Pêche maritime au Congo: Possibilités de développement [Reprint 2023 ed.] 9783112695807

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Pêche maritime au Congo: Possibilités de développement [Reprint 2023 ed.]
 9783112695807

Table of contents :
Introduction
CHAPITRE I. Le Congo, pays pauvre en protéines animales
CHAPITRE II . La pêche dans l'Océan Atlantique Tropical
CHAPITRE III . Les conditions du développement de la pêche maritime en République Démocratique du Congo
Conclusion
Annexes
A.1. Explication de la figure 17
A.2. Importations de poissons salés fumés, année 1967
A.3. Importations de viande et de poisson
A.4. Importations des produits de la pêche en République Démocratique du Congo
A.5. Importations de viande et poissons, année 1967
A.6. Société
Liste des tableaux et des figures
Table des matières

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PÉCHE MARITIME AU CONGO

INSTITUT DE RECHERCHES ÉCONOMIQUES ET SOCIALES UNIVERSITÉ LOVANIUM DE KINSHASA

RECHERCHES AFRICAINES

X

I.R.E.S.

MARCEL DORMONT

PÊCHE MARITIME AU GONGO Possibilités

de développement

MOUTON • PARIS • LA HAYE

Diffusion en France par La Librairie

MALOINE

Librairie de la Nouvelle Faculté 30, rue des Saints-Pères, 75 - Paris 7 e

S.A. Éditeur :

Librairie Maloine S.A. 8, rue Dupuytren, 75 - Paris 6e

Diffusion en dehors de la France : Mouton & Go Boîte Postale 1132 La Haye

Library of Congress Catalog Card Number : 77-126579 © Copyright 1970, Mouton et I.R.E.S. Printed in Belgium

« Nos espérances sur l'état à venir de l'espèce humaine peuvent se réduire à ces trois points importants: la destruction de l'inégalité entre les nations, les progrès de l'égalité dans un même peuple, enfin, le perjectionnement réel de l'homme ». CONDORCET Esquisse d'un tableau historique des progris de l'esprit humain

Introduction

Le rapport entre la population mondiale et les ressources alimentaires pose un problème qui tourmente le monde depuis plus de cent cinquante ans ; c'est en effet en 1798 que Malthus publia son Essai sur le prìncipe de la population. On ne saurait négliger le fait que le néo-malthusianisme représente plus qu'une simple opinion à propos du rapport entre la population et les ressources alimentaires disponibles dans l'avenir; il va souvent de pair avec un certain scepticisme quant à l'utilité qu'il y a à chercher à accroître la production alimentaire ou à améliorer l'état de santé des régions sous-développées. 1 De 300 à 500 millions d'êtres humains n'ont véritablement pas de quoi manger et les deux tiers des 3 milliards de personnes qui constituent la population mondiale souffrent de malnutrition plus ou moins grave. On s'attend à ce que le chiffre de la population mondiale ait doublé d'ici la fin du siècle pour atteindre vraisemblablement plus de 6 milliards. 2 Le New York Times a publié, d'après des indications de la F.A.O., la figure 1. Elle contient d'intéressants renseignements sur le rapport entre la population et la production dans le monde. Ainsi, si l'Europe n'abrite que 27 % de la population mondiale, elle représente 36 % de la production agricole. Le contraste est encore plus frappant en Amérique du Nord qui, avec 8 % de la population mondiale, fournit 23 % de la production agricole. En revanche, pour l'Extrême-Orient (y compris l'Inde), les chiffres sont inversés : le pourcentage de la population est de 39 %, tandis que 1. F.A.O., Possibilités d'accroître la production alimentaire mondiale, Etude de base 10, Rome, 1963. 2. Organisation des Nations-Unies pour l'alimentation et l'agriculture, Développons la consommation de protéines, Rome, 1963.

2

F I G U R E 1.

Population mondiale, production

Source : Food and Agriculture Organization. The New York Times,

agricole et pays sous-alimentes

Nations-Unis, Ford Foundation (par Raghubir Singh).

3

4

Introduction

la production agricole ne représente que 16 % de la production agricole dans le monde. C'est ce qui explique les dramatiques famines que connaissent parfois ces régions. Signalons cependant que la Chine populaire n'est pas comprise dans ces statistiques. O n remarquera, d'autre part, que les zones noires de la carte appartiennent aux régions où les populations disposent de moins de 2 200 calories par jour. O r , on estime à 2 400 le nombre de calories nécessaires ( 3 200 pour les travaux de force) .3 Les statistiques révèlent que la production alimentaire est à la traîne justement dans les régions qui ont les plus hauts taux de natalité. C'est donc surtout le lit de la misère qui est fécond. Est-ce à dire q u ' u n continent privilégié comme l'Europe se trouve à l'abri des disettes futures? Alfred Sauvy, Louis Henry et d'autres démographes, ont, depuis près de vingt ans, mis en évidence les réalités qui sont aujourd'hui le débat des plus graves docteurs. « Avec les mortalités d'hier, sur 1 000 jeunes filles nées vivantes, 500 seulement parvenaient à l'âge du mariage et 450 se mariaient; 225 mouraient encore, ou devenaient veuves, avant leur ménopause; de sorte que celles qui étaient restées vivantes et en puissance d'époux jusqu'à leur cinquantième année devaient avoir en moyenne près de sept enfants pour que seulement la population ne décroisse pas. Aujourd'hui, il suffit que les femmes mariées de 50 ans aient en moyenne 2,5 enfants pour que l'Europe ait une croissance démographique de un pour cent par an, laquelle, en 1 000 ans, porterait sa population de 400 millions à 400 milliards ». 4 O n peut évidemment arriver à des chiffres assez différents, selon l'évolution que l'on prévoit en ce qui concerne les taux de natalité et de mortalité. Il semble toutefois que les prochaines décennies seront caractérisées par une grande poussée démographique. Dans quelle mesure le régime alimentaire des pays sous-développés doit-il être amélioré pour atteindre un niveau nutritionnel convenable ? Trois normes sont habituellement prises en considération pour calculer le niveau alimentaire souhaitable. Ce sont : 1. la ration totale de calories ; 2. la ration totale de protéines; 3. la qualité de cette dernière mesurée, pour des raisons de commodité, en ration de protéines d'origine animale. 3. Tribune de Genève, 24 février 1966. J. FOURASTIÉ, Essais de morale prospective, Paris, Gonthier, 1966, p. 7-8.

4.

5

Introduction

TABLEAU 1. Contraste entre l'état nutritionnel des régions économiquement développées et celui des régions économiquement sous-déoeloppées 5

Rubrique

Calories (par personne et par jour) Quantité totale de protéines (grammes par personne et par jour) Protéines animales (grammes par personne et par jour) Population (1958; en millions)

Groupe I

Groupe II

Régions sousdéveloppées

Régions développées

2 150

3 060

58

90

9 2 001

44 858

Ainsi que le montre le tableau 1, le contraste le plus frappant apparaît non dans la quantité mais dans la qualité de l'alimentation. Dans les pays du groupe I, la quantité moyenne de protéine animale est seulement de 9 grammes, soit un cinquième de la ration moyenne des pays du groupe II. Le régime alimentaire des pays insuffisamment développés se caractérise par une forte proportion de céréales et de féculents, aliments qui, même lorsqu'ils sont consommés en quantité suffisante, présentent d'importantes déficiences du point de vue qualitatif. Les aliments protéiques sont très importants en tant qu'aliments de croissance, leur manque, ainsi que nous le verrons plus en détail par la suite, contribue à accroître le nombre d'enfants malades et à débiliter l'état de santé de l'ensemble de la population, qui se trouve ainsi incapable de soutenir l'effort nécessaire pour améliorer son niveau de vie. C'est là le cercle vicieux bien connu : manque d'aliments appropriés; sous-alimentation et malnutrition; rendement réduit du travail; production alimentaire insuffisante. « La mesure exacte dans laquelle une consommation alimentaire insuffisante, en raison du piètre état nutritionnel qui en résulte, diminue le rendement du travail, ne saurait être déterminée avec précision, mais presque toutes les commissions officielles, de même que les experts qui ont étudié la question à titre individuel dans les différents pays, s'accordent à proclamer qu'un régime alimentaire médiocre est une cause 5. P . U . SUKHATME, La Faim dans le monde et les besoins alimentaires

futurs,

Rome, F.A.O., 1962 (communication présentée à la Royal Statistical Society, le 17 mai 1961).

6

Introduction

importante de réduction de la capacité de travail, et cela pour les raisons suivantes : a) le corps tend à se protéger d'une insuffisance alimentaire en évitant les efforts, ce qui entraîne finalement la torpeur, le manque d'initiative et d'énergie; b) un régime alimentaire médiocre réduit la résistance du travailleur à la maladie; c) il provoque un absentéisme marqué pour cause de maladie; d) lorsque les travailleurs sont sous-alimentés et ont tendance à se fatiguer rapidement, le taux des accidents tend à s'élever ».6 Citons également le rapport britannique sur la nutrition dans l'empire colonial 7 : « O n ne saurait trop insister sur le fait que, si un régime alimentaire composé presque uniquement, de même uniquement, de céréales peut permettre de vivoter, il n'est aucunement suffisant pour assurer un plein rendement... Nous considérons comme à peu près certain qu'en Afrique, toutes considérations humanitaires mises à part, toute somme consacrée à rapprocher la consommation alimentaire du travailleur d'un régime suffisant et bien équilibré sera dépensée à bon escient en se plaçant au point de vue de l'intérêt immédiat de l'employeur ». Étant donné que le déficit protéique est beaucoup plus important que le déficit calorique, une mesure efficace consisterait en une orientation sélective de la production alimentaire, de façon à porter l'effort principal vers les aliments protéiques. Le fait que l'on exige toujours plus de la terre 8 ainsi que les frais élevés qu'entraîne l'exploitation de nouvelles ressources agricoles, ont naturellement attiré l'attention des hommes vers la richesse des océans en premier lieu pour arriver à utiliser de manière plus complète les protéines que l'on peut tirer des pêches et plus tard, peut-être, pour exploiter la végétation aquatique. 6. F.A.O., Nutrition et travail, Campagne mondiale contre la faim, Etude de base 5, Rome, 1962, p. 10-11. 7. H.M.S.O., Nutrition in the colonial empire, Londres, 1939. 8. La superficie du globe est de 530 millions de km 2 : trois quarts sont constitués par de l'eau; un quart, soit 13 millards d'hectares, par de la terre. De ce quart, un cinquième seulement est formé de terres agricoles et quatre cinquièmes sont des déserts, des cités, des routes, etc. Il faut donc compter un hectare de terre, de qualité très différente, par habitant. Les malthusianistes disent que c'est insuffisant, tandis que certaines estimations font calculer que la terre, rationnellement exploitée, pourrait nourrir de 3,5 à 13 milliards d'habitants (A. VAN H O U T T E , « Les Problèmes internationaux à la base de la F.A.O. », Bulletin Agricole du Congo Belge, XLIII, 2, p. 383-398).

Introduction

7

Bien qu'elles recouvrent plus de 75 % de la surface de la terre, les mers ne fournissent que 10 % des protéines et pas plus de 1 % environ du total des disponibilités alimentaires. En se basant sur ce que l'on sait des ressources marines en poisson, la Conférence de la F.A.O., à sa sixième session, a émis l'opinion que la production mondiale de poisson pourrait être doublée sans dommage pour lesdites ressources. Tableau comparatif la viande de bœuf dans le monde

de la production

A. Production (en milliers de tonnes

métriques)

TABLEAU 2 .

Poisson*

Région 1950-1952 Afrique Amérique du Nord Amérique latine Asie Europe Océanie U.R.S.S. Proche-Orient

1 280 3 480 640 8 530 6 640 90 1 830

1959

1961

Viande de bœuf et de veau 1960

2 3 3 15 8

2 3 6 16 8

1 7 5 2 6

230 990 190 380 070 120 2 760

470 950 520 690 160 120 3 250

600 800 200 900 (1958) 300 900 3 200 (1959) 700







22 490

35 740

41 160

28 600

Commerce, exportations (poids de produit, en milliers de tonnes

métriques)

Total B.

et du commerce du poisson et de

Produit

1948

1959

1961

Poisson frais, congelé, séché, salé, fumé et en conserve, farine et huile de poisson Viande fraîche, traitée et en conserve

1 700

3 700

4 300

2 200**

4 300



* Quantités pêchées (poids vif). ** (Moyenne 1948-1952)

Le tableau 2 montre, en chiffres ronds, le volume et la répartition à travers le monde de la production et du commerce du poisson, les chiffres approximatifs représentant la production en viande de boeuf

8

Introduction

u. . 3d ¡J1 is u • 5 a 3£ a « D* sj | V« S * 3 '3 . -g § s«? a s £ 8 •. Pi § 2 « g -is 3 flj -"§CO § 5 fl | § §H

9

Introduction

sont donnés pour permettre la comparaison avec une denrée plus familière. « Il est toujours difficile de prévoir ce que pourraient rendre de vastes zones océaniques, dont une petite partie seulement a été explorée par la recherche moderne. Du point de vue de la production alimentaire, on se trouve ici en face d'un double problème : il s'agit d'une part de préserver les fonds faisant déjà l'objet d'une exploitation intensive et qui sont d'une importance économique et nutritive bien établie, et il s'agit, d'autre part, d'étendre les zones d'exploitation et aussi de tirer davantage parti d'espèces qui ne sont pas encore exploitées commercialement ». O n constatera au tableau 3 que le taux d'accroissement de la production du poisson est tout à fait remarquable pour certains pays. Nous ne pouvons certes pas en déduire que des taux semblables se maintiendront, mais nous devons constater qu'il est possible, moyennant certaines conditions (emploi de techniques modernes, augmentation du nombre de pêcheurs, présence d'une forte demande) d'accroître très rapidement les tonnages débarqués. Exemples d'accroissements rapides de la production de poisson (poids vif, en milliers de tonnes métriques ) 9

TABLEAU 3 .

Pays

1920

1938

1947

1959

1961

1966

Japon Danemark et îles Féroé Afrique du Sud et Sud-Ouest africain Pérou Inde

2 300

3 500

2 200

5 900

6 700

7 077

92

160

300

760

760

1 016

67

740 2 150 820

1 010 5 200

1 182 8 789 1 367

Chili Pologne

11 1 (1921)

120 30 530 (1945) 61 40

270 160

430 190

— —







32 13



1 383 334

Cet accroissement de la production se réalise en puisant dans des populations de poisson qui deviennent facilement accessibles grâce aux progrès de la technique de la pêche. Ainsi, dans le passé, la plus grande partie des pêches se cantonnait sur les hauts fonds continentaux lesquels 9. Cf. également F.A.O., Possibilités d'accroître la production alimentaire, op. cit., p. 215-216.

10

Introduction

ne représentent que 10 % de la surface totale des mers et des océans. Actuellement, la mise au point d'engins permettant la pêche en eaux profondes, ouvre de très grandes perspectives quant à l'accroissement des surfaces. D'autre part, il existe un certain nombre d'espèces qui, d'après les experts, pourraient fournir des apports plus importants, citons : — les thons, qui pourraient être capturés en plus grand nombre dans le Pacifique, dans le nord de l'océan Indien, dans l'Atlantique Sud et équatorial notamment; — les poissons de la famille des clupéidés (sardines et sardinelles, etc.) ; — les perches d'eaux saumâtres caractéristiques des côtes marines tropicales (Lutjanns sp., Spyraena sp., dénommée vulgairement barracuda) — les crustacés et les mollusques qui, en valeur, constituent déjà une part importante du commerce des produits de la mer. Bien que la pêche soit l'une des plus anciennes occupations de l'homme, des réserves de crustacés totalement intactes ont été découvertes et mises en exploitation récemment encore, au large des côtes orientales de l'Amérique et de l'Australie et dans le golfe du Mexique. Au Japon on prend chaque année près de 1 million de tonnes de crustacés et de mollusques, et aux Etats-Unis plus de 800 000 tonnes. 1 0 La mesure dans laquelle les ressources de la mer permettront de contribuer à la solution des problèmes posés par l'alimentation mondiale dépendra, en grande partie, de l'attitude des gouvernements, de leur capacité à fournir les fonds et les compétences ainsi que de leur sagesse pour exploiter rationnellement les richesses halieutiques et en assurer la répartition internationale. Etant donné l'actualité du problème de la sous-alimentation en protéines animales en République du Congo 11 et partant du fait que ce pays a la chance d'être rattaché à l'océan par son grand fleuve, il nous est apparu que cette chance devrait être exploitée rationnellement au bénéfice des nationaux et que d'autre part le Congo devrait s'occuper activement de l'évolution de ses possibilités dans le domaine de la pêche étant donné que le moment n'est pas loin où non seulement cette tâche pourrait avancer très vite grâce à une collaboration internationale appropriée, mais où les efforts entrepris dans ce domaine risquent d'être rendus vains faute d'une telle collaboration. Qu'en est-il de ce dernier point ? 10. A. BOYER, Les Pêches maritimes, Paris, Presses Universitaires de France, 1967 (coll. « Que sais-je? », 199), p. 98 sq. 11. Entretiens avec Son Excellence A. Zamundu, ministre de l'Agriculture de la République du Congo.

Introduction

11

Les campagnes de chalutage du golfe de Guinée, I.C.I.T.A. (International Coopérative Investigations of the Tropical Atlantic) et G.T.S. (Guinean Trawling Survey), ont en fait amélioré la connaissance de l'Atlantique tropical sans toutefois que leur champ d'action ne dépasse, vers le sud, une ligne reliant Sainte-Hélène à l'embouchure d u Congo. Étant donné que les pêcheries du Congo exercent leur activité le long des côtes de l'Angola, elles n'ont pu tirer de profit des deux campagnes dont les résultats furent analysés à Abidjan. D'autre part, ainsi que l'a signalé Monsieur Ruivo, représentant d u directeur de la F.A.O., lors de son discours du 20 octobre 1966 : « . . . le projet pour l'évaluation des populations de Sardinelle et d'autres poissons clupéidés dans le Golfe de Guinée dont les plans ont été élaborés par le Comité Consultatif de Ressources Marines a permis d'établir u n important réseau de projets nationaux et u n projet régional de développement de pêches établis par le fonds spécial des Nations Unies et exécutés par la F.A.O Ces projets qui sont ou seront basés a u Sénégal, en Sierra-Leone, en Côte d'Ivoire, au Ghana, au Nigeria, au Congo-Brazzaville, mobilisent u n nombre considérable d'experts qui disposeront d'équipement et de bâteaux de recherche appropriés... Il est prévu une prospection intensive en vue de la localisation et d e la détermination de l'abondance des poissons comestibles par l'utilisation de méthodes acoustiques selon un plan également élaboré par un groupe de travail de notre Comité Consultatif. Le succès de ce projet exige la standardisation de l'équipement et des méthodes de travail, l'amélioration de statistiques, u n échange régulier d'informations et d'expériences ainsi q u ' u n e coordination efficace parmi toutes les institutions nationales et internationales qui participent à ces recherches ». Conscient d u vaste mouvement de recherches océanographiques et halieutiques entrepris à partir de nombreux pays d'Afrique, averti professionnellement de la rareté d u poisson de mer notamment sur le marché de Kinshasa, sensibilisé par le développement prometteur de la société de pêche maritime d u Congo, j'ai, depuis l'année 1962, amassé de la documentation sur les méthodes et les engins de pêche, sur la commercialisation d u poisson, etc. J e me suis toutefois vite rendu compte qu'il était très difficile de se faire une opinion sur la place que la pêche maritime pourrait prendre dans l'économie du pays et j ' a i vainement recherché u n ouvrage de base à ce sujet. L'opération « Retroussons les manches » lancée par le Président de la République m ' a donné le désir de faire œuvre utile en publiant une étude qui partait de l'idée que le public qui veut bien s'intéresser à la question est en droit de savoir si oui ou non et dans quelle mesure la

12

Introduction

pêche maritime est un secteur intéressant pour l'économie d u Congo. La faculté des sciences politiques, sociales et économiques de l'Université Lovanium m ' a ouvert ses portes et j e ne saurais passer sous silence l'amabilité avec laquelle ses professeurs, eux-mêmes accablés de tant de tâches urgentes, ont bien voulu m'aider et me conseiller. Mes remerciements s'adressent particulièrement aux professeurs De Bont et V a n de Velde qui ont bien voulu me faire part de leurs idées sur divers aspects de m a thèse à mesure que j e les exposais. Le plan général de ce travail m'est venu presque spontanément à l'esprit. Comme toute l'activité économique a pour but de satisfaire les besoins, le premier chapitre présente les particularités afférentes aux besoins en protéines animales. Les moyens de satisfaire ces besoins par l'exploitation de la pêche maritime sont analysés au second chapitre, notamment : les travaux de recherches scientifiques réalisés jusqu'à présent dans l'Atlantique Sud, l'activité déployée par la pêche maritime au Congo ainsi que les efforts accomplis et les projets envisagés par les autres pays d'Afrique. Après avoir examiné les besoins et les biens capables de les satisfaire, il restait à indiquer vers quelle structure il convient de se diriger afin d'atteindre le double objectif que constituent la pleine utilisation des ressources et l'orientation de la production vers les besoins de la nutrition et d u marché. C'est pourquoi le troisième chapitre, intitulé « Les conditions du développement de la pêche maritime », commence par l'étude des facteurs de production : personnel, navires de pêche, installations terrestres, méthodes et engins de pêche. Ensuite y sont examinées les possibilités de diversification de la production ainsi que la distribution et la commercialisation d u poisson de mer. Après une esquisse du rôle de l'Etat en tant que coordinateur et promoteur du développement de la pêche, ce dernier chapitre se termine par un projet de plan de développement synthétisant les différents aspects de la contribution de la pêche maritime au progrès économique d u pays. Sans vouloir préjuger des conclusions de ce travail disons dès à présent que la localisation et l'évaluation des ressources marines, l'intensification des pêches expérimentales, la sélection des méthodes de capture, ainsi que la formation du personnel à tous les niveaux constituent, avec les problèmes des investissements, les éléments essentiels a u développement de la pêche. Au début de cette étude, nous nous devons de faire deux réserves,

Introduction

13

d'une part l'évolution économique ne peut être définie que par un choix des données les plus importantes ; une étude exhaustive n'est pas possible, d'autre part, si l'on veut parler de la position future de la pêche au Congo, il faut se prononcer sur la politique des différents pays. L'auteur ne peut donc qu'exposer sa propre conception de la politique de la pêche et cela seulement sur un certain nombre de problèmes qui lui paraissent particulièrement importants.

CHAPITRE I

Le Congo, pays pauvre en protéines

I.L. IMPORTANCE

DES

PROTÉINES

ANIMALES

animales

DANS

L'ALIMENTATION

HUMAINE

1.1.1. Rôle des protéines Les organismes animaux ont besoin de : 1. Protéines, qui fournissent l'azote et une partie du carbone et parfois du soufre dont le rôle principal réside dans l'édification des tissus. 2. Glucides ou hydrates de carbone — sucre, amidon, etc. — source d'énergie musculaire. 3. Lipides ou matières grasses, source de chaleur. Les lipides et glucides, servent surtout de combustibles. 4. Les sels qui se trouvent normalement dans nos tissus. 5. Les vitamines, éléments de construction de beaucoup de coenzymes. Etant donné l'orientation de notre travail, nous examinerons uniquement les protéines. Les matières albuminoïdes se rencontrent aussi bien dans le règne animal que dans le règne végétal. « Les protides animales sont supérieures aux végétales, en raison de la proportion plus élevée d'acides aminés qu'elles renferment, de leur meilleur équilibre et de leur utilisation plus grande : en conséquence, elles ne peuvent se remplacer les unes par les autres, d'autant plus que l'organisme ne peut faire la synthèse des acides aminés indispensables »- 1 « Si le taux d'utilisation des protides végétales oscille entre 68 et 79 % 1. L. T I H O N , « Contribution à l'étude du problème alimentaire au Congo belge», extrait du Bulletin Agricole du Congo Belge, X X X V I I , 4, 1946, p. 829-

868.

16

Le Congo, pays pauvre en protéines animales

(pomme de terre, pain blanc) celui des protides animales varie d e 90 à 97 % ». 2 « D'autre part, 100 grammes de protides animales valent sensiblement 100 grammes de protides humaines, mais il en faut le double q u a n d elles proviennent d u riz ou de la pomme de terre : ce qui rend le travail digestif plus laborieux. Gomme l'a dit Brillat-Savarin, 'ce n'est pas ce que l'on mange qui nourrit, mais bien ce que l'on digère' >>.3 Il est actuellement admis q u ' u n e certaine proportion de protéines animales (un tiers selon certains auteurs) est nécessaire à u n bon équilibre alimentaire. D'autre part, la proportion de protéines animales doit être plus importante pour les organismes en croissance.

1.1.2. Besoins de l'organisme « L a ration protéinique n e semble pas, dans l'ensemble, être modifiée suivant les climats. Les aliments protéiniques sont les plus importants à considérer dans la ration d u Congolais, étant donné qu'ils n'y sont pas, en règle générale, bien représentés ». 4 Randouin admet comme besoins minima de l'organisme les chiffres suivants : 60 à 70 grammes de protides dont 25 à 30 a u moins d'origine animale ; 40 grammes de lipides; 40 grammes de glucides (quantité toujours dépassée en pratique). Dans son étude sur les rations, Duren 5 donne les proportions suivantes : 1 (protides) 0,75 (lipides) 4,6 (glucides) Signalons que l'ordonnance du 18 j u i n 1930 du gouverneur général du Congo belge fixait les quantités suivantes pour la ration d ' u n travailleur : Protides 100 grammes Rapport 1 Lipides 65 grammes Rapport 0,65 2. Notons que suivant Atwater, les coefficients d'utilisation par l'organisme humain des différents principes énergétiques sont les suivants : Protides Glucides Lipides Origine animale 97 % 98 % 96 % Origine végétale 85 % 97 % 90 % 3.

L . T I H O N , loc.

cit.

4. Ibid. 5. Dr. D U R E N , Etude sur Us rations, Annales de la Société Belge de Médecine Tropicale, 1928.

Importance des protéines animales dans V alimentation humaine CO CO CO

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18

Le Congo, pays pauvre en protéines animales

Glucides 600 grammes Rapport 6 Légumes ou fruits frais 150 grammes Sel 15 grammes La dernière enquête menée sur l'ensemble du territoire d u Congo relativement aux besoins en protéines animales a été terminée au mois de juillet 1960.7 Les chiffres ont été établis en se référant à l'ordonnance 22/408 du 12 décembre 1954, laquelle fixait comme suit les besoins journaliers : travail léger : 65 grammes de protéines, dont 15 grammes de protéines animales ; travail moyen : 75 grammes de protéines, dont 25 grammes de protéines animales ; travail lourd : 85 grammes de protéines, dont 30 grammes de protéines animales. Il semble donc logique d'adopter les chiffres moyens utilisés au cours de l'enquête susmentionnée, soit : 20 grammes de protéines animales p a r jour pour les adultes (hommes et femmes); 10 grammes de protéines animales par jour pour les enfants.

1.2.

B E S O I N S D E L A P O P U L A T I O N CONGOLAISE E N P R O T É I N E S A N I M A L E S

1.2.1.

Aliments des indigènes dans le milieu naturel

Comme le dit L. Tihon : « Par instinct, l'homme primitif se nourrissait de tout ce qui vit et est susceptible d'être digéré, larves, chenilles, insectes divers, petits et grands mammifères, oiseaux, serpents, grenouilles, crustacés, poissons, etc. La forêt lui fournissait des racines, tubercules, rhizomes, feuilles, jeunes pousses, moelles, fruits, champignons, etc. » « La grande variété et le grand nombre de produits utilisés caractérisait dès lors son alimentation ». 8 L'importation de certaines plantes : manioc, patates douces, arachides, riz, etc., contribuèrent à la sédentarisation des Congolais qui se mirent à cultiver leurs terres. L'extension des villages et l'augmentation des bouches à nourrir entraînèrent alors un appauvrissement des terres et une accentuation du défrichement de la forêt. 7 . P. A . GOMEZ, R . HALUT, A . COLLIN, « Production de protéines animales au Congo », extrait du Bulletin Agricole du Congo Belge, L U , 4, p. 689-815. 8. Op. cit., p. 842.

Besoins de la population congolaise en protéines animales

19

A l'époque de la colonisation, les hommes valides furent recrutés pour différentes exploitations et entreprises européennes, il en résulta une raréfaction des produits de cueillette utilisés pour l'alimentation. Le manioc, la banane et les céréales prirent alors, selon les régions, une place beaucoup plus importante que les autres produits naturels. Ce manque de diversité conjugué avec l'apparition de l'une ou l'autre calamité : sécheresse, inondation, épidémie, invasion de sauterelles, déprédation d'éléphants, inconscience, indolence ou paresse, mauvaises méthodes culturales amenant la détérioration des sols suivie d'érosion, provoquent localement des carences plus ou moins graves dans l'alimentation. En règle générale dans le milieu naturel, la nourriture des Congolais est irrégulière, peu variée, mal équilibrée et trop peu carnée. Nous reproduisons au tableau 5 l'analyse des aliments consommés couramment par la population congolaise. Il est à noter que les produits du petit élevage (poules, canards, chèvres, etc.) proviennent en général d'animaux non sélectionnés, ne recevant ni soins, ni nourriture, et qui sont dans de très mauvaises conditions zootechniques. « Quant aux viandes de chasse, outre qu'elles sont parfois rares et souvent difficiles à obtenir, elles se gâtent rapidement, surtout quand la bête a été fatiguée ou forcée au préalable, ce qui est très souvent le cas. Il se forme des principes toxiques, dont la composition et les propriétés sont sensiblement les mêmes que celles des alcaloïdes végétaux, ces principes peuvent constituer un réel danger pour l'organisme humain. Cette viande, même soumise au boucanage présente les mêmes dangers, augmentés encore de ceux résultant d'un boucanage imparfait, souvent pratiqué dans de mauvaises conditions >>.9 Il n'y a jamais eu d'étude en ce qui concerne le poisson fortement fumé et séché, mais non salé, provenant en ordre principal des eaux de la forêt équatoriale : ce poisson fait l'objet d'un trafic très important tout le long des cours d'eau de la forêt et une bonne partie arrive au marché de Kinshasa. Signalons à ce sujet que lorsqu'il n'a pas la possibilité d'être suffisamment fumé, le poisson capturé par les indigènes est envahi par les larves d'anthrènes lesquelles détruisent une bonne partie de la chair et ne laissent parfois que la peau et les arêtes avec à l'intérieur une fine poussière légèrement brunâtre.

9. Ibid.

20

Le Congo,

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28

Le Congo, pays pauvre en protéines animales

Ainsi donc, l'ensemble de l'enquête gouvernementale fit apparaître pour le Congo une production de 48 000 tonnes de protéines, alors que pour une population de 13 200 000 habitants, les besoins théoriques en protéines animales s'élevaient à 75 000 tonnes. 13 Transformé en poisson frais ou en viande, le déficit théorique s'élève à 134 000 tonnes à Y échelon de la production,14 Les importations de poissons, exprimées en équivalent frais s'élevaient en 1957 à un total d'environ 80 000 tonnes. A ce chiffre, il faut ajouter 12 000 tonnes de viande importée. A l'échelon de la consommation, le déficit théorique global se situait donc aux environs de 40 000 tonnes (8 000 tonnes de protéines).

1.3.

S I T U A T I O N DE LA PRODUCTION D E PROTÉINES ANIMALES EN

1966

15

« C'est manifestement la malnutrition protéines-calories qui revêt dans le pays la forme de carence la plus importante et qui constitue par conséquent un problème de Santé Publique. Il est important de signaler que même dans les grandes villes, cette carence a pris des proportions importantes : dans certains services de Pédiatrie le plus grand nombre d'enfants hospitalisés sont des malnourris. Des études de croissance en poids et en taille des enfants et écoliers ont révélé des déficits de 15 à 25 % par rapport au poids normal des enfants entre 1 et 12 ans >>.16 Cette citation du Docteur Nguete révèle l'aspect tragique de la question lorsque l'on sait qu'en 1955, le Docteur Twiesselmann avait eu l'occasion de faire à Léopoldville une étude sur la taille et le poids des enfants des écoles de la ville. Il avait constaté que la courbe de croissance des enfants noirs correspondait exactement à celle des enfants des écoles de Bruxelles.17

13. Cf. également A . F . DE BONT, « Qu'est-ce que le poisson peut signifier dans l'alimentation et l'économie rurale ? », Séminaire sur l'alimentation et l'économie rurale, Université Lovanium, 16-21 juin 1966,1.R.E.S. Lovanium, 1966, p. 83-89. 14. 100 grammes de viande ou de poisson frais contiennent 20 grammes de protéines animales. 15. Bureau d'étude du Haut Commissariat au Plan et à la Reconstruction Nationale, Etudes d'orientation pour la relance agricole, juillet 1966. 1 6 . Exposé du Dr. NGUETE, directeur du F.O.R.E.A.M.I., in Etudes d'orientation pour la relance agricole, op. cit., p. 17. Des constatations analogues ont été faites par le professeur Eeckels dans certains quartiers de Kinshasa. 17. A . C A PART, J . KUFFERATH, « Recherches hydrologiques au Congo belge et leurs résultats pratiques », Bulletin Agricole du Congo Belge, X L V I I , 4, 1956.

Situation de la production de protéines animales en 1966

29

Mortalité dans les classes d'âge-jeunes, au Congo par type dt milieu en 1955-1957 (en %J

TABLEAU 7.

Age

Rural

Mixte

Urbain

Ensemble

0- 1 1- 4 5- 9 10-14 15-19

113 34 11 6 7

87 21 6 3 2

66 13 3 2 3

104 30 10 5 6

Milieu rural = agglomération de moins de 2 000 habitants. Milieu urbain = agglomération de plus de 2 000 habitants. Milieu mixte = agglomération de moins de 2 000 habitants à activités non agricoles (centres de négoce, centres administratifs, camp de travailleurs). Source : Tableau général de la démographie congolaise, 1955-1957 (enquête Romaniuk), I.R.E.S., Lovanium, p. 61. Les observations faites par les médecins sont à rapprocher des remarques de l'Étude d'orientation pour la relance agricole. Nous citons 1 8 : « L'approvisionnement du Congo en viande a toujours été résolu pour une grande partie par les importations ». « L'enquête d'Halut et Gomez avait mis en évidence l'importance des apports de la viande de chasse et des chenilles dans l'alimentation des populations congolaises ». « Mais, rien n'indique que les pourcentages de 1957-1958 aient pu se maintenir, et les circonstances ont réduit sensiblement la production nationale de protéines ». En ce qui concerne la viande, la production locale ne satisfait qu'environ 20 % des besoins de Kinshasa. Certains élevages ont été fortement endommagés par les événements des dernières années (exemple Kibali-Ituri). Il faudra remettre leur infrastructure en état (services vétérinaires, abattoirs, dipping tanks, contrôle de cheptel, contrôle des abattages). Les fermes de Mulume-Munene, de Muzinzi, de Kalare, de Kisamba, etc. pourraient être reprises en vue de l'amélioration et de la diffusion du bétail et de la formation d'éleveurs. 1 9 L'élevage existant dans les territoires de Mushie et K u t u notamment et dans certaines zones d u Kwilu semblent pouvoir être développés. 18. Plan de relance agricole du Haut-Commissariat au Plan et à la Reconstruction Nationale, Etudes congolaises, n° 4, juillet-août 1966, p. 55. 19. Séminaire sur l'alimentation et l'économie rurale, op. cit., p. 162-187.

30

Le Congo, pays pauvre en protéines animales

En règle générale, il apparaît que les progrès de l'élevage de bovidés seront lents. En ce qui concerne la pêche, d'importantes possibilités sont négligées (par exemple Tanganyika, région de la Ngiri). Au Kivu, un millier d'étangs de pisciculture ont été abandonnés. Au Kwilu, la pisciculture est bien implantée dans certaines régions mais elle est insuffisamment développée. Au Kasaï, la pêche offre des perspectives limitées, le poisson semblant peu abondant. Si la technique de la pisciculture semble au point, sa diffusion dans le milieu rural s'avère très difficile. Au Katanga, le vœu a été émis à plusieurs reprises de constituer un centre technique sur lequel la région pourrait s'appuyer pour obtenir les produits phyto-sanitaires et autres aussi essentiels pour l'élevage que les alevins pour la pisciculture éventuelle. Suite à une mission effectuée à Kasenga, en 1967. M. André Tshibangu, commissaire au Plan et à la reconstruction nationale a souligné que la production de la pêche au Luapula-Moero avait fortement baissé suite à l'abandon de la pêche industrielle. O n pourrait non seulement améliorer la production de la pêche mais améliorer la route Lubumbashi-Kasenga, condition indispensable à l'évacuation des poissons vers Lubumbashi. O n pourrait également favoriser le développement d'une flottille à Albertville (Katamarans). On pourrait intensifier la fabrication de glace, en vue du transport de la viande et du poisson. On pourrait...

1.4.

BESOINS FUTURS ET MOYENS A METTRE EN ΠU V R E POUR LES SATISFAIRE

1.4.1. Aspects

démographiques

Nous reproduisons ci-après quelques extraits de l'exposé du R.P. Bruyns au séminaire sur l'alimentation et l'économie rurale. 2 0 « L'immigration dans les centres et les villes ne peut être décrite que comme 'très importante' sans qu'il soit possible de la chiffrer exactement ». 20. Exposé du R.P. Bruyns, doyen de la Faculté des Sciences Politiques Sociales et Economiques de l'Université Lovanium, in Séminaire sur l'alimentation et l'économie rurale, op. cit., p. 48-55.

Besoins futurs et moyens à mettre en œuvre pour les satisfaire

31

La population dans les milieux ruraux connaît un taux d'accroissement naturel de 1,8 % par an, mais son accroissement réel est certainement inférieur en raison de l'exode rural, celui-ci d'ailleurs se poursuivra. Cet exode est celui des classes d'âge actif et affecte donc la production de subsistance, même si celle-ci est assurée en majorité par les femmes. Ce premier argument suggère donc que la croissance annuelle de la production d'autosubsistance ne pourrait guère dépasser 1 %. L'enquête démographique, éditée par le ministère du Plan et de la Coordination économique en 1961, mais qui porte en réalité sur des enquêtes faites en 1955, donne une population totale de 12 770 705 personnes, population effective. 10 % vivent en ville 12 % dans le milieu mixte 78 % dans le milieu rural

1 200 707 1 593 481 9 916 437

21

Taux d'accroissement naturel (naissance-décès) Milieux ruraux 1)8 % Milieux mixtes 3,7 % Milieux urbains 4,3 % Accroissement à Kinzenzo (faubourg de Kinshasa) en 1965 : 4,2 %. Notons que les « milieux urbains » sont jeunes, ce qui explique que le taux naissance-décès soit élevé. «En appliquant à ces chiffres de départ la formule 22 : P2 = PI (1 + r) n on pourrait en déduire qu'en 1965, rien que par accroissement naturel, la situation de la population urbaine et rurale se présenterait comme suit : Milieux ruraux Milieux mixtes Milieux urbains

1955 78% 12 % 10 %

1965 74% 14 % 12 %

Totaux 11 850 2 291 1 290

1965 142 425 178

Les citadins ont augmenté de 2 850 000 en 1955 à 4 200 000 en 1965. Certes les ruraux ont également progressé de 9 900 000 en 1955 à 11 800 000 en 1965 ».

21. « Est mixte toute agglomération dont la population, inférieure à 2 000 habitants se consacre essentiellement aux activités de caractère économique non agricole » ( Tableau général de la démographie congolaise, République du Congo, ministère du Plan et de Coordination économique, 1961, p. 19). 22. P2 = situation nouvelle. PI = situation ancienne, r = taux d'accroissement naturel, n = nombre d'années.

32 FIGURE 4.

Le Congo, pays pauvre en protéines animales Evolution de la population de Kinshasa dêpuis 1935

Source : Office National de la Recherche et d u Développement, Etude sociodémographique de Kinshasa, Institut National de Statistique et des Etudes de Planification, Kinshasa, 28 juin 1968, p. 7.

Besoins futurs et moyens à mettre en œuvre pour les satisfaire

33

« Mais l'augmentation des ruraux ne garantit pas pour autant, la nourriture des 1,4 millions de citadins supplémentaires, parce que une augmentation des ruraux, dans les conditions actuelles revient avant tout à une augmentation de personnes qui vivent d'autosubsistance, sans être nécessairement des producteurs-exportateurs de produits et de vivres ». Cette évolution est due uniquement à l'accroissement naturel. O n peut, en outre, faire une estimation de l'immigration dans les centres. O n se base au départ, sur les chiffres et les taux de 1955. O n calcule ce que l'accroissement naturel aurait donné en dix ans et on constate l'excès de fait. RecenAccroisPopulation Surplus sement sement de fait 1965 23 1955 naturel Kinshasa 330 000 1 000 000 184 000 Lubumbashi 156 000 Jadotville 67 000 73 000 Bukavu 30 000 140 000 164 000 Mbuji-Mayi 25 000 Luluabourg 57 000 147 000 665 000 1 013 000 1 708 000 695 000 Les totaux de 1965 seront donc de l'ordre : Ruraux Mixtes Urbains

11 150 000 2 291 000 2 620 000

24

soit donc 11 millions de ruraux et 5 millions de citadins au sens large, ou en d'autres termes, 2 ruraux pour 1 citadin, alors que en 1955, la situation était de 3 ruraux pour 1 citadin. « Selon les mêmes principes d'accroissement naturel, on peut prévoir pour 1975 » : Milieux ruraux 11 150 000 + accroissement naturel 13 324 000 65 % Milieux mixtes 2 291 000 + accroissement naturel 3 294 000 16 % Milieux urbains 2 620 000 + accroissement naturel 3 990 000 19 % « Ainsi donc, dans 9 ans, il y aurait plus de 7 millions de personnes dans les villes et les centres mixtes, rien que par accroissement naturel ». 23. Nous reproduisons ces chiffres tels qu'ils figurent au chapitre 11 du Plan de relance agricole (cf. note 18, ci-dessus). A noter cependant que les résultats provisoires de l'étude socio-démographique de Kinshasa donnent pour cette ville un total de 901 520 habitants au 28 juin 1968. 24. Gomez et Halut prévoyaient pour 1966, 15 700 000 habitants. Problèmes africains (août 1966) donne : 15 000 000. D'après le Bulletin mensuel de statistique des Nations Unies (New York, septembre 1968, p. 1), la population était estimée à 16 353 000 en 1967.

34

Le Congo, pays pauvre en protéines animales

Il semble donc, d'après le R.P. Bruyns, que « l'évolution de fait des centres non ruraux pèsera sur l'économie générale d u pays. Le milieu rural pourrait encore alimenter les centres, mais il semble presque inévitable que l'augmentation du nombre des consommateurs citadins, par rapport à l'offre des denrées alimentaires qui viendront des milieux ruraux entraînera une augmentation des prix dans les deux secteurs ». Ajoutons toutefois que l'augmentation générale de la productivité agricole, telle qu'elle se produit dans le Bas-Congo modifierait évidemment les données du problème. Conclusion O n voit à quel point il est urgent d'améliorer la technologie agricole et d'organiser les transports à l'intérieur du pays si l'on veut éviter la pénurie de vivres dans les centres urbains et mixtes du Congo.

1.4.2. Solutions possibles Les choix possibles au Congo sont nombreux, car le pays recèle des possibilités multiples. Il est certain que plusieurs spéculations peuvent être exercées et développées à la fois. Nous voulons bien admettre, avec les spécialistes ayant participé au séminaire sur l'alimentation et l'économie rurale, que « la famine est au Congo un phénomène anormal et évitable >>.25 Nous nous répétons en insistant sur le fait que l'on ne peut ignorer que les populations n e font que s'accroître en même temps que les besoins en protéines animales. Bien que ceci sorte, à proprement parler, du cadre de notre étude, nous nous permettons, afin de situer le problème, d'examiner rapidement quelles sont les possibilités qui en permettent la résolution. Les solutions devraient théoriquement répondre aux critères suivants : — satisfaire les consommateurs (qualité-prix) ; — permettre une augmentation de la production : — à coup sûr — dans le laps de temps le plus court — avec le minimum d'investissements nouveaux. L'enquête de 1957-1958 a mis en évidence l'importance des productions naturelles (insectes, chasse, pêche) qui interviennent pour près de 87 % 25. Séminaire sur l'alimentation et l'économie rurale, op.cit., p. 187.

Besoins futurs et moyens à mettre en œuvre pour les satisfaire

35

tandis que les spéculations d'élevage (pisciculture, bétail, volaille) n'interviennent que pour un peu plus de 13 % seulement. Les deux secteurs les plus importants sont donc représentés par la pêche (47 %) et la chasse (30 %). La part des insectes (10 %) est égale à celle des élevages. Les apports de la volaille ne représentent que 2 % et ceux de la pisciculture environ 1 %. 1.4.2.1. Viande de chasse Il semble qu'au fur et à mesure que s'installent de nouvelles activités humaines, l'on assiste à une diminution progressive de la faune. Cette diminution provient vraisemblablement de l'utillisation de fusils plus meurtiers, mais aussi du retrait inévitable des bêtes qui reculent devant l'homme. Pour éviter un tarissement plus ou moins rapide de cette source primordiale pour les populations rurales, il serait urgent que l'on établisse des stations de chasse capables de mettre au point des plans de tir convenablement étudiés en rapport avec les possibilités en gibier des régions considérées. 1.4.2.2. Insectes Il semble que dans un proche avenir la récolte d'insectes puisse se maintenir à un niveau à peu près constant. Il y a une désaffection pour ce genre de nourriture lorsque d'autres sources d'aliments sont disponibles. 1.4.2.3. Élevage de bétail 26 D'après Gomez, Halut et Collin, en élevage extensif sur des superficies de 4 à 5 hectares de pâturages naturels on peut produire une bête de boucherie de 250 à 350 kilogrammes en quatre ans environ. Cette production correspond à un croît en poids vif de 60 à 90 kilogrammes par an dont il faut déduire au moins 25 % de perte à l'abattage pour obtenir les rendements en viande par an (de 45 à 65 kilogrammes). En élevage intensif, sur des superficies de 1 à 2 hectares de pâturages améliorés on arrive à produire une bête de boucherie de 250 à 350 kilogrammes en deux ans et demi à trois ans environ. Cette production correspond à un croît annuel de 85 à 140 kilogrammes de poids vif par an dont il faut déduire au moins 25 % de pertes à l'abattage pour obtenir le rendement en viande par an (de 60 à 105 kilogrammes). 2 6 . P . A . GOMEZ, R . H A L U T , A . C O L L I N ,

au Congo », p. 703.

« Production de protéines animales

36

Le Congo, pays paume en protéines animales

Notons que ces chiffres ne concernent que les bovidés à l'abattage, ils ne tiennent pas compte des superficies supplémentaires requises par les animaux destinés à assurer la continuité de l'élevage. Toutefois, nous ne voulons pas être aussi pessimistes que les auteurs de « production de protéines animales au Congo », lesquels estiment que pour produire 1 000 tonnes de viande, il est nécessaire d'abattre 22 000 bêtes et d'entretenir un cheptel de 200 000 têtes sur 900 000 hectares. Ceci en élevage extensif. Pour l'élevage intensif, les chiffres avancés sont les suivants : 1 000 tonnes proviennent de l'abattage de 9 500 têtes provenant de 90 000 têtes de bétail paissant sur 150 000 hectares. La Société des Grands Elevages du Bas-Congo nous fournit les chiffres suivants qui sont certainement beaucoup plus réalistes : pour produire 1 000 tonnes de viande, il faut abattre 4 000 bêtes et entretenir un cheptel de 28 000 têtes lesquelles exigent 60 000 hectares. 27 Des renseignements obtenus auprès de la société Elvaluilu 2 8 , il apparaît qu'un élevage bien conduit donne 16 %, c'est-à-dire que pour vendre 1 000 bêtes, il faut entretenir de 6 000 à 7 000 animaux. Actuellement, cette société entretient 7 200 bovidés sur 60 000 hectares de mauvais pâturages. Au cours de l'année 1966, elle a perdu 300 bêtes par le fait des lions et en a vendu 936. Sans les dégâts causés par les lions, la société aurait vendu 230 tonnes de viande environ. Dans ce cas d'élevage extensif, nous pouvons donc estimer que pour produire 1 000 tonnes de viande, il est nécessaire de posséder de l'ordre de 250 000 hectares. 2 9 Si les dépenses indispensables pour maintenir les élevages en bon état ne sont guère considérables (enclos naturels, gardiennage, sels minéraux...), l'accroissement de ceux-ci semble devoir postuler, au Congo la mise en œuvre de vastes territoires. La question a été posée par Bruyns de savoir si l'on peut conseiller 27. D'après le rapport du conseil d'administration de cette société à l'assemblée générale des actionnaires du 23 juin 1967, l'effectii comprenait 35 569 bêtes au 31 décembre 1965 et 36 357 au 31 décembre 1966. Le nombre de bovidés vendu en 1966, soit 5 687, est sensiblement égal à celui de 1965. Les chiffres confirment la proportion du cheptel à entretenir pour pouvoir sortir une bête, soit à peu près 7 pour 1. 28. Entretiens avec E. Schaefer, administrateur directeur général d'Elvaluilu. 29. Soit une production de l'ordre de 4 kilogrammes de viande à l'hectare, contre 16,5 kilogrammes aux Grands Élevages du Bas-Congo. Dans son cours de géographie économique (Lovanium, deuxième candidature n° 481896 et 499828) le professeur Van de Velde cite le chiffre moyen de 10 kilogrammes de viande sur pied à l'hectare.

Besoins futurs et moyens à mettre en œuvre pour les satisfaire

37

que certaines régions pauvres où les cultures sont peu rentables, soient transformées en région d'élevage. Selon Michels, on peut techniquement consacrer les savanes à la production de viande. Mais, à long terme et sur base des données du problème de l'alimentation mondiale, on peut se demander s'il faut recommander la transformation de végétal en animal, en raison des pertes en calories et en protéines que cette transformation entraîne nécessairement. Les hautes possibilités de l'élevage en certains pays chauds et sous certaines conditions peuvent cependant être démontrées : d'après René Dumont le croît de viande à Cuba s'élève à 1 300 kilogrammes à l'hectare. 3 0 De tels élevages ne sont cependant possibles qu'à la condition de posséder déjà des protéines à bon marché nécessaires à l'alimentation du bétail. Pour atteindre les rendements élevés, les élevages situés loin des huileries ou des côtes devraient pouvoir s'approvisionner en fourrages artificiels riches en azote, or le manque d'azote est l'un des facteurs qui limitent le développement des cultures tropicales..., mais ceci est une autre histoire. 1.4.2.4. Volaille Tenant compte de l'étonnant pouvoir de multiplication de la poule et de la grande capacité de croissance du poulet, le département de l'Agriculture a proposé, dès 1964 des plans importants dans ce domaine. Citons la création de la ferme expérimentale de N'Djili laquelle est équipée, notamment, de couveuses géantes. Remarquons que si le poulet de brousse se débrouillant seul est vendu très bon marché, par contre, l'installation de batteries de ponte ou de poulets de chair à grande échelle aboutit d'abord (de même que pour les porcs) à élever considérablement les prix de revient. 3 1 Il ne faut pas oublier que pour utiliser des aliments d'origine animale qui exigent une transformation dispendieuse, il faut d'abord disposer de larges excédents de produits végétaux, notamment grains et tubercules et de compléments azotés.

3 0 . R . D U M O N T , L'Afrique noire est mal partie, Paris, Ed. du Seuil, coll. « Esprit — Frontière ouverte», 1965, p. 167. 31. Ces installations postulent l'importation d'aliments concentrés fort chers.

38

Le Congo, pays pauvre en protéines animales

1.4.2.5. La pisciculture 32 « En zone équatoriale, là où l'élevage est si difficile, les Belges pensaient fournir des protéines locales économiques par l'élevage de poissons en étangs, surtout les Tilapia ». 3 3 L'habitude de nourrir tous les jours les poissons avec les feuilles (patates, manioc...) produits sur les bords de l'étang ou les sous-produits des cultures, s'acquiert cependant au Congo beaucoup plus difficilement que dans les pays asiatiques. Cette ressource ne devrait cependant pas être négligée car, 1. la production nette de protéines a l'unité de surface dépasse de loin celle de toute autre culture; 2. les superficies d'étangs peuvent être fortement augmentées sans interférer avec d'autres cultures (le poisson considéré comme transformateur d'aliments en protéines est supérieur a u bétail et aux poules). 3 4 Les hauts rendements ne peuvent être atteints que dans les conditions d'une pisciculture intensive, c'est-à-dire : conditions de milieux favorables, étangs convenablement aménagés et nourriture très abondante. 1.4.2.6. La pêche A. Pêche fluviale. Les biologistes français qui ont entrepris l'étude du moyen Niger, ont montré que la production y atteignait près de 45 000 tonnes par an, soit près de 25 kilogrammes à l'hectare. 3 5 En admettant que ces chiffres soient applicables aux 2 millions d'hectares qui constituent le fleuve Congo, on pourrait espérer une production de 50 000 tonnes par an. La statistique du marché de Léopoldville en 1953 renseignait, pour le seul Stanley-pool, une production voisine de 1 000 tonnes p a r an. En tout cas, à en juger par les centaines de tonnes de poisson fumé qui arrivent chaque année à Kinshasa, il semble bien que cette production soit importante. En se basant sur le rendement-prises de 25 kilogrammes par hectare par an, soit un rendement net de 20 kilogrammes par hectare par an pour produire 1 000 tonnes de poisson du fleuve, il serait nécessaire d'en exploiter une superficie de 500 km 2 .

32. Exposé d u Professeur A . F . DE BONT, in Séminaire sur l'alimentation et l'économie

rurale, op. cit., p. 83-97. 3 3 . R . DUMONT,

op.cit.

3 4 . A . F . DE B O N T , loc. cit.,

p. 90.

« Recherchera hydrologiques au Congo belge et leurs résultats pratiques », loc. cit. 3 5 . A . C A P ART, J . K U F F E R A T H ,

Besoins futurs et moyens à mettre en œuvre pour les satisfaire

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01 >.69 Quoi qu'il en soit, d'un point de vue pratique, il faut faire remarquer : 1. que les Congolais exploitent certaines eaux au maximum sans tenir compte que lorsque la productivité annuelle maximale est atteinte, ce n'est pas un effort de pêche plus important qui donnera plus de poissons, bien au contraire; 2. que là où la possibilité biologique existe de tirer plus de certaines eaux, ces surplus ne peuvent être distribués qu'à des communautés restreintes, le long des axes de communication et à la condition de pouvoir disposer de moyens de conservation adéquats. C. La pêche maritime. Il semble tout naturel que l'on ait voulu profiter de la richesse de l'océan, richesse dont l'humanité a découvert l'importance dès les temps les plus reculés. La République du Congo, de par sa situation géographique, se trouve cependant désavantagée du fait qu'elle ne possède qu'une côte très réduite et baignée par les eaux du fleuve Congo lequel y crée, sur une grande étendue, un climat hydrologique défavorable à la plupart des espèces marines.

69. « Aperçu sur la question de la pêche industrielle... », loc. cit.

Besoins futurs et moyens à mettre en œuvre pour les satisfaire

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46

Le Congo, pays paume en protéines animales

La pêche sportive. 7 1 La pêche à la cuiller pratiquée à Banana permet

aux amateurs d'avoir d'agréables surprises : tarpons pouvant atteindre 65 kilogrammes, Barracudas, Lutjanus,

72

bonites, mérous, etc.

La pêche à la ligne. L'indigène pêche couramment à la ligne, soit qu'il pose des lignes de fond, soit qu'il pêche en tenant la ligne en main. Citons les systèmes mbaka-mbaka 7 3 et sela.74 La pêche à la côte de pied ferme. 7 5 Ce genre de pêche ne peut être pratiqué

qu'aux endroits dépourvus de rochers ce qui limite son usage à Moanda, à Banane, ainsi qu'à une plage d'environ cent mètres de large à Vista. Le filet, du genre chalut, est appelé ntshiti et est composé d'une poche à mailles très petite et de deux filets latéraux dont les mailles s'élargissent à mesure qu'elles s'éloignent de la poche. Il est muni de deux cordes qui permettent de la ramener à terre, tout en le maintenant ouvert. O n l'emploie surtout au moment où la marée a atteint son point culminant, quand la mer commence à se retirer. « Deux pêcheurs partent en pirogue, en laissant à un confrère le bout d'une des cordes, ils s'en vont jeter le filet à bonne distance du rivage et reviennent avec l'extrémité de la deuxième corde. Une fois en place, le filet est ouvert, un système de flotteurs maintient le dessus du filet à la surface, alors que le poids des mailles mouillées fait descendre le dessous du filet jusqu'au fond de l'eau >>.76 Étant donné l'étroitesse des mailles de la poche, ce filet ramasse tout ce qui se trouve sur son passage.

71. P. MAREE, X L I , 4, 1950, p.

« La pêche sportive à Banana », Bulletin Agricole du Congo Belge, 1074-1056.

72. Grandes perches saumâtres caractéristiques des côtes marines tropicales. 73. L'originalité du mbaka-mbaka consiste en ceci : la ligne attachée à un piquet passe par le sommet d'une perche flexible, fichée verticalement en terre tout près de l'eau. Dès qu'un poisson tire, la perche plie, puis se redresse selon l'effort plus ou moins violent du poisson. Ce système a deux avantages : il permet à l'indigène de vaquer à ses occupations sans perdre de vue la perche et amortit les efforts brisants des grands poissons qui, si la ligne était attachée au piquet seul, pourraient la casser ( C H . VLEESCHOUWERS, « La pêche au lac Léopold II », loc. cit.).

74. Lignes à hameçons multiples et munies de flotteurs : le pêcheur va mouiller ses lignes en mer, sur les hauts fonds rocheux. La ligne se compose d'une corde longue de 40 à 50 mètres, et les flotteurs y sont fixés de deux en deux mètres. Près de chaque flotteur, une corde, plus fine que la première et munie d'un hameçon, est attachée. Cette ligne, une fois ancrée, est visitée une à deux fois par jour ( C H . VLEESCHOUWERS, « La pêche au lac Léopold II », loc. cit.). 75. P . M A R E E , « La pêche sportive à Banana », loc. cit. 76.

Ibid.

Besoins futurs et moyens à mettre en œuvre pour les satisfaire

47

Au moyen de clôtures ou de filets rudimentaires77 on distingue : lubanza, tsiniefu et tshinkalabanda, biyendu. Les lubanza son de grandes nattes fabriquées en bambous émincés qui atteignent parfois plusieurs dizaines de mètres de long. Elles sont portées en mer parallèlement à la rive aussi loin que les indigènes peuvent garder les pieds sur le fond. Elles sont ensuite ramenées vers la côte en raclant le fond et en repoussant les poissons qui finalement se trouvent à sec. Lorsque les marées sont fortes et que des niveaux extrêmes sont atteints, les lubanza sont alors fixés à marée haute et, lorsque l'eau se retire les poissons restent également à sec sur le sable. Tshiniefu et tshinkalabanda sont respectivement de petites ou de grandes clôtures fabriquées en feuilles de palmiers attachées ensemble et utilisées également pour repousser les poissons vers la côte. Biyendu est un filet rigide, en bambou très finement tressé, qui sert à la pêche du petit poisson. Ce filet manié par deux hommes, est plongé dans l'eau et relevé brusquement; le poisson retiré, il est replongé et ainsi de suite. Cette pêche est pratiquée pendant toute l'année, et à deux ou trois kilomètres du rivage. Au moyen de grandsfiletsà flotteurs,78 Ces filets qui, une fois mis en place, ne sont plus retirés que pour une réparation, ou en fin de saison, retiennent les grands poissons au passage, tout en laissant passer les petits. Ils sont utilisés au moment où les bancs d'alevins, se rapprochant de la côte, amènent avec eux les bandes de grands poissons. Les mailles des filets laissent passer les alevins et retiennent les poissons d'une certaine taille. Ces grands poissons, en poursuivant les alevins dont ils se nourrissent, se lancent à toute vitesse dans les filets et s'empêtrent de telle façon dans les mailles, qu'ils ne peuvent plus se dégager. Les filets se nomment makonde ya ntshiti. Au moyen de filets à mailles plus petites, et à flotteurs,79 Le pêcheur (kusa) part de bon matin en pirogue. Dès qu'il a repéré un endroit poissonneux, il lâche son filet à la traîne. Les poissons, en jouant, se font prendre dans les mailles. Le pêcheur relève le filet dès que la force des secousses indique un certain nombre de captures. Ces filets se nomment konde. La pêche maritime industrielle. Cette industrie produit actuellement 13 000 tonnes de poisson par an, soit autant de protéines animales — que n'en produiraient 4 300 hectares consacrés à la pisciculture intensive; 77. Ibid. 78. Ibid. 79. Ibid.

48

Le Congo, pays pauvre en protéines animales

— que n'en produiraient 650 000 hectares consacrés à la pêche fluviale; — que n'en produiraient 780 000 hectares consacrés à l'élevage intensif de 364 000 bêtes.

1.5.

CONCLUSION

Malgré le rôle important joué par la chasse et la pêche, l'approvisionnement du Congo en protéines animales a toujours été résolu pour une grande partie par les importations. Il y a certes moyen d'améliorer la production nationale dans une mesure appréciable, néanmoins, étant donné la force actuelle de la demande et les perspectives démographiques, il semble que les besoins et les moyens, ne pourront se rejoindre et que l'insatisfaction demeurera à l'état permanent. Dès les temps les plus reculés, les hommes découvrirent l'importance des immenses richesses océanes comme source de nourriture et de toutes les techniques utilisées, la pêche maritime est sans doute l'une des plus anciennes, puisque ses origines se confondent presque avec celles de l'histoire humaine. Dans quelle mesure la pêche maritime peut-elle contribuer à l'approvisionnement en protéines animales du Congo? C'est ce que nous nous efforcerons d'examiner dans les chapitres suivants.

CHAPITRE

II

La pêche dans VOcéan Atlantique

Tropical

I I . 1. ESQUISSE D E L ' H I S T O I R E DE L ' E X P L O R A T I O N DU G O L F E D E G U I N É E 1

Selon Th. Monod : « Le Golfe de Guinée pour des raisons diverses, a été jusqu'à une époque récente passablement négligé et est bien demeuré un peu une sorte 'd'angle mort' pour la recherche océanographique : le développement, en particulier, des laboratoires côtiers y aura été plus tardif que dans bien d'autres régions tropicales et malheureusement les chercheurs africains y restent encore très peu nombreux >>.2 Pour la facilité de l'exposé, deux périodes sont envisagées : 1. de 1450 à 1850; 2. de 1850 à 1960. II. 1.1. De 1450 à 1850 L'océan africain, resté ignoré de l'Antiquité, ne sera atteint qu'au 15e siècle par les navigations européennes. Dès l'avènement des grandes découvertes, avec le passage du cap Bojador (1434), on verra, en une cinquantaine d'années, la côte occidentale d'Afrique entièrement longée : le Cap Vert est atteint dès 1444, la Sierra-Leone vers 1460, le futur Ghana (S. Jorge da Mina) en 1471, 1. Il s'agit du seul golfe de Guinée, arbitrairement limité à l'ouest par le 17° W, au sud par le 10° S, donc y compris l'île de l'Ascension, mais en excluant Sainte Hélène : il s'agit donc, en gros, de la côte occidentale, du cap Roxo à Luanda et de l'aire définie par le recoupement des perpendiculaires à ces deux points (TH. MONOD, « Les sciences de la mer dans l'Atlantique tropical (Aperçu historique) », conférence inaugurale du Symposium sur l'océanographie et les ressources halieutiques de l'Atlantique tropical, Abidjan, 20-28 octobre 1966). 2 . T H . MONOD, loc. cit.

50

La pêche dans l'Océan Atlantique

Tropical

le Cameroun ou Rio dos Camaraos (rivière des Crevettes) vers 14711475, le Congo en 1484 (Diogo Cao), Le Cap en 1488 (Barthélémy Dias). 3 Les méthodes de navigation se perfectionnent et une foule d'observations sont recueillies sur les vents, sur les courants, etc. 4 Les connaissances nautiques, directement utilitaires, progressent avec le développement du commerce tandis que, dès le début, les récits de voyages contiennent des notes sur les poissons et divers animaux marins. La zoologie marine proprement dite semble s'être introduite dans le golfe de Guinée avec le voyage au Congo de J . Cranch qui, en 1816, accompagnait le capitaine J . K . Tuckey au Congo. 5 Ce voyage de mars-juin 1816 est considéré par le professeur Monod comme la première expédition océanographique dans le golfe de Guinée : « non seulement de nombreux éléments de la faune de haute mer sont décrits et parfois figurés (larves de crustacés, etc.) mais il est question de mesures de courants, de température de l'eau, d'un cas d'eau rouge, d'îles flottantes et plusieurs coups de drague sont donnés sur la côte du Gabon ». « C'est sans doute à cette navigation qu'il faut attribuer la première mention de l'abondance des thons dans le golfe de Guinée : en arrivant au Gabon, Tuckey note « the albicores 6 which had accompanied us in vast shoals to the edge of soundings, and were taken in such numbers, that besides being consumed fresh to satiety, the crews of both vessels pickled and salted several barrels, now entirely dissapeared... ». Dès 1816, le thon était donc péché et préparé dans le golfe de Guinée. II. 1.2. De 1850 à 1960 Grâce aux travaux des hydrographes, des navigateurs et des naturalistes voyageurs, des documents de plus en plus précis seront publiés : cartes 3. D'après Th. Monod. (loc. cit.). Comme introduction à l'histoire de la découverte, on pourra consulter Costa BROCHADO, The discovery of the Atlantic, Lisboa, 1960, 127 p. 4 cartes, et Damiao PERES, A history of the Portuguese discoveries, Lisboa, 1960, 129 p.; on trouvera les références utiles dans la biographie Henriquina, Lisboa, 1960, 2 vol., X I + 325 et 383 p. 4. On trouvera des observations intéressantes dans le Pilote portugais : SAUVAGEOT, Navigation de Lisbonne à l'île Sào Tomé par un pilote portugais anonyme (vers 1945), annotée par Th. Monod et R. Maury, Garcia de Orta (Lisboa), 9, n° 1, 1961, p. 123-138, X pl. ainsi que dans le journal d'Alvaro VELHO, Roteiro daprimeira viagem de Vasco da Gama (1947-1949), éd. A. Fontoura da Costa, 2 e éd., Lisboa, 1960, X X I I + 236 p., 12 fig. 5. Le journal manuscrit de Cranch se trouve à Paris au Museum. 6. Neothunnus albacora (Lowe).

Esquisse de l'histoire de l'exploration du Golfe de Guinée

51

marines, manuels à l'usage du navigateur (Instructions nautiques, African Pilot, Segel-handbuch...), ouvrages fournissant sous forme de cartes une masse considérable d e données sur l'air et les eaux de surface. 7 U n chapitre nouveau de l'exploration du golfe de Guinée va s'ouvrir avec l'apparition du navire de recherches spécialisé. Certaines de ces expéditions seront axées sur la recherche scientifique pure, d'autres viseront plus particulièrement les problèmes de la pêche. 8 Citons notamment en tant qu'importantes pour les pêcheries du Congo : « Challenger » (Grande-Bretagne, 1876) « M e t e o r » (Allemagne, 1925-1927) « Mercator » (Belgique, 1935-1938) 9 et surtout « Noordende I I I » (Belgique, 1948-1949), expédition très importante pour la région du Congo et le nord de l ' A n g o l a . 1 0 N o u s examinerons ses résultats dans les pages suivantes. A la fin de la seconde guerre mondiale, les progrès de la recherche vont être notablement accélérés par l'apparition des laboratoires côtiers, lesquels, contrairement aux navires et aux chercheurs qui n e font que 7. Th. Monod cite dans cette catégorie les ouvrages suivants : 1. Atlas des Atlantischen Ozeans, Deutsche Seewarte, 2 e éd., 1902; 2. K L U I T , Observations océanographiques et météorologiques dans la région du courant de Guinée (1885-1900), Utrecht, Koninklijk Nederlansch Meteorologisch Instituut, n° 95, 1904, p. 116 p., atlas, V I I I pl. 3. Oceanographische en Meteorologische Waamemïngen in den Atlantischen Oceaan, marsavril-mai (1856-1920) : 24 cartes; juin-juillet-août (1870-1922) : 24 cartes; septembre-octobre-novembre (1870-1925) : 24 cartes; décembre-janvier-février (1870-1914) : 26 cartes, Utrecht, Koninklijk Nederlandsch Meteorologisch Instituut, n° 110, 1921-1931. 4. Charts for the squares 20° N to 10° S, Londres, Meteor Office, Officiai n° 27. 5. A . S C H U M A C H E R , Annalen der Hydrographie, Berlin, 1940, p. 109, cartes de courants. 8. O n trouvera une liste de ces expéditions dans la conférence de Th. Monod (loc. cit.), reprise dans les Actes du Symposium sur l'océanographie et les ressources halieutiques de l'Atlantique tropical, Rome, F.A.O., 1967, p. 32, 33. 9. «Challenger» (Grande-Bretagne, 1876) : Touche Ascencion f l 8 7 6 j , Report on the scientific results 1873-1876, 50 vol., Londres 1880-1895. « Meteor » (Allemagne, 1925-1927) : Wissenschaftliehe Ergebnisse der Deutschen Atlantischen Expeditionen 1925-1927, Berlin, 1931-1962. « Mercator » : Résultats scientifiques du navire-école belge « Mercator », Institut Royal des Sciences Naturelles de Belgique, Mémoires, 5 vol. : I, n° 8, 1937; II, n° 15, 1939; I I I , n° 21, 19; IV, n° 33; V, n° 43, 1951. 10. Expédition océanographique belge dans les eaux côtières africaines de l'Atlantique Sud 1948-1949, Institut Royal des Sciences Naturelles de Belgique, 5 vol., 19511956; A. C A P A R T , Liste des stations, t. I, annexe, 1951, 65 p., 1 carte, 1 pl.

52

La pêche dans V Océan Atlantique Tropical

passer, présentent l'avantage de rester en contact permanent et direct avec le milieu à étudier. 1 1 Il va sans dire que la plupart des travaux concernant l'océanographie appliquée aux pêches restent secrets, il doit en être ainsi notamment des travaux américains, japonais ou soviétiques relatifs aux clupéides côtiers et aux thons de haute mer.

II.2.

L ' E X P É D I T I O N OCÉANOGRAPHIQUE BELGE DANS LES EAUX COTIÈRES AFRICAINES DE L ' A T L A N T I Q U E S U D

(1948-1949)

II.2.1. But de l'expédition Toutes les grandes nations ont ressenti l'impérieuse nécessité de développer activement leurs recherches océaniques. L'exploration des océans est, en effet, à notre 20 e siècle, ce qu'était aux siècles passés celle des terres lointaines et des continents inconnus : elle répond au même besoin d'aventure, mais elle obéit surtout à des impératifs économiques et scientifiques. Les océans couvrent 71 % de la surface d u globe, ils renferment d'énormes quantités de substances minérales, de plus les êtres marins représentant une masse formidable de matière biologique, sur laquelle l'homme compte pour assurer sa nourriture dans u n avenir relativement proche. Or, notre connaissance en est bien fragmentaire : leur étude implique l'existence d ' u n nombreux personnel de chercheurs et de 11. Voici, pour les pays africains du golîe de Guinée, la liste des organismes et services intéressés : Guinée, Conakry : Office des Pêches Maritimes; Sierra-Leone, Freetown : a) Marine Station, University College, Fourah Bay; b) Division of Fisheries, Ministry of Naturel Resources ; Libéria, Monrovia : a) Division of Science, University of Liberia b) Bureau of Fisheries ; Côte d'Ivoire, Abidjan : a) Centre de Recherches Océanographiques ; b) Service des Pêches Maritimes, ministère de la Production animale; Ghana : a) Fishery Research Unit F.A.O.T.-Ghana, U.N.S.F. Project, Accra; b) Fisheries Inspectorate Unit, ministry of Agriculture Osu Fisheries Station; Dahomey, Cotonou : Service des Pêches Nigeria, Laos : Fédéral Fisheries Service; Congo-Brazzaville, Pointe-Noire : Centre d'Océanographie et des Pêches.

L'expédition océanographique belge dans les eaux de VAtlantique Sud

53

techniciens et nécessite des moyens d'investigation et d'observation de toutes sortes, bref, une infrastructure puissante et très coûteuse. « Comprenant tout l'intérêt, tant scientifique que pratique, des recherches hydrologiques et océanographiques entreprises au Congo dès 1946, sous l'égide de l'Institut Royal des Sciences Naturelles de Belgique, le ministère des Colonies et plusieurs sociétés n'ont pas hésité à accorder d'importants subsides aux expéditions qui devaient apporter comme résultat pratique une rapide et nette amélioration de l'alimentation en poisson des populations du Congo. L'expédition 'M'Bizi' dans les eaux côtières africaines de l'Atlantique Sud (1948-1949) avait comme but scientifique, l'étude méthodique des eaux, de leur flore, de leur faune et de leurs problèmes biologiques » . 1 2

II.2.2. Zones de l'océan et leurs poissons Bien que les poissons soient pour la plupart mobiles, il est remarquable de constater qu'ils se trouvent en quantité plus importante au bord des terres. Les vastes zones océaniques se trouvant au-dessus des eaux profondes, spécialement aux tropiques, contiennent comparativement peu de vie. Bien que plusieurs zones de l'océan puissent être identifiées et que les poissons qui les habitent soient très différents, il faut cependant faire remarquer qu'il n'est pas possible d'établir des divisions bien nettes, car il y a toujours un certain degré d'interférence. Cependant, pour la facilité, quatre zones écologiques principales peuvent être définies : 1 3 — Les eaux peu profondes voisines des côtes où l'influence des vagues et des marées se fait sentir font partie de la zone côtière, laquelle contient la plus grande variété de formes et d'espèces. Le plus grand nombre d'espèces de poissons sont côtiers et c'est dans cette zone que la plupart des espèces endémiques de chaque région se retrouvent concentrées. — Loin des terres, les vastes étendues des mers constituent la zone océanique ou pélagique, c'est la région des grands courants de surface où l'on trouve, principalement dans les eaux chaudes, les poissons volants et sardines, qui se nourrissent d'organismes et de végétaux qui flottent à la surface. A leur poursuite, et mis à part les oiseaux de mer, l'on ren12. A . C A P A R T , J. K U F F E R A T H , « Recherches hydrologiques au Congo belge et leurs résultats pratiques », loc. cit. 1 3 . J.L. S M I T H , The seafishes of Southern Africa, Cape Town, Cape and Transvaal Printers Limited, 1965, p. 5.

54

La pêche dans l'Océan Atlantique Tropical

contre des grands poissons rapides tels que les thonidés et les dauphins, qui ont l'habitude d'effectuer de vastes migrations, souvent régulières. Etant donné que les conditions de cette zone sont presque uniformes, la plupart des poissons se conforment à des dimensions et formes standard : en général ils ont la forme d'une torpille, leur couleur est bleue sur le dessus et argentée en dessous. La plupart de ces poissons descendent jusqu'à des profondeurs de 100 brasses à la poursuite des petits poissons qui abondent dans cette partie de l'océan. En dessous, et probablement jusque 500 brasses, on rencontre également de grandes quantités de petits poissons, la plupart possédant de grands yeux, très peu étant prédateurs, et la plupart se nourrissent de micro-organismes. Ces petits poissons doivent passer une grande partie de leur temps à s'élever et à plonger dans les eaux, en suivant les déplacements verticaux du plancton dont ils se nourrissent. — La zone bathypélagique est plutôt mal définie comme une région assez profonde, mais insuffisamment toutefois pour être rangée dans la zone abyssale. Plusieurs espèces de poissons particuliers sont classifiés comme bathypélagiques. — Beaucoup plus bas, en contraste frappant avec les conditions variables de la surface mouvementée, se trouvent le froid permanent, le silence, le calme, la grande pression et l'obscurité complète qui caractérisent les profondeurs où vit la faune abyssale ou bathybiale. L'absence de lumière a provoqué des changements remarquables : la plupart des poissons sont noirs et possèdent des yeux rudimentaires, d'autres portent des organes phosphorescents, dans l'ensemble, les estomacs et les mâchoires peuvent se détendre de façon à ce que toute proie saisie n'ait plus aucune possibilité de se libérer et soit immédiatement engloutie. La température des zones côtières et pélagiques varie avec la situation géographique, étant plus élevée aux tropiques et dans les courants chauds tandis qu'elle s'abaisse vers les pôles et dans les courants polaires, certains de ces derniers s'aventurant très loin vers l'équateur. Dans l'hémisphère Sud, les courants chauds se meuvent la plupart vers le Sud en longeant les côtes orientales des continents, tandis que les courants froids se déplacent vers le Nord en longeant les côtes occidentales des principales masses terrestres. Les endroits où deux courants océaniques se rencontrent ou s'avoisinent, constituent les lieux stratégiques d'où partent les grandes mi-

Vexpédition océanographique belge dans les eaux de l'Atlantique Sud

55

grations; ils sont caractérisés par une grande turbulence de l'eau, une surface agitée et des lignes d'écume. Ces phénomènes se manifestent d ' a u t a n t plus vigoureusement que les courants en présence offrent de fortes différences de température et de salinité. O n a souvent déclaré que la productivité totale des mers polaires et tempérées est bien supérieure à celle des mers tropicales. Or, on constate maintenant que cette assertion n'est pas nécessairement exacte. Dans beaucoup d'eaux tropicales et subtropicales, il existe des zones où la richesse de la faune peut être comparée à celle du banc de TerreNeuve ou à la mer de Barentz. Ces endroits sont caractérisés p a r des courants d'eau froide, lesquels apportent des profondeurs les éléments minéraux qui sont à la base des grandes chaînes de nutrition. Citons le courant de Humboldt (qui longe l'Amérique du Sud) et le courant de Benguela (qui longe la côte de l'Afrique du Sud-Ouest) lequel nous concerne plus particulèrement.

II.2.3. Apport de l'expédition «M'Bizi»

14

« Le but principal de l'expédition océanographique belge 'M'Bizi' était une vaste reconnaissance des fonds et de la faune marine compris entre l'Équateur et le 25 e degré de latitude Sud ». 15 La question posée était la suivante : « Y a-t-il moyen d'établir une pêcherie industrielle destinée à ravitailler en poisson de mer la population d u Congo et dans ce cas, quels seraient les moyens à mettre en œuvre pour parvenir à un résultat. Dans cette région, seul le navire école belge, le 'Mercator' et deux navires de recherches, le 'Challenger' et le 'Meteor' avaient effectué des mesures océanographiques et quelques pêches expérimentales. Au point de vue pratique, les Belges avaient, p a r deux fois, essayé d'établir des pêcheries à Banane. Mais, pour des multiples raisons, ces tentatives avaient échoué ». 16 Le chalutier 0.320 d'Ostende fut équipé en conséquence et quittait Ostende à destination de M a t a d i le 1 e r juillet 1948 pour rentrer à son port d'attache u n a n après, ayant accompli sa mission sans incidents. 17 14. M. POLL, « Rapport sur la faune ichtyologique et sur les pêches industrielles expérimentales », « M'Bizi ». Expédition belge dans les eaux africaines de l'Atlantique Sud 1948-1949, Bruxelles, Institut Royal des Sciences Naturelles de Belgique 1950.

15. A. CAPART, J. KUFFERATH, « Recherches hydrologiques au Congo belge et leurs résultats pratiques », loc. cit. 16. Ibid. 17. L'expédition était composée de : A. Capart, chef de mission etocéano-

56

La pêche dans l'Océan Atlantique Tropical

Auparavant, la faune marine d'Afrique occidentale était seulement connue p a r des études faunistiques qui signalaient un grand nombre d'espèces sans aucune donnée sur l'abondance relative de celles-ci. Q u a n t aux données écologiques (salinité, régime alimentaire, époque de la reproduction) on ne connaissait pratiquement rien, tout a u moins en ce qui concerne le sud de l'équateur. II.2.3.1. Aperçu zoologique de la faune des poissons considérés 18 La faune ichtyologique de l'Océan Atlantique tropical le long des côtes d'Afrique offre u n caractère de grande uniformité depuis la latitude d u Sénégal jusqu'à celle de Mossamedes sur la côte d'Angola. Elle offre un nombre important d'espèces méditerranéennes et même d'espèces plus septentrionales. Elle a moins d'affinités avec la faune des côtes africaines méridionales de l'Atlantique baignées par le courant froid d u Benguela, lequel provoque de grandes modifications faunistiques dès la latitude d e la baie des Baleines. 1 9 La faune du plateau occidental africain offre trois aspects essentiels : 1. faune côtière : de 0 à 75 mètres; 2. faune de bordure continentale : de 75 à 200 mètres; 3. faune de la pente atlantique : de 200 à 1 000 mètres. I. La faune côtière offre deux faciès différents selon que le fond est soit mou, sableux ou vaseux, soit d u r ou rocheux. Des changements faunistiques importants interviennent à partir de la profondeur de 75 mètres et même avant; la limite d u faciès côtier du plateau continental africain peut être fixée à cette profondeur de 75 mètres. Cette faune côtière pénètre dans les estuaires suivant le degré d'euryhalinite des espèces. Quels sont les poissons de cette première zone? Ils diffèrent selon la nature du fond : vaseux-sableux ou rocheux. 2 0 a) Fond mou sableux ou vaseux. Les familles typiques dans l'ordre de leur importance avec leur genre principal sont : graphe; A. Hulot et M. Poil, ichtyologistes; Van Goethem, chimiste, P. Michiels et Schoemaker, préparateurs. Elle a coûté 11 000 000 francs belges (A. Gapart, J. Kufferath, « Recherches hydrologiques au Congo belge et leurs résultats pratiques », loc. cit.). 18. Afin de faciliter le travail du lecteur et d'unifier l'exposé, nous signalons également les espèces qui font l'objet de l'exploitation industrielle de la Société de pêche maritime du Congo. 19. M. Poll, « Rapport sur la faune ichtyologique... », loc. cit. 20. Ibid.

L'expédition océanographique belge dans les eaux de l'Atlantique Sud 1. 2. 3. 4. 5. 6. 7. 8. 9.

Sciaenidae (Otolithus) Pentanemidae (Galeoïdes) Pomadasyidae (Brachydeuterus ) Cynoglossidae (Cynoglossus) Muraenesocidae (Muraenosox) Ariidae (Arius) Clupeidae (Ilisha) Carangidae (Vomer) Trygonidae (Trygon)

10. 11. 12. 13. 14. 15. 16. 17. 18.

57

Torpedinidae (Torpedo) Rhinobatidae (Rhinobatus) Mugilidae (Mugil) Gobiidae (Periophtalmus) Sphyraenidae (Spkyranea) Lutjanidae (Lutjanus) Gerridae (Gerres) Elopidae (Elops) Pristidae (Pristis)

Leur localisation dans les eaux côtières est très nette. Cette faune est accompagnée de nombreux mollusques et crustacés où les crabes et les bernard l'ermite prédominent. Font l'objet de la pêche industrielle par Pemarco : — Otolithus senegalensis (Cuvier et Valenciennes), appelé aussi bar ou maigre du Sénégal. C'est le poisson le plus caractéristique de la faune côtière de fond mou vaseux. Il est péché en face du fleuve Congo, spécialement en face de Banane. Il se pêche même à la côte (sennes indigènes de Banane et Moanda) mais les chalutiers ne s'aventurent pas sur moins de 20 mètres de fond. Il s'agit donc de l'espèce type d'une faune chalutable particulière vivant à faible profondeur au voisinage de la côte sur les fonds vaseux déposés en ordre principal par les fleuves côtiers et le Congo en particulier. — Cyrwglossus lagoensis (Regan) : la sole cynoglosse, qui représente au point de vue économique la « sole » des mers septentrionales. Ce n'est pas la vraie sole : les Cynoglossidae deviennent notamment plus grandes et sont plus allongées. Cynoglossus lagoensis atteint une longueur de 560 millimètres et un poids de 1 kilogramme. Il s'agit d'un poisson très commun qui accompagne le maigre du Sénégal dans son habitat et qui se cantonne généralement sur les fonds peu profonds situés dans les eaux du fleuve et qui vont de la côte à 73 mètres de profondeur. — Muraenosox ferox (Mitchill) : le congre féroce. Ce beau poisson appartient à la famille des Muraenesocidae, caractérisée par la puissance particulière de la dentition. Ce caractère, allié à une grande vitalité, en fait un poisson assez dangereux à manier. Il atteint une longueur de 1,50 mètre et un poids de 10 kilogrammes. Il est pris en même temps et dans les mêmes conditions que le maigre du Sénégal, qu'il voisine dans les chaluts. L'optimum se situe vers 45 mètres. — Sardinella (sp. varia) : pilchards. Deux espèces principales sont représentées : Sardinella aurita (Cuvier et Valenciennes) et Sardinalla cameronensis (Regan). La première atteint 34 centimètres et 390 grammes.

La pêche dans l'Océan Atlantique Tropical

58

la seconde 35 centimètres et 405 grammes. Ces poissons se rencontrent parfois dans le butin des chaluts sous forme d'exemplaires isolés provenant de fonds inférieurs à 100 mètres. En revanche, ils viennent la nuit en surface et leurs bancs sont faciles à repérer dans la lumière des phares. Il arrive souvent que les deux espèces se font prendre en mélange. Comme le genre est très côtier, les riverains en prennent parfois à la senne (Banana, Moanda). M a n q u a n t d'engins appropriés pour la pêche en surface, ni la Pemarco, ni la mission « M'Bizi » n'en a jamais pris de quantités appréciables. Ainsi que nous le proposerons par la suite, les sardinelles, de même que les Scomber et les Trachurus justifieraient l'essai de filets de surface du genre « senne tournante ». — Quelques poissons d'abondance très irrégulière accompagnent les prises chalutées sur les fonds peu importants. Il arrive qu'ils se montrent assez nombreux mais dans l'ensemble, ils n'offrent pas grand intérêt. Ce sont : Brachydeuterus auritus (Cuvier et Valenciennes), le petit pomadasys : Pomadasidae (pelon); Galeoides decadactylus (Bloch), le polynème : Polynemidae (capitaine) ; Arius heudelottii (Valenciennes), le silure marin : Arridae. b) Fond dur ou rocheux. Dans l'ordre d'importance, on doit citer les familles suivantes : 1. 2. 3. 4.

Sparidae (Pagrus) Serranidae (Serranus) Chaetodontidae (Chaetodon) Pomasyidae (Plectorhynchus)

5. 6. 7. 8.

Monacanthidae (Monacanthus ) Scorpaenidae (Scorpoena) Cephalacanthidae (Cephalacanthus) Balistidae (Balistes)

Cette faune compte beaucoup de poissons rouges avec prédominance des dorades du genre Dentex (famille Sparidae) qui constituent jusqu'à 80 % de la masse totale des poissons. Les Dentex sont des mangeurs de fond carcinophages. « L'ensemble de cette faune étant destiné à être l'objet d'une exploitation industrielle, il était très important de la préciser, mais rien ne faisait supposer une composition aussi différente de celle de la faune littorale ». 2 1 Font l'objet de la pêche industrielle par Pemarco : — Dentex (les dorades) : Dentex angolensis (Poil et Maul) Dentex congoensis (sp. m. ) Dentex maroccanus (Cuvier et Valenciennes) 21. Ibid.

L'expédition océanographique belge dans les eaux de VAtlantique Sud

59

Dentex macrophtalmus (Bloch) Pagrus Pagrus (Linné) L'espèce dominante en quantité est la petite dorade rouge (Dentex angolensis), elle intervient à concurrence de 60 %, dans les captures. C'est un poisson que les Congolais se sont mis à apprécier en raison non seulement de son goût mais aussi de sa petite taille qui permet la constitution aisée de rations individuelles et la vente à la pièce. C'est le Sparidae le plus abondant du plateau continental de l'Afrique tropicale. Cette espèce très intéressante donne lieu à une pêche industrielle depuis le golfe de Guinée jusqu'au sud de l'Angola. Dentex congoensis est également une espèce commune mais moins que Dentex angolensis. Dentex maroccanus (Cuvier et Valenciennes) est une dorade à canines de couleur rouge, à l'œil jaune, mesurant au maximum de sa taille 32 centimètres et pesant 450 grammes. Elle entre également dans la composition des pêches pour un pourcentage élevé; on la prend à des profondeurs de 75 à 300 mètres. Cette dorade se raréfie au-delà du 11° de latitude Sud où elle entre en compétition avec une espèce voisine : Dentex macrophtalmus. — Pagrus Pagrus (Linné) : le pagre ordinaire est une dorade à molaires, de couleur rose, offrant une gibbosité caractéristique sur le front. Cette dorade a été pêchée sur des fonds variant de 75 à 150 mètres, mais on la pêche aussi plus près de la côte où elle est plus commune sur les fonds durs. O n peut alors la prendre à la ligne de fond à la manière indigène (Ambrizette) à des profondeurs voisines de 50 mètres. — Lepidotrigla cadmani (Regan) : le trigle écailleux est un poisson très connu, mais de taille assez réduite, mesurant au maximum 27,5 centimètres et pesant 260 grammes. Ce Triglidae est de couleur rouge et possède de grandes écailles caractéristiques. O n le prend à des profondeurs variant de 75 à 300 mètres avec une abondance optimum vers 150 mètres. Ces profondeurs caractérisent également la dorade commune et, effectivement, le trigle écailleux est un élément d'accompagnement de ce poisson. — Epinephelus : les mérous. Les Serranidae du genre Epinephelus sont de grands poissons dont la taille maximum varie d'une espèce à l'autre. Voici les dimensions maxima enregistrées par la mission « M'Bizi » : Epinephelus goreensis (Cuvier et Valenciennes) : 42 centimètres (1,10 kilogramme) Epinephelus aeneus (Geoffroy Saint-Hilaire) : 82 centimètres (9 kilogrammes) Epinephelus zaslavskii (Poil) : 1,10 mètre (25 kilogrammes)

La pêche dans l'Océan Atlantique Tropical

60

Epinephelus alexandrinus (Cuvier et Valenciennes) : 1,35 mètre (35 kilogrammes) Ces acanthoptérygiens marins sont de grands poissons de coloration brunâtre plus ou moins foncée. La distribution en profondeur varie d'une espèce à l'autre. Les chaluts les ramènent de 30 à 300 mètres avec une fréquence plus grande vers 150 mètres, soit comme élément d'accompagnement des dorades communes. Les mérous ont une chair très délicate. — Brotula barbata (Schneider) : kingclip. Brotulidae à corps effilé avec nageoires confluentes en arrière qui rappelle la morue sans avoir de parenté avec elle. Caractéristique de la bordure continentale, on le prend à des profondeurs de 75 à 200 mètres, où il accompagne la dorade. — Scomber colias (Gmelin) : le maquereau espagnol, capturé au chalut par 70 à 180 mètres de profondeur mais surtout entre 130 et 170 mètres. Ses mœurs sont identiques à celles du maquereau bâtard, les deux espèces voisinant d'ailleurs généralement dans les prises. Gomme le Trachurus, le Scomber forme des bancs de surface la nuit et pourrait être péché en abondance à ce moment. Essentiellement migrateur, il disparaît fin septembre de la latitude du Congo pour des eaux plus méridionales et réapparaît vers le mois de mars. — Trachurus trecae (Cadenat) : faux maquereaux — poers — maasbankers — chinchards — maquereau bâtard du sud. Ce Carangidae ressemble beaucoup, avec sa ligne latérale ornée d'écussons sur toute sa longueur, à son proche parent Trachurus trachurus (Linné), le maquereau bâtard des mers septentrionales, mais l'espèce méridionale offre des écussons moins épais et moins développés et la ligne latérale supérieure accessoire est très courte. Pendant le jour, ce poisson se pêche au chalut sur les fonds de 100 à 180 mètres, mais la nuit, il forme des bancs nombreux à la surface et il serait possible de le pêcher à ce moment avec toutes sortes d'engins de surface. « Il arrive que les poissons se pressent si nombreux autour du bateau dans la lueur des phares qu'il est possible de les prendre au passage avec une simple épuisette ». 2a Cette espèce est migratrice et part vers le Sud au moment de la saison des pluies. Elle peut être observée en grand nombre en août et en septembre dans les parages du Congo (fond de Moita Seca). La mission « M'Bizi » a surpris par hasard la date du départ vers le Sud. Au cours d'une semaine de pêche industrielle intensive sur le banc de Moita 22. Ibid.

L'expédition océanographiqtte belge dans les eaux de l'Atlantique Sud

61

Seca, du 17 au 21 septembre 1948, le maquereau bâtard a été péché au chalut pendant les trois premiers jours, après quoi il a disparu et n'a plus été repris au chalut depuis cette date. Ce n'est qu'au mois de décembre suivant au cours d'un voyage dans le Sud que le maquereau bâtard a été revu en nombre vers le 16° de latitude Sud. Il a fallu attendre jusque fin février de l'année suivante pour le retrouver en nombre dans les parages du Congo (6° de latitude Sud). II. Faune de la pente atlantique. La partie du plateau continental qui entre ici en considération s'étend de 200 mètres jusqu'à 1 000 mètres de profondeur. Les engins du chalutier n'ont guère pu dépasser 500 mètres, c'est-à-dire n'ont pas dépassé le niveau supérieur de la pente atlantique. Les poissons pris à ces profondeurs sont également d'un type très caractéristique, mais il faut noter tout d'abord que certaines espèces du faciès précédent empiètent parfois quelque peu sur celui-ci. C'est le cas des Albulidae (Plerothrissus), des Brotulidae (Brotula), des Sparidae (Dentex), des Triglidae (Lepdotrigla et surtout Peristedion), des Paracubiceps, etc. D'autres familles sont ici caractéristiques : Bothidae (Chascanopsetta) Macruridae (Caelorh.ynch.us, Gadidae (Laemonema) Macrurus) Merluciidae (Merluccius ) Berycidae ( Gephyrobeiyx, Chloraphtalmidae (Chloraphtalmus) Haplostethus) Anteunariidae (Chaunax ) Signalons que Merluccius est un poisson bien connu dans les mers septentrionales, on le rencontre en très grandes quantités au sud de Walvis Bay. Plus au Nord on le trouve saisonnièrement. C'est un poisson très fin, apprécié surtout des Européens. Il faut remarquer que les poissons pélagiques de l'Atlantique Sud n'ont pas été spécialement étudiés mais les occasions multiples de la pêche et de la navigation ont permis de faire des observations nombreuses Les principales familles retenues sont les suivantes : Exocaetidae (Exocaetus, Paraccocoetus et Cypsilurus ) Scombridae (Scomber) Carangidae ( Trachurus, Caranx ) Carcharinidae (Carchorinus ) Zygoenidae (ZVgoena) Clupeidae (Sardinella ) Elopidae (Elops) « Les dernières familles se rencontrent souvent à la surface des eaux littorales même à la surface des eaux brunes du fleuve. En revanche,

62

La pêche dans l'Océan Atlantique

Tropical

les autres familles, et notamment les poissons volants, évitent les eaux brunes, ce qui est évidemment une manœuvre alimentaire, le plancton océanique étant la source essentielle de leur subsistance. Ces poissons pélagiques sont normalement bleus ou verdâtres, les flancs ou le ventre sont largement blanchâtres et dans tous les cas très clairs >>.23 II.2.3.2.

Tableau d'ensemble statistique de l'abondance relative des espèces capturées au cours des chalutages et exprimée en nombre de paniers (40 kilogrammes)

Nous reproduisons, à titre indicatif, au tableau 9 le nombre total de paniers péchés, par espèces, au cours des 110 premières stations. 2 4 TABLEAU 9.

Nombre de paniers par espèce péchés au cours des 110 premières stations

Nombre de paniers Dentex maroccanus Lepidolrigla cadmanì Marsis australìs Pagrus pagrus Dentex dentex Epinephelus (sp. varia) Sciaene mbizi Brotula barbata Pterothrissus belloci Scomber colias Trachurus trecae Dentex macrophthalmus Merluccius merluccius Umbrina rkonchus Raja miraletus Pagellus erythrims Paracubiceps le damisi Otolithus senagalensis Muraenesox Ferox Larimus beli Cynoglossus lagoensis Brachydeuterus auritus Caleoides decadactylus Arius heudelotu Sardinella cameronensis Sardinella aurita

Total 23. Ibid. 24. Ibid.

510 72}

26

17+

16 135 42

21 33* 7

18} 60} 42}

Nombre d'heures 115

110

28} 46 37} 83} 40 67 73} 13}

28} 5 3

8

68

5} 7}

47

Hi

74}

18

42} 45

16

20

19}

36 34 15

11} 11} 4| 2

1 167

28}

6} 156

L'expédition océanographique belge dans les eaux de F Atlantique Sud

63

Le grand mérite de ces chiffres est d'avoir permis de se faire une première idée concrète de l'abondance relative des différentes espèces. Ils ne peuvent cependant être retenus qu'à titre indicatif et leur comparaison avec les chiffres des rendements obtenus industriellement n'offre pas d'intérêt étant donné que ces pêches expérimentales effectuées dans l'ignorance complète de tout ce qui concernait la faune et son habitat ont été bien moins fructueuses que les pêches ultérieures organisées sur une base industrielle. Ceci n'enlève évidemment rien à leur mérite scientifique.

II.2.4. Conclusion Avec la mission « M'Bizi » on avait enfin une idée des faunes chalutables lesquelles, dans les grandes lignes, sont définies comme suit par M. Poil : 25 A. Au nord du 18° de latitude Sud 1° La faune côtière de 0 à 75 mètres, observée par la mission sous les eaux du fleuve Congo, lequel surnage l'océan sur des centaines de milles de distance. La faune côtière chalutable grise contient d'excellentes espèces recommandables pour la conservation à la glace, à la fois à cause de la proximité de l'embouchure du fleuve et de ses ports et à cause de la natures des espèces qui se prêtent moins bien au séchage. 2° La faune de la bordure du plateau continental des fonds de 75 à 200 mètres, au bord et surtout au sud de l'embouchure du Congo. La seconde est de loin la plus intéressante, ce qui provient en ordre principal de la présence des Sparidae (Dentex) lesquels apparaissent comme le poisson d'avenir de la pêche industrielle au sud de l'équateur. B. Au sud de 18° de latitude Sud La faune change par suite de l'influence du courant du Benguela. Les chaluts ont ramené dans cette région des quantités considérables de merluches et de dorades à grand œil rouge (Dentex macrophthalmus ), qu'on ne trouve pas aux latitudes plus septentrionales. L'intérêt de ces fonds chalutables, cependant assez éloignés du Congo, ne saurait être sous-estimé. Comme on peut s'en rendre compte, la mission « M'Bizi » a travaillé avec l'intention bien arrêtée de donner à ses découvertes une finalité 25. Ibid.

64

La pêche dans l'Océan Atlantique Tropical

utilisable directement sur le plan économique. Aussi, les résultats pratiques ne se sont-ils pas fait attendre.

I I . 3 . L A SOCIÉTÉ DE PÊCHE MARITIME DU CONGO

Devant la disette en protéines animales régnant à l'état endémique au Congo, il semble étonnant que l'attention n'ait pas été attirée plus tôt vers les possibilités alimentaires offertes p a r les poissons de mer. La raison en est que la République du Congo, de par sa situation géographique, se trouve désavantagée du fait qu'elle ne possède qu'une côte très réduite, laquelle est baignée p a r les eaux du fleuve Congo qui y crée sur u n e grande étendue u n climat hydrologique défavorable à la plupart des espèces marines. C'est ainsi que, pour beaucoup d'espèces, la limite atteinte est la limite de pénétration des eaux salées dans le fleuve. Cette limite se situe pour le fleuve Congo à Kinsanga, en aval de Boma. A la disparition de la salinité de l'eau, obstacle majeur pour la pénétration des poissons marins, il faut ajouter un obstacle moins grand, mais cependant réel : la vitesse d u courant qui est de 5 milles à l'heure pour le Congo. Notons qu'en amont de Matadi aucun poisson marin ne parvient à remonter le fleuve. J u s q u ' à M a t a d i on pêche, occasionnellement, les requins-scies et certaines raies ou pastenagues mal précisées. Les particularités physico-chimiques essentielles d u domaine marin côtier sont, comme le font ressortir les résultats de Ch. van Goethem 2 6 la variabilité de la température de l'eau, la variabilité d u taux d'oxygène de l'eau et surtout la variabilité de la salinité totale de l'eau, toujours inférieure au taux normal. Ces variations sont dues au mélange des eaux des fleuves côtiers avec celles de l'océan. En surface, les eaux fluviales brunes s'étendent loin à perte de vue (en direction Nord-Ouest, sur des centaines de milles pour le fleuve Congo). Elles ne se mélangent que lentement aux eaux salées et l'on voit très bien, par la coloration, la limite des eaux, lorsqu'on navigue au large des côtes. En profondeur, au contraire, les eaux littorales sont plus salées tout en restant variables à ce point de vue. 2 6 . CH. VAN GOETHEM, « Étude physique et chimique du milieu marin »> Expédition océanographique belge dans les eaux câtières africaines de l'Atlantique Sud, I.II,

fasc. 1, Bruxelles, Institut Royal des Sciences Naturelles de Belgique, 1951, p. 23. On trouvera dans cet ouvrage une étude de la température, de la salinité, de l'oxygène, du PH ainsi que des nitrates. Y sont notamment étudiées les différentes stations et les variations de la température en fonction de la profondeur et de la longitude.

La société de pêche maritime du Congo FIGURE 6 .

65

Production et nombre de chalutiers en service à la Pemarco.

lauga brut« de la flotta au 31 décembre 1967: 2760 BRT.

N.B. Pour les tonnages des différents chalutiers et leurs capacités de cales, on se reportera utilement au tableau 10.

66

La pêche dans V Océan Atlantique

Tropical FIGURE 7 .

Fonds chalutables

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Source : Service hydrobiologique de la Pemar

La société de pêche maritime du Congo long des cotes de l'Angola en 1966

67

68

La pêche dans l'Océan Atlantique Tropical

La plus grande salinité des eaux profondes est bien mise en évidence par les eaux de la crique de Banane où les eaux de surface offrent 15 grammes de sel au litre à marée basse et 18,5 grammes à marée haute, tandis que les eaux de fond sont de 32 grammes au litre à marée basse et 34,5 grammes à marée haute. La crique de Banane est inondée d'eau de mer à marée haute, ce qui provoque un mélange en surface des eaux douces et marines. En profondeur, le courant d'origine fluviatile est pratiquement stoppé et l'eau devient franchement salée. Les animaux de la zone côtière sont donc uniquement des animaux euryhalins ou qui peuvent supporter dans tous les cas une forte variabilité de la salinité. II.3.1. Historique Ce n'est qu'au début de ce siècle que des chalutiers furent envoyés sous les tropiques en vue d'améliorer le ravitaillement de l'Ouest du Congo. En 1920, la « Société anonyme de pêcheries à vapeur au Congo belge » envoya à Banane un chalutier de 450 tonnes acheté en Angleterre. Dès 1922, toutefois, l'unité regagnait l'Europe, les résultats n'ayant pas répondu à l'attente des promoteurs. Ce n'est qu'en 1947, dans le cadre du premier plan décennal, que fut repris le projet de créer des pêcheries maritimes au Congo. L'expédition « M'Bizi » ayant déposé des conclusions positives, une société fut fondée le 27 décembre 1950, sous la dénomination de « Société de Pêche Maritime du Congo », en abrégé « Pemarco ». Le premier problème fut celui du port d'attache : Matadi ou Banane ? O n avait à choisir entre un port bien équipé, relié à l'hinterland par voie ferrée mais distant de douze heures de navigation 27 de l'océan, et une station avantageusement située à l'embouchure du fleuve mais n'offrant avec l'intérieur que de mauvaises relations routières. Matadi fut logiquement préférée. A 8 kilomètres en aval du port de commerce, un site fut choisi pour le futur port de pêche. O n y édifia pour commencer une usine à glace dont l'achèvement conditionnait toute l'exploitation, puisque sans glace il n'y a pas de poisson frais possible. Le premier chalutier arriva en octobre 1951 et fut immédiatement envoyé en mer : il ramena au bout d'une semaine une pêche de 4,5 tonnes. Résultat médiocre en regard de la capacité du bateau et de l'importance des besoins à satisfaire, encore qu'on ne sût pas quel 27. A la montée (six heures à la descente).

La société de pêche maritime du Congo

69

accueil las habitants des centres réserveraient à des arrivages plus massifs, l'expédition « M'Bizi » n'ayant pu se livrer qu'à u n n o m b r e limité d'expériences de distribution. En fait, en dépit des carences dont elle souffrait, la population congolaise ne fit pas d'emblée bon accueil au poisson de mer. A prix double ou triple, le poisson d'eau douce, p a r habitude, restait préféré, lorsqu'il y en avait. Les chalutiers « Noordende II-0.319 » et « V i c t o r Billet0.311 » n'en vinrent pas moins rejoindre le 0.320 à Matadi, et tous trois se trouvaient à pied d'œuvre fin 1954, année où la production atteignit non loin de 2 000 tonnes. L'exploitation était sortie des tâtonnements du début, et la moyenne des pêches ne tarda pas à dépasser 20, puis 30 tonnes par voyage. Il fallait d'ailleurs s'attendre à des dffiicultés inhérentes à une installation en pays neuf. Ces dfficultés furent de deux ordres, résultant d'une part de l'ignorance totale de la localisation des fonds de pêche, ceci d u point de vue industriel et, d ' a u t r e part, de l'organisation du soutien logistique d'une flotte. Toutes ces difficultés furent rapidement surmontées et en 1955, le rendement des chalutiers atteignit plus de 90 % de leur capacité maxim u m de production. Simultanément, l'effort de commercialisation avait porté ses fruits et le poisson de mer commençait à s'imposer sur les marchés. Entre 1955 et 1961 la Pemarco fit construire trois autres chalutiers, spécialement conçus pour la pêche sous les tropiques : le « René Cîoeman », le « Pierre Staner » et le « M'Bizi ». Ces bateaux, comme les trois premiers, furent fabriqués par les chantiers Belliard Murdoch d'Ostende et effectuèrent par leurs propres moyens le parcours BelgiqueCongo. L'accès d u Congo à l'indépendance, loin de ralentir la demande d u poisson de mer, l'accentua, quantités d'autres denrées s'étant relativement raréfiées par suite, soit des difficultés d'importation, soit de la détérioration des moyens de transport intérieurs, soit encore de l'impossibilité de poursuivre l'exploitation agricole ou l'élevage dans certaines régions troublées. De plus, en l'espace de quelques années, u n exode rural massif fit tripler la population de Kinshasa, principal débouché d u poisson de mer. En 1962 et 1963, trois chalutiers provenant d ' u n apport de la Société Anonyme des Pêcheries à Vapeur d'Ostende vinrent encore renforcer la flottille existante, portant à neuf le nombre de ses unités. Il s'agissait d e 1'« Edison-0.86 », d u « Curie-0.88 » et d u « Marconi-0.89 », construits en 1947 par les chantiers Boel à Tamise.

70

La pêche dans l'Océan Atlantique

Tropical

En 1964, le « Johnny-0.333 », propriété et construction de l'Armement Seghers, fut affrété et l'année 1965 vit le départ pour Matadi d'un bateau mixte chalutier-senneur construit chez Van de Sande à Breskens (Hollande), le « Sanzala-0330 ». A la fin de l'année 1965, onze bateaux de pêche fraîche produisaient plus de 11 000 tonnes de poisson frais par an. Suivant en cela la tendance générale dans le monde de la pêche, la flotte s'est enrichie, depuis le mois d'août 1966, du chalutier surgélateur « Croix du Sud ». Cette unité moderne construite en Espagne a une capacité de cale de 200 tonnes en poisson surgelé; sa longueur totale est de 49 mètres et son moteur développe 1 100 CV. Ce chalutier constitue le premier pas permettant au Congo de lutter avec des armes modernes contre la concurrence sur les lieux de pêche. En effet, les Portugais et la Pemarco ne sont pas seuls à pêcher sur les côtes de l'Angola, où l'on voit opérer au large d'imposantes flottilles de chalutiers russes, polonais et japonais.

II.3.2.

La pêche pratiquée par la Pemarco

11.3.2.1. Espèces capturées

28

29

On se reportera au paragraphe II.2.3.1. 11.3.2.2.

Zones de pêche

La pêche pratiquée par Pemarco revêt une physionomie particulière en relation avec la nature des fonds, les saisons marines et les espèces capturées. A. Les fonds marins. Les fonds côtiers se présentent sous forme d'une plate-forme allongée tantôt très étroite, tantôt large de plusieurs dizaines de kilomètres. Aux endroits élargis, le fond présente une pente douce partant de la rive jusqu'à 200 mètres de profondeur. Ensuite cette pente s'accentue rapidement jusque au-delà de 1 000 mètres formant un talus qui se prête mal au chalutage. Malheureusement, toute la surface du plateau n'offre pas le fond plat et dépourvu d'obstacles, exigé pour la pêche au chalut, mais se trouve coupée de ravins, semée d'entablements rocheux et de bancs coralliens. 28. J. Meulenbcrgh, chef du service hydrobiologique de la Société de pêche maritime du Congo, nous a communiqué de précieuses notes à ce sujet. 29. Pour la description détaillée des poissons cf. M. POLL, Résultats scientifiques de l'expédition océanographique belge dans les eaux côtières africaines de l'Atlantique Sud, poissons téléostéens acanthoptérygiens, première partie, t. IV, fasc. 3A, Bruxelles, 1954.

La société de pêche maritime du Congo

71

A la figure 7, on trouvera une carte qui localise les fonds chalutables qu'une expérience de quinze ans a prouvé comme étant sûrs. Cette carte n'a pas la prétention d'être définitive. Il est plus que probable qu'il existe encore des fonds intéressants entre 150 et 250 mètres de profondeur. A ce jour, aucune nécessité n'incitait les patrons de pêche à les explorer, leur préférence se portant principalement le plus près possible de la limite des 3 milles. Il existe d'autre part des plages parsemées de cailloux qui provoquent des déchirures dans les filets et que les pêcheurs de Pemarco évitent alors qu'on y voit opérer des chalutiers étrangers. L a raison serait qu'ils disposent d ' u n matériel plus adéquat et surtout que les matelots congolais montrent peu d'aptitude à la réparation des filets. Nous pouvons en conclure que toutes les possibilités offertes ne sont pas encore exploitées. B. Les saisons marines le long de la côte d'Angola. 3 0 Les poissons, selon l'espèce à laquelle ils appartiennent, recherchent des eaux présentant certaines caractéristiques. Celles-ci se retrouvent en bordure de grands courants marins, à proximité de courants verticaux amenant vers la surface des eaux profondes (upwelling), ou encore au voisinage d e nappes, relativement peu épaisses, et situées à faible profondeur, dont la température et la salinité tranchent sur le milieu ambiant. Lorsque l'on trouve à u n endroit déterminé des conditions favorables, les eaux rencontrées n'auront pas un caractère permanent. U n déplacement, une évolution où la disparition de ces conditions va se produire sous l'influence des saisons marines et le débit variable d u fleuve Congo. O n distingue, au cours d ' u n e année, quatre saisons d'intensité et de durée inégale : a) L a grande saison marine froide qui s'étend de fin mai à fin août. La zone côtière est entièrement sous l'influence du courant froid d u Benguela dont les eaux à salinité élevée remontent le long de la côte. Le fleuve représente à cette époque son débit minimum de l'année et ses eaux n'influencent pratiquement pas les eaux océaniques situées a u sud de l'embouchure. b) La petite saison chaude fait suite à la précédente au cours des mois de septembre à mi-novembre. Elle se caractérise p a r l'apparition, en direction d u Sud et le long de la côte, d'eaux à température élevée et à basse salinité d'origine guinéenne. 30. Ch. van Goethem a classifié en sept zones le milieu marin s'étendant de la zone du cap Lopez (0° S) à Walvis Bay (22° 24S) (« Étude physique et chimique du milieu marin », loc. cit.).

72

La pêche dans VOcéan Atlantique

Tropical

Le fleuve, entrant en crue, voit une partie de ses eaux entraînées vers le Sud où elle se mêlent, jusqu'à 30 mètres de profondeur, aux eaux guinéennes. En raison de la courte durée de cette période, ce mélange d'eaux ne fait guère sentir son influence au-delà du parallèle d'Ambrizette. c) De novembre à mi-janvier apparaît la petite saison froide caractérisée par le retrait des eaux guinéennes et une poussée le long de la côte des eaux du courant du Benguela. O n retrouve les caractéristiques de la grande saison froide mais atténuées car le fleuve, atteignant son débit maximum, déverse une partie de ses eaux, chaudes et dessalées, vers le Sud. d) Survient alors la grande saison chaude qui s'étend de la mijanvier jusqu'au mois de mai. Les eaux guinéennes mélangées à celles du fleuve descendant vers le Sud, leur influence peut se faire sentir jusqu'au Cap Morro. Le long de la côte, il faut descendre jusqu'à Lobito pour retrouver le courant du Benguela dont les eaux se propagent vers l'Ouest à cet endroit et à cette époque de l'année. L'intensité des saisons varie d'une année à l'autre, ainsi que la durée. Entre chaque saison il existe une période de transition, qui, certaines années, peut être très courte. A noter que les eaux guinéennes sont très pauvres en plancton. La haute température et la basse salinité fait fuir bon nombre d'espèces de poissons sauf certaines qui recherchent ces eaux en période de reproduction. Si le poisson marque une grande sensibilité à la température, le fait de la présence d'un banc de poisson à un endroit déterminé résulte surtout d'un ensemble de facteurs très complexes. L'étude de tous ces facteurs sort évidemment du cadre de ce travail. O n admet que, si la température n'est pas un critère absolu, elle constitue néanmoins un indice de la valeur que viendra renforcer la mesure de la salinité totale. C. Mouvements du poisson. La plupart des espèces commerciales — dorades, pageaux, maigres, etc. — pêchées par la Pemarco se présentent en général en petits bancs d'une même espèce ou d'espèces associées. Ces bancs se déplacent selon un cycle biologique assez régulier où la température de l'eau et la lumière jouent un rôle important. De toutes les observations recueillies à ce jour, on peut formuler les lois suivantes : 1. La reproduction, entraînant de fortes concentrations, a lieu à des profondeurs inférieures à 50 mètres et à certains endroits de prédilection, tels que grandes baies et estuaires de petits fleuves côtiers. Ils constituent les endroits les plus riches.

La société de pêche maritime du Congo

73

2. Il y a une migration, plus ou moins saisonnière, de la rive vers les profondeurs au-delà de 200 mètres. Il ne s'agit que d'éléments ayant déjà atteint une certaine taille. 3. En règle générale le poisson a tendance, au lever du jour, à se grouper et à descendre vers les fonds où il demeure pendant la journée. Au crépuscule il remonte vers la surface et se disperse la nuit. U n résultat négatif à l'échosondeur peut provenir de cette dispersion. Il est donc nécessaire de tenir compte de l'heure où un banc a été observé afin de déterminer si le poisson se trouve au sommet ou au bas de sa migration diurne. La présence d'une thermocline 3 1 a une signification importante car elle constitue souvent la limite inférieure ou supérieure de ces migrations diurnes. Ces lois ont une répersussion sur le rendement. D ' u n e part, la zone des eaux territoriales des 3 milles couvre en grande partie les fonds de 50 mètres, c'est-à-dire les zones de fortes concentrations. Partout ailleurs, la pêche constitue une interception de bancs de poissons lors de leur migration plus ou moins lente vers les grands fonds. La pêche n'est rentable que pendant le j o u r et la durée de passage d ' u n banc en un lieu déterminé ne dure q u ' u n j o u r ou deux, ce qui oblige le chalutier à ce déplacer fréquemment. L'Angola interdit la pêche au chalut sur fonds inférieurs à 50 mètres. Cette interdiction est une nécessité. La pêche non contrôlée dans la zone de reproduction pouvant être fatale à l'équilibre du stock. Les peuplements de poissons ne sont pas les mêmes dans la partie septentrionale que la partie méridionale de la côte de l'Angola; cette différence est en relation avec le milieu marin. O n peut considérer trois zones que, pour la facilité de l'exposé, nous désignerons par : zones chaude, intermédiaire et froide. La zone chaude s'étend de l'embouchure d u Congo jusqu'à quelques milles au sud de L u a n d a (9 e parallèle). Elle subit saisonnièrement (deux fois l'an) l'envahissement des eaux supérieures p a r les eaux 31. Par thermocline on entend une couche d'eau d'épaisseur limitée, située à une certaine profondeur, qui présente un brusque changement de température, indiquant par là des caractéristiques particulières. Cette discontinuité est mise en évidence au moyen d'un diagramme (bathythermogramme) où figure en abscisse la température et en ordonnée la profondeur observée au cours d'un sondage en profondeur. La limite supérieure de la thermocline apparait toujours nettement, la limite inférieure beaucoup moins en raison de la diminution normale de température avec la profondeur. Le changement brusque de température correspond souvent à un changement de salinité, c'est pourquoi l'on fait figurer sur le même diagramme la variation de salinité en fonction de la profondeur.

La société de pêche maritime du Congo

75

guinéennes, mélangées à celles du Congo, qui y créent un climat défavorable. Cette zone présente les mêmes caractères que la côte gabonnaise, prolongement de la côte Sud du golfe de Guinée. La coupe de la figure 8 répond au schéma général qui résume la distribution des eaux et de la faune qui nous intéresse. A la côte, sur faible profondeur, les poissons dits « blancs » (Otolithes, etc.) y abondent. Aux profondeurs plus fortes on trouve des sparidés (Dentex, Pagellus, etc.), mais de taille encore petite. Cette zone est surtout fréquentée par les petits chalutiers. La zone intermédiaire fait suite à la précédente et s'étend approximativement jusqu'au 13e parallèle Sud, à hauteur de Lobito. Cette zone est encore envahie périodiquement par les eaux guinéennes mêlées à celles du fleuve et du Cuanza mais de façon plus superficielle et de moindre durée. O n trouve toujours à la rive une abondance de poissons blancs, à toutes les profondeurs. Les Dentex et sparidés atteignent leur plus grande taille et constituent le gros de la pêche. Les Brotula et Merluccius s'y rencontrent déjà en bancs importants. Les chalutiers moyens y pèchent pratiquement toute l'année. La zone froide s'étend à l'extrême Sud et les eaux y sont considérablement plus froides en raison du courant du Benguela qui y domine. O n y trouve encore de la dorade mais en quantité moindre, et la taille devient plus petite. Brotula, Merluccius et Trigles y sont en grande abondance. Cette zone n'est fréquentée en ce qui concerne la Pemarco que par les grands chalutiers et deux chalutiers moyens dont la vitesse de croisière atteint 11 nœuds. II.3.2.3. Rendement des pêches 32 A. De 1951 à 1954. Nous avons esquissé cette phase dans l'historique de la Pemarco. Il s'agit d'une période de tâtonnements, de «trials and errors », où les problèmes posés par la pêche proprement dite, bien qu'ardus, passèrent au second plan par rapport aux difficultés de la commercialisation. Au cours de cette phase expérimentale, la production a évolué comme suit :

32. Cf. note 28.

76

La pêche dans V Océan Atlantique

Années

Production totale en tonnes

1951

quelques tonnes

1952 1953

1 122

1954

1 890

351

Tropical

Vendu sur le marché de Léopoldville 0 200? 714 1 253

Remarques Départ 1 e r chalutier 2e chalutier en action 3 e chalutier en action

B. De 1955 à fin 1965. On se référera à la figure 9. Elle marque le rapport entre la production effectivement réalisée, traduite par le tonnage atteint mensuellement, et le rendement que l'on pouvait escompter en tenant compte de la capacité de pêche des chalutiers opérant dans des conditions normales et en supposant une richesse de poisson constante. Comme conditions normales les normes suivantes ont été adoptées pour chaque chalutier : a) 22 sorties par an d'une durée moyenne de 14,5 jours : la sortie comprenant le déplacement, la pêche proprement dite et l'escale de Matadi; b) 6 semaines d'immobilisation par an aux fins de révisions et réparations ; c) à chaque sortie, les cales remplies à 90 % de la capacité théorique. Sur la figure 9, la suite de traits interrompus indique le niveau de production mensuelle à atteindre en tenant compte des normes précitées et de l'accroissement progressif du nombre de chalutiers. Il n'a pas été tenu compte des rendements du 0.330 « Sanzala », unité de pêche expérimentale. Au bas de chaque colonne annuelle on trouvera le total du tonnage escompté et celui réalisé ainsi que le pourcentage que ce dernier représente par rapport au premier. On constatera que durant la période s'étendant de 1955 à 1961, le rendement réalisé atteignit plus de 90 % du rendement escompté. Les conditions étaient évidemment très favorables; chalutiers de faible tonnage, courtes distances des lieux de pêche, entretien et approvisionnements aisés et absence de concurrence. En 1960, la perturbation causée par l'indépendance n'affecta que très peu le rendement général. A partir de 1962, coïncidant avec une notable augmentation de la capacité de pêche, la courbe de rendement, après avoir subi une dépression, reste irrégulière et s'écarte sensiblement du niveau escompté. De 90 % le rapport tombe entre 70 et 75 %.

La société de pêche maritime du Congo

77

L'allure du rendement au cours des trois dernières années, quoique irrégulière, présente un certain rythme caractérisé par une chute sensible de rendement entre décembre et mai. Utilisation des chalutiers. O n trouvera réuni au tableau 11 les éléments importants traduisant l'activité de chaque chalutier pour les années 1963, 1964 et 1965. A titre de comparaison, on les a fait précéder par ceux de 1958, année à rendement exceptionnel (110 %) et ceux de 1961, où la flottille comportait déjà 6 chalutiers opérant dans toute la zone côtière actuellement exploitée et dans les conditions « post-indépendance ». Deux séries de moyennes ont été établies. La première partielle, portant sur les petits et moyens chalutiers; la seconde portant sur toute la flottille. Le « M'Bizi » possède une puissance double de celle d'un chalutier moyen et n'opère pratiquement qu'à l'extrémité Sud de l'Angola. Le « Johnny », plus puissant également, eut une activité assez irrégulière. Inclure les données fournies par ces deux chalutiers dans les moyennes aurait masqué en partie les performances réelles du restant de la flottille. Par jour de chômage, il faut entendre les jours où le chalutier n'a pas été affecté aux opérations que comporte le cycle d'une sortie. La moyenne de durée des sorties est soulignée d'un trait plein. Si ce cycle ne prenait en moyenne que 12 jours en 1958, il s'éleva à 13,5 jours en 1961. En 1958, le faible tonnage des chalutiers et les courtes distances parcourues expliquent la courte durée d'un cycle; mais en 1961, l'augmentation de la capacité des cales des nouveaux chalutiers, joints à l'allongement des parcours, devaient nécessairement entraîner un cycle plus long qui fut en moyenne de 13,5 jours. Au cours de ces dernières années le cycle se stabilise aux environs de 14,5 jours avec la répartition suivante : durée moyenne des déplacements jours de pêche effectifs escale à Matadi

3,5 jours 8,5 jours 2,5 jours

Quant au nombre de sorties, il devrait normalement être de 22 par an et par chalutier (trait double). En 1958, cette moyenne est largement dépassée pour les raisons déjà citées. L'année 1961 accuse cette moyenne mais au cours des dernières années la moyenne est inférieure à la normale. Ce nombre varie considérablement d'une année à l'autre pour chaque chalutier. En ne considérant que les petits et moyens chalutiers, cette

78

La pêche dans l'Océan Atlantique Tropical FIGURE 9 .

Rendement

Source : Service hydrobiologique de Pemarco.

79

La société de pêche maritime du Congo des pêches de la Pemarco

1961

1962

1963

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1 8

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La pêche dans l'Océan Atlantique

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ai CO ao u(h >.93 Il marque une préférence pour les endroits où le plateau est étroit et le talus abrupt, conditions que l'on retrouve au sud du Cap Lopez, Loanda et au sud de Benguela. 11.6.2.2. L'appât L'appât vivant étant une condition sine qua non pour la réussite de la pêche au thon, il est indispensable de le trouver facilement. Sa taille a une importance; celle-ci doit être d'environ 12 centimètres pour les petits thons et de 18 à 20 centimètres pour les moyens et gros thons. Les espèces les plus fréquemment employées sont : a) Sardinella aurita et eba la sardinelle. La première espèce est la plus appréciée et la plus abondante. Elle se retrouve surtout à proximité des grandes baies où a lieu la reproduction. Elle est très abondante entre l'isobathe de 50 mètres et la rive. O n peut encore la pêcher sur fonds de 70 mètres. Sensible à la température et à la salinité, elle recherche les fonds de plus de 70 mètres en saison chaude, profondeurs où la capture à la senne n'est pas praticable. b) Trachurus sp. le chinchard. Abondant et utilisé à défaut de sardinelles. Cette espèce possède à peu près les mêmes mœurs que les sardinelles. c) De très jeunes poissons, principalement dorades et pageaux, surtout utilisés par les Portugais à défaut de sardinelles. On les trouve tout le long de la côte toute l'année. 11.6.2.3. Bateaux et engins La pêche industrielle du thon réclame un genre spécial de bateau. La différence entre le thonier et le chalutier réside principalement dans l'aménagement des cales. Bien que variables d'une unité à l'autre, les caractéristiques moyennes permettent de faire ressortir deux types de bateaux qui sont : Le thonier « canneur » longueur 30 à 40 mètres puissance moteur principal 600 CV tonnage net 88 tonnes volume des viviers 125 m 3 nombre de cannes individuelles 13 92. Thunnus albacora.

93. F . POINSARD, avec la collaboration de J . GAYDE,

op. cit.

La pêche du yellowfin...,

La pêche maritime en Afrique Occidentale Le thonier « senneur » longueur puissance moteur principal tonnage net volume des viviers longueur de la senne hauteur de la senne

30 600 94 124 680 80

127

mètres GV tonnes m3 mètres mètres

Les thoniers senneurs ont la plage arrière amenagée en plate-forme pour recevoir la senne qui est manipulée au power block. Les thoniers canneurs possèdent une banquette longeant la lisse à l'arrière où peuvent prendre place une douzaine de pêcheurs qui ont devant eux un petit vivier en alvéole dans le plat-bord de la lisse et derrière eux le parc à cannes. Accessoires. Tous les thoniers possèdent : une senne pour pêche à la sardine — longueur 80 mètres, chute de 50 mètres, mailles de 22 millimètres. une chaloupe à moteur avec vivier de 1 mètre cube ou plus, utilisée pour la pêche à la sardine et pour appâter. Les thoniers possèdent en outre un dispositif ceinturant le bateau et destiné à créer autour de celui-ci une pluie artificielle. Les alvéoles (petits viviers) ont leur eau constamment renouvelée. Instruments. Pas de radar, 2 échosondeurs dont un profond (1 000 mètres ou moins), 2 radios et 1 radiogoniomètre. II.6.2.4. Méthode de pêche La sortie débute par la pêche au vif le plus près de la côte et des lieux présumés riches en thons. Cette pêche s'effectuant selon les méthodes classiques par le thonier ou p a r sa chaloupe. La quantité requise doit être de 3,2 tonnes environ. Cette prise est conservée dans les soutes remplies d'eau de mer. La pêche à souvent lieu la nuit et parfois au lamparo. Recherches du thon Deux possibilités sont offertes : 1. Le thonier fait partie d'une meute. Dans ce cas, il rejoint la meute qui a suivi le thon dans ses déplacements durant son absence. Il obtient ainsi un gain de temps appréciable, la recherche doit néanmoins se poursuivre, la densité du thon étant inégale. Cette recherche est plus longue pour le senneur qui doit trouver des endroits à très forte densité. Dès qu'il a trouvé un endroit propice :

128

La pêche dans l'Océan Atlantique Tropical

a) Le thonier péchant à la canne s'arrête et se laisse dériver. O n mobilise tout le personnel disponible, cuisinier et aides mécaniciens inclus. Les alvéoles sont garnies avec l'appât vivant. Une certaine quantité d'appât est jetée à la mer pour attirer le poisson et l'on fait fonctionner le dispositif de pluie artificielle. Le choix de la canne et de l'appât est dicté par la taille du thon. A certains moments le thon manifeste une telle voracité que l'on peut utiliser l'appât artificiel ou même de simples hameçons brillants. O n ne pêche que pendant la journée. b) Le thonier senneur cherche à vue ou à l'échosondeur. Dès qu'il aperçoit une forte concentration, il envoire sa chaloupe appâter à une certaine distance du bateau (100 à 150 mètres). Il entoure alors l'endroit selon la méthode classique. La pêche se poursuit de jour et de nuit. 2. Le thonier opère en pirate. La recherche peut parfois être très longue et se fait à vue ou à l'échosondeur; lorsque la mer est phosphorescente, la recherche est facilitée, mais le meilleur renseignement lui est donné par les 4 ou 5 lignes qu'il laisse à la traîne en croisant à petite vitesse. II.6.2.5. Le rendement Au sud du fleuve Congo, le long de la côte de l'Angola, vu l'absence de statistiques, il est difficile d'apprécier le rendement par navires. D'autant plus qu'il existe différents modèles. Ce rendement individuel ne doit pas être très élevé car, en 1965, le total des thons débarqués n'atteignait que 4 500 tonnes pour un nombre considérable de petites unités. A noter que les Portugais ne sont pas très exigeants en matière de salaires et que le capital investi dans la flotille est peu élevé. Ce genre primitif d'exploitation ne nous intéresse qu'à titre d'information tandis que l'exploitation industrielle, telle que pratiquée au nord du fleuve doit retenir notre attention. Le rendement est conditionné par divers facteurs, où le temps effectif consacré à la pêche joue le rôle le plus grand. La durée moyenne d'une croisière est de 20 jours environ avec un minimum de 12 jours et un maximum allant jusqu'à 30 jours. Ces deux extrêmes sont plutôt rares. Les facteurs à considérer sont : a) La distance du lieu de pêche selon l'expérience acquise le rayon d'action, en partant de la base, ne peut excéder 450 milles. La vitesse de croisière étant de 10 nœuds, le temps total de déplacement, aller et retour, constitue au maximum une perte de 4 jours. h) La facilité de se procurer de l'appât on a observé que cette opération prend de 3 à 6 jours, la moyenne générale représente 20 % du temps de la sortie,

La pêche maritime en Afrique Occidentale

129

c) Temps passé à la recherche du thon il y a une différence selon que le thonier opère en meute ou en pirate. En pleine saison le temps perdu est d'environ 4 jours, mais vers la fin de celle-ci on peut perdre de 6 à 8 jours. d) La dispersion du thon les bancs n'ont pas une densité uniforme. A certaines périodes, le thon se concentre en surface, à d'autres moments il se disperse en profondeur. L'usage de l'appât le fait monter en surface. La durée de la pêche va de 7 à 12 jours, rarement 15, mais en dehors des mois les plus favorables les thoniers ne rentrent pas avec les cales pleines. e) Le déchargement constitue une opération assez pénible. Le thon congelé a — 12° en vrac ne se détache q u ' à la barre à mine. Par soute il n'y a q u ' u n seul homme qui puisse travailler. Le déchargement ne devrait prendre que 2 jours, mais ce n'est pas le cas lorsque plusieurs thoniers se présentent en même temps au dépôt frigorifique. En comparant les deux types de thoniers, on a constaté que le thonier à cannes a u n rendement assez régulier mais relativement faible. P a r contre le thonier senneur, à la bonne époque, a u n rendement quadruple. Il peut arriver à remplir ses cales en quelques jours, mais le temps perdu en recherches est plus long. Il peut même devenir excessif lors des faibles concentrations. Son emploi se justifie pleinement lorsqu'il opère avec une meute. Actuellement, on construit des thoniers pouvant pêcher aussi bien à la canne q u ' à la senne. Il n'y a, au fond, aucune différence fondamentale entre les deux types, le senneur ne possédant que quelques engins en plus : plate-forme pour la senne, power block, treuil.

II.6.3. La pêche à la sardine

94

La sardine appartient à la famille des clupéidés, à laquelle se rattachent le hareng, le sprat, l'anchois, etc. C'est une espèce extrêmement répandue que l'on retrouve sous des noms divers — pilchard japonais, pilchard de l'Afrique du Sud, pilchard européen — dans toutes les mers du monde. Ces poissons vivent et se déplacent en bancs lesquels sont parfois considérables. Économiquement, les espèces vivant dans le golfe de Guinée peuvent être différenciées en deux groupes : sardinelle et bonga (Ethmalosa Jimbriata, Bowdich). 94. Cf. M. ZEI, « Sardines and related species of the Eastern Tropical Atlantic, loc. cit.

130

La pêche dans l'Océan Atlantique Tropical

Leurs zones de concentration sont différentes mais toutes deux ont une grande importance pour la pêche et pour l'industrie. Les pêcheries de sardines présentent deux tendances d'évolution, d'une part les pêcheries indigènes à l'aide de pirogues motorisées ou non, d'autre part les pêcheries industrielles mécanisées se servant de sennes. La pêche de bonga se pratique actuellement surtout p a r pirogues. Cette pêche est entièrement liée à la saison de l'upwelling, lorsque les sardines apparaissent en bancs à la surface. Les pirogues motorisées ayant u n plus grand rayon d'action, elles ont aussi plus de succès, spécialement au cours des années où l'upwelling est faible et que les eaux froides ne pénètrent pas suffisamment à l'intérieur des estuaires. La situation est différente pour la pêche industrielle, laquelle dure pratiquement toute l'année, avec les meilleurs prises au cours de la saison froide. Les connaissances au sujet des sardines d u golfe de Guinée sont loin d'être complètes. D'autre part, l'apparition simultanée d'espèces différentes, mais appartenant toutes au genre Sardinelle, font qu'elles sont pêchées, enregistrées et traitées par les statistiques comme u n groupe unique, ce qui rend difficile de définir exactement leur distribution ainsi que leur comportement. Il apparaît en outre que les statistiques officielles ne font pas de différence entre Sardinops occellata et Sardinella attrita. Il existe encore d'autres problèmes de taxonomie et d'étude des caractères morphologiques ou biologiques (les œufs de Sardinella aurita et de Sardinella eia ne peuvent être distingués et sont traités comme un seul groupe). La question se pose également de savoir si Sardinella cameronensis ne serait pas simplement un synonyme de Sardinella eba. Parmi les différentes espèces de sardines, Ethmalosa fimbriata (bonga) mérite une attention particulière étant d'une très grande importance économique pour certaines parties d u golfe de Guinée. Ethmalosa se trouve concentrée de la rivière Sénégal jusqu'au Sierra-Léone ainsi que le long des côtes du Nigeria, du Cameroun et près de l'embouchure d u fleuve Congo. Ces régions sont caractérisées p a r de vastes zones estuaires enrichies par les rivières affluentes. Afin d'étendre la saison de la sardine au-delà des périodes de l'upwelling, des expériences de pêche à la lumière ont eu lieu au G h a n a en 1963 avec des résultats prometteurs. Ces expériences ont confirmé une corrélation étroite entre la distribution et la concentration verticale des sardines.

La pêche maritime en Afrique Occidentale

131

En ce qui concerne les productions, l'annuaire statistique de la F.A.O. groupe les sardines et les bonga et ne fournit aucun renseignement sur les pêches de certains pays africains tels que le Gabon, le Congo-Brazzaville, le Cameroun, la Côte d'Ivoire et la Guinée.

TABLEAU 2 2 .

Sénégal Sierra-Leone Ghana Nigeria

Production de sardines de quelques pays africains (en tonnes) 1961

1962

1963

1964

28 100 9 000 16 900

28 500 10 000 18 900 19 000

38 900 10 300 9 100 19 000

40 000 10 600 34 200 19 000



Source : F.A.O., Tearbook offisheriesstatistics, 20, 1965.

Notons que les stocks de sardines existant dans l'Atlantique Sud sur les fonds proches des côtes de l'Afrique du Sud font l'objet d'une très importante exploitation. D'après la F.A.O., en 1965, le tonnage global capturé a atteint 1 080 000 tonnes (Sardirwps occellata), les principaux pays producteurs étant le Sud-Ouest africain (666 000 tonnes), l'Afrique d u Sud (204 100 tonnes) et l'Angola (56 800 tonnes). Au cours de l'année 1964, l'U.R.S.S. avait péché 79 300 tonnes dans ces eaux. C'est d'ailleurs pour accroître ses possibilités de capture dans cette région que l'Union soviétique a fait construire le plus gros chalutier usine du monde, la « M a r i a Poliavanova », de 7 500 TJB. II.6.3.1. Afrique du Sud-Ouest Favorisé par un large plateau continental et par l'upwelling du courant de Benguela, ce pays est caractérisé par l'abondance du pilchard, lequel est surtout transformé en farine et en huile. Cette industrie est sévèrement contrôlée à la fois par le gouvernement et p a r les associations professionnelles. A Walvis Bay, comme au Cap d'ailleurs, une réglementation très stricte limite le nombre de bateaux autorisés à pratiquer la pêche à la senne. Chaque senneur doit être pourvu d'une licence délivrée par le directeur d u Département des pêches. De plus, seuls u n citoyen sudafricain ou une société constituée en Afrique du Sud peuvent posséder u n bateau enregistré ou obtenir une licence.

132

La pêche dans l'Océan Atlantique Tropical

D'autre part, la crainte d'épuiser les bancs par une pêche trop intensive, ainsi que le souci de ne pas provoquer d'offre excédentaire sur le marché de la farine de poisson, ont conduit les autorités à limiter le nombre des usines de traitement (farine ou mise en boîtes) et à attribuer à chacune de celles-ci u n quota annuel. A Walvis Bay, ville surgie d u désert et tirant toute la richesse de la mer, sept usines produisent de la farine de poisson et de l'huile. Six d'entre elles produisent également des conserves de poisson. A Luderitz, il y a également une usine à farine et à huile. Chacune de ces usines s'est vue assigner un quota de 90 000 tonnes de pilchards. Les patrons de senneurs sont invités à signer des conventions avec les usines, qui, à leur tour, octroient à chaque bateau u n quota pour la saison. J . Lombard, administrateur-délégué de Pemarco, a eu l'occasion d'effectuer une pêche au départ de Walvis Bay; son rapport est u n témoignage de la richesse des eaux baignées p a r le courant de Benguela : « En avril, la saison d u pilchard bat son plein. Le bateau sur lequel je me suis embarqué, le 'Kongefisk' a les caractéristiques suivantes : Coque Longueur Moteur Vitesse Echosondeur Capacité de la cale Equipage Logement à bord

Filet

bois 22 mètres Diesel G M C 220 H P 10 noeuds 1 (Atlas) 120 tonnes (sans glace) 10 hommes (3 Européens et 7 métis) Pour tout l'équipage. Les métis n'ont pas d'autre endroit pour loger pendant toute la saison. Type « lamparo » en nylon de fabrication hollandaise, teinté de vert.

Le 'Kongefisk' bénéficie pour la saison 63 d ' u n quota de 7 500 tonnes. En principe, il doit s'efforcer de limiter sa pêche quotidienne à 50 tonnes, l'usine dont il dépend ne pouvant garantir l'absorption d u tonnage excédentaire. Sa 'saison' s'étend donc théoriquement sur 150 jours. Vers 21 heures le 24 avril, nous prenons la mer. A tout au plus 5 milles a u large, le capitaine 'flaire' un premier endroit favorable (en plein jour, les bancs sont repérés à l'échosondeur, la nuit, à l'œil nu, le banc de pilchard se signalant p a r phosphorescence). A u n geste d u capitaine, le stuurman imprime au bateau un rapide mouvement tournant, tandis

La pêche maritime en Afrique Occidentale

133

que le filet est mis à l'eau avec l'aide d'une embarcation auxiliaire. Le cercle étant formé, on le resserre en limitant progressivement l'aire d'évolution du banc. Pendant l'opération, des centaines de phoques s'ébattent autour et dans le filet, gênant considérablement la manœuvre. Le poisson est bientôt concentré dans un 'bassin' de quelques m 2 de surface, il serait plus exact de parler d'une bourse, puisque c'est bien la forme que prend la 'purse-seine' une fois qu'elle est refermée. U n e immense épuisette, reliée à u n treuil, est alors plongée dans la masse grouillante dont elle extrait environ une tonne à chaque coup. L'écoutille béante reçoit le poisson à la cadence de 20 tonnes p a r minute. Le premier coup de filet a produit 45 tonnes. Il y a deux heures et demie que nous avons quitté le quai. Au cours du second et dernier coup 30 tonnes sont encore capturées. Vers 1 heure d u matin, le 'Kongefisk' regagne le port avec 75 tonnes de pilchards. La cargaison sera ensuite déchargée en une heure et demie p a r une pompe aspirante dont le flexible ira déposer le poisson à l'entrée de l'usine sur un élévateur à godets. Quelques heures plus tard le pilchard sera devenu farine et huile ». A côté de la pêche a u pilchard, il faut également signaler la naissance des pêcheries d'anchois, non pas que l'on craigne l'overfishing d u pilchard, mais plutôt suite à un effort de diversification des pêcheries. Citons pour terminer le South African Fishing Industry Handbook 95 : « Bien que la quasi-totalité des pêches réalisées a u départ de Walvis Bay le soient dans un rayon de 10 milles, les bancs sont dispersés sur une zone beaucoup plus étendue et on peut en rencontrer à plusieurs centaines de milles au Nord et a u Sud de la baie ». II.6.3.2. Golfe de Guinée Le symposium océanographique d'Abidjan a admis que la distribution et l'abondance des espèces selon la profondeur sont à peines connues bien que présentant u n problème d'importance essentielle pour les pêches. Le problème doit être affronté par différents moyens, notamment par des recherches acoustiques, qui devraient être prioritaires. Des études coordonnées sur les stades planctoniques de la sardinelle et des anchois devraient être effectuées sur une vaste échelle en utilisant u n équipement standardisé. Il faudra considérer avec une attention particulière la prédominance et l'abondance apparente des œufs d'anchois p a r rapport à ceux de la sardinelle dans le plancton du golfe de Guinée. 95. Cape Town, 1962-1963, p. 41,

134

La pêche dans l'Océan Atlantique

Tropical

Il n'y a actuellement qu'une petite pêcherie d'anchois. Toutefois, d'après la quantité d'œufs que certains chercheurs ont trouvée, il est très probable que la pêche soit intéressante. Il faut y ajouter qu'il n'est pas exclu que, si l'on pêche seulement les sardinelles, cela favorise tellement les anchois que, la pression de ces derniers, s'ajoutant à celle de la pêche, fait fortement diminuer ou même disparaître le stock économiquement important des sardinelles. 96 Outre les résultats encourageants de la pêche à la lumière, quelques autres faits (chalutage des sardines, étroite corrélation entre la température et l'abondance, observations des pêcheurs, etc.) semblent révéler que de grands stocks exploitables de sardinelles et d'anchois existent dans les eaux plus profondes, ayant une température assez basse, sur la plus grande partie du plateau du golfe de Guinée, qui n'est sujette à aucun upwelling. O n peut par conséquent estimer grosso modo que les quantités de sardines débarquées dans cette partie de l'Atlantique tropical seront plusieurs fois plus élevées que les prises actuelles, qui sont de l'ordre d'au moins un demi-million de tonnes par an. I I . 6 . 4 . Autres pêches

Citons la pêche des crustacés, qui sont des espèces extrêmement recherchées dans le monde entier, et dont la demande croissante est significative d'une amélioration du niveau de vie. Si cette activité ne représente que des tonnages débarqués relativement faibles, par contre, en valeur, elle constitue l'une des premières pêches mondiales. Le Sud-Ouest africain a produit 7 300 tonnes de langoustes en 1965 pour une valeur de 2 380 000 dollars. Certains pays africains semblent s'intéresser à la pêche aux crevettes, notamment le Niger. 97 Citons également les mollusques, notamment les seiches; il y aurait un stock assez important de seiches (calmars) dans l'Atlantique tropical, mais il faudrait mettre au point des techniques appropriées pour pouvoir pêcher rationnellement ces céphalopodes. 96. Rapport sur le symposium d'Abidjan soumis par le professeur De Bont et M. Dormont au ministère de l'Agriculture de la République Démocratique du Congo. 97. D.F.S. R A I T T , « Pêche exploratrice de la crevette au chalut au large du delta du Niger », The Marin Laboratory, Aberdeen, Communication n° 35 au symposium d'Abidjan.

Le problème de « l'overfishing » II.7.

LE

135

PROBLÈME DE « L'OVERFISHING »

Mis à part quelques exceptions, telles que l'ostréiculture, on peut incontestablement affirmer que pour obtenir les produits de la mer, l'homme laisse la nature travailler seule et se contente de « moissonner sans cultiver ». La pêche maritime reste donc à notre époque une survivance de l'économie de cueillette qui caractérise les sociétés primitives. Bien qu'il en fût toujours ainsi, il importe d'être prudent afin de ne pas recommencer dans les océans les pénibles expériences qui ont conduit à la disparition, en plusieurs endroits du globe, des faunes continentales. Il est difficilement imaginable qu'une espèce marine puisse être exterminée par la seule action de l'homme, mais on ne doit pas perdre de vue que, pour plusieurs espèces, comme le saumon par exemple, il semble que le seuil critique ait été atteint sinon dépassé. Avant la guerre, les efforts internationaux pour limiter la tuerie des baleines, chassées à outrance pour leur graisse et leur huile, se heurtèrent à l'opposition de l'Allemagne et du Japon. La guerre des hommes apporta un heureux répit aux cétacés, ainsi qu'à d'autres espèces marines. Depuis, les Soviétiques se sont également lancés dans la chasse avec des moyens puissants, bien que les conventions internationales aient vainement essayé de limiter la tuerie à un total annuel de 15 500 unités. Ces cas sont heureusement exceptionnels, la mer est si vaste et la fécondité des organismes qui y vivent tellement ahurissante, qu'une menace d'épuisement des autres animaux marins n'est pas à craindre dans l'immédiat. L'homme ne peut cependant effectuer des prélèvements massifs parmi les populations de poisson. Il a au contraire, tout intérêt à connaître les limites, étant donné que, si le seuil critique n'est pas dépassé, les captures se présentent dans un meilleur état que sur les terrains vierges où la loi de la nature est seule à jouer.

II.7.1. Production biologique des eaux La détermination de la production des eaux est le grand souci des hydrobiologistes marins et d'eaux douces du monde entier. Une littérature abondante existe dans ce domaine. On a parlé de ruptures d'équilibre biologique et de surexploitation

136

La pêche dans l'Océan Atlantique Tropical

(overfishing). En fait, d'après A. Hulot, il semble que l'on doive parler de successions de poussées spécifiques plutôt que d'équilibre biologique. 9 8 Nous reproduisons ci-après l'exemple cité p a r A. Hulot. « Exemple : Soit u n verger de pommiers parasités p a r des pucerons. Luttons contre cet insecte (phytophtère) à l'aide d'hyménoptères parasites et établissons les courbes de fréquence des deux espèces au cours de l'année.

Nous constaterons la présence de deux sommets spécifiques qui se succèdent dans le temps, toutes choses égales d'ailleurs (climature). Peut-on parler, dans ce verger, d'équilibre biologique et de capital insecte? Evidemment non. Il y a deux espèces qui se 'succèdent' et il existe à tout moment u n 'potentiel' hémiptère et u n potentiel 'hyménoptère' dont les tendances sont de signes contraires. De même dans le domaine hydrobiologique, il ne devrait plus être question d'équilibres biologiques, mais bien de successions de poussées spécifiques. Dans ce dernier concept, l'action halieutique de l'homme est incluse, avec cette nuance, qu'elle peut être aussi intense ou réduite qu'il le veut. Ces problèmes simples lorsqu'on les étudie individuellement, deviennent extraordinairement complexes lorsqu'ils doivent être étudiés dans leur ensemble. » D'une manière remarquable, dit le professeur J e a n D o r s t , " « la productivité des districts exploités p a r la pêche est supérieure à celle des districts vierges, consécutivement à une modification profonde de la structure de la population : les individus âgés étant éliminés a u profit de ceux qui n'ont pas encore terminé leur croissance. Ces derniers disposant ainsi d'une nourriture plus abondante p a r le fait surtout qu'elle n'est plus chasse gardée des 'gros' auront une croissance beaucoup plus 98. « Aperçu sur la question de la pêche industrielle aux lacs Kivu, Edouard, Albert », loc. cit. 99. J. D O R S T , Avant que nature meure, Editions Delachaux et Niestlé.

Le problème de « Voveifishing »

137

rapide qu'auparavant 1 0 °. L'élimination des poissons plus âgés au bénéfice des plus jeunes a finalement pour effet d'augmenter la 'biomasse' (ensemble des organismes marins) totale. Mais a u contraire, quand le prélèvement p a r l'homme augmente en importance, il élimine alors des tranches de la population dont les individus n'ont pas encore achevé leur croissance. Ce qui entraîne une diminution graduelle et accélérée de la biomasse totale : c'est ce que les anglo-saxons appellent 'l'overfishing' ». En 1957, l'Office scientifique et technique français des pêches maritimes a bagué des harengs. U n calcul basé sur le nombre des animaux qui lui ont été retournés l'a conduit à la conclusion qu'une journée de pêche sur un banc comme Sandettié épuisait 1,20 % de la masse totale (60 000 tonnes) des harengs qui s'y rassemblent. En un mois, la centaine de bateaux qui opéraient à l'époque épuisaient donc environ 30 % d u stock. Depuis la venue des bateaux russes, polonais et est-allemands, le nombre des unités a environ triplé... Les résultats pratiques confirment malheureusement les prévisions de l'Office en ce sens que l'âge moyen des harengs capturés est de plus en plus bas. En outre, si, à effort égal, le total des prises diminue, d'autre part, la taille augmente, ce qui est une conséquence de la lutte moins intense dans des eaux moins peuplées. L'ensemble des études théoriques et pratiques dans ce domaine, montre q u ' u n prélèvement excessif diminue la productivité de la collecte. La rentabilité de la pêche repose donc à la fois sur des notions de dynamique des populations et de variation de la biomasse de celles-ci. En vue d'évaluer la production potentielle des ressources halieutiques d'une région, il est nécessaire de disposer de connaissances de base sur le cycle vital des différentes espèces, de connaître leurs taux de reproduction, de croissance, de mortalité, etc. « Connaissant la limite d u possible, on peut alors établir des règles d'exploitation tout comme en résistance des matériaux on calcule les normes de sécurité de l'emploi d ' u n câble, non à partir d u fait qu'il 100. Les chercheurs de l'Institut anglais des pêcheries ont remarqué que deux espèces principales, les sardinelles et les horse mackerels (chinchards) occupent alternativement la première place parmi leurs prises, si la pêche au chinchard est bonne au cours d'une année, la prise de sardinelles est pauvre et vice-versa au cours de l'année suivante. Le tonnage totalisé des deux espèces restant à peu près constant (Fishing News International, décembre 1966, p. 43).

138

La pêche dans l'Océan

Atlantique

Tropical

supporte une traction de 10 kilogrammes, mais à partir du fait qu'il se rompt sous une charge de 5 tonnes. C'est à partir de cette charge de rupture, de cette limite d u possible, que nous pourrons émettre une opinion sur les problèmes de la pêche : c'est à cette limite qu'il faut apporter, imposés p a r les conjonctures locales (variations climatiques, etc.) les correctifs suivants : augmentation de pêche, limitation de pêche, acclimatation, réservation. En milieu contrôlable, comme les étangs de pisciculture, ces correctifs peuvent être positifs (relèvement du minimum nutritif par f u m u r e ou ralentissement du débit d'eau par exemple) ». 1 0 1 Par contre, dans le cas de la pêche maritime, c'est-à-dire en milieu non contrôlable, ils seront toujours restrictifs, hormis les cas d'acclimatation et de repeuplement. 1 0 2 Si les résultats des recherches entreprises jusqu'à présent donnent déjà à l'homme une certaine connaissance du milieu et de la faune marins et permettent d'entrevoir l'époque où les ressources biologiques de la mer seront exploitées rationnellement en tenant compte de leurs facultés de régénération, encore faut-il qu'une réglementation internationale en matière d'exploitation des pêcheries marines puisse être élaborée et ensuite respectée. L'accroissement constant de la population mondiale, qui représente déjà de 120 à 150 millions de tonnes d'organismes dont il faut entretenir le fonctionnement par un prélèvement sur l'activité de la nature, impose que l'on s'en occupe sans délai.

II.7.2.

L'accès aux lieux de pêche

Selon la coutume internationale, la pêche en haute mer est entièrement libre. Cette loi de la jungle océane, on a essayé à plusieurs reprises de la corriger. Plusieurs conférences internationales se sont réunies à ce sujet. La deuxième conférence de Genève de 1960 n'eut pas plus de résultat que celle de 1958. Le litige concernait les eaux territoriales : dans quelle tranche de la mer un pays a-t-il le droit d'exercer sa souveraineté et de réglementer la pêche, ce qui signifie en pratique la réserver à ses nationaux? Pendant longtemps, on a répondu : 3 milles marins, distance qui 101. A. HULOT, «Aperçu sur la question de la pêche industrielle aux lacs Kivu, Edouard, Albert », loc. cit. 102. D'après Yves Cousteau, la pêche survivra peut-être comme divertissement au cours des siècles à venir. Mais elle disparaîtra comme industrie. Après le poisson d'eau douce, le poisson marin serait élevé dans des fermes...

Le problème de « Uoveifishing »

139

correspondait à la portée des canons de côte à l'époque de la marine à voiles. Cependant, le j o u r où les riverains s'enhardirent à repousser leurs frontières nautiques, personne ne put les en empêcher. La confusion qui en résulte est presque inextricable. Dans la majorité des cas, il n'existe pas une, mais plusieurs limites des eaux territoriales, suivant qu'il s'agit de la douane, de la pêche, de la juridiction criminelle, de la juridiction civile, de la neutralité, de la sécurité ou de règlements sanitaires. A l'exemple de la Russie et de la Chine, la plupart des démocraties populaires ont fixé leurs eaux territoriales à 12 milles. La Tunisie a fixé sa limite territoriale pour la pêche à 50 mètres de profondeur, ce qui l'arrange en raison des petits fonds qui l'entourent. Le Chili a proclamé 50 kilomètres (ce qui, en raison de sa forme, double sa superficie). Sans aborder la question de la mer territoriale, la convention de Londres sur la pêche en 1964 a tenté d'aboutir à un accord plus restreint, limité aux lieux de pêche. D'après son texte, chaque État contractant (13 pays européens) est entièrement libre de conserver la limite des 3 milles, mais il peut, en matière de pêche, étendre sa zone reservée jusqu'à 12 milles marins calculés à partir de la laisse de basse mer ou des lignes de base droites s'il y a lieu. « Cette zone est divisée en deux bandes dont les régimes sont sensiblement différents. Dans la première, comprise entre 0 et 6 milles marins, l'état riverain a un droit de pêche exclusif. U n e autre période transitoire (2 à 3 ans) est cependant accordée entre 3 et 6 milles aux pêcheurs étrangers qui avaient des droits traditionnels dans cette zone. Dans la deuxième, située entre 6 et 12 milles, la pêche est réservée à l'Etat riverain mais un droit permanent y est reconnu, sans limitation de durée, aux pêcheurs étrangers qui y jouissent de droits acquis, c'està-dire qui y avaient pratiqué la pêche d'une manière habituelle. Ce droit est reconnu sous deux conditions : la pêche ne doit pas changer de structures et elle ne doit pas porter sur de nouveaux stocks de poisson». 1 0 3

II.7.3. Les accords internationaux sur la protection des fonds Ce n'est qu'après la seconde guerre mondiale que furent conclus des accords destinés à protéger les fonds de pêche. 103. Cf. A . BOYER, Les pêches maritimes, op. cit., p . 84-91.

140

La pêche dans l'Océan Atlantique

Tropical

« Les principales conventions en la matière sont : la convention internationale de Londres, dite de l'overfishing, et la Convention Internationale sur les Pêcheries de l'Océan Atlantique du Nord-Ouest (I.C.N.A.F.). D'autres accords de ce type existent tel celui du Pacifique Nord de 1946 ou celui de Washington du 2 décembre 1946 sur la chasse à la baleine ». 1 0 4 La convention de Londres groupe 14 pays, son champ d'application est l'Atlantique du Nord-Est. Cet accord comprend deux organismes : une commission permanente se réunissant annuellement et un « comité de liaison » composé de biologistes. Les pouvoirs extrêmement larges de la commission permanente lui permettent de prendre toutes les mesures lui paraissant les plus propres à assurer la protection des stocks de poissons. Jusqu'à présent, deux séries de dispositions ont été adoptées : la réglementation du maillage des filets de pêche et celle de la taille marchande des poissons. L'I.C.N.A.F., qui groupe 13 pays, a pour but essentiel «l'étude, la protection et la conservation des pêcheries de cette zone en vue d'y rendre possible le maintien constant des prises maximales ». 1 0 5 « Il faut constater que la portée et l'influence de toutes ces conventions internationales, malgré leur champ d'application assez restreint et le petit nombre de pays les ayant signées, sont loin d'avoir un rôle négligeable pour l'avenir des pêches maritimes. Il ne fait aucun doute qu'elles participent, chacun dans leur domaine à l'élaboration d'un droit international de la mer moderne et au développement d'une réglementation commune des pêches ». 1 0 6

II.8.

CONCLUSIONS

Sous l'influence de facteurs économiques et techniques, les pêches maritimes sont actuellement en pleine mutation, l'expansion spectaculaire des tonnages débarqués n'a été rendue possible que par une exploitation intensive des fonds de pêche traditionnels et une recherche incessante de fonds inexploités et productifs. 104. Ibid. 105. « La réglementation internationale des pêches maritimes », Revue de droit maritime français, décembre 1965, p. 710. 106. Cf. A. BOYER, Les pêches maritimes, op. cit., p. 84-91.

Conclusions

141

Corrélativement, la durée des campagnes s'est accrue, car il a fallu que les unités opèrent à des milliers de kilomètres de leurs ports d'attache, ce qui explique l'augmentation des rayons d'action et des tonnages des navires. Le mouvement d e découverte s'est accéléré et déplacé vers les régions les moins connues. Bien longtemps, l'Atlantique Sud n ' a connu que le rapide passage de quelques expéditions. 1 0 7 Dans les quinze dernières années, ces mers, autrefois presque désertes et où ne s'aventurèrent que quelques pirogues, ont vu apparaître les chalutiers, les sardiniers, puis les thoniers de la grande pêche industrielle. La côte africaine, du cap de Bonne Espérance au cap Lopez est actuellement considérée comme l'une des régions du globe parmi les plus riches en vie marine. O r , les ressources de l'Atlantique Sud sont surtout exploitées par des nations non africaines, lesquelles utilisent le produit de leur pêche pour satisfaire, en premier lieu, leurs exigences nationales propres. Les pays africains sont, en général, ignorants des ressources disponibles dans l'océan Atlantique. L'O.U.A. a réagi, et est en faveur d'une recherche systématique et d'une exploitation organisée des ressources de l'Atlantique tropical. Ce point est particulièrement important étant donné que tous les États africains bordant l'Atlantique sont à présent sous-développés et ont actuellement une part directe plutôt limitée dans ces activités. Les études internationales en commun de l'Atlantique tropical I.C.I.T.A. et la campagne de chalutage dans le golfe de Guinée (G.T.S.) ont souligné la corrélation étroite existant entre les poissons et les facteurs ambiants, ellest ont insisté sur la nécessité de combler u n grand nombre de lacunes dans nos connaissances sur le comportement, la répartition et l'exploration des ressources marines pélagiques. Ces études ont mentionné la richesse relativement grande des eaux dans la zone du fleuve Congo et de celles situées devant les côtes du Congo Brazzaville ainsi que du Cameroun. Ces résultats confirment les recherches précédentes, indiquant que les zones caractérisées par la plus grande abondance des poissons étaient celles sujettes à l'instabilité hydrographique saisonnière. Les variations saisonnières sont encore très mal connues et ces connais107. Il est frappant de constater que le nombre total de stations hydrologiques exécutées dans l'Atlantique Sud n'est encore que de 8 000, alors qu'on en compte 120 000 dans l'Atlantique Nord (F.A.O., U.N.E.S.C.O., O.U.A., Actes du symposium sur l'océanographie et les ressources halieutiques de l'Atlantique tropical, Rome, F.A.O., 1967, p. 19).

142

La pêche dans l'Océan Atlantique

Tropical

sances ne peuvent d'ailleurs s'acquérir que par des observations régulières et continues et non pas à partir d'expéditions qui ne restent que peu de temps sur place. Si la collaboration internationale entre savants ne soulève pas de difficultés particulières, par contre, une masse considérable de données, accumulée par les navires de pêche, demeure d'accès difficile au chercheur et risque même de se voir ignorée de ce dernier. Cette situation existe également dans le domaine des sciences de la terre, où les géologues officiels ne peuvent connaître que partiellement les résultats obtenus par leurs collègues pétroliers. L'évolution des techniques provoque aujourd'hui une profonde modification des structures de la pêche qui, peu à peu, abandonne son caractère artisanal pour devenir une véritable industrie soumise aux impératifs de la mécanisation et de la production de masse. Les méthodes très puissantes déployées pour la pêche produisent depuis quelques années de par le monde un dépeuplement progressif des fonds de pêche, phénomène que l'on appelle « overfishing ». L'examen des rendements des chalutiers de la société de pêche maritime du Congo ne révèle, à ce jour, aucun indice d'overfishing. Cette société, bien qu'en développement constant, a vu sa progression ralentie par des difficultés étrangères à la richesse de l'océan. Ces difficultés, ainsi que nous les analyserons ultérieurement, ont d'ailleurs été le lot de la plupart des entreprises établies au Congo. Il apparaît plutôt que, comparativement aux potentialités offertes et aux efforts déployés par les autres pays, les tonnages péchés par les Congolais ne représentent qu'une très faible partie de la part à laquelle leur situation privilégiée permettrait de prétendre. Nous avons vu que les efforts de la Pemarco sont concentrés sur la côte de l'Angola. Or, il existe le long des côtes de l'ancienne A.E.F. une densité des poissons qui, si elle est moindre que celle de la côte angolaise, n'en offre pas moins des possibilités intéressantes. Le long des côtes de l'Angola même, et dans le rayon d'action habituel de nos chalutiers, il existe encore des fonds intéressants entre 150 et 250 mètres de profondeur. Aucune nécessité n'incite les patrons à les explorer, étant donné que leurs préférences vont à la pêche sur petits fonds, là où évolue le gros du stock du poisson. Il existe d'autre part des plages parsemées de cailloux qui provoquent des déchirures dans les filets et que les pêcheurs de Pemarco évitent alors qu'on y voit opérer des chalutiers étrangers. La raison serait que ces derniers disposent d'un matériel plus adéquat et, surtout, que les matelots congolais montrent peu d'aptitude à la réparation des filets.

Conclusions

143

La zone très riche qui s'étend au sud de l'Angola, du Rio Cunene à Walvis Bay, n'est fréquentée que par quelques-unes de nos unités. Dans les pays voisins, la pêche de poissons pélagiques, tels que la sardine et le thon, constitue une branche d'activité importante, d'autant plus qu'elle alimente les industries d'exportation et que le marché mondial des conserves de poisson est loin d'être saturé. La sardine est d'ailleurs fort appréciée tant à l'état frais qu'en conserve. Nous avons vu que ce poisson abonde au-dessus des petits fonds tout le long de la côte ouest-africaine. La pêche en est relativement facile et constitue l'apport principal pour les populations côtières. La connaissance de la distribution et de l'abondance des thons dans l'Atlantique tropical est due surtout à l'analyse des données fournies par les pêches commerciales et, dans une moindre mesure, aux observations faites au cours des études océanographiques. Il faut se méfier des données relatives à l'abondance, à cause de l'inexactitude des statistiques des pêches, qui fournissent souvent des données de capture doubles pour la même quantité débarquée. Cette pêche est surtout pratiquée par des Japonais. Elle mérite d'être d'être développée par les pays africains et nous verrons dans un chapitre ultérieur les conditions de la capture des sardines et du thon à partir d'une base située en République démocratique du Congo. Ces richesses que nous offre l'océan, il nous faut dès maintenant apprendre à les gérer avec sagesse, apprendre à en tirer les précieux revenus, sans ruiner le capital. La concurrence dans l'Atlantique entre flotilles de pêche de différentes nationalités est déjà forte. Japonais et Russes notamment acquièrent des connaissances qui leur assurent des avantages de plus en plus considérables. Ainsi que nous le verrons dans les chapitres ultérieurs, la mer peut prendre une importance remarquable dans le développement économique du Congo, à la condition que ce pays s'équipe en conséquence. En premier lieu, l'océan constitue un domaine de choix pour une collaboration entre pays, à l'échelle intra-africaine d'abord — entre territoires littoraux voisins —, à l'échelle mondiale ensuite, pour l'océanographie de haute mer en particulier, mais aussi pour des recherches côtières à programme défini (chalutages, clupéides, etc.). Si le Congo veut profiter de l'expérience internationale, il doit pouvoir également apporter sa contribution. Or, nous avons constaté que la République démocratique du Congo n'a pu profiter suffisamment des deux campagnes dont les résultats furent analysés à Abidjan, et ceci parce que nous restons à l'écart du mou-

144

La pèche dans l'Océan Atlantique Tropical

vement de recherche qui se manifeste actuellement dans tous les pays. Il serait urgent que le Congo possède également une « station océanographique », ayant pour objet de former des chercheurs scientifiques et des techniques océanographiques et halieutiques, y compris les mesures à bord des bateaux et des stations de contrôle, le prélèvement et l'analyse des échantillons, le traitement et l'analyse des données y compris le contrôle de leur qualité. Cette station océanographique pourrait être réalisée sans grand délai par un accord entre un organisme de recherche, tel que l'Université Lovanium, les pêcheries Pemarco et le gouvernement. En second lieu, on ne peut à aucun moment perdre de vue que l'exploitation rationnelle de l'océan exige de nouveaux engins et de nouvelles méthodes de pêche, du personnel pourvu d'une bonne formation professionnelle et le bon vouloir des autorités. Savoir ce qui est disponible n'est pas suffisant. Encore devons-nous pouvoir l'exploiter.

CHAPITRE

III

Les conditions du développement de la pêche maritime en République Démocratique du Congo I I I . 1. AVANT-PROPOS « Si la nature humaine n'était pas tentée de courir un risque, n'éprouvait pas de satisfaction (abstraction faite du profit) à construire une usine, un chemin de fer, une mine ou une ferme, on ne compterait sans doute guère d'investissements inspirés uniquement par de froids calculs. « KEYNES, General Theory.

Parler du développement de la pêche maritime au Congo, en 1968, n'est en fait que soulever, tardivement il est vrai, un aspect particulier du triple problème qui préoccupe, dans l'immédiat, les responsables du développement économique et social à savoir : — L'amélioration du niveau de la nutrition dans tout le pays en recherchant tout à la fois l'accroissement des ressources alimentaires globales ainsi que le relèvement des revenus individuels. — Le relèvement du niveau de l'emploi par des investissements. — La recherche de ressources extérieures par la vente à l'étranger de produits transformés et valorisés par un travail national. Nous avons vu, au premier chapitre, qu'il existe un besoin en protéines animales et que ce besoin risque fort de devenir plus important au fil des ans. Du chapitre II, il ressort que ce besoin pourrait être satisfait par l'apport des pêches maritimes, lesquelles connaissent de par le monde un développement spectaculaire susceptible de se poursuivre dans l'avenir. Il ressort également de ce chapitre que la pêche maritime industrielle, telle qu'elle est pratiquée actuellement au départ de la République du Congo présente nettement les caractéristiques du sous-développement. Comme le dit le Professeur Delivanis 1 « La caractéristique du sous1, Prof,

DELIVANIS, L'économie sous-développée,

Paris, Ed. Génin, p. 11,

146

Les conditions du développement de la pêche maritime au Congo

développement n'est pas le fait que l'exploitation n'est pas aussi intensive et aussi complète que possible avec les moyens techniques et les connaissances disponibles, c'est l'insuffisance du produit découlant de l'exploitation incomplète qui en est la caractéristique ». Nous sommes d'avis que, actuellement, les ressources naturelles de l'océan sont insuffisamment exploitées, ce qui entraîne, pour la nation congolaise, un niveau de vie moins élevé qu'il le serait, si l'exploitation de ces ressources était suffisante. Le critère du sous-développement est habituellement défini non pas en fonction des besoins pour lesquelles il y a, sous les conditions données, une demande dictée par le pouvoir d'achat correspondant, mais en fonction des besoins, dont la satisfaction est considérée dans les régions développées. Or, au Congo, la demande, même telle qu'elle est dictée par le critère du pouvoir d'achat, y est loin d'être satisfaite. Le développement de la pêche apparaît donc comme important du point de vue strict de la satisfaction des besoins. Il l'est également à bien d'autres égards notamment si l'on considère : 1. que dans un pays comme le Congo, l'amorçage d'un processus de croissance dépend largement de l'offre de denrées alimentaires; 2. que le développement de la pêche entraîne toujours la création d'activités multiples, elles mêmes sources importantes d'emplois, donc de distribution de revenus; Notons : a) que l'accroissement de la flotille de pêche provoque la création d'ateliers de tous types; b) que la distribution des produits de la mer entraîne l'installation de tout un réseau de revendeurs; c) que la conservation de ces produits postule l'installation d'entreprises, soit industrielles, soit artisanales, telles que conserveries, fabriques de produits congelés, ateliers de salaisons, usines pour le traitement des sous-produits; 3. qu'enfin, soit par réduction des importations, soit par l'exportation des produits dont la nature et la qualité peuvent être appréciées sur un marché mondial en plein développement, la pêche maritime permet d'éviter un gaspillage de devises étrangères, lesquelles doivent être réservées à des fins essentielles pour l'accroissement. Le développement de la pêche maritime s'intègre donc dans le cadre plus vaste du développement général des ressources naturelles du pays, il constitue un facteur non négligeable pour la recherche d'une croissance économique harmonieuse.

Avant-propos

147

C'est pourquoi il n'existe pas de plan de développement standard, les investissements doivent être choisis de manière à créer des structures adaptées au pays, plutôt que calquées sur celles des nations de longues traditions maritimes, les efforts se doivent d'être adaptés aux possibilités humaines, géographiques et techniques. Nous nous proposons donc de décrire l'état actuel de l'économie de la pêche sous ses différents aspects, d'en analyser les données fondamentales et de proposer, enfin, les buts à atteindre ainsi que les méthodes propres à susciter le développement. Avant d'entamer ce travail, nous devons remarquer que le problème du sous-développement se caractérise non seulement par un phénomène qualitatif de pénurie de ressources matérielles mais aussi par des préalables qui ne sont pas nécessairement d'essence économique. Parmi ces obstacles au progrès ceux qui relèvent des traditions et des mœurs, des attitudes mentales et des comportements sociaux ancestraux sont puissants, et nous les verrons apparaître surtout lorsque nous étudierons la distribution des produits de la pêche. Ils ne pourront être éliminés qu'à la longue, à travers la croissance économique elle-même qui constitute le seul « dissolvant social » capable d'en venir à bout progressivement. 2 D'après W.W. Rostow 3 , l'économie n'a démarré dans le cas le plus général, que lorsqu'un capital social s'est constitué et que le progrès technique s'est introduit dans l'industrie et l'agriculture. Et cet auteur ajoute : « Encore fallait-il qu'arrive au pouvoir politique un groupe d'hommes disposé à considérer la modernisation de l'économie comme une affaire politique sérieuse de la plus haute importance ». A cet égard, il est extrêmement réconfortant de voir que le gouvernement du général Mobutu s'applique à la tâche énorme de remettre de l'ordre un peu partout. L'autorité, la compétence et l'efficience doivent vaincre le sousdéveloppement à la condition toutefois que l'Etat puisse formuler clairement les objectifs économiques et sociaux. Que notre travail puisse l'y aider, c'est là notre souhait!

2. Problèmes africains, n° 352, 25 août 1966 : « Problèmes économiques et financiers », p. 1. 3. W . W . R O S T O W , Les étapes de la croissance économique, Paris, Ed. du Seuil, p. 20.

148 III.2.

Les conditions du développement de la pêche maritime au Congo LE

PERSONNEL

« Si tu donnes un poisson à un homme, il se nourrira une fois. Si tu lui apprends à pécher, il se nourrira toute sa vie. » KUAN - T z u

I I I . 2 . 1 . Importance de l'effort

humain

Le développement des pêcheries maritimes en général, et d ' u n armement à la pêche en particulier postule, outre les moyens financiers, l'emploi d'une main-d'œuvre qualifiée, laquelle est actuellement peu nombreuse au Congo ainsi que l'utilisation d ' u n matériel technique qui n'a pratiquement jamais été utilisé par les pêcheurs et les ouvriers du pays. Nous n'hésitons pas à considérer la solution du problème du personnel comme la base même de la croissance et nous croyons qu'il est indispensable de n'augmenter les doses du capital qu'en fonction de l'augmentation de l'intensité qualitative de l'effort humain. Pour sortir d u sous-développement, les pêches maritimes ont besoin de travailleurs non qualifiés, de travailleurs qualifiés et de spécialistes. En ce qui concerne les travailleurs non qualifiés, la main-d'œuvre potentielle est certes relativement abondante, mais on ne peut la considérer pour autant comme un facteur de production peu coûteux étant donné sa faible productivité. Il serait de mauvaise politique d'invoquer des raisons de pleinemploi à court terme pour justifier l'utilisation de procédés labourintensive. En effet si l'on considère que l'entreprise est une unité économique au service du pays, il est évident qu'il est nécessaire de lier étroitement le plein-emploi à une politique de productivité capable à elle seule de faciliter le mise en œuvre du plein-emploi (par la formation de chefs d'équipes par exemple). D'autre part, les procédés labour-intensive peuvent entraîner u n rapport du capital ou produit plus élevé, donc une productivité d u capital plus basse, q u ' u n procédé capital-intensive. 4 Ainsi donc, si dans l'immédiat le recrutement des travailleurs non qualifiés ne pose pas de problème, il est néanmoins de l'intérêt de l'entreprise de veiller à ce que cette main-d'œuvre puisse acquérir des connaissances techniques et des habitudes de travail. 4. K . K . KURIHARA, The Keynesian Theory of Economie Development, New York, 1959, p. 95, cité par J.-L. Lacroix, Industrialisation ou Congo, Paris-La-Haye, Mouton, 1967, p. 36,

Le personnel

149

Il faut que l'entreprise devienne un foyer de progrès à tous les niveaux de formation et qu'elle remplisse également un rôle qui, dans les pays développés, incombe normalement à l'enseignement professionnel ou à l'enseignement tout court. Dans l'optique de la croissance, l'élévation de l'effort humain pour obtenir une élévation de la productivité est une condition indispensable. Il serait vain d'espérer que le progrès technique et scientifique réduira l'importance de l'effort et le travail humain, « Si l'on tient compte de l'effort physique et nerveux, de l'effort d'adaptation et de tension de l'être dans une société complexe, l'effort humain dans une société en croissance se transforme mais ne se réduit pas ». 5 Du problème des travailleurs qualifiés, nous nous contenterons d'examiner l'aspect spécifique aux pêches maritimes, c'est-à-dire les marins pêcheurs. Il est une opinion assez répandue qui veut que la modernisation des pêches entraîne une diminution des effectifs et que de plus en plus, vu les rationalisations opérées au sein des flottes, le facteur travail ait tendance à prendre moins d'importance par rapport au capital. Effectivement, dans une étude consacrée par l'O.E.C.E. en 1960 à l'industrie des pêches maritimes des pays membres de cette organisation, l'auteur constatait : « Dans le nord-ouest de ce continent (l'Europe) et dans d'importants pays producteurs de poissons tels que la Norvège, l'Allemagne, le Royaume-Uni et la France, les effectifs ont nettement diminué comme d'ailleurs en Suède et en Irlande ». 6 En Europe occidentale, le nombre est passé de 600 000 en 1958 à 500 000 en 1965. Par contre, pour certains pays dont la pêche maritime est devenue une activité essentielle — Irlande, Grèce, Portugal... —, le nombre des pêcheurs professionnels s'est légèrement accru. La tendance à la diminution des effectifs peut s'expliquer de plusieurs façons : 1. Le déclin de la petite pêche qui ne peut plus lutter à armes égales avec la pêche industrielle et qui a tendance à disparaître devant l'avènement des grands navires de pêche ayant une puissance de capture supérieure à celle de plusieurs dizaines de petites unités. 2. La diminution du nombre des marins embarqués à la grande pêche suite aux progrès enregistrés notamment par le congélation à la mer, 5 . Bernard LASSUDRIE — D U C H E N E , « La croissance économique et ses coûts », Diogène, n° 56, octobre-décembre 1966. 6. A, B O Y E R , Les pêches maritimes, op. cit., p. 33>

150

Les conditions du développement de la pêche maritime au Congo

une étude faite sur les chalutiers congélateurs britanniques révèle qu'ils possèdent la caractéristique importante suivante : « Bien que les quantités de poisson débarquées par bateau et par an soient de 60 % plus élevées que pour les chalutiers qui conservent le poisson dans la glace pilée, avec des patrons d'habileté égale et visitant les mêmes lieux de pêche, sur u n chalutier congélateur, l'équipage n'est que de 20 à 25 % supérieur en nombre, tandis que le revenu p a r homme est plus élevé. » 7 3. Si la pêche « paie son homme » elle continue à exiger, malgré une certaine évolution, q u ' u n vrai pêcheur soit fort et courageux et de moins en moins de jeunes rentrent dans la profession. Ce fait est particulièrement marqué dans les pays ayant u n niveau de vie élevé tels que les États-Unis, et la République féderale d'Allemagne. Il se peut que dans l'avenir, le recrutement des équipages des navires de pêche en haute mer devienne de plus en plus difficile. Quelles sont les répercussions de cet état de fait sur la pêche maritime au Congo? Actuellement, le personnel navigant d ' u n chalutier de 400 CV se compose de deux Européens exerçant les fonctions de capitaine et celles de second (stuurman) tandis que le poste de chef mécanicien est confié à un Congolais breveté. Ces trois «officiers» encadrent de 15 à 18 matelots. Pour un chalutier usine d'une puissance de 1 600 CV, il serait nécessaire d'engager huit techniciens européens tandis que les cadres et matelots africains nécessaires pour la manœuvre du bateau et le travail du poisson à bord ne s'éléveraient q u ' à 33 ou 35 hommes. A titre indicatif, signalons que si la capacité de pêche d ' u n chalutier de 400 C V est de l'ordre de 1 000 tonnes de poisson frais p a r an, un chalutier usine de 1 600 CV peut produire 2 500 tonnes de poisson congélé, 400 tonnes de farine de poisson et 100 tonnes d'huile. Il est évident que l'augmentation de puissance, allant de pair avec une production plus élaborée et plus diversifiée, opère une profonde mutation en ce qui concerne le niveau des connaissance techniques des équipages. Ce serait donc mettre la charrue devant les bœufs que d'envisager de remplacer les unités de petite dimension et de fonctionnement relativement simple p a r des navires modernes disposant d'équipements de plus 7. G.C. EDDIE, « La congélation à la mer. Réflexion sur certains aspects techniques et économiques », mémoire présenté au congrès de RO.C.D.E. sur la technologie du poisson à Scheveningen, in Pêche maritime, 20 juin 1965.

Le personnel

151

en plus complexes et d'utilisation délicate sans songer d'abord à donner aux servants les connaissances spécialisées indispensables. L'augmentation de la proportion des techniciens étrangers et la nécessité de leur présence perpétuelle n'est q u ' u n pis-aller qui n'est pas dans la ligne de la véritable indépendance économique. De plus les techniciens coûtent cher actuellement, ils coûteront plus cher à l'avenir à la condition qu'il soit possible d'encore en recruter... Le problème des experts et spécialistes se rattache p a r bien des points à ce qui a été dit précédemment, avec une nuance toutefois : il faut leur assurer une rétribution très élevée, non seulement en comparaison de celles qui sont pratiquées en économie sous-développée, mais aussi ailleurs. M ê m e un pêcheur ne s'expatrie pas pour recevoir à l'étranger ce qu'il peut avoir dans son pays, mais pour gagner davantage. Il faut en effet couvrir les dépenses provoquées p a r les déplacements et prévoir aussi une compensation pour les occasions que l'on va probablement manquer. Malgré les frais considérables représentés p a r le recrutement de ces experts ou des spécialistes étrangers, on doit tenir compte du fait q u ' a u début leur travail et la valeur de leurs conseils se ressentiront quelque peu de leur dépaysement; d'où l'avantage accru d'avoir des spécialistes originaires du pays. La formation d'expert ne s'acquiert malheureusement pas uniquement par la seule pratique. Si l'effort q u ' u n e nation doit faire dans la recherche scientifique devient la source décisive du progrès économique, il importe que le Congo puisse créer ses voies d'accès au progrès scientifique, dans le domaine de l'hydrobiologie notamment, en instituant u n centre de recherche et de formation de niveau universitaire. Le chercheur isolé, même très dynamique et très courageux, risque d'être inefficace. De même, l'entreprise repliée sur elle-même ne peut pas devenir u n organisme efficace et progressif. Seule une communion intime entre l'entreprise et le centre de recherches peut être fécondante. Il importe non seulement de veiller à la formation de spécialistes possédant un esprit d'initiative et d'organisation, encore faut-il que ce potentiel intellectuel ne reste pas sousemployé et qu'il puisse se communiquer, pratiquement, à des groupes de travailleurs durablement unis dans un effort commun.

152

Les conditions du développement de la pêche maritime au Congo

II 1.2.2. Effectif des pêcheries maritimes du Congo Au 1 e r janvier 1968, l'effectif des pêcheries maritimes du Congo totalisait 513 personnes se répartissant comme suit : Nationaux 472 dont navigants personnel de terre Expatriés 41 dont navigants personnel de terre

150 322 25 16

Pour une production de 12 412 tonnes, le nombre de nationaux congolais s'élevait donc à 472 unités. A titre de référence, signalons qu'en 1960, pour une production de 5 600 tonnes, le nombre de nationaux s'élevait à 180. Nous donnons au tableau 23 ci-après, une supputation du personnel requis pour atteindre un niveau de production de 30 000 tonnes par an, soit une augmentation de l'ordre de 18 000 tonnes par rapport à la production actuelle. TABLEAU 23.

Personnel requis suivant le genre de navire utilisé

Identification du navire

Senneur de 165 CV avec power-block Senneur de 165 CV sans power-block Chalutier surgélateur de 1 500 CV Chalutier surgelateur de 2 000 CV

Person- Personnel nel étranger congolais navigant navigant

Personnel à terre requis par un navire

Personnel Produc- Nombre congolais tion de navigant par unité bateaux requis pour 18 000 t

1

8

9

1 000 t

18

144

1

14

9

1 000 t

18

252

6

35

12

3 000 t

6

210

9

32

20

4 500 t

4

128

On voit que, même en utilisant des unités très modernes comme des chalutiers surgelateurs de 2 000 CV, le nombre de marins nationaux à

Le personnel

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engager dépasse la centaine, ceci pour atteindre un objectif qui, comme nous le verrons ultérieurement, nous semble un premier stade raisonnable à envisager dans u n avenir aussi proche que possible. Il faut noter que si le rendement des senneurs peut paraître énorme par rapport à la puissance utilisée, ils produisent u n poisson de moindre valeur marchande auquel il faut faire subir le plus souvent une transformation : mise en boîtes ou farine. C'est pourquoi la production des senneurs exige la présence d ' u n plus grand nombre de non-navigants.

III.2.3. Conditions de travail et difficultés d'icolage Les campagnes de pêche durent actuellement de 10 à 15 jours, rarement plus : pour les pêcheurs européens c'est un avantage par rapport aux longs voyages (Islande-Groenland) des mers septentrionales, mais il est évidemment compensé p a r les inconvénients dus au climat, à l'expatriation et au m a n q u e de qualification — faute d'écoles spécialisées sur place — d'une grande partie de la main-d'œuvre; les marins congolais doivent se former par la pratique et, dans la bousculade d ' u n e campagne de pêche, on n ' a pas toujours le temps de leur inculquer avec méthode les bases de leur métier. La modernisation de la flotte et l'augmentation de la puissance des navires auraient comme conséquence un allongement de la durée des voyages. Toutefois, étant donné les conditions de travail moins dures à bord de telles unités, l'âge moyen des équipages pourrait être plus élevé et ce facteur permettrait, dans une certaine mesure, de pallier à la baisse de recrutement. III.2.3.1. Formation des cadres de pont La pêche maritime est u n secteur où l'africanisation des cadres de pont ne saurait être rapide : l'admission des candidats aux rares écoles possibles (par exemple l'École de Cabotage d'Ostende qui possède une section francophone) est subordonnée à la réussite d'examens portant sur les connaissances de la troisième moyenne et ceux qui n'échouent pas préfèrent généralement s'orienter vers la marine marchande. La formation d u pêcheur de mer exige la connaissance de branches telles que la cosmographie nautique, le calcul nautique, la météorologie, l'océanographie, la physique, les instruments nautiques. Etant donné la nécessité d'acquérir de plus en plus des connaissances

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Les conditions du développement de la pêche maritime au Congo

spécialisées, de nombreux pays font actuellement un effort pour augmenter le nombre et la capacité d'accueil des écoles de pêche; rien qu'en Espagne, cinq grandes écoles sont actuellement en construction à Cadix, Vigo, Lanzarote, Pasages et Valence. 8 Dans les grandes lignes, le programme de ces écoles comprend, à côté des branches d'enseignement général (enseignement primaire), les branches de navigation pratique et théorique ainsi que l'étude des documents et règlements et les matières suivantes : description de l'embarcation de pêche, technique de la pêche, biologie d u poisson, matelotage, moteurs, filochage des filets de pêche, réparations, épissures de câbles d'acier, cordages et nœuds. En Belgique, les écoles de pêche donnent les cours prépatoires aux examens qui, pour la section pont, sont sanctionnés en quatre diplômes et brevets différents : 9 a) Mousse b) Aspirant-patron à la pêche c) Brevet de patron de pêche de 2 e classe d) Brevet de patron de pêche de I e classe. III.2.3.2. Formation des cadres de machine Il a été jusqu'à présent possible de recruter u n nombre suffisant d'Africains qualifiés étant donné l'existence au Congo de plusieurs écoles de mécanique de niveau satisfaisant.

III.2.4. L'enseignement de la pêche au Congo L'enseignement de la pêche au Congo a débuté en 1953, par l'ouverture de l'école professionnelle de Kilwa, sur la rive Sud d u lac Moero. Cette école était la première d u Congo; son but était notamment d'enseigner les méthodes de pêche rationnelles indispensables au maintien d u capital poisson et elle pouvait bénéficier des nombreuses années d'expérience d u Service piscicole. A part cette école, qui n ' a pas fonctionné longtemps, une ordonnance d u 28 juillet 1964 créait l'Institut National de Navigation et de Pêche, lequel dépendait du ministère de l'Education nationale. Ses buts pouvaient se résumer comme suit : 8. A. BOYER, Les pêches maritimes, op. cit., p. 37.

9. A.L. INGHELBRECHT, « L'organisation de l'enseignement de la pêche au Congo belge», extrait du Bulletin agricole du Congo belge, XLVIII, 6, 1957, p. 1549-1578.

Le personnel

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1. la formation de techniciens de niveau supérieur et de niveau secondaire destinés à entrer dans l'administration de la Marine, des Voies Navigables, des Transports fluviaux, de la police fluviale, maritime et portuaire, etc.; 2. la formation d'aspirants aux carrières d'officiers de navigation au long cours et au cabotage, de patrons à la pêche hauturière, de mariniers, de pilotes, etc. Les études prévues étaient celles des niveaux A3, A2, A l . Le programme technique proprement dit était basé intégralement sur le programme belge, étant donné que les compagnies d'assurances et de navigation exigent, pour les navigants, un brevet ayant une valeur internationale. Les effectifs scolaires prévoyaient : 75 élèves pour débuter; 130 au cours de la deuxième année de fonctionnement; 260 comme effectif normal après la quatrième année de fonctionnement et en incluant la section de radio-télégraphie. Pour diverses raisons telles que manque de locaux, manque de capitaux, etc., cette institution n'a jamais fonctionné.

II 1.2.5. Les facteurs d'intégration du personnel à l'entreprise La stabilité de la main-d'œuvre est un facteur déterminant de l'amélioration du rendement car elle permet l'accumulation de l'expérience professionnelle. Bien que le métier soit dur, le personnel des pêcheries maritimes est fier de son travail qui jouit d ' u n e certaine considération aux yeux de la population locale, ceci étant surtout vrai pour les marins pêcheurs. En outre, le personnel bénéficie d'une nourriture saine et la société a mis à la disposition de ses agents de cadre — tant Africains qu'Européens — des habitations qui, au nombre de 35, sont groupées dans u n quartier de M a t a d i qu'on appelle « Ostende ». Des efforts sont faits pour que le travailleur n'ait pas l'impression d'être seulement un instrument de travail et l'on cherche à rendre agréable la monotonie, la routine qui guettent toute société, Citons, notamment, la création d'équipes de football, l'installation d'une bibliothèque ,les séances cinématographiques hebdomadaires, un foyer social très actif où sont prodigués des cours de couture à des femmes souvent illettrées, lesquelles bénéficient également d ' u n enseignement ménager. A l'avenir, si l'on veut susciter des vocations non seulement auprès

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Les conditions du développement de la pêche maritime au Congo

des éléments jeunes de Matadi et de la région côtière, mais aussi d'autres parties du pays, il faut songer à initier les enfants aux problèmes de la pêche dès leur plus jeune âge. Les programmes scolaires pourraient prévoir quelques leçons sur la connaissance de la zone côtière, les ressources en poisson au Congo et dans le monde, les principaux terrains de pêche, les méthodes de capture, les différentes formes de traitement du poisson, etc. N'oublions pas que c'est parmi ces enfants que devra se former la prochaine génération de marins congolais. III.2.6. Conclusion Alors que la plupart des pays réalisent qu'une incitation à une plus grande technicité paraît hautement souhaitable, le Congo ne possède aucune école pouvant assurer une formation professionnelle aux marins pêcheurs. L'entreprise de pêche peut, certes, collaborer à un effort qui serait entrepris en ce sens par l'Éducation nationale — par exemple en permettant aux élèves et professeurs d'embarquer à bord de ses navires — mais il ne lui appartient pas de prendre des initiatives qui incombent à ce ministère. Il n'est pas indispensable de créer une école qui soit spécifiquement tournée vers la formation des pêcheurs de haute-mer, En fait, il est permis d'envisager l'existence d'un Institut qui dispenserait un enseignement général commun aux marins du fleuve, des lacs et de la mer, ce tronc commun étant assorti de l'enseignement des branches requises par les différents secteurs auxquels ces marins se destinent. Vu le délai requis par une formation convenable, seule garantie d'une bonne productivité, il est urgent d'obtenir la collaboration des autorités pour qu'une action soit entreprise immédiatement. A défaut de cette action et bien que le métier de marin semble devoir devenir de moins en moins pénible et dangereux, il faudra faire de plus en plus appel aux techniciens étrangers lesquels alourdiront considérablement les prix de revient. « Il n'est de richesse que d'Hommes. » III.3.

L E S NAVIRES DE PÊCHE

III.3.1. Avant-propos « Le but essentiel de tout navire ou expédition de pêche est de débarquer un chargement maximum de poissons de la meilleure qualité, obtenant

Les navires de pêche

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le prix le plus élevé possible pour une dépense minimum de maind'œuvre, de combustible, etc., et rapportant u n profit maximum a u capital investi ». 10 O n assiste, depuis la fin de la seconde guerre mondiale, à u n accroissement régulier des tonnages des flottes de pêche. Mais surtout, outre le développement des tonnages globaux, l'effort a porté sur l'accroissement des tonnages unitaires. « Ceci correspond à la tendance actuelle vers un allongement des marées nécessité par l'éloignement des fonds de pêche exploités et qui implique l'utilisation d'unités beaucoup plus importantes ». 1 1 Si les tonnages unitaires se sont largement accrus, il s'est produit parallèlement une augmentation encore plus rapide de la puissance motrice. Comparant le développement des moyens de production à l'accroissement de la production elle-même, on constate q u ' u n double phénomène se produit, le rendement par tonneau de jauge brute ayant tendance à conserver un niveau stable ou même à s'accroitre, tandis que celui p a r cheval-vapeur diminue régulièrement. « O n peut donc se demander si l'on n ' a pas atteint actuellement, en matière d'armement, un plafond au-dessus duquel une augmentation de puissance n'est plus rentable » . 1 2 Il est évident que, comparativement à l'augmentation continuelle des investissements que représente la construction de navires de pêche modernes, leur rentabilité paraît faible. Toutefois, les développements d e la construction navale montrent qu'en raison de l'appauvrissement de certains fonds et de la nécessité d'exploiter des lieux de pêche très éloignés, la course au tonnage et à la puissance continue, quels que soient au demeurant les sacrifices à consentir. 1 3 J u s q u ' à l'année 1966, les bateaux de pêche travaillant au Congo mouillaient et tractaient leur chalut par le côté. L'acquisition d u chalutier surgélateur « Croix du Sud » a permis une manœuvre d u filet plus rapide et plus facile et, outre que le chalutage 10. M.R.F. RANKEN (commander), « Les progrès de la congélation en mer », La Pêche maritime, 20 juin 1965. 11. Par exemple, pour une campagne de trois semaines, les chalutiers modernes du plus grand armement allemand, la « Nordsee », comptent généralement 7 jours de pêche pour 14 jours de trajet (aller et retour) (cf. A. BOYER, Les pêches maritimes, op. cit., p. 40). 12. La documentationfrançaise, fase, du 14 septembre 1965, consacré à l'industrie française des pêches maritimes. 13. A. BOYER, Les pêches maritimes, op. cit., p. 40.

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Les conditions du développement de la pêche maritime au Congo

par l'arrière est plus « péchant », il faut insister sur le fait qu'il améliore considérablement la sécurité et offre à l'équipage des conditions de travail et de vie nettement meilleures. Est-ce donc par le choix d'une solution « industrialiste » que les pêches maritimes du Congo doivent chercher leur voie? En d'autres termes, faut-il réduire les importations de poisson susceptibles d'être localement produites tout en mobilisant les moyens disponibles pour créer une pêcherie moderne dans laquelle les moyens humaines s'estomperaient devant les « inputs » techniques ? L'on incline facilement vers cette solution lorsque l'on sait que l'épargne nette en devises obtenue par l'acquisition d'un chalutier usine coûtant 1 400 000 dollars dépasse, après moins de trois ans d'exploitation, le coût en devises de l'investissement. D'autre part, on pourrait se demander si la solution du modernisme n'est pas prématurée pour une exploitation ayant un accès rapide aux eaux de l'Atlantique-Sud et devant fournir son produit à une population ayant un niveau de vie assez bas. Il a en effet été constaté que l'avènement des grands chalutiers s'est produit soit pour faire face à une demande rapidement croissante en protéines en vue de nourrir une population en expansion — c'est le cas du Japon —, soit pour compenser les effets de la surexploitation — comme en mer du Nord —, tout en permettant au poisson de lutter avec la viande, son principal concurrent en protéines. 14 La pêche étant, comme l'agriculture, une industrie conservatrice, la plupart des efforts réalisés jusque vers 1960 étaient encore uniquement concentrés sur l'amélioration des méthodes et de l'équipement existant le rythme d'exploitation de la plupart des pêcheries, en même temps que les frais de production, étaient tels que les armateurs de navires de pêches pouvaient obtenir un profit substantiel avec des navires et un équipement relativement simples. En conséquence, nous proposons d'examiner dans ce chapitre si le moment est venu de rationaliser la flotte de la Pemarco, de quelle façon cette rationalisation devrait s'opérer et sur quelles unités le choix devrait porter.

14. On a observé qu'avec l'élévation du niveau de vie dans tout pays, la préférence du public a été de manger plus de viande, mais dans beaucoup de cas, il semble que ce soit dû également à la baisse de qualité et à l'augmentation du prix du poisson ( M . R . F . R A N K E N , « Les progrès de la congélation en mer », loc. cit.).

Les navires de pêche

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I I I . 3.2. La flotte actuelle des pêcheries maritimes du Congo O n se reportera au tableau 10 intitulé « Caractéristiques des chalutiers travaillant au Congo ». Mis à part le « Croix du Sud », unité très moderne à pêche p a r l'arrière conçue pour surgeler jusqu'à 18 tonnes de poisson par 24 heures, la flotte n'est équipée que pour la pêche « fraîche ». Ces chalutiers d u type classique ont permis jusqu'à présent de ravitailler Kinshasa, notamment, dans de bonnes conditions de fraîcheur en dépit du climat. Cette prouesse a pu être maintenue grâce à la brièveté relative des voyages en mer, la rapidité des déchargements, l'expédition p a r trains de nuit ainsi que le recours à des emballages en aluminium réduisant les risques de contamination bactériologique. U n e seconde caractéristique de la flotte actuelle est son vieillissement. Au cours de l'année 1966, les 0.86, 0.88 et 0,89 ont produit ensemble 3 100 tonnes de poisson frais, soit en moyenne 1 035 tonnes p a r unité. Sur base des sept premiers mois de 1967, on constate, en extrapolant pour l'année, que la moyenne a fléchi pour ne plus atteindre que 833 tonnes par bateau. Tout en restant satisfaisants, ces chiffres traduisent une tendance au vieillissement, les unités ayant dû être plus longtemps et plus souvent immobilisées qu'avant. A bref délai, le 0.311, construit en 1946, ainsi que les 0.319 et 0.320, construits en 1947, devront être éliminés et remplacés par du tonnage plus moderne. La mise en chantier de nouvelles unités n'est donc pas seulement déterminée p a r un besoin d'expansion, mais aussi par la nécessité de remplacer des chalutiers techniquement périmés et physiquement usés.

II 1.3.3. L'acquisition de nouveaux chalutiers III.3.3.1. Chalutiers classiques non congélateurs et péchant par le côté Nous commençons notre étude par ce type de navire pour diverses raisons : 1. il représente le stade le moins évolué d u point de vue technique; 2. c'est le type généralement utilisé par les pêcheries maritimes d u Congo; 3. l'acquisition de tels navires n'entraînerait q u ' u n minimum de sortie de devises pour la République.

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Les conditions du développement de la pêche maritime au Congo

En ce qui concerne le troisième point, il est admis que les chalutiers à pêche par l'arrière de petit tonnage coûtent environ 50 % plus cher que les chalutiers de même tonnage péchant par le côté. Pour les chalutiers moyens, le supplément de prix est de 20 % et ce n'est que pour les gros tonnages que le chalutier à pêche par l'arrière ne coûte que 10 % en plus que le chalutier classique. 15 Ce n'est donc que pour les gros chalutiers que le supplément de dépenses d'investissement est relativement faible et semble être aisément compensé par les avantages qu'offre la pêche par l'arrière. Pour les moyens et les petits chalutiers, la solution paraît moins nette. D'autre part, un chalutier non congélateur utilisé sous les tropiques doit fatalement être de dimensions réduites. En effet, le poisson frais en glace est d'habitude éventé après douze jours et invendable après seize jours. Le surrefroidissement porte ces temps à vingt ou vingt-cinq jours, ce délai étant variable selon les espèces de poisson. La durée de la conservation du poisson impose donc une limite au volume du navire non congélateur. Étant donné les conditions actuelles de pêche, il faut admettre que la cargaison optima pouvant être débarquée en bon état ne devra pas dépasser 150 tonnes par voyage. Ceci étant, un autre point important à prendre en considération est le facteur vitesse. A titre d'exemple, signalons qu'un navire comme le 0.310 « M'Bizi » réalise une vitesse de croisière de 13,5 nœuds à l'heure, laquelle représente un gain de 2 nœuds à l'heure par rapport aux unités du type 0.322 « René Goeman » ou 0.328 « Pierre Staner ». Pour atteindre un banc de pêche situé aux environs de Punta Albina, ce gain de vitesse se traduit par une économie de temps de 28 heures 30 sur le trajet aller-retour. Le temps épargné sur le parcours peut évidemment être consacré utilement à la pêche (une vingtaine de tonnes). D'autre part, la vitesse permet aussi, en racourcissant le temps du retour de mettre en vente une marchandise plus fraîche. Quatorze heures pour du poisson ce n'est pas négligeable. L'accroissement de la vitesse entraîne évidemment une augmentation de la consommation (2 500 litres par 24 heures pour le « M'Bizi » contre 1 600 litres pour les 0.322 et 0.328). Pour travailler économiquement, il faut trouver un compromis entre

15. J. F O U R M E N T I N (Ing. E.C.P., Armateur), « L e çhalutage industriel en France », La pêche maritime, 20 juin 1964,

Les navires de pêche

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la recherche de la puissance et la nécessité de posséder des moteurs aussi peu encombrants que possible. ca e Enfin, il faut que le rapport *~ s o ;t aussi favorable que effectlf possible. A cet égard, signalons qu'une unité du type « M'Bizi » n'exige pas plus d'hommes que les bateaux du type 0.322 - 0.328, sauf un à la machine. Afin de fixer les idées, nous donnons ci-après un exemple de rationalisation de la flotte consistant à remplacer l'affrètement de trois unités moyennes, 0.86, 0.88 et 0,89, toutes trois âgées de vingt ans, par deux grandes unités également de pêche fraîche, le 0.85 et le 0.90, sisterships construits en 1960.

Principales caractéristiques de ces chalutiers 0.85 - 0.90 Année de construction 1960 Longueur hors-tout 61 m Moteur principal 1 530 GV Capacité de pêche annuelle 2 500 tonnes

0.86 - 0.88 - 0.89 1947 40,40 m 400 GV 1 035 tonnes

Les 0.85 et 0.90 sont des chalutiers jeunes, de conception plus moderne que leurs devanciers. Leurs cales peuvent emmagasiner jusqu'à 200 tonnes de poisson frais, mais il faut admettre que, dans des conditions d'exploitation tropicale, la cargaison optima pouvant être débarqués en bon état ne dépassera pas 150 tonnes par voyage. Il s'agit donc de bateaux surdimensionnés quant à la capacité. Comme deux nouvelles unités viendraient prendre la place de trois anciennes, la comparaison doit, plus exactement, se faire entre la production à atteindre des 0.85 et 0.90 ensemble et celle provenant actuellement (1966) des 0.85, 0.88 et 0.89 : 5 000 tonnes contre 3 107 tonnes, soit 61 % d'augmentation. Outre leur relative jeunesse nécessitant beaucoup moins de gros entretiens, l'avantage des nouvelles unités réside notamment dans l'effectif réduit en techniciens européens que leur exploitation requiert — trois par unité —, ce qui signifie que l'effectif total d'agents expatriés ne subirait pas de modification en dépit des écarts considérables de dimensions et, partant, de possibilités qui existent entre les nouvelles unités et les anciennes. Quant à l'effectif navigant africain — tant de cadre que d'exécution — il reste inchangé, ce qui est un élément positif puisque cette rationalisation n'entraîne aucune mise en chômage de personnel autochtone.

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Les conditions du développement de la pêche maritime au Congo

Frais d'exploitation comparés — en Makuta et en devises étrangères des deux groupes de chalutiers Les tableaux qui détaillent les frais d'exploitation appellent les remarques suivantes : 1. Ils tiennent compte des augmentations des salaires, des services et des frais divers consécutives à l'opération monétaire d u 24 j u i n 1967. 2. Les nouveaux contrats d'assurance sont intégralement payables en devises. 3. Ces tableaux servent uniquement à des fins de comparaison. Ils ne conduisent à aucun prix de revient complet puisque en sont exclus les frais de distribution, les frais généraux (quote-part) et les fournitures qui, comme la glace, sont produites p a r la société même. Frais d'exploitation 0.86 - 0.88 - 0.89 Salaires et cotisation patronale Assurance Lubrifiant, carburant Pièces de rechange, équipement Vivres Traitements et primes Carénage et entretien Loyer Total général K Frais d'exploitation 0.85-0.90 Salaires et cotisation patronale Assurances Lubrifiant, carburant Pièces de rechange, équipement Vivres Traitements et primes Carénage et entretien Loyer

K 809 182



427 200



1.513 100 376 352 1.596

F.B.

985 262 898 482 486



3.270 000 —

2.100 000 —

2.700 000 4 749 295 8 497 200 13 264 495 —

K 809 182 —

2 523 309 66 840 376 898 234 987 1 064 324 —

F.B. —

1 580 562 —

2 180 000 —

2 100 000 —

6 000 000

5 075 540 11 860 562 Total général K 16 936 102 Etant donné l'augmentation de production de 60 % ces tableaux montrent l'intérêt de procéder à la rationalisation. Il ressort également de ces tableaux que la production de 1 893 tonnes supplémentaires (5 000 - 3 107) n'exigera qu'une dépense supplémentaire en devises de 3 363 362 francs belges, soit 1,77 franc belge par kilogramme produit.

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Pour les trois anciennes unités, ce prix était de : 8 497 200 _ ^ „ = 2,73 F.B. 3 107 000 Calculée sur l'ensemble de la production, cette seule rationalisation permettrait d'abaisser le prix de revient de 0,18 francs belge au kilogramme. Conclusion En matière de pêche fraîche il n'est pas souhaitable, vu les temps de conservation, d'utiliser des unités d'une capacité de prise de plus de 150 tonnes, l'utilisation de plusieurs unités relativement réduites offre d'ailleurs d u point de vue commercial u n avantage p a r rapport aux grosses unités : tout en répartissant les risques, l'utilisation d'une flotte nombreuse permet d'assurer la régularité des apports. Ceci étant, il faudra dans ce domaine, vu les prix de revient plus intéressants des grandes unités, s'approcher le plus possible de ces 150 tonnes de capacité. Si certains affrètements de navires légèrement surdimensionnés s'avèrent avantageux, il importe de calculer sérieusement cet avantage comparativement à l'augmentation de la consommation en fuel et de s'assurer que la vitesse de route est au moins égale à 12 nœuds. V u les prix des chalutiers à pêche par l'arrière, il semble q u e l'on doive s'en tenir aux unités tractant le filet par le côté. III.3.3.2. Chalutiers congélateurs à pêche par l'arrière Nous avons vu au chapitre I I que la côte de l'Afrique du Sud-Ouest au-delà des côtes angolaises, constitue une des zones parmi les plus riches en poisson, mais y opérer rend plus aigu le problème de la distance et de la conservation. La pratique de conserver le poisson dans de la glace n'est possible que si la durée de sortie d'un chalutier n'excède pas 14 jours. O r , pour aller pêcher sur les côtes du Sud-Ouest africain, la durée des sorties sera beaucoup plus longue, d'où la nécessité de recourir à la congélation. La congélation Par définition, la congélation consiste à « transformer un liquide en solide p a r le froid ». Disons quelques mots de son rôle afin de mieux comprendre l'influence de la congélation sur la conception des navires. 1 6 16. La réfrigération et la congélation des aliments, Rome, F.A.O., 1956; Manutention et préservation du poisson, Paris, O.C.D.E., 1965.

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Les conditions du développement de la pêche maritime au Congo

La détérioration et la décomposition du poisson sont essentiellement le fait de certaines substances appellées enzymes qui se trouvent dans la chair et des bactéries qui attaquent celle-ci à partir de l'extérieur. Enzymes. Certaines enzymes détruisent ou digèrent les protéines pour aboutir à des substances plus simples et plus solubles. Cette autodigestion commence au moment où meurt le poisson et elle se prolonge jusqu'à complète décomposition de la chair. Tout abaissement de la température ralentit la vitesse des réactions enzymatiques. Bactéries. La contamination bactériologique du poisson reste limitée après sa mort tant que la rigidité cadavérique n'a pas pris fin. Ceci présente une certaine importance au point de vue commercial, le moment où commence la rigidité cadavérique et la durée de cet état varient avec les espèces. Les bactéries sont de loin les agents d'altération du poisson les plus importants. Elles sont à l'origine de la plupart des saveurs et odeurs avancées, puis putrides de poisson avarié. A 10,15°C la contamination microbienne du poisson progresse rapidement. Elle est retardée si on refroidit à 0°C par la glace. A — 9°C, l'activité des bactéries est suspendue. Ceci n'est pas dû entièrement à l'abaissement de la température mais à la congélation partielle du poisson. Pour vivre et se multiplier, les bactéries ont besoin d'eau. O r à —9°C, une grande partie de l'eau des tissus est transformée en glace, l'eau résiduelle formant une solution saline concentrée. Le poisson est en quelque sorte desséché par congélation. L'absence d'eau liquide et l'existence d'une solution saline concentrée inhibent le développement des bactéries. La congélation est la seule méthode permettant de régulariser les apports en poisson d'excellente qualité, mais on n'insistera jamais trop sur le fait que le poisson doit être très frais lorsqu'on le congèle. Quelle que soit la qualité du poisson avant congélation, si l'on veut obtenir un produit de bonne qualité, il faut prendre en considération les facteurs suivants : réfroidir à une température correcte; congéler à une vitesse correcte; stocker dans des conditions correctes. Température correcte. La congélation commence à — 1 °C et n'est pas achevée avant d'atteindre — 51 °C. Le tableau qui suit donne le pourcentage approximatif d'eau congelée dans la chair du poisson à différentes températures. 17 1 7 . M . P . MANGEOLLES,

maritime, 20 juin 1964,

« La nécessité du traitement par le froid », La pêche

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Température en °C - 2 - 5 - 9 — 20 - 28 Pourcentages d'eau congelée 68 85 91 93,5 97,5 A noter que la plus grande partie de l'eau congèle entre — 1 °C et - 5 °C. En pratique, toute l'eau est congelée à — 28 °C. Ceci est très important quant il s'agit de poisson congelé car le choix des températures de congélation et la conception de l'équipement en dépendent. O n choisit des températures de — 23 °C, — 28 °C, parce qu'alors l'activité des bactéries et celle des enzymes sont considérablement ralenties et que de telles températures conservent mieux la qualité des produits pendant le stockage. Vitesse de congélation. O n a constaté qu'entre — 1 °C, « point de congélation commençante du poisson » et — 5 °C, les vitesses auxquelles se produisent les diverses modifications physiques et bactériologiques qui dénaturent le poisson congelé sont les plus rapides. C'est pourquoi le refroidissement du poisson dans cette zone de détérioration maximum doit être rapide pour éviter toute baisse de qualité. En outre, le refroidissement de — 1 °C à — 5 °C entraîne la congélation de 85 % de l'eau de constitution; cet intervalle de température est connu sous le nom de zone de cristallisation maximum. La distribution de la glace dans les tissus dépend de la vitesse de congélation et on a constaté que si le poisson est refroidi de 0 °C à — 5 °C en moins de 35 minutes, l'eau congèle en petits cristaux à l'intérieur des cellules. A la décongélation, la structure cellulaires des tissus reprend celle qu'elle avait à l'état réfrigéré et il y a peu d'exsudât. Au f u r et à mesure que la congélation devient plus lente, l'eau congèle de plus en plus sous la forme d'un plus petit nombre de cristaux plus gros dans les espaces intercellulaires. Ceux-ci sont écrasés et déformés. A la décongélation, les cellules reprennent de plus en plus rarement leur état de tissus frais et « l'exsudat » augmente. Conditions de stockage. Plusieurs dangers menacent le poisson congelé au cours de son stockage. Les facteurs de nature à provoquer une perte de qualité durant le stockage sont : a) la dénaturation ; b) l'oxydation; c) la déshydratation. a) La dénaturation des protéines est un type d'altération important qui se remarque facilement lors de la décongélation. O n constate que la chair est devenue opaque et blanche, spongieuse et friable. Sous une pression modérée, elle se déchire, La dénaturation des

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Les conditions du développement de la pêche maritime au Congo

protéines est retardée par stockage au-dessous de 0 °F, la chair conservant alors pendant une longue période sa consistance et son aspect de frais. b) Oxydation. L'odeur, la saveur et l'aspect du poisson conservé au froid sont altérés par oxydation. Dans la plupart des cas, cette réaction est probablement accélerée par des enzymes. A — 9 °C, au bout de quelques semaines, la matière grasse superficielle du poisson, notamment chez le hareng, le maquereau, la sardine, rancit. Elle peut donner au poisson u n aspect de rouille, une consistance caoutchouteuse, une odeur et une saveur désagréables. La présence de sel résultant notamment d ' u n saumurage ou d ' u n e congélation en saumure accélère le développement de cette rancidité à toutes les températures. A — 9 °C, le poisson blanc acquiert un arôme de « morue de frigo » il s'agit probablement d ' u n autre type d'oxydation. Les dessications superficielles qui peuvent se produire en entrepôt frigorifique provoquent aussi des oxydations de toutes sortes sur le poisson congelé mais l'abaissement de la température entre — 17 °C, — 28 °C retarde nettement les altérations d'origine oxydative. c) Déshydratation. La détérioration du poisson pendant le stockage peut aussi provenir d ' u n e évaporation de vapeur d'eau. Le commerce désigne sous le nom de « brûlures » les tâches blanches, dures et ridées, que provoque à la surface du poisson congelé une dessication locale intense, notamment à haute température, vers — 9 °C — 6 °C. En dehors de toute perte de qualité, cette déshydratation entraîne des pertes de poids irréparables. La dessication est due au fait que dans une chambre froide ordinaire, le poisson et l'air ambiant sont plus chauds que les serpentins de refroidissement et qu'au voisinage du poisson l'air peut avoir une teneur en eau plus élevée que l'air froid situé à proximité des serpentins. Le déplacement de l'air p a r ventilation forcée entraîne donc u n transfert de vapeur d'eau et son dépôt sur les serpentins sous forme de glace. Pour une même différence de température entre poisson et serpentins, la qualité de vapeur d'eau transportée est plus importante à température élevée q u ' à température basse et, une fois encore, le remède consiste à entreposer le poisson aux température économiquement les plus basses possible. En même temps, il est recommandé de rechercher une différence de température aussi faible que possible entre les poissons et l'air, d ' u n e part, et l'air et les serpentins, d'autre p a r t ; ce résultat ne peut être obtenu qu'avec une surface de serpentins maximum.

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Les variations de température en cours de stockage tendent à favoriser la dessication et à faire grossir les cristaux de glace. Il faut prendre des précautions pour réduire au minimum la quantité d'air chaude pénétrant en chambre froide pendant les ouvertures de porte. On peut assurer une protection complémentaire des produits contre la dessication en les emballant ou en les recouvrant de façon convenable. Le glaçage, qui consiste à recouvrir les poissons congelés d'une pellicule de glace en les plongeant quelque temps en eau froide ou en les aspergeant d'eau, assure une excellente protection, relativement imperméable à l'oxygène. Différents types de papier, de matières plastiques, etc. assurent une bonne protection à condition d'être bien étanches. Usine de traitement. Le moyen le plus économique d'appliquer les méthodes de préservation de longue durée est le traitement en usines à terre mais cette solution n'est pas possible au Congo étant donné que l'usine devrait se situer à moins de sept heures de route pour les navires de pêche. Quel que soit le procédé employé — congélation, fumage, séchage, salaison ou mise en conserve —, aucun ne peut améliorer du poisson de mauvaise qualité, et si l'usine ne peut être située suffisamment près des lieux de pêche, les produits seront de qualité inférieure, voire même inacceptables. La congélation à la mer. Il est désormais possible, en utilisant des méthodes modernes de congélation et d'entreposage en chambre froide, d'équiper les chalutiers commerciaux de manière à ce qu'ils puissent débarquer leurs pêches sous une forme pratiquement impérissable, de telle sorte que le poisson peut se prêter à tous les procédés de manutention et de distribution, et être disponible à toutes les saisons de l'année. Conception des bateaux. La caractéristique la plus évidente d'un chalutier congélateur est peut-être l'importance du capital investi dans le navire et les installations annexes de stockage en chambres froides. Il est évident qu'il coûte plus cher de congeler le poisson et de le stocker en chambres froides que de le conserver dans de la glace pilée, mais ceci n'est qu'un volet de la question. En effet, l'importance de la pêche d'un chalutier congélateur n'est pas limitée par les moyens de conservation ce qui permet à ce bateau de passer par an un plus grand nombre de jours sur les lieux de pêche que ne pouvait le faire un chalutier classique, et ce sans demander à l'équipage de passer, au cours d'une année, plus de jours en mer. Ce fait a des répercussions considérables sur les coûts et les profits. D'autre part, le coût du chalutier congélateur n'est pas supérieur à celui du nombre équivalent de bateaux classiques ayant la même

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Les conditions du développement de la pêche maritime au Congo

vitesse de croisière, et si l'on part de l'hypothèse que les prises annuelles sont les mêmes et que leS patrons ont des compétences analogues, le coût des engins de pêche est le même que pour les chalutiers classiques. En outre, les navires de pêche absorbent moins de puissance lorsqu'ils pèchent que lorsqu'ils effectuent la traversée. Le fait de consacrer à la pêche une plus grande proportion du temps aura donc en lui-même des conséquences favorables sur le coût du combustible, bien que ce facteur soit partiellement annulé par la puissance supplémentaire nécessaire pour faire fonctionner l'installation de congélation. L'attention est actuellement attirée sur la réduction des coûts d'investissement et d'exploitation des chalutiers congélateurs par la réduction de leur vitesse maximum de croisière. Une légère diminution de la vitesse d'un grand chalutier entraînera une diminution sensible de la consommation de combustible. Les études effectuées sur plans montrent que, dans le cas de chalutiers d'environ 65 mètres de longueur, à égalité de capacité de stockage et de rayon d'action, un bâtiment filant 13,5 nœuds aura 5 mètres de moins en longueur qu'un bâtiment filant 15 nœuds. 18 Il est donc possible de réaliser une économie substantielle dans les dépenses de capital aussi bien que de carburant et d'entretien. O n a également avancé la formule du navire semi-congélateur comme moyen de bénéficier de l'avantage de la congélation à la mer tout en limitant au minimum les dimensions et le coût du bateau. O n proposait de congeler seulement la partie du poisson péché qui correspondait à la prolongation de la campagne de pêche. Cette idée a été abandonnée, semble-t-il, parce que les armateurs préfèrent n'avoir qu'un seul type de cargaison à décharger. A l'avantage du chalutier congélateur, il faut citer aussi la possibilité d'éviter la perte de poids qui se produit au cours du stockage dans la glace pilée, de conserver le poisson de plus petites dimensions, d'éviter d'avoir à rejeter du poisson avarié et de pouvoir stocker afin d'éviter que l'offre ne soit supérieure à la demande du marché. Enfin, il y a de sérieuses raisons de penser que les frais de déchargement du poisson congélé peuvent être moins élevés que pour le poisson frais, les problèmes de mécanisation étant beaucoup plus simples à résoudre. La pêche par l'arrière. Le premier impératif requis de toute installation congélatrice est de réaliser la meilleure qualité possible du produit au moment de sa décongélation. 18. G.C. EDDIE, « La congélation à la mer », loc. cit.

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Comme la congélation ne peut améliorer un poisson de mauvaise qualité, il est essentiel que celui qui entre dans le congélateur soit en excellente condition, en tenant compte du temps de sa mort, du choc de la rigidité cadavérique, de la température et de l'hygiène. Il résulte de l'expérience acquise que l'on obtient les meilleurs résultats si le poisson pénètre dans le congélateur avant que la rigidité ne commence, on a aussi de bons résultats s'il est congelé après l'achèvement de cette rigidité, mais il ne doit en aucun cas être congelé quand la rigidité est en cours, car il risquerait d'être abîmé. Sur un chalutier congélateur, les minutes qui s'écoulent entre la capture du poisson et son entrée dans le circuit de congélation sont donc précieuses. C'est un premier motif justifiant l'utilisation des chalutiers à pêche par l'arrière. Le résultat représenté à la figure 17 permet de constater l'important gain de temps résultant du remplacement du chalutier classique par le chalutier à pêche par l'arrière et les améliorations progressives de ce dernier. 1 9 Nous donnons en annexe I l'explication de ce graphique. U n second avantage du chalutier à pêche par l'arrière est qu'il permet la mécanisation du traitement du poisson. Pour que les blocs de poissons blancs aient un bon aspect, il est essentiel de prévoir un temps suffisant pour la saignée et pour que le sang soit lavé avant l'entrée dans le congélateur. L'éviscérage est également important pour les poissons blancs, et si l'on veut réaliser une densité de blocs maximum, il faut procéder à l'étêtage. Le but final de toute usine est de réduire le travail nécessaire pour chaque opération. Cela signifie que le pont de travail doit être disposé d'une manière aussi logique que possible, avec une distance minimum entre chacune des sections successives. Aucun problème ne se posait dans le temps des navires à chalut latéral; le traitement du poisson devait s'effectuer à l'air libre, sur le pont de pêche, qui était le seul endroit disponible. Pour assurer la protection nécessaire, il fallait de hauts gaillards et des bastingages surélevés. Il n'est donc pas étonnant que toute idée de mécanisation des procédés ait dû être ajournée jusqu'à l'apparition des navires à chalut arrière et de leurs espaces de travail abrités. La mécanisation de la transformation du poisson sur les emplacements 19. M. BIRKHOFF, « Réflexions sur les chalutiers à pêche par l'arrière et estimation du temps de manoeuvre », conférence donnée à la B.I.P., in La pêche maritime, 20 juin 1964.

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Les conditions du développement de la pêche maritime au Congo

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241

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Les conditions du développement de la pêche maritime au Congo

La stabilisation des prix L'écart existant actuellement entre le prix réel et le prix officiel d e détail du poisson de mer, congelé ou non, est l'indice d'une pénurie grave qui ne sera résorbée que par les apports de nouvelles unités. Ainsi qu'il ressort de la figure 22 et d u tableau 33, les sommes versées au marché noir sont très importantes. 8 5 Nous évaluons ci-après ce montant pour l'année 1967 et ce sur le seul marché de Kinshasa. Remarquons que les chiffres obtenus sont inférieurs à la réalité pour deux raisons : 1. l'écart existant entre le prix pratiqué pour le poisson de choix et le prix légal du même poisson est plus grand que celui existant entre le prix pratiqué et le prix imposé pour le poisson ordinaire; 2. une partie de la production moins prisée des consommateurs est vendue au stade d u grossiste en dessous du prix légal autorisé. Néanmoins, on peut considérer ces chiffres comme une bonne approximation étant donné que la plus grande partie du tonnage vendu est composée d u poisson ordinaire lequel fait l'objet d'arrêtés limitant le prix de vente au détail. Au prix légal de vente au détail, le montant versé au marché noir aurait permis d'écouler un supplément de production : 41 501 901 + 275 972 177 + 531 413 926 = 9 292 111 kg 60 68 117 soit encore 118 % des ventes de Kinshasa au cours de l'année 1967. Il apparaît donc que l'augmentation de la production peut créer son débouché uniquement par la baisse d u prix sur le marché noir. S'il est incontestable que pour les revendeurs, et revendeuses, le poisson constitue une source de revenus appréciables et peut être pour certains d'entre eux le seul moyen qu'ils ont eu pour survivre, on doit certes critiquer le système de ramification du commerce au détail dans le sens qu'il est un facteur de la hausse du prix au niveau de la consommation. L'augmentation de la capacité de pêche jointe à une rationalisation de la flotte permettra au producteur de comprimer ses prix de revient mais pour avoir une portée pratique, son geste devra évidemment se répercuter à tous les stades de la distribution, La régularité des apports complétée par l'installation de chambres froides constituant volant de stockage permettra un débit quotidien peu favorable aux spéculations. 85. Plus de 350 000 000 francs congolais pour les 7 000 tonnes vendues à Kinshasa en 1966.

La distribution et la commercialisation du poisson de mer FIGURE 22.

Prix du poisson de mer sur les marchés de Kinshasa



J

F

M

A

M



.

J

J « 1967

.

.

A

.

S

.

O

»

N

D

243

244

Les conditions du développement de la pêche maritime au Congo

TABLEAU 34. Évaluation du tribut payé au marché noir par les ventes de poisson de mer sur les marchés de Kinshasa au cours de l'année 1967

(1)

(2)

(3)

(4)

Tonnage vendu (en kg)

Prix pratiqués a sur le marché de Kinshasa

Différence avec le prix imposé ^

(1) x (3) tribut versé au marché noir (en F.C.)

446 257 703 932 657 258 614 253 518 802 602 942 626 831 790 539 732 549 785 154 692 784 675 055

153 144 144 137 136 138 152 247 288 289 283 196

93 76 76 69 68 70 84 130 171 172 166 79

41 501 901 53 498 832 49 951 608 42 383 457 35 278 536 42 205 940 52 653 804 102 770 070 125 265 879 135 046 488 115 002 144 53 329 345

7 846 356

848 888 004

a. Source : I.R.E.S.-Lovanium. b. Prix imposés : 60 F.C. (arrêté AE/040 du 8 septembre 1964) 68 F.C. (arrêté AE/42/003 du 26 janvier 1967) 117 F.C. (arrêté AE/0011 du 9 août 1967) Source : Pemarco.

D'autre part, lorsque les tonnages produits seront suffisants pour satisfaire le Bas-Congo et la ville de Kinshasa, la politique de vente pourrait, au lieu de répercuter les coûts supplémentaires sur les prix aux différents stades de la chaîne, soit tendre à l'égalisation des prix à l'échelle nationale en compensant le coût d u transport et de l'entreposage secondaire à l'intérieur d u pays par une élévation du prix de vente aux entrepôts primaires ; soit tenir compte d ' u n barème de vente en fonction des prix pratiqués couramment pour le poisson du fleuve ou des lacs sur les marchés considérés. Ces méthodes contribueront à élargir progressivement le débouché. Il faut cependant remarquer que cette transformation ne pourra se faire rapidement : pour ne pas bouleverser rapidement l'équilibre interne des revenus; leur marge bénéficiaire allant en s'amenuisant, il est certain que les

La distribution et la commercialisation du poisson de mer

245

revendeurs consentiront moins d'efforts pour la commercialisation laquelle devra de plus en plus incomber à des sociétés organisées. 86 Signalons qu'à moyen terme, le plan d'expansion de la Pemarco prévoit une extension de la production à 35 000 tonnes par an. A ce moment, il sera possible d'écouler environ 8 000 tonnes dans le BasCongo, 17 000 à Kinshasa et 10 000 tonnes dans l'intérieur du pays. L'offre de poisson local pourra ainsi satisfaire la demande et peut-être se substituer en partie à la viande importée : le rapport des prix aux marchés entre la viande de bœuf et le poisson frais, qui est actuellement de l'ordre de 4 pour 1, favorisera cette substitution. Pour terminer, faisons remarquer que dans les pays de longue tradition dans le domaine de la pêche maritime, ce ne sont pas les prix maxima qui sont fixés mais bien les prix minima, en dessous desquels le poisson destiné à la consommation humaine ne peut être vendu à la criée, ceci en vue d'assurer la bonne qualité et de préserver la santé du consommateur. III.7.3.2. La demande du poisson de mer La production actuelle du poisson de mer congolais est encore insuffisante pour parler de l'exportation à l'échelle africaine ou mondiale. 8 7 Contentons-nous donc, modestement, d'examiner la demande sur le marché intérieur. Celle-ci est fonction notamment : 1. de l'existence d'un pouvoir d'achat disponible dans une population pouvant être atteinte par des moyens de transport suffisamment rapides et peu coûteux; 8 8 2. de l'absence ou de l'insuffisance d'un réseau de distribution traditionnel de poisson, soit du fleuve, soit des lacs... La demande future dépendra donc des éléments dont l'avenir sera fait et notamment de la réussite de la relance de l'agriculture à l'intérieur du pays. 86. Ce qui est dans l'ordre normal de l'évolution vu que seule une organisation verticale convenablement intégrée pourra assurer la réalisation d'économies (standardisation des emballages, de la manutention, etc.) et assurer la bonne qualité. 87. Une certaine exportation peut être toutefois sérieusement envisagée même avant la saturation des besoins locaux, ceci étant donné la capture d'espèces qui, comme la merluche, sont mieux appréciées en Europe qu'en Afrique centrale. 88. La distribution moderne postule, outre le pouvoir d'achat disponible, une population suffisamment concentrée pour permettre la rentabilisation des investissements.

246

Les conditions du développement de la pêche maritime au Congo

En ce qui concerne le pouvoir d'achat citons Maurice Lengelle : 8 9 « U n pays jouissant d ' u n revenu relatif supérieur de 10 % p a r rapport à un autre pays consommera en moyenne 16 % de plus de lait et fromage, 19 % de plus de viande, d'œufs, de poisson et de corps gras, 8 % de plus de sucre. Par contre, il consommera de 3 à 4 % de céréales, tubercules et légumes secs en moins ». A titre de complément d'information, nous donnons ci-après quelques chiffres de consommation en kilogrammes par habitant pour ,l'année 1963. 9 0 Allemagne Occ. Belgique Danemark Norvège Portugal Suède Italie Grande-Bretagne Hollande France Espagne

10,4 14 17 40 28,3 20,0 7,4 9 9 11,6 14,2

kg kg kg kg kg kg kg kg kg kg kg

soit soit soit soit soit soit soit soit soit soit soit

par par par par par par par par par par par

mois mois mois mois mois mois mois mois mois mois mois

0,9 1,1 1,4 3,3 2,3 1,6 0,6 0,7 0,7 0,9 1,1

kg kg kg kg kg kg kg kg kg kg kg

Force nous est de constater une consommation irrégulière laquelle tient, d'une part à des causes générales, d'autre part à des facteurs particuliers à certains pays : Les pays septentrionaux, peu peuplés et au milieu naturel hostile, ont trouvé dans la pêche une ressource fondamentale de leur alimentation, c'est le cas de la Norvège et de l'Islande. Les pays suffisamment fournis en viande ont une faible consommation de poisson : Belgique, France, Hollande, Argentine. D'autres pays utilisent le poisson comme base de leur nourriture carnée, suite à la production insuffisante de viande, c'est le cas d u monde Ibérique, du Japon, des Philippines... Voyons maintenant quelques indices de la demande au Congo : La ville de Matadi, avec ses 150 000 habitants absorbe actuellement 250 000 kilos de poisson Pemarco par mois, soit 1,6 kilos par habitant par mois (le marché n'est pas saturé...). 89. M. C E P È D E et M. LENGELLÉ, « Économie de l'alimentation », in M. LENGELLÉ, La consommation, Paris, Presses Universitaires de France, 1954 coll. « Que sais-je ? », n° 697, p. 44. 90. De Visserijwereld, mars 1966.

La distribution et la commercialisation du poisson de mer

247

La ville de Thysville, avec 25 000 habitants absorbe 75 tonnes de poisson Pemarco par mois, soit 3 kilos de poisson Pemarco par habitant par mois. La ville de Kinshasa, avec 901 520 habitants, a absorbé 1 000 tonnes de poisson de mer au cours d u mois de juillet 1968 (mois record de la production de la pêche maritime) soit 1,1 kilogramme p a r habitant par mois. Citons également 9 1 quelques chiffres de la demande à l'intérieur (situation actuelle, sans effort spéciaux de commercialisation) : Poisson surgelé Kikwit 75 tonnes p a r mois 9 2 Kenge 10 tonnes par mois Luluabourg et Tshikapa 50 tonnes par mois Kisangani 40 tonnes par mois Kisantu 60 tonnes par mois Bakwanga 50 tonnes par mois (par avion) Total 285 tonnes par mois O n constate que pour le Congo, où forcément le poisson constitue la base des protéines animales, il y a lieu d'augmenter encore la production. Le tonnage total qui pourra être écoulé dépendra du degré de diversification qu'atteindront des produits de la pêche ainsi que de l'organisation de la distribution. A notre avis, en tenant compte de la vigueur d u marché noir, il semble que dans les circonstances actuelles l'on pourrait écouler, en frais et en surgelé, environ 16 000 tonnes par a n à Kinshasa, 6 000 tonnes dans le Bas-Congo et 3 000 tonnes à l'intérieur d u pays. Ces tonnages pourront être augmentés considérablement par la mise en route d'activités d e séchage, de fumage, de conservation en boîtes, etc. D'ores et déjà, cependant, l'on peut envisager franchement u n doublement de la production actuelle. Nous évaluons ci-après les modifications qui seraient apportées au régime protéinique de Kinshasa par un passage des ventes du poisson de mer de 6 500 à 16 000 tonnes. Remarquons que ces chiffres ne tiennent pas compte des apports 91. Renseignements fournis par le Département «Poisson» de la société Congofrigo. 92. La population de Kikwit est passée de 16 400 habitants en 1959, à plus de 100 000 habitants en 1966. Le chiffre que nous avançons représente donc 0,75 kilogrammes par habitant par mois.

248

Les conditions du développement de la pêche maritime au Congo

du poisson du fleuve, ni des insectes, ni des œufs, ni de lait; il ne s'agit donc que d'une évaluation destinées à fixer les idées. « Le niveau de 30 grammes/jour par unité de consommation de protéines animales, estimé satisfaisant pour l'équilibre diététique, a été qualifié de 'niveau optimum'. Il correspond à 72 kg d'équivalent de viande de bœuf par unité de consommation par an ». 9 3 Les tonnages de viande locale et importée vendus à Kinshasa peuvent être évalués à 9 600 tonnes par an et le poisson séché importé à 7 200 tonnes par an. 9 4 Pour convertir le poisson entier frais en équivalent viande de bœuf, l'O.R.A.N.A. 9 5 estime qu'un kilogramme de poisson contient en moyenne 88 grammes de protéines comestibles, les viscères, tête et arrêtes n'étant pas normalement absorbés. Il faut donc 1,727 kilogramme de poisson frais pour obtenir autant de protéines qu'en contient un kilogramme de bœuf. Pour le poisson séché, d'après le tableau 5, la partie utilisable du poisson de Mauritanie contient 45,51 % de protéines. En tenant compte du fait que cette partie utilisable représente 74,65 % du total (10,89 % de peau et 14,46 % d'arêtes) nous en concluons que 1 kilogramme de poisson séché contient 339,7 grammes de protéines, soit environ le double que la même quantité de viande de bœuf. Nous obtenons donc les équivalents viande de bœuf suivants en kilogrammes habitant. A. 6 500 tonnes de poisson de mer vendues à Kinshasa

Equivalent viande de bœuf

96

Poisson de mer

Poisson séché

Viande de bœuf

7,2

7,9

10,6

4,1

15,8

10,6

Total

30,5

93. Y. LAGOIN et G. SALMON, Étude technique et économique comparée de la distribution du poisson de mer dans les pays de l'Ouest africain, op. cit. 94. Renseignements fournis par la Société Congolaise des Entrepôts Frigorifiques Réunis. 95. Office de la Recherche Appliquée pour la Nutrition et l'Alimentation (cf. Y . LAGOIN e t G . SALMON,

ibid.).

96. L'étude socio-démographique de Kinshasa donne comme provisoires au 28 juin 1968 une population de 901 520 habitants.

résultats

Le rôle de l'État

249

B. 16 000 tonnes de poisson de mer vendues à Kinshasa

Equivalent viande de bœuf

97

Poisson de mer

Poisson séché

Viande de bœuf

17,7

7,9

10,6

10,2

15,8

10,6

Total

36,6

En affectant aux enfants de moins de quinze ans le coefficient 0,5 et aux femmes le coefficient 0,7 (normes de l'INSEE), 9 8 le rapport des unités de consommation sur le nombre d'habitants devient, 9 9 étant donné que 52,2 % d e la population a moins de quinze ans, que le nombre de femmes est de 411 120, dont 45,5 % ont plus de quinze ans, et que le quinze nombre d'hommes est de 454 860, dont 49,8 ont plus de quinze ans : (52,2 % de 865 980) X 0,5 + (45,5 % de 411120) X 0,7 + 49,8 % de 454 860) 865 980 = 0,67 Le niveau optimum de consommation sera donc atteint avec une consommation « per capita » de 72 kg x 0,67 = 48,24 kg. Dans l'hypothèse d'une vente de 6 500 tonnes de poisson de mer à Kinshasa, les 30,5 kilogrammes d'équivalent viande de bœuf correspondent à 63,2 % du niveau optimum. Pour une vente de 16 000 tonnes de poisson de mer, les apports fournis par la viande de bœuf, le poisson séché et le poisson de mer permettraient d'atteindre, pour la ville de Kinshasa, une consommation de protéines animales correspondant à 75,8 % d u niveau optimum.

III.8.

L E RÔLE DE L ' É T A T

Au Congo, comme dans la plupart des pays d u monde d'ailleurs, l'industrie de la pêche maritime est envisagée sous l'angle de la production d'aliments plutôt que sous son aspect spécifiquement maritime. 97. En supposant que le poisson de mer ne s'est pas substitué à une partie du poisson séché et de la viande de boeuf. 9 8 . C f . Y . LAGOIN e t G . SALMON, op.

cit.

99. Les premiers résultats de l'enquête socio-démographique de Kinshasa ne portent que sur la population vivant dans les cités, les zones d'extension et les parties riveraines du fleuve (865 980 habitants).

250

Les conditions du développement de la pêche maritime au Congo

Il est donc normal qu'elle soit administrée par le ministère de l'Agriculture. Toutefois, étant donné qu'il n'existe pas, au sein du Département, de plan systématique en ce qui concerne le développement des pêcheries maritimes, l'expansion de cette activité est en fait tributaire du bon vouloir de différents ministères et organismes, tels que la Banque Nationale, l'Economie nationale, les Finances etc. Il en résulte fatalement un allongement considérable des délais entre la conception et la mise en œuvre des projets. En outre, l'Etat n'étant pas informé clairement des objectifs économiques et sociaux de cette activité, il n'est pas à même d'appliquer rapidement les réformes et les priorités que ces objectifs postulent. Il serait donc important sinon indispensable, qu'un organe centralisateur puisse permettre la « cross fertilization » qui naîtrait des décisions prises en commun par les commissions ministérielles, l'entreprise de pêche en haute mer, les commerçants, les centres de recherches, etc. Nous examinons ci-après quelques domaines où l'action de l'Etat, pourrait rapidement porter des fruits.

III.8.1.

La recherche scientifique

Nous avons déjà évoqué au chapitre II l'intérêt qu'il y aurait pour le Congo de posséder une station océanographique. La nécessité de l'installation d'une telle station provient de ce que l'étude des phénomènes naturels repose sur une certaine continuité dans les observations, faute de quoi la connaissance des lois qui les régissent ne saurait jamais être complète; les courants, les ondes de marée, la température de l'eau de mer, les migrations du plancton... ne sont pas comparables à un instant donné à ce qu'elles étaient l'instant avant. En outre, si les recherches sur la biologie et l'écologie des principales espèces peuplant l'Atlantique-Sud sont encore fragmentaires, et les connaissances acquises souvent incertaines, on a, semble-t-il, encore moins d'informations sur la définition et la composition des stocks, ainsi que sur la croissance et la mortalité des individus qui les composent. Ces données sont du plus grand intérêt pour l'analyse des populations de cette région et l'étude de l'incidence que les facteurs naturels ou la pêche peuvent avoir sur leur évolution. L'estimation des stocks qui ne peut reposer que sur de bonnes données statistiques doit permettre de déterminer l'effet de la pêche sur l'abondance des ressources vivantes. Si certaines d'entre elles paraissent déjà

251

Le rôle de l'État

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