. vet., Theog., sch. 275) ἵν’ Ἑσπερίδες λιγύφωνοι· διὰ τοῦτο ταύτας καλεῖ, διότι κατὰ μουσικὴν ἁρμονίαν οἱ ἀστέρες κινοῦνται περὶ τὰ Γάδειρα. , ὡς Ἀριστοτέλης φησί.

vie siècle – Lexique d’Hesychius (ε 6301) Ἑσπερία· δυτικὰ μέρη. xiiie siècle – Lexique du pseudo-Zonaras (880.22) Ἑσπερία· τὰ δυτικά. xe siècle – Souda (ε 3184, 3185 Adler) Ἑσπέριος· ὁ δυσικός. Ἑσπερίτης λίμνη· ἡ πρὸς τὴν δύσιν οὖσα. xiie  siècle – Etymologicum Symeonis (Billerbeck in app. ε 140) Ἑσπερία θάλασσα καὶ Ἀτλαντικὸς πέλαγος· … τὸ ἐθνικὸν Ἑσπέριος καὶ Ἑσπεριώτης ὡς Ἰταλιώτης. καὶ Ἑσπερίτης ὁ δυτικὸς περὶ τὴν Ἑσπέραν. xiie siècle – Eustathe de Thessalonique (Com. Od. 1.5 et 1.12) ὅτι ἐπαινεῖ τὸν Ὀδυσσέα ὡς μάλα πολλὰ πλανηθέντα καὶ πολλῶν ἰδόντα ἀνθρώπων ἄστεα καὶ νόον γνόντα. ὅ ἐστιν, ἦθος. ἔθος. διαγωγήν. οὗ τῆς πλάνης ἴχνη, μέχρι καὶ τῶν ἐσχάτων τῆς Ἑσπερίας Ἰβηρίας, ὡς ἱστοροῦσιν οἱ παλαιοί. (…) Αἰθίοπες ἕτεροι ἐν τῷ βορειοτάτῳ ἐσχάτῳ τῆς αὐτοῦ Λιβύης τῷ κατὰ Αἴγυπτον καὶ Ἑσπερίαν θάλασσαν ὡς Ἀριστάρχῳ δοκεῖ.

504

88 – EYBIOI/EUBIOI [Λ]

(Com. Dion. 58, 334, 338 et 483) ὅτι ἡ Ἑσπερία θάλασσα οὕτως ἐστὶ μεγάλη, καὶ, ὡς αὐτός που ἐρεῖ, ἀπείριτος, ὥστε ἐπὶ τὰς τρεῖς ἠπείρους τῆς οἰκουμένης λοξοῖς ἐπιστρέφεται πελάγεσιν, ἄλλοτε μὲν νήσοις περίδρομος, ἄλλοτε δὲ ἢ ὀρέων πέζαν ὑποξύουσα ἢ πόλεων. (…) ὅτι ἡ Ἑσπερία κρηπὶς τῆς γῆς τῶν Ἰβήρων γείτων ἐστὶ τοῦ ὠκεανοῦ, ἔνθα καὶ μία τῶν Ἡρακλείων στηλῶν ἡ Ἀλύβη, ὡς καὶ ἀλλαχοῦ εἴρηται. (…) ἔχει δὲ ἡ Πυρήνη τὰς ἀρχὰς ἀπὸ τοῦ βορείου ὠκεανοῦ, καὶ διήκει ἕως εἰς τὴν Ἑσπερίαν θάλασσαν, καὶ διορίζει Κελτούς τε καὶ Ἴβηρας. (…) καὶ τοιοῦτον μὲν τὸ τριλλίστους· τὸ δὲ τηλίστους τοὺς ὑπερορίους δηλοῖ, καὶ τῆλε, ὅ ἐστι πόρρω, πρὸς τῷ ὠκεανῷ ἀπέχοντας· ἐκεῖ γὰρ ἡ Ἑσπερία Ἰβηρία κεῖται.

Commentaire La notice est issue du lexique-source. [A]  |1|  L’explication se retrouve chez Hesychius. Elle

s’apparente à la détermination de certains lemmes de Polybe. Cette notice est-elle issue du lexique de cet auteur ?

[D] |2| La première forme de l’ethnique se trouve chez

Denys le Périégète (v.  30). Le nom Hesperiôtês ne se rencontre que chez Stéphane de Byzance. La forme Hesperitês se retrouve chez Strabon (4.1.39) à propos des Libyens et chez Callimaque (Anth. Gr. 13.37). La Souda

a une indication assez proche pour la définition d’Hesperios. [E] absent : On trouve chez Diodore de Sicile (4.27.2) le pays Ἑσπερῖτις.

Localisation et archéologie L’indication que donne Stéphane de Byzance est très vaste et ne permet pas d’attribuer la mention à un lieu particulier. Il est probable que l’Hesperia soit le territoire de l’Ibérie comme l’indiquent les auteurs anciens (et que reprend encore Eustathe de Thessalonique dans son commentaire à Denys le Périégète), mais cela relève plus d’un vocabulaire poétique que géographique. Compte tenu de la prépondérance de l’aspect mythologique et poétique de ce nom, nous ne nous étendrons pas plus dans cette rubrique.

Chronologie des mentions iiie s. av. : Callimaque, Ἐσπερίτης – ier s. av. : Diodore de Sicile, Ἑσπερῖτις – i er  s.  :  Strabon, Ἐσπερίτης – iie s. : Denys le Périégète, Ἑσπέριος.

Bibliographie indicative RE VIII, 1 (1912), col.  1243 (s.v.  Hesperia) Weiss  ; THA IIB 142aq ; González Blanco 1991, p. 26. Barrington Atlas : 28 (Hesperioi) ; http://pleiades.stoa.org/places/278615

88 – EYBIOI/EUBIOI [Λ]

Peuple – Gaule (Narbonnaise) ? (ε 148 Billerbeck)            Théopompe Livre 16 – Second abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 18,7 % – taux théorique : 20 %). Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé et traduction (en grisé, forme erronée restituée du manu­scrit archétype disparu, corrigée dans la notice normalisée)

Εὔβιοι(a)· ἔθνος λιγυστικόν. εἴρηται ἐν τῷ περὶ τῶν ἀρταξάνων(b). a)  εὔβιοι RQP  :  εὔιοι N. b)  Ἀρβαξανῶν Berkel  :  ἀρταξάνων RQPN. b – Erreur de lecture lors de l’abréviation ?

Εὔβιοι· [Da] |1| ἔθνος λιγυστικόν [Théopompe]. |2| εἴρηται ἐν τῷ

περὶ τῶν Ἀρβαξανῶν.

Eubioi :  [Da] |1| peuple de Ligystique. |2| On les mentionne dans la notice sur les Arbaxanoi.

89 – ΖΑΚΑΝΘΑ/ZAKANTHA [Λ]

505

Commentaire

Localisation et archéologie

La notice est issue du lexique-source.

Il n’est pas possible de proposer une localisation. Voir la fiche Arbaxanoi [27].

[Da] |1-2| Le nom du peuple n’apparaît que chez Stéphane

de Byzance. La citation d’où est issue la mention, provenant de Théopompe, est à peu près complète dans la notice Ipsikouroi [112]. L’indication « on les mentionne dans la notice des Arbaxanoi » peut provenir du lexiquesource, c’est une manière de la rattacher à une autre notice et n’implique pas forcément à l’origine d’avoir la citation que l’on retrouve dans les notices des Arbaxanoi [27] et Ipsikouroi [112]. On notera que le terme « ligystique  » n’existe pas dans la citation de Théopompe  ; l’auteur du lexique l’aura déduit du nom des Ligyens.

Chronologie des mentions ive s. av. : Théopompe/Pythéas, Εὔβιοι (ἔθνος λιγυστικόν).

Bibliographie indicative RE VI, 1 (1907), col. 850 (s.v. Eubioi) Hülsen.

89 – ΖΑΚΑΝΘΑ/ZAKANTHA [Λ]

Ville – Hispanie (Tarraconaise) (ζ 7 Billerbeck)            Apollodore + Polybe ? Livre 17 – Second abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 16 % – taux théorique : 20 %). Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé et traduction (en grisé, forme erronée restituée du manu­scrit archétype disparu, corrigée dans la notice normalisée)

Ζάκανθα· πόλις ἰβηρίας, ἣν εἷλεν(a) ἁννίβας(b), ὡς ἀπολλόδωρος ἐν χρονικῶν γ΄. τὸ ἐθνικὸν ζακανθαῖος. a) καθεῖλεν Rpc (καθ alt. m. superscr.) : εἷλεν RacQPN. b) ἀννίβας QPN : ἀνήβας R.

Ζάκανθα· [A]   |1|  πόλις Ἰβηρίας, [B]   ἣν καθεῖλεν Ἀννίβας, ὡς Ἀπολλόδωρος ἐν χρονικῶν γ΄ [FGrHist 244 F 13]. [D] |2| τὸ ἐθνικὸν Ζακανθαῖος [Apollodore ? Polybe ?].

Zakantha  :  [A]   |1|  ville d’Ibérie, qui fut prise par Hannibal, selon Apollodore, dans le 3 e livre des Chroniques. [D] |2| L’ethnique se dit Zakantaios.

Commentaire Cette notice provient du lexique-source. [A] |1| La mention de cette ville, sous cette forme lexicale,

est limitée à notre connaissance à trois auteurs : principalement Polybe (3.6.2, 3.14.9, 3.17.2, 3.30.3, 3.61.8, 3.98.5 et 7, 3.99.5, 4.37.4, 4.66.8) qui a pu servir également à la notice du lexique-source, Appien (Iber. 320)

et Diodore de Sicile (25.15.1). Toutefois, la mention d’Apollodore immédiatement après peut amener à proposer cet auteur comme source du lexique et donc de la détermination géographique. [B] : On trouve une formulation assez proche de celle

de la notice Arboukalê [28]  (ἥν μόλις εἷλεν Ἀννίβας) qui, elle, semble plutôt relever de Polybe. Ici, la source est bien Apollodore dans le livre III de ses Chroniques. Appien (Iber. 320) donne une indication là encore assez proche : « ἣν Ἀννίβας καθελὼν ἔκτισεν ». Dans la notice de Zakantha, la forme εἷλεν est celle de l’Épitomé mais M. Billerbeck, reprenant cette question, montre que la métrique impose καθεῖλεν chez Apollodore et probablement les Ethniques avant toute abréviation. [D]  |2|  L’ethnique se retrouve à de très nombreuses

reprises chez Polybe (3.8.1 et 7, 3.14.10, 3.15.1, 5, 7-8, 11 et 13, 3.16.6, 3.20.1-2 et 6, 3.21.5-6, 3.29.1, 3.30.1-2, 3.97.6, 3.98.1, 4.28.2, 4.66.8, 15.17.3) et Appien (Iber. 25, 27, 36-38, 40-44, 46 ; Annib. 6, 11-12 ; Lib. 23, 278). Polybe a pu servir de source pour cet ethnique, mais il serait logique qu’Apollodore ait mentionné le nom des habitants, compte tenu du caractère héroïque de leur comportement lors du siège de la ville.

506

89 – ΖΑΚΑΝΘΑ/ZAKANTHA [Λ]

Localisation et archéologie

Chronologie des mentions

Il s’agit de l’actuelle Murviedro, nom dérivé de muri veteres, les « vieux murs ». L’oppidum ancien se trouve à El Castell, tandis que l’emporion est à El Grau Vell.

ve s. av. : (plomb inscrit), Σαιγανθη – iiie s. av. : Timée ?, Σάργανθα ? (=Σάιγανθα ?) – iie s. av. : Polybe, Ζάκανθα, Ζακανθαῖοι  ; Apollodore d’Athènes, Ζάκανθα – ier s. av.  :  Salluste, Saguntini  ; Diodore de Sicile, Ζάκανθα, Ζακανθαῖοι ; Nicolas de Damas, Ζακύνθιοι – ier s. : TiteLive, Saguntus, Saguntum  ; Strabon, Ζακύνθιοι, Σάγουντος (τοῦ Ἴβηρος) ; Pomponius Mela, Saguntum ; Pline l’Ancien, Saguntum – iie s. : Charax ?, Σάγουντος, Σαγούντιοι ; Appien, Ζάκανθα, Ζακανθαῖοι, Ζακύνθιοι ; Ptolémée, Σαγουντία, Σάγουντον – iiie s. : Dion Cassius, Ζακύνθιοι – ive s. : Paeanius (trad. Eutrope), Σάγουντος, Σαγοῦντοι (Ἱσπανίας πόλιν).

La ville ibérique portait le nom d’Arsa. Lors de la Deuxième guerre punique, elle fut assiégée par Hannibal, alors qu’elle avait pris le parti des Romains. La ville est totalement détruite après huit mois de siège et malgré une résistance héroïque de ses habitants qui a fortement marqué leurs contemporains. Strabon (3.4.6) rattache la fondation de la ville aux Zakunthaioi, c’està-dire les habitants de l’île de Zanthe ; il est l’interprète d’une tradition qui fait provenir le nom de cette ville de Zakunthos (Zacynthos), le fils du roi Dardanos. Il est lui-même l’ancêtre d’Énée, permettant ainsi un rattachement de ces hommes si courageux au mythe de la Guerre de Troie (voir Denys d’Halicarnasse 1.50.2-3). Apollodore n’est peut-être pas pour rien dans cette filiation mythique. Reprise par les Romains en 212 av. J.-C., la ville est rebâtie au début du siècle suivant et prend alors le nom de Saguntum. Cette reconstruction est protégée par un nouveau mur d’enceinte, flanqué de tours quadrangulaires, qui agrandit jusqu’à 20 ha l’ancien oppidum d’Arsa. Elle prend place sur un sanctuaire antérieur, marquant probablement un lien symbolique fort avec ce qui précédait. Plusieurs temples sont connus, dédiés à Aphrodite (Polybe 3.97.6-8) et Artémis (Pline l’Ancien 16.216). Un fragment de vase décoré représentant Hercule, retrouvé à proximité immédiate du temple républicain, pourrait indiquer que le héros était vénéré ici, comme à Tibur, à la fois dans le but de magnifier la victoire des Romains sur les Carthaginois mais également avec une valeur liée au commerce (Aranegui Gascó 2006, p. 67). Des fouilles archéologiques récentes ont dégagé, sur la pente nord de la plaça d’Estudiants, les vestiges de la muraille romaine du iie siècle av. J.-C. (Aranegui 2011, p. 9). À proximité immédiate sont apparus les vestiges d’un sanctuaire, qui deviendra ensuite le forum, bâti sur le même emplacement. Voir également la fiche Sargantha [195].

Le nom semble issu de Σαιγανθη, mentionnée dans un plomb grec retrouvé à Ampurias (Pérez Vilatela, Silgo Gauche 1990, p. 2-3) et que l’on retrouve peutêtre chez Timée sous la forme Sargantha (= Saigantha ?) (voir fiche [195]). Chez les auteurs grecs des iie-ier siècles av. J.-C., la ville est appelée Zakantha et ses habitants Zakanthaioi, transformée à partir du ier siècle av. J.-C. en Zakunthioi, peut-être par assimilation avec le nom grec de l’île (et de la ville) de Zante dans les îles ioniennes. Chez les Romains, la ville porte le nom de Saguntum (avec des variantes en -os) que l’on retrouve à partir de Strabon chez les auteurs grecs, en concurrence avec le nom plus ancien.

Bibliographie indicative RE IX, A2 (1967), col. 2288-2292 (s.v. Zakantha) R. Grosse ; col. 2295-2296 (s.v. Zakunthos) H. Treidler ; Smith 1854 (s.v.  Saguntum)  ; THA  IIB 142ci et cj  ; Silberman 1988, p. 224 ; Tovar 1989, p. 285-288 ; Pérez Vilatela, Silgo Gauche 1990 ; González Blanco 1991, p.  26, 32  ; Adrados 2000, p.  12  ; Zehnacker 2004, p. 113 ; Aranegui Gascó 2006 ; Aranegui 2011, p. 9-11. Barrington Atlas : 27 E2 (Saguntum/Arse) ; http://pleiades.stoa.org/places/266021

90 – ΖΑΚΥΝΘΟΣ/ZAKUNTHOS [Λ (+ Ω ?)]

507

90 – ΖΑΚΥΝΘΟΣ/ZAKUNTHOS [Λ (+ Ω ?)]

Ville – Hispanie (Tarraconaise) (ζ 8 Billerbeck)            [C] |3| Artémidore ? Livre 17 – Second abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 16 % – taux théorique : 20 %). Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé et traduction Ζάκυνθος· πόλις, ἀπὸ ζακύνθου τοῦ δαρδάνου. ἀρσενικῶς ὅμηρος καὶ θηλυκῶς «  καὶ ὑλήεσσα(a) ζάκυνθος  »(b) καὶ «  ὑλήεντα ζάκυνθον  ». β΄ ἰβηρίας. γ΄ λιβύης, ἣν καὶ ζακυνθίαν τινὲς ἀνέγραψαν. ὁ πολίτης τῆς ζακύνθου ζακύνθιος καὶ ζακυνθία, τῆς δὲ ζακυνθίας ζακυνθιανός ὡς ἀδριανός, ἢ ζακυνθιεύς ὡς ἀκανθιεύς(c) οἰχαλιεύς. a) ὑλήεσσα QN : ὑλήεσσαν P. b) καὶ ὑλήεσσα ζάκυνθος om. R. c) ἀκανθιεύς RacQPN : ἀκαντιεύς Rpc, Ἀβαντιεύς Meineke in app.

Ζάκυνθος· [A]   |1|  πόλις, [B]   ἀπὸ Ζακύνθου τοῦ Δαρδάνου. [C] |2| ἀρσενικῶς Ὅμηρος [Od. 9.24] καὶ θηλυκῶς « καὶ

ὑλήεσσα Ζάκυνθος » καὶ « ὑλήεντα Ζάκυνθον ». |3| β΄ Ἰβηρίας [Artémidore ? Strabon ?].

Lexiques et commentaires grecs et byzantins xiie siècle – Eustathe de Thessalonique (Com. Il. 1.476) Ζάκυνθος δὲ λέγεται μὲν καὶ ἀρσενικῶς καὶ θηλυκῶς. δασεῖα δέ ἐστιν, ὡς δηλοῖκαὶ τὸ « ὑλήεντα Ζάκυνθον ». ὠνομάσθη δέ, φασίν, ἀπὸ Ζακύνθου, υἱοῦ Δαρδάνου. ἐνταῦθα δὲ κεῖται τὸ διπλοῦν ζ ὡς οἷά τι στοιχεῖον ἁπλοῦν· οὐ γὰρ ἐκτείνει τὸ πρὸ αὐτοῦ βραχὺ φωνῆεν. φησὶ γάρ· « οἵ τε Ζάκυνθον εἶχον » τοῦ βραχυνομένου, ἵνα συναπαρτισθῇ δάκτυλος. καὶ ἡ αἰτία τοῦ πάθους κεῖται εἰς τὸ « ἱερῆς εἰς ἄστυ Ζελείης ». κατὰ ὅμοιον δὲ λόγον καὶ ὁ Σκάμανδρος ἀδυνατεῖ ἐκτείνειν τὸ πρὸ αὐτοῦ βραχὺ φωνῆεν, ὡς καὶ αὐτὸ ἐρρέθη, ἔνθα ἐχρῆν.

Commentaire

|4| γ΄ Λιβύης, ἣν καὶ Ζακυνθίαν τινὲς ἀνέγραψαν.

La notice provient du lexique-source (avec des indications d’Oros |5| ?).

[D] |5| ὁ πολίτης τῆς Ζακύνθου Ζακύνθιος καὶ Ζακυνθία,

[C]  |3|  C’est la forme implicite de Strabon et Appien

τῆς δὲ Ζακυνθίας Ζακυνθιανός ὡς Ἀδριανός, ἢ Ζακυνθιεύς ὡς Ἀκανθιεύς, Οἰχαλιεύς.

Zakunthos  :  [A]   |1|  ville, [B]   dénommée d’après Zakunthos, le fils de Dardanos. |2| Homère l’emploie au masculin et au féminin « et la boisée Zakunthos » et « le boisé Zakunthos ». [C] |3| 2. D’Ibérie. |4| 3. De Libye, que certains écrivent Zakunthia. [D] |5| Le citoyen de Zakunthos est appelé Zakunthios et Zakunthia [au féminin] ; et celui de Zakunthia Zakunthianos, formé comme Adrianos, ou Zakunthieus formé comme Akanthieus et Oichalieus.

pour désigner la ville de Sagonte si l’on en juge par la forme des ethnique chez ces deux auteurs. En revanche, le nom de la ville n’apparaît pas dans leurs textes. C’est pourquoi nous proposons que la source de la notice pour la ville ibérique soit à chercher plutôt du côté d’Artémidore. [D] |5| Strabon (3.4.6) donne la forme Zakunthioi pour le peuple qui fonde Sagonte ; Appien (Iber. 25) semble fournir la même information. La forme se retrouve chez Nicolas de Damas (fr. 99, d’après les Excerpta Constantiniana) et chez Dion Cassius dans la version de Zonaras (vol. 2 p. 233-235, 261).

Localisation et archéologie Voir la fiche Zakantha [89].

Chronologie des mentions Voir la fiche Zakantha [89].

Bibliographie indicative Voir la fiche Zakantha [89].

508

91 – HΛΙΣ/ÊLIS [Λ+Ω]

91 – HΛΙΣ/ÊLIS [Λ+Ω]

Ville – Hispanie (η 10 Billerbeck)            [C] |3| Charax ? Livre 18 – Second abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 20,1 % – taux théorique : 20 %). Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé et traduction (en grisé, forme erronée restituée du manu­scrit archétype disparu, corrigée dans la notice normalisée)

Ἦλις(a)· πόλις πρὸς τῇ αἰγυπτίᾳ ὀλυμπίᾳ(b), ἀπὸ ἠλείου(c) τοῦ ταντάλου παιδός. ἔστι καὶ ἄλλη ἀρκαδίας. καὶ γ΄ ἱσπανίας(d). ὁ πολίτης ἀπὸ τῆς ἤλιδος γενικῆς ἀναλόγως ἠλίδειος ὡς ἀδωνίδειος καὶ εὐπολίδειος καὶ (e) κτητικῷ τύπῳ(f ), καθ’ ὕφεσιν τοῦ δ ἠλίειος καὶ ἠλεῖος. ἀφ’ οὗ « ἀλεῖος ὁ ζεύς ». τρύφων δέ φησιν ὅτι ἠλιέος καὶ ἠλέιος (g ) καὶ ἠλεῖος (h). ὅμηρος δ’ ἐπειοὺς αὐτούς φησι. καὶ κτητικὸν(i) λέγεται ἠλιακός. λέγονται(j) καὶ πατρωνυμικῶς ἠλιᾶδαι(k). λέγεται καὶ ἠλιδία, ὡς ψωφειδία(l) καὶ ἀρκαδία, ἀπὸ γενικῆς, καὶ ἐπίρρημα ἠλιδίαθεν. τὸ δὲ ἠλεῖος καὶ θηλυκῶς(m) φασιν. a)  Ἦλις RQN  :  Ἤλις P. b)  Αἰγυπτίᾳ secl. Berkel. c)  ἠλείου QPN  :  ἡλείου R, Ἠλίου Meineke (ex Eust.). d)  Ἱσπανίας Pinedo  :  ἰσπανίας N, σπανίας RQP. e)  καὶ ante καθ’ ὕφεσιν transp. Holste (cl. Eust.) : ante κτητικῷ τύπῳ habent RQPN. f )  κτητικῷ τύπῳ QPN  :  κτητικὸν τύπω R. g)  Ἠλίεος καὶ Ἠλέϊος Holste (ex Eust.) : ἠλιέος καὶ ἠλιέιος QPN. h) ἀφ’ οὗ ἀλεῖος ὁ ζεύς. τρύφων δέ φησιν ὅτι ἠλιέος καὶ ἠλέιος καὶ ἠλεῖος om. R. i)  κτητικῶς Aldus  :  κτητικὸν RQPN. j)  λέγονται RQ : λέγεται PN. k) ἠλιᾶδαι R : ἠλιάδαι P. l) Ψωφιδία Xylander : ψωφειδία RQPN. m) θηλυκῶς QPN : θηλυκὸν R. b – Erreur lors de la 2e abréviation e, i – Erreurs lors de l’abréviation ? g – Erreur d’accentuation lors de la translittération. h – Saut du même au même de deux lignes (55 car.) ? l – Erreur lors de l’abréviation (iotacisme) ?

Ἦλις· [A] |1| πόλις πρὸς τῇ {Αἰγυπτίᾳ} Ὀλυμπίᾳ, [B] ἀπὸ Ἠλείου τοῦ Ταντάλου παιδός. [C] |2| ἔστι καὶ ἄλλη Ἀρκαδίας.

|3| καὶ γ΄ Ἱσπανίας [Charax ?]. [D]   |4|  ὁ πολίτης ἀπὸ τῆς Ἤλιδος γενικῆς ἀναλόγως Ἠλίδειος ὡς Ἀδωνίδειος καὶ Εὐπολίδειος κτητικῷ τύπῳ, καὶ καθ’ ὕφεσιν τοῦ δ Ἠλίειος καὶ Ἠλεῖος. [E] |5| ἀφ’ οὗ «  Ἀλεῖος ὁ Ζεύς  » [Callimaque F 196, 1 Pfeiffer]. |6| Τρύφων [F 90 Velsen] δέ φησιν ὅτι Ἠλίεος καὶ Ἠλέϊος καὶ Ἠλεῖος. |7|  Ὅμηρος [Il. 2.619]  δ’ Ἐπειοὺς αὐτούς φησι. |8|  καὶ κτητικῶς λέγεται Ἠλιακός. |9|  λέγονται καὶ πατρωνυμικῶς Ἠλιάδαι. |10|  λέγεται καὶ Ἠλιδία, ὡς Ψωφιδία καὶ Ἀρκαδία, ἀπὸ γενικῆς, καὶ ἐπίρρημα Ἠλιδίαθεν. |11| τὸ δὲ Ἠλεῖος καὶ θηλυκῶς φασιν.

Êlis  :  [A]  |1|  ville tout près d’Olympie, [B]  appelée d’après Êleios, le fils de Tantale. [C]  |2|  Il existe aussi une autre [ville] Êlis en Arcadie. |3| Et une troisième, en Hispanie. [D] |4| Le citoyen est Êlideios à partir du génitif Êlidos, formé de manière analogue à Adônideios et Eupolideios, pour le possessif d’une personne, et, en omettant le δ, Êlieios et Êleios. [E]  |5|  D’où l’expression « Zeus Aleios ». |6| Tryphon dit que l’on trouve les formes Êlieos, Êleïos et Êleios. |7| Homère les appelle Epeioi. |8| Et le ktétique est Êliakos. |9| On trouve aussi le patronyme Êliadoi. |10| On appelle aussi [le pays] Êlidia, formé d’après le génitif, comme Psôphidia et Arkadia ; et l’adverbe est Êlidiathen. |11| Êleios est employé aussi pour le féminin.

Lexiques et commentaires grecs et byzantins xe siècle – Souda (η 243 Adler = Ambr. 218=223) Ἦλις, Ἤλιδος· ὄνομα πόλεως. xie siècle – Etymologicum Gudianum (242.29) Ἦλις, πόλις ἐν Ἀρκαδίᾳ τῆς Πελοπονήσου. xiie siècle – Etymologicum Symeonis (Billerbeck η 10 in app.) Ἠλεῖος· ὥσπερ ἀπὸ τοῦ Εὔπολις Εὐπόλιδος γίνεται Εὐπολίδειος, καὶ ἀπὸ τοῦ Ἄδωνις Ἀδωνίδειος, οὕτως καὶ ἀπὸ τοῦ Ἦλις Ἤλιδος, Ἠλίδειος· καὶ ἀποβολῇ τοῦ δ, Ἠλίειος· καὶ κράσει τοῦ ι καὶ τῆς ει διφθόγγου, Ἠλεῖος. Ἦλις· πόλις πρὸς τῇ Ὀλυμπίᾳ. λέγεται καὶ ἡ χώρα Ἦλις, τὸ ἐθνικὸν Ἠλεῖος. Ὅμηρος Ἤλιδα φησίν, οὐκ Ἠλειοὺς δέ, ἀλλ’ Ἐπειούς· οὐκ Ἰλιέας δέ, ἀλλὰ Τρῶας, Ἑλλάνικος δὲ ἀπὸ Ἠλείου τοῦ Εὐρυπύλου Ἠλειοὺς λέγεσθί ἐν τῇ Ἤλιδι βασιλεύσαντας· ὥστε μὴ ἀπὸ τῆς Ἤλιδος παρῆχθαι τὸ Ἠλεῖος, ἀλλ’ ὁμώνυμον εἶναι τῷ βασιλεῖ. λέγεται δὲ κτητικῷ τύπῳ καὶ Ἠλειακός, καὶ Ἠλεία τὸ θηλυκόν· καὶ πατρωνυμικῶς Ἠλιάδαι.

91 – HΛΙΣ/ÊLIS [Λ+Ω] xiie siècle – Etymologicum Magnum (426.10-45) Ἦλις· ἡ πόλις· ἤτοι, ὡς Λέανδρος, διὰ τὸ τοὺς ἐκ τοῦ κατακλυσμοῦ περισωθέντας ἐν αὐτῇ ἁλισθῆναι, ὅ ἐστιν ἀθροισθῆναι· ἢ διὰ τὸ κατὰ κώμας οἰκοῦντας ὕστερον εἰς μίαν πόλιν ἁλισθῆναι· ἢ ἀπὸ τοῦ υἱοῦ Ποσειδῶνος Ἠλέως βασιλεύσαντος τῆς χώρας, τὴν πόλιν λαβεῖν τὸ ὄνομα. τὸν δὲ Ἠλέα καὶ μετὰ τοῦ β Βηλέα προσαγορεύουσι Δωρικῶς, κατά τι ἔθος τῆς Δωρίδος διαλέκτου τὸ β προσγρά-φεσθαι ταῖς ἀπὸ φωνήεντος ἀρχομέναις λέξεσι. πρὸ τοῦ Δία κτήσασθαι τὴν Ὀλυμπίαν παρὰ τῆς Γῆς, αὐτὴν παρειλήφεσαν Ἥλιός τε καὶ Κρόνος. γνώρισμα δὲ τοῦ κτήματος κοινός ἐστι βωμὸς ἀμφοῖν αὐτοῖν ἐν Ὀλυμπίᾳ. σύμβολον δὲ καὶ τόδε· τοῦ μὲν, ὁ Κρόνιος λόφος καλούμενος· τοῦ δὲ, ἡ Ἦλις μέχρι τοῦ νῦν καλουμένη ἐπώνυμος τοῦ θεοῦ. διὰ τοῦτο καὶ Αὐγείας τῆς χώρας ἐβασίλευσε, μοίρας οὔσης Ἡλίου, παῖς αὐτῷ ὤν. Ὅμηρος ἐν Ἰλιάδος λʹ, « ἐν Ἤλιδι δίῃ ». τουτέστι θαυμαστῇ, ἱερᾷ· ἐν αὐτῇ γὰρ ἐτιμᾶτο Ὀλύμπιος Ζεύς· οὗ καὶ πανήγυρις περὶ τριετῆ χρόνον ἤγετο τὰ Ὀλύμπια· ἔνθα ἠγωνίζοντο οἱ ἀπὸ τῆς Ἑλλάδος πάντες. ἔστι δὲ πόλις Πελοποννήσου. Ποσειδῶνος καὶ Εὐρυπύλης τῆς Ἐνδυμίωνος παῖς Ἠλεῖος ὁ κτίσας Ἤλιδα, Ἠλείου δὲ, Ἄλεξις καὶ Ἐπειὸς βασιλεύς· ἀφ’ οὗ Ἐπειοὶ οἱ Ἠλεῖοι, ὡς φησὶν Ἀριστοτέλης ἐν τῷ Πέπλῳ. Ἠλεῖος· ὁ πολίτης τῆς Ἤλιδος· διφθογγογραφεῖται. ὥσπερ ἀπὸ τοῦ Εὔπολις Εὐπόλιδος γίνεται Εὐπολίδειος, καὶ ἀπὸ τοῦ Ἄδωνις Ἀδωνίδειος, οὕτως καὶ ἀπὸ τοῦ Ἦλις Ἤλιδος, Ἠλίδειος· καὶ ἀποβολῇ τοῦ δ, Ἠλίειος· καὶ κράσει τοῦ ι καὶ τῆς ει διφθόγγου, Ἠλεῖος. ζήτει εἰς τὸ δαρεῖος τὸν κανόνα. Ἠλιεύς· τὰ εἰς ευς λήγοντα οὐ θέλουσι διφθόγγῳ παραλήγεσθαι ὡς ἐπὶ τὸ πλεῖστον· χωρὶς εἰ μὴ ἀπὸ πρωτοτύπου σχῶσι τὴν ει δίφθογγον, Ἐρετριεὺς, ἐριθεὺς, Στειριεὺς, Ἠλιεὺς, Ἠτιεὺς, Κιτιεὺς, Καμιρεὺς, Μιρεὺς, ὄνομα κύριον. πρόσκειται, « ὡς ἐπὶ τὸ πλεῖστον », διὰ τὸ Νειλεὺς, οὐκ ἐπὶ πατρὸς τοῦ Νέστορος. πρόσκειται, « μὴ ἀπὸ πρωτοτύπου· » τὸ γὰρ Ῥοίτειον, Ῥοιτειεύς· καὶ Σίγειον, Σιγειεύς. xiie siècle – Eustathe de Thessalonique (Com. Il. 1.470) τῶν δὲ ῥηθέντων τόπων τὸ Βουπράσιον ὁ Γεωγράφος χωρίον τῆς Ἠλείας φησὶ καὶ τοὺς Βουπρασιεῖς Ἐπειούς· καὶ ἀλλαχοῦ πάλιν λέγει, ὅτι κατοικία τῆς Ἠλείας τὸ Βουπράσιον [ἀξιόλογος, ἣ νῦν οὐκέτ’ ἐστί, καὶ ὅτι ὑπεροχὴν δοκεῖ ἔχειν τότε τὸ Βουπράσιον] παρὰ τὴν Ἦλιν καὶ οἱ Ἐπειοὶ παρὰ τοὺς Ἠλείους καὶ ὅτι ὕστερον ἀντὶ Ἐπειῶν Ἠλεῖοι ἐκλήθησαν καὶ ὅτι, εἰ καὶ μέρος Ἤλιδος τὸ Βουπράσιον, ἀλλὰ ποιητικῷ σχήματι συγκαταλέγεται τὸ μέρος τῷ ὅλῳ, ὥσπερ, φησί, καὶ ἐν τῷ «ἀν’ Ἑλλάδα

509 καὶ μέσον Ἄργος». τοῦτο δὲ τὸ σχῆμα, περὶ οὗ καὶ προερρέθη, πολλαχοῦ ἀναφανήσεται. ὁ δὲ τῶν Ἐθνικῶν γραφεὺς καὶ πόλιν Ἤλιδος λέγει καὶ ποταμὸν καὶ χωρίον καὶ κατοικίαν ἀξιόλογον τὸ Βουπράσιον, κληθὲν οὕτω ἀπὸ Βουπρασίου τινὸς ἄρξαντος ἐκεῖ. ἐθνικὸν αὐτοῦ Βουπρασιεύς καὶ Βουπράσιος καὶ Βουπρασίων δέ, ὡς Καδμείων. ἡ δὲ Ἦλις πόλις πρὸς τῇ Ὀλυμπίᾳ κατὰ τὸν τὰ Ἐθνικὰ γράψαντα, κληθεῖσα, φησίν, ἀπὸ Ἡλίου, παιδὸς Ταντάλου, κατὰ δὲ Ἡρόδοτον Αἰτωλῶν ἡ Ἦλις. ἔστι δὲ καὶ Ἀρκαδικὴ καὶ Ἰσπανίας δέ. ὁ πολίτης, φησίν, Ἠλίδειος τύπῳ κτητικῷ καὶ ὑφέσει τοῦ δ Ἠλίειος καὶ συναιρέσει Ἠλεῖος. Τρύφων δέ φησιν Ἠλίεος καὶ κατὰ μετάθεσιν Ἠλέϊος καὶ Ἠλεῖος. ὁ δὲ Γεωγράφος λέγει, ὅτι Ἠλεῖοι καὶ Μεσσήνιοι κλύζονται τῷ Σικελικῷ κόλπῳ καὶ ὅτι Ἦλις οὔπω ἔκτιστο καθ’ Ὅμηρον, ἀλλ’ ἡ χώρα κωμηδὸν ᾠκεῖτο. ἐκαλεῖτο δὲ κοίλη Ἦλις ἀπὸ τοῦ συμβεβηκότος, καθ’ ὁμοιότητα δηλαδὴ τῆς κοίλης Λακεδαίμονος καὶ τῆς κοίλης Συρίας. πάνυ δὲ περιᾳδομένη γέγονεν ὕστερον ἡ Ἦλις διὰ τὰ ἐν αὐτῇ τελούμενα Ὀλύμπια· διὸ καὶ δῖαν αὐτὴν λέγει ὁ ποιητὴς εἰδώς, οἷα εἰκός, καὶ αὐτὸς τὴν πανήγυριν προκαταβληθεῖσαν ἐπὶ Ἡρακλέος, καθὰ καὶ Πίνδαρος ἱστορεῖ. ὅτι δὲ καὶ ψιλοῦται ἡ Ἦλις κανονικῶς, ἔτι δὲ καὶ δασύνεται παρὰ τὸ ἁλίζω, τὸ συναθροίζω, ἢ καὶ παρὰ τὸν ἀνωτέρω ῥηθέντα Τανταλίδην Ἥλιον δῆλον ἐκ τῶν παλαιῶν. [ὅτι δὲ τὸ τῶν Ἠλείων ὑποβάρβαρον ἐσκώπτετο, δηλοῖ ὁ ἐν τῷ ἐρωτηθῆναι, πότερα Βοιωτοὶ βαρβαρώτεροι τυγχάνουσιν ὄντες ἢ Θετταλοί, φάμενος, ὡς Ἠλεῖοι. ὡς δὲ καὶ περὶ γυμνάσια εὐδοκίμουν, δηλοῖ ὁ αὐτὸς εἰπών· « γυμνικοὺς ἀγῶνας διατιθέτωσαν Ἠλεῖοι, Κορίνθιοι θυμελικούς, Ἀθηναῖοι σκηνικούς, εἰ δέ τις τούτων πλημμελοίη, μαστιγούσθωσαν Λακεδαιμόνιοι », αἰνιττόμενος ἐκεῖνος νόμῳ σκώμματος τὰς παρὰ Λάκωσιν ἀγομένας ἑορταστικὰς μαστιγώσεις. περὶ δὲ Ἠλείων εἴτ’ οὖν Ἐπειῶν ῥηθήσεται καὶ ἐν τοῖς ἑξῆς, ἔνθα ὁ γέρων Νέστωρ λόγοις τὸν Πάτροκλον κατεργάζεται.]

Commentaire La notice provient du lexique-source, avec des commentaires d’Oros pour la formation de l’ethnique. Compte-tenu de la faible importance de la mention de la ville hispanique, nous ne détaillerons pas l’ensemble de la notice. [C] |3| La ville ibérique ne se trouve pas chez Strabon.

Aucun des auteurs que nous connaissons n’a conservé la mention de cette ville. Nous proposerons Charax, du fait de la forme Hispania, mais nous ne savons pas dans quel contexte historique la replacer.

510

92 – HΜΕΡΟΣΚΟΠΕΙΟΝ/HÊMEROSKOPEION [Λ]

Localisation et archéologie

Chronologie des mentions

Ville inconnue. Hübner croit à une possible erreur de lecture. Pourrait-il s’agir de la ville d’Ilici (actuelle Elche) ? La ville remonte au ve siècle av. J.-C. Elle est détruite par les Carthaginois durant la Deuxième guerre punique, puis reconstruite. La ville devient une colonie, peuplée de vétérans de la guerre cantabrique ; la fondation date des environs de 26 av. J.-C.

iie s. : Charax ?, Ἦλις (Ἱσπανίας).

Bibliographie indicative RE V, 2 (1905), col. 2433 (s.v. Elis) Hübner ; THA IIB 142ai ; González Blanco 1991, p. 26, 32.

92 – HΜΕΡΟΣΚΟΠΕΙΟΝ/HÊMEROSKOPEION [Λ]

Ville – Hispanie (Tarraconaise) (η 13 Billerbeck)            Artémidore + Juba ? Livre 18 – Second abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 20,1 % – taux théorique : 20 %). Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé et traduction (en grisé, forme erronée restituée du manu­scrit archétype disparu, corrigée dans la notice normalisée)

Ἡμεροσκοπεῖον(a)· κελτιβήρων πόλις(b), φωκαέων ἄποικος. ἀρτεμίδωρος β΄ λόγῳ γεωγραφουμένων(c). a) Ἡμεροσκοπεῖον PN : Ἡμεροσκόπιον RQ. b) πόλις κελτιβήρων R : κελτιβήρων πόλις QPN. c) γεωγραφουμένων RPN : γεωγραφουμένος Q. b – Modification lors de l’abréviation ?

Ἡμεροσκοπεῖον· [A]   |1|  πόλις Κελτιβήρων [Artémidore  ? Juba  ?], [B]   Φωκαέων ἄποικος. |2|  Ἀρτεμίδωρος β΄ λόγῳ

γεωγραφουμένων [F 19 Stiehle].

Hêrmeroskopeion  :  [A]   |1|  ville des Celtibères, [B] colonie des Phocéens. |2| Artémidore (2e livre des

Descriptions Géographiques).

Commentaire La notice provient du lexique-source. Il manque la forme dérivée dans la notice. [A]  |1|  Parmi les textes que nous avons conservés, seul Strabon mentionne la ville. Voici la description qu’il en donne (3.4.6) : « μεταξὺ μὲν οὖν τοῦ Σούκρωνος καὶ τῆς Καρχηδόνος τρία πολίχνια Μασσαλιωτῶν ἔστιν οὐ πολὺ ἄπωθεν τοῦ ποταμοῦ· τούτων δ’ ἐστὶ γνωριμώτατον τὸ Ἡμεροσκοπεῖον ἔχον ἐπὶ τῇ ἄκρᾳ τῆς Ἐφεσίας Ἀρτέμιδος ἱερὸν σφόδρα τιμώμενον, ᾧ ἐχρήσατο Σερτώριος ὁρμητηρίῳ κατὰ θάλατταν· ἐρυμνὸν γάρ ἐστι καὶ λῃστρικόν, κάτοπτον δὲ ἐκ πολλοῦ τοῖς προσπλέουσι, καλεῖται δὲ [καὶ] Διάνιον,

οἷον Ἀρτεμίσιον, ἔχον σιδηρεῖα εὐφυῆ πλησίον καὶ νησίδια Πλανησίαν καὶ Πλουμβαρίαν καὶ λιμνοθάλατταν ὑπερκειμένην, ἔχουσαν ἐν κύκλῳ σταδίους τετρακοσίους. Entre le Sucro et Carthagène, il y a trois petites villes de fondation massaliote, peu éloignées de la rivière, dont la plus connue est Héméroscopéion. Cette dernière possède, sur le cap qu’elle occupe, un sanctuaire très vénérable d’Artémis d’Éphèse. Sertorius en avait fait la base des opérations maritimes. Ce lieu est, en effet, naturellement fortifié, propice à la piraterie et visible de très loin à qui vient par mer. On lui donne le nom de Dianium, qui correspond à Artémision. Près de là se trouvent des mines de fer de bonne qualité et les îlots de Planésia et Plumbaria, puis, en retrait, une lagune de 400 stades de pourtour » (trad. Lasserre). En 3.4.10, il la mentionne à nouveau en lien avec Sertorius et les évènements de 74 av. J.-C. La mention d’Artémidore, qui suit dans l’Épitomé, permet de penser qu’il est peut-être la source de Strabon. Cela impliquerait alors qu’Artémidore parlait des Celtibères (ce qui n’est pas indiqué dans les sources que nous connaissons, nous y reviendrons ci-dessous) et que la mention d’Hêmeroskopeion n’était pas limitée, chez Strabon, aux évènements de la première moitié du ier siècle av. J.-C., rapportés probablement par Posidonios. L’indication de Celtibère relève de peu d’auteurs, ce qui en fait une indication intéressante à noter. On la trouve d’abord chez Polybe (3.5.1, 3.17.2, 10.6.2, 10.7.1, 11.31.6, 14.7.5, 7 et 9, 14.8.7, 9 et 12, 34.9.12-13, 35.1.1, 35.2.1, 35.4.3  ; F 163 et 179), puis Diodore de Sicile (5.33.1 et 3, 34.5, 35.3, 39.1 ; 26.22.1 ; 31.39.1, 40.1,

92 – HΜΕΡΟΣΚΟΠΕΙΟΝ/HÊMEROSKOPEION [Λ] 41.1 ; 32.4.5 ; 33.24.1) et Strabon (1.2.27, 3.2.3, 11 et 15, 3.3.1 et 3-4, 3.4.5, 10, 12-16 et 20). Aux iie-iiie siècles de notre ère, Plutarque (Cato 10.2 ; Mari. 3.2 ; Sert. 3.6 ; reg. et imper. apopht. 199c, 200d ; De garr. 510f ), Lucien (Dial. mort. 25.2), Appien (Prooem. 3.11 ; Iber. 1, 5, 11, 94, 113, 120, 125, 175, 180, 183, 190, 194-195, 197, 211, 215, 230, 237, 433, 436 ; Annib. 13, 88, 96, 128, 221, 224 ; Lib. 306, 322 ; Bell. civ. 1.10.89, 13.108, 112 ; 2.12.87, 15.103), Ptolémée (Geogr. 2.6.57, 59 et 62) et Dion Cassius (16.57.43 ; version 1 vol., p. 244, 246, 282) l’emploient également. On ajoutera également le pseudo-Plutarque (De fluv. 6.1). À l’exception des auteurs conservés mentionnés ci-dessus, on trouve la mention de Celtibère chez Juba (voir notice Arbakê [26]  et probablement Segidê [197]). Quelques auteurs plus tardifs (du Bas-Empire et byzantins) reprennent la terminologie de leurs prédécesseurs. On peut se demander si l’on n’aurait pas ici la trace d’une mention de Juba car il n’est pas certain qu’Artémidore ait rattaché cette ville aux Celtibères alors qu’elle est une fondation marseillaise ou ampuritaine. On ne peut comprendre cette détermination que par une erreur, peutêtre dans le contexte de la guerre contre Sertorius (voir Strabon 3.4.10). C’est pourquoi il n’est pas impossible que la détermination géographique provienne d’un autre auteur comme Juba. La ville serait mentionnée comme celtibère par erreur. [B]  :  Pour Strabon (3.4.6), Hêmeroskopeion est un des

«  πολίχνια  » des Marseillais. Artémidore sert ici de source à la fondation par les Phocéens, de manière plus certaine que pour la définition géographique.

Localisation et archéologie La ville est probablement à situer à Dénia (Alicante), sur le Peñon de Montgó. Le nom actuel provient de celui donné en latin (Dianium), lié au «  très vénérable  » temple d’Artémis d’Ephèse qui y était installé (Strabon 3.4.6). Lors de la guerre qu’il a menée, Sertorius en avait fait sa base fortifiée.

511 Pendant longtemps on a refusé de voir dans ce géonyme le nom d’une ville, car on ne trouvait pas de vestiges de la période grecque sur le site de Dénia. On a ainsi considéré qu’il y avait ici une simple tour servant à surveiller les bancs de thons qui passaient au large lors de la pêche (Fernández Nieto 2002, p.  248 sq). Aviénus (Ora marit. v. 471) la mentionne comme une ville jadis peuplée et désormais remplacée par un marais. Des fouilles entamées dans les années 1980 ont révélé la présence de séquences stratigraphiques du ier siècle av. J.-C. sur la zone de l’Hort de Morand et sur le sommet du Castillo de Dénia. Les vestiges de la ville romaine ont été retrouvés assez largement, avec de nombreuses inscriptions.

Chronologie des mentions ive-iie s. av. : [Aviénus, Ora maritima], Hemeroscopium – iie s. av. : Artémidore, Ἡμεροσκοπεῖον (Κελτιβήρων ?) – ier s. av. : Cicéron, Dianium – ier s. : Juba ?, Ἡμεροσκοπεῖον ? (Κελτιβήρων ?) ; Strabon, Ἡμεροσκοπεῖον (Κελτιβήρων). Le nom est un composé de deux mots grecs (ἡμέρα = jour  ; σκόπη = observatoire) désignant probablement un poste de guet pour la pêche au thon (Fernández Nieto 2002 ; Moret 2006, p. 49)

Bibliographie indicative RE V, 1 (1903), col. 340-341 (s.v. Dianium 2) Hübner ; Smith 1854 (s.v. Dianium) ; THA IIB 142añ ; Martín 1968 ; Tovar 1989, p. 207-210 ; Rouillard 1991 ; González Blanco 1991, p.  26  ; Domínguez Monedero 1993 ; Adrados 2000, p. 9 ; Fernández Nieto 2002 ; Zehnacker 2004, p. 113. Barrington Atlas : 27 F3 (Dianium/Hemeroskopeion) ; http://pleiades.stoa.org/places/265880

512

93 – HΡΑΚΛΕΙΑ/HÊRAKLEIA [Λ]

93 – HΡΑΚΛΕΙΑ/HÊRAKLEIA [Λ]

Ville – Îles (Sardaigne) (η 20 Billerbeck)             [C] |5| ? Livre 18 – Second abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 20,1 % – taux théorique : 20 %). Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé et traduction (en grisé, forme erronée restituée du manu­scrit archétype disparu, corrigée dans la notice normalisée)

Ἡράκλεια· πόλις θρᾴκης ἐν τῷ πόντῳ διάσημος. βʹ σικελίας. γʹ λυδίας. δʹ λιβύης. εʹ σαρδοῦς. ϛ΄ ἰταλίας. ζʹ κελτικῆς. ηʹ θεσσαλίας. θʹ καρίας. ιʹ ἐν τῷ λυδίῳ(a) ταύρῳ. ιαʹ μεταξὺ σκυθίας καὶ ἰνδικῆς(b). ιβʹ νῆσος ἐν τῷ καρπαθίῳ πελάγει(c). ιγʹ συρίας. ιδʹ φοινίκης. ιεʹ πιερίας(d). ιϛ΄ πόλις καὶ νῆσος (e). ιζʹ κρήτης. ιηʹ πισσαϊκή(f ). ιθʹ καρίας, ἡ λεγομένη ἀλμάκιος(g), μεσόγειος. κʹ πόλις πρὸς τῇ κυμαίᾳ τῆς αἰολίδος. κβʹ(h) ἀκαρνανίας πόλις. κβʹ νῆσος ἐν τῷ ἀτλαντικῷ. κγʹ μακεδονίας, ἀμύντου τοῦ φιλίππου(i) κτίσμα. τὸ ἐθνικὸν ἡρακλεύς καὶ ἡρακλειώτης (j) καὶ (j) ἡρακλεώτης (j). καὶ ἡράκλειον καὶ ἡρακλεωτικόν. a)  Λυκίῳ Meineke  :  λυδίω RQPN. b)  ἰνδικῆς QPN  :  ἰνδίας R. c) καρπαθίῳ πελάγει QPN : παρθίω πελάγει R. d) πιερίας RQP : περιερίας N. e) ante ιζ΄ lac. indic. Meineke. f ) Πισαϊκή Meineke  :  πισσαϊκή RQPN. g)  Σαλβάκιος (vel Ἀλβάκιος) Boeckh : ἀλμάκιος RQ, ἀλκμάνιος PN. h) κα΄ Ppc : κβ΄ RQPacN. i)  τοῦ Ἀμύντα Φιλίππου K.J. Beloch (1922)  :  ἀμύντου τοῦ φιλίππου PN, ἀμάτου τοῦ φιλίππου RQ. j) add. Bouiron (ex Et. Sym.). a, g, i, j – Erreurs lors des phases d’abréviation ? f – Erreur d’onciales lors de la translittération ?

Ἡράκλεια· [A]  |1|  πόλις Θρᾴκης ἐν τῷ Πόντῳ διάσημος. [C]  |2|  βʹ Σικελίας. |3| γʹ Λυδίας. |4| δʹ Λιβύης.

|5| εʹ Σαρδοῦς. |6|  ϛ΄ Ἰταλίας. |7|  ζʹ Κελτικῆς [Artémidore ?]. |8|  ηʹ Θεσσαλίας. |9|  θʹ Καρίας. |10|  ιʹ ἐν τῷ Λυκίῳ Ταύρῳ. |11| ιαʹ μεταξὺ Σκυθίας καὶ Ἰνδικῆς. |12| ιβʹ νῆσος ἐν τῷ Καρπαθίῳ πελάγει. |13|  ιγʹ Συρίας. |14|  ιδʹ Φοινίκης. |15|  ιεʹ Πιερίας. |16|  ιϛ΄ πόλις καὶ νῆσος . |17|  ιζʹ Κρήτης. |18|  ιηʹ Πισαϊκή. |19|  ιθʹ Καρίας, ἡ λεγομένη Σαλβάκιος, μεσόγειος. |20| κʹ πόλις πρὸς τῇ Κυμαίᾳ τῆς Αἰολίδος. |21| καʹ Ἀκαρνανίας πόλις. |22| κβʹ νῆσος ἐν τῷ Ἀτλαντικῷ. |23| κγʹ Μακεδονίας, τοῦ Ἀμύντα Φιλίππου κτίσμα.

[D]  |24|  τὸ ἐθνικὸν Ἡρακλεύς καὶ Ἡρακλειώτης καὶ Ἡρακλεώτης . [E] |25| καὶ Ἡράκλειον καὶ Ἡρακλεωτικόν.

Hêrakleia  :  [A]  |1|  importante ville de Thrace, sur le Pont. [C] |2| 2. En Sicile. |3| 3. En Lydie. |4| 4. En Libye. |5| 5. En Sardaigne. |6| 6. En Italie. |7| 7. En Celtique. |8|  8. En Thessalie. |9|  9. En Carie. |10|  10. Dans le Taurus de Lydie. |11|  11. Entre la Scythie et l’Inde. |12| 12. Île dans la mer des Carpathes. |13| 13. En Syrie. |14| 14. En Phénicie. |15| 15. En Piérie. |16| 16. Ville et île en . |17| 17. En Crète. |18| 18. En Pisaïde. |19|  19. En Carie, appelée Salbakios, à l’intérieur des terres. |20| 20. Tout près de Kumaia d’Éolide. |21| 21. Ville d’Acarnanie. |22| 22. Île dans l’océan Atlantique. |23|  23. En Macédoine, fondation de Philippe, fils d’Amyntas. [D]  |24|  L’ethnique se dit Hêrakleus, et Hêrakleiôtês et, Hêrakleôtês . [E] |25| [Le possessif ] est Hêrakleion et [le ktétique] Hêrakleôtikon.

Lexiques et commentaires grecs et byzantins ixe siècle – Lexique de Photios (η 223, 224, 225 et 226) Ἡράκλεια· πολλῶν ὄντων τῶν κατὰ τὴν Ἀττικὴν Ἡρακλείων, Δημοσθένης ἐν τῶ Kατ’ Αἰσχίνου· ἤτοι τῶν ἐν Μαραθῶνι ἢ τῶν ἐν Κυνοσάργει μνημονεύει· ταῦτα γὰρ διὰ τιμῆς μάλιστα ἦγον Ἀθηναῖοι. Ἡρακλείαν λίθον· τινὲς τὴν μαγνῆτιν ἀπέδοσαν· διὰ τὴν Ἡρακλείαν τῆς Μαγνησίας· ἔνιοι δὲ, ὅτι ἡ μὲν ἐπισπωμένη τὸν σίδηρον, Ἡρακλεῶτις· ἡ δὲ μαγνῆτις ὁμοία ἐστὶν ἀργύρω [ὁμοία ἐστὶν] ὡς Εὐρ. Οἰν. – τὰς βροτῶν Γνώμας σκοπῶν, ὥστε μαγνῆτις λίθος, τὴν δόξαν ἕλκει καὶ μεθίστησιν πάλιν· οὐ λέγει νῦν ὑπὸ τῆς μαγνήτιδος λίθου τὸν σίδηρον· ἀλλὰ τὴν τῶν θεωμένων δόκησιν ἕλκεσθαι πλανωμένην ὡς ἐπὶ ἀργύρω.

94 – HΡΑΚΛΕΙΑ/HÊRAKLEIA [Λ] Ἡράκλεια λουτρά· τὴν Ἀθηνᾶν ἐν Θερμοπύλαις κατιόντι Ἡρακλεῖ ἀνεῖναι· οἱ δὲ ἐν Σικελία τὰς Νύμφας· οἱ δὲ αὐτὸν αὐτὰ κατασκευάσαι. Ἡρακλεώτης λίθος· ὁ ὑφ’ ἡμῶν μάγνης ὁ ἐπισπώ μενος τὸν σίδηρον· Ἡρακλεία γὰρ ἐλέγετο ἡ Μαγνησία. xe siècle – Souda (η 457 ; 464 Adler = Ambr. 476=478) Ἡράκλεια· πόλις περὶ Σικελίαν, ἡ λεγομένη Μινῴα. Ἡράκλειαι στῆλαι. xiie  siècle – Etymologicum Symeonis (Billerbeck in app. crit. η 20) Ἡράκλεια· πόλις. Ἡρακλειώτης ὡς Μάρεια Μαρειώτης Ῥάφεια Ῥαφειώτης. λέγεται καὶ ἄνευ τοῦ ι Μαρεώτης. λέγεται καὶ Ἡρακλεύς καὶ Ἡρακλεώτης.

513

Commentaire [C] |5| Rien ne permet d’attribuer cette mention à un auteur particulier. La forme de la détermination géographique ne semble pas pouvoir permettre une attribution au lexique d’Artémidore.

Localisation et archéologie Cette cité n’est pas connue outre mesure. Elle se rattache au mythe d’Héraclès, que nous connaissons pour la Sardaigne à travers les fondations phéniciennes (culte de l’Héraclès-Melqart), père de Sardos, et celui qui est l’oncle de Iolas, autre figure mythique de Sardaigne (Bernardi 2004, p. 42).

Chronologie des mentions Sans objet

Bibliographie indicative Bernardi 2004.

94 – HΡΑΚΛΕΙΑ/HÊRAKLEIA [Λ]

Ville – Gaule (Narbonnaise ?) (η 20 Billerbeck)            [C] |7| Artémidore ? Livre 18 – Second abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 20,1 % – taux théorique : 20 %). Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé et traduction Voir notice précédente. Ἡράκλεια· [A]  |1|  πόλις Θρᾴκης ἐν τῷ Πόντῳ διάσημος. [C]  |2|  βʹ Σικελίας. |3|  γʹ Λυδίας. |4|  δʹ Λιβύης. |5|  εʹ Σαρδοῦς. |6| Ἰταλίας.

|7| ζʹ Κελτικῆς [Artémidore ?]. |8| ηʹ Θεσσαλίας. |9| θʹ Καρίας. |10| ιʹ ἐν τῷ Λυδίῳ Ταύρῳ. |11| ιαʹ μεταξὺ Σκυθίας καὶ Ἰνδικῆς. |12| ιβʹ νῆσος ἐν τῷ Καρπαθίῳ πελάγει. |13|  ιγʹ Συρίας. |14|  ιδʹ Φοινίκης. |15|  ιεʹ Πιερίας. |16|  ιϛʹ πόλις καὶ νῆσος . |17|  ιζʹ Κρήτης. |18|  ιηʹ Πισαϊκή. |19|  ιθʹ Καρίας, ἡ λεγομένη Ἀλβάκιος, μεσόγειος. |20|  κʹ πόλις πρὸς τῇ Κυμαίᾳ τῆς Αἰολίδος. |21| καʹ Ἀκαρνανίας πόλις. |22| κβʹ νῆσος ἐν τῷ Ἀτλαντικῷ. |23| κγʹ Μακεδονίας, Ἀμύντου τοῦ Φιλίππου κτίσμα. [D]  |24|  τὸ ἐθνικὸν Ἡρακλεύς καὶ Ἡρακλειώτης καὶ

Ἡρακλεώτης . [E] |25| καὶ Ἡράκλειον καὶ Ἡρακλεωτικόν. Hêrakleia  :  [A]  |1|  importante ville de Thrace, sur le Pont. [C] |2| 2. En Sicile. |3| 3. En Lydie. |4| 4. En Libye. |5| 5. En Sardaigne. |6| 6. En Italie. |7| 7. En Celtique. |8|  8. En Thessalie. |9|  9. En Carie. |10|  10. Dans le Taurus de Lydie. |11|  11. Entre la Scythie et l’Inde. |12| 12. Île dans la mer des Carpathes. |13| 13. En Syrie. |14| 14. En Phénicie. |15| 15. En Piérie. |16| 16. Ville et île en . |17| 17. En Crète. |18| 18. En Pisaïde. |19|  19. En Carie, appelée Salbakios, à l’intérieur des terres. |20| 20. Tout près de Kumaia d’Éolide. |21| 21. Ville d’Acarnanie. |22| 22. Île dans l’océan Atlantique. |23|  23. En Macédoine, fondation de Philippe, fils d’Amyntas. [D]  |24|  L’ethnique se dit Hêrakleus, et Hêrakleiôtês et, Hêrakleôtês . [E] |25| [Le possessif ] est Hêrakleion et [le ktétique] Hêrakleôtikon.

514

95 – HΡΑΚΛΕΙΑ/HÊRAKLEIA [Λ]

Lexiques et commentaires grecs et byzantins Voir notice précédente.

Commentaire La notice provient du lexique-source. Ce n’est pas une notice plurielle juxtaposée  :  les vingt-trois toponymes apparaissent dans la première partie tandis que les ethniques sont regroupés à la fin. [C]  |7|  La première ville qui nous intéresse, celtique, n’apparaît pas chez les auteurs conservés (en particulier Strabon). Le terme de celtique pourrait provenir d’Artémidore. Le nom même de la cité semble en faire une fondation grecque, mais rien ne prouve un rattachement à Marseille. Nous ne repérons aucune intervention de Stéphane de Byzance dans cette notice qui permettraient de le rattacher à l’Abrégé d’Artémidore de Marcien mais le niveau de réduction commence à être important (seulement 1/5e du texte d’origine).

Par ailleurs, on a également rapproché ce géonyme de la ville appelée Heraclea Caccabaria (Cavalaire-surMer, Var) signalée par l’Itinéraire maritime d’Antonin (Benoit 1965, p. 97, suivi par Brun 1999). Il est très probable que la source de la notice soit Artémidore. Le fait que la ville soit dite « celtique » la place à l’extérieur de la « Massalie » et pourrait la rapprocher autant de Mastramelê [147] que de la partie située à l’est de Marseille voire du reste de la Gaule. L’oppidum que signale Pline n’existant plus de son temps, sa mention peut relever également d’Artémidore ; c’est pourquoi nous privilégierons cette ville, située alors autour du delta du Rhône, plutôt que celle de la côte provençale orientale.

Chronologie des mentions iie s. av. : Artémidore ?, Ἡράκλεια (Κελτικῆς) – ier s. : Pline l’Ancien, Heraclea (oppidum in ostio Rhodani).

Localisation et archéologie

Bibliographie indicative

La ville n’est pas localisable à la seule lecture de la notice de l’Épitomé. Pline l’Ancien (3.4, 3.33) signale un oppidum de ce nom disparu à son époque, situé dans le delta du Rhône. On a proposé de l’identifier avec Saint-Gillesdu-Gard (Winkler, König 1988), ou Saint-Blaise (Benoit 1965, p. 97 et 132).

RE VIII, 1 (1912), col. 405 (s.v. Heraclea Caccabaria) Haug ; THA IIB 142ao ; Benoit 1965, p. 97 et 132 ; Barruol 1969, p.  198  ; González Blanco 1991, p. 26, 32 ; Brun 1999 ; Zehnacker 2004, p. 129.

95 – HΡΑΚΛΕΙΑ/HÊRAKLEIA [Λ]

Île – Hispanie (Bétique) (η 20 Billerbeck)            [C] |22| ? Livre 18 – Second abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 20,1 % – taux théorique : 20 %). Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé et traduction Voir notice [93]

|22| κβʹ νῆσος ἐν τῷ Ἀτλαντικῷ.

Ἡράκλεια·

|23| κγʹ Μακεδονίας, Ἀμύντου τοῦ Φιλίππου κτίσμα.

[A]  |1|  πόλις Θρᾴκης ἐν τῷ Πόντῳ διάσημος. [C]  |2|  βʹ

[D]  |24|  τὸ ἐθνικὸν Ἡρακλεύς καὶ Ἡρακλειώτης καὶ Ἡρακλεώτης . [E] |25| καὶ Ἡράκλειον καὶ Ἡρακλεωτικόν. Hêrakleia : [A] |1| importante ville de Thrace, sur le Pont. [C] |2| 2. En Sicile. |3| 3. En Lydie. |4| 4. En Libye. |5| 5. En Sardaigne. |6| 6. En Italie. |7| 7. En Celtique. |8| 8. En Thessalie. |9| 9. En Carie. |10| 10. Dans le Taurus de Lydie. |11| 11. Entre la Scythie et l’Inde. |12| 12. Île dans la mer

96 – ΘΕΡΣΙΤΑΙ/THERSITAI [Λ] des Carpathes. |13| 13. En Syrie. |14| 14. En Phénicie. |15| 15. En Piérie. |16| 16. Ville et île en . |17| 17. En Crète. |18| 18. En Pisaïde. |19| 19. En Carie, appelée Salbakios, à l’intérieur des terres. |20| 20. Tout près de Kumaia d’Éolide. |21| 21. Ville d’Acarnanie. |22| 22. Île dans l’océan Atlantique. |23| 23. En Macédoine, fondation de Philippe, fils d’Amyntas. [D] |24| L’ethnique se dit Hêrakleus, et Hêrakleiôtês et, Hêrakleôtês . [E] |25| [Le possessif ] est Hêrakleion et [le ktétique] Hêrakleôtikon.

Lexiques et commentaires grecs et byzantins Voir notice [93]

Commentaire La notice n’est pas une notice plurielle. Les vingt-trois toponymes apparaissent dans la première partie tandis que les ethniques sont regroupés à la fin. [C] |22| Le vingt-deuxième toponyme de ce nom, une île

dans l’Atlantique, est à mettre en relation avec Heraclès. Bien que le nom n’apparaisse pas de manière distincte parmi les auteurs dont nous avons conservé le texte, il est très probable qu’il faut mettre en relation ce nom avec le temple d’Héraclès situé sur l’une des îles de Gades.

515

Localisation et archéologie On peut voir dans ce toponyme un autre nom pour l’île de Gades sur laquelle est construite un temple d’Hercule que Pomponius Mela (3.46) identifie comme égyptien. C’est l’île très allongée de San Pedro, sur la partie orientale de laquelle se trouvait le temple de Melqart, assimilé chez les Grecs à Héraclès (Diodore 5.20.2). Strabon (3.5.5) détaille longuement les différentes hypothèses de localisation des Colonnes d’Hercule. Parmi celles-ci, figure la configuration des îles de Gades et l’assimilation avec les colonnes d’airain du temple de Melqart et l’espace qui lui fait face sur la terre ferme à moins de 200 m de distance (Strabon 3.5.3). Toutefois on notera qu’aucune de nos sources n’emploie le toponyme d’Herakleia pour désigner cette île. Nous renvoyons à la fiche sur Gadeira [59] pour plus de précisions.

Chronologie des mentions Sans objet

Bibliographie indicative Adrados 2000, p. 9.

96 – ΘΕΡΣΙΤΑΙ/THERSITAI [Λ]

Peuple – Hispanie (θ 32 Billerbeck)            Polybe Livre 19 – Second abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 16,4 % – taux théorique : 20 %). Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé et traduction (en grisé, forme erronée restituée du manu­scrit archétype disparu, corrigée dans la notice normalisée)

Θερσίται(a)· ἔθνος ἰβηρικόν. πολύβιος ἐν γ΄. a) Θερσῖται Meineke (e Polyb.) : Θερσίται RQPN. a – Erreur d’accentuation lors de la translittération.

Θερσῖται· [Da] |1| ἔθνος ἰβηρικόν. |2| Πολύβιος ἐν γ΄ [3.33.9].

Thersitai : [D] |1| peuple ibérique. |2| Polybe, dans le 3e livre.

Lexiques et commentaires grecs et byzantins ixe siècle – Georgios Choiroboscos (De accent. excerpta 4.23) τὰ διὰ τοῦ ιτης ἅπαντα μακρὸν ἔχουσι τὸ ι· πολίτης, ὁπλίτης, ὅθεν αἱ τούτων εὐθεῖαι τῶν πληθυντικῶν προπερισπῶνται· οἱ πολῖται, οἱ ὁπλῖται, οἱ Θερσῖται· καὶ ἡ χρυσῖτις γῆ θηλυκόν. xe  siècle – Souda (θ 257 Adler = Ambr. 79 = ps. Hérodien, 56) Θερσίτης· ὄνομα κύριον. καὶ Θερσίτειον βλέμμα.

516

97 – ΘΕΣΠΕΙΑ/Thespeia [Λ]

Commentaire La notice provient du lexique-source. [Da]  |1|  Ce nom de peuple se trouve seulement chez

Polybe (3.33.9). Il rappelle le mythique Thersite, personnage de la Guerre de Troie. La notice est réduite aux informations minimales et devait être peu détaillée dans les Ethniques comme dans le lexique-source. Dans le texte de Polybe publié dans la Collection des Universités de France, le nom est considéré comme fautif. Pourtant, l’indication du nom dans le lexique-source garantit qu’il était bien lu ainsi au iie siècle de notre ère.

Localisation et archéologie D’après Polybe, le nom du peuple apparaît sur l’inscription gravée en 205 av.  J.-C. sur l’autel déposé dans le sanctuaire d’Héra au cap Lacinion près de Crotone. Il s’agit ici d’une liste des soldats ibères envoyés en Afrique et de ceux, africains, transférés en Ibérie. Le peuple n’est pas connu par ailleurs. F. Orsini, dans son édition de Polybe de 1582, proposait de lire Ταρσηίται. Pour A. Schulten (RE IV A2, col. 2448), il s’agit d’une

déformation de Tartêsioi. La correction que l’on propose de leur nom dérive pour une bonne partie de la mention de Mastia Tarsêiôn que donne Polybe et de la localisation sur la péninsule ibérique de ce géonyme (voir l’analyse détaillée de la fiche [146]). On a mis en évidence l’homonymie avec Thersite, personnage très laid (c’est le sens du mot en grec) apparaissant dans l’Iliade (2.212-277) et correspondant au lemme de la Souda. Quelque soit la contamination avec d’autres noms, il ne saurait y avoir d’erreur de lecture dans le manu­scrit de Polybe puisque l’Épitomé a la même forme. Le nom du peuple reste donc inconnu, et n’a pas de correspondance avec ceux connus antérieurement ou postérieurement à Polybe. Il nous semble très peu probable qu’il faille rattacher cet ethnonyme à Tartessos.

Chronologie des mentions iie s. av. : Polybe, Θερσῖται.

Bibliographie indicative THA IIB 142cf ; González Blanco 1991, p. 26, 32 ; Moret 2002, p. 275.

97 – ΘΕΣΠΕΙΑ/Thespeia [Λ]

Ville – Îles (Sardaigne) (θ 33 Billerbeck)            [C] |9| Artémidore ? Livre 19 – Second abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 16,4 % – taux théorique : 20 %). Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé et traduction (en grisé, forme erronée restituée du manu­scrit archétype disparu, corrigée dans la notice normalisée)

Θέσπια(a)· πόλις βοιωτίας. ὅμηρος « θέσπειαν(b) γραίαν(c) τε  ». θεσπιάδου κτίσμα, (d) τοῦ τεύθραντος τοῦ πανδίονος. γράφεται καὶ διὰ τοῦ ι καὶ ἐκτείνεται. καὶ συστέλλεται παρὰ κορίννῃ (e). καὶ ἐπίγραμμα (f ) τῶν ἀναιρεθέντων (g ) περσῶν. ἦν δὲ φιλιάδου μεγαρέως· «  ἄνδρες θ’ οἳ (h) ποτ’ ἔναιον ὑπὸ κροτάφω(i) ἑλικῶνος(j), ληματίτων(k) ἄρχεῖ(l) θεσπιὰς εὐρύχωρος(m) ». πληθυντικῶς δὲ θεσπιαί(n) ὀξυτόνως. καὶ θαῦμα πῶς τὸ ἑνικὸν διὰ διφθόγγου γράφεται, (o). β΄ θεσσαλίας. γ΄ ἐν σαρδοῖ. ὁ πολίτης θεσπιεύς καὶ θεσπιακός(o) καὶ θεσπίς.

a) Θέσπεια Rpc : Θέσπια RacQPN. b) θέσπειαν QPN : θέσπιαν R. c) γραῖαν R : γραίαν QPN. d) κατὰ δέ τινας θεσπίου add. Meineke mon. Holste (ex Eust.). e)  κορίννῃ RQP  :  κορρίνη N. f )  ἐπίγραμμα RQPN  :  ἐπιγράμματι J.M. Edmonds (1982). g) ὑπὸ τῶν add. Xylander (ex Eust.). h) θ’ οἳ RQPN Eust. : τοι Brunck. i) κροτάφοις Xylander (ex Eust.) : κροτάφω RQPN. j)  ἑλικῶνος RPN  :  ἑλικῶν Q. k)  λήματι τῶν Holste (ex Eust.)  :  ληματιτῶν R, ληματίτων QPN. l)  αὐχεῖ Xylander (ex Eust.)  :  ἄρχει RQPN. m)  εὐρύχορος Xylander (ex Eust.)  :  εὐρύχωρος RQPN. n)  θεσπιαί QPN  :  θεσπίαι R. o) ὡς ἐντεῦθεν … προπαροξύνεσθαι add. Bouiron (ex Eust.). p) θεσπιάς Rpc : θεσπιακός RacQPN. c – Erreur d’accentuation lors de la translittération ? i, l, m, o – Erreurs lors de l’abréviation ? k – Mécoupure lors de la translittération.

97 – ΘΕΣΠΕΙΑ/Thespeia [Λ] Θέσπεια· [A] |1| πόλις Βοιωτίας. Ὅμηρος [Il. 2.498] « Θέσπειαν Γραῖάν τε  ». [B]  |2|  Θεσπιάδου κτίσμα, τοῦ Τεύθραντος τοῦ Πανδίονος. [C] |3| γράφεται

καὶ διὰ τοῦ ι καὶ ἐκτείνεται. |4|  καὶ συστέλλεται παρὰ Κορίννῃ [F 20 Page]. |5| καὶ ἐπίγραμμα τῶν ἀναιρεθέντων Περσῶν. ἦν δὲ Φιλιάδου Μεγαρέως [Anth. Pal. App. 94]· « ἄνδρες τοί ποτ’ ἔναιον ὑπὸ κροτάφοις Ἑλικῶνος, λήματι τῶν αὐχεῖ Θεσπιὰς εὐρύχορος ».

|6|  πληθυντικῶς δὲ Θεσπιαί ὀξυτόνως. |7|  καὶ θαῦμα πῶς τὸ ἑνικὸν διὰ διφθόγγου γράφεται . |8| β΄ Θεσσαλίας. |9| γ΄ ἐν Σαρδοῖ [Artémidore ?]. [D] |10| ὁ πολίτης Θεσπιεύς [E] καὶ Θεσπιάς καὶ Θεσπίς.

Thespeia :  [A] |1| ville de Béotie. Homère : « Thespeia et Graia ». [B] |2| Fondation de Thespiadès, , fils de Teuthrantos et petit-fils de Pandion. [C] |3| Il est aussi écrit avec un ‘i’ long. |4| Ce ‘i’ est court chez Corinne, |5| et dans l’épigramme composée pour les victimes des Perses, qui est de Philiade de Mégare : « des hommes qui vivaient autrefois sur les pentes inférieures de l’Hélicon, | et la terre spacieuse de Thespia se glorifie de leur courage ». |6| Thespiai au pluriel est accentué sur la finale. |7| Et curieusement le singulier s’écrit avec une diphtongue, . |8|  2. En Thessalie. |9|  3. En Sardaigne. [D] |10| Le citoyen est appelé Thespieus [E], [le pays] Thespia et [le féminin] Thespis.

Lexiques et commentaires grecs et byzantins iie siècle ? – Scholia in Apollonium Rhodium (schol. vet., 1.105) Τ ῖφυς δ’ Ἁγνιάδ· αἱ Σῖφαι τῆς Βοιωτίας πόλις, Σιφαεὺς δὲ δῆμος Θεσπιέων· Θέσπεια δὲ πόλις Θεσσαλίας. Φερεκύδης δὲ Ποντέως ἱστορεῖ τὸν Τῖφυν, ὁ δὲ Αἰσχύλος ἐν τῇ Ἀργοῖ τὸν Τῖφυν Ἶφυν καλεῖ.

517 Pseudo-Arcadius (De accent. 111.18-24 = 238.17) τὰ εἰς α συνεσταλμένον μονογενῆ ὑπὲρ δύο συλλαβὰς παραλήγοντα τῇ αι διφθόγγῳ ἢ τῇ ει ἢ οι ἢ υι προπαροξύνεται· Πλάταια, Ἀλεξάνδρεια, Θέσπεια (Θεσπιαί δὲ τὸ πληθυντικόν), εὔνοια, πρόνοια, ἅρπυια, αἴθυια, ἄγυια, ὄργυια, ἃ πληθυντικῶς ὀξύνεται. τὸ δὲ μητρυιά μακρὸν ἔχον τὸ α ὀξύνεται. Epimerismi Homerici (l. Iliad 1 + source de la glosse 357.11) πότνια· (…) τὸ δὲ Θέσπεια ὁ Ὦρος διὰ τῆς ει διφθόγγου γράφει τῷ κανόνι τῶν προπαροξυνομένων, ὃν καὶ προείπομεν. ὁ δὲ Ἡρωδιανὸς ἐν τῇ Ὁμηρικῇ Προσῳδίᾳ λέγει ὅτι διὰ τοῦ ι γράφεται, ἐπειδὴ εὕρηται καὶ συνεσταλμένη ἡ πι συλλαβή, †οἷον ὡς καὶ παρὰ Κορίννῃ. « Θέσπια καλλιγένεθλε, φιλόξενε, μουσοφίλητε ». Scholia in Callimachum (schol. vet., Hymnus 5, sch. 60-63) Θέσπεια, Κορώνεια, Ἁλίαρτος πόλεις Βοιωτίας. xe siècle – Souda (θ 276 Adler cf. Ambr. 155) Θέσπεια· ὄνομα πόλεως. xiie siècle – Etymologicum Symeonis (α 500) ἀλεξάνδρεια· (…) τὸ Θέσπεια ἐν μὲν τοῖς πληθυντικοῖς διὰ τοῦ ι βραχέος, οἷον Θεσπιαί, ἐν δὲ τοῖς ἑνικοῖς δίφθογγον. (…) xiiie  siècle – Eustathe de Thessalonique (Com. Il. 1.405-406) Ἡ δὲ Θέσπια, ἣ πρὸς τῷ Ἑλικῶνι ἔκειτο νοτιωτέρα αὐτοῦ, ἐκτείνει ἐνταῦθα τὴν παραλήγουσαν διὰ τὸ μέτρον· ἄλλως γὰρ ἐν συστολῇ ἔχει αὐτήν. γράφεται δὲ κοινῶς διὰ τοῦ ι ἡ παραλήγουσα, ὡς τὸ Λάμια, Ἰάμνια. Ἡρωδιανὸς δὲ ἐν τῇ καθόλου Προσῳδίᾳ τὴν ει δίφθογγον χαρίζεται αὐτῇ. ὁ δὲ τὰ Ἐθνικὰ γράψας παρασημειοῦται, ὅτι θαῦμα, πῶς τὸ ἑνικὸν διὰ διφθόγγου γράφεται, ὡς ἐντεῦθεν διφορεῖσθαι μὲν τὰ ἑνικὰ τῶν Θεσπιῶν, τὰ δὲ πληθυντικὰ διὰ μόνου διχρόνου γράφεσθαι. λέγει δὲ ὁ αὐτὸς τὰ μὲν ἑνικὰ ταύτης προπαροξύνεσθαι· ἡ Θέσπια γὰρ καὶ τὰ ἑξῆς· τὰ δὲ πληθυντικὰ ὀξύνεσθαι· Θεσπιαί γὰρ καὶ τὰ ἑξῆς ὁμοίως. ταὐτὸ δὲ πάσχει καὶ ἡ Πλάταια, ὡς μετ’ ὀλίγα ῥηθήσεται. ὅρα δὲ καὶ ὅτι ὥσπερ Ἀθήνη ἑνικῶς καὶ πληθυντικῶς καὶ Μυκήνη καὶ Κρήτη καὶ Θήβη, οὕτω καὶ ἡ πόλις αὕτη· Θέσπια γὰρ καὶ Θεσπιαὶ ἡ αὐτή. φησὶ δὲ ὁ τῶν Ἐθνικῶν συγγραφεὺς καί, ὅτι τὸ Θέσπια καὶ ἐκτείνεται καὶ συστέλλεται παρὰ Κορίννῃ – σοφὴ δὲ τὴν ποίησιν ἡ Κόριννα – καὶ ὅτι κτίσμα ἐστὶν ἡ Θέσπια Θεσπιάδου, κατὰ δέ τινας Θεσπίου, υἱοῦ Τεύθραντος

518

98 – ΘΟΥΛΗ/THOULÊ [Λ]

τοῦ τοῦ Πανδίονος. ἱστορεῖται δὲ Θεσπιέα εἶναι τὸν Νάρκισσον, ὃς ἦν μὲν υἱὸς Κηφισσοῦ τοῦ ποταμοῦ καὶ Λειριοέσσης νύμφης. κάλλος δὲ ἔχων ἀμύθητον ἐπικύψας πηγῇ τινι καὶ τῆς ἑαυτοῦ σκιᾶς ἐρασθεὶς ἔρριψεν ἑαυτὸν ἐκεῖ καὶ ἐναπεπνίγη τῷ ἐνόπτρῳ ὕδατι. καὶ ἡ γῆ ἀνέδωκε φυτὸν ὁμώνυμον τῷ νεανίᾳ. ἐν δὲ τοῖς Ἐθνικοῖς φέρεται καὶ Θεσσαλικὴ Θέσπια καὶ Σαρδῴα. ἐν δὲ τῇ κατὰ Βοιωτοὺς ἐπίγραμμα Φιλιάδου τοῦ Μεγαρέως τοιοῦτον ἐπὶ τοῖς ἀναιρεθεῖσιν ὑπὸ Περσῶν· « ἄνδρες θ’ οἵ ποτ’ ἔναιον ὑπὸ κροτάφοις Ἑλικῶνος, λήματι τῶν αὐχεῖ Θεσπιὰς εὐρύχορος ». ἱστορεῖται δὲ καὶ ὁ Πραξιτέλους Ἔρως ἐν Θεσπιαῖς εἶναι, ὃν ἔγλυψε μὲν ἐκεῖνος, ἀνέθηκε δὲ ἡ ἑταίρα Γλυκέρα ἐκεῖθεν οὖσα, λαβοῦσα δῶρον παρὰ τοῦ τεχνίτου. πολλοὶ δὲ ἀνέβαινον ὀψόμενοι τὸν Ἔρωτα. ἐκεῖ δέ, φασί, καὶ ἡ Ἄσκρη δεξιὰ Ἑλικῶνος ἐφ’ ὑψηλοῦ καὶ τραχέος τόπου, ἀπέχουσα Θεσπιῶν ὅσον τεσσαράκοντα στάδια. καὶ ταῦτα μὲν περὶ Θεσπιῶν.

Commentaire La notice provient du lexique-source, par l’intermédiaire d’Oros. [C] |3| Artémidore est probablement la source de cette

notice si l’on en juge par la détermination géographique que l’on retrouve de manière identique pour la notice de Solkoi [204], attribuée clairement à cet auteur. Pausanias (10.17.5, texte et traduction dans la notice Agraulê [4]) mentionne seulement les Thespiens qui sont venus en Sardaigne avec les Athéniens.

Localisation et archéologie La localisation de cette ville est totalement inconnue. Nous n’avons pas d’autre mention que celle de l’Épitomé, couplée à l’information que donne Pausanias. Comme la forme de la détermination géographique de la notice semble indiquer Artémidore, il faut donc imaginer que les Thespiens ont fondé sur l’île une ville à laquelle ils ont donné le même nom, mais que celle-ci n’a pas survécu et a donc disparu assez vite. A moins qu’il y ait eu une erreur de compréhension de la part du lexicographe qui a rédigé le lexique d’Artémidore et qu’aucune ville de ce nom n’ait été créée, et que seuls des citoyens de Thespies aient participé, aux côtés des autres cités à la fondation d’Olbia (voir là-dessus, Bernardi 2004, p. 44 et p. 46 sq). P. Bernardi met en évidence l’emprunt que Diodore de Sicile fait de Timée concernant la Sardaigne (Bernardi 2004, p. 46-47). Il peut constituer également la source d’Artémidore qui, nous le voyons pour d’autres notices comme Massalia [144], a fait un usage probablement assez important de cet auteur.

Chronologie des mentions iie s. av. : Artémidore ?, Θέσπεια (ἐν Σαρδοῖ).

Bibliographie indicative Bernardi 2004.

98 – ΘΟΥΛΗ/THOULÊ [Λ]

Île (θ 54 Billerbeck)          Théopompe ? + Artémidore ? Livre 19 – Second abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 16,4 % – taux théorique : 20 %). Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé et traduction Θούλη· νῆσος μεγάλη ἐν τῷ ὠκεανῷ ὑπὸ(a) τὰ ὑπερβόρεια μέρη, ἔνθα τὴν θερινὴν ἡμέραν ὡρῶν(b) κ΄ ὁ ἥλιος ἰσημερινῶν ποιεῖ, τὴν δὲ νύκτα δ΄, τὰς δὲ χειμερινὰς τοὐναντίον. τὸ ἐθνικὸν θουλαῖος, ἴσως δὲ καὶ θουλίτης. a) ὑπὸ RQPN : ὑπὲρ Schubart (1843). b) ὡρῶν QPN : ὁρῶν R.

Θούλη· [A]   |1|  νῆσος μεγάλη ἐν τῷ ὠκεανῷ [Théopompe  ?

Artémidore ?] ὑπὸ τὰ ὑπερβόρεια μέρη, ἔνθα τὴν θερινὴν ἡμέραν ὡρῶν κ΄ ὁ ἥλιος ἰσημερινῶν ποιεῖ, τὴν δὲ νύκτα δ΄, τὰς δὲ χειμερινὰς τοὐναντίον.

[D] |2| τὸ ἐθνικὸν Θουλαῖος [Théopompe ?], ἴσως δὲ καὶ Θουλίτης [Artémidore ?].

Thoulê :  [A] |1| grande île dans l’océan, sous les régions hyperboréennes, où le soleil, l’été, fait des jours de vingt heures régulières, et des nuits de quatre heures ; et c’est l’inverse l’hiver. [D] |2| L’ethnique se dit Thoulaios, mais également Thoulitês.

98 – ΘΟΥΛΗ/THOULÊ [Λ]

Lexiques et commentaires grecs et byzantins ix   siècle – Georgios Choiroboscos (Epimerismi in psalmos p. 16) βουλὴ διατί ὀξύνεται; τὰ εἰς λη καθαρὰ, μὴ ὄντα κύρια, παραληγόμενα διφθόγγῳ διὰ τοῦ υ ὀξύνεται, οἷον αὐλὴ, οὐλὴ, τὸ ἐπὶ τοῦ ἕλκους, οὗ πρὸς ἀντιδιαστολὴν ἐμαράνθη (ἐβαρύνθη) τὸ οὔλη ἐπὶ τῶν κριθῶν· τὸ δὲ Θούλη ὄνομα νήσου, καὶ τὸ δούλη, προσηγορικά. e

xe siècle – Souda (θ 415 Adler) Θοῦλις· οὗτος ἐβασίλευσε πάσης Αἰγύπτου καὶ ἕως τοῦ Ὠκεανοῦ καὶ μίαν τῶν ἐν αὐτῷ νήσων ἀπὸ τοῦ ἰδίου ὀνόματος ἐκάλεσε Θούλην. (…) xiie siècle – Jean Tzétzès (schol. Lycophr. v. 1200) καὶ τοὺς λοιπούς· περὶ γὰρ τὸν Ὠκεανόν ἐστιν ἡ Βρεττανία νῆσος μεταξὺ τῆς τε ἐν δύσει κειμένης Βρεττανίας καὶ Θούλης τῆς πρὸς ἀνατολήν. xiie siècle – Eustathe de Thessalonique (Com. Il. 1.588) ὅτι δὲ καὶ βόρειοι Πυγμαῖοι περί που τὰ τῆς Θούλης ἀντιπέραια, ἔνθα τὰ Ἰγκλικά, βραχύσωμοι καὶ αὐτοὶ καὶ ὀλιγοχρόνιοι ἐς τὸ παντελές, βέλεσι χρώμενοι λεπτυνομένοις ὡς εἰς βελόνην, περιᾴδεται. (Com. Dion. 581) ὅτι μετὰ τὰς Βρεττανίδας πολὺ πρὸς τὰ βόρεια ἡ Θούλη νῆσος, ἧς πολὺς ὁ ἐκτοπισμός· ἀρκτικωτάτη γὰρ τῶν ὀνομαζομένων τίθεται. ἔνθα, φησὶν, ἤματα ὁμοῦ καὶ νύκτας ἀειφανὲς ἐκκέχυται πῦρ, ὁπηνίκα ἥλιος βεβήκοι ἐς πόλον ἄρκτων, ἐν καρκίνῳ γενόμενος. ἀλλὰ τοῦτο μὲν ὑπερβολικὸν τὸ ἀδιάδοχον ἐν τῷ τοιούτῳ καιρῷ εἶναι τὴν ἡμέραν ἐκεῖ. ἐκεῖνο δὲ καὶ ἐπὶ πλέον ἐκπίπτει ὑπερβολῆς, ὃ δή τινες ἱστόρησαν, τὸ τὸν μὲν θερινὸν ὅλον ὑπὲρ γῆς εἶναι αὐτόθι, τὸν δὲ χειμερινὸν ὑπὸ γῆν, ὡς ἐντεῦθεν τὸν ἐνιαυτὸν ἐν τῷ ἐκεῖ κλίματι μερίζεσθαι εἰς ἡμερονύκτιον ἓν, ἤγουν εἰς μίαν ἡμέραν καὶ εἰς μίαν νύκτα· καθὰ καὶ Ἡρόδοτος περὶ τῶν Κιμμερίων λέγων φησὶ μὴ ἐνδέχεσθαι ἀνθρώπους εἶναι, οἳ τὴν ἑξάμηνον νύκτα καθεύδουσιν. φασὶ δὲ ἄλλοι ἐπὶ τὰς ἄρκτους ἐλθόντα τὸν ἥλιον ποιεῖν παρατείνειν τὴν ἡμέραν ἐκεῖ καὶ εἰς κʹ θερινὰς ὥρας καὶ εἰς πλεῖόν τι, ὀλιγίστων ὡρῶν ποιοῦντα τὴν νύκτα, χειμῶνος δὲ τὸ ἀνάπαλιν. αἰτίαν δὲ λέγει ὁ Διονύσιος τοῦ ἐκεῖ ἀειφανοῦς φωτὸς τὸ λοξοτέρᾳ τηνικαῦτα τὸν ἥλιον ἐπιστρέφεσθαι στροφάλιγγι, τουτέστι τὸ λοξότερον ἀναφέρεσθαι τὸν ἥλιον, καὶ δι’ αὐτὸ ἐμβραδύνειν τοῖς ἄνω. τὸ δὲ ἑξῆς ἐπαγόμενον τὸ ἀκτίνων ἰθεῖαν ἐπὶ κλίσιν ἐρχομένων, ἀντὶ τοῦ κατευθὺ τῆς νήσου φερομένου τοῦ ἡλίου, καὶ εἰς αὐτὴν οἷον ἀφορῶντος. καὶ ἔστι τὸ σχῆμα ῥητορικὸν ἀντίθετον, ἀντιτεθέντος τοῦ λοξοῦ τῇ εὐθύτητι, ὡς ἐὰν

519 εἴπῃ ὅτι λοξοτέρου μὲν ἄλλως φύσει τοῦ ἡλίου στρεφομένου, κατ’ εὐθὺ δὲ ὅμως τηνικαῦτα ὄντος τῇ νήσῳ. ποιεῖ δὲ, φησὶ, τοῦτο ὁ ἥλιος, ἕως ἐπὶ κυανέους ἄνδρας νοτίαν ὁδὸν αὖθις ἐλάσῃ, τουτέστιν ἐπιμήκης ἡ ἡμέρα γίνεται τοῖς περὶ τὸν βόρειον πόλον, ἕως εἰς τὸ ἀντικείμενον νότιον ἡμικύκλιον ἢ ἡμισφαίριον τραπῇ ὁ ἥλιος. τούτους γὰρ λέγεσθαί φασι κυανέους, δηλονότι τοὺς πρὸς τῷ νοτίῳ μέρει Αἰθίοπας, εἰς οὓς καὶ ὁ Ζεὺς ἥλιος ἀποδημεῖν ποτε παρὰ τῷ Ποιητῇ πλάττεται. τὸ δὲ ἐξ πόλον ἄρκτων ἀντὶ τοῦ περὶ τὸν ἀρκτῷον πόλον, ἤγουν κύκλον τοῦ οὐρανοῦ, περὶ ὃν αἱ δύο ἄρκτοι εἰλοῦνται. Scholia in Dionysium Periegetam (schol. vet. sch. 582) ἐκ τῶν Βρεττανίων ἐπὶ τὰ βορειότερα μέρη μᾶλλον ἄνεισι καὶ Θούλην, ὅπου φασὶ τὸν ἥλιον ἐπὶ τὰς ἄρκτους ἥκοντα παρατείνειν ἐπὶ πολὺ τὴν θερινὴν ἡμέραν. εἴκοσι γὰρ ὡρῶν ἰσημερινῶν αὐτὴν ποιεῖ ἐκεῖ καὶ τεττάρων τὴν νύκτα, χειμῶνος δὲ τὰ ἀνάπαλιν. ἐκεῖθεν δὲ κατὰ προσθήκην αὔξει καὶ γίνεται μείζων ἑαυτοῦ τῆς ἡμέρας ὁ χρόνος, ἕως ἂν κατὰ κορυφῆς γενόμενος ὁ βόρειος πόλος ἀποτελέσῃ τὴν ἑξάμηνον ἡμέραν τε καὶ νύκτα.

Commentaire La notice semble provenir du lexique-source, ce qui exclut Marcien parmi les auteurs ayant servi de source aux différentes formes du géonymes. [A]   |1|  Le nom de Thoulê est attesté chez Denys le Périégète (v. 581), Strabon (1.4.2-5, 2.4.1, 2.5.8, 4.5.5 ; d’après Posidonios ?), Polybe (34.5.3) et Marcien (Per. ext. 1.6). Il faut ajouter également l’Anonymi geographiae expositio compendiaria (13), Cléomède (De motu p. 68 et 70), Vettius Valens (Anth., p. 9) et des auteurs tardifs (Synésios, Eusèbe de Césarée). Ptolémée (Geogr. 1.7.1, 1.20.7-8, 1.21.2, 1.23.1, 1.24.3, 5, 14, 17 et 19, 2.3.14, 3.5.1, 6.16.1, 7.5.12 et 16, 7.6.8, 8.3.3, 8.29.1) la cite abondamment. Tous font référence à Pythéas (fr. 6a, 6c, 6g, 7a, 14). Il faut noter également l’ouvrage d’Antoine Diogène (probablement au iie siècle de notre ère) « Des choses incroyables que l’on voit au-delà de Thulé » en 24 livres, dont Photios (Bibl. cod. 166) nous a gardés des extraits. Si l’on suit l’hypothèse que nous proposons concernant le livre XLIII des Philippiques, cette notice pourrait provenir de Théopompe et se rapporter au voyage de Pythéas.

Selon les indications d’A. Zucker (que nous remercions de ses précisions), les ὧραι ἰσημερίαι désignaient les heures absolues, de même longueur, opposées aux

520

99 – IBAIOI/IBAIOI [Λ ?]

καιρικαί qui sont relatives à la saison. Le jour dure douze heures καιρικαί toute l’année, mais seulement douze heures ἰσημερίαι à l’équinoxe. En hiver les douze heures du jour sont plus courtes, naturellement. [D] |2| La forme de l’ethnique n’apparaît pas chez les

auteurs que nous avons conservés  ; lexicalement, elle est tout à fait compatible avec Théopompe. La seconde forme est utilisée au pluriel par Procope (De bellis 6.15.14, 23 et 25) et au singulier par Antoine Diogène.

Localisation et archéologie Plusieurs hypothèses de localisation ont été proposées. D’après Pythéas, l’île était située à six jours de navigation de la Grande-Bretagne, « vers le nord » (Strabon 1.4.2). Il peut s’agir de l’Islande, si la navigation s’était déportée vers l’ouest, ou de la Norvège vers l’est. D’autres hypothèses moins réalistes ont été avancées, comme les îles Féroé, le Groënland, ou même l’île d’Ouessant. Il n’est pas possible ici d’apporter plus de précisions (cf. supra p. 348). On notera que la notice donne des indications pertinentes sur la durée du jour et de la nuit à proximité du cercle polaire. Cette information a de grandes chances de provenir directement de Pythéas. Artémidore devait également signaler cette île mais comme tous les autres géographes, il ne devait pas apporter plus de précisions. Nous ne savons pas en revanche

s’il avait la même appréciation de Pythéas que Strabon qui ne voit en lui que mensonges et inventions, alors qu’Ératosthène le suit à la lettre. Très vite, c’est le côté mythique de ce lieu qui l’emporte sur la réalité historique, comme en témoigne le roman d’Antoine Diogène (De Anna, 1998).

Chronologie des mentions ive  s. av.  :  (Pythéas), Θούλη  ; Théopompe/Pythéas  ?, Θούλη, Θουλαῖος – iiie s. av. : – iie s. av. : Polybe, Θούλη ; Artémidore ?, Θουλίτης – ier s. : Virgile, Thule ; Strabon, Θούλη ; Pomponius Mela, Thyle ; Pline l’Ancien, Tyle (Thile  ?) – iie  s.  :  Tacite, Thyle  ; Denys le Périégète, Θούλη Ptolémée Θούλη  ; Antoine Diogène, Θούλη, Θουλίτης – ive s. : Eusèbe de Césarée, Θούλη ; Marcien, Θούλη – ve s. : Synésios, Θούλη. La forme reste inchangée en grec durant toute l’Antiquité : Thoulê.

Bibliographie indicative RE VI A (1936), col. 627-630 (s.v. Thule oder Thyle) G. MacDonald ; Smith 1854 (s.v. Thule) ; De Anna 1998 ; Roller 2005, p. 78-88. Barrington Atlas : 2 C1 (Thule? Inss.) ; http://pleiades.stoa.org/places/20624

99 – IBAIOI/IBAIOI [Λ ?]

Peuple – Gaule ? (ι 18 Billerbeck)            [Da] Artémidore ? Polybe ? Livre 20 – Second abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 18,8 % – taux théorique : 20 %). Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé et traduction (en grisé, forme erronée restituée du manu­scrit archétype disparu, corrigée dans la notice normalisée)

Ἰβαῖοι· οἱ καὶ ἰβηνοί, ἔθνη(a) κελτικῆς(b). ἰβηνοὶ δ’εἰσὶ καὶ λυδίας, οἳ καὶ ἰαονῖται(c) λέγονται. a) ἔθνος Berkel : ἔθνη RQPN. b) κελτικῆς QPN : κελτικής R. c) Ἰαονῖται Meineke : ἰαωνῖται RQPN. a – Erreur lors de l’abréviation ? c – Erreur lors de la translittération ?

Ἰβαῖοι· [Da]   |1|  οἱ καὶ Ἰβηνοί, ἔθνος Κελτικῆς [Artémidore  ? Polybe ?]. [Dc] |2| Ἰβηνοὶ δ’εἰσὶ καὶ Λυδίας [Alcman, Eudoxe], οἳ καὶ

Ἰαονῖται λέγονται.

Ibaioi  :  [Da]  |1|  appelés aussi les Ibênoi, peuple de Celtique. [Dc] |2| Il existe également les Ibênoi de Lydie, que l’on appelle aussi Iaonitai.

100 – IΒΗΡΙΑ/IBÊRIA [Λ + Ω + M]

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Commentaire

Localisation et archéologie

La notice provient vraisemblablement du lexique-source.

Le premier peuple mentionné est totalement inconnu. Il n’est donc pas possible de proposer une localisation ni une datation de la mention, même si on pourrait proposer les iiie-iie siècles avant notre ère.

[Da] |1| aucun auteur à notre connaissance ne mentionne

ce peuple. S’agit-il d’un peuple de Gaule ? On peut sous toute réserve proposer Polybe ou plus vraisemblablement Artémidore. En effet, on retrouve une formulation identique pour la notice Lousitania [138], rapportée à un auteur antérieur à Auguste. [Dc]  |2|  Le second peuple est mentionné par Alcman

(F 1). Une scholie portant sur le texte d’Alcman, dans un fragment de papyrus, mentionne probablement Eudoxe de Cnide (F 373), qui les signalait également. Il en est de même de Sosibios (FGrHist F 6bis d’après P. Oxy. 24 2389, papyrus égyptien du ier siècle de notre ère).

Chronologie des mentions Sans objet

Bibliographie indicative Sans objet

100 – IΒΗΡΙΑ/IBÊRIA [Λ + Ω + M]

Pays – Hispanie (ι 19 Billerbeck)      Polybe ? + Hérodore + Apollodore + Artémidore

+ Marcien + Asinius Quadratus

Livre 20 – Second abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 18,8 % – taux théorique : 20 %). Texte du manu­scrit archétype, du manu­scrit de Constantin, texte normalisé et traduction (en grisé, forme erronée restituée du manu­scrit archétype disparu, corrigée dans la notice normalisée)

Ἰβηρίαι· δύο, ἡ μὲν πρὸς ταῖς ἡρακλείαις στήλαις, ἀπὸ ἴβηρος ποταμοῦ, ἡ δ’ ἑτέρα ἰβηρία πρὸς πέρσας ἐστί. καὶ τὸ ἐθνικὸν ἴβηρ. καὶ ἀπὸ τῆς ἴβηρος γενικῆς ἰβηρίς καὶ ἰβηρικός. καὶ ὁ ἴβηρος φασὶ δ’ αὐτοὺς ὑδροποτεῖν(a), ὡς ἀθήναιος(b) ἐν δειπνοσοφιστῶν(c) βʹ. καὶ μονοσιτοῦσι διὰ μακρολογίαν(d) καὶ ἐσθῆσι τε κέχρηνται πολυτελεστάτοις(e) ὡς πλουσιώτατοι. a) ὑδροποτεῖν PN : ὑδρωποτεῖν RQ. b) ἀθήναιος RQ : ἀθηναῖος PN. c) δειπνοσοφιστῶν RPN : δειπνοφιλοσοφιστῶν Q. d) μικρολογίαν Xylander : μακρολογίαν RQPN. e) πολυτελεστάταις Meineke : πολυτελεστάτοις RQPN.

(en grisé, forme erronée restituée du manu­scrit archétype disparu du texte de Constantin Porphyrogénète, corrigée dans la notice normalisée)

Ἰβηρίαι· δύο ἡ μὲν πρὸς ταῖς ἡρακλείαις στήλαις, ἀπὸ ἴβηρος ποταμοῦ, οὗ μέμνηται ἀπολλόδωρος ἐν τῇ περὶ γῆς βʹ ἐντὸς δὲ πυρήνης ἴβηρ τ’ ἐστὶν μέγας ποταμὸς φερόμενος ἐνδοτέρω(a). ταύτης δὲ πολλά φασιν ἔθνη διαιρεῖσθαι, καθάπερ ἡ ῥόδοτος (b) ἐν τῇ δεκάτῃ τῇ καθ’ ἡρακλέα γέγραφεν ἱστορίᾳ(c) οὕτως « τὸ δὲ ἰβηρικὸν γένος τοῦτο, ὅπερ φημὶ οἰκέειν τὰ παράλια τοῦ διαπλοῦ(d), διώρισται ὀνόμασιν ἓν γένος ἐὸν κατὰ φῦλα·

πρῶτον μὲν οἱ ἐπὶ τοῖς ἐσχάτοις οἰκέοντες τὰ πρὸς δυσμέων κύνιταις(e) ὀνομάζονται, ἀπ’ ἐκείνων δὲ ἤδη πρὸς βορέην ἰόντι γλήτες(f ), μετὰ δὲ ταρτήσιοι, μετὰ δὲ ἐλευσίνιοι(g), μετὰ δὲ μαστινοί(h), μετὰ δὲ κελκιανοί, ἔπειτα δὲ ηδιοροδανος(i) ». διῃρεῖτο δὲ ἡ ἴβηρις(j)(k) εἰς (l) δύο, νῦν δὲ εἰς τρεῖς, ὡς μαρκιανὸς ἐν περίπλῳ αὐτῆς· « πρότερον μὲν οὖν ἡ ἰβηρία εἰς (l) δύο διῃρητο ὑπὸ ῥωμαίων, νυνὶ δὲ εἰς τρεῖς, βαιτίκην λουσιτανίαν καὶ ταρρακωνησίαν ». ἀρτεμίδωρος δὲ ἐν τῇ βʹ τῶν γεωγραφουμένων οὕτω διαιρεῖσθαί φησιν «  ἀπὸ δὲ τῶν πυρηναίων ὀρῶν ἕως τῶν κατὰ γάδειρα τόπων καὶ ἐνδοτέρω(m) συνωνύμως ἰβηρία τε(n) καὶ ἱσπανία καλεῖται. διείρηται(o) δὲ ὑπὸ ῥωμαίων εἰς δύο ἐπαρχείας(p) (q) διατείνουσα ἀπὸ τῶν πυρηναίων ὀρῶν ἅπασα μέχρι τῆς καινῆς καρχηδόνος καὶ(r) τῶν τοῦ βαίτιος πηγῶν, τῆς δὲ β’ ἐπαρχείας καὶ(r)(s) τὰ μέχρι γαδείρων καὶ λουσιτανίας(t) ». ἡ δ’ ἑτέρα ἰβηρία πρὸς πέρσας ἐστί. τὸ ἔθνος(u) ἴβηρες, ὡς πίερες, βύζηρες. διονύσιος «  ἀγχοῦ στηλάων μεγαθύμων ἔθνος ἰβήρων”. καὶ ἀριστοφάνης τριφάλητι « μανθάνοντες τοὺς ἴβηρας τοὺς ἀριστάρχου πάλαι ». καὶ « τοὺς ἴβηρας, οὓς χορηγεῖς μοι βοηθῆσαι δρόμῳ  ». καὶ ἀρτεμίδωρος ἐν δευτέρῳ τῶν γεωγραφουμένων «  γραμματικοὶ (v) δὲ χρῶνται τῇ τῶν ἰταλῶν οἱ παρὰ θάλατταν οἰκοῦντες τῶν

522 ἰβήρων ». καὶ ἀπὸ τῆς ἴβηρος γενικῆς ἰβηρὶς τὸ θηλυκόν. «  ἑλληνίς, οὐκ ἰβηρίς  » μένανδρος ἀσπίδι. λέγεται καὶ ἰβηρικός. « πόντος μὲν πρώτιστος(w) ἰβηρικὸς ἀρχομένοισιν  ». λέγεται δὲ καὶ βηρίτις(x)(y). παρθύνιος(z) ἐν λευκαδίας(aa)· « ἰβήριτι(bb) πλεύσειεν(cc) αἰγιαλῷ ». ἀπὸ τῆς γενικῆς ἴβηρος εὐθεῖα, ὡς τῆς φύλακος ὁ φύλακος. ἀπολλώνιος(dd) ἐν τοῖς παρωνύμοις φησίν «  ἀπὸ γενικῶν εὐθεῖαι παράγονται, τὸ μὲν ὕδωρ (ee) δύο συλλαβὰς ὁμοίως τῇ εὐθείᾳ κατὰ τὸν τόνον παροξυνόμενον(ff ), καὶ ἢ ἐν ἁπλῷ σχήματι ἢ ἐν συνθέτῳ. ἁπλοῦν (gg ) μὲν οὖν (hh) μάρτυρος ὁ μάρτυς (ii), χάροψ χάροπος ὁ χάροπος, “χαρόποιότης ἄνακτος (jj)”, τρυζην τρυζηνος ὁ τρυζηνος, “υἱὸς τρυζήνοιο”(kk), ἴβηρ ἴβηρος ὁ ἴβηρος ». ἀφ’ οὗ παρὰ κουαδράτῳ ἐν ῥωμαϊκῆς χιλιάδος (ll) ἔστιν ἰβήροισιν οὕτως « καί τολίγοισι τ’ αμα (mm) καὶ ἰβήροισι πολεμέοντες  ». τὸ αὐτὸ καὶ ἅβρων ἐν παρωνύμοις φησί. καὶ “αὐτὸς ἴβηρος τραγοπώγων  » ἐν μαλθακοῖς εἴρηται κρατίνου. λέγονται οἱ ἴβηρες ὑδροποτεῖν, ὡς ἀθηναῖος(nn) ἐν δειπνοσοφιστῶν βʹ οὕτως « φίλαρχος(oo) μὲν ἐν τῇ ζʹ καὶ τοὺς ἰβηράς φησιν ὑδροποτεῖν πάντας, καίτοι πλουσιωτάτους πάντων ἀνθρώπων τυγχάνοντας. κέκτηνται γὰρ ἄργυρον καὶ χρυσὸν πλεῖστον. μονοσιτεῖν τε αὐτοὺς ἀεὶ λέγει διὰ μικρολογίαν, ἐσθῆτάς τε φορεῖν πολυτελεστάτας ». a) ἐνδοτέρω P : ἐνδοτέρωθεν Meineke dub. b) Ἡρόδωρος Berkel : ἡ ῥόδοτος P. c) τῶν … ἱστορῶν Jacoby : τῇ … ἱστορίᾳ P, τῶν … ἱστορίᾳ Berkel, τῶν … ἱστοριῶν Meineke. d)  διάπλου Berkel διαπλοῦ P. e)  Κύνητες Berkel  :  κύνιταις P. f )  Γλῆτες Berkel  :  γλήτες P. g)  Ὀλβυσίνιοι Bouiron  :  ἐλευσίνιοι mss, Ἐλβυσίνοι Berkel. h) Μαστιηνοί Meineke : μαστινοί P. i) ἤδη ὁ Ῥοδανός Berkel (qui scr. Ῥόδανος) : ηδιοροδανος mss. j) διῃρεῖτο δὲ ἡ ἰβηρία … καὶ ταρρακωνησίαν huc transp. Meineke : post ἀρχομένοισιν habet P. k) Ἰβηρία Berkel : ἴβηρις P. l) ἐπαρχίας add. Berkel e Marc. m) ἐνδοτέρω καὶ P : καὶ ἐνδοτέρω Schubart (1843, p.  197), καὶ τῶν ἐνδοτέρω κλιμ[άτω]ν σύμπασα χώρα Π. n)  τε om. Π. o)  διῄρηται Meursius  :  διείρηται PΠ. p) ἐπαρχίας Meursius : ἐπαρχείας PΠ. q) Meineke lac. indic., quam verbis πρώτη μὲν ἐπαρχία suppleverat Berkel : καὶ τῆς μὲν πρώτης ἐστὶν ἐπαρχείας ἡ Π, ex quibus πρώτη μὲν ἐπαρχείας ἡ susp. Kambylis. r) καὶ del. Moravcsik (om. Berkel). s) τῆς δὲ β’ ἐπαρχείας P : τῆς δ’ ἑτέρας ἐστὶν ἐπαρχείας Π. t) καὶ λουσιτανίας P : καὶ τὰ κατὰ τῆν λυσειτανίαν πάντα Π. u) ἔθνος P : ἐθνικὸν Meineke. v) γραμματικῇ Berkel : γραμματικοὶ P. w) πόντος μὲν πρώτιστος Berkel (e D. P.) : πρῶτος μὲν πρός τινος P. x) λέγεται δὲ καὶ ἰβηρίτης … ἐν αἰγιαλῷ  :  huc transp.  Meineke  :  post γαδείρων καὶ λουσιτανίας habet P. y) Ἰβηρίτης Berkel : βηρίτις P. z)  Παρθένιος Berkel  :  παρθύνιος P.  aa)  Λευκαδίαις Berkel  :  λευκαδίας P, Λευκαδίᾳ Meineke.  bb) ἰβηρίτῃ  :  ἰβήριτι P.  cc) πλεύσει ἐν Meineke  :  πλεύσειεν P, πλεύσῃ ἐν Bekker.  dd) Ἀπολλώνιος huc transp.  Bast (1809, p.  121), qui εῦθεῖα corr. : post εὐθεῖαν P. ee) τῶν μὲν ὑπὲρ Meineke (mon. Schubart)  :  τὸ μὲν ὕδωρ P.  ff ) προπαροξυνόμεναι Schubart (1843, p.  198)  :  παροξυνόμενον P.  gg) ἁπλοῦν Bast (1809, p. 122). hh) μάρτυρ add. Berkel.- ii) ὁ μάρτυρος Meursius : ὁ μάρτυς P. jj) Xαρόποιό τ’ ἄνακτος Berkel : χαρόποιότης ἄνακτος P.  kk) τροίζην τροίζηνος ὁ τροίζηνος, υἱὸς τροιζήνοιο  :  τρυζην

100 – IΒΗΡΙΑ/IBÊRIA [Λ + Ω + M] τρυζηνος ὁ τρυζηνος, υἱὸς τρυζήνοιο P. ll) ϛ’ add. Bouiron : εʹ add. Berkel. mm) καί τοι λίγυσί θ’ ἅμα Berkel : καί τολίγοισι τ’ αμα P. nn) ἀθήναιος : ἀθηναῖος P. oo) φύλαρχος : φίλαρχος P.

Nous ne donnerons pas le détail de toutes les fautes car la tradition manu­scrite diffère de celle de l’Épitomé. On constate toutefois des mélectures d’onciales et de nombreuses fautes qui semblent liées à la copie du manu­scrit P. La question des phrases déplacées est plus délicate et semble relever d’une réorganisation de la notice de Stéphane de Byzance réalisée par Constantin Porphyrogénète. Ἰβηρίαι· [A] |1| δύο ἡ μὲν πρὸς ταῖς Ἡρακλείαις στήλαις [Polybe ?], [B] ἀπὸ Ἴβηρος ποταμοῦ, οὗ μέμνηται Ἀπολλόδωρος ἐν τῇ

περὶ γῆς βʹ [FGrHist 244 F 324] « ἐντὸς δὲ Πυρήνης Ἴβηρ τ’ ἐστὶν μέγας | ποταμὸς φερόμενος ἐνδοτέρω ». |2| ταύτης δὲ πολλά φασιν ἔθνη διαιρεῖσθαι, καθάπερ Ἡρόδωρος ἐν τῇ δεκάτῃ τῶν καθ’ Ἡρακλέα γέγραφεν ἱστορῶν [FGrHist 31 F 2a] οὕτως « τὸ δὲ Ἰβηρικὸν γένος τοῦτο, ὅπερ φημὶ οἰκέειν τὰ παράλια τοῦ διάπλου, διώρισται ὀνόμασιν ἓν γένος ἐὸν κατὰ φῦλα· πρῶτον μὲν οἱ ἐπὶ τοῖς ἐσχάτοις οἰκέοντες τὰ πρὸς δυσμέων Κύνητες ὀνομάζονται, ἀπ’ ἐκείνων δὲ ἤδη πρὸς βορέην ἰόντι Γλῆτες, μετὰ δὲ Ταρτήσιοι, μετὰ δὲ Ὀλβυσίνιοι, μετὰ δὲ Μαστιηνοί, μετὰ δὲ Κελκιανοί, ἔπειτα δὲ ἤδη ὁ Ῥοδανός  ». |3|  διῃρεῖτο δὲ ἡ Ἰβηρία εἰς δύο, νῦν δὲ εἰς τρεῖς, ὡς Μαρκιανὸς ἐν περίπλῳ αὐτῆς [2.7]· « πρότερον μὲν οὖν ἡ Ἰβηρία εἰς δύο διῃρητο ὑπὸ Ῥωμαίων, νυνὶ δὲ εἰς τρεῖς, Βαιτίκην, Λουσιτανίαν καὶ Ταρρακωνησίαν ». |4| Ἀρτεμίδωρος δὲ ἐν τῇ βʹ τῶν γεωγραφουμένων [F 21 Stiehle] οὕτω διαιρεῖσθαί φησιν « ἀπὸ δὲ τῶν Πυρηναίων ὀρῶν ἕως τῶν κατὰ Γάδειρα τόπων καὶ ἐνδοτέρω συνωνύμως Ἰβηρία τε καὶ Ἱσπανία καλεῖται. |5|  διῄρηται δὲ ὑπὸ Ῥωμαίων εἰς δύο ἐπαρχίας διατείνουσα ἀπὸ τῶν Πυρηναίων ὀρῶν ἅπασα μέχρι τῆς Καινῆς Καρχηδόνος καὶ τῶν τοῦ Βαίτιος πηγῶν, τῆς δὲ βʹ ἐπαρχίας τὰ μέχρι Γαδείρων καὶ Λουσιτανίας ». [C] |6| ἡ δ’ ἑτέρα Ἰβηρία πρὸς Πέρσας ἐστί. [D] |7| τὸ ἔθνος Ἴβηρες, ὡς Πίερες, Βύζηρες. |8| Διονύσιος [v.  282]  «  ἀγχοῦ στηλάων μεγαθύμων ἔθνος Ἰβήρων  ». |9|  καὶ Ἀρισ τοφάνης Τριφάλητι [PCG III, 2, 290]  «  μανθάνοντες τοὺς Ἴβηρας τοὺς Ἀριστάρχου πάλαι  ». |10|  καὶ «  τοὺς Ἴβηρας, οὓς χορηγεῖς μοι βοηθῆσαι δρόμῳ ». |11| καὶ Ἀρτεμίδωρος ἐν δευτέρῳ τῶν γεωγραφουμένων [F 22 Stiehle] « γραμματικῇ δὲ χρῶνται τῇ τῶν Ἰταλῶν οἱ παρὰ θάλατταν οἰκοῦντες τῶν Ἰβήρων ». [E]  |12|  καὶ ἀπὸ τῆς Ἴβηρος γενικῆς Ἰβηρὶς τὸ θηλυκόν. |13|  «  Ἑλληνίς, οὐκ Ἰβηρίς  » Μένανδρος Ἀσπίδι [F 2 Sandbach]. |14| λέγεται καὶ Ἰβηρικός. |15| 

100 – IΒΗΡΙΑ/IBÊRIA [Λ + Ω + M] [v. 69] « πόντος μὲν πρώτιστος Ἰβηρικὸς ἀρχομένοισιν ». |16| λέγεται δὲ καὶ Ἰβηρίτης. |17| Παρθένιος ἐν Λευκαδίαις· [F 14 Lightfoot]  «  Ἰβηρίτῃ πλεύσει ἐν αἰγιαλῷ  ». [F]  |18|  ἀπὸ τῆς γενικῆς Ἴβηρος εὐθεῖα, ὡς τῆς φύλακος ὁ φύλακος. |19| Ἀπολλώνιος ἐν τοῖς παρωνύμοις [GG II, 3, 47, 15] φησίν « ἀπὸ γενικῶν εὐθεῖαι παράγονται, τῶν μὲν ὑπὲρ δύο συλλαβὰς ὁμοίως τῇ εὐθείᾳ κατὰ τὸν τόνον προπαροξυνόμεναι, καὶ ἢ ἐν ἁπλῷ σχήματι ἢ ἐν συνθέτῳ. |20|  ἁπλοῦν μὲν οὖν μάρτυρος ὁ μάρτυρος, Χάροψ Χάροπος ὁ Χάροπος, “Χαρόποιό τ’ ἄνακτος” [Il. 2.672], Τροίζην Τροίζηνος ὁ Τροίζηνος, “υἱὸς Τροιζήνοιο” [Il. 2.847], Ἴβηρ Ἴβηρος ὁ Ἴβηρος  ». |21|  ἀφ’ οὗ παρὰ Κουαδράτῳ ἐν Ῥωμαϊκῆς χιλιάδος [FGrHist 97 F 2]  ἔστιν Ἰβήροισιν οὕτως «  καί τοι Λίγυσί θ’ ἅμα καὶ Ἰβήροισι πολεμέοντες  ». |22|  τὸ αὐτὸ καὶ Ἅβρων ἐν παρωνύμοις [F 17 Berndt] φησί. |23| καὶ « αὐτὸς Ἴβηρος τραγοπώγων  » ἐν Μαλθακοῖς εἴρηται Κρατίνου [PCG IV, 176]. |24| λέγονται οἱ Ἴβηρες ὑδροποτεῖν, ὡς Ἀθήναιος ἐν Δειπνοσοφιστῶν βʹ [II, 44b]  οὕτως «  Φύλαρχος μὲν ἐν τῇ ζʹ [FGrHist 81 F 13]  καὶ τοὺς Ἴβηράς φησιν ὑδροποτεῖν πάντας, καίτοι πλουσιωτάτους πάντων ἀνθρώπων τυγχάνοντας. |25| κέκτηνται γὰρ ἄργυρον καὶ χρυσὸν πλεῖστον. |26| μονοσιτεῖν τε αὐτοὺς ἀεὶ λέγει διὰ μικρολογίαν, ἐσθῆτάς τε φορεῖν πολυτελεστάτας ». Ibêria  :  [A]  |1|  Il en existe deux  :  l’une, tout près des Colonnes d’Hercule, [B] tire son nom de la rivière Ibêr, que mentionne Apollodore, dans le 2 e livre du Sur la terre : « en deçà des Pyrénées est l’Ibêr, une grande rivière coulant très à l’intérieur des terres ». |2| L’Ibérie comprend, paraît-il, de nombreux peuples distincts, comme l’écrit Hérodore, dans le 10e livre des Enquêtes sur Héraclès  :  «  cette race ibérique qui, dis-je, vit sur les rivages du détroit, constitue une seule race, mais elle se subdivise en familles qui portent des noms distincts : d’abord ceux qui habitent aux limites de la partie occidentale sont appelés Kunêtes ; après eux, si l’on va un peu vers le nord, il y a les Glêtes ; ensuite les Tartessioi ; puis les Olbusinioi puis les Mastienoi et les Kelkianoi ; et après on arrive au Rhône ». |3| L’Ibérie était séparée en deux , et l’est maintenant en trois, selon Marcien dans son Périple de l’Ibérie  :  «  l’Ibérie a été d’abord divisée en deux sous les Romains, et elle l’est maintenant en trois la Baitikê, la Lousitania et la Tarracônêsia  ». |4|  Artémidore, dans le 2e livre des Descriptions géographiques, dit que le pays est divisé de la façon suivante : « La partie située entre les monts Pyrénéens et les environs de Gadeira est dénommée indifféremment Iberia et Hispania. |5| Elle a été divisée par les Romains en deux provinces, s’étendant sur tout l’espace qui va des monts Pyrénéens jusqu’à Nouvelle-Carthage et aux sources du Baitis, tandis que la seconde province s’étend jusqu’à Gadeira et la Lousitania ». [C] |6| L’autre Ibérie est du côté de la Perse. [D]   |7|  Le peuple est appelé Ibêres, comme Pieries, Buzeres. |8| Denys dit : « près des Colonnes la nation des braves Ibêres ». |9| Et Aristophane (Triphalès) : « comprenant les Ibêres d’Aristarque jadis ». |10| Et « les Ibêres que tu me fournis généreusement, dans ma course, pour me venir en aide ». |11| Et Artémidore dans le 2e livre des Descriptions géographiques : « ceux des Ibêres qui vivent près de la mer utilisent l’alphabet des Latins ». [E] |12| A partir du génitif Ibêros est formé le féminin Ibêris. |13| Ménandre (Aspis) : « Une femme grecque, pas une Ibêris ». |14| On dit aussi Ibêrikos. |15|  «  la mer qu’ils trouvent d’abord, après leur départ, est la mer ibêrikê ». |16| On dit aussi Iberitês. |17| Parthénios, dans les Leucadiennes : « tu navigueras sur la côte ibérite ». [F] |18| Du génitif dérive le nominatif Ibêros, comme de (tês) phulakos (ho) phulakos. |19| Apollonios, dans Les Noms dérivés, dit : « on forme des nominatifs à partir de génitifs ; les mots dont le génitif a plus de deux syllabes ont la même accentuation au nominatif et sont proparoxytons, que la forme soit simple ou composée. |20| De forme simple :  marturos, nominatif marturos ; Charops, Charopos, nominatif Charopos, « du roi Charopos » ; Troizen, Troizenos, nominatif Troizenos, « fils de Troizenos » ; Ibêr, Ibêros, nominatif Ibêros  ». |21|  D’où chez Quadratus, dans le livre du Millénaire romain, on trouve le datif pluriel Ibêroisin dans : « faisant effectivement la guerre à la fois aux Ligues et aux Ibêroi ». |22| Habron, dans Les Noms dérivés, emploie la même forme. |23| Et on trouve « lui-même Ibêros à barbiche de bouc » dans les Efféminés de Cratinos. |24| On dit que les Ibêres sont des buveurs d’eau, selon Athénée, dans le 2e livre des Deipnosophistes : « Phylarque, dans le 7e livre, dit aussi que tous les Ibères boivent de l’eau, bien qu’ils soient les plus riches de tous les hommes. |25| En effet ils possèdent des quantités d’or et d’argent. |26| Et il dit qu’ils ne font jamais qu’un repas par jour à cause de leur avarice, et qu’ils portent les habits les plus somptueux ».

Lexiques et commentaires grecs et byzantins Scholia in Homerum (schol. vet. in Il., pap. 6, 7.76) τὸ̣ δ̣ὲ ‘μάρτυρος’ παρώνυμον [τῆι γ]ε̣ν̣ι̣κ̣ῆ̣[ι] τοῦ πρωτοτύπου συν[πέ]π̣τωκεν, ὡς τὸ Τροίζηνος, ἔνθε̣ν [“Τρ]ο̣ι̣ζήνοιο”· χρυσάορος, ἔνθεν “χρυ[...(.)].αις” εἴρηκε Πίνδαρος·

524 τὸ Χάροπος, [ἔνθε]ν τὸ “Χαρόποιό τ’ ἄνακτος”· (…) τὸ Ἴβηρος· †τοτρα[..]. ωνος παρὰ Κρατίνωι ἐν Μαλθακοῖς. Scholia in Homerum (schol. vet. in Od., 24.hypo­ thesis-307) Σικανίης· Σικελίας. ᾤκησαν γὰρ αὐτὴν Ἴβηρες ἐλθόντες ἀπὸ Σικανοῦ ποταμοῦ. Scholia in Oppianum (scholia vet. et recent., Cynegetica, 1, sch. 278) Ἴβηρες· περὶ ἵππων τῆς Ἰβηρίας, ὅτι ταχεῖς καὶ εὔψυχοι. Scholia in Thucydidem (scholia vet. et recent. 6.2.2) καὶ πρότεροι· τῶν Λαιστρυγόνων. Ἴβηρες ὄντες· ὅτι Ἰβήρων ἄποικοι οἱ Σικανοί ἀναστάντες· ἤγουν μετανάσται καὶ μέτοικοι γεγονότες. Scholia in Lucianum (scholia vet. et recent. Arethae 73.23.1) τάριχος μὲν ἐξ Ἰβηρίας· τῆς κάτω Ἰβηρίας τῆς πρὸς τὰ Γάδειρα λέγει – πολλὰ γὰρ ἐκεῖθεν ἰχθυηρὰ ταρίχη ἐκομίζετο – ἰχθύας φερούσης οὐ κατὰ τὴν ἄλλην θάλασσαν ἀλλὰ πολλῷ καὶ τῷ μεγέθει καὶ τῷ λίπει τοὺς ἄλλους παρευδοκιμοῦντας. Pseudo-Arcadius (De accent. 20.9-11 = 132.6-8) τὰ εἰς ηρ ἐθνικὰ ἢ κύρια, μὴ συνεμπίπτοντα προσηγορικοῖς, βαρύνονται· Ἴβηρ, Ἀνίβηρ, Δόβηρ, Πίηρ. τὸ μέντοι Ἐλευθήρ ὀξύνεται, ὡς τὸ Ἀστήρ. Théodose (Canones isagogici de flexione nominum, 4, 2, p. 24.4) ὁ Πίηρ τοῦ Πίερος, ὁ Ἴβηρ τοῦ Ἴβηρος· τῶν εἰς ηρ βαρυτόνων ὅσα μὲν μακρᾷ παραλήγεται διὰ τοῦ ε κλίνεται, φράτερος Πίερος, ὅσα δὲ βραχείᾳ παραλήγεται διὰ τοῦ η κλίνεται, Ἴβηρος ἐρίηρος· τὸ δὲ πάνθηρ τοῦ ἁπλοῦ τὴν κλίσιν ἐδέξατο. Paraphrase à Denys le Périégète (v. 695-705) πρὸς δὲ τὴν ἀνατολὴν τούτου καὶ τὸν βορρᾶν ὁ ἰσθμὸς τῆς Κασπίας θαλάσσης καὶ τοῦ Εὐξείνου ἐπίκειται. ἐπὶ δὲ τούτῳ τῷ ἰσθμῷ τὸ ἀνατολικὸν ἔθνος κατοικεῖ τῶν Ἰβήρων (οἵτινές ποτε Ἴβηρες ἀπὸ τῆς Πυρήνης, ἤγουν τῆς ἑσπερίας ἢ δυτικῆς Ἰβηρίας ἐπὶ τὴν ἀνατολὴν παρεγένοντο, τοῖς Ὑρκανίοις ἄνδρασι μεγάλην ἔχθραν συμβαλόντες), καὶ τὸ μέγα ἔθνος τῶν Καμαριτῶν, οἵτινές ποτε τὸν Διόνυσον ἀπὸ τοῦ πολέμου τῶν Ἰνδῶν προσδεξάμενοι ἐξενοδόχησαν, καὶ ἱερὸν χορὸν, ὃ ἔστι μέγαν, μετὰ τῶν Βακχῶν ἔστησαν, ζώματα καὶ νεβρῖδας ἐπὶ τοῖς στήθεσιν αὐτῶν περιβαλόμενοι, εὖ οἱ εὐὰν λέγοντες. οὗτος δὲ

100 – IΒΗΡΙΑ/IBÊRIA [Λ + Ω + M] ὁ Διόνυσος ταῖς ἑαυτοῦ φρεσὶ τὴν γενεὰν τῶν ἀνθρώπων καὶ τὰ ἤθεα τῆς γῆς ἐκείνης, τουτέστι περιφραστικῶς τὴν γῆν ἐκείνην, ἠγάπησεν. vie siècle – Lexique d’Hesychius (ι 126) ἴβηρ· χερσαῖόν τι θηρίον· ἀφ’ οὗ καὶ Ἴβηρες ixe siècle – Theognostus (Canones 71.14-18, § 391) τὰ διὰ τοῦ ηρος ὑπὲρ δύο συλλαβὰς κύριά τε καὶ προσηγορικὰ προπαροξύτονα, μὴ ἔχοντα ἀπὸ ῥήματος τὴν γένεσιν, διὰ τοῦ η γράφονται· οἷον, Ὅμηρος· Ἄβδηρος· Ἄηρος πόλις Κρητική· Φάληρος· Ἄνδηρος· Ἵβηρος· σίδηρος· ἄσηρος· ἐρίηρος· Σεύηρος. ixe siècle – Choiroboscos (Prolegom. et schol. in Theo­ dosii Alex. canones isagogicos de flexione nominum, p. 300.11) ὁ Πίηρ τοῦ Πίερος, ὁ Ἴβηρ τοῦ Ἴβηρος. ἰστέον ὅτι τῶν εἰς ηρ βαρυτόνων τὰ μὲν μακρᾷ παραληγόμενα τρέπουσι τὸ η εἰς τὸ ε ἐν τῇ γενικῇ, οἷον Πίηρ Πίερος (ὅθεν τὸ Πιερίς καὶ Πιερίδες αἱ Μοῦσαι· ἔστι δὲ τὸ Πίηρ ὄνομα κύριον), φράτηρ φράτερος (φράτερες δέ εἰσιν οἱ συγγενεῖς)· τὰ δὲ βραχείᾳ παραληγόμενα φυλάττουσι τὸ η ἐν τῇ γενικῇ, οἷον ἐρίηρ ἐρίηρος, ὅθεν τὸ ‘ἐρίηρες ἑταῖροι’ ἀντὶ τοῦ εὐάρμοστοι, Ἴβηρ Ἴβηρος· τὸ δὲ πάνθηρ πάνθηρος τοῦ ἁπλοῦ τὴν κλίσιν ἐφύλαξε, λέγω δὴ τοῦ θήρ θηρός, ἐπεὶ τοῦτο ὡς μακρᾷ παραληγόμενον ὤφειλε τρέψαι τὸ η εἰς τὸ ε ἐν τῇ γενικῇ. τῷ Πίερι, τῷ Ἴβηρι· τὸν Πίερα, τὸν Ἴβηρα· ὦ Πῖερ, ὦ Ἴβηρ. εἴρηται ὅτι τὰ εἰς ἀμετάβολον λήγοντα βαρύτονα ἀποβάλλοντα τῆς γενικῆς τὴν ἐσχάτην τὸ ος ἢ τὴν τος ποιεῖ τὴν κλητικήν, χωρὶς τοῦ Ἄπολλον καὶ Ποσείδαον. τὼ Πίερε, τὼ Ἴβηρε· τοῖν Πιέροιν, τοῖν Ἰβήροιν· ὦ Πίερε, ὦ Ἴβηρε. οἱ Πίερες, οἱ Ἴβηρες· τῶν Πιέρων, τῶν Ἰβήρων· τοῖς Πίερσι, τοῖς Ἴβηρσι· τοὺς Πίερας, τοὺς Ἴβηρας· ὦ Πίερες, ὦ Ἴβηρες. xe siècle – Souda (ι 75 Adler = Ambr. 72 et 74) Ἴβηρες· ὄνομα ἔθνους. ǁ καὶ Ἰβηρία χώρα. ǁ ἔστι δὲ καὶ ἄλλη Ἰβηρία ἡ Ἑσπερία, ἡ καὶ Ἱσπανία λεγομένη. (glose) ὅτι ἐπὶ τοῦ μεγάλου Κωνσταντίνου ἐβαπτίσθησαν οἱ ἐνδότεροι Ἰνδοὶ καὶ Ἴβηρες καὶ Ἀρμένιοι. xiiie siècle – Lexique du pseudo-Zonaras (1083.8) Ἴβηρες· ἔθνος. καὶ Ἰβηρία χώρα.

100 – IΒΗΡΙΑ/IBÊRIA [Λ + Ω + M] xiie siècle – Etymologicum Magnum (464.46) Ἴβηρ· πόθεν; ἐθνικόν ἐστι, καὶ παραγωγὴν οὐκ ἔχει. τινὲς δὲ λέγουσιν αὐτὸ παράγεσθαι παρὰ τὸ ἵμερος, ὃ σημαίνει τὴν ἐπιθυμίαν. xiie siècle – Jean Tzétzès (schol. Lycophr. v. 643) Ἰβηροβοσκοὺς· αἱ γὰρ Γυμνήσιαι οὐ πόρρω εἰσὶ τῶν Ἰβήρων. Ταρτησὸς δὲ νῆσος πρὸς ταῖς Ἡρακλείαις στήλαις. ἡ δὲ Ἰβηρία νῦν Σπανία καλεῖται. ἡ δὲ Ἰβηρία καὶ Ἰσπανία καλεῖται παρὰ Λατίνοις. Ταρτησὸς δὲ νῆσος καὶ πόλις, ἧς Ἀργανθώνιος ἐβασίλευσε ζήσας ἔτη ρκʹ, ἀφ’ ὧν ἐβασίλευσε πʹ, ὥς φησιν ὁ Ἡρόδοτος. κεῖται δὲ αὕτη ἡ Ταρτησὸς πλησίον τῶν Ἡρακλείων στηλῶν. xiie siècle – Eustathe de Thessalonique (Com. Dion. 281) ὅτι ὑπὸ τὴν ἐσ χάτην γλωχῖνα, ὃ ἔστι γωνίαν, τῆς Εὐρώπης, ἀγχοῦ τῶν στηλῶν τῶν περὶ τὰ Γάδειρα, οἱ Ἴβηρές εἰσι τεταμένοι, ἄχρι καὶ τοῦ βορείου ψυχροῦ ὠκεανοῦ. τούτους μεγαθύμους φησὶ δι’ ἣν εἶχον ἀνδρείαν. ἄποικοι δὲ τούτων οἱ ἑῷοι Ἴβηρες, ὡς καὶ τῶν Εὐρωπαίων Γαλατῶν οἱ Ἀσιανοὶ οἱ περὶ τὴν Ἄγκυραν. καλοῦνται δὲ ἀπὸ Ἴβηρος ποταμοῦ, οὗ ἴδιον λέγεται τὸ πλημμύρειν καὶ δίχα χιόνων, ὅτε τὰ βόρεια πνεύματα πλεονάσει. αἰτία δὲ τοῦ τοιούτου πάθους, φασὶν, ἡ λίμνη, δι’ ἧς ὁ τοιοῦτος ποταμὸς ῥέει. συνεκβάλλουσι γὰρ τὸ λιμναῖον οἱ ἄνεμοι, καὶ οὕτω ποιοῦσι πλεονασμὸν τοῦ ὕδατος. κατὰ δέ τινας ἀπὸ βασιλέως ὁμωνύμου οἱ Ἴβηρες ἔλαχον τὸ οὕτω καλεῖσθαι. Κελτὸς γὰρ καὶ Ἴβηρ, παῖδες Ἡρακλέος ἀπὸ βαρβάρου γυναικὸς, ἐξ ὧν τὰ ἔθνη οἱ Κελτοὶ καὶ οἱ Ἴβηρες. ἰστέον δὲ ὅτι ἡ Ἰβηρία, οὐ πᾶσα μέντοι, ἀλλὰ μόνη ἡ ἐντὸς τοῦ ῥηθέντος Ἴβηρος ποταμοῦ, καὶ Ἱσπανία συνωνύμως ἢ πολυωνύμως ἐλέγετο. Ῥωμαῖοι δὲ καὶ τὴν πᾶσαν οὕτως ἐκάλεσαν ὕστερον, ὡς εἶναι διώνυμον, Ἰβηρίαν τε καὶ Ἱσπανίαν. λέγονται δὲ πλείους ἢ χίλιαι πόλεις Ἰβήρων εἶναι. οἱ δὲ τοῦτο λέγοντες καὶ τὰς μεγάλας κώμας πόλεις ὠνόμαζον. φασὶ δὲ ἐν Ἰβηρίᾳ καὶ πόλιν εἶναι Ὀδύσσειαν καὶ ἄλλα πολλὰ ἴχνη τῆς Ὀδυσσέως πλάνης. ὑδροποτεῖν δὲ λέγονται οἱ Ἴβηρες καὶ μονοσιτεῖν καὶ πολυτελεῖ ἐσθῆτι χρῆσθαι.

Commentaire La notice semble provenir du lexique-source avec des annotations d’Oros et des compléments de Stéphane de Byzance. [A] |1| Il semble que la définition géographique ne relève

pas d’une citation particulière. Mais l’indication « au contact des Colonnes d’Hercule » renvoie aux notices de Mastianoi [146]  et Tarsêion [210]  qui semblent

525 toutes les deux provenir de Polybe. Dans cette première partie (|1-4|), on trouve donc les informations relevant des auteurs principaux qui citaient l’Ibérie  :  Polybe, Apollodore, Hérodore, Marcien et Artémidore. À l’exception de Marcien (phrase |3|), lu directement par Stéphane de Byzance, ils représentent les auteurs mentionnés par le lexique-source. Le nom d’Ibêria se retrouve chez de très nombreux auteurs, sans transformation, depuis Hécatée jusqu’à l’Antiquité tardive. [B] : Stéphane de Byzance indique l’origine du nom par le fleuve Ibêros, fleuve cité d’après le Peri Gês d’Apollodore. La localisation se fait par rapport aux Pyrénées, indiquant par là-même occasion la limite nord de l’Ibérie. Ce fleuve est mentionné à de nombreuses reprises car il constitue un axe commercial fort et a servi un temps à une délimitation territoriale entre Carthaginois et Romains. On le trouve chez Polybe (3.6.2, 3.14.9, 3.76.2 et 6, 4.28.1, 10.7.3, 10.35.3), Strabon (3.4.1 et 6-7, 9-10, 12, 19-20, 3.5.9), Appien (Iber. 25), Plutarque (Sert. 16.1), Ptolémée (2.6.16 et 64), Dion Cassius (42.16.2)

|2| On trouve à la suite des indications générales sur les peuples qui composent l’Ibérie d’après l’Histoire d’Héraclès d’Hérodore. La citation qui est donnée ici de manière exhaustive devait être reproduite au moins de façon partielle dans chacune des notices se rapportant aux différents peuples  :  Glêtes [65], Tartessos [211], Olbusioi [170], Mastianoi [146]  et Kelkianoi (cette notice se trouve dans une des lacunes de l’Épitomé). Ce texte a donné lieu à de nombreuses exégèses car il est l’un de ceux qui permettent de positionner les différents peuples proche des côtes de la péninsule ibérique à l’époque grecque archaïque et classique (voir en particulier Moret 2004, p. 42-43). L’indication du Rhône est généralement perçue comme l’indication ici d’une lacune. Il n’est pas certain toutefois que l’on puisse faire remonter l’Ibérie jusqu’au Rhône et ce fleuve ne peut suivre directement les Kelkianoi, c’est pourquoi on peut aussi proposer une erreur de nom de la part d’Hérodore. On attendrait en effet plutôt l’Èbre. |3| Stéphane de Byzance actualise ensuite les divisions administratives de l’Ibérie d’après Marcien (Per. ext. 2.7), lui-même basé sur Artémidore et Ptolémée. |4-5|  La citation d’Artémidore d’Ephèse (livre II) est assez complète : elle donne les limites extrêmes de l’Ibérie (entre les Pyrénées et Gadeira), le nom romain équivalent et la délimitation des deux provinces qui existent à son époque. Il indique également la ville de Carthagène

526 et le fleuve Baitis. Enfin on notera que le manu­scrit écrit Lousitania alors qu’Artémidore utilisait probablement la forme Lusitania comme on le voit avec la notice Belitanoi [49]. La découverte du Papyrus d’Artémidore a mis en lumière la partie probablement exacte du texte d’Artémidore ayant été recopiée dans l’Épitomé, ne l’oublions pas, selon nous à travers les filtres suivants : le lexique issu d’Artémidore (première étape indispensable), peutêtre le lexique de Pamphile, celui de Diogenianus, la copie d’Oros, le manu­scrit de Stéphane de Byzance, la copie de Constantin Porphyrogénète et enfin la copie du manu­scrit P. On ne s’étonnera donc pas que quelques erreurs aient pu s’y glisser. La comparaison précise des deux textes a été faite par J. Hammerstaedt, auquel nous renvoyons pour le détail de l’analyse (Hammerstaedt 2009). [C] |6| L’indication de l’Ibêria proche des Perses était

peut-être suivie d’une citation que Constantin a pu supprimer car hors de propos avec son sujet. [D]  |7-11|  L’ethnique Ibêres est d’abord comparé aux

formes Pieres et Buzêres sans mention de grammairien. On trouve ce nom dans le pseudo-Scymnos (v. 199) mais dans de très nombreux auteurs également. Suivent dans les Ethniques les citations de Denys le Périégète (v. 282), d’Aristophane (Triphalês fr. 550) et d’Artémidore (livre II). [E] |12-13| La forme féminine Ibêris est indiquée d’après

le génitif Ibêros, avec citation de Ménandre (Aspis). On la trouve également chez Oppien (Hal. 3.623 ; Cyneg. 1.397), Héliodore (Aeth. 5.13.3) et comme terme médecinal. |14-15|  Le ktétique Ibêrikos est assez fréquent. On le trouve ici avec citation de Denys le Périégète (v. 69) mais on le rencontre également chez Strabon (1.1.4, 1.4.5, 2.1.41, 2.4.4, 2.5.1 et 19, 3.1.3-4, 3.2.14, 3.3.3, 3.4.11, 13 et 16-18, 4.1.3, 12.2.10, 15.1.69), Appien (Prooem. 14.57  ; Iber. 2, 10, 12-13, 176  ; Bell. civ.  1.14.121  ; 2.16.109 ; 5.9.82), Plutarque (Cato 11.1 ; comp. Arist. Cato. 2.3, 5.2 ; Cras. 15.7 ; Sert. 12.7, 14.5 ; Pomp. 34.2 ; Galba 6.4), pseudo-Scymnos (v.  266), Pausanias (10.32.19), Achille Tatius (2.14.8), Arrien (Tact. 40.1), Denys d’Halicarnasse (1.22.2), Agathémère (§ 9 et 20), Dion Cassius (12.48.1  ; 22.76.2  ; 45.10.4  ; 48.42.4  ; 50.6.4), Polyen (Strat. 8.16.6), Pollux (Onomast. 5.37), Polybe (3.98.4, 3.118.10, 4.28.2, 6.23.7, 8.2.3, 34.7.6), Élien (De nat. animal. 13.6). Il sert à désigner la mer longeant l’Ibérie : Athénée (7.98), Oppien (Hal. 5.57) et Ptolémée (2.4.3 et 7, 4.1.6 et 10, 8.4.2, 8.13.2).

100 – IΒΗΡΙΑ/IBÊRIA [Λ + Ω + M] |16-17|  Ibêritês est signalée avec une mention de Parthénios (Leuc.) ; elle constitue la seule attestation de cette forme dans les textes que nous connaissons. [F] |18-26| Une autre forme de nominatif est donnée,

tirée du génitif avec comparaison et citation de différents auteurs : Apollonios Dyscole (Sur les noms dérivés, GG II, 3, 47, 15), Asinius Quadratus (Millénaire romain, livre VI) et Habrôn. Ce dernier donne dans son texte les citations de Cratinos (Malthakois), Athénée (Deipn. 2.44b) qui lui-même cite Phylarque. Ces citations emboitées étaient certainement très fréquentes dans l’œuvre d’origine de Stéphane de Byzance. On trouve cette forme dans la citation de Polybe (34.9.15) que donne Athénée (1.28) ou Diodore de Sicile (25.12.1, 25.19.1) à propos de rois Ibères. Voir également Denys d’Halicarnasse (14.1.4). La citation d’Asinius Quadratus atteste l’emploi de l’ionien, par les formes ᾽Ιβήροισιν et πολεμέοντες (De Cicco 2017, p. 120). Le numéro de livre a été restitué par Berkel (ε’) en imaginant une erreur de lecture (haplographie) par rapport à la première lettre du mot suivant ἔστιν. Pour notre part, nous préférons la même erreur de lecture (ϛʹ) par rapport à la dernière lettre du mot précédent χιλιάδος.

Localisation et archéologie L’Ibérie tire son nom du fleuve Ibêr, que l’on connait sous le nom d’Èbre (Ebro en espagnol). P. Jacob, reprenant l’article de J. Carcopino sur le traité de 229 av. J.-C., considère que le nom d’Ibêr s’applique à plusieurs fleuves, dont le Jucar (Jacob 1988). La compréhension de l’Ibérie ne peut se distinguer de la façon dont les Grecs (puis les Romains) l’ont connue, au fur et à mesure de la pénétration vers l’intérieur des terres. P. Moret considère qu’elle se fait en trois temps. Ce sont d’abord les « ethniques désincarnés des mythographes et des périégètes », accompagnés d’un certain nombre de toponymes et de noms de villes souvent difficile à identifier (Moret 2004, p. 40-43). Seule la côte est ainsi décrite puisque la connaissance procède avant tout des navigateurs. Ainsi il semble bien que pour Hécatée, l’Ibérie se limite à la côte comprise entre les Mastiênoi et les Ligyens, jusqu’au nord des Pyrénées (Braun 2004, p. 311). Le second temps est celui de la conquête romaine, avec deux auteurs majeurs que sont (pour nous, précisons-le) Polybe et Tite-Live (Moret 2004, p. 43-48). La connaissance s’affine alors et concerne toute la partie sous l’emprise de Carthage et une large bande jusqu’aux Pyrénées. C’est avec Polybe en particulier qu’apparaît

101 – IΒΥΛΛΑ/IBULLA [Λ] une délimitation claire de l’Ibêria, séparée des Celtes par les Pyrénées (Moret 2004, p. 44). Enfin, le troisième temps est celui d’une Hispania entièrement romaine où l’ethnos fait place à la regio (Moret 2004, p. 48-52). La description que fait Pline l’Ancien dans son livre III de l’Histoire naturelle en donne une très bonne vision. Cette compréhension s’accompagne d’une vision cartographique de plus en plus élaborée, bien que nous n’en ayons pas conservé de trace. La notion d’Ibères a évidemment évolué en même temps que s’affinait la connaissance de la péninsule ibérique. P. Moret met en évidence chez Polybe l’usage de ce nom pour éviter de nommer les peuples aux noms barbares, inconnus des Grecs et dont l’accumulation aurait rendu son récit « confus et inintelligible » (3.36.3-4) (Moret 2004, p. 44). Malgré la difficulté de compréhension de la composante celtique de la population de la péninsule ibérique, le terme reste générique de tous les peuples à partir du ive siècle av. J.-C. au moins.

Chronologie des mentions vie s. av. : Hécatée, Ἰβηρία, Ἴβηρες – ve s. av. : Aristophane, Ἴβηρες ; Thucydide, Ἰβηρία, Ἴβηρες – ive s. av. : Xénophon, Ἴβηρες ; Platon, Ἴβηρες ; pseudo-Scylax, Ἰβηρία, Ἴβηρες, Ἴβηρ – iie s. av. : Polybe, Ἰβηρία, Ἴβηρες, Ἴβηρ ; Apollodore, Ἰβηρία, Ἴβηρ  ; pseudo-Scymnos, Ἰβηρία, Ἴβηρες – ier s.

527 av. : Diodore de Sicile, Ἰβηρία, Ἴβηρες, Ἴβηρ ; Nicolas de Damas, Ἰβηρία ; Denys d’Halicarnasse, Ἰβηρία, Ἴβηρες – ier s. : Strabon, Ἰβηρία, Ἴβηρες, Ἴβηρ ; Dioscoride, Ἰβηρία ; Dion Chrysostome, Ἴβηρες  ; Flavius Josèphe, Ἰβηρία, Ἴβηρες – iie s. : Plutarque, Ἰβηρία, Ἴβηρες ; Charax, Ἰβηρία, Ἴβηρ ; Arrien, Ἰβηρία, Ἴβηρες ; Appien, Ἰβηρία, Ἴβηρες, Ἴβηρ ; Ptolémée, Ἰβηρία, Ἴβηρος ; Polyen, Ἰβηρία, Ἴβηρες ; Lucien, Ἰβηρία ; Pausanias, Ἰβηρία, Ἴβηρες ; Galien, Ἰβηρία, Ἴβηρες ; Clément d’Alexandrie, Ἰβηρία, Ἴβηρες – iiie  s.  :  Dion Cassius, Ἰβηρία, Ἴβηρες, Ἴβηρ ; Asinius Quadratus, Ἴβηρες ; Oppien, Ἴβηρες  ; Justin, Hiberia – ive  s.  :  Jamblique, Ἰβηρία ; Eusèbe, Ἰβηρία, Ἴβηρες ; Julien, Ἴβηρες ; Basile de Césarée, Ἴβηρες ; Épiphane de Salamine, Ἰβηρία, Ἴβηρες ; Libanius, Ἴβηρες ; Marcien, Ἰβηρία – ve s. : Philostorge, Ἰβηρία, Ἴβηρ ; Socrate, Ἴβηρες ; Sozomène, Ἰβηρία, Ἴβηρες ; Nonnos, Ἴβηρες – vie s. : Zosime, Ἰβηρία, Ἴβηρ. Les différentes formes du nom restent invariables durant toute l’Antiquité.

Bibliographie indicative RE VIII, 2 (1913), col.  1965-2046 (s.v.  Hispania) Schulten ; Smith 1854 (s.v. Hispania) ; THA II A 46 (I) ; IIB 142at ; Jacob 1988 ; Silberman 1988, p. 219220  ; González Blanco 1991, p.  26-27  ; Moret 2004 ; Braun 2004, p. 311. Barrington Atlas : 1 B2 (Hispania) ; http://pleiades.stoa.org/places/1027

101 – IΒΥΛΛΑ/IBULLA [Λ]

Ville – Hispanie (Bétique) (ι 20 Billerbeck)            Artémidore ? + Timée ? Livre 20 – Second abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 18,8 % – taux théorique : 20 %). Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé et traduction Ἴβυλλα· πόλις ταρτησσίας(a). τὸ ἐθνικὸν ἰβυλλῖνος. παρ’ οἷς μέταλλα χρυσοῦ καὶ ἀργύρου(b). a)  ταρτησσίας QPN  :  ταρτησίας R. – b) καὶ χρυσοῦ post ἀργύρου add. RQ.

Ἴβυλλα· [A] |1| πόλις Ταρτησσίας [Artémidore ? Timée ?]. [D]  |2|  τὸ ἐθνικὸν Ἰβυλλῖνος [Artémidore  ? Timée  ?].

|3| παρ’ οἷς μέταλλα χρυσοῦ καὶ ἀργύρου.

Ibulla :  [A] |1| ville de Tartessia. [D] |2| L’ethnique est Ibullinos. |3| Il y a chez eux des mines d’or et d’argent.

Commentaire La notice provient du lexique-source. [A] |1| Le nom de la ville ne se trouve pas chez les auteurs

que nous connaissons. On a proposé de l’identifier avec la ville d’Ilipa, lieu de bataille entre les troupes de Scipion l’Africain et les Carthaginois (206 av. J.-C.), qui voit la victoire de Rome et met fin à la domination punique

528 sur la péninsule ibérique. Polybe (11.20) l’appelle Ἰλίπα (les manu­scrits ont Ἠλίγγα, avec une erreur d’onciales de Π lu ΓΓ) et Ptolémée (Geogr. 2.4.10) : Ἰλλίπα Μεγάλη. La ville d’Ilipa se trouve en effet à proximité immédiate de l’antique Tartessos. C’est ainsi qu’elle apparaît dans l’atlas Barrington, mais cela ne reste qu’une hypothèse. Toutefois, la mention de cette ville renvoie à un auteur plus ancien ; il pourrait s’agir selon nous de Timée (voir l’argumentation dans la fiche [195]). Le rattachement se fait à la « Tartessie », forme qui s’apparenterait au lexique d’Artémidore avec la « Massalie » ou de Charax avec la « Messapie ». Il semble donc plutôt se rattacher au lexique de Diogenianus ou de Pamphile, ce qui écarterait le lexique d’Hécatée, contrairement à ce que proposait G. Nenci (Nenci 1954) qui en fait son fragment n° 45. [D] |2| Il s’agit vraisemblablement du même auteur que

pour le lemme initial. La forme lexicale de l’ethnique est aussi peu probable chez Théopompe qui forme semblet-il ses ethniques en -αῖος pour des géonymes en -α  ; selon nous, la forme est probablement caractéristique de Timée (voir fiche [195]). |3| L’indication provient peut-être de la même source que pour la notice de Tartessos [211]. On retrouve en effet une information assez proche sur la présence d’argent. Nous pensons qu’elle provient également de Timée.

Localisation et archéologie Si la ville correspond bien à Ilipa, elle est située à l’emplacement de l’actuelle Alcalá del Río, au nord de Séville. T. Braun, qui rattache cette notice à Hécatée, rappelle la similitude entre l’indication des mines d’or et d’argent de la notice de l’Épitomé et la mention de Strabon (3.2.3) concernant la présence d’argent autour d’Ilipa (Braun 2004, p. 308-309). Les mines les plus proches sont celles d’Almadén (Domergue 1990, p. 70) ; celles de la Sierra Morena, au-dessus de Cordoba, pouvaient être acheminées par le fleuve jusqu’à Ilipa. Une inscription en tartessien, retrouvée à Ilipa et perdue depuis, corroborerait le rattachement à Tartessos que propose la notice (Braun 2004, p. 309).

101 – IΒΥΛΛΑ/IBULLA [Λ] On a proposé également de mettre en relation le nom d’Ibulla avec le Billeiense mentionné sur le titulus pictus d’une amphore provenant du Testaccio à Rome (CIL XV 4175)  :  «  orfito et prisco cos (149 ap.  J.-C.) | R(ecognitum ?) lacc ʎʎ ccxvs | billeiense terentiani .. ? | pius alicibiades ». Il s’agit d’une indication de contrôle fiscal par Pius et Alcibiades du contenu des amphores provenant du domaine Terentianus dans le pagus Billeiense situé à Lacca, près du rio Guadalete (le wadi Lakka des sources arabes). La ville antique de Lacca serait à 8 km au sud d’Arcos de la Frontera, donc plus proche de la baie de Cádiz (Fornell Muñoz 2004, p. 98). Si la forme du nom s’apparente plus à Ibulla, cette localisation conviendrait moins pour les ressources minières qu’évoque la notice de l’Épitomé. Nous ne retiendrons pas cette hypothèse.

Chronologie des mentions iiie s. av. : Timée ?, Ἴβυλλα, Ἰβυλλῖνος – iie s. av. : Polybe, Ἰλίπα – ier s. : Tite-Live, Silpia – iie s. : Ptolémée, Ἰλλίπα. Nous ne savons pas si Ibulla est bien la même ville qu’Ilipa. Il n’est donc pas possible de valider l’hypothèse d’une métathèse de consonne (et non de voyelle) comme le propose encore récemment T. Braun (Braun 2004, p. 308).

Bibliographie indicative RE IX, 1 (1914), col. 1066 (s.v. Ilipa) Schulten. THA II A 23i ; IIB 142ac ; Tovar 1974, p. 162-163 ; González Blanco 1991, p.  27, 32  ; Fornell Muñoz 2004  ; Braun 2004, p. 308-309. Barrington Atlas : 26 E4 (Ilipa Magna) ; http://pleiades.stoa.org/places/256222

102 – IEPNH/IERNÊ [Λ]

529

102 – IEPNH/IERNÊ [Λ]

Île – Îles Britanniques (Irlande) (ι 38 Billerbeck)            Théopompe ? Livre 20 – Second abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 18,8 % – taux théorique : 20 %). Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé et traduction (en grisé, forme erronée restituée du manu­scrit archétype disparu, corrigée dans la notice normalisée)

Ἰέρνη(a)· νῆσος ἐν τῷ πέρατι πρὸς ταῖς(b) δυσμαῖς. τὸ ἐθνικὸν ἰερναῖος ὡς λερναῖος. a) Ἰέρνη PN : Ἱέρνη RQ. b) ταῖς om. QPN. b – Erreur lors de l’abréviation ?

Ἰέρνη· [A]  |1|  νῆσος ἐν τῷ πέρατι πρὸς ταῖς δυσμαῖς [Théo­ pompe ?]. [D] |2| τὸ ἐθνικὸν Ἰερναῖος [Théopompe ?] ὡς Λερναῖος.

Iernê  :  [A]  |1|  île des confins, tout près du couchant. [D] |2| L’ethnique se dit Iernaios, formé comme Lernaios.

Commentaire La notice provient exclusivement du lexique-source, ce qui explique le doublon avec la notice Iouernia [109]. [A] |1| Le nom de cette île (l’Irlande) se retrouve sous

cette forme chez Strabon (1.4.3-5, 2.1.13 et 17-18, 2.5.8, 14 et 34, 4.5.4) et chez plusieurs auteurs qui mentionnaient l’ensemble des îles situées au nord de la Gaule comme le pseudo-Aristote (De Mundo p. 393b), un fragment anonyme géographique (GGM, fr. T, 1) ou Stobée (1.40.1). Toutes ces mentions procèdent de Pythéas (fr. 6a-c) et de son contradicteur Hipparque (fr. 61). Toutefois, la précision géographique que donne l’Épitomé ne se retrouve pas chez Strabon ; elle provient probablement d’un autre auteur. Compte-tenu de l’hypothèse que nous formulons (que le voyage de Pythéas ait constitué le livre XLIII des Philippiques de Théopompe) ainsi que des similitudes de ces notices avec celles issues de cette même œuvre, nous proposerons de placer cette notice dans le lexique issu de Théopompe. Il faut noter que la notice de l’Épitomé ne rattache pas cette île à la Brettanikê comme le ferait Strabon ou les auteurs qui lui sont proches dans le temps. Il est très probable que Polybe donnait également cette forme dans son livre XXXIV, sur la base des informations de Pythéas.

[D]  |2|  Aucun auteur connu ne donne cette forme  ; il

s’agit probablement du même auteur que pour la première partie de la notice. La forme est en tout cas tout à fait compatible avec Théopompe. On peut noter la comparaison lexicale de grammairien que l’on trouve régulièrement dans le lexique-source. Ptolémée (Geogr. 2.2.3) mentionne un fleuve du nom de Iernos (Kenmare ?) au sud-ouest de l’île et une tribu, les Iernoi, situés vers le sud.

Localisation et archéologie Il s’agit de l’île d’Irlande. Les découvertes archéologiques témoignant de contacts avec le monde méditerranéen avant la conquête romaine de la Grande-Bretagne sont en petit nombre (Freeman 2001, p. 2). C’est surtout à partir du ier siècle de notre ère que les témoignages se multiplient. Certains sites sont mis en relation avec les Brigantes réfugiés en Irlande après leur défaite face aux Romains en 74 de notre ère. De façon logique, ces découvertes de mobilier sont plus importantes vers l’est (Freeman 2001, p. 2-12). Tout au long de l’Empire romain, les contacts sont certainement nombreux mais l’île ne sera jamais conquise. Il est difficile de savoir si Pythéas a bien mentionné l’île d’Iernê, mais c’est vraisemblable à la fois en tenant compte de la notice de l’Épitomé et du texte de l’Ora maritima d’Aviénus (v. 108 et 111), qui mentionne le peuple des Ierni dans l’île Sacrée (insula sacra = hiêra nêsos en grec) et l’île des Albiones. L’ensemble a de grandes chances de provenir de Pythéas, peut-être par le biais de Théopompe mais l’identification exacte des toponymes reste sujette à interprétation (Freeman 2001, p. 28-31). Chez Ptolémée, on distingue plusieurs géonymes qui peuvent correspondre avec les notices de l’Épitomé. Au sud-est, la pointe de l’île (au sud de Wexford Harbour) porte le nom de cap Sacré (hieron akron) qui peut faire référence au nom ancien de l’île. Dans la partie la plus méridionale de l’île, on trouve le peuple des Iouernoi. La

530

103 – IΛΑΡAΥΓAΤΑΙ/ILARAUGATAI [E]

rivière Iernos coule au sud-ouest et correspond probablement à l’actuelle Kenmare river. L’ensemble donne donc l’impression que les noms transmis par Pythéas correspondent à la partie méridionale de l’île, qui est probablement celle qui a été abordée anciennement. On peut imaginer que lors de cette expédition, Pythéas ait disposé d’un traducteur bilingue grec et gaulois, et que lors de haltes sur les côtes bretonnes, ils aient pu bénéficier de l’apport d’une personne connaissant la langue et les lieux britanniques et irlandais. C’est pourquoi les noms ont une réelle vraisemblance qui rendent crédibles les informations que donnent les notices de l’Épitomé.

Chronologie des mentions ive s. av. : Théopompe/Pythéas ?, Ἰέρνη, Ἰερναῖος ; [Aviénus, Ora maritima], (gens Hiernorum) – ii e  s. av. : Artémidore ?, Ἰουερνία, Ἰουερνιάτης – ier s. av. : Jules César, Hibernia – ier  s.  :  Strabon, Ἰέρνη  ; Isidore de Charax, Ἰέρνη ; Pomponius Mela, Iuvernia ; Pline l’Ancien, Hibernia ; pseudo-Aristote (De Mundo), Ἰέρνη – iie  s.  :  Tacite, Hibernia  ; Juvenal, Iuverna  ; Ptolémée, Ἰουερνία  ; Apulée, Hibernia – iiie  s.  :  Agathémère,

Ἰουερνία  ; Solin, Hibernia – iv e  s.  :  Panég yrique Constantin, Hibernia  ; Claudien, Hiverne  ; Marcien, Ἰουερνία – ve s. : Orose, Hibernia. Jusqu’au début du Haut-Empire, la forme grecque est Iernê, sauf Artémidore qui écrit semble-t-il Iouernia. Cette dernière forme est plus proche du latin et a directement inspiré Pomponius Mela. Dès Jules César apparaît la forme latine Hibernia, avec une aspiration que l’on n’a pas en grec car il s’agit d’auteurs de langue ionienne (Pythéas, Artémidore). Le nom grec évoluera à partir du iie siècle de notre ère avec la forme d’Artémidore, tandis que le nom latin connaît un bétacisme qui l’amène vers la forme iverne que l’on observe chez le poète Claudien. Notons que l’on trouve également la forme Ἰερνίς (Orph. Arg. 1179).

Bibliographie indicative RE VIII, 2 (1913), col.  1388-1392 (s.v.  Hibernia) Haverfield ; Smith 1854 (s.v. Ierne) ; Freeman 2001. Barrington Atlas : 2 B3 (Hibernia) ; http://pleiades.stoa.org/places/20487

103 – IΛΑΡAΥΓAΤΑΙ/ILARAUGATAI [E]

Peuple – Hispanie (Tarraconaise) (ι 48 Billerbeck)            Hécatée Livre 21 – Second abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 15,4 % – taux théorique : 20 %). Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé et traduction Ἰλαραυγᾶται(a)· οἱ ἴβηρες. ἑκαταῖος εὐρώπῃ. καὶ ἰλαραυγάτης(b) ποταμός. a)  Ἰλαραυγᾶται RQ  :  Ἰλαραυγάται PN. b)  Ἰλαραυγάτης RPN : Ἰλαραυγᾶτις Q.

Ἰλαραυγᾶται· [Da] |1| οἱ Ἴβηρες. |2| Ἑκαταῖος Εὐρώπῃ [FGrHist 1 F 49]. [Dc] |3| καὶ Ἰλαραυγάτης ποταμός [Hécatée].

Ilaraugatai :  [Da] |1| les Ibères. |2| Hécatée (Europe). [Dc] |3| Et le fleuve s’appelle Ilaraugatês.

Commentaire La notice provient du lexique d’Hécatée. [Da] |1-2| Hécatée (FGrHist n° 1 F 49) est le seul à men-

tionner sous cette forme ce peuple, dont le nom évolue par la suite en Ilergêtes/Ilergetes. La mention de οἱ Ἴβηρες se comprend en fonction de leur localisation car ils sont situés immédiatement au nord du fleuve appelé Ibêr par les Grecs, c’est-à-dire l’Èbre, qui par extension a donné son nom à la péninsule ibérique. Polybe nomme le peuple Ilergêtai (10.18.7) et Ilourgêtai (3.35.2), Strabon Ilergetai (3.4.10) et Tite-Live Ilergetes (21.61.5-7, 22.4, 24.11, 28.24, 29.1-3, 34.11-12), comme Pline l’Ancien (3.21 : regio Ilergetum).

104 – IΛΕΡΔΑ/ILERDA [Λ] [Dc]   |3|  Le fleuve était très probablement cité par

Hécatée car il est inconnu par ailleurs. Il s’agit très probablement d’un affluent de l’Èbre, situé au cœur du territoire de ce peuple.

Localisation et archéologie Peuple dans la région de l’Urgel et de Lerida, « l’un des plus puissants au nord de l’Èbre  » selon C. Rico, les Ilergètes contrôlent les plaines situées entre les contreforts des Pyrénées et ce grand fleuve (Rico 1997, p. 97). Avec la Deuxième guerre punique, ils cherchèrent à établir leur hégémonie sur l’ensemble de l’Ibérie en jouant d’alliances à la fois avec les Carthaginois et les Romains. Leur roi, appelé Indibilis chez Tite-Live et Andobalès chez Polybe, ainsi que son frère Mandonius, alternèrent donc entre 218 et 208 av.  J.-C. une politique un peu contrainte avec les deux protagonistes (selon P. Moret, 1997, p. 148 et 150, des membres de leurs élites étaient retenus en otages dans les deux camps). Se soulevant à nouveau contre Rome en 206 et 205 av. J.-C., ils furent défaits par les Romains en 205 et leur roi Indibilis tué (Tite-Live 29.1-3  ; sur ces dernières révoltes, voir Moret 1997, p. 153-157). On notera que C. Rico ne fait pas le lien avec les Ilaraugâtai d’Hécatée (Rico 1997, p. 97-99), or la précision de οἱ Ἴβηρες dans l’Épitomé leur assure une localisation semblable à celle qu’on leur connaît à l’époque de Polybe et encore à l’époque impériale, au nord de l’Èbre. Après la Deuxième guerre punique, ils sont signalés à nouveau lors de la campagne de Caton en 195 (Tite-Live 34.11-12 ; Gázquez 1992).

531 Pour citer P. Moret, «  les textes et l’archéologie s’accordent pour placer les Ilergètes au premier rang des peuples du nord de l’Ibérie » (Moret 1997, p. 159). Les bassins du Sègre et du Cinca, correspondant au cœur du territoire ilergète, ont un faciès culturel particulier (pratiques funéraires, forme d’habitat, décors peints sur céramique) qui diffuse en direction de l’Èbre (Moret 1997, p. 162). Le fleuve cité par la notice pourrait d’ailleurs correspondre au Sègre. La capitale de ce peuple était Atanagrum (non localisée) ; les autres villes principales sont Ilerda [104] et Osca. Cette dernière deviendra leur capitale lors du soulèvement de Sertorius.

Chronologie des mentions vie  s. av.  :  Hécatée, Ἰλαραυγᾶται – iie  s. av.  :  Polybe, Ἰλέργητες – ier s. av. : – ier s. : Tite Live, Ilergetes ; Strabon, Ἰλέργετες ; Pline l’Ancien, Ilergetes – iie s. : Ptolémée, Ἰλέργητες – iiie s. : Dion Cassius, Ἰλεργετανοί.

Bibliographie indicative RE IX, 1 (1914), col.  999 (s.v.  Ilergetes) Schulten. THA  IIA 23n  ; IIB 142av  ; Beltrán Lloris 1976, p. 400-405 ; Gázquez 1992 ; Tovar 1989, p. 46-47 ; González Blanco 1991, p.  27, 32  ; Rico 1997, p. 97-99 ; Moret 1997 ; Zehnacker 2004, p. 114. Barrington Atlas 25 F4 (Ilergetes) ; http://pleiades.stoa.org/places/246432

104 – IΛΕΡΔΑ/ILERDA [Λ]

Ville – Hispanie (Tarraconaise) (ι 51 Billerbeck)            Artémidore ? Livre 21 – Second abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 15,4 % – taux théorique : 20 %). Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé et traduction (en grisé, forme erronée restituée du manu­scrit archétype disparu, corrigée dans la notice normalisée)

Ἰλερδά(a)· πόλις πρὸς τῇ πυρήνῃ ἰβηρίας. ὁ πολίτης ἰλερδίτης. {ἰλεὺς ὁ ἀπόλλων ἐν τροία}(b)

Ἰλέρδα· [A] |1| πόλις πρὸς τῇ Πυρήνῃ Ἰβηρίας [Artémidore ?].

a) Ἰλέρδα Zubler : Ἰλερδά RQPN, Ἴλερδα Xylander. b) ἰλεὺς ὁ ἀπόλλων ἐν τροία secl. Berkel.

[D] |2| ὁ πολίτης Ἴλερδίτης [Artémidore ?].

a – Erreur d’accentuation lors de la translittération. b – Cette indication (une glose ?) est à rattacher à la notice suivante.

Ilerda  :  [A]  |1|  ville d’Ibérie au pied des Pyrénées. [D] |2| Le citoyen s’appelle Ilerditês.

532

Commentaire La notice provient du lexique-source. [A] |1| La détermination géographique apparente cette

notice à celle d’Indikê [106]. Elle est mentionnée par Strabon (3.4.10) mais celui-ci la rattache aux Ilergètes ; il est donc peu vraisemblable que l’indication géographique en provienne. Elle est citée également par Ptolémée (2.6.67) comme ville des Ilergètes ainsi que par Dion Cassius (41.20.1, 41.22.1) et Polyen (Strat. 8.23.28). Elle était vraisemblablement déjà citée par Artémidore. Appien (Bell. civ.  2.6.42) l’écrit Ἰλέρτη  ; nous n’expliquons pas cette forme particulière. [D]  |2|  Aucun auteur connu ne mentionne le nom de l’ethnique. S’agit-il d’Artémidore  ? La forme lexicale rend vraisemblable cette hypothèse.

Localisation et archéologie C’est l’actuelle Lérida (en catalan Lleida). La ville était rattachée aux Ilergètes, sous le nom de Iltiŕta. Pline l’Ancien (3.24) ne la mentionne pas directement mais décrit les « Ilerdenses Surdaonum gentis, les Ilerdiens de la nation des Surdaons » (trad. Zehnacker). Les Surdaones formeraient une branche des Ilergètes au ier siècle de notre ère. Si la ville n’apparaît pas dans nos sources durant la Deuxième guerre punique (sauf chez Silius Italicus), les guerres Sertoriennes la mettent en scène (voir le fragment dans Salluste, Hist. 1.122). Mais elle a surtout joué un rôle important durant la Guerre civile ( Jules César B.  C. 1.38  ; Appien, Bell. civ.  2.6.42, Tite-Live, Per. 90) : la campagne d’Ilerda, entre juin et août 49 av. J.-C. se termina par la capitulation des généraux de Pompée, Lucius Afranius et Marcus Petreius. Elle devient municipe sous Auguste et est florissante sous l’Empire.

104 – IΛΕΡΔΑ/ILERDA [Λ] Les découvertes archéologiques récentes ont permis de compléter le panorama que nous avons de la cité. Elles documentent la ville républicaine et du Haut-Empire mais de manière assez ponctuelle : édifices romains (à caractère utilitaire ?) de la Calle de l’Aiguardent ou de l’Antic Portal de Magdalena, monument augustéen de La Paeria, thermes romains des Calles Cardenal Remolins et Democràcia … (Gil et al. 2001, p. 163-168). Toutes les découvertes dessinent progressivement le plan d’une cité dont on devine les limites sous l’enceinte médiévale (voir le plan dans Gil et al.  2001, p.  171). Toutefois, les niveaux les plus anciens, correspondant à l’oppidum ibère, n’ont pas été rencontrés sur la colline de la Seu, sur laquelle on le situe, c’est pourquoi on a proposé que la ville ait pu être déplacée (Gil et al. 2001, p. 172-173). La ville républicaine ancienne (iie siècle av. J.-C.) échappe encore elle aussi largement à la connaissance archéologique. La ville a peut-être connu une refondation au début du ier siècle av. J.-C. qui entraîne cette fois-ci des constructions plus importantes que l’on a retrouvé en fouilles (Gil et al. 2001, p. 174).

Chronologie des mentions ii e  s. av.  :  Artémidore ?, Ἰλέρδα, Ἴλερδίτης – i er s. av. : Jules César, Ilerda ; Horace, Ilerda – ier s. : Strabon, Ἰλέρδα  ; Lucain, Ilerda  ; Pline l’Ancien, Ilerdenses – iie s. : Suétone, Ilerda ; Florus, Ilerda ; Appien, Ἰλέρτη ; Ptolémée, Ἰλέρδα ; Polyen, Ἰλέρδα – iiie s. : Dion Cassius, Ἰλέρδα – ve s. : Orose, Ilerda.

Bibliographie indicative RE IX, 1 (1914), col. 999 (s.v. Ilerda) Schulten ; Smith 1854 (s.v.  Ilerda)  ; THA  IIB 142aw  ; González Blanco 1991, p. 27, 33 ; Gil et al. 2001 ; Zehnacker 2004, p. 117. Barrington Atlas : 25 F4 (Ilerda) ; http://pleiades.stoa.org/places/246431

105 – IΛΟΥΡΓΕΙΑ/ILOURGEIA [Λ]

533

105 – IΛΟΥΡΓΕΙΑ/ILOURGEIA [Λ]

Ville – Hispanie (Tarraconaise) (ι 55 Billerbeck)            Polybe Livre 21 – Second abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 15,4 % – taux théorique : 20 %). Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé et traduction Ἰλούργεια· πόλις ἰβηρίας, πολύβιος ια΄. τὸ ἐθνικὸν (a). a) Ἰλουργεύς add. Holste.

Ἰλούργεια· [A] |1| πόλις Ἰβηρίας. |2| Πολύβιος ια΄ [11.24.10]. [D] |3| τὸ ἐθνικὸν [Polybe ?].

Ilourgeia :  [A] |1| ville d’Ibérie. |2| Polybe (11e livre). [D] |3| L’ethnique se dit .

Commentaire La notice est issue du lexique-source. [A] |1-2| La ville est nommée sous cette forme seulement

par Polybe (11.24.10), mais cette mention ne correspond pas à une partie conservée du texte de cet auteur. Apien (Iber., 128) l’appelle Ἰλυργια et Ptolémée (2.4.9) Ἰλουργίς. Chez ce dernier, elle est rattachée au peuple des Bastouloi. Elle est mentionnée également par Dion Cassius (9.10), et, pour les auteurs romains, par TiteLive (voir ci-dessous).

et Guadalquivir, sur la colline de Maquiz (El Cerro de Maquiz ou Las Torres). On la situe souvent à Andújar mais c’est par erreur car il s’agit ici de l’emplacement de l’antique Isturgi. L’identification des vestiges archéologiques d’El Cerro de Maquiz avec la cité d’Illiturgis repose en particulier sur des inscriptions se rapportant à des Illiturgenses. La ville la plus ancienne est toutefois située sur la colline de la Muela (Cerro de la Muela), comme l’ont montré les fouilles récentes. En effet, la ville d’Iliturgi s’est retrouvée au cœur du conflit de la Deuxième guerre punique en étant assiégée deux fois par les Carthaginois et reprise à chaque fois par les Romains en 216 et 214. Ayant changé de camp par la suite, Scipion l’Africain en fit un exemple en tuant tous ses habitants et en la détruisant totalement en 206 av. J.-C. Elle fait l’objet de nombreuses mentions chez Tite-Live (23.49, 24.41, 26.17, 28.19-20). Elle est ensuite refondée par Tib. Sempronius Gracchus lorsqu’il est préteur d’Hispanie citérieure en 180-179 av. J.-C. C’est cette seconde cité qui a été retrouvée sur le Cerro de Maquiz.

[D] |3| Il est probable que le nom de l’ethnique se trou-

vait également chez Polybe. Rappellons que la leçon Ilourgeus que propose Holste, reprise par A. Meineke et M. Billerbeck, est totalement restituée sur une base théorique de formation d’ethnique pour les noms en -εια. Rien n’empêche donc d’avoir eu d’autres formes.

On a proposé avec vraisemblance (Tovar 1989, p. 163165) d’assimiler Ilourgeia plutôt à la ville Ilorci, mentionnée par Pline l’Ancien (3.9) habitée sans doute par les Ilorcitani (id., 3.25). L’identification avec la ville actuelle de Lorca (province de Murcie) ne paraît plus exacte mais aucune identification plus précise n’est possible.

Localisation et archéologie

Chronologie des mentions

On rattache habituellement la ville à celle que l’on connaît sous le nom principal d’Illiturgis, avec des variantes (Iliturgi, Iliturgis, voire Ilurgia, Ilourgeia et Ilourgis) considérant que le nom avait l’insertion ou non de -it-. D’après H. Zehnacker (Zehnacker 2004, p.  101, suivant A. Tovar 1976, p.  109), elle ne correspond pas à l’Iliturgi Forum Julium mentionnée par Pline l’Ancien (3.10) dans le Conventus de Cordoue. Celle-ci est située au nord de l’actuel Guadalquivir, sur la route entre Cordoue et Castulo : les vestiges en ont été retrouvés près de l’actuelle ville de Mengíbar (province de Jaén), à la confluence des rivières Guadalbullón

iie s. av. : Polybe, Ἰλούργεια –ier s. : (Tite-Live), (Iliturgi) ; Pline l’Ancien, Ilorci, Ilorcitani – iie s. : Appien, Ἰλυργια ; Ptolémée, Ἰλουργίς.

Bibliographie indicative RE IX, 1 (1914), col. 999 (s.v. Iliturgis) Schulten ; Smith 1854 (s.v.  Illiturgis)  ; THA  IIB 142ax  ; Pelletier 1987 ; Tovar 1989, p. 163-165 ; González Blanco 1991, p. 27, 33 ; Zehnacker 2004, p. 101 et 121. Barrington Atlas : 27 D3 (Ilorci) ; http://pleiades.stoa.org/places/265927

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106 – IΝΔΙΚΗ/INDIKÊ [Λ]

106 – IΝΔΙΚΗ/INDIKÊ [Λ]

Ville – Hispanie (Tarraconaise) (ι 63 Billerbeck)            Artémidore ? Livre 21 – Second abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 15,4 % – taux théorique : 20 %). Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé et traduction (en grisé, forme erronée restituée du manu­scrit archétype disparu, corrigée dans la notice normalisée)

Ἰνδική· πόλις ἰβηρίας πλησίον πυρήνης(a). τινὲς δὲ βλαβέρουραν αὐτήν φασιν. τὸ ἐθνικὸν ἰνδικῖται(b). a) πυρήνης QPN : πυρρήνης R. b) ἰνδικῆται R : ἰνδικῖται QPN. b – Erreur lors de l’abréviation (iotacisme) ?

Ἰνδική· [A] |1| πόλις Ἰβηρίας πλησίον Πυρήνης [Artémidore ?].

|2| τινὲς δὲ Βλαβέρουραν αὐτήν φασιν.

[D] |3| τὸ ἐθνικὸν Ἰνδικῆται [Artémidore ? Strabon ?].

Indikê  :  [A]   |1|  ville d’Ibérie près des Pyrénées. |2| Certains l’appellent Blaberoura. [D] |3| L’ethnique se dit Indikêtai.

Commentaire La notice provient du lexique-source. [A] |1| La précision géographique (« près des Pyrénées »)

s’apparente à celle de la ville d’Ilerda [104]. On ne trouve pas la mention de la ville chez Strabon et les informations qui suivent ne s’y rapportent pas, c’est pourquoi nous proposons qu’Artémidore ait pu servir de source. |2| L’autre nom ne nous est pas connu par ailleurs. Si Artémidore est l’auteur de la détermination géographique, c’est peut-être lui qui signalait également l’autre nom (forme indigène du géonyme ?), en référence à un auteur plus ancien ?

[D]  |3|  Le nom de l’ethnique apparaît chez Strabon (3.4.1 et 8). Il correspond plutôt à un nom de peuple ; Stéphane de Byzance aurait sinon indiqué Ἰνδικήτης, au singulier, pour le nom des habitants. Le lexique a utilisé une source dont l’auteur nous échappe mais qui pourrait être également Artémidore.

Localisation et archéologie La ville est inconnue par ailleurs. Il pourrait s’agir d’Empúries ou Ullastret si l’on en croit Sanmartí, Santacana 2005. D’après A. Tovar, le nom de la ville

correspond à la partie indigène accolée à Emporion (Tovar 1989, p. 37-38). Le peuple des Indikêtai (Indigètes) est localisé au pied et à l’extrémité de la chaîne des Pyrénées, dans la plaine de Gérone, et vient au contact des villes grecques d’Emporion et de Rhodê. Leur développement est favorisé par ces implantations grecques et ils constitueront «  l’arrière-base la plus sûre des Romains dans le nord de l’Espagne  » (Rico 1997, p.  99). Ils sont signalés par Strabon (3.4.8) à Emporion, dont ils occupent un des quartiers de la ville à côté de la ville grecque proprement dite, enclose dans une même enceinte. Les Indigètes ont frappé monnaie, avec la légende undikesken que l’on traduit par « (monnaie) des Undika ». Soumis à Rome en 218 av. J.-C., ils se rebellent en 195 av. J.-C., prennent Emporion et Rhodê et sont battus par M. Porcius Cato. Le peuple est mentionné par Pline l’Ancien (3.21) sous la forme Indigetes, que l’on retrouve chez Ptolémée (Geogr. 2.6.19 et 72). On notera également la mention d’une ville de ce peuple Dekiana, qui utilise le même radical qu’Indikê.

Chronologie des mentions ive-iie s. av. : [Aviénus, Ora maritima], Indigetes – iie s. av.  :  Artémidore ?, Ἰνδική, Ἰνδικῆται – ier  s.  :  Strabon, Ἰνδικῆται ; Pline l’Ancien, Indigetes – iie s. : Ptolémée, Δεκιάνα, Ἰνδιγέται.

Bibliographie indicative RE IX, 2 (1916), col.  1368 (s.v.  Indiketes) Schulten. THA  IIB 142ay  ; Pericay Ferriol 1950  ; Tovar 1989, p. 37-38 ; González Blanco 1991, p. 27, 33 ; Rico 1997, p.  99-101  ; Zehnacker 2004, p.  115  ; Sanmartí, Santacana 2005. Barrington Atlas : 25 I3 (Indike) ; http://pleiades.stoa.org/places/246441

107 – IΝΣΟΒΑΡΕΣ/INSOBARES [Λ]

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107 – IΝΣΟΒΑΡΕΣ/INSOBARES [Λ]

Peuple – Italie (hors cadre d’étude) (ι 66 Billerbeck)            Polybe Livre 21 – Second abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 15,4 % – taux théorique : 20 %). Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé et traduction (en grisé, forme erronée restituée du manu­scrit archétype disparu, corrigée dans la notice normalisée)

Ἰνσοβαρές(a), ἔθνος κελτικὸν πρὸς τῷ πάδῳ. πολύβιος(b). οὓς καὶ ἰνσόβρας(c) φησίν(d). a)  Ἰνσόβαρες Xylander  :  ἰνσοβαρές RQPN. b)  πολύβιος om. PN. c)  Ἴνσοβρας Meineke  :  ἰνσόβρας RQPN. d)  φησίν RP : φασὶν QN. a et c – Erreur d’accentuation lors de la translittération ?

Ἰνσόβαρες· [Da] |1| ἔθνος κελτικὸν πρὸς τῷ Πάδῳ. |2| Πολύβιος. [Dc] |3| οὓς καὶ Ἴνσοβρας φησίν.

Localisation et archéologie Les Insubres constituent un peuple Gaulois installé dans la plaine du Pô probablement à l’occasion de l’invasion de la péninsule italique au ive siècle av. J.-C. En cela, ils sont identiques aux Boïens [52], Taurins (voir fiche [212]) et Senons [199] cités par ailleurs dans l’Épitomé. Ils sont défaits une première fois par les Romains dans la bataille de Telamon, au sein d’une coalition de peuples gaulois, en 225 ou 224 av. J.-C. Après de nouvelles défaites, ils doivent accepter l’occupation de leur capitale, Milan, et finissent par être annexés par Rome.

Insobares  :  [Da]  |1|  peuple celtique du côté du Pô. |2| Polybe. [Dc] |3| On les appelle aussi Insobres.

Ils sont situés en dehors de notre cadre d’étude.

Commentaire

Chronologie des mentions

La notice provient du lexique-source. [Da] |1-2| La forme donnée par l’Épitomé nous est incon-

nue. Si la mention se rapporte bien à Polybe, c’est probablement dans une partie de l’œuvre que nous n’avons pas conservée. Il faut mettre en parallèle cette notice avec la suivante dans l’Épitomé (s.v. Insobroi ι 67, peuple d’Italie), dans lequel apparaît également la mention du 16e livre de Polybe (16.40.4). Strabon (5.1.6, 9-10 et 12, 7.1.5) et Ptolémée (Geogr. 3.1.29-30 et 32) écrivent Ἴνσουβροι. [Dc]] |3| Une seule attestation de ce nom apparaît chez Polybe en 2.17.4. Toutes les autres mentions de Polybe (2.17.4, 2.22.1, 2.23.2, 2.28.4 et 7, 2.30.6, 2.32.2 et 4-5, 2.34.4-5 et 11, 2.35.1, 3.40.8, 3.56.4, 3.60.8) ont Ἴνσομβρες, tout comme Plutarque (Marcel. 3.1, 4.2 et 6.3). Les Insubres étaient également mentionnés par Tite-Live (5.34).

iie s. av. : Polybe, Ἰνσόβαρες, Ἴνσοβρες, Ἴνσοβροι, Ἴνσομβρες – i er s. av.  :  Cicéron, Insubres – i er  s.  :  Tite-Live, Insubres ; Strabon, Ἴνσουβροι ; Pline l’Ancien, Insubres – iie s. : Plutarque, Ἴνσομβρες – iiie s. : Dion Cassius, Ἰνσοῦβροι (Γαλατικὸν γένος).

Bibliographie indicative RE IX, 2 (1916), col. 1589-1593 (s.v. Insubres) Philipp ; Smith 1854 (s.v.  Insubres)  ; Peyre 1979, p.  27-30  ; Kruta, Manfredi 1999.

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108 – IουEρνη/IOUERNÊ [Λ ? M ?]

108 – IουEρνη/IOUERNÊ [Λ ? M ?]

Ville – Îles Britanniques (Bretagne) (ι 77 Billerbeck)            Artémidore ? Livre 21 – Second abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 15,4 % – taux théorique : 20 %). Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé et traduction (en grisé, forme erronée restituée du manu­scrit archétype disparu, corrigée dans la notice normalisée)

Ἰουέρνη· πόλις ἐν τῷ πρετανικῷ(a)(b) ἰουερνία νῆσος(c). τὸ(d) ἐθνικὸν ἰούερνοι. a) πόλις ἐν τῇ πρετανικῇ Bouiron : πόλις ἐν τῷ πρετανικῷ RQ Billerbeck, ἐν τῶ ποταμῶ τῶ πρετανικῶ PN. b) post πρετανικῶ novum tmema inc. RQPN. c) ἰουερνίᾳ νῆσῷ Bouiron : ἰουερνία νῆσος RQPN, secl. Meineke Billerbeck. d) τὸ om. QPN. c – Nous proposons d’y voir une erreur de copie : le copiste a cru qu’il s’agissait de la notice suivante et est allé à la ligne. Les deux datifs se sont donc transformés en nominatif, pour être en accord avec leur position initiale. L’erreur a pu se produire lors de la translittération, ou lors de la première abréviation.

Ἰουέρνη· [A] |1| πόλις ἐν τῇ πρετανικῇ Ἰουερνίᾳ νῆσῷ [Artémidore ?].

Ἰουερνία νῆσος ἡ Πρεττανικὴ (Per. ext. 2.42) mais surtout au rattachement d’Artémidore que nous proposons dans la notice Iouernia [109]. C’est pourquoi nous proposons d’attribuer la notice à cet auteur. Ptolémée (Geogr. 2.2.9, 8.3.4) mentionne la ville sous la forme Ἰουερνὶς. [D] |2| La forme Iouernoi est celle qu’utilise Ptolémée

(Geogr. 2.2.6) pour l’une des tribus d’Irlande du Sud, que l’on pouvait retrouver chez Marcien, mais cela n’est pas attesté dans le texte que nous avons conservé. Peutêtre y avait-il une assimilation entre une tribu particulière et l’île du fait de la similitude lexicale.

Localisation et archéologie

Iouernê :  [A] |1| ville dans l’île Britannique de Iouernia. [D] |2| L’ethnique se dit Iouernoi.

Le nom de la ville reprend celui de l’île et celui d’un peuple homonyme. La ville, selon Ptolémée, se place vers le sud, mais n’a pas de correspondance avec une ville actuelle. Voir la localisation sur fond de carte de Ptolémée chez P. Freeman (Freeman 2001, p. 69).

Commentaire

Chronologie des mentions

[D] |2| τὸ ἐθνικὸν Ἰούερνοι [Artémidore ?].

Il n’est pas possible de déterminer si la notice provient du lexique-source ou du lexique de Marcien. Il est étonnant d’avoir deux notices distinctes, l’une pour l’île Iouernia [109] et la second pour la ville Iouernê [108]. Les deux auraient pu facilement trouver place dans une notice plurielle. La notice Iouernê vient après celle de Iouernia, ce qui pose problème quoiqu’il en soit. Il est possible qu’à l’origine ces deux notices n’en formaient qu’une alors qu’elle était éclatée en trois dans l’archétype de nos manu­scrits. [A] |1| La ville est indiquée en référence à la forme que donne Marcien pour le rattachement de l’Irlande  :  ἡ

iie s. av. : Artémidore ?, Ἰουέρνη – iie s. : Ptolémée, Ἰουερνὶς.

Bibliographie indicative Freeman 2001, p. 69, 80-81. Barrington Atlas : 2 (Iouernis) ; http://pleiades.stoa.org/places/21904

109 – IουερνIα/IOUERNIA [Λ ou M ?]

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109 – IουερνIα/IOUERNIA [Λ ou M ?]

Île – Îles Britanniques (Bretagne) (ι 76 Billerbeck)            Abrégé d’Artémidore ? Livre 21 – Second abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 15,4 % – taux théorique : 20 %). Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé et traduction Ἰουερνία· ἡ πρετανικὴ (a), τῶν δύο ἐλάσσων. τὸ ἐθνικὸν ἰουερνιάτης. a) ἡ Πρετανικὴ Berkel :  Πρετανική, ἡ Keydell, Billerbeck, Πρετανική Holste, ἡ πρετανική RQPN. a – L’absence du mot νῆσος provient sans doute d’une erreur de copie avec la notice qui suit dans l’Épitomé (voir notice [109]). Voir la discussion de M. Billerbeck (2006, p. 287, n. 80).

Ἰουερνία· [A] |1| ἡ πρετανικὴ [Artémidore ?], τῶν

δύο ἐλάσσων.

[D] |2| τὸ ἐθνικὸν Ἰουερνιάτης [Artémidore ?].

Iouernia : [A] |1| île Britannique, la plus petite des deux. [D] |2| L’ethnique se dit Iouerniatês.

Lexiques et commentaires grecs et byzantins Scholia in Dionysium Periegetam (schol. vet. 568) καλοῦνται δὲ οὕτως αἱ μὲν τῆς Βρετανίας, Ἰουερνία καὶ Ἀλουίων, αἱ δὲ νησιάδες ἀνωνύμως εἴρηνται xii   siècle – Eustathe de Thessalonique (Com. Dion. 566) ὅτι πρὸς βορρᾶν, ἔνθα Ῥῆνος ὑστατίαν εἰς ὠκεανὸν ἀπερεύγεται δίνην, αἱ Βρετανίδες εἰσὶ δύο νῆσοι, Ἰουερνία καὶ Ἀλουΐων, ἤτοι Ἰβερνία καὶ Ἀλβίων, Βρετανίδες δι’ ἑνὸς τ παρὰ τούτῳ τῷ ποιητῇ γραφόμεναι· ὧν μέγεθος περιώσιον, ὅπερ καὶ ἐπὶ τῆς Κρήτης εἶπεν, οὐδέ τις ἄλλη νήσοις ἐν πάσαις ἰσοφαρίζει, ὃ ἔστιν ἐξισοῦται αὐταῖς καὶ τὸ ἴσον φέρεται· αἷς καὶ συγκρίνων τὰς ἐκεῖ νήσους τῶν Ἀμνιτῶν νησῖδας ἐν ὑποκορισμῷ καλεῖ. e

Commentaire La notice est peut-être issue du lexique-source ou plus probablement du lexique de Marcien pour l’Abrégé d’Artémidore. [A]   |1|  La définition géographique se retrouve chez

Marcien (Per. ext. 2.41 et 43)  :  «  ἡ δὲ ἑτέρα νῆσος ἡ

Ἰουερνία (…) ἐλάσσων τέ ἐστι τῷ μεγέθει (…) τῆς Ἰουερνίας νήσου τῆς Πρεττανικῆς  »  ; l’île est mentionnée à plusieurs reprises dans son œuvre (Per. ext. 1. 8  ; 2.1 et 41-44). Toutefois la forme de la notice, associée à la forme lexicale de l’ethnique, fait rapprocher cette détermination géographique de celle que pouvait donner le lexique-source, tirée d’Artémidore. Le fait de retrouver ces indications dans l’œuvre de Marcien n’aurait rien d’étonnant puisqu’il s’est servi largement de cet auteur. Ptolémée (Geogr. 1.11.7, 2.C.1, 2.2.9-10, 7.5.11, 8.3.4), le scholiaste de Denys le Périégète et l’Anonymi geographiae expositio compendiaria (13 et 27) emploient la même forme. Stéphane de Byzance donnait également la forme plus ancienne du nom de l’île, Iernê, dans une notice spécifique (cf. notice [102]). [C] absent : la forme Ἱβερνία ne se recontre qu’une fois

chez Ptolémée (Geogr. 8.29.1), mais il apparaît dans le récapitulatif des provinces et des îles qui provient peutêtre d’une source distincte, d’origine latine. Eustathe de Thessalonique (Com. Dion. 566) l’emploie également. Il est possible que Stéphane de Byzance l’ait signalée.

[D] |2| La forme de l’ethnique n’apparaît pas chez les auteurs qui nous ont été conservés ; elle provient sans doute d’Artémidore mais pouvait également se trouver dans la partie disparue de l’œuvre de Marcien. [E]   absent  :  Marcien (Per. ext. 2.42 et 44), d’après Ptolémée (Geogr. 2.2.7, 2.3.2), donne une forme ktétique pour le nom de l’Océan qui la borde : « τῷ ὠκεανῷ τῷ καλουμένῳ Ἰουερνικῷ ».

Localisation et archéologie Voir la fiche Iernê [102].

Chronologie des mentions Voir la fiche Iernê [102].

Bibliographie indicative Voir la fiche Iernê [102].

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110 – IΣΠΑΝΙΑ/HISPANIA [Λ]

110 – IΣΠΑΝΙΑ/HISPANIA [Λ]

Pays – Hispanie (ι 105 Billerbeck)            Charax Livre 21 – Second abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 15,4 % – taux théorique : 20 %). Texte du manu­scrit archétype, de Constantin, texte normalisé et traduction (en grisé, forme erronée restituée du manu­scrit archétype disparu, corrigée dans la notice normalisée)

Ἱσπανίαι(a)· δύο τῆς Ἰταλίας ἐπαρχίαι(b), ἡ μὲν μεγάλη, ἡ δὲ μικρά. ἐκλήθη δὲ καὶ Ἰβηρία καὶ παννωνία(c). a) Ἱσπανίαι QP : ἰσπανίαι RN. b) ἐπαρχίαι RPN : ἐπαρχαὶ Q. c) πανία Bouiron : Πανία Berkel Billerbeck, πανωνία R, παννωνία QPN. c – Erreur lors de l’abréviation ?

πόθεν εἴρηται ἱσπανία; ἀπὸ ἱσπάνου γίγαντος οὕτω καλουμένου (a). ἱσπανίαι, δύο τῆς ἰταλίας ἐπαρχίαι, ἡ μὲν μεγάλη ἡ δὲ μικρά. ταύτης ἐμνήσθη χάραξ ἐν ιʹ χρονικῶν· «  ἐν ἱσπανίᾳ τῇ μικρᾷ τῇ ἔξω λουσιτανῶν πάλιν ἀποστάντων, ἐπέμφη(b) ὑπὸ ῥωμαίων στρατηγὸς ἐπ’ αὐτοὺς κύϊντος ». ὁ αὐτὸς ὁμοῦ περὶ τῶν δύο « κύϊντος ὁ τῶν ῥωμαίων πολέμαρχος ἐν ἀμφοτέραις ταῖς ἱσπανίαις(c), ἡσσώμενος δὲ ὑπὸ οὐριάθου (d) σπονδὰς πρὸς αὐτὸν ἐποιήσατο ». ταύτην κεκλῆσθαί φησιν ἰβηρίαν ἐν ἑλληνικῶν γʹ « τὴν δὲ ἱσπανίαν ἕλληνες τὰ πρῶτα ἰβηρίαν ἐκάλουν, οὔπω ξύμπαντος τοῦ ἔθνους τὴν προσηγορίαν μεμαθηκότες, ἀλλ’ ἀπὸ μέρους τῆς γῆς, ὅ ἐστι πρὸς ποταμὸν ἰβηρία(e) καὶ ἀπ’ ἐκείνου ὀνομάζονται(f ), τὴν πᾶσαν(g) οὕτω καλοῦντες· » ὕστερον δέ φασιν αὐτὴν μετακεκλῆσθαι πανωνίαν(h). a)  καλουμένου mss  :  λεγομένου Meineke. b)  ἐπέμφθη edd  : ἐπέμφη P. c)  ἱσπανίαις mss  :  ἱσπανίαις coni. Jacoby. d)  Οὐιριάθου Meineke Jacoby  :  Οὐριάθου P edd. e) Ἴβηρα Müller Jacoby : ἰβηρίαν V edd, ἰβηρία P, < Ἴβηρα > ἰβηρίαν Meineke. f )  ὀνομάζεται Müller Jacoby  :  ὀνομάζονται P Meineke. g)  Ἰβηρίαν ἀπ’ ἐκείνου ὠνομάζον καὶ τὴν πᾶσαν coni. Meineke. h) πανίαν Bouiron, Σπανίαν coni. Kyriakides : πανωνίαν mss, Πα{νω}νίαν Jacoby, Πανίαν Bandurius Bekker Meineke Billerbeck, Ἱσπανίαν coni. Dujčev.

Ἱσπανίαι· [A] |1| δύο τῆς Ἰταλίας ἐπαρχίαι, ἡ μὲν μεγάλη ἡ δὲ μικρά.

|2|  ταύτης ἐμνήσθη Χάραξ ἐν ιʹ χ ρονικῶν [FGrHist 103 F 26]· «  ἐν Ἱσπανίᾳ τῇ μικρᾷ τῇ ἔξω Λουσιτανῶν πάλιν ἀποστάντων, ἐπέμφθη ὑπὸ Ῥωμαίων στρατηγὸς ἐπ’ αὐτοὺς Κύϊντος  ». |3|  ὁ αὐτὸς ὁμοῦ περὶ τῶν δύο «  Κύϊντος ὁ τῶν Ῥωμαίων πολέμαρχος ἐν ἀμφοτέραις ταῖς Ἱσπανίαις, ἡσσώμενος δὲ ὑπὸ Οὐιριάθου σπονδὰς πρὸς αὐτὸν ἐποιήσατο  ». [B]  |4|  ἀπὸ Ἱσπάνου γίγαντος

οὕτω λεγομένου. [C] |5| ταύτην κεκλῆσθαί φησιν Ἰβηρίαν ἐν Ἑλληνικῶν γʹ [FGrHist 103 F 3]  «  τὴν δὲ Ἱσπανίαν Ἕλληνες τὰ πρῶτα Ἰβηρίαν ἐκάλουν, οὔπω ξύμπαντος τοῦ ἔθνους τὴν προσηγορίαν μεμαθηκότες, ἀλλ’ ἀπὸ μέρους τῆς γῆς, ὅ ἐστι πρὸς ποταμὸν Ἴβηρα, καὶ ἀπ’ ἐκείνου ὀνομάζεται, τὴν πᾶσαν οὕτω καλοῦντες· » |6| ὕστερον δέ φασιν αὐτὴν μετακεκλῆσθαι πανίαν. Hispaniai  :  [A]   |1|  deux provinces de l’Italie, la grande et la petite. |2|  Charax, dans le 10 e livre des Chroniques, mentionne la seconde : « Les Lusitaniens s’étant à nouveau révoltés en Hispanie mineure (l’extérieure), le général Quintus fut envoyé contre eux par les Romains ». |3| Le même mentionne les deux au même endroit : « Quintus, le polémarque des Romains dans les deux Hispanies, vaincu par Viriathe, conclut une la paix avec lui  ». [B]  |4|  Son nom vient du géant Hispanos. [C] |5| Il dit qu’elle est appellée Ibérie, dans le 3e livre des Helléniques : « Les Grecs, au début, appelèrent l’Hispanie ‘Ibérie’, parce qu’ils ne connaissaient pas encore de nom pour l’ensemble de ce peuple, et ils la nommèrent à partir d’une seule partie de cette terre, celle située près du fleuve Ibêr et qui tire son nom de ce toponyme, en appliquant ce nom à l’ensemble de cette terre  ». On dit que son nom a été par la suite remplacé par celui de pania. .

Lexiques et commentaires grecs et byzantins iie siècle ? – Hérodien (Partitiones, p. 53.6) Ἱσπανία· χώρα. xe siècle – Souda (ι 678 Adler = Ambr. 564, ps. Herodien 53) Ἱσπανία· χώρα. | ἣ καὶ Ἰβηρία καὶ Ἑσπερία καλεῖται.

Commentaire La notice provient du lexique-source. Elle a été utilisée probablement de façon partielle par Constantin Porphyrogénète : dans son texte, comme dans celui de l’Épitomé, il manque la partie correspondant à l’ethnique.

110 – IΣΠΑΝΙΑ/HISPANIA [Λ] [A]   |1|  La forme Hispania est calquée sur le terme latin. L’indication de deux provinces seulement, renvoie à la partition résultant de la Deuxième guerre Punique : l’Hispanie ultérieure et l’Hispanie citérieure. Sous Auguste, l’Hispanie ultérieure est divisée en deux provinces, la Bétique et la Lusitanie, tandis que l’Hispanie citérieure devient la Tarraconaise, en modifiant légèrement la limite vers le sud. À l’époque de Ptolémée (Geogr. 2.4.1), l’Espagne est divisée ainsi : « τῆς Ἱσπανίας, κατὰ δὲ Ἕλληνας Ἰβηρίας, τρεῖς εἰσιν ἐπαρχίαι, Βαιτικὴ καὶ Λουσιτανία καὶ Ταρρακωνησία. Il existe trois provinces d’Hispanie (appelée selon les Grecs l’Ibérie) : la Bétique, la Lusitanie et la Tarraconaise ». Marcien (Per. ext. 2.7) rappelle la division en deux provinces : « πρότερον μὲν οὖν ἡ Ἰβηρία διῄρητο ὑπὸ Ῥωμαίων εἰς ἐπαρχίας δύο, νυνὶ δὲ εἰς τρεῖς, εἰς Ἱσπανίαν Βαιτικὴν καὶ εἰς Ἱσπανίαν Λουσιτανίαν καὶ Ἱσπανίαν Ταρρακωνησίαν. Auparavant en effet, l’Ibérie a été divisée en deux provinces par les Romains, maintenant en trois, l’Hispanie Bétique, l’Hispanie Lusitanie et l’Hispanie Tarraconaise ». L’indication de deux provinces remonte très certainement à Artémidore.

|2-3|  Le terme Hispania est utilisé par Marcien (Per. ext. 2.1, 2.3-4, 2.6-9, 2.12-13), Flavius Josèphe (Bell. Jud. 4.494) et, pour les auteurs que l’on ne trouve pas dans l’Épitomé, Plutarque (Cato 10.1), Galien (De sanitate vol. 6 p. 354 ; De methodo vol. 10, p. 911 ; De compositione vol. 12 p. 388, 412, 428) et Diodore de Sicile (34/35.33.1). Marcien reprend l’usage de son prédécesseur puisque c’est la forme qu’emploie Ptolémée (Geogr. 1.12.10, 2.4.1 et 13, 2.6.11, 8.4.1, 8.29.2) pour désigner l’ensemble de la péninsule ibérique. De fait, il semble que Charax soit l’auteur qui utilise systématiquement cette forme dans l’Épitomé. On retrouve ce nom pour les notices d’Arsa [30], Bakkaioi [41], Belôn [50], Êlis [91], et Sagountos [188] et incidemment pour celle d’Ibêria [100]. Le général romain, appelé ici polémarque, dont il est question dans la citation de Charax a fait l’objet d’une relecture critique par P. Goukowsky, dans l’introduction à son édition de l’Ibérique d’Appien (p. lxviilxix). Il ne s’agit pas d’un préteur mais bien d’un général, à identifier avec Quintus Caecilius Metellus Macedonicus qui selon Valère Maxime (9.3.7) eut le gouvernement des deux Hispanies et qui fut vaincu par les Lusitaniens selon l’Épitomé d’Oxyrhynchos (53). Le même Goukowsky indique que l’on ne peut pas trancher entre la traduction de « trêve » ou de « paix » pour σπονδαί sans connaître le contexte. [B]  |4|  Cette mention provient d’un auteur inconnu

mais qui peut être également Charax car on trouve souvent ce type d’indication sous son nom dans l’Épitomé.

539 [C] |5| On trouve chez Strabon (3.4.19) la même indi-

cation de changement de nom  :  «  Ῥωμαῖοι δὲ τὴν σύμπασαν καλέσαντες συνωνύμως Ἰβηρίαν τε καὶ Ἱσπανίαν τὸ μὲν αὐτῆς μέρος εἶπον τὴν ἐκτὸς τὸ δὲ ἕτερον τὴν ἐντός· Quant aux Romains, ils ont donné à tout le territoire le même nom d’Ibérie ou d’Hispanie et distinguent ses deux parties par les épithètes Ultérieure et Citérieure » (trad. Lasserre), comme chez Appien (Iber. 4 et 444). De même chez Agathémère (7.13) « κατ’ ἀργέστην Ἰβηρίαν τὴν νῦν Ἱσπανίαν », et dans l’Anonyme (Anonymi geographiae expositio compendiaria, 6.2) : « Ἱσπανίαι τρεῖς, ἃς Ἰβηρίας πρότερον ἐκάλουν. Les trois Hispanies, que l’on appelait d’abord Ibérie  ». Ce dernier utilise exclusivement la forme Hispania. |6| Il n’y a pas d’accord pour savoir si le texte d’origine avait plutôt Pania, comme le propose encore récemment M. Billerbeck dans son édition ou la forme plus classique Spania. Pania ne se rencontre qu’une fois, chez Sosthène de Cnide, connu seulement par la citation (réelle ou non) du pseudo-Plutarque (De Fluviis, 16.3). Ce dernier précise d’ailleurs que la forme a ensuite évolué en Spania, ce qui nous semble plus réaliste ; c’est l’hypothèse que nous privilégierons. Cette forme se trouve en effet chez quelques auteurs : une fois chez Diodore de Sicile (5.37.2), chez Athénée (15.75 et 8.1) citant Strabon (3.4.3 et 10-11 alors que le texte de Strabon que nous possédons a Ἱσπανία), chez Ptolémée (Tetrab. 2.3.13 et 16), Dioscoride (De mat. med. 1.3.1, 1.71.4, 3.59.1, 3.60.1, 4.79.1, 5.74.2, 5.94.1, 5.98.2, 5.102.1) et de nombreux auteurs du ive siècle (voir ci-dessous). [D] absent : Nous avons totalement perdu le nom des

ethniques que devait signaler Stéphane de Byzance.

Localisation et archéologie Il s’agit de la Péninsule ibérique. La division en deux provinces romaines (Ultérieure et Citérieure) remonte à 197 av. J.-C. À partir d’Auguste (en 27 av. ? 15 av. ?), l’Hispanie Ultérieure est remplacée par la Bétique et la Lusitanie et l’Hispanie Citérieure par la Tarraconaise. Le nom d’Hispanie viendrait du géant Hispanos  ; on situait en effet au cap São Vicente (partie la plus au sudouest de l’Europe, actuellement au Portugal) le combat des Dieux contre les Géants ( Justin 44.4.1). Ce nom apparaît pour la première fois dans le contexte de la Première guerre punique chez Tite-Live (21.2) et Ennius (Ann. 503). Il est en fait d’origine punique (î-she-phannîm) et signifie « côte des lapins » (Zehnacker 2004, p. 98).

540

111 – IΤΑΛΙΚΗ/ITALIKÊ [Λ (+ Ε)]

Chronologie des mentions iiie s. av. : Diphilos de Siphnios (Athénée), Σπανὸς – ier s. av. : Diodore de Sicile, Ἱσπανία, Σπανία – ier s. : Strabon, Ἰβηρία (Ἱσπανία) ; Dioscoride, Σπανία ; Flavius Josèphe, Ἱσπανία – iie  s.  :  Plutarque, Ἱσπανία  ; Charax, Ἱσπανία (Ἰβηρία)  ; Appien, Ἰβηρία (Ἱσπανία)  ; Ptolémée Ἱσπανία (Ἰβηρία) + Σπανία  ; Galien, Ἱσπανία – iiie  s.  :  Justin, Hispania ; Agathémère, Ἰβηρία, Ἱσπανία – ive s. : Eusèbe, Σπανία  ; Héphaistion de Thèbes, Ἱσπανία, Σπανία  ; Didymus Caecus, Σπανία  ; Athanase d’Alexandrie, Σπανία ; Cyrille de Jérusalem, Σπανία ; Eutrope, Ἱσπανία, Ἱσπάνοι ; Oribase, Σπανία ; Épiphane de Salamine, Ἱσπανία, Σπανία ; Jean Chrysostome, Ἱσπανία, Σπανία ; Marcien, Ἱσπανία, Ἱσπάνιοι – ve s. : Philostorge, Ἱσπανία ; Socrate, Ἱσπανία, Ἱσπάνοι ; Sozomène, Ἱσπανία, Σπανία, Ἱσπάνοι.

À l’exception de Marcien (qui emploie Hispanioi), la forme classique utilisée à partir du ive siècle alterne entre Hispania (Hispanoi) et Spania. On ne trouve en revanche jamais la forme Spanoi pour désigner les habitants. Durant toute l’époque byzantine, c’est de préférence Hispania (et Hispanoi pour les habitants).

Bibliographie indicative RE VIII, 2 (1913), col.  1965-2046 (s.v.  Hispania) Schulten ; Smith 1854 (s.v. Hispania) ; THA IIB 142as ; Silberman 1988, p.  219-220  ; González Blanco 1991, p. 27-28. Barrington Atlas : 1 B2 (Hispania) ; http://pleiades.stoa.org/places/1027

111 – IΤΑΛΙΚΗ/ITALIKÊ [Λ (+ Ε)]

Ville – Hispanie (Bétique) (ι 117 Billerbeck)            III- Artémidore ? Livre 21 – Second abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 15,4 % – taux théorique : 20 %). Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé et traduction (en grisé, forme erronée restituée du manu­scrit archétype disparu, corrigée dans la notice normalisée)

Ἰταλία· ἡ χώρα, ἀπὸ ἰταλοῦ, ἡ πρὶν αὐσονία καὶ αὐσονίς. τὸ ἐθνικὸν ἰταλός καὶ ἰταλίς. ἀπὸ δὲ τοῦ ἰταλία τὸ ἰταλιώτης ὡς φθιώτης κιλικιώτης (a). τί δὲ διαφέρει τὸ ἰταλός τοῦ ἰταλιώτου, ἐν τῷ περὶ σικελίας εἰρήσεται. τὸ θηλυκὸν ἰταλιῶτις(b). καὶ ἰταλεύς(c), ὡς τοῦ αὐσονία τὸ αὐσονιεύς. καὶ ἰταλιάζειν ῥῆμα. καὶ ἰταλικός τὸ κτητικὸν καὶ ἰταλιωτικός. ἔστι καὶ ἰταλικόν χωρίον σικελίας. ἔστι καὶ ἰταλική(d) πόλις ἰβηρίας. τὸ ἐθνικὸν ἰταλικήσιος καὶ ἰταλικησία. ἐκαλεῖτο ἡ χώρα καὶ οἰνωτρία καὶ ἑσπερία.

II-[A] |9| ἔστι καὶ Ἰταλικόν χωρίον Σικελίας. III-[A] |10| ἔστι καὶ Ἰταλική πόλις Ἰβηρίας [Artémidore ?]. [D] |11| τὸ ἐθνικὸν Ἰταλικήσιος [Artémidore ?]  [E] καὶ

Ἰταλικησία [Artémidore ?].

IV-[F] |12| ἐκαλεῖτο ἡ χώρα καὶ Οἰνωτρία [Hécatée ?] καὶ Ἑσπερία.

I-[A]   |1|  ἡ χώρα, [B]   ἀπὸ Ἰταλοῦ [Charax  ?], ἡ πρὶν Αὐσονία καὶ Αὐσονίς.

Italia  :  I-[A]   |1|  le pays, [B]   tirant son nom d’Italos, et qui s’appelait auparavant Ausonia et Ausonis. [D] |2| L’ethnique est Italos et Italis. |3| Du nom Italia est dérivée Italiôtês, formé comme Kilikiôtês et Pthiôtês. |4| La différence entre Italos et Italiotês sera expliquée dans la notice sur la Sicile. |5| Le féminin est Italiôtis. |6| Et on trouve aussi la forme Italieus, comme à partir d’Ausonia on forme Ausonieus. |7| Et le verbe italiazein. [E] |8| Et le ktétique est Italikos et Italiôtikos.

[D] |2| τὸ ἐθνικὸν Ἰταλός καὶ Ἰταλίς. |3| ἀπὸ δὲ τοῦ Ἰταλία

II-[A] |9| Il existe aussi Italikon, un toponyme de Sicile.

a) φθιώτης κιλικιώτης QP : φθιώτης καὶ λικιώτης N, κιλικιώτης φθιώτης R Billerbeck. b) ἰταλιῶτις QPN : ἰταλιώτις R. c) Ἰταλιεύς Salmasius : ἰταλεύς RQPN. d) ἰταλικὴ RPQN : Ἰταλίκη Berkel. a – Erreur lors de l’abréviation ?

Ἰταλία·

τὸ Ἰταλιώτης ὡς Κιλικιώτης, Φθιώτης. |4| τί δὲ διαφέρει τὸ Ἰταλός τοῦ Ἰταλιώτου, ἐν τῷ περὶ Σικελίας εἰρήσεται. |5| τὸ θηλυκὸν Ἰταλιῶτις. |6|  καὶ Ἰταλιεύς, ὡς τοῦ Αὐσονία τὸ Αὐσονιεύς. |7| καὶ ἰταλιάζειν ῥῆμα. [E] |8| καὶ Ἰταλικός τὸ κτητικὸν καὶ Ἰταλιωτικός.

III-[A]   |10|  Il existe aussi Italikê, ville d’Ibérie. [D] |11| L’ethnique se dit Italikêsios et Italikêsia. IV-[F] |12| On appelle le pays Oinôtria et Hesperia.

112 – IΨΙΚΟΥΡΟΙ/IPSIKOUROI [Λ]

Lexiques et commentaires grecs et byzantins Nous n’avons pas recensé les textes qui concernent l’Italie.

Commentaire La notice provient du lexique-source. La dernière phrase (|12|) est probablement issue du lexique d’Hécatée, qui emploie effectivement les formes mentionnées ; elle a été juxtaposée par Stéphane de Byzance. Compte-tenu du grand nombre de mentions se rapportant au lemme principal, l’Italie, nous nous concentrerons ici uniquement sur la ville ibérique. III-[A] |10| La ville n’est mentionnée que par Appien

(Iber. 153 et 282) sous cette forme mais il n’est probablement pas l’auteur de la mention si la notice vient bien du lexique-source. Appien est utilisé par Oros uniquement pour les mentions d’ethnique. Strabon (3.2.2) et Ptolémée (Geogr. 2.4.13) l’appellent Italika. [D] |11| Aucun auteur ne mentionne les deux formes de

l’ethnique ; elles proviennent certainement d’un même auteur puisqu’il s’agit du masculin et du féminin. Il ne s’agit pas d’Appien. On pourrait proposer Artémidore, du fait des ressemblances lexicales avec d’autres notices comme celle de Tarrakôn [209].

Localisation et archéologie C’est l’actuelle Santiponce (province de Séville, Anda­ lousie).

541 Sous la ville actuelle a été retrouvée une occupation attribuée aux Tartesio-turditaniens, datée approximativement du ive siècle av. J.-C. La ville romaine a été fondée par Scipion l’Africain, en 206 av. J.-C., à la fin de la Deuxième guerre punique, pour accueillir les blessés de la bataille d’Illipa ; elle est alors la première cité romaine fondée hors d’Italie, d’où son nom. Elle est située à mi-chemin entre les villes turdétanes d’Hispalis et d’Ilipa. Elle est la patrie des empereurs Trajan et Hadrien, ce dernier lui ayant accordé le statut de colonie romaine sous le nom de Colonia Aelia Augusta Italica. Hadrien a fait également construire de nouveaux quartiers. Il en subsiste de nombreux vestiges (amphithéâtre, théâtre, temple de Trajan, thermes, aqueducs …) (Caballos Rufino 1994).

Chronologie des mentions i er  s.  :  Strabon, Ἰτάλικα  ; Pline l’Ancien, Italica – iie s. : Appien, Ἰταλικὴ ; Ptolémée, Ἰτάλικα.

Bibliographie indicative RE IX, 2 (1916), col. 2283-2284 (s.v. Italica) Hübner, Schulten. THA  IIB 142az  ; Tovar 1974, p.  63-66  ; González Blanco 1991, p.  28, 33  ; Caballos Rufino 1994 ; Zehnacker 2004, p. 102. Barrington Atlas : 26 D4 (Italica) ; http://pleiades.stoa.org/places/256231/italica

112 – IΨΙΚΟΥΡΟΙ/IPSIKOUROI [Λ]

Peuple – Gaule (Narbonnaise) ? (ι 124 Billerbeck)            Théopompe Livre 21 – Second abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 15,4 % – taux théorique : 20 %). Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé et traduction (en grisé, forme erronée restituée du manu­scrit archétype disparu, corrigée dans la notice normalisée)

Ἰψίκουροι· ἔθνος λιγυστικόν(a). θεόπομπος μγ΄ « ἣν ἐνέμοντο πρότερον ἰψίκουροι(b) καὶ ἀρβαξανοὶ(c) καὶ εὔβοιοι(d), λίβυες(e) τὸ γένος ». a) λιγυστικόν QPN : λυγιστικὸν R. b) ἰψίκουροι PN : ὑψίκουροι RQ. c)  ἀρβαξανοὶ QR  :  ἀρβαζανοὶ PN. d)  Εὔβιοι Berkel (e St. Byz. ε 148) : εὔβοιοι RQPN. e) Λίγυες Salmasius : λίβυες RQPN. d, e – Erreurs de lecture lors de l’abréviation ?

Ἰψίκουροι· [Da] |1| ἔθνος λιγυστικόν. |2| Θεόπομπος μγ΄ [FGrHist

115 F 203a]  «  ἣν ἐνέμοντο πρότερον Ἰψίκουροι καὶ Ἀρβαξανοὶ καὶ Εὔβιοι, Λίγυες τὸ γένος ».

Ipsikouroi : [Da] |1| peuple de Ligystique. |2| Théopompe (43e livre) : « qu’habitaient naguère les Ipsikouroi, les Arbaxanoi et les Eubioi, de race ligyenne ».

542

112 – IΨΙΚΟΥΡΟΙ/IPSIKOUROI [Λ]

Commentaire

Localisation et archéologie

La notice est issue du lexique-source.

Il n’est pas possible de proposer une localisation. Voir la fiche Arbaxanoi [27].

[Da] |1-2| Le nom du peuple est indiqué comme ligys-

tique, de façon identique aux autres ethnonymes Arbaxanoi [27]  et Eubioi [88]. D’après la citation de Théopompe, ce dernier indiquait le même rattachement au genos des Ligyens, sans utiliser l’adjectif que donne l’Épitomé (et probablement Stéphane de Byzance comme le lexique-source). La citation implique que ces peuples n’existent plus au moment de la rédaction de Théopompe. Cette citation est présente également, un peu plus longue, dans la notice Arbaxanoi et a disparu de la notice Eubioi. Ce peuple n’est pas connu par ailleurs.

Chronologie des mentions iv e  s. av.  :  Théopompe/Pythéas, Ἰψίκουροι (ἔθνος λιγυστικόν).

Bibliographie indicative RE IX, 2 (1916), col. 2031 (s.v. Ipsicuri) Haug.

113 – ΚΑΒΕΛΛΙΩΝ/KABELLIÔN [Λ (+ Ω ?)]

Ville – Gaule (Narbonnaise) (κ 4 Billerbeck)            Artémidore (+ Oros ?) Livre 22 – Second abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 15,9 % – taux théorique : 20 %). Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé et traduction (en grisé, forme erronée restituée du manu­scrit archétype disparu, corrigée dans la notice normalisée)

Καβελλιών· μασσαλίας πόλις (a). ἀρτεμίδωρος ἐν α΄ γεωγραφουμένων. τὸ ἐθνικὸν κατὰ τὸν ἐπιχώριον τύπον καβελιωνήσιος(b) ὡς ταρρακωνήσιος, κατὰ δὲ τὸν ἑλληνικὸν ­καβελιωνίτης(c) ὡς ταρρακωνίτης(d). a)  πόλις μασσαλίας N  :  μασσαλίας πόλις RQP Billerbeck. b)  καβελλιωνήσιος V  :  καβελιωνήσιος RQPN Aldus. c)  Καβελλιωνίτης Berkel  :  καβελιωνίτης RQPN. d) ταρρακωνίτης QPN : ταρρακωνήτης R. a – Modification de l’ordre des mots lors de l’abréviation ?

Καβελλιών· [A]   |1|  πόλις Μασσαλίας. |2|  Ἀρτεμίδωρος ἐν α΄

γεωγραφουμένων [F 4 Stiehle].

[D]   |3|  τὸ ἐθνικὸν κατὰ τὸν ἐπιχώριον τύπον

Καβελλιωνήσιος [Artémidore  ?]  ὡς Ταρρακωνήσιος, κατὰ δὲ τὸν Ἑλληνικὸν Καβελλιωνίτης [Artémidore ?] ὡς Ταρρακωνίτης [Oros ?].

Kabelliôn  :  [A]  |1|  ville de Massalie. |2|  Artémidore, dans le 1 er livre des Descriptions géographiques. [D] |3| L’ethnique est dit Kabelliônêsios, selon la forme indigène, formé comme Tarrakônêsios, et selon la forme grecque Kabelliônitês, comme Tarrakônitês.

Commentaire La notice est issue du lexique-source, avec des indications de formation d’ethnique d’Oros (|3|) ? [A] |1| La mention de « ville de Massalie », ici expressé-

ment rattachée à Artémidore, constitue une des caractéristiques de cet auteur. Ptolémée (Geogr. 2.10.8) utilise la forme identique de « Καβελλιών ». Seul le texte de Strabon (4.1.3 et 11) indique «  Καβαλλιών  », ce qui résulte probablement d’une erreur de copie de minuscules, car cette forme est un hapax. |2| Dans la notice de l’Épitomé, le toponyme est mentionné seulement d’après l’œuvre originale d’Artémidore et non d’après l’Abrégé de Marcien ; celui-ci avait probablement supprimé ce géonyme.

113 – ΚΑΒΕΛΛΙΩΝ/KABELLIÔN [Λ (+ Ω ?)] [D] |3| Les deux formes de l’ethnique étaient peut-être indiquées par Artémidore à l’origine, comme nous le proposons également pour Aueniôn [35]. Ce type de comparaison lexicale, qui se retrouve dans les notices Aueniôn [35]  et Tarrakôn [209], s’apparente à celles d’Oros d’Alexandrie.

Localisation et archéologie C’est l’actuelle Cavaillon (Vaucluse, France). On a pu mettre en évidence l’occupation du second âge du Fer au sommet de la colline Saint-Jacques, protégée par un rempart. Cet oppidum permettait de contrôler le carrefour des vallées de la Durance et du Calavon. La voie Domitienne franchissait ici la Durance sur un bac (Strabon 4.1.11). Un relevé de l’enceinte protohistorique a été réalisé en 1995 avec une série de sondages qui ont montré une occupation remontant à la fin du premier âge du Fer et probablement continue jusqu’à la conquête romaine (Buisson-Catil 1996). Des prospections récentes (Portet 2013), suite à un incendie de la colline, ont permis de repérer d’autres éléments caractéristiques (à nouveau l’enceinte et des fonds de cabane) de l’oppidum protohistorique. L’étude monétaire de la colline Saint-Jacques (tableau récapitulatif dans Richard Ralite et al. 2013, p. 74) montre bien la présence en grande majorité de monnayage massaliète (les deux-tiers) pour cette période. Deux zones d’extension urbaine de la fin du 2e âge du Fer ont été repérées : la première est sur le piémont septentrional de la colline, la seconde au sud-est, à l’emplacement de la ville romaine et actuelle, dans la plaine bordant la Durance. C’est à cet emplacement que des vestiges bien conservés ont permis de montrer l’évolution de plusieurs rues et îlots aux iie et ier siècles av. J.-C. (Dufraigne 2000). La ville romaine se développe sur-

543 tout dans la plaine. Les éléments du programme monumental sont apparus ces dernières années, permettant de restituer au célèbre arc antique encore présent dans la ville le rôle de porte nord du forum (De Michèle 2011, p.  217). Par ailleurs de nombreuses fouilles, réalisées depuis une quinzaine d’années, permettent de mieux appréhender son urbanisme. On notera qu’elle n’apparaît comme colonie que chez Ptolémée.

Chronologie des mentions iie  s. av.  :  Artémidore, Καβελλιών, Καβελλιωνήσιος, Καβελλιωνίτης (Μασσαλίας) – ier s. : Strabon, Καβαλλιών (?)  ; Pline l’Ancien, Cabellio (oppidum latinum) – iie  s.  :  Ptolémée, Καβελλιών κολωνία (Καυάροι) – iiie  s.  :  Itinéraire d’Antonin, Cabellione, Cavellione – ve s. : Notitia Dignitatum, civitas Cabellicorum. La forme lexicale ‘Cabellion’ n’évolue pas durant toute l’Antiquité, bien que l’on observe un bêtacisme (transformation de b > v) à partir du ve siècle. La Notitia Dignitatum en fait un toponyme tiré d’un peuple fictif, comme pour les autres provinces gauloises du nord de la Gaule ; il semble peu probable d’y voir le nom des Cavares.

Bibliographie indicative RE III, 1 (1897), col. 1162 (s.v. Cabellio) Ihm ; Smith 1854 (s.v.  Cabellio)  ; Clerc 1927-1929, I, p.  242  ; Brunel 1945, p.  122-123  ; Barruol 1969, p.  224, 226, 228 et 241  ; Rivet 1988, p.  262-264  ; Verdin 2002, p. 144-145 ; Arcelin 2003, p. 131, 135 et 137 ; Zehnacker 2004, p. 133 ; Privitera 2007 ; Portet 2013 ; Richard Ralite et al. 2013. Barrington Atlas : 15 E2 (Cabellio) ; http://pleiades.stoa.org/places/148027

544

114 – ΚΑΛΑΘΗ/KALATHÊ [E + Λ]

114 – ΚΑΛΑΘΗ/KALATHÊ [E + Λ]

Ville – Hispanie (Bétique) (κ 18 Billerbeck)            Hécatée + Éphore (+ Timée ?) Livre 22 – Second abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 15,9 % – taux théorique : 20 %). Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé et traduction (en grisé, forme erronée restituée du manu­scrit archétype disparu, corrigée dans la notice normalisée)

Kαλάθη· πόλις οὐ πόρρω τῶν ἡρακλείων στηλῶν. ἑκαταῖος εὐρώπῃ. ἔφορος δὲ καλάθουσαν αὐτην φησιν. ἔστι καὶ τοῦ πόντου καλάθουσα. ὁ πολίτης τῆς καλάθης καλαθῖνος ὡς ἀγαθῖνος, τῆς δὲ καλαθούσης καλαθούσιος ὡς νύσιος(a). a) Οἰνούσιος Holste : νύσιος QPN Billerbeck : νουσιος R.

Καλάθη· [A]   |1|  πόλις οὐ πόρρω τῶν Ἡρακλείων στηλῶν. |2| Ἑκαταῖος Εὐρώπῃ [FGrHist 1 F 39]. [C] |3| Ἔφορος

[FGrHist 70 F 171] δὲ Καλάθουσαν αὐτην φησιν. |4| ἔστι καὶ τοῦ Πόντου Καλάθουσα.

[D] |5| ὁ πολίτης τῆς Καλάθης Καλαθῖνος [Timée ?] ὡς

Ἀγαθῖνος, τῆς δὲ Καλαθούσης Καλαθούσιος [Éphore ?] ὡς Οἰνούσιος.

Kalathê  :  [A]  |1|  ville située non loin des Colonnes d’Hercule. |2| Hécatée (Europe). [C] |3| Éphore l’appelle Kalathousa. |4| Il existe aussi Kalathousa du Pont. [D] |5| Le citoyen de Kalathê est appelé Kalathinos, formé comme Agathinos, celui de Kalathousê est Kalathousios, formé comme Oinousios.

Lexiques et commentaires grecs et byzantins Pseudo-Arcadius (De accent. 121.14-15 = 248.11-12) τὰ εἰς θη μονογενῆ ὑπερδισύλλαβα βαρύνεται· Καλάθη (πόλις), Βισάνθη, Ἰάνθη, λυκάνθη. τὸ δὲ ἀγαθός ἀγαθή τριγενές.

Commentaire La notice semble provenir du lexique d’Hécatée, complétée par le lexique-source. [A] |1-2| La ville est localisée par rapport au détroit de

Gibraltar et non par rapport à un peuple. Cette localisation provient du texte d’origine d’Hécatée. [C] |3| Nous ne connaissons pas le contexte dans lequel

Éphore évoquait cette cité. On sait toutefois qu’il

a donné au moins un toponyme se rapprochant des Colonnes d’Hercule, sur la côte libyenne (cf. Karikon teichos fiche [117]). Cette mention pourrait provenir d’Artémidore, qui a repris Éphore dans son œuvre. |4| Nous ne savons pas quel auteur était mentionné pour la ville du Pont, mais nous sommes en dehors de notre zone d’étude. [D] |5| Des deux formes données, on peut imaginer que

la première provienne d’Hécatée. Toutefois la forme lexicale semble différente des autres formations d’ethniques par cet auteur. La comparaison lexicale de grammairien se fait avec Agathinos, ce qui nous renvoie à la notice Agathê [2] dans laquelle on trouve effectivement cette forme d’ethnique. Nous attribuons à Timée les formes en -ῖνος pour les lemmes se terminant en -α et -η, comme pour Ἰβυλλα/Ἰβυλλῖνος [101] et Σάργανθα/Σαργανθῖνος [195]  (voir l’argumentation dans cette notice). La seconde forme provient certainement d’Éphore  ; elle pourrait toutefois se rapporter aux habitants de la ville du Pont.

Localisation et archéologie La ville est située près des Colonnes d’Hercule. On a proposé de l’assimiler avec la ville de Kaldouba, mentionnée par Ptolémée (Geogr. 2.4.10), le suffixe phocéen -ousa étant alors assimilé à l’ibérique -uba. Cette ville est quasiment à égale distance (60 km) de Gadeira et du détroit de Gibraltar. E. Ferrer Albelda propose une correspondance entre Kalathê et le sinus Calacticus d’Aviénus (Ora marit. v.  424), qui est probablement une mauvaise lecture pour Calathicus (Ferrer Albelda 2012, p.  60-61). La description des côtes par Aviénus et l’analyse qu’en fait E. Ferrer Albeda l’amène à identifier cette baie avec celle d’Algésiras, au fond de laquelle se trouve la ville de Carteia (voir fiche [120]). Cette fondation romaine a-t-elle pu remplacer la ville de Kalathê ? Un rhotacisme

115 – ΚΑΛΠEIA/KALPEIA [Λ + Ω] (comme Alalia > Aleria) expliquerait cette transformation. La localisation serait en tout cas plus en rapport avec la détermination géographique de Stéphane de Byzance et nous privilégierons cette hypothèse. D’autres auteurs considèrent que ce toponyme se rapporte au grec καλή ἀκτή, signifiant « belle falaise », sans pouvoir toutefois proposer une localisation plus précise ( Jacob 1985, p.  248, n. 5  ; Rodríguez Adrados 2000, p. 7).

Chronologie des mentions vie s. av. : Hécatée, Καλάθη – ive s. av. : [Aviénus, Ora maritima], sinus Calacticus (=Calathicus ?)  ; Éphore, Καλάθουσα, Καλαθούσιος.

545 Le nom signifie en grec le « panier » et trouve une correspondance avec une ville de l’ouest de la Chersonnèse (voir Moret 2006, p. 48-49).

Bibliographie indicative RE III, 2 (1899), col.  1334 (s.v.  Calathe) Hübner  ; THA  IIA 23a  ; IIB 63i  ; Tovar 1974, p.  73, 85  ; Adrados 2000, p. 12 ; Braun 2004, p. 306 ; Ferrer Albelda 2012, p. 60-61. Barrington Atlas : 26 E5 (Kalath(ous)a/Kaldouba) ; http://pleiades.stoa.org/places/256241

115 – ΚΑΛΠEIA/KALPEIA [Λ + Ω]

Ville – Hispanie (Bétique) (κ 35 Billerbeck)            II-Polybe ? Livre 22 – Second abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 15,9 % – taux théorique : 20 %). Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé et traduction (en grisé, forme erronée restituée du manu­scrit archétype disparu, corrigée dans la notice normalisée)

Kάλπαι(a)· πόλις βιθυνῶν. θεόπομπος ηʹ ἑλληνικῶν. ἔστι καὶ λιμὴν κάλπη(b). τὸ ἐθνικὸν καλπεύς ὡς σινωπεύς. καὶ καλπῖνος ἔστιν(c) ὡς πεύκη πευκῖνος. τοῦ δὲ λιμένος ὡς(d) καλπολιμενίτης. καὶ τὴν πόλιν κάλπειαν(e) (f ) τινὲς τούτους καρπιτανοὺς(g) ὡς καλεπιανούς(h) φασι.

II-[A]   |7|  καὶ τὴν πόλιν Κάλπειαν [Polybe  ?]  . [C] 

a)  Kάλπη P  :  Kάλπαι RQN. b)  λιμὴν κάλπη QPN  :  κάλπης λιμὴν Meineke in app. Billerbeck, λιμὴν κάλπης R, ,. c) ἔστιν om. PN. d) ἔστι Meineke in app. : ὡς RQ, om. PN. e) κάλπειαν RQacPN Bouiron  :  Κάρπειαν Qpc Billerbeck. f )  lac. ind. Meineke. g)  Καρπητανοὺς Salmasius  :  καρπιτανοὺς RQPN. h)  Καλπειανούς Bouiron  :  καλεπιανούς RQPN, Kαλπιανούς H. Valesius Billerbeck.

Kalpê  :  I-[A]  |1|  ville des Bithyniens. |2|  Théopompe (8e livre des Helléniques). [C] |3| Il existe aussi un port appelé Kalpê. [D] |4| L’ethnique se dit Kalpeus, formé comme Sinôpeus. |5| Il y a aussi la forme Kalpinos, comme Peukê donne Peukinos. |6| Un habitant du port s’appelle Kalpolimenitês.

a – Cette forme pourrait se comprendre s’il s’agissait de parler de plusieurs villes portant le même nom. g – Iotacisme.

II-[A] |7| Et la ville Kalpeia . [C] . [D] |8| quelques-uns les appellent Karpêtanoi comme

Κάλπη· I-[A]  |1|  πόλις Βιθυνῶν. |2|  Θεόπομπος ηʹ Ἑλληνικῶν [FGrHist 115 F 15]. [C] |3| ἔστι καὶ λιμὴν Κάλπη. [D] |4| τὸ ἐθνικὸν Καλπεύς ὡς Σινωπεύς. |5| καὶ Καλπῖνος

ἔστιν ὡς Πεύκη Πευκῖνος. |6|  τοῦ δὲ λιμένος ἔστι Καλπολιμενίτης.

[D] |8|  τινὲς τούτους Καρπητανοὺς [Polybe ?] ὡς

Καλπειανούς φασι.

Kalpeianoi.

Lexiques et commentaires grecs et byzantins Pseudo-Arcadius (De accent. 130.6-9 = 258.12-14) τὰ εἰς πη δισύλλαβα ἔχοντα τὴν πρὸ τέλους συλλαβὴν εἰς σύμφωνον καταλήγουσαν βαρύνεται· ἅρπη, λάμπη, Κάλπη (τὸ ὄρος), σάλπη, κάμπη (σκώληξ τὸ ζῷον, καμπή δὲ ἡ κάμψις).

546 Scholia in Dionysium Periegetam (schol. vet. 64) ὄνομα δὲ τῇ μὲν Εὐρωπαίᾳ κατὰ μὲν βαρβάρους Κάλπη, κατὰ δὲ Ἕλληνας Ἀλύβη· τῇ δὲ Λιβυκῇ κατὰ μὲν Ἕλληνας Κυνηγετικὴ, κατὰ δὲ βαρβάρους Ἄβεννα, ὡς Χάραξ ἱστορεῖ. xiie siècle – Eustathe de Thessalonique (Com. Dion. 64) ἔστι δὲ αὐτῶν ἡ μὲν Εὐρωπαία, Κάλπη καλουμένη βαρβαρικῶς, Ἀλύβη δὲ καθ’ Ἕλληνας· ἡ δὲ Λιβυκὴ, κατὰ βαρβάρους μὲν Ἄβεννα καλουμένη, Ἑλληνικῶς δὲ Κυνηγετική. (…) ἔτεροι δὲ στήλας, φησὶν, ὑπέλαβον τὴν Εὐρωπαίαν Κάλπην καὶ τὸ ἀντικείμενον αὐτῇ ὄρος ἐκ τῆς Λιβύης, τὴν Ἀβίλην ἢ Ἀβίλυκα. ἄλλοι δὲ στήλας ἐνόμισαν τὰς πλησίον ἐκεῖ ἑκατέρωθεν νησίδας, ὧν τὴν ἑτέραν Ἥρας ὀνομάζουσι νῆσον· καὶ οὐ φαύλως, φησὶ, τὰ τοιαῦτα νησίδια διὰ τὸ εὐπερίγραπτον καὶ σημειῶδες καὶ εὐόριστον στήλαις εἰκάζονται. ἐξοχὴν γάρ τινα ἐμφαίνουσι καὶ αὐτὰ οἵαν καὶ αἱ στῆλαι καὶ αἱ στυλίδες·καὶ διὰ τοῦτο καὶ τὰ τοιαῦτα στῆλαι ἂν λέγοιντο. xiiie siècle – Lexique du pseudo-Zonaras (1156.1) Κάλπη. ἡ ὑδρία. Κάλπις δὲ ποταμὸς Βιθυνίας, ι.

Commentaire Il s’agit d’une notice plurielle, composée de deux parties bien distinctes. La première provient du lexique-source, et intègre, dans les variantes du nom, la ville de Bithynie Kalpê et un port du même nom (|3|), dont on retrouve la trace également dans la rubrique pour l’ethnique (|6|). La seconde partie est très lacunaire et semble avoir été transformée par Oros (ou Stéphane de Byzance ?) ; le texte en est incomplet. Quoiqu’il en soit, la détermination géographique avec le peuple des Bithyniens (et non la Bithynie) est probablement la trace d’une intervention d’Oros sur la notice. II-[A]   |7|  La deuxième partie de cette notice se retrouve partiellement sous le lemme Karpêia [118]. Contrairement à M. Billerbeck et à A. Meineke, nous pensons qu’il faut ici laisser la forme que donnent les manu­scrits. On trouve en effet chez Strabon (3.1.7) la ville de Kalpê, située au pied du mont du même nom. Chez Nicolas de Damas (Sur la vie d’Auguste, FGrHist 395 F 127.11) elle est appelée Kalpia ; c’est la ville où le jeune Octave vient retrouver son oncle Jules César après l’avoir cherché à Tarragone, à l’issue de la guerre civile. Strabon pouvait être cité dans la notice d’origine des Ethniques.

115 – ΚΑΛΠEIA/KALPEIA [Λ + Ω] La montagne de Kalpê (et non la ville) est assez régulièrement citée car elle est associée aux Colonnes d’Hercule (voir par exemple Strabon 1.3.5). On la trouve ainsi mentionnée à plusieurs reprises chez Strabon (1.3.5, 3.1.7-8, 3.2.1 et 11, 3.4.1-2 et 8, 3.5.3 et 5), mais également chez Ptolémée (Geogr. 1.12.10, 2.4.6) et Marcien (Per. ext. 2.4, 2.9, 2.11 et 2.18). C’est elle qu’Eustathe de Thessalonique signale, probablement d’après les scholies anciennes à Denys le Périégète. [C], absent : Il existe ici probablement une lacune, dans

laquelle devait être indiquée la forme Karpêia pour la ville.

[D] |8| La rubrique devait commencer par le nom des

habitants de la ville de Kalpêia, très probablement Kalpianoi comme on le voit après. À notre connaissance, aucun auteur connu ne mentionne cet ethnique. Toutefois, la forme Karpêtanoi pourrait faire référence à Polybe, c’est pourquoi nous proposerons de rattacher au lexique de cet auteur la deuxième partie de la notice de l’Épitomé. Le ôs devrait introduire une formation analogue  ; les deux sont proches, à la liquide près. A. Zucker propose trois traductions possibles  :  (a) «  certains les appellent Καρπητανοὺς, équivalent en quelque sorte de Καλπειανούς » ; (b) « certains les appellent Καρπητανοὺς comme on a Καλπειανούς » (il faut alors suppléer [C]) ; (c) «  certains les appellent Καλπειανούς comme on a Καρπητανοὺς » (en inversant les deux noms et ne pas insérer [C]). La troisième proposition aurait l’avantage d’éviter d’ajouter du texte mais cette inversion étant difficile à expliquer, nous hésitons à la prendre en compte.

Localisation et archéologie Kalpê correspond à l’une des Colonnes d’Hercule, sur la partie européenne ; il s’agit du rocher de Gibraltar. Celle qui lui fait face côté africain s’appelait Abila (Djebel Musa). Aux mentions des auteurs grecs il faut ajouter Pomponius Mela (1.27), Pline l’Ancien (3.4-5 et 7, 6.1), Aviénus (Ora marit. v. 87 et 344-349). Ce dernier précise que ce nom, en grec, signifie une montagne d’un certain type, d’aspect arrondi. La ville de Kalpê est équivalente à Carteia si l’on en croit Strabon (3.1.7) qui nous dit que la ville, distante de 7,5 km (40 stades) du rocher de Gibraltar, est une agglomération importante et ancienne. Il affirme également que selon Timosthène, la ville s’appelait aupara-

116 – KANTABPIA/KANTABRIA [Λ] vant Herakleia et qu’elle comprenait «  un grand mur d’enceinte et des cales ouvertes  ». Cette information provient probablement d’Ératosthène ou d’Artémidore. Il est vraisemblable que l’on appelait ainsi la ville de Carteia par référence au mont si proche mais il ne devait pas y avoir de confusion orthographique entre les deux. Pour Karpêia et les Karpêtanoi, voir la fiche [118].

Chronologie des mentions ive  s. av.  :  [Aviénus, Ora maritima], Calpe – iiie  s. av.  :  Ératosthène ?, Κάλπη – ii e  s. av.  :  Polybe ?, Κάλπεια – i er s. av.  :  Nicolas de Damas, Καλπία – ier s. : Strabon, Κάλπη ; Pomponius Mela, Calpes ; Pline l’Ancien, Calpe – iie  s.  :  Charax, Κάλπη  ; Ptolémée,

547 Κάλπη – iiie s. : Itinéraire d’Antonin, Calpe Carteia – ive s. : Marcien, Κάλπη – ve s. : Julius Honorius, Calpis oppidum. Le nom signifie la « cruche » en grec (Moret 2006, p. 49).

Bibliographie indicative RE X, 2 (1919), col. 1759-1760 (s.v. Kalpe 1) Schulten ; Smith 1854 (s.v. Carteia) ; THA IIB 142s ; González Blanco 1991, p. 28 ; Adrados 2000, p. 7-8 ; Plácido Suárez 2002, p. 315-316. Barrington Atlas : 26 E5 (Calpe M.) ; http://pleiades.stoa.org/places/256045

116 – KANTABPIA/KANTABRIA [Λ]

Pays – Hispanie (Tarraconaise) (κ 59 Billerbeck)            Charax ? Strabon Livre 22 – Second abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 15,9 % – taux théorique : 20 %). Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé et traduction Kανταβρία· χώρα (a). στράβων γ΄. οἱ οἰκήτορες κανταβροί, ὡς τῆς καλαβρίας καλαβροί(b). a) ἱβηρίας Bouiron : ἱσπανίας susp. in app. Meineke. b) ὡς τῆς καλαβρίας καλαβροί om. PN.

Κανταβρία· [A] |1| χώρα < τῆς Ἰβηρίας> [Charax ?]. |2| Στράβων γ΄

[3.4.3].

[D] |3| οἱ οἰκήτορες Κανταβροί [Charax ? Strabon ?], ὡς

τῆς Καλαβρίας Καλαβροί.

Kantabria : [A] |1| région . |2| Strabon (3e livre). [D] |3| Les habitants sont des Kantabroi, comme de Kalabria on forme les Kalabroi.

Commentaire La notice provient du lexique-source. [A] |1-2| On trouve effectivement la mention de cette

région de la péninsule ibérique chez Strabon (3.4.3 et 18). A. Meineke restitue Hispania mais le nom de Strabon doit faire préferer Ibêria. Il faut peut-être y voir une détermination géographique issue de Charax,

comme nous le proposons pour un certains nombre de noms de pays (cf. supra p. 231-232). Par analogie avec la notice Tourdêtania [218], nous restituons τῆς Ἰβηρίας. [D]  |3|  Le peuple est mentioné sous cette forme par Strabon (3.3.4, 6-8, 3.4.10, 12, 16-18 et 20, 6.4.2, 17.1.54), Flavius Josèphe (Bell. Jud. 2.374) et Appien (Iber. 346). Pour les auteurs que n’a pas consultés Stéphane de Byzance, les mentions sont également fréquentes : Plutarque (De fortuna Rom. 322b), Ptolémée (Geogr. 2.6.6, 50, 52) et Dion Cassius (51.20.5 ; 53.25.2 et 5, 29.1 ; 54.5.2, 11.2-4). La comparaison lexicale de grammairien peut provenir du lexique-source. [E]  absent  :  Il existait peut-être le ktétique que l’on trouve chez Athénée (Deipn. 14.75) d’après Strabon (3.4.11) et Arrien (Tact. 40.1 et 6). Enfin Marcien (Per. ext. 2.16-17) et sa source Ptolémée (Geogr. 2.6.3 et 73, 8.4.2) signalent la forme Kantabrios comme qualificatif de l’océan.

Localisation et archéologie La région est située au nord de la péninsule ibérique, au contact de l’océan ; elle porte encore aujourdhui le nom de Cantrabria en espagnol.

548

117 – *KAPικΟν τεIχος/KARIKON TEICHOS [Λ]

La région est mentionnée pour la première fois par Caton l’Ancien, dans son œuvre (Origines 7) lorsqu’il décrit sa découverte des sources de l’Èbre parmi les Cantabri. Ce peuple est recruté comme mercenaires durant la Deuxième guerre punique en 151 av. J.-C. (Tite-Live, Per. 48) et aide les Vaccéens lors du siège de Numance en 137 av. J.-C. (Appien, Iber. 80). Les Romains découvrent alors une région où les habitants sont regroupés dans des établissements fortifiés. Le soulèvement des Cantabres et des Astures fait l’objet d’une longue campagne militaire, conduite les premières années par Auguste, de 26 à 19 av. J.-C. (« guerres cantabriques »), qui parachève la romanisation de la péninsule ibérique. À la suite de cette campagne, le développement urbain stabilise une population souvent encore nomade, en particulier dans les deux grandes villes que sont Juliobriga (actuelle Campoo de Enmedio), fondée au sud des monts Cantabriques entre 15 et 13 av. J.-C. pour les vétérans de la IVe légion Macédonienne, et la ville de Flaviobriga (actuelle Castro-Urdiales), fondée par Vespasien en 74 de notre ère au bord de la mer, en remplacement de Portus Amanum.

Chronologie des mentions iie  s. av.  :  Caton l’Ancien, Cantabri – ier s. av.  :  Jules César, Cantabri  ; Horace, Cantabri – i er  s.  :  TiteLive, Cantabri  ; Strabon, Kανταβρία, Κανταβροί  ; Pline l’Ancien, Cantabri  ; Silius Italicus, Cantabri – iie s. : Plutarque, Κανταβροί ; Florus, Cantabri ; Arrien, Κανταβρικός, Κανταβροί ; Appien, Κανταβροί ; Ptolémée, Κανταβροί, Καντάβριος – iiie s. : Athénée, Κανταβρική ; Dion Cassius, Κανταβροί – ive s. : Marcien, Καντάβριος. Le nom grec reprend celui que donnent les Romains dès Caton l’Ancien.

Bibliographie indicative RE III, 2 (1899), col. 1491-1494 (s.v. Cantabri) Hübner ; Smith 1854 (s.v. Cantabria) ; Aja Sánchez et al. 2008. Barrington Atlas : 24 G1 (Cantabri) ; http://pleiades.stoa.org/places/236403

117 – *KAPικΟν τεIχος/KARIKON TEICHOS [Λ]

Ville (hors cadre d’étude) (κ 84 Billerbeck)            Éphore Livre 23 – Second abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 19 % – taux théorique : 20 %). Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé et traduction Καρικὸν τεῖχος· πόλις λιβύης ἐν ἀριστερᾷ τῶν ἡρακλείων(a) στηλῶν, ὡς ἔφορος εʹ. τὸ ἐθνικὸν καρικοτειχίτης. a) ἡρακλείων QPN : ἡρακλεων R.

Καρικὸν τεῖχος· [A] |1| πόλις Λιβύης ἐν ἀριστερᾷ τῶν Ἡρακλείων στηλῶν,

ὡς Ἔφορος εʹ [FGrHist 70 F 53].

[D] |2| τὸ ἐθνικὸν Καρικοτειχίτης [Éphore].

Karikon teichos :  [A] |1| ville de Libye, à la gauche des Colonnes d’Hercule, selon Éphore (5e livre). [D] |2| Le citoyen est appelé Karikoteichitês.

Commentaire La notice provient du lexique-source. [A]  |1|  Le rattachement à la Libye est doublé d’une

localisation (« à (main) gauche ») qui ne laisse pas de doute sur la position de la ville sur la côte africaine. La ville est mentionnée également dans le Périple d’Hannon (§ 5) : « τήν τε λίμνην παραλλάξαντες ὅσον ἡμέρας πλοῦν, κατῳκίσαμεν πόλεις πρὸς τῇ θαλάττῃ καλουμένας Καρικόν τε τεῖχος καὶ Γύττην καὶ Ἄκραν καὶ Μέλιτταν καὶ Ἄραμβυν. Après avoir dépassé en un jour de navigation la lagune nous trouvons établies en bord de mer les villes appelées Karikonteichos, Guttê, Akra, Melitta et Arambus ».

117 – *KAPικΟν τεIχος/KARIKON TEICHOS [Λ] La mention d’une ville avec ‘teichos’ (« le rempart ») se retrouve à plusieurs reprises dans l’Épitomé. On trouve ainsi : •

Ἀβώνου τεῖχος, πόλις μικρὰ πρὸς τῷ Εὐξείνῳ πόντῳ. ὁ πολίτης Ἀβωνοτειχίτης, ὡς Γορδιοτειχίτης τοῦ Γορδίου τείχους. (α 19)



Ἀγοραῖον τεῖχος, πόλις Εὐρώπης ἐν Ἑλλησπόντῳ. τὸ ἐθνικὸν Ἀγοραιοτειχίτης. (α 41)



Ἀκκαβικὸν τεῖχος, πόλις περὶ τὰς Ἡρακλείας στήλας, ἣν ἔκτισαν Καρχηδόνιοι, ὡς ἐροῦμεν ἐν τῷ περὶ Σαλμύκης. ὁ πολίτης Ἀκκαβικοτειχίτης, ὡς Γορδιοτειχίτης καὶ Χωλοτειχίτης, ὡς εὑρήσομεν ἐν τῷ χ. (α 161, cf. fiche [13])



(…) ἔστι καὶ Ἀρταίων τεῖχος πολίχνιον ἐπὶ τῷ Ῥυνδάκῳ ποταμῷ, ὡς Κρατερὸς θ’ Περὶ ψηφισμάτων. τὸ ἐθνικὸν Ἀρταιοτειχίτης. (α 456)



Γορδίου τεῖχος, πόλις ... Μίδου κτίσμα, τοῦ παιδὸς Γορδίου. ὁ πολίτης Γορδιοτειχίτης. (γ 100)



(…) ἔστι καὶ Δαύνιον τεῖχος πόλις Θρᾴκης. ὁ πολίτης Δαυνιοτειχίτης. (δ 33)



Δίδυμον τεῖχος, πόλις Καρίας. οἱ πολῖται Διδυμοτειχῖται. (δ 78)



Ἐλαίου τεῖχος, πόλις Λυκίας. τὸ ἐθνικὸν Ἐλαιοτειχίτης. (ε 31)



(…) τὸ δὲ τεῖχος Ἡραῖον. οἱ πολῖται Ἡραῖοι. τοῦ δὲ Ἡραίου τείχους Ἡραιοτειχίτης. (η 19)



Νέον τεῖχος, τῆς Αἰολίδος, ὡς Χωλὸν τεῖχος. τὸ ἐθνικὸν Νεοτειχίτης ὡς Χωλοτειχίτης. ὡς Ἡρόδοτος ἐν Ὁμήρου βίῳ. (ν 34)



(…) καὶ Σέρρειον τεῖχος, οὗ τὸ ἐθνικὸν Σερρειοτειχίτης. καὶ ἀπὸ τοῦ Σέρρεια ὄρη Σέρρειος ἐθνικόν. λέγεται καὶ Σέρρα, ἧς ἡ γενικὴ κατ’ Ἴωνας Σέρρης, καὶ Σερρατειχίτης. (σ 112)

549 •

Τεῖχος, φρούριον Ἀχαΐας. ὁ οἰκήτωρ Τειχίτης, ὡς τοῦ Τορδίου τείχους Τορδιοτειχίτης. (τ 72)



Χωλὸν τεῖχος, πόλις Καρίας, ὡς Ἀπολλώνιος ιη’ Καρικῶν. τὸ ἐθνικὸν Χωλοτειχίτης. περὶ ὧν πολλάκις εἰρήκαμεν. (χ 63)

Toutes ces notices semblent relever du lexique-source et présentent des comparaisons lexicales de grammairien qui se répondent. [D] |2| La forme de l’habitant provient probablement

d’Éphore, et s’apparente à celle d’Artémidore. On retrouve une forme semblable avec Akkabikonteichitês [13], Gordioteichitês et Chôloteichitês.

Localisation et archéologie Il s’agit de la vile d’Azzemour (ancien nom Kir Chares ?) au Maroc, située à l’ouest de Casablanca. Nous ne détaillerons pas plus ce site du fait de sa localisation hors de notre cadre d’étude.

Chronologie des mentions ve  s. av.  :  Périple d’Hannon, Καρικὸν τεῖχος – ive  s. av. : Éphore, Καρικὸν τεῖχος.

Bibliographie indicative RE X, 2 (1919), col. 1947 (s.v. Καρικὸν τεῖχος) Fischer ; González Ponce 2008, p. 125 n. 17. Barrington Atlas : 28 (Karikon Teichos) ; http://pleiades.stoa.org/places/278617

550

118 – KAPΠHIA/KARPÊIA [Σ (ou Ω ?)]

118 – KAPΠHIA/KARPÊIA [Σ (ou Ω ?)]

Ville – Hispanie (Bétique) (κ 98 Billerbeck)            Pausanias ? + Polybe ? Livre 23 – Second abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 19 % – taux théorique : 20 %). Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé et traduction (en grisé, forme erronée restituée du manu­scrit archétype disparu, corrigée dans la notice normalisée)

Καρπηία· εἴρηται ἐν τῷ κάπης(a), ὅτι τινὲς κάρπειαν τὴν πόλιν φασὶ καὶ καρπιτανοὺς(b) τὸ ἐθνικόν(c). a) Κάλπη Meineke : κάπη R Aldus, κα cum spat. ca 6 litt. Q, καπης (πης alt. m. in spat. add.) P, καπη cum spat ca. 5 litt. N. b) καρπητανοὺς N : καρπιτανοὺς RQP. c) ἐθνικόν P (alt. m. in spat.) N : om. R, lac. indic. om. Q. a – Erreur lors de l’abréviation ? b – Iotacisme.

Καρπηία· [A]   |1|  εἴρηται ἐν τῷ Κάλπη [C]   ὅτι τινὲς Κάρπειαν

[Pausanias ?] τὴν πόλιν φασὶ

[D] καὶ Καρπητανοὺς [Polybe ? Strabon ? Appien ?] τὸ ἐθνικόν.

Karpêia : [A] |1| on dit dans la notice Kalpê [C] que certains appellent la ville Karpêia, [D] et Karpêtanoi l’ethnique.

Commentaire

Καρπίαν Ἰβήρων πόλιν καλεῖσθαι νομίζουσι τὰ ἀρχαιότερα Ταρτησσόν. Ils disent que le Tartessos est un fleuve du pays des Ibères qui se jette dans la mer par deux embouchures, au milieu desquelles est la ville qui porte le même nom. Ce fleuve qui est le plus considérable de tous ceux de l’Ibérie, et qui a un flux et un reflux comme la mer, se nomme maintenant le Bétis. D’autres prétendent que la ville des Ibères Carpia se nommait très anciennement Tartessos » (trad. Clavier revue Bouiron). Si Pausanias est bien à l’origine de cette mention, la notice proviendrait alors d’Oros, ce qui explique sa forme assez maladroite par rapport aux notices provenant du lexique-source. Le nom que donne Pausanias est vraisemblablement une erreur pour Kartêia (c’est la ville de Carteia). [D]  :  Polybe (10.7.5), Ptolémée (Geogr. 2.6.56 et 58),

Appien (Iber. 216) et Strabon (3.1.6, 3.2.1, 3.3.1-3, 3.4.12-13) donnent la forme Karpêtanoi. Strabon (3.2.3) et Appien (Iber. 269, 299 et 362) parlent de Karpêtania, région où habitent les Karpetanoi. Voir également la notice Karpêsioi [119] et Alea [18].

La notice fait le renvoi à une autre notice dans laquelle se trouvait la même information. Elle provient sans doute de Stéphane de Byzance, voire d’Oros si celui-ci avait déjà commencé à regrouper plusieurs notices en une seule, et fait référence à une information issue du lexique-source.

Localisation et archéologie

[A] |1| Le renvoi est fait avec la notice Kalpê [115] dans

Chronologie des mentions

laquelle on trouve effectivement cette forme. Il s’agit donc en partie de la copie d’une autre notice.

[C] : À notre connaissance, seul Pausanias (6.19.3) cite

cette ville  :  «  Ταρτήσσιον δὲ εἶναι ποταμὸν ἐν χώρᾳ τῇ Ἰβήρων λέγουσι στόμασιν ἐς θάλασσαν κατερχόμενον δυσὶ καὶ ὁμώνυμον αὐτῷ πόλιν ἐν μέσῳ τοῦ ποταμοῦ τῶν ἐκβολῶν κειμένην· τὸν δὲ ποταμὸν μέγιστόν τε ὄντα τῶν ἐν Ἰβηρίᾳ καὶ ἄμπωτιν παρεχόμενον Βαῖτιν ὠνόμασαν οἱ ὕστερον, εἰσὶ δ’ οἳ

Il s’agit vraisemblablement d’une variante de Kartaia ; voir fiche [120]. Pour le peuple, voir la notice sur les Karpêsioi [119].

Pour le peuple, voir Karpêsioi [119]. iie s. : Pausanias, Καρπία.

Bibliographie indicative Voir la fiche Kartaia [120].

119 – ΚΑΡΠΗΣΙΟΙ/KARPÊSIOI [Λ]

551

119 – ΚΑΡΠΗΣΙΟΙ/KARPÊSIOI [Λ]

Peuple – Hispanie (Tarraconaise) (κ 99 Billerbeck)            Polybe Livre 23 – Second abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 19 % – taux théorique : 20 %). Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé et traduction (en grisé, forme erronée restituée du manu­scrit archétype disparu, corrigée dans la notice normalisée)

Kαρπήσιοι· ἔθνος ἰβηρικὸν τῶν ἐντὸς(a) ἴβηρος ποταμοῦ(b). a) ἐκτὸς R : ἐντὸς QPN Aldus. b) ποταμοῦ PN : ποταμῶν RQ. a – Erreur de lecture du κ.

Καρπήσιοι· [Da]   |1|  ἔθνος ἰβηρικὸν τῶν ἐκτὸς Ἴβηρος ποταμοῦ [Polybe].

Karpêsioi :  [Da] |1| peuple ibérique, de ceux qui sont au-delà du fleuve Ibêr.

Commentaire La notice provient du lexique source. [Da] |1| À notre connaissance, ce peuple des Karpêsioi

est mentionné seulement par Polybe (3.14.2) et, en latin (Carpesii), par Tite-Live (23.26.5). La détermination géographique, par rapport au fleuve Ibêr, est caractéristique de Polybe. Appien (Iber. 8 et 267-268) signale la ville de Καρπεσσός, qui serait selon lui le prolongement dans le temps de Tartessos. Ce peuple est appelé ensuite seulement sous la forme Karpêtanoi, mentionnés eux aussi par Polybe (cf. fiche [118]).

Localisation et archéologie On a proposé de voir dans le nom Karpêsioi une forme ibérique du nom des Karpêtanoi/Carpetani (Curchin 2004, p.  35). Selon P. Moret, les formes en –tès et – sios, typiquement grecques, sont ensuite remplacées par les désinences –itani/–etani (et donc -ητανοι) qui sont elles romaines (Moret 2004, p. 46-47). González Blanco, pour sa part, propose d’y voir une branche du peuple des Karpêtanoi, mentionné par Strabon (3.1.6), Pline l’Ancien (3.6 et 3.19) et Ptolémée (Geogr. 2.6.56) (González Blanco 1991, p. 33). Il occupait la partie orientale de la Nouvelle Castille, au bord du Tage, sur la zone septentrionale de la Meseta inférieure. Leur ville principale était Toletum (Tolède).

Les Carpetani sont mentionnés pour la première fois en 220 av. J.-C., lorsqu’ils s’opposent à Hannibal (Polybe 3.14  ; Tite-Live 21.5). Ils constituent alors l’un des peuples les plus puissants au sud de l’Èbre. Ils se rebellent contre les Romains lors de la Guerre contre les Celtibères (Tite-Live 29.40, 40.30 et 40.33)  ; en 135 av.  J.-C., Q. Calpurnius Piso passe l’hiver chez eux (Appien Iber. 83). Les Carpetani sont installés au cœur de la péninsule ibérique, délimités de leurs voisins par les sierras de Gredos et de Guadarram au nord, la rivière Henares et son prolongement méridional à l’est, les monts de Tolède au sud et les rivières Alberche et Pusa à l’ouest (GonzálezConde 1987). Leurs installations se retrouvent aussi bien en plaine qu’en hauteur, les deux types de sites se complétant certainement (Torres Rodríguez 2013), bien que les sites de hauteur prennent plus d’importance à partir de la fin du iiie siècle av. J.-C., avec le début de la Deuxième guerre punique.

Chronologie des mentions iie s. av. : Polybe, Kαρπήσιοι, Καρπητανοὶ – ier s. : Strabon, Καρπητανία, Καρπητανοὶ ; Pline l’Ancien, Carpetania, Carpetani – iie  s.  :  Appien, Καρπεσσός, Καρπητανία, Καρπητανοὶ ; Ptolémée, Καρπητανοὶ. On touve chez Polybe les deux formes Karpêsioi et Karpêtanoi. Comme l’a indiqué P. Moret, il s’agit très vraisemblablement du même peuple, nommé selon deux sources différentes, grecque d’abord (dans l’entourage d’Hannibal comme le propose P. Moret  ?) et latine (annalistes) (Moret 2004, p. 46-47). Par la suite, seule subsiste la forme latine Karpêtanoi/Carpetani, la région s’appelant Karpêtania/Carpetania. Seule exception, Appien qui indique la ville de Karpessos, qu’il met en relation avec Tartessos mais qui correspond probablement au nom de la ville des Karpêtanoi selon un source grecque ancienne. Nous n’avons plus de mention de ce peuple après le iie siècle de notre ère.

552

120 – ΚAρTαια/KARTAIA [Λ]

Bibliographie indicative RE III, 2 (1899), col. 1607-1608 (s.v. Carpetani) Hübner ; X, 2 (1919), col. 2004 (s.v. Karpesioi) Keune ; col. 2004 (s.v. Καρπεσσός) Keune ; Smith 1854 (s.v. Carpetani) ; THA  IIB 142t  ; González-Conde 1987  ; Tovar 1989, p. 96-98 ; González Blanco 1991, p. 28, 33 ; Curchin 2004  ; Zehnacker 2004, p.  111  ; Moret 2004, p. 46-47 ; Torres Rodríguez 2013.

Barrington Atlas : 27 A1 (Carpetania) ; http://pleiades.stoa.org/places/265847 Barrington Atlas : 26 (Carpesia, unlocated) ; http://pleiades.stoa.org/places/260524

120 – ΚAρTαια/KARTAIA [Λ]

Ville – Hispanie (Bétique) (κ 81 Billerbeck)            II-Artémidore Livre 23 – Second abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 19 % – taux théorique : 20 %). Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé et traduction (en grisé, forme erronée restituée du manu­scrit archétype disparu, corrigée dans la notice normalisée)

Kαρθάια(a)· μία τῆς ἐν κῶ(b) τετραπόλεως, ἀπὸ καρθίου(c) τελευτήσαντος ἐκεῖ. οἱ οἰκοῦντες καρθαεῖς (c). πολύβιος ιϛʹ. ἔστι καὶ ἰβηρίας καρταία(d), περὶ ἧς ἀρτεμίδωρος ἐν β΄ γεωγραφουμένων. a) Κάρθαια Meineke : Καρθαία RQPN. b) Kέῳ Holste : κῶ RQPN. b)  Καρθαίου Meineke prop.  in app.  :  καρθίου RQPN. c)  καρθαεῖς RQPN  :  Καρθαιεῖς Berkel. d)  καρταία RQPN : Καρθαία Xylander.

Κάρθαια· I-[A] |1| μία τῆς ἐν Κέῳ τετραπόλεως, [B] ἀπὸ Καρθαίου τελευτήσαντος ἐκεῖ. [D]   |2|  οἱ οἰκοῦντες Καρθαεῖς.

|3| Πολύβιος ιϛʹ [16.40.6].

II-[A] |4| ἔστι καὶ Ἰβηρίας Καρταία, περὶ ἧς Ἀρτεμίδωρος ἐν β΄ Γεωγραφουμένων [F 17 Stiehle].

Karthaia  :  I-[A]  |1|  Ville de la tétrapole de Céos, [B] dénommée d’après Karthaios qui y décéda. [D] |2| Les habitants sont appelés Karthaeis. |3| Polybe (16e livre).

II-[A] |4| Il existe aussi une Kartaia d’Ibérie, au sujet

de laquelle parle Artémidore, dans le 2 e livre des Descriptions géographiques.

Commentaire La notice provient du lexique-source. II-[A]  |3|  La mention de Kartaia est raccrochée par

Stéphane de Byzance au lemme Karthaia, comme s’il

s’agissait d’une forme dérivée. La formulation « au sujet de laquelle  » (περὶ ἧς) relève probablement de l’abréviation, mais également de la juxtaposition que fait Stéphane de Byzance de notices isolées dans le lexiquesource. Strabon (3.1.7, 3.2.2, 3.2.7) l’appelle Καρτηία, comme Dion Cassius (43.31.3, 40.1) et Marcien (Per. ext. 2.9). Ptolémée (Geogr. 2.4.6) a une forme très proche, Καρτηΐα. La ville était mentionnée dans le livre 2 d’Artémidore, consacré à l’Ibérie.

Localisation et archéologie La ville est une colonie latine (Colonia Libertinorum Carteia), fondée en 171 av. J.-C., la première hors d’Italie et de Gaule cisalpine. Elle a été créée pour les enfants de soldats nés de mère indigène (Tite-Live 43.3). Elle reprend toutefois une occupation antérieure, que la tradition rapportée par Strabon (3.1.7) attribue à Hercule lui-même. La ville antique est située entre Gibraltar et Algésiras à l’embouchure du Guadarranque. Les vestiges de la cité punique et ceux de la cité romaine se trouvent à Torre del Rocadillo, San Roque (Cádiz). Elle fait l’objet de recherches archéologiques depuis plus d’un siècle. Un projet de fouille et de mise en valeur a été engagé en 1994 (Blánquez Pérez et al. 2002, p. 56-61). Les fouilles ont révélé la présence d’une enceinte punique, datée autour de 300 av. J.-C. (Blánquez Pérez et al. 2002, p. 64-65).

121 – ΚαρχηδΩν/KARCHÊDÔN [Λ + Ω + Φ]

553

De la ville romaine préaugustéenne, plusieurs éléments sont apparus, en particulier un temple républicain qui reprend l’emplacement d’un autel punique (Blánquez Pérez et al. 2002, p. 70). On a également fouillé des installations de production de garum, comme on en trouve si fréquemment sur la côte méridionale de l’Ibérie.

Chronologie des mentions iie s. av. : Artémidore, Καρταία (Ἰβηρίας) – ier s. : TiteLive, Carteia  ; Strabon Καρτηία  ; Pomponius Mela, Carteia  ; Pline l’Ancien, Carteia – iie  s.  :  Ptolémée, Καρτηΐα – iii e   s.  :  Dion Cassius, Καρτηία – ive s. : Marcien, Καρτηία.

Bibliographie indicative RE III, 2 (1899), col. 1617-1620 (s.v. Carteia) Hübner ; Smith 1854 (s.v.  Carteia)  ; THA  IIB 142w  ; Tovar 1974, p. 70-72 ; Silberman 1988, p. 226 ; González Blanco 1991, p.  28, 33  ; Adrados 2000, p.  12  ; Blánquez Pérez et al. 2002 ; Plácido Suárez 2002, p. 316-317 ; Zehnacker 2004, p. 96. Barrington Atlas : 26 E5 (Carteia/Calpe/Karpessos) ; http://pleiades.stoa.org/places/256063

121 – ΚαρχηδΩν/KARCHÊDÔN [Λ + Ω + Φ]

Ville – Hispanie (Tarraconaise) (κ 104 Billerbeck)            [C] Artémidore ? Apollodore ? Polybe ? Livre 23 – Second abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 19 % – taux théorique : 20 %). Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé et traduction (en grisé, forme erronée restituée du manu­scrit archétype disparu, corrigée dans la notice normalisée)

Kαρχηδών (a)· μητρόπολις λιβύης, διασημοτάτη πόλις. χαλκεδών(b) δὲ τῆς βιθυνίας διὰ τοῦ λκ(c). ἀπὸ καρχηδόνος φοίνικος. ἐκαλεῖτο δὲ καινὴ πόλις καὶ καδμεία καὶ οἴνουσσα(d) καὶ κακκάβη. τοῦτο(e) δὲ κατὰ τὴν οἰκείαν αὐτῶν λέξιν ἵππου κεφαλὴ δηλοῦται. ἔστι δὲ καὶ ἄλλη καρχηδών πόλις ἰβηρίας, ἐκαλεῖτο δὲ καὶ αὐτὴ καινὴ πόλις. ἔστι(f ) καὶ ἀρμενίας καρχηδών, ὡς εὐτρόπιός φησιν. ὁ πολίτης καρχηδόνιος (g) σοφὸς μέγας(h) καί κλειτόμαχος, ὁ διογνήτου, ὃς ἐκαλεῖτο ἀσδρούβας, φιλόσοφος ἀκαδημαϊκός, διάδοχος (i) καρνεάδου τοῦ κυρηναίου(j) σχολῆς, ὃς κηʹ ἐτῶν(k) ἐλθὼν ἀθήναζε ἄμοιρος ἦν τῶν πρώτων στοιχείων καὶ ταῦτα μανθάνων ἀκροάσασθαι(l) καρνεάδου. a)  Καρχηδὼν PN  :  Καρδηδὼν RQ. b)  Χαλκηδών Aldus : χαλκεδὼν RQPN. c) Χαλκηδών δὲ τῆς Βιθυνίας διὰ τοῦ λκ glos. susp. Meineke d) οἴνουσσα QPN Aldus . οἴνουσα R , om. Eust. e) τούτῳ Xylander : τοῦτο RQPN. f ) ἔστι RQ : ἔστι δὲ PN. g)  lac. indic. Holste, καρχηδόνιος ἦν susp.  Berkel. h)  Mάγων Wesseling  :  μέγας RQPN Aldus. i)  τῆς add. Meineke. j) τοῦ RQP : τῆς N. k) ἐτῶν om. PN. l) ἠκροάσατο Salmasius (ex Eust.) : ἀκροάσασθαι RQPN.

Καρχηδών· [A]   |1|  μητρόπολις Λιβύης, διασ ημοτάτη πόλις.

|2|  {Χαλκηδών δὲ τῆς Βιθυνίας διὰ τοῦ λκ} (glose  ?).

[B] |3| ἀπὸ Καρχηδόνος Φοίνικος. |4| ἐκαλεῖτο δὲ Kαινὴ

πόλις καὶ Καδμεία καὶ Οἴνουσσα καὶ Κακκάβη. |5| τούτῳ δὲ κατὰ τὴν οἰκείαν αὐτῶν λέξιν ἵππου κεφαλὴ δηλοῦται. [C] |6| ἔστι δὲ καὶ ἄλλη Καρχηδών πόλις Ἰβηρίας, ἐκαλεῖτο

δὲ καὶ αὐτὴ Καινὴ πόλις [Apollodore  ? Polybe  ? Artémidore ?]. |7| ἔστι καὶ Ἀρμενίας Καρχηδών, ὡς Εὐτρόπιός (cf. 3.15.3) φησιν. [D] |8| ὁ πολίτης Καρχηδόνιος σοφὸς Μάγων καί Κλειτόμαχος, ὁ Διογνήτου, ὃς ἐκαλεῖτο Ἀσδρούβας, φιλόσοφος ἀκαδημαϊκός, διάδοχος Καρνεάδου τοῦ Κυρηναίου σχολῆς, ὃς κηʹ ἐτῶν ἐλθὼν Ἀθήναζε ἄμοιρος ἦν τῶν πρώτων στοιχείων καὶ ταῦτα μανθάνων ἠκροάσατο Καρνεάδου [abrégé de Philon ? Apollodore ?].

Karchêdôn : [A] |1| métropole de la Libye, la plus fameuse des villes. |2|  {Chalkêdôn de Bithynie s’écrit avec ‘lk’}. [b] |3| Dénommée d’après Karchêdôn de Phénicie. |4| Elle est appelée également Ville-Nouvelle, Kadmeia, Oinousa et Kakkabê. |5| Ce nom signifie ‘tête de cheval’ dans leur langue. [C]  |6|  Il existe une autre Karchêdôn, une ville d’Ibérie, qui était appelée également Ville-Nouvelle. |7| Il existe aussi en Arménie une Karchêdôn, selon Eutrope. [D] |8| Le citoyen est appelé Karchêdonios Magon le sage et Clitomaque, fils de Diognétès, et que l’on appelait Asdroubas, philosophe de l’Académie, successeur de

554 Carnéade à la tête de l’École de Cyrène ; il se rendit à l’âge de 28 ans à Athènes alors qu’il était totalement inculte, et fréquenta l’enseignement de Carnéade pour s’instruire.

Lexiques et commentaires grecs et byzantins xe siècle – Souda (κ 445 Adler) Καρχηδών· ἡ Ἀφρική· ἐξ ἧς ὡρμᾶτο ὁ μέγας Κυπριανός. ταύτην Σκηπίων καθεῖλεν εἰς ἔδαφος· ἡ μετὰ τὸν πρῶτον συνοικισμὸν ἑπτακόσια ἔτη κρατήσασα τῶν περιοίκων. XΙΙe siècle – Eustathe de Thessalonique (Com. Dion. 195) ὅτι Καρχηδὼν μητρόπολις Λιβύης, Φοινίκων ἀποικίαν σχοῦσά ποτε, μετὰ τοὺς Νομάδας οὖσα. λέγει δὲ αὐτὴν εὔορμον· λιμένα γὰρ ἔχει εὐκατάγωγον, ἱδρυμένη ἐπὶ χερρονήσου. πολλὴ δέ ἐστι παρὰ ταῖς ἱστορίαις ἡ πόλις, καὶ πλοῦτον ἔσχε βαθὺν καὶ δύναμιν πολλήν· διὸ καὶ ὁ Διονύσιος ἐπὶ θαύματι ἐπαναλαμβάνει καὶ αὐτὴν λέγων « Καρχηδὼν Λιβύων, ἀτὰρ πρότερον Φοινίκων, Καρχηδὼν, ἣν μῦθος ὑπὸ βοΐ (τουτέστι βύρσῃ) μετρηθῆναι  ». καὶ ἔστιν αὕτη δευτέρα παρὰ τούτῳ ἐπανάληψις. τρὶς γὰρ εἶπεν ἐνταῦθα τὸ Καρχηδών. φασὶ δὲ ὅτι ἐρημωθεῖσα ἡ Καρχηδὼν, καθ’ ὃν καιρὸν καὶ ἡ Κόρινθος, ἀνελήφθη πάλιν, τουτέστιν ἀνωρθώθη, ὑπὸ Καίσαρος τοῦ ἐπιλεγομένου Θεοῦ, οὗ υἱὸς ὁ Σεβαστὸς, πέμψαντος ἐκεῖ ἐποίκους Ῥωμαίους. ἱστόρηται δὲ καὶ ὅτι Ταρσεῖς ἡ θεία γραφὴ οὐ τὴν Ταρσὸν κατά τινας, ἀλλὰ τὴν Καρχηδόνα ταύτην καλεῖ προκαθημένην τῆς Ἀφρικῆς. ἡ δὲ περὶ τῆς ῥηθείσης βοὸς ἱστορία τοιαύτη ἐστί· Διδὼ ἡ τοῦ Πυγμαλίωνος ἀδελφὴ, θυγάτηρ Ἀγήνορος ἢ Βήλου βασιλέως Τυρίων, ἡ καὶ Ἔλισσα καλουμένη, καὶ Ἄννα. Συχαίῳ γενομένη γυνὴ ἀνδρὶ Φοίνικι, Τύρον ᾤκει· τοῦτον δὴ τὸν ἄνδρα ὁ Πυγμαλίων σὺν αὐτῷ ἀποδημοῦντά που δολοφονεῖ ἔρωτι χρημάτων. ὁ δὲ δι’ ὀνείρων σημάνας τὸ πάθος τῇ γυναικὶ κελεύει φεύγειν· οὐκέτι γὰρ εἶναι πιστὰ τῷ Πυγμαλίωνι, ἐν δευτέρῳ χρημάτων τὰ φυσικὰ τιθεμένῳ θεσμά. ἡ δὲ προσλαβομένη τινὰς τῶν Τυρίων, συναραμένη δὲ καὶ τὰ χρήματα ἔρχεται ἐπὶ Λιβύην. τοῦ δὲ Νομάδων καὶ Μαζίκων βασιλέως Ἰάρβαντος ἐκβάλλοντος αὐτὴν, ἠξίου ἡ γυνὴ χῶρον αὑτῇ τιμῆς ἀποδόσθαι ὅσον ἂν ῥινὸς, ἤγουν βύρσα, ἐπιλάβοι βοός. τυχοῦσα δὲ τοῦ ἀξιώματος διὰ τὸ δόξαι μικρὰ αἰτῆσαι, λαμβάνει βύρσαν, καὶ κατατεμοῦσα εἰς λεπτὰ καὶ τὸν λεπτοτομηθέντα ἱμάντα ἐπεκτείνασα ἔσχε τὴν κύκλῳ ἐμπεριληφθεῖσαν γῆν τῷ ἱμάντι, εἰς μῆκός τε καὶ εἰς πλάτος πολὺν ὅρον τῇ πόλει τῷ τοιούτῳ σοφίσματι περιγράψασα. καὶ οὕτως ἡ Καρχηδὼν Φοινίκων ἀνέκαθεν οὖσα τῶν μετὰ τῆς Διδοῦς νῦν Λιβύων ἐστί. Διδὼ δὲ ἐκάλεσαν οἱ πλεονεκτηθέντες τὴν τοιαύτην γυναῖκα ἐπιχωρίῳ φωνῇ, ὡς ἂν εἴποι τις ἀνδροφόνον, διαβάλλοντες ἐκείνην ὡς δῆθεν αἰτίαν ἔχουσαν τοῦ ἀνδροφονῆσαι διὰ τὸν ἐκ τοῦ ἀδελφοῦ φόνον.

121 – ΚαρχηδΩν/KARCHÊDÔN [Λ + Ω + Φ] ἡ δὲ τῆς πόλεως ἀκρόπολις διὰ τὴν ῥηθεῖσαν ἱστορίαν τῆς βοὸς Βύρσα ἐκλήθη τὸ παλαιόν. φασὶ δὲ καὶ ὅτι ὁ ῥηθεὶς Ἰάρβας τὴν πόλιν μετὰ τὴν κτίσιν καθάρας ἐκάλεσε τῇ Λιβύων φωνῇ Καινὴν πόλιν, ὕστερον δὲ ἐκλήθη Καρχηδών. ἄλλοι δὲ οὕτως ἱστοροῦσι· «  Καρχηδὼν ἡ πόλις ἀπὸ Καρχηδόνος τινὸς, ἀνδρὸς Φοίνικος. ἐκαλεῖτο δὲ καὶ Καινὴ πόλις καὶ Καδμεία καὶ Κακκάβη, ὅπερ τῇ ἐγχωρίῳ διαλέκτῳ ἵππου δηλοῖ κεφαλήν. ἐξ αὐτῆς φασι Κλειτόμαχον εἶναι τὸν Ἀκαδημαϊκὸν φιλόσοφον, τὸν καὶ Ἀσδρούβαν καλούμενον, ὃς ἠκροάσατο τοῦ σοφοῦ Καρνεάδου κηʹ ἐτῶν ἄνθρωπος ἐλθὼν Ἀθήναζε ἄμοιρος, φασὶ, καὶ τῶν πρώτων στοιχείων, καὶ ὅμως ὀξύτητι φύσεως καὶ ἄκρᾳ μελέτῃ εἰς πολὺ σοφίας ἐληλακώς  », οἱ δὲ καὶ τοῦτο περὶ Καρχηδόνος φασὶν, ὡς ἄρα οἱ περὶ τὴν Ἔλισσαν, ἤγουν οἱ μετὰ τῆς Διδοῦς, ὀρύσσοντες εἰς πόλεως κτίσιν, καὶ βοὸς εὑρόντες κεφαλὴν, ἀπέσχοντο τοῦ ὀρύσσειν, οἷα ὀπτευσάμενοι μόχθους καὶ δουλείαν συνεχῆ, ὃ καὶ οἱ βόες πάσχουσιν. ὀρύξαντες δὲ περί που φοίνικα πεφυτευμένον εὗρον κεφαλὴν ἵππου, καὶ συμβαλόντες σημαίνεσθαι σχολὴν αὑτοῖς καὶ παρ’ ἄλλων δόσιν τροφῆς, καθὰ καὶ τοῖς ἵπποις, ἔκτισαν ἐν τῷ τοιούτῳ τόπῳ τὴν Καρχηδόνα, καὶ ταῦτα πότιμον ὕδωρ μὴ ἔχοντι· καὶ τάχα διὰ τοῦτο καὶ Κακκάβη ἐκλήθη, ὡς ἀνωτέρω ἔκκειται.

Commentaire La notice provient en partie seulement du lexique-source et semble avoir été complétée par Oros et Stéphane de Byzance (pour la dernière partie |8|). [C] |6| La mention des deux autres Carthage, en Espagne

(c’est Carthagène) et en Arménie, s’inscrit parmi les variantes du nom. Signalons d’ailleurs une possible glose (ou inversion des phrases mais c’est moins probable) dans l’Épitomé puisque la forme « Χαλκηδών » (ville de Bithynie) est placée avant le paragraphe chrono-mythologique. Le texte de la mention de Carthagène est très court et provient de Polybe (3.2.13, 3.1 sq, 3.10.1 sq, 3.13 sq), d’Apollodore ou d’Artémidore (elle est nommée ainsi dans la citation que l’on trouve dans la notice Ibêria [100]). On en trouve de nombreuses mentions également chez Strabon. La ville est également nommée par Diodore de Sicile (25.12), Ptolémée (Geogr. 2.6.14) et Pline l’Ancien (3.19 et 3.21). [D] |8| Signalons ici la correspondance très forte entre

le texte de l’Épitomé et l’extrait résumé des Chroniques d’Apollodore par Philodème (F 56) qui peut être la source de ce passage. Nous avons maintenu ici la proposition d’un extrait de Philon mais cela nous semble moins vraisemblable.

121 – ΚαρχηδΩν/KARCHÊDÔN [Λ + Ω + Φ]

Localisation et archéologie C’est l’actuelle Cartagena. La ville a été fondée par Hasdrubal le Beau entre 229 et 221 av. J.-C. en reprenant le nom de la ville de Carthage (Qart-hadascht = Ville-Neuve, traduit par Καινὴ πόλις en grec). Le nom de Νέα Καρχηδών n’apparaît qu’à partir de Strabon. Polybe (10.6.8) l’appelle « ἐν Ἰβηρίᾳ Καρχηδών » qu’E. Foulon traduit par « Carthage-enEspagne ». On dit souvent qu’elle a été construite sur le site de Mastia, la ville du traité de 348 av. J.-C. (voir Silberman 1988, p. 225), mais cette ville ne se trouvait pas en Ibérie (voir fiche [101]). Carthagène est située au cœur d’une région riche en minerai argentifère, ce qui explique son importance stratégique. Le site primitif sur lequel la ville a été érigée a pu être restitué grâce aux études géomorphologiques : outre la présence d’une double anse protégée par des enrochements latéraux, il présente la particularité d’être doté d’un lac immédiatement à l’arrière de la côte. La ville se développe donc dans l’espace compris entre la côte et le lac, près de l’anse orientale (Ramallo Asensio, Ruiz Valderas 2010, p. 95-96 et photographie aérienne de la p.  105). Là, plusieurs collines dominent un espace plan dans lequel la ville va être aménagée (Madrid et al. 2007, p. 90-91). Des fouilles récentes ont dégagé les vestiges de la ville punique, en particulier sa fortification dont la datation archéologique coïncide avec celle de la fondation que nous indiquent les textes antiques (Ramallo Asensio 2006, p. 91-92 ; Madrid et al. 2007, p. 92-93). La ville devait être assez grande puisque Polybe (10.17.9) mentionne la capture de 2000 artisans lors du siège de Scipion en 209 av. J.-C. (voir également Tite-Live 26.47.7). Les traces de la destruction de la ville à ce moment sont encore perceptibles par l’archéologie. La reconstruction par les Romains intervient rapidement et s’effectue sur les maçonneries de la ville punique. Le développement urbain est particulièrement important au ier siècle av. J.-C. (Colonia Urbs Julia Nova Carthago). Jusqu’à la fin de ce siècle, la ville marque la limite entre la Tarraconaise et la Bétique comme le précise Tite-Live (40.41), qui indique également (26.47.6) que cette ville est la plus riche de toutes celles d’Hispanie. La ville devient colonie en 44 av. J.-C. La monumentalisation de la cité intervient au cours du siècle suivant ; elle est perceptible au niveau du forum et s’amplifie avec la construction de l’amphithéâtre, dotant ainsi la ville, désormais

555 capitale provinciale au même titre que Tarragone, d’une parure de qualité. Le forum est une grande place de 85 x 40 m de côté ; implanté sur la pente de la colline, il devait s’étager sur deux terrasses (Ramallo Asensio, Ruiz Valderas 2010, p. 104-105). Au sud de la place, un édifice particulier a été découvert ; il s’agit certainement du siège du Collège augustal, disposant d’une cour précédant l’aula centrale et ses deux annexes latérales (Madrid et al. 2007, p. 93-94). L’habitat a également été largement reconnu à travers les fouilles, ainsi que le théâtre (daté par sa dédicace à Lucius Caesar entre 5 et 1 av. J.-C.) et sa porticus post scaenam dont les structures sont récupérées lors de l’installation d’un marché byzantin au viiie siècle (Madrid et al. 2007, p. 94-97). Enfin l’amphithéâtre prenait place au sud-est, dans une dépression entre deux des collines constituant la ville. Des fouilles en ont révélé l’implantation exacte et la longueur de ses axes (103 et 78 m) (Madrid et al. 2007, p. 97).

Chronologie des mentions iie s. av. : Polybe, Καρχηδών (Ἰβηρίας) – ier s. av. : Diodore de Sicile, Καρχηδών  ; Nicolas de Damas, Καρχηδών – i er  s.  :  Strabon, Καρχηδών  ; Pomponius Mela, Carthago ; Pline l’Ancien, Carthago nova (Contestani) – iie s. : Ptolémée, Καρχηδών – iiie s. : Justin, Karthago nova. Les formes grecques (Karchêdôn) et latine (Carthago) sont identiques à celles de la ville d’Afrique du Nord et ne changent pas durant toute l’Antiquité.

Bibliographie indicative RE III, 2 (1899), col. 1620-1626 (s.v. Carthago nova) Hübner ; Smith 1854 (s.v. Carthago Nova) ; THA IIB 142v  ; Silberman 1988, p.  224-225  ; Tovar 1989, p.  190-197  ; González Blanco 1991, p.  28, 33  ; Zehnacker 2004, p.  112  ; Ramallo Asensio 2006 ; Madrid et al. 2007 ; Ramallo Asensio, Ruiz Valderas 2010 ; Ramon Torres 2013, p. 36-40. Barrington Atlas : 27 E4 (Carthago Nova/Col. Urbs Iulia) ; http://pleiades.stoa.org/places/265849

556

122 – ΚασταλΩν/KASTALÔN [Λ]

122 – ΚασταλΩν/KASTALÔN [Λ]

Ville – Hispanie (Bétique) (κ 118 Billerbeck)            Artémidore Livre 23 – Second abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 19 % – taux théorique : 20 %). Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé et traduction (en grisé, forme erronée restituée du manu­scrit archétype disparu, corrigée dans la notice normalisée)

Kαστάλων(a)· μεγίστη πόλις ῥιτανίας(b), ὡς ἀρτεμίδωρος γ΄ (c) γεωγραφουμένων. τὸ ἐθνικὸν κασταλωνίτης ὡς ἀσκαλωνίτης, ταρρακωνίτης(d).

s’agit peut-être d’une des caractéristiques d’Artémidore (ou au moins de son lexique).

a)  Kαστάλων QPN Aldus  :  Kασταλών R. b)  Ὠριτανίας Holste  :  Ὠρητανίας Meineke (ex Hieron. Syrita), ῥιτανίας RQPN Aldus. c)  β΄ Bouiron (e St. Byz ω 16)  :  γ΄ RQPN, Billerbeck, Meineke. d) ταρρακωνίτης om. R.

caractéristique d’Artémidore. Ni Strabon ni Polybe ne mentionnent le nom des habitants. La source est donc très probablement le géographe d’Éphèse.

b – Erreur lors de la translittération (confusion C/Ω) ? c – Erreur lors de l’abréviation ?

Καστάλων· [A]   |1|  μεγίστη πόλις Ὠριτανίας, ὡς Ἀρτεμίδωρος β΄

Γεωγραφουμένων [F 18 Stiehle].

[D]   |2|  τὸ ἐθνικὸν Κασταλωνίτης ὡς Ἀσκαλωνίτης,

Ταρρακωνίτης.

Kastalôn  :  [A]  |1|  très grande ville d’Ôritania, selon Artémidore (2e livre des Descriptions géographiques). [D]  |2|  L’ethnique se dit Kastalônitês, formé comme Askalônitês et Tarrakônitês.

Commentaire La notice provient du lexique-source. [A]  |1|  La ville est mentionnée également sous cette

forme par Polybe (10.38.7 et 11.20.5). Strabon (3.2.3 et 10-11, 3.4.9 et 20) écrit habituellement Κάστλων, comme Plutarque (Sert. 3.5). On trouve une fois chez Strabon (3.3.2) Καστουλὼν, forme identique à celle de Ptolémée (Geogr. 2.6.58). Appien (Iber. 62) emploie Καστολών. La mention d’Artémidore est reprise dans le lemme Ôrisia [230], dans la partie issue du premier abréviateur, avec une citation du texte d’origine. Nous avons bien la mention du livre II des Descriptions géographiques (et non III comme l’indiquent ici les manu­scrits) et la forme qu’utilise Artémidore est bien Ôritanoi et non Ôrêtanoi comme le proposait A. Meineke. On peut noter également la forme «  ville d’Oritanie  » (πόλις Ὠριτανίας) qui fait le pendant de la πόλις Μασσαλίας. Il

[D] |2| L’ethnique se présente sous une forme qui semble

Localisation et archéologie La cité est localisée près de l’actuelle ville de Linares (province de Jaén, Espagne) à environ 5 km au sud de la ville. L’abandon de la ville au XVe siècle a favorisé la conservation des vestiges archéologiques. Le site a fait l’objet de fouilles et de mise en valeur d’abord de 1969 à 1983 (notamment sous la direction de J. M. Blázquez Martínez), puis plus sporadiquement à partir de 1991. Un projet de fouille intitulé Forum MMX, sous l’égide du Conjunto Arqueológico de Cástulo, a repris les fouilles à plus grande échelle depuis 2011. La ville remonte à l’époque ibérique : un oppidum est installé au sommet d’une des terrasses du Guadalimar, surplombant ainsi la vallée. Il fait suite à une importante occupation de l’âge du Bronze, comprenant en particulier ce qui s’apparente à un palais aristocratique (La Muela) daté de la transition Bronze/Fer (Blázquez Martínez, Paz García-Gelabert 1992, p. 391-393). Castulo est déjà au cœur de l’activité minière et semble constituer un centre majeur dans la périphérie de la culture de Tartessos. L’enceinte de l’oppidum ibérique a été dégagée et témoigne de l’ampleur de cette cité, l’une des plus grandes d’Ibérie, qui constitue la capitale de l’Orétanie. Les fouilleurs mettent en évidence une phase orétanienne à partir des années 400-350 av.  J.-C.  ; les nécropoles en attestent puisque l’un des critères de cette appartenance est l’incinération des corps sur un bûcher installé dans un lieu proche de la nécropole elle-même (Blázquez Martínez, Paz García-Gelabert 1992, p. 393).

123 – ΚAσταξ/KASTAX [Ω] De très nombreux auteurs (et en particulier Tite-Live 24.41) la mentionnent car elle a joué un rôle important durant la Deuxième guerre punique, la ville disposant de son propre atelier monétaire (à la légende kastilo) (Pestaña Parras 2012). Elle est d’abord liée aux Carthaginois et devient le théâtre d’une des grandes défaites des Romains en 213 av. J.-C., face aux troupes d’Hasdrubal Barca. Quelques années plus tard toutefois, la ville de Castulo lie une alliance avec Scipion l’Africain, les Orétaniens devenant alors un peuple fédéré de Rome. Elle reçoit par la suite le rang de municipe, probablement avant Auguste (Pline l’Ancien 3.25 ; Blázquez Martínez, Paz García-Gelabert 1992, p. 395). Un aqueduc, dont les piles sont encore en place au nordouest de l’enceinte, alimentait en eau la ville. Par sa position centrale par rapport aux mines de la Sierra Morena, elle a une place majeure dans l’économie de l’Ibérie romaine. L’analyse récente de l’ensemble des mentions se rapportant aux mines espagnoles par L. Arboledas Martínez (Arboledas Martínez 2007), couplées avec des analyses réalisées sur les lingots de

557 plomb retrouvés dans les épaves renforcent ces hypothèses (voir la recension de Domergue 2010, p. 495).

Chronologie des mentions iie s. av. : Polybe, Κασταλών ; Artémidore, Κασταλών, Κασταλωνίτης (Ὠριτανίας) – ier s. : Strabon, Κάστλων, Καστουλὼν (Ὠρητανίας) ; Pline l’Ancien, Castulo ; Silius Italicus, Castulo – iie s. : Plutarque, Κάστλων ; Appien, Καστολών ; Ptolémée, Καστουλών.

Bibliographie indicative RE III, 2 (1899), col. 1778-1780 (s.v. Castulo) Hübner ; Smith 1854 (s.v.  Castulo)  ; THA  IIB 142x  ; Tovar 1989, p. 173-177 ; González Blanco 1991, p. 28, 33 ; Blázquez Martínez, Paz García-Gelabert 1992 ; Zehnacker 2004, p. 120 ; Pestaña Parras 2012. Barrington Atlas : 27 B3 (Castulo) ; http://pleiades.stoa.org/places/265855

123 – ΚAσταξ/KASTAX [Ω]

Ville – Hispanie (Tarraconaise) (κ 120 Billerbeck)            Appien Livre 23 – Second abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 19 % – taux théorique : 20 %). Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé et traduction Kάσταξ· κάστακος, ὡς νάρυξ(a) νάρυκος, πόλις ἰβηρίας. τὸ ἐθνικὸν καστακαῖος ὡς ναρυκαῖος. ὁ ἀππιανός φησι. a) νάρυξ RQN : ναρυξ P.

Κάσταξ· [A] |1| Κάστακος, ὡς Νάρυξ Νάρυκος, πόλις Ἰβηρίας. [D]   |2|  τὸ ἐθνικὸν Καστακαῖος ὡς Ναρυκαῖος. |3|  ὁ

Ἀππιανός [Iber. 127] φησι.

Kastax  :  [A]  |1|  Kastakos [au génitif ], comme Narux donne Narukos, ville d’Ibérie. [D]  |2|  L’ethnique est Kastakaios, formé comme Narukaios. |3|  Comme Appien le dit.

Commentaire La notice provient d’Oros. [A] |1| Le nom de la ville est mentionné par Appien (Iber.

127 et 130). Le toponyme ne se trouve pas chez Strabon. La mention de type « grammairien » résulte sans doute du texte remanié par Oros, bien que ce type de comparaison existe également dans les notices du lexique-source.

P. Goukowsky, dans sa traduction, rapproche la mention d’Appien avec le texte de Tite-Live (28.19.4), qui place l’épisode à Castulo. Il propose d’y voir une erreur d’onciale ancienne, Appien ayant lu d’après lui ΚΑΣΤΑΚΑ au lieu de ΚΑΣΤAΛΑ. Mais Appien écrit également (Iber. 61) Καστολῶνι ce qui impliquerait pour notre notice, si la forme initiale était la même, une double faute avec AK lu ΟΛ, à moins qu’il ne lisait la forme qu’indique Artémidore Κασταλών. Quoiqu’il en soit, si

558

124 – ΚορσIς/KORSIS [Λ ?]

erreur il y a, elle remonte alors à Appien avec une erreur de lecture de papyrus littéraire, par rapport à une source spécifique que nous n’identifions pas. [D] |2-3| L’ethnique se trouve également chez Appien (Iber. 127 et 130-131), comme l’indique Stéphane de Byzance. Appien est probablement la source unique de ce géonyme.

Localisation et archéologie Compte-tenu de l’unicité de la mention d’Appien (la notice de l’Épitomé n’en constituant qu’un dérivé), nous reprendrons l’hypothèse de P. Goukowsky et propose-

rons une erreur de lecture d’Appien, ΚΑΣΤAΛΑ étant lu ΚΑΣΤΑΚΑ dans le manu­scrit de la source qu’il utilisait. On notera d’ailleurs que l’autre mention d’Appien dans notre corpus, le peuple des Astapaioi [32], se trouve pratiquement au même endroit dans le Livre ibérique.

Chronologie des mentions iie s. : Appien, Kάσταξ, Καστακαῖος.

Bibliographie indicative Voir la fiche Kastalôn [122].

124 – ΚορσIς/KORSIS [Λ ?]

Île – Îles (Corse) (κ 174 Billerbeck)            Charax ? Timée ? Parthénios de Nicée ? (Pausanias ?) Livre 25 ? – Second abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 17,2 % – taux théorique : 20 %). Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé et traduction Kορσίς· νῆσος ἐν τῷ τυρρηνικῷ(a) πελάγει, ἀπὸ κόρσης δούλης βουκόλου. λέγεται καὶ κορσική(b). τὸ ἐθνικὸν κορσοί. a) τυρρηνικῷ RPN : τυρηνικῶ Q. b) κορσική QPN : κορσικοὶ R.

Κορσίς· [A]   |1|  νῆσος ἐν τῷ Τυρρηνικῷ πελάγει [Charax  ?], [B] ἀπὸ Κόρσης δούλης βουκόλου [Charax ? Parthénios ? Timée ?]. [C] |2| λέγεται καὶ Κορσική. [D] |3| τὸ ἐθνικὸν Κορσοί [Charax ? Pausanias ?].

Korsis : [A] |1| île dans la mer Tyrrhénienne, [B] nommée d’après Korsê, esclave féminine d’un bouvier. [C] |1| On dit aussi Korsikê. [D] |3| L’ethnique est Korsoi.

Lexiques et commentaires grecs et byzantins xiie siècle – Eustathe de Thessalonique (Com. Dion. 458) ὅτι ἐν τῷ Λιγυστικῷ πελάγει μέγισται νῆσοι μετὰ Σικελίαν ἡ Σαρδὼ καὶ ἡ Κύρνος· διὸ καὶ ὁ Διονύσιος εὐρυτάτην καλεῖ τὴν Σαρδώ. ἱστοροῦνται δὲ πολυχρονιώτατοι εἶναι οἱ Κύρνιοι. τὴν δὲ Κύρνον καὶ Κορσίδα, φησὶ, καλοῦσιν, ἢ κατά τινα τῶν ἀντιγράφων Κορσίκαν. καὶ ὡς μὲν ἄλλοι φασὶ, Κορσὶς καλεῖται ἀπὸ Κόρσης γυναικός. λέγεται γὰρ ὅτι νῆσος ἐν τῷ Τυρσηνικῷ πελάγει Κορσὶς ἀπὸ Κόρσης δούλης βουκόλου. ὡς δὲ ὁ Διονύσιος βούλεται, Κορσὶς λέγεται, διὰ τὰς ἐν αὐτῇ κόρσας, ὅ ἐστι κορυφὰς τῶν ὀρέων.

Commentaire La notice semble provenir du lexique-source mais a peutêtre une indication ethnique d’Oros. [A]   |1|  La mention de la localisation dans la mer Tyrrhénienne, associée à la forme Korsis se trouvait peutêtre chez Charax, qui a l’habitude d’employer les noms romains. L’île est mentionnée sous cette forme chez Denys le Périégète (v. 457-459) : « (…) ἄγχι δὲ Βοῦσος, /Σαρδώ τ’ εὐρυτάτη καὶ ἐπήρατος εἰν ἁλὶ Κύρνος, /ἥν ῥά τε Κορσίδα φῶτες ἐπιχθόνιοι καλέουσιν· ; à proximité Bousos, la Sardaigne très vaste et Cyrnos charmante sur la mer, que les hommes indigènes nomment la Corse » (trad. Jacob). Eustathe ne nous donne pas plus de précision sur la notice issue de Stéphane de Byzance. [B] : Stéphane de Byzance utilise une source qui ne nous est pas connue mais qui s’apparente à Charax, dont on retrouve les interprétations étymologiques assez régulièrement (voir la proposition d’identification de Bienna [51]) et qui semble s’être insiré de Parthénios de Nicée. Toutefois on peut aussi la mettre en parallèle avec une indication étymologique rattachée à Timée dans la notice Massalia [144]. Il peut là aussi en être l’origine bien que le nom soit plutôt celui de la période romaine. [C] |2| Cette forme, calquée sur la forme latine, est assez fréquente chez les auteurs à partir d’Auguste. Elle se trouve

125 – ΚραβασIα/KRABASIA [E + Λ] chez Plutarque (Phil., parall. min. 309), Ptolémée (Geogr. 3.2.1), Pausanias (10.17.8) et Diodore de Sicile (5.13.3) lorsqu’il indique la forme latine du nom : « μετὰ δὲ τὴν Αἰθάλειαν νῆσός ἐστιν ἀπέχουσα μὲν ταύτης ὡς τριακοσίους σταδίους, ὀνομάζεται δὲ ὑπὸ μὲν τῶν Ἑλλήνων Κύρνος, ὑπὸ δὲ τῶν Ῥωμαίων καὶ τῶν ἐγχωρίων Κόρσικα. Après Aithaleia, il est une île qui en est éloignée d’environ trois cents stades ; elle est nommée par les Grecs Kyrnos, par les Romains et les indigènes Corsica » (trad. Casevitz). Strabon (5.2.7) la signale d’une façon identique. [D]   |3|  L’ethnique est indiqué sous cette forme par

559

Localisation et archéologie Voir la fiche Kurnos [130].

Chronologie des mentions Voir la fiche Kurnos [130].

Bibliographie indicative Voir la fiche Kurnos [130].

Pausanias (10.17.9), qui est peut-être la source de Stéphane de Byzance ici, bien que Charax soit aussi possible. Ptolémée (Geogr. 3.3.6) donne également cette forme.

125 – ΚραβασIα/KRABASIA [E + Λ]

Ville – Hispanie (Tarraconaise) (κ 198 Billerbeck)            Hécatée + Artémidore ? + Polybe ? Éphore ? Livre 25 ? – Second abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 17,2 % – taux théorique : 20 %). Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé et traduction Kραβασία· πόλις ἰβήρων. ἑκαταῖος εὐρώπῃ. τὸ ἐθνικὸν κραβάσιος καὶ κραβασιεύς καὶ κραβασιάτης, καὶ κραβασιανός διὰ τὴν χώραν. Κραβασία· [A] |1| πόλις Ἰβήρων. |2| Ἑκαταῖος Εὐρώπῃ [FGrHist 1 F 46]. [D] |3| τὸ ἐθνικὸν Κραβάσιος [Hécatée] καὶ Κραβασιεύς

[Polybe ? Éphore ?] καὶ Κραβασιάτης [Artémidore ?], καὶ Κραβασιανός διὰ τὴν χώραν.

Krabasia : [A] |1| ville des Ibères. |2| Hécatée (Europe). [D]   |3|  L’ethnique se dit Krabasios, Krabasieus et Krabasiatês, ainsi que Krabasianos localement.

Commentaire La notice provient semble-t-il du lexique d’Hécatée pour le début de la notice (|1-3|) et du lexique-source pour la plus grande partie des ethniques (|3|). [A] |1-2| La ville des Ibêroi n’est mentionnée ici que par

Hécatée. On trouve une forme identique pour le peuple des Misgêtes [152].

[D] |3| La première forme de l’ethnique est caractéris-

tique d’Hécatée et se rattache très certainement à cet auteur. Nous ne savons pas à qui attribuer les autres formes ; elles témoignent à l’origine de mentions d’au moins trois auteurs distincts. On verrait ici volontiers Hécatée pour la première, un auteur hellénistique des IVe-iie siècle (Polybe ? Éphore ?) pour la seconde, peutêtre Artémidore pour la troisième. La dernière forme dérive de la forme latine et peut provenir d’Artémidore comme d’un autre auteur (Asclépiade de Myrlée  ?)  ; l’expression διὰ τὴν χώραν laisse penser qu’il était fait référence à une manière particulière de noter les formes d’ethnique qui se rattache peut-être à Oros.

Localisation et archéologie Il n’est pas possible de localiser ce géonyme sur la base du seul texte de l’Épitomé. On l’a depuis longtemps mis en relation avec la mention par Aviénus (Ora marit. v. 483) d’un cap nommé Crabasia, que l’on peut localiser au nord de l’actuel fleuve Turia, d’après les indications du poète. Mais il n’existe pas à proprement parler de cap dans cette zone … On a également proposé de voir dans ce toponyme un autre nom d’Arsa/Saguntum (Schulten FHA I, 120, suivi par Jacob 1985) ; bien qu’il n’existe pas de

560

126 – ΚρομYουσα/KROMUOUSA [E]

cap, la configuration de la côte a pu comporter anciennement un amer particulier ici. Enfin, pour Hübner (RE), il s’agirait d’une ville située beaucoup plus au nord, au cap de Oropesa, entre Castellón de la Plana et Alcalá de Chisbert. Le nom n’a quoi qu’il en soit aucune correspondance avec la toponymie actuelle. Il reste énigmatique d’avoir plusieurs mentions d’ethnique. Si le premier se rattache bien à Hécatée, le second pourrait provenir de Polybe (voir forme Baikuleus [38]) ou d’Éphore et le troisième presque à coup sûr d’Artémidore. Si ce dernier est connu pour citer des sources plus anciennes (comme Éphore ou Timée), cela semble être moins le cas de Polybe. On pourrait imaginer que cette ville a perduré jusque durant la Deuxième guerre punique (voire un peu au-delà ?). Il est alors d’autant plus surprenant de ne pas pouvoir la mettre en correspondance avec un toponyme attesté plus tardivement (mais on notera qu’il n’y a pas d’évolution de la forme jusqu’à la fin du iie siècle av. J.-C.).

L’autre hypothèse permettant d’expliquer ces mentions tardives serait que chacune d’entre elles fasse référence à une cité devenue un peu légendaire aux époques les plus tardives. Mais aucun écho n’en est parvenu jusqu’à nous, en particulier de la part de Strabon.

Chronologie des mentions vie s. av. : Hécatée, Κραβασία, Κραβάσιος – ive s. av. : [Aviénus, Ora maritima], Crabasiae jugum – iie s. av. : Polybe ?, Κραβασιεύς ; Artémidore ?, Κραβασιάτης.

Bibliographie indicative RE IV, 2 (1901), col. 1680 (s.v. Crabrasia) Hübner ; THA II A 23k  ; IIB 142aa  ; Tovar 1989, p.  290  ; González Blanco 1991, p. 28, 33 ; Braun 2004, p. 311. Barrington Atlas : 27 (Krabrasia, unlocated) ; http://pleiades.stoa.org/places/270332

126 – ΚρομYουσα/KROMUOUSA [E]

Île – Hispanie (Tarraconaise ?) (κ 227 Billerbeck)            Hécatée Livre 25 ? – Second abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 17,2 % – taux théorique : 20 %). Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé et traduction Kρομύουσα(a)· νῆσος ἰβηρίας. ἑκαταῖος εὐρώπῃ. τὸ ἐθνικὸν κρομυούσιος(b). a) Kρομμύουσα susp. Meineke. b) κρομμυούσιος susp. Meineke.

Κρομύουσα· [A] |1| νῆσος Ἰβηρίας. |2| Ἑκαταῖος Εὐρώπῃ [FGrHist 1

F 51].

[D] |3| τὸ ἐθνικὸν Κρομυούσιος [Hécatée].

Kromuousa :  [A] |1| île d’Ibérie. |2| Hécatée (Europe). [D] |3| L’ethnique se dit Kromuousios.

Commentaire La notice provient du lexique d’Hécatée. [A] |1-2| Seul Hécatée (FGrHist 1 F 51) mentionne ce

toponyme. La forme du lemme est typique du mode de formation des toponymes insulaires (cf. également l’île de Mêlousa [151]). A. Meineke propose Krommuousa

dans l’apparat critique si l’on suit l’ordre alphabétique. Nous pensons qu’il y a eu une erreur d’insertion de la notice de la part de Stéphane de Byzance. [D] |3| L’ethnique est très certainement issu d’Hécatée.

Localisation et archéologie Avec l’île de Mêlousa [151], également citée par Hécatée de Milet, A. Schulten (RE) et Tovar (Tovar 1989) voient dans ces géonymes le nom des deux grandes îles des Baléares, Majorque et Minorque. T. Braun, considère que cette hypothèse reste valable, et rappelle que Garcia y Bellido a localisé une vingtaine d’îles portant un nom en -ous(s)a(i), qui peuvent avec vraisemblance être rapportées à des dénominations de marins phocéens (Braun 2004, p.  313  ; Garcia y Bellido 1948, p.  71-77, fig. 20). Toutefois, il semble certain que ces grandes îles de Méditerranée portent le nom de Pituoussai (voir fiche [176]) à l’époque d’Hécatée ce qui nous laisse dubitatif sur une telle hypothèse.

127 – ΚυνητικOν/KUNÊTIKON [Λ] Peut-être faut-il voir ici, comme pour Mêlousa, une île proche de l’embouchure de l’Èbre et qui aura disparu avec la création du delta.

Chronologie des mentions

561

Bibliographie indicative RE XV, 1 (1931), col.  595 (s.v.  Melussa) Schulten  ; THA II A 23o ; IIB 142ab ; Tovar 1989, p. 243-276 ; González Blanco 1991, p. 28, 33 ; Adrados 2000, p. 9 ; Braun 2004, p. 313.

vie s. av. : Hécatée, Kρομύουσα, Κρομυούσιος. Le nom signifie en grec « île des oignons » ; il trouve une correspondance avec une île d’Éolide (voir Moret 2006, p. 45-46 et 48-49).

127 – ΚυνητικOν/KUNÊTIKON [Λ]

Lieu – Hispanie (Bétique) (κ 265 Billerbeck)            Hérodore + Hérodote Livre 26 ? – Second abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 18,3 % – taux théorique : 20 %). Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé et traduction Kυνητικόν· ἰβηρίας τόπος πλησίον ὠκεανοῦ. ἡρόδωρος ι΄ τῶν καθ’ ἡρακλέα. οἱ οἰκοῦντες κύνητες καὶ κυνήσιοι. Κυνητικόν· [A] |1| Ἰβηρίας τόπος πλησίον ὠκεανοῦ. |2| Ἡρόδωρος ι΄ τῶν καθ’ Ἡρακλέα [FGrHist 31 F 2b]. [D] |3| οἱ οἰκοῦντες Κύνητες [Hérodore, Hérodote] καὶ

Κυνήσιοι [Hérodote].

Kunetikon  :  [A]   |1|  lieu d’Ibérie près de l’océan. |2| Hérodore (10e livre d’Au sujet d’Hercule). [D] |3| Les habitants sont les Kunêtes ou les Kunêsioi.

Commentaire La notice provient du lexique-source. [A] |1-2| La détermination géographique provient d’Hé-

rodore. Ce lieu est rattaché à l’Ibérie et positionné par rapport avec l’Océan. [D]  |3|  Le nom des habitants se trouve à la fois chez

Hérodore (cf. notice Ibêria [100]) et chez Hérodote (4.49). La seconde forme provient également d’Hérodote (2.33) qui les mentionne alors comme limite des Keltoi. On notera ici l’emploi de la forme en -σιοι que l’on trouve ensuite chez Polybe pour certains noms de peuple (Bargousioi [43], Karpêsioi [119]).

Localisation et archéologie Ce lieu, comme le peuple qui l’accompagne, est situé à proximité du cap São Vicente (Portugal) et du Guadiana et correspond à l’antique promontoire Sacré, pointe ultime de la terre habitée vers l’ouest. On ne peut préciser leur extension vers le nord. Alors que les mentions de l’Épitomé se rapportent aux Ve-ive siècles av.  J.-C., Strabon transmet encore une réminiscence de ce géonyme, bien qu’il ne le comprenne plus : « καὶ δὴ καὶ τὴν προσεχῆ τούτῳ χώραν τῇ Λατίνῃ φωνῇ καλοῦσι Κούνεον, σφῆνα σημαίνειν βουλόμενοι. Aussi donne-t-on en latin à la contrée attenante le nom de Cuneus, qui veut dire coin » (trad. Lasserre). Pomponius Mela (3.7) parle lui de Cuneus ager et lui rattache trois villes, Myrtili, Balsa et Ossonoba. Aviénus (Ora marit. v.  201) mentionne le Cyneticum iugum. À la fin de la République, le peuple subsiste sous le nom latin de Conii, qu’Appien (Iber. 239, 246, 289) appelle les Kouneoi. Leur ville principale est Conistorgis. Plus loin dans son poème, Aviénus (v. 566) parle également du littus Cyneticum en correspondance avec la côte du Roussillon, au nord des Pyrénées. Cela a été interprété comme une extension de ce peuple et plus généralement de la dénomination de Ligyens pour toute l’Ibérie jusqu’au Rhône (THA IIB, p. 957-958). Il s’agit selon nous d’une erreur pour Cereticum (cf. supra p. 292).

562

128 – ΚυρHνη/KURÊNÊ [Λ]

Chronologie des mentions

Bibliographie indicative

ve  s. av.  :  Hérodote, Κύνητες, Κυνήσιοι  ; Hérodore, Κυνητικόν, Κύνητες – ive  s. av.  :  [Aviénus, Ora maritima], Cynetes, Cyneticum jugum.

RE IV, 2 (1901), col. 1906-1908 (s.v. Cynetes) Hübner ; Smith 1854 (s.v. Conii) ; THA II A 46 (II) ; IIB 142y ; Tovar 1976, p. 193-194 ; Chenoll 1982 ; González Blanco 1991, p. 28, 33 ; Adrados 2000, p. 12.

Il est vraisemblable de faire le lien entre les mentions les plus anciennes et celle de l’époque romaine, du fait de la localisation identique des peuples mentionnés. On notera à l’époque romaine la création de villes reprenant la racine Coni-  :  Conimbriga, Conistorgis (Chenoll 1982, p. 152).

Barrington Atlas : 26 B4 (Cuneus Ager) ; http://pleiades.stoa.org/places/256144

128 – ΚυρHνη/KURÊNÊ [Λ]

Ville – Hispanie (κ 288 Billerbeck)            [C] |2| ? Livre 26 ? – Second abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 18,3 % – taux théorique : 20 %). Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé et traduction Κυρήνη· πόλις λιβύης, ἀπὸ κυρήνης τῆς ὑψέως (a) ἢ κυρῆς(b) πηγῆς ἐγχωρίας(c). ἔστι καὶ ἰβηρίας. καὶ μασσαλίας ἄλλη (d). τὸ ἐθνικὸν κυρηναῖος. ἐντεῦθεν ἦν ἐρατοσθένης ἀγακλέους παῖς ὁ ἱστορικός. καὶ κυρηναΐς ὡς θηβαΐς. καὶ κυρηνίτης. a)  θυγατρὸς κατὰ πίνδαρον add. Bouiron (ex Eust.), κατὰ πίνδαρον add. Meineke (ex Eust.). b) κυρῆς QPN Aldus : κύρῆς R, Kύρης Meineke. c) ἐγχωρίας RQPN Eust. v. l. : ἐγχωρίου Holste (ex Eust.). d) ἔστι καὶ ἰβηρίας. καὶ μασσαλίας ἄλλη secl. Billerbeck (e B. Niese 1885, p. 241).

Κυρήνη· [A]   |1|  πόλις Λιβύης, [B]   ἀπὸ Κυρήνης τῆς Ὑψέως

ἢ Κύρης πηγῆς ἐγχωρίας.

[C] |2| ἔστι καὶ Ἰβηρίας.

|3| καὶ Μασσαλίας ἄλλη. [D] |4| τὸ ἐθνικὸν Κυρηναῖος. |5| ἐντεῦθεν ἦν Ἐρατοσθένης

Ἀγακλέους παῖς ὁ ἱστορικός [Philon de Byblos]. |6| καὶ Κυρηναΐς ὡς Θηβαΐς. |7| καὶ Κυρηνίτης.

Kurênê  :  [A]  |1|  ville de Libye, [B]  nommée d’après Cyrène, d’Hypsée ou d’après Kurê, une source locale. [C2] |2| Il existe aussi une Kurênê d’Ibérie. |3| Et une autre de Massalie. [D] |4| L’ethnique est dit Kurênaios. |5|  De Cyrène vient l’historien Ératosthène, fils d’Agakleus. [E] |6| Le féminin Kurênaïs est formé comme Thêbaïs. |7| Et Kurênitês.

Lexiques et commentaires grecs et byzantins iie siècle – Scholia in Apollonium Rhodium (2.498-527) a περὶ δὲ τῆς Κυρήνης Πίνδαρος ἱστορεῖ ἐν Πυθιονίκαις, ὡς παρθένος οὖσα μέχρι πολλοῦ συνεκυνήγει τῷ Ἀπόλλωνι. διαπαλαίουσα δέ ποτε λέοντι ἠγαπήθη ὑπὸ Ἀπόλλωνος· ὃς καὶ ἁρπάσας αὐτὴν διεκόμισεν εἰς τὴν νῦν ἀπ’ αὐτῆς καλουμένην Κυρήνην τῆς Λιβύης, καὶ μιγεὶς Ἀρισταῖον ἐποίησεν. Φερεκύδης δέ φησι καὶ Ἀρίαιθος, ἐπὶ κύκνων αὐτὴν ὀχηθεῖσαν κατὰ Ἀπόλλωνος προαίρεσιν εἰς τὴν Κυρήνην ἀφικέσθαι, Ἀγροίτας δὲ ἐν αʹ Λιβυκῶν ὑπὸ Ἀπόλλωνος εἰς Κρήτην αὐτὴν κομισθῆναι, ἐκεῖθεν δὲ εἰς Λιβύην. ἀδελφὴ δὲ Κυρήνης Λάρισα, ἧς ὁμώνυμος πόλις ἐν Θεσσαλίᾳ. τινὲς δέ φασι τὴν Κυρήνην Πηνειοῦ θυγατέρα γενέσθαι, κακῶς· ἔνεμεν γὰρ παρ’ αὐτῷ θρέμματα, οὐκέτι δὲ καὶ θυγάτηρ αὐτοῦ ἦν. Μνασέας δέ φησι κατ’ ἰδίαν αὐτὴν προαίρεσιν εἰς Λιβύην ἐληλυθέναι, οὐχ ὑπ’ Ἀπόλλωνος διαχθεῖσαν. Ἀκέσανδρος δὲ ἐν τοῖς Περὶ Κυρήνης ἱστορεῖ, ἐπ’ Εὐρυπύλου βασιλεύοντος Λιβύης ὡς ὑπὸ Ἀπόλλωνος διακομισθείη ἡ Κυρήνη· λέοντος δὲ τὴν χώραν λυμαινομένου προθείη τὴν βασιλείαν ὁ Εὐρύπυλος ἆθλον τῷ ἀποκτενοῦντι τὸν λέοντα, τὴν δὲ διαχρήσασθαι αὐτόν· παῖδας δὲ αὐτῆς γενέσθαι Αὐτοῦχον καὶ Ἀρισταῖον. φησὶ δὲ αὐτὴν Φύλαρχος ἐλθεῖν μετὰ πλειόνων εἰς Λιβύην· uτούτων δὲ ἐκπεμφθέντων ἐπὶ τὴν κυνηγίαν τούτοις καὶ αὐτὴν συνεξελθεῖν. τινὲς δʹ Ἀρισταίους γενεαλογοῦσιν, ὡς καὶ Βακχυλίδης· τὸν μὲν Καρύστου, ἄλλον δὲ Χείρωνος, ἄλλον δὲ Γῆς καὶ Οὐρανοῦ, καὶ τὸν Κυρήνης.

128 – ΚυρHνη/KURÊNÊ [Λ] b ὅτι ἐτησίαι ἔπνευσαν Ἀρισταίου αἰτησαμένου, ὃς ἦν Κυρήνης τῆς Ὑψέως καὶ Ἀπόλλωνος, ἀδελφὸς δὲ Αὐτούχου. ἀλλ’ ὁ μὲν ἐν Λιβύῃ , Ἀρισταῖος δὲ ἐν τῇ Κέῳ εὑρὼν τὰ μελισσουργικὰ πρῶτος καὶ τὴν τοῦ ἐλαίου κατεργασίαν. καὶ κατακαλεσάμενος τοὺς ἐτησίας Ζεὺς Ἀρισταῖος ἐκλήθη καὶ Ἀπόλλων Ἀγρεὺς καὶ Νόμιος. c Κυρήνη πέφαταί τις· ὅτι Κυρήνην τὴν Ὑψέως ὁ Ἀπόλλων θεασάμενος παρὰ Πηνειὸν εἰς Λιβύην ἐκόμισεν, ἔνθα ἐμίγη αὐτῇ, ὅπου καὶ Κυρήνη πόλις ἔκτισται, τὸν Ἀρισταῖον ἐγέννησε, πολλοὶ ἱστορήκασι. λέγουσι δὲ τὴν Κυρήνην οἱ μὲν Πηνειοῦ, οἱ δὲ Ὑψέως τοῦ Πηνειοῦ. L ixe siècle – Georgios Choiroboscos (Canones, p. 42) Κύρη (ἔστι δὲ ὄνομα πηγῆς, ἀφ’ ἧς καὶ ἡ Κυρήνη πόλις). xe siècle – Souda (κ 2757 Adler = Ambr. 1831 ; 2758) Κυρηναῖος· ἀπὸ Κυρήνης. Κυρηνήτης· ἀπὸ τόπου. xiiie siècle – Lexique du pseudo-Zonaras (1264.17) Κυρηναῖος· ἀπὸ τῆς Κυρήνης πόλεως. ἑρμηνεύεται δὲ ἑτοιμότης. xiie siècle – Eustathe de Thessalonique (Com. Dion. 213) ὅτι τὴν Κυρήνην εὔιππον λέγει, ἢ εὔπυργον κατὰ ἑτέραν γραφὴν, καὶ Ἀμυκλαίων γένος ἀνδρῶν, ἤτοι Λακώνων, ὡς ἀπὸ μέρους. μερὶ γὰρ Λακώνων ἀποικία δέ ἐστιν ἡ Κυρήνη νησιωτῶν Θηραίων τῶν ἐκ Λακεδαίμονος ἀνέκαθεν μετοικησάντων. ὁ Θήρας γὰρ ἐκεῖνος ὁ στείλας εἰς αὐτὴν ἀποικίαν Λάκων ἄνωθεν ἦν, ὡς καὶ Πίνδαρος ἱστορεῖ, ὁ καὶ εὔιππον εἶναι τὴν Κυρήνην μαρτυρῶν καὶ πολλαχοῦ ἐγκωμιάζων αὐτήν. ἐκαλεῖτο δὲ καὶ Πεντάπολις ἡ Κυρήνη, ἐξ ἧς καὶ ὁ ῥήτωρ Συνέσιος. λέγεται δὲ ὅτι καὶ αὕτη, καθαιρεθείσης τῆς τῶν Περσῶν βασιλείας, ὑπὸ Ἀλεξάνδρου ἀνεκτίσθη. ἐκλήθη δὲ Κυρήνη ἢ ἀπὸ

563 Κυρήνης τῆς Ὑψέως θυγατρὸς κατὰ Πίνδαρον, ἢ ἀπὸ Κυρῆς πηγῆς ἐγχωρίου. λέγονται δε ποτε οἱ Κυρηναῖοι καὶ περὶ ἰατρικὴν εὐτυχῆσαι, ὡς Ἡρόδοτος ἱστορεῖ. οὕτω δὲ εὐφορωτάτη ἐστὶν ἡ Κυρήνη, ὥστε ἐπὶ ὀκτὼ μῆνας ἔχει τοὺς Κυρηναίους ἡ ὀπώρα. ἔστι δὲ καὶ κρήνη τις αὐτόθι λεγομένη Ἀπόλλωνος, καὶ τόπος αὐτόθι οὕτως εὐδαίμων, ὡς λόγον εἶναι ὅτι ἐνταῦθα οὐρανὸς τέτρηται.

Commentaire La notice semble provenir du lexique-source. Il ne s’agit pas d’une notice plurielle puisque les ethniques sont regroupés à la fin de la notice. Nous ne suivrons pas M. Billerbeck qui supprime la mention de la ville ibérique et de Massalie. [C] |2| La ville ibérique n’est mentionnée par aucun autre

auteur. Vu la concision de l’information, il n’est pas possible de donner plus de précision. [D] |4| Les formes de l’ethnique se rapportent probable-

ment à la ville de Libye, d’où est originaire selon l’abrégé de Philon l’historien Ératosthène le jeune. Peut-être la 3e forme, Kurênitês, pourrait provenir d’Artémidore.

Localisation et archéologie D’après González Blanco, la ville serait citée ici par erreur car elle n’apparaît chez aucun autre auteur (González Blanco 1991, p. 33) ; ainsi M. Billerbeck la supprime purement et simplement. Nous restons très circonspects là-dessus, mais nous ne pouvons donner plus de précision sur sa localisation.

Bibliographie indicative THA IIB 142z ; González Blanco 1991, p. 28, 33.

564

129 – ΚυρHνη/KURÊNÊ [Λ]

129 – ΚυρHνη/KURÊNÊ [Λ]

Ville – Gaule (Narbonnaise) (κ 288 Billerbeck)            [C2] |3| Artémidore Livre 26 ? – Second abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 18,3 % – taux théorique : 20 %). Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé et traduction Voir notice précédente.

Localisation et archéologie

Κυρήνη·

G.  Barruol propose une identification possible de Kurênê avec La Couronne (Barruol 1969, p.  224 n. 1). Toutefois, l’Itinéraire maritime d’Antonin ne donne pas cette forme (on a Dilis, qui peut correspondre à La Couronne ou à Tamaris) et aucun autre auteur ne signale ce toponyme. Dans l’Itinéraire (terrestre) d’Antonin, le toponyme Calcaria, situé entre Massilia et Fossis Marianis, fait probablement référence aux mêmes carrières.

[A]   |1|  πόλις Λιβύης, [B]   ἀπὸ Κυρήνης τῆς Ὑψέως

ἢ Κυρῆς πηγῆς ἐγχωρίας. [C2] |2| ἔστι καὶ Ἰβηρίας. |3| καὶ Μασσαλίας ἄλλη [Artémidore]. [D] |4| τὸ ἐθνικὸν Κυρηναῖος. |5| ἐντεῦθεν ἦν Ἐρατοσθένης

Ἀγακλέους παῖς ὁ ἱστορικός. |6| καὶ Κυρηναΐς ὡς Θηβαΐς. |7| καὶ Κυρηνίτης.

Kurênê  :  [A]  |1|  ville de Libye, [B]  nommée d’après Cyrène, d’Hypsée ou d’après Kurê, une source locale. [C2] |2| Il existe aussi une Kurênê d’Ibérie. |3| Et une autre de Massalie. [D] |4| L’ethnique se dit Kurênaios. |5|  De Cyrène vient l’historien Ératosthène, fils d’Agakleus. [E] |6| Le féminin Kurênaïs est formé comme Thêbaïs. |7| Et Kurênitês.

Lexiques et commentaires grecs et byzantins Voir notice précédente.

Commentaire La notice est issue du lexique-source. Il ne s’agit pas d’une notice plurielle juxtaposée puisque les ethniques sont regroupés à la fin de la notice. Nous ne suivrons pas M. Billerbeck qui supprime la mention de la ville ibérique et de Massalie. [C2] |3| Pour la troisième ville de ce nom, la détermina-

tion de « Massalie » renvoie avec beaucoup de certitude à l’œuvre géographique d’Artémidore d’Ephèse. [D] |4| Les formes de l’ethnique se rapportent probable-

ment toutes à la ville de Libye, d’où est originaire l’historien Ératosthène. Contrairement à ce que pensait F. Jacoby, celui-ci n’est autre semble-t-il que le grand savant alexandrin. La troisième forme, Kurênitês, pourrait provenir d’Artémidore, mais celui-ci devait certainement parler de la ville de Cyrénaïque dans son ouvrage et ses éventuelles mentions s’y rapportaient très probablement.

Selon nous il faut peut-être situer Kurênê plus au nord, dans la zone correspondant à la partie septentrionale de l’actuel département des Bouches-du-Rhône. On peut se demander s’il ne s’agit pas d’une forme hellénisée de la ville d’Ugernum, l’actuelle Beaucaire. F. Benoit notait déjà que ce nom recouvrait certainement un toponyme à base pré-indoeuropéenne K-R, qu’il retrouve dans Carry/Carros/Carro, Carras/Carabacel ou le nom antique de la Corse (Benoit 1965, p. 100, n. 9). Il n’indique toutefois pas la correspondance que nous proposons ici qui repose sur la racine K-R-N. Strabon (4.1.3) donne la forme Οὐγέρνον (Ugernum) pour Beaucaire, dans un passage qui provient certainement d’une carte romaine et se date entre 8 et 2 av. J.-C. (Thollard 2009, p.  101-106). La ville a une grande importance durant la fin du 2e âge du Fer et s’inscrit dans un contexte « marseillais », comme en témoignent les nécropoles découvertes ou la présence d’inscriptions gallo-grecques (Bessac et al. 1986 et Bessac et al.  1987). C. Goudineau voyait également une mainmise de Marseille sur cette cité dans le 2 e quart du ier siècle av. J.-C. (Goudineau 1976), mais elle pourrait remonter à la fin du iie siècle. Dans ce cas, Artémidore aurait hellénisé un toponyme indigène, à moins qu’il ne s’agisse à l’inverse d’un toponyme grec « celtisé ».

Chronologie des mentions iie s. av. : Artémidore ?, Κυρήνη (πόλις Μασσαλίας).

Bibliographie indicative Brunel 1945, p. 123 ; Barruol 1969, p. 224 n. 1.

130 – ΚYρνος/KURNOS [E + Λ]

565

130 – ΚYρνος/KURNOS [E + Λ]

Île – Îles (Corse) (κ 291 Billerbeck)            Hécatée (+ Hérodote ?) + Lycos de Rhegion Livre 26 ? – Second abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 18,3 % – taux théorique : 20 %).

Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé et traduction (en grisé, forme erronée restituée du manu­scrit archétype disparu, corrigée dans la notice normalisée)

Κύρνος(a)· νῆσος πρόσβορρος(a) ἰαπυγίας. ἑκαταῖος εὐρώπῃ. τὸ ἐθνικὸν κύρνιοι καὶ κυρναῖοι. φασὶ δὲ « τοὺς κυρναίους(b) πολυχρονιωτάτους εἶναι (οἰκοῦσι δὲ οὗτοι περὶ (c) τὸν (d) σαρδόνα) διὰ τὸ μέλιτι ἀεὶ χρῆσθαι. πλεῖστον δὲ τοῦτο γίνεται παρ’ αὐτοῖς ». a)  Κύρνος RpcPN  :  Κῦρνος RacQ. – b) πρόσβορρος QPpcN  :  πρόσβορος RPac. c)  Κυρναίους RQPN  :  Κυρνίους Athenaeus. d) τὴν Xylander : τὸν RQPN.

Κύρνος· [A] |1| νῆσος πρόσβορρος Ἰαπυγίας. |2| Ἑκαταῖος Εὐρώπῃ

[FGrHist 1 F 60].

[D] |3| τὸ ἐθνικὸν Κύρνιοι [Hécatée ? Hérodote ?] καὶ Κυρναῖοι. |4| φασὶ δὲ « τοὺς Κυρναίους πολυχρονιωτάτους εἶναι (οἰκοῦσι δὲ οὗτοι περὶ τὴν Σαρδόνα) διὰ τὸ μέλιτι ἀεὶ χρῆσθαι. |5| πλεῖστον δὲ τοῦτο γίνεται παρ’ αὐτοῖς » [Lycos de Rhegion FGrHist 570 F 5 in Athénée II, 47a].

Kurnos  :  [A]   |1|  île située au nord de la Iapygie. |2| Hécatée (Europe). [D] |3| L’ethnique se dit Kurnioi et Kurnaioi. |4| On dit que « les Kurnaioi, qui habitent près de la Sardaigne, vivent extrêmement vieux parce qu’ils consomment sans arrêt du miel. |5| Il y en a chez eux énormément ».

Lexiques et commentaires grecs et byzantins Scholia in Callimachum (schol. vet., Hymnus. 3, sch. 58 ; Hymnus 4, sch. 19) Κύρνος· νῆσος πρὸ τῆς Σικελίας ἡ Κύρνος ἐστίν. Κύρνος· ἡ νῦν †Τύρος† καλουμένη. ii e  siècle – Plutarque (Παροιμίαι αἷς Ἀλεξανδρεῖς ἐχρῶντο, 1.90) Κυρνία ἄτη· Κύρνος νῆσος ἦν πάλαι ἄβατος τοῖς πλέουσι διὰ συνεχεῖς λῃστείας. iie siècle – Diogenianus (épitomé, 5.35) Κυρνία γῆ· ἐπὶ τῶν χωρῶν τῶν λῃστὰς ἐχουσῶν.

vie siècle – Lexique d’Hesychius (κ 4696) Κυρνία γᾶ· ἐπεὶ Κύρνον ᾤκησαν Τυῤῥηνοί. xe siècle – Souda (κ 2773 Adler) Κύρνος· ὄνομα κύριον. xiie siècle – Eustathe de Thessalonique (Com. Dion. 458) ὅτι ἐν τῷ Λιγυστικῷ πελάγει μέγισται νῆσοι μετὰ Σικελίαν ἡ Σαρδὼ καὶ ἡ Κύρνος· διὸ καὶ ὁ Διονύσιος εὐρυτάτην καλεῖ τὴν Σαρδώ. ἱστοροῦνται δὲ πολυχρονιώτατοι εἶναι οἱ Κύρνιοι. τὴν δὲ Κύρνον καὶ Κορσίδα, φησὶ, καλοῦσιν, ἢ κατά τινα τῶν ἀντιγράφων Κορσίκαν. καὶ ὡς μὲν ἄλλοι φασὶ, Κορσὶς καλεῖται ἀπὸ Κόρσης γυναικός. λέγεται γὰρ ὅτι νῆσος ἐν τῷ Τυρσηνικῷ πελάγει Κορσὶς ἀπὸ Κόρσης δούλης βουκόλου. ὡς δὲ ὁ Διονύσιος βούλεται, Κορσὶς λέγεται, διὰ τὰς ἐν αὐτῇ κόρσας, ὅ ἐστι κορυφὰς τῶν ὀρέων.

Commentaire La notice semble appartenir au lexique d’Hécatée et au lexique-source. [A]  |1-2|  Le nom Kurnos provient ici d’Hécatée. On

le retrouve chez Plutarque (Pomp.  26.4, 34.2, 35.1, 66.4 ; Paroimiai 1.90), Hérodote (1.165-167 ; 9.105), Diodore de Sicile (5.13.3-4, 17.1, 60.4-5, 79.2 ; 11.88.5 ; 18.4.5), le pseudo-Scylax (6-7 ; 114), le pseudo-Scymnos (v. 223), Denys le Périégète (v. 81, 458), Aristote (De Mundo 393a), Strabon (2.5.19, 5.2.6-8, 6.1.1, 14.2.10, 17.3.25), Ptolémée (Geogr. 3.2.1, 3.3.1, 7.5.11, 8.8.7, 8.29.6), Dion Cassius (36.53.5, 54.1 et 5 ; 37.1.2, 2.1, 3.4 ; 55.32.2 ; 67.12.3), Pausanias (10.17.8 et 11), Polybe (12.3.8), Élien (De nat. animal.  12.41, 15.2), Appien (Prooem. 5.17 ; Mithr. 434 ; Bell. civ. 5.8.67 et 72, 9.7880) et Marcien (Per. ext. 1.8). Voir la citation d’Hérodien dans la notice Aimonia et la citation d’Alexis le comique dans la notice Sikelia. Voir également les villes d’Allalia [20] et Nikaia [159].

566 La mention, d’après Hécatée, d’une île au nord de la Iapygie a posé beaucoup de problème aux exégètes du texte. A. Meineke propose, dans l’apparat critique, πρόσχωρος (ou πρόσορος) Λιγυστίας. La proposition de Meineke semble peu plausible : ΛΙΓΥCΤΙΑ se lit difficilement IAΠYΓIA, et l’indication πρόσχωρος impliquerait une double erreur. Il n’est pas possible de proposer une solution satisfaisante à cette difficulté qui tient peutêtre aux conditions de navigation conduisant sans doute directement de la pointe occidentale de l’Italie du Sud jusqu’en Corse. Dans la scholie de Callimaque, on note également la proximité avec la Sicile (pour Sardaigne ?), ce qui rejoint celle que signale Hécatée. On est allé jusqu’à proposer, entre autres hypothèses, que la Iapygie ait pu désigner la péninsule salentine et qu’une autre île du même nom se soit trouvée au nord de celle-ci (Bugno 1999-2000, p. 127). Nous reviendrons ci-dessous sur cette détermination géographique. [D] |3| L’ethnique se trouve chez Hérodote (7.165) mais c’est probablement celui qu’on lisait chez Hécatée. En revanche, nous n’avons aucune mention pour Kurnaioi, forme toutefois caractéristique d’un auteur comme Théopompe ou encore Apollodore d’Athènes.

|4|  Si la citation provient d’Athénée (2.47a Kaibel), auteur à la charnière des iie et iiie siècles, cela impliquerait une intervention d’Oros. Toutefois, il est vraisemblable qu’Athénée a utilisé le lexique de Diogenianus (ou Pamphile) ce qui devient une source commune. La citation provient de Lycos de Rhegion (FGrHist n° 570 F 5) : « Λύκος δὲ πολυχρονίους φησὶν εἶναι τοὺς Κυρνίους (οἰκοῦσι δ’ οὗτοι περὶ Σαρδόνα) διὰ τὸ μέλιτι ἀεὶ χρῆσθαι· πλεῖστον δὲ τοῦτο γίνεται παρ’ αὐτοῖς, Lycos dit que les Corses, qui vivent autour de la Sardaigne, vivent très longtemps parce que ils mangent régulièrement du miel, une grande quantité de celui-ci étant produit dans leur pays ». Dans la notice de l’Épitomé, cette citation concerne la forme Kurnaioi alors que dans le texte conservé d’Athénée il est écrit Kurnioi. Le miel de Corse est effectivement célèbre dans l’Antiquité et rentre dans la composition d’un remède chez Galien (De comp. med., vol. 12, p. 660) : « μέλιτος Κορσικοῦ ».

Localisation et archéologie L’île de Kurnos est aujourd’hui la Corse, île de Méditerranée proche de l’Italie et située au nord de la Sardaigne. Pausanias (10.17.8) donne cette indication pour le nom de la Corse : « ἔστι δὲ νῆσος οὐ πολὺ

130 – ΚYρνος/KURNOS [E + Λ] ἀπέχουσα τῆς Σαρδοῦς, Κύρνος ὑπὸ Ἑλλήνων, ὑπὸ δὲ Λιβύων τῶν ἐνοικούντων καλουμένη Κορσική. ἐκ ταύτης μοῖρα οὐκ ἐλαχίστη στάσει πιεσθεῖσα ἀφίκετο ἐς τὴν Σαρδώ, καὶ ᾤκησαν τῆς χώρας ἀποτεμόμενοι τῆς ἐν τοῖς ὄρεσιν· ὑπὸ μέντοι τῶν ἐν τῇ Σαρδοῖ τῷ ὀνόματι ὀνομάζονται τῷ οἴκοθεν Κορσοί. Il y a tout auprès de la Sardaigne une île nommée Cyrnos par les Grecs, et Corse par les Libyens qui l’habitent : une portion assez considérable d’insulaires ayant eu le dessous dans des troubles civils, passa en Sardaigne et s’empara de la partie des montagnes où elle s’établit. Les Sardes donnent à ces habitants le nom de Corses qu’ils ont apporté de leur patrie » (trad. Clavier). Après l’implantation des Phocéens vers 565 à Alalia, la chute de la ville à la suite de la célèbre bataille maritime du même nom fait basculer la côte orientale sous la domination étrusque. Les Syracusains s’installent au sud-est de l’île (c’est le Portus Syracusanus de l’époque romaine, actuelle Porto-Vecchio) peut-être vers le milieu du ve siècle av. J.-C. Par la suite, les Carthaginois prennent l’île. La conquête de l’île par Rome se place à la suite de la Première guerre punique et se matérialise par la prise d’Aleria par L. Cornelius Scipio en 259 av. J.-C. puis par la seconde expédition de Tib. Sempronius Gracchus en 238 av. J.-C. Le développement de l’île par les Romains débute vers le milieu du iie siècle av. J.-C., après la fin des conflits avec les Carthaginois. La création de la colonie de Mariana par C. Marius (Pline l’Ancien 3.80) intervient vers 100 av. J.-C. Plus tard, Auguste transforme la Corse (et la Sardaigne) en province impériale avec pour capitale Aleria. La Corse reste sous la domination romaine jusqu’à sa conquête par les Vandales en 430 ap. J.-C. Nous voulons revenir sur la détermination géographique de cette notice, rattachée à Hécatée, qui a fait couler beaucoup d’encre. L’hypothèse la plus récente (voir en particulier Bugno 1999-2000, avec rappel des interprétations antérieures) est qu’il faut y voir la mention d’un vent du nord-nord-est (βορέας). Tout d’abord, il faut avoir à l’esprit que la notice tire son origine d’un lexique d’Hécatée et non du texte direct de cet auteur ; cela peut avoir son importance. Ensuite, pour être plus proche de l’œuvre d’origine, il faut se souvenir qu’Hécatée rédige une Périégèse, qui l’amène à décrire les différents éléments (villes, fleuves, montagnes …) dans l’ordre dans lequel ils se présentent. Or les îles éloignées de la côte, échappent forcément à ce parcours linéaire du littoral. Nous formulerons donc l’hypothèse qu’Hécatée a fait une description continue depuis l’Atlantique

131 – [ΛIγειρ]/[LIGEIR] [Ω] jusqu’à la Iapygie, et qu’à partir de là il décrit les grandes îles de Méditerranées (Corse, Sardaigne, Baléares). Pour passer de la première série à la seconde tout en gardant une logique, il devait certainement mentionner le fait de quitter la côte après avoir fini de décrire la GrandeGrèce. Il remontait alors vers le nord pour décrire les îles probablement dans l’ordre dans lequel nous les avons énoncées, c’est-à-dire en commençant par les îles toscanes et la Corse. Dans le déroulé géographique d’Hécatée, on a donc un hiatus entre la Iapygie et la reprise de la description du littoral continental qui reprend avec le fond de la mer Adriatique. Le terme de πρόσβορρος provient donc très probablement d’une mauvaise compréhension de l’auteur du lexique dans le fait de passer de la Iapygie à la Corse et n’a selon nous aucun lien avec une quelconque proximité physique.

Chronologie des mentions vie s. av. : Hécatée, Κύρνος, Κύρνιοι – ve s. av. : Hérodote, Κύρνος, Κύρνιοι – ive  s. av.  :  pseudo-Scylax, Κύρνος  ; Théophraste, Κύρνος – iiie s. av. : Callimaque, Κύρνος ; (épitaphe Scipion), Corsica – iie s. av. : Polybe, Κύρνος,

567 Κύρνιοι ; pseudo-Scymnos, Κύρνος – ier s. av. : Diodore de Sicile, Κύρνος, Κορσική – ier s. : Tite-Live, Corsica ; Strabon, Κύρνος, Κορσική ; Pomponius Mela, Corsica ; Pline l’Ancien, Corsica, Corsi – iie s. : Plutarque, Κύρνος, Κορσική ; Denys le Périégète, Κύρνος, Kορσίς ; Florus, Corsica ; Appien, Κύρνος ; Ptolémée, Κύρνος, Κορσική, Κορσοί ; Pausanias, Κύρνος, Κύρνιοι, Κορσική, Κορσοί ; Festus, Corsica – iiie s. : Élien, Κύρνος, Κύρνειον ; Dion Cassius, Κύρνος, Κύρνιοι – ive s. : Marcien, Κύρνος. Le nom grec Kurnos ne change pas durant toute l’Antiquité. Le nom romain, Korsis/Corsis et le ktétique Korsikê/Corsica apparaissent dès le iiie siècle av.  J.-C. dans l’épitaphe de L. Cornelius Scipio.

Bibliographie indicative RE IV, 2 (1901), col. 1657-1660 (s.v. Corsica) Hülsen ; Smith 1854 (s.v.  Corsica)  ; Bugno 1999-2000  ; Zehnacker 2004, p. 179. Barrington Atlas : 101 H3 (Corsica) ; http://pleiades.stoa.org/places/991339

131 – [ΛIγειρ]/[LIGEIR] [Ω]

Fleuve – Gaule (Aquitaine) (β 82 Billerbeck)            Hérodien ?

Pas de notice chez Stéphane de Byzance. Se trouve dans la notice Becheir.

Livre 8 – Second abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 15,3 % – taux théorique : 20 %). Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé et traduction (en grisé, forme erronée restituée du manu­scrit archétype disparu, corrigée dans la notice normalisée)

Βέχειρ· ἔθνος σκυθικόν, ὡς σάπειρ, ἢ μετὰ τοῦ σ σάσπειρ, ἐλεάζειρ (a), ὀνόματα βαρβάρων, λίγειρ (b) ποταμὸς περὶ πλάταιαν(c), χρυσοέθειρ παρ’ ἀρχιλόχῳ ἐν ἰοβάκχοις, ὅπερ ἀποκέκοπται τοῦ χρυσοέθειρος(d), ἑκατόγχειρ τὸ σύνθετον. a)  ἐλεάζειρ PN  :  ἀλεάζειρ RQ. b)  λίγειρ RPN  :  λέγειρ Q. c)  Γαλατίαν Holste  :  πλάταιαν RQPN. d)  χρυσοέθειρος N : χρυσοέθρος RQP. c – Erreur lors de la translittération  :  ΓΑΛΑΤΙΑΝ lu ΠΛΑΤΑΙΑΝ.

Βέχειρ· [Da] |1| ἔθνος Σκυθικόν, ὡς Σάπειρ, ἢ μετὰ τοῦ σ Σάσπειρ, Ἐλεάζειρ, ὀνόματα βαρβάρων,

Λίγειρ ποταμὸς περὶ Γαλατίαν [Hérodien ?], χρυσοέθειρ παρ’ Ἀρχιλόχῳ ἐν Ἰοβάκχοις [F 323 West2], ὅπερ ἀποκέκοπται τοῦ χρυσοέθειρος, ἑκατόγχειρ τὸ σύνθετον. Becheir  :  [Da]  |1|  peuple de Scythie, formé comme Sapeir, ou Saspeir avec un s, et Eleazeir (des noms barbares), Ligeir (un fleuve de Gaule), chrusoetheir (dans les Iobanchoi d’Archiloque, forme raccourcie de chrusoetheiros [aux cheveux d’or]), et le nom composé hekatoncheir [aux cent mains].

568

131 – [ΛIγειρ]/[LIGEIR] [Ω]

Lexiques et commentaires grecs et byzantins

Localisation et archéologie

Pseudo-Arcadius (De accent. 21.1-3 = 133.6-8)

Il s’agit de la Loire, le plus long fleuve gaulois. Axe de communication majeur, il héberge le port des Carnutes, Cenabum-Orléans. Le fleuve a servi de trait de liaison entre le monde méditerranéen et la Gaule de l’Ouest dès la fin de l’âge du Bronze et tout au long de l’âge du Fer (Jannot 2006).

τὰ εἰς ειρ ὑπὲρ μίαν συλλαβὴν ἀσυνήθη μὲν, τὰ δὲ εὑρεθέντα βαρύνεται· Βέχειρ, Σάπειρ, Ἐλάζειρ, Λίγειρ, Ἐλάτειρ, ἑκατοντάχειρ, ἀντίχειρ. ixe siècle – Theognostos (Canones 41.23-31, § 225) τὰ εἰς ειρ λήγοντα, καὶ σπάνια καὶ ἀσυνήθη τῇ κοινῇ διαλέκτῳ, καὶ σχεδὸν ἐν σημειώσει· οἷον, τὸ Βέχειρ ὄνομα ἔθνους· Σάπειρ ὁμοίως· Ἀλάζειρ ὄνομα κύριον· Λίγειρ ὄνομα ποταμοῦ· Ἐλάτειρ ὁμοίως· τὸ χρυσέθειρ ἀπὸ τοῦ χρυσέθειρος ἀποκέκοπται· οἱ μεντοὶ Βοιωτοὶ πολλὴν ἴσασι τὴν ειρ κατάληξιν· καθὸ παρ’ αὐτοῖς εἴωθε τὸ η εἰς τὴν ει δίφθογγον τρέπεσθαι· τὸ γὰρ πένης πένεις γράφουσιν διὰ τῆς ει διφθόγγου· καὶ τὸ πατὴρ καὶ μήτηρ παρ’ ἡμῖν μὲν διὰ τοῦ η παρ’ αὐτοῖς δὲ διὰ τῆς ει διφθόγγου. xiiie siècle – Lexique du pseudo-Zonaras (1308.2) Λίγειρ· ὄνομα ποταμοῦ.

Commentaire La notice Becheir provient d’Oros, et intègre une information issue d’Hérodien. [Da] |1| Le nom du fleuve pouvait apparaître également

Le projet porté par J. Burnouf et intitulé « Interactions Hommes/Milieux dans le bassin versant de la Loire, tardiglaciaire-époque industrielle » a permis d’aborder toutes les problématiques liées au fleuve du point de vue géomorphologique et de son occupation par l’homme. L’apport des sciences de la terre et du paléoenvironnement est en effet totalement indispensable pour aborder ce type de milieu (Burnouf et al. 2001).

Chronologie des mentions iie s. av. : Polybe, Λίγηρ – ier s. av. : Jules César, Liger ; Tibulle, Liger – ier s. : Strabon, Λίγηρ ; Lucain, Liger ; Pline l’Ancien, Liger – iie s. : Ptolémée, Λίγειρ ; Hérodien gramm. ?, Λίγειρ – ive s. : Marcien, Λίγηρ. La forme la plus ancienne remonte à Polybe, sous la forme Ligêr, transcrit en latin par Liger. On trouve au iie siècle de notre ère une forme grecque avec diphtongue Ligeir.

dans la notice Ligures plutôt que dans une notice spécifique qui n’aurait probablement pas disparu. On trouve ici un certain nombre de comparaisons orthographiques, issue probablement d’Hérodien. C’est de lui que proviennent la forme du lemme et la détermination géographique du fleuve.

Bibliographie indicative

Le fleuve est mentionné par Polybe (34.10.6), Strabon (4.1.1 et 14, 4.2.1-3, 4.3.1-4, 4.4.1, 3, 5 et 6) et Marcien (Per. ext. 2.20-23 et 26) sous la forme Λίγηρ. Ptolémée (Geogr. 2.7.2-4 et 10, 2.8.1, 6, 9 et 11), comme Hérodien, écrit Λίγειρ.

Barrington Atlas : 14 D2 (Liger fl.) ; http://pleiades.stoa.org/places/138420

RE XIII, 1 (1926), col. 524 (s.v. Liger) Cramer ; Smith 1854 (s.v. Liger) ; Burnouf et al. 2001 ; Bats 2003, p. 153 ; Jannot 2006 ; Fichtl 2012, p. 32.

132 – ΛIγυρες/LIGURES [M]

569

132 – ΛIγυρες/LIGURES [M]

Peuple – Italie (Ligurie) (λ 61 Billerbeck)            Abrégé d’Artémidore Livre 29 ? – Troisième abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 12,1 % – taux théorique : 12 %). Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé et traduction Λίγυρες(a)· ἔθνος προσεχὲς τοῖς τυρρηνοῖς(b). ἀρτεμίδωρος ἐν ἐπιτομῇ τῶν ια΄. ἀπὸ λιγύρου(c) ποταμοῦ. a)  Λίγυρες RQ  :  Λίγυρος PN Aldus.- b)  :  τυρρηνοῖς PpcN : τυρηνοῖς RPac, τυρηννοῖς Q, τυρσηνοῖς susp. Bouiron ex Eust. c) λιγύρου QPN : λιγύρων R.

Λίγυρες· [Da] |1| ἔθνος προσεχὲς τοῖς Τυρρηνοῖς. |2| Ἀρτεμίδωρος ἐν Ἐπιτομῇ τῶν ια΄ [F 3 epit. Stiehle]. [Db] |3| ἀπὸ Λιγύρου

ποταμοῦ.

Ligures  :  [Da]   |1|  peuple voisin des Tyrrhéniens. |2| Artémidore, dans l’Abrégé des onze. [Db] |3| Ils sont nommés d’après le fleuve Liguros.

Lexiques et commentaires grecs et byzantins xiie  siècle – Eustathe de Thessalonique (Com. Dion. 76) ζῶσι δὲ ἀπὸ θρεμμάτων οἱ Λίγυες τὸ πλέον καὶ γάλακτος καὶ κριθίνων πομάτων. οὕτω δὲ σφενδονῶσιν, ὡς ἡ ἱστορία λέγει, ὥστε ὀρνέων ἐπιφανέντων διορίζονται εἰς ποῖον ἕκαστος βαλεῖ, ὡς πάντες τευξόμενοι. οἱ μέντοι παρὰ Τυρσηνοῖς Λίγυρες ἀπὸ Λίγυρος ποταμοῦ ὀνομάζονται. ἰστέον δ’ ὅτι ἐοίκασι καὶ Κολχικοί τινες Λίγυες εἶναι ἄποικοι τῶν Εὐρωπαίων, καὶ δηλοῖ ὁ Λυκόφρων, ἱστορῶν ἐν τοῖς Κόλχοις Κύταιαν Λιγυστικὴν πόλιν. Ἀριστοτέλης δὲ ἱστορεῖ τῶν τινας Λιγύων ἑπταπλεύρους πρός τινων λέγεσθαι, οὐ πιστεύων αὐτὸς τῷ τοιούτῳ λόγῳ, διὰ τὸ τοῖς ἀνθρώποις ἀνὰ ὀκτὼ ἑκατέρωθεν εἶναι πλευράς.

Commentaire La notice provient du lexique de Marcien. [Da]   |1-2|  le nom du peuple, situé à proximité des

Tyrrhéniens (c’est-à-dire les Étrusques), se trouve dans l’Abrégé d’Artémidore rédigé par Marcien. On notera toutefois qu’Eustathe de Thessalonique écrit Tursênoi au lieu de Turrhênoi dans son Commentaire à Denys le Périégète pour désigner les Étrusques, ce qui nous rapprocherait de la forme employée par Hécatée (voir notice

Aithalê [12]), mais il peut aussi y avoir eu une confusion avec Lycophron qui emploie effectivement cette forme. Bien que nous n’ayons pas de mention de cette forme rattachée à Artémidore dans l’Épitomé, nous avons hésité à faire cette correction et préférons garder la forme traditionnelle. Est-ce qu’Artémidore indiquait le nom des Ligures sous cette forme ? Cela reste vraisemblable. Du même auteur on trouve la mention des Ligures pour les notices Dertôn [71], Genoa [62], Plakentia [177]  et Stouinos [206]. L’indication de ‘proche des Tyrrhéniens’ se conçoit d’un point de vue géographique. Eutrope (Brev.  3.8) mentionne ce peuple sous la forme Λίγουρες. [Db]] |3| Le nom du fleuve qui semble être à l’origine

du peuple provient d’un auteur non mentionné dans ­l’Épitomé mais qui peut parfaitement être Artémidore. Ceci implique peut-être un fleuve de ce nom dans la même aire géographique, mais l’auteur, quel qu’il soit d’ailleurs, pouvait tout aussi bien faire référence à la Loire dont le nom apparaissait proche. L’extrême concision du troisième abrégé ne permet pas de certitude. [Dc]  absent  :  Bien que la notice résumée n’en ait pas

gardé de trace, il existe d’autres formes dérivées. Ainsi, Λιγύρων est le nom que portait Achille à sa naissance (pseudo-Apollodore Bibl. 3.172). La forme Λιγυρία se trouve chez Dioscoride (De materia medica 1.8.1, 2.9.1 ; idem chez Oribase) qui mentionne « ἐν ταῖς κατὰ Λιγυρίαν Ἄλπεσιν, dans les Alpes depuis la Ligurie ». De même, on trouve en 3.51.1  :  «  λιγυστικόν· φύεται μὲν πλεῖστον ἐν Λιγυρίᾳ, ὅθεν καὶ τὴν ὀνομασίαν ἔσχηκεν, ἐν τῷ καλουμένῳ Ἀπεννίνῳ· ὄρος δέ ἐστιν ὁμοροῦν ταῖς Ἄλπεσι ; ligustikon : il en pousse beaucoup en Ligurie, d’où il a tiré son nom, et dans le dénommé Apennin, montagne qui est proche des Alpes ». La forme Λιγουρία (et ses dérivés) est attestée dans l’entête (tardif ) du livre V de Strabon, chez Ptolémée (Geogr. 3.1.3 : « Λιγουρίας, κατὰ δὲ Ἕλληνας Λιγυστικῆς, παρὰ τὸ Λιγυστικὸν πέλαγος, Ligurie, selon les Grecs Ligystique, près de la mer Ligystique » et 40-41) et Sozomène (Hist.

570

133 – ΛIγυες/LIGUES [Λ]

eccl. 9.12.4). Constantin Porphyrogénète (De legat. p.  110-111, 494 et 502) l’utilise dans un contexte de l’époque justinienne.

Localisation et archéologie Les Ligures qui apparaissent ici dans leur attestation grecque la plus ancienne correspondent aux habitants de la région romaine de la Ligurie. On distinguera bien ce nom de celui des Ligyens, même s’ils occupent partiellement le même espace géographique. Le nom que l’on trouve dans cette notice est tiré de l’Abrégé d’Artémidore et provient directement de la forme latine (ce même auteur parle aussi d’Hispania même s’il emploie Ibêria de façon courante). Nous rejoignons ici ce que proposait P. Arnaud (Arnaud 2001, repris par Thollard 2009, p. 132) : il existait une tradition latine de l’information concernant les Ligures qui n’est pas celle des Grecs. Cette tradition latine est certainement issue des auteurs grecs au départ (la racine du nom est semblable) mais l’approche romaine se fait depuis l’intérieur de l’Italie, en remontant vers le nord en direction des Alpes alors que celle des Grecs est centrée sur Marseille et ses comptoirs commerciaux.

Quoiqu’il en soit, cette notice se trouvait en lien avec celles des villes véritablement ligures que signalait également Artémidore et qui sont donc hors du cadre de notre corpus.

Chronologie des mentions iie s. av. : Artémidore (Abrégé de Marcien), Λίγυρες – ier  s.  :  Pline l’Ancien, Ligures ; Dioscoride, Λιγυρία – iie s. : Ptolémée, Λιγουρία – ive s. : Eutrope, Λίγουρες – ve s. : Sozomène, Λιγουρία. La forme provient du nom romain ; ses attestations en grec se rapportent à la Ligurie italienne.

Bibliographie indicative RE XIII, 1 (1926), col.  525-534 (s.v.  Ligures) Weiss  ; Smith 1854 (s.v. Liguria) ; Arnaud 2001 ; Bats 2003, p. 153 ; Melli 2004 ; Thollard 2009, p. 130-136. Barrington Atlas : 39 D4 (Liguria) ; http://pleiades.stoa.org/places/383698

133 – ΛIγυες/LIGUES [Λ]

Peuple – Hispanie Gaule (Narbonnaise) (λ 62 Billerbeck)            [D] Théopompe ? Lycophron Livre 29 ? – Troisième abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 12,1 % – taux théorique : 12 %). Nous avons dissocié cette notice en deux fiches (n° 133 et 134) de manière à faire ressortir la forme de Ligues ; au niveau du lexique, cette césure est totalement artificielle.

Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé avec l’apport des lexiques et traduction Λιγυστίνη· πόλις λιγύων(a) τῆς δυτικῆς ἰβηρίας ἐγγὺς καὶ τῆς ταρτησσοῦ(b) πλησίον. οἱ οἰκοῦντες λίγυες καλοῦνται, (c). < λιγυστίνους ὁ λυκόφρων φασί>(d). a) λιγύων QPN : λιγύρων R. b) ταρτησσοῦ Q : ταρτησοῦ R, ταρσοῦ PN. c) ἀπὸ Λίγυος … ἀνῃρέθη add. Bouiron (e Tzetzes, Eust.). d) οὓς λιγυστίνους ὁ λυκόφρων φησί add. Bouiron (ex Eust.).

Λιγυστίνη· [A]  |1|  πόλις Λιγύων τῆς δυτικῆς Ἰβηρίας ἐγγὺς καὶ τῆς

Ταρτησσοῦ πλησίον.

[D]  |2|  οἱ οἰκοῦντες Λίγυες [Théopompe  ?]  καλοῦνται, [Db] .

[Dc] |3| .

Ligustinê :  [A] |1| ville des Ligyens proche de l’Ibérie occidentale et voisine de Tartessos. [D] |2| Le nom des habitants est Ligues, [Db] . [Dc] |3| .

133 – ΛIγυες/LIGUES [Λ]

Lexiques et commentaires grecs et byzantins Nous donnons ci-après les mentions se rapportant aux formes Ligues, Ligustios, Ligustikos et Ligustides. Les mentions de la forme Ligustinos se trouvent dans la notice Ligustinê [134]. Forme Ligues Hermias, scholie Platon Phèdre (p. 48-49) ἰστοροῦσι γὰρ ὅτι ἔθνος τι πρὸς ἑσπέραν, τὸ Λιγύων οὕτω καλούμενον, οὕτως ἄγαν μουσικώτατόν ἐστιν ὡς μηδὲ ἐν τοῖς πολέμοις πανστρατιᾷ μάχεσθαι, ἀλλὰ τὸ μέν τι τοῦ στρατεύματος ἀγωνίζεσθαι, τὸ δὲ ᾄδειν πολεμοῦντος τοῦ λοιποῦ. τὸ δὲ « δι’ ᾠδῆς εἶδος λίγειαι », ὅ ἐστι τῆς ἐνεργείας, οὐχ ὅτι εἶδός ἐστι μουσικῆς τὸ Λιγύων, ὡς τὸ Δώριον ἢ Φρύγιον, ἀλλ’ ὅτι ἐν παντὶ εἴδει μουσικῆς τὸ λιγυρὸν καὶ ἡδὺ ἐπιφαίνεται, ὡς καὶ θέλγειν τὴν ψυχὴν καὶ κηλεῖν. Scholia in Platonem (schol. vet., Phaedr., 237a) Λιγύων. ἔθνος τι ἠπειρωτικὸν τῶν ἑσπερίων οὕτω μουσικώτατον τὸ Λιγύων εἶναί φασιν, ὡς καὶ μηδ’ ἐν τοῖς πολέμοις πανστρατιᾷ μάχεσθαι, ἀλλὰ τὸ μέν τι τοῦ στρατεύματος πολεμοῦντος ἀγωνίζεσθαι, τὸ δὲ ᾄδειν. xiie siècle – Eustathe de Thessalonique (Com. Dion. 76) ὅτι μετὰ τοὺς Μασσαλιώτας οἱ Λίγυες, οὓς Λιγυστίνους ὁ Λυκόφρων καλεῖ. ὀνομάζονται δὲ οὕτως ἀπὸ Λίγυος ἀνδρὸς, ὃς τὸν Ἡρακλέα ἐκώλυεν εἰς τὰς Γηρυόνου βοῦς ἀπιόντα· ὅτε καί φασιν οἱ μῦθοι ὡς ἐπέλιπε μὲν τὸν Ἡρακλέα πᾶν ἀμυντήριον βέλος, ὁ δὲ ηὔξατο τῷ Διὶ ἐπαμῦναι· κἀκεῖνος ἀναγαγὼν νεφέλην λίθους ἄνωθεν ὗσεν, ἐξ ὧν καὶ τὸ λίθινον πέδον μεταξὺ Μασσαλίας καὶ Ῥηγίνης, μεστὸν χειροπληθῶν λίθων, οὓς ὑπὸ κεραυνῶν συνεχῶν ἢ τυφωνικῶν ἀναθυμιάσεων διαρραγῆναί φασιν οἱ σοφοὶ, καὶ ἐκ πλακώδους συνεχείας κατακερματισθῆναι εἰς μικρὰ, τὸν μῦθον ἀφέντες ληρεῖν ἃ θέλει. ζῶσι δὲ ἀπὸ θρεμμάτων οἱ Λίγυες τὸ πλέον καὶ γάλακτος καὶ κριθίνων πομάτων. οὕτω δὲ σφενδονῶσιν, ὡς ἡ ἱστορία λέγει, ὥστε ὀρνέων ἐπιφανέντων διορίζονται εἰς ποῖον ἕκαστος βαλεῖ, ὡς πάντες τευξόμενοι. Forme Ligustios xiie siècle – Eustathe de Thessalonique (Com. Dion. 69) ὅτι ὁ Ἰβηρικὸς κόλπος Εὐρώπης ἐστὶν ἀρχὴ καὶ Λιβύης· μέσος γάρ, φησιν, ἑλίσσεται ἀμφοτέρων, οὗ παρὰ πλευραῖς καὶ αἱ τοῦ Ἡρακλέος κεῖνται στῆλαι. τὸν δὲ μετεκδέχεται Γαλάτης ῥοῦς, ἤτοι τὸ Γαλατικὸν πέλαγος· ἀντὶ κτητικοῦ γὰρ εἴρηται, ὥσπερ καὶ Αἰσχύλος Σκύθην οἶμον λέγει τὸν Σκυθικόν. ὅρα δὲ ὅπως ἐν ὅλῳ τῷ παρόντι χωρίῳ

571 εὐφυῶς καὶ ἐπικαίρως τοῖς παρίσοις ἤτοι τοῖς ἰσοκαταλήκτοις ῥήμασι συχνῶς χρῆται ὁ Διονύσιος, τὴν ὑπτιότητα καὶ ἀνάπτωσιν τῆς περιηγητικῆς ἀφηγήσεως ἀνιστῶν τῷ κάλλει καὶ τῇ γοργότητι ἐν τῷ λέγειν « πόντος Ἰβηρικὸς ἐγκέχυται » καὶ « μέσσος ἑλίσσεται » καὶ « Λιγυστιὰς ἕλκεται ἅλμη  » καὶ «  ἐπὶ Κύρνον ἐρεύγεται ἁλμυρὸν ὕδωρ  » καὶ «  Σαρδόνιος μορμύρεται πόντος  » καὶ « ὠρύεται Τυρσηνὶς θάλασσα » καὶ « κυρτὸς ἐπιστρέφεται Σικελὸς ῥόος » καὶ ἄλλα τοιαῦτα. σκόπει δὲ καὶ τὴν ἐν τοῖς ὀνόμασιν ἐπίχυσιν καὶ ποριμότητα τοῦ ποιητοῦ, ἐν τῷ « πόντος Ἰβηρικὸς » καὶ « Γαλάτης ῥόος » καὶ « Λιγυστιὰς ἅλμη » καὶ « Κύρνιον ἁλμυρὸν ὕδωρ » καὶ « Τυρσηνίδος οἶδμα θαλάσσης ». Forme Ligustikos xe siècle – Souda (α 711 Adler = Excerpta Constant. ; λ 508) Ἀθέατος· μὴ τεθεαμένος. ὢν γὰρ εἰς τέλος ἀθέατος τῆς Ἑλλάδος διὰ τοὺς ἐν Ἰβηρίᾳ πολέμους κατὰ τοὺς ἐν Λιγυστικοῖς, προῆγεν ἐπὶ τὴν Ἑλλάδα. Λιγυστικὸν πέλαγος. ǁ καὶ Λιγυστικός, τόπος ἐν Ἰβηρίᾳ. ǁ καὶ ζήτει ἐν τῷ ἀθέατος. xiiie siècle – Lexique du pseudo-Zonaras (1131.16) Λιγυστικόν. πέλαγος. xiie siècle – Eustathe de Thessalonique (Com. Dion. 78, 82-83 et 458) λέγονται δὲ Αὔσονες ἀπὸ Αὔσονος, ὃς πρῶτος τῶν κατὰ Ῥώμην βασιλεῦσαι πρός τινων ἱστορεῖται, Ὀδυσσεῖ γεγονὼς ἐκ τῆς Κίρκης, ἢ, κατὰ τὸν τὰ Ἐθνικὰ γράψαντα, ἐκ Καλυψοῦς γεννηθεὶς τῷ Ἄτλαντι, ἀφ’ οὗ καὶ τὸ Σικελικὸν πέλαγος Αὐσόνιον ἐκλήθη ποτέ. λέγει δὲ αὐτοὺς παρὰ τὸν Λιγυστικὸν εἶναι κόλπον, ἀρξαμένους ἀπὸ βορέου, καὶ διήκοντας ἕως τῆς Λευκῆς Πέτρας, ἧς καὶ ἐν τοῖς ἑξῆς μεμνήσεται. (…) ὅτι οὐ μόνον Σαρδώ ἡ νῆσος, ὡς τὸ Σαπφώ, ἀλλὰ καὶ Σαρδών Σαρδόνος, ὡς τρυγόνος, ἐξ ἧς ὁ Σαρδόνιος κόλπος, ὁ μετὰ τὴν Κύρνον. περὶ δὲ Σαρδόνος καὶ Κύρνου ἐν ἰδίῳ τόπῳ ῥηθήσεται. φαίνεται δὲ μετὰ τὸ Λιγυστικὸν εἶναι καὶ Κύρνιον πέλαγος, τὸ περὶ τὴν Κύρνον νῆσον· ἐνδοτέρω δὲ τούτου τὸ Σαρδόνιον. ὅτι μετὰ τὸν Σαρδόνιον κόλπον θάλασσα πρὸς νότον ἡ Τυρρηνὶς, καλουμένη οὕτως, διότι παράκεινται αὐτῇ πρὸς βορρᾶν οἱ Τυρρηνοὶ, καθάπερ οἱ Γαλάται τῇ Γαλατικῇ, καὶ οἱ Λίγυες τῇ Λιγυστικῇ, καὶ διὰ τὸ τοὺς Τυρρηνοὺς πειράτας ποτὲ γενομένους αὐτόθι συνιστᾶν τὰ λῃστήρια· ἐκεῖθεν δὲ πρὸς ἡλίου, φησὶν, αὐγὰς κυρτὸς ἐπιστρέφεται ὁ Σικελικὸς ῥόος, μέχρι τοῦ τε Παχύνου, ἀνατολικοῦ ἀκρωτηρίου Σικελικοῦ, καὶ τοῦ κατὰ Κρήτην Κριοῦ μετώπου. (…)

572 ὅτι ἐν τῷ Λιγυστικῷ πελάγει μέγισται νῆσοι μετὰ Σικελίαν ἡ Σαρδὼ καὶ ἡ Κύρνος· διὸ καὶ ὁ Διονύσιος εὐρυτάτην καλεῖ τὴν Σαρδώ. xiie siècle – Jean Tzétzès (schol. Lycophr. v. 649 et 1312) Λιβυστικὸν *δὲ* καὶ Λιγυστικὸν τὸ αὐτό ἐστι. Λιβυστικὸν μὲν λέγεται ἀπὸ Λιβύης τῆς Ἐπάφου θυγατρὸς Λιγυστικὸν δὲ ἀπὸ Λίγυος τοῦ Ἀλεβίωνος ἀδελφοῦ, ὃς Ἡρακλέα κωλύων ἀπερχόμενον ἐπὶ τὰς Γηρυόνου βοῦς ἀνῃρέθη. (…) Λιγυστικὴν· ἡ Κύταια πόλις Κολχίδος ἐστίν, οἱ δὲ Κόλχοι ἔθνος ἐστὶ Λαζικόν, ὡς ἔφην ὄπισθεν πλατέως, πλησίον Ἀβασγῶν κείμενοι· ἡ δὲ Λιβύη καὶ τὸ Λιγυστικὸν κλίμα, ὃ ἐκλήθη ἀπὸ Λίγυος τοῦ Ἀλεβίωνος ἀδελφοῦ τῆς Κυρήνης καὶ Καρχηδόνος καὶ Ἀλεξάνδρου εἰσίν. ὁ δὲ Λυκόφρων οὗτος καινοτομῶν τὰ πολλὰ καὶ τὴν Κολχικὴν Λιγυστικὴν καλεῖ T. ὁ δὲ Λίγυς οὗτος κωλύων Ἡρακλῆ ἐπὶ τὰς Γηρυόνου βοῦς ἀνελθεῖν ἀνῃρέθη. καὶ κατὰ μὲν τοὺς μὴ εἰδότας διαίρεσιν κλιμάτων, ἀλλὰ τὴν αὐτὴν δοκοῦντας Λιβυστικὴν καὶ Λιγυστικὴν οὕτως εἴπομεν ἔχειν, κατὰ δὲ τὴν ἀκρίβειαν Λιβυστικὰ μέρη εἰσίν, ἵναπερ νῦν εἴπομεν, οἱ δὲ Λίγυες τὴν παραλίαν ἀπὸ Τυρσηνίδος μέχρι τῶν Ἄλπεων καὶ ἄχρι Γαλατῶν νέμονται, ὥς φασι Δίων καὶ ἄλλοι ἀκριβέστατοι ἱστορικοὶ συγγραφεῖς τε καὶ γεωγράφοι. Forme Ligustides iie siècle ? – Scholia in Apollonium Rhodium (schol. vet., 4.552-556) b νήσους τε Λιγυστίδας· περὶ τὴν Ἰταλίαν εἰσὶ τρεῖς Λιγυστιάδες καλούμεναι, διότι οἰκοῦνται ὑπὸ τῶν Λιγύων· Στοιχάδες δὲ διὰ τὸ στοίχῳ τετάχθαι.

Commentaire La notice est issue du lexique-source. [A] |1| Voir la fiche [134]. [D] |2| Le nom des habitants, Ligyens (Ligues), provient

sans doute de la même source que les géonymes que nous plaçons chez Théopompe (cf. notice Ipsikouroi [112], Agathê [2] et Batetara [45]). C’est sans doute ici que prenait place, chez Stéphane de Byzance, toutes les mentions se rapportant au nom de ce peuple. On le trouve chez Apollonios de Rhodes (Argon. 4.647), Thucydide (6.2.2), Plutarque (Fab. 2.1 ; Aem. 6.2, 18.2, 31.5, 39.8 ; Mari. 15.5, 19.5 et 7), Hérodote (5.9, 7.72 et 7.165), Diodore de Sicile (4.20.1, 21.1 ; 5.39.1 et 7 ; 16.73.3 ; 21.3.1), le pseudo-Scylax (3-4), le pseudo-Scymnos (v. 202), Denys d’Halicarnasse (1.10.3, 13.4, 22.2 (d’après Thucydide ?) et 5, 40.3, 41.3, 89.3 ; 7.72.12), Eschyle (fr. 199 ; Tetralog.

133 – ΛIγυες/LIGUES [Λ] fr. 326a et b), Aristote (Hist. animal.  493b), le pseudo-Aristote (Mirab. ausc. 837b), Strabon (2.5.28 et 30, 4.1.3, 5, 7 et 9-10, 4.6.1-4 et 6, 5.1.3 et 10-12, 5.2.5), Hésiode (d’après Strabon 7.3.7), Dion Cassius (12.2.5 ; 18.58.6 ; 54.24.3 ; 60.23.3 ; 73.3.1), Pausanias (1.30.3), Julius Pollux (Onomast. 2.167), Polybe (12.28a.3-4, 34.10.18), le pseudo-Apollodore (Bibl. 1.134) et Appien (Iber. 151 ; Annib. 227 ; Lib. 26, 69, 133, 135, 169, 186, 235-236 et 260 ; Numid. 3.1). L’adjectif Λίγυς, -υος est employé seulement par Plutarque (Aem. 6.1) et Dion Cassius (12.45.1 ; 18.58.5). Le ktétique Λιγυστικός, -ή, -όν se trouve chez Sophocle (Triptolème fr. 598, chez Denys d’Halicarnasse 1.12.2, 41.3), Eschyle (Tetralog. fr. 326b), Aristote (Meteor. 368b), Agathémère (Geogr. 9), Strabon (2.4.3, 2.5.19, 4.6.6, 5.1.4), Ptolémée (Geogr. 3.1.3 et 69, 3.2.1, 8.8.2), Polybe (29.14.4) et Élien (De nat. animal.  13.16). Diodore de Sicile (4.19.4  ; 11.1.5  ; 29.14.1), Aristote (Meteor. 351a), le pseudo-Aristote (Mirab. ausc. 837b), Agathémère (Geogr. 9), Theophraste (De lapid. 16 et 29), Strabon (2.1.40, 2.5.19 et 28-29, 3.4.17, 4.1.1 et 12, 4.6.9, 5.1.1, 3-4, 12 et 19, 5.2.1 et 5, 6.4.2), Ptolémée (Geogr. 3.1.1, 8.9.2), Polybe (2.31.4) et le pseudo-Scymnos (v. 211 et 217) l’emploient sous une forme substantive pour désigner le pays des Ligues (χώρα est alors sous-entendu) ou la partie de la Méditerranée qui longe leur territoire. Plusieurs mentions chez les scholiastes désignent la mer Ligystique  ; nous ne l’avons pas fait apparaître supra, mais on le trouve dans les scholies à Denys le Périégète (v.  32, 56 et 81) ou dans les scholia vetera à l’Iliade d’Homère (21.196). Ptolémée (Geogr. 3.1.3), précise : « Λιγουρίας, κατὰ δὲ Ἕλληνας Λιγυστικῆς, παρὰ τὸ Λιγυστικὸν πέλαγος. Ligurie, chez les Grecs Ligystique, auprès de la mer Ligystique »). On trouve également des occurrences dans les textes des médecins (Dioscoride, Archigenes, Paulus, Aëtius, Aretaeus, Oribase) et en particulier Oribase (Collect. Med. 11.λ.10) : « Λιγυστικὸν· φύεται μὲν πολὺ ἐν Λιγυστίᾳ, πάνακες δ’ αὐτὸ καλοῦσιν οἱ ἐπιχώριοι οὐκ ἀλόγως· ἥ τε γὰρ ῥίζα προσέοικε τῇ τοῦ Ἡρακλεωτικοῦ πάνακος, καὶ ἡ δύναμις ὁμοία καθέστηκε· τὸ δὲ σπέρμα μέλαν, ναστόν, ὑπόμηκες πρὸς τὸ τοῦ μαράθου, γευσαμένῳ δριμύ. ». Voir chez Stéphane de Byzance les notices Ampelos [25], Arbaxanoi [27], Eubioi [88], Ipsikouroi [112], Massalia [144], Medmê [150], Monoikos [154], Olbia [167], Purra [181]. On pouvait trouver à la suite de la notice les différentes formes comme Λιγυστίς, -ίδες employé par Apollonios de Rhodes (Argon. 4.553, cf. notice Stoichades [205]) ou Euripide, Troiades, v. 437 : « Κύκλωψ Λιγυστίς » ;

133 – ΛIγυες/LIGUES [Λ] Λιγυστιός, -ή, -όν chez Denys le Périégète (v. 76) et chez Stéphane de Byzance les notices Agathê [2] et Athênai [8]. Le troisième abrégé aura été fatal à toutes ces variantes. On a mis en relation ce nom avec une voix haut perchée ; l’adjectif grec s’écrit sous la forme « λιγυρός, ά, όν » ou « λιγύς, λίγεια, λιγύ » (voir dans le TLG toutes les mentions, nombreuses depuis Homère). On renverra en particulier à Platon (Phèdre 237) : « Ἄγετε δή, ὦ Μοῦσαι, εἴτε δι’ ᾠδῆς εἶδος λίγειαι, εἴτε διὰ γένος μουσικὸν τὸ Λιγύων ταύτην ἔσχετ’ ἐπωνυμίαν. Venez donc à ma voix, muses, soit que vous deviez ce surnom au caractère de vos chants, ou que vous l’ayez emprunté aux Ligyens, enfants de l’harmonie » (trad. V. Cousin), repris par Denys d’Halicarnasse (De Demosthenis dictione, 7).

Localisation et archéologie Les mentions du peuple des Ligyens remontent au moins au vie siècle av. J.-C. (nous laissons de côté la mention d’Hésiode, voir Thollard 2009, p. 129). Nous ne les reprendrons pas ici, car elles concernent surtout des attestations littéraires peu explicites d’un point de vue géographique. Si l’on prend pour point de départ Hécatée, la Ligystique, pays des Ligyens, est clairement attestée au nord des Ibères (et on peut supposer à peu près au-delà des Pyrénées). Nous ne connaissons pas leur extension exacte vers l’est mais ils viennent au contact des Tyrrhéniens, c’est-à-dire des Étrusques. La modification de la délimitation entre Ibères et Ligyens intervient un peu plus tard ; elle est effective au moment où Pythéas entreprend son voyage. Si l’on considère que les mentions de Théopompe se rapportent au navigateur marseillais, on a une indication un peu précise de la présence des Ligyens dans la péninsule ibérique, peut-être assez loin vers le sud si Ligustinê se trouve bien près de l’antique Tartessos. Les Ligyens correspondent donc aux Celtes bordant la Méditerranée, y compris pour ceux d’Ibérie. Au vi e siècle, la connaissance qui se développe des peuples occupant les bords de l’Atlantique, aussi bien dans la péninsule ibérique, de l’autre côté du détroit de Gibraltar, qu’en Gaule, amène progressivement la compréhension qu’il s’agit d’un même ensemble ethnique, les Celtes. Le nom générique donné à tous ces peuples, qui reprend celui du peuple des Keltikoi, situé dans le sud du Portugal actuel, montre bien que l’extension onomastique s’est faite en remontant la côte atlantique, par opposition avec les Ligyens de Méditerranée. Les

573 observations de Pythéas, astronome, ont dû être fondamentales pour prouver que la Celtique longée par l’Atlantique et la Gaule centrale, connue par ses liens avec les Marseillais, étaient bien corrélées avec les peuples connus depuis la Méditerranée. C’est à partir de cette époque, et probablement autour du iiie siècle que l’on trouve les mentions, bien éphémères, de Celtoligyens, peut-être en lien avec Timée. Le travail mathématique et cartographique d’Ératosthène au iiie siècle av.  J.-C. vient figer un état de connaissance directement tiré de Pythéas et complété en particulier par Timosthène de Rhodes. C’est avec Polybe puis Artémidore que la connaissance se précise. Chez le premier, on parle encore de Ligystique ; chez le second, ce sont des Celtes et seule subsiste la notion, romaine cette fois-ci, de la Ligurie italienne. Strabon reste quant à lui dans la lignée exacte d’Artémidore. Dès lors, toute la Gaule est considérée comme celtique.

Chronologie des mentions vie s. av. : Hécatée, Λίγυες, Λιγυστική – ve s. av. : Eschyle, Λίγυες, Λιγυστικόν  ; Sophocle, Λιγυστική  ; Hérodote, Λίγυες ; Thucydide, Λίγυες – ive s. av. : Platon, Λίγυες ; Aristote, Λίγυες  ; Theopompe/Pythéas ?, Λίγυες  ; pseudo-Scylax, Λίγυες  ; Théophraste, Λιγυστική – iiie  s. av.  :  Lycophron, Λιγυστῖνοι  ; Apollonios de Rhodes, Λίγυες, Λιγυστίδες – iie s. av. : Polybe, Λίγυες, Λιγυστική, Λιγυστίνη, Λιγυστινοὶ  ; pseudo-Scymnos, Λίγυες, Λιγυστική – ier s. av.  :  Diodore de Sicile, Λίγυες, Λιγυστική, Λιγυστῖνοι  ; Denys d’Halicarnasse, Λίγυες, Λιγυστική – ier s. : Strabon, Λίγυες, Λιγυστική, Λιγυστικόν (Λιγυστῖνοι)  ; Dioscoride, Λιγυστικόν – iie s. : Plutarque, Λίγυες (Λιγυστῖνοι) ; Denys le Périégète, Λιγυστία  ; Appien, Λίγυες, Λιγυστίνη, Λιγυστῖνοι  ; Ptolémée, Λιγυστική, Λιγυστικόν ; Pausanias, Λίγυες – iiie  s.  :  Élien, Λιγυστικόν, Λιγυστῖνοι  ; Dion Cassius, Λίγυες, Λιγυστική – ive  s.  :  Julien, Λίγυες  ; Oribase, Λιγυστικόν, Λιγυστία ; Épiphane de Salamine, Λιγυστινοὶ – ve s. : Socrate, Λίγυες – vie s. : Zosime, Λιγυστική. Les formes utilisées sont assez stables ; nous renvoyons à P. Arnaud (Arnaud 2001, p.  330) et P. Thollard (Thollard 2009, p.  129-130) pour l’analyse des formes lexicales.

Bibliographie indicative RE XIII, 1 (1926), col.  525-534 (s.v.  Ligures) Weiss  ; Smith 1854 (s.v. Liguria) ; Arnaud 2001 ; Bats 2003 ; Garcia 2004 ; Thollard 2009, p. 125-145.

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134 – ΛιγυστIνη/LIGUSTINÊ [Λ]

134 – ΛιγυστIνη/LIGUSTINÊ [Λ]

Ville – Hispanie (Bétique) (λ 62 Billerbeck)            Théopompe ? Livre 29 ? – Troisième abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 12,1 % – taux théorique : 12 %). Nous avons dissocié cette notice en deux fiches (n° 133 et 134) de manière à faire ressortir la forme de Ligues ; au niveau du lexique, cette césure est totalement artificielle.

Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé et traduction Voir la fiche [133]. Λιγυστίνη·

Κύταιαν· Κύταια πόλις Κολχίδος, οἱ δὲ Κόλχοι ἔθνος πλησίον Λιγυστίνων. (…)

[A] |1| πόλις Λιγύων [Théopompe ?] τῆς δυτικῆς Ἰβηρίας

ἐγγὺς καὶ τῆς Ταρτησσοῦ πλησίον.

Λιγυστίνοισι· δεινὴν πάλην τοῦ δόρατος τοῖς Λιγυστίνοις καὶ τοῖς ἀφ’ αἵματος τῶν Θρᾳκῶν Γιγάντων τὴν ῥίζαν ἔχουσιν ἐν τῇ μάχῃ μίξαντες.

[D]  |2|  οἱ οἰκοῦντες Λίγυες [Théopompe  ?]  καλοῦνται, [Db] .

[Dc] |3| < Λιγυστίνους ὁ Λυκόφρων φησί>.

Ligustinê :  [A] |1| ville des Ligyens proche de l’Ibérie occidentale et voisine de Tartessos. [D] |2| Le nom des habitants est Ligues, [Db] . [Dc] |3| < Lycophron les appelle Ligustinoi>.

Lexiques et commentaires grecs et byzantins Tous les textes concernent le peuple des Ligyens (voir fiche [133]). Nous donnons ici ceux se rapportant à la forme Ligustinos. Forme Ligustinos xe siècle – Souda (μ 360 Adler) Μεγαλεῖον· μεγαλοπρεπές. οἱ δὲ τῷ Μάγωνι προσπολεμοῦντες τῶν Λιγυστίνων πρᾶξαι μὲν ὁλοσχερές τι καὶ μεγαλεῖον οὐχ οἷοί τ’ ἦσαν (très certainement d’après Appien Lib.). xiie siècle – Eustathe de Thessalonique (Com. Dion. 76) ὅτι μετὰ τοὺς Μασσαλιώτας οἱ Λίγυες, οὓς Λιγυστίνους ὁ Λυκόφρων καλεῖ. xiie  siècle – Jean Tzétzès (schol. Lycophr. v.  1312 et 1356) Κύταια· οἱ Λιβυστῖνοι γὰρ ἔθνος παρακείμενον Κόλχοις. Λιβυστῖνοι ἔθνος παρακείμενον Κόλχοις, ὡς Διόφαντος ἐν Πολιτικοῖς.

La notice provient du lexique-source. [A] |1| La détermination d’une ville des Ligyens dans la région de Tartessos est assez énigmatique. On pourrait penser qu’Hécatée soit la source utilisée mais à aucun moment il ne signale de Ligyens dans la péninsule ibérique. La référence à Tartessos implique malgré tout un auteur ancien, probablement antérieur au milieu du iiie siècle av. J.-C. La mention d’un étang portant le même nom chez Aviénus (v.  280) rend vraisemblable cette source ancienne. La détermination géographique qui se fait avec un rattachement au peuple des Ligyens (et par comparaison avec Tartessos) est caractéristique de Théopompe. Dans l’étude que nous avons faite des mentions trouvées chez cet auteur, nous pensons pouvoir retrouver la mention du voyage de Pythéas dans le livre XLIII des Philippiques et attribuer à ce récit la mention de cette ville.

La forme «  Λιγυστῖνοι  » pour désigner les Ligues se rencontre chez quelques auteurs, comme le précise Plutarque (Aem. 6.1) : « ὁ δ’ Αἰμίλιος ὕπατος ἀποδειχθεὶς ἐστράτευσεν ἐπὶ τοὺς παραλπίους Λίγυας, οὓς ἔνιοι καὶ Λιγυστίνους ὀνομάζουσι, μάχιμον καὶ θυμοειδὲς ἔθνος, ἐμπείρως δὲ πολεμεῖν διδασκόμενον ὑπὸ Ῥωμαίων διὰ τὴν γειτνίασι. Paul-Emile, élu consul, fit une expédition contre les Ligures, nation limitrophe des Alpes, que quelquesuns appellent aussi Ligustinoi  » (trad. Latzarus). On la trouve ainsi chez Diodore de Sicile (25.2.2 repris de Polybe 11.19.4), Strabon (4.6.2 à propos des tuniques appelées ligystinoi), Lycophron (Alex. v.  1356), Élien (De nat. animal. 7.12, lu Αἰγυπτινοι dans la traduction

134 – ΛιγυστIνη/LIGUSTINÊ [Λ] latine de Fr. Jacobs), le pseudo-Apollodore (Bibl. 2.109, à propos du dixième des travaux d’Hercule : les bœufs de Géryon), Appien (Lib. 34 et 96 ; Mithr. 434) mais surtout Polybe (1.17.4, 1.67.7, 2.16.1, 3.33.16, 3.41.4, 7.9.6-7, 11.19.4, 15.11.2, 33.8.2, 33.9.1 et 3, 33.10.12 ; fr. incert. 180). D. Marcotte propose de corriger ainsi le texte du pseudo-Scymnos (v. 211 et 217).

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sans doute de la même source. C’est ici que pouvait se placer, chez Stéphane de Byzance, toutes les mentions se rapportant au nom de ce peuple (voir fiche [133]).

p.  307). Nous faisons de τῆς δυτικῆς un complément d’Ἰβηρίας mais T. Braun traduit « a Ligurian city of the west, adjoining Iberia and close to the Tartessos », faisant de Tartessos le nom d’un fleuve (= le Guadalquivir) (Braun 2004, p. 307). Compte tenu de l’article génitif féminin, il nous semble qu’il faut plutôt restituer ἡ πόλις que τὸ ποταμὸς. La ville de Ligustinê, dans l’orbite de Tartessos comme le précise bien la notice de l’Épitomé, nous semble de fait plutôt proche du bord de mer. Cette localisation correspondrait également mieux à une description que peut faire le navigateur Pythéas s’il est bien à l’origine de la mention.

Localisation et archéologie

Chronologie des mentions

[D] |2| Le nom des habitants, Ligyens (Ligues), provient

A. Schulten propose de localiser Ligustinê à Hasta Regia (Schulten 1945, p. 111). La ville doit être mise en relation avec le lacus Ligustinus d’Aviénus (v. 280), que la description versifiée autorise à placer à peu de distance de Gades. Il s’agit probablement du vaste étang, en connexion avec la mer, qui correspondait à l’arrivée du Guadalquivir vers la mer. Désormais entièrement disparu, on a pu démontrer son existence dans l’Antiquité par l’étude géomorphologique de cette zone (Domínguez Maccaro, García Fernández 2007 ; Ménanteau 2008). Il existe encore au Moyen Âge et à l’Époque moderne ce que l’on appelle les Marismas ; ils en constituent les derniers vestiges marécageux. Ce « lac » apparaît sur les cartes de l’Atlas de la historia del territorio de Andalucía disponible sur internet (voir référence ci-dessous). Il semble exister encore au ier siècle de notre ère car Pomponius Mela (3.5) le mentionne effectivement comme lacus. Toutefois T. Braun y voit plutôt une mention se rapportant aux lacs qui constituent l’Anas (actuel Guadiana), autre fleuve situé à l’ouest du Guadalquivir, mais qui sont beaucoup plus à l’intérieur des terres (Braun 2004,

ive s. av. : Théopompe/Pythéas ?, Λιγυστίνη ; [Aviénus, Ora maritima], lacus Ligustinus. La forme Ligustinê est probablement à l’origine de l’ethnonyme Ligustinoi qui apparaît à notre connaissance chez Lycophron et est surtout utilisé par Polybe. Il s’agit d’un dérivé de Ligues.

Bibliographie indicative THA IIB 142ba ; Schulten 1945a, p. 111 ; Tovar 1974, p. 30, 32, 148-150 ; González Blanco 1991, p. 28, 33 ; Adrados 2000, p. 12 ; Bats 2003, p. 156 ; Braun 2004, p. 307 ; Domínguez Maccaro, García Fernández 2007 ; Ferrer Albelda 2012 ; Lagóstena Barrios 2014. Barrington Atlas : 26 D5 ((H)Asta/Col. Hasta Regia/ Ligystine ?) ; http://pleiades.stoa.org/places/256193 http://www.juntadeandalucia.es/institutodeestadisticaycartografia/atlasterritorio/at/pdf/mapa_beticaromana.pdf

576

135 – ΛιμενΩτις/LIMENÔTIS [Λ ?]

135 – ΛιμενΩτις/LIMENÔTIS [Λ ?]

Presqu’île – Gaule ? (λ 67 Billerbeck)            Artémidore ? Livre 29 ? – Troisième abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 12,1 % – taux théorique : 12 %). Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé et traduction Λιμενῶτις· χερρόνησος(a) κελτική. a) χερρόνησος Q Aldus : χερόνησος RPN.

[D]  absent  :  Il manque le nom de l’ethnique ou une forme dérivée.

Λιμενῶτις·

Localisation et archéologie

[A] |1| χερρόνησος κελτική [Artémidore ?].

Limenôtis : [A] |1| presqu’île celtique.

Aucune localisation n’est proposable pour ce toponyme. S’il se rattache bien à Artémidore, on peut penser qu’il se situe en Gaule.

Commentaire

Chronologie des mentions

La notice est issue vraisemblablement du lexique-source, mais elle est très résumée.

iie s. av. : Artémidore ?, Λιμενῶτις.

[A] |1| La notice est trop réduite pour pouvoir donner la

Bibliographie indicative

moindre indication d’une source quelconque. Le terme de χερρόνησος n’est pas spécifique à un auteur donné. Le lemme fait partie toutefois de toponymes en -ις (Alônis [23], Santis [192], Sisigulis [203]) qui peuvent provenir d’Artémidore.

Dunn 1907, p. 89.

136 – ΛινδOνιον/LINDONION [M]

Ville – Îles Britanniques (Bretagne) (λ 72 Billerbeck)            Marcien Livre 29 ? – Troisième abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 12,1 % – taux théorique : 12 %). Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé et traduction (en grisé, forme erronée restituée du manu­scrit archétype disparu, corrigée dans la notice normalisée)

Λινδόνιον· πόλις τῆς βρεττανίας(a). μαρκιανὸς ἐν περίπλῳ αὐτῆς. τὸ ἐθνικὸν λινδονῖνος(b). a)  πρεττανίας Bouiron  :  βρεττανίας RQPN Billerbeck Meineke. b) Λινδόνιος Bouiron : λινδονῖνος RQPN. a – Erreur d’écriture lors d’une des phases d’abréviation ?

Λινδόνιον· [A] |1| πόλις τῆς Πρεττανίας. |2| Μαρκιανὸς ἐν Περίπλῳ αὐτῆς [2.44]. [D] |3| τὸ ἐθνικὸν Λινδόνιος [Marcien ?].

Lindonion : [A] |1| ville de Bretagne. |2| Marcien, dans le Périple de Bretagne. [D] |3| L’ethnique se dit Lindonios.

Commentaire La notice provient du lexique de Marcien. [A]  |1-2|  La ville était mentionnée par Marcien dans le Périple de la Mer extérieure, dans les séquences plus détaillées qui ont disparu du manu­scrit que nous possédons. Ptolémée (Geogr. 1.15.7, 2.3.12, 8.3.6) emploie la forme Londinion pour la ville de Londres mais il donne également le nom, en Écosse, de la ville de Lindon. La place de la notice dans le lexique ne permet à priori pas de rétablir l’orthographe de Ptolémée mais il n’est pas impossible que l’auteur du lexique de Marcien ait fait une confusion de lecture entre Londinion et Lindon.

136 – ΛινδOνιον/LINDONION [M] Il est très peu probable que l’erreur remonte à Marcien. La place dans l’Épitomé témoigne qu’elle est bien antérieure à la rédaction des Ethniques. [D] |3| Le nom de l’ethnique provient très probablement de Marcien, dans les mêmes parties de l’œuvre. La forme nous semble peu compatible avec le nom de la ville de Londinion mais correspond mieux à celui de Lindon. Nous proposerons plutôt Lindonios avec une erreur de copie (un ν en trop) lors de l’abréviation.

Localisation et archéologie Plusieurs hypothèses peuvent ête formulées.

577 simple fort, remplacé vers 80 de notre ère par une colonie, après le départ de la 9e légion pour Eboracum (York). Des vestiges en subsistent, comme ceux de l’enceinte. Les fouilles archéologiques de ces dernières décennies ont révélé largement la cité romaine. Enfin, la dernière hypothèse est celle de la ville écossaise de Lindum mentionnée également par Ptolémée (Geogr. 2.3.7) sous la forme Lindon et probablement aussi par l’anonyme de Ravenne (107.32) sous le nom de Clindum. Cette aglomération correspond semble-t-il au fort romain de Drumquhassle (Stirlingshire), daté de l’époque d’Agricola et situé au nord du mur d’Antonin.

La première, la plus vraisemblable, c’est qu’il s’agit de la ville de Londres (Grande-Bretagne). Dans cette hypothèse, la ville est fondée entre 43 et 60 de notre ère, d’abord sous la forme d’un camp romain, à proximité immédiate de la Tamise et de l’un de ses affluents, Walbrook Stream (Marsden 1980, p.  17 sq.  ; P. Rowsome in Watson 1998, p. 35 sq.). Après une destruction en 60, la ville est reconstruite et devient probablement la capitale de la province vers la fin du ier siècle de notre ère (M. Millett in Warson 1998, p. 7-12). La ville est dotée d’un forum et d’un amphithéâtre mais également d’aménagements portuaires situés le long de la Tamise. Les fouilles archéologiques ont largement documenté cet espace urbain. Il reste possible que la ville mentionnée ici concerne bien Londres, mais on ne peut avoir de certitude.

Chronologie des mentions

La seconde hypothèse est que l’on est en présence de la ville de Lincoln (comté de Lincolnshire, Angleterre), appelée dans l’Antiquité Lindum Colonia. Il s’agit, comme souvent au départ en Grande-Bretagne, d’un

Barrington Atlas : 9 C4 (Lindon ?) ; http://pleiades.stoa.org/places/89226

iie s. : Tacite, Londinium ; Ptolémée, Λονδίνιον ou Λίνδον – ive  s.  :  Ammien Marcellin, Londinium  ; Marcien, [Λονδίνιον] ou Λινδόνιον. Il est probable qu’il s’agisse de la ville de Londres (la forme Londinion répond au latin Londinium), mais peut-être avec une erreur de la part de l’auteur du lexique de Marcien qui aurait confondu avec la ville romaine de Lindum.

Bibliographie indicative RE XIII, 1 (1926), col. 713 (s.v. Lindum 1) MacDonald ; Rivet, Smith 1979, p. 393 (n° 2) ; Marsden 1980 ; Jones 1985 ; Watson 1998.

8 G3 (Lindon ?) ; https://pleiades.stoa.org/places/79574

578

137 – ΛοYγδουνοσ/LOUGDOUNOS [M]

137 – ΛοYγδουνοσ/LOUGDOUNOS [M]

Ville – Gaule (Lyonnaise) (λ 86 Billerbeck)            Marcien Livre 29 ? – Troisième abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 12,1 % – taux théorique : 12 %). Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé et traduction (en grisé, forme erronée restituée du manu­scrit archétype disparu, corrigée dans la notice normalisée)

Λούγδουνος (a)· πόλις κελτογαλατίας. πτολεμαῖος (b) ἐν περίπλῳ. καὶ λουγδονισία(c) ἐπαρχία. (d). a) Λούγδουνος Meineke : Λούγδονος RQ, Λούγδουνον Billerbeck Meineke (in app.), Λούγδουνα PN. b)  καὶ Μαρκιανὸς add. Bouiron. c)  Λουγδουνησία Holste  :  λουγδονισία RQ, λουγδουνισσία PN Aldus. d) τὸ ἐθνικὸν Λουγδουνήσιος add. Berkel (e St. Byz β 77 et β 94). c – Iotacisme ?

Λούγδουνος· [A]   |1|  πόλις Κελτογαλατίας. |2|  Πτολεμαῖος [Geogr. 2.8.17]  ἐν Περίπλῳ. [C]   |3|  καὶ Λουγδουνησία ἐπαρχία [Marcien]. [D] |4| .

Lougdounos  :  [A]   |1|  ville de Celtique gauloise. |2| Ptolémée , dans le Périple. [C] |3| Et la province Lougdounêsia. [D]   |4|  .

Commentaire La notice provient probablement du lexique de Marcien. Elle est très altérée car située dans la partie la plus résumée de l’œuvre. [A]  |1-2|  La ville de Lougdounos est ici rattachée seu-

lement à Ptolémée. Or, celui-ci n’a pas été lu directement par Stéphane de Byzance, et n’était pas cité par le lexique-source. De plus, si Ptolémée (Geogr. 2.7.13, 2.10.2-3, 8.5.5) la mentionnait bien ainsi, il n’a pas écrit de Périple. Comme nous sommes ici dans la partie la plus résumée de l’Épitomé, nous proposons d’ajouter la mention de Marcien, qui est lui l’auteur d’un Périple utilisé largement pour les Ethniques et qui tire son information de Ptolémée ; son nom aura disparu dans la dernière abréviation. Il faut donc selon nous restituer « Πτολεμαῖος ἐν Περίπλῳ ». On peut noter également que la forme de Keltogalatia est typique

de Marcien. Cette partie est donc issue directement du lexique de cet auteur. La ville de Lougdounos est mentionnée également chez Strabon (4.1.1 et 11, 4.2.1, 4.3.1-4, 4.6.11), Flavius Josèphe (Ant. Jud. 18.253) et Eusèbe (Hist. eccl. 5.1.1, 3 et 29, 5.4.1, 5.5.8). Parmi les auteurs que ne cite jamais Stéphane de Byzance, elle est indiquée par l’historien Hérodien (3.7.2 et 7), le pseudo-Plutarque (De fluviis 6.4) et Dion Cassius (46.50.5 ; 54.32.1 ; 59.22.1 ; 65.1.3 ; 74.3.2 ; 75.6.1 ; 77.21.2). On la trouve aussi chez de très nombreux auteurs de l’Antiquité tardive et byzantins. [C]   |3|  La mention de la province (ἐπαρχία) de Lougdounêsia provient certainement de Marcien (Per. ext. 2.1, 19-20, 24-27 et 41)  ; on la trouve également chez Ptolémée (Geogr. 2.7.1-2 et 13, 2.8.1 et 12, 2.9.1 et 3, 8.5.5, 8.29.3). Dion Cassius emploie la forme de Lougdounis (54.36.4). [D]  |4|  Il faut très certainement restituer le nom des habitants comme le fait A. Meineke, en référence à la comparaison avec l’ethnique Berounêsios (notice Berounos β 77 : « Βέρουνος ὡς Λούγδουνος (...). τὸ ἐθνικὸν Βερουνήσιος ὡς Λουγδουνήσιος ») et Biennêsios (notice Biennos β 94 [51] : « κατὰ τὸν ἐγχώριον τύπον Βιεννήσιος ὡς Λουγδουνήσιος  »). La mention aura disparu avec l’abréviation extrême de la notice. On trouve aussi cette forme chez Dion Cassius (53.12.5). Stéphane de Byzance pouvait ici reprendre une formulation d’Oros, mais rien dans la notice conservée ne permet de l’affirmer. M. Billerbeck place cette phrase avant la mention de la province. Nous pensons que l’on peut raisonner par similitude avec la notice Narbôn [156].

Localisation et archéologie Il s’agit de la ville de Lyon (Rhône, France). L’occupation du site remonte à la Prohistoire. Les découvertes archéologiques de ces dernières décennies ont mis en évidence une installation déjà présente sur la

137 – ΛοYγδουνοσ/LOUGDOUNOS [M] colline de Fourvière, mais surtout un habitat très important remontant au 1er âge du Fer à Vaise, dans la plaine bordant une boucle du Rhône (Desbat 2010, p. 171172). Elles ont surtout permis d’apporter de nouveaux éléments sur la fondation de Munatius Plancus, amenant l’hypothèse d’une restitution avec des îlots carrés d’un actus de côté (Desbat 2010, p. 172-173). On sait par les textes (et en particulier la correspondance de Cicéron et Dion Cassius, 46.50 ; voir Decourt, Lucas 1993, p. 31-33 et 72) que cette fondation intervient en 43 av. J.-C. pour les vétérans de la Ve Légion (Colonia Copia Felix Munatia Lugudunum, transformé sous Auguste en Colonia Copia Augusta Lugudunum). Lyon devient, peut-être vers 16-13 av. J.-C., la capitale de la nouvelle province de Gaule lyonnaise. La ville connaît des transformations importantes dès les années 10-20 de notre ère, avec la création d’ensembles monumentaux publics qui empiètent sur les rues préexistantes (Desbat 2010, p. 174). L’ensemble de la parure monumentale semble être en place au début du iie siècle de notre ère : forum, théâtre, odéon, amphithéâtre, sanctuaire du culte impérial ; seul le cirque semble postérieur (Ferdière 2011, p. 47-48 et 51-52). La ville était alimentée en eaux par quatre grands aqueducs, dont les vestiges sont encore largement visibles (Ferdière 2011, p. 53). Enfin, il faut signaler le sanctuaire fédéral des Trois Gaules, installé sur les pentes de la Croix-Rousse, peutêtre à peu de distance d’un forum provincial (comme on en trouve à Tarragone) (Ferdière 2011, p. 51). L’habitat a été retrouvé à de nombreuses reprises par les fouilles. On a pu en particulier mettre en évidence l’installation sur la presqu’île en cours de formation d’un habitat dès le ier siècle de notre ère (Arlaud 2000).

579

Chronologie des mentions ier  s.  :  Strabon, Λούγδουνον  ; Sénèque, Lugudunum, Lugdunensis colonia ; Pline l’Ancien, Lugdunum ; Flavius Josèphe, Λούγδουνον – iie s. : Pline le Jeune, Lugdunum ; Tacite, Lugdunum  ; Suétone, Lugudunum  ; Ptolémée, Λούγδουνος  ; Galien, Λούγδουνον ? – iiie  s.  :  Dion Cassius, Λούγδουνον, Λουγδουνίς ; Cyprien de Carthage, Lugdunum ; Hérodien, Λουγδοῦνον ; Itinéraire d’Antonin, Lugduno – ive s. : Eusèbe, Λούγδουνον ; Eutrope, Lugdunum ; Ausone, Lugdunum ; Ammien Marcellin, Lugdunum, Lugdunensis ; Aurélius Victor, Lugdunum ; Marcien ?, Λούγδουνος, Λουγδουνησία, Λούγδήσιος  ; Jérôme, Lugdunensis – ve  s.  :  Notitia Galliarum, civitas Lugdunensium, Lugdunensis  ; Orose, Lugdunum  ; Socrate, Λουγδοῦνον ; Vibius Sequester, Lugdunum. Les formes latine et grecque sont identiques, au ‘u’ latin correspond le ‘ου’ grec. Le nom est à l’origine Lugudunum, comme on le trouve sur le tombeau de son fondateur L. Munatius Plancus ou comme l’indique Dion Cassius (46.50), ce qui signifie forteresse (-duno) du dieu Lugus.

Bibliographie indicative RE XIII, 2 (1927), col. 1718 (s.v. Lugdunum 1) Cramer ; Smith 1854 (s.v.  Lugdunum)  ; Decourt, Lucas 1993 ; Arlaud 2000 ; Desbat 2007 ; Desbat 2010 ; Ferdière 2011, p. 44-59. Barrington Atlas : 10 A4 (Lugdunum) ; http://pleiades.stoa.org/places/99003

580

138 – ΛουσιτανIα/LOUSITANIA [Λ + M]

138 – ΛουσιτανIα/LOUSITANIA [Λ + M]

Province – Hispanie (Lusitanie) (λ 89 Billerbeck)            Artémidore ? Polybe ? + Marcien Livre 29 ? – Troisième abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 12,1 % – taux théorique : 12 %). Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé et traduction Λουσιτανία· μέρος(a) τῆς βαιτικῆς(b). μαρκιανὸς ἐν περίπλῳ αὐτῆς. τὸ ἐθνικὸν λουσιτανοί. a) μέρος RQPN : ὅμορος Meineke, Billerbeck. b) τῆς βαιτικῆς QPN : τῇ βαιτίκῃ Billerbeck, βαιτίκῆς R.

Λουσιτανία· [A]  |1|  μέρος τῆς Βαιτικῆς [Artémidore  ? Polybe  ?].

|2| Μαρκιανὸς ἐν περίπλῳ αὐτῆς [2.12].

[D] |3| τὸ ἐθνικὸν Λουσιτανοί [Marcien ?].

Lousitania :  [A] |1| partie de la Bétique. |2| Marcien, dans le Périple de l’Hispanie. [D] |3| L’ethnique se dit Lousitanoi.

Lexiques et commentaires grecs et byzantins xe siècle – Souda (α 2196 et κ 2254 Adler) Ἀνδρωνῖτις· καὶ τὸ λεγόμενον, ἐκνεύσας τὴν ἀνδρωνῖτιν εἰς τὴν γυναικωνῖτιν κωμάσαι· διὰ τὸ δοκεῖν τὸν στρατηγὸν βραχεῖ χρόνῳ πρότερον ὑπὸ τῶν Λυσιτανῶν ἠλαττῶσθαι. Κωμάσαι· ὁ δὲ Μάρκος, ὁ Ῥωμαίων στρατηγός, ἐβούλετο ἀπολυθεὶς τοῦ πολέμου πρὸς Λυσιτανοὺς μεταλαβεῖν τὸν πόλεμον καὶ τὸ λεγόμενον ἐκνεύσας τὴν ἀνδρωνῖτιν εἰς τὴν γυναικωνῖτιν κωμάσαι. xiie siècle – Eustathe de Thessalonique (Com. Dion. 992) ὅτι καινὸν σχῆμα τὸ «  ὅση δὲ Εὐφράτου καὶ Τίγριος ἐντὸς, ταύτην μέσην φασὶ ποταμῶν  ». ἦν γὰρ τὸ ἀκόλουθον οὕτως εἰπεῖν, ὅση δέ ἐστιν Εὐφράτου καὶ Τίγριος ἐντὸς, αὕτη λέγεται μέση ποταμῶν. σημείωσαι δὲ ὅτι ὁ Γεωγράφος ἱστορεῖ καὶ Εὐρωπαίαν Μεσοποταμίαν εἶναι, ἣν Κελτοὶ νέμονται καὶ Λυσιτανοί.

Commentaire La notice provient du lexique de Marcien. [A] |1-2| La forme Lousitania est issue de Marcien (Per.

ext. 2.7-8 et 12-17), lui-même l’ayant prise certainement chez Ptolémée (Geogr. 2.4.1 et 10, 2.5.1, 4-5 et 7,

2.6.12, 8.4.3, 8.29.2) et Artémidore (cf. notice Ibêria [100]). On peut supposer que le lexique-source donnait la forme Lusitania que l’on trouve chez Strabon (2.5.15, 3.2.9, 3.3.3-4) et plus tard chez Appien (Iber. 248, 288, 301 ; Bell. civ. 1.13.110-111). Parmi les auteurs non lus par Stéphane de Byzance, la forme Lusitania se trouve chez Plutarque (Sert. 12.2) et Dion Cassius (37.52.1 ; 43.12.5, 26.1). Polybe utilise la forme Lusitanê en 10.7.5 et Lusitania en 34.8.1 et 4. La détermination géographique que propose la notice ressemble à celle que l’on trouve dans d’autres parties du troisième abrégé, mélangeant les auteurs comme pour la notice Salues [190]. Or la Lusitanie est bien, au début, conçue comme une partie de la Bétique (ou Hispanie Ultérieure). Selon nous, c’est probablement Artémidore qui est à l’origine de cette mention, plus que Polybe. La mention de μέρος comme détermination géographique se retrouve à plusieurs reprises dans l’Épitomé  ; cela semble être la bonne lecture si l’on pense qu’il s’agit d’une partie de l’Hispanie avant la création de la province du même nom. [D] |3| La forme Lousitanoi se trouvait peut-être chez Marcien comme avant lui chez Ptolémée (Geogr. 2.5.3 et 6) et Flavius Josèphe (Bell. Jud. 2.374). Ce nom se retrouve également chez Charax (F 26, voir la notice Hispania, fiche [110]). La forme Lusitanoi est utilisée par Polybe (2.2.2), Strabon (3.2.9, 3.3.1-3 et 6, 3.4.15 et 20) et Appien (Iber. 234, 239, 243-244, 247, 254, 289, 433 ; Bell. civ. 1.13.114 ; 4.11.88). Pour les auteurs inconnus de Stéphane de Byzance, on la trouve chez Plutarque (Sert. 10.1, 11.1 et 3, 12.2, 25.4 ; comp. Eum. Sert. 1.5 ; Caes. 12.1 ; Tib. Gaius Grac. 21.3 ; Galba 20.1, 22.5), Diodore de Sicile (5.34.4 et 6, 38.4 ; 31.42.1 ; 33.1.1 et 5, 7.6, 21a.1, 24.1) et Dion Cassius (22.73.1). De façon étonnante, Marcien (Per. ext. 1.6) emploie une fois la forme Lusitanoi ; il s’agit peut-être d’une erreur de copie de notre manu­scrit ou bien d’une indication qu’il tire là son information d’Artémidore plutôt que de Ptolémée.

139 – ΛΥΓΞ/LUNX [Λ]

Localisation et archéologie C’est la province romaine de Lusitanie. Dans le texte de l’Épitomé, il n’est pas indiqué qu’il s’agit de la province ; toutefois, la mention de Marcien ne laisse pas de doute. Les Lusitaniens sont mentionnés dès la fin du iiie siècle av.  J.-C. comme mercenaires pour les Carthaginois (Tite-Live, 21.57) mais surtout connus au milieu du iie siècle, lors de la guerre contre Viriathe déclenchée par le massacre du préteur Ser. Sulpicius Galba. Ils font l’objet d’une campagne de D. Junius Brutus qui lui vaudra un triomphe à Rome et le surnom de Callaicus. Mais la province elle-même n’apparaît qu’à l’époque d’Auguste, une fois la région entièrement pacifiée. Nous renvoyons à l’étude très détaillée de L. Pérez Vilatela sur cette question (Pérez Vilatela 2000), ainsi qu’à la mise au point, à propos de la Lusitanie du temps d’Artémidore, de P. Moret (Moret 2010). Durant l’Empire, la province est particulièrement prospère grâce aux mines de cuivre et aux productions de salaisons.

Chronologie des mentions iie s. av. : Polybe, Λυσιτανή, Λυσιτανία ?, Λυσιτανοί ; Artémi­ dore, Λυσιτανοί – ier s. av.  :  Diodore de Sicile, Λυσιτανοί

581 – ier s. : Strabon, Λυσιτανία, Λυσιτανοί ; Pomponius Mela, Lusitania  ; Pline l’Ancien, Lusitania  ; Flavius Josèphe, Λουσιτανοί – iie  s.  :  Phlégon, Λουσιτανία  ; Plutarque, Λυσιτανία, Λυσιτανοί  ; Charax, Λουσιτανοί  ; Appien, Λυσιτανία, Λυσιτανοί  ; Ptolémée, Λουσιτανία, Λουσιτανοί – iiie s. : Hippolyte de Rome, Λυσιτανία, Λυσιτανοί ; Dion Cassius, Λυσιτανία, Λυσιτανοί – ive  s.  :  Paeanius (trad. Eutrope), Λυσιτανοί  ; Épiphane de Salamine, Λυσιτανοί  ; Marcien, Λουσιτανία, Λουσιτανοί – ve  s.  :  Sozomène, Λυσιτανία. La forme grecque est Lusitania/Lusitanoi. On observe durant le Haut-Empire une contamination avec la prononciation latine (Lousitania/Lousitanoi), qui ne va pas au-delà du iie siècle de notre ère (sauf Marcien qui reprend Ptolémée).

Bibliographie indicative RE XIII, 2 (1927), col.  1867-1872- (s.v.  Lusitania) Schulten  ; Smith 1854 (s.v.  Lusitania)  ; THA  IIB 142bb ; Silberman 1988, p. 221 ; González Blanco 1991, p. 28 ; Pérez Vilatela 2000 ; Moret 2010. Barrington Atlas : 1 B3 (Lusitania) ; http://pleiades.stoa.org/places/1101

139 – ΛΥΓΞ/LUNX [Λ]

Île (océan Atlantique) (λ 92 Billerbeck)            Artémidore Livre 29 ? – Troisième abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 12,1 % – taux théorique : 12 %). Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé et traduction (en grisé, forme erronée restituée du manu­scrit archétype disparu, corrigée dans la notice normalisée)

Λύγξ· πόλις λιβύης πρὸς τοῖς γαδείροις μετὰ τὸν ἄτλαντα. καὶ νῆσος ἄτλαντος καὶ πόλις λυγξώ(a) ἀρτεμίδωρος. τὸ ἐθνικὸν λυγξίτης καὶ λύγγιος(b). a)  λύγξ ὡς Holste (e Strab.)  :  λυγξώ RQPN. b)  λύγγιος RacQPN : λύγκιος Rpc.

Λύγξ · [A] |1| πόλις Λιβύης πρὸς τοῖς Γαδείροις μετὰ τὸν Ἄτλαντα [Artémidore]. [C] |2| καὶ νῆσος Ἄτλαντος καὶ πόλις Λύγξ,

ὡς Ἀρτεμίδωρος [F 76 Stiehle].

[D] |3| τὸ ἐθνικὸν Λυγξίτης [Artémidore] καὶ Λύγγιος.

Lunx : [A] |1| ville de Libye proche des Gadeiroi au-delà de l’Atlas. |2| Et il y a une île et ville de l’Atlantique qui s’appelle Lunx, selon Artémidore. [D] |3| L’ethnique est Lunxitês et Lungios.

Lexiques et commentaires grecs et byzantins Tous les textes concernent le nom commun qui désigne le lynx ou le hoquet.

582

140* – ΜαγιστρικH/MAGISTRIKÊ [Λ ? Ω ?]

Commentaire

vision mythique de l’extrême-occident. C’est ici en effet qu’Héraclès aurait vaincu le géant Antée et cueilli les pommes d’or du jardin des Héspérides.

La notice provient du lexique-source. [A]   |1|  La mention de cette ville par Artémidore se

retrouve chez Strabon (17.3.2 et 8) qui précise que les indigènes l’appellent Trinx et Ératosthène Lixos, assimilation qu’Artémidore reprochait à ce dernier. La ville est citée également en 17.3.6 et 8 ; elle semble identique à l’ancienne fondation phénicienne de Lixos, plus fréquemment citée. Cette ville ferait l’objet de trois notices dans l’Épitomé (Λίγξ, Λίξα et Λύγξ) selon Desanges 2012, p. 156. [C] |2| L’île de ce nom, avec la ville qui devait se trouver

à l’intérieur de celle-ci, n’est pas connue par ailleurs. Elle est probablement située au large de la côte atlantique du Maroc actuel.

[D] |3| La mention de l’ethnique se rapporte très certai-

nement à la ville libyenne. La première forme est typique d’Artémidore ; la seconde relève d’un auteur inconnu.

La ville est une fondation phénicienne, qui resta indépendante de Carthage. Après la chute du royaume Maure, elle est intégrée à l’Empire romain ; Claude lui donna le statut de colonie romaine. Lixus se trouve près de l’actuelle ville de Larache au Maroc, de l’autre côté du fleuve Loukkos. Nous ne détaillerons pas plus l’histoire de cette cité située en dehors de notre périmètre géographique. Il n’existe pas d’île au large de cette côte ; nous ne savons donc pas où situer l’île que mentionne Artémidore. S’agit-il des îles Canaries ?

Chronologie des mentions Nous ne tiendrons compte ici que de l’île située dans l’océan Atlantique. iie s. av. : Artémidore, Λύγξ.

Localisation et archéologie La ville du nom de Lunx est Lixos, ville située au sud du détroit de Gibraltar, sur la côte africaine atlantique, et constituant le pendant de Gadeira/Erutheia dans la

Bibliographie indicative RE XIII, 1 (1926), col.  930 (s.v.  Lixus 2) Dessau  ; Jourdain-Annequin 1982 ; Desanges 2012, p. 156 ; Ramon Torres 2013, p. 35-36.

140* – ΜαγιστρικH/MAGISTRIKÊ [Λ ? Ω ?] Pays (hors cadre d’étude) ? (μ 4 Billerbeck)            Polybe ? Charax ? Asinius Quadratus ? Livre 30 – Troisième abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 11,8 % – taux théorique : 12 %). Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé et traduction Mαγιστρική(a)· χώρα τῶν(b) ταυρίσκων πρὸς τὰ ἄλπεια ὄρη. οἱ οἰκήτορες μαγίστρικες(c), οἳ τοῖς γερμανοῖς ὁμοροῦσι. a) Μαγιστρική RpcQPN : Μαγεϊ στρική Rac. b) τῶν ante πρὸς add. QP(supra lin.)N. c)  μαγίστρικες RpcQPN  :  μαγεΐίστρικες Rac.

Μαγιστρική· [A] |1| χώρα τῶν Ταυρίσκων πρὸς τὰ Ἄλπεια ὄρη [Polybe ?

Charax ? Asinius Quadratus ?].

[D]   |2|  οἱ οἰκήτορες Μαγίστρικες, οἳ τοῖς Γερμανοῖς

ὁμοροῦσι [Charax ? Asinius Quadratus ?].

Magistrikê :  [A] |1| contrée des Taurisques au bord des montagnes des Alpes. [D] |2| Les habitants sont appelés Magistrikes, ils sont limitrophes des Germains.

Commentaire Il est probable que la notice provienne du seul lexiquesource. [A] |1| Nous n’avons pas d’indication de l’auteur ayant servi de source à Stéphane de Byzance. Cette région n’est pas mentionnée par les auteurs dont nous avons conservé le texte. L’indication géographique étant presque la

141 – ΜαινOβωρα/MAINOBÔRA [E]

583

même que pour les Taurisques (« περὶ τὰ Ἄλπεια ὄρη »), on peut supposer qu’il s’agit du même auteur source ; serait-ce Polybe  ? On pourrait imaginer que ce nom apparaissait dans son livre XXXIV, excursus géographique. On peut aussi rapprocher cette notice de celle des Phrangoi, rattachée à l’auteur tardif Parthénios de Phocée : « ἔθνος Ἰταλίας τῶν Ἀλπείων ὀρῶν ἐγγύς ». Mais cet auteur n’est signalé que pour des ethniques par l’intermédiaire d’Oros d’Alexandrie. Ici, la notice est plus large et commence par un toponyme ; nous n’y voyons pas de trace de ce grammairien, c’est pourquoi nous privilégierons un auteur comme Charax (voir partie ethnique), mais ce pourrait être aussi Asinius Quadratus qui mentionnait les noms de peuples germaniques.

région est normal dans le lexique-source. La mention des Germanoi peut poser une difficulté s’il s’agit bien de Polybe car nous n’avons pas de mention de ce nom avant le ier siècle av. J.-C. (Goudineau 2005, p. 676) ; c’est pourquoi nous proposons plutôt Charax.

[D] |2| Le nom des habitants correspond ici à un nom

Bibliographie indicative

de peuple, probable branche des Taurisques. Là encore, aucune occurrence n’existe chez les auteurs que nous avons conservés. L’indication d’οἰκήτορες pour une

Localisation et archéologie Les Taurisques se trouvant en Norique (Europe centrale), ce géonyme sort de notre champ d’étude.

Chronologie des mentions iie s. : Charax ?, Mαγιστρική (Ταυρίσκων).

RE XIII, 1 (1928), col.  437 (s.v.  Magistrice) Fluss  ; Strobel, Lafer 2003, p. 149

141 – ΜαινOβωρα/MAINOBÔRA [E]

Ville – Hispanie (Bétique) (μ 18 Billerbeck)            Hécatée Livre 30 – Troisième abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 11,8 % – taux théorique : 12 %). Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé et traduction Mαινόβωρα· πόλις μαστιηνῶν. ἑκαταῖος εὐρώπῃ. τὸ ἐθνικὸν μαινόβωραῖος. Μαινόβωρα· [A] |1| πόλις Μαστιηνῶν. |2| Ἑκαταῖος Εὐρώπῃ [FGrHist 1 F 42].

au peuple des Mastiênoi est caractéristique d’Hécatée (FGrHist 1 F 42). On trouve chez Strabon (3.2.5) et Ptolémée (Geogr. 2.4.7) le nom de Μαίνοβα. Cette forme était peut-être indiquée en variante et aura disparu avec l’abréviation. [D]  |3|  La forme de l’ethnique provient très certaine-

[D] |3| τὸ ἐθνικὸν Μαινόβωραῖος [Hécatée].

ment d’Hécatée.

Mainobôra  :  [A]  |1|  ville des Mastiênoi. |2|  Hécatée (Europe). [D] |3| L’ethnique est Mainobôraios.

Localisation et archéologie

Commentaire La notice provient du lexique d’Hécatée. [A] |1-2| I. Vossius (Meineke, app. crit.) voyait dans cette

forme une contraction de Μαινάκη et Ἔβωρα qu’Hécatée pouvait signaler chez les Mastiênoi. On pourrait imaginer que le texte d’Hécatée avait fait l’objet d’une erreur de copie, par exemple en sautant une ligne et télescopant deux noms, mais la forme identique de l’ethnique rend cette hypothèse impossible. Le rattachement de la ville

C’est la seule mention avec cette forme. A. Schulten (RE) en fait une ville indigène au contact de Mainakê, du fait d’une similitude onomastique. A. Tovar considère qu’elle est probablement identique à Mainoba (Tovar 1974, p. 78-79). Il existe plusieurs Mainoba/Maenuba  :  l’une est une ville située sur le Bas-Guadalquivir (Strabon 3.2.5)  ; une autre, mentionnée par Pline l’Ancien (3.8) avec un fleuve du même nom, est probablement l’actuelle VélezMálaga (Silberman 1988, p. 225-226), le fleuve étant alors le Vélez. Elle peut correspondre avec notre notice.

584

142 – ΜαIκη – MAINAKH/MAIKÊ – MAINAKÊ [Λ (+ E ?)]

Enfin, Pline l’Ancien (3.11) mentionne encore un autre fleuve du même nom ; c’est le Guadiamar, affluent du Guadalquivir (Correa 2005). La ville de Mainoba située au bord du Vélez est citée également par Pomponius Mela (2.94) et Ptolémée (Geogr. 2.4.7). L’embouchure de ce fleuve témoigne d’une occupation très ancienne qui a livré de nombreux vestiges archéologiques. Le premier établissement, situé à l’ouest du fleuve, a été dégagé au lieu-dit Toscanos. C’est une fondation phénicienne qui, selon les fouilles archéologiques, est occupé entre le milieu du viiie siècle et le le milieu du vie siècle av. J.-C. Après une interruption de plusieurs siècles, le site est à nouveau occupé sous l’Empire romain, jusqu’au iiie siècle de notre ère. On a voulu y voir la localisation de la fondation grecque Mainakê (voir fiche [142]). À peu de distance de Toscanos, deux autres sites (Cerro del Peñón et Cerro Alarcón) ont livré les traces d’une occupation des viie-vie siècles av. J.-C. Enfin, de l’autre côté du fleuve se trouve la probable ville de Mainoba, au Cerro del Mar (Braun 2004, p. 310). L’occupation remonte peut-être au vie siècle av.  J.-C. mais n’est clairement établie qu’à partir du ive siècle, à l’époque punique. La ville romaine est établie au même endroit, signe de la continuité de Mainoba. Elle constitue un centre politique et économique alors important (Corrales Aguilar 2006, p. 97), toujours en lien avec les salaisons comme pour les autres villes côtières du sud de la péninsule ibérique.

Compte tenu des réalités archéologiques, il est possible que la ville de Mainobora corresponde au site de Toscanos, tandis que Mainoba serait le Cerro del Mar, une modification (légère) du nom accompagnant ce transfert. Voir également la fiche de Mainakê [142] pour compléter les informations sur les sites placés à l’embouchure du Vélez.

Chronologie des mentions vi e   s. av.  :  Hécatée, Μαινόβωρα, Μαινόβωραῖος (Μαστιηνῶν) – ier  s.  :  Strabon, Μαίνοβα  ; Pomponius Mela, Maenoba  ; Pline l’Ancien, Maenuba – iie s. : Ptolémée, Μαίνοβα – ve s. : Itinéraire maritime d’Antonin, Menova.

Bibliographie indicative RE XIV, 1 (1928), col. 575-576 (s.v. Mainake) Schulten ; Smith 1854 (s.v. Maenobora et Maenoba) ; THA II A 23e  ; IIB 142bj  ; Tovar 1974, p.  78-79  ; González Blanco 1991, p. 28, 33 ; Braun 2004, p. 310 ; Correa 2005 ; Corrales Aguilar 2006 ; García-Bellido 2013, p. 93-95. Barrington Atlas: BAtlas 27 A5 (Maenuba/Menova) ; http://pleiades.stoa.org/places/265959

142 – ΜαIκη – MAINAKH/MAIKÊ – MAINAKÊ [Λ (+ E ?)]

Ville – Gaule ? + Hispanie (Bétique) (μ 16 Billerbeck)            Artémidore ? Livre 30 – Troisième abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 11,8 % – taux théorique : 12 %). Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé et traduction (en grisé, forme erronée restituée du manu­scrit archétype disparu, corrigée dans la notice normalisée)

Mάκη (a)· κελτικὴ πόλις. εὕρηται καὶ μαινάκη (b) κελτικὴ πόλις(c). τὸ ἐθνικὸν μαινακηνός(d). a)  Μάικη Bouiron Meineke RQPN  :  Mαινάκη Billerbeck, susp.  Meineke in app. b)  μαινάκη Bouiron Meineke RQPN : Μάκη Billerbeck, Meineke in app. c) ἰβηρικὴ πόλις Bouiron : κελτικὴ πόλις RQPN del. Billerbeck. d) μαινακηνός PN : μακηνός RQ Meineke, Μαινακῖνος Meineke in app. c – Erreur lors de la troisième abréviation ?

Μάικη· I-[A] |1| κελτικὴ πόλις [Artémidore ?]. II-[A] |2| εὕρηται καὶ Μαινάκη ἰβηρικὴ πόλις. [D] |3| τὸ ἐθνικὸν Μαινακηνός.

Maikê : I-[A] |1| ville celtique. II-[A]   |2|  On trouve aussi Mainakê, ville d’Ibérie. [D] |3| L’ethnique se dit Mainakênos.

142 – ΜαIκη – MAINAKH/MAIKÊ – MAINAKÊ [Λ (+ E ?)]

Commentaire La notice provient vraisemblablement du lexique-source. [A]  |1|  Le nom de Maikê (ou Makê comme le propo-

sait A. Meineke) n’est pas assuré et n’est pas attesté par ailleurs ; rien ne permet de l’associer à une source particulière. La notice, fortement tronquée par les abréviateurs successifs (et principalement le troisième), pose problème ; A. Meineke avait supposé une inversion des noms Makê et Mainakê que nous ne reprenons pas. Dans nos manu­scrits (et dans l’édition de M. Billerbeck), cette notice se situe entre Maidoi (μ 15) et Mainalos (μ 16), alors que dans les éditions depuis Aldus, elle a été déplacée entre Maiôtai et Makai. Pour respecter l’ordre alphabétique, nous proposons un lemme Maikê. Nous avons pensé qu’il pouvait s’agir d’une erreur de lecture pour la ville de Mainakê, avec mélecture d’onciale (ΜΑINΑΚΗ lu ΜΑIΚΗ), qui se serait produite antérieurement à Stéphane de Byzance. Toutefois, Mainakê, ville certes problématique mais localisée entre l’embouchure du Vélez et Malaga, ne peut pas être considérée comme une ville celtique, quels que soient les auteurs envisagés. C’est pourquoi, pour tenir compte à la fois de l’ordre alphabétique et du texte des manu­scrits, nous proposons cette forme de Maikê, qui peut se trouver en Gaule et provenir d’Artémidore. Il est probable que le dernier abréviateur a fusionné deux notices en une seule, ce qui rend particulièrement difficile le rétablissement des informations d’origine : Mainakê pouvait très bien constituer le lemme suivant par ordre alphabétique (voir par exemple la fusion des lemmes pour Iouernia [109]/Iouernê [108]. [C] |2| La ville de Mainakê est mentionnée par Strabon

(3.4.2) et le pseudo-Scymnos (v. 147) mais ni chez l’un ni chez l’autre n’apparaît comme celtique ; c’est pourquoi nous proposons de supprimer cette indication, comme le fait également M. Billerbeck tout en gardant la détermination d’une ville. [D] |3| Nous proposons de garder la forme de Mainakênos

des manu­scrits P et N, ethnique se rapportant à la ville de Mainakê.

Localisation et archéologie Nous n’avons aucune possibilité de localiser l’hypothétique ville de Maikê. La ville de Mainakê est mentionnée par Strabon (3.4.2) : « ἣν ὑστάτην τῶν Φωκαϊκῶν πόλεων πρὸς δύσει κειμένην παρειλήφαμεν ; dont la tradition enseigne qu’elle

585 était la dernière ville des Phocéens à l’occident  » (trad. Lasserre). Elle est en ruines à son époque (ou celle d’Artémidore ou de Posidonios ?) : « ἀλλ’ ἐκείνη μὲν ἀπωτέρω τῆς Κάλπης ἐστί, κατεσκαμμένη, τὰ δ’ ἴχνη σώζουσα Ἑλληνικῆς πόλεως, ἡ δὲ Μάλακα πλησίον μᾶλλον, Φοινικικὴ τῷ σχήματι. Elle a été détruite de fond en comble et le peu de vestiges qui en ont subsisté sont ceux d’une ville grecque, tandis que Malaca, beaucoup plus proche du Mont Calpé, est phénicienne d’apparence » (trad. Lasserre). S’il la situe à proximité immédiate de Malakê (voir fiche [143]), elle en est cependant éloignée. L’hypothèse que fait Strabon porte donc sur la nature des ruines visibles vers la fin du iie siècle ou la première moitié du ier siècle av. J.-C. La ville aurait été fondée par les Grecs à la fin du viie siècle et aurait disparu après la bataille d’Alalia vers 540/535 av.  Les informations que les historiens ou géographes grecs donnent proviennent vraisemblablement uniquement d’Hécatée, repris ensuite par Éphore, Timée (?) puis Artémidore. On a proposé que le nom de Mainakê soit une déformation de celui de Malakê. Cela impliquerait une mauvaise lecture du texte d’Hécatée ce qui n’aurait rien d’impossible. Pour cela, il faut probablement imaginer une forme ΜΑΛΛΑΚΗ lue ΜΑΙΝΑΚΗ. On notera qu’Hécatée écrit déjà ΑΛΛΑΛΙΑ au lieu d’ΑΛΑΛΙΑ (voir fiche [20]), redoublant le Λ. L’erreur de lecture pourrait être due à Éphore et se serait ensuite transmise au pseudo-Scymnos, qui l’utilise comme source, tout comme Artémidore. Selon plusieurs historiens (García-Bellido 2013, p. 93-94), le nom de la cité serait formé sur une base phénicienne mʽyn pouvant signifier ‘eau’ et se serait transformé avec l’adjonction du suffixe ibérique -oba (signifiant ville) pour donner le nom de Mainoba (voir fiche [141]). On a voulu voir cette cité dans les vestiges retrouvés à Toscanos, à l’embouchure du Vélez. Toutefois, les fouilles ont montré qu’il s’agissait d’une implantation phénicienne et non grecque. H. G. Niemeyer a dressé le bilan de la confrontation entre les sources antiques et les découvertes archéologiques des sites à l’embouchure du Vélez (Niemeyer 1979-1980 = 1980). Les indications de Strabon sur cette cité sont liées aux connaissances que ce dernier a de seconde main. Elles peuvent remonter ici à Artémidore ou à Posidonios qui ont pu voir les vestiges d’une cité et considérer qu’il s’agissait de Mainakê (Niemeyer 1979-1980, p.  301-302), ville qui avait pourtant disparu plusieurs siècles auparavant et que seuls les auteurs les plus anciens (Hécatée et de manière indirecte Aviénus) ont pu localiser de manière peut-être déjà

586

143 – ΜαλAκη/MALAKÊ [M + Ω]

un peu approximative. Il est très probable que les vestiges mentionnés par Strabon soient ceux d’une des implantations anciennes à l’embouchure du Vélez, abandonnée depuis plusieurs siècles lors du passage d’Artémidore. P. Jacob a fait le point sur chacune des hypothèses de localisation et sur les mentions chez les auteurs antiques (Jacob 1994). Il convient donc de rester prudent sur la localisation précise de cette fondation. Pour Aviénus (v. 426 sq), Mainakê est équivalentes à Malakê, ce qui rejoindrait la possibilité d’une mauvaise lecture d’Hécatée signalée supra. Dans ces conditions, la ville grecque pourrait peut-être consister en un quartier spécifique de la ville punique, portant le même nom mais identifiée comme un comptoir colonial, comme on l’observe avec Emporion qui dispose d’une véritable ville indigène à son contact.

Chronologie des mentions vie s. av. : Hécatée ?, Μαινάκη ? – ive s. av. : [Aviénus, Ora maritima], Maenace ; Éphore ?, Μαινάκη ? – iie s. av. : pseudo-Scymnos, Μαινάκη ; Artémidore ?, Μαινάκη ? – ier s. : Strabon, Μαινάκη. Nous voyons dans ce nom de ville une erreur de lecture pour Malakê (cf. ci-dessus). La forme est inchangée durant l’Antiquité.

Bibliographie indicative RE XIV, 1 (1928), col. 575-576 (s.v. Mainake) Schulten ; Smith 1854 (s.v. Maenaca) ; THA IIB 142bc ; Tovar 1974, p.  79-80  ; Niemeyer 1979-1980  ; Niemeyer 1980  ; González Blanco 1991, p.  28, 33  ; Jacob 1994 ; Aubet 2005.

143 – ΜαλAκη/MALAKÊ [M + Ω]

Ville – Hispanie (Bétique) (μ 35 Billerbeck)            Abrégé d’Artémidore Livre 30 – Troisième abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 11,8 % – taux théorique : 12 %). Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé et traduction (en grisé, forme erronée restituée du manu­scrit archétype disparu, corrigée dans la notice normalisée)

Mαλάκη· πόλις ἰβηρίας. μαρκιανὸς ἐν β΄ τῶν ἐπιτομῶν(a) ἀρτεμιδώρου. τὸ ἐθνικὸν μαλακιτανός(b). a) ἐπιτομῶν PN : ἐπιτόμων RQ. b) Μαλακητανός susp. Meineke in app. : μαλακιτανός RQPN Billerbeck. b – Iotacisme

Μαλάκη· [A] |1| πόλις Ἰβηρίας. |2| Μαρκιανὸς ἐν β΄ τῶν ἐπιτομῶν

Ἀρτεμιδώρου [GGM I, 575, 1].

[D]   |3|  τὸ ἐθνικὸν Μαλακητανός [Abrégé d’Arté-

midore ?].

Malakê :  [A] |1| ville d’Ibérie. |2| Marcien, dans le 2e livre des Abrégés d’Artémidore. |3|  L’ethnique se dit Malakêtanos.

Lexiques et commentaires grecs et byzantins xe siècle – Souda (μ 88 Adler = Ambr. 34) Μαλακεινός· ὄνομα κύριον.

Commentaire La notice provient du lexique de Marcien semble-t-il par l’intermédiaire du lexique d’Oros. [A] |1| La ville de Malakê est mentionnée par Strabon (3.4.2, 6 et 14) et Plutarque (Crass. 6.1).

|2|  :  L’Épitomé mentionne ici les Abrégés d’Artémidore par Marcien, ce qui est une formulation unique dans toute l’œuvre. C’est pourquoi nous pensons que cette lecture a été faite par Oros car ce grammairien indique de la même manière l’Abrégé de Philon confectionné par Aelius Serenus. La mention du livre II est peut-être à mettre en rapport avec le pluriel qui semble impliquer plusieurs volumes d’abrégés : dans l’édition de Marcien que nous avons conservée, l’abrégé des Géographiques d’Artémidore prenait place au début. Si la mention n’est pas due à une mauvaise compréhension du troisième abréviateur, souvent le plus fautif, il faut comprendre que d’autres œuvres abrégées prenaient place avant Artémidore. Il peut s’agir également d’un rappel du livre d’Artémidore que l’abrégé continuait probablement à matérialiser puisque l’Ibérie était traitée dans le livre II.

144 – ΜασσαλΙα/MASSALIA [E + Λ + Ω ?]

587

[D] |3| L’ethnique provient d’un auteur inconnu, mais

qui peut être également Artémidore. Il s’agirait de la transcription d’une forme latine, Malacitanus. À l’inverse de M. Billerbeck, nous avons gardé la forme suspectée par A. Meineke qui semble plus fidèle à l’ethnique que pouvait employer Artémidore, même pour rendre une forme latine.

La ville passe sous domination romaine à la fin du iiie siècle av. J.-C., dans le contexte de la Deuxième guerre punique. Elle devient municipe sous l’empereur Titus. Elle a une activité très importante de production de garum et a des liens commerciaux forts avec l’Afrique du Nord.

Chronologie des mentions

Localisation et archéologie Il s’agit de l’actuelle ville de Málaga, dans le sud de l’Espagne. La ville antique, qui se trouvait au niveau de l’Alcazaba, a été fondée par les Phéniciens sous le nom de mlk (Malaka), au ixe siècle av. J.-C., à l’embouchure du Guadalhorce (Cerro del Villar) ; une occupation indigène existait probablement déjà (Delgado Hervás 2008). Elle se développe rapidement grâce aux échanges commerciaux avec les petits établissements des Mastiênoi. La conquête de la Phénicie par Nabuchodonosor II en 573 av. J.-C. marque le passage de la ville sous la domination punique. Sur la ville phénicienne et punique, voir Ramon Torres 2013, p. 28-32. On a proposé de voir également à son emplacement la colonie grecque de Mainakê, que les auteurs anciens (comme Strabon 3.4.2) situaient 4 km plus à l’est. Il n’y a pas d’accord sur sa localisation, soit au Cerro del Villar soit à Vélez-Málaga ou Almuñécar ni même sur son extension réelle (voir fiche [142]).

ive  s. av.  :  [Aviénus, Ora maritima], Malaca – iie  s. av.  :  Artémidore (Abrégé de Marcien), Μαλάκη – ier  s.  :  Strabon, Μαλάκα  ; Pomponius Mela, Malaca  ; Pline l’Ancien, Malaca – iie  s.  :  Plutarque, Μαλάκη  ; Ptolémée, Μαλάκη. Le nom de la ville ne change pas durant l’Antiquité : Malakê en grec, Malaca en latin.

Bibliographie indicative RE XIV, 1 (1928), col. 823-824 (s.v. Malake) Schulten ; Smith 1854 (s.v. Malaca) ; THA IIB 142bd ; Tovar 1974, p. 76-78 ; Silberman 1988, p. 226 ; González Blanco 1991, p.  28, 33  ; López Castro 2002  ; Zehnacker 2004, p.  97  ; Delgado Hervás 2008  ; Ramon Torres 2013, p. 28-32. Barrington Atlas : 27 (Malacha/Malaca) ; http://pleiades.stoa.org/places/271058

144 – ΜασσαλΙα/MASSALIA [E + Λ + Ω ?]

Ville – Gaule (Narbonnaise) (μ 89 Billerbeck)            Hécatée (+ Théopompe ?) + Artémidore ? (Strabon ?) + Eudoxe ? (+ Ératosthène ? Timosthène ?) + Timée + Hérodien ?

Livre 30 – Troisième abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 11,8 % – taux théorique : 12 %). Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé avec l’apport des lexiques et traduction (en grisé, forme erronée restituée du manu­scrit archétype disparu, corrigée dans la notice normalisée)

Mασσαλία· πόλις τῆς λιβυστικῆς (a) κατὰ τὴν κελτικήν, ἄποικος φωκαέων. ἑκαταῖος εὐρώπῃ. τίμαιος δέ φησιν ὅτι προσπλέων ὁ (b) κυβερνήτης καὶ ἰδὼν (c) ἁλιέα κελεῦσαι(d) μᾶσαι(e) τὸ ἀπόγειον(f ) σχοινίον· μᾶσαι(g ) γὰρ τὸ ἐκδῆσαι(h) φασιν αἰολεῖς(i)· ἀπὸ γοῦν(j) τοῦ ἁλιέως καὶ τοῦ μᾶσαι(k) ὠνόμασται. τὸ ἐθνικὸν μασσαλιώτης (l). (m) (n) (o), (p) καὶ μασσαλιεύς(q) (r) καὶ (s) μασσαλία καὶ μασσαλιῶτις γυνή.

588 a)  Λιγυστικῆς Pac Holtmann  :  λιβυστικῆς RQPpcN. b)  τῶν ἀποίκων Φωκαέων add. Bouiron (ex Eust.). c) ἐκεῖ add. Bouiron (ex Eust.). d) ἐκέλευσε Pinedo (ex Eust.) : κελεῦσαι RQPN. e)  μᾶσσαι QP Meineke (ex Eust.)  :  μᾶσαι RN. f )  ἀπόγειον RQP : ἀπόγιον N, ἀπόγαιον Eust. g) μᾶσσαι Q Eust. : μᾶσαι RPN. h) ἐκδῆσαι Eust. : δῆσαί RQPN. i) αἰολεῖς QPN : αἰολῖς R. j) γοῦν R  :  οὖν QPN Aldus. k)  μᾶσσαι QP Eust.  :  μᾶσαι RN. l)  τὰ γὰρ εἰς ια … Πηλιώτης add. Bouiron (e St. Byz α 265). m)  ἀγαθὸς γὰρ … οἱ ναυτιλλόμενοι add. Bouiron (ex Eust.). n) καὶ Μασσαλιήτης add. Bouiron. o) ὅπερ Ἰωνικὸν … παρὰ τῷ Ἡρωδιανῷ add. Bouiron (ex Eust.). p) πλεονασμὸν … τέτραπται add. Bouiron (e St. Byz α 105). q) μασσαλιώτης καὶ μασσαλιεύς RQP : μασαλιώτης καὶ μασαλιεύς N Aldus. r) φασὶ δὲ … παρασκευήν add. Bouiron (ex Eust.). s) χώρα add. Bouiron (ex Eust.).

Μασσαλία· [A]   |1|  πόλις τῆς Λιγυστικῆς [Hécatée ? Théo­ pompe ?] κατὰ τὴν Κελτικήν [Artémidore ?], [B] ἄποικος Φωκαέων. |2| Ἑκαταῖος Εὐρώπῃ [FGrHist 1 F 55]. |3| Τίμαιος [FGrHist 566 F 72] δέ φησιν ὅτι προσπλέων ὁ κυβερνήτης καὶ ἰδὼν ἁλιέα ἐκέλευσε μάσσαι τὸ ἀπόγειον σχοινίον· μάσσαι γὰρ τὸ δῆσαί φασιν Αἰολεῖς· ἀπὸ γοῦν τοῦ ἁλιέως καὶ τοῦ μάσσαι ὠνόμασται. [D]  |4|  τὸ ἐθνικὸν Μασσαλιώτης [ps. Scymnos v. 203] . |5|  . |7|  [Artémidore  ?]  , |9| καὶ Μασσαλιεύς· [Eudoxe ? Ératosthène ?] [E] |10| καὶ Μασσαλία [Artémidore ?]. |11| καὶ Μασσαλιῶτις γυνή [Strabon ?].

Massalia  :  [A]  |1|  ville de Ligystique au niveau de la Celtique, [B]   fondation des Phocéens. |2|  Hécatée (Europe). |3| Timée dit que le pilote approchant et voyant un pêcheur [‘halieus’], lui demanda d’attacher [‘massai’]  l’amarre à la terre  ; en effet, les Éoliens disent ‘massai’ pour ‘ekdêsai’ [attacher]. Elle tire donc son nom de ‘halieus’ et ‘massai’. [D] |4| L’ethnique se dit Massaliôtês . |5|  . |7|   ; |9|  Et Massalieus . [E] |10|  se nomme aussi Massalia. |11| Et l’habitante Massaliôtis.

Lexiques et commentaires grecs et byzantins Paraphrase de Denys le Périégète (v. 75) ὅπου καὶ ἡ Μασσαλία γῆ, ἤτοι πόλις, εὐλίμενος, ὅρμον περιφερῆ ἢ ἐπίδρομον ἔχουσα. Scholia in Oppianum (schol. vet., Halieutica, 3, sch. 543) Ἔξοχα· ἐξαιρέτως. Τυρσηνόν· Σικελόν. Ἀγρώσσουσιν· ἀγρεύουσιν, οἵτινες κατὰ τὸ Τυρσηνικὸν πέλαγος ἁλιεύουσι καὶ περὶ τὴν καλουμένην Μασσαλίαν πόλιν καὶ τοὺς Κελτούς. Scholia in Thucydidem (schol. vet. 1.13.4) Μασσαλίαν οἰκίζοντες· Ἴωνες ὄντες οἱ Φωκαῆς καὶ πολεμούμενοι ὑπὸ Περσῶν, ἀφέντες τὴν Ἰωνίαν ἔπλευσαν ἐπὶ τὴν Ἀφρικὴν τὴν πάλαι Καρχηδόνα καλουμένην· ἀεὶ δὲ ταῖς οἰκιζομέναις αἱ πλησίον ἐναντιοῦνται. ἡ δὲ Μεσσαλία πόλις ἐστὶ τῆς Ἀφρικῆς, Καρχηδὼν δὲ ἡ νῦν Ἀφρική. iie siècle ? – Lexique dit d’Harpocration (s.v.) Μασσαλία· Ἰσοκράτης μέν φησιν ἐν Ἀρχιδάμῳ ὡς Φωκαεῖς φυγόντες τὴν τοῦ μεγάλου βασιλέως δεσποτείαν εἰς Μασσαλίαν ἀπῴκησαν· ὅτι δὲ πρὸ τούτων τῶν χρόνων ἤδη ὑπὸ Φωκαέων ᾤκιστο ἡ Μασσαλία καὶ Ἀριστοτέλης ἐν τῇ Μασσαλιωτῶν πολιτείᾳ δηλοῖ. ixe siècle – Lexique de Photios (μ 122) Μασσαλία· Ἰσοκράτης φησὶν ἐν Ἀρχιδάμωι, ὡς Φωκαεῖς, φυγόντες τὴν τοῦ μεγάλου βασιλέως δεσποτείαν, εἰς Μασσαλίαν ἀπωίκησαν· μαρτυρεῖ δὲ τωῖ λόγωι καὶ Ἀριστοτέλης. xe siècle – Souda (μ 242 Adler) Μασσαλία· Ἰσοκράτης φησὶν ἐν Ἀρχιδάμῳ, ὡς Φωκαεῖς φυγόντες τὴν τοῦ μεγάλου βασιλέως δεσποτείαν εἰς Μασσαλίαν ἀπῴκησαν. μαρτυρεῖ δὲ τῷ λόγῳ καὶ Ἀριστοτέλης.

144 – ΜασσαλΙα/MASSALIA [E + Λ + Ω ?] xe siècle – Souda (ε 3161 ; ε 499 Adler) Ἐς Μασσαλίαν πλεύσειας· ἐπὶ τῶν θηλυτέρως καὶ μαλακῶς ζώντων. οἱ γὰρ Μασσαλιῶται θηλύτερον ἔζων στολαῖς ποικίλαις καὶ ποδήρεσι καὶ μύροις χρώμενοι. Ἐκ Μασσαλίας ἥκεις· ἐπὶ τῶν θηλυδριῶν καὶ τεθρυμμένων, παρόσον ἐκείνους φασὶ θηλύτερον στολίζεσθαι μεμυρισμένους καὶ τὰς. xie siècle – Etymologicum Gudianum (381.55) Μασσαλία· Φωκαεῖς καταλιπόντες τὴν Ἰωνίαν διὰ τὴν τῶν Περσῶν ἔφοδον, παρεγένοντο εἰς Γαλατίαν· καὶ ἰδόντες ἁλιέα, ἐπ’ αὐτὸν ἴεσαν, ἑαυτοῖς παρακελευόμενοι Μεσσαλιεῖς· οὗτος δὲ συλληφθεὶς, ἔδειξεν αὐτοῖς οἰκήσιμον τόπον· ὅθεν καὶ Μεσσαλίαν ὠνόμασαν, ἐν ᾗ καὶ ἔλαβον τὸν ἁλιέα. xiie siècle – Etymologicum Magnum (574.166) Μασσαλία· Φωκαεῖς καταλιπόντες τὴν Ἰωνίαν διὰ τὴν τῶν Περσῶν ἔφοδον παρεγένοντο εἰς Γαλατίαν, καὶ ἰδόντες ἁλιέα ἐπ’ αὐτὸν ἦσαν (ἵεσαν Sorb.) ἑαυτοῖς παρακελευόμενοι Μασσαλίης (μεσσαλιεῖς Sorb.) οὗτος συλληφθεὶς ἔδειξεν αὐτοῖς οἰκήσιμον (τόπον add. Sorb.) ὅθεν Μασσαλία ἐκλήθη. xiie siècle – Eustathe de Thessalonique (Com. Il. 1.544, 1.742, 2.252, 3.251, 4.725) καὶ οὕτω τὴν Τρωϊκὴν ἀγορὰν ἡ Ἶρις ἐγκόψασα προκαλεῖται εἰς ἔργον τὸν ἐντρεχέστατον Ἕκτορα καί φησιν ἀσυνδέτως οὕτως· « Ἕκτορ, σοὶ δὲ μάλιστ’ ἐπιτέλλομαι ὧδέ γε ῥέξαι· πολλοὶ γὰρ κατὰ ἄστυ μέγα Πριάμου ἐπίκουροι, ἄλλη δ’ ἄλλων γλῶσσα πολυσπερέων ἀνθρώπων. τοῖσι δ’ ἕκαστος ἀνὴρ σημαινέτω, οἷς ἄρχει, τῶν δ’ ἐξηγείσθω κοσμησάμενος πολιήτας », ἤτοι τοὺς ἑαυτοῦ πολίτας, πλεονασμῷ τοῦ η. [οὐ δήπου γὰρ φυσικῶς ἐνταῦθα ἔγκειται, ὡς ἐν τῷ Μασσαλία Μασσαλιήτης καὶ τοῖς τοιούτοις.] (...) καὶ γὰρ καὶ Ὅμηρος τὸν πολίτην πολιήτην φησίν, ὅπερ Ἰωνικὸν εἶναι δοκεῖ κατὰ τὸ Μασσαλιήτης, Ἀπολλωνιήτης, οἰκιήτης, ἃ κεῖνται παρὰ τῷ Ἡρωδιανῷ. δύναται δὲ ἐκεῖνο καὶ ἀπὸ τοῦ πολιά γενέσθαι τροπῇ τοῦ α εἰς η. (...) κάθηνται δὲ Ἀθηνᾶς ξόανα καὶ ἐν Φωκαίᾳ καὶ Μασσαλίᾳ καὶ Ῥώμῃ καὶ Χίῳ. (...) τὸ δὲ « ἀγροιῶται » ἀπὸ τοῦ ἀγρόται γίνεται κατὰ διπλῆν ἐπένθεσιν τοῦ τε ι καὶ τοῦ ω μεγάλου, δοκεῖ δὲ ὑποκρίνασθαι τοῦτο ἀναλογίαν τῶν προπαραληγομένων μόνῳ τῷ ι οἷον Στρατιώτης, Ἀμβρακιώτης, Μασσαλιώτης. (...) ἀμφίθετος δὲ φιάλη ἡ ἀμφοτέρωθεν αἰρομένη [τῶν ὤτων κατὰ τοὺς ἀμφιφορεῖς, ἢ κατὰ Ἀρίσταρχον] ἡ ἑκατέρω-

589 θεν τίθεσθαι δυναμένη κατὰ πυθμένα καὶ κατὰ στόμα [ἤτοι πρόσωπον, ὡς δῆλον ἐκ τοῦ· τιθέασι Μασσαλιῶται τὰς φιάλας ἐπὶ πρόσωπον. (Com. Dion. 75) ὅτι καὶ ἡ Μασσαλία Γαλατική ἐστι, Φωκεῖς δὲ ᾤκησαν αὐτὴν, οἱ ἐκ τῆς ἕω φυγόντες τὴν τοῦ Κύρου δουλείαν. καὶ ὅτι ὅρμον ἡ Μασσαλία ἔχει ἐπίστροφον, ὃ ἔστι περιφερῆ, περίδρομον καὶ καμπύλον, ἢ οὗ ἐπιστρέφονται οἱ ναυτιλλόμενοι. ἀγαθὸς γὰρ τοῖς Μασσαλιώταις λιμὴν ὁ Λακύδων. τὸ δὲ ἐπίστροφος καὶ παρ’ Ὁμήρῳ κεῖται, ὅπου λέγει ὅτι καὶ Ὀδυσσεὺς ἐπίστροφος ἦν ἀνθρώπων. φασὶ δὲ τοὺς Μασσαλιεῖς εὐδοκιμῆσαί ποτε περί τε ὀργανοποιΐαν καὶ ναυτικὴν παρασκευήν. ἔστι δὲ οὐ μόνον χώρα Μασσαλία, ἀλλὰ καὶ πόλις Λιγύων περί που τὴν Κελτικὴν, ἐτυμολογουμένη ἀπὸ τοῦ μάσσαι, ὃ ἔστιν ἐκδῆσαι, Αἰολικῶς, καὶ ἀπό τινος ἁλιέως. προσπλέων γάρ, φασιν, ὁ τῶν ἀποίκων Φωκαέων κυβερνήτης καὶ ἰδὼν ἐκεῖ ἁλιέα, ἐκέλευσε μάσσαι, ἤτοι δῆσαι, τὸ ἀπόγαιον πεῖσμα· ὅθεν καὶ ἡ πόλις Μασσαλία, παρὰ τὸ μάσσειν καὶ τὸν ἁλιέα.

Commentaire La notice provient du lexique-source et probablement du lexique d’Hécatée pour le début de la notice. Nous avons complété assez largement le texte du troisième abrégé par les mentions d’Eustathe qui, selon nous, a largement puisé dans le texte du premier abrégé pour son commentaire à Denys le Périégète. [A]  |1|  La détermination géographique est ici double,

comme pour Agathê. La première est propre aux auteurs archaïques et classiques  ; on privilégiera ici Hécatée, dont on sait le rôle majeur comme source des Ethniques, et qui est cité un peu plus loin. L’indication est intéressante car elle ne renvoie pas à une possession de la ville par un peuple donné mais la situe au sein d’un territoire, qu’Hécatée appelle la Ligystique et au sein duquel vivent les Ligyens. Toutefois, si l’on lit Eustathe de Thessalonique, on a l’impression que le texte d’origine comportait « Μασσαλία, πόλις Λιγύων » que l’on pourrait rapprocher des différentes mentions de Théopompe. Il est quoi qu’il en soit quasi certain que ce dernier mentionnait Massalia et nous savons, par ce qui suit, ­qu’Hécatée également.

La seconde détermination, « au niveau de la Celtique » dérive soit de Strabon soit plus vraisemblablement d’Artémidore, par le biais éventuellement de l’Abrégé de Marcien mais pas obligatoirement. Ce qui est certain c’est que tous ces auteurs citaient la ville, et qu’ils font

590 partie des sources utilisées fréquemment par Stéphane de Byzance ou son lexique-source. La mention de Massalia se trouve également chez Plutarque (Sol. 2.7 ; Caes. 16.2), Athénée (12.25 ; 13.36), Isocrate (Archid. 84), Démosthène (Zen. 5, 9), Hérodote (5.9), Oppien (Hal.  3.544), Diodore de Sicile (5.32.1), pseudo-Scylax (§ 4), pseudo-Scymnos (v.  209), Denys d’Halicarnasse (De Thucydide 19), Aristote (Politica p.  1305b, 1321a), Théophraste (De lapid. 19 ; 34), Strabon (1.4.4, 2.1.12, 16 et 18, 2.3.4, 2.4.3-4, 2.5.8, 19, 28 et 40, 3.2.6 et 9, 3.4.8, 4.1.1, 3-4, et 5-11, 4.4.4, 4.5.8, 4.6.3, 6.1.1, 13.1.41, 14.1.38, 14.2.5, 17.3.16), Aelius Aristide (Panath. p. 113 ; Monôd. p. 262 ; Aigyp. p. 356), Ptolémée (Synt. 1, 1, p. 110 ; Geogr. 2.10.5, 8.5.7), Dion Cassius (40.54.3 ; 55.10a.9 ; 60.21.3), Polybe (2.14.6 et 9, 2.16.1, 2.32.2, 2.37.8, 3.41.5, 3.47.4, 3.61.2, 33.9.7, 34.7.3), Appien (Iber. 162 ; Bell. civ. 2.7.47 ; 4.11.84), Parthénios (Narrationes 8.3) et Harpocration (Lexicon, M 8). Des citations étayaient très probablement ces différentes mentions. Il n’y a probablement pas lieu ici de multiplier le nombre d’auteurs utilisé par Stéphane de Byzance pour cette seule détermination géographique dans la notice d’origine. Elle comportait une première détermination, complétée ensuite par plusieurs auteurs qui plaçaient Marseille soit au contact (Artémidore ?) soit dans la Celtique (Strabon ; pour cet auteur toute la Gaule est dénommée ainsi). [B] |1-2| La mention d’une fondation de Phocée, issue très vraisemblablement d’Hécatée, renvoie aussi au pseudo-Scymnos (v. 209-210 : « Μασσαλία δ’ ἐστ’ ἐχομένη, | πόλις μεγίστη, Φωκαέων ἀποικία. Marseille vient ensuite, ville immense, colonie des Phocéens  », trad. Marcotte) ainsi qu’à toute une série d’auteurs de Thucydide (1.13.6) à Favorinus d’Arles (frag. 96.12 : « Φωκαιῆς δὲ τῇ οἰκουμένῃ οὐκ ἀρεσκόμενοι μύδρους καθέντες εἰς τὴν θάλατταν ὤμοσαν μὴ πρότερον οἴκαδε ἐπανελεύσεσθαι ἢ τοὺς μύδρους ἀναπλεῦσαι· καὶ νῦν ἔτι Φωκαιῆς Μασσαλίαν οἰκοῦσιν πόρρω τῆς ἑαυτῶν πρὸς τῷ Τυρρηνικῷ πελάγει ᾠκισμένοι.  »). La mention d’Hécatée est ici mise à part, probablement à cause de la réduction du texte de Stéphane de Byzance. Il est possible que dans l’esprit de l’abréviateur, elle ait pu servir ainsi de dénominateur commun à la fois pour la détermination géographique (ville de Ligystique) et la fondation des Phocéens.

|3|  La fausse étymologie de Massalia d’après Timée a été conservée par tous les abréviateurs de Stéphane de Byzance. Elle est tout à fait à sa place ici et correspond bien aux mentions chrono-mythographiques qui donnent

144 – ΜασσαλΙα/MASSALIA [E + Λ + Ω ?] l’origine à la fois de la cité mais aussi du nom qu’elle porte. L’abréviateur aurait pu décider de supprimer cette information mais la curiosité étymologique l’a emportée. La fin de la notice a de fait beaucoup plus souffert des abréviations successives. L’auteur du lexique-source, comme ses successeurs, ne semble pas avoir lu directement Timée ; cette mention provient probablement de l’un des auteurs postérieurs, sans doute Artémidore si l’on fait le parallèle avec la notice de Tauroeis. [D] : La réduction du troisième abrégé a été fatale à la

bonne compréhension de ce paragraphe qui comprenait plusieurs formes distinctes avec des explications grammaticales et/ou des citations. Le début est consacré à l’ethnique (formes masculines Μασσαλιώτης et Μασσαλιεύς) puis une forme particulière (de la chôra ? Μασσαλία) et la forme féminine (Μασσαλιῶτις). Nous restituons un contenu explicatif pour chaque forme d’ethnique à partir des commentaires d’Eustathe qui, rappelons-le, lisait une notice à peine abrégée. |4|  La forme Μασσαλιώτης est présente chez de très nombreux auteurs, très souvent pour définir les massaliètes Pythéas et Euthyménès. Parmi ceux que mentionne habituellement Stéphane de Byzance, on trouve en premier lieu Strabon (2.5.8 et 30, 3.4.6, 8 et 17, 4.1.3, 5-6 et 8-10, 14, 4.2.1, 7a.1.2, 7.3.1, 12.8.11, 14.2.10), Pausanias (10.8.6-7, 10.18.7), le pseudo-Scymnos (v.  203, 250), Polybe (3.41.9, 3.95.7, 34.10.7), Élien (De nat. animal.  5.38, 13.16  ; Varia historia 2.38), Appien (Iber. 55) et Marcien (abrégé Per. Men., § 2). Cet ethnique apparaît dans le titre même de l’œuvre d’Aristote Sur la constitution des Marseillais (τῇ Μασσαλιωτῶν Πολιτείᾳ) et dans sa Poétique (p. 1457a). On le trouve également chez Plutarque (paroimiai ais Alexandreis echrônto 1.60), Diodore de Sicile (5.38.5), Lucien (Toxaris 24), pseudo-Scylax (§ 2), Galien (Ad Glaucon. vol. 11, p. 87 etc…), pseudo-Aristote (Mirab. p. 837b, 89 Giannini), le pseudo-Plutarque (placita phil. p. 897b et f ), Aelius Aristide (Aigyp.  p.  356), Ptolémée (Geogr. 3.1.2, 8.8.3), Dion Cassius (41.19.1 et 4, 21.3, 25.1), Julius Pollux (Onomas. 7.60) et Hipparque (Com. Arati et Eudoxi 1.4.1). |5-6| Nous plaçons ici des informations sur le port de Massalia qui pourrait provenir d’Artémidore et, par son intermédiaire, d’une de ses sources plus anciennes. Ce type d’information, relative à la forme du port, pourrait tout à fait relever de l’ouvrage sur les ports de Timosthène (le Stadiasme), cité pour la ville d’Agathê [2]. |7-8| La forme Massaliêtês, beaucoup plus rare, se trouve chez Polybe (33.8.2, 33.9.1-2, 33.10.12, fragments rap-

144 – ΜασσαλΙα/MASSALIA [E + Λ + Ω ?] portés par les Excerpta Constantiniana), Athénée (1.48 ; 4.36 ; 10.33 ; 11.103) et Appien (Ital. 8.3) et, pour les auteurs que ne cite pas Stéphane de Byzance, Plutarque (Mari. 21.7) et Diodore de Sicile (14.93.5). Stéphane de Byzance, dans la partie la moins abrégée de l’Épitomé, le signale à propos de l’ethnique d’Aiginai. Nous avons intégré ce commentaire dans le texte car nous savons que Stéphane de Byzance reprenait cette indication grammaticale, peut-être issue du travail de comparaison formelle réalisé par Oros d’Alexandrie, d’une notice à l’autre. |9|  L’autre forme pour le masculin, Μασσαλιεύς, n’est mentionnée par aucun des auteurs que nous connaissons. Il faut peut-être attribuer cette forme à l’un des géographes ou historiens hellénistiques comme Eudoxe de Cnide, Éphore ou Ératosthène. Éphore est cité en tout 60 fois dans l’Épitomé, pratiquement toujours pour ses Histoires mais jamais à propos de la Méditerranée occidentale (à l’exception de la Sicile). Ératosthène était assez peu cité dans l’Épitomé. C’est plus probablement Eudoxe qui devait l’être ici : nous avons conservé une mention se rapportant à la ville d’Agathê (Agde) et il a la particularité d’avoir souvent des ethniques qui se terminent par -εύς. Nous mettons à la suite ce qui peut correspondre à une citation de Stéphane de Byzance avec la forme particulière du masculin. [E] |10| Il reste la question du vocable Μασσαλία dans

cette rubrique, qui ne correspond pas au nom même de Marseille, même s’il s’écrit de manière identique. On peut supposer qu’il s’agit soit d’un féminin (mais qui n’est pas attesté par ailleurs) soit, et c’est l’hypothèse que nous choisirons, du nom « Massalie », dans le sens de « terre de Marseille ». C’est peut-être le sens de l’expression que l’on trouve chez Denys le Périégète (v. 75), lorsqu’il parle de la « γαῖα Μασσαλίη », explicité sous une autre forme par le pseudo-Aristote (Mirab. p. 837b, 89 Giannini) : « ἐν τῇ τῶν Μασσαλιωτῶν χώρᾳ (la chôra des Marseillais) ». C’est le sens que nous lui donnons, sur la base du commentaire d’Eustathe. Stéphane de Byzance signalait probablement ici l’emploi qu’en fait Artémidore et que l’on retrouve dans plusieurs des notices (Alônis [23], Aueniôn [35], Kabelliôn [113], Kurênê [129] et Rhodanousia [184]). |11|  La forme Massaliôtis est indiquée seulement par Strabon (4.2.3 : « Μασσαλιώτιδος »), mais pas dans le sens d’un féminin mais de celui de « Massalie » ; il utilise aussi (4.1.12) le terme de Μασσαλιωτική (Thollard 2009, p.  35 et 41 le traduit de la même manière par Massaliotis).

591 On devait trouver initialement également le ktétique (Mασσαλιωτική), présent chez Strabon (4.1.6 et 12, 4.6.3 et 11), le pseudo-Scymnos (v.  146), Polybe (3.41.5 et exceptionnellement sous sa forme ionienne en 3.95.6), Élien (De nat. animal.  13.16  ; Varia historia 2.38) et, pour les auteurs non lus par Stéphane de Byzance, Galien (De sanitate tuenda, vol. 6 p. 282 etc…) et Aelius Aristide (Aigyp. p. 353). Signalons enfin le topique Μασσαλίηθεν chez Lucien (Toxaris 24).

Localisation et archéologie La ville correspond à l’actuelle Marseille (France). La cité a été fondée par les Phocéens vers 600 av. J.-C. selon le témoignage en particulier de Timée (Hermary et al. 1999, p. 40). Localisée au départ sur la pointe d’un large promontoire, elle est progressivement agrandie jusqu’à englober, probablement au iie siècle av. J.-C., les trois buttes dominant un vallon au nord (vallon de la Joliette) et un plan d’eau protégé au sud. La prise de Phocée par les Perses vers 540 av. J.-C., rapportée par Hérodote (1.162-164), contribue certainement à l’accroissement de la population. C’est à la même époque que la ville connait une première extension qui l’amène jusqu’au contact de ce qui sera la limite orientale de la cité jusqu’au Moyen Âge. Au-delà, les fouilles ont mis en évidence une vaste zone de carrières d’argile qui ont profondément creusé et modifié l’espace suburbain (Bouiron 2013b). Les fouilles réalisées ces dernières décennies (voir Hermary et al. 1999 et Bouiron Mellinand 2013) ont montré l’importance du développement urbain, même si les monuments publics restent encore singulièrement peu représentés pour l’époque grecque. Les différentes phases d’expansion urbaine et une configuration de terrain assez irrégulière ont déterminé des orientations variables de la trame urbaine mais toujours orthonormées à l’intérieur de grands espaces lotis. Les fouilles archéologiques ont aussi exploré les niveaux du port grec, à la fois dans la partie terrestre et marine. On a pu ainsi mettre en évidence les premiers aménagements portuaires dès l’époque grecque archaïque (Hermary et al. 1999, p. 45-49). A l’époque hellénistique, l’espace fouillé a livré des vestiges des navalia, avec les loges pour les navires de guerre que mentionne Strabon (Hermary et al. 1999, p. 125-130).

592

145 – ΜασσIα/MASSIA [Λ]

La dernière extension urbaine est enclose dans une nouvelle enceinte, construite en grand appareil et qui reste en usage pratiquement jusqu’au Moyen Âge. C’est elle que Jules César affronte en 49 av. J.-C. lors du siège qu’il fait subir à la ville qui a pris le parti de Pompée durant la guerre civile. A partir d’Auguste, la ville retrouve un nouveau souffle, qui se manifeste par la construction de nouveaux édifices comme les thermes du port (R. Thernot in Bouiron, Mellinand 2013, p.  78) ou le théâtre dont subsistent quelques gradins (A. Badie in Bouiron, Mellinand 2013, p. 79). Au niveau du port, des séries d’entrepôts à dolia sont installés à proximité du rivage (A. Hesnard in Bouiron, Mellinand 2013, p. 86-87). La ville connaît peut-être une légère phase de déclin dans la seconde moitié du iiie siècle et au siècle suivant, mais elle reprend son expansion démographique au ve siècle avec l’aura nouvelle de grands personnages du christianisme installés à Marseille (Salvien, Cassien).

Chronologie des mentions vie s. av. : Hécatée, Mασσαλία (ἄποικος Φωκαέων) – ve s. av. : Hérodote, Μασσαλία ; Thucydide, Μασσαλία – ive s. av. : Eudoxe ? Théopompe ?, Μασσαλία, Μασσαλιεύς ; Aristote, Μασσαλία, Μασσαλιῶται  ; pseudo-Scylax, Μασσαλία, Μασσαλιῶται  ; Isocrate, Μασσαλία  ; Démosthène, Μασσαλία, Μασσαλιῶται  ; Théophraste, Μασσαλία, Μασσαλιῶται – iiie s. av. : Timée, Mασσαλία – iie s. av. : Polybe, Μασσαλία, Μασσαλιήται, Μασσαλιῶται, Μασσαλιητική, Μασσαλιωτική ; ­p seudo-Scymnos, Μασσαλία, Μασσαλιῶται, Μασσαλιωτική ; Artémidore ?, Μασσαλία, Μασσαλιήτης – ier s. av.  :  Parthénios de

Nicée, Μασσαλία  ; Cicéron, Massilia  ; Jules César, Massilia ; Diodore de Sicile, Μασσαλία, Μασσαλιήται, Μασσαλιῶται – ier  s.  :  Tite-Live, Massilia  ; Strabon, Μασσαλία, Μασσαλιώτης, Μασσαλιώτις, Μασσαλιωτική ; Pomponius Mela, Massilia  ; Pline l’Ancien, Massilia  ; Dioscoride, Μασσαλία, Μασσαλιωτικόν  ; Dion Chrysostome, Μασσαλία – iie s. : Plutarque, Μασσαλία, Μασσαλιήται, Μασσαλιῶται  ; Denys le Périégète, Μασσαλία  ; Appien, Μασσαλία, Μασσαλιήται, Μασσαλιῶται  ; Ptolémée, Μασσαλία, Μασσαλιῶται  ; Lucien Μασσαλιώτης, Μασσαλίηθεν  ; Pausanias, Μασσαλιῶται  ; Galien, Μασσαλιώτης, Μασσαλεωτικόν – iiie  s.  :  Élien, Μασσαλιῶται, Μασσαλιωτική  ; Dion Cassius, Μασσαλία, Μασσαλιῶται  ; Justin, Massilia  ; Oppien, Μασσαλία – iv e  s.  :  Ammien Marcellin, Massilia ; Marcien, Μασσαλία, Μασσαλιώτης. Le nom de la ville reste identique pour toute la période chez les auteurs grecs (Massalia) et romains (Massilia).

Bibliographie indicative RE XIV, 2 (1930), col.  2130-2153 (s.v.  Massalia) Philipp  ; Smith 1854 (s.v.  Massilia)  ; Rivet 1988, p. 219-222 ; Silberman 1988, p. 214-215 ; Hermary et al.  1999  ; Bats 2003, p.  148  ; Zehnacker 2004, p. 130-131 ; Bouiron 2013b ; Bouiron, Mellinand 2013 ; Garcia, Bouffier 2014 ; Bouiron 2014a. Barrington Atlas : 15 E3 (Massalia/Massilia) ; http://pleiades.stoa.org/places/148127

145 – ΜασσIα/MASSIA [Λ]

Pays – Hispanie (Bétique) (μ 91 Billerbeck)            Théopompe Livre 30 – Troisième abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 11,8 % – taux théorique : 12 %). Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé et traduction (en grisé, forme erronée restituée du manu­scrit archétype disparu, corrigée dans la notice normalisée)

Mασσία· χώρα ἀποκειμένη(a) τοῖς ταρτησίοις(b). τὸ ἐθνικὸν μασσιανός. θεόπομπος μγ΄. a) παρακειμένη Meineke : ἀποκειμένη RQPN. b) ταρτησσίοις Westermann (mon. Holste) : ταρτησίοις RQPN. a – Erreur probable due à une abréviation mal lue.

Μασσία· [A] |1| χώρα παρακειμένη τοῖς Ταρτησσίοις [Théopompe]. [D]   |2|  τὸ ἐθνικὸν Μασσιανός. |3|  Θεόπομπος μγ΄

[FGrHist 115 F 200].

Massia : [A] |1| région placée près de Tartessos. [D] |2| L’eth­ nique se dit Massianos. |3|  Théopompe (43e livre).

146 – ΜαστιανοI/MASTIANOI [Λ + E]

Commentaire La notice est issue du lexique-source. [A]  |1|  Aucun des textes antiques conservés ne men-

tionne ce toponyme ; comme l’ethnique, il est vraisemblablement issu de Théopompe, de même que la détermination géographique. Le terme ἀποκειμένη est très certainement une erreur puisqu’il n’apparaît jamais dans l’Épitomé  ; παρακειμένη se trouve à plusieurs reprises, ce qui selon nous valide la correction d’A. Meineke. Le nom de Massia pourrait avoir une correspondance avec Mastia, ville du peuple des Mastianoi, comme l’indique Meineke dans son apparat critique, reprenant l’identification proposée par C. G. Heyne mais ce n’est pas celle qui apparaît dans la notice [146] (voir l’argumentation correspondante). Le fait de nommer une ville par ses habitants est un idiotisme grec, nous le traduirons donc par « de Tartessos ».

593 [D]  |2-3|  Le nom du peuple provient de Théopompe

(FGrHist 115 F 200), au livre XLIII des Philippiques. Nous proposons d’y voir une déformation du nom des Mastianoi/Mastiênoi (forme ionienne), la source de Stéphane de Byzance ayant semble-t-il utilisé un texte un peu corrompu ou mal lu de cet auteur (voir par exemple la mention de Tlêtes pour Glêtes [216]). Toutefois cela rejoint la forme qu’utilise Aviénus  ; nous renvoyons à l’analyse de la fiche [146].

Localisation et archéologie Voir la fiche Mastianoi [146].

Chronologie des mentions Voir la fiche Mastianoi [146].

Bibliographie indicative Voir la fiche Mastianoi [146].

146 – ΜαστιανοI/MASTIANOI [Λ + E]

Peuple – Hispanie (Bétique) (μ 93 Billerbeck)            Polybe + Hécatée Livre 30 – Troisième abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 11,8 % – taux théorique : 12 %). Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé et traduction Mαστιανοί· ἔθνος πρὸς ταῖς ἡρακλείαις(a) στήλαις. ἑκαταῖος εὐρώπῃ. εἴρηται δὲ ἀπὸ μαστίας πόλεως. a) ἡρακλείαις RPN : ἡρακλείοις Q.

Μαστιανοί· [Da]  |1|  ἔθνος πρὸς ταῖς Ἡρακλείαις στήλαις [Polybe]. |2| Ἑκαταῖος Εὐρώπῃ [FGrHist 1 F 41]. [Db] |3| εἴρηται

δὲ ἀπὸ Μαστίας πόλεως [Polybe].

Mastianoi  :  [Da]  |1|  peuple qui jouxte les Colonnes d’Hercule. |2| Hécatée (Europe). [Db] |3| On dit que le nom provient de la ville Mastia.

Commentaire La notice provient probablement d’un mélange du lexique source (|1| et |3|) avec le lexique d’Hécatée (|2|). [Da] |1-2| La forme Mastianoi vient sans nul doute de

Polybe (3.33.10) alors qu’Hécatée écrit systématiquement Mastiênoi (cf. les notices Elbestioi [79], Mainobôra [141], Molubdinê [153]  et Sixos [202]). De plus, la détermination géographique est strictement similaire à celle de la notice de Tarsêion [210] qui est explicitement rattachée à Polybe. C’est pourquoi nous proposerons cet auteur pour la détermination géographique.

594 Comme nous sommes ici dans une notice très résumée, il est probable que l’abréviateur a juxtaposé le nom d’Hécatée avec la détermination géographique de Polybe, en supprimant les informations intermédiaires. Il n’est d’ailleurs pas totalement impossible que le manu­scrit d’origine ait eu Mastiênoi, corrigé ensuite en fonction du nom de la ville et de la mention disparue de Polybe ; l’ultime abréviateur aura pu être influencé par la forme associée à la ville à la fin de la notice. Hérodore donne la même forme qu’Hécatée (Mastiênoi) dans la notice Ibêria [100] ; il devait être également cité dans cette notice conservée seulement sous cette forme réduite. [Db] |3| Le nom de la ville est donné par Polybe (3.24.2

et 4), ce qui renforce l’identification première de la notice avec cet auteur.

Localisation et archéologie Le peuple des Mastiênoi n’est mentionné que par les auteurs grecs anciens. Le dernier à les citer est Polybe, à propos du transfert vers l’Afrique de soldats ibériques qu’organisa Hannibal durant l’hiver 219/218 av. J.-C. P. Moret considère que l’homonymie n’est que fortuite entre les Mastianoi de Polybe et le peuple des Mastiênoi (Moret 2002), mais rien ne s’oppose à ce que les Mastiênoi de Polybe soient bien équivalents à ceux connus antérieurement. Le transfert vers l’Afrique peut coïncider avec la fin de la présence de ce peuple en Ibérie et donc des mentions que l’on peut attendre des Mastiênoi. Hécatée et Hérodore utilisent la même forme ionienne Mastiênoi. Aviénus emploie la forme Massieni, qui correspond parfaitement aux Massianoi de Théopompe  ; ses indications renvoient au même emplacement, la côte méridionale de l’Ibérie, à l’est du détroit de Gibraltar. On peut donc sans trop de problème établir une correspondance entre Mastiênoi et Massianoi/Massieni. Enfin la région, appelée Massia chez Théopompe, trouve un rapprochement avec Mastia, signalée par Polybe d’après le texte de l’accord entre les Carthaginois et les Romains en 348 av.  J.-C. Compte-tenu des analyses contradictoires qui en ont été faites, il est important de réexaminer ce que nous savons au sujet de ce document. Ce traité a fait l’objet d’une relecture critique récente (Moret 2002), complétée par le commentaire de M. Molin au livre III de Polybe, paru dans la Collection

146 – ΜαστιανοI/MASTIANOI [Λ + E] des Universités de France (Molin 2004 p.  188-189). Avant de reprendre les différentes étapes de ce débat, examinons les données fournies par l’Épitomé. Nous avons deux notices distinctes, l’une pour Tarsêion [210] et la seconde pour la ville de Mastia (venant en deuxième partie de la notice des Mastianoi). Il est intéressant d’analyser leur détermination géographique  :  dans les deux cas, il s’agit de « πρὸς ταῖς Ἡρακλείαις στήλαις » ; pour Tarsêion, dont la notice est moins résumée, il est précisé que la référence est le livre III de Polybe. Nous sommes donc bien en lien avec le texte qui nous intéresse. On notera que dans tout l’Épitomé, la seule autre détermination géographique strictement identique se trouve dans la notice de Baikula, qui semble provenir également de Polybe (voir l’argumentation dans la fiche [38]). Pour les trois notices, il est difficile de savoir comment la localisation a pu être faite, compte tenu de ce qu’indique le texte de Polybe. Ainsi, la localisation la plus vraisemblable de Baikula se trouve à 300 km au nord-est du détroit de Gibraltar ; on ne peut donc pas dire que l’on soit proche de celui-ci. Il n’est donc pas impossible que les déterminations géographiques du lexique de Polybe ne soient pas exactes et que son auteur ait donné une détermination qu’il restituait de luimême à défaut de la trouver chez l’historien. On notera d’ailleurs que les trois géonyme ne sont pas localisables d’après le seul texte de Polybe. Il faut toutefois rappeler qu’il existe des formes d’ethnique dans la notice de Tarsêion, ce qui implique que d’autres auteurs ont également utilisé ce toponyme. En conclusion, la détermination géographique de Mastia et Tarsêion ne repose sur rien, si ce n’est, probablement, l’assimilation de Mastia avec le peuple des Mastiênoi/Mastianoi, cette dernière forme provenant aussi de Polybe. Si l’on reprend le texte de Polybe, Mastia et Tarsêion sont deux géonymes issus du texte du traité conclu par Carthage et Rome en 348. À l’inverse de celui de 509 (3.22-23), écrit en latin archaïque, Polybe ne précise pas si ce second traité lui a posé des problèmes de lecture. On peut supposer toutefois qu’en deux cents ans les différences de langue et d’écriture, clairement visibles, pouvaient malgré tout donner lieu à des erreurs de compréhension. Polybe donne d’abord une analyse rapide du contenu (3.24.1-2) puis il traduit en grec ce traité, assez proche de l’original (3.24.3-13)  ; enfin, il en fait une petite analyse géostratégique (3.24.14-16). Il y a donc deux niveaux différents  :  d’abord le texte lui-même, lu et traduit par Polybe, puis l’analyse qu’il

146 – ΜαστιανοI/MASTIANOI [Λ + E] en fait. Concernant la lecture même du manu­scrit de Polybe, E. Foulon et M. Molin proposent de lire Μαστία Ταρσηίων pour tenir compte du singulier πρόσκειται ce qui revient à valider l’hypothèse d’une mauvaise lecture du latin archaïque génitif pluriel *Tarseiom. On a donc très vraisemblablement une Mastia des Tarsêioi et non pas deux villes distinctes. La difficulté vient de l’assimilation qui semble possible entre cette Mastia et la Massia mentionnée par Théopompe. On peut supposer que la première est effectivement une ville chez Polybe alors que la seconde est une région, proche des Tartessioi. On peut d’ailleurs proposer que la précision qu’apporte l’inscription d’Hannibal d’une Mastia des Tarsêioi a peut-être pour origine une confusion possible avec un toponyme du même nom ailleurs (en Ibérie  ?) et qu’il convenait de distinguer les deux. Mais c’était sans compter avec la confusion Tartessioi/Tarsêioi qui allait embrouiller les érudits. Nous suivrons donc P. Moret et M. Molin et rejetons l’hypothèse que cette ville Mastia se soit trouvée en Ibérie ; ce qui, selon nous, ne veut pas dire qu’il n’en existait pas une du même nom en Ibérie mais ce n’est pas celle que mentionne le traité. Chez Polybe, la forme Mastianoi ne pose pas de problème de lecture, mais le nom du peuple qui précède, les Thersitai, est plus énigmatique. Rien dans le texte de Polybe ne permet de les situer précisément ; on sait seulement qu’il s’agit de peuples d’Ibérie. C’est ainsi d’ailleurs que l’auteur du lexique de Polybe identifie les Thersitai « peuple ibérique ». En revanche pour les Mastianoi, la similitude avec les Mastiênoi a très certainement permis de noter l’identification géographique. Est-ce que les Mastianoi sont bien les Mastiênoi précédents ? C’est probable ; toujours est-il qu’il s’agit ici de la dernière mention de ce peuple. On a cherché alors à les retrouver parmi les peuples connus ensuite et l’on a proposé de les identifier avec le peuple des Bastetani, par assimilation vaguement homophonique. Or, cette identification ne tient pas. D’abord, même si l’on veut croire qu’il existait dans les langues paléohispaniques un phonème occlusif bilabial nasalisé ‘mb’ ayant évolué en ‘m’ ou ‘b’ (García Moreno 1990, p.  62-63  ; voir également Alvarez Delgado 1952), les deux formes sont difficiles à considérer comme identiques. Mais surtout, les villes des Mastiênoi données par Hécatée correspondent directement aux villes des Bastuli si l’on suit les indications de Pline et non à

595 celles des Bastetani, peuple situé plus au nord (Ferrer Albelda 2001-2002, p. 276 sq.). Enfin, dernier élément concernant ce peuple, nous pensons que la notice de Sualis [207], qui attribue cette cité aux Mastianoi, trouve sa source chez Artémidore ; mais nous ne savons pas si, chez cet auteur, la mention avait un caractère archéologique ou non. On considèrera donc que, s’il n’y a pas d’erreur lors de la gravure, l’inscription de 205 constitue leur mention la plus tardive certaine et qu’ils ont disparu au plus tard au ier siècle av. J.-C., remplacés ensuite par les Bastuli au ier siècle de notre ère sur le territoire de leur implantation primitive.

Chronologie des mentions vie  s. av.  :  Hécatée, Μαστιηνοί – ve  s. av.  :  Hérodore, Μαστιηνοί – ive s. av. : Théopompe/Pythéas, Μασσία, Μασσιανός ; [Aviénus, Ora maritima], Massieni – iie s. av.  :  Polybe, Mαστιανοί  ; Artémidore ?, Mαστιανοί ? (hypothèse). Le peuple des Mastiênoi est indiqué sous cette forme (ionienne) par Hécatée et Hérodore et sous la forme Massianoi par Théopompe, probablement en lien avec le voyage de Pythéas. La forme Mastianoi de Polybe est issue d’une inscription bilingue (grecque et punique), datée de 205 av.  J.-C., gravée sur l’autel dédié par Hannibal dans le sanctuaire d’Héra du cap Lacinion qu’a vue et copiée Polybe.

Bibliographie indicative RE XIV, 2 (1930), col.  2153-2154 (s.v.  Massieni) Schulten ; Smith 1854 (s.v. Mastiani) ; THA IIA 23c ; IIB 64b ; IIB 142be et bf ; Alvarez Delgado 1952 ; Tovar 1974, p.  24-25, 27-28  ; García Moreno 1990 ; González Blanco 1991, p. 28, 34 ; García Alfonso 2000, p. 128-131 ; Ferrer Albelda 20012002 ; Moret 2002 ; Braun 2004, p. 309. Barrington Atlas : 27 (Mastia/Massia) ; http://pleiades.stoa.org/places/270345

596

147 – ΜαστραMEλη/MASTRAMELÊ [M]

147 – ΜαστραMEλη/MASTRAMELÊ [M]

Ville et étang – Gaule (Narbonnaise) (μ 94 Billerbeck)            Abrégé d’Artémidore Livre 30 – Troisième abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 11,8 % – taux théorique : 12 %). Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé et traduction Mαστραμέλη(a)· πόλις καὶ λίμνη τῆς κελτικῆς. ἀρτεμίδωρος ἐν τῇ(b) ἐπιτομῇ τῶν ια΄. a) Mαστραμέλη RQP : Mαστραμέλλη N Aldus. b) τῇ om. R.

Μαστραμέλη· [A] |1| πόλις καὶ λίμνη τῆς Κελτικῆς. |2| Ἀρτεμίδωρος ἐν

τῇ Ἐπιτομῇ τῶν ια΄ [F 2 epit. Stiehle].

Mastramelê  :  [A]   |1|  ville et étang de Celtique. |2| Artémidore, dans l’Abrégé des Onze.

Commentaire La notice est issue du lexique de Marcien. Il manque la mention de l’ethnique. [A] |1 et 2| La ville et l’étang sont mentionnés d’après

l’Abrégé d’Artémidore par Marcien. Nous pensons que le rattachement à la Celtique était présent de la même manière dans l’œuvre primitive. Il est possible que le lexique-source comportait la mention originale d’Artémidore ; cette information aura disparu lors du travail de compilation de Stéphane de Byzance. La notice est proche de celle d’Alônis [23] dans sa formulation ; elle a pu reprendre une détermination géographique issue du lexique d’Artémidore. [D]  absent  :  |3|  Dans la notice telle que nous l’avons

conservée, il manque la forme dérivée ; on peut supposer une forme d’ethnique que l’auteur du troisième abrégé, ultime abréviation de Stéphane de Byzance, aura fait disparaître.

Localisation et archéologie Les mentions sont peu nombreuses pour ce géonyme. On a depuis longtemps rapproché l’indication d’Aviénus (Ora marit. v. 701) qui signale l’oppidum de Mastrabala, mais le texte est ici corrompu. Voici le texte tel qu’il se présente (v.  700-703)  :  Gens hinc Nearchi, Bergineque ciuitas, | Salyes atroces, oppidum priscus ra Mastrabalae |  Paludes, terga celsum prominens, |  Quod incolentes

Cecylistrium uocant  ». Le problème porte sur les vers 701-702, le premier étant trop long et le second trop court. R. Busquet et R. Pernoud rapprochaient le terme ‘ra’ du nom de Sainte-Marie-de-la-Mer au Moyen Âge (Beata Maria de Ratis) ; la plupart des érudits suppriment ce mot qui semble ne pas avoir de sens. De même, I. Voss a proposé de modifier ‘paludes’ en ‘paludis’, priscum se rapportant alors à paludis, mais il n’y a pas d’unanimité sur cette correction. Si le sens exact reste à trouver, nous ne suivrons pas H. Tréziny lorsqu’il propose qu’Aviénus ait pu lire Stéphane de Byzance et faire de ‘ra’ la corruption de la déesse grecque Ῥέα (Μᾶ), mentionnée quelques lignes au-dessus dans l’Épitomé (dans la version du troisième abrégé …) (Tréziny 2004, p. 95). Notons que Pline l’Ancien (3.33) ne mentionne qu’un étang de ce nom (stagnum Mastromela)  ; chez Artémidore c’est à la fois une ville et un étang. Enfin Ptolémée ne signale pas ce toponyme ; même si la ville a pu disparaître, l’étang existait encore et aurait pu être mentionné. Il est plus probable qu’il n’a inclus que les toponymes disposant de coordonnées géographiques, ce qui n’a permis de l’ajouter à sa liste. L’association d’un étang et d’un oppidum a fait rapprocher ce nom du site de Saint-Blaise ; mais rien n’est moins sûr car ce dernier porte le nom d’Ugium durant le haut Moyen Âge (attesté dès 739 dans le testament d’Abbon et en 828 dans le testament de Leibulfe : Gateau 1996, p. 286-287). Nous ne pouvons proposer plus que les interrogations de G.  Barruol en 1969 (Barruol 1969, p.  197)  :  aucune localisation précise de l’oppidum et de l’étang qui le jouxtait n’est possible avec certitude. Toutefois nous verrions volontiers dans ce toponyme l’étang de Berre. Même s’il ne donne pas de nom, Pomponius Mela (2.78) signale que Maritima Avaticorum est au bord d’un stagnum, terme identique à celui employé par Pline l’Ancien. L. Pérez Vilatela propose de situer ce toponyme sur la côte atlantique de la Lusitanie, ce qui est bien évidemment impossible (Pérez Vilatela 2000, p. 152).

148 – ΜεγΑλη πΟλις/MEGALÊ POLIS [Λ+Φ]

597

Chronologie des mentions

Bibliographie indicative

ive-iie  s. av.  :  [Aviénus, Ora maritima], Mastrabala – iie s. av. : Artémidore (Abrégé de Marcien), Mαστραμέλη (πόλις καὶ λίμνη τῆς Kελτικῆς) – ie  s.  :  Pline l’Ancien, Mastromela (stagnum).

RE XIV, 2 (1930), col.  2176 (s.v.  Mastramela) H. G. Wackernagel ; Smith 1854 (s.v. Mastramela) ; THA IIB 142bg ; Brunel 1945, p. 129 ; Benoit 1965, p. 129130  ; Barruol 1969, p.  196-197, 201, 224 n. 1  ; González Blanco 1991, p.  29, 34  ; Gateau 1996, p.  75 et 286  ; Bats 2003, p.  153  ; Tréziny 2004  ; Zehnacker 2004, p. 130.

La forme semble être Mastramelê, qui correspond en latin à Mastramela. La forme d’Aviénus comporte une erreur de copie du ‘b’ pour ‘m’ et celle de Pline a ‘o’ pour ‘a’.

Barrington Atlas : 15 (Mastramela) ; http://pleiades.stoa.org/places/151778

148 – ΜεγΑλη πΟλις/MEGALÊ POLIS [Λ+Φ]

Ville – Hispanie (Tarraconaise) (μ 105 Billerbeck)            III-Philon Livre 31 – Second abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 15,5 % – taux théorique : 20 %). Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé et traduction (en grisé, forme erronée restituée du manu­scrit archétype disparu, corrigée dans la notice normalisée)

Mεγάλη πόλις· (a) ἀρκαδίας, ἣν συνῴκισαν ἄνδρες ἀρκάδες (b) μετὰ τὰ λευκτρικά (c). ἐκαλεῖτο δὲ κατὰ τὸ ἥμισυ μέρος ὀρεστία, ἀπὸ τῆς τοῦ(d) ὀρέστου παρουσίας. οἱ δὲ πολῖται (e) ὀρέστιοι καὶ μεγαλοπολῖται (f ). ἀφ’ ἧς κερκίδας(g ) ἄριστος νομοθέτης καὶ μιλιάμβων(h) ποιητής, καὶ αἰνησίας περιπατητικὸς ὁ θεοφράστου μαθητής, καὶ ἀκεσόδωρος(i) περὶ πόλεων συγγεγραφώς, καὶ πολύβιος(j) μ΄ βιβλία(k) γράψας(l). οὗτοι μεγαλοπολῖται(m). τὸ κτητικὸν μεγαλοπολιτικός. βʹ ἔστι καὶ ἄλλη πόλις καρίας(n), ἡ νῦν ἀφροδισιάς, ἡ πρότερον λελέγων πόλις. καὶ διὰ τὸ(o) μέγεθος ἐκλήθη μεγαλόπολις(p). ὠνομάσθη δὲ(q) καὶ νινόη ἀπὸ νίνου. ὁ πολίτης νινοήτης. ἔστι καὶ ἰβηρίας μεγάλη πόλις, ὡς φίλον. ἔστι καὶ μεγάλη νῆσος ἡ νῦν(r) λυκίας(s). a) Mεγάλη πόλις· Ἀρκαδίας Pinedo : Mεγάλη· πόλις ἀρκαδίας RQ, Mεγάλη πόλις, ἀρκαδίας PN. b)  συνῴκισαν ἄνδρες ἀρκάδες PN  :  συνώκησαν ἀρκάδες R, συνώκισαν ἀρκάδες Q. c) λευτρικά RPN : λευτρικὰ Q. d) τοῦ om. PN. e) οἱ δὲ πολῖται Q : οἱ δὲ πολίται PN, τὸ ἐθνικὸν R. f ) μεγαλοπολῖται RQ  :  μεγαλοπολίται PN. g)  κερκίδας RQPN  :  Kερκιδᾶς Meineke. h)  μελιάμβων Meineke  :  μηλιάμβων R, μιλιάμβων QPN Aldus, μιμιάμβων Xylander. i)  Ἀκεστόδωρος Berkel  :  ἀκεσόδωρος RQPN. j)  πολύβιος QPN  :  πολύδωρος R. k)  βιβλία QPN  :  βυβλία R. l)  συγγράψας R  :  γράψας QPN Aldus. m) μεγαλοπολῖται RQ : μεγαλοπολίται PN. n) καρίας RQ : ἰκαρίας PN. o) διὰ τὸ R : διὰ τοῦ Q. p) καὶ διὰ τὸ μέγεθος ἐκλήθη μεγαλόπολις om. PN. q) δὲ om. QPN. r) ἡ νῦν : ἐγγὺς susp. Meineke. s) λυκίας QPN : λυκιάς R. a – Probable erreur lors de la copie. h – Iotacisme ? l – Erreur due à une abréviation ?

Μεγάλη πόλις· I-[A]  |1|  Ἀρκαδίας, [B]  ἣν συνῴκισαν ἄνδρες Ἀρκάδες μετὰ τὰ Λευκτρικά. |2| ἐκαλεῖτο δὲ κατὰ τὸ ἥμισυ μέρος Ὀρεστία, ἀπὸ τῆς τοῦ Ὀρέστου παρουσίας. [D] |3| οἱ δὲ πολῖται Ὀρέστιοι καὶ Μεγαλοπολῖται. |4| ἀφ’

ἧς Κερκίδας ἄριστος νομοθέτης καὶ μελιάμβων ποιητής, καὶ Αἰνησίας περιπατητικὸς ὁ Θεοφράστου μαθητής, καὶ Ἀκεστόδωρος Περὶ πόλεων συγγεγραφώς, καὶ Πολύβιος μ΄ βιβλία συγγράψας. |5| οὗτοι Μεγαλοπολῖται. [E] |6| τὸ κτητικὸν Μεγαλοπολιτικός. II-[A]   |7|  βʹ ἔστι καὶ ἄλλη πόλις Καρίας, [B]   ἡ νῦν Ἀφροδισιάς, ἡ πρότερον Λελέγων πόλις. |8|  καὶ διὰ τὸ μέγεθος ἐκλήθη Μεγαλόπολις. [C]  |9|  ὠνομάσθη δὲ καὶ Νινόη ἀπὸ Νίνου. [D] |10| ὁ πολίτης Νινοήτης. III-[A]  |11|  ἔστι καὶ Ἰβηρίας Μεγάλη πόλις, ὡς Φίλον [FGrHist 790 F 43]. IV-[A] |12| ἔστι καὶ Μεγάλη νῆσος [B] ἡ νῦν Λυκίας.

Megalê polis : I-[A] |1|  d’Arcadie, [B] qu’ont colonisée les hommes venus d’Arcadie après Leuctres. |2| La moitié de la ville est appelée Orestia, en raison de la présence d’Oreste. [D] |3| Les citoyens sont les Orestioi et Megalopolitai. |4| De celle-ci provient Kerkidas, le meil-

598

149 – ΜεδιολΑνιον/MEDIOLANION [M]

leur nomothète et poète en vers iambiques, Ainêsias, le péripatéticien élève de Théophraste, Acestodore l’auteur de Sur les villes, et Polybe qui a écrit 40 livres. |5| Ils sont des Megalopolitai. [E] |6| Le ktétique est Megalopolitikos. II-[A] |7| 2e, il existe une autre ville en Carie, [B] qui

s’appelle maintenant Aphrodisias et qui était naguère la ville de Lelegôn polis. |8| En raison de sa taille elle reçut le nom de Megalopolis. [C] |9| Elle fut aussi appelée Ninoê, d’après Ninos. [D] |10| Le citoyen est Ninoêtês. III-[A] |11| Il existe aussi une Mégalê polis d’Ibérie, selon Philon. IV-[A] |12| Il existe aussi une île Megalê [B] qui est maintenant en Lycie.

Lexiques et commentaires grecs et byzantins Aucun texte de lexique ne concerne la ville ibérique.

auteurs nés dans la Megalêpolis d’Arcadie, au premier rang desquels bien sûr Polybe. Philon n’aurait alors fait que rappeler qu’il existait aussi une ville ibérique du même nom mais nous ne savons pas en revanche de qui il tire son information.

Localisation et archéologie Nous ne connaissons aucune ville de ce nom dans la péninsule ibérique. C’est pourquoi il est vraisemblable d’y voir le qualificatif d’une ville qui apparaissait effectivement comme très grande aux yeux des auteurs grecs. Carthagène, la seconde Carthage, correspond parfaitement à cette définition et pouvait effectivement être décrite ainsi. Cette mention repose donc sur la lecture que Stéphane de Byzance a faite de l’abrégé de Philon (et non de l’œuvre d’origine), ce qui peut expliquer cette méprise. Pour González Blanco (González Blanco 1991, p. 34), suivant Schwabe (RE), il s’agit d’une confusion avec la ville libyenne du même nom.

Commentaire Il s’agit d’une notice plurielle, issue du lexique-source mais avec des indications complémentaires provenant de l’Abrégé de Philon par Aelius Serenus, lu par Stéphane de Byzance (|4| et probablement |11|). III-[A] |11| Philon semble être le seul à mentionner cette ville, que l’on peut cependant rapprocher de la mention de Diodore de Sicile (20.8.2) : « τὴν ὀνομαζομένην Μεγάλην πόλιν οὖσαν Καρχηδονίων ». Il faut très certainement rattacher au même Philon la liste des différents

Chronologie des mentions iie s. av. : Philon, Μεγάλη πόλις (Ἰβηρία).

Bibliographie indicative RE XV, 1 (1931), col. 141 (s.v. Mεγάλη πόλις 1) Schwabe. THA IIB 142bh ; González Blanco 1991, p. 29, 34.

149 – ΜεδιολΑνιον/MEDIOLANION [M]

Ville – Gaule (Aquitaine) (μ 111 Billerbeck)            Marcien ? I. NOTICE – Livre 31 – Second abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 15,5 % – taux théorique : 20 %).

Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé et traduction (en grisé, forme erronée restituée du manu­scrit archétype disparu, corrigée dans la notice normalisée)

Mεδιολάνον(a)· πόλις ἀκυτανίας. οἱ οἰκοῦντες μεδιολάνιοι. a) Μεδιολάνιον R : Μεδιολάνον QPN Aldus. a – Erreur de copie ?

Μεδιολάνιον· [A] |1| πόλις Ἀκυτανίας [Marcien]. [D] |2| οἱ οἰκοῦντες Μεδιολάνιοι [Marcien ?].

Mediolanion : [A] |1| ville d’Aquitaine. [D] |2| Les habitants sont dits Mediolanioi.

149 – ΜεδιολΑνιον/MEDIOLANION [M]

599

Lexiques et commentaires grecs et byzantins

Localisation et archéologie

xe siècle – Souda (μ 405 Adler) Μεδιόλανον· πολυάνθρωπος πόλις, ἣν καταλαβὼν Ἀττήλας ἠνδραποδίσατο. ὡς δὲ εἶδεν ἐν γραφῇ τοὺς μὲν Ῥωμαίων βασιλεῖς ἐπὶ χρυσῶν θρόνων καθημένους, Σκύθας δὲ ἀνῃρημένους καὶ πρὸ τῶν σφῶν ποδῶν κειμένους, ζητήσας ζωγράφον ἐκέλευσεν αὑτὸν μὲν γράφειν ἐπὶ θάκου, τοὺς δὲ Ῥωμαίων βασιλεῖς κωρύκους φέρειν ἐπὶ τῶν ὤμων καὶ χρυσὸν πρὸ τῶν αὑτοῦ χέειν ποδῶν.

Il s’agit de la ville de Saintes (Charente-Maritime, France), située en bordure de la Charente.

Commentaire La notice provient du lexique de Marcien. [A]  |1|  La ville est mentionnée par Marcien (Per. ext.

2.21), Strabon (4.2.1  :  «  τῶν δὲ Σαντόνων πόλις ἐστὶ Μεδιολάνιον ») et Ptolémée (Geogr. 2.7.6, 2.8.9, 8.5.3). La forme Akutania étant caractéristique de Marcien, c’est probablement lui qui est à l’origine de la mention.

Plusieurs villes portaient ce nom (cf. Ptolémée) mais la principale reste Milan, citée par un grand nombre d’auteurs antiques (dont Polybe et Strabon) et de l’Antiquité tardive du fait de son importance stratégique (en particulier par des auteurs que l’on ne trouve pas chez Stéphane de Byzance). Il est étonnant que l’Épitomé ne la mentionne pas ici ; il semble même ne pas y avoir eu de paragraphe spécifique dans les Ethniques. Selon nous, Stéphane de Byzance a remplacé les différentes notices du lexique-source, sans doute déjà assemblées en une seule notice multiple, avec celle issue du lexique de Marcien. [D] |2| Seul Stéphane de Byzance donne cette forme. Elle

semble se rapporter aux habitants de la ville gallo-romaine, et devait être citée par Marcien dans la partie plus détaillée de son œuvre.

Elle semble apparaître après la conquête de la Gaule par Jules César, bien qu’il ne soit pas impossible qu’un oppidum ait existé mais aucune découverte archéologique ne le confirme (Tranoy 2007, p. 226). La fouille dite « Ma Maison » a en effet livré du mobilier céramique datable des années 50-40 av. J.-C. au plus tard (Tranoy 2007, p. 227-228). Au moment de la création des trois provinces gauloises (vers 16-13 av. J.-C.), elle devient la capitale de l’Aquitaine : Mediolanum Santonum. Elle est reliée à la capitale des Gaules Lyon par la via Agrippa et se trouve sur l’axe nord-sud qui la met en communication avec Bordeaux au sud et la Loire au nord. Elle se dote de monuments importants, comme l’arc de Germanicus (19 ap. J.-C.), placé sur la rive droite de la Charente (Maurin 1978 ; Tranoy 2007, p. 233-234), ou un amphithéâtre. La création d’un réseau orthonormé de rues ne semble toutefois remonter qu’au second quart du ier siècle de notre ère, en lien avec l’ordonnancement du forum (Tranoy 2007, p. 231). Le nombre de blocs très importants récupérés dans le démontage de l’enceinte de l’Antiquité tardive témoigne d’une monumentalisation importante de la cité et de l’existence d’un atelier de sculpture qui utilise des cartons venus de Narbonnaise (Tranoy 2007, p. 230). Elle perd son rang de capitale probablement au iie siècle au profit de Poitiers, qui la perd elle-même au iiie siècle pour Bordeaux (Maurin 1978, p. 132-140).

Chronologie des mentions i er  s.  :  Strabon, Μεδιολάνιον – ii e  s.  :  Ptolémée, Μεδιολάνιον – ive s. : Marcien, Μεδιολάνιον (Ἀκυτανία).

Bibliographie indicative Smith 1854 (s.v.  Mediolanum 5)  ; Maurin 1978  ; Tranoy 2007. Barrington Atlas : 14 E3 (Mediolanum) ; http://pleiades.stoa.org/places/138458

600

150 – ΜΕδμη/MEDMÊ [E ? + Φ]

150 – ΜΕδμη/MEDMÊ [E ? + Φ]

Ville – Gaule (Narbonnaise) ? (μ 114 Billerbeck)            II-Hécatée ? Livre 31 – Second abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 15,5 % – taux théorique : 20 %). Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé et traduction (en grisé, forme erronée restituée du manu­scrit archétype disparu, corrigée dans la notice normalisée)

Mέδμη (a)· πόλις ἰταλίας καὶ κρήνη ὁμώνυμος. ἑκαταῖος εὐρώπῃ(b). ἀπὸ μέδμης κρήνης(c) τίνος. ὁ πολίτης μεδμαῖος. ὅθεν ἦν φίλιππος(d) ἀξιόλογος ἀνὴρ ὁ περὶ ἀνέμων γεγραφώς. ἔστι καὶ ἑτέρα πόλις τῆς λιγυστικῆς(e). {(f ) ἐθνικὸν μεδμαῖος}(g). a) Μέδμη RQPpcN  :  ()έμδη Pac. b) εὐρώπῃ RPN  :  εὐρώπης Q. c) ἀπὸ Mέδμης κόρης Berkel : ἀπὸ μέδμης κρήνης Ppc(ex μέμδης) N, ἀπὸ δμὴς κρήνης R, ἀπόδμης κρήνης Q. d) ὁ ante φίλιππος add. PN. e) τῆς λιγυστικῆς RP(alt. m.)N : lac. indic. om. Q. f ) τὸ add. Bouiron. g) ἐθνικὸν μεδμαῖος R : lac. indic. om. Q, om. PN. c – La correction n’implique pas forcément une mauvaise transmission du texte de Stéphane de Byzance car elle peut être plus ancienne.

Μέδμη· I-[A] |1| πόλις Ἰταλίας καὶ κρήνη ὁμώνυμος. |2| Ἑκαταῖος Εὐρώπῃ [FGrHist 1 F 81]. [B]  |3|  ἀπὸ Μέδμης κόρης τίνος. [D] |4| ὁ πολίτης Μεδμαῖος [Hécatée ?]. |5| ὅθεν

ἦν Φίλιππος ἀξιόλογος ἀνὴρ ὁ Περὶ ἀνέμων γεγραφώς [Abrégé de Philon]. II-[A] |6| ἔστι καὶ ἑτέρα πόλις τῆς Λιγυστικῆς [Hécatée ?].

[D] |7| { ἐθνικὸν Μεδμαῖος} [Hécatée ?].

Medmê :  I-[A] |1| ville d’Italie et source du même nom. |2| Hécatée (Europe). [B] |3| Le nom vient d’une jeune fille appelée Medmê. [D] |4| Le citoyen est Medmaios. |5| De cette ville provient Philippe, personnage important, auteur de Sur les vents. II-[A]   |6|  Medmê est également une autre ville de Ligystique. [D] |7| {L’ethnique se dit Medmaios}.

Lexiques et commentaires grecs et byzantins ixe siècle – Theognostos (Canones 111.33-112.5, § 678) τὰ εἰς μη ἔχοντα πρὸ τοῦ μ σύμφωνον κατὰ σύλληψιν, ἢ κατὰ διάστασιν, ἢ βραχεῖ, ἢ βραχυνομένῳ φωνήεντι παραλήγεται· σεσημειωμένου ἡ αἰχμὴ διὰ τῆς αι διφθόγγου γραφόμενον· ἔστι γὰρ σύνθετον παρὰ τὸ αἷμα χεῖν· οἷον, λίχμη· δεσμή· ἐφετμή· ἀϋτμή· Μεδμή· ἰθμή· δυθμή· λόχμη· δόχμη· Θέρμη· λόγχη· τόλμη· σπέρμη· σέλμη.

Commentaire Il s’agit d’une notice plurielle. La première partie de la notice (|1-4|) provient vraisemblablement du lexique d’Hécatée (plutôt que du lexique-source), ce qui expliquerait la forme similaire de la référence par rapport aux autres mentions de cet auteur. Stéphane de Byzance a ajouté une information issue de l’abrégé de Philon par Aelius Serenus (|5|). La seconde partie (|6-7|) proviendrait selon nous à nouveau du lexique d’Hécatée. II-[A] |6| La dénomination de ville de Ligystique peut être issue d’Hécatée. Si elle provenait de Théopompe (ou d’Eudoxe de Cnide), elle se serait trouvée dans le lexiquesource et aurait certainement pris la forme de πόλις Λιγύων. Cette ville est totalement inconnue par ailleurs. [D] |7| La forme de l’ethnique est parfaitement compa-

tible avec Hécatée. Toutefois, quand on regarde l’apparat critique de l’édition de M. Billerbeck, on s’aperçoit que seul le manu­scrit R a cette leçon, Q ayant visiblement laissé de la place mais sans pouvoir lire le texte et les manu­scrits P et N l’ayant sauté. Nous resterons donc très circonspects sur la réalité d’une forme d’ethnique pour la ville de Ligystique. Elle serait semblable à celle indiquée pour la ville italienne, avec la différence qu’ici le rédacteur du manu­scrit R utilise ἐθνικὸν et non πολίτης.

Localisation et archéologie Nous ne savons pas où se plaçait cette ville. Nous attribuons sa mention à Hécatée par l’étude intrinsèque de l’Épitomé bien que T. Braun ne la mentionne pas pour la partie lig ystique dans son étude (Braun 2004). L’absence de comparaison dans l’Ora maritima d’Aviénus tendrait à la placer à l’est de Marseille, à moins qu’elle ne trouvait place dans les quelques lacunes languedociennes de son œuvre.

Chronologie des mentions vie s. av. : Hécatée ?, Mέδμη (Λιγυστικὴ).

Bibliographie indicative RE XV, 1 (1931), col. 108 (s.v. Medma 2) Philipp.

151 – ΜHλουσα/MÊLOUSA [E (+ Λ ?)]

601

151 – ΜHλουσα/MÊLOUSA [E (+ Λ ?)]

Île – Hispanie (Tarraconaise) ? (μ 177 Billerbeck)            Hécatée (+ Théopompe ?) Livre 32 – Second abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 15,4 % – taux théorique : 20 %). Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé et traduction (en grisé, forme erronée restituée du manu­scrit archétype disparu, corrigée dans la notice normalisée)

Mήλουσσα (a)· νῆσος κατὰ ἴβηρας. ἑκαταῖος εὐρώπῃ. τὸ ἐθνικὸν μηλουσαῖος(b). a)  Μήλουσα R  :  Μήλουσσα QPN Aldus. b)  μηλουσαῖος RQPN : Μηλουσσαῖος Aldus.

Μήλουσα· [A] |1| νῆσος κατὰ Ἴβηρας. |2| Ἑκαταῖος Εὐρώπῃ [FGrHist

1 F 52].

[D] |3| τὸ ἐθνικὸν Μηλουσαῖος [Hécatée ? Théopompe ?]

Mêlousa  :  [A]   |1|  île dans le voisinage des Ibères. |2|  Hécatée (Europe). [D]   |3|  L’ethnique se dit Mêlousaios.

Commentaire La notice provient du lexique d’Hécatée. [A] |1-2| Le nom de l’île n’est donné que par Hécatée (FGrHist 1 F 52). La détermination géographique est obligatoirement issue de cet auteur et se rapporte à une zone proche de l’embouchure de l’Èbre. Il donnait également le nom d’une autre île des Ibères appelée Kromuousa (cf. notice [126]). On peut se demander si la forme d’origine n’était pas Μήλουσσα comme l’indiquent les manu­scrits (leçon que ne retient pas M. Billerbeck par rapport à la forme de l’ethnique). [D] |3| L’ethnique semble provenir d’Hécatée, mais ce

n’est pas la forme qu’il utilise habituellement comme le montre la notice Kromuousa. Ici, on verrait mieux Théopompe, qui pourrait avoir la forme avec un seul σ.

Localisation et archéologie Schulten (RE) propose d’y voir, avec l’île de Kromuousa également citée par Hécatée, l’un des îles des Baléares (Majorque ou Minorque). Ici il s’agirait de Minorque (voir la fiche [126] pour le détail de l’argumentation). Les îles orientale des Baléares sont assez éloignées de la zone de l’Èbre, et sont plus proches du Cap de la Nau. Nous ne pensons pas qu’elle aient été nommées ainsi par Hécatée alors que leur nom antique (Ebusos et Ophioussa) remonte largement à l’époque grecque classique voire archaïque. La détermination géographique semble indiquer une île proche de l’embouchure de l’Èbre. Nous pensons qu’elle aurait pu disparaître avec l’évolution sédimentaire. Le delta de l’Èbre a en effet évolué assez fortement depuis l’Antiquité, mais on connait mal son évolution avant le xe siècle de notre ère. Aucune île n’a pour l’instant été repérée à son embouchure pour la période antique mais les restitutions de son évolution sont encore suffisamment peu fiables pour que l’on puisse proposer la présence d’une île qui pourrait correspondre à Mêlousa au vie siècle av. J.-C.

Chronologie des mentions vie s. av. : Hécatée, Μήλουσα, Μηλουσαῖος. Le nom signifie en grec «  île des pommes  » (ou des moutons) (Moret 2006, p. 45-46).

Bibliographie indicative RE XV, 1 (1931) col. 595 (s.v. Melussa) Schulten ; THA II A 23p  ; IIB 142bi  ; Tovar 1989, p.  254  ; González Blanco 1991, p. 29, 34 ; Adrados 2000, p. 9.

602

152 – ΜΙσγητες/MISGÊTES [E]

152 – ΜΙσγητες/MISGÊTES [E]

Peuple – Hispanie (Tarraconaise) (μ 194 Billerbeck)            Hécatée Livre 32 – Second abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 15,4 % – taux théorique : 20 %). Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé et traduction Mίσγητες· ἔθνος ἰβήρων. ἑκαταῖος εὐρώπῃ. Μίσγητες· [Da] |1| ἔθνος Ἰβήρων. |2| Ἑκαταῖος Εὐρώπῃ [FGrHist 1 F 50].

Misgêtes : [Da] |1| peuple constitué d’Ibères. |2| Hécatée (Europe).

Commentaire La notice provient du lexique d’Hécatée. [Da]  |1-2|  Le nom du peuple ne se trouve que chez Hécatée (FGrHist 1 F 50) ; le rattachement aux Ibères vient donc de cet auteur. Il tend à faire du nom des Ibères un rattachement supérieur, comme les Ligyens le sont pour le peuple des Elisyques (cf. notice [82]).

Localisation et archéologie La localisation du peuple trouve une confirmation avec la mention du pseudo-Scylax (§ 3) qui localise des populations mêlangées (Λίγυες καὶ Ἴβηρες μιγάδες μέχρι

Ῥοδανοῦ) entre l’embouchure de l’Èbre et le Rhône. On a ainsi proposé que les Misgêtes aient pu ensuite se fragmenter en cinq peuples différents : Léétans, Ausétans, Indicètes, Sordones et Elisyques (Padró, Sanmartí 1992, p. 187-188 ; Moret 2004, p. 53 ; Braun 2004, p. 313). Cette hypothèse en vaut une autre mais elle est totalement invérifiable, le pseudo-Scylax ne donnant pas lui ce nom à un peuple. Pour Hécatée, on est sur la côte orientale de la péninsule ibérique et plutôt proche de l’Èbre.

Chronologie des mentions vie s. av. : Hécatée, Μίσγητες – ive s. av. : pseudo Scylax, (μιγάδες ?) (Λίγυες καὶ Ἴβηρες).

Bibliographie indicative RE XV, 2 (1932), col.  2049 (s.v.  Misgetes) Schulten  ; THA II A 23q ; IIB 142bk ; González Blanco 1991, p. 29, 34 ; Adrados 2000, p. 9 ; Braun 2004, p. 313.

153 – ΜολυβδΙνη/MOLUBDINÊ [E]

603

153 – ΜολυβδΙνη/MOLUBDINÊ [E]

Ville – Hispanie (Bétique) (μ 204 Billerbeck)            Hécatée Livre 32 – Second abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 15,4 % – taux théorique : 20 %). Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé et traduction (en grisé, forme erronée restituée du manu­scrit archétype disparu, corrigée dans la notice normalisée)

Mολυβδάνα(a)· πόλις μαστιηνῶν. ἑκαταῖος εὐρώπῃ. a) Μολυβδίνη Meineke : Mολυβδάνη Rpc, Mολυβδάνα RacQPN Aldus.

Μολυβδίνη· [A] |1| πόλις Μαστιηνῶν. |2| Ἑκαταῖος Εὐρώπῃ [FGrHist 1 F 44].

Molubdinê  :  [A]  |1|  ville des Mastiênoi. |2|  Hécatée (Europe).

Lexiques et commentaires grecs et byzantins Pseudo-Arcadius (De accent. 220.11-13) τὰ διὰ τοῦ ινη ὑπὲρ τρεῖς συλλαβὰς ἐκτείνει τὸ ι· Αἰητίνη θριδακίνη ἡρωΐνη. τὸ εἰλαπίνη Μολυβδίνη ὄνομα πόλεως συνέσταλται. Lexicon artis grammaticae (447) Μολυβδίνη· ὄνομα πόλεως. xe siècle – Souda (μ 1208 Adler = Ambr. 899) Μολυβδίνη· ὄνομα πόλεως. ixe siècle – Theognostos (Canones 113.31-114.4, § 691) τὰ διὰ τοῦ ινη μονογενῆ ὑπὲρ δύο συλλαβὰς βαρύτονα τὸ ι παραλήγεται· οἷον, Ἀσίνη ἡ Ἑρμιόνη· σατίνη· εἰλαπίνη· μυρσίνη· Μολυβδίνη ἡ πόλις· Ματίνη· κηρυκίνη· θριδακίνη· φίνη· ἀριγίνη· ἐριγίνη· ἡρωΐνη· δωτίνη· Αἰητίνη· Ἀδρηστίνη Εὐηνίνη· Μενεκίνη ἡ πόλις· μελίνη κέγχρος· χοιρίνη ἡ δικαστικὴ ψῆφος Καρίνη ἡ πόλις· Ὑρμίνη· ὑσμίνη· Εὐκολίνη· Λογίνη· τὸ ἐχινῆ ἀπὸ τοῦ ἐχινέα συναιρεθὲν περισπᾶται.

Commentaire La notice provient du lexique d’Hécatée. Elle est incomplète. [A]   |1-2|  Le nom de la ville ne se trouve que chez

Hécatée (FGrHist 1 F44) ; il correspond au nom grec signifiant «  en plomb  ». La forme Mastiênoi pour le

nom du peuple est typique d’Hécatée. La mention de la ville dans les lexiques et les ouvrages de grammaire a deux sources distinctes  :  Hérodien via Oros pour Theognostos ; le Lexicum Ambrosianum pour la Souda et le Lexicon artis grammaticae. Les deux peuvent provenir in fine du lexique de Diogenianus. [D] absent : Il manque la forme de l’ethnique.

Localisation et archéologie La ville est inconnue ; son nom indique toutefois la présence de mines de plomb dans son entourage proche, ce qui la localise dans la Sierra de Gádor, Almagrera, Carthagène ou La Unión. On a proposé Carthagène ou Villaricos, l’emplacement de la Baria punique (Tovar 1989, p. 166). Toutefois il n’est pas certain que le territoire des Mastienoi montait aussi haut vers le nord. Aucune hypothèse fiable n’est donc possible. Le plomb est associé à l’argent car dans les mines du sud de la péninsule ibérique, celui-ci provient de galène argentifère (sulfure de plomb, PbS). Au sud de Carthagène, les mines de Herrerias et Sierra Almagrera sont exploitées semble-t-il au moins au vie siècle av. J.-C. T. Braun propose lui aussi la correspondance avec Baria (Villaricos) (Braun 2004, p.  310), dans laquelle une tombe a livré des pinces en plomb et une coupelle imprégnée d’oxyde de plomb (Domergue 1990, p. 146).

Chronologie des mentions vie s. av. : Hécatée, Mολυβδίνη (Μαστιηνῶν).

Bibliographie indicative RE XVI, 1 (1933), col. 33-34 (s.v. Molybdine) Schulten ; THA  II A 23g  ; IIB 142bl  ; Tovar 1989, p.  166  ; González Blanco 1991, p. 29, 34 ; Adrados 2000, p. 9 ; García Alfonso 2000, p. 129 ; Braun 2004, p. 310. Barrington Atlas : 27 (Molybdina, unlocated) ; http://pleiades.stoa.org/places/270350

604

154 – ΜΟνοικος/MONOIKOS [E]

154 – ΜΟνοικος/MONOIKOS [E]

Ville – Gaule (Alpes maritimes) (μ 209 Billerbeck)            Hécatée Livre 32 – Second abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 15,4 % – taux théorique : 20 %). Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé et traduction Mόνοικος· πόλις λιγυστική(a). ἑκαταῖος εὐρώπῃ. τὸ ἐθνικὸν μονοίκιος(b). a) λιγυστική QPN : γυστική R. b) μονοίκιος PN : μονοίκιοι R, μονοικι cum spat. ca. 2 litt. Q.

Μόνοικος· [A] |1| πόλις λιγυστική. |2| Ἑκαταῖος Εὐρώπῃ [FGrHist 1

F 57].

[D] |3| τὸ ἐθνικὸν Μονοίκιος [Hécatée ?].

Monoikos : [A] |1| ville ligystique. |2| Hécatée (Europe). [D] |3| L’ethnique se dit Monoikios.

Commentaire La notice provient du lexique d’Hécatée. [A] |1| La localisation géographique se fait en fonction

d’un ktétique qui rattache la ville à l’aire des Ligyens, ce qui est peu fréquent dans notre corpus  ; peut-être l’œuvre d’origine de Stéphane de Byzance donnait-elle la précision « τῆς Λιγυστικῆς » et l’abréviation l’aura transformée mais ce type de réécriture est généralement plutôt le fait du troisième abréviateur. C’est pourquoi nous préférons lire «  ville ligystique  » et y voir une ville des Ligyens et non pas une fondation grecque en Ligystique.

|2| La source indiquée, Hécatée dans l’Europe, est tout à fait compatible avec l’indication géographique. Strabon (4.6.1-3) la mentionne uniquement comme port (« λιμήν »), à trois reprises. Tel n’était pas le cas d’Hécatée pour qui il s’agit d’une ville. [D] |3| L’ethnique qui est signalé se rapporte très vrai-

lement la mentionner dans le cadre des conflits entre peuples indigènes et Massaliètes en 154 av. J.-C. Il est possible que Stéphane de Byzance ait remplacé la notice du lexique-source (avec Polybe et Artémidore ?) par celle issue du lexique d’Hécatée. D’après G. Barruol, la ville fait partie du territoire des Vediantii à la fin de l’âge du Fer (Barruol 1969, p. 366). La limite de ce peuple avec les Intemelii de Vintimille, vers l’est, s’établissait à peu près à Roquebrune, probablement au niveau du vallon Saint-Roman, qui sera dans les siècles suivants une délimitation topographique forte. Quelques vestiges funéraires d’époque romaine découverts dans la zone de la Condamine ou plus sur les hauteurs (quartier des Moneghetti) laissent percevoir une ville antique probablement située sur le rocher de Monaco avec des nécropoles en contrebas, positionnées le long d’axes de circulation (Reymond 1970, p. 167 sq). Seules celles-ci ont livré des vestiges archéologiques, nous ne connaissons aucun vestige de la ville ou du port antique (à l’exception d’une épave fouillée lors du réaménagement du port).

Chronologie des mentions vie s. av. : Hécatée, Mόνοικος (Λιγυστική) – ier s. : Virgile, arx Monoeci ; Strabon, Mόνοικος λιμήν ; Valère Maxime, portus Herculis ; Lucain, statione Monoeci ; Pline l’Ancien, portus Herculis Monoeci ; Silius Italicus, saxa Monoeci – iie s. : Ptolémée, Μονοίκου λιμήν (μοίρα Μασσαλιωτῶν) – iiie  s.  :  Mamertin, arx Monoeci – ive  s.  :  Ammien Marcellin, arx Monoeci  ; Julius Obsequens, portus Herculis – ve  s.  :  Itinéraire maritime d’Antonin, Ab Herc(u)le Manico.

semblablement à Hécatée. Strabon ne le donne pas.

Bibliographie indicative

Localisation et archéologie

RE XVI, 1 (1933), col. 132-133 (s.v. Monoecus) Philipp ; Smith 1854 (s.v. Monoeci portus) ; Benoit 1965, p. 96 ; Barruol 1969, p. 63, 366 ; Reymond 1970 ; Bats 2003, p. 148 ; Gras 2003, p. 244 ; Zehnacker 2004, p. 139.

Il s’agit de l’actuelle ville de Monaco (Monaco). Il existe un hiatus de plusieurs siècles entre la mention d’Hécatée et celle de Strabon ; on peut supposer qu’Artémidore au moins la signalait, mais Polybe pouvait éga-

Barrington Atlas : 16 D2 (Herakles Monoikos/Portus Monoeci) ; http://pleiades.stoa.org/places/157868

155 – ΜοτιηνΗ/MOTIÊNÊ [Λ]

605

155 – ΜοτιηνΗ/MOTIÊNÊ [Λ]

Région – Hispanie (Tarraconaise) (μ 215 Billerbeck)            [A] Artémidore ? I. NOTICE – Livre 32 – Second abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 15,4 % – taux théorique : 20 %).

Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé et traduction (en grisé, forme erronée restituée du manu­scrit archétype disparu, corrigée dans la notice normalisée)

Mοτιηνή (a)· χωρίον ἰβηρίας. (b), ἄποικος(c) ῥωμαίων. πολύβιος γ΄. φλέγων δὲ μουτιηνὴν(d) αὐτήν φησι. τὸ ἐθνικὸν μοτιηναῖος(e).

[A] |1| Nous ne connaissons pas de lieu ibérique portant

a)  Μοτιηνὴ RQ  :  Μοτιηνοὶ PN Aldus, Mοτίνη Berkel Billerbeck. b)  μοτίνη πόλις ἰταλίας propos. Meineke in app. c) ἄποικος R : ἄποικον QPN. d) Mουτίνην Meineke : μοτινὴν R, μουτιηνὴν Q, μουτιηνὸν PN Aldus. e)  μοτιηναῖος Q : μοτιναῖος (ex μοτιηναῖος) R Meineke, μοτιηνὸς PN Aldus.

[D] |5| Nous pensons que le nom de l’ethnique se rap-

Μοτιηνή· [A] |1| χωρίον Ἰβηρίας [Artémidore ?]. [C] |2| < ἔστι καὶ Μοτίνη πόλις Ἰταλίας>, ἄποικος Ῥωμαίων.

|3|  Πολύβιος γ΄ [3.40.8]. |4|  Φλέγων [FGrHist 257 F 28] δὲ Μουτίνην αὐτήν φησι.

[D] |5| τὸ ἐθνικὸν Μοτιηναῖος.

Motiênê :  [A] |1| lieu-dit d’Ibérie. [C] |2| , fondation des Romains. |3|  Polybe (3e livre). |4|  Phlégon l’appelle Moutinê. [D] |5| L’ethnique se dit Motiênaios.

Commentaire La notice semble correspondre à la fusion de deux notices distinctes du lexique-source, la première sur un lieu d’Ibérie et la seconde sur la ville italienne. Nous suivons ainsi l’hypothèse de Meineke pour la citation de Polybe (3.40.8) qui rend compréhensible la deuxième partie de la notice.

ce nom. Nous proposons, à titre d’hypothèse, que ce toponyme provienne d’Artémidore.

porte plutôt à la ville italienne, beaucoup plus connue, qu’au lieu ibérique. La mention du livre III de Polybe, conservé, implique cette correction car on ne trouve pas de toponyme espagnol sous ce nom mais bien la ville italienne de Motinê. Ceci oblige à compléter le texte des manu­scrits mais il semble tout à fait possible qu’il y ait eu une confusion, soit à l’époque de la rédaction des Ethniques soit plus vraisemblablement lors du second abrégé.

Localisation et archéologie Nous ne connaissons pas de lieu de ce nom en Ibérie. Il n’est donc pas possible de préciser une quelconque localisation.

Chronologie des mentions iie s. av. : Artémidore ?, Μοτιηνή (Ἰβηρίας).

Bibliographie indicative RE XVI, 1 (1933), col. 386 (s.v. Μοτιηνή) Kroll.

606

156 – ΝΑΡΒΩΝ/NARBÔN [Λ + M + E]

156 – ΝΑΡΒΩΝ/NARBÔN [Λ + M + E]

Ville – Gaule (Narbonnaise) (ν 13 Billerbeck)            Strabon (+ Artémidore ?) + Marcien + Hécatée Livre 33 – Second abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 14,9 % – taux théorique : 20 %). Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé et traduction (en grisé, forme erronée restituée du manu­scrit archétype disparu, corrigée dans la notice normalisée)

Nαρβών(a)· ἐμπόριον καὶ πόλις κελτική. στράβων δ΄. (b). μαρκιανὸς δὲ ναρβονησίαν(c) αὐτήν φησι. τὸ ἐθνικὸν ναρβωνίτης (d) ὡς ἀσκαλωνίτης. ἔστι καὶ λίμνη ναρβωνίτις(e), ὡς ἀσκαλωνίτις(f ). καὶ ποταμὸς αἰακός(g). ἑκαταῖος καὶ ναρβαίους αὐτούς φησι. a) Νάρβων R : Ναρβών QPN. b) ἔστι καὶ ναρβωνῖτις ἐπαρχία rest. Bouiron. c)  Ναρβωνησίαν Holste  :  ναρβονησίαν QPN Aldus, ναρκίαν R. d)  ναρβωνίτης QPN  :  ναρκωνίτης R. e)  Nαρβωνῖτις Westermann  :  ναρβωνίτις QPN, ναρκωνῖτις R. f ) ὡς ἀσκαλωνῖτις Meineke : ὡς ἀσκαλωνίτης (-ίτις N)PN, om. RQ. g)  Ἀτακός Holste  :  ἄταξ Rpc Billerbeck  :  αἴαξ Rac, αἰακός QPN Aldus. a – Erreur d’accentuation lors de la translittération ? On la retrouve dans le premier abrégé (glose de la Souda par Eustathe de Thessalonique). e – Erreur d’accentuation lors de la translittération ? g – Mélecture d’onciales (ATA lu AIA) lors de la translittération.

Νάρβων· [A]   |1|  ἐμπόριον καὶ πόλις κελτική. |2|  Στράβων δ΄ [4.1.6] [+ Artémidore ?]. [C] |3| . |4|  Μαρκιανὸς [GGM I, 574, 22]  δὲ Ναρβωνησίαν αὐτήν φησι.

[D]   |5|  τὸ ἐθνικὸν Ναρβωνίτης [Artémidore  ?]  ὡς Ἀσκαλωνίτης. [E]   |6|  ἔστι καὶ λίμνη Ναρβωνῖτις

[Artémidore  ? Strabon  ?], ὡς Ἀσκαλωνῖτις. |7|  καὶ ποταμὸς Ἄτακος [Artémidore ? Strabon ?]. |8| Ἑκαταῖος [FGrHist 1 F 54] καὶ Ναρβαίους αὐτούς φησι.

Narbôn  :  |1|  port de commerce et ville celtique. |2| Strabon (4e livre). [C] |3| . |4| Marcien l’appelle Narbônêsia. [D]  |5|  L’ethnique est dit Narbônitês, formé comme Askalônitês. [E]   |6|  Il existe aussi un étang appelé Narbônitis, formé comme Askalônitis. |7|  Et le fleuve Atakos (Atax). |8| Hécatée les appelle aussi Narbaioi.

Lexiques et commentaires grecs et byzantins xiie  siècle – Eustathe de Thessalonique (glose de la Souda, ν 35) Ναρβὼν ἢ Ναρβωνησία· ἐμπόριον καὶ πόλις κελτική. ἔστι δὲ καὶ λίμνη Ναρβωνῖτις. καὶ Νάρβις, πόλις Ἰλλυριῶν.

Commentaire La notice est issue du lexique-source, avec des compléments issus du lexique de Marcien (|4|) et d’Hécatée (|8|). [A] |1-2| La définition géographique, comme l’indique

encore l’Épitomé, provient de Strabon (4.1.6) : « Νάρβων (…) μέγιστον ἐμπόριον » (cf. 2.4.2-3, 5.19 et 28 ; 4.1.1, 3, 12 et 14, 2.1 et 3, 3.2) mais se trouvait probablement avant lui déjà chez Artémidore. On peut imaginer que les Ethniques signalaient Artémidore et Strabon et que l’abréviation n’a gardé que le second. La ville est citée sous la même forme par Polybe (3.37.8-9, 3.38.2, 34.6.4 et 7, 34.10.7) et chez des auteurs que n’a pas utilisés Stéphane de Byzance  :  Plutarque (Sert. 12.5  ; Galba 11.1), Diodore de Sicile (5.38.5), Ptolémée (Geogr. 2.10.6, 8.5.7, 8.7.10) et Dion Cassius (37.47.1 ; 43.51.8 ; 52.42.6 ; 53.12.7). [C] |3-4| Il faut très probablement ajouter l’indication de

la province et son nom dans une partie désormais perdue du fait de l’abréviation. Nous pensons que Stéphane de Byzance donnait la forme que l’on trouve chez Strabon (4.1.1) : « τῆς Ναρβωνίτιδος ἐπαρχίας » (également en 4.1.2-3, 6, 9 et 14, 4.2.1, 4.3.1, 4.6.4 et 11, 17.3.25). Dans un second temps, il indique la forme réactualisée par Marcien (Per. ext. 2.19-20, 24 et 27) calquée sur le nom latin de la Narbonnaise, que l’on retrouve par exemple dans l’anonyme de l’Expositio compendaria (§ 7-8), ou chez Ptolémée (Geogr. 2.7.1, 3 et 4, 2.8.4, 2.9.3, 2.10.1 et 6, 2.10.9, 8.5.7, 8.29.3) et Dion Cassius (13.56.1, 36.37.2, 46.50.4, 46.55.4, 48.30.5, 53.12.5, 54.4.1).

156 – ΝΑΡΒΩΝ/NARBÔN [Λ + M + E] [D] |5| Le nom de l’ethnique, sans indication d’auteur, pourrait provenir d’Artémidore puisque Strabon ne le donne pas. La comparaison lexicale relève d’un grammairien, mais on en trouve régulièrement, chez Stéphane de Byzance, dans la partie qui semble issue du lexiquesource. [E]  |6-7|  La mention de l’étang et du fleuve Atax se retrouve chez Strabon (4.1.6  :  «  ἡ μὲν οὖν Νάρβων ὑπέρκειται τῶν τοῦ Ἄτακος ἐκβολῶν καὶ τῆς λίμνης τῆς Ναρβωνίτιδος Parlons de Narbô. Elle se situe au-dessus des bouches de l’Atax et de l’étang de Narbonitis (trad. P. Thollard) » ; cf. également 2.1-2) qui les signale dans le même passage que la ville de Narbonne, peut-être, là encore, sur la base d’Artémidore. Ici, il pourrait s’agir d’une citation passée dans le texte ce qui expliquerait la forme Ἄτακος des manu­scrits. Le fleuve semble, chez Polybe, s’être également appelé Narbôn (34.10, d’après Athénée 8.332a), mais l’Épitomé ne le signale pas.

|8| À la fin de la notice, la mention d’Hécatée (FGrHist 1 F 54) doit vraisemblablement faire référence à une variante du nom de l’ethnique ; compte-tenu des réductions successives, nous pensons que « αὐτούς » ne se rapportait pas à l’étang et au fleuve, mais bien au peuple qui habitait sur place. La formulation est un peu maladroite, du fait de la réduction, et ne signifie sans doute pas qu’il donnait deux formes mais qu’il indiquait aussi une forme qui n’est pas celle que l’on trouve par ailleurs. On a l’impression d’un ajout simplement juxtaposé d’une information issue du lexique d’Hécatée.

Localisation et archéologie Il s’agit de la ville actuelle de Narbonne (Aude, France). La colonie romaine de Narbo Martius est déduite en 118 av. J.-C., avant tout pour contrôler les principales voies de communication puisqu’elle est positionnée le long de la voie Domitienne, à la jonction avec la voie d’Aquitaine qui part en direction de l’Atlantique en passant par Toulouse. Une seconde déduction a lieu en 46/45 av.  J.-C. avec des vétérans de la Xe légion, probablement à la suite des évènements d’Espagne lors de la Guerre civile entre César et Pompée. Elle a été réalisée par le père de l’empereur Tibère, Ti. Claudius Nero (Suétone, Tib. 4.2). Ces déductions successives se retrouvent dans les différents cadastres mis en évidence par l’archéogéographie, celle de 118 av.  J.-C. pouvant correspondre au cadastre B.

607 Antérieurement, Narbonne, ville des Elisyques, est probablement à positionner sur l’oppidum de Montlaurès. Une certaine coexistence avec la colonie romaine est attestée par le mobilier archéologique. De la même façon, il semble qu’un quartier indigène ait trouvé place aux abords mêmes de la colonie (C. Sanchez in Dellong 2002, p. 82). Au sud, l’oppidum de Pech Maho, occupé durant l’âge du Fer, est détruit entre 225 et 200 av. J.-C. pour une raison inconnue. Strabon (4.1.12) indique que Narbonne était, avant la création de la colonie, un port (epineion) des Volques Arécomiques. Un peu plus haut dans son texte (4.1.6) Narbonne apparaît non pas comme une colonie romaine mais un emporion, c’est-à-dire une agglomération commerçante, placée en arrière de l’embouchure de l’Atax et de l’étang narbonnais (donc sans contact direct avec la mer), tous deux mentionnés également par la notice de l’Épitomé. Il est probable que les indications de l’Épitomé proviennent d’Artémidore comme le laisse penser également la suite de la notice  :  le nom de l’habitant Narbônitês n’existe pas chez Strabon. C’est donc la situation à la fin du iie siècle av. J.-C. Pour P. Arnaud, le terme d’emporion signifie pour Narbonne la présence d’un port fluvial et il la situe au même rang qu’Arles qui bénéfice chez Strabon du même qualificatif (Arnaud 2010, p. 109-110). Chez cet auteur, seuls Marseille et Fréjus sont qualifiés de port (limên), sous-entendu en pleine mer. Le fleuve passait à l’origine au contact de Narbonne mais une crue très violente, vers 1320, l’a dévié vers un lit secondaire qui est devenu son lit unique (Zehnacker 2004, p. 128). Depuis 2005, un Projet collectif de recherches coordonné par C. Sanchez étudie « le système portuaire narbonnais (…) du iie s. av. J.-C. au Bas Empire ». La difficulté à mettre en évidence les différents bassins portuaires vient de la présence d’un réseau lagunaire assez important, qui a été altéré depuis l’Antiquité. Contrairement à ce que l’on a longtemps pensé, il ne s’agit pas d’un port unique, à la façon d’Ostie ou de Portus, mais plutôt d’un espace de stockage et de redistribution, probablement évolutif, prenant appui sur toute la lagune (Cavero et al. 2010). Dans cet ensemble multiple, plusieurs éléments attestent d’un mouillage à Port-La-Nautique, partie nord de l’étang de Bages-Sigean, au plus près de Narbonne et de Montlaurès, du iie siècle av. J.-C. à la fin du ier siècle ap. J.-C. (E. Dellong, J.-M. Falguera in Dellong 2002, p. 100-116).

608

157 – ΝΕμαυσος/NEMAUSOS [Λ (+ Ω ?)]

Nous ne nous étendrons pas sur la ville romaine, dont les vestiges, très nombreux et monumentaux, témoignent de l’importance de la cité au Haut comme au Bas-Empire. Nous renvoyons au volume entier consacré à la ville (Dellong 2002), à Dellong 2010 pour les découvertes et études plus récentes et, pour les aspects économiques, à Sanchez 2009.

Nous ne donnons pas toutes les mentions latines antiques et antiques tardives qui sont très nombreuses (voir M. Gayraud in Dellong 2002, p. 52-57). à l’exception de la mention d’Aviénus, qui nous semble en contradiction avec celle d’Hécatée (et donc selon nous erronée, il faut probablement restituer Narbo), les formes sont identiques tout au long des siècles.

Chronologie des mentions

Bibliographie indicative

vie s. av. : Hécatée, Nαρβαίοι – ive-iie s. av. : [Aviénus, Ora maritima], Nar(b)o ? – iie s. av. : Polybe, Νάρβων ; Artémidore ?, Νάρβων ? – ier s. av.  :  Cicéron, Narbo Martius  ; Jules César, Narbo  ; Diodore de Sicile, Νάρβων – ier  s.  :  Strabon, Νάρβων, Ναρβωνῖτις  ; Res Gestae (Gallia) Narbonnensis  ; Velleius Paterculus, Narbo Martius  ; Pomponius Mela, Martius Narbo (Atacinorum et Decumanorum colonia) ; Pline l’Ancien, Narbo Martius (Decumanorum colonia) ; Martial, Narbo Paterna – iie s. : Plutarque, Νάρβων ; Suétone, Narbo ; Ptolémée, Νάρβων, Ναρβωνησία – iiie s. : Dion Cassius, Νάρβων – ive s. : Marcien, Ναρβωνησία.

RE S VII (1940), col.  515-548 (s.v.  Narbo Martius) Gossler ; Smith 1854 (s.v. Narbo Martius) ; Gayraud 1981  ; Rivet 1988, p.  130-136  ; Silberman 1988, p.  211 et 213  ; Dellong 2002  ; Bats 2003, p.  148  ; Zehnacker 2004, p. 127-128 ; Sabrié, Sabrié 2007 ; Sanchez 2009 ; Cavero et al. 2010 ; Dellong 2010. http://pan.hypotheses.org/ Barrington Atlas : 25 H2 (Col. Narbo Martius) ; http://pleiades.stoa.org/places/246347

157 – ΝΕμαυσος/NEMAUSOS [Λ (+ Ω ?)]

Ville – Gaule (Narbonnaise) (ν 31 Billerbeck)            Charax ? + Parthénios de Nicée + Oros ? Livre 33 – Second abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 14,9 % – taux théorique : 20 %). Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé et traduction (en grisé, forme erronée restituée du manu­scrit archétype disparu, corrigée dans la notice normalisée)

Nέμαυσος· πόλις ἰταλίας(a), ἀπὸ νεμαύσου ἡρακλείδου, ὡς παρθένιος. τὸ ἐθνικὸν νεμαύσιος, ἢ νεμαυσῖνος διὰ τὴν χώραν. a) Γαλλίας Xylander : ἰταλίας RQPN Billerbeck. a – Erreur de translittération : ΓΑΛΛΙΑC lu ITAΛIAC.

Νέμαυσος· [A]   |1|  πόλις Γαλλίας [Charax  ?], [B]   ἀπὸ Νεμαύσου

Ἡρακλείδου, ὡς Παρθένιος [F 52 Lightfoot].

[D] |2| τὸ ἐθνικὸν Νεμαύσιος [Charax ?], ἢ Νεμαυσῖνος

διὰ τὴν χώραν [Oros ?].

Nemausos  :  [A]   |1|  ville de Gaule, [B]   nommée d’après Nemausos, le fils d’Héraclès, selon Parthénios. [D] |2| L’ethnique est Nemausios, ou Nemausinos d’après l’usage local.

Lexiques et commentaires grecs et byzantins xiie  siècle – Eustathe de Thessalonique (glose de la Souda, ν 148) Νέμαυσος· πόλις Ἰταλική. ἀπὸ Νεμαύσου Ἡρακλείδου.

Commentaire La notice est issue du lexique-source, avec peut-être un complément d’Oros. [A] |1| Les manu­scrits ont la mention « πόλις Ἰταλίας »,

qui est selon nous erronée, mais qui trouve un écho dans la glose de la Souda écrite par Eustathe de Thessalonique : « πόλις Ἰταλική ». Cette erreur remonte donc au moins à la copie du premier abrégé et résulte selon nous d’une erreur de translittération ; il ne faut pas y voir un rattachement quelconque avec l’Italie.

157 – ΝΕμαυσος/NEMAUSOS [Λ (+ Ω ?)] La détermination géographique est faite avec la Gaule et non la Celtique. Ceci témoigne d’un nombre restreint d’auteurs potentiels. Si la mention provient bien du lexique-source comme nous le pensons, il s’agit alors d’un auteur compris entre le début du ier et le milieu du iie siècle. Dans l’Épitomé, on ne trouve le géonyme de Gallia que dans la notice de Bienna [51]  comme détermination géographique et pour préciser la localisation du Rhône (ἐπὶ τὸν Ῥόδανον ποταμὸν τῆς Γαλλίας), et comme lemme (cf. fiche [61]). Nous proposons ici que Charax pourrait avoir mentionné le nom, ainsi que l’information chrono-mythologique qui suit car c’est le genre d’indication que l’on retrouve souvent associé à cet auteur. Elle nous semble similaire dans sa construction à la notice de Bienna [51]. Comme Ptolémée (Geogr. 2.10.6, 8.5.7), Strabon (4.1.3 et 12, 4.4.6) mentionne la ville sous la même forme que l’Épitomé. Le nom de ce géographe pouvait apparaître dans la notice non abrégée, comme dans le lexiquesource, mais il n’est pas à l’origine de la détermination géographique puisqu’il parle lui de κελτική pour toute la Gaule. [B]  :  Le nom d’Héraclès Nemausos se trouvait chez

Parthénios de Nicée, dans une partie non conservée de son œuvre. Cette indication pourrait tout à fait provenir de Charax, qui aurait trouvé chez cet auteur les informations d’ordre mythographique qu’il semble reproduire tout au long de ses ouvrages historiques. [D] |2| L’ethnique provient d’un auteur inconnu, pro-

bablement le même (Charax) que celui qui a donné la détermination géographique. La seconde forme est la traduction du latin Nemausinus. Elle est elle aussi inconnue dans nos sources. La mention de « διὰ τὴν χώραν » est peut-être la trace d’une mention d’Oros.

Localisation et archéologie Il s’agit de l’actuelle Nîmes (Gard, France). La ville protohistorique s’est développée sur le Mont Cavalier, qui domine la ville romaine et le sanctuaire de la source (temple de Diane). Fondée à la fin du vie siècle av. J.-C., d’abord sous forme d’habitat léger, elle connaît de nouveaux aménagements au cours du ve siècle et des extensions au ive siècle av. J.-C. La ville romaine se développe rapidement dans le courant du i er siècle av.  J.-C. M. Monteil (in Fiches, Veyrac 1996, p. 153 sq.) a rappelé le cadre dans lequel ceci se produit : vers 75 av. J.-C. les Volques Arécomiques

609 acquièrent une reconnaissance officielle, juridique et territoriale ; vers 52-48 av. J.-C., Jules César accorde le droit latin aux communautés volques  ; vers 45-44 av.  J.-C. serait déduite une première colonie de droit latin. Enfin, une seconde déduction aurait eu lieu vers 30 av. J.-C. D’un point de vue de la topographie urbaine, c’est la construction de l’enceinte, autour des années 16/15 av. J.-C., qui représente un moment fort dans la constitution de la cité. Longue de 6 km, elle enclot une surface de 220 ha ce qui en fait l’égale des enceintes de Vienne ou d’Autun. Comme le rappelle M. Monteil, « elle multiplie par cinq la surface moyenne de la ville du début du ier siècle av. J.-C. La trame urbaine est globalement orthogonale mais de nombreux axes ont des inflexions qui résultent certainement d’anomalies topographiques ou de contraintes dans l’urbanisme préexistant. Si l’on connait un monument à portique tardo-hellénistique placé près de la source de la Fontaine, c’est surtout à l’époque augustéenne que la ville se dote d’édifices de grande ampleur. En subsiste en particulier la fameuse Maison carrée, mais d’autres monuments ont été retrouvés en fondation dans des fouilles, totalement arasés durant l’Antiquité tardive (M. Monteil in Fiches, Veyrac 1996, p.  156-157). L’habitat se développe durant tout le Haut-Empire, par endroit sur des états protohistoriques. Nous manquons d’information archéologique pour le Bas-Empire mais plusieurs ensembles bâtis semblent faire l’objet de récupérations, réduisant l’espace réellement occupé. La cathédrale semble se mettre en place au même emplacement que l’édifice actuel dès la fin du ive siècle.

Chronologie des mentions ier s. av. : Parthénios de Nicée, Νέμαυσος – ier s. : Strabon, Νέμαυσος (μητρόπολις [Οὐόλκαι]  Ἀρηκομίσκων)  ; Pomponius Mela, Nemausus (Arecomicorum)  ; Pline l’Ancien, Nemausum (Arecomicorum) – iie s. : Charax, Νέμαυσος, Νεμαύσιος  ; Ptolémée, Νέμαυσον (κολωνία Οὐόλκαι Ἀρηκόμιοι) – ive s. : Itinéraire de Bordeaux à Jérusalem, ciuitas Nemauso.

Bibliographie indicative RE XVI, 2 (1935), col.  2288-2310 (s.v.  Nemausus 2) Linckenheld  ; Smith 1854 (s.v.  Nemausus)  ; Rivet 1988, p. 162-167 ; Silberman 1988, p. 212 ; Fiches, Veyrac 1996 ; Zehnacker 2004, p. 134. Barrington Atlas : 15 C2 (Nemausus) ; http://pleiades.stoa.org/places/148142

610

158 – ΝΗσος/NÊSOS [Λ ou E (+ Ω ?)]

158 – ΝΗσος/NÊSOS [Λ ou E (+ Ω ?)]

Ville – Hispanie (Tarraconaise ?) (ν 48 Billerbeck)            II- Hécatée ? Théopompe ? Artémidore ? Livre 33 – Second abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 14,9 % – taux théorique : 20 %). Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé et traduction Nῆσος· ἡ ἐν θαλάσσῃ πόλις. ὁ ταύτην οἰκῶν νησίτης, ὡς κάνωβος κανωβίτης. τοῦ δὲ νησίον νησιώτης (a) καὶ νησιῶτις θηλυκῶς(a). καὶ νησαῖος ὡς χερσαῖος. τὸ κτητικὸν νησιωτικός. ἔστι καὶ νῆσος πόλις(c) ἰβηρική. a)  ὡς ἀγροιώτης  :  add. Bouiron (ex Eust.). b)  θηλυκῶς QPN : θηλυκόν R. c) νῆσος πόλις RQN : πόλις νῆσος P.

Νῆσος· I-[A] |1| ἡ ἐν θαλάσσῃ πόλις. [D] |2| ὁ ταύτην οἰκῶν νησίτης, ὡς Κάνωβος Κανωβίτης. |3|  τοῦ δὲ νησίον νησιώτης [E]   καὶ

νησιῶτις θηλυκῶς. |4|  καὶ νησαῖος ὡς χερσαῖος. |5|  τὸ κτητικὸν νησιωτικός.

II-[A]   |6|  ἔστι καὶ Νῆσος πόλις ἰβηρική [Hécatée  ? Théopompe ?].

Nêsos : I-[A] |1| Une ville dans la mer. [D] |2| L’habitant de celle-ci s’appelle nêsitês, comme Kanôbos forme Kanôbitês. |3| De l’îlot (nêsion) on forme nesiôtês comme agroiôtês [E] |4| et le féminin nêsiôtis. |4| Et nêsaios, formé comme chersaios. |5| Le ktétique se dit nêsiôtikos. II-[A] |6| Il existe aussi Nêsos, une ville ibérique.

Lexiques et commentaires grecs et byzantins xe siècle – Souda (ν 341-342 Adler) Νησίον· καὶ Νησιώτης, ὁ ἀπὸ νήσου. ǁ καὶ Νησύδριον, νησίον μικρόν. Νῆσις, Νήσιδος· ὄνομα πόλεως, καὶ ὄνομα θεᾶς. ǁ (glose) Νησῖδος δὲ τὸ ὑποκοριστικόν. ǁ (glose) ἐν Ἐπιγράμμασι· ἀκταίης νησῖδος ἁλιξάντοισι χοιράσι. xiie siècle – Eustathe de Thessalonique (glose Souda ν 343) Νῆσος. ἐκ τοῦ νῶ, νήσω· ἡ οἷον ἐγκολυμβῶσα ὕδατι. ἤ, φασί, καὶ ὡς ἀπὸ τοῦ ὀρνέου τῆς νήσσης, καθ’ ὁμοιότητα. ἐντεῦθεν Νησίτης καὶ πλεονασμῷ Νησιώτης, ὡς ἀγροιώτης.

Commentaire La notice semble provenir du lexique-source, probablement revue par Oros. Elle est construite comme une notice plurielle, bien que le premier « toponyme » ne concerne que la définition géographique générale d’une île et du nom donné aux habitants. II-[A] |6| Compte tenu de la concision de cette notice,

il est difficile de savoir à quoi correspond ce toponyme que l’on ne retrouve pas chez Strabon. Nous pensons qu’il faut l’attribuer à Hécatée ou Théopompe, l’indication du ktétique pour une ville pouvant se trouver dans le lexique de cet auteur mais pas chez Polybe ou Artémidore. Stéphane de Byzance pouvait également indiquer πόλις Ἰβηρίας et l’abréviateur l’aura transformé en ktétique ; mais nous sommes ici dans le second abrégé seulement qui normalement respecte encore les informations présentes dans les Ethniques. L’adjonction de la notice de la ville ibérique pourrait aller dans le sens du lexique d’Hécatée. [D] absent : il manque le nom de l’ethnique.

Localisation et archéologie La ville n’est pas connue par ailleurs et n’apparaît même dans aucune des notices habituelles. On serait tenté de placer cette ville dans la péninsule ibérique. Certains ont mis en relation ce toponyme avec la ville que mentionne Agathias (2.21.7) lors des combats entre les Perses et les Byzantins en 555 pour la reconquête du Lazique (royaume correspondant à la partie orientale du rivage de la mer Noire, autour du fleuve Phase et de ses affluents). Or nous sommes ici à proximité immédiate de l’Ibérie caucasienne, ce qui peut expliquer les confusions (voir les indications de M. Billerbeck, s.v.). Ce serait toutefois la seule ville se trouvant au Caucase parmi toutes celles qui sont rattachées à l’Ibérie dans l’épitomé. Si on devait la placer en Europe occidentale, on peut se demander s’il ne s’agit pas de la même ville que celle que mentionne Tite-Live lors de la Deuxième guerre punique

159 – ΝΙκαια/NIKAIA [Λ + Ω ? + Φ]

611

(Tite-Live 21.22.5 sous la forme erronée d’Omissa que l’on restitue facilement en Onussa par erreur de copie ; voir Pérez Vilatela 1994b, p. 269). Dans le cas d’Hécatée, le rapprochement avec un nom grec pourrait être une erreur d’un auteur peu familier des noms ibériques. Mais on peut aussi bien l’attribuer à Théopompe voire à Artémidore. On a voulu lire ce nom chez Aviénus (Ora marit. v. 491) : ad usque Onussae (C)herronesi terminos. Il s’agit en fait d’une mauvaise lecture pour ‘cassae’ (cf. supra p. 315).

Tite-Live et serait après le cap Crabasia si l’on en croit Aviénus. Nous ne pouvons donner plus de précision.

La localisation de la ville d’Onussa reste très incertaine (voir Foulon 2000, p. 676 n. 15). Elle semble se situer entre Carthagène et l’Èbre selon les indications de

Bibliographie indicative

Il n’est pas possible de trancher entre les deux interprétations mais nous privilégierons la seconde.

Chronologie des mentions vie s. av. : Hécatée ?, Νῆσος – ier s. : Tite-Live, Onussa.

Pérez Vilatela 1994a et b.

159 – ΝΙκαια/NIKAIA [Λ + Ω ? + Φ]

Ville – Îles (Corse) (ν 52 Billerbeck)            [C] |6| Hécatée ? Livre 34 – Second abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 15,4 % – taux théorique : 20 %). Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé et traduction (en grisé, forme erronée restituée du manu­scrit archétype disparu, corrigée dans la notice normalisée)

Nίκαια· πόλις βιθυνίας, βοττιαίων ἄποικος. ἐκαλεῖτο δὲ πρότερον ἀγκώρη (a), εἶτα ἀντιγόνεια, ὕστερον δὲ ἀπὸ τῆς λυσιμάχου γυναικὸς νίκαια μετεκλήθη (b). β΄ τῶν ἐπικνημιδίων λοκρῶν. γ΄ ἐν ἰλλυρίδι. δ΄ ἐν ἰνδοῖς. ε΄ ἐν κύρνῳ τῇ νήσῳ. ϛ΄ ἐν λεύκτροις τῆς (c) βοιωτίας. ζ΄ κελτικῆς, μασσαλιωτῶν ἄποικος. η΄ θρᾴκης. εἰσὶ δὲ καὶ ἄλλαι. ἢ(d) παρὰ(e) θερμοπύλας καὶ θράκην(f ).(g) λέγεται δὲ προπαροξυτόνως. εἰ δ’ ἔστι νικαῖος, τὸ θηλυκὸν νικαία. ὁ πολίτης νικαιεύς καὶ νικαεύς διχῶς. ἐξ αὐτοῦ(h) ἀρήγονος(i) καὶ ἀσκληπιάδης καὶ παρθένιος καὶ ἀπολλόδωρος (j) καὶ ἐπιθέρσης γραμματικὸς (k) γράψας περὶ λέξεων ἀττικῶν καὶ(l) κωμικῶν καὶ τραγικῶν. a)  ἀγκώρη RQPN  :  Ἑλικόρη Holste, Ἑλικωρή Merkelbach, Ἄγκυρα Berkel. b)  μετεκλήθη RpcQ  :  ἐκλήθη PN Aldus ἐπεκλήθη Rac. c) τῆς RQN : τοῖς P.-d) ἢ RQ : αἳ PN. e)  παρὰ R  :  περὶ QPN. f )  θράκην RQ  :  θρᾶκας PN. g)  ἢ παρὰ θερμοπύλας καὶ θρᾴκην del. Billerbeck, susp.  Meineke (mon. Berkel) in app. h)  αὐτῆς Pinedo  :  αὐτοῦ RQPN. i)  Ἰσίγονος Holste  :  ἀρήγονος RQ, ἀρηγόνος PN Aldus. j) ἀπολλόδωρος RQPN : Ἀπολλωνίδης Nauck. k) γραμματικὸς QPN : γραμματικοὶ R. l) καὶ om. R.

Νίκαια· [A] |1| πόλις Βιθυνίας, [B] Βοττιαίων ἄποικος. |2| ἐκαλεῖτο

δὲ πρότερον Ἀγκώρη, εἶτα Ἀντιγόνεια, ὕστερον δὲ ἀπὸ τῆς Λυσιμάχου γυναικὸς Νίκαια μετεκλήθη. [C2] |3| β΄ τῶν Ἐπικνημιδίων Λοκρῶν. |4| γ΄ ἐν Ἰλλυρίδι. |5| δ΄ ἐν Ἰνδοῖς.

|6| ε΄ ἐν Κύρνῳ τῇ νήσῳ [Hécatée ?]. |7|  ϛ΄ ἐν Λεύκτροις τῆς Βοιωτίας. |8|  ζ΄ Κελτικῆς, Μασσαλιωτῶν ἄποικος [Strabon  ? Abrégé d’Artémidore ?]. |9| η΄ Θρᾴκης. |10| εἰσὶ δὲ καὶ ἄλλαι. |11| ἢ παρὰ Θερμοπύλας καὶ Θράκην. |12| λέγεται δὲ προπαροξυτόνως. |13| εἰ δ’ ἔστι Nικαῖος, τὸ θηλυκὸν Nικαία. [D]   |14|  ὁ πολίτης Νικαιεύς καὶ Νικαεύς διχῶς. ἐξ αὐτῆς Ἰσίγονος καὶ Ἀσκληπιάδης καὶ Παρθένιος καὶ Ἀπολλόδωρος καὶ Ἐπιθέρσης γραμματικὸς γράψας Περὶ λέξεων ἀττικῶν καὶ κωμικῶν καὶ τραγικῶν [Abrégé de Philon].

Nikaia  :  [A]  |1|  ville de Bithynie, [B]  fondation des Bottiaioi. |2|  Elle s’est d’abord appelée Ankôrê, puis Antigoneia ; plus tard elle a changé de nom pour celui de Nikaia d’après la femme de Lysimaque. [C2] |3| 2. Ville des Locriens Epicnémidiens. |4| 3. En Illyrie. |5| 4. En Inde. |6| 5. Dans l’île de Corse. |7| 6. À Leuctres en Béotie. |8| 7. De Celtique, fondation des Massaliôtes. |9| 8. En Thrace. |10|  Et il en existe encore d’autres. |11|  Une près des Thermopyles et une près de la Thrace. |12| On l’écrit avec un accent sur l’antépénultième. |13| Mais s’il sagit du nom Nikaios, le féminin est Nikaia. [D] |14| Le citoyen est appelé de deux manières  :  Nikaieus et Nikaeus. De cette ville proviennent Isigone, Asclépiade,

612 Parthénios, Apollodore et Epithersès le grammairien, auteur de Sur les mots des orateurs attiques et des poètes comiques et tragiques.

Lexiques et commentaires grecs et byzantins xe siècle – Souda (ν 380 et 381 Adler) Νίκαια· ὄνομα πόλεως Βιθυνίας· ἐν ᾗ παραρρεῖ καὶ ποταμὸς Φάρνουτις λεγόμενος. Νίκαια· Αἰσχίνης ἐν τῷ Περὶ τῆς παραπρεσβείας. ἔστι δὲ πόλις Λοκρίδος ἐπιθαλαττίδιος. xiie siècle – Eustathe de Thessalonique (glose Souda ν 380) Βοττιαίων ἄποικος, αὕτη κληθεῖσα καὶ Ἀντιγόνεια. παρωνόμασται δὲ Νίκῃ τῇ τοῦ Λυσιμάχου γυναικί. ἄλλως δὲ ὁμωνυμεῖ, εἴπερ ἐκείνη ἐκαλεῖτο Νίκαια. ἔστι δὲ καὶ Ἰλλυρὶς Νίκαια καὶ Ἰνδικὴ καὶ Κύρνου τῆς νήσου καὶ Λευκτρικὴ καὶ Κελτῶν καὶ Λοκρῶν Ἐπικνημιδίων καὶ περὶ Θερμοπύλας καὶ Θρᾴκην. ἄνδρες ἐξ αὐτῆς πολλοὶ λόγου ἄξιοι. ἐθνικὸν αὐτῆς Νικαιεὺς καὶ Νικαεύς. εἰ δ’ ἔστι, φασί, Νικαῖος, παροξύνεται ἡ ῥηθεῖσα· Νικαία γάρ.

Commentaire La notice est issue du lexique-source, avec des indications de formation d’ethnique d’Oros et semble-t-il des compléments de Stéphane de Byzance dans l’énumération des villes. Cette notice n’est pas conçue comme une notice plurielle. Contrairement à l’édition de M. Billerbeck, nous n’effaçons pas la ligne |11|  dont les informations existent dans le premier abrégé et sont reprises par Eustathe de Thessalonique. [C] |6| La cinquième ville est mentionnée dans l’île de

159 – ΝΙκαια/NIKAIA [Λ + Ω ? + Φ] La date un peu haute (vie siècle av. J.-C. ?) serait tout à fait compatible avec une mention dans le texte d’Hécatée. Il s’agirait donc d’une ville étrusque ; le nom grec en est peut-être la traduction. Il s’agit peut-être de la cité dans laquelle C. Marius a fondé sa colonie (Mariana) vers 100 av.  J.-C. comme on l’a proposé régulièrement sans preuve. Les ruines de la ville romaine existent encore, sur la commune de Lucciana. À proximité immédiate, sur la commune de Venzolasca, on a dégagé les vestiges d’un oppidum (site d’I Palazzi), dont les vestiges remontent aux derniers siècles de la République et qui semble avoir précédé la fondation de Mariana. Il est probable que la ville de Nikaia se trouvait dans cette partie de la Corse mais nous n’en avons pas la preuve archéologique à ce jour. L’information de Diodore de Sicile peut provenir d’Artémidore ; la date de rédaction de son ouvrage géographique se place juste avant la fondation marienne ce qui pourrait expliquer l’absence de lien entre les deux cités. Les fouilles de Mariana ont dégagé une partie de la ville, qui s’étendait sur une vingtaine d’hectares (Corsi, Vermeulen 2015). Elle est organisée autour d’une trame orthonormée, au centre de laquelle semble se trouver le forum. Sans doute non circonscrite par une enceinte, son espace urbain est délimité par les deux nécropoles découvertes à l’est (nécropole d’I Ponti) et à l’ouest (nécropole de Palazzetto-Murotondo). Durant l’Antiquité tardive, un groupe épiscopal est installé le long d’une des voies antiques à portiques que les fouilles ont révélées.

Chronologie des mentions

Kurnos avec la même formulation que l’on retrouve pour la ville d’Allalia. Nous proposons de rattacher ce géonyme à Hécatée. Elle est également l’une des deux villes corses mentionnées par Diodore de Sicile (5.13.4).

vie s. av. : Hécatée ?, Νίκαια – ier s. av. : Diodore de Sicile, Νίκαια – ier  s.  :  Pomponius Mela, Mariana  ; Sénèque Mariana ; Pline l’Ancien, Mariana – iie s. : Ptolémée, Μαριανὴ.

Localisation et archéologie

Bibliographie indicative

Nous ne la connaissons que par Diodore de Sicile (5.13.34), qui rapporte  :  «  τὴν δὲ Νίκαιαν ἔκτισαν Τυρρηνοὶ θαλαττοκρατοῦντες καὶ τὰς κατὰ τὴν Τυρρηνίαν κειμένας νήσους ἰδιοποιούμενοι. Quant à Nicaia, des Tyrrhéniens la fondèrent au temps de leur hégémonie maritime, quand ils s’appropriaient les îles Tyrrhéniennes » (trad. Casevitz).

RE XVII, 1 (1936), col.  222 (s.v.  Nikaia 4) Hanslik  ; Zehnacker 2004, p. 180, Corsi, Vermeulen 2015. Barrington Atlas : 48 D2 (Mariana) ; http://pleiades.stoa.org/places/472096

160 – ΝΙκαια/NIKAIA [Λ + M ? + Ω ? + Φ]

613

160 – ΝΙκαια/NIKAIA [Λ + M ? + Ω ? + Φ]

Ville – Gaule (Narbonnaise) (ν 52 Billerbeck)            [C] |8| Strabon ? Abrégé d’Artémidore ? I. NOTICE – Livre 34 – Second abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 15,4 % – taux théorique : 20 %).

Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé et traduction Voir notice précédente.

Commentaire

Νίκαια·

La notice est issue du lexique-source, avec des indications de formation d’ethnique d’Oros (|12-13|) et semble-t-il des compléments de Stéphane de Byzance (insertion de données issues de l’abrégé de Philon, |14|). Cette notice n’est pas conçue comme une notice plurielle.

[A] |1| πόλις Βιθυνίας, [B] Βοττιαίων ἄποικος. |2| ἐκαλεῖτο δὲ πρότερον Ἀγκώρη, εἶτα Ἀντιγόνεια, ὕστερον δὲ ἀπὸ τῆς Λυσιμάχου γυναικὸς Νίκαια μετεκλήθη. [C2] |3| β΄ τῶν Ἐπικνημιδίων Λοκρῶν. |4| γ΄ ἐν Ἰλλυρίδι. |5| δ΄ ἐν Ἰνδοῖς. |6| ε΄ ἐν Κύρνῳ τῇ νήσῳ. |7| ϛ΄ ἐν Λεύκτροις τῆς Βοιωτίας.

|8| ζ΄ Κελτικῆς, Μασσαλιωτῶν ἄποικος [Strabon ? Abrégé d’Artémidore ?]. |9|  η΄ Θρᾴκης. |10|  εἰσὶ δὲ καὶ ἄλλαι. |11|  ἢ παρὰ Θερμοπύλας καὶ Θρᾴκην. |12| λέγεται δὲ προπαροξυτόνως. |13|  εἰ δ’ ἔστι νικαῖος, τὸ θηλυκὸν νικαία. [D]  |14|  ὁ πολίτης Νικαιεύς καὶ Νικαεύς διχῶς. ἐξ αὐτῆς Ἰσίγονος καὶ Ἀσκληπιάδης καὶ Παρθένιος καὶ Ἀπολλόδωρος καὶ Ἐπιθέρσης γραμματικὸς γράψας Περὶ λέξεων ἀττικῶν καὶ κωμικῶν καὶ τραγικῶν [abrégé de Philon]. Nikaia  :  [A]  |1|  ville de Bithynie, [B]  fondation des Bottiaioi. |2|  Elle s’est d’abord appelée Ankôrê, puis Antigoneia ; plus tard elle a changé de nom pour celui de Nikaia d’après la femme de Lysimaque. [C2] |3| 2. Ville des Locriens Epicnémidiens. |4| 3. En Illyrie. |5| 4. En Inde. |6| 5. Dans l’île de Corse. |7| 6. À Leuctres en Béotie. |8| 7. De Celtique, fondation des Massaliôtes. |9| 8. En Thrace. |10|  Et il en existe encore d’autres. {|11|  Une près des Thermopyles et une près de la Thrace.} |12| On l’écrit avec un accent sur l’antépénultième. |13| Mais s’il sagit du nom Nikaios, le féminin est Nikaia. [D] |14| Le citoyen est appelé de deux manières  :  Nikaieus et Nikaeus. De cette ville proviennent Isigone, Asclépiade, Parthénios, Apollodore et Epithersès le grammairien, auteur de Sur les mots des orateurs attiques et des poètes comiques et tragiques.

Lexiques et commentaires grecs et byzantins Voir fiche précédente

[C2] |8| La septième ville, fondation des Marseillais, est

indiquée comme celtique ce qui renvoie très certainement à Strabon (4.1.5 et 9) ou à Artémidore. La forme Μασσαλιωτῶν est celle qu’utilise Strabon en 4.1.9 mais pourrait aussi orienter vers l’Abrégé d’Artémidore par Marcien. Nous savons par ailleurs que cette ville était mentionnée par Polybe (33.8-10) dont la citation était peut-être présente dans le texte des Ethniques ou au moins du lexique-source.

Localisation et archéologie C’est l’actuelle Nice (Alpes-Maritimes, France). Il est d’usage de considérer qu’elle est la plus tardive des fondations de Marseille, car elle n’apparaît pas chez le pseudo-Scymnos qui utilise en particulier les indications d’Éphore et d’Ératosthène. Elle pourrait avoir été fondée dans le cadre d’une conquête conjointe des côtes dites ligures/ligyennes à la fois par les Romains (plusieurs triomphes sont attestés dans le courant du iiie siècle av. J.-C. et le début du siècle suivant) et les Marseillais. Le nom même de Nikaïa indique probablement une victoire sur ces peuples. Pendant longtemps, nous ne savions pas où se trouvait réellement la ville grecque et romaine. Plusieurs hypothèses ont été émises. La première considère que les Grecs se sont installés sur l’actuelle colline du Château, en prenant possession d’un site habité de manière quasi continue depuis l’âge du Bronze (voir en dernier lieu Bouiron 2013). C’est un site de hauteur à l’embouchure du Paillon, dominant la mer et la vallée du fleuve.

614

160 – ΝΙκαια/NIKAIA [Λ + M ? + Ω ? + Φ]

Une seconde hypothèse les place sous le vieux-Nice actuel, c’est-à-dire au plus près du rivage (Morabito 2003). D’autres emplacements ont également été évoqués (rive droite du Paillon, anse de Lympia) sans qu’aucune preuve archéologique n’apparaisse. La reprise des fouilles aux alentours de l’ancienne cathédrale et surtout la relecture des données issues des fouilles réalisées entre 1949 et 1964 ont mis en évidence une séquence stratigraphique importante des iiie-iie siècles av. notre ère qui peut se rapporter à la ville grecque. D’autre part, la cathédrale paléochrétienne, située à l’emplacement de l’édifice médiéval, recouvre des vestiges antiques. Les opérations archéologiques conduites au niveau de la caserne Filley ou à ses abords immédiats (2e ligne du tramway) ont mis en évidence une nécropole antique remontant au 1er âge du Fer, organisée autour d’une voie. Il s’agit très certainement de l’accès à la ville qui prenait donc place sur la colline. Durant l’Empire romain, Nice a la particularité de rester dans la dépendance de Marseille après la prise de la ville par Jules César en 49 av. J.-C. ; elle se trouve donc en Narbonnaise, tandis que la grande cité de Cemenelum (Cimiez), qui se développe sur la colline d’en face, plus au nord, devient la capitale de la préfecture des Alpes Maritimae, province romaine créée après 63 de notre ère (Morabito 2010, p. 101). Cette dernière connaît probablement son extension maximale au iiie siècle de notre ère avant de perdre son statut de capitale au profit d’Embrun lors d’une extension de la province vers le nord.

Dans l’Antiquité tardive, le déclin de Cimiez est inéluctable tandis que Nice, ville côtière, reste la seule cité sur ce territoire.

Chronologie des mentions iie  s. av.  :  Polybe, Νίκαια – ier  s.  :  Strabon ?, Νίκαια (Μασσαλιωτῶν ἄποικος)  ; Pomponius Mela, Nicaea  ; Pline l’Ancien, Nicaea (a Massiliensibus conditum) – iie  s.  :  Ptolémée, Νίκαια (μοίρα Μασσαλιωτῶν) – ve s. : Itinéraire maritime d’Antonin, Nicia, plagia. Le nom, qui remonte au moins à la 1e moitié du iie siècle av. J.-C. est resté inchangé jusqu’à la fin de l’Antiquité. On trouve dans l’Itinéraire maritime d’Antonin une forme Nicia qui annonce le nom médiéval de la cité.

Bibliographie indicative RE XVII, 1 (1936), col. 181-182 (s.v. Nicia 2) Fluss ; Smith 1854 (s.v. Nicaea II, 1) ; Benoit 1965, p. 110 ; Barruol 1969, p. 125, 221, 223 n. 2, 224 n. 1, 228 n. 1, 229, 365 ; Rivet 1988, p. 222-223 ; Morabito 2003 ; Zehnacker 2004, p. 138-139 ; Bouiron 2013. Barrington Atlas : 16 D2 (Nicaea) ; http://pleiades.stoa.org/places/157894

161 – ΝομαντΙα/NOMANTIA [Λ]

Ville – Hispanie (Tarraconaise) (ν 71 Billerbeck)            Juba Livre 34 – Second abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 15,4 % – taux théorique : 20 %). Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé et traduction (en grisé, forme erronée restituée du manu­scrit archétype disparu, corrigée dans la notice normalisée)

Nομαντία· πόλις ἰβηρίας. ἰόβας ἐν β΄ ῥωμαϊκῆς ἀρχαιολογίας. τὸ ἐθνικὸν νουμαντῖνος(a). λέγεται (b) διὰ τοῦ(c) ου (d). a)  νομαντῖνος Rpc Meineke in app.  :  νουμαντῖνος QPN Meineke, ννομαντῖνος Rac. b) καὶ add. Meineke in app. c) τοῦ RQP : τῆς N. d) νουματία add. Bouiron (ex Eust.).

Νομαντία· [A]   |1|  πόλις Ἰβηρίας. |2|  Ἰόβας ἐν β΄ Ῥωμαϊκῆς

ἀρχαιολογίας [FGrHist 275 F 12].

[D] |3| τὸ ἐθνικὸν Νομαντῖνος [Juba ?]. |4| λέγεται

διὰ τοῦ ου .

Nomantia  :  [A]  |1|  ville d’Ibérie. |2|  Juba, dans le 2e livre des Antiquités Romaines. [D]  |3|  L’ethnique se dit Nomantinos. |4|  On écrit avec ‘ou’ .

161 – ΝομαντΙα/NOMANTIA [Λ]

Lexiques et commentaires grecs et byzantins xiie siècle – Eustathe de Thessalonique (glose Souda ν 453) Νομαντία, ἡ καὶ Νουμαντία, πόλις Ἰβηρίας παρὰ Ἰόβᾳ. xiiie siècle – Lexique du pseudo-Zonaras (1412.21) Νωμεντία. χώρα. Νομαντία δὲ μικρόν.

Commentaire La notice provient du lexique-source. [A] |1-2| La ville est mentionnée sous la forme Nomantia

par Strabon (3.3.4, 4.12-13) et Appien (Iber. 188, 210, 213, 323, 325, 332, 362, 365, 377, 392, 394, 425). Parmi les auteurs que l’on ne trouve pas dans l’Épitomé, cette forme se retrouve chez Plutarque (Aem. Paul. 22.8 ; Mari. 3.2, 13.2 ; Luc. 38.4 ; Tib. G. Grac. 7.7, 8.9, 13.2, 21.7, 36.4 ; comp. Ag. Cl. Tib. G. Grac. 3.2 ; reg. imp. apoph. 201e ; fr. 3) et Diodore de Sicile (31.26.3 ; 32.4.5).

La variante Noumantia était sans doute signalée à l’origine par Stéphane de Byzance, ce qui semble logique si l’on suit la glose d’Eustathe de Thessalonique dans la Souda. Elle ne constituait pas le lemme principal car cette forme ne conviendrait plus alors à l’ordre alphabétique des notices. On la trouve aussi chez Ptolémée (Geogr. 2.6.55). Les extraits du De Legationibus (p.  530-533) provenant du livre d’Appien sur l’Ibérie donnent la forme Nômantia/Nômantioi. L’auteur du recueil peut avoir utilisé un manu­scrit différent de celui que nous possédons. [D] |3| Si l’on accepte la correction de la notice et que

l’on garde la forme de Nomantinoi, celle-ci peut provenir de Juba mais on la rencontre aussi chez Strabon (3.4.13, 6.4.2), Diodore de Sicile (issu des Excerpta Constantiniana, 33.16.1), Plutarque (Tib. G. Grac. 5.1, 3 et 5, 6.1-3 et 5, 7.4-5 ; reg. imp. apoph. 201a et d-e) et Appien (Iber. 193, 214, 280, 322, 326, 329, 337-338, 342-343, 345-346, 348, 350, 352, 359, 360, 362-363, 375-376, 380, 387, 392, 398, 405, 407-409, 412, 415, 420-421, 427). |4| Nous avons considéré, comme le proposait Meineke (et à l’inverse de M. Billerbeck), que cette phrase était indépendante de ce qui précédait et se rapportait aussi bien au nom de la ville qu’à celui des habitants. Cette mention peut provenir du lexique-source ou correspondre à une annotation d’Oros à l’origine plus détail-

615 lée. Le nom de l’ethnique sous la forme Noumantinoi se trouve chez Diodore de Sicile (33.17.1 et 3) à travers les Excerpta Constantiniana et Dion Cassius (22.77.1 ; 23.79.1 et 3 ; 24.83.2 ; 50.24.3), deux auteurs que n’a pas consulté Stéphane de Byzance.

Localisation et archéologie La ville de Numance était située sur l’actuelle Cerro de la Muela, à 6 km de Soria. Il semble que cet espace ait été dans un premier temps rattaché au territoire des Pelendones entre le vie et le ive siècle av. J.-C., si on associe ce peuple à la culture de Sorian Castro ( Jimeno Martínez 2006, p. 173). Par la suite, ce sont les Arevaci qui contrôlent cette zone ; ils sont, d’après Strabon, le peuple Celtibère le plus puissant. La ville a été au centre de la guerre menée contre les Celtibères. Elle a été dans un premier temps assiégée en 153 av. J.-C. par Q. Fulvius Nobilior lorsque les habitants de Segeda [197] sont venus s’y réfugier. La guerre reprend dix ans plus tard avec les campagnes de Metellus, Q. Pompeius, M. Popilius Laenas, Hostilius Mancinus, Aemilius Lepidus et les échecs successifs pour prendre Numance ; elle se terminera par le siège et la prise de la ville (et sa destruction) en 134-133 av. J.-C. par Scipion Emilien, le vainqueur de Carthage. Vaincus par la famine, ses habitants préfèrent se suicider et brûler la ville plutôt que de tomber aux mains des Romains ce qui marqua les esprits. La recherche s’est longuement concentrée sur les circonvallations établies par les Romains autour de la ville lors du siège (Schulten 1945b, Jimeno Martínez 2006, p. 177-180). Scipion Emilien avait fait construire deux camps, sept forts reliés par une palissade, deux fossés dont un renforcé de pieux, et un mur large de 2,40 m pour 3 m de haut scandé de tours disposées tous les 30 m. Enfin deux forts encadraient les deux rives du Douro. Le tout a été étudié par A. Schulten (Schulten 1945b), mais ses conclusions ont été révisées depuis ( Jimeno Martínez 2006, p. 179-180). Le site de l’oppidum est enserré entre le Douro et la rivière Merdancho, renforçant la position de hauteur ; il est par ailleurs stratégiquement placé pour contrôler la confluence du Douro et de la rivière Tera, lieu de passage des voies de communication qui connectent le haut Douro avec la moyenne vallée de l’Èbre. Une zone marécageuse, asséchée seulement au Xixe siècle, assurait également la protection, ce qui confirme le récit d’Ap-

616 pien concernant les difficultés rencontrées par Scipion pour établir les circonvallations au pied de l’oppidum (Jimeno Martínez 2006, p. 173). L’oppidum a probablement été fondé à la fin du iiie siècle av.  J.-C. selon la datation radiocarbone effectuée sur les restes de bois retrouvés dans le rempart ( Jimeno Martínez et al.  2002). Plus des deux-tiers environ (6 ha) de l’espace urbain ont été fouillés depuis le début du xxe siècle, ce qui en fait un site très bien connu (pour les fouilles du début du xx e siècle, voir Schulten 1931). La reconstruction romaine rend l’état du iie siècle av. J.-C. difficile à appréhender mais il semble que l’habitat soit relativement standardisé, sur la base d’un module de 12 x 3 ou 6 m, bâti sur un socle maçonné en pierres dégrossies, surmonté de lits d’adobes. L’oppidum atteint une superficie de 7,5 ha au total. Si la ville antérieure au siège nous échappe encore largement, il n’en est pas de même de celle du ier siècle av. J.-C., correspondant à la reconstruction, et celle du Haut-Empire. Lors des fouilles du début du xxe siècle, il avait été considéré que la ville avait été abandonnée entre 133 et 29 av. J.-C., cette dernière date étant considérée comme le début de la ville « romaine ». Il n’en est rien ; les textes la mentionnent lors de la guerre contre Sertorius et les fouilles archéologiques ont révélé la présence de stratigraphies du ier siècle av. J.-C. La ville est même agrandie à cette époque, passant à 9 ha avec une extension semi-circulaire au sud, outrepassant l’ancienne enceinte (Jimeno Martínez 2006, p. 181). L’habitat présente les mêmes plans et modes de construction que précédemment, ce qui explique également la confusion faite auparavant pour les constructions de cette période. Le site présente la particularité d’avoir livré une quantité très importante de céramique décorée, monochrome ou polychrome, avec un répertoire figuratif très intéressant pour la connaissance de la vie quotidienne des Numantins. De plus, les découvertes de monnaies sont particulièrement nombreuses autorisant d’importantes études numismatiques ( Jimeno Martínez 2006, p. 181).

161 – ΝομαντΙα/NOMANTIA [Λ] Sous l’Empire romain, la ville continue de s’étendre vers le sud pour atteindre 11 ha, auxquels il faut adjoindre une zone artisanale hors les murs d’une dizaine d’hectares (Jimeno Martínez et al. 2002). Les fouilles ont retrouvé les vestiges d’un petit bain, quelques portiques toscans et des réseaux d’évacuation d’eau sous les rues. Bien qu’elle ne comportât pas, semble-t-il, de forum, elle a probablement obtenu le statut de municipe sous les Flaviens (Espinosa 1984). La ville est mentionnée par Pline l’Ancien (3.26, 4.112) et Pomponius Mela (2.88). Elle décline à partir du iiie siècle de notre ère et disparaît au plus tard au ve siècle.

Chronologie des mentions ier s. av. : Diodore de Sicile, Νουμαντῖνοι – ier s. : Juba, Nομαντία ; Strabon, Nομαντία, Νομαντῖνοι ; Pomponius Mela, Numantia  ; Pline l’Ancien, Numantia – ii e  s.  :  Plutarque, Nομαντία, Νομαντῖνοι  ; Appien, Nομαντία, Νομαντῖνοι, Nωμαντία, Νωμαντῖνοι ; Ptolémée, Nουμαντία – iiie s. : Dion Cassius, Νουμαντῖνοι ; Florus, Numantia – ive s. : Eutrope, Nουμαντία, Νουμαντῖνοι.

Bibliographie indicative RE XVII, 1 (1936), col.  1254-1270 (s.v.  Numantia) Schulten  ; Smith 1854 (s.v.  Numantia)  ; THA  IIB 142bn  ; Schulten 1931  ; Schulten 1945b  ; Espinosa 1984  ; Silberman 1988, p.  221  ; Tovar 1989, p.  360-362  ; González Blanco 1991, p.  29, 34 ; Jimeno Martínez et al. 2002 ; Zehnacker 2004, p. 123 ; Jimeno Martínez 2006, p. 172-183 ; Núñez Hernández, Curchin 2007, p. 501-509. Barrington Atlas : 25 C4 (Numantia) ; http://pleiades.stoa.org/places/246523

162 – ΝΥραξ/NURAX [E (+ Ω ?)]

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162 – ΝΥραξ/NURAX [E (+ Ω ?)]

Ville – Hispanie (Lusitanie ?) (ν 82 Billerbeck)            Hécatée Livre 34 – Second abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 15,4 % – taux théorique : 20 %). Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé et traduction (en grisé, forme erronée restituée du manu­scrit archétype disparu, corrigée dans la notice normalisée)

Nύραξ (a)· πόλις κελτική. ἑκαταῖος εὐρώπῃ. τὸ ἐθνικὸν νυράκιος, ὡς(b) παρὰ τὴν ἄρυκα(c) ναρύκιος. a)  Νύραξ RPpc(alt. m.)N  :  Νυράκη QPac. b)  ὡς PN  :  ἥ RQ. c) νάρυκα PN : ἄρυκα RQ. c – Erreur lors de l’abréviation ?

Νύραξ· [A] |1| πόλις κελτική. |2| Ἑκαταῖος Εὐρώπῃ [FGrHist 1 F 56]. [D]   |3|  τὸ ἐθνικὸν Νυράκιος [Hécatée], ὡς παρὰ τὴν Νάρυκα Ναρύκιος.

Nurax  :  [A]  |1|  ville celtique. |2|  Hécatée (Europe). [D] |3| L’ethnique se dit Nurakios, comme Narukios est formé à partir de Narux.

Commentaire La notice provient du lexique d’Hécatée, complété peutêtre par une mention d’Oros (|3|) (ou de Stéphane de Byzance ?). [A] |1-2| Seul Hécatée donne le nom de cette ville. Si la mention de keltikê n’est pas une erreur de lecture ou de copie, nous formulons l’hypothèse d’une ville placée dans la péninsule ibérique, au-delà des Colonnes d’Hercule, au bord de l’océan. [D] |3| Le nom de l’ethnique ne peut provenir que d’Hé-

catée. La comparaison lexicale de grammairien renvoie à la doctrine hérodienne concernant les noms se terminant en -ξ (cf. par exemple Allobrox [21] ou Tektosax [214]), ce qui laisse entrevoir une possible intervention d’Oros dans la notice d’Hécatée.

Localisation et archéologie Cette ville est totalement inconnue. On a voulu rapprocher ce nom de celui de Nura, correspondant à l’île Balearis minor, c’est-à-dire Minorque (voir González Blanco 1991, p.  34.) mais cela semble peu vraisemblable car Stéphane de Byzance parle bien de πόλις. Selon nous, cette mention se rapporte au peuple des Keltikoi (Celtici), mentionnés encore par Pline l’Ancien (3.13) au ier siècle de notre ère, et que l’on trouve dans la partie méridionale de la Lusitanie. Ce devait être plus ou moins le départ de la Périégèse d’Hécatée car nous ne connaissons aucun autre géonyme situé plus au nord sur la côte atlantique. On peut imaginer que cette ville pouvait se trouver dans les alentours de l’estuaire du Sado ou du Tage, vers le sud-ouest du Portugal actuel.

Chronologie des mentions vie s. av. : Hécatée, Nύραξ, Νυράκιος.

Bibliographie indicative RE XVII, 2 (1937), col.  1627-1628 (s.v.  Nyrax) E. Linckenheld ; THA IIB 142bm ; González Blanco 1991, p. 29, 34.

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163 – ΝΩΡΑ/NÔRA [Λ]

163 – ΝΩΡΑ/NÔRA [Λ]

Ville – Îles (Sardaigne) (ν 88 Billerbeck)            Artémidore ? Livre 34 – Second abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 15,4 % – taux théorique : 20 %). Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé et traduction (en grisé, forme erronée restituée du manu­scrit archétype disparu, corrigée dans la notice normalisée)

Nῶρα(a)· πόλις ἐν σαρδοῖ τῇ νήσῳ. τὸ ἐθνικὸν νωρανός(b) ὡς(c) νωλανός. a) Νώρα R : Νῶρα QPN. b) νωρανὸς RPN : ὠρανὸς Q. c) ὠς RN : καὶ QP. a – Erreur d’accentuation lors de la translittération ?

Νώρα· [A] |1| πόλις ἐν Σαρδοῖ τῇ νήσῳ [Artémidore ?]. [D] |2| τὸ ἐθνικὸν Νωρανός [Artémidore ?] ὡς Νωλανός.

Nôra  :  [A]   |1|  ville dans l’île de Sardaigne. [D] |2| L’ethnique est Nôranos, formé comme Nôlanos.

Lexiques et commentaires grecs et byzantins xe siècle – Souda (ν 557 Adler) Νώρα· ὄνομα χώρας.

Commentaire La notice est issue du lexique-source. [A] |1| La ville a une détermination géographique sem-

blable à d’autres villes de Sardaigne, que l’on peut rattacher à Artémidore. [B]  absent  :  Pausanias (10.17.4) mentionne sa fonda-

tion : « μετὰ δὲ Ἀρισταῖον Ἴβηρες ἐς τὴν Σαρδὼ διαβαίνουσιν ὑπὸ ἡγεμόνι τοῦ στόλου Νώρακι, καὶ ᾠκίσθη Νώρα πόλις ὑπὸ αὐτῶν· ταύτην πρώτην γενέσθαι πόλιν μνημονεύουσιν ἐν τῇ νήσῳ, παῖδα δὲ Ἐρυθείας τε τῆς Γηρυόνου καὶ Ἑρμοῦ λέγουσιν εἶναι τὸν Νώρακα. Après Aristée, les Ibères traversèrent en Sardaigne sous la conduite de l’armée de Norax, et ils fondèrent la ville de Nora : ils conservent dans leur mémoire que cette ville fut la première dans l’île, et ils disent que Norax était le fils d’Erutheia, la fille de Geryon, et d’Hermès  » (trad. Clavier). On trouve mention de cette citation de Pausanias dans la notice d’Erutheia [85], ce qui rend très probable une mention symétrique dans cette notice, disparue dans l’abréviation.

[D] |2| La forme de l’ethnique s’apparente à une forme

latine et provient probablement du même auteur. La comparaison lexicale de grammairien devait se trouver dans le lexique-source.

Localisation et archéologie La ville est située sur une petite péninsule exposée au sudest, appelée Capo, dans la commune de Pula. Constituée de deux presqu’îles, elle se trouve à la limite méridionale du golfe de Cagliari, au sud-est de la Sardaigne. La ville, mentionnée par Ptolémée (Geogr. 3.3.3), est au départ une fondation phénicienne. Pausanias rapporte la légende d’une fondation ibérique, sous la conduite de Norax, ce dernier étant le fils d’Erytheia, la fille de Geryon, ce qui nous ramène à la ville phénicienne de Gadeira. C’est peut-être la trace d’une vague de colonisation secondaire. Pour Solin (De Mirab. mundi 4), Norax est né de Mercure (tandis que Sardos l’est d’Hercule) et il provient de Tartessos. Les fouilles archéologiques ont porté sur plusieurs secteurs de la ville et ont été particulièrement importantes (Bonetto, Falezza 2011). Elles ont révélé la présence d’un établissement de l’âge du Bronze et quelques éléments de la ville phénico-punique (viie-ive siècles av.  J.-C.). On a en particulier les vestiges d’un sanctuaire, appelé « temple d’Esculape » et situé à la pointe de la presqu’île méridionale ; il est daté probablement du ve siècle av. J.-C. (Roppa 2013, p. 35-36). Un second complexe religieux était situé au sommet de la butte qui domine la baie et que la tradition attribue à Tanit (Roppa 2013, p. 37). Les fouilles conduites sous le forum romain ont révélé la présence de bâtiments (habitat ?) remontant à la fin du vie – début du ve siècle av. J.-C. (Roppa 2013, p. 38-44). Cet ensemble évolue jusqu’à la construction du forum.

164 – ΞHρα/XÊRA [Λ] À partir de la conquête romaine, Nora constitue vraisembablement la capitale de l’île, fonction que l’on associe à la création de la province de Sardaigne et Corse puisque le préteur y avait sa résidence. La cité est dotée d’une fortification à la fin du iie – début du ier siècle av. J.-C. (Roppa 2013, p. 44-45). De nombreux vestiges archéologiques attestent de la cité romaine comme le théâtre ou le temple d’Esculape. Le forum est établi entre 40 et 20 av. J.-C. sur l’arase du quartier d’habitation, situé en limite du rivage. La ligne de côte a reculé depuis l’Antiquité, plaçant les vestiges les plus méridionaux du forum sous le rivage actuel.

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Chronologie des mentions iie s. av. : Artémidore ?, Νώρα, (ἐν Σαρδοῖ) – ier s. av. : Cicéron, Norenses – ier s. : Pline l’Ancien, Norenses – iie s. : Ptolémée, Νῶρα ; Pausanias, Νώρα – iiie s. : Itinéraire d’Antonin, Nura.

Bibliographie indicative RE XVII, 1 (1936), col.  923 (s.v.  Nora 1) Hanslik  ; Smith 1854 (s.v. Nora) ; Zehnacker 2004, p. 184. ; Bonetto, Falezza 2011 ; Roppa 2013, p. 34-47. Barrington Atlas : 48 B4 (Nora) ; http://pleiades.stoa.org/places/471979

164 – ΞHρα/XÊRA [Λ]

Ville – Hispanie (Bétique) (ξ 6 Billerbeck)            Théopompe Livre 35 – Troisième abrégé ? (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 10,3 % – taux théorique : 12 %). Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé et traduction (en grisé, forme erronée restituée du manu­scrit archétype disparu, corrigée dans la notice normalisée)

Ξηρά(a)· πόλις περὶ τὰς ἡρακλείους(b) στήλας. θεόπομπος μγ΄(c). τὸ ἐθνικὸν ξηραῖος, ὡς θήρα θηραῖος(d). a)  Ξήρα Meineke  :  Ξηρά RQPN Jacoby. b)  ἡρακλείους RQ  :  ἡρακλείας PN Aldus. c)  μγ΄ QPN  :  μή R. d)  θηραῖος RQP : θυραῖος N.

Ξήρα· [A] |1| πόλις περὶ τὰς Ἡρακλείους στήλας. |2| Θεόπομπος

μγ΄ [FGrHist 115 F 199].

[D]  |3|  τὸ ἐθνικὸν Ξηραῖος [Théopompe  ?], ὡς Θήρα

Θηραῖος.

Xêra  :  [A]  |1|  ville du côté des Colonnes d’Hercule. |2|  Théopompe (43e livre). L’ethnique se dit Xêraios, comme Thêra donne Thêraios.

Commentaire La notice est issue du lexique-source. [A]  |1-2|  L’identification géographique rappelle celle des notices d’Akkabikon Teichos [13], Salmuka [189] et Tritê [221], notices que nous proposons toutefois de

rattacher à Timée. La mention provient ici explicitement de Théopompe (FGrHist 115 F 199), au livre XLIII des Philippiques. Compte tenu de l’absence d’autres mentions de ce géonyme, on peut se demander si ce nom ne comporterait pas également une erreur de lecture, comme pour d’autres mentions provenant de Théopompe. Pourrait-il s’agir en fait de Δηρά, dont nous avons la mention par ailleurs (cf. fiche [72]) ? Dans ce cas il y aurait une mélecture d’un ξ pour un δ dans un papyrus littéraire puisque l’erreur hypothétique remonterait au moins au lexique-source. Toutefois, la localisation géographique n’est pas la même. Selon M. Pellicer Catalán (2007, p. 19), il s’agirait d’une erreur de lecture pour Sexa, se référant à Sixos (cf. fiche [202]) ; nous ne le pensons pas car cette ville est trop éloignée du détroit de Gibraltar. [D] |3| L’ethnique devait probablement se trouver chez

Théopompe car nous ne le connaissons pas par ailleurs. La comparaison lexicale de grammairien est caractéristique de celles que l’on trouve dans le lexique-source.

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Localisation et archéologie On a rapproché ce nom de l’ager Ceretanus (selon le gaditain Columelle, De re Rustica 3.9.6) qui se retrouve dans le nom de la ville actuelle de Jerez (Xeres) de la Frontera. Celle-ci se serait appelée dans l’Antiquité Ceret (mais ce toponyme n’est pas attesté) (Fornell Muñoz 2004, p. 79-80). Or l’ager Ceretanus a de grande chance de tirer son nom de la déesse Cérès, en lien probablement avec la fertilité des champs mis en culture sur les anciennes zones du lacus Ligustinus, et donc sans lien avec la Xêra de Théopompe. Si l’on devait voir dans ce géonyme une erreur pour Dêra [72], il faudrait alors imaginer une correspondance avec la notice de ce lemme. Or, celle-ci pose deux problèmes. D’abord l’identification géographique de Dêra n’est pas sûre  :  il faudrait alors privilégier l’identification avec une πόλις comme le propose M. Billerbeck qui reprend la suggestion d’A. Meineke avec τῆς Ἰβηρίας. L’autre problème concerne l’indication « ἧς ὁ Σικανὸς ποταμός » de la notice Dêra. Elle rattache en effet ce géonyme avec le fleuve connu par ailleurs, chez Thucydide (6.2.2) et Philistos (FGrHist 556 F 3) sans qu’il soit localisé clairement chez eux et qu’on situe par assimilation avec la ville de Sikanê mentionnée par Hécatée et Aviénus (cf. fiche [200]). On suppose en effet que la ville étant placée en borduire du fleuve homonyme et que par la suite, lorsque la ville est reconstruite par les Romains et qu’elle prend le nom de Sucro, celui-ci devient égale-

164 – ΞHρα/XÊRA [Λ] ment le nouveau nom du fleuve Sikanos. Selon nous il faut distinguer les deux informations ; nous ignorons en effet le contenu des vers d’Apollodore et une mauvaise interprétation d’un texte poétique qui peut être parfois fait de raccourcis et d’allusions reste tout à fait possible. Quant à une éventuelle assimilation entre Xêra/Dêra/ Gadeira, elle repose avant tout sur l’étymologie que proposent les Grecs de Gadeira en τῆς γῆς δειρά, rappelée dans la notice Gadeira (voir fiche [59]). La difficulté majeure toutefois par rapport à la localisation que propose la notice de Xêra (comme dans l’hypothèse de Xeres d’ailleurs) est l’éloignement par rapport aux Colonnes d’Hercule (si on les assimile bien au rocher de Gibraltar). Aucune hypothèse de localisation précise ne peut donc être faite.

Chronologie des mentions ive s. av. : Théopompe/Pythéas, Ξηρά, Ξηραῖος.

Bibliographie indicative RE IX, A2 (1967), col.  2093 (s.v.  Xera) Schulten, Grosse ; THA IIB 64a ; Tovar 1974, p. 73 ; Adrados 2000, p. 10. Barrington Atlas : 26 (Xera, unlocated) ; http://pleiades.stoa.org/places/260664

165 – OβΟλκων/OBOLKÔN [Λ]

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165 – OβΟλκων/OBOLKÔN [Λ]

Ville – Hispanie (Bétique) (ο 5 Billerbeck)            Artémidore ? Livre 36 – Second abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 14,4 % – taux théorique : 20 %). Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé et traduction Ὀβόλκων· ὀβόλκωνος, πόλις (a). τὸ ἐθνικὸν ὀβολκωνίτης. a) Ἰβηρίας add. Berkel. a – La mention a probablement disparu lors de l’abréviation, par confusion avec la forme génitive du géonyme, rattachée à πόλις par l’abréviateur.

Ὀβόλκων· Ὀβόλκωνος, [A] |1| πόλις [Artémidore ?]. [D] |2| τὸ ἐθνικὸν Ὀβολκωνίτης [Artémidore ?].

Obolkôn [au génitif ] Obolkônos :  [A] |1| ville . [D] |2| L’ethnique se dit Obolkônitês.

Commentaire La notice provient du lexique-source. [A]   |1|  Il s’agit d’une ville d’Ibérie, que Strabon (3.2.2, 3.4.9), comme Ptolémée (Geogr. 2.4.9), appelle Oboulkôn. Appien (Iber. 290) signale une autre ville du nom d’Obolkola, qui correspond à celle du même nom chez Pline l’Ancien (3.12). La mention de l’Épitomé relève donc d’une autre source (Artémidore si l’on se fie à l’ethnique ?). La construction de la notice, telle qu’elle subsiste, semble bancale du fait d’une détermination géographique incomplète. Mais ce type de construction se retrouve dans d’autres lemmes rattachés de manière plus ou moins certaine à Artémidore : oubli de la localisation géographique et indication grammaticale (ici le génitif ). Il y a ici une confusion ville d’Ibérie/ville d’Obolkôn. Notons que M. Billerbeck ne restitue pas Ibêria. [D] |2| Le nom de l’ethnique se trouvait très vraisembla-

blement chez le même auteur ; la forme semble caractéristique d’Artémidore.

Localisation et archéologie La ville se situe à Porcuna ( Jaén), à l’est de Cordoue comme l’ont confirmé les inscriptions retrouvés sur place.

A. Tovar propose d’y voir le nom indigène d’Ipolca/ Iporca que l’on a retrouvé également dans les fouilles archéologiques (Tovar 1974, p. 105-106). Les légendes monétaires ont donné une confirmation de ce nom ibérique (Tovar 1952). Elle est rattachée au peuple des Turdules. C’est ici que César établit un camp dans sa guerre contre les fils de Pompée en 45 av. J.-C. Strabon (3.4.9) indique qu’il mit 27 jours pour rejoindre son armée à Obulco avant de lancer la bataille de Munda. César accorde sa transformation en municipe devenant alors Obulco Pontificense (Pline l’Ancien 3.10) auquel était joint la dénomination de Urbs Victrix Nobilis. Les fouilles archéologiques ont révélé la ville reconstruite à partir de cette date, avec ses rues dallées et ses grandes domus. Elle décline à partir de l’ère flavienne peut-être du fait d’un transfert des élites urbaines vers Corduba. Elle est réoccupée durant les iiie-ve siècles puis à nouveau abandonnée. D’autres sites périphériques (comme le tumulus funéraire regroupant 24 tombes en fosse de Cerrillo Blanco et l’établissement de Los Alcores) ont fait l’objet de fouilles également.

Chronologie des mentions iie  s. av.  :  Artémidore ?, Ὀβόλκων, Ὀβολκωνίτης – ier  s.  :  Strabon, Ὀβούλκων  ; Pline l’Ancien, Obulco – iie s. : Appien, (Ὀβόλκολα) ; Ptolémée, Ὀβούλκων.

Bibliographie indicative RE XVII, 2 (1937), col.  1750-1751 (s.v.  Obulco) Schulten  ; col.  1751 (s.v.  Obulcola) Schulten  ; Smith 1854 (s.v.  Obulco)  ; THA  IIB 142bñ  ; Tovar 1952  ; Tovar 1974, p. 105-106 ; González Blanco 1991, p. 29, 34 ; Zehnacker 2004, p. 101. Barrington Atlas : 27 A4 (Obulco) ; http://pleiades.stoa.org/places/265982

622

166 – OδυσσεIς/ODUSSEIS [Λ]

166 – OδυσσεIς/ODUSSEIS [Λ]

Ville – Hispanie (Bétique) (ο 15 Billerbeck)            Artémidore ? Livre 36 – Second abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 14,4 % – taux théorique : 20 %). Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé et traduction Ὀδυσσεῖς(a)· πόλις ἰβηρίας. ἀρσενικῶς. καὶ(b) τὸ ἐθνικὸν ὃμοιον, {ἀρσενικὸν(c) δὲ,}(d) ὡς ἀταρνεῖς καὶ διπαιεῖς. a) Ὀδυσσεῖς RQPN : Ὀδυσσεύς Meineke. b) καὶ om. R. c) ἀρσενικῶς RQ : ἀρσενικὸν PN. d) ἀρσενικὸν δὲ secl. Meineke.

Ὀδυσσεῖς· [A] |1| πόλις Ἰβηρίας [Artémidore ?]. |2| ἀρσενικῶς. [D] |3| καὶ τὸ ἐθνικὸν ὃμοιον [Artémidore ?], {ἀρσενικὸν

δὲ,} ὡς Ἀταρνεῖς καὶ Διπαιεῖς.

Odusseis :  [A] |1| ville d’Ibérie. |2| Masculin. [D] |3| Et l’ethnique est semblable, formé comme Atarneis et Dipaieis.

Lexiques et commentaires grecs et byzantins xiie  siècle – Eustathe de Thessalonique (Com. Dion. 281) (…). φασὶ δὲ ἐν Ἰβηρίᾳ καὶ πόλιν εἶναι Ὀδύσσειαν καὶ ἄλλα πολλὰ ἴχνη τῆς Ὀδυσσέως πλάνης. (…)

Commentaire

Localisation et archéologie Strabon (3.4.3) décrit rapidement cette ville sur la base du témoignage d’Asclépiade de Myrlée, transmis certainement par l’intermédiaire de Posidonios. Selon lui, il existe au-dessus de la ville d’Abdêra [1] une ville de ce nom, avec un sanctuaire d’Athéna qui était visible depuis la mer. Dans ce dernier étaient placés des boucliers et éperons de navires que la tradition rattachait au voyage d’Ulysse. Il s’agit plus probablement de trophées suite à une victoire navale. A. Schulten, repris par A. Tovar la met en relation avec la ville d’Ulisi située au nord de Malaga, dont les habitants apparaissent comme Ulisitani dans deux inscriptions (CIL II 5498 et 5499), plutôt qu’avec la ville d’Oducia, située, d’après deux inscriptions également, dans la vallée du Guadalquivir mais assez loin de la mer (Tovar 1974, p. 135-136).

Chronologie des mentions ii e  s. av.  :  Artémidore ?, Ὀδυσσεῖς, Ὀδυσσεῖς – ier s. : Strabon, Ὀδύσσεια.

La notice est issue du lexique-source.

Bibliographie indicative

[A] |1| Strabon (3.2.13, 3.4.3) mentionne cette ville sous

RE XVII, 2 (1937), col.  1904-1905 (s.v.  Oducia) Schulten ; Smith 1854 (s.v. Odysseia) ; THA IIB 142bo ; Tovar 1974, p. 135-136 ; González Blanco 1991, p. 29, 34.

la forme Ὀδύσσεια. Il signale qu’il a utilisé comme source Posidonios d’Apamée, Artémidore et Asclépiade de Myrlée. Artémidore est peut-être à l’origine du lemme, qui présente une forme un peu différente. |2| : La mention du genre est peut-être la trace de l’action d’un grammairien et relève semble-t-il du lexique-source.

[D] |3| Si l’on prend au mot le texte de l’Épitomé, au vu

des comparaisons données, il faut tenir Ὀδυσσεῖς pour la forme de l’ethnique comme de la ville elle-même. Voir les comparaisons avec Atarna (α 514), Dipaia (δ 97) et Pedieis (π 81).

Barrington Atlas : 27 (Ulis(s)i/Odyssea?) ; http://pleiades.stoa.org/places/270380

167 – OλβΙα/OLBIA [Λ]

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167 – OλβΙα/OLBIA [Λ]

Ville – Gaule (Narbonnaise) (ο 41 Billerbeck)            I-Polybe ? Artémidore ? Livre 36 – Second abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 14,4 % – taux théorique : 20 %). Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé et traduction Ὀλβία· πόλις λιγυστική. ὁ πολίτης ὀλβιοπολίτης (a). καὶ ὀλβιανοί ὡς ἀσιανοί (b). ἔστι δὲ καὶ πλησίον αὐτῆς ὄρος ὀλβιανόν. β΄ πόλις ἐν πόντῳ. γ΄ βιθυνίας, ἀπὸ ὀλβίας νύμφης. δ΄ παμφυλίας, ὡς φίλων(c). οὐκ ἔστι δὲ παμφυλίας, ἀλλὰ τῆς τῶν σολύμων γῆς, καὶ οὐδὲ ὀλβία, ἀλλὰ ὄλβα καλεῖται καὶ οἱ πολῖται(d) ὀλβαῖοι καὶ ὀλβιος καὶ ὀλβία. ε΄ ἰβηρίας. ϛ΄ σαρδοῦς. ζ΄ ἰλλυρίδος. η΄ ἑλλησπόντου. θ΄ κιλικίας. λέγεται καὶ ὀλβηνός καὶ ὀλβιακός καὶ τὸ θηλυκὸν ὀλβιακή. a)  ὀλβιοπολίτης PN  :  ὀλβιοπολιτικός RQ. b)  ὡς ἀσιανοί om. R. c) φίλων RQP : φιλόξενος N Aldus. d) πολῖται Q : πολίται RPN.

Ὀλβία· I-[A] |1| πόλις λιγυστική [Polybe ?]. [D] |2| ὁ πολίτης Ὀλβιοπολίτης [Artémidore ?].|3| καὶ Ὀλβιανοί [Polybe ?] ὡς Ἀσιανοί. [F] |4| ἔστι δὲ καὶ πλησίον

αὐτῆς ὄρος Ὀλβιανόν [Polybe ? Artémidore ?]. II-[A] |5| β΄ πόλις ἐν Πόντῳ. III-[A] |6| γ΄ Βιθυνίας, [B] ἀπὸ Ὀλβίας νύμφης.

IV-[A] |7| δ΄ Παμφυλίας, ὡς Φίλων [FGrHist 790 F 47]. |8| οὐκ ἔστι δὲ Παμφυλίας, ἀλλὰ τῆς τῶν Σολύμων γῆς, καὶ οὐδὲ Ὀλβία, ἀλλὰ Ὄλβα καλεῖται [D] |9| καὶ οἱ πολῖται Ὀλβαῖοι καὶ Ὀλβιος καὶ Ὀλβία. V-[A] |10| ε΄ Ἰβηρίας. VI-[A] |11| ϛ΄ Σαρδοῦς. VII-[A] |12| ζ΄ Ἰλλυρίδος. VIII-[A] |13| η΄ Ἑλλησπόντου. IX-[A] |14| θ΄ Κιλικίας. [D] |15| λέγεται καὶ Ὀλβηνός καὶ Ὀλβιακός [E] καὶ τὸ θηλυκὸν Ὀλβιακή.

Olbia :  I-[A] ville de Ligystique. [D] |2| Le citoyen est appelé Olbiopolitês. |3| Et aussi Olbianoi, formé comme Asianoi. [F] |4| Il existe près de cette ville la montagne Olbianon. II-[A] |5| 2. Ville du Pont. III-[A]  |6|  3. En Bithynie, [B]  dénommée d’après la nymphe Olbia. IV-[A] |7| 4. En Pamphylie, selon Philon. |8| Cependant, elle n’est pas en Pamphylie, mais dans le pays des Solumoi, et elle ne s’appelle pas Olbia mais Olba. [D] |9| Et ses citoyens sont dits Olbaioi, [au masculin] Olbios et [E] [au féminin] Olbia. V-[A] |10| 5. En Ibérie. VI-[A] |11| 6. En Sardaigne. VII-[A] |12| 7. En Illyrie. VIII-[A] |13| 8. Sur l’Hellespont. IX-[A] |14| 9. En Cilicie. [D] |15| On dit aussi Olbênos et Olbiakos [E] et au féminin Olbiakê.

Commentaire Le texte est issu du lexique-source. Il s’agit d’une notice plurielle qui commence de manière étonnante par la ville du Midi de la Gaule. [A] |1| La ville étant mentionnée comme ligystique, elle

est donc citée d’après un auteur qui n’est ni Strabon ni Artémidore. On trouve la mention de la ville avec ce qualificatif dans le pseudo-Scymnos (v. 216) mais si celui-ci était la source première cela ramènerait à un lexique de Marcien, ce qui ne semble pas être le cas ici. Par ailleurs, on ne trouve pas chez cet auteur toutes les formes dérivées. Pourrait-il s’agir de Théopompe ? Cela serait assez logique par rapport au lexique-source, qui aurait pu mixer les informations provenant de cet auteur avec

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167 – OλβΙα/OLBIA [Λ]

celles d’Artémidore. Toutefois, si notre hypothèse est exacte, Théopompe reprend le périple de Pythéas ce qui l’amène à décrire la côte à l’ouest de Massalia. La forme « ligystique » renvoie toutefois à un auteur antérieur à Artémidore, qui pourrait être Polybe. Strabon (4.1.5 et 9) la cite encore mais prend probablement ses informations d’Artémidore.

l’origine mais a été reconstruite par endroits après avoir été abattue dans le courant du iie siècle av. J.-C. L’habitat est prévu au départ pour environ 400 familles, par un découpage de chaque îlot en douze pièces (Brun 1999, p. 444). Des transformations de l’habitat interviennent déjà dans le courant du iie siècle av. J.-C. Le port se trouvait à l’est, au contact de la cité.

[D]  |2-3|  Les deux formes correspondent l’une à une

Il semble que des combats se soient également déroulés à Olbia en 49 av. J.-C. lorsque Jules César fait le siège de Marseille. Après la chute de la ville, l’ensemble de la côte semble rattachée à la colonie d’Arles, dès 45 av.  J.-C., mais il s’agit d’une hypothèse car on a aussi évoqué un maintien dans le giron de Marseille (voir J.-P. Brun in Bats 2006, p. 21).

forme grecque et la seconde à une forme romaine. La première semble caractéristique d’Artémidore. On peut se demander si la seconde n’est pas issue de Polybe. [F] |4| La montagne appelée Olbianon est proche de la ville d’Olbia. Il s’agit sans doute de la hauteur située au plus proche du bord de mer et de la ville, c’est-à-dire le mont des Oiseaux. Il n’est pas possible de savoir si l’information provient de Polybe ou d’Artémidore mais c’est probablement l’un des deux qui en est à l’origine.

Localisation et archéologie Les vestiges de la ville grecque se trouvent à Saint-Pierrede-l’Almanarre, commune de Hyères (France, Var). Aucune ville médiévale ne s’étant installée à l’emplacement de la ville antique et antique tardive, l’ensemble du site est conservé dans des champs ; il est en grande partie protégé et les vestiges dégagés ont fait l’objet d’une mise en valeur. Les fouilles scientifiques sur ce site ont été réalisées d’abord par J. Coupry de 1956 à 1972, puis par M. Bats et de nombreux collaborateurs de 1982 à 1998 et, sur l’îlot VI, de 2002 à 2008. L’ensemble a fait l’objet de plusieurs publications (en particulier Bats 2006) et d’un résumé utile dans Brun 1999, p. 437-461, d’où nous tirons les informations données ci-dessous. La ville est située au contact de la mer, au pied du mont des Oiseaux, colline de grès haute d’une soixantaine de mètres qui correspond à la montagne Olbianon mentionnée par Stéphane de Byzance. Elle a le plan caractéristique d’une fondation militaire, avec une enceinte carrée d’un stade de côté (165 m) ; elle était « divisée en quatre quartiers par deux grandes plateiai (grandes rues larges de 5,20 m et 4,20 m) se croisant à angle droit au centre de la ville » (Brun 1999, p. 443). Des rues secondaires créaient un réseau orthonormé délimitant dix îlots (plintheia) par quartier. L’enceinte est bâtie dès

L’urbanisme change à partir d’Auguste. Si l’habitat le plus proche des rues centrales évolue dans le cadre de ce qui existait déjà, de nouveaux bâtiments comme des thermes sont bâtis à cheval sur plusieurs îlots tandis que les constructions débordent de l’enceinte surtout au nord et à l’est (Bats 2006 ; Brun 1999, p. 446-458). Un môle et une digue sont alors bâtis, créant un véritable port au sud. Une grande partie de la ville semble désertée vers la fin du iiie siècle et au siècle suivant, mais une occupation se prolonge le long de la rue principale est-ouest, jusqu’au viie siècle de notre ère.

Chronologie des mentions iie s. av. : pseudo-Scymnos, Ὀλβία ; Artémidore ?, Ὀλβία, Ὀλβιοπολίτης – ier s. : Strabon, Ὀλβία (Μασσαλιωτῶν) ; Pomponius Mela, Olbia – iie s. : Ptolémée, Ὀλβία. La forme reste inchangée en grec et en latin.

Bibliographie indicative RE XVII, 2 (1937), col.  2424-2429 (s.v.  Olbia 7) Goessler  ; Smith 1854 (s.v.  Olbia 3)  ; Benoit 1965, p. 105-106 ; Barruol 1969, p. 221, 227 n. 5, 228 n. 1 ; Rivet 1988, p. 200 ; Silberman 1988, p. 214 ; Brun 1999, p. 437-461 ; Bats 2006. Barrington Atlas : 16 B3 (Olbia) ; http://pleiades.stoa.org/places/157896

168 – OλβΙα/OLBIA [Λ + Φ]

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168 – OλβΙα/OLBIA [Λ + Φ]

Ville – Hispanie (Bétique) ? (ο 41 Billerbeck)            V- Artémidore ? Livre 36 – Second abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 14,4 % – taux théorique : 20 %). Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé et traduction Voir notice précédente. Ὀλβία· I-[A] |1| πόλις λιγυστική. [D]   |2|  ὁ πολίτης Ὀλβιοπολίτης. |3|  καὶ Ὀλβιανοί ὡς Ἀσιανοί. [F] |4| ἔστι δὲ καὶ πλησίον αὐτῆς ὄρος Ὀλβιανόν. II-[A] |5| β΄ πόλις ἐν Πόντῳ.

VI-[A] |11| 6. En Sardaigne. VII-[A] |12| 7. En Illyrie. VIII-[A] |13| 8. Sur l’Hellespont. IX-[A] |14| 9. En Cilicie. [D] |15| On dit aussi Olbênos et Olbiakos [E] et au féminin Olbiakê.

III-[A] |6| γ΄ Βιθυνίας, [B] ἀπὸ Ὀλβίας νύμφης.

Lexiques et commentaires grecs et byzantins

IV-[A] |7| δ΄ Παμφυλίας, ὡς Φίλων [FGrHist 790 F 47].

VIII-[A] |13| η΄ Ἑλλησπόντου.

xiie siècle – Eustathe de Thessalonique (Com. Dion. 337) ὅτι κάτωθεν τῆς ῥηθείσης Ἀλύβης πόλις ὀλβία Ἰβηρικὴ ἡ Ταρτησὸς, ἣν καὶ χαρίεσσαν λέγει καὶ ῥυηφενέων πέδον ἀνδρῶν, ἤγουν πλουσίων. φασὶ δὲ Βαῖτιν εἶναι ποταμὸν Ἰβηρίας, δύο ἐκβολὰς ἔχοντα, ὧν μέσην ἱδρῦσθαι ὡς ἐπὶ νήσου τὴν τοιαύτην Ταρτησόν, οὕτω κληθεῖσαν διὰ τὸ καὶ τὸν Βαῖτιν Ταρτησὸν καλεῖσθαι παρὰ τοῖς παλαιοῖς. ταύτης καὶ ὁ Κωμικὸς μέμνηται ἐν Βατράχοις, ὅτε λέγει Ταρτησίαν μύραιναν, παίζων καὶ ἐκφοβῶν τὸν ἀκροατὴν τῷ ἐκτοπισμῷ. τὸν δὲ Ταρτησὸν κασσίτερον τοῖς ἐκεῖ καταφέρειν ἱστόρηται.

IX-[A] |14| θ΄ Κιλικίας. [D] |15| λέγεται καὶ Ὀλβηνός καὶ Ὀλβιακός [E] καὶ τὸ θηλυκὸν Ὀλβιακή.

Commentaire

|8| οὐκ ἔστι δὲ Παμφυλίας, ἀλλὰ τῆς τῶν Σολύμων γῆς, καὶ οὐδὲ Ὀλβία, ἀλλὰ Ὄλβα καλεῖται [D] |9| καὶ οἱ πολῖται Ὀλβαῖοι καὶ Ὀλβιος καὶ Ὀλβία. V-[A] |10| ε΄ Ἰβηρίας. VI-[A] |11| ϛ΄ Σαρδοῦς. VII-[A] |12| ζ΄ Ἰλλυρίδος.

Olbia :  I-[A] ville de Ligystique. [D] |2| Le citoyen est appelé Olbiopolitês. |3| Et aussi Olbianoi, formé comme Asianoi. [F] |4| Il existe près de cette ville la montagne Olbianon. II-[A] |5| 2. Ville du Pont. III-[A]  |6|  3. En Bithynie, [B]  dénommée d’après la

nymphe Olbia.

IV-[A] |7| 4. En Pamphylie, selon Philon. |8| Cependant, elle n’est pas en Pamphylie, mais dans le pays des Solumoi, et elle ne s’appelle pas Olbia mais Olba. [D] |9| Et ses citoyens sont dits Olbaioi, [au masculin] Olbios et [E] [au féminin] Olbia. V-[A] |10| 5. En Ibérie.

Il s’agit d’une notice plurielle qui commence assez bizarrement par la ville du Midi de la Gaule. V-[A] |1| La ville ibérique n’est pas connue par ailleurs. Rien ne permet de la rattacher à un auteur spécifique ; faut-il y voir une mention issue d’Artémidore ?

Localisation et archéologie Il s’agit peut-être de l’actuelle Huelva, qui serait appelée Olba si l’on suit l’inscription CIL II 5406 : pagus Olbensis (Schulten 1955 p.  162  ; voir également Zehnacker 2004, p. 95, Lasserre 1966a p. 236). Selon Garcia y Bellido, Huelva serait plutôt Onuba/Onoba Aestuaria, autre cité des Turdetani, proche de la précédente et mentionnée plus largement par les auteurs antiques (Garcia y Bellido 1948).

626

169 – OλβΙα/OLBIA [Λ]

On peut aussi, sous toute réserve, voir un lien onomastique avec le peuple des Olbusioi [170]  que signalait peut-être Hécatée.

Chronologie des mentions

Ptolémée (Geogr. 2.6.55) indique également une ville Oliba, dans le nord de la Tarraconaise. S’agit-il de la même ville ?

Bibliographie indicative

Sans objet

RE XVII, 2 (1937), col. 2424 (s.v. Olbia 6) Schulten ; Smith 1854 (s.v. Olbia 4) ; THA IIB 142bp ; Tovar 1974, p. 63 n. 67 ; González Blanco 1991, p. 29, 34.

169 – OλβΙα/OLBIA [Λ]

Ville – Îles (Sardaigne) (ο 41 Billerbeck)            VI- ? I. NOTICE : Livre 36 – Second abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 14,4 % – taux théorique : 20 %).

Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé et traduction Voir notice [167]. Ὀλβία· I-[A] |1| πόλις λιγυστική. [D]   |2|  ὁ πολίτης Ὀλβιοπολίτης. |3|  καὶ Ὀλβιανοί ὡς Ἀσιανοί. [F] |4| ἔστι δὲ καὶ πλησίον αὐτῆς ὄρος Ὀλβιανόν. II-[A] |5| β΄ πόλις ἐν Πόντῳ. III-[A] |6| γ΄ Βιθυνίας, [B] ἀπὸ Ὀλβίας νύμφης. IV-[A] |7| δ΄ Παμφυλίας, ὡς Φίλων [FGrHist 790 F 47]. |8| οὐκ ἔστι δὲ Παμφυλίας, ἀλλὰ τῆς τῶν Σολύμων γῆς, καὶ οὐδὲ Ὀλβία, ἀλλὰ Ὄλβα καλεῖται [D] |9| καὶ οἱ πολῖται Ὀλβαῖοι καὶ Ὀλβιος καὶ Ὀλβία. V-[A] |10| ε΄ Ἰβηρίας. VI-[A] |11| ϛ΄ Σαρδοῦς. VII-[A] |12| ζ΄ Ἰλλυρίδος. VIII-[A] |13| η΄ Ἑλλησπόντου. IX-[A] |14| θ΄ Κιλικίας. [D] |15| λέγεται καὶ Ὀλβηνός καὶ Ὀλβιακός [E] καὶ τὸ θηλυκὸν Ὀλβιακή.

Olbia :  I-[A] ville de Ligystique. [D] |2| Le citoyen est appelé Olbiopolitês. |3| Et aussi Olbianoi, formé comme Asianoi. [F] |4| Il existe près de cette ville la montagne Olbianon. II-[A] |5| 2. Ville du Pont. III-[A]  |6|  3. En Bithynie, [B]  dénommée d’après la nymphe Olbia. IV-[A] |7| 4. En Pamphylie, selon Philon. |8| Cependant, elle n’est pas en Pamphylie, mais dans le pays des Solumoi, et elle ne s’appelle pas Olbia mais Olba. [D] |9| Et ses citoyens sont dits Olbaioi, [au masculin] Olbios et [E] [au féminin] Olbia. V-[A] |10| 5. En Ibérie. VI-[A] |11| 6. En Sardaigne. VII-[A] |12| 7. En Illyrie. VIII-[A] |13| 8. Sur l’Hellespont. IX-[A] |14| 9. En Cilicie. [D] |15| On dit aussi Olbênos et Olbiakos [E] et au féminin Olbiakê.

170 – OλβΥσιοι/OLBUSIOI [E ?+Λ]

Commentaire Il s’agit d’une notice plurielle juxtaposée, issue du lexique-source. VI-[A] |11| Rien ne permet d’attribuer cette mention à un auteur particulier. Pausanias (10.17.5) la cite : « τετάρτη δὲ μοῖρα Ἰολάου Θεσπιέων τε καὶ ἐκ τῆς Ἀττικῆς στρατιὰ κατῆρεν ἐς Σαρδώ, καὶ Ὀλβίαν μὲν πόλιν οἰκίζουσιν, ἰδίᾳ δὲ Ὀγρύλην οἱ Ἀθηναῖοι διασώζοντες τῶν δήμων τῶν οἴκοι τινὸς τὸ ὄνομα· ἢ καὶ αὐτὸς τοῦ στόλου μετεῖχεν Ὀγρύλος. La quatrième expédition, composée de Thespiens et d’Athéniens, vint en Sardaigne sous les ordres d’Iolas, et y bâtit la ville d’Olbia ; les Athéniens élevèrent en leur particulier Ogrylé, qu’ils nommèrent ainsi, soit pour conserver le nom de quelqu’un des bourgs de l’Attique, soit parce que Ogrylus faisait partie de l’expédition » (trad. Clavier). Il n’est probablement pas la source de notre mention.

Localisation et archéologie La ville (actuelle Terranova) est située à l’est de l’île, au sein d’un large golfe ; elle constitue l’un des meilleurs ports naturels de Méditerranée. Elle a probablement été fondée par les Phéniciens si l’on en juge par le mobilier archéologique compris entre le milieu du viiie et le milieu du viie siècle av.  J.-C. On observe toutefois dans les couches postérieures, jusqu’à la fin du vie siècle, une abondance de matériel grec que l’on met en relation avec le nom grec de la ville (Roppa 2013, p. 63) et la tradition que rapportent Pausanias (10.17.5), Strabon et Diodore de Sicile (4.29). Toutefois, les traces archéologiques, qui sont plus nombreuses à partir du

627 milieu du ive siècle av. J.-C., témoignent d’une occupation punique. La ville est alors ceinte d’une muraille avec des tours et dominée par une acropole avec un temple dédié à Melqart (Roppa 2013, p. 63-64). Durant la Première guerre punique, son large port accueillit la flotte carthaginoise, battue ensuite par le consul Cornelius (Valère-Maxime 5.1.2)  ; lors de la Deuxième guerre punique, son territoire a été ravagé par les Carthaginois (Tite-Live 27.6). À l’époque romaine, la ville est dotée d’un forum dont les fouilles ont retrouvé les vestiges. C’est à Olbia qu’était possessionée Claudia Acte, qui fut la maîtresse de Néron, avant d’être supplantée par Poppée. Les vestiges de l’aqueduc, amenant l’eau de la montagne voisine, subsistent encore.

Chronologie des mentions ier s. av.  :  Cicéron, Olbia  ; Diodore de Sicile, Ὀλβία – ier s. : Tite-Live, Olbiensis ; Valère Maxime, Olbia – iie s. : Florus, Olbia ; Ptolémée, Ὀλβία, Ὀλβιανὸς λιμήν ; Pausanias, Ὀλβία – iiie s. : Itinéraire d’Antonin, Olbia – ive s. : Claudien, Olbia.

Bibliographie indicative RE XVII, 2 (1937), col.  2423-2424 (s.v.  Olbia 5) Hanslik  ; Smith 1854 (s.v.  Olbia 2)  ; Roppa 2013, p. 63-65. Barrington Atlas : 48 B2 (Olbia) ; http://pleiades.stoa.org/places/471987

170 – OλβΥσιοι/OLBUSIOI [E ?+Λ]

Peuple – Hispanie (Bétique) (ο 42 Billerbeck)            Hécatée ? (Théopompe ?) + Hérodore ? Livre 36 – Second abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 14,4 % – taux théorique : 20 %). Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé et traduction (en grisé, forme erronée restituée du manu­scrit archétype disparu, corrigée dans la notice normalisée)

Ὀλβύσιοι· ἔθνος ἀπὸ(a) (b) ἡρακλείων στηλῶν. καὶ ὀλβυσίνιοι(c) ἄλλο(d) . a) ἐπὶ Xylander : ἀπὸ RQPN, οὐ πόρρω susp. Bouiron. b) τῶν add. Bouiron. c)  ὀλβυσίνιοι RQPpc  :  ὀλβισίνιοι N Aldus ὀλβισίνοοι Pac. d) ante ἄλλο distinxit et lac. indic. Billerbeck ; ἄλλο RQN : ἄλλοι Billerbeck, ἄλλος P, ἄλλοις dub. Holste. a – Erreur de lecture d’abréviation ?

Ὀλβύσιοι· I-[Da] |1| ἔθνος ἐπὶ Ἡρακλείων στηλῶν [Hécatée ? Théopompe ?]. II-[Da] |2| καὶ Ὀλβυσίνιοι ἄλλο [Hérodore] .

628 Olbusioi :  I-[Da] |1| peuple situé aux Colonnes d’Hercule. II-[Da] |2| Et Olbusinioi un autre [nom ?] .

Commentaire Stéphane de Byzance a fusionné deux notices, l’une provenant peut-être du lexique d’Hécatée (|1|) et la seconde du lexique-source (|2|). [Da] |1| L’auteur ayant mentionné ce peuple est inconnu.

Il s’agit probablement d’Hécatée mais Théopompe serait également possible. La détermination géographique s’apparente à celle de la notice Kalathê [114]. L’emploi de ἐπὶ avec le génitif implique un environnement proche mais n’a pas la signification précise de « au-dessus ». Il n’est pas impossible que le texte d’origine des Ethniques ait comporté la même mention que pour la ville de Kalathê : « οὐ πόρρω τῶν Ἡρακλείων στηλῶν, non loin des Colonnes d’Hercule  » et qu’une mélecture d’une abréviation dans l’une des phases de transmission du texte ait transformé οὐ πόρρω en ἀπὸ.

|2| : L’autre forme se trouve très certainement chez un auteur proche dans le temps d’Hécatée car ce peuple n’est plus mentionné par la suite. Il nous semble possible de retrouver cette forme dans la notice Ibêria [100], dans le contexte d’une citation d’Hérodore, c’est pourquoi nous proposons un rattachement à cet auteur. Nous ne suivons pas la proposition de M. Billerbeck de faire d’Olbusinioi une simple variante du peuple précédent donnée directement par Stéphane de Byzance. Il provient en effet du lexique-source alors que le début de la notice procède peut-être du lexique d’Hécatée. C’est pourquoi nous distinguerons plus clairement les deux mentions et y voyons une notice plurielle juxtaposée.

170 – OλβΥσιοι/OLBUSIOI [E ?+Λ]

Localisation et archéologie Il est probable que ce peuple corresponde à la mention regnum Selbyssini d’Aviénus (Ora maritima v. 416) ou Olbicini qui se trouve selon cet auteur près des Colonnes d’Hercule et proche des Libyphéniciens ; on aurait chez Aviénus une mélecture CI pour O et le second C remplacerait le sigma lunaire grec. Cela correspond bien à la mention d’Hérodore qui place ce peuple entre les Tartêsioi et les Mastiênoi. Sans l’indiquer clairement, il semble que T. Braun, suivant ses prédécesseurs, ait assimilé ce peuple aux Elbestioi [79] qui sont, pour lui, identiques aux Elbusinioi d’Hérodore (voir fiche Ibêria [100]) (Braun 2004, p. 303). Or nous considérons que ce dernier ethnonyme est une erreur de lecture pour Olbusinioi. De nombreux auteurs font ce même rapprochement mais comme le rappelle le THA IIB (p. 969), cela semble peu vraisemblable. La localisation de ce peuple n’est pas simple. Le THA II B (p. 969-970) note la présence d’un fundus Olbensis qui pourrait se situer près de l’actuelle Gelves (Seville), ce nom provenant d’une forme Huelves connue au Moyen Âge et qui pourrait découler du nom antique. Un autre pagus Olbensis est mentionné dans une inscription (CIL II 5406) trouvée à Bonanza (Sanlúcar de Barrameda, Cádiz). Dans tous les cas, il semble possible de les localiser dans le bas Guadalquivir. Peut-être que la ville ibérique d’Olbia [168] se rattache in fine à ce peuple.

Chronologie des mentions vie s. av. : Hécatée ?, Ὀλβύσιοι – ve s. av. : Hérodore ?, Ὀλβυσίνιοι – iv e  s. av.  :  [Aviénus, Ora maritima], Olbicini, regnum Selbyssini.

Bibliographie indicative RE XVII, 2 (1937), col. 2431 (s.v. Ὀλβύσιοι) Schulten ; THA  IIB 142bq  ; Tovar 1974, p.  24  ; González Blanco 1991, p. 29, 34 ; Braun 2004, p. 303. Barrington Atlas : 26 (Elbysinioi/Olbysioi) ; http://pleiades.stoa.org/places/260549

171 – OλκΑδες/OLKADES [Λ]

629

171 – OλκΑδες/OLKADES [Λ]

Peuple – Hispanie (Tarraconaise) (ο 44 Billerbeck)            Polybe Livre 36 – Second abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 14,4 % – taux théorique : 20 %). Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé et traduction (en grisé, forme erronée restituée du manu­scrit archétype disparu, corrigée dans la notice normalisée)

Ὀλκάδες· ὡς ἀρκάδες, ἔθνος ἀρκάδων(a) τῶν ἐντὸς ἴβηρος τοῦ ποταμοῦ. πολύβιος ἐν γ΄. a) Ἰβηρικὸν Bouiron : ἰβήρων R Billerbeck, ἀρκάδων QPN. a – Erreur (lors de la 2e abréviation ?), par assimilation avec le nom qui précède ?

Ὀλκάδες· [Da] |1| ὡς Ἀρκάδες, ἔθνος Ἰβηρικὸν τῶν ἐντὸς Ἴβηρος τοῦ

ποταμοῦ. |2| Πολύβιος ἐν γ΄ [3.13.5, 3.14.3, 3.33.10].

Localisation et archéologie Si l’on en croit Polybe, ce peuple devait se situer sur le cours supérieur du Guadiana ; leur ville principale était Althaia, qui fut prise par Hannibal lors de sa conquête de l’Ibérie centrale. D’après A. Tovar, suivant Schulten (RE), leur territoire s’étendait sur la partie occidentale de l’actuelle province de Ciudad Real (Tovar 1989, p. 94-95).

Commentaire

Tite-Live (21.5.3) mentionne également le peuple des Olcades comme une composante des Karpêtanoi [119] (ils semblent se trouver au sud-est de ce peuple). Les mentions de ce peuple n’existant qu’en lien avec la Deuxième guerre punique, il est difficile d’apporter plus d’information.

La notice est issue du lexique-source.

Chronologie des mentions

[Da]  |1-2|  À notre connaissance, le nom de ce peuple

iie s. av. : Polybe, Ὀλκάδες (Ἰβήροι) – ier s. : Tite-Live, Olcades.

Olkades  :  [Da]  |1|  formé comme Arkades, peuple ibérique, de ceux qui sont en deçà du fleuve Ibêr. |2| Polybe, dans le 3e livre.

ne se trouve que chez Polybe (3.13.5, 3.14.3, 3.33.10), comme l’indique l’Épitomé. Le positionnement géographique par rapport à l’Èbre est d’ailleurs caractéristique des notices issues de cet auteur. La mention d’Ἰβηρικὸν n’est pas certaine même si elle semble assez vraisemblable en lieu et place d’Ἀρκάδων ; la restitution que propose le manu­scrit R (Ἰβήρων) est probablement théorique. On trouve dans les notices Thersitai [96] et Karpêsioi [119]  «  ἔθνος ἰβηρικόν  » qui peut correspondre plus sûrement à la détermination d’origine. Dans la notice Althaia [19], ville de ce peuple, il est indiqué ἔθνος Ἰβηρίας. L’une ou l’autre des formes est probablement correcte. Dans la notice Althaia, l’indication géographique est différente puisqu’on les dit « voisins de Carthagène ».

Bibliographie indicative RE XVII, 2 (1937), col. 2484 (s.v. Olcades) Schulten ; Smith 1854 (s.v. Olcades) ; THA IIB 142br ; Tovar 1989, p. 94-95 ; González Blanco 1991, p. 29, 34. Barrington Atlas : 27 A2 (Olcades ?) ; http://pleiades.stoa.org/places/265984

630

172 – OξΥβιοι/OXUBIOI [Ω]

172 – OξΥβιοι/OXUBIOI [Ω]

Peuple – Gaule (Narbonnaise) (ο 76 Billerbeck)            Asinius Quadratus Livre 36 – Second abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 14,4 % – taux théorique : 20 %). Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé et traduction (en grisé, forme erronée restituée du manu­scrit archétype disparu, corrigée dans la notice normalisée)

Ὀξύβιοι· μοῖρα λιβύων (a). κουάδρατος ιδ΄ (b) ῥῶμαϊκῆς χιλιαρχίας(c). a)  Λιγύων Xylander  :  Λιβύων RQPN. b)  δ Bouiron  :  ιδ RpcQPN Billerbeck, ιη Rac, η Zecchini. c) χιλιάδος Billerbeck (ex St. Byz. α 321, ι 19) : χιλιαρχίας RQPN.

Ὀξύβιοι· [Da]   |1|  μοῖρα Λιγύων. |2|  Κουάδρατος δ΄ Ῥῶμαϊκῆς χιλιάδος [FGrHist 97 F 4].

Oxubioi :  [Da] |1| fraction des Ligyens. |2| Quadratus (4e livre du Millénaire romain).

Commentaire La notice provient vraisemblablement d’Oros. Stéphane de Byzance a pu remplacer la notice du lexique-source par celle-ci, ou l’abréviation a fait disparaître les autres informations. [Da] |1| La forme se retrouve aussi chez Polybe (33.10.5) et Strabon (4.1.10) avec la mention d’un port («  ὁ Ὀξύβιος καλούμενος λιμήν, ἐπώνυμος τῶν Ὀξυβίων Λιγύων. Le port appelé Oxubios, tirant son nom des Ligyens Oxubioi  »). Le terme de μοῖρα doit provenir de Quadratus  ; il désigne assez souvent (par exemple chez Hérodote 1.146) une division d’un peuple comme d’un pays mais on ne le trouve pas ailleurs en lien avec la Ligystique.

|2| La mention d’Asinius Quadratus tire vraisemblablement son origine de Polybe. Le numéro du livre est restitué ; notre hypothèse (livre IV) calque le numéro de livre sur celui d’Appien (Celtica). Dans l’optique d’une œuvre organisée chronologiquement, le livre XIV que donnent les manu­scrits et que propose également Jacoby semble très improbable pour une mention se rapportant au iie siècle avant notre ère. Nous ne suivrons pas non plus la proposition de G. Zecchini (Zecchini 1971) pour le livre VIII (η΄ selon lui au lieu de ιη΄, l’œuvre n’en

comportant que XV). Le nom de l’œuvre est très probablement Ῥῶμαϊκῆς χιλιάδος comme on le trouve ailleurs chez Stéphane de Byzance (α 321, ι 19) et comme le propose M. Billerbeck dans l’apparat critique.

Localisation et archéologie Le peuple est mentionné pour la première fois par Polybe (33.8-10), à l’occasion des troubles autour des colonies massaliètes d’Antipolis et de Nikaïa. Les Romains, appelés à leur secours par les Marseillais, battent en 154 av. J.-C. les Déciates et les Oxybiens. Si l’on tient compte des renseignements donnés par Polybe, il est possible de situer le peuple des Oxybiens dans le massif de l’Estérel, entre l’Argens (Argenteus) et la Siagne (appelée Apron chez Polybe) (Barruol 1969 ; Dugand 1970). C’est sur leur territoire que se situe le port d’Aegitna (Αἴγιτνα), lieu de l’embuscade contre les représentants de Rome qui déclenche l’intervention de l’armée sous le commandement de Q. Opimius. Pour F. Benoit (Benoit 1965, p.  108, n. 134), ce port est à l’emplacement de Fréjus. G. Barruol (Barruol 1969, p. 214) pense plutôt au port de Théoule. C’est sans doute le même que celui que mentionne Strabon. Le nom des Oxybiens n’apparaît déjà plus chez Ptolémée, contrairement aux Déciates auxquels ils sont associés chez Polybe. La mention d’Asinius Quadratus reprend la terminologie de Polybe et est issue d’une histoire vieille déjà de quatre siècles lorsqu’il rédige ses Mille ans de l’histoire de Rome.

Chronologie des mentions iie  s. av.  :  Polybe, Ὀξύβιοι – ier  s.  :  Strabon, Ὀξύβιοι (Λιγύων)  ; Pline l’Ancien, Oxubii (Ligurum) – iiie s. : Asinius Quadratus, Ὀξύβιοι (Λιγύων). Le peuple est mentionné entre le iie siècle av. J.-C. et le ier siècle ap. J.-C. Ce nom s’apparente à celui des habi-

173 – ΟΡΓΩΝ/ORGÔN [Λ ? (E ?)] tants de la vallée de la Vésubie, (V)Esubianii du trophée des Alpes et de Pline l’Ancien (Barruol 1969, p. 360). P. Arnaud (Arnaud 2002, p. 188-189) en fait un dérivé tiré d’une forme attestée pour un anthroponyme Uxsubii.

631

Bibliographie indicative RE XVIII, 2 (1942), col.  2022 (s.v.  Oxybii) Banti  ; Smith 1854 (s.v. Oxybii) ; Barruol 1969, p. 212-215 ; Dugand 1970 ; Arnaud 2002 ; Bertoncello 2002 ; Zehnacker 2004, p. 131.

173 – ΟΡΓΩΝ/ORGÔN [Λ ? (E ?)]

île – Îles (Toscanes) (ο 84 Billerbeck)            Artémidore ? (Hécatée ?) Livre 36 – Second abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 14,4 % – taux théorique : 20 %). Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé et traduction (en grisé, forme erronée restituée du manu­scrit archétype disparu, corrigée dans la notice normalisée)

Ὄργον(a), νῆσος πλησίον τυρρηνίας. τὸ ἐθνικὸν ὀργόνιος(b) ὡς ἀντρώνιος. a) Ὄργων Aldus : Ὀργών Xylander, Ὄργον RQPN. b) Ὀργώνιος Xylander : ὀργόνιος RQPN.

Ὄργων· [A]   |1|  νῆσος πλησίον Τυρρηνίας [Artémidore  ? Hécatée ?].

Localisation et archéologie C’est l’île dite de Gorgone, au large de l’Italie, composante de l’archipel toscan. Pline l’Ancien (3.81) et Pomponius Mela (2.122) l’appellent Urgo. Quelques vestiges étrusques et romains attestent d’une occupation de l’île durant l’Antiquité, mais elle est mal connue. Rutilius Namatianus (1.515) parle de Gorgon et signale des implantations érémétiques sur l’île.

[D] |2| τὸ ἐθνικὸν Ὀργώνιος ὡς Ἀντρώνιος.

Orgôn  :  [A]   |1|  île proche de la Tyrrhénie. [D] |2| L’ethnique est Orgônios, formé comme Antrônios.

Lexiques et commentaires grecs et byzantins iie siècle – Hérodien (Περὶ κλίσεως ὀνομάτων, 3.2, p. 729.3) τὰ εἰς γων δισύλλαβα ὀξύτονα μὴ ὄντα περιεκτικὰ μηδὲ ἐπὶ πόλεως διὰ τοῦ ο κλίνεται οἷον πυγών, λαγών, σταγών, τὸ δὲ ἀγών ὡς περιεκτικὸν καὶ τὸ Ὀργών νῆσος ὡς ἐπὶ πόλεως φυλάττει τὸ ω.

Commentaire La notice semble provient du lexique-source. [A] |1| L’île est mentionnée par Ptolémée (Geogr. 3.1.69).

Nous ne savons pas de quel auteur provient la mention ; il pourrait s’agir d’Artémidore plutôt qu’Hécatée, malgré la mention d’Hérodien du fait de l’indication de Turrênia. [D] |2| L’ethnique était certainement donné par le même auteur inconnu.

Chronologie des mentions iie s. av. : Artémidore ?, Ὄργων – ier s. : Pomponius Mela, Urgo ; Pline l’Ancien, Urgo – iie s. : Ptolémée, Γοργόνη – ive s. : Rutilius Namatianus, Gorgon.

Bibliographie indicative RE IX, A1 (1961), col. 1000 (s.v. Urgo) Radke ; Smith 1854 (s.v. Gorgon) ; Zehnacker 2004, p. 180. Barrington Atlas : 41 B3 (Urgo/Gorgon Ins.) ; http://pleiades.stoa.org/places/403286

632

174 – ΠαλλαντΙα/PALLANTIA [Λ ou Ω ?]

174 – ΠαλλαντΙα/PALLANTIA [Λ ou Ω ?]

Ville – Hispanie (Tarraconaise) (π 3 Billerbeck)            Appien ? Livre 38 ? – Second abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 21,9 % – taux théorique : 20 %). Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé et traduction (en grisé, forme erronée restituée du manu­scrit archétype disparu, corrigée dans la notice normalisée)

Παλαντία(a)· πόλις ἰβηρίας. ὁ πολίτης παλάντιος(b). a)  Παλλαντία Holste  :  Παλαντία RQPN. b)  παλλάντιος Rac : παλάντιος RpcQPN. a et b – Erreur de lecture d’onciales ?

Παλλαντία· [A] |1| πόλις Ἰβηρίας [Strabon ? Appien ?]. [D] |2| ὁ πολίτης Παλλάντιος [Appien ?].

Pallantia :  [A] |1| ville d’Ibérie. [D] |2| Le citoyen est Pallantios.

Commentaire La notice semble provenir du lexique-source, ce qui éliminerait Appien comme source potentielle des lemmes, mais elle est trop courte pour s’en assurer. [A]  |1|  La ville est mentionnée par Strabon (3.4.13),

Ptolémée (Geogr. 2.6.49) et Appien (Iber. 231, 350, 353354 et 381) ; ce dernier la donne avec un seul « λ » en Bell. civ. 1.13.112. Il faut noter que Stéphane de Byzance a fait une entrée particulière pour la ville arcadienne de Pallantion, qui aurait pu être fusionnée avec cette notice.

[D] |2| L’ethnique est donné à notre connaissance seu-

lement par Appien (Iber. 231-232, 356-357, 362 et 381). On peut toutefois supposer une autre source pour Stéphane de Byzance, que nous ne pouvons préciser.

Localisation et archéologie C’est l’actuelle Palencia, au nord de Valladolid. Elle est mentionnée par Pline l’Ancien (3.26) et a été assiégée à plusieurs reprises durant la guerre contre les Celtibères, entre 181 et 134 av. J.-C. C’est une ville du peuple des Arévaques selon Strabon (3.4.13) et des Vaccéens d’après les autres sources dont Appien.

D’après T. Mañanes et J. M. Solana Sainz (Mañanes, Solana Sainz 1985, p.  15, 28 et 45 sq, repris par THA IIB p. 971), il existait plusieurs villes de ce nom : la première est à l’intersection de deux voies romaines autour de Santas Martas (Léon) ; la seconde est située à Palenzuela, au milieu de la voie qui relie Dessobriga (près d’Osorno la Mayor) et Uxama (El Burgo de Osma)  ; enfin la troisième correspond à l’actuelle Palencia. Les deux dernières ne font peut-être qu’une, dans la mesure où Palenzuela n’est distante de Palencia que d’une vingtaine de kilomètres et qu’elle est à la confluence du río Arlanza et du río Arlanzón (Castro García 1973). Il est probable que Palenzuela correspond à la ville ibérique alors que Pallantia est la fondation romaine (Núñez Hernández, Curchin 2007, p. 511). Appien est le seul à indiquer le siège de la ville par Lucullus en 151 av. J.-C. C’est peut-être cet événement qui était signalé ici. Aucune caractéristique n’apparaissant dans cette notice, il est difficile de l’attribuer à un auteur et nous ne pouvons qu’indiquer ceux auxquels nous ne la rattacherons pas : Charax (mention d’Ibérie et non d’Hispanie), Juba (pas de mention des Celtibères et la forme de l’ethnique diffère), Strabon (pas de mention de l’ethnique dans son œuvre), Artémidore (pas de correspondance de forme de l’ethnique), Polybe et Apollodore (détermination géographique et ethnique peu compatible). Il reste donc éventuellement Appien alors que la forme même de la notice semble plutôt provenir du lexique-source. De la ville romaine on connaît les vestiges retrouvés en fouille préventive, qui concernent principalement l’habitat ; quelques maisons aux murs construits en adobe (datés entre 50 av. J.-C. et 50 ap. J.-C.) ont été découverts dans le couvent des Dominicains. Les nécropoles, fouillées au xixe et au début du xxe siècle, sont datées de l’époque romaine et wisigothique (Núñez Hernández, Curchin 2007, p. 512-513).

175 – ΠεργΑντιον/PERGANTION [E ?]

633

Chronologie des mentions

Bibliographie indicative

ier s. : Strabon, Παλλαντία ; Pomponius Mela, Palantia ; Pline l’Ancien, Palantini – iie s. : Appien, Παλλαντία, Παλλάντιοι  ; Ptolémée, Παλλαντία – ive  s.  :  Orose, Pallantia.

RE XVIII, 2 (1937), col.  2514-2515 (s.v.  Palantia) Schulten  ; Smith 1854 (s.v.  Pallantia)  ; THA  IIB 142bt  ; Castro García 1973  ; Silberman 1988, p. 221 ; Tovar 1989, p. 341-342 ; González Blanco 1991, p.  29, 34  ; Zehnacker 2004, p.  123  ; Núñez Hernández, Curchin 2007, p. 510-516. Barrington Atlas : 24 G2 (Pallantia) ; http://pleiades.stoa.org/places/236592

175 – ΠεργΑντιον/PERGANTION [E ?]

Ville – Gaule (Narbonnaise) ? (π 105 Billerbeck)            Hécatée ? + Hérodien ? Livre 40 ? – Troisième abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 12,9 % – taux théorique : 12 %). Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé et traduction Περγάντιον· πόλις λιγύων. τὸ ἐθνικὸν περγάντιος, ὡς αἰάντιος(a) βυζάντιος. a)  αἰάντιος RacQP Bouiron  :  Ἀλλάντιος Holste Billerbeck, Ἀλάντιος RpcN Aldus. a – Nous conservons la forme Αἰάντιος à la place d’Ἀλλάντιος donné par M. Billerbeck. La comparaison avec les textes du pseudo-Arcadius et Theognostos nous semble corrober la forme tronquée des manu­scrits RacQP.

Περγάντιον· [A] |1| πόλις Λιγύων [Hécatée ?]. [D] |2| τὸ ἐθνικὸν Περγάντιος [Hécatée ?], ὡς Αἰάντιος

Βυζάντιος [Hérodien ?].

Pergantion : [A] |1| ville des Ligyens. [D] |2| L’ethnique se dit Pergantios, formé comme Aiantios et Buzantios.

Lexiques et commentaires grecs et byzantins Pseudo-Arcadius (De accent. 138.17-20 = 267.6-8) πᾶν εἰς ον ὑπὲρ τρεῖς συλλαβὰς μονογενὲς κύριον ἢ προσηγορικὸν ἢ ὑποκοριστικὸν προπαροξύνεται· Περγάντιον, Αἰάντιον, Βυζάντιον, ἀρτοπώλιον, πλοιάριον. ixe siècle – Theognostos (Canones 124.7-11, § 751) τὰ διὰ τοῦ αντιον οὐδέτερα μονογενῆ διὰ τοῦ ι γράφεται· οἷον, Αἰάντιον ἡ πόλις· Περγάντιον ἡ πόλις· βαλλάντιον τὸ ἀκόντιον· πρόσκειται μονογενῆ, ἐπεὶ τὰ τριγενῆ διὰ τῆς ει διφθόγγου γράφεται· Αἰάντειος οἶκος· Αἰαντία ἑστία· Αἰάντειον βούλημα.

Commentaire Nous pensons que le texte est issu du lexique d’Hécatée comme nous allons le voir. [A] |1| La mention de ville des Ligyens peut se rapporter

à plusieurs auteurs de notre corpus ; on pense bien sûr à Hécatée mais cela pourrait être également Théopompe ou d’autres moins fréquemment cités (comme Eudoxe de Cnide). On notera en effet la forme « ville des Ligyens » que l’on retrouve dans le lexique de Théopompe (voir notice Ligustinê [134], Agathê [2], Batetara [45]). Mais le troisième abréviateur a parfois modifié cette description géographique.

Cependant, la ville est mentionnée par le pseudo-Arcadius (De accent. 138.19) et par Theognostos (Canones § 751) où elle fait l’objet d’une comparaison lexicale de grammairien avec les villes Aiantion et Buzantion pour Arcadius et avec Aiantion pour Theognostos. C’est très probablement la forme exacte que devaient avoir les Ethniques dans la comparaison lexicale de grammairien (Stéphane de Byzance avait peut-être indiqué la forme ‘Αἰάντιον’ dans la notice Aianitis), plutôt qu’Allantios, ethnique de la ville macédonienne ou arcadienne Allantê, comme le proposait A. Meineke suivi par M. Billerbeck. Cette comparaison lexicale provient probablement d’Hérodien. À l’encontre du rattachement à Théopompe et en faveur de celui d’Hécatée, on notera que les autres mentions intégrées dans les textes des deux grammariens (pseu-

634 do-Arcadius et Theognostos) à l’intérieur de notre corpus semblent plutôt provenir d’Hécatée (Medmê [150], Elisukoi [82], Molubdinê [153], Sixos [202]) et qu’aucune ne se rapporte à un lemme de Théopompe. C’est pourquoi nous rattacherons la mention de Pergantion à Hécatée. [D] |2| La forme de l’ethnique pourrait provenir égale-

ment d’Hécatée ou de Théopompe, elle est parfaitement en adéquation avec celles que l’on trouve chez ces deux auteurs.

Localisation et archéologie F. Benoit, puis A. Rivet ont proposé d’y voir l’actuel Brégançon (commune de Bormes-les-Mimosas) (Benoit 1965, p. 102 ; Rivet 1988, p. 232). Selon F. Benoit, il existait ici un port, défendu par un îlot (occupé par l’actuel fort, de nos jours rattaché à la terre) (Benoit 1965, p. 106). J.-P. Brun ne reprend pas cette hypothèse (Brun 1999). On ne retrouve pas ce nom sous cette forme dans l’œuvre d’Aviénus. Il semble toutefois certain que le ‘π’ correspondait à un ‘b’ latin ; de fait, le géonyme de Pergantion correspond exactement au latin Brigantium. Il comprend la racine indoeuropéenne *bher-, hauteur, qui se transpose en celtique en *ber-/*berg-. À ce radical s’accolent les suffixes -ant -ium qui peuvent avoir une valeur collective (Navaza 2016, p. 121-124). Ce nom se retrouve dans les villes antiques de La Corogne en Espagne ou Briançon en France ; d’autres villes antiques portaient le nom de Brigantium en Irlande, Grande-Bretagne et en Rhétie. Elles sont pour la plupart issues d’un peuple appelé Brigantes (Grande-Bretagne, La Corogne). Pour le Midi de la Gaule, on ajoutera peut-être l’actuelle Briançonnet dont le nom antique est connu de manière tronqué sous la forme ordo Brig() qui peut être restitué en Brigantionis ou Brigomagensium si l’on se fie à un fragment d’inscription perdu (Barruol 1969, p. 369-371).

175 – ΠεργΑντιον/PERGANTION [E ?] L’association de Pergantion avec Brégançon est tentante. Au Moyen Âge, le castrum de Bragansono est mentionné dès 1223, lorsque le coseigneur d’Hyère, RaymondGeoffroi de Fos vend ses droits sur Hyères et Brégançon à la commune de Marseille. Il existe un véritable village au contact du château au xiiie siècle sur l’îlot rocheux ; celui-ci a une altitude de 25 m et couvre environ 2 000 m². Le fort protège une anse ouverte, configuration qui a pu servir de mouillage abrité. Cette localisation serait logique avec la présence forte des Grecs de Marseille que l’on connaît sur les îles de la rade d’Hyères (Stoichades [205]) situées face à Brégançon. Notons que la fondation d’Olbia se situe à moins de 20 km de là. Nous garderons donc cette localisation ; ceci impliquerait donc que la ville était bien mentionnée par Hécatée puisque située à l’est de Marseille. Il est possible que l’actuel fort ait recouvert le site antique si celui-ci était bien en bord de mer. Toutefois, le nom celte, couplé à la détermination de ville des Ligyens en fait plus probablement un oppidum protohistorique qui devait être positionné en hauteur comme son nom l’indique. Notons que du mobilier archéologique protohistorique a été retrouvé au col de Gratteloup (Brun 1999, p. 258), situé à 7 km à vol d’oiseau de la baie de Brégançon.

Chronologie des mentions vie s. av. : Hécatée ?, Περγάντιον, Περγάντιος (Λιγύων).

Bibliographie indicative RE XIX, 1 (1937), col. 693 (s.v. Pergantion) Lincken­ held  ; Smith 1854 (s.v.  Pergantium)  ; Benoit 1965, p. 102, 106 ; Rivet 1988, p. 232. Barrington Atlas : 16 B3 (Pergantion) ; http://pleiades.stoa.org/places/157904

176 – ΠITYOYΣΣΑΙ/PITUOUSSAI [Λ]

635

176 – ΠITYOYΣΣΑΙ/PITUOUSSAI [Λ]

Îles (π 169 Billerbeck)             Hécatée ? + Alcman Livre 41 ? – Troisième abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 12,6 % – taux théorique : 12 %). Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé et traduction (en grisé, forme erronée restituée du manu­scrit archétype disparu, corrigée dans la notice normalisée)

Πιτύουσσαι(a), νῆσοι διάφοροι, ἃς πιτυώδεις καλεῖ ἀλκμάν. τὸ ἐθνικὸν πιτυούσσιος(b) (c). a)  Πιτυοῦσσαι Holste  :  Πιτύουσσαι RQPN. b)  πιτυούσσιος QP : πιτυούσιος R, πιούσσιος N. c) susp. Meineke in app. cf. Ἀκριρόεσσα et Πίτνισσα (π 166).

Πιτυοῦσσαι· [A] |1| νῆσοι διάφοροι [Hécatée ?], [C] ἃς Πιτυώδεις καλεῖ Ἀλκμάν [F 157 Page]. [D]   |2|  τὸ ἐθνικὸν Πιτυούσσιος .

Pituoussai :  [A] |1| diverses îles, [C] qu’Alcman appelle les Pituôdeis. [D]  |2|  L’ethnique se dit Pituoussios .

Lexiques et commentaires grecs et byzantins Pseudo-Arcadius (De accent. 111.7-13 = 236.6-10) τὰ εἰς σσα ὑπερδισύλλαβα ἀπαρασχημάτιστα προπαροξύνεται, εἰ μὴ παραλήγοι ου· θάλασσα, Ἰφιάνασσα, θέρμασσα (ἡ κάμινος). τὰ δὲ παραλήγοντα τῇ ου, εἰ μὲν ἔχοειν ἓν σ, προπαροξύνεται· Φαέθουσα, Ἀρέθουσα, αἴθουσα· εἰ δὲ δύο ἔχοιεν, προπερισπᾶται· Πιτυοῦσσα, Ῥοδοῦσσα (ὀνόματα νήσων), πλὴν τοῦ Ἔμπουσσα καὶ Συράκουσσα. xiie siècle – Eustathe de Thessalonique (Com. Il. 1.558) (v.  829) ἰστέον δέ, ὅτι ἐκ τῶν πιτύων οὐχ’ ἡ Πιτύα παρωνόμασ ται μόνον, ἀλλὰ καὶ νῆσοι διάφοροι Πιτυοῦσσαι λεγόμεναι, ἃς ὁ Ἀλκμὰν Πιτυώδεις καλεῖ. ἔστι δέ, φασί, Πιτύη καὶ πόλις Καρίας, ἥτις καὶ Πισύη διὰ τοῦ ς λέγεται. ἀπαισὸς δὲ ἐνταῦθα μὲν μετὰ τοῦ ἄλφα. φησὶ γάρ· « καὶ δῆμον Ἀπαισοῦ ». εὑρεθήσεται δὲ καὶ χωρὶς τοῦ α δισυλλάβως ἐν τῷ « ὅς ῥ’ ἐν Παισῷ ναῖε πολυκτήμων  ». οὕτω δὲ καὶ παρὰ τῷ Γεωγράφῳ λέγοντι· Παισὸς πόλις καὶ ποταμὸς μεταξὺ Λαμψάκου καὶ Παρίου. κατασπασθείσης δὲ τῆς πόλεως οἱ Παισηνοὶ

μετῴκησαν εἰς Λάμψακον Μιλησίων ὄντες ἄποικοι, ὡς καὶ οἱ Λαμψακηνοί. ὥσπερ δὲ διχῶς Ἀπαισός καὶ Παισός, οὕτω καὶ Ἄταρνα πόλις, ἧς ὁ πολίτης Ἀταρνεύς, ἐν ᾗ καὶ τυραννεῖον Ἑρμείου. καὶ Τάρνη δὲ δίχα τοῦ α. Ὅμηρος « ὃς ἐκ Τάρνης ἐριβώλακος ». πλὴν ὅσον Ἀπαισὸς μὲν καὶ Παισὸς ἡ αὐτή, Ἄταρνα δὲ καὶ Τάρνη ἕτεραι ἀλλήλων. Τάρνη μὲν γὰρ Ἀχαίας πόλις, Ἄταρνα δὲ μεταξὺ Μυσίας καὶ Λυδίας καὶ Λέσβου, κατὰ δὲ ἑτέρους ἐπιτόμως εἰπεῖν, περί που τὴν Ἀτραμυτηνήν.

Commentaire La mention provient du lexique-source mais est extrêmement résumée. [A]  |1|  Les «  diverses îles  » que mentionne Stéphane

de Byzance correspondent à toutes celles qui portent le même nom. Il s’agit aussi bien de celles qui sont près de l’Ibérie (Baléares, voir Gumnêsiai [68]) qu’à un toponyme attique (Strabon, 9.1.9), à l’ancien nom de Milet (Steph. Byz. μ 184) ou de Lampsaque (Strabon 13.1.18). La mention de ces îles se rapporte à un auteur qui n’est pas mentionné  ; nous ne traiterons ici que des îles proches de l’Ibérie. On les trouve chez Strabon (3.5.1) et Plutarque (Sert. 7.5) les mentionne, comme Diodore de Sicile (5.16.1). On trouve à plusieurs reprises le nom de ces îles dans le Stadiasme de la Grande mer (184-185). [C]  :  La variante est rattachée au poète Alcman, mais

rien ne dit qu’elle se rattache aux îles de Méditerranée occidentale. Ce terme signifie « abondant en pins », ce qui pouvait qualifier de nombreux lieux dans la haute Antiquité. Chez Stéphane de Byzance, on trouve ce terme employé pour désigner l’île Chalkitis (χ 18).

[D] |2| La forme de l’ethnique pourrait provenir d’Héca-

tée ou d’un auteur ancien. Nous gardons la proposition de Meineke d’une seconde forme qui aurait disparu lors de la troisième abréviation.

636

177 – ΠλακεντΙα/PLAKENTIA [Λ ou M]

Localisation et archéologie Ce nom, qui signifie « île des pins », se retrouve pour de nombreuses îles de Méditerranée. Dans le champ géographique de notre étude, c’est, d’après Strabon (3.5.1), le nom des deux îles de l’archipel des Baléares les plus proches de la côte : Ebousos (actuelle Ibiza, Eivissa en catalan), la plus grande des deux avec une ville du même nom, et Ophioussa (Sant Francesc de Formentera). Il faut ajouter un certain nombre d’îlots de petite taille. Elles sont mentionnées également par Pline l’Ancien (3.76), sous leur nom grec et latin (Ebusus). Est-ce que ces îles étaient mentionnées par Hécatée sous un nom spécifique  ? Peut-on leur rattacher les îles de Mêlousa et Kroumuousa ? Nous ne le pensons pas car il semble difficile d’y voir des îles ‘ibériques’. La colonisation phénicienne se matérialise ici assez tôt (viii e-vii e siècle) avant d’être rejointe par les Carthaginois comme pour la fondation d’Ibiza au vie siècle av. J.-C., qui devient très vite un lieu très actif pour les échanges commerciaux (Costa Ribas, Fernández Gómez 2005, p. 17). Après la fin de la Deuxième guerre punique, les îles Pituoussai prennent le nom d’Ebusus. Après une phase de déclin momentannée, celles-ci

retrouvent leur rôle central dans le commerce méditerranéen au iie siècle av. J.-C. que matérialise un monnayage très abondant et retrouvé sur les sites de Méditerranée occidentale (Costa Ribas, Fernández Gómez 2005, p.  18-19). À l’époque romaine, elles sont regroupées administrativement avec les autres îles des Baléares (voir fiche [42]).

Chronologie des mentions iiie  s. av.  :  Timée, Πιτυοῦσσα – ier s. av.  :  Diodore de Sicile, Πιτυοῦσσα, Πιτυούσση – ier  s.  :  Strabon, Πιτυοῦσσα ; Pline l’Ancien, Pityussae – iie s. : Plutarque, Πιτυούσση ; Ptolémée, Πιτυοῦσαι. Le nom signifie « île des pins » (voir Moret 2006, p. 45).

Bibliographie indicative RE XX, 2 (1950), col.  1886-1889 (s.v.  Pityussai) Schulten  ; Smith 1854 (s.v.  Pityusae)  ; Adrados 2000, p. 9 ; Zehnacker 2004, p. 177 ; Costa Ribas, Fernández Gómez 2005  ; Ramon Torres 2013, p. 19-25.

177 – ΠλακεντΙα/PLAKENTIA [Λ ou M]

Ville – Italie (Ligurie) (π 171 Billerbeck)            Artémidore ? Livre 41 ? – Troisième abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 12,6 % – taux théorique : 12 %). Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé et traduction Πλακεντία· πόλις λιγύρων(a). τὸ ἐθνικὸν πλακεντῖνος. a) λιγύρων RQ : λιγούρων PN.

Πλακεντία· [A] |1| πόλις Λιγύρων [Artémidore ?]. [D] |2| τὸ ἐθνικὸν Πλακεντῖνος.

Plakentia :  [A] |1| ville des Ligures. [D] |2| L’ethnique est dit Plakentinos.

Commentaire La notice provient soit du lexique-source soit du lexique de Marcien. Elle est issue de la partie la plus résumée de l’œuvre ; elle contient donc très peu d’information. [A]  |1|  La mention de ville des Ligures est caractéris-

tique d’Artémidore mais nous ne savons si elle se trouvait dans l’œuvre d’origine ou dans l’Abrégé rédigé par Marcien (voir fiches [62] et [71]). La ville est mentionnée par Polybe (3.40.5, 3.66.9, 3.74.6 et 9, 33.10.1), Strabon (5.1.11-12), Appien (Annib. 20 et 30  ; Bell. civ. 1.10.92 ; 2.7.47-48), Ptolémée (Geogr. 3.1.42), Dion Cassius (41.26.1 ; 48.10.1) et Plutarque (Otho 6.1, 7.1) à l’époque d’Hannibal. Cinq habitants de cette ville sont mentionnés également comme centenaires par Phlégon de Tralles (FGrHist 257 F 37).

178 – ΠΟΛΛΕΝΤΟΣ/POLLENTOS [Λ + Ω ?]

637

[D] |2| L’ethnique est une forme latine transcrite en grec,

culus, Placentia ; Pline l’Ancien, Placentia – iie s. : Tacite, Placentia ; Plutarque, Πλακεντία, Πλακεντίνοι ; Appien, Πλακεντία  ; Ptolémée, Πλακεντία – iii e  s.  :  Dion Cassius, Πλακεντία.

Localisation et archéologie

La mention la plus ancienne se trouve chez Plaute (Captivi v. 162). Aucun changement n’intervient dans le nom de la ville ou celle de ses habitants jusqu’à l’Antiquité tardive.

qui est également citée en exemple pour la ville Arrentia (α 449) (ethnique Arrentinos, mais on trouve aussi Arrêtion (α 450), Arrêtinos).

La colonie de Placentia est fondée par les Romains en 218 av. J.-C aux confins des Insubres et des Boiens. La ville est sur le passage d’Hannibal (l’une des batailles a lieu en 217 av. J.-C.). C’est l’actuelle Plaisance (Italie), dans la plaine du Pô. Nous ne nous étendrons pas plus car nous sommes ici hors de notre cadre d’étude.

Chronologie des mentions iii e  s. av.  :  Plaute, Placentini – ii e  s. av.  :  Polybe, Πλακεντία, Πλακεντίνοι  ; Artémidore, Πλακεντία, Πλακεντίνοι – ier s. : Strabon, Πλακεντία ; Velleius Pater­

Bibliographie indicative RE XX, 2 (1950), col.  1897-1898 (s.v.  Placentia) R. Hanslik  ; Smith 1854 (s.v.  Placentia)  ; Salomone Gaggero 1979, p. 70-71. Barrington Atlas : 39 F3 (Placentia) ; http://pleiades.stoa.org/places/383741

178 – ΠΟΛΛΕΝΤΟΣ/POLLENTOS [Λ + Ω ?]

Ville ? – Îles (Baléares) ? (π 203 Billerbeck)            ? Livre 42 ? – Troisième abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 8,7 % – taux théorique : 12 %). Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé et traduction (en grisé, forme erronée restituée du manu­scrit archétype disparu, corrigée dans la notice normalisée)

Πόλλεντος (a), (b) ὡς σωρεντός (c), ἢ πολλέντιον ὡς ῥήγιον· (d) τὰ γὰρ τούτων ἐθνικὰ τύπον ἕνα διὰ τοῦ ινος ἔχουσιν, ὡς ῥηγῖνος σωρεντῖνος(e). a) Πολλεντός Meineke : Πόλλεντος RQPN. b) πόλις ἐν μιᾷ τῶν Βαλιαρίδων susp. Meineke. c) Σωρεντός Meineke : Συρρεντός susp.  Meineke, σώρεντος RQPN. d)  τὸ ἐθνικὸν Πολλεντῖνος add. Meineke. e) σωρεντῖνος PN : συρεντῖνος RQ, Συρρεντῖνος susp. Meineke. a – Erreur d‘accentuation lor de la translittération ?

Πολλεντός· [A] |1|  ὡς Σωρεντός, ἢ Πολλέντιον ὡς Ῥήγιον· |3| τὰ γὰρ τούτων ἐθνικὰ

τύπον ἕνα διὰ τοῦ ινος ἔχουσιν, ὡς Ῥηγῖνος Σωρεντῖνος.

Pollentos  :  [A]  |1|  formé comme Sôrentos, ou Pollention formé comme Rhegion. . |3|  En effet, les ethniques de ces formes ont un seul type, en -ινος, comme Rhêginos et Sôrentinos.

Commentaire La notice semble provenir du lexique-source, avec des compléments d’Oros (|3|). [A]  |1|  La forme Pollentos ne se rencontre chez aucun

des auteurs que nous avons conservés. Nous supposerons qu’il s’agit bien de la ville des Baléares, mentionnée par Ptolémée (Geogr. 2.6.73), Strabon (3.5.1) et les auteurs latins sous la forme de Pollentia ; une ville homonyme existe en Ligurie (Ptolémée, Geogr. 3.1.41). La Πολλεντίνων γαῖα est signalée dans une épigramme de l’Anthologie grecque (11.27). [D]  |2|  La forme Pollentinos, restituée mais vraisem-

blable, n’est pas attestée par ailleurs.

|3| La manière de former ces ethniques semble se faire en référence à un « type » géographique qui a disparu du texte de l’Épitomé mais qui s’apparente beaucoup à celui des villes de Sicile. L’ensemble correspond à une description de la manière de former les ethniques selon Oros.

638

179 – ΠρετανικΗ/PRETANIKÊ [Λ ou M]

Localisation et archéologie

Chronologie des mentions

S’il s’agit bien de Pollentia, c’est l’actuelle Alcudia. La ville est fondé par Caecilius Metellus, lorsqu’il pacifie les Baléares entre 123 et 121 av.  J.-C. Strabon (3.5.1) rapporte l’opération que celui-ci dut conduire contre les pirates basés dans les Baléares, ses habitants étant « passés maîtres dans le maniement de la fronde ». Mais en l’absence de toute détermination géographique, un doute subsiste sur la localisation de la ville mentionnée dans l’Épitomé.

ier s. : Strabon, Πολεντία ; Pomponius Mela , Pollentia ; Pline l’Ancien, Pollentia – iie s. : Ptolémée, Πολλεντία.

Bibliographie indicative RE XXI, 2 (1952), col. 1410 (s.v. Pol(l)entia 4) Schulten ; Smith 1854 (s.v. Baleares). Barrington Atlas : 39 B4 (Pollentia) ; http://pleiades.stoa.org/places/383745

179 – ΠρετανικΗ/PRETANIKÊ [Λ ou M]

Île – Îles Britanniques (Bretagne) (π 235 Billerbeck)            Artémidore ? Livre 42 ? – Troisième abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 8,7 % – taux théorique : 12 %). Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé et traduction (en grisé, forme erronée restituée du manu­scrit archétype disparu, corrigée dans la notice normalisée)

Πρετανική· νῆσος ἤπειρον μιμουμένη, ἀπὸ τῆς κελτικῆς(a). οἱ ταύτην οἰκοῦντες πρετανοί καλοῦνται. a) πρὸς τῇ κελτικῇ Bouiron : πρὸ τῆς Κελτικῆς Billerbeck, ἀπὸ τῆς κελτικῆς PN, ἀπὸ τῇ κελτικῇ R, ἀποτηκελτική Q, παρὰ τῇ κελτικῇ Westermann.

Πρετανική· [A] |1| νῆσος ἤπειρον μιμουμένη, πρὸς τῇ κελτικῇ [Artémi­

dore ?].

[D] |2| οἱ ταύτην οἰκοῦντες Πρετανοί καλοῦνται [Artémi­ dore ?].

Pretanikê  :  [A]  |1|  île ressemblant à un continent, du côté de la Celtique. [D] |2| Les habitants de celle-ci s’appellent les Pretanoi.

Lexiques et commentaires grecs et byzantins xiie siècle – Eustathe de Thessalonique (Com. Dion. 492) τὸ δὲ Ἄμβραξ εἰσὶν οἳ ἀρχαϊκώτερον διὰ τοῦ π γράφουσι, καὶ διὰ τοῦτο καὶ τὴν χώραν Ἀμπρακίαν, ὡς καὶ τὰς νήσους τὰς Βρεττανικὰς Πρεττανικάς· πλείων δὲ ἡ διὰ τοῦ β γραφή.

Commentaire La notice ne présente pas les caractéristiques de celles qui proviennent du lexique-source. Tous les textes avec cette forme contiennent deux τ, ici il n’en est noté qu’un seul. [A]  |1|  L’île Britannique est mentionnée suivant une

forme s’apparentant à celle utilisée par Marcien (Per. ext. 1.1 et 8 ; 2.1 et 40-46). Il appelle l’océan Prettanikon ôkeanon (Per. ext. 2.24 et 44 : « ἀπὸ δὲ μεσημβρίας τῷ Πρεττανικῷ ὠκεανῷ καὶ ταῖς προειρημέναις τῆς Γαλλίας ἠπείροις καὶ ἔθνεσι »). Il s’agit d’une forme de ktétique dérivé de Pretania/Prettania, cette dernière forme se trouvant par exemple dans la notice Samnion [191] et également chez Marcien (Per. ext. 2.27). Diodore de Sicile (5.22.1-3 et 5, 38.5) donne la forme Prettania et Prettanikê (nêsos). Ptolémée (Geogr. 2.C.1-2, 2.3.3, 2.8.2, 2.9.1) utilise également Prettanikês nêsos et Prettanikon ôkeanon ; comme l’indique Stéphane de Byzance dans la variante de la notice Brettanides, la forme peut provenir de cet auteur, par l’intermédiaire de Marcien. Toutefois, le fait que la forme n’ait qu’un τ, allié à une localisation qui est faite par rapport à la Celtique, semble faire référence à un auteur ancien qui n’est pas Marcien, ce dernier utilisant le terme de Keltogalatia ou Gallia pour les différentes provinces. En Per. ext. 2.41, Marcien indique la localisation ainsi : « κεῖται δὲ καταντικρὺ τῆς Κελτογαλατίας » pour l’île d’Albiôn. Ce ne sont pas les termes de notre notice. C’est pourquoi nous propose-

180 – ΠυρHνη/PURÊNÊ [Λ]

639

rons d’y voir une notice issue d’Artémidore, peut-être par le biais de l’Abrégé de Marcien.

Localisation et archéologie

Nous proposons de restituer πρὸς τῇ κελτικῇ qui trouve des échos dans la forme des manu­scrits Q et R et dont on trouve le parallèle dans la notice Grammitai [67].

Chronologie des mentions

[C] absent : Il est possible que l’on trouvait à l’origine la

forme Pretania proche de celle qu’utilisait Marcien.

[D]  |2|  Nous ne savons pas de quel auteur provient la forme Pretanoi mais elle peut tout à fait relever d’Artémidore. Elle se trouve aussi chez Diodore de Sicile (5.21.2 et 32.3) avec deux τ, Prettanoi : « ὥσπερ καὶ τῶν Πρεττανῶν τοὺς κατοικοῦντας τὴν ὀνομαζομένην Ἴριν, comme ceux des Bretons qui habitent le pays nommé Iris » (trad. M. Casevitz).

Voir la fiche Brettanides [57].

Voir la fiche Brettanides [57].

Bibliographie indicative Voir la fiche Brettanides [57].

180 – ΠυρHνη/PURÊNÊ [Λ]

Montagne – Hispanie (Tarraconaise) – Gaule (Narbonnaise) (π 290 Billerbeck)           Artémidore + Polybe ?

Livre 43 ? – Troisième abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 10,8 % – taux théorique : 12 %). Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé avec l’apport des lexiques et traduction Πυρήνη· ὄρος (a) εὐρώπης (b). καὶ πυρηναία(c) πόλις λοκρίδος. a) μέγιστον add. Bouiron (ex. Eust.). b) διαχωρίζον τὴν Ἰβήριαν καὶ τὴν Κελτικήν. καὶ λεγεταὶ Πυρηναῖον ὄρος καὶ πληθυντικῶς ὄρη Πυρηναῖα add. Bouiron (ex. Eust.). c)  πυρηναία QPN : πυρηναῖα R.

Πυρήνη· I-[A]   |1|  ὄρος Εὐρώπης [Artémidore]. [C ?] . II-[A] |3| καὶ Πυρηναία πόλις Λοκρίδος.

Purênê  :  I-[A]  |1|  montagne d’Europe, . [C  ?]  . II-[A] |3| Et Purênaia, une ville de Locride.

Lexiques et commentaires grecs et byzantins ix e  siècle – Etymologicum Genuinum (E. Miller, Mélanges … p. 258) Πυρήνη· ἀπὸ Πυρήνης τῆς Ἱμέρου τοῦ Εὔρωπος, ἀφ’ ἧς τὸ ἄλσος καλῖται Πυρήνη. αὕτη δὲ ἡ Πυρήνη μιγεῖσα Ἄρει ἐγέννησε Λυκάονα τὸν μασιλέα τῶν Κρηστώνον, ὃς ἰδὼν αὐτὸν ἐν τῷ ἄλσει τῇ Πυρήνῃ προκαλεῖται μονομαχῆσαι καὶ ἀναιρεῖται ὑπ’ αὐτοῦ. xe siècle – Souda (π 3213 Adler) Πυρήνη· ὄρος παρῆκον ἑσπερίαν Ἰβηρίαν, ὅπερ ἐστιν ἀσφάλεια τοῦ τόπου. καὶ Πυρηναῖα ὄρη. xiiie siècle – Lexique du pseudo-Zonaras (1596.23 et 1598.29) Πυρήνη. ὄρος. Πυρηναῖον. ὄρος. xiie  siècle – Eustathe de Thessalonique (Com. Dion. 288, 338 et 695) ὄτι περὶ τὴν Πυρήνην, ἤτοι τὸ Πυρηναῖον ὄρος, οἱ Κελτοὶ κατοικοῦσιν, ἀγχοῦ πηγῆς καλλιρρόου Ἠριδανοῦ, ὅν τινες εἶναί φασι τὸν νῦν λεγόμενον Πάδον. (…) Πυρήνη δὲ ὄρος μέγιστον διαχωρίζον τὴν Ἰβηρίαν καὶ τὴν Κελτικήν. (…)

640 ὄτι Πυρήνη μέγιστον ὄρος, οὗ ὑπὸ πόδα οἱ Κεμψοὶ τὸ ἔθνος. ἔχει δὲ ἡ Πυρήνη τὰς ἀρχὰς ἀπὸ τοῦ βορείου ὠκεανοῦ, καὶ διήκει ἕως εἰς τὴν ἑσπερίαν θάλασσαν, καὶ διορίζει Κελτούς τε καὶ Ἴβηρας. ἡ δ’ αὐτὴ οὐ μόνον Πυρηναῖον, ὡς προείρηται, ὄρος, ἀλλὰ καὶ πληθυντικῶς ὄρη Πυρηναῖα λέγεται. (…) ὄτι πρὸς ἀνατολὴν καὶ βορέαν τοῦ Ἀρμενίου ὄρους ὁ ἰσθμός ἐστιν ὁ μεταξὺ Κασπίας καὶ Εὐξείνου θαλάσσης, περὶ ὃν οἱ ἑωθινοί εἰσιν Ἴβηρες, Ὑρκανίοις ὡς εἰκὸς πολέμιοι, ἐκ τῶν κατὰ Πυρήνην μετοικισθέντες ἑσπερίων Ἰβήρων· ἣν δὴ Πυρήνην καὶ Πυρηναῖον οἴδαμεν ὄρος λέγεσθαι. ἐπαναλαμβάνει δὲ καὶ τὸν τοιοῦτον ἰσθμὸν διὰ τὸ πολὺ τοῦ χάσματος καὶ ἀξιόλογον. οὗτος γάρ ἐστιν ὃν καὶ ὅρον Ἀσίας καὶ Εὐρώπης ἐνόμισάν τινες, ὡς προγέγραπται. Paraphrases in Dionysium Periegetam (v. 288-301, 330344, 695-705) ἐπὶ τούτοις δὲ τοῖς Ἴβηρσι τὸ Πυρηναῖον ὄρος ἐστὶ καὶ τὰ οἰκήματα τῶν Κελτῶν, πλησίον τῶν πηγῶν τοῦ καλλιρρόου Ἠριδανοῦ, ἐφ’ οὗτινός ποτε ταῖς ἐκβολαῖς κατὰ τὴν ἔρημον νύκτα αἱ Ἡλιάδες ἐθρήνησαν κλαίουσαι τὸν Φαέθοντα, ἀδελφὸν αὐτῶν ὄντα. (…) ὑπεράνω δὲ ταύτης τῆς Ἀλύβης ἡ εὐδαίμων Ταρτησὸς τῶν πλουσίων καὶ ῥύδην τὸν πλοῦτον ἐχόντων ἀνδρῶν χώρα, καὶ οἱ Κεμψοὶ, οἵτινες ὑπὸ τὸν πόδα τοῦ Πυρηναίου ὄρους κατοικοῦσι, τοῦ χωρίζοντος τοὺς Κελτοὺς καὶ τοὺς Ἴβηρας. (…) ἐπὶ δὲ τούτῳ τῷ ἰσθμῷ τὸ ἀνατολικὸν ἔθνος κατοικεῖ τῶν Ἰβήρων (οἵτινές ποτε Ἴβηρες ἀπὸ τῆς Πυρήνης, ἤγουν τῆς ἑσπερίας ἢ δυτικῆς Ἰβηρίας ἐπὶ τὴν ἀνατολὴν παρεγένοντο, τοῖς Ὑρκανίοις ἄνδρασι μεγάλην ἔχθραν συμβαλόντες), καὶ τὸ μέγα ἔθνος τῶν Καμαριτῶν, οἵτινές ποτε τὸν Διόνυσον ἀπὸ τοῦ πολέμου τῶν Ἰνδῶν προσδεξάμενοι ἐξενοδόχησαν, καὶ ἱερὸν χορὸν, ὃ ἔστι μέγαν, μετὰ τῶν Βακχῶν ἔστησαν, ζώματα καὶ νεβρῖδας ἐπὶ τοῖς στήθεσιν αὐτῶν περιβαλόμενοι, εὖ οἱ εὐὰν λέγοντες. Scholia in Dionysium Periegetam (schol. vet. 338) ἡ δὲ Πυρήνη ὄρος ἐστὶν, ἀρχὴν ἔχον ἀπὸ τοῦ βορείου ὠκεανοῦ, ἐκδιδόμενον δὲ εἰς τὴν καθ’ ἡμᾶς θάλασσαν, καὶ διορίζον Κελτοὺς Ἰβήρων (καὶ Πανελλήνων). Κεμψοί θ’ οἳ ναίουσι· κάτω γάρ εἰσι τοῦ Πυρηναίου οἱ Κεμψοί.

180 – ΠυρHνη/PURÊNÊ [Λ]

Commentaire La notice provient semble-t-il du lexique-source. Elle est réduite au minimum. Nous avons restitué une partie du texte sur la base des lexiques mais il est très probable qu’une plus grande partie du texte d’Eustathe de Thessalonique ou des scholies et paraphrase à Denys le Périégète en provienne. [A] |1| Le nom des Pyrénées apparaît chez de très nom-

breux auteurs sous la même forme au féminin singulier : le Peri gês d’Apollodore (cf. notice Iberia [100]), Appien (Iber. 1, 5, 24-25 et 113 ; Ill. 10) ; Marcien (Per. ext. 2.6, 2.16-18, 2.20-23), Hérodote (2.33), Polybe (3.35.2, 10.39.8, 34.7.3-5, 34.10.1), Strabon (2.4.4, 5.15 et 27-28, 3.1.3, 3.2.8, 3.3.7, 3.4.1, 7-11 et 19-20, 4.1.1-3, 6, 8 et 12-13, 4.2.1 et 3, 4.4.4, 4.5.1), Aristote (Meteor. 350b), Agathémère (Geogr. 9), Ptolémée (Geogr. 2.6.10, 11 et 64, 2.7.3-4 et 13, 2.7.1, 4 et 8, 2.10.1), pseudo-Apollodore (Bibl. 2.114), Plutarque (Cam. 15.2  ; Sert. 7.3, 15.3, 18.2). La détermination géographique plus complète, telle qu’on peut la restituer sur la base d’Eustathe de Thessalonique, trouve une correspondance dans le texte du Papyrus d’Artémidore : « δίευζευκεν γὰρ ἡ Πυρήνη τὴν Κελτικὴν καὶ τὴν Ἰβηρίαν ». L’emploi de διαχωρίζον en lieu et place de δίευζευκεν est tout à fait dans le mode d’écriture d’Eustathe de Thessalonique. Le rattachement à Artémidore en est renforcé, de même d’ailleurs que l’hypothèse de l’authenticité du texte du papyrus. On retrouve la même idée chez Polybe (3.39.4) et Strabon (4.1.1). |2| La forme Purenaion (oros) se retrouve chez Denys le Périégète (v. 288 et 338), Strabon (3.4.6), Marcien (Per. ext. 2.18), Ptolémée (Geogr. 1.15.2, 8.4.2, 8.5.2) et Dion Cassius (17.57.53  ; 29.46.2  ; 41.20.2, 24.3  ; 53.25.2). D’autres emplois de la forme neutre pluriel («  τὰ Πυρηναῖα ὄρη  ») sont attestés  :  Plutarque (Sert. 7.1), Diodore de Sicile (5.32.1, 35.2-3), Strabon (2.1.11, 3.4.2 et 10, 4.1.3), Flavius Josèphe (Bell. Jud. 2.371 et 375), Polybe (3.35.7, 3.37.9, 3.39.4, 3.40.1, 3.41.6, 10.40.11), Appien (Iber. 66 ; Annib. 13 ; Bell. civ. 1.13.110-111 ; 4.1.2), Artémidore (cf. notice Iberia [100]) et Marcien (Per. ext. 2.6-7). Dans la quasi-totalité des cas, le terme de « ὄρος » est attaché au nom des Pyrénées ; cela n’est pas caractéristique d’un auteur.

181 – ΠΥρρα/PURRA [Λ (+ E ?)]

641

Localisation et archéologie

Chronologie des mentions

Les Pyrénées sont une chaîne de montagne identifiée à partir de Polybe (3.39.4) comme la limite de l’Ibérie (là-dessus voir Rico 1997, p.  41-44) et s’étendant de la Méditerranée à l’Océan. D’après Ch. Ebel, repris par C. Rico, c’est peut-être Pythéas qui le premier en appréhende la globalité géographique (Ebel 1976, p. 50 ; Rico 1997, p. 41). Pour les géographes grecs, les montagnes sont d’abord orientées nord-sud : c’est ainsi que Polybe (3.37) les situe, Pomponius Mela (2.85) et encore Appien (Iber. 1), selon lequel les Celtes sont au Levant et les Ibères au Couchant. Elles sont ensuite mieux positionnées à partir de Pline l’Ancien (voir la note complémentaire n° 2, p. 97, de l’édition d’Appien, Goukowsky, Gómez Espelosín 1999-2000, p. 21).

v e  s. av.  :  Hérodote, Πυρήνη – iie  s. av.  :  Polybe, Πυρήνη, τά Πυρηναῖα ; Apollodore d’Athènes, Πυρήνη ; [Artémidore], Πυρήνη – ier s. av.  :  Diodore de Sicile, τά Πυρηναῖα – ier  s.  :  Strabon, Πυρήνη, Πυρηναῖον, τά Πυρηναῖα ; Pomponius Mela, Pyrenaeus ; Flavius Josèphe, τά Πυρηναῖα – iie s. : Plutarque, Πυρήνη, τά Πυρηναῖα ; Denys le Périégète, Πυρηναῖον, Πυρήνηθεν  ; Appien, Πυρήνη, τά Πυρηναῖα ; Ptolémée, Πυρήνη, τά Πυρηναῖα – iiie s. : Dion Cassius, Πυρηναῖον ; Agathémère, Πυρήνη – ive s. : Julien, τά Πυρηναῖα ; Basile de Césarée, Πυρηναῖον ; Marcien, Πυρήνη, τά Πυρηναῖα – ve  s.  :  Sozomène, Πυρηναῖον – vie s. : Zosime, Πυρηναῖον .

Le nom de Pyrênê apparaît chez Hérodote (2.33) et Aviénus (Ora marit. v. 562) pour une ville inconnue qui pourrait correspondre à Collioure (voir Ugolini 2010, p. 95). À l’époque romaine, les Pyrénées gardent ce rôle de frontière entre la Gaule d’un côté et l’Hispanie de l’autre. Les deux fondations de Pampelune et Saint-Bertrand de Comminges par Pompée ne modifie pas fondamentalent cette perception (Rico 1997, p.  336-337). Malgré la conquête, la pénétration du massif pyrénéen reste difficile et seules quelques routes le traversent, deux du côté de l’Atlantique et une seule, dans la plaine côtière, du côté de la Méditerranée.

La forme au pluriel (τά Πυρηναῖα ὄρη) apparaît à partir de Polybe et est utilisée surtout au Haut-Empire ; la forme Πυρηναῖον ὄρος est signalée d’abord par Strabon mais est moins fréquente.

Bibliographie indicative RE XXIV (1963), col.  14-18 (s.v.  Pyrene 2) Grosse  ; Smith 1854 (s.v.  Pyrenaei Montes)  ; Hind 1972  ; Schulten 1974, p.  172-173  ; Silberman 1988, p. 218-219. Barrington Atlas : 25 E3 (Pyrenaei M.) ; http://pleiades.stoa.org/places/246582

181 – ΠΥρρα/PURRA [Λ (+ E ?)]

Village – Gaule (Narbonnaise) ? (π 293 Billerbeck)            II- Théopompe ? (ou Polybe ?) Livre 43 ? – Troisième abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 10,8 % – taux théorique : 12 %). Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé et traduction Πύρρα· πόλις ἐν λέσβῳ(a). ὁ πολίτης πυρραῖος. ἔστι καὶ κώμη λιγυστική. ἔστι καὶ νῆσος. a)  πόλις ἐν λέσβῳ PN  :  πόλις καὶ ἐν λέσβῳ susp. Meineke in app., πόλις ὡς ἐν λέσβῳ RQ.

Πύρρα· I-[A] |1| πόλις ἐν Λέσβῳ. [D] |2| ὁ πολίτης Πυρραῖος. II-[A]   |3|  ἔστι καὶ κώμη λιγυστική [Polybe  ? Théo­

pompe ?].

III-[A] |4| ἔστι καὶ νῆσος.

Purra : I-[A] |1| Une ville de Lesbos. [D] |2| le citoyen est appelé Purraios. II-[A] |3| C’est aussi un village de Ligystique. III-[A] |4| C’est aussi une île.

Commentaire Il s’agit d’une notice plurielle, issue vraisemblablement du lexique-source. Nous ne traiterons ici que de la ville de Ligystique.

642

182 – PαδανουσΙα/RHADANOUSIA [Λ]

II-[A] |3| Le village de Ligystique n’est pas connu par ailleurs. La mention de Ligystique comme détermination géographique relève seulement de trois auteurs dans l’Épitomé  :  Hécatée, Théopompe et Polybe, sans que l’on puisse vraiment discriminer les emplois de l’un ou de l’autre. On trouve une autre occurrence du terme λιγυστική rattachée à Hécatée dans la notice Monoikos [154], provenant elle du second abrégé, mais la mention, pour Olbia, de πόλις λιγυστική ne peut se rapporter qu’à Polybe du fait d’une fondation de la ville postérieure à Hécatée.

On trouve à plusieurs reprises le terme de κώμη dans l’Épitomé, mais il est limité à certains auteurs. Il apparaît tout d’abord plus fréquemment pour des villages d’Égypte (Strabon, Artémidore) ou d’Arabie. On trouve à trois reprises des mentions chez Théopompe, une fois chez Éphore et chez Eudoxe de Cnide, mais aucune chez Polybe (et ce terme n’est jamais employé dans le texte conservé de cet auteur) ni chez Hécatée. C’est pourquoi nous proposerons de rattacher cette mention plutôt à Théopompe.

Localisation et archéologie Il n’est pas possible de proposer une localisation. Toutefois, il nous semble vraisemblable que Théopompe en soit la source. Comme pour Pergantion [175], le ‘π’ initial peut correspondre à un ‘b’ en latin, ce qui pourrait signifier un géonyme appelé Burra (Birra avec iotacisme). Il pourrait s’agir du village appelé Berra chez Aviénus, dont le nom a survécu dans l’actuel étang de Berre et de la ville du même nom. Le rattachement à Théopompe pourrait rapporter cette mention au voyage de Pythéas, dans les premiers sites vus à l’ouest de Marseille. On ne connaît pas d’occupation préromaine sur le site de la ville actuelle de Berre-L’Étang. Mais il n’est pas impossible que le village de Purra/Berra se soit trouvé à un autre emplacement dominant l’étang et que le transfert toponymique soit lié au plan d’eau.

Chronologie des mentions ive-iie s. av. : Aviénus [Ora maritima], Berra ? – ive s. av. : Théopompe ?, Πύρρα (λιγυστική).

Bibliographie indicative RE XXIV (1963), col. 81 (s.v. Pyrrha 21) Ziegler.

182 – PαδανουσΙα/RHADANOUSIA [Λ]

Ville – Gaule (Narbonnaise) (ρ 6 Billerbeck)            Artémidore (+ Éphore ?) Livre 44 ? – Troisième abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 9,3 % – taux théorique : 12 %). Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé et traduction (en grisé, forme erronée restituée du manu­scrit archétype disparu, corrigée dans la notice normalisée)

Ῥαδανουσία· πόλις μασαλίας(a). τὸ ἐθνικὸν ῥαδανουσιεύς(b). a) Μασσαλίας Xylander : μασαλίας RPN, μασαυλίας Q. b) ῥαδανουσιεύς RQPN : Ῥαδανούσιος Dindorf.

Ῥαδανουσία· [A] |1| πόλις Μασσαλίας [Artémidore]. [D] |2| τὸ ἐθνικὸν Ῥαδανουσιεύς [Artémidore ? éphore ?].

Rhadanousia : [A] |1| ville de Massalie. [D] |2| L’ethnique se dit Rhadanousieus.

Commentaire La notice est issue du lexique-source. [A] |1| La mention de « ville de Massalie » est caracté-

ristique d’Artémidore ; la disparition du nom de l’auteur s’explique car nous sommes ici dans la partie la plus résumée de l’Épitomé. Comme le pensait Holstein, la forme du lemme est une erreur pour Rhodanousia : Stéphane de Byzance a en effet placé une seconde notice dans le bon ordre alphabétique (cf. ci-après, notice [184]) qui provient, elle, de l’Abrégé d’Artémidore par Marcien. Cette erreur ne peut se produire sur la lecture d’un texte

183 – PΗνοι/RHÊNOI [M ?]

643

en onciales, le O, lettre ronde, étant très différent du A, lettre triangulaire. C’est en revanche possible sur un papyrus écrit de manière cursive. L’erreur est donc probablement ancienne et remonte au moins au lexique-source voire peut-être à une phase antérieure de l’élaboration lexicographique, l’auteur du lexique d’Artémidore ayant eu du mal à déchiffrer le texte qu’il lisait.

On peut imaginer, et c’est l’interprétation que nous retiendrons, qu’Artémidore reprenait des mentions d’auteurs plus anciens comme Éphore, et que c’est par cet intermédiaire que cette forme d’ethnique se serait retrouvée dans le lexique-source.

[D] |2| Le nom de l’ethnique provient très certainement

Nous renvoyons à la fiche Rhodanousia [184].

du même auteur. Toutefois, la forme en εύς est rarissime chez Artémidore puisqu’on ne le trouve, dans toutes les mentions de l’Épitomé, que pour la ville lycienne de Krua, d’après l’Abrégé d’Artémidore. Les villes en -α peuvent faire un ethnique en -άτης chez lui, comme on le voit pour Genoa [62], ou en -ήτης comme pour Belbina.

Localisation et archéologie Chronologie des mentions Voir la fiche Rhodanousia [184].

Bibliographie indicative Voir la fiche Rhodanousia [184].

183 – PΗνοι/RHÊNOI [M ?]

Peuple – Germanie (ρ 26 Billerbeck)            Abrégé d’Artémidore ? Livre 44 – Troisième abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 9,3 % – taux théorique : 12 %). Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé et traduction (en grisé, forme erronée restituée du manu­scrit archétype disparu, corrigée dans la notice normalisée)

Ῥῆνοι· ἔθνος παροικοῦντων(a) ῥήνῳ τῷ ποταμῷ καὶ ἀπ’ αὐτοῦ καλούμενοι(b). a) παροικοῦν τῷ Xylander : παροικούντων RQPN. b) καλούμενοι RQPN : καλούμενον Meineke in app. a – Erreur lors de la translittération ou de l’abréviation.

Ῥῆνοι· [Da]  |1|  ἔθνος παροικοῦν τῷ Ῥήνῳ τῷ ποταμῷ [Abrégé d’Artémidore ?] [Db] καὶ ἀπ’ αὐτοῦ καλούμενοι.

Rhênoi  :  [Da]  |1|  peuple habitant les bords du fleuve Rhin, [Db] nommé d’après le fleuve.

Lexiques et commentaires grecs et byzantins vie siècle – Lexique d’Hesychius (ρ 256) Ῥῆνος· ὄνομα ποταμοῦ. xiiie siècle – Lexique du pseudo-Zonaras (1610.9) Ῥῆνος. ὄνομα ποταμοῦ.

Commentaire La notice semble provenir du lexique de Marcien, mais dans son état actuel elle est très courte, sans indication d’auteur. [Da]  |1|  Le nom du peuple est inconnu par ailleurs  ;

on peut proposer trois attributions. Marcien pourrait avoir mentionné ce peuple dans son Périple de la Mer extérieure. On pense également à Parthénios de Phocée qui renseigne sur les peuples de cette zone comme les Francs (Phrangoi [227]). Ces Rhênoi pourraient être l’autre nom des Francs ripuaires, c’est-à-dire habitant sur les bords du fleuve (le Rhin), ce qui pourrait être une façon elliptique de les nommer. Dans les deux cas, il est étonnant de ne pas avoir d’autres mentions d’un peuple de ce nom s’il est connu au Haut ou au Bas-Empire. C’est pourquoi nous privilégierons une troisième hypothèse : nous trouvons ici un parallèle avec la notice des Ligures [132], dont le nom est également rattaché à un fleuve, et à celle des Sêkoanoi [198], faisant suite à la mention du fleuve Sêkoanas. Car il faut bien noter que le peuple des Rhênoi n’a jamais existé, et qu’il ne peut se trouver que sous la plume d’un auteur antérieur à la conquête de la Germanie occidentale, n’ayant pas une

644

184 – PοδανουσΙα/RHODANOUSIA [M + E]

connaissance précise des peuples qui bordaient le fleuve. C’est pourquoi nous proposons que cette notice provienne d’Artémidore, et plus précisément de l’Abrégé de Marcien. La forme παροικοῦν se rencontre en effet dans une autre notice issue de Marcien, s.v. Askâtai (α 478), avec une construction similaire  :  ἔθνος παροικοῦν τὸν Ἰνδικὸν κόλπον. Cette forme (avec le pluriel παροικοῦντες) semble caractéristique du lexique de Marcien.

Localisation et archéologie

[Db]  :  Le fleuve est lui largement cité, que ce soit par

Chronologie des mentions

les auteurs que mentionnait Stéphane de Byzance comme Strabon (4.1.1, 4.3.2-4, 4.5.1-2, 4.6.6, 8, 11, 5.1.6, 7.1.4), Pausanias (4.34.2, 8.28.2), Flavius Josèphe (Bell. Jud. 2.377 ; 3.107), Appien (Prooem. 3.11, 4.15 ; Celt. 1.13, 2.1, 16.1 ; Bell. civ. 2.5.32 ; 3.14.97), ou par d’autres : Plutarque (Caes. 19.12, 22.1 et 6), Hérodien (6.7.2 et 6), Diodore de Sicile (5.25.4), pseudo-Aristote (Mir. ausc. 846b, 168 Giannini), Ptolémée (Geogr. 2.9.8 et 10, 2.11.1 et 6), Dion Cassius (38.33.6, 34.2, 35.1, 50.4 ; 39.47.1, 49.1, 50.1 ; 40.30.3, 32.2 ; 44.42.4 ; 48.49.3 ; 50.24.4 ; 51.26.6 ; 54.20.5, 32.2, 33.1 ; 55.1.4, 6.2, 10a.3 ; 56.22.2a, 24.1 et 6 ; 71.3.2), Philostrate (Vita Apoll. 8.7 ; Vitae soph. 1.512). On peut supposer que la notice d’origine accordait de la place à cet hydronyme.

Le peuple des Rhenoi doit se placer au bord du fleuve Rhin. Nous pensons que ce terme est générique, chez Artémidore, pour désigner les habitants du bord du fleuve (des deux côtés ?). L’indication plus précise du nom des peuples le bordant intervient dès la seconde moitié du ier siècle av. J.-C.

iie s. av. : Artémidore ?, Ῥῆνοι, Ῥῆνος – ier s. av. : Diodore de Sicile, Ῥῆνος – ier s. : Strabon, Ῥῆνος ; ; Pomponius Mela, Rhenus – ii e  s.  :  Appien, Ῥῆνος  ; Ptolémée, Ῥῆνος ; Pausanias, Ῥῆνος – iiie s. : Dion Cassius, Ῥῆνος ; Hérodien, Ῥῆνος – ive  s.  :  Himère d’Athènes, Ῥῆνος  ; Themistius, Ῥῆνος ; Libanius Ῥῆνος – ve s. : Nonnos de Panopolis, Ῥῆνος – vie s. : Zosime, Ῥῆνος.

Bibliographie indicative RE I, A1 (1914), col.  733-755 (s.v.  Rhenus 2) Haug  ; Smith 1854 (s.v. Rhenus).

184 – PοδανουσΙα/RHODANOUSIA [M + E]

Ville – (Narbonnaise) (ρ 38 Billerbeck)            Abrégé d’Artémidore ? + Hécatée ? Théopompe ? Livre 45 ? – Troisième abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 7,7 % – taux théorique : 12 %). Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé et traduction Ῥοδανουσία· πόλις ἐν μασσαλίᾳ. ὁ πολίτης ῥοδανούσιος, καὶ τὸ θηλυκὸν ῥοδανουσία. Ῥοδανουσία· [A] |1| πόλις ἐν Μασσαλίᾳ [Abrégé d’Artémidore ?]. [D] |2| ὁ πολίτης Ῥοδανούσιος [Hécatée ? Théopompe ?], [E] καὶ τὸ θηλυκὸν Ῥοδανουσία [Hécatée ? Théopompe ?].

Rhodanousia : [A] |1| ville de Massalie. [D] |2| Le citoyen est appelé Rhodanousios, [E] et au féminin Rhodanousia.

Commentaire Le texte semble issu du lexique de Marcien (abrégé d’Artémidore) (|1|), et du lexique-source(|2|) (ou de celui d’Hécatée ?). La notice est située entre Ῥόβεια et Ῥοδαί ; cela laisse penser que le lemme d’origine était Ῥόδα.

[A] |1| Le nom de la ville se trouve chez le pseudo-Scym-

nos (v.  208). Chez les auteurs tardifs comme Irénée (Adv. haer. 1.7.6) et Épiphane (Panar. vol. 2, p. 9), ce géonyme détermine le « pays du Rhône » (ce que l’on appellerait de nos jours la vallée du Rhône) et sert de synonyme à Lyon. L’indication géographique («  en Massalie ») se rattache à Artémidore mais ne se retrouve pas sous cette forme exacte dans l’Épitomé (cf. l’argumentaire contre la détermination par Charax d’une ville « en Massalie » dans la notice Troizen [222]). Compte tenu du faible nombre de mentions de cette ville, et de la détermination géographique caractéristique, nous proposons d’y voir une notice issue de l’Abrégé d’Artémidore par Marcien, en doublon du géonyme Rhadanousia qui a une erreur d’écriture (voir fiche [182]). La formule est donc issue directement de Marcien et reprise par l’auteur de son lexique.

184 – PοδανουσΙα/RHODANOUSIA [M + E] [D] |2| Le nom du citoyen diffère de la forme que l’on trouve dans la notice jumelle de Rhadanousia. Le début de la notice est issu selon nous de l’Abrégé d’Artémidore, mais Marcien n’a probablement pas redonné le détail (issu d’Éphore ?) avec le nom de l’ethnique. La forme de l’ethnique étant différente de celle que l’on rencontre habituellement chez Artémidore (et différente de celle de la notice Rhadanousia), nous proposerons un rattachement à un autre auteur, qui pourrait être alors Hécatée (voire Théopompe mais il semble difficile qu’il ait pu mentionner le nom des habitants de manière détaillée). La forme de l’ethnique est en effet caractéristique de cet auteur. [E] : La mention d’une forme féminine, probablement

à rattacher au même auteur que la forme masculine (Hécatée  ?), implique un certain détail dans la source d’origine.

Localisation et archéologie Nous tiendrons compte ici des deux notices Rhadanousia [182] et Rhodanousia. La ville a semble-t-il totalement disparu avant le HautEmpire  :  du temps de Pline l’Ancien (3.33), celui-ci explique que la ville n’existe déjà plus (du fait des modifications du Rhône, si on la place au contact de ce fleuve ?). Son identification est donc difficile et plusieurs hypothèses s’affrontent. Revoyons tout d’abord l’ensemble des mentions connues. La ville était peut-être mentionnée par Strabon dans un passage que l’on suppose altéré de son texte (4.1.5) : les manu­scrits ont « τὴν δὲ Ῥόην Ἀγάθην ». P. Thollard, qui a repris la lecture de ce passage, pense qu’il n’est pas possible de restituer comme le fait F. Lasserre (p. 128) « τὴν δὲ Ῥοὴν Ἀγάθην » (Thollard 2009, p. 231-233). Il propose de voir dans Ῥόην un qualificatif d’Agde, définissant alors cette ville comme « Agde au beau fleuve ». Cette explication nous semble peu pertinente pour un fleuve comme l’Hérault qui ne présente pas de particularité dans son cours digne d’être signalée. Avant de poursuivre cette analyse, il nous faut revenir un moment sur la forme de Rhodanousia. Elle s’apparente à la forme Kalath-ousa attribuée expressément à Éphore dans la notice de la ville ibérique de Kalathê [114] ou à Mêl-ousa, nom d’une île ibérique fourni par Hécatée [151]. Comme l’on sait qu’Artémidore tirait une partie de son information d’Éphore (voir fiche [114]), il n’est pas impossible que la forme provienne de cet auteur. Le

645 nom d’origine de la ville pourrait être Rhodanê, ou directement Rhodanousia. Cette ville est mentionnée plus tardivement sous la forme Rhoda par Pline l’Ancien (3.33), mais ce nom résulte peut-être d’une confusion avec la ville ibérique de Rhodê, proche d’Emporion (voir fiche [185]). Elle est toutefois là encore associée à Agathê (et au territoire des Volques Tectosages) qu’elle suit dans la description. Pour en revenir à Strabon, on notera enfin que le pseudo-Scymnos (v.  208) associe également les deux villes : « Ἀγάθην Ῥοδανουσίαν τε ». On pourrait alors imaginer la correction suivante : « τὴν δὲ Ῥοὴν Ἀγάθην » qui ne laisse pas deviner de confusion d’onciales (THNΔЄPOΗΝΑΓΑΘΗΝ) mais plutôt une mélecture d’homotéleutes. L’argument de l’ordre géographique (énumération d’ouest en est) que retient P. Thollard pour rejeter Rhodanousia ne nous semble pas suffisant. Il existe probablement dans le texte de Strabon deux séries, l’une groupant les fondations protégeant la partie à l’ouest du Rhône (Rhodanousia et Agathê) et l’autre pour celles situées à l’est, mentionnées en suivant la côte. Dans les deux cas le premier nom est annoncé par δὲ et le second le serait par καὶ, les suivants étant simplement juxtaposés. Nous ne pouvons savoir si Strabon a utilisé la forme Rhodanousia, rapportée par Artémidore et provenant très certainement d’Éphore, ou Rhodanê, mais selon nous c’est bien de cette ville qu’il s’agissait. Dans la partie extrêmement résumée de l’Épitomé, la mention même du fleuve Rhodanos, le Rhône, a complètement disparu alors qu’il devait très certainement se trouver dans les Ethniques. Chez le pseudo-Scymnos (v.  208-209), la ville de Rhodanousia est localisée ainsi  :  «  Ῥοδανὸς ἣν μέγας ποταμὸς παραρρεῖ ; que le Rhône longe de son cours puissant  » (trad. Marcotte), traduction que nous préfèrerons à celle de P. Thollard (« que le Rhône, grand fleuve, enserre dans son cours »). Éphore est peut-être là encore la source utilisée par le géographe anonyme, d’ailleurs signalé au début du poème (v.  115) comme une des sources principales, après Ératosthène. Sa localisation pourrait donc être au bord d’un des bras du Rhône, probablement sur une éminence permettant de la mettre en sécurité face aux crues du fleuve. Le fait qu’Artémidore gardait la forme d’Éphore pour la mentionner (et que Marcien signalait encore dans son Abrégé) pourrait signifier que la ville n’existait déjà plus de son temps (ou qu’il ne faisait pas de correspondance avec une autre cité si elle avait changé de nom) et que le géographe reprenait les informations anciennes.

646

185 – PΟδη/RHODÊ [Λ]

On a proposé de la localiser à Espeyran, près de SaintGilles-du-Gard (Barruol, Py, 1978 et Py 1990, p. 192), hypothèse rejetée par M. Bats (Bats 1988 ; Bats 1992, p. 273 ; Bats 2001, p. 493). Pour P. Arcelin (in Rothé, Heijmans 2008, p. 110), Rhodanousia correspond à une fondation ancienne d’Arles, liée aux Grecs de Marseille. Il est vrai que la localisation, au bord du Rhône, et le lien fort de l’onomastique entre la ville et le fleuve pourrait aller dans le sens de cette hypothèse. Il est intéressant de confronter cette hypothèse avec les différentes phases d’occupation que les fouilles ont pu mettre en évidence : la première installation remonte aux années 540530, avec un faciès particulier que P. Arcelin rattache à une fondation grecque. Nous sommes ici après la chute de Phocée face aux Perses, qui a entraîné un apport de population à Marseille et peut-être permis la création de nouveaux comptoirs. Il est clair que le positionnement le long du Rhône est fondamental dans les échanges commerciaux. La ville connaît une extension au tout début du ve siècle, accompagnée d’une rationnalisation de l’urbanisme dans la partie centrale de la ville. Le tout est mis en relation par P. Arcelin (in Rothé, Heijmans p. 111) avec une apoikia, c’est-à-dire une refondation, qui prendrait alors, « en raison de son expansion démographique et économique », le nom de Théliné indiqué par Aviénus (Ora marit. v.  681-683). La ville connait des changements autour de 425/400, avec une affirmation de plus en plus importante du monde indigène (tel qu’on peut le restituer d’après la céramique) et, à partir de 375, un relatif déclin de l’habitat sur la rive gauche.

Nous pensons qu’Aviénus reprenait les mentions de Théopompe (et donc Pythéas), qui pouvait mentionner cette grande ville du bord du Rhône même si le voyage ne passait pas par cette ville. C’est peut-être par son intermédiaire qu’Aviénus mentionnait le nom de Théliné qui serait alors celui d’Arles au milieu du ive siècle av. J.-C. Faut-il alors attribuer les mentions Rhodanousios/ Rhodanousia de la notice [184] à un auteur plus ancien comme Hécatée ?

Chronologie des mentions ive s. av. : Théopompe (Pythéas) ?, Ῥοδανούσιος, Ῥοδανουσία – iiie s. av. : Éphore ?, Ῥοδανουσία, Ῥοδανουσιεύς ? – iie s. av. : pseudo-Scymnos, Ῥοδανουσία ; Artémidore (abrégé de Marcien) ?, Ῥοδανουσία – ier s. : Strabon, Ῥοδανουσία ? ; Pline l’Ancien, Rhoda (Rhodorum).

Bibliographie indicative RE I, A1 (1914), col. 759 (s.v. Rhoda) Haug ; Smith 1854 (s.v. Rhodanousia) ; Clerc 1927-1929, t. I, p. 243 ; Brunel 1945, p. 123 ; Benoit 1965, p. 121, 132 ; Barruol 1969, p. 198, 221, 223-226 ; Barruol, Py 1978 ; Arcelin 2003, p. 131 ; Zehnacker 2004, p. 128-129 ; Privitera 2007 ; Arcelin in Rothé, Heijmans 2008, p. 110 ; Thollard 2009, p. 231-233 ; Ugolini 2010, p. 88. Barrington Atlas : 15 C2 (Rhodanousia) ; http://pleiades.stoa.org/places/148167

185 – PΟδη/RHODÊ [Λ]

Ville – Hispanie (Tarraconaise) (ρ 40 Billerbeck)            Apollodore ? Théopompe ? Livre 45 ? – Troisième abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 7,7 % – taux théorique : 12 %). Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé et traduction Ῥόδη· πόλις ἰβηρίας. τὸ ἐθνικὸν ῥοδαῖος ὡς μενδαῖος ἰουδαῖος(a). a) ἰουδαῖος RQPN : Ἰδαῖος Meineke in app.

Ῥόδη· [A] |1| πόλις Ἰβηρίας [Apollodore ? Théopompe ?]. [D] |2| τὸ ἐθνικὸν Ῥοδαῖος [Apollodore ? Théopompe ?]

ὡς Μενδαῖος Ἰουδαῖος.

Rhodê :  [A] |1| ville d’Ibérie. [D] |2| L’ethnique se dit Rhodaios, formé comme Mendaios et Ioudaios.

Commentaire La notice est issue du lexique-source. [A]  |1|  Le nom de cette ville se trouve chez le pseu-

do-Scymnos (v.  204), Strabon (3.4.8 et 14.2.10) et Ptolémée (Geogr. 2.6.19). Pour Strabon, la ville est un πολίχνιον des Emporitai, que F. Lasserre traduit comme «  petite ville  » mais qui pourrait aussi bien être une fortification, au même titre que les villes marseillaises sur la côte provençale. La notice pourrait provenir de

185 – PΟδη/RHODÊ [Λ] Théopompe sur la base de la forme de l’ethnique mais la détermination géographique ne est douteuse pour ce lexique. C’est pourquoi nous proposerons plutôt Apollodore, ses Chroniques pouvant décrire la bataille entre les Romains et les Ibères en 195 av. J.-C. [D] |2| L’ethnique ne se trouve pas chez les auteurs que nous avons conservés. Il faut donc imaginer une autre source de Stéphane de Byzance. Nous proposerons éventuellement Apollodore, chez qui on trouve des comparaisons de ce type, à l’inverse du lexique d’Hécatée.

Localisation et archéologie C’est l’actuelle Roses (en catalan) ou Rosas (en castillan). La ville était située assez près d’Emporion et de son port. Dans ses deux occurrences, Strabon signale sa fondation possible par les Rhodiens. F. Lasserre, dans son édition de Strabon (notes critiques, n° 2 de la p.  67, p. 197) propose d’y voir une indication provenant d’un auteur rhodien qui aurait été reprise par Artémidore d’Éphèse. L’hypothèse de Timosthène de Rhodes est plausible, que l’on imagine une transmission par l’intermédiaire d­ ’Ératosthène ou avec une lecture directe par Artémidore. C’est l’indication que l’on retrouve chez Pline l’Ancien (3.33) avec Rhoda Rhodorum (Rhoda des Rhodiens) mais qu’il semble confondre avec la ville de Rhodanousia proche du Rhône. La ville ibérique est mentionnée encore par Pomponius Mela (2.89) lors de la description de la côte et des fleuves côtiers et par TiteLive (34.8.6). Il ne serait pas anormal que la ville ait été décrite par Théopompe dans sa description du voyage de Pythéas. Ce dernier aurait pu décrire les côtes d’Ibérie qu’il longeait et probablement faire une halte à Emporion, dernière fondation phocéenne vers le sud à son époque.

647 C’est à Rhodê que Caton débarqua ses troupes et qu’eut lieu la bataille entre les Ibères soulevés contre Rome et les deux légions romaines commandées par Caton, en 195 av. J.-C. La lecture du site est rendue difficile par la présence d’une citadelle moderne. Des intervention archéologiques ont été réalisées en plusieurs points (église Sainte-Marie, l’enceinte hellénistique dans la citadelle). Elles ont livré du mobilier archéologique qui a fait l’objet d’une thèse (Puig i Griessenberger 2006) permettant de confirmer la chronologie d’occupation durant l’époque hellénistique, au moins dans la première moitié du ive siècle.

Chronologie des mentions iie s. av. : Apollodore ?, Ῥόδη, Ῥοδαῖος ; pseudo-Scymnos, Ῥόδη – ier s. : Strabon, Ῥόδη ? ; Pomponius Mela, Rhoda – iie s. : Ptolémée, Ῥόδη (Ῥοδίπολις). Toutes les mentions donnent Rhodê en grec et Rhoda en latin, sauf le texte de Strabon qui est corrompu. Les manu­scrits des deux familles Α et ω’ ont Ῥοδόπη, corrigé de manière diverse. Casaubon restituait Ῥόδη sur la base du pseudo-Scymnos ; Kramer pensait à un éventuel Ῥόδοςη ; F. Lasserre lit Ῥόδος.

Bibliographie indicative RE I A, 1 (1914), col. 954 (s.v. Ῥόδη 5) Schulten ; Smith 1854 (s.v.  Rhoda)  ; THA  IIB 142bu  ; Silberman 1988, p.  222  ; Tovar 1989, p.  463  ; González Blanco 1991, p. 29, 34 ; Adrados 2000, p. 9 ; Puig i Griessenberger 2006. Barrington Atlas : 25 I3 (R(h)oda) ; http://pleiades.stoa.org/places/246588

648

186 – PΟδOη/RHODOÊ [Λ]

186 – PΟδOη/RHODOÊ [Λ]

Ville (hors cadre d’étude) (ρ 42 Billerbeck)            Dionysios Livre 45 ? – Troisième abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 7,7 % – taux théorique : 12 %). Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé et traduction Ῥοδόη· πόλις ἰνδική. τὸ ἐθνικὸν ῥοδοΐτης, ὡς ἀρσινοΐτης(a). a) ῥοδοΐτης ὡς ἀρσινοΐτης R : ῥοδοήτης ὡς ἀρσινοήτης QPN.

Ῥοδόη· [A] |1| πόλις Ἰνδική [Dionysios]. [D] |2| τὸ ἐθνικὸν Ῥοδοΐτης, ὡς Ἀρσινοΐτης.

Rhodoê :  [A] |1| ville d’Inde. [D] |2| L’ethnique est dit Rhodοïtês, formé comme Arsinoïtês.

Commentaire La notice est issue du lexique-source. [A] |1| Le nom de la ville a parfois été compris comme une variante de la ville ibérique ayant un nom très proche (voir fiche [185]). Il n’en est rien  :  on trouve dans la notice Gazos, le pendant de notre notice : « πόλις Ἰνδική, κατὰ Διονύσου πολεμήσασα μετὰ Δηριάδου, λινοῦν ἔχουσα τεῖχος, καθὰ ἐν γ’ Βασσαρικῶν “Γήρειαν Ῥοδόην τε καὶ οἳ λινοτειχέα Γάζον [ἔχον] (…)”. Ville d’Inde, qui a combattu avec Deriades contre Dionysos, ayant un rempart de lin, selon dans le 3e livre des

Bassariques “Gêreia et Rhodoê et ceux qui habitent Gazos au rempart de lin (…)” ». Nous avons le cas typique de plusieurs notices reprenant une même citation. Rhodoê est donc bien une ville d’Inde et non une déclinaison d’une ville des Indikêtai comme on le trouve encore dans le THA IIB p. 972. [D] |2| L’ethnique ne se trouve pas dans les auteurs que nous avons conservés mais la forme Ἀρσινοΐτης est présente dans la notice Arsinoê (α 454).

Localisation et archéologie Nous ne retiendrons pas cette ville comme se rapportant à notre champ d’étude. Il s’agit d’une ville d’Inde et non du peuple des Indikêtai comme certains l’ont proposé (THA).

Chronologie des mentions iie s. : Dionysios, Ῥοδόη.

Bibliographie indicative THA IIB 142bv.

187 – ΣαββατΙα/SABBATIA [Λ ?]

649

187 – ΣαββατΙα/SABBATIA [Λ ?]

Village – Gaule ? (σ 2 Billerbeck)            Polybe ? Artémidore ? Livre 46 ? – Troisième abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 9,1 % – taux théorique : 12 %). Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé et traduction Σαββατία· κώμη κελτική. τὸ ἐθνικὸν σαββατιανός καὶ σαββάτιος. Σαββατία· [A] |1| κώμη κελτική [Polybe ? Artémidore ?]. [D] |2| τὸ ἐθνικὸν Σαββατιανός [Polybe ?] καὶ Σαββάτιος.

Sabbatia :  [A] |1| village celtique. [D] |2| L’ethnique est dit Sabbatianos et Sabbatios.

Commentaire La notice provient, semble-t-il, du lexique-source. Toutefois, il convient de rester prudent car elle se trouve dans la partie la plus résumée de l’Épitomé. [A] |1| Seul Stéphane de Byzance signale ce toponyme.

On l’a mis en relation avec Vada Sabatia (act. Vado Ligure) sur la côte ligure (Strabon 4.6.1  :  Σαβάτων Οὕαδα  ; Ptolémée Geogr. 3.1.41  :  Σάβατα), mais il ne s’agit pas d’un village et la mention de keltikê ne convient pas (chez Artémidore – donc Marcien – on aurait Ligures). La forme avec un double β de l’Épitomé semble spécifique mais pourrait trouver un écho avec la forme de Ptolémée pour Vada Sabatia. Dans ce cas, il faut admettre que la mention relève de Polybe, et que celui-ci nommait comme celtique une partie hors de la plaine du Pô, dans ce qui sera un peu plus tard (dès Artémidore) la Ligurie. Toutefois il pouvait exister ailleurs en Gaule un village de ce nom mentionné par Polybe ou Artémidore. [D] |2| La forme Sabbatianos est une traduction du nom

latin Sabbatianus ; elle correspond en particulier à une hérésie de la fin de l’Antiquité signalée par Sozomène

(Hist. eccl. 7.18.1) et d’autres auteurs, mais sans rapport avec notre géonyme. Nous n’avons pas d’autre comparaison possible mais la forme pourrait peut-être relever de Polybe. La forme Sabbatios pourrait se rapporter à la mention du village et provenir d’un autre auteur inconnu mais il est étrange ici d’observer deux formes différentes pour l’ethnique d’un village inconnu par ailleurs. L’extrême concision de la notice nous prive d’une réelle compréhension de ce géonyme.

Localisation et archéologie Aucune localisation certaine de ce village n’est possible. Il pourrait s’agir de Vada Sabatia, mais il semble difficile de comprendre alors la mention à la fois de village et de Celtique pour ce lieu, même si on le rapporte à Polybe (rien n’autorise à placer ici un peuple celtique, nous sommes trop loin des gaulois cisalpins). C’est pourquoi il semble plus probable d’en faire une ville inconnue, peut-être de Gaule.

Chronologie des mentions iie s. av. : Polybe ? Artémidore ?, Σαββατία, Σαββατιανός (κελτική) – i er  s.  :  (Strabon), (Σαβάτων Οὕαδα) – iie s. : (Ptolémée), (Σάβατα).

Bibliographie indicative RE VII A, 2 (1948), col. 2046-2050 (s.v. Vada Sabatia) L. Banti ; Smith 1854 (s.v. Vada Sabbata) ; THA IIB 142bw ; Dunn 1907, p. 89 ; González Blanco 1991, p. 29, 35.

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188 – ΣΑγουντος/SAGOUNTOS Λ

188 – ΣΑγουντος/SAGOUNTOS Λ

Ville – Hispanie (Tarraconaise) (σ 9 Billerbeck)            Charax ? Livre 46 ? – Troisième abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 9,1 % – taux théorique : 12 %). Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé et traduction (en grisé, forme erronée restituée du manu­scrit archétype disparu, corrigée dans la notice normalisée)

Σάγουντος· πόλις ἐν ἰσπανίαις(a). οἱ πολῖται(b) σαγουντηνοί(C). a)  ἱσπανίᾳ Bouiron  :  Ἱσπανίαις Westermann Billerbeck, ἰσπανίαις RQPN. b) πολῖται Q : πολίται RPN. c) σαγουντηνοί QPN : σαγούντιοι R Billerbeck, Σαγούντιοι dub. prop. Meineke in app. a – Erreur due à la translittération, si le mot, avec un iota adscrit, était suivi d’une lettre ronde (O/Є) ?

Σάγουντος· [A] |1| πόλις ἐν Ἱσπανίᾳ [Charax ?]. [D] |2| οἱ πολῖται Σαγουντηνοί [Charax ?].

Sagountos : [A] |1| ville en Hispanie. [D] |2| Les citoyens sont les Sagountênoi.

Commentaire La notice, très réduite, provient du lexique-source. [A]  |1|  La forme se trouve chez Strabon (3.4.6 et 9,

3.5.1), rattachée à l’Ibérie ce qui ne correspond pas à la

définition géographique de l’Épitomé. Voir également Ptolémée, qui utilise la forme Sagountia (Geogr. 2.4.10) et Sagountos (Geogr. 2.6.62). Ici, l’indication de l’Hispanie plutôt que de l’Ibérie rapproche probablement cette forme de Charax. [D] |2| L’Épitomé est le seul à donner cette forme, ce qui plaide également pour Charax. Nous retenons la leçon des manu­scrits Sagountênoi, qui vient directement du nom latin de ces habitants.

Localisation et archéologie Voir la fiche Zakantha [89].

Chronologie des mentions Voir la fiche Zakantha [89].

Bibliographie indicative Voir la fiche Zakantha [89].

189 – ΣΑλμυκα/SALMUKA [Λ]

Ville – Hispanie (Bétique) ? (σ 31 Billerbeck)            Timée ? Livre 46 ? – Troisième abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 9,1 % – taux théorique : 12 %). Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé et traduction (en grisé, forme erronée restituée du manu­scrit archétype disparu, corrigée dans la notice normalisée)

Σάλμυκα· πόλις περὶ τὰς ἡρακλέους(a) στήλας. τὸ ἐθνικὸν {ὡς}(b) ἀπὸ τῆς σάλμυκος σαλμυκηνός ὡς ἐρυκηνός(c). a) Ἡρακλείους Bouiron, susp. Meineke in app. crit. : ἡρακλέους RQPN Billerbeck. b) ὡς secl. Bouiron : add. RQ Billerbeck. c) Σαλμυκῖνός ὡς Ἐρυκῖνος Holste : σαλμυκηνὸς ὡς ἐρυκηνὸς RQPN. a – Erreur lors de l’abréviation ?

Σάλμυκα· [A] |1| πόλις περὶ τὰς Ἡρακλέιους στήλας [Timée ?]. [D] |2| τὸ ἐθνικὸν {ὡς} ἀπὸ τῆς Σάλμυκος Σαλμυκῖνος ὡς Ἐρυκῖνος [Timée ?].

Salmuka  :  [A]  |1|  ville du côté des Colonnes d’Hercule. [D] |1| L’ethnique, tiré du génitif Salmukos, se dit Salmukinos, formé comme Erukinos.

189 – ΣΑλμυκα/SALMUKA [Λ]

651

Commentaire

Localisation et archéologie

La notice provient du lexique-source.

On a proposé de voir dans cette ville le nom de Salduba, en correspondance avec la ville et le fleuve mentionnés par Pline l’Ancien (3.8) entre les cités de Barbesula (Torre de Guadairo) et Suel (Fuengirola), proche de Málaga. D’après A. Tovar, la ville correspondrait à VélezMálaga et le fleuve serait alors le Vélez (Tovar 1976, p. 75), ce qui est en contradiction avec d’autres restitutions (voir Mainobôra, fiche [141]). C’est pourquoi on a aussi proposé (Silberman 1988, p. 226) de la localiser à proximité de l’actuelle Marbella ; le fleuve serait alors le Río Verde (voir Zenhacker 2004, p. 97).

[A]   |1|  Une définition géographique identique se

retrouve dans les notices des villes d’Akkabikon Teichos [13] et de Tritê [221]. Il est fait référence dans les deux cas à une mention bien particulière, περὶ Σάλμυκα, qui est la forme qu’utilise Stéphane de Byzance pour renvoyer à une autre notice. C’est dans celle-ci que Stéphane de Byzance donnait le maximum de renseignement, en particulier sur les auteurs cités. Malheureusement, nous sommes là dans le troisième abrégé. La définition géographique se rapproche de celle de Xêra [164]  selon Théopompe. Nous ne connaissons aucun auteur mentionnant cette cité, puisqu’il ne faut pas tenir compte d’Oppien (Cyneg. 4.222), avec une leçon πλεξάμενοι σπαρτῷ Σαλμύκιδι qui est une probable erreur d’onciales pour Σαλαμίνιδι (Unger 1884, p. 244). C’est pourquoi on peut imaginer qu’il s’agisse d’un auteur relativement ancien. Cependant la forme de l’ethnique, typique des Siciliens, ne correspond pas à celle que l’on trouve chez Théopompe mais plutôt chez Timée. [D] |2| L’ethnique est soit Salmukinos soit Salmukênos,

selon que l’on tienne compte ou non de la correction de Meineke. La mention ne peut être rattachée à aucun auteur, mais il s’agit peut-être également de Timée s’il s’agit d’une ville punique. La comparaison lexicale se fait avec l’ethnique d’Erukê, ville de Sicile, mais cette forme d’ethnique a disparu dans la notice correspondante de l’Épitomé (ε 132). Toutefois, cela confirme le caractère sicilien de cette forme. Pour un nom en –α, Théopompe forme l’ethnique en -αῖος comme le montre la notice Xêra.

La correspondance avec le nom de Salduba peut éventuellement se comprendre en termes de mélecture de texte mais uniquement pour du grec cursif. Ce nom correspond également au nom ancien de Saragosse, au bord de l’Èbre, que Pline l’Ancien (3.24) appelle Salduvia et les légendes monétaires Salduie. Mais nous ne sommes plus ici proche des Colonnes d’Hercule. Pourrait-il s’agir d’une forme issue de Malakê/Malaka ? Une erreur de lecture ne peut pas justifier une telle différence de nom mais on doit être assez proche de cette ville, qui effectivement est bien située à proximité du détroit de Gibraltar.

Chronologie des mentions iiie s. av. : Timée ?, Σάλμυκα, Σαλμυκηνός – ier s. : Pline l’Ancien, Salduba.

Bibliographie indicative RE I, A2 (1920), col. 1992 (s.v. Salmyka) A. Schulten ; Smith 1854 (s.v.  Salmyca)  ; Unger 1884, p.  244  ; Tovar 1974, p. 73. Barrington Atlas : 26 (Salmyka, unlocated) ; http://pleiades.stoa.org/places/260632

652

190 – ΣΑλλυες/SALLUES [Λ]

190 – ΣΑλλυες/SALLUES [Λ]

Peuple – Gaule (Narbonnaise) (σ 26 Billerbeck)            Polybe + Charax Livre 46 ? – Troisième abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 9,1 % – taux théorique : 12 %). Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé et traduction (en grisé, forme erronée restituée du manu­scrit archétype disparu, corrigée dans la notice normalisée)

Σάλυες(a)· ἔθνος δυτικόν(b), πολεμῆσαν ῥωμαίοις, ὡς χάραξ ἐν ι΄ χρονικῶν. a)  Σάλλυες Holste  :  Σάλυες RQPN. b)  δυτικόν QPN Bouiron : λιγυστικόν Holste Billerbeck, δυστικόν R.

Σάλλυες· [Da] |1| ἔθνος δυτικόν [Polybe], πολεμῆσαν Ῥωμαίοις, ὡς

Χάραξ ἐν ι΄ Xρονικῶν [FGrHist 103 F 24].

Sallues :  [Da] |1| peuple occidental, ayant combattu les Romains, selon Charax, dans le 10e livre des Chroniques.

Commentaire [Da] |1| La mention du peuple est attribuée par l’Épitomé

à Charax. L’ordre alphabétique a entraîné la restitution de deux ‘λ’ par Holste, suivi par Meineke, qui ne correspond pas toutefois à la forme que signalent les manuscrits. P. Thollard (Thollard 2009, p. 127) considère que la forme grecque standard est avec un seul ‘λ’. Charax reprenant souvent des formes latines pour les identifications, il n’est pas exclu qu’il ait utilisé une forme avec deux ‘λ’ pour se calquer sur la forme romaine du nom (Salluvii). La formule « ayant combattu les Romains » se retrouve de façon identique pour la notice de Kourioi, peuple des Sabins, avec l’indication du même Charax. Il s’agit donc d’une formulation propre au lexique de cet auteur. La lecture de Holste (et à sa suite des autres éditeurs de l’Épitomé) concernant la détermination géographique (ἔθνος λιγυστικόν) implique une mention encore tardive de la Ligystique qui participerait d’une volonté d’archaïsme de la part de Charax, se référant à la source qu’il a utilisée. On pouvait penser jusque là que l’on trouvait chez cet auteur des indications assez détaillées, surtout si l’on imaginait qu’il mentionnait une ville de Massalie outre Var, Troizên, dans la «  partie italienne  » de la Massalie. Nous allons voir (fiche [222]) qu’il n’en est rien. C’est pourquoi nous préférons garder la forme que

donnent les manu­scrits δυτικόν (occidental) comme qualificatif pour le peuple plutôt que de restituer Λιγυστικόν comme le proposent A. Meineke et M. Billerbeck. En effet, Charax réactualise les attributions géographiques (on le voit très bien pour l’Ibérie, appelée Hispanie) et il n’aurait pas manqué de faire le lien avec la Gaule, sans garder une appellation ancienne. L’indication de «  peuple occidental  » se retrouve ailleurs dans l’Épitomé, par exemple pour la notice Bargousioi [43]  et provient en fait du lexique de Polybe. Il semble tout à fait vraisemblable que l’on ait eu d’abord la mention de cet auteur, qui relatait les différents intervenus entre les Marseillais et les Salyens, puis celle de Charax. Cela donnerait plus de cohérence à la notice et la replacerait dans une série logique pour le lexique-source. La très grande abréviation de la notice aura télescopé les informations, la forme avec un seul λ et l’explication de Polybe prenant place alors en début de notice et remplaçant le Σάλλυες de Charax. On notera que Julius Obsequens (30), écrit Sallyes en traduisant une source grecque (Hermon 1978, p. 158 n. 17), qui est peut-être Charax lui-même. Pour les auteurs grecs, la mention des Salues se trouve chez Strabon (4.1.3, 5-6, 9, 11-12, 4.6.3-4), Ptolémée (Geogr. 2.10.8) et Appien (Celt. 12).

Localisation et archéologie Ce peuple est localisé dans l’arrière-pays provençal. Il est connu par des mentions des historiens (Tite-Live) et géographes (Strabon, Pline l’Ancien, Ptolémée) antiques. P. Thollard a repris l’état de la question concernant les Salyens, et notamment la question de la «  confédération  » de peuples que l’on place généralement sous cette dénomination (Thollard 2009, p.  140 sq). Il analyse en premier lieu les différentes mentions que donne Strabon d’un point de vue chronologique. Il identifie trois phases, et tout d’abord un état où l’on ne distingue pas ce peuple ; cela implique une dénomination générique de Ligyens, sans que les auteurs anciens

191 – ΣΑμνιον/SAMNION [Λ ou M] (vie-ive siècles av. J.-C.) ne donnent le nom de Salyens. Lors d’une seconde phase apparaissent les Celtoligyens, positionnés dans la zone de plaine entre le Rhône et la Durance (Strabon 4.6.3). Il s’agit ici certainement d’un moment où les géographes-historiens grecs commencent à comprendre que les Ligyens correspondent à une population celtique alors que précédemment on identifiait comme Celtes seulement les peuples situés du côté de l’océan Atlantique. Enfin, la troisième phase correspond au moment où l’on peut distinguer correctement les Salyens des autres peuples. Cette différenciation s’accompagne forcément d’une meilleure connaissance de la zone, c’est pourquoi nous ne pensons pas qu’elle puisse intervenir (dans les textes d’historiens et géographes antiques faut-il préciser) avant Polybe, compte-tenu des auteurs dont nous avons connaissance. Elle daterait donc probablement du iie siècle av. J.-C. La mention de Charax pourrait aller dans ce sens car le livre X des Chroniques concerne des évènements qui ne sont pas postérieurs à 140 av. J.-C. Cette mention ne se rapporte donc pas à la conquête de la Gaule transalpine mais probablement aux confrontations entre Marseille et les peuples situés à proximité de la ville ou de ses fondations, en reprenant les informations de Polybe.

653 Nous n’entrerons pas ici sur le débat de la confédération salyenne pour lequel nous renvoyons à Thollard 2009, p. 142-144.

Chronologie des mentions ive-iie  s. av.  :  [Aviénus, Ora maritima], Salyes – iie  s. av. : [Polybe], Σάλυες – ier s. : Tite-Live, Salui ; Strabon, Σάλυες  ; Velleius Paterculus, Sallues  ; Pline l’Ancien, Salui ; Salluvii (Ligurum) – iie  s.  :  Florus, Saluvii  ; Charax, Σάλλυες ? (ἔθνος λιγυστικόν) ; Appien, Σάλυες ; Ptolémée, Σάλυες– ive  s.  :  Julius Obsequens, Sallyes (Ligures) ; Ammien Marcellin, Salluvii. La forme grecque est Salues  ; la forme latine Salluvii (Thollard 2009, p. 127).

Bibliographie indicative RE I, A2 (1920), col. 1970-1975 (s.v. Salluvi) Keune ; Smith 1854 (s.v. Salyes) ; Barruol 1969, p. 117, 167169, 187-221  ; Bats 2003  ; Verdin 1998  ; Verdin 2002  ; Zehnacker 2004, p.  139  ; Thollard 2009, p. 127-129, 140-145. Barrington Atlas : 15 E2 (Salyes) ; http://pleiades.stoa.org/places/148194

191 – ΣΑμνιον/SAMNION [Λ ou M]

Ville – Îles Britanniques (Grande-Bretagne) (σ 39 Billerbeck)            Artémidore ? Livre 46 ? – Troisième abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 9,1 % – taux théorique : 12 %). Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé et traduction Σάμνιον· πόλις πρετανίας(a). τὸ ἐθνικὸν σάμνιος καὶ σαμνίτης. καὶ σαμνιτικός κτητικόν a) πρετανίας RQPN : Βρετανίας Xylander, Βρεττίας Holste.

Σάμνιον· [A] |1| πόλις Πρετανίας [Artémidore ?]. [D] |2| τὸ ἐθνικὸν Σάμνιος [Artémidore ?] καὶ Σαμνίτης [Artémidore ?]. [E] |3| καὶ Σαμνιτικός κτητικόν.

Samnion :  [A] |1| ville de Bretagne. [D] |2| L’ethnique se dit Samnios et Samnitês. [E] |3| Et Samnitikos est le ktétique.

Lexiques et commentaires grecs et byzantins xe siècle – Souda (σ 78 Adler ; glose) Σαμνῖται· ὄνομα ἔθνους. xiiie siècle – Lexique du pseudo-Zonaras (1631.5) Σάμνιον. τόπος.

Commentaire La notice semble provenir du lexique-source mais peut aussi provenir du lexique de Marcien. [A] |1| L’identification géographique proposée par les

manu­scrits (Pretania) se rapproche de la forme standard utilisée par Marcien (cf. la notice Lindonion [136]) et

654 qui remonte semble-t-il à Artémidore. Parmi les auteurs que nous avons conservés, la forme Samnion est utilisée par Paeanius (Abrégé d’Eutrope, 2.16) par Procope (De Bell. 5.15.1 et 15 ; 6.5.2) et par Agathias (2.1.4) à propos du pays des Samnites (le Samnium). On trouve chez Ptolémée (Geogr. 2.2.7) un promontoire irlandais appelé Ἰσάμνιον (entre le fleuve Bououinda = Boyne et l’embouchure du Ouinderios = Strangford Bar) que l’on pourrait rapprocher de la forme Samnion. Il est donc tout à fait possible que Marcien mentionnait dans son Périple la ville, dans les parties plus détaillées que nous avons perdues sous la forme que donne l’Épitomé. Toutefois l’ensemble de la notice n’a rien à voir avec celles qui proviennent du lexique de Marcien, qui souvent remplacent totalement les mentions plus anciennes du lexique-source. Or ici ce n’est pas le cas : la 2e partie (ethnique et ktétique) fait clairement référence aux Samnites. Il est donc plus vraisemblable de proposer le rattachement à un autre auteur, qui pourrait être, sous toute réserve, Artémidore. [D] |2| La première forme n’est signalée chez aucun des auteurs que nous connaissons  ; elle pourrait provenir également d’Artémidore. L’autre forme de l’ethnique est donnée par Marcien (Per. ext. 2.21) mais à propos d’un peuple de l’ouest de la Gaule proche de la Loire, que l’on retrouve chez Ptolémée (Geogr. 2.8.6 et 8). Au pluriel, elle constitue le nom du peuple italique des Samnites chez Plutarque, Diodore de Sicile (les mentions sont trop nombreuses chez ces deux auteurs), Ptolémée (Geogr. 3.1.58). Strabon (5.4.12) précise que les Grecs les appellent Saunitai ; il existe d’ailleurs une notice sous ce lemme dans l’Épitomé (σ 87). L’extrême résumé de la notice ne permet plus de discriminer les informations.

191 – ΣΑμνιον/SAMNION [Λ ou M] [E] |3| Le ktétique semble également se rapporter aux

Samnites d’Italie, mais il n’est pas connu dans nos textes. Il semble y avoir une réduction très importante de la notice qui mêle à la fois une ville de Bretagne, peut-être un peuple de Gaule de l’Ouest, et le peuple des Samnites, qui n’apparaît sous cette forme dans aucune autre notice de l’Épitomé et qui devait très certainement être mentionné.

Localisation et archéologie La seule comparaison que l’on puisse faire est avec le cap Isamnion, sur la côte orientale de l’Irlande, au sud de l’embouchure de la rivère Ouinderios (peut-être actuelle Carlingford Lough). Mais dans la notice de l’Épitomé, il semble que la ville soit plutôt située sur l’île de GrandeBretagne, peut-être en face du cap. Comme nous sommes ici face à l’île de Man, on peut se demander s’il ne s’agit pas d’un toponyme en rapport avec cette île (appelée Monapia par Pline l’Ancien et Monaoida par Ptolémée) qui ne sera jamais conquise par les Romains. On a voulu voir dans Pretanias une erreur pour Frentanias et positionner la ville dans le sud de l’Italie, dans la région des Samnites (Nigro 2003, p. 111). Cela ne nous semble pas pertinent.

Chronologie des mentions iie s. av. : Artémidore, Σάμνιον, Σάμνιος – iie s. : Ptolémée, Ἰσάμνιον.

Bibliographie indicative Freeman 2010, p. 80.

192 – ΣΑντις/SANTIS [Λ]

655

192 – ΣΑντις/SANTIS [Λ]

Ville – Gaule (Aquitaine ? Narbonnaise ?) ? (σ 55 Billerbeck)            Artémidore ? Livre 47 ? – Troisième abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 9,8 % – taux théorique : 12 %). Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé et traduction Σάντις· πόλις κελτική. τὸ ἐθνικὸν σαντίτης ὡς λέπτις λεπτίτης. Σάντις· [A] |1| πόλις κελτική [Artémidore ?]. [D] |2| τὸ ἐθνικὸν Σαντίτης [Artémidore ?] ὡς Λέπτις,

Λεπτίτης.

Santis :  [A] |1| ville celtique. [D] |2| L’ethnique se dit Santitês, comme Leptis donne Leptitês.

Commentaire La notice est issue vraisemblablement du lexique-source, mais elle est située dans la partie la plus résumée de l’Épitomé. [A]  |1|  La ville celte n’a pas de correspondance chez Strabon ou chez Marcien. Peut-être cette mention relève-t-elle d’Artémidore (forme en -ις). [D] |2| La forme en -ίτης de l’ethnique se rapporte de

manière plus assurée à Artémidore. La comparaison lexicale de grammairien qui accompagne l’ethnique est d’un type qui se trouve régulièrement dans le lexique-source.

Localisation et archéologie Aucune localisation ne semble proposable. Faut-il la mettre en relation avec le peuple des Santons, à l’origine de la ville de Saintes (Mediolanum Santonum) ? Sur cette ville, voir la fiche [149]. On pourrait également la rapprocher des Sentii, peuple des Alpes connu seulement par Ptolémée (Geogr. 2.10.8) qu’il place à l’est des Voconces et des Memini et auxquels il rattache par erreur Digne. La ville de Sanitium (Senez) est placée, toujours chez Ptolémée (Geogr. 3.1.39) dans la province des Alpes maritimes, sous l’intitulé des Vedantii (Barruol 1969, p. 382-383). A. Chastagnol n’assimile pas le nom du peuple avec la ville de Sanitium (Chastagnol 1992, p. 266).

Le village de Senez (Alpes de Haute-Provence) a fait pour la première fois l’objet d’une opération archéologique en 2012, sous le parvis de la cathédrale. Le diagnostic archéologique, malheureusement limité, a permis de retrouver les probables vestiges de la cathédrale antérieure à l’édifice existant (daté des xiie-xiiie siècles) ; la présence d’un évêque remonte au moins à 506 (concile d’Agde). Rien toutefois n’atteste d’une agglomération antique voire protohistorique sur le site. Nous restons donc très prudent sur cette hypothèse.

Chronologie des mentions ii e   s. av.  :  Artémidore ?, Σάντις, Σαντίτης – iie  s.  :  Ptolémée, Σανίτιον, Σέντιοι ? – ve  s.  :  Notitia Dignitatum, civitas Sanitiensum ?

Bibliographie indicative RE I, A2 (1920), col.  2283 (s.v.  Sanitium), col.  2288 (s.v.  Santis) Keune  ; Smith 1854 (s.v.  Sanitium et Sentii) ; Dunn 1907, p.  89  ; Lamboglia 1944, p.  21-24  ; Barruol 1969, p. 382-385.

656

193 – ΣΑντΟνες/SANTONES [M]

193 – ΣΑντΟνες/SANTONES [M]

Peuple – Gaule (Aquitaine) (σ 56 Billerbeck)            Marcien Livre 47 ? – Troisième abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 9,8 % – taux théorique : 12 %). Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé et traduction (en grisé, forme erronée restituée du manu­scrit archétype disparu, corrigée dans la notice normalisée)

Σάντωνες(a)· ἔθνος τῆς ἀκυντανίας(b). a) Σάντονες Meineke : Σάντωνες RQPN. b) Ἀκυτανίας Xylander : Ἀκυϊτανίας Meineke Billerbeck, ἀκυντανίας RQPN. a – Erreur lors d’une des phases d’abréviation. b – Erreur lors d’une des phases d’abréviation ?

Σάντονες· [Da] |1| ἔθνος τῆς Ἀκυτανίας [Marcien ?].

Santones : [Da] |1| peuple d’Aquitaine.

Commentaire La notice est probablement issue du lexique de Marcien. [Da]  |1|  La forme lexicale de ce peuple se trouve chez

Marcien (Per. ext. 2.21, avec un omicron) qui est très certainement la source du lemme. Strabon (4.2.1-2) les appelle « Σάντονοί » ; en 4.6.11, il indique « διὰ τῶν Κεμμένων ὀρῶν μέχρι Σαντόνων καὶ τῆς Ἀκυιτανίας  ; à travers les (monts) Cévennes jusqu’aux Santons et à l’Aquitaine », qui rappelle la formulation de la notice de l’Épitomé. Ptolémée (Geogr. 2.7.1 et 6) les cite également. Ce dernier, comme Marcien, signale également le promontoire des Santones. [E] absent : on trouve chez Galien (De simpl. medicam., vol. 11, p. 804-806) des mentions de « σαντονικόν », plante de type armoise que l’on trouve au pays des Santones (« τὸ μὲν σαντόνικον ἀπὸ Σαντονείας χώρας. Le santonicum qui vient du pays des Santons »). Voir également Dioscoride (De mat. med. 3.23.6 ; Eupor. 2.69), Oribase (Coll. med. 12.σ.6 et Ecl. med. 57.5) et Aëtius (Iatricorum, 37).

Localisation et archéologie Il s’agit du peuple des Santons, habitant la région de la Saintonge, entre l’estuaire de la Gironde et la rivière de la Sèvre. La capitale est Mediolanum (actuelle Saintes, voir fiche [149]). Il est probable qu’au moment de la conquête ou antérieurement, leur territoire venait jusqu’à la Garonne (Fichtl 2012, p. 238), avant l’installation des Bituriges Vivisques. Outre Mediolanum, qui a peut-être constitué un oppidum de ce peuple avant la conquête, on connait également un site protohistorique important à Pons, d’une centaine d’hectares d’étendue. Il peut s’agir d’une ancienne capitale (Fichtl 2012, p. 238). On a évoqué pour ce peuple des liens possibles avec les Helvètes à propos du fameux projet de migration décrit par Jules César (résumé dans Tranoy 2007, p.  223225), ainsi que leur présence aux côtés des Cimbres lors de la vataille de Verceil. Les hypothèses proposent une origine commune de ces peuples en Allemagne méridionale ou en Bohème.

Chronologie des mentions ier s. av. : Jules César, Santones – ier s. : Strabon, Σάντονοί ; Pomponius Mela, Santoni ; Pline l’Ancien, Santones – iie s. : Ptolémée, Σάντονες – ive s. : Marcien, Σάντονες. La forme est stable entre Santoni (Santonoi en grec) et Santones.

Bibliographie indicative RE I, A2 (1920), col. 2289-2801 (s.v. Santoni) Keune ; Smith 1854 (s.v.  Santones)  ; Tranoy 2007, p.  223226 ; Fichtl 2012, p. 236-239. Barrington Atlas : 14 E3 (Santones) ; http://pleiades.stoa.org/places/138572

194 – ΣΑΞΟνες/SAXONES [M]

657

194 – ΣΑΞΟνες/SAXONES [M]

Peuple – Germanie (σ 57 Billerbeck)            Marcien Livre 47 ? – Troisième abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 9,8 % – taux théorique : 12 %). Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé et traduction (en grisé, forme erronée restituée du manu­scrit archétype disparu, corrigée dans la notice normalisée)

Σάξονες(a)· ἔθνος οἰκοῦν(b) ἐν τῇ κεμβρικῆ(c) χερρονήσῳ(d). a) Σάξονες QPN : Σάξωνες R. b) οἰκοῦν om. R. c) Κιμβρικῇ Xylander  :  κεμβρικῆ RQP, κεβρικῆ N. d)  χερρονήσω QPpcN : χερονήσω Pac, χεροννήσω R. c – Erreur lors d’une des phases d’abréviation.

Σάξονες· [Da] |1| ἔθνος οἰκοῦν ἐν τῇ Κιμβρικῇ χερρονήσῳ [Marcien ?].

Saxones :  [Da] |1| peuple habitant dans la péninsule des Cimbres.

Commentaire La notice est probablement issue du lexique de Marcien. [Da]  |1|  On trouve ce peuple chez Ptolémée (Geogr. 2.11.7), localisé ainsi : « ἐπὶ τὸν αὐχένα τῆς Κιμβρικῆς χερσονήσου Σάξονες  ; sur le cou de la péninsule des Cimbres » (voir également 2.11.9 et 16). La même forme lexicale et localisation se trouvent chez Marcien (Per. ext. 2.32) qui est très certainement la source du lemme.

Le peuple des Saxons est mentionné également par l’empereur Julien, dans son Eloge de l’empereur Constantin (28) et chez Zosime (Hist. 3.1.1, 6.1 et 2), en lien avec les Francs. Il faut noter une restitution erronée chez Hérodien (De pros. cath. III, 1, p. 34), dans l’édition de Lentz, sur la base du texte de Stéphane de Byzance.

Localisation et archéologie Le peuple des Saxons apparaît pour la première fois chez Ptolémée. Ils sont localisés au sud-ouest du Jutland, qui correspond à la péninsule des Cimbres. Ptolémée identifie également comme saxonnes trois îles situées à l’embouchure de l’Elbe. Dans le courant du iiie siècle, les Saxons sont signalés aux côtés des Francs et des Frisons pour des actes de piraterie en mer du Nord. Par la suite, une partie émigre sur la côte de (Grande-)Bretagne.

Chronologie des mentions ier s. : iie s. : Ptolémée, Σάξονες – ive s. : Julien, Σάξονες ; Marcien, Σάξονες – vie s. : Zosime, Σάξονες.

Bibliographie indicative RE II, 3 (1921), col. 309-327 (s.v. Saxones) Rappaport ; Smith 1854 (s.v. Saxones). Barrington Atlas : 10 F2 (Saxones) ; http://pleiades.stoa.org/places/99035

658

195 – ΣΑργανθα/SARGANTHA [Λ]

195 – ΣΑργανθα/SARGANTHA [Λ]

Ville – Hispanie (Tarraconaise) ? (σ 65 Billerbeck)            Artémidore ? Timée ? Livre 47 ? – Troisième abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 9,1 % – taux théorique : 12 %). Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé et traduction (en grisé, forme erronée restituée du manu­scrit archétype disparu, corrigée dans la notice normalisée)

Σάργανθα· πόλις ἰβηρίας. τὸ ἐθνικὸν σαργανθῖνος(a). a) Σαργανθῖνος Meineke : σαργανθηνός RQPN Billerbeck.

Σάργανθα· [A] |1| πόλις Ἰβηρίας [Artémidore ? Timée ?]. [D] |2| τὸ ἐθνικὸν Σαργανθῖνος [Artémidore ? Timée ?].

Sargantha :  [A] |1| ville d’Ibérie. [D] |2| L’ethnique se dit Sarganthinos.

Commentaire La notice est issue du lexique-source. [A] |1| La mention de cette ville ne se trouve chez aucun

des auteurs que nous connaissons.

[D]   |2|  L’ethnique est également inconnu. Nous ne

savons pas s’il faut maintenir la correction d’A. Meineke mais elle nous semble plus appropriée comme nous allons le voir. La forme semble propre à un auteur que nous ne connaissons pas  ; elle s’apparente à Ibullinos [101]. S’il s’agit bien du même auteur inconnu, la mention de Tartessia dans cette dernière notice renvoie à un auteur antérieur aux iiie-iie siècles av. J.-C. La comparaison avec les formes d’ethnique attribuées à Hécatée et Théopompe ne donne pas de correspondance. En revanche, on en trouve avec Timée, auteur compilateur de la seconde moitié du ive siècle et de la première moitié du iiie siècle av. J.-C. avec les noms de villes puniques chez ce dernier comme Salmuka [189]. Nous n’avons que quatre mentions de lui sous son nom dans l’Épitomé, mais dans l’une il est l’auteur premier pour les Argurinoi, peuple d’Épire ; dans la notice d’Ataburion, montagne de Sicile, il mentionne que le nom vient d’un personnage dénommé Ἀταβύριον Τελχῖνος. Dans les deux cas, nous avons une forme en -inos. Cette manière de composer les ethniques est typique de la Sicile, patrie de Timée de Tauroménion.

S’il est bien l’auteur de cette notice, il est très probable qu’elle ait été transmise par l’intermédiaire d’Artémidore.

Localisation et archéologie Il s’agit peut-être de Serguntia d’après A. Schulten (RE). La ville est mentionnée par Strabon sous cette forme ; elle est longée par le Douro et relève des Arévaques. On y voit généralement la même ville que Seguntia (= Siguenza) mais celle-ci n’est pas bordée par ce fleuve. Toutefois, si notre auteur-source est bien Timée, on ne peut faire la correspondance avec la ville de Serguntia car cette partie de la péninsule ibérique ne semble pas connue à haute époque. En revanche, la forme est assez proche du nom ancien de Sagonte, tel que le plomb grec d’Ampurias nous le restitue, Σαιγανθη. On peut donc se demander si, à une mélecture de lettre près (ι pour ρ) il ne s’agirait pas de cette ville. C’est l’hypothèse que nous prendrons en considération.

Chronologie des mentions Voir la fiche Zakantha [89].

Bibliographie indicative RE II A, 2 (1923), col. 1722 (s.v. Serguntia) Schulten ; Smith 1854 (s.v.  Serguntia)  ; THA  IIB 142bx  ; González Blanco 1991, p. 29, 34.

196 – ΣΑΡΔΩ/SARDÔ [Λ]

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196 – ΣΑΡΔΩ/SARDÔ [Λ]

île – Îles (Sardaigne) (σ 71 Billerbeck)            Artémidore ? Timée ? Livre 47 ? – Troisième abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 9,1 % – taux théorique : 12 %). Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé et traduction (en grisé, forme erronée restituée du manu­scrit archétype disparu, corrigée dans la notice normalisée)

Σαρδώ(a)· νῆσος(b) (c) (d) ὁ σάρδος οὖν τῇ σαρδοῖ ἀναλόγως. λέγεται καὶ σαρδών (g ), ὡς τῇ (e) πυθώ (f ) παράκειται τὸ πυθών. ἐκαλεῖτο δὲ ἰχνοῦσα(h), διότι ἐοικυῖα ἦν ἀνθρώπου ἴχνει. ὁ κατοικῶν σαρδώνιος(i) καὶ σαρδωνία(j) καὶ σαρδῷος. καὶ σαρδωνικός(k) καὶ σαρδοωνική(l). a)  Σαρδώ RQpcPN  :  Σαρδῶ Qac. b)  ἡ ante νῆσος add. PN. c) add. glossa Soudae. d) lac. ind. Meineke. e) ὡς τῇ (ex τὸ N) PN : ὡς τῆς Q, ὁ τῆς R, ὡς τῷ dub. Meineke in app. f ) πυθώ RQ  :  πυθοῖ PN. g)  add. Bouiron (ex Eust.). – h) ἰχνοῦσσα Meineke : ἰχνοῦσα RQPN. i) Σαρδόνιος Meineke : σαρδωνιος RQPN. j)  Σαρδονία Meineke  :  σαρδωνία RQPN. k)  Σαρδονικός Meineke  :  σαρδωνικός RQPN. l)  Σαρδονική Meineke : σαρδωνική RQPN.

Σαρδώ· [A]   |1|  νῆσος [Artémi­

dore  ?]  ὁ Σάρδος οὖν τῇ Σαρδοῖ ἀναλόγως.

[C] |2| λέγεται καὶ Σαρδών , ὡς

τῇ Πυθώ παράκειται τὸ Πυθών. |3| ἐκαλεῖτο δὲ Ἰχνοῦσσα, διότι ἐοικυῖα ἦν ἀνθρώπου ἴχνει [Timée ?].

[D]  |4|  ὁ κατοικῶν Σαρδόνιος [Artémidore  ?]  [E]  καὶ

Σαρδονία καὶ Σαρδῷος. |5| καὶ Σαρδονικός καὶ Σαρδονική.

Sardô  :  [A]  |1|  île donc Sardos par analogie avec Sardô [la Sardaigne]. [C] |2| on dit aussi Sardôn , comme le mot Puthôn est dérivé de Puthô. |3| Elle était appelée Ichnoussa, parce qu’elle ressemble à une empreinte de pied humain [ichnos]. [D] |4| L’habitant est appelé Sardonios [E], Sardonia et Sardôos. |5| Le ktétique se dit Sardonikos et Sardonikê.

Lexiques et commentaires grecs et byzantins Scholia in Theocritum (schol. vet. prol. anec. poem 16, sch. 86) Σαρδόνιον κατὰ κῦμα· τὸ κατὰ τὴν νῆσον Σαρδώ, ὃ καλεῖται Σαρδῷον· διὰ τούτου γάρ ἐστιν ὁ εἰς Καρχηδόνα πλοῦς.

Scholia in Homerum (schol. vet., Od., 20.302) Σαρδόνιον] σεσηρὸς, σαρκαστικὸν, ἐπίπλαστον. παρὰ τὸ μόνον σεσηρέναι τὰ χείλη, μὴ μέντοι γελᾶν. B. Σαρδάνιον μάλα τοῖον] σεσηρὸς ἐπ‘ ὀλέθρῳ. φασὶ Τάλων τὸν ἡφαιστότευκτον ὑπὸ Διὸς Εὐρώπῃ δοθέντα φύλακα τοὺς ἐπιβαίνοντας τῇ Κρήτῃ ἰδίως τιμωρεῖσθαι. πηδῶντα γὰρ εἰς πῦρ καὶ θερμαίνοντα τὸ στῆθος περιπτύσσεσθαι αὐτούς. ὧν καιομένων ἐκεῖνον σεσηρέναι. ἔνιοι δὲ γίνεσθαι λέγουσιν ἐν Σαρδοῖ τῇ νήσῳ σέλινον τοιοῦτον, ὃ τοὺς φαγόντας ξένους μετὰ σπασμοῦ σεσηρότας ἀπόλλυσθαι ποιεῖ. Τίμαιος δέ φησι τοὺς γεγηρακότας τῶν γονέων ἄγειν αὐτοὺς πρὸς βόθρον καὶ καταβάλλειν εἰς αὐτὸν, τοὺς δὲ ὡς μακαρίως ἀποθνήσκοντας γελᾶν. ἄλλοι δὲ ἄλλως. ἄμεινον δὲ, τὸν ἐπὶ καταμωκήσει προσποίητον γέλωτα, παρὰ τὸ σεσηρέναι, ὅ ἐστιν ἀνοίγειν τὰ χείλη. V. οἱ τὴν Σάρδον κατοικοῦντες ἀπὸ Καρχηδονίων ὄντες χρῶνται νόμῳ τινὶ βαρβαρικῷ καὶ πολὺ τῶν Ἑλληνικῶν διηλλαγμένῳ. τῷ γὰρ Κρόνῳ θύουσιν ἡμέραις τισὶ τεταγμέναις, οὐ μόνον τῶν αἰχμαλώτων τοὺς καλλίστους, ἀλλὰ καὶ τῶν πρεσβυτέρων τοὺς ὑπὲρ ἑβδομήκοντα ἔτη γεγενημένους. τούτοις δὲ θυομένοις τὸ μὲν δακρύειν αἰσχρὸν εἶναι δοκεῖ καὶ δειλὸν, τὸ δὲ ἀσπάζεσθαι καὶ γελᾶν ἔσχατον καὶ προϊόντων ἀνδρῶδές τε καὶ καλόν. ὅθεν φασὶ καὶ τὸν ἐπὶ κακῷ προσποίητον γέλωτα κληθῆναι Σαρδόνιον. ἡ δὲ ἱστορία παρὰ Δήμωνι. V. Scholia in Aristophanem (schol. vet. e recent. Triclinii, Acharn. sch. 112) vet βάψω βάμμα Σαρδιανικόν· ἵνα μή σε ἐρυθρὸν ποιήσω τῷ βάμματι μαστίξας, οἱονεὶ ἵνα μή σε φοινίξω. νῆσος γάρ ἐστι μεγίστη ἡ Σαρδὼ [[ἡ]] πρὸς τῇ Ἰταλίᾳ. γίνονται δὲ ἐν αὐτῇ πορφύραι διάφοροι καὶ ὀξύταται. βούλεται οὖν δηλοῦν, ἵνα μή σοι πληγὰς ἐντρίψω. RΓ Tr νῆσός τίς ἐστι μεγάλη ἡ Σαρδὼ πρὸς τῇ Ἰταλίᾳ, ἐν ᾗ γίνονται πορφύραι διάφοροι καὶ ὀξύταται. ἢ ὅτι εἰς τὴν Σαρδὼ τῆς Λυδίας πυρρὰ βάμματα γίνεται. βούλεται οὖν δηλοῦν ὅτι εἰ μὴ εἴποις τἀληθές, μαστίζων σε ἐρυθρὸν ποιήσω τοῖς αἵμασιν. Lh

660 Lexica Segueriana (362.6) Σαρδάνιος γέλως· ὁ καθ‘ ὑπόκρισιν, ἀπὸ τοῦ τοὺς ὀδόντας· καὶ βοτάνη δηλητήριος, ἥτις ἅπαν τὸ σῶμα τοῦ φαγόντος αὐτὴν σπασμῷ καθυποβάλλει, ὡς καὶ τῶν χειλέων συσταλέντων γυμνοῦσθαι τοὺς ὀδόντας, καὶ γέλωτος φαντασίαν παρέχειν τοῖς ὁρῶσιν· ἔνθα ἔνιοι ἐφ‘ ὕβρει ὀνομάζουσι τὸν σαρδόνιον γέλωτα. xie siècle – Etymologicum Gudianum (496.43) Σαρδόνιος γέλως· καθ‘ ὑπόκρισιν, ἀπὸ τοῦ σεσυρέναι τοὺς ὀδόντας. xiiie siècle – Lexique du pseudo-Zonaras (1627.11) Σαρδόνιος γέλως· ὁ καθ’ ὑπόκρισιν. καὶ σάρδιον, βοτάνη δηλητήριος, ἥτις ἅπαν τὸ σῶμα τοῦ φαγόντος αὐτὴν σπασμῷ ὑποβάλλει, [ὡς καὶ τῶν χειλέων συσταλέντων τοὺς ὀδόντας γυμνοῦσθαι καὶ γέλωτος φαντασίαν παρέχειν τοῖς ὁρῶσιν. ἔνιοι δὲ ἐφύβριον ὀνομάζουσι τὸν σαρδόνιον γέλωτα.] ἔστι δὲ καὶ λίθος οὕτω καλούμενος. Zenobius (Epit. Lucilli Tarrhaei et Didymi, 5.85) Σαρδόνιος γέλως· Αἰσχύλος ἐν τοῖς Περὶ παροιμιῶν περὶ τούτου φησὶν οὕτως· « οἱ τὴν Σαρδὼ κατοικοῦτες, Καρχηδονίων ὄντες ἄποικοι, τοὺς ὑπὲρ τὰ ἑβδομήκοντα ἔτη γεγονότας τῷ Κρόνῳ ἔθυον γελῶντες καὶ ἀσπαζόμενοι ἀλλήλους· αἰσχρὸν γὰρ ἡγοῦντο δακρύειν καὶ θρηνεῖν. τὸν οὖν προσποίητον γέλωτα Σαρδόνιον κληθῆναι  ». Τίμαιος δέ φησιν αὐτοὺς ἱστάντας τοὺς γονεῖς ἐν οἷς μέλλουσι βάλλεσθαι βόθροις, παίειν σχίζαις καὶ κατακρημνίζειν· φθειρομένους δὲ αὐτοὺς γελᾶν διὰ τὴν ἀπὸ τῶν τέκνων ἀδικίαν καὶ δόξαν τοῦ μακαρίως καὶ καλῶς τελευτᾶν. τινὲς δὲ ἀπὸ Σαρδόνος τῆς νήσου. φύεται γάρ τις βοτάνη ἐνταῦθα, ἧς οἱ γευσάμενοι μετὰ σπασμοῦ καὶ γέλωτος ἀποθνήσκουσιν. ἄλλοι δὲ τὸν καθ’ ὑπόκρισιν γέλωτα γινόμενον Σαρδόνιον καλεῖσθαι λέγουσιν, ἀπὸ τοῦ σεσηρέναι τοῖς ὀδοῦσι. Σιμωνίδης δέ φησι τὸν Τάλω πρὸ τῆς εἰς Κρήτην ἀφίξεως οἰκῆσαι τὴν Σαρδὼ, καὶ πολλοὺς τῶν ἐν ταύτῃ διαφθεῖραι· οὓς τελευτῶντας σεσηρέναι, καὶ ἐκ τούτου ὁ Σαρδόνιος γέλως. περὶ δὲ τοῦ Τάλω τοιόνδε μυθολογεῖται· φασιν αὐτὸν τοῦ χαλκικοῦ γένους εἶναι· δοθῆναι δὲ Μίνωϊ παρ’ Ἡφαίστου εἰς φυλακὴν τῆς νήσου Κρήτης. οὗτος φλέβα μίαν εἶχεν ἀπὸ αὐχένος ἄχρι σφυρῶν κατατείνουσαν· κατὰ δὲ τὸ δέρμα τῆς φλεβὸς ἧλος διήρειστο χαλκοῦς. τρὶς δὲ ἑκάστης ἡμέρας τὴν νῆσον περιερχόμενος ὁ Τάλως ἐτήρει. διὸ καὶ προσπλέουσαν τὴν Ἀργὼ μετὰ Ἰάσονος, ὑποστρέφοντος ἀπὸ Κόλχων, ἐκώλυε τῇ νήσῳ προσορμισθῆναι. ἀπατηθεὶς δὲ ὑπὸ Μηδείας ἀπέθανεν, ὡς μὲν ἔνιοι λέγουσι, διὰ φαρμάκων αὐτῆς μανίαν ἐμβαλούσης· ὡς δέ τινες,

196 – ΣΑΡΔΩ/SARDÔ [Λ] ὑποσχομένης ποιήσειν ἀθάνατον, καὶ τὸν ἧλον ἐξελούσης, διαῤῥυέντος τοῦ ἰχῶρος σὺν ὅλῳ τῷ αἵματι, οὕτως αὐτὸν τεθνάναι. τινὲς δὲ αὐτὸν τελευτῆσαι λέγουσιν ὑπὸ Ποίαντος εἰς τὸ σφυρὸν τοξευθέντα. vie siècle – Lexique d’Hesychius (σ 162, 204, 207) Σανδαλιῶτις· ἡ Σαρδὼ πάλαι. Σαρδόνιος γέλως· ὁ καθ’ ὑπόκρισιν ἢ ἐπὶ κατάρᾳ ἐῤῥιμμένος γέλως. ἢ ὑποκοριστικῶς . οἱ τὴν Σαρδόν(α) κατοικοῦντες τῷ Κρόνῳ ἔθυον γελῶντα(ς) καὶ ἀσπαζόμενοι ἀλλήλους· αἰσχρὸν γὰρ ἡγοῦντο δακρύειν καὶ θρηνεῖν· τὸν οὖν προσποιητὸν γέλωτα κληθῆναι Σαρδόνιον. τινὲς δὲ ἀπὸ Σαρδόνος τῆς νήσου. φύεται γάρ τις βοτάνη ἐνταῦθα, ἧς οἱ γευσάμενοι μετὰ σπασμοῦ καὶ γέλωτος ἀποθνήσκουσιν. ἄλλοι τὸν καθ’ ὑπόκρισιν γινόμενον γέλωτα Σαρδόνιον> καλεῖν εἰώθασιν, ἀπὸ τοῦ σεσηρέναι τοῖς ὀδοῦσιν. Σαρδώ[ν]· νῆσος μεγάλη, πλησίον Ἀφρικῆς, ἡ καὶ Σαρδών[η]. ixe siècle – Lexique de Photios (σ 82) Σαρδόνιος γέλως· παροιμία ἐπὶ τῶν ἐπ’ ὀλέθρωι τωῖ σφῶν αὐτῶν γελώντων· ἣν Δήμων μὲν διαδοθῆναι, ὅτι οἱ Σαρδόνα κατοικοῦντες, αἰχμαλώτων τε τοὺς καλλίστους καὶ πρεσβυτέρους ὑπὲρ ἑβδομήκοντα ἔτη τωῖ Κρόνωι ἔθυον, γελῶντας ἕνεκα τοῦ τὸ ἔπανδρον ἐμφῆναι· Τιμαῖος δὲ τοὺς ἱκανὸν βεβιωκότας χρόνον ἐν Σαρδοῖ συνωθουμένους σχίζαις ὑπὸ τῶν υἱῶν, εἰς ὃν ἔμελλον θάπτεσθαι βόθρον, γελᾶν· οἱ δὲ ἀπὸ τοῦ σεσηρέναι μετὰ ἀνοίας· καὶ φασὶν ἄλλοι τε καὶ Κλείταρχος, ἐν Καρχηδόνι ἐν ταῖς μεγάλαις εὐχαῖς παῖδα ταῖς χερσὶ τοῦ Κρόνου ἐπιθέντας· ἵδρυται δὲ χαλκοῦς, προβεβλημένας ἔχων τὰς χεῖρας, ὑφ’ ὧ κρίβανος· ἔπειτα ὑποκαίειν· τὸν δὲ συνελκόμενον ὑπὸ τοῦ πυρὸς δοκεῖν γελᾶν· Σιμωνίδης δὲ τοῦ σιαλον τον Ἡφαιστότευκτον Σαρδονίους οὐ βουλομένους περαιῶσαι πρὸς Μίνωα εἰς πῦρ καθαλλόμενον, ὡς ἂν χαλκοῦν, προστερνιζόμενον ἀναιρεῖν ἐπιχάσκοντας· Σειληνὸς δὲ ἐν δʹ τῶν περὶ Συρακόσσας, λάχανον εἶναι παρὰ Σαρδονίοις ἡδὺ, σελίνωι ἐμφερές· οὗ τοὺς γευσαμένους τάς τε σιαγόνας καὶ τὰς σάρκας αὐτῶν ἀποδάκνειν· ἔνιοι δὲ τοὺς ἐπὶ κακῶ γελῶντας, ὡς καὶ Ὀδυσσέα φησὶν Ὅμηρος· – μείδησε δὲ δῖος Ὀδυσσεὺς Σαρδόνιον· καὶ ἐν ἄλλοις· – ἡ δ’ ἐγέλασσε Χείλεσιν, οὐδὲ μέτωπον ἐπ’ ὀφρύσι κυανέηισιν Ἰάνθη. xe siècle – Souda (σ 124) Σαρδάνιος γέλως· παροιμία ἐπὶ τῶν ἐπ’ ὀλέθρῳ τῷ σφῶν αὐτῶν γελώντων· ἣν Δήμων μὲν διαδοθῆναι, ὅτι οἱ Σαρδόνα κατοικοῦντες αἰχμαλώτων τε τοὺς καλλίστους καὶ πρεσβυτέρους ὑπὲρ οʹ ἔτη τῷ Κρόνῳ

196 – ΣΑΡΔΩ/SARDÔ [Λ] ἔθυον, γελῶντας, ἕνεκα τοῦ τὸ εὔανδρον ἐμφῆναι (τουτέστιν ἀνδρεῖον). Τίμαιος δέ, τοὺς ἱκανὸν βεβιωκότας χρόνον ἐν Σαρδοῖ συνωθουμένους σχίζαις ὑπὸ τῶν υἱῶν εἰς ὃν ἔμελλον θάπτεσθαι βόθρον γελᾶν. οἱ δέ, ἀπὸ τοῦ σεσηρέναι μετὰ ἀνίας. καί φασιν ἄλλοι τε καὶ Κλείταρχος, ἐν Καρχηδόνι ἐν ταῖς μεγάλαις εὐχαῖς παῖδα ταῖς χερσὶ τοῦ Κρόνου ἐπιτιθέντας (ἵδρυται δὲ χαλκοῦς, προβεβλημένας ἔχων τὰς χεῖρας ὑφ’ ᾧ κρίβανος), ἔπειτα ὑποκαίειν· τὸν δὲ συνελκόμενον ὑπὸ τοῦ πυρὸς δοκεῖν γελᾶν. Σιμωνίδης δὲ Τάλων τὸν ἡφαιστότευκτον Σαρδωνίους οὐ βουλομένους περαιῶσαι πρὸς Μίνῳα, εἰς πῦρ καθαλλόμενον, ὡς ἂν χαλκοῦν, προστερνιζόμενον ἀναιρεῖν ἐπιχάσκοντας. Σιληνὸς δὲ ἐν δʹ τῶν περὶ Συρακούσας λάχανον εἶναι παρὰ Σαρδωνίοις ἡδύ, σελίνῳ ἐμφερές· οὗ τοὺς γευσαμένους τάς τε σιαγόνας καὶ τὰς σάρκας ἑαυτῶν ἀποδάκνειν. ἔνιοι δὲ τοὺς ἐπὶ κακῷ γελῶντας· ὡς καὶ Ὀδυσσέα φησὶν Ὅμηρος· μείδησε δὲ δῖος Ὀδυσσεὺς Σαρδώνιον. καὶ ἐν ἄλλοις· ἡδὺ γέλασσε χείλεσσιν, οὐδὲ μέτωπον ἐπ’ ὀφρύσι κυανέῃσιν ἰάνθη. xiiie siècle – Lexique du pseudo-Zonaras (1631.11) Σαρδόνιον πέλαγος· xe siècle – Souda (σ 123 Adler) Σαρδάνιος γέλως· ὁ προσποίητος. καλεῖσθαι δὲ αὐτὸν ἀπὸ τοῦ σεσηρέναι τοῖς ὀδοῦσι φασίν. xe siècle – Souda (σ 125-131 Adler) Σαρδαῖος· ἀπὸ πόλεως Σάρδεων. καὶ Σάρδεις, πόλις. (glose) αἱ Σάρδιες. Σαρδιανός· ἀπὸ τόπου. Σάρδιοι λίθοι· ἐναργῶς διαφανεῖς, λευκοὶ ὄντες κατὰ τὸ βάθος· οἵτινες δοκοῦσι μέχρι βάθους τῷ αὐτῷ χρώματι κεχρῶσθαι, ἅτε δὴ μὴ ἀντιλαμβανομένης τῆς ὄψεως τοῦ βάθους. Σαρδόθεν· ἀπὸ πόλεως Σάρδεων. Σαρδόνιον πέλαγος· καὶ Σαρδονικὸν πέλαγος. (glose) Σαρωνικὸν δὲ πέλαγος. Σαρδώ· (glose) νῆσος ἐστι μεγίστη ἡ Σαρδὼ πρὸς τῇ Ἰταλίᾳ· ἐν ἧ γίνονται πορφύραι διάφοροι καὶ ὀξύταται. καὶ παροιμία· βάμμα Σαρδιανικόν, ἀντὶ τοῦἐρυθρόν, φοινικοῦν. Σαρδῷον. xiie siècle – Jean Tzétzès (schol. Lycophr. v. 794) Σαρδονικῆς ὁ Τζέτζης τὸ δο μικρὸν γράφει καὶ λέγει μακρὸν εἶναι ὡς ἐκτεινομένου ὑπὸ τοῦ ν ἀμεταβόλου λέγει γράφεσθαι. μέγα γὰρ οὐδ’ ὅλως τοῦτο

661 δέχεται οὐδὲ τοὺς Ἀττικούς φησι τὰ τοιαῦτα ἐκτείνειν, ἀλλὰ τὰ διὰ τοῦ ωτης οἷον οἰνοπώτης / οἰνοπότης αἱματοπώτης / αἱματοπότης καὶ τὰ ὅμοια καὶ τὰ τελευταῖα μέρη τῶν λόγων οἷον δύο / δύω, ἄπο / ἄπω, δεῦρο / δεύρω καὶ ὅσα εἰσὶ τελευταῖα τῶν ὀκτὼ μερῶν. Σαρδωνικῆς· s Σάρδος νῆσος πρὸς ταῖς Ἡρακλείαις στήλαις (633). ss3s4 ταύτης ἄποικοι καὶ οἱ Καρχηδόνιοι †T ἐν ᾗ νήσῳ Σαρδοῖ βοτάνη γίνεται ὁμοία σελίνῳ ἧς οἱ γευόμενοι σπασμῷ κατεχόμενοι ἀκουσίως γελῶσι καὶ οὕτως τελευτῶσι. Τίμαιος δέ φησιν· ἐκεῖ τοὺς ὑπὲρ οʹ ἔτη γεγονότας γονεῖς αὐτῶν θύουσι τῷ Κρόνῳ γελῶντες καὶ τύπτοντες ξύλοις καὶ πρὸς ἀχανεῖς κρημνοὺς †T κατωθοῦντες, ὅθεν *ὁ* Σαρδόνιος γέλως ἐλέχθη. ἄλλοι δέ φασιν ὅτι ἐκεῖνοι οἱ θνήσκοντες γέροντες μειδιῶσιν ἀκουσίως πρὸς τὴν ὑπὸ τῶν παίδων αὐτῶν ἀφορῶντες ἀπάνθρωπον τελευτήν, ὅθεν ἡ παροιμία. ἐκείνης γοῦν τῆς νήσου τῆς Σαρδοῦς πλησίον ἐστὶν ἡ Τυρσηνία, ὅπου ἦν ἡ Κίρκη ἥτις περιέθετο κέντρον τρυγόνος τῷ δόρατι τοῦ παιδὸς αὐτῆς Τηλεγόνου. ἡ δὲ Κίρκη Τυρσηνική· οὐ μακρὰν δὲ διέστηκεν ἡ νῆσος αὕτη τῆς Τυρσηνίας. δὲ τοῦ ἰχθύος τουτέστι τῆς τρυγόνος· τῷ γὰρ κέντρῳ αὐτῆς χρώμενος ἀντὶ δόρατος ὁ Τηλέγονος ἀνεῖλε τὸν πατέρα Ὀδυσσέα, ὡς καὶ Ὀππιανὸς ἐν Ἁλιευτικοῖς ss3 περὶ αὐτοῦ φησιν. s3 xiie  siècle – Eustathe de Thessalonique (Com. Dion. 82-83, 157 et 458) ὅτι οὐ μόνον Σαρδώ ἡ νῆσος, ὡς τὸ Σαπφώ, ἀλλὰ καὶ Σαρδών Σαρδόνος, ὡς τρυγόνος, ἐξ ἧς ὁ Σαρδόνιος κόλπος, ὁ μετὰ τὴν Κύρνον. περὶ δὲ Σαρδόνος καὶ Κύρνου ἐν ἰδίῳ τόπῳ ῥηθήσεται. φαίνεται δὲ μετὰ τὸ Λιγυστικὸν εἶναι καὶ Κύρνιον πέλαγος, τὸ περὶ τὴν Κύρνον νῆσον· ἐνδοτέρω δὲ τούτου τὸ Σαρδόνιον. ὅτι μετὰ τὸν Σαρδόνιον κόλπον θάλασσα πρὸς νότον ἡ Τυρρηνὶς, καλουμένη οὕτως, διότι παράκεινται αὐτῇ πρὸς βορρᾶν οἱ Τυρρηνοὶ, καθάπερ οἱ Γαλάται τῇ Γαλατικῇ, καὶ οἱ Λίγυες τῇ Λιγυστικῇ, καὶ διὰ τὸ τοὺς Τυρρηνοὺς πειράτας ποτὲ γενομένους αὐτόθι συνιστᾶν τὰ λῃστήρια· ἐκεῖθεν δὲ πρὸς ἡλίου, φησὶν, αὐγὰς κυρτὸς ἐπιστρέφεται ὁ Σικελικὸς ῥόος, μέχρι τοῦ τε Παχύνου, ἀνατολικοῦ ἀκρωτηρίου Σικελικοῦ, καὶ τοῦ κατὰ Κρήτην Κριοῦ μετώπου. (…) (…) οὕτω τὴν Ἀλεξάνδρειαν εἰκάζουσι χλαμύδι στρατιωτικῇ, τὴν Ἰταλίαν κισσῷ, τὴν Ἰβηρίαν βύρσῃ βοὸς, τὴν Νάξον ἀμπέλου φύλλῳ, τὴν τοῦ Πέλοπος πλατάνου πετάλῳ, τὴν Σαρδὼ ἴχνει ἀνθρώπου, τὴν Κύπρον δορᾷ προβάτου, τὴν Λιβύην τραπεζίῳ σχήματι, καὶ ἄλλα δὲ ἄλλως εἰκάζουσιν οἱ παλαιοί. (…) (…) ἡ δὲ Σαρδὼ, καθὼς καὶ ἐν ἄλλοις προεγράφη, ἐκφέρεται καὶ διὰ τοῦ Σαρδών. φησὶ γοῦν ὁ Γεωγράφος· « διέχει

662 Σαρδόνος ἡ Κύρνος, ἡ καὶ Κορσίκα ὑπὸ Ῥωμαίων λεγομένη, σταδίους ξʹ. τραχεῖα δέ ἐστι, φησὶ, καὶ οἰκεῖται φαύλως. καὶ οἱ κατέχοντες αὐτὴν θηρίων εἰσὶν ἀγριώτεροι, καὶ οὕτω βοσκηματώδεις, ὥστε καὶ ἀνδραποδισθέντες ἢ οὐκ ἀνέχονται ζῆν ἢ ζῶντες ἀπαθείᾳ καὶ ἀναισθησίᾳ τοὺς ἔχοντας ἐπιτρίβουσι, καὶ οἱ αὐτοὺς κτώμενοι δεσπόται εἰ καὶ τὸ τυχὸν τίμημα καταβάλλουσιν ὑπὲρ αὐτῶν, ὅμως μεταμέλει αὐτοῖς ὕστερον ». ἐκλήθη δὲ Σαρδὼν ἀπὸ Σαρδόνος υἱοῦ Ἡρακλέος· ὠνομάσθη δέ ποτε καὶ Ἰχνοῦσα, ἐπεὶ ἴχνει ἀνθρώπου ἐστὶν ὁμοία τὸ σχῆμα. ὠκίσθη δέ ποτε καὶ ὑπὸ Ἰβήρων, εἶτα ὑπὸ Ἡρακλειδῶν, μετοικίσαντος Ἡρακλέος ἐκεῖ τούς τε Θεσπιάδας καί τινας τῶν Καδμείων καὶ τῶν Λοκρῶν. εἶτα ᾠκίσθη καὶ ὑπὸ Καρχηδονίων. ἀπὸ δὲ ταύτης τῆς Σαρδόνος καὶ ὁ παροιμιώδης λέγεται κατά τινας Σαρδόνιος ἢ Σαρδάνιος γέλως, περὶ οὗ ἐν τῇ Ὀδυσσείᾳ γέγραπται.

Commentaire La notice provient du lexique-source. [A] |1-2| L’île de Sardaigne est mentionnée sous cette

forme par de très nombreux auteurs  :  Plutarque (Tib. Gai. Grac. 22.4), Hérodote (1.170, 5.106, 5.124, 6.2), Aristophane (Vesp., v. 700), Diodore de Sicile (4.29.1, 4.82.4, 5.15.1, 5.16.1, 5.17.1, 11.20.4, 14.77.6, 14.95.1), le pseudo-Scylax (7 et 114), le pseudo-Scymnos (v. 168 et 223), Denys le Périégète (v. 458), Aristote (Phys., 218b), le pseudo-Aristote (Mirab. ausc. 838b, 100 Giannini ; De Mundo 393a), Agathémère (5, 9, 16 et 20), Strabon (2.5.19, 3.2.7, 5.2.5, 6 et 8, 14.2.10, 17.1.19, 17.3.25), Ptolémée (Geogr. 3.2.1, 3.3.1 et 8, 7.5.11, 8.9.1 et 3, 8.29.7), Dion Cassius (11.43.22 ; 12.46.1 ; 17.57.69 ; 36.41.1  ; 38.38.2  ; 41.18.1  ; 42.56.3  ; 43.14.2, 28.1  ; 46.55.4, 48.2.1, 28.4, 30.7, 31.1, 36.5, 45.5  ; 50.6.4  ; 53.12.4 ; 55.28.1 ; 75.16.2), Pausanias (1.29.5, 4.23.5, 7.2.2, 7.17.3, 10.17.1-6, 10.17.8-11 et 13, 9.23.1), Flavius Josèphe (Ant. Jud. 18.84), Callimaque (Del. hymn. 4, v.  21), Pollux (Onom. 5.26), Polybe (1.2.6, 1.79.6, 34.8.3), Élien (De nat. animal. 16.34), le pseudo-Apollodore (Bibl. 2.150), Appien (Prooem. 5.17  ; Lib. 6-7, 22, 70, 407 ; Bell. civ. 1.13.107 ; 2.6.40-41, 7.48, 8.54  ; 4.1.2  ; 5.3.24, 6.56, 7.66, 8.67, 70 et 72, 9.78), Philostrate (Vita Apoll. 7.12), Marcien (Per. ext. 1.8) et des auteurs du Bas-Empire ( Julien, Sozomène) et byzantins (Procope, Théophane le confesseur, …). Polybe, Diodore de Sicile, Appien et Plutarque la déclinent également Σαρδώ Σαρδόνος.

196 – ΣΑΡΔΩ/SARDÔ [Λ] |3| Cette information avec la forme Ichnoussa se retrouve de manière similaire chez Pausanias (10.17.2) lorsqu’il rapporte l’histoire de la Sicile en lien avec leurs offrandes à Delphes. Ce type d’étymologie est typique d’un auteur comme Timée, souvent transmis par Artémidore. Il semble que ce dernier constitue le point commun entre la notice de l’Épitomé et Pausanias. [D]  |4|  La forme de l’ethnique se trouve chez Polybe

(1.79.5, 1.88.10) et Dion Cassius (version en 1 volume, p. 177-178 et 183, 15). La même forme lexicale sert à définir la mer de Sardaigne, Σαρδόνιον πέλαγος, chez Apollonios de Rhodes (4.633), Hérodote (1.166), Diodore de Sicile (5.39.8), Strabon (1.3.9) et Polybe (1.10.5, 3.37.8, 3.41.7).

[E]  :  On trouve Sardonia pour désigner la Sardaigne chez Diodore de Sicile (15.27.4) La forme Sardôoi est également utilisée pour l’ethnique. On trouve une forme dérivée avec Σαρδῷον πέλαγος ou Σαρδῴος κόλπος : pseudo-Scymnos (v.  196), Strabon (1.3.4, 3.2.5, 5.2.1), Ptolémée (Geogr. 3.3.1, 4.2.1, 8.9.2, 8.13.2) et Polybe (1.42.7, 2.14.6 et 9, 3.47.2). Élien (De nat. animal. 15.2) signale le détroit entre la Corse et la Sardaigne (περὶ τὸν Κύρνειόν τε καὶ Σαρδῷον πορθμόν). On trouve également, chez Pollux (Onomat. 6.48), la mention d’une salaison sarde : ταρίχη Σαρδῷα

|5|  La forme Sardonikos se retrouve chez Hérodote (2.105) et Pollux (Onomat. 5.26, 7.77)

Localisation et archéologie Dès la plus haute Antiquité, la Sardaigne est une île importante qui sert de point de relais du commerce méditerranéen. Les Phéniciens installent quelques villes côtières dans le sud et l’ouest de l’île dès la fin du xe siècle av. J.-C. À partir de là, ils commencèrent à s’étendre à l’intérieur de l’île, à laquelle ils donnent son nom (Shardan, nom d’origine sémitique). Au milieu du vie siècle av. J.-C., les Carthaginois tentent de prendre possession de l’île mais se heurtent à la résistance du peuple nuragique qui l’habite. Vingt ans plus tard, toute l’île est conquise à l’exception de la partie montagneuse à l’est. La possession de l’île par les Carthaginois trouve confirmation dans les traités passés avec les Romains interdisant à ces derniers d’accoster sur l’île. Les Romains prennent pied sur l’île d’abord en 259-258 av. J.-C., lors de la Première guerre punique. L’île est à nouveau pillée dix ans plus tard. Après la défaite carthaginoise, les mercenaires au service de Carthage se révoltent

197 – ΣεγΙδH/SEGIDÊ [Λ]

663

et demandent l’aide des Romains. Ceux-ci déclarent à nouveau la guerre ; elle est alors cédée, avec la Corse, en 229 av. J.-C. Toutefois plusieurs soulèvements ont lieu, le premier en 215 av. J.-C à l’initiative des Carthaginois, désireux de reprendre le contrôle de l’île à l’occasion de la Deuxième guerre punique. La dernière révolte intervient en 31 av. J.-C. Couplée avec la Corse, l’île devient province sénatoriale en 27 av. J.-C puis province impériale vers 66 ap. J.-C. afin de mieux la défendre face au brigandage.

Chronologie des mentions v e  s. av.  :  Hérodote, Σαρδώ, Σαρδόνιον πέλαγος  ; Aristophane, Σαρδώ – ive  s. av.  :  Aristote, Σαρδώ – iiie s. av. : Callimaque, Σαρδώ ; Apollonios de Rhodes, Σαρδόνιον πέλαγος – iie s. av. : Polybe, Σαρδώ, Σαρδόνιοι,

Σαρδῷον πέλαγος, Σαρδόνιον πέλαγος  ; pseudo-Scymnos, Σαρδώ, Σαρδῷον πέλαγος – ier s. av.  :  Diodore de Sicile, Σαρδώ – ier  s.  :  Strabon, Σαρδώ, Σαρδῷον πέλαγος, Σαρδόνιον πέλαγος ; Flavius Josèphe, Σαρδώ – iie  s.  :  Plutarque, Σαρδώ  ; Appien, Σαρδώ  ; Ptolémée, Σαρδώ, Σαρδῷον πέλαγος  ; Pausanias, Σαρδώ – iiie s. : Élien, Σαρδώ ; Dion Cassius, Σαρδώ, Σαρδόνιοι ; Philostrate Σαρδώ – ive  s.  :  Julien, Σαρδώ  ; Marcien, Σαρδώ – ve s. : Sozomène, Σαρδώ.

Bibliographie indicative RE I, A2 (1920), col.  2480-2496 (s.v.  Sardinia) Stein ; Smith 1854 (s.v. Sardinia) ; Rowland 1981 ; Bernardi 2004 ; Zehnacker 2004, p. 182-183. Barrington Atlas : 101 H4 (Sardinia) ; http://pleiades.stoa.org/places/991344

197 – ΣεγΙδH/SEGIDÊ [Λ]

Ville – Hispanie (Tarraconaise) (σ 94 Billerbeck)            Juba ? Artémidore ? Strabon ? Livre 47 ? – Troisième abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 9,8 % – taux théorique : 12 %). Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé et traduction Σεγίδη(a)· πόλις κελτιβήρων. τὸ ἐθνικὸν σεγιδαῖος. a)  Σεγίδη RQ PN  :  Σεγήδη Q Billerbeck. b)  σεγιδαῖος QPNpc : σεγεδαῖος Nac, σεγιδαι R, Σεγηδαῖος Neumann-Hartmann Billerbeck. pc

ac

Σεγίδη· [A] |1| πόλις Κελτιβήρων [Juba ? Artémidore ? Strabon ?]. [D] |2| τὸ ἐθνικὸν Σεγιδαῖος [Juba ?].

Segidê : [A] |1| ville des Celtibères. [D] |2| L’ethnique se dit Segidaios.

Commentaire La notice provient probablement du lexique-source mais elle est réduite à la version la plus résumée. [A] |1| Cette ville se trouve chez Strabon (3.4.13) qui la

rattache également aux Celtibères. Il l’écrit Σεγήδα tandis qu’Appien (Iber. 180) emploie Σεγήδη. Parmi les auteurs que nous avons conservés, Ptolémée (Geogr. 2.4.9-10) est le seul à mentionner cette ville sous le nom de Σεγίδα.

Diodore de Sicile (31.39) l’appelle Βεγέδα. Peut-être la notice est-elle issue de l’œuvre de Juba ; elle est assez similaire à celle d’Arbakê [26] et se rattache comme elle à l’espace géographique des Celtibères. Toutefois, la mention ici du peuple des Celtibères et non de la Celtibérie apparente cette notice à celle d’Hêmeroskopeion [92] qui trouve peut-être sa détermination géographique dans le lexique d’Artémidore ; mais la forme de l’ethnique n’est pas compatible avec ce géographe. [D] |2| L’ethnique n’est pas connu par ailleurs, et Strabon

ne l’indique pas ; c’est pourquoi nous proposerons d’y voir une mention de Juba, dont la forme de l’ethnique est identique à celle d’Arbakê. Toutefois, Appien (Iber. 184185) utilise la forme Segêdaioi, très proche.

Localisation et archéologie Il existe deux villes de ce nom. La première (Segida Augurina), correspond à l’actuelle La Saetilla (Palma del Río) ; la seconde (Segida Restituta Iulia) est peut-être la moderne Salvatierra de los Barros, à l’ouest de Zafra (Zehnacker 2004, p. 98 et 106).

664 D’après THA IIB (p. 974), la ville de Segida correpondant à notre notice se trouve à Ejea de los Caballeros (province de Saragosse). Cette ville est au centre de la guerre des Celtibères contre les Romains. Située à l’origine à Poyo de Mara (province de Saragosse), elle est reconstruite après sa destruction en 153 av.  J.-C. à Durón de Belmonte de Gracián. Cette ville (appelée Segida II) est à son tour détruite durant la guerre de Sertorius. L’oppidum n’apparaît dans les textes qu’à partir de la guerre contre les Celtibères ; mais Appien (Iber. 180) indique qu’il était déjà inclus dans les traités des Gracques en 179 av. J.-C. L’oppidum de Segida I couvre une surface d’environ 5 ha à l’origine (début du iie siècle av. J.-C. ?) mais fait l’objet ensuite d’une extension jusqu’à atteindre 17 ha. Les fouilles archéologiques ont permis de dégager une partie de l’habitat et la muraille, probablement construite en 154 av. J.-C. en violation du traité de 179 av. J.-C. et qui est à l’origine de la guerre contre les Romains (Appien Iber. 181-182). Si l’on en croit Appien, la muraille avait un périmètre de 40 stades, soit 7,4 km de long ; or, cela correspondrait à une ville de 300 ha, ce qui est évidemment impossible (Burillo Mozota 2006, p.  165). Durant cette période apparaissent les premières frappes monétaires de Segida, dont la légende est sekeida, cet atelier étant un des rares à avoir émis des deniers (Burillo Mozota 2006, p. 161-162). La reconstruction de la cité (Segida II) se fait sur un modèle italique plus affirmé  ; plusieurs panneaux de mosaïque ou d’opus signinum ont été retrouvés au xixe et au xxe siècle. S’ils témoignent d’une romanisation plus importante, la ville n’est pas pour autant occupée par des Romains (Burillo Mozota 2006, p.  166).

197 – ΣεγΙδH/SEGIDÊ [Λ] L’atelier monétaire continue ses frappes, toujours sous légende ibérique ; la quantité importante de monnaies liées à Segida II s’explique probablement par la nécessité de financer la reconstruction de la ville. Les émissions cesseront à partir de Sertorius, qui met en place un atelier mobile (deniers à la légende bolsken). La cité est détruite lors de la guerre contre Sertorius et ne sera pas reconstruite au même emplacement d’où la différence de localisation avec la Segida Augurina du Haut-Empire. On peut se demander si les autres cités du même nom, connues chez les Turdetani, les Turduli et les Celtici, ne sont pas la trace d’un essaimage de la population d’origine, peut-être comme main d’œuvre pour les mines ouvertes par les Romains (Burillo Mozota 2006, p. 167-168).

Chronologie des mentions ier s. av. : Diodore de Sicile, Βεγέδα – ier s. : Juba ?, Σεγίδη, Σεγιδαῖος  ; Strabon, Σεγήδα  ; Pline l’Ancien, Segida Augurina – iie s. : Florus, Segidenses ; Appien, Σεγήδη, Σεγηδαῖοι ; Ptolémée, Σεγίδα.

Bibliographie indicative RE II A, 1 (1921), col.  1073 (s.v.  Segida) Schulten  ; Smith 1854 (s.v. Segida 1) ; THA IIB 142by ; Tovar 1989, p.  413  ; González Blanco 1991, p.  29, 35  ; Zehnacker 2004, p.  98 et 106  ; Burillo Mozota 2006. Barrington Atlas : 26 E4 (Segida) ; http://pleiades.stoa.org/places/256440

198 – ΣηκοανAς/SÊKOANAS [Λ]

665

198 – ΣηκοανAς/SÊKOANAS [Λ]

Fleuve et peuple – Gaule (Belgique ?) (σ 116 Billerbeck)            Artémidore (+ Strabon ?) Livre 48 ? – Troisième abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 11 % – taux théorique : 12 %). Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé et traduction (en grisé, forme erronée restituée du manu­scrit archétype disparu, corrigée dans la notice normalisée)

Σηκοάνος(a)· ποταμὸς(b) μασσαλιωτῶν. ἀφ’ οὗ τὸ ἐθνικὸν σηκόανοι(c), ὡς ἀρτεμίδωρος ἐν α΄. a)  Σηκοάνας Bouiron  :  Σηκοανός Billerbeck, Meineke, Σηκόανος PN, Σηκοάν Q, Σικόανος R. b)  ποταμὸς RPpcN  : πόλις QPac. c) Σηκόανοι QPN : Σηκοανοί Meineke, Σικόανοι R. a – Erreur de copie probablement lors du troisième abrégé. b – Erreur de lecture d’abréviation de certains manu­scrits.

Σηκοάνας· [A] |1| ποταμὸς Μασσαλιωτῶν [Strabon ?]. [D] |2| ἀφ’ οὗ τὸ ἐθνικὸν Σηκόανοι, ὡς Ἀρτεμίδωρος ἐν α΄ [F 6 Stiehle].

Sêkoanas :  [A] |1| fleuve des Massaliètes. [D] |2| D’où l’ethnique Sêkoanoi, selon Artémidore, dans le 1er livre.

Lexiques et commentaires grecs et byzantins xiiie siècle – Lexique du pseudo-Zonaras (1638.5) Σηκουάνοι καὶ Σηκολάκιοι· ἔθνη.

Commentaire La notice provient probablement du lexique-source. [A] |1| Nous restituons ici le nom de Sêkoanas plutôt que

Sêkoanos, car c’est la forme du nom constamment utilisée par les auteurs grecs. Il s’agit probablement d’une erreur de lecture lors d’une des phases de l’abréviation, mais on gardera en tête la possibilité d’une erreur de copie peutêtre ancienne, remontant au lexique-source, qui n’est pas sans rappeler Rhodanousia [184] lu Rhadanousia [182]. Du fait de l’indication du livre I d’Artémidore, on a souvent voulu voir en Sêkoanas une des πόλεις Μασσαλίας d’Artémidore. Or, sans correction, on a bien ici ποταμὸς Μασσαλιωτῶν dans les manu­scrits. Le sens n’est pas le même : dans un cas nous avons la mention d’un territoire dépendant de Marseille ; dans l’autre la mention des habitants de la seule cité de Marseille. Par ailleurs, la correction de πόλις en ποταμὸς, proposée depuis

longtemps (Carcopino 1957, p.  346) ne semble pas nécessaire ici. Nous ne suivrons pas la démonstration de J. Carcopino (Carcopino 1957, p. 347-348) qui propose de remplacer πόλις par πόρος signifiant chemin ou cours (d’un fleuve) selon le lexique d’Hesychius et qu’il traduit donc par « voie de transit » (des Marseillais). Quant à la signification exacte, l’état extrême de réduction du troisième abrégé altère la compréhension de la notice. Il y a vraisemblablement ici un raccourci entre plusieurs informations ; il ne faut donc pas prendre à la lettre une possession du fleuve par les Marseillais mais très probablement en faire un lieu sous le contrôle ou servant aux habitants (commerçants ?) de Marseille (ce qui est finalement proche de la traduction que propose J. Carcopino). Il est donc vraisemblable qu’il s’agisse du fleuve Sêkoanas, dont la mention pourrait être issue d’Artémidore, comme pour l’ethnique qui suit. Toutefois, il n’est pas certain que l’indication géographique relève de cet auteur. On attendrait en effet plus tôt la forme Μασσαλιητῶν. Peutêtre était-ce Strabon qui servait de source ici ou qui en tout cas était également cité, le dernier abréviateur ayant tendance à télescoper les informations (voir notice Sallues [190]). La manière d’introduire l’ethnique rappelle ce que l’on observe dans l’Épitomé lorsqu’il s’agit pour Stéphane de Byzance d’inclure le nom d’un fleuve à la suite d’un toponyme servant de lemme, avec l’emploi de ἀφ’ οὗ. Le fleuve est cité par les sources principales de Stéphane de Byzance que sont Strabon (4.1.14, 4.3.2-5, 4.4.1, 4.5.2) et Marcien (Per. ext. 2.24-27, 30), ainsi que par Ptolémée (Geogr. 2.8.2-3, 5 et 7-10, 2.9.1, 4 et 6) et l’Anon. Geogr. Expositio Comp.  (30), sous la forme ὁ Σηκοάνας. [D] |2| Le nom du peuple des Séquanes provient d’Ar-

témidore. Strabon (4.1.11, 4.3.2 et 4, 4.6.8 et 11) et Ptolémée (Geogr. 2.9.10) mentionnent également ce peuple situé près de la Saône (οἱ Σηκοανοί). Le rattache-

666 ment au livre I semble impliquer que celui-ci concernait une partie de la Gaule centrale, probablement celle en lien avec le Rhône et son réseau hydrographique, servant au commerce des Marseillais. Le livre III devait, lui, décrire la partie atlantique de la Gaule celtique.

Localisation et archéologie Il s’agit de la Seine. Elle est une des voies principales de commerce entre les îles Britanniques et la Gaule méditerranéenne et les Marseillais. Sa source était l’objet d’un lieu de culte très important, dont les vestiges ont été fouillés à plusieurs reprises entre 1836 et 1953 (Vernou 2011). Ce sanctuaire des Lingons comprenait un captage de la source alimentant deux bassins servant aux ablutions des pélerins. Plus de 300 ex-voto en bois ont été découverts à peu de distance du sanctuaire par S. Deyts en 1963 et 1966-1967 (Deyts 1983), ainsi que deux statues en bronze représentant la déesse Sequana, symbole de la Seine, découvertes en 1933 en même temps qu’un faune. Ce lieu de culte se trouve sur l’actuelle commune de Source-Seine, créée en 2009 de la fusion des communes de Saint-Germain-Source-Seine et de Blessey, à une quarantaine de kilomètres au nord de Dijon et à une altitude de 446 m NGF. Le peuple des Séquanes est bien connu par les mentions de Jules César au moment de la Guerre des Gaules ; leur capitale est Vesontio (actuelle Besançon). Disposant d’un vaste territoire entre Saône, Jura et Vosges, ils cherchent à prendre la prééminence sur les Éduens, après avoir été les alliés des Arvernes. À cette époque, ils sont les « amis » de Rome puisque c’est chez eux que Jules César fait hiverner ses troupes après avoir battu les Helvètes, leurs voisins à l’est du Jura qui voulaient passer par leur territoire pour émigrer vers l’ouest de la Gaule. Cette situation est probablement ancienne car un demi-siècle plus tôt ils avaient déjà livré à Marius les chefs Teutons qui

198 – ΣηκοανAς/SÊKOANAS [Λ] s’étaient enfuis dans les Alpes après la défaite de la plaine d’Aix-en-Provence (Plutarque Mari. 25). Nous sommes ici à peine quelques années après le passage d’Artémidore. On peut supposer qu’ils étaient également les alliés des Marseillais anciennement et que c’est par leur intermédiaire que les Romains sont entrés en contact avec eux. Il semble que leur territoire a d’abord fait partie de la Gaule belgique (mais ce n’est pas certain) puis de façon assurée de la Germanie supérieure lorsque le district puis la province du même nom sont créés sous Domitien, entre 82 et 90 de notre ère. À partir de Dioclétien, la partie méridionale de la Germanie supérieure, à laquelle est adointe l’Helvétie, constitue la Provincia Maxima Sequanorum.

Chronologie des mentions iie  s. av.  :  Artémidore, Σηκοάνας, Σηκοανοί – ier s. av.  :  Jules César, Sequani – ier  s.  :  Strabon, Σηκοάνας, Σηκοανοί ; Pomponius Mela, Sequana ; Pline l’Ancien, Sequani – iie  s.  :  Plutarque, Σηκουανοὶ  ; Ptolémée, Σηκοάνας, Σηκοανοί – iiie s. : Dion Cassius, Σηκουανοὶ.

Bibliographie indicative RE II, A2 (1923), col.  1629-1639 (s.v.  Sequana), col.  1639-1658 (s.v.  Sequani) Keune  ; Smith 1854 (s.v. Sequana) ; Brunel 1945, p. 128-129 ; Carcopino 1957  ; Deyts 1983  ; Barruol 1969, p.  224 n. 1  ; Vernou 2011 ; Fichtl 2012, p. 197-203. Barrington Atlas : 11 B3 (Sequana fl.) ; http://pleiades.stoa.org/places/109341 Barrington Atlas : 17 E1 (Sequani) ; http://pleiades.stoa.org/places/167922

199 – ΣΗνη/SÊNÊ [Λ]

667

199 – ΣΗνη/SÊNÊ [Λ]

Ville (hors cadre d’étude) (σ 119 Billerbeck)            Polybe ? Artémidore ? Apollodore ? Livre 48 ? – Troisième abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 11 % – taux théorique : 12 %). Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé et traduction Σήνη·

Chez Pomponius Mela (3.48), Sena désigne l’île de Sein en Bretagne mais il semble très peu vraisemblable de rattacher la notice de Stéphane de Byzance à cette île.

[A] |1| πόλις κελτική [Polybe ? Artémidore ?].

[D] |2| La mention des habitants de la ville, sous la forme

Σήνη· πόλις κελτική. ὁ πολίτης σηναῖος καὶ σήνων.

Lexiques et commentaires grecs et byzantins

Sênaios, n’apparaît pas chez Polybe ; elle peut éventuellement provenir des Chroniques d’Apollodore, car il s’agit de la première colonie romaine ce qui pourrait justifier son évocation chez cet auteur. Elle était complétée dans les Ethniques par la mention du peuple des Senones, au singulier ici (Senôn), que l’on trouve également chez Polybe (2.17.8, 2.19.11, 2.20.1, 2.21.7).

xe siècle – Souda (σ 328 Adler) Σήνωνες· οἱ Κελτοί, οἱ λεγόμενοι Γερμανοί.

Localisation et archéologie

[D]  |2|  ὁ πολίτης Σηναῖος [Apollodore  ?]  καὶ Σήνων

[Polybe ?].

Sênê :  [A] |1| ville celtique. [D] |2| Le citoyen est appelé Sênaios ou Sênôn.

Commentaire La notice semble issue du lexique-source ; elle est située dans la partie la plus abrégée de l’Épitomé. [A]   |1|  La ville celtique est mentionnée par Polybe (2.14.11, 2.16.5). Dans toute sa description des invasions gauloises en Italie (voir en particulier le § 2.17), Polybe parle de Keltoi ; lorsqu’il évoque ensuite la guerre des Gaulois alliés aux Étrusques contre Rome, ce sont des Galatai. Les autres peuples celtes d’Italie font aussi l’objet de notices dans l’Épitomé : les Insubres (Insobares [107]), les Boïens (Boioi [52]) et les Sénons, que l’on retrouve dans la suite de la notice. Si l’on compare avec la notice Atria [34] on peut aussi proposer Artémidore.

Il s’agit d’une ville des Senones, peuple celtique localisé en Italie à partir du ive siècle av. J.-C., implanté le long de l’Adriatique (dans la partie correspondant à l’actuelle province des Marches) et battu par les Romains en 295 av. J.-C. à la bataille de Sentinum. La ville, appelée dans l’Antiquité Sena Gallica, porte de nos jours le nom de Senigallia. Elle est mentionnée, sous la forme Sêna, par Strabon (5.2.10  ; 6.3.10), Appien (Annib. 223  ; Bell. civ. 1.10.88) et Ptolémée (Geogr. 3.1.19), ce dernier la qualifiant de gallika.

Le peuple des Sénons en Gaule occupait l’espace correspondant à nos actuels départements de l’Yonne et de la Seine-et-Marne, mais il est peu vraisemblable qu’il ait été mentionné ici. Il s’agit de la ville celtique d’Italie du Nord, et du peuple celtique de Cisalpine les Sénons, hors du cadre de notre étude.

Chronologie des mentions ii e  s. av.  :  Polybe ?, Σήνη, Σήνων  ; Apollodore ?, Σηναῖος ; Artémidore ?, Σήνη – ier s. : Strabon, Σήνα – iie s. : Appien, Σήνα ; Ptolémée, Σήνα.

Bibliographie indicative RE II, A2 (1923), col. 1450-1451 (s.v. Sena 1) Philipp ; Smith 1854 (s.v. Sena) ; Peyre 1979, p. 36-37. Barrington Atlas : 42 E1 (Sena Gallica) ; http://pleiades.stoa.org/places/413310

668

200 – ΣικΑνη/SIKANÊ [E]

200 – ΣικΑνη/SIKANÊ [E]

Ville – Hispanie (Tarraconaise) (σ 153 Billerbeck)            Hécatée Livre 48 ? – Troisième abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 11 % – taux théorique : 12 %). Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé et traduction Σικάνη· πόλις ἰβηρίας, ὡς ἑκαταῖος εὐρώπῃ. τὸ ἐθνικὸν σικάνιος. Σικάνη· [A] |1| πόλις Ἰβηρίας, ὡς Ἑκαταῖος Εὐρώπῃ [FGrHist 1 F 45]. [D] |2| τὸ ἐθνικὸν Σικάνιος [Hécatée ?].

Sikanê :  [A] |1| ville d’Ibérie, selon Hécatée (Europe). [D] |2| L’ethnique se dit Sikanios.

Commentaire La notice provient du lexique d’Hécatée. [A]   |1|  Cette ville ibérique ne nous est connue que

par Hécatée. D’autres auteurs (Aristote, Pausanias) mentionnent une région de Sicile du même nom, qui concerne la notice suivante dans l’Épitomé (σ 154). La notice Sikania (cf. fiche [201]) signale le fleuve Sikanos qui peut avoir été cité également par Hécatée.

[D] |2| La mention de l’ethnique est unique ; il faut très vraisemblablement l’attribuer à Hécatée.

Localisation et archéologie La ville est signalée également par Aviénus (Ora marit. v. 479-481) ; elle est située à côté du fleuve portant le même nom (voir Sikanos [201]), que l’on assimile au Júcar (appelé Sucro par les Romains). Selon A. Tovar, il s’agirait de la forme ancienne de la ville de Sucro que la plupart des auteurs localise sous l’actuelle Cullera (province de Valencia) (Tovar 1989, p. 212-213), tandis que d’autres proposent un emplacement non défini près de la côte ou sous l’actuelle Sueca, immédiatement plus à l’ouest (Chofre Navarrete 2002, p. 40-41). La localisation ne peut se faire qu’avec l’appui du texte d’Aviénus, qui fournit des points de repère bien documentés entre Hêmeroskopeion (actuelle Dénia, voir fiche [92]) et la ville de Tyris et son fleuve Tyrius (actuel Turia). Le Júcar est effectivement le seul fleuve dans cette zone. Comme le rappelle M. Chofre Navarrete, les conditions particulières de la montagne de Cullera (dont le nom

remonte à la période musulmane) correspond bien aux conditions d’implantation d’une ville à l’époque archaïque (Chofre Navarrete 2002, p. 43) : une montagne élevée, à partir de laquelle le regard porte à des kilomètres de distance, l’embouchure d’un grand fleuve permettant une irrigation facile pour la culture et servant de voie de communication vers l’intérieur des terres, et un bord de mer autorisant l’accostage de navires pour le commerce. Selon M. Chofre Navarrete, l’oppidum ibérique était positionné sur la Montaña de los Zorros de Cullera (L’Alt del Fort) (Chofre Navarrete 2002, p. 136). Cette ville était en ruine à l’époque de Pline l’Ancien (3.20  :  Sucro fluvius et quondam oppidum). Cette installation est supplantée ensuite par la création de Sucro, lieu de station d’une garnison composée de soldats présents en Espagne avant 211 av. J.-C., et qui se mutine en 206 av. J.-C. à l’époque de Scipion l’Africain (Tite-Live 28.24.26-27 et 29, 28.29.20). Cette seconde implantation était située, toujours selon M. Chofre Navarrete (Chofre Navarrete 2002, p. 153), beaucoup plus à l’intérieur des terres, sous l’actuelle Albalat de la Ribera (L’Alteret de la Vintihuitena). Elle positionne le portus Sucrone des itinéraires tardifs sur l’Illa dels Pensaments, dans le Faro de Cullera. L’ensemble reste toutefois à confirmer par l’archéologie.

Chronologie des mentions vie s. av. : Hécatée, Σικάνη, Σικάνιος – ive s. av. : [Aviénus, Ora maritima], Sicana – ier s. av.  :  Salluste, Sucro  ; Cicéron, Sucronensis – ier s. : Tite-Live, Sucro ; Strabon, Σούκρων ; Valère Maxime, Sucronensis ; Sénèque, Sucro ; Pline l’Ancien, Sucro – iie  s.  :  Plutarque, Σούκρων  ; Florus, Sucro ; Appien, Σούκρων – iiie s. : Dion Cassius, Σούκρων.

Bibliographie indicative RE II A, 2 (1923), col.  2459-2460 (s.v.  Sikaner) Schulten  ; THA  II A 23j  ; IIB 142ca  ; Jacob 1988, p. 195 ; González Blanco 1991, p. 29, 35 ; Chofre Navarrete 2002 ; Braun 2004, p. 311.

201 – ΣικανΟΣ/SIKANOS [Λ]

669

201 – ΣικανΟΣ/SIKANOS [Λ]

Fleuve – Hispanie (Tarraconaise) (σ 154 Billerbeck)            II-Apollodore Livre 48 ? – Troisième abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 11 % – taux théorique : 12 %). Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé et traduction Σικανία· ἡ περίχωρος ἀκραγαντίνων. καὶ ποταμὸς σικανός, ὥς φησιν ἀπολλόδωρος. Σικανία· I-[A] |1| ἡ περίχωρος Ἀκραγαντίνων. II-[A] |2| καὶ ποταμὸς Σικανός, ὥς φησιν Ἀπολλόδωρος [FGrHist 244 F 297].

Sikania : I-[A] |1| La région des Akragantinoi. II-[A]  |2|  Et aussi le fleuve Sikanos, comme l’appelle

Apollodore.

Lexiques et commentaires grecs et byzantins ixe  siècle – Georgios Choiroboscos (Epimerismi in Psalmos, p. 79.14) τὰ εἰς νος ὑπὲρ δύο συλλαβὰς ἔχοντα πρὸ τέλους τὸ α συνεσταλμένον προπαροξύνεται, εἰ μὴ σχηματίζοιτο εἰς θηλυκὸν γένος, οἷον, στέφανος, γέρανος· σεσημείωται τὸ οὐρανὸς, Σικανὸς, ἔστι δὲ τόπος Ἰβηρίας. xiie siècle – Eustathe de Thessalonique (Com. Od. 2.324) Σικανίαν δὲ τὴν Σικελίαν φασί τινες, περὶ ἣν ἡ πλείων τοῦ Ὀδυσσέως προπέφηνε πλάνη γενέσθαι. διὸ καὶ Ὀδυσσεὺς ἄρτι οὐκ ἀφυῶς αὐτῆς μέμνηται. ἣν δὴ Σικανίαν οἰκίσαι καὶ καλέσαι λέγεται Ἴβηρες ἐλθόντες ἀπὸ Σικανοῦ ποταμοῦ.

Commentaire La notice provient du lexique-source. II-[A] |2| Ce fleuve se trouve dans la notice qui concerne la Sicania, c’est-à-dire la Sicile ; toutefois, dans la notice Dêra [72], localisée comme «  terre d’Ibérie  », il est mentionné le même fleuve (ou son homonyme) avec l’indication qu’il coule à l’emplacement de Dêra. Il n’est pas possible de trancher sur la base de la notice de l’Épitomé pour savoir si ce fleuve est bien celui d’Ibérie mais c’est très probable.

Nous ne savons pas si l’information provient du Peri Gês ou des Chroniques chez Apollodore. Les deux sont possibles.

Localisation et archéologie Le fleuve serait le Sucro, c’est-à-dire l’actuel Júcar. Il est mentionné, sans que son nom n’apparaisse, chez Aviénus (Ora marit. v. 480). L’identification que fait Servius (ad. Aen. 8.328) du Sicanus avec le Sicoris d’après Lucain (4.14) est une erreur, il s’agit du Sègre (Braun 2004, p. 311). Voir la fiche précédente [200] pour la ville de Sikanê.

Chronologie des mentions ve  s. av.  :  Thucydide, Σικανός – ive  s. av.  :  Philistos (chez Diodore de Sicile), Σικανός ; [Aviénus, Ora maritima], (Sicanus ?) – iie  s. av.  :  Apollodore, Σικανός – ier s. : Strabon, Σούκρων ; Pomponius Mela, Sucro ; Pline l’Ancien, Sucro – iie s. : Plutarque, Σούκρων ; Appien, Σούκρων ; Ptolémée, Σούκρων.

Bibliographie indicative RE II A, 2 (1923), col.  2459-2460 (s.v.  Sikaner) Schulten ; Chofre Navarrete 2002.

670

202 – ΣΙξος/SIXOS [E]

202 – ΣΙξος/SIXOS [E]

Ville – Hispanie (Bétique) (σ 177 Billerbeck)            Hécatée Livre 48 ? – Troisième abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 11 % – taux théorique : 12 %). Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé et traduction Σίξος· πόλις μαστιηνῶν(a). ἑκαταῖος « μετὰ δὲ σίξος πόλις ». a) μαστιηνῶν R : μαστιννῶν Q, μαστινῶν PN, Μαστιανῶν Billerbeck.

Σίξος· [A] |1| πόλις Μαστιηνῶν. |2| Ἑκαταῖος [FGrHist 1 F 43]

« μετὰ δὲ Σίξος πόλις ».

Sixos  :  [A]  |1|  ville des Mastiênoi. |2|  Hécatée  :  «  et après, la ville de Sixos ».

Lexiques et commentaires grecs et byzantins ixe siècle – Theognostos (Canones 69.13-16, § 379) τὰ εἰς ξος δισύλλαβα τὴν διὰ τοῦ η, τὴν διὰ τῆς ει, καὶ τῆς οι διφθόγγων, παραιτεῖται γραφήν· ἔχει γὰρ πρὸ τοῦ ξ τὸ ι ἢ τὸ υ· οἷον, ἰξός· Σιξὸς πόλις· Φριξός· Λιξὸς ἡ πόλις· μύξος· πύξος· Βύξος ὄνομα κύριον.

Commentaire La notice provient du lexique d’Hécatée. La notice est incomplète. [A] |1-2| Hécatée est le seul à rattacher cette ville aux

Mastiênoi, forme typique de cet auteur. La citation n’apporte pas d’information supplémentaire mais on notera que l’utilisation du terme πόλις remonte bien à Hécatée. La mention de Theognostos renvoie à une information tirée de la doctrine hérodienne, probablement transmise par Oros et trouvant son origine dans le lexique d’Hécatée. La ville est mentionnée par Ptolémée (Geogr. 2.4.7) sous la forme Σέξ. [D] absent : Il manque la mention des habitants que l’on trouvait peut-être sous la forme Sixios.

Localisation et archéologie C’est la moderne Almuñécar (Granada, Andalucía). Pline l’Ancien (3.8) l’appelle Sexi et elle est mentionnée sous la forme Ex par Pomponius Mela (2.94) ce qui peut cacher une éventuelle mention d’Artémidore. Celui-ci, par l’usage du ionien et du phénomène de psilose, ne marque pas l’aspiration initiale ce qui peut correspondre à la forme débutant par ‘s’ (voir notice Alônis [23] et Elmantikê [83]). Strabon (3.4.2) l’appelle « ἡ τῶν Σαξιτανῶν πόλις ». Elle était à peu de distance de Malakê. Pline l’Ancien précise que son nom a été transformé en Firmum Iulium (Sexitanum), lorsqu’elle est devenue municipe du fait de l’aide apportée à Jules César lors de la guerre civile. L’occupation sur le site remonte à l’âge du Bronze (García Alfonso 2000, p.  244). L’ancienneté de la fondation, rapportée également par Strabon (3.5.5), en fait un des exemples particulièrement étudiés concernant la colonisation phénicienne en Espagne du Sud (voir là-dessus l’étude de Pellicer Catalán 2007 sur le mobilier issu des nécropoles). La ville a frappé monnaie à partir du dernier quart du iiie siècle av.  J.-C. (Pellicer Catalán 2007, p.  20), d’abord avec une légende punique, ensuite néopunique et latine puis seulement latine. Enfin, une émission de monnaie, datée de la seconde moitié du ier siècle av. J.-C., porte la légende F. I. SEXS en alphabet néopunique (López Castro 2002, p. 247). Les fouilles archéologiques ont révélé des vestiges de la ville antique (en particulier les installations de salaison) et de ses nécropoles (Pellicer Catalán 2007, p. 21-32 avec le plan de la p. 97). La création du municipe Firmum Iulium Sexitanum s’accompagne de la monumentalisation de la cité avec le forum auquel appartient un cryptoportique encore conservé (Sánchez López 2012, p.  83-94), un possible théâtre restituable par la trame parcellaire actuelle (Sánchez López 2012, p.  105112) et un aqueduc (Sánchez López 2012, p. 169 sq).

203 – ΣΙΣΙΓΥΛΙΣ/SISIGULIS [Λ] Un ensemble thermal particulier a été fouillé en 1996 (Sánchez López 2012, p. 95-104) ; il était alimenté par l’aqueduc. Enfin, les ateliers de salaison ont fait l’objet de fouilles déjà anciennes (1970) ou plus récentes (entre 1990 et 2010). Ils occupent une part non négligeable de la ville antique (Sánchez López 2012, p. 113 sq). L’ensemble témoigne d’une cité florissante dont la fortune provient des industries de salaison.

Chronologie des mentions vi e  s. av.  :  Hécatée, Σίξος (Μαστιηνῶν) – iii e  s. av. : Diphilos de Siphnios (apud Athénée), ὁ Σαξιτανὸς – iie s. av. : Artémidore ?, Ἐξ ? (hypothèse) – ier s. : Strabon, Σαξιτανῶν πόλις ; Pomponius Mela, Ex ; Pline l’Ancien, Saxi, Firmum Julium Sexitanum – iie s. : Ptolémée, Σέξ.

671 Le nom provient du phénicien Ṣkṣ, vocalisé en Ṣekṣ ou Ṣekṣi. Il est possible qu’Artémidore l’ait dénommée Ἐξ

ou Ἕξι (repris par Pomponius Mela), tandis qu’on trouve ensuite chez les auteurs latins Saxi et Firmum Julium Sexitanum.

Bibliographie indicative RE II A, 2 (1923), col. 2027-2028 (s.v. Sexi) Schulten ; Smith 1854 (s.v.  Saxetanum)  ; THA  II A 23f  ; IIB 142cb  ; Tovar 1974, p.  81-82  ; Silberman 1988, p. 225 ; González Blanco 1991, p. 29, 35 ; García Alfonso 2000, p.  244-246  ; López Castro 2002  ; Zehnacker 2004, p.  97  ; Braun 2004, p.  309  ; Pellicer Catalán 2007  ; Sánchez López 2012  ; Ramon Torres 2013, p. 32.

203 – ΣΙΣΙΓΥΛΙΣ/SISIGULIS [Λ]

Ville – Gaule ? (σ 185 Billerbeck)            Artémidore ? Livre 48 ? – Troisième abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 11 % – taux théorique : 12 %). Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé et traduction Σισίγυλις(a)· πόλις μεγάλη πλησίον κελτικῆς. τὸ ἐθνικὸν σισιγυλίτης. a) Σισίγυλις PN : Σισιγυλίς R, Σισιγυλις Q.

[D]  |2|  La forme de l’ethnique se rattache au même

auteur que le nom de la ville. La forme semble caractéristique d’Artémidore.

Σισίγυλις·

Localisation et archéologie

[A] |1| πόλις μεγάλη πλησίον Κελτικῆς [Artémidore ?].

Aucune localisation n’est possible. Il est difficile de comprendre ce que peut signifier « proche de la Celtique » sans qu’il y ait un rattachement autre. S’agit-il d’une ville située sur une île ? Était-elle positionnée en Ibérie, ou bien du côté du Rhin si l’on imagine que pour Artémidore la Celtique s’arrêtait à ce fleuve ?

[D] |2| τὸ ἐθνικὸν Σισιγυλίτης [Artémidore ?].

Sisigulis  :  [A]  |1|  grande ville proche de la Celtique. [D] |2| L’ethnique se dit Sisigulitês.

Commentaire Cette notice provient vraisemblablement du lexiquesource. [A] |1| Cette ville n’est connue que par la notice de l’Épi-

tomé. Elle peut provenir d’Artémidore si l’on se fie à la forme de l’ethnique.

Chronologie des mentions iie s. av. : Artémidore ?, Σισίγυλις, Σισιγυλίτης (πλησίον Κελτικῆς).

Bibliographie indicative Dunn 1907, p. 89.

672

204 – ΣOLKOI/SOLKOI [M]

204 – ΣOLKOI/SOLKOI [M]

Ville – Îles (Sardaigne) (σ 242 Billerbeck)            Abrégé d’Artémidore Livre 49 ? – Troisième abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 13,1 % – taux théorique : 12 %). Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé et traduction (en grisé, forme erronée restituée du manu­scrit archétype disparu, corrigée dans la notice normalisée)

Σολκοί (a)· πόλις ἐν σαρδοῖ, ὡς ἀρτεμίδωρος ἐν ἐπιτομῇ « ἀπὸ δὲ καρβάλεως(b) ἐπὶ σολκούς(c) ». a)  Σόλκοι Billerbeck  :  Σολκοί RQPN. b)  Καράλεως Holste : καρβάλεως RQPN. c) Σόλκους Billerbeck : σολκούς RQPN.

Σόλκοι· [A] |1| πόλις ἐν Σαρδοῖ, ὡς Ἀρτεμίδωρος ἐν Ἐπιτομῇ [F 5

epit. Stiehle] « ἀπὸ δὲ Καράλεως ἐπὶ Σόλκους ».

Solkoi  :  [A]  |1|  ville de Sardaigne, selon Artémidore, dans l’Abrégé : « depuis Karalis jusqu’à Solkoi ».

Commentaire La notice est issue du lexique de Marcien. Il manque la forme de l’ethnique. [A]   |1|  La ville de Sardaigne est citée ici d’après

Artémidore. On trouve chez Ptolémée (Geogr. 3.3.3 et 8.9.3) la ville sous le même nom, ainsi qu’un port homonyme. Strabon (5.2.7) l’appelle Σοῦλχοι mais la forme est isolée. [D] absent : Il manque la forme de l’ethnique, sans que l’on sache si c’est du fait de l’abréviation ou si c’est propre à l’Abrégé d’Artémidore (voir fiche Mastramêlê [147]). On notera toutefois qu’il est également absent de la notice jumelle de Sulkoi.

Localisation et archéologie La ville est sur l’actuelle commune de Sant’Antioco, sur une presqu’île jointe à la terre ferme par un isthme étroit. La fondation de SLKY par les Phéniciens se place au début du viiie siècle av. J.-C., comme en attestent les vestiges archéologiques du tophet et de l’habitat mis au jour sur le site de Cronicario (Roppa 2013, p. 60). Plus tard, ce sont les Carthaginois qui l’occupent, dans la seconde moitié du vie siècle av. J.-C.

Des fouilles ont été réalisées au cœur du centre urbain actuel dans les années 1980, et reprises plus récemment. Elles ont révélé une partie de la ville primitive. La nécropole des Ve-iiie siècles av. J.-C. a été fouillée ; on estime son extension totale à environ 6 ha. Le tophet a également été dégagé ; il était situé au nord de la cité (Sa Guardia de Is Pingiadas), sur un affleurement de roche volcanique et a été utilisé jusqu’aux premières décennies du ier siècle av. J.-C. (Roppa 2013, p. 61). La première mention intervient durant la Première guerre punique, lorsque le général carthaginois, Hannibal, vient se réfugier dans la ville après une défaite sur mer contre C. Sulpicius (Zonaras 8.12). Durant la guerre civile entre César et Pompée, la ville soutient Pompée ; elle sera l’objet de sanctions économiques (César/Hirtius B. Afr., 98) tandis que Caralis obtiendra le statut de municipe (voir fiche Charalis [228]). Toutefois elle connaît durant l’époque romaine un développement très important, dont témoignent les vestiges archéologiques.

Chronologie des mentions iie  s. av.  :  Artémidore (abrégé de Marcien), Σολκοί – ier s. av. : Jules César, Sulci – ier s. : Strabon, Σοῦλχοι ; Pomponius Mela, Sulci  ; Pline l’Ancien, Sulcitani – iie s. : Ptolémée, Σολκοί, Σολκιτανοὶ ; Pausanias, Σύλκοι. La forme reste relativement stable depuis la fondation punique.

Bibliographie indicative RE IV, A1 (1931), col. 724 (s.v. Sulci) Philipp; Smith 1854 (s.v.  Sulci)  ; Zehnacker 2004, p.  183 et 184  ; Roppa 2013, p. 60-63. Barrington Atlas : 48 A3 (Sulci(s)) ; http://pleiades.stoa.org/places/472024

205 – ΣτοιχΑδες/STOICHADES [Λ]

673

205 – ΣτοιχΑδες/STOICHADES [Λ]

Îles – Gaule (Narbonnaise) (σ 275 Billerbeck)            Artémidore ? Strabon ? + Apollonios Livre 50 ? – Troisième abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 13,7 % – taux théorique : 12 %). Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé et traduction Στοιχάδες· νῆσοι τρεῖς πρὸς τῇ μασσαλίᾳ. καλοῦνται δὲ καὶ λιγυστίδες. Στοιχάδες· [A]  |1|  νῆσοι τρεῖς πρὸς τῇ Μασσαλίᾳ [Artémidore  ? Strabon  ?]. [C]   |2|  καλοῦνται δὲ καὶ Λιγυστίδες

[Apollonios].

Stoichades  :  [A]   |1|  trois îles près de la Massalie. [C] |2| On les appelle aussi Ligustides.

Lexiques et commentaires grecs et byzantins iie siècle ? – Scholia in Apollonium Rhodium (schol. vet., 4.552-556) νήσους τε Λιγυστίδας· περὶ τὴν Ἰταλίαν εἰσὶ τρεῖς Λιγυστιάδες καλούμεναι, διότι οἰκοῦνται ὑπὸ τῶν Λιγύων· Στοιχάδες δὲ διὰ τὸ στοίχῳ τετάχθαι.

Commentaire La notice provient du lexique source. [A]  |1|  Les îles sont mentionnées à plusieurs reprises

dans les textes : Apollonios de Rhodes (4.554 et 650), Agathémère (20) et Ptolémée (Geogr. 2.10.9). Strabon (4.1.10), donne les précisions suivantes : « πρόκεινται δὲ τῶν στενῶν τούτων ἀπὸ Μασσαλίας ἀρξαμένοις αἱ Στοιχάδες νῆσοι, τρεῖς μὲν ἀξιόλογοι δύο δὲ μικραί· en face de cette étroite bande côtière, en partant de Massalia, il y a les îles Stoechades, dont trois importantes et deux petites » (trad. Thollard), proche de la mention de l’épitomé. Le terme de Μασσαλίᾳ semble se rapporter, dans notre notice, à la « Massalie » plutôt qu’à la cité de Marseille dont elles sont relativement éloignées, mais ce n’est pas certain. Il faut probablement voir dans les mentions de l’Épitomé et de Strabon un emprunt direct à Artémidore. [C] |2| Pour la forme Ligustiades, voir ci-dessus, la notice

Ligures [132]. La mention provient sans doute d’Apollonios de Rhodes (Argon. 4.554).

Localisation et archéologie Comme le rappelle P. Arnaud, les îles Stoechades sont nommées assez fréquemment sans que les auteurs antiques ne prennent la peine d’en donner une localisation précise (Arnaud 2003, p. 29). Dans les scholies à Apollonios de Rhodes, elles sont rattachées aux Ligyens et portent le nom de Ligystiades, sans qu’il faille y voir une réelle occupation par un peuple donné (Arnaud 2003, p. 29-30). Leur nombre exact varie, comme l’a bien analysé P. Arnaud  ; sans entrer dans le détail de son argumentation, on retiendra que les « véritables » Stoechades ne comprennent ni les îles de Lérins ni celles de la rade de Marseille (Arnaud 2003, p. 30) ; les trois îles qui sont groupées sous ce vocable par Pline l’Ancien (3.79) sont vraisemblablement Porquerolles, Port-Cros et l’île du Levant. Les deux plus petites qui sont parfois associées aux précédentes pourraient correspondre aux Embiez et Bagaud. (Arnaud 2003, p. 31). Avec P. Arnaud, on comprendra que « par extension, le terme de Stoechades finit par désigner chez certains géographes toutes les îles à l’est de Marseille ». Pour en revenir à notre notice, on notera qu’un fragment de scholie à Apollonios de Rhodes donne une référence directe à l’œuvre d’Artémidore. Il s’agit du P. Oxy. 34 2694v, l. 18-32, repris par C. Schiano (Schiano 2010, p.  149 = F9A)  :  «  Σ]τοιχάδε[ς·]  κ(α)τ(ὰ) τὸ λεγόμ(ενον) γ’ Στ[ο]ιχάδας ὑπάρχ[ει]ν [..]σεται [ τέτ] ταρα ὡ[ς] Ἀρτεμ[ίδ]ωρος ἐν α’ Γεωγραφικῶν· κεῖνται γ(ὰρ) ὡς ἐπὶ μιᾶς εὐθείας καὶ [ ] π(αρὰ) αὐτῷ [ ]ω οὖσαι τρεῖς [ κ]εῖται δὴ νῆ[σος ἐ]ν τοῖς [.] Μασσαλί[ας] » ; il répond au texte d’Agathémère (20 = F9B de C. Schiano). Nous retrouvons ici les indications issues de l’Épitomé. Il ne fait donc pas de doute qu’Artémidore était bien la source mentionnée à l’origine. Ces deux textes n’apparaissent pas dans l’édition des fragments d’Artémidore par Stiehle mais sont donnés dans l’édition préliminaire du livre I de C. Schiano (Schiano 2010). Ces trois îles sont très probablement celles que P. Arnaud a définies

674

206 – ΣτουΙνος/STOUINOS [Λ (M ?)]

comme les îles principales. Le nom de ces îles, tel que Pline nous les transmet, sont les suivants : Prete, Mese et Hypaea, c’est-à-dire «  la première, celle du milieu, celle de dessous » suivant la traduction qu’en donne P. Arnaud (Arnaud 2003, p. 30). Selon lui, il s’agit d’une dénomination issue directement des marins massaliètes. Ces îles sont occupées dès le vie siècle av.  J.-C. Les découvertes archéologiques montrent l’importance que peuvent prendre certaines de ces occupations durant la période grecque ou l’Empire romain (Pasqualini 2003, p. 17-19). Les opérations sous-marines au large de ces îles ont mis en évidence plusieurs épaves antiques, avec en particulier les différents navires qui se sont échoués à la pointe Lequin (l’un, 1A, date des environs de 515 av. J.-C. ; le second, 1B, de la première moitié du ve siècle av. J.-C.) (Long, Valente 2003, p.  150-152). D’autres épaves romaines ou antiques tardives complètent les découvertes sur la zone.

Chronologie des mentions iiie s. av. : Apollonios de Rhodes, Στοιχάδες (Λιγυστίαδες) – iie  s. av.  :  Artémidore ?, Στοιχάδες (Μασσαλία) – ier s. : Strabon, Στοιχάδες ; Pomponius Mela, Stoechades ; Lucain, Stoechades  ; Pline l’Ancien, Stoechades – iie s. : Tacite, Stoechades ; Suétone, Stoechades. La forme reste identique durant toute l’Antiquité. Ce terme grec définit des îles alignées entre elles.

Bibliographie indicative RE IV, A1 (1931), col.  54-55 (s.v.  Stoechades insulae) Wackernagel ; Smith 1854 (s.v. Stoechades) ; Benoit 1965, p. 101-102 ; Barruol 1969, p. 223 n. 4 ; Rivet 1988, p.  223-224  ; Bats 2003, p.  149  ; Pasqualini 2003  ; Long, Valente 2003  ; Arnaud 2003  ; Zehnacker 2004, p. 179. Barrington Atlas : 16 B3 (Stoechades Inss.) ; http://pleiades.stoa.org/places/157929

206 – ΣτουΙνος/STOUINOS [Λ (M ?)]

Ville – Italie (Ligurie) (σ 276 Billerbeck)            Artémidore ? (Abrégé ?) Livre 50 ? – Troisième abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 13,7 % – taux théorique : 12 %). Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé et traduction Στουῖνος· πόλις λιγύρων. οἱ πολῖται(a) στουῖνοι. a) πολῖται Q : πολίται RPN.

Στουῖνος· [A] |1| πόλις Λιγύρων [Artémidore ?]. [D] |2| οἱ πολῖται Στουῖνοι [Artémidore ?].

Stouinos :  [A] |1| ville des Ligures. [D] |2| Les citoyens sont appelés Stouinoi.

Commentaire La notice provient soit du lexique-source soit du lexique de Marcien. Elle est issue de la partie la plus résumée de l’œuvre et contient donc très peu d’information. [A] |1| La mention de ville des Ligures se rapporte très certainement à Artémidore voire à son Abrégé rédigé par Marcien (voir fiches [62] et [71]). Elle est semblable à la notice Plakentia [177]. Cette forme n’est pas connue par ailleurs.

[D] |2| La mention des ethniques s’apparente au nom

d’un peuple. C’est une forme que l’on trouve également chez Artémidore.

Localisation et archéologie Pline l’Ancien (3.134) signale les Stoeni en bordure des Alpes, proche des Lépontiens, que mentionne également Strabon (4.6.6 : Στόνοι). Il faut probablement les rapprocher également des Ligures Styni (Liv. Per. 62.1), peuple des Alpes occidentales vaincu par Q. Marcius Rex en 117 av. J.-C. (voir les Fasti triumphales). Orose (5.14.5) signale également cette bataille sans préciser le nom du peuple, appelé «  gens Gallorum sub radice Alpium  ; tribu de Gaulois installés au pied des Alpes ». Ceux qui ne furent pas tués dans le bataille se laissèrent mourir de sorte qu’il n’en resta pas. S’il est difficile de ne pas faire la correspondance entre ces différentes mentions, il n’est pas évident de localiser précisément le peuple. E. Salomone Gaggero a repris

207 – ΣΥαλις/SUALIS [Λ (+ Ω ?)]

675

l’ensemble des interprétations des érudits antérieurs sans pouvoir déterminer si la ville que signale l’Épitomé se place dans les Alpes orientales (au sud-est du lac de Garde) comme semblent le dire Strabon et Pline l’Ancien (Salomone Gaggero 1979, p.  64-70). Mais la mention de Plakentia (Plaisance) comme ville ligure semble prouver qu’à l’époque d’Artémidore cette dénomination concerne assez largement la zone transpadane.

Chronologie des mentions

Nous sommes donc clairement ici hors de notre cadre géographique.

Bibliographie indicative

iie s. av. : Artémidore ?, Στουῖνος – ier s. av. : Fastes triumphales, de Liguribus Stoeneis – ier s. : Strabon, Στόνοι ; Tite-Live, Styni ; Pline l’Ancien, Stoeni. La forme d’Artémidore semble correspondre à celle des Fastes triumphaux et de Pline l’Ancien.

RE IV, A1 (1931), col. 55 (s.v. Stoeni) Philipp ; Smith 1854 (s.v. Euganei) ; Salomone Gaggero 1979, p. 64-70.

207 – ΣΥαλις/SUALIS [Λ (+ Ω ?)]

Ville – Hispanie (Bétique) (σ 300 Billerbeck)            Polybe ? + Artémidore ? Livre 50 ? – Troisième abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 13,7 % – taux théorique : 12 %). Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé et traduction (en grisé, forme erronée restituée du manu­scrit archétype disparu, corrigée dans la notice normalisée)

Σύαλις· πόλις μαστυανῶν(a). τὸ ἐθνικὸν συαλίτης τῷ κοινῷ λόγῳ. δύναται καὶ συαλεύς(b). a) μαστιανῶν R : μαστυανῶν QPN. b) Συαλιεύς dub. Meineke in app. : συαλεύς RQPN.

Σύαλις· [A] |1| πόλις Μαστιανῶν [Polybe ?]. [D]  |2|  τὸ ἐθνικὸν Συαλίτης [Artémidore  ?]  τῷ κοινῷ λόγῳ. |3| δύναται καὶ Συαλιεύς [Polybe ?].

Sualis :  [A] |1| ville des Mastianoi. [D] |2| L’ethnique se dit Sualitês, qui est la forme commune. |3| On trouve aussi Sualieus.

Commentaire La notice est issue du lexique-source, avec peut-être des annotations d’Oros pour l’ethnique (|2-3|). [A]   |1|  La ville n’est connue que par la notice de

Stéphane de Byzance. Si la forme d’origine de la notice des Ethniques est bien Mastianôn, on ne peut rattacher cette ville à Hécatée comme on le fait habituellement (la notice porte le n° 52 dans la publication des frag-

ments d’Hécatée par G. Nenci) ni à Hérodore qui aurait Mastiênôn. Notons également que les formes de l’ethnique (rubrique [D]) ne se rapportent absolument pas à Hécatée mais à deux auteurs dont l’un est très probablement Artémidore. Nous pensons qu’il faut assimiler les Mastianoi que l’on trouve ici avec ceux de la notice du même nom [146], rattachés peut-être à Polybe. La notice proviendrait alors du lexique de cet auteur. [D] |2| Le nom de l’ethnique Sualitês (selon « la forme

commune  ») provient d’un auteur qui pourrait être Artémidore ; mais rien n’indique à quel peuple ce dernier rattachait la ville de Sualis. L’expression κοινῷ λόγῳ se retrouve également dans la notice Agathê [2], et pourrait provenir du lexique-source ou des indications d’Oros qui le complètent  ; elle n’est pas attachée au lexique d’Hécatée. |3| : La forme de Sualieus, non attestée ailleurs que dans cette notice, provient vraisemblablement d’un second auteur, distinct du premier. Nous suivons la proposition d’A. Meineke dans son apparat critique sur la forme de cet ethnique mais ce n’est qu’une hypothèse. Nous proposons d’y voir une forme de Polybe, identique à celle de Baikuleus [38].

676

208 – ΣYΛKOI/SULKOI [Λ]

Localisation et archéologie La ville est mentionnée par Pomponius Mela (2.94) et Pline l’Ancien (3.8) sous le nom de Suel. Elle se situe au nord de Barbesula et au sud de Malakê. Il s’agit de l’actuel Castillo de Fuengirola (Málaga). Il existe une inscription (CIL II 1944) qui porte la mention du Municipium Suelitanum. Si Polybe est bien la source de la notice, il serait alors l’auteur le plus tardif à mentionner les Mastianoi/Mastienoi. Ce pourrait être dans le contexte de la Deuxième guerre punique, lors d’une intervention qui serait à placer dans le sud de la péninsule ibérique. Si des fouilles exhaustives n’ont semble-t-il pas été réalisées sur le site de la ville, des découvertes archéologiques anciennes ou sur le territoire de la commune

attestent d’une occupation ancienne. Elles sont toutefois peu nombreuses (Fincas del Secretario, Termas de Torreblanca) et se rapportent toutes à la ville du Haut et du Bas-Empire.

Chronologie des mentions iie  s. av.  :  Polybe ?, Σύαλις, Συαλιεύς (Μαστιανῶν)  ; Artémidore ?, Συαλίτης – ier s. : Pomponius Mela, Suel ; Pline l’Ancien, Suel.

Bibliographie indicative RE IV A, 1 (1931), col. 581 (s.v. Suel) Schulten ; Smith 1854 (s.v.  Suel)  ; THA  IIA 23d  ; IIB 142bz  ; Tovar 1974, p.  75  ; Silberman 1988, p.  225  ; González Blanco 1991, p. 29, 35 ; Zehnacker 2004, p. 97.

208 – ΣYΛKOI/SULKOI [Λ]

Ville – Îles (Sardaigne) (σ 313 Billerbeck)            Artémidore Livre 50 ? – Troisième abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 13,7 % – taux théorique : 12 %). Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé et traduction Σύλκοι· πόλις ἐν σαρδοῖ(a), καρχηδονίων κτίσμα. a) σαρδοῖ QPN : σαρδοί R. a – Erreur d’accentuation lors de la translittération ?

Σύλκοι· [A]   |1|  πόλις ἐν Σαρδοῖ, [B]   Καρχηδονίων κτίσμα

[Artémidore ?].

Sulkoi  :  [A]  |1|  ville en Sardaigne, [B]  fondation des Carthaginois.

Commentaire La notice est issue du lexique-source. Elle est incomplète. [A] |1| Le lemme est un doublon de Solkoi [204], expli-

citement issu de l’Abrégé d’Artémidore. Il s’agit probablement d’une mauvaise lecture (υ lu à la place de ο) de l’œuvre intégrale d’Artémidore. Pausanias (10.17.9) utilise cette forme.

[B]   :  La ville est mentionnée comme fondée par les

Carthaginois, information qui provient certainement également d’Artémidore.

[D] absent : Il manque l’ethnique, peut-être du fait de

l’abréviation. Il n’existe pas non plus dans la notice Solkoi ; était-il absent du texte d’Artémidore, et donc du lexique-source ?

Localisation et archéologie Voir la fiche Solkoi [204].

Chronologie des mentions Voir la fiche Solkoi [204].

Bibliographie indicative Voir la fiche Solkoi [204].

209 – ΤαρρΑκων/TARRAKÔN [Λ (+ Ω ?)]

677

209 – ΤαρρΑκων/TARRAKÔN [Λ (+ Ω ?)]

Ville – Hispanie (Tarraconaise) (τ 36 Billerbeck)            Artémidore ? + Polybe ? Charax ? Livre 52 – Second abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 21,5 % – taux théorique : 20 %). Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé et traduction Tαρράκων· πόλις δυσμικωτέρα τῆς ταρρακωνησίας(a) χώρας. ὁ πολίτης ταρρακωνήσιος(b). τὸ ἐθνικὸν ταρρακωνίτης(c), ὡς ἀσκάλων ἀσκαλωνίτης καὶ μάρων μαρωνίτης καὶ καύκων καυκωνίτης. a) ταρρακωνησίας QPN : ταρρακωνησιας Rpc, ταρακωνησιας Rac. b)  ταρρακωνήσιος N  :  ταρρακονήσιος RP, ταρακονήσιος Q. c) ταρρακωνίτης PN : ταρακωνίτης R, ταρρακωνῖτις Q.

Ταρράκων· [A]   |1|  πόλις δυσμικωτέρα τῆς Ταρρακωνησίας χώρας [Artémidore ? Polybe ? Charax ?]. [D] |2| ὁ πολίτης Ταρρακωνήσιος [Artémidore ?]. |3| τὸ

ἐθνικὸν Ταρρακωνίτης [Artémidore  ?], ὡς Ἀσκάλων Ἀσκαλωνίτης καὶ Μάρων Μαρωνίτης καὶ Καύκων Καυκωνίτης.

Tarrakôn  :  [A]  |1|  ville de la partie occidentale de la région de Tarraconaise. [D]  |2|  Le citoyen est appelé Tarrakônêsios. |3| L’ethnique se dit Tarrakônitês, comme Askalôn donne Askalônitês, Marôn Marônitês et Kaukôn Kaukônitês.

Lexiques et commentaires grecs et byzantins xe siècle – Souda (τ 110 Adler cf. Ambr. 37) Ταρρακῶν· πόλις. καὶ κλίνεται Ταρρακῶνος.

Commentaire La notice provient du lexique-source mais est peut-être passée par le filtre d’Oros (|3|). [A] |1| La détermination géographique ne passe pas par

une référence romaine à une province (ἐπαρχία), mais signale une région (chôra) comme on le trouve à de nombreuses reprises dans l’Épitomé (voir par exemple Gallia [61], Belgikê [47], …). Ici, cela pourrait correspondre à Polybe ou Artémidore mais rappelle également les mentions de Charax (voir Sallues [190]). On trouve de nombreuses références à ce toponyme chez Polybe (3.76.12, 3.95.5, 10.20.8, 10.34.1 et 5, 10.40.12, 11.33.7, fr. 43) et

Strabon (3.4.6-7, 9-10 et 20, 3.5.1) et, pour les auteurs que ne mentionne pas réellement Stéphane de Byzance, Ptolémée (Geogr. 1.15.2, 2.6.17, 8.4.5) et Dion Cassius (41.24.3, 53.12.5, 53.25.7). La mention de ville très occidentale semble provenir de l’auteur-source lu pour la constitution du lexique initial et a peut-être une correspondance cartographique dans l’esprit de l’auteur qui en est à l’origine. Ce type d’information géographique correspond moins à ce qu’on trouve dans le lexique d’Artémidore par rapport à celui de Polybe. Toutefois, la notion de chôra, si elle semble bien présente chez Artémidore, se retrouve aussi dans les mentions de Charax ; c’est pourquoi nous proposerons plutôt un extrait de cet auteur. [C] absent : Stéphane de Byzance mentionnait peut-être

aussi la province de Tarraconaise (Tarrakônêsia) chez Marcien (Per. ext. 2.7-8, 12 et 16-18), que l’on trouve dans la notice Ibêria et, pour les auteurs que nous avons conservés, seulement chez l’Anonyme (Exp. Compend. 6 et 13) et Ptolémée (Geogr. 2.4.1-2 et 9, 2.5.1 et 3, 2.6.1, 11-12, 20 et 73, 8.4.5, 8.29.2). Ici il s’agit simplement de la mention de Ταρρακωνησία χώρα, que l’on peut rapprocher des notices de Baitikê [40], Gallia [61]  et Belgikê [47], soit des grandes entités administratives qui semblent préaugustéennes, mais également Tourdêtania [218] et Massia [145], pour la seule péninsule ibérique.

[D] |2| La notice a la particularité de comporter le nom du citoyen et celui de l’ethnique. C’est peut-être la trace de la fusion de deux notices distinctes soit par Stéphane de Byzance soit plus anciennement par le lexique-source. Mais il peut s’agir également d’une distinction que pouvait faire Artémidore entre les citoyens (habitants ?) de la ville et ceux du territoire de la civitas.

|3| La comparaison lexicale de grammairien ne se retrouve pas dans les notices des toponymes cités. Les formes Tarrakonêsios et Tarrakônitês sont signalées à propos de la notice de Kabelliôn [113]. La forme Tarrakônitês, également comparée dans la notice Kastalôn avec Kastalônitês, pourrait être attribuée à Artémidore. S’agit-il d’une notice issue de cet auteur ?

678

Localisation et archéologie La ville est l’actuelle Tarragone. La première mention de Tarrakôn se place durant la Deuxième guerre punique, en 218 av. J.-C. (Polybe 3.76 ; Tite-Live 21. 60-61) ; il s’agit du port qui accueille les troupes de Cn. Cornelius Scipio pour la bataille contre l’armée carthaginoise de Hannon. La cité était déjà mentionnée par Ératosthène, puisque Strabon (3.4.7) nous apprend qu’Artémidore rectifiait l’erreur de son prédécesseur : Artémidore avait en effet constaté l’absence de port, contrairement à ce que disait Ératosthène, sans doute à la suite de Timosthène de Rhodes, mais en contradiction avec Polybe (3.95.5) qui signale que la flotte romaine avait pu s’y abriter en 219 av. J.-C. (Ruiz de Arbulo 2001-2002). La cité remonte donc au moins au iiie siècle av. J.-C., et n’est pas une colonie romaine (Ruiz de Arbulo 2006, p. 35-36). Aviénus précise que Tarraco a succédé à deux cités mythiques, Salauris et Callipolis qui ne sont pas autrement documentées. De fait, l’étude numismatique des séries monétaires frappées dans cette zone géographique a mis en relation le nom de kese apparaissant comme légende monétaire avec l’oppidum de Kissa (chez Polybe)/Cissis (Tite-Live) qui a été conquis par les Romains. Selon J. Ruiz de Arbulo, il s’agit certainement du nom ibérique de Tarraco (Ruiz de Arbulo 2006, p. 36-37), que l’on retrouve encore au Haut-Empire avec le nom de la regio Cessetania (Pline l’Ancien 3.21 ; voir également Otiña Hermoso, Ruiz de Arbulo 2000). La forme Kissa chez Polybe s’explique par la ressemblance de kese avec ce nom grec qui signifie « la pie » (Moret 2004, p. 47 n. 42). Depuis peu, la première occupation a pu être mise en évidence dans la partie basse de la ville. Il s’agit d’un oppidum mis en place au ve siècle av. J.-C., se situant sur une petite colline proche de la mer, dominée par une autre colline sur laquelle on restitue le camp romain républicain (Ruiz de Arbulo 2006, p. 39). Le tout sera ultérieurement recouvert par la cité romaine. Les murailles encore conservées dans la partie supérieure de la cité ont une élévation basse datant des iiie-iie siècles av. J.-C. tandis que la maçonnerie en grand appareil qui la surmonte date du troisième quart du iie siècle av. J.-C. Tarragone est, avec Carthagène, l’un des sièges du préteur de l’Hispania Citerior ; durant l’Empire, les deux cités servent pour rendre la justice. Elle devient une colonie sous César (Colonia Iulia Victrix) et la capitale de la Tarraconaise sous Auguste (peut-être dès 27 av. J.-C.).

209 – ΤαρρΑκων/TARRAKÔN [Λ (+ Ω ?)] Les constructions sont nombreuses pour l’époque romaine. L’urbanisme se développe à partir de la fin du iie siècle av. J.-C. avec de grands travaux d’infrastructure (réseaux d’évacuation d’eau, schéma urbain orthogonal) mais la monumentalisation intervient surtout à partir de l’époque augustéenne (Mar et al. 2010, p. 40). L’ancien camp militaire est remplacé par le temple provincial, une grande place bordée de portiques et le cirque (Ruiz de Arbulo 2002). Le forum a fait l’objet de recherches spécifiques ; une grande partie de la basilique judiciaire est d’ailleurs mise en valeur dans un parc archéologique tandis que le temple de Jupiter Capitolin a fait l’objet de fouilles en 2003 et 2004 (Mar et al. 2010, p. 45-50). Ces études ont permis de restituer un premier état dans lequel le forum républicain était constitué de portiques organisés sur trois côtés autour du temple tandis que le forum augustéen s’installe à son contact, à l’ouest, la basilique judiciaire fermant ce nouveau forum (Mar et al. 2010, p. 50-62). Le temple de Jupiter Capitolin est intégralement reconstruit à l’époque d’Hadrien.

Chronologie des mentions ive-iie s. av. : [Aviénus, Ora maritima], Tarraco – iiie s. av.  :  Ératosthène, Ταρράκων ? – iie  s. av.  :  Polybe ?, Ταρράκων, Ταρρακωνησία  ; Artémidore ?, Ταρράκων, Ταρρακωνίτης – i er s. av.  :  Ciceron, Tarraco – ier s. : Strabon, Ταρράκων ; Pomponius Mela, Tarraco, Tarraconensis ; Pline l’Ancien, Tarracon, Tarraconensis – iie s. : Ptolémée, Ταρράκων, Ταρρακωνησία – iiie s. : Dion Cassius, Ταρράκων – ive s. : Marcien, Ταρρακωνησία. La forme ne change pas durant toute l’Antiquité.

Bibliographie indicative RE Suppl. XV (1978), col. 612 (s.v. Tarraco) Alfödy ; Smith 1854 (s.v. Tarraco) ; Silberman 1988, p. 220221 et 222  ; Villaronga Garriaga 1994  ; Otiña Hermoso, Ruiz de Arbulo 2000 ; Ruiz de Arbulo 2001-2002  ; Ruiz de Arbulo 2002  ; Zehnacker 2004, p. 114 ; Ruiz de Arbulo 2006 ; Mar et al. 2010. Barrington Atlas : 25 G4 (Col. Tarraco) ; http://pleiades.stoa.org/places/246349

210 – ΤαρσΗιον/TARSÊION [Λ (+ Ω ?)]

679

210 – ΤαρσΗιον/TARSÊION [Λ (+ Ω ?)]

Ville (hors cadre d’étude) ? (τ 38 Billerbeck)            Polybe Livre 52 – Second abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 21,5 % – taux théorique : 20 %). Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé et traduction (en grisé, forme erronée restituée du manu­scrit archétype disparu, corrigée dans la notice normalisée)

Tαρσήιον· πόλις πρὸς ταῖς ἡρακλείαις στήλαις. πολύβιος γ΄. τὸ ἐθνικὸν ἔδει ταρσηίτης ἢ ταρσηιώτης. νῦν δὲ κατὰ τὸ ἐπιχώριον ταρσηνοὶ(a) λέγονται.

S’agit-il d’une erreur de compréhension de la part de l’auteur du lexique de Polybe ?

a) Ταρσηῖνοι Meineke : ταρσῖνοι R, ταρσηνοί Q, ταρσηνοὶ PN, Ταρσηινοί Salmasius.

phrase est typique des grammairiens qui attendent une forme particulière, la première, avec mention de Tarsêitês, pouvant être identique à celle qu’utilise Artémidore.

a – Il s’agit probablement d’une erreur due au iotacisme.

Ταρσήιον· [A] |1| πόλις πρὸς ταῖς Ἡρακλείαις στήλαις. |2| Πολύβιος

γ΄ [3.24.2].

[D] |3| τὸ ἐθνικὸν ἔδει Ταρσηίτης ἢ Ταρσηιώτης. |4| νῦν δὲ

κατὰ τὸ ἐπιχώριον Ταρσηῖνοι λέγονται.

Tarsêion :  [A] |1| ville tout près des Colonnes d’Hercule. |2|  Polybe (3e livre). [D]  |3|  L’ethnique devrait être Tarsêitês ou Tarsêiôtês. |4| Mais on emploie en fait la forme indigène Tarsêinoi.

Commentaire La notice semble issue du lexique-source. [A] |1-2| À notre connaissance, la ville est mentionnée

seulement par Polybe (3.24.2 et 4) : « πρόσκειται δὲ καὶ τῷ Καλῷ ἀκρωτηρίῳ Μαστία Ταρσήιων (…) τοῦ Καλοῦ ἀκρωτηρίου, Μαστίας Ταρσηίου, μὴ λῄζεσθαι ἐπέκεινα Ῥωμαίους μηδ› ἐμπορεύεσθαι μηδὲ πόλιν κτίζειν. Or, à côté du Beau-Promontoire est également situé Mastia Tarsêion (…) que les Romains ne fassent pas de butin, qu’ils ne fondent pas de cité au-delà du Beau-Promontoire, de Mastia Tarsêion » (trad. Foulon), cité également par Constantin Porphyrogénète (De legat. p. 24 et 25) avec comme variantes « Μαστία Ταρσήιον » et « Μαστίας, Ταρσηίου ». On ne trouve pas la détermination géographique chez Polybe, au moins dans le texte conservé. La distinction entre Mastia et Tarsêion est faite dans le lexique-source puisqu’il existe deux géonymes différents ayant chacun sa propre notice (cf. fiche [146]). En revanche, le texte de l’Épitomé est sans ambiguïté, le toponyme se place bien au niveau du détroit de Gibraltar.

[D] |3| Polybe ne mentionne pas le nom de l’ethnique. La

|4| La dernière forme semble correspondre à celle de la langue latine. Elle témoigne d’un auteur utilisant l’ethnique de cette cité.

Localisation et archéologie Il s’agit d’une localité (si l’on en croit l’Épitomé) mentionnée dans le 2e traité entre Rome et Carthage, daté de 348 av. J.-C., qui est retranscrit par Polybe. Ce géonyme a posé beaucoup de problème. On a considéré (depuis Wickert) que Tarsêiôn était la transcription d’un génitif pluriel en latin archaïque (*Tarseiom) ce qui donnerait ‘Mastia des Tarseioi’, ces derniers étant assimilés par beaucoup d’auteurs aux Tartesioi (González Blanco 1991, p. 35). Pour d’autres auteurs, il convient de rajouter un copulatif entre les deux noms, pour en faire deux villes distinctes. On aussi proposé que Tarseyo soit la forme punique de Tartessos (García Moreno 1989, p. 291-292 ; García Fernández 2003, p. 75). Plus récemment, P. Moret a analysé en détail le second traité entre Carthage et Rome, qui signale ce toponyme (Moret 2002). D’après lui, il faut bien distinguer les deux villes mais il place Tarsêion en Sardaigne en non en Ibérie. Enfin, l’analyse détaillée de ce texte a été reprise récemment par M. Molin dans l’édition commentée du livre III de Polybe (voir fiche [157] pour l’argumentation). L’hypothèse d’un génitif archaïque se rapportant à un peuple se heurte aux indications de la notice de Stéphane de Byzance qui précise bien qu’il s’agit d’une ville et donne les formes d’ethniques qui lui sont associées. Si les deux premiers peuvent être à la limite théoriques (le ‘doit

680

211 – ΤαρτησσΟς/TARTESSOS [Λ]

être’ peut renvoyer à une doctrine de grammairien), le dernier semble bien correspondre à un ethnonyme réel. Le tout aurait pu être transmis par un auteur comme Artémidore, dont on retrouve des parallèles par exemple avec les notices d’Auenniôn [35] et Kabelliôn [113]. La formulation laisse toutefois penser que l’on ne trouvait pas cet ethnique chez Artémidore. En fait, il semble bien que l’auteur du lexique de Polybe ait été abusé par sa mauvaise compréhension du texte. Car pour lui, comme pour nous, il s’agissait d’un géonyme non identifié. Les mentions postérieures issues d’autres auteurs peuvent tout à fait correspondre à des exégèses antiques ayant pour but, elles aussi, de retrouver la fameuse Mastia *Tarseiom signalée(s) par Polybe, avec

peut-être la même confusion avec les Tartessioi que celle faite par les érudits modernes et contemporains. Nous suivrons donc l’analyse de P. Moret complétée par M. Molin et ne garderons pas la notice comme se rapportant à l’Ibérie.

Chronologie des mentions iie s. av. : Polybe, Tαρσήιον ; [Artémidore ?], Ταρσηίτης.

Bibliographie indicative THA IIB 142cc ; González Blanco 1991, p. 29, 35 ; Moret 2002.

211 – ΤαρτησσΟς/TARTESSOS [Λ]

Ville – Hispanie (Bétique) (τ 41 Billerbeck)            Artémidore ? + Timée ? (+ Hécatée ? Théopompe ? Ératosthène ?)

Livre 52 – Second abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 21,5 % – taux théorique : 20 %). Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé et traduction (en grisé, forme erronée restituée du manu­scrit archétype disparu, corrigée dans la notice normalisée)

Tαρτησσός· πόλις ἰβηρίας, ἀπὸ τοῦ(a) ποταμοῦ τοῦ ἀπὸ τοῦ(b) ἀργυροῦ ὄρους ῥέοντος, ὅστις ποταμὸς καὶ κασσίτηρον(c) ἐν ταρτησσῷ καταφέρει. τὸ ἐθνικὸν ταρτήσσιος καὶ ταρτησσία καὶ ταρτησσίς. καὶ οὐδετέρως « ταρτήσσιον ὄλβιον(d) ἄστυ ». a)  τοῦ om. PN. b)  ἀπὸ τοῦ om. RQ. c)  κασσίτερον Pinedo : κασσίτηρον RQPN. d) ὄλβιον om. R.

Ταρτησσός· [A] |1| πόλις Ἰβηρίας [Artémidore ? Timée ?], [B] ἀπὸ

τοῦ ποταμοῦ τοῦ ἀπὸ τοῦ Ἀργυροῦ ὄρους ῥέοντος, ὅστις ποταμὸς καὶ κασσίτερον ἐν Ταρτησσῷ καταφέρει [Artémidore ? Timée ?].

[D]   |2|  τὸ

ἐθνικὸν Ταρτ ήσ σ ιο ς [Hécatée  ? Théopompe ?] [E] καὶ Ταρτησσία [Timée ?] καὶ Ταρτησσίς [Ératosthène ?]. |3| καὶ οὐδετέρως « Ταρτήσσιον ὄλβιον ἄστυ » [SH adesp. 1177].

Tartêssos :  [A] |1| ville d’Ibérie, [B] dénommée d’après le fleuve qui coule depuis la montagne Arguros, lequel charie aussi l’étain à Tartêssos. L’ethnique se dit Tartêssios [E] et [le pays] Tartêssia ou Tartêssis [le féminin]. |3| Et au neutre « la riche ville de Tartession ».

Lexiques et commentaires grecs et byzantins Scholia in Aristophanem (schol. vet. in Ranas, 475) Ταρτησία μύραινα· μύραινα, δαίμων φοβερά· παρὰ τὸ μύρεσθαι. παρὰ τὰ ἐν τῷ Θησεῖ Εὐριπίδου. Ταρτησίαν δὲ εἶπε μύραιναν πρὸς τὸ ἐκπληκτικώτερον, διὰ τὸ ἐκτετοπισμένον. λέγουσι δὲ Ταρτησίαν γαλῆν, ἀντὶ τοῦ μεγάλην. ἡ δὲ Τάρτησος ἰβηρικὴ πόλις περὶ τὴν Ἄορνον λίμνην. μύραινα δὲ ἰχθὺς θαλάσσιος. ἀντὶ δὲ τοῦ εἰπεῖν ἔχιδναν, μύραιναν εἶπε. (τὸ γὰρ Στυγὸς ἐπὶ πλησίον εἶπε τούτοις. ἔστι δὲ ταῦτα ἐν Θησεῖ πεποιημένα Εὐριπίδῃ· ἐκεῖ γὰρ τοιοῦτός ἐστι σπουδάζων ὁ Εὐριπίδης οἷος ἐνταῦθα παίζων.) Pseudo-Arcadius (De accent. 88.6-13 = 210.13-211.3) τὰ εἰς σος ὑπερδισύλλαβα τῷ η παραληγόμενα ὀξύνεται· εἰ δέ τι βαρύτονον εἴη, παρώνυμον ἂν εἴη, καὶ ἔννοιαν συνθέσεως ἔχοι· Ταρτησσός, Λυρνησσός, Λυκαβησσός. τὸ μέντοι Κάρησσος τινὲς βαρύνουσι. βαρύνεται δὲ ταῦτα· Μάρπησσος ἀπὸ τοῦ Μάρπησσα. τὸ δὲ Μυόννησος, Χερρόνησος, Προκόννησος, Ἐλαφόνησος, Πελοπόννησος σύνθετα.

211 – ΤαρτησσΟς/TARTESSOS [Λ] ixe siècle – Theognostos (Canones 72.31-73.4, § 402) τὰ διὰ τοῦ ησσος ὀξύτονα ὑπὲρ δύο συλλαβὰς διὰ τοῦ η καὶ δύο σσ γράφονται· οἷον, Μυκαλησσός· Τευμησσός· Ταρτησσός· ὀνόματα ποταμῶν Λυρνησσὸς ὄνομα ποταμοῦ· Ἐλβησσὸς ὄνομα ποταμοῦ· Ὀρδησσός· Μοδησσός· Σαλμυδησσός· τὸ Κέησος· Βρίλησος δι‘ ἑνὸς σ γραφόμενα βαρύνονται· τὸ Μαρπησσὸς παρώνυμον ἀπὸ τοῦ Μαρπήσσας, ὡς καὶ ἀπὸ τοῦ μέλισσα Μέλισσος. vie siècle – Lexique d’Hesychius (γ 94) γαλῆ Ταρτησία· ἡ Ταρτησὸς ἔξω τῶν Ἡρακλείων στηλῶν, ἧς Ἀργανθώνιος ἐβασίλευσεν. ἔστι δὲ ἡ πόλις αὕτη πρὸς τῷ Ὠκεανῷ, μεγάλη λίαν· ὡς οὖν ἐκεῖ μεγάλων γινομένων γαλῶν εἶπε xe siècle – Souda (γ 29 Adler) Γαλῆ· τὸ ζῷον. καλεῖται δὲ πρός τινων κερδὼ καὶ ἱλαρία. ἔστι δὲ τὸ ὄνομα ἰσόψηφον δίκη γαλῆ, ἄλγη· ἀπὸ γὰρ τῶν αὐτῶν σύγκειται γραμμάτων. καὶ Γαλῆ Ταρτησσία· ἡ Ταρτησσὸς πόλις ἔξω τῶν Ἡρακλείων στηλῶν πρὸς τῷ ὠκεανῷ, ἔνθα μέγισται γίνονται γαλαῖ. vie siècle – Lexique d’Hesychius (τ 213-214) Ταρτησ(σ)ίαις· γαλαῖς Ταρτησ(σ)ός· πόλις περὶ τὰς Ἡρακλε(ί)ους στήλας xe siècle – Souda (τ 136-137 Adler) Ταρτησία μύραινα· ὡς ἐκεῖ γινομένων μεγίστων. Ταρτ ησσός· Ἰβηρικὴ πόλις πρὸς τῷ ὠκεανῷ, ἐκτετοπισμένη παρὰ τὴν Ἄορνον λίμνην. τῆς δὲ Ταρτησσοῦ Ἀγαθώνιος ἐβασίλευσεν. Ἀριστοφάνης Ταρτησίαν μύραιναν λέγει. καὶ οὐδετέρως Ταρτήσιον. xiie siècle – Jean Tzétzès (schol. Aristoph. v. 475a et b) ταρτησία μύραινα· Ταρτησὸς πόλις μεγάλη, βασίλειον τῆς ἰσπανικῆς Ἰβηρίας, ἔγγιστα τοῦ ἑσπερίου ὠκεανοῦ, μυραίνας, ἰχθῦς μεγίστας, ἔχουσα· νῦν δὲ παρ’ ὑπόνοιαν τῆς χάριτος ἕνεκεν ἀντὶ τοῦ εἰπεῖν «  ἔχιδναν  » « μύραιναν » εἶπεν. ταρτησσία μύραινα· πόλις Ἰβηρίας· παρ’ ὑπόνοιαν· « ἔχιδναν » ὤφειλεν εἰπεῖν. (Schol. in Lycophr. v. 643) Ἰβηροβοσκοὺς· αἱ γὰρ Γυμνήσιαι οὐ πόρρω εἰσὶ τῶν Ἰβήρων. ss3s4 Ταρτησὸς δὲ νῆσος πρὸς ταῖς Ἡρακλείαις στήλαις. ἡ δὲ Ἰβηρία νῦν Σπανία καλεῖται. ss3

681 ἡ δὲ Ἰβηρία καὶ Ἰσπανία καλεῖται παρὰ Λατίνοις. Ταρτησὸς δὲ νῆσος καὶ πόλις, ἧς Ἀργανθώνιος ἐβασίλευσε ζήσας ἔτη ρκʹ, ἀφ› ὧν ἐβασίλευσε πʹ, ὥς φησιν ὁ Ἡρόδοτος. κεῖται δὲ αὕτη ἡ Ταρτησὸς πλησίον τῶν Ἡρακλείων στηλῶν. xiie siècle – Eustathe de Thessalonique (Com. Dion. 337 et 453) ὅτι κάτωθεν τῆς ῥηθείσης Ἀλύβης πόλις ὀλβία Ἰβηρικὴ ἡ Ταρτησὸς, ἣν καὶ χαρίεσσαν λέγει καὶ ῥυηφενέων πέδον ἀνδρῶν, ἤγουν πλουσίων. φασὶ δὲ Βαῖτιν εἶναι ποταμὸν Ἰβηρίας, δύο ἐκβολὰς ἔχοντα, ὧν μέσην ἱδρῦσθαι ὡς ἐπὶ νήσου τὴν τοιαύτην Ταρτησόν, οὕτω κληθεῖσαν διὰ τὸ καὶ τὸν Βαῖτιν Ταρτησὸν καλεῖσθαι παρὰ τοῖς παλαιοῖς. ταύτης καὶ ὁ Κωμικὸς μέμνηται ἐν Βατράχοις, ὅτε λέγει Ταρτησίαν μύραιναν, παίζων καὶ ἐκφοβῶν τὸν ἀκροατὴν τῷ ἐκτοπισμῷ. τὸν δὲ Ταρτησὸν κασσίτερον τοῖς ἐκεῖ κατά φέρειν ἱστόρηται. (…) ὅτι δὲ καὶ αὐτόθι Φοίνικες ἀπῴκησαν, δηλοῖ καὶ ὁ Γεωγράφος λέγων· «  ἀποικία γέγονε Φοίνιξιν ἕως Ἰβηρίας, τῆς τε ἄλλης καὶ [τῆς] ἔξω στηλῶν ». Ἀρριανὸς δὲ καὶ τὴν Ταρτησὸν Φοινίκων κτίσμα φησίν.

Commentaire Nous proposons de rattacher cette notice au lexiquesource, ce qui semble exclure Hécatée comme source première. [A] |1| La ville était très certainement mentionnée par Hécatée mais on ne trouve aucune trace véritablement identifiable de cet auteur dans la notice. Parmi les auteurs que nous connaissons, plusieurs la citent  :  Hérodote (1.163  ; 4.152), Strabon (1.2.26, 3.2.11-12 et 14), le pseudo-Scymnos (v. 164), Arrien (Alex. 2.16.4), Aristote (Meteor. 350b), le pseudo-Aristote (Mirab. auscult. 844a, 135 Giannini) et Anacréon (fr. 16). La forme Tartesos avec un seul s se trouve chez Denys le Périégète (v. 337). Nous proposons d’attribuer cette notice à Artémidore et à travers lui à Timée, la mention de « ville d’Ibérie » de la détermination géographique semblant convenir assez peu pour le lexique de Théopompe, alors que celui-ci fait de Tartessos le rattachement géographique pour le peuple des Glêtes (cf. Tlêtes [216]) et la région de Massia [145]). La mention de « ville d’Ibérie » ne permet pas non plus d’attribuer la détermination géographique à Hécatée. L’indication est donc complémentaire de celle que l’on trouve dans la notice Ibulla [101], attribuée également à Timée.

682 [B] : L’information qui est donnée ici ne se retrouve pas chez les autres auteurs que nous possédons. On notera en particulier qu’Eustathe de Thessalonique (Com. Dion. 453) signale la fondation de la ville par les Phéniciens (en se référant à Strabon et Arrien), information que l’on ne retrouve pas dans l’Épitomé et qui n’existait peutêtre pas dans les Ethniques non plus. D’après T. Braun, l’emploi de ὅστις dans le sens de ‘lequel’ au lieu de ὅς est caractéristique du dialecte ionien (Braun 2004, p. 307 et n. 36). Il attribue donc l’information à Hécatée. Cette forme peut également provenir de Théopompe, si dans cette partie il recopiait Pythéas. Toutefois, nous pensons que cette information provient de Timée (voir notice Ibulla [101]) ; la formulation ionienne ne se conçoit que s’il recopiait Hécatée, Pythéas ou un autre auteur marseillais. L’arrivée de l’étain par le fleuve est une erreur, que l’on retrouve chez le pseudo-Scymnos (v. 162-166) et chez Aviénus (Ora marit. v. 283-297), puisque celui-ci provient en fait des îles du nord-ouest de l’Espagne (Domergue 1990, p. 8-10 ; Braun 2004, p. 307). [D]  |2|  L’ethnique Tartêssios se trouve chez Hérodote

(1.163 repris par Lucien, Macrob. 10), le pseudo-Scymnos (v.  199) et Strabon (1.2.26), Diodore de Sicile (25.10.1) écrit Tartêsios. Une des mentions provient sans doute de Théopompe (voir la notice de Tlêtes [216]) voire d’Hécatée. [E] : La forme Tartêssia pouvait désigner la région. Elle

se trouve chez Aristophane (Ranae v. 475) et Hérodote (4.192). On retrouve cette forme dans la notice Ibulla [101] c’est pourquoi nous proposons d’attribuer cette forme à Timée (via Artémidore ?). Strabon (3.2.11) donne la forme Tartêssis d’après Ératosthène (« καὶ τὴν χώραν Ταρτησσίδα (…) καὶ Ἐρατοσθένης δὲ τὴν συνεχῆ τῇ Κάλπῃ Ταρτησσίδα καλεῖσθαί φησι ; le pays alentour s’appelait la Tartesside (…). Ératosthène, quant à lui, objecte que le nom de Tartesside s’applique à la région contigüe à Calpé  » trad. Lasserre). C’était peut-être la source de cette forme dans les Ethniques. |3| Nous ne savons pas d’où provient la citation qui clôt la notice de l’Épitomé, mais on la retrouve sous forme d’allusion dans le commentaire d’Eustathe de Thessalonique sur Denys le Périégète (v. 337). On trouve chez Pausanias (6.19.3), une description liée à l’usage du bronze de Tartessos : « χαλκοῦ μὲν δὴ αὐτοὺς ἑώρων εἰργασμένους· εἰ δὲ καὶ Ταρτήσσιος χαλκὸς λόγῳ τῷ Ἠλείων ἐστίν, οὐκ οἶδα. Ταρτήσσιον δὲ εἶναι ποταμὸν ἐν χώρᾳ τῇ Ἰβήρων λέγουσι στόμασιν ἐς θάλασσαν

211 – ΤαρτησσΟς/TARTESSOS [Λ] κατερχόμενον δυσὶ καὶ ὁμώνυμον αὐτῷ πόλιν ἐν μέσῳ τοῦ ποταμοῦ τῶν ἐκβολῶν κειμένην· τὸν δὲ ποταμὸν μέγιστόν τε ὄντα τῶν ἐν Ἰβηρίᾳ καὶ ἄμπωτιν παρεχόμενον Βαῖτιν ὠνόμασαν οἱ ὕστερον, εἰσὶ δ’ οἳ Καρπίαν Ἰβήρων πόλιν καλεῖσθαι νομίζουσι τὰ ἀρχαιότερα Ταρτησσόν. Ils sont tous deux de cuivre, et je les ai vus moi-même ; je ne sais s’ils sont de cuivre de Tartessos, comme l’assurent les Éléens. Ils disent que le Tartessos est un fleuve de l’Ibérie qui se jette dans la mer par deux embouchures, entre lesquelles est la ville qui porte le même nom. Ce fleuve qui est le plus considérable de tous ceux de l’Ibérie, et qui a un flux et un reflux comme la mer, se nomme maintenant le Bætis. D’autres prétendent que la ville de Carteïa, dans l’Ibérie, se nommait très anciennement Tartesse » (trad. Clavier). Le nom de Καρπία (ΚΑΡΠΙΑ) est une erreur soit pour Καρτηία (ΚΑΡΤΗΙΑ, plutôt que Καρτεία/ΚΑΡΤЄΙΑ) soit pour Καρπηία (ΚΑΡΠΗΙΑ) (voir fiche [118]).

Localisation et archéologie Il ne saurait être question ici de détailler toutes les problématiques tournant autour de l’antique Tartessos (voir pour un tour d’horizon complet mais néanmoins rapide, avec bibliographie antérieure, Mohcin 2004). Tout d’abord, notons que même si la notice de Stéphane de Byzance indique une ville, on a mis en doute cette réalité et noté que Tartessos pouvait désigner avec vraisemblance plutôt un pays (Täckholm 1965, p.  167170 ; Silberman 1988, p. 227), peut-être le « pays de Tarshish  » de la Bible (voir la synthèse récente de C. López-Ruiz 2009). Tartessos représenterait donc un royaume situé entre le détroit de Gibraltar et le Guadiana, avec plusieurs villes tant phéniciennes (Gades/Gadir, Carteia, Spal) qu’indigènes (Onoba, Ibulla, Eliburge) et un fleuve permettant l’accès à l’espace plus continental (Ferrer Albelda, Prados Pérez 2018, p. 234-236. L’archéologie n’a pas pu pour l’heure retrouver de vestiges qui pourraient être attribués à une ville. La localisation sans doute la plus exacte doit se placer entre les deux branches du Guadalquivir (Strabon 3.2.12 ; Pausanias 7.19.3 ; Braun 2004, p. 308). A. Schulten (Schulten 1945) l’a cherchée, sans arriver à en retrouver les vestiges. Cette civilisation semble s’épanouir le long du Guadalquivir et au débouché de celui-ci dans un grand golfe marin qui a depuis disparu, le lacus Ligustinus (voir fiche [134]), qui remontait jusqu’à l’actuelle Coria del Río près de Séville. Tartessos fait partie de ces mythes antiques basée sur une réalité qui remonte à la Grèce préclassique et qui restera chez les auteurs grecs comme

211 – ΤαρτησσΟς/TARTESSOS [Λ] latins comme un topos sur l’âge d’or, en lien avec le mythe d’Hercule fondateur pour l’extrême occident. Ainsi s’expliquent les mentions très tardives de ce nom alors que le royaume lui-même n’existe probablement plus dès l’époque d’Hérodote (García Fernández 2004, p. 63-71). Voir la notice Tourdêtania [218]. Tartessos est surtout connue dans l’Antiquité pour ses richesses minières, transportées depuis l’arrière-pays par le Guadalquivir, fleuve appelé également Tartessos (Strabon 3.2.11) ou Tartessis (Aristote, Meteor. 1.13, 19). C’est cette abondance en minerai qui est à l’origine de la colonisation phénicienne sur la côte méridionale de la péninsule ibérique puis de celle venue de Grèce de l’Est. De très nombreux objets en bronze ou en or témoignent de la richesse artistique de cette civilisation. Elle avait une langue et une écriture propre, dont les signes s’apparentent à ceux plus tardifs de l’ibérique. La montagne Arguros mentionnée dans la notice correspond au mons Argentarius de Strabon (3.2.11) et d’Aviénus (Ora marit. v. 291), peut-être le même que le mons Cassius (Ora marit. v. 259). Ce mont pourrait correspondre à la Sierra del Pinar, où le Guadalete (antique Lacca  ?), affluent du Guadalquivir, prend sa source. Toutefois, on a proposé également d’autres emplacements, comme le Cerro de Salomón à Riotinto (Huelva) ou dans la Sierra Morena, près de Castulo (sur l’ensemble des hypothèses en confrontation avec les textes antiques, voir Arboledas Martínez 2007, p. 259). Dans l’Antiquité, on considère généralement que Gadeira a remplacé Tartessos : Pline l’Ancien (3.7), Silius Italicus (3.396-399), Cicéron (De Senectute, 60), Aviénus (Ora marit. v. 85 et 267-270), Salluste (Hist. 2.32) et Arrien (Anab. 2.16.4). Quelques-uns comme Strabon (3.2.15) ou Pomponius Mela (2.96) la situe à Carteia mais les fouilles archéologiques réalisées sous cette ville n’ont pas révélé d’occupation ancienne. Le nom de Carpessos que donne Appien (Iber. 7) et qui aurait pu correspondre à une évolution du nom Tartessos, n’a qu’une correspondance avec une glose issue du Liber glossarum (lexique composé sans doute en Espagne dans la première moitié du viiie siècle, publié dans Goetz 1894, p. 175 d’après les Parisinus lat. 11529, 11530, datés de la fin du viiie siècle) : « Carpessus, insula Spaniae, iuxta quam sol occidit ». L’information étant tardive et prise certainement chez un auteur remontant au moins au Bas-Empire, sa valeur est donc toute relative.

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Chronologie des mentions vie s. av. : Stésichore, Ταρτησσός ; Hécatée, Ταρτησσός – ve s. av. : Anacréon, Ταρτησσός ; Phérécyde, Ταρτησσός ; Hérodote, Ταρτησσός, Ταρτησσίοι  ; Aristophane, Ταρτησσία ; Hérodore, Ταρτήσιοι – ive s. av. : [Aviénus, Ora maritima], Tartessus  ; Aristote, Ταρτησσός  ; Théopompe/Pythéas, Ταρτησσός, Ταρτησσίοι – iiie  s. av.  :  Lycophron, Ταρτησός  ; Timée ?, Ταρτησσία  ; Ératosthène ? Ταρτησσίς – iie  s. av.  :  pseudo-Scymnos, Ταρτησσός, Ταρτησσίοι – ier s. av.  :  Diodore de Sicile, Ταρτήσιοι  ; Nicolas de Damas, Ταρτησσίοι – ier s. : Ovide, Tartessus ; Strabon, Ταρτησσός, Ταρτησσίοι, Ταρτήσσις ; Pomponius Mela, Tartessus ; Pline l’Ancien, Tartessus – iie s. : Denys le Périégète, Ταρτησός ; Appien, Ταρτησσός ; Lucien, Ταρτησσίοι ; Pausanias, Ταρτησσός– iiie s. : Élien, Ταρτησσία ; Justin, Tartessus – ive s. : Basile de Césarée, Ταρτησός ; Solin, Tartessus – ive s. : Rutilius Namatianus, Tartessus. Le nom reste inchangé tout au long de l’Antiquité, avec un ou deux s.

Bibliographie indicative RE IV A, 2 (1932), col.  2446-2451 (s.v.  Tartessos) Schulten ; Smith 1854 (s.v. Tartessus) ; THA IIB 142cd ; Schulten 1945a  ; Täckholm 1965  ; Silberman 1988, p.  226-227  ; González Blanco 1991, p.  29, 35 ; Adrados 2000, p. 7-8, 12-16 ; Zehnacker 2004, p. 96 ; López-Ruiz 2009. Barrington Atlas : 26 D4 (Tartessos) ; http://pleiades.stoa.org/places/256468

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212 – ΤαυρΙσκοι/TAURISKOI [Λ ?]

212 – ΤαυρΙσκοι/TAURISKOI [Λ ?]

Peuple (hors cadre d’étude) (τ 52 Billerbeck)            Polybe ? Strabon ? Ératosthène Livre 52 – Second abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 21,5 % – taux théorique : 20 %). Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé et traduction (en grisé, forme erronée restituée du manu­scrit archétype disparu, corrigée dans la notice normalisée)

Tαυρίσκοι· ἔθνος περὶ τὰ ἄλπεια ὄρη. λέγονται καὶ ταυρῖνοι, ὡς πολύβιος γ΄. ἐρατοσθένης τερίσκους αὐτούς φησι διὰ τοῦ ε, οἳ καὶ τρῶοι(b) λέγονται(c). (a)

a) περὶ Q(per comp.)PN : παρὰ R. b) Ταῦροι Salmasius : τρῶοι RQPN. c) λέγονται PN : ἐλέγοντο RQ. b – Erreur lors de la translittération ?

Ταυρίσκοι· [Da] |1| ἔθνος περὶ τὰ Ἄλπεια ὄρη [Polybe ? Strabon ?]. [Dc] |2| λέγονται καὶ Ταυρῖνοι, ὡς Πολύβιος γ΄ [3.60.8].

|3| Ἐρατοσθένης [F IIIB, 117 Berger] Τερίσκους αὐτούς φησι διὰ τοῦ ε, οἳ καὶ Ταῦροι λέγονται.

Tauriskoi :  [Da] |1| peuple des environs des montagne des Alpes. [Dc] |2| Ils sont appelés également Taurinoi, selon Polybe (3 e livre). |3|  Ératosthène les nomme Teriskoi, avec un « e », et on les appelle aussi Tauroi.

Lexiques et commentaires grecs et byzantins ixe siècle – Choiroboscos (De orth., épitomé, p. 264.8) Ταυρῖνος· τιρύς· ὁμοίως τοῦ ἰλύς· γίνεται δὲ καὶ πρόσθεσις τοῦ ν τίρυνος. xiie  siècle – Eustathe de Thessalonique (Com. Dion. 306 et 321) οἱ μέντοι παρὰ τῷ Γεωγράφῳ Νωρικοὶ Ταυρίσκοι ἕτερόν εἰσιν ἔθνος παρὰ τούτους τοὺς Ταύρους. (…) ὁ δὲ Γεωγράφος ἔθνος τι συνάπτον τοῖς περὶ Ἀκυληΐαν χωρίοις Νωρικοὺς γράφει μετὰ τοῦ ν, ἄλλα τε λέγων καὶ ὅτι ἐγγὺς τοῦ Ἀδριατικοῦ μυχοῦ καὶ τῶν κατὰ Ἀκυληΐαν τόπων οἰκοῦσι Νωρικῶν τινες, καὶ ὅτι κατὰ Ἀκυληΐαν ἐν Ταυρίσκοις τοῖς Νωρικοῖς χρυσεῖον εὐφυὲς, ὥστε ἐπὶ δύο πόδας ἀποσύραντα τὴν ἐπιπολῆς γῆν εὐθὺς ὀρυκτὸν χρυσίον εὑρίσκεσθαι.

Commentaire La notice semble provenir du lexique-source. Les mentions d’auteurs anciens iraient dans ce sens. [Da] |1| La mention du peuple provient d’un auteur non

cité. On trouve cette forme chez Polybe (2.15.8, 2.28.4, 2.30.6, 34.10.10 et 14) et Strabon (4.6.9-10 et 12, 5.1.6, 7.2.2, 7.3.2 et 11, 7.5.2), ce dernier citant Polybe en 4.6.12. Pour les autres auteurs, le peuple est mentionné par Dion Cassius (49.34.2 ; 50.28.4), Sextus Empiricus (Adv. Mathem. 1.248) et Appien (Ill. 47). C’est également un nom d’homme chez Arrien (Alex. 3.6.7). [Dc] |2| La forme Taurinoi se trouve effectivement chez

Polybe (3.60.8 : « μετὰ δὲ ταῦτα, προσανειληφυίας ἤδη τῆς δυνάμεως, τῶν Ταυρίνων, οἳ τυγχάνουσι πρὸς τῇ παρωρείᾳ κατοικοῦντες  »  ; et en 34.10.18), mais également chez Strabon (4.6.6 et 12, qui cite Polybe pour cette dernière occurence) et Ptolémée (Geogr. 3.1.31). Une forme assez voisine (Ταυρινίας) est mentionnée par Stéphane de Byzance à propos du peuple des Psêssoi, provenant du Peri Gês d’Apollodore, mais nous sommes ici au contact du Danube. |3|  La forme que Stéphane de Byzance attribue à Ératosthène n’est indiquée que par notre compilateur. Il est possible que cette mention provienne de l’œuvre sur les Galates (Galatika) et se rapporte aux Celtes d’Orient comme pour les Tolistobioi [217]. La dernière forme est celle du mot grec pour « taureau ». Il était peut-être fait référence ici à la chaîne de montagne du Taurus, au sud de la Turquie actuelle (ὄρη Ταύρου) ce qui rapporterait l’ensemble de cette phrase à l’Asie mineure.

Localisation et archéologie Il s’agit d’un peuple de Norique, situé au nord-est de l’Italie. Mis en contact avec les Romains en 183 av. J.-C., ils firent alliance avec eux. À partir de 50 de notre ère, le Norique est intégrée à l’Empire romain, le Limes étant à ce moment là positionné au niveau du Danube. Les Taurini sont un peuple de l’actuel Piémont dont la ville principale est Taurinia/Turin. Ces deux peuples étant situés hors du cadre de notre étude, nous ne nous étendrons pas sur cette notice.

213 – ΤαυρΟεις/TAUROEIS [Λ]

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Chronologie des mentions

Bibliographie indicative

iiie  s. av.  :  Ératosthène, Tαυρίσκοι, Ταυρῖνοι – iie  s. av.  :  Polybe, Τερίσκοι – ier  s.  :  Strabon, Tαυρίσκοι – iie s. : Appien, Tαυρίσκοι ; Ptolémée, Ταυρῖνοι ; Sextus Empiricus, Ταυρίσκοι – iiie s. : Dion Cassius, Tαυρίσκοι.

RE IV, A2 (1932), col. 2544-2545 (s.v. Taurini) Philipp ; RE V, A1 (1934), col. 1-14 (s.v. Taurisci) Fluss ; Smith 1854 (s.v. Noricum) ; Peyre 1979, p. 25 Barrington Atlas : 20 B3 (Taurisci) ; http://pleiades.stoa.org/places/197545

213 – ΤαυρΟεις/TAUROEIS [Λ]

Ville – Gaule (Narbonnaise) (τ 53 Billerbeck)            Artémidore (+ Timée ? Éphore ?) Livre 52 – Second abrégé (taux moyen de conservation du texte dans le livre : 21,5 % – taux théorique : 20 %). Texte du manu­scrit archétype, texte normalisé et traduction (en grisé, forme erronée restituée du manu­scrit archétype disparu, corrigée dans la notice normalisée)

Ταυρόεις (a)· πόλις κελτική, μασσαλιητῶν (b) ἄποικος. οἱ πολῖται(c) ταυροέντιοι(d). ἀπολλόδωρος ἐν α΄(e) γεογραφουμένων φησὶν ὅτι ταυροφόρος ἦν ἡ ναῦς ἡ διακομίσασα τοὺς τὴν πόλιν κτίσαντας, οἳ ἀπορριφέντες(f ) ἀπὸ τοῦ στόλου τῶν φωκαέων καὶ προσενεχθέντες αὐτόθι ἀπὸ τοῦ ἐπισήμου τῆς νεὼς τὴν πόλιν ὠνόμασαν. {τὸ ἐθνικὸν ταυρῖνοι(g)} (h). a) Ταυρόεις RPN : Τανρόεις Q. b) μασσαλιητῶν RQPN : Μασσαλιωτῶν Westermann. c) πολῖται RQ : πολίται PN. d) οἱ πολῖται ταυροέντιοι secl. Meineke. e) Ἀπολλόδωρος ἐν α΄ Γεογραφουμένων Bouiron : ἀπολλόδωρος ἐν α΄ γεογραφουμένων RQPN, Ἀρτεμίδωρος ἐν α΄ Γεογραφουμένων Heyne, Ἀπολλόδωρος ἐν α΄ Γεογραφουμένων Marcotte Billerbeck, Ἀπολλόδωρος ἐν α΄ Γεογραφουμένων Niese. f ) ἀπορριφέντες QPN : ἀποριφέντες R, ἀπορρυέντες Meineke in app. g) ταυρῖνοι RQPN : Tαυροέντιοι Meineke. h) τὸ ἐθνικὸν ταυρῖνοι secl. Pinedo.

Ταυρόεις· [A] |1| πόλις κελτική [Artémidore ?], [B] Μασσαλιητῶν ἄποικος [Artémidore ?]. [D] |2| οἱ πολῖται Ταυροέντιοι. |3| Ἀπολλόδωρος [FGrHist

244 F 312] ἐν α΄ Γεογραφουμένων [F 3 Stiehle] φησὶν ὅτι Ταυρόφορος ἦν ἡ ναῦς ἡ διακομίσασα τοὺς τὴν πόλιν κτίσαντας, οἳ ἀπορριφέντες ἀπὸ τοῦ στόλου τῶν Φωκαέων καὶ προσενεχθέντες αὐτόθι ἀπὸ τοῦ ἐπισήμου τῆς νεὼς τὴν πόλιν ὠνόμασαν [Timée ? Éphore ?]. |5| {τὸ ἐθνικὸν Ταυρῖνοι}.

Tauroeis  :  [A]   |1|  ville celtique, [B]   fondation des Massaliètes. [D] |2| Les citoyens sont appelés Tauroentioi. |3|  Apollodore dans le 1 er livre des Descriptions géographiques dit que ‘Taurophore’ était le nom du bateau qui avait transporté les fondateurs de la ville. Après avoir été isolés de la flotte des Phocéens et avoir dérivé jusque là ils nommèrent la ville d’après l’emblème de leur vaisseau. |5| {L’ethnique se dit Taurinoi}.

Commentaire La notice provient semble-t-il du lexique-source. [A] |1| La forme même de Tauroeis se trouve chez le pseu-

do-Scymnos (v. 215), alors que Strabon (4.1.5 et 9) et Ptolémée (Geogr. 2.10.5) emploient Tauroention. C’était probablement la forme utilisée par Artémidore.

[B] : La mention de la fondation par les Massaliètes peut provenir du pseudo-Scymnos comme d’Artémidore. Il faut noter que l’on trouve ici la forme très rare de Massaliêtai, qui provient d’un auteur écrivant en ionien comme pouvait l’être Artémidore d’Ephèse. Ce serait une preuve du rattachement à cet auteur. [D] |2-3| La mention du nom des citoyens est normale,

elle vient à la suite de la rubrique chrono-mythologique, en l’absence d’autres formes du toponyme. L’ethnique se rapporte à la forme lexicale de la ville que donne Strabon ; on le retrouve dans la notice Teichioeis (τ 70) : «  τὸ ἐθνικὸν Τειχιοέντιος, ὡς Ταυρόεις Ταυροέντιος. L’ethnique se dit Teichioentios, formé comme Tauroeis Tauroentios ».

686 Dans le manu­scrit archétype, la mention d’Apollodore suivie du livre des Descriptions géographiques, œuvre d’Artémidore, implique trois possibilités. D’une part il s’agit d’une simple erreur d’écriture de l’un pour l’autre, sans que cela signifie qu’Apollodore ait mentionné cette ville. Notons que cette erreur serait unique dans tout l’Épitomé. La seconde possibilité implique une erreur de lecture, du même au même, en sautant une ligne, avec le nom d’Apollodore et d’Artémidore coupés en leur milieu par le retour à la ligne suivante. Apollodore était bien mentionné d’abord, avec le nom de l’œuvre ou un petit commentaire, suivi d’Artémidore. C’est l’hypothèse retenue par Niese, D. Marcotte (Marcotte 2000, p. 269, F. 18) et M. Billerbeck (voir apparat critique). La troisième hypothèse implique, dans un texte encore intact, d’avoir un saut du même au même après le numéro du livre, dans un cas de l’œuvre d’Apollodore (nom disparu depuis) et dans l’autre cas d’Artémidore (seul subsistant le nom de l’œuvre). Ce genre d’erreur peut se produire dans les translittérations car la lecture en est plus difficile. Il nous semble peu probable qu’elle intervienne au moment de la rédaction d’un des abrégés puisque cette composition implique une réflexion et non une copie à l’identique. C’est pourquoi nous privilégierons l’hypothèse que ce saut s’est produit sur le texte d’origine des Ethniques, qui donnait les mentions avec leurs références complètes, issue ici du lexiquesource. Placée à cet endroit là, la mention d’Apollodore se rapporte alors à l’ethnique Tauroentioi et en constitue la référence. Niese proposait d’y voir le Peri Gês mais l’indication de la fondation de la cité qui suit a probablement plutôt trouvé place dans ses Chroniques : cet évenement pourrait être postérieur à la prise de Phocée par les Perses ou à la bataille d’Alalia. Nous ne pensons pas qu’une citation accompagnait la mention car il n’y aurait pas la place ; en revanche quelques mots de transition pouvaient se trouver avant la mention d’Artémidore. [F1]  |4|  Nous notons dans la rubrique d’information générale [F] une information plus détaillée. Ayant trouvé intéressante la notice du lexique-source, provenant de l’œuvre non abrégée d’Artémidore, Stéphane de Byzance a juxtaposé ce texte qui donnait l’origine de la ville. Le tout peut provenir, à travers Artémidore, d’un auteur comme Timée dont on sait, par la notice Massalia (cf. fiche [144] qu’il donnait une explication étymologique de certains toponymes, ou d’Éphore mentionné à plusieurs reprises par Artémidore.

|5| : La phrase concernant l’ethnique Taurinoi est une erreur de copie qui se rapporte à la notice précédente (Tauriskoi [212]) dans l’Épitomé.

213 – ΤαυρΟεις/TAUROEIS [Λ]

Localisation et archéologie La ville de Tauroeis/Tauroentum est située sur le territoire de la commune de Six-Fours-les-plages (Var, France), au lieu dit Le Brusc. Le site a beaucoup souffert des installations contemporaines, à commencer par les forts construits dès la fin du xixe siècle et durant la Deuxième guerre mondiale. Plus récemment, l’aménagement du port du Brusc et l’extension de l’habitat s’est déroulé pratiquement sans surveillance archéologique. L’ensemble a fait l’objet d’une première description par F. Brien-Poitevin (in Brun 1999, p. 726-738) en attendant une publication plus détaillée des fouilles, en cours sous la direction de C. Varoqueaux. Les indications qui suivent proviennent de ce texte. On connaît de la ville antique trois éléments bâtis d’importance : un rempart, un aqueduc et un mur de soutènement. Le rempart est construit en blocs de tuf calcaire en grand appareil à joints vifs, suivant une technique que l’on retrouve en particulier sur le site de La Bourse à Marseille et que l’on date du milieu du iie siècle av. J.-C. Les tronçons observés de l’aqueduc sont soit creusés directement dans le rocher soit construits en grand appareil, de façon similaire au rempart. Les fouilles anciennes ont révélé la présence d’habitations, superposant un état massaliète probablement du ier siècle avant notre ère à des maisons romaines avec sol en opus signinum et enduits peints muraux. Dans les fouilles, aucune céramique attique à figures noires ou rouges n’a été retrouvée ; la fondation semble se placer plutôt dans la seconde moitié du ive siècle, comme pour Olbia, voire le iiie siècle, contrairement à ce que laisse penser le texte de l’Épitomé qui, par la mention des Phocéens semble rapporter la fondation peut-être vers le milieu du vie siècle av. J.-C. J.-P. Brun propose même de voir la fondation d’origine au lieu-dit Le Mourret, distant de 2 km, site qui présente un faciès céramique de type grec et qui est occupé durant la première moitié du ive siècle av. J.-C. (mais pas plus tôt) (Brun 1999, p. 114-115). La population aurait ensuite pu se déplacer mais dans l’état actuel de la documentation archéologique il reste un hiatus dans l’occupation jusqu’au iie siècle av. J.-C. Si la ville romaine est bien présente, son abandon semble intervenir dans le courant du iiie siècle de notre ère.

214 – ΤεκτΟσαγες/TEKTOSAGÊS [Ω]

Chronologie des mentions ive-iiie  s. av.  :  Éphore ? Timée ?, Ταυρόεις ? – iie  s. av. : Apollodore, Ταυροέντιοι ; pseudo-Scymnos, Ταυρόεις ; Artémidore, Ταυρόεις (πόλις κελτική, μασσαλιητῶν) – ier s. av.  :  Jules César, Tauroentum – ier  s.  :  Strabon, Ταυροέντιον ; Pomponius Mela, Tauroïs ; Pline l’Ancien, Tauroentum (oppidum) – iie s. : Ptolémée, Ταυροέντιον (ἄποικος) – ve s. : Itinéraire marin d’Antonin, Taurento. La forme initiale est Tauroeis, que l’on retrouve encore chez Pomponius Mela. Il s’agit d’un type archaïque de formation de noms en -oeis, dont le féminin en -oessa est connu sous sa forme contractée -oussa, et que l’on met généralement en rapport avec la colonisation phocéenne (García Alonso 1996 p. 119) mais qui, selon P. Moret (Moret 2006, p.  43-46), est également présent à des périodes plus récentes.

687 Dès l’époque augustéenne, Strabon emploie Tauroention, qui correspond au Tauroentum de Pline l’Ancien et qui est encore employé au iie siècle par Ptolémée. C’est cette forme, un peu abrégée, que l’on retrouve dans l’Itinéraire maritime d’Antonin.

Bibliographie indicative Smith 1854 (s.v.  Tauroeis)  ; Benoit 1965, p.  104  ; Barruol 1969, p. 221, 228 n. 1 ; Rivet 1988, p. 201 ; Silberman 1988, p. 214 ; Brun 1999, p. 114-116 et 726-738 ; Bats 2003, p. 153 ; Privitera 2007. Barrington Atlas : 16 A3 (Taurois/Tauroention) ; http://pleiades.stoa.org/places/157934

214 – ΤεκτΟσαγες/TEKTOSAGÊS [Ω]

Peuple – Gaule (Narbonnaise) (τ 74 Billerbeck)            Hérodien ? (